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Full text of "Dictionnaire de théologie dogmatique, liturgique, canonique et disciplinaire"

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ENCYCLOPÉDIE 

THÈOLOGIQUE, 


ov 


SÉRIE  DE  DICTIONNAIKES  SUK  TOUTES  LES  PARTIES  UE  LA  SCIENCE  RELIGIEUSE  , 


OFFRANT     EH     FRANÇAIS 

LA    l'LlJS   CLAIIii;,    LA    PLUS   KACILK,   LA    PLUS  COMMODL,   LA    PLUS    VARIÉE 
ET  LA  l'LUS  COMPLÈTE  DES  THÉOLOGIES. 

CES    me  nONNAIRES   SONT   : 

o'RCRITrRR    SAINTE,    DR    PHlI.OI.dGI  R    SACUÉF.  ,    DE    IlTURfîIK,    OR    DROIT    CANON,    d'h^RÉsIBS    KT 

DR    SCIUSMKS,    DKS     IIVRKS    .1  ANS  F.!N  lïTKS.    MIS    A     LINDRX     ET    CONDAMNES,     DES    PROPOSITIONS 

CONDAMNÉES,    DE    CONCILES.     DE    CÉBÉM'»MBS     ET     DE     RITES,     DE    CAS    DE    CONSCIENCE, 

d'ordres  RELIGIEUX  (HOMMES  ET  KEMMKs),  DES  DIVERSES  RELIRIONS,  DR  HÉOORAPHIE 

SACRÉE      KT     ECCLÉSIASTIQUE,     DE      THÉOI.<lflIE      DOGMATIQUE     ET     UORAIR,    HE 

Jl  R|SPItl)|)E>'CE    RELIfl'EUSE,     DES    PASSIONS,     DES    VERTUS    ET     DES     VICES, 

d'|1Ai;|0GHAPII:E,  n'ASTUONO^lrE,  DE  PIIVSIOI'K  l'T  DE  MÉTÉ(.R0LO<;ll:, 

DES   PliLERINAC.RS    It;- LIGIEUX  ,    D'iCONOfat  A  PII  I  K    RÎM.K;  lEtlSI"  .     DK 

CUIAIIE   i  T  DE  MINÉRAI.OCIE,    DE  DIPLOMATIQUE.  DK    SCIENCES 

OCCDLTES  ,     DE    r.ÉoLor.IE,    DE    CHRONOLOGIE,    DE    j 

lilOGnAfHlE,    ETC.,    ETC. 

PUBLIÉE 

PAU   M.  L'ABBÉ  MlGNl^ , 

ÊDITE0R    DE    LA    BIBLIOTHÈQOE    U  N IVE  R  SELLE     DU     CLERGÉ, 

on 
DES    COWRB    COMPtSTS    SUR    CHAQUE    BRANCHE    DE    LA    SCIENCE    ECCLÉSIASTIQUE. 

PmX  i  (j  FR.    Lt   VOL.    PUUfi    LK.  SOUSCilIPTEUR   A    LA    COLLECTKI.N    ENrlt.nE,   "7   KK.,   S    FR.,    KT    Mf.MK    10    fK.    Pin;i<    LE 

soii.sciiii'TiciiK  A  TEL  01/  TEL  iiict;unnaii;e  I'ARTICULIEI;. 


TOME  THEMTE-GIEIïQUIEME. 

PREMIÈRE   PARTIE. 


DICTIONNAIRE  DE  THÉOLOGIE  DOGMATIQUE. 

TOME    TROISIÈME. 

4  VOL.  PRIX  :  2G  francs. 

S'ÏÎ^ÏPRIME    ET   SE   VEND    CHEZ    L'ÉDITEtlî , 

:AUX  ATELIERS  CATHOLIQUES  DU  PE  IIT-MONTROUGE , 

BARRIÈRE    d'bNKEII    OS    PARIS. 

1851 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  witii  funding  from 

University  of  Ottawa 


littp://www.archive.org/details/p1dictionnairede35berg 


DICTIONNAIRE 


DE 


THEOLOGIE 

DOGMATIQUE, 

LITURGIQUE,    CANONIQUE    ET    DISCIPLI?^AIRE, 
NOUVELLE  ÉDITION 

MISE    EN    RAPPORT    AVEC    LES   PROGRÈS    DES    SCIENCES    ACTUELLES; 

REMFERMAM    TOUT    CE    QUI    SF,    TROUVE    DANS    LES    ÉDITIONS    PltltCÉDENTES, 
TANT    ANCIENNES   QUE    MODERNES,    NOTAMMENT    CELLES    DE    DALEMBEllT    LT    DE    LIÈGE      SANS   CONTREDIT 

LES    PLUS    COMPLÈTES, 

IlilS    DE    PLUS    ENRICHIE    d'aNNOTATIONS    CONSIDÉRABLES    ET    D"UN    GRAND    NOMBRE    d'aRTICLES    NOUVEAUX    SUR   LES 

DOCTRINES    OU    LES    ERREURS    OUI    SE    SONT    PRODUITES    DEPUIS    QUATRE-VINGTS    ANS; 

ANNOTATIONS   ht   ARTICLES 

Om   RENDENT    LA    PRÉSENTE    ÉDITION  d'uN    TIERS    PUIS    ÉTENDUE  QUE    TOUTES    CELLES    DU    CÉLÈBRE 
APOLOGISTE,    CONNUES  JUSQU'A   CE   JOUR,   SANS  AUCUNE  EXCEPTION; 

PAR  M.  PIERROT, 

AUCIEK   PROFESSEUR    DE    PHILOSOnillE    ET   DR    THÉOLOGIE   AD    GRAND   SÉMINAIRE   DE   VERDITR, 

iVTEv».  Dv  Dictionnaire  de  Théologie  morale; 
FUIiLIÉ 

PAR   M.    L'AIÎBÊ    MIGNE, 

ÉOITEOR    DE  LA  BIBLIOTHÈQUE  UNIVERSELLE  DU  CLEROil, 

ou 

DES   COURS  COUFI.ETS   SUR  CHAQUE   BRANCHE  DE   LA  SCIENCE  ECCLÉSIASTIQUE. 
k    VOLUMES.    PRIX  :  26  FRANCS. 


TOME  TROISIEME. 


»<>•. 


CHEZ  L'ÉDITEUR, 

AUX  ATELIliRS  CATHOLIQUES  DU  PETIT-MONTROUGE, 


BARIIIÈRE    D  ENFER    DE    PARIS. 
1851 


-  ■  ■  •*^'-^-'~--  11,  - 


Inijirimerie  de  MIGNE,  an  i'eiii-Mwitreiif» 


DICTIONNAIRE 

DE 


THlOLOfili  DOGiiTIÛUl. 


JACOB ,  fils  d'Isaac  et  petit-fils  d'Abra- 
ham, fut  le  père  des  douze  chefs  des  tribus 
d'Israël.  Nous  n'avons  pas  dessein  de  rappor- 
ter en  détail  toutes  les  actions  de  ce  patriar- 
che, mais  d'examiner  celles  que  les  incré- 
dules ont  censurées  avec  trop  de  rigueur, 
et  contre  lesquelles  ils  ont  fait  des  objec- 
tions. 

1°  Jacob  profite  de  la  faim  et  de  la  lassi- 
tude de  son  frère  Esaii,  pour  lui  enlever  le 
droit  d'aînesse,  qui  était  inaliénable.  Si,  par 
le  droit  d'aînesse,  on  entend  les  biens  tlo 
la  succession  paternelle ,  ce  reproche  est 
faux.  Esaii  eut  pour  partage,  aussi  bien  que 
son  frère,  la  rosée  du  ciel,  et  la  graisse  de  la 
terre  ,  l'abondance  de  toutes  choses  (Gen., 
c.  xxvii,  v.39).  Lorsque  Jacob,  revenant  de 
la  Mésopotamie  où  il  s'était  enrichi,  voulut 
lui  faire  des  présents,  il  répondit  :  Je  suis 
assez  riche,  mon  frère:  gardez  pour  vous  ce 
que  vous  avez,  c.  xxxiii,  v.  9.  Or,  ce  que  Ju- 
cob  possédait  pour  lors  était  le  fruit  de  sou 
travail  ;  il  dit  lui-même  :  J'ai  passé  le  Jour- 
dain avec  mon  bâton,  et  je  reviens  avec  deux 
troupes  nombreuses  d'hommes  et  d'animaux, 
c.  XXXII,  V.  10.  Isaac  vivait  encore  ;  et  à  sa 
mort  il  n'y  eut  point  de  dispute  entre  les 
deux  frères  pour  le  partage  de  sa  succession, 
0.  35,  V.  29. 

Qu'était-ce  donc  que  le  droit  d'aînesse 
vendu  par  Esaû  et  acheté  par  Jacob  ?  Le  pri- 
vilège d'avoir  dans  la  suite  des  siècles  une 
postérité  plus  nombreuse  et  plus  puissante, 
d'y  conserver  le  culte  du  vrai  Dieu,  d'entier 
dans  la  ligne  des  ancêtres  du  Messie.  Telles 
étaient  les  bénédictions  promises  aux  patriar- 
ches Abraham  et  Isaac.  Esaii  n'y  avait  au- 
cun droit,  c'était  un  bienfait  de  Dieu  pure- 
ment gratuit  ;  Dieu  l'avait  destiné  et  promis 
à  Jacob,  lorsqu'il  était  encore  dans  le  sein 
de  sa  mère.  Gen.,  c.  xv,  v.  23.  Esaii  méritait 
d'en  être  privé,  k  cause  du  peu  de  cas  qu'il 
en  fit,  et  de  la  facilité  avec  laquelle  il  y  re- 
nonça, c.  XXV,  V.  3i.  Il  aggrava  sa  faute  en 
épousant  deux  étrangères,  desquelles  Isaac 
et  Rébecca  était  mécontents,  c.  xxvi,  v.  3o. 
Quoique  la  narration  de  l'historien  sacré  soit 
très-succincte  et  détaille  peu  de  circonstan- 
ces, elle  en  dit  assez  pour  nous  faire  coin- 

DlCTIONN.  DE  TUÉOL.  UOGMaTIQLE.    III, 


prendre  qu'Esaii  était  naturellement  violent, 
impétueux  dans  ses  désirs,  déterminé  à  b^s 
satisfaire,  quoi  qu'il  en  pût  arriver.  Il  se  fit 
unjeu  de  sonsermentel  du  droit  de  primo- 
géniture  ;  quand  il  vit  les  suites  de  son  im- 
prudence, 11  forma  le  dessein  de  tuer  son 
frère,  c.  xxvii,  v.  4-1.  Il  n'inspira  point  à 
ses  tommes  le  respect  qu'elles  auraient  dû 
avoir  pour  Isaac  et  Rébecca,  c.  xxvii,  v.  46. 
Cette  conduite  est  beaucoup  plus  répréhen- 
sible  que  celle  de  Jacob.  Au  mot  Haine,  nous 
avons  expliqué  en  quel  sens  Dieu  a  dit  par 
un  prophète  :  J'ai  aimé  Jacob  et  j'ai  hai  Esaii. 

2"  Jacob,  par  le  conseil  de  sa  mère,  trompe 
Isaac  par  un  mensonge,  pour  obtenir  la  bé- 
nédiction destinée  à  Esaii.  Ce  fut  une  faute 
de  la  part  de  l'un  et  de  l'autre  ;  mais  Dieu, 
qui  avait  annoncé  ses  desseins,  ne  voulut 
pas  y  déroger  pour  punir  deux  coupables. 
Isaac  lui-même ,  instruit  du  mensonge  de 
Jacob,  ne  révoqua  point  sa  bénédiction  ;  il 
la  confirma,  parce  qu'il  se  souvint  de  la  pro- 
messe que  Dieu  avait  faite  k  Rébecca  ;  il  dit 
à  Esaû  :  Ton  frère  a  reçu  la  bénédiction  que 
je  te  destinais  ;  il  sera  béni,  et  tu  lui  seras  sour- 
mis.  C.  XXVII,  V.  33.  Lorsque  Jacob  partit 
pour  la  Mésopotamie,  Isaac  lui  renouvela  les 
bénédictions  et  les  promesses  faites  à  Abra- 
ham. C.  XXVIII,  v.  4.  Il  ne  faut  pas  en  con- 
clure que  Dieu  récompensa  la  tromperie  de 
Jacob  ;  il  n'est  point  ici  question  de  récom- 
pense, mais  de  l'exécution  d'une  promesse 
que  Dieu  avait  faite  avant  que  Jacob  lût  au 
monde;  celui-ci  fut  assez  puni  par  la  crainte 
que  lui  inspirèrent,  pendant  longtemps,  les 
menaces  d'Esaû,  c.  xxvii,  v.  11,  etc. 

Un  incrédule  a  objecté  qu'il  n'est  pas  pos. 
sible  qu'Isaac  ait  été  trompé  par  l'artiticè 
grossier  dont  Jacob  se  servit  pour  se  dégui- 
ser. Mais  ce  vieillard,  aveugle  et  couché  sur 
son  lit,  ne  se  défiait  de  rien,  et  il  fut  étonné 
lui-môme  de  son  erreur,  lorsqu'il  s'aperçut 
de  la  fraude.  C.  xxvii,  V.  33.  Ajoutons  qu'au- 
cun motif  n'a  pu  engager  l'historien  sacré 
à  forger  cette  narration,  il  aurait  eu  plutôt 
intérêt  k  la  supprimer  :  elle  n'était  pas  hono- 
rable k  la  postérité  de  Jacob. 

Le  même  critique  ]<rétend  que  la  bénédic- 
tion d'Isaac  a  été  fort  mal  accomplie  ;  que  les 


11 


JAC 


JAC 


12 


'Idum(5ens,  descendants  d'Esaû,  ont  toujours 
été  plus  puissants  que  les  Israélites.  Selon 
lui,  les  Iduméens  aidèrent  Nabuchodonosor 
à  détruire  Jérusalem,  ils  se  joignirent  aux 
Romains  ;  Hérode,  Iduméen,  fut  créé  roi  des 
Juifs  par  ces  derniers,  et,  longtemps  après, 
ils  s'associèrent  aux  Arabes,  sectateurs  de 
Mahomet,  pour  prendre  Jérusalem  et  la  Ju- 
dée, dont  ils  sont  demeurés  en  possession. 

Cette  érudition  pèche  en  plusieurs  choses. 
Il  est  certain  que  David  fit  la  conquête  de 
ridumée  (//  Reg.  c.  viii,  v.  IV)  ;  que  les  Idu- 
méens ne  secouèrent  le  joug  que  cent 
soixante  ans  après,  sous  le  règne  de  Joram, 
flls  deJosaphat  {IV Reg.c.\iu,v.2Q).C'es[  ce 
que  Jacob  avait  prédit  ^  Esaïi,  en  lui  disant  : 
Le  temps  viendra  où  tu  secoueras  son  joug 
(Gen.  xivii,  40).  Nabuchodonosor  ravagea 
ridumée  aussi  bien  que  la  Judée  [Jerem.  xlix, 
20).  Dieu  déclare  par  Malachie  qu'il  ne 
permettra  pas  que  les  Iduméens  se  rétablis- 
sent dans  leur  pays,  comme  il  a  replacé  les 
Juifs  dans  la  Palestine  après  la  captivité  de 
Babylone  ;  et  c'est  à  ce  sujet  qu'il  dit  :  J'ai 
aimé  Jacob,  et  j'ai  haï  Êsail.  C.  i,  t.  2  et 
suiv.  Sous  les  Asmonéens,  Judas  Machabée 
vainquit  encore  ce  qui  restait  des  descen- 
dants d'Esaii  (/  Mach.,c.  v,  v.  3).  Pendant  le 
siège  de  Jérusalem,  ils  se  rendirent  aux  Ro- 
mains ;  mais  il  no  paraît  pas  qu'il  aient  eu 
aucune  part  au  sac  do  la  Judée.  Josèphe, 
Guerre  des  Juifs,  1.  iv,  c.  15.  Depuis  cette 
époque,  il  n'est  plus  question  d'eux  dans 
l'histoire.  On  ne  prouvera  jamais  que  les 
Arabes  mahométans,  qui  se  sont  joints  aux 
Turcs,  aient  été  la  postérité  d'Esaii  ;  ce  sont 
plutôt  des  descendants  d'Ismaél ,  comme  ils 
s'en  vantent  eux-mêmes. 

D'ailleurs,  à  la  venue  du  Messie,  toutes 
les  promesses  faites  à  la  postérité  de  Jacob 
ont  été  censées  accomplies;  le  règne  d'Hé- 
rodeestprécisément  l'époque  à  laquelle  nous 
devons  nous  fixer  pour  voir  toute  puissance 
souveraine  enlevée  aux  Juifs,  selon  la  pré- 
diction de  Jacob  {Gen.,  c.  xlix,  v.  10). 

3'  Jacob ,  arrivé  dans  la  Mésopotamie , 
épouse  les  deux  sœurs,  filles  d'un  père  ido- 
lâtre, et  prend  encore  leuis  servantes;  il  est 
donc  coupable  d'inceste,  do  polygamie  et  de 
désobéissance  h  la  loi,  q_ui  défendait  aux  pa- 
Marches  ces  sortes  d'alhances.  Mais  il  faut 
faire  attention  que  les  mariages  de/acoô  ont 
été  contractés  trois  cents  ans  avant  que  fdt 
portée  la  loi  qui  défendait  à  un  homme  d'é- 
pouser les  deux  sœurs.  Ces  mariages  n'étaient 
l)as  r<5putés  incestueux  chez  les  Chaldéens, 
puisque  ce  fut  Laban  lui-môme  qui  donna 
ses  deux  tilles  à  Jacob.  A  l'article  Polygamie, 
i.ous  verrons  qu'eUe  n'était  pas  défendue 
par  la  loi  naturelle  avant  l'état  de  société  ci- 
■file.  Les  enfgnis  d'Adam  n'avaient  lias  pé- 
ché en  épousant  leurs  sœurs. 

Quoiqu'il  soit  parlé  dans  le  livre  de  la  Ge~ 
p^se  des théraphims,  ou  idoles  do  Laban,  nous 
Yoyons  cependant  qu'il  adorait  le  vrai  Dieu, 
puisque  c'est  en  son  nom  seul  qu'il  jure  al- 
liance avec  Jaroh  (  Qciies.,  c.  xxxi,  v.  49  et 
suiv.  ).  Il  ne  s'ensuit  donc  pas  que  ses  lillcs 
aient  été  idolâtres.  Jacob  aurait  été  bcaucouji 


plus  coupable  d'épouser  des  Chananéenncs, 
puisque  c'est  avec  celles-ci  que  les  iiatriar- 
ches  ne  devaient  point  contracter  alliance. 

k"  Les  censeurs  de  l'Ecriture  sainte  accu- 
sent Jacob  d'avoir  trompé  son  beau-père,  en 
changeant  la  couleur  des  troupeaux  ;  ils 
ajoutent  que  l'expédient  dont  il  se  servit  est 
unn  absurdité,  dont  l'effet  supposé  est  con- 
traire ^  toutes  les  expériences.  C'est  Jacob, 
au  contraire,  qui  se  plaint  h  Laban  de  cequ'il 
a  mal  payé  ses  services,  et  a  changé  dix  fois 
son  salaire.  G.  xxxi,  v.  36,4.i.  Laban,  con- 
fondu, reconnaît  qu'il  a  tort,  quo  Dieu  l'a 
copiblé  de  biens  par  les  services  de  Jacob  ; 
il  jure  alliance  avec  lui.  Ibid.,  v.  W.  Rien  ne 
nous  iiblige  de  supposer  que  l'expédient 
dont  Jacob  so  servit  pour  clianger  la  couleur 
des  troupeaux,  produisit  cet  clfet  naturelle- 
ment; il  reconnaît  lui-môme  que  c'est  Dieu 
qui  a  voulu  l'enrichir  parce  moyen.  C.  xxxi, 
V.  9  et  16.  Cependant  plusieurs  naturalistes 
anciens  et  modernes  ont  cité  des  exemples 
des  eti'ets  extraordinaires  produits  sur  le  fœ- 
tus par  les  objets  dont  les  mères  ont  été 
frappées  dans  le  temps  de  la  conception  (1). 

(1)  L'auteur  de  la  Pltilosophie  de  'dUstoire,  dans 
le  chapiue  des  Préjugés  poindaircs,  s'exprime  ainsi  : 

I  Panai  beaucoup  d'erreurs  auxquelles  le  geure 
humain  a  élé  livré ,  on  croyait  qu'on  pouvait  faire 
naître  des  animaux  de  la  couleur  qu'on  voulait ,  en 
présentant  celle  couleur  aux  mères  avant  qu'elles 
conçussent.  L'aulour  de  la  Genèse  dit  que  Jacob  eut 
des  brebis  tachetées  par  cet  artifice.  » 

Réponse.  Cet  écrivain  traite  de  préjugé  l'oiiinion 
de  la  force  de  l'imagination  de  la  mère  s+ir  lo  iVetus. 
Qu'on  lise  Bochart ,  et  l'on  verra  si  l'on  peut  quali- 
fier ainsi  un  sentinient  que  ce  savant  a  prouvé  par 
une  infinité  d'exemples  anciens  et  modernes  :  nous 
y  en  ajouterons  un  tout  récent,  rapporté  par  le  Père 
Gumila,  dans  sa  curieuse  Desciipliun  de  l'Orénoque. 
Voici  ses  paroles  : 

«  Étant,  en  1738,  principal  du  collège  de  Carlha- 
gène,  dans  le  nouveau  royaume  de  Grenade,  je  fus  à 
une  infirmerie  qui  n'est  séparée  du  collège  que  par 
une  muraille,  pour  visiter  les  domestiques  m.tlades 
qu'on  y  amène  de  la  campagne.  J'y  trouvai  entre 
autres  une  négresse  mariée,  qui  me  lit  le  détail  de 
sa  maladie,  ajoutant  qu'il  s'en  fallait  beaucoup  qu'elle 
eût  obtenu  sa  santé ,  dont  le  médecin  l'avait  Ualtée 
lors  de  son  accouchement.  Là-dessus  je  voulus  aussi 
voir  l'enfaijt  pour  voir  s'il  se  portait  bien.  La  né- 
greise  le  découvrit,  et  je  vis  avec  un  ctonncraent  que 
je  ne  puis  exprimer,  un  enfant  tel  qu'on  u'en  a  ja- 
mais vu  depuis  que  le  monde  est  monde.  Je  vais  le 
dépeindre  pour  qu'on  ne  m'accuse  point  d'exagérer; 
mais  je  crains  de  ne  pouvoir  y  réussir  avec  la  plume,  ■ 
piiisque  les  meilleurs  peintres  du  pays  n'ont  pu  «m 
venir  à  bout  avec  le  pinceau  ; 

jCetle  fille,  qui  pouvait  alors  avoir  environ  six  mois, 
et  qui  est  entrée  aujourd'hui  danssa cinquième  année, 
est  tacheièe  de  blanc  et  de  noir,  di  puis  le  sommet 
de  la  tcle  jusqu'aux  pieds,  avec  tant  de  symétrie  et 
de  variété,  qu'il  semble  qw*  ce  soit  l'ouvrage  du  com- 
pas et  du  pinceau.  Sa  tète,  pour  la  plus  grande  parii«, 
est  couverte  de  cheveux  noirs  boucles,  d'entre  lesquels 
s'élève  une  pyramiile  de  poil  crépu  aussi  blanc  que  la 
neige  ,  dont  la  pointe  vient  aboutir  sur  le  sommet 
même  de  la  tète  ,  d'où  elle  descend,  en  élargissant 
ses  deux  lignes  collatérales,  jus(iu'au  milieu  de  l'ua 
et  de  l'autre  sourcil,  .ivec  tant  de  régularité  dans  les 
couleurs,  que  les  deux  moitiés  des  sourcils,  qui  ser- 
vent de  base  aux  deux  angles  de  la  pyramido,  sont 
de  poil  blanc  et  bouclé  au  lieu  ijue  les  deux  autres 


13 


JAC 


JAG 


14 


6°  Nos  adversaires  disent  que  le  prétendu 
coiiihat  (le  Jacob  coiitro  un  ange  ou  contre 
lui  S|iectre,  pendant  la  nuit,  ne  fut  qu'un 
rt^ve  de  son  imagination,  ou  que  n'est  une 
i'ahlo  inventc'-e  ))ar  les  Juifs,  à  l'nnitation  des 
aiili'i's  nations,  qui  toutes  sc  sont  flattées  d'a- 
voir di-s  oracles  (|ui  jour  ])rêmettaientrcin- 
pirc  (le  l'univers.  Mais  l'elfet  du  combat,  sou- 
tenu par  Jacoh,  f[ui  en  demeura  boiteux  le 
reste  do  sa  vie,  prouve  que  ce  ne  fut  pas  un 
rêve,  et  l'usage  dos  Isra(^lites  de  s'ali'^tenir 
de  manger  lo  nerf  delà  cuisse  des  animaux 
prouve  que  cet  éT(''n(MU(-nt  n'i''lait  i)as  une 
fable.  A  l'époque  dont  nous  parlons,  c'esVà- 
(liro,  vers  l'an  du  monde  '22fi0,  six  cents  ans 
tout  au  |ilus  apr(^s  liMléluge,  où  étaient  les 
nations  auxquelles  di^s  oracles  avaient  pro- 
mis l'empire  de  l'uiùvers?  (le  trait  do  vanité 
n'a  pris  naissance  que  cliez  les  peuples  con- 
(fuérants,  et  il  n'y  en  avait  point  pour  lors. 

Le  testament  de  Jacob,  par  lequel  il  pré- 
dit h  ses  enfants  la  destinée  de  leur  postérité, 
pourrait  foiu'nir  matière  à  beaucoup  de  ré- 


flexions. L'on  ne  peut  pas  présumer  que 
Moïse  ni  un  autre  auteur  ait  osé  le  forg,  r  -, 
les  crimes  reprochés  à  Uuben,  à  Siméon  et  ;i 
Lévi,  étaient  des  taches  que  leurs  tribus 
iétaii'iit  intéressées  à  ne  pas  souffrir  :  quel 
motif  pouvait  engagerMoïseîi  noircir  sa  |iro- 
pre  tribu?  La  prééminence  accordée  à  celle 
de  Juda,  au  préjudice  des  autres, (Jovait  leur 
causer  de  la  jalousie: les  partages  do  laTerre 
promise,  faits  en  conséquence  de  ce  testa- 
ment, en  auraient  mécontenté  plusieurs,  si 
elles  n'avaient  f)as  su  ([ue  tout  avait  été  ainsi 
réglé  par  hnu' p(''ro.  Quel  qu'ait  été  l'auteur 
de  ce  testament,  il  a  certainement  eu  l'es- 
]irit  prophétique,  puisqu'il  a  prédit  des  évé- 
nements qui  ne  devaient  arriver  que  plu- 
sieurs siècles  après.  Les  preuves  que  nous 
av(Uis  données  de  l'authenticité  du  livre  de 
la  Gen/'senK  peuvent  laisser  aucun 'ioute  sur 
oe  sujet.  Quant  à  la  m.mière  dont  il  fant  en- 
tendre la  prophétie  que  Jacob  fait  à  Juda, 
son  quatrième  lils,  Yoy.  Juda. 
On  dit  qu'il  est  bien   étonnant  que  Dieu 


moitiés  qui  sont  du  eMé  (\es  oreilles  ,  sont  d'un  poil 
noirci  crépu.  Pour  mi(Mix  relever  l'cspiue  blanc,  (|iie 
fornu!  la  pyramide  dans  le  niilicu  du  Iront,  la  naUn'c 
y  a  placé  une  lacln;  noire  rt'gidi(''ro,  qui  domine  con- 
sidi'rahlenienl,  et  sert  ,i  relever  sa  heatUé.  Le  reste 
de  son  visaye  est  d'iui  noir  clair,  parscmci  de  (piel- 
(|ucs  taches  d'une  couleur  plus  vive  ;  mais  ce  qui  n\- 
lève  inliniinent  ses  traits,  sa  bonne  grâce  el  la  viva- 
(  il(';  de  ses  yeux  ,  est  une  autre  pyramide  lilanclie, 
(|ui,  s'aiipuyanl  sur  la  partie  inlérieure  du  cou,  s'é- 
lève avc(^  proportion,  et  qui,  partageant  le  menton, 
vient  aboulir  au-dessous  de  la  Icvie  inférieure  dans 
le  creii^  (pfelle  forme.  F)epuis  l'exlréiniié  des  doigts 
des  mains  jusqu'au-dessus  du  poignet,  et  depuis  les 
pieds  jus(|u'à  la  moiti(:  des  jambes  ,  elle  parait  avoir 
des  gants  el  des  liouincs  naturelles  d'un  noir  clair 
tirant  sur  le  cendré,  ce  qui  produit  une  admiration 
sans  égale  ,  d'autant  plus  que  ces  extréunlés  sont 
paracnuvs  d'un  grand  nombre  de  mouches  aussi  noi- 
res (pie  du  jais.  De  rcxtrémilé  inférieure  du  cou  des- 
cend connue  une  esp('(c  de  pèlerine  noire  .sur  la  poi- 
trine et  sur  les  épaules,  la((iielle  se  termine  en  trois 
pointes,  dont  deux  sont  placées  snr  les  gros  nuiscles 
des  bras  ;  et  la  troisième,  qui  est  la  plus  large ,  sur 
la  poitrine,  l'on  épaule  est  d'un  noir  clair  et  ladieté 
comme  celui  des  pieds  et  des  mains.  Entin,  ce  ([u'il 
y  a  de  plus  singulier  dans  cette  lilliî  est  le  reste  du 
corps,  lequel  est  tacheté  de  blanc  cl  de  noir,  avec  la 
mémo  variété  dont  j'ai  parlé,  avec  deux  laclies  noires 
qui  occupent  les  deux  genoux.  » 

<  Je  reioinuai  |)liis  d'inie  lois  à  l'infirmerie  avec 
queb|ues-uns  de  nos  Pères,  pour  contempler  et  ad- 
mirer ce  prodige;  et  à  quehpies  jours  de  la,  il  y 
eiU  une  afUueuce  considérable  de  citoyens  et  d'étran- 
gers, (lui  venaient  d'arriver  sur  les  galions,  qui  s'en 
retournaient  tout  remplis  détoimcnient,  et  donnant 
des  louanges  au  Créateur,  qui,  toujours  admirable 
dans  ses  ouvrages,  prend  quelquefois  plaisir  à  les 
varier  pour  montrer  sa  puissance.  Les  dames  du 
pays  attendaient  avec  impatience  la  guérison  de  la 
négresse,  pour  qu'elle  pilt  porter  chez  elles  cet  enfant 
extraordinaire.  Klles  furent  enfin  satisfaites  ;  el  cet 
objet  fil  in)e  telle  impression  sur  leur  esprit,  qu'elles 
accablèrent  la  mtre  cl  la  fille  d'une  intiniié  de  pré- 
sents. Elles  ne  la  prenaient  point  entre  leurs  bras 
qu'elles  ne  lui  missent  des  colliers  el  des  bracelets 
de  perles  précieuses,  et  plusiiiurs  bijoux  semblables. 
Il  y  eut  plusieurs  personnes  qui  voulurent  l'aclieler 
à  qnebpie  prix  (pie  ce  fût  ;  mais  les  égards  qu'elles 
se  devaient  les  unes  et  les  autres,  joints  à  la  crainte 


de  chagriner  le  pi?rc  et  la  mère,  furent  cause  qu'elles 
ne  purent  se  satisfaire,  rependaiit  la  fille  se  réveilla 
avec  quelques  sympl(Hnes  de  fièvre,  le  visage  triste 
et  abattu,  ce  ((ni  m'obligea,  dès  que  la  nuitfntveiiue, 
de  la  rap|)orler  h  sa  mère,  dans  riiabitatiin  où  elle 
était  née.  Cependant  ce  prodige  fit  du  bruit  dans  le 
nouveau  royaume  et  dans  la  province  de  (Inracnx, 
el  l'on  m'assura  même  ([ue  les  consuls  anglais  avaient 
env()y(;  son  portrait  à  la  cour  de  Londres. 

<  (>  phénomène  excita  parmi  les  curieux  plusieurs 
disputes  sur  l'origine  des  couleurs;  on  ne  parlait  plus 
d'autre  chose,  cbacnn  adoptant  l'opinion  qui  favori- 
sait son  inclination,  et  ce  l'ut  alors  que  j'admis  pour 
indubitable  celle  (pic  j'ai  avancée  ci-dessus,  louchant 
la  force  de  rimaginalion.  Ayant  pris  un'îjour  cette 
fille  entre  mes  bras,  pour  mieux  observer  la  variété 
des  couleurs  dont  j'ai  parlé,  je  remarquai  qu'il  sauta 
en  même  tenq»  sur  les  genoux  de  la  négresse,  une 
chienne  noire  et  blanche.  Je  comparai  ses  taches 
avec  celles  de  la  (ille  ;  et  ayant  trouvé  beaucoup  de 
ressemblance  entre  elles,  je  me  mis  h  les  examiner 
en  détail,  si  bien  que  je  trouvai  une  conformité  to- 
tale entres  les  unes  et  les  autres,  non-seuleuient  pour 
la  forme,  la  figure  et  la  couleur,  mais  encore  par 
rapport  aux  endroits  où  elles  étaient  placées.  Je  ne 
fis  là-dessus  aucune  question  à  la  négresse,  pour  ne 
point  m'écarlerdu  système  que  j'avais  adopté.  Je  lui 
demandai  seulement  depuis  quel  temps  elle  avait 
cette  chienne  ;  el  elle  me  répondit  qu'elle  l'avait  éle- 
vée depuis  qn'on  l'avait  ôlée  à  sa  mère  pour  la  lui 
donner.  Je  lui  demandai  encore  si  la  cbienne  suivait 
son  mari  lorsqu'il  allait  aux  champs.  Elle  me  dit  que 
non,  et  que  la  chienne  lui  tenait  toujours  compagnie. 
Je  crus  donc  alors,  cl  je  crois  encore  (|ue  la  vue  con- 
tinuelle de  cet  .mimai,  jointe  au  plaisir  qu'elle  trou- 
vait à  jouer  avec  elle,  avait  été  plus  que  sullisanle 
pour  tracer  cette  variél(!  de  couleurs  liaiis  sou  ima- 
gination, et  riniprimer  à  la  fille  (pi'elle  portait  dans 
son  sein.  Je  communiquai  ma  pensée  à  deux  de  nos 
pères,  lesquels  ayant  comparé,  comme  j'avais  fait, 
les  taches  de  la  chienne  avec  celles  de  la  fille,  ne 
doutèrent  plus  que  ce  fût  un  effet  de  rimaginalion 
de  la  mère. 

<  Tout  ce  que  je  pourrais  ajouter,  pour  établir  la 
vérité  du  fait  que  je  viens  de  r.ippnrter,  serait  inutile, 
puisqu'il  y  a  dans  celte  ville  plusieurs  personnes, 
lanl  ecelesiasliques  que  sécvdiers,  qui  e.i  ont  été  té- 
moins ;  et  qu'il  Cadix  même  il  se  trouve  uu  grand 
iiomlire  Je  gens  (Çii  ont  vu  la  fille  dont  je  parle.  > 
—  liépomcs  critiques,  par  BuUet,  tom.  1,  p.  205. 


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ait  choisi  par  préférence  une  famille  dans 
laquelle  il  y  avait  eu  tant  de  crimes,  l'inceste 
de  Ruben  et  celui  de  Juda,  le  massacre  des 
Sichimites  par  Siméon  et  par  Lévi,  Joseph 
vendu  par  ses  frères,  etc.  Il  s'ensuit  seule- 
ment que  dans  tous  les  siècles,  et  surtout 
dans  les  premiers  âges  du  monde,  les  mœurs 
ont  été  très-grossières  et  les  hommes  très- 
vicieux;  que  la  loi  naturelle  a  été  mal  con- 
nue et  mal  observée  ;  que  Dieu,  toujours 
très-indulKenl,  a  répandu  sur  ses  créatures 
des  bienfaits  très-gratuits,  s'est  souvent  servi 
de  leurs  crimes  pour  accomplir  ses  desseins. 
Aujourd'hui,  comme  autrefois,  il  y  a  lieu  de 
dire  :  Si  Dieu  ne  nous  a  pas  exterminés, 
c'est  par  miséricorde,  et  parce  que  sa  bonté 
est  infinie  {Thren.  m,  22.  ) 

On  soutient  mal  h  propos  que  ces  traits  de 
riiistoire  sainte  sont  de  mauvais  exemples, 
et  autorisent  les  crimes  des  méchants,  puis- 
que cette  même  histoire  nous  montre  la 
Providence  divine  attentive  à  punir  le  crime 
ou  en  ce  monde  ou  en  l'autre.  Ruben  est 
privé  de  son  droit  d'aînesse  ;  Siméon  et  Lévi 
sont  notés  dans  leur  postérité  ;  nous  voyons 
les  frères  de  Josejih  prosternés  et  tremblants 
k  ses  pieds,  etc.  Jacob  lui-même,  parvenu  à 
l'âge  de  cent  trente  ans,  proteste  que  sa  vie 
n'a  été  qu'une  suite  do  soulfrances  (  Gènes, 
c.  xLvii,  V.  9).  Au  lit  de  la  mort,  il  n'attend 
son  salut  que  de  Dieu.  C.  xlix,  v.  18. 

Nous  ne  sommes  donc  pas  obligés  de  jus- 
tifier toutes  les  actions  des  patriarches,  puis- 
que les  écrivains  sacrés  qui  les  rapportent  ne 
les  approuvent  point.  Il  n'est  pas  nécessaire 
non  plus  de  dire  que  c'étaient  des  types,  des 
figures,  des  mystères  qui  annonçaient  des 
événements  futurs:  cela  ne  suffirait  pas  pour 
les  excuser.  Mais  les  incrédules  en  condam- 
nent plusieurs  qui  étaient  réellement  inno- 
centes dans  les  siècles  et  dans  les  circonstan- 
ces où  elles  sont  arrivées,  parce  que  le  droit 
naturel  ne  peut  pas  être  absolument  le  môme 
dans  les  divers  étatsde  l'humanité.  La  rai'^on 
en  est  que  le  bien  commun  de  la  société, 
qui  est  le  grand  objet  du  droit  naturel,  varie 
nécessairement  selon  les  différentes  situa- 
tions dans  lesquelles  la  société  se    trouve. 

Voy.   DROIT  NATUREL. 

JACORINS,  est  le  nom  que  l'on  donfle 
en  France  aux  dominicains  ou  frères-prê- 
cheurs, à  cause  de  leur  principal  couvent  qui 
est  à  la  rue  Saint-Jacques,  k  Paris.  C'était 
un  hôpital  de  pèlerins  de  Saint-Jacques, lors- 
que les  dominicains  vinrent  s'y  établir  en 
1218.  Voy.  Dominicains. 

JACOBITES,  hérétiques  eutychiens  ou 
monojjhysites,  qui  n'admettent  en  Jésus- 
Christ  qu'une  seule  nature,  composée  de  la 
divinité  et  de  l'humanité.  Cette  erreur  est 
commune  aux  cophtes  d'Egypte,  aux  Abys- 
sins ou  Ethiopiens,  aux  Syriens  du  patriarcat 
d'Antioche,  et  aux  chrétiens  du  Malabar,  que 
l'on  nomme  chrétiens  de  saint  Thomas.  Nous 
avons  parlé  des  jacobites  coi>hles  et  des  E- 
thioiiiens  dans  leurs  articles  ,  il  est  à  propos 
de  faire  connaître  les  Syriens.  Personne  n'a 
fait  leur  histoire  avec  plus  d'exactitude  que 


le    savant  Assémani,    dans    sa  Bibliothèque 
orientale,  tom.  ii. 

Au  mot  EuTYCHiANisME,  nous  avons  suivi  les 
progrès  de  cette  hérésie  jusqu'au  moment  au- 
quel ses  partisans  prirent  le  nom  de  jacobites. 
Sur  latin  du  j'  siècle,  les  partisans  d'Eu- 
tychès,  condamnés  par  le  concile  de  Chalcé- 
doine,  étaient  divisés  en  plusieurs  sectes  et 
prêts  à  s'anéantir.  Sévère,  patriarche  d'An- 
tioche, chef.de  la  secte  des  acéphales,  et  les 
autres  évèques  eutychiens,  comprirent  la  né- 
cessité de  se  rallier.  L'an  5il,  ils  élurent  pour 
évêque  d'Edesse  un  certain  Jacques  Raradée 
ou  Zanzale,  moine  ignorant,  mais  rusé,  insi- 
nuant et  actif,  et  ils  lui  donnèrent  le  titre  de 
métropolitain  œcuménique.  Il  parcourut  l'O- 
rient, rassembla  les  différentes  sectes  d'eu- 
tychiens,  et  en  devint  le  cheft;  c'est  de  là 
qu'ils  ont  été  nommésjacoôî'^es. Ces  sectaires, 
protégés  d'abord  par  les  Perses,  ennemis  des 
empereurs  de  Constantinople,  ensuite  par  les 
Sarrasins,  rentrèrent  peu  à  peu  en  posses- 
sion des  églises  de  Syrie  soumises  au  pa- 
triarcat d'Antioche;  ils  s'y  sont  conservés 
jusqu'aujourd'hui. 

Pendant  les  croisades ,  lorsque  les  princes 
d'Occident  eurent  conquis  la  Syrie,  les  papes 
nommèrent  un  patriarche  catholique  d'An- 
tioche, et  les  catholiques  reprirent,  dans  cette 
contrée,  l'ascendant  sur  ]pà  jacobites.  Alors 
ceux-ci  témoignèrent  quelque  en\ie  de  se 
réunir  k  l'Eglise  romaine  ;  mais  ce  dessein 
n'eut  aucune  suite.  Depuis  que  les  Sarrasins 
ou  Turcs  sont  rentrés  en  possession  de  la 
Syrie ,  les  jacobites  ont  persévéré  dans  le 
schisme;  les  catholiques  qui  se  trouvent 
dans  ce  pays-là,  surtout  au  mont  Liban,  sont 
nommés  maronites  et  melchites. Voy.  ces  mots. 
Cependant  plusieurs  voyageurs  modernes 
nous  assurent  que  le  nombre  des  jacobites 
diminue  tous  les  jours ,  par  les  progrès  que 
font,  dans  l'Orient,  les  missionnaires  catho- 
liques. En  1782 ,  M.  Miroudot ,  évêque  de 
Bagdad ,  est  parvenu  à  faire  élire ,  pour  pa- 
triarche des  jacobites  syriens,  un  évêque  ca- 
tholique qui  s'est  réconcilié  à  l'Eglise  ro- 
maine avec  quatre  de  ses  confrères.  Les 
conversions  de  ces  sectaires  seraient  plus 
fréquentes ,  sans  les  persécutions  que  les 
catholiques  essuient  continuellement  de  la 
part  des  Turcs. 

Dans  plusieurs  endroits,  les  jacobites  sy- 
riens se  sont  réunis  aux  nestoriens,  quoique, 
dans  l'origine  ,  leurs  sentiments  sur  Jésus- 
Christ  fussent  diamétralement  opposés  ;  et 
ils  se  sont  séparés  des  cophtes  égyptiens  du 
patriarcat  d'Alexandrie  ,  qui  venaient  origi- 
nairement de  la  même  souche ,  parce  que 
les  jacobites  syriens  mettent  de  l'huile  et  du 
sel  dans  le  pain  de  l'eucharistie  :  usage  que 
lesjacobites  égyptiens  n'ont  jamais  voulu  tolé- 
rer. Ainsi  ces  sectaires  sont  aujourd'hui  di- 
visés en  jacobites  africains  et  en  jacobites 
orientaux  ou  syriens. 

Plusieurs  auteurs  ont  cru  que ,  dans  le 
fond,  \es jacobites  en  gf^néral  n'étaient  plus 
dans  le  sentiment  d'Eutychès ,  et  qu'ils  re- 
jetaient le  concile  de  Chalcéduine  par  pure 
prévention.  Ils  se  sont  trompés.  M.  Acque- 


a 


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til,  qui  a  vu  au  Malal)ai-,  en  1758,  des  évo- 
ques syriens  jacobitca  ,  et  qui  rapporte  leur 
profession  do  foi,  fait  voir  qu'ils  sont  encore 
dans  la  môme  erreur  qu'Eutycliès.  Ils  ad- 
mettent en  Jésus-Ghrist  Dieu  et  iiomme  par- 
fait ,  une  personne  et  mmp  nature  incarnée, 
sans  séparation  et  auns  mélange;  c'est  ainsi 
qu'ils  s'expriment.  A  la  vérité,  ces  dernières 
paroles  semblent  contradictoires  à  leur  er- 
reur, et  M.  Anquctil  le  leur  tit  observer; 
mais  ils  n'en  furent  pas  nmins  obstinés  à  le 
soutenir  ainsi.  Zend-Aresla,  tom.  1, 1"  part., 
p.  1()3  etsuiv.  Quand  on  leur  demande  com- 
ment il  se  peut  faii'C  (pie  la  divinité  et  l'ini- 
manité  soient  en  Jésus-Christ  une  seule  na- 
ture ,  sans  être  inélatujées  et  confondut'S  ,  ils 
disent  que  cela  se  fait  par  la  toute-puissance 
de  Dieu;  (ju'à  la  vérité  cela  ne  se  conçoit 
pas,  mais  que  rien  n'est  concevable  dans  un 
mystère  tel  que  celui  de  l'incarnation.  Quel- 
ques-uns ont  cherché,  en  ditïérents  temps, 
îi  se  rapprocher  des  catholiques,  en  préten- 
dant qu'ils  n'en  étaient  séparés  que  yiar  une 
dispute  de  ruots  ;  mais,  dans  le  vrai,  ils  sont 
très-opiniiltres  dans  leur  erreur.  Ils  font  pro- 
fession de  condamner  Eutycliès  ,  parce  qu'il 
a,  disent-ils  ,  confondu  les  deux  natures  en 
Jésus-Christ ,  en  soutenant  que  la  divinité 
avait  absorbé  l'humanité  ;  |)Our  nous,  nous 
croyons  que  l'une  et  l'autre  subsistent  sans 
mélange  et  sans  confusion.  Mais  ce  (jui 
prouve ,  ou  qu'ils  ne  s'entendent  pas  eux- 
mêmes,  ou  qu'ils  déguisent  leur  senlimont, 
c'est  qu'ils  soutiennentcomme  les  monothéli- 
tes, qu'il  n'y  a  en  Jésus-Christ  qu'une  seule 
volonté,  savoir,  la  volonté  divine  ;  ils  suppo 
sent  donc  qu'en  lui  la  nature  humaine  n'est 
pas  entière,  i>uisqu'elle  est  privée  d'une  de 
ses  facultés  essentielles ,  qui  est  la  volonté. 
Kn  [larlant  de  l'eutychianisme  ,  nous  avons 
fait  voir  que  cet  entêtement  des  uionophysi- 
les  n'est  [las  une  pure  dispute  de  mots,  comme 
plusieurs  ])roteslants  ont  voulu  le  persuader. 
Suivant  le  rapport  d'Assémani,  outro  cette 
erreur  principale,  quelques  jncoftfïes  ont  dit 
que  Jésus-t',[irist  est  composé  de  doux  per- 
sonnes, c'est  l'erreur  de  Nestorius  ;  mais  ils 
confondaient  le  nom  do  personne  avec  celui 
de  nature.  D'autres  ont  nié,  Cfimme  les  (irecs, 
que  le  Saint-Esprit  procède  du  Père  et  du 
Fils  ;  ce  n'est  pas  néanmoins  le  sentiment 
commun  de  cette  secte.  Ils  prétendent, 
comme  les  arminiens,  que  les  saints  ne  joui- 
ront de  la  gloire  éternelle,  et  que  les  mé- 
chants ne  seront  envoyés  au  supplice  éternel 
qu'après  la  résurrection  générale  et  le  juge- 
ment dernier.  Ainsi  ils  n'admettent  pas  le 
purgatoire;  cependant,  en  général,  ils  inient 
pour  les  morts.  On  les  a  faussement  accusés 
de  nier  la  création  des  ûmes.  Us  reconnais- 
sent sept  sacrements  ,  et  croient  la  nrésenco 
réelle  de  Jésus-Christ  dans  l'eucliaristie  ; 
mais  ils  admettent  l'impanation ,  ou  une 
union  hypostalique  du  pain  et  du  vin  avec 
le  Verbe.  Cependant  il  n'y  a  aucun  vestige 
de  cette  erreur  dans  leurs  liturgies  ;  on  y 
trouve  même  le  terme  de  transmutation ,  en 
ji/uiant  de  l'eucharistie.  Perpétuité  de  la  foi, 
tom.  I,  1.  V,  c.  11,  loin.  IV,  p.  65  etsuiv.  Us 


croient ,  comme  les  Grecs  ,  que  la  consécra- 
tion se  fait  par  l'invocation  du  Saint-Esnrit  ; 
ils  consacrent  avec  du  pain  levé,  contre  l'an- 
cien usage  de  l'Eglise  syriaque,  et  ils  y  met- 
tent du  sel  et  do  l'huile.  Ces  jarobites  syriens 
ne  pratiquent  point  la  circoncision  ,  comme 
font  les  Abyssins  ou  Ethiopiens,  mais  don- 
nent la  confirmation  avec  le  baptême.  Us  ad- 
ministrent l'extrôme-onction  ,  qu'ils  nom- 
ment la  lampe  ;  ils  ont  conservé  l'usage  delà 
confession  et  de  l'absolution  ;  ils  croient  le 
mariage  dissoluble  en  certains  cas  graves. 

On  a  révoqué  en  doute  mal  k  propos  la  va- 
lidité de  leur  ordination  ;  Morin  n'a  pas  rap- 
porté lldèlement  et  en  entier  le  rite  {]u'ils  y 
observent  :  Assémani  détaille  fort  au  long 
les  cérémonies  de  l'élection  et  de  l'ordina- 
tion de  leur  patriarche  ,  de  même  que  Ue- 
naudot  a  décrit  exactement  celles  qui  s't)b- 
servent  à  l'égard  du  patriarche  jarohite  d'A- 
lexandrie. Us  ne  confondent  donc  i>oint  le 
clergé  avec  le  peuple,  conmie  font  les  pro- 
testants. Us  ordonnent  des  chantres ,  des 
lecteurs,  des  sous-diacres,  des  diacres,  des 
archidiacres  ,  des  prêtres  ,  des  chorévèqucs, 
des  périodeutcs  ou  visiteurs,  des  évoques, 
des  métropolitains  ou  archevêques ,  un  pa- 
triarche ;  mais  ils  ne  distinguent  que  six 
ordres ,  trois  mineurs  et  trois  majeurs.  Us 
ont  un  office  divin  auquel  les  clercs  sont 
obligés  ;  ils  permettent  aux  ecclésiastiques 
mariés  de  vivre  avec  les  femmes  qu'ils  ont 
prises  avant  d'être  ordonnés,  mais  non  de  se 
marier  après  leur  ordination  ;  pour  faire  des 
évêques ,  ils  prennent  ordinairement  des 
moines;  c'est  le  patriarclie  qui  les  élit  et  les 
ordonne.  Us  ont  donc  conservé  l'état  mo- 
nastique ;  il  y  a  parmi  eux  des  monastères 
de  l'un  et  de  l'autre  sexe ,  où  l'on  fait  les 
vœux  de  pauvreté  ,  de  continence  et  de  clô- 
ture, où  l'on  pratique  une  abstinence  perpé- 
tuelle et  beaucoup  de  jeûnes.  Outre  le  ca- 
rême et  le  jeûne  des  mercredis  et  vendredis, 
ils  ont  ceux  de  la  sainte  Vierge,  des  apôtres, 
de  Noël,  des  Ninivites ,  et  chacun  de  ces 
jeûnes  dure  plusieurs  semaines.  Dans  l'of- 
iiee  divin,  ils  suivent  la  version  syriaque  de 
l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament,  et  ils  cé- 
lèbrent en  syriaque,  quoique  leur  langue 
vulgaire  soit  l'arabe;  ils  ont  môme  porté  leur 
liturgie  syriaque  dans  les  Indes.  Pour  l'u- 
sage ordinaire,  ils  ont  une  version  arabe  de 
l'Ecriture  sainte  qui  a  été  faite  sur  le  syria- 
que. Voy.  Bible. 

La  principale  liturgie  des  yacoèt'^es  syriens 
est  celle  qui  porte  le  nom  de  saint  Jacques, 
et  les  catholiques  syriens ,  nonnnés  maro 
nites  et  melrhites,  s'en  servent  aussi.  Par  con- 
séquent elle  est  plus  ancienne  que  le  schisme 
di'sjacobiles  ou  eutychiens,  et  que  le  concile 
de  Chalcédoine,  puisque,  depuis  cette  épo- 
que, ils  ont  formé  une  secte  absolument  sé- 
parée aes  catholiques.  Cette  liturgie  n'est  pas 
la  même  que  celle  qui  a  été  faite  par  Jacques 
Baradée  ou  Zanzale  ,  chef  de-s  jacobites.  Or, 
on  y  retrouve  les  dogmes  que  les  j)rotestants 
ont  rejetés,  sous  prétexte  (lue  c'étaient  des 
innovations  faites  par  l'Eglise  romaine;  l'in- 
torcession  et  l'invocation  de  la  sainte  Vierge 


fO 


JAC 


JAC 


20 


et  des  saints  ;  les  prières  pour  les  morts,  la 
croyance  des  peines  expiatoires  après  la 
mort,  la  notion  de  sacrifices  ,  etc.  Yoy.  cette 
liturgie  dans  le  Père  Lebrun,  toui.  IV,  p.  585. 
Les  jacobites  en  oui  encore  plusieurs  autres 
sous  dilièrents  norus,  comme  de  saint  Pierre, 
de  saint  Jean  l'Evangéliste,  des  douze  apô- 
tres, etc.  On  leur  eu  connaît  près  de  qua- 
rante. 

Ces  hérétiques,  séparés  de  l'Eglise  romaine 
depuis  douze  cents  ans,  n'ont  certainement 
emprunté  d'elle  ni  leur  croyance  ni  leurs 
l'ites,  et  ils  ne  se  sont  pas  avisés,  d'un  com- 
mun consentement,  de  corrompre  leur  li- 
turgie pour  plaire  aux  catholiques.  Il  faut 
donc  que  les  dogmes  professés  dans  la  li- 
turgie syriaque  de  saint  Jacques  aient  été  la 
croyance  commune  de  l'église  universelle 
en'tSl,  dpoque  du  concile  de  Ghalcédoiuc, 
qui  a  donne  lieu  au  schisme  des  jacobites  ; 
et  il  est  prouvé  d'ailleurs  que  celte  liturgie 
ancienne  était  celle  de  l'Eglise  de  Jéiusalcm. 
Voij.  Saint  Jacques  le  Mineur,  et  les  Litur- 
gies orientales  publiées  par  l'abbé  Renaudot, 
tome  11. 

L'étude  de  l'Ecriture  sainte  et  de  la  théo- 
logie a  été  cultivée  par  les  jacobites  syriens 
jusque  vers  le  xv°  siècle.  Assémani  donne  le 
catalogue  do  cinquante-deux  auteurs  de  cette 
secte,  et  la  notice  de  leurs  ouvrages.  Les 
deux  plus  célèbres  de  cl'S  écrivains  sont  De- 
nis Bar-Salibi,  évoque  d'Amide,  qui  a  vécu 
sur  la  tin  duxii'  siècle,  et  Grégoire  Bar-Hé- 
brœus,  surnommé  Abulpharage,  patriarche 
d'Orient,  né  l'an  122G.  Ce  dernier  a  été  ac- 
cusé mal  à  propos  d'avoir  apostasie.  11  ne 
faut  pas  le  confondre  avec  Abulpharagius 
Abdalla  Benattibus,  prêtre  et  moine  nesto- 
rien,  mort  l'an  10i3.  Mais,  depuis  le  xiv° 
siècle,  las  jacobites  syriens  sont  tombés  dans 
l'ignorance  ;  leur  secte,  autrefois  très-i  épan- 
due  dans  la  Syrie  et  dans  la  Mésopotamie, 
est  beaucoup  dimiuuée  par  les  travaux  des 
missionnaires  catholiques,  et  l'on  prétend 
qu'il  en  reste  tout  au  plus  cinquante  famil- 
les dans  la  Syrie.  Voyages  de  M.  de  Paaès, 
t.  1,  p.  352.  ^ 

C'est  donc  vainement  que  Mosheim  et 
quelques  autres  protestants  triomphent  de  la 
résistance  c|ue  les  jacobites  syriens  ont  op- 
posée aux  émissaires  des  papes,  et  aux  mis- 
sionnaires qui  ont  voulu  ramener  ces  sec- 
taires dans  le  sein  de  l'Eglise  romaine  ;  ces 
efforts  n'ont  ])as  été  aussi  inutiles  qu'on  le 
prétend.  D'ailleurs,  qu'importe  aux  protes- 
tants la  conversion  ou  la  résistance  des  jaco- 
bites?  Ceux-ci  ne  pensent  pas  comme  eux; 
ils  leur  diraient  auathèmo,  s'ils  les  connais- 
saient. Mais  telle  est  la  bizarrerie  et  l'entê- 
tement des  protestants  :  ils  louent  le  zèle  et 
le  courage  avec  lequel  les  sectaires  orientaux 
ont  propagé  leurs  erreurs,  et  ilsbiamentl'cm- 
çressemont  des  missionnaires  catholiques  à 
lairedes prosélytes.  Usattribuent  les  missions 
faites  dans  le  Nord  à  l'ambition  des  papes,  et 
ils  ne  disent  rien  de  l'ardeur  avec  laquelle 
les  patriarches  grecs,  cophtes,  syriens,  jaco- 
bites,  et  nestoriens,  ont  étendu  et  exercé 
leur  juridiction  sur  les  évoques  et  les  Eglises 


qui  les  reconnaissent  pour  pasteurs.  Ils  dis- 
simulent et  ils  pardonnent  aux  hérétiques 
orientaux  toutes  leurs  erreurs,  parce  qu'ils 
ne  sont  pas  soumis  aux  papes,  et  ils  pren- 
nent dans  le  sens  le  plus  odieux  tous  les  ar- 
ticles de  croyance  des  catholiques  qu'il  leur 
plaît  de  rejeter.  Voy.  Eutychianisme. 

JACQUES  LE  MAJEUR  (saint),  apôtre,  fils 
de  Zé;>édée  et  frère  de  saint  Jean  l'Evangé- 
liste, fut,  avec  lui  et  avec  saint  Pierre,  té- 
moin de  la  transfiguration  de  Jésus-Chiist 
sur  le  Thabor.  On  ue  sait  pas  précisément  h 
quels  peuples  il  a  prêché  l'Evangile,  ni  s'il 
est  sorti  de  la  Judée.  11  fut  mis  à  mort  par 
Hérode  Agri[)i)a,  l'an  Vt  de  Jésus-Christ  ; 
c'est  le  premitr  apôtre  qui  ait  reçu  la  cou- 
ronne du  martyre  {Act.  c.  xii,  v.  2).  11  n'a 
rien  laissé  par  écrit.  Au  mot  Espagne,  nous 
avons  observé  que  la  tradition  des  Eglises 
de  ce  royaume,  qui  porte  que  saint  Jacques 
le  Moy>Mr  y  a  prêché  l'Evangile,  est  contestée 
par  plusieurs  savants. 

Jacques  le  3îineur  (saint),  apôtre,  frère 
de  saint  Jude,  fils  de  Cléophas  et  de  Marie, 
sœur  ou  cousine  de  la  sainte  Vierge,  est 
nommé  frère  du  Seigneur  ,  c'est-à-dire  son 
parent.  Il  fut  aussi  nommé  le  Juste,  à  cause 
do  ses  vertus,  et  fut  établi  premier  évoque 
de  Jérusalem.  Il  parla  le  prenner  après  saint 
Pierre,  d:ms  le  concile  tenu  par  les  apôtres, 
l'an  49  ou  50.  Ananus  II,  grand  sacrificateur 
des  Juifs,  le  fit  condamner  à  mort  pour  avoir 
rendu  témoignage  à  Jésus-Christ  ;  le  peuple 
en  fureur  le  précipita  du  haut  du  temple. 
C'est  ce  que  rapporte  Eusèbe  d'après  Hégé- 
sippe  {Hist.  EccL,  1.  ii,  c.  23). 

Le  Clerc,  Hist.  ecclés.,  an  62,  §  3,  a  ras- 
semblé, d'après  Scaliger,dix  ou  douze  objec- 
tions contrôle  récit  d'Hégésippe,  et  afaittous 
ses  eti'orts  pour  prouver  que  c'est  un  amas 
de  fables.  Après  les  avoir  examinées  de  sang 
froid,  aucune  ne  nous  paraît  solide  ;  elles  ne 
prouvent  rien,  sinon  qu'elles  viennent  d'une 
critique  pointilleuse,  soupçonneuse  et  ma- 
ligne à  l'excès.  Le  principal  dessein  de  Le 
Clerc  a  été  de  prouver  que  les  auteurs  ec- 
clésiastiques du  second  siècle  étaient  ou 
d'une  probité  très-suspecte,  ou  d'une  cré- 
dulité puérile,  et  que  l'on  ne  peut  ajouter 
aucune  foi  à  ce  qu'ils  disent  ;  il  n'est  par- 
venu à  le  persuader  qu'à  ceux  qui  sont  in- 
téressés comme  lui  à  mépriser  toute  espèce 
de  tradition. 

Il  nous  reste  de  saint  Jacques  une  lettre 
que  l'on  croit  avoir  été  écrite  vers  l'an  50, 
environ  trois  ans  avant  son  martyre.  Quel- 
ques auteurs  l'ont  attribuée  à  saint  Jacques 
le  Majeur  ;  mais  il  est  plus  probable  qu'elle 
est  du  saint  évoque  do  Jérusalem  :  elle  est 
appelée  épltrc  catholique,  parce  qu'elle  n'est 
point  adressée  à  une  Eglise  jiarticuliôre, 
mais  aux  juifs  convertis  et  dispersés  dans  la 
Judée  et  ailleurs.  Saint  Jacques  y  combat 
principalement  l'erreur  de  ceux  qui  ensei- 
gnaient que  la  foi  seule  suffisait  au  salut 
sans  les  bonnes  œuvres.  Eusèbe  et  saint  Jé- 
rôme nous  apprennent  que  quelques  anciens 
avaient  douté  de  l'autlienlicité  et  de  la  cano- 
nicité  de  cette  lettre;  mais  cUo  est  citée 


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JAC 


MC 


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comme  Ecriture  sainte,  et  sous  le  nom  tic 
saint  Jac(/ucs,  par  Origùue,  pur  saint  Allia- 
nasc,  pur  saint  Hilairc,  par  saint  Clyrille  do 
Jérusalem,  par  les  conciles  de  Laodicée  et 
de  Carthage,  par  saint  Aiubroise  et  saint  Au- 
gustin, etc.  ;  et  l'on  ne  peut  faire  aucune 
objeclion  solide  contre  ces  témoignages.  Il 
y  a  aussi  une  liturgie  qui  porte  le  nom  de 
saint  Jacques,  de  lanuellose  servent  les  Sy- 
riens, soil  jacoiiites  soit  catiioliques.  Les  sa- 
vants qui  Tout  examinée  avec  soin  sont  per- 
suadés ((ue  c'est  la  plus  ancienne  des  litur- 
gies orientales  qui  existe,  et  la  môme  qui  a 
été  à  l'usage  de  l'Eglise  de  Jérusalem  dès  les 
temps  apostoliques.  Les  protestants,  qui 
étaient  intéressés  à  en  contester  l'authenti- 
cité, ont  objecté  quecette  liturgie  ne  peut  jias 
avoir  été  compos^'C  par  saint  Jacques,  puis- 
qu'il est  certain  que  les  liturgies  n'ont  été 
mises  ]>ai'  écrit  qu'au  v'  siècle.  Comment, 
disent-ils,  peut-on  être  assuré  que  celle  de 
saint  Jacques  a  été  conservée  pendant  quatre 
cents  ans,  telle  que  cet  apôtre  l'avait  établie 
dans  son  Eglise  ?  Elle  se  trouve  en  grec  et 
eu  syriaque  ;  ceux  ijui  ont  confronté  les 
deux  testes  jugent  (pie  le  syiiaque  a  été  fait 
sur  le  grec  :  or,  le  grec  ue  peut  pas  ôlre  l'o- 
riginal, puisiu'à  Jérusalem  on  parlait  syria- 
f rue  et  non  grec;  d'ailleurs  on  trouve  dans 
1  un  et  dans  l'autre  les  termes  consubslnnliel 
l't  mère  de  Dieu:  le  premier  n'a  été  en  usage 
que  deijuis  le  concile  de  Nicée  ;  le  second, 
depuis  le  concile  d'Eplièse,  tenu  l'an  'i31. 
Quand  la  liturgie  de  saint  Jacques  aurait 
existé  avant  cette  époque,  il  est  évident 
qu'elle  a  été  interpolée. 

Au  mot  LiTiBGiE,  nous  prouverons  que, 
de])uis  les  apôtres,  il  y  a  eu  dans  cliamie 
Eglise  une  formule  constante  de  célébrer  les 
saints  mystères,  k  laquelle  on  ne  s'est  jamais 
donné  la  liberté  de  toucher  quant  au  fond, 
mais  à  laquelle  on  a  surajouté  des  prières  et 
(l",s  expressions  relatives  aux  dogmes  qu'il 
fallait  professer  expressément,  lorsqu'il  est 
survenu  des  hérésies. 

Nous  sommes  très-assurés  que  celle  de 
saint  Jrtr^ucs  existait  avant  le  t*  siècle,  puis- 
que saint  Cyrille  île  Jérusalem,  mort  l'an 
38.5,  exolique  aux  nouveaux  baptisés  la 
principale  partie  de  la  liturgie  nommée 
anyiphora,  et  qui  commence  à  l'oblation; 
l'on  voit  que  ce  qu'il  eu  dit  est  la  même 
chose  que  ce  qui  se  trouve  dans  la  liturgie 
de  saint  Jacques. 

Au  m"  et  au  iv°  siècle,  lorsque  la  langue 
grecque  fut  devenue  commune  dans  tout 
l'Orient,  la  liturgie  fut  célébrée  dans  cette 
langue,  surtout  dans  les  villes  où  le  grec 
était  dominant;  mais,  dans  les  campagnes 
où  le  peuple  parlait  syriaque,  on  conserva 
ce  langage  dans  l'oflice  divin;  conséquem- 
nient,  au  t°  siècle,  la  liturgie  fut  écrite 
dans  l'une  et  dans  l'autre  langue.  Mais 
l'abbé  Renaudot,  qui  a  traduit  en  latin  les 
deux  textes,  L(7»r(/.  orient.  Collect.,  t.  II,  et 
le  père  Lebrun,  qui  les  a  confrontés  ,  Ex- 
plic.  de  la  messe,  t.  fV,  pag.  317  et  580,  n'y 
ont  trouvé  aucune  dilf('rence  essentielle. 
L'addition  des  termes  consubstuntiel  et  iwre 


de  Dieu,  qui  y  a  été  faite  depuis  la  naissance 
de  l'arianisme  et  du  nestorianismo,  n'y  a  rien 
changé  pour  le  fond. 

Sur  la  fin  du  v'  siècle,  lorsque  les  Syriens, 
partisans  d'Eutychès,  se  séparèrent  de  l'E- 
glise catholique  ,  ils  retinrent  la  liturgie 
syriaque  de  saint  Jacques,  aussi  bien  que 
les  orthodoxes  ;  les  uns  ni  les  autres  n'y  ont 
l)as  touché,  puisqu'elle  se  trouve  la  même 
chez  les  jacobitos  et  chez  les  maronites. 
L'an  692,  le  concile  in  Trutlo  0[)posa  l'auto- 
rité de  cotte  liturgie  aux  arméniens,  qui  ne 
mettaient  point  d'eau  dans  le  calice. 

Il  est  donc  certain  qu'au  v*  sièelo  on  était 
persuadé  que  cette  liturgie  était  des  temps 
apostoliques  ;  on  lui  donna  lo  nom  de  saint 
Jacques,  évoque  de  Jérusalem,  parce  que 
c'était  l'ancienne  liturgie  de  cette  Eglise, 
comme  on  a  donné  le  nom  de  saint  Marc  à 
celle  de  l'Eglise  d'Alexandrie,  et  de  saint 
Pierre  à  celle  d'Antioche,  etc. ,  sans  pré- 
tendre que  ces  liturgies  ont  été  écrites  par 
ces  divers  apôtres.  —  Celle  dont  nous  par- 
lons était  encore  en  usage  k  Jérusalem  au 
ix°  siècle,  sous  Charles  le  Chauve,  qui  voulut 
voir  célébrer  les  saints  mystères  selon  cette 
liturgie  de  saint  Jitcqucs.  Epist.  ad  Cler. 
Ruvcnn.  —  Comme  on  y  trouve  les  dogmes 
et  les  rites  rejetés  par  les  protestants,  il 
n'est  pas  étonnant  t^u'ils  ue  veuillent  lui  at- 
tribuer aucune  autorité;  maison  cela  même, 
elle  est  conforme  à  toutes  les  autres  litur- 
gies, soit  do  l'Orient,  soit  de  l'Occident, 
conformité  qui  prouve  invinciblement  que 
la  croyance  catholique  a  été  la  même  dans 
tous  les  lieux  et  dans  tous  les  siècles.  Voy. 
Liturgie. 

Jacques  de  Nisibe  (saint),  évoque  de  cette 
ville  et  docteur  do  l'Eglise  syrienne,  a  vécu 
au  IV'  siècle  ;  il  était  au  concile  de  Nicée 
l'an  323.  Il  reste  do  lui  dix-huit  discours 
sur  divers  sujets  de  dogme  et  de  morale. 
Le  saint  les  avait  écrits  en  arménien,  pour 
l'instruction  des  peuples  qui  parlaient  cette 
langue.  Saint  Athanase  les  appelle  les  mo- 
numents de  la  sim[ilicité  et  de  la  candeur 
d'une  Ame  apostolique.  Epist.  cncyclic.  ad 
cpisc.  Mgypti  et  LiOyœ.  M.  Anionelli  les  a 
publiés  il  Home  en  1756,  en  arménien  et  en 
latin,  avec  des  notes,  in-ful.  Ce  môme  saint 
avait  confessé  la  foi  durant  la  persécution 
de  Maximin  II;  c'est  un  illustre  témoin  de 
la  tradition  du  iv'  siècle.  Voyez  Vies  des  Pères 
et  des  Martyrs,  t.  VI,  p.  174  et  suiv. 

Assémani,  dans  sa  Bibliothèque  orientale, 
tom.  1,  c.  5,  27  et  40,  prétend  que  l'on  a 
souvent  attribué  à  cet  évêquo  de  Nisibe 
les  ouvrages  d'un  autre  saint  Jacques,  moine 
de  la  môme  ville,  ceux  de  saini  Jacques,  évê- 
que  de  Sarug,  mort  l'an  521,  et  ceux  de  Jac- 
ques, évoque  d'Edesse,  mort  l'an 710  ;  il  prou 
vo,  conlio  l'abbé Uenaiidot,  que  ces  deux  der 
niers  étaient   catholiques  et  non  jacobiles. 

JACULATOIRE.  Ou  appelle  oraisons  jo- 
culaloires  des  prières  courtes  et  ferventes 
adressées  h  Dieu  du  fond  du  cœur,  même 
sans  prononcer  des  paroles.  La  plupart  des 
versets  des  psaumes  sont  des  prières  de 
cette  espèce  :  tel  est  le  verset  Deus,  in  adjur- 


25 


JAL 


JÀL 


U 


torium,  etc.,  que  l'Eglise  a  placé  h  la  tête 
de  toutes  les  heures  canoniales.  —  Les 
auteurs  ascétiques  recommandent  l'usage 
fréquent  de  ces  prières  à  tous  ceux  qui  veu- 
lent s'élever  à  la  perfection  chrétienne.  Elles 
servent  à  rappeler  le  souvenir  de  la  présence 
de  Dieu,  h  écarter  les  tentations,  à  sanctifier 
toutes  nos  actions. 

JAHEL,  épouse  de  Haber  le  Cinéen,  allié 
des  Israélites,  est  célèbre  dans  l'histoire 
sainte.  Sisara,  général  de  l'armée  de  Jabin, 
roi  des  Chananéens,  vaincu  parles  Israélites, 
et  obligé  de  fuir,  se  réfugia  dans  la  tente  de 
cette  femme  qui  lui  offrait  un  asile;  elle  le 
tua  pendant  qu'il  dormait.  Voilà,  disent  les 
censeurs  de  l'histoire  sainte,  un  trait  de 
jierfidie,  et  il  est  loué  dans  l'Ecriture  {Jud., 
c.  V,  §  24).  —  Ce  serait  une  perfidie,  sans 
doute,  si,  selon  les  lois  de  la  guerre,  suivies 
par  les  nations  anciennes,  il  n'avait  pas  été 
permis  de  tuer  un  ennemi  vaincu  et  hors 
de  défense;  mais  quel  peuple  a  connu  les 
lois  observées  aujourd'hui  chez  les  nations 
chrétiennes? 

On  dira  que,  suivant  le  livre  des  Juges, 
c.  IV,  17,  il  y  avait  paix  entre  Jabin  et  la  fa- 
mille de  Jahel,  que  cette  femme  abusa  donc 
de  la  confiance  d'un  allié.  Mais  il  n'y  a  point 
de  verbe  dans  le  texte;  il  signifie  donc 
plutôt  qu'(7  y  avait  eu  paix  autrefois  entre 
la  famille  de  Jahel  et  ce  roi  des  Chananéens; 
depuis  que  cette  famille  était  voisine  et 
alliée  des  Israélites,  elle  ne  pouvait  être 
censée  amie  d'un  roi  qui  était  armé  contre 
eux  ;  Sisara  eut  donc  tort  de  confier  sa  vie 
à  une  femme  qu'il  devait  regarder  comme 
ennemie,  il  n'est  pas  étonnant  que  Jahel 
soit  louée  de  son  courage  par  les  Israélites, 
et  que  le  peuple  l'ait  comblée  de  bénédic- 
tions, parce  qu'elle  avait  consommé  la  vic- 
toire; chez  toutes  les  nations  l'on  ferait  en- 
core de  même  aujourd'hui. 

JALOUSIE.  Nous  lisons  dans  l'Ecriture 
sainte  que  le  Seigneur  est  un  Dieu  jaloux  ; 
qu'il  ne  souffre  pas  que  l'on  rende  impu- 
nément k  d'autres  qu  à  lui  le  culte  qui  lui 
estdû.  (Exod.,  c.xx,v.5;  c.  xxxiv,  v.  14,  etc.) 
Il  dit  par  un  prophète  :  J'ai  eu  contre  Sion 
une  violente  jalousie  qui  m'a  causé  la  plus 
grande  indignation  (Zachar.  c.  vin,  v.  2). 
Une  passion  aussi  liasse  et  aussi  odieuse 
convient-elle  à  Dieu?  Les  marcionites,  les 
manichéens,  Julien  et  d'autres  ennemis  du 
christianisme,  ont  été  autrefois  scandalisés 
de  ces  expressions  ;  les  incrédules  moder- 
nes les  reprochent  encore  aux  auteurs 
sacrés.  Il  semble,  disent-ils,  que  Dieu  se 
fâche  lorsque  nous  aimons  autre  chose  que 
lui  :  cela  est  aussi  absurde  que  le  préjugé 
des  païens,  qui  croyaient  que  leurs  dieux 
étaient  envieux  et  jaloux  de  la  prospérité  des 
hommes. 

Déjà,  au  mot  Anthropopathie,  nous  avons 
expliqué  pourquoi  et  en  quel  sens  les  écri- 
vains sacrés  semblent  attribuer  à  Dieu  les 
passions  humaines;  ils  ont  été  forcés  de 
parler  de  Dieu  comme  en  i)arle  des  hommes, 
parce   qu'ils  n'ont  pas  pu  créer   un  langage 


exprès  pour  exprimer  les  attributs  et  les  ac- 
tions de  la  Divinité. 

Sans  ressentir  la  passion  de  la  Jalousie, 
Dieu  agit  comme  s'il  était  jaloux  ;  il  défend 
de  rendre  à  d'autres  êtres  qu'à  lui  le  culte 
qui  lui  est  dû,  et  il  menace  de  punir  ceux 
qui  sont  coupables  de  cette  profanation.  Ce 
n'est  pas  qu'il  ait  besoin  de  ce  culte,  ni  qu'il 
perde  quelque  chose  de  son  bonheur  lors- 
que les  hommes  le  lui  refusent;  mais  c'est 
parce  que  le  polythéisme  et  l'idolâtrie  sont 
absurdes,  contraires  à  la  raison  et  au  bon 
sens,  toujours  accompagnés  de  crimes  et  de 
désordres  ,  par  conséquent  pernicieux  k 
l'homme.  La  jalousie  de  Dieu,  à  cet  égard, 
n'est  donc  autre  chose  que  sa  justice  sou- 
veraine et  sa  bonté  à  l'égard  de  l'homme. 
—  Il  ne  s'ensuit  pas  de  là  que  Dieu  nous 
défend  d'aimer  autre  chose  que  lui  ;  il  nous 
commande  au  contraire  d'aimer  nos  père  et 
mère  et  notre  prochain  comme  nous-mêmes; 
il  ne  condamne  point  ceux  qui  aiment  leurs 
amis,  lorsqu'il  leur  ordonne  d'aimer  aussi 
leurs  ennemis,  et  de  faire  du  bien  à  tous 
[Matth.,  c.  V,  V.  kk  et  56).  Mais  il  nous  défend 
de  rien  aimer  autant  que  lui,  de  lui  rien  pré- 
férer; il  veut  que  nous  soyons  prêts  k  tout 
quitter,  k  sacrifier  même  notre  vie,  lorsque 
cela  est  nécessaire  pour  son  service  :  y  a-t-il 
en  cela  de  l'injustice  ? 

Lorsque  les  païens  ignorants  et  stupides 
attribuaient  k  leurs  dieux  Xa  jalousie,  ils  se 
les  représentaient  comme  semblables  aux 
petits  tyrans  envieux  et  ombrageux  dont  ils 
étaient  environnés;  mais  lorsque  les  philo- 
sophes ont  parlé  de  \a  jalousie  des  dieux,  ils 
ont  entendu  par  là,  comme  les  auteurs  sa- 
crés, la  justice  vengeresse  delà  Divinité,  qui 
punit  les  criminels  orgueill&ux  et  insolents  ; 
et  en  cela  ils  ne  sont  |ias  répréhensibles  ni 
les  uns  ni  les  autres.  Notes  de  Mosheim  sur 
le  Système  intellect,  de  Cudworth,  c.  5,  §  39. 

Quant  à  la^'a/oMite  dont  les  hommes  sont 
souvent  coupables  les  uns  envers  les  autres, 
elle  est  formellement  condamnée  par  l'apôtre 
saint  Jacques,  c.  m,  v.  14  et  16,  et  c'est  l'un 
des  vices  les  plus  opposés  à  la  charité  chré- 
tienne si  étroitement  commandée  par  Jésus- 
Christ.  Saint  Cyprien  a  fait  un  traité  exprès 
contre  cette  passion,  deZelo  et  Livore  :  il  en 
fait  voir  les  suites  funestes;  il  lui  attribue 
les  schismes  et  les  hérésies,  et  il  n'est  que 
trop  vrai  que  ]a  jalousie  contre  les  chefs  de 
l'Eglise  a  toujours  eu  plus  de  part  que  le 
zèle  aux  plaintes,  aux  déclamations ,  aux 
procédés  violents  des  réformateurs  de  toute 
espèce.  Saint  Jean  Chrysostome  dit  qu'un 
homme  jaloux  mérite  autant  d'être  retranché 
de  l'Eglise  qu'un  fornicateur  public  ;  mais 
pour  que  \a  jalousie  pût  être  l'objet  des  cen- 
sures ecclésiastiques,  il  fallait  qu'elle  fût 
prouvée  par  quelque  action  qui  partait  évi- 
demment de  ce  motif. 

Jalousie  (Eau  de).  Il  est  dit  {Num.,  c.  v, 
Y.  14)  que  si  un  mari  a  des  soupçons  tou- 
chant la  fidélité  de  sa  femme,  il  la  conduira 
au  prêtre,  qui  lui  fera  avaler  une  eau  amère 
sur  laquelle  il  aura  prononcé  des  malédic- 
tions; que  si  cette  femme   est  innocente,  il 


2S 


JAN 


np  lui  en  arrivera  point  de  mal  ;  que  si  elle 
est  coupable,  elle  en  mourra.  Plusieurs  in- 
crédules ont  conclu  de  là  que  chez  les  Juifs 
un  mari  pouvait,  par  le  moyen  des  prôtros, 
«>mpoisonner  sa  femme  lorsqu'il  lui  en  pre- 
nait envie. 

Ces  critiques  auraient  compris  l'absurdité 
de  leur  reproche,  s'ils  avaient  fait  attention 
que,  dans  le  cas  d'infidélité  de  son  épouse, 
un  juif  pouvait  faire  divorce  avec  elle  et  la 
renvoyer  :  cela  était  plus  simple  que  de  la 
faire  empoisonner  par  un  prêtre.  La  vérité 
est  que  Veau  de  jalousie  ne  pouvait  produire 
naturellement  aucun  elfct  ;  il  n'y  entrait  rien 
qu'un  peu  de  poussière  prise  sur  le  pavé  du 
trtbernacle,  et  les  malédictions  que  le  prêtre 
avait  écrites  sur  un  morceau  de  papier  ou  de 
vélin.  Ces  malédictions  n'avaient  certaine- 
ment pas  par  elles-mêmes  la  force  de  faire 
mourir  une  femme  cou|)ahle  ;  il  fallait  donc 
que  cet  effet,  s'il  arrivait,  lï1t  surnaturel,  et 
alors  il  ne  dépendait  plus  du  prêtre. 

D'autres  raisonneurs  ont  imaginé  que 
l'eoM  rfe  j'a/ousie  était  un  expédient  illusoire 
et  puéril  que  Moïse  avait  prescrit  pour  cal- 
mer les  soupçons  jaloux  et  les  accusations 
téméraires  des  Juifs  contre  leurs  épouses; 
que  cette  eau  ne  pouvait  faire  ni  bien  ni 
mal  aux  femmes,  soit  qu'elles  fussent  cou- 
pables ou  innocentes,  mais  que  c'était  un 
épouvantail  pour  les  contenir  dans  le  devoir 
par  une  terreur  panique.  Cette  conjecture 
n'a  rien  de  vraisemblable.  Indépendamment 
de  l'inspiration  de  Dieu  qui  dirigeait  Moise, 
la  feinte  qu'on  lui  attribue  aurait  été  indigne 
d'un  législateur  aussi  sage. 

JANSÉNISME,  système  erroné  touchant 
la  grAce ,  le  libre  arbitre,  le  mérite  des 
bonnes  œuvres,  le  bienfait  de  la  rédemp- 
tion, etc.,  renfermé  dans  un  ouvrage  de 
Corneille  Jansénius,  évêque  d'Ypres,  qu'il  a 
intitulé  Augustinus,  et  dans  lequel  il  a  pré- 
tendu exposer  la  doctrine  de  saint  Augustin 
sur  les  différents  chefs  dont  nous  venons  de 
parler. 

Ce  théologien  était  né  de  parents  catho- 
liques, près  de  Laerdam  en  Hollande,  l'an 
1585.  Il  lit  ses  études  à  Utrecht,  à  Louvain 
et  à  Paris.  Il  lit  connaissance,  dans  cette 
dernière  ville,  avec  le  fameux  Jean  de  Hau- 
ranne,  abbé  de  Saint-Cyran,  qui  le  condui- 
sit avec  lui  à  Bayonne,  où  il  demeura  douze 
ans  en  qualité  de  principal  du  collège.  Ce 
fut  là  qu'il  ébaucha  l'ouvrage  dont  nous 
parlons;  il  le  composa  dans  le  dessein  de 
faire  revivre  la  doctrine  de  Baïus,  condam- 
née par  le  saint-siége  en  151)7  et  1579.  11 
l'avait  puisée  dans  les  leçons  de  Jacques 
Janson,  disciple  et  successeur  de  Baïus,  et 
ce  dernier  avait  embrassé  en  plusieurs 
choses  les  sentiments  de  Luther  et  de  Cal- 
vin. Voy.  BaïANisME.  L'abbé  de  Saint-Cyran 
était  dans  les  mêmes  opinions.  De  retour  k 
Louvain,  Jansénius  y  prit  le  bonnet  de 
docteur;  il  obtint  une  chaire  de  professeur 
pour  l'Ecriture  sainte,  et  fut  nommé  à  l'évô- 
ché  d'Ypres  par  le  roi  d'Espagne;  mais  il 
ne  le  posséda  p.is  longtemps  :  il  mourut 
Je  la  peste  en  1638,  quelques  années  après 


JAN  26 

sa  nomination.'  Il  avait  travaillé  penaant 
vingt  ans  h  son  ouvrage;  il  y  mit  la  dernière 
main  avant  sa  mort,  et  il  laissa  à  quelques 
amis  le  soin  de  le  publier  :  on  y  trouve  di- 
verses protestations  de  soumission  au  saint- 
siége;  mais  l'auteur  ne  pouvait  pas  ignorer 
que  la  doctrine  qu'il  établissait  avait  déjà  été 
condamnée  dans  Baïus. 

L'A^U|ustin  de  Jansénius  parut  pour  la 
première  fois,  à  Louvain,  en  16i0,  et  le 
pape  Urbain  VIII,  en  1642,  le  condamna 
comme  renouvelant  les  erreurs  du  baïa- 
nisme.  Cornet,  syndic  de  la  faculté  de  théo- 
logie de  Paris,  en  tira  quelques  propositions 
qu'il  déféra  à  la  Sorbonne,  et  la  faculté  les 
condamna.  Le  docteur  Saint-Amour  et  soi- 
xante-dix autres  appelèrent  de  cette  censure 
au  parlement,  et  la  faculté  porta  l'affaire 
devant  le  clergé.  Les  jirélats,  dit  M.  (îodeau, 
voyant  les  esprits  trop  échauffés,  craignirent 
de  prononcer,  et  renvoyèrent  la  décision  au 
pape  Innocent  X.  Cinq  cardinaux  et  treize 
consulteurs  tinrent,  dans  l'espace  de  doux 
ans  et  qucli]ues  mois,  trente-six  congréga- 
tions ;  le  pape  présida  en  personne  aux  dix 
dernières.  Les  propositions  tirées  du  livre  de 
Jansénius  y  furent  discutées  :  le  docteur 
Saint-Amour,  l'abbé  deBourzeys,  et  quelques 
autres  qui  défendaient  la  cause  de  cet  au- 
teur, furent  entendus,  et  l'on  vit  paraître, 
en  1653,  le  jugement  de  Rome  qui  censure 
et  qualitie  les  cinq  propositions  suivantes  : 

1°  «  Quelques  commandements  de  Dieu 
sont  impossibles  à  des  hommes  iustes  qui 
veulent  les  accomplir  et  qui  font  a  cet  elfet 
des  elTorts  selon  les  forces  présentes  qu'ils 
ont  :  la  grâce  qui  les  leur  rendrait  possibles 
leur  manque.  »  Cette  proposition,  qui  se 
trouve  mot  pour  mot  dans  Jansénius,  fut  dé- 
clarée téméraire,  impie  ,  blasphématoire, 
frappée  d'analhème,  et  hérétique.  En  elfet, 
elle  avait  déjà  été  jiroscrite  parle  concile  de 
Trente,  sess.  6,  cil,  etcan.  18.  —  2°  k  Dans 
l'état  de  nature  tombée,  on  ne  résiste  jamais 
à  la  grilce  intérieure.  »  Cette  proposition 
n'est  pas  mot  pour  mot  dans  l'ouvrage  de 
Jansénius,  mais  la  doctrine  qu'elle  contient 
y  est  en  vingt  endroits.  Elle  fut  notée  d'hé- 
résie, et  elle  est  contraire  à  plusieurs  textes 
formels  du  Nouveau  Testament.  —  k'  «  Dans 
l'état  de  nature  tombée,  pour  mériter  ou 
démériter,  l'on  n'a  pas  besoin  d'une  liberté 
exempte  de  nécessité;  il  suffit  d'avoir  une 
liberté  exempte  de  coaction  ou  de  con- 
trainte. »  On  lit  en  propres  termes  dans 
Jansénius  :  «  Une  œuvre  est  méritoire  ou 
déméritoirc  lorsqu'on  la  fait  sans  contrainte, 
quoiqu'on  ne  la  fasse  pas  sans  nécessité.  » 
L.  VI,  de  Grat.  Christi.  Cette  proposition  fut 
déclarée  hérétique;  elle  l'est  en  effet,  puis- 
que le  concile  de  Trente  a  décidé  que  le 
mouvement  de  la  grâce,  môme  efficace,  n'im- 
pose point  de  nécessité  à  la  volonté  liuinai- 
ne.  —  k"  «  Les  semi-pélagiens  admettaient 
la  nécessité  d'une  grâce  prévenante  pour 
toutes  les  bonnes  œuvres,  même  pour  le 
commencement  de  la  foi;  mais  ils  étaient 
hérétiques  en  ce  qu'ils  pensaient  que  la  vo- 
lonté de  l'homme  uouvait   s'y  soumettre  ou 


27  JAN 

y  résister.  »  La  première  partie  de  cette 
proposition  est  condamnée  comme  fausse,  et 
fa  seconde  comme  hérétique  ;  c'est  une  con- 
séquence de  la  seconde  proposition.  Voy. 
SEiii-PÉLAGiAfJisME.  —  5°  «  C'cst  unc  crreur 
senii-pélagienne  de  [dire  que  Jésus-Christ 
est  mort  et  a  répandu  son  sang  pour  tous 
les  hommes.  »  Jansénius,  de  Gratta  Christi, 
1.  III,  c.  2,  dit  que  les  Pères,  bien  loin  do 
penser  que  Jésus-Christ  soit  mort  pour  le 
salut  de  tous  les  hommes,  ont  regardé  celte 
opinion  comme  une  erreur  contraire  à  la 
foi  catholique  ;  que  le  sentiment  de  saint 
Augustin  est  que  Jésus-Christ  n'est  mort 
que  pour  les  prédestinés,  et  qu'il  n'a  pas 
plus  prié  son  Père  pour  le  salut  des  ré- 
prouvés que  pour  celui  des  démons.  Cette 
proposition  fut  condamnée  comme  impie, 
blaspliématoire  et  hérétique  (1). 

11  n'est  pas  nécessaire  d'Être  profond  théo- 
logien pour  sentir  la  justice  de  la  censure 
prononcée  par  Innocent  X.  Personne,  dit 
M.  Bossuet  dans  sa  Lettre  aux  religieuses  de 
Port-Royal,  personne  ne  doute  que  la  con- 
damnation de  ces  propositions  né  soit  cano- 
nique. On  peut  ajouter  même  qu'il  suffit  à 
un  chrétien  non  prévenu  de  les  entendre 
prononcer  pour  en  avoir  horreur. 

Onvoit  encoroquelaseconde  estle  principe 
duquel  toutes  les  autres  découlent  comme 
autant  de  conséquences  inévitables.  S'il  est 
vrai  que  dans  l'état  de  nature  tombée  l'on 
ne  résiste  jamais  h  la  grâce  intérieure,  il 
s'ensuit  qu'un  juste  qui  a  violé  un  comman- 
dement de  Dit'U,  a  manqué  de  grâce  pour  ce 
moment,  qu'il  l'a  violé  par  nécessité  ou  par 
impuissance  de  l'accomplir.  Si  cependant  il 
a  péché  et  démérité  pour  lors,  il  s'ensuit 
que  pour  pécher  il  n'est  pas  besoin  d'avoir 

(1)  Voici  les  termes  do  celle  condamnation  :  <Pri- 
mam  prœilictaruni  piopositionum  :  A/ii/iw  Dei  prœ- 
cepla  liotHinilui  justu  volenlibus,  et  coiiaulihus,  mcun- 
riiim  prœaentei  quas  habenl  vires,  sunl  impossibilia,  ■ 
ileesl  qu  que  iltis  graiia  qua  possibilia  fiant  :  temera- 
liam,  iinpiam,  bbsphcniam,  anathcmaCe  daninatam, 
et  lutroticam  declaraniiis,etuti  talim  damnamus. 

t  Secimdam  :  Interiori  yraiiœ,  in  slaiii  iialurn; 
tapsip,  luinquain  resistiiur  :  hœrelicam  declaramiis,  et 
iHi  tak'in  dainnanius. 

«  Tertiani  :  Ad  merendinn  et  itemerendum,  in  statu 
nnlmœ  lapsœ,  non  reijuirilur  in  liomine  liberlas  a  ne- 
reisilale,  serf  tu  fficit  liberlas  a  coactione:  hxr&licum 
dcclaïainus,  et  uli  taleni  damnamus. 

c  Quariam  :  Semipcligumi  admitlebant  prœvenicn- 
tis  gratiœ  inlerioris  necessitalem  ad  singulos  aciiis, 
etinm  ad  initinm  fidei,  et  in  hoc  erant  hœrelici,  quod 
veilenl  eam  qraliam  tnlem  esse,  cui  pnsset  Immana  vo- 
tunins  resistere  vel  obteinperare  :  lalsam  et  hserelicam 
(Iccl.aïamus,  et  uli  taleni  damnamus. 

I  Uuintam  •.Semipelai:iiiinimest  dicere,  Cliristum  pro 
omnibus  omnino  Iwniiiiibus  morluum  esse,  aut  sungiti- 
nem  fiidisse  :  falsani,  tenieiariam,  scandalosam  ;  et 
inlellcflam  eo  sensu,  ut  Chrislus  pro  salule  dunlaxat 
pr.cdesiinatonini  mortnns  sir.impiani,  blaspliemam, 
eontumeliosam,  divin:r  pielali  derogantem,  et  luerc- 
tieam  declarannis,  et  uli  lalein  damiiaiiius. 

«  Slandamus  igitnr  omnibus  Christi  fidelibiis 
uliiuscpie  sexos,  ne  de  diclis  proposilionibus  senlire, 
doceic,  pra'dicaie  aliter  praîsnmant,  quara  in  liac 
prsescnli  nostr»  declarationc  et  delinilione  conlinelur, 
Bub  censuris  et  pœnis contra  hxreiicos  et  corwu  lau- 
tores  in  jure  expressis.  i 


JAN 


28 


une  liberté  exempte  de  nécessité.  D'autre 
part,  si  la  grâce  manque  souvent  aux  justes, 
puisqu'ils  pèchent,  à  plus  forte  raison  man- 
que-t-elle  aux  pécheurs  ou  à  ceux  qui  sont 
dans  l'habitude  de  pécher  :  on  ne  peut  donc 
pas  dire  que  Jésus-Christ  est  mort  fiour  raé 
riter  et  obtenir  à  tous  les  hommes  les  grâces 
dont  ils  ont  besoin  pour  faire  leur  salut. 
Dans  ce  cas,  les  semi-pélagiens  qui  ont  cru 
que  l'on  résiste  à  la  grâce,  et  que  Jésus- 
Christ  en  a  ol)tenu  pour  tous  les  hommes, 
étaient  dans  l'erreur. 

Si  donc  la  seconde  proposition  de  Jansénius 
est  fausse  et  hérétique,  tout  son  système 
tombe  par  terre.  Or,  dans  l'article  Grâce, 
§  2  et  3,  nous  avons  prouvé  par  plusieurs 
passages  de  l'Ecriture  sainte,  par  le  senti- 
ment des  Pères  de  l'Eglise,  et  surtout  de 
Saint  Augustin,  par  le  témoignage  de  notre 
propre  conscience,  que  l'homme  résiste  sou- 
vent à  la  grâce  intérieure,  et  que  Dieu  donne 
des  grâces  à  tous  les  hommes  sans  excep- 
tion, mais  avec  inégalité.  Aux  mots  Salut, 
Sauveur,  Rédemption,  etc.,  nous  prouve- 
rons par  les  mêmes  autorités  que  Jésus- 
Christ  a  versé  son  sang  pour  tous  les  hom- 
mes. Au  mot  LiBEttTÉ,  nous  ferons  voir  que 
l'idée  qu'en  a  donnée  Jansénius  ,  n'est  pas 
ditférente,  dans  le  fond ,  de  celle  qu'en 
ont  eue  Calvin,  Luther  et  tous  les  fata- 
listes. 

En  effet,  tout  le  système  de  Jansénius  se 
réduit  h  ce  point  cqrital,  savoir,  que  depuis 
la  chute  d'Adam  le  plaisir  est  l'unique  res- 
sort qui  remue  le  cœur  de  l'homme  ;  que 
ce  plaisir  est  inévitable  quand  il  vient,  et 
invincible  quand  il  est  venu.  Si  ce  plaisir 
vient  liu  ciel  ou  de  la  grâce,  il  porte  l'homme 
à  la  vertu  :  s'il  vient  de  la  nature  ou  do  la 
concupiscence,  il  détermine  l'homme  au  vice, 
et  la  volonté  se  trouve  nécessairement  en- 
traînée par  celui  des  deux  qui  est  actuelle- 
ment le  plus  fort.  Ces  deux  délectations,  dit 
Jansénius ,  sont  comme  les  deux  bassins 
d'une  balance  :  l'un  ne  peut  monter  sans 
cfuc  l'autre  ne  descende.  Ainsi  l'homme  fait 
invinciblement,  quoique  volontairement,  le 
bien  ou  le  mal,  selon  qu'il  est  dominé  parla 
grâce  ou  par  la  cupidité  ;  il  ne  résiste  donc 
jamais  ni  à  l'une  ni  à  l'autre.  Ce  système 
n'est  ni  philosophique  ni  consolant  ;  il  fait 
do  l'homme  une  machine,  et  de  Dieu  un  ty- 
ran ;  il  répugne  au  sentiment  intérieur  do 
tous  les  hommes  ;il  n'est  fondé  que  sur  un 
sens  abusif  donné  au  mot  délectation,  et  sur 
un  axiome  de  saint  Augustin  pris  de  travers. 
Yoj.  Délectation.  Il  avait  déjà  été  frappé 
danathèmc  par  le  concile  de  Trente,  sess. 
6,  de  Justif.,  can.  5  et  6. 

Mais  le  désir  do  former  un  parti  et  d'en 
écraser  un  autre,  l'inquiétude  naturelle  à 
certains  esprits,  et  l'ambition  de  briller  par 
la  dispute,  suscitèrent  des  défenseurs  à  Jan- 
sénius contre  la  censure  de  Rome.  Le  doc- 
teur Arnauld  et  d'autres,  qui  avaient  em- 
brassé les  opinions  de  ce  théologien,  et  qui 
avaient  fait  les  plus  grands  éloges  desonlivre 
avant  la  condamnation,  soutinrent  que  les 
propositions  censurées  n'étaient  peint  dans 


29 


JA> 


JAN 


30 


VAugustinus,  quelles   n'étaient  point  con- 


daiiin(5( 


dans  le   sons  de  Jansénius,  mais 


dans  un  sens  faux  que  Ton  avait  donné  mal 
à  propos  à  ses  paroles  ;  que  sur  ce  fait  le 
souverain  pontife  avait  pu  si^  tromper.  C'est 
ce  que  l'on  nomma  la  distint-tion  du  droit  et 
du /(«'<.  Ceux  qui  s'y  retranchaient  disaient 
que  l'on  était  obligé  de  se  soumettre  à  la 
bulle  du  pape  quant  au  droit,  c'est- à- 
du'e  do  croire  que  les  propositions,  telles 
qu'elles  ét.jicnt  d  ms  la  bulle,  étaient  con- 
damnables, mais  que  l'on  n'était  pas  tenu  d'y 
àcqu'iviCtiV  quant  au  fait,  c'est-à-dire  de  croire 
que  ces  propositions  et  dent  dans  le  livre  de 
Jansénius,  el  ({u'd  les  avait  soutenues  dans 
le  sens  dans  lequel  le  pape  les  avait  con- 
danniées. 

Il  est  clair  que  si  cette  distinction  était 
admissible,  inutilement  l'Eslise  condamne- 
rait des  livres  et  voudrait  les  ôterdes  mains 
des  IidèUs;ils  pourraient  s'obstiner  h  les 
lire,  sous  piétoxte  que  les  erreurs  que  l'on 
a  cru  y  voir  n'y  sont  pas,  et  que  l'auteur  a  éti' 
mal  entendu.  Mais  on  voulait  un  subterfuge, 
et  celui-ci  fut  adopté.  En  vain  l'on  prouva, 
coutie  les  partisans  de  Jansénius,  que  l'E- 
g]i.'^e  est  infaillible  quand  il  s'agit  de  pronon- 
cer sur  un  fait  dogmatique,  ils  persévérèrent 
à  souleuir  leur  absurde  distinction  ;  ils  pro- 
diguèrent l'érudition  ;  ils  brouillèrent  tous 
les  faits  de  l'histoire  ecclésiastique  ;  ils  re- 
nouvelèrent tous  les  sophismes  des  héréti- 
ques anciens  et  modernes  pour  la  faire'  va- 
loir. Voy.  Dogmatique. 

Arnauld  lit  plus  :  il  enseigna  formellement 
la  première  proposition  condamnée  ;  il  pré- 
tendit que  la  grâce  manque  au  juste  dans  des 
occasions  oix  l'on  ne  peut  pas  dire  qu'il  ne  pè- 
che pas  ;  qu'elle  avait  manqué  à  saintPierre  en 
pareil  cas,  et  que  cette  doctrine  était  celle 
de  l'Ecriture  et  de  la  tradition.  La  faculté 
(le  théologie  de  Paris  censura,  en  1C56,  ces 
deux  propositions  ;  et  comme  Arnauld  refusa 
de  se  soumettre  à  cette  décision,  il  fut  exclu 
du  nombre  des  docteurs  ;  les  candidats  si- 
gnent encore  cette  censure. 

Cependant  les  disputes  continuaient  ;  pour 
les  assoupir,  les  évoques  de  France  s'adres- 
sèrent à  Rome.  En  1655,  Alexandre  VII 
prescrivit  la  signature  d'un  formulaire,  par 
le(iuel  on  proteste  que  l'on  condamne  les 
cinq  propositions  tirées  du  livre  de  Jansé- 
nius, dans  le  sens  de  l'auteur,  comme  le 
saint  siège  les  a  condamnées  (1).  Louis  XIV 
donna,  dans  cette  même  année,  une  dé- 
claration qui  fut  enregistrée  au  parle- 
ment, et  qui  ordonna  la  signature  du  formu- 
laire sous  des  peines  grièves.  Ce  formulaire 
devint  ainsi  une  loi  de  l'Eglise  et  de  l'Etat  : 

(1)  Il  émit  ainsi  conçu  :  <  Ego  N.  consliuitioni 
apostoliose  Iiinneeniii  X  dai*  die  51  niaii  1G.53  et 
conslitutioni  Alcxandri  VU,  ilatsc  tS  octobris  1656, 
sununonim  ponlilicuni,  nie  subjicio,  et  quinqiiepro- 
positioues  ex  Curuelii  Janscnii  libro,  cui  nomen  .1k- 
yuslinus,  excor|)las,  et  in  sensu  al)  coileni  aucl(ire 
inlcnlo,  prout  illas  per  diclas  constiluliones  seJes 
aposioiicadainnavii,sincero  animo  rojitio  ac  damne, 
et  ita  jure  :  sic  me  Dcus  adjuvet,  et  liaec  saucta  Dei 
£vaiigelia.  > 


plusieurs  de  ceux  qui  refusaient  d'y  sous- 
crire furent  punis. 

Malgré  la  loi,  MM.  Pavillon,  évêque  d'A- 
leth,  Choart  de  Buzenval,  évèi[ue  d'Amiens, 
Cauli't,  évoque  de  Pamiers,  et  Arnauld,  évo- 
que d'Augors,  donnèrent,  dans  leurs  diocè- 
ses, des  mandements  dans  lesquels  ils  fai- 
saient encore  la  distinction  du  fait  et  du 
droit,  et  autorisèrent  ainsi  les  réfractaires. 
Le  pape  irrité  voulut  bmr  faire  leur  procès, 
et  nomma  des  counnissaires  :  il  s'éleva  une 
contestation  sur  le  nombre  des  j  Jges.  Sous 
Clément  IX  trois  prélats  proposèrent  un  ac- 
commodement dont  les  termes  étaient  que 
les  quatre  évèques  donneraient  et  feraient 
donner  d  ms  leurs  diocèses  une  nouvelle  si- 
gnature du  formulaire,  par  laquelle  on  ron- 
daiiuierait  les  propositions  de  Jansénius, 
sans  aucune  restriction,  la  première  ayant 
été  jugée  insufiisante.  Les  quatre  évèques 
y  con^enlirent  et  manquèrent  de  parole  ;  ils 
maintinrent  la  distinction  du  fait  et  du  droit. 
On  ferma  les  yeux  sur  cette  inlidélité,  et 
c'est  ce  qu'on  nomma  la  paix  de  Clé- 
ment IX. 

En  1701,  l'on  vit  paraître  le  fameux  Cas 
de  conscience.  Voici  en  quoi  il  consistait.  On 
supposait  un  ecclésiastique  qui  condamnait 
les  cinq  propositions  dans  tous  les  sens 
dans  lesquels  l'Eglise  les  avait  condam- 
nées, même  dans  le  sens  de  Jansénius,  de 
la  manière  qu'Innocent  XII  l'avait  entendu 
dans  ses  brefs  aux  évoques  de  Flandre,  au- 
quel cependant  on  avait  refusé  l'absolution, 
parce  que,  quant  à  la  question  de  fait,  c'est- 
à-dire  à  l'attribulion  des  propositions  au  livre 
de  Jansénius,  il  croyait  que  le  silence  respec- 
tueux suffisait.  L'oncacmandaitàlaSorbonne 
ce  qu'ell.i  pensait  do  ce  refus  d'alisolution. 

Il  parut  uno  décision  signée  do  quarante 
docteurs,  dont  l'avis  était  que  le  sentiment 
de  l'ecclésiastique  n'était  ni  nouveau  ni  sin- 
gidier,  qu'il  n'avait  jamais  été  condamné  par 
l'Eglise,  et  qu'on  ne  devait  point  pour  ce 
sujet  lui  refuser  l'absolution. 

C'était  évidemment  justifier  une  fourberie; 
car  enfin  lorsqu'un  homme  est  persuadé  que 
le  pape  et  l'Eglise  ont  pu  se  tromper,  en 
supposant  que  Jansénius  a  véritablement 
enseigné  telle  doctrine  dans  son  livre,  com 
mf  nt  peut-'il  protest(?r  avec  s(;rinent  qu'il 
condamne  les  propositions  de  Jansénius 
dans  le  sens  que  l'auteur  avait  en  vue,  el 
dans  lequel  le  pape  lui-môme  les  a  condani  - 
nées  ?  Si  ce  n'est  pas  là  un  parjure,  comment 
faut-il  le  nommer?  Si  une  paredle  décision 
n'a  jamais  été  censurée  par  l'Eglise,  c'est 
qu'il  ne  s'était  encore  point  trouvé  d'héré- 
tique  assez  rusé  pour  imaginer  un  pareil 
subterfuge.  Aussi  cette  pièce  ralluma  l'in- 
cendie. Le  cas  de  conscience  donna  lieu  à 
plusieurs  mandements  des  évoques  :  le  car- 
dinal de  Noailles,  arc"  i évoque  de  Paris,  exi- 
gea et  obtint  des  docteurs  qui  l'avaient  signé 
une  rétractation.  Un  seul  tint  ferme,  et  fut 
exclu  de  la  Sorbonne. 

Comme  les  disputes  ne  fmissaient  point, 
Clément  XI,  qui  occupait  alors  le  saint-siége, 
après  plusieurs  brefs,  donna  la  bulle  Vineam 


SI  ÎAN 

Domini  Sabaoth,  lo  15  juillet  1705,  dans  la- 
quelle il  déclare  que  le  silence  respectueux 
sur  le  fait  de  Jansénius  ne  suffit  pas  pour 
rendre  à  l'Eglise  la  pleine  et  entière  obéis- 
sance qu'elle  a  droit  d'exiger  des  fidèles  (1). 

M.  l'évêque  de  Montpellier,  qui  l'avait 
d'abord  acceptée,  se  rétracta  dans  la  suite. 
Ce  fut  alors  que  l'on  fit  la  distinction  du 
double  sens  des  propositions  de  Jansénius, 
l'un  qui  est  le  sens  vrai,  naturel  et  propre 
de  Jansénius,  l'autre  qui  est  un  sens  faux, 
putatif,  attribué  mal  à  propos  à  cet  auteur. 
On  convient  que  les  propositions  étaient  hé- 
rétiques dans  ce  dernier  sens  imaginé  par 
le  souverain  pontife,  mais  non  dans  leur 
sens  vrai,  propre  et  naturel  ;  c'était  en  re- 
venir au  premier  subterfuge  imaginé  par  le 
docteur  Arnauld  et  par  ses  adhérents. 

Voilà  où  la  question  du  Jansénisme  et  de 
sa  condamnation  en  était  venue,  lorsque  le 
Père  Quesnol  de  l'Oratoire  publia  ses  Réfle- 
xions morales  sur  le  Nouveau  Testament , 
dans  lesquelles  il  délaya  tout  le  poison  de 
la  doctrine  de  Jansénius.  On  vit  alors,  plus 
évidemment  que  jamais  ,  que  ses  partisans 
n'avaient  jamais  cessé  d'y  être  attachés 
et  de  la  soutenir  ,  dans  le  sens  môme 
condamné  par  l'Eglise,  malgré  toutes  les  pro- 
testations qu'ils  faisaient  du  contraire,  qu'ds 
n'avaient  jamais  cherclié  qu'à  en  imposer  et 
k  séduire  les  âmes  simples  et  droites.  La 
condamnation  du  livre  de  Quesnel  ,  que 
porta  Clément  XI  par  la  bulle  Unigenitus, 
en  1715,  a  donné  lieu  à  de  nouveaux  excès 
de  la  part  des  partisans  obstinés  de  cette 
doctrine.  Voy.  Quesnellisme. 

De  toutes  les  hérésies  que  l'on  a  vues 
éclore  dans  l'Eglise,  il  n'en  est  aucune  qui  ait 
eu  des  défenseurs  plus  subtils  et  plus  ha- 
biles, pour  le  soutien  de  laquelle  on  ait  em- 
ployé plus  d'érudition,  plus  d'artifices,  plus 
d'opiniâtreté,  que  celle    de  Jansénius.  Mal- 

(i)  Nous  cilons  les  expressions  de  cette  buile  : 
«  Primo  quidera  proeinsertas  InnocentiiX,  et  Alexan- 
dri  Vil  praedecessorum  constitutiones,  oinniaque  el 
singula  in  eis  contenta,  auctoritate  aposiolica,  tenore 
prxseutiuni,  conlirmamus,  approbamus  et  ionova- 
mus. 

«  Ac  in»uper,  ut  quaevis  in  posterum  errons  occa- 
sio  penitns  praecidatur,  atque  omnes  catholicœ  Ec- 
clesiae  filii  Ecclesiam  ipsaui  audiie,  non  lacendo  so- 
luni  ^  na.li  et  impii  in  lenebris  conticescunt  ),  sed  et 
intenus  obsequendo,  quœ  vera  est  ortbodoxi  lioniinis 
obedientia,  condiscant  liac  nostra  perpétue  valitura 
constiiutione  :  obedientia!,  quœ  piuMnseriis  aposto- 
licis  conslitutionibus  debelur,obseqnioso  illo  silenlio 
minime  satislieri;  s«d  damnatuni  in  quinqne  praîCa- 
lis  propositionibus  Janseniani  libri  sensum,  quem 
illarum  verba  prse  se  ferunt,  ut  pra^fertur,  ab  omni- 
bus Cbristi  (idelibus  ut  h;crelicuin,  non  ore  soluui, 
sed  et  corde  rejici  ac  damnari  debere  ;  nec  alia  men- 
te, animo,  aut  credulitale  supradictce  formula;  sub- 
scribi  licite  posse  ;  ita  ut  qui  secus,  aut  contra  quoad 
hœc  omnia  el  singula,  senserint,  icmierint,  praedica- 
vciint,  verbo  vel  sciipto  ducuerinl  aut  asseriierint, 
tanquam  prsefalarum  aposlolicaium  constitutionum 
Iransgressores,  onuiibus  et  singidis  illaru;n  censuris 
et  pœnis  omiiino  subjaceant, eadem  aucloiiiate  apos- 
iolica deceruiiuus,  declaramus,  statuimus  et  ordi- 
nanius.  > 


JAN 


32 


gré  vingt  condamnations  prononcées  contre 
elle  depuis  plus  d'un  siècle,  il  est  encore 
un  bon  nombre  de  personnes  instruites  qui 
y  tiennent,  soit  ]iar  les  principes,  soit  par 
les  conséquences,  en  supposant  toujours 
que  c'est  la  doctrine  de  saint  Augustin. 
Plusieurs  théologiens,  sans  donner  dans  les 
mêmes  excès,  se  sont  rapprochés  des  opi- 
nions rigoureuses  des  jansénistes,  pour  ne 
pas  donner  lieu  à  leurs  accusations  de  péla- 
gianisme,  de  relâchement,  de  fausse  morale, 
etc.  Ce  phénomène  serait  moins  étonnant, 
si  le  système  de  Jansénius  était  sage  et  con- 
solant, capable  de  porter  les  fidèles  à  la  ver- 
tu et  aux  bonnes  œuvres  ;  mais  il  n'est 
point  de  doctrine  plus  propre  à  désespérer 
une  âme  chrétienne,  à  étouft'erla  confiance, 
l'amour  de  Dieu,  le  courage  dans  la  pratique 
de  la  vertu,  à  diminuer  notre  reconnaissance 
envers  Jésus-Christ.  Si,  malgré  la  rédemp- 
tion du  monde  opérée  par  ce  divin  Sauveur, 
Dieu  est  encore  irrité  de  la  faute  du  premier 
homme  ;  s'il  refuse  encore  sa  grâce  non- 
seulement  aux  pécheurs,  mais  aux  justes  ; 
s'il  leur  impute  à  péché  des  fautes  qu'il  leur 
était  impossible  d'éviter  sans  la  grâce,  quelle 
confiance  pouvons-nous  donner  aux  mérites 
de  notre  Rédempteur ,  aux  promesses  de 
Dieu,  à  sa  miséricorde  infinie  ?  Si,  pour  dé- 
cider du  sort  éternel  de  ses  créatures.  Dieu 
préfère  d'exercer  sa  justice  et  sa  puissance 
absolue  plutôt  que  sa  bonté  ;  s'il  agit  en 
maître  irrité  et  non  en  père  compatissant, 
nous  devons  le  craindre  sans  doute,  mais 
pouvons-nous  l'aimer  ?  Les  jansénistes  ont 
condamné  la  crainte  de  Dieu  comme  ua 
sentiment  servile,  et  c'est  le  seul  qu'ils  nous 
aient  inspiré  ;  ils  ont  affecté  de  prêcher  l'a- 
mour de  Dieu,  et  ils  ont  travaillé  de  toutes 
leurs  forces  à  l'étouffer.  Ils  ont  pris  le  titre 
fastueux  de  défenseurs  de  la  grâce,  et  dans 
la  réalité  ils  eu  étaient  les  destructeurs  ;  ils 
déclamaient  contre  les  pélaglens,  et  ils  en- 
seignaient une  doctrine  plus  odieuse.  Dieu, 
disaient  les  pélagiens,  ne  donne  pas  la  grâce, 
parce  qu'elle  n'est  pas  nécessaire  pour  faire 
de  bonnes  œuvres  ;  les  forces  naturelles  de 
l'homme  lui  suffisent.  Selon  les  semi-péla- 
giens,  la  grâce  est  nécessaire  pour  faire  le 
bien  ;  mais  Dieu  ne  la  donne  qu'à  ceux  qui 
la  méritent  par  leurs  bons  désirs.  Jansénius 
dit  :  La  grâce  est  absolument  nécessaire  ; 
mais  souvent  Dieu  la  refuse,  parce  que  nous 
ne  pouvons  pas  la  mériter.  Vous  avez  tous 
tort,  leur  répond  un  catliolique,  la  grâce  est 
absolument  nécessaire;  aussi  Dieu  Ta  donne 
à  tous  ,  non  parce  que  nous  la  méritons, 
mais  parce  que  JésiLS-Cljristl'a  méritée  et  l'a 
obtenue  pour  tous;  il  la  donne,  et  parce  qu'il 
est  juste,  et  parce  qu'il  est  bon,  etparcequ'il 
nous  a  aimés  jusqu'à  livrer  son  Fils  à  la 
mort  pour  la  rédemption  de  tous.  Tel  est  le 
langage  de  l'Ecriture  sainte,  des  Pères  de 
tous  les  siècles,  de  l'Eglise  dans  toutes  ses 
prières,  de  tout  chrétien  qui  croit  sincère- 
ment en  Jésus-Christ,  Sauveur  du  monde. 
Lequel  de  ces  divers  sentiments  est  le  plus 
propre  à  nous  inspirer  la  reconnaissance,  la 
confiance,  l'amour  de  Dieu,  le  courage   do 


53 


JAN 


JAP 


34 


renoncer  au  péché  et  do  persévérer  dans  la 
vertu  ? 

•  Vainement  les  jansénistes  citent  à  tout 
projws  l'autorité  de  saint  Augustin  ;  Calvin 
en  fait  autant  pour  soutenir  ses  erreurs. 
Mais  il  est  faux  que  saint  Augustin  ait  eu 
les  sentiments  que  Calvin,  Jansénius  et  leurs 
partisans  lui  prêtent  ;  personne  n"a  repré- 
senté avec  iihis  d'énergie  que  lui  la  miséri- 
corde infinie  de  Dieu,  sa  bonté  envers  tous 
les  hommes,  la  charité  universelle  de  Jésus- 
Christ,  sa  compassion  pour  les  pécheurs, 
l'immensité  des  trésors  do  la  grAce  divine, 
la  libéralité  avec  laquelle  Dieu  no  cesse  de 
les  répandre, 

A  peine  Innocent  X  eut-il  condamné  le 
système  de  Jansénius,  que  cette  doctrine  fut 
victorieusement  réfutée,  en  particulier  par 
le  père  Deschamps,  jésuite,  dans  un  ouvrage 
intitulé  :  De  Uœrcsi  Janseniana  iib  Aposloli- 
ca  Sede  merito  proscripta,  qui  parut  eu  165V, 
et  dont  il  y  a  eu  plusieurs  éditions.  Cet  ou- 
vrage est  divisé  en  trois  livres.  Dans  le 
premier,  l'auteur  démontre  que  Jansénius  a 
copié  dans  les  hérétiques  ,  surtout  dans 
Luther  et  dans  Calvin,  tout  ce  qu'il  a  en- 
seigné touchant  le  lilire  arbitre ,  la  grAce 
efficace,  la  nécessité  de  pécher,  l'ignorance 
invincible  ,  l'impossibilité  d'accomplir  les 
commandements  de  Dieu,  la  mort  de  Jésus- 
Christ,  la  volonté  de  DiiMi  de  sauver  tous  les 
hommes,  et  la  distribution  de  la  grâce  suf- 
fisante. Dans  lo  second,  il  jjrouve  que  les 
erreurs  de  Jansénius  sur  tous  ces  chefs  ont 
été  déjà  condamnées  par  l'Eglise,  surtout 
dans  le  concile  de  Trente.  Dans  le  troisième, 
il  fait  voir  qu'à  rexem|)le  de  tous  les  sec- 
taires, Jansénius  a  prêté  faussement  à  saint 
Augustin  dos  0|iinions  qu'il  n'eut  jamais,  et 
que  ce  saint  docteur  a  enseigné  formellement 
le  contraire.  Aucun  des  partisans  de  Jansé- 
nius n'a  osé  eatre])rondre  do  réfuter  cet  ou- 
vrage ;  ils  n'en  ont  presque  jamais  parlé, 
parce  qu'ils  ont  senti  qu'il  était  inattaquable. 

Les  prostestants,  bien  convaincus  de  la 
ressemblance  qu'il  y  a  entre  le  système  de  Jan- 
sénius sur  la  grâce  et  celui  des  fondateurs 
de  la  réforme,  n'ont  pas  manqué  de  soutenir 
que  c'est  réellement  le  sentiment  de  saint 
Augustin  ;  mais  vingt  fois  l'on  a  démontré 
le  contraire.  lis  ont  vu  avec  beaucoup  de  sa- 
tisfaction le  bruit  que  le  livre  de  Jansénius 
a  fait  dans  l'Eglise  catholique,  les  disputes 
et  l'espèce  de  sciiisme  qu'il  a  causés,  l'opi- 
niâtreté avec  laquelle  ses  défenseurs  ont  ré- 
sisté aux  censures  de  Rome.  Ils  ont  fait  de 
pompeux  éloges  des  talents,  du  savoir,  de  la 
piété,  du  courage  de  ces  prétendus  disciples 
de  saint  Augustin  ;  mais  ils  n'ont  pas  osé 
justifier  les  moyens  dont  ces  opiniâtres  se 
sont  servis  pour  soutenir  ce  qu'ils  appelaient 
la  bonne  cause.  Mosheim,  qui  reconnaît  la 
conformité  de  la  doctrine  des  jansénistes 
avec  celle  de  Luther,  de  Àuctorit.  Concilii 
Dordrac,  §  7,  avoue,  dans  son  Hist.  ecclés., 
xvii*  siècle,  sect.  2.  i"  part.,  c.  1,  §  kO, 
qu'ils  ont  employé  des  explications  captieu- 
ses ,  des  distinctions  subtiles,  les  mêmes 
sophisaies  et  les  mômes  invectives  qu'ils  re- 


prochaient à  ^eurs  adversaires,  qu'ils  ont  eu 
recours  à  la  superstition,  à  l'imposture,  aux 
faux  miracles,  pour  fortifier  leur  parti;  que 
sans  doute  ils  ont  regardé  ces  fraudes  pieu- 
ses comme  permises  lorsqu'il  s'agit  d'établir 
une  doctrine  que  l'on  croit  vraie.  C'est  plus 
qu'il  n'en  faut  pour  justifier  la  rigueur  avec 
laquelle  quelques-uns  des  plus  fougueux 
jansénites  ont  été  traités.  Mosheim  voudrait 
persuader  que  l'on  a  exercé  contre  eux  une 
persécution  cruelle  et  sanglante;  il  est  ce- 
pendant très-certain  que  toutes  les  peines 
se  sont  bornées  à  l'exil  ou  h  quelques  années 
do  prison,  et  que  l'on  punissait  en  eux, 
non  leurs  opinions,  mais  leur  conduite  in- 
solente et  séditieuse. 

Indépendamment  des  conséquences  per- 
nicieuses que  l'on  peut  tirer  de  la  doctrine 
de  Jansénius,  la  manière  dont  elle  a  été  dé- 
fendue a  produit  les  plus  tristes  effets  ; 
elle  a  ébranlé  dans  les  esprits  le  fond  mô- 
me de  la  religion,  et  a  préparé  les  voies  à 
l'incrédulité.  Les  déclamations  et  les  satires 
des  jansénistes  contre  les  souverains  ponti- 
fes, contre  les  évoques,  contre  tous  les  or- 
dres de  la  hiérarchie,  ont  avili  la  puissance 
ecclésiastique  ;  leur  mépris  pour  les  Pères 
qui  ont  précédé  saint  Augustin  a  confirmé 
les  préventions  des  protestants  et  des  sod- 
niens  contre  la  tradition  des  premiers  siè- 
cles ;  à  les  entendre,  il  semble  que  saint 
Augustin  a  changé  absolument  cette  tradi- 
tion au  cinquième  :  jusqu'alors  les  Pères 
avaient  été  pour  le  moins  sémi-pélagiens. 
Les  faux  miracles  qu'ils  ont  forgés  pour  sé- 
duire les  simples,  et  qu'ils  ont  soutenus 
avec  un  front  d'airain,  ont  rendu  suspects 
aux  déistes  tous  les  témoignages  rendus  en 
fait  de  miracles  ;  l'audace  avec  laquelle 
plusieurs  fanatiques  ont  bravé  les  lois , 
les  menaces,  les  châtiments  ;  et  ont  paru 
disposés  à  souffrir  la  mort  plutôt  que 
de  démordre  de  leurs  opinions,  a  jeté  un 
nuago  sur  le  courage  des  anciens  martyrs. 
L'art  avec  lequel  les  écrivains  du  parti  ont  su 
déguiser  les  faits  ou  les  inventer  au  gré  de 
leur  intérêt,  a  autorisé  le  pyrrhonisme  his- 
torique des  littérateurs  modernes.  Enfin,  le 
masque  de  piété  sous  lequel  on  a  couvert 
mille  impostures,  et  souvent  des  crimes,  a 
fait  regarder  les  dévots  en  général  comme 
dos  hypocrites  et  dos  hommes  dangereux. 

Il  serait  donc  à  souhaiter  que  l'on  pût  ef- 
facer jusqu'au  moindre  souvenir  des  er- 
reurs de  Jansénius,  et  des  scènes  scanda- 
leuses auxquelles  elles  ont  donné  lieu.  C'est 
un  exemple  qui  apprend  aux  théologiens  à  se 
tenir  on  garde  contre  le  rigorisme  en  fait 
d'ojiinion  et  de  morale,  à  se  borner  auy 
dogmes  de  la  foi,  et  à  se  détacher  de  tout 
système  particulier.  Si  l'on  avait  employé  à 
débrouiller  des  questions  utiles  tout  le 
temps  et  tout  le  travail  que  l'on  a  consumés 
k  écrire  pour  et  contre  le  jansénisme,  au  lieu 
de  tant  d'ouvrages  déjà  oubliés,  nous  en  au- 
rions qui  mériteraient  d'être  conservés  à  la 
postérité. 

JAPON.  Mission  du  Japon.  Par  les  travaux 
de  saint  François-Xavier,  qui  pénétra  dans 


zs 


JM> 


JAP 


36 


ce  royaume  ]'aa  1519,  et  par  ceux  des  mis- 
siomiaires  portugais  qui  lui  succédèrent,  le 
christianisme  fit  d'abord  au  Japon  des  pro- 
grès incroyables  :  l'on  prétend  que  l'an  1596 
fl  y  avait  quatre  cent  mille  chrétiens  dans 
cet  empire.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à 
discuter  les  raisons  que  les  protestants  et 
les  incrédules  qui  les  ont  copiés,  ont  .don- 
nées de  ce  succès  rapide.  Les  uns  disent  q_ue 
ce  fut  d'abord  J'envie  des  Japonais  de  lier 
un  commerce  utile  avec  les  Portugais  ;  d'au- 
tres prétendent  que  ce  fut  la  conformité  qui 
se  trouva  entre  plusieurs  dogmes  et  ]Tu- 
sieurs  rites  de  la  religion  catholique  ro- 
maine et  ceux  de  la  religion  japonaise  ; 
quelques-uns  néanmoins  sont  convenus  que 
cette  nation  ne  put  s'empêcher  d  admirer  la 
charité  que  les  missionnaires  exerçaient  en- 
vers les  pauvres  et  les  malades,  au  lieu  que 
les  bonzes  du  Japon  rcr^ardaient  les  mal- 
heureuï  comme  les  objets  de  la  colère  du  ciel. 
Bientôt  la  rivalité  de  commerce  entre  les 
Hollandais  et  les  Portugais  aUuma  la  guerre 
entre  ces  deux  peuples  ;  les  missionnaires 
protégés  par  la  oour  de  Portugal  se  trouvè- 
rent enveloppés  dans  cette  brouillerio.  Les 
Hollandais,  devenus  protestants,  virent  avec 
dépit  le  cathoUcisme  faire  des  conquêtes  au 
bout  de  l'univers  ;  l'intérêt  sordide,  la  ja- 
lousie nationale,  la  rivalité  de  religion,  les 
engagèrsHt  à  faire  tous  leurs  elforts  pour 
rendre  suspects  leurs  concurrents.  Ils  disent 
que  les  Portugais  s'étaient  rendus  odieux 
aux  Japonais  par  leur  avarice,  leur  orgueil, 
teur  infidélité  dans  le  commerce,  leur  zèle 
imprudent  pour  leur  religion  ;  mais  les  Por- 
tugais ont  reproché  les  mêmes  vices  à  leurs 
adversaires.  On  dit  que  la  mésintelligence 
entre  les  missionnaires  jésuites  et  les  do- 
minicains contiibua  encore  à  décréditer  les 
uns  et  les  autres.  Quoi  qu'il  en  sqit,  les  pas- 
sions humaines  ne  tardèrent  pas  à  détruire 
ce  fiue  le  zèle  apostolique  avait  édilié.  La 
fatalité  des  circonstances  y  contribua.  Deux 
ou  liois  usurpateurs  envahirent  successive- 
ment le  trône  du  Japon;  les  chréliens,  fi- 
dèles à  leur  souveiain  légitime,  prirent  les 
armes  en  sa  faveur;  ils  furent  traités  com- 
me rebelles  par  le  parti  contraire  qui  triom- 
pha, et  les  missionnaires  furent  regardés 
comme  les  auteurs  do  la  résistance  des 
chrétiens.  Les  nouveaux  monarques,  pour 
atiermir  leur  domination ,  se  sont  fait  un 
])oint  de  politique  d'exterminer  la  religion 
chrétienne,  et  de  bannir  les  Européens  de 
leur  empire.  Pendant  cinquante  ans  ils  ont 
exercé  une  persécution  sanglante  et  cruelle  ; 
(les  milliers  do  martyrs  ont  péri  dans  les 
tourments,  et  celte  barbarie  a  extirpé  tru  Jor- 
pon  jusqu'aux  derniers  restes  de  christianis- 
me. Les  incrédules  n'ont  pas  manqué  d'é- 
crire que  les  chréliens  ont  été  ainsi  traités, 
jiarce  qu'ils  cabalaient  pour  se  rendre  maî- 
tres do  l'empire.  Depuis  ce  temps-lh,  les 
Hollandais  s.ont  les  seuls  Européens  aux- 
quels il  est  permis  d'aborder  au  Japon  pour 
y  commercer,  et  on  no  leur  permet  d'aller  à 
terre  qu'après  qu'ils  ont  foulé  aux  pieds  l'i- 
mage de  Jlésus-Chriali  :  c'est  ce  (jue  les  Japo- 


nais appellent /fl/re  le  jésumi;  et  l'on  pré- 
tend que  ce  sont  les  Hollandais  eux-mêmes 
qui  leur  ont  suggéré  cette  cérémonie.  Pour 
en  palUer  l'impiété,  on  ilit  que  les  Hollan- 
dais, en  qualité  de  protestants,  ne  rendent 
aucun  culte  aux  images.  Mais  autre  chose 
est  de  ne  point  pratiquer  ce  culte,  et  autre 
chose  de  ftiire  une  action  qui  est  regardée 
par  les  Japonais  comme  un  renoncement 
formel  au  christianisme.  Des  protestants 
mêmes  doivent  se  souvenir  que  les  premiers 
chrétiens  ont  mieux  aimé  souffrir  la  mort 
que  de  jurer  par  le  génie  des  césars,  parce 
que  ce  jurement  était  regardé  par  les  païens 
comme  un  acte  de  paganisme;  que  le  vieil- 
lard Eléazar  préfera  de  marcher  au  supplice, 
plutôt  que  de  manger  do  la  viande  de  po-ur- 
ceau,  parce  que  cette  action  aurait  été  prise 
pour  une  abnégation  du  judaïsme.  Jésus- 
Christ  a  menacé  de  la  réprobation,  non-seu- 
lement ceux  qui  le  renient  formellement  de- 
vant les  hommes,  mais  encore  ceux  qui  rou- 
gissent de  lui  [Luc.  c.  ix,  v.  26).  Que  penser 
de  ceux  qui  foulent  son  image  aux  pieds, 
afin  de  persuader  qu'ils  no  sont  pas  chré- 
tiens ? 

Dans  un  ouvrage  récent,  M.  le  baron  de 
Haren  a  t;lché  de  disculper  la  nation  hol- 
landaise de  l'extinction  du  christianisme  au 
Japon  ;  il  prétend  qu'elle  n'y  a  point  contri- 
bué; cependant  il  est  certain  qu'elle  prêta 
son  artillerie  à  l'empereur  dans  une  bataille 
contre  les  chrétiens.  11  passe  légèrement  sur 
la  cérémonie  du  iésami  ;  mais  il  justifie  les 
naissionnaires  et  les  chrétiens  du  Japon  con- 
tre les  reproches  des  incrédules,  qui  les  ac- 
cusent d'avoir  excité  des  séditions  dans  cet 
empire,  et  d'avoir  été  les  auteurs  des  révo- 
lutions qui  y  sont  arrivées.  Il  soutient  que, 
dans  les  deux  guerres  civiles  qui  s'y  sont 
élevées ,  les  chrétiens  ont  suivi  constam- 
ment le  parti  du  souverain  légitime  contre 
les  usurpateurs.  Ceux-ci,  victorieux  et  de- 
venus les  maîtres,  se  sont  vengés  de  la  fi- 
délité des  chrétiens  envers  leur  véritable 
empereur.  Recherches  historiques  sur  Vétat 
de  la  religion  chrétienne  au  Japon,  1778. 

La  religion  clirétienne  n'a  point  à  rougir 
de  ce  malheur;  elle  se  félicitera  toujours  d'a- 
voir des  enfants  fidèles,  jusqu'à  la  mort,  à 
Dieu  et  à  César.  xMais  plusieurs  incrédules 
modernes  ont  à  se  reprocher  d'avoir  répété 
sans  prouve,  sans  connaissance  de  cause 
et  par  pure  prévention,  les  calomnies  que 
Kœmpfer  et  d'autres  Hollandais  ont  publiées 
contre  les  missiomiaires  et  contre  les  chré- 
tiens du  Japon,  pour  pallier  le  crime  de  leur 
nation.  Ce  n'est  point  à  nous  de  juger  si 
M.  le  baron  de  Haren  a  réussi  à  la  justifier 
pleinement. 

Mais,  [lendant  que  ce  protestant  judicieux 
et  équitable  a  fait  l'apologie  des  chrétiens 
du  Japon,  l'on  est  étonné  do  voir  un  écri- 
vain né  dans  le  sein  du  christianisme  et  qui 
vit  dans  un  royaume  catholique,  attribuer 
l'Gxtinction  de  la  religion  chrétienne  chez  les 
Japonais  aux  vices  et  à  la  mauvaise  conduite 
des  missionnaires,  et  lancer  h  ce  sujet  ime 
invective  sanglante  contre  les  prêtres  eu  gé- 


57 


JEA 


JEA 


5S 


nfral.  C'est  ni^anmoins  ce  qu'a  fait  le  riVlac- 
teur  du  Dictionnaire  (jéographir/nr:  de  l'En- 
cydopédie,  nu  mot  Japon.  Il  n'a  cih^  aucun 
garant  des  faits  qu'il  avance  ;  il  n'aurait  pas 
pu  en  allL^sn*^""  d'autres  que  KœmptVr  ou 
quelques  autres  protestants  foiijj;ucux.  Il  a 
ignoré  sans  doute  (ju(î  leurs  iinjiDsturesont 
été  réfutées,  il  y  a  plus  d'un  siècle,  par  le 
témoignage  m(^me  d'autres  protestants  plus 
désintéressés  et  plus  eroyaliles.  Voyez  Àpo- 
Inr/ie  pour  les  cnCholif/urs,  t.  II,  c.  16,  impri- 
mée en  1082.  Quant  ;\  la  bile  qu'il  a  vomie 
contre  les  iirôtres  en  général,  il  l'avait  sucée 
dans  les  écrits  do  nos  philosoohes  antichré- 
lietis. 

JARDIN  d'EDKN.  Voy.  Paradis. 

JEAN-BAPTISTE  (saint),  précurseur  do 
Jésus-Clnist.  L'historien  Josè|ihe  a  rendu 
témoignage,  aussi  bien  que  lEvangilo,  aux 
vertus  de  ce  saint  homme.  Àntiq.  Jud.,  1. 
svm,  c.  7.  «  C'était,  dit-il,  un  homme  de 
grande  piété,  qui  exhortait  les  Juifs  à  em- 
brasser la  vertu,  à  exercer  la  justice,  .'i  re- 
cevoir le  bapt(''ine,  J\  joindre  la  pureté  du 
corps  à  celle  de  l'Ame.  Connue  il  était  suivi 
d'une  grandie  midtitudo  de  |ieuple  qui  écou- 
lait sa  doctrine,  Hérude,  craignant  son  pou- 
voir, l'envoya  prisonnier  dans  la  forteresse 
de  Mâchera,  où  il  le  lit  mourir.  »  Josèpho 
ajoute  que  la  défaite  de  l'armée  d'Hérode 
par  Aiétas  fut  regardée  comme  une  puni- 
tion que  Dieu  tirait  de  ce  meurtre. 

Blomlel  et  quehjues  autres  ciiliques  ont 
voulu  rendre  ce  passage  suspect  d'interpo- 
lation, parce  qu'il  leur  a  paru  trop  honora- 
ble h  ^aint  Jcan-Bnptiste.  Quelle  raison  au- 
rait donc  pu  emi>éfher  Josèpho  do  rendre 
témoignage  à  un  homme  dont  la  vertu  était 
reconnue  dons  tonte  la  Judée,  et  que  plu- 
sip(n-s  Juifs  avaient  été  tentés  deprendrcpour 
le  .Messie'?  Mais  voilà  renlêtoment  des  en- 
nemis du  christianisme;  il  sont  ftichés  de  ce 
que  Jésus-Christ  a  eu  pour  précurseur  et 
pour  premier  apôtre  un  homme  d'une  vertu 
aussi  éminente,  et  au  témoignage  duquel  ils 
ne  peuvent  rien  o|iposer. 

Quelques-uns  ont  dit  qu'il  y  avait  eu  un 
■complot  formé  entre  Jésus  et  Jemi-Baptisle 
pour  en  iniposer  au  peu|ile,  pour  llatter 
l'espérance  que  les  Juifs  avaient  d'un  libé- 
rateur, et  que  Jean-Baptiste  était  convenu 
de  céder  le  premier  rôle  h  Jésus.  Mais  il 
aurait  fallu  du  moins  nous  apprendre  quoi 
intérêt,  quel  motif,  ces  deux  ipersonnages 
ont  pu  avoir  do  former  ce  complot,  de  s'ex- 
pos\T  tous  deux  à  la  mort,  et  de  la  subir  en 
t'ITct  pour  flatter  les  espératïces  de  leur  na- 
tion. 

Dans  l'Evangile  de  saint  Jean,  c.  i,  33, 
Jean-Baptiste  proteste  qu'il  ne  connaissait 
pas  Jésus,  mais  qu'il  l'a  reconnu  pour  le  Fils 
de  Dieu,  en  voyant  le  Saint-Esprit  descendre 
sur  lui  èi  son  baptême.  Il  parait  donc  que 
Jésus-'Christ  et  sou  précurseur  ne  s'étaient 
jamais  vus  ;  le  preiiiier  avait  vécu  à  Naza- 
reth dans  la  plus  grande  obscurité,  le  second 
avait  habité  les  déserts  des  montagnes  de  la 
Juiée,  et  'l'on  ne  voit  pas  en  qiel 'temps  ils 
auraient  '^^ju  convenir  ensemble  du  rôle  qu'ils 


devaient  jouer.  Ce  n'est  pas  assez  d'ima- 
giner des  soupçons,  lorsqu'ils  ne  sont  ffuidés 
sur  rien.  Ces  calomniateurs  téméraires  ont 
dit  ensuite  que  Jésus  paya  d'ingratitude  le 
témoignage  que  Jenn-Baptiste  lui  /ivait 
rendu;  qu'il  ne  (il  rien  pour  le  lirei'  de  sa 
prison,  et  qu'après  sa  mort  Jésus  n'en  parla 
presque  |>lus.  Si  Jésus  avait  fait  quelque 
tentative  pour  délivrer  son  précurseur  des 
mains  d'Hérode,  on  l'accuserait  d'avoir  at- 
tenté à  l'autorité  légitime,  et  on  citerait  cette 
circonstance  comme  une  nouvelle  [ireuvo 
du  complot  formé  entre  eux.  Mais  il  fallait 
que  hnir  témoignage  mutuel  l\1t  confirmé 
par  leur  mort  :  c'est  la  destinée  do  ceux  que 
I)ii;u  envoie  pour  instruire  et  pour  corriger 
les  hommes.  Jésus  a  rappelé  plus  d'un(!  fois 
au^  Juifs  les  leçons,  les  ext'nqiles,  les  vertus 
de  Jean  Baptiste.  (Matth.  c.  xi,  v.  18;  c. 
xvjr,  v.  12;  Marc.  c.  ix,  v.  12;  Luc.  c.  vu, 
y.  33;  c.  xx,  v.  k  ;  Jnan.  c.  xx,  v.  iO.) 

Animé  du  môme  esjirit  que  les  incrédules, 
Beau.sobre,  Ilist.  du  Munich.,  1.  i,  c.  k,  §  9, 
pr('tend  que  l'faérésian^ue  Manès  a  pu  blA- 
mei'  avec  justice  la  faiblesse  de  Jean-Baptiste, 
qui,  voyant  que  Je  Sauveur  ne  le  délivrait 
pas  d(^  sa  prison,  entra  dans  quelcpie  doute 
qu'il  fut  le  Christ.  Qù.  sont  donc  les  preuves 
do  ce  doute  prétendu?  Matth.,  c.  xi,  v.  2  et 
suiv.,  il  est  dit  que  Jean-Baptiste,  informé 
dans  sa  prison  des  miracles  opérés  par  Jé- 
sus, lui  envoya  demander  par  denx  de  ses 
disciples,  Eles-vous  celui  qui  doit  venir,  ou 
dcvons'-nous  en  attendre  un  atUref  qu'en  leur 

Srésence  Jésus  guérit  plusieurs  malades,  et 
it  aux  deux  disciples  :  Allez  dire  à  Jean  ce 
que  vous  avez  vu.  Lorsqu'ils  furent  partis, 
Jésus  loua  devant  tout  le  peuj)le  la  cons- 
tance, la  fermeté,  la  vie  austère  et  les  autres 
vertus  de  Jean-Baptiste  ;  il  ne  le  soupçonna 
donc  pas  d'être  dans  le  doute  touchant  la 
qualité  du  Messie.  Il  est  clair  que  Jean- 
Baptiste  avait  envoyé  ses  deux  disciples, 
non  ]>our  dissiper  son  propre  doute,  mais 
pour  confirmer  dans  l'esprit  de  tous  ses 
disciples  le  témoignage  qu'il  avait  rendu  à 
Jésus.  Aussi,  après  sa  mort,  plusieurs  s'at- 
tachèrent à  Jésus  {Joan.  c.  i,  v.  37). 

Ces  réflexions  ont  été  faites  par  les  Pères 

de  l'Eglise  et  par  les  commentateurs;  Manès 

ou  son  apologiste  ont-ils  été  en  état  d'en 

prouver  la  ftiusselé? 

Jean  (chrétiens   de  saint).   Voy.  Man.p^i- 

TES. 

Jean  Chrysostome  (saint).  Voy.  Chrysos- 

TO.ME. 

Jean  Damascène  (saint).  Voy.  Damascène. 

Jean  l'Evangéliste  (saint),  apôtre  de  Jé- 
sus-Christ. Outre  son  Evangile,  il  a  écrit 
trois  lettres  et  l'Apocalypse.  On  croit  com- 
munément qu'il  a  vécu  et  gouverné  l'Eglise 
d'Ephèse  jusqu'à  l'an  1,00  ou  lOi  de  Jésus- 
Christ,  qu'il  était  presque  centenaire,  et 
qu'il  a  écrit  son  Evangile  peu  de  temps  ayant 
sa  mort.  Quelques  auteurs  se  sont  persuadé 
que  ce  saint  apAtre  n!est  pas  mort;  jpais  ils 
ne  se  fondaient  que  sur  un  passage  de  son 
"Evangile,  duquel  ils  no  iirenaicnt  pas  le  vrai 
sens.  'Bible  d'Avignon,  Ioûû.  ?i.lll,  p.  525. 


S9 


JEA 


JEA 


40 


Il  est  du  moins  indubitable  que  son  Evan- 
gile a  été  écrit  le  dernier  de  tous.  Saint  Jean 
s'y  est  proposé  de  rapporter  plusieurs  ac- 
tions du  Sauveur  dont  les  autres  évangélistes 
n'avaient  pas  parlé  ;  de  nous  transmettre 
ses  discours,  dont  les  autres  n'avaient  écrit 
qu'une  petite  partie  ;  enfin  de  réfuter  les  hé- 
rétiques, dont  les  uns  niaient  la  divinité  de 
Jésus-Christ,  les  autres  la  réalité  de  sa  chair  : 
il  les  réfute  encore  plus  directement  dans 
ses  lettres.  Or,  ces  sectaires  n'ont  commencé 
h  faire  du  bruit  que  dans  les  dernières  an- 
nées du  i"  siècle. 

Il  est  même  probable  que  saint  Clément 
de  Rome  a  écrit  ses  deux  épîtres  aux  Co- 
rinthiens avant  que  l'Evanj^ile  de  saint  Jean 
eût  été  publié  ;  ce  pape  cite  des  passages 
des  trois  autres  Evangiles,  mais  il  n'en 
cite  aucun  de  celui  de  saint  Jean.  L'Apôtre 
n'a  point  fait  mention  de  la  prophétie  de 
Jésus-Christ  touchant  la  ruine  de  Jérusalem, 
parce  qu'alors  elle  était  accomplie  ;  on  au- 
rait pu  l'accuser  de  l'avoir  forgée  après  l'é- 
vénement ;  mais  elle  était  consignée  dans  les 
autres  Evangiles,  qui  avaient  été  écrits  avant 
cette  révolution  :  c'est  la  remarque  de 
saint  Jean  Chrysostome,  Hom.  76,  al.  77, 
in  Matth.,  n.  2. 

Les  incrédules  qui  ont  dit  que  le  premier 
chajntre  de  l'Evangile  de  saint  Jean,  dans 
lequel  il  est  parlé  de  la  génération  éter- 
nelle du  Verbe,  a  été  composé  par  un  pla- 
tonicien, ou  qu'il  a  été  emprunté  de  Philon, 
qui  était  platonicien  lui-môme,  ont  montré 
moins  de  sagacité  que  d'envie  de  favoriser 
les  sociniens.  Il  y  a  loin  des  idées  de  Pla- 
ton au  mystère  de  l'incarnation  révélé  à 
saint  Jean  par  Jésus-Christ;  le  style  de  cet 
évangéliste  est  celui  d'un  homme  inspiré, 
et  non  celui  d'un  philosophe.  Les  anciens 
hérétiques  qui  niaient  la  divinité  de  Jésus- 
Christ,  comme  les  aloges  et  les  cérinthiens, 
rejetaient  l'Evangile  de  saint  Jean;  mais 
c'est  celui  dont  l'authenticité  est  la  plus  in- 
dubitable. Pierre,  évoque  d'Alexandrie, 
nous  apprend  qu'au  vi"  siècle  on  gardait 
encore  à  Eplièse  l'autographe  de  saint  Jean, 
To  i3io/£i/50ï,  Chron.  Alex,  a  Radero  editum. 
''  Touchant  l'authenticité  de  ses  trois  lettres, 
voyez  la  Bible  d'Avignon,  tome  XVI,  page 
W7  ;  sur  celle  de  l'Apocalypse,  voyez  ce 
mot. 

Dans  la  première  de  ces  trois  lettres,  il 
y  a  un  passage  qui  est  devenu  célèbre  par 
les  contestations  qu'il  a  fait  naître,  et  par 
l'importance  du  sujet.  Nous  y  lisons,  c.  v, 
v,  7  :  Il  y  en  a  trois  qui  rendent  témoignage 
dans  le  ciel,  le  Père,  le  Verbe  et  le  Saint- 
Esprit  ;  et  ces  trois  sont  une  même  chose  :  v.  8, 
et  il  y  en  a  trois  qui  rendent  témoignage 
sur  la  terre, l'esprit,  l'eau  et  le  sang;  et  ces  trois 
sont  une  même  chose.  Les  sociniens  ,  em- 
barrassés par  le  v.  7,  soutiennent  qu'il  n'é- 
tait pas  originairement  dans  le  texte  de 
saint  Jean,  mais  qu'il  y  a  été  ajouté  dans 
la  suite  des  siècles:  1°  parce  qu'il  manque 
dans  la  plupart  des  manuscrits  anciens,  soit 
grecs,  soit  latins  ;  2°  parce  qu'il  n'a  pas  été 


cité  par  les  Pères  qui  ont  disputé   contre 
les  ariens,  et  qui  n'auraient  pas  manqué  de 
s'en  servir,    s'il   leur  avait  été    connu  ;   3° 
parce   que  plusieurs   critiques    catholiques 
sont  convenus  que  c'est  une   interpolation. 
On  leur  répond,    1°  que   si  ce    passage 
manque  dans  un  grand  nombre  de  manus- 
crits, on  le  trouve   dans   plusieurs    autres 
très-anciens,    et  les   critiques  ne    peuvent 
pas  prouver  que  les  plus  anciens  sont  ceux 
dans  lesquels  il  manque.  Il  y  en  a  quelques- 
uns    dans    lesquels  les   deux  versets  sont 
transposés.    2°    Comme    ces    deux   versets 
commencent    et    finissent    par   les    mêmes 
mots,    les  copistes   ont  pu  confondre  fort 
aisément   les   derniers    mots    du   septième 
avec  ceux  du  huitième,   et  sauter  ainsi  de 
l'un  à  l'autre  :  l'erreur  une  fois  commise  a 
passé  d'un  manuscrit  dans  un  autre  ;   ainsi, 
les  exemplaires  fautifs  se  sont    multipliés. 
Cela  est  plus  aisé  à  concevoir  que  de  sup- 
poser que  le  V.  7  a  été  ajouté  au  texte  ave^ 
réflexion,    de  mauvaise    foi,   et  a  dans    la 
suite  été  adopté  sans  examen.  3"  Au    m' 
siècle,  avant   la  naissance   de   l'arianisme, 
saint  Cyprien  a  cité  le    v.  7,    L.    de   Unit., 
Eccles.,    et    Epist.  ad  Jubatan.    Tertullien 
semble  y  faire   allusion,  L.  ad  Praxeam,  c. 
25.  4°  L'on  affirme  mal  k  propos  que  ce  ver- 
set n'a  pas  été  allégué  par  les  Pères   contre 
les  ariens  ;  il  le  fut  l'an  kS'*,  dans  une  pro- 
fession de  foi  présentée  k  Hunéric,  roi  des 
Vandales,  qui  était  arien,  par  quatre   cents 
évoques   d'Afrique.    Victor    Vit.    L.  m,    de 
Persec.  Vandal.  S'il  n'a  pas  été  cité  par  les 
Pères  grecs  du  iv°  siècle,  c'est  qu'ils  avaient 
des    exemplaires   fautifs.    Depuis   plus    de 
cinq    cents    ans ,   ce   passage   est   regardé 
comme  authentique  chez  les  Grecs  et  chez 
les  Latins,  et  les  protestants  l'admettent  de 
même  que  les  catholiques.  Bible  d'Avignon, 
t.  XVI,  p.  461.  11  y  a  encore  une  disserta- 
tion   sur  ce   sujet  à  la  fin  du   Commentaire 
du  père  Hardouin  sur  les  Evangiles. 

Tertullien,  dans  son  livre  des  Prescriptions, 
c.  36,  rapporte  que  saint  Jean  l' Evangéliste, 
avant  d'être  relégué  par  Domitien  dans 
l'île  de  Patmos,  fut  jeté  dans  une  chau- 
dière d'huile  bouillante,  d'où  il  sortit  sain 
et  sauf.  On  présume  que  ce  fait  arriva  l'an 
95  à  Rome,  où  l'apôtre  avait  été  conduit  par 
l'ordre  du  proconsul  d'Asie.  Quelques  pro- 
testants ont  traité  de  fable  cette  narration 
de  Tertullien,  en  particulier  Heumann,  dans 
une  dissertation  imprimée  à  Brème  en  1719. 
11  dit  que  Tertullien  est  le  seul  qui  ait 
parlé  de  ce  miracle  ;  que  si  quelques  autres 
Pères  en  ont  fait  mention,  c'est  uniquement 
d'après  lui  ;  que  cet  auteur  croyait  légère- 
ment des  fables,  etc.  Mosheim,  dans  une 
dissertation  sur  ce  même  sujet,  a  montré  la 
faiblesse  de  ces  raisons  ;  il  allègue  l'autorité 
de  saint  Jérôme,  qui  se  fonde,  non  sur  Ter- 
tullien, mais  sur  les  historiens  ecclésiasti- 
ques.Comment.  mMaff/t.l.iii,p.92.Contre  ces 
deux  témoignages  positifs,  les  preuves  né- 
gatives, les  reproches  de  crédulité,  etc.,  ne 
concluent  rien.  Moshemii  dissert,  ad  Jlist. 
eccles.,  tom.  I,  pag.  504  et  suiv. 


Al 


JEA 


JEP 


iï 


JEAN  (saint).  Il  y  a  un  grand  nombre 
de  communautés  ecclésiastiques  et  religieu- 
ses qui  ont  été  instituées  sous  les  noms  de 
saint  Jean-Baptiste  et  de  saint  Jean  l'Evan- 
géliste  ;  les  unes  subsistent  encore,  les  au- 
tres sont  éteintes.  L'histoire  ecclésiastique 
d'Angleterre  l'ait  mention  des  chanoines 
iiospitaliers  et  des  hospitalières  de  saint 
Jean-Baptiste  de  Convenlry,  approuvés  jiar 
Honoré  111  ;  ils  portaient  une  croix  noire 
sur  leur  rohe  l)lanche  et  sur  leur  manteau, 
ce  i]iii  les  lit  nommer  porte-croix  ;  il  y  est 
aussi  parlé  des  hospitaliers  et  des  hospita- 
lières de  saint  Jean-Baptiste  de  Nottingham  : 
il  est  à  présumer  que  c'était  le  mémo  ordre. 
11  y  a  eu  des  ermites  de  saint  Jean-Baptisto 
de  la  Pénitence  étalilis  dans  la  Navarre, 
sous  l'obéissance  de  l'évoque  de  Pampeiune 
et  confirmés  par  Grégoire  XllI.  On  a  vu 
d'autres  ermites  de  saint  Jean-Baptiste,  fon- 
dés en  France  en  1G30,  par  le  frère  Michel 
de  Stiinte-Sabine ,  pour  la  réformation  des 
ermites.  On  connaît  en  Portugal  des  cha- 
noines réguliers  sous  le  titre  de  saint  Jean 
i'Kvangéliste.  L'ordre  militaire  de  saint  Jean 
de  Jérusalem  et  celui  de  saint  Jean  de  La- 
tran  sont  célèbres. 

■  Jean  de  Poilli.  Ce  docteur  de  I«  Faculté  de 
théologie  de  Paris  voulait  séparer  absoluuieut  les 
religieux  de  tout  conlacl  avec  le  monde.  Il  prélen- 
daii  que  les  prêtres  religieux  nCpouvaient  mènie 
recevoir  de  juridiction  pour  le  tribunal  de  la  péni- 
tence. Cette  doctrine  l'ut  condamnée  avec  justice. 

JEHOVAH,  nom  propre  de  Dieu  en  hébreu: 
11  signifie  celui  qui  est,  J'Ltrc  par  excellence, 
l'Eternel  ;  ainsi  l'ont  rendu  toutes  les  an- 
ciennes versions.  Parmi  les  hébraïsants,  les 
uns  prononcent  Jéhovah,  les  autres  Javoh, 
les  autres  Jéhvéh  ;  quelques  auteurs  grecs 
ont  écrit  Jao  et  Jcvo.  Comme  les  juifs  ont 
la  superstition  de  ne  jamais  le  ]}rononcer, 
ils  l'appellent  le  nom  iuelj'uble;  lorsqu'ils  le 
rencontrent  dans  le  texte  hébreu,  ils  pro- 
noncent à  sa  place  le  nom  Adonai,  mon  Sei- 
gneur ;  et  ils  ont  placé  sous  les  lettres  du 
nom  Jéhovah  les  jioinls  voyelles  du  mot 
Eloha,  autre  nom  de  Dieu. 

Ils  prétendent  qu'il  ne  l'ut  jamais  permis 
à  personne  de  le  prononcer,  si  ce  n'est  au 
^rand  prêtre,  dans  lo  sanctuaire,  une  seule 
lois  l'année,  savoir,  le  grand  jour  des  expia- 
tions ;  mais  cette  imagination  est  sans  fon- 
dement. 11  aurait  du  moins  fallu  que  le  grand 
prêtre  transmît  cette  prononciation  à  son 
successeur,  autrement  celui-ci  n'aurait  pu 
la  deviner.  Une  preuve  que  -les  Juifs  ont 
quelquefois  prononcé  ou  écrit  ce  nom, 
mciae  dans  les  derniers  siècles  de  la  synago- 
gue, c'est  que  les  auteurs  profanes  en  ont 
eu  connaissance,  i)uisque  eux-mêmes  l'ont 
écrit  bien  ou  mal.  Les  Juifs  modernes  sont 
encore  persuadés  que  quiconque  saurait  la 
véritable  prononciation  de  ce  nom  inetfable 
pourrait  opérer  par  sa  vertu  les  plus  gi-ands 
prodiges.  Pour  expliquer  comment  Jésus- 
Christ  a  pu  f»ire  tMiit  de  miracles,  ils  disent 
qu'il  avait  dérobé  dans  le  temple  la  pronon- 
ciation du  nom  inefl'able.  Toutes  ces  rêve- 
ries ne  méritent  aucune  attention. 

DlCTlOSN.    DE  TnÉOL.  DOGMATIQUE.  IlL 


La  circonstance  dans  laquelle  Dieu  a  dai- 
gné révéler  son  nom  projire  et  cpii  ne  eon- 
vir-nl  (}u'à  lui,  est  remaripinblc.  LoiSiiii'il 
voulut  envoyer  .Moïse  en  Egyi)te  jjour  tirer 
do  la  servitude  les  Israélites,  Mose  lui  de- 
manda :  Lorsque  je  dirai  aux  enfants  d'h- 
rai'l  :  Le  Dieu  de  vos  pères  m'envoie  vers  vous,. 
s'ils  me  demandent  votre  nom,  que  leur  ré- 
pondrai-je  ?  Je  suis,  dit  le  Sejuiieur,  celui 
qui  est  ;  tu  leur  diras  :  Celui  qui  est  m'a 
envoyé  vers  cous  [Exod.  c.  m,  v.  13  et  \k).. 
Les  Septante  ont  très-bien  traduit  :  Je  suis 
l'Etre;  l'Etre  m'a  envoyé  vers  vous. 

Mais  ce  qui  est  dit,  c.  vi,  v.  2  et  3,  forme 
une  diflicullé.  Dieu  dit  à  Moïse  :  Je  suis  Jé- 
hovah .jemesuis  bien  fdit connaître  ù  Abraham^ 
à  Isaac,  à  Jacob,  comme  Dieu  tout-puissant 
(  Scliaddaï  );  mais  je  n'en  ai  pas  été  connu  par 
mon  nom  de  Jéhovah.  Cependant  nous  vo- 
yons dans  plusieurs  passages  de  la  Genèse  , 
Noé,  Abraham,  Isaac  et  Jacob,  donner  à  Dieu 
le  nom  de  Jéhovah. 

La  plupart  des  commentateurs  répondent 
que  Moïse  fait  ainsi  parler  les  patriarches 
par  anticipation  ;  mais  il  y  a  une  manière 
plus  satisfaisante  d'entendre  ce  jiassage.  11. 
faut  se  souvenir  que,  dans  le  style  de  l'E- 
criture sainte,  être  appelé  de  tel  nom  signifie 
être  véritablement  ce  qui  est  exprimé  par  ce 
nom.  Ainsi,  lorsqu'Isaie  a  dit,  c.  vu,  v.  14, 
que  l'enfant  dont  il  parle  sera  nommé  Emma- 
nuel, cela  signifie  qu'il  sera  véritablement 
Emmanuel,  Dieu  avec  nous.  Or,  Jéhovah  ne 
signifie  pas  seulement  celui  qui  est,  ou  l'E- 
ternel ;  il  exprime  encore  celui  qui  est  tou-' 
jours  le  môme,  celui  qui  ne  change  poini,, 
celui  dont  les  desseins  sont  immuables.  Dieu: 
semble  l'expliquer  ainsi  lui-même  dans  le' 
jirophète  Malachie,  chap.  m,  v.  6  :  Moi ^ 
Jéhovah,  je  ne  change  point. 

Jusqu'au  moment  où  Dieu  daigna  se  révé- 
ler à  Moïse,  il  s'était  assez  fait  connaître  aux 
patriarches  comme  Dieu  tout-puissant,  par 
les  divers  prodiges  qu'il  avait  opérés  sous 
leurs  yeux;  mais  il  n'avait  pas  encore  dé- 
montré par  les  événements  la  certitude  im- 
muable de  ses  promesses.  Or,  c'est  ce  que- 
Dieu  allait  faire,  en  délivrant  son  peuple  <]c 
TEgypte,  comme  il  l'avait  promis  à  Abraham 
quatre  cents  ans  auparavant.  Ce  qu'il  dit  à. 
Moïse, /ia:od.,c.  vi,  v.  2,  peut  doncsignilier  : 
Tai  assez  convaincu  Abraham,  Isaac  et  Jacob,, 
que  je  suis  le  Dieu  tout-puissant  ;  mais  je  n'ai 
])as  encore  démontré,  comme  je  vais  le  fairCy 
que  je  suis  le  Dieu  immuable,  qui  ne  manque- 
point  à  mes  promesses.  La  suite  du  passage- 
paraît  indiquer  ce  sens,  comme  l'a  très-bien, 
vu  le  cardinal  Cajetan,  qui  donne  cette  ex- 
plication. 

JEPTHÉ,  chef  et  juge  des  Israélites,  célè- 
bre par  la  victoire  qu'il  remporta  sur  les. 
Ammonites,  et  par  le  vœu  qu'il  fit  avant  dé- 
marcher contre  eux  (Jud.  c.  XI,  v.  30  et 
suiv  ).  11  dit,  suivant  le  texte  hébreu  :  «  Si 
le  Seigneur  livre  les  Ammonites  entre  mes 
mains,  ce  qui  sortira  le  premier  de  ma  mai- 
son, à  ma  rencontre,  sera  au  Seigneur,  et  jC' 

l'offrirai  en  holocauste A  son  retour,  ce 

qu'il  rencontra  le  premier  l'ut  sa  fille  uuiqua 


«3 


JEP 


JEP 


U 


H  déchira  ses  yêtements  et  déplora  soh 
malheur.  Sa  fille  lui  demanda  deux  mois  de 
délai,  pour  aller  pleurer  sa  virginité  avec 
ses  compagnes...  Après  ce  temps  expiré,  Je- 
phté  accomplit  son  vœu,  et  sa  tille^  était 
vierge  (  ou  demeura  vierge  ).  De  là  l'usage 
s'établit,  parmi  les  filles  d'Israël,  de  pleurer 
tous  les  ans  pendant  quatre  jours  la  fille 
de  Jephté.  » 

Quel  fut  l'objet  du  vœu  de  ce  père  in- 
fortuné ?  Sa  fille  fut-elle  immoîée  en  sacrifice 
ou  seulement  condamnée  au  service  du  ta- 
bernacle, et  à  une  virginité  perpétuelle  ?  Sur 
cette  question  les  commentateurs  sont  par- 
tagés :  les  uns  pensent  que  cette  fille  fut 
véritablement  offerte  en  sacrifice,  et  les  in- 
crédules ont  allégué  ce  fait  pour  prouver  que 
jes  Juifs  offraient  à  Dieu  des  victimes  hu- 
maines ;  d'autres  jugent  qu'il  n'en  est  point 
ici  question,  mais  qu'il  s'agit  seulement  d'un 
dévouement  de  cette  fille  au  service  du  ta- 
bernacle. 

En  effet,  le  texte  hébreu  peut  avoir  deux 
sens  très-dilïérents  ;  au  lieu  de  dire  :  «  Ce 
qui  sortira  le  premier  de  ma  maison,  et  sera 
au  Seigneur,  et  je  l'olfrirai  en  liolocauste,  » 
on  peut  traduire  :  «  Ou  sera  au  Seigneur, 
'  ou  je  l'offrirai  en  holocauste.  »  La  prépo- 
sition t'aM,qui  est  ici  répétée,  est  souvent  dis- 
jonctive. 

D'ailleurs  holah,  qui  signifie  holocauste, 
exprime  aussi  une  simple  oblation  ;  il  est 
dérivé  de  liai,  hol,  élévation,  parce  que  l'on 
élevait  sur  ses  mains  ce  que  l'on  offrait  à 
l)ieu. 

Voici  les  raisons  par  lesquelles  on  prouve 
que  la  fille  de  Jepthé  ne  fut  point  immolée  (1). 

(1)  Le  sentiment  de  ceux,  dil  Bntlet,  qui  croient 
que  te  vœu  de  Jeplité  n'eut  pour  objet  que  la  consé- 
cralion  de  sa  fifle  a»  service  du  tiibernacie,  est  au- 
jourd'liui  le  plus  suivi.  On  eût  ajouté  bien  de  la  force 
à  la  preuve  que  l'on  lire  de  l'hébreu  en  faveur  de 
celte  explication,  si  l'on  eût  fait  attention  à  une  des 
signilications  de  la  particule  vau,  qui  est  celle  de 
quamobraiti,  qiiapropier,  en  lalin  ;  et  (te  cesl  pourquoi, 
en  français.  Car  en  traduisant  le  dernier  vau  de  cette 
sorte,  il  parait  si  clairement  que  Jephté  a  seulement 
voulu  consacrer  sa  liHe  au  culie  du  Seigneur,  qu'on 
ne  peut  penser  le  contraire.  On  s'en  convaincra  par 
la  loclure  du  texte,  traduit  sur  l'original,  conlornié- 
nicnl  à  foliservation  que  nous  venons  de  faire.  Je- 
phté fit  ce  vmu  au  Seigneur  :  Si  vous  livrez  entre  mes 
mains  les  enfants  d'Aunnon,  ce  qui  sortira  de  la 
porte  de  ma  maison,  au-devant  de  moi,  lorsque  je 
reviendrai  en  paix,  vicloiieux  des  enfants  d'Ammon, 
sera  consacré  au  Seigneur,  ou  je  l'olfrirai  en  holo- 
causte. Jephio  passa  donc  dans  le  pays  des  enfants 
.  d'Aimuon  pour  les  combattre,  et  Uieii  les  livra  en- 
tre ses  mains...  Jephlé  revint  à  Masplia  dans  sa 
maison,  et  voici  sa  (ille  venant  au-devanl  de  lui,  au 
son  des  tambours  et  au  milieu  des  danses  :  or  elle 
était  sa  lille  unique,  et  il  n'avait  point  d'autre  en- 
fant qu'elle.  Dès  que  Jeplité  l'apeiçul,  il  déchira  ses 
vêtements  et  s'écria  :  Ah  ma  lille  !  vous  m'accablez 
de  la  plus  vive  alUiction,  et  vous  êtes  devenue  un  su- 
jet qui  me  remplit  de  trouble,  car  j'ai  prononcé  de 
ma  propre  bouche  un  vœu  au  Seigneur,  et  je  ne 
pourrai  le  changer.  Elle  lui  dit  :  Mon  pi'ie,  puisque 
vous  avez  fait  un  vœu  au  Seigneur,  aeeomplisscï!  sur 
moi  ce  que  vous  lui  avez  promis,  après  que  le  Sei- 
gneur vous  a  fait  tirer  vengeance  des  enfants  d  Am- 
won,  vos  ennemis  ;  et  elle  dit  à  sm  père  :  Accoideï- 


1°  Les  sacrifices  de  sang  humain  sont  ab 
solument  défenihis  aux  Juifs  (Deuter.  c.  xii, 
V.  30  )  :  «  (lardez-vous,  leur  dit  Moïse,  d'i- 
miter les  nations  qui  vous  environnent ,  de 
pratiquer  leurs  cérémonies,  de  dire  :  J'ho- 
norerai mon  Dieu  comme  ces  nations  ont 
honoré  leurs  dieux.  N'en  faites  rien;  car  elles 
ont  fait  pour  leurs  dieux  des  abominations, 
que  le  Seigneur  a  en  horreur  ;  elles  leur  ont 
oli'ert  leurs  fils  et  leurs  filles,  et  les  ont  con- 
sumés par  le  feu.  Faites  seulement  pour  le 
Seigneur  ce  que  je  vous  ordonne,  n'y  ajou- 
tez et  n'en  retranchez  rien.  » 

Offrirai-je  à  Dieu,  dit  un  prophète,  fflon 
fils  aîné  pour  expier  mon  crime,  et  le  fruit 
de  mes  entrailles  pour  expier  mon  péché  ?  O 
homme  I  je  t'apprendrai  ce  qui  est  bon,  et  ce 
que  le  Seigneur  exige  de  toi  :  c'est  de  prati- 
quer la  justice  et  la  miséricorde,  et  de  penser 
à  la  présence  de  ton  Dieu.  (Mie.  c.  vi,v.  7  et 
8  ).  Dieu,  pour  témoigner  aux  Juifs  que 
leurs  sacrifices  lui  déplaisent,  leur  dit  :  Ce- 
lui qui  immole  un  bœuf  fa^t  comme  s'il  tuait 
un  homme,  etc.  {Isai  c.  lxvi,  v.  3.) 

Quand  Jepthé  aurait  pu  ignorer  cette  dé- 
fense, les  prêtres  chargés  d'immoler  toutes 
les  victimes  ne  pouvaient  pas  l'oubher  ;  il 
n'y  avait  point  encore  eu-  d'exemple  d'un 
pareil  sacrifice. 

2° Dans  le  Lévitique,  c.  xxvn,  v.  2,  il  est  or- 
donné de  rachètera  prix  d'argent  les  per- 
sonnes vouées  au  Seigneur.  A  la  vérité,  il  y 
est  dit,  ibid,  v.  28  el  2'J,  que  ce  (jui  aura  été 
consacré  au  Seigneur  par  Yanathème  (cherem), 
ne  pourra  pas  être  racheté  ;  mais  l'auathème 
ne  pouvait  être  prononcé  que  contre  les  en- 
nemis de  l'état  :  un  homme  ne  s'est  jamais 

moi  ce  que  je  vais  vous  demander  :  donnez-moi  un 
délai  de  deux  mois,  et  j'irai  vers  les  montagnes,  et 
je  pleurerai  avec  mes  amies  ma  virginité.  Son  père 
lui  dit  :  Allez  ;  et  il  la  laissa  libre  pendant  deux  mois, 
el  elle  alla  elle  et  ses  amies,  el  elle  pleura  sur  les 
montagnes  sa  virginité  :  et  au  bout  de  deux  mois  elle 
revint  trouver  son  père,  qui  accomplit  à  son  égard 
le  vœu  qu'il  avait  fait  :  c'est  pourquoi  elle  n'avait 
commerce  avec  aucun  homme. 

Si  la  fille  de  Jephlé  avait  élé  immolée,  corament 
fécrivain  sacré  aurait-il  pu  .ajouter  :  c'est  pourquoi 
elle  n'avait  commerce  avec  aucun  homme  ?  Une  telle 
réflexion  serait-elle  sensée  '? 

Il  faut  à  présent  montrer  par  dos  exemples,  que 
la  particule  vau  se  prend  dans  le  sens  que  nous  lui 
a\ons  donné. 

Gfiièse,  chapi  vu,  vers.  21.  Vau,  c'est  pourquoi 
toute  chair  qui  se  mouvait  sur  la  terre  expira. 

Chap.  XII,  vers.  10.  ta  famine  survint  dans  ce 
pays;  vau,  c'est 'ponrquoi,  Abraham  descendit  en 
Egypte. 

(iiiap.  XX,  vers.  6.  Je  sais  que  vous  l'avez  fait  avec 
uni  cœur  simple  :  vau,  c'est  pourquoi  je  vous  ai  pré- 
servé de  pécher. 

Chap.  XLViii,  vers.  1.  On  vint  dire  à  Joseph  que 
son  père  était  malade  ;  v.vu,  c'est  pourquoi  il  prit 
avec  lui  ses  deux  fils  el  l'alla  voir. 

Lévitique,  c.  X,  vers.  l,i.  Nailab  et  Abiu  offrirent 
devant  le  Seigneur  un  feu  étranger  ;  vad,  c'est  pour- 
quoi il  sortit  de  devant  le  Seigneur  un  feu  qui  les  fit 
périr,  et  ils  moururent. 

Oeutér.iuome,  chap.  xxxi.  vers.  16, 17.  Ce  peu- 
ple violera  l'alliance  que  j'ai  faite  avec  lui  ;  vau,  <•'<;»• 
poiiiqioi  ma  colère  s'allumera  contre  lui,  —  iiéi 
ponses  critiques.,  etc.,  par  Bullel,  lom.  I, 


4S 


JER 


JEH 


46 


avisé  dn  lo  prononcer  contre  ce  qui  lui  ap- 
|);irtenait.  Autre  circonstance  que  Jepthû  no 
pouvait  pas  ignorer. 

3°  Ceux  qui  veulent  que  la  fille  de  Jeptliô 
ait  éti  immolée,  traduisent  à  leur  gré  les 
paroles  du  texte;  ils  lisent  :  La  première 
personne  qui  sortira  de  ma  maison  :  et  le  texte 
porte  :  Ce  qui  sortira  le  premier  :  ce  pou- 
vait être  un  animal  :  ils  ajoutent  :  Je  l'offri- 
rai en  holocauste  :  et  le  terme  hébreu  i>cut 
signifier  simplement  :  J'en  ferai  une  offrande. 
Les  trente-deux  personnes  qui,  après  la  dé- 
faite des  Jîadianites,  lurent  réservées  pour 
lu  part  du  Seiqneur  (  Num.  c.  xxxi,  v.  40  ) 
ne  furent  certainement  pas  immolées  en  sa- 
crifice. 

h°  La  fille  de  Jcpthé  demande  la  liberté 
tl'aller  pleurer,  non  sa  mort,  mais  sa  virgi- 
nité, ou  la  nécessité  de  demeurer  vii-rge  ; 
après  avoir  dit  que  le  vœu  fut  accompli, 
rhistorien  ajoute  :  Et  elle  fat  vierge,  ou  elle 
demeura  vierge:  elle  ne  fut  donc  pas  immo- 
lée. On  demande  pourquoi  donc  Jeplbé  fut- 
il  si  affligé?  pourquoi  les  fdles  d'Israël  pleu- 
raient-elles la  fille  de  Jepthé  ?  Parce  (ju'il 
était  filcheux  h  un  père  victorieux,  devenu 
chef  de  sa  nation,  de  ne  pas  établir  une  tille 
qui  était  son  unique  enfant.  Le  terme  lié- 
breu  qui  signifie  pleurer,  peut  signifier  sim- 
plement célébrer,  rappelerla  mémoire.  Il  y 
avait  certainement  clie/  les  Israélites  des 
femmes  attachées  au  service  du  tabernacle, 
puisque  l'histoire  sainte  accuse  les  enfants 
d'HélL  d'avoir  eu  un  commerce  criminel 
avec  elles  (  /  Reg.  c.  n,  v.  22).  Ces  femmes 
étaient  regardées  comme  des  esclaves,  juiis- 
que  c'était  le  sort  des  prisonnières  de  guerre  : 
Jepthé  ne  pouvait  voir,  sans  être  affligé,  que 
sa  fille  fût  condamnée  à  un  pareil  sort. 

5°  Si  l'on  envisage  autrement  le  vœu  de 
Jepthé,  l'on  est  forcé  de  dire  que  ce  vœu  fut 
téméraire,  et  que  l'exéciition  en  fut  crimi- 
nelle ;  cependant  il  n'est  point  bl.'imé  dans 
l'Ecriture,  il  est  môme  loué  jiar  saint  Paul 
(Hebr.  c.  XI,  v.  3-2).  Il  n'est  donc  pas  pro- 
bable qu'il  ait  fiit  cette  double  faute.  Syna- 
pse desCrit.  Jud.,  e.  11.  Dans  la  Bible  d'Avi- 
gnon, tome  m,  page  580,  dom  Calmet  a 
soutenu  le  contraire  ;  mais  il  n'a  pas  détruit 
les  raisons  que  nous  venons  d'alléguer. 
Elles  sont  très-bien  exposées  dans  la  Bible 
de  Chais,  tom.  IV,  pag.  118,  quoique  l'auteur 
finisse  par  adopter  la  mèmeopinion  que  dom 
Calmet.  Mais  il  est  aisé  de  voir  que  les  pro- 
testants ne  la  préfèrent  à  la  première  qu'à 
cause  de  leur  aversion  contre  le  vœu  de  vir- 
ginité. Reland,  Antiquit.  sacr.  vet.  heb.,  3' 
part.,  ch.  10,  n'  G,  nous  paraît  avoir  solide- 
ment prouvé  que  la  tille  de  Jepthé  ne  fut 
point  immolée. 

JÉRÉMIE,  l'un  des  quatre  grands  prophè- 
tes, était  de  race  sacerdotale  ;  il  prophétisa 
principalement  sous  le  règne  de  Sédécias  , 
pendant  que  Jérusalem  était  assiégée  par 
l'armée  de  Nabuchodonosor.  Il  ne  cessa 
d'exhorter  les  Juifs  h  se  fendre  aux  Assy- 
riens, et  de  leur  protesf  r  que  s'ils  conti- 
Jiuaient  à  se  défendre,  la  ville  serait  prise 


d'assaut,  mise  à  feu  et  à  sang  :  c'est  ce  qui 
arriva. 

L'accomplissement  des  prédictions  de  co 
prophète  a  donné  lieu  aux  incrédules  de  le 
jieindr^'  comme  un  traître  vendu  aux  Assy- 
riens. 11  travailla ,  disent-ils  ,  k  décourager 
ses  concitoyens  et  à  les  soulever  contre  leur 
roi  :  il  ne  leur  annonça  que  des  malheurs. 
Cependant  il  ne  laissa  pas  d'aclieter  des  ter- 
res dans  le  pays  dont  il  prédisait  la  désola- 
tion. Lorsque  Jérusalem  fut  prise,  le  monar- 
que ass^Tien  le  recommanda  fortement  h 
son  général  Nabusardan,  et  Jérémie  conser- 
va toujours  du  crédit  à  la  cour  de  Raliylone. 
Il  en  fut  quitte  pour  faire  des  lamentations 
sur  les  ruines  de  son  pays  ,  et  pour  conso- 
ler ses  concitoyens ,  en  leur  prédisant  la  fin 
de  la  captivité. 

Si  ce  porirait  est  véritable,  voilà  un  traî- 
tre d'une  singulière  espèce.  Jérémie,  iirètrc 
et  prophète,  trahit  sa  i-alrie  contre  son  propre 
intérêt  ;  il  consent  «  perdre  son  état,  sa  li- 
berté, sa  vie  même,  pour  livrer  aux  Assy- 
riens Jérusalem,  le  temple,  la  Judée  entière  ; 
il  refuse  ensuite  les  offres  du  général  assy- 
rien ;  il  veut  demeurer  dans  sa  patiie  dé- 
vastée pour  consoler  les  malheureux,  pour 
y  faire  observer  la  loi  du  Seigneur  :  il  ac- 
compagne les  Juifs  fugitifs  iusqu'en  Egypte. 
Pendant  le  siège,  il  achète  un  champ  afin 
d'attester  que  la  Judée  sera  repeuplée  et 
cultivée  de  nouveau,  mais  il  ne  le  paye  pas 
avec  de  l'argent  reçu  des  Assyriens.  Après 
le  siège  ,  il  n'accepte  d'eux  que  des  vivres 
et  de  légers  secours  pour  subsister.  S'il  con- 
serve du  crédit  à  la  cour  de  Babylono,  il 
n'en  fait  usage  que  pour  adoucir  le  sort  de 
ses  frères  captifs.  Il  iaul  donc  que  ce  traître 
prétendu  ait  été  tout  à  la  fois  impie  et  re- 
ligieux, perfide  et  charitable,  vendu  aux  As- 
syriens et  désintéressé ,  ennemi  de  ses  frè- 
res et  victime  de  son  affection  pour  eux. 
Quand  on  veut  peindre  un  homme  tel  qu'il 
est,  il  ne  faut  pas  affecter  de  choisir,  dans 
sa  vie,  les  traits  qui  peuvent  recevoir  une 
iuterprét.ition  odieuse  ,  en  laissant  de  côté 
ce  qui  les  justifie.  Jérémie  savait,  par  une 
révélation  divine  et  par  les  prédictions  des 
prophètes  qui  l'avaient  précédé,  que  Jérusa- 
lem serait  prise ,  que  les  Juifs  seraient  con- 
duits  en  captivité,  que  plus  ils  feraient  dé" 
'  r.'sistance  aux  Assyriens,  plus  leur  sort  se- 
rait fàclieux  :  il  le  leur  représente,  où  est  le 
crime  ?  Pendant  le  siège  ,  les  Juifs  ne  veu- 
lent suivre  aucun  de  ses  conseils,  ni  écouter 
aucune  de  ses  remontrances  ;  ils  le  mettent 
en  prison,  parce  qu'il  ne  veut  pas  flatter 
leurs  folles  espérances;  ils  le  plongent  dans 
une  fosse  remplie  de  boue  ;  il  y  aurait  péri 
saus  le  secours  d'un  Ethiopien  :  il  était  en- 
core dans  les  fers  lorsque  la  ville  fut  prise  ; 
il  en  fût  tiré  par  les  Ass.)  riens,  et  l'on  sup- 
pose qu'il  fut  cause  de  la  prisa  de  la  ville  ? 
Le  roi  Sédécias  ,  subjugué  par  des  furieux, 
n'osait  consulter  Jérémrie  qu'en  secret  :  il 
n'osa  pas  le  tirer  de  leurs  mains  ,  et  l'on 
sup;îose  qiie  ce  prophète  soulevait  le  peu[)le 
contre  son  roi,  etc.  Ces  calottfnies  sont  ré- 
futées par  l'histoire  même, 


;-  ^V**M^*i.> 


il 


JER 


JER 


të 


On  ne  peut  pas  mer  que  les  prédictions 
de  Jérémie  sur  Jénisalein  ,  sur  les  nations 
voisines,  surl'Egypte.  n'aient  été  accomplies: 
il  était  donc  inspiré  Ju  ciel.  Dieu  n  aurait 
pas  accordé  l'esprit  prophétique  à  un  four- 
be, à  un  traître,  à  un  méchant  homme  ;  les 
Juifs ,  devenus  plus  sages,  n'auraient  pas 
conservé  itour  lui  et  pour  ses  écrits  le  res- 
pect dont  ils  ont  toujours  été  pénétrés.  Yoy. 
Prophète. 

Un  de  nos  philosophes  a  osé  dire  que  Je- 
rémie  était  non-seulement  un  traître,  mais 
un  insensé,  parce  qu'il  se  chargea  d'un  joug 
et  se  garrotta  de  chaînes,  pour  mettre  sous 
les  yeux  des  Juifs  les  signes  de  l'esclavage 
auquel  ils  seraient  réduits  par  les  Assyriens 
(Jerem.  c.  xxvn,  2).  Si  c'était  là  un  trait  de 
folie,  il  faut  conclure  que  tous  les  Orien- 
taux étaient  des  insensés,  puisque  c'était  leur 
coutume  de  peindre  par  leurs  actions  les 
objets  dont  ils  voulaient  ffapper  l'imagina- 
tion de  leurs  auditeurs.  Voy.  Allégorie  , 
Hiéroglyphe. 

JERICHO.  Le   siège  et  la  prise  de   cette 
ville  par  Josué  ont   fourni  aux  incrédules 
plusieurs  sujets  de  déclamation.  Ils  disent  : 
1°  Que  pour  faire  passer  aux   Israélites  le 
Jourdain  près  de  Jéricho  ,  il  n'était  pas  né- 
cessaire de  suspendre  les  eaux  par  miracle  ; 
que,  dans  cet  endroit,  le  fleuve  n'a  pas  qua- 
rante pieds  de  largeur  ;  qu'il  était  aisé  d'y 
jeter  un  pont  de  planches,  encore  plus  aisé 
de  le  passer  îi  gué.  Mais,  selon  le  témoigna- 
ge  des  voyageurs,   le  Jourdain  a  dans  cet 
endroit  plus  de  soixante-quinze  pieds  de  lar- 
geur ;  il  est  très-profond  et  très-rapide.  Au 
temps  du  passage  de  Josué,  ou  vers  la  mois- 
son, ce  fleuve  avait  rempli  ses  bords,  et  le 
texte  porte  qu'il  regorgeait.   Il  n'était  donc 
pas  possible  d'y  jeter  un  pont  de  planches, 
encore  moins   de  le   passer  à  gué    [Josue, 
c.  III,  15).  —  2°  Qu'il   n'était  pas  nécessaire 
d'envoyer  des  espions  à  Jéricho ,   puisque 
les  murs  de  cette  ville  devaient   tomber  au 
son  des  trompettes.  Mais  lorsque  Josué  en- 
voya  ses  esiùons,  il  était  encore    à  Sétim, 
assez  loin  du  Jourdain  ;  il  ne  savait  pas  en- 
core que  Dieu  ferait  tomber  les  murs  de  Jé- 
richo  par  miracle  :   il   n'en  fut  averti    que 
plusieurs  semaines  après  [Josue ,  c.  ii ,  m  , 
vj.  __  3"   Selon  les  censeurs  de   l'histoire 
satinte,  tous  les  habitants  de  Jéricho  et  tous 
les  animaux  furent  immolés  à  Die%i,  excepté 
une  femme  prostituée  qui  avait  reçu   chez 
elle  les  espions  des  Juifs,  il  est  étrange,  di- 
sent-ils, que  cette  femme  ait  été  sauvée  pour 
avoir  trahi  sa  patrie  ;  qu'une  prostituée  soit 
devenue  l'aïeule  de  David  et  même  du  Sau- 
veur du  monde.  Il  est  vrai  qu'à  la  prise  de 
Jéricho  tout  fut  tué  et  la  ville  rasée,  parce 
que  tout  avait  été  voué  à  Vanathème  ou  à  la 
vengeance   divine  ;   il  ne   s'ensuit   pus  que 
tout  ait  été  immolé  h  Dieu  :  le  sac  des  villes, 
le  luas^acre  des  ennemis  ,  ne  furent  jamais 
regardés,  chez  aucun  peuple,  comme  des  sa- 
crifices offerts  à  Dieu.  Il  n'est  pas  certain  que 
Rahah  ail  été  une  prostituée  ;  l'hébreu  sanah 
ne  signifie  souvent  qu'une  cabaretière,  une 
femme  qui  reçoit  les  étrangers.  Pour  qu'elle 


fût  la  même  que  l'aïeule  de  David,  il  faudrait 
qu'elle  eût  vécu  au  moins  deux  cents  ans. 
Elle  ne  fut  pas  sauvée  seule,  mais  avec  toute 
sa  parenté  ,  non  pour  avoir  trahi  sa  p;itrie  , 
la  visite  îles  espions  ne  fit  à  Jéricho  ni  bien 
ni  mal,  mais  pour  avoir  rendu  hommage  au 
Dieu  d'Israël  et  protégé  ses  envoyés.  «  Je 
sais,  leur  dit-elle,  que  Dieu  vous  a  livré  no- 
tre pays  ,  il  y  a  répandu  la  terreur.  Nous 
avons  appris  les  miracles  qu'il  a  opérés  pour 
vous  tirer  de  l'Egypte ,  et  la  manière  dont 
vous  avez  traité  les  rois  des  Amorrhéens. 
Le  Seigneur  votre  Dieu  est  le  Dieu  du  ciel 
et  de  la  terre  ;  jurez-moi  donc,  en  son  nom, 
que  vous  épargnerez  ma  famille  comme  je 
vous  ai  épargnés  (Josue,  c.  ii,  9).  Il  ne  te- 
nait qu'aux  habitants  de  Jéricho  d'imitor 
cette  conduite.  —  k°  Le  sac  de  Jéricho,  con- 
tinuent nos  censeurs ,  est  un  exemple  de 
cruauté  détestable.  Mais  ce  qu'Alexandre  fit 
k  Tyr,  Paul-Emile  en  Epire,  Julien  à  Daci- 
res  et  à  Majoza-Malcha  ,  Scipion  à  Carthage 
et  cl  Numance,  Mummius  à  Corinthe,  César 
à  Alexie  et  à  Gergovie  ,  n'est  pas  moins 
cruel  :  toi  a  été  le  droit  de  la  guerre  chez 
les  peuples  anciens.  En  quoi  les  Israélites 
sont-ils  plus  coupables  que  les  autres?  Yoy. 
Chananéens. 

JÉRÔME  DE  PRAGUE.  Voy.  Hussites. 

JEROME  (saint),  prêtre,  l'un  des  plus  sa- 
vants Pères  de  l'Eglise ,  mourut  l'an  420. 
L'édition  de  ses  ouvrages  ,  donnée  à  Paris 
par  D.  Martianay,  en  5  vol.  in-folio,  fut 
commencée  en  1693,  et  finie  en  1704.  Elle  a 
été  renouvelée  à  Véronne  en  1738 ,  par  le 
Père  Villarsi,  de  l'Oratoire,  en  dix  volumes 
in-folio. 

Le  premier  volume  de  D.  Martianay  ren- 
ferme la  traduction  latine  des  livres  saints, 
faite  par  saint  Jérôme  sur  les  textes  origi- 
naux ;  le  deuxième  renferme  plusieurs 
traités  pour  servir  à  l'intelligence  de  l'E- 
criture sainte  ;  le  troisième,  un  savant  com- 
mentaire sur  les  prophètes  ;  le  quatrième, 
un  commentaire  sur  saint  Matthieu  et  sur 
plusieurs  épîtres  de  saint  Paul,  les  lettres 
du  saint  docteur  et  des  traités  contre  divers 
hérétiques.  On  a  mis  dans  le  cinquième  les 
ouvrages  supposés  à  saint  Jérôme,  et  plu  - 
sieurs  pièces  qui  servent  à  l'histoire  de  sa 
vie. 

Les  critiques  protestants,  comme  Daillé, 
Barbeyrac  et  leurs  copistes,  ont  fait  diffé- 
rents reproches  à  ce  Père  de  l'Eglise.  Ils  di- 
sent d'abord  qu'il  a  écrit  avec  trop  de  préci- 
pitation; mais  il  faut  juger  du  mérite  de  ses 
ouvrages  par  ce  qu'ils  renferment,  et  non 
par  le  temps  qu'il  a  mis  à  les  l'aire.  Un 
homme  aussi  laborieux  que  saint  Jérôme, 
et  aussi  instruit ,  est  capable  de  faire  de 
bons  livres  et  en  peu  de  temps. 

On  dit  qu'il  a  eu  trop  d'estime  pour  la  vie 
solilaire  ,  pour  la  virginité  ,  pour  le  célibat  ; 
qu'il  a  parlé  trop  désavantageusement  des 
secondes  noces.  La  question  est  de  savoir 
si,  sur  ces  différents  chefs,  il  n'a  pas  mieux 
pensé  que  les  protestants  et  que  les  incré- 
dules ;  il  eu  jugeait  d'après  les  livres  saints 
qu'il  avait  beaucoup  lus  et  qu'il  possédait 


49 


JER 


JER 


KO 


très-bion  :  ses  accusateurs  en  parlent  d'après 
louis préjugésetleurs préventions.  11  est  accu- 
sé d'avoir  manqué  de  modération  envers  ses 
adversaires,  d'avoirécritc-ontre  cuxd'uiistyle 
vif,  enijiorté,  et  souvent  indécent.  On  ne  peut 
pas  disconvenir  de  la  vivacité  excessive  de 
saint  Jérôme  ;  mais  (piaud  l'opiniâtreté  des 
liérétii}ui's  à  l'attaquer  ne  pourrait  pas  lui 
servir  d'excuse,  il  laudrait  encore  l'aire  plus 
d'attention  aux  choses  qu'au  style,  laisser 
de  côté  les  expressions  trop  vives,  et  ai»- 
prouver  la  doctrine.  11  y  a  de  l'injustice  à 
exiger  qu'un  saint  soit  exempt  des  moin- 
dres défauts  de  l'humanité.  Il  a  changé,  dit- 
on  do  sentiment  suivant  les  circonstances. 
11  en  a  plutôt  changé  selon  le  progrès  de  ses 
coiuiaissances  :  preuve  qu'il  cherchait  sincè- 
rement la  vérité,  et  qu'il  n'hésitait  pas  de 
se  corriger  lorsqu'il  reconnaissait  qu'il  s'é- 
tait trompé. 

Daillé  a  fait  grand  bruit  sur  un  passage  de 
ce  saint  docteur,  Epist.  50  ud  Pammacli.,  où 
il  dit  ([ue,  quand  on  disiiute,  on  ne  dit  ])as 
toujours  ce  que  l'on  pense,  que  l'on  cherciie 
<i  vaincre  l'adveisaire  | lar la  ruse  autant  que  |)ar 
la  force.  11  est  clair  (pie  sai)U  Jérôme  veut  par- 
ler de  l'usage  que  l'on  fait,  dans  la  dispute, 
des  arguments  personnels  tirés  des  prin- 
cipes de  l'adversaire  qu'on  réfute.  Ces  argu- 
ments ne  sont  [las  toujours  conformes  au  sen- 
ment  de  celui  qui  s'en  sert  ;  mais  ils.  sont 
légitimes  et  solides,  puis(pi'ils  démontrent 
que  l'adversaire  n'est  pas  d'accord  avec  lui- 
même.  11  en  est  de  même  lorsqu'un  adver- 
saire prouve  mal  un  fait  ou  une  opinion  qui 
peuvent  être  vrais  ;  on  attacpie  ses  arguments, 
quoique,  sur  le  fond,  l'on  jiense  comme  lui. 
Ce  sont  des  ruses,  sans  doute,  mais  ruses 
lrès-}»ermises,  dont  on  n'a  jamais  fait  un 
crime  à  personne.  Les  censeurs  mêmes  de 
saint  Jérôme  en  ont  souvent  employé  qui  sont 
moins  honnêtes;  ce  n'eu  est[ias  une  fortloua- 
lile  de  donner  un  sens  ciimuiel  à  un  passage, 
lorsqu'il  peut  avoir  un  sens  trè>.-iniioceut. 

Le  saint  docteur,  en  commentant  les  jia- 
roles  de  Jésus-Christ  [Matth.  c.  v,  v.  34), 
défend,  comme  le  Sauveur  lui-même,  de  ju- 
rer dans  le  discours  ordinaire  ;  de  là  15ar- 
beyrac  conclut  qu'il  condamne  le  serment  en 
général  et  sans  distinction. 

Sur  saint  Matthieu,  c.  xvii,  v.  26,  saint 
Jérôme  fait  rem.irquei'  que  Jésus-Christ  a 
[)ayé  le  triLmt  îi  César,  ahn  d'accomplir  toute 
justice.  Il  ajoute  :  Malheureux  que  nous 
sommes  I  nous  iioi  tons  le  nom  du  Christ, 
et  nous  ne  payons  aucun  trilnit.  Barbeyrac 
soutient  que  saint  Jérôme  défend  aux  chré- 
tiens de  payer  les  tr'ibuts. 

Dans  Sun  Commentaire  sur  Jouas,  saint  Jé- 
rôme n'a  pas  voulu  condamnei'  les  femmes 
ciircliennes  qui  se  sont  donné  la  mort  plu- 
tôt (jue  do  laisser  violer  leur  cliasteté;  son 
censeur  on  conclut  que  ce  Père  approuve 
le  suicide  en  pareil  cas. 

Comme  saint  Jérôme  a  écrit  avec  beau- 
coup i.e  chaleur  contre  Jovinien  (jui  ne  fai- 
sait aucun  cas  de  la  virginité,  et  contre  Vi- 
gdance  qui  condamnait  le  culte  des  reliques, 
011  sent  bleu  qu'un  protestant  no  peut  pas 


pardonner  ces  deux  traits  à  un  Père  de  l'E- 
glise ;  aussi  Barbeyrac  s'emporte  contre  lui, 
et  déclame  de  toutes  ses  forces.  Traité  de  la 
Morale  des  Pères,  c  15.  Tel  est  le  génie  des 
protestants.  Saint  Jérômc\es  a  condamnés  et 
réfutés  d'avance  :  donc  ils  ont  droit  eux- 
mêmes  de  le  condannier;  mais  l'Eglise  a 
suivi  la  doctrine  de  saint  Jérôme,  et  elle  a 
réprouvé  la  leur. 

Ce  n'est  pas  la  peine  do  répondre  en  dé- 
tad  aux  reproches  de  Barbeyrac  :  les  uns 
consistent  à  ilonner  pour  des  erreurs,  des 
vérités  (|ue  nous  professions  encore  ;  les  au- 
tres ne  sont  ffue  de  fausses  conséquences  et 
de  fausses  interprétations  de  la  doctrine  de 
ce  saint  prêtre.  Un  autre  critique  protestant, 
beaucoup  plus  instruit ,  a  poussé  encore 
plus  loin  la  fureur.  Le  Clerc,  en  colère  contre 
D.  Martianay,  éditeur  des  ouvrages  de  saint 
Jérôme,  et  déterminé  à  le  contredire  eu 
toutes  choses,  a  fait  retomber  son  ressenti- 
ment sur  le  saint  docteur.  Il  a  publié,  en  1700, 
un  livre  intitulé  :  Quœstiones  hicronymianœ, 
oh,  sous  prétexte  de  relever  les  fautes  de 
l'éditeur,  il  cherche  à  ruiner  toute  l'estime 
que  l'on  peut  avoir  pour  saint  Jérôme  ;  il 
soutient,  Quœst.,  p.  7,  que  tout  son  mérite  se 
réduit  au  talent  de  déclamer  ;  qu'il  n'a  eu 
qu'une  connaissance  très-médiocre  de  l'hé- 
breu et  du  grec  ;  qu'il  n'avait  fait  qu'effleu- 
rer la  théologie  et  les  autres  sciences,  qu'il 
n'avait  rien  d'original  dans  l'invention,  ni 
d'exact  dans  la  méthode;  que  pour  peu  que  l'on 
connaisse  la  dialectique,  on  ne  trouve  dans  ses 
raisonnements  qu'une  vaine  enllure  et  des 
exagérations  de  rliélorique,  sans  aucune  force 
et  sans  jugement.  11  pense  que  si  Erasme  lui  a 
donnédes  louanges  sur  ce  point,  ç'aétéatin  de 
faire  valou"  sou  édition,  et  pour  se  réconci- 
lier avec  les  moines.  Tout  le  livre  de  Le 
Clerc  est  employé  à  prouver  les  différentes 
accusations;  et  il  faut  convenir  que  si  la 
malignité,  les  interprétations  fausses,  les 
principes  hasardés  en  fait  de  grammaire  et 
d'étymologies  hébraïques,  les  intérêts  de 
sectes  et  de  parti,  peuvent  tenir  lieu  de 
preuves.  Le  Clerc  est  venu  parfaitement  à 
bout  de  son  dessein. 

Richard  Simon,  autre  censeur  très-témé- 
raire, a  do  même  attaqué  D.  Martianay  avec 
beaucoup  d'aigreur,  et  s'est  répandu  en  in- 
vectives contre  les  moines,  dans  des  lettres 
critiques  imprimées  en  1699;  mais  il  a  parlé 
do  saint  Jérôme  avec  beaucoup  plus  de  res- 
pect que  Le  Clerc.  Nous  ignorons  si  le  père 
Villarsi,  dans  son  édition  de  1738,  a  suivi  un 
meilleur  ordre  que  D.  Martianay,  et  s'il  a  sa- 
tisfait aux  1  eproches  des  deux  critiques  dont 
nous  venons  de  parler. 

JERONYMITES,  nom  de  divers  ordres 
ou  congrégations  de  religieux,  autreiuent 
appelés  ermites  de  saint  Jérôme,  parce  qu'ils 
ont  cherché  à  rendre  leur  manière  de  vivre 
conforme  aux  inslructims  de  ce  saint  doc- 
teur. Ceux  d'Espagne  doivent  leur  naissance 
au  liers  ordre  do  saint  François,  dont  les 
premiers  jéronymites  étaient  membres.  Gré- 
goire Xlajjprouva  leur  congrégation  l'an  1374; 
il  leur  donna  les  constitutions   du  couvent 


SI 


JER 


JER 


Bi 


de  Sàinte-Marie-du-Sépulcre  ,  avec  la  règle 
de  saint  Augustin  ;  pour  Iwbit  une  tunique 
de  drap  blanc,  un  scapulaire  de  couleur 
tannée,  un  petit  capuce  et  un  manteau  de 
pareille  couleur,  le  tout  sans  teinture,  et  de 
vil  prix. 

Ces  religieux  sont  en  possession  du  cou- 
vent de  Saint-Laurent  de  i'Escurial,  où  les 
rois  d'Espagne  ont  leur  sépulture,  de  celui 
de  Saint-Isidore  de  Séville,  et  de  celui  de 
Saint-Just,  dans  lequel  Charles-Quint  se  re- 
tira lorsqu'il  eut  abdiqué  la  couronne  im- 
périale et  celle  d'Espagne.  Il  y  a  encore 
dans  ce  royaume  d'autres  religieux  jérony- 
mites,  qui  furent  fondés  sur  la  tin  du  xv°  siè- 
cle ;  Sixte  IV  les  mit  sous  la  juridiction  des 
anciens  jér  ony  mit  es,  et  leur  donna  les  con- 
stitutions du  monastère  de  Sainte-Marthe  de 
Cordoue  ;  mais  Léon  X  leur  ordonna  de 
prendre  les  premières,  dont  nous  venons  de 
parler.  Ainsi  ces  deux  congrégations  furent 
réunies. 

Les  ermites  de  saint  Jérôme  de  l'obser- 
vance de  Lombardie  ont  pour  fondateur 
Loup  d'Olmédo,  qui  les  établit,  en  1424, 
dans  les  montagnes  de  Cazalla,  au  diocèse 
de  Séville  ;  il  leur  donna  une  règle  composée 
des  instructions  de  saint  Jérôme,  et  qui  fut 
apiirouvée  parle  pape  Martin  V.  Ces jérony- 
mitcs  furent  dispensés  de  garder  la  règle  de 
saint  Augustin. 

Pierre  Gambacorti,  de  Pise,  fonda  la  troi- 
sième congrég-'îtion  des  jéronymites,  vers 
l'an  1377.  Ils  ne  Ihcnt qu^ des  vœux  simples 
jusqu'en  1568;  alors  Pie  V  leur  onionna  de 
faire  des  vœux  solennels.  Ils  ont  des  mai- 
sons en  Italie,  dans  le  Tyrol  et  d«ns  la 
Bavière,  et  ils  sont  au  nombre  des  ordres 
mendiants. 

La  quatrième  congrégation  âe  jéronymites, 
dite  de  Fiésoli,  commença  l'an  lâGO.  Charles 
de  Monte  Granelli,  de  la  maison  des  comtes 
de  ce  nom,  se  retira  dans  la  solitude,  et 
s'établit  d'abord  à  Véronne,  avec  quelques 
compagnons  qu'il  rassembla.  Cettu  congré- 
gation fut  mise,  par  Innocent  VII,  sous  la 
rè,j;le  et  les  constitutions  de  saint  Jérôme; 
mais  en  1441,  Eugène  IV  leur  donna  la  règle 
de  saint  AugUiliii.  Comme  le  fondateur 
était  du  tiers  ordre  de  saint  François,  il  en 
garda  l'habit;  en  14C0,  Pie  II  permit  à  ceux 
qui  voudraient  de  le  quitter,  ce  qui  occa- 
sionna une  division  parmi  eux  ;  mais  en 
1668  Clément  IX  supprima  entièrement  cet 
ordre,  en  l'unissant  à  la  congrégation  du  C. 
Pierre  Gambacorti. 

JÉRUSALEM  (Eglise  de).  Il  est  dit  dans 
les  Actes  des  apôtres,  que  cinquante  jours 
après  la  résurrection  de  Jésus-Christ,  les 
apôtres  reçurent  le  Saint-Esprit  ;  que  saint 
Pierre,  en  deux  prédications,  convertit  à  la 
toi  chrétienne  huit  mille  hommes,  et  que  ce 
nombre  augmenta  de  jour  en  jour.  Quel- 
<jucs  années  ai)rôs ,  les  anciens  de  cette 
Église  dirent  à  saint  Paul  :  '<  Vous  voyez, 
mon  frère,  combien  de  milliers  de  Juifs 
croient  eu  Jésus-Christ.  »  Ce  fait  est  con- 
firmé par  Hégésippe,  auteur  du  ii*  siècle  ; 
par  Gelsc,  qui  reproche  aux  Juifs  convertis 


de  s'être  attachés  à  un  homme  mis  à  mort 
depuis  peu  de  temps  ;  dans  Origène,  1.  ii, 
n.  1,  4,  46;  et  par  Tacite,  qui  dit  que  le 
christianisme  se  répandit  d'abord  dans  la 
Judée,  où  il  avait  pris  naissance,  Annal.,  1, 
XV,  n.  44. 

L'on  commença  de  bonne  heure  à  dis- 
puter dass  cette  Eglise;  les  apôtres  s'y  as- 
semblèrent vers  Fan  51,  pour  décider  que  ' 
les  gentils  convertis  n'étaient  pas  tenus  à 
garder  la  loi  do  Moïse.  Les  ébionites  pré- 
tendireiit  que  Jésus  était  né  de  Joseph; 
Céiinlhe  nia  sa  divinité  ;  d'autres  la  réalité 
de  sa  chair  ;'saint  Paul  et  saint  Jean  réfu- 
tent ces  erreurs  dans  leurs  lettres.  L'exis- 
tence d'une  Eglise  nombreuse  à  Jérusa- 
lem, avant  la  destruction  de  cette  ville,  ou 
avant  l'an  70,  est  donc  incontestable. 

Mais  si  la  résurrection  de  Jésus-Christ, 
ses  miracles  H  les  autres  faits  publiés  par 
les  apôtres,  n'avaient  pas  été  indubitables, 
ces  prédicateurs  auiaient-ils  ju  faire  un  si 
grand  nombre  de  prosélytes  sur  le  lieu 
même  où  tout  s'était  passé,  dans  un  temps 
où  ils  étaient  environnés  de  témoins  ocu- 
laires, et  de  sectaires  qui  étaient  intéressés 
aies  contredire. 

Pour  expliquer  naturellement  la  naissance 
et  les  progrès  du  christianisme,  les  incré- 
dules modernes  sup|)osent  que  les  apôtres 
ne  prêchèrent  d'abord  qu'en  secret  et  dans 
les  ténèbres;  qu'ils  ne  comn:encèient  à  se 
montrer  au  grand  jour  que  quand  ilï  furent 
assez  foi  ts  pour  intimider  les  Juifs,  et  qu'a- 
lors on  ne  pouvait  plus  les  convaincre  d'im- 
posture, parce  que  les  témoins  ne  subsis- 
taient plus.  C'est  une  supposition  fausse. 
Le  meurtre  de  saint  Etienne  et  de  saint 
Jacques,  l'emprisonnement  de  saint  Pierre, 
le  tumulte  excité  par  les  Juifs  contre  saint 
Paul,  les  disputes  qui  régnèrent  parmi  les 
Juifs  convertis,  et  qui  donnèrent  lieu  au 
concile  de  Jérusalem,  etc.,  prouvent  que  la 
prédication  des  apôtres  lit  d'abord  be.iucoup 
de  bruit,  et  fut  connue  de  tout  Jérusalem  ; 
que  la  rapidité  de  leur  succès  étonna  les 
chefs  de  la  nation  juive  ;  que  ceux-ci-n'o- 
sèrent  traiter  les  apôtres  comme  ils  avaient 
trait  '  Jésus-Christ  lui-même.  —  Il  est  donc 
incontestable  que  les  faits  sur  lesquels  les 
apôtres  fondaient  leurs  prédications,  et  qui 
sont  la  base  du  christianisme,  ont  été  haute- 
ment publiés  d'abord,  et  poussés  au  plus 
haut  point  de  notoriété,  sur  le  lieu  même 
où  ils  se  sont  passés,  et  sous  les  yeux  des 
témoins  occulaires;  que  ceux  même  qui 
avaient  le  ])lus  d'intérêt  de  les  contester 
n'ont  pu  y  rien  opposer;  que  ceux  qui  les 
ont  crus  étaient  invinciblement  persuadés  de 
la  vérité  de  ces  faits. 

Dès  l'origine,  la  communauté  des  biens  s'é- 
tablit parmi  les  fidèles  de  Jérusalem  ;  mais  au 
mot  CoMMuwuTÉ  DE  BIENS,  iious  avousfait 
voir  (]u'e]le  consistait  seulement  dans  la  libé- 
ralité avec  laquelle  c!iacun  d'eux  poiu-voynit 
aux  besoins  des  autres  ;  nous  savons  que  la 
même  charité  mutuelle  a  régné  dai's  \cs 
autres  Eglises  :  (juant  à  la  coruiuu'.iauté  do 
bieus  prise  en  rigueur,  ^a  ne  peut  uas  m'oa 


«5  iER 

vi;r  qu'elle  ait  été  établie  nulle  part.  C'est 
tlouc  mal  à  propos  quo  les  incrédules  ont 
écfit  que  c'était  là  une  des  princi|)ales  causes 
de  la  propagation  rapide  du  cliristianisme. 
Quand  elle  aurait  eu  lieu  à  Jérusalem,  en 
quoi  aurait-elle  influé  sur  la  conversion  des 
peuples  de  l'Asie  mineure,  de  la  Grèce  ou 
ds  l'Italie?  La  charité  héroïque  qui  a  été 
pratiquée  par  tous  les  chrétiens  dans  tous 
les  lieux,  môme  envers  les  païens,  a  fait  des 
prosélytes  sans  doute,  les  Pères  de  l'Eglise 
en  déposent  ;  nous  ne  pensons  pas  que  ce 
motif  de  conversion  fusse  déshonneur  à 
notre  religion.  Voy.  Christianisme. 

II  y  a  plusieurs  contestations  entre  les 
théologiens  catholiques  et  les  protestants, 
au  sujet  de  l'assemblée  tenue  à  Jérusalem 
par  les  apôtres  vers  l'an  51,  de  laquelle  il 
est  parlé,  Act.,  c.  xv.  Il  s'agit  de  savoir  si 
ce  fut  un  vrai  concile,  si  les  prôtres  et  le 
peuple  y  eurent  voix  délibérative,  quel  fut 
l'objet  de  la  décision,  si  ce  fut  une  loi  per- 
pétuelle et  qui  devait  durer  toujours. 

Déjà,  au  mot  Concile,  nous  avons  prouvé 
que  rien  ne  manquait  à  cette  assemblée 
pour  mériter  ce  nom,  puisqu'il  s'y  trouvait 
au  moins  trois  apôtres,  dont  l'un  était  évo- 
que titulaire  de  Jérusalem,  jilusicurs  disci- 
ples qui  participaient  à  leurs  travaux,  et  que 
saint  Pierre  y  présidait.  Il  n'était  pas  né- 
cessaire que  tous  les  apôtres  et  tous  les 
pasteurs  qu'ils  avaient  établis,  fussent  ap- 
pelés :  chacun  îles  apôtres  avait  reçu  de 
Jésus-Christ  et  du  Sauit-Esprit  le  droit  de 
faire  des  lois  pour  le  gouvernement  de  l'E- 
glise [Matth.,  c.  XIX,  v.  28);  à  plus  forte 
raison  avaient-ils  ce  droit,  lorsque  plusieurs 
étaient  réunis  5  leur  chef.  Mosheim,  qui  a 
discuté  cette  question,  convient  que  c'est 
ua«  dispute  de  mots.  Insl.  llUt.  christ.,  p. 
2G1.  Le  décret  de  ce  concile  fut  donc  une 
véritable  loi  qui  obligeait  tous  les  lldèles  ; 
non-seulement  il  concernait  la  disciplini^ 
mais  il  décidait  un  dogme  ;  savoir,  quo  les 
gentils  convertis  n'étaient  |)as  obligés,  pour 
6tro  sauvés,  à  observer  la  circoncision  ni 
les  autres  lois  cérémonielles  des  Juifs;  qu'il 
leur  suflisait  d'avoir  la  fui  ;  et  l'on  sait  que, 
par /o  /oi,  les  apôtres  entrudaient  la  sou- 
mission à  la  morale  de  Jésns-Christ,  aussi 
bien  qu'au  reste  de  sa  doctrine.  Qtioique 
ci'tte  décision  ne  fût  adressée  qu'aux  gen- 
tils convertis  d'Antioche ,  de  Syrie  et  de 
Cilicie,  elle  ne  regardait  pas  moins  les  autres 
Eglises ,  puisque  saint  Paul  enseigna  la 
même  doctrine  aux  Galales.  D'oii  il  s'ensui- 
vait que,  s'il  était  encore  permis  aux  juifs 
d'observer  leur  loi  cérémouielle,  ce  n'était 
plus  comme  une  loi  religieuse,  mais  commo 
une  simple  police. 

lui  second  lieu,  il  est  dit  [Act.  c.  xv ,  v.  6 
et  7)  que  les  apôtres  et  les  prêtres  ou  an- 
ciens s'assemblèrent  pour  examiner  la  ques- 
tion, que  l'examen  se  ht  avec  soin;  v.  22, 
qu'il  plut  aux  aiiôtres,  aux  anciens  ou  prê- 
tres, et  à  toute  l'Eglise,  d'envoyer  des  dé- 
nutés  porter  cette  décision  à  Àntioche  :  do 
îà  les  protestants  ont  conclu  que  les  prêtres 
et  le  peuple  eurent  voix   délibérative  dans 


JER 


hk 


ce  concile,  qu'ils  auraient  drt  l'avoir  de  même 
dans  tous  les  autres;  que  c'a  été  dans  la 
suite  une  usurjiationde  la  part  des  évôipjes, 
de  s'attribuer  ce  droit  exclusivement;  qu'en 
cela  ils  ont  perverti  l'ordre  établi  par  les 
ajiôtres,  qu'ils  ont  changé  en  aristocratie  un 
uouverncment  qui,  dans  son  origine,  était 
uénmcratique. 

Aux  mots  EviîiQUE,  Hiérarchie,  etc.,  nous 
avons  prouvé  le  contraire,  et  le  chapitre 
même  que  l'on  nous  objecte,  le  conlirnie. 
Les  ])rêtres  ni  le  peuple  ne  parlent  point 
dans  cette  assemblée,  on  no  demande  point 
leur  suiïrage  :  il  est'dil  au  contraire,  v.  12, 
que  la  mullilude  se  lut.  Leur  présence  ne 
prouve  donc  point  qu'ils  y  assistaient  en 
qualité  de  juges  ou  d'arbitres,  mais  seule- 
ment comme  intéressés  à  savoir  ce  qui 
serait  décidé.  Lorsque  tes  magistrats  pro- 
noncent un  arrêt  à  l'audience,  on  ne  s'avise 
pas  de  dire  que  c'est  l'ouvrage  des  avocats  et 
des  auditeurs. 

Basnago  a  cependant  soutenu  quo  le  con- 
cile de  Jérusalem  est  le  seul  œcuméiiiipie  (]ue 
l'on  ait  pu  tenir;  ipie  si  on  le  preuail  pour 
règle  et  jjour  modèle  des  autres,  il  faudrait 
quo  les  apôtres  y  présidassent,  (|u'ils  fussent 
composés  de  tous  les  évê(pies  de  l'Kgliso 
chrétienne,  quo  les  prêtres  et  le  peuple 
eussent  iiart  aux  décisions.  Histoire  de  l'E- 
glise, 1.  X,  c.  1,  §  3.  11  aurait  été  bien  em- 
barrassé de  faire  voir  en  ([Uni  consistait  la 
part  que  les  prêtres  et  le  peuple  eurent 
à  la  décision  du  concile  do  Jérusalem.  Les 
évê(jues  sont  les  successeurs  des  apôtres; 
ils  ont  donc  hérité  du  droit  de  tenir  des 
conciles;  il  n'est  pas  plus  nécessaire  que 
tous  y  assistent,  qu'il  ne  l'a  été  que  tous  les 
apôtres  fussent  présents  au  concile  de  Jéru- 
salem. Fo  y.  Concile.  Les  protestants  veulent 
persuader  que  les  ajtôtres  n'avaient  le  droit 
de  juger  et  de  faire  des  lois,  que  parce 
qu'ils  avaient  reçu  ■  le  Sainl-Esprli;  mais 
longtemps  aujiaravant  Jésus-Christ  leur  avait 
dit  :  Vous  serez  assis  sur  douze  sièges  pour 
juger  les  trihus  d'Israël  {Mullh.  c.  xi\,v.  28). 

En  troisième  lieu,  le  concile  enjoint  aux 
fidèles  de  s'abstenir  de /c(soM(7/i<re(/M  ù/o/cs-, 
ou  des  viandes  immolées  aux  idoles,  du 
sang,  des  viandessull'oquées  et  de  hxfornica- 
tion  (Act.  c.  XV,  v.  20  et  29).  Il  n'est  aucun 
de  ces  termes  sur  le  sens  duquel  les  com- 
mentateurs n'aient  disputé.  Spencer  a  fait  ii 
ce  sujet  une  assez  longue  dissertation,  de 
Legib.  Hebr.  rituatib.,  1.  ii,  p.  'i-3a.  Après 
avoir  rapporté  les  divers  sentiments,  il  est 
d'avis  qu'il  faut  prendre  les  termes  dans  le 
sens  le  plus  naturel  et  le  plus  ordinaire  ; 
que  par  la  souillure  des  îrfo/f.<;,  il  faut  enten- 
dre tous  les  actes  d'idolâtrie  :  or,  c'en  était 
un  de  manger  des  viandes  immolées  aux 
idoles,  soit  dans  leur  temple,  soit  ailleurs, 
soit  a'iirès  un  sacritice,  soit  dans  un  autre 
temps;  d'invoquer  les  dieux  au  commence- 
ment ou  à  la  tin  du  repas,  de  faire  des  liba- 
tions k  leur  lionneur ,  etc.  Ces  pratiques 
étaient  familières  aux  païens  ;  c'est  pour  cela 
que  les  Juifs  évitaient  de  manger  avec  eux. 
S'abstenir  du  sang  n'est  point  s'abstenir  du 


SB 


1ER 


JEP. 


S6 


raeurtre,  mais  éviter  de  manger  le  sang  des  ^ 
animaux,  par  conséquent  les  viandes  suffo- 
quées dont  le  sang  n'a  pas  été  versé.  La 
fornication  est  le  commerce  avec  une  pros- 
tituée, commerce  que  les  païens  ne  mettaient 
pas  au  rang  des  crimes. 

Quoique  le  décret  du  concile  de  Jérusa- 
lem semble  mettre  toutes  ces  actions  sur  la 
même  ligne,  il  ne  s'ensuit  pas,  dit  Spencer, 
que  l'idolâtrie  et  la  fornication  soient  en 
elles  mêmes  aussi  indifférentes  que  l'usage 
du  sang  et  des  viandes  suffoquées  ;  les  deux. 
premières  sont  défendues  par  la  loi  naturelle, 
le  reste  ne  l'était  que  par  une  loi  positive, 
relative  à  la  police  et  aux  circonstances. 
Mais  tout  cela  est  joint  ensemble,  parce  que 
c'étaient  autant  de  signes,  de  causes  et  d'ac- 
compagnements de  l'idolâtrie  ;  cet  auteur  le 
prouve  par  des  témoignages  positifs.  Telle 
est,  selon  lui,  la  principale  raison  de  la  dé- 
fense portée  par  les  apôtres  ;  la  seconde 
était  l'horreur  gue  les  Juifs  avaient  pour 
toutes  ces  pratiques,  et  qui  les  détournait 
de  fraterniser  avec  les  gentils;  la  troisième 
était  la  nécessité  d'écarter  de  ceux-ci  toute 
occasion  de  retourner  à  leurs  anciennes 
mœurs. 

En  quatrième  lieu,  cette  loi  a  été  souvent 
renouvelée  dans  la  suite  ;  elle  se  trouve  dans 
ies  Constitutions   apostoliques,  1.  vi,    c.  12; 
dans  le  deuxième  canon  du  concile  de  Gan- 
gres,  dans  le  concile  in  Trullo,  dans  une  loi 
de   l'empereur    Léon,    dans   un   concile   de 
Worms,  sous  Louis  le    Débonnaire  :   dans 
une  Lettre  du   pape  Zacharie  à  Varcherêque 
de  Mayence,  et  dans  plusieurs  Pénitentiaux. 
€ette. discipline  est  encore  observée  chez  les 
Ethiopiens  ;  elle  l'a  été  en    Angleterre  jus- 
qu'au temps  de  Bède.  C'est  ce  qui  a  déter- 
miné plusieurs  savants  protestants  à  soute- 
nir qu'elle  n'aurait  jamais  dû  être  abrogée, 
puisqu'elle  est  fondée  sur  l'Ecriture  sainte  et 
sur  une  tradition  constante  :  Notre  coutume, 
disent-ils,    de    manger   du    sang  scandalise 
non-seulement  les  Juifs  et  les    Grecs  schis- 
matiques,   mais   encore    un    grand   nombre 
d'hommes  pieux  et  instruits.  Mais  il  est  évi- 
dent que  les  deux  raisons   principales  pour 
lesquelles  cette  loi  était  établie  ne  subsistant 
plus,   elle    no  doit  plus  avoir  lieu,  et   que 
ceux  qui  se  scandalisent  de  l'usage  contraire 
ont  tort.  Si  les  Juifs  et  les  Grecs  se  faisaient 
catholiques,  ils  seraient  les  maîtres  de  s'abs- 
tenir du  sang   et    des    viandes    suffoquées, 
î)ourvu  qu'ils  ne  le  fissent  pas  par  un  motif 
superstitieux.  La  tradition  que   l'on    nous 
oppose  n'a  pas  été  aussi  constante  qu'on  le 
prétond,  puisqu'au  iV  siècle,   du  temps  de 
saint  Augustin,  cette  abstinence  n'était  déjà 
plus  observée  dans  l'Eglise  d'Afrique.  Saint 
Augustin,    contra   Faust.,  1.    xxxJl,  cap  1.3. 
Des  raisons  locales   l'ont  tenue  en   vigueur 
plus  longtemps  dans  le   Nord  de   l'Europe, 
parce    que  le    christianisme  n'y  a   pénétré 
qu'au  vii°  siècle  et  dans  les  suivants,  et  que 
les  mœurs  grossières  des    païens   convertis 
exigeaient  cette  précaution.  Tout  cela  |)rouvc 
que  c'est  h  l'Eghsc  qu'il  appartient  déjuger 
do  la  discipline  qui  convient  dans  les  temps 


et  les  lieux  différents.  Quant  aux  protestants, 
qui  veulent  décider  de  tout  par  l'Ecriture 
sainte,  c'est  leur  affaire  de  dire  pourquoi 
ils  ne' gardent  pas  une  loi  qu'ils  y  voient  en 
termes  formels. 

'Jérusalem  (Destruction  de).  La  ville  de  Jérusa- 
lem, l'objet  de  la  prédilection  de  Dieu,  se  montra 
ingrate  et  mérita  d'être  punie.  Jamais  punition  ne 
fut  plus  éclatanie;  aucune  preuve  en  faveur  de  la  vé- 
rité de  notre  religion  n'est  plus  visible  que  celle-ci. 
Nous  empruntons  à  Keith  cette  preuve  inattaquable 
qui  déposera  dans  tous  les  siècles  en  faveur  de  notre 
foi. 

I  Les  instruments  ne  manquent  jamais  pour  l'exé- 
éûtion  des  desseins  de  Dieu  ;  de  même,  quand  cela  est 
nécessaire  pour  la  conlirmation  de  sa  parole,  il  ne 
manque  point  de  témoignage  pour  attester  que  ses 
desseins  déclarés  ont  reçu  leur  pleine  exécution. 
L'histoire  n'offre  rien  de  pareil  au  siège  et  à  la  des- 
truction de  Jérusalem,  et  aux  malheurs  que  ses  habi- 
tants se  sont  infligés  et  ont  attirés  sur  eux  par  leur 
sauvage  barbarie  et  leur  résistance  obstinée.  11  n'est 
point  de  ville  ni  de  pays  dont  la  destruction,  la  dé- 
vastation et  les  malheurs  soient  conservés  dans  un 
détail  aussi  clair  et  aussi  authentique.  Josèphe,  qui 
était  juif  lui-même  et  témoin  oculaire  des  faiits  qu'il 
rapporte,  donne  un  récit  circonstancié  de  toute  la 
guerre  ;  d'où  il  résulte  une  preuve  complète  et  évi- 
dente de  la  vérité  de  ce  qui  a  été  prédit  par  Moisf  et 
les  prophètes,  et  aussi  de  tout  ce  que  le  Christ,  dans 
une  vision  plus  claire,  et  jusqu'à  jeter  ses  disciples 
dans  l'étonnementetle  trouble,  a  révélé  explicitement 
par  rapport  au  sort  qui  attendait  prochainement  cette 
coupable  cité.  Les  écrivains  païens  aussi  mentionnent 
une  multitude  de  faits. 

i  Les  prophéties  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testa- 
ment relatives  au  siège  et  à  la  destruction  de  Jéru- 
salem, sont  si  nombreuses,  que  pour  les  insérer  ici 
tout  au  long,  il  faudrait  plus  d'espace  que  nous  n'en 
pouvons  consacrer  à  la  considération  même  du  sujet. 
Le  lecteur  peut  les  voir  telles  qu'on  les  trouve  dans 
la  parole  écrite,  les  Ecritures  (Lev.  xxvi,  14,  etc.  ; 
Deul.  xxviii,  15,  etc.  ;  Is.  xxix,  1,  etc.;  Eiech.  vi, 
vu;  Jer.  xxvi,  18;  Mich.  m,  12;  Mallh.  xxi,  55, 
etc.;  xxu,  l-7;xxiv;  Marc,  xni;  Luc.  xx,  9-19  ; 
XXI,  xxiii,  27-51  ).  Leur  signification  ne  demande 
pas  d'autre  exposition.  Oulre  les  prédictions  littéra- 
les, on  trouve  encore  dispersées  çà  cl  là  dans  l'Evan- 
gile de  fréquentes  allusibns  à  l'aboliiion  de  la  loi  de 
Moïse  et  au  dernier  bouleversement  de  la  république 
des  Juifs. 

€  Un  peuple  d'une  altitudemenaçante,  d'une  langue 
inconnue,  et  aussi  rapide  que  le  vol  de  l'aigle,  devait 
s'avancer  d'une  terre  lointaine  contre  les  Juifs,  pour 
les  dépouiller  de  tous  leurs  biens,  pour  les  assiéger 
dans  toutes  leurs  villes  et  renverser  leurs  murailles 
hautes  et  fortiliées.  Il  ne  devait  reiîter  de  tout  le  peu- 
ple qu'un  petit  nombre  d'hommes  ;  ils  devaient  être 
massacrés  sous  les  yeux  de  leurs  ennemis  ;  l'orgueil 
de  leur  puissance  devait  être  brisé,  leurs  villes  de- 
vaient être  dévastées  ;  eux-inènics  ils  devaient  être 
détruits,  réduits  à  rien,  arrachés  de  leur  patrie,  ven- 
dus comme  esclaves,  et  tomber  dans  un  tel  iiK'pris 
que  personne  n'en  voudrait  acheter.  Leurs  hauts 
lieux  devaient  être  frappés  de  désolation,  et  leurs 
ossements  dispersés  autour  de  leurs  autels.  Jérusalem 
devait  être  environnée  de  toutes  parts,  et  entourée 
de  lignes  de  circonvallation  ;  on  devait  élever  des 
forts  contre  elle  ;  elle  devait  être  labourée  comme  un 
champ  de  terre,  devenir  un  monceau  de  décsmbres, 
et  être  frappée  d'une  ruine  totale.  Le  glaive,  la  fa- 
mine et  la  peste  devaient  concourir  à  leur  destruc- 
tion. 

«  Les  Juifs  vécurent  sans  crainte  de  ces  terribles 
jugements  de  Dieu  tant  qu'ils  furent  en  paix,  et  ne 
voulurent  point  écouter  la  voix  de  Jésus.  Ils  ne  vou- 


67 


JER 


1ER 


88 


laient  point  avoir  d'autre  roi  que  César,  et  ils  se  rfr- 
posaient  sur  reiupirc  romain  de  la  sécurité  de  leur 
pairie.  Mais  celui  qu'ils  avaient  rejeté  lit  voir  que 
Dieu  les  avait  aussi  rejelés  eux-niènies,  qu'ils  com- 
blaient la  mesure  de  leurs  pures,  et  que  tous  les  ar- 
rêts de  la  justice  divine  qui  avaient  autrefois  été 
prouoncés  contre  eux,  et  d'autres  encore  que  leurs 
pères  n'avaient  point  eulendus,  se  feraient  sentir  à 
plusieurs  d'entre  eux,  et  ([ue  quelques-uns  de  ceux  qui 
vivaient  alors  en  seraient  les  témoins.  Et  l'homme  de 
douleurs  donl  Icvisaye  était  endurci  comme  une  pierre 
très-dure  contre  les  souflVances  inouïes  qu'il  eut  à 
endurer,  et  qui  ne  versa  pas  une  larme  pour  son  pro- 
pre conque,  lut  louché  de  compassion,  sou  cunu' s'a- 
mollit et  fut  saisi  d'altendrissenient,  coiniue  le  serait 
un  enfant,  à  la  vue  des  grands  crimes  de  sa  nation  el 
des  malheurs  qui  étaient  près  de  fondre  sur  cette  cité 
criminelle,  inq)énitente  et  maudite  :  Et  voyant  Jéru- 
salem, il  pleura  sur  elle. 

<  Trente-six  ans  expirés  entre  la  mort  du  Christ  et 
la  ruine  de  Jérusalem;  la  mort,  antérieure  à  cet  évé- 
nemeiU,  de  deux  au  luoius  des  évangélistes  (pii  rap- 
portent les  prophéties  qui  y  sont  relatives;  la  manière 
dont  les  prédictions  et  les  allusions  (pii  concernent 
les  destinées  de  Jérusalem  sont  mêlées  au  récit  évau- 
géliquc;  l'avertissemenl  donné  aux  disciples  du  Christ 
de  se  soustraire  aux  malheurs  ipii  étaient  près  de 
fondre  sur  leur  patrie,  et  l'annonce  qui  leur  est  l'aile 
des  signes  (jui  leur  eu  feront  connaiticî  l'approche  ;  la 
frayeur  qu'inspirait  à  quehines-uns  des  premiers  con- 
vertis à  la  foi  chrétienne  la  persuasion  que  le  jour  du 
jugement  était  proche,  et  qui  avait  pour  source  la 
coimexiou  intime  ([ui  existe  euli<^  les  prophéties  con- 
cernant la  ruine  de  Jérusalem  et  celles  qui  sont  rela- 
tives au  second  avènement  du  Christ  et  à  la.  lin  du 
monde  (tontes  choses  dont  ses  disciples  lui  avaient 
demandé  la  révélation);  rassenlimcnl  unanime  de 
l'antiiiuité  à  la  première  prédication  de  l'Evangile; 
et  la  vérité  constante  des  prophéties,  coutinuani  en- 
core à  se  manifester  dans  l'état  présent  de  Jérusalem, 
qui  est  foulée  par  les  pieds  des  gciitils,  fournissent 
Une  preuve  aussi  complète  qu'on  peut  l'imaginer,  que 
toutes  ces  prédictions  ont  été  faites  avant  l'événe- 
ment. 

«  Il  ne  saurait  y  avoir  de  coïncidence  plus  étroite, 
par  rapport  aux  faits,  (|iie  celle  qui  existe  entie  les 
rédi<Jtions  de  Jésus  et  le  récit  de  l'historien  juif.  Eh 
ien!  connue  le  lecteur  le  verra  dans  la  suite,  cette 
coïncidence  n'eslpasplusclaireiiue  cellequi  se  trouve 
entre  le  témoignage  des  incrédides  modernes  et  les 
prophéties  qui  ont  rapport  à  la  désolation  passée  et 
présente  de  la  Judée. 

I  Des  guerres,  des  bruits  de  guerre,  des  commo- 
tions, les  nations  se  souh'vant  contre  les  nations,  et  les 
royaumes  contre  les  royaumes,  des  famines,  des  pes- 
tes et  des  tremblements  de  terre  en  divers  lieux  :  tels 
sont  les  plus  graiuls  de  tous  les  malheurs  temporels 
que  redoutent  les  humains.  Ce  n'était  cependant  là 
que  le  commencement  des  afiliclions  et  les  avant- 
coureurs  de  maux  plus  'affreux  encore.  Il  apparaîtra 
beaucoup  de  faux  christs  qui  séduiront  beaucoup  de 
monde.  Les  disciples  de  Jésus  seront  persécutés,  af- 
fligés, euq)risoimés,  haïs  de  toutes  les  nations,  et 
conduits,  pour  l'anioiir  de  son  nom,  devant  les  gou- 
verneurs ot  les  rois,  et  beaucoup  d'entre  eux  seront 
mis  à  mort.  L'iniquité  abondera,  et  la  charité  se  re- 
froidira dans  le  cœur  de  beaucoup;  toutefois  l'Evan- 
gile du  royaume  sera  prêché  dans  tout  l'univers. 
L'abomination  de  la  désolalion  sera  vue  dans  le  lieu 
où  elle  ne  doit  pas  être.  Jérusalem  sera  de  toutes 
parts  environnée  par  les  armées,  elle  sera  entourée 
d'une  tranehee  et  les  habitants  enveloppés  de  tons 
Côtes.  Il  y  aura  aussi  d'horribles  fantômes  et  de  grands 
signes  dans  le  ciel;  et  à  ces  signes  on  recoiinailra 
que  la  ruine  de  Jérusalem  est  pioche.  La  tene  sera 
frappée  d'une  grande  détresse,  et  le  peuple  sentira 
les  coups  d'une  grande  colère  :  la  Iribulation  sera 


l 


telle  qu'il  n'y  en  eut  et  qu'il  n'y  en  aura  jamais  de 
semblable.  Les  Juifs  tondicront  sous  les  coups  du 
glaive  ;  ce  qu'il  en  restera  sera  mené  en  captivité  chez 
toutes  les  nations;  du  tenqile  et  de  Jérusalem'  îUe- 
mème  il  ne  restera  pas  picne  sur  pierre,  et  elle  sera 
foulée  par  les  pieds  des  gentils  jus(iu'à  ce  que  le  temps 
des  gentils  soit  accompli. 

«  Ces  prophéties  ont  été  faites  dans  un  temps  depar- 
faile  paix,  et  cependant  elles  ont  été  accomplies  avant 
qu'il  se  ftit  écoulé  une  génération.  Les  séductions  qui 
furent  mises  en  œuvre  par  de  faux  christs,  on  pré- 
tendus prophètes,  occasionnèrent  quelques-unes  des 
premières  commotions,  qui  bientôt  s'éteiulirent  sur 
toute  la  Judée.  Chaque  ville,  en  Syrie,  devint  le  théâ- 
tre d'une  guerre  civile.  Les  Juifs  furent  excités  ii  la 
révolte  par  les  iiulignités  et  les  oppressions  auxquelles 
ils  furent  en  butte  sous  l'Iorus,  gouverneur  romain. 
Enlin  ils  se  révoltèrent  ouvertement  contre  les  Ko- 
mains.  Ces  guerres  el  ces  bruits  de  guerre  et  ces  coni- 
nu)tions  ne  furent  pas  restreinlesi»  la  Syrie.  A  Ali  xan- 
drie,  cin(puuUe  mille  Juifs  furent  massacrés  d'une 
seule  fo'is.  L'Italie  éprouva  de  si  fortes  convulsions, 
que,  dans  le  court  espace  de  deux  ans,  quatre  enqie- 
reurs  souffrirent  la  mort.  Il  y  eut  des  pestes  et  des  fa- 
mines, une  grande  uu)rtalité  à  Babylonc  et  à  Rome  et 
en  divers  lieux,  d(^  grands  Ireinbleunuits  de  terre  (pii 
renversèrent  différentes  villes.  L'oidede  ta  nature, 
dit  Josèpho,t'7ni(()ui(/«Dcrs(!;  et  il  y  ai  ail  des  prépayes 
de  vialheurs  non  ordinaires.  Il  y  avait  des  signes  et 
d'horribles  fantômes  capables  d'ell'raycr  les  pins  har- 
dis. L'iniquité  abondait,  el  nuime  la  foi  et  la  charité 
chrétienne  s'aflaiblissaient.  Le  nom  de  chrélien  de- 
vint im  signal  de  persécution  el  une  marque  de  haine. 
Les  chrétiens  étaient  conduits  devant  les  gouverneurs 
et  les  rois.  Paul,  abandonne  par  de  faux  licres,  com- 
parut seul  devant  Néron.  Les  corps  des  chrétiens, 
couverts  de  matières  cond)ustibles,  éclair  rent  les 
rues  de  Rome.  Mais,  ([uoiipie  les  disciples  de  Jésus 
fussent  haïs,  persécutés, emprisonnés,  allligés,  battns 
de  verges,  et  un  grand  nombre  d'entre  eux  massa- 
crés, brùléi  ou  cruciliés,  l'Evangile  du  royaniue  n'en 
était  pas  moins  prêché  de  l'Espagne  jusqu'à  l'Inde,  et 
publie  dans  tout  le  monde.  Ils  portaient  à  la  mort  le 
triomphe  de  leur  foi,  mais  dans  les  jugements  de  Dieu 
contre  Jérusalem,  il  ue  périt  pas  un  cheveu  de  leurs 
tètes.  Le  dernier  signal  avait  élé  donné  :  les  ensei- 
gnes idolâtres  des  Uomains  couvraient  la  Judée  :  Jé- 
rusalem était  toute  environnée  d'armées.  Ces  armées 
se  retirèrent  enciu'c  pour  un  temps.  Beaucoup  de 
personnes  alors  s'enfuirent  de  la  ciié.  Les  chrétiens 
avertis  d'avance,  comme  le  lapporte  Eusèbe,  se  ré- 
filgièrent  à  Pella,  dans  les  montagnes;  mais  une  mul- 
titude d'autres  personnes  qui  étaient  montées  à  Jé- 
rusalem pour  la  fête  de  Pinpies,  ou  qni  s'y  réfugiaient 
pour  nuHlre  en  sûreté,  au  moins  pour  im  tenqts,  leurs 
vies  et  leurs  propriétés,  se  réunit  dans  l'euceinle  des 
murs  de  la  ville.  Quand  donc  le  peuple  du  prince  fut 
venu  (Vespasien  qui  lut  (du  empereur  de  Rome  pen- 
dant (ju'il  était  dans  la  Judée),  il  n'y  eut  plus  aucim 
moyen  d'évasion.  La  ville  et  le  sanctuaire  étaient  sur 
le  point  d'être  détruits,  et  le  jour  du  la  colère  du 
Seigneur  était  venu  sur  Jérusalem. 

«  Jésus  ayant  été  crucifié.  César  renié,  et  le  sceplre 
étant  échappé  de  leurs  mains,  les  Juifs  se  trouvaient 
sans  chef  et  sans  roi,  quand  les  conquérants  du 
monde  vinrent  aussi  conquérir  celle  nation  <|ui  s'é- 
tait nmntrée  rebelle  contre  Dieu  et  contre  le>  hom- 
mes. Les  brigamls  qui  s'étaient  réunis  pai'  bandes  au 
milieu  des  troubles  précédents,  et  restaient  cantiui- 
nés  dans  les  montagnes  de  Judée,  ne  trouvant  point 
d'abri  contre  la  puissance  des  Romains,  acconrureut 
eu  foule  à  Jérusalem,  et  conjointement  avec  les  zé- 
lateurs el  une  populace  anarchique,  y  eiercèrent 
leur  domination.  Le  pillage,  le  massacre  et  la  des- 
truction furent  aussi  leur  ujnvre.  Les  provisions 
connuuncs,  amassées  pour  soutenir  le  siège,  furent 
pillées  et  brûlées.  Les  factions  étaient  aux  prises 


69 


JËR 


JER 


CO 


Tune  avec  Tautre,  et  le  sang  de  milliers  de  Juifs  était 
versé  par  leurs  propres  frères.  Les  coinbals  n'étaient 
ni  moins  fi  cqnenis  ni  moins  rigoureux  avec  les  en- 
nemis du  dehors  qu'avec  ceux  du  dedans.  Les  prêtres 
ciaieni  massacrés  à  l'autel,  et  leurs  os  dispersés  aux 
.ilcntours.  Enfin  le  pouvoir  resta  entre  les  mains  des 
brigands,  ou  zélateurs,  sans  leur  être  désormais  con- 
testé. Mais  la  famine  bientôt  exerça  ses  ravages  sur 
tout  le  monde  sans  distinction.  On  fouilla  dans  les 
égoùts  pour  y  chercher  des  alijnents;  on  rongea  les 
ceintures,  les  souliers  et  le  cuir  des  boucliers.  Les 
imniomlices  les  plus  dégoûtantes  étaient  dévorées 
avec  avidité.  Les  corps  des  faméliiiucs  londjaient 
morts  dans  les  rues.  Mais  le  fait  le  plus  épouvanta- 
ble, qui  bientôt  devint  notoire,  et  dont  la  découverte 
frappa  d'norreur  toute  la  ville  en  proie  ii  la  souf- 
france, et  les  assaillants  même  d'élonnement  et  de 
rage,  c'est  une  lemine  autrefois  riche  et  noble,  qui 
tue,  rôtit  et  mange  son  propre  enfant  encore  à  la 
mamelle.  Ceci  montre  avec  quelle  vérité  i)rophétique 
et  quelle  juste  compassion  Jésus  avait  déploré  te  mal- 
heur des  mères  qui  ullaileraient  dans  Ctis  jours  ,  fait 
dont  Moïse,  quinze  cents  ans  auparavant ,  avait  dé- 
crit toutes  les  circonstances  {Deut.,  xxiii,  SC,  etc.), 
et  dispense  le  cœur  le  plus  insensible  de  chercher 
d'autres  lémoiguages  d'une  tribulation  si  grande, 
qu"il  ne  saurait  y  en  avoir  de  pareille.  Cependant  les 
Juifs  ,  transportés  de  fureur,  quoiqu'ils  perdissent 
tout  espoir  d'un  secours  divin,  à  la  nouvelle  d'une 
action  si  monstrueuse  et  si  contraire  à  la  nature,  ne 
voulurent  pas  se  rendre.  Ils  ne  voulaient  entendre 
parler  d'aucun  accouimodement.  Afl'aiblis  par  leurs 
assauts  désespérés,  les  Romains  élevèrent  un  nmr  et 
envii  onnèrent  la  ville  de  tous  côtés.  Crucifiez-le,  cru- 
cifiez le!  tel  avait  été  autrefois  leur  cri  et  celui  de 
leurs  pères,  qui  appelaient  ainsi  avec  iniprécaiion  le 
sang  de  Jésus  sur  cux-nnnies  et  sur  leurs  enlanls  ; 
et  assurément  il  était  retombé  sur  eux.  Ceux  qui 
fuyaient  la  famine  étaient  arrêtés  comme  prison- 
niers, et  chaque  jour  on  en  crucifiait  cinq  cents  en 
dehors  des  murs  de  Jérusalem,  jusqu'il  ce  qu'on  ne 
put  plus  trouver  de  place  pour  planter  les  croix,  ou 
que  l'on  man(iuàt  de  croix  pour  y  attacher  les  cor^js. 
Le  but  que  l'on  se  proposait  par  une  telle  cruauté  fut 
complètement  manqué  :  un  spectacle  si  trisle  et  si 
révoltant  ne  put  intimider  et  amener  ii  se  soumettre 
les  furieux  qui  dominaient  dans  celle  malheureuse 
cité.  Dans  les  entradles  déchirées  de  quelques-uns 
des  captifs  massaci-és  on  trouva  de  l'or  :  comme  en 
ellet  ils  l'aimaient  aiUaiit  que  leur  vie,  ils  l'avaient 
avalé  dans  l'espoir  de  le  sauver.  Alors  les  Arabes  et 
les  Syriens  qui  étaient  alliés  aux  Uomains,  et  les 
harpies  préposées  à  la  garde  de  leurs  camps,  cher- 
chèrent dans  le  corps  des  déserteurs  des  trésors  qu'ils 
supposaient  y  être  cachés;  et  c'est  ainsi  que,  dans 
l'espace  d'une  seule  nuit,  deux  mille  hommes  furent 
mis  en  pièces. 

<  11  est  déchirant  d'arrêter  son  attention  au  récit  de 
tant  d'horreurs  accumulées  ;  et  l'exemple  de  Jésus  ne 
défend  pas  aux  chrétiens  de  verser  des  larmes.  Qu'il 
suffise  de  le  dire  :  cent  quinze  mille  cadavres  furent 
iranspoités  hors  de  la  ville  par  une  seule  des  portes, 
durant  le  siège  ;  il  en  passa  six  cent  mille  par  toutes 
3es  portes;  et  c'étaient  seulement  les  pauvres,  qui 
n'avaient  pas  d'autre  sépulture  (jue  d'être  jetés  hors 
de  l'enceinte  de  la  cité.  Beaucoup  de  maiions,  en 
outre,  étaient  remplies  de  cadavies;  il  yen  avait  aussi 
d'entassés  en  monceaux  dans  toutes  les  places  libres, 
jusqu'à  ce  qu'on  ne  vît  plus  aucun  endroit  et  qu'il  n'y 
eût  plus  de  place  dans  la  ville  qui  n'en  fût  couverte. 
Ihie  foule  de  gens  de  toute  classe,  six  mille  environ, 
périrent  au  milieu  des  flammes,  dans  les  parvis  du 
temple,  ou  se  précipitèreat  et  se  donnèrent  la  mort; 
dix  mille  autres  y  furent  égorgés  ;  les  égoùts  de  la 
ville  furent  remplis  et  comblés  avec  des  corps  morts  : 
onze  cent  mille  Juifs  périrent  ilans  le  siège  et  le  sac 
de  celte  ville  et  daus  les  attaques  des  assassins  ;  et 


ail  moment  où  Jérusalem  fut  livrée  aux  flammes  dé- 
vorantes, le  sang  ruisselait  dans  toutes  les  rues. 

Jérusalem  fut  dévouée  ii  une  ruine  complète.  Ses 
remparts  furent  détruits,  ses  créneaux  abattus  ; 
car  ils  n'étaient  pas  au  Seigneur.  La  cité  et  le 
sanctuaire  furent  rasés  jusqu'anx  fondements.  Les 
Komains  tirent  passer  la  charrue  sur  la  place  o': 
elle  avait  été,  et  ce  fut  là  le  dernier  acte  de  leur 
vengeance,  vouant  ainsi  Jénisalem  à  une  désolation 
perpétuelle  ;  et  c'est  ainsi  qu'ils  mirent  la  dernière 
main  à  l'œuvTe  dont  ils  avaient  élé  charges,  faisant 
disparaître  jusqu'aux  traces  de  cette  ville  criminelle, 
et  ne  laissant  pas  du  temple  pierre  sur  pierre  qui 
n'eût  été  renversée. 

<  Les  Juifs  furent  passés  au  fil  de  l'épée.  Sans 
parler  de  ceux  qui  périrent  dans  les  séditions  et  pen- 
dant le  siège,  deux  cent  quarante  mille  furent  égor- 
gés dans  les  villes  de  Juda  et  dans  les  contrées  voi- 
sines :  ce  calcul  est  de  Josèphe,  qui  spécifie  le  nom- 
bre de  ceux  qui  périrent  dans  chaque  lieu  en  parti- 
culier. Quatre-vingt-dix-sept  mille  prisonniers  fu- 
rent menés  en  captivité.  Beaucoup  furent  emmenés 
en  Egypte  et  vendus  comme  esclaves  {Ueui.  xxvi», 
68).  Les  places  où  se  tenaient  les  foires  des  escla- 
ves en  èlaiCEit  encombrées,  au  point  que  personne 
n'en  voulait  plus  acheter  ;  et  môme  dans  une  occa- 
sion, plus  de  onze  mille  captifs,  soit  par  malice,  soit 
par  incurie,  furent  laissés  sans  nourriture  et  mou- 
rurent de  faim. 

«  Les  jugements  du  Seigneur  s'attachèrent  aux 
Juifs  d'une  manière  si  rigoureuse  et  tombèrent  sur 
eux  et  les  accablèrent  si  complètement,  qu'en  ce  qui 
concerne  la  destruclion  de  Jérusalem  et  la  dévasta- 
tion de  leurs  villes  et  de  leur  patrie,  il  n'en  est  p?is 
un  seul  qui  n'ait  été  exécuté  à  la  lettre. 
•  •«  Jérusalem  était  appelée  la  cité  du  Seigneur,  et 
Sion  sa  sainte  montagne,  et  c'était  le  seul  lieu  delà 
terre  où  gloire  lui  était  rendue.  Cependant  les  crimes 
de  Jérusalem  ne  pouvaient  se  dérober  à  sa  vue.  La 
patience  avec  laquelle  il  les  .avait  supportés  si  long- 
temps et  par  laquelle  il  avait  essayé  en  vain  de  les 
gagner,  ne  devait  pas  lutter  toujours,  même  avec  la 
cité  qu'il  avait  choisie  pour  y  placer  la  gloire  de  son 
nom.  Quand  donc  ses  iniquités  furent  montées  à  leur 
comble  ,  que,  dans  le  jour  de  sa  visiie,  elle  n'eut  pas 
voulu  s'instruire,  ou  se  purifier,  on  se  laver  des 
souillures  de  ses  péchés,  quoique  Dieu  eût  envoyé 
son  Fils  aux  brebis  perdues  de  la  maison  d'Israël,  et 
qu'une  piscine  eût  été  ouverte  pour  le  péché  et  pour 
l'impureté  ;  que  les  Juifs  eurent  rejeté  le  Sauveur, 
et  voulurent  avoir  d'autres  mailrcs  pour  régner  sur 
eux,  Dieu  ne  voulut  plus  avoir  pour  elle  de  com- 
passion ni  d'indulgence;  son  cœur  déchargea  sa  ven- 
geance contre  celte  nation,  et  cependant  sa  colère 
ne  fut  pas  encore  assouvie,  et  sa  main  demeurait 
toujours  levée  sur  elle,  et  il  livra  Jacob  à  la  malé- 
diction et  Israël  à  l'ignominie.  Mais  si  Dieu  n'a  pas 
épargné  les  branches  naturelles,  prenez  garde  qu'il 
ne  vous  épargne  pas  non  plus.  Si  le  prix  de  leurs 
iniquités,  en  attendant  qu'il  les  récompensât  au  dou- 
ble, a  été  versé  dans  lej^ein  des  enfants  d'Abraham, 
son  ami,  qui  ètes-vous,  ou  quelle  est  la  maison  do 
votre  père,  pour  qu'aucun  de  vos  crimes  passe  im- 
puni, si  vous  continuez  de  vivre  dans  l'impenitence  ; 
et  si  encore  au  temps  de  sa  miséricordieuse  visite, 
le  Sauveur  est  rejeté  et  crucifié  de  notiveau  '! 

I  Ce  n'est  pas  sur  la  force  de  leurs  remparts  que 
repose  la  sécurité  des  nations;  car  il  n'y  en  eut 
point  de  plus  forts  que  ceux  de  Jérusalem  :  ni  dans 
l'ahomlance  de  leur  richesses;  car  telles  étaient  les 
richesses  accumulées  dans  cette  ville,  qu'après  sa  dé- 
molition, le  prix  de  l'or,  daus  la  Syrie,  lut  réduit  de 
moitié  :  si  le  Seigneur  ne  garde  pas  lui-même  la 
cité,  c'est  en  vain  que  veille  celui  qui  la  garde  ;  et  le 
péché  doit  ;i  la  lin  être  la  ruine  de  tout  peuple.  Les 
crimes  combinés  des  individus  en  particulier  for- 
ment la  masse  des  iniquités  de  la  nation  ;  et  aprèg 


M 


JES 


ÎES 


C2 


qu'elle»  so  sont  accrnesde  |)lus  en  plus,  le  (emps vient 
hicn  vile  où  elles  nionfeul  justiirau  ciel,  et  alors  la 
fo'.ùlre  ne  saïuiiil  être  leteiiin- plus  longtemps.  Il  est 
d'iititres  ivn^iies  que  ceiiic  d'Iùphrani  contre  lesquels 
le  Soigneur  lit  entendre  les  arrêts  de  sa  justice,  et 
(jui  ne  sont  pas  moins  coupables  que  ceux-ci  ;  et 
ci.'ltc  avarice,  qui  est  une  idol.itrie,  et  en  punition  de 
laquelle  l<:s  Juils  ont  élé  frappjs,  alionik;  encore. 
Oar,  en  pratique,  où  voil-0[i  l'aniiiurde  Dieu  exercer 
une  iniluence  pareille  à  celle  ijue  <icploi(!  ranu)ur  du 
«ion:1e  '.'  Où  voit-on  racconiplisscniont  de  la  loi  du 
•tilirist  dans  le  support  nniluel  des  fardeaux  les  uns 
(les  aulies,  si  on  li;  comiiaïc  aux  traces  (pie  laisse  lu 
loi  (les  richesses,  quand  eliacun  cherche  ses  propres 
inii-nHs  ?  Mais,  deniauilera  le  lecteur,  (|ne  peut  faire 
nu  tionnne  pour  di-tourner  les  calaioilés  nationales 
et  diuiiiiuer  la  masse  des  inirpiilis  d'un  peuple  ?  Que 
tout  lionitue  fasse  p(*iiiionce,  (  omnic  aulrelois  à  Ni- 
nive,  et  tous  seront  sauvi's,  ipiand  bien  même  l'arn";! 
dont  ils  sont  menacés  ne  serait  plus  qu'à  quarante 
jours  de  stui  exécution.  Mais  quel  est  celui  qui,  con- 
(iiuiaul  de  vivre  dans  le  p(kiié,  et  rtjllécliissant  sur 
la  ruine  tolalc  de  J(!riisalon),  peut  se  llatter,  si  les 
jut;einenls  du  Scigncru-  éclatent  contre  sa  patrie, 
qu'il  n'aura  poiul  de  part  à  la  niasse  d'iniquités  qui 
les  ont  attires?  J'ai  chcrch'  un  homme  l'onni  eux, 
dil  CKi.iii  :>  (p\i  (ont  jugement  appartient ,  qui  se  pré- 
seiilAl  comms  une  Itite  entre  moi  el  eur,  qui  s'opiwsnt 
H  :iioi  pour  la  défense  de  cclU  li'ire,  afin  que  je  ne 
lu  détruisisse  fioinl,  et  j'i  n'en  ai  point  trouvé  {hzecli. 
XIII,  30). 

«  Toutefois,  ce  ne  sont  pas  les  jugenicnts  que  Dieu, 
dans  le  temps,  exerce  sur  les  nations,  lussent-ils 
aussi  terribles  que  ceux  de  Jérusalem,  que  tout 
liounne  doit  principalement  considérer  ;  mais  bien 
sa  propre  éternelle  destinée,  alin  de  se  soustraire  à 
la  colère  qui  doit  éclater,  et  d'arriver  à  la  possession 
de  la  vie  élenielle  :  Tout  liomme  se  soutient  ou  ton,be 
pour  so:i  propre  muiire.  De  même  donc  qu'un  roi, 
sur  la  terre,  en  faisant  un  exemple  terrible  dans  le 
cbàtiment  d'un  criminel ,  vient  Irapper  d'épou- 
vante le  cii'ur  (le  ses  sujets  rebelles,  ainsi  Jcù-nsalcni 
nous  est  proposée  comme  un  exemple  (pii  nous  mon- 
tre que  riniipiilé  ne  passera  pas  inqnniie,  et  (|ue  les 
terreurs  du  Seigneur  et  ses  menaces  contre  les  pé- 
cheurs impénitents  seront  toutes  exccuiées,  auisi 
que  sa  parole  a  élé  vraie  et  sa  colère  terrible  à  l'é- 
gard de  Jérusalem.  > 


JESUATES,  iioui  d'uiio  sorte  de  religieux, 
que  l'on  appelait  aiiticiuent  clercs  apostoli- 
ques, ou  Jesuales  de  saint  Jérôme.  Leur 
fuiulateur  est  Jean  Colombin,  de  Sienne  en 
Halle.  Urbain  V  aj)[)roiiva  cet  institut  à  Vi- 
terbe,  l'an  J367,  c't  donna  lui-iutjme,  à  ceux 
ijui  étaient  présents,  l'Iiabit  qu'ils  devaient 
jiorlçf;  il  leur  pr>'scrivit  la  règle  de  saint 
Anguslin,  et  Paul  V  li'S  luit  au  nombre  des 
ordre^  mendiants.  Ils  pratiquèrent  d'abord 
la  pauvreté  la  plus  austère  et  une  vie  trcs- 
utortifiée  :  on  leur  donnale  niini  de  Jci'ua^M, 
parce  ipic  leurs  premiers  fontlateuis  avaient 
toujours  le  nom  do  Jésus  à  la  bouche;  ils  y 
ajo-itèrciit  celui  de  saint  Jér(juie,  jKirce  qu'ils 
prirent  ce  saint  pour  leur  pro'ecteur. 

Pendant  plus  de  deux  siècles,  ces  reli- 
gieux n'ont  été  que  frères  lais.  En  I61I6, 
l^Hil  V  leur  permit  de  recevoir  les  ordres. 
Dans  la  jilupartde  leurs  maisons,  ils  s'occu- 
paient de  la  pliariïiarcic  ;  d'autres  fais.:iient  le 
métier  de  distillateurs ,  et  vendaient  de 
l'eau-de-vic;  ce  qui  les  fit  nommer  en  (jnel- 
ques  endroits  tes  pcres  de  l'eau-dc-vie.  Comme 
ils  étaient  devenus  riches  dans  l'état  do  Ve  - 


i' 


nise,  et  qu'ils  s'étaient  beaucoup  relAclu's 
de  Ifiiir  ancienne  régularité,  la  ré|)ubli(pio 
demmda  leur  suppression  à  Clément  IX, 
pour  employ^^r  leurs  biens  aux  Irais  de  la 
guerre  de  Candie  :  ce  pape  l'accorda  en  1C68. 
H  y  a  encore  en  Italie  qu(dqiies  religieuses 
du  même  ordre;  on  les  a  conservées,  parce 
qn  elles  ont  persévéré  dans  la  ferveur  de 
leur  iireniier  établissement.  Cet  nxemiile  et 
une  infinité  d'auties  ne  [irouvenl  (iiie  trop 
le  daiig(M'  ((it'il  y  a  pour  tout  ordre  reli- 
gieux iinc'lconque   d'acguérir  des  richesses. 

JÉSUITES,  ordre  de  religieux  fondé  par 
saint  Ignace  de  Loyola,  geitlilhomme  espa- 
gnol, ])our  instruire  les  ignorants,  convertir 
les  infidèles ,  défendre  la  foi  catholique 
contre  les  hérétiques,  et  qui  a  été  connu 
sous  le  nom  de  compaynir  ou  société  de  Jésus. 
Il  fut  approuvé  par  Paul  III,  eu  Ib'iO,  et 
conlirmé  par  plusieurs  papes  postérieurs; 
l'institut  en  fut  déclaré  pieux  par  le  ci>ncile 
de  Trente,  sess.  25,  de  Jicform.,  c.  IG.  Il  a 
été  supprimé  jiar  un  bref  de  Clément  XIV, 
du  31  juUlet  1773. 

Pendant  deux  cent  trente  ans  qu'a  sub- 
sisté cette  société,  elle  a  rendu  à  l'Eglise  et 
h  l'humanité  les  j)lus  grands  services,  par 
les  missions,  par  la  prédication,  parla  di- 
rection des  âmes,  par  l'éducation  de  la  jeu- 
nesse, par  les  bons  ouvrages  que  ses  mem- 
bres ont  puliliés  dans  tous  les  genres  de 
sciences.  On  peut  consulter  la  bibliothèque 
de  Icuis  écrivains,  donnée  par  Alégambe,  et 
ensuite  par  Sotuel,  en  1G7G,  in-folio;  et  de- 
puis, quel  supplément  n'aurait-on  pas  à  y 
ajouter? 

Cette  société  n'existe  plus  (1).  Nous  sou- 
haitons sincèrement  (ju'il  se  forme  dans  les 
autres  corps  sécuHers  ou  réguliers,  des  mis- 
sionnaires tels  que  ceux  qui  ©nt  porté  le 
christianisme  au  Japon,  îi  la  Chine,  à  Siam, 
au  Tonkiu,  aux  Indes,  au  Alcxique,  au  Pé- 
rou, au  Paraguay,  à  la  Californie,  etc.;  des 
thé(jlogiens  tels  que  Suarès,  Petau,  Siruiond, 
Garnier;  des  oiateuis  tels  que  Hourd  doue, 
Larue,  Segaud,  Critret,  Neuville;  des  histo- 
riens qui  égalent  d'Orléans,  Longueval,  Da- 
niel; des  littérateurs  qui  eiraccnt  Ra|iin,  Va- 
nières,  Comire,  Jouvencv,  etc.,  etc.  Nous 
souhaitons  surtout  que  bientôt  on  ne  s'a- 
per(;oive  plus  du  vide  immense  qu'ils  ont 
laissé  pour  l'éducation  de  la  jeunesse,  et  que 
les  générations  ftltures  soient,  à  cet  égard, 
plus  licureuscs  que  celle  qui  suit  immédiate- 
meiit  leur  destruction. 

JÉSUITESSE,  congrégation  de  religieuses 
qui  avaient  des  étalilissements  en  Italie  et 
en  Flandre  :  elles  suivaient  la  règle  et  imi- 
taient le  régime  des  jésuites.  Quoique  leur 
institut  n'eiit point  été  ajiprouvé  parle  saint- 
siége,  elles  avaient  plusieurs  maisons  aux- 
quelles elles  donnaient  le  nom  de  collèges, 
d'autres  qui  portaient  le  nom  do  noviciats. 
Elles  faisaient  entre  les  mains  de  leurs  supé- 
rieures les  trois  vœux  de  pauvreté,  de  chas- 

(U  Elle  a  été  rétablie  par  noire  saint-père  le  pape 
Pie  Vil.  Elle  souffre  pcrscculiou,  cnuiiue  tous  l«s 
vrais  et  ardents  défenseurs  de  l'Eglise.     . 


63 


JES 


ES 


Ci 


teté  et  d'obéissance  ;  mais  elles  ne  gardaient 
point  la  clôture,  et  se  mêlaient  de  prêcher. 

Ce  furent  deux  filles  anglaises  venues  en 
Flandre,  nommées  Warda  et  Tuitia,  qui  for- 
mèrent cet  institut,  selon  les  avis  et  sous  la 
direction  du  Père  Gérard,  recteur  du  collège 
d'Anvers,  et  de  ciuelques  autres  jésuites.  Le 
dessein  de  ces  derniers  était  d'envoyer  ces 
fdies  en  Angleterre,  pour  instruire  les  per- 
sonnes de  leur  sexe.  Warda  devint  bientôt 
sii(iérieure  générale  de  plus  de  deux  cents 
religieuses. 

Le  pape  Urbain  VIII,  par  une  bulle  du  13 
janvier  16.30,  adressée  à  son  nonce  de  la 
Basse-Allemagne,  et  impriuiée  à  Rome  en 
1030,  supprima  cet  ordre  institué  avec  plus 
de  zèle  que  de  prudence. 

JÉSUS-CHRIST.  Quand  on  n'envisagerait 
JcsHs-Christ  que  comme  l'auteur  .d'une 
grand  révolution  survenue  dans  le  monde, 
comme  un  législateur  qui  a  enseigné  la  mo- 
rale la  plus  pure  et  établi  la  religion  la  plus 
sage  et  la  plus  sainte  qu'il  y  ait  sur  la  terre, 
il  mériterait  encore  d'occuper  la  première 
place  dans  l'histoire,  et  d'être  représenté 
comme  le  plus  grand  des  hommes.  Mais  aux 
yeux  d'un  chrétien  Jésus-Christ  n'est  pas 
seulement  un  envoyé  de  Dieu,  c'est  le  Fils 
de  Dieu  fait  homme,  le  Rédempteur  et  le 
Sauveur  du  genre  humain.  Il  est  du  devoir 
d'un  théologien  de  prouver  que  cette 
croyance  est  bien  fondée,  que  ce  divin  per- 
sonnage s'est  fait  voir  sous  les  traits  les 
plus  capables  de  démontrer  sa  divinité,  et 
de  convaincre  les  hommes  qu'il  était  en- 
voyé pour  opérer  le  grand  ouvrage  de  leur 
salut. 

Nous  avons  donc  à  examiner,  1°  le  carac- 
tère personnel  de  Jésus-Christ,  et  la  manière 
dont  il  a  vécu  parmi  les  hommes;  2°  la 
jircuve  principale  do  sa  mission  divine,  qui 
sont  ses  miracles.  On  trouvera  les  autres 
preuves  ou  motifs  de  crédibilité,  à  l'ariiclc 
Chiustiamsme,  et  nous  établissons  directe 
ment  sa  divinité  au  loot  Fils  de  Dieu. 

I.  Annoncé  par  une  suite  de  [prophéties 
pendant  quarante  siècles,  attendu  chez  les 
Juifs  et  dans  tout  l'Orient,  prévenu  par  un 
saiiit  précurseur,  précédé  par  des  prodiges, 
Jésus  paraît  dans  la  Judée  etprêc'ie  l'avéne- 
ment  du  royaume  des  cieux.  Sa  naissance  a 
été  marquée  par  dus  miracles;  mais  son  en- 
fance a  été  obscure  et  cachée  :  il  est  issu  du 
sang  des  rois  ;  mais  il  ne  tire  aucun  avan- 
tage de  cette  ori,^ine  ;  il  déclare  que  son 
royaume  n'est  pas  de  ce  monde.  Il  prouve 
sa  mission  et  conûrme  sa  doctrine  [lar  une 
multitude  de  miracles  :  il  multiplie  les  pains, 
guérit  les  malades,  ressuscite  les  morts, 
cahne  les  tempêtes,  marche  sur  les  eaux, 
donne  à  ses  disciples  le  pouvoir  d'opérei 
de  semblables  prodiges  :  il  les  fait  sans  in- 
térêt, sans  vanité,  sans  alfectation;  il  refuse 
d'en  faire  iiour  contenter  la  curiosité  ou 
pour}iunir  les  incrédules;  on  les  obtient  de 
lui  par  des  prières,  jiar  la  confiance,  j^ar  la 
docilité.  Les  miracles  des  imposteurs  ont 
pour  but  d'étouner  et  de  séduire  les  hom- 
mes;  ceux  de  Jésus-Christ  sont  tous  des- 


tinés à  les  secourir,  et  à  les  eonsolor,  à  les 
instruire  et  à  les  sanctifier.  Yoy.  Prophéties, 
Miracles. 

Sa  doctrine  est  sublime.  Ce  sont  des  mys- 
tères qu'il  faut  croire  ;  mais  un  Dieu  qui  en- 
seigne les  hommes  ne  doit-il  leur  apprendre 
que  ce  qu'ils  peuvent  concevoir?  Il  n'argu- 
mente point,  il  ne  dispute  point  comme  les 
])hilosophes;  il  ordonne  de  croire  sur  sa  pa- 
role, parce  qu'il  est  Dieu.  «  11  ne  convenait 
point,  dit  Lactanee,  que  Dieu,  parlant  aux 
hommes,  employât  des  raisonnements  pour 
confirmer  ses  oracles,  comme  si  l'on  pouvait 
douter  de  ce  qu'il  dit;  mais  il  a  enseigné 
comme  il  ap|jartient  au  souverain  arbitre 
de  toutes  choses,  auquel  il  ne  convient  point 
d'argumenter,  mais  de  dire  la  vérité.  «  Lact., 
divin.  Jnstit.,  1.  iii%  c.  2.  Les  mystères  qu'il 
annonce  ne  sont  point  destinés  à  étonner 
la  raison,  mais  à  toucher  le  cœur  :  un  Dieu 
en  trois  personnes,  dont  chacune  est  occu- 
pée de  notre  sanctification  ;  un  Dieu  fait 
liomme  [jour  nous  racheter  et  nous  sauver, 
qui  se  donne  à  nous  pour  victime  et  pour 
nourriture  de  nos  ûmes;  un  Dieu  qui  ne 
permet  le  péché  que  pour  mieux  éprouver 
la  vertu,  qui  n'attache  ses  grâces  qu'à  ce 
qui  réprime  les  passions;  qui  punit  en  ce. 
monde,  non  pour  se  faire  craindre ,  mais 
pour  sauver  ceux  qu'il  châtie.  Est-il  surpre- 
nant que  cette  doctrine  forme  des  saints  ? 

La  morale  de  Jésus-Christ  est  pure  et  sé- 
vère, îuais  simple  et  populaire;  il  n'en  fait 
pns  une  science  profonde  et  raisonnée  ;  il  la 
réduit  en  maximes,  la  met  à  portée  des  plus 
ignorants,  la  confirme  par  ses  exemples. 
Doux  et  affable,  indulgent,  miséricordieux, 
charitable,  ami  des  pauvres  et  des  faibles, 
il.  n'aiïecte  ni  une  éloquence  fastueuse,  ni 
un  rigorisme  outré,  ni  des  mœurs  austères, 
ni  un  air  réservé  et  mystérieux;  il  promet 
la  paix  et  le  bonheur  à  ceux  qui  pratique- 
ront ses  préceptes;  il  n'a  eu  vue  que  la 
gloire  de  Dieu  son  Père,  la  sanctification 
des  hommes,  le  salut  et  le  bonheur  du 
monde. 

Patient  jusqu'à  l'héroïsme,  modeste  et 
tranquille  dans  les  opprobres  et  les  souf- 
frances, il  les  supj)orte  sans  faiblesse  et 
sans  ostentation;  il  ne  cherche  point  à  bra- 
ver ses  ennemis,  mais  à  les  toucher  et  à  les 
convertir.  Couvert  d'outrages,  crucifié  entre 
deux  malfaiteurs,  il  meurt  en  demandant 
grâce  pour  ses  accusateurs,  ses  juges  et  ses 
bourreaux;  il  laisse  au  ciel  le  soin  de  faire 
éclater  son  innocence  par  des  prodiges.  Si 
un  Dieu  a  pu  se  faire  homme,  c'est  ainsi 
qu'il  devait  mourir,  et  puisque  Jésus-Christ 
est  mort  en  Dieu,  il  devait  ressusciter. 

Mais  sorti  du  tombeau,  il  ne  va  point  se 
montrer  à  ses  ennemis  :  il  avait  assez  fait 
pour  les  convertir;  il  n'entreprend  point  de 
les  forcer  ;  il  veut  que  la  foi  .soit  rai.^onna- 
ble,  mais  libre;  ce  n'est  point  |)ar  des  opi- 
niâtres qu'il  avait  résolu  de  rélormer  l'uni- 
vers. Quand  il  se  serait  montré,  ces  furieux 
n'en  auraient  pas  été  plus  dociles  ;  ils  au- 
raient attribué  à  la  magie  ses  apparitions, 


65  JES 

comme  ils  avaient  fait  à  l'égard  de  ses  autres 
miracles. 

M  avait  promis  d'envoyer  son  esprit  h  ses 
apùties;  leur  conduite  et  Irurs  succès  prou- 
vent que  cet  Esprit-Saint  leur  a  été  donné. 
11  avait  prédit  que  la  nation  juive  serait 
punie;  le  cliAtiment  a  été  terrible,  et  dure 
encore  :  que  l'Evangile  serait  prêché  par 
toute  la  terre  ;  il  a  été  porté  en  eflet  aux 
extrémités  du  monde  :  (pie  les   Juifs  et  les 

Eaicns  qui  se  détestaient,  deviendraient  les 
rebis  d'un  même  troupeau,  et  le  prodige 
s'est  opéré;  que  son  Eglise  durerait  jusqu'à 
la  consommation  dos  siècles,  et  déjà  nous 
lui  comptons  dix-sept  cents  ans  de  durée; 
que  cependant  sa  doctiine  serait  toujours 
contredite  et  toujours  attaquée,  elle  l'a  tou- 
jours été  et  l'est  encore  :  les  philosoplies 
môme  se  chargent  aujourd'hui  de  vérilier  la 
prophétie. 

Grands  génies,  savants  dissertateurs,  mon- 
trez-nous dans  l'iiistoire  du  monde  quelque 
chdse  qui  ressemble  à  la  personne,  à  la  con- 
duite, au  ministère  tleJA»s-C/*r(s<.  Des  his- 
toriens (pii  ont  su  peindre  un  Homme-Dieu 
sous  des  traits  aussi  singuliers  et  aussi  ma- 
jestueux, n'ont  été  ni  des  imbéciles  ni  des 
imposteors  ;  ils  n'avaient  jKiint  de  modèle, 
et  ils  n'étaient  [)as  assez  habiles  pour  le  for- 
ger. Un  envoyé  de  Dieu,  qui  a  rempli  si 
parfaitement  tous  les  caractères  d'une  mis- 
sion divine,  n'est  lui-môme  ni  un  fourbe  ni 
un  fanatique.  Puisqu'il  a  dit  qu'il  était  le 
Fils  de  Dieu,  il  l'est  véritablement. 

Si  nous  comparons  ce  divin  .Maître  aux 
autres  fondateurs  de  religions,  quelle  dill'é- 
rence.  La  plupart  de  ceux-ci  ont  confirmé 
le  polythéisme  et  l'idolâtrie,  parce  qu'ils  les 
ont  trouvés  généralement  établis.  Quelques- 
uns  ont  peul-ôtre  adouci  la  férocité  des 
mœurs  ;  mais  ils  n'en  ont  pas  diminué  la 
corruption.  Plusieurs  étaient  ou  des  conqué- 
rants qui  inspiraient  la  crainte,  ou  des  sou- 
verains respectés  ;  ils  ont  employé  la  force, 
l'autorité  ou  la  séduction  pour  se  faire  obéir. 
Jésus-Christ  n'a  eu  de  l'ascendant  sur  les 
lionuues  (jue  par  sa  sagesse,  par  ses  vertus, 
par  ses  miracles  ;  son  ouvrage  ne  s'est  ac- 
comiili  que  lorsqu'il  n'était  jilus  sur  la  terre. 
Confucius  a  pu,  sans  prodige,  rassembler  les 
préceptes  de  morale  des  sages  qui  l'avaient 
précédé,  et  se  faire  un  grand  nom  chez  un 
peuple  encore  très-ignorant  ;  mais  il  n'a  pas 
corrigé  la  religion  des  Cliinois,  déjà  intèc- 
tée  de  [lolythéisme  par  le  culte  qu'ils  ren- 
daient aux  esprits  et  aux  ancêtres  :  sa  doc- 
trine n'a  pas  empêché  l'idolAtrie  du  Dieu  Fo 
de  s'introduire  à  la  Chine  et  d'y  devenir  la 
religion  [jopulaire.  Les  philosophes  indiens, 
quoique  partagés  en  divers  systèmes,  se 
sont  réunis  pour  plonger  le  peuple  dans  l'i- 
dolAtrie la  plus  grossière,  ont  mis  une  iné- 
galité odieuse  et  une  haine  irréconciliable 
entre  les  ditlérentes  conditions  des  hommes. 
Les  prétendus  sages  de  l'Egypte  y  ont  laissé 
établir  un  culte  et  des  superstitions  qui  ont 
rendu  cette  nation  ridicule  aux  yeux  de  tou- 
tes les  autres.  Zoroastre,  pour  réformer  l'i- 
dolàtrie  des  Ghaldéeus    et  des  Perses,  v  a 


JES 


CG 


substitué  un  système  absurde,  a  multiplié  à 
l'infini  les  pratiques  minutieuses,  a  inondé 
de  sang  la  Perse  et  les  Indes,  pour  affermir 
ce  qu'il  ajipelait  l'arbre  de  sa  loi.  Les  philo 
soplies  et  les  législateurs  do  la  Grèce  n'ont 
pas  osé  toucher  aux  fables  ni  aux  sujjérsti- 
tions  déjà  anciennes  dans  cette  contrée  ;  ils 
ont  été  plus  occupés  de  leurs  disputes  que 
de  la  rélorme  des  erreurs  et  de  la  correction 
des  mœurs. 

Mahomet,  imposteur,  \olupiueux  et  per- 
fide, a  favorisé  les  passions  des  Arabes,  pour 
parvenir  à  réunir  dans  sa  tribu  l'autorité  re- 
ligieuse et  le  pouvoir  politique.  Toute  la  sa- 
gesse de  CCS  h(mimes  si  vantés  n'a  consisté 
qu'à  faire  servir  à  leurs  desseins  ambitieux 
les  préjugés,  les  erreurs,  les  vices  qui  domi- 
naient dans  leur  pays  et  dans  leur  siècle.  La 
plupart  n'ont  subjugué  que  des  nations  igno- 
rantes et  barbares,  Jcstts-Clirist  a  fondé  le 
christianisme  au  milieu  de  la  philosophie 
des  Grecs  et  de  l'urbanité  romaine  ;  il  n'a 
épargné  aucun  vice,  n'a  fomenté  aucune  er- 
reur :  il  a  refusé  le  titre  de  roi  lorsqu'un 
p(mple  nourri  par  sa  puissance  voulait  le  lui 
donner. 

Pour  savoir  s'il  a  contribué  au  bonheur 
de  l'humanilé,  nous  invitons  les  détracteurs 
du  christianisme  à  comparer  l'état  des  na- 
tions qui  adorent  Jésus-Christ  avec  celui  des 
j)aiens  anciens  et  des  infidèles  d'aujourd'hui. 
Qu'ils  nous  disent  s'ils  auraient  mieux  aimé 
vivre  à  la  Chine,  aux  Indes,  chez  les  Perses, 
parmi  les  Egyptiens,  dans  les  républiques 
de  la  Grèce  ou  de  l'Italie,  que  chez  les  peu- 
ples policés  par  l'Evangile.  Jamais  ils  n'ont 
wit  ce  parallèle,  jamais  ils  n'oseront  le  tenter. 
Auraient-ils  reçu  l'éducation,  les  connais- 
sances, les  mœurs  douces  et  polies  dont  ils 
s'applaudissent,  s'ils  étaient  nés  ailleurs"? 
Partout  où  la  foi  chrétienne  s'est  établie,  elle 
y  a  jiorté  plus  ou  moins  promptement  les 
mômes  avantages  ;  partout  où  elle  a  cessé 
de  régner,  la  barbarie  a  pris  sa  place  :  telle 
est  la  triste  révolution  qui  s'est  faite  sur  le:? 
côtes  de  l'Afrique  et  dans  toute  l'Asie,  de- 
puis que  le  mahométisme  s'y  est  élevé  sur 
les  ruines  du  christianisme. 

Le  plus  lé^er  sentiment  do  reconnaissance 
doit  donc  sultire  pour  nous  faire  tomber  aux 
pieds  de  Jésus-Christ,  et  rendre  hommage  à 
sa  divinité.  Vrai  soleil  de  justice,  il  a  ré- 
pandu la  lumière  do  la  vérité  et  allumé  lo 
feu  de  la  vertu  ;  aucun  peuple,  aucun  homme 
n'est  demeuré  dans  les  ténèbres  de  l'erreur 
et  dans  la  corruption  du  péelié,  que  ceux  qui 
ont  refusé  de  s'instruire  et  de  se  convertir. 
Avec  toutes  leurs  disputes,  les  philosophes 
n'ont  pas  corrigé  h^s  mœurs  d'une  seule 
bourgade  ;  par  la  voix  de  douze  pêcheurs, 
notre  divin  Maître  a  changé  la  face  de  la 
meilleure  partie  do  l'univers. 

Que  des  nations  corrompues  par  l'excès  de 
la  ])rospérité,  amollies  par  le  luxe  et  par  les 
plaisirs,  se  dégoûtent  de  sa  doctrine,  et  prê- 
tent l'oreille  aux  sophismes  des  incrédules, 
ce  n'est  pas  un  prodige.  «  La  lumière,  dit-il, 
a  beau  luire  dans  le  monde,  les  hommes  lui 
yréfèrent  les  ténèbres,  parce  que  leiu-s  œu- 


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JES 


ÎES 


68 


vres  sont  mauvaises.  »  [Joan.  c.  m,  v.  19). 

Lorsque  les  iacrédules  ont  été  obligés  de 
s'exi'liquer  sufFooinion  qu'ils  avaient  con- 
çue'de  ce  divin  législateur,  ils  n'ont  pas  été 
peu  embarrassés.  Tant  qu'ils  ont  professé  le 
déisme,  ils  ont  affecté  d'en  parler  avec  res- 
pect ;  ils  ont  rendu  justice  à  la  sainteté  de 
sadoclrine  et  de  sa  conduite,  îi  l'importance 
du  service  qu'il  a  rendu  à  l'bumanité  ;  quel- 
ques-uns en  ont  fait  un  éloge  pompeux  : 
s'ils  ne  l'ont  pas  reconnu  comme  Dieu,  ils 
l'ont  peint  du  moins  comme  le  meilleur  et  le 
plus  grand  des  hommes. 

Mais  comment  concilier  cotte  idée,  avec 
la  doctrine  qu'il  a  prècliée  ?  Il  s'est  attribué 
coustammenf  le  titre  et  les  honneurs  de  la 
divinité  ;  il  veut  que  l'on  honore  le  Fils  com- 
me on  lionore  le  Père  [Joan.  c-  vi,  v.  23). 
Lorsque  les  Juifs  ont  voulu  le  lapider,  parce 
qu'il  se  faisait  Dieu,  loin  de  dissiper  le  scan- 
dale, il  l'a  confirmé  (C.  x,  v.  33).  Il  a  mieux 
aimé  se  laisser  condamner  k  la  mort  que  de 
renoncer  à  cette  prétention  [Malth.  c.  xsvi, 
V.  63).  Après  sa  résurrection,  il  a  souffert 
qu'un  de  ses  apôtres  le  nommât  mon  Sei- 
gneur et  mon  Dieu  {Joan.  c.  xx,  v.  28).  Sui- 
vant l'expression  de  saint  Paul,  il  n'a  point 
regardé  comme  une  usurpation  de  s'égaler  à 
Dieu  {Philip,  c.  ii,  v.  6). 

Si  Jésus-Christ  n'est  pas  véritablement 
Dieu  dans  toute  la  rigueur  du  terme,  voilà 
une  conduite  abominable,  plus  criminelle 
que  celle  de  tous  les  imposteurs  de  l'uni- 
vers. Non-seulement  Jésus  a  usurpé  les  at- 
tributs de  la  divinité,  mais  il  a  voulu  que 
ses  disci|)les  fussent  comme  lui  victimes  do 
SCS  blasplièmes  ;  il  n'a  daigné  prévenir  ni 
l'erreur  dans  laijuelle  son  Eglise  est  encore 
aujourd'hui,  ni  les  disputes  que  ses  discours 
devaient  nécessairement  causer.  Il  n'y  a 
donc  pas  de  milieu  :  ou  Jésus-Christ  est  Dieu, 
ou  c'est  un  malfaiteur  qui  a  mérité  le  su[i- 
1)1  ice  auquel  il  a  été  condamné  par  les 
Juifs. 

Dans  le  désespoir  de  sortir  jamais  de  cet 
embarras,  les  incrédules,  devenus  athées, 
ont  pris  le  parti  extrême  de  blasphémer  con- 
tre Jésus-Christ,  de  le  peindre  tout  à  la  fois 
comme  un  imbécile  fanatique  et  comme  un 
imposteur  ambitieux.  Ils  se  sont  appliqués 
h  noircir  sa  doctrine,  sa  morale,  sa  conduite, 
les  prétUcateurs  dont  il  s'est  servi,  et  la  re- 
ligion qu'il  a  établie.  Mais  le  fanatisme  n'in- 
spira jamais  des  vertus  aussi  douces,  aussi 
patientes,  aussi  sages  que  celles  de  Jésus- 
Christ.  Un  ambitieux  ne  commande  point 
l'humilité,  le  détachement  de  toutes  choses, 
le  seul  désir  des  biens  éternels,  ne  se  résouÉ 
]:ùint  à  la  mort  pour  soutenir  une  imposture. 
Aucun  fanatique,  aucun  imposteur  n'a  ja- 
mais ressemblé  à  Jésus-Christ.  D'ailleurs, 
quiconque  croit  un  Dieu  et  une  providence 
ne  se  persuadera  iamais  que  Dieu  s'est  servi 
d'un  fourbe  insensé  pour  établir  la  plus 
sainte  religion  qu'il  y  ait  sur  la  terre,  et  ia 
plus  capable  de  faire  le  bonheur  de  l'huma- 
niité.  Un  fanatique  en  démence  est  incapable 
de  former  un  plan  de  religion  tout  différent 
du  j^udaïsme  dans  lequel  il  avait  été  élevé  ; 


un  plan  dans  lequel  le  dogme,  la  morale  et 
le  culte  extérieur  se  trouvent  indissoluble- 
ment unis  et  tendent  au  même  but  ;  un  plan 
qui  dévoile  la  conduite  que  Dieu  a  tenue  de- 
puis le  commencement  du  monde,  qui  unit 
ainsi  les  siècles  passés  et  les  siècles  futurs, 
qui  fait  concourir  tous  les  événements  h  un 
seul  et  môme  dessein.  Aucune  religion  fausse 
ne  ]iorte  ces  caractères.  Enfin  un  houime  do- 
miné par  des  passions  vicieuses  n'a  jamais 
montré  un  désir  aussi  ardent  de  sanctifier 
les  hommes,  d'établir  sur  la  terre  le  règne 
de  la  vertu.  Un  faux  zèle  se  trahit  toujours 
par  quelque  endroit  :  celui  de  Jésus-Christ 
ne  s'est  démenti  en  rien.  En  deux  mots,  si 
Jésus-Christ  est  Dieu-Homme,  tout  est  d'ac- 
cord dans  sa  conduite  ;  s'il  n'est  pas  Dieu, 
c'est  un  chaos  où  l'on  ne  peut  rien  com- 
prendre. 

Comme  les  reproches  que  les  incrédules 
font  à  J('sws-C/jm<  sont  contradictoires,  nous 
sommes  dispensés  de  les  réfuter  en  détail  ; 
d'ailleurs  nous  avons  répondu  à  la  plupart 
dans  plusieurs  articles  de  ce  Dictionnaire  : 
nous  nous  bornons  à  en  examiner  quelques- 
uns. 

1°  Ils  disent  :  Jésus-Christ  n'a  voulu  se 
faire  connaître  qu'à  ses  disciples  ;  il  a  man- 
qué de  charité  à  l'égard  des  docteurs  juifs  ; 
il  les  traite  durement  ;  il  leur  refuse  des 
preuves  de  sa  mission  et  les  miracles  qu'ils 
lui  demandent  :  en  cela  il  contredît  ses  pro- 
pres maximes. 

Le  contraire  de  tout  cela  est  prouvé  par 
VExari^ile.  Jésus-Christ  a  déclaré  sa  mission, 
sa  qualité  de  Messie  et  de  Fils  de  Dieu ,  en 
un  mot ,  sa  divinité,  aux  docteurs  juifs  aussi 
bien  qu'au  peuple  et  à  ses  disciples.  Yoy. 
Fils  DE  Dieu.  Lorsque  les  docteurs  ont  mon- 
tré de  la  docilité  et  de  la  droiture ,  il  les  a 
instruits  avec  la  plus  grande  douceur,  té- 
moin Nicodème.  Quant  à  ceux  dont  il  con- 
naissait l'incrédulité  obstinée  et  la  malignité, 
il  leur  a  refusé  des  miracles  qui  auraient  été 
inutiles,  tels  que  des  signes  dans  le  ciel  ,  et 
qui  n'auraient  servi  qu'a  les  rendre  plus  cou- 
pables. Il  a  eu  le  droit  de  les  traiter  dure 
ment ,  c'est-à-dire  de  leur  reprocher  publi- 
quement leurs  vices  ,  leur  hypocrisie  ,  leur 
basse  jalousie  ,  leur  opiniâtreté  ;  il  ne  tenait 
qu'à  eux  de  se  corriger.  Si  ce  divin  Maître 
avait  fait  autrement,  les  incrédules  l'accuse- 
raient d'avoir  ménagé  la  faveur  et  l'appui 
des  chefs  de  la  synagogue  ,  et  d'avoir  dissi 
mule  leurs  vices  pour  parvenir  à  ses  fins.  On 
voit ,  par  ce  qu'en  a  dit  Josëplie  ,  que  Jésus- 
Christ  ne  leur  a  fait  aucun  reproche  mal 
fondé. 

2°  La  doctrine  de  Jésus,  disent  nos  adver- 
saires ,  renferme  des  myslères  o\i  l'on  ne 
conçoit  rien;  sa  morale  n'est  pas  plus  par- 
faite que  celle  de  Philon  le  juif,  qui  était 
celle  des  philosophes. 

Mais  parce  que  nous  ne  concevons  pas  les 
mystères,  il  ne  s'ensuit  pas  que  Dieu  n'a  pas 
pu  1 1  n'a  pas  dû  les  révéler;  nous  les  éon- 
cevons  assez  (lour  eu  tirer  des  conséquences 
essentielles  à  la  pureté  des  mœurs ,  et  c'est 
assez  pour  démontrer  l'utilité  de  celle  rêvé- 


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JE5 


JES 


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l.iliou.  Yoij.  Mystères.  Quant  à  la  morale, 
l'Irilon  avait  plutôt  pris  la  sienne  dans  hîs 
.lulein-s  sacrés  que  chez  les  pliilosophes  ,  et 
Jrsus-Christ  n'a  pas  dft  en  enseigner  une 
nutre,  parce  ((ue  la  morale  est  essentielle- 
iniMit  iraiiuiable;  mais  nous  soutenons  que 
Jrsus-Christ  l'a  beaucoup  mieux  liéveloppée 
que  les  docteurs  juifs,  (pi'il  en  a  retranché 
les  finisses  interprétations  des  pharisiens, 
qu'il  y  a  joint  des  conseils  de  perfection 
très-sages  et  très-utiles.  Voi/.  Mon  ile. 

3°  L'on  accuse  J^sus-Clirist  d'avoir  sou- 
vent mal  raisonné  et  mal  appliimé  l'Ecriture 
sainttt  (Matth.  c.  xxm ,  v.  âQ.)  Il  reprend 
les  pharisiens  qui  honor.dent  les  tombeaux 
des  j)roplièU>s;  il  dit  qu'ils  témoit;naient  yjar 
là  même  qu'ils  sont  les  eni'ants  et  les  imita- 
teurs de  ceux  qui  les  ont  tués.  H  applique 
au  Messie  te  psaume  cix  :  Dixit  Domrnus 
Domino  mco,  qui  regarde  évidemment  Salo- 
raon  (c.  xxir,  v.  k\].  Il  refuse  dédire  aux 
chefs  de  la  nation  juive  par  quelle  autorité 
il  agit,  îi  moins  qu'ils  ne  décident  eux-mômes 
)a  question  de  savoir  si  le  baptême  de  Jean 
venait  du  ciel  ou  des  hommes  (c.  xxi,  v.  2'i.). 
Ce  n'était  1,\  qu'un  subterfuge  pour  ne  pas 
répoiuire  îi  des  hommes  qui  avaient  droit  do 
l'interroger. 

Ce  sont  plutôt  les  incrédules  eux-mêmes 
qui  raisonnent  fort  mal,  et  qui  prennent  mal 
le  sens  des  paroles  du  Sauveur.  Il  reproche 
aux  jibarisiens,  non  pas  les  honneurs  qu'ils 
rendaient  aux  tombeaux  des  prophètes,  mais 
leur  hypocrisie,  par  conséquent  le  raotit  4iar 
lequel  ils  agissaient  ainsi  ;  il  ne  leur  dit  point: 
A'ous  témoignez  par  là  même,  etc.,  mais  vous 
témoignez  d'ailleurs ,  par  toute  votre  con- 
duite, que  vous  êtes  les  enfants  et  les  imita- 
teurs de  ceux  qui  les  ont  mis  à  mort,  et  cela 
était  vrai. 

Nous  soutenons  qu'il  est  impossible  d'ap- 
pliquer à  Salomon  tout  ce  qui  est  dit  dans  le 
psaume  cix.  David  ue  le  déclara  son  succes- 
seur que  sur  la  tin  de  sa  vie  ;  alors  il  n'avait 
plus  d'ennemis  k  saljjuguer.  Ou  nu  peut  pas 
dire  de  l'un  ni  do  l'autre ,  qu'il  a  été  prêtre 
pour  toujours  selon  l'ordre  de  Melchisé- 
dech ,  etc. 

fêsus-Clirist  avait  [trouvé  vingt  fois  aux 
Juifs  ,  par  ses  miracles ,  qu'il  agissait  de  la 
part  le  Dieu  son  Père  et  par  une  autorité 
divine  :  ils  lui  faisaient  donc  une  question 
ridicule  à  tous  égards.  Ils  ne  voulurent  jias 
avouer  que  Jean-Baptiste  était  l'envoyé  de 
Dieu,  ]wrce  qnaJêsus-Ckrist  leur  aurait  dit  : 
Pourquoi  donc  ne  croyez-vous  pas  au  té- 
moignage (ju'il  m'a  rendu?  L'argujoent  qu'il 
leur  faisait  était  juste  et  sans  réplique. 

'*'  Les  incrédules  prétendent  que  par  un 
mouvement  de  colère  il  chassa  les  vendeurs 
du  temple  sans  autorité  légitime ,  et  qu'il 
troubla  la  police  sans  nécessité  {Juan.  c.  ii, 
V.  li).  Mais  l'évangêliste  même  nous  dit  que, 
dans  cette  circonstance,  Jésus  agit  par  zèlo 
pour  l'honneur  de  la  maison  de  Dieu,  et  non 
par  colère  ;  il  avait  une  autorité  légitime,  et 
ri  l'avait  prouvé.  T.uux  qui  vendaient  des 
victimes  et  les  changeurs  j^ouvaieut  se  tenir 
hors  du  temple  :  c'était  une  très-mauvaise 


police  de  les  laisser  faire  leur  commerce 
dans  l'iRté^if^ttP. 

Au  inot  Ame  nous  ftvons  fait  voir  que  Jé- 
sus-Christ n'a  pas  mal  raisonné,  en  prouvant 
aux  Juifs  l'immortalité  de  r,\mc  ,  et  au  mot 
Adultère,  qu'il  n'a  jioiiit  péché  contre  la  loi 
en  renvoyant  la  femme  adultère. 

Nous  ue  croyons  pas  qu'il  soit  nécessaire 
de  rapporter  et  de  réfuter  les  calomnirs  ab- 
surdes que  les  juifs  modernes  ont  forgées 
contre  Jéius-Christ  dans  les  Sepher  Thnktolh 
Jesrhu  ,  ou  Vies  de  Jésus  ,  qui  ont  paru  dans 
les  derniers  siècles.  Les  anachronismes  ,  les 
puérilités ,  les  traits  de  démence  dont  ces 
livres  sont  remplis,  font  pitié  à  tout  homme 
de  bon  sens.  (Jrobio ,  juif  très-instruit,  n'a 
pas  osé  en  citer  un  seul  article. 

II.  Comme  nous  donnons  pour  signe  prin- 
cipal de- la  mission  de  Jésus-Christ  \qs  mira- 
cles qu'il  a  opérés,  nous  devons  indiquer, 
du  moins  en  abrégé  ,  les  preuves  générales 
de  ces  miracles. 

La  première  est  le  témoignage  des  aiiôtres 
et  des  évangélistes.  Deux  de  ceux  qui  ont 
écrit  l'histoire  se  donnent  pour  témoins  ocu- 
laires ;  les  deux  autres  les  ont  api.ris  de  ces 
Biêmes  témoins.  Saint  Pierre  prend  h  témoin 
de  ces  miracles  les  Juifs  rassemblés  à  Jéru- 
salem le  jour  de  la  Pentecôte  {Act.c.  II,  v.  22; 
c.  X,  V.  37).  Ils  ont  donc  été  imbliés  dans  la 
Judée  même  ,  peu  do  temps  après  ,  et  sur  la 
lieu  où  ils  ont  été  opérés,  en  présence  do 
ceux  qui  les  ont  vus  ou  cpii  en  ont  été  in- 
formés par  la  notoriété  publiijue ,  et  qui 
avaient  intérêt  de  les  contester,  s'il  eût  été 
possible.  Ces  miracles  sont  encore  confirmés 
par  les  t'-moignages  de  l'historien  Josè])he, 
de  Celse ,  de  Julien  ,  des  gnosliques,  etc.  Il 
faut  se  raidir  contre  l'évidence  même  pom' 
soutenir,  comme  les  incrédules,  que  les  mi  • 
racles  de  Jésus  n'out  été  vus  que  par  ses 
disciples  ;  que  les  Juifs  ne  les  ont  pas  vus 
jiuisqu'ils  n'y  ont  pas  cru;  que  ces  faits  n'out 
été  écrits  qu'après  Is  ruine  de  Jérusalem,, 
lorsqu'il  n'y  avait  plus  de  témoins  oculaires. 
Ces  miracles  ont  été  vus  non-seulement  \mr 
tous  les  habitants  de  la  Judée  qui  ont  voulu 
les  voir,  mais  par  tous  les  Juifs  de  l'univers 
qui  se  trouvaient  à  Jérusalem  aux  princi- 
])ales  fêtes  de  l'année.  Parce  que  la  plupart 
de  ces  témoins  n'ont  pas  cru  la  missioti ,  la 
qualité  de  Messie,  la  divinité  de  Jésus-Christ, 
il  ne  s'ensuit  pas  qu'ils  n'ont  pas  cru  les  mi- 
racles qu'ils  avaient  vus  :  il  s'ensuit  seule- 
ment qu'ils  n'en  ont  pas  tiré  les  conséquen- 
ces qui  s'ensuivaient .  Ce  sont  deux  choses 
fort  ditrérentes.  Plusieurs  de  ceux  qui  ont 
avoué  formellement  ces  miracles,  soit  parmi 
les  Juifs,  soit  parmi  les  païens,  n'ont  pas  em- 
brassé pour  cela  le  christianisme.  Ces  faits 
ont  été  certainement  écrits  avant  la  ruine  de 
Jérusalem,  puisque  les  trois  jiremiers  Evan- 
giles, les  Actes  des  apôtres  et  les  Epîtres  de 
saint  Paul  ont  paru  avant  cette  époque. 

Seconde  preuve.  Non-seulement  les  Juifs 
n'ont  point  contesté  ces  miracles  dans  le 
temps  qu'on  les  a  publiés,  mais  plusieurs 
les  ont  formellement  avoués.  Les  uns  les  ont 
attribués  à  la  magie  et  à  l'intervention  du 


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démon  ;  les  autres  k  la  prononciation  du 
nom  de  Dieu  que  Jésus  avait  dérobée  dans 
le  temple.  Si  les  Juifs  en  étaient  disconve- 
nus, Celse  qui  les  fait  parler,  Julien,  Por- 
phyre, Hiéroclès ,  n'auraient  pas  manqué 
d'alléguer  cette  réclamation  des  Juifs;  ils  ne 
le  font  pas  :  les  disciples  des  apôtres  se  se- 
raient plaints,  dans  leurs  écrits,  de  la  mau- 
vaisetfoi  des  Juifs  ;  ils  ne  les  en  accusent  pas  : 
les  compilateurs  du  Talmud  auraient  allé- 
gué ce  témoignage  de  leurs  ancêtres  ;  tout 
au  contraire,  ils  avouent  les  miracles  de 
Jésus-Christ.  Galalin,  de  Arcanis  cathol.  ve~ 
rit.,  1.  VIII,  c.  5.  Orobio,  juif  très-instruit, 
lidèle  à  suivre  la  tradition  de  sa  nation, 
n'a  pas  osé  jeter  du  doute  sur  ce  fait  essen- 
tiel. 

Troisième  preuve.  Les  auteurs  païens  qui 
ont  attaqué  le  christianisme,  ont  agi  de  mê- 
me ;  sans  nier  les  miracles  de  Jésus-Christ, 
ils  ont  dit  qu'il  les  a  faits  par  magie  ;  que 
d'autres  que  lui  en  ont  fait  de  semblables  ; 
que  cette  preuve  ne  suffit  pas  pour  établir 
sa  divinité  et  la  nécessité  de  croire  en  lui. 
Il  aurait  été  bien  plus  simple  de  les  nier 
absolument,  si  cela  était  possible. 

Quatrième.  Plusieurs  anciens  hérétiques 
contemporains  des  apôtres,  ou  qui  ont  paru 
immédiatement  après  eux,  ont  attaqué  des 
dogmes  enseignés  dans  l'Evangile;  mais  nous 
n'en  connaissons  aucun  qui  en  ait  contre- 
dit les  faits;  les  sectes  mêmes  qui  ne  con- 
venaient pas  de  la  réalité  des  faits  avouaient 
qu'ils  s'étaient  passés,  du  moins  en  appa- 
rence ;  ils  ne  taxaient  point  les  a-pôtres  de 
les  avoir  forgés.  Il  y  a  eu  des  apostats  dès 
le  I"  siècle  ;  saint  Jean  nous  l'apprend  :  au- 
cun n'est  accusé  d'avoir  publié  que  l'histoire 
évangélique  était  fausse.  Il  y  en  avait  parmi 
ceux  que  Pline  interrogea,  pour  savoir  ce 
que  c'était  que  le  christianisme,  et  ils  ne  lui 
découvrirent  aucune  espèce  d'imposture. 

Cinquième.  Une  preuve  plus  forte  de  la 
vérité  des  miracles  de  Jésus-Christ,  est  le 
grand  nombre  de  Juifs  et  de  païens  convertis 
par  les  apôtres  et  par  les  disciples  du  Sauveur. 
Quel  molif  a  pu  les  engager  à  croire  en  Jésus- 
Christ,  à  se  faire  baptiser,  à  professer  la  foi 
chrétienne,  à  braver  la  haine  publique,  les 
persécutions  et  la  mort,  sinon  une  persuasion 
intime  de  la  vérité  des  faits  évangéliques  ? 
C'est  la  preuve  principale  sur  laquelle  insis- 
tent les  apôtres.-  Jésus-Christ  lui-même  avait 
dit  aux  Juifs  [Joan.  c.  x,  v.  38):  Si  vous  ne 
voulez  pas  me  croire,  croyez  à  mes  œuvres. 
Saint  Pierre  leur  dit  h  son  tour  :  Vous  savez 
que  Dieu  a  prouvé  le  caraclère  de  Jésus  de 
Nazareth  par  les  miracles  qu'il  a  faits  au 
milieu  de  vous  ;  vous  l'avez  mis  à  mort,  mais 
Dieu  l'a  ressuscité  ;  faites  pénitence,  et  rece- 
vez le  baptême  {Act.  c.  ii,  v.  22).  Saint  Paul 
dit  aux  païens  :  Renoncez  à  vos  dieux,  ado- 
rez le  seul  Dieu,  Père  de  l'univers,  reconnais- 
sez Jésus-Christ  son  Fils  qu'il  a  ressuscité 
iAct.  c.  XVII,  V.  2i).  Il  a  éié  [irouvé  Fils  de 
)ieu  par  le  pouvoir  dont  il  a  été  revêtu,  et 
par  la  résurrection  des  morts  (TJow.  c.  i, 
\.k). 
Sixième.  Comme  la   résurrection  de  Jé- 


gus-ChrisC  est  le  plus  grand  de  ses  miracles, 
les  apôtres,  non  contents  de  la  publier,  la 
mettent  dans  le  symbole  :  ils  en  établissent 
lin  monument  en  célébrant  le  dimanche. 
Selon  saint  Paul,  elle  est  représentée  par  la 
manière  dont  le  baptême  est  administré.  On 
lisait  l'Evangile  dans  toutes  les  assemblées 
chrétiennes,  et  l'Evangile  en  parle  comme 
d'un  fait  indubitable.  Il  était  donc  impossi- 
ble d'être  chrétien  sans  la  croire,  et  personne 
ne  l'aurait  crue,  si  elle  n'avait  pas  été  in- 
vinciblement prouvée. 

Toutes  ces  preuves  auraient  besoin  d'être 
traitées  plus  au  long  ;  mais  ce  n'est  pas  ici 
le  lieu.  Les  incrédules  se  contentent  de 
nous  objecter  que  les  prétendus  miracles  de 
Zoroaslre  ,  de  Mahomet  ,  d'Apollonius  do 
Thyane,  et  de  quelques  autres  imposteurs, 
ne  sont  pas  moins  attestés  que  ceux  de  Jé- 
sus-Christ, et  ne  sont  pas  crus  avec  moins 
de  fermeté  j)ar  leurs  sectateurs. 

Ils  nous  en  imposent  évidemment,  i"  Ces 
prétendus  miracles  ne  sont  rapportés  par 
aucun  témoin  oculaire  ;  aucun  de  ceux  qui 
les  ont  écrits  n'ont  osé  dire,  comme  saint 
Jean  :  «  Nous  vous  annonçons  et  nous  vous 
attestons  ce  que  nous  avons  vu  de  nos  yeux, 
ce  que  nous  avons  entendu  nous-mêmes, 
ce  que  nous  avons  examiné  avec  attention, 
et  ce  que  nous  avons  touché  de  nos  mains 
(/  Joan.  c.  I,  v.  1).  »  —  2°  La  plupart  de  ces 
prodiges  sont  en  eux-mêmes  ridicules,  indi- 
gnes de  Dieu,  ne  pouvaient  servir  qu'à  fa- 
voriser l'orgueil  du  thaumaturge,  à  étonner 
et  à  effrayer  ceux  qui  les  auraient  vus  :  ceux 
de  Jésus-Christ  ont  été  des  actes  de  charité 
destinés  à  l'avantage  temporel  et  spirituel 
des  hommes,  à  soulager  leurs  maux,  à  les 
éclairer,  h  les  tirer  de  l'erreur  et  du  désor- 
dre, il  les  mettre  dans  la  voie  du  salut.  —  3° 
Ce  ne  sont  point  les  prétendus  miracles  des 
imposteurs  qui  ont  fait  adopter  leur  doc- 
trine ;  il  est  prouvé  que  la  religion  de  Zo- 
roastre  et  celle  de  Mahomet  se  sont  établies 
par  la  violence,  et  il  j^  avait  longtemps  que 
le  paganisme  subsistait,  lorsque  les  faiseurs 
de  prestiges  ont  paru  dans  le  monde.  Au 
contraire,  ce  sont  les  miracles  de  Jésus- 
Christ  et  ceux  des  apôtres  qui  ont  fondé  lo 
christianisme.  —  i"  Aucun  de  ces  thauma- 
turges supposés  n'a  été  prédit,  comme  Jé- 
sus-Christ, plusieurs  siècles  auparavant,  par 
une  suite  de  prophètes  qui  ont  annoncé  aux 
hommes  ses  miracles  futurs.  Aucun  des  faux 
miracles  n'a  été  avoué  par  les  sectateurs 
d'une  religion  différente.  Si  quelques  Pères 
de  l'Eglise  sont  convenus  des  prodiges  allé- 
gués par  les  païens,  d'autres  les  ont  niés  et 
réfutés  formellement.  Aucun  imposteur  cé- 
lèbre n'a  pu  donner  à  ses  disciples,  comme 
a  fait  Jésus-Christ,  le  nouvoir  d'opérer  des 
miracles  semblables  aux  siens. 

Voilà  les  diffc'rences  auxquelles  les  in- 
crédules ne  répliqueront  jamais.  L'on  a  pu 
adopter  de  fausses  raligions  par  entêtement 
pour  certaines  opinions ,  par  une  estime 
aveugle  pour  le  fondateur,  par  docilité  pour 
les  préjugés  nationaux,  par  intérêt,  par  am- 
bition, par  libertinage;  la  religion  cJiré- 


73 


JEU 


/EU 


U 


tionnfi  est  la  seule  qui  n'a  pu  Ctre  embras- 
sée (juc  par  conviction  <lc  la  vérité  (Il's  faits, 
par  la  certitude  de  la  mission  divine  de  son 
auteur,  et  ))ac  son  amour  [)Our  la  vertu. 

Uni'  (piestion  très-importante  jiarmi  les 
théologiens,  est  de  savoir  si  Jésus-Christ  est 
mort  (lour  tous  les  hommes  sans  eiccjition  ; 
s'il  est,  dans  un  sens  très-réel,  le  Sauveur 
et  le  Rédempteur  de  tous,  comme  l'Ecriture 
sainte  nous  en  assure.  Yoy,  Salut,  Sau- 
veur. 

Chez  toutes  les  nations  chrétiennes,  la 
naissance  de  Jésus-Christ  est  l'époque  de 
laquelle  on  date  les  années,  et  qui  sert  do 
base  à  la  chronologie.  La  manière  la  plus 
stire  et  la  plus  counnode  de  la  lixer,  est  de 
supposer,  comme  les  anciens  Pères  de  l'E- 
glise, que  JésHs-Christ  est  né  dans  l'année 
de  Rome  7'i-9,  la  quarantième  d'Auguste,  la 
cin(iuième  avant  l'ère  commune  ,  sous  le 
consulat  d'Auguste  et  L.  Cornélius  Sulla.  11 
entrait  dans  sa  trentième  année  lorsi[u"il  fut 
baptisé  ;  il  lit  ensuite  ipiatre  Pât|ucs,  et  fut 
crucifié  le  !25  de  mars,  la  trente-troisième 
année  de  son  âge,  la  vingt-neuvième  de  l'ère 
connnune,  sous  le  consulat  des  deux  Gémi- 
nés. 

Par  conséquent,  Jésus-Christ  mourut  la 
quinzième  année  de  Tibère,  i\  com[)ter  du 
temps  auquel  cet  empereur  commenc^^a  do 
régner  seul,  ou  la  dix  -  huitième  depuis 
ipic  Auguste  l'eut  associé  à  l'empire.  Voy. 
Vies  des  Pères  et  des  Martyrs,  tome  V,  note, 
pag.  635  et  suiv.  Dans  la  Hible  d'Avignon, 
tome  XIII,  pag.  lOV,  il  y  a  une  dissertation 
dans  laquelle  l'auteur  adopte  un  calcul  dif- 
férent (le  celui-ci.  11  sujjpose  que  Jésus- 
Christ  est  né  deux  ans  avant  le  commence- 
ment de  l'ère  commune,  et  qu'il  est  mort  la 
trente-troisième  année  de  cette  ère.  Ce  n'est 
point  î»  nous  d'examiner  lequel  do  ces  deux 
sentiments  est  le  mieux  fondé. 

Il  est  bon  de  savoir  que  cet  usage  de  comp- 
ter les  années  depuis  la  naissance  de  Jésus- 
Christ  n'a  commencé  en  Italie  qu'au  vi*  siè- 
cle; en  France  au  vn%  et  même  au  yni', 
sous  Pépin  et  Charlemagne  :  les  Grecs  s'en 
sont  rarement  servis  dans  les  actes  publics  ; 
les  Syriens  n'ont  commencé  à  en  user  qu'au 
x°  siècle.  Yoy.  Curistiai^isme  ,  EvANen.E, 
Miracles, HuMAMTÉ  de  Jésis-Curist,  Ixcar- 
plATioN,  etc.,  etc. 

JEU.  11  est  constant  que,  depuis  la  nais- 
sance du  christianisme,  les  jeux  de  ha- 
sard ont  été  sévèrement!  défendus  ])ar  les 
lois  de  l'Eglise,  non-seulement  aux  clercs, 
mais  aux  simples  tidèles.  On  le  voit  par  le 
canon  ki,  ol.  35,  des  apôtres,  et  par  le 
canon  76  du  concile  d'Fllvire,  tenu  vers  l'an 
300.  Cela  était  d'autant  plus  convenable,  que 
les  anciennes  lois  romaines  punissaient  déjà, 
par  l'exil  et  par  d'autres  peines,  les  joueurs 
de  profession.  Les  sages  mêmes  du  paga- 
nisme ont  considéré  la  passion  du;eM.  comme 
la  source  d'une  inlinité  de  malheurs  et  de 
crimes.  Aussi  les  Pères  de  l'Eglise  ont  re- 
gardé le  gain  fait  aux  jci/j- de  hasard  comme 
une  espèce  d'usure  ou  plutôt  le  vol  défendu 
par  le  huitième  comuiandement  de  Dieu. 

DlGTIONN.     DE  TnÉOL.    I)0(JM ATIQUE.    111. 


Les  empereurs  romains  ne  l'ont  pas  envi- 
sagé dilféremment,  puisque  Justinien  ,é.,i- 
da,  par  une  loi  fornudle,  que  celui  qui  avait 
contracté  une  dette  aux  jeux  de  hasard  ne 
pourrait  être  |)0ur3uivi  en  justice;  qu'au 
contiaire  il  serait  admis  à  répéter  ce  qu'il 
aurait  payé  volontairement.  Depuis  Charle- 
magne jusqu'à  Loui»-  XV,  il  n'est  presque 
aucun  de  nos  rois  qui  n'ait  i)0rté  des  lois  sé- 
vères contre  les  joueurs  et  ceux  qui  donnent 
à  jouer.  11  y  a  au  moins  vingt  arrêts  du  par- 
lement de  Paris  rendus  pour  en  maintenir 
l'exécution.  Bingham,  Oriy.  ecclés.,  tom.  Vil, 
liv.  XVI,  c.  12,  §  20  ;  Code  de  la  religion  et 
des  mœurs,  tit.30,  tom.  11,  p.  38!i-. 

Mais  la  corrujjtion  des  mœurs  et  les  abus, 
une  fois  établis,  seront  toujours  [ilus  forts 
que  toutes  les  lois  :  comment  espérer  qu'elles 
seront  respectées,  lorsque  la  multitude,  le 
rang,  le  crédit  des  coupables,  les  met  à  cou- 
vert de  toute  punition,  et  que  les  défenses 
sont  violées  car  ceux  mômesqui  les  ont  faites? 

JEUNE.  Nous  n'avons  rien  à  dire  touchant 
les  jeûnes  des  i)aïeus,  des  juifs,  des  maho- 
métans  ;  mais  puisque  cette  pratique  a  été 
conservée  dans  le  cliristianisme,  ([ue  les  hé- 
rétiques et  les  é|iicuri(;ns  modernes  lui  ont 
déclaré  la  guerre,  nous  sommes  obligés  d'en 
faire  ra{)ologie.  Remarquons  d'abord  que  le 
jeûne  n'était  commandé  aux  Juifs  [lar  aucune 
loi  positive;  ce  n'était  donc  pas  une  pratique 
purement  cérémonielle  ;  cependantil  est  ap- 
prouvé et  loué  dans  l'Ancien  Testament 
comme  une  mortitication  méritoire  et  agréa- 
ble à  Dieu.  David,  Achab,  Tobie,  Judith, 
Esther,  Daniel,  les  Ninivites,  toute  la  nation 
juive,  ont  obtenu  de  Dieu  par  ce  moyen  le 
pardon  de  leurs  fautes,  ou  des  grâces  parti- 
culières. Les  prophètes  n'ont  point  con- 
damné absolument  \es  jeûnes  des  Juifs,  mais 
l'abus  qu'ils  en  faisaient  ;  ils  les  ont  mémo 
exhortés  plus  d'une  fois  à  jeûner  [Joél,  c.  i, 
V.  li;  c.  II,  V.  12,  etc.). 

Dans  le  Nouveau  Testament,  les  jeûnes  de 
saint  Jean-Bapliste  et  d'Anne  la  prophétesse 
sont  cités  avec  éloge.  Jésus-Christ  lui-même 
en  a  donné  l'exemple  {Matth.  c.  iv,  v.  2j  ;  il  a 
seulement  blâmé  ceux  qui  jcihiaient  par 
ostentation  atin  de  paraître  mortiliés  (c.  vi, 
v.lGet  17).  11  dit  que  les  démons  ne  peuvent 
être  chassés  que  (lar  la  prièree  t  [lar  le  jeûne 
(c.  XVII,  V.  20).  11  n'y  obligea  point  ses  disci- 
ples ;  mais  il  prédit  que,  (juand  il  ne  serait 
plus  avec  eux,  ils  jeûneraient  (c.  ix,  v.  15). 
Ils  l'ont  fait,  en  elfet  ;  nous  voyons  les  ajiô- 
très  se  préparer,  par  le  jeûne  et  [lar  la  prière, 
aux  actions  importantes  de  leur  ministère 
[Act.  c.  xni,  V.2;  c.  xiv,  v.  22;  c.  xxvii,  v. 
21).  Saint  Paul  exhorte  les  fidèles  à  s'y  exer- 
cer (//  Cor.  c.  VI,  5),  et  il  le  pratiquait  lui- 
môme  (c.  XI,  y.  27).  C'est  donc  une  action 
sainte  et  louable. 

Les  ennemis  du  christianisme  en  jugent 
autrement  :  C'est,  disent-ils,  une  pratique 
superstitieuse,  fondée  sur  une  fausse  idée 
de  la  Diviuité  ;  l'on  s'est  persuadé  qu'elle  se 
plaisait  à  nous  voir  souffrir.  Les  Orientaux 
et  les  platoniciens  avaient  rêvé  que  nous 
sommes  infestés  oar  des  démons   qui  nous 

3 


7iï 


JEU 


JEU 


% 


portent  au  vice,  et  que  Icjame  sert  à  les 
vaincre  ou  à  les  mettre  en  fuite.  Le  jeûne  peut 
nuire  à  la  sant6  :  en  diminuant  nos  forces, 
il  nous  rend  moins  capables  de  rem[)lir  des 
devoirs  qui  exigent  de  la  vigueur. 

Cependant  les  plus  habiles  naturalistes 
conviennent  encore  aujourd'hui  que  le  re- 
mède le  plus  efiicace  contre  la  luxure  est 
l'abstinence  et  le  jeûne  (  Uis(.  nat. ,  t.  111, 
«77-12,  c.  'h,  p.  105).  Croient-ils  pour  cela 
(tue  la  luxure  est  un  mauvais  démon  qui 
infeste  notre  àme  ?  Les  Pères  de  l'Eglise, 
qui  ont  tant  recommandé  le  jeûne,  et  qui 
l'ont  pratiqué  eux-mêmes ,  ne  le  croyaient 
])as  plus.  Les  anciens  philosophes,  les  secta- 
teurs de  Pythagore,  de  Platon  et  de  Zenon, 
plusieurs  épicuriens  môme,  ont  aussi  loué 
et  pratiqué  l'abstinence  et  \e  jeûne;  l'on  peut 
s'en  convaincre  en  lisant  le  Traité  de  l'abs- 
tinence  de  Porphyre.  Ils  n'avaient  certaine- 
ment pas  rôvé  que  la  Divinité  se  plaît  à  nous 
voir  souffrir,  et  les  épicuriens  ne  croyaient 
pas  aux  démons.  Mais  ils   savaient   par  ex- 

Eérience  que  le  jeûne  est  un  moyen  d'afl.d- 
lir  et  de  dompter  les  passions,  que  les  souf- 
frances servent  à  exercer  la  vertu  ou  la  force 
de  l'fime. 

Quiconque  admet  un  Dieu  et  une  provi- 
dence croit  que,  quand  l'homme  a  péché, 
il  lui  est  utile  de  s'en  repentir  et  d'en  être 
allligé  ;  c'est  un  préservatif  contre  la  rechute: 
or,  les  censeurs  dn  jeûne  conviennent  qu'un 
homme  affligé  ne  pense  pas  à  manger.  Ce 
n'e»t  donc  pas  une  superstition  de  juger  que 
lejVwHeestun  signe  et  un  moyen  de  péni- 
tence, aussi  bien  qu'un  remède  contre  la 
fougue  des  passions.  Et  comme  nous  n'accu- 
sons point  de  cruauté  un  médecin  qui  pres- 
crit l'abstinence  et  des  remèdes  à  un  ma- 
lade. Dieu  n'est  pas  cruel  non  plus,  lors- 
qu'il ordonne  h  un  pécheur  de  s'affliger,  de 
s'humilier,  de  soulfrir  et  de  jeûner. 

Pour  savoir  si  le  jeûne  est  nuisible  à  la 
santé,  ou  peut  nous  rendre  incapables  de 
remplir  nos  devoirs,  il  suffit  de  voir  s'il  y  a 
moins  de  vieillards  à  la  Trapi)e  et  à  Sept- 
Fonts  que  parmi  les  voluptueux  du  siècle  ; 
si  les  médecins  sont  plus  souvent  appelés 
pour  guérir  des  inlirmités  contractées  par 
îojeime,  que  pour  traiter  des  maladies  nées 
de  l'interupérancc  ;  si  enfin  les  gourmands 
sont  i)lus  exacts  h  remplir  leurs  devoirs 
que  les  hon^mes  sobres  et  mortifiés. 

Lorsque  nous  lisons  les  dissertations  des 
épicuriens  modernes,  il  nous  parait  qu'ils 
clierchent  moins  ce  qui  est  utile  à  la  société 
en  général,  qu'ilsnepensenthjustifierlalicen- 
ce  avec  laquelle  ils  violent  les  lois  de  l'absti- 
nence et  du  jeûne.  Voij.  Carême,  Absti- 
nence. Us  traitent  de  fables  ce  qu'on  lit 
dans  la  vie  de  plusieurs  saints  de  l'un  ou 
de  l'autre  sexe,  qui  ont  passé  trente  ou  qua- 
rante jours  sans  manger.  Mais  ces  faits  sont 
trop  bien  attestés  pour  que  l'on  puisse  en 
douter.  Indépendauunont  des  forces  surna- 
turelles que  Dieu  a  pu  donner  à  ses  servi- 
teurs, il  est  certain  qu'il  y  a  des  tempéra- 
ments qui,  fortifiés  par  l'habitude,  peuvent 
pousser  beaucoup  plus  loin  le  jeûne  que  le 


commun  des  hommes,  sans  déranger  leur 
santé,  et  même  sans  s'affaiblir  beaucoup. 
Ce  (jue  nous  lisons  dans  les  relations  de 
plusieurs  voyageurs,  qui  se  snut  trouvés 
réduits  à  passer  plusieurs  jours  dans  des 
fatigues  excessives,  sans  autre  nourrituro 
qu'une  poignée  do  farine  de  mais  ou  quel- 
ques fruits  sauvages,  rend  très-croyable  ce 
que  l'on  raconte  liesjeûnes  observés  par  les 
saints.  En  général,  la  nature  demande  peu 
de  choses  pour  se  soutenir  :  mais  la  sensua- 
lité passée  en  habitude  est  une  tyrannie  à 
peu  près  invincible.  Nous  sommes  étonnés 
delà  multitude  et  de  la  rigueur  des  jetki.es 
que  pratiquent  encore  aujourd'hui  les  dif- 
lérentes  sectes  de  chrétiens  orientaux. 

Daillé,  Bingham  et  d'autres  écrivains  pro- 
testants soutiennent  que,  dans  les  premiers 
siècles,  \c  jeûne  no  renfermait  point  l'absti- 
nence de  la  viande,  qu'il  consistait  seulement 
(i  différer  le  repas  jusqu'au  soir,  h  en  retran- 
cher les  mels  délicats  et  tout  ce  qui  pouvait 
flatter  la  sensualité.  Us  1«  prouvent  par  un 
passage  de  Socrate  {Ilist.  ccclés.,  l.  v,  c.  22), 
qui  dit  que  pendant  le  carême  les  uns  s'abs- 
tenaient de  manger  d'aucun  animal,  les  au- 
tres usaient  seulement  do  poisson,  quelques- 
uns  mangeaient  de  la  volaille  sans  scrupule, 
et  par  l'exemple  de  l'évêque  Spiridion,  qui, 
dans  une  jour  déjeune,  servit  du  lard  à  un 
voyageur  latigué,  et  l'exhorta  à  en  manger 
(^pzoni.,  1.  I,  c.  llj. 

Mais  de  tous  les  mois  dont  on  peut  se 
nourrir,  y  en  a-t-il  de  plus  succulents  et 
el  qui  flattent  davantage  la  sensualité  que  la 
viande  ?  C'est  donc  la  première  chose  de  la- 
quelle il  convenait  de  s'abstenir  les  jours  de 
jeûne,  selon  l'observation  môme  de  nos  cri- 
tiques. Le  passage  de  Socrate  prouve  très- 
bien  que  de  son  temps,  comme  aujourd'hui, 
il  y  avait  des  chrétiens  très-peu  scrupuleux, 
et  qui  observaient  fort  mal  la  loi  du  jeûne  ; 
mais  les  abus  ne  font  pas  la  règle.  Plus  de 
soixante-dix  ans  avant  le  temps  auquel  So- 
crate écrivait,  le  concile  de  Laodicée,  tenu 
l'an  3G6  ou  367,  avait  décidé  que  l'on  devait 
observer  la  xérophagic,  ou  ne  vivre  que  d'a- 
liments secs  pendant  la  quarantaine  d\i  jeûne, 
cnn.  50  ;  il  ne  permettait  donc  pas  l'usage  de 
lii  viande. 

L'exemple  de  saint  Spiridion  favorise  en- 
core moins  nos  adversaires.  L'historien  ob- 
serve qu'il  ne  se  trouva  chez  lui  ni  pain,  ni 
faiine  ;  le  voyageur,  auquel  il  servit  du  lard, 
refusa  d"al)ord  d'eu  manger  et  reiiréson'a 
qu'il  était  clirélien  ;  donc  rusa,ge  des  chré- 
tiens n'était  pas  de  faire  gras  en  carême.  Le 
saint  évoque  vainquit  sa  répugnance,  en  lui 
disant  que,  selon  1  "Kcriturc  sainte,  tout  est  pur 
pour  les  coeurs  purs;  le  cas  de  nécessité  l'ex- 
cusait dans  cette  circonstance.  Cette  réponse 
nous  indique  la  raison  pour  laquelle  l'.liglise 
ne  lit  pas  d'abord  une  loi  générale  de  l'absti- 
nence ;  on  craignait  défavoriser  l'erreur  des 
marcionites,  qui  s'abstenaient  de  la  viande 
et  du  vin,  parce  (jue,  selon  leur  opinion,  c'é- 
taient des  jiroductions  du  mauvais  principe. 
Di;  là  les  canons  des  apôtres  ordonnent  de 
déj.'Oser  un  ecclésiastique  qui  s'abstient  de 


77 


JOA 


jon 


78 


viande  ot  do  vin  par  un  molif  iriiorreur  et 
non  pour  se  mortilier,  qui  ouiilie  ijue  ce 
sont  des  dons  du  Créateui',  et  ))lasphèuie 
ainsi  contre  la  création,  €an.  k'S  et  îi5,  ou, 
selon  d'autres,  51  et  53.  Lorsque  le  danger 
a  été  passé,  l'ahstinenco  a  été  généralement 
observée,  et  c'est  très-mal  à  propos  que  les 
prolestants  se  sont  éli^vés  contre  celte  disci- 
pline respectable.  Yoy.  Bévéridge,  sur  les 
Canons  de  rEglisc  primitive,  1.  m,  c.  9,  §  7. 
Moslieim,  quoiciuc  prol(\stanl,  a  été  forcé 
(l(!  convenir  que  ]c  jrûnc  du  mercredi  et  du 
vendredi  paraît  avoir  été  en  usaîi;e  dés  le 
tenais  des  apôtres,  ou  inuuédiatement  après. 
Les  apôtres  ont-ils  donc  laissé  introduire 
luie  pratique  superstitieuse?  Un  savant  aca- 
déiincien  a  prouvé  que  les  jeûnes  religieux 
ont  été  en  usai^e  chez  la  plupart  des  pcniiles 
de  l'univers  ;  et  en  remontant  à  lori^iue,  il 
a  tiouvé  cette  pratique  fondée  sur  des  mo- 
tifs très-sensés,  Mém.  del'Acad.  desJnscript., 
toiii.  V,  ni-1-2,  p.  38.  Mosheim  avait  profon- 
dément oublié  l'Evangile,  lorsqu'il  a  écrit  et 
répété  que  les  premiers  chrétiens  iiuisèrent 
dans  la  philosophie  de  Plalon  leur  goût  ex- 
cessif [our  le  jeûne  el  [lour  l'abstinence.  Les 
justes  de  l'Ancien  Testament,  Jésus-Christ 
et  les  apOtres  avaient-ils  étudié  dans  l'école 
di' Platon?  Dissert,  de  lurbuia  per  récent. 
Phttonicos  Ecctesia,  §  4-9  et  50  ;  Hist.  eccles., 
deuvième  siècle,  ii°  part.,  c.  1,  S  12;  Uisl. 
christ.,  sœc.  u,  ^  33.  Voy.  Abstinence,  As- 
cii:ri;s,  Cahème,  Mortii-ication. 

JOACHIMITES  ,  disciples  de  Joachim, 
abbé  de  Flore  en  Calabre,  ordre  de  Cîleaux, 
(uii  passa  pour  prophète  pendant  sa  vie,  et 
qui  aiirès  sa  mort  laissa  plusieurs  livres  de 
iirédictions  et  d'autres  ouvrages.  Ces  écrits 
furent  condamnés,  sans  nommer  l'auteur, 
l'an  1215  par  le  concile  de  Latran,  et  par 
celui  d'Arles,  en  1260. 

Los  joachimites  étaient  entêtés  du  nombre 
ternaire,  relativement  aux  trois  personnes 
de  la  sainte  Trinité.  Ils  disaient  (pie  Dieu 
le  Père  avait  régné  sur  les  hommes  depuis 
le  commencement  du  monde  jusipi'^  l'avé- 
nement  de  Jésus-Christ  ;  que  i'oi>ération  du 
Fils  a  duré  depuis  cet  avènement  jusqu'à 
leur  temps,  pendant  douze  cent  soixante 
ans;  qu'après  cela  le  Saint-Esprit  devait 
opérer  aussi  à  sou  tour.  Cette  division  n  était 
déjà  rien  moins  que  conforme  à  la  saine  théo- 
logi<>,  suivant  laquelle  toutes  les  opérations 
extéi  ieures  de  la  Divinité  doivent  être  attri- 
buées conjointement  aux  trois  Personnes 
divines.  Ils  divisaient  les  hommes,  les  temps, 
la  doctrine,  la  manière  de  vivre,  chacun  en 
trois  ordres  ou  trois  états,  ce  qui  laisait 
quatre  ternaires.  Le  premier  comprenait  trois 
états  ou  ordres  d'hommes  ;  savoir,  celui  des 
gens  mariés,  qui  avait  duré  sous  le  rè- 
gne du  Père  éternel,  ou  sous  l'Ancien  Tes- 
tament ;  celui  des  clercs,  qui  a  eu  lieu  sous 
le  règne  du  Fils,  ou  sous  la  loi  de  grâce; 
celui  des  moines,  qui  devait  dominer  du 
temps  de  la  plus  gr.mdc  giAce  par  le  Saint- 
Esprit.  Le  second  ternaire  était  celui  de  la 
doctrine,  Savoir,  l'Ancien  Testament  donné 
pai-  le  Père  ;  le  Nouveau,   qui  est  l'ouvrage 


(lu  Fils  ;  el  l'Evangile  éternel  qui  devait  ve- 
nir d\i  Saint-Espiit.  Le  ternaire  des  temps 
sont  les  trois  règnes  dont  nous  avons  parlé  : 
celui  du  Père,  ou  l'esprit  de  la  loi  mosaïque; 
celui  (lu  Fils,  ou  l'esprit  de  gr.lce  ;  celui  du 
Saint-Esjiril,  ou  de  la  très-grande  grAce,  et 
de  la  vérité  cnlin  découverte.  Sous  le  pr(^- 
mier,  disaiiMit  ces  visionnaires,  les  hommes 
ont  vécu  selon  la  chair  ;  sous  le  second,  ils 
ont  vécu  entre  la  chair  et  l'esprit  ;  sous  le 
troisième,  et  jusqu'à  la  fui  du  monde,  ils 
vivront  entièrement  selon  l'esprit.  Dans 
cette  troisième  période,  selon  iQSJonch imites, 
les  sacrements,  les  figures  et  tous  les  signes 
sensibles  di^vaient  cesser  et  la  vérité  se  mon- 
trer à  découvert. 

On  prétend  que  l'abbé  Joachim  était  aussi 
trilhéislc;  q\ï\l  n'admettait,  entre  les  trois 
personnes  divines,  qu'une  union  de  volontés 
et  de  desseins. 

Malgré  l'autorité  des  deux  conciles  qui 
ont  condamné  ses  visions  et  son  Evanyile 
éternel,  il  s'est  trouvé  uu  abbé  de  son  ordre 
nommé  Grégoire  Laude,  (lui  a  écrit  sa  vie,  a 
voulu  éclaircir  ses  prophéties,  et  a  tenté  de 
le.'^ustilier  du  crime  d'hérési(!  ;  cet  ouvrage 
fut  imiu'imé  à  Paris  eu  IGGO,  eu  un  vol.  in- 
fi)liu.  D.  Gervaise,  ancien  abbé  de  la  Trapi.)e, 
a  aussi  donné  au  public  une  histoire  de  l'abbé 
Joachim,  el  a  de  nouveau  entrepris  son  apo- 
logie ;  mais  aucun  de  ces  deux  écrivains 
n'est  venu  à  bout  de  prouver  que  l'on  ait 
imputé  faussement  à  ce  moine  les  erreurs 
condamnées  dans  ses  livres.  11  n'est  pas  cer- 
tain qu'il  soit  l'auteur  de  l'Evangile  éternel  ; 
quelques-uns  prétendent  que  cet  ouvrage 
est  de  Jean  de  Rome,  ou  Jean  de  Parme, 
septième  général  des  frères  mineurs  ;  d'au- 
tres l'attribuent  à  Amam-i,  ou  à  quelqu'un 
de  ses  disciples  ;  selon  d'Argentré,  quebiues 
religieux  voulurent  en  introduire  la  doctrine 
dans  l'université  de  Paris,  en  125'i-. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  visions  de  l'abbé 
J(iachim  produisirent  de  très-mauvais  elfets. 
Elles  donnèrent  lieu  aux  rêveries  de  Séga 
rel,  de  Doucin,  et  d'aures  fanatiques,  dont 
les  sectateurs  troublèrent  l'Eglise  pendant 
le  reste  du  treizième  siècle.  Voy.  Aposto- 
liques. 

JOANNITES.  On  donna  ce  nom,  dans  le 
V'  siècle,  h  ceux  qui  demeurèrent  attachés 
k  saint  Jean  Chrysostome,  et  ne  voulurent 
point  rompre  communion  avec  lui.  On  sait 
(pie  ce  saint  fut  exilé  par  les  nrlilices  de 
l'imiiéralrice  Eudoxie,  et  déposé  dans  un 
conciliabule  par  Théophile  d'Alexandrie,  en- 
suite dans  un  second  tenuàConstantiiiople; 
le  nom  de  joannites  devint  ainsi  un  titie  de 
disgrâce  à   la   cour   impériale.  Voy.  Saint 

JliAN   ClIRVSOSTOME. 

JOB,  nom  d'un  des  livres  de  l'Ancien 
Testament,  ainsi  appelé  parce  qu'il  renferme 
l'histoire  de  Job,  patriarche  célèbre  par  sa 
jiatience  ,  par  sa  soumission  à  Dieu ,  sa 
sagesse  et  ses  autres  vertus.  Ce  saint  per- 
sonnage vivait  dans  la  terre  de  Hus,  que 
l'on  croit  être  l'idumée  orientale,  aux  envi- 
rons de  Bosra.  Le  sentiment  le  plus  comnnui 


n 


ioè 


JOB 


80 


est  que  Job  lui-même  est  l'auteur  du  livre 
qui  contient  son  histoire. 

On  a  formé  sur  ce  livre  une  infinité  de 
conjectures.  Quelques  protestants,  suivis  par 
les  incrédules,  ont  pensé  que  Job  n'est  point 
un  personnage  réel  qui  ait  véritablement 
existé,  que  son  livre  est  une  allégorie  ou 
Hne  fable  morale,  et  non  une  histoire.  Mais 
ce  sentiment  ne  s'accorde  point  avec  le  ré- 
cit de  plusieurs  auteurs  sacrés  (Ezéchiel.  c. 
xiT,  T.  ik)  met  Job,  avec  Noé  et  Daniel,  au 
rang  des  hommes  d'une  vertu  éminente. 
L'auteur  du  livre  do  Tobie  compare  les  re- 
proches que  l'on  faisait  à  ce  saint  homme, 
\  ceux  dont  Job  était  accablé  par  ses  amis 
{Tob.,  c.  II,  T.  11).  L'apôtre    saint  Jacques 

Î)ropose  Job  comme  un  modèle  de  patience 
c.  V,  V.  11).  Tout  cela  parait  désigner  un 
personnage  réel.  Quand  on  prendrait  pour 
une  allégorie  ce  qui  estditdansle  livre  de  Job 
touchant  les  enfants  de  Dieu,  ou  les  anges, 
parmi  lesquels  se  trouve  Satan,  etc.  (c.  i  et 
iij,  cela  n  empêcherait  pas  que  le  reste  de 
l'nistoire  ne  dût  être  regardé  comme  véri- 
table. On  n'a  pas  moins  varié  sur  l'auteur 
du  livre.  Les  uns  ont  cru  que  Job  l'avait 
écrit  lui-même  en  syriaque  ou  en  Arabe,  et 
que  c'est  le  plus  ancien  de  nos  livres  saints  ; 
qu'ensuite  Moïse  ou  quelque  autre  Israélite 
la  traduit  en  hébreu  ;  d'autres  l'ont  attribué 
à  Eliu,  ou  à  l'un  des  deux  autres  amis  de 
Job  ;  plusieurs  à  Moïse  ou  h  Salomon,  à 
Isaïe  ou  h  quelque  écrivain  plus  récent  ;  au- 
cune de  ces  dernières  opinions  n'est  assez 
solidement  établie. 

11  parait  que  l'auteur  du  livre  de  Job  a 
fait  allusion  au  passage  de  la  mer  Rouge, 
lorsqu'il  a  dit  en  parlant  de  Dieu  (c.  xxvi,  v. 
12]  :  «  Il  a  fendu  la  mer  par  sa  puissance,  il 
a  irappé  le  superbe  par  son  souffle, il  a  rendu 
le  ciel  serein  et  a  blessé  le  serpent  tortueux.  » 
Isaïe  (c.  Li,  V.  9)  se  sert  des  mêmes  expres- 
sions en  citant  ce  prodige.  Mais,  d'un  autre 
côté,  si  Job  a  vécu  dans  le  voisina;Jîe  du  dé- 
sert pendant  les  quarante  ans  que  les  Israé- 
lites y  ont  passé,  il  est  étonnant  qu'il  n'ait 
pas  cité  leur  servitude  en  Egypte  comme  un 
exemple  des  calamités  par  lesquelles  Dieu 
afflige  souvent  ceux  qu'il  aime  et  qu'il  pro- 
tège. 

La  langue  originale  de  ce  livre  est  l'Hé- 
breu, mais  mêlé  d'expressions  arabes  et 
chaldaïques,  et  de  plusieurs  tours  de  p'ira- 
ses  qui  ne  se  trouvent  point  dans  l'hébreu 
pur;  c'est  ce  qui  rend  cet  ouviage  oljscur 
et  difficile  à  entendre.  Aussi  la  version  grec- 
que dont  les  anciens  se  sont  servis  est-elle 
très-imparfaite.  Le  texte  est  écrit  en  style 
poétique,  et  en  vers  libres,  quant  k  la  me- 
sure et  à  la  cadence  ;  leur  l)cauté  consiste 
principalement  dans  la  force  de  l'expression, 
dans  la  sublimité  des  pensées,  dans  la  viva- 
cité des  mouvements  ,  dans  l'énergie  des 
peintures ,  dans  la  variété  des  caractères  ; 
tout  cela  y  est  réuni  dans  le  plus  haut  degré. 
C'est  un  monument  précieux  de  l'ancienne 
philosophie  des  Orientaux.  Job  y  discute 
avec  ses  amis  une  question  trèsi-mporlaate  ; 
savoir,  si  Dieu,  sans  injustice,  peut  affliger 


les  justes  ;  Job  soutient  qu'il  le  peut,  et 
en  donne  les  mêmes  raisons  que  nous  allé 
guons  encore  aux  détracteurs  de  la  Provi- 
dence. Il  pose  pour  principe,  1°  que  les  des 
seins  de  Dieu  sont  impénétrables,  qu'il  est 
le  maître  absolu  de  ses  bienfaits,  qu'il  peut 
les  accorder  ou  les  refuser  h  qui  il  lui  plaît, 
sans  qu'on  puisse  l'accuser  d'injustice  ;  2" 
qu'aucun  homme  n'est  exempt  de  péché  , 
qu'il  en  est  souillé  dès  sa  naissance,  les  af- 
flictions qu'il  éprouve  peuvent  donc  être 
toujours  1  expiation  de  ses  fautes.  3°  Il  sou- 
tient que  Dieu  dédommage  ordinairement 
en  ce  monde  le  juste  affligé,  et  il  en  est  lui- 
même  un  illustre  exemple.  4-°  Job  ne  borne 
point  ses  espérances  à  cette  vie  ;  il  compte 
sur  un  état  à  venir  dans  leijuel  le  juste  sera 
récompensé  de  ses  vertus,  et  le  méchant 
puni  de  ses  crimes.  Lowt,  qui,  dans  son  ou 
vrage  De  sacra  Poesi  Hebrœorum  ,  a  éclairci 
un  grand  nombre  de  passages  du  livre  de 
Job,  fait  voir  que  ce  patriarche  iiarle  évidem- 
ment d'un  lieu  de  félicité  pour  les  justei 
après  la  mort. 

11  y  a  plus,  ce  saint  homme  professe  clai- 
rement le  dogme  de  la  résurrection  future. 
Il  dit  (c.  XIX,  V.  25  et  suivants)  :  f  Je  sais 
que  mon  Rédempteur  est  vivant,  et  que  jo 
ressusciterai  de  la  terre  au  dernier  jour  ;  que 
je  serai  de  nouveau  revêtu  de  ma  dépouille 
mortelle,  et  que  je  verrai  mon  Dieu  dans  ma 
chair,  etc.  »  Ceux  qui  ont  conclu  de  là  que 
le  livre  de  Job  est  d'un  auteur  récent,  que 
les  anciens  n'avaient  pas  une  idée  aussi 
claire  de  la  résurrection  qu'elle  le  paraît  dans 
ce  passage,  sont  partis  d'un  principe  très- 
faux  ,  en  supposant  que  ce  n'était  point  là  la 
croyance  primitive  des  anciens  peuples,  et 
surtout  des  patriarclies.  Voy.  Résurrection. 

Ce  n'est  donc  pas  sans  raison  que  les  Juifs 
et  les  chrétiens  ont  regardé  Job  comme  un 
auteur  inspiré.  Son  livre  a  été  leconnupour 
canonique  par  la  Synagogue  et  par  l'Eglise, 
dès  les  premiers  siècles.  Saint  Paul  l'a  cité 
{I  Cor.  c.  III,  V.  19).  «  Il  est  écrit,  dit-il,  je 
surprendrai  les  sages  dans  leur  fausse  sa- 
gesse. »  Or,  ce  |)assage  ne  se  trouve  que 
dans  le  livre  de  Job,  c.  v,  v.  11.  Ce  livre  est 
renferme  dans  les  plus  anciens  catalogues 
des  livres  sacrés.  Ceux  qui  ont  voulu  faire 
douter  si  les  Juifs  l'avaient  reçu  comme  tel, 
n'ont  allégué  que  le  silence  de  Josèphf  ;  mais 
ce  silence  ne  prouve  rien,  puisque  Josèplie 
n'a  pas  nommé  en  détail  les  livres  de  l'E- 
criture. Saint  Jérôme  atteste  (]ue  Job  était 
mis  par  les  Juifs  au  rang  des  hagiographes  ; 
aucun  docteur  juif  n'a  dit  le  contraire.  Le 
jésuite  Pinéda  a  fait  un  savant  commen- 
taire sur  ce  livre ,  et  Spanheim  a  donné  une 
Vie  de  Job  très-détaillée.  Voy.  la  Préface  du, 
livre  de  Job,  Bible    d'Avignon,  t.  VI,  p.  kkd. 

JOËL  est  le  second  des  douze  petits  pro- 
phètes. Il  paraît  qu'il  prophétisa  dans  le 
royaume  de  Juda, après  la  ruine  de  celui  d'Is- 
raël, et  le  transiiort  des  dix  tribus  en  Assy- 
rie. Sa  prophétie  ,  qui  ne  contient  que  trois 
chapitres ,  annonce  quatre  grands  événe- 
ments ;  savoir,  une  nuée  d'insectes  qui  de- 
vait ravager   les  campagnes  et  iiroduire  une 


81 


JOl 


luinine  dans  le  royaume  de  Juda  :  Jérémie 
parle  de  cette  faûiiiic  (c.  xiv,  v.  1)  ;  une  ar- 
mée d'étrangers  qui  devait  venir  et  achever 
de  dévasier  la  Ju  It^o  :  il  est  h  |irésunier  que 
c'est  l'arméo  deNaiiuchodonosor,  qui  détrui- 
sit le  loyauiue  de  Juda,  et  emmena  les  Juifs 
à  Bai)ylone;  le  reldur  de  cette  captivité  et  les 
bienfaits  dont  Dieu  voulait  ensuite  comjjler 
son  peuple  ;  enlin  la  vengeance  qu'il  tirerait 
des  ])euples  ennemis  des  Juifs. 

Dans  les  Actes  des  Apôtres,  cliap.  n,  v.  16, 
saint  Pierre  ap|)lique  h  la  descente  du  Saint- 
Esprit  ce  que  Joël  avait  dit  des  faveurs  que 
Dieu  voulait  accorder  à  son  peu|)le,  et  des 
signes  qui  devaient  paraître  à  cette  occ.ision 
dans  le  ciel  et  sur  la  terre.  De  là  jilusieurs 
Pères  de  l'Kglise,  et  plusieurs  commenta- 
teurs, ont  conclu  que  la  prophétie  de  Joël 
n'avait  point  été  accomplie  dans  toute  son 
étendue,  au  retour  de  la  captivité  de  Baby- 
lone  ;  (lu'il  fallait  par  conséquent  lui  donner 
un  double  sens.  Quelques  modernes,  qui  ont 
vu  que  toutes  les  circonstances  n'avaient 
pas  été  vériliées  non  plus  à  la  descente  du 
Saint-Es|)rit  et  h  la  prédication  de  l'Evangile, 
ont  pensé  (jne  ce  cjui  est  dit  dujtigemcnt  que 
Dieu  devait  exercer  sur  les  nations  doit  s'en- 
tendre de  la  lin  du  monde  et  du  jugement 
dernier;  conséquemment  qu'il  y  a  dans  les 
paroi i^s  de  Joël  un  troisième  sens  prophéti- 
que. Vny.  la  préface  sur  Joël, Bible  d'Avignon, 
tom.  XI,  p.  361. 

JOIE.  Un  des  reproches  les  plus  communs 
que  les  incrédules  font  à  la  religion,  c'est 
que  ses  dogmes,  sa  morale,  ses  pratiques 
semblent  faits  pour  nous  attrister,  pour  nous 
interdire  toute  esiiôce  do  joie  et  de  plaisirs  ; 
que  la  piété  ou  la  dévotion  n'est  dans  le  fond 
qu'un  accès  de  mélancolie  ;  qu'un  chrétien 
régulier  et  fervent  doit  être  le  plus  malheu- 
reux des  hommes. 

Cette  prévention  ne  s'accorde  guère  avec 
le  langage  de  nos  livres  saints.  Continuelle- 
ment le  psalmisto  exhorte  les  adorateurs  du 
vrai  Dieu  à  se  réjouir,  à  se  livrer  aux  plus 
doux  transports  de  la  joie  ;  il  invite  tous  les 
hommes  à  goûter  et  à  éprouver  combien  le 
Seigneur  est  doux  ;  il  ne  regarde  comme 
heureux  que  ceux  qui  servent  le  Seigneur, 
qui  connaissent  et  méditent  sa  loi,  et  qui  y 
contbrment  leur  conduite.  SaintPaul  exhorte 
de  môme  les  fidèles  à  se  réjouir  dans  le  Sei- 
gneur (Philipp.,  c.  III,  v.  1  ;  c.  IV,  V.  4)  ;  à 
chanter  de  tout  leur  cœur  des  hymnes  et  des 
cantiques  pour  louer  Dieu  [Ephes.  c.  v,  v.  19  ; 
Coloss.  c.  III,  V.  16).  Il  dit  que  le  royaume  de 
Dieu  en  ce  monde  ne  consiste  point  dans  les 
voluptés  sensuelles,  mais  dans  la  joie  et  la 
paix  du  Saint-Esprit  (Rom.  c.  xiv,  v.  17J.  Il 
proteste  qu'au  milieu  des  travaux  et  des  pei- 
nes de  l'apostolat  il  est  comblé  et  transporté 
de  joie  {IJ  Cor.  c.vii,  v.  4).  Les  saints,  dans 
tous  les  siècles,  ont  répété  la  même  chose. 
Ceux  qui  avaient  mené  d'abord  une  vie  peu 
chrétienne  ont  attesté,  après  leur  conversion, 
qu'ils  jouissaient  d'un  sort  plus  heureux, 
qu'ils  goûtaient  une  joie  plus  douce  et  plus 
pure  qu'ils  n'avaient  f;lit  lorsqu'ils  se  livraient 
au  plaisii'.  Tous  ces   liommes  vertueux  ont- 


JON  82 

ils  été  des  imposteurs,  ou  le  christianisme 
a-t-ii  changé  do  nature,  pour  devenir  une 
religion  triste  et  luguhi  e  ? 

Que  Dieu,  touché  de  compassion  envers 
le  genre  humain,  ait  daigné  envoyer  et  livrer 
son  Fils  unique  pour  nous  sauver;  que,  par 
les  mérites  de  ce  divin  Rédempteur,  il  clis- 
tribue  plus  ou  moins  abondamment  à  tous  les 
hommes  des  grâces  pour  les  conduire  au 
salut  ;  que  nous  ayons  pour  juge  un  Dieu 
qui  a  voulu  être  notre  frère,  alin  d'être  mi- 
séricordieux (  Hebr.  c.  ii,  v.  17  )  ;  que  les 
soull'rances  inévitables  à  la  nature  humaine 
puissent  devenir  pour  nous  le  principe  d'une 
éternité  de  bonheur,  etc.  :  voilà  des  dogmes 
qui  no  sont  certainement  pas  destinés  à  nous 
elfrayer  et  à  nous  attrister,  mais  à  nous  ré- 
jouir et  à  nous  consoler  ;  et  ce  sont  précisé- 
ment les  dogmes  fondamentaux  du  chris- 
tianisme. 

Nous  convenons  que,  pour  en  établir  la 
croyance,  il  a  fallu  que  les  apôtres  et  les 
premiers  fidèles  fussent  exposés  aux  plus 
rudes  épreuves,  môme  à  perdre  la  vie  oans 
les  tourments,  ce  sont  là  les  sujets  de  tristesse 
et  do  larmes  que  Jésus-Christ  leur  avait  an- 
noncés ;  mais  il  leur  avait  prédit  aussi  que 
leur  tristesse  serait  changée  en  joie  {  Joan. 
c.  XVI,  v.  20)  :  il  ne  les  a  pas  trompés. 

Si  le  sentiment  d'un  philosophe  païen 
peut  faire  plus  d'impression  sur  les  incrédu- 
les que  celui  des  auteurs  sacrés  et  des  saints 
de  tous  les  siècles,  nous  les  invitons  à  lire  le 
traité  de  Plutarque  contre  les  épicuriens , 
dans  lequel  il  s'attache  à  [irouver  gue  l'on 
ne  peut  vivre  heureux  en  tuivant  la  doctrim 
d'Epicure  ;  cju'il  y  a  de  la  folie  k  se  priver 
des  consolations  que  donne  la  religion,  soit 
pendant  la  vie,  soit  à  la  mort.  Ce  philosopha 
était-il  un  enthousiaste,  un  insensé  ou  un 
esprit  faible,  tel  que  les  incrédules  ont  cou- 
tume de  peindre  les  saints  du  christianisme  ? 
Ils  devraient  essayer  du  moins  de  répondre 
aux  arguments  de  Plutarque  j  aucun  d'eux 
ne  l'a  encore  entrepris. 

JONAS  est  l'un  desdouze  petits  prophètes; 
il  parut  sous  le  règne  de  Joas  et  de  Jéroboam 
II,  roi  d'Israël  {JY  Reg.  c.  xiv,  v.  25  ),  et 
d'Ozias  ou  Azarias,  roi  de  Juda,  par  consé- 
quent plus  de  huit  cents  ans  avant  notre  ère; 
ainsi  il  paraît  être  le  plus  ancien  des  pro- 
phètes. 

Sa  prophétie,  renfermée  en  quatre  chapi- 
tres, nous  apprend  que  Dieu  lui  ordonna 
d'aller  prêcher  à  Ninivo  ;  que  Jonas  s'embar- 
qua pour  s'enfuir  et  éviter  cette  commission. 
Dieu  excita  une  tempête,  pendant  laquelle  les 
mariniers  jetèrent  ce  prophète  dam  la  mer; 
il  y  fut  englouti  par  un  grand  poisson  qui, 
après  trois  jours,  le  vomit  sur  le  sable.  Alors 
Jonas  alla  prédire  aux  Ninivites  leur  ruine 
prochaine  ;  ils  tirent  pénitence,  et  Dieu  leur 
pardonna. 

Jésus-Christ,  dans  l'Evangile,  a  proposé 
aux  Juifs  l'exemple  de  la  pénitence  des  Ni- 
nivites, et  il  ajoute  :  De  même  que  Jonas  di- 
meura  trois  jours  et  trois  nuits  dans  le  ventr» 
d'unpoisson,  ainsi  le  Fils  de  l'homme  demeurera 
(rois  jours  et  trois  muA»-  dam  k  sein  de  la  tern 


{  Matth.,  c.  x\\,  V.  W).  Aussi  la  prophétie  de 
Smas  a  toujout-s  (lié  mise  au  nombre  des  li- 
.  vros  canoniques,  et  reconnue  comme  au- 
thentique, soit  par  les  Juifs,  soit  par  les 
chrétiens  ;  le  livre  de  Tobie  paraît  y  faire 
allusion  (  c.  XIV,  V.  6  ). 

Mais  les  incrédules  n'ont  pas  manqué  do 
^  tourner  en  ridicule  l'histoire  do  Jonas,  et  de 
\  la  regarder  comme  une  fable  ;  les  païens  fai- 
\  salent  de  môme  autrefois,  saint  Augustin  , 
i  Epist.,  102,  q.  6,  n.  30.  Comment  un  homme 
a-t-il  pu  être  avalé  par  un  poisson  sans  être 
brisé,  vivre  pendant  trois  jours  et  trois  nuits 
dans  le  ventre  de  cet  animal  sans  être  étoulTé? 
Ce  miracle  n'était  pas  nécessaire;  Dieu  pou- 
vait convertir  autrement  les  Ninivites.  Est-il 
croyable  que  ce  peuple  ait  ajouté  foi  à  un 
étranger,  à  un  inconnu  qui  venait  lui  pré- 
dire sa  ruine  prochaine,  qu'il  ait  fait  péni- 
tence sur  cette  menace  ?  Jonas  dut  être  re- 
gardé comme  un  insensé.  Les  fables  grec- 
ques racontaient  aussi  que  Hercule  avait  été 
avalé  par  un  poisson. 

Nous  répondons  que,  quand  il  est  question 
d'un  miracle  opéré  par  la  toute-puissance  de 
Dieu,  il  est  ridicule  de  demander  comment 
il  a  pu  se  faire.  Les  naturalistes  savent  qu'il 
y  a  dans  la  Méditerranée  des  poissons  assez 
gros  pour  avaler  un  homme  entier,  et  ils  en 
citent  des  exemples.  Que  celui  qui  engloutit 
Jonas  ait  été  une  baleine,  ou  une  laniie/rela 
est  fort  inditîéront.  Il  n'a  pas  été  plus  diftîcile 
à  Dieu  de  faire  vivre  un  homme  pemiant 
trois  jours  dans  le  ventre  de  ce  monstre,  que 
défaire  croître  un  enfant  dans  le  sein  de  sa 
imère.  Si  nous  n'étions  pas  instruits  par  expé- 
rience de  la  manière  dont  Un  homme  ou  un 
animal  vient  au  monde,  nous  ne  poun  ions 
J3as  nous  persuader  que  cela  est  possiljle. 
Parce  que  Dieu  pouvait  faire  autrement, 
s'ensuit-il  que  ce  que  nous  voyons  n'est  pas 
Trai  ?  L'histoire  de  Jonas  est  plus  ancienne 
quel  s  fables  des  Grecs  ;  celles-ci  n'ont  dune 
pas  pu  lui  servir  de  modèle. 

Le  miracle  opéré  à  l'égard  de  Jonas  n'était 
pas  plus  nécessaire  à  Dieu  que  tout  autre 
miracle  ;  mais  il  a  été  très-utile  pour  donner 
aux  Juifs,  d'avance,  un  exemple  de  la  résur- 
rection do  Jésus-Clirist,  pour  convaincre 
l'univers  entier  du  pouvoir  de  la  pénitence, 
pour  prouver  l'étendue  des  misériconies  do 
Dieu  envers  tous  les  peuples  et  envers  tous 
les  hommes  sans  exception.  Ce  que  disent 
à  Dieu  les  mariniers,  en  jetant  Jonas  dans  la 
mer  ;  les  réllexions  des  Ninivites  sur  la  mi- 
séricorde de  Dieu  ;  le  reiiroche  que  Dieu 
adresse  à  son  prophète,  qui  se  plaignait  de 
cette  miséricorde  môme,  sont  une  des  plus 
touchantes  leçons  qu'il  y  ait  dans  toute  l'Ecri- 
ture sainte. Elle  démontre  aux  incrédules  que 
Dieu  n'a  jamais  abandonné  entièrement  au- 
cune nation,  qu'il  a  toujours  agréé  le  culte, 
les  prières,  les  hommages  de  tous  les  peuples, 
lors(]u'ils  les  lui  ont  adressés.  Von.  la  disser- 
tation sur  le  miracle  de  Jonas,  Bible  d'Ati- 
gnon,  t.  XL  p.  516. 

JOSAPHAT  est  le  nom  d'un  roi  de  Juda  ; 
il  signilie  j'i/(/e  ou  jugement.  La  vallée  de  Jo- 
saphat  était  célèbre  par  une  victoire  que  ce 


JOS 


et 


roi  y  remporta  sur  les  entiemis  de  son  t)eu- 
ple  {II  Parai,  c.  20).  ï)ans  le  prophète  Joël 
(c.  UT,  V.  2  et  12),  le  Seigneur  dit  :  «  Je  ras- 
semblerai tous  les  peuples  dans  la  valUe  de 
Josaphat,  c'est-à-dire  dans  la  vallée  du  juge- 
ment ;  je  disputerai  contre  eux  sur  ce  qu'ils 
ont  fait  à  mon  peuple,  et  je  les  jugerai.  Le 
prophète  ne  parle  que  des  peuples  voisins  et 
ennemis  des  Juifs  ;  mais  sur  l'équivoque  du 
mot  Josaphat ,  plusieurs  commentateurs  se 
sont  persuadé  qu'il  était  question  la  du  ju- 
gement dernier,  et  qu'il  devait  se  faire  dans 
cette  vallée  de  la  Palestine.  C'est  une  opi- 
nion iiopulaire  qui  n'a  aucun  fondement. 
Yoy.  JjEL. 

JOSEPH,  fils  de  Jacob,  l'un  des  douze  pa- 
triarches ;  son  histoire,  qui  est  fapportéo 
dans  le  livre  de  la  Genèse,  c.  37  et  suiv.,  est 
très-touchante  :  mais  elle  a  fourni  matière  a 
un  très-grand  nombre  de  critiques  absurdes, 
qui  ne  prouvent  autre  chose  qne  l'ignorance 
et  la  malignité  des  censeurs  modernes  do 
l'histoire  sainte. 

Comme  ils  ont  cru  trouver  de  la  ressem- 
blance entre  plusieurs  événements  de  la  vie 
de  ce  patriarche  et  des  aventures  de  quelques 
héros  fabuleux,  ils  ont  tâché  de  persuader 
que  l'historien  juif  avait  tiré  sa  narration  des 
écrivains  grecs  ou  arabes.  Ils  n'ont  point 
fait  attention  que  Moïse,  auteur  du  livre  de 
la  Genèse,  a  écrit  plus  de  cinq  cents  ans 
avant  tous  les  auteurs  profanes  dont  nous 
avons  la  connaissance.  Justin,  qui  parle  de 
l'histoire  de  Joseph,  après  Trogue-Pompée,  1. 
XXXVI,  ne  parait  point  la  révoquer  en  doute. 
Elle  tient  d'ailleurs  à  une  multitude  de  faits 
qui  en  déniontrent  la  réalité.  Le  voyage  de 
Jacob  en  Egypte,  où  il  estapi^elépar  JojfpA  ; 
le  séjour  que  sa  postérité  fait  dans  ce  pays-là, 
et  dont  les  historiens  égyptiens  font  mention; 
les  deux  enlanls  de  Joseph  adoptés  par  Ja- 
cob, et  qui  deviennent  chefs  de  deux  tribus  ; 
les  os  de  Joseph,  conservés  en  Egypte  pendant 
deux  siècles,  reportés  ensuite  Oans  la  Pales- 
tine, et  enterrés  à  Sichem  :  tout  Cela  forme 
Une  chaîne  indissoluble  qui  ne  peut  être  un 
tissu  de  fictions. 

,  La  i)lupart  des  aventures  de  Joseph,  disent 
nos  critiques,  ne  sont  fondées  que  sur  des 
songes  prétendus  mystérieux.  Il  en  fait 
d'abord  qui  lui  présagent  sa  grandeur  future; 
ti'ansporlé  en  Egypte,  il  explique  les  rêves 
de  deux  officiers  de  Pharaon;  il  donne  en- 
suite l'interprétation  des  songes  de  ce  roi, 
et,  pour  lécompense,  il  est  fait  prehiii.T 
ministre.  Tout  cela  ne  peut  servir  qu'a  auto- 
riser la  folle  confiance  que  les  peuples 
ignoiants  ont  donnée  à  ieurs  rêves  dans  tous 
les  temps,  et  donner  lieu  aux  fourberies  des 
imposteurs. 

Nous  répondons  que  si  tous  les  songes 
étaient  aussi  clairs,  aussi  bien  circonstan- 
ciés, aussi  exactement  vérifiés  par  l'événe- 
ment, qu  j  ceux  dont  Joseph  donna  l'etpli- 
cation,  il  serait  très-permis  d'y  ajouter  loi. 
Dieu,  sans  doute,  a  pu  se  servir  de  ce  moyen 
jiour  faire  comiaître  ses  volontés  et  ses 
desseins,  îorsipiille  jugeait  à  propos  :  mais 
il  avait  l'ait  défondrc  par  lloïsc  île  donner 


85  JOS 

confiancn  en  gt^néral  aux  rôves  des  impos- 
teurs ( />^(^ ,  c.  XIII,  V.  1  ctsuiv.).  Jacob 
et  ses  enfants  n'ajoutèrent  d'abord  nui'uno 
foi  aiix  songes  de  Joseph;  la  suite  seule 
di^uionti'a  que  ce  n'étiiont  pas  des  illusions. 
Il  est  dit  [Gen. ,  c.  xi.iv,  v.  5)  (|Uo  Joseph 
se  servait  dn  sa  eouiie  pour  tirer  des  présa- 
ges, et  il  dit  il  ses  frères,  v.  15:  «  No  savez- 
vous  pas  que  personne  n'est  au'-si  babile 
que  moi  dans  l'art  de  deviner?»  Cet  art 
frivole  était  donc  pratiqué  par  un  lionime 
que  l'on  nous  donne  pour  un  modèle  do  sa- 
gesse et  de  vertu. 

Mais  le  texte  hébreu  présente  un  autre 
sens,  V.  5.  Le  serviteur  de  Joseph  dit  : 
«  N'est-ce  point  la  coupe  dans  laquelle  boit 
mon  maître?  Devin  habile,  il  a  deviné  ce 
qu'il  en  était;  »  il  a  deviné  ce  qu'elle  était 
nevenue  et  où  ellRdevaitse  trouver.  Les  paro- 
les de  Joseph  nesignitientrien  de  plus;  il  n'a- 
vait pas  tort  d'alléguer  la  science  que  Dieu 
lui  avilit  donnée  des  choses  cachées;  mais  ce 
n'était  ni  une  connaissance  naturelle  ni  un 
art  duquel  il  fît  profession. 

Les  censeui-s  de  l'histoire  sainte  témoi- 
gnent leur  étonnemcnt  de  ce  que  l'eunutjue 
Putiphar  avait  une  feriime  ;  il  avait  même 
une  tille,  disent-ils,  puisque /osp/)/(  eut  pour 
épouse  Asseneth,  fille  de  Putijihar  (Gen.  c. 
TU,  V  !io].  Ils  confondent  deux  persohnag>s 
très-ditîérents,  Putiphar  auquel  Joscjo/i  fut 
vendu  était  maître  de  la  milice  do  Pharaon 
{Gen.  fc.  xxxix,  v.  t^,  et  Poutipercu/h,  dont  il 
épousa  la  fille,  était  prêtre,  ou  plutôt  gouver- 
neur de  la  Ville  d'Héliopolis:  ces  deux  noms 
ne  àrtnt  pmè  le  même  en  hébreu. 

Seloii  la  remarque  do  Favorin,  le  grec 
Ixvouyo?  vient  de  suvijv  i'yîiv ,  (larder  h  Ht  ou 
l'inléVieur  d'un  appartement;  c'était,  dans 
i'ori;jine,  le  titre  de  tout  ofiicier  de  la  cham- 
bre (lu  roi,  et  l'hébreu  sariswQ  signitie  pas 
autre  chose.  Ce  n'est  que  dans  la  suite,  et 
chez  les  nations  corrompues,  (jue  la  jalousie 
des  princes  lésa  engagés  à  faire  mutiler  des 
hommes  pour  le  seivice  intérieur  de  leur 
iialais.  Aiusi,  de  ce  que  le  maître  de  la  mi- 
lice, le  pannelier  et  l'échansun  du  roi  sont 
n'onuués  sarts  de  Pharaon,  il  ne  s'ensuit 
pas  qu'ils  aient  été  eunuques  dans  le  sens 
actuellement  attaché  à  ce  tonne. 

Ces  môriies  critiques  disent  que  Joseph 
commit  une  imprudence,  en  déclarant  au 
roi  d'Egypte  que  ses  frères  étaient  pasteurs 
de  Iroupcaiit,  puisque  les  Egyptiens  avaient 
horreur  de  célté  profession.  Mais  Joseph 
avalises  raisohs;  il  no  voulut  pas  que  ses 
ft-ère^  et  ses  neveux  fussent  placés  d'al)ord 
dans  l'intérieur  de  l'Egypte  et  môles  avec  les 
Egyptiens;  il  les  mit  dans  la  terre  de  Gessen, 
qui  était  un  pays  de  pAturages,  alin  qu'ils  y 
bonservassenl  plus  aisément  leurs  mœurs  et 
ieilr  religiim. 

La  conduite  de  Joseph,  devenu  premier 
ministre,  n'a  pas  trouvé^  grAce  au  tribunal 
des  incrédules;  ils  prétondent  i[uo,  |iour 
faire  sa  cour,  d  força  les  Egyptiens,  pondant 
la  famine,  de  vendre  toutes  leurs  terres  au 
roi  pour  avoir  des  vivres;  qu'il  les  rendit 
ainsi  tous  esclaves  ;  qu'ensuite  il  les  obligea 


ï 


JUS  8C 

encore  à  vendre  tout  leur  bétail,  mais  qu'il 
laissa  les  terres  aux  prêtres,  parce  qu'il  nvait 
épousé  la  fille  d'un  prêtre,  et  qu'il  les  rendit 
intlépendants  de  la  couronne;  qu'il  eut  l'at- 
tention de  faire  doiuier  à  ses  parents  les 
lostos  les  plus  importants  du  royaume. — 
'.'outes  ces  accusations  sont  fausses.  L'his- 
toire [)orto  seulement  que  Joseph  rendit  le 
roi  propriétaire  de  toutes  les  terres  de  son 
royaume;  ses  sujets  ne  furent  plus  que  ses 
fermiers,  ils  lui  rendaient  le  cin(piième  du 
jHoJuit  net,  et  avaient  le  reste  pour  eux 
(Gen.,  c.  xi.vii,  v.  21).  Dans  un  pays  aussi 
fertile  que  l'Egypte,  cet  inqxM  était  très- 
léger  ;  il  n'est  aucune  nation  qui  ne  se  crût 
fort  heureuse  d'en  être  quitte  pour  un  p.Treil 
tribut.  Quand  on  dit  que  Joseph  rendit  esehi- 
ves  les  Egyptiens,  l'on  joue  sur  un  mot. 
L'hi''breu /ie^^cr/,  ci-c^aye,  signifie  aussi  sujet, 
vassal  ,  serviteur.  Lorsque  les  frères  de 
Joseph  disent  au  roi,:, Nous  sommes  vos 
serviteurs  [Ibid.,  v.  i'9),  cela  ne  signifie 
point,  nous  sommes  vos  esclaves.  En  quel 
sens  peut-on  appeler  esclavafje  la  condition 
de  fermiers,  qui  ne  rendent  que  le  quint  du 
produit  net  à  leur  maître? 

Sur  un  autre  passage  mal  entendu,  l'on 
suppose  que  Joseph  lit  changer  de  demeure 
à  tous  les  Egyptiens,  et  les  transplanta  d'un 
bout  du  royaume  à  l'àùltro  [Ibiil.,  v.  21). 
Vaine  imagination.  Le  terme  hébreu,  qui 
signifie  faire  passer  d'un  lieu  à  un  autre, 
signifie  aussi  faire  passer  d'une  coridition  à 
une  autre,  changerlo sort  d'une  i)ersonne,  Jo- 
seph  changea  le  sort  ou  l'état  des  Egyptiens 
d'un  bout  du  royaume  à  l'autre,  et  lendit 
leur  condition  meilleure.  Il  ne  s'ensuit  pas  do 
là  qu'il  les  ait  délogés  ou  transporlés.LaVul- 
gate  a  rendu  très-exactemeiit  le  sens  du  texte. 

il  n'acheta  jias  les  terres  des  prêtres, 
parce  qu'idles  n'étaient  pas  à  eux;  le  roi  les 
leur  avait  données;  ils  n'en  avaient  que  l'u- 
sufruit :  leur  état  était  encore  le  même  du 
temps  d'Hérodote,  1.  xi,  c.  37.  En  quel  sens 
de  simples  usufruitiers  sont-ils  indépendants 
de  la  couronne?  Il  n'est  pas  certain  cjue 
Josej>h  ait  épousé  la  fille  d'un  prêtre  :  l'hé- 
breu cohen  signitie  non-seulement  un  prê- 
tre, mais  un  prince,  un  chef  de  tribu,  un 
homme  distingué  dans  sa  nation.  De  là 
même  il  s'ensuit  que,  chez  les  Egyptiens,  les 
lirêtres  tenaient  un  rang  considérable  ;  c'est 
encore  un  fait  dont  Hérodote  a   été  témoin. 

Pharaon,  dit  h  Joseph,  en  parlant  de  ses 
frères  :  «  S'il  y  en  a  parmi  eux  qui  aient  do 
l'iriihistrie,  confiez-leur  le  soin  de  mes  trou- 
peaux {Gen.,  c.  xLvn,  v.  6).  Cet  emploi  n'é- 
tait pas,  sans  doute,  le  plus  important  de  son 
royaume. 

Enfin,  il  est  impossible,  diserik  nos  criti- 
qiies,  qu'une  famine  ait  pu  durer  en  Egypte 
pendant  sept  années  consécutives  :  on  sait 
que  ce  sont  les  inondations  du  Nil  qui  ferti- 
lisent cette  contrée,  que,  par  oo  moyeu,  la 
terre  n'exige  presque  aucune  culture.  Il 
n'est  pas  [irobable  que  les  crues  du  Nil  aient 
pu  être  interrompues  pendant  sept  ans  : 
d'où  aurait  pu  venir  ce  phénomène?  L'histo- 
rien semble  ignopèr  ce  fait  iiaportant,  l)uis- 


87  lOS 

qu'il  n'en  fait  aucune  mention.  —  Cela 
prouve,  selon  nous,  que  l'histoire  sainte  ne 
dit  lien  pour  satisfaire  notre  curiosité  :  elle 
ne  raconte  les  événements  que  pour  nous 
faire  aiimirer  la  conduite  de  la  Providence. 
Les  censeurs  de  ce  divin  livre  doivent  savoir 
que  quand  les  crues  du  Nil  ne  sont  pas  assez 
abondantes,  ou  qu'elles  le  sont  trop,  elles 
portent  un  égal  préjudice  \  la  fertilité  de 
l'Egypte.  Dans  le  premier  cas,  les  eaux  ne 
déposent  pas  assez  de  limon  pour  engraisser 
la  terre  ;  dans  le  second,  elles  ne  se  retirent 

Eas  assez  tôt  pour  donner  le  temps  de  la  la- 
ourer  et  de  semer  :  il  a  donc  pu  se  faire 
que,  pendant  sept  années  consécutives,  l'i- 
nondation du  Nil  fût  excessive  ou  insuffi- 
sante. 

Nous  pourrions  ajouter  que  l'historien  fait 
assez  comprendre  de  quelle  cause  devait 
partir  la  famine  de  l'Egypte ,  puisque  les 
sept  vaches  grasses  et  les  sept  vaches  mai- 
gres, symbole  des  sept  années  d'abondance 
et  des  sept  années  de  stérilité,  que  Pharaon 
vit  en  songe,  sortaient  du  Nil  {Gen.  cap.  xli, 
V.  2). 

C'est  trop  nous  arrêter  à  des  observations 
minutieuses,  et  qui  ne  méritent  pas  une  ré- 
futation suivie  ;  mais  il  est  bon  de  montrer 
souvent  des  exemples  de  l'imprudence ,  du 
défaut  de  connaissances  et  du  peu  de  bonne 
foi  que  les  incrédules  font  paraître. 

Joseph  (saint),  époux  de  la  sainte  Vierge, 
père  nourricier  de  Jésus-Christ.  Comme  on 
a  poussé,  de  nos  jours,  la  malignité  jusqu'à 
jeter  des  soupçons  sur  la  pureté  de  la  nais- 
sance de  notre  Sauveur,  on  a  trouvé  bon  de 
supposer,  contre  toute  vérité,  que  sainC  Jo- 
seph n'avait  ni  estime  ni  affection  pour  Ma- 
rie son  épouse  ;  qu'il  voyait  de  mauvais  œil 
l'enfant  qu'elle  avait  mis  au  monde  ;  que 
Jésus-Christ  lui-même  avait  très -peu  dé- 
gards  pour  sainC  Joseph. 

Pour  sentir  l'absurdité  de  toutes  ces  ca- 
lomnies, il  sullit  de  savoir  que  les  évangé- 
listes  déposent  du  contraire ,  et  qu'ils  ont 
écrit  dans  un  temps  où  ils  auraient  été  con- 
tredits par  des  témoins  oculaires,  s'ils  avaient 
avancé  des  faits  faux  ou  incertains.  Selon 
leur  récit,  Joseph,  avant  d'avoir  été  instruit 
du  mystère  de  l'incarnation  par  un  ange,  et 
s'apercevant  de  la  grossesse  de  son  épouse, 
pensa  à  la  renvoyer,  non  publiquement, 
mais  en  secret,  parce  qu'il  était  juste  ;  il 
était  donc  très-persuadé  de  l'innocence  de 
Marie.  S'il  avait  eu  des  soupçons  contre 
elle,  ils  auraient  été  promptement  dissipés, 
soit  par  l'apparition  de  deux  anges,  dont 
l'un  lui  révéla  le  mystère  de  l'incarnation, 
l'autre  lui  ordonna  de  fuir  en  Egypte  ;  soit 
par  l'adoration  des  mages,  soit  par  les  trans- 
ports de  joie  d'Anne  et  de  Siméon  lorsque 
Jésus  fut  présenté  au  temple.  En  effet,  Jo- 
seph accompagne  ^larie  à  Bethléem  ;  il  est 
témoin  de  la  naissance  de  Jésus  et  des  hom- 
mages que  lui  rendent  les  pasteurs  et  les 
mages  ;  il  fuit  en  Egypte  avec  la  mère  et 
l'enfant  ;  il  les  ramène  ;  il  est  présent  lors- 
que Jésus  est  otlert  dans  le  temple  ;  il  les 
reconduit  à  Nazareth  ;  il  va  tous  lea  ans, 


lOS 


88 


avec  Jésus  et  Marie,  h  la  fête  de  Pflques  ; 
il  cherche  avec  elle  Jésus,  et  le  retrouve 
dans  le  temple  ;  Jésus  retrouvé  lui  adresse 
la  parole  aussi  bien  qu'à  sa  mère  ;  il  retour- 
ne avec  eux  à  Nazareth  ;  l'Evangile  remar- 
que qu'il  leur  était  soumis  {Luc.  c.  ii,  v.23  ; 
Matlh.,  c.  II).  Quelle  preuve  peut-on  dési- 
rer d'une  union  plus  intime  ,  d'un  attache- 
ment mutuel  plus  constant  ? 

Depuis  que  Jésus-Christ  eut  commencé  sa 
mission,  l'Evangile  ne  parle  plus  de  Joseph: 
probablement  il  était  mort  ;  mais  les  évan- 
gélistes  ont  passé  sous  silence  tout  le  temps 
de  la  vie  du  Sauveur,  qui  s'est  écoulé  de- 
puis l'âge  de  douze  ans  jusqu'à  trente.  Lors- 
que les  habitants  de  Nazareth  ,  étonnés  de 
de  la  doctrine  et  des  miracles  de  Jésus,  de- 
mandent :  «  N'est-ce  donc  pas  là  un  artisan, 
fds  de  Marie,  frère  ou  parent  de  Jacques,  de 
Joseph,  de  Judas  et  de  Simon  ?  ses  parentes 
ne  sont-elles  pas  encore  parmi  nous  {Marc. 
c.  VI,  V.  3)?»  ils  semblent  supposer  que  saint 
Joseph,  sou  père,  n'existait  plus. 

A  l'article  Marie  ,  nous  verrons  que  les 
autres  calomnies,  forgées  par  les  incrédules 
contre  cette  sainte  Mère  de  Dieu  ,  ne  sont 
pas  mieux  fondées  que  celles-ci. 

La  fête  de  saint  Joseph  n'a  été  célébrée 
que  fort  tard  dans  l'Eglise  latine  ;  mais  elle 
est  plus  ancienne  chez  les  Grecs. 

JOSÈPHE,  historien  juif,  était  de  race  sa- 
cerdotale, et  tenait  un  rang  considérable  dans 
sa  nation.  Après  avoir  été  témoin  du  siège 
de  Jérusalem  et  de  la  ruine  de  sa  patrie,  il 
fiit  estimé  et  comblé  de  faveurs  par  plusieurs 
empereurs,  et  écrivit  à  Rome  ïkistoire  de  la 
guerre  des  Juifs  et  les  Antiquités  judciiques  : 
les  Romains  mêmes  ont  fait  cas  de  ces  deux 
ouvrages.  Nous  y  trouvons  trois  passages 
remarquables.  Dans  Vun,  Josèphe  rend  témoi- 
gnage des  vertus  de  saint  Jean-Baptiste  et 
de  sa  mort,  ordonnée  par  Hérode  {Anliq. 
judaïq.,  I,  xviii,  c.  7).  Dans  l'autre  ,  il  dit 
que  le  pontife  Ananus  II  tit  condamner  Jac- 
ques, frère  de  Jésus,  nommé  Christ,  et  quel- 
ques autres  à  être  lapidés,  et  que  cette  ac- 
tion déplut  à  tous  les  gens  de  bien  de  Jéru- 
salem. L.  XX,  c.  8.  Dans  le  troisième,  il 
parle  de  Jésus-Christ  en  ces  termes  :  «  En 
ce  temps-là  parut  Jésus,  homme  sage,  si  ce- 
pendant on  doit  l'appeler  un  homme  ;  car  il 
fit  une  infinité  de  prodiges  ,  et  enseigna  la 
vérité  à  tous  ceux  qui  voulurent  l'eutuadrc. 
Il  eut  plusieurs  disciples,  tant  juifs  que  gen- 
tils, qui  embrassèrent  sa  doctrine  C'était  le 
Christ.  Pilate,  sur  l'accusation  des  premiers 
de  notre  nation  ,  l'ayant  fait  crucifier,  cela 
n'empêcha  pas  ceux  qui  s'étaient  attachés  à 
lui  dès  le  commencement,  de  lui  demeurer 
fidèles.  11  leur  apparut  vivant,  trois  jours 
après  sa  mort,  selon  la  prédiction  que  les 
prophètes  avaient  faite  de  sa  résurrection  et 
de  plusieurs  autres  choses  qui  le  regardaient  ; 
et  encore  aujourd'hui  la  secte  des  chrétiens 
subsiste  et  porte  son  nom.  »  L.  xyiii ,  c. 
4(1). 

(1)  Frtuves  de  V authenticité  du  texte  de  Josèphe. 
1°  On  ne  CDiiiiait  pas  un  seul  nianusciit  ancien,  où 
ce  passage  ne  se  irouve  lel  que  nous  l'avons  rappor- 


89 


JOS 


Ce  passage  était  trop  favorable  au  chris- 
tianisme, pour  ne  pas  donner  de  l'humour 
aux  incrédules.  Blondel,  Lefèvre,  et  d'autres 

firotestants,  dont  l'anibition  ëlnit  do  décrier 
es  Pères  de  l'Eglise,  ont  trouvé  bon  de  sou- 
tenir que  ce  passage  est  une  interpolation, 
une  fraude  pieuse  de  quelque  auteur  chré- 
tien ;  ils  ont  accusé  Eusèbe  de  cette  infidé- 
lité, parce  qu'il  est  le  premier  qui  ait  cité  le 
passage  dont  il  s'agit.  La  foule  des  incrédu- 
les n'a  pas  manqué  d'adopter  ce  soupçon  : 
plusieurs  auteurs  chrétiens  se  sont  laissé 
émouvoir  par  leurs  clameurs  ;  la  multitude 
des  écrits  (jui  ont  été  faits  pour  et  contre  a 

Eresque  rendu  la  question  problématique, 
elui  (jui  nous  paraît  l'avoir  traitée  avec  le 
plus  do  soin  est  Daubuz  ,  écrivain  anglais  , 
dont  Grabt>  a  publié  l'ouvrage  sous  ce  titre  : 
Cnroli  Daubuz,  de  Testiin.  FI.  Josephi  libri 
duo,  in-H',  Londres,  1700.  Dans  la  première 
partie  du  premier  livre,  Daubuz  l'ait  l'énu- 
méralion  aes  auteurs  modernes,  dont  les 
uns  ont  attaqué,  les  autres  défendu  l'authen- 
ticité du  jiassage  de  Josîphc.  Il  citi;  ensuite 
les  anciens  qui  auraient  dû  en  parler,  et  dont 
le  silence  est  un  argument  négatif;  les  juifs 
qui  l'ont  rejeté,  les  chrétiens  dont  les  uns  ont 
douté,  les  autres  sesont  inscrits  en  faux  contre 
ce  passage.  Dans  la  seconde  partie,  il  réfiond  à 
uneréflexion  deceuxqui  ont  régardé  le  témoii 
gnage  de  Josèphe  comme  une  pièce  très-in- 
ditlérente  au  christianisme.  Dans  la  troi- 
sième, il  examine  quel  a  pu  être  le  senti- 
ment de  Josèphe  à  l'égard  de  Jésus-Christ, 
et  quels  motifs  il  a  eus  d'en  parler  avanta- 
geusement. Dans  le  second  livre,  il  montre, 


té.  Comment  rtono  se  peut-il  faire  qu'aucun  n'ait 
écliappc  à  l'inlerpdlalion? 

'i°  On  Conserve  dans  la  bibliothèque  du  Vatican  un 
ancien  manuscrit  qui  appartenait  à  un  juif,  lequel, 
en  traduisant  Joscplie  du  grec  en  hébreu,  y  avait 
ellaïf  le  lixlo  donl  nous  parlons.  La  rature  y  parait 
encore  anjourd'liui.  Que  diront  à  cela  les  critiques  et 
les  censeurs.' 

5"  liust'be  de  Ccsarée,  qui  vivait  cent  cinquante  ou 
soixaulc  années  après  la  nioit  de  Josèphe,  cilc  le 
même  texte  dans  son  grand  ouvrage  de  la  Uimon- 
ilraiion  évangcl  que,  par  lequel  il  prouve,  conUe  les 
Juils,  l'accomplissenient  des  prophéties  dans  la  per- 
sonne de  Jèsus-Chiist.  Il  le  cite  encore  dans  son 
Uitloire  eccléiiasliiiue. 

Or,  riiistoire  de  Josèphe  étant  entre  le»  mains  des 
juils  et  des  païens;  un  homme  aussi  éclairé  que  Eu- 
sèbe aurait-il  ose  citer  un  passage  imaginaire  ?  et 
tout  le  judaïsme  et  le  paganisme  ne  se  seraient-iU 
pas  récriés  contre  la  supposition  ?  Cependant  il  n'y  a 
pas  le  moindre  vestige  daueune  réclamation. 

4°  Saint  Jérôme,  qui  était  si  exact  sur  l'aulhenti- 
cilé  des  ouvrages,  Ùulin,  antagcuiisle  de  saint  Jé- 
rôme, Isidore  de  Pelusium,  et  (piantité  d'autres  au- 
leiiis  grecs,  syriens,  cjjyptiens,  du  i\'  et  du  V  siè- 
cle, rapportent  le  même  passage.  Comment  des  hom- 
mes (jui  ne  sont  venus  qu'onze  ou  douze  siècles  après 
eut,  qui  sont  si  éloignés  des  sources  et  des  évéue- 
meiils,  nous  prou\eronl-ils  que  tous  ces  anciens 
étaient  des  liommes  sans  discernement  et  sans  cri- 
ti(pie,  et  que  toute  la  sagacité  était  réservée  à  notre 
temps  '! 

5"  Le  savant  Huei,  'N'alois,  Vossius,  Spencer, 
Pagi,  et  une  inlinilo  d'autres,  critiques  très-savauls 
et  trés-éclairés,  recunnaisseul  ce  texte  pour  authcn- 
tique.  Et  quels  liomuies,   vis-a-vis  de  deux  ou  trois 


JOS  90 

par  un  examen  suivi  de  toutes  les  phrases 
et  de  tous  les  mots  de  ce  passage  célèbre, 
qu'il  n'est  ni  déplacé,  ni  décousu,  ni  dilïé- 
reiit  du  style  ordniaire  de  Josèphe  ;  (pu;  non- 
seulement  il  n'est  pas  inter|iolé,  mais  qu'il 
n'a  pas  jiu  l'être  ;  qu'un  faussaire  n'a  p  )s  pu 
être  assez  habile  pour  le  forger.  De  ces  ré- 
flexions il  est  aisé  de  tirer  des  réponses  so- 
lides et  satisfaisantes  k  toutes  les  objections 
de  Lefèvre,  de  Blondel,  et  de  leurs  copis- 
tes. 

Ils  disent  :  1°  que  ce  passage  coupe  le  fil 
de  la  narration  de  Josèphe  ;  qu'il  n'a  aucune 
liaison  avec  ce  qui  nrécède  ni  avec  ce  qui 
suit.  Mais  Daubuz  fait  voir,  par  plusieurs 
exemples,  que  la  méthode  cle  Josèphe  n'est 
point  déménager  des  transitions  ni  des  liai- 
sons ;  que  souvent  il  n'y  a  dans  les  faits 
qu'il  raconte  point  d'autre  connexion  que  la 
proximité  des  temps.  Or,  ce  synchronistne 
se  trouve  dans  le  passage  contesté  avec  ce 
qui  précède  et  ce  qui  suit. 

2°  Saint  Justin,  disent-ils ,  saint  Clément 
d'Alexandrie,  Tertullieii,  dans  son  ouvrage 
contre  les  Juifs  ;  Origène,  Photius,  n'auraient 
pas  mani|ué  de  citer  le  passage  de  Josèphe, 
s'ils  l'avaient  cru  authentique:  non-seulement 
ils  n'en  parlent  point,  mais  Origène  témoigne 
formellement  que  Josèphe  ne  croyait  pas  que 
Jésus  fiU  le  Christ. 

Mais  quand  saint  Clément,  qui  écrivait  en 
Egypte,  et  Tertullien,  qui  vivait  en  Afrique, 
n'auraient  pas  connu  les  écrits  de  Josèphe, 
cela  ne  serait  pas  étonnant.  Du  temps  do 
saint  Justin  ,  les  exem]ilaires  de  Josèphe 
ne  pouvaient  pas  encore  ôtre  fort  multipliés  : 

qui  l'ont  suspecte,  et  qui  sont  Cappel,  Blondel  et 
Lefèvre  !  —  Nonnote,  Liclionnaire  de  la  Religion, 
tom.  IL 

C"  Si  l'on  rejette  le  texte  dont  il  s'agit,  il  faudra 
supposer  aussi,  contre  toute  raison,  (pi'on  a  égale- 
•.ment  inséré  dans  Josèphe  deux  autres  passages  qui 
tiennent  nécessairement  au  texte,  et  où  l'auteur 
parle  de  la  mort  de  saint  Jean-Baptiste  dont  il  l'ait 
l'éloge,  et  de  la  personne  de  Jac(|ues  qu'il  appelle  le 
frère  de  Jésus.  Qui  ne  voit  en  effet  que  si  ces  deux 
textes  sont  authentiques,  connue  ils  le  sont  évidem- 
ment, celui  (|ui  regarde  Jésus-Christ  ne  l'est  pas 
moins,  puisqu'il  serait  absurde  de  supposer  que  Jo- 
sèphe a  parlé  de  saint  Jacques  et  de  saint  Jean,  sans 
parler  de  Jésus-Christ  même,  dont  l'histoire  et  le 
caractère  avaient  fait  incomparablement  plus  de 
bruit?  Le  texte  sur  saint  Jean-Baptiste  est  cité  à  son 
article.  Voici  celui  sur  saint  Jacques:  «  Ananus,  qui, 
cnimne  nous  venons  de  le  dire,  avait  été  élevé  à  la 
dignité  de  grand  prêtre,  était  un  esprit  audacieux, 
féroce,  de  la  secte  des  sadducéens,  les  plus  sévères  de 
tous  les  Juifs  dans  leurs  jugements.  Il  prit  le  temps 
de  la  mort  de  Feslus,  et  où  Albiims  n'était  pas  en- 
core arrivé,  pour  assembler  un  conseil  devant  lequel 
il  fit  venir  Jacques,  frère  de  Jésus  nommé  Christ,  et 
quelques  autres,  les  accusa  d'avoir  contrevenu  à  la 
loi,  et  les  lit  condamner  à  être  lapidés.  Cette  action 
déplut  iuliniiuent  à  tous  ceux  des  habitants  de  Jéru- 
salem qui  avaient  de  la  piété  et  un  véritable  amour 
pour  l'observation  de  nos  lois.  Ils  envoyèrent  secrè- 
lemenl  vers  le  roi  Agrippa,  pour  le  prier  de  mander 
à  Ananus  de  n'entreprendre  plus  rien  de  semblable, 
ce  qu'il  avait  lait  ne  pouvant  s'excuser.  Quelques- 
uns  d'eux  allèrent  au-devant  d'Albiims  ([ui  était  alors 
parti  d'Alexandrie,  pour  l'inlormer  de  ce  qui  s'était 
passé,  etc.  i  {Ant,  juU.,  1.  xx,  c.  8.) 


le  silence  de  ces  trois  Pères  ne  prouve  donc 
rien  :  celui  de  Photius  ne  conclut  pas  davan- 
tage, puis(jue,  selon  l'opinion  de  plusieurs 
savants  critiques  ,  nous  n'avons  pas  sa  Bi- 
bliothèque entière.  Origène  jiense  que  José- 
phe  ne  croyait  pas  que  Jésus  fût  le  Christ  ou 
le  Messie  attendu  par  les  Juifs.  Il  ne  s'en- 
suit pas  que,  selon  Origène,  Josêphe  n'ait 
pu  parler  comme  il  l'a  fait  :  nous  le  verrons 
dans  un  moment. 

3°  C'est  ici,  en  effet,  la  grande  objection 
des  critiques.  Il  ne  se  jieut  pas  faire,  disent- 
ils,  que  Joscphe,  juif  pharisien,  prêtre  atta- 
ché à  sa  religion,  ait  jm  dire  de  Jésus  :  Si 
cependant  on  peut  l'appeler  m«  homme,  et  il 
était  le  Christ  ;  qu'il  ait  avoué  ses  mira- 
cles, surtout  sa  résurrection  ;  qu'il  lui  ait  appli- 
qué les  prédictions  des  jirophètes  :  c'est 
tout  ce  qu'aurait  pu  faire  un  chrétien  le  mieux 
convaincu.  Deux  nU  trois  réflexions  del'auteur 
anglais  font  sentir  le  faible  de  cette  ol)jection. 
Il  observe  que  du  temps  de  Jésus-Christ,  et 
immédiatement  après,  il  y  eut  deux  sortes 
de  Juifs  qui  pensaient  très-différemment. 
Des  chefs  de  la  nation,  par  politique,  crai- 
gnaient la  moindre  révolution  qui  pouvait 
faire  ombrage  aux  Romains  et  aggraver  le 
joug  imposé  aux  juifs  :  c'est  ce  qui  les  ren- 
dit ennemis  déclarés  de  Jésus-Christ,  de  ses 
apôtres  et  du  Christianisme.  D'autres,  plus 
modérés,  ne  refusaient  pas  de  regarder 
Jésils  comme  un  prophète  ,  de  croire 
ses  miracles,  d'embrasser  sa  doctrine,  mais 
sans  renoncer  pour  cela  au  Judaïsme.  Tels 
furent  les  juifs  ébionitcs.  Cette  manière  de 
penser  dut  se  fortifier  encore,  lonju'ils  vi- 
rent la  ruine  de  leur  nation  et  les  progrès 
du  christianisme  :  circonstances  dajis  les- 
quelles se  trouvait  Josèphe  lorsqu'il  fit  ses 
ouvrages.  11  était  d'ailleurs  attaché  ^  la  fa- 
mille de  Domitien,  dans  laquelle  il  y  avait 
plusieurs  chrétiens.  On  peut  présumer  mê- 
me qU'EpapiirOdite,  auquel  il  adresse  ses 
écrits,  es)  le  mèmte  qu'Epaphras,  duquel 
saint  Paul  a  parlé  dans  ses  lettres.  Josq)he 
était  donc  intéressé  h  ménager  la  faveur  de 
ces  chrétiens,  en  parlant  honorablement  de 
Jésus-Cluùst.  Lcfèvre  raisonne  fort  mal, 
lorsqu'il  dit  que  si  Josèphe  ava\l  tenu  le  lan- 
gage qu'on  lui  nrêle,  il  n'aurait  pas  assez 
ménagé  les  préjugés  des  pnïens  :  ce  n'est 
pas  h  eux  que  /o^f/jfie  avait  le  plus  d'intérêt 
de  plaire.  Enfin  ne  donne-t-on  pas  un  sens 
forcé  à  ses  paroles  ?  En  dis.int  de  Jésus,  Si 
cependant  on  peut  l'appeler  \m  homme^  il  ne 
pn-tend  pas  le  donner  pour  un  Dieu,  comme 
l.f'fèvre  le  prétend,  mais  pour  un  envoyé  de 
Pieu,  revêtu  d'un  pouvoir  supérieur  h  l'hu- 
îHonité,  tels  qu'avaient  été  les  autres  pro- 
J.'hètes.  Il  ('tait  le  Christ  no  signifie  jioint 
(jii'il  était  le  Messie  attendu  par  les  Juifs, 
niais  que  Jésus  itait  le  môme  personnage 
({ue  les  Latins  nommaient  Christus,  nom  du- 
quel les  chrétiens  avaient  tiré  le  leur.  Josè- 
phe n'avoue  point  formellement  la  résurrec- 
tion (Je  Jésus-Christ  :  mais  il  ilit  que  Jésus- 
Ciirist  apparut  vivant  îi  ses  disciples,  trois 
jours  après  sa  mort;  et  quand  Jos-'phe  serait 
expresôémenl  convêiiu  de  celte  résurroctioh 


il  no  s'ensuivrait  rien  ;  les  Juifs  ébionites 
lie  la  niaient  pas.  Par  la  même  raison  ,  il  a 
pu  dire  que  les  prophètes  avaient  prédit  ce 
qui  était  arrivé  à  Jésus,  sans  cesser  pour 
cela  d'être  Juif. 

4°  Blondel  prétend  que  Josèphe  n'a  pas  pu 
dire,  avec  vérité,  que  Jésus-Christ  s'é- 
tait attaché  des  gentils  aussi  bien  que  dos 
Juifs;  mais  il  a  oublié  que,  selon  l'Evangile, 
le  centurion  de  Ca|iharnaûm,  dont  Jésus- 
Christ  avait  guéri  le  serviteur,  crut  en  lui 
[Matt.,  c.  viii,  V.  10)  ;  qu'un  autre  crut  de 
même  avec  toute  sa  maison  (Joan.,  c.  iv,  v. 
53)  ;  que  plusieurs  gentils  désirèrent  de  voir 
Jésus,  et  qu'il  en  fut  satisfait  (c.  xu,  v.  20). 
Les  apôtres  on  convertirent  un  plus  grand 
nombre,  surtout  saint  Paul  :  il  n'y  a  donc 
rien  que  de  vrai  dans  ce  que  dû  Josèphe. 

5°  Pendant  que  Lefèvre  trouve  mauvais 
que  Josèphe  n'ait  pas  parlé  de  saint  Jean- 
Baptiste  dans  cepassage, Blondel,  de  son  côté, 
rejette  ce  que  l'historien  juif  en  dit  ailleurs, 
parce  que,  selon  lui,  le  précurseur  y  est  trop 
loué.  Qui  pourrait  satisfaire  la  bizarrerie  de 
pareils  critiques  ? 

^.  6°  il  n'est  pas  nécessaire  de  réfuter  les 
accusations  que  Lefèvre  forme  contre  Eusèbé; 
elles  ont  été  dictées  par  l'humeur  et  par  l'es- 
prit de-pàrti.  Éusèbe  n'a  jamais  été  convaincu 
d'avoir  falsifié  ou  interpolé  aucun  des  pas- 
sages des  anciens  auteurs  qu'il  a  cités  ;  il 
n'aurait  pu  commettre  une  infidélité,  en  ci- 
tant à  faux  l'ouvrage  de  Josèphe,  sans  s'ex- 
poser à  l'indignation  publique.  On  ne  con- 
naît aucun  exemiilaire  du  texte  de  cet  auteur 
juif,  dans  lequel  le  passage  en  question  ne 
se  trouve  point.  Que  les  juifs  modernes  ne 
veuillent  pas  le  reconniître,  on  ne  doit  pas 
eu  être  surpris;  ils  refusent  toute  confiance 
à  l'histoire  authentique  de  cet  ancien  éci'i- 
Tain,  et  ne  la  donnent  qu'au  faux  Josèphe,  fils 
do  Gorion,  rempli  de  fables  et  de  puérilités. 
Nous  présumons  que  si  l'ouvrage  de  Daubuz 
avait  été  publié  avant  que  Le  Clerc  eût  com- 
posé son  Art  critique,  celui-ci  n'aurait  pas 
osé  affirmer  aussi  hardiment  (lu'il  l'a  fait,  que 
le  passage  de  Josèphe  est  évidemment  une 
interpolation  faite  dans  cet  historien,  par 
un  chrétien  de  mauvaise  ioi.  Art. critique,  ui' 
part.,  sect.  i",  c.  ik,  n.  8  et  suit. 

De  ce  que  nous  venons  de  dire  il  ne  s'en- 
suit pas  que  nous  regardions  le  passage  tant 
contesté  comme  une  preuve  fort  esseutielle 
au  christianisme  ;  le  silence  de  Josèphe  nous 
serait  aussi  avantageux  que  son  témoignage. 
Cet  aute;ir  n'a  pas  pu  ignorer  ce  que  Tes 
chrétiens  publia  eut  louchant  Jésus-Christ, 
ses  uiiracles,  sa  résu'Tection ,  ni  l'accusa- 
tion qtl'ils  forhiaient  contre  les  Juifs  d'a- 
voir mis  à  mort  le  Messie.  S'il  a  eu  à  cœur 
l'honneur  de  sa  nation,  il  a  di1  faire  sonapo 
logie;  et  si  les  faits  affirmés  par  les  chrétiens 
n'étaient  pas  vrais,  il  a  dû  en  démontrer  la 
fausseté.  Le  silence  gardé  en  pareil  cas  équi- 
vaut à  ini  aveu  formel  et  emiiort  '  la  convic- 
tion. C'est  donc  très-mal  à  propos  que  les 
incrédules  veulent  triompher  sur  la  prétendue 
falsification  du  texte  de  Josèphe,  et  insulter 
îi  la  simplicité  de  ceui  qui  regardent  comme 


M 


JÔS 


8Uthôntiq\ic  le  témoignago  qu'il  rend  h  Jé- 
sus-Christ. 

JOSÉPHITES,  cohgrégation  des  pri^tros 
missioniinires  de  Saint-Joseph,  instituée  h 
Lyon,  en  1G56,  jmr  un  nonnné  Crotenot,  clii- 
nirgien,  né  h  (Mianiiilitle  en  Kourçogne,  qui 
s'était  consnrré  nu  service  de  l'iiopilal  de 
Lyon.  La  première  destination  de  ces  prêtres 
a  "été  de  faire  des  missions  dans  les  paroisses 
delà  campagne;  ils  sont  aussi  chargés del'en- 
seignenlent  des  hmnanités  dans  plusieurs 
collèges.  Ils  portent  l'iinhit  ordinaire  des 
ecclésiastiijues,  et  sor.t  gouvernés  par  un  gé- 
néral. (Histoire  des  ordres  monast.,  toni.  yiii, 
pag.  191.) 

Il  y  a  aussi  une  côiigrégatioii  de  filles  nom- 
mées Sœurs  de  Saint- Joseph,  qui  fut  instituée 
au  Puy-en-Velay,  par  l'évéqucde  cette  ville, 
en  1650,  «t  qui  s'est  répandue  dans  plusieurs 
lie  nos  provnicestiiéridionales.  Ces  filles  em- 
brassent toutes  les  œuvres  de  cl^ûrilé  et  de 
jniséricorde,  comme  le  soin  des  hôpitaux,  la 
direction  des  maisons  de  refuge,  l'educnlion 
des  orphelines  pauvirs,  l'instruction  des  iie- 
tites  tilles  dans  les  écoles,  la  visite  des  ma- 
lades dans  les  maisons  ))articulières ,  les 
assemblées  de  charité,  etc.  Elles  ne  font  que 
des  vœux  simjiles,  dont  elles  peuvent  être 
dispensées  ftar  les  évéques  sous  l'obéissance 
desquels  elles  vivent.  11  faut  que  ce  soit  en- 
core lechirurgienCretonet  qniait  formél'idée 
do  cet  institut,  puisque  dans  plusieurs  en- 
droits CCS  tilles  sont  nommées  Cretenistcs. 
{Histoire  des  07-dresmnna  st., [omeVMl, Y).  IBCi.) 

JOSl'É,  chef  du  peiqilo  hébreu  et  succes- 
seur immédiat  de  Moïse,  a  toujours  été  re- 
gardé comme  auteur  du  livre  qui  porte  son 
nom,  et  qui  est  placé  dans  nos  Bibles  après 
le  Pentateuque.  Dans  le  dernier  chapitre  de 
ce  livre,  v.  26,  il  est  dit  que  Josué  écrivit 
toutes  ces  choses  dans  le  livre  de  la  loi  du 
Sei;4neur  :  preuve  qu'il  mit  sa  projire  his- 
toire h  la  suite  do  celle  de  Moïse,  sans  aucune 
interruption.  De  môme  que  Josué  a  raconté 
la  mort  de  Moïse  dans  le  dernier  chapitre  du 
Deutéronome,  l'auteur  du  livre  des  Juges  a 
aussi  placé  celle  de  Josué  dans  les  derniers 
versets  du  ch.  2'!.  On  n'a  pas  fait  attention 
à  ces  deux  circonstances,  lors(pie  l'on  a  di- 
visé nos  livres  saints  ;  ainsi  le  ehapiire  3'i- 
du  Deutéronome  devait  être  le  counnenec- 
ment  du  livre  de  Josué  ;  et  les  sept  derniers 
versets  de  celui-ci  seraient  beaucoup  mieux 
placés  à  la  tête  du  livre  des  Juges.  Il  n'y  a 
jamais  eu  de  doute  chez  les  Juifs,  ni  chez  les 
chrétiens,  sur  l'authenticité  et  la  canonieité 
de  ces  deux  ouvrages  :  la  manière  dont  ils 
sont  écrits  prouve  qu'ils  ont  été  rédigés  par 
des  témoins  oculaires.  Le  livre  de  Josué  est 
cité,  ///  Reg.  c.  xvi,  v.  3V,  et  dans  celui  do 
VEccIc'siastiquc,  c.  xlvi,  v.  1. 

_  On  convient  cependant  qu'il  y  a  dans  ce 
livre  quelques  additions,  comme  des  noms 
de  lieux  changés,  ou  quelques  mots  d'é- 
claircissements, qui  y  ont  été  mis  par  des 
écrivains  postérieurs  :  mais ,  outre  que  ces 
légères  corrections  no  changent  rien  au 
fond  de  l'histoire,  c'est  une  (ircuve  que  ce 
livre  a  été  lu  dans  tous  les  siècles,  tàmôiiio 


ïàS  04 

chose  est  arrivée  Ji  l'égard  des  auteurs  profa- 
nes, et  le  texte  n'(>n  est  pas  moins  pour  (-ela 
authentii[ue.  Le  livre  de  Jo.vur' contient  l'his- 
toire de  la  conquête  de  la  Palestuie,  faite  par 
ce  chef  des  Hébreux.  Au  mot  Chananéens, 
nous  avons  montré  que  cette  invasion  n'eut 
ri(>n  en  soi  d'illégitinu\  et  qu'il  n'i  st  pas 
vrai  (pie  Josué  ait  traité  les  anciens  habi- 
tants avec  uru!  cruauté  inouïe  jusqu'aloi's  : 
il  en  usa  selfui  les  lois  de  la  guerre,  telles 
qu'elles  étaient  en  usage  chez  tous  les  an- 
ciens pcujiles. 

Les  incrédules  ont  fait  d'auti'os  objections 
contre  les  miracles  de  Josué,  sur  le  ))assag(! 
du  Jourdain,  la  nrise  de  Jéricho,  la  |iluie  de 
pierres  qui  tomba  sur  les  Chanauéens,  le 
retardement  du  soleil  :  nous  y  répondrons 
ailleurs.  Voy.  tous  ces  mots. 

Il  y  a  encore  un  prétendu  livre  de  Josué, 
que  conservent  les  Samaritains,  mais  qui 
est  fort  différent  du  nôtre  :  c'est  leur  chro- 
nique (|ui  contient  une  suite  d'événements 
assez  mal  arrangés  et  mêlés  de  fables,  de- 
puis la  mort  de  Moïse  jusqu'au  tem|)s  de 
l'empereur  Adrien.  Joseph  Scaligt-r,  entre 
les  mains  duquel  elle  était  tombée,  la  légua 
à  la  bibliotliè(iue  de  Leyde.  Elle  est  écrite 
en  arabe,  mais  en  caractères  samaritains  : 
Hottiiiger,  qui  avait  promis  de  la  traduire 
en  latin,  est  mort  sans  avoir  tenu  [)arole. 
Tout  ce  que  l'on  iioul  conclure  de  cet  ou- 
vrage, est  que  les  Samaritains  ont  eu  con- 
naissance du  livre  de  Josué,  mais  qu'ils  en 
ont  défiguré  l'histoire  par  des  fables;  que 
cette  compilation  est  très-moderne,  si  le 
commencement  et  la  lin  sont  du  même  au- 
teur. 

Les  Juifs  modernes  attribuent  à  Josué 
une  prière  rapportée  ]iar  Fabricius  [Cod. 
upocr.  vet.  Test.,  tome  V).  Ils  le  font  aussi 
auteur  de  dix  règlements  qui  doivent,  selon 
eux,  être  observés  dans  !a  Terre  promise  ; 
on  les  trouve  dans  Seldeu,  de  Jure  mit.  et 
gent.,  1.  vi,  c.  2.  On  conçnit  ipie  ces  deux 
traditions  juives  ne  méritent  aucune  cro  tance. 

JOUR.  Dans  l'Ecriture  sainte,  ce  mot  se 
prend  en  dilférents  sens.  1"  Il  signitie  le 
temps  en  général  :  dons  ces  jours,  c'est-à- 
dire  en  ce  temps-là.  Jacob  (Gcn.  c.  xlvii,  v. 
9)  appelle  le  temps  de  sa  vie  les  jours  de 
son  pèlerinage.  2°  Un  jour  se  met  pour  une 
année  (ÀVorf.  c.  xiu,  v,  lOj;  vous  observe- 
rez cette  cérémonie  dans  le  temps  fixé,  de 
jour  en  jour,  c'est-à-dire  d'année  en  année. 
3°  Il  désigne  les  événements  dont  l'histoire 
fait  mention  ;  les  livres  des  Paralipomènes 
sont  apiiclés  en  hébreu  Yerba  dierum,  l'his 
toire  ûcs  jours,  ou  le  journal  des  événe- 
ments. Un  grand  jowr  est  un  grand  événe 
ment  ;  un  bon  jour,  un  temps  de  pros])é- 
rit('  ;  les  jours  mauvais,  un  temps  de  malheur 
cl  li'afllietion  (l's.  xciu,  v.  13j,  ou  un  temps 
de  désordre  et  de  dérèglement  [Ephes.  c.  v, 
v.  IGJ.  h-  il  signifie  le  moment  favorable 
{Jonn.  c.  IX,  V.  i).  Jésus-Christ  dit  :  Je  dois 
faire  l'ouvrage  de  celui  qui  m'a  envoyé  pen- 
dant qu'il  est  jour.  Il  dit  à  la  ville  de  Jéru- 
salem (Luc.  c.  XIX,  V.  42)  :  Si  (u  avais  connu 
surtotiï  dans  ce  jour  epii  l'est  donné,   ce   que 


9S 


JOU 


JOU 


96 


je  fais  pour  te  procurer  la  paix.  5°  11  ex- 
prime quelquefois  la  connaissance  de  Dieu 
et  de  sa  loi.  Rom.  c.  xiii,  v.  12,  la  nuit  est 
passée,  le  jour  est  arrivé  ;  l'ignorance  et  les 
ténèbres  de  l'idolâtrie  ont  fait  place  aux  lu- 
mières de  la  foi  (/  Thess.  c.  in,  v.  5)  :  Vous 
êtes  les  enfants  de  la  luaiière  et  du  jour,  et 
non  de  la  nuit  et  des  ténèbres.  Saint  Pierre 
[lipist.  II,  c.  I,  V.  29)  appelle  les  prophéties 
un  flambeau  qui  luit  dans  les  ténèbres  jus- 
qu'il ce  quelevraijour  vienne,  jusqu'à  ce  que 
leur  accomplissement  nous  en  montre  le  vrai 
sens.  6°  Les  derniers  jowr*  signifient  quelque- 
fois un  temps  fort  éloigné  ;  le  jour  du  Seigneur 
est  le  moment  auquel  Dieu  doit  opérer  quel- 
que chose  d'extraordinaire  {haï.  c.  ii,  v.  11  ; 
c.  XIII,  V.  6  et  9  ;  Ezech.  c.  xiii,  v.  5  ;  c.  xxx, 
V.  3;  Joël,  c.  ii,  v.  11,  etc.).  Dans  les  Epîtres 
de  saint  Paul,  cette  même  expression  désigne 
lemoment  auquel  Jésus-Chiist  doit  venir  pu- 
nir la  nation  juive  de  son  incrédulité  et  du 
crime  qu'elle  a  commis  en  le  crucifiant  (I 
Thess.  c.  i,  v.  2;  Il  Thess.  c.  ii,  v.  2,  etc.). 
7°  Elle  désigne  aussi  le  jugement  dernier 
(Rom.  c.  II,  V.  16;  /  Cor.  c.  m,  v.  13,  etc.). 
8°  Enfin  l'éternité  :  Dan.  c.  vii,  v.  9,  Dieu 
est  nouimé  l'Ancien  des  jours,  ou  rEterncl. 

Quelques  physiciens,  pour  conciliir  leur 
système  de  cosmogonie  avec  la  narration  do 
Moise,  ont  supposé  que  les  six  jours  de  la 
création  étaient  six  intervalles  d'un  temps 
indéterminé,  et  que  l'on  peut  les  supposer 
assez  longs  pour  que  Dieu  ait  opéré,  par  des 
causes  physiques,  ce  que  l'Ecriture  semble 
attribuer  à  une  action  immédiate  de  sa 
toute-puissance.  Mais  cette  interprétation 
ne  s'accorde  pas  assez  avec  le  sens  littéral 
du  texte  ;  Moise  dit  qu'il  y  eut  un  soir  et 
un  matin,  et  que  ce  fut  le  premier  jour  ;  il 
parle  de  môme  du  second  et  des  suivants. 
Cela  si^nilie  littéralement  un  jour  ordinaire 
et  naturel  de  vingt-quatre  heures  ;  auti'c- 
ment  Moise  n'aurait  pas  été  entendu  par  les 
lecteurs,  et  il  aurait  abusé  du  langage  ;  il 
n'y  a  aucun  motif  de  supposer  qu'après 
avoir  désigné  six  intervalles  de  temps  indé- 
terminé, cet  historien  a  changé  tout  à  coup 
la  signitication  du  mot  jour,  en  disant  que 
Dieu  bénit  le  septièuiejo^r  et  le  sanctifia. 

Jours  d'abstinence,  de  fkkie,  de  i'ête,  de 
JEINE.  Voy.  ces  mots. 

JOURDAIN,  fleuve  de  la  Palestine.  11  est 
dit  dans  le  livre  de  Josué,  c.  3,  que,  pour 
ouvrir  aux  Israélites  le  passage  du  Jourdain 
et  l'entrée  de  la  Terre  promise.  Dieu  sus- 
pendit le  cours  de  ce  fleuve,  lit  remouler 
vers  leur  source  les  eaux  supérieures,  qui 
s'élevèrent  comme  une  montagne,  pendant 
(jue  les  eaux  inférieures  s'écoulaient  dans  la 
mer  Morte. 

Quelques  incrédules  modernes  ont  atta- 
qué cette  narration.  Josué,  disent-ils,  fait 
passer  aux  Israélites  le  Jourdain  dans  notre 
mois  d'avril,  au  temps  de  la  moisson;  mais 
la  moisson  ne  se  fait  dans  ce  pays-là  ciu'au 
mois  di'  juin  :  jamais  au  mois  d'avril  le 
Jourdain  n'esta  pleins  bords  ;  ce  petit  lleuve 
ne  s'enlle  que  dans  les  grandes  chaleurs, 
par  la  foute  des  neiges  du  mont  Liban.  Vis- 


à-vis  de  Jéricho,  où  les  Israélites  se  trou- 
vaient ]iour  lors,  le  Jourdain  n'a  que  qua- 
rante ou  tout  au  )ilus  quarante-cinq  pieds  de 
largeur  ;  il  est  aisé  d'y  jeter  un  pont  de 
planches,  ou  de  le  passer  à  gué. 

Jamais   critique  ne  fut  plus  téméraire  k 
tous  égards.  1°  Il  est  prouvé  par  les  livres 
de  Moïse  que   les  prémices   de  la  moisson 
d'orge  étaient  offertes  au  Sei,j,neur  le  len- 
demain delà  fôte  de  Pâques,  par  conséquent 
le  quinzième  de  la  lune  de  mars,  et  celles 
de  la  moisson    de  froment  à  la  fête  de   la 
Pentecôte,    qui  tombait    très-fréquemment 
en  mai  ;   notre  mois  d'avril    était    donc  le 
temps  de  la  pleine    moisson.— 2°    L'auteur 
du  premier  livre  des  Paralipomènes,   c.  xii, 
V.  15  ;  celui  de    VEcclésiastique,  c.   xxiv,  v. 
36;  Josèphe,  Antiq.  Jud.,  1.  v,  c.  1,  attes- 
tent, aussi  bien  que  Josué,  qu'au  temps  de 
la  moisson  le  Jourdain  a  csutume  de  com- 
bler  ses  rives.  Les    voyageurs    modernes, 
Doubdan,  Thévenot,  le  Père  Nau,  Maundrell, 
le  Père  Eugène,   un  auteur  du  vu*   siècle 
cité   par  Reland,   ne   donnent  pas  tous   la 
même  largeur  au  Joxirdain,  parce  que  tous 
ne  l'onc  pas  vu  dans  le  même  temps;  mais 
Doubdan,  qui  Fa  vu  le  22  avril,   dit   qu'il 
était  fort  rapide,  prêt  à  se  déborder,  et  qu'il 
avait  alors   un  jet   de    pierre    de  largeur. 
Maundrell  lui  donne  environ  soixante  pieils; 
Morison,   plus  de  vingt-cinq  pas,   ou  soi- 
xante-deux pieds  et  demi  ;  Shaw,  trente  ver- 
ges d'Angleterre,  ou  quatre-vingt-dix  pieds; 
le   père    Eugène,    environ   cinquante   pas, 
qui  font  cent  vingt-cinq  pieds.  L'on  convient 
qLi'il  est  moins  large  aujourd'hui  qu'autre- 
fois, parce  qu'il  a  creuse  son  lit  ;   mais  ja- 
mais il  n'a  été  guéable  au  mois  d'avril,  parce 
qu'alors  les  chaleurs  sont  déjà  assez  grandes 
dans  la  Syrie  pour  fondre  les  neiges  du  Li- 
ban.—3°  Les  Israélites  n'étaient  pas  accou- 
tumés à  faire  des  ponts  ;   ils   n'avaient  ni 
planches  ni  madriers  ;  un   pont  assez   large 
pour  passer  environ  deux  millions  d'hommes 
n'aurait  pas  été    aisé   à   construire,   et   les 
Chananéens  auraient  attaqué  les  travailleurs. 
Enfin,  quand  le  miracle  n'aurait  pas  été  ab- 
solument nécessaire.  Dieu  est  le  maître  d'en 
faire  quand  il  lui  plaît.  Josué,  en  racontant 
celui-ci,   parlait  à   des   témoins   oculaires; 
près  de  mourir,  il  leur  rappelle  les  prodiges 
que  Dieu  aoitérés  pour  eux,  et  ils  avouent 
qu'ils  les  ont  vus  de  leurs  yeux  (c.  xxiv,  v. 
17).  Le  psalmiste  dit  que  le  Jourdain  a  re- 
monté vers  sa  source  [Ps.  cm,  v.  3). 

JOVINIANISTES,  sectateurs  de  Jovinien, 
hérétique  qui  parut  sur  la  lin  du  iv'  et  au 
commencement  du  V  siècle.  Après  avoir 
passé  plusieurs  années  sous  la  conduite  de 
saint  Ambroise,  dans  un  monastère  de  Mi- 
lan, et  dans  les  pratiques  d'vme  vie  très- 
austère,  Jovinien  s'en  dégoûta,  préféra  la  li- 
berté et  les  plaisirs  de  la  ville  de  Rome  à  la 
saintelé  du  cloître. 

Pour  justifier  son  changement,  il  ensei- 
gna que  l'abstinence  et  la  sensualité  étaient 
en  elles-mêmes  des  choses  inditférenleis  ; 
que  l'on  pouvait  sans  conséquence  user  do 
toutes  les  viandes,  pourvu  qu'où  le  fit  avec 


97 


JUB 


actions  de  grAcps  ;  que  la  virginité  n'tHait 
I)as  un  état  plus  parlait  que  le  mariage,  qu'il 
était  faux  (juc  la  Mère  île  Notro-Seigneur  fût 
(IcuuMirée  vierge  après  l'eiifanteuicnt,  qu'au- 
Irenii'iit  il  faudrait  soutenir,  connue  les 
nianiclii'-ens,  que  Jésus-Christ  n'avait  ((u'une 
cliaii-  fantasti(iue  II  prétendait  que  oeux  qui 
avaient  élé  régénérés  parle  baptême  ne  pou- 
vaient plus  èti'e  vaincus  pai-  le  démon  ;  que 
connue  la  grâce  du  baptême  est  égale  dans 
tous  les  hommes,  et  le  principe  de  tous 
leurs  mérites,  ceux  qui  la  conserveraient 
jouiraient  dans  le  ciel  d'une  récompense 
égale.  Selon  saint  Augustin,  il  soutenait  en- 
core, comme  les  stoïciens,  que  tous  les  pé- 
chés sont  égaux. 

Jovinien  eut  à  Home  beaucoup  de  secta- 
teurs. On  vit  une  nnillilude  de  |)ersoimes, 
qui  avaient  vécu  jusqu'alors  dans  la  conti- 
nence et  la  mortitication,  renoncer  à  un 
genre  de  vie  qu'elles  ne  croyaient  bon  à 
rien,  se  marier,  mener  une  vie  molle  et  vo- 
luptueuse, se  persuader  qu'elles  pouvaient 
le  faire  sans  rien  jierdre  des  récompenses 
que  la  religion  nous  promet.  Jovinien  fut 
condamné  par  le  pajie  Sirice  et  par  un  con- 
cile que  saint  Ambroise  tint  h  Milan,  en  .'190. 

Saint  Jérôme,  dans  ses  écrits  contre  Jo- 
vinien, soutint  la  [lerfection  et  le  mérite  de 
la  virginité  avec  la  véhémence  ordinaire  de 
son  style.  Queli|ues-ui]s  se  jilaignirent  de  ce 
qu'il  paraissait  condamner  l'état  du  mariage  ; 
le  saiut  doeteui'  lit  voir  qu'on  l'interiirétait 
mal,  et  s'expliqua  plus  exactement.  Ciunme 
les  protestants  ont  adopté  une  bonne  partie 
des  erreurs  de  Jovinien,  ils  ont  renouvelé 
contre  saint  Jérôme  le  môme  reproche  ;  ils 
ont  prétendu  qu'après  avoir  donné  dans  un 
excès,  il  s'était  contredit  :  mais  se  dédire  ou 
se  rétracter,  cjuand  ou  reconnaît  que  l'on 
s'est  mal  exprimé,  ce  n'est  jias  une  contra- 
diction. Si  les  hérétiques  étaient  d'assez 
bonne  foi  pour  faire  de  même,  loin  de  les 
bldmer,  nous  les  applaudirions;  mais  saint 
Jérôme  n'a  pas  été  dans  ce  cas.  Voij.  saint 
Jérôme.  Fleury,  Hist.  ecclés.,  t.  IV,  1.  xix, 
n.  19. 

JUBILÉ,  chez  les  Juifs,  était  le  nom  de  la 
cinquantième  année,  à  laquelle  les  prisonniers 
et  les  esclaves  devaient  être  mis  en  liberté  ; 
les  héritages  vendus  devaient  retourner  à 
leurs  anciens  maîtres,  et  la  terre  devait  de- 
meurer sans  culture. 

Selon  quelques  auteurs,  le  mot  hébreu  jo- 
hel  est  dérivé  du  verbe  hobit,  éconduire, 
renvoyer  ;  il  signifie  rémission  ou  renvoi  ; 
c'est  ainsi  que  l'on  entend  les  Septante.  Se- 
lon d'autres,  il  signitie  bélier,  parce  que  le 
jubilé  était  annoncé  au  son  des  cors  faits  de 
cornes  de  bélier.  Cette  étymologie  n'est 
guère  probable. 

11  est  parlé  fort  au  long  du.  jubilé  dans  les 
ch.  -25  et  '2~  du  Lévitique.  Il  y  est  commandé 
aux  Juifs  de  compter  sept  semaines  d'an- 
nées, ou  se[it  fois  sept,  qui  fout  quarante- 
neuf  ans,  et  de  sanctifier  la  cinquantième 
année,  en  laissant  reposer  la  terre,  en  don- 
nant la  liberté  aux  esclaves,  en  rendant  les 
fonds  à  leurs  anciens  possesseurs.  Ainsi  chez 


JUB  98 

les  Juifs  les  aliénalions  des  fonds  ne  se  fai- 
saient point  h  perpi'tuité,  mais  seulement 
jus(pi'ti  l'année  du  J((^;//('.  Cette  loi  avait  évi  ■ 
demment  pour  objet  de  conserver  l'ancien 
partage  qui  avait  élé  fait  des  teires,  do  main 
tenir  parmi  les  Juifs  l'égalité  des  fortunes,  et 
d'alléger  la  servitude.  KUe  fut  observée  fort 
exactement  justprà  la  captivité  de  Babylone; 
mais  il  ne  lui  plus  possiblederexéculer  ai)rès 
le  retour.  Les  docteurs  juifs  disent  dans  le 
'i'almud  qu'il  n'y  eut  plus  dt;  jubilé  sous  le  se- 
cond temple.  Voi/.  Reland,  Ant.  sacr.,  iv* 
])art.,  ch.  8,  n.  18;  Simon,  Suppl.  aux  cérém. 
des  Juifs. 

Pour  comprendre  comment  ce  peuple  pou- 
vait subsister  lorsqu'il  ne  cultivait  pas  la 
terre,  voi/.  Sabbatique. 

JiBiLÉ,  dans  l'Eglise  catholique,  est  une 
imlulgence  plénière  et  extraordinaire  accor- 
dée par  le  souverain  pontife  à  l'Eglise  uni- 
verselle, ou  du  moins  à  tous  ceux  qui  visi- 
teront h  Rome  les  églises  de  saint  Pierre  et 
de  saint  Paul.  Elle  est  difTérente  des  indul- 
gences ordinaires,  en  ce  que,  pendant  le  ju- 
bilé, ]v  pape  accorde  aux  confesseurs  le  pou- 
voir d'absoudre  de  tous  les  cas  réservés,  et 
de  comnmer  les  vœux  simples.  Le  premier/M 
bile  fut  établi  parBoniface  VÏII,  l'an  1300  (1), 
en  faveur  de  ceux  qui  feraient  le  voyage 
de  Rome  et  visiteraient  l'i'glise  des  saints 
apôtres  ;  cette  année  apporta  tant  de  riches- 
ses h.  Rome,  que  les  Allemands  l'appelaient 
Vannée  d'or.  11  avait  fixé  W  jubilé  de  cent  ans 
en  cent  ans;  Clément  VI  voulut  qu'il  eût 
lieu  tout  les  cinquante  ans:  Urbain  ^'I1I  avait 
réduit  cette  jiériode  à  trente-cinq  ans  ;  Sixte 
IV  l'a  fixé  à  vingt-cinq,  afin  que  chacun 
puisse  jouir  de  cette  grâce  une  fois  en  sa 
vie. 

Ou  appelle  k  Rome  le  jubilé,  l'année  sainte. 
Pour  en  taire  l'ouviTture,  le  pape,  ou,  pen- 
dant la  vacance  du  siège,  le  doyen  des  car- 
dinaux, va  en  cérémonie  à  Saint-Pierre  pour 
en  ouvrir  la  porte  sainte,  qui  est  murée,  et 
qui  ne  s'ouvre  que  dans  cette  circonstance. 
11  prend  un  marteau  d'or  et  en  frappe  trois 
coups,  en  disant  :  Aperite  mihi  portas  justi- 
tiœ,  etc.,  et  l'on  démolit  la  maçonnerie  qui 
bouclie  la  porte.  Le  pa[ie  se  met  à  genoux 
devant  cette  porte,  [lendant  que  les  péniien- 
ciers  de  Saint-Pterre  la  lavent  d'eau  bénite  ; 
ensuite  il  jirend  la  croix ,  entonne  le  Te 
Deum,  et  entre  dans  l'église  avec  le  clergé. 
Trois  cartlinaux-légats ,  que  le  pape  a  en- 
voyés aux  trois  autres  portes  saintes,  les 
ouvrent  avec  la  même  cérémonie  ;  elles  sont 
aux  églises  de  Saint -Jean -de- Latran,  do 
Saint-Paul  et  de  Sainte- .Marie-Majeure.  Cela 
se  fait  tous  les  vingt-rtnq  ans,  aux  premiè- 
res vêpres  de  la  fête  de  Noël;  le  lendemain 
matin  le  pape  donne  la  bénétiiction  au  |)eu- 
ple  en  forme  de  jubilé  ou  d'indulgence. 
Lorsque  l'année  sainte  est  expirée,  ou  re- 
ferme la  porte  sainte  la  veille  de  Noël.  Le 
pape  bénit  les  pierres  et  le  mortier,  pose  la 

(I)  Nous  avons  r.npporté  l'iiisloirft  de  son  établis- 
sement au  mot  jLiiiLt  Je  notre  Dict.  de  Tliéol.  mo- 
rale. 


99 


JL'B 


JUB 


100 


première  pierre,  et  'y  met  douze  cassettes 
pleines  de  médailles  d'or  et  d'argent  ;  la 
Baème  cérémonie  se  fait  aui  trois  autres 
portes  saintes.  Autrefois  le  jubilé  attirait  à 
Rome  une  quantité  prodigieuse  de  peuples 
de  tous  les  pays  de  l'Europe  ;  il  n'y  en  va  plus 
guère  aujourd'hui  que  des  provinces  d'Italie, 
surtout  depuis  que  les  papes  étendent  l'in- 
dulgence du  jubilé  aux.  autres  pays,  et  que 
l'on  peut  la  gagner  chez  soi. 

Boniface  IX  accorda  des  jubilés  en  diffé- 
rents lieux,  à  des  princes  ou  à  des  monastères: 
par  exemjjle,  aux  moines  de  Cantorbéry  pour 
tous  les  cinquante  ans;  alors  le  peuple  ac- 
courait de  toutes  parts  visiter  le  tombeau  de 
saint  Thomas  Becket.  Aujourd'hui  les  jubiles 
sont  plus  fréquents;  chaque  pape  en  ac- 
corde ordinniroraent  un  l'année  de  sa  con- 
sécration, et  a  l'occasion  de  quelque  besoin 
particulier  de  l'Eglise. 

Pour  gagner  l'indulgence  du  jubilé,  la 
bulle  du  souverain  pontife  oblige  les  fidèlca 
à  des  jeûnes,  h  des  aumônes,  à  des  prières 
ou  stations  :  pendant  toute  l'année  sainte, 
les  autres  indulgences  tlemcurent  suspen- 
dues. II  y  a  des  jubilés  particuliers  dans  cer- 
taines villes  à  la  rencontre  de  quelques  fê- 
tes :  au  Puy-en-Velay,  lorsque  la  fête  de 
l'Annonciation  arrive  le  vendredi  saint  ;  à 
Lyon,  quand  celle  de  saint  Jean-Baptiste  cou- 
court  avec  la  Fête-Dieu. 

Cette  pratique  de  l'Eglise  romaine  ne  pou- 
vait manquer  d'émouvoir  la  bile  des  protes- 
tants. A  l'occasion  du  jubilé  de  1730,  l'un 
d'entre  eux.  a  fait  un  livre  en  trois  volumes 
in-8",  pour  en  prouver  l'abus  ;  il  y  a  rassem- 
blé tout  ce  que  les  réformateurs  fanatiques, 
les  libertins,  les  incrédules  de  toutes  les  na- 
tions, ont  vomi  contre  la  pratique  des  indul- 
gences et  des  bonnes  œuvres.  11  dit  que  le 
jubilé  est  une  invention  humaine,  qui  doit 
son  origine  à  l'avarice  et  à  l'ambition  des 
papi'S  ;  son  crédit  à  l'ignorance  et  à  la  su|ier- 
stition  des  peuples,  et  qui  n'a  pris  naissance 
que  l'an  1300  ;  que  l'ou  a  employé  mille  faux 
prétextes  pour  eu  rendre  la  célébration  res- 
pectable. C'est,  selon  lui,  une  imitation  des 
jeux  séculaires  des  Romains,  un  trafic  lion- 
icux  des  indulgences,  une  pompe  purement 
mondaine,  une  occasion  de  débauche  et  de 
désordres  pour  les  pèlerins.  Ces  reproches 
sont  assaisonnés  d'historiettes  scandaleuses, 
de  sarcasmes  sanglants,  et  de  tout  le  liel  du 
protestantisme;  aussi  le  traducteur  de  Mos- 
heim  a  fait  un  pompeux  éloge  de  cet  ou- 
vi'age  et  de  son  auteur.  {Ilist.  ecclés.,  xiii" 
siècle,  W  part.,  c.  i,  §  3). 

Nous  répondrons  en  peu  de  mots,  1°  qu'il 
y  a  deriuqjosture  à  nommer  invention  nou- 
velle et  purement  humaine  l'usage  des  indul- 
gences en  général  ;  au  mollNDULGUNCE,  nous 
avons  fait  voir  que  cette  invention  est  des 
temps  apostoliques,  qu'elle  est  fondée  sur 
l'Ecriture  sainte,  et  que  saint  Paul  en  a 
donné  l'exemple.  Nous  ne  concevons  pas  eu 
quoi  ni  comment  des  œuvres  de  piété,  de 
cliarité,  de  mortilication,  de  pénitence,  faites 
par  le  désir  d'obtenir  le  jjardoii  de  nos  pé- 
cliés  spnt  uue  superstition  ;  il  y  a  longtemps 


que  nous  supplions  les  protestants  de  dissi- 
per notre  ignorance  sur  ce  point.  Nous  avons 
beau  leur  dire  que  le  jubilé  n'est  autre  chose 
qu'une  indulgence  accordée  en  considération 
de  certaines  bonnes  œuvres  et  afin  de  nous 
engager  à  les  faire  ;  ils  s'obstinent  dans  leur 
prévention  et    n'en   veulent  pas  sortir.  Si 
nous  leur  disions  que  leurs  jeûnes  solennels, 
annoncés  avec  emphase,    sont   une   pompe 
purement  mondaine,  que  répliqueraient-ils  ? 
2°  C'est  uue  injustice  malicieuse  d'attribuer 
des  motifs  vicieux  à  des  papes  qui   ont  pu 
en  avoir  de  louables.  Une  preuve  qu'en  in- 
stituant et  en  multipliant  lesjubih's,  ils  n'ont 
agi  ni   par  ambition  ni  par  avarice,   c'est 
qu'ils  ont  étendu  l'indulgence  à  tous  les  fi- 
dèles, sans  les  obliger  tous  à  faire  le  voyaga 
de  Rome,  ni  à  payer  une  seule  obole.  Non- 
seulement  cette  indulgence  ne  coûte  rien  à 
personne,  mais  on  sait  que  pendant  le  jubilé 
les  pèlerins  de  toutes  les   nations  sont  ac- 
cueillis, logés,    soignés,    nourris   et    servis 
dans  les  hôpitaux  do  Rome,  souvent  par  les 
personnes  les  plus  respectables.  L'afÛuence 
des  pèlerins  ne  peut  donc  être  un  avantage 
que  pour  !e  peuple  de  cette   vdle,  tout  au 
plus,  et  non  pour  le  pape  ni  pour  son  tré- 
sor. Où  est  donc  ici  le  tra/ic  honteux  des  in- 
dulgences? En  rendant  les  jubilés  plus  com- 
muns, les  papes  n'ont  pas  ignoré  que  cela 
diminuerait  l'empressement  pour  le  pèleri- 
nage de  Rome  ;   ainsi,  quand  Boniface  'V'III 
pourrait  être  accusé  d'avoir  agi  par  ambition 
et  par  avarice,  ce  reproche  ne  doit  pas  re- 
tomber sur  ses  successeurs  qui  ont    étendu 
les  jubilés  h  chaque  cinquantième  et  ensuite 
à  chaque  vingt-cinquième  année.  3°  Pendant 
que  l'auteur  dont  nous  jiarlons  a  rêvé  que 
le  jubilé  est  une  imitation  des  anciens  jeux 
séculaires,  Mosheim  prétend  que  Clément  VI 
peut  avoir  eu  en  vue  le  jubilé  des  Juifs,  qui 
avait  lieu  tous  les  cinquante  ans.   Mais   des 
motifs  d'avarice  ou  d'ambition  n'ont  guère 
de  rapport    aux  jeux   séculnires  ;    peut-on 
prouver  que  Boniface  Vlll    y  pensait  l'an 
1300  ?  De  l'aveu  même  de  Mosheim,  ce  fut 
par  condescendance  pour  la  demande  des 
Romains  que  Clément  VI   accorda  un  jubilé 
cini(uante  ans  a[:r6s  celui  de  Boniface  VIII  ; 
il  n'eut  donc  pas  besoin  de  consulter  le  ca- 
lendrier des  Juifs.  11  reste  encore  à  nous  ap- 
prendre par  quelle  allusion  aux   usages  du 
paganisme  ou  du  judaïsme,  Urbain  VI  et 
Sixte  VI  ont  réglé  que  le  jubilé   aurait   lieu 
tous  les  vingt-cinq  ans.  4°  Pendant  que  nos 
adversaires  ont  recueUli  toutes  les  anecdotes 
scandaleuses  auxquelles  les  jubilés  ont  pu 
donner  occasion  depuis  près  de   cinq  cents 
ans,  ont-ils  tenu  registre  des  bonnes  œuvres 
que  ce  spectacle  do  religion  a  fait  éclore,  des 
confessions,  des  communions,   des  prières, 
des  aumônes,  des  restitutions,    des  réconci- 
liations, des  conversions  qui  se  sont  faites  ? 
On  a  vu  ce  (|ui  est  arrivé  a  Paris  au  dernier 
jubilé;  les  incrédules  en  ontfrémi,  elles  pro- 
testants n'y  ont  rien  gagné  :  honteux  de  ce 
qu'ils  avaient  vu  dans  celui  do  l'an  1751,  ils 
ont  exhalé  leur  bile  en  invectives  contre  cet 
usage.  5"  Quand  il  serait  vrai  qu'il  y  a  eu 


^01  lUD 

autrefois  de  l'abus  dans  les  motifs  et  dans  la 
manière  d'acconlcr  les  indulgences,  et  dans 
les  cllets  qu'elles  ont  produits,  à  quoi  sert-il 
d'en  rapi)eler  le  souvenir,  lorsqu'il  est  in- 
contestable que  CCS  abus  ne  subsistent  plus? 
Cela  démontre  (jue  les  pasteurs  de  l'Eglise 
n'étaient  pas  incorrigibles,  puisqu'ils  se  sont 
corrigés.  Il  n'en  est  pas  de  mùuio  des  pro- 
testants, puisqu'ils  sont  encore  aussi  en- 
têtés, aussi  uialici('ux,  aussi  aveugles  dans 
leurs  haines  qu'ils  l'étaient  il  y  a  deux  cunts 
ans. 

JU1).\,  quatrième  fils  do  Jacob,  chef  de  la 
primi^ale  tribu  de  sa  nation  ;  son  nom  si- 
gnilie  loitanfje,  ou  celui  qui  est  loué.  La  pro- 
phétie que  sou  père,  au  lit  de  la  mort,  lui 
adressa,  est  célèbre,  et  a  donné  lieu  à.  un 
grand  nombre  de  disser.'ations.  «  Jada,  lui 
dit-il,  tes  frères  te  cumbleront  de  louanges; 
l(>s  enfants  de  ton  père  se  prosterneront  de- 
vant toi  ;  ta  main  sera  levée  sur  la  tète  de 
tes  ennemis  ;  tu  ressembles  h  un  lion  prêt 
à  se  jeter  sur  sa  (iroie,  et  quiinspiie  encore 
la  frayeur  pendant  son  sommeil.  Le  sceptre 
no  sera  poml  ôlé  de  Judn;  et  il  y  aura  tou- 
jours un  chef  de  sa  ra<e,  jusqu'à  ce  que  vienne 
l' env 0 i/i!  i\m  rassemblera  les  p'  uples.  O  mon 
lils  I  tu  allacheras  la  monttu'c  à  la  vigne,  tu 
laveras  tes  vêtements  dans  le  suc  du  raisin, 
tes  yeux  recevront  un  nijuvel  éclat  par  le  vin, 
et  le  lait  to  blanchira   les  dents.   »  [Gx'ti.   c. 

XL.X,  V.  8). 

Les  Paraphrases  chaldaïqucs  et  les  anciens 
docteurs  juifs  ontaiipliqué  unanimement  cet 
oracle  au  .Messie  ;  les  plus  savants  rablùns 
l'entendent  encore  ainsi.  Voyez  Muninien 
/Mc(",  part.  1,  c.  Vt-.  Us  ne  contestuni  qu"  sur 
l'application  (jue  nous  en  faisons  à  Jésus- 
Christ.  S;iint  Jean,  dans  l'Apocalypse,  y  fait 
allusion,  lorsqu'il  nomme  Jésus-Christ  le 
Uon  de  luJa  qui  n  vaincu  (c.  v,  v.  5). 

U  est  ceiiain  d'abord  (jue  le  mot  sceptre  ne 
désigne  pas  toujours  la  royauté  ;  dans  le 
style  des  patriarches,  ce  n'est  autre  chose 
que  le  kUon  d'un  viedliud  ou  d'un  chef  do 
lauiillo  :  il  exprime  seulement  une  préémi- 
nence, une  autorité  analogue  aux  divers  états 
(lelanation. Cesens  est  encore  déterminé  par 
le  mot  suivant,  qui  signiUo  un  chef,  un  ma- 
gistrat, uu  dépositaire  de  lois  ou  irarchives. 
Jacob  prédit  à  Juda,  i"  une  supériorité  de 
force  sur  ses  frères  ;  il  le  com|)are  à  un  lion; 
ii"  une  possession  meilleure  ;  il  la  désigne 
par  l'abondance  du  lait  et  du  vin  ;  3°  l'auto- 
rité uiarquée  |)ar  le  bâton  de  commande- 
ment ;  V  le  piivilégo  de  donner  la  naissance 
au  -Ucssie  ;  5°  des  chefs  ou  magistrats  d«  sa 
tii  ibu,  jusqu'à  ce  que  cet  envoyé  de  Dieu 
vienne  rassembler  les  peuples.  Les  Juifs  ne 
couleslenl  aucune  de  ces  circonstances,  et 
toutes  ont  été  exactement  accomplies.  En 
çOet,  la  tiibu  de  Juda  fut  toujours  la  jilus 
çojjibreuse  ;  on  le  voit  par  les  dénombre- 
ments qui  furent  faits  dans  le  désert  {Num. 
c.  I,  V.  27  ;  c.  XXVI,  v.  22).  Elle  campait  la 
première  à  l'orient  du  tabernacle  (cap.  u, 
V.  3).  iMoJse,  jirès  dn  mourir,  fait  l'éloge  des 
gueriiers  de  cette  tribu;  il  lui  annonce 
qu'elle  marchera   à  la  tète  des  autres  pour 


JUD 


tô2 


conquérir  la  Palestine  {Dcut.  c.  xx-xin,  v,  7). 
Les  livres  de  Josué  et  des  Juges  nous  ap- 
prennent qu'il  en  fut  ainsi  {Jud.  c.  »,  v.  i  ; 
Jos.  c.  xv). 

Dans  la  distribution  de  la  Terre  promise, 
elle  eut  la  portion  la  plus  considérable,  et  fut 
placée  au  centio  ;  elle  renfermait  dans  son 
partage  la  ville  de  Jérusalem,  capitale  du 
k  nation  :  les  vignobles  des  environs  éiaienl 
célèbres.  Aju'ès  la  mort  de  Saiil,  elle  prit 
David  pour  son  roi,  et  forma  un  état  sé- 
paré pendant  que  les  autres  tribus  obéis- 
saient h  Isboseth.  David  le  fait  remai-quer 
(Ps.  Lix,  V.8):  le  Seigneur  a  dit  :  JWa 
est  mon  roi.  Sous  Roboam,  lorsque  dix  tri- 
bus se  séparèrent,  celle-ci  garda  la  lidélilé 
aux  descendants  de  David,  et  continua  de 
fiiire  un  royaume  séparé  sous  son  propre 
nom  de  Juda  ;  souvent  elle  tint  tète  aux  rois 
d'Israël  et  à  toutes  leurs  forces.  Après  que 
les  dix  tribixs  eurent  été  emmenées  eu  cap- 
tivité et  dispersées  par  les  Assyriens,  celle 
de  Juda  subsista  encore  dans  la  Palestine, 
sous  ses  rois,  pcudiint  plus  d'un  siècle. 

Au  bout  de  soixante  et  dix  ans  de  capti- 
vité h  Babylone,  elle  revint  dans  sa  patrie, 
se  maintint  en  corps  de  nation,  usa  de  ses 
lois  ;  les  restes  de  Benjamin  et  de  Lévi  lui 
furent  incorporés  ;  le  nom  do  J(((/a  ou  de 
Juifs  a  été  dès  lors  commun  à  toute  la  race 
de  Jacob  ;  Jérémie  l'avait  prédit  (c.  xxx,  v, 
1).  Lt-'S  livres  d'Esdras  et  des  Machabées 
nous  parlent  des  princes,  des  grands,  des 
anciens,  des  magistrats  de  Juda.  Lorsque 
la  nation  eut  pris  pour  ses  chefs  des  prêtres 
issus  de  Lévi,  ils  n'agirent  point  enleur  nom, 
mais  au  nom  des  aucioiis  et  du  peuple  des 
Juifs  (/  Mark.  c.  xii,  v.  16,  etc.). 

Cette  tribu  a  ainsi  conservé  sa  consistance, 
ses  généalogies,  ses  possessions,  sa  préémi- 
nence sur  les  autres  tribus,  jusqu'à  la  des- 
truction de  la  république  juive  sous  les  Ro- 
mains, et  à  la  ruine  de  Jérusalem.  Mais  alors 
le  Messie  était  arrivé  ;  son  Evangile  rassem- 
blail  les  peuples  dans  une  seule  Eglise  :  il 
avait  prédit  lui-même  que  la  nation  juive 
allait  être  dispersée,  son  temple  et  sa  capi- 
tale rasés.  L'oracle  de  Jacob  était  accomjdi 
dans  tous  ses  points.  Pour  le  prouver,  il 
n'est  pas  nécessaire  de  montrer  dans  la  tri- 
bu de  Juda  un  sceptre  royal,  une  autorité 
souveraine  et  monarchique  toujours  subsi- 
stante jusqu'à  ce  moment,  mais  une  préémi- 
nence toujours  sensible  et  remarquable  dans 
les  divers  étals  dans  lesquels  la  nation  juive 
s'est  trouvée.  Or,  on  ne  peut  contester  ce 
privilège  à  la  Irib  i  de  Juda,  ni  méconnaitrc 
le  moment  auquel  elle  a  cessé  d'en  jouir. 
Depuis  que  le  .Vlessie  a  rasseml^lé  les  peuples 
sous  ses  lois,  les  descendants  de  Jtida, 
chassés  de  leur  terre  natale  et  de  leurs  pos- 
sessions, n'ont  eu  ni  sceptre,  ni  autorité,  ni 
gouvernement  dans  aucun  lieu  du  monde. 
ÏlI  n'est  pas  nécessaire  non  plus  que  Juda 
ait  perdu  tous  ses  privilèges  au  moment 
précis  de  la  naissance  du  Messie  ;  il^  sullit 
qu'on  les  ait  vus  s'anéantir  lorsque  l'Eglise 
de  Jésus-Christ  s'est  formée  pai'  la 
des  juifs  et  des  gcutUs,   puisque 


103 


JUO 


lUD 


loi 


prophétie,  la  fonction  de  cet  envoyé  était  de 
rassembler  les  peuples,  ou  de  réunir  à  lui 
tous  les  peuples.  C'est  ce  qu'il  a  fait  en  en- 
voyant ses  apôtres  prêcher  l'Kvangile  à  tou- 
tes les  nations  et  à  toute  créature,  et  en  dé- 
clarant que  toutes  seraient  un  même  troupeau 
sous  un  même  pasteur  {Joan.  c.  x,  v.  IGj. 

Depuis  cette  époaue,  qui  est  un  fait  écla- 
tant, la  tribu  de  Juua,  dispersée  dans  l'uni- 
vers, ne  peut  plus  observer  ses  anciennes 
lois  ni  son  culte  religieui  ;  elle  n'a  plus  de 
possessions  ni  de  généalogies.  Un  Juif  ne 
peut  plus  prouver  qu'il  descend  de  Juda 
plutôt  que  de  Lévi,  de  Benjamin,  ou  d'un 
étranger  prosélyte.  Quand  il  viendrait  au- 
jourd'hui un  Messie  toi  que  les  juifs  l'atten- 
dent, il  lui  serait  impossible  de  montrer  de 
quel  sang  il  est  descendu  ;  au  lieu  que  l'on 
n'a  jamais  osé  contester  à  Jésus-Christ  sa 
naissance  dans  cette  tribu  :  sa  généalogie 
en  fait  foi  ;  les  Juifs  mêmes  l'ont  appelé  fils 
de  David. 

Le  droit  de  vie  et  de  mort  n'avait  été  ôté 
aux  Juifs  ni  par  les  rois  d'Assyrie,  ni  par  les 
Perses,  ni  par  les  rois  de  Syrie,  ni  par  Hé- 
rode  ;  mais  ils  en  furent  privés  par  les  Ro- 
mains :  ils  furent  obligés  d'obtenir  de  Pilate 
la  confirmation  de  l'arrrêt  de  mort  qu'ils 
avaient  prononcé  contre  Jésus-Christ  dans 
leur  sanhédrin  {Joan.  c.  xviii,  v.  31).  Ils 
n'étaient  donc  déjà  plus  en  possession  du 
sceptre  ni  de  l'autorité  politique  ;  ils  ne  l'ont 
jamais  recouvré  depuis  :  donc  à  cette  époque 
le  Messie  est  arrivé.  Que  peuvent  opposer 
les  Juifs  à  cette  démonstration? 

Il  est  bon  de  remarquer  que  la  prophétie 
de  Jacob  n'a  pu  être  forgée  ni  par  Moise, 
qui  n'a  vu  que  les  premiers  traits  de  son 
accomplissement,  ni  par  Esdras,  qui  a  vécu 
près  de  cinq  cents  ans  avant  les  derniers.  A 
moins  que  Esdras  n'ait  eu  l'esprit  prophétique, 
iln'apas  pu  deviner  qu'àl'arrivée  d'un  Messie 
de  la  tribu  de  Juda,  cette  tribu  perdrait  toute 
son  autorité  et  sa  consistance;  c'est  alors, 
au  contraire,  qu'elle  aurait  dû  naturellement 
acquérir  un  nouveau  degré  de  prospérité  et 
une  prééminence  plus  marquée.  De  là  nous 
concluons  encore  contre  les  juifs,  qu'il  ont 
très-grand  tort  d'attendre  pour  Messie  un 
roi,  un  conquérant  qui  leur  assujettira  tous 
les  [teuples.  Si  cela  pouvaitarriver,  non-seule- 
ment la  tribu  de  Juda  ne  perdrait  pas  le  sce- 
ptre pour  lors;  elle  le  prendrait,  au  contraire, 
et  en  jouirait  avec  plus  d'éclat  que  jamais  : 
la  prophétie  de  Jacob  se  trouverait  absohi- 
ment  lausse.  Quelques  incrédules  cependant 
ont  écrit  que  cette  prophétie  ne  prouve  rien 
eu  faveur  de  Jésus-Christ,  que  l'on  ne  peut 
pas  lui  donner  un  sens  raisonnable  ni  en  ti- 
rer aucune  conséquence  contre  les  Juifs. 
Nouslui  donnons  un  sens  très-raisonnable  et 
avoué  do  tout  temps  par  les  Juifs.  Voij.  (îa- 
latln,  1.  IV,  c.  k.  Nous  en  faisons  voir  la  jus- 
tesse par  toute  la  suite  de  l'Iiistoirc;  nous 
démontrons  qu'elle  ne  peut  être  appUquée  à 
aucun  aulre  personnage  qu'à  Jésus-Chi-Jst,  et 
.  nous  en  concluons  invinciblement  contre  les 
/^^J-ttifs.,  que  le  Messie  est  arrivé  depuis  dix- 
/■''/  sept  siècles.  Vey.  Sceptre,  Schiloh. 


JUDAISANrS.  Dans  le  premier  siècle  de 
l'Eglise,  on  nomma  chrétiens  judaisanls  ceux 
d'entre  les  Juifs  convertis  cjui  soutenaient 
que  pour  être  sauvé  ce  n'était  pas  assez  de 
Croire  en  Jésus-Christ  et  de  pratiquer  sa 
doctrine,  mais  qu'il  fallait  encore  être  fidèle 
à  toutes  les  observances  judaïques  ordonnées 
par  la  loi  de  Moïse,  telles  que  le  sabbat,  la 
circoncision,  l'abstinence  de  certaines  vian- 
des, etc.  ;  que  même  les  gentils  ,  devenus 
chrétiens,  y  étaient  obligés.  Les  apôtres  dé- 
cidèrent le  contraire  au  concile  de  Jérusa- 
lem, l'an  51  [Act.  c.  xv,  v.  5  et  suiv.).  Ceux 
qui  persévérèrent  dans  cette  erreur,  malgré  la 
décision,  furent  regardés  comme  hérétiques. 
Saint  Paul  écrivit  contre  eux  son  éjiître  aux 
Galates,  environ  quatre  ans  après  la  décision 
du  concile.  Voy.  Loi  cérémohielle,  Observan- 
ces LÉGALES.  Mais  il  faut  faire  attention  que 
les  apôtres  n'avaient  pas  interdit  |ces  obser- 
vancesaux  chrétiens  Juifs  de  naissance. 

Comme  l'Eglise  chrétienne  conserve  en- 
core quelques-unes  dos  pratiques  religieuses 
qui  étaieni  observées  par  les  Juifs,  les  incré- 
dules disent  que  nous  continuons  de  judaï- 
ser  ;  c'est  un  reproche  que  leur  ont  fourni 
les  jirotestants.  Saint  Léon  leur  a  répondu, 
il  y  a  quatorze  cents  ans,  Scrm.  16,  n.  6  : 
X  Lorsque  sous  le  Nouveau  Testament  nous 
observons  quelques-unes  des  pratiques  de 
l'Ancien,  la  loi  de  Moise  semble  ajouter  un 
nouveau  poids  à  celle  de  l'Evangile  et  l'on 
voit  par  là  que  Jésus-Christ  est  venu,  non 
pour  abolir  la  loi,  mais  pour  l'accomplir. 
Quoique  nous  n'ayons  plus  besoin  des  ima- 
ges qui  annonçaient  la  venue  du  Sauveur, 
ni  des  figures,  lorsque  nous  possédons  la 
vérité,  nous  conservons  cependant  ce  qui 
peut  contribuer  au  culte  de  Dieu  et  à  la  ré- 
gularité des  mœurs,  parce  que  ces  pratiques 
conviennent  également  à  l'une  et  à  l'autre 
alliance.  »  Nous  ne  les  observons  donc  pas 
parce  que  Moise  les  a  prescrites,  et  parce  que 
les  Juifs  les  ont'gardées,  mais  parce  que  les 
apôtres  nous  les  ont  transmises,  et  nous  ont 
ordonné  de  conserver  tout  ce  qui  est  bon  [I 
Thess.  c.  V,  I.  21). 

Dans  le  discours  familier,  on  dit  qu'un 
homme  judaise,  lorsqu'il  est  tropscrupuleux 
observate-ir  des  pratiques  qui  paraissent  peu 
essentielles  à  la  religion  ;  mais,  avant  de  blâ- 
mer cette  exactitude,  il  faut  se  souvenir  de 
la  leçon  que  Jésus-Christ  faisait  aux  pha- 
risiens qui  négligeaient  les  devoirs  les  plus 
essentiels  de  la  loi,  pendant  qu'ils  s'atta- 
chaient à  des  minuties  :  //  fallait  faire  les 
uns,  leur  dit-il,  et  ne  pas  omettre  les  autres. 
[Matth.,  c.  xxiii,  v.  23). 

On  pense  communément  que  ce  fut  seule- 
ment sous  le  règne  d'Adrien,  après  l'an  134, 
qu'arriva  la  division  entre  les  Juifs  conver- 
tis, dont  les  uns  renoncèrent  absolument  aux 
rites  mosaïques,  les  autres  s'obstinèrent  à 
les  conserver,  (»t  furent  nommés  j'wdaiisan^*. 
Mosheim.,  Hist.  christ.,  saîc.  2,  §  38,  a  re- 
cherché la  cause  de  cet  événement  ;  il  juge 
()ue  le  principal  motif  qui  engagea  les  pre- 
miers à  ne  plus  judaïser  fut  l'envie  de  ne 
pl'is   être  exposés  aux  rigui  urs  (pie  Adrien 


505  JUD 

oxerçait  contre  les  juifs,  et  de  pouvoir  1m- 
]}it<'r  In  nouvelle  ville  de  JéruscdiMU  que  ce 
]iiinco  Mvait  l'ait  bAtir  sous  le  ni\m  tWElia- 
Cnpitolind.  Ajoutons  que  les  juifs  incrédules 
s'(Haioid  rendus  odieux  h  tout  rçni|iiro  par 
les. massacres  dont  ils  s'étaient  remlus  cou- 
]ialjles;  il  y  avait  donc  beaucou])  de  danger 
à  paraitrejuil'.  Moslicim  croit  encore  (pie  le 
jiarti  des  jnddisaiits  opiniâtres  se  sous-divisa 
en  deux  sectes,  dont  l'une  fut  celle  des  éhio- 
7}itrs,  l'autre  celle  des  nazaréens.  Voy.  ces 
deux  mois. 

JUDAÏSME,  religion  des  Juifs.  Dieu  l'a 
donnée .\  ce  jieuple  par  le  minisière  de  Mijïse, 
vers  l'an  du  monde  2313,  selon  le  calcul  du 
texte  hébreu  ;  elle  a  duré  cnvinin  1330  ans, 
jusqu'à  la  luine  de  JérusaltMU  et  la  dispersion 
des  Juifs.  Les  livres  de  Moïse  contiennent 
les  dofiçmes,  la  morale,  les  cérémonies  de 
cette  religion.  A  l'article  Mo'i'se,  nous  ferons 
Miir  que  ce  législateur  avait  prouvé  sa  mis- 
sion divine  par  des  signes  incontestables.  Ici 
nous  traiterons  brièvement  des  ditïérentcs 
parties  de  la  religion  qu'il  a  établie. 

I.  Les  dogmes  qu'il  a  enseignés  aux  Juifs 
étaient  les  mômes  que  ceux  qui  avaient  été 
révélés  aux  patriarches  leurs  aïeux.  Ce  peu- 
ple adorait  un  seul  Dieu,  créateur,  souverain 
Seigneur  de  l'univers,  dont  la  Providence 
gouvern(^  toutes  (-hoses,  législateur  suprême, 
rémunérateur  de  la  vertu  et  vengeur  du 
crime.  Toutes  les  lois,  toutes  les  pratiques 
du  judaïsme  tendaient  h  incuhpier  ces  gran- 
des vérités.  Au  mot  Créateur,  nous  avons 
prouvé  que  Moïse  a  enseigné  clairement  le 
dogme  de  la  création.  Or,  dès  q.ue  l'on  est 
persuadé  que  Dieu  a  tiré  du  néant  l'univers 
par  un  seul  acte  île  sa  volonté,  on  n'a  aucune 
peine  à  comprendre  qu'illegouvernede  mê- 
me, et  qu'il  ne  lui  en  coi'ite  pas  plus  pour 
en  prendre  soin  qu'il  ne  lui  en  a  coûté  pour 
le  faire  tel  qu'il  est.  J.es  Juifs  n'ont  jamais 
douté  que  la  Providence  divine  ne  s'étendit 
à  tous  les  peu|iles  et  à  tous  les  hommes  sans 
exception  ;  mais  ils  ont  cru  avec  raison  que 
cette  Providence  veillait  sur  eux  avec  une 
attention  particulière,  que  Dieu  les  avait 
choisis  pour  être  son  peuple  par  préférence 
aux  autres  nations,  et  qu'il  leur  accordait 
Jilus  de  bienfaits.  Si  vous  tjardez  mon  alliance, 
leur  dit  le  Seigneur,  vous  serez  ma  portion 
clioisieparmi  tous  lesautrcs peuples ;car  toute 
la  terre  est  à  moi.  {Exod.,  c.  xix,  v.  5,  etc.) 

Aux  mots  Ame,  Immortalité,  Enfer,  nous 
;nvons  montré  que  les  Juifs  ont  cruconstam- 
luent  l'immortalité  de  l'âme  ,  les  récom- 
{n'uses  et  les  peines  de  l'autre  vie  ;  qu'ils 
ji'ont  pas  eu  besoin  d'emprunter  cette  doc- 
ti'.Jie  d'aucune  autre  nation,  qu'ils  l'avaient 
recède  de  leurs  aïeux,  et  qu'elle  venait  d'une 
révélation  primitive.  Les  auteurs  païens, 
mieux  instruits  ou  plus  équitables  que  les 
incrédules  modernes,  ont  rendu  justice  aux 
Juifs  sur  ce  pouit.  «  Les  Juifs,  dit  Tacite, 
conçoivent  jw  la  pensée  un  seul  Dieu,  Etre 
suprême,  éternel,  immuable,  dont  la  durée 
ne  Unira  jamais.  »  Judœi  mente  sola  unumque 
Numrn  inlelliyunt,  summum,  illud  et  œter- 
nuni ,    neque  mutabile ,    neque    interiturum. 

DlCTIO.^N.  DE  TuÉOL.  DOGMATIQLE.  IIL 


JUC 


106 


///s/.,  lib.  V,  c.  5.  Dion-Cassius,  lib.  xxxvii, 
dit  (le  même  que  les  Juifs  adorent  ini  Dieu 
invisibh-  et  ineffible  :  et  l'on  ose  écrire  au- 
jourd'hui qu'ils  adoraient  ini  Dieu  cor|)orel, 
local,  qui  ne  pensait  qu'à  eux,  semblable 
aux  di(Mix  des  autres  nations,  etc.  Toland  a 
])0ussé  l'audace  jusqu'à  soutenir  cjue  le  Dieu 
de  Moïse  était  le  monde,  et  que  sa  religion 
était  le  panthéisme. 

«  I>e,-s  Juifs,  continue  Tacite,  ]iensent  que 
les  âmes  de  ceux  qui  sont  morts  dans  les 
combats  ou  dansles  supplices  sont  éternelles. 
Gomme  les  lîgyptiens,  ils  enterrent  les  morts 
et  ne  les  brûlent  point  ;  il  ont  le  même  soin 
des  cadavres  et  la  même  opinion  sur  les  en- 
fers. »  Mais  cette  croyance  était  celle  des 
patriarches,  avant  que  les  enfants  de  Jav.flb 
eussent  habité  l'Egvfite.  Lorsque  les  littéra- 
teurs de  notre  siècle  affirment  que  les  Juifs 
empruntèrent  des  Chaldéens  et  des  Perses  la 
croyance  d'une  vie  future,  qu'ils  n'en  avaient 
eu  aucune  notion  avant  leur  captivité  à  13a- 
bylone,  ds  s'exposent  au  mépris  de  tous  les 
hommes  instruits. 

Mais  il  ne  faut  pas  oublier  un  article  essen- 
tiel'de  la  foi  des  Juifs,  la  chute  originelle  de 
l'homme ,  la  promesse  d'un  Rédempteur, 
d'un  JMessie  ou  d'un  envoyé  de  Dieu,  qui 
viendrait  rassembler  tous  les  peuples  sous 
SOS  lois,  conclure  une  alliance  nouvelle  entre 
Dieu  et  le  genre  humain.  Ce  dogme  est  con- 
signé dans  l'histoire  môme  de  la  création, 
dans  le  testament  de  Jacob,  dans  les  prédic- 
tions de  Moïse  et  dans  toute  la  suite  des  pro- 
phéties. Voy.  Messie. 

II.  La  morale  du  judaïsme  est  renfermée 
en  abrégé  dans  le  Décalogue  ;  c'est  encore 
colle  des  patriarches,  puisque  c'est  la  loi  na- 
turelle écrite.  Voy.  Décalogue.  Mais  Moïse 
l'avait  rendue  plus  claire,  en  avait  facilité  la 
connaissance  et  l'exécution  par  les  différentes 
lois  qui  prescrivaient  aux  Juifs  leurs  devoirs 
envers  Dieu  et  envers  le  prochain.  Ainsi  le 
précepte  de  n'adorer  qu'un  seul  Dieu  était 
ex[iliqu6  et  confirmé  non-seulement  par 
toutes  les  lois  qui  défendaient  aux  Juifs  les 
pratiques  superstitieuses  des  idolâtres,  mais 
par  celles  qui  prescrivaient  les  sacrifices, 
les  offrandes,  les  fêtes,  les  cérémonies  du 
culte  divin,  les  précautions  qu'il  fallait  ob- 
server pour  s'en  acquitter  avec  la  décence 
et  le  respect  convenables.  C'est  à  ce  grand 
objet  que  se  rapportaient  toutes  les  lois  cé- 
rémonielles. 

La  défense  de  prendre  le  nom  du  Seigneur 
en  vain  était  appuj'ée  par  d'autres  qui  punis- 
saient le  parjure  ou  le  blas])hème,  ou  qui 
ordonnaient  d'exécuter  fidèlement  les  vœux 
que  l'on  avait  faits  au  Seigneur. 

Comme  le  sabbat  était  principalement  or- 
donné pour  conserver  la  mémoire  de  la  créa- 
tion, nous  voyous  (ju'un  homme  fut  puni 
de  mort  pour  en  avoir  violé  la  sainteté  {Num. 
c.  XV,  v.  xxxii).  Dieu  voulut  encore  en  as- 
surer l'observation  par  un  miracle  habituel, 
eu  ne  faisant  point  tomber  la  manne  le  jour 
du  sabbat. 

Au  commandement  général  d'honorer  les 
pères  et  mères,  Dieu  ajouta  des  lois  sétères 

4 


f07 


JUD 


JUD 


138 


qii  condamnaientà  mort  non-seulement  celui 
qui  aurait  frappé  son  père  ou  sa  mère,  mais 
celui  qui  les  aurait  outragés  de  paroles,  et 
qui  interdisaient  toute  turpitude,  toute  mi- 
pudicité  à  leur  égard.  Conséquemment  il  était 
ordonné  de  respecter  les  vieillards  et  les 
hommes  constitués  en  dignité,  parce  qu'on 
doit  les  regarder,  en  quelque  manière,  comme 
les  pères  du  peuple. 

Les  défenses  de  nuire  au  prochain  dans  sa 
personne,  dans  ses  biens,  dans  son  honneur, 
étaient  renfermées  dans  ce  command;'Uient 
général  :  Vous  aimerez  votre  prochain  comme 
vous-même;  c'est  moi,  votre  Seigneur,  qui 
vous  l'ordonne ,  vous  ne  conserverez  contre 
lui  dans  votre  cœur  ni  haine,  ni  ressentiment, 
ni  dessein  de  vous  venger  ;  vous  oublierez  les 
injures  de  vos  concitoyens  [Levit.  c.  xix, 
V.  17  et  suiv.).  Mais  Moïse  entra  dans  le 
plus  grand  détail  de  toutes  les  violences  que 
l'on  pouvait  commettre  à  l'égard  du  pro- 
chain, de  toutes  les  manières  dont  on  pou- 
vait lui  nuire  et  lui  porter  du  préjudice  ; 
toutes  ces  actions  furent  interdites  sous  des 
peines  sévères,  souvent  sous  peine  de  mort. 
Il  ne  se  borna  point  à  ptoscrire  l'adultère, 
mais  il  nota  d  lufainie  la  prostitution  et  le 
commerce  illégitime  des  deux  sexes  [Lwit. 
c.  XIX,  V.  29;  Deut.,  c.  xxin,  v.  17).  11  ne 
fit  grâce  à  aucun  désordre  capable  de  nuire 
à  la  pureté  des  mœurs. 

Puisque  les  désirs  môme  illégitimes  étaient 
interdits  aux  Juifs  par  le  Décalogue,  com- 
ment des  actions  criminelles  auraient-elies 
pu  leur  être  permises  ? 

11  est  évident  que  toutes  ces  lois  positives 
tendaient  à  faire  connaître  la  loi  naturelle 
dans  toute  son  étendue ,  et  à  la  faire  mieux 
observer;  qu'un  Juif  ainsi  instruit  devait 
6tre  moins  exposé  à  la  violer  qu'un  païen.  11 
y  a  cependant  eu  des  déistes  assez  aveugles 
pour  prétendre  que  tant  de  lois  positives 
nuisaient  à  lobservation  de  la  loi  naturelle. 

Le  Clerc,  critique  téméraire,  s'il  en  fut  ja- 
mais, a  osé  soutenir  ce  paradoxe,  Uist,  ecclcs., 
Proleg.,  sect.  3 ,  c.  ii ,  §  20  et  suiv. ,  et  il  a 
voulu  le  coulirmer  par  des  exemples.  1"  11  y 
avait,  h  la  vérité,  dit-il,  une  loi  qui  obligeait 
les  enfants  à  honorer  leurs  pères  et  mères  ; 
mais  il  y  en  avait  une  autre  qui  permettait 
le  divorce  et  la  polygamie  ;  celle-ci  rendait  à 
peu  près  impossible  l'observation  de  la  pré- 
cédente :  on  sait  jusqu'à  quel  point  ces  deux 
abus  mettent  le  desordre,  la  division,  la  haine 
dans  les  familles.  2"  La  loi  qui  défendait  aux 
Israélites  de  souflrir  aucun  idolâtre  parmi 
eux  n'était  pas  équitable  ;  ils  auraient  été 
bien  fùchés  d'être  traités  de  môme  chez  leurs 
voisins,  lorsque  des  calamités  les  obligeaient 
de  s'y  réfugier,  et  lorsqu  ils  furent  répandus 
chez  toutes  les  nations  après  la  cajitivité  de 
Babyloue.  3°  Celle  qui  ordonnait  do  mettre  à 
mort  tout  homme  coupable  d'idolâtrie,  fût-il 
parent,  ami  ou  allié  était  inhumaine;  il  eût 
mieux  valu  tâcher  de  les  corriger.  Qu'au- 
raient dit  les  Israélites,  si  les  peui/los  voisins 
qui  les  subjuguèrent  plus  d'une  fois,  les 
avaient  forcés  ,  par  des  supplices,  de  renon- 
cer à  leur  rehgion  ?  k'  Comme  la  loi  de  Moïse 


ne  proposait  ni  récompenses  a  cspOrerJ  ui 
puuitions  h  craindre  dans  une  autre  vie ,  ils 
n  ont  pas  pu  y  être  constamment  attachés; 
do  là  sont  venues  ,  sans  doute  ,  leurs  fré- 
quentes apostasies  et  leurs  rechutes  ]>resque\ 
continuelles  dans  l'idolâtrie.  On  ne  peut  donc 
justifier  la  législation  de  Moïse,  qu'en  disant 
qu'elle  était  proportionnée  au  caractère  gros- 
sier, dur,  intraitable  de  son  peuple  ,  et  que 
celui-ci  n'était  pas  capable  d'en  supporter  une 
plus  parfaite. 

liéponse.  Quand  tout  cela  serait  absolument 
vrai,  il  s'ensuivrait  déjà  que  cette  législation 
n'était  indigne  ni  de  la  sagesse,  ni  de  la  sain- 
teté de  Dieu.  Solon  faisait ,  par  cette  môme 
raison,  l'apologie  des  lois  qu'il  avait  don- 
nées aux  Athéniens.  Mais  qu'aurait  répondu 
Le  Clerc  à  un  inciédule  qui  lui  aurait  objecté 
qu'il  ne  tenait  qu'à  Dieu  de  rendre  son  peu- 
ple plus  doux  et  plus  ti  attable  ?  Nous  en  con- 
venons sans  djîficulté;  mais,  parce  que  Dieu 
le  pouvait,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  le  devait  : 
autrement  il  faudrait  soutenir  que  Dieu  n'a 
pas  dû  permettre  qu'il  y  eût  dans  l'univers 
un  seul  peuple ,  et  môme  mi  seul  hommo 
vicieux  et  insensé.  Mais  il  y  a  d'autres  ré- 
flexions à  faire. 

Nous  convenons ,  en  premier  lieu,  que, 
chez  les  nations  corrompues,  le  divorce  et  la 
polygamie  sont  des  obstacles  à  peu  près  in- 
viiiciules  à  l'union  des  lauiilles  et  à  la  ten- 
dresse mutuelle  entre  les  enfants  et  leurs 
parents  ;  mais  chez  les  Hébreux ,  dont  les 
mœurs  étaient  simples,  la  vie  laborieuse  ,  et 
les  idées  assez  bornées ,  ces  deux  abus  ne 
pouvaient  pas  produire  d'aussi  pernicieux 
effets  ,  parce  que  Moïse  avait  pris  des  pré- 
cautions pour  en  prévenir  les  conséquences, 
Voy.  Divorce,  Polygamie. 

lin  second  lieu ,  il  est  vrai  que  la  loi  leur 
défendait  de  souffrir  chez  eux  aucun  acte 
d  idolâtrie  ;  mais  il  est  faux  qu'elle  leur  or- 
donnât de  bannir  tous  les  idolâtres  ,  lorsque 
ceux-ci  ne  faisaient  aucun  exercice  extérieur 
de  leur  fausse  religion  :  au  contraire,  il  leur 
était  ordonné  de  traiter  les  étiangers  avec 
douceur  et  avec  humanité,  parce  qu'ils  avaient 
été  eux-mêmes  étiangers  en  Egypte.  {Exod. 
c.  xxii,  V.  21  ;  Levit.  c.  xix,  v.  33  ;  Deut.  c.  x, 
V.  18,  19,  etc.)  Or,  tout  étranger  était  alors 
polythéiste  et  idolâtre.  On  ne  peut  pas  prou- 
ver que,  quand  ils  étaient  réfugiés  ciiez  leurs 
voisins,  lis  y  aient  fait  aucun  exercice  de  re- 
ligion contraire  à  la  croyance  de  ces  peu- 
ples. 

lin  troisième  lieu ,  nous  soutenons  que  la 
loi  cjui  punissait  de  mort  tout  acte  d'idol,;- 
trie  n'était  ni  cruelle  ni  injuste.  Dieu  avait 
attaché  à  cette  condition  la  conservation  de 
la  nation  juive  :  en  soulfrir  l'infraction,  c'é- 
tait mettre  le  salut  de  la  république  en  dan- 
ger. Oseia-t-on  soutenir  que  Dieu  n'avait  pas 
cette  autorité  ,  qu'il  n'a  jamais  dû  jiunir  de 
mort  aucun  impie ,  parce  qu'il  aurait  été 
mieux  de  le  corriger  ?  Mais  les  mécréants, 
non  contents  d'imposer  à  tous  les  hommes 
la  loi  de  la  tolérance  absolue  envers  leurs 
semblables,  veulent  encore  eu  iàire  une  obli- 
gation à  Dieu.  Jamais  les  Juifs  n'ont  forcé 


109 


JUD 


personne,  par  des  supplices,  à  embrasser 
leur  reli,Lj;ion. 

Kiirni,quoiriuelalé,j;islatton  de  Moïse  n'ait 
reiilVniK;  ni  pi-omesses  ni  menaces  expresses 
et  for;nell('S  [Wiir  la  vie  lutine  ,  il  n'est  pas 
moins  vrai  qno  les  Hébreiii  eroyaient  une 
vie  ?i  venir,  pane  que  c'avait  été,  de  tout 
leiiips  ,  la  loi  des  patriarches  leurs  aïeux. 
Krt//.  Amk,  §  2.  Mais  comme  celte  législalion 
reiitermail  ton!  à  la  fois  les  lois  morales,  les 
lois  céri'iiionielles  el  l(!s  lois  civiles  ,  il  n'au- 
rait l'as  (Hé  convenable  de  donner  h  toutes 
inditré-remment  la  snnction  des  [leines  et  des 
récompenses  do  l'autre  vie.  S'il  faut  en 
croire  les  matéi  ialistes  de  nos  jours,  celles 
(le  ce  njonde  t'ont  beaucoup  plus  d'impres- 
sion sur  les  lionniies  que  celles  de  la  vie  à 
venir;  ce  n'a  <lonc  pas  été  Ih  une  cause  des 
apostasies  des  Juifs. 

Que  l'on  envisage  la  morale  juive  sous 
quelque  asjiect  que  l'on  voudra,  elle  est  pure, 
sa.^e,  irrépréhensible,  convenable  à  tous 
égards  au  temps,  au  lieu ,  au  génie  du  peu- 
ple pour  lequel  elle  était  destinée,  plus  par- 
iai te  que  celle  de  tous  les  législateurs  philo- 
sophes. Aucune  des  lois  civiles,  politiques 
ou  militaires,  portées  par  Moïse,  n'est  con- 
traire à  la  loi  naturelle;  toutes  concourent  îi 
la  faire  exactement  |iratiquer.  Lorsque  Jé- 
sus-Christ est  venu  donner  au  genre  humain 
de  nouvelles  leçons  do  morale,  il  n'a  point 
contredit  celles  de  Moïse  ;  mais  il  a  rejeté  les 
fausses  explications  qu'en  donnaient  les  doc- 
teurs juifs  :  il  a  sagement  distingué  les  pré- 
ceptes qui  regardent  la  conduite  persoiuiello 
de  1  homme  d'avec  les  lois  civiles  et  natio- 
nales relatives  à  la  situation  particulière  dans 
la(pielle  se  trouvaient  les  Hébreux  sous 
Moïse;  il  en  a  relranclié  ce  qui  était  devenu 
sujet  îv  des  inconvénients,  comme  la  polyga- 
mie, le  divorce,  la  peine  du  talion ,  etc.;  il  y 
a  ajouté  des  conseils  de  perfection  [)our  en 
rendre  l'observation  plus  s:\re  et  plus  facile, 
mais  dont  les  anciens  Juifs  n'étaient  pas  ca- 
Itables.  Les  incrédules ,  qui  ont  censuré  et 
calomnié  la  morale  et  les  lois  de  Moïse,  n'en 
ont  pris  ni  le  sens  ni  l'esprit;  ils  n'ont  fait 
attention  ni  au  siècle,  ni  au  climat,  ni  au 
caractère  national,  ni  aux  mœurs  générales 
des  anciens  peujiles. 

IIL  Mais  pouiquoi  tant  de  lois  cérémo- 
nielles  '.'  pourquoi  un  culte  extérieur  si  mi- 
nutieux et  si  grossier?  Les  Hébreux  n'étaient 
pas  en  état  d'en  pratiquer  un  plus  parfait,  et 
il  u'y  en  avait  point  alors  dans  le  monde. 
Quand  ou  l'examine  de  près,  on  en  voit  la 
sagesse  et  l'utilité.  —  1°  Il  fallait  un  culte 
qui  occupât  beaucoup  les  Juiis,  paice  qu'ils 
avaient  pris  en  Egyi.te  le  goût  de  la  jiompe 
et  des  cérémonies  ,  et  parce  que  c'était  un 
moyru  d'adoucir  leurs  mœurs,  en  les  obli- 
geant de  se  rapprocher  souvent ,  et  d'avoir 
Beaucoup  d'attention  à  leur  extérieur.  — 
2°  Il  fallait  que  tout  fût  prescrit  dans  le  plus 
grand  détail,  atin  qu'ils  ne  fussent  pas  tentés 
d'y  mettre  rien  du  leur;  il  était  donc  abso- 
lument nécessaire  de  leur  interdire  tous  les 
usages  des  Egyptiens  et  des  Chananéeus, 
pour  lesquels  ils  n'avaient  que  trop  de  pen 


JUD  !10 

chant  :  un  très-grand  nombre  de  lois  céré- 
monielles  y  sont  relatives.  —  3°  La  i)lupart 
des  cérémonies  ordonnées  aux  Juifs  étaient 
des  monuments  et  des  preuves  des  [irodiges 
que  Dieu  avait  opérés  en  leur  faveur,  et  des 
bienfaits  qu'il  leur  avait  accordés,  comme  la 
PAque,  l'od'iaiule  des  premiers-nés,  les  fêtes 
de  la  Pentecôte  et  des  Tabernacles ,  la  Cir- 
concision, signe  des  promesses  mie  Dieu 
avait  faites  à  Abraham,  etc.  —  V"  Plusieurs 
autres,  comme  les  purilications,  les  ablu- 
tions, les  abstinences,  avaient  pour  objet  la 
propreté  et  la  santé  du  peunlc  ,  la  salubrité 
de  l'air  et  du  régime  :  c'étaient  des  précau- 
tions relatives  au  climat.  La  sagesse  do  ces 
attentions,  qui  nous  |)araisscnt  minutieuses, 
est  prouvée  par  l'effet  qu'elles  produisaient  ; 
puisque ,  selon  le  témoignage  de  Tacite ,  les 
Juifs  étaient  d'un  tempérament  robuste  et 
vigoureux,  au  lieu  (|ue,  sous  le  règne  du 
mahométisme,  l'Egypte  et  la  Palestine  sont 
devenues  le  foyer  do  la  peste.  Tout  était  r,r- 
donné  par  motif  de  religion  ,  parce  qu'un 
peuple  qui  n'était  pas  encore  civilisé,  était 
incapable  do  se  conduire  par  un  autre  motif. 

Les  censeurs  anciens  et  modernes  du  ju~ 
daisme  ont  dit  que  toutes  ces  observances 
légales  étaient  superstitieuses  ;  mais  ils 
auraient  dû  expliquer  ce  qu'ils  entendaient 
par  superstition.  Un  cul  e  superstitieux  est 
celui  que  Dieu  n'a  point  ordonné  ou  qu'il 
réprouve,  qui  no  peut  produire  aucun  bon 
effet,  qui  peut  donner  lieu  à  des  erreurs  et  à 
des  abus.  Celui  des  Juifs  était-il  djns  ce  cas? 
Dieu  l'avait  expressément  ordonné,  et,  par 
des  promesses  positives,  il  y  avait  attaché  la 
prospérité  de  cette  nation;  toutes  les  fois 
que  les  Juifs  s'en  écartèrent,  ils  fuient  pu- 
nis, et  se  trouvèrent  obligés  d'y  revenir.  Ce 
culte  était  destiné  k  les  détourner  des  su- 
perstitions et  des  crimes  des  peuples  idolâ- 
tres dont  ils  étaient  environnés,  à  conserver 
parmi  eux  le  dogme  essentiel  d'un  seul  Dieu 
créateur,  oublié  et  méconnu  chez  tous  les 
peuples,  et  à  nourrir  l'attente  d'un  Messie 
Rédempteur  et  Sauveur  du  genre  humain  : 
c'est  aussi  l'effet  qui  en  est  résulté;  en  quel 
sens  a-t-il  pu  être  superstitieux?  Que  les 
païens,  avcu;4és  par  leurs  propres  supersti- 
tions, aient  bl.lmé  un  culte  qu'ils  connais- 
saient très-mal,  dont  ils  i.;noraient  les  motifs 
et  le  ciessein,  cela  n'est  pas  étonnant;  mais 
que  des  philosophes,  élevés  dans  le  sein  du 
christianisme,  à  portée  d'examiner  le  ju- 
daïsme  en  lui-même,  en  jugent  avec  la 
môme  prévention ,  cela  ne  leur  lait  pas 
honneur. 

Par  un  iréjugé  contraire,  les  juifs  d'au- 
jourd'hui prétendent  que  le  culte  extérieur 
ou  céréuioniel  prescrit  par  leur  loi,  est  beau- 
coup plus  parfait  et  plus  a.^n'able  à  Dieu 
que  la  pratique  d'>s  vertus  morales;  qu'il 
donne  une  vraie  sainteté  h  ceux  qui  l'obser- 
vent; que  Dieu,  après  l'avoir  établi,  n'a  pas 
pu  l'abolir.  Cette  erreur  est  ancienne  parmi 
eux;  les  prophètes  l'ont  déjà  repromiée  à 
leurs  pères;  les  piiarisiens  en  étaient  imbus 
du  temps  <le  Jes»  s-Christ  :  plusieurs  mémo 
de  ceux  qui  se  convertirent  a  la  orédicatioii 


m 


JUD 


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112 


des  apôtres,  persévérèrent  dans  celte  opi- 
nion ;  ils  prétendirent  que  les  gentils  qui 
embrassaient  la  foi  devaient  être  assujettis 
aux  cérémonies  légales,  et  que  sans  cela  ils 
ne  pouvaient  pas  être  sauvés.  Les  apôtres 
condamnèrent  cette  doctrine  au  concile  de 
Jérusalem  :  ceux  qui  s'obstinèrent  à  la  sou- 
tenir, furent  nommés  ébionites.  Saint  Paul 
les  a  combattus  spécialement  dans  ses  Epîtres 
aux  Romains,  aux  Galates  et  aux  Hébreux. 
Quelques  incrédules,  attentifs  à  relever 
tout  ce  qui  peut  inspirer  des  préventions 
contre  le  christianisme,  ont  trouvé  bon  d'ap- 

f)uyer  l'opinion  des  Juifs.  Ils  ont  dit  que 
'intention  de  Jésus-Christ  avait  été  de  con- 
server le  judaïsme  en  entier,  avec  toutes 
ses  cérémonies;  («je  saint  Pierre  et  les 
autres  apôtres  l'avaient  ainsi  conçu,  puis- 
qu'ils l'observaient  encore  exactement;  mais 
que  saint  Paul,  pour  se  rendre  chef  de  parti, 
avait  soutenu  le  contraire,  et  que  son  opi- 
nion avait  enfin  prévalu  sur  celle  de  ses 
collègues.  Cette  vaine  imagination  sera  ré- 
futée aux  articles  Paul  et  Loi  cérémonielle. 
IV.  D'autres  écrivains  ont  prétendu  que  le 
mdaïsme  n'était  pas  une  religion,  mais  seu- 
lement une  constitution  jiolilii^ue.  Ou  nous 
n'entendons  plus  les  termes,  ou  une  loi  qui 
prescrit  une  croyance,  une  morale,  un  culte 
extérieur  que  Dieu  exige  et  qu'il  daigne 
agréer,  doit  être  nommée  une  religion.  Pour 
donner  plus  de  relief  au  christianisme,  est-il 
donc  nécessaire  do  déprimer  le  judaïsme? 
Non,  sans  doute  :  celui-ci  a  été  l'ouvrage  de 
la  sagesse  divine,  et  Dieu  savait  ce  qui  con- 
venait dans  les  circonstances  où  il  a  plu  de 
l'établir. 

Au  V'   siècle.   Pelage   s'avisa  d'enseigiiei' 
que  la  loi  conduisait  au  royaume  de  Dieu,  de 
même  que' V Evangile.  Saint  Aug.,  L.  deGestis 
Pelagii,  c.  11,  n.  24;  c.  35,  n.  65.  C'était  la 
conséquence  d'une    autre    de  ses    erreurs, 
savoir,  que  pour  faire  le  bien,   l'homme  n'a 
pas  besoin  d'une  grAce  ou  d'un  secours  sur- 
naturel de  Dieu,  mais  seulement  de  connaî- 
tre ses  devoirs  par  la  loi  de  Dieu  :  dôs  que 
la  loi  de  Moïse    les   lui  montrait,  un  juif, 
selon  Pelage,  pouvait  les  accomplir   par  ses 
forces  naturelles,  et  parvenir  au  salut  sans 
le  secours  d'aucune  grâce  intérieure.  Saint 
Augustin  s'éleva  de  toutes  ses  forces  contre 
cette  prétention  :  il  se  fonda  principalement 
sur  les  passages  dans  lesquels    saint    Paul 
dit  :  «  Si  la  justice   est  donnée   par  la    loi, 
donc  Jésus-Christ   est  mort  en  vain    [Galat. 
c.  II,  V.  21).  La  loi  a  été  établie  à  cause  des 
transgressions  (c.  m,  v.  19).  La  loi  est  sur- 
venue ,     afin    que    le     péclié     s'augmentAt 
[Rom.  c.  V,  V.  20).»  C'est  ainsi  que  l'entendit 
le  saint  docteur.  Il  conclut  que  la  loi  de  Moïse 
avait  été  donnée  aux  Juifs,  non  pour  prévenir 
ou  pour  détruire  le  péché,  mais  seulement 
pour  le  faire  apercevoir;  non  pour  diminuer 
les  forces  de  la  concupiscence,  mais  plutôt 

fiour  l'augmenter;  atin  que  les  Juifs,  humi- 
iés  par  le  nombre  et  par  l'éuormité  de  leuis 
transgressions,  recourussent  à  Dieu  et  implo- 
rassent le  secours  de  sa   grâce.   In  expos. 


Epist.  ad  Galat.,  c.  m,  n.  21  et  25;  Serm.  26, 
125,  152,  156,  164;  L.  de  Grat.  Christi,  c.  8, 
n.  9,  etc.  Mais  nous  verrons  ci-après  que 
dans  d'autres  endroits  saint  Augustin  a  parlé 
de  la  loi  mosaïque  avec  beaucoup  plus 
d'exactitude  et  de  précision. 

Sur  cette  dispute  célèbre,  qu'il   nous  soit 
permis  de  faire  quelques  réflexions. 

1°  L'erreur  que  saint  Paul  attaque  dans  ses 
lettres  aux  Romains  et  aux  Calâtes,  était 
celle  des  Juifs,  qui  prétendaient  que  le  salut 
était  attaché  à  l'observation  de  la  loi  céré- 
monielle, que  sans  cela  on  ne  pouvait  pas 
être  sauvé  par  la  foi  de  Jésus-Christ  ;  lorsque 
l'apôtre  semble  déprimer  la  loi  de  Moïse,  il 
parle  évidemment  de  la  loi  cérémonielle,  et 
non  de  la  loi  morale.  Quand  il  est  question 
de  celle-ci,  saint  Paul  dit  formellement  que 
les  observateurs  de  la  loi  seront  justifiés  {Rom. 
c.  II,  V.  13).  Pelage,  en  soutenant  que  la  loi 
conduisait  au  royaume  de  Dieu  comme  l'E- 
vangile, entendait-il,  comme  les  Juifs,  la 
loi  cérémonielle?  Cela  n'est  pas  probable;  il 
entendait  toute  la  loi  de  Moïse,  en  y  compre- 
nant les  préceptes  moraux.  Saint  Augustin 
ne  fait  point  cette  distinction,  qui  aurait  été 
cependant  nécessaire  fiour  répandre  plus  de 
jour  sur  la  question  :  mais,  comme  Pelage 
s'obstinait  à  entendre  par  la  loi,  la  lettre 
seule,  sans  aucune  grâce  pour  l'accomplir, 
saint  Augustin  avait  raison  de  soutenir  que 
la  loi  ainsi  envisagée,  n'aurait  été  propre 
(fu'à  multiplier  les  transgressions  et  à  irriter 
la  concupiscence.  Et  il  en  serait  de  même  de 
la  lettre  de  l'Evangile,  si  Dieu  ne  nous  don- 
nait la  grâce  nécessaire  pour  en  suivre  les 
préceptes. 

2°  11  paraît  dur  de   dire  que   Dieu   avait 
donné  exprès  la  loi  aux  Juifs  pour  les  rendre 
plus  grands    pécheurs,    afin    de  les    humi- 
lier, etc.    Cela    peut-il   s'entendre  de  la  loi 
morale  ou  Décalogue,  qui  était  la  loi   natu- 
relle écrite  ?  Saint   Paul  assure   que  la   loi 
était  sainte,   juste  et    bonne    {Rom.  c.   vu, 
v.  12)  ;  elle  n'était  donc   pas  une   cause    de 
péché  :  il  pose  pour  maxime  générale,  qu'il 
ne  faut  pas  faire  du  mal  pour  qu'il  en  arrive 
du  bien  {Rom.  c.  m,  v.  8);  et  s  lint  Jacques, 
que  Dieu  ne  tente  personne,  ne  [lorte  per- 
sonne au  mal  (/or.  c.  i,  v.  13).  Dieu  ne  peut 
donc  pas  nous  tendre  un  piège  et  nous  faire 
pécher,  pour  qu'il    en  résulte  un    bien.  Les 
Pères  des  quatre  premiers  siècles,  en  réfu- 
tant les   marcionites,  les    valentiniens,    les 
carpocratiens,  les   manichéens,   qui    dépri- 
maient la  loi  de  Moïse  et  abusaient  des   pa- 
roles de   saint  Paul,  en    ont  très-bien  vu 
l'équivoque  :  ils  ont  dit  que,  selon  l'apôtre, 
la  loi  est  survenue  de  manière  que  le  péché 
s'est  augmenté,  mais  non  afin  qu'il   s'aug- 
mentât; que  la  loi  a  été  l'occasion  et  non  la 
cause    de    l'augmentation   du   péché.  Saint 
Paul  a  dit  de  môme,  que  la   prédication  de 
l'Evangile  est  une  odeur  de  mort  pour  ceux 
qui  périssent  (//  Cor.ç.  ii,  v,  15).  Il  ne  s'en- 
suit point  que  l'Evangile  ait  été  prêché  pour 
les  faire  périr.  Saint  Augustin  l'a  remarqué 
lui-même,  L.  1  ad   Simplic.   q.  1,  n.    17  ; 
Contra  udvers.   leais  et  prophet.,  1.  ii.  c.  11. 


115 


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n.  30;  e,,  011  rét'utani  les  maïucliéens,  iï  a 
fait  r.ipoloij;!»'  do  la  loi  do  Mcjïso. 

3"  Polago  otait  hiTiJtiiiue,  en  soutenant  que 
riiomuio  n'a  pas  iiesoin  de  gi-Aco  pour  ob- 
server la  loi  ;  mais  on  iiouvait  le  confondre, 
sans  prétendre  que  la  loi  avait  été  donnée 
aux  Juifs  alin  de  los  rendre  plus  grands  pé- 
cheurs. David,  dans  les  psaumes,  demande 
à  Dieu  rintelligonco  pour  connaître  sa  loi, 
et  la  force  do  l'accoinplir;  il  SLip|)lio  le  Sei- 
gneur de  le  conduire  dans  la  voie  de  ses 
couiniandements,  etc.;  il  sentait  donc  le  lio- 
soin  do  la  grAce  divine.  11  disait  :  Ayez  pitié 
de  moi  selon  vos  promesses, 'Ps.  (;xvm,etc.;  il 
était  donc  persuatlé  (juo  Dieu  avait  ]iromis 
son  secours  à  ceux  qui  l'iniplororaiont.  Le 
pape  Innocent  1"  n'a  pas  en  tort  do  repré- 
senter aux  pélagiens  (|uo  les  psaumes  de 
David  sont  une  invocation  continuelle  do  la 
grAce  divine.  Saint  Paul  enseigne  que  Dieu 
donnait  en  olfet  la  grAce  aux  Juifs,  puisqu'il 
(lit  que  tous  ont  bu  l'eau  spirituelle  du  ro- 
cher (]ui  los  suivait,  et  que  ce  rocher  était 
Jésus-Christ  (/  Cor.  c.  x,  v.  3).  Non-seule- 
ment les  Juifs  recevaient  la  grAce,  mais  sou- 
vent ils  y  résistaient,  jinisque  saint  Etienne 
leur  dit  :  «  Vous  résistez  toujours  au  Saint- 
Esprit  comme  ont  ûnt  vos  pores  {Act.  c.  vu, 
V.  51)  ;  )>  et  saint  Paul  cite  los  paroles  d'isaïe  : 
«  J'ai  étendu  tout  le  jour  les  bras  vers  un 
peuple  ingrat  et  rebelle  {Rom.  c.  x,  v.  21).  » 

Nous  savons  très-bien  que  sous  l'Ancien 
Testament  la  grAce  n'était  ])as  attachée  à  la 
lettre  do  la  loi,  mais  h  la  promesse  de  Dieu; 
saint  Paul  le  déclare  fonnolleinent  (  Galat. 
c.  m,  V,  18);  et  cette  promesse  avait  été  faite 
en  considération  des  mérites  futurs  de  Jé- 
sus-Christ {Ibid.  V,  IG).  Ceux  (jui  obser- 
vaient la  loi  par  le  secours  de  la  grAce  étaient 
donc  justities  on  vertu  des  mérites  do  ce 
divin  Sauveur,  et  il  ne  s'ensuit  pas  qu'à  leur 
égard  Jésus-Christ  soit  mort  en  vain. 

4°  Le  mépris  avec  lequel  certains  auteurs 
ont  parlé  de  la  loi  ancienne  s'accorde  mal 
avec  les  éloges  (}u"(Mi  font  les  écrivains  sa- 
crés. Moïse,  en  la  donnant  aux  Juifs,  les  as- 
sure que  les  précejites  de  cette  loi  sont  la 
justice  même  {Dcut.  c.  iv,  v.  G).  «  Le  com- 
mandement que  je  vous  fais,  leur  dit-il,  n'est 
ni  au-dessus  de  vous,  ni  éloigné  de  vous  :... 
il  est  à  votre  portée,  dans  votre  bouche  et 
dans  votre  cœur,  pour  que  vous  l'accomplis- 
siez. Jai  mis  devant  vous  le  bien  et  la  vie, 
le  mal  et  la  mort,  alin  que  vous  aimiez  le 
Seigneur  votre  Dieu,  et  (|ue  vous  marchiez 
dans  ses  voies  (c.  xxx,  v.  11).  »  Cela  ne  se- 
rait pas  vrai,  si  Dieu  n'avait  point  donné  aux 
Juifs  des  grAces  )iour  accomplir  sa  hji.  «  La 
loi  du  Seigneur,  dit  le  psalmiste,  est  sans  ta- 
che, convertit  les  dmes,  enseigne  la  vérité, 
donne  la  sagesse  aux  jikis  simples.  Ses  pré- 
ceptes sont  l'équité  mémo,  répandent  la  jnie 
dans  les  cœurs  et  la  lumière  dans  les  esprits, 
etc.  {Ps.  xvin,  V.  8).  «  11  est  donc  laux  (juc 
cotte  loi  se  borne  à  montrer  le  [léché  sans  le 
faire  éviter,  augmente  la  concupiscence,  etc. 

5°  Saint  Augustin,  dans  la  plupart  do  ses 
ouvrages,  s'est  expliqué  là-dessus  avec  la 
plus  grande  exactitude.  Non-seulement  il  a 


soutenu,  contre  les  manichéens,  que  la  loi 
d(i  Moïse  était  utile,  que  ceux  qui  ne  pou- 
vaient pas  être  détournés  du  péché  par  la 
raison,  avaient  besoin  d'être  réprimés  jiar 
cette  loi,  L.  de  Util,  cred.,  c.  3,  n.  9;  mais 
il  a  répété  aux  pélagiens  que  Dieu  donnait 
la  grâce  pour  l'accomplir.  «  Les  pélagiens, 
dit-il,  nous  accusent  d'enseigner  que  la  loi 
de  l'Ancien  Testament  n'a  pas  été  donnée 
pour  justilier  les  Juifs  obéissants,  mais  pour 
augmenter  la  grièvoté  du  péché...  Qui  osera 
dire  que  ceux  (jui  obéissent  à  la  loi  ne  sont 
pas  justes?  S'ils  ne  l'étaient  pas,  ils  ne  pour- 
raient pas  obéir.  Mais  nous  disons  que  par 
la  loi  Dieu  fait  entendre  ce  qu'il  veut  que 
l'on  fasse,  que  par  la  grAce  l'homme  est  rendu 
obéissant  à  la  loi;  car,  selon  saint  Paul,  ce 
ne  sont  point  ceux  qui  écoutent  la  loi,  qui 
sont  justes  devant  Dieu,  mais  ceux  qui  l'ac- 
complissent. La  loi  fait  donc  connaître  la 
justice,  la  grAce  la  fait  accomplir...  Ainsi  la 
lettre  seule  donne  la  mort,  c'est  l'esprit  (jui 

donne  la  vie La  lettre  tue,  narce  que  la 

défense  augmente  le  désir  du  péché,  à  moins 
que  la  grAce  ne  vivifie  par  son  secours.  L.  3. 
contra  duas  Epist.  Peluy.,  c.  2,  il.  2.  Qui  est 
le  catholique  qui  dira  que  sous  l'Ancien 
Testament  le  Saint-Esprit  ne  donnait  pas  du 
secours  et  dos  forces?  Ibid.,  c.  4,  n.  6.  Abra- 
ham et  les  justes  qui  l'ont  précédé  ou  ijui 
l'ont  suivi  jusqu'à  Jean-Ba|>tiste,  sont  enfants 
de  la  promesse  et  de  la  grAce.  N.  8.  Nous  di- 
sons que,  sous  l'Ancien  Testament,  ceux 
qui  étaient  héritiers  de  la  promesse  ont  reçu 
du  Saint-Esprit,  non-seulement  du  secours, 
mais  la  force  dont  ils  avaient  besoin  :  voilà 
ce  que  nient  les  pélagiens,  qui  aiment  mieux 
attribuer  cette  force  au  libre  arbitre.  »  N.  13, 
à  la  fin. 

Si  dans  d'autres  endroits  saint  Augustin 
s'est  exprimé  avec  moins  de  précision,  qu'en 
peut-on  conclure,  dès  qu'une  fois  il  s'est 
expliqué  clairement  ?  11  est  évident  que 
quand  le  saint  docteur  semble  parler  désa- 
vantageusementde  la  loi,  il  la  prend  dans  le 
sens  des  pélagiens,  i)Our  la  lettre  seule,  sans 
grAce,  sans  le  secours  du  Saiiit-Espiit  ;  mais 
il  n'a  jamais  sujiposé  que  Dieu  l'avait  don- 
née telle,  et  qu'il  faisait  aux  Juifs  des  com- 
mandements, sans  leur  accorder  la  force  né- 
cessaire pour  les  observer. 

6'  Que  penserons-nous  d'une  secte  de 
théologiens  qui  ont  affecté  de  rassembler 
continuellement  les  passages  dans  lesquels 
saint  Augustin  semble  avoir  [larlé  au  dé- 
savantage de  la  loi  ancienne,  sans  citer  ja- 
mais ceux  que  nous  venons  d'alléguer,  et 
vingt  autres  dans  lesquels  il  s'est  expliqué 
de  inôine?  Il  faut  placer  au  même  rang  les 
commentateurs,  qui,  lisant  dans  saint  Jean, 
c.  I,  v.  16,  ({ue  nous  avons  reçu  de  Jésus- 
Christ  une  grâce  pour  une  autre  grâce,  s'obs- 
tinent à  dire  que  celle  qui  a  été  donnée  sous 
Moise  n'était  qu'une  grâce  extérieure; 
comme  si  Jésus-Christ  n'était  pas  auteur  de 
l'une  et  de  l'autre.  Peut-on  pardonner  ài 
Jansénius  d'avoir  écrit  (|ue  l'Ancien  Testa- 
riiont  n'était  qu'une  grande  comédie  que 
Dieu  jouait,  non  pour  elle  môme,  mais  ea. 


lis 


JUD 


JUD 


\Vi 


considération  du  nouveau.  T.  III,  de  Grat. 
Christi  Sulvat.  i.  m,  c.  6,  p.  110.  Selon  lui, 
Dieu  faisait  semblant  de  vouloir  le  salut  des 
Juiis,  mais  dans  le  fond  il  n'en  avait  aucune 
envie. 

A  Dieu  ne  plaise  qu'un  chrétien  souscrive 
jamais  à  ce  blasphème  1  Dieu  a  sincèrement 
voulu  sauver  tous  les  hommes  dans  tous  les 
temps,  avant  la  loi  et  sous  la  loi,  aussi  bien 
que  sous  l'Evangile,  toujours  par  la  grAce 
du  Rédempteur,  quoique  cette  gr.lco  n'ait 
pas  été  distribuée,  sous  les  deux  premières 
époques,  aussi  abondamment  que  sous  la 
troisième.  Tout  système  contraire  à  cette 
grande  vérité  est  une  erreur.  Les  visions 
des  marcionites,  dos  manichéens,  des  pic- 
destinatiens,  et  celles  des  pélagions,  quoi- 
que très-opposées,  sont  également  réfutées 
par  la  doctrine  des  anciens  Pères. 

«  L'un  et  l'autre  Testament,  dit  saint  Iré- 
née,  ont  été  faits  pai- le  même  père  de  famille, 
par  le  Verbe  de  Dieu  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ,  qui  a  parlé  à  Abraham  et  à  Moïse, 
qui,  dans  ces  derniers  temps,  nous  a  mis 
en  liberté,  et  a  rendu  plus  abondante  la 
grAce  qui  vient  de  lui...  Ils  ne  sont  différents 
que  par  leur  étendue,  comme  l'eau  est  dif- 
férente d'une  autre  eau,  la  lumière  d'une 
autre  lumière,  la  grâce  d'une  autre  grâce. 
La  loi  de  liberté  est  plus  étendue  que  la 
loi  de  servitude;  c'est  pour  cela  qu'elle  a 
été  donnée,  non  pour  un  seul  [leuple,  mais 
pour  le  monde  entier.  Le  salut  est  un, 
comme  Dieu  créateur  de  l'homme  est  un  ; 
les  préceptes  sont  multipliés  comme  autant 
de  degrés  qui  conduisent  l'homme  à  Dieu.  » 
Adv.  hœr.,  I.  iv,  c.  21  et  22.  «  C'est  toujours 
le  même  Seigneur  qui,  par  son  avènement, 
a  répandu  sur  les  dernières  générations  une 
grâce  plus  abondante  que  celle  qui  était  ac- 
cordée sous  l'Ancien  Testament...  Comment 
Jésus-Clirist  est-il  la  fin  de  la  loi,  s'il  n'en 

est   aussi  le   commencement? C'est   le 

Verbe  de  Dieu,  occupé  dès  la  création  à 
monter  et  à  descendre,  pour  donner  la  santé 
aux  malades...  Puisque  dans  la  loi  et  dans 
l'Evangile  le  premier  et  le  grand  précepte 
est  d'aimer  Dieu  sur  toutes  clioses,  et  le  se- 
cond d'aimer  le  prochain  comme  soi-même, 
il  est  clair  que  la  loi  et  l'Evangile  viennent 
du  môme  auteur.  Puisque  dans  l'un  et  l'au- 
tre Testament  les  préceptes  de  perfection 
sont  les  mêmes,  ils  démontrent  le  môme 
Dieu.  »  Ibid.,  c.  24  et  26.  Saint  Augustin  a 
répété  ce  raisonnement  contre  les  mani- 
chéens. De  Morib.  Eccles.,  1.  i,  c.  28. 

«  La  loi,  dit  saint  Clément  d'Alexandrie, 
est  l'ancienne  grâce  émanée  du  Verbe  di- 
vin, par  l'organe  de  Moïse.  Quand  l'Ecriture 
dit  que  la  loi  a  été  donnée  par  Moïse,  elle 
entend  que  la  loi  vient  du  Verbe  de  Dieu, 
par  Moïse  son  serviteur  :  c'est  pour  cela 
qu'elle  a  été  portée  seulement  pour  un 
temps  ;  mais  la  grAce  et  la  vérité  apportées 
par  Jésus-Christ  sont  pour  l'éternité.  »  Pœ- 
d'ig.,  1. 1,  c.  7,  p.  133.  «  La  loi  conduit  donc 
ù  Dieu...  Elle  a  été  notre  précepteur  en  Jé- 
sus-Christ, alin  que  nous  fussions  justifiés 

ar  la  foi...  Mais  c'est  toujours  le  môme  Sei- 


gneur, bon  pasteur  et  législateur,  qui  prend 
soin  du  troupeau  et  des  ouailles  qui  écoutent 
sa  voix  ;  qui,  par  le  secours  de  la  raison  et  de 
la  loi,  cherche  sa  brebis  perdue  et  la  trouve.  » 
Strom.,  1. 1,  c.  26,  p.  4-20.  «  La  loi  et  l'Evan- 
gile sont  l'ouvrage  du  même  Seigneur,  qui 
est  la  puissance  et  la  sagesse  de  Dieu  ;  et 
la  crainte  qu'inspire  la  loi  est  un  trait  de  mi- 
séiicorde  relativement  au  salut...  Soit  donc 
que  l'on  parle  ou  de  la  loi  naturelle  (]ui 
nous  est  donnée  avec  la  naissance,  ou  de 
celle  qui  a  été  publiée  dans  la  suite  par  Dieu 
lui-môme,  c'est  une  seule  et  môme  loi,  quant 
à  la  nature  et  à  l'instruction.  »  Jbid.,  c.  2", 
p.  422;  c.  28,  p.  k2k  ;  c.  29,  p.  427;  1.  xi, 
c.  6,  p.  444  ;  c.  7,  p.  447.  «  Ayons  donc  re- 
cours à  ce  Dieu  Sauveur ,  qui  invite  au  sa- 
lut par  les  prodiges  qu'il  a  faits  en  Egypte  et, 
dans  le  désert,  jiar  le  buisson  ardent  et  par 
la  nuée  lumineuse,  image  de  la  grâce  divine, 
qui  suivait  les  Hébreux  dans  le  besoin.  » 
Cohort.  ad  Genl.,  c.  1,  p.  7.  Ce  n'est  pas  là  du 
pélagianisme. 

<t  Le  peuplejuif,  dit  Tertullicn,  est  le  plus 
ancien,  et  a  été  favorisé  le  premier  de  la 
grâce  divine,  sous  la  loi  ;  nous  sommes  les 
puînés  selon  le  cours  des  temps  ;  mais  Dieu 
vérifie  à  cet  égard  ce  qu'il  avait  dit  de  Jacob 
et  d'Esaii,  que  l'aîné  serait  inférieur  au  ca- 
det... Selon  qu'il  convient  à  la  bonté  et  à  la 
justice  de  Dieu,  créateur  du  genre  humain, 
il  a  donné  à  toutes  les  nations  la  môme  loi  ; 
il  ordonne  qu'elle  soit  observée  selon  les 
temps,  quand  il  le  veut,  comme  il  le  veut,  et 
par  qui  il  lui  [ilaît...  Déjà  dans  la  loi  donnée 
à  Adam,  nous  trouvons  le  germe  de  tous  les 
préceptes  qui  se  sont  multipliés  ensuite  sous 
la  main  de  Moïse,  surtout  le  grand  précepte  : 
Vous  aimerez  le  Seigneur  votre  Dieu  de  tout 
votre  cœur,  etc.  »  Adv.  Jud.,  c.  1  et  2.  Après 
avoir  indiqué  ce  que  dit  saint  Paul,  que  la 
pierre  qui  fournissait  aux  Juifs  l'eau  spiri- 
tuelle était  Jésus-Christ,  TertuUien  fait  re- 
marquer que  ce  divin  Sauveur  est  désigné 
dans  plusieurs  endroits  de  l'Ecriture  sous  le 
nom  et  la  ligure  depierre.  Ihid.,  c.  9,  p.  194 
Dans  son  premier  livre  contre  Marcion  , 
c.22,il  prouve  que  si  Dieu  est  bon  parla  na- 
ture, il  a  dû  exercer  sa  bonté  et  sa  miséri- 
corde envers  les  hommes,  depuis  la  création 
jusqu'à  nous  ;  ne  pas  différer  jusqu'à  la  ve- 
nue de  Jésus-Christ,  à  guérir  les  plaies  de  la 
nature  humaine  ;  et,  dans  le  quatrième,  il  dé- 
montre qu'il  n'y  a  aucune  opi>ositiou  ejitre 
l'Ancien  Testament  et  le  Nouveau. 

Saint  Athanase,  de  Incarn.  VerbiDei,  n.  12, 
op.  t.  1,  p.  57,  enseigne  que  le  Verbe  divin 
avait  pourvu  à  ce  que  tous  les  hommes  pus- 
sent le  connaître  par  le  spectacle  de  la  na- 
ture, mais  que,  comme  leur  méchanceté  n'a- 
vait fait  que  s'accroître,  il  voulut  remédier  è 
ce  malheur,  en  les  faisant  instruire  par  d'au- 
tres hommes  ,  par  Moïse  et  par  les  prophè- 
tes. «  On  pouvait  donc,  dit-il,  par  la  con- 
naissance de  la  loi,  réprimer  toute  perver- 
sité et  mener  une  vie  vertueuse.  Car  la  loi 
n'avait  pas  été  donnée,  et  les  pro[)liètes  n'a- 
vaient pas  été  envoyés  pour  les  Juifs  seuls.  ^ 
Mais  ils  étaient  poùf  le  monde  entier  coauue 


117 


JUD 


JUD 


118 


une  sainte  écoie  établie  pour  faire  connaître 
Dieu,  et  pour  donner  des  leçons  de  vertu.  » 
Nous  espérons  que  l'on  n'accusera  p;is  saint 
Alhanase  d'avoir  exclu  par  ces  paroles  le  se- 
cours do  la  grAce,  ou  l'opération  intérieure 
du  Verhc  divin  dans  les  esprits  et  dans  les 
cœurs,  lui  qui  dit  d'ailleurs  que  sous  l'An- 
cien Testament  la  grâce  était  déjà  donnée  à 
toutes  les  nations.  Expos,  in  ps.  cxiii,  v.2et 
H;  voyez  encore  in  ps.  csviii,  v.  5,  etc. 

Tel  a  été  ie  lanj^age  de  tous  les  l'ères  et  de 
ri'lglise  cluélienne  dans  tous  les  siècles.  Le 
coniilc  de  Trouto  y  faisait  atteulion,  lors- 
qu'il a  décidé  que  les  Juifs  ne  pouvaient 
ôtro  justifiés  ni  délivrés  du  péché,  pur  la 
lettre  de  la  loi  (le  Moisc,  pur  la  doctrine  de 
la  lui,  sans  la  grdce  de  Jésus-Christ.  Sess  6, 
de  Justif.,c.  1  et  can.  1.  Mais  il  n'a  pas 
fijouté  que  les  Juifs  ne  recevaient  pas  cette 
grAce.  Tous  les  Pères  ont  très-bien  aperçu  le 
jilan  que  la  divine  providence  a  suivi,  que 
la  révélation  nous  découvre,  et  que  nous  ne 
nous  lassons  jias  de  répéter.  La  religion  des 
jtalriarclu'S  était  convenable  à  l'état  des  fa- 
milles et  des  peuplades  s;''parées  les  unes 
des  aulres,  et  qui  ne  pouvaient  encore  se 
léunir  en  corps  de  nidion.  Le  judaïsme  était 
li'l  qu'il  le  l'aillait  pour  un  peu|ile  naissant, 
cpii  avait  besoin  d'élre  i>olicé ,  suunds  au 
joug  d'inio  société  civile,  préservé  dos  er- 
reurs et  des  vices  dis  autres  peui)les.  Le 
clnistimisme  était  réservé  poiu'  le  temps 
aucpiel  tous  seraient  capables  de  former  en- 
tre eux  une  société  religieuse  universelle. 
La  lurée  des  deux  premières  était  donc  tixée 
par  leur  destination  même  ;  Dieu  les  a  fait 
cesser  au  moment  où  elles  n'étaient  plus  uti- 
les ni  convenables.  Quant  à  la  tioisième,  c'est 
la  religion  du  sage,  de  Ibomme  (larvenu  à  la 
maturité  parfaite  ;  elle  doit  durer  jusqu'à  la 
lin  des  siècles. 

lie  môme  qu'en  établissant  le  judaïsme, 
Dieu  n'a  pas  réprouvé  par  une  loi  [lositive  la 
religion  des  patriarches,  ainsi,  par  un  trait 
égal  de  sagesse,  Jésus-Christ,  (ui  fondant  le 
christianisme,  n'a  point  porté  de  loi  expresse 
et  formelle  pour  coiulamncr  où  abroger  le 
iudaismc  ;  il  savait  que  l'observation  de  cette 
loi  deviendrait  impossible  par  la  ruine  du 
tL'm]ile  et  parla  dispersion  des  Juifs.  Lese<- 
pirances  dont  cette  nation  se  (latte,  d'être  un 
jour  rétablie,  remise  en  possession  de  ses 
usages  et  de  ses  lois,  sont  évidenmient  con- 
traires au  jilan  généial  de  la  Providence  et  à 
l'état  actuel  du  genre  humain. Quelque  temps 
avant  la  venue  de  Jésus-Christ  ,  le  judaïsme 
s'était  divisé  en  deux  sectes  principales, 
celle  des  Pharisiens  et  celle  des  Sadducéens  ; 
Josèphe  y  ajoute  celle  des  esséniens  :  au- 
jounl'hui  il  est  partagé  entre  la  secte  des 
caraites  et  celle  des  talmudistes,  disciples  des 
rabldns  ;  celle-ci  est  inliniment  plus  nom- 
breuse que  l'autre.  Yoyez-les  chacune  sous 
son  nom. 

V.Sousprétevtede  mieux  fidrc  comprendre 
combien  les  leçons  de  Jésus-Christ  cl  des  ai)ô- 
tres  étaient  nécessaires  au  genre  humain  , 
Le  Clerc,  ûaus  son  llist.  ecclés.,prolég.,  sect. 
i,  c.  8,  s'est  avisé  de   soutenir  qu'un  juif 


liouvait  très-aifficilement  prouver  aux  païen» 
la  vérité  et  la  divinité  de  sa  religion,  et  que 
nous  ne  pouvons  y  réussirnous-iiièmes  que 
par  le  témoignage  de  Jésus-Christ  et  des 
apôtres,  dont  la  mission  nous  est  certaine- 
ment connue. 

Ayant  d'examiner  les  raisons  sur  lesquel- 
les il  a  étayé  ce  paradoxe,  nous  ne  ])Ouvons 
nous  empêcher  de  témoigner  notre  étonne- 
nient  :  comment  ce  critique  ,  qui  montre 
souvent  tant  de  sagacité,  n'a-t-il  pas  aueiçu 
les  conséquences  de  sa  ))rétention  ?  11  "s'en- 
suivrait, 1°  que  Dieu  a  très-mal  pourvu  à  la 
foi  et  au  salut  des  Juifs,  |)uisqu'il  n'a  4)as  re- 
vêtu leur  religion  de  jireuves  assez  fortes 
pour  fonder  la  croyance  de  tout  houune  rai- 
sonnable et  instruit  ;  qu'en  cela  même  Dieu 
a  ôté  aux  païens  un  des  moyens  les  plus  pi  o- 
pres  à  les  délromi)er  du  polythéisme,  et  à 
les  conduire  à  la  connaissance  du  vrai 
Dieu  :  supposition  contraire  h  ce  qu'il  a  dé- 
ckiré  formellement  lui-même  par  ses  piophè- 
tes.  Il  dit  et  répète  parla  bouche  d'Ezéchiel, 
que  s'il  a  tiré  les  Israélites  de  l'Lgypte,  s'il 
les  a  conservés  dans  le  désert  malgré  leurs 
infulélilés,  s'il  les  a  punis  par  la  captivité  de 
Babylone,  et  s'il  veut  les  rétablir  dans  la 
Terre  prondse,  c'est  alln  que  toutes  les  na- 
tions sachent  cju'il  est  le  Seigneur  et  l'arbi- 
tre souverain  de  l'univers  (Ezech.  c.  xx, 
V.  9,  14,  48  ;  c.  xxvni,  v.  2a  ;  c.  xxxvi,  v.  22, 
30  ;  c.  xxxvii,  V.  28,  etc.). 

Il  s'ensuivrait,  en  second  lieu,  que  nous 
n'avons  point  d'autre  ])reuvo  solide  de  la  di- 
vinité du  judaïsme  que  la  parole  de  Jésus- 
Christ  et  des  apôtres  ;  que  ceux  qui  la  dé- 
montrent aujourd'hui  par  îles  raisons  tirées 
de  la  nature  même  de  cette  religion,  de  sa 
convenance  avec  les  besoins  du  genre  hu- 
main dans  l'état  ou  il  était  pour  lors,  de  la 
sainteté  de  ses  dogmes  et  de  sa  morale  en 
comparaisr)n  de  la  croyance  des  autres  na- 
tions, etc.,  raisonnent  mal  et  perdent  leur 
temps  ;  qiie  nos  anciens  ajiolosistes,  qui  ont 
voulu  prouver  aux  païens  la  vérité  de  l'his- 
toire juive,  y  ont  mal  réussi.  Le  Clerc  se  ré- 
fute lui-même  en  répondant  à  la  plupart  des 
objections  qu'il  ])ropose,  et  en  les  résolvant 
par  des  raisons  tirées,  non  de  l'Evangile  , 
mais  de  la  lumière  naturelle  etdusenscom- 
nnui.  Nous  le  verrons  ci-après.  L'espèce  de 
dissertation  qu'il  a  faite  sur  ce  sujet  ne  [lent 
donc  aboutir  qu'à  conhrmer  les  sociniens 
dans  l'idée  désavantageuse  qu'ils  ont  et  qu'ils 
donnent  de  la  religion  juive ,  et  à  fourinr 
des  armes  aux  incrédules  pour  attaquer  la 
révélation.  Quoique  Le  Clerc  déclare  et  pro- 
teste que  ce  n'est  point  là  son  dessein,  il 
n'est  pas  moins  vrai  qu'il  a  produit  cet  ef- 
fet, puisque  les  objections  qu'il  prête  à  un 
païen  pour  embarrasser  un  juif  qui  aurait 
voulu  en  faire  un  prosélyte,  ont  été  la  plu- 
part copiées  par  les  incrédules  de  nos  jours. 

Il  prétend  d'abord  qu'un  juif  ne  [louvait 
prouver  sans  beaucoup  de  difliculté  l'anti- 
quité des  livres  de  Moïse  ,  ou  leur  authen- 
ticité ,  ni  la  vérité  de  tout  l'Aifcien  Testa- 
ment, ni  la  divinité  ou  l'inspiration  ue  tous 
ces  écrits.  Cependant  les  plus  habiles  écri- 


119 


JUD 


JUD 


120 


vains  ae  noire  siècle,  môme  cncz  les  pro- 
testants, ont  prouvé  que  Moïse  est  vérita- 
blement l'auteur  du  Penlaleuque  ;  que  ce 
livre  est  par  conséquent  plus  ancien  que 
toutes  les  histoires  profanes  :  nous  l'avons 
prouvé  nous-raêmo  au  mot  Pentatelque, 
et  nous  ne  craignons  pas  que  les  incrédules, 
endoctrinés  par  Le  Clerc,  viennent  à  bout  de 
renverser  nos  preuves.  Nous  avons  démon- 
tré de  même  la  vérité  de  Dùstoire  juive  au 
mot  Histoire  sainte.  Quant  à  la  divinité  ou 
à  l'inspiration  des  livres  de  l'Ancien  Testa- 
ment, en  général,  nous  convenons  qu'elle  ne 
peut  être  solidement  prouvée  que  par  le 
témoignage  de  Jésus-Christ  et  des  apôtres  ; 
mais  nous  soutenons  aussi,  contre  Le  Clerc 
«t  contre  les  protestants,  que  nous  ne  pou- 
vons être  certains  de  ce  témoignage  que  par 
..elui  de  l'Eglise  :  car  enfin  nous  les  détions 
■:iiÈ  nous  citer  dans  le  Nouveau  Testament 
'niTi  passage  dans  lequel  Jésus-Christ  ou  les 
apôtres  aient  déclaré  que  tous  les  livres  de 
l'Ancien  placés  dans  le  canon,  sont  inspirés 
et  parole  de  Dieu.  Voy.  Ecriture  sainte  , 
§  1  et  2. 

Les  païens,  dit  Le  Clerc,  ne  pouvaient  pas 
croire  aisément  la  création  du  monde  et 
celle  de  l'homme  ,.le  péché  de  nos  premiers 
parents,  le  déluge  universel ,  l'arche  qui 
renfermait  tous  les  animaux,  etc.  Mais  nous 
avons  fait  voir  que,  malgré  l'avis  de  ce  cri- 
tique et  de  tous  les  sociniens,  le  dogme  de 
la  création  est  démontré,  que  l'histoire  de  la 
chute  de  l'homme  ne  renferme  rien  d'in- 
croyable, que  le  déluge  universel  est  encore 
attesté  par  toute  la  face  du  globe  ,  que  les 
miracles  de  Moïse  sont  prouvés  d'une  ma- 
nièi'e  incontestable,  etc.  îl  en  est  de  mê- 
me de  tous  les  autres  faits  historiques,  con- 
tre lesquels  les  incrédules  se  sont  élevés, 
et  qui,  au  jugement  de  notre  critique,  de- 
vaient révolter  ou  scandaliser  les  païens.  Il 
ne  convenait  guère  à  un  savant  qui  faisait 
profession  du  chiistianisme,  de  vouloir  nous 
persuader  que  les  objections  des  anciens 
auteurs  p.-i.ens,  tels  que  Celse,  Julien,  Por- 
phyre, etc.,  contre  ]e  judaïsme,  étaient  très- 
redoutables  ;  que,  tout  considéré,  un  juif, 
quelque  habile  qu'il  fût,  était  incapable  d'y 
répoudre  ;  qu'ainsi  un  païen  était,  îi  le  bien 
prendre,  dans  une  ignorance  invincible  à 
l'égard  de  la  notion  et  du  culte  d'un  seul 
Dieu 

Il  ne  sert  à  rien  de  dire  que  Dieu  avait 
donné  la  loi  de  Moïse  pour  les  Juifs  seuls  ; 
du  moins  il  n'avait  pas  réservé  pour  eux 
seuls  les  grandes  vérités  sur  lesquelles  ces 
lois  étaient  fondées,  et  que  Dieu  avaient  ré- 
vélées depuis  le  commencement  du  monde  : 
1  unité  de  Dieu,  la  création ,  la  providence 
divine,  générale  et  particulière,  l'immortalité 
de  l'âme,  les  peines  et  les  récompenses  d'u- 
ne autre  vie,  la  future  venue  d'un  Ué(lemp- 
teur  pour  le  salut  de  tout  le  genre  humain, 
etc.  Or,  toutes  les  nations  lont  les  Juifs 
étaient  environnés  ne  pouvaient  parvenir  à 
la  connaissance  de  toutes  ces  vérités  par  un 
moyen  plus  facile  et  plus  sûr  que  par  l'his- 
toire dont  les  Juifs  étaient  dépositaires,  et 


par  la  tradition  constante  qu'il  avaient  reçue 
de  leurs  pères,  dont  la  chaîne  remontait  jus- 
qu'au premier  âge  du  monde.  De  l;i,  sans 
doute,  est  venue  la  multitude  des  prosélytes 
qui  avaient  embrassé  le  judaïsme  dans  les 
siècles  de  la  prospérité  ile  cette  nation  :  il 
est  probable  que  le  nombre  en  aurait  été 
plus  grand  vers  le  temps  de  la  venue  du 
Sauveur,  sans  les  persécutions  continuelles 
que  les  Juifs  essuyèrent  de  la  part  des  Grecs 
et  des  Romains.  On  ne  nous  persuadera  ja- 
mais que  tous  ces  honnêtes  païens  avaient 
changé  de  religion  sans  aucun  motif  solide 
de  persuasion. 

Notre  critique  a  encore  plus  de  tort  d'a- 
vancer que  la  plupart  des  rites  judaïques 
étaient  empruntés  des  païens  ;  que  ceux-ci 
ne  pouvaient  pas  les  juger  plus  saints  ni 
plus  respectables  chez  les  Juifs  que  chez  eux. 
Nous  avons  prouvé  la  fausseté  de  cet  em- 
prunt au  mot  Loi  cérémonielle.  Avant  l'a- 
bus que  les  païens  avaient  fait  des  cérémo- 
nies religieuses  pour  honorer  les  fausses  di- 
vinités ,  les  patriarches ,  ancêtres  des  Juifs, 
les  avaient  employées  au  culte  du  vrai  Dieu. 
La  plupart  de  ces  rites  se  sont  trouvés  les 
mêmes  chez  des  nations  qui  ne  pouvaient 
avoir  eu  ensemble  aucune  relation  ,  jiarce 
qu'ils  ont  été  dictés  par  un  instinct  naturel 
aussi  bien  que  par  la  révélation  [)rimitive  ; 
ainsi  l'emprunt  supposé  par  Le  Clerc  et  par 
les  incrédules  est  un  soupçon  sans  fonde- 
ment. Ce  critique  trop  h^rdi  a  eu  tort  de 
dire,  ibid.,  sect.  3,  c.  3,  §  14  :  «  Ces  rites 
ressemblent  tellement  à  ceux  des  païens , 
que  si  nous  ne  savions  pas  par  l'Evangile 
que  Dieu,  en  les  ordonnant,  a  voulu  se  pro- 
portionner à  la  faiblesse  d'un  peuple  gros- 
sier ,  et  ne  les  a  institués  que  pour  peu  de 
temps,  nous  aurions  peine  à  y  reconnaître 
les  traits  de  la  sagesse  divine.  »  1°  L'on  ne 
peut  pas  appeler  peu  de  temps  une  durée  de 
quinz(î  cents  ans.  2°  11  est  prouvé  par  les 
prophètes,  aussi  bien  que  p,ir  l'Evangile, 
que  l'ancienne  alliance  en  promettait  une 
nouvelle.  3'  Nous  serions  en  état  de  prouver 
que  toutes  les  lois  cérémonielles  étaient 
très-sages  ,  eu  égard  aux  circonstances  ,  que 
la  plupart  étaient  directement  contraires  aux 
usages  des  païens,  et  tendaient  à  préserver 
les  Juifs  de  l'idolâtrie. 

Comme  les  autres  sociniens  ,  il  assure 
qu'il  n'est  fait  mention  de  l'immortalité  do 
l'âme  et  de  la  vie  future  dans  les  anciens  li- 
vres des  Juifs  ,  que  d'une  manière  très-ob- 
scùre  et  très-équivoque;  que  si  les  derniers 
écrivains  juifs  en  ont  parle  plus  clairement, 
ils  avaient  reçu  cette  connaissance  des  poè- 
tes et  des  philosophes  grecs ,  surtout  des 
platoniciens.  Au  mot  Ame,  §  2,  nous  avons 
fait  voir,  par  de  bonnes  |)reuves,  que  ce 
dogme  essentiel  a  été  cru  ,  non-seulement 
par  Moïse  et  par  les  anciens  Juifs,  mais  par 
les  patriarciies,  leurs  aïeux  et  leurs  institu- 
teurs. Il  est  prouvé  d'ailleurs  que  cette 
croyance  de  la  vie  future  s'est  retrouvée 
chez  les  sauvages  de  l'Amérique,  chez  les 
insulaires  de  la  mer  du  Sud,  (liez  les  nègres 
et  chai  les  Lapons  ;  ce  ne  son',  certainement 


1-21 


JUD 


jias  les  philosophes   platoniciens  qui   l'ont 
portée  dcins  res  divers  rlimats. 

Entin  ,  ])iiisqiie  Le  Clerc  convient  ([u'cn 
vertu  (les  luinières  ([ue  nous  avons  reçues 
par  rEvanj,'iie  nous  somiiies  en  6X:d  do  ri'fu- 
ter  victorieusement  les  objections  des  païens, 
il  y  a  du  ridicLd('  à  supposer  que  les  Juifs 
ne  pouvaient  pas  y  satisf.dre  avec  le  secours 
de  la  révélation  primitive,  faite  auv  judriar- 
ches  longtemps  avant  celle  que  Dieu  doiuia 
par  Moïse.  11  est  certain  ,  au  contraire  ,  ciue 
celle-ci  fut  donnée  ,  non-seulement  pour  les 
Juifs,  mais  afin  que  les  nations  qui  étaient 
à  portée  d'en  j)rendre  connaissance,  pussent 
renouer  par  ce  moyen  la  chaîne  de  la  tradi- 
tion priuntive,  que  les  ancêtres  de  ces  na- 
tions avaient  laissé  rompre  pai'  une  négli- 
gence très-blnniAble.  11  est  donc  évident  que 
le  censeui'  du  judnisme.  en  a  très-mal  connu 
l'esprit  et  la  ileslination. 

*  JuDikisME  nEFOBMÉ.  Lc  judaisiiic  semblait  une  reli- 
gion alisohinicnt  stalionnaire,  que.rien  au  monde  ne 
ponnail  t'iiianler.  Dix-lniit  ccnls  ans  d'existciico  au 
uiilieii  de  loulcs  les  iclii?ions,  de  tdiitcs  les  iiislitii- 
lioiis  inililii|nes  el  de  ions  les  |ien|iles,  paraissiiienl 
le  nielue  à  convert  de  loules  les  aUeiiUes  du  pliilo- 
sopliismc.  11  s'est  ébranle  en  Allemagne.  Il  y  a  com- 
mencé nne  liansforniatioji  qni  pourra  se  eonununi- 
quer  au  loin.  D's  1818,  on  y  loima  une  église  Israé- 
lite dont  voici  la  (b'seriplion  : 

<  L'iniérieur  du  leniple  esl  sintplement,  mais  élé- 
gannuenl  onu-  ;  il  s'y  trouve  un  oriiue  et  une  chaire. 
L'orgue  est  placé  au-dessus  de  la  porte  d'enirce,  lu 
chaire  est  élevée  en  faee.  La  net  est  oeeiipée  par  des 
bancs  cuire  les  rangs  des(piels  on  a  laissé  un  espace 
libre,  pour  s'y  tenir  delioul;  ces  bancs  et  cet  espace 
sont  exclusivement  réservés  aux  honnncs  ,  les  l'eni- 
incs  prenant  place  dans  1  s  n  ibunes  élevées  des  deux 
Cotés  de  la  net.  I.cs  places  des  bancs  sont  numéro- 
tées et  louées  ;  près  de  la  chaire  se  Irouvent  deux 
rangs  de  sièges  réservés  aux  étrangers.  Le  temple 
est  placé  sous  l'adminislralicui  de  (piaire  directeurs 
et  de  plusieurs  députés  dont  les  fonctions  sont  gra- 
liiiles.  Deux  prcdira^its  soûl  chargés  de  l'exercice  du 
culte  :  ce  sont  les  doeleurs  Kley  el  Salomoii.  Leur 
Irailejuenl,  ainsi  (pic  la  solde  dcx  clercs  iitlncliés  (iii 
lervicii  de  l'Eglise,  sont  |)aycs  sur  la  caisse  du 
temple. 

«  Chaque  samedi  et  à  chaque  fêle  israélile,  un 
service  public  est  célébré  dans  le  temple  ;  un  sermon 
y  est  prononcé  de  neuf  à  dix  heures  du  matin,  eu 
laniiue  ulUmande.  Les  prières  liiurgiques  y  sont  al- 
tcrnalivemenl  récitées  en  liélireu  et  en  allemand. 
Les  cantiques,  au  contraire,  cpii  y  sont  cxéenlés  par 
un  clio'ur  bien  composé,  avec  aeconipagiiement  de 
l'orgue  et  sur  des  mélodies  convenables,  sont  tou- 
jours chantés  en  langue  allemande  ;  il  en  est  de 
même  des  sermons  toujairs  prêches,  comme  il  a  été 
dit,  en  allemand.  Plusieurs  de  ces  sermons,  qui  of- 
frent un  gland  inlérèl,  ont  éle  publics  par  leurs  au- 
teurs, les  docteius  Kley  el  Salonioii.  Quelques  volu- 
mes en  oui  déjà  pain. 

I  La  dircelion  du  temple  songe  à  améliorer  et 
augmenter  le  livre  des  canlicpies,  atlciulu  que  parmi 
ses  thèmes  actuels  il  ne  s'en  trouve  i)as  toujours 
d'appropriés  aux  sujets  des  sermons,  et  déjà  les  plus 
célèbres  poêles  di;  rAUeniagne  ont  été  invités  a  con- 
courir à  cette  o'uvre.  Le  local,  trop  petit,  et  sa  fré- 
quentation ijui  va  toujours  croissant,  obligeront  sous 
peu  à  songer  également  à  la  conslruction  d'un  édilice 
plus  vaste,  les  assemblées  élaut  souvent  trop  con- 
sidérables pour  y  trouver  i)lace.  Les  Israélites  de 
raiicien  vite  colêbrenl  leurs  (dlices  dans  /««rs  syna- 
goguet,  établies  dans  d'autre  parties  de  la  ville.  > 


JUt  IM 

JUDAS  ISCARIOTE  était  .  un  des  douze 
apôtres  que  Jésus-Christ  avait  choisis,  mais 
il  trahit  son  maître  et  le  livra  aux  Juifs.  Celle 
perfidie,  qui  a  rendu  exécrable  sa  mémoire, 
loin  ilo  fonder  aticun  soupçon  contre  la  sain- 
teté de  Jésus-Christ,  la  démontre  d'une  ma- 
nière invincible.  Judns  ne  révèle  aux  Juifs 
aucune  imiiosture,  aucun  mauvais  dessein, 
aucun  crime  de  Jésus  ni  de  ses  discijdes  ;  il 
se  borne  à  indiquer  le  moyen  de  se  saisir 
de  Jésus  sans  liriiit  et  sans  ilangcr.  Si  Jésus 
avait  été  un  imposteur,  un  si'ducteur,  nu 
opérateur  de  faux  miracles,  Judns  aurait  fait 
une  action  louable  en  dévoilant  la  fourberie 
aux  chefs  de  la  nation  ;  il  n'aurait  dtl  en 
avoir  aucun  remords.  Cependant,  lorsqu  il 
voit  que  son  ]Maitr(>  est  condamné,  il  va  se 
déclarer  coupable  d'avoir  ^rn/*/  tin  juste  ;  il 
jette  dans  le  temple  l'argent  qu'il  avait  reçu, 
et  se  pend  [)ar  désespoir.  Le  champ  nommé 
Jlakcldamach,  le  champ  de  smuj,  attestait 
l'innocence  do  Jésus,  le  repentir  de  son  dis- 
ciple, l'injustice  volontaire  et  réfléchie  des 
Juifs. 

La  conduite  de  ce  disciiilo  infidèle  a  fourni 
aux  Pères  de  l'Eglise  d'autres  réflexions 
très-iiuportantcs.  Saint  Jean  Chrysostoiuc, 
dans  deux  homélies  sur  ce  sujet,  fait  remar- 
quer les  traits  de  bonté  et  de  miséricortle  de 
Jésus-Christ  à  l'égard  àc  Judas  :  les  paroles 
qu'il  lui  adresse,  le  baiser  qu'il  lui  donne 
pour  toucher  son  cœur  et  le  faire  rentrer 
en  lui-'inôme.  «  Ce  perfide,  dit-il,  vendit  son 
Maîlre  jiour  trente  deniers;  malgré  cet  ou- 
trage, Ji'sus-Christ  n'a  pas  refusé  de  donner 
pour  la  rémission  des  péchés  ce  môme  sang 
vendu,  et  de  le  donner  au  vendeur  même, 
si  celui-ci  avait  voulu.  Le  Seigneur  lui  avait 
aecor.lé  tout  ce  qui  dépendait  de  lui,  mais  le 
traître  persévéra  dans  son  dessein.  »  Hom. 
1,  de  Prodit.  Judœ,  n.  3  et  5. 

Saint  Ambroise,  saint  Astérius,  évé(pie 
d'Amasée,  saint  Amphiloque,  saint  Cyrille 
d'Alexandrie,  saint  Léon,  saint  Augustin, 
disent  de  même  que  le  sang  de  Jésus-Chrisi 
a  été  versé  pour  Judas,  qu'il  ne  tenait  qu'à 
luid'en  profiter.  Origène,  Tract.  35,  inMatth., 
n.  12",  a  fait,  sur  le  désespoir  de  ce  disciple, 
nne  conjecture  singulière  ;  il  pense  (jue 
Judas  voulut  prévenir  par  sa  mort  celle  de 
son  .Maître,  espérant  de  le  trouver  dans  l'an- 
tre monde,  de  lui  confesser  son  péché,  et 
d'en  obtenir  le  pardon.  Il  n'excuse  point 
cette  erreur. 

JUDE  (saint;,  apôtre,  surnommé  Thodre, 
Lébce  et  le  Zélé,  est  aussi  appelé  quelquefois 
frrre  du  Seir/neur ,  c'est-à-dire  parent  de 
Ji'sus-Christ  :  on  croit  qu'il  était  flls  de  Ma- 
ii(\  épouse  do  Cléophas,  et  sœur  ou  cousine 
de  la  sainte  ^'ierge;  qu'il  était  par  consé(picnt 
frère  de  saint  Jacques,  évèqne  de  Jérusalem. 
Les  Américains  le  révèrent  comme  leur  a])ô- 
tre  particulier. 

Il  nous  reste  de  lui  une  épitre  assez  courte, 
qui  ne  contient  que  vingt  cinq  versets  :  elle 
est  adressée  aux  fidèles  en  général.  On 
ignore  en  quel  temps  précisément  elle  a  été 
('(•rite;  mais,  comme  dans  les  v.  17  et  18, 
saint  Jude  parle  des  apôtres  comme  de  per- 


123 


iUD 


JUD 


124 


sonnages  qui  n'esislent  plus,  on  présume 
qu'elle  a  été  écrtlé  après  l'an  66  ou  67  de 
Jésns-Clirist,  peut-être  même  après  la  ruine 
de  Jérusalem,  Quelques-uns  en  reculent  la 
date  jusqu'en  l'an  90.  L'apôtre  y  combat  de 
faux  docteurs,  que  l'on  croit  être  les  nico- 
laites,  le  simoniens  et  les  gnostiques,  (|ui 
troublaient  déj;i  l'Eglise;  il  avertit  les  tidèles 
de  se  précautionner  contre  eux.  Cette 
épître  n'a  pas  été  d'aliord  reçue  comme  ca- 
nonique par  le  seuliment  unanime  de  tout;  s 
les  Eglises;  quelques  anciens  ont  douté  de 
son  authenticité,  parce  que  l'auteur  cite  une 
pro[)Iiétie  d'Enoch,  qui  semljle  tirée  du  livre 
ai)ocryphe  publii''  sous  le  nom  de  ce  patriar- 
che, et  un  fait  concernant  la  mort  de  Moise, 
qui  ne  se  trouve  point  dans  les  livres  cano- 
niques de  l'Ancien  Testament  :  de  là  on  a 
supposé  que  ce  fait  est  tiré  d'un  autre  ou- 
vrage apocryphe  intitulé  :  VAssomption  de 
Moise.  Mais  ces  deux  conjectures  n'ont 
jamais  été  assez  certaines  pour  donner  droit 
de  contester  l'authenticité  de  Vépitrcdc  saint 
Juch;  cet  apôtre  peut  avoir  cité  la  iirophétie 
d'Enoch  et  le  fait  concernant  Moïse,  sur  la 
foi  de  quelque  ancienne  tradition,  sans  avoir 
eu  en  vue  aucun  livre.  11  n'y  a  aucune 
preuve  que  le  livre  apocryphe  d'Enoch  ait 
été  déjà  écrit  Tan  67  ou  lan  70,  ni  que  la 
prophétie  dont  nous  parlons  ait  été  contenue 
dans  ce  livre.  Peut-être  est-ce  le  verset  l-ï 
de  l'ép'itre  de  saint  Jude  qui  a  donné  lieu  à 
un  faussaire  de  fabriquer  le  prétend^  livre 
d'Enoch;  et  celui  de  l'Assomption  de  Moise 
semble  être  encore  plus  moderne. 

Eusèbe,  Ilist.  ecclés.,  iiv.  ii,  chap.  25,  dit 
c(ue  Yépitre  de  saint  Jude  a  été  peu  citée  par 
les  anciens;  elle  est  en  effet"  trop  conrte 
pour  que  l'on  ait  lieu  de  la  citer  souvent; 
mais  il  témoigne  qu'elle  était  lue  publique- 
ment dans  plusieurs  Eglises.  Origèue,  saint 
Clément  d'Alexandrie  ,  TertuUi'eu  et  les 
Pères  postérieurs  l'ont  reconruie  pour  ca- 
nonique ;  et  depuis  le  iV  siècle  il  n'y  a  point 
eu  de  contestation  sur  ce  sujet.  C'est  mal  à 
propos  que  Luther,  les  ceuturiateurs  de  Mag- 
debourg  et  les  anabaptistes  ont  persisté  à  la 
regarder  comme  douteuse,  et  à  s'en  tenir  à 
la  simple  conjecture  des  anciens.  Le  Clerc  ne 
fait  aucune  ddliculté  de  l'admettre,  llist.  ec- 
eccli'siast.,  an  90 

Grotius  a  pensé  que  cette  e'ptirc  n'était  pas 
de  saint  Jude,  a])ôtre,  mais  de  Judas,  quin- 
zième évoque  de  Jérusalem,  duquel  on  ne 
connaît  que  le  nom  ,  et  qui  vivait  sous 
Adrien  ;  il  croit  que  ces  mots  fratcr  autcin 
Jacobi,  qu'on  lit  ilans  le  verset  1,  ont  été 
ajoutés  par  les  copistes,  parce  que  saint  Jude 
ne  prend  pas  la  tpialilé  d'apôtre,  et  que  si 
cette  lettre  eût  été  véritablement  de  lui,  elle 
auraii  été  reçue  d'abord  par  toutes  les  Egli- 
ses. Vaines  imaginations.  Saint  Pierre,  saint 
Paul,  saint  Jean,  n'ont  pas  pris  la  qualité 
d'apôtres  à  la  télé  de  toutes  leurs  lettres,  et 
quel  |ues  Eglises  ont  douté  d'abord  de  l'au- 
thenticilé  d'autres  écrits  qui  ont  été  recon- 
nus univers.dleiuent  dans  la  suite  pour  au- 
tlienli([ues  et  canoniques. 

On  a  encore  attribué  à  saint  Jude  un  faux 


livangtle,  qui  a  été  déclaré  apocryphe  par  le 
pape  (iélase,  au  v°  siècle. 

JUDITH,  nom  duu  livre  historique  de 
l'Ancien  Testament,  ainsi  appelé,  parce  iju'il 
contient  l'histoire  de  Judith,  héroïne  juive, 
qui  délivra  la  ville  de  HcHliulic,  assiégée  |)ar 
Holopherne,  général  de  Nabuchodonosor,  et 
mit  à  mort  ce  général.  On  ne  sait  pas  |iréci- 
sémcnt  qui  est  l'auteur  de  cette  histoire; 
mais  il  ne  paraît  pas  avoir  vécu  longicmps 
après  l'événement.  Ou  a  disputé  beaucoup 
sur  la  canonicité  de  ce  livre.  Du  temi)S  d'O- 
rigène,  les  Juifs  l'avaient  en  hébreu  ou 
plutôt  en  chaldéen,  et,  selon  saint  Jérôme, 
ils  plaçaient  ce  livre  au  rang  des  hagiivgra- 
phes  :  c'est  sur  le  chaldéen  que  ce  Père  a  fait 
sa  version  latine  ;  elle  est  très-diU'érente  de 
la  traduction  grecque,  qui  n'est  pas  exacte; 
mais  la  version  syria<pie  que  nous  en  avons 
a  été  ])rise  sur  un  grec  plus  correct  que 
celui  (pi'on  lit  aujourd'luii.  Les  Juifs  ne  met- 
tent plus  ce  livre  dans  leui'panon  des  saintes 
E>ritures;  mais  l'Eglise  chrétienne  a  eu  de 
bonnes  raisons  pour  l'y  placer. 

Saint  Clémeat,  pape,  a  cité  l'histoii'e  de 
Judith  dans  sa  Première  lettre  axix  Corin- 
thiens, de  même  que  l'aule  ir  des  Constilu 
lions  apostoliques.  Saint  Clément  d'Alexan- 
drie, Strom.,  lib.  iv;  Origène,  flom.  19,  m 
JcroH.,  et  tnm.  111,  in  Joann.;  Tertullien, 
L.  de  Monogum.,  c.  17;  saint  Amlirois^, 
L.  iii,  de  Officiis,  et  /-.  de  Vidait.;  saint  Jé- 
rôme, Episi.  ad  Euriam,  ou  font  mention. 
L'auteur  de  la  Synopse  attribuée  à  saint 
Allianase  en  a  donné  le  |irécis,  comme  des 
autres  livres  sacrés.  Saint  Augustin,  L.  de 
Doctr.  Christ.,  cap.  8;  le  fiape  <nnoceiit  l", 
dans  sa  Lettre  à  Exupcrc;  le  pape  (îélase, 
dans  le  concile  de  Uuiue;  saint  Fulgence  et 
deux  auteurs  anciens,  dont  les  sermons  soin 
dans  l'appendix  du  cinquième  louie  de  saint 
Augustin,  reçoivent  ce  livre  comme  canoni- 
que :  il  a  été  déclaré  tel  par  le  concile  de 
Trente.  Saint  Jérôme  ilit  que  le  concile 
de  Nicée  le  comptait  déjà  eniro  les  Kcri- 
tiires  divines  :  il  avait  sans  doute  des  preu- 
ves de  ce  fait.  Origène  atteste  que  de  sou 
temps  on  le  lisait  aux  caléclmmcnos. 

Qnehpies  incrédules  modernes  ont  fait  sur 
l'histoire  de  Judith  des  coiinnentaires  faux 
et  très-indécents.  Ils  disent  que  l'on  ignore 
si  l'événement  dont  elle  ])arle  est  arrivé 
avant  ou  après  la  captivité;  mais  ils  de- 
vraient savoir  qu'à  compter  du  règne  do 
Manassès  les  Juifs  ont  soull'ert  quatre  dé- 
portations de  la  part  des  monarques  assy- 
riens, et  que  jilusieurs  de  ceux-ci  ont  jiorté 
le  nom  de  Nabuchodonosor.  Celui  dont 
parle  le  livre  de  Judith  est  évidemment  le 
môme  qui  avait  vaincu  et  fait  prisonnier 
Manassès  (//  Parai.,  c.  xxxni,  v.  21)  ;  qui 
avait  remporté  une  victoire  sur  Arphaxad, 
roi  des  Mèdes  (Judith,  c.  i,  v.  5)  :  or,  celui- 
ci  est  le  Pliraorlcs  dont  parle  Hérodote, 
Iiv.  I.  En  plaçant  l'histoire  de  Judith,  à  la 
dixième  année  du  règne  de  Manassès,  il  ne 
reste  aucune  diflicultè.  Us  disent  que  l'on 
ignore  également  où  était  située  ISéthulie, 
si  c'était  au  Nord  ou  au  midi  da  Jérusalem 


125  JUD 

Quand  cela  serait,  il  ne  s'ensuivrait  rien  : 
il  y  a  bien  d'autres  villes  andciines  dunt  on 
ne  coiuiait  plus  aujourd'hui  la  vraie  posi- 
tion. Selon  le  livre  de  Judith,  Béthulie  était 
voi.sine  de  la  plaine  d'Esdrelon  :  or,  cette 
plaine  élait  certainement  dans  la  Galilée, 
entre  Betlisam  ou  Sc.thopolis  et  le  mont 
Carmel  ;  cette  ville  était  donc  situ(''e  à  trente 
lieues  ou  environ  au  n(jrd  de  Jérusalem. 

Surtout  il  ne  fallait  pas  calomnier  Judilfi, 
en  disant  (pie  cette  Icmmo  joi^jnit  au 
meurtre  la  trahison  et  la  prostitution.  Son 
histoire  assure  positivement  nue  Dieu  veilla 
sur  elle  et  que  sa  pureté  ne  reçut  aucune 
atteinte  [Judith,  c.  xiii,  v.  20).  On  n'a  ja- 
mais nommé  iraldson  ni  perfidie  les  l'uses, 
les  mensonges,  les  iaux  avis  dont  on  se  sert 
à  la  guerre,  jioor  tromper  l'ennemi  et  le 
l'aire  tomber  dans  un  pié^e;  le  meurtre  a 
toujours  été  censé  permis  en  pareil  cas,  du 
moins  chez;  les  anciens  pcujles.  Judith  est 
louée  de  cette  action  par  les  prêtres  juifs  et 
|>ar  le  peuple;  ils  rendent  grAces  Jl  Dieu  de 
la  délaite  d'un  ennemi  qui  les  avait  dévoués 
à  la  moi't  :  i)eut-on  les  condauuier? 

Ces  mêmes  critiques  olijectent  qnQ  Judith, 
selon  son  histoire,  a  vécu  cent  cinq  ans 
après  la  (lélivraïKC  de  Bélhulie;  il  faudrait 
donc  qu'elle  mit  été  Agée  au  moins  de  cent 
trente  cinq  ans  lors({u"elle  mourut,  ce  qui 
n'est  pas  probable.  Mais  c'est  une  fausse  \\\- 
lerprétation;  le  texte  porte  seulement  (pi'clle 
demeura  dans  la  maison  de  son  mari  jus- 
qu'à l'àt^'o  de  cent  cinq  ans  (  Judith,  c.  xvi, 
V.  28  ).  11  s'ensuit  seulement  qu'elle  vécut 
assez  longtemps  pour  taire  conserver  jus- 
qu'à la  tioisième  génération  le  souvenir 
tiés-distinct  de  son  histoire. 

L'historien  n'a  point  altéré  la  vérité,  lors- 
qu'il a  dit  que,  pendant  toute  la  vie  de 
cette  femme ,  et  mèuie  |)lusieurs  années 
après,  Israël  jouit  d'une  paix  que  l'ennemi 
ne  troubla  point  (Ihid.,  v.  30).  lin  elfet,  de- 
puis la  dixième  année  du  règne  de  Mauassès 
.iusi[u'àla  vingt-troisième  de  celui  de  Josias, 
dans  laquelle  Judith  mourut,  les  Israélites 
ne  furent  troubles  par  aucune  guerre  étran- 
gère ;  Josias  ne  fut  tué  qu'à  la  trentième 
année  de  son  règne,  en  combattant  conti  e 
les  Egyptiens. 

Nus  censeurs  de  l'histoire  de  Judith  ont 
fait  une  observation  très-fausse ,  lorsqu'ils 
on  dit  que  la  fête  célébrée  par  le-  Juifs,  en 
mémoire  di'  la  délivrance  de  Hélhidic,  no 
prouvait  rien;  qu'il  y  avait  chez  les  tirées  et 
chc/  les  Romains  une  infinité  de  lèles  qui 
n'attestaient  que  des  fables.  On  a  souvent 
défié  aux  inerédules  de  citer  lui  seul  exem- 
ple d'une  fôte  instituée  à  la  date  même  d'un 
événement,  ou  peu  de  temps  après,  et  jien- 
dant  la  vie  des  témoins  oculaires,  qui  n'at- 
testât qu'une  fable.  Les  fêtes  grec(iues  et  ro- 
maines n'avaient  été  ^tabhes  que  plusieurs 
siècU^s  après  les  événements  de  leur  his- 
toire fabuleuse;  on  ignorait  même  dans  la 
Grèce  et  à  Rome  quel  était  l'objet  d;^  la 
plupart  des  fêtes  qu'on  y  célébrait.  Mais 
l'historien  de  Judith  atteste  que  le  jour  de 
la  victoire  de  cette  héroiiie  fut  mis  au  rang 


JUG  126 

des  jours  saints,  et  que,  depuis  ce  temps-là 
jusqu'à  ce  jour,  il  est  célébré  connue  une 
fête  poi-  les  Juifs  ;  il  a  donc  été  institué  et 
célébré  par  les  témoins  oculaires  de  l'événe- 
ruent  [Judith,  c.  xvi,  v.  21).  Ainsi  portait 
rexonq)laire  chaldéen  sur  lequel  saint  Jé- 
rôme a  fait  sa  tr  (ludion. 

JUtiEMLNl'.  Ce  (erme,  dans  l'Ecriture 
sainte,  se  prend  en  divers  sens.  11  signitie, 
1"  t(3ut  acte  (le  justice  exercé  même  par  un 
particulier,  l'aire  jugement  en  justice  [Gen. 
c.  xvcn,  V.  19),  c'est  rendre  à  chacun  ce  qui 
lui  est  dt'i.  2"  L'assemblée  des  juges  :  ;).s-.  i, 
V.  5;  il  est  dit  que  les  impies  n'oseront  pa- 
raître ou  se  montrer  en  juqemrnt,  ni  dans 
l'assemblée  des  justes.  Alu'tth.  c.  v,  v.  22, 
celui  qui  se  met  en  colère  contre  son  frère 
seracondaiimahle  l'1\  jugement,  ou  au  Iriliu- 
nal  des  juges.  3°  La  sentence  ou  la  condam- 
nation prononcée  par  les  juges.  Jerem., 
c.  XXVI,  V.  11,  un  jugement  de  mort  est 
une  condamnalidU  à  la  mort,  .'i"  La  peine  ou 
le  châtiment  d'un  ciinie  :  Dieu  dit  [t'xod., 
c.  XII,  V.  12)  :  J'c.rerceroi  îxp.s jugements  sur 
les  dieux  de  l'Kggpte,  c'est-à-dire  je  frapperai 
et  je  détruirai  les  objets  du  culte  des  h'gijp- 
tiens.  5"  Une  loi  (Exod.,  e.  i,  v.  1)  :  \o\c'\ 
\os  jugements,  c'est-h-dire  les  lois  (juc  vous 
él  blirez.  Dans  le  psaume  cxvni,  les  lois  do 
Dieu  sont  souvent  appelées  ses  jugements. 
6'  Les  jugements  de  Dieu  signifient  assez 
coiuuKinémcnt  la  conduite  ordinaire  de  la 
Providence;  c'est  dans  ce  sens  (pi'il  est  dit 
que  \tis  jugements  ile  Bien  sont  incomoréhen- 
sibles,  sont  un  alu'me,  etc. 

Ji(;e.ment  de  z^le.  C'est  ainsi  que  ics 
docteurs  juifs  ont  ajipelé  un  ]iréten',iu  droit 
établi  chez  leurs  aieux,  selon  le(pul  tout 
particulier  avait  droit  de  mettre  à  mort  sur- 
le-champ,  et  sans  aucune  forme  de  procès, 
quiconque  renonf;ait  au  culte  de  Dieu,  prê- 
chait l'idolâtrie  et  voulait  y  engager  ses  con- 
citoyens. On  a  voulu  prouver  ce  droit  par  le 
ch.  XIII  du  Deidéronomc,\.^ô;mn\fi  cet  endroit 
même  supjiose  qu'il  y  aura  un  jugement  ]iro- 
noncé  dans  l'assemblée  du  peuphî;  la  loi  veut 
seulement  que  chacun  se  porte  pour  accusa- 
teur. On  cite  encore  l'exemple  de  Phniées 
{Num.  c.  XXV,  v.  7)  ;  mais  il  était  moins  ques- 
tii^in  là  d'un  acte  d'idolltrie  que  d'un  scan- 
dale public  donné  à  la  face  du  tabeinarle  et 
de  tiiut  le  i)euple  assemblé.  Phinées  se  crut 
autorisé  par  la  présence  de  Moise  et  du  gros 
de  la  nation,  et  Dieu  a|)iirouva  sa  conihiite  : 
il  ne  s'ensuit  pas  que  tout  Israélite  ait  eu 
droit  de  l'imiter. 

Jlcement  dekmer.  L'Eglise  chrétienne, 
fondée  sur  les  paroles  de  Jésus-Christ 
[Matth.,  c.  xxy,  V.  31),  croit  qu'à  la  fin  du 
monde  tous  les  hommes  ressusciteront,  pa- 
raîtront au  tribunal  de  ce  divin  Sauveur , 
pour  être  jugés  en  corps  et  en  Ame;  ([ue  les 
justes  leccvront  pour  récompense  le  bonheur 
éternel,  et  que  les  méchants  seront  condam- 
nés au  feu  de  l'éternité.  Cette  sentence  gé- 
nérale sera  la  confirmation  de  celle  qui  a  été 
portée  contre  chaque  homme  en  particulier 
immédiateiuent  après  sa  mort.  <(  Il  faut,  dit 
saint  Paul,  que  uous  soyous  tous  présentés 


Fa 


m  JUG 

à  découvertaevantletiibunal  de  Jésus-Christ, 
flfin  que  chacun  remporte  ce  qui  appartient 
k  son  corps,  selon  qu'il  a  fait  le  bien  ou  le 
mal  {II  Cor.,  c.  v,  v.  10).  Ne  jugez  point 
votre  frère;  nous  paraîtrons  tous  devant  le 
tribunal  de  Jésus-Christ...  ainsi  chacun  de 
nous  rendra  compte  à  Dieu  pour  soi-même. 
{Rom.  c.xiv,  V.  10,  etc.)» 

Cette  vérité  est  terrible,  sans  doute,  et 
doit  être  souvent  répétée,  surtout  aux  pé- 
cheurs obstinés  ;  mais  saint  Paul  ranime  la 
confiance  des  tidôles,  en  leur  disant  qu'il  a 
fallu  que  Jésus-Christ  «  fût  semhlalile  à  ses 
frères  en  toutes  choses,  alin  qu'il  fût  misé- 
ricordieux, fidèle  pontife  auprès  de  Dieu,  et 
propitiateur  pour  les  péchés  du  |ieuple  (Hehr. 
c.  Il,  V.  17).))LorsquePélages'avisa  de  décider 
qu'au  jugement  de  Dieu  aucun  pécheur  ne 
seiait  pardonné,  mais  que  tous  seraient  con- 
damnés au  feu  éternel,  saint  Jérôme  lui  ré- 
oiidit  :  «  Qui  peut  souffrir  que  vous  borniez 
a  miséricorde  de  Dieu,  et  que  vous  dictiez 
la  sentence  dujuge  avant  lejour  du  jugement  ? 
Dieu  ne  pourra-t-il,  sans  votre  aveu,  pardon- 
ner aux  pécheurs,  s'il  le  juge  h  propos  ?  Vous 
alléguez  les  menaces  de  l'Ecriture  ;  ne  savez- 
vous  pas  que  les  menaces  de  Dieu  sont  sou- 
vent un  etl'et  de  sa  clémence?  »  Dial.  contre 
Pélag.,  c.  IX.  Saint  Augustin  le  réfuta  de  môme. 
«  Que  Pelage,  dit-il,  nomme  comme  il  vou- 
dra.celuiqui  pense  qu'au  jugement  de  Dieu 
aucun  pécheur  ne  recevra  miséricorde;  mais 
qu'il  saclie  que  l'Eglise  n'adopte  point  cette 
erreur;  car  quiconque  ne  fait  pas  miséricorde, 
sera  jugé  sans  miséricorde ...  Si  Pelage 
dit  que  tous  les  pécheurs  sans  exception  se- 
ront condamnés  au  feu  élenie!,  quiconque 
aurait  approuvé  ta  jugmnent  aurait  iirononcé 
contre  soi-même  ;  car  qui  peut  se  tlilter  d'ê- 
tre sans  péché?  »  L.  de  Gestis  Pelagii,  c.  m, 
n.  9  et  14. 

Chez  les  Grecs  schismatiques,  plusieurs 
ont  enseigné  que  la  récom|)ense  éternelle 
des  saints  et  la  damnation  des  méchants  sont 
dilKrés  jusqu'au  jugement  dernier.  Cette  ojïi- 
nion  fausse  fut  condamnée  jiar  le  quator- 
zième concile  général  tenu  à  Lyon  en  l'Ilk, 
et  par  celui  tle  Florence  en  14.38,  lorsqu'il 
fut  question  de  la  réunion  de  l'Eglise  grec- 
que avec  l'E^^lise  latine. 

il  est  dit  dans  le  prophète  Joël  (c.  m,  v.  2 
et  121  :  J'assemblerai  toutes  les  nations  dans 
la  vallée  de  Josaphat,  et  je  me  placerai  sur  un 
trône  pour  les  juger.  De  là  est  née  l'opi- 
nion populaire  que  le  jugement  dernier  doit 
se  faire  dans  cette  vallée.  Mais  Josaphat  si- 
gnifie jugement  de  Dieu,  et  il  est  incertain 
s'il  y  a  eu  dans  la  Palestine  ou  ailleurs  une 
vallée  do  ce  nom  :  dans  cet  endroit  le  pro- 
phète, en  disant  toutes  les  nations,  ne  dési- 
gne que  les  peuples  voisins  de  la  Judée,  et 
il  n'est  pas  aisé  de  voir  quel  est  l'événement 
qu'il  prédit  par  ces  paroles. 

Les  sociniens,  fondés  sur  un  passage  de 
l'Evangile  malentendu,  soutiennent  que  Jé- 
sus-Christ a  ignoré  le  jour  et  l'heure  du  ju- 
gement dernier.  Voy.  Agnoktes. 

JUGES.  On  nomme  ainsi  les  chefs  qui  ont 
gouverné  la  naliou  des  Hébreux  depuis  la 


JLl 


128 


mort  de  Josué  jusqu'au  règne  de  Saùl,  qui 
fut  le  premier  de  leurs  rois  ;  ce  qui  fait  un 
espace  d'environ  quatre  cents  ans  :  de  là  le 
livre  qui  en  contient  l'histoire  est  appelé  les 
Juges. 

On  ne   sait  pas    certainement  qui  en   est 
l'auteur  :  quelques-uns  l'ont  attribué  à  Phi- 
nées,  grand  prêtre  des  Juifs  ;  d'autres  à  Es- 
dras  ou  à  Ezéchias  ;  la  plupart  à  Samuel  :  ce 
dernier  sentiment  parait    le  plus   probable. 
1"  L'auteur  vivait  dans  un  temps  où  les  Jé- 
buséens  étaient  encore   maîtres  de  Jérusa- 
lem,  comme  on  le  voit  par  le  ch.  i,  v.  21, 
par  conséquent  avant  le  règne  de  David,  qui 
chassa   ces    Jébuséens  de  la    forteresse  do 
Sion.  2°  L'auteur,  en  parlant  de  ce  qui  s'est 
|)assé  sous  \es  juges,    remarque   plus  d'une 
ibis  qu'alors   il    n'y  avait  point  de   roi  dans 
Israël  ;  ce  qui  semble  prouver  qu'il  écrivait 
lui-même  sous  les   rois.  La  seule   difficulté 
considérable  qu'il  y  ait  contre  ce  sentiment, 
c'est  qu'il  est  dit,  chap.  xviii,  v.  30,  que  les 
enfants  de  Dan    établirent  Jonathan   et  ses 
fils  pour  servir  de  i^rètres  dans  la  tribu  de 
Dan,  jusqu'au  jour  de  la  captivité,  et  que  l'i- 
dole de  iMichas  demeura  parmi  eux  pendant 
que  la  maison  de  Dieu  fut  à  Silo.  Il  semble 
que  l'on  ne  peut  entendre  cellecaptivitéque 
de  celle  qui  arriva  sous  Theglat-Phalasar,  roi 
d'Assyrie,  plusieurs  siècles    après  Samuel. 
Le  texte  hébreu,  au  lieu  de  captivité,  porte 
jusqu'à  la  transmigration  du  pays  ;  mais  l'on 
observe  que  le  mot  hébreu  qui  signifie  déli- 
vrance, a  pu  être  aisément  confondu  avec  un 
aulie  qui  signifie  transmigration  :  ainsi  l'on 
peut  penserqu'il  est  ici  question  du  moment 
au(^uel  les  Israélites  furent  délivrés  du  joug 
des  Philistins,  placèrent  l'arche  du  Seigneur 
à  Galiaa,  et  renoncèrent  à  l'idolâtrie  (/  Reg. 
c.  vu).   Il  n'est  pas    probable   que  Samuel, 
Saiil  et  Daviil  aient  souffert  que  pendant  leur 
gouvernement  les  Danites    continuassent  à 
être  idolâtres. 

On  n'a  jamais  douté  de  l'authenticité  du 
livre  des  Juges  ;  il  a  toujours  été  dans  le  ca- 
non des  Juits  et  dans  celui  des  chrétiens. 
L'auteur  des  psaumes  en  a  tiré  deux  versets, 
ps.  Lxvii,  V.  8  et  9  ;  celui  du  second  livre  des 
Rois  en  a  cité  le  fait  delà  mortd'Achimélech; 
saint  Paul  cite  les  exemples  de  Jephté,  de 
Baruch  et  de  Samson. 

Les  censeurs  modernes  de  l'histoire  juive 
ont  argumenté  contre  plusieurs  des  faits  qui 
y  sont  rapportés.  On  trouvera  la  réponse  à 
leurs  objections  dans  les  articles  Aon,  Gk- 
vÉos,  Jephté,  Samson,  Puêtre. 

JUIFS.  Nous  n'avons  dessein  de  toucher  à 
l'histoire  des  Juifs  qu'autant  que  cela  est 
nécessaire  pour  faire  sentir  la  vérité  de  la 
narration  di^s  écrivains  sacrés,  et  pour  réfu- 
ter les  erreurs,  les  calomnies,  les  vaines  con- 
jectures que  les  incrédules  anciens  et  mo- 
dernes ont  voulu  y  opposer. 

Nous  parlerons  1°  de  l'origine  des  Juifs, 
2'  de  leurs  mœurs,  3°  de  leur  prospérité, 
4°  de  la  haine  que  les  autres  nations  leur 
ont  témoignée,  5°  du  choix  que  Dieu  avait 
fait  de  ce  peuple.  G"  de  son  état  actuel,  7°  da 
sa  conversion  future. 


129 


JL'l 


JUl 


150 


I.  Origine  du  peuple  juif.  On  sait  d'abord 
que  Ips  liistoiiens  grecs  et  romains,  et  en 
glanerai  tous  les  autours  profanes,  ont  été 
Irès-raal  instruits  de  rorijj;ine,  des  mœurs, 
des  lois,  de  la  religion  des  Juifs  ;  on  en 
sera  convaincu,  si  l'on  veut  lire  l'extrait 
d'un  mémoire  fait;»  ce  sujet  dans  Yflisloire 
de  l'Académie  des  Inscriptions,  t.  XIV,  îrt-12, 
p.  357.  Ce  peupli^  n'a  commencé  à  être  coniui 
des  autres  nations  que  (pianil  ses  livres  ont 
été  traduits  en  grec  sous  Ptolomée  Phila- 
delphe,  et  cette  traduction  n'a  pas  été  d'a- 
bord fort  répandue.  A  cette  époque,  la  réjni- 
blique  juive  était  sur  sa  lin,  et  déjà  elle  avait 
subsisté  phis  de  treize  cents  ans.  Diodore 
de  Sicile  et  Tacite,  deux  liistoriens  qui  ont 
le  plus  parlé  d(!s  Juifs,  les  connaissaient  fort 
mal.  Vouloir  s'en  rapporter  uniquement  à 
ce  qu'ont  dit  ces  étrangers,  c'est  un  entête- 
ment aussi  absiu'de  que  si  nous  voulions 
seulement  consulter  sur  les  Chinois  les  pre- 
miers voyageurs  ou  négociants  qui  ont  al)or- 
dé  à  la  Chine  ;  nous  n'avons  commencé  <\ 
prenilrc  des  notices  exactes  de  ce  dernier 
peuple,  que  quand  on  nous  a  fait  part  de  ce 
que  racontent  ses  proiires  historiens. 

C'est  donc  dans  rliistoire  juive,  et  non  ail- 
leurs, (]ue  nous  devons  apprendre  à  connaî- 
tre les  Juifs.  Elle  nous  dit  que  les  descen- 
dants d'Abraham  et  de  Jacob  furent  nommés 
d'abord  Hébreux  ;  que,  transportés  en  Egyp- 
te, ils  s'y  multiplièrent  ;  que  c'est  là  qu'ils 
ont  commencé  à  former  un  corps  de  nation. 
Elle  ajoute  que  sortis  de  l'Egypte,  ils  ont 
demeuré  dans  les  déserts  voisins  de  l'Ara- 
bie ;  qu'ils  se  sont  rendus  maîtres  du  pays 
des  Cliananéens,  nommé  aujounrhui  la  Pa- 
lestine ;  qu'ils  y  ont  formé  d'abord  une  ré- 
publi(iue  et  ensuite  deux  royaumes  ;  qu'a- 
près plusieurs  siècles,  ils  furent  subjugués 
et  transportés  au  delà  de  l'Euphrate  par  les 
rois  d'Assyrie.  Revenus  dans  leur  pays  sous 
Cyrus  et  ses  successeurs,' ils  y  établirent  do 
nouveau  le  gouvernement  républicain  et  ils 
y  ont  subsisté  ainsi  jusqu'à  ce  que  les  Ro- 
mains ont  soumis  la  Judée,  ruiné  Jérusalem 
et  dispersé  la  nation.  Il  n'est  aucun  do  ces 
faits  principaux  (|ui  ne  puisse  être  prouvé 
j)ar  le  récit  des  auteurs  profanes,  même  les 
plus  prévenus  contre  les  Juifs  ,  ils  sont  d'ail- 
leurs tellement  liés  entre  eux,  que  l'on  ne 
peut  en  détruire  un  seul  sans  renverser  toute 
la  suite  de  l'histoire.  Nous  n'avons  donc  be- 
soin d'aucune  discussion  pour  prouver  que 
les  Juifs  ne  sont  ni  une  peuplade  d'Egyp- 
tiens, comme  la  plupart  des  anciens  l'ont 
pensé,  ni  une  horde  d'Arabes  Bédouins, 
comme  quelques  modernes  l'ont  avancé  :  la 
ditîérenco  du  langage  de  ces  trois  peuples 
démontre  qu'ils  n'ont  pas  eu  une  même  ori- 
gine. C'est  la  rétlexion  que  Origène  opposait 
déjà  au  philosophe  Celse  ;  il  était  en  état 
d'en  juger,  puisqu'il  était  né  à  Alexandrie, 
qvi'il  avait  fait  plusieurs  voyages  en  Arabie, 
et  qu'il  avait  appris  l'hébreu  :  il  a  été  à  por- 
tée de  comparer  les  ti  ois  langues. 

Si  les  hébreux  furent  reçus  d'abord  en 
Rgvpte  à  titre  d'hospitalité,  comme  le  dit 
leur  histoire,  l'esclavage   auquel  ils  furent 


réduits  par  les  Egyptiens,  était  une  injustire 
et  une  tyrannie.  Lorsqu'ils  ont  été  assez 
forts,  ils  ont  élé  en  droit  de  sortir  de  l'E- 
gyjite  malgré  les  Egyptiens,  d'en  exiger  un 
dédommagement  de  leurs  travaux,  à  plus 
forte  raison  de  le  recevoir  à  titre  d'emprunt. 
La  compensation  qui  est  rarement  permise 
aux  particuliers,  est  très-légitime  de  nation 
à  nation.  Il  n'est  donc  pas  nécessaire  d(\  re- 
courir à  un  ordre  exprès  de  Dieu  pourfirou- 
ver  que  les  Juifs  n'étaient  point  une  bande  de 
voleurs,  que  l'on  a  toi  t  de  les  peindre  comme 
tels  ,  sous  prétexte  ([u'ils  ont  enlevé  aux 
Egyjitiens  ce  qu'ils  avaient  de  plus  précieux. 

On  a  mis  en  doutt^  si  soixante  et  dix  ia- 
millcs  issues  de  Jacob  ont  pu  produire,  clans 
un  espace  de  deux  cent  quinze  ans,  une  po 
nulation  assez  nombreuse  pour  donner  do 
l'inquiétude  aux  Egyptiens,  et  qui,  selon  le 
calcul  ordinaire,  devait  se  monter  à  deux 
millions  d'hommes.  Mais  il  est  prouvé  (jue 
l'Anglais  Pinôs,  jeté  dans  une  île  déserte 
avec  quatre  femmes,  a  produit  en  soixante 
ans  une  peuplade  de  sept  mille  quatre-vingt- 
dix-neuf  personnes  :  c'est  plus,  à  proportion, 
que  n'en  avaient  produit  les  enfants  de  Jacob. 

Nous  n'examinerons  pas  ici  si  la  sortie  des 
Hébreux  liors  de  rEg\pte  a  été  précédée, 
accompagnée  et  suivie  de  miracles  ;  cette 
discussion  est  renvoyée  à  l'article  Moike  , 
parce  que  c'est  la  preuve  de  sa  mission.  Les 
incrédules,  qui  ne  veulent  point  de  mira- 
cles, ne  nous  ont  point  encore  appris  com- 
ment et  par  quel  moyen  les  Hébreux  ont  pu 
se  tirer  de  l'Egypte,  et  subsister  pemlant 
quarante  ans  dans  un  désert  absolument 
stérile.  Il  faut  cependant  iju'ils  y  aient  vécu 
en  très-grand  nombre,  puisiiue  en  partant 
du  désert  ils  se  sont  emparés  de  la  Pales- 
tine, malgré  la  résistance   des  Chananéens. 

H.  Mœurs  des  Juifs.  L'on  a  souvent  de- 
mandé comment  Dieu  avait  choisi  par  préfé- 
rence un  peuple  ingrat,  rebelle,  intraitable, 
tel  que  les  Juifs.  Nous  répondrons,  1°  qu'il 
a  fait  ce  choix  pour  convaincre  tous  les 
hommes  que,  quand  il  leur  ftiit  du  bien,  c'est 
par  une  bonté  purement  gratuite,  et  que  s'il 
les  traitait  comme  ils  le  méritent,  il  les  ex- 
terminerait tous.  Moïse  n'a  pas  laissé  igno- 
rer aux  Juifs  cette  triste  vérité  ;  il  la  leur  a 
répétée  plus  d'une  fois,  et  nous  pouvons 
tous  tant  que  nous  sommes,  nous  appliquer 
la  même  leçon.  2°  Nous  délions  les  censeurs 
de  la  Providence  de  prouver  qu'au  siècle  de 
Moïse  il  y  avait  des  peuples  beaucoup  meil- 
leurs que  les  Juifs,  et  plus  dignes  des  bien- 
faits de  Dieu  :  nous  ne  les  connaissons  que 
par  le  tableau  que  Moïse  en  a  fait,  et  il  n'est 
rien  moins  qu'avantageux.  3°  L'on  exagère 
fort  mal  à  propos  les  vices  des  Juifs  et  le 
dérèglement  de  leurs  mœurs.  On  leur  prête 
des  crimes  et  des  atrocités  dont  ils  ne  furent 
jamais  coupables.  En  elfet,  la  conquête  de 
la  Palestine  est-elle  un  brigandage  abomi- 
nable, comme  on  la  représente  de  nos  jours  ? 
De  tous  les  peuples  conquérants  ou  usurpa- 
teurs, le  plus  innocent  ou  le  plus  excusable 
est  sans  doute  celui  qui  manijue  de  moyens 
naturels   de  subsistance,  qui  n'a  poitA  du 


151 


JUÏ 


JUI 


i9k 


{!: 


terres  h  cultiver,  et  qui  en  cherche  ;  s'il  en 
trouve  et  qu'on  les  lui  refuse,  il  esf  en  droit 
de  s'en  emparer  [lar  la  t'orce.  Qiiancl  les  Hé- 
breux n'auraient  pas  eu  pour  eux  une  pro- 
messe et  une  concession  formelle  de  la  part 
de  Dieu,  il  serait  encore  injuste  de  les  pein- 
dre comme  des  brigands,  paice  qu'ils  ont 
dépossédé  les  Cliananéens.  Ceux-ci  n'avaient 
)as  un  titre  de  possession  plus  sacré  et  plus 
égitime  que  les  Juifs,  puisqu'ils  avaient  ex- 
terminé des  peujilades  entières  pour  se 
mettre  k  leur  place.  Voy.  Cha^anéens.  Mais 
il  n'est  pas  vrai  (lue  les  Juifs  aient  com- 
uioncé  par  fout  détruire  ;  la  conquête  de  la 
Terre  promise  ne  fut  achevée  que  sous  Da- 
vid, quatre  cents  ans  après  Josué;  et  depuis 
celte  époque  ils  n'ont  entrepris  aucune 
guerre  oflensive. 

Pour  prouver  que  les  Juifs  étaient  une 
horde  d'Arabes  Bédouins  ou  vo!eurs,  on  a 
dit:  «  Abraham  vola  les  rois  d'Egypte  et  de 
Gérare  en  extorquant  d'eux  des  piéseuts  ; 
Isaac  vola  le  même  roi  du  Gérare  par  une 
même  fraude  ;  Jacob  vola  le  droit  d'aînesse 
à  son  frère  Ésaii  ;  Laban  vola  Jacob  son 
gendre,  lequel  vola  son  beau-père  ;  Rachel 
vol*  à  Laban  sou  père  jusqu'à  ses  dieux  ; 
les  enfants  de  Jacob  volèrent  les  Sichiraites 
après  les  avoir  égorgés  ;  leurs  descendants 
volèrent  les  Egyptiens,  et  allèrent  ensuite 
voler  les  Ghananéens.  » 

Les  Juifs  peuvent  répondre  cju'ils  ont  éié 
volés  k  leur  tour  par  les  Egyptiens  sous  llo- 
bo^m,  par  1  s  Assyriens  sous  leurs  derniers 
rois,  par  les  Grecs  et  par  les  Syriens  sous 
Antiocîms,  par  les  Romains  qui  ont  détruit 
Jérusalem  ;  que  ceux-ci ,  après  avoir  volé 
tous  les  peuples  connus,  ont  été  volés  par 
les  Goths,  les  Huns,  les  Bourguignons,  les 
Vandales  et  les  Francs.  Nous  avons  1  hon- 
neur d'être  issus  des  uns  ou  des  auires, 
sans  qu'il  suive  de  là  que  nous  sommes  des 
Arabes  Bédouins  ;  k  parcourir  l'univers  d'un 
bout  à  l'autre,  on  ne  trouvera  aucune  na- 
tion <]ui  ait  une  origine  plus  noble  et  plus 
honnête  que  la  nôtre. 

A  l'article  Judaïsme,  nous  avons  fait  voir 
que  les  Juifs  ont  eu  une  croyance  plus  sen- 
sée, une  morale  plus  pure,  des  lois  plus 
sages,  des  mœurs  plus  décentes  que  les  au- 
tres nations;  quant  à  leur  destinée,  elle  a 
été  à  peu  près  la  même.  Ils  ont  éprouvé  suc- 
cessivement la  piospérilé  et  les  revers,  des 
temps  heureux  et  des  malheurs.  Si  l'histoire 
des  peuples  voisins  avait  été  écrite  avec  au- 
tant d'exactitude  que  celle  des  Jîiifs,  nous 
y  verrions  plus  de  crimes  et  de  désastres 
que  dans  l'histoire  juive.  Celles  des  Assy- 
riens et  des  Perses,  celles  des  Grecs  et  des 
Romains,  quoique  très-peu  sincères,  et  mar- 
quées au  coin  de  l'orgueil  national,  ne  sont 
ni  une  école  de  vertu,  ni  un  tableau  fort 
consolant  pour  le  genre  humain.  Partout 
l'on  voit  d'abord  des  peuplades  isnlées  qui 
cherchent  às'entre-détruire;  celle  qui  est  la 
plus  nombreuse  et  la  plus  forte  assujettit 
les  autres,  et  forme  une  nation;  pauvre  d'a- 
bord, laborieuse  et  frugale,  elle  s'accroît  in- 
sensiblement, devient  ambitieuse,  inquiète 


et  avide;  enrichie  par  son  industrie  ou  par 
ses  rapines,  elle  se  corrompt  et  .se  perver- 
tit, pour  devenir  la  proie  d'une  autre  qui  se 
corrtunpra  et  se  perdra  4  son  tour. 

Quelques  incrédules  de  nos  jours  ont  osé 
écrire  que  \es  Juifs  offraient  des  sacrihces  de 
victimes  humaines  et  mangeaient  de  la  chair 
humaine:  nous  avons  réfuté  ces  deux  ca- 
lomnies aux  mots  Anathème  et  Anthropo- 
phages. 

Immédiatement  avant  la  venue  de  Jésus- 
Chiist,  le  gouvernement  tyrannique  des  rois 
de  Syrie,  d'Hérode  et  de  ses  tils,  ensuite  des 
Romains,  contribua  beaucoup  k  dépraver  les 
chefs  de  la  synagogue  et  la  ration  juive  eu 
général:  le  pontilicat  était  vendu  au  plus  of- 
frant; plus  unjitî/élait  vicieux,  plus  il  était 
sûr  de  p'aire  k  ces  maîtres  insensés. 

HL  De  la  prospérité  des  Juifs.  Leurs  his- 
torieris  ont  écrit,  avec  une  égale  sincérité, 
les  vertus  et  les  crimes  de  leurs  aïeux,  les 
prospérités  et  les  calamités  de  leur  nation; 
m^is  ils  attestent  que  ses  malheurs  furent  tou- 
jours le  châtiment  de  ses  inlidélités  à  la  loi  de 
Dieu.  Il  n'est  donc  pas  vrai  que  Dieu  ait  man- 
qué de  fldélité  k  remplir  les  promesses  qu'il 
avait  faites  k  leurs  pères.  Voy.  Promesses. 

Attribuerons-nous  aux  Juifs  les  funestes 
suites  de  l'ambition  dévoratde  et  insen- 
sée des  monarques  assyriens  ?  Ils  en  ont  éié 
la  victime,  et  non  la  cause.  Celle  des  rois  de 
Syrie,  successeurs  d'Alexandre,  n'a  été  ni 
plus  raisonnable  ni  moins  meurtrière,  et 
nous  ne  voyons  pas  quel  droit  plus  légitime 
ont  eu  les  Romains,  vainqueurs  des  Syriens, 
de  réduire  la  Judée  en  province  romaine. 
Les  Juifs  n'ont  été  agresseurs  dans  aucune 
de  ces  guerres;  si  leurs  révoltes  fréquentes 
ont  réduit  les  Romains,  k  les  exterminer,  les 
Romains  les  avaient  forcés  à  se  révolter  par 
le  brigandage  et  parla  tyrannie  de  leurs  pro- 
consuls et  de  leurs  lieutenants.  Voy.  Tacite, 
Jlist.,  1.  v,  c.  9  et  10.  Cependant  l'on  pré- 
tend montrer  une  bizarrerie  inconcevable 
dans  la  conduite  de  la  Providence  à  l'égard 
des  Juifs.  Dieu,  disent  les  censeurs  de  nos 
livres  saints,  prodigue  les  miracles,  les  plaies 
et  les  meurtres,  pour  tirer  son  peu})le  de 
cette  Egypte  riche  et  fertile,  où  il  avait  des 
temples  sous  le  nom  d'Iao,  ou  le  grand  Etre, 
sous  le  nom  de  Kneph,  l'Etre  universel;  il 
conduit  son  peuple  dans  un  pays  où  nous  ne 
voyons  ériger  un  temple  k  Dieu  que  plus  de 
cinq  cents  ans  après  l'établissement  des 
Juifs  ;  et  quand  ils  ont  bâti  ce  temple,  il  est 
détruit. 

Sans  contester  sur  les  prétendus  temples 
érigés  au  vrai  Dieu  en  Egypte,  et  sur  les 
noms  que  nos  savants  critiques  veulent  inler- 
1  réter,  nous  demandons  si  Dieu  n'a  pas  pu 
avoir  d'autres  desseins,  en  conduisant  les 
Juifs,  que  de  se  faire  bâtir  im  temple.  Quoi 
qu'on  en  dise,  ce  temple  a  subsisté  pendant 
quatre  cent  vingt-sept  ans.  Lorsqu'il  a  été 
détruit,  que  Jérusalem  a  été  ruinée,  et  la 
nation  juive  dispersée  par  Nabuehodonosor, 
tout  a  été  rétabli  au  bout  de  soixante-tlix 
ans,  selon  les  prédictions  des  prophètes.  Les 
jieuples  voisins,  Moabites,  Ammonites,  Idu- 


133 


lUl 


JUI 


iU 


tarons,  compagnons  de  l'infortvine  îles  Juifa, 
oui  disparu  pour  toujours  ;  les  Assjrioiis  et 
les  Chaidécns ,  auteurs  de  leurs  malheurs, 
ont  cess6  d'ùtrc  Juifs,  comme  renaissant  do 
leurs  |iropres  cendres,  ont  formé  (le  nou- 
veau une  société  politique  et  religieuse.  Les 
l'tises,  sous  la  protection  desquels  ils  ren- 
trent dans  la  terre  de  leurs  pères,  l'antiiiue 
monarchie  d'Egypte  qui  a  été  leur  b.  rceiu, 
les  rois  do  Syrie,  devenus  leurs  0[)presseurs, 
se  sont  évanouis  successivement  ;  pour  eux, 
ils  subsistent  en  corps  do  nation  dans  leur 
terre  natale,  avec  leur  temple,  leur  religion, 
leuis  lois,  jusqu'à  la  venue  du  .Messie,  qui 
devait  appeler  tous  les  peuples  à  un  culte 
plus  pariait,  mais  toujours  fondé  sur  les 
dogmes,  sur  la  morale,  sur  les  propiiéties  et 
sur  les  es|)érances  des  Juifs. 

Est-il  vrai  que  ce  peuple  ait  été  ignorant, 
barbare,  stupide,  sans  industrie,  sans  au- 
cune connaissance  des  lellros,  des  ai'ts  ,  et 
du  commerce,  comme  on  alfecte  communé- 
ment de  le  peindre  ?  11  faut  avoir  bien  peu 
lu  les  livres  des  Juifs  pour  s'en  tVirmer  une 
pareille  idée.  Avant  la  captivité  de  Babylone, 
chez  quel  peuple  de  l'univers  citera-t-on  des 
monuments  certains  et  incontestables  de  la 
culture  des  lettres  ?  Alors  les  Juifs  avaient 
un  corps  d'histoire,  un  code  de  législation, 
une  police  réglée,  des  archives  et  des  livres, 
depuis  près  de  neuf  cents  ans.  Los  premiè- 
res notions  que  nous  puissions  avoir  des 
connaissances,  de  l'indusirie,  dos  arts 
des  Egyiiliens  ,  sont  celles  que  Moïse 
nous  fournit,  et  qu'il  possétiait  lui-même. 
Nous  n'avons  rien  de  plus  ancien  touchant 
les  arts,  le  commerce  et  la  navigation  des 
Phéniciens ,  que  ce  qui  est  dit  dans 
l'histoire  de  David  et  de  Salomon.  Le  jiro- 
mier  monument  incontestable  des  connais- 
sances astronomiques  des  Glialdéens  est  le 
livre  de  Daniel.  De  nos  jours  môme,  pour 
remonter  h  l'origine  des  lois,  des  sciences 
et  des  arts,  on  n'a  pu  rien  faire  de  mieux  que 
de  prendre  les  livres  des  Juifs  pour  base  de 
toutes  les  conjectures  et  de  toutes  les  dé- 
couvertes. 

Ce  qui  est  dit  dans  VExode  de  la  structure 
du  tabernacle  ;  d<ius  les  livres  des  Rois,  de 
la  magnilicence  du  temple  de  Salomon  ;  le 
plan  qui  en  est  tracé  dans  Ezécliiel  ;  le  por- 
trait de  la  femme  forte  et  de  ses  travaux,  dans 
hs  Proverbes  ;  le  tableau  du  luxe  des  femmes 
juives,  dans  Jsaie,  démontrent  que  les  Juifs 
connaissaient  les  arls,  et  qu'ils  n'en  ont 
jamais  négligé  la  pratique.  Un  peuple  agri- 
culteur ne  peut  pas  s'en  passer  :  le  plus  né- 
cessaire de  tous  conduit' infaillihiciiicnt  à  la 
découverte  des  autres.  Places  dans  le  voisi- 
nage des  Phéniciens,  qui  ont  été  les  [iremiers 
négociants,  et  des  Egyptiens  qui  avaient  be- 
soin d'aromates,  les  Juifs  n'ont  pu  demeurer 
sans  commerce,  mais  la  navigation  ne  leur 
était  pas  nécessaire  pour  le  débit  do  leurs 
marchandises.  Leur  pays  produisait  non- 
seulement  du  blé,  du  vin,  des  olives,  des  li- 
gues, des  dattes  en  abondance,  mais  des 
métaux,  du  baume,  des  gommes  et  des  rési- 
lies  (le    toute  espèce.   Déjà  ce  commerce 


était  établi  entre  la  Palestine  et  l'Egypte  du 
temps  de  Jacob  (Gen.  c.  •il,  v.  25;  c.  W,  v. 
11  );  et  il  en  est  encore  fait  mention    dans 
Jérémie  (  cbap.  xi.vi,  v.  11  ).    L'asphalte  do 
Judée  était  connu  de  toutes  les  nations,  sur- 
tout des  Egyptiens;  Pausnnias  parle  delà  soie, 
ou  plut("it  du  byssusdu  pays    des    Hébreux. 
L.  V.  c.  5.  Parl'éiiumi'ration  des  marchandises 
que  poi  talent  les  Juifs  aux  f(jires  de  Tyr  ,  et 
que  l'on  [)eut  voirilans  Ezéchiel(  c.xxvii,  v. 
xvii),  il  est  prouvé  qu'Us  savaient  faire  autre 
chose  que  l'usure  et  rogner  la  monnaie,  quoi- 
([ue  ce  soit  là  le  seid  talent  que  leur  accordent 
nos  philosophes  incrédules.  Il  n'est  donc  pas 
nécessaire  d'avoir  recours  aux  flottes  de  Sa- 
lomon, ni  aux  liaisons  que  David  entretenait 
avec  Hirain,  roi  de  Tyr,  pour  démontrer  que 
de  tout  temps  les  Juifs  ont  été  occupés  du 
commerce.  Ils  n'étaient  point  retenus   chez 
eux   par  les  lois  absurdes  qui  défendaient 
aux  Ivgyptiens,  aux  Spartiates  et  à  d'autres 
peu))les  de  sortir  de  leur  pays  ,   et   qui   en 
baimissaiciit  les  étrangers  ;ils  leur  était  or- 
donné au   contraire  ae  faire    accueil    aux 
étran.^ers,  et  de  les  bien  tiaitei.Sous  le  règne 
de  S.ilomon,  il  y  avait  dans  la    Judée  cent 
cimpiaiite-trois  mille  six  cents  étrangers  pro- 
sélytes (  //  Parai,  c.  n,  v.  î"). 

À  la  vérité,  les  Juifs  n'ont  élevé  ni  colosses 
ni  pyninndes  ,  comme  les  Egyptiens;  ils 
n'ont  point  excellé,  comme  les  Grecs,  dans 
les  sciences  et  dans  les  arts  du  dessin, 
ni  dans  l'art  militaire ,  comme  les  Ro- 
mains; mais  nous  ne  voyons  [las  ce  qu'ils 
y  ont  perdu.  Ce  ne  sont  ni  les  édifices,  ni  les 
arls  de  luxe,  ni  la  discipline  militaire,  ni  les 
conquêtes,  qui  rendent  un  peuple  liourcux  : 
c'est  la  paix,  l'agriculture,  l'abondance,  la 
raison,  la  vertu. 

IV.  D'où  sont  venus  le  mépris  et  la  haine 
des  autres  nations  contre  les  Juifs?  Un  des 
principauxreproclies  que  font  les  philosophes 
contre  les  Juifs,  est  qu'ils  ont  été  méprisés 
et  détestés  de  toutes  les  autres  nations; 
eux-mêmes  ne  pouvaient  en  soulfrir  aucune  ; 
dans  tous  les  temjis  ils  ont  été  fanatiques, 
intolérants,  insociables. 

Examinons  d'abord  en  quoi  consistait  leur 
intolérance  ;  nous  verrons  ensuite  si  on  a 
eu  raison  de  les  mépriser  et  de  les  di'tester. 
—  1°  Si  l'on  entend  que,  par  la  loi  des  Juifs, 
il  leur  était  ordonné  de  ne  jioint  soulfrir 
parmi  eux  l'idolàtiie  ni  les  abominations 
dont  elle  était  accompagnée,  la  proslituliai , 
les  sacrifices  de  sang  humain,  la  diviiiatiun, 
la  magie,  nous  convenons  (]ue  cette  loi  était 
très-intoiéi auto  ;  mais  nous  ne  voyons  pas 
en  quoi  il  importait  au  genre  humain  que 
ces  désordres  fussent  tolérés  nulle  part  :  par- 
tout oii  ils  l'étaient,  le  culte  du  vrai  Dieu  ne 
pouvait  subsister.  Peut-on  citer  une  SL'ule 
nation  idolâtre  qui  ait  souffert  chez  elle  le 
culte  d'un  seul  Dieu  ?  Les  autres  peuples 
faisaient,  pour  maintenir  chez  eux  l'erreur, 
la  folie  et  les  crimes,  ce  que  faisaient  les  Juifi 
pour  conserver  la  vérité,   la    sagesse   et   13 


vcrti 


O" 


Ceux-ci  u'étaieut  intolérants  que 
parmi  eux  et  pour  eux,  dans  l'enceinte  d« 
leurterriloire:  nulle  part  il  ne  leur  est  orciomi< 


135 


JUl 


Jlll 


136 


d'îlller  exterminer  l'idol/Urie  chez  les  Egyp- 
ti(!iis,  les  Iduméens,  les  Arabes,  les  Ammo- 
nites, les  Moabite»,  à  Damas  ou  à  Babjlone  ; 
la  loi,  au  contraire,  leur  défend  d'inquiéter 
leurs  voisins.  Souvent  les  autres  peuples 
sont  allés,  le  fer  et  le  feu  à  la  main,  outra- 
ger la  religion  des  étrangers  :  Cambyse  alla 
tuer  les  animaux  sacrés  de  l'Egypte  ;  les 
Perses  brisèrent  les  statues  et  bn-dèrent  les 
temples  des  Grecs  ;  Alexandre  ne  cessa  de 
persécuter  les  mages;  les  Romains  anéan- 
tirent le  druidisme  dans  les  (laules  ;  les  Sy- 
riens répandirent  le  sang  des  Juifs  pour  leur 
faire  embrasser  la  religion  grecque  ;  Glios- 
roès  jura  qu'il  poursuivrait  les  Uomains 
jusqu'à  ce  qu'il  les  eût  forcés  à  renier  Jésus- 
Christ  etàaaorerle  soleil;  Mahomet  a  dévasté 
l'Asie  pour  étaJjlir  l'Alcoran,  etc.  :  les  Juifs 
ii'ontrien  fait  de  semblable.  —  3°  Les  Juifs  ne 
forçaient  point  les  étrangers  établis  parmi 
eux  h  embrasser  le  judaïsme  :  pourvu  que 
ces  païens  ne  fissent  aucun  acte  d'idolâtrie, 
onleslaissaittranquilles.il  leur  était  permis 
d'adorer  Dieu  dans  le  temple,  de  prendre 
part  aux  fêtes  ;  on  y  recevait  leurs  offrandes. 
Jérémie  défend  aux  Juifs  exilés  à  Babylone 
de  prendre  part  au  culte  des  Chadéeiis  ;  il  ne 
leur  ordonne  point  de  le  combattre  ni  de  le 
troubler.  Baruch,  cap.  iv.  Où  est  donc  l'into- 
lérance cruelle,  le  zèle  fanatique  des  Juifs? 
Leui-  était-il  moins  permis  qu'aux  autres  peu- 
ples d'avoir  une  religion  publique,  nationale 
et  exclusive  ? 

Quant  aux  mépris  et  à  l'aversion  que  les 
étrangers  ont  eus  ])our  les  Juifs,  il  y  a  plu- 
sieurs réflexions  à  faire.  En  ])iemier  lieu,  les 
préventions  nationales  ne  prouvent  pas  plus 
chez  les  anciens  que  chez  les  modernes.  Les 
Grecs  traitaient  de  barbares  tout  ce  qui  n'é- 
tait pas  grec  ;  les  Romains  n'estimaient 
qu'eux-mêmes  et  les  Grecs  ;  les  Anglais,  peu 
instruits,  nous  haïssent  et  nous  estiment 
très-peu  :  nous  sommes  plus  équitables  à 
leur  égard.  A  peine  trouvera-t-oii  deux 
peuples  voisins  qui  n'aient  des  préventions 
l'un  contre  l'autre  ;  moins  ils  se  connaissent, 
plus  ils  ont  de  dispositions  à  se  haïr. 

En  second  lieu,  qui  sont  les  auteurs  les 
moins  favorables  aux  Juifs?  Ce  sont  les  his- 
toriens, les  orateurs,  les  poètes  romains  ; 
mais  il  est  jirouvé  que  tous  ces  beaux  es- 
prits connaissaient  tiès-mal  les  Juifs.  Ils 
étaient  ou  païens  zélés,  ou  épicuriens;  ils 
devaient  délester  la  religion  juive,  comme 
font  encore  les  incrédules  d'aujourd'hui. 
Leur  mépris  n'a  éclaté  qu'après  plusieurs 
guerres  entre  tes  Romains  et  [es  Juifs  ;  ceux- 
ci  ne  purent  souffrir  l'insolence  et  la  tyran- 
nie des  officiers  et  des  soldats  romains;  ils 
se  révoltèrent  :  or,  selon  le  préjugé  des  Ro- 
mains, tout  peuple  qui  leur  résistait  était 
abominable  :  ils  n'ont  pas  mieux  traité  les 
Gaulois  que  les  Juifs.  Pendant  que  les  Juifs 
luttaient  contre  les  Antiochus,  les  Rouiaius 
trouvèrent  bon  d'accoider  aux  Juifs  des 
manjucs  d'estime  et  d'amitié;  lorsque  le 
royaume  de  Syrie  eut  été  écrasé,  ils  tom- 
bèrent sur  les  Juifs,  parce  que  ces  derniers 
$e  prétendaient  libres;  et  pour  avoir  droit  de 


les  tyranniser,  i  on  affecta  pour  eux  un  sou- 
verain mépris  :  c'est  l'usage  des  peuples 
conquérants. 

En  troisième  lieu,  les  philosophes    plus 
anciens,  les  hommes  d'Etat,  les  souverains, 
les  corps  do  république,  n'avaient  pas  pensé 
comme  les  beaux  esprits  de  Rome.  Heriuip 
pus  et  Numénius,  sectateurs  d^   Pythagore; 
Cléarque    et  Théophraste,  disciples  d'Aris 
tote;  Mégasthène,  Hécatée    d'Abdère,  Ono 
macrite,  Porphyre  lui-môme,  loin  de  témoi 
gncr  aucun   mépris  pour  les  Juifs,   en  ont 
jiarlé  d'une  manière  avantageuse.    Strabon, 
Diodore  de  Sicile,    Trogue-Pompée,  Dion 
Ca^sius,  Varron   et   d'autres,  malgré    leurs 
préjugés  contre  les  Juifs,  leur  ont  cependant 
rendu  justice  sur  plusieurs  ciiefs.  Alexandre 
leur  accorda  droit  de  bourgeoisie  dans   sa 
ville  d'Alexandrie;  le  fondateur   d'Antioche 
fit  de  même;  les  Ptolémées  les  protégèrent 
en  Egypte;  les  Spartiates  leur  écrivirent  des 
lettres  de  fraternité.  Ces  témoignages   d'es- 
time nous  paraissent  d'un  plus  grand  poids 
que  les  sarcasmes  des  auteurs  latins. 

Enfin,  dans  quel  temps  leméjiris  pour  les 
Juifs  a-t-if  éclaté  ?  lorsque  leur  république 
était  déjà  ou  détruite,  ou  sur  le  perchant  de 
sa  ruine.  Tourmentés  successivement  parles 
Assyriens,  par  les  Antiochus,  par  les  Ro- 
mains, ils  se  répandirent  de  toutes  parts; 
ainsi  dispersés  dans  l'Egypte,  dans  la  Grèce, 
dans  l'Italie,  ils  s'abAtardirent,  sans  doute. 
Toute  la  nation,  livrée  à  l'esprit  de  vertige 
après  la  mort  de  Jésus-Christ,  ne  fut,  plus 
connue  que  par  son  opiniâtreté  stupide;elle 
prêta  le  Unie  au  ridicule  et  au  mépris  :  tous 
les  peuples  conçurent  de  l'aversion  contre 
elle  :  cette  destinée  lui  avait  été  prédite. 
Que  dans  ces  derniers  temps  les  Juifs  eux- 
mêmes  aient  détesté  les  païens  en  général, 
cela  n'est  pas  étonnant  :  ils  n'en  avaient  que 
trop  acquis  le  droit  par  les  persécutions 
qu'ils  en  avaient  essuyées.  Mais  ce  n'est 
point  là  leur  esprit  ni  leur  état  primitif  : 
confondre  les  derniers  siècles  de  leur  his- 
toire avec  les  premiers,  les  mœurs  modernes 
avec  les  anciennes,  la  vieillesse  d'une  nation 
avec  ses  belles  années,  comme  font  les  in- 
crédules, c'est  tout  brouiller,  et  déraisonner 
sous  un  faux  air  d'érudition. 

V.  Du  choix  que  Dieu  avait  fait  des  Juifs. 
Cent  fois  l'on  a  demandé  comment  Dieu 
avait  choisi  pour  son  peuple  une  race  aussi 
grossière,  aussi  intraitable,  aussi  ingrate  que 
les  Juifs  ;  pourquoi  il  lésa  comblés  de  bien- 
faits et  de  grâces,  pendant  qu'il  abandonnait 
les  autres  nations.  Nous  demandons,  à  notre 
tour,  quel  peuple  du  monde  valait  mieux 
qi\c\es  Juifs,  et  méritait  de  leur  être  préféré. 
A  l'époque  de  la  vocation  d'Abraham  et  des 
promesses  faites  à  sa  postérité,  nous  igno- 
rons quel  était  l'état  des  autres  nations; 
nous  ne  savons  [las  seulement  s'il  y  avait 
])our  lors  le  tiers  du  globe  peuplé  et  habité. 
Où  Dieu  ])Ouvait-il  mieux  placer  le  fiambeau 
de  la  révélation  que  dans  la  l'alestine?  Cette 
partie  de  l'Asie  touchait  au  berceau  du  genre 
humain,  était  le  centre  de  l'irnivers  habité 
pour  lors;   elle  communiquait  à  toutes  les 


157 


Jlll 


IVl 


158 


nations  connues,  soit  par  terre,  soit  par  la 
navigation  (le  la  Méditeiianée.  Si,  à  lY'poqiiu 
(lo  l'établissement  des  Juifs,  ces  nations  en- 
ivrées d'orgueil  et  de  failles,  n'unt  p,is  voulu 
faire  attent  on  aux  miiacles  que  Dieu  opé- 
rait; si,  (juinzc  cents  ans  apiès,  elles  ont 
encore  résisté,  lorsque  la  vérité  leur  a  été 
annoncée  directenienl  |)ar  les  a[)ôtres,  il 
n'y  a  pas  plus  de  raison  de  nous  en  prendre 
à  Deu,  que  de  lui  at(ril)uer  l'aveuglement 
des  incrédules  modernes. 

Par  le  choix  que  Dieu  a  fait  d'un  peuple 
tel  que  les  Juifs,  il  a  démontré  aux  hommes 
deux  grandes  vérités.  La  jiremière ,  que 
quand  d  leur  accorde  des  grAces  particu- 
lières, ce  n'est  ni  pour  les  récompenser  de 
leurs  talents  et  de  leiirsmérites,  ni  en  consi- 
d(''ratioii  (lu  hou  usage  qu'il  pn' voit  qu'ils  en 
fi'roiit,  mais  par  pure  bonté  cl  par  une  misé- 
ricorde très-gratuite;  que  s'il  traitait  les 
hommes  comme  ils  le  méritent,  son  tonncire 
no  se  reposerait  jouais.  C'est  ce  que  Moïse 
et  les  prophètes  n'ont  cessé  de  répéter  aux 
Juifs.  t,a  secoiiile,  que  les  lalenls,  les  succès, 
les  avantages  dont  les  hommes  funt  le  plus 
de  cas,  sont  de  nulle  valeur  aux  yeux  de 
Dieu.  Il  a  montré  sa  bonté  envers  la  postérité 
d'Aliraliam,nori  enluiaccordantplus  d'esprit, 
plus  de  conuaissances,  de  richesses,  de  pros- 
périté temporelle  qu'aux  autres  nations,  mais 
en  lui  (loniiant  une  relgion  ])lus  pure  et  des 
lois  plus  sages.  De  quoi  ont  servi  aux  Egyp- 
tiens leur  intlustrie  et  leur  police;  aux 
Grecs  leur  i)hilosophie  et  leurs  arts;  aux 
Phéniciens  leur  commerce  e;  Kurs  riches- 
ses; aux  Romains  leurs  talents  militaires  et 
leurs  conquêtes,  s'ils  n'en  ont  été  ni  plus 
éclairés  pour  la  religion,  ni  mieux  disposés 
à  la  veitu?  Celse,  Julien,  Porphyre,  Marcion 
et  ses  sectateurs  vantaient  la  destinée  bril- 
lante de  ces  nations  comme  une  preuve  do 
la  protection  du  ciel  ;  les  incrédules  modernes 
en  concluent  que  Dieu  devait  plutôt  les 
choisir  que  les  Juifs  pour  les  rendre  déposi- 
taires de  la  révélation.  Erreur  de  part  et 
d'autre.  Les  bienfaits  temporels  n'ont  rien 
de  commun  avec  les  grâces  de  salut;  les 
premiers  sont  plutôt  un  obstacle  qu'un 
moyen  pour  devenir  meilleur. 

Quand  on  ajoute  que  Dieu,  uniquement 
occupé  des  Juifs,  abandonnait  ou  négligeait 
les  autres  nations,  l'on  contredit  également 
les  lumières  du  bon  sens  et  le  témoignage 
des  livres  saints.  S'il  y  a  dans  ces  livres  un 
dogme  clairement  et  constamment  enseigné, 
c'est  la  providence  générale  de  Dieu  envers 
tous  les  peu[)les  et  à  l'égard  de  tous  les 
hommes,  soit  dans  l'ordre  naturel,  soit  rela- 
tivement au  salut.  Voy.  Abandox,  Grâce, 
§  3.  Les  incrédules  eux-mêmes  soutiennent 
qu'en  fait  de  prospérité  temporelle.  Dieu  a 
mieux  traiié  d'autres  nations  que  les  Juifs. 
Quant  aux  iiienfaits  surnaturels.  Moïse  dé- 
clare aux  Juifs  que  si  Dieu  leur  en  accorde 
plus  qu'aux  autres  peuples,  ce  n'est  i)as 
précisément  pour  eux,  mais  afin  de  faire 
éclater  la  gloire  de  son  nom  par  toute  la  terre, 
et  pour  apprendre  à  toutes  les  nations  qu'il 
esl  le  Seigneur  [Dcut.,  c.  vu,  v.  7;  c.  vrii. 
Diction. s.  de  Thk'u..  dogmatique    IIL 


>.  17;  c.  IX,  v.  k  et  sniv.).  David  le  répète 
(i'«.cxiii,v.9).E/.échielle  confirm(s  (c.  xxxvi, 
V.  22).  Yoi/.  encore  Tobie,  c.  xiii,  v.  4,  etc., 
et  l'article  Phovidenck. 

A  la  vérité,  les  écrivains  sacrés  parlent 
jilus  souvent  aux  Juifs  des  grâces  particu- 
lières ipie  Dieu  leur  accorde  que  de  celles 
qu'il  fait  aux  autres  nations,  parce  que  le 
dessein  de  ces  auteurs  est  d'inspirer  aux 
Juifs  la  recoimaissance,  la  conliance,  la  sou- 
mission envers  Dieu.  Qu'importait-il  à  un 
Juif  do  savoir  de  quelle  manière  Dieu  en 
agissait  envers  les  Indiens  et  les  Chinois? 

VI.  l)e  l'i'Uit  actuel  des  Juifs.  C'est  une 
grande  question,  entre  les  juifs  e'  les  chré- 
tiens, de  savoir  si  l'état  malheureux  dans 
lequel  ce  |)euple  est  réduit  aujourd'hui  dans 
le  monde  entier,  est  une  puniliou  visible  de 
Dieu  ,  et  pour  quel  crime  ils  sont  ainsi 
traités.  Nous  soutenons  que  c'est  pour  avoir 
rejeté  et  crucilié  le  Messie,  mais  que  Dieu 
les  conserve  {)Our  qu'ils  servent  de  témoins 
et  de  garants  des  écrits  et  des  faits  sur  les- 
quels le  christianisme  est  fondé. 

11  est  bon  de  savoir  d'abord  que  Jésus- 
Christ  leur  a  clairement  prédit  leur  destinée 
(Maith.,  c.  xxm,  v.  32).  Après  leur  avoir 
reproché  leur  cruauté  envers  les  anciens 
prophètes  et  le  sang  qu'ils  ont  lépandu,  il 
leur  dit  :  Vous  comblez  à  présent  la  mesure 
de  vos  pères.  Race  de  vipères,  comment  évi- 
terez-vous  votre  condamnation  à  la  géhenne 
pour  ce  sujet  ?  Je  vous  envoie  des  prophètes 
et  des  sages  :  vous  lapiderez  les  uns,  vous  cru- 
cifierez les  autres...,  de  manière  que  vous  ferez 
retomber  sur  vous  tout  le  sang  innocent  qui  a 

été  répandu Je  vous  le  répète,  tout  cela 

retombera  sur  cette  génération  présente...  ; 
votre  demeure  restera  déserte. 

Rien  plus  :  les  anciens  rabbins,  compila- 
teurs du  Talmuil,  ont  reconnu  qu'àla  venue 
du  Messie  la  synagogue  serait  aveugle  et 
incrédule.  Ils  disent  :  «  Au  siècle  où  le  Fils 
de  David  viendra,  la  maison  de  l'enseigne 
nient  sera  livrée  à  la  fornication ,  la  sa- 
gesse des  scribes  rendra  une  odeur  de  mort... 
Les  premiers  sages  nous  ont  donné  le  pain, 
c'est-à-dire  la  doctrine  de  l'Ecriture  ;  mais 
nous  manqucms  de  bouche  pour  le  manger. 
Nous  simjmes  aussi  stupides  que  des  botes 
de  somme....;  vous  n'avez  pas  pu  voir  le 
Dieu  saint  et  béni,  comme  il  est  dit  dans 
Isaïe,  c.  VI  :  Le  cœur  de  ce  peuple  est  endurci, 
etc.  »  Cepenilant  plusieurs  incrédules,  h  la 
tète  desquels  est  Spiiiosa,  prétendent  que  ce 
j/hénomèiie  n'a  rien  (|ue  de  naturel.  Les  Juifs 
se  conservent,  disent-ils  ,  par  l'attachement 
qu'ils  ont  pour  leurs  céréuionies,  surtout 
pour  la  circoncision,  et  parla  haine  qu'ils 
inspirent  aux  autres  nations.  La  crédulité, 
l'opiniâtreté,  l'ignoran  e,  les  attachent  à  leur 
religion;  l'espérance  qu'elle  leur  donne  d'un 
Messie  futur  les  coi. sole  ;  la  singularité  de 
leurs  usages  les  concentre  et  les  rallie  entre 
eux;  les  \e\ations  qu'ils  souffrent  jiour  leur 
religion  la  leur  rendent  .'lus  chère  :  c'est 
l'elfet  naturel  des  persécutions. 

Mais  ces  philosophes  nous  donnent  j)Our 
raison  le  fait  même  iju'il  s'agit   d'expliquer. 

5 


<.>9 


Jlll 


JUI 


MO 


Pourquoi ,  malgré  le  laps  des  temps  et  la 
variété  des  climats,  les  Juifs  conservent-ils 
la  même  ignorance  et  la  même  crédulité  ,  le 
môme  altachement  à  une  religion  qui  les 
rend  odieui  à  toutes  les  nations?  Qu'ils  soient 
persécutés  ou  tolérés  en  Europe,  en  Asie,  en 
Amérique,  ils  sont  partout  les  mêmes.  Les 
piTsécutions  longues,  violentes, continuelles, 
détruisent  les  autres  religions;  elles  ne  pou- 
vent  rien  sur  celle  des  Juifs.  11  faut  donc 
que  Dieu  la  conserve  dans  des  vues  particu- 
lières. 11  ne  s'ensuit  pas  de  là  que  Dieu  rende 
exprès  les  Juifs  obstinés  et  aveugles,  afin 
qu'ils  servent  de  preuve  au  christianisme, 
mais  qu'il  se  sert  de  leur  obstination  libre 
et  volor taire  pour  nous  confirmer  dans  notre 
croyan'-e. 

Orobio,  savant  jwi/,  a  fait  tout  son  possible 
pour  esquiver  les  conséquences  que  nous  ti- 
rons contre  sa  nation  ;  il  dit  d'abord  que  ce 
n'est  point  à  nous  d'intiMTuger  Dieu  sur  les 
raisons  de  sa  conduite.  Voyez /'/((/j/ipiaLîm- 
borch  arnica  ColUUio  cam  erudito  judœo,  p. 
168,  170.  Mais  en  cela  il  n'est  pas  d'accord 
avec  lui-môme  ;  il  soutient  que  si  la  captivité 
actui^lle  des  Juifs  était  la  punition  de  leur 
incrédulité  au  .\Iessie,  Dieu  l'aurait  claire- 
ment prédit  par  les  prophètes,  quand  même 
cette  prédiction  n'aurait  pas  dû  prévenir  le 
mal  ;  il  suppose  donc  que  Dieu  aurait  ren- 
du raison  de  sa  conduite.  Jl  aflirme  qu'à 
cause  des  péchés  des  Juifs  Dieu  retarde 
l'eiécution  des  promesses  qu'il  a  faites  d'en- 
voyer le  Messie,  quoiqu'il  n'ait  jamais  prédit 
ce  retard,  et  qu'il  ne  soit  pas  obligé  de  rendre 
raison  de  sa  conduite.  Tout  cela  ne  s'accorde 
pas. 

Dieu  avait  solennellement  promis  de  pro- 
téger les  Juifs,  tant  qu'ils  seraient  fidèles  à 
son  culte  ;  il  avait  menacé  de  les  disperser, 
de  les  humilier,  de  les  allliger,  'orsqu'ils  se 
livreraient  à  l'idolâtrie  ;  mais  il  avait  ajouté 
que,  s'ils  revenaient  à  lui,  il  les  rétaiilirait 
dans  leur  prospérité  :  telle  est  la  sanction 
qu'il  avait  donnée  à  laloi  de  Moïse.  Z>eu^,  c. 
XXX.  Avant  Ja  venue  de  Jésus-Christ,  Dieu  a 
fidèlement  accompli  toutes  ces  promesses  et 
toutes  ces  menaces  ;  nous  le  voyons  par  l'his- 
toire juive.  Pourquoi  n  ■  fait-il  pas  d^'  même 
aujourd'hui?  Lef.  juifs  ne  sont  point  actuel- 
lement idolâtres,  ils  sont  môme  très-att'tchés 
à  leur  loi,  ils  la  suivent  autant  qu'ils  peuvent  : 
pour  quel  crime  plus  grief  que  l'idolâtrie 
Dieu  les  punil-d  plus  rigouieusement  et 
plus  longtemps  qu'il  n'a  jamais  fait?  Daniel 
prédit  qu  après  la  mort  du  Uessie  la  désola- 
tion s'-raporlée  à  son  comble  et  durera  jus- 
qu'à la  fin  {Dan.,  c.  ix,  v.  26  et  29]  ;  cela 
nous  paraît  clair. 

Les  rabbins  disent  que  leur  misère  pré- 
sente est  une  extension  et  une  continuation 
de  la  ca|)tivité  de  Babylone  ;  que  Dieu  la 
prolonge  pour  les  mêmes  raisons,  à  cause 
(les  infidélités  de  la  nation. 

Mais  c'est  encore  ici  une  fausseté  et  une 
coniradiction.  1°  Ils  soutiennent  que  leur 
état  présent  ne  peut  pas  être  le  châtiment 
d'un  prétendu  déicide  commis  depuis  près 
de  dix-huit  cents  ans,  et  ils  veulent  que  ce 


soit  une  continuation  du  chAtiment  de  l'ido- 
lâtrie dans  laquelle  leurs  pères  sont  tombés 
il  y  a  trois  mille  ans.  2°  Ce  crime  n'a  pas 
continué,  puisque  les  Juifs  ne  sont  plus 
idolâtres;  donc  la  peine  ne  prut  pas  durer  si 
longtemps.  3°  Les  mômes  prophètes,  qui  ont 
prédit  la  captivité  de  Babylone,  en  ont  aussi 
prédit  la  fin  au  bout  de  soixante-dix  ?ns 
[Jerein.  c.  xxv  et  xxix  ;  Dan.,  c.  ix,  v.  2). 
L'édit  de  Cyrus,  donné  après  ce  terme,  était 
ox[irès  etillimitépour  toutela  nation  {I  Esâr. 
c.  1,  V.  3).  L'auteur  des  Paralipomènes,  h  la 
fin  du  second  livre,  reconnaît  que  C(  t  é'Jit 
mit  fin  à  la  captivité.  Daniel  {ibid. ,  v.  11  et 
13)  et  Néhémie  (//  Esdr.  c.  i ,  v.  8)  attesleiU 
que,  pendant  ce  temps  d'aiiliction,  Dieu  avait 
exécuté  contre  son  peuple  toutes  les  menaies 
qu'il  avait  faites  par  la  bouche  de  Aîoïse  ; 
tout  a  doue  été  terminé  au  retour.  Ezéchiel, 
c.  XVIII,  etJéréffiie,  c.  xxxi,  v.  29,  décla- 
rent que  les  enfants  ne  porteront  point  Vini- 
quité  de  leurs  pères,  dès  qu'ils  n'y  ont  point 
de  part.  Dieu  promet,  par  Isaïe,  qu'après  la 
captivité  de  Babylone  il  ne  se  souviendra  plus 
des  iniquités  de  son  peuple  (c.  xliii,  v.  25); 
les  Juifs  blasphèment,  quand  ils  soutiennent 
le  contraire. 

11  n'est  pas  aisé  de  compter  les  contrcidic  - 
lions  dans  lesquelles  Orobio  a  été  forcé  de 
se  jeter  :  tan'.ôt  il  soutient  que  les  Juifs,  de- 
puis la  captivité  de  Babylone,  ont  toujours 
eu  horreur  de  l'idolâtrie,  et  ont  été  très-at- 
tachés à  leur  loi.  Arnica  collât.,  p.  167,  211  ; 
tantôt  il  dit  qu'actu 'llement  même  ils  ne 
sont  pas  tout  à  fait  exempts  d'idolâtrie,  et 
se  rendent  encore  coupraliles  d'autres  crimes. 
Quelquefois  il  prétend  que  l'idolâtrie  et  l'in- 
fidélité à  la  loi  de  Moïse  sont  les  forfaits  que 
Dieu  a  menacé  de  punir  le  plus  rigoureuse- 
ment, etqu'ilne  prescntaux/Mi/'spoint  d'autre 
pénitence  que  de  renoncer  au  culte  des  dieux 
étrangers,  et  de  retourner  à  l'observation  de 
laloi.  Ibid.,  p.  137,  162.  D'autres  fois  il  s'ef- 
force d'excuser  l'idolâtrie,  et  démontrer  qu'il 
y  a  d'autres  crimes  qui  méritent  une  ven- 
geance plus  sévère.  P.  173.  Souvent  il  dit 
que  les  malédictions  prononcées  dans  le 
ùcutéronome  regardent  plutôt  la  captivité 
présente  que  celle  de  Baljyloiie,  parce  que 
les  Juifs  sont  à  présent  plus  malheureux 
qu'ils  ne  le  furent  alors  ;  ensuite  il  veut 
persuader  que  l'état  de  plusieurs  Juifs  est 
assez  heureux  pour  exciter  la  jalousie  des 
autres  nations,  que  l'opproiire  tombe  plutôt 
surle  corps  de  la  nation  juive  que  sur  les 
particuliers.  Selon  lui,  le  meurtredu  Messie  ne 
peutpas  être  un  crime  national,  et  il  veut  quo  l'a- 
postasie de  plusieurs  particuliers, qui  se  font 
chrétiens  oumahométans,  soit  un  crime  natio- 
nal. Mais  lui-même  nous  fait  toucher  au  doigt  la 
preuve  du  contraire.  Jésus-Christ,  seul  vrai 
Messie,  a  été  rejeté  par  le  conseil  de  la  na- 
tion juive  dans  le  temps  qu'elle  faisait  encore 
un  corps  politique  ;  le  peuple  a  demandé  sa 
mort,  a  consenti  que  son  sang  retombât  sur 
touslesJMj/setsurlcurs  enfants.Ceux  qui  sont 
dispersés  partout,  et  qui  n'ont  pas  voulu 
se  convertir,  y  ont  applaudi  ;  ils  l'aiiprouvent 
encore  aujourd'hui  ;  ils  regardent  Jésus-Chris 


J41 


JIII 


JUI 


U3 


ooBime  un  fam  propÏHHc,  qui  a  luéiité  la 
mort  sflon  la  loi;  sur  ce  point,  leur  opiniâ- 
treté est  invincible.  Nous  délions  les  rabbins 
d'assigner  [larnii  eux  aucun  forfait  (]ui  porio 
mieux  les  caractères  d'un  crime  national  que 
celui-là.  Lorsqu'un /«(/■  se  fait  chrétien,  à 
Rome  ou  h  Paris,  qu'un  autre  prend  le  turban 
îi  Constantinople,  (piclle  part  peuvent  avoir 
h  cette  action  les  jiti fa  de  Pologne,  d'Angle- 
terre ou  d'Amérique  ? 

Si  l'anathème  de  la  nation  juive,  continue 
Orobio,  était  une  punition  de  sa  révolte  con- 
tre le  Messie,  il  ne  pourrait  ôtro  effacé  que 
par  une  amende  honorable  faite  au  Messie, 
et  par  la  profession  du  christianisme;  cepen- 
dant un  Juif  s'y  soustrait  aussi  bien  en  em- 
brassant le  manoraétisme  qu'en  adorant  Jé- 
sus-(]hrist. 

Nous  répliquons  :  Si  l'opprobre  actuel  des 
Juifs  était  un  châtiment  de  leur  infidélité  à 
la  loi  de  Moïse,  il  ne  pourrait  Être  expié  que 
par  une  amende  honorable  faite  à  celte  loi  : 
or,  quand  un  juif  se  fait  mahométan,  il  no 
devient  certainement  pas  plus  soumis  à  la 
loi  de   Moïse,  et  cepeu.Ianl  il  cesse  d'être 
odieux  comme  juif.  Selon  ce  rabbin,  el  se- 
lon la  vérité,  l'état  de  réprobation  des   Juifs 
tombe  plutôt  sur  la  nation  que  sur  les  parti- 
culiers; il    est  donc  tout  simple  qu'un  jwî/, 
en  se  dépouillant  du  caractère  national,  soit 
à  couvert  de  l'opprobre  attaché  à  sa  nation  ; 
mais  cela  ne  décide  rien  pour  ou  contre  son 
salut  éternel.  S'il  embrasse  le  christianisme, 
il  sera  jugé  de  Dieu  comme  chrétien,  selon 
qu'il  aura  rempli  ou  violé  les  devoirs  de  sa 
religion  ;  s'il   se  fait    turc  ou  païen,  il  sera 
jugé  comme  ces  nalions  infidèles.  Puisqu'il 
est  démontré  jusqu'à   l'évidence  que  l'état 
actuel  des  Juifs  est  une  punition  de  leur  in- 
crédulité au  Mesbie,  et  de  la  mort  qu'ils   lui 
ont  fait  subir,  ils  ne  peuvent  espérer  de  ren- 
trer en  grûce  avec  Dieu  ,  qu'en   adorant  ce 
môme  Messie  qu'ils  ont  attaché  à  la  croix. 
■yil.  De  la  conversion  future  des  Juifs.  Une 
dernière  question  est  de  savoir  s'il  est  jiré- 
dit  par  les  auteurs  sacrés  que  tous  les  Juifs 
doivent  se  convertira  la  fin  du  monde  ;  c'est 
une  opinion  assez  commune  parmi  les  com- 
mentateurs modernes,  et  les  Juifs  n'ont  pas 
manqué  de  s'en  prévaloir.  Ce  sentiment  des 
docteurs  chrétiens,  disent-ils,  vient  évidem- 
ment d<!  ce  qu'ils  ont  senii  que  les  anciennes 
projihéties  quiannoncent  que,  quand  le  Mes- 
sie paraîtra,  tous  les  Juifs  se  réuniront  à  lui, 
n'ont  pas   été   accomplies  à   l'avènement  do 
Jésus-Christ;  c'est  donc  un  subterfuge  qu'ils 
ont  trouvé  pour  attaquer  les  espérances  des 
Juifs,  et  pour  écai  ter  les  conséquences  qui 
s'ensuivent  évidemment  de  ces  mêmes  pro- 
phétij'S.  Arnica  coUatio,  \-.  133. 

Il  est  vrai  que  saint  Paul,  dans   VEpître 
aux  Romains,  ch.  xi,  v.  2o  et  suiv.,  témoi- 

Sne  (j^u'il  esjière  la  conversion  des  Juifs  ; 
se  londe  sur  une  prédiction  d'isaïe,  qui 
annonce  qu'il  viendra  un  rédempteur  pour 
Sion,  et  pour  ceux  de  Jacob  qui  retournent 
de  leurs  prévarications,  c.  ux,  v.  20.  Ces  der- 
nières  paroles  mettent   une  restriction  à  la 


promesse  de  Dieu  ;  on   ne  peut  retendre  à 
tous  h  s  Juifs. 

Saint  Paul  ne  donne  pas  plus  d'extension 
à  sa  prophétie.  1°  Il  dit  que  si  les  Juifs  ne 
persévèrent  point  dans  l'incrédulité  ,  ils  se- 
ront replantés  sur  leur  ancien  tronc,  que 
Dieu  est  assez  puissant  pour  les  y  grett'ir  de 
nouveau  ;  donc,  lorsqu'il  ajoute  qu'alors  tout 
Israi'l  sera  sauvé  ,  il  faut  toujours  soi.s-en- 
tendre,  s'ils  ne  persévèrent  point  daus  l'incré- 
dulité. 2°  Il  avertit  lesgeniilsde  ne  point  s'en- 
orgueillir de  leur  vocation,  mais  de  craindre 
que  si  Dieu  a  réprouvé  une  partie  des  Jmi/s, 
malgré  ces  promesses,  il  peut  aus.si  laisser 
retomber  les  gentils  dans  l'incrédulité,  mal- 
gré leur  vocation  ;  la  conversion  future  des 
Juifs  est  donc  conditionnelle  tout  comme  la 
persévérance  dei  gentils.  3°  Saini  Paul  fonde 
son  espirance  sur  ce  que  Dieu  ne  se  rcpent 
jamais  de  ses  dons  ni  de  sa  vocation  ;  mais 
lorsque  les  hommes  rendent  ses  dons  inuti- 
les |iar  leur  résistance  et  leur  infidélité,  il  ne 
s'ensuit  pas  que  Dieu  se  soit  repenti.  Il  pa- 
rait donc  que  saint  Paul  ne  parle  point  d'une 
conversion  gt'nérale  des  Jiiifs  a  la  fin  du 
monde,  mais  d'une  conversion  successive  et 
tiès-lenle,  comme  on  l'a  vu  par  l'événement. 
L'Apôtre  écrivait  aux  Romains  vers  l'an  B8 
de  notre  ère,  douze  ans  avant  la  ruine  de 
Jérusalem  ;  à  cett^'  l'poque,  un  grand  nom- 
bre de  Juifs  se  convertira  ni  on  etl'et. 

Vainement  l'on  veut  adapter  à  une  con- 
version généraiecles  Juifs,  à  la  lin  du  monde, 
d'autres  prophéties  de  îlichée,  d'Osée,  de  Mala- 
chie,  qui  disent  la  même  chose  que  celle  d'i- 
saïe; ces  prédictions,  qui  reg.ir  :ent  évidem- 
ment les  Juifs  revenus  de  Eabylone,  ne  peu- 
vent 6tre  appliquées  à  un  événement  plus  re- 
culéquedansun  sensfiguré  e! allégorique, qui 
n'est  pas  une  forte  preuve .  Cette  méthode 
môme  autorise  l'entôtement  des  Juifs ,  et 
leur  fait  espérer,  sous  un  Messie  futur,  un 
accomplissement  plus  [)arfait  des  promesses 
de  Dieu,  que  celui  qui  lut  lieu  pour  lors. 
Quand  on  y  ajoute  les  prédictions  d'un  se- 
cond avènement  du  prophète  Elle  sur  la  terre, 
on  oublie  que  Jésus-Christ  lui-même  a  pré 
venu  cette  objection.  Lorsque  ses  disciples 
lui  représentèrent  qu'Elie  devait  venir  sur  la 
terre,  il  leur  répondit  que  cette  prédiction 
regardait  Jean-Baptiste  [Matth.,  c.  xi,  v.  li  ; 
c.  XVII,  V.  10  ;  Luc,  c.  I,  v.  17).  Ce  (jue  l'on 
tire  de  l'Apocalypse,  pour  éclaircir  les  évé- 
nements qui  doivent  précéder  l.i  fin  du 
monde,  loin  de  dissiper  l'obscurité,  ne  sert 
qu'à  l'augmenter. 

Mais,  dit-on,  c'a  été  le  sentiment  des  Pè- 
res et  des  interprètes  de  rEeriturc  sainte  , 
c'est,  dans  le  christianisme,  une  espèce  de 
tradition  de  laquelle  il  n'est  pas  permis  de 
s'écarter  ;  Préf.  sur  Malachie,  Bible  d'.lvi- 
gnon,  t.  XI,  .p.  766  et  suiv.  ;  t.  XVI ,  p.  7't8 
et  suiv.  Malheureusement  on  n'a  cité  que 
trois  Pères  de  1  Eglise  et  trois  ou  quatre 
commentateurs  moderne >  ;  cela  sufii(-il  pour 
fonder  une  tradition?  On  no  sait  que  trop 
l'abuï  qui  ;i  été  fait  de  cette  prétendue  tra- 
ilition  dans  netre  siècle 

Quand  la  prédiction  delà  conversion  future 


Uâ 


JUL 


JUL 


iU 


des  Juifs  serait  plus  claire  et  plus  formelle,  les 
rabbin»  ne  pourraient  encore  en  tirer  aucun 
avantage.  Lesprophétiesquipromettaieni  aux 
Juifs  leur  retour  de  Babylone,  étaient  géné- 
rales, absolues,  sans  exception  ni  limilalion 
expresse;  cependant  un  très-grand  nombre  ne 
revinrent  point,  parce  qu'ils  nr-  voulurent  pas 
revenir.  Une  promesse  de  la  rédemption  gé- 
nérale des  Juifs,  sous  le  Messie,  prouverait- 
elle  davantage  que  la  promesse  du  retour 
général  des  Juifs  après  la  captivité  ?  Tnute 
promesse  de  Dieu  suppose  que  l'homme  ne 
mettra  ]ias  volontairement  obstacle  à  son 
entier  accomplissement  :  or,  c'est  ce  qu'ont 
fait  les  Juifs  au  retour  de  Babylone  et  à  l'a- 
vénement  du  Messie  ;  il  serait  absurde  de 
supposer  que,  sous  leur  jirétendu  Messie  fu- 
tur, aucun  juif  ne  sera  libre  de  demeurer 
tel  qu'il  est  ;  quT  ceux  qui  sont  établis  en 
Amériquf'  abandonneront  leurs  possessions 
et  leur  état  pour  aller  se  réunir  au  Messie 
dans  la  Terre  promise. 

Nous  finirons  cet  article,  en  observant  que 
l'on  s'exprime  fort  mal,  quand  on  dit  qu'en 
Espagne  et  en  Portugal  l'inquisition  ne  souf- 
fre point  de  Juifs,  qu'elle  sévit  contre  eux 
et  les  envoie  au  supplice,  etc.  C'est  par  les 
édits  des  souverains  de  ces  deux  royaumes 
que  les  Juifs  en  ont  été  bannis  ;  ceux  qui 
veulent  y  demeurer  ne  le  peuvent  fiii'e 
qu'en  feignant  d'être  chrétiens,  par  consé- 
quent en  piofanant  les  sacrements  qu'ils  re- 
çoivent ;  lorsque  l'inquisition  les  découvre, 
elle  les  punit,  non  comme  Juifs,  mais  com- 
me profanateurs  et  rebelles  aux  ordres  du 
souverain.  Si  ceux  qui  ont  déclamé  contre 
cette  conduite  avaient  été  mieux  instruits  ou 
plus  sincères,  ils  n'auraient  pas  déguisé  le 
vrai  motif  du  châtiment. 

■  Juifs  chrétiens.  Un  cordonnier  d'Angleterre, 
nommé  William  CornhiU,  tenta  de  réformer  le  pro- 
testantisme en  ressuscitant  le»  pratiques  judaïques. 
Il  prit  la  Bible  et  s'interdit  tout  ce  qui  était  défendu 
aux  Juifs  par  la  loi  cérémonielle.  11  se  lit  un  certain 
nombre  de  partisans,  et  parvint  a  former  une  secte. 
C'est  une  preuve  ajoutée  à  tant  d'autres,  qu'une  fois 
séparé  du  centre  de  l'Eglise  catholique  ,  il  ne  peut 
plus  y  avoir  rien  de  stable  et  de  déterminé. 

JULIEN ,  empereur  romain  ,  surnommé 
Y  Apostat,  l'un  des  plus  ardents  persécuteurs 
de  la  religion  chrétienne.  C'est  ainsi  qu'il 
est  représenté  par  les  Pères  de  l'Eglise  et 
par  les  écrivains  ecclésiastiques. 

Comme  les  incrédules  de  notre  siècle  se 
sont  fait  un  plan  de  contredire  les  Pères 
en  toutes  choses,  et  de  révoquer  en  doute 
les  faits  les  mieux  établis,  plusieurs  ont 
soutenu  que  Julien  ne  fut  ni  apostat  ni 
persécutrur  ,  que  ce  fut  un  héros  et  un 
sage.  C'est  à  nous  de  justifier  les  Pères 
et  de  prouver  la  vérité  de  leurs  accusations. 

i"  Que  Julien  ait  été  élevé  dans  la  religion 
chrétienne,  qu'il  l'ait  ensuite  abjurée  pour 
faire  profession  du  paganisme,  c'est  un  fait 
non-seulement  attesté  par  ses  panégyristes, 
Liban.,  Orat.  parent,  in  Jul.  §9,  mais  dont  il 
con yieiit  lui-même  dans  une  de  ses  1  ettres  aux 
habitants  d'Alexandrie,  ii^îs^.Si.  Dans  une  au- 
tre,sonfrèreGallusIefélicitedcsapiétéenvers 


les  martyrs.  Il  est  certain  que  l'an  360,  lorsqu'il 
fut  déclaré  auguste,  il  assista  encore  à  l'église 
chrétienne  le  jour  de  l'Epiphanie  avec  la 
pompe  impériale,  afin  de  plaire  aux  soldats 
et  aux  peuples  des  Gaules  presque  tous  chré- 
tiens. —  2°  Ce  sont  les  païens  eux-mêmes 
qui  l'accusent  d'avoir  persécuté  les  chrétiens, 
entre  autres  Eulrope,  1.  x,  et  Ammien  Mar- 
cellin,l.xxiv,  p.  305.  S'il  ne  fit  publier  aucun 
édit  pour  condamner  les  chrétiens  à  la  mort, 
c'est  qu'il  savait  que  les  supplices,  loin  d'en 
diminuer  le  nombre,  n'avaient  servi  qu'à  l'aug- 
menter. Liban.,  ibid.,  n°  53.  Il  convient  lui- 
même  que  les  chrétiens  allaient  à  la  mort 
sans  répugnance ,  parce  qu'ils  espéraient 
l'immortalité.  Fragm.  Orat.,  p.  288.  Mais  il 
approuva  ou  dissimula  tous  les  excès  aux- 
quels les  païens  se  portèrent  contre  eux  :  et 
il  feignit  délaisser  à  tous  la  liberté,  alin  de  les 
mettre  aux  prises  et  debîs  rendre  par  là  moins 
redoutables.  Amm.  Marcell.,  1.  xxn,  c.  3.  L'é- 
ditpar  lequel  il  déf..'ndit  aux  chrétiens  d'é- 
tudier et  d'enseigner  les  lettres  a  été  blâmé 
par  les  païens  mêmes.  Ibid.,  c.  10.  —  3°  Si 
Julien  avait  été  sage,  il  ne  se  serait  pas  livré, 
comme  il  le  fit,  à  cette  troupe  de  sophistes 
et  d'imposteurs  qui  l'environnaient  ;  il  ne 
les  aurait  pas  rendus  insolents  en  les  com- 
blants d'honneurs  et  de  bienfaits  :  il  donna 
dans  toutes  les  superstitions  de  la  théurgie 
et  de  la  magie,  poussa  aux  derniers  excès 
l'entêtement  pour  la  divination  et  l'idolâtrie, 
ne  rougit  point  d'en  exercer  les  fonctions  les 
plus  dégoiitantes  :  les  païens  lui  ont  encore  re- 
proché ce  ridicule.  Amw.Marce//.,l.  XXV,  c.  6. 
Il  y  ajouta  celui  de  l'hypocrisie.  Eu  écrivant 
aux  juifs,  il  évite  de  paraître  idolâtre  ;  il  ne 
parle  que  du  Dieu  très-bon  qu'ils  adOicnt,  et 
se  propose  di^  rebâtir  le  temple  de  Jérusalem. 
Epist.  25.  Il  le  tenta  en  ell'et,  et  fut  confondu 
par  un  miracle.  Voy.  Temple. 

On  ne  peut  disconvenir  de  son  courage  ; 
mais  il  fut  bouillant,  téméraire,  avide  de 
gloire  à  un  excès  puéril.  Maître  de  conclure 
avec  les  Perses  une  paix  avantageuse,  il  eut 
la  folie  de  vouloir  imiter  Alexandre  ;  il  se 
laissa  tromper  par  un  espion,  malgré  les  re- 
montrances de  ses  généraux  ;  il  exposa  son 
armée  à  une  perte  certaine  en  faisant  brûler 
sa  Hotte.  11  mit  l'Assyrie  à  feu  et  à  sang  ;  la 
manière  dont  il  traita  les  villes  de  Diacires, 
Ozogardane  et  Maogamali]ue  fait  horreur.  Il 
a  écrit  contre  le  christianisme ,  et  son  ou- 
vrage a  été  réfuté  par  saint  Cyrille  d'Alexan- 
drie. De  nos  jours,  bs  incrédules  ont  eu 
grand  soin  d'en  recueillir  le  texte  dans  saint 
Cyrille,  de  le  publier  cimime  un  monument 
précieux  pour  l'incréJulilé.  En  plusieurs 
choses,  il  est  très-favorable  à  notre  religion, 
et  il  renferme  des  aveux  qu'il  est  important 
de  faire  remarquer. 

Julien  attaque  le  judaïsme  plus  directe- 
ment que  la  religion  chrétienne  ;  il  défigure 
la  doctrine  de  Moïse,  afin  delà  faire  paraître 
moins  sage  que  celle  de  Platon  ;  il  fait  contra 
l'histoire  sainte  les  mômes  objections  que  les 
marcionitcs  et  les  manichéens  :  il  déprima 
tant  qu'il  peut  les  écrivains  hébioux  ;  et,  par 
un  travers  inconcevable,  il  s'elTorce  de  cou- 


14.1 


Jim 


Jl)R 


ui; 


cilifci  11' juilaisiiii:  auc  li;  iJUc;aiiisnie  ;  il  .sou- 
tient que  les  juifs  et  les  païens  tuhiront  le 
môme  Dieu  ,  "qu'ils  ont  les  mêmes  cérémo- 
nies, qu'Aliraham  a  observé  les  augures, 
que  Moïse]  a  connu  les  dieux  cxpiateurs 
et  a  enseigné  le  polythéisme.  Il  convient 
que  les  païens  ont  imaginé  sur  les  dieux 
des  fahles  indécentes,  et  il  est  lui-môme 
entêté  de  toutes  ces  fables  ;  il  ne  [trouve 
les  dogmes  du  [taganisme  ([ue  par  les  pré- 
tendus prodiges  tpie  les  dieux  ont  opérés, 
et  par  la  prospérité  des  peuples  qui  les  ont 
adorés.  Mais  qu'aurait  dit  Julirn,  s'il  avait 
prévu  la  prospérité  des  Perses  (pii  n'ado- 
raient passes  dieux,  [lar  lesquels  c('|)endant 
H  fut  vaincu,  et  les  exploits  des  Hai  hares  qui 
ont  détruit  l'empire  romain? 

Une  remarque  essentielle,  c'est  qu'il  n'a 
pas  osé  nier  l'ormellemiMit  les  miracles  de 
Jésus-Christ,  ni  même  ceux  des  apôtres?;  il 
les  avoue  même  assez  clairement.  «  Jésus, 
pemlant  toulo  s;i  vie,  dit-il,  n'a  rien  l'ail  de 
ménmrable,  à  moiiLS  qu'on  ne  regarde  comme 
de  grands  exploits  d'avoir  guéri  les  boiteux 
et  les  aveugles  et  d'avoir  exorcisé  les  démons 
dans  les  villages  i!e  Betlisaïdeetde  Béthanie.» 
Dans  saint  (lyrille,  1.  vi,  p.  US)  :  «  Lui  qui 
commandait  aux  esjirits,  qui  marchait  sur  la 
mer,  qui  chassait  les  déuions,  qui  a  fait,  à  ce 
que  vous  dites,  le  ciel  et  la  terre,  n'a  pas  pu 
changer  les  cœiu's  de  ses  proclu  s  et  de  ses 
amis  ])onr  leur  salut.  Ibid.,  y.  209.  .Mais  la 
résurrection  de  Jésus-Christ  du  moins  était 
un  l'ait  mémorable  ;  Jniien  n'en  parle  ])oint  ; 
s'il  pouvait  la  contester,  s'il  [louvait  prouver 
la  fausseté  des  miracles  rapportés  dans  l'E- 
vangile, pourquoi  cette  faiblesse  ?  11  devait 
sentir  de  quelle  inqiortance  était  cette  dis- 
cussion ;  il  n'y  entre  point.  Il  dit  que  saint 
Paul  est  le  plus  giand  magicien  et  le  plus 
odieux  imposteurqui  tût  jamais;  en  (]uoi  con- 
siste sa  magie,  s'il  n'a  point  fait  de  miracles? 

.Non-seulement  Julim  avoue  la  constance 
des  chrétiens  à  soulfrir  le  martyre,  mais  il 
reconnaît  leur  libéralité  envers  les  pauvres. 
Misopog. ,  363.  Il  convient  que  le  chris- 
tianisme s'est  élabli  pur  les  œuvres  de  cha- 
rité et  par  la  sainteté  des  mœurs  que  les 
chrétiens  savent  contrefaire  ;  qu'ils  nourris- 
sent non-si'ulemeni  leurs  pauvres,  mais  en- 
core ceux  des  ]iaïens.  Epist.  k9.  il  aurait 
voulu  introduire  parmi  les  prêtres  du  paga- 
nisme la  même  régularité  de  mœurs  qu'il 
voyait  régner  parmi  les  ministres  de  la  reli- 
gion chrétienne. 

Ces  divers  témoignages  rendus  à  notre 
religion  par  un  de  ses  plus  grands  ennemis, 
sont  la  meilleure  apologie  que  l'on  puisse 
opi-'oser  aux  calomnies  des  incrédules  mo- 
dernes ;  et  si  l'on  veut  se  donner  la  peine  de 
lire  les  réponses  que  saint  Cyrille  a  données 
aux  objections,  aux  reproches ,  aux  calom- 
nies de  Julien,  l'on  verra  la  ditlérence  qu'il 
y  a  entre  un  homme  qui  sait  raisonner  et  un 
vain  discoureur. 

JUKEMENT  ou  SERMENT.  Jurer,  c'est 
prendre  Dieu  à  témoin  de  la  vérité  d'un  dis- 
cours, ou  de  la  sincérité  d'une  promesse,  et 
faira  une   imprécation  contre  soi-même,  si 


l'on  ment  ou  si  l'on  n'accomplit  pas  ce  que 
l'on  piomet  ;  c'est  donc  un  acte  religieux  par 
lequel  on  fait  profession  de  craindre  Dieu  et 
sa  justice. 

Nous  en  voyons  des  exemples  parmi  les 
plus  sincères  adorateurs  du  vrai  Dieu.  Abra- 
ham {Gen.  c.  XIV,  v.  22)  proteste  avec  ser- 
7n(nt  qu'il  n'acceptera  pas  les  présents  du  roi 
de  Sodome.  Cap.  xxi,  v.23,  il  jure  alliance 
avec  .\bimélecli.  Cap.  xxiv,  v.  2,  il  fait  jurer 
son  économe  qu'il  ne  donnera  pas  pour 
épouse  h  Isaac  une  Cliauanéemie.  Cap.  xxvi, 
V.  31,  Isaac  renouvelle  avec  serment  l'al- 
liance faite  par  son  père  avec  Ahimélech. 
Cap.  XXXI,  V.  53,  Jacob  lait  de  même  avec 
Laban.  Dieu  semble  av.Tir  approuvé  cet  usa- 
ge, en  confirmant,  par  une  espèce  de  serment, 
les  promesses  qu'il  faisait  à  Abraham  :  J'ai 
juré  par  moi-même,  dit  le  Seigneur,  de  vous 
be'nir  et  de  multiplier  votre  postérité.  (Gen. 
c.  xxii,  V.  16.) 

La  formule  ordinaire  du  serment  était  : 
Vire  le  Seigneur  (Jud.  c.  vin,  v.  1!));  ou 
Que  le.  Seigneur  me  punisse  si  je  ne  fais  telle 
chose  (I  Jteg.,  c.  xxiv,  v.  44  et  'i5).  Dieu  lui- 
même  dit  souvent  :  Je  suis  vivant,  pour  at- 
tester ce  qu'il  fera  {Num.  c.  xiv,  v.  28,  etc.). 
11  était  défendu  aux  Juifs,  1"  de  jurer  par 
le  nom  des  dieux  étrangers  [Exod.,  c.  xxiii, 
V.  13).  Vous  craindrez  le  Seigneur  votre  Dieu, 
leur  dit  Moïse;  vous  le  servirez  seul,  et  vous 
jurerez  par  son  nom  (Deut.  c.  vi,  v.  13).  2"  De 
prendre  en  vain  ce  saint  nom  et  de  se  par- 
jurer {Exod.,  c.  XX,  V.  7  ;  Levit.,  c.  xix,  v.  12). 
Ces  deux  défenses  regardaient  également  les 
jurements  que  l'on  faisait  par-devant  les  ju- 
ges, ou  pour  confirmer  un  contrat  mutuel,  et 
ceux  dont  on  usait  dans  le  discours  ordinaire. 
Jésus-Christ ,  oans  l'Evang  le  ,  ajoute  une 
nouvelle  défense  ,  qui  est  de  jurer  sans  né- 
cessité :  Vous  savez  qu'il  a  été  dit  aux  an- 
ciens :  Vous  ne  vous  parjurerez  point ,  mais 
vous  rendrez  au  Seiuneur  vos  jurements; 
pour  moi,  je  vous  dis  de  ne  pas  jurer  du  tout, 
ni  par  le  ciel ,  qui  est  le  trône  de  Dieu,  ni  par 
la  terre,  qui  est  son  marche-pied,  ni  par  Jéru- 
salem ,  qui  est  la  ville  du  grand  Roi,  ni  par 
votre  tête,  puisque  vous  ne  pouvez  changer  la 
couleur  d'un  seul  de  vos  cheveux.  Que  votre 
discours  se  borne  à  dire  oui  ou  non  :  tout  ce 
que  l'on  y  ajoute  de  plus  vient  d'un  mauvais 
fond.  (Matth.,  c.  v,  v.  33.)  Dans  un  autre  en- 
droit, il  réfute  la  distinction  que  faisaient 
les  pharisiens  entre  les  jurements  qui  obli-  ■ 
geaient  et  ceux  qui  n'obligeaient  pas  (c.  xXiii,  ; 
V.  16).  Saint  Jacques  répète  aux  lidèles  la  ' 
môme  leçon  {Jac,  c.  v,  v.  12).  Par  ces  paro- 
les, Jésus-Christ  a-t-il  condamné  les  serments 
môme  qui  se  î»n{  en  justice  pour  confirmer 
un  témoignage,  ou  entre  des  hommes  consti- 
tués en  autoiUé,  qui  jurent  l'exécution  d'un 
traité  ?  Les  quakers,  les  anabaptistes  et  quel- 
ques socinieus  le  prétendent  ;  mais  il  est 
évident  qu'ils  se  trompent.  Le  Sauveur  parle 
du  discours  ordinaire ,  et  non  des  actes  pu- 
blics de  justice  :  lesjurements  qu'il  condamne 
n'étaient  cert.iinement  pas  des  formules  usi- 
tées devant  les  juges.  Saint  Paul  dit  que 
parmi  les  hommes  les  contestations  se  ter 


147 


JUR 


JUR 


itë 


minent  par  le  serment,  et  il  ne  lilAme  point 
cette  pratique  {Hehr.,  c.  vi,  v.  16].  Il  observe 
que  Dieu  a  daigné  jurer  par  lui-mémo,  pour 
confirmer  ses  promesses  et  rendre  notra  es- 
pérance plus  im'branlable. 

Les  Pères  de  l'Ej^lise  ont  répété  à  la  lettre 
la  défense  que  Jésus-Christ  a  laite,  et  dans 
les  mêmi'S  termes.  Barl)  yrac  leur  eu  a  fait 
un  crime  ;  il  soutient  que  ces  Pères  ont  con- 
darané  toute  espèce  de  serment  sans  iestric- 
tion  et  sans  distinction;  que,  faute  d"ex!)li- 
quer  l'Evangile  dans  son  vrai  sens ,  ils  ont 
tendu  au£  fidèles  un  piège  d'erreur:  il  en 
conclut  que  ce  sont  de  m.iuvais  interprètes 
de  l'Ecriture  sainte  et  de  mauvais  moralistes. 
Il  fait  ce  reproche  à  sa'Ut  Justin,  à  saint  Iré- 
née,  k  saint  Clément  d'Alexandrie,  à  Tertul- 
lion,  à  saint  Basile,  à  saint  Jérôme.  Traite!  de 
la  Morale  des  Pères,  c.  ii,  m,  v,  vi,  xi  et  xv. 
Ce  qu'il  y  a  de  singulier,  c'est  que  Barbeyrac, 
si  parfait  moralis;e,  n'a  pas  trouvé  bon,  non 
plus  que  les  Pùies,  de  désigner  les  cas  dans 
lesquels  \e  jurement  peut  être  permis  ou  dé- 
fendu; il  s  est  donc  rendu  coupable  du  même 
crime  qu'eux.  ''lais  il  faut  s'aveui^ler  nu  grand 
jour,  pour  ne  ;  as  voir  que  les  Pères  ont  parlé 
comme  l'Evangile,  du  discours  ordinaire  et 
des  conversations,  lorsqu'ils  ont  dit  qu'il 
n'était  pas  permis  d;- jurer-.  11  no  hmr  est  i  as 
venu  dans  l'esprit  que  l'on  pût  prendre  dans 
un  autre  sens  les  paroles  de  J  'sus-Chrisl  ni 
les  leurs,  et  que  l'on  pût  les  appliquer  aux 
serments  faits  par  autorité  publique.  Sont-ils 
blâmables  de  n'avoir  pas  prévu  l'entêtement 
des  quakers  et  di'S  anabaptistes  ?  On  n'en 
avait  point  vu  d'exemple  avant  le  xvi°  siècle. 

Les  premiei  s  chrétiens  ne  purent  consentir 
k  faire,  soit  le  serment  militaire,  soit  les  ser- 
ments exigés  en  justice,  lorsqu'on  le^  faisait 
au  nom  des  faux  dieux  ou  eu  présence  de 
leurs  simulacres  :  ç'aurat  été  nu  acte  d'ido- 
lâtrie; mais  ils  ne  refusèrent  jam  lis  de  faire 
des  serments  qui  n'avaient  aucun  Irait  d'  pa- 
ganisme. «Nous  jurons  ,  dit  Tertullien  ,  non 
{>ar  les  génies  des  césars,  mais  pir  la  vie  ou 
a  conservation  des  césars,  qui  est  plus  au- 
guste que  tous  les  génies.  »  (ApoL,  c.  xxxii.) 
Di'  là  môme  on  a  coucIm  que  cf  ux  qui  furent 
mis  à  mort  par  ordre  de  Caligula,  parce  qu'ils 
n'avaient  jamais  voulu  jurer  par  son  génie, 
étaient  des  chrétiens.  Sueton.  in  Calig.  c.  27. 
Yoy.  les  Notes  de  Eavercamps  sur  le  passage 
de  Tertullien.  11  est  donc  faut  que  ce  Père 
condamne  lou'e  esjièce  de  serment;  c'est 
dans  son  Traité  de  l'Idolâtrie  qu'il  sembln 
l'interdire  absolument  à  tout  chrétien  :  cette 
circonstance  seule  aurait  dû  ouvrir  les  yeux 
à  Barbeyrac ,  et  il  ne  nous  serait  pas  plus 
difficile  "de  jusliti  r  les  autres  Pères  de  l'E- 
glise parleurs  éciits  même  et  par  les  cir- 
constances daus  lesquelles  ils  ont  parlé. 

D'autres  p!nloso|)iies  bizarres  ont  décidé 
que  les  serments  sont  inutiles;  que  celui  qui 
ne  craint  pas  de  mentir  n'aura  jioint  horreur 
de  se  parjurer.  Cela  n'est  pas  toujours  vrai  : 
tout  homme  sent  irès-bien  (|u'u!i  parjure  est 
un  plus  grand  crime  qu'un  simple  mensonge, 
puisqu'il  ajoute  Fini  pi  té  k  la  mauvaise  foi. 
«  il  n'y  a,  dit  Cicéron,  point  de  lien  plus  foi  t 


que  le  serment ,  pour  empêcher  les  hommes 
de  manquera  la  foi  et  à  la  parole  qu'ils  ont 
donnée  :  témoin  la  loi  des  douze  tables  ,  té- 
moin les  sacrées  formules  ijui  sont  en  usage 
par;ui  nous  pour  ceux  qui  prêtent  serment, 
témoin  les  alliances  et  les  traités  où  nous 
nous  lions  par  serment ,  même  ave  nos  en- 
nemis ,  témoin  enfin  h  s  rech;>rches  de  nos 
censeurs,  qui  ne  furent  jamais  pins  sévères 
que  clans  ce  qui  concerne  le  serment.  »  De 
Ôfftc.  III,  c.  31.  Le  serment,  dit  un  écrivain 
très-sensé  ,  n'empêche  pas  tous  les  [>arjures, 
mais  il  atteste  toujours  que  le  parjure  est  le 
plus  grand  des  crimes.  Vôy.  Parjurk. 

Dans  le  style  populaire,  on  aiipelle  jwre- 
ment,  non-seulement  toutes  les  formules  dans 
lesquelles  le  nom  de  Dieu  est  employé  direc- 
tement ou  indirectement  f)Our  coniirmer  ce 
que  l'on  dit,  mais  encore  les  blasphèmes,  les 
im|)récations  que  l'on  fait  contre  soi-même 
ou  contre  les  autres,  même  les  parnles  bru- 
tales et  injurieuses  au  prochain  :  tout  cela 
est  évidemment  condamné  par  l'Evangile. 
Jésus-Christ  réprouve  les  imprécations  que 
l'on  fait  contre  soi-mêmi^  en  disant  :  Ne  ju- 
rez point  par  votre  tête  ;  en  effet,  lorsqu'un 
homme  juie  ainsi,  c'est  comme  s'il  dirait  : 
Je  consens  à  perdre  la  tête  ou  la  vie,  si  je  ne 
dis  pas  la  vérité.  Or,  c'est  à  Dieu  seul  de  dis- 
poser de  notre  vie;  nous  n'avons  aucun  droit 
d'y  renoncer  sans  son  ordre.  Il  nous  est  dé- 
fendu de  souhaiter  du  mal  au  fTochain,  k 
plus  forte  raison  de  fair  ■  contre  lui  des  im- 
précations qui  tendent  k  intéresser  le  ciel 
dans  nos  sentiments  de  h  ine  et  de  ven- 
geance. Le  respect  que  nous  devons  k  Dieu 
et  à  son  saint  nom  doit  nous  empêcher  «le 
l'invoquer  par  légèreté,  k  plus  forte  laison 
par  colère  et  par  brutalité.  L'habitude  dos 
jurements  parmi  le  peujle  est  un  reste  de  la 
grossièreté  des  siècles  barbares. 

Pour  jurer,  même  eu  justice,  il  n'est  pas 
nécessaire  de  prononcei  des  paroles,  il  suftit 
de  faire  le  signe  ou  le  geste  usité  eu  pareil 
cas ,  comme  de  lever  la  main  ,  de  la  jiorter  à 
sa  jjoitrine,  de  toucuer  l'Evangile  ou  une  re- 
lique ,  etc.  Dans  les  siècles  d'ignorance,  oii 
l'on  avait  établi  îa  mauvaise  coutume  de 
jurer  sur  les  châsses  des  saints,  quelques 
insensés  imaginèrent  que  quand  on  avait  ôté 
d'avance  les  reliques  de  la  chjisse,  le  serment 
n'obligeait  plus.  Erreur  qui  va  de  J>air  avec 
celle  des  pharisiens  que  Jésus-Christ  réfute 
daus  l'Evangile  {Matth.,  c.  xxiii,v.  i6).Voy. 

Pak.itjre  ,  1mP«ÉCAT!05. 

Un  écrivain  récent  déplore  avec  raison  le 
peu  de  r(  spect  que  l'on  a  painii  nous  pour 
le  serment,  la  facilité  avec  laquelle  on  trouve 
toujours  des  témoins  jTÔts  à  attester  en  jus- 
tice la  capacité  et  la  probité  d'un  homme  qui 
se  présente  pour  remplii'  une  charge,  et  que 
souvent  ils  ne  connaissent  pas.  1!  observe 
trè.s-bien  (jue  regarder  le  serment  comaie  une 
simple  formalité  ,  c'est  manquer  do  respect 
pour  le  saint  nom  de  Dieu,  et  rompre  nn.dei 
liens  les  plus  forts  qu'il  y  ait  dans  la  so- 
ciété. 

Ces  l'éflexions  sages  ne  justifient  point  la 
proposition  dans  laquelle  yuesnel  a  lit  que  : 


U9  JtIR 

((  Rien  n'est  [)\\l>  coniraire  h  l'Espril  de  Dieu 
et  à  la  doctrine  de  Jésiis-Cluist,  que  de  ren- 
dr.'  communs  les  serments  dans  l'Eglise,  parce 
que  c'est  multiplier  les  occasions  de  se  ()ar- 
jurer,  tendre  un  |)i(5si'  au\  faillies  et  aus 
ignorants,  et  faire  servir  le  nom  et  la  véracité 
d'e  Dieu  aux  desseins  dos  impies.  »(Prop.  101.) 
11  en  voulait  évidemment  h  la  signature  du 
fornmlairo,  par  lequel  on  atleste  .jne  l'oi» 
condamne  les  proi'dsitions  de  Janséniusdans 
le  sens  de  l'auteur.  Suivant  cette  morale,  il 
faudrait  aussi  supprimer  les  professions  de 
foi  par  losqaellrs  on  atteste  que  l'un  est  chré- 
tien et  cUliolique.  Cet  autour  téméraire 
n'hésite  po  nt  di'  namnwr  impies  ccusquine 
pensent  point  comm  •  lui. 

jrRlDIGTION,  po'.ivoir  de  faire  des  lois  et 
prononcer  des  jugements  oblii^atoires  dans 
une  certaine  étendue  de  tenitoire.  Nous  n'a- 
vons à  [)arler  que  de  ]a  juridiction  spirituelle 
Uespasieurs  del'Kglise;  leuryM;(<//f<îort tem- 
porelle est  l'objet  du  droit  canonique  (1). 

(1)  «  La  (lifféreiicfi  ilfs  objels,  dit  M.  Doney,  éta- 
Wii  deux  espèces  ilo  juridictions  spiviluelles  :  l'uim 
intwieiirc ,  qui  s'exeiTC  dans  le  liiiuin.ll  do  la  pi^ni- 
liMici>  «1  qui  rcinel  les  pèches;  l'auire  oxlprioiire, 
<\m  maiiiiienl  ei  giuivcrne  l'Egiisc,  elcpii  a  poiir  sanc- 
tion les  censures,  l/nne  cl  l'auUe  juridiction  onl  été 
confrrées  par  Jésus-Christ  à  ses  apôlies  :  la  première, 
loreqn'il  lenr  dit  :  Itecevez  le  Sninl-Espril  ;  ceux  à 
qui  vous  lemel'rtt  les  pérhéa ,  ils  leur  seraiit  re.njs,  et 
(t  X  A  qui  voua  la  retifitdrez ,  i/s  leur  seront  leieuns 
{Joan.,  c.  XX,  V.  2i  el  25)  :  la  seconde,  quand  il  leur 
a  dit:  Tout  re  q':e  vous,  Ixnet  sur  la  terre  sera  lié  ilous 
k  ciel,  et  tout  ce  que  vous  l'.élierez  sur  l  •  terre  ssrn  (I  •- 
lié  (tant  le  liel  (Hlaitii.,  c.  xvni,  v,  IS).  Or,  celte  dou- 
ble jurûlieiion  a  passe  des  apôtres  aux  évô(iues,ileurs 
snwesseurs,  dans  toiilc  la  suite  des  siècles  ,  et  les 
évciines  l'ont  de  nicmc  couniuniiquée  av«c  plus  ou 
moins  d'étendue  aux  pasteurs  du  second  ordre,  aux 
simples  prèiies. 

tl.a  véritable  juridirlion  est  celle  qin  vient  de  Jë- 
sus-l'hris!,  le  fiindaieurei  I*  chef  dti  l'Eglise  Ciitho- 
liiIue:touieanir(' jurididioi»,  provenant  i!cs  honnnes, 
ne  peut  avoir  aucun  eflel.  Or,  on  reconnaît  qnc   la 
juridiction  vient  de  Jésus-€hrist,  lorS(iircllc  est  con- 
férée par  les  successeurs  des  apôtres,  conforniénicnt 
aux  règles,  aux  lois  de  l'Egliss'  (|ui  est  <lépositaire  de 
tout  pouvoir,  de  loulp  juridiction  spirituelle.  Cette 
doctrine  est  consacrée  par  le  saint  concile  de  Trente. 
I  Tous  ceux  qui  osent   s'ingérer  à  exercer  le  saint 
niiidstérc,  de  leur  propre  témérité,  ou  n'y  étant  ap- 
pelés que  par  le  penpl»  on  par  la  puissance  séculière 
et  par  les  magisirals,  ne  sont  pas  des  ministres  de 
l'Eglise,  mais  doivent  Olrc  regardés  comme  des  vo- 
leurs et  des  larrons  qui   ne  sont  pas  entrés  |Mir  la 
porte.  I)ei\rml  tancta  synodus  e"S ,  ijui    lautumtnodo 
(1  l'Ojndouitl  ucruluri  poleitute  ne  maiistrntu  vo  i:ti  et 
in  tniitu  «ti  /i(P.   ini  isterii  cxirci-uda  ascendunl,  et  qui 
en  pi-  rriii  temeriii.te  sibi  tumunt,  o:.:ne!,  non  l:rci  siœ 
txi.'itsJr.is,  icd  jutes  et  littrones  p  r  onium  non  iiii/rcs- 
so.  hahcudoi  este.  Conc.  Trid.,  scss.  '25,  de  Ordine, 
c.  4.  El  le  saint  concile  conlirme  encore  c^^lle  ik'ci- 
.sii>n  ,  eu  pr(inoni;ant   <  anadiéuie  contre  c|uiconque 
dir.»  q«ô  ceux  qui  n'ont  point  été  légitimement  or- 
donnés ni  ewvoyés  par  la  puissanc*  ecclésiasiiqne  et 
cancmiiiue,  sont  de  légitinies  ministres  de  lu  parole 
et  des  ^acreu1Pnts.  >  Si  iyi/i«  diturit  f»i  qu->  nec  ah  c:- 
cltiiailica  .1  ciin  nii  ^  pol-slate  rite  O'-dinuli,  nce  missi 
luiit,  seil  aliunie  ven  uni,  tegilimos  esse  veibi  et  sana- 
t?i'H  urtin,  mintlros,  unailienia  »«(.Conc.  Trid.,  .-«css. 
xxm,  cjin.  7. 
«  Ùii'on  parcoure  l'histoire  de  l'Eglise,  on  verra 


jun 


ISO 


A  l'arlicle  Lois  ecclésiastiques,  nous  prou- 
vcions  que  h's  pasteurs  de  l'Ej^lise  ont  reçu 
de  Dieu  le  pouvoir  de  fnire  des  lois  concer- 
nant le  culte  divin  et  les  mœurs  des  fidèles, 
et  (jue  ceux-ci  sont  obligés ,  en  conscience, 
de  s'y  soumettre  et  de  s'y  conformer;  que, 
dans'  tous  les  siècles ,  l'Eglise  a  usé  de  ce 
liouvoir  et  a  statué  dos  peines  contre  les  ré- 
i'ractaires.  Mais  il  y  a  contestation  entre  les 
tliéologieiis,  pour  savoir  si  les  évè(pies  tien 
nei.t  immi'diateraent  de  Jésus-Christ  leur 
juridiction  spirituelle  sur  Ifs  lidèles  de  h-ur 
diocèse,  ou  s'ils  la  reçoivent  du  souverain 
pontife.  Les  ultramouîains  soutiinnent  ce 
dernier  sentiment;  Uellarmin  a  fait  lou.s  ses 
eiforts  pour  l'établir.  T.  I,  Conlrov.3,  de 
SHtnmo  Pont.  En  France ,  nous  pensons  le 
contraire  ,  nous  disons  que  les  évèques  ont 
reçu  de  Jésus-Christ  leur  juridiction  aussi 
immédiatement  que  leurs  pouvoirs  d'ordre 
el  leur  caractère  (1). 
Pour  C'tayer  son  opinion,  Bellarmin,  lib.  n, 

constamment  les  évèques  et  les  prêtres  puiser  à  la 
même  source  la  juridiction  nécessaire  au  ministère 
pastoral,  l.e  ministère  n'a  jamais  été  cieicé  que  sur 
des  titres  poT,ilifs,  toujours  émanés  de  la  même  ori- 
gine, toujours  conférés  conformément  aux  règles  de 
l'Eglise.  Ces  titres  n'ont  pas  toujours  été  les  mêmes  : 
il  y  en  a  eu  de  perpétuels  el  de  transitoires,  d'ordi- 
naires et  de  délégués,  de  plus  ou  de  moins  étendus. 
La  manière  d'être  pourvu  de  ces  titres  a  aussi  varié. 
On  a  vu  tantôt  des  élections  sous  différentes  formes, 
tantôt  des  présentations  el  des  noniinati(ms.  Mais  ce 
qui  n'a  jamais  varié,  ce  qui  a  toujours  été  regardé 
comme  sacré,  c'est  que  l'Eglise  seule  déîerminaii  les 
formes  ;  el  l'on  n'a  jamais  regardé  comme  ayant  un 
titre  légitiuie,  celui  qui  n'en  avait  pas  un  conforme 
aux  règles  .ilors  en  vigueur  dans  l'Eglise  (n).  > 

(1)  La   Trudiiion  de   l'F.qlhe   sur  rnittiiution  des 
évcqiiei  expose  ainsi  celle  grande  controverse  : 

«  Les  théologiens  gallicans  distinguent  deux  sortes 
de  juridiction  :  l'une  ,  qu'ils  appellent  juridict  on 
radicale,  est  inséparable  du  caraciere,  mais  demeure 
liée  et  sans  exercice  jusqu'à  ce  que  le  \uinistr8  con- 
sacré ail  reçu,  par  rinstiiution  ou  l'apprebjiion  ca- 
nonique, l'autre  espèce  de  juridiction  ,  qui  dtime 
seule  un  pouvoir  conqilet.  Dans  ce  système,  l'altri- 
buiion  du  territoire,  ou  la  désignation  des  sujets,  ap- 
partient au  souverain  pontife,  el  celle  désignalion  est 
une  condition  nécessair*  pour  que  Jésus-Christ  con- 
fère la  juridiction.  Tel  ctaii  le  sentiment  des  évèques 
français  qui  assistèrent  au  concile  de  Tre4ite.  Le 
Père  Alexandre,  le  Père  Juénin,  le  Père  Dunnsnil, 
le  Père  Thoniassin  el  la  Sorbonue,  enseignent  la 
même  doctrine,  et  soutiennent  à  la  fois  la  collalion 
immédiate  de  la  juridiction  par  Jésns-Chrisl ,  el  le 
droit  essentiel  au  siège  apostolique  d'attribuer  à  cha- 
(]r.e  éveiiue  le  diocèse  qu'il  doit  régir,  et  hors  duquel 
cessent  tous  ses  pouvoirs,  sans  quoi  tous  les  évèques 
seraient  papts ,  el  le  gonvcrnenient  de  l'Eglise  de- 
viendrait une  anar<;hie  de  souverains.  Hien  n'empê- 
clie  d'adopter  cette  opinion  ,  aisément  conciliable 
avec  les  principes  catholiques,  pourvu  que  l'on  ne 
confonde  point  ropêralinn  interne  qui. imprime  le 
caractère  avec  l'autorisation  effîcace  d'exercer  une 
juridiction  extérieure  quelconque.  La  seule  exposi- 
tion de  ce  sentiment  décide  en  faveur  du  pape  la 
question  lie  rinstiiution  des  évèques.  Aussi  le  savant 
cardinal  Gerdil  ,  Vper.  card.  Gerdil ,  l.  XI,  parlant 

{a)  Voje?  noire  Dicl.  de  Thêol.  mor.,  ^irl.  JrHiDicTrw, 
ou  lÉous  avons  élalili  l'exisience  de  la  inriilulion  ecclé- 
siastique, el  lions  avons  claircmi.ul  expliqué  la  n»lure  el 
les  (lllTérenles  espi  ces  de  juridlcliOD. 


iU 


Jl)R 


JUR 


irr2 


c.  9,  commence  par  supposer.  1*  que  le  gou- 
vernement de  l'Eglise  est  purement  monar- 
chique; que,  comme  dans  une  monarchie, 

de  la  .jnridiction  radicale  ,  obscrve-t-il  avec  raison 
q\ie  I  ions  les  calholiqiies,  étant  d'accord  qn'ellepeut 
être  restreinte  par  les  lois  de  l'Eglise,  et  qu'elle  est 
soumise  à  l'autorité  pontificale,  on  n'en  peut  rien 
conclure  contre  le  pouvoir  dont  nous  savons  Ircs- 
certaineniw.ll  que  les  papes  ont  usé  dès  l'ori^^ine, 
pour  instiluer  des  églises  et  leur  imposer  une  disci- 
pline. ) 

1  Un  grand  nombre  de  théologiens  ont  sur  la  ju- 
ridiction des  principes  différents.  Premièrement,  ils 
n'admettent  point  la  distinction  reçue  dans  nos  éco- 
les entre  les  deu\  juridictions.  La  juridiction,  selon 
eux,  est  originairement  distincte  du  caractère.  L'or- 
dination rend  propre  à  la  recevoir;  mais  elle  ne  la 
donne  pas.  On  ne  saurait,  disent-ils,  concevoir  net- 
tement un  pouvoir  avec  lequel  on  ne  peut  rien.  La 
juridiction  proprement  dite  suppose  nécessairement 
une  relation  entre  deus  termes  ;  l'un  d'où  elle  part, 
l'autre  où  elle  aboutit ,  enlre  plusieurs  sujets  :  l'un 
qui  gouverne,  et  les  autres  (|ui  sont  gouvernés.  Ce 
sentiment  leur  semble  plus  conforme  à  la  doctrine 
des  conciles  et  de  saint  Thomas.  Il  n'y  a  donc,  selon 
ces  théologiens,  qu'une  sorte  de  juridiction,  qu'ils 
définissent,  une  délégation  légitime  pour  exercer  un 
ministère  spirituel.  Secondement,  ils  soutiennent 
que,  puisque  Jésus-Christ  évidemment  n'assigne  point 
le  territoire,  ne  désigne  point  l'Eglise  où  chaque  évè- 
que  doit  présider,  ne  délègue  point  un  pasteur  pour 
telles  ou  telles  fonctions,  la  juridiction  n'est  point 
donnée  immédiatement  par  Jésus-Christ  ;  qu'elle  est 
un  écoulement  de  la  puissance  accordée  aux  pontifes 
romains  dans  la  personne  de  saint  Pierre;  qu'ainsi 
nul  ne  peut  la  recevoir  que  d'euK  ou  de  ceux  à  qui  ils 
ont  permis  de  la  conféier  en  leur  nom  :  conclusion 
parfaitement  semblable  à  celle  des  théologiens  galli- 
cans, en  ce  qui  tient  à  la  discipline  ;  mais  les  prin- 
cipes sur  lesquels  se  fondent  les  auteurs  qui  ne  re- 
connaissent qu'une  espèce  de  juridiction  paraissent 
plus  simples,  plus  naturels,  et  surtout  plus  d'accord 
avec  la  tradition. 

«  Considérons  en  prenàer  lieu  le  passage  de  l'E- 
vangile où  se  trouve,  de  l'aveu  de  tous  les  catholi- 
ques, l'institution  de  lépiscopat.  Pierre  vient  de  con- 
fesser la  divinité  du  Christ,  et  pour  récompenser  sa 
foi,  Jésus  lui  déclare  qu'il  sera  le  fondement  de  son 
Eglise  :  Tu  es  heureux,  Simon,  fils  de  Jona,  car  la 
chair  et  le  saiiij  ne  l'ont  point  révélé  ces  choses,  mais 
mon  l'ère  qui  isi  dans  le  ciel  ;  et  m  i  je  le  dis  :  lu   es 

Pierre,  et  tur  celle  pierre  je  bàtiriii  mou  Eijlisi' et 

je  te  donnrai  les  clefs  du  rotjunme  des  deux;  .  l  tout 
ce  que  tu  lieras  sur  ta  terre  sera  i.é  dans  le  ciel,  et 
tout  c  que  lu  délieras  sur  la  terre  sera  déli,-  dan~  te 
ciel.  <  Beatus  es,  Simon  Bar-Jona,  quia  caro  et  san- 
guis  non  revelavit  tibi,  sed  Pater  meus  qui  in  coelis 
est.  Et  ego  dico  tibi,  quia  tu  es  Pelrus,  et  super  banc 
petram  aediflcabo  Ecclesiam  meam....  Et  libi  dabo 
claves  regni  cœloruni  :  et  qundcumque  ligaveris  super 
terrain,  erit  ligatum  et  in  cœlis  ;  et  quodcumque 
solveris  super  terram,  erit  solutumetin cœlis  (MaHA., 
c.  XVI,  V.  17,  18  et  19).  i  Remarquez  la  force  singu- 
lière de  ces  paroles,  et  libi  dico,  je  te  (iis  a  loi,  à  toi 
seul,  je  te  donnerai  tes  clefs  du  royaume  du  ciel.  Le 
Sauveur  l'ait  nianilestement  allusion  à  un  passage 
d'isaïe  où  Dieu  parle  ainsi  du  personnage  liginalifdc 
son  Fils  :  Je  mettrai  sur  son  épaule  la  clef  de  la  mai- 
son de  David  :  il  ourrira.  et  nul  ne  pourra  fermer;  tl 
fermera,  et  nul  ne  pourra  ouvrir  :  (  Dabo  clavem  do- 
mus  David  super  humerum  ejus  ;  et  aperiet,  et  non 
erit  ([ui  claudal  ;  et  claudet,  et  non  erit  qui  aperiat 
(isii.,  c.  XXII,  V.  22).  »  Les  ciels,  dans  l'Ecriture, 
sont  l'image  et  le  symbole  de  la  souveraineté.  C'est 
donc  toute  sa  puissance  <]ue  Jésus-Christ  remet  à 
Pierre,  sans  exception  ni  limites.   Il  l'établit  à  sa 


toute  autorité  civile  et  politique  émane  du 
souverain;  ainsi ,  dans  l'Eglise ,  toute  jw?-;- 
diclion  lioit  partir  immédiatement  du  souve- 

place  pour  lier  et  délier,  il  le  substitue,  si  l'on  peut 
le  dire,  a  tous  ses  droits  ;  et  celui  qui  disait  de  lui- 
même  :  Tout  pouioir  m'a  été  donné  au  ciel  et  sur  la 
terre  :  «  Data  est  milii  oinnis  potestas  ;n  codn  et  in 
terra  (Mat. h.,  c.  xxviii,  v.  18),  i  conlie  an  prince  des 
apôtres  ce  pouvoir  infini,  qui  doit  être  jusqu'à  la  lin 
des  temps  la  force  et  le  salut  de  l'Eglise. 

«  Or,  toute  juridiction  est  une  participation  des 
clefs  qui  n'ont  été  données  qu'à  P. erre  seul  :  il  est 
donc  l'unique  source  de  la  juridiction.  De  la  pléni- 
tude de  sa  puissance  émane  toute  autorité  spirituelle, 
comme  nous  l'apprenons  des  Pères,  des  papes  et  des 
conciles. 

«  Tertullien,  si  près  de  la  tradition  apostolique,  et 
avant  sa  chule  si  soigneux  de  la  recueillir,  écrivait 
dès  le  second  siècle  :  i  Le  Seigncnr  a  donn  les  clefs 
à  Pierre,  et  par  lui  à  l'Eglise.  >  Si  adhuc  ct>  iitum 
pillas  cœ'um,  mémento  claves  ejus  hic  Dominum  l'être  : 
et  per  eum,  Ecctesiœ  reliiiuisse  (S'-vrpiac,  cap.  x). 
Dira-l-on  que  c'est  une  exagération  dte  Tertullien? 
Convenez  ilonc  que  toute  l'Afriiiue  exagère  égale- 
ment ;  car  voilà  saint  Opiat  de  Milève  qui  répète  : 
«  Saint  Pierre  a  reçu  seul  les  clefs  du  royaume  des 
cietix  pour  les  conmiuniquer  aux  autres  pasteu's.  i 
Boiio  vnilalis,  B  Pelrus...,  pruferri  aposlolis  omni- 
bus merui,  et  claves  reijni  cœlo.um,  c  mmunicandat 
cateris,  sntus  a^cepil  (  lib.  vu  i-o(i;ni  Parmenianum, 
n.  3.  Oper.  sancti  Opiali).  Et  saint  Cypnen  avant 
lui,  et  après  lui  saint  Augustin,  ne  s'expriment  pas 
avec  moins  de  force  :  «  .Soirt-Seigneiir,  dit  le  pre- 
mier, en  établissant  l'honneur  de  l'épiscopat,  dit  à 
saint  Pierre  dans  l'Evangile  :  Vous  ête^  lierre,  etc., 
et  je  vous  donn  rai  les  r/t»  du  royaume  des  deux,  etc. 
Cest  (;e  là  que,  par  la  juiiedes  temps  et  des  succes- 
sions, déeiiulent  l'ordinalion  des  èveques  et  la  l'orine 
de  l'Eglise,  afin  qu'elle  soit  établie  sur  les  évèqiies. 
Dom  uns  nosler,  cujus  prœcepla  metuere  el  observar^ 
del'eiiius,  épis,  opi  honur  m,  el  Ecclesiœ  suœ  raionem 
dis  onens,  in  Evanget  o  I  quilur,  et  d  cit  Peiro  :  Ego 
tibi  uico,  ex.,  et  nui  dabo  claves,  etc.,  el  qua;  liga- 
veris, elc.  Inde  per  lemporiim  el  snccessiouum  vices 
episcoporum  ordinalio  et  Ecc  esiœ  ralio  decurrit,  ut 
Ecclesia  super  cpiscn,  os  constiiuaiur,  et  omiii.s  a  lus 
Ecctesiœ  per  losdem  pro'posiios  gvbernelur  (Efisl.  .53 
éd.  Pear.,  27.  Pamel.,  Op.  S.  typ.,  p.  216).  Saint 
Cyprien  ignorait-il  la  dignité  de  l'épiscopat?  L'éve- 
que  d'Hippone  en  trahissait  il  les  droits,  lorsquins- 
truisani  son  peuple,  et  avec  lui  toute  l'Eglise,  qui  lit 
avec  tant  de  vénération  ses  admirables  discours,  il 
disait  :  <  Le  Seigneur  nous  a  confié  ses  brebis,  parce 
qu'il  les  a  confiées  à  Pierre?  Commeiidav  i  nobis  Do- 
minas oves  su. s,  quia  Petro  commendavit  (Seim.  296, 
n.  il,  Optr.  S.  Aug.,  tom.  V,  col.  1202)  (a). 

(n)PieV,  bref  Super  jofidiwie.  oper.  Gerdil.  t.  [I,t.  XII, 

s'appuie  sur  l'auloiilé  de  saint  Augu.stiii  (lO'ir  éi^lilir  le 
point  que  non»  élalilissons.  *  La  véri  é  de  i  e  qu'enseigne 
saint  Aii,;ustin,  que  la  jii  iiicipaiiié  île  la  chuire  aposinluiue 
a  tiiujoui's  été  en  vigueur  dans  le  siège  de  Uoiiie,  et  quu 
celle  |iriiicipauté  d'a|iosinlai  élève  li-  souverain  |ioiUile 
au-de^.sus  lie  loiil  auire  cvéi|ue;  celte  véiité,  apinijée  sur 
tant  de  preuves  éviilnuies,  éclale  surtout  en  ce  que  le 
siiccessi  ur  de  .saiiil  Pierre  ,  par  cela  siul  qu'il  suceéde  à 
Pierre,  pr^^side  de  droit  divin  à  tiiul  le  iroiipe.iu  de  Jésiis- 
Clirisi,  en  sorte  qu'il  reçoit  avec  l'i^iii^eopal  la  puissance 
du  gouveriiempnt  uiiiversid  ;  lUlldi^  que  les  autres  évoques 
possèdenl  cliaruij  une  portion  parliculièie  du  iroupeaii, 
non  de  dioit  divin,  mais  de  droii  ecclésiastique,  laquelle 
leur  est  as.signée,  non  par  la  tiouclii'  de  Jésiis-Clirisl,  mai» 
par  leur  ordiualion  biérai chique  iiéci'ssaire  pour  qu'ils 
puissent  exercer  sur  celle  portion  du  lroii|eau  une  puis- 
sanre  ordinaire  de  (^ouviini  ni.nl.  yiiironipie  voudra  re- 
fuser au  S'Mivi'raiii  pnnidV,  la  suprême  auioriié  dans  celle 
assignation,  il  est  néce.ssaire  qu'il  altaque  la  .sucues  ion 
légitime  de  tani  d'évôqiies  qui,  dans  le  monde  enlier, 
réijisseiii  les  églises,  ou  loiidées  originairement  par  l'au- 


185 


JUR 


JUR 


154 


rain  pontife.  Mais  c'est  un  pur  système  qui 
ne  porte  sur  rien.  Nous  sommes  beaucoup 
mieux  fondés  à  soutenir  que  le  gouv.rne- 

c  Si  tle  l'Afrique  nous  passons  en  Syrie,  nous  en- 
tendons saint  Ephrem  louer  Iîasil(^  i  do  ce  qu'occu- 
pant la  place  de  Pierre,  el  panicip:iul  (^^alemcnt  à 
sou  ;iut<iriléet  à  sa  lilierlé,  il  reprit  avec  une  saiiile 
h.'irdii'sse  l'empereur  Valeiis.  »  lidsiliiin,  locwn  Pctri 
ob'iriens.  ejusque  pnriier  anclorilaiem  Hherlnleiiique 
pcrliiipons....  Valentem  rednrguil.  Kticouiiuin  sancti 
Basilii.  Oper.  S.  Eplireni,  pag.  liH.  Ou  le  voit,  l'au- 
lorile  de  cet  illustre  évc(|ue  n'était  (|u'uMe  |)arlici])a- 
lion  de  celle  de  Pierre,  il  le  repic^eolait;  il  lenait 
sa  place,  dit  saint  Kplirein.  Saint  r.audencc  i!e  Bresse 
appelle  saint  Anibroise  le  successeur  de  Pierre.  Tan- 
quaui  Pi'lri  apostoli  successor,  ipse  eril  os  universo- 
rum  clrcumslanliuui  sacerdoluiii.  'irai tut.  Iiab.  m 
(lie  lUiv  ont  mit  on  s.  Miiijiia  Bibliolh.  vet.  l'nlriim, 
loui.  Il,  col.  .^!l,  édil.  Paris,  Gildas,  suruonniic  le 
Sage,  dit  que  i  li'S  mauvais  cvccpies  usurpent  le 
siège  de  Pierre  avec  des  pieds  immondes  :  Sedem 
Pctri  apos  oli  immundis  pcdibiif....  nsurpfiiileti....  Ju- 
d::m  qiioilnmwodii  in  l'elri  ciitlieilra  Domiiii  trndio- 
rem....  sliiliiiiiil....  {<ildiv  Su  ienlis  pr/'s^gleri  in  Ec- 
ole», ordin.  m  ris  lorreplie.  liibliollt.  /'/'.  Lngd  n., 
tome  VU),  p.  71.5).  Les  évéquosd'uu  concile  de  Paris 
parlent  dans  le  mémo  sens.  Ils  di  clarciit  n'être  que 
les  vicaiies  du  prince  des  apolies,  Doininus  be<Ho 
Pitro,  itijiii  licpin  indig  i  gerimus.  ait  :  Qnod^umgue 
ligaver  s,  ele.  (Conc.  Parisiens.  V/,  t.  MI,  Cunc, 
col.  lO'il).  Pierre  île  lilois  cciit  à  un  évècpuî  :  <Peie, 
rappele/,-vous  <|ue  vous  êtes  le  vicaire  du  bienheu- 
reux Pierre  :  Recolite,  Piiter,  qniii  beati  Petri  vicaiiiis 
ettis  {Epist   148,  oper  Petri  lile^ei.sis,  p.  "233). 

«  Saint  Grégoire  de  Kyssc,  un  si  s;ranil  docteur, 
confesse  en  piéseuci^  de  tout  l'Oiieui  la  même  doc- 
trine, sans  ((u'aueiuie  réclauiation  s'élève  :  «  Jésus- 
Clirisl,  dil-il,  a  donné  par  Pien-e  auv  évèques  les 
clefs  du  roy.iume  céleste.  >  Per  Pelrum  episcopis 
dcdit  (Chris  U!,)  cLves  cale  tinn  bononim.  Oper.  S. 
Greg.  .Nyss.,  lom.  III,  pag.  51  i,  cdii.  Paris.  El  il  ik 
fait  en  cela  (pie  professer  la  foi  du  sainl-siége,  qui, 
par  la  bouche  de  saint  L('on,  prononce  que  «  tout  ce 
que  Jésus-Chrisl  a  donné  aux  autres  évéïpies,  il  le 
leur  a  dorme  par  Pierre.  »  Et  encore  :  «  Le  Seigneur 
a  V(udii  que  le  ministère  (de  la  prédication)  appartint 
à  tous  les  apôtres,  mais  il  l'a  néanmoins  principale- 
ment conlié  à  saint  Pierre,  le  premier  <les  apôtres, 
afin  que  de  lui,  comme  du  chef,  ses  dims  se  rc  pan- 
di>senl  dans  tout  le  coips.  >  Si  qiiid  cum  e<<  ■  iinniiine 
lœlers  volait  esse  pria  ipibns,  nui  quant  uisi  per 
ipsum  dedtt  qui  qiiid  ali  s  non  iieg  .vit.  Seiiu.  l  in 
ann.  as  r,m.  ejusd.,  r.  i.  Oper.  S.  i.eou.,  éd.  Biille- 
rini,  tom.  Il,  ol.  6.  Ilujiis  muneris  sarram.ntunt 
il.i  Dominas  ad  omninm  aposloloram  i  \fifium  perii- 
nere  voluit,  ni  in  bealissimo  Pelro  upvstoto  iiin  uni  .ium 
sunwio  priiicipaliler  •  olloriirit  i  et  ab  ipso,  qua  i  q-  o- 
dain  lapile,  doaa  sua  vêtit  in  lorpus  omne   m.nare. 

torilé  spr.slolique ,  nu  divisées  ou  réunies  par  elle,  et  qui 
oui  re(;M  du  punute,  romain  la  niissiun  |inurle~  f,"'UvfrniT; 
d(!  sririe  i|u'uu  lie  pourraii,  ^aiia  l'iiiilcvi  rser  l'K^lise  el  le 
réHuiic  éiriscii|i:)l  nu'ine,  |  orler  aUeiule  a  re  «raud  el  ad- 
niir.ible  assi-iiibla^îe  de  fiuissaiir.e  conférée  par  une  i  Ispo- 
siiioii  divine  a  la  clinire,  de  saiie  Pierre,  alln,  cmniur  le 
du  sailli  l.éiiu,  (pio  sainl  Pierre  régisse  vériubleiiient 
leule  I  Kglise  ipie  Jésus  l'iirjsi  régit  priiicipab-uienl  ;  car 
si  J  '•siis-C.lirisl  a  voulu  qu'il  y  eiH  (|ueli|ue  chose  de  coni- 
iiiuii  à  l'iern?  el  aux  autres  pasleius,  loul  re  qu'il  n'a 
pas  refusé  à  ceux-ci,  il  le  leur  a  donné  uuiiiiuuieul  par 
Pierre. » 

Après  avoir  fait  obverier  que  la  tui  tique  de.;  eniumis 
de  la  n  liLjiou  a  lnuioiirs  été  de  jeter  l;i  Uiiisinii  parmi  les 
pasteurs,  le  saiii!  (iMiiiife  em  liniie  :  «  H  n'y  a  qu'un  seul 
DIhii,  i|U  un  seul  riirist,  qu'une  S'  ule  IlïIish,  el  une  seule 
chaire  fondée  sur  Pie  re  par  la  voie  du  S"ij<upur,  du  saint 
(A  I  rien,  (|ui  reconuail  que  la  clriire  de  Pierre  esil'ICglise 
principale,  où  l'iiiiilé  sacerdouile  a  pris  naissance,  et  où 
la  perlîdîe  ne  peut  avoir  d'accès,  o 


ment  de  l'Eglise  n'est  ni  une  monarchie  pure, 
ni  une  aristocratie,  mais  un  mélango  de  l'une 
et  de  l'autre;  qu'en  cela  il  est  plus  parfait  et 

Epist.  10  ad  episc.  prov.  Viênnens.,  f.  i.  Ibid,, 
col.  (135. 

<  Avant  saint  Léon,  Innocent  I  écrivait  aux  évè- 
ques d'Afrique  :  c  Vous  n'ignorez  pas  ce;  qui  est  dil 
au  siégeapostortiiue,d'oii  découlent  l'épiscopat  et  toute 
son  autorité,  j  Et  un  peu  plus  loin  :  «  Quand  on  agite 
des  matières  qui  inléresscut  la  foi,  je  pense  ipie  nos 
frères  et  eoévèques  ni' doivent  en  réferciqu'à  Pierre, 
c'est-i-dire  à  railleur  de  leur  nom  et  de  leur  digni- 
té. »  Scientes  qnid  ap^islolira'  sedi,  cnin  ornes  hoc. 
loco  positi  ipsum  sequi  desid  remiis  apostotuni,  debea- 
tur  a  qno  ipse  epis:opatus  et  tuta  auctoritas  iiomini* 
huJHS  emersit.  Episl.  3!).  Innoc.  I  ad  conc.  Garlh., 
".  I.  lui.  Epist.  Kiim.  pontif.,  éd.  I>.  Constant,  lol. 
888  Qiiolies  fiJei  ratio  rent,latur,  arbiiror  omues  fra- 
tres  et  loi'pis' opos  noslrns  nonnisi  ad  Petrurn,  id  est, 
siti  nonùnis  et  lionor  s  unctorem,  referre  dibere.  Epist. 
30  ad  conc.  Milev.,  c.  "2.  l'bid.,  col.  8'Jli.  Et  dans  une 
lettre  adressée  à  Victrice  de  lîuuen  :  «  Je  commen- 
cerai avec  le  secours  de  l'apôtre  saint  Pierre,  par  qui 
l'apostolat  et  l'épiscopat  ont  pris  leur  commcnce- 
ment  eu  Ji'sus-Clirisl.  >  Incipiamm  iijilnr,  adjuvante 
Siinito  apostoto  Petro,  ;  er  qiiem  et  apot^tolnlits  cl  epi- 
scopaïus  in  CU:isto  ccpit  exordium.  Epist.  'i  S.  In- 
née, ad  Victric.  Rot.,  c.  2.  Inter  Epist.  U.  Pont., 
col.  IM. 

<  De  siècle  en  siècle  on  entend  la  même  voix  sor- 
tir de  toutes  les  églises.  «  Le  !-eignenr,  en  disant 
pour  la  tioisième  fois  :  M'uime:,-vous?  raiseï  mes 
brebis,  a  donné  cette  charge  ;i  vous  preuiièremenl,  et 
ensuite  par  vous  a  toutes  les  Eglises  réi>andues  dans 
l'univers.  >  Domino  dicente  tertio  :  Amas  me  ?  pasce 
oves  nieas;  tradiilit  prias  vo' is  mandatum  ostendens, 
et  per  vos  deinde  omnilnn  per  uni  ers  m  mundum 
suti,:tis  eccleiiii  tondonuvil.  i.  I\' ,  conc.  co/.  1002. 
Ainsi  s'exprime  Etietiue  de  Larisse,  dans  une  requête 
il  Boniface  IL 

•  Comment  oserais-je,  écrivait  à  saint  Grégoire 
Jean,  évèipie  de  Ravenne,  comment  oserais-je  résis- 
ter à  ce  siège  ipii  transmet  ses  droits  à  toute  l'E- 
glise ?  >  Quibus  ausibns  ego  sanctissimw  illi  sedi,  qute 
universali  Ecclesia;  jura  sua  trunsmillit,  prœsunipserim 
obvinre.'  Epist.  Joan  is  Baveii.,  inler  Episl.  S.  Greg., 
/.  III,  ip.  57.  Oper.  S.  Greg.,   lom.  Il,  co'.  Ii(!8. 

«  Citons  encore  saint  Césaire  d'.\rle>,  qui  éciivait 
au  pape  Symmaque  :  «  Puisque  l'épiscopat  prend  son 
origine  dans  la  personne  de  l'apôtre  saint  Pierre,  il 
faut  (|ue  Voire  Sainteté,  par  ses  sages  décisions,  ap- 
prenne clairement  aux  églises  particulières  les  règles 
quelles  doivent  observer,  i  Si  ut  a  penoni  li.  Peiri 
apostiili  epiicopatiis  sumil  inil  um,  ilii  nei  esie  i  st  ut, 
dis  iptinis  cnmfjetentibus,  Samlilas  vrstrn  sin.ptUs  ec- 
cleiiis  qnid  ob.servare  debeanl  evidcntei  osiendat. 
Cies.  Aiel.  exenip.  libel.  ad  Syiu.,  tom.  IV  Conc, 
col.  1291. 

«  Jusiiu'au  schisme  d'Occident,  on  ne  connut  point 
irautre  doctrine  en  France;  mais  pour  ne  pas  nous 
étendre  ;i  rinlini,  nous  ajouterons  seulement  aux 
l)assages  qui  précèdent  les  paroles  d'un  concile  de 
Reims  contre  les  assassins  de  Fouhpies,  archevêque 
de  cette  ville,  i  Au  nom  de  Dieu,  et  par  la  vertu  du 
Saint-Esprit,  ainsi  que  par  l'autorité  divinenieut  con- 
férée aux  évcques  par  le  bicnlienreux  Pierre,  prince 
des  apôires,  nous  les  séparons  de  la  sainte  Eglise.  » 
In  nomme  Domini,  et  in  virtute  sancii  Spirit  s,  nec- 
non  aucloritate  episcopis  per  li.  Pelrum  principem 
apostolorum  diviuilus  cunlala,  ipsos  a  saiicUe  matiii 
Ecclesiœ  greinio  segregamiis.  T.  IX,  Concil.,  col. 
48!. 

<  C'en  est  assez  :  attendons,  pour  en  dire  davan- 
tage, ipi'ori  ose  accuser  d'erreur  ces  illustres  soutiens 
de  l'Eglise,  et  qu'on  aille  les  appeler  à  partie  dans  le 
ciel  DKïnic  oii  ils  jouissent  depuis  tant  de  siècles  de 


155 


JUR 


JUR 


ISO 


moins  sujet  aux  inconvénients.  Dans  une 
monarchie  même ,  le  pouvoir  du  souverain 
peut  être  plus  ou  moins  (''tondu;  lorsque, 
dans  l'origine  ,  il  a  été  restreint  |iar  des  lois 
fondamentales ,  par  des  formes  inviolables, 
par  des  pouvoirs  intermédiaires  et  perpé- 
tuels ,  le  souverain  ne  cesse  pas  pour  <  ela 
d'être  monarcpe;  il  s'ensuit  seulement  qu'il 

la  récompense  de  leur  zèle  à  défendre  la  vé- 
rité caihnlique  ,  et  à  nous  en  conserver  le  dépôt 
dans  sa  pureté  priinilive.  Jusque-là,  prenant  droit 
des  témoignages  allégués  ,  niius  l'enianïicrons  :  Si 
saint  Pierre  a  reçu  seul  les  clefs  pour  les  commu- 
niquer aux  autres  pasteurs,  de  (|ui  ceux-ci  les  re- 
cevront -  ils  ,  s'ils  ni'  veulent  plus  les  recevoir  de 
Pierre?  Ser;i-ce  de  l'Eglise  universelle?  Mais  l'E- 
glise universelle,  en  lant  qu'on  lui  atlribue  la  jiiri- 
diclion,  qu'rsl-ce  autre  chose  que  le  corps  de-;  pas- 
teurs? Ce  seront  doue  les  pasteurs  qui  se  doniieronl 
eux-nièmcs  les  clefs;  et,  puisqu'ils  les  doinieni,  ils 
les  ont  donc,  et  tout  enseuilde  ils  ne  les  ont  pas, 
puisque  la  question  est  de  savoir  de  qui  ils  les  rece- 
vront. Se  peut -il  imaginer  de  contradiction  plus  ma- 
nifeste? car  remarquez  cet  euchainf-ment  :  Pierre 
reçoit  seul  les  ciels,  non  pour  en  remettre  la 
pleine  et  entière  di;po>i;icu,  mais  p  lur  en  commu- 
niquer l'usage  aux  autres  pasteurs.  Donc  les  autres 
pasteurs  sont  privés  des  ciels  jusqu'à  ce  qu'ils  les 
aient  reçues  de  Pierre.  En  ailmettant  le  principe,  on 
ne  peut  nier  la  conséquence;  et  no'is  venous  de  voir 
le  priucifte  posé  par  Terlullieii,  saint  Cyprien,  saint 
Optât  de  Milcve,  saint  Augustin,  saint  Epbreui,  saint 
Grégoire  de  Nj'sse,  saint  Innoceiit  et  saint  Léon.  On 
passe  outre  cependant,  et  l'on  dit  :  «  L'Eglise  don- 
nfra  les  clefs  aux  p:isteurs;  mais  qui  les  donnera  à 
l'Eglise  elle-même?  Les  mêmes  Pères  lious  l'appren- 
nent :  Jésus- Christ  a  donné  1rs  cl»f.;  à  Pierre,  et  par 
lui  à  l'Eglise.  »  Ou  n'avance  donc  rien  en  recoinaut 
à  l'Eglise,  si  on  ne  présuppose  le  consentement  de 
Pierre.  IN  importe ,  oublions  pour  lu)  mouieut  la 
maxime  de  TertuUieu  :  demandons  seulernent  (|uelle 
est  cette  Eglise  doui'e  de  juridiction,  celte  Eglise  île 
qui  les  piisleur»  recevront  les  clefr.?  Il  n'y  a  point  à 
hésiter,  ce  sont  les  pasieuis  mêmes.  Ainsi  l'on  sou- 
tient en-eniblc  ces  deux  proposiiions  :  les  pasteurs 
n'ont  point  les  clef»  ;  les  pasteurs  se  donneront  les 
clefs.  t);i  met  h  plénitude  de  la  juridiction  là  où  on 
a  supposé  l'abaCiice  de  toute  juridiction;  et,  pour  ne 
pas  reconuailre  les  droils  du  sainl-sicge,  on  outrage 
sans  remords  ceux  du  bon  sens.  Qu'on  y  prenne 
garde  cependant,  i:n  n'arrête  pas  où  l'on  veut  un  faux 
principe,  i/erreur  est  comme  ces  plantes  parasites, 
qui  montent  sans  cesse  jusqu'à  ce  qu'elles  soient  ar- 
rivées au  sommet  île  l'arbre  qu'elles  serrent  et  étouf- 
fent dans  leurs  mortels  embrassemcuts.  Qui  empê- 
chera, par  exemple,  qu'en  étendant  un  peu  le  système 
dont  nous  venons  de  piouver  l'absurde  inconsé- 
quence, les  prctres  ne  se  croient  point  permis  d'in- 
stituer les  prêtres  et  de  leur  condrer  les  pouvoirs? 
Pourquoi  seraient-ils  plus  étioitemcnl  obliges  de  les 
recevoir  des  évèqiies,  que  les  évoques  ne  le  sont  de 
les  recevoir  du  pape?  La  subordination  est-elle  moins 
ordonnée  aux  uns  qu'aux  autres?  ou  es'.-ce  peut-être 
que  l'Ecriture  et  la  tradition,  ayant  décidé  clairement 
que  les  prélrês  doivent  recevoir  de  leur  chef  la  mis- 
sion, il  soit  demeuré  incertain  de  qid  les  évoques  la 
doivent  tenir?  Chose  étonnante,  que  Dieu  n'ait  pas 
su  établir  avec  clarté  le  pi  incipe  fondamental  du  gou- 
vernement de  l'Eglise  !  Mais  qui  oserait  prononcer 
co  ;tre  la  sagesse  divine  un  tel  blasphème?  Qui  ose- 
rait dire  que  l'ordre  de  transmission  légitime  de 
l'autorité  qui  lie  et  délie  ,  oiui  ouvre  et  ferme  les 
portes  du  ciel,  ait  été  laissé  douteux,  en  sorte  que 
l'Eglise  reposant  sur  le  ministère,  comme  à  son  tiuir 
le  ministère  repose  sur  la  nnssioo,  on  ne  sache  néan- 


n'est  pas  despote.  Or,  qu'il  en  soit  ainsi  du 

gouvernement  de  l'Eglise ,  c'a  été  le  senti- 
ment de  toute  l'antiquité,  confirmé  par  la 
pratique  des  quatre  premiers  siècles.  Si 
cette  vérité  a  été  souvent  méconnue  dans  la 
suite ,  c'a  été  un  malheur  causé  par  l'inon- 
dation des  barbares  et  par  les  révolutions 
qui  ont  succédé  (1). 

moins  avec  certitude,  ni  qui  la  doit  recevoir,  ni  qui 
la  peut  donner?  Certes,  c'est  là  aussi  une  opinion 
trop  monstrueuse  pour  qu'elle  trouve  jamais  des  dé- 
feiiseurs.  Il  faut  donc  avouer  qu'aucun  point  de  doc- 
trine ne  doit  être  plus  certain,  ni  mieux  connu  que 
celui  par  lequel  on  peut  s'assurer  de  la  légitimité  des 
premi'M's  pasteurs:  plus  certain,  pour  que  l'existence 
de  l'Eglise  même  soit  certaine  ;  mieux  connu,  afin 
que  dans  tous  les  te;i  ps,  et  à  tous  les  moments,  cha- 
que chrétien  puisse  dire,  avec  une  pleine  conliance 
et  une  inébranlable  fermeté  :  Je  crois  l'Eglise. 
Maintenant  qu'on  nous  réponde.  Croit  -  on  qu'un 
dogme  si  essentiel  ait  été  ignoré  de  l'antiquité?  Non, 
sans  doute,  car  nous  ne  pouvons  nous-mêmes  l'ap- 
prenlre  que  d'elle  :  son  symbi»le  est  notre  symbole, 
sa  foi  est  la  règle  de  notre  foi.  Donc  il  faut,  ou  sou- 
tenir que  Tertullien,  saint  Cyprien,  saint  Optât  de 
Mileve,  saint  Augustin,  saint  Ephrem,  saint  Grégoire 
de  Nysse,  saint  Innocent,  saint  Léon,  pour  ne  parler 
ici  que  de  ces  Pères,  ont  non-seulement  ignoré  un 
dogme  essentiel  de  la  foi  catholique  universellement 
connu  de  leur  temps,  mais  qu'ils  l'ont  entièrement 
renversé,  sans  qu'une  seule  voix  ait  pris  sa  défense, 
ou  convenir  ((ue  la  juridiction  a  été  donnée  par  Jé- 
sus-Clirist  à  Pierre  seul,  pour  la  commui'iquer  aux 
autres  évéques.  D'où  il  s'ensuivra  néccs'^aireinent 
qu'à  moins  que  Jésus-Christ  ne  parle  derechef  pour 
établir  un  nouvel  ordre,  tout  pasteur  non  institué  par 
Pierre,  eu  de  son  consentement,  est  sans  mission, 
sans  autorité,  un  aveugle  qui  conduit  d'autres  aveu- 
gles, et  tombe  avec  eux  dans  la  même  fosse.  > 

(1)  «  Le  principe  de  la  constitution  de  l'Eglise  (dit 
le  livre  de  la '/'iflrfi/îort  de  l'h'.glise  sur  lintiitulion 
des  fw./iies  ;  Introduction,  p.  9  )  se  trouve  dans  cette 
prière  du  Rédempteur  à  son  P.  re  :  Qu'ils  soient  un, 
comme  n  us  snnnies  un  .' Or,  sans  un  centre,  point 
d'unité  ;  sans  une  subisrdination  graduée,  point  de 
ceutr«  ;  point  de  subordination  sans  un  chef. 

(  Un  chef  unique,  souverain,  est  donc,  par  la  na* 
ture  même  des  choses,  la  base  de  tout  l'édifice.  On  a 
lieu  de  s'étonner  qu'on  ait  conU-slé  cette  vérité, 
quand  on  voit  Jésus-Christ  la  déi  tarer  si  expressé- 
ment; quand  on  le  voit  se  hàier,  pour  ainsi  dire, 
ti'éta-blir  ce  chef,  et  lui  confier  le  soin  d'un  troupeau 
qui  n'existait  pas  encore. 

<  Pasteur  universel,  au-dessous  de  lui  sont  tous 
les  pasteurs  qu'il  dirige,  régit,  confirme,  selon  l'or- 
dre de  son  maitre.  Envoyés  potir  baptiser  et  ensei- 
gner, ils  ne  baptiseront  et  n'ouseignerout  que  sous 
la  dépendance  et  par  l'autorité  de  celui  qui  les  doit 
pailr,'  et  affermir,  qui  peut  toujours  leur  demander 
compte  de  la  mission  qu'il  leur  a  donnée,  et  qu'il 
est  libre  de  restreindre  ou  d'dtendre,  suivant  les  né- 
cessités l'^s  convenances  de  chaque  portion  de  la 
société  ou  de  la  société  entière... 

«  La  primauté  de  saint  Pierre  est  donc  une  pri- 
mauté non-seulement  d'honneur,  luaisde  JMii  iciion. 
Cette  proposition  est  de  lot,  et  elle  a  été  définie 
comme  telle  par  les  conciles  œcuméniques.  Ecou- 
tons celui  de  Florence  :  <  Le  pape  est  le  vrai  t  icnire 
de  Jésiis-Clirisl,  le  liief  de  toute  l'Eglise,  le  pèrr,  le 
docteur  de  tous  les  chrétiens,  et  il  a  reçu  de  Jesus- 
Christ,  dans  la  personne  de  saint  Pierre,  le  piei\i 
fjouuoicde  piiUre,  réfjir  et  g<'Utie:uer  l'Eglise  univer- 
selle, ainsi  qu'il  est  mar(|ué  dans  les  actes  dcjj  con- 
ciles œcuméniques  et  dans  les  saints  canons...  » 
Toutes  les  brebis  sont  soumibes  au  premier  pasteur, 


157 


jun 


jvh 


l'ig 


?; 


2'  BellarniHi  suppuse  ijue  saint  Pierre 
seul  a  (Hé  ordonné  ou  sacré  évoque  par  Jé- 
sus-Christ ,  au  lieu  q>.ie  les  autres  apôtres 
ont  été  ordonnés  par  saint  l>ierre ,  lib.  i, 
c.  23.  Pure  imagination,  qu'il  a  soin  do  ré- 
futer lui-niême.  Il  prouve,  iib.  iv,  c.  24,  que 
les  autres  apôtres  ont  reçu,  non  de  saint 
Pierre,  mais  de  Jésus-Christ,  leiu'  juridiction 
sur  toute  l'^i^îlise.  Il  serait  'ort  singulier 
que  ce  divin  Sauveur  leur  eût  donné  par 
liii-niôuie  ]a  juridictioyi  et  non  l'ordinatiiu», 

Ju'il  eilt  iallu  autre  chose  que  la  volonté  de 
éstis-Chr.sl  et  sa  parole  pour  leur  donner 
en  raôrae  temps  tous  les  [louvoirs  dont  ils 
étaient  revêtus. 

,  parce  qiio  Jésus-Clirist  n'en  a  exceplé  aucuno,  el  que 
toutes  snnl  coiiipi'i'^cs  dans  cos  mots  :  l'a^ce  vves 
mens.  «  C'est  :•■  Pierre,  lUl  Bossiict,  qu'il  est  ordonné 
preiiiii  remenl  d'ainier  plus  que  tous  les  autr«s  apô- 
tres (  Jon"  ,<'.  xxi,  v.  15,  16,  17),  et  ensuite  <le 
pailrect  gouverner  tout,  et  Icsagiieaux  elles  brebis, 
el  les  petits  et  les  mères,  et  les  pasteurs  m Joies  : 
pasteurs  ;i  l'cganl  des  peuples,  el  brebis  à  l'éganl  (le 
Pierre.  >  Sou  troiqieau,  ce  sont  tous  les  elirélicns, 
ministres  et  siiii|iles  (id'les  ;  le  luonile  est  son  dio- 
cèse, et  rien  dans  l'Eglise  ne  se  dérobe  à  sa  puis- 
sance el  à  son  anioiir.  > 

Ecoulon .  le»  docteurs  fran(;ais,  qu'on  n'accusera 
pas  d'exagérer  les  droits  des  jiapes. 

«  L'Eglise  niuiaine,  dit  Pierre  d'Ailly,  re;  réserle 
l'EiiUse  I  nieereîli',  ce  qui  n'appartient  à  aucune  au- 
tre Eglise  pailieiilière,  niais  seulement  au  concile 
général...  L'Eglise  romaine  p  ishle  Siide  lu  iilé'iiliide 
«Il  poiivi'ir  dont  elle  couinuiuique  une  portion  aux 
auties  Eglises.  De  là  vient  quelle  peut  les  juger 
toutes,  el  (|ue  toutes  doivent  garder  la  discipline 
qu'elle  leur  prescrit  :  el  celui-là  est  hérétique  qui 
viole  ses  privilèges.  > 

De  l'aveu  de  Gerson,  <  la  plénitude  l'e  la  puissance 
«cclésiasti(iue  rési  '*  rorinelleuient  et  subjectivement 
dans  le  seul  puniilé  romain,  ci  elle  n'i'si  autre  chose 
que  le  |niu\oir  d'ordre  et  de  juridiction  (pii  a  clé 
Ociimé  bUiiiatureUemeiil  p^r  Jcsiis-Clirist  à  Pierre, 
comme  a  son  vicaire  et  au  souiernm  iiuiun (fuc,  pour 
lui  «t  ses  successeurs  légitimes  jus([u';.  la  liii  .les  siè- 
cles. >  Gerson  déclare  Injretiqiie  el  schisniaiique, 
quicon(iue  nierait  que  le  pape  a  été  insliiuc  surnatu- 
rcllemeiit  et  immèiliateiiienl,  et  qu'il  possède  une 
autorité  ir.oiiarJiirjUt:  el  ruyalii  ila;is  la  liicr.ireliie  ec- 
clèsiastiipie.  >  Après  avoir  signalé  les  <  liaiigenicnls 
auxipiels  les  gouvernements  civils  sont  exposes,  i  il 
n'en  est  pas  aiiibi,  dit  Gerson,  de  1  Eglise  (^ui  a  été 
l'ondée  parJèsiis-Ciirist  sur  tcitcitl  niviuiniue suprciue. 
G'esl  la  seule  police  immuablciaenl  luoiiarciiique  cl 
en  quelque  sorte  luyaie  que  Jésus-Christ  ait  éla- 
blie.  ; 

«  Le  pape,  dit  Almain,  seul  possède  une  autorité 
primitive  qui  lui  soumet  tous  les  autres,  sans  qu'il 
soit  soumis  à  aucun.  La  puissance  universelle  de 
faire  des  canons  obligatoires  par  tout  rmiivers  a  été 
donnée  »  un  seul,  savoir  a  Pierre  el  a  ses  succes- 
seurs, el  elle  n'a  ete  donnée  à  nul  autre.  Un  seul  esi 
investi  de  la  puissance  suprême,  el  1  Eglise  n'est  une 
que  par  lunilé  du  cbel.  Elle  forme  un  corps  mysti- 
(jee  d(uu  le  pape  est  le  cliel.  Le  pouvoir  du  pape, 
dans  les  elioses  spirilue  les, est  un  pouvoir  souveiaiii, 
el  ce  genre  de  gouveinement  ne  peut  .ire  change,  i 

Les  ambassadeurs  de  Charles  VU  disaient  a  Lu- 
gène  IV  :  <  Nous  ne  niettons  point  en  tioule  voue 
prii.cipaulé ,  Irèô-saint  pne ,  mais  nous  disons  : 
S();,M  noue  p-nce  (  /s.,  c.  Jli,  v.  G).  Mous  savons  et 
nous  confessons  haiitemeni  que  la  pii)in;i«ij(e  ;ho- 
ni.rchique  a  été  établie  de  Dieu  (  dans  l'Eglise),  non- 
seulcmeni  selon  la  commuiie  Providence  du  monde, 
Diais  aussi  par  l'institutiou  lunicuUére  dejuiiu»- 


Saint  Paul ,  Galat.  c.  1  ,  déclare  qu'il  est 
apôtre  ,  non  par  le  choix  et  la  mission  d'au- 
cun iionime.  mais  par  l'or  Ire  de  Jésus-Christ 
et  de  Dieu  son  Père;  (|ii'ai)rèsav  lir  reçu  do 
Dieu  sa  vo(;atioii,  il  n'est  point  allé  trouver 
les  ap(*tires,  mais  (|u'il  est  allé  on  Arahie.  et 
n'a  Ml  saiil  Pierre  qu'au  hotit  de  trois  ans. 
11  n'a  donc  pas  cru  avoir  besoin  de  recevoir 
de  cet  ap(Mre  l'ordin.ition ,  non  plus  «[ue  la 
mission  pour  jirftcher,  et  \n  juridiction.  l!cl- 
laiiTiin  Cite  encore  i'eieinpie  de  saint  Ma- 
t.'das,  qui  est  élu,  non  par  les  apôtres,  mais 
par  le  sort  et  par  le  choix  de  Dieu  ,  et  qui 
est  agrégé  au  corps  apostr,l'.i;u(!  satts  autto 
formalité  [Act.  i,  2Cj  (1  . 

Christ,  et  que  vous  la  possédez  par  une  vraie  et  U'v 
gitinie  succession.  » 

Enfin,  la  l'acuité  de  théologie  de  Paris,  en  censu- 
rant le  livre  de  Marc-Antoins  de  Domin'.s,  a  con- 
aamné  celle  doctrine  connue  l.éréiiqne  et  ichisntuli- 
qtie.  I  Moiiarchia;  forma  non  fuit  immédiate  in  Ee- 
clesia  a  Christoins;iluta.//(B  profwiiiio  est  hr,reticn, 
setii.'-mnlica,  ordiiiit  iieriiTc:iici  nulnersiiiu,  el  piuit 
lùclfs  le  iciiurb.  liea.Collect.  judicioruiu,elc.ï'om.  L 
pur!.  11,  ;).  105.   ) 

<  Hiictrina  in  arliculis  Jnannis  îîus  contenta,  ni- 
niiruin  .n  Certain  nuti  dici  unnm  apttl  siitiremiim  et 
moiiarcham  practer  Christuiu,  su.im  Ecciesiam  pcr 
nniltos  miiiislros,  sine  tiiio  hlo  moniivchu  iiicrt  :li  ve- 
gerc  pert'eetc  et  gubernare,  «st  doeirina  christiana  a 
sanctis  Patnbus  cgr.-gifi  c\pliraiï  el  eonlirmata. 
Uirc  propoxil  0  est  lia'retica  qiiond  tinqulus  parlct. 
Ibid.,  pag.  KM),  i 

(1)  La  TradU'nn  de  l'Eglise  sur  l'inslUt. lion  des  évf- 
qu  s  apprécie  dilTèrcmmenl  le  l'ait  propose. 

<  Dans  ces  premiers  iiio  ■  ents,  où  rien  ne  parais- 
sait encore  réglé  dans  le  gouvernement  de  l'Eglise, 
où  le  prince  des  apôtres  ne  s'éiait  point  encore,  pour 
ainsi  dire,  placé  à  leur  tète,  il  semble  qu'im  devait 
s'attendre  a  les  voir  concourir  également  à  l'élection 
de  Malhias.  Cependant  Dieu  ne  permit  pas  «péil  en 
fut  ainsi.  Il  voulut  que  le  caraetéie  et  l'autorité  du 
clief  lussent  elaireincnt  maniués  dans  le  premier  acte 
sole  miel  de  juridiction  ecelésiasliiiue  qu'offrent  les 
fastes  du  christianisme.  En  présence  de  l'Eglise  as- 
semblée, Hierre,  rempli  de  celle  grande  iiiee  cpie 
Jésus-Christ  lui  avait  donnée  de  lii!-miine,  prend 
possession  de  la  principauté  qu'il  doit  transmettre  à 
ses  siiccessei;rs.  C'e,-.t  lui  (juiprepose  d'élire  a  la  place 
de  Judas  un  nouvel  apôtre,  (Jui  ient  IWssemhlée  où  il 
doit  être  elii,  qui  désigne  ceux  eiilre  lesquels  on  le 
peut  choisir  ;  et  saint  Cliiysosloiiie  assure  qu'il  avait 
le  plein  pouvoir  de  le  nommer  seul,  liiebal  ei  ijuxdem 
uur.iiiw.  <  Pourquoi,  se  demande  le  sainl  docteur, 
Pierre  eominuni(pie-t-il  .m x  disciples  son  dessein? 
Pour  prévenir  les  contentions  et  les  rivalités  ;  c'est 
ce  qu'il  évite  toujours,  el  ce  ipii  lui  a  fait  dire  d'a- 
bord :  Ml)  'irères,  il  faut  eliie  un  d'enirc  nom.  11  re- 
met le  jugement  à  la  luultitude,  alin  de  lui  rendre 
véneralile  celui  qu'elle  clioisirail,  cl  pour  ne  pas  ex- 
citer sa  jalousie...  Quoi  (hinc?  Pierre  ne  pouvait-il 
pas  l'élire  bii-niviue  'i  11  le  pouvait,  sans  doule  ;  mais 
il  s'en  abstient,  de  peur  de  favoriser  queUiu'iin.  »  Et 
encore  :  i  C'est  lui  qui  a  dans  celte  alfaiie  la  prin- 
cipale aulorilé,  comme  celui  sous  la  main  de  qui 
tous  les  autres  ont  été  placés  1  car  c'est  à  Pierre  que 
le  Christ  a  dit:  ijuai.d  lu  teras  conveiV,  .//fi  mis 
tes  frèie»  (  Humil.  5,  in  .\et.  Apost.  ).  > 

1  Ces  paroles  de  saint  Clirysoslonie  ne  semblent 
pas  susceptibles  de  recevoir'  plusieurs  inierprél.a- 
tions.  Cependant  M.  Bossuet,  répondant  ii  un  anleur 
anoiiv  me,  dans  la  Défense  de  lu  d,  cliiralion  du  1 1,  rqé, 
le  blâme  <  de  s'être  mis  en  t^te  que  saint  Clirysos- 
lome  ait  cru  que  saiiil  Pierre  était  en  droit  de  itéter- 
luiuer  Mal  c«iie  ^aii«,  mbs  taéae  (jonsotter  tes 


159 


lUR 


JL'R 


ICO 


Vainement  Bellarmin  semble  distinguer  la 
juridiction  d'avec  la  mission  ,  et  répisco)iat 
d'avec  l'apostolat;  de  son  propre  aveu,  les 
apôtres  ont  reçu  de  Dieu  l'un  et  l'autre. 
Pour  les  leur  donner,  a-t-il  fallu  autre  chose 
que  ces  paroles  de  Jésus-Christ  :  Prêchez 
l  Evangile  à  toute  créature  (Marc,  xv,  16).  Je 
vous  envoie  comme  mon  Père  m'a  envoyé.... 
Recevez  le  Saint-Esprit  ;  les  péchés  seront  re- 
mis à  ceux  auxquels  vous  les  remettrez  ,  etc. 
(Jonn.,  XX,  21'.  On  ne  le  prouvera  jamais. 

3°  Plus  vainement  encore  ce  théologien 
prétend  que  i.i  juridiction  universelle,  don- 
née par  Jésus-Cliristaus  apôtres,  était  exlra- 
ordiniire,  déléguée,  et  ne  devait  pas  passer 
à  leurs  successeurs ,  au  lieu  que  celle  dont 
il  avait  revêtu  saint  Pierre  était  ordinaire, 
perpétuelle,  et  devait  être  transmise  h  tous 
les  souverains  pontifes,  lib.  i,  c.  9;  lib.  iv, 
c.  25.  Il  s'ensuit  seulement  que  la  juridic- 
tion des  autres  apôtres  ne  devait  pas  se 
transmettre  k  leurs  successeurs  dans  la  même 
étendue  qu'ils  l'avaient  eux-mêmes  reçue; 
mais  il  ne  s'ensuit  pas  qu'ils  ne  devaient  et 
ne  pouvaient  en  transmettre  aucun  degré. 
C'est  une  absurdité  de  supposer  ciuc  quand 
un  apôtre   établissait  un  évêque  dans  une 

autres  apôlres,  ce  qui,  cerLiinement,  dit-il,  est  très- 
éloigné  de  la  pensée  du  saint  docteur,  et  tout  .t  fait 
coniraire  aux  maximes  qu'on  suivait  alors.  Saint 
Chrysosionie  veut  simplement  dire  par  ces  paroles 
que  saint  Piene  qui,  comme  ciief  de  l'assejiiblée, 
venait  d'ouvrir  l'avis  touchant  l'élection,  était  en 
droit  de  designer  et  d'élire  un  des  disciples,  parce 
que  sans  doute  son  choix  aurait  été  ralilié  par  les 
autres  apôtres  ;  or,  dans  ce  sens,  saint  Pierre  aurait 
été,  non  le  se\i!  élecleur,  mais  le  premier  d'entre  les 
électeurs.  >  Ainsi  M.  liossuet  convient  que  Pierre 
était  en  droit  de  désigner  et  d'élire  un  des  disciples  : 
cela  est  trop  clair  dans  saint  Chrysoslouie  pour  qu'on 
le  puisse  nier.  Ce  qu'ajoute  M.  Bossuct,  <  |iaice  que 
sans  dôme  son  choix  aurait  él(;  ratitié  par  les  autres 
apôtres,  1  est  une  pure  glose  dont  on  ne  iroiive  pas 
un  mol  dans  le  saint  docteur,  et  qui  répugne  égale- 
ment à  l'esprit  et  a  la  lettre  de  son  textt.  Si  saint 
Pierre  Mbaiidonne  l'élection  :i  l'assemblée,  c'est  de  sa 
part  une  concession  :  i!  iouffre,  il  pennel,  dit  saint 
Clirysoslome,  c'est  un  droit  qui  lui  apparlenait  e.i.i- 
nennnenl,  et  dont  il  consent  à  ne  point  user,  de  peur 
qu'on  ne  le  soupçonnât  de  favoriser  quelqu'un.  En 
même  temps  qu'il  se  montre  le  premier  en  autorité, 
il  veut  èlre  aussi  le  premier  a  mettre  en  pratique 
cette  belle  maxime  de  coiulescendaiice  et  de  charité  : 
jVe  duminei  point  sur  l'Ii^rHiuje  du  Seigneur,  iiiait 
rendei'Vuuii  le  modiU'  de  sou  Iruiipeau  par  une  verla 
qui  nuisse  ilti  cœur.  Que  voit-on  en  tout  cela  qui  in- 
dique (|ue  l'appiobalion  des  apôtres  était  nécessaire? 
Il  n'est  rien  qu'on  ne  puisse  faire  dire  a  un  auteur, 
lorsqu'on  croira  posséder  le  privilège  de  lire  dans 
son  esprit,  et  d'y  découvrir,  sans  autre  secours  (|ue 
cette  espèce  d'intuition  miraculeuse,  ses  sentiments 
les  plus  cachés.  Encore  ne  faudrait-il  pas  mettre  les 
secrètes  idées  de  cet  »uteur  en  contradiction  avec  ses 
aveux  formels.  Oi-,  saint  Chrysostome  déclare  que 
saint  Piene  pourrait  élire  seul  Mathias  ;  comment 
aurait-il  pensé  qu'il  ne  le  pouvait  faire  sans  le  con- 
cours des  autres  apôtres  ?  Qu'y  a-t-il  de  plus  opposé 
que  ces  deux  propositions?  et  peut-on  de  bonne  foi 
prétendre  que  l'une  ne  soit  que  l'explication  et  le 
développement  de  l'autre?  Il  pouvait,  c'est-à-dire 
qu'il  ne  pouvait  pas  :  conunentaire  fort  singulier  as- 
lurcnient,  et  aussi  peu  digne  de  Bossuet  (pie  de  saint 
Chrysostome.  Ce  n'était  pas  ainsi  que  l'éveque  da 


contrée,  et  qu'il  lui  donnait,  par  l'ordination, 
les  ]>ouvoi(S  d'ordre  et  la  mission,  il  ne  lui 
donnait  pas  aussi  \a  juridiction  sur  son  trou- 
peau. Voyons-nous  les  évêques  établis  par 
saint  Paul  et  par  saint  Jean,  longtemps  après 
la  mort  de  saint  Pierre,  (iemander  la/(«'i(//c- 
tion  aux  successeurs  de  ce  prince  des  apô- 
tres ? 

k"  Par  une  suite  de  la  même  hypothèse, 
Bellarmin  imagine  que  les  évêques  rie  sont  pas 
les  successeurs  des  apôtres,  dans  Iff  même. '^ens 
que  le  pape  est  le  successeur  de  saint  Pierre, 
])arce  qu'ils  n'héritent  point  de  \i\  juridiction 
des  apôtres  sur  toute  ITLgise ,  au  lieu  que 
les  papes  la  reçoivent  avec  la  même  étendue  : 
que  saint  Pierre.  Mais  les  bornes,  mises  par  ] 
les  apôtres  mêmes  à  la  juridiction  ordinaire 
des  évêques, ne  la  rendaient  pas  nulle.  Jésus- 
Christ  l'avait  donnée  à  ses  api'itres  telle  qu'il 
hi  leur  fallait  pour  établir  l'Evangile;  il  n'y 
avait  point  mis  de  bornes ,  non  plus  qu'à 
leur  mission ,  jiiisqu'il  les  avait  envoyés 
prêcher  à  toutes  les  nations.  Pour  la  suite,  il 
n'était  pas  nécessaire  que  chaque  évoque 
ei'it  une  j(tr/d/fii'on  illimitée  :  il  sufiisait  qu'il 
>  e'Jt  dans  l'Eglise -un  chef  qui  la  conservât 
sur  tout  le  troupeau.  De  ce  que  saint  Paul 

Meaus  expliquait  la  tradition,  et  se  montrait  l'égal 
des  Pcres  en  les  interprétant  dans  son  imnmrtelle 
Hisloiie  dfs  Vnriiiious,  et  dans  ses  Averlissemenls 
aur  préteni.ns  ir/'on)(«s. Pour  défendre  ce  qu'il  avance 
tinicliant  l'éleclion  de  Mathias,  ii  se  fonde  sur  Ut 
niii.riuies  qiCon  suivait  alors.  Mais  n'est-ce  pas  appor- 
ter eu  preuve  la  question  même  ?  Car  ce  sont  juste- 
ment ces  maximes  qu'il  s'agit  de  coimaître  et  d'é- 
clairer. Dans  tous  les  cas,  on  ne  délniit  pas  un  texte 
précis  par  de  vagues  allégations.  Et,  pour  en  venir 
au  fond,  ces  maximes,  quelles  qu'elles  fussent,  saint 
Chrysostome  ne  les  entendait  certainement  pas  de  la 
même  manière  que  l'auteur  de  la  Déjerne,  p  lisque  si 
o;i  avait  demandé  à  celui-ci  :  Pierre  ne  pouvait-il 
pas  élire  lui-même  le  successeur  de  .ludas,  an  Pe- 
truin  ipsuin  elirii're  non  licebal  ?  il  n'eut  pas  sans 
doute  hésité  à  répondre  :  Non  licebal  ;  i  saint  Pierre 
pouvait  donner  son  avis  le  premier,  mais  il  n'avait 
que  sa  voix  :  »  tandis  que  saint  (dirysostome,  au 
contraire,  accorde  a  Pi«rre  ce  droit  sans  restriclion, 
sans  modilication,  i'cebut,  el  quidem  maxime  ;  et  la 
raison  qu'il  en  l'eiid  est  remarquable  :  c'est  que  tous 
lui  étaient  sounns,  ou,  selon  la  f.)rce  de  l'original, 
éiaieni  sous  sa  luain,  comme  des  instruments  dont  on 
dispose  avec  une  pleine  puissance  et  une  entière  li- 
berté, en  vertu  de  ces  paroles  de  Jésus-Christ  : 
Conjiruie  te<  [rères. 

I  Saint  Chrysostome  n'est  pas  le  seul  qui  ait  re- 
connu cette  prérogative  du  prince  des  apôlres.  L'an- 
cien auteur  du  panégyrique  de  saint  Pierre  et  de 
saint  Paul,  attribué  par  quelques  savants  à  saint 
Grégoire  de  Nysse,  exaile  eu  termes  magnifiques  le 
privilège  que  saint  Pierre  possédait  seul  de  créer  de 
nouveaux  apôtres  :  t  Cet  honneur  n'appartenait,  dit- 
il,  qu'a  celui  que  JésusClirisl  avait  établi  chef  et 
prince  à  sa  place,  pour  gouverner,  comme  sou  vi- 
caire, les  autres  disciples.  » 

I  C'était  au  u'  siècle  une  tradition  de  l'Eglise  ro- 
maine, que  saint  Pierre  avait  imposé  les  mains  à 
saint  Paul.  Il  est  sûr  du  moins  que  saint  Paul  et  saint 
Barnabe  reçurent  l'Esprit-Saint  pour  l'œuvre  à  la- 
quelle ils  étaient  destinés  par  le  ministère  de  l'Egli- 
se d'Antioclie,  qui,  fondée  par  saint  Pierre,  était  re- 
vêtue de  cette  autorité  supérieure  qu'y  laissa  le  saint 
apôtre,  lorsqu'il  se  rendit  h  Rome  |)our  y  établir, 
avec  son  siège,  sa  primauté  sur  toute  l'Eglise.  » 


161 


JUR 


JUR 


162 


n'a  pas  donn(jàïimothée  et  h  Tite  une  juri- 
diction aussi  (^tonilue  que  la  sienne,  il  ne 
s'ensuit  pis  qu'il  ne  leur  en  ait  donné  au- 
cune, ou  qu'ils  aient  été  obligés  de  l'em- 
prunter ailleurs,  il  y  aurait  du  ridicule  à 
soutenir  que  l'évècjue  d'Ei)lièse  n'était  ])as  le 
successeur  de  saint  Jean,  parce  qu'il  n'avait 
pas  le  même  degré  de  juridiction  que  saint 
Jean.  Savons-nous,  d'ailleurs,  si  les  disciples 
(lu  Sauveur,  ou  ceux  des  apôtres,  qui  sont 
allés  prêcher  au  loin,  avaient  micjuricliclion 
limitée  h  un  territoire  particulier. 

Les  apôtres  mêmes,  quoiqu  ■  revêtus  d'une 
juriclirtiun  générale,  se  sont  souvent  abste- 
nus d'en  faire  usage.  Saint  Paul  déclare  qu'il 
n'a  prêché  l'Evangile  que  dans  des  lieuv  où 
Jésus-Christ  n'avait  pas  encore  été  annoncé, 
afin  de  ne  pas  bâtir  sur  le  fondement  d'au- 
trui  {liom.,  xv  ,  20).  11  élait  convenu  avec 
saint  Pierre  de  prêchei'  l'Evangile,  piim^ipa- 
lement  aux  gentils,  pendant  que  saint  Pierre 
et  ses  collègues  instruisaient  les  Juifs  par 
préférence  {Galat.,  ii,  9);  mais,  avant  cet 
arrangement,  il  avait  déjà  quatorze  ans  d'a- 
postolat (1). 

(I)  La  Tntililion  sur  rinxtilutiun  des  êvi'qucs  (t.  I", 
p.  (j'j)  ex|irn|Uft  ainsi  la  mission  de  saint  l'aiil  et  des 
autres  apolres: 

I  Qiieii(iics-iiiis  lie  <eux  qui  ont  traité  du  gouver- 
nement de  l'Eylisc  n'ont  pas  assez  lait  alleution  aux 
difl'tTences  nécessaires  qui  ont  dû  exister  dans  le  ré- 
gime d'une  société  qui  se  loiniait,  et  de  la  même  so- 
ciété déj  1  formel".  Eu  voyant  exercer  aux  apôtres  de 
si  grands  pouvoirs,  ils  ont  presque  méconnu  le  pou- 
voir encore  pins  grand  du  clii't'.  Leurs  yeux,  éblouis 
par  l'éclat  que  ropandaient  au  loin  les  Eglises  nais- 
santes à  la  l'ois  dans  toutes  les  parties  de  l'univers, 
n'ont  pas  su  discerner  les  privilèges  spéciaux  qui,  à 
cette  époque  comme  à  toute» les  autres,  distinguaient 
la  cliaire  principale.  Telle  est  certainement  la  source 
de  l'erreur  des  protestants,  (pii  ne  voient  dans  l'E- 
glise primitive  qn'iui  assemblage  l'orlnit  de  parties 
incohérentes,  sur  lesquelles  les  honnues  et  le  temps 
ont  tiavaillé  de  conceri,  pour  les  lier  les  unes  aux 
antres,  et  leur  domiei'  une  l'orme  régulière.  SanU 
Cyprien  est  le  premier,  à  les  en  croire,  ipii  ait  eoucu 
la  grande  idée  de  l'unité  ;  et  eux  qui  font  gloiie  de 
fonder  leur  foi  uniquement  sur  l'Ecriture,  oublient 
que  Jéses-ChrisI  même  avaitdit,  (lu'ilsboientuncomiite 
nous  sonwiis  un 

I  Jésus  l'.luist  a  été  destine  étcruellenieut  pour 
être  le  chef  de  l'Eglise.  Toute  autorité  découle  de 
la  sienne,  et  n'en  est  ipi'uue  participation  ;  il  est  la 
source  unique  et  perpeiuellemenl  féconde  du  pouvoir 
spirituel.  Je  vous  enroie,  dit-il  aux  apôtres,  ro/Hme 
mon  Père  m'a  cnvo'ié ,  sublime  mission,  qui  part  de 
Dieu  pour  arriver  an  ileriiier  ministre  !  .Mais,  pour 
la  recevoir,  il  faut  qu'elle  soit  donnée;  il  faut  que  Jé- 
sus-Christ, qui  la  reiderme  en  soi  tout  eiuière,  pro- 
nonce ces  nuits  :  je  vous  envoie;  car  aul rement  com- 
ment saurait-on  si  l'on  est  envoyé  ?  Apres  que  Jésus- 
Cljrist  eut  quille  la  terre,  le  cours  de  la  mission  se 
serait  donc  arrêté,  s'il  ne  s'était  pas  substitué  un 
honmie  dont  il  taisait  son  organe.  Cet  huiume,  ce 
fut  Pierre,  qu'il  chargea  de  le  représenter  p»r  lui- 
même  et  par  ses  successeurs  jnsipi'a  la  lin  des  siè- 
cles :  l'iisie  ovcs  :i:eiis.  Voilà  l'ordre  qui  doit  durer 
toujours  ;  il  est  établi  dès  le  premier  momsnt  :  aussi 
ne  changera-t-il  jamais  peiulaut  que  l'Eglise  subsis- 
tera. Mais  celle  Eglise,  il  fallait  la  ionder  ou  plutôt 
retendre,  puisqu'elle  devait  remplir  le  monde  entier. 
La  sagesse  divine,  avant  de  remonter  au  ciel,  avait 
pourvu  a  la  prompte  diffusion  de  l'Evangile,  par  des 
moyens  prepoftioiinés  dans  leur  durée  à  l'effet  qu'ils 


5"  Par  la  même  nécessité  de  système,  Bel- 
larmin  prétend  que  c'est  saint' Pierre  qui  a 
fondé  les  trois  Eglises  patriarcales  d'Alexan- 
drie, d'Antioche  et  de  Home;  que  c'est  par 
les  évoques  de  ces  trois  grands  sièges  qu'il 
a  commuiiiqué  \a  juridiction  à  tous  les  au- 
tres évêques  du  luonde.  C'est  domma.;e  que 
l'antiquité  n'ait  eu  aucune  connaissance  de 
ce  fait  iiiiportant.  Oulre  qu'il  est  fort  dou- 
teux si  saint  Pierre  a  eu  aucune  part  à  la 
fondation  de  l'Eglise  d'Alexandrie,  si  saint 
Marc  en  a  été  fait  évêqiie  avant  ou  après  la 
mort  de  saint  Pierre,  les  jiatriaiches  de  Jé- 
rusaletu  n'auraient  certainement  pas  avoué 
qu'ils  tenaient  leiu\/((r/(/(c;/oM  do  ceux  d'An- 
tioche et  d'Alexandrie. 

Selon  une  tradition  assez  constante,  saint 
André  et  saint  Philippe  ont  prêché  l'Evan- 
gile dans  le  nord  de  l'Asie  et  de  l'Europe; 
d'autres  apôtres  dans  la  Perse  et  dans  les 
Indes  :  croirons-nous  que  les  évôqurs  qu'ils 
y  ont  établis  ont  eu  recours  aux  fialriarchcs 
d'Antioche  ou  d'Alexandrie  pour  recevoir  la 
juridiction  ép\scopa\e,  et  ne  se  sont  pas  ci  us 
autorisés  à  gouverner  leur  troujieau  en  vertu 

devaient  proiluire.  L'ordre  du  ministère  réglé  pour 
tons  les  leiiqis  n'est  pas  semblahle  en  tout  à  celui 
(pii  devait  lavoi-iser  l'établissement  de  l'Eglise.  Une 
autorité  extraordinaire  est  donnée  aux  apoties  pour 
que  l'ojuvre  de  Dieu  s'accomplisse  avec  une  rapidité 
non  moins  extiaordinaire.  Quoique  inférieurs  à 
Pierre,  qui  lient  au  milieu  d'eux  la  place  de  Jèsus- 
Cbrist,  ils  ont  rei^u  comme  lui  la  plénitude  de  la 
puissance  apostolique  ;  mais  ils  ne  la  transmettront 
point  à  leurs  successeurs  ;  elle  n'est  pour  eux  qu'une 
comuiission  personnelle  et  temporaire.  Us  seront 
comme  des  conipiéranis  qui ,  ne  devant  point  avoir 
de  postérité,  laissent  toutes  leurs  conquêtes  à  un  mo- 
narque plus  heureux  ,  dont  la  race  ne  s'éteindra 
point.  Avec  eux  cessera  l'apostolat ,  ainsi  que  les 
dons  qui  y  sont  attachés.  La  dignité  épiscopale,  sé- 
parée de  ces  dons,  est  la  seule  qui  doive  subsister, 
parce  que  c'est  la  seule  ijui  entre  dans  l'économie  du 
gouvernement  stable  oii  tout  se  rapporte  à  un  centre 
commun,  et  vient  y  puiser  sa  force.  <  Il  laut ,  dit 
Bossuel,  que  la  commission  extraordinaire  de  Paul 
expire  avec  lui  a  Kome,  et  que  réunie  à  jamais,  pour 
ainsi  parler,  ri  la  chaire  suprême  de  saint  Pierre,  a 
laquelle  elle  était  subordonnée,  elle  élève  l'Eglise 
romaine  au  comble  de  l'autorité  et  de  la  gloire.  > 

<  Ce  tpii  est  vrai  de  saint  Paul  «st  également  vrai 
des  autres  apôtres.  C'est  une  maxime  reçue  par  tous 
les  théologiens,  que  les  évèipies  succèdent  aux  apô- 
tres dans  l'èpiscopat  et  non  dans  l'apostolat,  c  11  ..^ 
servirait  de  rien  de  répondre  ,  observe  le  cardinal 
Gcrdil,  que  cette  distinction  ne  se  trouve  que  dans 
les  écrivains  modernes.  Cela  peut  être  vrai  tout  au 
plus  pour  le  son  des  mots,  mais  la  chose  est  aussi 
ancienne  que  l'Eglise.  Qui  jamais  s'est  imaginé  que 
les  sept  éveques  d'Asie  fussent  égaux  à  saint  Jean 
d:ms  la  puissance  de  gouvernement  '?  ou  que  Denis 
l'Aréopagile  et  les  autres  éveques  nommés  dans  les 
Epitres  de  saint  Paul,  et  préposés  par  lui  à  diverses 
Eglises  particulières,  possédasoent  la  même  autorité 
que  cet  apôtre'?  Pour  conliriner  ces  preuves,  j'ajou- 
terai, poursuit  Gerdil,  un  argument  qui  parait  dune 
grande  forcv;  ,  et  même  décisif.  Qu'on  rèllechisse 
qu'excepte  saint  Pierre,  saint  Jacques,  frère  du  Sei- 
gneur, est  le  seul  d'entre  les  apolres  ipii  ail  été  tout 
ensemble  apôtre  et  eveque  d'une  Eglise  particulière  : 
or,  quoiqu'on  puisse  très-bien  dire  que  les  éveques 
qui  occupèrent  après  lui  ce  siège  particulier  lui  suc- 
cédèrent dans  l'èpiscopat ,  on  ne  peut  pas  dire  éga- 
lement qu'ils  lui  aient  succédé  dans  l'autorité  propr 


165 


JUR 


JUR 


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de  l'ordination  et  de  la  mission  qu'ils  araient, 
roçiios  des  apôtres?  Si  cette  discipline  avait 
eu  lieu,  il  serait  fort  étran^^e  qu'il  n'en  fût 
resté  aucun  ves  ige  dans  les  monuments  des 
troij  premiers  siècles. 

'  Lorsqu'on  objecte  à  Bellarmin  les  paro- 
les que  saint  Paul  adresse  aux  anciens  do 
l'Eglise  d'Ephèse  :  «  Veillez  sur  vous  et  sur 
tout  le  troupeau  dont  le  Saint-Esprit  vous  a 
établis  évèques  pour  gouvirner  l'Eglise  de 
Dieu  [Act.,  c.  xx,  v.  2i),  il  dit  que  ces  évo- 
ques ont  reçu  le  pouvoir  rie  gouveiner,  non 
pas   immédiatement  du   Saint-Esprit,    mais 

de  l'apostolat ,  p\ii»(|ue  non-seulement  il  ne  leur 
iraiismil  point  la  plénitude  de  l'autorité  apostolique, 
en  vertu  de  laquelle  auciui  apotie  ne  pouvait  être 
assujetti  aux  autres,  excepté  au  chef,  mais  encore 
que  ces  éveques  furent  réelleinent  subordonm^s  au 
siège  patriarcal  irAiilioche,  et  même  à  la  métropole 
de  Césarée  ,  subordinatiou  à  laquelle  évidcnmient 
saint  Jacques  n'aurait  pu  ctre  astreint,  non  plus  qne 
ceuî  qui,  en  lui  succédant  sur  le  siège  particulier  de 
Jérusalem,  auraient  en  mené  temps  hérité  de  toule 
l'étendue  du  pouvoir  apostolicjue.  A  pUis  forte  rai- 
ron  faut-il  dire  que  les  évéq\ie3  {|ui  no  succèdent 
point  aux  apôtres  dans  un  siège  particulier  que  ceux- 
ci  lient  occupé,  ruais  qui  furent  origiuairemcnt  éta- 
blii  par  cui  pour  régir  des  portions  particulières  du 
troupeau,  doivent  cerlainementtlre  regardés  comme 
les  successeurs  des  apôtres  dans  l'épiscopat ,  titre 
qui  sudil  pour  constituer  une  dignité  sublime,  mais 
non  dans  la  plénitude  de  laulonlé  qui  était  |>ropre 
à  l'aposlolai,  et  de  laquelle  seule  peut  dériver  ceUe 
prééminence  iudv^pendanie  de  lordinaiiou  qui  élève 
certains  sièges  au-dessus  des  autres.  > 

iLe  Père  Alexandre,  si  aiteniif  à  ne  rien  exagérer 
lorsqu'il  s'agit  des  prérogatives  des  pontifes  romains, 
n'enseigne  point  une  autre  doctrine,  c  La  suprême 
puissance  dans  l'Eglise,  dit-il,  a  été  accordée   non- 
seulement  à  Pierre,  mais  encore  aux  autres  apôtres, 
pour  en  user  comme  d'un  pouvoir  extraordinaire,  et 
qui  devait  expirer  avec  eux.  Us  pouvaient  do:;i;  dire 
tous  comme  saint  Paul,  le  .'.oi-i  de  /oiw.-s  /.s  é ,  iscs 
es!  mon  oecnpiiliun  de  ciniqne  jour  ;  mais  cette  auto- 
rité souveraine  a  été  donnée  u  Pierre  comme  au  pas- 
leur  ordiiiaire,  destiné  à  avoir  une  suite  nou  inter- 
rompue de  successeurs  ,  lorsqu'enlin  la  puissance 
apo.itoUque  se  sérail  concenuée  en  un   seul.  De  là 
vient  que  ,  par  antonomase  ,  le  siège  de  Pierre  est 
appelé  apostolique  par  suint  Jérôiue,  par  saint  Au- 
gustin, par  les  Pores  du  concile  de  Ciialcédoine,  et 
par  les  evèfjues  des  Gaules,  dans  Uur  letre  à  saint 
Léon.  »  (  Umert.  i,  ad  sœc.  i.)  Le  Père  Alexandre 
remarque  ensuite  que  ces  maximes  ont  leur  fonde- 
ment dans  l'Ecrilurc  même  :  <  Car,  pour  ce  qui  est 
de  la  puissance  apostolique,  Jt'sus-Christ  dit  aux  apô- 
tres :  A  le:  dans  lo:ii  l'univers,  prèc/i  ;  t\  va  ijiie  à 
toute  créature,  a'dn  de  montrer  qu'ils  pouvaient  éten- 
dre leur  soUicilude  par  toule  la  terre.  Mais  on  voit 
encore  clairement  par  l'Ecriluve  (;ue  certaines  por- 
tions de  territoires,  certains  troupeaux  particuliers 
étaient  confiés  par  les  apôtres  aux  év -ques  (lu'ils  or- 
donnaient. Veil  e'^,  dit  saint  Paul,  à  lo.l  -e  troupe<M 
iitr  le  juel  ri.tprit-Suint  vous  a  é  a 'ti.  év^q  us  po^^r 
govverner  CEgti^e  de  Oieu  ii^'il    u  a:iiuhe  a;  prix  de 
lei  sa  ig.  La  suite  prouve  que  saint  PaLd  parle  d'un 
troupeau  particulier.  Je  tais  ipùipr^'t  mo'i  dépaii  il 
entrera  parmi  vo  s  de^  toupi  raiii:s.in's  qui  n'epuuine- 
rnni  pat  te  troupeau,  Et  saint  Pierre  :  l'assei,  dit-il, 
le  troupeau  de  Uieu  dunl  vous  êtes  i  liar,;és.  C'est  pour- 
quoi les  Pères  n'ont   point  pensé  que   les  évoques 
eussent  reçu,  comme  les  apôlras,  une  puissance  uni- 
verselle dans  l'Eglise  ;  mais  ils  ont  limité  le  pouvoir 
qu'ils  tenaient  des  apôtres  à  certains  sièges  particu- 
liers. >  ilHd.) 


médiatement  par  le  canal  de  saint  Pierre  :  il 
ne  fait  \)a$  attention  que  ces  évêques  avaient 
été  ordoiin''S  par  saint  Paul,  et  que  cet  apô- 
tre n'a  jamais  cru  avoir  besoin  de  la  com- 
mission d'aucun  homme  pour  exercer  les 
fonctions  de  l'apostolat.  Ce  n'est  pas  ainsi 
non  plus  que  l'entendaient  les  évéques  du 
grami  concile  d'Afrique,  tenu  sous  saint  Cy- 
prion,  qui  disaient  :  «  Jésus-Christ  seul  a  le 
pouvoir  de  nous  préposer  au  gouvernement 
de  son  Eglise,  et  de  juger  de  nos  actions.  » 
On  sait  qu'ils  en  voulaient  par  là  au  pape 
saint  Etienne  (1). 

«  Des  nombreuses  autorités  qu'allègue  le  Père 
Alexandre  à  l'appui  de  ce  sentiment  des  Pères,  nous 
ne  citerons  que  le  quinzième  canon  du  concile  de 
Nicés,  ((ui  défend  aux  évêques  de  passer  d'une  ville 
dans  une  autre,  i  Comment  le  concile  de  Nicée,  con- 
tinue !•  Père  Alexandre ,  aurait-il  pu  attacher  un 
évéque  a  un  seul  lieu,  si,  de  droit  divin  et  sans  ex- 
ception ni  limitaiion,  l'autorité  de  cet  évéque  s'éten- 
dait à  toutes  les  églises?  Le  pouvoir  des  évéques  n'a 
donc  pas  une  telle  étendue  :  on  ne  peut  donc  pas 
dire  qu'ils  aient  succédé  à  la  plénitude  de  la  puis- 
sance apostolique.  » 

<  Messieurs  de  Marca,  Hallier ,  le  Père  Pétau ,  et 
tous  les  théologiens  catholiques ,  établissent  les 
mêmes  principes  ;  et  la  vérité  en  est  si  constante, 
selon  la  remarque  de  Zallinger,  quelle  a  été  recon- 
nue même  par  des  protestants,  entre  autres  par  Mos- 
heim.  Si  .Vnloine  de  Dominis  cherche  à  répandre  des 
opinions  contraires  ,  il  est  aussilôt  censuré,  et  les 
facultés  de  théologie  de  Paris  el  de  Cidogne  n'hési- 
tent point  à  déclarer  sa  doctrine  hérétique. 

«  On  convient  universellement  que  la  puissance 
extraordinaire  des  apôtres  renfermait  le  droit  de 
fimder  des  Eglises  et  d'instituer  des  évéques.  «  Or, 
dit  le  savant  cardinal  Gerdil,  t.  XU,  si  cette  pijit- 
sance  devait  finir  avec  eux,  si  elle  était  ordinaire 
dans  saint  Pierre  seul  ,  il  s'ensuit  nécessairement 
qu'aux  seuls  successeurs  de  saint  Pierre  appariient 
cette  suprême  autorité,  qui  consiste  à  pouvoir  exer- 
cer par  tout  le  mou  le  le  ministère  apostolique,  nou- 
seulement  en  annonçant  1  Evangile,  en  administrant 
les  sacrements,  maisencoreen  instituant  les  Eglises, 
en  créant  des  évéques,  et  en  étendant  partout  leur 
paternelle  sol.icitule.  > 

(1)  La  Trudii  on  de  l'Eglise  sur  l'institution  dt 
éiitfues  va  r>iuler  Bergier  : 

c  L'Eglise  de  Roioe  attribue  sa  grandeur  et  ses 
.  prérogatives  à  la  puissante  primauté  de  saint  Pierre 
qui  l'ayant  établie  par  sa  previicaiion,  l'alfermit  par 
ses  miracles,  et  légua  par  son  martyre  lous  ses  droits 
à  ses  successeurs,  telle  d  Alexan  irie  fait  dériver  ses 
privilèges  du  même  apôire  ,  qui  la  fonda  et  la  gou- 
verna par  son  disciple  saint  Marc.  Enlin  l'E- 
glise w'Antioche  ,  comme  l'atteste  saini.  Chrysos- 
ton.e,  rapporte  aussi  le  rang  dont  elle  jouit  a  saint 
Pierre,  qui  en  fut  le  pre.nier  évéque.  C'est  ain>i  que 
tout  ce  (l'ii,  dans  l'Eglise,  otïre  un  caractère  de  pné- 
minence  el  de  force,  vient  se  rattacher  de  soi-même 
à  la  piene  fundaïueniale. 

I  Chose  remar(piable  :  quoique  les  apôtres  eussent 
établi  un  grand nauibre  déveques,  et  que  les  anciens 
aient  queUpiefois  donné  a  ces  sièges  primitifs  le  noiti 
d'apostoliques,  cependant  ce  glorieux  liirc  a  toujours 
désigné  particulièrement  ceux  qui  recomiaissent 
saint  Pierre  pour  fondateur.  «C'est,  dit  Thomas- 
sin,  ce  qui  a  fait  couler  sur  eux  ou  la  plénitude 
ou  une  participalion  singulière  de  celle  primauté 
dont  Jésus-Christ  axait  honoré  saint  Pierre,  la  vigi- 
lance amoureuse  du  divin  iôndateur  de  l'Eglise  ayant 
ainsi  disposé  le  cours  de  la  prédication  de  l'Evangile, 
alin  que  toute  la  suite  di'S  siècles  reconn.il  \i.jiir  nui- 
(pie  chef  celui  qu'il  avait  lui-iuèiue  iionoré  de  celte 


465  JVR 

6*  Un  nouveau  trait  de  prévention  de  la 
p«rt  de  ce  savant  tlidologien  est  de  préten- 
dre qu'un   évoque  n'a  pas  le  pouvoir  d'en- 

auguste  qualité  lor^nii'il  formait  son  Eglise,  et  que 
daus  les  premiers  cdmiiienceiueiUs  il  travail  limage 
et  les  régies  de  tous  les  siècles  à  venir.  lUicipL, 
liv,  I,  c.  7.  ) 

«  Pour  détruire  un  fait  si  constant,  inutilement 
objccterait-on  avec  M.  Dnpin,  que  <  si  on  rapportait 
à  cette  cause  la  dignité  des  pairimohes,  les  sièges  pa- 
Iriarcam  eussent  dit  èlie  beaucoup  plus  norubreui, 
puisque  saint  Pierre  a  fondé  et  gouverné  d  innom- 
brables Eglises.»  Cette  objection  serait  sans  réplique, 
si  on  soutenailqu'uiie  Eglise  est  patriarcale,  par  cela 
seul  que  saint  Pierre  ou  ses  disciples  l'ont  fondée; 
caralors  il  est  clair  que  toutes  les  Eglises  d'Occiilenl 
et  les  principales  Eglises  iTOrient  devraient  porter  ce 
titre,  et  qu'il  y  aurait  ainsi  prescjue  autant  de  pa- 
triarcats que  d'évécliés.  Mais  aussi  n'est-ce  pss  là  ce 
qn'oii  prétend;  et  .M.  Dupin  ne  I  ignor;;il  pas.  11  a 
créé  une  absurdité  pour  se  donner  le  facile  plaisir  de 
la  détruire,  et  peut-être  daus  l'espoir  de  fïire  prendre 
le  change  au  lecteur.  Ce  (p.i'ou  soutient  d'après  la 
tradition,  c'est  que  Rome,  Alexandrie  et  Aniioclie,  ne 
possédèrent  une  si  liante  aulurilé,  que  parce  que 
saint  Pierre  voidut  y  établir  d'une  manière  spéciale 
la  prééminence  de  son  mine,  comme  parle  Thomas- 
sin.  Un  auteur,  qui  sans  doute  n'était  pas  nmins  in- 
struit que  .M.  Diipin  des  origines  ecclésiastiques,  saint 
Léon,  un  pape  si  docte,  et  dont  l'autorité  a  toujours 
été  si  grande  dans  l'Église,  le  dit  formellement  :  <  Que 
le  siège  d'Alexandrie  ne  perde  rien  de  la  dignité  qu'il 
doit  .1  saint  Marc,  disciple  de  saint  Pierre;  et  que  l'E- 
glise d'AniiocIie,  où  na(iuit  le  nom  de  chrétien  par 
la  prédication  du  nn  me  apôtre,  demeure  dans  l'ordre 
fixé  par  les  règlements  de  nos  pères,  et  que,  placée 
au  troisième  rang,  elle  ne  deseende  jamais  au-des- 
£,ous.  »  On  trouve  à  la  fois  dans  ces  paroles,  et  un 
témoignage  qui  atteste  que  les  privilèges  d'Alexan- 
drie et  d'Anlioehe  découlent  du  prince  des  apôtres, 
et  un  acte  d'autorité  par  lecpiel  saint  Léon,  héritier 
de  la  puissance  de  Pierre,  conlirme  ces  privilèges. 
Epiti.  104. 

•  Richer  avoue  que  saint  Léon,  dans  le  passage 
qu'on  vient  de  lire,  attrilme  à  saint  Pierre  l'établis- 
sement des  sièges  patriarcaux,  i  Mais,  ajou;e-t-il, 
qu'y  a-t-il  là  d'élonnani?  puisque  ce  pape,  flaiié  de 
l'éclat  de  sa  chaire,  ?e  plaît  à  étaler  ici,  comme  en 
beaucoup  d'autres  endroits,  les  franges  de  sa  robe 
pontificale.  > 

«  Quel  tangage  et  quelle  réponse  !  Sur  qnoi  fonde- 
ra-t-on  la  tradition,  si  on  rejeite  le  lémoignage  d'uu 
pontife  aussi  ilocle  que  saint,  uniquement  parce  qu'il 
était  pape?  Y  a-l-il  un  seul  <  crivain  (jui  ne  puisse  of- 
frir ;\  la  mauvaise  foi  de  sendilables  motifs  d'exclu- 
sion? Il  n'en  faudra  croire,  par  exenqde,  ni  les  Pères 
grecs,  ni  les  Pères  latins,  sur  ce  qui  intéresse  spé- 
cialenienl  et  leur  siècle  et  leurs  Eglises,  parce  qu  ils 
étaient  tous  attachés  ou  à  tels  honimes,  on  à  telles 
opinion»,  ou  à  telle  discipline;  et  les  rivalit  s  qui 
ont  quelquefois  existé  cntie  eux  fourniront  un  nou- 
veau prelo.le  de  récuser  leur  autorité.  Où  nir.sit-on 
point  avec  un  lei  principe  ?  D'un  mot  on  renverse- 
rait toute  lliistoire,  et  dans  tout  ce  ipii  repose  sur  le 
témoignage  des  hommes,  la  raison  ne  verrait  qu'un 
doute  éternel  et  d  impénétrables  ténèbres.  Laissons 
aux  ennemis  de  la  vérité  une  méthode  qui  n'a  éi.'  in- 
ventée que  pour  l'obscurcir  ;  et  malgré  les  dédains 
affectés  de  quelques  aigres  critiques,  pour  une  traili- 
tion  qui  les  condamne,  ne  cessons  point  de  riiarcher, 
à  la  lumière  de  son  (lambeau,  dans  la  route  que  nous 
nous  somiiies  iracce. 

«  Le  pape  saint  Gelase  et  les  soiiante-dix  évèques 
du  concile  de  Rome,  célébré  en  491,  s'expriment 
d'une  manière  encore  plus  expresse  que  saint  Léon  : 
«  L'Eglise  romaine,   sans  rides  et  sans  taches,  est 


JUR 


ifie 


voyer  des  missionnaires  aux  peuples  inti- 
dèles.  Mais  si  un  évoque  se  trouvait  tout  à 
coup  transporté  au  milieu  de  ces  peuples, 

donc  le  premier  et  le  principal  siège  de  saint  Pierre. 
Le  second  est  le  siège  d'Aleiandrie,  consacré  au  nom 
de  Pierre  par  saint  Marc,  son  disciple  et  son  cvan- 
gélisle,  qu'il  envoya  en  Egypte,  où,  après  avoir  prê- 
ché la  parole  de  vérité,  il  consomma  son  glorieux 
martyre.  Le  troisième  siège  établi  à  Antioclie  tient 
aussi  un  rang  hono.-able,  a  cause  du  nom  du  même 
apôtre  qui  habita  dans  cette  ville  avant  de  vmir  à 
Rome,  et  parce  que  c'est  en  ce  lieu  que  prit  nais- 
sance le  nom  du  nouveau  peuple  des  chrétiens.  > 

«  Innocent  1,  écrivant  à  Bouiface,  son  ajiocrisiaire 
.^  la  cour  de  Consiantiiiople,  rend  la  m  nie  laisou  de 
réminence  de  l'Eglise  (l'Autioclie,  (juil  appelle  la 
sœur  de  l  Egtite  romaine,  parce  qu'cll;>s  reconnais- 
sei.t  le  mèjiie  apôtre  pour  père;  et  dans  irne  autre 
lettre  ii  assure  i  que  les  privilèges  que  le  concile  de 
Nicée  lui  attribua  ne  lui  furent  point  accordes  a  cause 
de  la  grandeur  et  de  l'importance  de  c«lie  cité,  mais 
parce  qu'elle  a  eu  l'avantage  de  posséder  le  premier 
siège  du  premier  apôtre  ;  »  ce  qui  est  confirmé  en- 
core par  le  témoignage  de  saint  Chrysostome,  et  par 
celui  de  Maxime,  qui,  dans  le  concile  de  Clialcé- 
doine,  dit  que  le  trône  d'Antiocheest  le  trône  de  saint 
Pierre. 

<  Il  ne  manquerait,  poui  compléter  les  preuves  des 
droits  et  de  l'autorité  de  saint  Pierre  sur  <  elle  grande 
Eglise,  que  de  le  voir  s'y  donner  lui-mt  me  un  succes- 
seur ;  mais  cela  même,  nous  le  voyons.  Félix  III  et 
Théodoret  nous  apprennent  que  saint  Ignace  fut  or- 
donné èvèque  d'Anlioehe  de  la  propre  main  de  saint 
Pierre,  Pitri  dextera  ephcopus  ordinatus  est.  Nicé- 
phore,  qui  conlirme  ce  lait,  ajoute  que  le  saint  apô- 
tre avait  dèj .  confié  à  Evode  le  gouvernement  de  l'E- 
glise d'Antioche  ;  et  cet  hi-iorien  fait  clairement  en- 
tenilre  que  saint  Ignace,  qu'il  représente  comme  un 
homme  inspiré  de  Dieu ,  reçut  immédiatement  sa 
mission  de  saint  Pierre 

(  Nous  lisons  dans  saint  Grégoire  que  «  les  trois 
patriarches  sont  assis  dans  une  seule  et  m  me  chaire 
apostolique,  parce  qu'ils  ont  tous  succédé  au  siège  de 
Pierre  et  à  son  Eglise,  que  Jésus-Chri-l  a  fondée 
dans  l'unité,  et  à  qui  il  a  donné  un  chef  unique  pour 
présider  aux  trois  sièges  principaux  des  trois  villes 
royales,  afin  que  ces  trois  sièges,  indissolublement 
unis,  liassent  étroitement  les  autres  Eglises  au  chef 
diviiiement  institué,  t  Tout  le  monde  sait,  écrit  ce 
grand  pontife  à  Euloge  d'Alexandrie,  que  le  bienheu- 
reux évangèlisle  Marc  fut  envoyé  à  Alexandrie  par 
saint  Pierre  son  malire.  Ainsi  nous  sommes  telle- 
ment liés  par  l'unité  du  maître  et  du  disciple,  que 
nous  paraissons  présider,  moi  an  siège  du  disciple  à 
cause  du  maître,  et  vous  au  siège  du  maître  ■  cause 
du  disciple  :  >  ce  qu'il  répète  dans  une  autre  lettre 
adressée  au  même  èvèque  :  <  Votre  siège,  lui  dit-il, 
est  le  nôtre,  »  et  encore  :  <  Quoiqu'il  y  ail  eu  plu- 
sieurs apôtres,  il  n'y  s  pourtant  <|U'un  seul  d'entre 
eux,  placé  en  trois  l.eui  différents,  qui  ait  eu  auto- 
rité sur  les  autres  sièges.  Saint  Pierre  a  élevé  an  pre- 
mier rang  celui  où  il  daigna  se  fixer  et  terminer  sa 
vie  moriclle.  C'est  lui  qui  a  illustré  le  siège  où  il  en- 
voya l'évangélisle  son  disciple,  c'est  encore  lui  qui 
établit  le  si'gc  qu'il  devait  abandonner,  uprès  l'avoir 
occupé  sept  ans  :  ainsi  ce  n'est  qu'un  seul  et  même 
siège.  »  Peut-on  dire  plus  nettement  que  la  préémi- 
nence des  trois  sièges  patriarcaux  n'était  qu'une  éma- 
nation de  cellf  de  saint  Pierre,  et,  par  une  consé- 
quence immédiate,  qu'il  faut  rapporter  à  cet  apôtre 
l'autorité  qu'ils  exerçaient  ? 

«  Dans  sa  réponse  aux  Bulgares,  Nicolas  I  attribue 
également  à  saint  Pierre  l'origine  et  les  droits  de» 
Eglises  patriarcales,  t  "Vous  désire/,  savoir  ex«cte- 
ment,  dit-il,  combien  il  y  a  de  patriarches.  Ceux-li 
sont  véritablement  patriarches,  qui,  par  une  succès- 


16T 


JUR 


JUR 


168 


lui  serait-il  défendu  de  leur  prêcher  l'Evan- 
gile, de  les  convertir,  de  les  gouverner  comme 
pasteur,  avant  d'en  avoir  reçu  la  commis- 
sion du  saint-sié^'«,  comme  cela  s'est  fait  du 
temps  des  apôtres  ?  Nous  ne  pensons  pas  que 
hellarmin  ose  le  soutenir  (1). 

7"  Si  les  é  vêques,  dit-il ,  avaient  reçu  de  Dieu 
leur  juridiction,  elle  serait  égale  pour  tous; 
or,  celle  des  uns  est  plus  étendue  que  celle 
des  autres  :  le  souverain  pontife  ne  pour- 
rait étendre,  ni  resserrer,  ni  changer  celle 
juridiction;  il  le  peut  cependant,  puisqu'il 
le  fait,  soit  yiar  le  partage  d'un  évêché  en 
plusieurs,  soit  par  les  exemptions,  les  ré- 
serves, elc. 

Nous  répondons  que  la  juridiction  des 
évoques  serait  égale  et  immuable,  si  le  bien 
de  l'Eglise  l'exigeait  ainsi  ;  cela  est  si  vrai 
que,  dans  le  cas  de  nécessité,  on  a  vu  de 
saints  évêques  faire  des  actes  de  juridiction 
hors  de  leur  diocèse,  donner  les  ordres  sa- 
crés, etc.,  et  ils  n'en  ont  point  été  blâmés. 
On  cite  pour  exemple  saint  Athanase,  Eu- 
sèbe  de  Samosate  et  saint  Epiphane,  Bin- 
gham,  Orig.  ecclés.,  1.  ii,  c.  5,  §  3.  En  don- 
nant aux  apôtres  la  juridiction,  Jésus-Christ 
a  voulu  qu'elle  fût  transmise  à  leurs  suc- 
cesseurs di'  la  manière  l;i  plus  avantageuse 
au  bien  de  l'Eglise;  qu'elle  tût  dévolue  au 
chef  dans  toute  son  universalité,  à  ses  col- 
lègues dans  le  degré  nécessaire  pour  exer- 
cer utilement  leurs  fonctions  :  il  ne  s'ensuit 

sion  non  interrompue  de  pontifes,  sont  assis  sur  les 
sièges  apostoliques,  c'est-à-dire  président  aux  Eglises 
certainement  fondées  par  les  apôtres  :  savoir,  l'E- 
glise de  Rome,  que  les  princes  des  apôtres  Pierre  et 
Paul  fondèrent  par  leur  préilication,  et  consacrèrent 
de  leur  propre  sang  pour  l'amour  du  Christ;  l'Eglise 
d'Alexandrie,  que  l'ovangélisle  saint  Marc,  disciple 
et  lils  de  saint  Pierre,  qui  l'avait  enfanté  dans  le  bap- 
tême, établit  et  dédia  par  le  sang  de  Jésus-Christ, 
après  en  avoir  rei.u  la  mission  de  saint  Pierre  ;  enfin 
l'Eglise  d'Antioche,  où  les  fidèles,  formant  une  nom- 
breuse assemblée,  reçurent  pour  la  première  fois  le 
nom  de  chrétiens,  et  que  saint  Pierre  gouverna  ])lu- 
sieurs  années  avant  de  venir  à  Rome.  >  Ainsi  le  pape 
ne  reconnaît  de  sièges  vériiublemenl  apostoliques  que 
ceux  dont  l'origine  remonte  à  saint  Pierre.  S'il  dit 
que  ce  titre  appartient  à  tous  les  sièges  fondés  par 
les  apôtres,  aussitôt  il  explique  sa  yiensèe,  et  il  réduit 
à  trois  le  nombre  de  ces  Eglises  distinguées  de  toutes 
les  autres  par  la  grandeur  de  leurs  prérogatives.  Quoi 
donc!  ignorait-il  que  saint  Jean  fonda  plusieurs 
Eglises  en  Asie,  saint  Paul  celle  de  Corinthe,  el  ainsi 
des  autres  apôtres?  11  le  savait  sans  doute  ;  mais  il 
savait  encore  qu'aucun  des  apôtres,  hors  de  saint 
Pierre,  n'avait  pu  laisser  dans  les  Eglises  qu'il  en- 
fantait cette  autorité  suréminente,  caraclère  propre 
du  chef,  et  son  immortel  attribut.  A  tous  ces  témoi- 
gnages on  peut  joindre  celui  des  Grecs,  lidèles  échos 
de  la  tradition  sur  ce  point,  même  dans  les  derniers 
temps,  malgré  les  préjugés  (|ui  auraient  pu  les  poiler 
à  l'altérer  ou  à  l'obscurcir,  c  De  même,  dit  BarUuun, 
que  Clément  a  été  l'ait  évèque  de  Rome,  ainsi  saint 
Marc  a  été  établi  évèque  d'Alexandrie  pur  saint 
Pierre.  »  Avant  Rarlaam,  Piocope  Cartophylax  écri- 
vait :  «  Saint  Marc,  promu  par  saint  Pierre  pasteur 
el  premier  évèque  des  Egyptiens,  honora  par  ses  tra- 
vaux apostoliques  la  province  qui  lui  lut  coulièe,  et 
illustra  son  ministère  par  ses  sueurs.  >  Si  saint  Marc 
fut,  comme  saint  Clépient,  créé  évèque  par  saint 
Pierre,  si  le  premier  possédait  le  siège  d'Alexandrie 


pas  de  là  que  ce  soit  le  chef  qui  la  donne 
aux  autres.  Le  souverain  pontife  ne  fait 
point  des  unions,  des  partages,  des  exemp- 
tions ni  des  réserves,  k  son  gré,  sans  con- 
sulter personne,  et  contre  le  bien  de  l'E- 
glise; autrement  elles  seraient  Uégitimes. 
Nous  reconnaissons  volontiers  dans  le  sou- 
verain pontile  la  qualité  de  vicaire  d.^  Jé- 
sus-Christ, de  chef  visil)le  de  l'Eglisi^  de 
pasteur  universel;  nous  lui  attribuons, 
comme  tous  les  catholiques,  une  juridiction 
générale,  une  plénitude  de  puissance  et  d'au- 
torité sur  tout  le  troupeau  :  nous  le  prouve- 
rons même  autant  que  nous  en  sommes  ca- 
pables. Voy.  Pape.  Miis  nous  ne  convien- 
drons jamais  que  cette  puissance  soit  ab- 
solue, illimitée,  indépendante  de  toute  rè- 
gle, supérieure  à  celle  de  l'Eglise  assemblée; 
que  la  juridiction  réside  en  lui  seul,  et  que 
les  autres  évôqu  s  la  reçoivent  de  lui  :  un 
pouvoir  de  cette  nature  ne  serait  ni  utile  à 
l'Eglise,  ni  digne  de  la  sagesse  de  Jésus- 
Christ. 

11  n'est  pas  vrai,  comme  le  prétend  Bel- 
larmin,  que  sans  cela  l'Eglise  ne  puisse  être 
un  seul  troupeau,  une  société  bien  unie  et 
bien  réglée,  conserver  l'intégrité  de  la  foi 
et  de  la  morale  :  l'expérience  de  dix-sept 
siècles  prouve  le  contraire.  Ce  n'est  pas  dans 
les  temps  oîi  l'autorité  du  chef  de  l'Eglise 
était  absolue,  que  les  choses  sont  allées  le 
mieux. 

au  même  titre  que  le  aecond  possédait  le  siège  de 
Rome,  l'autorité  de  saint  Marc  n'était  donc,  comme 
celle  de  saint  Clément,  que  l'autorité  de  saint  Pierre. 

I  Nil,  archimandrile,  surnommé  Donopatrius,  dans 
son  traité  des  cinq  siéget  patriarccMX ,  observe  «[ue 
saint  Pierre,  après  avoir  fondé  l'Eglisi-  d'Antioche, 
et  lui  avoir  donné  pour  évèque  son  disciple  Evode, 
vint  à  Rome,  d'où  il  envoya  l'èvaiigèliste  saint  Marc 
à  Alexandrie.  <  Pierre,  le  premier  des  apôtres,  après 
avoir  rempli,  tant  par  lui-même  que  par  ceux  qu'il 
institua  à  sa  place,  les  fonctions  dévèque  dans  les 
principales  vides  de  deux  parties  du  monde,  l'Asia  et 
l'Europe,  résolut  aussi  d'en  crèei'  un  pour  la  troisième 
partie,  j«  veux  dire  pour  la  Libye.  C'est  pourquoi  il 
envoya  de  Rome  en  Egypte  l'cvangèliste  saint  Marc, 
qui  fonda  à  Alexandrie,  capitale  de  celte  contrée,  une 
Eglis.;  qui  éclaira  toute  la  Libye.  En  parcourant  l'u- 
nivers et  en  prêchant  l'Evangile,  les  autres  apôtres 
établissaient  des  évèques  dans  toutes  les  villes  où  ils 
passaient  ;  mais  les  trois  que  nous  venons  de  nommer 
possédèrent  la  primauté  sur  toutes  les  autres,  savoir 
l'évèque  d'Antioche  en  Asie  et  dans  tout  l'Orient,  ré- 
voque de  Rome  en  Europe,  c'csi-à-dire  en  Occident, 
et  dans  la  Libye  l'évèque  d'Alexandrie,  qui  comman-- 
dait  a  toute  la  Palestine  dont  Jérusalem  taisait 
partie.  > 

«  Nous  pouvons  donc  conclure,  1°  que  tous  les 
évcqucs,  même  ceux  créés  par  les  apôtres,  furent 
soumis  dés  le  commencement  à  la  juridiction  des 
trois  grands  sièges,  à  qui  saint  Pierre  communiqua 
en  tout  sa  primauté,  ou  une  partie  de  sa  primauté. 
2'  Que  tous  les  privilèges  dont  jouissaient  les  pa- 
triarches d'Alexandrie  et  d'Antioche  n'étaient , 
connue  le  dit  Tliomassin,  qu'un  rejaillissement  de 
la  primauté  céleste  dont  Jésus-Christ  honora  saint 
Pierre.  » 

(1)  Un  évèque  qui  n'est  pas  canoniquement  insti- 
tue, dit  M.  Doney,  n'a  pas  plus  de  juridiction  sur  les 
infidèles  que  sur  les  chrétiens. 


160  JUR 

La  faiblesse  des  raisonnements  de  cet  au- 
teur nitus  fournit  la  preuve  du  sentiment 
opiiosi''.  Nous  soutenons,  en  premier  heu, 
que  le  gouTernemcnt  de  l'Eglise  n'est  point 
purement  monarchique,  mais  tempéré  par 
raristocratie;  que  ra[)ostolat,  l'épiscopal,  la 
Juissiou  et  la  juridiction  des  pasteurs  vien- 
nent de  la  même  source,  de  Jésus-Christ, 
par  la  succession  et  l'ordination;  que  l'au- 
torité est  solidaire  entre  tous  les  évoques, 
et  (jue  tous  doivent  l'exercer  selon  les  an- 
ciens canons  et  de  la  manière  la  plus  utile 
au  bien  général  ilc  l'Eglise.  Tel  est  le  sen- 
limeiit  des  Pères,  continué  par  toute  la  suite 
de  l'histoire  ecclésiastique.  Voy.  Bingham, 
Oriy.  ccck's.,  1.  u,  c.  5,  §  1  et  2.  C'est  la 
doctrine  établie  dans  les  articles  2  et  3  de  la 
Dédaratioti  du  cierge  de  France,  en  1GH2,  et 
qui  est  fondée  sur  des  preuves  sans  réplique. 
Voy.     Florence,    Gallican,    Infaillibilis- 

TES. 

En  second  lieu,  nous  soutenons  que  les 
évèques  sont  les  successeurs  des  apôtres 
dans  un  sens  aussi  propre  que  le  souverain 
pontife  est  successeur  de  saint  Pierre.  C'est 
le  sentiment  de  saint  Cyprien,  d'un  concile 
de  Cartilage,  de  saint  Jérôme,  de  saint  Au- 
gustin, de  Sidoine  Apollinaire,  de  saint 
Paulin,  etc.  Bingtiam,  ihid.,  chap.  2,  §  2 
et  3. 

Ce  serait  une  erreur  de  croire  que  cette 
succession  est  attachée  au  lieu  ou  au  siège 
particulier  qui  a  été  occupé  par  tel  apôtre, 
puisque  les  apôtres  avaient  cliacun  person- 
nellement j'.(rK/(cO'oft  sur  toute  l'Eglise;  elle 
est  attachée  à  l'ordination,  parce  que  celle-ci 
donne  la  mission  et  la  qualité  de  pasteur, 
))ar  conséquent  le  pouvoir  d'enseigner,  de 
l'aire  les  fonctions  du  culte  divin,  et  de  gou- 
veruer  un  troupeau.  Quoique  cette  juridic- 
tion ait  été  limitée  dans  chaque  évéque  par 
les  apôtres  mêmes,  selon  l'intention  de  Jé- 
6US-Christ,  et  pour  l'utilité  de  l'Eglise,  elle 
n'en  est  [las  moins  surnaturelle  et  divine  ; 
elle  ne  peut  donc  Être  ôtée  à  un  évèque  que 
par  la  dégradation  (1). 

11  ne  servirait  h  rien  d'objecter  qu'il  y  a 
eu  autrefois  des  évoques  qui  n'étaient  atta- 
chés k  aucun  siège,  qu'aujourd'hui  un  évo- 
que in  partibits  n'a  point  de  juridiction, 
puisqu'il  n'a  point  de  troupeau.  Les  premiers 
étaient  destinés. à  se  former  eux-mêmes  un 
siège  en  convertissant  des  païens;  il  en  est 
de  même  des.  seconds;  dès  le  moment  qu'il 

({)  Omiiis  res  i)er  quascitiuiue  cnusas  iiascilur,  per 
eaidein  dissolvilur.  Or,  c'est  Ju  pape  (ju'uii  évcqiic 
reçoit  le  goiivenieiiient  de  son  diocèse.  Donc  c'est 
au  pape  qu'il  appartient  de  le  lui  ôlcr,  quand  le  bien 
de  l'Eglise  lui  parait  réelanier  cetUî  mesure,  i  Que 
la  juridiction  des  cvèques  vienne  ininicdialcnient 
de  Jésus-Christ  ou  du  souverain  poniil'e,  elle  est 
iiéannioins  de  sa  nature  tellement  dépendante  de  ce 
dernier,  que,  de  l'aveu  de  tous  les  catlioliiiues,  il 
peut  de  son  autorité  la  restreindre  ou  même  l'anéan- 
lir  pour  des  raisons  légitimes.  Benedict.  XIV,  de  sij- 
nod.  riiofd's.,  1.  VII,  c.  8.  Conformément  ;i  ce  princi- 
pe, et  malgré  les  réclamations  des  évcques  qui  re- 
fusaient de  donner  leur  démission,  Pie  Vil  a  suppri- 
mé en  France  tous  les  anciens  sièges  épiscopaux  et 
en  a  crée  de  nouveaux. 

Dictions,  pe  Théol.  dogmatique.  IlL 


JUR 


170 


y  aurait  des  chrétiens  dans  le  diocèse  oont 
un  évoque  inpartibtis  est  titulaire,  il  serait 
dans  le  droit  et  dans  l'obligation  d'aller  les 
gouverner,  et  il  n'aurait  pas  besoin  pour 
cela  d'une  nouvelle  commission. 

En  troisième  lieu,  nous  soutenons  qu'il 
faut  prendre  dans  toute  la  rigueur  des  ter- 
mes ce  qu'a  dit  saint  Paul,  que  k  Saint-Es--^ 
prit  a  établi  les  évêques  pour  gouverner  l'E- 
glise de  Dieu,  parce  que  toute  l'antiquité  l'a 
ainsi  entendu  ;  il  en  résulte  que  les  évêques 
ont  reçu  de  Jésus-Christ  et  du  Saint-Esprit 
la  commission,  par  conséquent  le  pouvoir  de 
gouverner;  c'est  ce  qui  constitue  ]a  juridic- 
tion. On  n'a  méconnu  cette  vérité  que  dans 
les  derniers  siècles,  lorsque  des  révolutions 
filcheuses  ont  fait  perdre  de  vue  l'ancienne 
discipline  et  ont  fait  oublier  les  vrais  prin- 
cipes. Au  lieu  de  dire,  comme  les  Pères, 
qu'il  n'y  a  dans  l'Eglise  qu'un  seul  épisco- 
pat,  duquel  les  évêques  tiennent  solidaire- 
ment chacun  une  partie,  saint  Cyprien,  de 
Unit.  EccL,  p.  108,  on  a  voulu  concentrer 
tout  réj)iscopat  dans  un  seul  siège,  duquel 
les  évêques  ne  fussent  que  les  délégués. 

Les  titres,  les  pouvoirs,  les  privilèges  de 
saint  Pierre  et  de  ses  successeurs,  sont  as 
sez  augustes  pour  n'avoir  pas  besoin  d'être 
exagères;  ils  sont  trop  solidement  étalilis 
pour  qu'il  faille  les  étayer  sur  îles  sopliis- 
mes  et  des  systèmes  arbitraires.  C'est  mal 
servir  la  religion  et  l'Eglise,  que  de  vouloir 
introduire  une  jiolice  plus  parfaite  que  celle 
dont  Jésus-Christ  est  l'auteur.  Les  sociétés 
séparées  de  l'Eglise  rooiaine  auraient  moins 
de  répugnance  à  reconnaître  dans  son  chef 
le  vicaire  de  Jésu3-("hrist,  si  on  ne  lui  avait 
jamais  attribué  d'autres  droits  que  ceux  qui 
lui  appartiennent  véritablement  (1). 

(1)  Le  Mémorial  ratholiiiue,  l.  VI,  p.  iÙ,  envisage 
la  question  dune  manière  bien  dilTérente  : 

I  Lorsqu'il  s'agit  de  savoir  quelle  est  la  doeirine 
d«  l'Eglise,  il  importe. peu  d'examiner  si  elle  plait  à 
ses  ennemis.  Notre  adversaire  piélend  que  les  opi- 
nions gallicanes  sont  plus  propres  à  diminuer  leurs 
préventions  contre  les  catholiques  et  à  les  rapprocher 
de  nous.  iMais  n'est-ce  pas  un  moyen  de  l'aire  aller 
l'Eglise  à  eux,  au  lieu  de  les  faire  venir  à  l'Eglise  ?... 
En  suivant  sa  méthode,  on  sacrilieiait  aux  répu- 
gnances des  sectaires  tous  les  points  de  doctrine  ca- 
tholitiue  qui  n'ont  pas  encore  été  formellement  dé- 
linis.  Avant  que  l'Egli.se  eut  expressément  décidé 
comme  ariicle  de  foi  qu'elle  a  le  pouvoir  de  mettre 
des  empêchements  dirimants  au  mariage,  oi!  aurait 
pu  dire  aussi  que  les  gouvernements  séparés  d'elle 
seraient  mieux  disposés  a  son  égard  si  on  ne  lui  at- 
tribuait pas  ce  droit,  par  lequel  elle  exerce,  au  nujins 
indirectement,  un  si  grand  pouvoir  sur  le  tenporel 
des  familles.  Oii  irions-nous,  si  nous  nous  laission.s 
entraîner  sur  celte  pente?  Ce  n'est  pas  ainsi  qiio 
l'Eglise  entend  ses  intérêts.  Lorsque  le  livre  de  Fe- 
bronius  parut  en  Allemagne,  tous  les  protestants  ap- 
plaudirent à  cet  ouvrage,  comme  ils  applaudissent 
de  nos  jours  aux  libertés  gallicanes.  Alors  les  parti- 
sans de  Febronius  se  mirent  à  faire  valoir  cet  heu- 
reux résultat  de  son  livre,  (jui  rendait,  suivant  eux, 
un  service  inappréciable ,  en  affaiblissant  les  pré 
vendons  et  les  répugnances  des  sectaires  contre  la 
religion  catholique.  Connue  l'auleur  de  cet  ouvrage 
avait  pris  soin  de  ne  nier,  eu  ternies  exprès,  aucune 
proposition  déûnie  par  l'Eglise,  il  leur  semblait  (pie, 
pour  des  points  qui  u'étaient  pas  formellement  dé  • 

6 


rt  JUS 

Par  une  discipline  ancienne  et  constante, 
i^  est  établi  que  les  évêques  riiit  le  poiTvoir 
de  donni-r  un  degré  àa  juridiction  aux  sim- 
ples prêtres,  pour  absoudre  les  péchés;  tous 
doivent  l'exercer  avec  subordination  à  celle 
de  l'évêque,  de  même  que  les  évêques  doi- 
vent exercer  la  k-ur  av  c  une  extrême  dé- 
férence envers  le  souverain  pontife.  En  cela 
même  consiste  la  force  de  l'Eglise,  et  c'est 
alors  qu'elle  est,  selon  l'expressiim  des 
Pères,  une  armée  rangée  en  bataille  :  Cas- 
trorumacies  ordinata. 

Pour  compléter  cet  article  nous  devrions 
exposer   quel    est  l'objet  de  la  juridiction.  ' 
Nous  le  faisons   aux  mots.   Pape,  Evêque, 
Causes    majeures.    Institution,    Empêche- 
ment, etc 

■JUSTE.  Ce  mot,  pris  dans  le  sens  théolo- 
gique, ne  signifie  pas  seulement  un  homme 
qui  remplit  les  devoirs  de  justice  à  l'égard 
du  prochain,  et  rend  à  chacun  ce  qui  lui  est 
dû;  mais  celui  qui  satisfait  entièrement  à  la 
loi  de  rieu,  et  remplit  toutes  ses  obligations, 
soit  à  l'égard  de  Dieu,  soit  à  l'égard  du  pro- 
chain, soit  à  l'égard  de  soi-même  :  c'est  ce 
qu'on  appelle  un  saint.  Mais  cette  justice  est 
susceptible  de  plus  et  de  moins  à lintini,  et 
aucun  homme  ne  la  possède  dans  toute  la 
perfection.  Les  théologiens  nomment  encore 
juste  celui  qui  a  passé  de  l'élat  du  péché  à 
l'état  de  grâce. 

Chez  les  écrivains  de  l'Ancien  Testament, 
juste  n'  se  prend  p;is  toujours  dans  cette  si- 
gnilication  rigoureuse;  souvent  il  désigne 
seulement  un  homme  fidèle  au  culte  du  viai 

ciclés,  il  ne  fallait  pas  renoncer  au  grand  avantage 
de  faciliter  le  retour  des  prolcslants.  Pie  VI  en  a 
juge  auuement,  et  l'Eglise  s'en  est  biea  trouvée. 

«  Rien  de  plus  funeste  que  cette  inétliode  do  icje- 
ter  les  sentiments  commuas  de  l'Eglise  par  chai  ité 
pour  ses  ennemis.  Loin  de  ramener  les  sectes  déjà 
formées,  qui  se  moquent  de  cette  condescendancii, 
elle  prépare  la  voie  à  des  sectes  nouvelles.  Comuie 
les  esprits  ne  passent  pas  instantancuienl  de  l'obéis- 
sancc  à  la  révolte  formelle,  mais  par  une  gradation 
quelquefois  peu  sensible,  ks  sectes  ne  débutent  pres- 
que jamais  par  une  protestation  contre  les  décisions 
expresses  de  l'Eglise.  Elles  comnicncenl  par  se  faire 
une  doctrine  dilféreute  de  la  doctrine  communément 
reçue,  une  docti  ine  à  part  ;  elles  s'isolent,  avant  de 
se  séparer;  elles  sont  des  partis  dans  l'Eglise,  avant 
d'être  des  sectes. 

f  Du  reste,  notre  adversaire  s'abuse  compl'tement 
lorsqu'il  s'imagine  (|ue  le  gallicanisme  est  un  moyen 
de  convertir  les  protestants  et  les  philosophes.  A  cet 
égard,  ils  lui  donnent  eux-mêmes  un  démenti  formel; 
car  ils  nous  apprennent  (|ue  les  opinions  gallicaues 
leur  paraissent  contradictoires  aux  principes  catho- 
liques. I  Que  le  concile  soit  au-dessus  du  pape,  dit 
Pulfendorf,  c'est  une  proposition  qui  doit  entraîner 
sans  peine  rassentiiuent  de  ceux  qui  s'en  tiennent  à 
la  raison  et  à  l'Ecriture  (les  protestants)  ;  mais  que 
ceux  qui  regardent  le  siège  de  Rome  comme  le  cen- 
tre de  toutes  les  Eglises,  et  le  Pape  comme  évoque 
xcuménique,  adoptent  aussi  le  même  seniiment, 
c\sl  ce  qui  lie  dot  /)«s  sombLr  médiocreiiient  absurde  ; 
car  la  proposition  qui  met  le  concile  au-dessus  du 
pape  élablit  une  véritable  aristocratie,  et  cependant 
i'Eglise  romaine  est  une  inomudiie.  De  Imbii.  rct. 
thrisl.  ad  vilam  civitem,  §  58.  Que  uit  de  nos  jours 
juai  1826)  la  Revue  proiesmne  an  swjet  des  galli- 
cans? «  Nous  savons  que  les  catholiques  dits  é  tiuris, 


JUS 


m 


Dieu,  un  homme  de  bien,  ce  que  nous  nom- 
mons un  honnête  homme,  quoiqui'  sujet  d'ail- 
leurs à  des  défauts  et  è  des  f  li.desses  :  airsi 
il  est  dit  de  Noé  que  c'était  de  son  temps  un 
homme  juste  et  parfait  (Gen.  c.  vi,  v.  9).  Satil 
dit  à  David  :  Vous  êtes  plus  juste  que  moi.  {1. 
Rcg.  c.  XXIV,  v.  18).  Juda  dit  d^  sa  bru  :  FAU 
est  plus  juste  que  moi,  quoiqu'elle  fût  cou- 
pable d'un  crime  {Gen.  c.  xxxviii,  v.  26). 
Job  soutenait  à  ses  amis  qu'il  était  juste;  il 
ne  se  croj'ait  pas  pour  cela  exempt  de  péclié. 
Dans  les  premiers  âges  du  mon  le,  le  droit 
naturel  et  le  droit  des  i^ens  n'étaient  pas  aussi 
bi'U  connus  qu'ils  le  sont  sous  FEvangde; 
c'était  alors  un  très-grand  mérite  de  n'avoir 
commis  aucun  crime. 

Sous  la  loi  de  Moise,  l'Ecriture  nommo 
juste  tout  homme  qui  demeurait  fidèle  au 
culte  du  vrai  Di<Mi,  pjndant  que  les  autres  se 
livraient  à  l'idol/itiie  et  aux  superstitions  des 
païens.  Dans  le  livre  d'Esther,  c.  9,  les  Juifs 
sont  appelés  la  nation  des  justes,  pàv  o\)po- 
sition  aux  infidèles,  qui  n'adoraient  pas  le 
vrai  Dieu 

En  vertu  des  promesses  que  Dieu  avait 
faites  aux  Juifs  de  les  protéger  et  de  leur 
acc')i'der  ses  bienfaits,  tant  qu'ils  seraient 
fidèles  à  leur  loi,  un  homme  irrépréhensi- 
ble sur  ce  point,  quoique  sujet  d'ailleurs  à 
des  vices,  pouvait  prétendre  à  des  grâces 
temporelles.  Lorsque  Dieu  lui  en  accordait, 
on  ne  peut  pas  les  regarder  comme  une  ré- 
compense ni  comme  une  approbation  de  ses 
fautes,  mais  seulement  comme  un  effet  de 
la  promesse  générale  attachée  à  la  loi.  Dieu 

qui  ont  recueilli,  exploité  et  enrichi  l'héritage  des 
anciens  jansénistes,  sont  des  protestants  qui  n'ont 
fait  que  la  moitié  du  voyage;  nous  les  attendons,  ils 
viendront  à  nous  un  jo-ir.  i  Que  disent  les  philoso- 
phes'? Le  G'ob,-,  i,  III  :  «  La  quesiion  va  de  jour  en 
jour  se  précisant  davantage,  enire  la  religion  ro- 
maine d'une  part,  le  protestantisme  et  la  philosophie 
de  l'autre.  En  vain  quelques  politiques  à  transaclions 
et  quelques  héritiers  des  opinions  parlementaires 
s'obstinent  à  vouloir  relever  le  gallicanisme:  ce 
devait  être  son  sort  de  mourir,  lorsqu'il  y  aurait 
pleine  connaissance,  pleine  franchise  .lans  les  deux 
seules  écoles  qui  peuvent  réellement  se  disputer  le 
monde.  11  faut  aujourd'hui  ou  rejeter  complètement 
le  principe  d'autorité,  ou  laccepier  sans  réserve. 
L'unilé  catholi(|ue  se  compose  du  cimcile  d'une  pari, 
et  du  saint-siège  de  l'anlre,  mais  lies  d'une  indisso- 
luble union  :  stipuler  des  libertés  particuliires  à  une 
Eglise,  c'est  dissoudre  l'unité.  Et  que  le  tort  vienne 
du  souverain  pontife  qui  envahit  le  droit  des  Egli- 
ses, ou  des  Églises  qui  se  r^ voilent  contre  le 
souverain  pouufe  ,  il  n'imporle ,  la  séparation 
existe;  il  n'y  a  plus  de  cadiùlicisme  :  c'est  recon- 
naître le  droit  d'examen,  c'est  proclamer  la  souve- 
raineté nationale  en  matière  de  religion  :  c'est  un 
prolestantisme  de  dscipUne,  qui  doit  tùt  ,  u  lard  ame- 
ner le  pioiisiahtish.e  co'Uie  le  drijue.  »  Ainsi,  pro- 
testants et  philosophes  s'accordent  à  reconnaître 
qu'un  gallican  ne  leste  catholique  que  par  inconsé- 
quence. Mais  alois,  qu'on  nous  explique  comment 
celte  inconséquence  serait  un  moyen  de  les  conver- 
tir, et  comment  la  jcligiou  catholique  leur  paraiifa 
plus  raisonnable,  lorsqu'ou  la  leur  présentera  d'une 
manière  qu'il;  jugent  conlradictcdre.  Aussi  de  tous 
les  protestants  célèbres  qui  rentrent  dans  l'Eglise, 
il  n'eneit  pas  un  seul  quis'airèie  dans  le  gallicanis- 
me ,  ainsi  que  l'explique   Irès-hieu    M,   de  llaller 


m 


JUS 


JUS 


<74 


tenait  sa  parole,  sans  pr(^ju(Iirier  aux  droits 
de  sa  justice,  qui  punit  dans  l  autre  vie  tous 
les  crimes,  lorsqu'ils  n'ont  pas  été  expiés 
jci-b;:s  par  uh  rcfientir  .sincère.  Faute  d'a- 
voir fait  ces  reflexions,  les  censeurs  de  l'iiis- 
toire  sainte  se  sont  échappés  en  déclama- 
tions très-ind«5ccntes  contre  la  plupa.-t  des 
personnages  de  l'Ancien  Tcsiamcnt;  ils  en 
ont  relevé  toutes  les  fautes;  ils  ont  accusé 
Dieu  d'avoir  protégé  des  hommes  très-vi- 
cieux. Ils  ont  .linsi  copié  les  invectives  des 
iiiarcionites,  des  manichéens,  de  Celse  et  do 
Julien,  auxquelles  les  anciens  Pères  ont  ré- 
pondu. Saint  Irénée  disait  à  ces  censeurs 
témr'raires,  qu'il  ne  convient  point  à  des  en- 
fants d'imiter  le  crime  de  Cham,  et  de  ré- 
véler avec  affectation  la  turpitude  de  leurs 
pères;  que  nous  !ie  sommes  pas  assez  in- 
struits du  détail  des  faits,  pour  juger  de  tou- 
tes les  circonstjinces  qui  ont  pu  les  excuser; 
que  leurs  fautes  mêmes  peuvent  servir  à 
noire  instruction,  et  que  Jésus-Christ,  par 
sa  mort,  a  etl'acé  leurs  crimes.  Advers. 
Jlœres.,  liv.  iv.  cliap.  49  et  suivants.  Si  Dieu 
n'avait  répantlu  ses  bienfaits  que  sur  ceu^c 
qui  les  ont  mérités  par  une  vertu  sans  ta- 
cnc,  il  n'en  aurait  accordé  à  [jersonne. 

C'est  encore  une  plus  grande  injustice  de 
la  part  des  inciédulcs  de  nchercber  avec 
malignité  les  moindres  taches  qui  peuvent 
se  trouver  dans  la  conduite  des  saints  du 
Nouveau  Testament.  Jamais  on  n'a  prétendu 
qin-,  sous  l'Evangile  mènie,  un. /«sic  ft'it  un 
liounne  exempt  du  l'Iits  léger  dfaut;  la  na- 
ture humaine  ne  comporte  point  cette  iiei-- 
fcction.  En  parlant  de  justice,  il  faut  se  sou- 
venir qu'un  des  devoirs  qu'tlle  nous  im- 
pose est  il'avuir  de  l'indulgence  pour  nos 
semblables. 

Souvent  l'Ecriture  sainte  répète  que  Dieu 
est  juste,  que  ses  Jugements,  ses  desseins, 
ses  lois,  sont  l'équité  même.  Comment,  en 
elfet,  un  Etre  souverainement  heureux,  in- 
liniment  puissant  et  bon,  pourrait-il  être 
injuste?  Les  hommes  ne  le  sont  que  parce 
qu'ils  sont  indigents,  faibles  et  sujeis  à  des 
passions  déraisonnables;  ils  aiment  la  jusiice 
el  la  lendent  avec  plaisir,  lorsqu'il  ne  leur 
en  coOte  lien  el  que  cela  ne  nuit  point  i\ 
leur  intérêt.  Mais  Dieu  ne  peut  pas  ètve  juste 
à  la  manière  des  hommes.  Voy.  Justice  de 

DiKU. 

JUSTICp,  vertu  morale  qui  consiste  non- 
senlement  .^  ne  blesser  jamais  le  droit  d'au- 
trui,  mais  <i  rendre  <v  chacun  ce  qui  lui  est 
d''i.  C'est  dans  le  Dictionnaire  de  philosopliie 
morale,  et  dcins  celui  de  Jurisprudence,  qu'il 
faut  cherclier  la  notion  des  dillerentes  espè- 
ces de  justices  :  on  y  verra  ce  (|ue  l'on  en- 
tend par  justice  commutative,  distributire, 
lé(/ale,  etc.  ;  mais  noas  sounnes  obligés  de 
remarquer  les  inconvénients  dans  lesquels 
on  tombe,  lorsque  Ion  veut  rendre  l'idée  de 
justice,  en  général,  in  lépendante  des  notions 
que  nous  en  donne  la  religion. 

I"  Là  justice  suppose  un  droit  :  or,  nous 
avons  ijrouvé  ailleurs  que  si  l'on  n'adiiiet 
point  une  loi  divine,  qui  nous  défend  de 
imire  à  nos  semblables,  et  nous  ordonne  de 


de  leur  faire  du  bien,  il  n'y  a  plus  ni  drjit 
ni  tort;  rien  ne  peut  plus  être  juste  ou  in- 
just"  ([ue  dans  un  sens  Iràs-impropre.  Voi/. 

DllOIT. 

2°  Les  droits  de  l'humanité,  par  consé- 
quent les  devoirs  de  justice,  cli.mgent  de 
face  selon  les  divers  .ispi^cts  sous  lesipiels  on 
considère  la  nature  li>unaine.  Si  l'on  envi- 
sageait les  hommes  conmie  autant  de  pro- 
ductions du  hasard,  ou  d'une  néces.^ité 
aveugle,  tels  que  les  supposent  les  matéria- 
listes, (|uels  droits  réciproques,  quels  de- 
voirs di^  j'i«,s<ice  pourrions-nous  fonder  sur 
cette  notion?  Il  n'y  en  aurait  pas  plus  entre 
les  hommes  qu'entre  les  animaux.  Mais 
lorsque  nous  les  considéions  couune  l'ou- 
VI âge  d'un  Dieu  sage  et  bienfaisant,  comme 
une  famille  dont  Dieu  veut  être  le  père, 
cette  idée  établit  entre  eux  un  lien  de  so- 
ciét(^  beaucoup  plus  étroit  et  plus  sacré  que 
ne  peut  faire  la  simple  ressemblance  de  na- 
ture, ou  le  besoin  uuituel  ;  de  là  découlent 
des  devoirs  de  justice  fort  «tendus.  C'est 
sur  cette  notion  même  que  Ji'sus-Clirist  a 
fondé  l'obligation  de  faire  aux  autres  ce  que 
nous  voidons  qu'ils  nous  fassent,  aussi 
bien  queles  devoiis  de  charité,  afin,  dit-il, 
uue  vous  soi/cz  les  infants  de  votre  Père  cé- 
leste, qui  est  bienfaisant  à  l'égard  de  tous 
{Luc.  c.  VI,  V.  31  et  3'6}. 

3°  Il  semble  d'aboi'd  que  tous  les  devoirs 
de  justice  soient  très-aisés  k  connaître  par 
les  seules  lumières  de  la  raison  ;  cependant 
ils  ont  ('té  très-souvent  méconnus  par  les 
anciens  moralistes.  La  plupart  ont  supposé 
de  belles  maximes  ;  niais  il  est  rare  qu'ils 
ne  les  contiedisent  point  dans  les  détails. 
En  général,  tous  ont  été  fiortés  à  justitier 
les  di'vo  rs  autorisés  par  les  lois  civiles  de 
leur  patrie,  comme  nous  voyons  aujour- 
d'hui les  philosophes  des  Incles  et  de  la 
Chine  approuver  toutes  les  coutumes  et  les 
lois  qu'ils  ont  reçues  de  leurs  aïeux.  Si  l'on 
demandait  aux  di'ilérents  peuples  du  monde, 
dit  Héro  :ote,  quels  sont  les  usages  les  plus 
raisonnables,  chacun  jugerait  que  ce  sont 
ceux  de  son  pays.  Lés  devoirs  de  justice  et 
d'équité  naturelle  ne  sont  donc  pas,  par  eux- 
mêmes,  aussi  évidents  que  le  supposent  les 
ennemis  de  la  révélation,  puisqu'il  n'est 
aucune  nation  privée  de  ce  ll.uubeau,  qui 
n'ait  eu  des  lois  et  des  mœurs  contraires  à 
là  justice  en  plusieurs  points.  Rien  n'était 
donc  [ilus  nécessaire  que  d'enseigner  aux 
hommes  les  devoirs  d'équité  naturelle  par 
des  lois  ilivines  positives,  comme.  Dieu  a 
daigné  le  faire,  et  il  n'est  aucun  peuple  chez 
lequel  ces  devoirs  soient  aussi  bien  connus 
que  chez  les  nations  chrétiennes. 

Justice,  dans  le  langage  théologique,  et 
dans  l'Ecriture  sainte  ,  a  plusieurs  autres 
sens  que  celui  <lont  nous  venons  de  parler. 
L'Ecriture  appelle  souvent  justice  l'asseiu- 
b'age  de  toutes  les  vertus:  lors  pie  Jesus- 
Christ  dit  {Matth.  c.  v,  v.  6)  :  «  Heureux 
ceux  qui  ont  faim  et  soif  de  la  justice,  parce 
qu'ils  seront  rassasiés,  c'est  comme  s'il  avait 
dit  ;  Heureux  ceux  qui  désirent  d'être  ver- 
tueux et  i)ari'aits  ;   ils  trouveimil  d.uis  ma 


175 


JUS 


JUS 


176 


doctrine  ae  quoi  contenter  icur  désir.  Le 
psalmiste  dit  de  môme  :  Heureux  ceux  qui 
pratiquent  ]a  justice  en  tout  temps  (Ps.  105, 
V.  3).  Quelquefois  ce  mot  désigne  les  bon- 
nes œuvres  en  général  ;  ainsi  le  Sauveur  dit  : 
Prenez  garde  de  faire  votre  justice,  c'est-à-dire 
vos  bonnes  œuvres,  devant  les  hommes,  pour 
en  être  vus  (Matth.,  c.  yi,  v.  1).  Il  est  dit  du 
juste  qu'il  a  distribué  ses  biens,  et  les  a 
donnés  aux  pauvres  ;  que  sa  justice  demeure 
pour  toujours  {Ps.  111,  v.9).  Abraham  crut  à 
fa  promesse  de  Dieu,  et  sa  foi  lui  fut  réputée 
^justice  (Gen.  c.  xv,  v.  6),  c'est-à-dire  que 
Dieu  lui  tint  compte  de  sa  foi  comme  d'une 
action  méritoire  et  digne  de  récompense. 
Saint  Paul  appelle  justices  de  la  loi  les  actes 
de  vertu  commandés  par  la  loi  {Rom.  c.  ii, 
V.  26)  ;  justices  de  la  chair  les  œuvres  cérémo- 
nielles  {Uebr.  c,  ix,  v.  10)  ;  et  injustice  tou- 
te espèce  de  vice  et  de  péché  {Rom.,  c.  i, 
v.  18). 

Les  commandements  de  Dieu  sont  sou- 
vent nommés  les  justices  de  Dieu:  ainsi  {Ps. 
xvin,  V.  9),  il  est  dit  que  ]es  justices  du  Sei- 
gneur sont  droites  et  réjouissent  les  cœurs 
{Ps.  Lxxxviii,  V.  32)  ;  s'ils  profanent  mes  jus- 
tices et  ne  gardent  pas  mes  commande- 
ments, etc. 

Dans  les  Epitres  de  saint  Paul,  Injustice 
signifie  presque  toujours  l'état  de  grâce,  l'é- 
tat d'un  homme  non-seulement  exempt  de 
péché,  mais  revêtu  de  la  grâce  sanctifiante, 
agréable  à  Dieu,  et  digne  de  la  récompense 
éternelle.  Dans  les  Epîtres  aux  Romains  et 
aux  Galates,  l'apôtre  prouve  que  non-seule- 
ment sous  l'Evangile  l'homme  ne  peut  ac- 
uénr  celie.  justice  que  par  la  foi  en  Jésus- 
hrist  ;  mais  qu'avant  la  loi  de  Moise,  aussi 
bien  que  sous  la  loi,  les  patriarches  et  les 
'■'uil's  ont  élé  rendus  jusles,  non  par  les  œu- 
/res  de  la  loi  cérémonielle,  mais  par  la  foi. 
En  nommant  ceUe  justice  \a  justice  de  Dieu, 
il  n'entend  pas  celle  par  laquelle  Dieu  est 
juste,  mais  celle  qui  vient  de  la  grAce  de 
Dieu,  et  par  laquelle  l'homme  devient  juste, 
passe  de  l'état  du  péché  à  l'état  de  la  grâce. 
Ainsi  il  dit  {Rom.  c.  i,  v.  17)  que  dans  l'E- 
vangile la  justice  de  Dieu  est  révélée  d'une  foi 
à  une  autre  foi;  c'est-à-dire  que  l'Evangile 
nous  a  fait  connaître  que  laj^istice  qui  vient 
de  Dieu  est  donnée  à  l'homme  ,  soit  par  la 
foi  que  Dieu  exigeait  sous  l'Ancien  Testa- 
ment, soit  par  celle  (ju'il  commande  sous  le 
Nouveau.  11  ajoute  (c.  m,  v.  20),  «  que  per- 
sonne n'est  justifié  par  les  œuvres  de  la  loi  ; 
que  la  loi  se  bornait  à  faire  connaîtr,'  le  pé- 
ché, mais  qu'à  présent  \ajiostice  de  Dieu  est 
manifestée  par  le  témoignage  que  lui  ren- 
dent la  loi  et  les  jtrophètes  ;  que  cMe  justice 
de  Z>îeu  vient  de  la  foi  en  Jésus-Christ,  ù  tous 
ceux  et  ])0ur  tous  ceux  qui  croient  eu  lui., 
sans  distinction,  soit  juifs,  soit  gentils,  etc.  » 
Saint  Augustin,  dans  ses  ouvrages  contre 
les  pélagiens ,  a  beaucoup  insisté  sur  cette 
distinction;  il  apiie]]^ justice  de  l'homme  celle 
qu'un  juif  croyait  avoir,  parce  qu'il  avait  ac- 
compli la  loi  cérémonielle  de  Moïse,  et  celle 
dont  un  [laiense  flattait,  parce  qu'il  avait  fait 
des  œuvres  moralement  bonnes  ;  il  nomme, 


i 


comme  saint  Payû,  justice  de  Dieu,  celle  que 
Dieu  donne  à  l'homme  par  la  foi  en  Jésus- 
Christ.  L.  m  ,  contra  duas  epist.  Pelag.,  c.  7, 
n.  20  ;  L.  de  Grat.  Christi,  c.  13,  n.  ik ,  etc. 

Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  quand  saint 
Paul  décide  que  la  loi  ne  donnait  pas  la  jus- 
tice, que  l'homme  n'est  point  justifié  par  les 
œuvres  de  la  loi,  etc.,  il  entend  la  loi  céré- 
monielle, et  non  la  loi  morale.  Il  réfutait  les 
Juifs,  qui  se  prétendaient  justes  et  dignes  des 
bienfaits  de  Dieu,  pour  avoir  observé  la  cir- 
concision ,  le  sabbat  et  les  autres  cérémo- 
nies prescrites  par  la  loi  ;  qui  soutenaient 
que  les  païens  convertis  ne  pouvaient  être 
censés  justes,  ni  être  sauvés,  à  moins  qu'à 
la  foi  en  Jésus-Christ  ils  n'ajoutassent  l'ob- 
servation des  cérémonies  prescrites  p;ir  Moï- 
se. Lorsque  saint  Paul  parle  de  la  loi  morale 
contenue  dans  le  Décalogue,  il  dit  que  ceux 
qui  l'accomplissent  seront  justifiés,  ou  ren- 
dus justes  {Rom.  cap.  n,  v.  13).  Il  ajoute  : 
«  Détruisons-nous  donc  la  loi  par  la  loi  ?  A 
Dieu  ne  plaise  ;  au  contraire,  nous  l'établis- 
sons »  dans  sa  partie  la  plus  essentielle,  qui 
est  la  loi  morale  (C.  m,  v.  31). 

En  etfet,  par  la  foi,  saint  Paul  n'entend 
pas  seulement  la  croyance  des  vérités  que 
Dieu  a  révélées,  mais  la  confiance  à  ses  pro- 
messes, et  l'obéissance  à  ses  ordres  ;  cela 
est  évident  par  le  tableau  qu'il  trace  de  la  foi 
des  anciens  justes  {Hebr. ,  cap.  xi) ,  et  sur- 
tout de  la  foi  d'Abraham  (  Rom.  cap.  iv  , 
V.  11).  Ainsi,  selon  l'apôtre,  la  foi  en  Jésus- 
Christ  n'est  pas  seulement  l'acquiescement 
de  l'esprit  aux  dogmes  que  ce  divin  Maître 
a  enseignés,  mais  la  confiance  aux  promes- 
ses qu'il  a  faites,  et  l'obéissance  aux  lois  qu'il 
a  portées  ;  autrement  la  foi  des  chrétiens  sous 
l'Evangile  n'aurait  pas  le  même  mérite  quo 
celle  des  anciens  justes  dont  il  leur  propose 
l'exemple.  Il  dit  {Galat.  cap.  m,  v.  12),  que 
la  loi  n'est  pas  de  la  foi,  ou  n'exige  pas  la  foi  ; 
qu'elle  se  borne  à  dire  :  Celui  qui  accomplira 
ces  préceptes  y  trouvera  la  vie.  Un  juif,  en 
etfet,  pouvait  accomplir  les  cérémonies  de 
la  loi  par  la  crainte  des  peines  temporelles 
portées  contre  les  infracteurs,  sans  avoir  au- 
cune foi  aux  promesses  que  Dieu  avait  fai- 
tes aux  Juifs. 

Quant  aux  lois  morales,  c'est  autre  chose  : 
jamais  saint  Paul  n'a  enseigné  ,  comme  les 
pélagiens ,  qu'un  juif  pouvait  les  observer 
sans  avoir  besoin  d'aucune  grâce,  ni  que 
cette  grâce  était  accordée  sous  l'Ancien  Tes- 
tament, en  vertu  de  la  loi  de  Moïse,  ou  en 
vertu  d'une  promesse  attachée  à  cette  loi. 
lia  pensé  que  toute  grâce,  accordée  aux 
hommes  depuis  le  commencement  du  mon- 
de, venait  de  Jésus-Christ,  et  de  la  promesse 
que  Dieu  avait  foite  à  Adam  d'une  rédemp- 
tion ;  puiscju'il  dit  que  Jésus-Christ  était  hier 
aussi  bien  qu'aujourd'hui  (  Hebr.  c.  xiii , 
V.  8);  qu'en  lui  toutes  les  promesses  de 
Dieu  ont  leur  vérité  et  leur  accomplissement 
(//  Cor.  c.  I ,  V.  20)  ;  que  les  Juifs  buvaient 
l'eau  spirituelle  de  la  pierre  qui  les  suivait, 
et  que  cette  pierre  était  Jésus-Cluist  {ICor. 
c.  X,  V.  4). 

Faute  d'avoir  pris  le  sens  des  expressions 


177 


JUS 


JUS 


m 


de  saint  Paul,  plusieurs  théologiens  ont  sou- 
tenu des  opinions  très-répréhcnsibles  ;  les 
pnMcnihis  réformateurs  ont  enseigm'^  des  er- 
reurs absurdes,  et  les  incrédules  ont  calom- 
nié grossièrement  la  doctrine  de  cet  apôtre. 
Voy.  JisTincATioN. 

Justice  de  Dieu,  perfection  par  la(iuello 
Dieu  aceom|)lit  les  promesses  qu'il  a  laites  à 
se's  créatures,  récompense  la  vertu  et  jiunit 
le  crime.  La  justice  de  l'homme  consiste  à 
rendre  à  chacun  ce  ([ui  lui  est  dL\  ;  elle  sup- 
pose des  droits  et  des  devoirs  mutuels  enlro 
les  hommes,  une  lui  suprême  (|ui  leur  dé- 
fend de  se  nuire  réeiprO(]uement,  et  qui 
leur  ordonne  de  se  secourir  au  besoin  les 
uns  les  autres.  Cette  notion  ne  peut  conve- 
nir à  \a  justice  divine.  Lorsque  Dieu  nous  a 
créés,  il  ne  nous  devait  rien,  pas  môme  l'e- 
xistence ;  tout  ce  qu'il  nous  a  donné  est  une 
pure  libéralité  de  sa  part,  nous  n'avons  droit 
d'attendre  de  lui  que  ce  qu'il  a  daigné  nous 
jiromettre  ;  la  seule  loi  qui  puisse  l'obliger 
sont  ses  perfections  inlinies.  La  justice  de 
Dieu  ne  consiste  donc  point  à  nous  ai.corder 
telle  ou  telle  mesure  de  dons  naturels,  ou  do 
grAce  de  salut,  ni  <\  les  distriliuer  également 
à  tous  les  hommes;  quand  on  y  regarde  do 
près,  cette  égalité  est  impossible,  et  ne  pour- 
l'ait  tdurner  au  bien  géiu'ral  du  genre  hu- 
main :  mais  cette  justice  consiste  à  ne  de- 
mander compte  à  cliacun  de  nous  que  de  ce 
qu'il  a  reçu,  et  h  tenir  fidèlement  les  pro- 
messes que  Dieu  nous  a  faites.  Voij.  Inéga- 
lité. 

Jésus-Christ  nous  donne  dans  rEvaogile 
la  véritable  idée  de  la  justice  divine ,  par  la 
parabole  des  talents  (alatlh.  c.  xxv  ;  Luc. 
c.  xix).  Le  père  de  famille  confie  à  chacun 
de  ses  serviteurs  telle  portion  de  ses  biens 
qu'il  lui  plaît;  lorsqu'il  leur  fait  rendre  com- 
pte, il  récompense  chacun  d'eux  à  propor- 
tion du  profit  qu'il  a  lait  ;  il  punit  le  servi- 
teur paresseux  et  inlidèle  ,  qui  a  enfoui  son 
talent,  et  n'en  a  fait  aucun  usage.  Ainsi , 
Dieu  distribue  à  son  gré  les  dons  de  la  na- 
ture et  do  la  grâce  ;  la  portion  qu'il  en  donne 
à  tel  homme  ou  à  tel  peuple  ne  porto  aucun 
préjudice  à  celle  qu'il  a  destinée  aux  autres  ; 
il  ne  s'est  engagé  par  aucune  promesse  à 
mettre  entre  eux  une  égalité  parfaite,  et  ils 
n'ont  aucun  droit  d'exiger  plus  ou  moins  : 
au  jour  du  jugement,  il  doit  rendre  à  chacun 
selon  ses  œuvres,  récompenser  ou  punir  du 
bon  ou  du  mauvais  usage  que  l'on  aura  fait 
de  ses  dons  ;  il  l'a  promis  ,  et  il  ne  peut 
manquer  à  sa  parole  {Num.  c.  xxiii,  v.  19  ; 
//  Petr.  c.  ni,  v.  4  et  9,  etc.).  Dieu,  dit  saint 
Augustin ,  n'exige  point  ce  qu'il  n'a  pas 
donné  ;  il  a  donné  à  tous  ce  qu'il  exige  d'eux 
{In  Ps.  49,  n.  15).  Dieu  a  fait  non-seule- 
ment des  promesses,  mais  des  menaces,  pour 
nous  apprendre  qu'il  est  le  vengeur  du  cri- 
me, aussi  bien  que  le  rémunérateur  de  la 
vertu;  mais  rien  ne  l'oblige  à  exécuter  tou- 
tes sis  menaces,  parce  qu'il  peut  pardonner 
quand  il  lui  plait.  11  dit  :  J'aurai  pitié  de 
qui  je  voudrai,  et  je  ferai  miséricorde  à  qui  il 
me  plaira  {Exod.  c.  xxxiii,  v.  19).  Saint  Paul 
a  répété  ces  paroles  {Rom.  c.  ix  ,  v.  15) ,  et 


les  Pères  de  l'Eglise  les  ont  développées. 
«  Dieu  est  bon,  dit  saint  Augustin,  Dieu  est 
juste  :  i)arce  qu'il  est  bon,  il  peut  sauver  une 
âme  sans  mérites  ;  parce  qu'il  est  juste,  il 
n'en  peut  damner  aucune  sans  qu'elle  l'ait 
mérité  »  {Contra  Jul.,  1.  m,  c.  18,  n.  35). 
«  Lorsqu'il  punit,  c'est  qu'il  le  doit,  parce 
qu'il  est  incapable  d'injustice  ;  quand  il  fait 
miséricorde,  ce  n'est  jias  qu'il  le  doive,  mais 
alors  il  ne  fait  tort  à  personne  »  {Contra 
duastpist.  Pelag.,  1.  iv,  c.  6,  n.  16).  «  Dieu 
est  miséricordieux  quand  il  juge,  et  juste 
quand  il  pardonne;  quelle  espérance  nous" 
resterait  si  la  miséricorde  ne  l'emportait  sur 
la  jusiice»  {Epis t  167  ad  Uieron.,  c.  vi, 
n.  20j?  «  Lorsque  Dieu  fait  miséricorde,  dit 
saint  Jean  Chrysostome,  il  accorde  le  salut 
sans  discussion;  il  fait  trêve  de  justice,  et 
no  demande  compte  de  rien  »  {Ilom.  in  Ps. 
50,  V.  1).  Pelage  osa  décider  qu'au  jour  du 
jugement  les  pécheurs  ne  seront  pas  pardon- 
nés,  mais  condamnés  au  feu  éternel.  Saint 
Jérôme  et  saint  Augustin  s'élevè.''ent  contro 
cette  témérité,  et  ia  taxèrent  d'eneur.  On 
trouvera  leurs   paroles    au   mot   Juuement 

DEUMER 

Quand  on  dit  :  h  justice  de  Dieu  exige  que 
le  ciime  soit  puni,  l'on  entend  qu'il  le  soit 
ou  en  ce  monde  ou  en  l'autre,  par  des  pei- 
nes passagères,  ou  par  un  sujipiice  éternel  : 
et  ce  n'est  point  à  nous  déjuger  en  quel  cas 
Dieu  ne  peut  et  ne  doit  plus  pardonner.  11 
ne  faut  pas  en  conclure  que  les  menaces  do 
Dieu  ne  sont  ni  sincères  ni  redoutables  ;  que 
les  pécheurs  peuvent  les  braver  impuné- 
ment, et  compter  toujours  sur  une  miséri- 
corde infinie  :  Dieu,  quoique  toujours  le 
maitre  de  faire  grâce,  a  déclaré  cependant 
qu'il  punirait  ;  Jésus-Christ  nous  assuie  que 
les  mécliants  iront  au  feu  éternel,  et  les  jus- 
tes à  la  vie  éternelle  {Mattli.  c.  xxv,  v.  kii)  ; 
mais  il  n'a  pas  décidé  quel  doit  être  le  degré 
de  méchanceté  de  l'homme  [lour  que  la  mi- 
séricorde divine  ne  puisse  plus  avoir  lieu. 
A  le  bien  prendre,  ia  justice  de  Dieu  fait  par- 
tie de  sa  bonté  ;  s'il  ne  punissait  jamais,  ce 
monde  ne  serait  (il  us  habitable  ;  les  gens  de 
bien  seraient  les  victimes  de  l'impunité  ac- 
cordée aux  méchanls.  C'est  ce  que  les  Pères 
de  i'Eglise  ont  répondu  aux  marcionites  et 
aux  manichéens,  qui  appelaient  cruauté  la 
sévérité  avec  laquelle  Dieu  a  souvent  puni 
les  pécheurs  dans  les  premiers  Ages  du 
monde. 

En  parlant  de  cette  divine  perfection,  il 
est  à  [iropos  de  penser  toujours  à  cette  ré- 
llexiou  du  sage  (Sapient.  c.  xii,  v.  19)  :  «  Lors- 
que vous  jugez,  vous  donnez  lieu  au  pé- 
cheur de  faire  pénitence.  Sien  punissant  les 
ennemis  mêmes  de  votre  peuple,  qui  avaient 
mérité  la  mort,  vous  les  avez  affiigés  avec 
tant  de  circonspection  qu'ils  ont  eu  le  temps 
et  les  moyens  de  se  corriger  de  leur  malice, 
avec  combien  plus  do  ménagements  jugez- 
vous  vos  enfants,  après  avoir  lait  à  leurs  pè- 
res tant  de  promesses,  de  protestations  et  de 
serments  ?  » 

La  justice  de  Dieu  n'exige  point  que  le 
crime  soit  puni  en  ce  moBde,  encore  moins 


179 


IDS 


que  la  vertu  y  soit  toujours  récompensée  ;  il 
est  selon  l'ordre,  au  .contraire,  que  la  vie 
présente  soit  un  état  de  liberté  et  d'épreuve  ; 
que  le  mériti'  ait  lieu  avant  la  récompense, 
et  que  le  crime  précède  le  châtiment  :  une 
conduite  contraire  serait  absurde,  et  incom- 
patible avec  la  nature  de  l'homme. 

1°  Si  Dieu  récompensait  la  vertu  sur-le- 
champ  dans  cette  vie,  il  ôterait  aux  justes  le 
mérite  île  la  persévérance,  du  courage,  de  la 
conliance  en  lui  ;  il  bannirait  du  monde  les 
exemples  de  vertu  héroïque  et  de  patience  ; 
il  rendrait  l'homme  esclave  et  mercenaire  ; 
irl  étoufferait  en  lui  toute  énergie.  S'il  punis- 
sait le  crime  dès  qu'il  est  commis,  il  retran- 
cherait aux  ]iécheurs  le  temps  et  les  moyens 
(le  faire  pénitence;  cette  conduite  serait 
trop  rigoureuse  à  l'égard  d'un  être  aussi  fai- 
ble, aussi  inconstant,  aussi  variable  que 
riiomme  :  il  est  de  la  bonté  et  de  la  sagesse 
divine  de  l'attendre  à  péniten(;e  jusqu'au 
dernier  soupir.  Ainsi  Dieu  en  agit  ordinai- 
rement IJl  Petr.  C.  ni,  v.  9). 

2°  Souvent  une  action  que  les  hommes 
jugent  louable  est  réellement  digne  de  pu- 
nition, parce  qu'elle  .i  ét''^  faite  par  un  motif 
criminel  ;  souvent  un  délit  qui  semble  mé- 
riter des  châtiments  est  pardonnable,  parce 
qu'il  a  été  commis  par  surprise  et  par  erreur: 
Dieu  serait  donc  obligé  de  récompenser  de 
fausses  vertus  et  de  [tunir  des  fautes  excu- 
sables, )iour  se  conformfT  aux  idées  trom- 
peuses des  hommes.  Est-il  expédient  à  la 
société  que,  par  la  conduite  de  la  justice  di- 
vine, tous  les  crimes  secrets,  les  pensées, 
les  désirs,  les  intentions  vicieuses,  soient 
publiquement  coiinus?  Y  a-t  il  quelqu'un 
lie  nous  qui  soit  intéressé  à  le  désirer  ?  Alors 
il  n'y  aurait  plus  de  conscience  ni  de  re- 
mords, le  vice  ne  serait  plus  censé  qu'une 
maladie,  et  nous  n'en  serions  plus  honteux, 
dès  que  personne  n'en  serait  exempt. 

3°  Pour  que  lepécheui-  fût  puni  et  le  juste 
récompensé  sur  la  terre  autant  qu'ils  le  mé- 
ritent, il  fau  irait  (|ua  leur  vie  fût  éternelle 
ie;.-oas.  Quand  les  }ieines  de  ce  moiide  pour- 
raient snlhe  pour  punir  tous  les  crimes,  la 
félicité  dont  l'homme  peut  y  jouir  n'est  cer- 
tainement pas  assez  parfaite  pour  être  un 
digne  salaire  de  la  vertu. 

k'  Les  souti'rances  des  justes  sont  souvent 
l'effet  d'un  fle-au  général  dans  lequel  ils  se 
trouvent  enveloppés,  la  prospérité  des  pé- 
cheurs une  conséquence  de  leurs  talents  na- 
turels et  des  circonstances  dans  lesquelles 
ils  sont  placés  ;  il  faiidi;iit  donc  que  Dieu  fit 
continuellement  des  miracles,  pour  exemp- 
ter les  premiers  d'un  malheur  généial,  et 
pour  frustrer  les  seconds  du  fruit  de  leurs 
ialenls.  Ce  plan  de  providence  ne  serait  ni 
Juste  ni  sage. 

Les  incrédules  raisonnent  donc  très-mal, 
lorsqu'ils  prétendent  que  le  cours  des  cho- 
ses de  ce  monde  ne  prouve  ni  la  justice  de 
Dieu,  ni  l'existence  d'une  autre  vie  ;  que 
puisque  Dieu  peut  être  injuste  ici-bas,  et  y 
souUïir  le  désordre  qui  y  règne,  il  n'est  pas 
fort  sûr  que  tout  sera  réparé  dans  une  vie  à 
veiiir.  Des  qu'il  est  démontré  que  Dieu,  Llro 


JUS  180 

nécessaire,  est  souverainement  heureux  et 
puissant,  il  est  nécessairement  bon  et  juste; 
il  ne  peut  avoir  aucun  motif  d'être  injuste  et 
méchant.  11  le  serait,  .«i  les  choses  demeu- 
raient éternellement  telles  qu'eiïes  sont  ici- 
bas  ;  il  ne  l'est  point  s'il  y  a  des  peines  et 
des  récompenses  futures.  Alors  les  épreuves 
temporelles  des  justes  et  la  prospérité  passa- 
gère des  pécheurs  ne  sont  plus  une  injustice 
ni  un  désordre  qui  demandent  réparation  ;  il 
est  dans  l'ordre,  au  contraire,  tiue  les  pre- 
miers méritent  par  la  patirnce  la  récompense 
ét{  ruelle  qui  leur  est  promise,  et  que  les  se- 
conds aient  du  temps  pour  éviter  par  la  pé- 
nitence le  supplice  éternel  dont  ils  sont  me- 
nacés. La/Msfice  rf/rme  n'est  iJonc  poinl  blesr 
sée,  lorsq  e  dans  un  tléau  général  Dieu  en- 
veloppe les  innocents  avec  les  coupables, 
les  enfants  avec  les  adultes  ;  parce  qu'd  peut 
toujours  dédommager  dans  l'autre  vie  ses 
créatures  des  peines  temporelles  qu'elles 
ont  souû'ert'S  dans  colle-ci.  Lorsque  les  ma- 
nichéens objectèrent  cette  conduite  de  Dieu, 
saint  Augustin  leur  demanda  :  '<  Savez-vous 
quelle  récompense  Dieu  a  donnée  à  ceux 
par  la  mort  desquels  il  a  corrigé  ou  effrayé 
les  vivants  ?  I.  22  contra  Faustiim,  c.  78  et 
79.  i.  2  contra  Adv.  legis  et  prophet.,  c.  11, 
n.  35. 

Une  autre  accusation  de  ces  hérétiques, 
répétée  par  iesincréduli^s,  est  la  menace  que 
Dieu  fait  aux  Juifs  de  punir  les  enfants  du 
péché  de  leur  père  [Exod.  c.  xx,  v.  5  ;  Levit. 
ç.  XXVI,  V.  xxxix;  Dcut.c.  v,  v.  9).  Saint  Au- 
gustin fait  remarquer  qu'il  est  cmestion  là 
de  punition  temporelle,  et  non  d'un  chilti- 
ment  éternel  :  «  ^'ous  voyons  dans  l'Ecri- 
ture, dit-il,  des  liummes  frappés  de  mort 
pour  les  péchés  d'autrui;  mais  personne  n'est 
(i;imné  pour  un  ùutre.  »  Ibid.,  1.  i,  c.  16, 
n.  30.  Au  mot  Enfant,  nous  avons  fait  voir 
qu'il  n'y  a  point  d'injustice  dans  cette  con- 
duite de  la  Providence. 

Dieu,  législateur  sujirême,  souverain 
maître  du  siècle  futur  aussi  bien  que  du 
siècle  présent,  ne  peut  donc  être  assujetti  à 
toutes  les  rè-des  Je  justice  auxquelles  les 
hommes  doivent  se  confoimer,  parce  qu'il 
est  doué  d'une  prévoyance  et  d'une  puis- 
sance que  les  hommes  n'ont  point. 

Vainement  on  dira  qu'il  n'y  a  donc  aucune 
ressemblance ,  aucune  analogie  entre  la 
justice  divine  et  la  justice  humaine;  que 
nous  abusons  des  termes  en  nommant  jus- 
tice en  Dieu  ce  que  nous  afipelons  injustice 
de  la  part  des  h'uumes.  Un  roi  n'est  point 
astreint  à  toutes  les  lois  de  justice  qui  obli- 
gent les  particuliers;  il  a  droit  de  venger  les 
crimes;  ses  droits  sont  inaliénables;  la  pres- 
cription n'a  pas  lieu  contre  lui,  souvent  il  se 
trouve  juge  dans  sa  propre  cause,  etc.  :  il 
n'en  est  pas  de  même  (le  ses  sijets;  cun- 
clura-t-on  qu'un  roi  est  injuste  dans  ces 
différents  cas  ? 

Entre  la  justice  de  Dieu  et  celle  des  hom- 
mes, il  y  a,  lion  une  ressemblance  parfaite, 
mais  une  analogie  sensible.  De  même  que 
par  la  hd  divine  les  hommes  sont  obrgés  à 
feuir  lidèlement  leur  parole  et  leurs  engage- 


ïft  JUS 

"monts,  h  respecter  leurs  droits  mutuels  : 
ainsi  Dieu,  en  v(>rtii  de  ses  perfections  infi- 
nies, accomplit  lidi'^leinenl  ses  promesses  et 
inninlient  conblamment  l'ordre  moral  qu'il  a 
établi.  Il  ne  peut  doni^  mentir,  se  contredire, 
n'ius  tromper,  punir  un  innocent  ou  l'ailli.t^er 
sans  le  il(*domma,i,'!M- ;  laisser  un  coupable 
impuni  pour  toujours,  priver  pour  jamais  la 
vertu  de  sa  récom|)enst'.  Il  est  la  vérité 
même,  tidèle  h  si's  promesses,  juste  dans  ses 
vengeances,  saint  et  irrépréhensible  dans 
toute  sa  conduite  :  les  méchants  dnivont  le 
craindre,  les  bons  espérer  en  lui  et  l'aimer. 
Soit  qu'il  récompense,  qu'il  punissi?  ou  qu'il 
pardonne,  il  le  l'ait  pour  le  bien  général  de 
l'univers.  Quand  même  il  nous  serait  im- 
possible de  concilier  certains  événements 
avec  les  idées  qu'il  nous  a  données  de  sa 
justice,  nous  aurions  encore  toit  d'eu  con- 
clure qu'il  est  injuste,  puisqu'il  est  démon- 
tré qu'il  ne  peut  pas  l'être;  il  s'ensuivrait 
seulement  que  nous  ignorons  les  circon- 
stances, les  raisons  et  les  motifs  de  sa  con- 
duite.  Voy.  PUOVIDENCE. 

*  Justice  originclle.  Voti.  Adam,  Nature  (Etat 
de). 

JUSTIFICATION,  action  par  laquelle 
l'homme  i>a>se  du  péché  à  l'étal  de  la  grâce, 
devient  agiéable  h  Dieu  et  digne  de  la  vie 
élernelle.  En  quoi  consiste  cette  action? 
comn\entse fait-elle'? c'est  une  question  qui  a 
causé  la  jilus  grande  dispute  entre  les  pro- 
tosla;;ts  et  les  catlioliques  (i). 

(1)  Voici  les  canons  du  concile  de  Trente  sur  la 
juslilication  : 

Si  (jiieliiu'imdil  qu'un  liomnie  est  absous  de  ses 
IK'cht'S  el  juslilii;  de  ce  qu'il  (,ou  aussilol  iiu'il)  croit 
avec  ccrliuide  i  ne  absous  cl  justifié,  ou  que  person- 
ne n'csl  vérilaldcuienl  juslilié  que  celui  qui  se  croit 
(Mi'C  justidé,  cl  cjne  c'est  par  ccue  s^ulc  foi  que  l'ab- 
soliilion  et  la  juslincalion  s'acco.iiplisscnt,  (ju'il  soit 
analliènie.  C.  14.  —  Si  quelqu'un  dit  qn'iui  liomnic, 
nt;  de  nouveau  (par  le  baptême)  el  jusiilié,  est  oblige', 
selon  la  loi,  de  croire  qu'il  est  certaineuient  du  nom- 
bre des  prédestinés,  qu'il  soit  anatliènie.  C.  15.  — 
Si  quelpi'un  dit  que  la  gr.îce  de  la  jnsiificalion  ii'est 
que  pour  ccu.x  cpii  sont  prédealinés  à  la  vie,  et  que 
tous  les  autres  qui  sont  appelés,  sont  à  la  vérité 
appelés,  mais  qu'ils  ne  reçoivent  point  la  grâce 
coinnie  étant  prédestines  an  mal  par  la  puissance  de 
Dieu,  qu'il  soit  anathème.  C.  17.  —  Si  quelqu'un  dit 
que  Jésus-Clirist  a  été  donné  de  Dieu  aux  boinnies 
en  qualité  seulement  de  Uédempteur,  dans  lequel  ils 
doivent  mettre  leur  confiance,  et  non  pas  aussi  com- 
me législateur,  auquel  ils  doivent  obéir,  qu'il  soit 
analbcme.  C.  21.  —Si  quelqu'un  dit  qu'nn  homme 
jusiilié  peut  persévérer  dans  la  justice  qu'il  a  reçue 
sans  im  secours  parliculii-r  de  Dieu,  ou,  au  contraire, 
qu'avec  ce  secours  même,  il  ne  le  ptMit  pas,  qu'il  soit 
anathème.  C.  tî.  —  Si  quelqu'un  dit  qu'un  homme, 
une  lois  justilié,  ne  peut  plus  pécher  ni  perdre  la  grâ- 
ce, et  qu'ainsi  celui  qui  tombe  dans  le  péché  n'a  ja- 
mais été  vraiment  justilié;  ou,  au  contraire,  qu'un 
liomme  justilié  peut,  pendant  toute  sa  vie,  éviter 
toute  sorte  de  péchés,  même  véniels,  si  ce  n'est  par 
un  privilège  particulier  de  Dieu  comme  c'est  le  senti- 
ment de  l'Eglise  à  l'égard  de  la  sainte  Vierge,  qu'il 
soit  anathème.  C,  23.  —  Si  quelqu'un  dit  que  la  jus- 
tice qui  a  été  reçue  n'est  pas  conservée  et  même  aug- 
mentée devant  Dieu  par  les  bonnes  œuvres,  mais  que 
ces  bannes  oeuvres  sont  le  fruit  seulement  de  la  jus- 
tification et  des  marques  qu  ou  la  reçue,  mais  non 


JUS 


482 


Luther,  qui  voulait  prouver  que  les  sa- 
crements ne  produisent  rien  en  nous  par 
leur  projire  vertu,  que  ce  soiit  seulement  des 
signes  piopres  K  exciter  la  foi  en  nous,  et 
par  lesquels  nous  témoignons  notre  foi,  fut 
obligé  de  changor  toute  la  doctrine  de  l'Eglise 
sur  la  justification.  11  soutient  que  l'Iioinme 
est  justilié  par  la  foi,  non  par  la  foi  générale 
par  laquelle  nous  croyons  ù  la  parole  de 
Dieu,  î»  ses  promesses,  à  ses  men&ces,  mais 
par  une  foi  spéciale  par  laquelle  le  pécinur 
croit  fermement  que  la  justice  de  Jéu.s- 
Clirist  e*  ses  mérites  lui  sont  imputés.  Voy. 
Imputation.  Selon  lui,  le  p('cheur  est  jusii- 
lié dés  qu'il  croit  l'être  avec  une  certitude 
entière,  quelles  que  soient  d'ailleurs  ses  dis- 
positions. De  là  s'ensuivraient  plusieurs 
erreurs,  noti-seulement  surla  cAuse  formelle 
de  \;i  justification,  mais  sur  ce  qui  la  précède 
et  ce  qui  la  suit. 

Il  fallait  en  conclure,  1°  que  \a  justification 
ne  produit  (m  nous  aucun  ciiangeiuent  réel; 
que  la /«siice  de  l'homme  n'est  qu'une  dé- 
nomination purement  extérieure;  que  (juand 
il  est  dit  que  Dieu  justifie  Vimpie,  cela  si- 
gnilie  seulement  ipie  Dieu  daigne  le  réputer 
et  le  déclarer  tel,  dan.s  le  même  sens  qu'un 
arrêt  des  magistrats  justifie  un  accusé,  c'est- 
à-dire  le  déclare  et  le  fait  paraître  innocetit, 
et  le  met  à  couvert  de  la  punition,  soit  que 
d'à  Heurs  son  crime  soit  vrai  ou  faux; 
qu'ainsi  nos  péchés  sont  effacés,  seulement 
en  ce  sens  (]u'ils  ne  nous  sont  pas  imputés. — 
11  s'ensuivait,  2°  que  le  baptême  reçu  par  un 

une  cause  qui  l'augmente ,  qu'il  soit  anathème. 
C  24.  —  Si  quelqu'un  dit  qu'en  quelque  bonne  ou- 
vre  (pie  ce  soit,  le  juste  pèche  au  inoius  véiiiellcment, 
ou,  ce  qui  est  encore  plus  insupportable,  qu'il  pèche 
mortellement,  et  qu'ainsi  il  mérite  les  peines  éter- 
nelles, et  que  la  seule  raison  par  laquelle  il  n'est  pas 
damné,  c'est  parce  que  Dieu  ne  lui  impute  pas  ses 
ouvres  à  damnation,  qu'il  soit  anathème.  C.  25.  — 
Si  quelqu'un  dit  que  les  justes  ne  doivent,  pour  leurs 
bonnes  œuvres  faites  en  Dieu,  alleiidic  ni  espérer 
de  lui  la  récompense  éternelle  par  sa  miséricorde  et 
le  mérite  de  Jésus-Christ,  pourvu  qu'ils  peisévèrent 
jusqu'à  la  fin,  en  faisant  le  bien  et  en  gardant  ses 
couiuianJements,  qu'il  soit  anathème.  C.  26.  —  Si 
quelqu'un  dit  que  la  grâce  étant  perdue  par  le  péché, 
la  foi  se  perd  toujours  en  même  temps,  ou  que  la  foi 
qui  reste  n'est  pas  une  vérit  :ble  foi,  quoiqu'elle  ne 
soit  pas  vive,  ou  que  celui  qui  a  la  loi  sans  la  chariié 
n'est  pas  chrétien,  iiu'il  soit  anathème.  C.  28.  —  Si 
(iuel(|u'un  dit  qu'à  tout  pécheur  pénitent,  (ju'a  reçu 
la  grâce  de  la  justification,  l'caènse  est  tellement  re- 
mise et  l'obligation  à  la  peine  telleuient  effacée  et 
abolie,  qu'il  ne  lui  reste  aucune  peine  ie;iiporellé  à 
payer,  soit  en  cette  vie,  soit  en  l'autre  dans  le  purga- 
toire, avant  que  l'entrée  au  royaume  du  ciel  puisse 
lui  être  ouverte,  qu'il  soit  analh  'me.  C.  30.  —  Si 
quel(|u'un  dit  qu'un  homme  justifié  pèche  lorsqu'il 
fait  de  bonnes  œuvres  en  vue  de  la  récompense  >  ter- 
nelle,  qu'il  soit  anathème.  C.  31.  — Si  quelqu'un  dit 
que  les  bonnes  œuvres  d'un  homme  justitié  sont  tel- 
lement les  dous  de  Dieu,  qu'elles  ne  soient  p::s  aussi 
les  mérite»  des  hommes  justifiés,  ou  que  par  ces 
bonnes  œuvres  qu'il  fait  par  les  secours  de  la  grâce 
de  Dieu,  et  les  mérites  de  Jésus-Christ  dont  il  esi 
un  membre  vivant,  il  ne  mérite  pas  véritablement 
uneaugmeutaiion  de  grâce, decette  même  vie,  pourvu 
qu'il  meure  en  grâce,  et  même  l'auginentaliun  de  la 
gloire,  qu'il  soit  anathème.  C.  32. 


185 


JUS 


JUS 


484 


adulte,  ni  la  pénitence  ne  contribue  en  rien 
à  le  rendre  juste;  que  c'est  tout  au  plus  un 
signe  extérieur,  capable  d'exciter  en  lui  la 
foi  spéciale  imaginée  par  Luther,  ou  une 
profession  de  foi  par  laquelle  il  témoigne 
qu'il  croit  fermement  que  la  justice  de  Jésus- 
Christ  lui  est  imputée.  —  3°  il  s'ensuivait 
T[ue  les  actes  de  foi  générale,  de  crainte  des 
jugements  de  Dieu,  de  confiance  anses  pro- 
messes, de  charité  même  et  de  repentir,  loin 
de  contribuer  en  rien  à  \a  justification,  sont 
plutôt  des  péchés  qui  rendent  l'homme  plus 
coupable,  jusqu  A  ce  qu'il  ait  fait  enfin  l'acte 
de  foi  spéciale,  et  qu'il  croie  avec  une  en- 
tière certitude,  que  la  justice  et  les  mérites 
<ie  Jésus-Christ  lui  sont  imputés.  —  k"  Qu'il 
en  est  de  même  des  bonnes  œuvres  posté- 
rieures à  \a  justification;  que,  loin  de  mériter 
à  l'homme  une  augmentation  de  grâce  et  un 
nouveau  degré  de  gloire  éternelle,  ce  sont 
des  péchés  au  moins  véniels,  mais  que  Dieu 
n'impute  pas. 

A  ces  différentes  erreurs,  Calvin  ajouta 
l'inamissibililé  de  la  justice;  il  enseigna  que 
l'homme,  une  fois  justifié  par  l'acte  de  foi 
spéciale  dont  nous  parlons,  ne  peut  jilus 
déchoir  de  cet  état,  perdre  totalement  et 
finalement  cette 'foi  justifiante,  quelle  que 
soit  l'énormité  des  crimes  qu'il  commet 
d'ailleurs.  Voy.  Inamissible. 

On  demandera,  sans  doute,  sur  quoi  ces 
deux  réformateurs  pouvaient  fonder  une 
doctrine  aussi  absurde  et  aussi  pernicieuse; 
ils  ne  l'appuyaient  que  sur  quelques  pas- 
sages de  l'Ecriture  dont  ils  tordaient  le  sens, 
€t  sur  les  calomnies  par  lesquelles  ils  dé- 
guisaient la  doctrine  catholique  pour  la  faire 
paraître  odieuse. 

Lorsque  saint  Paul  dit  que  la  foi  d'Abra- 
ham lui  fut  réputée  à  justice  {Rom.  c.  iv,  v.  3), 
€i)tend-il  qu'Abraham  crut  que  la  justice  de 
Jésus-Christ  lui  était  imputée?  Rien  moins. 
L'apôtre  lui-môme  fait  consister  la  foi  d'A- 
braham en  ce  qu'il  crut  aux  promesses  que 
Dieu  lui  faisait,  malgré  les  obstacles  qui 
semblaient  s'opposer  à  leur  accomplissement, 
et  obéit  aux  ordres  que  Dieu  lui  donnait, 
quelque  rigoureux  qu'ils  parussent.  Hebr., 
cap.  11.  Ainsi,  quand  saint  Paul  ajoute 
qu'Abraham  ne  fut  pas  jus'jfjé  par  les  œuvres 
{Rom.,  c.  IV,  V.  2),  il  entenu,  par  la  circon- 
cision et  par  les  œuvres  cérémonielles  de  la 
^oi  mosaïque  :  cela  est  évident  par  le  texte 
^ême.  il  est  absurde  d'en  conclure,  comme 
faisait  Luther,  qu'Abraham  ne  fut  pas  justi- 
fié par  les  actes  d'obéissance  qu'il  lit , 
puisque  c'est  dans  ces  mêmes  actes  que  saint 
Paul  fait  consister  sa  foi.  Voy.  Foi,  §  5. 

C'est  encore  une  plus  grande  absurdité  de 
prétendre  que  si  des  actes  de  foi  générale, 
de  crainte  de  Dieu,  de  confiance  en  sa  misé- 
ricorde, de  repentir,  d'amour  de  Dieu,  etc., 
contribuaient  à  \a.  justification,  ce  serait  une 
justice  humaine,  piiarisaïque,  purement  na- 
turelle, qui  ne  viendrait  j>as  de  Dieu  ni  de 
Jésûs-Christ  ;  puisque,  selon  la  doctrine  ca- 
tholique, aucun  de  ces  actes  ne  peut  être 
fait  comme  il  le  faut  que  par  la  grâce  de 


Jésus-Christ.  L'erreur  contraire  a  été  con- 
damnée dans  les  pélagiens. 

Le  concile  de  Trente  a  enseigné  dans  la 
yilus  grande  exactitude  la  doctrine  de  l'Eglise 
sur  la  justification;  il  a  décidé,  1°  que 
l'homme  est  justifié  non-seulement  par  l'im- 
putation de  la  justice  de  Jésus-Christ,  et  la 
simple  rémission  du  péché,  mais  par  la 
grâce  et  la  charité  que  le  Saint-Esprit  répand 
dans  nos  cœurs;  qu'ainsi  cette  justice  est 
véritablement  intérieure  et  inhérente  à  notre 
âme.  —  2°  Que  l'homme  se  dispose  k  \ai  jus- 
tification par  la  foi  et  la  confiance  aux  pro- 
messes de  Dieu,  par  le  repentir  de  ses  fautes 
et  par  l'amour  de  Dieu,  par  la  crainte 
môme  de  ses  jugements;  mais  qu'il  ne  peut 
produire  aucun  de  ces  actes ,  tels  qu'il 
les  faut  pour  devenir  juste,  sans  le  secours 
de  la  grâce,  oU  sans  l'inspiration  du  Saint- 
Esprit;  qu'il  ne  s'ensuit  cejiendant  pas  delà 
qu'aucun  des  actes  qui  précèdent  la  justifi- 
cation puisse  la  mériter  en  rigueur.  —  3°  Que 
le  pécheur  une  fois  justifié  n'est  pas  dispensé 
pour  cela  d'accomplir  les  commandements  de 
Dieu  et  de  l'Eglise,  ni  de  faire  de  bonnes 
œuvres,  puisque  la  grâce  sanctifiante  peut  se 
perdre  par  un  seul  péché  mortel  ;  que  les 
bonnes  œuvres  sont  nécessaires  pour  mé- 
riter une  augmentation  de  grâce  et  un  nou- 
veau degré  de  récompense  éternelle,  et  pour 
persévérer  dans  la  justice,  quoique  la  per- 
sévérance finale  soit  un  don  spécial  de  la 
bonté  de  Dieu. 

Conséquemment  le  concile  frappe  d'anathè- 
me  ceux  qui  enseignent  que  toutes  les  œu- 
vres qui  se  font  avant  la  justification  sont 
autant  de  péchés,  et  que  plus  un  pécheur 
s'efforce  de  se  disposer  à  la  justification, 
plus  il  pèche  ;  ceux  qui  prétendent  que  la 
justification  se  fait  par  la  foi  seule,  ou  par 
la  seule  confiance  dans  laquelle  nous  sommes 
que  nos  péchés  nous  sont  remis  à  cause  îles 
mérites  de  Jésus-Christ  ;  ceux  qui  disent  que 
nous  sommes  formellement  justes  parla  jus- 
tice de  Jésus-Christ.  Il  condamne  ceux  qui 
osent  avancer  que  l'homme  est  pardonné,  ab- 
sous, justifié,  dès  qu'il  se  croit  tel,  et  qu'il 
est  obligé  de  le  croire  ainsi  de  foi  divine, 
même  de  croire  qu'il  est  du  nombre  des 
prédestinés  ;  ou  qui  soutiennent  que  les  pré- 
destinés seuls  sont  justifiés.  H  réprouve  la 
témérité  des  faux  docteurs  qui  enseignent 
que  l'homme  justifié  par  la  foi  n'est  plus  obli- 
gé à  l'accomplissement  des  commandements 
de  Dieu  et  de  l'Eglise,  qu'il  ne  peut  plus 
pécher  ni  perdre  la  justice  ;  que  les  bonnes 
œuvres  ne  sont  d'aucun  mérite,  ne  contri- 
buent en  rien  à  conserver  ni  à  augmenter 
la  grâce  de  la  justification  ;  que  ce  sont  plu- 
tôt des  péchés,  au  moins  véniels,  mais  que 
Dieu  n'impute  pas.  Il  rejette  de  môme  toutes 
les  autres  conséquences  que  les-  novateurs 
tiraient  de  leur  doctrine.  Scss.  6,  de  Justif. 

Un  fait  certain,  c'est  que  la  doctrine  des 
protestants  n'a  pas  servi  à  multiplier  parmi 
eux  les  bonnes  œuvres .  mais  plutôt  à  les 
étouffer;  et  c'est  une  a  'o.i  bonne  preuve 
pour  conclure  qu'elle  est  ..usse.  M.  Bossuet 


185  JUS 

a  Iraiti^  savammont  toute  cette  question.  TTt'st. 
des  Yariat.,  1.  i,  n.  7  et  suiv.  ;  1.  m,  n.  18  et 
suiv.;l.  XV,  n.  Ul  et  suiv. 

JUSTIN  (saint),  philosophe,  né  îi  Naplouse 
dans  la  Palestine,  a  vécu  et  s'est  converti  au 
christianisme  dansle  second  siècle  ;  il  a  souf- 
fert le  martyre  l'an  167.  Il  adressa  une  apo- 
logie de  notre  religion  à  l'empereur  Antonin, 
et  une  h  Marc-Aurèle  :  ce  ne  fut  pas  sans 
fruits,  puisque  ces  deux  princes  tirent  cesser, 
ou  du  moins  diminuer  la  persécution  que  les 
magistrats  exerçaient  contre  les  chrétiens. 
Saint  Justin  avait  déj;i  écrit  une  Exhortation 
aux  gentils,  dans  laquelle  il  leur  prouve  que 
les  poètes  et  les  philosophes  ne  leur  ont 
enseigné  que  des  tables  et  des  erreurs  en 
fait  de  religion,  et  il  les  exhorte  à  chercher 
la  connaissance  de  Dieu  dans  nos  livres  saints. 
11  s'attacha  ensuite  à  démontrer  aux  juifs, 
j)ar  les  [irophéties,  la  vérité  du  christianis- 
me, dans  son  Dialogue  avec  Trt/phon.  Nous 
avons  encore  de  lui  un  Traité  de  la  Monar- 
chie, ou  do  l'unité  do  Dieu  ;  une  Lettre  à 
Diognète,  qui  désirait  de  connaître  la  religion 
ciu'étienne.  Il  avait  fait  d'autres  ouvrages 
(pii  ne  subsistent  plus,  et  on  lui  en  avait  ,it- 
tribué  plusieurs  dont  il  n'est  pas  l'auteur. 
D.  Prudent  Marand  a  donné  une  édition 
des  ouvrages  de  ce  Père  en  grec  et  en  latin, 
à  Paris,  en  1742,  in-folio.  Il  y  a  joint  les  apo- 
logies d'Athénagoro,  de  Tatien,  d'Hermias, 
et  les  trois  livres  de  saint  Théophilo  d'An- 
tioche  à  Autolyeus  :  tous  ces  écrits  sont  du 
second  siècle. 

Commelelémoignago  d'un  auteuraussi  an- 
cien et  aussi  respectable  que  saint  Justin  est 
du  ])lus  grand  poids  en  matière  de  doctrine, 
les  critiques  i)rotestants  ont  fait  tous  leurs 
elforts  pour  l'allaiblir  ;  ils  prétendent  qu'il  y 
a  dans  ses  ouvrages  des  erreurs  de  toute  es- 
pèce, et  les  inciédules  ont  été  lidèles  à  les 
cojiier. 

En  premier  lieu,  Le  Clerc,  Hist.  eccle's., 
an.  101,  §  3,  observe  que,  faute  d'avoir  su 
l'hébreu,  ce  Père  est  tombé  dans  plusieurs 
méprises.  Il  accuse  mal  à  propos  les  juifs 
d'avoir  eÛ'acé  dans  la  version  des  Septante 
plusieurs  prophéties  qui  annonçaient  Jésus- 
Cln-ist  comme  Dieu  et  homme  crucifié,  Dial. 
cum  Trijph.,  n.  71  et  72.  S'il  avait  pu  con- 
sulter le  texte  hébreu,  il  aurait  vu  que  des 
quatrepassagesqu'ilciteenpreuve,ilyen  a  un 
qui  se  trouve  parfaitement  conforme  dans 
le  texte  et  dans  la  version,  mais  qui  ne  re- 
garde pas  Jésus-Christ.  Les  trois  autres  n'y 
sont  point  :  d'où  nous  devons  conclure  que 
(■'est  une  interpolation  faite  dans  les  exem- 
plaires des  Septante  dont  se  servait  saint 
Justin,  et  qui  partait  de  la  main  d'un  chré- 
^  tien  plutôt  que  d'un  juif.  En  second  lieu,  si 
t  ce  Père  avait  été  en  état  de  confronter  laver- 
r  sien  des  Sejitante  avec  le  texte  hébreu,  il 
I  aurait  vu  combien  cette  version  est  fautive, 
'  il  n'aurait  pas  été  tenté  de  la  croire  inspirée, 
non  plus  que  les  autres  Pères  do  l'Eglise  ;  il 
aurait  ajouté  moins  de  foi  à  la  fj^ile  qu'on 
lui  avait  racontée  sur  les  72  cellules  dans  les- 
gaolics  les  72  interprètes  avaient  été  ren- 
fermés, etc.  En  troisième  lieu,  il  aurait  cité 


JUS 


186 


plus  fidèlement  l'Ecriture  sainte,  il  on  aurait 
mieux  l'endu  lésons,  il  nesoseraitpoint  atta- 
ché à  (les  explications  allégoriquesdesquclles 
les  juifs  sont  en  droit  de  no  faire  aucun  ca.s, 
et  en  général  il  aurait  mieux  raisonné  ([u'il 
n'a  fait  ;  Jhid.,  an.  139,  S  3  et  sui.  ;  an.  liO, 
§  2  et  suiv. 

Tous  ces  reproches  sont-ils  justes  ?  Au 
mot  Hébreu,  §  k,  nous  avons  montré  le  ri- 
dicule de  la  prévention  dans  laquelle  sont 
tous  les  protestants,  que  sans  la  connaissance 
de  la  langue  hébraïque,  les  Pères  ont  été  in- 
capables d'entendre  suflisamment  l'Ecriture 
sainte,  pendant  qu'ils  soutiennent  d  autre 
part  que  les  simples  fidèles,  avec  le  secours 
ii'uno  version,  sont  cajiables  de  fonder  leur 
/{A  sur  ce  livre  divin.  Il  eût  été  absurde  que 
saint  Justin  argumenlAt  sur  le  texte  hébreu 
contre  Tryphon,  juif  helléniste,  qui  ne  savait 
pas  plus  d'hébrouquecePère,et  (juise  servait 
comme  lui  do  laversiondes  Sejilanto.  Quand 
saint  Justin  aurait  été  habile  hébraïsant,  et 
qu.nid  il  aurait  confronté  la  version  avec  lo 
texte,  il  n'aurait  pas  été  moins  tenté  d'accuser 
les  juifs  d'avoir  corrompu  lo  texte  que  d'avoir 
faL-.ilié  la  version,  puisque  plusieurs  hébrai- 
sants  modernes  ont  soupçonné  les  juifs  de 
ce  mémo  crime.  11  est  certain  d'ailleurs  que 
du  temps  de  saint  Justin  il  y  avait  une  inli- 
nité  de  variantes  et  des  différences  considé- 
rables entre  les  divers  exemplaires  delà  ver- 
sion des  Se])tante  ;  c'est  ce  qui  occasionna  le 
travail  que  Origène  entreprit  sur  cette  version 
dans  le  siècle  suivant,  et  la  confrontation 
qu'il  en  fit  avec  le  texte  et  avec  les  autr£s 
versions.  Il  n'est  donc  pas  étonnant  que 
saint  Justin  ait  attribué  à  l'infidélité  des  juifs 
la  dilférence  qu'il  voyait  entre  les  diverses 
copies  qu'il  avait  confrontées.  Il  reprochait 
aux  juifs  tant  il'autres  crimes  en  ce  genre, 
qu'il  ne  pouvait  les  croire  incapables  do 
celui-là.  Suivant  son  opinion,  détourner  le 
sens  d'une  prophétie  par  une  interprétation 
fausse,  ou  la  supprimer  dans  un  livre,  c'était 
à  peu  près  la  même  infidélité  :  les  juifs 
étaient  notoirement  convaincus  de  la  [tre- 
mière,  saint  Justin  n'hésitait  pas  do  leur 
attribuer  la  seconde.  Nous  ne  pouvons  pas 
douter  que  ce  Père  n'ait  lu,  dans  l'exem- 
plaire dont  il  se  servait,  les  passages  qui  no 
s'y  trouvent  plus  aujourd'hui,  puisque  l'un 
a  été  cité  do  même  par  saint  Irénéc,  et  l'autre 
par  Lactanco.  Il  n'est  pas  absolument  cer- 
tain que  ces  interpolations  avaient  été  faites 
do  mauvaise  foi  par  des  chrétiens,  puisqu'elles 
ont  pu  venir  de  quelques  citations  peu 
exactes  faites  par  défaut    de   mémoire. 

On  doit  se  souvenir  (]ue  ces  sortes  de  ci- 
tations ne  sont  pas  un  crime.  Les  auteurs 
même  sacres  ne  se  sont  jamais  piqués  d'une 
exactitude  littérale  aussi  scrupuleuse  qu'on 
l'exige  aujourd'hui  ;  les  adversaires  contre 
lesquels  les  Pères  écrivaient,  n'étaient  pas  des 
critiques  aussi  pointilleux  que  les  hérétiques 
de  nos  jours  ;  les  juifs  ni  les  païens  ne  con- 
naissaientpas  plus  les  subtilités  de  grammaire 
que  les  Pères  do  rE'.:lise.  l-es  premiers  ad- 
mettaient les  explications  allégoriques  ' 
l'Ecriture  sainte  ;  on   croyait  pour  lorsy 


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JUS 


JUS 


18S 


faits  sur  lesquels  saint  Justin  et  les  autres 
Pères  arguniontent  ;  des  raisonnements  qui 
nous  semblent  auj  lurd'liui  très-peu  solides 
avaient  du  moins  alors  une  force  relative,  eu 
égard  aux  opinions  universellement  répan- 
dues. 11  y  a  de  l'injustice  de  la  part  des  pro- 
testants à  blâmer  les  Pères  de  s'en  être  pré- 
valus. 

Le  respect  de  saint  Justin  et  des  autres 
Pères  pour  la  version  des  Septante  ne  venait 
pas  de  ce  qu'il  la  croyaient  exactement  con- 
forme au  texte,  mais  de  ce  qu'ils  la  voyaient 
citée  par  les  apôtres  ;  ils  ne  pensaient  pas  que 
ces  auteurs  inspirés  eussent  voulu  se  sei'vir 
d'une  version  fautive,  sans  avertir  les  fidèles 
qu'il  fallait  s'en  défier.  Cette  conduite  des 
Pères  nous  p  irait  f)lus  louable  que  l'aU'ecta- 
tion  des  hérétiques  do  décrier  cette  version. 
Foy  Septante.  —  Nous  ne  ferons  pas  non 
plus  un  crime  à  saint  Justin  d'avoir  ajouté 
foi  à  ce  que  les  juifs  d'Alexandrie  publiaient 
touchant  les  cellules  des  72  interprètes  ;  c'est 
une  preuve  de  la  vénération  religieuse  que 
les  juifs  hellénistes  avaient  pour  leur  version; 
ni  de  ce  qu'il  a  répété  ce  qu'on  lui  avait  dit  tou- 
chant la  sib}  lie  de  Cumes  ;  ni  de  s'être  trompé 
peut-être  en  preiiant  le  dieu  Semosancus 
pour  Simon  le  Magicien.  Une  crédulité  facile 
sur  des  faits  peu  importants  n'est  point  une 
marque  d'ignorance  ni  d'esprit  borné,  mais  de 
candeur  et  de  bonne  foi.  Il  n'y  a  jkis  du  pru- 
dence de  la  part  des  prolestants  à  insister  sur 
la  crédulité  des  anciens  ;  jamais  secte  n'a  été 
plus  crédule  que  la  leur  à  l'égard  de  toutes 
les  fables  et  de  toutes  les  inijiostures  qu'on 
leur  débitait  contre  l'église  catholique. 

Barbeyrac,  dans  son  Traite  de  là  morale 
des  Pères,  c.  2,  4,  11,  a  reproché  d'autres 
erreurs  h  saint  Justin.  Selon  lui,  dit-il.  Dieu, 
en  créant  le  monde,  en  a  confié  le  gouver- 
nement aux  anges  ;  ainsi  ce  Père  n'attribue 
à  Dieu  qu'une  providence  générale.  Apol.  2, 
c.  5.  C'était  confirmer  l'erreur  des  païens 
touchant  les  dieux  secondaires.  Mais  dans 
cet  endroit  même,  c.  6,  saint  Justin  dit  que 
les  noms  Dieu,  Père,  Créateur,  Seigneur,  Maî- 
tre, ne  sont  pas  des  noms  de  lanature  divine, 
mais  des  titres  d'honneur  tirés  des  bienfaits 
et  des  opérations  de  Dieu  :  or,  ces  titres  ne 
lui  conviendraient  pas,  s'il  n'avait  qu'une 
providence  générale.  Dans  le  Dial.  avec 
Tryphon,  n.  1,  il  condamne  les  philosophes 
qui  prétendaient  que  Dieit  ne  prenait  aucun 
soin  des  hommes  en  particulier,  aiin  de  n'a- 
voir rien  à  redouter  de  sa  justice.  11  pensait 
donc  que  Dieu  se  sert  des  anges  comme  de 
ministres  pour  exécuter  ses  volontés,  mais 
qu'ils  ne  font  rien  que  par  ses  ordres  ;  les 
païens  regardaient  leurs  dieux  comme  des 
êtres  indépendants,  à  la  discrétion  desquels 
le  gouvernement  du  monde  était  abandonné. 
Ces  deux  opinions  sont  fort  ilitféreiites.  — 
Une  seconde  erreur  de  saint  Justin,  est  d'a- 
voir cru  que  les  anges  ont  eu  commerce  avec 
les  filles  des  hommes  ;  nous  avons  examiné 
ce  fait  au  mot  Ange. 
;  )  v|'.e  même  critique  tourne  en  ridicule  saint 
"*Jw5/m,  parce  qu'il  a  fait  r  marquer  partout 
fa  tjpure  de  la  croix,  dans  les  oiûls  des  vais- 


seaux, dans  les  enseignes  des  empereurs, 
dans  les  instruments  de  labourage,  etc.  Cela 
valait-il  la  peine  de  lui  faire  un  reproche 
anuT  ?  Sa  pensée  se  réduit  h  dire  aux  païens  : 
Puisque  vous  avez  tant  d'horreur  de  la  croix, 
à  laquelle  les  clnétiens  rendent  un  culte, 
ôtez-en  la  figure  des  m;Us  de  vos  vaisseaux, 
de  vos  enseignes  militaires  et  des  instru- 
ments du  labourage. 

Il  a  trop  loué  la  continence,  dit  Barbeyrac; 
il  semble  regarder  comme  ilk'gitime  rMsai:;e 
du  mariage.  Mais  dans  quel  cas  ?  lorsqu'on 
se  le  permet  pour  satisfaire  les  désirs  de  la 
chair,  et  non  pour  avoir  des  enfants;  il  s'en 
exiilique  assez  clairemimt-  D'ailleurs  le  pas- 
sage que  cite  no're  censeur  est  tiré  d'un 
fragment  du  Traité  sur  la  Résurrection,  qui 
n'est  pas  universellement  reconnu  pour  être 
de  saint  Justin.  Si,  dans  la  suite,  Tatien  son 
disciple  a  poussé  l'entêtement  jusqu'à  con- 
damner absolument  le  mariage,  il  n'est  pas 
juste  d'en  rendre  responsable  saint  Justin, 
qui  n'a  point  enseigné  cette  erreur.  Nous 
convenons  que,  comme  tous  les  Pères,  il  a 
fait  de  grands  éloges  de  la  chasteté  et  de  la 
continence  ;  mais  nous  prouvons  contre  les 
])rotestants  que  ce  n'est  point  là  une  erreur, 
puisque  c'est  la  pure  doctrine  de  Jésus-Christ 
et  des  apôtres.  Voy.  Chasteté,  Célibat.  —  11 
a  rapporté  sans  restriction  la  défense  que 
Jésus-Christ  a  faite  de  prononcer  aucun  ju- 
rement. Nous  soutenons  encore  qu'en  cela 
il  n'est  point  répréhensible,  non  plus  que  les 
autres  Pères.  Voy.  Jurement.  Il  n'a  pas  ex- 
pressément désapprouvé  l'action  d'un  jeune 
chrétien,  qui,  pour  convaincre  les  païens  de 
l'horreur  que  les  chrétiens  avaient  de  l'impu- 
dicité,  alla  demander  au  juge  la  permission 
de  se  faire  mutiler,  qui  cejiendant  ne  le  fit 
point,  parce  que  cette  permission  lui  fut 
refusée.  Apol.  1,  n.  9.  Mais  ce  Père  ne  l'ap- 
prouve pas  formellement  non  plus  ;  il  ne  cite 
ce  fait  que  pour  montrer  combien  les  chré- 
tiens étaient  incapables  des  désordres  dont 
les  païens  osaient  les  accuser.  De  même  il  n'a 
pas  expressément  blâmé  ceux  qui  allaient  se 
dénoncer  eux-mêmes  comme  chrétiens,  et 
s'offrir  au  m^irtyro,  Apol.  2,  n.  k  et  12  ;  con- 
duite que  d'autres  ont  condamnée.  Aussi 
soutenons-nous  que  cette  démarche  ne  doit 
être  ni  apjirouvée  ni  condamnée  absolument 
et  sans  restriction,  parce  qu'elle  a  pu  être 
louable  ou  blâmable,  selon  les  motifs  et  les 
circonstances.  Ceux  cfui  allaient  se  présent  r 
d'eux-mêmes  aux  magistrats  j^our  les  dé- 
tromper di  la  fausse  opinion  qu'ils  avaient 
conçue  du  christianisme,  pour  leur  prouver 
la  vérité  de  cette  religion  et  l'innocence  des 
chrétiens,  pour  leur  montrer  l'injustice  et 
l'inutilité  des  persécutions,  etc.,  ne  doivent 
point  être  taxés  d'un  faux  zèle  :  leur  mohf 
n'était  pas  de  se  dévouer  h  la  mort,  mais  d'en 
préserver  leurs  frères.  Autrement  il  faudrait 
condamner  saint  Justin  lui-même  :  personnu 
n'a  encore  eu  cette  témérité. 

Ce  Père  a  dit  que  Socrate  et  les  autres 
)aïeiis  qui  ont  vécu  d'une  manière  conforme 

la  raison  étaient  chrétien^,  parce  que  Jé- 
sus-Christ, Fils  uuiqae  de  Dieu,  est  la  raisoB 


ï 


189 


JUS 


JUS 


100 


E 


souveraine  î>  Inquelle  tout  homme  participe. 
De  lîi  oncoiirlut  ((uo,  selon  ^nint  Justin,  les 
jtiïensont  pu  ftrc  sauvés  par  la  raison  ou  par 
_;i  luiiiif're  naturelle  seule  :  ce  qui  est  l'erreur 
des  ixMaiiens.  Un  incrédule  de  nos  jours  a 
trouvé  bon  d'agi^raver  ce  reproche,  en  falsi- 
tianl  le  passade  :  selon  saint  Justin,  dit-il, 
celui-lîi  est  chrétien  qui  est  vertueux,  fiU-il 
d'ailleurs  athée./^rr/tommf  ,t.  1,  sect.  2,  c.l6. 

Voici  les  propres  paroles  de  ce  Père,  Apol. 
1,  n.  46  :  «  On  nous  a  enseigné  que  Jésus- 
Christ  est  le  premier-né  de  Dieu,  et  la  rai- 
son souveraine,  à  la(iuelle  tout  le  genre  humain 
participe,  comme  nous  l'avons  déj;\  dit.  Ceux 
qui  ont  vécu  selon  la  raison  sont  chrétiens  , 
quoiqu'ils  aient  été  réputés  athées  :  tels  ont 
été,  chez  les  Grecs,  Socrate,  Heraclite,  etc.» 
Or,  Socrate  ni  Heraclite  n'étaient  pas  athées  , 
quoiqu'on  en  ait  accusé  le  premier.  Apol.  2, 
n.  20.  Il  Tout  ce  que  les  philosophes  et  les  lé- 
gislateurs ont  jamais  pensé  ou  dit  de  bon  ou 
de  vrai,  ils  l'ont  trouvé  en  considérant  et  en 
consultant  m  quch/ue  chose  le  Verbe  ;  mais 
comme  ils  n'ont  pas  connu  tout  ce  c}ui  vient 
du  \'erbe,  c'est-k-dire  de  Jésus-Christ,  ils  se 

sont  contredits ,  et  ils  ont  été  traduits  en 

justice  comme  des  impies  et  des  hommes 
trop  curieux.  Socrate,  l'un  des  plus  décidés 
de  tous,  a  été  accusé  du  même  crime  que 
nous.  »  Nous  savons  très-bien  qu'il  n'est  pas 
exactement  vrai  que  les  philoso[)hes  aient  été 
chr('tiens,  en  prenant  ce  terme  à  la  rijjueur  ; 
mais  ils  l'ont  été  en  quelque  chose,  en  tant 
qu'ils  ont  consulté  et  suivi  la  droite  raison  , 
comme  fout  les  chrétiens,  et  qu'ils  ont  été 
accusés  d'athéisme  aussi  bien  qu'eux,  préci- 
sément parce  qu'ils  étaient  plus  raisonnables 
que  les  autres  hommes.  Dans  le  môme  sens, 
Tertullien  a  dit,  Apolog.,  c.  21,  que  Pilate 
était  déjà  chrétien,  dans  sa  conscience,  lors- 
qu'il lit  savoir  à  l'empereur  Tibùrc  ce  qiii  s'é- 
tait passé  dans  la  Judée  au  sîi_;et  de  Jésus- 
Christ.  —  S'ensuit-il  de  là  que  saint  Justin  a 
cru  le  salut  des  païens  dont  il  [larlc  '?  Si  l'on 
veut  con-ulter  son  Dialogue  avec  Tiyphon , 
I).  13  et  ()'i,  on  verra  qu'il  n'admet  point  de 
salut  que  par  Jésus-Chrisl  et  par  sa  grâce  ; 
maisen  pa.lant  à  des  païens,  ce  n'était  i)as 
le  lieu  de  faire  une  distinction  entre  les  se- 
cours natui'o  s  que  Dieu  donne,  et  lesgnkes 
surnaturelles.  Yoy.  la  Préface  de  don  Marand, 
2'  part.,  c.  7,       ' 

Brucker  soutient  que  saint  Justin  n'attri- 
bue pas  seulement  à  Socrate  et  a^ix  autres 
sages  païeis  une  lumière  purement  natu- 
relle, mais  une  révélation  semblable  h  celle 
qu'ont  eue  .Vbraham  et  les  autres  patriar- 
ches, et  qu'd  a  cru  que  celte  lumière  éma- 
née du  Verl)e  divin  sulilsait  pour  leur  salut, 
lorsqu'ils  t'ont  suivie.  Quand  cela  serait  vrai, 
il  n'y  aurait  pas  encore  heu  (ielui  repi'ocher 
uue  erreur  contre  la  foi.  Saint  Justin  n'q,  â- 
ujais  penS''  que  Socrate,  en  adorant  les  du  ux 
d'Athènes,  avait  suivi  la  lumière  lUi  Vorbo 
divin,  Hist.  crit.  philas.,  t.  Hl,  |i.  375.  Jl  est 
exactement  vrai  qa<',  si  les  païens  avaient 
correspondu  aux  gr;lce<  que  Diei'i  leur  a  fai- 
tes, ils  serai.Jiil  pa,  venus  au  salut  ;  parce 
quo  Dieu  leur  eu  aurait  accordé  eucoie  de 


plus  abondantes,  et  ensuite  le  don  de  la  foi. 
D'autres  lui  ont  attribué  l'erreur  des  millé- 
naires :  ils  se  trompent  ;  saint  Justin  eu 
p;trle  comme  d'une  opinion  que  plusieurs 
chrétiens  pieux  et  d'une  foi  pure  ne  suiv  'iif 
point.  Viai.  cum  Trijph.,  n.  80.  Il  n'y  é' ai| 
donc  pas  attaché  lui-même. 

Un  déiste  a  dit  que  saint  Justin  n'a  pas  ad 
mis  la  création,  et  qu'il  a  cru,  comme  l'I» 
ton,  l'éternité  de  la  matière;  un  autre  a  ré- 
pété cette  accusation  ;  tous  deux  co[)iaieiit 
Le  Clerc  elles  socinions  :  ainsi  seformentles 
traditions  calomnicus.s  parmi  nos  advers.ii- 
res.  Cependant  samfJi«<m  dit  formellement, 
Coliort.  ad  Gent.,  n.  22  :  «  Platon  n'a  pas 
appelé  Dieu  créateur,  mais  ouvrier  des  dieux: 
or,  selon  Platon  lui-même,  il  y  a  beaucoup 
de  différence  entre  l'un  et  l'autre.  Le  créa- 
teur n'ayant  besoin  de  rien  qui  soit  hors  de 
lui,  fait  toutes  choses  [)ar  sa  propre  force  et 
par  son  pouvoir,  au  lieu  que  l'ouvrier  a  be- 
soin de  matière  jioui'  construire  son  ouvia- 
p.  N.  23,  puisque  Platon  admet  uni'  matière 
incréée,  égale  et  coéternelle  à  l'ouvrier,  ell(3 
doit,  par  sa  propre  firce,  résister;!  la  volonté 
de  l'ouvrier.  Car  enlin,  celui  qui  n'a  pas 
créé  n'a  aucun  pouvoir  sur  ce  qui  est  incréé; 
il  ne  peut  donc  pas  faire  violence  à  la  ma- 
tière, puisqu'elle  est  exempte  de  tonte  néces- 
sité extérieure.  Platon  l'a  senti  lui-même, 
en  ajoutant  :  Nous  sommes  forcés  de  dire  que 
rien  ne  peut  faire  violence  à  Dieu.  »  Saint  Jus- 
tin a  donc  ti  ès-b  en  comjiris  que  la  notion 
d'être  incréé  ou  éternel  emporte  la  n'cessité 
d'être  et  l'immutabilité  ;  et  puisqu'il  sup- 
pose que  Dieu  a  disp  se  de  la  matière 
comme  11  lui  a  plu,  il  a  jugé  conséquem- 
ment  que  la  mat, ère  n'est  ni  éteindie, 
ni  incréée.  N.  21,  il  fiit  sentir  toute  l'éner- 
gie du  nom  que  Dieu  s'est  donné,  en  di- 
sant :  Je  suis  celui  qui  est,  ou  l'Etre  par  ex- 
cellence. Ainsi,  lorsqui'  dans  sa  première 
Apol.,  n.  10,  il  dit  que  Dieu,  étant  bon,  a  dès 
le  commencement  lait  toutes  choses  d'une 
matière  informe,  il  n'a  pas  prélendu  insinuer 
que.  Dieu  n'avait  pas  créé  la  matière  avant 
de  lui  donner  une  forme  :  il  avait  démontré 
le  contraire.  Un  autre  déiste  prétend  que  ce 
même  Père  a  cité  un  faux  Evangile,  et  cela 
n'est  pas  vrai.  Scultet,  zélé  prutestaul,  lui 
fait  un  crime  de  ce  qu'il  a  suLtenu  le  libre 
aibitre  de  1  homme,  comme  si  c'était  là  une 
erreur.  Medulla  iheol.  PP.,  I.  i,  c.  17. 

Si  des  accusations  aussi  vagues,  aussi  té- 
méraires et  au-si  injustes,  ont  sulii  pour 
poiter  ;es  protestants  à  ne  faire  aucun  cas 
des  ouvraj^es  de  saint  Justin,  nous  ne  pou- 
vons que  les  plaindre  de  leur  prévention. 

Maislessociniens  et  leurs  partisans,  comme 
Le  Cleic,  Musheim,  etc.,  ont  fait  à  ce  Père 
un  reproche  beaucoup  plus  grave  ;  ils  pié- 
tendent  qu'il  a  emprunté  de  Platon  ce  qu'il 
a  dit  du  Verbe  diiin  et  des  trois  personnes 
de  !a  sainte  Trinité,  et  qu'il  a  fait  tous  ses 
elioits  pour  accommoder  les  dogmes  du 
christianisme  aux  idées  de  ce  philosophe. 
Kruc -cr,  en  faisant  profession  de  ne  ;ias  ap- 
prouver cette  ace  saîion,  l'a  cepen,;ant  cou- 
lirmée,  en  attribuaiit  à  saint  Justin  uo  atta . 


191 


KAl, 


KAL 


192 


cliement  excessif  aus  opinions  de  Platon. 
JHst.  crit,  philos.,  t.  m,  p.  33. 

Dom  Marand,  dans  sa  Préface,  2"  part., 
c.  1,  a  complélement  réfuté  cette  imagina- 
tion ;  il  a  rapporté  tous  les  passages  de  Pla- 
ton, dont  nos  critiques  téméraires  se  sont 
prévalus  ;  ri  a  fait  voir  que  jamais  ce  philo- 
sophe n'a  eu  aucune  idée  d'un  Verbe  person- 
nellement distingué  de  Dieu;  que  par  Verbe 
ou  raison,  on  a  entendu  rintelligcnce  divi- 
ne ;  que  par  le  Fils  de  Dieu,  il  a  désigné  le 
monde,  et  rien  de  plus  ;  que  saint  Justin, 
loin  d'avoir  donné  dans  les  visions  de  Platon, 
les  a  souvent  combattues.  Voy.  Platomisme. 

Quant  h  ceux  qui  ont  avancé  que  saint 
Justin  n'était  pas  orthodoxe  sur  la  divinité, 
la  consubstantialité  et  l'éternité  du  Verbe, 
on  peut  consulter  Bullus,  Defensio  fidei  Ni- 
cœnœ,  et  M.  Bossuet,  sixième  Avertissement 
aux  protestants,  qui  ont  pleinement  justilié 
ce  saint  martyr.  Nous  avons  suivi  leur  exem- 
ple au  mot  'ruiNiTÉ  PLATONIQUE,  §  3,  ct  au 
mot  Verbe,  §  3  et  'i-. 

L'opini.ltrPté  avec  laquelle  les  protestants 
ont  voulu  trouver  des  erreurs  dans  ses  ou- 
vrages, nous  paraît  encore  moins  étonnante 
que  les  efforts  qu'ils  ont  faits  pour  obscur- 
cir ce  qu'il  a  dit  de  Teucharistie.  Apot.  I, 
n.  06.  Après  avoir  exposé  la  manière  dont 
se  fait  la  consécration  du  pain  et  du  vin  dans 
les  assemblées  chrétiennes,  il  ajoute  :  «  Cet 
aliment  est  appelé  parmi  nous  eucharistie..., 
et  nous  ne  le  recevons  point  comme  un  pain 
et  une  boisson  ordinaire.  Mais  de  même  que 
Jésus-Christ,  notre  Sauveur,  incarné  par  la 
parole  de  Dieu,  a  eu  un  corps  et  du  sang 
pour  notre  salut,  ainsi  l'on  nous  enseigne 
que  ces  aliments,  sur  lesquels  on  a  rendu 
grâces  par  la  prière  qui  contient  ses  propres 
paroles,  et  par  lesquels  notre  chair  et  notre 
sang  sont  nourris,  sont  la  chair  et  le  sang  de 
ce  même  Jésus.  » 

«  Quelques-uns,  dit  Le  Clerc,'  Hist.  cc- 
clesiast.,  an.  139,  §  30,  ont  conclu  de  ces 
paroles  ct  de  quelques  autres  passages  sem- 
blables des  anciens,  que  Jésus-Christ  unit 
des  symboles  eucharistiques  à  son  corps  et 
à  son  sang  par  une  union  hypostatique,  de 
môme  que  le  Verbe  éternel  à  uni  à  sa  per- 
sonne l'humanité  entière  de  Jésus-Christ  ; 
mais  c'est  bAtir  sans  fondement,  que  vouloir 
ap])uyer  un  dogme  sur  une  comparaison  faite 
par  saint  Justin,  écrivain  très-peu  exact.  Il 
a  seulement  voulu  dire  que  le  pain  et  le  vin 
de  l'eucharistie  deviennent  le  corps  et  le 
sang  de  Jésus-Christ,  parce  que  le  Sauveur  a 
voulu  que,  danscettecérémonie,cosalimcnts 
nous  tinssent  lieu  de  son  corps  et  fie  son  sang.» 
On  nepeutpas  mieux  s'y  prendre  pour  trom- 
per les  lecteurs.  A  la  vérité,  ceux  d'entre  les 
luthériens  qui  ont  admis  dans   l'eucharistie 


Vimpanation  ou  la  consubstantiation,  ont  pu 
imaginer  une  union  hypostatique  ou  sub- 
stantielle entre  Jésus-Christ  et  le  pain  et  le 
vin  ;  mais  elle  ne  peut  pas  être  supposée  par 
les  catholiques  qui  croient  la  transsubstan-- 
tiation,  qui  sont  persuadés  que  par  la  consé- 
cration la   substance  du  pain  et  du  vin  est 
détruite,  qu'il  n'en  reste  que  les  apparences 
ou  les  qualités  sensibles  ;  qu'ainsi  la  seule 
substance  qu'il  y  ait  dans    l'eucharistie    es.\ 
Jésus-Christ  lui-même.  Parce  que  saint  Jm 
tin  compare  l'action  par  laquelle  le  Verbfi 
divin  s'est  fait  homme,  h  celle  par  laquelle 
le  pain  et  le  vin  deviennent  son  corps  et  son 
sang,  il  ne  s'ensuit  pas  que   l'effet  de  l'une 
et  de  l'autre  action  est  parfaitement  le  même; 
il   s'ensuit   seulement  que  l'une  .et  l'autre 
opèrent  ce  changement  réel  et  miraculeux. 
Cela  ne  serait  pas,  et  la  comparaison   serait 
absurde,  si  les  paroles  de  Jésus-Christ  si- 
gnifiaient seulement  que  le  pain  et  le   vin 
doivent  nous  tenir  lieu  de  son  corps  et  de 
son  sang.  Or,  il  n'a  pas  dit  :    Prenez  et  man- 
gez, comme  si  c'était  mon  corps  ct  mon  sanrj  ; 
il  a  dit  :  Prenez  et  mamjez,  ceci  est  mon  corps 
ct  mon  sang.  Mais  puisque  les  protestants  se 
donnent  la  liberté  de  tordre  à  leur  gré  le  sens 
des  paroles  de  l'Ecriture,  ils  peuvent  bien 
faire  de  même  k  l'égard  de  celles  des  Pères 
de  l'Eglise.  Ils  ont   cependant  beau  s'aveu- 
gler,  la  description  que  fait   saint  Justin, 
dans  cet  endroit,  de   ce   qui  était  pratiqué 
dans  les  assemblées  religieuses  des  chrétiens, 
sera  toujours  la  condamnation  de  la  croyance 
et  de  la  conduite  des  protestants.  Ce  tableau 
est  très-conforme  à  celui  que  saint  Jean  a 
tracé  de  la  liturgie  chrétienne,  ApocaL,  cap. 
4  et  suiv.  ;  l'un  sert  à  expliquer  l'autre.  Nous 
y  voyons,  n.66  et  67, 1°  que  la  consécration 
de  l'eucharistie  se  faisait  tous  les  dimanches; 
au  lieu  que  la  plupart   des  protestants  ne 
font  leur  cène  que  trois  ou  quatre  fois  par 
an.  2°  Cette  cérémonie  est  nommée  par  saint 
Justin,  eucharistie  et  oblation  :  les  protes- 
tants ont  supprimé  ces  deux  mots,  pour  y  sub- 
stituer celui  de  cène  ou  de   souper.  3°  L'on 
croyait  que  le  changement  qui  se  fait  dans 
les  dons  offerts,  était  opéré  en  vertu  des  pa- 
roles que  Jésus-Christ  prononça  lui-même 
en  instituant  cette  cérémonie  :  selon  les  pro- 
testants, au  contraire,  tout  l'effet  de  la  cène 
vient  de  la  manducation  ou  de  la  commu- 
nion, k'  L'eucharistie  était  portée  aux  ab- 
sents par  les  diacres  :  cet  usage  a  encore  dé- 
plu aux  protestants.  5°  La  consécration  était 
précédée  de  la  lecture  des  écrits  des  apôtres 
et  des  prophètes,  et  de  plusieurs  prières  : 
les  protestants  y  mettent  beaucoup   moins 
d'appareil  ;  et  après  cette  belle    réforme  ils 
se  vantent  d'avoir  réduit  la  cérémonie  à  sa 
simplicité  primitive.  Voy.  Liturgie. 


K 


*  KALMOUKS.  C'«st  une  tribu  errnnte,  qui  pro- 
fesse la  religion  île  Dalaî-Sania.  C'esi  un  peuple  ex- 
trêmement superslitieux.  Ce  qu'il  y  a  de  pluscxtraor- 


dinairo  dans  son  culte  sont  des  moulins  à  prircs.  Il 
ap\(aiticni  au  Dictionnaire  des  Ueligions  de  les  faire 
connaître.  Voy.  Dict.  des  Religions. 


495 


KAN 


»  KANTISME.  M.  Jéhaii  a  (iotinc  sur  ce  sujet  une 

suite  d'artick's  fort  reuiarquablos  dans  la  Voix  de  la 

Vérité.  Nous  nous  coiileiilons  de  les  rapporler. 

I  Lîiie  fois  la  raison  luinraine  proclamée  jui;e  ab- 

k  solu  do  Dieu,  de  l'Iioinuie  et  du  monde,  de  leur  na- 

f  Inre  et  de  leurs  rapports,  la  philosophie  s'en  alla  de 

système  eu  SYslèuie,  d'une  ])ait,  alioulir,  par  Locke, 

(loridillac,   llcivélius,  (rilolljacli,  etc.,  au  (ilns  gros- 

sii'r  matérialisme;  de  l'autre,  se  perdre,  jiar  lluinc, 

Kant,  Fiehte,  Schellin;,',   lléi;el,   dans  le  panthéisme 

de  Spinosa,  (|ui  n'avait  éli'   lui-même,   suivant  l'e.x- 

£rcssiou  de  Leilinitz,  qu'un  cnriésidiiisme  exagéré. 
e  résultat  brutal  des  doctrines  philosophiques,  par- 
liculicremenl  en  France,  sur  la  lin  du  dix-huitième 
siècle,  est  géuéralcmcnl  couim  ;  ce  qui  l'est  moins 
chez  nous,  c'est  la  marche  et  le  développement  d'un 
rationalisme  infiniment  plus  subtil  et  |ilus  spécieux 
en  Allemagne,  depuis  Kanijusiju'à  nos  jouis.  Ce  ra- 
tionalisme, (pli  n'a  pas  laissé  pierre  sur  pierre  dans 
l'édifice  des  ronnaissanccs  humaines,  a  été  introduit 
en  France  par  l'éclectisme  uinvcisilaire;  il  nous  en- 
vahit de  toutes  parts  et  menace  de  ruinei'  paiini  nous 
toute  foi,  toute  morale,  toute  croyance  et  toute  vé- 
rité. Connueuçous  donc  par  exposer  la  doctrine 
de  Kant,  le  plus  profond  analyste  des  temps  mo- 
dernes 

I  Kant  (  ^mmanuel),  ne  en  1721,  à  Kœnigsberg, 
était  lils  d'un  M'Iiier.  Il  resta  huiglemps  obscur  et 
pauvre,  et  fut  pondant  (piin/.e  ans  simple  répéliteur. 
il  obtint,  en  1770,  la  cliaiie  de  logique  el  île  niéla- 
plivsique  à  l'Université  de  Kn'uigsberg,  devint,  en 
i'il ,  recteur  de  <etle Université,  et  mourut  eu  I80i, 
dans  sa  ville  natale  ,  dont  il  n'était,  dit-on,  jamais 
sorti.  Il  est  l'auteur  d'un  système  (|ui  a  opéré  eu 
pîiilosophie  une  véritable  révolution.  Quel  est  ce 
système  '? 

<  Ici  nous  allons  nous  ed'orcer  de  nous  donner 
un  mérite  impossible  peut-ètie  à  obtenir  dans 
rexposiliou  de  la  philosophie  kantienne,  celui  de  la 
clarté. 

I  La  connaissance  suppose  une  faculté  de  connaî- 
tre ;  mais,  pour  que  celle-ci  soit  en  action,  il  faut 
que  les  objets  alfectenl  nos  sens.  Ainsi,  dans  le 
temps,  aucune  connaissance  ne  précède  eu  nous  Icx- 
périence  :  toute  comiaissance  commence  avec  elle. 
Mais  de  ce  que  la  coniuiissance  commence  avec  l'ex- 
périence, il  ne  s'ensuit  pas  qu'elle  en  provienne  tout 
entière.  Y  a-t-il  doue  des  connaissances,  ou  dans  la 
connaissance  y  a-t-il  des  éléments  qui  ne  viennent 
ni  de  rexpérience,  ni  d'aucune  impression  sen- 
sible? C'est  là  la  question  que  Kant  se  propose  de 
résoudre. 

«  De  telles  connaissances  ou  de  tels  éléments  de 
connaissance  sont  dits  a  priori,  pour  les  distinguer 
des  connaissances  qui  ont  leur  origine  a  posteriori, 
c'est-à-dire  dans  l'expérience.  On  ne  doit  donner  le 
nom  de  connaissances  a  priori  qu'aux  connaissances 
qui  sont  indépendantes  non-seulement  de  telle  ou 
telle  expérience  particulière,  mais  <le  tonte  expé- 
rience (|uelconque.  Ces  connaissances  sont  dites  pures 
lorsqu'il  ne  s'y  mêle  absolument  rien  d'empirique. 
t  Tout  changement  a  sa  cause  »  est  une  connais- 
sance u  priori,  mais  elle  n'est  pas  pure,  parce  que 
nous  n'aurions  pas  l'idée  de  changement  si  nous  n'a- 
vions rien  vu  changer.  Les  connaissances  pures,  les 
jugements  a  priori,  se  conçoivent  sur-le-champ,  en 
vertu  de  conditions  nécessaires  et  d'une  rigoureuse 
universalité  que  l'expérience  ne  peut  leur  conférer. 
Les  jugements  gi-néraux  fondés  sur  l'expérience  peu- 
vent tous  au  contraire  se  traduire  ainsi  :  <  Autant 
que  nous  l'avons  observé  jusqu'à  présent,  il  ne  se 
rencontre  aucune  exception  à  cette  règle.)  Exemple  : 
<  Tous  les  corps  ^out  pesants.  >  Ce  jugement  d'ex- 
périence n'est  ni  absolument  ni  rigoureusement  uni- 
versel, car  on  conçoit  que  les  corps  pourraient  u'élrc 
pas  pesants  : 

I  Ou  peut  citer  d'abord  comme  des  jugements  al>- 


KAN  194 

solument  nécessaires,  rigoureusement  universels  ou 
a  priori,  les  propositions  niatliémaliques,  par  exem- 
ple, celle-ci  :  <  Trois  angles  d'un  triangle  sont  égaux 
à  deux  droits.  >  A  une  telle  proposilicui  il  n'y  a  pas 
d'exception  connue,  possible,  concevable.  D'ailleurs 
les  connaissances  empiriques  seraient-elles  possibles, 
s'il  n'y  avait  pas  de  connaissances  a  priori  ?  L'expé- 
rienc«  exitlerait-elle  si  (die  n'avait  pas  des  règles  qui 
lui  donnent  sa  liunie  et  sa  valeur?  Mais  ces  r(>gles 
de  l'expérience  ne  viennent  pas,  ne  peuvent  pas  venir 
de  l'expérience  uu'ine.  Les  conditions  du  jugement 
d'expérience  ou  les  règles  en  vertu  desquelles  le  ju- 
gement est  bon  ou  mauvais,  sont  évidemment  «  priori 
dans  l'esprit.  U  y  a  donc  des  connaissances  a 
priori. 

I  Soit  cet  axiome:  «  Tout  changement  a  sa  cause.» 
L'idée  de  cause  est  unie  a  celle  d'effii,  eu  vertu  d'une 
combinaison  nécessaire  et  universelle.  La  di'river  (le 
l'expérience  ou  de  la  sensalion,  ce  serait  rannider. 
car  rexp(':rience  ne  peut  nous  donner  (|ue  des  phé- 
nomènes (lui  se  succèdent,  une  conjonction  fortuit* 
d'aeeideiits,  ainsi  que  Hume  l'a  pi'onvé.  Cependant 
l'idée  de  c«Hsa/i(^  existe  dans  l'esprit,  elle  y  est  in ';- 
branlable,  elle  doiiue  naissance  à  des  jugements  ut  - 
cessaires,  universels;  elle  n'est  doue  pas  d'(u'igii'i 
empiri(|ue,  c'est  une  connaissance  a  priori  ipii  s  » 
traduit  en  jugements  a  priori.  Et  la  metaphysieiue, 
qu'est-ce,  sinon  une  science  construite  de  jugements 
tout  spéculatifs  et  n'atteignant  (|ue  des  connaissances 
qui  portent  dans  une  sphère  où  nulle  expérience  ne 
pénètre  ? 

c  Mais  comment  la  métaphysique  prend-elle  sur 
elle  d'aborder  l'examen  de  tous  ces  sublimes  pro- 
blèmes. Dieu,  la  liberté,  etc.,  sans  avoir  seulement 
regardé  si  elle  en  a  le  droit  et  les  moyens?  Avant  la 
métaphysique  il  y  aurait  donc  une  science.  C'est 
celle  ([ui  chercherait  comment  ou  peut  ainsi  sortir 
du  domaine  de  l'expérience,  sur  la  foi  de  quelles 
idées  primitives  on  peut  s'élever  à  ces  hautes  recher- 
ches, quelle  est  l'origine  et  la  portée  de  ces  axiomes 
sur  les([uels  on  s'appuie  pour  ériger  le  brillant  édi- 
fice des  spéculations  métaphysiques.  Cetle  science 
serait  celle  des  foudeinents  de  la  connaissance  hu- 
maine. La  philosophie  de  Kant  est  précisément  cette 
science  première  de  toul(;  métaphysique.  Il  se  pro- 
pose de  résoudre  la  (jnestion  de  la  valeur  originelle 
des  éléments  de  la  connaissance  humaine.  L'ex- 
posé suiva:il  le  fera  mieux  comprendre  encore. 

«  Tout  acte  de  counaissance  peut  se  formuler  en 
un  jugement;  tout  jugement  renferme  un  sujet  et  un 
attribut  el  exprime  la  pensée  d'un  rapport  entre  tous 
deux.  .Mais  ce  rapport  est  possible  de  deux  manières  : 
ou  l'attribut  appartient  au  sujet,  comme  (pielquc 
chose  (|ui  est  contenu  dans  l'idée  du  sujet,  qui  est 
pensé  avec  lui  et  n'eu  peut  être  séparé;  c'est  alors 
un  jugement  analytique;  ou  bien  l'attribut  n'esi;  pas 
compris  dans  le  sujet,  (luniqu'il  lui  soit  légitimement 
réuni,  et  alors  le  jugement  est  synlhelnpie.  Dans 
le  premier  cas  il  y  a  identité  de  l'attribut  au  sujet, 
dans  le  second  cas  il  y  a  combinaison  sans  iiien- 
tité. 

«  Exemple  :  «  Tous  les  corps  sont  étendus  ;  » 
voilà  un  jugement  analytique,  car  l'idée  lïélcndue 
n'ajoute  rien  à  l'idée  de  corps,  elle  y  est  nécessaire- 
ment comprise  ;  ipii  pense  le  corps  pense  reten- 
due. Mais  si  je  dis  :  Tous  les  corps  sont  pesants  ;  c'est 
un  jugement  syntliélitiue,  car  on  peut  concevoir  le 
corps  sans  la  pesanteur.  Le  corps  n'est  pas  nécessai- 
rement pesant.  Ce  dernier  jugement  est  fondé  sur 
l'expérience. 

<  Dans  le  jugement  synthétique  qui  vient  de  nous 
servir  d'exemple,  à  la  connaissance  que  j'ai  du  C(Jips 
j'ajoute  une  autre  connaissance;  j'apprends  de  l'ex- 
périence (pie  la  pesanteur  est  constamment  unie  aux 
autres  caractères  du  sujet  et  je  l'ajoute  :  il  n'y  a  pas 
identité  entre  les  deu:*  termes  du  jugement,  il  y  a 
union  synthétique.  L'expérience  n'est  qu'une  syu- 


I 


195 


RAK 


KAN 


im 


thèse  d'intuitions  diverses,  qui  s'appartiennent  l'une 
à  l'autre,  mais  d'une  manière  contingente  et  non  par 
un  lien  nécessaire.  Au  contraire,  le  jugement  analy- 
li(|ue  :  7'()!is  tes  corps  aonl  éteiuhn,  n'a  besoin  d'au- 
cun", expérience.  Aucune  expérience  n'est  nécessaire 
pour  tirer  d'une  idée  ce  qui  y  est  nécessairement  com- 
pris. Tout  jugement  analytique  est  donc  nécessaire- 
ment un  jugement  a  priori  et  ne  donne  aucune  con- 
naissance réelle.  Les  jugements  synthétiques  ajoutent 
au  contraire  à  nos  connaissances,  ils  sont  donc  en 
général  a  posleriori. 

«  Mais  puisqu'il  y  a  des  connaissances  a  priori,  des 
connaissances  vures,  c'est-à-dire  des  connaissances 
qui  ne  sont  pas  puisées  dans  1  exiiéiienue,  il  lautqu'il 
y  ait  des  jugei  enis  synthétiques  «  pr,ori.  Comment 
sont-ils  possibles  ?  L'examen  de  ce  problème  esi 
toute  une  science  dont  l'oi'jet  est  la  raison  pure.  La 
raison  est  éminemment  le  pouvoir  de  connaiire  ;  c'est 
la  connaissance  en  puissance.  Rechi  relier,  déteriui- 
Dcr,  ordonner  ce  qui  est  pur  ou  a  priori  dans  la  con- 
naissance, ou  consiilérer  la  raison  danss;s  éléments, 
dans  ses  In  s,  dans  ses  procédés,  indépendamment  de 
l'objet  même  de  ses  connaissances,  c'est  criiiquér  la 
raison  pure,  c'est  construire  la  science  transciMidan- 
tale.  Cette  science  est  critique,  car  elle  a  pour  but 
moins  de  donner  la  connaissance  que  de  l'expliquer, 
moins  d'agrandir  la  raison  que  d'y  porter  la  lumière. 
Elle  laisse  de  côté  la  nature  des  choses  pour  ne  s'oc- 
cuper que  de  l'intelligence  qui  juge  de  la  nature  des 
choses,  et  encore  de  l'intelligence  seulement  en  tant 
qu'elle  connaît  a  priori.  C'est  ce  qu'indique  le  titre 
même  de  l'ouvrage  capilal  de  Kant  :  Critique  de  la 
raison  pure,  c'est-à-dire  jugement,  examen  de  la 
raison  ou  de  la  connaissance  humaine  étudiée  en 
elle-même.  La  science  ainsi  comprise  donne  sur  la 
raison  une  certitude  absolue  et  le  doute  absolu  sur 
tout  le  reste. 

La  critique  de  la  raison  pure  n'est  au  lond 
qu'une  analyse  de  l'esprit  humain.  Cette  ana- 
lyse ne  diffère  de  la  psycologie  qu'en  ce  que 
celle-ci  nmntre  ce  que  fait  l'esprit  humain  ,  et  que 
celle-là  recherche  comment  il  est  possible  qu'il  le 
fasse.  La  psychologie  ordinaire  nous  dit  que  le  moi  a 
des  sensations,  puis  des  perceptions,  puis  des  notions, 
puis  qu'il  forme  des  jugements  et  parvient  ainsi  à 
connaître.  La  psychologie  critique  se  demande  com 
nient  il  se  peut  qu'il  connaisse,  comment  des  seusa- 
tioiis,  perceptions,  notions,  jugements,  qui  appar- 
tiennent à  un  être  individuel,  peuvent  être  un  lien 
avec  un  ou  plusieurs  autres  êtres  individuels  exter- 
nes, et  constituer  de  ceux-ci  à  celui-là  le  rapport  du 
connu  au  connaissant;  en  un  mot,  comment  11  se  fait 
que  les  phénomcnesde  l'un  soient  pris  comme  la  tra- 
duction des  phénomènes  de  l'autre. 

<  Avant  d'aller  plus  loin,  il  est  nécessaire  de  reve- 
nir sur  l'exposé  que  nous  avons  donné  de  la  philoso- 
phie kaniienne  pour  cnn-^tater  trois  choses  d'une 
haute  imporlani  e  dans  l'appréciation  du  criiicisme, 
et  que  dès  le  dibut  Kant  prend  pour  convenues  et  ac- 
cepte de  ses  prédécesseurs. 

t  La  première,  c'est  qu'en  fait,  toute  connaissance 
commence  par  1  expérience,  c'est-à-dire  que  nous  ne 
connaissons  rien  qu'autant  que  notre  sensibiliié  a 
été  all'eclée  par  quelque  chose  (pii  parait  ne  pas  venir 
d'elle,  en  sorte  que  l'activiié  intérieure  par  laquelle 
nous  connaissons  est  originairement  passivité.  —  La 
seconde  chose,  qui  n'est  qn'un  second  point  de  vue 
de  la  preiniére.c'est  que  toute modilication  intérieure 
réductible  en  connaissance  est  aperçue  de  celui  qui 
l'éprouve;  il  en  a  conscience.  Certainement  il  y  a 
lieu  d'être  f(Ul  éloiiné  de  voir  Kant  adopter  au  début 
ces  deux  points  sans  les  examiner,  sans  nnuiie  les 
définir  Lui  qui  se  pique  de  tout  relaiie,  comment 
peut-il  ainsi  emprunter  de  conliauce,  t"  le  principe 
du  sensualisme  ou  de  l'empirisme;  'i"  le  principe  de 
î<i  psychologie  comme  science  d'observation'?  C'est 
la,  il  en  laul  p.invoivr,  un  singulier  début   pour  une 


doctrine  qui  se  dit  transcendantale.  —  La  troisième 
chose  que  Kant  suppose  sans  en  examiner  la  valeur, 
c'est  la  théorie  logique  du  ju^eiiient,  el  par  consé- 
quent la  logique  dont  celle  théorie  est  la  base.  Il 
considère  celle-ci  comme  un  principe  coiivenu, 
comme  un  savoir  accepté  aniérieurement  à  toute 
science.  C'est  donc  encore  là  un  prcalable  à  joindre 
aux  deux  autres,  rexperieuce  sensible  et  la  con- 
science. 

«  Et  d'abord,  pour  ce  qui  concerne  l'expérience, 
admettre  qu'elle  est  le  commencement  de  toute  notre 
connaissance,  n'est-ce  pas  pl.icer  la  vérité  en  dehors 
de  l'inlelligence,  et  tomber  par  conséquent  dans  le 
scepticisme?  car  c'est  se  condamner  à  rechercher  si 
la  iacullé  de  connaître  est  légitime,  c'e-t-à-dire  est 
la  faciilié  delà  vérilé  ;  or,  pour  savoir  si  elle  esl  la  fa- 
culié  de  la  vérité,  il  faut  qu'elle  le  soit,  la  faculté  de 
ccmnailre  ne  pouvant  être  connue  que  par  la  faculté 
de  connaître.  En  second  lieu,  si  toute  connaissance 
commence  par  l'expérience,  il  s'ensuit  que  Tidée  est 
plus  ou  moins  directement  produite  par  l'impression 
des  objets  sur  l'esprit.  C'est  le  principe  même  du 
sensualisme.  Partant  de  ce  principe,  Kant  distingue 
dans  la  connaissance  deux  éléments  .  un  élément  né- 
ce>saiie,  le  subjectif  (o),  la  forme  iuielligible  ou  pure; 
et  un  élément  contingent,  l'objectif,  la  matière  four- 
nie par  l'expérience  ;  el  il  admet  enire  ces  deux  élé- 
ments une  dillérence  d'origine.  Cette  différence, 
Kaut  l'allirme  gratuitement.  S'il  n'y  a  peint  d'  con- 
naissance sans  l'expérience,  ce  que  l'intelligence 
ajoute  à  l'expérience  n'est  donc  pas  de  la  connais- 
sance ;  c'est  une  addition  sans  videiir,  qui  ne  mani- 
feste que  la  nature  et  peut-être  rinfirniité  du  sujet 
qui  l'ii  faite. 

Nous  insistons  pour  faire  remarquer  cette  contra- 
diction delà  doctrine  kantienne.  Selon  Kant,  toute 
la  science  humaine  commence  avec  les  sensations  ; 
mais  elle  ne  dérive  pas  toute  des  sensations.  Mais  si 
la  science  humaine  tout  entière  commence  par  les 
sensations,  il  n'existe  donc  rien  avant  les  sensations; 
les  prétendues  formes  pures  qu'on  pose  dans  le  sujet 
connaissant,  sont  donc  un  néant;  et  par  conséquent, 
le  sujet  dontcesformes constituent  la  nature  nexisie 
cas  avant  les  sensations.  L'existence  de  ce  sujet  est 
rtonc  une  pure  hypothèse  dans  le  système  de  Kant 
et  de  son  école.  On  connaît  maintenant  l'objet  de  la 
philosophie  critique,  et  l'on  voit  que  les  principes 
surlesqiiels  elle  repose  sont  loin  d'être  satisfaisants. 
Il  nous  reste  à  signaler  dans  ce  système  des  erreurs 
bien  plus  graves  encore. 

€  Quand  vous  regardez  au  dedans  de  vous,  vous  y 
découvrez  des  facultés,  des  qtialiiés,  une  force  qui 
sent,  pense,  comparé,  juge,  raisonne,  veut,  agit  ; 
mais  ces  facultés,  ces  qualités,  celte  force,  sont  bor- 
nées en  vous,  limitées,  linies  :  Vous  êtes  irrésistible- 
ment convaincu  qii.'  vous  connaissez,  mais  que  vous 
ne  connaissez  pas  tout,  que  vous  pouvez,  mais  que 
vous  ne  pouvez  pas  tout,  etc.  !^i  vous  envisagez  le 
monde  exiérienr,  le  momie  delà  nature,  vous  y  trou- 
vez d'autres  hommes  dans  les  mêmes  conditions  que 
vous  et  une  multitude  indéfinie  d'êlres  que  la  boine 
environne,  presse  aussi  do  toutes  parts  :  limiies  dans 
l'être,  limites  dans  la  force,  limites  dans  la  durée  ; 
ainsi,  vous  ne  voyez  que  limiies  partout,  dans 
l'homine,  dans  la  nature,  dans  les  êtres  innombra- 
bles qui  la  composent  ;  seulemem  la  limite  ou  Tini- 
perféction  est  à  divers  degrés  :  riiomine  est  moins 
imparfait  que  l'animal,  l'aiiiinal  moins  que  le  végétai, 
celui-ci  moins  que  le  minéral;  mais  tous  sont  impar- 
faits et  finis.  Tout  est-il  donc  au  dedans  de  moi   et 

(n)  On  a  ilonoé  le  nom  de  subjectifs  aux  faits  saisis  par 
la  conscieucH  ou  fails  Iméi-ieuis,  aux  manières  d'être  et 
d\igir  du  moi,  qui  eu  est  le  sujet,  a  le  nom  iVobjectifs, 
aux  objets  ou  fiiiis  extérieurs,  quelle  qu'eu  soli  U  na- 
ture, nv.lériels  ou  inmiaiêrieîs,  pbjsiqui'S  ou  iiiélaphv^i- 
qups;  Dieu,  le  moi  lui-uiènir,  eu  iknt  aue  siilislauce.iuiit 
objectifs 


407  KAN 

au  dehors  de  moi,  fini,  borné,  limilé,  relatif,  multi- 
ple, Variable,  coniiiigeiil,  temporel,  car  tous  ces 
mois  sont  synonymes»  Oui,  si  je  ne  consulte  que  le 
rapport  des  sens  et  les  faits  de  conseiiiice  ;  mais  si 
j'inlerroi,'e  la  raison,  elle  m'élève  irrésislihiemcnt  de 
la  perception  du  (iiii  à  la  conci'pliou  intuitive  de 
l'inlini,  du  relatif  à  l'absolu,  du  contingent  au  néces- 
saire, du  variable  à  l'imnmable,  du  temporel  à  l'é- 
lernel,  de  l'imperfection  à  la  souveraine  perfection, 
de  mèmi'  que  je  passe  de  l'idée  d'un  corps  et  de  ses 
bornes  ou  de  celle  d  une  succession  et  de  ses  limites, 
à  l'idée  de  l'espace  et  du  temps  sans  bornes. 

<  Il  m'est  impossible  de  concevoir  rationnellement 
le  lini  sans  l'idée  de  l'infini.  En  eliet,  qu'est-ce  que 
le  lini  sinon  la  privation  de  l'inlini  '!  Peut-on  con- 
nailie  le  lini  sans  lui  allribuer  une  bcu'iie,  et  une 
borne,  qu'est-ce,  sinon  sine  pure  négation  d'une  plus 
giande  cti'iidue  '/  Pourrail-on  jamais  se  repri'seiiler 
la  privalion  de  l'inlini  si  Ton  ne  concevait  l'inlini 
lui-même  '/  Le  fini  ne  se  snllil  pis  à  lui-même  ;  il  ne 
peut  se  concevoir  et  par  conséquent  s'e\pli(pier  que 
l>ar  l'inlini.  Ces  deux  conci'|.ts  s'exigent  muluellc- 
menl.  Il  est  tellement  impossible  de  les  isoler,  que, 
lorsqu'on  l'essaie,  le  concept  exclu  se  transforme 
aussitôt  en  ce  concept  dont  on  voulait  le  séparer. 
Isole/,  l'inlini  du  lini,  l'infini  ne  renferme  plus  alors 
le  lini  en  soi,  le  lini  demeure  bois  de  lui  ;  l'inlini 
n'est  dimc  pas  loul,  il  devient  limilé,  il  devient  fini. 
Isolez  le  lini  de  l'inlini,  le  lini  peut  alors  se  conce- 
voir par  liii-inéme,  il  se  siillit  donc  ;  mais  ce  qui  se 
sullit  est  iucoiulilionnel,  absolu  :  voib'i  le  lini  qui  de- 
vient infini.  Il  n'cstdoncpas  donné  à  l'esprit  humain 
de  séparer  ces  deux  termes  ;  les  deux  idées  qu'ils 
expriment  nous  accompagnent  sans  cesse,  nous  les 
retrouvons  dans  touies  lios  perceptions  ;  elles  font 
partie  intégranie  <le  toutes  nos  pensées,  elles  sont  le 
fondement  de  notre  laison,  nous  ne  saurions  nous  en 
défaire.  Prenez  garde  que  l'indrfini  n'est  pas  l'infini. 
L'indéfini  n'est  ([u'uiie  existence  dont  nous  ne  con- 
naissons p.ns  les  liornes;  ce  n'est  ((u'uii  fini  plus  ou 
moins  étendu  ;  il  recule,  il  suspend  la  borne  :  l'infini 
seul  la  supprime  absolument. 

«  Ne  dites  p.is  (|ue  l'inlini  n'est  que  du  fini  ajouté 
à  du  lini.  Evidennnent  celte  addition  ne  vous  donne- 
rait jranais  que  du  fini.  Reculez  la  limite  tant  que 
vmis  voudrez,  l'exiension  de  l'objet  fini  ne  suppri- 
mera pas  sa  bcu'ue,  et  à  quelque  point  que  vous  la 
portiez,  vous  ne  serez  pas  plus  près  de  l'inlini  que 
vous  ne  l'étiez  au  point  de  départ,  car  la  différence  de 
l'inlini  au  fini  est  une  dillëreiice  de  nature  cl  non 
point  d'étendue. 

<  Constatons  bien  les  rapports  qui  existent  entre 
le  fini  et  l'ititini.  Nous  animions  donc  qu'il  existe  des 
rapports,  et  des  rapports  nécessaires  entre  le  fini  cl 
I  iiiiini.  En  effet,  pouvez-vous  concevoir  le  fini  tout 
scid  ?  Jamais.  Le  lini  a  sa  raison  d'ôtie  dans  l'infini , 
ou  bien  il  se  suffit  i  lui-même,  et  par  conséquent  il 
est  lui-même  l'infini.  Le  fini  devient  alors  l'inlini  ;  la 
contradiction  peut-elle  cire  plus  formelle  ?  votre  rai- 
son se  révolte,  et  vous  êtes  forcé,  par  la  constitution 
même  de  votre  nature,  .à  rapporter  le  fini  à  l'infini,  à 
considérer  l'infini  comme  la  cause  du  fini,  à  recon- 
naitre  entre  l'un  et  l'autre  le  rapport  de  la  cause  à 
l'efiel.  Alors  les  existences  sont  doimées  ;  tout  s'ex- 
plique, tout  s'arrange  et  s'ordonne  ;  rinilexible  logi- 
que, l'esprit,  h  laison,  sont  satisfaits.  Si  nous  conti- 
nuons du  nous  élever  vers  cet  infini  qui  vient  de  se 
révéler  à  nous,  si  nous  en  étudions  de  plus  en  plus  la 
nature,  nous  trouvons  qu'il  i  enferme  en  lui,  à  un  de- 
gri'  sans  limiles,  toutes  les  perfections  répandues 
dans  le  monde.  En  effet,  dans  le  fini,  dans  la  créature 
nous  remarquons  (juil  y  a  force,  beauté,  bonté,  in- 
lelligenee,  sagesse,  liberté,  justice;  iious  alîirmons 
donc  ((ne  l'inlini,  cause  suprême  du  monde,  possè  .e 
dans  leur  souveraine  perfection  ces  mêmes  attributs 

-qui  se  maniiestent,  qui  se  reproduisent  comme  de  pa- 
ies reUeis  des  traits  affaiblis  dans  Us  êtres  émanes  de 


KAN 


lOS 


sa  puissance.  Et  puisqu'il  posr.ède  toute  perfection,' 
nous  pouvons  affirmer  encore  qu'il  se  suffit  pleife- 
ment  a  lui-même,  que  par  conséquent  il  est  un  i.iHni 
personnel,  une  personnalité  infinie,  un  Dieu  person 
nel,  cause  libre  du  monde  et  par  conséquent  distiiiclo 
du  monde. 

«  Pinir  arriver  à  cette  conclusion,  nous  n'avons  fait 
que  déTeloi)pcr  l'idée  même  de  l'inlini  ;  nous  avons 
tiré  le  même  du  même  :  ce  procédé  est  rigoureux. 
Celle  preuve  de  l'existence  de  Dieu  est  snppo.>,ée 
dans  toutes  les  autres,  elle  leur  sert  de  base  et  leur 
donne  tonte  leur  valeur.  Ainsi  la  preuve  par  l'idée  de 
l'être  nécessaiie  se  réduit  à  dire  :  Il  faut  admettre 
l'être  infini.  Dieu,  ou  le  néant;  la  preuve  cosmologi- 
que ou  tirée  des  <auses  finales  et  du  speelacle  de  l'u- 
nivers, n'a  de  force  que  par  l'idée  de  l'infini,  car, 
tout  seul,  cet  argument  ne  nous  condniiait  qu'a  un 
ordonnaleur  du  nmnde  dans  le  sens  de  Platon  ci  des 
anciens  pllilo^opbes,  et  nullement  au  Dieu  créateur. 

«  On  comprend  donc  rimportance,  pour  la  tli('odi- 
cée  ehiélieime,  de  cette  preuve  de  l'existence  de 
Dieu  par  l'idée  de  l'infini.  iVl.iis pourquoi  l'avons-nous 
présent/e  ici  '?  C'est  (praujourd'lmi  le  débat  entre  1» 
vérité  et  l'erreur,  entre  la  religion  el  le  rationalisme, 
et  parliculièrenient  le  rationalisme  des  écoles  ger- 
maniques, vient  se  résumer  dans  cette  question  :  Le 
fini  exisle-t-il,  ou  aulreinent  le  fini  et  l'infini  sont-ils 
ideiili(pies'? 

4  Occuiions-nous  d'abord  des  points  de  contact 
du  criticisinc  avec  la  preuve  que  nous  avons  ex- 
posée. 

«  Les  objets  peuvent  être  considérés  de  deux  ma- 
nières. Pris  comme  intuitions,  c'est-a-dire  lorsque 
nous  distinguons  le  mode  dans  lequel  nous  les  con- 
templons de  leur  consiitiition  en  eux-mêmes,  notis 
les  appelons  êtres  sensibles.  Et  lorsque  nous  consi- 
dérons celte  constitution  même,  ipmiiiue  nous  ne 
puissions  la  percevoir  intuitivement,  ou  bien  lors(|ue 
nous  contemplons  les  choses  purement  possibles 
qui  ne  sont  pas  les  objets  de  nos  sens,  mais  des  ob- 
jets pensés  par  l'intelligence,  nous  les  nommons  êtres 
intelligibles.  Les  êtres  sensibles  et  les  êtres  insensi- 
bles, liant  les  appelle  en  giec,  les  premiers,  phcno- 
inènes  (  chose  manifestée  ) ,  les  seconds,  twumènes 
(chose  pensée).  Le  pliénoméne,  c'est  l'objet  en  tant 
que  perçu  ;  le  iioumene,  c'est  l'objel  en  lui-unnie, 
ou  l'objet  possible  qui  n'est  point  sensible.  L'être 
ainsi  considéré  ne  peut  être  en  effet  que  pensé.  Le 
plK'nomène  est  l'apparu,  le  noumène  esl  te  pensé. 
Dans  le  langage  ordinaire,  le  pliénoméne  ce  sont  les 
qualités  ;  le  noumène  c'est  la  substance. 

1  Eh  bien!  Kant  nie  toute  réalité  objective  ;  il 
méconnaît  la  valeur  de  ce  jugement  naturel  qui  ac- 
compagne nos  sensations  et  qui  nous  persuaile  de  la 
vérité  de  leur  objet.  Il  soutient  que  nous  ne  connais- 
sons des  objets  que  les  phénomènes,  c'est-à-dire  les 
apparences,  puisque  seuls  les  phénomènes  sont  don- 
nes. Suivant  lui,  les  choses  en  soi  nous  échappent  et 
ne  sont  (jue  conçues  par  l'intelligence,  ne  sont  que 
des  nouménes.  Toui  ce  que  l'iulelligence  conçoit  au 
delà  des  phénomènes,  elle  le  prend  sur  elle.  Ainsi,  les 
corps  ne  sont  qu'une  collection  d'apparences  ;  le 
moi  de  la  conscience  est  aussi,  comme  tous  les  au- 
tres objets  de  la  nature,  une  ap|iareiice.  Toute  la 
science  humaine  tourne  dans  un  cercle  d'apparences 
sans  pouvoir  CH  sortir  jamais.  Suivant  le  même  phi- 
losophe, la  faculté  qui  ramène  les  notions  à  un  petil 
nombre  de  principes  d'une  forme  absolue,  la  raison 
pas  plus  que  l'cnieudement  n'est  intuitive,  elle  est 
purement  régulatrice.  L'intuition  de  la  raison  n'est 
que  le  mirage  de  la  •'aison  pour  elle-même. 

Ainsi  le  résultat  définitif  du  criticisme,  c'est  lim- 
possihilité  pour  1  homme  d'une  connaissance  réelle  et 
la  réduction  de  loute  notre  science  .i  un  rêve  i;é- 
guber.  Disons-le,  c'est  le  scepticisme  pur,  le  scepti- 
cisme universel. 

t  Nous  avons  à  répondre  à  une  difficulté  grave 


199 


KAN 


KER 


209 


soulevée  par  le  criticisme,  et  qui  fait  tout  le  fond  de 
ce  système.  Kant  prétend  avoir  démontré  l'impossi- 
bilité pour  l'homme  d'une  connaissance  réelle,  et 
avoir  réduit  toute  notre  science  à  un  rêve  régulier. 
Disons-le,  c'est  le  scepticisme  pur,  le  scepticisme 
universel.  Il  n'y  a,  eu  elfet,  ancune  connaissance  s'il 
n'y  a  pas  des  objets  connus  :  la  connaissance  n'est 
qu'un  vain  mot  si  elle  n'est  pas  la  connaissance  de 
quelque  chose  de  réel.  Si  toute  notre  science  n'est 
composée  que  d'apparences,  toute  notre  science  est 
chimérique.  Si  parce  que  la  raison  est  subjective, 
c'est-à-dire  se  manifeste  par  la  conscience,  elle  n'a 
aucune  valeur  hors  des  limites  du  sujet  et  ne  peut 
aflirmer  ni  Dieu,  ni  l'àme,  ni  le  temps,  ni  l'espace, 
ni  le  moi,  ni  le  monde,  en  un  mot  aucune  réalité 
substantielle,  que  nous  reste-t-il  ?  Des  phénomènes  ; 
les  [ihénomènes  extérieurs  du  monde,  les  phénomè- 
nes intérieurs  du  moi.  Mais  si  vous  dépouillez  de 
toute  réalité  le  moi  et  le  monde,  si  la  substance  du 
monde  et  du  moi  n'est  pas  réelle,  comment  les  phé- 
nomènes, les  modes  qu'ils  prosentent  à  mes  sens  ou 
à  ma  raison  seront-ils  plus  réels  ?  Admettre  la  réa- 
lité des  phénomènes  et  nier  la  réalité  de  la  substan- 
ce, n'est-ce  pas  une  eontradicliou?  Peut-on  allirmer 
la  réalité  des  phénomènes  quand  on  nie  la  réalité  de 
la  substance  ?  Evidemment  avec  la  substance  nous 
échappent  les  phénomènes,  et  nous  nous  trouvons 
plongés  dans  la  nuit  du  scepticisme 

«  Kant  demande  à  la  connaissance  objective  ses 
preuves.  Pourquoi  donc  n'en  deraande-t-il  pas  autant 
à  la  connaissance  subjective?  Elle  ne  serait  pas 
moins  embarrassée  de  les  fournir  :  c'est  exiger  trop 
ou  trop  pou.  Veut-on  argumenter,  il  n'y  a  pas  plus 
d'argument  en  faveur  de  la  compétence  du  moi  à  l'é- 
gard du  moi,  que  de  sa  juridiction  sur  le  non-moi. 
Observe-t-on,  il  y  a  ici  de  chaque  côté  des  faits  d"é- 
gale  valeur;  la  conscience,  la  perception, la  sensation 
en  elle-même,  et  la  sensation  vue  dans  sa  cause,  le 
consenlemeut  de  la  raison  à  ses  propres  principes  et 
la  sécurité  avec  laquelle  elle  les  tient  pour  vrais  d'une 
manière  absolue,  sont  des  faits  pareillement,  et  l'on 
ne  voit  pas  pourquoi  tel  de  ces  faits  aurait  le  privi- 
lège de  n'être  pas  contrôlé  par  la  dialectique,  tandis 
que  tel  autre  lui  serait  entièrement  abandonné. 
-  «  Une  pétition  de  principe  est  le  point  de  départ 
de  toutes  nos  connaissances.  L'esprit  humain  est 
une  pétition  de  principe;  c'est  un  point  indéniable  ; 
il  a  fait  toute  la  fortune  du  scepticisme.  11  faut  le  sa- 
voir et  passer  outre.  Le  pyrrhonisme,  ce  dernier 
terme  du  scepticisme,  articule  son  peut-éire,  formule 
sa  pensée,  et  sacrilie  à  la  raison  au  moment  qu'il  la 
blasphème.  Toute  science,  tout  système  impli(iue  la 
logique  et  lui  reconnaît  ainsi  une  valeur  absolue. 
Celui  qui  place  en  regard  l'une  de  l'autre  deux  séries 
d'arguments  contraires  et  en  conclut  l'incertitude, 
celui-là  allirme  le  principe  de  contradiction  et  donne 
cette  affirmation  pour  base  au  doute  qu'il  établit. 

«  La  nature  est  plus  puissante  que  tous  les  systè- 
mes. Vous  voulez  que  je  doute  de  la  réalité  du  moi, 
de  la  réalité  du  monde,  de  la  réalité  du  Uni  et  de 
l'infini;  mais  y  a-t-il  en  moi  rien  de  plus  personnel 
que  ces  idées  et  leurs  rapports  ?  Puis-je  m'en  dé- 
pouiller? Ne  sont-ce  pas  des  lois  qui  dominent  ma 
raison  et  la  raison  de  tous  les  hommes  ?  Vous  pré- 
tendez qu'aucune  des  affirmations  de  l'esprit  humain 
ne  répond  à  la  vérité  ;  vous  savez  donc  discerner  le 
certain  de  l'incertain,  vous  connaissez  donc  les  ca- 
ractères de  l'un  et  de  l'autre  ?  Vous  soutenez  que 
nous  n'atteignons  que  des  apparences  et  jamais  des 
réalités,  vous  savez  donc  établir  une  différence  entre 
ks  réalités  et  les  simples  apparences  ?  Vous  savez 
donc  ce  que  c'est  que  le  certain,  le  réel  ;  il  s'est  donc 
manifesté  à  votre  intelligence  ?  Autrement  de  quel 
droit  prononceriez-vous  que  l'esprit  humain  est  inca- 
pable de  ]{•  connaître?  Sur  quoi  vous  fonderiez-vous 
jwur  iiffiriMer  que  nous  ne  sommes  en  rapport  qu'a- 
vec des  apparences,  si  vous  n'aviez  aucune  idée  des 


réalités  et  si  vous  ne  saviez  pas  distinguer  ces  réali- 
tés des  apparences  ?  11  serait  plaisant  que  vous  nous 
refusassiez  le  droit  de  rien  aflirmer  comme  vrai,  si 
vous  ïie  saviez  pas  même  ce  (|ue  c'est  que  le  vrai. 

I  Mais  abordant  plus  directement  le  kantisme, 
nous  dirons  à  l'auteur  de  la  Critique  de  ta  raison 
pure  :  Vous  admettez  comme  point  de  départ  que 
toute  connaissance  commence  par  l'expérience,  c'est- 
à-dire  que  nous  ne  connaissons  rien  qu'autant  que 
notre  sensibilité  a  été  affectée  par  quelque  chose  qui 
ne  parait  pas  venir  d'elle  ;  en  sorte  que  l'activité  in- 
térieure, par  laquelle  nous  connaissons,  est  originai- 
rement passivité.  Le  subjectif  n'est  donc  pas  tout, 
puisque  dans  le  subjectif  on  trouve  l'objectif,  par 
exemple,  la  non-conscience  de  l'origine  de  l'expé- 
rience :  nous  ne  sentons  pas  ce  qui  fait  que  nous 
sentons.  Le  moi  subjectif  lui-même  est  quelque 
chose,  par  conséquent  il  existe  objectivement,  et  le 
subjectif  est  un  objectif.  Il  y  a  conscience  d'un  réel 
absolu,  car  la  conscience  n'est  pas  rien. 

I  Vous  admettez  la  raison  :  or,  la  raison  est  con- 
forme à  la  vérité  ou  elle  n'est  pas  la  raison;  la 
connaissance  donne  la  vérité  ou  l'on  ne  connaît  pas. 
Puisque  le  subjectif  existe,  la  raison  qui  1«  connaît, 
connaît  la  vérité  en  tant  qu'elle  connaît  cette  vérité- 
là.  Il  y  a  donc  une  connaissance  objective  légitime  et 
certaine.  Il  n'y  a  pas  jusqu'au  titre  de  votre  livre  qui 
ne  soit  contre  vous  :  La  crilicfue  de  la  raison  pure, 
que  signifie  ce  titre  ?  Une  critique  suppose  un  criti- 
que, un  juge  de  la  raison  pure,  c'est  donc  la  raison 
jugeant  la  pensée  humaine  et  faisant,  avec  une  auto- 
rité que  vous  nous  donnez  pour  démonstrative,  la 
part  du  subjectif  et  de  l'ohjectif,  c'est-à-dire  établis- 
sant la  vérité  absolue.  Votre  raison  criti(pie,  en  tant 
qu'elle  critique  ou  juge  la  raison  pure,  est  évidem- 
ment distincte  de  celle-ci.  Elle  la  prend  pour  objectif 
en  tant  qu'objet  d'observation,  c'est-à-dire  d'expé- 
rience ;  elle  s'en  donne  donc  par  la  conscience  une 
certaine  intuition,  et,  en  la  jugeant,  elle  la  soumet  à 
une  loi,  elle  la  rapporte  à  un  type  qu'elle  prend  en 
elle-même  et  qu'elle  lui  impose',  c'est-à-dire  encore  à 
un  absolu,  En  tant  qu'elle  juge,  il  faut  bien,  qu'elle 
se  prenne  autrement  qu'en  tant  qu'elle  est  jugée. 

«  La  sensibilité,  l'entendemont,  la  raison,  c'est  !e 
moi  sentant,  comparant,  ruiseniiaul;  l'intelligence,  en 
un  mot,  c'est  le  mai  connaitsanl.  Les  lois  ne  peuvent 
être  plus  vraies  et  plus  réelles  que  les  fonctions  dont 
elles  sont  dérivées  ;  ces  (onctions  ne  peuvent  être 
plus  vraies,  plus  réelles  que  le  sujet,  le  moi  qui  les 
remplit  et  les  propriétés  qui  l'en  rendent  capable. 
Mais  si  le  moi,  le  sujet,  son  existence,  ses  propriétés 
ne  sont  que  des  apparences,  le  monde  subjectif  n'est 
donc  qu'un  monde  d'apparences,  les  lois  qui  le  régis- 
sent ne  sont  donc  point  des  lois  réelles,  mais  des  lois 
apparentes  aussi,  qui  serviront,  si  l'on  veut,  pour 
appliquer  des  apparences  (les  formes  intellectuelles) 
à  d'autres  apparences  (la  matière)  ;  et  nous  sero's 
promenés  ainsi  dans  un  cercle  d'apparences,  cher- 
chant  un  point  d'appui  qui  nous  permette  de  les 
fixer,  et  ne  trouvant  ce  point  d'appui  nulle  part,  ni 
au  dedans  de  nous,  ai  an  dehors. 

«  En  présence  de  ce  ré>ultat  final  du  criticisme,  il 
n'y  a  plus  que  l'arme  du  ridicule  qui  puisse  faire  jus- 
tice de  semblables  doctrines,  et  involontaireinent  on 
se  rappelle  ces  vers  du  Virgile  truvesii  de  Scarron 
qui  avait  ainsi  donné,  plus  d'un  siècle  avant  liant,  le 
rçsumé  de  la  phénoménologie  universelle  • 

Je  vis  l'ombre  d'un  cocher 
iToltoni  l'onilire  il'un  carrosse 
Avec  l'ombre  d'une  brosse. 

KARAIÏE.  Yoy.  Caraïte. 

KEIROTONIE.  Yoy.  Imposition  des  mains. 

KERI  et  KETIB,  mots  liébrcux  qui  signi- 
fient lecture  et  écriture.  Souvent  les  ruasso- 
rètes,  au  lieu  du  mot  écrit  dans  le  texte  hé- 
breu ,  et  qu'ils  nomment  kétib  ,  eu  out  mis 


SOI 


JIS 


KYR 


203 


un  autre  ^  la  marge,  et  le  nomment  keri,  ce 
qu'il  faut  lire;  ou  il  ont  écrit  le  mot  mis  à 
h  margi!  avec  des  points  et  des  accents  dif- 
f6renis  de  ceux  qu'il  porte  dans  le  texte. 
Mais  les  critiques  les  plus  habiles  convien- 
nent que  ces  corrections  des  massorètes  ne 
sont  ni  fort  sûres  ni  fort  importantes,  et  que 
l'on  est  en  droit  de  n'y  faire  aucune  atten- 
tion. Il  est  plus  utile  de  consulter  les  va- 
riantes qui  peuvent  se  trouver  entre  les  ma- 
nuscrits et  les  meilleures  éditions  du  texte. 
On  doit  cependant  savoir  gré  aux  massorètes 
d'avoir  toujours  respecté  le  text",  et  de  n'a- 
voir mis  qu'à  la  marge  lurs  prétendues  cor- 
rections. Voy.  les  Prolég.  de  laPolyg.  de  Wal- 
lon, sect.  18,  n.  8. 

KÉSITAH  ,  mot  hébreu  qui  désigne  une 
brebis.  Il  est  dit  dans  la  Gen.,  xxxiii,  v.  19, 
que  Jacob  acheta  des  tils  d'Hémor  un  champ 
pour  cent  késitah  ou  brebis,  et  dans  le  livre 
de  Job,  c.  xLii,  V.  il,  que  ce  patriarche  reçut 
de  chacun  de  ses  parents  et  de  ses  amis  une 
késitah,  une  brebis,  et  un  pendant  d'oreille 
d'or.  Quelques  interprètes  ont  cru  que  c'é- 
tait une  monnaie  empreinte  de  la  ligure  d'un 
agneau.  Mais  il  serait  diflicile  île  prouver  que 
du  temps  de  Jacob  et  de  Job  il  y  eût  déjà  de 
l'argent  ruonnayé  et  fr.ippé  au  coin  ;  il  est 
plus  probable  que  c'étaient  des  agneaux  ou 
des  brebis  en  nature.  On  sait  assez  que  le 
commerce  a  commencé  par  deséchanges  dans 
les  premiers  âges  du  monde. 

A  la  vérité,  nous  lisons,  Gen.  c.  xx,  v.  16, 
qu'Abimélech,  roi  de  Gérare,  donna  à  Abra- 
ham mille  pièces  d'argent,  et  c.  \xiii,  v.  16, 
qu'Abr<iham  acheta  un  tombeau  quatre  cents 
Sicles  d'argent  de  bonne  monnaie;  mais  le 
texte  pOi  te,  d'argenl  qui  a  cours  chez  le  mar 
chand.  11  paraît  que  la  valeur  du  sicle  se  vé- 
rifiait au  poids  et  non  à  la  marque.  11  n'y 
avait  pas  alors  assez  do  commerce  et  de  re- 
lation entre  les  peuples  pour  qu'ils  eussent 
pu  convenir  d'une  monnaie  commune.  Nous 
savons  que  des  écrivains  très-instruits  ont 
soutenu  que  l'usage  de  la  monnaie  frappée 
au  coin  est  bien  plus  ancien  qu'on  ne  pense  ; 
mais  il  n'est  pas  nécessaire  de  recourir  à 
cette  sui)position  jiour  donn-  r  un  sens  très- 
vrai  à  ce  qui  est  dit  d'Abraham.  Les  ifjcré- 
dules  qui  ont  voulu  argumenter  contre  cette 
narration,  [larce  que  l'usage  de  la  monnaie 
ne  remonte  pas  jusqu'au  temps  d'Abraham, 
ont  très-mal  raisonné.  Dans  plusieurs  con- 
trées de  l'Orient,  la  valeur  de  For  et  de  l'ar- 
gent s'estime  encore  aujourd'hui  au  poids, 
et  non  à  la  marque. 

KIJOUN,  noiu  d'une  idole  ou  d'une  fausse 
divinité  honorée  par  les  Israélites  dans  le 
désert.  Le  proiihète  Amos  leur  d,t,  c.  v,  v.  26  : 
«  Vous  avez  porté  le  tabernacle  de  votre 
Molocli  et  Kijoun,  vos  images  et  l'étoile  de 
vos  dieux  (jue  vous  vous  êtes  faits.  »  (lomme 
en  arabe  A'cù'aH  est  Saturne,  ou  plutôtle  soleil 
nommé  Saturne  pai-  les  Occideuiaux  ,  il  |ia- 
rait  que  c'est  le  Kijoun  des  Hébreux,  et  que 
MolochKijoun  est  le  soleil-roi.  Saint  Etienne, 
■Act.,  c.  vil,  V.  k'-i,  cite  le  passage  d'Amos, 
et  traduit  Kijoun  [)ar  Remphan,  les  Septante 
ont  écrit  Rephan  ;  or,  selon  le  P.  Kircher, 
Diction,  de  Tuéol   dogmatiqce.  lil. 


Jfryj/ia/i  en  égyptien  était  Saturne,  même  per- 
sonnage que  le  soleil.  La  planète  d.-"  Saturne 
n'est  pas  assez  visible  pour  qu'elle  ait  été 
connue  et  adorée  dès  les  premiers  temps  ; 
chez  tous  les  peuples,  l'adoration  du  soleil 
et  de  la  hnie  a  été  la  plus  ancienne  idoUtrie. 
Voy.  Astres. 

KORBAN.  Voy.  Corban 

KYRIE  ELEISON,  mots  grecs  qui  signiQent 
Seigneur,  ayez  pitié.  Cette  courte  prière, 
souvent  répétée  dans  l'Ecriture  sainte ,  et 
qui  convient  très-bien  aux  hommes  tous  pé- 
cheurs ,  a  commencé  dans  l'Orient  à  faire 
partie  de  la  liturgie  ;  on  la  trouve  dans  les 
plus  anciennes ,  et  dans  les  Constitutions 
apostoliques,  qui  contiennent  les  rites  des 
Eglises  grecques  des  quatre  premiers  siècles. 
L.  VIII,  c.  8.  C'était  une  espèce  d'acclamation 
par  laquelle  le  jieuple  répondait  aux  prières 
que  le  prêtre  ou  le  diacre  faisait  pour  les 
besoins  de  l'Eglise,  pour  les  catéchumènes, 
pour  les  pénitents,  etc.  Elle  n'est  guère 
moins  ancienne  dans  l'Eglise  latine.  Vigile 
de  ïapse,  qui  vivait  sur  la  fin  du  v'  siècle, 
et  qui  est  probablement  l'auteur  d'une  pré- 
tendue conférence  entre  Paxentius ,  arien, 
et  saint  Augustin,  dit  que  les  Eglises  latines 
gardaient  ces  mots  grecs,  afin  que  Dieu  fût 
invoqué  dans  les  langues  étrangères  ,  aussi 
bien  qu'en  latin.  Saint  Augustin,  Append., 
t.  II,  p.  kk.  Le  concile  de  Vâisons,  tenu  l'an 
5i9,  ordonna  ,  can.  3,  que  le  Kyrie  eleison, 
déjà  en  usage  dans  tout  l'Orient  et  l'Italie, 
fût  désormais  récité  dans  les  Eglises  des 
Gaules,  non-seulement  à  la  messe,  mais  à 
matines  et  à  vêpres.  Ceux  qui  ont  écrit  que 
cet  usage  n'était  introduit  dans  toute  l'Eglise 
que  depuis  saint  Grégoire  se  sont  évidem- 
ment trompés,  puisque  ce  saint  pape  n'a  oc- 
cupé le  siège  de  Rome  que  plus  de  soixante 
ans  après  le  concile  de  Valsons.  Lorsque 
quelques  Siciliens  se  plaignirent  de  ce  qu'il 
voulait  introduire  dans  l'Eglise  de  Home  la 
langue,  les  rites  et  les  usages  des  Grecs,  il 
réponilit,  Epist.  64,  1.  7,  que  ceux  dont  on 
parlait  y  étaient  établis  avant  lui. 

On  répète  trois  fois  Kyrie  à  l'honneur  de 
Dieu  le  Père,  trois  fois  Christe  en  parlant  au 
Fils,  et  autant  de  fois  Kyrie  en  s'atlressant 
au  Saint-Esprit,  pour  marquer  l'égaliti'  par- 
faite (les  trois  personnes  divines  :  c'est  une 
profession  de  foi  abrégée  du  mystère  de  la 
sainte  Trinité.  Les  critiques  protestants,  qui 
ont  dit  que  cette  atfectation  du  nombre  de 
neuf  était  une  espèce  de  superstition,  n'ont 
pas  montré  l'eaucoup  de  discernement  ;  dl 
n'y  a  pas  plus  ici  de  superstition  que  dans 
la  triple  immersion  du  baptême  et  dans 
le  trois  fois  saint  qui  est  tiré  de  l'Apocaly- 
pse. Voy.  le  P.  Lebrun,  tom.  I,  p.  16i. 

Un  savant  auteur  an-,lais  a  écrit  que  cette 
prière  était  connue  des  païens,  qu'ils  l'adres- 
saient souvent  à  leurs  dieux,  et  qu'elle  se 
trouve  dans  Epictète ,  Cudworth,  Syst.  In- 
tell.,  c.  Il,  §27;  et  le  cardinal  Bona  a  été 
dans  cette  opinion,  Rer.  Lilurg.,  1.  ii,  c.  4. 
Mosheim,  dans  ses  Notes  sur  Cudworth,  ,  ne 
l'approuve  point;  il  soupçonne  que  ce  sont 
plutôt  les  païens  qui  avaient  emprunté  ces 


203  LAB 

deux  mots  des  cnréticus.  Il  blAme  en  géné- 
ral ceux  qui  attribuent  trop  légèrement  aux 
premiers  fidèles  ces  sortes  d'emprunts.  Mal- 
heureusement il  est  tomb(''  lui-même  dans 
cette  faute  plus  souvent  qu'aucun  autre. 
Vingt  fois  il  a  répété  dans  ses  ouvrages  que 
lespremierschrétiensempruntèrentplusieurs 
usages  des  juifs  et  des  pa'ens  ,  afin  de  leur 
inspirer  moins  d'aversion  pour  le  christia- 
nisme.; que  la  plupart  de  ces  usages  n'étaient 
fondés  que  sur  les  principes  de  In  oliiloso- 
pliie  de  Platon,  à  laquelle  les  Pères  de  l'Eglise 
étaient  attachas.  Or,  celte  philoso  ihie  était 
un  des  principaux  aiipuis  du  paganisme.  Nous 
avons  eu  soin  de  réfuter  cotte  iînagination 
toutes  les  fois  queFoecasion  s'en  est  présenti'e. 
Quant  k  la  prière  A'î/'te  eleison,  quand  il 
sei'ait  vrai  que  les  païens  s'en  sont  servis 
quelquefois  ,  ils  n'ont  pas  pu  y  attacher  le 


LAC 


204 


même  sens  que  les  chrétiens.  1»  Par  le  mot 
Kyrie,  Seigneur,  un  chrétien  :  ntendait  Je 
.'ciil  vrai  Dieu,  créateur  et  seul  souveraiu 
maître  de  l'univers  ;  un  païen  ne  pouvait  en- 
tendre qu'un  dieu  particulier,  tel  que  Jupi- 
ter ou  autre.  D'ailleurs ,  l'usage  des  pa:ens 
ne  fut  jamais  de  donner  à  aucun  de  leurs 
dieux  le  titre  de  Seiqneur ,  mais  jilutôt  celui 
de  jpèreou  de  bienfaiteur.  2°  ils  n'avaient  au- 
cune idée  du  besoin  continuel  que  nous 
avons  tous,  comme  pécheurs,  Se  la  miséri- 
corde de  Dieu,  et,  en  général,  ils  ne  croyaient 
pas  leurs  dieux  fort  miséricordieux.  Cette 
ITièro  ne  pouvait  donc  avoir  lieu  que  dans 
la  bouche  de  quelque  malade  souffrant,  qui 
aurait  imploré  la  pitii'  d'Esculape ,  dieu  de 
la  santé.  Ainsi  la  remarque  du  critique  an- 
glais, réfutée  par  Mosheim,  n'a  aucune  vrai- 
semblance. 


LABADISTES,  hérétiques,  disciples  de 
Jean  Lai^adie ,  fanatique  du  xvii'  siècle. 
Cet  homme,  après  avoir  été  jésuite,  ensuite 
carme ,  entui  ministre  j)rotestant  à  Montau- 
banet  en  Hollande,  fut  chef  de  secte,  et  mou- 
rut dans  le  Holst.in  en  167i. 

Voici  les  principales  erreurs  que  soule- 
naient  Labadie  t  ses  partisans  :  1°  Ils 
croyaient  que  Dieu  peut  et  veut  tromperies 
hommes,  et  les  trompe  eifectivement  quel- 
quefois ;  ils  all'guaienl  en  faveur  d^  cette 
opinion  monstiueuse  divers  exemples  tirés 
de  l'Ecriture  sainte  qu'ils  entendaient  mal  : 
comme  celui  d'Âchab,  de  qui  il  est  dit  que 
Dieu  lui  envoya  un  esprit  de  mensonge  pour 
le  séduire.  2°  Selon  eux,  le  Saint-Esprit  agit 
immédiatement  sur  les  âmes,  et  leur  donne 
divers  degrés  de  révélation  tels  qu'il  les  faut 
pour  qu'elles  puissent  se  décider  et  se  con- 
duire elle-mômes  dans  la  voie  du  salut. 
3°  Ils  convenaient  que  le  Ijaptême  est  un 
sceau  de  l'alliance  de  Dieu  avec  les  hommes, 
et  ils  trouvaient  bon  qu'on  le  donnât  aux 
enfants  naissants  ;  mais  ils  conseillaient  de 
le  dilférer  jusqu'il  un  âge  avancé,  parce  que, 
disaient-ils,  c'est  une  marque  qu'on  est 
mort  au  monde  et  ressuscité  eu  Dieu,  ^i."  Us 
prétendaient  que  la  nouvelle  alliance  n'ad- 
met que  des  hommes  spirituels  ,  et  qu'elle 
les  met  dans  une  liberté  si  parfaite,  qu'ils 
n'ont  plus  besoin  de  loi  ni  de  cérémonies, 
que  c'est  un  joug  duquel  Jésus-Ciaist  a  dé- 
livré les  vrais  fidèles.  5°  Ils  soutenaient  que 
Dieu  n'a  pas  préféré  un  jour  à  1  autre;  que 
l'observation  du  jour  du  rejiOS  est  une  pra- 
tique indilTérente  ;  que  Jésus-Christ  n'a  pas 
défendu  de  travailler  ce  jour-là  comme  pen- 
dant le  reste  de  la  semaine  ;  qu'il  est  per- 
mis de  le  faire,  pourvu  <]ue  l'on  travaille 
dévotement.  6°  Us  distingaient  deux  Eglises, 
l'une  dans  laqueile  le  christianisme  a  dégé- 
néré et  s'esl  corrompu,  l'autre  qui  n'est 
composée  que  de  fidèles  régénérés  et  déia- 
chés  du  monde.  Ils  admettaient  aussi  le  rè- 
gne de  œilleans,  pendant  lequel  Jes  s-Christ 


doit  venir  dominer  sur  la  terre,  convertir 
les  iuifs,  les  païens  elles  mauvais  chrétiens. 
7°  Ils  ne  croyaient  point  à  la  présence  réelle 
de  Jésus-Christ  dans  l'eucharisiie  ;  selon 
eux,  ce  sacr 'ment  n'est  que  la  commémo- 
ration de  la  mort  de  Jésus-Christ;  on  l'y  re- 
çoit seulement  spiriiuellement,  quand  Ton 
communie  avec  les  dis;;osi(ions  nécessaires. 
8°  La  vie  contemplative,  selon  leur  idée,  est 
un  état  de  grâce  et  d'i'nion  divine,  le  parfoit 
bonheur  de  celte  vie,  et  le  comble  de  la 
perfection.  Ils  avaient  sur  ce  point  un  jar- 
gon de  spiritualité  que  la  tradition  n'a  point 
enseigné,  et  que  les  meilleurs  maîtres  de  la 
vie  spirituelle  ont  ignoré. 

ilya  eu  pendant  lonj,temps  des  labadistes 
dans  le  pays  de  Clèves  ;  mais  il  est  incer- 
tain s'il  s'en  trouve  encore  aujourd'hui. 
Cette  secte  n'avait  fait  que  joindre  quelques 
principes  des  anabaptistes  à  ceux  des  calvi- 
nistes, et  la  préteiMue  spu'itualité  dont  elle 
faisait  profession,  étdt  la  môme  que  celle 
des  piétiiles  et  des  hernhutes.  Le  langage  de 
la  piété,  si  énergique  et  si  touchant  dans 
les  principes  de  l'Eglise  catholique,  n'aplus 
de  sens  et  paraît  absurde,  lorsqu'il  est  trans- 
planté c  :ez  les  sectes  hérétiques  ;  il  res- 
semble aux  arbustes,  qui  ne  peuvent  pros- 
pérer dans  une  terre  étrangère. 

LABARUM,  élendari  militaire  que  fit  faire 
Constantin  lorsqu'il  eut  vu  dans  le  ciel  la 
figure  de  la  croix.  Voyez  Constantin.  On 
ignorait  l'étymulogie  dumot /(i&arwm;  M.  de 
Gébelindit,  avec  beaucoup  de  vraisemblance, 
qu'il  vient  île  lab,  main,  d'dù  est  venu  >«§'j 
prendre,  tenir  ;  et  do  âpu,  élever  ;  c'est  à  la 
lettre,  ce  que  l'on  tient  élevé. 

LACTANCE,  orateur  latin  et  apologiste 
de  la  religion  chrétienne.  Selon  l'ojiiniou  du 
père  Frauceschini,  dernier  éditeur  des  ou- 
vrages de  Lactance,  cet  écrivain  était  né  à 
Formo  en  Italie.  Il  étudia  sous  Arnobe,  à 
Sicca  en  Afrique,  fut  appelé  à  Nicomédie 
pour  enseigner  la  rhétori(iue,  devint  précep- 
teur de  Cris;  us,  fils  de  Constantin,  et  se  re- 


m 


LM 


tira  à  Trêves  après  la  mort  funeste  de  son 
élève;  il  nioiiriit  l'an  325.  Son  principal  ou- 
vrage est  ec.'lui  (les  Institutions  divines,  où  il 
s'atlaclie  .'i  déiiiontrer  l'absurdité  du  pa^a- 
liisine  et  des  opinions   des   pliilosophes,  et 
leur  oppose  la  vérité  et   sagesse  de  la  doc- 
trine elirétienuo.  0n  ne  dout'.;  plus  aiijour- 
d'iiui  que  le  livre  de  la  Murt  des  Persécuteurs 
ne  soit  de  lui.    U  a   l'ait  aussi  un  livre  de 
l'Ouvrage  de  Dieu,  dans  lecpiel  il  prouve  la 
providence,  et  un  autre  do  la  Colère  de  Dieu, 
où   il  fait   voir  ({ue    Dieu  est  Viiigeur  du 
crime,   aussi   bien  (jue  rémunérateur  de  la 
vertu.  Son  style  n'est  |)as  moins  élégant  que 
celui  de  Cicéron.  Lactance  avait  encore  écrit 
plusii'urs   autres  ouvrages  (jui  ne  sont   pas 
venus  jusqu'à  nous.  Ceux  qui  nous  restent 
ne  soni  pas  sans  défaut;  [dusieurs censeurs 
un   peu   trop    rigides  y  ont   noté  un  assez 
gran<l  nombre  d'erreurs  tliéologiqucs  ;  mais 
la  plu;  art  sont  seulement  des  façons  de  par- 
ler  peu    exactes,  et  qui  sont    susceptibles 
d'un  sens  orthodoxe  lorS(pi'on  ne  les  pr^nd 
l>as  à  la  rij,ueur.  H  faut  se  souvenir  que  cet 
auteur  n'était  pas  théologien,  mais  orateur  ; 
qu'il  n'avait  pas  l'ail  une  l.mgue  étude  de  la 
doctrine  cbrétienne,    mais    qu'd    -ossédait 
très-bien  l'aucenue  philosophie.  Qu(dqu'il 
ne  fût    |tas  assi'^    instruit    pour  ex|)liquer 
avec  précision  tous  les  dogmes  du  christia- 
Disme,  il  a  cependant  rendu  à  la  religion  un 
service  essentiel,  en  mettant  au  grand  jour 
les  erreurs,  les  absurdités  et  les  contradic- 
tions des    philosophes.    Sou  ouvrage  de  la 
Mort  des  Persécuteurs  contient  plusieurs  faits 
essentiels  dont  Lactance   était  très-bien  in- 
formé, et  qui  ne  se  trouvent  point  ailleurs. 
On  n'a  pas  tort  de  le  mettre  au  nombre  des 
Pères  de  l'Eglise.  L'abbé  Lenglet  Dufresnoi 
a  donné  à  Paris,  en  ITiS,  une  très-belle  édi- 
tion de  Lactance,  en  deux  vol.  in-W.  Le  père 
Franceschini  l'a  fait  réimprimer  à  Rome  en 
175i  et  1700,  en  dix  volumes  j')i-8%  avec  de 
savantes  dissertations. 

LAI.  On  nomme  ainsi  celui  qui  n'est  point 
engagé  dans  les  ordres  ecclésiastiL^ues  ;  c'est 
une  abréviation  du  mot  laïque,  et  ce  terme 
est  principalement  en  usage  parmi  les  moi- 
nes; ils  eidendont  par  frère  lai,  un  homme 
pieux  et  non  lettré,  qui  se  donne  à  un  mo- 
nastère pour  servir  les  religieux. 

Le  frère  lai  porte  un  habit  un  peu  différent 
de  celui  des  religieux  ;  il  n'a  point  de  [dace 
au  chœur,  ni  de  voix  en  chapitre,  il  n'est 
pas  dans  les  ordres  ni  même  souvent  ton- 
suré ;  il  ne  fait  vœu  que  de  stabilité  et  d'o- 
béissance. Cet  état  est  souvent  embrassé  par 
des  hommes  u'uu  caraetère  paisible  et  ver- 
tueux, qui  fu  ant  la  dissipation  du  monde, 
et  désirent  de  mieux  servir  Dieu  dans  un 
eloitre.  11  y  a  aussi  des  frères  lais  qui  font 
les  trois  v  eux  de  religion,  qui  sont  destinés 
au  service  intérieur  et  extérieur  du  couvent, 
qui  exercent  les  ofQces  de  jardinier,  de  eui- 
siuier,  de  portier,  etc.  On  les  nomme  aussi 
ftères  convcrs. 

Cette  institution  a  commencé  dans  le 
XI'  siècle  ;  ceux  à  qui  l'on  donnait  ce  titre 
étaient  des   hommes  trop  peu   lettrés   pour 


Iki  206 

devenir  clercs,  et  qui,  en  se  faisant  reli- 
gieux, se  destinaient  entièrement  au  travail 
des  mains  et  au  service  temporel  des  mo- 
nastères. On  sait  que  dans  ce  temps  là  la 
pliqjarl  dos  laïques  n'avaient  aucune  tein- 
ture des  lettres,  et  que  l'on  nomma  clercs 
tous  ceux  qui  avaient  im  pou  étudié  et  qui 
savaient  lire.  Cependant  il  n'aurait  jias  été 
juste  d'exclure  les  premiers  de  la  profes- 
sion religieuse,  parce  qu'ils  n'étaieiit  pas 
lettrés.  11  ne  faut  donc  point  attribuer  cette 
distinction  au  dégoût  que  prirent  les  reli- 
gieux pour  lo  travail  des  mains,  àl'ambition 
d'être  servis  pai-  des  frères  lais,  au  relâche- 
ment de  la  discipline,  ni  ;\  d'autres  motifs 
condamnables.  Dans  un  temps  où  le  clergé 
séculier  était  à  peu  près  anéanti,  oii  les 
fidèles  étaient  réduits  à  recevoir  des  reli- 
gieux tous  les  secours  spirituels,  il  était 
naturel  que  ceux  qui  pouvaient  les  leur  ren- 
dre s'y  livrassent  tout  entiers,  pendant  que 
ceux  des  religieux  (juien  étaient  incapables 
s'occupaient  du  travail  des  mains  et  du  tem- 
por<d.  11  est  sans  doute  résulté  dans  la  suite 
un  inconvénient  de  cette  différence  d'occu- 
I  allons,  en  ce  que  les  religieux-clercs  n'ont 
plus  regardé  les  frères  lais  que  comme  des 
tuanœuvres  et  des  domestiques  ;  mais  dans 
l'origine  la  distinction  entre  les  uns  et  les 
autres  est  vrnue  de  la  nécessité  et  non  du 
désir  ou  du  projet  d'introduire  un  change- 
ment dans  la  discipline  monasiique. 

De  même,  dans  les  monastères  des  filles, 
outre  li's  religi  uses  du  chœur,  il  y  a  des 
sœurs  converses,  uniquement  reçues  pour 
le  service  du  couvent,  et  ((ui  font"  les  trois 
vœux  de  religion.  Mais  dans  quelques  or- 
dres très-austères,  comme  chez  les  Clarissos, 
il  n'y  a  joint  de  sœurs  converses  ;  toutes 
les  religieuses  font  tour  à  tour  tout  le  ser- 
vice et  le  travail  intérieur  de  la  maison. 

LAICOCEPHALES.  Ce  nom  signifie  umj 
secte  d'hommes  quionti)our  chef  unlaïquc  : 
il  f  d  donné  par  qu  Iques  catholiques  aux 
schismali(jues  anglais,  lorsque,  sous  la  disci- 
pline de  Samson  et  de  Morison,  ces  derniers 
furent  obligés,  sous  peine  de  prison  et  do 
confiscation  d'  biens,  de  reconnaitie  le  sou- 
verain pour  chef  de  l'Eglise.  C'est  par  ces 
moyens  violents  que  la  prétendue  réforme 
s'est  introduite  en  Angleterre.  Le  pouvoir 
pontifical,  contre  lequel  on  a  tant  déclamé, 
ne  s'est  jamais  porté  h  de  pareils  excès  Mais 
l'absurdité  de  la  réforme  anglicane  pa.ul 
dans  tout  son  jour,  lorsque  la  couronne  ^ 
d'Angleterre  se  trouva  [dacée  sur  la  tète  [ 
d'une  femme  :  on  ne  vit  pas  sans  élonne- 
meiit  les  évoques  anglais  recevoir  leur  juri- 
diction spirituelle  de  la  reine  Elisabeth. 

LAÏQUE,  se  dit  des  personnes  etdesch;i.. 
ses  distinguées  de  l'état  ecclésiastique,  eu 
de  ce  qui  appartient  à  l'Eglise  ;  ce  nom  vient 
du  grec  y.ào;,  peuple.  Ainsi  l'on  appiUe  per- 
sonnes laïques,  toutes  Celles  qui  ne  sord  point 
engagées  dans  les  ordres  ni  dans  la  clérica- 
ture;  biens  laïques,  ceiw  ijui  naiipartiennent 
pas  à  l'Eglise  ;  puissatice  laïque,  1  autorité 
civile  des  magistrats ,  par  opposition  à  la 
puissance  spirituelle  ou  ecclésiastiiiue. 


à07 


LAi 


LAM 


SOt( 


La  plupart  des  auteurs  protestants  ont 
prétendu  que  la  distinction  entre  les  clercs 
et  les  laïques  était  inconnue  dans  l'Eglise 
primitive  ;  qu'elle  n'a  commencé  qu'au 
III*  siècle,  que  ça  été  un  effet  de  l'ambition 
du  clergé.  Ainsi  le  soutiennent  encore  les 
calvinistes,  que  l'on  nomme  en  Angleterre 
presbytériens  et  puritains.  Mais  les  anglicans 
ou  épiscopaux  ont  soutenu,  comme  les  ca- 
tholiques, que  cette  distinction  a  été  faite 
par  Jesus-Christ  lui-même,  et  qu'elle  a  été 
établie  par  les  apôtres.  C'est  à  eux  seuls,  et 
uon  aux  simples  fidèles,  que  Jésus-Christ  a 
dit  :  Vous  n'êtes  pas  de  ce  monde,  je  vous 
ai  tirés  du  monde  ,  vous  êtes  la  lumière  du 
monde,  etc.  C'est  à  eux  seuls  qu'il  a  donné 
la  commission  d'enseigner  toutes  les  nations, 
le  pouvoir  de  remettre  les  péchés  et  de 
donner  le  Saint-Esprit  ;  qu'il  a  promis  de 
les  placer  sur  douze  sièges  pour  juger  les 
douze  tribus  d'Israël,  etc.  Ils  ont  donc  une 
mission,  un  caractère,  des  pouvoirs,  des 
fonctions ,  que  n'ont  point  les  simples 
fidèles. 

Saint  Paul,  dans  ses  lettres  à  Tite  et  à  Ti- 
mothée,  leur  prescrit  des  devoirs  qu'il  n'exige 
point  des  simples  fidèles  ;  il  charge  les  pre- 
miers d'enseigner,  de  conduire,  de  gouver- 
ner; les  seconds,  d'écouter  la  voix  de  leurs 
pasteurs  et  d'obéir.  Saint  Clém -nt  de  Rome, 
disciple  et  successeur  immédiat  des  apôlres, 
Epist.  i  ad  Cor.,  n°  40,  veut  que  l'on  observe 
dans  l'Eglise  le  même  ordre  q  i  était  gardé 
parmi  les  Juifs,  chez  lesquels  les  laïques  n'a- 
vaient ni  les  mêmes  devoirs,  ni  les  mêmes 
fonctions  que  les  lévites  et  les  pnitres.  Saint 
Ignace,  dans  ses  lettres  ,  nous  montre  cette 
même  discipline  déjà  établie,  et  saint  Clé- 
ment d'Alexandrie  la  suppose  évidemment. 
Quis  dives  salvetur,  p.  959.  Il  n'est  donc  pas 
Trai  que  Tertullicn  et  saint  Cyprien  soient 
les  premiers  qui  en  ont  fait  mention  ;  elle 
existait  avant  eux,  et  elle  est  aussi  ancienne 
que  l'Eglise. 

Vainement  on  objecte  que  saint  Pierre, 
Epist.  1,  c.  II,  V.  9,  attribue  le  sacerdoce  à 
tous  les  fidèles  ;  et  que,  chap.  v,  v.  3,  il  les 
nomme  clercs  ou  clergé,  c'est-à-dire  l'héri- 
tage du  Seigneur.  Dans  ces  mêmes  endroits 
l'apôtre  leur  attribue  la  royauté  ;  on  n'r-n  con- 
clura pas  que  tous  sont  rois  ;  il  explique  ce 
qu'il  entend  par  sacerdoce,  en  disant  que 
c'est  pour  ofl'rir  à  Dieu  des  victimes  spiri- 
tuelles, des  vœux,  des  louanges,  des  prières; 
ri  charge  les  anciens  ou  les  prêtres  de  paître 
et  de  gouverner  le  troupeau  du  Seigneur  ; 
il  ordonne  aux  jeunes  gens  d'être  soumis 
aux  anciens.  De  même,  dans  l'Ancien  Testa- 
ment, le  peuple  juif  est  appelé  un  royaume 
de  prêtres,  Exod.,  cap.  xix,  v.  6  ;  et  l'héri- 
tage du  Seigneur,  Deul.,  c.  iv,  v.  20,  et 
c.  IX,  v.  29.  Saint  Pierre  n'a  fait  que  répéter 
ces  expressions  ;  il  ne  s'ensuit  pas  que  chez 
les  Juifs  il  n'y  ait  eu  aucune  distinction  en- 
tre les  prêtres  et  le  peuple  :  si  un  simple 
juif  avait  osé  faire  les  fonctions  des  prêtres, 
il  aurait  été  puni  de  mort  ;  Saiil,  quoique 
revêtu  de  la  royauté,  fut  puni  pour  avoir  ou 
cetta  témérité.  Bingham,  Orig.  ecclés,,]\\.i. 


c.  5;   Bellarm.,   tom.    II,  Controv.   2,  etc. 
Voy.  Clergé. 

LAMENTATION,  poëme  lugubre.  Jérémie 
en  composa  un  touchant  la  mort  du  saint  roi 
Josias,  et  dont  il  est  fait  mention,  //  Parai., 
c.  XXXV,  V.  25.  Ce  poëme  est  perdu  :  mais 
il  en  reste  un  autre  du  même  prophète  tou- 
chant les  malheurs  de  Jérusalem  ruinée  {)ar 
Nabuchodonosor.  Ces  lamentations  contien- 
nent cinq  chapitres,  dont  les  quatre  pie- 
miers  sont  en  vers  acrostiches,  et  abécédai- 
res ;  chaque  verset  ou  chaque  strophe  com- 
mence par  une  des  lettres  de  l'alphabet 
hébreu,  rangées  selon  l'ordre  qu'elles  y  gar- 
dent ;  le  cinquième  est  une  prière  par  la- 
quelle le  prophète  implore  les  miséricordes 
du  Seigneur.  Les  Hébreux  nomment  ce  livre 
Echa,  c'est  le  premier  mot  du  texte,  ou 
kinnoth,  lamentations;  les  Grecs,  S/jàvo  ,  qui 
signifie  la  même  chose.  Le  style  de  Jérémie 
est  tendre ,  vif,  pathétique  ;  son  talent  était 
d'écrire  des  choses  touchantes. 

Les  Hébreux  avaient  coutume  de  faire  des 
lamentations  ou  des  cantiques  lugubres  à  la 
mort  des  grands  hommes,  des  rois  ou  des 
guerriers,  et  à  l'occasion  des  calamités  pu- 
bliques ;  ils  avaient  des  recueils  de  ces  la- 
mentations; l'auteur  des  Paralipomènes  eu 
parle  dans  l'endroit  que  nous  avons  cité. 
Nous  avons  encore  celle  que  David  composa 
sur  la  mort  de  Saiil  et  de  Jonathas.  11  Reg., 
c.  I,  v.  18.  Il  paraît  même  que  les  Ju.fs 
avaient  des  pleureuses  à  gage,  comme  celles 
que  les  Romains  appelaient  prœficœ  :  Faites 
venir  les  pleureuses,  dit  Jérémie  ,  quelles  ac- 
courent et  qu  elles  se  lamentent  sur  notre  sort. 
Cap.  IX,  v.  17,18. 

On  chante  les  lamentations  de  Jérémie  pen- 
dant la  semaine  sainte  à  l'ofQce  des  ténèbres, 
aûn  d'inspirer  aux  fidèles  les  sentiments  de 
componction  convenab  es  aux  mystèn  s  que 
l'on  célèbre  dans  ces  saints  jours.  J'rusalem, 
désolée  de  la  perte  de  ses  habitants,  est  la 
figure  de  l'Eglise  chrétienne  aflhgée  des 
souffrance?  etde  la  mort  de  son  divm  Epoux  ; 
c'est  aussi  l'image  d'une  cime  qui  a  eu  le 
malheur  de  jierdre  la  grâce  de  Dieu  par  le 
péché,  et  qui  désire  de  la  récupérer  par  la 
pénitence. 

Dans  le  ch.  iv,  v.  20,  on  lit  ce  passage  re- 
marquable :  Le  Christ  ou  l'oint  au  Seigneur 
a  été  pris  pour  nos  pr'chés  ;  lui  à  qui  nous  di- 
sions, sous  votre  ombre  ou  sous  votre  protec- 
tion nous  vivrons  parmi  les  nations.  Les  Pè- 
res do  l'Eglise  ont  appliqué  avec  raison  ces 
paroles  à  Jésus-Christ  ;  on  ne  conçoit  pas 
de  quel  autre  personnage  que  du  Messie  le 
prophète  a  voulu  parler.  C'est  aussi  à  lui 
que  les  anciens  docteurs  juifs  en  ont  fait 
l'application.  Foî/.  Galatin,  1.  viii,  eap.  10. 

LAMPADAIRE,  nom  d'un  ollicierde  l'Eglise 
de  Constantinople,  qui  avait  soin  du  lumi- 
naire et  portait  un  bougeoir  élevé  devant 
l'empereur  et  l'impératrice,  pendant  qu'ils 
assistaient  au  service  divin.  La  bougie  qu'il 
tenait  devant  l'empereur  était  entourée  da 
deux  cercles  d'or  en  forme  de  couronne,  et 
celle  qu'il  tenait  devant  l'impératrice  n'eu 
avait  qu'un. 


MO 


LAM 


LAN 


51  a 


Un  critique  moderne,  qui  n'est  pas  ordinai- 
reuQei.tlu.'ureuxdans  sescoiijectures,  dit  que 
les  patriarches  de  ConstantinoiUe  imitèrent 
cette  pratique.et  s'arrogèrent  le  même  droit  ; 
quede  \h  vraisemblablement  est  venu  l'usage 
de  porter  des  bougeoirs  devant  les  ('■vèques 
lors(ju'ils  officient  :  il  pense  que  celte  cou- 
tume, quelque  interprcHation  favorable  qu'on 
puisse  lui  donner,  n'est  pas  le  fruit  des 
préceptes  du  christianisme. 

Il  se  trompe;  Jésus-Christ,  dans  l'Evan- 
ile,  a  dit  à  ses  disciples  :  Ayez  toujours  des 
nmpes  ardentes  à  la  main;  imitez  les  servi- 
teurs vigilants ,  qui  attendent  le  moment 
auquel  leur  maître  viendra  frapper  à  la  porte, 
afin  de  la  lui  ouvrir  promptement.  Luc, 
C.  XII,  v.  35.  Vous  êlcs  la  lumiire  du  mon- 
de...; faites-la  toujours  briller  devant  les 
hommes,  de  manière  qu'ils  voient  vos  bonnes 
œuvres,  etc.  Matth.,  c.  v,  v.  ik.  La  bougie 
allumée  devant  les  évoques  est  évidemment 
destinée  Ji  les  faire  souvenir  de  cette  leçon 
de  Jésus-Clirist;  il  n'y  a  pas  lîi  de  quoi 
flatter  l'amour-propre.  11  était  très-conve- 
nable d'inculquer  la  même  vérité  aux 
maîtres  du  monde,  surtout  lorsqu'ils  étaient 
au  pied  des  autels  :  ils  ne  sont  pas  moins 
obligés  que  li'S  pasteurs  h  donner  bon 
exemple  aux  hommes.  C'est  dans  le  même 
dessein  que  l'on  mettait  un  cierge  allumé 
à  la  main  de  ceux  qui  venaient  de  recevoir 
le  baptême. 

Mais  h  quoi  bon  ces  couronnes  d'or  au- 
tour d'une  bougie  ?  C'étaient  les  signes  de 
la  dignité  impériale.  Si  l'on  imagine  qu'il 
est  bon  de  faire  |ierdre  de  vue  aux  sou- 
verains les  signes  de  leur  dignité,  l'on  se 
trompe  encore  ;  ces  signes  ont  été  établis, 
non-seulement  pour  leur  concilier  le  res- 
pect, mais  pour  les  faire  souvenir  de  leur 
devoii'.  Lorsqu'ils  écartent  ces  symboles  trop 
énergiques,  et  qu'ils  affectent  de  se  con- 
fondre avec  le  peuple,  ce  n'est  pas  ordinai- 
rement dans  le  dessein  de  l'édifier.  Défions- 
nous  d'une  fausse  philosophie  (pii  tourne  en 
ridicule  tout  ce  que  l'on  appelle  éti([uette, 
bienséance  du  rang,  marque  de  dignité  ; 
parce  qu'elle  ne  veut  [lorter  aucun  joug  :  les 
mœurs,  la  vertu,  la  pqlice,  le  bien  public, 
n'y  gagnent  certainement  rien. 

LAMPÉÏIENS,  secte  d'hérétiques  qui  s'é- 
leva, non  dans  le  vu'  siècle,  comme  le  disent 
plusieurs  critiques,  mais  sur  la  fin  du  iv'. 
Pratéole  les  a  confondus  mal  à  pmpos  avec 
les  sectateurs  de  Wiclef,  qui  n'ont  paru 
qu'environ  mille  ans  plus  tard.  Les  lampé- 
tiens  adoptèrent  en  plusieurs  points  la  doc- 
trine des  ariens  ;  mais  il  est  fort  incertain 
s'ils  y  ajoutèrent  ([uelques-unes  des  erreurs 
des  marcionites.  Ce  que  l'on  sait  de  plus 
précis,  sur  le  témoignage  de  saint  Jean  Da- 
mascène,  c'est  qu'ils  condamnaient  les  vœux 
monastiques,  particulièrement  celui  d'o- 
béissance, qui  étiit,  disaient-ils,  contraire  h 
la  liberté  des  enfants  de  Dieu.  Ils  permet- 
taient aux  religieux  de  porter  tel  habit  (pi'il 
leur  plaisait,  prétendant  qu'il  était  ridicule 
d'en  fixer  la  couleur  et  la  forme,  pour  une 


pro^jision  plutôt  que  pour  une  autre,  et  ils 
affectaient  de  jertner  le  samedi. 

Selon  quelques  auteurs,  ces  lampétiens 
étaient  encore  appelés  marcianistes,  massa- 
liens  ,  euchites,  enthuusiastes,  choreutes, 
adal[)hiens  et  eust.dhiens.  Saint  Cyrille 
d'Alexandrie,  saint  Flavien  d'Antioche.'saint 
Amjihiloque  d'Icone,  avaient  écrit  contre 
eux;  ils  étaient  donc  bien  antérieurs  au 
vu'  siècle.  Voy.  In  note  de  Cotelier  sur  les 
Const.  Apost.,  1.  V,  c.  15,  n.  5.  M  paraît  que 
l'on  a  conf  ndu  le  num  des  marcianistes 
avec  celui  des  marci'mites,  qiiand  on  a  dit 
que  les  lampétiens  avaient  ado|ité  les  erreurs 
de  ces  derniers.  (  e  que  l'on  peut  dire  de 
plus  probable,  c'est  que  les  ditf  rentes  sec- 
tes dont  nous  venons  de  j  arler  ne  faisaient 
point  cor|)s,  et  n'avaiiuit  aucune  croyance 
fixe  ;  voilà  pourquoi  les  anciens  n'ont  pas 
pu  nous  en  donner  une  notice  plus  exacte. 

Il  n'est  pas  étonnant  que  les  vœux  mo- 
nastiques aient  trouvé  des  adversaires  et 
des  censeurs ,  ne  fût-ce  que  parmi  les 
moines  dégoûtés  de  leur  état  ;  mais  ils  ont 
été  défendus  et  justifiés  par  les  Pères  de 
rE,;;lise  les  plus  respectables.  Il  y  a  du 
moins  un  grand  préjugé  en  leur  faveur, 
c'est  qu'ordinairement  ceux  qui  se  sont  dé- 
goûtés de  la  vie  monastique  et  l'ont  quittée 
pour  rentrer  dans  le  monde,  n'étaient  pas 
d'excellents  sujets. 

LAMPROPHORES,  surnom  que  l'on  don- 
nait aux  néophytes  pendant  les  sept  jours 
qui  suivaient  leur  baptême,  parce  qu'ils 
portaient  un  habit  blanc  dont  on  les  avait 
revêtus  au  sortir  des  fonts  baptismaux. 
C'était  le  symbole  de  l'innocence  et  de  la 
pureté  de  l'Ame  qu'ils  avaient  reçues  par  ce 
sacrement.  Lamprophore  est  formé  de  >«n- 
npiç,  éclatant,  et  de  <fipo>,  je  porte.  Quand  on 
baptise  des  adultes,  l'on  observe  encore 
aujourd'hui  l'usage  de  les  revêtir  d'un  habit 
blanc  ;  mais  l'on  se  contente  de  mettre  sur 
la  tête  des  enfants  baptisés  un  bonnet  de 
toile  blanche  que  l'on  nomme  crémeau.  Yoy. 
ce  mot. 

Les  Grecs  donnaient  encore  le  nom  de 
lamprophore  au  jour  de  P;lques,  tant  à  cause 
que  la  résurrection  de  Jésus-Christ  est  une 
source  de  lumière  pour  les  chrétiens,  que 
parce  qu'en  ce  jour  les  maisons  étaient 
éclairées  par  un  grand  nombre  de  cierges. 
La  lumière  est  le  symbole  de  la  vie,  comme 
les  ténèbres  désignent  souvent  la  mort;  de 
là  on  regarde  le  cierge  pascal  comme  l'image 
de  Jésus-Christ  ressuscité. 

LANFRANG,  né  en  Lombardie,  se  fit 
moine  à  l'abbaye  du  Bec  en  Normandie, 
devint  abbé  de  Saint-Etienne  de  Caén,  et 
mourut  archevêque  de  Canîorbéry,  l'an 
1089.  Il  a  laissé  jilusieurs  ouvrages  qui  ont 
été  publiés  par  D.  Luc  d'Achery,  en  1648,  à 
Paris,  in-fol.  Le  plus  connu  de  tous  est  son 
Traité  du  corps  et  du  sang  du  Seigneur,  dans 
lequel  il  établit  la  foi  de  l'Eglise  sur  l'eu- 
charistie, et  combat  les  erreurs  de  Réren- 
ger.  Cet  auteur  se  sent  moins  que  ses 
contemporains  de  la  rudesse  du  siècle  dans 
lequel  il  écrivait;  il  montre  une  grande  con 


S11 


LAN 


LAN 


21t 


naissance  de  rEcriliire  sainte,  de  la  tradition 
e!,  du  droit  canonique  :  on  trouve  dans  ses 
écrits  plus  de  naturel,  d'ordre  et  de  préci- 
sion que  dans  les  autres  productions  du 
XI'  siècle.  Les  protestants,  qui  ont  témoigné 
en  faire  peu  de  cas,  parce  qu'il  était  moine, 
avaient  oublié  que  son  mérite  seul  le  fit 
placer  sur  le  premier  siège  d'Angleterre, 
qu'il  gagna  la  confiance  de  Guillaume  le 
Conquérant;  que,  pendant  l'absence  de  ce 
prince,  Lanfranc  gouverna  plusieurs  fois  le 
royaume  avec  toute  la  sagesse  possible.  Il 
ne  faut  donc  juger  des  hommes  ni  par  l'ha- 
bit qu'ils  ont  porté,  ni  par  le  siècle  dans 
lequel  ils  ont  vécu  ;  le  cloître  fut  et  sera 
toujours  le  séjour  le  plus  propre  pour  se 
livrer  à  l'étude,  pour  acquérir  tout  à  la  fois 
beaucoup  de  connaissances  et  do  vertus.  On 
n'a  qu'à  confronter  ce  qu'a  écrit  Lanfranc 
pour  établir  le  dogme  de  l'eucharistie,  avec 
ce  que  les  plus  habiles  ministres  protestants 
ont  fait  pour  l'attaquer;  on  verra  de  quel 
côté  il  y  a  le  plus  de  justesse  et  de  solidité. 
Yorj.  Bére?(Ger. 

LANGAGE,  LANGUE.  —  Il  est  dit  dans 
l'Ecclésiastique,  c.  xvii,  v.  5,  que  Dieu  a 
donné  à  nos  premiers  parents  la  raison, 
une  langue  ou  un  langage,  des  yeux,  des 
oreilles,  le  sentiment  et  l'inteUigonce.  Dans 
l'histoire  de  la  création,  Dieu  parle  à  Adam 
et  lui  présente  les  animaux  pour  leur  don- 
ner un  nom  ;  Adam  et  Eve  conversent  en- 
semble; Dieu  est  donc  l'auteur  du  langage. 
Les  spéculations  des  philosophes  modernes, 
sur  la  manière  dont  les  hommes  ont  pu  le 
former,  sont  non-seulement  contraires  au 
respect  dû  à  la  révélation,  mais  un  tissu  de 
visions  que  Lactance  réfutait  déjà  au  iv° 
siè 'le.  Divin.  Instit.,  I.  vi,  c.  10.  Il  suffit 
d'avoir  du  bon  sens,  dit-il,  pour  concevoir 
qu'il  n'y  eut  jamais  d'hommes  sortis  de 
l'enfance,  et  qui  fussent  rassemblés  sans 
avoir  l'usage  de  la  parole;  Dieu,  qui  ne 
voulait  pas  que  l'homme  fût  une  brute, 
a  daigné  lui  parler  et  l'instruire  en  le 
créant  (1). 

(1)  Convaincu,  dit  J.-J.  Rousseau,  de  l'impossibi- 
lité pre:  qneiiémonlrée  que  les  langues  aient  pu  naître 
et  s'établir  par  de,--  moyens  piueiiieni  liiiniains,  je 
laisse  à  qui  voudra  l'entreprendre  la  discussion  de 
ce  difficile  problème...  La  paiole  me  parait  avoir 
été  fort  nécessaire  pour  inventer  la  parole.  (iJisc.  sur 
l'Ithqatilé.) 

i  11  aurait  fallu,  dit  M.  de  Bonald,  pour  celte  in- 
vention, louie  la  force,  toute  lélendiie,  toule  la  sa- 
gacité (le  réflexion  et  il'observaiion  ilont  l'esprit  de 
riionime  peut  (  ire  capable,  et  les  pluspnifondes  com- 
binaisons de  la  pensée.  Aussi  les  pariisaob  de  lin- 
vcnlion  du  langage  ne  manquent  pas  de  diie  que  les 
boinmes  s'observèrent,  réfléchirent,  comparèrent, 
jugèrent,  etc.;  car  il  fal:ait  tout  cela  pour  iiivcuter 
l'art  de  parler.  Mais  je  le  demande  :  de  quelle  na- 
ture, je  dirais  presque  de  (pielle  couleur  étaient  les 
observations,  les  réflexions,  les  comparaisons,  lei 
jugiMuents  de  ces  esprils  qui  n'avaient  encore,  en 
cherchant  le  langage,  aucune  expiession  qui  piil  leur 
donner  la  conscience  de  leurs  propres  pensées  ?  Pbi- 
losriplies,  cssayiz  de  réUécliir,  de  comparer,  de  juger, 
San-  avoir  présents  et  scubiblesà  l'esprit  aucun  Jiiot, 
aucune  parole...  Que  se  passe-t-il  dans  votre  esprit, 
et  qu'y  voyez-vous?  Rien,  absolument  rien  ;  et  vous 


Il  n'est  pas  besoin  d'une  dissertation  pour 
prouver  que  la  connaissance  des  langues  an- 
ciennes est  très-utile  et  môme  nécessaire  à 
un  théologien.  L'hébreu  est  la  langue  origi- 
nale dans  laquelle  ont  été  écrits  les  livres 
de  l'Ancien  Testament;  aucune  version  ne 
peut  en  rendre  parfaitement  et  partout  le 
sens  et  l'énergie.  Quelques-uns  de  ces  livres 
ne  nous  restent  plus  que  dans  la  version 
grecque;  c'est  la  langue  de  laquelle  se  sont 
servis  les  évangélistos,  les  apûtres  et  leurs 
disciples ,  les  Pères  de  l'Eglise  les  plus 
anciens  el  les  plus  respectables.  Le  latin 
est  la  langue  ecclésiastique  de  tout  l'Occi- 
dent. Mais  les  protestants  se  trompent, 
lorsqu'ils  imagineut  que  la  connaissance  des 
langues  les  rend  beaucoup  plus  capables 
d'entendre  l'Ecriture  sainte  que  n'étaiciit 
les  anciens  Pèros  ,  et  lorsqu'ils  iirétendeul 
que  ceux-ci  en  général  sont  de  mauvais  in- 
terprètes, parce  qu'ils  ne  savaient  pas  l'hé- 
hriu.  Origène  et  saint  Jérôme  l'avaient 
appris;  cependant  ils  n'ont  pas  vu  dans 
l'Ecriture  sainte  d'autres  dogmes  ni  une 
autre  morale  que  leurs  contemporains,  qui 
étaient  bornés  h  consulter  la  version  grecque. 

Sans  avoir  besoin  d'un  grand  appareil 
d'érudition,  les  Pères  ont  été  instruits  et 
guidi''S  par  la  tradition  des  Eglises  fondées 
Itar  les  apôtres,  par  l'enseignement  com- 
mun des  différentes  sociétés  orthodoxes; 
et  cet  enseignement  est  beaucoup  plus 
infaillible  que  les  savantes  conjectures  des 
modernes.  Si  ces  derniers  nous  ont  satisfait 
sur  plusieurs  articles  de  peu  d'importance, 
ils  ont  aussi  fait  naître  des  doutes  sur 
d'autres  choses  plus  nécessaires.  Les  nou- 
veaux commentaires,  loin  de  terminer  les 
anciennes  disputes,  en  ont  souvent  excité 
de  nouvelles  :  parmi  les  explicati  ins  dos 
Pères,  il  y  a  beaucoup  moins  d'opposition 
qu'entre  celles  des  critiques  de  nos  derniers 
siècles. 

Nous  sommes  bien  éloignés  de  bl.lmer  ou 
do  déorimer  l'étude  di-s  langues  ;  nous  en 
reconnaissons  volontiers  la  nécessité  :   mais 

ne  pouvez  pas  plus  percevoir  vos  propres  pensées, 
lorsqu'elles  s'appliquent  à  des  objets  incorporels , 
comparer  les  unes  avec  les  autres,  et  juger  enlie 
elles,  sans  des  e-vp>.essious  qui  vous  les  reprcseutent, 
que  vous  «touvez  voir  vos  projjres  yeux,  el  prononcer 
sur  leur  lorme  et  leur  couleur,  sans  un  corps  qui  en 
réiléiliisse  1  image. 

I  Kt,  en  ellei,  ce  ne  s»nt  pas  ici  des  objets  physi- 
ques, des  objets  particuliers  ou  composés  de  parties 
qu'on  peut  voir  et  toucher,  el  dont  il  snlfit  de  se  re- 
tracer la  ligure,  opération  de  la  faculté  d'imaginer 
qui  s'exécute  dans  la  brûle  comme  dans  l'homme  ; 
ce  sont  des  relations  de  convenance,  d'utilité,  de  né- 
cessilé  ;  ce  sont  des  idées  morales,  sociales  ou  géné- 
rales, des  iiiées  de  rapports  de  choses  el  de  person- 
nes, d'où  dériveront  bienlôtdes  lois  et  des  devoirs. 
Ce  sont  même  des  rapports  intellectuels  entre  des 
êtres  pliysi(|ue6  ou  entre  ces  êtres  et  l'homme,  rap- 
ports qui  deviennent  l'objet  de  tous  les  arts  et  même 
(les  pluN  buiues  sciences.  Ci;  soni,  en  un  mot,  des 
vérités,  el  non  simplement  des  i'ails  qu'il  fautexpri- 
mir  ;  c'e>it-;.-dire  des  objets  incorporels  qui  ne  font 
point  iiiiage,  el  ne  peuvent,  qu'à  l'aiie  du  discours, 
être  la  matière  et  la  forme  du  raisonnement.  .Mais  de 
toutes  les  combinaisons  ou  compoiitions  d'idées  et 


»5 


LAN 


LA 


m 


si  à  ce  secours,  queiqiie  utile  mi'il  soit,  l'on 
n'ajoute  pas  la  sonnii'sion  h  l'Eglise  et  la 
fidélité  h  suivre  la  tradition,  l'Ecriture  sainte, 

de  rapports,  la  plus  vaste,  la  plii<; compliquée,  lapins 
inlelli'Cliirllfl  et,  si  l'on  pciil  le  (lire,  la  plus  déliée, 
est  précisément  le  langage  qui  renfiTiiie  toutes  les 
idées  et  Ions  leurs  rap|)orts,  et  qui  est  l'inslriinient 
nécessaire  de  tuiite  ri'llexioii,  de  tonte  compaiaison, 
de  (oui  jiigctiieni.  Celait  donc  le  moyen  de  tonte  iti- 
venlion  qn'il  fallait  coniinciicer  par  inventer  ;  et 
comme  la  pensée  n'est  qn'nne  parole  intérienre,  el  la 
parole  nne  pensée  rendne  extérienrc  et  sensible,  il 
fallait,  de  lonle  nécessilé,  qne  l'inveiitenr  du  langage 
pen-àt,  inventai  l'expression  de  sa  pensée,  lors(iue, 
faille  d'expres-ion,  il  no  pouvait  avoir  même  la  pen- 
sée lie  l'iiivenlion. 

t  Familiarisés,  di's  le  bercean,  avec  le  langage, 
(|uc  nous  entendons  avant  de  pouvoir  l'éfoiiter,  que 
nous  répétons  avant  île  pouvoir  le  compiendre,  que 
nous  parlons  sans  ccssi'  ou  avec  nous-mcnies  ou  avec 
les  autres,  nous  no  faisons  pas  plus  d'attention  à  cet 
art  ujerveilleiix,  devenu  pour  l'homme  sa  propre  na- 
ture, qu'au  jeu  de  nos  poumons  ou  à  la  circulation 
de  notre  sang.  La  parole  est  pour  nous  comme  la  vie, 
dont  nous  jouissons  sans  connailie  ce  (pi'elle  est  et 
sans  rélléciiir  j  c^'  qui  l'oulielieu!.  El  copendani  l'e- 
Ire,  la  société,  le  lomps,  l'univers,  tout  entre  dans 
colle  iHagni/i(|uo  comiiosilion  :  l'être,  avec  toutes  ses 
niodificalions  et  louies  ses  (|ualilés;  la  société,  avec 
ses  persoimes,  leur  rang,  leur  nombre  el  leur  sexe  ; 
.e  temps,  avec  le  passé,  le  prissent  et  le  futur  ;  l'u- 
nivers, enfin,  avec  tout  ce  (pi'il  renferme.  Tout  ce 
(pie  la  langue  nomme  est  ou  petit  être  ;  seuls,  le 
néant  et  l'impossilile  iront  pas  de  nom.  Lumière  du 
inonde  moral  ipii  éctnire  loW  hi^mme.  venant  en  Ci; 
tnmidp,  lien  de  la  sociiHé,  vie  des  intelligences,  dépôt 
de  toutes  les  vé!ii(''s,  de  louies  les  lois,  de  tous  les 
événements,  la  parole  r.gle  riiiunme,  ordonne  la  so- 
ciété, eTpli(|iie  l'univers.  Tous  les  jours  elle  lire  l'es- 
prit de  1  homme  du  néant,  comir.e  aux  premiers 
JOUIS  du  monde  nue  parole  féconde  lira  l'univers  du 
chaos;  elle  est  le  plus  proton  1  mystère  denotre  être  ; 
et  loin  d'avoir  pu  riuventer,  l'iiomuie  ne  peut  pas 
même  la  compiendre.  »  (lUchcrclies  p/ii/oso;)ftii;«ei, 
tom.  I,  chap.  2). 

M.  I.auieniie  a  donné  à  cette  th^se  des  déve- 
loppemenis  que  nous  rapportons  :  i  Voyez,  dit  M. 
Laurenlic,  cet  hoiuiiio  vivant  au  milieu  d'une  société, 
sans  avoir  aucune  des  notions  ipii  coustitiieui  la  so- 
ciété des  intelligences.  Nul  dnule  que  l'aspect  de 
l'ordre  moral  qui  se  inanifesle  dans  les  dehors  de  la 
société  humaine  ne  fasse  sur  son  esprit  une  certaine 
impression  d'étonnenient,  el  ne  le  porte,  par  une 
sorle  d'instinct  iiatuicl,  jusqu'à  une  imitation  impar- 
faite des  actes,  même  moraux,  des  autres  honnies. 
Cependant  cet  homme  reste  sans  notion  de  ce  qui 
esl  bien  ou  de  ce  qui  est  mal.  Il  a  des  sentiments, 
sans  doute,  parce  qu'il  a  des  sensations  ;  mais  il  ne 
compare  pas,  il  ne  di-duil  pas,  il  ne  irisonne  pas,  il 
n'a  pas  d'idées.  11  y  a  des  liommes  d'une  philosophie 
religieuse,  mais  peu  rédéchie,  dont  l'imagination  se 
refuse  à  concevoir  des  inlelligonces  vides  ainsi  de 
loule  notion.  Ils  ne  peuvent  pas  surtout  supposer 
qu'il  y  ait  des  cn'aïuies  assez  cruelleiiieiit  trait'  es 
par  la  nature  pour  ipie  la  pensée  de  Dieu  soit  absente 
de  leur  esprit.  .Mais  eu  supposant  ipie  le  spectacle 
merveilleux  du  monde  et  l'aspect  mniie  de  lous  les 
h  Miimcs,  accoutumés  à  proclamer  par  leurs  adora- 
lions  silencieuses  l'existence  d'un  être  mystérieux, 
puissent  jeter  dans  l'àme  d'un  sourd-niuel  la  pensée 
de  cet  (  Ire  el  le  sentiaieni  de  sa  puissance,  quelle 
dislance  infinie  de  cette  pensée  vague  et  indéfinie, 
sorle  de  teneur  inexplicable,  à  la  notion  claire  et 
positive  de  la  Diviniié,  telle  (pi'ellc  existe  dans  une 
intelligence  développée  par  la  parole  !  Cette  inipres- 
sioa  coufuse  n'a  rien  qui  lui  donne  le  plus  léger  rap- 


loin  dr:  concilier  les  esprits,  sera  toujours 
uiKi  jiommo  de  discorde  jetée  parmi  eux  ; 
chaque   nouveau    docteur  y   trouvera   ses 

port  avec  l'iilée,  entendue  dans  sa  perfection  com- 
pl'''le.  Et  cependant  je  parle  du  sourd-muet  qui  vit 
parmi  les  hommes  dont  les  actes  extérieurs  penvent 
faire  pénétrer,  à  son  insn,  dans  son  esprit  (!•<  im- 
pressions morales,  et  lui  tenir  lieu,  jusqu'à  un  cer- 
tain point,  de  propres  réflexions.  .Mais  qoe  seraii-ce 
si  le  sourd-muet  vivait  dans  une  société  d'hoiniiies 
dont  les  habitudes  seraient  pmeuient  animales  ?  L'in-  * 
telligence  du  sourd-muet  resterait  alors  inanimée  ; 
el  quelque  idée  que  l'on  se  fasse  de  ses  nerceptiims 
intimes,  jamais  on  ne  pourrait  compremire  que  ces 
perceptions  pussent  ressembler  h  des  notions  claires 
et  pri'cises  ;  il  sciait  enfin,  si  j'ose  le  dire,  une  brute 
véritable,  douée  seulement  du  don,  mais  du  don  en- 
foui de  la  pensée,  et  dont  la  destinée  intclleclnclle 
se  révélerait  tout  au  plus  par  sou  imitation  parfaite 
des  actes  extérieurs  de  la  vie  de  rhoinme  iulel- 
'  ligent. 

<  Dans  le  dernier  sii'cle,  des  hommes  bien  inten- 
tionnés, voulant  répondre  à  la  philosophie  téméraire 
qui  osait  penser  que  Dieu  était  une  invention  des 
prêtres,  ou  qui  répétait,  après  d'anciens  athiîes,  que 
sa  croyance  était  le  résultat  de  la  peur,  allèrent  con- 
sulter aussi  la  conscienœ  du  sonrd-nuiei,  pour  y 
trouver,  si  c'etaii  possible,  celle  pensée  empieinle, 
et  iinur  veiijer  ainsi  l'CNisieiice  de  la  Divinité  et  la 
conscience  du  reste  des  hommes.  Cette  expérience 
était  inutile  ;  aujoiirdhui  il  sullit  dédire  qu'elle  cAt 
été  désespérante  pour  la  cause  de  la  vérité,  si  la  vé 
rite  eîit  eu  besoin,  pour  éclater  à  tous  les  regards, 
des  révélations  arrachées  à  la  conscience  de  ces 
êtres  incomplets.  En  effet,  ceux  qui,  après  avo:r  été 
instruils  par  les  méthodes  récemment  pratiquées, 
furent  interrogés  sur  leurs  anciennes  notions,  ne  ti- 
rent jamais  ipie  témoigner  une  leurs  notions  étaient 
vagues  et  confuses,  et  leurs  serilimenis  iiidétiuissa- 
blcs.  Celle  expérience  peut  éire  ré(»élée  à  chaque  mo- 
ment depuis  (pie  les  métholcs,  devenues  d'une  ap- 
pHciiiion  plus  universelle  cl  plus  facile,  nous  mon- 
trent des  Sdnrds-muets  parvenus  à  une  instruclion 
assez  développée  pour  pouvoir  rendre  compte  de 
leurs  perceptions  présentes  et  de  leurs  anciens  sou- 
venirs. Or,  chaque  expérience  nouvelle  monlrera  qne 
le  sourd-muet,  c'est-à-dire  l'homme  sans  parole, 
l'homme  sans  communication  avec  les  intelligences, 
vit  sans  idées  ou  sans  notions,  même  sans  l'idée  ou 
la  notion  de  Dieu,  bien  qu'il  y  ait  dans  son  âme  une 
singulière  dispo.-ition  à  soiipcnuiier,  à  deviner,  peut- 
être  ::  chercher  el  à  vouloir  l'existence  d'un  Etre  su- 
périeur à  tous  les  autres,  leur  auteur  el  leur  coii- 
servaieur.  11  ne  faut  pas  imaginer  ([ue  nos  observa- 
tions ne  soient  qu'une  opiniiui  particulière  el  capri- 
cieuse de  notre  esprit  ;  elles  sont  le  résultat  de  l'ex- 
périence des  hommes  qui  se  sont  le  plus  étuiliés 
a  connaître  l'existence  intellectuelle  du  sourd- 
muet. 

«  Les  Mémoirea  (te  l' Académie  des  Scinces  font 
mention  d'un  sourd  de  Chartres  ipii,  ayant  été  guéri 
de  sa  surdilé,  déclara,  lorsipi'il  fut  inslruii,  (pi'il 
avait  mené  jusque-l  1  une  vie  piiremeiil  animale.  Les 
théologiens  et  les  physiologistes  s'em)Messàrenl  d'in- 
terroger cet  être  à  ipii  la  parole  venait  de  rendre 
rinlciligerrre  ;  el  toujours  il  di^scspéra  ceux  qui 
s'attendaient  à  trouver  en  lui  des  idées  innées,  ou  des 
idées  produites  par  la  sensation.  Il  est  curieux  de 
voir  comment  le  cardinal  Gerdil,  grand  partisan  des 
id<'es  innées,  s'ellorce  de  nieUre  ce  fait  en  liarinoiiie 
avec  son  système  :  Le  sourd,  dit-il,  «i.ti;  riilltmeni 
(/es  iiiécs  ;  "seulement  ilii\ii  nvnit  pas  (  it  usaiff. 
Yo;1j,  il  faut  en  convenir,  un  moyen  commode  de 
tout  expliiiucr,  el  il  n'est  pas  rie  système  qu'on 
ne  piil  juslilicravec  des   dislinclicns  aussi  rallinées. 

«  Un  ouvi-age  assez  rare,  intitulé  :  Antilogies  plii- 


31S 


LAN 


LAN 


216 


rêveries,  elles  appuiera  sur  vingt  passages 
entendus  à  sa  manière  :  l'expérience  de 
dix-sept  siècles  n'en  est  qu'une  trop  bonne 
preuve.  Depuis  que  les  novateurs  en  ont 
tous  appelé  à  l'Ecriture  sainte ,  sont-ils 
mieux  d'accord  entre  eux  qu'avec  l'Eglise 
catholique?  Aucune  secte  n'a  autant  tra- 
vaillé sur  l'Ecriture  que  les  sociniens,  et 
aucune  n'en  a  fait  un  abus  plus  intolérable. 
Au  m'  siècle.,  Tertullien  s'élevait  d''jà 
contre  cette  licence  des  hérétiques  ;  il  leur 
reprochait  leur  témérité  de  vouloir  prendre 
d'eux-mêmes  le  sens  de  l'Ecriture,  sans 
consulter  l'Eglise,  à  laquelle  .seule  Dieu  en 
a  confié  la  lettre  et  en  a  donné  l'intelli- 
gence. 

Langues  (confusion  des).  Voy.  Babel. 

Langage  typique.  Voy.  Type. 

Langue  vulgaire.  11  y  a  une  grande  dis- 
pute entre  les  catholiques  et  les  protestants, 
pour  savoir  si  c'est  un  usage  louable,  ou  un 
abus,  de  célébrer  l'office  divin  et  la  liturgie 
dans  une  langue  qui  n'est  pas  entendue  du 
peuple.  C'est  un  des  principaux  reproches 
que  les  controversistes  hétérodoxes  ont  faits 
à  l'Eglise  romaine;  ils  l'accusent  d'avoir 
changé  en  cela  l'usage  de  l'Eglise  primitive, 

losophiques,  renferme  un  dialogue  entre  un  sourd- 
mnei  inslruil  par  les  mélhodes  nouvelles  et  un  de 
ses  amis.  On  voit  clairement  que  le  sourd-niuel,  M. 
le  chevalier  d'Elavigni,  dont  la  première  vie  avait 
pu  être  moins  matérielle  que  celle  des  sourds-muets 
ordinaires,  à  cause  ries  habiuides  distinguées  dont  il 
avait  dû  puiser  l'imitation  dans  sa  famille,  l'ait  des 
eflorl5  pour  retrouver  dans  ses  souvenirs  quelque 
trace  de  notions  intellectuelles.  Mais  on  voit  aussi 
que  ses  efforts  sont  vains,  et  qu'il  n'y  retrouve  que 
des  images  vagues  et  confuses  qui  ne  durent  jamais 
ressembler  le  moins  du  monde  à  des  idées. 

<  Moi-même,  dit  M.  Laiirenlie  ,  j'ai  interrogé 
des  sourds-mnels  instruits  et  désintéressés  dans 
leurs  explications.  Tous  m'ont  assuré  qu'avant  le 
moment  de  leur  instruction  ils  n'avaient  aucune  idée, 
même  de  Dieu.  Le  docte  M.  Jamet,  recteur  de  l'Ac?- 
déraie  de  Caen,  et  fondateur  d'une  école  illustre  de 
sourds-muets,  m'a  fait  part  de  sa  longue  expérience 
et  m'a  confirmé  dans  mes  convictions.  En  d'autres 
lieux,  et  principalement  à  Angers,  j'ai  pu  voir  les 
diflicnllés  qu'on  éprouve  pour  l'aire  entrer  une  idée 
bien  nette  de  Dieu  dans  la  tele  d'un  sourd-muet.  On 
m'a  cité  un  élève  de  la  maison  de  la  Chartreuse,  au- 
près de  Vannes,  qui  disait  qu'il  n'avait  pas  peur  dè- 
tre  frappé  par  le  bras  de  Dieu,  parce  (|ue  Dieu  n'a- 
vait pas  de  bras,  et  qu'il  était  rond.  Il  croyait  que 
c'était  le  soleil  qui  était  Dieu,  parce  que  **  signe  de 
l'ailoration  de  Dieu  consiste  à  lever  les  mains  et  les 
yeux  au  ciel  ;  et  il  y  en  a  qui  croient  longtemps,  pour 
cela  même,  qu'il  y  a  deux  dieux,  le  dici  du  jour  et 
le  dieu  de  la  nuit.  Mais  j'ai  à  citer  des  autorités 
qui  sont  plus  imposantes  (pi«  mes  faibles  observa- 
tions. 

I  J'ai  sous  les  ycnx  un  mémoire  rempli  de  faits 
curieux,  et  composé  par  un  homme  qui  a  vu  de  très- 
près  les  élèves  de  l'école  des  sourds-nmets  de  Paris. 
Ce  mémoire  établit  clairement  que  le  sourd-muet, 
seul  dans  l'univers,  rivrait  dans  une  éternelle  en- 
fance, sans  le  bienfait  de  l'instruction...  Il  est  cer- 
tain, d'après  les  observations  d'expérience  dont  je 
parle,  que  le  sourd-muet,  tel  qu'il  vit,  et  grandit,  et 
végète  parmi  les  hommes,  estim  être  purement  ani- 
mal, sans  idées,  Fans  notions  de  ce  qui  est  bien  ou 
mal,  macliine  vivante,  et  se  mouvant  par  tous  les 
!fe5so!ls  organiques  qui  servent  d'instrument  à  l'in- 


de  cacher  au  peuple  les  choses  qu'il  a  le 
plus  grand  intérêt  de  connaître,  de  le  forcer 
à  louer  Dieu  sans  rien  comprendre  à  ce 
qu'il  dit. 

Nous  convenons  que,  du  temps  des  apôtres 
et  dans  les  premiers  siècles,  le  service  divin 
se  fit  en  langue  vulgaire  dans  la  plupart  des 
Eglises  ;  savoir,  en  syriaque  dans  toute 
l'étendue  de  la  Palestine  et  de  la  Syrie,  en 
grec  dans  les  autres  provinces  de  l'Asie  et 
de  l'Europe  où  l'on  parlait  cette  langue,  en 
latin  dans  l'Italie  et  dans  les  autres  pariies 
occidentales  de  l'empire.  11  y  a  même  lieu 
de  présumer  qu'en  Egypte,  pendant  que 
l'on  se  servait  du  grec  dans  la  ville  d'Ale- 
xandrie, on  célébrait  en  cophte  dans  les 
autres  églises  de  cette  contrée;  mais  on  ne 
sait  pas  précisément  en  quel  temps  cette 
diversité  a  commencé.  C'est  inutilement  que 
Bingham  a  pris  beaucoup  de  peine  pour 
prouver  le  fait  général ,  puisqu'il  n'est 
contesté  par  personne.  Orig.  eccles.,  1.  xiii, 
c.  4.. 

Mais  il  y  a  aussi  des  exceptions  qu'il  ne 
fallait  ]ias  dissimuler.  Lorsque  saint  Paul 
alla  prêcher  en  Arabie,  est-il  certain  qu'il  y 
ait  célébré  la  liturgie  en  arabe?  Quoique  le 

telligence  humaine,  mais  incapable  de  donner  un 
motif  moral  à  ses  actions;  simplement  imitateur 
enfin  des  actes  des  autres  hommes,  dont  il  était 
destiné,  sans  une  disgrâce  cruelle  de  la  nature, 
à  partager  les  destinées  intellectuelles,  et  toutelois 
placé  à  une  distance  irdinie  au-dessus  de  l'animal, 
par  le  don  tout  divin  de  l'inteiligence  dont  l'usage 
lui  est  interdit,  et  qu'il  doit  retrouver  un  jour  libre 
des  imperfections  des  sens  et  des  vices  grossiers  de 
la  matière.  C'est  ainsi  que  les  plus  savants  institu- 
teurs des  sourds-muets  ont  considéré  ces  êtres  mal- 
heureux. «  Les  sourds-muets,  dit  M.  l'abbé  de  l'E- 
pée,  sont  réduits  en  quelque  sorte  à  la  condition  des 
bêtes.  »  Il  parle  ici  des  sourJs-nuicis  par  rapport  à 
la  connaissance  de  la  religion  ;  mais  M.  Sicard  est 
plus  absolu,  et  ce  qu'il  dit  parait  encore  plus  déso- 
lant, puisqu'il  l'applique  à  toutes  sortes  de  notions 
morales.  <  C'est  une  grande  erreur,  dit-il,  de  con- 
fondre le  sourd-uiuet  avec  un  enfant  ordinaire... 
Borné  aux  seuls  mouvements  physiques,  il  n'a  pas 
même,  avant  qu'on  ait  dcchiré  l'enveloppe  sous  la- 
quelle sa  raison  dctueure  ensevelie,  cet  instinct  sûr 
qui  dirige  les  animaux.  Le  sounl-muet  est  seul  dans 
la  nature,  tans  uncun  exercice  potisible  de  ses  (acitlléi 
intellfclnellca,  qui  demeurent  sans  action,  sans  vie... 
à  moins  qu'une  main  bienfaisante  ne  parvienne  à  le 
tirer  de  ce  sommeil  de  mort...  Quant  au  moral,  il 
n'en  soupçonne  pas  même  l'eiistence.  Rapporter  tout 
à  lui,  obé'r  avec  impétuosité  à  tous  les  besoins  natu- 
rels, satisfaire  tous  ses  appétits...  s'irriter  contre  les 
obstacles...  renverser  tout  ce  qui  s'oppose  à  ses 
jouissances...  voilà  toute  la  nKU'ale  de  cet  infortuné. 
Il  n'a  des  yeux  que  pour  le  monde  physique  ;  et  en- 
core quels  yeux  't  II  voit  tout  sans  intérêt...  Le  mon- 
de moral  n'exiite  pas  i  our  lui,  et  tt's  vertus  comme  les 
vices  sont  sans  rénliU'.  Tel  est  le  sourd-muet  dans  son 
état  naturel  ;  le  voilà  tel  que  l'habitude  de  l'obser- 
vation, en  vivant  avec  lui,  m'a  mis  à  même  de  le 
dépeindre,  i  En  un  mot,  et  pour  nous  résumer,  le 
sourd-inuet  n'a  pas  d'idées,  puisqu'il  ne  parle  pas  ; 
donc,  sans  la  parole,  l'homme  ne  pouvait  inventer  la 
parole  ;  donc  rinvenlion  de  la  parole  était  impossi- 
ble ;  iluiie  la  parole  on  le  langage  est  \ui  don  ("* 
Dieu,  t  Voyez  Vlnlruduclion  de  lu  pliit  .soplne,  etc  j 
par  M.  Laiirentie,  ch.  u,  art.  "2. 


217  LAN 

christianisme  ait  subsisté  au  moins  pendant 
quatre  eents  ans  dans  cette  partie  du  monde, 
il  n'y  a  dans  toute  l'antiquito  aucun  vestige 
d'une  liturgie  arabe.  11  a  duré  au  moins 
aussi  longtemps  dans  la  Perse,  et  l'on  n'a 
jamais  cnteniJu  parler  d'un  service  divin 
fait  en  langue  persane.  Du  temps  de  saint 
Augustin,  la  langue  punique  était  encore  la 
seule  qui  filt  entemlue  [)ar  une  bonne  par- 
tie des  chrétiens  (l'Afrique;  il  nous  l'apprend 
dans  SCS  écrits  ;  mais  il  n'a  jamais  été 
(juestion  de  traduire  dans  cette  langue  les 
prières  de  la  liturgie.  Lorsque  le  ctiristia- 
nisme  pénétra  dans  les  Gaules,  le  latin 
n'était  pas  plus  la  langue  vulgaire  du  peuple 
(jue  le  français  ne  l'est  aujourd'hui  dans  nos 
]irovinces  éloignées  de  la  capilale;  il  l'était 
encore  moins  chez  les  Espagnols,  chez  les 
Anglais  et  chez  les  autres  peiqdes  du  Nord: 
cependant  l'on  a  constamment  céléijré  la 
liturgie  en  latin  dans  tout  l'Occident.  Il 
n'est  donc  pas  universellement  vrai  que 
dans  les  premiers  siècles  le  service  divin 
ait  été  fAit  en  langue  vulgaire,  puisque  les 
trois  langues  dans  lesquelles  il  a  été  célébré 
d'abortl  n'étaient  jioint  vulgaires  dans  une 
grande  partie  du  monde  chrétien. 

Dans  la  suiie  des  temps,  lorsque  le  mé- 
lange des  peuples  a  changé  les  langues  et  a 
multiplié  les  jargons  ^  l'intini,  soit  dans 
l'Orient,  soit  dans  l'Occident ,  l'Eglise  no 
s'est  point  assujettie  k  toutes  ces  variations; 
elle  a  conservé  constamment  dans  l'otTice 
divin  les  mêmes  langues  dans  lesquelles  il 
avait  été  célébré  d'abord  :  nous  prouverons 
dans  un  moment  que  cette  conduite  a  été 
très-sage. 

Parce  que  les  protestants  ont  lu  que  les 
Grecs  font  leur  odico  en  grec,  les  Syriens 
en  syriaque,  et  les  Egyptiens  en  cophie,  ils 
se  sont  imaginés  que  ces  langues  sont 
encore  populaires,  comme  elles  l'étaient 
autrefois  dans  ces  contrées.  C'est  une  erreur 
grossière.  Le  grec  vulgaire  d'aujourd'hui 
est  un  langage  corrompu,  très-dillVrenl  du 
grec  littéraire;  la /o/iyi/r  vulgairt  des  Syriens 
n'est  plus  le  syriaque,  mais  l'arabe  qui  est 
aussi  parlé  par  les  chrétiens  d'Egypte.  L'é- 
thiopien a  été  presque  entièrement  etfacé 
chez  les  Abyssins  pcâr  une  langue  nouvelle 
qn'un  roi  li'extractinn  étrangère  y  a  intro- 
duite; l'arménien  nuiderne  n'est  plus  celui 
dans  lequel  la  liturgie  arménienn-  a  été 
écrite  :  la  liturgie  syriaque  a  été  portée 
chez  les  Indiens  de  la  côte  de  Malabar,  qui 
n'ont  jamais  eu  l'usage  de  cette  langue  :  elle 
est  en  usage  chez  les  nestoriens  qui  ne 
l'entendent  plus.  Assémani,  Biblioth.  Orient., 
tom.  IV,  c.  7,  §  i2.  Tous  ces  peujiles  sont 
donc  obligés  de  faire  des  études  puir  en- 
tendre le  langage  de  leur  liturgie,  tout 
comme  nous  sommes  forcés  d'apprendre  le 
latin.  C'est,  de  la  part  des  protestants,  une 
injustice  de  reprocher  à  l'Eglise  romaine 
seule  une  conduite  qui  est  la  môme  que 
colle  de  toutes  les  autres  sociétés  chrétien- 
nes ;  mais  les  jirétendus  réformateurs  n'é- 
taient pas  assez  instruits  jwur  juger  de  ce 
qui  est  bien  ou  mal.  Yoy.  Liturgie. 


LAN 


91S 


Ils  auraient  eu  quelque  raison  de  se 
plaindre,  si  l'Eglise  avait  décidé  qu'il  faut 
absolument  célébrer  l'oflice  divin  clans  une 
langue  inonnue  au  peu|)le;  mais  loin  de  le 
faire,  elle  n'a  donné  l'exclusion  à  auc  me 
langue;  elle  a  mi'^me  permis  l'introduction 
d'une  langue  nouvelle  dans  le  service,  toutes 
les  fois  que  cela  s'est  trouvé  nécessaire 
pour  faciliter  la  conversion  d'un  peuple 
entier  :  ainsi,  outre  le  grec,  le  latin  et  le 
syriaijue,  (jui  datent  du  temps  des  apôtres, 
la  liturgie  a  été  célébrée  en  cophte  de  très- 
bonne  heure.  Au  iv  siècle ,  lorsque  les 
Ethiopiens  et  les  Arméniens  se  converti- 
rent, elle  fut  traduite  en  éthiopien  et  en 
arménien;  au  v%  elle  fut  mise  par  écrit 
dans  ces  six  langues.  Au  ix'  et  au  x',  on 
la  traduisit  en  esclavon  pour  les  Moraves 
et  pour  les  Russes,  et  il  leur  fut  permis  de 
la  célébrer  dans  cette  langue.  Mais  lorsque 
tous  ces  langages  ont  changé,  on  a  conservé 
la  liturgie  telle  qu'elle  était,  et  nous  sou- 
tenons que  l'on  a   bien  fait. 

1»  L'unité  de  langage  est  nécessaire  pour 
entretenir  une  liaison  plus  étroite  et  une 
communication  de  doctrine  plus  facile  entre 
les  différentes  Eglises  du  monde,  et  pour 
les  rendre  jilus  lidôlement  attachées  au 
centre  de  l'unité  catholique.  Que  les  dilfé- 
rentes  sociétés  protestantes,  qui  n'ont  en- 
tre elles  rien  de  commun,  ne  se  soient  pas 
mises  en  peine  de  conserver  un  même  lan- 
gage dans  le  service  divin,  cela  n'est  pas 
étonnant;  c'est  autre  chose  pour  l'Eglise 
catholique,  dont  le  cai'actère  est  l'unité  et 
l'uniformité.  Si  les  Grecs  et  les  Latins  n'a- 
vaient eu  qu'une  même  langue,  il  n'aurait 
pas  été  aussi  aisé  à  Photius  et  k  ses  adhé- 
rents d'entraîner  toute  l'Eglise  grecque  dans 
le  schisme,  eu  attribuant  à  l'Eglise  romaine 
des  erreurs  et  des  abus  dont  elle  ne  fut  ja 
mais  coupable.  Dès  qu'un  protestant  est 
hors  de  sa  patrie,  il  ne  peut  plus  participer 
au  culte  public;  un  catholique  n'est  dépaysé 
dans  aucune  des  contrées  de  l'Eglise  latine. 
On  a  dit  que  l'empressement  des  papes  k 
introduire  partout  la  liturgie  romaine  était 
un  effet  de  leur  ambition  et  de  l'envie  de 
dominer  ;  dans  la  vérité,  c'a  été  un  effet 
de  leur  zèle  pour  la  catholicité,  qui  est  le 
caractère  de  la  véritable  Eglise.  —  2"  Une 
langue  savante,  qui  n'est  entendue  que  des 
hommes  instruits,  insfiire  plus  de  respect 
que  le  jargon  poimlaire.  La  plupart  de  nos 
mystères  paraîtraient  ridicules,  s'ils  étaient 
esprimés  dans  un  langage  trop  familier. 
Nous  le  voyons  par  la  traduction  des  psau- 
mes en  vieux  français,  qui  avait  été  faite 
par  iMarot  pour  les  calvinistes  :  le  style  n'en 
est  plus  supportable.  Les  Bretons,  les  Pi- 
cards, les  Auvergnats,  les  Gascons,  avaient 
autant  de  droit  de  faire  l'oftice  divin  dans 
leur  patois,  que  les  calvinistes  de  Paris  eu 
avaient  de  le  faire  en  français  :  pourquoi 
les  réformateurs,  si  zélés  pour  rinstrurtiou 
du  bas  peuple,  n'ont-ils  pas  traduit  la  litur- 
gie et  l'Ecriture  sainte  dans  tous  ces  jar- 
gons? Cela  aurait-il  contribué  beaucoup  à 
rendre  la  religion  resnectable  ?  —  3°  L'insta- 


S19 


LAUf 


LAO 


223 


bilité  fies  langues  vivantes  entraînerait 
nécessaireuiont  du  changement  dans  les 
formules  du  culte  divin  et  de  l'administra- 
tion des  sacrements;  ces  altérations  fréquen- 
tes eu  produiraient  infailliblement  dans  la 
doctrine,  puisque  ces  formules  sont  une 
profession  de  foi.  On  en  a  vu  la  preuve  chez 
les  protestanis,  dont  la  croyance  est  au- 
jourd'hui très-ditTérente  de  celle  qui  a  été 
prêctiée  par  les  premiers  réformateurs.  Sans 
cesse  ils  sont  obligés  de  retoucher  leurs 
versions  de  la  Bible,  et  chaque  nouveau 
traducteur  y  met  du  sien  ;  il  est  en  droit  de 
traduire  selon  ses  idées  et  ses  sentiments 
particuliers.  Les  Bibles  luthériennes,  calvi- 
nistes, sociniennes,  anglicanes,  ne  sont  pas 
exactement  les  mêmes,  et  les  liturgies  de 
ces  différentes  sectes  ne  se  ressemblent  pas 
davantage.  Yoij.  Versiox.  —  4°  La  nécessité 
d'apprendre  la  langue  de  l'Eghse  a  conservé 
dans  tout  l'Occident  la  connaissance  du  latin, 
nous  a  donné  la  facilité  de  consulter  et  <le 
perpétuer  les  monuments  de  notre  foi.  Sans 
cela,  l'irruption  des  Barbares  aurait  étoulfé 
dans  nos  chmats  toutes  les  connaissances 
humaines.  Si  parmi  nous  il  suffisait  d'en- 
tendre le  français  pour  être  en  étit  di;  célé- 
brer l'office  d  vin,  toute  la  science  des  m'- 
nistres  de  l'Eglise  se  réduirait  bientôt  à 
savoir  lire.  Il  ne  sied  point  aux  protestants, 
qui  se  sont  flattés  d'être  plus  savants  que 
les  catholiques,  île  blâmer  une  méthode  (jui 
mot  les  ecclésiastiques  dans  la  nécessité  de 
faire  des  études,  et  qui  tend  à  prévenir  le 
règne  de  l'ignorance.  Sans  la  rivalité  qui 
règne  entre  les  catholiques  et  les  protes- 
tants, ces  derniers  avec  leur  zèle  pour  les 
langues  vulgaires,  seraient  déjà  plongés  dans 
la  même  ignorance  que  les  cophtes  d'Egypte, 
les  jacobites  de  Syrie  et  les  nestoriens  des 
frontières  de  la  Perse. 

Il  n'est  pas  vrai  que,  par  l'usage  d'une 
langue  morte,  les  fidèles  se  trouvent  privés 
de  la  connaissance  de  ce  qui  est  contenu 
dans  la  liturgie  ;  loin  de  leur  interdire 
cette  connaissance  ,  l'Eglise  recommande  à 
ses  ministres  d'expliq:ier  au  peuple  les  dif- 
férentes parties  du  saint  sacrifice  et  le  siuis 
des  prières  publiques  :  elli>  l'a  ainsi  ordonné 
dans  le  décret  même  du  concile  de  Trente, 
contre  lequel  les  protestants  ont  tant  dé- 
clamé. «  Quoique  la  messe,  dit  ce  concile, 
contienne  un  grand  sujet  d'instruction  pour 
le  commun  des  fidèles,  les  Pères  n'ont  ce- 
pendant pas  jugé  expédient  qu'elle  fût 
célébrée  en  langue  vulgaire.  C'est  pourquoi, 
sans  s'écarter  de  l'usage  ancien  de  chaque 
Eglise,  approuvé  par  colle  de  Rome,  qui  est 
la  mère  et  la  maîtresse  de  tout 's  les  Ej,lises, 
et  pour  que  le  pain  de  la  parole  de  Dieu  ne 
manque  jioint  aux  ouailles  de  Jésus-Christ, 
le  saint  concile  ordonne  h  tous  les  pasteurs 
et  à  tous  ceux  qui  ont  charge  d'il  mes,  d'ex- 
pliquer souvent,  ou  par  eux-mêmes  ou  par 
d'autres,  une  partie  de  la  messe  pendant 
qu'on  la  célèbre,  et  de  développer  K'S  mys- 
tères de  ce  saint  sacrifice  surtout  les  jours 
de  dimanche  et  de  fête.  »  Sess  22,  c.  b. 
D'autres  conciles   particuliers  ont  ordonné 


la  nîSine  chose,  et  il  n'est  aucun  pasteur 
qui  ne  se  croie  obligé  do  satisfaire  à  ce  de- 
voir. —  D'ailleurs,  l'Eglise  n'a  pas  absolu- 
ment défendu  les  traductions  des  prières  de 
la  liturgie,  par  lesquelles  le  peuple  peut 
voir  d  ms  sa  langue  ce  que  les  prêtres  disi'nt 
à  l'autel  ;  elle  n'a  désapprouvé  ces  traduc- 
tions que  quand  on  a  voulu  s'en  servir  pour 
introduire  des  erreurs.  Sur  ce  sujet,  les 
moyens  d'instruction  sont  multipliés  à  l'in- 
fini ;  quoi  qu'en  disent  les  jirotestants,  il 
n'est  pas  vrai  qu'en  général  le  peuple  sache 
mieux  sa  religion  chez  eux  que  chez  nous; 
leur  symbole  est  plus  court  que  le  nôtre  et 
plus  aisé  à  retenir,  et  leur  rituel  n'est  pas 
fort  long.  Ils  sont  plus  disputeurs  et  moins 
dociles  que  nous;  leurs  femmes  se  croient 
théologiennes,  parce  qu'elles  lisent  la  Bible; 
ce  n'est  pas  là  un  grand  bien  ;  la  plupart  no 
savent  pas  seulement  ce  que  nous  croyons 
et  ce  que  nous  enseignons,  puisqu'ils  ne 
cessent  de  travestir  et  de  calomnier  notre 
croyance. 

Énlin,  il  n'est  pas  vrai  que  quand  le  peuple 
unit  sa  voix  à  celle  des  ministres  de  l'Eglise 
dans  une  langue  qui  n  ■  lui  est  pas  fainilièie, 
il  ignore  absolument  ce  qu'il  dit;  il  sait,  du 
moins  en  gros,  le  sens  des  prières  qu'il  fait, 
et  c'en  est  assez  pour  noiirrir  sa  foi  et  sa 
piété.  En  général,  il  y  a  plus  de  vraie  piété 
parmi  le  peuple  catholique  que  parmi  les 
protestants. 

Leurs  controversistes  ont  fait  grand  bruit 
du  passage  dans  lequel  saint  Paul  dit  :  S?j'e 
prie  dans  une  langue  que  je  n'entends  pas, 
mon  cœur,  à  In  vérité,  prie;  mais  mon  esprit 
et  mon  intelligence  sont  sans  fruit...  J'aime 
mieux  ne  dire  dans  l'église  que  cinq  paroles 
dont  j'aie  l'intelligence,  pour  en  instruire  aussi 
les  autres,  que  d'en  dire  dix  mille  dans  une 
langue  inconnue.  (/  Cor.  c.  iiv,  v.  Ik  et  19.) 
Mais  la  langue  dont  l'Eglise  se  sert  dans  ses 
prières ,  n'est  pas  absolument  inconnue  , 
môme  au  peuple,  puisque,  par  les  leçons 
des  pasteurs  et  par  les  traductions  de  la'  li- 
turgie, le  simple  filèle  est  sufiisamment  ins- 
truit de  ce  qu'il  dit.  Il  n'en  était  pas  de  même 
lorsqu'un  chrétien,  doué  surnaturellement 
du  don  di'S  langues,  parlait  dans  l'église, 
sans  pouvoir  être  entendu  de  personne  : 
c'est  l'abus  que  saint  Paul  voulait  réformer. 
Nous  ne  vojons  pas  que  lui-même  ait  donné 
aux  Arabes  qu'il  convertit,  une  liturgie  dans 
leur  langue.  Vog.  la  Dissertation  sur  les  li- 
turgies orientales,  par  l'abbé  Kouiuilot,  p.  l'î. 
Le  Brun,  Explication  de  la  messe,  tom.  VJI, 
14*  dissertation;  Traité  sur  l'usage  de  célé- 
brer le  service  divin  dans  une  langue  non 
vulgaire,  par  le  P.  d'Antecourt,  etc. 

LAOSYNACTE,  ofiicier  de  l'Eglise  grec- 
que, dont  la  charge  était  do  convoquer  le 
peuple  pourles  assemblées,  comme  faisaii'iit 
aussi  les  diacres  dans  les  occasions  néics- 
saires.  Ce  mot  vient  deiàof,  peuple,  et  Tuvàyu, 
j'assemble. 

La  multitude  d'officiers  attachés  au  service 
de  l'Eglise  chez  les  Grecs  démontre  le  soin 
que  l'on  avait  surtout  dans  les  premii-rs  siè- 
cles à  maintenir  l'ordre,  la  décence,  la  ino- 


tti 


lAP 


LàT 


222 


destie,  la  sfireté  dans  les  assemliléos  chré- 
tiennes. 011  vrillait  exactement  h  ee  qu'il  ne 
s'y  glissM  anrun  païen,  aucun  ('trnnger  in- 
coriliu  ou  suspect,  aucun  p(''cheur  retranché 
fle  la  communion.  Lt\  cert  lude  d'y  cMre  sur- 
ve  Hé  inspirait  la  retenue  aux  jeunes  gen^  et 
J»  ceux  (jui  n'avaii'nt  pas  beaucoup  de  piété  : 
personne  n'y  Jouiss.dt  du  privilège  de  bra- 
ver impunément  la  sainicté  des  temples  et  la 
majesté  du  service  divin.  Les  princes,  les 
prrnnds ,  les  empereurs  même,  se  confor- 
ma ent  h  la  disci  line  ét.ihlio  par  les  pas- 
teius,  donnaient  les  preuiicrs  rexem|)le  du 
respect  drt  au  lieu  .saint  et  aux  m3"stèrcs  i(!ie 
l'on  y  c.éléhr.tit  ;  personne  n'y  exerçait  la 
police  t|ue  les  ministres  de  rr<';^]iso.  On  au- 
rait ét('  bien  étormé ,  si  l'on  y  avait  vu  en- 
trer des  militairc's  arnu's  et  dans  l'éipiipage 
de  soldats  qui  si  mt  en  présence  de  l'ennemi: 
celte  indécence  ne  s'est  introdeito  en  Occi- 
dent que  depuis  l'irruption  des  harbares. 
Yoy.  Diacre. 

LAPIDATION,  est  l'action  de  .tuer  quel- 
qu'un i\  coups  de  [lierres  :  mot  formé  du  la- 
tin, lapis,  pierre. 

Sans  entrer  dans  le  détail  des  différents 
crimes  pour  lesquels  la  loi  do  Moise  ordon- 
nait de  laiàder  les  coupaiilcs  ,  il  [laraît,  jiar 
plusieurs  passages  de  rKcrituro  sainte,  que 
Souvent  les  .luifsse  croyaient  en  droit  d'em- 
ployer ce  supplice  sans  aucune  forme  do 
procès,  et  c'est  ce  qu'ils  a[)pelaient  le  Juge- 
ment de  zèle  :  ils  en  agissaient  ainsi  à  i'é- 
§aid  di  s  l)las,:hémateiirs,  des  adultères  et 
es  idol;1tves  ;  mais  un  ne  voit  pas  qu'i's  y 
aient  été  formell  ment  autorisés  par  la  loi. 
Le  chapitre  XIII  du  Deuléronome,  dont  quel- 
ques iiicrédides  v'i  lent  se  iirévaloir,  n'éta- 
blissait point  c  tt"  police  ;  et  le  prêt  ndu  ju- 
gement de  zèle  fut  souvent,  de  la  part  des 
Juifs,  l'elfet  d'une  aveuj^le  pa-siou  et  d'un 
fanatisuie  insensé,  ]iuisqu'ils  avaient  ainsi 
mis  h  mort  plusieurs  propliètes.  Jésus-Christ 
et  saint  Paul  le  leur  reprochent  {Mallh. 
c.  xxni,  V.  37  ;  IJvhr.  c.  xi,  v.  37). 

Lorsqu'un  coupable  avait  été  condamné 
par  le  (  onseil  des  Juifs  h  être  lapidé,  ou  le 
traînait  hors  de  la  ville  pour  lui  fai;e  subir 
son  supplice  :  ainsi  fut  traité  saint  Etienne, 
par  sentence  de  ce  conseil  présidé  par  le 
grand  prôtre  [Act.  c.  vu,  v.  57)  ;  mais  lors- 
que les  Juifs  agissaient  i^ar  la  fureur  d'un 
faux  zèle,  ils  lapidaient  partout  où  ils  se 
trouvaieut,  môme  dans  le  temple:  tel  est 
l'excès  auquel  ils  s'étaient  portés  contre  le 
l)rétre  Zacharie  [Matlh.  c.  xxv,  v.  33).  De 
inéme,  lorsqu'ils  amenèrent  h  Jésus-Christ 
une  feuinie  surpiise  en  adultère,  il  dit  aux 
accusateurs  ,  dans  le  temple  môme  :  Que  celui 
d'entre  rous  qui  est  innocent  lui  jette  la  pre- 
mière pierre  (Joan.  c.  viii,  v.  7).  Une  autre 
l'ois,  les  Juifs  ayant  prétendu  qu'il  hlasphé- 
Biail,  ramassèrent  des  pierres  dans  ce  môme 
lieu  pour  le  lapider.  Ils  en  usèrent  de  mémo 
lorsqu'il  leur  dit  :  Mon  père  et  moi  ne  sommes 
qu'un.  Il  ne  s'ensuit  pis  de  là  que  la  loi  de 
Âloïse  ait  inspiré  le  fanatisme,  la  fureur,  la 
cruauté  aux  Juifs. 

LAPSES.    C'étaient  ,    dans    les  premiers 


teuips  du  chris'ianisme,  ceux  qui,  après  l'a- 
voir embrassé,  retournaient  au  paganisme. 
On  distinguait  cinq  espèces  de  ces  apostats, 
que  l'on  noiumait  libellntici,  mittentes,  thu- 
rijlrati ,  sarrifirali,  blasphémât i  Par  Ubellor- 
tici,  l'on  enli'udait  ceux  qui  avaient  obtenu 
du  magistrat  un  billet  qui  attestait  qu'ils 
avaient  sacrifié  aux  idoles,  quoique  cela  ne 
fiVt  pas  vrai.  Mittentes  étaient  ceux  qui 
avaient  dépuié  quelqu'un  pour  .';.icritier  k 
leur  placp  ;  thurijicali,  ceux  qui  avaient  of- 
fert de  l'encens  aux  idoles  ;  sacrificati,  ceux 
qui  avaient  pris  paît  aux  sacrilices  des  ido- 
l.'^lcis;  blnsphenuili,  ceux  qui  avaient  renié  ^ 
formellement  Jésus-Christ ,  ou  juré  par  les 
faux  dieux  ;  on  nommait  stantes  ceux  qui 
avaient  persévéré  dans  la  foi.  Le  nom  ilo 
lapsi  fut  encore  donné  dans  la  suite  à  ceux 
qui  livraient  les  livres  saints  aux  païi-ns 
pour  les  brûler.  Ceux  qui  étaient  coupables 
de  l'un  ou  de  l'autre  de  ces  crimes  ne  pou- 
vaient être  élevés  h  la  cléricature  ;  et  ceux 
qui  y  étaient  tombés ,  étant  déjà  dans  le 
clergé,  étaient  punis  par  la  dégradation  : 
on  les  admettait  ^  la  pénitence:  mais  après 
l'avoir  faite,  ils  étaient  réduits  à  la  commu- 
nion la'ique.  Bingham,  Oriq.  ecclés.,  1.  iv, 
c.  3,  §  7  ;  et  I.  vi,  c.  2,  §  i. 

11  y  eut  deux  schismes  au  sujet  de  la  ina- 
nièie  dont  les  lap'^es  devaient  être  traités  : 
à  Rome,  Novatien  soutint  qu'il  ne  fallait 
leur  donner  aucune  espérance  de  réconci- 
liation ;  à  Cartilage  Félicissime  voulait  qu'on 
les  reçût  sans  pénitence  et  sans  épreuve  : 
l'Eglise  tarda  un  sage  milieu  entre  ces  deux 
excès. 

Saint  Cyprien,  dans  son  Traité  de  Lapsis, 
met  luie  grande  dilTérence  entre  ceux  qui 
s'étaient  otferts  d'eux-mêmes  à  sacrifier  clés 
que  la  persécution  avait  été  déclarée,  et  ceux 
qui  avaient  été  forcés,  ou  qui  avaient  suc- 
combé h  la  violence  des  tourments  ;  entre 
ceux  qui  avaient  engagé  leurs  femmes  , 
leurs  enfants,  leurs  <iome3tiL)ues,  à  sacrifier 
avec  eux,  et  ceux  qn  n'avaient  cédé  qu'a- 
fin  de  iTuttre  leurs  proches  ,  leurs  liôtes  ou 
Icuis  amis  à  couvert  de  danger.  Les  pre- 
miers étaient  beaucoup  plus  coiipables  que 
les  seconds,  et  méritaient  moins  de  grâce; 
aussi  les  conciles  avaient  prescrit  po'.r  eux 
une  péniieuce  plus  longue  et  plus  rigou- 
reuse :  mais  saint  Cyprien  s'élève  avec  une 
fermeté  vraiment  épiscopale  contre  la  témé- 
rité de  ceux  qui  demandaient  d'être  réconciliés 
à  l'Eglise  et  admis  à  la  communion  sans  avoir 
fait  une  pénitence  proportionnée  à  leur  laule, 
qui  employaient  l'intei  cession  des  martyrs  et 
des  confesseurs  pour  s'en  exempter.  Le 
saint  évoque  déclare  que  ,  quelque  respect 
que  l'Eglise  doive  avoir  pour  cette  interces- 
sion, l'jibsolution  extorquée  jiar  ce  moyen 
ne  peut  réconcilier  les  coupables  avec  Dieu. 
Voy.  Indulgence. 

LATIN.  L'Eglise  latine  est  la  même  chose 
que  l'Eglise  romaine  ou  l'Eglise  d'Occident, 
par  0|)iibsition  à  l'Eglise  grecque  ou  à  l'E- 
glise d'Orient. 

Depuis  le  sehisme  des  Grées,  eommeueé 
dans    le    ix*    siècle   et   eousommé     dans 


;  -.  LAT 

le  xr,  les  catholiques  romains  répan- 
dus dans  tout  l'Occident ,  ont  été  nommés 
Latins ,  parce  qu'ils  ont  retenu  dans  l'office 
divin  l'usage  de  la  langue  latne,  de  même 
que  ceux  d'Orient  ont  conservé  l'usage  de 
l'ancien  grec. 

M.  Bossuet,  dans  sa  Df'fense  de  la  tradition 
et  des  saints  Pères,  observe  très-bien  que, 
depuis  ce  schisme  fatal ,  l'Eglise  latine  a  été 
l'Eglise  catholique  ou  universelle  ;  qu'ainsi, 
en  fait  de  doctrine ,  ce  serait  un  abus  de 
vouloir  opposer  le  sentiment  de  l'Eglise 
grecque  à  celui  de  l'Eglise  latine.  Il  ne  s'en- 
suit pas  néanmoins  qu'il  soit  inutile  de  sa- 
voir ce  que  l'on  a  pensé  dans  l'Eglise  grec- 
que dans  les  huit  premiers  siècles,  puisqu'a- 
lors  elle  faisait  partie  de  l'Eglise  universelle. 
Il  fait  nécessairement  joindre  les  Pères  grecs 
aux  Pères  latins ,  pour  former  la  chaîne  de 
la  tradition,  et  la  faire  remonter  jusqu'aux 
apôlres.  C'a  donc  été  un  malheur  que,  de- 
puis l'inondation  des  Barbares  en  Occident, 
l'on  n'ait  plus  été  on  état  de  cultiver  la  lan- 
gue grecque,  et  de  lire  les  Pères  qui  avaient 
écrit  dans  cette  langue  ;  ce  n'est  que  depuis 
la  renaissance  des  lettres  parmi  nous,  que 
l'on  a  recommencé  à  étudier  la  doctrine 
chrétienne  dans  les  ouvrages  de  ces  écri- 
vains vénérables. 

Comme,  au  vir  siècle  ,  les  mahométans 
ont  fait  dans  l'Orient  les  mêmes  ravages  que 
les  Barbares  du  Nord  avaient  faits  en  Occi 
dent  pendant  le  v'  et  les  suivants,  les  let- 
tres ont  été  encore  moins  cultivées  ,  depuis 
ce  temps-là,  chez  les  Grecs  que  chez  les  la- 
tins ;  et  il  y  a  eu  moins  de  personnages  cé- 
lèbres parmi  les  premiers  que  parmi  les  se 
conds.  Depuis  plus  de  deux  cents  ans,  l'étude 
de  l'antiquité  s'est  renouvelée  parmi  nous, 
elle  ne  s'est  point  réveillée  chez  les  Grecs: 
il  n'y  a  parmi  eux  ni  écoles  célèbres,  ni  ri- 
ches bibliothèques  ;  ceux  d'entre  eux  qui 
veulent  faire  de  bonnes  études,  sont  obligés 
de  venir  en  Italie.  On  a  travaillé  à  la  réu- 
nion des  Grecs  et  des  Latins  dans  les  conci- 
les de  Lyon  et  Je  Florence,  mais  avec  peu  de 
succès.  Pendant  les  croisades ,  les  Latins 
s'emparèrent  de  Constantinople,  el  y  domi- 
nèrent plus  de  soixante  ans,  sous  des  euipe- 
reurs  de  leur  communion  ;  ces  expéditions 
militaires  ont  encore  augmenté  l'aversion 
et  l'antipathie  entre  les  deux  peuples.  Aussi 
les  Grecs  détestent  plus  les  Latins  qu'ils  ne 
haïssent  les  mahométans,  sous  la  tyrannie 
des([ucls  ils  sont  0|iprimés,  et  les  mission- 
naires qui  vont  en  Orient  trouvent  très-peu 
de  fruit  à  faire  chez  les  Giecs.  Voy.  Grecs. 
LATITUDINAIUES,  nom  tiré  du  latin  la- 
titudo,  largeur.  Los  théologiens  désignent 
sous  ce  nom  certains  tolérants,  qui  sou- 
tiennent l'indillérence  des  sentiments  en 
matière  de  religion,  et  ([ui  accordent  le  salut 
éternel  aux  sectes  même  les  plus  ennemies 
du  christianisme  :  c'est  ainsi  qu'ils  se 
flattent  d'avoir  élargi  la  voie  qui  conduit  au 
ciel,  le  ministre  Jurieu  était  de  ce  nombre, 
ou  du  moins  il  autorisait  cette  doctrine  par 
ia  manière  de  raisonner;  Bayle  le  lui  a 
prouvé  dans  un  ouvrage   intitulé  :    Janua 


LAT 


224 


cœlorum  omnibus  reserata,  la  Porte  du  cit^ 
ouverte  à  tous.  Ce  livre  est  divisé  eu  trois 
traités.  Dans  le  premier,  Bayle  fait  voir  que, 
suivant  les  principes  de  Jurieu,  l'on  peut 
très-bien  faire  son  salut  dans  la  religion 
catholique,  malgré  tous  les  reproches  d'er- 
reurs fondamentales  et  d'idolUne  que  ce 
ministre  fait  à  l'Eglise  romaine.  D'oîi  il  s'en- 
suit que  les  prétendus  réformés  ont  eu  très- 
grand  tort  de  rompre  avec  cette  Eglise,  sous 
prétexte  que  l'on  ne  pouvait  pas  y  faire  son 
salut.  Dans  le  seconil,  Bayle  prouve  que, 
selon  les  mômes  principes,  l'on  peut  aussi 
Être  sauvé  dans  toutes  les  communions 
chrétiennes,  quelles  que  soient  les  erreurs 
qu'elles  professent,  par  conséquent  [larmi 
les  ariens,  les  nestoriens,  les  eutychiens  ou 
jacobites,  et  les  sociniens.  C'est  donc  mal  k 
propos  que  les  protestants  on  refusé  la  to- 
lérance à  ces  derniers.  Dans  le  troisième, 
qu'en  raisonnant  toujours  de  même ,  on  ne 
peut  exclure  du  salut  ni  les  juifs,  ni  les  ma- 
hométans ,  ni  les  païens.  OEuvres  de  Bayle, 
tom.  II. 

M.  Bossuet,  dans  son  sixième  Avertisse- 
ment aux  protestants,  3*  pai  tie,  a  traité  cette 
même  question  plus  profondément,  et  il  a 
remonté  plus  haut.  Il  a  démontré,  '°  que  le 
sentiment  des  latitudinaires ,  ou  l'inditfé- 
rence  en  fait  de  dogmes ,  est  une  con- 
séquence inévitable  du  principe  duquel  est 
partie  la  jirétendue  réforme;  savoir,  que 
l'Eghse  n'est  point  infaillible  dans  ses  dé- 
cisions, que  personne  n'est  obligé  de  s'y 
soumettre  sans  examen,  que  la  seule  règle 
de  foi  est  l'Ecriture  sainte.  C'est  aussi  le 
principe  sur  lequel  les  sociniens  se  sont 
tondes,  pour  engager  les  protestants  à  les 
tolérer;  ils  ont  posé  pour  maxime  qu'il  ne 
faut  point  regarder  un  homme  comme  un 
hérétique  ou  mécréant,  dès  qu'il  fait  pro- 
fession de  s'en  tenir  h  l'Ecriture  sainte. 
Jurieu  lui-même  est  convenu  que  tel  était 
le  sentiment  dii  très-grand  nombre  des  cal- 
vinistes de  France,  qu'ils  l'ont  porté  en 
Angleterre  et  en  Hollande  lorsqu'ils  s'y  sont 
réfugiés  ;  que  dès  ce  moment  cette  opinion 
y  fait  chaque  jour  de  nouveaux  progrès. 
D'oii  il  résulte  évidemment  que  la  ])rétendue 
réforme ,  jiar  sa  {)ropre  constitution ,  en- 
traîne dans  l'indifférence  des  religions  ;  la 
plu|iart  des  protestants  n'ont  point  d'autre 
motif  de  persévérer  dans  la  leur.  Jurieu  est 
encore  convenu  que  la  tolérance  civile, 
c'est-à-dire  l'impunité  accordée  à  toutes  les 
sectes  par  le  «lagistrat,  est  liée  nécessaire- 
ment avec  la  tolérance  ecclésiastique  ou 
avec  l'indiU'érence,  et  que  ceux  qui  deman- 
dent la  première  n'ont  d'autre  aessein  tpie 
d'obtenir  la  seconde.  —  2°  11  fait  voir  que 
les  latitudinaires,  ou  indilïérents,  se  fondent 
sur  trois  rèj;les,  dont  aucune  ne  peut  être 
contestée  parles  protestants  ;  savoir:  1°  qu'il 
ne  faut  reconnaître  nulle  autorité  que  celle  de 
l'Ecriture  ;  2"  que  l'Ecriture,  pour  nous  im- 
poser l'obligation  de  la  foi,  doit  être  claire  : 
en  effet,  ce  qui  est  obscui'  ne  décide  rien 
et  ne  fait  fjue  donner  lieu  à  la  dispute; 
3°  qu'o)'<  l'Ecriture  paraît  enseigner  des  chosei 


2ia 


LAT 


LAT 


826 


inintelligibles,  et  auxquelles  tû.  raison  ne  peut 
atteindre,  comme  les  }nyst<'res  de  la  Trinité, 
de  r Incarnation,  cic,  il  faut  la  tourner  au 
sens  qui  parait  le  plus  conforme  à  la  raison, 
quoiqu'il  semble  faire  violence  au  texte.  De  la 
preiuière  do  ces  règles,  il  s'ensuit  que  les 
décisions  des  synodes  et  les  confessions 
d(i  foi  des  protestants  ne  méritent  pas  jjIus 
de  déférence  qu'ils  n'en  ont  eu  cux-inriues 
[lour  les  décisions  des  conciles  de  rEy,lise 
ronjaine  ;  que  quand  ils  ont  forcé  leurs 
théologiens  de  souscrire  au  synode  de 
Dordrecht,  sous  peine  d'être  privés  de  leurs 
chaires,  etc.,  ils  ont  exercé  une  odieuse 
tyrannie.  La  seconde  règle  est  universelle- 
ment avoui'e  parmi  eux  ;  c'est  pour  cela 
qu'ils  ont  répété  sans  cesse  que,  sur  tous 
les  articles  nécessaires  au  salut  l'Ecriture 
est  claire,  expresse,  A  portée  des  plus  igno- 
rants. Or,  peut-on  sup])Oser  qu'elle  le  soit 
sur  tous  les  articles  contestés  entre  les  so- 
ciniens,  les  arminiens,  les  luthériens  et  les 
calvinistes? Non,  sans  doute;  tous  sont  donc 
très-bien  fondés  à  persister  dans  leurs  opi- 
nions. La  troisième  règle  ne  peut  pas  être 
contestée  non  [ilus  |jai'  aucun  d'eux,  c'est 
sur  cette  base  qu'ils  se  sont  fondés  pour 
expliquer  dans  un  sens  tiguré  ces  paroles  do 
Jésus-Christ  :  Ceci  est  mon  corps  ;  si  vous  ne 
mangez  ma  chair  et  ne  buvez  mon  sang,  etc., 
parce  que,  selon  leur  avis,  le  sens  littéral 
lait  violence  à  la  raison.  Un  socinien  n'a 
donc  pas  moins  de  droit  de  prendre  dans  un 
sens  liguré  ces  autres  parok'S,  le  Verbe  était 
Dieu,  le  Verbe  s'est  fait  chair,  dès  que  le  sens 
littéral  lui  p;iraît  lilesser  la  raison.  11  n'est 
pas  un  des  prétextes  dont  les  calvinistes  se 
sont  servis  pour  éluder  le  sens  littéral  dans 
le  premier  cas,  qui  ne  serve  aussi  aux  so- 
ciniens  pour  l'esquiver  dans  le  second.  Vai- 
nement les  protestants  ont  eu  recours  à  la 
distinction  des  articles  fondamentaux  et  non 
fondamentaux  :  de  leur  pro[ire  aveu,  cette 
distinction  ne  se  trouve  pas  dans  l'Ecriture 
sainte,  l'eut-on  d'ailleurs  regarder  comme 
fondamental,  selon  leurs  principes,  un  ar- 
ticle sur  lequel  on  ne  peut  citer  que  des 
passages  qui  sont  sujets  à  contestation,  et 
susceptibles  de  plusieurs  sens?  Au  juge- 
ment d'un  socinien,  les  dogmes  de  la  Tri- 
nité et  de  l'Incarnation  ne  sont  pas  j)lus 
fondamentauv  que  celui  de  la  iirésence 
réelle  aux  yeux  d'un  calviniste.  Vog.  Fon- 
damental. —  3°  M.  Bossuet  montre  que, 
pour  réprimer  les  latitudinaires,  les  protes- 
tants ne  peuvent  employer  aucune  autorité 
que  celle  des  magistrats.  Mais  ils  se  sont 
ôté  d'avance  celte  ressource,  en  déclamant 
non-seulement  contre  les  souverains  catho- 
liques qui  n'ont  pas  voulu  tolérer  le  protes- 
tantisme dans  leurs  Etals,  mais  encore 
contre  les  Pères  de  l'Eglise  qui  ont  imploré, 
pour  maintenir  la  foi,  le  secours  du  bras 
séculier,  surtout  contre  saint  Augustin, 
parce  qu'il  a  trouvé  bon  que  les  donatistes 
lussent  ainsi  répi'imés.  A  la  vérité,  Jurieu 
et  d'autres  ont  été  forcés  d'avouer  que  leur 
(rétendue  réforme  n'a  été  établie  nulle  pjart 
par  un  autre  moyeu  :  à  Genève,  elle  s'est 


faite  par  le  sénat;  en  Suisse,  par  Je  conseil 
souverain  de  chaque  canton;  en  Allemagne, 
]iar  les  j)rinces  de  l'emiiire;  dans  les  Pro- 
vinces-Dnies,  par  les  états;  en  Danemark, 
en  Suède,  en  Angleterre,  par  les  rois  et  les 
parlements  :  l'autorité  civile  ne  s'est  pas 
Ijornée  à  donner  pleine  liberté  aux  jirotes- 
tants;  mais  elle  est  allée  jusqu'à  ôter  les 
églises  aux  [lai'istes,  à  défendre  l'exercice 
public  de  leur  culte,  à  punir  de  mort  ceux 
qui  y  persistaient.  En  France  môme,  si  les 
rois  de  Navarre  et  les  princes  du  sang  ne 
s'en  étaient  pas  mêlés,  on  convient  que  le 
protestantisme  aurait  succombé.  Ainsi  ses 
sectateurs  ont  prêché  successivement  la  to- 
lérance et  l'intolérance,  selon  l'intérêt  du 
moment;  les  ()atients  et  les  persécuteurs  ont 
eu  raison  tour  à  tour,  lorsqu'ils  se  sont 
trouvés  les  plus  forts.  —  i"  11  observe  qu'en 
Angleterre  la  secte  des  brownistes,  ou  in- 
dépendants, est  née  de  la  même  source. 
Ces  sectaires  rejettent  toutes  les  formules, 
les  catéchismes,  les  symboles,  même  cel  li 
des  apôtres,  comme  des  pièces  sans  autorité; 
ils  s'en  tiennent,  disent-ds,  à  la  seule  parole 
de  Dieu.  D'autres  enthousiastes  ont  été 
d'avis  de  supprimer  tous  les  livres  de  reli- 
gion ,  et  de  ne  réserver  que  l'Iicriture 
sainte.  —  5"  11  prouve,  comme  a  fait  Bayle, 
que,  selon  les  principes  de  Jurieu,  qui  sont 
ceux  de  la  réforme,  on  ne  peut  exclure  du 
salut  ni  les  Juifs,  ni  les  païens,  ni  les  sec- 
tateurs d'aucune  religion  quelconque.  L'E- 
glise catholi(|ue,  plus  sage  et  mieux  d'accord 
avec  elle-même,  pose  pour  maxime  que  ce 
n'est  point  à  nous,  mais  à  Dieu,  de  décider 
qui  sont  ceux  qui  parviendront  au  salut,  et 
qui  sont  ceux  qui  en  seront  exclus.  Dès 
qu'il  nous  a  commandé  la  foi  à  sa  parole 
comme  un  moyen  nécessaire  et  indispensa- 
ble au  salut,  il  no  nous  appartient  pas  de 
dispenser  personne  de  l'obligation  de  croire; 
et  il  est  absurde  d'imaginer  que  Dieu  nous 
a  donné  la  révélation,  en  nous  laissant  la 
liberté  de  l'entendre  comme  il  nous  plaira; 
ce  serait  comme  s'il  n'avait  rien  révélé  du 
tout.  Aussi  a-t-il  contié  à  son  Eglise  le 
dépôt  de  la  révélation;  et  si,  en  la  char- 
geant du  soin  d'enseigner  toutes  les  nations, 
il  n'avait  pas  imposé  à  celle-ci  l'obligation 
de  se  soumettre  à  cet  enseignement,  Jésus- 
Christ  aurait  été  le  plus  imiirudent  de  tous 
les  législateurs.  Depuis  dix-huit  siècles, 
cette  Eglise  n'a  changé  ni  de  principes  ni  de 
conduite;  elle  a  frdp|)é  d'anathème  et  a  re- 
jeté de  son  sein  tous  les  sectaires  ([ui  ont 
voulu  s'arroger  l'indépendance.  Les  absur- 
dités, les  contradictions,  les  impiétés  dans 
lesquelles  ils  sont  tomués  tous,  dès  qu'ils 
ont  rompu  avec  l'Eglise,  achèvent  de  dé- 
montrer la  nécessité  de  lui  être  soumis.  En 
prêchant  l'indépendance,  les  latitudinaires, 
loin  de  faciliter  le  chemin  du  ciel,  n'ont  lait 
qu'élargir  la  voie  de  l'enler.  Voy.  Indiffé- 
rence. 

LATRAN,  était  dans  l'histoire  romaine  le 
nom  d'un  homme,  de  Plautius  Latéranus, 
consul  désigné,  qui  fut  mis  à  mort  par  Né- 
ron ;  il  fut  donné  ensuite  à  un  ancien  palais 


M7 


LAI 


LAT 


221} 


de  Rome  et  aux  Dâdments  que  l'on  a  faits  h 
sa  place  ;  enfui  à  l'ô;j,lise  de  Saint-Jean-de- 
Latrnn,  qui  passe  pour  être  la  pliis  ancienne 
de  Rome,  et  qui  est  le  siéj^e  de  la  papauté  ; 
ruais  il  est  probable  que  son  nom  lui  vient 
plutôt  de  Mer,  brique,  que  du  consul  Lalé- 
Faniis. 

On  appelle  conciles  de  Latran  c^ uï  qui  ont 
été  lenus  à  Rome  dans  la  basilique  de  ce 
nom,  et  il  y  en  a  eu  onze,  dont  quatre  gé- 
néraux ou  œcuméniques;  nous  ne  [  arlerons 
que  de  ces  derniers.  —  L'un  est  celui  de 
Tan  1123,  sous  le  pape  Calixte  II,  dans  le- 
quel on  fit  plusieurs  canons  touchant  la  dis- 
cipline ,  surtou'  contre  la  simonie,  contre  le 
pillage  des  biens  de  l'Eglise,  contre  l'ambi- 
tion des  moines  qui  usurp  dent  la  juridiction 
et  les  fonct.ons  ecclésiastiques.  C'est  le 
neuvième  concile  général.  On  y  voit  que  les 
mœurs  de  rEuro,)e  étaient  alors  très-cor- 
FOffliues,  que  la  licence  des  séculieiS,  por- 
tée à  son  comble,  s'était  communiquée  au 
clergé.  — Le  dixième  fut  tenu  en  ll;j9,  sous 
le  jiape  Innocent  II,  immédiatement  après  le 
schisme  formé  pa^'  Pierre  de  Léon,  ou  l'an- 
tipai)e  Anaclet.  Comme  Innocent  II  n'avait 
pas  encore  été  reconnu  par  les  rois  de  Si- 
cile et  d'Ecosse,  un  des  premiers  objets  du 
concile  fut  d'éteinire  enfin  toit  reste  de 
schisme,  et  de  réformer  les  abus  qui  s'é- 
taient introduils  à  celte  occasion.  Il  con- 
damna ensi;ite  les  erreurs  de  Pierre  de 
Bruis  et  d'Arnaud  de  Bresse,  l'un  des  disci- 
ples d'Abailard.  Voy.  Arnaldistes  et  Pétro- 
BROsiENS.  On  fut  obligé  de  renouveler  la 
plupart  des  canons  de  discipline  qui  avaient 
été  faits  dans  le  concile  précédent,  et  qui 
avaient  produit  très-peu  d'effet. — Le  onzième, 
l'an  1179,  fut  présidé  par  Alexandre  111,  et 
il  fut  encore  destiné  à  éteindre  un  nouveau 
schisme  formé  par  un  antipape  Calixte,  snu- 
tenu  par  l'empereur  Frédéric.  Ce  concile 
prit  des  mesures  et  ût  des  règlements  pour 
prévenir,  dans  la  suite,  les  schismes  à  l'oc- 
casion de  l'élection  des  papes.  11  condamna 
les  vaudois ,  les  catha.  es,  appelés  aussi  jia- 
tarins  ou  po[)lieains,  et  les  ali)igeois.  Il  re- 
nouvela les  canons  des  conciles  précédents 
touchant  la  discipline,  et  fit  de  nouveaux 
efforts  pour  réprimer  le  brigandage  des  sei- 
gneurs, le  luxe  des  prélats  ,  le  dérèglement 
des  ordres  ,  soit  militaires  soit  religieux . 
Mais  que  pouvaient  produire  les  lois  ecclé- 
siastiques au  milieu  des  désordres  et  de 
l'anarchie  qui  régnaient  dans  l'Europe  en- 
tière ?  —  Le  douzième  fut  convoqué  l'an 
1215  par  Innocent  111.  Ce  pape  y  fit  recevoir 
soixante-dix  canons  de  discipline,  à  la  tète 
desquels  est  une  exj>osition  de  la  foi  catho- 
lique contre  les  albigeois  et  les  vaudois.  La 
présence  réelle  de  Jésus-Christ  dans  l'eu- 
charistie y  est  établie  ;  c'était  la  confirmation 
des  conciles  précédents,  qui  avaient  con- 
damné l'hérésie  de  Bérenger.  Ou  y  trouve, 
pour  la  première  fois ,  le  terme  de  trans- 
substantiation ,  pour  ex[irimer  le  change- 
ment du  pain  et  du  vin  au  corps  et  au  sang 
de  Jésus-Christ.  Le  concile  condamna  eu- 
«uite  le  traité  que  l'abbé  Joachim  avait  tiiit 


contre  Pierre  Lombard  sûr  la  Trinité,  et 
dans  lequel  il  avait  enseigné  des  erreurs.  On 
y  trouve  enfin  la  condamnation  de  la  doc- 
trine d'Amauri.  —  Le  onzième  canon  re- 
nouvelle l'ordonnance  qui  avait  été  portée 
dans  le  concile  précédent,  d'établir  des  maî- 
tres de  grammaire  dans  les  églises  cathédra- 
les et  collégiales  ;  il  veut  que  l'on  établisse 
aussi  des  théologaux  dans  les  églises  métro- 
politaines :  règlement  sage,  mais  triste  mo- 
nument de  l'ignorance  dans  laquelle  l'on 
était  plongé,  et  que  les  pasteurs  s'efforçaient 
en  vain  de  dissiper.  —  Le  vin.^t-unième  est 
le  célèbre  canon  Omnis  ulriusqae  sexus,  qui 
ordonne  à  tous  les  fidèles  de  se  confesser 
au  moins  une  fois  l'an,  à  leur  propre  prê- 
tre, et  de  recevoir  la  sainte  eucharistie  au 
moins  à  Pâques.  Il  fut  fait  à  l'occasion  des 
albigeois  et  des  vaudois,  qui  méprisaient  la 
confession  et  la  [lénitence  administrée  par 
les  prêtres,  et  prétendaient  recevoir  l'abso- 
lution de  leurs  péchés  par  la  seule  imposi- 
tion des  mains  de  leurs  chefs.  La  plupart 
des  lois  portées  dans  ce  concile  ont  été  re- 
nouvelées par  celui  de  Trente,  et  sont  au- 
jourd'hui assez  généralement  observées. 
Voi/.  l'Histoire  de  VEglise  gallicane,  tome  X, 
1.  30,  an.  1215. 

Latran  (chanoines  de)  ou  de  Saint-Sau- 
veur. C'est  une  congrégation  de  chanoines 
réguliers,  dont  le  chef-lieu  est  l'église  de 
Saint-Jean-de-Lafrart.  Quelques  auteurs  ont 
prétendu  qu'il  y  avait  eu  à  Rome,  depuis 
les  apôtres,  une  succession  continuelle  de 
clercs  vivant  en  commun,  et  attachés  à  cette 
église  ;  mais  ce  ne  fut  que  sous  Léon  III, 
vers  le  milieu  du  vui"  siècle,  qu'il  se  forma 
des  congrégations  de  chanoines  réguliers 
vivant  en  commun.  On  ne  peut  donc  pas 
prouver  qtie  les  clercs  de  Saint-Jean-de- 
Latran  aient  possédé  cette  église  pendant 
huit  cents  ans,  et  jusqu'à  Boniface  VIII  c[ui 
la  leur  ôta,  pour  mettre  à  lejir  place  des 
ci  anoines  réguliers.  Eugène  IV,  cent  cin- 
quante ans  après,  y  rétablit  les  anciens  pos- 
sesseurs. Aujourd'hui  une  partie  de  ces 
chanoines  sont  des  cardinaux. 

LATRIE,  mot  gprc  dérivé  de  >àT/>t,-,  servi- 
teur. Dans  l'ori^îoe,  la-cpUa  désignait  le  res- 
pect, les  services  et  tous  les  devoirs  qu'un 
esclave  rend  h  son  maître  :  de  là  l'on  s'est 
servi  de  ce  terme  pour  signifier  le  culte  q  ;e 
nous  rendons  à  Dieu.  Comme  nous  houo- 
ronsaussi  les  saints  par  respect  pour  Dieu  lui- 
même,  l'on  a  nommé  daiie  le  culte  rendu  aux 
saints,  afin  de  témidgner  que  ce  culte  n'est 
point  égal  à  celui  que  l'on  rend  à  Dieu,  qu'il  lui 
est  inférieur  et  subordonné.  Cette  distinction 
n'a  lias  satisfait  les  protestants  ;  ils  disent  qu-e 
chez  les  Grecs  làrpiç  et  Jtniii;  signititnt  éga- 
lement un  serviteu/r  ;  qu'ainsi  dnlie  et  latrie 
expriment  l'un  et  l'autre  le  service  ;  d'où  ils 
concluent  que  nous  servons  indilféremment 
Dieu,  les  saints,  les  relic^ues,  les  images, 
puisque  nous  rendons  un  culte  à  ces  divers 
objets  :  qu'entre  idolâtrie,  service  des  ido- 
les, et  iconoldtrie,  service  des  images,  il  n'y 
a  évidemment  aucune  différence.  Mais  ar- 
gumenter sur  un   mot  équivoque  n'est  pas 


229 


LAT 


LAV 


330 


le  moyen  d'édaircir  une  question.  Un  mili- 
taire in-t  le  roi,  un  magistral  sert  le  public  : 
nous  rcnddiis  service  y  nos  amis;  nous  di- 
sons uaèuie  à  un  inférieur,  je  suis  votte 
serviteur.  Si  un  disnuteur  soutenait  que, 
dans  tous  ces  exemples,  le  mot  servir  a  le 
même  sens,  il  se  rendrait  très-ridicide. 

Servir  IHeu,  ce  n'est  pas  seuleuient  lui 
rendre  des  honneurs  et  du  res|ie(t,  mais 
c'est  lui  témoigner  lauiour,  la  reconnais  ■ 
saticc,  la  conlinnce,  la  souanssion  et  l'obéis- 
sance que  nous  lui  devons  comme  au  sou- 
verain maître  do  toutes  choses  ;  peut-on 
dire,  dans  le  même  sens,  (|ue  nous  servons 
les  saints  et  les  images,  parce  que  nous  les 
honorons,  et  (jue  nous  leur  doiuions  des  si- 
gnes de  respect  ?  Nous  honorons  les  saints, 
parce  qu'ils  sont  eLix-mémos  les  serviteurs 
de  Dieu;  en  cela  nous  n'obéissons  pas  aux 
saints,  mais  à  Dioit.  Il  est  dit  qu'ils  r^r/wr-- 
ron/ avec  Dieu  (A^joP.,  c.  xxn,  v.  5);  leur 
récompense  est  ai)pelée  un  royaume  (Mut th., 
0.  XXV,  V.  ;îi)  :  en  quel  sens,  s'il  n  est  pas 
l)ermis  de  leur  adresser  des  respects  ni  des 
jirières  ?  Nous  honorons  les  nuages,  parce 
qu'elles  nous  représentent  des  objets  res- 
pectables, et  c'est  à  ces  objets  mômes  que 
s'adressent  nos  respects  ;  mais  ce  rest)ect 
n'est  ni  égal,  ni  inspiré  par  le  môme  motif 
que  celui  iiue  nous  rendons  à  Dieu. 

Quelques  ordres  religieux,  plusieurs  dé- 
vols k  la  sainte  Vierge,  se  sont  nommés 
serviteur  de  Marie  ;  cela  ne  signiiie  point 
quils  voulaient  obéir  à  la  sainte  Vierge 
conunc  à  Di('u  :  nous  ajiiielons  l.'s  prières 
pour  les  morts  un  service  pour  eux,  et  il  ne 
s'ensuit  rien. 

Posons  donc  pour  principe  que  les  mots 
latrie,  ilulie,  culte,  service,  elc,  changent  de 
àignilication,  selon  les  divers  objets  aux- 
quels ils  sont  appliquées  ;  que  de  même  le 
culte  cliange  de  nature,  selon  la  diversité 
des  objets  auxquels  il  est  adressé,  et  des 
motifs  par  lesqmls  il  e>t  inspiré  ;  que  c'est 
l'intention  seule  qui  décide  si  tin  culte  est  re- 
ligieux ou  sU|ierstitieux,légitimeoucriiijinel. 

VidoliUrie,  c'esl-ii-dire  le  culte  ou  le  res- 
pect rendu  au  simulacre  d'un  dieu  du  pa- 
ganisme ,  était  un  crime,  non-seulement 
parce  que  Dieu  l'avait  défend'i  par  une  loi 
positive,  mais  parce  qu'il  était  al)surde  et 
impie  en  lui-même,  il  était  aiu-essé  à  un 
être  imaginaire  et  fantastique,  à  un  pré- 
tendu génie  ou  démon,  que  l'on  su,  posait 
présent  et  logé  dans  une  statue,  en  vertu  de 
sa  consécration  ;  à  un  jiersoiniage  auquel 
on  attribuait  tout  à  la  l'ois  les  vices  de  Hiu- 
manité  et  un  pouvoir  absolu  sur  lous  les 
hommes,  auquel  on  voulait  témoigner  par 
là  un  respect,  une  soumission,  une  con- 
iiaoce  qui  ne  sont  dus  qu'au  Créateur  et  au 
souverain  Maître  de  l'univers.  Viconoldtrie, 
ou  le  culte  rendu  à  un  image  de  Jésus- 
Christ  ou  d'un  saint,  porte-t-elle  aucun  de 
cos  caractères  ?  Y  a-t-il  aucune  ressem- 
blance entre  ces  deux  cultes? 

Daillé,  qui  a  tant  écrit  contre  le  culte  jtré- 
tendu  supeistitieux  de  l'Eulise  romaine,  est 
forcé  de  convenir  que,  dès  le  iv'  siècle,  les 


Pères  de  l'Eglise  ont  mis  une  différence  eui* 
Ire  latrie  et  dulie  ;  que  par  le  premier  de  ces 
termes  ils  ont  dési,.né  le  culte  ren.lu  à 
Dieu,  et  par  le  second  le  culte  adressé  aux 
saints;  juiisque  l'Eglise  a  trouvé  bon  d'a- 
dopter celte  distinction,  il  est  de  notre  de- 
voir de  nous  y  conformer  :  c'est  à  elle  de 
fixer  le  langage  de  la  religion  et  de  la  théo- 
logie, comme  c'est  h  la  société  civile  de  dé- 
terminer le  sens  du  langage  ordinaire.  Mais 
il  ne  faut  pas  croire  que  le  culte  des  sa  nts, 
des  images  et  des  reliques,  n'ait  commencé 
qu'au  IV*  siècle,  coiiinie  Daillé  et  les  autres 
Itroiestants  le  [retendent:  nous  prouverons 
en  son  lieu  (ju'il  dale  du  temps  des  apôtres. 
Voij.  CiLTi:,  Di  LIE,  Saints,  etc. 
LAUDES.  Voy.  Heures  canoiviales 
LAUKE ,  demeure  des  anciens  moines. 
Ce  mot  vient  du  grec  îieOpa,  place,  rue,  vil- 
lage, hameau.  Les  auteurs  ne  conviennent 
point  de  la  diflérence  qu'il  y  avait  entra 
laure  et  monast're.  Quelques-uns  prétendent 
que  laure  signiliait  un  vaste  édifice,  qui 
pouvait  contenir  jusqu'à  mille  moines  et 
jilus  ;  mais  il  paraît  par  l'histoire  ecclésias- 
tique, que  les  anciens  monastères  de  la 
Thébai  !e  n'ont  jamais  été  de  cette  étendue. 
L'opinion  la  plus  |  robable  est  que  les  mo- 
nastères étaient,  comme  ceux  d'aujourd'hui, 
de  grands  bAtiments  divisés  en  salles,  clia- 
l>elles,  cloître,  dortoirs  et  cellules  pour  cha- 
que moine;  au  lieu  que  les  laurcs  étaient 
des  espèces  de  villages  ou  hameaux  dont 
chaque  maison  était  occupée  parmi  ou  deux 
moines  au  plus.  Ainsi  les  couvents  des 
chai'treux  d'aujourd'hui  paraissent  repré- 
senter les  laures,  au  lieu  que  les  maisons 
des  autres  moines  répondent  aux  monastè- 
res proprement  dits. 

Les  dilférenls  quartiers  d'Alexandrie  fu- 
rent d'abord  apjelés  laures  ;  mais  après 
l'institut  on  de  la  vie  monastique,  ce  terme 
fut  borné  à  signilier  les  esjèces  do  ha- 
meaux habités  ]  ar  des  moines.  Ceux-ci  ne 
se  rassemblaient  qu'une  fois  la  semaine 
pour  assister  au  si  rvice  divin,  et  s'édifier 
mutuellement.  Ce  que  l'on  avait  d'abord  ap- 
pelé  laure  dans  les  villes  fut  nommé  pa- 

ToisSB. 

LAVABO,  ou  LAVEMENT  DES  DOIGTS, 

cérémonie  qui  se  fait  par  le  prêtre  à  la 
messe  ;  il  lave  ses  doigts  du  côté  de  l'épî- 
tre,  en  récitant  plusieurs  versets  du  psaume 
XXV,  qui  commence  par  ces  mots  :  Lavabo  inr- 
1er  innocentes  nmnus  meas.  Au  iv°  siècle, 
saint  Cyrille  de  Jérusalem,  Catech.  Mystag, 
5,  et  l'auteur  des  Constitutions  apostoliques, 
1.  H,  c.  8,  n.  11,  observent  que  cette  action 
de  se  laver  les  mains  est  un  symbole  de  la 
pureté  d'iime  que  les  prêtres  doivent  appor- 
ter à  la  célébration  du  saint  sacrifice. 

On  peut  voir  dans  le  P.  Lebrun ,  Ex- 
plicat.  des  cérémonies  de  la  sainte  messe, 
tome  H,  pag.  343,  qu'il  y  a  des  variétés  dans 
la  manière  do  placer  cette  ac  ion.  Selon  l'or- 
die  romain,  elle  se  fait  immédiatement  avant 
l'oblation;  dans  les  Eglises  de  France  et 
d'Allemagne,  elle  se  fait  immédiatement 
après;  dans  quelques-unes,  l'usage  «st  d« 


23! 


LAV 


LAZ 


iSi 


la  faire  avam  et  après.  Voij.  les  Notes  du 
Père  Ménard  sur  le  Sacrum,  de  saint  Gré- 
noire,  p.  370  et  371. 

LAVEMENT  DES  PIEDS,  coutume  que 
les  anciens  pratiquaient  à  l'égard  de  leurs 
hôtes,  et  qui  est  devenue  dans  le  christia- 
nisme une  cérémonie  pieuse.  —  Les  Orien- 
taux lavaient  les  pieds  aux  étrangers  qui 
arrivaient  d'un  voyage,  parce  (lue,  pour 
l'ordinaire,  on  marchait  les  Jambes  nues  et 
les  pieds  garnis  seulement  de  sandales. 
Ainsi  Abraham  fil  laver  les  pieds  aux  trois 
anges  qu'il  reçut  chez  lui  {Gen.,  c.  xvin, 
V.  k).  On  fit  la  même  chose  à  Eliézer  et  à 
ceux  qui  l'accompagnaient,  lorsqu'ils  arri- 
vèrent chez  Laban,  et  aux  frères  de  Joseph 
en  Egypte  {Gènes.,  cap.  xxiv,  v.  32,  c.  xliii, 
V.  2i).  Cet  oflice  s'exerçait  ordinairement 
par  des  serviteurs  et  des  esclaves.  Abigail 
témoigne  à  David  qu'elle  s'estimerait  heu- 
reuse de  laver  les  pieds  aux  serviteurs  du 
roi  {I  Reg.,  c.  xxv,  v.  kl).  Jésus,  invité  k 
manger  chez  Simon  le  pharisien,  lui  repro- 
che d'avoir  manqué  à  ce  devoir  de  politesse 
{Luc,  c.  vu,  V.  l*k). 

Jésus  lui-même,  après  la  dernière  cène 
qu'il  fit  avec  ses  apôtres,  voulut  leur  donner 
une  leçon  d'.iumilité  en  leur  lavant  les 
pieds  ;  et  cette  action  est  devenue  depuis 
un  acte  de  piété.  Ce  que  le  Sauveur  dit  à 
saint  Pierre  diins  cette  occasion  :  5î;  je  ne 
vous  lave,  vous  n'aurez  point  de  part  avec 
moi,  a  fait  croire  à  plusieurs  anciens  que  le 
lavement  des  pieds  avait  des  elTets  spiri- 
tuels, et  pouvait  elfacer  les  péchés.  Saint 
Ambi  Oise  {L.  de  Mysl.  c.  vi)  t-moigne  que, 
de  son  temps,  on  lavait  les  pieds  aux  nou- 
veaux baptisés,  au  sortir  du  bain  sacré,  et 
il  semble  croire  que,  comme  le  baptême 
etface  les  péchés  actuek-,  le  lavement  des 
pieds,  qui  se  fait  ensuite,  ôte  le  péché  ori- 
ginel, ou  du  moins  diminue  la  concupis- 
cence. Ce  sentiment  lui  est   particulier. 

Cet  usage  n'avait  pas  s.  ulement  li>  u  dans 
l'église  de  Milan,  mais  encore  dans  d'autres 
églises  d'Italie,  des  Gaules,  de  l'Espagne  et 
de  l'Afrique.  Le  concile  d'Elvire  le  suppriuia 
en  Espagne,  à  cause  de  la  contiance  supers- 
titieuse que  le  peuple  y  mettait;  il  paraît 
que  dans  les  autres  églises  il  a  été  aboli, 
à  mesure  que  la  coutume  de  donner  le 
baptême  par  immersion  a  cessé.  Quelques 
anciens  lui  ont  d(jnné  le  nom  de  sacrement, 
et  lui  ont  attribué  le  pouvoir  d'etlacer  les 
péchés  véniels  ;  c'est  le  sentiment  de  saint 
Bernard,  et  saint  Augustin  a  pensé  de  même. 
Il  observe  cependant,  [Epist.  119  ad  Januar], 
que  plusieurs  s'abstenaient  de  cette  prati- 
que, de  ])eur  qu'elle  ne  semblât  faire  partie 
du  baptême.  Un  ancien  auteur ,  dont  les 
sermons  sont  dans  l'appendix  du  V  tome 
des  ouvrages  de  ce  Père,  soutient  (jue  le  la- 
vement des  pieds  peut  remettre  les  péchés 
mortels.  Celte  dernière  opinion  n'a  nul  fon- 
dement dans  l'Ecriture  sainte  ni  dans  la 
tradition.  Quant  au  nom  de  sacrement,  du- 
quel quelques-uns  se  sont  servis,  il  parait 
qu'ils  ont  seulement  entendu  par  lii  le  signe 
d'une  chose  sainte,  c'est-à-dire  de  l'humi- 


lité chrétienne  ,  mais  auquci  Jésus-Christ 
n'a  point  attaché  la  grAce  sanctifiante  comme 
aux  autres  sacrements. 

Il  faut  avouer  cependant  que  la  tradition 
et  la  croyance  de  l'Eglise  sont  ici  la  seule 
règle  qui  puisse  nous  faire  distinguer  cette 
cérémonie  d'avec  un  sacrement  ;  nous  ne 
voyons  pas  pourquoi  les  protestants,  qui 
s'en  tiennent  à  l'Ecriture  seule,  réf.. sent  de 
mettre  le  lavement  des  pieds  au  nombre  des 
saciemenls.  Rien  n'y  manque  des  conditions 
qu'ils  exigent  ;  c'est  un  signe  irès  pr  ipre  à 
représenter  la  grâce  qui  nous  purifie  de 
nos  péchés;  Jésus-Christ  semble  y  avoir 
attaché  cette  grâce,  en  disant  à  saint  Pie.re. 
si  je  ne  vous  lave,  vous  n'aurez  point  de  part 
avec  moi;  il  ordonne  à  ses  disciples  de  la.re 
celle  cérémonie  ii  son  exemple  {Joan.,  cap. 
XIII,  V.  14).  Que  faut-il  de  plus? 

Cette  cérémonie  se  fait  le  Jeudi  saint  chfz 
les  Syriens  et  chez  les  Grecs,  aussi  bien 
que  dans  l'Eghse  latine.  A  Rome,  le  pape,  a 
la  tête  du  sacré  collège,  se  rend  dans  une 
s.ille  de  son  palais  destinée  à  cette  action  ; 
il  prend  une  étole  violette,  une  chape  rouge, 
une  mitre  simple;  les  cardinaux  sont  en 
chape  violette.  11  met  de  l'encens  dans  l'en- 
censoir, et  donne  la  bénédiction  au  cardinal- 
diacre  qui  doit  chanter  l'évangile,  Ante 
dicm  festum  Paschœ,  etc.  {Joan.,  c.  xiii); 
c'est  l'hisloire  de  celle  action  même  laite 
par  Jésus-Christ.  Après  l'évangde,  on  lui 
présente  le  livre  à  baiser,  et  le  cardinal- 
diacre  lui  donne  l'encens.  Alors  un  chœur 
de  musiciens  entonne  l'antienne  ou  le  répons 
Mandalum  novum  do  vobis,  etc.  Le  pape  ôte 
sa  chape,  prend  un  tablier,  lave  les  pieds  à 
douze  pauvres  prêtres  étrangers,  qui  sont 
assis  sur  une  estrade,  et  vêtus  d'un  habit 
de  camelot  blanc,  avec  une  espèce  de  capu- 
chon fort  ample.  11  leur  fait  distribuer  à 
chacun  par  son  trésorier,  une  médaille  d'or 
et  une  d'argent,  du  poids  d'une  once.  Le 
m.ijordome  leur  donne  à  chacun  une  ser- 
viette, avec  laquelle  le  do^en  des  cardi- 
naux, ou  le  plus  ancien,  leur  essuie  les 
pieds.  Le  pape  retourne  à  sa  chaire,  lave 
ses  mains,  reprend  la  chape  et  la  mitre,  dit 
l'oraison  dominicale  et  d'autres  prièies.  II 
ôte  ensuite  ses  habits  pontificaux,  et  rentre 
dans  son  appartement  suivi  du  même  col- 
lège. Les  douze  pauvres  sont  conduits  dans 
une  autre  salle  du  Vatican,  oiî  on  leur  sert 
h  diner;  le  pape  vient  leur  i)résenter  à  cha- 
cun le  premier  plat,  et  leur  verse  le  premier 
verre  do  vin,  leur  parle  avec  bonté,  leur 
accorde  des  indulgences,  et  se  retire.  Pen- 
dant le  reste  du  repas,  le  prédicateur  ordi- 
naire du  pape  fait  un  .sermon.  La  cérémonie 
finit  par  le  dîner  que  le  saint-père  donne 
aux  cardinaux.  Les  empereurs  de  Conslan- 
tinople  faisaient  la  même  cérémonie  dans 
leur  palais  avant  la  messe.  Yoy.  lus  Notes  du 
père  Ménard  sur  le  Sacrum,  de  saint  Gré- 
goire, p.  97.  Au  mot  Cène,  nous  avons  rap- 
porté la  manière  dont  le  roi  la  fait  en  France. 
LAZARE.  Un  des  miracles  les  plus  écla- 
tants que  Jésus-Christ  ait  opérés  est  la  ré- 
surrection de  Lazare  ;  les  incrédules    Oût 


835 


LAZ 


LAZ 


254 


fait  tous  leurs  efforts  pour  le  rendre  dou- 
teux, mais  la  narration  de  l'évangéliste  qui 
le  rapporte  nous  présente  des  caractères  do 
vérité  si  frappants,  qu'il  n'est  pas.  possible 
de  les  obscurcir  :  quiconque  les  examinera 
sans  prévention  sera  convaincu  (]ue  la 
fraude,  l'imposture,  l'erreur,  le  hasard, 
n'ont  pu  y  avoir  aucune  part  [Joan.,  c.  xi  et 
xii). 

1»  Lazare  était  un  homme  riche  et  consi- 
déré chez  les  Juifs  :  cela  est  prouvé  par  la 
manière  dont  l'Evangile  en  parle,  ])ar  la 
quantité  do  parfums  que  sa  sœur  répandit 
pour  faire  honneur  5  Jésus,  par  la  manière 
dont  il  fut  embaumé  après  sa  mort  ;  par  l'at- 
tention des  principaux  Juifs  de  Jéiusalem, 
qui  vinrent  consoler  Marlhe  et  Marie  do  la 
mort  de  leur  frère,  etc.  Un  liommo  do  cette 
condition  aurait-il  voulu  se  déshonorer  et  se 
rendre  odieux  h  sa  nation  par  une  fraude 
concertée  avec  Jésus?  Que  pouvait-il  en  es- 

fiérer,  et  que  n'avait-il  pas  h  craindre? 
1  aurait  fallu  que  les  deux  sœurs  et  les 
domestiques  de  Lazare  fussent  du  complot. 
Comment  feindre  la  maladie,  la  mort,  les 
funérailles,  l'embaumement  d'un  liomme  do 
considération  h  une  demi-lieue  de  Jérusalem, 
sans  danger  d'être  découvert  ?  —  2°  Lacrainto 
du  ressentiment  des  Juifs  devait  en  détour- 
ner les  complices  :  il  y  avait  une  excom- 
munication j)rononcée  par  le  conseil  des 
Juifs  contre  tous  ceux  (lui  reconntdtraient 
Jésus  pour  le  Messie;  ses  ennemis  avaient 
déjà  tenté  plus  d'une  fois  de  l'arrêter  :  es- 
sayer une  fourberie  dans  ces  circonstances, 
c'était  accélérer  la  perte  de  Jésus  et  s'y  en- 
velopper avec  lui.  Jésus  lui-même  aurait- 
il  osé  la  proposer  à  une  famille  qui  lui  té- 
moignait de  l'affection  et  de  l'estim:^,  et 
dont  l'aïuiiié  pouvait  lui  être  utile?  Il  no 
faut  pas  s'oi)stint'r,  comme  font  les  incrédu- 
les, il  peindre  Jésus,  tantôt  comme  un  fana- 
tique imbécile  et  imprudent,  tantôt  commo 
un  fourbe  assez  adroit  pour  en  imposer  à 
toute  la  Judée  :  ces  deux  caractères  ne  s'ac- 
eordent  pas,  et  ni  l'un  ni  l'autre  ne  peuvent 
être  attribués  h  Lazare. — 3°  Jésus  n'était 
pas  à  Béthanie  lorsque  Lazare  tomba  malade, 
mourut  et  fut  enterré  ;  il  éiait  à  Bétharaba, 
au  delà  du  Jourdain,  à  plus  de  douze  lieues 
de  distance  de  Béthanie  :  on  lui  envoya  un 
messager  pour  l'avertir.  11  se  passa  au  moins 
cinq  jours  depuis  le  départ  de  cet  envoyé 
juscju'à  l'arrivée  de  Jésus,  qui  alfccta  de  ne 
pas  se  presser.  S'il  y  avait  eu  de  la  fraude, 
il  faudrait  supposer  <[ue  Lazare  et  ses  com- 
plices avaient  pris  sur  eux  tout  l'odieux  du 
complot,  et  avaient  ménagé  à  Jésus  \in  pré- 
texte très-apparent  pour  se  disculper,  en 
disant  cpi'il  était  absent,  et  qu'il  avait  été 
trompé  lui-même,  —k-  La  douleur  des  deux 
sœurs,  après  la  mort  de  Lazare,  avait  toutes 
les  marques  possibles  de  sincérité  ;  les  Juifs 
venus  de  Jérusalem  croient  que  Marie,  qui 
sort  pour  aller  au-devant  de  Jésus,  va  pleu- 
rer au  tembeau  de  son  fi  ère.  Le  discours 
qu'elles  adressent  successivement  h  Jésus, 
les  larmes  que  répand  Marie,  celles  que 
Jésus  verse  lui-même,  la  réponse  qu'il  lait 

DiCTIONN.  DB  TnÂOL.  DOCUATIQUE.     III. 


aux  deux  sœurs,  l'étonnement  des  assistants, 
qui  disent  :  Cet  homme,  qui  a  guéri  un 
aveugle-né,  ne  pouvait-il  donc  pas  empêcher 
son  ami  de  mourir?  tout  annonce  la  sincé- 
rité et  la  bonne  foi.  -  5°  C'est  en  présence 
des  deux  sœurs,  des  Juifs  de  Jérusalem,  de 
ses  disciples,  que  Jésus  se  fait  conduire  à  la 
caverne  dans  laquelle  est  inhumé  Lazare  : 
on  ne  prend  jias  tant  do  témoins  pour  jouer 
une  imposture.  Il  ordonne  d'ôter  la  pierre 
qui  fermait  le  tt  uibeau  :  Seigneur,  lui  dit 
Marthe,  //  sent  déjà  mauvais,  il  y  a  quatre 
jours  qu'il  est  enseveli  :  cette  circonstance 
est  répétée  deux  fois.  Jésus  lève  les  veux 
au  ciel,  invoque  son  Père,  appelle  Lazare, 
et  lui  commande  de  sortir  dehors  ;  le  mort 
se  lève,  on  lui  ôte  les  bandes  sépulcrales  ; 
il  est  plein  de  vie.  Plusieurs  Juifs,  témoins 
de  co  prodige,  crurent  en  Jésus-Christ.  Une 
narration  si  naturelle  et  si  bien  circonstan- 
ciée ne  peut  pas  être  un  ouvrage  d'imagina- 
tion.—  6°  L'usage  des  Juifs  d'enterrer  les 
morts  dans  des  cavernes  est  certain  ;  il  ve- 
nait des  patriarches  :  on  voit  encore  dans 
la  Judée  plusieurs  de  ces  tombeaux  anciens, 
et  l'on  sait  que  les  Juifs  avaient  changé  peu 
de  chose  à  la  manière  /d'embaumer  des 
Egyptiens.  Ils  enduisaient  d'aromates  les 
corps.  Nicodème  apporta  environ  cent  livres 
de  myrrhe  et  d'aloès  pour  embaumer  lo 
corps  de  Jésus,  selon  la  coutume  des  Juifs. 
I^orS(pie  Mario  répandit  des  parfums  sur 
Jésus  :  Elle  me  rend  déjà,  dit-il,  les  honneurs 
de  la  sépulture.  Après  avoir  saupoudré  do 
ces  drogues  desséchantes  les  membres  du 
mort,  ils  les  liaient  de  bandelettes  qui  en 
étaient  imbibées  ;  ils  environnaient  de  même 
la  tête  et  le  couvraient  d'un  suaire.  C'est 
ainsi  que  Lazare  avait  été  enseveli;  l'évan- 
géliste le  fait  remarquer  en  parlant  des  ban- 
delettes dont  ses  mains  et  ses  pieds  étaient 
liés,  etdusuairo  quiétaitsursa  tôte.Siio^are 
n'avait  pas  été  mort,  il  lui  aurait  été  impos- 
sible de  demeurer  pondant  plusieurs  heures 
ainsi  emmaillolté,  le  visage  couvert  de  dro- 
gues, dans  un  tombeau  couvert  par  uno 
pierre,  sans  être  sutfoqué  ;  et  s'il  n'avait 
pas  été  ainsi  enseveli  comme  l'étaient  les 
morts  de  sa  condition,  les  Juifs  présents  à 
la  résurrection  n'auraient  pas  été  dupes 
d'une  sépulture  simulée  :  ils  auraient  accusé 
Jésus,  Lazare  et  ses  sœurs  d'iiuposture. — 
7°  Tout  au  contraire,  il  est  dit  que  plusieurs 
crurent  en  Jésu^-Christ,  que  les  autres  allè- 
rent avertir  les  Juifs  de  ce  qui  s'était  passé. 
Là-dessus  ils  délibèrent  :  «Que  ferons- 
nous,  disent-ils  ?  Cet  homme  fait  beaucoup 
de  miracles  ;  si  nous  le  laissons  continuer, 
tout  le  monde  croira  en  lui  ;  les  Romains 
viendront  détruire  notre  ville  et  notre  na- 
tion. »  ils  prennent  la  résolution  de  faire 
mourir  Jésus.  Plusieurs  vinrent  exprès  à 
Béthanie  pour  voir  Lazare  ressuscité.  Le 
bruit  que  ce  miracle  lit  à  Jérusalem  valut  à 
Jésus  l'entrée  triomphante  qu'il  y  fit  quel- 
ques jours  avant  la  pàque.  Les  Juifs,  furieux 
de  cet  éclat,  résolurent  de  se  défaire  aussi 
de  Lazare,  parce  que  sa  résurrection  aug- 
mentait lo  nombre  des  partisans  de  Jésus 

8 


235  LAZ 

Ainsi  les  circonstances  dont  ce  miracle 
fut  précédé  ,  la  manière  dont  il  fut  opéré, 
les  elfets  qu'il  produisit,  concourent  à  en 
démontrer  la  réalité  :  les  incrédules  auraient 
dû  y  faire  quelque  attention  avant  d'argu- 
menter pour  le  taiie  paraître  douteux. 

Dira-t-on,  commequelques-uns,  que  toute 
cette  histoire  est  fausse,  que  saint  Jean  l'a 
forgée  dans  un  lem|is  où  il  n'y  avait  plus  de 
témoins  oculaires  ni  contemporains  qui  pus- 
sent le  contredire  ?  Nous  n'insisterons  point 
sur  le  caractère  personnel  de  saint  Jean,  sur 
son  âge  vénérable ,  sur  le  ton  do  candeur 
qui  rè^^ne  dansions  ses  écrits,  sur  l'inulililé 
de  cotte  fable  pour  établir  l'Evan.^ile.  Mais 
comment  un  vieillard  centenaire,  un  écrivain 
juif,  auquel  les  incrédules  n'ont  jamais  at- 
tribué des  talents  sublimes,  a-t-il  pu  forger 
une  narration  si  naturelle  et  si  bien  circon- 
stanciée, où  rien  ne  se  dément,  oii  tout  con- 
tribue à  i)ersuader,  s'il  n'a  pas  été  lui-même 
témoin  oculaire  du  lait  et  de  la  manière  dont 
il  s'est  passé  ?  Avec  la  critique  la  plus  sub- 
tile et  la  plus  maligne,  les  incrédules  n'ont 
Îu  y  découvrir  aucune  marque  d'imposture. 
1  est  faux  c|u'alors  il  n'y  eût  plus  de  té- 
moins octilaires.  Quadratus,  disciple  des 
apôtres  ,  atteste  que  plusieurs  personnes, 
guéries  ou  ressuscitées  par  Jésus-Christ , 
avaient  vécu  jusqu'au  temps  auquel  il  écri- 
vait ;  c'était  sous  Adrien,  vers  l'an  120,  par 
conséquent  assez  longtemps  après  la  mort 
de  saint  Jean  (Eusèbe,  Hist.,  I.  iv,  cap.  3). 
Cet  évangéliste  était  donc  environné  ,,  soit 
de  témoins  oculaires  ou  contemporains,  soit 
de  gens  qui  avaient  pu  apprendre  la  vérité 
de  leur  bouche. 

La  résuirection  de  Lazare  n'était  point 
un  fait  obscur  que  saint  Jean  put  forger  sans 
ieonséquence  :  il  fait  remarquer  que  ce  pro- 
dige avait  fait  du  biuit  dans. la  Judée  ;  que, 
d'un  côté ,  il  augmenta  le  nombre  des  par- 
tisans de  Jésus  ;  que,  de  l'autre,  il  aigrit  ses 
ennemis ,  et  leur  fit  prendre  la  résolution 
de  le  metire  à  mort.  11  n'était  donc  pas  pos- 
sible de  le  publier  à  faux,  sans  s'exposer  à 
être  contredit,  et  cette  imprudence  aurait 
été  d'autant  plus  grossière  que  les  autres 
évangélistes  n'en  avaient  pas  pai-lé.  11  fau- 
drait donc  toujours  supposer  que  saint  Jean 
a  été,  d'un  côté,  un  fourbe  très-adroit,  ca- 
pable de  forger  la  narration  la  plus  propre 
à  en  imposer  ;  de  l'autre,  un  imposteur  stu- 
pide  ,  qui  n'a  pas  vu  le  danger  auquel  il 
s'exposait  de  nuire  à  la  cause  en  voulant  la 
servir.  Mais  le  silence  des  autres  évangélis- 
tes est  justement  ce  qui  inspire  des  soup- 
çons à  d'autres  critiques.  Il  est  évident,  di- 
sent-ils, qu'en  fait  de  résurrections,  ces  his- 
toriens sont  allés  en  augmentant ,  et  ont 
voulu  enchérir  les  uns  sur  les  autres  :  saint 
Matthieu  et  saint  Marc  n'avaient  [larlé  que 
de  la  résurrection  de  la  liUe  de  Jaïro ,  qui 
venait  seulement  d'expirer  ;  saint  Luc  y 
ajoute  le  tils  de  la  veuve  de  Naim  que  l'on 
portait  en  terre  ;  cela  était  plus  admirable  : 
saint  Jean,  pour  amplifier,  raconte  la; résur- 
rection ûe  Lazare,  mort  depuis  quatre  jours, 
enterré  et  déjà  infect.  Cette  progression  do 


LAZ  QSO 

merveilleux  sent  la  fable  et  le  dessein  d'en 
imposer.  Aucun  écrivain  juif  n'a  parlé  de 
ce  miracle,  et  il  n'en  est  fait  mention  dans 
aucun  monument  publir. 

Nous  soutenons  qu'il  n'est  pas  vrai  que 
saint  Jean  cherche  à  augmenter  le  merveil- 
leux des  miracles  de  Jésus-Christ,  puisqu'il 
a  passé  sous  silence  non-seulement  les  deux 
premières  résurrections  rapportées  par  les 
autres  évangélistes  ,  mais  encore  la  transfi- 
guration de  Jésus-Christ,  de  laquelle  il  avait 
été  témoin  oculaire.  Ce  prodige  était  pour 
le  moins  aussi  capable  d'exciter  l'admiration 
que  la  résurrection  de  Lazare.  En  lisant  son 
Evangde ,  on  voit  que  son  dessein  était 
Ijrincipalement  de  raiT)orter  les  discours  et 
les  actions  de  Jésus-Christ  dont  il  n'était 
pas  fait  mention  dans  les  autres  évangélis- 
tes ;  c'est  pour  cela  qu'il  est  le  seul  qui  ra- 
conte le  miracle  des  noces  de  Cana.  Mais 
il  déclare  a  la  fin  de  son  Evangile  que  Jésus 
a  fait  beaucoup  d'autres  miracles  qu'il  ne 
rapporte  point  ;  et  le  récit  de  Quadratus 
prouve  qu'en  effet  Jésus  avait  encore  res- 
suscité d'autres  morts  que  ceux  dont  par- 
lent les  évangélistes.  11  est  évident  qu'au- 
cun des  quatre  ne  s'est  proposé  de  faire 
une  histoire  complète  des  miracles,  des  dis- 
cours, des  actions  de  Jésus-Christ  ;  les  trois 
premiers  n'ont  presque  rien  dit  de  ce  qu'il 
a  fait  depuis  la  fête  des  Tabernacles,  au 
mois  d'octobre  ,  jusqu'à  la  pAque  suivante, 
et  c'est  dans  cet  intervalle  de  temps  qu'il 
ressuscita  Lazare. 

Dans  les  Sepher  Tholdoth  Jesti,  les  Juifs 
ont  avoué  qu'il  a  ressuscité  des  morts  ; 
n'est-ce  pas  assez  que  cet  aveu  général  do 
leur  part.  C'est  une  absurdité  d'exiger 
qu'ils  aient  écrit  ces  miracles  en  détail  ;  par 
là  ils  auraient  rendu  leur  incrédulité  plus 
inexcusable,  et  se  seraient  couverts  d'ignomi- 
nie. Mais  les  ennemis  du  christianisme  ne 
craignent  jioint  de  se  rendre  aussi  ridicules 
que  les  Juifs  ;  parce  que  l'historien  Josèphe 
leur  semble  avoir  parlé  trop  clairement  des 
miracles  et  de  la  résurrection  de  Jésus- 
Christ  ,  ils  rejettent  son  témoignage  comme 
supposé  ;  cet  aveu,  disent-ils,  est  trop  for- 
mel pour  un  Juif:  lorsqu'on  leur  en  allègue 
d'auti  es  qui  ne  sont  pas  aussi  exprès ,  ils 
n'eii  font  point  de  cas  ;  ils  disent  :  Cela  n'est 
pas  assez  formol.  Comment  fau'!rait-il  donc 
que  les  aveux  des  Juifs  fussent  conçus  pour 
les  convaincre  ?  11  aurait  fallu  ,  disenl-ds  , 
que  ks  Juifs,  prétendus  témoins  de  la  ré- 
surrection, eussent  vu  Lazare  malade,  mort, 
embaumé,  qu'ils  eussent  senti  l'odeur  de 'sa 
corruption ,  enfin  qu'ils  eussent  conversé 
avec  lui  depuis  sa  sortie  du  tombeau.  Qui 
leur  a  dit  que  cela  n'est  pas  arrivé  ?  L'Evan- 
gile nous  donne  lieu  de  présumer  tout  ce 
qu'ils  exigent.  En  effet,  les  Juifs,  venus  de 
Jérusalem  à  Béthanie  i)Our  consoler  Aiarthe 
et  Marie,  étaient  les  amis  de  Lazare  ;  ils  l'a- 
vaient donc  vu  malade,  et  Us  avaient  assisté 
à  ses  funérailles ,  puisque  Béthanie  n'était 
qu'à  une  demi-heue  do  Jérusalem.  Lorsque 
Jésus  fit  ouvrir  le  tombeau  eu  leur  présence, 
ils  virent  Lazare  mort  et  embaumé  ;  ils  pu 


,  .   i..y.  .  ■..,-  .,  .,,    ,,    V.;,..    t     1JI;   -;.:<).>;  iîi 
rnil  donc  feS|iiror  1  odeur  de  sa  cnrntption. 

Jls  le  virent  siJiiir  (!u  tombeau  à  l;i  voix  do 

Jésus,  et  ils  l'urcnt  converser  avec  lui  à  ce 

moment  môme  :  quelques-uns  d'entre  eux 

allèrent  raconter  aux  chefs  de  la  nation  ces 

faits  dont  ils  avaient  étft  témoins. 

Quand  nous  aurions  leur  propre  témoi- 
gnage (lar  écrit  ,  de  quoi  nous  servirait-il 
contre  les  incrédules  ?  Ou  ces  témoins  ont 
cru  en  Jésus-Christ,  ou  ils  n'y  ont  pas  cru  : 
s'ils  y  ont  cru  ,  leur  témoiu'nage  devient 
suspect  connue  celui  des  apôtre'; ,  qui  sont 
eux-mêmes  des  juifs  convertis;  s'ils  n'y 
ont  pas  cru,  l'ar-ument  ordinaire  des  in- 
crédules reviendra  sur  la  scène  :  il  est  ira- 
fiossible  ,  diront  nos  adversaires  ,  que  des 
lommes  raisonnables  aient  vu  un  pai'cil  mi- 
racle sans  croire  en  Jésus-Christ.  Déjà  ils 
nous  opposent  ce  raisonnement  :  si  ce  mi- 
racle ,  disent-ils,  eût  été  incontestable,  il 
n'est  pas  possible  que  les  Juifs  eussent  pous- 
sé la  rage  jusifu'à  vouloir  mettre  à  mort  La- 
zare aussi  bien  que  Jésus,  afin  d'arrêter  les 
suites  de  ce  prodige  ;  il  est  plus  naturel  do 
troire  qu'ils  les  reconnurent  tous  deux  cou- 
pables d'imposture. 

Tel  est  l'entêtement  de  nos  adversaires  ; 
ils  aiment  mieux  penser  que  Jésus,  ses  dis- 
ciples, Lazare,  ses  sœurs,  ses  domestiques, 
ses  ami- ,  ont  été  tous  h  la  fois  des  fourbes 
et  des  insensés  ,  qui  trompaient  sans  motif 
fet  au  péril  de  leur  vie,  que  d'avouer  que  les 
Juifs  étaient  des  for'cenés.  Mais  ils  sont  peints 
fcomme  tels  par  Josùphe  lui-même  ;  la  con- 
duite qu'ils  ont  tenue  après  la  résurrection 
de  Jésus-Christ  le  démontre,  et  depuis  dix- 
sei)t  cents  ans  leur  postérité  jiorte  encore 
ce  caractère.  La  conduite  de  Jésus  et  de 
ses  disciples  est-elle  marquée  au  même 
coin  ?  L'opini;\treté  même  des  incrédules 
nous  fait  voir  jusqu'oii  les  Juifs  ont  pu  la 

fiousser,  et  ce  que  ]iroduit  la  (lassion  sur 
es  esprits  qui  s'y  sont  une  fois  livrés. 

LAZARISTES.  C'est  le  nom  que  l'on  donne 
YUlKairement  aut  prêtres  de  la  congr.gation 
de  la  Mission,  parce  qu'ils  occupent  à  Paris 
la  maison  de  Saint-Lazare.  Cette  congréga- 
tion a  été  instituée  par  saint  Vincent  de 
Paul ,  en  1617 ,  et  confirmée  par  les  jiajies 
Alexandre  VII  et  Clément  X.  Leur  destina- 
lion  est  de  travailler  à  l'instruction  des  peu- 
ples de  la  campagne  et  à  l'administration  des 
jiaroisses,  de  former  les  jeunes  ecclésiasti- 
ques aux  fonctions  de  leur  état ,  de  faire 
des  missions  dans  h's  pays  infidèles,  de  s'em- 
plover  au  secours  et  au  rachat  des  esclaves 
sur  les  côtes  de  Barbarie.  L'utdilé  de  leurs 
travaux  a  fait  proraptement  multiplier  cet 
institut  dans  les  divers  états  de  l'Europe  ; 
ils  sont  actuellement  chargés  des  missions 
que  les  jésuites  avaient  établies  dans  les 
écheiles  du  Levant ,  ainsi  qu'à  Pékin  et  à 
Goa. 

LEÇON,  manière  de  lire.  Dans  la  Bible, 
dans  les  écrits  des  Pères  et  des  auteurs  ec- 
clésiastiques, les  diîTérentes  leçons  ou  va- 
riantes sont  les  termes  différents  dans  les- 
3uels  le  texte  d'un  même  auteur  est  rendu 
aas  les  dili'érouts  manuscrits  anciens  :  cette 


uivcfsite  vîeiil  poiïr  ï'oraînâî'fe  do  l'altéra- 
tion que  le  temps  y  a  causée  ,  ou  do  l'inat- 
tention des  copistes. 

Les  versions  de  l'Etrilure  portent  souvent 
des  Irçons  différente-;  du  texte  hébreu,  et 
les  divers  njanuscrits  de  ce^?  versions  pré- 
sentent souvent  des  leçons  dilTérentes  entré 
elles.  La  grande  affaire  des  critiques  et  des 
éditeurs  est  de  déterminer  laquelle  de  plu- 
sieurs leçons  est  la  meilleure;  ce  qui  se  fait 
en  confrontant  les  dilférentes  leçons  de  plu- 
sieurs manuscrits  ou  imjjrimés,  et  en  préfé- 
rant celle  qui  fait  un  sens  plus  conforme  à 
ce  qu'il  paraît  que  l'auleur  a  vowlu  dire,  ou 
qui  se  trouve  dans  les  manuscrits  ou  les 
imprimés  les  plus  corrects.  Vuy.  Varian- 
tes. 

Li;çoN,  ce  qui  doit  être  lu.  En  termes  de 
bréviaire,  ce  sont  des  morceaux  détachés, 
soit  de  l'Ecriture  sainte,  soitdes  Pères,  oudes 
auteurs  ecclésiastiques,  qu'on  iit  h.  matines. 
Il  y  a  des  matines  à  neuf  leço7is,  d'.iutres  à 
trois  leçons  :  les  capitules  S'tnt  des  leçons 
abrégées.  On  ap;.'elle  aussi  leçons  de  théolo- 
gie, ce  qu'un  professeur  de  cette  science  en-; 
soigne  à  ses  écoliers,  et  chaque  séance  qu'il 
emploie  à  cette  fonction.  Knlin,  leçon  signi- 
fie quelquefois  instruction  ;  dans  ce  sens  , 
nous  disons  qued'Evangile  nous  donne  d'ex- 
cellentes leçons. 

LECTEUR  ,  clerc  revêtu  de  l'un  des  qiia- 
tre  ordres  mineurs.  Les  lecteurs  étaient  an- 
ciennement de  jeunes  enfants  que  l'on  éle- 
vait pour  les  faire  entrer  dans  le  clergé  ;  ils 
servaient  de  secrétaires  aux  évoques  et  aux 
prêtres ,  et  s'instruisaient  ainsi  en  lisant  et 
en  écrivant  sous  eux  ;  conséquemment  on 
choisissait  ceux  qui  paraissaient  les  [)lus  pro- 
pres à  l'étude,  et  qui  pouvaient  être  dans  la 
suite  élevés  au  sacerdoce  :  plusieurs  ce]»en- 
dant  demeuraient  lecteurs  toute  leur  vie.  La 
plupart  des  savants  pensent  que  la  functicni 
des  lecteurs  n'a  été  établie  qu'au  ni'  siècle, 
et  que  Tertullien  est  le  premier  qui  en  ait 
parlé.  Pour  prouver  que  cet  ordre  est  plus 
ancien,   le  père   Ménard   a  cité  la  lettre  de 
saint  Ignace  aux  fidèles   d'Antioc'ie,  c.  12. 
Mais  cette  lettre  est  supposée.  La  fonction 
des  lecteurs  a  toujours  été  nécessaire  dans 
l'Eglise ,  puisque    l'on  y  a    toujours  lu   les 
Ecritures  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testa- 
ment, Suit  à  la  messe,  soit  à  l'oftice  de  la 
nuit.  On  y  lisait  aussi  les  actes  des  martyrs, 
les  lettres  des  autres  évoques ,  ensuite  les 
homélies  des  Pères ,  comme  on  le  fait  en- 
core ;  il  était  naturel  de  préférer  pour  cette 
fonction  des  hommes  qui  avaient  une  voix 
]ilus  sonore  ,  un  organe  [ilus  agréable,  -une 
prononciation  plus   nette   que    les   autres. 
Bingham,  Orig.  ecclés. ,  1.  m,  c.  b,  tom.  I! , 
pag.  29,  observe  q_iie  dans  l'Eglise  d'Alexan- 
drie l'on  permettait  aux  laïques,  même  aux 
catéchumènes ,  de  lire  l'Ecriture  sainte  eu 
public,  mais  qu'il  no  parait  pus  que  cette 
permission  ait  eu  lieu  dans  les  autres  égli- 
ses ;  il  pense  que  tantôt  les  diacres,  tantôt 
les   prêtres  ,    et   quelquefois  les  évêques  , 
s'acquittaient  de  cette  fonction  :  cela  peut 
être  ;  mais  il  n'est  pas  prouvé  qu'elle  ait  été 


259 


LEC 


LEC 


2M 


interdite  à  ceux  des  laïques  qui  en  étaient 
capables. 

Les  lecteurs  étaient  chargés  de  la  garde 
des  livres  sacrés ,  ce  qui  les  exposait  beau- 
coup à  être  inquiétés  pendant  les  persécu- 
tions. La  formule  de  leur  ordination  mar- 
que qu'ils  doivent  lire  pour  celui  qui  prê- 
clie,  chanter  les  leçons,  bénir  le  pain  et  les 
fruits  nouveaux.  L'évêque  les  exhoite  à  lire 
fidèlement  et  à  pratiquer  ce  qu'ils  lisent,  et 
les  met  au  rang  de  ceux  qui  administrent  la 
parole  de  Dieu.  Comme  il  leur  appartenait 
de  lire  l'épitre  et  l'évangile,  saint  Cyprien 
jugeait  que  cette  Ibiîclion  ne  convenait 
mieux  à  personne  qu'aux  confesseurs  qui 
avaient  souffert  pour  la  foi  (Epist.  33  et  3i), 
puisqu'ils  avaient  conlirmé  par  leur  exem- 
ple les  vérités  qu'ils  lisaient  au  peuple. 

Dans  l'Eglise  grecque,  les  lecteurs  étaient 
ordonnés  par  l'imposition  des  mains,  mais 
cette  cérémonien'avait  pas  lieu  pour  euxdans 
l'Eglise  latine.  Le  quatrième  concile  de  Car- 
thage  ordonne  que  l'évêque  mettra  la  Bible 
entre  les  mains  du  lecteur  en  présence  du 
peuple  ,  en  lui  disant  :  Recevez  ce  livre,  et 
soyez  lecteur  de  la  parole  de  Dieu  ;  si  vous 
remplissez  fidèlement  votre  emploi,  vous  au- 
rez part  avec  ceux  qui  administrent  la  parole 
de  Dieu.  Voy.  le  Sacram.  de  S.  Grég.,  p.  233, 
et  les  Notes^du  P.  Ménard,  pag.  274  et  suiv. 

Les  personnes  de  la  plus  haute  considé- 
ration se  faisaient  honneur  de  remplir  cette 
fonction,  témoin  l'empereur  Julieu  et  son 
frère  Galius,  qui  pendant  leur  jeunesse,  fu- 
rent ordoimés  lecteurs  dans  l'église  de  Nico- 
médie.  Par  la  novelle  123  de  Jusîinien, 
il  fut  défendu  de  prendre  pour  lecteurs  des 
jeunes  gens  au-dessous  de  dix-huit  ans;  mais 
avant  ce  règlement  l'on  avait  vu  cet  emploi 
rempli  par  des  enfanls  do  sept  à  huit  ans, 
que  leur  i^aients  destinaient  de  bonne  heure 
à  l'Eglise,  afin  que  par  une  étude  continuelle 
ils  se  rendissent  capables  des  fonctions  les 
plus  difiiciles  du  saint  ministère. 

Il  paraît,  par  le  concile  de  Chalcédoine, 
qu'il  y  avait  dans  quelques  églises  un  arclii- 
lecteur,  comme  il  y  a  eu  un  archiacolyte,  un 
archidiacre,  un  archiprètre,  etc.  Le  septième 
concile  général  permet  aux  al)bés  qui  sont 
prêtres  et  qui  ont  été  bénis  par  l'évêque , 
d'imposer  les  mains  à  quelques-uns  do  leurs 
religieux  pour  les  faire  lecteurs. 

LECTICAIRES,  clercs  qui  dans  l'Eglise 
grecque  élaient  chargés  de  porter  les  corps 
morls  sur  un  brancard  nommé  lectum  ou  lec- 
tica,  et  de  les  enterrer;  on  les  nommait 
aussi  copiâtes  et  doyens.  Voy.  Funérailles. 

*  LECTURE  DE  L'ÉCRITURE  SAINTE.  Il  s'est 
élevé  entre  les  cailioliques  el  les  proicslanis  une 
gvanJe  controverse  sur  la  nécessité  el  l'utilité  de 
la  lecture  de  l'Ecriiure  sainte. 

Observons  ,  avant  d'entrer  en  matière ,  que  nous 
ne  prétendons  pas  mettre  en  iiuestion  s'il  est  utile 
aux  pasteurs  de  lire  et  d'étudier  profondément  lE- 
criture  sainte;  personne  ne  peut  en  dontcr,  surtout 
que  niaiiilenant  nos  livres  saints  sont  l'objet  de  tant 
de  violentes  attaques.  Il  ne  s'agit  donc  que  des  sim- 
ples fidèles,  et  c'est  d'eux  seuls  que  l'on  demande  si 
la  lecture  de  l'Ecriture  sainte  leur  est  nécessaire  ou 
«i  l'on  peut  même  dire  qu'elle  leur  soit  toujours  utile. 


Les  prolestants  prétendent  que  celle  lecture  est 
nécessaire  à  tous  les  fidèles,  et  celle  doctrine  est 
étroitement  liée  à  leur  principe  de  l'examen  privé, 
puisque  si  l'on  refuse  de  former  sa  foi  sur  celle  de 
rEjjlise ,  il  devient  nécessaire  à  chaque  particulier 
de  la  former  par  le  témoignage  de  l'Esprit  saint 
qui  réclaire  dans  la  lecture  des  livres  saints  ,  et 
lui  donne  l'intelligence  au  moins  des  articles  fon- 
damentaux. Une  conséquence  nécessaire  de  celle 
opinion  est  qu'aucune  autorité  ne  peut  interdire  à 
qui  que  ce  soit  la  lecture  des  livres  saints  ;  mais  que 
l'on  doit  au  contraire  faciliter  à  chacun  les  moyens 
de  les  lire  en  les  traduisant  en  langue  vulgaire,  et 
en  les  répandant  parmi  le  peuple.  Les  protestants 
d'aujourd'hui  mettent  ce  système  en  pratique  pour 
l'éialilissement  des  sociétés  bibliques  destinées  a  ré- 
pandre avec  profusion  l'Ecriture  sainte  eu  langue 
vulgaire.  Nous  dirons  un  mot  de  ces  sociétés  qui  se 
sont  introduites  même  chez  les  catholiques. 

Cette  doctrine  des  protestants  a  été  adoptée  par 
le  Père  Quesnel  el  par  les  jansénistes,  qui  ont  ensei- 
gné que  la  lecture  de  l'Ecriture  sainte  était  néces- 
saire en  tout  temps  et  en  tout  lieu  et  à  toute  sorte 
de  personnes,  et  que  l'interdire  à  quelqu'un,  c'était 
lui  faire  souffrir  une  sorte  d'excommunication.  Ce 
sentiment  du  Père  Quesnel  a  été  condamné  dans  la 
constitution  Unigcntius  (  Voy.  les  propositions  79, 
80,  81,  82,  83,  84,  8.5).  Voici  deux  de  ces  proposi- 
tions condamnées  dans  le  Père  Quesnel  :  Lcciio  sa- 

crœ  Hcnplurœ  est  pro  omnibus Utile  et  necessa- 

riiim  et  omni  tempure,  omiii  loco,  est  omtii  personnnim 
generi  sludere  el  coçinoscere  spiriluin,  pietatem  et  mijs- 
leiia  Scriplarœ  sacrœ. 

Les  théologiens  catholiques  enseignent  que  la  lec- 
ture de  l'Ecriture  sainte,  quelque  utile  qu'elle  soit  en 
elle-même,  ne  doit  être  ni  conseillée,  ni  interdite  in- 
distinctement à  tout  le  monde  ,  et  qu'on  ne  peut 
prescrire  à  ce  sujet  sans  avoir  égard  aux  personnes, 
aux  temps  et  aux  lieux  ;  parce  que  celle  lecture  utile 
à  ceux  qui  sont  bien  disposés ,  devient  dangereuse 
pour  certaines  personnes  ,  dans  certaines  circon- 
stances, etc. 

Nous  établissons  les  assertions  suivantes  : 

La  lecture  de  l'Ecriture  sainte  n'est  pas  néces- 
saire à  tous  les  fidèles,  ni  toujours  utile  ;  car 
celte  lecture  ne  pourrait  être  nécessaire,  ou  qu'au- 
tant qu'elle  serait  un  moyen  sans  lequel  on  ne  pour- 
rait remplir  les  conditions  essentielles  au  salut ,  ou 
qu'autant  qu'il  existerait  une  loi  qui  en  fit  un  pré- 
ccple  ;  necessilale  metlii  aiit  necessitale  pracepli , 
comme  disent  les  théologiens.  Or  la  lecture  de  l'E- 
criture sainte  n'est  nécessaire  aux  simples  lidèles 
d'aucune  de  ces  deux  manières. 

1°  11  est  certain  qu'elle  n'est  pas  nécessaire  d'une 
nécessité  de  moyen  ;  en  effet ,  si  elle  l'était ,  ce  se- 
rait, comme  l'ont  dit  les  proiestanls,  pour  acquérir 
les  connaissances  des  articles  de  foi  nécessaires  au 
salut;  ou  celte  lecture  est  nulle,  car  les  fidèles  peu- 
vent, sans  celle  lecture ,  acquérir  les  connaissances 
nécessaires  au  salut,  en  écoutant  les  instructions  de 
leurs  pasteurs  ;  donc,  etc.  De  plus  ,  on  peut  citer, 
même  dans  la  primitive  Eglise  ,  plusieurs  exemples 
qui  prouvent  invinciblement  que  la  lecture  de  l'E- 
criture sainte  n'est  pas  nécessaire  aux  lidèles,  neces- 
sitale medii.  C'est  ainsi  que  saint  Jean  l'Evaugélisie 
forma,  selon  Eusébe,  un  grand  nombre  de  disciples 
sans  le  secours  de  l'Ecriture  sainte.  Saint  Irénée 
nous  apprend  que  de  son  temps  il  y  avait  plusieurs 
nations  qui  avaient  embrassé  le  christianisme  sans 
le  secours  de  l'Ecriture  :  qui  sine  atruiiieiilo  el  title- 
ris  Clmsliiin  projilehaïuur.  Saint  Augustin  nous  re- 
présente de  même  les  solitaires  de  son  temps.  Il  se- 
rait facile  de  citer  un  grand  nombre  de  textes  qui 
prouveraient  que  l'antiquité  était  loin  de  penser 
comme  les  protestants  ;  .car  si  les  apôtres  eussent 
pensé  que  la  lecture  de  l'Ecriture  sainte  eût  été  né- 
cessaire de  nécessité  de  moyen,  comment  ne  l'au. 


241  LEC 

raiftnt-ils  pas  fait  traduire  dans  les  langues  vul- 
gaires ? 

2°  la  lecture  de  l'Ecriture  sainte  n>st  pas  néces- 
saire, ueceiiila(e  prœcepti.  En  ellet,  1"  on  ne  prou- 
veia  jamais  ([n'il  y  ail  un  précopie  divin  ou  ecclé- 
siastique, obligeant  les  sini|des  lidèles  à  lire  l'Ecri- 
ture sainte.  2°  H  est  absurde  de  croiio  qu'il  y  ait  un 
précepte  de  faire  une  chose  qui  peut  devenir  nnisi- 
ide  ;  or,  ce  précepte  supposé  pur  les  advers;iires  se- 
rait miisil)le.  Des  les  temps  aposliiliques,  saint  l'icrie 
nous  apprend  qu'il  y  avait  des  esprits  li'gers  et  igno- 
rants, qui  abusaient  de  rt'|)tlre  di-  saint  l'aul  et  de 
l'Ecrituic  pour  la  perte  de  leuis  âmes  :  qui  iidocti 
el  ii'slal'ih's  di'\nnvi.nl  sinii  et  iwlerus  siriiiltirns  ad 
suam  i}isonim  penii.icm{l  l  l^clr.  m,  1(1). 

Dins  les  siècles  postéiieurs  ,  les  peuples  n'ayant 
pas  conservé  le  respect  envers  les  pasteurs,  la  lecture 
des  livres  saints  devint  fort  dangeieuse. 

Une  décrétale  d'Innocent  III,  donnée  en  1199,  nous 
apprend  que  la  lei  ture  ipie  les  iaiqiu's  Taisaient  de 
l'Ecriture  sainte  pioduisait  le  plus  grand  abu^  d:ins 
le  diocèse  de  Metz,  et  donnait  (iccasion  de  mépriser 
le  clergé  et  de  coni redire  les  décisions  de  l'Eglise  , 
sous  jnélexte  qu'elles  n'ctaiiul  p \s  conrormes  a  l'E- 
criture. C'est  aussi  ce  que  faisaient  les  Vandois  qui 
parurent  vers  la  même  époque.  Mais  la  nfiirme  du 
xvi*  siècle  mit  le  comble  à  ces  abus,  en  ripandaut 
i^vec prolusioii  des  versions  en  l;:ngue  vulgaiie  des 
livres  sainis  ;  ce  (pii  causa  la  perversion  d  uu  nom- 
bre infini  de  gens  ignorants,  qui,  incapables  de  coin- 
piendre  par  eux-mêmes  l'Ecriture  ,  s'imaginaient  y 
trouver  tout  ce  que  les  réloiinaleurs  voulaient  leur 
faire  voir.  Tous  ces  faits  prouvent  que  la  lecture  de 
lEcriture  sainte  ne  doit  pas  cire  permise  indifférem- 
ment à  toutes  sortes  de  persmuies ,  et  qu'elle  peut 
être  très-dangereuse.  Quels  bons  effets  ,  par  exem- 
ple, peut  pi'oiluire  sur  les  gens  simples  la  lecture  du 
Cantique  des  caulii|nes,  etc.  Ne  peut-on  p.is  craindre 
qu'on  abuse  de  quebpies  textes  obscurs  pour  tomber 
dans  riiérésie  '/ 11  est  donc  absurde  de  supposer  que 
tous  les  fidèles  soient  obligés  de  lire  l'Ecriture 
sainte;  ainsi,  c'est  avec  raison  que  la  doctrine  do 
nos  adversaires  a  été  coudanniée  dans  la  4'  règle  de 
Viiulex  et  dans  la  bidle  Dnniiitui  yri'gh. 

La  principale  objection  qu'on  propose  contre  l'as- 
sertion précédente,  se  tire  de  plusieins  textes  des 
SS.  PP.  que  M.  Dupin  rassemble  avec  tant  de  com- 
plaisance, (pi'on  pourrait  croire  qu'il  partage  l'errenr 
des  jansénistes. 

Pour  l'épcuulre  à  tous  ces  textes,  il  suffit  de  remar- 
quer la  ddlérence  immense  qui  se  trouve  entre  le 
temps  où  vivaient  ces  Pires  et  le  nôtre.  Les  saints 
Pères  parlaient  à  des  personnes  instruites,  dociles, 
qui  recounaiSBaient  la  voix  des  pasteurs.  La  lecture 
de  l'Ecriture  sainte  leur  pouvait  cire  fort  utile,  tan- 
dis qu'elle  serait  fort  nuisible  à  ceux  auxquels  le 
Pcre  Quesnel  a  appris  que  les  premiers  pasteurs  per- 
sécutent la  vérité.  Au  reste,  il  faut  remarquer  que 
l'Eglise  n'a  jamais  défendu  aux  laïques  la  lecture  des 
textes  originaux  et  des  anciennes  versions.  Si  l'on 
demande  pourquoi  la  même  écriinre  peut  être  lue 
dans  une  langue  et  non  dans  une  autre,  nous  répon- 
drons que  la  leclure  des  textes  et  des  anciennes  vtr- 
sions  suppose  uu  lecteur  instruit  et  par  consé(|ueut 
moins  exposé  à  la  pei  version  ;  tandis  que  celle  des 
versions  en  langue  vulgaire  peut  être  faite  par  le  pre- 
mier ignorant  venu.  En  France,  il  n'y  a  aucune  dé- 
fense de  lire  les  versions  en  langue  vulgaire  faites  par 
des  auteurs  catlioliques,  et  qui  ont  l'approbation  de 
l'ordinaiie.  Dans  le  pays  où  la  i'  régie  de  Vliidct  est 
reçue,  il  faut  de  plus  la  permission  de  son  confes- 
seur ;  et  il  est  certain  qu'en  France,  el  mêiue  les 
personnes  peu  instruites  ne  doivent  pas  faire  cette 
lecture  sans  la  permission  de  leur  cnnicsseur,  non  en 
■vertu  de  la  i'  règle  de  Vlhdex  qui  n'est  jias  reçue 
chez  nous,  mais  parce  que  le  droit  naturel  défend  lîne 
lectnre  qui  peut  être  nuisible. 


LEC 


2i'2 


D'après  tout  ce  que  nous  venons  de  dire,  il  est  fa- 
cile de  voir  ce  qu'on  doit  penser  des  sociétés  bibli- 
ques. Os  sociétés  ont  pour  effet  de  répandre  chez 
les  (iifféienls  peuples  des  versions  de  l'Ecriture  en 
langue  vulgaire,  et  elles  ont  travaillé  avec  tant  d'ar- 
deur à  remplir  ce  but,  que  celle  de  Londres,  la  prin- 
cipale de  toutes,  a  distribué,  depuis  1801,  époque  de 
son  établisseuient,  jusqu'en  1817,  l,.')ti7,973  exem- 
pbiircs  de  l'Ecriture  en  différentes  langues  vulgaires. 
Un  grand  nond>rc  d'autres  sociétés  se  sont  fcuniées 
à  l'instar  de  la  société'  anglaise,  cl  il  y  en  a  mainte- 
nant en  Hollande,  en  Prusse,  en  Allemagne,  en  Po- 
logne, en  Suisse,  et  même  à  Paris.  Il  est  facile  de 
juger  de  ces  entreprises  d'après  les  principes  que 
nous  venons  d'établir  :  puisque  l'Ecriture  sainte 
n'est  pas  utile  à  lous,  et  (pi'elle  demande  certaines 
conditions  pour  être  profitable,  il  s'ensuit  qu'on  ne 
doit  pas  la  mettre  indistinctement  entre  les  mains  de 
tous.  Ce  livre  étant  obscur  demande  de  la  foi  et  de 
la  soumission  ;  autrement  il  oc(  asiomiera  bien  des 
erreurs  et  des  extravagances  :  d'ailleurs,  il  doit  être 
interprété  d'après  la  tradition  et  non  d'après  le  sens 
particulier  de  chacun,  el  par  conséquent,  il  doit  éga- 
rer la  plupart  de  ceux  entre  les  mains  desquels  la  so- 
ciété biblique  le  met,  puisipic  la  plupart  d'entre  eux 
n'ont  d'autre  secours  que  leur  sens  piivé  pour  inter- 
préter l'Ecriture.  C'est  diuic  ax'cc  raison  que  Pie  Vil 
a  désapprouvé  ces  établissements  dans  son  bref 
adressé  à  l'arelievêquc  de  (inesnes,  priu)al  de  Polo- 
gne, ainsi  que  Léon  XII,  dans  sa  lettre  encyclique 
rapportée  dansl'.lmi  de  ,a  Heliffion.  du  2  juillet  1825. 
Plusieurs  membres  de  l'Eglise  anglicane  se  sont 
même  élevés  contre  ces  sociétés.  On  peut  voir  leur 
témoignage  dans  l'ouvrage  de  M.  Weix,  ministre  an- 
glican, qui  les  regarde  comme  tout  à  fait  contraires 
aux  vrais  intérêts  de  l'Evangile. 

LECTURES  DE  BOYLE.  Suite  de  discours 
pulilics  l'omlés  en  Anj^leterre  par  Robert 
Boyle,  eu  1691,  dans  le  dessein  de  prouver 
la  religion  chrétieiuie  contre  les  infidèles  et 
les  incrédules,  et  de  répondre  aux  objections 
de  ces  derniers,  sans  entrer  dans  aucune  des 
controverses  et  des  disputes  qui  divisent  les 
chrétiens.  Ces  discours  ont  ('id  recueillis  pb 
anglais  jiar  extraits  en  3  \o\.in-fot.,  et  tra 
duits  en  fiançais  sous  le  titre  de  Défense  de 
la  religion,  tant  naturelle  que  révélée,  etc.,  en 
6  vol.  ?7î-l"2. 

11  est  l'Achcux,  sans  doute,  qu'une  pareille 
fondation  ait  été  nécessaire  en  Angleterre, 
et  que  noire  nation  môtne  ait  eu  besoin  de 
recevoir  des  remèdes  contre  la  vapeur  pes- 
tilentielle de  l'incrédulité  qui  nous  a  été 
communiquée  par  les  An;^lais.  ]^îais  nous  ne 
devons  pas  être  moins  reconnaissants  envers 
ceux  qui  ont  Iravaillé  à  guérir  cette  lualadie 
et  à  en  arrêter  les  progrès.  Si  les  incrédules 
français  avaient  été  aussi  exacts  k  lire  ce 
qui  a  été  écrit  en  faveur  de  la  religion 
chez  nos  voisins ,  que  ce  qui  a  été  fait 
contre  elle,  ils  auraient  peut-ôtre  rougi  de 
copier  des  impostures  et  des  sophismes  qui 
avaient  élé  complètement  réfutés  dans  la 
langue  môme  dans  laquelle  ils  avaient  paru 
d'abord  ,  et  ils  auraient  été  moins  hardis  à 
nous  donner  coiiuue  nouvelles  des  objections 
très-connuesde  tous  les  théologiens  instruits. 

Pour  coni'.aître  les  écrivains  anglais  qui 
ont  attaqué  la  religion  et  ceux  qui  l'ont  dé-^ 
fendue,  il  faut  coDSidt^r  l'ouvrage  de  Jean 
Leland,  intituli;  :  Views  of  the  Dcistical  Wri- 
ters,  etc.,  ou  Tableau  des  Ecrivains  qui  ont 


s^ 


LEG 


LEG 


m 


professa  le  déisme  en  Angleterre,  on  3  vol. 
in-8*.  Cet  auteur  donne  une  notice  exacte  de 
leurs  livres,  et  de  ceux  que  l'on  a  composés 
contre  eux  ;  il  en  fait  l'extrait  ;  il  expose  les 

firincipes  et  les  paradoxes  des  incrédules,  et 
es  réfute  sommaii emcnt.  La  plupart  des  ré- 
fufations  qu'il  nous  fait  connaître  ont  été 
iraduites  en  français  ;  Fouvraçe  même  dont 
nous  parlons  l'aurait  été ,  s'il  y  avait  plus 
d'ordre  et  de  méthode  ;  mais  il  aurait  besoin 
d'être  entièrement  refondu.  11  faut  que  dans 
ce  combat  l'avantage  soit  demeuré  aux  apo- 
logistes du  christianisme,  puisque  ses  en- 
'pemis  ont  été  réduits  au  silence  et  n'ont  pas 
osé  répliquer  ;  ce  n'est  pas  par  crainte,  puis- 
que la  liberté  de  la  presse  est  très-observée 
en  Angleterre  ;  c'est  donc  par  impuissance. 
11  en  sera  de  môme  de  ceux  qui  ont  parlé 
si  haut  parmi  nous,  et  qui  se  sont  fait  une 
réputation  en  copiant  servilement  les  An- 
glais ;  leurs  plagiais,  mis  au  grand  jour,  suf- 
fisent déjà  pour  les  couvrir  d'opprobre.  Yoy. 
Incrédules. 

LÉGENDAIRE,  écrivain  des  légendes  ou 
des  vies  des  saints.  Le  premier  légendaire 
grec  que  l'on  connaît  est  Siméon  Aléta- 
phraste,  qui  vivait  au  x'  siècle,  et  le  pre- 
mier légendaire  latin  est  Jacques  de  Varase, 
plus  connu  sous  le  nom  de  Jacques  de  Vo- 
ragine,  qui  mourut  archevêque  de  Gènes, 
en  1298,  âgé  de  96  ans. 

La  vie  des  saints  par  Métaphraste,  pour 
chaque  jour  du  mois  et  de  l'année,  n'est 
point  une  fiction  de  son  cerveau,  comme  le 
prétendent  quelques  critiques  mal  instruits  ; 
cet  auteur  avait  sous  les  yeux  des  monu- 
ments qui  ne  subsistent  plus;  mais  il  ne 
s'est  pas  borné  à  en  rapporter  iidèloment  les 
faits,  il  a  voulu  ks  broder  et  les  embellir. 
On  peut  s'en  convaincre,  en  comparant  les 
actes  originaux  du  martyre  de  saint  Ignace 
el  quelques  autres  avec  la  paraphrase  que 
Métaphraste  en  a  faite. 

Jacques  de  Vanse  est  auteur  de  la  fa- 
meuse Légende  dorée,  qui  fut  reçue  avec 
tant  d'applaudissement  dans  les  siècles  d'i- 
gnorance, et  que  la  renaissance  des  lettres 
fit  s  :uverainement  dédaigner.  Voy.  ce  qu'on 
pensent  Melchior  Cano,  dans  se?  Lieux  théo- 
logiques,  Wicélius  et  Eaillet. 

Les  ouvrages  de  Métaphraste  et  de  Varase 
ne  pèchent  pas  seulement  du  côté  de  l'in- 
vention, de  la  critique  et  du  discernemeijt, 
mais  ils  sont  remplis  de  contes  puérils  et 
ridicules;  quelques  autres  écrivains  les  ont 
imités  dans  les  oas  siècles,  et  n'ont  pas  été 
plus  judicieux.  Quels  qu'aient  été  leurs 
motifs,  on  ne  peut  pas  les  excuser;  la  reli- 
gion n'approuve  aucune  espèce  de,  men- 
songe; une  piété  fondée  sur  des  fîbles  ne 
peut  pas  être  solide.  Les  Pères  de  l'Eglise 
ont  formellement  réprouvé  toutes  les  fi-au- 
des  pieuses,  toutes  les  Actions  forgées  pour 
80  conformer  au  mauvais  goût  des  lecteurs. 
Mais  dans  les  siècles  de  ténèbres  l'on  ne 
lisait  plus  les  Pères  de  l'Eglise,  et  l'on  n'a- 
iVait  que  trop  oublié  leurs  leçons. 
I  Quoique  le  mépris  que  l'on  a.  eu  pour  les 
[l^endairu  dont   nous  parlons  ait  été  très- 


bien  ^fondé,  il  a  eu  cependant  des  suites 
fâcheuses.  A  force  de  rejeter  de  fausses 
pièces,  on  a  contracté  le  goût  d'une  critique 
chagrine  et  pointilleuse,  hrrdie,  mais  sou- 
vent téméraire,  qui  a  refusé  toute  croyance 
à  des  actes  dont  l'authenticité  et  la  vérité 
ont  été  ensuite  reconnues  et  prouvées.  Les 
protestants  surtout  ont  donné  clans  cet  excès, 
et  quelques-uns  même  de  nos  écrivains  ne 
s'en  sont  pas  assez  préservés.  Voy.  Criti- 
que. 

LÉGENDE,  vie  du  martyr  ou  du  saint 
dont  on  faisait  l'oflice,  ainsi  nommée,  parce 
qu'on  devait  la  lire,  legendn  erat,  dans  les 
leçons  de  matines  et  dans  le  réfectoire  d'une 
communauté. 

Augustin  Valério,  évêque  de  Vérone  et 
cardinal,  qui  florissait  dans  le  siècle  passé, 
a  découvert  l'une  des  sources  d'où  sont  ve- 
nues les  fausses  légendes.  Dans  son  ouvrage 
intitulé,  de  Rhetorica  christinna,  traduit  on 
français,  et  imprimé  à  Paris  en  1758,  in-12, 
il  a  remarqué  que  l'on  avait  contume  dans 
les-  monastères  d'exercer  les  jeunes  reli- 
gieux par  des  ampli'dcations  latines  qu'on 
leur  donnait  à  composer  sur  le  martyre  d'un 
saint;  ce  travail  leur  laissait  la  liberté  de 
faire  agir  et  parler  les  tyrans  et  les  saints 
persécutés,  dans  le  goût  et  de  la  manière 
qui  leur  paraissait  vraisemblable,  et  leur 
donnait  lieu  de  composer  sur  ce  sujet  une 
espèce  d'histoire  remplie  d'ornements  de 
pure  invention.  Quoique  ces  sortes  de 
pièces  ne  fussent  pas  d'un  grand  mérite, 
celles  qui  paraissaient  les  plus  ingénieuses 
et  les  mieux  faites  furent  mises  à  part. 
Longtemps  après,  elles  se  sont  trouvées 
avec  les  manuscrits  dans  les  bibliothèques 
des  monastères  ;  et  comme  il  était  difticile 
de  distinguer  ces  jeux  d'esprit  d'avec  de 
véritables  histoires,  on  les  a  pris  pour  des 
actes  autiientiques,  dignes  de  la  croyance 
des  fidèles.  Cette  source  d'erreur,  dans  soa 
origine,  a  été  très-innocente.  Il  n'en  est  pas 
de  môme  de  l'infidélité  réfléclne  de  Siméon 
Métaiihraste,  qui,  de  propos  délibéré,  a  rem- 
pli les  vies  des  saints  de  plusieurs  faits  ima- 
ginaires et  de  circonstances  romanesques; 
il  ne  peut  avoir  eu  d'autres  motifs  que  dg 
se  conformer  au  goût  des  grecs,  pour  le 
merveilleux  vrai  ou  faux.  Bellarmin  dit  net- 
tement que  Métaphraste  a  écrit  quelques- 
unes  do  ses  vies,  non  de  la  manière  dont 
les  choses  ont  été,  mais  telles  qu'elles  ont 
pu  être. 

Cette  liberté  d'embellir  les  faits  s'était 
autrefois  glissée  jusque  dans  la  traduction 
de  quelques  livres  de  l'Ecriture.  Saint  Jé- 
rôme, dans  sa  préface  sur  le  livre  d'Esther, 
nous  apprend  que  la  version  vulgate  de  ce 
livre  qui  se  lisait  de  son  temps  était  remplie 
de  ces  sortes  d'additions. 

Mais  l'Kglise  n'oblige  personne  à  croire 
tout  ce  qui  est  contenu  dans  les  légendes; 
on  retranche  aujourd'hui-  des  bréviaires 
tout  ce  qui  peut  paraître  douteux  ou  sus- 
pect ;  l'on  a  recherché  avec  le  plus  grand 
soin  les  titres  et  les  monuments  originaux 
et  authentiques,  alla  do  suiiprimer  tout   ce 


l 


us  LEG 

qu'un  zèle  mal  entendu  et  une  crédulité  im- 
prudente avaiiMit  r.iit  adopter  ti'op  légère- 
ment. Le  travail  immense  et  éclairé  des  bol- 
landist  s  a  c.intiiliiié  beaucoup  à  cette  sage 
réforme.  Voi/.  Boi.i.ANnisTES. 

LÉC.ION  FULMINANTE.  On  lit  dans  Eu- 
sèbc,  Ûist.  ecck's.,  1.  v,  c.  5,  et  dans  d'au- 
tres écrivains  ecclésiastiques,  que  Slarc- 
Aurèle,  dans  un  guerre  contre  les  Quades 
qui  habitaient  au  delà  du  Dai.ube,  se  trouva 
tout  h  coup  environné  avec  son  armée  par 
ces  Barbares;  que  ses  soldats,  tourmentés 
de  la  soif,  allaient  succomber  et  auraient 
éri,  s'il  n'était  survenu  un  orage  qui 
'ournit  aux  Romains  de  quoi  se  désaltérer, 
et  lança  la  foudre  sur  l'année  ennemie.  Ces 
mêmes  autours  ajoutent  que  ce  prodige  fut 
l'etfet  des  prières  des  soldats  ciu'étiens;  que 
Marc-Aurèle  l'attcjsta  ainsi  lui-môme  dans 
une  lettre  qu'il  écrivit  au  sénat;  qu'en  té- 
moignage du  fait  il  donna  ?v  la  légion  méli- 
tine,  composée  de  soldats  chrétiens,  le  nota 
de  légion  fulminante  ou  fouilro^ante.  Le 
raéme  fait  est  rapporté,  quant  à  la  sub- 
stance, non-seulement  par  saint  Apollinaire, 
auteur  contemporain,  |:ar  Tertullien,  par 
Eusèbe,  par  saint  Jérôme  et  par  saint  Oré- 
goire  de  N,vsse,  écrivains  chrétit-ns,  mais 
par  Dion  Cassius,  par  Jules  Capitolin,  parle 
])0('te  Claudien,  et  [lar  'l'hémisli  is,  auteurs 
jiaiens.  11  est  attesté  d'ailleurs  par  le  bas-re- 
lief de  la  colonne  d'Ant^nin  qui  sulisiste 
encore,  où  l'on  voit  la  figure  de  Jujtiter 
1  luvieux,  ((ui  d'un  côté  fait  tomber  la  [jluio 
SLU'  les  soldcds  romains,  et  de  l'autre  lance 
la  foudre  sur  leurs  ennemis.  Cet  événement 
fut  constamment  regardé  comme  un  miracle; 
mais  au  lieu  que  les  c'urétiens  l'attribuèrent 
au\  prières  des  soMats  de  leur  religion,  les 
païens  en  Urent  honneur,  les  uns  h  queKjues 
magiciens  qui  étaient  dans  l'armée  de  Marc- 
Aurèle,  les  autres  à  ce  prince  lui-môme,  et 
à  la  protection  que  les  dieux  lui  accor- 
daient. 

La  question  est  de  savoir  ce  qu'en  a  pensé 
cet  empereur,  et  s'il  a  véritablement  re- 
connu que  c'était  un  (ilfet  de  la  prière  des 
chrétiens  qui  étaic  t  dans  son  arméi>.  Or, 
Tertullien  cite  la  lettre  que  Marc-Aurùle  en 
écrivit  au  sénat,  et  la  manière  dont  il  en 
parle  témoigne  qu'il  l'avait  vue.  8;unt  Ji;- 
rôme,  traduisant  la  chronique  d'Eusèbe,  dit 
positivement  que  cette  lettre  existait  encore. 
Tertullien  ajoute  pour  preuve  la  défense  que 
fit  ce  prince,  sous  peine  de  mort,  d'accuser 
les  chrétiens,  et  de  les  tourmenter  pour  leur 
religion.  11  faut  donc  que  dans  cette  lettre 
Marc-Aurèle  ici  r  ait  attribué  le  prodige  en 
question,  autrement  elle  n'aurait  servi  de 
rien  pour  prouver  que  c'avait  été  un  elTet 
de  leurs  prièi'cs.  Nous  convenons  que  la 
lettre  authentique  et  originale  de  celte  em- 
pereur ne  subsiste  plus  ;  celle  que  l'on  trouve 
a  la  suite  do  la  première  apologie  do  saint 
Justin,  n.  7»,  est  une  pièce  supposée;  elle 
n'a  et  •  faite  qu'après  le  règne  de  Justinien; 
mais,  loin  de  rien  prouver  contre  l'exis- 
tence de  la  vraie  lettre,  elle  lasupposc  plutôt  : 
l'auluur  qui  l'a  forgea  a  cru  pouvoir  suppléer 


LEG 


iU 


de  génie  à  celle  qui  était  perdue  ;  il  a  eu  tort, 
et  il  a  mal  réussi  :  elle  est  évidemment  dif- 
férente de  celle  dont  parlent  Tertullien  et 
saint  Jérôme. 

On  objecte  que  le  nom  de  légion  fulminante 
avait  été  déj^  donné,  avant  le  règne  de  Marc- 
Aurèle,  à  la  légion  niélitine,  ou  du  moins  à 
une  autre;  cela  peut  être,  quoique  ce  fait  no 
soit  pas  trop  bien  i)rouvé  :  il  s'ensuivrait 
seulement  que  l'empereur  confirma  ce  nom 
à  la  légion  niélitine,  en  témoignage  du  pro- 
dige dont  nous  parlons.  C'est  un  événement 
certain,  puis((u'il  estra;iporté  par  plusieurs 
auteurs  contemporains  qui  avaient  des  in- 
térêts et  des  opinions  très-opposés,  et  qu'il 
est  attesté  par  un  monument  érigé  dans  le 
temps  même.  On  ne  peut  pas  soupçonner 
un  empereur  philosophe,  tel  que  Marc-Au- 
rèle, de  l'avoir  forgé,  ou  d'y  avoir  supposé 
un  faux  merveilleux  ;  toute  son  armée  en 
avait  été  témoin  et  pouvait  en  juger.  Est-ce 
le  hasard  qui  a  servi  si  à  propos  l'année 
romaine?  Personne  ne  l'a  imaginé  pour  lors. 
Attribuer  ce  prodige  à  des  magiciens  ou  aux 
dieux  du  paganisme,  c'est  une  absurdité.  11 
faut  donc  que  les  chrétiens  aient  été  bien 
fondés  à  s'en  l'aire  honneur.  Voy.  Tillomont, 
Uist.  (les  Emp.,  tom.  IL  p.  309  et  suiv. 

Plusieurs  ^avants  critiques,  surtout  parmi 
les  protestants,  ont  disputé  pour  savoir  si 
cet  événement  a  été  miraculeux,  ou  si  on 
doit  l'attribuer  aux  causes  naturelles.  Da- 
niel de  Larroque,  protestant  converti,  a  fait 
une  dissertation  pour  soutenir  ce  dernier 
sentiment;  Herman  'W'^itsius  en  a  fait  une 
autre  pour  le  réfuter.  Moyle,  savant  an- 
glais, a  été  dans  la  môme  op  nion  que  Lar- 
roque ;  Pierre  King,  chancelier  d'Angle- 
terre, a  écrit  contre  lui.  Mosheiin  a  traduit 
en  latin  et  comparé  les  lettres  de  ces  deux 
auteurs,  dans  son  ouvrage  intitulé  :  Syn- 
tagma  Dissert,  ad  sanctiorcs  disciplinas  per- 
tincntium,  p.  G39,  et  il  a  donné  le  précis  de 
cette  dispute,  Hist.  christ.,  sfcc.  2,  §  17.  II 
embrasse  le  parti  de  Larroque  et  do  Moyle, 
il  conclut  que  la  pluie  mêlée  de  foudres,  à  la- 
quelle l'armée  de  Marc-Aurèle  dut  son  salut, 
fut  un  phénomène  naturel ,  et  il  réfute  les 
raisons  pour  lesquelles  on  a  voulu  prouver 
que  c'avait  été  l'eirct  de  la  prière  des  sol- 
dats chrétiens.  Il  n'a  fait  que  suivre  la  route 
que  Le  Clerc  lui  avait  tracée,  Hist.  ecclés., 
an.  174,  §  1  et  suivants. 

1°  11  soutient,  malgré  le  récit  d'Apollinaire 
rapporté  par  Eusèbe,  Hist.  ecclés.,  1.  v,  c.  5, 
qu'il  n'y  eut  jamais  dans  l'armée  romaine 
une  légion  composée  tout  entière  de  chré- 
tiens. Mais  Apollinaire  ne  dit  jioint  que  la 
légion  fulminante  ait  été  ainsi  composée; 
son  récit  supj)ose  seulement  qu'elle  était 
remarquable  }'ar  le  grand  nombre  de  chré- 
tiens qui  s'y  trouvaient;  il  n'en  a  pas  fallu 
davantage  pour  lui  attribuer  princii-alement 
le  prodige  dont  nous  parlons,  quoiqu'il  y 
ait  eu  dans  l'armée  d'autres  chrétiens  que 
ceux-là.  —  2°  Il  est  faux,  dit-il,  que  Marc- 
Aurèle  ait  attribué  aux  prières  des  chré- 
tiens le  prodige  do  sa  délivrance,  et  qu'en 
témoignage  de  ce  bienfait  il  ait  donné  à  la 


247 


IS.G 


LEG 


248 


légion  mélitine  le  nom  de  légion  fulminante  ; 
elle  portait  ce  nom  lon^tem[)s  avant  le  rè- 
gne de  Marc-Aurèle;  et  ce  prince,  ])ar  la  co- 
lonne antonine,  a  témoigné  qu'il  en  était  re- 
devable à  Jupiter  pluvieux  :  une  de  ses  mé- 
dailles attribue  ce  prodige  h  Mercure.  On 
peut  répondre  qu'en  érigeant  un  monument 
public,  cet  empereur  n'a  pas  pu  se  dispenser 
de  le  rendre  conforme  au  préjugé  du  paga- 
nisme, quoiqu'il  fût  intérieurement  con 
vaincu  que  les  prières  des  chrétiens  étaient 
la  véritable  cause  de  ce  qui  était  arrivé,  et 
qu'il  l'eût  ainsi  déclaré  dans  un  rescrit. 
Quand  il  serait  vrai  que  la  religion  mélitine 
était  (iéjci  nommée  fulminante  longtemps  au- 
paravant, il  ne  s'ensuivrait  pas  encore  que 
c'est  ce  surnom  qui  a  donné  lieu  de  lui  at- 
tribuer le  prodige  arrivé  sous  Marc-Aurèle. 
—  S"  Il  est  probable,  continue  Mosheim,  que 
Tertullien,  en  parlant  des  lettres  de  Marc- 
Aurèle,  a  voulu  parler  du  rescrit  d'AntoniD 
le  Pieux,  père  du  précédent,  aux  commu- 
nautés d'Asie,  par  lequel  il  défend  de  per- 
sécuter davantage  les  chrétiens.  Nous  sou- 
tenons, au  contraire,  qu'une  bévue  aussi 
grossière  de  la  part  de  Tertullien  n'est  pas 
probable,  puisqu'il  nomme  très-distincte- 
ment ..iarc-Aurèle,  et  que  le  rescrit  de  son 
père  ne  faisait  aucune  mention  du  prodige 
en  question.  —  4°  L'on  dit  que  ces  préten- 
dues lettres  de  Marc-Aurèle,  pour  faire  ces- 
ser la  persécution,  ne  s'accordent  pas  avec 
l'événement,  puisque  les  chrétiens  soutTri- 
rent  beaucoup  sous  son  règne,  et  que  trois 
ans  après  le  prodige  prétendu,  les  fidèles  de 
Lyon  et  de  Vienne  furent  horriblement  tour- 
mentés. 11  s'ensuit  seulement  que  les  ordres 
des  empereurs  à  ce  sujet  étaient  fort  mal 
exécutés,  que  la  plupart  des  orages  excités 
contre  les  clirétiens  venaient  delà  fureur  du 
peuple  et  de  la  connivence  des  magistrats, 
plutôt  que  des  ordres  du  prince;  c'est  de 
quoi  saint  Justin  se  plaignait  dans  sa  se- 
conde Apologie.  On  sait  d'ailleurs  que  les 
Antonins  manquèrent  souvent  de  fermeté 
pour  réprimer  les  désordres.  —  5°  Enfin, 
Mosheim  observe  qu'une  pluie  orageuse  mê- 
lée de  foudres,  survenue  à  propos,  n'est  pas 
un  miracle,  mais  que  les  orateurs,  les  poètes, 
les  écrivains  chrétiens,  par  enthousiasme, 
ont  ajouté  à  l'événement  naturel  des  cir- 
constances fabuleuses.  11  nous  paraît  que  des 
foudres  'ancées  contre  les  Barbares,  et  qui 
épargnent  les  Romains,  ne  sont  pas  un  plié- 
nomène  naturel.  En  prêtant  l'enthousiasme, 
l'amour  du  merveilleux,  le  goût  romanesque, 
à  tous  les  écrivains,  on  peut  introduire  fort 
aisément  le  pyrrhonisme  historique.  Par 
celte  méthode,  les  protestants  ont  appris 
aux  incrédules  à  révoquer  en  doute  et  h  nier 
tous  les  miracles  rapportés  par  les  auteurs 
sacrés. 

LÉGION  THÉBAINE  OU  THÉBÉENNE,   UOm 

donné  à  une  légion  des  armées  lomaines, 
qui  refusa  de  sacrifier  aux  idoles,  et  soutint 
le  martyre  sous  les  empereurs  Dioclétien  et 
Maximien,  l'an  de  Jésus-Christ  302. 

Maximien  se  trouvant  à  Oclodurum,  bourg 
des  Alpes   Cottiennes,  dans  le  Bas-Vaiais, 


aujourd'hui  nommé  Martinach,  voulut  obli' 
ger  son  armée  de  sacrifier  aux  fausses  di" 
vinités.  Les  soldats  de  la  légion  thébéenne, 
tous  chrétiens,  refusèrent  de  le  faire  :  ils 
étaient  pour  lors  à  huit  milles  de  là,  dans  le 
lieu  nommé  Agaunum,  et  que  l'on  appelle  à 
présent  Saint-Maurice,  du  nom  du  chef  de 
cette  légion.  L'empereur  ordonna  de  les  dé- 
cimer, sans  qu'ils  fissent  aucune  résistance. 
Un  seconil  ordre  aussi  rigoureux  essuya  de 
leur  part  le  même  refus;  ainsi,  ils  se  Lus-, 
sèrent  massacrer  sans  se  prévaloir  de  leur 
nombre  et  delà  facilité  qu'ils  avaient  de  dé- 
fendre leur  vie  à  la  pointe  de  leur  épée.  In- 
capables de  trahir  la  fidélité  qu'ds  devaient 
à  Dieu,  ni  celle  qu'ils  devaient  à  l'empereur, 
ils  remportèrent  tous  la  couronne  du  mar- 
tyre, au  nombre  de  six  mille  six  cents. 

La  plupart  de  nos  littérateurs  modernes 
ont  décidé  que  cette  histoire  est  une  fable, 
et  c'a  été  l'opinion  du  plus  célèbre  incrédule 
de  notre  siècle.  11  a  copié  les  raisons  par  les- 
quelles Dubourdieu  a  combattu  ce-fait  dans 
une  dissertation  à  ce  sujet,  et  celui-ci  a  ré- 
pété ce  qu'avait  dit  Dodwol  dans  sa  disser- 
tation de  Paucitate  Martyrum  :  on  peut  y 
joindre  Spanheim,  Lesueur,  Hottinger, 
Moyle,  Burnet,  Mosheim,  Basnage,  de  Bo- 
chat,  Spreng  et  d'autres  critiques  protes- 
tants. 

Hickes,  savant  anglais,  a  réfuté  Burnet. 
Dom  Joseph  de  Dsle,  bénédictin,  abbé  de 
Saint-Léopold  de  Nancy,  a  écrit  contre  Du- 
bourdieu, et  a  soutenu  la  vérité  du  martyre 
de  la  légion  thébéenne,  en  1737  et  17il.  Mos- 
heim, un  peu  moins  prévenu  que  les  autres 
protestants,  convient  de  la  bonté  de  l'ou- 
vrage de  ce  religieux,  et  avoue  que  la  plu- 
part des  arguments  de  ses  adversaires  ne 
sont  pas  sans  réplique,  Hist.  Christ.,  sœc. 
3,  §  22,  564;  il  se  borne  à  douter  de  la  vé- 
rité de  cette  histoire,  pour  deux  raisons. 
La  première  est  le  silence  de  Lactance  dans 
son  livre  de  la  Mort  des  Persécuteurs,  où  il 
rapporte  les  cruautés  de  Maximien,  sans 
faire  mention  du  massacre  de  la  légion  thé- 
béenne. Mais  si  l'on  examine  avec  soin  la 
narration  de  Lactance,  on  verra  qu'il  ne 
s'est  occupé  que  de  ce  qui  s'est  passé  dans 
l'Orient,  et  de  la  grande  persécution  qui 
commença  l'an  303.  La  seconde  raison  de 
Mosheim  est  qu'il  y  eut,  dans  ce  même  temps, 
un  Maurice,  tribun  militaire,  martyrisé  dans 
la  ville  d'Apamée  en  Syrie,  avec  "70  soldats, 
par  ordre  de  Maximien  :  Théodoret  en  fait 
mention  dans  sa  Thérap.,\.  8.  Il  n'est  pas 
possible,  dit-il,  de  supposer  que  les  Grecs 
ont  emprunté  les  maityrsd'Agaune  pour  les 
trans|orter  dans  l'Orient;  il  est  plus  pro- 
bable qu'un  prêtre  ou  un  moine  d'Agauno 
aura  voulu  adaptca-  à  son  église  ou  à  son 
monastère  la  légende  des  martyrs  d'Apamée. 
Mais  nous  allons  voir  ce  soupçon  pleine- 
ment rc'futé  par  des  fdts  et  des  monuments 
incontestables. 

En  eflet,  M.  de  Rivaz,  savant  né  dans  le 
Valais,  a  (léjnontré  que  tous  C(,'s  écrivains 
protestants  étaient  fort  mal  instruits.  Dans 
un  ouvrage  intitulé  :  Eclaircissement  sur  It 


Î49 


LEG 


LEC 


250 


martyre  de.   la  légion  théhévnne,  imprim(^  à 
Paris  en  1779,  il    a   prouvé  la  ydv'iU'i  do  co 
martyre  avec  une  érudition  et  une  solidité 
qui  peuvent  servir  de  modèle  dans  ces  sor 
tes  de    discussions.    Son    travail    fermerait 
désormais  la  bouche  à  nos  critiques  plagiai- 
res   des   protestants,    s'ils    cherchaient    de  ' 
bonne  foi  les  lumières  dont  ils  ont    besoin. 
—  Jl  démontre  1°   l'authenticité    des    actes 
de  ce  martyre,  écrits  par  saint  Eucher,  évo- 
que de  Lyon,  l'an  432,    et  fait   voir  que   ce 
saint  évéque,  dont  les  talents    sont    connus 
par  ses  écrits,  était    très-bien    informé.    11 
prouve  que  le  culte  des  martyrs  thébéens  a 
commencé    dans    l'églisr^    d'Àgaune    ou  de 
Saint-Maurice,  qui  est  l'ancien  Tarnadc,  dès 
l'an  351,  par  conséquent  sous  les  yeux   des 
témoins  oculaires,  'i-9  ans  après  l'évi'uement. 
Alors    les    saints    martyrs    étaient    encore 
amoncelés  sur  le  lieu  môme   oii  ils  avaient 
été  massacrés.  —  2°    .M.    de   Riva^    montre 
l'harmonie  parfaite  qui  règne  entre  ces  mê- 
mes actes  et  les    monuments   do   l'histoire 
profane.  Ce  travail,  qu'aucun    critique    n'a- 
vait encore  entrepris,  fait  tomber  la  plupart 
des  objections.  11  répond  à  toutes  celles  que 
l'on  a  faites,  et  prévient    même  celles    que 
l'on  pourrait  faire.  —  3°  11  donne  les   fastes 
exacts  du  règne  des  empereurs    Diocléticn 
et  Ma\imien,  conciliés  avec  tous  les  monu- 
ments, surtout  avec  la  date  de  leurs    lois   : 
il  éclaircit  ainsi  la  géographie  et  la  .chrono- 
logie, et  cette  exactitude  répand  un  jour  in- 
fini sur  l'histoire  de  ce  temps-là. 

Contre  ces  preuves  positives  et  incontes- 
tables, qui  se  prêtent  un  appui  mutuel,  de 
quel  poids  peuvent  être  les  conjectures  fri- 
voles et  toujours  fausses  des  protestants  et 
de  leurs  copistes  ?  Ceux-ci  ont  tous  alfecté 
de  confondre  les  actes  authentiques  écrits  par 
saint  Kucher,  l'an  432  au  plus  tard,  avec  la 
légende  composée  par  un  moine  d'Agaune, 
l'an  52'i-.  (]elui-ci  a  copié  en  partie  l'écrit 
de  saint  Eucher,  mais  d  l'a  aniplilié,  selon 
la  coutume  des  anciens  légendaires  ;  les 
objections  qui  [lortent  contre  sa  narration 
n'ont  aucune  force  contre  les  actes  compo- 
sés par  saint  Eucher.  C'est  ce  moine,  et 
•non  l'évéque  de  Lyon,  qui  parle  de  saint 
Sigismond,  mort  l'an  523  ;  ainsi  les  pré- 
tendues fautes  de  chronologie  quo  l'on 
croyait  voir  dans  ces  actes  sont  absolu- 
ment nulles. 

11     est    donc    faux    que    les    premiers 
auteurs  qui  ont  parlé  des  martyrs  thébéens, 
soient  Grégoire  de  Tours  et  Venance    For- 
tunat,  sur  la  tin  du  vi'  siècle.  Il  est  prouvé, 
par  des  faits  incontestables,  que  le  culte  de 
ces  saints  mart\  rs  était  répandu  dans  toutes 
les  Gaules  avant   la  tin  du    iv"  siècle,   par 
«  conséquent  avant  qu'il   se  fût    écoulé   cent 
j!  ans  i;epuis  leur  martyre,  et  il  avait    com- 
mencé sur  le  lieu  môiuo  près  de  cinquante 
ans  ]>ius  tôt.  11  est  encore  plus  faux  qu'il  n'}' 
ait  eu  dans  les  armées  de  l'empire   aucune 
i.  légion  tlu'bi'cnnc,    comme  a  osé  l'avancer   le 
j  célèbre  incrédule  dont  nous  avons   pailé  : 
il  y  en  avait  cinq  de  ce  nom,  selon  la  notice 
de  l'empire;  et  M.  de  Rivaz  distingue  très- 


clairement  celle  dont  il  est  ici  question.  Il 
pousse  l'exactitude  jusqu'à  suivre,  jour  par 
jour,  la  marche  de  l'armée  de  Maximien,  et 
montre  que  le  massacre  a  dû  se  faire  le  22 
septembre  do  l'an  302. 

Cet  ouvrage  qui  satisfait  pleinement  la  eu- 
'riosité  de  tout  lecteur  non  prévenu,  fait  voir 
la  dill'érence  qu'il  y  a  entre  une  critique  sage, 
animée  par  le  désir  de  connaître  la  vérité, 
et  celle  qui  n'a  pour  guide  qu'une  aveugle 
prévention  contre  les  dogmes  et  les  pratiques 
de  l'Eglise  romaine.  Le  culte  des  mart\rs 
d'Agaune,  établi  quarante-neuf  ans  après 
leur  mort,  et  bientôt  réi)andu  partout,  est 
un  monument  contre  lequel  l'hérésie  ni  l'in- 
crédulité ne  peuvent  rien  opposer  de  raison- 
nable. Le  IV"  siècle  a-t-il  été  un  temps  d'i- 
gnorance, de  ténèbres,  de  susjierstitions  et 
d'erreurs?  C'est  celui  dans  lequel  ont  brillé 
les  plus  grandes  lumières  de  l'Eglise.  Avait- 
on  conjuré  dès  lors  d'altérer  la  foi,  la  doc- 
trine, le  culte,  les  pratiques  enseignées  par 
les  apôlres?  En  Orient  comme  en  Occident, 
l'on  avait  pour  maxime  qu'il  ne  faut  rien 
innover,  mais  suivre  exactement  la  tradition  : 
7ii7<(7  innoiH'tur,  nisi  quod  tradilum  est.  Il  se- 
rait singulier  qu'avec  cette  règle  enseignée 
parles  pasteurs,  et  suivie  par  les  fidèles,  la 
croyance  de  l'Eglise  primitive  eût  pu  changer. 
Voy.  -MARTYns. 

LÉGISLATEUR.  La  religion,  en  généra], 
ost-elle  un  elfet  do  la  politique  des  législor- 
tcurs?  est-ce  un  frein  qu'ils  ont  imaginé 
pour  retenir  les  peuples  sous  le  joug  des 
lois,  et  qui  n'existerait  pas  sans  eux  ?  C'est 
ro|»inion  que  soutiennent  quelques  incré- 
dules ;  il  n'est  pas  besoin  de  réllexions  pro- 
fondes |)0ur  démontrer  la  fausseté  de  cette 
supiiosition. 

L'on  a  trouvé  des  vestiges  de  religion  et 
un  culte  plus  ou  moins  grossier  chez  des 
nations  sauvages  (jui  navaient  jamais  eu  de 
législateurs,  et  (jui  ne  connaissaient  aucune 
loi  civile.  Les  premières  idées  de  la  Divinité  ' 
ne  viennent  donc  pas  de  ceux  qui  ont  fondé 
les  Etats  et  les  ri'inibliques,  mais  de  l'ins- 
tinct de  la  nature  ;  or,  tout  homme  ipii  con- 
naît un  Dieu,  sent  la  nécessité  de  lui  rendre 
un  culte;  jamais  une  peuplade  ou  une  fa- 
mille n'a  eu  la  notion  d'un  Dieu,  sans  en  ti- 
rer cette  conséquence  :  les  premières  idées 
do  la  religion  sont  donc  antérieures  à  toutes 
les  lois. 

Tous  les  peuples  qui  ont  reçu  des  lois  ont 
conservé  le  souvenir  de  celui  qui  les  leur 
a  données  :  les  Chinois  citent  Fo-Hi;  les  In- 
diens, liramah;  les  Egyptiens,  Menés;  les 
Perses,  Zoroaslre  ;  les  Grecs,  jMinos  et  Ce 
crops;  les  Romains, Numa; les  Scandinaves, 
Odin;  les  Pitu  viens,  .Manco-Capac,  etc.  Y  a- 
t-il  un  seul  de  ces  peuples  qui  atteste  quo 
celui  qui  a  réuni  les  premières  familles  en 
corps  de  nation  et  de  société  civile,  leur  a 
donné  aussi  les  premières  notions  de  la  Di- 
vinité, et  qu'avant  cette  époque,  elles  n'ado- 
raient ni  ne  connaissaient  aucun  Dieu  ?  Une 
peuplade  d'athées  stupides  serait  un  vrai 
troufieau  d'animaux  à  deux  l'.ieds  :  nous 
voudrions  savoir  comment  s'y  preadrait  un 


231 


LEG 


LBQ 


251 


législateur  pour  lui  donner  ,  dans  cet  état , 
des  lois  et  une  forme  de  religion. 

Les  législateurs  ont  fondé    les  lois,  non- 
seulement  sur  la  notion  d'un  Dieu  et  d'une 
providenee,  mais  encore  sur  les  sentiments 
de  bienveillance  rauiuclle  que  la   nature   a 
donnés  aui  Ijommes,  sur  l'attachement  qu'ils 
contractent  dès  l'enfance  pour    leur   famille 
et  pour  le  sol  sur  lequel  ils  sont  nés,  sur  le 
désir  de  la  louange  et  la  crainle  du    blâme, 
sur  l'amour  du  bonheur;    mais    ces    senti- 
ments existaient  avant  eux,  ils  n'en    sont 
pas   les    créateurs,    et   s'ils    n'avaient   pas 
trouvé  les  hommes  ainsi  disposés  par  la  na- 
ture, jamais  ils  n'auraient  pu  réussir   à   les 
tirer  de  la  barbarie.  On  ne  peut  j  as  plus  at- 
tribuer aux  législateurs  les  premiers  principes 
de  religion,  que  les  autres  penchants  natu- 
rels dont  nous  venons  de    parler.    Pour  se 
fiire  écouter,  la  plunart  ont  été  obligés  de 
feindre  qu'ils  étaient  inspirés,    instruits   et 
envoyés  par  la  Divinité  ;  un  peuple ,  qui  no 
connaîtrait  point  de  Dieu  ,|  ajoutera, t-il   foi 
à  une  mission  divine?  Nous  ne  voyons  pas, 
d'ailleurs,  quel  avantage  les  incrédules  peu- 
Ycnt  tirer  de  leur  fausse  supposition.  Tous 
les  législateurs,  dans  les  différentes  entrées 
de  l'univers,  ont  unanimement  jugé  que  la 
religion  est  non-seulement  utile,  mais  né- 
cessaire aux  hommes  ;    que,   sans   elle,   il 
n'est  pas  possible  d'établir  ni  de   faire   ob- 
server des  lois  :   donc  c'est   la    nature,    la 
raison,  le  bon  sens,  qui  leur  ont   donné    à 
tous  cette  persuasion.  A-t-il  été  plus  difficile 
à  la  nature  de    mettre   cette   opinion   dans 
l'esprit  de  tous  les  hommes,  que  de  linspi- 
rér  à  tous  les  législateurs? 
'  ÎVJais  ce  n'est  pas    sur   des  spéculations 
qu'il  faut  se  fonder  pour  savoir  quelle  a  été 
la  première  origine  de  la  religion  ;  l'histisire 
sainte,  plus  croyable  que   les  philosophes, 
nous  atteste  que  Dieu  n'a  pas   laissé   aux 
hommes  le  soin  de  se  faire  une  religion  ;  il 
l'a  enseignée  lui-même  à  notre  premier  père, 
pour  que  celui-ci  la  transmît  h  ses  enfants. 
Dieu  a  été  le  premier  instituteur  aussi  bien 
que  le  premier    législateur    du    genre    hu- 
main; il  a  gravé  dans  les  cœurs  les  sentiments 
religieux,  en  même  temps  que  lesprinc.pcs 
d'équité,  de  reconnaissance    et  d'humanilé, 
et  il  a  daigné  y  ajouter  une  révélation  posi- 
tive de  ce  que    l'homme  '  devait    croire    et 
pratiquer.  Une  preuve  démonstrative  de    ce 
fait  est  la  comparaison  que  nous  faisons  en- 
tre la  religion  des  patriarches  et  toutes  celles 
qui  ont  été  établies  ]m  les    législateurs  des 
nations.  La  première  montre  la  divinité   de 
son  origine  par  la  vérité  de  ses  dogmes,  par 
la  sainteté  do  sa  morale,  par  la  pureté   de 
son  culte  ;  au  lieu  que  nous  voyons   dans 
toutes  les  autres  l'empreinte  des  erreurs  et 
des  passio'.is  humaines.  Foy.   Religion  isa- 

Si,  dans  l'origine,  la  religion  était  1  ou- 
vrage des  réflexions,  de  l'étude,  de  la  poli- 
tique des  législateurs,  elle  aurait  suivi,  sans 
doute,  la  marche  des  autres  connaissances 
humaines  ;  elle  serait  devenue  mnllcure  et 
plus  pure,  à  mesure  que  les  peuples  ont  lait 


des  progrès  dans  les  sciences,  dans  les  arts, 
dans  la  législation;  le  contraire  est  arrivé  : 
les  nations  qui  ont  paru  les  mieux  civilisées, 
les  Egyptiens,  les  Indiens,  les  Chinois,  les 
Chaldféens,  les  Grecs  et  les  Romains  ,  n'ont 
pas  eu  une  religion  plus  sensée  ni  plus  par- 
faite que  les  Sauvages  ;  tous  ont  donné  dans 
le  polythéisme  et  dans  l'idolâtrie  la  plus 
grossière.  Leurs  législateurs  n'ont  pas  osé  y 
toucher  ;  s'ils  en  ont  réglé  la  forme  exté- 
rieure, ils  ont  laissé  le  fond  tel  qu'il  était  ; 
et  lorsque  les  philoso|ihes  sont  survenus, 
ils  n'ont  eu  ni  assez  de  capacité  ni  assez 
de  pouvoir  pour  réformer  des  erreurs  déjà 
invétérées  ;  ils  ont  été  d'avis  t[u'il  fallait 
suivre  la  rehgion  établie  par  les  lois,  quel- 
que absurde  qu'elle  pût  être. 

Entin,  nuand  on  adopterait  pour  un  mo- 
ment la  fausse  spéculation  des  incrédules, 
il  n'y  aut-ait  encore  rien  à  gagner  pour  eux. 
Les  législateurs  ont  été  incontestablement  les 
plus  sages  de  tous  les  hommes,  les  bienfai- 
teurs et  les  amis  de  l'humanité  ;  tous  ont 
jugé  que  la  religion  est  d'une  nécessité  in- 
dispensable pour  fonder  les  lois  et  la  société 
civile.  Aujourd'hui  quelques  dissertateurs, 
qui  n'ont  rien  fait,  rien  établi,  rieu  observé 
d'après  nature,  prétendent  mieux  voir  et 
mieux  penser  que  tous  les  sages  de  l'univers  ; 
ils  soutiennent  que  la  religion  est  une  ins- 
titution peruicieuse,  et  le  plus  funeste  pré- 
sent que  l'on  ait  pu  faire  aux  hommes.  Qu'ils 
commencent  par  fonder  un  Etat,  une  répu- 
blique ,  un  gouvernement  sans  religion, 
nous  pourrons  croire  alors  que  celle-ci  ne 
sert  à  rien.  11  y  a  plus  de  seize  cents  ans 
que  Plutarque,  dans  son  traité  contre  Colotès, 
se  moquait  déjà  de  cet  entêtement  des  épi- 
curiens. 

L'absurdité  de  la  supposition  que  nous 
venons  de  détruire  a  rijrcé  la  plupart  des 
incrédules  de  recourir  à  une  hypothèse  di- 
rectement opposée,  à  prétendre  que  les  pre- 
mières notions  de  religion  sont  nées  de 
l'ignorance  et  de  la  stupidité  des  peuples 
encore  barbares.  C'est  avouer  clairement  la 
vérité  que  nous  soutenons,  savoir,  que  la 
religion  est  un  sentiment  naturel  Si  l'homme, 
puisqu'il  se  trouve  dans  ceux  même  qui 
sont  les  moins  capables  de  réHexi'  n.  S'ensuit- 
il  de  là  que  c'est  un  sentiment  faux  et  mal 
fondé?  11  s'ensuit  plutôt  que  les  incrédules, 
qui  voudraient  le  détruire,  luttent  contre  la 
nature  et  contre  les  premières  notions  du 
bon  sens.  Voy.  Religion. 

A  l'article  Loi,  nous  prouverons  qu'il  est 
impossible  de  s'en  former  une  idée  juste,  ni 
de  lui  donner  aucune  force,  à  moins  que  l'ou 
ne  commence  par  supposer  un  Dieu  souve- 
rain législateur. 

LÉON  (saint),  pape  et  docteur  de  l'Eglise, 
mort  l'an  461,  a  mérité  le  surnom  de  grand 
par  ses  talents  et  par  ses  vertus.  11  nous 
reste  de  lui  quatre-vingt-seize  sermons  et 
cent  quarante  et  une  lettres  ;  on  ne  doute 
plus  qu'il  ne  soit  aussi  l'auteur  des  deux  livres 
De  la  vocation  des  gentils.  La  meilleure  édi- 
tion de  ses  ouvrages  est  celle  qu'a  donnée 
le  père  Quesuel ,  eu  2  vol.   in-k%  imprimée 


2.';3 


LEO 


LET 


iU 


11 


d'abord  à  Paris  en  1G75,  ensuite  à  I-yon, 
iit-fol.,  en  1700,  enlin  à  Rome,  en  3  vol. 
in-ful.  Celle-ci  est  la  plus  complote.  Comme 
ce  saint  paiic  a  vécu  précisément  dans  le 
temps  aULjuel  la  dureté  des  expressions 
desnuelles  l'Eglise  dAfriijuc  s'était  servie 
en  condamnant  les  j)éla!J,iens,  faisait  de  la 
peine  à  plusieurs  personnes,  il  s'est  appliqué 
principalement  à  relever  le  prix,  l'étendue, 
reflicacité  dt-  la  grdce  de  la  rédemption;  au- 
cun dos  Pères  n'en  a  parlé  avec  plus  de 
force  et  de  dignité,  et  n'a  mieux  réussi  à 
nous  inspirer  une  tendre  reconnaissance  en- 
vers Jésus-Christ,  Sauveur  du  genre  humain. 

Uarbe.\  rac.  Traité  de  la  morale  des  Pères  , 
c.  17,  §  2,  dit  quo  saint  Léon  n'est  pas  fertile 
en  leçons  de  morale,  qu'il  l'a  traitée  assez 
sèchement  et  d'inio  manière  qui  divertit 
plutôt  qu'elle  ne  touche.  11  lui  reproche  d'a- 
voir approuvé  la  violonco  envers  les  héré- 
tiques et  mémo  l'ed'usion  de  leur  sang;  il 
cite  pour  prouve  la  lettre  quinzième  de  ce 
Père  à  Turibius,  évè  (ue  d'Èsiuagne,  au  sujet 
des  priscillianistes.  11  est  cependant  certain 
que  lu  Irès-gr.nnde  partie  des  sermons  de 
saint  Léon,  et  de  ses  lettres,  roulo  sur  des 
lioints  de  nio:a'e,  et  qu'il  en  donne  des  le- 
çons très-judicieuses.  Quant  à  la  manière 
dont  il  les  traite,  nous  disons  aussi  bien  quo 
les  censeurs  de  ce  Père  :  Qu'on  lise  ses  ou- 
trages, et  que  l'on  juge.  Si  quelqu'un  n'est 
pas  touché  de  l'éloquence  de  ce  grand  pape, 
que  l'on  a  souvent  nommé  le  Cicéron  chrétien, 
il  est  d'un  goût  bien  dépravé.  Mais  Rarbeyrac 
avait  très-peu  lu  les  ouvrages  des  Pères  qu'd 
ose  censurer  ;  il  copie  Daillé,  ScuUet,  Rajle, 
le  Clerc,  sans  s'embarrasser  si  leur  ciilique 
est  juste  ou  absurde.  A  l'article  Pères  ue 
l'Eglise,  nous  ferons  voir  l'ineptie  des  re- 
proches que  l'on  fait  engouerai  à  ces  grands 
homnjes. 

Avant  de  savoir  si  saint  Léon  csl  blAmablo 
d'avoir  approuvé  le  sujiplice  des  priscillia- 
nistes, il  faudrait  commencer  à  examiner 
leur  doptrine  et  les  ell'ets  qu'elle  pouvait 
produite.  Ils  soutenaient  que  l'homme  n'est 
pas  libre,  mais  dominé  par  l'influence  des 
astres  ;  que  le  mariage  et  la  conception  de 
l'iiomme  sont  l'ouvrage  du  démon;  ils  i)ra- 
tiijuaient  la  magie  et  des  turpitudes  infâmes 
dans  leurs  assemblées  ;  ils  prétendaient  que 
le  mensonge  el  le  parjure  leur  étaient  ]ier- 
mis.  C'était  la  même  doctrine  que  celle  des 
manichéens.  Saint  Léon  en  était  instruit  et 
convaincu  par  l'aveu  des  coupab'es  ;  on  le 
voit  par  la  lettre  môme  à  Turibius.  Y  eut-il 
jamais  une  hérésie  plus  propre  à  dépoupler 
les  l'itats,  à  justifier  lous  les  crimes,  à  trou- 
bler l'ordre  et  la  paix  de  la  société  ?  Un  sou- 
verain sage  ne  pouvait  se  dispenser  de  sévir 
contre  ses  partisans,  et  un  moraliste  ne 
pouvait  blâmer  cette  rigueur  sans  se  couvrir 
de  nuicule.  Nous  savons  très-bien  que  saint 
Martin  et  d'autres  saints  [lersonnages  dé- 
sapprouvèrent hautement  les  deux  évoques 
Idace  et  llhac(.',  qui  se  rendaient  accusateurs 
et  persécuteurs  des  priscillianistes  :  ce  pcr- 
soimage  ne  cunvenait  pas  à  des  évoques, 
c'était  l'alTaire  des  magistrats  et  des  officiers 


de  l'empereur.  Il  no  s'ensuit  pas  de  Ih  que 
cos  derniers  aient  été  injustes,  lorsqu'ils 
poursuivaient  et  punissaient  ces  héi'étiqnes, 
ni  que  saint  Li'on  ail  dû  blAnier  celte  rigueur  : 
le  bien  public  exigeait  que  celte  seot(ï  abo- 
minablefùtexlerniinée.  C'est  pour  cela  mémo 
^que  l'on  poursuivit  en  France,  au  xii'siècb', 
les  Albigeois,  qui  enseignai(mt  à  peu[.rèsla 
môme  doctiine.  Un  peut  tolérer  des  erreurs 
qui  n'ont  aucun  rapjiort  à  l'ordre  jiublic  ni  à 
la  pureté  des  mœurs  ;  mais  l'i-ôcher  la  tolé- 
rance générale  et  absolue  pour  toute  doc- 
trine quelconque,  c'est  une  morale  absurde 
et  détestable.  Voy.  Priscillianistes. 

Beausolire,  dans  sou  Hist.  du  Manieh.,  1. 
IX,  c.  9,  t.  11,  p.  756,  a  forgé  contre  saint 
Léon  une  calomnie  plus  atroce  ;  il  l'accuse 
d'avoir  imputé  faussement  aux  manichéens 
et  aux  priscillianistes  des  turpitudes  dont  ils 
n'étaient  pas  coupables;  d'avoir  suborné 
des  témoins  pour  a'tester  ces  iails,  alin  de 
décrier  ces  hérétiques  à  Rome.  Pour  toute 
preuve,  il  dit  que  de  tout  temps  les  Pères 
ont  usé  sansscruple  de  fraudes  pieuses  pour 
le  salut  des  hommes  ;  par  exemple,  délivres 
faux  et  supposés  :  que,  si  l'on  en  croit  saint 
Grégroiro,  pape,  L.  3,  Epist.  .'iO,  saint  Léon 
joua  une  comédie  en  faisant  sortir  du  sang 
des  linges  qui  avaient  touché  les  corps  des 
saints,  alin  de  prouver  que  ces  linges  fai- 
saient autant  de  miracles  (jue  les  corps 
mômes.  Nous  pourrions  nous  borner  à  ré- 
pondre que  ceux  qui  ne  croient  pas  à  la  ver- 
tu des  Pères  sont  incapables  d'en  avoir  ; 
personne  n'est  aussi  soupçonneux  que  les 
malhonnêtes  gens.  La  preluièrc  preuve  de 
Beausobre  est  une  nouvelle  imposture.  Nous 
prouverons  ailleurs  que  quand  les  Pères 
ont  cité  des  ouvrages  supposés,  ils  les 
croyaient  authentiques  ;  c'était,  de  leur  part, 
une  erreur  et  non  une  fraude.  La  seconde 
preuve  est  détruite  par  Beausoi)re  lui-même  ; 
il  juge  que  la  lettre  trentième  de  saint  Gré- 
goire, 1. 3,  est  un  tissu  de  fables  ;  donc,  selon 
lui ,  la  prétendue  comédie  attribuée  à  saint 
Léon  est  fabuleuse  ;  donc  elle  n'a  pas  été  jouée 
Itar  saint  /.c'on.  L'on  nepeut  pas  prouver  que 
c'est  saint  Grégoire  qui  l'a  forgée;  on  ne  peut 
l'accuser,  tout  au  plus,  que  d'avoir  été  trop 
crédule.  Voy.  Saint  Grégoikc,  pape. 

LETTRES  (belles).  Plusieurs  ennemis  du 
christianisme  ont  osé  soutenir  que  l'établis- 
sement de  cette  religion  a  nui  à  la  culture 
et  au  progrès  des  lettres  :  la  plus  légère  tein- 
ture de  l'histoire  suflit  pour  démontrer  l'in- 
justice et  la  fausseté  de  ce  reproche.  Nous 
soutenons,  au  contraire,  que,  sans  le  chris- 
tianisme, l'Europe  entière  serait  aujourd'hui 
jilongée  dans  l<i  même  barbarie  que  l'Asie 
et  l'Afftque.  Avant  d'exposer  les  faits  qui  le 
prouvent,  il  est  bon  de  voir  l'idée  que  les 
livres  saints  nous  donnent  de  l'étude  et  des 
connaissances  humaines.  Les  auteurs  sacrés, 
aussi  bien  que  les  profanes,  ont  compris 
sous  le  nom  de  sagesse,  toutes  les  connais- 
sances utdes  et  agréables.  «  Heureux  l'hom- 
me, dit  Salomon,qui  s'est  procuré  la  sagesse 
et  qui  a  multii)lié  ses  connaissances  ;  il  a 
fait  une  acquisition  plus  précieuse  que  toutes 


25S  LET 

les  richesses  de  l'univers  ;  aucun  des  objets 
qui  excitent  la  cupidité  des  hommes  ne  mé- 
rite de  lui  être  comparé.  Ce  trésor  prolonge 
la  vie,  rend  l'homme  véritablement  riclie  et 
le  couvre  de  gloire,  lui  fait  couler  ses  jours  de  1 
dans  l'innocence  et  dans  la  paix.  C'est  l'ar- 
bre de  vie  pour  ceux  qui  le  possèdent,  et  la 
source  du  vrai  bonheur.  »  (Prov.,  c.  m,  v. 
13.)  Nous  doutons  qu'aucun  auteur  profane 
ait  fait  de  la  philosophie  un  éloge  plus  pom- 
peux. Il  est  répété  cent  fois  dans  le  livre  de 
la  Sagesse  et  dans  l'Ecclésiastique  ;  c'est  une 
exhoriation  continuelle  h  l'étude. 

Mais  ces  écrivains  sacrés  ont  grand  soin 
de  nous  avertir  que  la  sagesse  est  aussi  un 
don  du  ciel.  Sil'Ecclésiaste,  c.  i  et  ii, semble 
faire  peu  de  cas  de  l'étude  et  des  connais- 
sances humaines,  c'est  qu'il  ne  considérait 
que  l'abus  qu'en  l'ont  la  plupart  de  ceux  qui 
les  ont  acquises.  «Les  savantsqui  enseignent 
la  vertu  aux  hommes,  dit  le  prophète  Daniel, 
brilleront  comme  la  lumière  du  ciel,  leur 
gloire  sera  éternelle  comme  l'éclat  des 
astres.  »  (Cap.  xn,  v.  3.)  Lui-même,  par  ses 
connaissances,  mérita  la  faveur  et  la  confiance 
des  rois  de  Babylone,  et  servit  utilement  sa 
nation. 

Jésus-Christ  dit  que,  dans  le  royaume 
des  cieux  ou  dans  son  Eglise  ,  un  docteur 
savant  ressemble  h  un  père  de  famille  qui 
distribue  à  ses  enfants  les  trésors  qu'il  a  eu 
soin  d'amasser  [Matth. ,  c.  xni,  52).  Lors- 
qu'il a  choisi  des  ignorants  pour  prêcher  sa 
doctrine,  il  a  voulu  démontrer  qu'il  n'avait 
besoin  d'aucun  secours  humain  ;  il  leur 
a  promis  une  lumière  surnaturelle  et  les 
dons  du  Saint-Esprit.  Lui-môme  étonnait 
les  Juifs  par  la  sagesse  de  ses  leçons,  quoi- 
qu'il n'eût  fait  aucune  étude  IJoan.,  cap.  vu, 
J5). 

Lorsque  saint  Paul  a  déprimé  la  philoso- 
phie et  les  sciences  des  Grecs,  il  a  montré 
l'abus  qu'en  avaient  fait  leurs  philosophes; 
il  a  révélé  le  dessein  qu'avait  la  Providence 
en  se  servant  de  quelques  hommes  sans 
lettres  pour  confondre  les  faux  sages  :  mais 
lorsque  quelques-uns  voulurent  déprimer 
le  mérite  de  ses  discours,  il  leur  lit  obser- 
ver que,  s'il  dédaignait  les  agréments  du 
langage,  il  n'était  pas  pour  cela  un  ignorant 
(//  Cor.,  c.  XI,  6).  Il  exige  qu'un  évêque 
aille  talent  d'enseigner,  et  il  exhorte  Timo- 
thée,  son  disciple,  à  lire  et  à  étudier,  aussi 
bien  qu'à  instruire  [ITim.,  c.  v,  v.  2, 13, 16). 
Ainsi,  le  christianisme,  loin  de  détourner 
ses  sectateurs  de  la  culture  des  lettres  et  des 
sciences,  leur  fournissait  un  nouveau  motif 
de  s'y  appliquer,  savoir,  la  nécessité  de  ré- 
futer les  philosophes  et  le  désir  de  les  con- 
venir. Dès  le  II'  siècle,  saint  Justin,  Talien, 
Atliénagore,  Hermias,  et  d'autres  écrivains 
chrétiens  ,  dont  plusieurs  ouvrages  sont 
perdus  ;  au  iii%  sauit  Clément  d'Alexandrie, 
Origène  et  ses  disciples  montrèrent  dans 
leurs  écrits  les  connaissances  les  plus  éten- 
dues en  fait  de  philosophie  et  d'histuire  ;ils 
remplacèrent  dans  l'école  d'AhixandricPan- 
tœnus  et  Ammonius  Saccas,  et  la  rendirent 
célèbre  par  l'éclat  de  leurs  leçons.   Au  iv°, 


LET 


258 


saint  Athanase ,  saint  Basile,  saint  Grégoire 
de  Nazianze,  saint  Grégoire  de  Nyssc,  Arnobe 
et  Lactance,  furent  regardés  comme  les  plus 
grands  orateurs  et  les  meilleurs  écrivains 
de  leur  temps  ;  le  v'  fut  encore  plus  fertile 
en  grands  hommes  :  aucun  auteur  profane 
de  ce  temps-lh  ne  les  a  égalés.  L'empereur 
Julien,  jaloux  de  la  gloire  que  répandait  sur 
le  christianisme  les  talents  de  ses  docteurs, 
défendit  aux  chrétiens  de  fréquenter  les 
écoles  et  d'enseigner  les  lettres.  «  Ces  gens- 
là,  disait-il,  nous  égorgent  par  nos  propres 
armes  ;  ils  se  servent  de  nos  auteurs  pour 
nous  faire  la  guerre.  »  Mais  la  mort  de  cet 
empereur  rendit  bientôt  inutile  cet  acte 
de  tyrannie.  Saint  Clément  d'Alexandrie, 
Stroni.,  1. 1,  c.  2,  p.  327  ;  saint  Basile,  Epist. 
175,  ad  Magtien.  ;  saint  Jérôme,  Epist.  ad 
Nepotianum,  recommandent  l'étude  des  let- 
tres aussi  bien  que  celle  de  l'Ecriture  sainte. 

Les  lumières  répandues  en  Europe  au  v* 
siècle  seraient  allées,  sans  doute,  en  croissant 
toujours,  si  une  révolution  subite  n'en  avait 
changé  la  face.  Des  essaiiiis  de  Barbares , 
sortis  des  forêts  du  Nord,  dévastèrent  suc- 
cessivement l'Europe  et  l'Asie  ,  détruisirent 
les  monuments  des  sciences  et  des  arts,  ré- 
pandirent partout  la  désolation  ;  leurs  rava- 
ges ont  continué  pendant  plusieurs  siècles, 
et  n'ont  cessé  que  quand  le  christianisme 
a  été  établi  dans  le  Nord.  Celte  religion 
sainte  aurait  certainement  succombé  sous 
des  coups  aussi  terriljles,  si  Dieu  ne  l'avait 
soutenue.  C'est  dans  son  sein  que  se  sont 
formées  les  ressources  par  lesquelles  laPro- 
vidence  voulait  réparer  le  mal  dans  la  suite 
des  temps.  Voy.  Barbares. 

Pour  échapper  au  brigandage,  un  grand 
nombre  d'hommes  embrassèrent  la  vie  mo- 
nastique ;  ils  partagèrent  leur  temps  entre 
le  travail  des  mains ,  l'étude  et  la  prière 
ils  gardèrent  et  transcrivirent  les  livres  qui 
subsistaient  encore.  D'autre  côté,  les  ecclé- 
siastiques ,  obligés  à  l'étude  par  leur  état, 
conservèrent  une  faible  teinture  des  sciences; 
le  nom  de  clerc  devint  synonyme  de  celui  de 
lettré.  La  langue  latine,  quoique  bien  déchue 
de  sa  pureté,  se  conserva  dans  l'office  divin 
et  dans  les  livres  ecclésiastiques;  il  y  eut 
toujours  des  écoles  dans  l'enceinte  des 
églises  et  des  monastères. 

Que  penserons-nous  de  certains  critiques 
modernes  qui  ont  écrit  cpiele  latin  avait  été 
ab;Uardi  par  la  religion,  comme  si  c'était 
elle  qui  fit  venir  les  Barbares,  et  leur  con- 
seilla de  mêler  leur  jargon  avec  le  langage 
des  Bomains  ?  D'autres  se  sont  plaints  de  ce 
que  nos  études  et  la  plupart  de  nos  institu- 
tions, dans  les  bas  siècles,  ont  pris  un  air 
monastique.  C'est  la  preuve  du  fait  que  nous 
soutenons,  savoir,  que  les  clercs  et  les  moi- 
nes ont  véritablement  sauvé  du  naufrage  les 
lettres  et  les  sciences.  Les  clercs  furent  obli 
gés  d'étudier  le  droit  romain  et  laraédccino  ; 
ils  se  trouvèient  seuls  capables  de  les  ensei- 
gner, ])arce  que  les  nobles,  livrés  à  la  pro- 
fession des  armes ,  poussaient  la  stupidité 
jusqu'à  regarder  l'étude  comme  une  marque 
de  roture  ,  et  que  les  esclaves  n'avaient  pas 


S57 


LET 


LEÎ 


SS8 


la  liberté  de  s'y  ap[)liqucr.  Telle  est ,  parmi 
nous,  la  première  source  des  privili'ges,  do 
la  juridiction  temporelle  et  des  prdro^'atives 
necordées  au  cler^'é  ;  il  était  devenu  la  seule 
j  ressource  des  peuples  dans  les  temps  mal- 
heureux ;  doit-il  en  rougir?  A  la  fondation 
des  universit('^s ,  toutes  les  places  furent 
remplies  par  des  clercs  ;  ces  établissements 
furent  envisagés  comme  des  actes  de  reli- 
gion qui  doivent  se  faire  sous  l'autorité  du 
chef  de  l'Eglise.  Quand  on  voit  un  Gerson, 
chancelier  de  l'église  do  Paris,  prendre,  par 
charité,  le  soin  des  petites  écoles,  on  com- 
prend que  la  religion  seule  peut  inspirer  ce 
zèle  pour  l'instruction  des  ignorants.  Les 
anciens  Pères  en  avaient  donné  l'exemple, 
mais  il  n'a  pas  de  modèles  parmi  les  philoso- 
phes, et  il  n'aura  jjoint  d'imitateurs  parmi 
nos  adversaires  modernes. 

La  poésie,  dans  son  origine,  avait  été  con- 
sacrée à  célébrer  la  Divinité  ;  dans  les  siè- 
cles barbares,  elle  revint  à  sa  première  des- 
tination ;  les  hymnes  et  le  chant  (irent  tou- 
jours partie  du  service  divin.  Dans  les  as- 
semblées de  noire  nation,  en  présence  du 
souverain  et  des  vassaux,  les  évèques  et  les 
abbés  étaient  les  seuls  hommes  capables  do 
porter  la  parole,  parce  qu'ils  étaient  obligés 
par  état  de  faire  au  peuple  des  discours  de 
religion.  Les  sermons  de  Fulbert  et  d'Yves 
de  Chartre'S,  ceux  de  saint  Anselme  et  de 
saint  Bernard,  ne  sont  [las  aussi  éloquents 
que  ceux  de  saint  Basile  et  île  saint  Jean 
Chrysostome  ;  mais  on  y  voit  encore  des 
traits  de  génie  et  un  grand  usaf,'e  de  l'Ecri- 
ture sainte,  source  divine  qui  fournit  tou- 
jours l'élévation  des  pensées,  la  vivacité  des 
sentiments ,  la  noblesse  des  expressions.  A 
Rome  surtout,  les  études  se  soutinrent  et 
se  ranimèrent  par  le  soin  des  souverains 
pontifes.  C'est  de  Uome  que  Charlemagne  lit 
venir  des  maîtres  pour  rétablir  la  culture  des 
lettres  dans  son  empire  ;  Alcuin,  dont  il  prit 
des  leçons,  avait  étudié  à  Rome.  Or,  la  reli- 
gion entretenait  une  liaison  nécessaire  entre 
le  siège  apostolique  et  toutes  les  églises  de 
la  chrétienté.  Les  jalousies,  l'ambition,  le  gé- 
nie oppresseur  des  petits  souverains  qui  te- 
naient l'Europe  en  esclavage,  auraient  rompu 
tout  commerce  entre  ses  habitants,  si  la  re- 
ligion n'avait  conservé  parmi  eux  la  commu- 
nication et  les  rapports  de  société. 

Aujourd'hui  l'ignorance  présomptueuse , 
décorée  du  nom  de  philosophie,  déclame 
contre  la  domination  des  papes  ;  elle  ne 
voit  pas  que  c'a  été  non-seulement  un  effet 
nécessaire  des  circonstances ,  mais  un  des 
moyens  qui  nous  ont  sauvés  de  la  barbarie. 
On  se  récrie  sur  la  multitude  des  fondations 
pieuses,  et  l'on  oubUe  que  pendant  longtemps 
ce  fut  le  seul  moyen  possible  de  soulager 
les  malheureux.  On  est  scandalisé  de  la  ri- 
chesse des  monastères,  parce  que  l'on  ignore 
qu'ils  ont  été,  pendant  plusieurs  siècles,  le 
seul  asile  des  pauvres.  On  exagère  les  suites 
lunesles  des  croisades  ;  c'est  néanmoins  do 
celte  épo  [ue  qu'il  faut  dater  le  commence- 
ment de  la  liberté  civile,  du  commerce  et  de 
la  police  de  nos  contrées,  et  dès  lors  la  puis- 


sance des  mahométans  a  cessé  d'être  redou- 
table. On  tourne  en  ridicule  les  disputes  qui 
ont  régné  entre  l'empire  et  le  sacerdoce, 
mais  elles  nous  ont  forcés  de  consulter  l'an 
tiquilé,  et  de  l'cprendre  un  goût  d'érudition. 
L'on  a  mémo  cherché  à  décrier  le  zèle  des 
missionnaires  qui  vont  prêcher  l'Evangile 
aux  infidèles  ;  cependant  ils  ont  contribué 
plus  que  personne  h  nous  faire  connaître  les 
nations  éloignées  de  nous.  Aiiisi,  par  un  en 
tètcment  stupide,  les  incrédules  reprochent 
au  christianisme  les  secours  qu'il  leur  a 
fournis  pour  étendre  leurs  connaissances,  ils 
disent  qu'au  lieu  de  porter  les  hommes  à 
l'étude  de  la  nature,  de  la  morale,  de  la  lé- 
gislation, de  lapoUtique,  le  christianisme  no 
les  occupe  que  de  (lis|)utes  frivoles  de  reli- 
gion. Nous  leur  l'épondons  que,  sans  ces  dis- 
putes ,  les  hommes  seraient  incapables  do 
se  porter  ^  aucune  espèce  d'étude,  et  entiè- 
rement abrutis.  La  philoso[)hie,  dans  son 
berceau,  a  commencé  par  desreclierches  sur 
la  cause  première,  sur  la  conduite  delà  Pro- 
vidence ,  sur  la  nature  et  la  destinée  de 
l'homme  :  qu'ils  nous  citent  un  seul  peuiile 
sans  religion  qui  ait  fait  des  études  .Les  na- 
tiins  qui  ne  sont  pas  chrétiennes  ont-elles 
fait  de  plus  i^rands  progrès  que  nous  dans  les 
connaissances  qua  nous  vantent  nos  adver- 
saires ?  Depuis  qu'ils  ont  cessé  eux-mêmes 
d'être  chrétiens,  ont-ils  perfectionné  beau- 
coup la  morale  et  la  législation  ?  Voici  des 
faits  contre  lesquels  échoueront  toujours 
leurs  conjectures  et  leurs  raisonnements 
frivoles.  Les  peuples  qui  n'ont  jamais  été 
chrétiens  sont  encore  à  peu  près  barbares  ; 
ils  sont  tous  devenus  policés  dès  qu'ils  ont 
embrassé  le  christianisme,  et  tous  ceux  qui 
l'ont  abandonné  sont  retombés  dans  leur 
l)remière  ignorance.  Nous  nous  en  tenons  à 
cette  exp^'-rience.  Voy.  Art,  Sc^E^cE,  Philo- 
sophie, etc. 

Lettres.  Il  est  parlé,  dans  l'histoire  ecclé- 
siastique, de  dilïérentes  espèces  de  lettres, 
comme  lettres  formées  ou  canoniques  ;  let- 
tres de  communion,  de  paix,  de  recomman- 
dation ;  lettres  d'ordre,  lettres  apostoliques, 
etc.  Au  mot  Formées,  nous  avons  parle  des 
premières,  et  à  l'article  Indulgence,  nous 
avons  fait  mention  des  lettres  que  les  mar- 
tyrs et  les  confesseurs  donnaient  à  ceux  qui 
étaient  réduits  à  la  pénitence  canonique,  et 
par  lesquelles  ils  demandaient  que  le  temps 
de  cette  pénitence  fût  abrégé.  Nous  ajoutons 
que  l'on  appelait  lettres  formées  ou  canoni- 
ques, les  attestati^ms  que  l'on  donnait  aux 
evêques  ,  aux  prêtres  et  aux  clercs ,  lors- 
qu'ils étaient  obligés  de  vuyager,au  lieu  que 
l'on  appelait  lettres  de  communion,  de  paix  ou 
de  recommandation,  celles  que  l'on  donnait 
aux  laïques  lorsqu'ils  étaient  dans  le  même 
cas.  Le  concile  ue  Laodicée  de  l'an  360,  ce- 
lui de  Milève  de  l'an  i()2,  celui  de  Meaux  de 
l'an  8i3,  ordonnent  aux  prêtres  et  aux  clercs 
obligés  de  voyager,  de  demander  à  leur  évê- 
que  dos  lettres  canoniques,  et  défendent 
d'admettre  à  la  communion  et  aux  fonctions 
ecclésiastiques  ceux  qui  n'ont  pas  pris  cette 
précaution.  Un  concile  d«  Caithage  de  l'an 


2S0 


LEV 


LËV 


260 


397  défend  aussi  aux  év(^ques  de  passer  la 
mer  sans  avoir  reçu  du  primat  ou  du  métro- 
politain des  lettres  semblables.  Cette  précau- 
tion était  nécessaire,  surtout  dans  les  [tre- 
miers  siècles,  soit  pendant  le  temps  des  per- 
sécutions, lorsqu'il  était  dangereux  de  se 
ûer  à  des  étrangers  qui  auraient  pu  se  don- 
ner pour  chrétiens,  sans  l'être  en  effet,  soit 
pour  ne  pas  communiquer  avec  des  héréti- 
ques, soit  enfin  pour  ne  pas  Être  trompé  par 
des  hommes  qui  se  seraient  attribué  fausse- 
ment les  privilèges  de  la  cléricature.  Au- 
jourd'hui encore  il  est  d'usage  dans  les  di- 
vers diocèses,  de  ne  laisser  exercer  aucune 
fonction  à  un  prêtre  étranger,  s'il  n'est  pas 
muni  d'un  eoceat  ou  d'une  attestation  de  son 
évoque  ,  à  moins  qu'il  ne  soit  suftisamment 
connu  d'ailleurs. 

On  appelle  lettre  d'ordre,  l'attestation  d'un 
évoque  par  laquelle  il  conste  que  tel  clerc 
a  reçu  tel  ordre,  soit  mineur,  soit  sacré,  et 
qu'il  lui  est  permis  d'en  exercer  les  fonctions. 
L'on  nomme  lettres  apostoliques  les  rescrip- 
tions  du  souverain  pontife,  soit  pour  la  con- 
damnation de  quelque  erreur,  soit  pour  la 
collaîion  d'un  b'neàce,  soit  pour  accorder 
une  dispense,  soit  pour  absoudre  d'une  cen- 
sure. Voy.  Bref. 

LÉ"\'1ÀTHAN,  mot  hébreu  qui  signifie  le 
monstre  des  eaux  :  il  paraît  que  c'est  le  nom 
de  la  baleine  dans  le  livre  de  Job,  c,  xli.  Les 
rabbins  ont  forgé  des  fables  au  sujet  de  cet 
animal  ;  ils  disent  qu'il  lut  créé  dès  le  com- 
mencement du  monde,  au  cinquième  jour  ; 
que  Dieu  le  lua  et  le  sala  pour  le  conserver 
jusqu'à  lavenue  du  Messie,  qui  en  sera  régalé 
avec  les  Juifs  dans  un  festin  qui  leur  sera 
donné.  Les  plus  sages  d'entre  eux,  qui  sen- 
tent le  ridicule  de  cette  fiction,  tâchent  de 
la  tourner  en  allégorie,  et  disent  que  leurs 
anciens  docteurs  ont  voulu  désigner  le  dé- 
mon sous  le  nom  de  Le'viathan.  Samuel  Bo- 
chart,  dans  son  Hiérocoicon,  a  montré  que 
c'est  le  nom  hébreu  du  crocodile  ;  et  celui-ci 
peut  très-bien  être  appelé  le  monstre  des 
eaux.  Yoy.  la  dissertation  de  doui  Calmet  sur 
ce  sujet,  Bible  d'Avignon,  tom.  VI,  p.  505. 

LÉVITE,  Juif  delà  tribu  de  Lévi ,  à  la- 
quelle Dieu  avait  attribué  la  sacerdoce  et 
l-^s  fonctions  du  culte  divin.  Le  nom  de  Lévi 
fut  donné  par  Lia,  femme  de  Jacob,  à  un  de 
ses  tils,  par  allusion  au  verbe  hébreu,  lavah, 
être  lié,  être  uni,  parce  qu'elle  espéra  que  la 
naissance  de  ce  tllslui  attacherait  plus  élroi- 
lement  son  époux.  Les  simples  lévites  étaient 
inférieurs  aux  prêtres  :  ils  répondaient  à  peu 
près  à  nos  diacres,  ils  n'avaient  point  de 
ttrres  en  propre  ;  ils  vivaient  delà  dîme  et 
di"'s  otfraudi'S  que  l'on  faisait  à  Dieu  dans  le 
temple.  Ils  étaient  répandus  dans  toutes  les 
tribus,  qui,  chacune,  avaient  donné  quelques- 
unes  de  leurs  villes  aux  lévites,  avec  quel- 
ques campagnes  aux  euvirons,  pour  l'ano 
pailre  leurs  troupeaux. 

Par  le  dénombrement  que  Salomon  fit  des 
lévites  depuis  l'Age  de  vingt  ans,  il  eu  trouva 
trente-huit  mille  capables  de  servir.  11  en 
destina  "vingt-quatre  mille  au  ministère 
journalier  sous  les  prêtres;  six  mille  pour 


être  juges  inférieurs  dans  les  villes,  et  pour 
décider  les  choses  qui  touchaient  à  la  reli- 
gion, mais  c[ui  n'étaient  pas  d(!  grande  co  sé- 
quence ;  quatre  mille  pour  être  portiers,  et 
avoir  soin  des  ornements  du  temple  ;  et  le 
reste  pour  faire  l'ollice  de  chantres.  Mais 
tous  ne  servaient  pas  ensemble;  ils  étaient 
distribués  en  différentes  classes,  qui  se  ret 
layaient  et  servaient  tour  à  tour. 

Comme  Moise  était  de  la  tribu  de  Lévi, 
les  incrédules  l'ont  accusé  d'avoir  eu  pour 
elle  un  •  prédilection  marquée  ,  de  lui  avoir 
attriiiué  le  sacerdoce  et  l'autorité,  au  préju- 
dice des  autres  tribus.  C'est  un  injuste  soup- 
çon; il  est  aisé  de  le  dissiper.  —  1°  Si  Moise 
avait  agi  par  intérêt  ou  par  prédilection,  il 
aurait  assuré  le  souverain  sacerdoce  à  ses 
propres  enfants,  et  non  à  ceux  de  son  frère 
Aaron.  11  atteste  que  Dieu  lui-môme  est 
l'auteur  de  ce  choix;  c'est  ce  qui  fut  confirmé 
par  le  miracle  de  la  verge  d'Aaron,  qui  fleu- 
rit dans  L'  tabernacle,  et  par  la  punition 
miraculeuse  de  Coré  et  de  ses  partisans  qui 
voulaient  s'arroger  le  sacerdoce.  Si  tous  ces 
faits  n'étaient  pas  vrais,  les  onze  tribus  inté- 
ressées à  la  chose  ne  les  auraient  pas  laissé 
subsister  dans  les  livres  de  Moïse;  sous  Jo- 
sué  ou  sous  les  juges,  ils  auraient  demandé 
que  cet  arrangement  fût  changé.  —  2"  Moïse, 
dans  son  histoire,  ne  ménage  en  aucune 
manière  sa  tribu  ni  sa  propre  famille,  il  rap- 
porte, non-seulement  ses  propres  fautes, 
celles  d'Aaron  son  frère,  celle  de  Nadab  et 
d'Abiu  ses  neveux,  et  leur  punition,  mais 
l'ancienne  faute  de  Lévi  son  aïeul  et  de  Si- 
méon  ;  il  rapporte  le  reproche  que  Jacob 
leur  père  leur  en  fil  au  lit  de  la  mort,  la  pré- 
diction qu'il  leur  adressa,  en  disant  qu'ils 
seraient  dispersés  dans  Israël;  et  les  lévites 
le  furent  en  effet.  {Gen.,  c.  xlix,  v.  7).  Moïse 
pouvait  très-bien  se  dispenser  de  rappeler  ce 
lait  désavantageux  à  sa  tribu;  et  si  les  lévites 
avaient  été  de  mauvaise  foi,  comme  les  in- 
crédules affectent  de  le  supposer ,  ils  n'au- 
raient pas  laissé  subsister  dans  les  livres  de 
Moise,  dont  ils  étaient  dépositaires,  cette 
circonstance  fâcheuse.  —  3°  L'on  se  trompe 
quand  on  imagine  que  le  sort  des  lévites  était 
meilleur  que  celui  des  autres  Israélites. 
Cette  tribu  fut  toujours  la  moins  nombreuse; 
on  le  voit  par  les  dénombrements  qui  se 
firent  dans  le  désert  {Num.,  c.  ui,  v.  13  et 
39).  La  subsi^ance  des  lévites  était  précaire, 
puisqu'ils  vivaient  des  dîmes  et  des  obla- 
tions  ;  elle  était  donc  très-mal  assurée, 
lorsque  le  peuple  se  livrait  à  l'idôlatrie.  Ils 
n'avaient  aucune  autorité  civile  dans  la  ré- 
publique; elle  était  dévolue  aux  anciens 
de  chaque  tribu;  dans  la  liste  des  juges  qui 
le  gouvernèrent  avant  qu'il  y  eût  des  rois, 
le  seul  Héli  était  de  la  tiiiju  de  Lévi. 

Quand  Moïse  n'aurait  pas  été  guidé  par 
les  ordres  de  Dieu,  il  aurait  évidemment 
compris  que  la  nature  du  sacerdoce  lévi 
tique  exigeait  des  hommes  qui  en  fussent 
uniquement  occupés,  et  qui  formassent  un 
ordre  particulier  de  citoyens  :  il  en  a  étô 
ainsi  chez  tous  les  peuples  policés.  En 
Egypte,  le  sort  des  prêtres  était  plus  avaa- 


sr.i 


LEV 


LIB 


SC2 


tagcux  que  celui  des  lévites  chez  les  Jaifs, 
et  le  sacerdoce  chez  les  Romains  donnait  en-l 
core  plus  do  préro^'atives  à  ceux  qui  en 
étaient  revtHus. 

Lus  incrédules  ont  fait  grand  bruit  au  su- 
jet, d'une  j^uerre  que  s'attirèrent  les  Bcnja- 
niites,  pour  n'avoir  pas  voulu  punir  i'outraye 
fait  chez  eux  à  la  femme  d'un  lévite  ;  nous 
en  uarlonsau  mot  PnÉrnEDEs  Jnis.  Roland, 
Antiq.  IM..  p.  115. 

LÉVITIQUE.  C'est  le  troisième  des  cinq 
livres  de  Moise.  11  est  ainsi  appelé,  parce 
qu'il  traite  principalement  des  cérémonies 
du  culte  divin  qui  devaient  être  faites  par 
les  lévites  :  c'est  comme  le  rituel  de  la  reli- 
gion juive. 

On  demande,  et  cette  question  a  été  faite 
par  plusieurs  incrédules,  comment  et  pour- 
quoi Dieu  avait  commandé  avec  tant  de  soin 
et  dans  un  aussi  i^rand  détail  des  cérémonies 
ininutieuses,  ind.Uérentesh  son  culte,  et  qui 
paraissent  superstitieuses.  Nous  répondons, 
1°  que  toute  cérémonie  est  inditférenle  en 
elle-même,  (juc  c'est  l'intention  qui  en  fait 
toute  la  valeur;  mais  elle  cesse  d'être  indif- 
férente dès  que  Dieu  l'a  comman.lée  ;  elle 
sert  h  son  culte  dès  qu'elle  est  observée  i)ar 
un  motif  de  religion  ou  d'obéissance  à  la 
loi  de  Dieu;  elle  ne  peut  donc  alors  être  su- 
perstitieuse dans  aucun  sens.  2°  Pour  que 
Dieu  commande  une  pratique,  il  n'est  pas 
nécessaire  qu'elle  soit  par  elle-même  un 
acte  d'adoration,  d'amour,  de  reconnais- 
sance, etc.  ;  il  a  pu  ordonner  ce  qui  contri- 
buait ^  la  propreté,  h  la  santé,  à  la  décence, 
ce  qui  servait  à  détourner  les  Israélites  de 
l'idolAtrio  et  des  mœurs  corrompues  de  leurs 
voisins,  ou  qui  avait  une  autre  utilité  quel- 
conque. On  ne  prouvera  jamais  que,  parmi 
les  choses  commandées  aux  Juifs,  il  y  en 
ait  aucune  absolument  inutile.  De  même  il 
était  à  projios  de  leur  défendre,  non-seule- 
luent  toute  pratique  mauvaise  et  criuiiuelle 
en  elle  môme,  mais  tout  us.ige  dangereux 
relativement  aux  circonstances.  3"  Un  peuple 
tel  que  les  Juifs,  qui  n'était  |)as  encore  po- 
licé, qui  avait  eu  en  Egy[)te  de  très-mau- 
vais exemples,  qui  allait  être  cnviroimé 
d'idoLUres,  ne  pouvait  être  contenu  et  civi- 
lisé que  par  les  motifs  de  religion  :  nous 
délions  les  incrédules  d'en  assi^çner  aucun 
autre  capable  de  faire  impression  sur  les 
Juifs.  11  fallait  dimc  que  tout  leur  fût  pres- 
crit ou  défendu  dans  le  plus  grand  détail, 
alin  de  leur  ôter  la  liberté  de  mêler  dans 
leur  culte  et  dans  leurs  mœurs  les  usages 
absurdes  ou  pernicieux  de  leurs  voisins. 
Cette  nécessité  n'a  été  que  tiop  [trouvée  par 
le  penchant  invincible  que  ce  peuple  a  mon- 
tré ."i  suivre  l'exemple  des  nations  idol.ltres. 
11  n'est  donc  aucune  des  lois  portées  dans 
le  Lévitique  qui  n'ait  eu  une  utilité  relative 
aux  circonsiances  et  au  caractère  national 
des  Juifs.  Voy.  Loi  cérémomelle. 

LÈviTiQUKs,  branche  des  nicolaitcs  et  des 
gnosiiques  ,  (pii  parut  au  second  siècle  de 
riiolise.  Saint  Epiphaue  en  a  fait  mention, 
sans  nous  appienuie  s'ils  avaient  quelque 
dogme  particulier. 


LIBATION.  Yoy.  Eau. 
LIBELLATIQUES.  Dans  la  persécution  de 
Dèce,  il  y  eut  des  cbréticns  qui,  pour  n'être 

Eoint  obligés  de  sacrifier  aux  dieux  en  pu- 
lic,  selon  les  édits  de  l'empereur,  allaient 
trouver  li'S  magistrats,  et  obtenaient  d'eux, 
par  giilce  ou  par  argent,  des  certitirats  par 
lesquels  on  attestait  qu'ils  avaient  obéi  aux 
ordres  de  l'empereur,  et  on  défendait  de  les 
inquiéter  davantage  sur  le  fait  de  la  religion. 
Ces  ceitificals  se  nommaient  en  latin  libelli, 
d'où  l'on  lit  le  nom  de  libellaliques. 

Les  centuriateurs  de  Magdebourg,  et  Til- 
lemont,  tom.  IH,  p.  318  et  702,  pensent  que 
ces  r.clies  chrétiens  n'avaient  pas  réellement 
renoncé  à  la  foi,  ni  sacrifié  aux  idoles,  et 
que  le  certilicat  qu'ils  obtenaient  était  faux. 
hos  iibetlatiques,  dit  ce  dernier,  étaient  ceux 
qui  allaient  trouver  les  magistrats,  ou  leur 
envoyaient  quelqu'un,  pour  leur  témoignet- 
qu'ils  étaient  chrétiens,  qu'il  ne  leur  était 
pas  permis  de  sacritier  aux  dieux  de  l'em- 
pire ;  qu'ils  les  priaient  de  recevoir  d'eux  de 
l'argent,  et  de  les  exempter  de  faire  ce  qui 
leur  était  défendu.  Ils  recevaient  ensuite  du 
magistrat,  ou  lui  donnaient  un  billet  qiii 
portait  qu'ils  avaient  renoncé  à  Jésus-Christ, 
et  qu'ils  avaient  sacritié  aux  idoles,  quoique 
cela  ne  fût  pas  vrai  :  ces  billets  se  lisaient 
publiquement.  Baronius,  au  contraire,  pense 
que  Irs  libellaliques  étaient  ceux  qui  avaient 
réellement  apostasie  et  commis  le  trimo 
dont  on  leur  donnait  une  attestation  :  pro- 
bablement il  y  en  avait  des  uns  et  des  au  ■ 
très,  comme  le  pense  Bingliam,  Orig.  ecclés., 
1.  XVI,  c.  k,  §  G.  Mais,  suit  que  leur  apos- 
tasie fût  réelle  ou  seulement  simulée  ,  ce 
crime  était  très-grave  ;  aussi  l'Eglise  d'Afri- 
que ne  recevait  à  la  communion  ceux  qui  y 
étaient  tombés,  qu'après  une  longue  péni- 
tence. Cette  rigueur  engagea  les  libnllatiques 
à  s'adresser  aux  confesseurs  et  aux  martyrs 
qui  étaient  en  prison  ou  qui  allaient  à  la 
mort,  pour  obtenir,  par  leur  intercession,  la 
relaxation  des  peines  canoniques  qui  leur 
restaient  h  subir  ;  c'est  ce  qui  s'appelait  de- 
mander la  paix.  L'abus  que  l'on  lit  de  ces 
dons  de  paix  causa  un  schisme  dans  l'Eglise 
deCartlinge,  du  temps  de  saint  Cyprien  :  ce 
saint  évêque  s'éleva  avec  force  contre  cette 
facilité  à  remettre  de  telles  prévarications, 
comme  on  peut  le  voir  dans  ses  lettres  31, 
52  et  68,  et  dans  son  (railé  de  Lapsis.  Le  on- 
zième canon  du  concile  de  Nicée,  qui  règle 
la  pénitence  de  ceux  qui  ont  renonce  à  la  foi 
sans  avoir  souiîcrt  de  violence,  peut  regar- 
der les  libellaliques.  Voy.  Lasses. 

LIBELLE  DIFFAMATOIRE,  écrit  par  le- 
quel on  noircit  la  réputation  de  quelqu'un. 
Le  concile  d'Elvire,  tenu  vers  l'an  300,  pro- 
nonça la  peine  d'excommunication  contre 
ceux  qui  auraient  la  témérité  de  publier  des 
libelles  diffainatoircs,  et  l'empereur  Valenti- 
iiien  voulut  qu'ils  fussent  punis  de  mort. 
Saint  Paul  accuse  les  anciens  philosophes 
d'avoir  été  détracteurs  et  insolents  {Rom., 
c.  I ,  v.  30)  ;  mais  il  ne  leur  reproche  pas 
d'avoir  été  auteurs  de  libelles  diffamatoires. 
Celse,  Julien,  Porphyre,  ont  attaqué  les  chré 


ses 


LIB 


LiB 


204 


tiens  on  général,  mais  ils  n'ont  calomnié  per- 
sonne en  particulier.  Les  incrédules  de  notre 
siècle  ont  été  moins  modérés  ;  ils  ont  noirci, 
dans  leurs  écrits,  les  vivants  et  les  morts  ;  ils 
n'ont  épargné  personne  :  jamais  la  licence  des 
libelles  dij}'amatoires  n'a  été  poussée  aussi 
loin  qu'elle  l'est  aujourd'hui,  signe  trop  évi- 
dent de  la  perversité  des  mœurs.  Bayle  accuse 
les  calvinistes  d'avoir  été  les  premiers  au- 
teurs de  cet  affreux  désordre  :  quelle  peste 
plus  pernicieuse  pouvaient-ils  introduire 
dans  la  société.  Avis  aux  réfugiés,  I"  point. 

LIBÉRATEUR.  Voy.  Médiateur. 

LIBÈRE,  pape,  élevé  sur  la  chaire  de  saint 
Pierre  l'an  352,  mort  l'an  366.  11  est  devenu 
célèbre  par  la  faiblesse  qu'il  eut  pour  les 
ariens,  après  leur  avoir  résisté  d'abord  avec 
fermeté,   et  par  l'affectation    avec  laquelle 

filusieurs  théologiens  ont  exagéré  sa  faute. 
Is  ont  prétendu  que  ce  pape  avait  signé  l'a- 
rianisme  :  cela  n'est  pas  prouvé.  Libère, 
exilé  pour  la  foi  catholique  par  l'empereur 
Constance,  vaincu  par  les  rigueurs  qu'on  lui 
faisait  souffrir,  affligé  de  ce  que  l'on  avait 
mis  un  anti-pape  ti  sa  place,  crut  devoir  cé- 
der au  temps.  11  souscrivit  à  la  condamna- 
tion de  saint  Athanase  et  h  la  formule  du 
concile  de  Sirmich,  de  l'an  338,  dans  la- 
quelle le  terme  de  consubstantiel  était  su[)- 
primé,  sous  prétexte  que  l'on  en  abusait  pour 
établir  le  sabellianisme  ;  mais  il  dit  en  même 
temps    anathème    à   tous  ceux    qui  ensei- 

fnaient  que  le  Fils  n'est  jias  semblable  au 
ère,  en  substance  cl  en  toutes  choses.  Ainsi, 
loin  de  signer  l'arianisrae,  il  lecoudamnait(l). 
Nous  convenons  crue  supprimer  le  ternie 
de  consubstantiel,  c'était  (ionner  aux  ariens 
sujet  de  triompher  ;  mais  ce  n'était  pas  en- 
seigner ni  embrasser  formellement  leur  er- 
reur. Saint  Athanase  n'était  point  condamné 

(1)  Il  y  a  eu  trois  assemblées  à  Sirmich.  Les  profes- 
sions (Je  foi  de  la  première  et  de  la  deuxième,  sans 
être  assez  eiplicites,  ne  contenaient  rien  de  contraire 
i  la  foi.  Celle  de  la  deuxième  était  hérétique.  11  est 
certain  que  Libère  ne  siana  pas  celle-ci.  Voici  com- 
ment Cellier  s'exprime  a  cet  égard  : 

<  Quelques  critiques  prétendent  que  le  pape  Libère 
souscrivit  à  la  seconde  formule  de  Sirniium,  com- 
posée par  les  ariens  en  357.  Cette  formule  était  si 
mauvaise  qu'ils  se  repentirent  dans  la  suite  de  l'a- 
voir faite,  et  qu'ils  firent  leur  possible  pour  en  reti- 
rer tous  leo  exemplaires.  Mais  il  nous  paraît  comme 
hors  de  doute,  que  ce  fut  à  la  première  profession  de 
foi  de  Sirmium,  dressée  eu  351,  contre  Pliotin,  que 
Libère  souscrivit.  Car  il  est  cerlain  par  saint  tlilaiie, 
que  celle  que  ce  pape  signa  avait  été  faite  par  vingt- 
deux  évèques,  du  nombre  desquels  était  Démophile. 
Or,  il  ne  parait  par  aucun  endroit  qu'un  si  grand 
nombre  d'évêques  se  soient  mêlés  de  la  seconde  for- 
mule de  Sirniium.  Valens,  Urîace  et  Gerniinius  y 
sont  dénommés  seuls  ;  et  le  texte  latin  de  cette  for- 
mule, tel  qu'il  est  rapporté  parsaint  ililaiie,  ne  donne 
pas  lieu  de  conjecturer  qu'il  y  en  ait  eu  d'autres,  à 
moins  qu'on  y  ajoute  Osius  et  Potamius,  dont  les 
noms  se  trouvent  à  la  tête  de  cette  formule.  Libère 
lui-uiiine,  dans  sa  Lellre  aux  évêques  d'Orient,  leur 
dit  qu'il  a  souscrit  à  leur  profession  de  foi,  qui  lui  a 
été  présentée  par  Démophile,  et  qu'il  l'a  approuvée 
comme  catholique.  Ou  ne  peut  donc  douter  que  la 
profession  qu'il  signa  et  qu'il  approuva,  n'ait  été  de 
la  façon  des  Orientaux  ;  autrement  Libère  n'aurait 
pu  la  leur  attribuer.  Or,  il  est  certain  qu'ils  n'eurent 


parles  ariens  comme  hérétique,  inais  comme 
perturbateur  de  la  paix  ;  abandonner  sa 
cause,  c'était  trahir  le  parti  de  la  vérité,  mais 
ce  n'était  pas  professer  expressément  l'hé- 
résie. La  laute  de  Libère  fut  très-grave,  sans 
doute  ;  aussi  lorsqu'il  fut  de  retour  à  Rome, 
et  qu'il  vit  l'avantage  que  les  ariens  tiraient 
de  sa  condescendance,  il  la  désavoua,  recon- 
nutsafaiblesseetlapleura.  11  estfort  singulier 
que  de  prétendus  zélateurs  d<;  l'orthodoxie 
aient  moins  d'indulgence  pourla  faute  de  Li- 
bère que  saintAthanase,  plus  intéressé  qu'eux 
dans  cette  affaire  et  mieux  instruit  des  faits. 
11  excuse  ce  pape'et  Osius  d'avoir  enfin  cédé 
à  la  violence,  et  soutient  que  leur  conduite 
fait  son  apologie.  Histor.  Arianor.,  n.  ki, 
Ap.  1. 1,  p.  368,  n.  ii.5,p.  372,  n.  46  ,  p.  378. 
Cet  exemple  prouve  qu'avec  les  héréti- 
ques il  n'y  a  point  de  ménagements  à  gar- 
der ;  que  les  prédicateurs  de  la  tolérance, 
en  pareil  cas,  sont  les  ennemis  les  [ilus  dan- 
gereux de  la  vérité  et  de  la  religion.  Voy. 
Sozomène,  Hist.  ecclés.,  t.  IV,  c.  15  ;  Petau, 
Dogm.  Théol.,  t.  Il,  p.  45;  Tillemont ,  tom. 
VI,  p.  420. 

*  Liberté.  Dans  notre  Dictionnaire  de  Théo!,  mor. 
nous  avons  donné  une  notion  complète  de  la  liberté. 
Nous  allons  consacrer  ici  une  suite  d'articles  à  la  li- 
berté des  anges,  des  bienheureux,  des  damnés  ,  de 
Dieu,  de  Jésus-Christ  et  de  l'homme. 

*  Liberté  des  A.nges.  On  appelle  anges,  les  créatu- 
res intelligentes  supérieures  à  l'homine,  desquelles 
il  est  fait  mention  dans  les  saintes  Ecritures.  A  la 
différence  de  l'âme  humaine,  les  anges  n'ont  aucun 
union  bypnslalique  avec  la  matière  ;  ce  sont  de  purs 
esprits  :  telle  est  du  moins  la  croyance  commune, 
surtout  depuis  le  quatrième  concile  général  de  La- 
Iran,  qui  paraît  l'avoir  adoptée.  Parmi  les  anges,  les 
uns  demeurèrent  fidèles  a  Dieu,  les  autres  lui  déso- 
béirent. Les  premiers  méritèrent  la  béatitude,  telle 
est  la  tradition  générale  ;  ce  qui  est  encore  plus  cer- 

aucune  part  à  la  seconde  de  Sirmium.  Les  Occiden- 
taux seuls  la  composèrent  :  encore  étaient-ils  en 
très-petit  nombre,  au  plus  cinq  ou  six  ;  au  lieu  que 
celle  que  Libère  approuva  avait  été  dressée  par  plu- 
sieurs évèques,  savoir,  par  vingt-deux,  ainsi  que  le 
dit  saint  llilaiie.  Le  titre  de  catholique  que  Libère 
donne  à  la  formule  qu'il  souscrivit,  marque  encore 
que  ce  n'a  pu  être  la  seconde  de  Sirmium,  qui  eut  à 
peine  vu  le  jour,  que  ceux  qui  l'avaient  composée 
tachèrent  de  l'ensevelir  dans  les  ténèbres,  tant  elle 
avait  causé  de  scandale,  même  parmi  les  ennemis  de 
la  vérité.  Au  contraire  la  première  de  Sirmium,  en 
551,  pouvait  passer  pour  orthodoxe  ;  car,  excepté  le 
terme  de  consubstantiel  qui  ne  s'y  trouvait  pas,  elle 
n'avait  rien  qui  fût  répi'èliensible.  Saint  llilaire  la 
trouvait  uelle,  exacte  et  précise,  propre  à  éloigner 
toutes  les  anibiguités  ;  et  si  dans  la  suite  il  la  traita 
de  perfidie,  c'est  qu'elle  en  avait  fourni  l'occasion, 
les  évèques  ariens  s'en  étant  servis,  soit  pour  faire 
tomber  la  foi  du  coiisitbslwitiel,  qui  n'y  était  pas  ex- 
primé, soit  pour  détacher  les  évèques  orthodoxes  de 
la  communion  de  saint  Athanase.  Enfin,  selon  Sozo- 
mène, Libère  étant  venu  à  Sirmium  en  358,  y  signa 
la  condamnation  de  tous  ceux  qui  ne  reconnaissaient 
pas  le  Fils  semblable  au  Père  en  essence  et  en  tou- 
tes choses.  Est-il  à  présumer  qu'il  en  aurait  agi 
ainsi,  s'il  avait  signé  quelque  temps  auparavant  la 
seconde  formule  de  Sirmium,  dans  laquelle  il  est  dé- 
fendu de  parler  de  l'unité  ni  de  la  ressemblance  de 
substance,  sous  prétexte  qu'il  ne  nous  est  pas  pos 
sible  de  connaîire  la  génération  du  Verbe.  >  (Dom 
CeUier,  iiU'.  gin.  di'$  auteurs  tacr.  el  eccUi.,  t.  V.) 


265 


LIB 


LIB 


26f> 


tain,  c'est  que  les  mauvais  anges  méritèrenl    leur 
daninalidii.  El  romine  des  cires  dépourvus  de  lilierlé 
uc  peuvenl  mcrilcr  ni   récompense   ni  punition,  les 
bons  cl  les  mauvais  anges  ont  docc  reçu  de  Dieu  \m 
libre  arbitre  l'X  nirnie  un  libre  arbitre  nioralcineul 
flc\ible  au  bien  et  au  mal.  Si  les  bons  anges  n'eus- 
sent pas  clé  soumis  à  la  tentation,  s'ils  eussent  tou- 
jours été  plus  enclins   au   bien  qu'au  mal,  où  serait 
le  mérite  de  leur  persévérance.  Quant  aux  anges  qui 
oui  péché,  leur  chute  démontre  qu'ils  éprouvèrent 
dans  leur  for  inici  leur  une  sollicitation  à  faire   ce 
qu'ils  devaient  oinclire  ou  à  omettre  ce  qu'ils  de- 
vaient faire  :  sans  cela  ils  eussent   persévéré   daiis 
le  devoir,  leur  chute  n'eût  pas    eu  lieu,  car  jamais 
lélre  intelligent  ne   s'écarlc   sciemment   du    devoir 
que  par  la  dillicullé  ((u'il    trouve  à   le   suivre.  Plus 
sollicité  iulérienrement   à  considérer  sa   propre  ex- 
cellence (juc  Dieu  dont  il  la  lenail,  l'auge  a  pu  con- 
ccnlrer  ses  regards  en  lui-même,  cesser  de  voir  cl  de 
sentir  Dieu  connue  auparavant  :  dès    lors,  épris  de 
l'amour  de  lui-iurmc,  l'ange  a  pu    s'oublier  justpi'à 
vouloir  vivre  indépendant  de  son   créateur.  On  doit 
appli<iuer  à  nos  premiers  parents  ce  ((ue  nous  disons 
ici  de  la  liberté  el  de  la  cbule  des  anges.  l'nisiiue  nos 
premiers  parents  ont   péché,  ils   étaient  libres  et  ils 
furent  tentés.  Jamais  Eve  n'eût  écouté  le  serpent,  ja- 
mais Adam  n'eiU  cédé  à  son  cp(mse,  si   Inn  el  l'au- 
tre n'eussent  clé    sollicités  à  celte  fatale  condescen- 
dance par   une    lentalion  véiitablemenl   inlérieurc. 
Sans  doute  la  concupiscence  n'existait  pas  dans  l'é- 
tat   d'irniocencc.    L'iiomme    el   l'ange   innocent    ne 
|>ortaii'nl  pas  comme  nous  en  cux-rncmes  une  source 
licrnianente  de   lenlations  ;    mais  il  pouvait    arriver 
que  par  l'ellél  de  certaines  circonstances   ils  fussent 
niomentanément  plus  inclinés  vers  les  créatures  que 
vers  le  créateur,  el  sentissent    (pielque   dillicullé  à 
garder  la  loi  divine  :  cela  sullil  et  même,  seh)i\  nous, 
est  nécessaire  pour  bien  expliquer  comme:il  les  uns 
s6nl  tombés  dans  le  péché,  et  comment  les  autres  ont 
vraiment  mérité  de  devenir  inqieccahlcs.  Nous  dirons 
plus  bas  ce  (ju'est  devenue  la  liberté  dans  les  anges 
conlirmés  eu  grâce  el  dans  les  anges  prévaricateurs. 
(V  oy.  Lib.  des  bienh.  et  lib.  des  damnés.)  Une  seule 
(piestion    demande   à   être    traitée  ici  brièvement. 
L'ange  adhère-t-il  iuMunablcmenl  à  ce  qu'il  a  choisi 
une  fois?  Oui,  rcponilcnt  saint  Thomas   et  ses  dis- 
ciples :  <  Comme  donc,  conclut  le  docteur  angfli(pie, 
comme  les  bons  ajiges  en  adhérant  une  fois  à  la  jus- 
lice  ont  été  conlirmés  en  grâce,  ainsi  les  mauvais  en 
péchant  ont  été  obstines  dans  le  péché.  »  (Sitm. ,  1" 
part.,  q.  71,  a.  2.)  Saint  Thomas   entend   ([ue   l'im- 
peccabililé  suive  de  l'acte  bon  connue    robslination 
suit  de  l'acte  mauvais,   naturellemenl  et   sans  une 
inlcrvenlion  particulière  de  Dieu,  il   s'écarte  de   la 
tradition  qui  nous  présente  l'inipeccabililé  des  saints 
anges  comme  un  don  spécial  de  Dieu  el  accordé  en 
vue  de  leurs  mérites.  Et  cependant  n"esl-il  pas  vrai- 
semblable que  les  bons  anges  ont  pris  au  moins  une 
fois  la  r»  solution  d'obéir  en  tout   à   Dieu   :  or,  s'ils 
l'ont  prise  el  (|ue  de  leur    nature    ils  y   persévèrent 
iminuablemenl,  comme  cette  résolution  est  essentiel- 
lement opposée  à  tout  péché,  ils  sont  devemis  inq)ec- 
cables  naturellement  el  non  par  l'action  surnaturelh! 
de  Dieu  (pii  voulait  les  récompenser.  Celle  objection 
contre  le  syslcme  des  thomistes  nous  |)arail  plus  for- 
te que  les  preuves  dont  ils  l'élayeni.  En  conséquence, 
nous  rejetons  ce  système  el   préférons   croire,  avec 
la  plupart  des  théologiens ,  que  l'ange    de  sa  nature 
n'adhère  pas  immuablement  à  un  parti  pris  et  peut 
revenir  sur  um^  première  résolution. 

*LiBt;iiTi';i>i:s  1!if.nuei;uki;x.Nous  appelonsbienlieii- 
reux  les  anges  el  les  âmes  humaines  qui  voient  Dieu 
et  jouisseul  de  la  béatitude  surnaturelle.  Toute  la 
théologie  est  d'accord,  avec  saint  Augustin,  pour  pro- 
clamer la  liberté  des  bienheureux  et  la  dire  plus  par- 
faite que  celle  des  voyafscurs,  des  créatures  encore 
sur  la  voie  et  nonau  tenue  dubonheur.  «  La  première 

DicTioN'>.   Dr,  Théol.  dogmatique.  111. 


liberté,  dit  saint  Augustin,  a  été  de   pouvoir  ne  pas 
pécher  ;  la  dernière,  beaucoup  plus  grande,  sera  de  ne 
potivoir  pas  pécher  >  {De  Correp.   et  lirat.  cap.,  ii); 
mais  la  liberté  des  bienheureux  est-elle  exemple  de 
n  .cessité;  consiste-l-ellc  dans  le  pouvoir  d'agir  el  de 
n'agir  pas.  Sauf  un  très-petit  nondtre  de  docteurs  qui 
paraissent  le    nier,  tous   s'accordent  à  l'aflirmer.  Il 
est  de  foi  que  les  bienheureux   ne  commeUronl  ja- 
mais de  péché  qui  les  exclut  du  ciel.  Mais  sonl-ils 
dans  une  impuissance  absolue  de  pécher?  Oui,  selon 
un  grand  nombre  de   théologiens.  Plusieurs  même 
restreignent  aux  choses  indifférentes  ou  d'égale  bonté 
le  libre  arbitre  des  bienheureux  qui,  selon  eux,  font 
nécessairement  tout  ce  qu'ils    savent  être   le   plus 
agréable  a  Dieu.  Pour  nous,  nous  préférons  le  senti- 
ment des  scotisles  :  nous  croyons   avec  eux  que  les 
bienheureux  peuvent,  rigonreusement  parlant,  s'abs- 
tenir de  ce  qu'ils  font,  même   d'aimer  Dicii,  encore 
peut-être  qu'ils  soient  dans  une  impossibilité  absolue 
de  faire  le  contraire.  Car  si  les  bienheureux  sont  né- 
cessités à  faire  le  meilleur  ou  à  accomplir  les  ordres 
de-Dieu,  dès  lors  ils  les   accomplissent  sans  dignité 
morale,  comme  sinq)les  instruments  de  Dieu,  connue 
le  soleil  les  accomplit,   el  la  béatitude  a    rétréci  la 
sphère  de  leur  liberté,  bien  loin  de  l'agrandir.  Il  est 
bien  plus  digne  des  bieidieureux,  el  conséquemment 
de  la  bonté  divine,  que  Dieu  les  détermine  infailli- 
blement au  bien,  mais  non  pas  nécessairement.  Pour 
que  les  saints  obéissent  toujours  à  Dieu,  il  n'est  pas 
nécessaire  de  leurôlcr  le  pouvoir  absolu  de  désobéir, 
il  sullit  que  l'obéissance   leur   soit  rendue  toujours 
plus  facile  et  plus  agréable   que  la  désobéissance  : 
ou,  si  l'on  aime  mieux,  il  sullit  que  Dieu  leur  accorde 
la  grâce  eflicace  pour  chacune   de   leurs    actions. 
Connnenl,  dira-t-on,  supposer  qu'en   voyant  le  sou- 
verain  bien,  les  saints  ne  rcsscnienl  pas  invincible- 
ment de  l'amour  pour  lui  ?  Sans  doute  la  vue  de  Dieu 
cause  inévitablement  aux  bienheureux  une  joie  inef- 
fable et  un  désir  véhément  de  s'unir  à  lui;  et  jusque- 
là  le  bienheureux  n'a  pas  à  exercer  sa  liberté;  mais  il 
peut  consentir  librement  à  cette  joie  et  à  ce  désir  pro- 
duit en  lui  ;  il  peut  se  porter  librement  vers  Dieu,  non 
en  tant  que  béaliliant  actuellement,  mais  en  tant  (|ue 
parlait  et  de  soi    aimable.  Ainsi  les   bienheureux  ai- 
ment Dieu  librement  par  un  motif  rationnel  et  desin- 
téressé, ils  exécutent  librement  les   orarcs  de  Dieu, 
et  cependant  ils  sont  impeccables. 

*  LiiuiiiTÉ  DES  Damnés.  Nous  entendons  par  damnés 
seulement  les  anges  et  les  âmes  humaines  qui  sont 
condamnés  aux  châtiments  éternels  à  cause  de  leurs 
propres  péchés.  Nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  de 
l'état  où  se  trouvent  les  âmes  privées  pour  toujours 
de  la  vision  béatifique  pour  le  seul  péché  originel  : 
nous  dirons  cependant  qu'elles  n'ont  pas  la  liberté 
de  gagner  le  ciel,  que  probablement  elles  jouissent  de 
la  liberté,  au  moins  dans  la  sphère  du  bien  naturel, 
el  qu'on  irait  contre  toute  vraisemblance  si  l'on  sup- 
posait qu'elles  blasphèment  Dieu  sans  cesse  Quant 
aux  damnés  proprement  dits,  il  est  de  fait  qu'ils  iio 
feront  jamais  une  pénitence  qui  les  délivre  de  l'enfer, 
et  tous  les  théologiens  s'accordent  à  dire  qu'ils  sont 
privés  de  tout  secours  surnaturel,  et  par  la  dans 
rimpiiissance  absolue  de  faire  aucune  bonne  action 
de  l'ordre  surnaturel.  Kelalivcraeiit  aux  bonnes  ac- 
tions de  l'ordre  naturel,  ils  ne  peuvent  pas  non  plus 
en  faire  selon  le  sentiment  le  plus  commun,  et  ils 
pèchent  en  toutes  leurs  actions,  soit  parce  qu'ils  sont 
seulement  dans  l'iuipuissancc  morale  d'éviter  le  pé- 
ché, soit  aussi  parce  qu'ils  sont  libres  dans  la  sphère 
du  mal,  conmie  les  bienbcureu.x  le  sont  dans  celle  du 
bien  :  pouvant  s'abstenir  de  l'acte  individuel  et  mau- 
vais (juils  font,  ils  pèchent  véritablement,  mais  ne 
méritent  pas  un  accroissement  de  peines  parce  qu'ils 
le  sont  jdus  à  l'état  d'épreuve.  (  Voy.  Suarès,  de 
Angelis;  Bellarmin,  de  Gral.  et  lib.arbit.,  etc.,  qui 
adoptent  cette  opinion).  Nous  admettons  volontiers 
que  les  damnés  pèchent  librement  et  qu'ils  pèch-înt 

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souvent.  Ces  continuelles  rechutes  expliquent  très- 
bien  le  continuel  abandon  de  Dieu  et  la  continuité 
des  tourmens  qu'ils  endurent.  Scol  et  Durand  ne  re- 
gardent pas  comme  prouvé  que  les  damnés  pèchent 
en  toutes  leurs  actions  :  nous  sommes  de  leur  avis. 
Il  est  peu  vraisemblable  qu'une  âme  naturellement 
honnête  et  religieuse,  damnée  pour  quelque  laute 
grave  sans  doute,  mais  impliquant  plus  de  faiblesse 
que  de  malice,  soit  au  premier  instant  de  sa  damna- 
tion changée  au  point  de  ne  savoir  plus  que  mar.dire 
Dieu  et  vouloir  le  mal.  Eh  bien!  il  est  à  présumer, 
chose  terrible  à  penser,  que  probablement,  si  Dieu 
n'y  met  obstacle,  la  corruption  et  la  malice  des  dam- 
nés, et  conséquemment  leurs  peines,  iront  éternelle- 
ment s'accroissant. 

*  LiBEHTÉ  DE  Dieu.  1.  C'est  une  ffttestiOTi  grave  et 
difficile  que  nous  ne  pouvons  qu'effleurer  ici.  La  li- 
berté de  Dieu  a  élé  fort  souvent  dénaturée  ou  même 
niée  formellement.  Les  stoïciens  paraissent  n'avoir 
admis  en  Dieu  qu'une  liberté  exemple  de  contrainte  : 
et  cela  devait  être,  puisque  leur  Jupiter  ou  Dieu  su- 
prême, c'est  le  grand  tout,  l'àme  universelle  qui  in- 
forme le  monde.  Les  panthéistes  modernes  croient 
aussi,  avec  Spinosa,  que  Dieu  agit  en  tout  par  néces- 
sité de  natuie.  En  plusieurs  endroits  de  ses  ouvra- 
ges, M.  Cousin  a  enseigné  que  la  création  est  néces- 
saire, quoique  plus  tard  il  ait  expliqué  cette  néces- 
sité d'une  souveraine  convenance  qui  peut-être  en  dif- 
fère peu.  Mais,  avec  tous  les  catholiques,  nous  allons 
prouver  que  vis-à-vis  de  la  création  et  dos  créatures 
Dieu  jouit  d'une  liberic  exempte  de  nécessité.  Nous 
disons  vis-à-vis  de  la  création  et  des  créatures;  car 
nous  convenons  que  Dieu  n'est  pas  libre  de  se  con- 
naître et  de  ne  se  connaître  pas,  d'être  en  une  seule 
ou  en  trois  personnes,  etc. 

2.  La  liberté  de  Dieu  est  une  vérité  sinon  de  fait, 
du  moins  théologiquement  certaine  ;  car  l'Ecriture 
sainte  nous  représente  sans  cesse  Dieu  agissant  com- 
me il  veut,  proui  vuU  (I  Ci.r.  viii),  faisant  toutes  cho- 
ses selon  le  dessein  de  sa  volonté,  iecnndum  consJium 
volunlatissuœ  {Eph.  i  ).  Or  ces  expressions  dénotent 
évidemment  un  agent  libre ,  une  action  libre , 
car  elles  ne  désignent  que  cela  dans  le  langage  or- 
dinaire, et  l'Ecriture  emploie  toujours  le  langage  or- 
dinaire ;  piout  vutl,  c'est-à-dire,  explique  trcs-bien 
saint  Ambroise,  selon  l'arbitre  de  sa  libre  volonté, 
et  non  pour  obéir  à  la  nécessité,  pro  liberœvoluiiiaiis 
arbiliiii  non  pro  necessitaiis  obsequio  {L.  u  de  Fide, 
c.  3).  Les  saints  Pères  sont  unanimes  à  professer  que 
Dieu  n'a  pas  créé  le  monde  nécessairement  et  qu'il 
a  pu  faire  autre  chose  que  ce  qu'il  a  fait.  Abélard  et 
Wiclef,  qui  niaient  la  liberté  divine,  ont  été  condam- 
nés, le  premier  par  le  concile  de  Sens,  et  le  second 
par  celui  de  Constance.  Enfin,  la  plupart  des  théolo- 
giens déclarent  non-seulement  certaine,  mais  même 
de  fait  l'existence  en  Dieu  de  la  liberté  de  contin- 
gence.—  Certes  le  pouvoir  d'agir  et  de  n'agir  pas  est 
une  perfection  véritable.  Réaliser  le  bien  toujours  et 
librement  est  plus  parfait  que  de  le  réaliser  par  né- 
cessité de  nature.  Disons  mieux  :  il  n'y  a  aucun  mé- 
rite, aucune  dignité  morale  à  faire  le  bien  nécessai- 
rement :  on  n'est  pas  plus  digne  d'éloges  pour  cela, 
que  le  soleil  qui  nous  éclaire  et  nous  échauffe.  Ainsi 
nier  la  liberté  de  Dieu,  supposer  qu'il  agit  nécessai- 
rement, c'est  refuser  à  Dieu  une  perfection  qu'il  a 
donnée  à  sa  créature,  c'est  ôter  à  Dieu  toute  dignité 
morale,  le  dépouiller  de  sa  justice,  de  sa  sainteté,  de 
sa  bonté,  et  par  suite  c'est  rendre  la  reconnaissance 
à  l'égard  de  Dieu  et  la  religion  en  général  ridicules 
ou  impossibles. — Si  Dieu  est  nécessité  à  créer,  tout  ce 
qui  existe  est  nécessaire,  il  ne  peut  y  avoir  une  étoile 
ni  un  vermisseau  de  plus  ou  de  moins  ;  Dieu  ne  peut 
faire  que  ce  qu'il  fait,  il  ne  peut  pas  remuer  le  fétu 
de  paille  qui  est  en  repos.  —  Si  Dieu  est  nécessité 
ou  mû  invinciblement  à  créer,  c'est  qu'il  n'a  pas  tout 
te  qu'il  lui  faut,  c'est  qu'il  lui  manque  quelque  chose 
ou  que  son  être  n'est  pas  complet  ;  car  s'il  était  com- 


pletj  il  serait  infini,  se  suffirait  à  lui-même  et  n'as-  ' 
{tirerait  pas  invinciblement  a  quelque  autre  chose. 
Donc,  à  moins  d'admettre  le  panthéisme  qui  suppose 
les  créatures  parties  intégrantes  de  l'essence  divine 
et  qui  divinise  les  Crimes  comme  les  vertus, puisqu'il 
suppose  que  tout  est  Dieu  ou  œuvre  nécessaire  et 
immanent  de  l'essence  divine,  nous  devons  reconnaî- 
tre que  les  créatures  ne  sont  point  nécessaires  à  la 
perfection  divine,  que  Dieu  peut  être  et  se  maintenir 
parfait,  heureux  sans  elles,  qu'ainsi  il  peut  se  passer 
de  toute  créature,  et  que  s'il  a  créé,  ce  n'est  pas  par 
besoin,  par  nécessité,  mais  par  un  choix  (ntièremëut 
libre. 

3.  Une  objection  contre  la  liberté  de  Dieu,  c'est 
que  la  substance  divine  étant  nécessaire  n'est  pas 
susceptible  d'une  modification  contingente,  d'un  acte 
libre  par  conséquent.  Mais  la  réponse  est  facile.  La 
substance  divine  est  nécessaire,  en  ce  qu'elle  ne 
peut  être  anéantie  ni  même  altérée.  Or,  encore  qu'elle 
veuille  créer  ou  ne  pas  créer,  qu'elle  fasse  ceci  ou 
cela,  elle  ne  subit  aucune  altération.  Ainsi  notre 
âme  demeure  immuable  dans  sa  substance  malgré  la 
variété  de  ses  pensées  et  de  ses  sentiments.  La  sim- 
plicité absolue  de  Dieu  s'oppose,  direz-vous,  à  toute 
distinction  réelle  entre  l'action  créatrice  et  la  sub- 
stance divine;  eonséquemraent  l'action  créatrice  étant 
idendique  à  la  substance  est  nécessaire  comme  elle. 
H  est  vrai  que  les  saints  Pères  et  la  plupart  des  théo- 
logiens n'admettent  pas  que  l'action  créatrice  soit 
distincte  réellement  de  la  substance  divine  ;  et  l'on 
ne  doit  pas  s'en  étonner,  puisque  beaucoup  de  phi- 
losophes regardent  la  tristesse  et  la  joie,  l'aflirma- 
tion  et  la  négation  comme  indistinctes  réellement 
entre  elles  et  de  notre  âme.  Ce  qu'il  y  a  de  certain, 
c'est  que  la  force,  malgré  sa  simplicité,  peut  agir  di- 
versement; qu'on  suppose  distincte  ou  non  réellement 
d'elle  son  action  et  ses  produits  immanents  :  ce  qu'il 
y  a  de  certain,  c'est  qu'on  ne  doit  point  toujours  af- 
firmer de  la  force  ce  qu'on  peut  alHrmer  de  ses  opé- 
rations. Notre  force,  notre  moi  est  un  et  permanent  ; 
et  ses  opérations  ne  sont-elles  pas  multiples  et  pas- 
sagères. Donc,  encore  que  la  substance  divine  soit 
nécessaire,  l'action  créatrice  peut  être  contingente 
ou  libre.  Dieu  est  incapable  de  changements  qui  sup- 
posent une  altération  dans  sa  substance,  une  compo- 
sition de  parties,  une  imperfection  ;  et  nous  avons 
vu  que  l'acte  créateur,  pour  être  libre,  n'introduit  eu 
Dieu  ni  altération  ni  composition  de  parties. 

4.  Mais  la  contingence  de  l'acte  créateur  ne  suppo- 
se-t-elle  pas  une  imperfection,  la  possibilité  pour 
Dieu  de  manquer  à  sa  sagesse  ?  Car  si  Dieu  a  créé, 
c'est  sans  doute  qu'il  a  jugé  meilleur  de  créer  que  de 
ne  pas  créer,  autrement  il  eût  agi  ;i  l'aventure  ou  con- 
tre sa  sagesse  :  Dieu  a  donc  été  déterminé  invinci- 
blement à  créerpar  la  raison  du  meilleur,  et  il  n'a  pu 
s'en  abstenir  sans  cesser  d'être  infiniment  sage.  Voi- 
ci notre  réponse  :  1°  Supposé  que  Dieu  ait  jugé  meil- 
leur de  créer  ce  monde  que  de  ne  le  pas  créer,  il 
ne  suit  pas  évidemment  qu'il  ait  été  nécessité  à  le 
créer;  2° Si  cela  suivait  évidemment,  il  faudrait  rejeter 
sansbalancerl'hypothèsedu  meilleur,  laquelleest  loin 
d'être  démontrée.  Premièrement,  supposons  que  Dieu 
ait  jugé  plus  digne  de  lui,  meilleur  de  créer,  la  création 
en  devient-elle  nécessaire  ?  Non,  car  ce  jugement  di- 
vin n'a  pu  nécessiter  Dieu  à  créer,  qu'autant  qu'il 
est  cause  efficiente  de  l'acte  créateur  :  or  il  n'est  pas 
prouvé  qu'il  en  soit  cause  efficiente.  L'eniendemcnt 
divin,  pas  plus  que  le  nôtre ,  n'est  opératif  par 
lui'niême,  il  ne  suffit  ni  à  Dieu  ni  à  nous  de  conce- 
voir les  choses  pour  les  produire  :  autrement  Dieu 
qui  connaît  une  multitude  de  mondes  qui  ne  peuvent 
coexister  les  eût  produits  en  les  concevant  et  par  là 
eût  réalisé  l'impossible.  Nos  pensées,  il  est  vrai,  en- 
gendrent des  sentiments  plus  puissants  qu'elles  sur 
notre  volonté  ;  mais  notre  volonté  demeure  ordinai* 
rement  maîtresse  de  suivre  ou  de  ne  pas  suivre  ces 
sentiments,  lesquels  ne  nécessitent  pas  la  volonté,  à 


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LIB 


Llîî 


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moins  qu'ils  ne  soient  plus  forts  qu'elle.  Donc,  en- 
core (pie  Diciijiige  meilleur  de  créer  le  irinn(l(!  que  de 
ne  le  pas  créer,  et  que,  par  suile  de  ce  jugeuienl,  il 
soit  incliné  à  créer  le  monde,  il  n'y  est  pas  nécessite 
pour  cela  :  celte  inclination  n*  pourrait  nécessiter  sa 
volonté  divine,  qu'autant  qu'elle  serait  plus  foric 
que  cette  volonté,  plus  que  toute-pnis-ante.  Donc 
Dieu  pouvait  n'être  pas  nécessité  à  la  création,  encore 
qu'elle  lui  apparut  le  parti  le  plus  digne  de  ses  divins 
attributs.  Secondement,  si  vous  ne  conceve/.  pas  que 
Dieu  ait  fait  librement  ce  ((u'iljugeait  meilleur  de  faiie 
que  d'omellre,  diies  alors,  vous  le  pouvez  sans  absur- 
dité, dites  (ju'il  a  jugé  également  digne  de  lui  de 
créer  et  de  ne  pas  créer,  de  créer  ce  monde  et  d'en 
créer  un  autre.  11  n'est  peut-être  aucun  monde 
qui  n'eiU  une  infinité  d'égaux.  Ne  pouvez-vous  pas 
supposer  dans  le  monde  aciuel  une  intiniié  de  clian- 
geniculs  partiels  qui,  sans  nuire  à  la  perl'ccliou  du 
tout,  feraient  des  mondes  dilTi'rents  de  celui-ci; 
car  vous  n'afllrniez  pas  sans  doute  (pie  Dieu  ne  peut, 
sans  rendre  le  monde  moins  parlait,  cr.  er  un  seul 
individu,  un  seul  atome  difl'ércnt  de  ceux  (pii  e.vis- 
lent,  donner  une  grâce  de  plus,  enipfclier  un  seul 
des  péchés  qu'il  laisse  eommettie,  etc.  Ainsi  le  mon- 
de actuel,  ii'eClt-il  pas  de  supiM-ieurs,  piurrait  avoir 
des  égaux  :  ainsi  ne  méiilaut  pas  la  préférence  sur 
cenx-ci,  il  n'a  pu  obliger  Dieu  a  le  choisir  pré'erablc- 
mcnt  aux  autres.  II  pouvait  être  indifférent  à  Dieu 
de  créer  et  de  ne  pas  créer,  parce  qu'il  ne  pouvait 
rien  faire  qui  ne  fût  inliniinent  distant  de  lui,  parce 
qu'en  ne  créant  pas  il  se  prouvait  magnilicpiement  à 
lui-même  sa  supieme  indépendance,  sa  souveraine 
suffisance.  Il  pouvait  rire  indilTerenl  a  créer  ce  mon- 
de ou  à  en  créer  un  antre;  car  il  n'est  pas  prouvé 
que  ce  monde  n'ait  pas  d'égaux,  et  même  de  supé- 
rieurs ;  car  un  monde  qui  n'a  pas  de  supérieur  dans 
tous  les  possibles  devrait  être  infini  absolument,  égal 
à  Dieu.  Mais  un  monde  si  parfait  ((u'on  le  suppose 
est  toujours  inlinimcnt  distant  de  Dieu  ;  donc  on  peut 
concevoir  un  monde  plus  ressemblant  à  Di(!U,  mani- 
festant davantage  les  perfections  divines,  et  meilleur 
par  conséquent.  Selon  celte  manière  de  raisonner 
qui  n'est  pas  à  mépriser,  puisqu'elle  a  plu  à  Bossuel, 
à  Fénélon,  etc..  Dieu  n'est  pas  tenu  au  et  meilleur 
absolu,  parce  que  le  meilleur  est  impossible.  Donc  il 
ne  répugne  pas  que  Dieu  agisse  librement,  fasse  autre 
chose  (|u'il  fait,  puis(pi'il  peut  laire  aillremenl  et 
aussi  bien. 

♦  LiBEiiTÉ  DE  jÉsus-CiiKiST.  Coiiime  Jésns-Christ  est 
à  la  fois  Dieu  et  homme,  il  possède  la  liberté  divine 
et  la  liberté  humaine.  Pour  la  liberté  divine,  voyez 
LiBKKiÉ  i)E  DiF.ii.  Pour  la  liberté  humaine  qui  Vst 
semblable  à  celle  des  bienheureux,  il.  nous  sulliiait 
de  renvoyer  ii  la  Libluté  mes  Bieniieureux.  Ajoutons 
cependant  quelciuesmols.  La  liberté  de  Jésus-Christ, 
en  tant  que  liomnie,  a  beaucoup  exerce  les  théologiens, 
qui  n'ont  pu  s'accorder.  On  est  d'accord  que  l'huma- 
nilé  du  Sauveur  jouissait  de  la  vision  héatilique  et 
était  impeccable  au  premier  instant  même  de  sa  con- 
cepiioii.  On  convient  encore  (pi'elle  pouvait  libre- 
ment et  indilléremmenl  choisir  l'un  quelconque  de 
plusieurs  biens  égaux  sous  tous  les  rapports.  Mais 
clail-elle  libre  vis-à-vis  des  commandements  de  Dieu  ? 
Non,  disent  un  grand  nombre  de  théologiens.  Alors 
comment  Jésus-Chi  isl  a-t-il  pu  mériter  par  sa  pas- 
sion, par  sa  mon,  comme  il  est  certain  ipi'il  a  mérité 
par  là  ?  Quelques-uns,  avec  Gihieuf  et  Thomassin, 
oiatorieiis,  veulent  que  Jésus-Christ  ait  mérité  par 
cela  seul  qu'il  a  agi  volontairement ,  la  liberté 
exemple  de  nécessiié  :  la  lilierlé  de  contingence  n'é- 
tant pas  requise  pour  le  niériie  dans  Ttiai  d'imio- 
cCHce.  -Mais  cette  manière  de  résoudre  la  difUculté 
est  généralement  inipiouvée.  Le  jésuite  lloltzclan, 
citant  pour  son  semiinent  saint  Anselme,  le  Père 
Pétau  et  d'autres,  prétend  ([ne  Jésus-Christ,  n'ayant 
point  re(,u  un  précepte  rigoureux  de  mourir,  a  clioisi 
librement  la  mon,  putequ'il  pouvait  la  lefuser  sans 


péché.  La  plupart  admettent  que  le  Sauveur  rei^iit  de 
son  Père  un  précepte  rigoureux  d'acceiiter  la  mort  ; 
mais  il  pouvait,  selon  les  uns,  en  demander  dispen- 
se, et,  selon  les  autres,  il  était  libre  (piant  aux  cir- 
conslances  et  non  quant  à  la  substance  du  précepte. 
Pour  nous,  avec  Sylvain,  Contenson,  etc.,  nous 
croyons  qu'il  accomplissait  librement,  sans  nécessité, 
les  ordres  de  son  Père  :  n(ms  pensons  même  qu'il 
produisait  librement  des  actes  d'amour  de  Dieu  :  la 
raison  en  est  ([lU!  ni  les  ordres  de  son  Père,  ni  la  vue 
du  meilleur,  ni  la  motion  du  Verbe,  ne  nécessitaient 
l'huinanité  du  Sauveur  à  vouloir,  mais  seulement 
l'inclinaient,  sollicitaient,  mais  ne  produisaient  point 
son  assentiment  qui  dès  lors  était  exempt  de  néces- 
sité et  méiiloirc;  car  le  Vcibe  n'avait  nul  besoin  de 
nécessiter  riinmaniti'  pour  la  déterminer  infaillible- 
ment an  bien  et  au  meilleur. 

♦LiBÉiiTÉ  DE  l'homme.  L'homiue  agit  sans  avoIr  pu 
s'empêcher  d'agir,  et  alors  il  n'agit  pas  librement  ; 
d'antres  fois  il  agit  ayant  pu  ne  pas  agir,  il  veut  ayant 
pu  ne  pas  V(mloir,  il  prend  un  parti  ayant  pu  en  pren- 
dre un  autre;  il  se  montre  libre.  La  liberié  est  im 
fait  présent  à  nous-mêmes  comme  notre  pensée,  se 
faisant  sentir  à  tous  tellement,  que  le  commun  des 
hommes  y  croit  comme  il  croit  à  sa  propre  existence, 
et  que  nul  fataliste  n'a  jamais  pu  se  soustraire  com- 
plètement à  cette  croyance,  mettre  sa  con.luiie  habi- 
tuelle en  opposition  avec  cette  croyance.  La  liberié 
est  une  vérité  d'intiiilion  plulèt  que  de  raisonnement; 
la  prouver  par  le  raisonneineni,  c'est  s'éclairer  avec 
un  (lambeau  en  plein  midi.  Maintenant  que  j'écris  ces 
lignes,  je  sens,  à  n'en  pouvoir  douter,  que  je  puis 
cesser  d'écrire  ;  maintenant  que  je  m'occupe  de  la 
question  delà  liberié,  je  me  sens  le  maître  de  pensera 
antre  chose,  à  un  problèmede  gi'oinétric,  parexemple. 
Incliné  fortement  vers  le  malje  tiens  ferineet  demeure 
attaché  à  la  vertu;  la  passion  étant  calmée,  je  m'ap- 
plaudis intérieurement,  j'éprouve  lapins  douce  satis- 
faction. Mais  si  j'ai  la  fjiblesse  de  céder  à  la  tenta- 
tion, j'en  suis  puni  par  un  sentiment  pénible,  (pii  a 
son  nom  dans  toutes  les  langues,  et  (pii,  enfon(^ant 
dans  mon  cœur  sa  poinle  acérée,  m'oblige  malgré 
moi  de  me  reconnaitre  coupable.  Si  je  tombe  dans  un 
mal  inévitable,  j'en  sonOie,  il  est  vrai;  je  désirerais 
avoir  pu  l'éviter;  niais  je  ne  suis  pas  déchiré  par  cette 
pensée  désolante  :  tu  es  l'auteur  de  tes  souûrances, 
c'est  à  toi-même  qu'il  te  faut  les  imputer.  Tous  les 
hommes  avec  qui  je  vis  parlent,  agissent,  comme  s'ils 
étaient  libres,  aflirment  qu'ils  se  sentent  libres.  J'ai 
donc  lieu  de  conclure  que  le  sentiment  invincible  de 
la  liberté  existe  chez  eux  comme  chez  moi,  fait  par- 
tie de  la  nature  immaine  el,  par  conséquent,  est  com- 
mun à  tous  les  hommes.  Si  quelqu'un  avait  de  la 
peine  à  admettre  cttc  conclusion,  il  lui  serait  facile 
de  la  vérifier.  Les  langues,  les  institutions  civiles  ou 
religieuses  de  tous  les  peuples,  déposent  de  leur 
croyance  à  la  liberté.  Toutes  les  langues  ont  des 
expressions  pour  marquer  ce  (jui  dépend  de  nous  el 
ce  qui  n'en  dépend  point,  ce  qui  est  actif,  libre,  el  ce 
qui  est  passif,  nécessaire. Ces  expressions  si  commu- 
nes dans  notre  langue,  il  est  maître  de  soi,  il  sait  se 
commander,  etc.,  expriment  très-bien  la  liberté 
exempte  de  nécessité,  de  servitude.  Or,  elles  se  re- 
trouvent non  moins  fréquemment  chez  les  Grecs  et 
chez  les  Latins  qui  disent,  siù  compus.  T.  Liy.  ;  ski" 
po/i'Hs,  lior.  ;  sifci  iiiperatis,  Cic.  ;  l«uToi  â/>;^£(v, 
ÉyxpaTn  (xÙTov  éauTôO,  Plat.  etc.  Les  h(uninei  de  tous 
les  temps  et  de  tous  les  pays  n'ont-ils  pas  délibéré, 
formé  des  projets,  fait  des  promesses?  Or,  met-on 
en  délilKM-ation  ce  ((ui  ne  dépend  pas  de  soi,  si  l'on 
mourra  par  exemple;  formera-t-on  le  projet  de  voya- 
ger dans  la  lune ,  promettra-t-on  de  ressusciter 
les  morts?  Ainsi,  l'on  ne  projette,  l'on  ne  promet  se- 
sérieusement  que  ce  qu'on  croit  pouvoir  faire  ou 
omettre.  Et  c'est  ce  pouvoir  de  faire  ou  d  omettre, 
en  un  mot  le  libre  arbitre  qui  constitue  le  caractère 
moral,  obligatoire  d'une  promesse,  d'un  engagement 


271  ^^ 

quelconque.  Otez  la  liberté,  il  "'y  ;' P'A^  ^^  f  è'esl 
Sial  moral,  la  vertu  n'est  qu'un  nom.  La  vertu  es 

l^ï^iîSlI^rX^è'^^elnaf'Sine. 
Tous  les  sages  veulent  qu'on  soumette  les  passions  a 
la   ai  on.  Or  de  semblables  préceptes  sont  ridicules, 
à  YhZme  n'est  pas   libre,  car  la  raison  par  ellç- 
mènîemoTtreseul^ent  le  f -ir    .;.-,   beu  que  1 
uassion  par  elle-même  pousse  a  agir  .  si  rtonc      ii  y 
Ivai  pas  dans  l'homme  une  force   maîtresse  d  aiç.r 
suWan^t  les  lumières  de  la  raison  et  contre  les  nn- 
Sons  de  la  passion,  il  serait  ridicule  de  voulm 
que  celles-ci,  naturellement  plus  puissantes,  soient 
^ssuieities  à  celles-là.  Si  nous  ne  sommes  pas  hbies 
fouine  sommes  pas  obligés,  nous  .n'avons  doit  a 
rien-  car  on  ne   saurait  être  oblige  ou  avo  rUioit  a 
nmpo'sible  :  or,  dans  le  système  de  a  fatalité  nous 
pouvons  uniquement  ce  que  nous  faisons  ,  a  chaque 
Knl  donne  avec  ses  circonstances  il  nous  es  in- 
Dossible  d'agir  autrement  <iue  nous  agissons  .  si  je  ne 
vous  paye  pas,  c'est  que  je  ne  le  puis,  comme  s,  v.m 
ne  me  volez  point,  c'est  que  vous  ne  le  pouvez  pas. 
faisant   ce  qu'il   peut,    chacun  est  irrépréhensible, 
quoiqu'il  fasse  aussi,' est-ce  un  adage  d"  dimt  ro- 
main comme  du  droit  canonique  que,  nul  nés     enu 
à  l'impossible.  Aussi  devant  tous  les  tribunaux  et  dans 
tous   les    temps  ,  les  mêmes  crimes  ont  ele  punis 
plus  ou  moins,   selon  qu'ils  apparaissaient  commis 
avec  plus  ou  moins  de  liberté  :  et,)amais  on  n  a  dé- 
claré coupable  l'accusé,  d'avoir  fait  une  action  qu  e- 
videmment  il  n'avait  aucunement  dépendu  de  lui  d  e- 
viter,  et  cela  doit  être  :  «  Car,  dit   saint   Augus- 
tin,   avancer  qu'un   homme  est  coupable  pour  n  a- 
voir  pas  fait  ce  qu'il  ne  pouvait  pas  laire     cest    e 
comble  de  l'injustice   et  de  la  folie  .  {L,b.  de  duab. 
Anim  c  12  ).  Les  fatalistes  eux-mêmes  en  convien- 
nent. Ecoutons  l'un  d'eux,   Helvélius  :  «  L'homme 
d'esprit,  dit  ce  philosophe,  sait  que  les  homnies  sont 
ce  qu'ils  doivent  être  ;  que  toute  haine  contre  eux 
est  iniuste;  qu'un  sot  porte   des  sottises    comme  le 
sauvaMon  des  fruits  amers  ;  que  l'insulter,  c  est  re- 
procher au  chêne  de  porter  le  gland  plutôt  que  1  o- 
live  .  {Heiv.,  de  l'Esprit,  dise,  i,  c.  10).  Un  autre 
fataliste,  M.  Owen,  déclare  aussi  que  «  si  un  hoimne 
fait  mal,   ce  n'est  pas  à  lui  qu'il  faut  s  en  prendre, 
mais  bien  aux  circonstances  fatales  dont  il  a  ete  en- 
touré >  (  VUnivers   caihol.,   t.  V,  p.  538-9  ).  Ainsi 
conclurons-nous  avec  Diderot  :  «  Il  est  évident  que, 
si  l'homme  n'est  pas  libre,  il  n'y  aura  m  bien   m 
mal  moral,  ni  juste  ni  injuste,  m  obligation  ni  droit  » 
(  Enruclop.,  art.  droit  natur.  ).  Or,  des  conséquen- 
ces si  monstrueuses,  si  réprouvées  par  le  sens  com- 
mun de  l'humanité,  sufliraient  pour  laire   rejeler  le 
fatalisme,  quand  même  il  ne  serait  pas  en  opposi- 
tion avec  le  sens  intime  de  chacun,  du  lataliste  lui- 
même  ;  car  le  lataliste  croit  malgré  lui  a  la  liberté, 
il  se  reproche  une  imprudence  volontaire ,  les  crimes 
qu'il  peut  commettre.  Si  sa  femme  lui  devient  inli- 
I  dèle,  et  qu'elle  prétende  avoir  été  nécessitée  par  un 
■  amour  involontaire  ;  si  la  personne  qui  le  vole  allè- 
gue son  impuissance  de  résister  à  la  tentation,  notre 
fataliste  se  paiera-t-il  d'une  pareille  excuse  ?  Puis- 
que le  fatalisme  est  en  opposition  avec  le  sens  intime 
de  tous  les  hommes,  puisqu'il  sape  la  morale  par  sa 
base,  il  devient  inutile  de  prouver  son  oppositon  avec 
les  enseignements  de  la  religion.  Toute  religion    re- 
connaît une  distinction  entre  le   vice  et  la  vertu,  la 
responsabilité   des    hommes  devant    la  Divinité  qui 
les   punit  et  les  récompense  selon   leurs  mérites. 
Donc   tout»  religion   implique   la  liberté  sans  la- 
quelle l'homme  n'est  pas  plus  responsable  de  ses  ac- 
'    tes  que  l'arbre  ne  l'est  de  ses  fruits,  puisque  tous  les 
deux  agissent  avec  une  égale  nécessité.  Aussi  est-ce 
un  dogme  de   foi  pour   tous    les    catholiques   que 
l'homme  est  libre,  exempt  de  toute  nécessité,  même 
sous  l'action  de  la  grâce  ou  sous  celle  de  la  concu- 
piscence :  Luther,  Calvin  ,  Jansénius.  ipii  faisaient 


LIB 


Î72 


de  l'homme  déchu  un  automate  détermine  irrésisti- 
blement en  tout  parla  grâce  ou  par  »  concupiscence, 
c'est-à-dire  pour  chaque  cas  par  ce  le  des  deux  qui 
se  trouve  la  plus  forte,  ont  ete  solemiellement  de- 
sapprouvés par  l'Eglise.  Certes,  le  catholicisme ,  et 
même  le  grLnd  Augustin  ,  dont  les  novateurs  invo- 
"^aienl  vainement'  rautorité,.sefussen  bien  gar- 
dés d'admettre  la  doctrine  impie,  ""niorale  di  la  a- 
tisme.  .Avais-je  besoin  de  scruter  ces  livres  obscuis, 
dit  îe  docteur  de  la  grâce  ,  pour  savoir  que  personne 
n'est  digne  de  blâme  ou  de  supplice  .  P^H^c  q"  '' "  'J 
pas  fait  ce  qu'il  ne  pouvait  pas  laire  ?  .  N  est- c«  pas 
là  ce  que  chantent  les  bergers  sur  les  montagnes,  et 
les  poètes  sur  les  théâtres,  et  les  ignorants  dans  les 
carrefours,  et  les  savants  dans  les  bibliothèques  et 
ks  (fvoques  dans  la  chaire  ,  et  le  genre  humain  dans 
tout   l'univers.  (  Lib   de   Anim.   n  )• .    ,       .      , 

Ne  dites  pas  que  Augustin  a  changédc  doctrine  lors- 
qu'il  lui  fallut  combattre  non  plus  les  manichéens,  mais 
Pélat-e  et  ses  disciples.  Car,  il  vous  repondra  :  .  C  est 
pour  imposer  aux  autres  et  à  vous-même  que  vou» 
Jarle    ainsi  ;  si  quelqu'un  dit  Mue  les  homnies  on    « 
libre  arbitre  ou  que  Dieu  est  le  créateur  des  homines 
qui  naissent,  on  le  nomme  Pebgien  «t  Celestien    La 
foi  établit  ces  deux  vérités  .  (Ue  Nu^i.  et  Loncup., 
1    ne  5)  Vous  voyez  qu'en  combattant  les  adver- 
saires (ie  la  grâce,  Augustin  >•«««""«»  «pressement 
aue  la  foi  élabiit  la  vérité  du  libre  arbitre.  La  libei  e 
ainsi  démontrée  par  le  sens  intime  et  par  la  conduite 
même  des  fatalistes,  par  la  croyance  de  tous  les  peu- 
ples à  la  responsabilité  de  l'homme  devant  ses  sem- 
blables et  devant  Dieu,  et  par  suite  à  la  justice  des 
peines  et  des  récompenses  de  cette  vie  et  de  la  vie 
future   il  nous  faudrait  repondre  aux  difhcultes  aes 
fatalistes  contre  le  libre  arbitre,  puis  déduire  les  con- 
séquences morales  de  ce  principe,  qu'un  acte  humain 
n'est  imputable  qu'autant   qu'il  est  libre.  Mais  ces 
conséquences  se  trouvent  exposées  dans  divers  arti- 
cles de  ce  Dictionnaire.   Voy.  Acte  humain,  Advlk- 
TANCE  VOLONTAIRE,  ctc;  ct  pour  Ics  dilûcultes  contre 
la  liberté,  T.  y.  Fatalisme,  Nécessité.  (Voy.  le  Uict. 
de  Théol.  raor.,  art.  Liberlé.) 

I IBERTÉ  NATURELLE,  ou  LIBRE  AR- 
BITRE, ou  LIBERTÉ  DE  L'HOMME  ;  puis- 
sance d'agir  par  réflexion,  ])ar  choix,  et  non 
par  contrainte  ou  par  nécessité.  Comme  la 
liberté  de  l'homme  est  une  vérité  de  con- 
science, elle  se  conçoit  mieux  par  le  senti- 
ment  intérieur    que     par  aucune    déhni- 

lioii.  ,       ,  ,  ,     ■ 

Lorsque  les  philosoplies  et  les  theolog-iens 
nomment  cette  faculté  liberté  d'indifférence, 
ils  n'entendentpointque  nous  sommes  insen- 
sibles aux  motifs  par  lesquels  nous  nous  dé- 
terminons à  agir  ;  mais  que  ces  motifs  ne 
nous  imposent  aucune  nécessité,  et  que, 
sous  leur  impulsion,  nous  demeurons  maî- 
tres de  notre  choix.  Quand  on  dit  que 
l'homme  est  libre,  on  entend  non-seulement 
que,  dans  toutes  ses  actions  réfléchies,  il  est 
le  maître  d'agir  ou  de  ne  pas  agir,  mais  qu  i 
est  libre  de  choisir  entre  le  bien  et  le  mal 
moral,  de  faire  une  bonne  œuvre  ou  de 
pécher,  d'accomplir  un  devoir  ou  de  le 
violer.  . 

Quelques  fatalistes,  qui  ne  voulaient  pas 
avouer  que  l'homme  est  libre,  ont  soulenti 
que  Dieu  lui-môme  ne  l'est  pas  :  mais  qui 
peut  gêner  la  liberté  d'un  Être  dont  la  puis- 
sance est  infinie,  dont  le  bonheur  est  par- 
fait, et  qui  agit  par  le  seid  vouloir  ?  En  Dieu, 
cette  liberté  ne  consiste  point  dans  le  pou- 
voir de  choisir  entre  le  bien  et  le  mal,  mais 


273 


1,1  B 


LIB 


m 


,le  dioisii  l'iitre  les  divers  (iegrés  de  hien. 
Quel  imtlil'  pourrait  [Hirler  au  mal  un  Être 
souveraiuement  heureux  et  qui  iva  besoin 
(le  rien?  La  liberté: (.le  Dieu  est  attest('-e  par 
la  variété  de  ses  ouvrages,  par  l'inégalité  qui 
se  trouve  entre  les  créatures.  Une  cause, 
qui  agit  nécessairement,  agit  de  toute  sa 
force  ;  une  cause  libre  modère  et  dirige  son 
action  comme  il  lui  plaît.  Dieu,  dit  le  Psal- 
niistp,  o  fait  tout  ce  qu'il  a  voulu  dans  le  ciel  et 
sur  la  terre  {Ps.  cxiii,  cxxxiv,  etc.).  11  n'y  a 
point  d'autre  raison  à  chercher  de  ce  qu'il  a 
t'ait,  que  sa  volonté  même  :  quant  aux  motifs, 
nous  les  i,;;norons,  îi  moins  qu'il  n'ait  daigné 
nous  les  faire  connaître.  Lepère  Pétau  [Dogm. 
,  ThéoL,  t(im.  I,  1.  v,  c  h]  prouve,  par  TEcri- 
ture  sainte  et  par  la  tradition  constante  des 
Pères  de  l'Eglise,  que  la  liberté  souveraine 
de  Dieu  a  toujours  été  un  des  dogmes  de  la 
foi  chrétienne.  La  grande  question  est  de 
savoir  si  l'homme  est  libre  ;  si,  lorsqu'il  agit, 
il  agit  par  néces'^ité  ou  par  choix  ;  si  sa  con- 
science le  trompe,  lors((u"elle  lui  fait  sentir 
qu'il  est  le  maître  de  choisir  entre  le  bien  et 
le  mal.  C'est  aux  philosophes  de  prouver  la 
liberté  pav  les  arguments  que  fournit  la  rai- 
son, et  de  répondre  aux  sophismes  des  fata- 
listes ;  notre  devoir  est  de  consulter,  sur  ce 
point,  les  monuments  de  la  révélation,  l'E- 
criture sainte  et  la  tradition. 

Il  n'est  aucune  vérité  plus  clairement  ré- 
vélée, ni  plus  souvent  répétée  dans  les  livres 
saints,  que  le  libre  arbitre  de  l'honnne  ;  c'est 
une  des  premières  leçons  que  Dieu  lui  a  don- 
nées. 11  est  dit  [Gencs.,  c.  i,  v.2G  et  27)  que 
Dieu  a  créé  l'homme  à  son  image  et  à  sa 
ressemblance  :  si  l'homme  était  dominé  par 
l'appétit  comme  les  brutes,  ressemblerait-il 
à  Dieu  ?  Le  Seigneur  lui  parle  et  lui  imjiose 
des  lois,  il  n'en  prescrit  point  aux  lirutes  ; 
la  seule  loi  pour  elles  est  la  nécessité  qui  les 
entraîne.  Dieu  punit  l'homme  lorsqu'il  a  pé- 
ché ;  les  animaux  ne  sont  jias  susceptibles  de 
punition.  Après  la  chute  d'Adam,  Dieu  dit  à 
Caïn,  qui  méditait  un  crime  :  Si  ta  fais  bien, 
rassure-toi  :  si  tu  fais  mal,  ton  péché  demeu- 
rera, mais  tes  penchants  te  seront  soumis,  et 
tu  en  seras  le  maître  [Gen.,  c.  iv,  v.  3).  Tl  n'est 
donc  pas  vrai  que,  ])ar  le  péché  d'Adam,  ses 
descendants  aient  perdu  leur  liberté.  11  est 
dit  encore  d'Adam,  après  son  péché,  qu'il  est 
créé  à  l'image  de  Dieu,  et  que  lui-même  a 
engendré  un  fils  <\  son  image  et  h  sa  ressem- 
blance (c.  V,  V.  1  et5).  Ce  serait  une  fausseté, 
si  Adam  créé  libre  ne  l'avait  plus  été  après 
son  péché. 

Lorsque  Dieu  veut  punir  par  le  déluge 
les  hommes  corrompus  k  l'excès,  il  dit, 
selon  It^  texte  hébreu  :  Je  ne  condamnerai 
point  ces  hommes  à  un  supplice  éternel, 
parce  qu'ils  sont  charnels,  mais  je  les  laisse- 
rai vivre  encore  six  vingts  ans  (c.  vi,  v.  3)  ; 
c'est  la  remarque  de  saint  Jérôme.  Dieu  a 
donc  pitié  de  lafaiblesse  de  l'homme:  punirait- 
il  d'un  supplice  éternel  des  péchés  qui  ne 
seraient  pas /(6/Ys  l**  Après  le  déluge,  Dieu 
défend  le  meurtre  sous  peine  de  la  vie, 
parce  que  l'homme  est  fait  h  l'image  de  Dieu 
(C.  IX,  V.  G)  :  cette  image  n'a  donc  pas  été 


entièrement  effacée  par  le  péché.  Dieu  par- 
donne h  Abimélech  l'enlèvement  de  Sara, 
parce  qu'il  avait  péché  par  ignorance  (c.  xx, 
V.  '►  et  fi)  :  un  péché  commis  par  nécessité 
ne  serait  plus  punissable.  Dieu  met  à  une 
épreuve  teirible  l'obéissance  d'Abraham;  il 
s'agissait  de  vaincre  la  plus  forte  de  toutes 
les  all'ections  humaines,  la  tendresse  pater- 
nelle; parce  qu'Abraham  la  surmonte  pour 
obéira  l'ordre  do  Diiui,  il  est  récompensé  et 
proposé  pour  modèle  ;»  tous  les  hommes 
(c  xxn,  v.  IG).  S'il  a  été  conduit  par  un 
mouvement  de  la  grAce,  plus  invincible  que 
celui  de  la  nature,  où  est  le  mérite  de  cette 
action  ? 

Après  que  Dieu  eut  donné  des  lois  aux 
Hébreux,  il  leur  dit  par  la  bouche  de  Moïse  : 
La  loi  quc.je  vous  impose  n'est  ni   au-dessus 

de  vous,  ni  loin  de  vous  ; elle  est  près  de 

vous,  dans  voire  bouche  et  dans   votre  cœur, 

afin  que  vous   t'accomplissiez J'atteste   le 

ciel  et  la  terre  que  je  vous  ai  proposé  le  bien  et 
le  mal,  les  bénédictions  et  les  malédictions,  la 
vie  et  la  mort  ;    choisissez    donc  la  vie,   afin 
que  vous  en  jouissiez,   vous   et   vos  descend 
dants,    et  que  vous  aimiez  le   Seigneur  votre 
Dieu  (Deut.,  c.  xxx,  v.  il  et  suiv.).    Josué, 
près  de  mourir,  leur  répète  la  même  leçon 
(c.  xxiy,    V.  14-  et  suiv.).   Que  pouvait-elle 
signifier,  si  les  Hébreux  n'étaient  pas  libres 
et  maîtres  absolus  de  leur   choix?  Les  pro- 
phètes su]iposent  cette  môme  liberté,  lors- 
qu'ils   reprochent  à  ce  peuple  ses   infidéli- 
tés,   qu'ils  l'exhortent    îi    se  repentir  et  à 
rentrer  dans   l'obéissance.  Les  Juifs,   punis 
par  des  châtiments   éclatants,   n'ont  jamais 
osé  dire  qu'ils  n'avaient  pas  été  libres  d'évi- 
ter les   crimes  dont  ils  étaient  coujiablcs  : 
quelquefois  ils  ont  prétendu  qu'ils  étaient 
punis  des   péchés   de  leurs  pères,   et   Dieu 
leur  a  témoigné  le   contraire    [Ezech.,   cap. 
xvm,    V.    2;    Jerem.,    ca]i.    xxxi,      v.    29). 
Le  chAtiment  n'aurait  pas  été  ])lus  juste,  si 
leurs  projires  fautes  n'avaient  pas  été  libres. 
L'auteur  du  livre  de  l'Ecclésiastique    le  fait 
très-bien  sentir  (c.  xv,  v.  11  et  suiv.)  :  «  Ne 
dites  point.  Dieu  me  manque  ;  ne  faites  point 
ce  qui  lui  déplaît  :  n'ajoutez  point,   c'est  lui 
qui  m'a  égaré  ;  il  n'a  auciui  besoin  des  im- 
pies ;  il  déteste  l'erreur  et  le  blasphème.  Dès 
le  commencement,  il  a  créé  l'homme  et   lui 
a  remis  sa  conduite  entre  les  mains  ;  il  lui  a 
donné   des  lois  et  des  ccnnmandements  :  si 
vous  voulez  les  garder  et  lui  être  toujours 
lîdèles,  vous  serez  en  sûreté.  11  a  mis  devant 
vous  l'eau  et  le  feu,  prenez  celui  qu'il  vous 
plaira.  L'homme  a  devant  lui  le  bien  et  le 
mal,  la  vie  et  la  mort,  ce  qu'il  choisira  lui 
sera  donné....  Dieu  n'a  commandé   à   per- 
sonne de  mal  faire,  et  n'a  donné  à  personne 
lieu  de  pécher  ;  il  ne  désire  point  cîe  multi- 
plier ses  enfants  ingrats  et   infidèles.  »  Cet 
auteur  avait  évidemment  dans  l'esimt   les 
paroles  de  Moïse  ;  il  ne  fait  que  les   confir- 
mer. Jésus-Christ  semble  y  avoir  aussi  fait 
allusion,  lorsqu'il    a   dit   :   Si  vous  voulez 
trouver    la  vie,   gardez   les   commandements 
{Matt.,  c.  XIX,  v.  17).  Ses  auditeurs,  étonnés 
des  conseils  de  perfection  qu'il  leur  donnait, 


27i 


i/B 


LIB 


27C 


lui  demandèrent  :  Qui  pourra  donc  être 
sauvé?  Il  leur  répondit  :  Cela  est  impossible 
aux  hommes,  mais  tout  est  possible  à  Dieu 
(Ibid.,  V.  20).  Il  suitpose  donc  que  Dieu 
rend  possibles  par  sa  grAce,  non-seulement 
les  commandements,  mais  encore  les  con- 
seils de  perfection.  A.  quoi  pensaient  les  in- 
crédules, qui  ont  dit  que  ce  divin  Maître 
n'a  pas  enseigné  clairement  la  liberté-  de 
l'homme  ?  En  parlant  île  sa  morale,  il  dit  que 
c'est  un  joug  agréable  et  un  fardeau  léger 
[Matth.,  c.  XI,  V.  29)  ;  le  serait-il,  si  Dieu  ne 
l'allégr-ait  par  sa  grAce,  et  si  la  concupis- 
cence était  un  joug  invincible? 

Saint  Paul  nous  assure  que  Dieu,  fidèle  à 
ses  promesses,  ne  permettra  pas  que  nous 
soyons  tentés  au-dessus  de  nos  forces  (/ 
Cor.,  c.  X,  V.  13).  Il  en  imposerait  aux  tidè- 
les,  si  l'homme,  dominé  par  la  concupis- 
cence, n'était  pas  le  maître  d'y  résister.  On 
aura  beau  tordre  par  des  subtilités  le  sens 
de  tous  ces  passages  :  ou  les  écrivains  sa- 
crés sont  des  sophistes  qui  ont  violé  toutes 
les  règles  du  langage,  ou  il  faut  avouer 
qu'ils  ont  enseigné  clairement  et  sans  au- 
cune équivoque  la  liberté  de  l'homme.  Bayie, 
qui  a  fait  tous  ses  etforts  pour  renverser  ce 
dogme,  est  forcé  de  convenir  que,  s'il  est 
faux,  tous  les  systèmes  de  religion  tombent 
par  terre. 

Dans  l'ouvrage  que  nous  avons  déjà  cité, 
le  père  Pétm  fait  voir  que  tous  les  Pères  de 
l'Eglise  ont  toujours  entendu  par  liberté 
l'indiiTérence  ou  le  pouvoir  de  choisir  ;  et 
tom.  III,  de  Opif.  sex  dier.,  1.  ui,  k  et  5,  il 
prouve  que  tous,  sans  excepter  saint  Au- 
gustin, ont  attribué  ce  pouvoir  à  l'homme 
dans  ses  actions  morales  ;  il  répond  aux  pas- 
sages que  les  hérétiques  ont  cherché  dans 
les  ouvrages  des  Pères,  pour  obscurcir  celte 
vérité.  Il  traite  encore  la  même  question, 
tom.  IV,  I.  IX,  cap.  2  et  suiv.  On  ne  peut 
apporter  plus  d'exactitude  dans  une  discus- 
sion théologique  ;  mais  il  ne  nous  est  pas 
possible  d'entrer  dans  le  môme  détail.  Ce- 
pendant les  théologiens  hétérodoxes  pré- 
tendent que  les  Pères  qui  ont  combattu  les 
péla^iens,  et  en  imrticulier  saint  Augustin, 
ont  soutenu  contre  ces  hérétiques  que,  i^ar 
le  péché  d'Adam  l'homme  a  été  dépouillé  de 
sa  liberté. 

11  y  a  ici  une  grossière  équivoque  dont  il 
est  aisé  de  démontrer  l'illusion.  Qu'enten- 
dait Pelage  par  liberté  ou  libre  arbitre?  Il 
entendait  une  égale  facilité  de  faire  le  bien 
ou  le  mal,  une  espèce  d'équihbre  de  la  vo- 
lonté humaine  entre  l'un  et  l'autre  ;  c'est  en 
cela  qu'il  faisait  consister  Vindijjérence  ; 
saint  Augustin  nous  en  avertit,  et  c'est  en- 
core ainsi  que  les  calvinistes  définissent  la 
liberté  d'indijférence  {Ilist.  du  Manich.,  liv. 
vu,  ch.  2,  §  *)  ;  notion  fausse  s'il  en  fut  ja- 
m.iis.  Voici,  dit  le  saint  docteur,  coumient 
Pelage  s'est  exprimé  dans  son  ])remier  livre 
du  Libre  arbitre  :  «  Dieu  nous  a  donné  le 
pouvoir  d'embrasser  l'un   ou  l'autre    parti 

le  bien  ou  le  mal) L'homme  peut  k  son 

ré  produire  des   vertus  ou  des  vices 

"çius  naissons  capables  et  non  remplis  de 


r> 


l'un  ou  de  l'autre  ;  nous  sommes  créés 
sans  vertus  et  sans  vices.  »  (Saint  Augustin, 
L.  de  Grat.  Christi,  c.  xviii,  n.  19  ;  L.  de  Pec. 
orig.,  cap.xni,  n.  lY).  Julien  soutenait  en- 
core cet  équilibre  prétendu  [L.  3,  Op.  imperf., 
n.  109  et  117)  ;  et  les  semi-pélagicns  avaient 
retenu  la  môme  notion  du  libre  arbitre 
(Saint  Prosper,  Epist.  ad  August.,  n.  4). 
Delà  les  pélagiens  concluaient  que  la  néces- 
sité de  la  grâce  détruirait  la  liberté,  parce 
qu'elle  inclinerait  la  volonté  au  bien  et  non 
au  mal.  Voy.  saint  Jérôme,  Dial.  3  contra 
Pclag.,  etc.  Si  l'on  perd  de  vue  cette  notion 
pélagienne  do  la  liberté,  on  ne  comprendra 
rien  à  la  doctrine  de  saint  Augustin,  et  on 
ne  réussira  jamais  à  concilier  ce  saint 
docteur  avec  lui-même.  11  soutient  avec  rai- 
son que  la  liberté,  ainsi  conçue,  ne  s'est 
trouvée  que  dans  Adam  avant  son  péché  ; 
que,  par  sa  chute,  l'homme  a  perdu  cette 
grande  et  heureuse  liberté  ;  que,  par  la  con- 
cupiscence, il  est  beaucoup  plus  porté  au 
mal  qu'au  bien  ;  qu'il  a  besoin  du  secours 
de  la  grâce  pour  rétablir  en  lui  l'indifï'érenco 
telle  (pie  Pelage  la  concevait  (L.  de  Spir.  et 
Litt.,  c.  XXX,  n.  52  ;  L.  3,  contra  duasEpist. 
Pelag.,  c.  viii,  n.  24  ;  Epist.  217  ad  Vital., 
c.  III,  n.  8;  c.  vi,  n.  23,  etc.);  qu'ainsi  la 
grâce,  loin  de  détruire  le  libre  arbitre,  le 
répare  et  le  guérit  de  sa  blessure  (L.  de 
Grat.  Christi,  cap.  xlvii,  n.  52;  L.  de  Grat. 
et  Lib.  arb.,  c.  i,  n.  1,  etc.).  «  Qid  de  nous, 
dit-il,  prétend  que  le  genre  humain  a  perdu 
sa  liberté  jiar  le  i)éf  hé  du  premier  homme? 
Ce  péché  a  détruit  une  liberté,  savoir,  celle 
que  l'homme  avait  dans  le  paradis  de  con- 
server une  parfaite  justice  avec  l'immorta- 
lité   Mais  le  libre  arbitre  est  si  bien  de- 
meuré dans  les  pécheurs,  que  c'est  par  là 
même  qu'ils  pèchent,  puisqu'en  péchant  ils 
font  ce  qui  leur  plaît,  «(i.  i  contra  duas  Ep. 
Pelag. ,  cap.  ii ,  n.  5).  «  Comment  Dieu  nous 
donne-t-il  dis  lois,  s'il  n'y  a  plus  de  libre 
arbitre»  (L.de  Grat.  et  Lib.  arb.,  c.  ii,  n.  4). 
«  Sans  libre  arbitre,  l'obéissance  serait  nulle  » 
{Epist.  214  ad  Valent.,  n.  7,  etc.). 

11  est  donc  constant,  selon  la  doctrine  de 
saint  Augustin,  que  quand  l'homme  se  porte 
au  mal,  il  n'y  est  point  entraîné  invinci- 
blement par  la  concupiscence;  que  quand 
il  lait  le  bien,  il  n'y  est  point  déterm  né  ir- 
résistiblement par  la  grâce;  que,  dans  l'un 
et  l'autre  cas,  il  a  un  vrai  pouvoir  de  choisir, 
et  qu'il  agit  avec  une  pleine  liberté.  Jamais 
on  n'a  nommé  choix  ce  qui  se  fait  par  né- 
cessité (1) 

Lorsque  l'évêque  d'Ypres,  en  suivant  Cal- 

(1)  Si  qiioli(ii'uii  dil  qii(>,  depuis  te  péché  d'Adam, 
le  liljie  arl)iuc  de  l'hoiurne  est  perdu  el  éleinl  ;  (pie 
ce  n'est  (pi'iin  iioiii  sauà  réalité,  ou  eiilin  une  licdoii 
et  une  vaine  injagination  que  le  démon  a  iniroduilc 
dans  l'Eglise,  qu'il  soil  anallicine!  (C.  de  Treriti',  vi' 
Sesi.,  Ilccr.  de  In  jiislif.,  c.  5.)  —  Si  (pielqn'un  dil 
qu'il  n'est  pas  au  pouvc'r  de  l'homme  de  prendre  des 
voicîs  mauvaises,  mais  que  Dieu  opère  les  mauvaises 
œuvies  aussi  hieii  que  les  honnes  ,  non-seulement  en 
tant  ipi'il  tes  permet,  mais  proprement  et  par  lui- 
nii me;  en  sorie  (pie  la  Iraliison  de  Jud  is  n'est  pas 
moins  son  propre  ouvrage  que  ta  vocai'on  de  saint 
Paul,  qu'il  soit  analhèwe  !  (C.  vi,  V.  Justijicalioii-) 


277 


un 


LIB 


278 


vin,  a  posé  pour  maxime  que,  aans  l'état  de 
nature  tombée,  il  n'est  pas  nécessaire,  poiii 
mériter  ou  démériter,  d'étro  exemi)t  do 
ïiécessité,  qu'il  suffit  de  n'être  pas  contraint 
ou  foi'cé,  il  contredit  tout  à  la  fois  l'Ecriture 
sainte,  le  sentiment  do  saint  Augustin,  le  té- 
moignage de  la  conscience  et  le  sens  com- 
mun de  liius  les  hoipmes.  —  1°  L'Eciiture 
sainte  dit  et  su()i)osa  que  l'homme  est  maî- 
tre de  choisir  le  Lien  ou  le  mal  ;  s'avisa-t-on 
jamais  de  regarder  comme  un  choix  ce  que 
l'homme  fait  ou  éi)rouve  par  nécessiié , 
comme  la  faim,  la  soif,  la  lassitude,  le  som- 
meil, la  duuleur  ;  et  de  lui  faire  un  mérile 
ou  un  crime  de  ces  dilférents  états?  L'Ecri- 
ture nous  assure  que  l'I  omme  est  maître  de 
ses  actions  :  que  la  loi  de  Dieu  n'est  point 
au-dessus  de  nous;  que  Dieu  ne  permettra 
point  que  nous  soyons  ttntés  au-dessus 
de  nos  forces  ;  elle  ne  veut  point  que,  poiu" 
excuser  ses  fautes,  le  péciieur  allègue  son 
impuissance,  etc.  Tout  cela  serait  faux  si 
l'honmie  ,  invinciblement  entraîné  tantôt 
jiar  la  ci  ncupisc(mce,  et  tantôt  parla  grâce, 
cédait  nécessairement  à  l'une  ou  à  l'autre, 
n'avait  pas  un  vrai  pouvoir  de  résister  à 
l'une  et  à  l'autre. — 2°  Si  saint  Augustin  avait 
penséque  ce  pouvoir  n'était  pas  nécessaire, 
il  ne  se  serait  pas  donné  la  peine  de  ré- 
futer ni  les  i)élagiens  qui  disaient  que  la 
grâce  détruirait  le  libre  arbitre;  ni  les  ma- 
.  nichéens  qui  supjiosaient  l'homme  invinci- 
blement entraîné  au  mal.  11  avait  dit  à  ces 
derniers  [L.  m  de  Lib  arb.,  cap.  xviii,  n.  50, 
et  c.  XIX,  n.  53):  «  Si  l'on  no  peut  pas  résis- 
ter ^  la  mauvaise  volonté,  on  lui  cède  sans 

péché Car  qui  pèche  en  ce  qu'il  ne  peut 

pas  éviter?  L'ignorance,  ni  l'impuissance,  ne 
vous  sont  pas  imputées  à  péclio,  mais  la 
négligence  à  vous  instruire  et  la  résistance 
à  celui  qui  veut  vous  guérir.  »  11  répète  et 
contirme  la  même  chose  dans  ses  ouvrages 
contre  les  péla,.^iens  {L.  de  Nat.  et  Grat., 
cap.  Lxvu,  n.  80  ;  L.  i  lictract.,  cap.  ix).  11  a 
retenu  constamment  la  délinition  qu'il  avait 
donnée  du  péché,  en  disant  que  c'est  la  vo- 
lonté défaire  ce  que  la  justice  défend,  et  ce 
dont  il  nous  est  libre  de  nous  abstenir  (L.i 
Retract.,  cap  ix,  15,  26).  Il  avoue  cependant 
que  cette  définition  ne  convient  point  au 
péché  originel,  qui  est  la  suite  et  la  peine 
du  péché  de  notre  premier  père  ;  mais  il  no 
s'ensuit  rien.  Ce  serait  une  absurdité  de 
comparer  le  péché  originel  de  la  nature  hu- 
maine tout  entière  avec  les  péchés  person- 
nels et  libres  que  commet  chaque  particu- 
lier. —  3"  Le  sentiment  intérieur,  ouïe  té- 
moignage de  la  conscience,  est  pour  nous 
le  souverain  degré  de  l'évidence  :  saint  Au- 
gustin lui-même  y  rappelait  les  manichéens 
I)ourles forcer  do  reconnaître  le  libre  arbitre  : 
et  selon  saint  Paul,  c'est  par  ce  témoignage 
que  Dieu  jugera  tous  les  hommes  {Rom.,  cap. 
II,  V.  15].  Aussi  saint  Augustin  dit  que,  pour 
justifier  lejugement  de  Dieu,  il  faut  alfran- 
cliir  le  libi-e  arbitre  de  tout  lieu  de  nécessité 
(Contra  Faust.,  1.  ii,  c,  vj.  Or,  quand  nous 
sitivons  le  mouvement  de  la  grâce  qui  nous 
porte  à  une  bonne  œuvre,   ou  quand  nous 


nous  laissons  dominer  par  la  coucupiscenre 
qui  nous  entraine  au  mal,  la  lonscionce  nous 
atteste  ([ue  nous  sommes  maîtres  de  résister; 
c'est  pour  cela  que,  dans  le  premier  cas, 
nous  nous  savons  bon  gré  de  notre  action, 
et  que,  dans  le  second,  nous  avons  des  re- 
mords, et  nous  nous  repentons.  11  n'en  est 
pas  de  même  lorsqucnous  senlous  (pic  nous 
avons  agi  par  nécessité.  Donc  la  conscience 
nous  convainc  que,  pour  niéiiler  ou  démé- 
riter, il  est  nécessaire  d'être  exempt  non-seu- 
lement de  violence  et  de  conction  ,  mais 
emore  de  nécessité.  Dieu  prend-il  plaisir  à 
tromper  en  nouslesenliuionl  intérieur,  pen- 
dant qu'il  renvoie  continuellemeni  les  pé- 
cheurs au  jugement  de  leur  [iropre  c  i  ur,  et 
qu'il  en  appelle  à  ce  jugement  pour  justifier 
sa  conduile  à  leur  égard  ?  —  k"  Ainsi  jugent 
fous  les  hommes,  non-seulemenl  de  leurs 
)roj>res  actions,  mais  encore  des  actions  de 
eurs  semblal)les.  Chez  aucune  natiftn  policée 
l'on  n'a  établi  des  peines  puur  les  délits  que 
l'homme  n'a  jias  été  le  maître  d'éviter;  on 
ne  punit  point  les  enfants,  les  iripensés  ni 
les  imbéciles,  parce  que  l'on  pense  qu'ils 
agissent  jiar  nécessité  comme  lesbrutes  :  on 
ne  jirétend|)as  pour  cela  ipi'ils  sont  violentés 
ou  forcés.  Quelque  préjudice  que  la  société 
reçoive  d'une  action  qui  n'a  pas  été  libi-e, 
on  la  regarde  couime  un  malheur  et  non 
comme  un  crime.  Croirons-nous  la  justice 
de  Dieu  moins  équitable  ou  moins  compa- 
tiss.inte  que  celle  des  hommes,  ou  nomme- 
rons-nous justice  en  Dieu  ce  que  nous  appel- 
lerions tjjrannie  de  la  [lart  des  hommes  ? 
Dieu  lui-même  ne  dédaigne  pas  d'en  apiieler 
à  leur  tribunal  :  Jugez,  dit-il,  en  parlant  du 
peuple  iuiî,  jugez  entre  moi  et  ma  vigne,  etc. 
{]saï,  c.  v,  v.  3). 

Nous  savons  que  saint  Paul  a  nommé  la 
concupiscence  pi'clie'  et  toi  de  péché,  quoique 
les  mouvements  de  la  concupiscence  ne 
soient  pas  libres;  mais,  dans  le  style  de  l'Ecri- 
ture sainte,  péché  signifie  souvent  défaut, 
imperfection,  vice  involontaire,  et  non  faute 
imputable  et  punissable.  «La  concupiscence, 
dit  saint  Augustin,  est  ap})elée  péché,  parce 
qu'elle  vient  du  péché,  et  qu'elle  nous  porte 
au  péché  malgré  nous.»  {L.  de  Pcrfec.justi- 
tiœ,  c.  XXI,  n.  k%  ;  L.  de  Continenttâ,  c.  m, 
n.  8;  L.  i,  contra  dtias  Epist.Pelag.,c.  xiii, 
n.  27;  L.  i,  Retract.,  c.  xv,  n.  2;  L.  n  Op. 
imper f.,  n.  71  ;  Epist.  196,  ad  Ascii.,  c.  ii, 
n.  0!.  11  n'est  donc  pas  ici  question  de  dé- 
mérite ni  d'action  punissable.  A  ce  même 
sujet,  saint  Augustin  dit  qu'il  y  a  des  choses 
faites  par  nécessité  que  l'on  doit  désapprou- 
ver :  Sunt  ctiamnecessilatc  fada  improbanda 
[L.  m,  de  Lib.  arb.,  c.  xviii,  n.  51);  mais 
autre  chose  est  de  les  désapprouver  comme 
un  défaut,  et  autre  chose  ae  les  punir;  on 
n'approuve  jioint  les  mauvaises  actions  des 
insensés  là  des  imbéciles;  il  ne  s'ensuit  pas 
qu'il  faille  les  j)unir,  et  que  ce  sont  des  pé- 
chés imj)Utablcs.  A  la  vérité,  le  saint  docteur 
ne  s'est  pas  toujours  exprimé  avec  la  même 
exactitude  que  les  théologiens  obsuij 
aujourd'hui  ;  souvent  il  a  confondu  le  " 
de  volonté  avec  celui  de  liberté,  ei  il  '" 


279 


LIB 


LIB 


330 


/f 


à  celui  de  nécessité;  il  dit  que  ce  qui  se  fait 

par  nécessité  se  fait  par  nature,  et  non  par 
volonté  ;  il  appelle  volontaire  ce  qui  est  en 
notre  pouvoir ,  et  par  conséquent  libre  : 
«  Nous  devenons  vieux,  dit-il,  et  nous  mou- 
rons, non  par  volonté,  mais  par  nécessité, 
etc.  (  L.  m  de  Lib.  arb.,  c.  i,  n.  1  et  2  ;  c.  m, 
B.  7  et  8  ;  L.  de  Diiab.  animab.,  c.  xii,  n.  17  ; 
L.  i  Retract.,  c.  xv,n.6;  EpistA&&,n.  5, etc.) 
Dans  le  premier  livre  de  ses  Rétractations, 
c.  XIV,  n.  27,  il  dit  que  le  péché  originel  des 
enfants  peut,  sans  absurdité,  être  appelé  îjo- 
lontaire,  parce  qu'il  vient  de  la  volonté  du 
j)!  emier  homme  ;  mais  si  ce  n'est  pas  là  une 
absurdité,  c'est  du  moins  un  abus  de  terme 
absolument  contraire  aux  passages  que  nous 
venons  de  citer,  et  qui  détruit  les  réponses 
que  saint  Augustin  avait  données  aux  mani- 
cliéens.  Peut-on  dire  du  péché  originel  des 
enfants  qu'il  leur  est  libre,  qu'il  est  en  leur 
pouvoir,  qu'ils  sont  souillés  du  péché  par 
volonté,  et  non  par  nature  et  par  nécessité  ? 
On  a  fait  grand  bruit  de  la  maxime  établie 
par  ce  saint  docteur,  que  nous  agissons  né- 
cessairement selon  ce  qui  nous  plaît  davan- 
tage; comment  n'y  a-t-on  pas  vu  une  nou- 
velle équivoque?  L'homme  qui,  aidé  de  la 
grâce,  résiste  à  l'attr.iit  d'un  plaisir  défendu, 
ne  fait  certainement  pas  ce  qui  lui  plaît  le 
plus,  puisqu'il  se  fait  violence;  il  agit  par 
raison,  et  non  par  délectation  ou  par  plaisir; 
la  prétendue  nécessité  à  laquelle  il  obéit, 
vient  de  son  choix  et  de  l'exercice  de  sa  li- 
berté :  la  grâce  ne  peut  être  appelée  délecta- 
tion que  parce  qu'elle  agit  sur  notre  volonté 
même,  qu'elle  ne  nous  fait  point  violence, 
et  ne  nous  impose  aucune  nécessité.  Ce 
n'est  pas  sur  des  expressions  captieuses  qu'il 
faut  fonder  des  systèmes  théologiques,  ou 
juger  de  la  doctrine  de  saint  Augustin. 

Personne  n'a  mieux  réussi  à  embrouiller 
cette  question  que  Beausobre  {Hist.  du  Ma- 
nich.,  1.  vu,  c.  ii,  §  i).  H  s'agissait  de  savoir 
si  les  manichéens  admettaient  ou  niaient  la 
liberté  de  l'homme.  On  peut,  dit-il,  entendre 
par  liberté,  \r  la  spontanéité  ;  celle-ci  n'ex- 
clut que  la  violence  ou  la  contrainte,  et  non 
la  nécessité  ;  2°  le  pouvoir  de  faire  le  bien 
et  de  s'abstenir  du  mal  ;  3°  l'indifférence  ou 
le  parfait  équilibre  de  la  volonté  entre  l'un 
et  l'autre.  Selon  lui,  avant  la  naissance 
du  pélagianisme  ,  les  Pères  de  l'Eglise 
et  saint  Augustin  lui-même  ont  attribué 
à  l'homme  la  liberté  dans  ce  troisième 
sens  ;  ils  l'ont  ainsi  soutenue  contre  les 
marcionites  et  les  manichéens  ;  mais  en 
combattant  contre  les  pélagiens,  saint  Au- 
gustin changea  de  système,  et  nia  ce  libre 
arbitre  qu'il  avait  autrefois  défendu.  Depuis 
celte  époque,  l'on  a  disputé  pour  savoir  si 
1  homme  a  perdu  par  le  péché  le  pouvoir  de 
faire  le  bien,  et  n'a  conservé  que  celui  de 
faire  le  mal  ;  le  pour  et  le  contre  ont  été 
soutenus,  du  moins  dans  rEgliselatino(7&!f/., 
§  7  et  IV).  De  Ik  Beausobre  conclut  que  les 
-l)ianichéens  n'ont  pas  plus  nié  le  libre  arbi- 
.  jh-e  que  saint  Augustin,  et  tous  ceux  qui  l'ont 
suivi. 
Tout  cela  «st  faux   et  captieux.  1°  l'I   est 


faux  qu'avant  la  naissance  du  pélagianisme 
les  Pères  aient  attribué  aux  enfants  d'Adam 
la   liberté  pélagienne,  l'équilibre  de  la  vo- 
lonté entre  le  bien  et  le  mal,  le  pouvoir  égal 
de  faire  l'un  ou  l'autre.    Ils  l'ont  .ittribué  à 
Adam  innocent,  mais  non  à  l'homme  souillé 
du   péché  ;  ils  ont  cru,   comme  l'Eglise  le 
croit  encore,  que  par  le  péché  d'Adam  le  li- 
bre arbitre  a  été  non  détruit,  mais  affaibli  ; 
que  la  volonté  hunoaine  a  été  dès  lors  plus 
inclinée  au  mal  qu'au  bien,  qu'ainsi  l'équi- 
libre a  cessé  d'avoir  lieu.  Mais  le  libre  arbi- 
tre ne  consiste   point    dans    cet    équilibre, 
comme  le  voulaient  les  pélagiens  ;  il  consiste 
dans  le  pouvoir  de  choisir  entre  le  bien  et  le 
mal  :  or,  malgré  l'inclination  au   mal,   que 
nous  appelons  la  concupiscence,  l'homme  a 
conservé  le  pouvoir  du  choix,  puisque  cette 
inclination    n'est  pas   invincible.    "Tous  les 
jours  nous  nous  déterminons  par  raison   îi 
choisir  le  parti  pour  lequel  nous  nous  sen- 
tons  le   moins   d'inclination,    pour  lequel 
même  nous  avons  de  la   répugnance.  C'est 
alors  que  nous  sentons  le  mieux  que  nous 
sommes  libres,  c'est-à-dire  maîtres  de  nous- 
mêmes,  maîtres  de  nos  inclinations  et  de 
nos  actions.  Ce  pouvoir  a  été  nommé  par  les 
théologiens  liberté  d'indifférence  ;    mais  ils 
n'ont  jamais  entendu  (lar  là  l'équilibre  pré- 
tendu de  Beausobre  et  des  pélagiens.  —  2°  Il 
n'y  a  que  di  s  hérétiques  qui  aient  osé  sou- 
tenir que,  par  le  péché  d'Adam,  l'homme  a 
perdu  absolument    le  pouvoir   de  faire  le 
bien,  et  qu'il  n'a  plus  que  celui  de  faire  le 
mal  ;  jamais  l'Eglise  n'a  autorisé  cette  er- 
reur des  manichéens  ;  jamais  saint  Augus- 
tin, ni  aucun  autre  Pèie,  ne  l'a  soutenue. 
On  a  seulement  enseigné  que  l'homme  n'est 
plus  capable  de  faire  une  bonne  œuvre  sur- 
naturi  lie  et  méritoire  pour  le  salut,  qu'il  lui 
faut  pour  cela  le  secours  de  la  grice.  Mais 
l'on  peut  soutenir  sans  erreur  qu'il  a  le  pou- 
voir de  faire,  par  un  motif  naturel  et  par  ses 
forces   naturelles,    une   action  moralement 
bonne  qui  n'est  point  un  péché,  quoiqu'elle 
ne   soit   d'aucune   valeur  pour  le  salut.  — 
3°  Il  est  faux  que  les  manichéens  aient  ac- 
cordé à  l'homme  la  même   liberté  que   les 
Pères  de  l'Eglise  ;  qu'ils  n'aient  point  imposé 
à  sa  volonté  d'autre  nécessité  que  celle  dont 
parle  saint  Paul.  Les  preuves  que  Beausobre 
apporte  du  contiaire  témoignent  seulement 
ou  que  ces  hérétiques  enl  affirmé  fausse- 
ment   qu'ils   admettaient   le    libre   arbitre , 
pendant  qu'ils  posaient  des  principes   con- 
traires, ou  que  souvent,  dans  la  dispute,  ils 
y  ont  été  réduits  par  leurs  adversaires.  C'est 
le  cas  dans  lequel  se  trouvent  la  plupart  des 
sectaires  ,  parce  qu'ils   sont   ordinairement 
aussi  peu  sincères  que  mauvais  raisonneurs. 
Mais  Beausobre  a  trouvé  bon  de  justifier  les 
manichéens,  pour  rejeter  tout  le  blâme  sur 
les  Pères  de  l'Eglise. 

Il  faut  donc  distinguer  soigneusement  l'ao- 
tion  volontaire  d'avec  un  acte  libre,  et  ne 
point  les  confondre,  comme  l'on  fait  souvent, 
dans  les  discours  ordinaires.  Un  acte  volon- 
taire est  celui  qui  se  fait  avec  connaissance,' 
mais  souvent  sans  réflexion,  en  vertu  d'un 


381 


LIB 


LIB 


28* 


pcHchant  qui  nous  y  porte,  et  non  d'un  mo- 
lif  qui  nous  y  déterinine.  Si  ce  pent'liant  est 
tellement  violent  que  nous  no  soyons  jias 
maîtres  d'y  résister,  l'acte  n'est  ni  contraint 
ni  forcé,  puisqu'il  ne  vient  point  d'une  vio- 
lence extérieure  :  il   est  volontaire,  mais  il 
n'est  pas  libi-e  ;  il  vient  de  la  nature  et  de  la 
nécessité.  Ainsi,  un  liomme  pressé  par  la 
faim  désire  nécessairement  de  manger  ;  un 
homme  accablé  par  le  sommeil  s'endort  né- 
cessairement ;   un    iiorame  etl'rayé   par   un 
danger  subit  tremble  et  fuit  par  nécessité  : 
la  cause  de  ces  actes  n'est  point  un  motif  ré- 
fléchi et  délibéré,  mais  une  disposition  mé- 
canique di's  organes  qui  vient  de  la  nature 
ou  de  l'haliitudf  ;  dans   ces    dilTérents   cas 
l'homme  n'agit  point  par  choix  ni  avec  /«'- 
herté  ;  aucun  de  ces  actes  n'est  punissable  ni 
imputable  à  péché  en  lui-même,  mais  seule- 
ment dans   sa  cause,   lorsqu'elle  vient   de 
quelques  actes  libres.  Un  acte  libre  est  celui 
qui  se  fait  avec  attention  et  réflexion,  par 
choix  et  par  un  motif,  avec  un  vrai  pouvoir 
de  résister  k  ce  motif  et  de   faire  le    con- 
traire ;  riiomme  pressé  par  la  faim  ne  dira 
point  :  Je  suis  libre  de  désirer  ou  de  ne  pas 
désirer  de   manger,    ce    désir   est   de  mon 
choix  ;  mais  il  dira  :  Quoique  j'aie  un  désir 
violent  de  manger,  je  suis  encore   libre  de 
résister  et  de  m'en  abstenir,  ou  de  différer. 
Si  le  besoin  et  le  désir  étaient  parvenus  à 
un  degré   de  violence  qui  ne  laissM  plus 
à  l'homme  le  pouvoir  de  résister,  alors   la 
volonté  efficace  de  manger  et    l'action  qui 
s'ensuivrait,    ne    seraient  plus  libres.  Dans 
un  sens,  plus  la  volonté  est  entraînée  vers 
un  objet,  plus  l'acte  est   volontaire,   moins 
il  est  libre:  c'est  le  cas  des  pécheurs  d'ha- 
bitude ;  mais  comme   cette   habitude  a  été 
contractée  librement,  elle  ne  diminue  point 
la   grièveté    des  crimes    qu'elle   fait    com- 
mettre; au  contraire,  une  action  est  parfai- 
tement libre,  lorsque,  par  un  motif  réfléchi 
et  par  un  mouvement  de  la   grâce ,    nous 
résistons  à  une  inclination  violente  ou  à  une 
habitude  invétérée  :  jamais   l'homme  n'est 
plus  évidemment   maître    de   lui-même    et 
de   ses   actions ,    que  quand  il   commande 
cl  une  passion  et  réussit  à  la  dompter  ;  alors 
il  fait,  non  ce  qui  lui  plaît  davantage  ,  mais 
ce  qu'il  doit  ;  il  suit  sa  conscience   et   non 
son  penchant  :  c'est  en  cela  môme  que  con- 
siste la  vertu,  qui  est  la  force  de  l'âme. 

Telles  sont  les  notions  que  le  bon  sens 
dicte  à  tous  les  hommes  :  vouloir  les  com- 
battre par  les  abstractions  métaphysiques, 
par  des  passages  de  l'Ecriture  sainte  ou  des 
Pères,  mal  entendus  et  mal  expliqués,  c'est 
autoriser,  non-seulement  les  sophismes  des 
fatalistes,  mais  encore  l'entêtement  des  pyr- 
rhoniens. 

On  a  toujours  remarqué  que  les  sectes  de 
nhilosophes  ou  de  théologiens  qui  attaquaient 
le  libre  arbitre.  aÛ'ectaient  d'enseigner  la 
morale  la  plus  rigide  ;  ainsi  les  stoïciens, 
paitisans  de  la  fitalité,  se  distinguaient  par 
le  rigorisme  de  leurs  maximes.  N'en  soyons 
pas  surpris.  Si  au  tlogme  de  la  nécessité,  qui 
ne  tend  à  rieu  moins  qu'à  justifier  tous  les 


crimes,  ils  avaient  encore  ajouté  une  morale 
relAcliée,  ils  se  seraient  rendus  trop  odieux  ; 
il  fallut  tlonc,  pour  en  imposer  au  vulgaire, 
se  parer  d'une  morale  austère.  Mais  les  an- 
ciens n'ont  pas  été  dupes  de  cet  artifice  ; 
Aulu-Gelle  et  d'autres  regirdèrent  les  stoï- 
ciens comme  une  secte  de  fourbes  et  d'hypo- 
crites :  il  est  difficile  d'avoir  meilleure  opinion 
de  leurs  imitateurs.  Dans  le  système  de  la  fata- 
lité ou  de  la  nécessité  de  nos  actions,  ce 
n'est  plus  l'homme,  mais  c'est  Dii'u  qui  est 
l'auteur  du  péché;  Calvin,  qui  l'a  senli,  n'a 
pas  hésité  de  proférer  ce  blasplième  :  vai- 
nement ceux  qui  suivent  la  môme  opinion 
veulent-ils  esquiver  cetti^  horrible  consé- 
quence; elle  saute  aux  yeux  do  tous  les 
hommes  non  prévenus.  Voy.  Grâce,  Péché, 
Volonté  de  Dieu  ,  etc. 

*  Liberté  des  Eglises.  Dans  une  vaste  monarchie, 
dont  les  provinces  s'étendent  au  loin  et  sons  des  cli- 
mats divers,  il  s'établit  des  coutumes  que  le  prince 
tolère;  parce  ([u'il  comprend  que  les  habitudes,  le 
pays,  le  climat,  ne  permettent  pas  de  plier  tous  les 
sujets  d'un  empire  aux  mêmes  lois;  il  y  a  uiie  tolé- 
rance sur  les  points  secondaires.  [^'Eglise  forme  le 
plus  vaste  gouvernement  qui  existe  sur  la  terre,  puis- 
(|u'elle  ne  connaît  d'autres  limites  (|ue  celles  de  l'u- 
nivers.  11  était  de  sa  sagesse  de  tolérer  certains  usa- 
ges en  matière  de  discipline,  de  respecler  des  coutu- 
mes qui  ont  pris  naissance  dans  les  habitudes  d'un 
peuple  ou  dans  la  nécessité  de  sa  position.  Ces  usa- 
ges, ces  coulumes,  que  l'Eglise  respecte,  sont  une 
dérogation  aux  lois  générales  de  l'Eglise.  On  le» 
nomme  liberi^s  d'une  Eijlise.  Il  est  peu  d'Eglises  qui 
n'aient  les  leurs,  parce  qu'il  y  en  a  peu  qui  n'aient 
des  usages  particuliers.  Pour  être  légitimes  elles 
doivent  être  revêtues  de  quelques  conditions. 

Les  libertés  d'une  Eglise  ne  doivent  nuire  en  rien 
aux  droits  du  souverain  pontife  eldu  concile  général. 
Il  est  bon  de  remarquer  que  toute  espèce  de  coutume 
ou  de  liberté  est  l'ondée  sur  le  consentement  au 
moins  tacite  du  souverain  pontife;  car  le  pape  jouit 
sur  l'Eglise  universelle  d'une  juridiction  absolue, 
qu'aucune  Eglise  particulière  ne  peut  liniiler  a  son 
gré.  De  là  suivent  plusieurs  conséquences  extrême- 
ment importantes.  i°Que  le  pape  et  le  concile  général 
ont  le  droit  d'abroger  toutes  les  libertés  de  toutes  les 
églises  particulières.  Ce  pouvoir  découle  de  la  puis- 
sance législative  qui  leur  appartient;  2"  Que  toutes 
les  Eglises  particulières,  nonobstant  leurs  liberiés, 
sont  tenues  d'obéir  aux  décrets  des  souverains  pon- 
tifes et  des  ccnciies  généraux,  nicme  concernant  la 
discipline,  à  moins  qu'il  ne  soit  constant  qu'ils  n'aient 
pas  voulu  déroger  aux  coutumes  légitimement  elablies. 
il  arrive  quelquefois  que  les  papes  ne  veulent  pas 
porter  alleinte  aux  coutumes  légitimement  elablies, 
d'autres  fois  ils  veulent  ramener  l'Eglise  ;i  l'unil'ormité 
sur  certains  points.  Dans  ce  dernier  cas,  la  liberté  et  les 
usages  doivent  céder  ;  c'est  ce  qui  arriva  relativement 
il  l'usage  des  églises  de  l'Asie-.Mineure  de  célébrer  la 
fête  de  Pâques  le  14'  delà  lunede  mars.  Le  concile  de 
Vienne  condamna  celte  coutume  et  les  contreignit  à 
se  conformer  à  la  discipline  générale. 

D'après  la  notion  que  nous  venons  de  donner  des 
libertés  d'une  Eglise,  on  voit  qu'elles  sont  très-légi- 
times en  elles-mêmes,  conformes  à  l'esprit  de  cha- 
rité de  l'Eglise.  Les  esprits  qui  les  condamnent  ab- 
solument, qui  voudraient  faire  passer  un  Jiiveau  ab- 
solu sur  tous  les  fidèles,  sont  aussi  condamnables  que 
ceux  qui  leur  donnent  une  étendue  exagérée,  qui, 
par  une  pensée  schismalique,  prétendent  abuser  des 
libertés  de  leur  Eglise  pour  se  soustraire  aux  décrets 
légiiiuies  des  souverains  pontifes  et  des  conciles. gé- 
néraux. 

^LiEERTÉs  ii£  l'Eglise  cailicane,  Il  est  peu  ds 


285 


UB 


LIP 


iU 


questions  qui  aient  plus  remué  l'Eglise  de  France  que 
celle-ci;  elle  mérile  d'être  exposée  avec  une  certaine 
étendue.  Nous  ferons  d'abord  connaître  les  princi- 
paux recueils  où  sont  renfermés  nos  prétendues  li- 
bertiS,  ensuite  nous  en  donnerons  un  expose  suc- 
cinct; enlin,  nous  les  apprécierons  au  point  de  vue 
de  l'intérêt  de  l'Eglise  et  de  la  conscience. 

I.  {'rmiipaiix  recueils  de  nos  Uheii'S.  Pierre  Pi- 
Ihou,  jurisconsulte  et  éruiiit  célèbre,  né  à  Troyes  en 
1559,  élevé  dans  le  calvinisme,  est  le  premier,  que 
nous  sachions,  qui  ait  rédigé  en  série  d'articles  et 
comme  en  formules  ce  qu'il  est  convenu  de  nommer 
le$  libertés  de  l'Eglise  gnliicane.  Jamais,  du  reste, 
l'épiscopat  français  ne  voulut  reconnaître  ni  approu- 
ver cette  réilaclion  du  légiste.  Pitliou  s'était  converti 
à  la  Ici  catholique  ;  mais  il  est  permis  de  croire,  d'a- 
près sa  conduite  et  ses  ouvrages,  qu'il  lui  était  resté 
quelque  chose  de  l'esprit  de  schisme  et  d'héiésie.  Sa 
doctrine  sur  la  pui^sance  spirituelle  et  temporelle, 
son  opposjtion  contre  le  saint-siége,  ne  sont  pas  d'un 
enfant  dévoué  de  l'Eglise. 

Ce  fut  Pierre  Du  Pny,  né  en  1382,  qui  publia  l'é- 
norme traité  des  Pre<'i<e»  des  libertés  de  CEcjlisf  galli- 
cane. Ce  traité  lut  censuré  avec  beaucoup  de  force 
et  de  raison  par  l'assemblée  du  clergé  de  1G51).  Elle 
qualifiait  les  pri  tendues  libertés  par  ces  paroles  ex- 
pressives :  Servantes  potins  giium  tiberlales  ;  ce  sont 
des  servitudes  plutôt  que  des  libertés.  Dn  Puy  , 
comme  Pithou,  s'esi  attaché  dans  ses  ouvrages  à  dé- 
primer Tau  toii  té  ecclésiastique,  en  laveur  de  laquelle 
cependant  la  force  de  la  vérité  lui  arracha  de  pré- 
cieux lémoignages.  On  peut,  en  gramle  partie,  faire 
remonter  à  ces  deux  bomntes  la  chaîne  des  magis- 
trats et  desj\irisconsultes  qui  voulurent  plus  on  moins, 
et  à  peu  pri  s  à  toules  les  époques,  soumettre  l'Eglise 
au  pouvoir  temporel.  Le  cours  de  leurs  idées  prit  sa 
source  dans  les  doctrines  mêmes  protestâmes.  Le 
XVI "^  siècle  les  voyait  déborder  de  toutes  parts.  Ri- 
cher  ne  sut  pas  se  soustraire  à  ces  funestes  influen- 
ces. Syndic  de  la  Faculté  de  théologie  de  Paris  en 
1608,  il  soutint  dans  son  livre  De  lu  l'iii-iance  icclé- 
tiusnqne  el  inililique,  que  tout  droit  de  gouvernement 
soit  spirituel,  soit  temporel,  résidait  dans  la  com- 
niiinaulé,  i:'esl-à-dire  dans  le  peuple;  que  les  évo- 
ques leuaieut  leur  juridiction  du  peuple  non  moins 
que  les  magistrats.  Richer  rétracta  ses  erreurs;  mais 
le  r,cliéris:ne  lui  survicut  ;  el,  sous  un  nom  ou  sous 
un  autre,  il  cnfanla  bien  des  maux. 

Marc  Antoine  de  Dominis,  archevêque  de  Spalatro, 
apostasia  en  Angleterre  vers  l'aniiic  101(5;  il  soutint 
dans  ses  ouvrages  les  principes  de  Richer.  Revenu 
en  Italie,  il  condamna  solennellement  l'hérésie  qu'il 
avait  piofessée  ;  mais  ou  ne  l'ut  jamais  bien  assuré  de 
la  sincérité  de  son  retour.  Le  jansénisme  avait  be- 
soin du  richérisme  el  l'embrassa  ;  le  trop  fameux 
P.  Quesnel  l'enseigna  dans  la  quatre-vingt-dixième 
proposition  extraite  des  Réflejtiuns  morales  :  le  cano- 
niste  Van  Espen,  ardent  promoteur  du  schisme  d'U- 
trechl,  voulut  aussi  remettre  aux  mains  du  magistrat 
ou  du  peuple  les  droits  de  la  juriiiiciion  spirituelle. 
Louis  Ellies  du  Pin,  partisan  trop  avoué  des  jansé- 
nistes, de  Richer  et  même  de  l'auglicanisme,  s'at- 
tira, au  milieu  de  ses  volumineux  travaux,  les  plainles 
sévères  de  Bossuei,  (jui  le  dénonça  à  M.  De  Marlay, 
archevêque  de  Paris.  Ce  prélat  condamna  du  Pin,  et 
supprima  les  premiers  volumes  de  sa  biblioihèquc 
ecclésiastique.  D'Iiéricourt,  avocat  au  parlement, 
dans  ses  Lois  ecclésiusiiijues,  laissa  trop  percer  aussi 
le  penchant  à  abaisser  la  puissance  spirituelle  ;  et 
les  jansénistes  ne  manquèrent  pas,  dans  leur  infati- 
gable lôle  d'éditeurs,  de  donner  une  édition  de  cet 
ouvrage,  où  ils  insérèrent  des  notes  que  leur  esprit 
bien  connu  avait  dictées.  Au  nom  des  liberiés  de  l'E- 
glise, ils  appelaient  sur  l'Eglise  l'oppression  du  ma- 
gistrat. 

La  philosophie  du  xviii'  siècle,  qui  s'alliait,  au  be- 
soin, avec  le  jansénisme,  adopta  volontiers  ses  idées 


sur  l'asservissement  de  l'autorité  spirituelle.  Vol- 
taire, «luand  il  souffre  ou  permet  une  religion  el  un 
sacerdoce,  entend  bien  qu'il  n'y  ait  dans  l'Eiat  qu'un 
seul  et  même  pouvoir  réglant  les  choses  religieuses 
et  politiques.  Cela  devait  être  :  philosophes,  apôtres 
de  la  liberté,  sectaires,  tous  voulaient  pour  eux- 
mêmes,  la  licence,  et  à  l'égard  de  l'Eglise  catholique 
seule  la  plus  cruelle  intolérance,  le  despotisme  le 
moins  déguisé. 

Enûn  parut  Febronius  ou  plutôt  Jean-Nicolas  de 
Honlheim  ,  évoque  de  îlyriophile  in  parlibus,  suffra- 
gant  de  Trêves,  qui,  sous  le  pseudonyme  de  Febro- 
nius, publia  à  la  (in  du  xYiir  siècle  une  compilaiion 
indigeste,  où  les  droits  de  l'Eglise,  ceux  de  la  pri- 
mauté romaine,  ceux  des  évèipies,  sont  onlrageuse- 
ment  trahis  et  asservis  au  pouvoir  civil.  Joseph  U, 
nous  l'avons  déjà  rappelé,  n'avait  que  trop  profité  de 
ces  leçons  du  schisme.  Mais  Febronius,  du  moins, 
abandonna  ses  erreurs,  et  Pie  VI  se  félicita  de  son 
relour  dans  une  allnculion  adressée  au  sacré  collège. 
Le  même  poiuife,  dans  divers  brefs  et  surtout  dans 
la  bulle  Auctorem  fidei,  fulminée  contre  l'évêque  jan- 
séniste Ricci  et  contre  son  synode  lenu  à  Pisloie, 
condamna  ces  téméraires  et  iiernicicuses  doctrines. 
La  constitution  civile  du  clergé,  qui  en  était  le  triste 
fruit,  fut  réprouvée  comme  elle  le  mcrilait  par  l'una- 
nimité, moins  quatre,  des  évêques  de  France,  et 
condamnée  aussi  par  Pie  VL  On  retrouve  malheureu- 
sement encore,  dans  la  loi  de  germinal  au  X,  dans 
les  prélentions  de  quelques  légistes  de  nos  jours,  trop 
de  traces  de  cel  esprit  d'inquiétude  et  d  oppression 
à  l'égard  de  l'Eglise. 

Nous  avons  vu,  de  nos  jours,  M.  Dupin  donner  un 
recueil  de  nos  libertés  dans  son  Manuel ,  ouvrage 
écrit  entièrement  dans  des  idées  parlementaires.  Il 
a  été  condamné  par  l'épiscopat  français. 

IL  Les  canonistes  ne  sont  point  d'accord  sur  le 
nombre  des  libertés  de  l'Eglise  gallicane.  Les  uns 
les  foui  nionler  au  nombre  de  quatre-vingt-trois,  les 
autres,  à  treize  seulement.  Mgr  de  Frayssinous,  dans 
son  livre  des  l'r«is  principes  de  rtùjlise  gallicane, 
les  ramène  à  quatre  ou  cinq.  Nous  nous  conten- 
tons de  citer  celles-ci  : 

1"  Le  tribunal  de  l'inquisition  n'est  point  admis 
en  France. 

2»  Les  bulles  des  papes  qui  concernent  le  for  exté- 
rieur n'ont  pas  ordinairement  force  en  France  ,  et 
ne  peuvent  être  exécutées ,  à  moins  qu'elles  n'aient 
été  enregistrées  par  le  conseil  d'Eial.  Cette  libeité, 
ou  plutôt  celle  servitude  a  été  inscrite  dans  les  arti- 
cles organiques.  Nous  la  croyons  peu  compatible  avec 
notre  nouvelle  constitution.  Il  est  constant  que  dans 
les  circonstances  telles  que  des  troubles  longs  et 
prolongés,  on  ne  lient  aucun  compte  de  l'enregistre- 
Hient. 

On  a  dû  remarquer  que  nous  ne  parlons  ici  que 
des  bulles  qui  concernent  le  for  extérieur.  Tel  serait 
l'établissemenl  d'une  fête,  etc.  Mais  lorsque  la 
bulle  est  purement  dogmatique  ,  qu'elle  concerne 
les  mœurs,  ou  qu'elle  accorde  des  faveurs  qui  n'ont 
aucune  action  publique  au  for  extérieur,  l'en- 
registrenient  n'est  nullement  nécessaire  pour  y  être 
soumis  ou  pour  profiter  des  grâces  qui  sont  accor- 
dées. 

5°  Les  sujets  du  roi  de  France  ne  peuvent  être  ci- 
tés ou  contraints  à  paraître  devant  un  tribunal  étran- 
ger sous  prétexte  d'appellation  ou  de  jugement. 

4°  Le  nonce  du  pape  n'a  aucune  juridiction  en 
France  ;  il  est  traité  comme  l'ambassadeuir  d'une 
puissance  étrangère.  Le  légal  a  /«(m-,  qui  jouit  d'une 
véritable  juridiction,  ne  peut  y  être  reçu  que  du  con- 
sentement du  pouvoir  temporel. 

5°  Les  décisions  des  congrégations  des  cardinaux 
n'ont  chez  nous  d'autre  force  <|ue  l'autorité  de  doc- 
teurs instruits  ;  mais  leurs  décisions  disciplinaires 
ne  sont  point  obligatoires. 

III.  U  est  très-lacile  de  juger,  d'après  ce  que  nous 


S8S 


LIB 


LIB 


266 


avons  dit  dans  notre  article  Liberté  des  Eglises, 
que  les  liberlés  de  l'Eglise  gallicane  peuvent  être 
suivies  en  conscience.  Nous  devons  observer  que  le 
calholic|iie  ne  doit  pas  les  inlerpréler  dans  le  sens 
scliisiiiatique  des  parlements.  Ce  (|ui  laisait  dire  à 
Fleiirv  :  i  Qiiel(iues  mauvais  Français  réfugiés  hors 
du  royaume  pouriaienl  l'aire  un  traité  des  sermtitdes 
de  l'Eglise  gallicane,  coninie  ou  en  a  fait  de  ses  li- 
bertés, et  ils  ne  nianqui'raienl  pas  de  preuves"  {Dis- 
cours sur  les  liberlés  de  riùflise  ijallirane).  i  11  avait 
dit  encore  :  <  La  grande  serviluile  de  l'Eglise  galli- 
cane, s'il  est  permis  de  parler  ainsi,  c'est  l'étendue 
excessive  de  la  juridiction  séculière.  >  Bussuct  ne 
parlait  pas  dilléreumu'iit  dans  sa  lettre  au  cardinal 
d'EsIrée  :  i  Je  fus  indispensahlemoiit  obligé  (  dans 
mon  sermon  sur  l'Unili)  à  parler  des  liberlés  de  l'E- 
glise g  illicane,  et  je  me  proposais  deux  choses  :  l'une 
de  le  faire  sans  auciuie  diminution  de  la  vraie  gran- 
deur du  sainl-sii'ge  ;  l'autre  ,  de  les  expliquer  de  la 
nuini.  re  que  les  enlenclcnl  les  évoques  el  non  pas  de 
la  manière  que  les  entendent  les  magistrats.  > 

Liberté  ciiuktii;nne.  Ltitlier,  Calvin  et 
quelques-uns  de  leurs  disciples,  ont  iiréteiniii 
que,  par  le  bapliMiio,  un  ehrélien  ne  contracte 
point  d'aulre  (  hligalion  (jue  d'avoir  la  loi; 
qu'en  veitii  de  la  lihi'tti^  (pi'il  acquiert  par 
ce  sacrement,  son  salut  no  di'-pend  plus  do 
l'obéissance  h  la  loi  de  Dieu,  unis  seulement 
de  la  foi  ;  qu'il  est  allianclii  de  toute  loi  ec- 
clésiastique, de  tous  les  vœu\  qu'il  a  faits 
ou  qu'il  peut  faire  dans  la  suite.  Pour  étayer 
ces  oireurs,  ils  ont  abusé  de  quelques  pas- 
sages dans  lesquels  saint  Paul  déclare  (ju'uu 
baiitisé  n'est  plus  assujetti  à  la  loi  de  IMoïse  ; 
mais  jouit  do  la  libcrlé  i\cs  enfants  de  Dieu. 
Il  est  étoiHiant  que  les  scctairi'S  n'en  aient 
pas  encore  conclu  qu'un  chrétien  est  (illran- 
clii  de  toute  loi  civile,  qu'aucune  puissance 
liuinaiiie  n'a  droit  d'imposer  des  lois  à  un 
homme  baptisé. 

Le  concile  de  Trente  a  proscrit  cette  mo- 
rale absurde  et  séditieuse,  sess.  7,  de  Bapl., 
can.  7,  8  et  9.  !1  dit  anathème  à  ceux  ([ui 
soutiennent  qùc.  par  le  baplt^-me  un  lidèle  n'est 
oblijjé  (ju'à  croire,  et  non  à  observer  toute 
la  loi  de  Jésus-Ciiiist  ;  à  ceux  qui  disent 
qu'il  eslaU'ranclii  de  toulc  loi  crclé>iastique, 
écrite  ou  insinuée  par  la  tradition,  qu'il  n'y 
est  assujetti  qu'autant  qu'il  veut  Ijien  s'y 
soumettre  ;  à  ceux  qui  enseignent  que  tous 
les  vœux  faits  après  le  baptême  sont  absolu- 
ment nuls,  dérogent  à  la  dignité  de  ce  sa- 
cieiuent  et  à  la  foi  que  l'on  y  a  promise  à 
Dieu. 

Comiuent  de  prétendus  réformateurs,  qui 
faisaient  profession  de  s'en  tenir  à  la  lettre 
de  l'Ecrilure  sainte,  ont-ils  osé  la  contre- 
dire aussi  ouvertement  "?  Lorsqu'un  homme 
demande  à  Jésus-Christ  ce  qu'il  faut  faire 
pour  avoir  la  vie  éternelle,  ce  divin  Maître 
ne  lui  lépond  pas,  croyez,  mais  (jardcz  1rs 
commandnnents  [Malth.,  c.  m\,  v.  17).  Il  dit 
qu'au  jour  du  jugement  les  méchants  seront 
coudaiiinés  au  feu  éternel,  non  pour  avoir 
manqué  de  foi,  mais  pour  n'avoir  pas  exercé 
la  charité  et  fiit  de  bonnes  œuvres  (c.  -sxv, 
V.  41).  Saint  Paul  répète,  d'après  le  Sauveur, 
que  Dieu  rendra  à  chacun,  non  selon  la  me- 
sure de  sa  foi,  mais  selon  ses  œuvres  {Maltlt., 
c.  s\i,  \. 'Il  ;  Jluin.,  c.  II,  v.  6;  //  Cor., 
c.   i\,  V.  10).  Saint  Jac(pies  enseigne  que 


l'homme  est  justifié  par  ses  œuvres  (c.  ii, 
V.  IV).  L'Apôtre  ne  cesse  d'exhorter  les  fidè- 
les à  faire  du  bien  :  il  dit  que  l'homme  ne 
moissonnera  que  ce  qu'il  aura  semé,  etc. 
(Galut.,  c.  6,  V.  7).  11  ordonne  aux  lidèles 
d'obéir  à  leurs  pasteurs,  et  à  ceux-ci  de  re- 
Itreniiic  et  de  corriger  ceux  qui  se  condui- 
sent mal  (Ilehr.,  c.  xiii,  v.  17;  //  Tim.,  c. 
iv,v.  2).  Ce  n'est  encore  qu'une  répétition 
lies  leçons  de  Jésus-Christ ,  qui  veut  que 
l'on  regarde  comme  un  paieu  et  ui\  publi- 
cain  celui  (lui  n'écoute  jias  l'Eglise  (^/««/(., 
c.  sviii,  V.  17).  Nous  chercherions  vainement 
dans  riicriture  la  dispense  accordée  aux  lidè- 
les d'observer  les  counnaiidemenls  de  l'Eglise. 
La  loi  qui  ordonne  à  tout  homme  d'ac- 
complir les  vieux  qu'il  a  faits,  ne  peut  pas 
étrt!  plus  foiiuelle  :  Si  quelqu'un  a  fuit  un 
vœu  au  Seiqneur,  ou  s'est  obliç/i!  par  nermcnl, 
il  ne  iiianquçra  point  à  sa  parole,  mais  il  ac- 
complira exacteinent  ce  qu'il  a  jiromis  (Num., 
c.  xxx,  v.  3).  Nous  ne  voyons  nulle  i)arl 
dans  le  Nouveau  Testament  luie  défetise  de 
faire  des  vœux,  ni  une  permission  de  violer 
ceux  que  l'on  a  faits:  un  point  de  morale 
aussi  essentiel  aurait  bien  mérité  d'être 
couché  |iar  écrit.  Le  comiuaudement  d'ac- 
compli- les  vœux  n'était  point  une  loi  céré- 
moiiielle ,  puisque  les  pati  iarches  ont  fait 
des  vœux  longtemps  avant  la  publication  de 
la  loi  de  Moise  {Gen.,  c.  xxvui,  v.  iO).  Plus 
de  douze  ans  après  la  décision  du  concile  de 
Jérusalem,  qui  exemptait  les  fidèles  d'obser- 
ver la  loi  cérémonielle,  nous  voyons  encore 
saint  Paul  accomplir  un  vœu  dans  le  temple 
(.-if^,  c.  sxiv,  v.  17).  Si  la  liberté,  telle  que 
la  veulent  les  hérétiques  et  les  incrédules, 
était  un  fruit  du  christianisme,  cette  religion 
sainte  aurait  porté  un  coup  mortel  au  repos 
et  au  bon  ordre  de  la  société.  ]'o(/.  OEcvkks, 
Lois  fxclksi astiques,  Voei',  etc. 

LUÎEUTÉ    BE    CONSCIENCE  (i),  C'CSt  Ic   IcrmC 

duquel  se  sont  servis  les  calvinistes,  lors- 
qu'ils ont  demandé  en  France  le  privdége 
d'exercer  pubtiqi^ieinriii  leur  religion,  d'avoir 
des  îeuii  les,  des  ministres,  des  assemblées. 
On  voit  (l'abord  l'éciuivoque  de  cette  expies 
sion,  et  l'abus  que  les  sectjiires  en  ont  fait. 
11  y  a  bien  de  la  dilférence  entre  ia  liberté 
que  se  donnent  quelques  citoyens  <  e  servir 
Dieu  en  particulier  comme  ils  reiitendent, 
et  la  liberté  que  demande  un  parti  nombreux 
d'établir  dans  le  royaume  une  religion  nou- 
velle, de  l'exercer  publiquement,  d'élever 
ainsi  autel  contre  autel.  La  première  ne 
gêne  point  la  religion  dominante,  et  ne  lui 
porte  aucun  préjudice  ;  la  seconde  est  une 
rivalité  qu'on  lui  op|iose,  une  apostasie  pu- 
bli'jue  que  l'on  aulorise,  un  piège  que  l'on 
tend  à  la  curiosité  des  ignorants,  un  ajipât 
pour  l'indépendance  des  libertins.  La  reli- 

(1)  Nous  avons  déjà  observé  qu'une  véritable  li- 
berté de  conscience  est  plus  utile  a  la  religion  qu'une 
protection  qu'on  peut  faire  tourner  a  son  détriment. 
Le  devoir  d'un  sage  gouvernement  est  de  proléger 
la  véritable  liberté  el  de  réprimer  les  écarts  de  celle 
qui  trouble  l'ordre  public  ou  porte  atteinte  à  la  con- 
science ou  à  la  considération  de  quelque  classe  de 
citoyens. 


Î87 


LIB 


LIB 


288 


gion  catholique  exige  non-seulement  des 
temples  et  des  nssemblées,  mais  un  céré- 
monial pompeux  et  éclatant,  des  fêtes,  des 
processions ,  l'administration  pu'J.ique  des 
sacrements,  des  jeûnes,  des  abstinences,  un 
clergé  qui  soit  respecté  ;  le  calvinisme  ne 
veut  rien  de  tout  cela,  condamne  et  rejette 
ces  pratiques  comme  des  ahus,  dos  supersti- 
tions, des  restes  de  paganisme  :  c'est  ainsi 
que  ses  partisans  se  sont  expliqués  dès  l'o- 
rigine. S'il  y  eut  jamais  deux  religions  in- 
compatibles, ce  sont  ces  deux-là  ;  il  n'était 
pas  possible  oe  présumer  que  les  sectateurs 
de  l'une  et  de  l'autre  pussent  vivre  en  paix  : 
l'antipathie  mutuelle  n'est  que  trop  prouvée 
jiar  plus  de  deux  cents  ans  d'expérience. 

La  question  est  de  savoir  si  la  demande 
des  calvinistes  était  légitime,  si  le  gouver- 
nement était  obligé,  de  droit  naturel,  à  l'ac- 
corder ;■  s'il  le  pouvait  en  bonne  politique  : 
nous  prions  qu'on  pèse  sans  partialité  les 
réflexions  suivantes. 

1°  L'on  sait  quels  furent  les  premiers  pré- 
dicants  du  calvinisme,  et  quelle  était  leur 
doctrine;  ils  enseignaient  que  le  catholi- 
cisme est  une  religion  abominable,  dans  la- 
quelle il  n'est  pas  possible  de  faire  son  sa- 
lut ;  que  le  sacrifice  de  la  messe,  l'adoration 
de  l'eucharistie,  le  culte  des  saints,  des  re- 
liques, des  images,  sont  une  idolâtrie  ;  que 
les  fêles,  les  jeûnes,  les  abstinences,  les 
cérémonies,  sont  des  superstitions,  la  con- 
fession une  tyrannie,  que  l'Eglise  romaine 
est  la  prostituée  do  Babylone,  et  le  pape 
l'antechrist  ;  qu'il  fallait  abjurer,  proscrire, 
exterminer  cette  religion  par  toutes  les 
voies  possibles.  Ces  excès  sont  aujourd'hui 
enseignés  dans  leurs  livres,  et  jamais  les 
calvinistes  n'ont  eu  assez  de  bon  sens  pour 
les  désavouer.  David  Hume  convient  qu'en 
Ecosse,  l'an  15i2,  la  tolérance  des  nouveaux 
prédicants,  et  le  dessin  formé  de  détruiie  la 
religion  nationale,  auraient  eu  à  peu  près  le 
même  effet  ;  il  le  prouve  par  la  conduite  fa- 
natique de  ces  sectaires,  Histoire  de  la  Maison 
de  Tudor,  toin.  III,  pag.  9;  tom.  IV  pag.  59  et 
104  ;  fom.  V,  pag.  213,  etc.  11  en  était  de 
même  en  France.  Partout  où  les  calvinistes 
ont  pu  se  rendre  les  maîtres,  ils  n'ont  souf- 
fert aucun  exercice  de  la  religion  catholique: 
de  quel  droit  voulaient-ils  que  l'on  permît 
la  leur?  Un  principe  qui  leur  est  commun 
avec  tous  les  incrédules,  est  qu'il  ne  faut 
])as  soutfrir  une  religion  intolérante  :  en 
fut-il  jamais  de  plus  intolérante  que  le  cal- 
vinisme ?  —  2°  Il  y  avait  douze  cents  ans 
que  le  catholicisme  était  en  France  la  reli- 
gion dominante,  et  môme  la  seule  religion  ; 
la  législation,  les  mœurs,  la  constitution  du 
gouvernement,  y  étaient  analogues  et  fon- 
dées sur  cette  base  :  qui  avait  donné  mis- 
sion aux  calvinistes  po'ir  venir  l'attaquer? 
C'étaient  des  séditieux  ;  leur  ton,  leur  lan- 
gage, leurs  principes,  leur  conduite,  annon- 
çaient la  révolte.  Dans  tout  gouvernement 
la  sédition  est  punissable.  Une  expérience 
constante  i)rouve  que  les  apostats  ne  respec- 
tent plus  aucun  engagement  ;  qu'infidèles  k 
Dieu,  ils  sont  incapables  de  fidélité  envers 


le  souverain  :  nos  rois  devaient  donc  se 
croire  intéressés  personnellement  à  répri- 
mer les  attentats  des  sectaires.  Lorsque 
ceux-ci  parurent  en  France,  Luther  avait 
déjîi  mis  r\llemagne  en  feu,  mie  partie  de 
la  Suisse  était  en  proie  au  même  incendie. 
François  I"  voyait  très-bien  que  le  calvi- 
nisme ne  pouvait  s'établir  sans  causer  une 
révolution  qui  mettrait  sa  couronne  en  dan- 
ger ;  que  les  principes  républicains  des  cal- 
vinistes étaient  une  peste  dans  un  Etat  mo- 
narchique. Lui-même  fomentait  les  trou- 
bles d'Allemagne  afin  de  susciter  des  affaires 
et  des  embarras  à  Charles-Quint  :  il  ne  pou- 
vait, sans  contradiction,  se  croire  obligé  à 
permettre  la  propagation  de  l'hérésie.  — 
3°  L'événement  ne  tarda  pas  à  vérilier  l'i- 
dée que  ce  prince  avait  conçue  des  calvi- 
nistes. A  peine  eurent-ils  entraîné  dans  leur 
parti  quelques-uns  des  grands  du  royaume, 
qu'ils  cabaîèrent  contre  l'Etat,  et  voulurent  se 
rendre  maîtres  du  gouvernement.  Dès  qu'ils 
se  sentirent  assez  forts,  ils  prirent  les  ar- 
mes, et  ils  obtinrent  enhn  liberté  de  con- 
science l'épée  à  la  main.  Nous  n'avons  aucun 
dessein  de  retracer  les  scènes  sanglantes 
auxquelles  ces  guerres  civiles  ont  donné 
lieu  pendant  près  d'un  siècle.  Il  en  résulte 
qu'en  1598,  lorsque  Henri  IV  accorda  aux 
calvinistes  l'édit  de  Nantes,  il  y  fui  forcé 
pour  pacifier  son  royaume,  et  qu'en  cela  il 
ne  pécha  ni  contre  la  religion,  ni  contre  la 
saine  politique,  parce  que  la  nécessité  est 
au-dessus  d:'  toutes  les  lois.  Autant  Fran- 
çois I"  et  Charles  IX  auraient  été  impru- 
dents en  tolérant  le  calvinisme  ,  autant 
Henri  IV  fui  sage  en  cédant  aux  circonstan- 
ci'S.  C'est  la  raison  qu'il  donna  lui-même  de 
sa  conduite  à  l'égard  des  huguenots,  en  ré- 
pondant aux  députés  de  la  ville  de  Beauvais, 
l'an  159i.  Mais  en  1685,  lorsque  Lonis  XIV 
se  sentit  assez  puissant  pour  n'avoir  plus 
rien  à  redouter  des  calvinistes  ,  sur  quoi 
s'appuiera-t-on  pour  soutenir  qu'il  n'a  pas 
été  en  droit  de  révoquer  un  édit  accordé  à 
regret  par  ses  prédécesseurs,  et  que  les  cal- 
vinistes n'ont  jamais  observé?  Nous  le  prou- 
verons dans  d'autres  articles,  et  nous  ferons 
voir  que  cette  révocation  fut  pour  le  moins 
aussi  sage  que  l'avait  été  1 1  concession.  — 
k"  On  ne  s'est  pas  donné  la  peine  de  compa- 
rer la  conduite  des  calvinistes  avec  celle  des 
premiers  chrétiens  ;  on  y  aurait  vu  une 
énorme  diiîérence.  Jamais  les  tidèles  persé- 
cutés n'ont  déclamé  contre  le  paganisme 
avec  autant  de  fureur  que  les  protestants 
contre  le  papisme  ;  jamais  ils  n'ont  dit  qu'il 
fallait  exterminer  l'idolâtrie  par  tous  les 
moyens  possibles  ;  qu'il  fallait  courir  sus  à 
tous  ceux  qui  l'exerçaienl  et  la  protégeaient  : 
jamais  ils  n'ont  pris  les  armes  contre  les 
empereurs,  ils  n'ont  point  élevé  de  clameur 
contre  leur  despotisme,  ils  ne  sont  entrés 
dans  aucune  des  conjurations  qui  ont  éclaté 
pendant  les  trois  jiremiers  siècles.  L'édit  de 
tolérance,  eu  de  liberté'  de  conscience,  leur 
fut  accordé  par  Constantin,  sans  qu'ils  eus- 
sent osé  le  demander,  sans  que  ce  prince  y 
fût  forcé  par  aucun  motif  de  crainte  :  nos 


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LIB 


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a|.'ulogisies  s'èlaieiit  bornés  à  représenter 
([lie  c'étiiit  une  injustice  de  vouloir  contrain- 
dre i^ar  les  supplices  des  sujets  innocents 
et  paisibles  à  ollVir  de  l'enccus  aux  idoles. 

Lorsque,  malf^ré  la  teneur  des  édits,  l'om- 
perinir  Julien  entreprit  de  rétaljlir  lo  i)aga- 
nisiiie,  et  autorisa  les  païens  h  vexer  les 
chrétiens,  ceux-ci  n'excitèrent  ni  tumulte, 
ni  sédition  ;  les  soldats  chrétiens  lui  furent 
aussi  lidèles  que  les  autres.  Ils  no  tentèrent 
ni  de  s'assurer  de  sa  jiersonne,  ni  de  chan- 
ger le  gouvernement,  ni  d'obtenir  des  villes 
de  silruté,  ni  ilc  repousser  la  violence,  ni  de 
se  liguer  avec  des  souverains  étrangers  , 
comme  ont  fait  les  calvinistes;  ils  se  lais- 
sèrent égorger  avec  autant  de  |)atience  (jue 
sous  Néron.  Ils  suivaient  en  cela  les  leçons 
de  Jésus-Christ,  la  morale  des  apôtres,  les 
instructions  des  pasteurs  ;  mais  ces  leçons 
divines  ont  été  étrangement  oubliées  par 
des  prédicants  qui  avaient  toujours  la  Bible 
à  la  main. 

Puisqu'un  gouvernement  ne  ]ieut  subsis- 
ter sans  religion,  lorscju'un  peuple  est  assez 
heureux  pour  avoir  reçu  du  ciel  une  reli- 
gion pure  et  vraie,  il  doit  la  chérir  comme 
le  plus  précieux  de  tous  les  l)iens,  punir  et 
réprimer  les  fanatiques  qui  veulent  la  lui 
ôter  et  la  changer.  Depuis  douze  cents  ans, 
la  nionarchii'  française  subsiste  sous  les  lois 
du  catholicisme  ;  aucun  gouvernement  connu 
n'a  duré  aussi  longtemps,  et  n'a  subi  moins 
de  révolutions  :  cette  expérience  est  assez 
longue  pour  nous  faire  désirer  de  demeurer 
comme  nous  sommes. 

Personne  n"a  fait  autant  de  sophismes  que 
Ba.yle  sur  la  lihertc  de  conscience  ;  ils  ont  été 
lidôlement  coi>iés  par  Barbeyrac  et  par  la 
plupart  des  incrédules.  Bayle  part  du  prin- 
cipe que  la  conscience  erronée  a  les  mêmes 
droits  que  la  conscience  droite,  que  nous 
sommes  aussi  obligés  d'obéir  à  l'une  qu'à 
l'autie,  que  celte  obligation  est  naturelle, 
essentielle  et  absolue.  C'est  luie  fausseté  ; 
nou.'y  l'avons  réfutée  au  mot  Co\science. 
Une  fausse  conscience  ne  peut  nous  discul- 
per d'une  mauvaise  action  que  quand  l'er- 
reur est  invincible,  qu'elle  ne  vient  ni  de 
négligence  de  s'instruire,  ni  d'aucune  pas- 
sion, ni  d'opiniâtreté  ;  dans  tout  autre  cas, 
elle  ne  diminue  point  la  grièveté  du  j)éché. 
Or  a-t-on  jamais  pu  penser  que  l'erreur  des 
premiers  sectateurs  du  calvinisme  était  in- 
vincible, et  que  la  passion  n'y  avait  aucune 
part  ?  La  légèreté  avec  laquelle  ils  avaient 
prêté  l'oreille  aux  prédicants,  la  mauvaise 
foi  avec  laquelle  ils  travestissaient  les  dog- 
mes catholiques,  les  fureurs  auxquelles  ils 
se  livraient  contre  le  clergé,  le  piliage  et  les 
violences  au'ils  exerçaient,  étaient  des  si- 
gnes trop  évidents  d'une  passion  aveugle. 
Les  déclamations  et  les  sophismes,  qui  tour- 
nèrent les  tètes  dans  ce  temps  de  vertige, 
n'ameuteraient  peut-être  [las aujourd'hui  vingt 
personnes.  Si  les  sectaires  étaient  absolu- 
ment obligés  de  suivre  une  conscience  si 
mal  formée,  tout  séditieux  est  dans  la  même 
obligation,  dès  qu'il  s'est  persuadé  que  le 
gouvernement  contre  lequel  il  se  révolte  est 


injuste,  oppresseur,  tyrannique,  qu'il  est  do 
la  justice  et  du  bien  public  de  le  détruire. 
Le  [)rincipe  de  Bayle  ne  tend  à  rien  moins 
qu'à  justilier  tous  les  insensés  et  tous  les 
scélérats  de  l'univers.  C'est  tout  au  plus  aux 
descendants  des  premiers  caltînistes,  éle- 
vés dès  l'enfance  dans  l'hérésie,  écartés  de 
tous  h's  moyens  d'instruction,  que  l'on  peut 
opposer  une  erreur  moralement  invin- 
cible. 

Bayle,  pour  prouver  que  toute  contrainte' 
est  injuste  à  l'égard  des  errants,  dit  que  tous 
les  partis  en  jugent  ainsi  lorsqu'ils  s'y  trou- 
vent exposés,  et  qu'ils  changent  de  princi- 
pes selon  les  circonstances.  Cela  peut  être  ; 
mais  cela  ne  prouve  ni  que  tous  ont  égale- 
ment raison,  ni  que  tous  se  trom]icnt.  Il  est 
naturel  que  tout  homme  croie  injuste  une 
loi,  un  arrêt,  une  conduite  (pii  le  con  larane 
et  le  fait  soulïrir;  mais  souvent  c'est  lui  qui 
est  injuste  et  aveuglé  jjar  son  intérêt.  En  fait 
de  religion,  comme  en  matière  de  poliiiqLie, 
il  y  a  des  circonstances  dans  lesquelles  la 
contrainte  serait  inique  et  absurde  ;  il  en 
est  d'autres  où  elle  est  juste  et  sage.  En  gé- 
néral, une  secte  paisible,  dont  la  conduite 
est  innocente  aussi  bien  que  la  doctruie, 
mérite  la  tolérance  :  un  parti  fanatique  et 
turbulent  s'en  rond  indigne,  et  la  sage  poli- 
tique défend  de  la  lui  accorder.  C'est  le  cas 
dans  lequel  ont  été  les  calvinistes  ;  Bayle 
lui-iuême  leur  a  reproché  leur  fureur  ddus 
la  Lettre  aux  Réfugiés  et  dans  d'autçes 
écrits.  Il  se  trompe  encore  quand  il  ne  veut 
pas  que  l'on  mette  une  dilférence  entre  les 
juifs,  les  mahométans  ,  les  inUdèles  en  gé- 
néral, et  les  hérétiques  :  les  i)remiers  n'ont 
été  ni  élevés,  ni  instruits  dans  le  sein  de 
l'Eglise,  leur  ignorance  peut  donc  être  plus 
excusable  que  celle  des  hérétiques.  11  est 
d'ailleurs  prouvé  |iar  l'expérience  que  les 
apostats  sont  beaucoup  plus  furieux  contre 
la  religion  qu'ils  ont  quittée,  que  les  i., lidè- 
les qui  ne  l'ont  jamais  connue;  comme  ils 
ont  déserté  par  passion  ou  par  libertinage, 
ils  cherchent  à  couvrir  la  honte  de  leur 
a|>ostasie  par  une  haine  déclarée  contre  l'E- 
glise ;  ils  font  comme  les  rebelles,  qui  di- 
sent que  quand  l'on  a  une  fois  tiré  l'épée 
contre  le  gouvernement,  il  faut  jeter  le  four- 
reau dans  la  rivière. 

Les  catholiques  ont  usé  de  contrainte  à 
l'égard  des  protestants;  ceux-ci,  à  leur  tour, 
l'ont  employée  contre  les  catholiques  :  la 
question  est  toujours  de  savoir  lequel  des 
deax  parus  avait  le  meilleur  droit,  les  pos- 
sesseurs légitimes  enfants  de  la  i-iaison,  ou 
les  usurpateurs.  Voy.  Tolérance,  Intolé- 
rance, \'ioLE>CE,  etc. 

Liberté  de  pensek,  expression  aussi  cap- 
tieuse que  la  précédente.  Qu'un  homme 
pense  intérieurement  ce  qu'il  voudra,  au- 
cune puissance  sur  la  terre  n'a  intérêt  de 
s'en  inlormer,  et  n'a  aucun  moyen  de  le 
connaître  ;  les  pensées  d'un  homme,  renfer- 
mées en  lui-même,  ne  peuvent  faire  ni  bien 
ni  mal  à  personne.  Mais  par  liberté  de  penser, 
les  incrédules  entendent  non-seulement  la 
liberté  de  ne  rien  croire  et  de  n'avoir  aucune 


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LIB 


LIÉ 


292 


religion,  mais  encore  le  droit  de  prôclier 
l'incrédulité,  de  parler,  d'écrire,  d'invectiver 
contre  la  religion;  quelques-uns  y  ajoutent 
le  privilège  de  di''clauier  contre  les  lois  et 
contre  le  gouvernement  :  ils  prétendent  que 
cette  liberté  est  de  droit  naturel,  qu'on  ne 
peut  la  leur  ôter  sans  absurdité  et  sans  in- 
justice; par  conséquent  ils  ont  trouvé  bon 
do  s'en  metire  en  possession.  Comme  les 
prêtres  et  les  magistrats  s'opposent  k  cette 
licence,  les  incrédules  disent  qu'il  y  a  entre 
les  magistrats  et  les  prêtres  une  conspira- 
tion et  un  dessein  formé  de  mettre  les  peu- 
ples à  la  chaîne,  d'étoulfer  toutes  les  lumiè- 
res et  tous  les  talents,  afin  de  dominer  plus 
despotiquement. 

Mais  des  philosophes,  qui  croient  avoir 
toutes  les  lumières  possibles  et  tous  les 
talents,  devraient  commencer  par  s'accorder 
avec  eux-mêmes,  et  ne  pas  fournir  des  ar- 
mes contre  eux.  Déjà  nous  avons  réfuté 
leurs  prétentions  au  mot  Incrédules;  mais 
on  ne  peut  trop  insister  sur  l'absurdité  de 
leurs  raisonnements.  1°  Tous  ne  pensent  pas 
de  même;  plusieurs  sont  convenus  que  les 
magistrats  ont  droit  de  ré|irimer  ceux  qui 
osent  professer  l'athéisme,  et  de  les  faire 
péiir  même,  si  l'on  ne  peut  pas  autrement 
en  délivrer  la  société,  parce  que  l'athéisme 
renverse  tous  les  fondements  sur  lesquels  la 
conservation  et  la  félicilé  des  hoiïHnes  sont 
principalement  établies.  D'autres  ont  dit  qu'il 
faut  punir  les  libertins,  qui  n'attaquent  la 
religion  que  parce  qu'ils  sont  révoltés  contre 
louie  espèce  de  joug,  et  qu'ils  ne  respectent 
ni  les  lois,  ni  les  mœurs;  parce  qu'ils  désho- 
norent et  la  religion  dans  laquelle  ils  sont 
nés,  et  la  philosophie  de  laquelle  ils  font 
profession.  Un  déiste  célèbre  a  écrit  que  les 
ridicules  outrageants ,  les  impiétés  gros- 
sières, les  blasphèmes  contre  la  religion, 
sont  punissables,  parce  qu'ils  n'attaquent  pas 
seulement  la  religion,  mais  ceux  qui  la  iiro- 
fessent;  que  c'est  une  insulte  qu'on  leur 
fait,  et  qu'ils  ont  droit  de  s'en  ressentir.  Un 
autre  a  soutenu  que  quand  on  annonce  au 
peuple  un  dogme  qui  contredit  la  religion 
dominante,  et  qui  peut  troubler  la  tranquil- 
lité publique,  le  gouveinement  a  droit  de 
sévir,  et  le  peuple  de  crier,  crucifige.  Un 
philosophe  anglais  condamne  les  esprits 
forts,  qui  se  persuadent  que,  parce  qu'un 
homme  a  droit  de  penser  et  de  juger  par 
lui-même,  il  a  aussi  droit  de  parler  comme 
il  pense.  La  liberté^  dit-il,  lui  appartient  en 
tant  qu'il  est  raisonnable  ;  mais  il  est  gêné 
par  les  lois,  comme  membre  de  la  société. 
Un  autre  ne  veut  reconnaîire  ni  pour  bons 
citoyens,  ni  pour  bons  politiques,  cimx  qni 
travaillent  à  détruire  la  religion,  parce  qu'en 
affranchissant  les  hommes  d'un  des  freins  de 
leurs  passions,  ils  rendent  l'infraction  des 
lois  de  l'équité  et  de  la  société  plus  aisée  et 
plus  sûre  à  cet  égard.  Enfin,  un  de  nos  écri- 
vains pense  que  l'on  doit  laisser  à  la  pru- 
dence du  gouvernement  et  des  magistrats  à 
déterminer  en  ce  genre  ce  qu'il  vaut  mieux 
ignorer  que  punir.  Ainsi,  voilà  la  lihcrlv  dr. 
penser,  de  parler  et  d'écrire,  condamnée  par 


ceux  même  qui  en  ont  fait  usage.  —  2°  Ses 
partisans  les  plus  outrés  sont  convenus  que 
les  systèmes  d'irréligion  ne  sont  pas  faits 
pour  le  peuple,  qu'il  a  besoin  d'un  frein  pour 
le  contenir  et  réprimer  ses  passions,  qu'à 
tout  prf^ndre  il  vaut  encore  mieux  qu'il  ait 
une  religion  fausse  que  de  n'en  point  avoir 
du  tout.  Quelle  est  donc  la  tém 'rite  et  la 
démence  de  ceux  qui  publient  des  recueils 
d'objections  contre  la  religion,  qui  s'att.ichent 
à  les  mettre  à  portée  du  peu[)le,  et  à  le 
plonger  ainsi  dans  l'irréligion?  —  3°  Un  des 
principaux  refiroches  qu'ils  font  à  la  religion 
est  de  faire  naître  des  disputes  et  des  divi- 
sions parmi  les  hommes;  mais  en  écrivant 
contre  elle,  ils  fournissent  matière  à  des  dis- 
putes nouvelles,  plus  capables  qu'aucune 
autre  à  mettre  les  hommes  aux  prises.  11 
s'agit  de  savoir  si  le  christianisme  est  vrai 
ou  faux,  utile  ou  pernicieux  à  la  société, 
s'il  y  a  un  Dieu  ou  s'il  n'y  en  a  point,  une 
vie  à  venir  ou  un  anéantissement  éter- 
nel, etc.  Qui  peut  leur  répondre  que,  si 
leurs  principes  venaient  à  former  une  secte 
nombreuse,  on  ne  verrait  pas  renaître  les 
séditions,  les  guerres,  les  massacres,  dont 
ils  ne  cessent  pas  de  renouveler  le  souve- 
nir?—  4-°  Ils  ont  applaudi  aux  souverains 
qui  n'ont  pas  voulu  permettre  l'établisse- 
ment du  christianisme  dans  leurs  Etats,  qui 
ont  même  employé  les  supplices  pour  le 
bannir,  parce  qu'il  leur  a  semblé  propre  à 
troubler  la  tranquillité  de  leurs  sujets.  Mais 
si  les  souverains  de  l'Europe  sont  bien 
convaincus  de  la  vérité,  de  la  sainti  té,  de 
l'utilité  du  chiistianisme,  et  des  pernicieux 
effets  que  ])eut  produire  la  liberté  de  penser, 
ont-ih  moins  de  droit  de  sévir  contre  cette 
liberté,  que  les  souverains  infidèles  n'en  ont 
de  [iroscrire  le  christianisme?  —  5°  L'on  a 
cité  cent  fois  la  /«fterf^  que  laissaient  les  Ro- 
mains de  parler  et  d'écrire  contre  leur  reli- 
gion, de  la  jouer  sur  le  théâtre,  de  lancer 
des  sarcasmes  contre  les  dieux,  de  professer 
l'athéisme  en  plein  sénat,  etc.  D'autre  i)art, 
on  sait  avec  quelle  rigueur  ils  ont  défendu 
l'introduction  do  toute  religion  nouvelle, 
avec  quelle  cruauté  ils  ont  persécuté  les 
prédicateurs  et  les  sectateurs  du  christia- 
nisme; ils  ont  poussé  le  fanatisme  jusqu'à 
croire  qu'ils  étaient  redevables  de  leurs  vic- 
toires et  de  leur  prospérité  à  la  protection 
des  dieux,  que  le  salut  de  l'empire  dépendait 
de  la  cunseivalion  du  paganisme.  Voy.  VHist. 
de  l'Àcnd.  des  Inseript.,  t.  XVI,in-li2,  p.  202. 
Mais  on  sait  aussi  l'eflet  qu'a  produit  cette 
contradiction  ridicule.  Polybe  et  d'autres 
ont  observé  que  l'irréligion  des  particuliers, 
et  sui  tout  des  grands,  étouffa  peu  à  peu  les 
vertus  patriotiques,  causa  la  décadence  et 
enfin  la  ruine  totale  de  l'empire.  Cet  exemple 
môme  doit  servir  de  leçon  à  tout  gouvi'rne- 
ment  cjui  serait  tenté  d'imiter  une  conduite 
aussi  aljsurde.  Vainement  l'on  a  encore  in- 
sisté sur  la  liberté  de  la  presse  qui  règne  en 
Angleterre;  la  conduite  des  Anglais  n'a  été 
ni  plus  conséquente,  ni  plus  sensée  que 
telle  des  Romains.  Dans  le  temps  que  je 
gouvernement  laissait  publier  impunément 


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204 


des  iivres  d'alht^isme  et  d'irréligion,  si  un 
écrivain  avait  fait  un  livro  pour  prouver 
qu'il  fallait  rétablir  en  Anglotene  le  catlio- 
jlcisme  et  l'aiirienne  autorité  des  rois,  il 
aurait  expié  cette  liberté  de  penser  sur  un 
échafaud.  Enfin,  à  force  de  tolérer  la  licence, 
le  gouvernement  s'est  trouvé  obligé  de  la 
réprimer,  et  de  punir  les  auteurs  de  livres 
impies.  —  0"  Pendant  [ilus  de  cinquante  ans 
les  incrédules  français  ont  joui  h  peu  près 
de  la  môme  liberté  que  les  Anglais;  il  n'est 
aucune  de  leurs  productions  qui  n'ait  vu  le 
jour  :  il  y  a  de  (juoi  former  une  bibliothèque 
entière  dirréligi  m.  Ils  ont  proche  successi- 
Temcnl  le  déisme,  ratliéisoie,  le  matérialis- 
me; ils  se  sont  enijiortés  avec  une  fureur 
égaie  contre  les  ])rètres,  contre  les  magis- 
trats, coiitre  les  lois,  contre  les  souverains  : 
que  diront-ils  de  plus,  et  quel  eiïet  ont-ils 
produit?  Ils  ont  enh^vé  à  la  religion  quel- 
ques esprits  faux  que  le  libertinage  lui 
avait  déjà  débauchés;  ils  ont  augmenté  la 
corruption  des  mœurs  dans  tous  les  états, 
ils  ont  niulli|ilié  les  suicid .s  autrefois 
inouïs;  ils  ont  donné  lieu  à  des  crimes  dont 
les  magistrats  ont  été  forcés  de  punir  les 
coiqiabb'S.  Tels  sout  leurs  exidoits  et  les 
grands  avantages  cjuo  produit  la  liberté  de 
penser,  d'écrire  et  (ie  (iéraisonner.  Voij.  To- 
lérance, iNTOLÉnAî^CK,  etc. 

Liberté  i-oi.itiqok.  Cet  article  ne  lient  que 
très -indirectement  à  la  théologie;  mais, 
comme  il  a  ]ilu  aux  incrédules  de  soutenir 
que  le  christianisme  est  de  toutes  les  reli- 
gion la  moins  favorable  ^  la  liberté  des  peu- 
ples ,  il  est  de  notre  devoir  de  prouver  le 
contraire.  Après  avoir  montré,  au  mol  Des- 
potisme, que  ce  vice  du  gouvernement  ne 
vient  point  de  la  religion,  il  nous  reste  en- 
core à  faire  voir  qu'd  n'est  point  de  vraie 
liberté  que  celle  qui  est  fondée  sur  la  loi  di- 
vine et  sur  la  religion,  qu'aucune  religion 
ne  tend  plus  difectemenl  ([uc  la  nôtre  à  con- 
tenir dans  de  justes  bornes  l'autorité  du 
Souvciaiii.  La  Politique  tirée  de  l'Ecriture 
sainte,  par  M.  Bossuct,  nous  fournit  des 
preuves  sara!)ondantes  ;  mais  nous  ne  pren- 
drons que  les  princijiales,  et  les  réllexions 
de  nus  adversaires  mêmes  achèveront  de 
mettre  en  évidence  le  fait  que  nous  soute- 
nons. 

Dans  l'Ancien  et  le  Nouveau  Testament, 
nous  apprenons  que  tous  les  hommes  sont 
frères,  nés  du  même  sang  ,  destinés  tous  à 
jouir  des  bienfaits  du  Créateur  {Gen..  c.  i,  v. 
28  ;  c.  XIX,  v.  7  ;  Mntth.  c.  xxiii,  v.  8,  etc.). 
Comme  la  société  leur  est  nécessaire  pour 
leur  bien,  Dieu  les  a  formés  pour  vivre  en- 
semble et  s'aider  mutuellement  ;  la  société 
ne  pouvant  subsister  sans  subordination,  il 
a  fallu  des  lois  et  un  pouvoir  souviiain  pour 
les  faire  exécuter.  C'est  Dieu  lui-même  (jui 
a  donné  des  lois  aux  premiers  hommes,  et 
qui  a  fondé  la  société  civile  par  la  société 
domestique  ;  atin  de  rendre  les  lois  civiles 
plus  respectables.  Dieu  lit  placer  dans  un 
tnèrue  code  celles  des  Juifs  avec  les  lois  mo- 
rales et  les  lois  religieuses.  L'Ecriture  nous 
enseigne  encore  que  toute  puissance  hu- 


maine vient  de  Dieu,  que  c'est  lui  qui  ea  a 
fixé  l'étendue  et  les  bornes  {Rom.,  c.  xiii,  v. 
1  et  suiv.).  Les  rois  ne  sont  donc  p?s  les 
prO|)riétaires  du  pouvoir  souverain ,  mais 
seulement  les  dépositaires  :  c'est  h  Dieu  (ju'ils 
doivent  en  rendre  conqito.  Dieu  les  nomme 
y;fl.s/:pi(/-.'i  de  sua  peujile  :  comme  le  troupeau 
n'est  point  fait  pour  h^  |)asteur,  mais  le  pas- 
teur |)our  lu  troupeau,  ce  n'est  point  pour 
l'avantage  personnel  des  rois  que  Dieu  les  a 
placés  sur  le  trùne,  mais  pour  le  bien  du 
jieuple  ;  le  peuple  est  à  Dieu,  et  non  au  roi  ; 
celui-ci  doit  être  l'image  de  la  bonté  de  Dieu 
et  le  ministre  de  sa  providence  toujours 
juste  et  bienfaisante. 

Dieu  n'a  point  dispensé  les  rois  de  la  loi 
générale  qui  ordonne  à  tout  lionnne  de 
faire  aux  autres  ce  qu'il  veut  qu'on  lui  fasse 
(Matlh.,  c.  vu,  V.  I2j,  il  leur  commande,  au 
contraire,  d'avoir  continuellement  sa  loi  sous 
les  yeux,  cette  loi  éternelle  ,  juste  et  sainte, 
qui  ne  fait  point  acception  des  personnes, 
et  qui  pourvoit  également  aux  droits  de  tous 
[Deut.,  c.  xviii,  V.  16  et  suiv.).  11  les  avertit 
que,  quand  ils  jugent,  ce  n'est  pas  leur  pro- 
pre jugement  qu'ils  exercent,  mais  c:  lui  do 
Dieu  ;  qu'il  les  jugera  lui-même,  et  que  s'ils 
abusent  do  leur  fiouvoir,  il  les  punu'a  plus 
sévèrement  que  les  particuliers  {Sap.,c.  vi,  v. 
2,3,  9,  etc.).  En  effet,  l'histoire  sainte  nous 
montre  les  rois  toujours  |)unis  de  leurs  fau- 
tes parla  révolte  de  leurs  sujets,  par  des  en- 
nemis étrangers,  [lar  hs  désoidres  de  leur 
pro[)re  famille,  par  les  tléaux  que  Dieu  leur 
envoie.  Si  à  ces  grandes  leçons  nous  ajou- 
tons toutes  les  vertus  que  Dieu  commande 
aux  souverains,  la  justice,  la  sagesse,  la 
douceur ,  la  modération  ,  la  clémence  ,  la 
constance  et  la  fermeté,  la  piété,  la  chasteté, 
l'assiduité  aux  all'aires,  la  prudence  dans  le 
choix  des  ministres  ,  le  soin  de  soulager  les 
pauvres  et  de  protéger  les  faibles,  de  renon- 
cer à  toute  conquête  injuste ,  d'éviter  la 
guerre,  source  féconde  de  désastres  et  de 
malheurs  :  quel  prétexte  un  roi  Irouvera-t-il 
dans  sa  religion  pour  opprimer  les  peujiles, 
pour  leur  ravir  le  degré  de  liberté  que  Dieu 
leur  a  laissée  ,  et  qui  est  nécessaire  k  leur 
Lonheur,  pour  établir  le  despotisme  sur  la 
ruine  des  lois?  Lors  pi'un  philosophe  a  écrit 
que  la  superstition  a  fait  croire  aux  hommes 
que  les  dépositaires  de  l'autorité  publique 
avaient  reçu  des  dieux  le  droit  de  les  asser- 
vir et  de  les  rendre  malheureux, Po/i'f.  nat., 
tom.  n,  dise.  5,  §  7,  il  devait  du  moins 
avouer  que  cette  superstition  n'est  pas  née 
du  christianisme.  Quel  système  nos  pro 
fonds  j)olitiques  ont-ils  imaginé  qui  soit  plus 
favorable  à  la  liberté  des  peuples  ?  ils  sont 
forcés  d'observer  eux-mêmes  qu'être  libre  ce 
n'est  pas  avoir  le  pouvoir  de  faire  tout  ce 
qu'on  veut,  mais  tout  ce  (ju'on  doit  vouloir; 
que  l'homme  étant  destiné  par  la  nature  i> 
vivre  en  société,  il  est  i)ar  là  même  assujetti 
à  tous  les  devoirs  qu'exige  le  bien  com- 
mun de  la  société  dans  laquelle  sa  naissance 
l'a  placé.  Ibid. 

Le  degré  de  liberté  légitime  est  donc  rela- 
tif au  caractère  de  chaiiue  nation,  à  la  me 


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sure  d'intelligence  et  de  sagesse  qu'elle  a 
pour  se  conduire,  de  vertu  à  laquelle  elle  est 
parvenue ,  ou  de  corruption  dans  laquelle 
elle  est  tombée.  Un  peuple  léger,  frivole, 
inconstant,  perverti  par  le  luxe  et  par  un 
goût  effréné  pour  le  plaisir,  auquel  il  ne 
reste  ni  mœurs,  ni  patriotisme,  ni  respect 
pour  les  lois,  est-il  capable  d'une  grande  li- 
berté? Plus  il  la  désire,  moins  il  la  mérite  ; 
plus  il  semble  redouter  l'esclavage,  plus  il 
fait  de  pas  pour  y  tomber;  ses  clameurs.con- 
tre  le  despotisme  avertissent  le  gouverne- 
ment de  bander  tout  ses  ressorts  et  de  ren- 
forcer son  pouvoir  :  c'est  parle  despotisme 
même  que  Dieu  menace  de  punir  une  nation 
vicieuse  (/soi.,  XIX,  4). 

Nos  politiques  incrédules  ,  qui  ne  veulent 
ni  Dieu  ni  loi  divine,  commencent  par  sup- 
poser que  l'homme  est  libre  par  nature,  af- 
franchi de  toute  loi ,  maître  absolu  de  lui- 
môme  et  de  ses  actions  ;  que  sa  liberté  ne 
peut  être  gênée  qu'autant  qu'il  y  consent 
pour  son  bien  ;  que  la  société  civile  est  fon- 
dée sur  un  contrat  par  lequel  l'homme  s'est 
soumis  aux  lois  et  au  souverain,  afin  d'en 
être  protégé  ;  que, quand  il  sent  qu'il  est  mal 
gouverné,  il  peut  romi)re  son  engagement 
et  rentrer  dans  l'indépendance. 

Au    mot  Société  nous  réfuterons  ce  sys- 
tème absurde  ;  il    est   bien  étrange  que  des 
philosophes,  qui  nous  refusent  la  liberté  na- 
turelle ou  le  libre  arbitre,  veuillent  pousser 
si  loin  la  liberté  politique.  C'est  une  contra- 
diction d'affirmer  que  l'homme  est  destiné  à 
la  société  par  la  nature,  que  cependant  il  est 
libie  par  nature  et  affranchi  de  toute  loi.  La 
société  peut-elle   donc  subsister  sans  loi,  et 
y  a-t-il  des  lois  lorsque  personne  n'est  tenu 
de  les  observer  ?  La  nature  ne  signifie  rien, 
si  par  ce  terme  l'on  entend  autre  chose  que 
la    volonté   du  Créateur;  la   nature,    prise 
pour  la   matière,  ne    veut  rien ,    n'ordonne 
rien,  ne  dispose  de  rien  ;  mais  Dieu,  créateur 
de  1  homme,  est  aussi  l'auteur  de  ses  besoins 
et  de  sa  destinée,  par   conséquent  de  la  so- 
ciété et  des  lois  sociales  ;  c'est  lui  qui ,  sans 
consulter  l'homme ,  lui  a  imposé  pour  son 
bien  les  devoirs  de   société.  C'est  donc  une 
absurdité   de  supposer  que  l'homme  ,  qui  a 
Dieu  pour  maître  ,  est  cependant  son  propre 
maître,  qu'il  peut  disposer  de  lui-même  con- 
tre la  volonté  de  Dieu  ,  qu'il  faut  un  contrat 
pour  limiter  sa  liberté,  lorsque  Dieu  y  a  mis 
des  bornes.   La  liberté  du  citoyen  est-elle 
donc  mieux  en  sûreté  sous  sa  propre  garde 
que  sous  celle  de  Dieu?  S'il  peut  h  son  gré 
rompre  ses  engagements,  la  force  seule  peut 
lassujettir;   un   souverain   qui  compte  sur 
un    autre    moyen  pour   retenir   ses    sujets 
sous  le  joug  "des  lois,  est  un  insensé  ;  dès 
qu'il  n'est  pas   despote  ,  il  n'est  plus   rien. 
Ainsi,  en  voulant  outrer  la  liberté  politique, 
on  t'anéantit. 

Mais  la  religion  y  a  mieux  pourvu  :  en 
rapportant  h  Dieu  la  société  civile,  aussi 
bien  que  la  société  naturelle,  elle  a  fondé 
sur  une  base  inébranlable  l'autorité  des  rois, 
r<'béissauce  des  peuples  et  les  bornes  légi- 
times  de  l'un  et  de  l'autre.  La  loi  divine. 


source  de  toute  justice,  le  bien  général  de 
la  société  dont  Dieu  est  le  père,  voilà  les 
deux  règles  desquelles  il  n'est  jamais  per- 
mis de  s'écarter.  Ce  bien  général  exige  que 
le  peuple  ne  soit  'jamais  blessé  dans  les 
droits  qui  lui  sont  attribués  parles  lois;  mais 
il  exige  aussi  que  le  souverain  ne  soit  pas 
gêné  dans  l'exercice  de  son  autorité  par  un 
pouvoir  plus  grand  que  le  sien  :  le  bien  gé- 
néral ne  demande  point  que  le  peuple  soit  le 
juge  et  l'arbitre  de  l'étendue  de  sa  liberté, 
ni  des  bornes  du  pouvoir  du  souverain  : 
l'expérience  ne  prouve  que  trop  les  abus  qui 
résulteraient  de  celte  constitution. 

Nos  adversaires  n'ont  pu  les  méconnaître  ; 
plusieurs  ont  avoué  qu'en  général  le  peuple 
est  incapable  de  se  former  une  vraie  notion 
de  la  liberté.  «  Pour  peu,  dit  l'un  d'entre 
eux,  que  l'on  consulte  l'histoire  des  démo- 
craties, tant  anciennes  que  modernes,  on 
voit  que  le  délire  et  la  fougue  président  com- 
munément aux   conseils  du  peuple Une 

multitude  jalouse  et  ombrageuse  croit  avoir 
à  se  venger  de  tous  les  citoyens  que  le  mé- 
rite, les  talents  ou  les  richesses  lui  rendent 
odieux  ;  c'est  l'envie  et  non  la  vertu  qui  est  le 
mobile  ordinaire  des  républiques.  »  11  le 
prouve  par  l'exemple  des  Athéniens,  des  au 
très  peuples  de  la  Grèce  et  des  Romains  ;  il 
montre  le  ridicule  des  Anglais,  qui,  par  une 
crainte  iiuérile  de  l'esclavage,  ne  font  régner 
aucune  police  chez  eux.  «  Est-ce  donc  jouir 
d'une  vraie  liberté,  dit-il,  que  d'être  exposé 
sans  cesse  aux  insultes,  aux  boutades,  aux 
excès  d'une  populace  effrénée,  qui  croit  par 
ses  désordres  exercer  sa  liberté  ?  »  Polit,  nal., 
tome  II,  dise.  7,  §  il  ;  dise.  9,  §  6,  etc.  Un 
autre  a  pensé  de  même  :  «  Dans  la  démocra- 
tie, dit-il,  bientôt  le  peui)le,  qui  ne  raisonne 
guère,  qui  ne  distingue  nullement  la  liberté 
de  la  licence,  se  vit  déchiré  par  des  factions; 
étourdi ,  inconstant ,  impétueux  dans  ses 
passions,  sujet  à  des  accès  d'enthousiasme, 
il  devint  l'instrument  de  l'ambition  de  quel- 
que harangueur,  qui  s'en  rendit  le  maître  et 

bientôt  le  tyran Ainsi  la  démocratie  ,  en 

proie  aux  cabales,  à  la  licence,  à  l'anarchie  , 
ne  procure  aucun  bonheur  à  ses  citoyens,  et 
les  rend  souvent  plus  inquiets  de  leur  sort 
crue  les  sujets  d'un  despote  ou  d'un  tyran.  » 
Système  social,  w  part.  c.  2,  pag.  24,  31,  etc. 
Un  troisième  n'a  pas  conçu  une  idée  plus 
avantageuse  de  la  liberté yivélendue  des  Grecs 
et  des  Romains  sous  le  gouvernement  repu-  ' 
blicain  ;  il  pense  qu'il  y  a  plus  de  liberté 
populaire  aujourd'hui  même  dans  les  mo- 
narchies, qu'il  n'y  en  avait  dans  les  anciennes 
républiques.  De  la  félicité  publique,  tom.  Il , 
c.  k.  David  Hume  avait  déjà  fait  cette  obser- 
vation ;  et  l'auteur,  qui  a  recherché  l'origine 
du  despotisme  oriental,  semble  l'avoir  adop- 
tée. Mais  ces  divers  auteurs  ne  nous  ont  pas 
instruits  des  causes  de  cette  heureuse  révo- 
lution ;  nous  soutenons  que  l'Europe  en  est 
redevable  au  christianisme ,  puisqu'elle  ne 
s'est  faite  que  chez  les  nations  chrétiennes. 
On  a  fait  un  crime  à  M.  Bossuet  d'avoir 
prouvé  que  le  pouvoir  des  rois  doit  être  ab- 
solu, Polit,  tirée  de  l'Ecriture  iainte,  tom.  I, 


297  LIB 

liv.  IV,  art.  1".  L'on  n,  pour  ron<lro  rotic 
doctrine  odionso ,  aU'ectc  de  conlondrc  lo 
pouvoir  absolu  avec  le  pouvoir  iliiiniti'^  et 
arbitraire.  Mais  Bossuet  lui-uiôme  s'est  ré- 
criiW-nntrc  cette  injustice  ;  il  a  soigneuse- 
ment distingué  ces  deux  choses.  Par  le  pou- 
voir absolu,  il  eulend,  1°  que  le  prince  n'est 
lias  obligi'^  <le  l'cndre  coni|ito  à  personne  do 
il:  qu'ilordonne  ;  2"  que  quan(l  il  a  jugé,  il 
n'y  a  j)i)iul  de  tribunal  supérieur  auquel  on 
])Uisse  en  appeler;  3°  ([u'il  n'y  a  point  d(i 
lorce  coaclive  ciintre  lui.  Sans  cela,  dit-il,  le 
jirince  ne  pourrait  faire  le  bien,  ni  l'épriiner 
le  mal  ;  il  faulijue  sa|>uissance  soil  telle  ([uo 
])ersonnc  ne  puisse  espérer  de  lui  éciiappcr  : 
la  seule  défense  des  particuliers  contre  la 
])inssance  publique  doit  être  leur  innocence!. 
Jbid.  Mais  il  faut  observer  que  les  rois  ne 
sont  pas  all'ranchis  pour  cela  des  lois,  en- 
core moins  d'écouter  les  représentations  et 
les  remontrances;  il  prouve  que  les  luis 
fondamentales  de  la  monarchie  doivent  (Hre 
sacrées  et  inviolables;  qu'il  est  même  très- 
dangereux  de  changer  sans  nécessité  celles 
qui  no  le  sont  pas,  tom.  I,  liv.  i,  art.  'i-. 
Après  avoir  fait  voir  en  quoi  consiste  le 
jjouvcrncment  arbitraire,  il  dit  (|ue  celte 
lorme  est  odieuse  et  barl)are,  qu'elle  ne 
peut  avoir  lieu  chez  un  |ieu|ile  bien  [lolicé  ; 
que  sous  un  Dieu  juste  il  n'y  a  point  de 
pouvoir  purement  arbitraire,  tom.  H,  liv. 
vnr,  art.  1,  prop.  4;  art.  2,  prop.  1.  C'est 
donc  très-mal  à  propos  qu'on  l'accuse  d'a- 
voir favorisé  le  des|)otisme. — Ce  sont  plu- 
tôt nos  adversaires  (|ui  travaillent  hl'élablir, 
en  ilé'livrant  les  rois  du  fi-ein  de  la  religion. 
Un  souverain,  qui  envisageiait  les  hommes 
connue  un  vil  troupeau  de  brutes  sorties  par 
hasard  du  sein  delà  matière,  serait-il  plus 
porté  à  res|)ectei'  leur  liberlé  et  à  s'occiq)er 
de  leur  bien-être,  ipie  celui  qui  les  regarde 
comme  les  créatures  d'un  Dieu  juste  et  sa..,'e, 
comnuî  une  grande  famille  dont  Dieu  est  le 
père,  comme  des  âmes  rachetées  [)arles,ing 
d'un  Dieu,  connue  les  héritiers  futurs  d'uii 
royaume  éteiiicl,  etc.  —  Ils  disent  que  la 
religion  ne  fait  point  d'impression  sur  les 
rois;  que  s'ils  étaient  athées,  ils  ne  pour- 
raient pas  être  pires;  que  le  seul  moyen  do 
les  forcera  être  justes,  est  la  raison  :  décla- 
mationfougueuse  et  absurde.  La  crainte  agit- 
elle  plus  |)uissamment  sur  les  des|>otes  que 
la  religion?  Un  sultan  ne  peut  ignorer  qu'à 
tout  moment  il  peut  être  détrôné,  em|iri- 
sonné  et  étranglé  :  il  ne  faut  pour  cela 
(ju'une  sentence  du  mufti,  ou  une  ré\()lte 
(les  soldats  :  on  en  connaît  plusieurs  exem- 
ples; ont  -  ils  produit  beaucoup  d'ell'et  ? 
La  Chine  a  essuyé  vingt-deux  révolutions 
générales;  elles  n'y  ont  pas  allégé  le  joug 
du  despotisme.  Rome  n'a  été  opprimée  par 
un  plus  grand  nombre  de  mauvais  empe- 
reurs, que  dans  le  teuips  qu'ils  étaient  mas- 
sacrés impunément  :  on  en  compte  trente- 
deux  en  moins  d'un  siècle.  Nous  cherchons 
vainement  dans  l'histoire  ce  que  les  peuples 
y  ont  gagné. 

Nous    convenons    qu'un   roi    athée,   s'il 
était  né  bon,  ferait    moins  de  mal  que  s'il 

DiCTIONN.     DE  ThÉOL.    DOGMàTIQUE.    IIL 


LIB  S9S 

était  né  méchant;  mais  comme  "nous  n'ea 
connaissons  aucun  qui  ait  fait  profession 
d'atihdsme,  nous  ne  savons  pas  jusqu'à  ([uel 
point  un  tel  monstre  serait  cajiable  de  [)orter 
la  (wuauté.  Peut-on  prouver  (juo  [)armi  les 
princes  chrétiens,  ceux  qui  ont  été  les  plus 
religieux  et  les  plus  pieux,  ont  été  les  plus 
mauvais?  La  plus  grande  gr;\ce  que  l'on 
puisse  faire  aux  incrédules  est  d'oublier  les 
invectives  séditieuses  auxquelles  ils  se  sont 
livrés.  Voij.  Autorité,  Gouyeb.nement  , 
Uoi. 

LIBERTINL  Voij.  Affranchis. 

HHI'.il'l'LNS,  fanatiques  qui  s'élevèrent  en 
Flandre  vers  l'an  13i7.  Ils  se  répandirent 
en  France  :  il  y  en  eut  à  Genève,  à  Paris, 
mais  surtout  à  Uouen ,  où  un  l'ordelier 
infe.lé  du  calvinis  ne  enseigna  leur  doc- 
trine. Ils  soutenaient  qu'il  n'y  a  qu'un  seul 
espi'it  do  Dieu  répandu  [lartout,  qui  est  et  ipii 
vit  dans  toutes  les  créatures;  qur  notre 
;lme  n'est  autre  chose  que  cet  esp'-it  de  Dieu, 
ct(iu'elle  nuurt  avec  le  corps  :  que  le  pé- 
c!ié  n'est  rien,  et  qu'il  ne  consiste;  que  dans 
l'opinion,  puisque  c'est  Dieu  qui  faU  tout  le 
bien  et  tout  le  mal;  que  le  paradis  est  une 
illusion  et  l'enfer  un  fantôme  inventé  par 
les  théologiens.  Ils  soutenaient  que  les  po- 
litiques ont  f  irgé  la  religion  pour  c  )ntenir 
les  peufiles  dans  l'obéissance,  que  li  régé- 
nération spirituelle  ne  consiste  qu'à  étoulTer 
les  remords  de  la  conscience;  la  pénitence, 
qu'à  souleiiirquel'on  n'a  fait  aucuf.  mal;  qu'il 
est  permis  et  même  expédient  de  feindre  en 
matière  de  religion  et  de  s'accommoder  à 
touies  les  sectes.  ^Ils  ajoutaient  a  tout  cola 
des  blisphèmes  contre  Jésus-Cluist,  en  di- 
sant que  ce  personnage  éttiit  un  je  ne  sais 
quoi,  composé  de  l'esprit  de  Dieu  et  de  l'o- 
pinion des  hommes.  Ces  principes  impies 
leur  lirent  donner  le  nom  de  libertins  que 
l'on  a  toujours  pris  depuis  dans  un  mauvais 
sens.  Ils  se  ri'pandirent  aussi  eu  Hollande 
et  dans  le  Brabant.  Leurs  chefs  furent  ua 
tailleur  de  Picardie,  nommé  Quintin,  et  un 
nommé  Coppiii  ou  Choppin,  qui  s'associa  à 
lui  et  se  lit  son  disciple. 

On  voit  que  leur  doctrine  est  en  plusieurs 
articles  la  même  que  celle  des  incrédules 
d'aujourd'hui;  le  libertinage  d'esprit,  qui  se 
répindit  à  la  naissance  du  prole>tantisme, 
devait  naturellement  con  luire  à  ci'S  excès 
tous  c  'ux  dont  les  manirs  étaient  corrom- 
pues. —  Quel  pies  historiens  ont  rapporté 
autremenîles  articles  de  croyance  d's  /;- 
bcrtins  dont  nous  parlons,  et  cela  n'est  pas 
étonnant  ;  une  secte,  qui  professe  le  liberti- 
nage d'esprit  et  de  cœur,  ne  peut  pas  avoir 
une  croyance  uniforme. 

On  dit  qu'un  des  plus  grands  obstacles 
que  Calvin  trouva,  lorsqu'il  voulut  ét;iblir  à 
denève  sa  réformation,  fut  un  nombreux 
parti  de  libertins,  qui  ne  ])Ouvaient  soulfrir  la 
sévérité  de  sa  discipline;  et  l'on  conclut 
de  là  que  le  libertinage  était  le  caractère 
dominant  de  l'Eglise  lomaine.  Mais  ne  s'est- 
il  plus  trouvé  de  libertins  dans  aucun  d?s 
lieux  où  la  prétendue*  réforme  était  Lien 
établie  et  le  papisme  profondément  oublié'/ 

10 


299  te,  LtB 

Jamais  le  nombre  criiomines  pervers,  perdus 
de  mœurs  et  de  réputation  n"a  été  plus 
grand  que  depuis  rétablissement  du  protes- 
tantisme; on  pourrait  le  prouver  par  l'aveu 
même  de  ses  plus  zélés  défenseurs.  11  est 
évident  que  les  principes  des  libertins  n'é- 
taient qu'une  extension  de  ceux  de  Calvin. 
Ce  réformateur  le  comprit  très-bien,  lors- 
qu'il écrivit  contre  ces  fanatiques;  mais  il 
ne  put  réparer  le  mal  dont  il  était  le  pre- 
mier auteur.  (Hist.  de  VEglise  galiicane; 
t.  XVllI,  an.  15i9.) 

LIBRE.  Dans  le  xvr  siècle  on  donna  ce 
nom  à  quelques  hérétiques  qui  suivaient 
les  erreurs  des  anabaptistes,  et  qui  se- 
couaient le  joug  de  tout  gouvernement,  soit 
ecclésiastique,  soit  séculier.  Ils  avaient  des 
femmes  en  commun ,  et  ils  appelaient 
union  spirituelle  les  mariages  conti'actés 
entre  frère  et  sœur;  ils  défendaient  ou>c 
femmes  d'obéir  à  leurs  maris  lorsqu'ils 
n'étaient  pas  de  leur  secte.  Ils  se  préten- 
daient impeccables  après  le  baptême,  parce 
que ,  selon  eux ,  il  n'y  avait  que  la  chair 
qui  péchftt  ;  et  dans  ce  sens,  ils  se  nom- 
maient des  hommes  ditDiises.  Ce  n'est  pas 
ici  ia  seule  secte  dans  laquelle  le  fanatisme 
se  jouit  à  la  corruption  des  mœurs  ;  plu- 
sieurs autres  ont  eu  recours  au  môme  expé- 
dient jiour  étouffer  les  remords  et  satisfaire 
])lus  librement  les  passions.  Gauthier,  Chro- 
nique, sect.  10,  c.  70. 

*  Libres  pENSEuns.  Il  y  a  eu  de  tout  temps  des  li- 
bres penseurs,  des  esprits  forts,  qui  ont  dédaigné  les 
routes  Iv'illues  et.  se  sont  l'rayé  des  sentiers  incon- 
nus du  vulgaire.  La  maladie  d'innover  est  aussi  an- 
cienne qiic  riiomnie  ;  elle  a  son  londement  dans  l'or- 
gueil de  notre  nature.  Quoi  de  plus  agréable  que  de 
se  dire  :  «  Le  monde  avant  moi  marcbait  dans  les 
ténèbres,  j'ai  l'ait  luire  la  lumière  '?  >  Il  s  en  faut  ce- 
pendant que  lus  elfets  répondent  à  de  telles  préten- 
tions. Que  sont  toutes  les  inventions  religieuses, 
philosophiques,  politiques,  sociales,  qui  s'étalent 
chaque  malin  sous  nos  yeux,  sinon  de  vieilles  idées 
condamnées  par  l'expérience  et  Uétries  par  l'histoire'? 
Nous  avons  vu  le  mal  que  les  libres  penseurs  du  w 
et  ilu  xvui°  siècle  ont  lait  à  la  religion.  Nous  voyous 
le  tort  que  les  libres  penseurs  font  à  la  société  et  aux 
gouvernements  établis.  Lcuis  belles  théories  amon- 
cellent des  ruines  et  rien  que  des  ruines. 

Il  y  a  eu  en  Angleterre  une  société  religieuse  con- 
nue sous  le  nom  de  Libres  penseurs.  Ils  ne  reconnais- 
saient ni  divinité  de  Jésus-Christ,  ni  péché  originel, 
ni  baptême,  ni  cène,  ni  chant.  Leurs  réunions  con- 
sistaient en  banquets  fraternels  qui  rappelaient  ceux 
des  premiers  chrétiens.  Ils  n'avaient  d'autres  livres 
sacrés  que  l'Evangile  qu'ils  expli(iuaieut  d'une  ma- 
nière tout  humaine.  Ou  voit  (|ue  ce  n'étaient  des 
chrétiens  que  de  nom,  et  en  réalité,  de  ces  prétendus 
philosophes  qui  se  sont  multipliés  pour  le  malheur 
du  monde.  Les  libres  penseurs  existent  encore  en 
Angleterre  comme  association  religieuse. 

LICENCE,  LICENCIÉ.  Dans  la  faculté  de 
théologie,  on  nommi  licence]^  cours  d'études 
de  deux  ans  qui  se  fait  depuis  qu'un  étu- 
diant a  reçu  le  degré  de  bachelier,  jusqu'à 
ce  qu'il  obtienne  celui  de  licencié.  Un  bâche-  '■■ 
lier  en  licence  est  celui  qui  fut  ce  cours  d'é-  l 
ludes  ;  il  est  obligé  d'assister  à  toutes  les  ■ 
thèses  qui  se  soutiennent,  d'y  argumenter,  ' 
de  subir  pluiyeurs  examens  et  de  soutenir 


m 


âoo 


des  thèses.  Le  degré  de  licencié  est  ainsi 
nommé,  parce  que  celui  cjui  l'obtient  reçoit 
non-seulement  la  licence  ou  la  permission 
de  se  retirer,  mais  le  privilège  de  lire  et 
d'enseigner  publiquement  la  théologie.  Voy. 
Degré. 

Comme  le  goût  dominant  de  noire  siècle 
est  de  changer  tout  ce  qui  s'est  fait  autre- 
fois, il  s'est  trouvé  des  censeurs  qui  ont 
bl;1mé  cette  manière  d'exercer  les  jeunes 
gens  h  la  théologie.  Ils  ont  dit  que  les  étu- 
des de  licence  n'étaient  bonnes  qu'à  faire 
des  disputeurs,  «  perpétuer  les  subtilités  de 
la  scolastique,  à  dégoûter  du  travail  paisible 
du  cabinet  ;  que  de  fréquents  examens  à 
subir,  et  la  lecture  assidue  des  bons  auteurs 
seraient  plus  capables  de  donner  aux  ecclé- 
siastiques les  connaissances  dont  ils  ont 
besoin  pour  servir  utilement  l'Eglise. 

On  nous  permettra  de  prendre  la  défense 


de 


usage  établi. 


1°  Il   faut   un    aiguillon 


puissant  pour  exciter  à  l'étude  des  jeunes 
gens  souvent  paresseux,  dissipés,  trop  con- 
fiants à  leur  capacité  naturelle.  Le  plus 
puissant  de  tous  est  certainement  l'émula- 
tion ou  le  désir  de  se  distinguer  parmi  des 
compagnotis  d'étude  ;  un  jeune  théologien 
ne  connaît  bien  ses  forces  ni  sa  faiblesse 
que  quand  il  s'est  mesuré  avec  ceux  qui 
courent  la  même  carrière.  Le  désir  de  mé- 
riter l'approbation  et  les  suffrages  des 
examinati  urs  ne  sera  jamais  aussi  vif  cfue 
l'ambition  de  l'emporter  sur  des  concurrents. 
Une  preuve  de  celte  vérité,  c'est  que  plu- 
sieurs négligent  l'étude  après  leur  licence, 
parce  qu'ils  n'ont  plus  le'*  même  motif  d'é- 
mulation.— i°  Quoi  qu'on  en  dise,  la  mé- 
thode scolastique  est  nécessaire  :  nous  le 
prouverons  en  son  lieu.  Les  hérétiques  l'ont 
décriée,  parce  qu'elle  aguerrit  contre  eux  les 
tliéologiens  catholiques,  et  il  est  fort  aisé 
d'en  corriger  les  défauts,  s'il  s'y  en  trouve 
encore.  Se  flaltcra-t-on  de  créer  aujour- 
d'iiui,  par  une  méthode  nouvelle,  des  théo- 
logiens plus  habiles  que  Bossuet,  Fénelun, 
ïournély,  etc.,  qui  avaient  fait  leur  licence? 
—  3°  Rien  n'empêche  les  évoques  d'établir 
pour  les  ecclésiastiques,  après  leur  licence, 
des  examens  sur  les  questions  de  morale  et 
de  pratique,  sur  l'explication  de  l'Ecriture 
sainte,  sur  la  discipline  de  l'Eglise,  etc.  Au- 
trefois la  maison  épiscopale  était  le  sémi- 
naire des  clercs,  et  l'évêque  lui-même  leur 
premier  maitre  ;  aucun  ecclésiastique  ne 
refuserait  de  se  soumettre  à  ce  nouveau 
cours  d'études  en  sortant  de  dessus  les 
bancs  ;  l'émulation  y  serait  entretenue  par 
l'espérance  d'être  plus  prom[)tement  et  plus 
avantageusement  placé  qu'un  autre.  Il  fau- 
drait donc  commencer  par  essayer  quelque 
part  la  méthode  que  l'on  juge  Être  la  meil- 
leure ;  si  elle  réussissait  mieux  que  l'an- 
cienne, il  serait  permis  alors  de  raisonner 
d'ajjrès  ce  succès  :  jusqu'à  ce  que  l'épreuve 
soit  faite,  il  faut  se  défier  beaucoup  du  juge- 
ment des  réformateurs. 

♦  LIEUXSAINTS.  Rien  au  monde  n'est  plus  digne 
de  fixer  l'altenlion  de  l'homme  que  tout  ce  qui  lient 
au  culte  de  la  Uiviniié.  Il  puise  de  profonds  enseigne 


501 


LIE 


LIE 


302 


tuftnls  ilans  l'ôliide  des  dogmes  qui  sont  le  fondement 
(!e  tonte  religion,  dans  l:i  connaissance  dos  céiouio- 
nics  qui  doivent  en  inanifeslcr  l'es(irlt,  dans  l'idée  de 
ses  ministres  qin  doivent  rbunorer.  Il  n'y  a  pas  même 
jn^qn'anx  lienx  consacrés  par  les  peuples  pnur  lio- 
noier  la  Divinité,  qui  ne  doivent  parler  au  cœur  de 
riionime.  Ces  lieux  méritent  de  devenir  l'objet  de 
notre  étude. 

Les  hommes  ont-ils  eu,  dés  l'origine,  des  lii'ux  pins 
spécialement  consacrés  an  service  divin  ?  L'homme 
■A  besoin  d'un  culte  pnblic  ;  notre  nature  et  1  histoire 
du  genre  humain  en  attestent  la  nécessité.  Il  est 
donc  aussi  ancien  que  leuKMnlc.  Mais,  dans  iws  idées, 
nu  culte  public  et  dos  lieux  plus  spécialement  consa- 
<  lés  à  la  Divinité  sont  corélatifs.  Nous  croyons  donc 
que,  dés  l'origine,  les  lionwnes  ont  eu  des  lieux  plus 
spécialement  consacrés  au  culte  de  la  Divinité. 

Le  Penlaieuque  nous  révèle  (]uc  les  premiers  en- 
fant!, de  la  terre,  aussi  sim|i!es  dans  leurs  rites  (|ue 
dans  leurs  mœurs,  rendaient  jiartont,  sans  distinc- 
limi  de  lieux,  leurs  hommages  au  (.'.réatcnr  de  toutes 
choses.  Un  autel  de  pierre  élevé  an  fond  de  la  vallée, 
des  fruits  offerts  an  pied  do  l'arbro  (pii  les  avait  por- 
tées, par  la  main  peut- cire  qui  les  avait  détachés,  des 
aidmauï  immolés  dans  le  clianq)  ijui  les  avait  nour- 
ris, la  prière  sur  la  montagne,  on  il  était  permis  de 
sacrifier,  voilà  quels  furent  les  lieux  sacrés  à  l'ori- 
gine. 

Abraham,  afin  sans  doute  d'environner  de  plus  de 
respect  l'autel  qu'il  avait  die>sé  à  Bersahée,  planta 
tout  autour  un  bois,  où  il  se  rendait  lui  et  ses  enfants 
avec  l'assiduité  la  plus  louable.  Cet  usage  se  répan- 
dit rapidement,  et  toutes  les  hauteurs  furent  à  la 
fois  plantées  de  bocages.  —  Les  païens  consacrèrent 
des  arbres  à  leurs  divinités.  Us  plac 'rent  au  milieu 
de»  sombres  forêts  les  (oniples  des  divinités  farou- 
ches. Un  buis  de  myrte  environnait  la  demeure  des 
dieux  des  plaisirs.  Leurs  adorateurs  pouvaient  s'éga- 
rer dans  les  sentiers  tortueux  et  se  livrer  à  la  volupté 
sous  la  garde  du  dieu  tutélaire.  l'eut-on  s'étonner, 
après  cela,  que  le  Seigneur  ailordonné  aux  Israililes 
d'abattre  les  foivls  desChananéens,  de  détruire  leurs 
statues  ?  C'était  un  devoir  prescrit  par  la  morale  ; 
c'était  une  nécessité  pour  un  peuple  qui  éprouvait  un 
si  vi(denl  penchant  pour  les  divinités  étrangères.  Il 
leur  fallait  un  culte  sévère  qui  leur  rappeliit  sans 
cesse  l'unité  de  Dieu.  C'est  ce  que  faisait  très-bien  le 
labernacle,  le  seul  qu'il  fût  permis  d'élever  an  Sei- 
gneur. 

Lieux  théologiques.  Ce  sont  les  sources 
dans  lesquelles  les  théologiens  puisent  des 
prouves  pour  appuyer  les  vt^iités  qu'ils  veii- 
ieiil  établir.  Dans  le  même  sens,  Cicéron  a 
noiniué  lieux  oratoires  les  sources  qui  four- 
nissent des  preuves  aux  orateurs. 

Melchior  Cano,  dominicain,  évêque  des 
Canaries,  qui  avait  assisté  au  concile  do 
Trente,  a  lait  un  très-bou  traité  dos  Lieux 
théulogiques.  Il  serait  à  souhaiter  que  la 
forme  en  lût  aussi  agréable  que  le  fond  on 
est  solide  ;  mais  il  s'est  trop  attaché  à  la  mé- 
thode scolastique  ;  c'est  ce  qui  rend  la 
lecture  de  cet  ouvrage  peu  attrayante.  L'au- 
teur est  mort  au  milieu  du  xvi"  siècle,  dans 
un  temps  auquel  les  études  de  théologie 
n'avaient  pas  encore  pris  la  bonne  route 
qu'elles  suivent  aujimrd'hui.  Après  avoir  re- 
marqué que  la  théologie  est  une  science  de 
tradition,  et  non  d'invention,  d'autorité  et 
non  do  raisonnements,  il  distingue  dix  es- 
pèces de  preuves  ou  de  lieux  tliéolof/iques  : 
.1"  l'Ecriture  sainte,  qui  est  la  parole  de 
Dieu  ;  2'  la  tradition  conservéede  vivo  voix  de- 
puis les  apùtresjusqu'à  nous;  3M"autorilé  de 


rRglisecatholique;?i-°Iesdécisionsdes  conciles 
généraux  qui  la  représentent;  5°  l'autorité 
ilo  l'Kglise  romaine  on  dos  souverains  pon- 
tifes; 6"  le  ténioignag(^  des  Pères  de  l'E- 
glise; 7°  le  sentiment  des  théologiens  qui 
ont  succédé  aux  Pères  dans  la  fonction 
d'enstMgner,  et  auxquels  on  peut  joindre  les 
canonisies;  8°  les  raisonnements  par  los({ue]s 
on  tir.'  des  conséquences  de  ces  dillorentes 
|)rouves  ;  9°  l'opinion  des  philosophes  et  des 
jurisconsultes;  10"  le  témoignage  dos  his- 
toriens touchant  les  matières  de  fait.  On 
trouvera  dans  ce  Dictionnaire  des  articles 
particuliers  sur  chacun  de  ces  chefs. 

1"  Pour  établir  l'aulorité  de  l'Ecriture 
sainte,  l'évoque  des  Canaries  observe  que 
Dieu,  dont  elle  est  la  parole,  ne  peut  nous 
induire  en  erreur,  ni  |)ar  hii-mèiue,  ni  par 
l'iirgane  de  ceux  qu'il  a  insfiirés,  et  auxquels 
il  a  donné  mission  pour  déi^larer  ses  volon- 
tés aux  hommes.  Il  prouve  que  le  dis- 
cornoraont  des  livres  que  l'on  doit  recevoir 
coiiiine  parole  de  Dieu  ne  jieiit  s(>  faire  que 
par  le  jugement  (le  l'Eglise.  Il  n'-pon  I  aux 
raisons  des  hérétiques  qui  ont  prétendu  que 
l'on  peut  discerner  ces  livres  par  eux-mèim'S, 
et  découvrir  sans  autres  secours  s'ils  so^t 
inspirés  ou  non.  Quant  aux  livres  dont  la 
canonicité  a  été  révoquée  en  doute  pendant 
qui'lque  toiups,  il  montre  que  l'on  ne  doit 
pas  les  rejeter.  Il  établit  l'autorité  de  la  ver- 
sion Vulgate,  sans  contester  l'utilité  des 
textes  originaux,  ni  de  l'étude  des  anciennes 
langues;  il  fait  voir  que  cette  version  fait 
preuve  et  doit  être  reçue  pour  authentique 
dans  le  sons  que  l'a  déclaré  le  concile  de 
Trente.  Il  traite  ensuite  la  question  de 
savoir  jusqu'à  quel  point  l'on  doit  étendre 
l'inspiration  et  rassistynco  que  Dieu  a  don- 
née aux  autours  sacrés  ;  il  soutient  que  ces 
écrivains  n'ont  pu  se  tromper  en  rien,  qu'il 
n'y  a  aucune  erreur  dans  leurs  écrits,  qu'il 
n'a  co{)ondant  pas  été  nécessaire  que  Dieu 
leur  dictiU  jusqu'aux  mots  et  aux  syllabes. 
Voy.  Canon,  Ecritcre  sainte.  Inspiration, 
Ole. — 2°  Sur  le  second  chef,  Melchior  Cano 
s'attache  à  prouver  que  les  apôtres,  outre 
les  vérités  ciuils  ont  mises  pir  écrit,  en 
ont  enseigne  d'autres  que  l'Eglise  a  soi- 
gneusement conservées,  et  que  l'on  doit 
y  croire  comme  à  celles  qui  sont  consignées 
ilans  l'Ecriture  sainte.  11  observe  que  l'Eglise 
de  Jésus-Christ  était  formée  avant  que  le 
Nouveau  Testament  eilt  été  écrit,  à  plus 
forte  raison  avant  que  l'on  eût  pu  le  tra- 
duire dans  les  diti'érentes  langues  dos  pen- 
ph.'S  convertis.  Il  fait  voir  que  la  virginité 
perpétuelle  de  Marie,  la  descente  de  Jésus- 
Christ  aux  enfers,  la  validité  du  baptême 
des  enfants,  etc.,  qui  sont  des  dogmes  de  la 
foi  chrétienne,  ne  se  trouvent  pas  clairement 
et  formellement  révélées  dans  les  Ecritures; 
qu'il  en  est  de  même  de  plusieurs  usages 
qui  viennent  certainement  des  apôtres.  Il 
n'y  a  d'ailleurs  aucune  raison  de  croire  que 
les  apôtres  ont  mis  par  écrit  tout  ce  qu  ils 
ont  enseigné  de  vive  voix;  celles  que  les 
protestants  ont  alléguées  pour  le  prouver  ne 
sont  pas  plus  solides  :  notre  auteur  y  répond; 


305  LIE 

il  donne  des  règles  pour  discerner  les  tradi- 
tions que  Ton  doit  regarder  comme  apostoli- 
ques. Vfii/.  TRAniïioN.  — S-En  troisième  lieu, 
touchant  ri'.^/Jsc  après  avoir  lixé  le  sens  de 
ce  terme,  et'après  avoir  montré  qui  sont  les 
membres    de    cette    société    sainte,    Cano 
prouve  qu'elle  ne  peut  ni  tomber  dans  Ter- 
reur, ni  y  entraîner  les  iidèles,  conséquem- 
raent  que  le  corps  des  pasteurs  chargé  d'en- 
seigner ne  peut  ni  se  tromper,  ni  égarer  le 
troupeau  :  il  discute  les  autorités,   les  faits, 
les   raisonnements   que  les  hérétiques  ont 
opposés  à  celte  vérité.  Voy.  Ec.lise,  Infail- 
MiiiLiTÉ.  —  4°  Ce  qui  est   vrai  à  l'égard  de 
l'Eglise  universelle  s'applique  naturellement 
aux  conciles  généraux  qui  la  représentent  ; 
l'Eglise  môme  ne  peut  pr.ofesser  et  déclarer 
sa  foi  d'une   manière  plus  authentique  ni 
])lus  éclatante  que  dans  une  assemblée  géné- 
rale de  ses  pasteurs.  Conséquemment  Cano 
soutient  que  dans  les  matières  qui  concer- 
nent la  foi  et  les  mœurs,  un  concile  général 
est  infa«-<llible  ;  mais,  comme  tous  les  théolo- 
giens ultramontains,  il  fait  dépendre  cette 
infaillibilité  de  la  convocation,  de  la    prési- 
dence et  de  la  coniirmation    qu'en   fait  le 
souverain  pontife,  tellement  que  si  une  de 
ces  choses  manque,  le  concile  n'a  plus  aucune 
autorité  :  doctrine  à  laquelle  nous  ne  sous- 
crivons point,  et  qui  est  contraire  à  celle  du 
clergé  de  France.  Voy.  Concile,  Infaillibi- 
lité. —  5°  De  môme  ,  en  traitant  de  l'autorité 
du  souverain  pontife  en  matière  de  foi,  l'é- 
voque des  Canaries  fait   son  possib'e  pour 
la  rendre  égale  à  celle  d'un  concile  général; 
il  allègue  les  passages  d  ■   l'Ecriture   sainte, 
des  conciles,  d  'S  Pères  de  l'E  j,lise,   surtout 
des  papes,  qui  semblent  favorables  K  ceite 
opinion.  Mais  M.  Bossue!,  dans  sà  Défense  de 
la  Dédaralion  du  clergé  de  France  de  1682, 
a  solidi'miMit  réiionilu  à  toutes  ces  autoriiés  ; 
il  a  fait  voir  qu^j  les  ultramontains  en  pous- 
sent trop  loin  les  conséquences,  et  il  leur 
oppose  des  preuves  auxquelles  Cano  ne  sa- 
tisfait point.   Voy.  Pape,   Infaillibilité  (1). 
—  G"   A  1  égard  de  l'autorité   des  Pères  de 
lEglse,    il    observe    que    leur   sentiment, 
lorsq  l'il  n'est  pas   unanime,  ou  du  moins 
suivi    par    le    très-grand   nombre,   ne   fait 
qu'un  argument  prob.ible.  A  celte  occasion, 
il  s'élève  contre  les  théologiens  qui  ont  voulu 
faire  du  seul  saint  Augustin  un  cinquième 
évangile,  et  donner  à  ses  ouvrages  une  au- 
torité égale  il  celle  des   livres  canoniques. 
Voy.  Saint  Augustin.  Alais  il  soutient  qu'en 
fait  de  matières  dogmatiques,  lorsque  le  très- 
grand  nombre   des  Pères    enseignent    une 
môme  doctrine,  on  doit  regarder  ce  consen- 
teruent    comme    une    marque    certaine    de 
vérité.  En    ell'et,   si   presque   tous   avaient 
adopté    une  même    erreur,   il    s'ensuivrait 
qu'ils  y  ont  entraîné  l'Eglise  entière,  puis- 
qu'on général  les  fidèles  ont  toujours   suivi 
avec  docilité  la  doctrine  des  Pères,   et  les 
ont  regardés  comme  leurs  maîtres  et  leurs 

(I)  Nous  avons  combattu  l'opinion  gallicane  dans 
nos  art.  Déclaration  du  clergé  de  Fr4nce,  de  1682, 
ei  Infaillibilité  nu  papr. 


LIE 


301 


guides.  D'ailleurs,  comment  un  grand  nom- 
lire    d'hommes    rccommandables  par  leurs 
lumières  et  par  leurs  vertus,  qui    ont    vcu 
en  dilférents  temps  et  en  différents  lieux, 
entre  lesquels  il  ne  peut  y  avoir  eu  de  col- 
lusion, auraient-ils  embrassé  tous  la  môme 
o|iinion  sans  fondement,  sans  intérêt  contre 
toute  apparence  de  vérité  ?  L'unanimité  ou 
la  presque  unanimité  do  leurs  sentiments  sur 
une  question  dogmatique  n'a  lias  pu  se  for- 
mer par  hasard:  on  ne  peut  en  imaginer  une 
autre  cause    que    la   solidité   des  preuves. 
Voy.    PÈRBS  DE    l'Eglise.  —  7°   Après  avoir 
allégué  les  reproches  et  les  invectives  que 
les  hérésiarques  et  leurs  jiartisans  ont  vomis 
contre  les  tliéologiens,  l'auteur,  sans  dissi- 
muliT   les  défauts  dans  lesquels   plusieurs 
scolastiques  sont  tombés,  fait  voir  qu'on  ne 
doit  pas  les  attribuer  à  la  théologie,  de  môme 
que  l'on  ne  rend  point  la  philosophie  res- 
ponsable   des    défauts  des  philosophes.    11 
convient  que,  quand  les  théologiens  dispu- 
tent et  ne  sont  [loint  d'accord  sur  une  ques- 
tion, leur  avis  ne  lait  pas  preuve;  mais  lors- 
que  le  très-grand   nombre   sont    de  môme 
sentiment,  il  y  a  de  la  témérité  à  le  contre- 
dire et  ai  le  taxer  d'erreur.  En  effet,   non- 
seulement  le  commun  des  fidèles  se  trouve 
dans  la  nécessité   de  s'en  rapporter  h  ceux 
qui    sont     chargés    d'ens-igner,    mais    les 
pasteurs   môme    de    l'Eglise,  assemblés  en 
concile,  n'onl  jamais  manqué  de  consulter 
les  théologiens  et  de  prendre  leur  avis.    11 
en  est  de  môme  des  canonist 'S  en  maiière  de 
lois  et  de  discipline.  On  voit  aisément    que 
les   calomnies    des    hérétiques    contre   les 
théologiens  leur  ont  été  dictées  par   la  pas- 
sion; il   leur   était  naturel  de    haïr    et    de 
décrier  des  adversaires    qu'ils  redoutaii'nt, 
et  qui  souvent  les  couvraient  de  confusion. 
Voy.  Théologie,   Scolastique. — 8°  Sur  l'u- 
sage que  l'on   doit   faire    du   raisonnement 
dans  les  matières  théologiques,  Cano    con- 
vi  nt  iju  ■    les    scolastiques    des     derniers 
siècles  en  ont  abusé,  lorsqu'au  lieu  de  fon- 
der   les    dogmes    de    la   loi    sur  l'Ecriture 
sainte  et  sur  la  tradition,  ils  se  sont  attachés 
à  lys  prouver  principalement  ]iar  des   rai- 
sonnements philosophiques.   Mais   il  n'ap- 
])rouve    pas    non    plus  ceux  qui  auraient 
voulu  bannir  de  la  théologie  l'usage   de   la 
dialectique  et  des  autres  sciences  humaines. 
Puisque  les  hérétiques  et  les  incrédules  s'en 
servent  pour  attaquer  les  vérités  de  la  foi, 
un  théologien,  pour  les  défendre,  est  obligé 
de  recourir  aux  mêmes  armes;  et  cela  n'a 
jamais  été   plus  nécessaire  que  dans  notre 
siècle,  puisque  l'on  y  a  fait  usage  de  toutes 
les  sciences  pour  attaquer  l'Ecriture  sainte 
et  les  preuves  de  notre  religion.   Une  étude 
indispensable  est  celle  de  la  critique  pour 
ajiprendre  à  distinguer  les  monumenls  au- 
theiitiijues  d'avec  ceux  qui  ne  le  sont  pas. 
Voy.  CuiTiy!  K,  MÉTAPHYSIQUE.  —  9°  Eu  jiar- 
lant  des  philosophes,  notre  autour  ne  dissi- 
mule pas  (jue,   dans  l'origine  du    christia- 
nisme. Us  en  ont  été  les  plus  mortels  enne- 
mis,   et   que,    selon    les   oliservations   des 
Pères  de  I  Eglise,  les  hérésies  ont  dié  enfau- 


m  LIE 

li'es  par  des  hommes  qui  ont  voulu  assujet- 
tir les  d()ji;uics  révélés  de,  Dieu  ;\n\  (ipiniiuis 
])liilosoi)liiques.  Ls  Pères  out  doui;  été  obJi- 
{;és  de  ennuaître  ces  (i|)itiions,  et  ils  s'en 
sont  servis  avec  avantage,  soit  pûur  réfuter 
les  erreurs,  soii  pour  défendre  les  véiilés 
chrétiennes.  Aujour.riun  on  leur  eu  fait  un 
crime,  sans  vouloir  consi<ii'n'i'  les  circons- 
laiices  dans  lesquelles  ils  étaient,  le  carac- 
tère et  le  génie  de  leurs  adversaires.  Nous 
nous  trouvons  encore  dans  le  nièine  cas 
tjue  les  Pères,  et  nous  sonnnes  forcés  de  les 
imiter.  Mais,  li  in  de  fonder  les  vérités  révé- 
lées sur  les  opin  ons  philosophiriues,  nous 
nous  servons  des  |)rei-nières  poiu'  discerner 
ce  qu'il  y  a  de  vrni  ou  de  faux  d.ins  les  se- 
condes. Celles-ci  méritent  d'autant  moins 
de  croyance,  qu'elles  chan(i'eiit  de  siècle  en 
siècle.'  Il  n'en  est  peut-être  aucune  qui 
n'ait  déjà  été  successivement  suivie  et 
abandonnée,  défendue  et  l'éfutée  deux  ou 
tnds  fois  depuis  la  naissance  de  la  iihiioso- 
phie.  A  la  première  apparition  d'un  système 
(jui  est  ou  (lui  paraît  nouveau,  les  esprits 
superficiels  l'euibriissentavec  enthousiasnu'; 
mais  bientôt  d  se  trouve  des  raisonneurs 
([ui  le  détruisent  de  fond  en  C(jmble.  Nous 
pourrions  en  citer  plusieurs  exemples.  Yoy. 

PUII.OSOPIIIE. 

Selon  la  remarque  judicieuse  de  notre 
auteur,  c'est  un  alms  de  vouloir  que  les  au- 
teurs sacrés,  qui  parlaient  pour  tout  le 
monde,  se  soient  servis  du  langage  philoso- 
phi(iue  plutôt  que  du  style  populaire  :  leurs 
expressions  ne  peuvent  donc  servir  ni  à  prouver 
m  .*»  eondialtre  les  opinions  sjiéculatives  des 
philosophes;  mais  on  doit  rejeter  celles-ci, 
lorsi]u'cllespar.dssentima;^inées  exprès  pour 
attaquer  nos  livres  saints.  L'évèque  des 
Canaiies  dit  deux  mots  des  juiisconsultes, 
et  montre  jusqu'à  quel  point  un  théologien 
doit  avoir  connaissance  du  droit  civil,  dans 
quel  cas  l'Eglise  a  dû  conformer  ses  lois  à 
cèdes  des  souverains.  Yoy.  Lois  ixclésias- 

TIQUES. 

Le  dixième,  et  le  dernier  des  lieux  théolo- 
giques, est  le  témoignage  des  historiens. 
Comme  la  plupart  des  preuves  de  la  révéla- 
tion sont  des  faits,  la  connaissance  de  l'his- 
toire est  absolument  nécessaire  à  un  théolo- 
gien; il  en  a  besoin  pour  concilier  l'histoire 
sainte  avec  l'histoire  profane  :  ilnedoil  donc 
négliger  ni  l'étude  île  la  chionologie,  ni  celle 
de  la  géographie,  qui  sont  les  deux  yeux  de 
l'histoire,  et  ces  deux  sciences  sont  portées 
aujourd'hui  à  un  grand  degré  de  perfection. 
Mais  ce  serait  une  erreur  do  [jrétcndre , 
connue  font  les  incrédules,  que  la  narration 
d'un  .lutcur  profane,  souvei.t  mal  instruit, 
peut  faire  preuve  contre  un  fait  articulé  dis- 
tinctement p;ir  les  écrivains  sacrés.  Plus  on 
consulte  les  anciens  monuments,  plus  on 
est  convaincu  que  ces  derniers  méritent 
mieux  notre  (  onliance  que  tous  les  nutn^s. 
Jusqu'à  présent  les  incrédules,  nifdriré  toutes 
leurs  recherches,  n'ont  encore  pu  iiiuntier 
dans  nos  livres  saints  aucune  erreur  en  fait 
d'histoire.  Voy.  Histoiuc  sainte. 

Caiio  exauiiuo,  en  détail,  qui  sont,  parmi 


LIG  SOC  • 

les  historiens  profanes  ceux  qui  méritent  le 
plus  de  ci'o\ance;  et  ce  point  de  critique 
n'est  pas  facile  à  décider.  11  y  a  tant  de  va- 
riété entre  eux  sur  les  faits  de  l'histoire  an- 
cienne, que  l'on  ne  sait  souvent  auquel  on 
doit  plutôt  s'en  rapporter.  Il  fait  la  même 
chose  à  l'égard  des  historiens  ecclésiasti- 
ques; il  ne  dissimule  a  cun  des  ripri  cites 
qu'on  leiu- a  fidts;  il  déplore  surtout  l'im- 
jiru  lente  crédulité  de  ceux  qui  ont  dressé 
les  légendes  ou  les  vies  des  saints,  qui  ont 
adoiité,  sans  examen  et  sans  critique,  les  fa- 
bles jjopulaires;  qui  ont  nqipoité  une  imdti- 
tude  (le  [irodiges  dénués  de  preuves  ;  m.iis 
inulileinent  les  incrédules  ont  voulu  en  tirer 
avantage  pour  rendre  douteux  tous  les  faits 
favorables  à  not:e  religion.  Voy.  Légende. 
C'est  de  leur  paît  un  préjugé  très-injuste  de 
préférer  toujours  le  témo  gnage  des  écri- 
vains enneiuis  du  christianisme!  à  celui  des 
Pères  de  l'Eglise  et  des  apologistes  i.e  notre 
religion,  de  supposer  qu'un  auteui-  est  indi- 
gne'de  foi  liés  qu'il  croit  en  Uieu.  Vuy.  His- 
toire  ecclésiasthjle. 

L'ouvrage  dont  nous  faisons  l'extrait  est 
terudné  par  quelques  discussions  relatives 
aux  objets  qui  y  sont  traités.  Après  avoir 
expliqué  ce  que  c'est  que  la  théologie,  quel 
est  son  objet,  sa  fin,  le  degré  de  certitude 
fju'on  doit  lui  attribuer,  l'auteur  distingue 
deux  sortes  de  véiités  de  foi;  les  unes  sont 
celles  que  Dieu  a  expressément  enseignées 
à  son  Eglise  par  une  rêvé  ation  écrite  ou 
non  écrite;  les  autres  en  sont  une  consé- 
quence évidente  :  les  unes  ni  les  autres  ne 
peuvent  être  niées  ni  révoquées  en  doute 
sans  errer  contre  la  foi.  Sur  cette  matière,  il 
est  bon  de  considter  Holden,  de  ResoliUione 
fidci.  —  Il  examine  ensuite  les  divers  degrés 
d'erreur;  il  donne  la  notion  d'une  hérésie 
pro])remcnt  dite;  il  montre  en  quoi  elle  est 
différente  d'une  simple  erreur;  quelles  rè- 
gles l'on  doit  suivre  pour  imprimer  à  une 
proposition  la  note  d'hérésie;  ce  que  l'on 
entend  par  une  proposition  erronée,  qui  sent 
l'hérésie,  qui  otfense  les  oreilles  pieuses, 
qui  est  téuiéraire  ou  scandaleuse,  etc.  Voy. 
Censlue.  Enfin,  il  expose  les  précautions 
que  l'on  doit  prendre,  en  faisant  usage  des 
divers  Lieux  théologiques  dont  \\  a  pailé  :  en 
quels  cas  les  arguments  que  l'on  en  tire 
peuvent  être  plus  ou  moins  certains.  11  donne 
lui-môme  l'exemple,  en  traitant  trois  ques- 
tions théologiques  selon  la  méthode  qu'il  a 
prescrite,  savoir,  le  sacrifice  de  l'eucharis- 
tie, le  degré  do  connaissance  dont  l'Ame  de 
Jésus-Christ  a  été  douée  dès  l'instant  de  sa 
création,' l'immortalité  de  l'âme. 

LIGATUUE.  On  donne  c^uelquefois  ce  nom 
aux  amulettes  ou  préservatifs,  parce  qu'on 
les  porte  suspendus  au  cou,  ou  attachés  à 
quelque  [lartie  du  corps.  Voy.  Amulette. 

Chez  les  théologiens  mystiques^  ligature 
siginfie  une  suspension  totale  des  facultés 
supérieures  ondes  puissances  intellectuelles 
de  l'àme  ;  ils  prétendent  que  quand  l'Ame  est 
livrée  aune  parfaite  contemplation,  elle  leste 
privée  do  toutes  ses  opérat'ons,  et  cesse 
d'agir,  afin  d'être  mieux  disposée  il  recevoir 


307 


I.IM 


LIT 


508 


les  impressions  et  les  communicalioiis  de  la 
grâce  divine.  Cet  état,  selon  eux,  est  pure- 
ment [)assif  ;  mais  comme  il  peut  venir  d'une 
cause  physique  et  d'une  certaine  constitu- 
tion de  tempérauient,  il  est  dangereux  de 
s'y  tromper,  et  l'on  ne  peut  prendre  trop  de 
précautions  avant  de  décider  si  cet  état  dans 
telle  personne  est  naturel  ou  surnaturel. 
Voy.  Extase. 

LIMBES.  Dans  l'origine,  limbus,  en  latin, 
est  le  bord  ou  la  bordure  d'im  vêtement  ;  au- 
jourd'hui, Uinbcs  est  un  mot  consacré  parmi 
les  théologiens,  pour  signifier  le  lieu  où  les 
âmes  des  saints  patriarches  étaient  détenues, 
avant  que  Jésus-Christ  y  fût  descendu  après 
sa  ni' rt  et  avant  sa  résurrection,  pour  les 
délivnr  et  les  faire  jouir  de  la  béatitude.  Le 
n'  m  de  limbes  ne  so  lit  ni  dans  l'Ecriture 
sainte,  ni  dans  les  anciens  Pères,  mais  seu- 
lement celui  d'enfers,  infcri,  les  lieux  bas. 
Il  est  dit  de  Jésus-Christ,  dans  le  symbole, 
descendit  ad  inferos,  et  saint  Paul  {Ephes., 
c.  IV,  v  9),  dit  que  Jésus-Christ  est  descendu 
aux  |)arties  inférieures  de  la  terre;  tous  les 
Pères  se  sont  exprimés  de  même.  Dans  ce 
sens,  il  est  vrai  de  dire  que  les  bons  et  les 
méchants  étaient  dans  les  enfers,  lorsque 
Jésus-Christ  y  est  descendu  ;  mais  il  ne  s'en- 
suii  pas  que  tous  aient  été  dans  le  même  lieu 
encîjre  moins  que  tous  aient  enduré  les 
mêmes  tourments.  Dans  la  parabole  du  mau- 
vais riche,  Luc.,  c.  nvi,  v.  2G,  il  est  dit 
qu'entre  le  lieu  où  étaient  Abraliam  et  le 
Lazare,  et  elui  dans  lequel  soutfrait  le 
mauvais  riche,  il  y  a  un  vide  immense  qui 
empêche  que  l'on  ne  puisse  passer  de  l'un 
dans  l'aulre.  Ainsi  les  Pères  ont  eu  soin  de 
distinguer  expressément  ces  deux  parties 
des  enfers.  Voy.  Petaii,  Dogm.  Théol.,  tome 
IV,  n'  part.  1.  xni,  e.  18,  §  5. 

Quelques  théologiens  pensent  que  les 
enfants  morts  sans  ba|itôme  sont  dans  les 
limbes,  ou  dans  le  même  lieu  dans  lequel 
les  âmes  des  patriarciies  attendaient  la  venue 
de  Jésus-Clirist;  mais  cette  conjecture  ne 
peut  jws  s'accorder  avec  le  sentiment  do 
saint  Augustin  et  des  autres  Pères,  qui  ont 
soutenu,  contre  les  pélagiens,  qu'entre  le 
séjour  des  bienheureux  et  celui  des  damnés, 
il  n'y  a  point  de  lieu  mitoyen  pour  les  en- 
fants. Au  reste,  peu  importe  dans  quel  lieu 
soient  ces  enfants,  pourvu  qu'ils  n'endu- 
rent pas  les  sujiplices  des  réprouvés.  —  On 
ne  sait  pas  quel  est  le  premier  qui  a  em- 
ployé \i'.  mot  limbus,  pour  désigner  un  sé- 
jour particulier  des  âmes;  on  ne  le  trouve 
pas  en  ce  sens  dans  le  Maitre  des  Sentences; 
mais  ses  commentateurs  s'en  sont  servis. 
Comme  le  termed'oi/er  semblait  emporter  l'i- 
dée de  la  damnation  et  d'un  supjilice éternel, 
ils  en  ont  employé  un  autre  plus  doux.  Voy. 
Durand,  in  quart.  Sent.,  dist.  -21,  q.  1,  art.  1; 
D.  Bonaveut.  ibid.,  dist.  15,  art.  1,  q.  1,  etc. 

LINC.ES  SACHES.  L'Eglise  a  jugé  conve- 
nable que  les  linges  sur  lesquels  on  dépose 
l'eucharistie  pendant  le  saint  saciilice  fus- 
sent consacrés  k  cet  usage  par  une  bénédic- 
tion particulière.  Tels  sont  les  najipes  d'au- 
tel, les  oorporaux,  k  palle.  Dans  l'ancienne 


loi.  Dieu  avait  ordonné  de  consacrer  tous 
les  ornements  du  tabernacle  et  du  temple; 
à  plus  forte  raison  convient-il  que  la  même 
chose  soit  observés  à  l'égard  des  autels  du 
christianisme,  sur  lesquels  le  Fils  de  Dieu 
daigne  se  rendre  réellement  présent,  et  re- 
nouveler sou  sacrifice.  On  ne  peut  apporter 
troj)  de  soin  pour  inspirer  un  profond  res- 
pect pour  tout  ce  qui  sert  à  cet  auguste 
mystère;  une  trop  grande  familiarité  avec 
le  culte  divin  diminue  insensiblement  la  foi 
et  ne  manque  pas  de  conduire  aux  profana- 
tions. —  Cette  bénédiction  des  linges  d'autel 
est  ancienne,  puisiju'clle  se  trouve  dans  le 
Sacraiiicntaire  de  saint  Grégoire;  et  Optât 
de  Milève,  au  v°  siècJe,  parle  de  ces  linges. 
Voy.  les  notes  du  père  Ménard,  p.  197.  C'est 
ainsi  que  l'Eglise  atteste  sa  croyance  par 
tous  ses  rites  exiérieurs.  Si  elle  ne  croyait 
pas  la  présence  réelle  de  Jésus-Christ  dans 
'eucharistie,  elle  n'aurait  pas  autant  de  res- 
pect pour  tout  ce  qui  sert  à  ce  mystère.  En 
renonçant  à  cette  foi ,  les  protestants  ont 
supprimé  toutes  les  cérémonies  qui  l'expri- 
ment :  chez  eux,  la  cène  se  fait  avec  aussi 
peu  d'appareil  qu'un  repas  ordinaire.  Ils 
traitent  nos  cérémonies  de  superstition,  et 
les  incrédules  répètent  aveuglément  les 
mêmes  reproches,  ils  ne  comprennent  pas 
le,"  sens  de  ces  professions  de  foi  qui  parlent 
aux  yeux  des  plus  ignorants.  Il  faudrait  donc 
commencer  par  prouver  que  l'Eglise  est 
fausse,  avant  de  conclure  que  ses  rites  sont 
superstitieux.  Voy.  Autel,  Vases  sacrés. 

♦  LINGUISTIQUE.  Voy.  Ethnographie. 

LITANIES.  Ce  terme,  dans  l'oiigine,  est 
le  grecXiTMisia,  prière,  supplication,  rogalion; 
dans  la  suite  il  a  désigné  certaines  prières 
liubliques  accompagnées  de  jeûnes  ou  d'ab- 
stinence et  de  processions,  que  l'on  a  faites 
pour  apaiser  In  colère  de  Dieu,  pour  dé- 
tourner quelque  fléau  dont  on  était  menacé, 
pour  demander  à  Dieu  queli[ue  bienfait,  ou 
le  remercier  de  ceux  que  l'on  avait  reçus. 
Les  auteurs  ecclésiastiques  et  l'ordre  romain 
nomment  aussi  litanies  les  personnes  qui 
composent  la  procession  et  qui  y  assistent  ; 
mais  ce  terme  signifie  proprement  les  prières 
que  l'on  y  fait  et  qui  se  disent  k  deux  ou 
plusieurs  chœurs  qui  se  répondent. 

Vers  l'an  470,  saint  Mamert  évêquc  de 
Vienne,  k  l'occision  des  tremblements  de 
terre ,  des  incendies  et  des  autres  fléaux 
dont  son  diocèse  était  affligé,  institua  les 
processions  dos  Rogations  qui  se  font  les  trois 
jours  avant  l'Ascension  ;  elles  furent  nom- 
mées les  grandes  litanies,  et  devinrent  bien- 
tôt un  usage  général  dans  toutes  les  Gaules. 
On  sait  assez  que  le  v*  et  le  vi°  siècle  fuient 
marqués  par  de  fréquentes  calamités  publi- 
ques. Voy.  Rogations. 

L'an  590,  k  l'occasion  d'une  peste  qui  rava- 
geait la  ville  de  Rome,  saint  Grégoire,  pajio, 
indiqua  une  litanie  ou  procession  k  sept 
bandes, qui  devaient  marcher  au  ppintdu  jour 
le  mercredi  suivant,  et  sortir  de  diverses 
églises  pour  se  rendre  toutes  à  Sainte-Marie- 
Majeure.  La  première  troupe  était  comjiosée 
du  clergé,  la  seconde  des  abbés  avec  leurs 


509  LIT 

moines,  la  froisi(''m(>  des  abbesses  avec  leurs 
religieuses,  la  tiuatrièuie  des  eul'anls.la  rin- 
qui(^nie  îles  hommes  laïqn(>s,  la  sixième  des 
veuves,  la  sejitiôiue  desl'ciimies  mariées.  On 
croit  que  de  cette  procession  générale  est 
venue  celle  qui  se  fait  le  jour  de  saint 
Mare.  Elle  fut  aussi  appelée  h  Rome  la  grandi- 
lifanic,  h  cause  de  sa  gran  le  solennité  ;  mais 
elle  n'a  été  mise  en  usage  dans  les  églises 
(les  Gaules  que  lon;i;lemps  après  ;  et  le  nom 
(le  grandes  litnuirs  est  demeuré  aux  prières 
(les'llogations.  Saint  Charles  Borromée  mon- 
tra un  grand  zèle  à  rétablir  dans  l'église  de 
Niilan  ces  dill'érentes  litanirs  :  il  ranuna  par 
ses  discours  et  par  ses  exemples  la  i)iété  du 
peuple.  Dans  plusieurs  églises,  les  litanies 
(li^s  Uogations  et  de  saint  .>Iarc  étaient  ac- 
compignées  d'abstinence  et  de  jeilne;  aujour- 
d'hui Ion  se  borne  à  l'abstinence,  parce  que 
Cl'  n'est  pas  la  coutume  de  jeûner  dans  le 
temps  pascal. 

Les  courtes  formules  des  prières,  dont  les 
lilaniesson[  composées,  ont  été  fntes  afin  (juo 
le  clergé  et  le  peuiilo  pussent  prier  iilus 
commodément  sans  interrompre  la  marche 
des  processions.  Dans  les  notes  du  jière  Mt'~ 
nnrd  sur  le  Snernmentaire  de  saint  Grégoire, 
p.  130,  (in  trouve  la  formule  des  litanies  qui 
se  chantaient  dans  les  églises  des  (îaules  aux 
IX*  et  \' siècles;  il  les  a  tirées  d'un  ancien 
manuscrit  de  l'abbaye  de  Corbie.  A  l'exem- 
ple de  ces  litanies  des  Saints,  l'on  a  composé 
d'autres  litanies  particulières,  comme  celles 
du  saint  Nom  de  Jésus,  du  saint  Sacrement, 
do  la  sainte  Vierge,  etc.;  mais  elles  sont 
moins  anciennes.  Voy.  Bingham,  t.  V,  1.  xnt, 
c.  1,  §  10.;  Thûmassiu,  Traite' dv.jeihie,  p.  175, 
Ma,  Ole. 

Basnage,  disseitant  sur  les  litanies  et  les 
rogations,  Jlist.  de  l'Egl.  liv.  xxi,  c.  3,  pré- 
tend i[ue,  dans  l'origine,  il  n'était  point  ques- 
li'in  des  saints  dans  les  litanies;  ([ue  l'un  s'y 
adressait  à  Dieu  seul;  il  n'en  ajiporle  aucune 
preuve  positive  ;  il  se  contente  de  citer  les 
auteurs  qui  ont  écrit  que  l'on  y  priait  Dieu, 
que  l'on  implorait  sa  miséricorde  et  son 
secours,  etc.  Qui  en  douta  jamais"?  11  ob- 
serve lui-même  (pie  nous  disons  seulement 
aux  sinnls,  priez  pour  nous,  au  lieu  que  nous 
disons  à  Dieu,  ayez  pitié  de  nous,  secourez- 
nous,  pardonnez-nous  ;  donc  toutes  ces  priè- 
res se  rapportent  à  Dieu,  les  unes  immédia- 
tement et  directement,  les  autres  indirecte- 
ment et  par  l'intercession  des  saints.  Ainsi 
l'ont  entendu  les  anciens;  ainsi  l'Eglise  ca- 
tholique l'entend  encore;  la  remarque  de 
Basnage  ne  (trouve  donc  rien. 

LlTUlUllE  (1).  Le  mot  grec  V.iToupyia,  sui- 
vant les  grammairiens,  signifie  ourrage,  fonc- 
tion, ministère  public  ;  il  est  com[)Osé  (JeXeiTÔ,-, 
public,  etde  Ép/ov,  ouvrage,  action.  Mais  jtuis- 
c^uece  terme  est  principalement  consacré  à  dé- 
signer le  culte  (Jivin  et  les  cérémonies  qui  en 

(1)  Nous  avons  consacré  \iii  long  articles  à  la  litur- 
gie (ians  notre  Dict.  de  Tliéol.  luoi-.  Il  servira  de 
Compl(>inent  à  celui  de  Bergier.  Voyez,  aiissi  le  Dic- 
tionnaire de  Liturgie  par  M.  l'alibé  Pascal,  et  relui 
dei  Cérémonies  et  des  liitcs  sucrés,  par  .M.  l'ubbé 
Buissonnel,  publiés  tous  deux  par  M.  l'abbé  Migiie. 


LIT 


510 


font  partie,  i.  est  plus  naturel  de  le  dériver  de 
Xc-iTat,  qui  se  trouve  dans  Hésycliius,  an  liou 
de  >i7ai,  prières,  supplications,  vo'ux  adi  es- 
ses à  la  Divinité,  d'où  est  venu  le  latin  titare, 
prier,  sacrilier. 

A  iiriipi'enient  parler,  la  liturgie  n'est  an- 
tre chose  que  le  culte  rendu  publiquement 
h  la  Divinité  ;  il  est  donc  aussi  ancien  que 
la  religion,  puisque  c'est  une  des  iiremières 
leçons  (pie  Dieu  a  données  îv  l'homme  en  le 
créant.  Dans  l'histoire  même  de  la  création, 
il  est  dit  (pm  Dieu  bénit  le  septième  j(Uir  et 
h  sanctipn  {Gen.,  ii,  2  et  3)  ;  il  destina  donc 
ce  jour  ^  son  celte,  et  silrement  il  ne  laissa 
)ias  ignorer  h  nos  premiers  parents  la  manièr(! 
dont  il  voulait  être  honoré.  Mais  nous  avons 
assez  p.irlé  ailleurs  du  culte  rendu  ^  Dieu 
par  les  patriarches  et  par  les  Juifs.  Voy. 
CiLTiî,  JcD'.ïsMr:,  Lois  céhémomelles  ,  etc. 
Nous  devons  donc  nous  occuper  seulement 
ici  de  la  liturgie  chrétienne  ou  du  culte  di- 
vin, tel  quil  à  été  institué  par  Jésus-Christ 
et  par  les  a]i(Mres. 

Jésus-Christ,  ([ui  est  venu  au  monde  pour 
apprendreaux  hommes hadorerDieuc»  esprit 
et  en  vérité,  a  di^  faire  cesser  le  culte  gros- 
sier pratiqué  par  les  Juifs  ;  mais  il  n'a  jias 
supprimé  pour  cela  toutes  les  cérémonies, 
comme  certains  dissertateurs  ont  voulu  le 
persuader.  11  en  a  même  institué  plusieurs, 
et  après  son  ascension,  il  a  envoyé  le  Saint- 
Esprit  à  ses  aiu^tres  pour  leur  enseigner  toute 
vérité,  et  leur  faiie  comprendre  parfaitement 
tout  ce  que  leur  divin  Maître  leur  avait  dit 
{Joan.  xiv,  26;  xvi,  13).  Ils  ont  donc  exac- 
tement suivi  ses  intentions,  en  réglant  le 
culte  divin  ;  saint  Paul, assure  les  Corinthiens 
(ju'il  a  re(;u  du  Seigneur  tout  ce  (ju'il  leur  a 
(lit  touchant  la  consécration  de  l'eucharistie 
(/  Cor.  XI,  23).  C'est  cette  consécration  mô- 
me que  l'on  nomme  proprement  liturgie, 
parce  (]ue  c'est  la  partie  la  plus  auguste  du 
service  divin.  Nous  traitons  des  autres  parties 
de  l'oflice  de  l'Eglise  sous  leur  nom  parti- 
culier. 

Déjà,  dans  l'Apocalypse  de  saint  Jean, 
nous  trouvons  le  tableau  d'une  ?i<î«/Y/!>pom- 
]ieuse.  11  rapporte  une  vision  qu'il  eut  le 
dimanche,  jour  duquel  les  fidèles  s'.issem- 
l)laient  pour  célébrer  les  saints  mystères 
[Apoc.  I,  10).  L'apilitre  peint  en  elfet  une  as- 
semblée à  laquelle  préside  un  pontife  véné- 
rable ,  assis  sur  un  tr(^ine,  et  environné  do 
vingt-quatre  vieillards  ou  prêtres  (iv,  2,  3,  'i-). 
Nous  y  voyons  des  habits  sacerdotaux,  des 
robes  Blanches,  des  ceintures  des  couronnes, 
des  iiistiuments  du  culte  divin,  un  autel, 
des  chandeliers,  des  encensoirs ,  un  livre 
scellé  {ibid.,  et  v,  1)  ;  il  y  est  parlé  d'hymnes, 
de  cantiques,  d'une  source  (l'eau  qui  donne 
la  vie  (v,  11  et  12;  vn,  17).  Devant  le  trl^ne, 
et  au  milieu  des  prêtres,  est  un  agneau  en 
état  de  victime,  auquel  sont  rendus  les  hon- 
neurs de  la  divinité.  C'est  donc  un  sacrifice 
auquel  Jésus-Chiist  est  présent  ;  s'il  y  est 
en  état  de  victime,  il  faut  aussi  qu'il  en  soit 
le  pontife  principal  (v,  6,  11  et  12j.  Sous 
l'autel  suiit  b'S  martyrs  qui  demandent  que 
leur  sang  soit   vengé  (vi,  9  et  10).  On  sait 


SH 


LIT 


LIT 


512 


que  l'usage  de  l'Eglise  primitive  a  été  d'of- 
fiir  les  saints  mysières  sur  le  tombeau  et 
sur  les  reliques  des  martyrs  Un  ange  ]iré- 
sente  k  Dieu  de  l'encens,  et  il  est  dit  que  c'est 
l'emblème  des  prières  des  saints  ou  des  fidè- 
les (vm,  2;  l'ieary,  Mœurs  dcschrél.,  n"  39). 
Comme  il  est  de  l'intérêt  des  protestants 
de  persuader  que,  dans  les  trois  premiers 
siècles  de  l'Eglise,  on  n'a  rendu  aucun  cmlie 
religieux  à  l'eucharistie,  aux  anges,  aux 
saints,  ni  aux  reliques  des  martyrs,  ils  ont 
senli  les  conséquences  que  l'on  peut  tirer 
contre  eux  de  ce  tabl  au,  et  ils  ont  cherché 
à  les  détourner.  Ils  ont  dit  que  l'Apocalypse 
est  une  vismn  et  non  une  histoire;  que  i'au- 
tel,  le  trône,  etc.,  vus  par  saint  Jean,  étaient 
dans  le  ciil  et  non  sur  la  terre.  Mais  si  l'on 
rapproche  de  ce  tableau  ce  que  dit  saint 
Ignace  dans  ses  lettns,  touchant  la  manière 
dont  l'eucharistie  doit  se  faire  par  l'évèque 
au  milie.idi's  prêtres  et  des  diacres  ;  c  qui 
est  rapporté  dans  les  actes  de  son  mai  tyre 
et  de  celui  de  sdnt  Polycarpe ,  concernant 
l'usage  des  fidèles  de  s'assembler  sur  le  tom- 
beau et  sur  les  reliques  des  martyrs  ;  le  récit 
que  fait  saint  Justin  de  ce  qui  se  passait  dans 
les  asseuibl.'^es  des  chrétiens  [Apol.  i,  n°  63 
et  si.iv.j,  on  verra  qu'au  u"  siècle,  et  tiès-peu 
de  teuqjs  après  la  mort  de  saint  Jean,  l'on 
faisait  exactement  sur  la  (erre  ce  que  cet 
aiiotie  avait  vu  dans  le  ciel.  Bingliani,  Oriy. 
ecclés.,  I.  xm,  c.  2,  §  1,  est  convenu  que  dans 
le  chapitre  8  de  l'Apocalypse,  l'Eglise  chré 
tienne  est  représentée  dans  le  ciel  et  sur  la 
terre  ;  en  cela  il  a  été  de  meilleure  foi  que 
les  autres  protestants.  Ainsi,  de  deux  choses 
l'une  :  ou  saint  Jean  a  représenté  la  gloire 
éternell  e  sous  l'image  de  la  ^(^wr(/ie  chrétienne, 
ou  ceite  liturgie  a  été  dressée  selon  le  plan 
tracé  par  saint  Jean  :  dans  l'un  et  l'autre  cas 
elle  vient  de  la  tradition  apostolique.  Saint 
Irénée,  adv.  Bœr.,  Vib.  iv,  c.  17,  n"  5,  et 
c.  18,  n°6,  le  suppose  ainsi  ;  et  cela  n'a  pas 
pu  être  autrement.  Quel  personnage  aurait 
pu  avoir  assez  d'autorité  pour  faire  rece- 
voir par  toutes  les  églises  une  liturgie  uni- 
forme, si  le  modèle  n'en  avait  pas  été  tracé 
par  les  apôtres  ?  Or,  lorsque  nous  comparons 
cette  liturgie  apostolique  avec  l'explication 

Su'en  a  donnée  saint  Cyrille  de  Jérusalem 
ans  -es  Catéchèses,  l'an  34-7  ou  348,  avec  la 
liturgie  placée  dans  les  Constitutions  aposto- 
liques avunl  l'an  390,  avec  les  a'jives  liturgies 
écrites  au  commencement  du  v*  siècle,  nous 
y  trouvons  unejconformité  si|)arfaite,queron 
ne  peut  y  méconnaître  une  môme  origine. 

Quoi  qu'en  disent  les  protestants  et  leurs 
copistes,  cette  liturgie  apostolique  n'est  point 
telle  qu'ils  le  prétendent  ;  on  n'y  voit  point 
cette  extrême  simplicité  qu'ils  se  flattent 
d'avoir  imitée  ;  on  y  trouve  môme  une  doc- 
trine très-dillérente  dj  la  leur  :  nous  le 
prouvemns  en  détail.  Us  se  sont  imaginé 
que,  dans  les  premiers  siècles,  chaque  évo- 
que était  le  maître  d'arranger  comme  il  lui 
plaisait  la  liturgie  de  san  église  :  c'est  une 
fausse  supposition.  Après  l'ascension  du 
Sauveur ,  les  apôtres  sont  restés  réunis  à 
Jérusalem  pendant  quatorze  aas,  avaut  do 


se  disperser  pour  aller  prêcher  l'Evangile. 
Eusèbe, //(.st.  ecclés.,  1.  v,  c.  18,  à  la  fin.  Ils 
ont  ilonc  célébré  ensemble  l'office  divin,  ou 
la  liturgie,  pendant  tout  ce  temps-là  {Act., 
XIII,  2).  Ils  ont  eu  par  conséquent  une 
formule  fixe  et  uniforme  ;  et  il  n'y  a  aucune 
raison  de  croire  qu'ils  l'ont  changée  lors- 
qu'ils ont  été  séparés.  On  a  donc  tout  lieu 
de  penser  que  la  liturgie  de  saint  Jacques , 
suivie  dans  l'Eglise  de  Jérusalem,  était  civile 
que  les  apôtres  y  avaient  établie.  Qui  aurait 
osé  réformer  ce  que  ces  saints  fondateurs 
du  christianisme  avaient  réglé? 

Ce  n'est  donc  pas  des-  protestHUts  que  nous 
devons  ajiprendre  ce  qu'il  faut  (>ens  r  des  li- 
turgies suivies  par  les  ditl'crenti^s  Eglises  de 
l'Orient  et  de  l'Occid  ni  ;  si  elL'S  sont  au- 
thentiques ou  supposées;  quel  degré  d'au- 
torité on  doit  leur  alîr.buer;  quelles  con- 
séquences on  peut  m  tuer  :  nous  sommes 
forcés  de  chercher  ues  lumières  ailleurs. 

Jusqu'au  xvii'  sièele  l'on  s'était  fort  peu 
occupé  de  ces  liturgies  ;  les  théologiens  en 
avaient  rarement  fait  usage  pour  prouver  la 
doctiine  chrétienne  :  mais  lorsque  les  pro- 
testaiits  eurent  la  témciité  d'assurer  que  les 
sectes  des  chrétiens  orientaux  ,  séjiarés  de 
l'Eglise  romaine  depuis  douze  cents  ans, 
avaient  la  même  croyance  qu'eux  sur  l'eu- 
charistie, sur  l'invocation  des  saints,  sur  la 
prière  pour  les  morts ,  etc.,  il  fallut  exami- 
ner las  monuments  de  la  foi  de  toutes  ces 
sectes ,  et  iiarticulièremi  nt  leurs  liturgies. 
C'est  ce  qu'ont  fait  les  auteurs  de  la  Perpé- 
tuité de  la  foi,  surtout  dans  le  quatrième  et 
le  cinquième  volume  :  ensuite  l'abbé  Renau- 
dot  a  donné  une  ample  Collection  des  litur~ 
gies  orientales,  en  2  vol.  in-4°,  avec  des  no 
tes  et  une  savante  préface.  En  1680 ,  le  car- 
dinalTliomasius  a  publié  à  Rome  les  anciens 
Sacramentaires  de  l'Eglise  romaine ,  c'est  de 
là  que  dom  Mabillon  a  tiré  ,  en  1685,  la  li- 
turgie gallicane ,  qu'il  a  fait  imprimer  après 
l'avoir  confrontée  avec  un  manuscrit  du  vi' 
siècle,  et  avec  deux  autres  missels  anciens. 
Déjà  le  père  Ménard  avait  publié,  en  1640, 
le  Sacramentaire  de  saint  Grégoire  avec  de 
savantes  notes  ;  et  l'on  a  réimprimé  depuis 
peu  le  missel  mozarabique.  Le  P.  Lebrun 
a  rassemblé  toutes  ces  liturgies,  et  celles 
que  l'abbé  Renaudot  n'avait  pas  pu  se  pro- 
curer ;  il  les  a  comparées  entre  elles  et  avec 
celles  des  protestants  :  il  ne  nous  manque 
plus  rien  pour  juger  de  ces  divers  monu- 
ments avec  conna  ssance  de  cause.  Voy.  Ex- 
plic.  des  céréin.  delà  messe,  t.  III  et  suiv.  (1). 

Pour  mettre  un  peu  d'ordre  dans  cette 
discussion,  nous  examinerons,  1°  quelle  est 
l'antiquité  et  l'autorité  des  liturgies  en  gé- 
néral ;  2°  nous  iiarlerons  en  particulier  de 
celles  des  cophtes  ou  chrétiens  d'Egypte , 
auxquelles  on  doit  rapporter  celles  des  Abys- 
sins ou  chr,  tiens  d'Ethiopie;  3" des  liturgies 
syriaques,  suivies,  tant  par  les  Syriens   ca- 

(1)  L'ouvrage  du  P.  Lebrun  que  cite  souvent  Ber- 
gior  clans  ccl  arlicle,  a  été  reproduit  in  exiemo  dans 
le  Diiivjn  itire  îles  Céri'tnotiies  et  dea  lities  sucrée,  par 
11.  l'aLiix'  Bji»:oiinel,  3  vol.  griuul  iii-S",  éUil.  Migne. 


313 


LIT 


LIT 


ÇU 


tholi'pes  nommés  maronites ,  que  par  les 
jacobiles  ou  eutychiens  ;  k"  de  celles  des  nes- 
toriens  et  des  armi-niens  ;  5"  des  lilurgies 
grecques;  6°  de  celles  des  l,;itius,  suivies  par 
les  E^Alises  de  Home,  de  Milan,  des  (jaules, 
de  l'Espagne  ;  7°  nous  verrons  les  consé- 
quences (pii  résu'tcnt  de  la  c(im])nraison  de 
tous  ces  monuments;  8°  nous  jcllei'ons  un 
coup  (l'œil  .sur  les  litarç/ics  des  protestants. 
1  1.  De  l'antiquité  cl  de  l'autorité  des  li- 
turgies. Le  P.  Lebrun  a  trùs-bieii  prouvé 
qu'aucune  liturgie  n'a  été  mise  [lar  écrit 
avant  le  v'  siècle,  excepté  celle  qui  se  trouve 
dans  les  Constitutions  apostoliques  .  et  qui 
date  au  moins  de  l'an  'S'âO.  Il  ne  iaut  cepen- 
dant pas  en  conclure  ,  counyie  ont  fait  les 
protestants  et  d'autres,  que  les  liturgies  qui 

Î orient  les  noms  de  saint  Jiarc,  ne  saint 
acques,  (le  saint  Pierre,  etc.,  sont  des  pièces 
apocryphes  et  sans  autorité.  Les  mêmes  rai- 
sons qui  1  rouveiit  (|ue  la  liturgie  n'a  pas  été 
d'abord  mise  jiar  écrit,  pronveiu  aussi-qu'elle 
a  é  é  soij;neusement  conservée  par  trailiiion 
dans  chaque  glise,  et  lidè'eine't  transmise 
par  les  évoques  à  ceux  qu'ils  élevaient  au 
sacerdoce.  C'é  ail  un  mystère,  ou  un  secret 
que  l'on  voulait  cacher  aux  |iaiens,  mais  que 
les  pasteurs  se  coidiaient  mutuellement;  ils 
ap  renaient  i)ar  mémoire  les  piières  et  les 
cérémonies;  cela  était  u'aut  int  plus  aisé  , 
que  c'étaient  des  pralitjues  d'un  usage  jour- 
nalier; mais  ils  étaient  persuadés  qu'il  ne 
leur  était  pas  permis  d'y  rien  c'  anger.  Les 
Pères  de  l'Eglise  nous  l'ont  remarquer  cette 
instruction  traditionnell'  :  leur  tidélité  à 
garder  ce  dépôt  est  attestée  par  la  confor- 
mité (|ui  s'est  trouvée, pour  le  fond,  entre  les 
liturgies  des  ditférentes  églises  du  monde  , 
lorsqu'elles  ont  été  mises  par  écrit.  Le  style 
des  prières  est  souvent  dill'érent,  le  sens  "est 
partout  le  même,  et  il  y  a  peu  de  variété 
dans  l'ordre  des  cérémonies.  Dans  toutes 
l'on  retrouve  les  mêmes  parties,  la  lecture 
des  Ecritures  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Tes- 
tament,  l'instruction  dont  elle  éiait  suivie, 
l'oblationdes  dons  sacrés  laite  par  le  prêtre, 
la  préface  ou  exhortation,  le  sanclus,  la  prière 
pour  les  vivants  et  |.our  les  morts,  la  consé- 
cration faite  parles  paroles  de  Jésus-Christ, 
l'invocation  sur  les  dons  consacrés, l'adoration 
et  la  fraction  de  l'hostie  ,  le  baiser  de  paix  , 
l'oraison  dominicale.  1 4  comnuniion,  l'aclion 
de  grâces,  la  bénédiction  du  prêtre,  'i'elle 
est  la  marclie  à  pi  u  près  uniforme  des  litur- 
gies, tant  en  Oi icnt  qu'en  Occident;  cette  res- 
semblance pourrait-elle  s'y  trouver,  si  cha- 
cun de  ceux  qui  les  ont  rt'digées  avait  suivi 
son  goiU  dans  la  mainèro  de  les  arranger? 
Eu  r.issemblant  ce(pi'enont  dit  les  Pères  des 
quatre  premiers  siècles,  on  voit  que  de  leur 
temps  les  //(«ri/ffi  étaient  déjà  tedes  qu'elles 
étaient  mises  paréciit  au  cimiuième. 

Plusieurs  sectes  d'héi  étiques,  en  se  sépa- 
lant  de  l'Eglise  catholique,  ont  conseivé  la 
liturgie  telle  qu'ede  était  avant  leur  schisme, 
cl  n  ont  pas  osé  y  toucher,  tant  on  était  per- 
suadé que  cette  altération  était  un  attentat  : 
pendant  les  quatre  premiers  siècles,  aucun 
n'a  eu  cette  témérité  ;  Nestorius  est  le  pre- 


mier auquel  on  l'ait  reprochée.  Leont.  Byzant. 
contra  Nest.  et  Euti/ch. ,  I.  ni.  C'est ,  sans 
doute,  une  des  raisons  qui  firent  sentir  la 
nécessité  d'écrire  les  liturgies.  Depuis  ce 
moment,  il  ne  fut  plus  possible  de  les  altérer 
sans  exciter  la  réclamation  des  fidèles,  puis- 
qu'alors  elles  étaient  en  langue  vulgaire. 

Kinghain  a  voulu  en  iiii|)oser,  lorsqu'il  a 
soutenu  (jue,  dans  les  jn'cmiers  siècles,  cha- 
(pie  évèqne  avait  la  lilierti''  décomposer  une 
liturgie  pour  son  église,  Orig.  erel.,  I.  ii,  c.  (i, 
S  2,  et  d'y  arrang  r  le  culte  divin  comme  il 
lu  trouvait  bon,  1.  xmi,  c.  5,  §  1.  Pour  prouver 
cette  pr(''lendue  libei-té,  ce  n'était  pas  assez 
d'allé,.;uer  quelque  légèr(!  diversité  entre  les 
liturgies,  puisqu'il  recoiinait  lui-même  (pie 
de  temps  en  temps  l'on  y  a  fait  (luelques  ad- 
ditions; la  variété  aurait  été  beaucoup  pins 
grande,  si  chaque  évêque  s'était  cru  (U  droit 
de  l'arranger  selon  son  goût.  Croit-on  q  :e 
les  fidèles  ,  accoutumés  ii  eidendre  la  même 
liturgie  pendant  tout  l'épiscopat  d'un  saint 
évêque,  auraient  soulïert  aisément  que  son 
successeur  la  changeât  ?  Souvent  ils  ont  été 
prêts  à  se  mutiner  pour  des  si  jets  moins 
graves.  Les  protest  .nts  ont  donc  très-mal 
raisonné ,  lorsqu'ils  ont  dit  que  les  liturgies 
connues  sous  les  noms  de  saint  Marc,  de 
saint  Jacques  ou  d'un  autre  ap('itre,  sont  des 
pièces  sup|)osées,  qui  n'ont  été  écrites  C[ue 
plusieurs  siècles  après  la  mort  de  ceux  dont 
elles  portent  les  noms.  Qu"iin|)orte  la  date  de 
leur  rédaction  par  écrit ,  si ,  depuis  les  apiS- 
tres  ,  elles  ont  été  conservées  et  journelle- 
ment mises  en  usage  |)ar  des  Eglises  entiè- 
res ?  11  a  été  naturel  de  nommer  liturgie  de 
saint  Pierre  ,  celle  dont  on  se  servait  dans 
l'Eglise  d'Antioche;  liturgie  de  saint  Marc, 
celle  qui  était  suivie  dans  l'Eglise  li'Alexan- 
drie;  liturgie  de  saint  Jaegucs  ,  celle  de  Jé- 
rusalem; liturgie  de  saint  Jeun  Clirysostoine  , 
celle  de  Constantinoiile  ,  et  ainsi  des  autres. 
On  ne  prétendait  pas  pour  cela  que  c  s  di- 
vers personnages  les  eussent  écrites,  mais 
qu'elles  venaient  d'eux  par  tradition ,  et  il 
nous  paraît  que,  dans  cette  question  ,  la  tra- 
dition d'une  Eglise  entière  mérite  croyance. 
On  a  pu ,  sans  doute  ,  ajouter  de  temps  en 
temps  h  ces  liturgies  quelques  termes  desti- 
nés à  professer  nettement  la  fui  de  l'Eglise 
contre  les  hérétiques,  comme  le  mot  consub- 
stantiel,  après  le  concile  de  Nicée,  et  le  titre 
de  Mère  de  Dieu  donné  à  la  sainte  A'ierge, 
après  le  concile  d'Ephèse.  Cela  prouve  que 
la  liturgie  a  toujours  été  une  profession  de 
foi;  mais  l'on  sait  à  tiuelle  occasion  et  par 
quel  motif  ces  additions  ont  été  faites,  et  on 
ne  les  trouve  pas  dans  toutes  les  liturgies; 
au  lieu  que  l'on  trouve  dans  toutes,  sans 
exception,  les  prières  et  les  cérémonies  qui 
expriment  les  dogmes  rcjctés  par  les  pro- 
testants. 11  ne  faut  donc  pas  raisonner  sur 
l'authenticité  de  ces  monuments  comme  sur 
l'ouvrage  particulier  d'un  Père  de  l'Eglise; 
aucun  écrit  de  cette  dernière  espèce  n'a  été 
appris  jiar  cœur  et  récité  journellemeit  dans 
les  églises,  comme  les  liturgies.  L'authenti- 
cité de  celle-ci  est  prouvée  par  leur  uiinor- 
mité;  ce  n'est  point  dans  des  manuscrits 


àlK 


LIT 


Û^ 


516 


épars  qu'il  a  fallu  les  chercher ,  mais  dafis 
les  archives  des  églises  qui  les  suivaient.  11 
est  fôcheux  que  des  savants ,  respectables 
d'ailleurs,  n'aient  pas  fait  cette  réflexion,  et 
soient  tombés  dans  la  même  méprise  que 
les  protestants.  Voy.  VHist.  de  VAcad.  det 
Jnscript.,  tom.  XIII,  in-12,  p.  163. 

Le  degré  d'autorité  des  liturgies  est  encore 
très-différent  de  celle  de  tout  autre  écrit  : 
quel  que  soit  le  nom  qu'elles  portent,  c'est 
moins  l'ouvrage  de  tel  auteur,  que  le  monu- 
ment de  la  croyance  et  de  la  pratique  d'une 
Eglise  entière:  il  a  l'autorité  non-seulement 
d'un  saint  personnage,  quel  qu'il  soit,  mais 
la  sanction  publique  d'une  société  nombreuse 
de  pasteurs  et  de  fidèles  qui  s'en  est  constam- 
ment servie.  Ainsi,  les  liturgies  grecques  de 
saint  Basile  et  de   saint  Jean  Chrysostome 
ont  non-seulement  tout  le  poids  que  méri- 
tent ces  deux  saints  doctenrs,  mais  le  suflrage 
des  Eglises  grecques  qui  les  ont  suivies  et 
qui  s'en  servent  encore.  Jamais  les  Eglises 
ne  s'y  seraient  attachées  si  elles  n'y  avaient 
pas   reconnu    l'expression    fiiôle    de    leur 
croyance.  Par  une  raison  contraire,  la  litur- 
gie insérée  dans  les  Constitutions  apostoli- 
ques n'est  presque  d'aucune  autorité  ,  quoi- 
qu'elle ait  été  écrite  la  première,  parce  qu'on 
ne  connaît  aucune  Eglise  qui  s'en  soit  servi. 
Quand  les  objections  que  Daillé  a  faites 
contre  les  écrits  des  Pèr.'S  seraient  soUdes, 
elles  n'auraient  aucune  force  contre  les  li- 
turgies. Ici,  c'est  la  voix  du  troupeau  jointe 
à  celle  du  pasteur  :  c'est  tout  un  peuple  qui, 
par  la  forme  lie  son  culte  et  par  tes  expres- 
sions de  sa  piété ,  rend  témoignage  de  sa 
croyance.  Or,  la  plupart  des  anciennes  Egli- 
ses avaient  reçu  leur  croyance  des  apôtres 
mômes.  Aucune  n'a  jamais  été  sans  liturgie, 
et  aucune  n'a  été  assez  insensée  pour  expri- 
mer, par  ses  paroles  et  par  ses  actions,  une 
doctrine  qu'elle  ne  croyait  pas  ou  qu'elle  re- 
gardait comme  une  erreur.  Les  liturgies  des 
Orientyux  prouvent  aussi  évidenmient  leur 
foi,  que  celles  des  protestants  expriment  leur 
doctrine. 

S'il  se  trouve  quelque  ambiguïté  dans  le 
langage  des  jirières,  le  sens  en  est  expliqué 
par  les  cérémonies,  et  ces  deux  signes  réu- 
nis ont  une  toute  autre  énergie  que  de  sim- 
ples paroles.  Quand  celles  de  la  consécration, 
ceci  est  mon  corps,  seraient  éqviivo(fues,  l'in- 
vocation du  Saint-Esprit,  par  laquelle  on  le 
prie  de  changer  Ijs  dons  eucharistiques,  et 
d'en  faire  le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ, 
l'élévation  et  l'adoration  de  l'hostie,  l'usage 
de  porter  l'eucharistie  aux  absents  ,  atteste- 
raient la  présence  réelle  d'une  manière  in- 
vincible. Les  protestants  l'ont  si  bien  com- 
pris, qu'en  changeant  de  dogme,  ils  ont  été 
iorcés  de  supprimer  les  cérémonies  :  c'était 
une  condamnation  trop  sensible  de  leur  doc- 
trine. Aussi,  dès  les  premiers  siècles  ,  on  a 
opposé  aux  hérétiques  ces  monuments  de  la 
foi  de  l'Eglise.  Selon  le  témoignage  d'Eusèbe, 
Histoire  ecclés.,  liv.  v,  c.  îi8,  un  auteur  du 
11'  siècle,  pour  réfuter  Artémoii,  qui  préten- 
dait que  Jésus-Christ  était  un  pur  honuue,  lui 
citait  les  cantiques  composés  par  les  tidèles 


dès  le  f  ommmc POTcn?,  par  lesquels  ils  louaient 
Jésus-Christ  comme  I)ieu.  Paul  de  Samosate, 
qui  pensait  comme  Artémon,  tit  supprimer 
ces  cantiques  dans  son  église,  ihid.,  hv.  vu, 
c.  30.  Nous  apprenons  de  Théodoret,  qu'A- 
rius  changea  la  doxologie  que  l'on  chante  à 
la  fin  des  psaumes,  parce  qu'elle  réfutait  son 
erreur  :  il  aurait  voulu  changer  aussi  les  [la- 
roles  de  la  forme  du  baptême,  mais  il  n'osa 
pas  y  toucher.  Théodoret,  Hœret.  Fab.,  ,.  iv, 
c.  1. 

Au  V  siècle,  saint  Augustin  prouvait  aux 
pélagiens  le  péché  originel  par  les  exorcis- 
mes  du  baptême;  la  nécessité  de  la  grilce  et 
la  prédestination,  par  les  prières  de  l'Eglise, 
Epist.  95 ,  217 ,  etc.  Le  pape  saint  Célestin 
Iiroposait  cette  règle  aux  évêques  des  Gaules, 
lorsqu'il  leur  écrivait  :  «  Faisons  attention  au 
sens  des  prières  sacerdotales,  qui,  reçues  par 
tradition  des  apôtres  dans  tout  le  monde,  sont 
d'un  usage  uniforme  dans  toute  l'Eglise  ca- 
tholique; et  par  la  manière  dont  nous  devons 
prier,  apprenons  ce  que  nous  devons  croire.  » 
Ainsi  ce  pontife  attestait  l'authenticité  et 
l'autorité  des  liturgies;  elle  n'est  pas  dimi- 
nuée depuis  douze  cents  ans  :  jusqu'à  la  lin 
des  siècles  elle  sera  la  même. 

II.  Des  liturgies  cophtes.  On  sait,  par  une 
tradition  constante,  que  l'Eglise  d'Alexan- 
drie, capitale  de  l'Egypte,  fut  fondée  par  saint 
Marc  ;  et  l'on  ne  peut  pas  dout(>r  que  ce  saint 
évangéliste  n'y  ait  établi  une  forme  de  litur 
gie.  Elle  s'y  conserva  ,  comme  ailleurs  ,  par 
tradition,  jusqu'au  v*  siècle ,  et ,  selon  l'opi- 
nion commune,  ce  fut  saint  Cyrille  d'Alexan- 
drie qui  rédigea  pour  lors  et  mit  par  écrit  la 
liturgie  de  son  Eglise.  11  l'écrivit  en  grec, 
qui  était  alors  parlé  en  Egypte;  delà  cotte /('- 
turgic  a  été  nommée  indifféremment  liturgie 
de  saint  Marc  et  liturgie  de  saint  Cyrille. 
Mais  comme  une  bonne  partie  du  peuple  do 
l'Egj'pte  n'entendait  jias  le  grec,  et  ne  par- 
lait que  la  langue  cophte,il  paraît  qu'au  V  siè- 
cle l'usage  était  déjà  établi,  dans  ce  royaume, 
de  céfébrer  l'office  divin  en  cnphte  aussi  bien 
qu'en  grec,  et  que  la  liturgie  grecque  de  saint 
Cyrille  fut  aussi  écrite  en  cophte  pour  l'u- 
sage des  naturels  du  pays. 

Lorsque  Dioscore,  son  successeur,  partisan 
d'Eutycliès,  et  condamné  par  le  concile  de 
Chalcédoine,  en 'j5I,  se  sépara  de  l'Eglise 
catholique,  il  entraîna  dans  son  schisme  la 
plus  grande  partie  des  Egyptiens  natifs.  Ces 
schismatiques  continuèrent  à  célébrer  en 
cophte,  pendant  que  les  Grecs  d'Egypte,  at- 
tachés à  la  foi  catholique  et  au  concile  de 
Chalcédoine,  conservèrent  de  leur  côté  l'u- 
sage du  grec  dans  le  service  divin.  Cette  di- 
versité a  duré  pendant  deux  cents  ans,  et 
jusque  vers  l'an  660,  tomjjs  auquel  les  ma- 
hométans  se  rendirent  maîtres  de  l'Egypte. 
Alors  les  Grecs  d'Egypte,  lidèlos  aux  empe- 
reurs do  Constantinople,  furent  opprimés  ; 
les  coiihtos  schismatiques,  qui  avaumt  favo- 
risé la  conquête  des  maliouiétans,  obtinrent 
d'eux  l'exercice  libre  de  leur  religion,  et 
l'ont     conservé    jusqu'aujourd'hui.      Voy. 

COPHTE^S. 

Ils  ont  trois  liturgies  :  l'une,  qu'ils    nom 


517 


LIT 


LIT 


518 


ïïieiit  (le  saint  Cyrillo;  c'est  la  niAme,  pour 
le  fond,  (|iie  (H'Ile  dont  nous  venons  de  |ini- 
ler;  la  seconde  csl  celle  do  saint  Basile  ;  la 
troisième,  de  saint  (ir('';j;oire  de  Nazianzc,  sur- 
uomm('  le  Théologien.  Dans  ces  deux  der- 
nières, les  cophtes  eutychiens,  ou  jaeobites, 
ont  placé  avant  la  coinniuiiion  une  confession 
de  loi  eontbrnie  à  leur  erreur,  mais  ils  n'ont 
pas  touché  à  celle  de  saint  Cyrille,  nommée 
aussi  (Je  saint  Marc.  L'ahbé  Uenaudot  l'a  tra- 
duite non-seulement  du  coplite,  mais  l'a 
confrontée  avec  le  texte  grec,  ducjuel  elle 
est  oiiginairemcnt  firéu.  L'on  ne  peut  pas 
douter  (juece  ne  soit  la  Uturqic  qui  était  en 
usage  dans  l'Eglise  d'.Mexandrie,  au  V  siè- 
cle, avant  le  schisme  de  Dioscore.  puisque 
les  catholiques  avaient  continué  de  s'en  ser- 
vir encore  depuis  cette  époque.  Le  P.  Le- 
brun l'a  aussi  rapportée.  On  n'y  trouve  au- 
cune erreur,  mais  une  conformité  parfaite 
avec  la  croyance  catholique  sur  tous  les 
points  contestés  entre  les  piotestants  et.  nous. 
De  quel  droit  dira-t-on  ([ue  cette  liturgie  de. 
saint  Marc  est  une  pièce  apoeryiihe  et  sup- 
posée, qui  n'a  aucune  autoriti.î  ?  Dans  les 
deux  autres  lilun/ics  des  coplites,  on  no 
trouve  rien  de  changé  ni  d'ajouté,  que  la 
rol'ession  de  l'eutycliianisme.   Depuis   q\w 


r; 


'arabe  est  deveim  1m  langue  vulgaire  de  l'ii- 
gypte,  les  cophtes  n'ont  pas  laissé  de  célé- 
brer en  copiile,  quoiqu'ils  n'entendissent 
plus  celte  langue. 

Comme  les  Abyssins  ou  chrétiens  d'Ethio- 
pie ont  été  convertis  îi  la  foi  chrétienne  par 
les  patriaiclies  d'Alexandrie,  et  sont  demeu- 
rés sous  leur, juridiction,  ils  ont  aussi  adlK'ré 
à  leur  schisme,  et  ils  y  persévèrent,  (hilre 
les  trois  liturgies  dont  nous  venons  de  par- 
ler, ils  en  ont  encore  neuf  autres  ;  ce  qui 
semble  prouver  qu'autrefois  elles  étaient  an 
nombre  de  douze  en  Egypte:  mais  le  fond 
et  le  plan  sont  les  mômes  :  toutes  ont  été 
traduites  en  éthiopien.  A  la  réserve  de  l'eu- 
tychianisme,  qui  se  trouve  profossé  dans 
])lusieui's,  elles  ne  renfei'menf  rien  de  con- 
traire (i  la  foi  c.atholi(pu'.  C'est  contre  toute 
vérité  que  Ludolf,  La  C.roze  et  quehpies  au- 
tres ont  voulu  peisuailei'  que  la  croyance 
des  Abyssins  étail  plus  conforme  îi  celle  ùl'.< 
protestants  qu'à  celle  de  l'Eglise  romaine  ; 
le  contraire  est  évidemment  jirouvé,  soit  jiar 
leur  liturgie,  ([ue  l'abbé  Renaudot  a  doiniTo 
sous  le  nom  de  (Umon  nniversus  /Elhiopwn, 
soit  par  celle  (jui  porte  le  nom  de  Dioscore, 
et  que  l'on  trouve  dans  le  P.  Lebrun,  t.  IV, 
pag.  5114.  Yoij.  Érnmi'iKNS. 

111.  Liturgie  des  Sgriens.  Après  la  con- 
daumation  ti'Eutychès  au  concile  de  Chalc('- 
doine,  on  vit  en  Syrie  à  peu  près  la  même 
chose  qu'eu  Egypte  :  cet  hérétique  y  trou- 
va un  grand  nombre  de  partisans  ;  il  y  eut 
mômedillérentsschismesparmi  eux,  et  beau- 
coup de  disputes  entre  eux  et  les  catholi- 
ques. Ceux-ci  furent  nommés  melehites  par 
leurs  adversaires,  c'cst-îi-dirc  royalistes, 
parce  qu'ils  suivaient  la  croyance  de  l'empe- 
reur. Mais  les  uns  et  les  autres  conservèrent 
en  syriaque  la  même  liturgie  qu'ils  avaient 
eu\;  auparavant.  Elle  était  comuiuuément  ap- 


pelée liturgie  de  saint  Jacques,  parce  qu'on 
la  suivait  à  .lérusalem,  de  même  ((U(^  dans 
toutes  les  l''glises  syriaques  du  patriarcat 
d'Antinche.  On  ne  i)eut  pas  douter  de  l'anti- 
quité de  ci>tte  ///K/Y/Zc,  lorsqu'on  la  confronte 
avec  la  cin(]uièmc  Catéchèse  mysiagngigae  du 
saint  Cyrille  de  .lérusalem.  L'an  ;IW  ou3'iiS, 
ce  saint  évêque  en  exjiliiinait  aux  nouveaux 
baptisés  la  partie  principale  qui  connuence 
i»  l'oblation,  et  il  en  suit  exactement  la  mar- 
che. Probablement  au  V  siècle  elle  fut  d'a- 
bord écrite  en  grec,  puisque. dans  le  syriaque, 
l'on  a  conservé  plusieurs  fermes  grecs.  On 
y  ajouta  le  mot  consubstantiel,  adojité  par  le 
concile  de  Nicée,  et  Marie  y  est  nommée 
Mère  de  Dieu,  connue  l'avait  ordonné  le  con- 
cile d'Ephèse  :  il  ne  s'ensuit  pas  de  là  que 
celte  liturgie  ait  été  inconnue  avant  cette 
ad.lilion.  L'an  692,  les  Pères  du  concile  m 
Trullo  la  citèrent  sous  le  nom  de  saint  Jac- 
ques, i)our  réfuter  l'erreur  des  ai'méniens 
qui  ne  mettaient  point  d'eau  dans  le  calice. 
Au  IX'  siècle,  Charles  le  Chauve  voulut  voir 
célébrer  la  messe  selon  cette  liturgie  de  saint 
Jacques  usitée  à  Ji'rusalem,  Epist.  ad  Clerc. 
Raveiiunt.  Jamais  les  Orientaux  n'ont  i.'onté 
qu'elle  nefilt  etl'ectivement  de  saint  Jacques. 
Dans  la  suite,  lorsque  les  patriarches  do 
Constantinopk»  ont  euassez  de  crédit  pour 
faire  supprimer,  dans  l'étendue  de  leur  juri- 
diction, toutes  les  liturgies,  h  l'exception  de 
celles  (le  saint  Basile  et  de  saint  Jean  Chry- 
sostome,  ils  ont  cependant  soutTert  que  dans 
les  églises  de  Syrie  l'on  se  servît  de  celle  de 
saint  Jacques,  au  moins  le  jour  de  sa  fête. 
Elle  a  donc  toute  l'authenticité  que  donne  h 
un  monunient  l'autorité  des  églises.  \'aine- 
mcnt  Uivet  et  d'autres  protestants  ont  voulu 
l'attaquer,  à  cause  de  1  addition  dont  nous 
venons  de  parler,  et  du  trisaginn  qui  n'a 
commencé,  disent-ils,  qu'à  la  lin  du  v  siècle. 
Mais  ces  critiques  ont  confomlu  le  trisagion 
tir('  de  l'Ecriture  sainte,  et  la  formule  Agios, 
ô  Theos,  etc.,  qui  a  conunemé  ii  êli-e  chantée 
à  Conslantinople  l'an  446,  avec  vnie  addition 
que  Pierre  le  Foulon,  chef  des  lliéopaschiles, 
lit  à  cette  formule  après  l'an  V6.'t.  Olle  audi- 
tion est  de  la  lin  du  v"  siècle  ;  mais  le  sanc- 
lus  ou  trisaginn  de  hi  liturgie  est  tiré  de  l'.V- 
pocalypse.  11  est  ridicule,  d'ailleurs,  de  sup- 
poser (pu'  les  Eglises  n'ont  pas  M  ajouter  à 
leurs  prières  les  formules  nécessaires  pour 
attester  leur  foi  confie  les  hérétiques,  lors- 
cpie  ceux-ci  voulaient  y  en  faire  eux-mêmes 
])Our  piofesser  leurs  erreurs,  ou  que  ces  ad- 
ditions, toujours  remarquées,  dérogent  <i 
l'authenticité  des  liturgies. 

Celle  de  saint  Jacques  fournit  un  argument 
invincible  contre  les  protestants,  iniisijueron 
y  trouve  la  profession  claire  et  lormelle  des 
dogmes  (ju'ils  ont  osé  taxer  de  nouveauté, 
et  les  céiémonies  qu'ils  reprocl;ent  h  l'Eglise 
romaine  comme  des  pratiques  superstitieu- 
ses ;  la  présence 'réelle  et  la  transsubstantia- 
tion, le  mot  de  sacrifice,  la  fraction  de  l'hos- 
tie, les  encensements,  la  jirière  pour  les 
moits,  l'invocation  des  saints,  etc.  Les  Sy- 
riens eutychiens  ou  jaeobites  n'y  ont  point 
ins'ré  leur  erreur;  les  orthodoxes  et  les  hé- 


SI  9 


LIT 


LIT 


520 


rétiques  ont  conservé  un  égal  respect  pour 
ce  monument  apostolique. 

La  liturgie  de  saint  Hasile  a  été  aussi  tra- 
duite en  syriaque  pour  les  Ejilises  de  Syrie, 
et  Ton  compte  pi'ès  de  quarante  liturgies  à 
leur  usagn  ;  mais  elles  ne  varient  que  dans 
les  prières,  comme  chez  nous  les  collectes 
et  les  autres  oraisons  de  la  messe  relative- 
ment aux  ditiërenles  fôtes  :  la  liturgie  de 
saint  Jacques,  qui  contient  tout  Tordre  de  la 
messe,  est  la  plus  commune  paiini  les  Si- 
riens,  et  elle  a  servi  de  modèle  à  toutes  les 
autres  :  on  peut  s'en  convaincre  par  la  con- 
frontation. 

IV.  De  la  liturgie  des  nestoriens  et  de  celle 
des  arméniens.  Lorsque  Nestorius  eut  été 
condamné  par  le  concile  d'Ephèse,  Fan  431, 
ses  partisans  se  répandirent  dans  la  Méso- 
potamie et  dans  la  Perse,  et  y  formèrent  un 
granl  nombre  d'Eglises  :  souvent  on  les  a 
uommés  chalde'ens.  Us  continuèrent  de  se 
servir  de  la  liturgie  syriaque,  et  ils  l'ont  por- 
tée dans  toutes  les  contrées  où  ils  se  sont 
établis,  même  dans  bs  Indes,  à  la  côte  du 
Malabar,  où  ils  subsistent  encore  sous  le 
nom  de  chrétiens  de  saint  Thomas.  Leur 
missel  contient  trois /(ïwrg'ie*  ;  la  pri'mière 
intitulée  des  apôtres,  la  seconde  de  Théodore 
VInterprète,\à  troisième  de  Nestorius.  L'ahhé 
Renaudot,  qui  les  a  traduites,  observe  que 
la  première  est  l'ancienne  liturgie  des  Egli- 
ses de  Syrie,  avant  Nestorius,  et  qu'elle  est 
comme  le  canon  universel  auquel  les  deux 
autres  renvoient.  Le  P.  Lebrun  l'a  com- 
parée avec  celle  dont  se  servaient  les  nesto- 
riens du  Malabar,  avant  que  leur  missel  eût 
été  corrigé  par  les  Portugais  qui  travaillèrent 
à  leur  conversion.  Ainsi,  l'on  ne  piut  douter 
de  l'antiquité  de  cette  liturgie:  elle  n'est 
diirérente  de  celle  des  Syriens  dans  aucune 
chose  essentielle. 

LaCroze,  dans  son  Histoire  du  christia- 
nisme des  Indes,  avail  osé  avancer  que  les 
nestoriens  ne  croyaient  ni  la  présence 
réelle,  ni  la  tianssubslantialion,  qu'ils  igno- 
raient la  doctrine  du  purg  toiie,  etc.  Le 
P.  Lebrun  prouve  le  contraire ,  non-seu- 
lement par  leur  liturgie,  mais  jiar  d'autres 
monuments  de  leur  croyance,  tom.  VI, 
pag.  U7  et  suiv.  Ci  uï  qui  se  sont  laissé 
séduire  par  le  ton  de  conliance  de  La  Croze 
alliaient  bien  fait  d'y  regarder  de  plus  près. 
Yoy.  NiîSTOiuENS,  Saint  Thomas.  Quant  aux 
arméniens,  ils  furent  entiainés,  l'an  525, 
dans  l'erreur  d'Eutychès  par  Jacques  Bara- 
dée  ou  Zanzale,  d'où  esl  venu  le  nom  de 
jacobites,  et  ils  se  séiiarèrent  de  l'Eglise  ca- 
ti'iolique.  Plusieuis  d'entre  eux  s'y  sont 
léunisi  en  dillerents  temps,  mais  leur  schisme 
n'est  pas  encore  enlièremeid  éteint.  Comme 
saint  Grégoire  l'iliuminaleur,  (jui  les  con- 
vertit à  la  foi  clirétienne  au  iv'  siècle,  avait 
été  instruit  à  ("ésarée  en  Cappadoce,  et  que 
saint  Bas  le,  évèque  île  cette  ville,  pni.  soin 
des  Eglises  d'Aniiénie,  en  pense  qu'ils  le- 
çurent  d'abord  la  liturgie  grecque  de  saint 
Basile,  de  même  que  Ir-s  moims  arméniens 
se  rangèrent  sous  sa  règle.  On  ne  leur  a 
point  reproché  d'y  avoir  fait  des  change- 


ments depuis  leur  schisme,  si  ce  n'est  qu'ils 
adoptèrent  l'add'tion  que  Pierre  le  Foulon 
avait  faite  au  trisagion,  en  463,  et  qu'ils 
cessèrent  de  mettre  de  l'eau  dans  le  calice. 
Cette  omission  leur  fut  reprochée  par  le  con- 
cile m  Trullo,  l'an  (J92. 

L'abijé  Renaudot  n'avait  pas  pu  avoir  la 
liturgie  originale  des  arméniens  schisma- 
tiques;  mais  le  P.  Lebrun  s'en  procura 
une  traduction  latine  authentique  :  il  l'a 
donnée  dans  son  cinquième  tome,  pag.  52  et 
suiv.,  avec  d'amples  remarques.  On  y  voit 
la  présence  réelle,  la  transsubstantiation, 
l'élévation  et  l'adoration  de  l'hostie,  l'inro- 
cation  des  saints ,  la  prière  pour  les 
morts,  etc.  Il  est  prouvé,  d'ailleurs,  par  des 
titres  incontestal)les  ,  que  les  arméniens 
n'ont  jamais  pensé  sur  nos  dogmes  comme 
les  seclaiies  du  xvi*  siècle.  Jbid.,  p.  26  et 
suiv.  Yoy.  Arméniens. 

V.  Liturgies  grecques.  Les  deux  principales 
liturgies  dont  se  servent  les  Grecs  soumis 
au  patriarcat  de  Constantinopie,  sont  celle 
de  saint  B  isile  et  celle  de  saint  Jean  Chry- 
sostome.  On  ne  doute  pas  que  saint  Basile 
ne  soit  véritablement  auteur  ou  rédacteur  de 
la  première  ;  pour  la  seconde,  elle  n'a  été 
attribuée  à  saint  Jean  Clirysostome  que 
300  ans  après  sa  mort.  Il  parait  que  c'i  st 
l'ancienne  liturgie  de  l'Eglise  de  Constanti- 
nopie, qui  lut  nommée  liturgie  des  apôtres 
jusqu'au  vi"  siècle.  Celle-ci  sert  toute  l'année, 
et  contient  tout  l'ordre  de  la  messe  ;  l'autre, 
dont  les  piièr.  s  sont  plus  longues,  n'a  lieu 
qu'à  certains  jours  marqués.  Il  y  en  a  une 
troisième  que  l'on  nomme  messe  des  pré- 
sanctifiés ,  parce  que  l'on  n'y  consacre 
point,  et  que  l'on  se  sert  des  espèces  con- 
sacrées le  dimanclie  précédent;  de  même 
que  dans  l'Eglise  romaine,  le  jour  du  ven- 
dredi saint ,  le  prêtre  ne  consacre  point, 
mais  communie  avec  les  espèces  consacrées 
la  veille.  Voy.  Puésanctifiés.  Les  prières  de 
cette  messe  paraissent  être  moins  anciennes 
que  celles  des  précédentes. 

Le  Père  Lebrun,  tom.  IV,  pag.  384  et 
suiv.,  a  rapporté  les  prières  et  l'ordre  des 
cérémonies  de  la  liturgie  de  saint  Jean 
Cln-ysostome.  Elle  est  suivie  dans  toutes  les 
Eglises  grecques  de  l'empire  ottoman  qui 
dépondent  du  patriyrcat  de  Constantinopie, 
et  dans  celle  de  Pologne  et  de  Russie.  Quant 
aux  Grecs  qui  ont  des  églises  en  Italie,  ils  y 
ont  fait  quelques  changements.  Les  pa- 
triarches de  Constantinopie  sont  môme 
venus  à  bout  de  la  fairi'  adopter  tlan's  les  pa- 
triarcats d'Antioche,  de  Jérusalem  et  d'A- 
lexandrie, par  les  chrétiens  melchites,  qui, 
dans  le  y'  siècle,  se  préservèrent  de  l'erreur 
des  eutychiens.  Quoique  dans  tous  ces  pa  »  s 
l'on  n'entende  plus  le  grec,  on  y  suit  ce- 
pendant la  liturgie  grecque  ;  mais  à  cause 
du  petit  nombre  de  ceux  qui  sont  capables 
de  la  lire,  on  est  souvent  obligé  de  célébrer 
en  langue  arabe.  Depuis  que  toutes  ces 
liturgies  coplites,  éthiopiennes,  syriaques, 
grecques,  ont  été  publiées,  confrontées  et 
examinées  par  les  savants  de  toutes  les  na- 
tions, munies  de  toutes  les  attestations  possi 


:^2l 


LIT 


LIT 


523 


,'iles, personne n'o?.ernil])liis  soutenir,  comme 
faisait  le  ministre  Claude,  que  les  Grecs 
scliism  itiques  ont  sur  reucharislie  et  suc  les 
autres  dogmes  contestL^s  par  les  protestants, 
des  sentiments  différents  de  ceux  de  l'Eglise 
romaine. 

~  Mais  à  l'éganl  de  la  croyance  des  pre- 
miers sif-cies,  l'entêtement  des  prntest;Hnts 
est  inconcevable.  Bingluim,  dans  ses  Ori- 
gines eccléaiaalifjiies ,  ouvrage  très-savant, 
liv.  XV,  c.  3,  expose  l'ordre  elles  [irièros de 
la  liturgie  grecqui^  inséri'ie  dans  les  Consti- 
tutions npostoliqurs,  avant  l'an  ;il)0,  1.  vin, 
C.  12.  Il  rapporte  les  iiai'.nles  do  l'oblatiduet 
de  la  cons('cr.ition,  l'invocation  du  Saint- 
Esprit,  aiupicl  on  tlemande  qu'il  descende 
sur  ce  snrrifirr,  ipi'il  tasse  ilu  piinle  corps, 
et  du  calic  '  le  sang  de  Jésus-Christ,  la  l'or- 
mule  sanctn  sanctis,  la  ré|)onse  du  peuple  : 
Le  seul  Sriint  est  le  Seigneur  Jesas-Christ  : 
béni  snit  celui  qui  vient  au  nom  (la  Seigneur, 
c'est  Dieu  lui-même,  notre  souverain  Maître, 
qui  s'est  montré  à  nous,  etc.  Toutes  ces  pa- 
roles n'ont  pas  pu  lui  dessiller  les  yeux.  Il 
dit  que  l'on  su[)|ilie  le  Saint-Esprit  de 
changi'r  les  dons  eucharistiques,  non  quant 
à  la  substance,  mais  (juant  à  la  vertu  et  à  l'ef- 
ficai-iti'.  Que  signilieut  donc  ces  pa  o\cs,béni 
soit,  etc.,  .>-i  Jésus-Christ  n'est  pas  r  cllement 
présent?  Lorsque  le  pi'cMrc  [irésenlc  la  com- 
munion, il  ne  dit  [)oint  :  C'est  ici  la  vertu  et 
Vefjicacité  du  corps  de  Jésus-Christ,  mais 
c'est  le  corps  de  Jésus-Christ,  et  le  (idèle  ré- 
pond amen,  j(^  le  crois.  Le  lidéle,  sans  doute, 
prend  les  paroles  du  prêtre  dans  h  ur  sens 
naturel,  il  ne  vient  à  l'esjirit  de  personne  de 
croire  que  du  pain  et  du  vin  ont  l-i  même 
vertu  et  la  môme  eflicacité  quele  corps  et  le 
sang  d(!  Jésus-Christ. 

Le  prêtre  dit  à  Dieu  :  Nous  xwus  ofj'rons 
pour  tous  les  saints  qui  ont  été  agréables  à 
vos  yeux,  pour  tout  ce  peuple,  etc.;  eu 
quel  sens,  si  ce  n'est  que  du  pain  et  du 
vin?  Si  c'est  le  corps  et  le  sang  de  Jésus- 
Christ,  nous  concevons  qu'ils  sont  olTerts  à 
Dieu  pour  lui  rendre  gr;\ces  du  bonheur  des 
saints,  pour  le  salut  du  peuple  et  de  l'Eglise, 
etc.  ;  c'est  alors  un  vrai  sacrilice.  Le  prêtre 
ajoute  :  Faisons  mémoire  des  saints  martyrs, 
afin  démériter  de  participer  à  leur  triomphe  ; 
pounjuoi  cette  mémoire,  sinon  jiour  les  ho- 
norer et  obtenir  leur  iiderression?  Il  dit  : 
Prions  pour  ceux  qui  sont  morts  dans  la  foi. 
Tout  cela  se  trouve  dans  la  liturgie  <le  saint 
Jacques,  de  laquelle  I5iugliam  semble  re- 
coiuiaitre  l'antiquité ,  et  dans  toutes  les 
liturgies  du  monde.  L'Eglise  romaine  ne  fait 
donc  que  répéter  dans  la  sienne  des  ex- 
pressions des((uelles  on  se  servait  déjà  il  y 
a  treize  cents  ans.  Une  |)reuve  qu't  lies  si- 
gnilieut la  i)résence  réelle  ,  la  transsubstan- 
tiation, la  nature  du  sacrifice,  le  culte  des 
saints,  la  prière  pour  les  morts,  c'est  que 
quand  les  anglicans  ont  cessé  de  croire  ces 
dogmes,  ils  ont  cessé  aussi  do  tenir  ce  lan- 
gage :  donc  l'ancienne  Eglise  ne  s'en  serait 
pas  servie,  si  elle  avait  pensé  comme  les 
anglicans. 

VI.  Des  liturgie»  dt  l'Occident.  L'Eglise  la- 


tine no  connaît  que  quatre  liturgies  an- 
ciennes :  savoir,  celles  de  Home,  de  .Milan, 
des  Gaules,  de  l'Espigne.  On  n'a  jamais 
douté'  à  Kume  que  la  liturgie  de  cette  Eghso 
ne  vînt,  par  tradition,  de  saint  Pierre;  ainsi 
le  pens  lieuf,  au  iv'  siècle,  saint  Irniucent  I", 
L'pist«  ad  Décent.,  et  au  vi'  le  pape  Vigile, 
Epist.ad  l'rofnl.  Mais  il  ne  faut  pas  la  c  m- 
fonlre  avec  uut;  prétendue  liturgie  de  saint 
Pierre,  qui  n'est  connue  (pie  depuis  deux 
cents  ans;  celle-ci  n'est  qu'iui  mélange  des 
liturgies  grecques  avec  celle  de  Rome  :  elle 
n'a  été  à  l'usage  d'aucune  Kglise. 

On  ne  connaît  point  de /i'ï«rr//e  latine  écrite 
avcUit  le  sacranientaire  cpie  dressa  le  pape  (ié- 
lase,  vers  l'an  4-06.  Le  cardinal  Thomasin^le 
fit  imprimer  à  Home,  en  KiSO,  sous  le  titre 
lie  Liber  Sacramentorum  romanœ  Ecclesiœ  : 
ce  savant  cardmal  pense  que  saint  Léon  y 
avait  eu  beaucoup  de  part,  mais  que  le  fond 
est  des  premiers  s  ècles.  Envn-on  cent  ans 
après  Gélase,  saint  Grégoire  le  (irand  y  re- 
ti'ancha  quelques  prières,  en  changea  d'sv- 
très,  y  ajouta  peu  de  chose.  Le  canon  de  .a 
messe,  (pii  se  trouve  à  la  page  19G  de  Tho- 
masius,  est  le  môme  que  celui  dont  nous 
nous  servons  encore  ;  il  ne  renferme  aucun 
des  sainls  postérieurs  au  IV'  siècle,  preuve  de 
son  anticpiité.  C'est  ce  que  nous  appelons  la 
liturgie  grégorienne,  et  c'est  la  plus  courte  de 
toutes;  elle  est  trop  connue  pour  qu'il  soit 
nécessaire  d'en  parler  |)lus  au  long.  L'exac- 
titude avec  laquelle  on  la  suit  depuis  plus 
de  douze  cents  ans,  doit  faire  présumer  qu'on 
no  l'observa  t  pas  moins  scrupuleusement 
avant  qu'elle  fût  écrite.  Cette  réflexion  au- 
rait dû  engager  les  prolestants  à  la  respecter 
davantage  ;  on  les  d  'fie  de  montrer  aucune 
dill'érence,  pour  la  doctrine,  entre  cette  li- 
turgie et  celles  des  liglises  orientales. 

Une  preuve  frajipante  de  l'attachement  des 
Eglises  à  leur  ancienne  liturgie,  est  la  fer- 
meté avec  laquelle  celle  de  Milan  a  conservé 
la  sienne,  malgré  les  tentatives  que  l'on  a 
faites  en  différents  tenqis  pour  \  introduire 
celle  de  Rome.  Les  Milanais  croient  en  être 
redevables  à  saint  Ambroise,  e!  ce  saint  doc- 
teur avait  composé  en  ellet  des  hymnes  et 
des  prières  pour  l'ofiice  divin  ;  mais  on  ne 
peui  |)as  prouver  qu'il  ait  Imiché  au  fond  de 
la  liturgie  qui  était  suivie  avant  lui.  Cela  pa- 
raît évidemment  par  la  comparaison  qu'a 
faite  le  P.  Lebrun  de  la  messe  ambrosienne 
avec  la  messe  romaine  ou  grégorienne,  1. 111, 
p.  i08  ;  il  n'y  a  que  des  différences  légères 
entre  le  canon  de  l'une  et  celui  de  l'autre, 
ma's   aucune   dans   la  doctrine.    Voy.  Am- 

BnOSIEN'. 

La  messe  gallicane,  qui  a  été  en  usage 
dans  les  Kglises  des  Gaules  jusqu'à  l'an  7o8, 
a  beaucoup  plus  de  ressemttlance  avec  les 
liturgies  orientales  qu'avec  l'ordre  romain. 
On  pense,  avec  assez  de  probabilité,  que  cela 
est  venu  de  ce  que  les  premiers  évêques  qui 
ont  prêi'hé  la  foi  dans  les  Gaules,  comme  saint 
Potiiin  de  Lyon,  saint  Trophime  d'Arles, 
saint  Saturnin  de  Toulouse,  etc.,  étaient 
Orientaux.  Ils  ont  établi,  sans  doute,  dans 
les  Eglises  ({u'ils  ont  fondées,  une  liturgie 


5?3 


LIT 


LIT 


52i 


semblable  à  celle  à  laquelle  ils  étaient  ac- 
coutumés. Dans  les  uionuinents  qui  nous 
ront  conservée,  nous  retrouvons  les  mômes 
expressions  et  les  mômes  cérémonies  ,  par 
conséquent  la  môme  doctrine  que  dans  toutes 
les  autres  liturgies  dont  nous  avons  parlé 
jusqu'à  présent.  Voy.  Gallican  ;  Lebrun , 
t.  m,  pag.  241.  Cette  conformité  est  encore 
})lus  sensible  par  l'examen  de  la  messe  go- 
thique ou  mozarabique  ,  qui  était  en  usage 
eu  Espagne  au  v"  siècle  et  dans  les  suivants, 
et  qui  est,  dans  le  fond,  la  même  que  la 
messe  gallicane.  Le  P.  Le  Brun  les  a,,  com- 
parées et  a  noté  tout  ce  qui  était  commun 
a  l'une  ou  à  l'autre,  t.  III ,  p.  334.  Le  P. 
Leslée,  jésuite,  qui  a  fait  réimprimer  à  Rome, 
en  1753,  le  missel  mozarabique,  a  fait  la 
môme  comparaison  ;  il  |)rétend  que  c'est  le 
ujozarabique  qui  a  servi  de  modèle  au  galli- 
can, mais  il  ne  paraît  pas  avoir  eu  connais- 
sance des  raisons  par  lesquelles  le  P. 
Lebrun  a  prouvé  le  contraire,  du  moins  il 
ne  les  réfute  pas.  D.  Mabillon  pense  aussi 
que  l'ordre  gallican  est  plus  ancien  que  le 
muzarabique,  de  Lilurgia  (jallicana. 

En  etl'et,  le  P.  Lebrun  a  montré  que,  pen- 
dant les  quatre  premiers  siècles,  l'ordre  ro- 
main fut  suivi  en  Espagne;  au  v%  les  Goths 
s'y  établirent.  Or ,  avant  de  tomber  dans 
rarianisme,lcs  llolhs  avaient  reçu  de  l'Orient, 
et  surtout  de  Cousiantinople,  la  foi  chré- 
tienne, par  conséquent  la  liturgie  grecque. 
Martin,  archevêque  de  Brague  ;  Jean,  évoque 
de  Gironne  ;  sanit  Léaudre,  archevêque  de 
Séville,  qui  tous  contribuèrent  à  la  conver- 
sion des  uoths  sur  la  Un  du  vr  siècle,  avaient 
été  instruits  dans  l'Orient.  Ils  étaient  donc 
portés  à  conserver  la  liturgie  gothique  qui  en 
était  venue,  et  qui  se  trouvait  conforme  à  la 
liturgie  gallicane  suivie  dans  la  Gaule  uar- 
bonaise,  où  les  Goihs  dominaient  aussi  bien 
qu'en  Espagne. 

De  là  même  il  s'ensuit  que  saint  Léandre  et 
saint  Isidore  de  Séville,  son  frère,  eu  dres- 
sant la  liturgie  d'Espagne,  n'ont  point  touché 
au  fond  c^ui  existait  avant  eux  ;  ils  n'ont  fait 
([u'ajoutei-  des  prières,  des  collectes,  des  pré- 
faces relatives  aux  évangiles  et  aux  thlférents 
jours  de  l'année.  Mais  le  sens  des  |)rières, 
les  rites  essentiels,  l'oblatiou,  la  consécration, 
l'adoration  de  l'eucharistie,  la  communion, 
etc.,  sont  les  mômes;  les  conséquences  qui 
en  résultent  ne  sont  pas  diiférentes. 

Cette  liturgie  gothique  a  été  conservée  en 
Espagne  par  les  chrétiens,  qui  s'y  maintin- 
i-ent  après  l'invasion  des  Maures  ou  Arabes, 
jusqu'à  l'an  1080,  et  c'est  ce  mélange  des 
chrétiens  avec  les  Maures  qui  fil  nommer  les 
premiers  mozarabes.  Il  a  fallu  que  les  papes 
travaillassent  pendant  plus  de  trente  ans 
consécutifs  pour  établir  en  Espagne  l'usage 
de  la  liturgie  romaine.  Yoij.  Mozarabes.  Tous 
ces  faits  démontrent  qu"il  n'a  été  aisé  dans 
aucun  siècle,  ni  dans  aucun  lieu  du  monde, 
(l'introduire  des  changements  dans  la  li- 
turgie. 

VU.  Conséquences  qui  résultent  de  la  com- 
■jiaraison  des  liturgies,  l'ar  le  d(:'tail  abrégé  que 
nous  venons  de  faire,  ou  voit  (jue  le  sens,  la 


marche,  l'esprit  de  toutes  les  liturgies  con 
nues  sont  d'une  uniformité  frappante,  malgr*^ 
la  diversité  des  langues  et  du  style,  la  dis-  ^ 
tance  des  lieux,  et  les  révolutions  des  siècles-  fj 
En  Egypte  et  dans  la  Syrie,  dans  la  Perse  et 
dans  la  Grèce,  en  Italie  et  dms  les  Gaules,  la 
liturgie  îal  toujours  célébrée  par  des  prêtres, 
et  non  jiar  des  laïques,  avec  des  cérémonies 
augustes,  et  non  comme  un  repas  ordinaire. 
Partout  nous  voyons  des  autels  consacrés  et 
des  babils  sacerdotaux,  le  pain  et  le  vin  of- 
ferts à  Dieu  comme  destinés  à  devenir  le 
cor()s  et  le  sang  de  Jésus-Christ,  l'invocatioa 
par  laquelle  on  demande  à  Dieu  ce  change- 
ment, la  consécration  faite  par  les  paroles 
du  Sauveur,  l'adoration  rendue  au  sacrement, 
exprimée  par  des  prières,  par  des  gestes,  par 
des  encensements,  la  communion  envisagée 
comme  la  réception  du  corps  et  du  sang  de 
Jésus-Christ,  les  noms  de  victime,  de  sacrifice, 
d'immolation,  etc.  Ce  phénomène  serait-il 
arrivé,  si,  lorsqu'on  a  écrit  des  liturgies  au 
v'  siècle,  il  n'y  avait  pas  eu  un  modèle  ancien 
et  respectable  auquel  toutes  lesEglises  se  sont 
crues  obligées  de  se  conformer?  Ce  moilèie 
peut-il  avoir  été  fait  par  d'autres  que  parles 
apôtres  ?  D'autre  part,  dans  les  dilfvirentes 
parties  du  monde,  les  rédacteurs  des  liturgies 
ont-ils  pu  s'accorder  à  se  servir  tous  d'un 
langage  équivoque  et  abusif,  à  prendre  les 
termes  autel,  sacrifice,  immolation,  victime, 
changement,  etc.,  dans  un  seus  impropre  et 
captieux?  Ou  il  faut  supposer  que  dans  au- 
cun lieu  de  l'univers  on  n'a  pas  pris  le  vrai 
sens  du  langage  le  plus  ordinaire,  ou  il  faut 
soutenir  que  tous  les  écrivains,  sans  s'ôti>! 
concertés,  ont  cependant  conçu  le  projet 
uniforme  de  changer  la  doctrine  des  apôties 
et  de  tromper  les  lidèles.  Une  illusion  géné- 
rale est  aussi  impossible  iju'une  mauvaise 
foi  universelle.  Il  y  a  eu  des  schismes  ,  des 
disputes,  des  jalousies  entre  les  évoques  et 
les  Eglises,  ce  malheur  a  été  commun  à  tous 
les  siècles  :  les  intérêts,  les  préjugés,  1;  s 
affections,  les  mœurs,  le  langage,  n'étaient 
pas  les  mêmes  ;  ces  caiises  n'ont  donc  pu 
produire  ni  une  erreur  semblable,  ni  un  pro- 
jet uniforme. 

Les  hérétiques,  en  se  séparant  de  l'Eglise, 
ont  encore  respecté  la  liturgie  à  laquelle  lys 
peuples  étaient  accoutumés  ;  ils  n'y  ont  glissé 
leurs  erreurs  que  quand  ils  ont  été  sûrs  que 
leur  troupeau,  imbude  leur  doctrine,  la  verrait 
paraître  sans  étonnement  dans  les  prières 
publiques.  Ils  n'ont  altéré  qu'un  petit  nom- 
bre de  liturgies,  et  le  modèle  original,  con- 
servé par  les  catholiques,  a  toujours  servi  de 
témoignage  contre  les  novateurs.  Chez  les 
catholitiues  môuie  les  diiférentes  Eglises  ont 
été  jalouses  de  conserver  leur  ancienne  li- 
turgie ;  celle  de  Milan  garde  la  sienne  depuis 
son  origine  ;  les  Eglises  d'Espagne  n'ont 
quitté  la  leur  qu'à  l'occasion  de  l'irruption 
des  Goths,  et  sont  demeurées  attachées  à  la 
messe  gothique  jusque  dans  le  xi°  siècle; 
il  a  làllu  toute  l'autorité  de  Gharlemagne 
pour  introduire' dans  les  Gaules  l'ofliee  ro- 
main au  lieu  du  gallican,  quoique  l'un  ne 
renferme  rien  de  contraire  à  l'autre. 


S2S  LIT 

Saint  Augustin  voulu!  établir  dans  son 
Eglise  l'usage  de  réciter,  pendant  la  semaine 
sainte,  la  passion  de  Jésus-Christ  selon  les 
quatre  évangélistes,  comme  1  un  fait  aujour- 
d'hui, au  lieu  qu'avant  lui  on  no  lisait  que 
celle  (lui  est  dans  saint  Matthieu;  cette  nou- 
veauté excita  un  miu-nuu-e  :  lui-môme  nous 
l'apprend.  Scrm.  ikk  de  Temp.  Il  est  certain 
que  depuis  douze  cents  ans  la  liturgie  ro- 
maine n'a  pas  changé;  y  a-t-il  des  preuves 
pour  faire  voir  <[ue  l'on  y  était  moins  atta- 
ché pcnilant  les  ciii([  f)remii'rs  siècles? 

Malgré  ces  faits  incoiiteslaiiles  ,  les  pro- 
lestants ont  soutenu  ([ue  la  croyance  de  l'E- 
glise avait  changé  touchant  l'eucharistie; 
nous  leur  opiiosons  un  raisonnement  fort 
simple  :  la  croyance  ne  peut  changer  sans 
que  le  langage  et  les  cérémonies  do  la  litur- 
f/ie  ne  changent  ;  vous  l'avez  piuuvé  par 
votre  exemple  :  or  ce  dernier  changement  ne 
s'était  pas  fait  avant  vous;  la  confidntalion 
des  lituryies  en  dé{)ose  :  donc  avant  vous  la 
croyance  touchant  l'eucharistie  n'a  jamais 
changé. 

Dans  pres([ue  tous  les  siècles,  on  a  vu 
naître  des  erreurs  sur  ce  point  essentiel  do 
doctrine  ;  nous  les  rapportons  au  mot  Eu- 
OHAuisTiE  :  ce  mystère  a  donc  toujours  tenu 
les  esfirits  attentifs,  parce  qu'il  est  étroite- 
ment lié  à  celui  de  l'incarnation  et  au  dogme 
de  la  divinité  de  Jésus-Christ.  11  a  donc  tou- 
jours été  question  du  sens  (pi'il  fallait  don- 
ner aux  paroles  lio  la  liturgie;  il  n'était  pas 
possible  aux  Kdèles  de  l'oublier,  ni  aux  pas- 
feu  i  s  de  le  changer. 

'VIII.  Liturgie  (les  protestants.  Ce  que  nous 
soutenons  touchant  l'innnutabilité  (le  la  foi 
de  l'Eglise  a  été  rais  en  évidence  par  la  con- 
duite des  protestants.  Dès  cju'ils  ont  nié  la 
présence  réelle,  et  n'ont  plus  voulu  que  la 
messe  fût  un  sacrifice,  il  leur  a  fallu  suj>pri- 
ni(M'  les  paroles  et  les  cérémonies  de  la  messe 
qui  attestaient  la  croyance  contraire  :  ils 
ont  ainsi  reconnu  malgré  eux  l'énergie  de 
ces  signes  usités  dans  toutes  les  Eglises  du 
monde,  et  ont  fait  profession  derouqjre  avec 
elles. 

La  première  chose  que  fit  Luther,  fut  d'a- 
bolir, h  Wirtemberg,  le  canon  de  la  messe  ; 
il  n'en  conserva  que  les  paroles  de  la  con- 
sécration. Quoiqu'il  continuât  de  soutenir 
la  présence  réelle,  il  supprima  tout  ce  qui 
pouvait  donner  l'idée  de  sacritice.  11  con- 
serva cependant  l'élévation  do  l'hostie,  en 
laissant  la  liberté  de  la  faire  ou  de  la  re- 
trancher; cet  article  causa  du  trouble  dans  sou 
parti;  enfin  il  trouva  bon  de  lasupi»rimer. 

Zwingle  et  Calvin,  qui  niaient  la  [irésenco 
réelle,  ne  retinrent  [)Our  la  cène  que  l'orai- 
son dominicale  et  la  lecture  des  paroles  de 
l'institution  de  l'eucharistie;  ils  abolirent 
toutes  les  paroles  et  les  cérémonies  que  Lu- 
ther avait  conservées  avant  et  a[)rùs  la  con- 
sécration. 

En  Angleterre,  Henri  VIII  n'avait  pas  tou- 
ché k  la  liturgie  ;  mais  en  lai'J  ,  sous 
Edouard  VI,  l'oii  en  fit  une  nouvelle,  dans 
lai|uelle  on  relranciia  les  prières  du  canon 
et  l'élévation  de   l'hostie;  l'on  y  représenta 


Ut  320 

encore  la  communion  comme  l'action  de 
manger  la  cliair  et  de  boire  le  sang  de  Jé- 
sus Christ,  (!t  l'on  y  permit  de  faire  la  cène 
dans  les  maisons  particulières.  On  y  con- 
serva les  habits  sacertiotaux,  les  noms  de 
messe  et  d'autel,  le  f)aiu  azyme;  mais  on  y 
changea  plusieurs  prières,  et  l'on  y  déclara 
que  le  cor|)s  de  Jésus-Christ  n'est  que  dans 
le  ciel.  Eu  1533,  sous  la  reine  .Marie,  qui 
était  catholique,  la  messe  romaine  fut  réta- 
blie. En  llioV» ,  la  reine  Elisabeth.  <iui  était 
protestante,  lit  remettre  en  usage  la  liturgie 
d'Edouartl  M  ;  elle  voulut  que  le  dogme  do 
la  pr(''sence  l'éeile  n'y  fiU  ni  enseigné  ni  com- 
battu, mais  laissé  en  sus])ens.  On  n'y  tou- 
cha presque  pas  sous  Jaciiues  1",  mais  les 
troubles  survenus  sous  Charles  I"',  au  sujet 
de  la  liturgie,  servirent  de  prétexte  pour  le 
l'aii-e  périr  sur  un  échafaud,  et  des  troubles 
continuèrent  sous  Crumwell.En  l(Jt):2,  Cliar- 
Ics  il  fit  retouciier  cette  même  liturgie  d'E- 
douard; l'on  y  déclara  que  le  corps  tie  Jésus- 
Christ  n'est  que  dans  le  ciel;  on  y  mit  la 
prière  pour  les  morts  eu  termes  ambigus  : 
plusieurs  savants  anglais  écrivirent  contre 
cette  liturgie. 

Les  dispides  ne  furent  pas  moins  vives  en 
Ecosse  ;  mais  comme  les  puritains  ou  calvi- 
nistes rigides  y  ont  prévaai,  ils  ont  retran- 
ché les  cérémonies;  ils  observent  à  peu 
jirès  la  même  manière  de  cél'brer  la  cène 
que  ("al vin  établit  k Genève;  c'est  aussi  celle 
que  suivirent  les  calvinistes  de  Erance.  En 
Suède,  le  luthéranisme  s'établit  d'abord  sous 
Gustave  1",  et  la  messe  y  fut  abolie;  a|uès 
bien  des  uis|iutes  et  des  incertitudes,  l'on  y 
publia,  en  lo7G,  une  liturgie  qui  se  rappro- 
chait beaucou])  de  la  messe  romaine  ;  on  y 
prescrivait  l'élévation  de  l'hostie,  et  l'on  y 
déclarait  (jue  l'on  reçoit  le  corps  et  le  sang 
de  Jésus-Chiist  dans  l'usage.  Le  P.  Le- 
brun a  donné  cette  liturgie,  toin.  Vil,  page 
162  et  suiv.  Dans  la  suite,  le  luthéranisme  a 
re[iris  le  dessus  en  Suède  ;  mais  les  luLhé- 
liensdes  divers  pays  du  Nord  n'ont  entre  eux 
aucune  forme  de /(ii/n/ie»' fixe  et  imumable. 

Depuis  que  les  es|)rits  se  sont  calmés,  et 
que  l'on  a  comparé  les  liturgies  des  protes- 
tants avec  celles  dé  toutes  les  autres  Eglises 
du  monde,  plusieurs  d'entre  eux  sont  con- 
venus que  les  prétendus  réformateurs  se 
sont  trop  écartés  de  l'ancien  mo'ièlo  ;  mais 
comment  en  conserverie  langage  et  la  forme, 
lorsqu'on  en  avait  abandonné  l'esprit  et  la 
doctrine?  Ceux  qui  ont  voulu  s'en  r.ippro- 
cher,  comme  on  a  fait  k  Neuchùlel,  n'ont 
réussi  qu'à  se  donner  un  ridicule  de  plus. 
Cette  bizarrerie  même  démontre  que,  si  les 
anciennes  Eglises  avaient  pensé  comme  les 
]iroleslants,  leurs  liturgies  n'auraient  jamais 
pu  être  telles  que  nous  les  voyons. 

Pour  faire  adopter  les  liturgies  des  héré- 
tiques, ila  fallu,  dans  plusieurs  pays,  des  lois, 
des  menaces,  des  peines,  des  supplices  ;  on 
n'avait  rien  vu  de  semblable  autrefois  :  la 
messe  romaine,  contie  laquelle,  les  protes- 
tants ont  tant  déclamé,  n'a  point  fait  répandre 
de  sang  Dès  q-ii'un  peuple  a  été  chrétien, 
il  a   regu  sans  résistance   une  liturgie  qui 


327 


LIV 


LIT 


328 


était  l'expression  fidèle  de  la  doctrine  des 
spùtres  ;  jamais  il  n'a  touché  à  la  liturgie 
sans  avoir  changé  de  croyance,  et  l'époque 
de  ce  cliangement  a  toujours  été  remarquée. 
C'est  donc  aujourd'hui  un  très-graml  avan- 
tage poar  les  théologiens  de  pouvoir  consul- 
ter et  comparer  les  liturgies  de  toutes  les 
communions  chrétiennes  ;  il  n'est  aucune 
preuve  plus  convaincante  de  l'antiquité,  de 
la  peipétuité,  de  l'immulabilité  de  la  foi  ca- 
tholique, non-seulement  touchant  les  dog- 
mes conieslés  par  les  protestants,  mais  k 
l'égard  de  tout  autre  point  de  croyance.  Voy. 

MEsSR. 

LIVRE.  Un  sentiment  de  vanité  a  pu  per- 
suaJer  aux  littérateurs  du  xvi'  siècle  que 
toute  vérité  se  trouve  dans  les  livres  ;  qu'il 
n'est  aucun  autre  monument  certain  des 
connaissances  humaines,  aucune  autre  règle 
de  croyance  ni  de  conduite  à  laquelle  on 
puisse  se  lier.  Cett3  piétention,  qui  aurait 
paru  absuide  dans  toute  autre  matière,  a  été 
cependant  soutenue  avec  beaucoup  de  cha- 
leur en  fait  de  religion,  et  l'est  encore  par 
des  secies  nombreuses.  On  pourrait  leur  de- 
mander d'abord  comment  ont  pu  laire  les 
preiuii-rs  philosophes,  qui  n'avaient  pas  de 
livres;  ils  (int  cependant  acquis  des  connais- 
sances, puiqu'ils  ont  formé  des  écoles  nom- 
breuses, et  que  leur  doctrine  s'est  perpétuée 
parmi  leurs  disciples. 

Pour  nous,  qui  pensons  que  Dieu  a  établi 
la  religion  pour  les  ignorants  aussi  bien  que 
pour  les  savants,  et  qu'il  n'est  ordunné  à 
personne  de  savoii'  lire,  sous  peine  de  dam- 
nation, nous  piésumons  qu'il  y  a  d'autres 
moyens  d'instruction;  que  quand  il  n'y  au- 
rait jamais  eu  de  livres,  la  vraie  religion  au- 
rait cependant  ]tu  s'établir  et  se  pei'pétuer 
sur  la  terre.  C'est  ainsi  qu'elle  y  a  duré  pen- 
dant près  de  deux  mille  ans;  c'est  ainsi  que 
les  fausses  religions  subsistent  encore  chez 
plusieurs  nations  ignorantes,  depuis  un  grand 
nombre  de  siècles  ;  c'est  ainsi  enfin  que  lus 
hérétiques  même  transmettent  leui'  doctrine 
au  très-grand  nombre  de  leurs  sectateurs 
qui  n'ont  aucun  usage  des  lettres.  De  même 
qu'un  ignorant  n'a  pas  besoin  de  livres  pour 
être  convaincu  de  la  vérité  et  de  la  divinilé 
de  la  religion  chrétienne  ,  nous  concluons 
qu'il  n'en  a  pas  besoin  non  plus  pour  savoir 
certainement  ce  qu'enseigne  cette  religion  et 
quelle  en  est  la  uoctrine. 

Le  christianisme  était  professé,  et  il  y 
avait  des  Eglises  fondées  avant  que  la  plu- 
part des  livres  du  Nouveau  Testament  fus- 
sent écrits,  et  qu'ils  fussent  connus  des  sim- 
ples lidèles.  «  Quand  les  apôtres,  dit  saint 
Jrénée,  ne  nous  auraient  rien  laissé  par 
écrit,  ne  faudrait-il  pas  toujours  suivre  la 
tradition  que  nous  ont  laissée  les  pasteurs 
auxquels  ils  ont  confié  le  soin  des  Eglises  ? 
C'est  la  méthode  que  suivent  plusieurs  na- 
tions barbares  qui  croient  en  Jésus-Christ 
sans  écritures  et  sans  livres,  mais  qui  ont 
la  doctrine  du  salut  gravée  dans  leur  cœur 
par  le  Saint-Esprit,  et  qui  gardent  avec  soin 

l'ancienne  tradition Ceux   qui  ont  ainsi 

reçu  la  foi  sans  écritures  nous  paraissent 


barbares;  mais,  dans  le  fond,  leur  foi  est  très- 
sage,  leur  conduite  très-louable,  leurs  ver- 
tus sont  très-agr.^ables  à  Dieu.  »  Adv.  Ilœr., 
1.  ni,  cap.  k,  n.  1  et  2. 

Parmi  les  sujets  d'un  grand  royaume,  il 
n'y  en  a  pas  un  millième  qui  aient  lu  le  texte  îles 
liiis,la|)lupartnesontpas  seulement ca|;iables 
délire  leurs  titres  ;  aucun  cependant  n'ignore 
ses  droits  et  n'est  inquiet  sur  ses  posses- 
sions. Les  usa;ies  civils,  les  devoirs  de  la 
société,  les  mœurs,  en  un  mot,  ne  sont  cou- 
chés dans  aucun  code  ;  est-on  pour  cela 
moins  instruit  de  ce  que  l'on  doit  faire? 
Avant  notre  siècle,  il  en  était  de  môme  du 
procédé  des  arts  les  plus  comjiliqués,  et  qui 
exigent  le  plus  d'industrie  ;  y  avait-, 1  pour 
cela  moins  d'artistes  habiles  ?  Vainement  l'on 
se  bornerait  à  donner  des  livres  à  ceux  qui 
étudient  les  sciences  et  les  arts  ;  s'ils  n'ont 
pas  un  maître  pour  leurexpliquer  les  termes, 
])0ur  leur  montrer  l'ordre  des  procédés, 
pour  leur  faire  éviter  les  méprises,  ils  ne 
seront  jamais  fort  instruits. 

Par  le  laps  des  siècles,  par  le  changement 
des  langues,  par  la  différence  des  mœurs, 
par  les  disputes  des  savants,  etc.,  les  anciens 
//rres  deviennent  néce>saireiijenttrès-(ibscurs 
et  souvent  inintelligibles  ;  il  faut  donc  que 
la  tradition  vivante,  l'usage  journalier  et  les 
pratiques,  les  maîtres  cliargés  d'enseigner, 
viennent  à  notre  secours  pour  nous  en  donner 
l'intelligence.  De  là  nous  concluons  cjue 
Jésus-Christ  aurait  très-mal  pourvu  à  la 
perpétuité  et  à  l'immutabilité  de  sa  doc- 
trine s'il  n'avait  donné  à  son  Eglise  que 
des  livres  pour  tout  moyen  d'enseigne- 
ment. Ce  n'est  pas  la  lettre  d'un  livre  qui 
nous  guide  ,  c'est  le  sens  :  or,  comment 
pouvons-nous  être  sûrs  que  nous  en  prenons 
le  vrai  sens,  lorsqu'une  multitude  d'hommes, 
qui  paraissent  sages  et  instruits,  soutiennent 
qu'il  faut  entendre  autrement  le  texte  ?  Si 
nous  nous  flattons  que  Dieu  nous  donne 
une  inspiration  qu'il  leur  refuse,  nous  toin- 
hons  dans  le  fanatisme.  Si  nous  pensons 
qu'alors  l'erreur  ne  peut  être  ni  imputable, 
ni  dangereuse,  c'estavouerque,  dans  lelbnd, 
il  n'y  a  ni  foi  certaine,  ni  doctrine  constante 
k  laquelle  nous  soyons  obligés  de  nous 
fixer,  et  qu'après  avoir  consulté  un  livre  que 
nous  jjrenions  pour  règle  de  notre  foi,  nous 
ne  sommes  pas  plus  avancés  qu'auparavant. 

Inutilement  on  nous  dit  que  l'Ecriture 
est  claire  sur  tous  les  articles  de  foi  néces- 
sair.s  au  salut  ;  que  quand  un  dogme  n'est 
pas  révéléclairement,  il  n'est  pas  nécessaire, 
])uis([u'il  n'en  est  aucun  qui  n'ait  été  cuntes- 
té,  et  sur  lequel  on  n'ait  cité  l'iicritiire  pour 
et  contre.  Osera-t-on  dire  que,  pour  être 
chrétien  et  dans  la  voie  du  salut,  il  n'est  pas 
nécessaire  do  savoir  si  Jésus-Christ  est 
Dieu,  ou  s'il  ne  l'est  pas  ;  si  on  doit  l'adorer 
comme  un  Dieu,  ou  seulement  le  respecter 
comrue  un  homme?  C'est  comme  si  l'on  di- 
sait qu'il  n'importeen  rien  au  salut  de  croire 
un  seul  Dieu,  ou  d'en  admettre  plusieurs, 
d'être  chrétien  ou  idol;)tre.  Or,  la  divinité 
de  Jésus-Christ  a  été  contestée  depuis  la 
naissance  duchi-istianisme;  elle  l'est  encore, 


529  LIV 

et  il  n'est  aucun  article  sur  lequel  on  ait  au- 
tant all(^gu6  les  passages  de  l'Ecriture  sainte 
de  part  ot  d'autre.  Chez  les  sectes  niûme 
les  plus  tibstiiiées  à  rejeter  toute  autre  règle 
de  foi  que  l'Ecriture  sainte,  est-ce  véritable- 
ment le  texte  du  livre  qui  règle  la  foi  des 
])articuliers?  Avant  de  lire  l'Ecriture  sainte, 
un  protestant  est  déjà  prévenu  par  son  ca- 
téchisme, parles  sermons  des  ministres,  par 
la  croyance  de  sa  famille.  Delà  un  luthérien 
ne  manque  jamais  de  voir  dans  l'J'lcriture  les 
sentiments  de  Luther,  un  calviniste  ceux  de 
Calvin,  un  anabaptiste  ou  un  socinien  ceux 
de  sa  secte,  tout  comme  un  catholique  y 
trouve  ceux  de  l'Eglise  romaine.  11  est  donc 
évident  que  tous  sont  également  guidés  par 
la  tradition,  ou  par  la  croyance  de  la  société 
dans  laquelle  ils  ont  été  élevés. 

Sur  cette  importante  question,  les  protes- 
tants d'un  côté,  les  déistes  do  l'autre,  ont 
donné  dans  les  excès  les  plus  opposés,  et 
se  sont  réfutés  mutuellement.  Les  premiers 
persistent  à  soutenir  qu'il  faut  chercher  les 
vérités  de  la  foi  dans  les  IJirrs  saints,  et 
non  ailleurs  ;  que  tout  ce  (ju'il  faut  croire 
y  est  clairement  révélé;  que  s'en  rajiporter 
à  la  tradition  et  k  l'enseigneuuMit  île  l'Eglise, 
c'est  soumettre  la  parole  de  Dieu  h  l'auto- 
rité des  hommes,  etc.  Les  déistes  ont  dit  : 
Il  ne  faut  point  de  livres  ;  tous  sont  obscurs, 
et  sont  entendus  ditféremment  par  les  di- 
vers partis;  c'est  une  source  intarissable  de 
disputes;  les  peuples  qui  n'ont  point  de 
livres  ne  disputent  point.  Entre  ces  deux 
excès,  l'Eglise  catholique  garde  un  sage 
milieu  ;  elle  dit  aux  protestants  :  Depuis 
dix-sept  siècles,  toutes  les  contestations  sur- 
venues entre  les  sociétés  chrétiennes  ont 
eu  pour  objet  de  savoir  comment  il  faut 
entendre  certains  passages  àesLivres  saints  ; 
toutes  en  ont  allégué  en  faveiu-  de  leurs 
opinions.  Non-seulement  c'est  le  sujet  des 
disputes  entre  vous  et  les  catholiques,  mais 
entre  vous  et  les  différentes  sectes  nées  par- 
mi vous.  Dans  vos  contestations  avec  les 
sociniens,  vous  avez  éprouvé  qu'il  était  im- 
possible de  les  convaincre  par  l'Ecriture 
sainte,  et,  contre  vos  principes,  vous  avez 
été  forcés  de  recourir  à  la  tradition  pour 
leur  faire  voir  qu'ils  abusaient  du  texte  sacré. 
Vous  êtes  donc  convaincus,  par  votre  expé- 
rience, quelesLi'rrcs  saints  ne  suflisent  pas 
pour  terminer  les  disputes  en  matière  de 
loi.  Elle  dit  aux  déistes  :  Il  n'est  jias  vrai 
que  les/i'iTes  soient  inutiles  ou  pernicieux 
jiar  eux-mêmes  ;  l'abus  que  l'on  en  fait  ne 
jirouve  rien.  Quelque  obscurs  qu'on  les 
suppose,  on  peut  en  découvrir  le  sens  par 
la  manière  dont  ils  ont  été  entendus  dès  l'o- 
I  igiue  ;  par  la  croyance  d'une  grande  société, 
(lui  les  a  toujours  respectés  comme  parole 
de  Dieu  ;  par  le  s;'ntiment  des  docteurs,  qui 
ont  eu  pour  maîtres  les  auteurs  mômes  de 
ces  livres  ;  par  les  usages  religieux  qui  en 
représentent  la  doctrine  ;  par  la  condamna- 
tion de  ceux  qui  ont  voulu  en  pervertir  le 
sens.  Ainsi  l'on  cherche  le  sens  des  ancien- 
nes lois  dans  les  écrits  des  jurisconsultes 
et  dans  les  arrêts  des  tribunaux,  et  les  senti- 

DlCTIONN.  ^1F,    Ti;j:oL.  hosmatique.    111. 


LIV 


530 


ments  d'ini  ancien  philosophe  dans  les  ou- 
vrages soit  de  ses  disciples,  soit  de  ceux  qui 
ont  fait  j)rofession  de  les  réfuter. 

Entre  deux  méthodes  d'enseigner,  il  est  à 
présumer  que  Jésus-Christ  a  choisi  celle  qui 
est  non-seulement  la  plus  solide  et  la  jilus 
sûre,  mais  encore  la  plus  à  portée  des  igno- 
rants, {)uisque  ceux-ci  forment  la  plus  grande 
j)artie  du  genre  humain.  Or,  il  est  évident 
([u'un  ignorant  n'est  pas  capable  de  juger 
par  lui-même  si  tel  livre  est  inspiré  de  Dieu 
ou  non,  s'il  est  authentique  et  s'il  a  été  li- 
dèlement  conservé,  s'il  est  bien  ti'aduit  dans 
sa  langue,  s'il  faut  entendre  tel  passage  dans 
le  sens  littéral  ou  dans  le  sens  Uguré,  etc. 
Mais  il  ne  lui  est  pas  plus  diflicilede  se  con- 
vaincre que  les  pasteurs  de  l'Eglise  catholi- 
que sont  les  successeurs  des  apôtres,  quede 
s'assurer  que  Louis  XVI  est  le  successeur 
légitime  du  fondateur  de  la  monarchie  fran- 
çaise. Les  mômes  preuves  qui  établissent  ' 
la  mission  des  apôtres ,  établissent  aussi  la 
mission  de  leurs  successeurs. 

On  ne  doit  pas  être  surpris  de  ce  que  nous 
répétons  ces  mêmes  vérités  dans  plusieurs 
articles  de  ce  Dictionnaire;  c'est  ici  la  con- 
testation fondamentale  et  décisive  entre  l'E- 
glise catholique  et  les  différentes  sectes  hété- 
rodoxes qui  sont  sorties  de  son  sein,  et  ont 
levé  l'étendard  contre  elle.  Voy.  Autorité, 
Examen,  Foi,  Trauition,  etc. 

Livres  saints  ou  sacrés.  Tous  les  peuples 
lettrés  ont  nommé  livres  sacrés  les  livres  qui 
contenaient  les  objets  et  les  titres  de  leur 
croyance  ;  il  est  naturel  d'avoir  un  grand 
respect  pour  des  livres  que  l'on  croit  éma- 
nés de  la  Divinité.  Quand  une  nation  est  per- 
suadée que  certains  hommes  ont  été  en- 
voyés de  Dieu  pour  annoncer  ses  volontés  et 
pour  prescrire  la  manière  dont  il  veut  être 
adoré,  elle  doit  conclure  que  Dieu  n'a  pas 
permis  que  ces  hommes  enseignassent  des 
erreurs  ;  autrement  il  aurait  tendu  à  ce  peu- 
ple un  piège  inévitable  :  elle  doit  donc  re- 
garder les  livres  de  ces  envoyés  comme  la 
parole  de  Dieu  même,  comme  la  règle  de 
loi  et  de  conduite  qu'elle  doit  suivre.  Toute 
la  question  se  réduit  à  savoir  si  les  divers 
personnages,  qui  ont  été  regardés  comme 
cnvo\és  de  Dieu,  ont  eu  véritablement  les 
signes  qui  peuvent  caractériser  une  mission 
divine.  Or,  nous  prouvons  que  Moïse,  les 
prophètes,  Jésus-Christ  et  ses  apôtres,  en 
ont  été  certainement  revêtus  :  c'est  donc  à 
juste  titre  que  nous  regardons  leurs  livres 
comme  saints  et  sacrés.  Voy.  Mission  , 
MoiSE,  etc. 

D'autre  part,  nous  prouvons  qu'aucun  fon- 
dateur des  fausses  religions  n'a  montré  les 
mêmes  caractères,  mais  plutôt  des  signes 
tout  opposés;  conséquemment  c'est  mal  à 
propos,  et  sans  aucune  preuve,  que  \e>  Chi- 
nois, les  liiiiiens,  les  parsis,  les  mahométans, 
nomment  sacrés  les  livres  qui  contiennent 
leur  croyance.  Nous  ne  craignons  pas  que  les 
docteurs  de  ces  fausses  religions  entrepren- 
nent de  tourner  contre  nos  Livres  sainte  les 
arguments  que  nous  faisons  contre  les  leurs; 
aucun  d'entre  eux  ne  l'a  jamais  entrepris. 

11 


331  LIV 

C'est  donc,  île  la  part  dos  incrédules, une  in- 
justice lie  dire  que  le  respect  que  nous  por- 
tons à  nos  Livres  saints  n'est  pas  mieux 
fondé  que  celui  que  les  autres  peuples  té- 
moignent 1  our  les  leurs.  Aucun  incrédule 
n'est  encore  venu  à  bout  de  faire  voir  que 
les  preuves  sont  les  mêmes  de  part  et  d'au- 
tre. Voy.  CmNOis,  Indiens,  etc. 

Déjà  nous  avons  parlé  de  nos  Livres  saints 
dans'  les  articles  Bible,  Canon,  Ecriture 
SAINTE,  etc.,  et  nous  en  donnerons  une  courte 
notice  au  mot  Testament. 

Jamais  ces  divins  écrits  n'avaient  été  atta- 
qués avec  autant  de  fureur  que  de  nos  jours; 
non-seulement  les  incrédules  modernes  ont 
répété  tout  ce  qu'avaient  dit  autrefois  les 
marcionites,  les  manichéens,  Celse,  Julien, 
Porphyre,  pour  rendre  ces  livres  mi''prisa- 
bles,  surtout  l'Ancien  Testament;  mais  ils  ont 
enchéri  sur  tous  ces  anciens  ennemis  du 
christianisme;  ils  ont  mis,  pour  ainsi  dire,  à 
contribution  toutes  les  sciences,  pour  trou- 
ver des  reproches  h  faire  contre  les  écrivains 
sacrés.  Ils  ont  voulu  prouver  que  ces  livras 
prétendus  inspirés  sont  des  écrits  apocryphes, 
faussement  attribués  aux  auteurs  dont  ils  por- 
tent les  noms,  et  d'une  date  très-postérieure; 
que  les  livres  de  religion  des  autres  nations 
portent  des  marques  plus  apparentes  d'au- 
thenticité et  de  vérité  que  les  nôtres.  On  a 
cru  y  trouver  des  erreurs  contre  la  chrono- 
logie, la  géographie,  l'astronomie,  la  physi- 
que et  l'histoire  naturelle  ;  des  faits  contre- 
dits par  des  auteurs  profanes  très-dignes  de 
loi,  des  exemples  même  pernicieux  aux 
mœurs.  On  a  censuré  le  langage,  les  expres- 
sions, le  style  de  l'Ecriture  sainte,  aussi  bien 
que  la  doctrine  ;  il  n'est  presque  pas  un  ver- 
set qui  n'ait  donné  matière  aux  invectives  et 
aux  sarcasmes  de  nos  prétendus  philosophes. 
Une  critique  plus  décente  et  plus  modérée 
aurait  sans  doute  fait  plus  d'impression,  et 
en  aurait  imposé  plus  aisément  aux  lecteurs; 
mais  on  a  vu  que  les  libelles  de  nos  adver- 
saires étaient  marqués  au  coin  de  l'impiété  et 
du  libertinage,  on  y  a  remarqué  tant  de 
traits  d'ignorance,  de  mauvaise  foi  et  de  ma- 
lignité, que  la  plupart  ont  été  méprisés  dès 
leurnaissance. 

Pour  juger  sensément  de  nos  Livres  saints, 
il  fallait  un  degré  de  lumière  et  de  capacité 
que  n'avaient  pas  nos  adversaires,  une 
grande  connaissance  des  langues,  des  opi- 
nions, des  mœurs,  des  usages  civils  et  reli- 
gieux des  nations  anciennes,  du  sol  et  de  la 
température  dps  différentes  contrées  de  l'O- 
rient, des  révolutions  qui  y  sont  arrivées, 
des  circonstances  dans  lescfuelles  se  trou- 
vaient les  auteurs  sacrés.  Les  vrais  savants, 
loin  de  mépriser  ces  anciens  monuments,  en 
ont  fait  l'objet  de  leurs  recherches  et  la  base 
de  leurénidition;  nous  voyons  tous  les  jours 
le  récit  des  historiens  de  l'Ancien  Testament 
confirmé  par  le  témoignage  des  voyageurs 
les  plus  sensés;  plus  on  avance  dans  la  con- 
naissance de  la  nature,  plus  on  est  convaincu 
que  Moïse  et  ceux  qui  l'ont  suivi  ont  été  in- 
truits  et  sincères.  Aussi  la  critique  témé- 
saire  des  incrédules  a  fait  éclorc  de  nos  jours 


LIV 


332 


plusieurs  ouvrages  estimables,  dans  lesquels 
leurs  vaines  imaginations  ont  été  pleinement 
réfutées.  On  leur  a  fait  voir  que  nos  Livres 
saints  n'ont  pas  été  aussi  inconnus  qu'ils  le 
prétendent  aux  nations  voisines  des  Juifs  ; 
que  les  auteurs  égyptiens,  phéniciens,  chal- 
déens,  assyriens,  en  ont  jtarlé  avec  estime; 
qu'il  en  a  été  de  même  des  Grecs,  lors- 
que ces  livres  ont  été  traduits  dans  leur 
langue. 

Que  prouve,  d'ailleurs,  l'ignorance  des  na- 
tions anciennes  les  unes  à  l'égard  des  autres; 
le  peu  de  curiosité  qu'elles  ont  eu  de  se  con- 
naitre,  le  peu  de  commerce  cpii  régnait  en- 
tre elles  ?  Jusqu'à  nos  jours,  les  livres  des 
Chinois,  des  Indiens,  des  parsis,  étaient 
presque  inconnus  aux  savants  européens. 
Mais  depuis  que  l'on  a  pris  la  peine  de 
les  aller  chercher  et  do  les  traduire,  nous 
ne  redoutons  plus  la  comparaison  que  l'on 
en  peut  faire  avec  les  nôtres.  Soit  que  l'on 
examine  les  preuves  île  leur  authenticité, 
soit  que  l'on  en  considère  la  doctrine,  les 
lois,  la  morale,  tout  l'avantage  nous  reste  ; 
on  voit  la  vanité  des  conjectures  de  nos  ad- 
versaires qui  en  avaient  parlé  au  hasard  et 
sans  en  avoir  la  moindre  notion. 

Quand  il  y  aurait  des  diliicultés  insolubles 
dans  la  chronologie,  cela  ne  serait  pas  éton- 
nant à  l'égard  de  livres  si  anciens  ;  mais  il . 
est  aujourd'hui  démontré  qu'en  comparant 
les  chronologies  des  Egyptiens,  des  Ghal- 
déens,  des  Chinois,  des  Indiens,  avec  celle 
du  texte  sacré,  elles  ne  sont  rien  moins 
qu'opposées  ;  qu'elles  se  concilient  aisément 
à  l'égard  des  principales  époques,  quand  on 
connaît  la  manière  dont  chacune  de  ces  na- 
tions supputait  les  temps.  Voi/.  YHisloirc  de 
V Astronomie  ancienne,  par  M.  Uailly.  Les  con- 
jectures de  quelques  modernes  touchant 
l'antiquité  du  monde,  fondées  sur  des  systè- 
mes de  physique,  aussi  aisés  à  détruire  qu'à 
édifier,  ne  prévaudront  jamais  sur  des  preu- 
ves de  fait  et  sur  le  témoignage  réuni  de  tous 
les  peuples  lettrés. 

Comment  a-t-on  trouvé  des  fautes  de  géo- 
graphie dans  nos  Livres  saints?  En  confon- 
dant un  peuple  avec  un  autre,  en  prenant  de 
travers  des  noms  hébreux  dont  on  ignorait 
le  sens,  ou  qui  étaient  mal  traduits  dans  les 
versions.  Mais  ces  critiques  hasardées  feront- 
elles  oublier  les  travaux  du  savant  Bochart 
sur  la  géographie  sacrée,  et  les  lumières  qu'il 
y  a  répandues?  De  nos  jours,  en  montrant 
la  vraie  signification  d'un  mot  hébreu,  qui 
n'avait  pas  été  aperçue  jiar  les  commenta- 
teurs, M.  de  Gébelin  a  fait  voir  la  justesse 
d'un  passage  d'Ezéchiel,  qui  nous  apprend 
que  Nabuchodonosor  avait  conquis  l'Espagne. 
11  concilie  heureusement  la  chronologie  et  la 
géographie  sur  une  partie  considérable  de 
l'Iiistoire  sainte,  qui,  jusqu'à  présent,  avait 
été  regardée  comme  un  cliaos.  Monde  pri- 
mit.,  t.  VI  ;  Essai  d'Iiist.  orient. 

A  l'égard  de  l'astronomie,  un  autre  savant, 
qui  a  examiné  de  près  le  livre  de  Daniel,  fait 
voir  que  ce  prophète  s'est  servi  du  cycle 
astronomitiue  le  plus  parfait  que  l'on  ait  en- 
core pu  imaginer,  et  que,  par  le  moyen  de 


535 


LIV 


LIV 


S54 


ce  Cjcle,  on  peut  résoudre  plusieurs  problè- 
Hjes  lrès-(lili]o'iles.  Rem.  astronom.  sur  la 
prophétie  de  Daniel,  |)ar  M.  de  Clieseaux. 

Au.jourdliui  c'est  prinoi|ialemeiil  sur  la 
physique  des  Livres  minla  que  les  censeurs 
s(!  limitent  de  triouipher.  Mais,  avant  de  s'at- 
Iriljuer  la  victoire,  il  faudrait  qu'ils  fussent 
(.•ouvcnus  euseujble  d'un  système  généraJ 
de  physique  et  qu'ils  l'eussent  démontré 
dans  toutes  ses  |iarties:  l'out-ils  fait?  Jusqu'à 
|)résent  ils  n'ont  l'ait  que  passer  d'un  .système 
h  un  autre, rajeunir  les  vii  ilh's opinions  pour 
les  abandonner  ensuite,  disputer  et  se  réfu- 
ter mutuellement.  Les  nouvelles  cosmogo- 
nies,  dont  on  nous  amuse,  auront-elles  un 
l'ègne  plus  long  qu(!  les  anciennes  ?  Déjà 
AI.  de  Luc  vient  de  les  détruire  dans  ses  Let- 
tres sur  l'histoire  de  la  terre  et  de  l homme; 
il  prouve  que  la  cosmogonie  tracée  par 
Moïse  est  la  seule  conforme  k  la  structure 
du  globe,  et  que  toutes  les  autres  sont  ré- 
futées par  les  observations.  L'uniijue  des- 
sein des  physiciens  modernes  semble  avoir 
été  de  nous  faire  oublier  Dieu,  et  d'établir  le 
matérialisme  ;  les  auteurs  sacre's,  au  con- 
traire, n'ont  écrit  ipiii  pour  nous  montrer  la 
liuissance,  la  sagesse,  la  bouté  de  Dieu  dans 
ses  ouvrages. 

On  a  fait  de  .savantes  (hsscrtations  pour 
dc'œuvrir  ce  que  c'est  que  Béliémolh  et  Lévia- 
than  dans  le  livre  de  Joli,  pour  savoir  si  l'a- 
nimal dont  parle  Salomon  dans  les  Prover- 
bes est  la  fourmi  ou  un  autre  insecte,  s'il  y 
a  une  espèce  de  [)oisson  qui  ait  pu  engloutir 
Jouas  et  le  laisser  vivre  dans  ses  entrailles  ; 
si  les  coquillages  (jui  se  trou  vent  dans  le  sein  de 
laterreviennentdelamer  ou  d'ailleurs;  com- 
bien il  a  fallu  de  siècles  pour  former  les  cou- 
ches de  lave  qu'ont  vomies  les  volcans,  etc. 
Nous  attendrons  que  tous  les  dissertateurs 
.soient  d'accord,  avant  de  convenir  que  les 
auteurs  sacrés  étaient  des  ignorants  en  lait 
d'histoire  naturelle.  Lorsque  nous  aurons 
comparé  ensemble  Hérodote,  Ctésias,  Xéno- 
piion,  Strabon,  Diodore  do  Sicile,  les  frag- 
ments de  Bérose,  d'Abydône,  de  Manétlion, 
d'Eratosthène,  de  Sanchoniathon  ,  etc.,  for- 
merons-nous une  histoire  ancienne  aussi 
complète,  aussi  exacte  ,  aussi  suivie  que 
celle  que  nous  fournissent  nos  LîtTcs  saints? 
Sans  eux,  il  ne  nous  reste  plus  de  til  pour 
nous  coniiuiro  dans  ce  labyrinthe  ;  nous  ne 
trouvons  plus  que  des  ténèbres.  Yoy.   Mis- 

TOIBE    SAINTE. 

Des  littérateurs  superficiels  ,  qui  ne  con- 
naissent que  leur  siècle  et  leur  )  ation,  qui 
sont  persuadés  que  nos  mœurs  sont  la  règle 
de  l'univers  entiei' ,  sont  étonnés  des  usa.^es 
qui  ont  régné  dans  les  premiers  âges  du 
monde  ;  tout  leur  y  parait  absurde,  grossier, 
détestable  ;  ils  ne  peuvent  concevoir  com- 
ment Dieu  a  daigne  instruire  et  gouverner 
des  hommes  si  différents  de  ceux  d'aujour- 
d'hui. Mais  le  genre  humain,  dans  son  en- 
fance, a-t-il  donc  dû  être  le  môme  que  dans 
sa  maturité?  'J'rouverons-nous  mauvais 
qu'il  y  ait  encore  aujourd'hui  des  Arabes  scé- 
nites,  dos  Tartares  errants  et  des  Sauvages  ? 
Ce  sont  cepeudant  des  honiiuos,  quoiqu'ils 


ne  nous  ressemblent  pcnt.  Quand  on  veut 
■que  Dieu  ait  fait  régner  dans  tous  les  temps 
les  mémos  idées,  les  mômes  lois,  les  mômes 
vertus,  c'est  comme  si  l'on  se  plaignait  de 
ce  qu'il  n'a  pas  établi  la  môme  tempéraliu>e, 
le  Hiôme  degré  de  fertilité  et  d'agrément  dans 
tous  les  climats. 

Loin  de  nous  scandaliser  des  anus  que 
Dieu  a  soufferts,  des  désordres  qu'il  a  fier- 
mis,  des  crimes  qu'il  a  pardonnes,  des  bien- 
faits qu'il  a  répandus  sur  des  hommes  tou- 
jours ingrats  et  rebeHes,  insensés  et  vicieux, 
nous  devons  bénir  sa  miséricorde  infinie, 
nous  féliciter  de  pouvoii'  espérer  pour  nous 
la  même  indulgence,  et  d'avoir  reçu  par  Jé- 
sus-Christ des  leçons  capables  de  nous  ren- 
dre meilleurs.  C'est  ce  que  les  auteurs  sa- 
crés veulent  nous  faire  comprendre,  lors- 
qu'ils font  !e  tableau  des  uKEurs  primitives 
du  monde  ;  cette  réflexion  vaut  mieux  que 
les  spéculations  creuses  des  incrédules  :  cel- 
les-ci tendent  h  nous  ôter  non-seulement 
toute  notion  de  la  Divinité,  mais  encore  à 
étouffer  toute  espèce  d'érudition.  Si  Dieu 
n'avait  pas  conservé  l'étude  des  Livres  saints 
au  milieu  de  la  barbarie,  nous  serions  peut- 
être  aussi  stupides  et  aussi  abrutis  que  les 
Sauvages.  Yoi/.  Lettres  (1). 

Livres  défenhus.  Dès  les  premiers  siècles 
de  l'Eglise,  le  zèle  des  pasteurs  pour  la  pu- 
reté de  la  foi  et  des  mœurs  leur  fit  sentir  la 
nécessité  d'interdire  aux  fidèles  les  lectures 
capables  d'altérer  l'une  ou  l'autre  ;  consé- 
quemment  il  fut  défendu  de  lire  les  livres 
obscènes,  ceux  des  hérétiques  et  ceux  des 
pa'iens.  Cette  attention  était  une  consé- 
quence nécessaire  de  la  fonction  d'ensei- 
gner, de  laquelle  les  pasteurs  étaient  char- 
gés. Il  n'est  jias  besoin  de  longues  réflexions 
pour  comprendre  qu'à  l'égard  des  livres  obs- 
cènes rien  ne  peut  excuser  ni  la  licence  des 
écrivains,  ni  la  curiosité  des  lecteurs.  Saint 
Paul  ne  voulait  pas  que  les  fidèles  pronon- 
çassent une  seule  obscénité  ;  il  leur  aurait 
encore  moins  permis  d'en  lire  ou  d'en 
dciire  (Ephes .  v,  k;  Coloss.,  m,  8).  La  mul- 
titude de  ces  sortes  d'ouvrages  sera  toujours  un 

(1)  Parmi  les  livres  sacrés  iics  nations,  disent  les 
ailleurs  de  l'édiiion  Lcforl,  on  ne  peut  ranger  VEilda, 
ni  le  livre  de  Lao-tscu,  encore  moins  le  toi  an.  Delà 
comparaison  du  Pentateuipie  avec  le  ZeiiU-ÀvesIn, 
les  \  édtis,  les  Kings,  ressort  sa  supériorité  sons  le 
triple  rapport  de  raulhenlicitc,  de  l'ancienneté,  du 
fond  :  aussi  y  a-t  il  lieu  de  s'élonner  de  l'engoue- 
njcnt  de  ipjelcpies  .savants  pour  rerlaiues  produelions 
exotiques,  noiaiiuuent  pour  les  livres  de  l'Inde.  Ce- 
pendant, la  science,  à  foice  de  traiter  ces  matières, 
a  mis  en  rcfief  quelques  faits  généraux.  Le  plus  mar- 
quant, c'est  le  déluge.  Au-delà  du  déluge,  le  nuage 
s'épaissit.  On  euirevoit  néanmoins  quelques  trajts 
saillants  de  l'histoire  primitive  :  le  monde  sortant  du 
cbaos,  le  genre  humain  issu  d'un  soûl  couple,  infrac- 
tion et  malheurs  à  la  suite,  luUe  des  deux  principes, 
bons  et  mauvais  génies  en  opposition,  idée  vague  du 
rélablissemenl  de  l'ordre  un  jour!  mais  tout  cela  est 
noyé  dans  des  fables  absurues.  Qui  n'aurait  pas 
l'exemplaire  original,  en  altération  (lu(jucl  toutes  cts 
fables  furent  fabriquées,  ou  qui  l'aurait,  niais  io 
dédaignerait  ,  ne  sortirait  pas  de  ces  labyrin- 
thes. 


355  LIV 

triste  monument  de  la  corruption  du  siècle 
qui  les  a  vus  naître;  la  défense  générale  d'en 
lire  aucun,  portée  par  les  prélats  délégués 
du  concile  de  Trente,  est  juste  et  sage.  Reg. 
7.  On  ne  serait  pas  surpris  de  voir  cette  li- 
cence poussée  à  l'excès  chez  les  païens;  mais 
les  poètes  môme  de  l'ancienne  Rome,  Ovide, 
Juvénal  et  d'autres,  en  ont  reconnu  les  per- 
nicieux effets ,  et  la  nécessité  d'eu  préserver 
surtout  la  jeunesse.  Qu'auraient  dit  les  Pè- 
xes  de  l'Eglise  qui  ont  déclamé  contre  celte 
turpitude ,  s'ils  avaient  pu  prévoir  qu'elle 
renaîtrait  chez  les  nations  chrétiennes  ? 

Bayle,  qui  ne  passera  jamais  pour  un  mo- 
raliste sévère,  est  convenu  du  danger  attaché 
à  la  lecture  des  livres  contraires  à  la  pudeur  ; 
il  a  môme  répondu  aux  mauvaises  r;iisons 
que  certains  auteurs  de  ces  livres  allégunent 
pour  pallier  leur  crime  {Dict.  crit.  Guarini, 
Rem.  C.  et  D.  Nouv.  lettres  crit.  sur  Vhist. 
du  Calvin.,  OEuv.  tom.  Il,  lettre  19).  Quand 
il  a  voulu  justifier  les  obscénités  qu'il  avait 
mises  danslapremière  édition  de  son  Diction- 
naire, il  n'a  rien  trouvé  de  mieux  h  faire  que 
de  promettre  qu'il  les  corrigerait  dans  la  se- 
conde édition  {OEuv.  tom.  iV,  Réflex.  sur  un 
imprimé,  n.  33  et  34).  Il  s'est  donc  formelle- 
ment condamné  lui-même. 

Une  fatale  expérience  ne  prouve  que  trop 
les  pernicieux  effets  des  mauvaises  lectures; 
c'est  par  IK  que  se  sont  corrompus  la  plupart 
de  ceux  qui  se  sont  livrés  au  libertinage,  et 
qu'ils  ont  augmenté  le  penchant  vicieux  qui 
les  y  portait.  Plus  les  auteurs  des  livres  oIjs- 
cènes  y  ont  mis  d'esprit  et  d'agrément,  plus 
ils  sont  coupables  ;  ils  ont  imité  la  scéléra- 
tesse d'un  chimiste  qui  aurait  étudié  l'art 
d'assaisonner  les  poisons  pour  les  rendre 
plus  dangereux.  Pour  s'excuser,  ils  disent 
que  ces  lectures  font  moins  d'effet  que  les 
tableaux  obscènes,  les  spectacles,  les  con- 
versations trop  libres  des  deux  sexes  :  cela 
peut  être  ;  mais  parce  qu'elles  font  moins  de 
mal,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'elles  soient  inno- 
centes :  il  n'est  pas  permis  de  commettre  un 
crime,  parce  que  d'autres  en  commettent  un 
plus  grand.  Ils  disent  que  la  plupart  des  lec- 
teurs savent  déjà  ou  apprendraient  d'ailleurs 
ce  qu'ils  trouvent  dans  un  ouvrage  trop  libre  ; 
cela  est  faux,  en  général.  Ce  livre  peut  tom- 
ber entre  les  mains  de  jeunes  gens  qui  n'ont 
pas  encore  le  cœur  gûté  et  jeter  en  eux  les 
premières  semences  du  vice  :  mais  quand 
même  le  mal  serait  déjà  commencé,  ce  se- 
rait encore  un  crime  de  l'augmenter.  Ils  al- 
lèguent enfin  la  multitude  de  ceux  qui  ont 
écrit,  publié  ou  commenté  de  ces  sortes  d'ou- 
vrages, et  auxquels  on  n'en  a  fait  aucun  re- 
proclie.  C'est  justement  parce  que  l'on  a 
souffert  souvent  trop  de  licence  sur  ce  point, 
qu'il  est  plus  nécessaire  de  la  réprimer  ;  la 
multitude  des  cou|)ables  est  un  motif  de  plus 
fie  sévir  contre  les  principaux ,  alin  d'épou- 
vanter et  de  corriger  les  autres-  Voy.  Obscé- 
nité, Roman. 

Quant  aux  livres  des  hérétiques  qui  don- 
nent atteinte  à  la  pureté  de  la  foi,  l'Eglise  les 
a  également  proscrits,  parce  que  le  danger 
est  Te  même  ;   souvent,  pour  les  supprimer, 


LIV 


536 


les  empereurs  ont  appuyé  par  leurs  lois  les 
censures  de  l'Eglise.  Après  la  condamnation 
d'Arins  par  le  concile  de  Nicée  ,  Constantin 
ordonna  que  les  livres  de  cet  hérésiarque 
fussent  brûlés  ;  il  défendit  à  toutes  person- 
nes de  les  cacher,  sous  peine  de  mort.  So- 
crate,  Hist.  ecclés.,\.  i,  c.  9.  Arcadius  etHo- 
norius  portèrent  la  même  loi  contre  ceux  des 
eunomiens,  Cod.  Théod.,  1.  xvi,  tit.  5,  leg. 
34.  Théodose  le  Jeune  la  renouvela  contre 
ceux  de  Nestorius,  tbid.,  leg.  66.  Le  qua- 
trième concile  de  Carthage  ne  permit,  même 
aux  évêques,  la  lecture  des  /itères  hérétiques, 
qu'autant  que  cela  .serait  nécessaire  pour  les 
réfuter  ;  les  prélats  délégués  par  le  concile 
de  Trente  ont  prononcé  la  peine  d'excommu- 
nication contre  tous  ceux  qui  retiennent  ou 
qui  lisent  les  livres  condamnés  par  l'Eglise , 
oumisàl'Vndea;. 

Saint  Paul  défend  aux  fidèles  d'écouter  les 
discours  artificieux  des  hérétiques,  et  même 
de  les  fréquenter  (i?om.,  c.  xvi,  v.  17;  Tit., 
c.  m,  V.  10,  etc.).  11  n'y  avait  pas  un  moindre 
danger  à  lire  leurs  livres.  Voy.  Bellarm., 
tome  II,  Controv.  2,  1.  3,  c.  20.  Quiconque 
fait  cas  de  la  foi,  et  la  regarde  comme  un 
don  de  Dieu,  ne  s'expose  pas  témérairement 
à  la  perdre. 

La  sévérité  de  l'Eglise  sur  ce  point  a  été 
blâmée  par  les  auteurs,  qui  sentaient  que 
leurs  propres  livres  méritaient  d'être  pros- 
crits ;  mais  que  prouvent  les  clameurs  des 
coupables  contre  la  loi  qui  les  condamne? 
La  défense  de  lire  les  livres  hérétiques  ne 
regarde  point  les  docteurs  chargés  d'ensei- 
gner, capables  de  montrer  le  faible  des  so- 
phismcs  des  ennemis  de  l'Eglise  et  de  les 
réfuler.  Quant  aux  simples  fidèles,  nous  ne 
voyons  pas  pourquoi  il  leur  serait  permis  de 
clierclierdes  doutes,  des  tentations,  des  piè- 
ges d'erreur,  ni  en  quoi  consiste  l'avantage 
de  satisfaire  une  vaine  curiosité.  Le  nombre 
de  ceux  qui  ont  fait  naufrage  dans  la  foi  par 
cette  imprudence,  devrait  retenir  tous  ceux 
qui  sont  tentés  de  s'exposer  au  môme  dan- 
ger. 

Dans  tous  les  temps,  les  artifices  des  héré- 
tiques ont  été  les  mêmes  ;  Tertullien  les  dé- 
voilait déjà  au  III*  siècle.  «  Pour  gagner, 
dit-il,  des  sectateurs,  ils  exhortent  tout  le 
monde  à  lire,  à  examiner,  à  peser  les  rai 
sons  pour  et  contre  ;  ils  répètent  continuel 
lementle  mot  de  l'Evangile,  cherchez  et  vous 
trouverez.  Mais  nous  n'avons  plus  besoin  de 
curiosité  après  Jésus-Christ,  ni  de  recherche 
après  l'Evangile  ;  un  des  points  de  notre 
croyance  est  d'être  persuadé  qu'il  n'y  a  rien 
à  trouver  au  delà.  Ceux  qui  cherchent  la 
vérité  ne  la  tiennent  pas  encore,  ou  ils  l'ont 
déjà  ]ierdue  ;  celui  qui  cherche  la  foi  n'est 
])as  (-'ncore  chrétien,  ou  il  a  cessé  de  l'être. 
Cherchons,  à  la  bonne  heure,  mais  dans 
l'Eglise,  et  non  chez  les  hérétiques;  selon 
les  règles  de  la  foi,  et  non  contre  ce  qu'elle 
nous  prescrit.  Ces  hommes  qui  nous  invi- 
tent à  chercher  la  vérité  ne  veulent  que  nous 
attirer  à  leur  parti;  lorsqu'ils  y  ont  réussi, 
ils  soutiennent  d'un  ton  d'autorité  ce  qu  ils 
avaient  fait  semblant  d'abandonner  à  nos  re- 


557 


LIV 


i.rv 


558 


cherches.  »  De  Prœsc.  adv.  hœret.,  c.  8.  Les 
sectaires  dos  dorniers  siècles  n'ont  pas  agi 
autrement  (juo  ceux  des  premiers;  pour  sé- 
duire les  enfants  de  l'Eglise,  ils  les  ont  invi- 
tés à  lire  leurs  livres,  h  raisonner  sur  la  loi, 
h  disputer;  mais  ils  déclamai(Mit  avec  fu- 
reur contre  quiconque  n'embrassait  |ias  leur 
avis  h  la  fin  de  l'examen,  l.orsipi'ils  ont  eu 
un  grand  nombre  de  sectateurs,  ils  leur  ont 
défomlu  de  lire  les  livres  des  controver- 
si'stes  catholiques;  c'était,  selon  eux.  un 
piège  dangereux  :  après  avoir  reiiroché  à 
l'Kglise  de  vouloir  domim^r  sur  la  foi  de  ses 
enfants, ilsont  priseux-mémesunempirodes- 
notique  sur  la  cioyame  de  leurs  sectateurs. 

On  dit  que  la  prohibition  dos  livres  hété- 
rodoxes n'aboutit  qa'h  leur  donner  plus  de 
célébrité  et  h  piquer  la  curiosité  dos  lec- 
teurs ;  cela  fait  sou]içonner  que  ces  livres 
renferment  des  objections  insolubles.  Mais 
quand  une  loi  produirait  ce  mauvais  elfot 
par  ro|)iniatroté  des  intracteurs,  il  no  s'en- 
suivrait pas  encore  qu'elle  est  injuste  et 
pernicieuse  par  elle-même.  Toute  défense 
irrite  les  passions  par  le  frein  qu'elle  leur 
0|(|iose;  faut-il  supprimer  toutes  les  lois 
prohibitives,  ]iaree  que  les  insensés  se  font 
un  plaisir  de  les  braver?  Si,  en  défomlaut 
d(^  lire  les  livres  des  liérétiques,  l'Eglise  n'a- 
vait pas  soin  d'instruire  les  iidèles,  de  faire 
réfuter  les  premiers  par  ses  docteurs,  de 
mettre  au  grand  jour  la  fausseté  des  repro- 
ches qu'on  lui  fait,  sa  conduite  serait  bl;lma- 
ble,  sans  doute.  Mais  il  n'a  jamais  paru  un 
livre  hétérodoxe  digne  d'attention  qui  n'ait 
été  réfuté  par  les  théologiens  catholiques, 
et  ceux-ci  n'ont  jamais  dissimulé  les  objec- 
tions de  leurs  adversaires.  Nous  avons  toutes 
celles  do  Marcion  dans  Tertullion,  celles 
d'Arius  dons  saint  Athanase,  celles  des  ma- 
nichéens, des  doiiatistes,  des  pélagiens  dans 
saint  Augustin,  etc.  Une  preuve  que  ces  ar- 
guments sont  rapportés  dans  toute  leur 
force,  c'est  que  les  incrédules  et  les  sec- 
taires (jui  les  ont  renouvelés  n'y  ont  rien 
ajouté  et  ne  les  ont  jias  rendus  meilleurs. 

Ceux  qui  accusent  les  Pères  de  l'Eglise  et 
les  théologiens,  de  supprimer,  d'alfaiblir,  de 
déguiser  les  objections  des  mécréants,  sont 
des  calomniateurs,  puisque  ordinairement 
les  premiers  ont  la  bonne  foi  de  rap[iorler 
les  propres  termes  de  leurs  antagonistes.  Où 
sont  les  difficultés  auxquelles  on  n'ait  jamais 
répondu  1  Si  un  argument  paraît  plus  fort 
dans  le  livre  d'un  hérétique,  c'est  que  la  ré- 
ponse n'y  est  ]ias  :  il  paraîtra  faible,  dès 
qu'un  réfutateur  instruit  on  fera  sentir  la  fai- 
blesse. C'est  donc  très-mal  ii  propos  que  des 
esprits  légers,  curieux,  soupçonneux,  se 
persuadent  que  les  livres  sup])rniiés  ou  <lé- 
fendus  renferment  des  objections  insohililes. 
Si  ces  livres  ne  contenaient  que  des  raison- 
nements, ils  ne  feraient  pas  grandeimpression; 
mais  les  impostuies,  les  calomnies,  lesanec- 
dotesscandaleusos,lesaccusationsatioccs,  les 
déclamations, les  sarcasuies,  on  senties  prin- 
cipaux matériaux;  c'est  de  quoi  la  malignité 
aiuje  à  se  rejiaîtro:  ost-il  fort  nécoss:di(!  de 
voir  toutes  ees  infamies  dans  les  originaux? 


On  (lit  que  pour  être  solidement  instruit 
de  la  religion,  il  faut  savoir  le  pour  et  lo 
contre.  Soit;  d'abord,  lo  pour  et  lo  contre  se 
trouvent  dans  les  théologiens  catholiques. 
Mais  la  maxime  est  fausse.  Un  fidèle  con- 
vaincu do  sa  religion  par  de  bonnes  jireuves 
n'a  pas  plus  besoin  de  connaître  les  so- 
})hismes  par  lesquels  on  peut  l'attaquer,  que 
d'être  au  l'ait  de  toutes  les  fourberies  [lar 
lesquollos  on  jieut  éluder  les  lois.  Celte  se- 
conde science  est  bonne  pour  les  juriscon- 
sultes; la  première  est  faite  pour  h's  théolo- 
giens. Ne  peut-on  pas  croire  solidement  un 
])ieu,  sans  avoir  lu  les  objections  des  athées  ? 
N'avons -nous  droit  de  inius  fier  au  senti- 
ment intérieur,  au  témoignage  de  nos  sens, 
aux  preuves  de  fait,  c|u'après  avoir  discuté 
les  sophismes  dos  sceptiques  et  des  pyri'ho- 
nions"?  Si  sur  chaque  question  il  faut  exami- 
ner le  pour  et  le  contre  avant  d'agir,  notre 
vie  se  jiassera  connue  celle  des  sophistes,  à 
disserter,  à  disputer,  à  déraisonner,  et  <l 
ne  rien  croire.  Nos  adversaires  suivent-ils 
eux-mêmes  leur  propre  maxime?  Ils  n'en 
font  rien;  jamais  ils  n'ont  lu  ni  (Hudié  les 
livres  des  orthodoxes  qui  les  ont  ri'futés. 

lîoaiisobro,  llist  du  Munich.,  toiii.  I,  jiag. 
218,  lililme  liautoment  les  papes  saint  Léon, 
(iélase,  Symmaque,  Hormisdas,  d'avoir  fait 
brûler  les  livres  des  manichéens,  et  les  lois 
des  empereurs  qui  l'ordonnaient  ainsi.  11 
fait  observer  que  les  chrétiens  se  [)laignirent 
lorsque  les  onifiereurs  païens  ordonnèrent  de 
liriller  nos  livres,  et  lorsqu'ils  défendirent 
la  lecture  des  livres  des  sybilles  et  de  ceux 
d'Hystaspes,  parce  que  ces  ouvrages  favori- 
saient le  christianisme.  Les  écrits  des  mani- 
chéens, dit-il,  ne  pouvaient  inspirer  que  du 
mépris,  s'ils  contenaient  toutes  les  absur- 
dités qu'on  leur  attribue.  Cependant  JJeau- 
sobre  convient  qu'il  y  a  des  livres  qui  sont 
dignes  du  feu,  tels  que  sont  ceux  qui  cor- 
rompent les  mœurs,  qui  sapent  les  fonde- 
ments de  la  rehgion,  de  la  morale  et  de  la  so- 
ciété. Voilà  déjà  une  décision  de  laquelle  les 
incrédules  ne  lui  sauront  pas  bon  gré  et  sur 
lai]uelle  ils  auront  droit  d'argumenter.  Si  la 
loi  fait  partie  essontiello  de  la  religion,  les 
livres  qui  en  attaquent  la  iiuroté  s mt-ils 
moins  (lignes  ilu  fou  que  ceux  qui  en  sapent 
les  fondements?  La  question  est  do  savoir  si 
les  livres  des  manichéens  n'étaient  pasdo  cette 
dernière  espèce  ;  or,  nous  soutenons  (juils 
en  étaient.  Malgré  les  absurdités  qu'ils  ren- 
fermaient, ils  n'étaient  pas  univeiselloment 
méprisés,  puisque  les  manichéens  faisaient 
des  ])rosélytes.  Mais  il  ne  convient  guère  aux 
descendants  des  calvinistes  incendiaires  de 
bibliothèques,  de  se  plaindre  de  ce  que  h'S 
[laiics  ont  fait  brûler  les  livres  des  mani- 
chéens. On  ne  peut  alléguer  contre  cotte 
conduite  aucune  raison  de  laquelle  les  in- 
crédules no  |)uissent  se  servir  jiour  mettre  à 
couvert  du  feu  leurs  propres  livres. 

Ce  que  nous  disons  à  l'égard  des  livres  hé- 
rétiques est  encore  plus  vrai  à  l'égard  de 
ceux  des  incrédules.  Dans  les  premiers  siè- 
cles, nous  ne  voyons  point  de  lois  qui  inter- 
disent la  lecture  (le  ces  derniers,  parce  qua 


339 


LIV 


LIV 


S40 


les  philosophes  ne  firent  pas  un  grand  nom- 
bre d'ouvrages  pour  attaquer  le  cliristia- 
nisme.  A  la'réserve  de  ceux  de  Celse,  de 
Porphyre,  de  Julien,  d'Hii'rodès,  nous  n'en 
connaissons  aucun  qui  ait  eu  quelque  céli'- 
brité.  Mais  l'avis  gi-uiÎTal  que  saint  Paul  avait 
donné  aux  (idoles  :  «  Prenez  garde  de  vous 
laisser  séduire  par  la  philosophie  et  par  de 
vaines  subtilités  {Cotoss.,u,8),»  sufiisait  pour 
les  détourner  de  toute  lecture  capable  d'é- 
branler leur  foi.  Le  seizièrue  canon  du  qua- 
trième concile  de  Carthage,  qui  défend  aux 
évêques  de  lire  les  livres  des  païens  sans 
nécessité,  semble  désigner  plutôt  les  fables 
des  poètes,  les  livres  d'astrologie,  de  magie, 
de  divination,  etc.,  que  les  livres  de  contro- 
verse. Lorsque  Origène  a  écrit  contre  Celse, 
et  saint  Cyrille  contre  Julien,  ils  ont  copié 
les  propres  termes  de  ces  deuxphilosoplics; 
nous  présumons  que  les  Pères  qui  avaient 
réfuté  Porphyre  avaient  fait  de  même.  Rien 
n'e.Nt  donc  [dus  injuste  que  le  reproche  sou- 
vent répété  par  les  incréiiules  contre  les  Pè- 
res de  l'Eglise,  d'avoir  supprimé  tant  qu'ils 
ont  jiu  les  ouvrages  de  leurs  ennemis  ;  les 
Pères,  au  contraire,  se  sont  plaints  de  l'in- 
justice des  païens  à  cet  égard,  parce  que  la 
lecture  de  nos  livres  ne  pouvait  produire  que 
de  bons  effets  pour  les  mœurs  et  pour  le  bon 
ordre  de  la  société.  Dioclétien  fit  rechercher 
et  bri^ller  tant  qu'il  put  les  livres  des  chré- 
tiens. «  J'entends  avec  indignation,  dit  Ar- 
nobe,  murmurer  et  répéter  que,  par  ordre 
du  sénat,  il  faut  abolir  tous  les  livres  desti- 
nés à  prouver  la  religion  chrétienne  et  à 
combattre  l'ancienne  religion....  Faites  donc 
le  procès  à  Cicéron,  pour  avoir  rapporté  les 
objections  des  épicuriens  contre  l'existence 
des  dieux.  Supprimer  les  livres,  ce  n'est  pas 
défendre  les  dieux,  mais  craindre  le  témoi- 
gnage de  la  vérité  (Adv.  Gent.,  1.  m,  p.  46). 
Aussi  Julien  remerciait  les  dieux  de  ce  que  la 
plupart  des  livres  des  épicuriens  et  des  pyr- 
rhoniens  étaient  perdus,  Frag.,  p.  301,  et  il 
souhaitait  que  tous  ceux  qiii  traitaient  de  la 
religion  des  galiléens  ou  ûes  chrétiens  fus- 
sent détruits,  Epist.  9,  ad  Ecdicium,  p.  378. 
Ce  n'est  pas  ainsi  qu'en  ont  agi  les  Pères: 
loin  de  supprimer  les  écrits  de  Celse,  de  Ju- 
lien, d'Hiéroclès  contre  le  christianisme,  ils 
en  ont  conservé  les  propres  paroles  ;  si  ceux 
de  Porphyre  sont  perdus,  c'est  que  ceux  de 
saint  Méthodius  et  d'autres  Pères  qui  l'a- 
vaient réfuté  ne  subsistent  plus.  On  n'a  pas 
détruit  ce  que  Lucien,  Tacite,  Libanius,  Zo- 
zyme,  Rutilius,  Numatianus,  etc.,  ont  dit  au 
désavantage  de  notre  religion,  puisqu'on  le 
retrouve  encore  dans  leurs  ouvrages.  Plu- 
sieurs livres  très-avantageux  au  christianisme 
ont  péri  ;  il  n'est  pas  étonnant  que  ceux  de 
ses  ennemis  aient  eu  le  même  sort.  Si  l'on  a 
livré  aux  flammes  des  livres  de  divination, 
d'astrologie  judiciaire,  de  magie,  ou  des  li- 
vres obscènes,  il  n'y  a  aucun  sujet  d'en  regret- 
ter la  perte.  Or  lesmanichéens  avaient  des  li- 
vres de  magie.  Lorsque  Anastase  le  Bdiliothé- 
caire  dit  que  le  pape  Si/mmaque  pt  brûler  leurs 
simulacres,  Beausol)re  répond  qu'il  ne  sait  ce 
que  c'est  que  ces  simulacres:  c'étaient  évidem- 


ment des  caractères  et  des  figures  magiques. 

La  question  est  de  savoir  si  ce  que  les  Pè- 
res ont  dit  au  sujet  de  la  fureur  des  païens 
contre  nos  livres,  peu!  autoriser  les  incré- 
dules à  écrire  impunément  conire  li  re- 
ligion :  c'est  ce  que  nous  allons  examiner  (1). 

Livres  contre  la  Religion.  La  licence  de 
publier  de  ces  sortes  d'ouvrages  n'a  été  dans 
aucun  siècle  poussée  aussi  loin  que  dans  le 
nr.iro  ;  aucune  nation  n'en  a  vuéclore  autant 
qu'il  s'en  e:~t  fait  en  France  ;  ce  crime  est  sé- 
vèrement défendu  par  nos  lois  :  plusieurs 
portent  la  peine  de  mort.  Yoij.  Code  de  la 
religion  et  des  mœurs,  tom.  I,  tit.  8.  11  est 
bon  de  voir  si  ces  lois  sont  injustes  ou  im- 
prudentes, et  si  les  incréiiules  ont  des  rai- 
sons solides  à  leur  opposeï , 

La  maxime  qu'Arnobe  opposait  aux  païens, 
savoir,  que  supprimer  les  livres  ce  n'est  pas 
défendre  les  dieux,  mais  craindre  le  témoi- 
gnage de  la  vérité,  n'est  point  applicable  au 
cas  préstnt.  i°  Les  païens  ne  connaissaient 
pas  les  preuves  du  christianisme  ;  ils  le  pros- 
crivaient sans  examen  ;  nous  connaissons 
depuis  fort  longtemps  les  objections  des  in- 
crédules, ils  n'ont  ffdt  que  les  répéter.  2°  Les 
païens  n'ont  jamais  pris  la  peine  de  répondre 
aux  apologistes  du  christianisme,  au  lieu  que 
les  arguments  des  incrédules  ont  été  réfutés 
cent  lois.  3°  En  proscrivant  le  christianisme, 
on  rejetait  une  religion  dont  on  n'osait  pas 
attaquer  la  morale,  puisque  ses  ennemis 
même  prétendaient  qu'elle  était  la  même 
que  celle  des  philosophes  ;  nos  incrédules 
nous  prêchent  celle  de  l'athéisme  et  du  ma- 
térialisme, la  morale  des  brutes  et  non  celle 
des  hommes.  4°  L'on  ne  pouvait  montrer,  dans 
les  livres  des  chrétiens,  aucun  principe  sédi- 
tieux capable  de  troubler  l'ordre  public  ou  de 
révolter  le  peuple  contre  les  lois;  les  livres  des 
incrédules,  au  contraire,  sont  aussi  injurieux 
au  gouvernement  que  furieux  contre  la  reli- 
gion :  c'est  pour  cela  même  que  les  magistrats 
ont  sévi  contre  plusieurs.  Iln'y  a  donc  aucune 
comparaison  à  faire  entre  les  uns  et  les  aulres. 

Les  incrédules  disent  qu'il  doit  être  per- 
mis à  tout  homme  de  proposer  des  doutes  ; 
que  c'est  le  seul  moyen  de  s'instruire.  Prin- 
cipe faux.  Sous  prétexte  de  proposer  di^s 
doutes,  est-il  permis  à  tout  homme  de  soute- 
nir publiquement  que  notre  gouvernement 
est  illégitmie  et  tyrannique,  nos  lois  injus- 
tes et  aijsurdes,  nos  possessions  des  vols  et 
des  usurpations?  Tout  écrivain  coupable  de 
cette  démence  serait  punissable  comme  sé- 
ditieux ;  il  ne  l'est  pas  moins  lorsqu'il  atta- 
que une  religion  protégée  par  le  gouverne- 
ment, autorisée  par  les  lois,  à  laquelle  tout 
bon  citoyen  attache  son  repos  et  sa  tranquil- 
lité. Pour  s'instruire,  ce  n'est  pas  au  public, 
aux  ignorants,  aux  jeunes  gens,  aux  hommes 
vicieux,  qu'il  faut  proposer  des  doutes;  c'est 
aux  théologiens  et  aux  hommes  capabl(»s  de 
les  résoudre.  Professer  le  déisme,  le  maté- 
rialisme, le  pyrrhonisme  en  fuit  de  religion, 
ce  n'est  pas  proposer  des  doutes,  c'est  vou- 

(1)  Voy.  le  Dict.  de  Théol.  inor..  art.  lÀiires,  où 
nous  avons  précisé  ce  qui  est  permis  et  iltlcudu. 


51 1 


LIV 


LOI 


342 


loir  en  donner  îi  ceux  qui  n'en  ont  point. 
Selon  la  loi  naturelle,  tout  hoiiinio  dont  les 
incrédules  ont  (ébranlé  la  foi,  troublé  le  rc- 
])os,  empoisonné  les  mœurs,  serait  en  droit 
de  les  attaquer  personnellement,  do  les  tra- 
duire au  pied  des  tribunaux,  delour  deman- 
der réparation  du  dommage  qu'ils  lui  ont 
causé  ;  h  plus"  forte  raison  tous  ceux  qu'ils 
ont  insultés,  tournés  en  ridicule  et  calom- 
niés. Ils  disent  que  leurs  livres  ne  peuvent 
produire  du  mal  ;  que,  s'ils  sont  mauvais, 
i-ls  toraberopl  dans  le  mépris  ;  que,  s'ils  sont 
bons,  ce  serait  une  injustice  ue  punir  les 
auteurs.  Autre  principe  taux.  Dans  ce  ^enro 
de  livres,  la  plupart  des  lecteurs  sont  inca- 
pables de  discerner  le  bon  du  mauvais  ;  il 
est  toujours  un  grand  nonduc  d'esprits  per- 
vers et  de  cœurs  g.Ués  qui  vont  au-devant 
de  la  séduction,  qui  cherchent  h  se  tranquil- 
liser dans  le  crime  par  les  principes  d'uT:- 
ligion  ;  leur  fournir  d(>s  sopbismes,  c'est  les 
armer  contre  la  société.  Les  incrédules  ont 
saisi  le  moviieut  dans  lequel  ils  ont  vu  la 
contagion  prête  ^  se  répindro,  pour  divul- 
guer le  venin  qui  devait  l'augmenter  :  ils 
méritent  d'étr  ■  traités  comme  des  empoison- 
neurs publics.  Noiis  espérons,  ;i  la  vérité, 
que  leurs  livres  tomberont  dans  le  mépris, 
et  déjà  nous  en  avons  un  grand  nombre 
d'exemples;  leurs  derniers  écrits  ont  fait 
(irofondémeiit  ouldier  les  premiers.  Tous  ont 
été  annoncés  d  .ns  le  temps  comme  des  ou- 
vrages victoîieux,  tcrribh  s,  décisifs,  aux- 
quels les  théologiens  n'auraient  rien  à  ré- 
pliquer ;  et  il  n'en  est  pas  un  seul  dont  on 
n'ait  fait  voir  le  faux  et  l'absurdité.  Mais  la 
chute  et  le  mépris  de  ces  ouvrages  do  ténè- 
bres ne  réparera  pas  le  mal  qu'ils  ont  fut. 
S'il  n'était  pas  permis  d'attaquer  toutes  les 
ndigions,  continuent  nos  philosophes,  les 
missionnaires  qui  vont  prêcher  chez  lesinli- 
dèles  seraientpunissables.  llslcspraient,sans 
doute,  s'ils  voulaient  étalili:  l'athéisme,  parce 
([u'il  vaut  encore  mieux  pour  un  peu]ile  avoir 
une  fausse  religion  que  de  n'en  avoir  point 
du  tout.  Ils  le  seraient,  s'ils  allaient  prêcher 
pour  corrom[)re  les  mœurs,  pour  soulever 
les  peuples  contre  les  prêtres  et  contre  le 
gouvernement,  comme  font  les  incrédules  : 
mais  est-ce  là  le  dessein  des  missionnaires? 
Convaincus  de  la  vérité,  de  la  sainteté,  de 
l'utilité  du  christianisme,  revêtus  d'une  mis- 
sion divine  qui  dure  depuis  dix-sept  siècles, 
ils  bravent  tout  danger  pour  aller  instruire 
des  hommes  qui  en  ont  réellement  besoin  : 
loi'squ'ils  ont  du  succès,  ils  parviennent  à  les 
civiliser  et  à  les  rendre  plus  heureux.  Ce  ue 
sont  là  ni  les  desseins,  ui  la  morale,  ni  le 
talent  des  incrédules;  ils  so  cachent  et  désa- 
vouent leurs  livres  ;  ils  ne  se  montrent  que 
quand  ils  sont  sûrs  de  l'impunité  :  plusieurs 
ont  fait  fortune  et  ont  acquis  de  la  réputa- 
tion ;  dès  que  cette  espérance  cesse,  ils  n'é- 
crivent plus.  Quelques-uns  ont  poussé  l'i- 
neptie jusqu'à  dire  que  de  droit  naturel  nos 
pensées  et  nos  opinions  sont  à  nous,  et  sont 
la  plus  sacrée  de  -nos  propriétés  ;  que  c'est 
une  injustice  et  une  absurdité  de  vouloir 
empêcher  un  homme  de  penser  comme  il  lui 


plaît  et  de  le  punir  pour  ses  opinions.  Et  qui 
les  t'm|)êclio  do  penser  et  de  rêver  comme  il 
leur  }ilait'?  Des  écrits  rendus  publics,  des 
invectives,  des  impostures,  des  calomnies,  ne 
sont  plus  do  simples  pensées,  ce  sont  des 
délits  soumis  à  l'inspection  delà  police;  s'ils 
attaquent  un  particulier,  il  a  droit  de  s'en 
plaindre  ;  s'ils  troublent  la  société,  elle  a  rai- 
son de  sévir.  Lorsque  les  théologiens  ont 
avancé  des  opinions  douleusi\s,  on  les  a  ré- 
jmmés,  et  les  philoso|ilies  ont  applaudi  à  la 
punition  :  par  quelle  loi  sont-ils  plus  privi- 
légiés que  les  théologiens?  Quand  on  leur 
demande  de  quil  droit  ils  se  mêlent  du  gou- 
vernement, (le  la  religion,  de  la  législation, 
ils  répondent  :  Par  le  même  droit  (pi'un  pas- 
sager éveillé  donne  des  avis  au  pilote  endor- 
mi qui  tient  le  gouvernail  du  navire  dans  le- 
quel il  so  trouve  lui-même. Mais  si  ce  passa- 
ger est  un  somnambule  qui  rêvo  et  qui  trou- 
ble sans  sujet  le  repos  de  tout  réf|uipagc,  il 
nous  paraît  que  l'on  fait  bien  de  le  garrotter, 
afin  qu'il  ne  donne  plus  l'alarme  mal  à  propos. 
Tout  écrivain  de  génie,  discut-ds  encore,  est 
magistrat-né  de  sa  nalion  :  son  droit  est  son  ta- 
lent. Pourquoino  pas  ajouter  qu'ilen  est  le  lé- 
gislateur et  le  souverain.  Ainsi  la  fatuitôd'un 
discoureur  qui  lui  persuade  qu'il  est  écrivain, 
de  génie  suflit,  selon  nos  nouveaux  politiques, 
pour  lui  donnerl'autorité  derendredesarrêts. 

L'absurdité  de  toutes  ces  prétentions  suf- 
lit pour  démontrer  quel  serait  le  sort  dos  na- 
tions, si  elles  avaient  l'imprudence  de  se  li- 
vrer à  l'indiscrétion  de  pareils  docteurs.  S'ils 
étaient  les  maîtres,  ils  proscriraient  cette  li- 
berté d'écrire  qu'ils  demandent;  ils  no  souf- 
friraient pas  que  personne  osât  combattre 
leurs  principes  ;  ils  feraient  brûler  tous  les 
livres  de  religion  ;  ils  détruiraient  les  biblio- 
t'ièques,  comme  ont  fait  les  fanatiques  d'An- 
gleterre au  xvi"  siècle,  alin  d'établir  despoti- 
quemout  le  règne  de  leurs  o[)inions.  De  tout 
temps  l'onavu  que  ceux  qui  réclamaient  le  plus 
liautementlaliberté  poureux-mêmes,  étaient 
lesplus  ardents  à  en  dé]iouiller  les  autres. 

On  ne  peut  les  méconnaître  au  portrait 
que  saint  Paul  a  tracé  des  faux  docteurs  : 
«  11  y  aura,  dit-il,  des  hommes  remplis  d'eux- 
mêmes  ,  ambitieux ,  orgueilleux  et  vains , 
blasiiliémuteurs,  ingrats  et  impies,  ennemis 
Ue  la  société  et  de  la  paix,  calomniateurs,  vo- 
luptueux et  durs  ,  sans  affection  pour  per- 
sonne, etc.  :  il  faut  les  éviter.  Ces  hommes 
dangereux  s'introduisent  dans  les  sociétés  , 
cherchent  à  captiver  les  femmes  légères  et 
déréglées  ,  sous  prétexte  de  leur  enseigner 
la  vérité.  »  {Il  Tim.  m,  2.) 

LOL  Selon  les  théologiens ,  la  loi  est  la 
volonté  de  Dieu  intimée  aux  créatures  intel- 
ligentes ,  par  laquelle  il  leur  impose  une 
obligation  ,  c'est-à-dire  les  met  dans  la  né- 
cessité de  faire  ou  d'éviter  telle  action  ,  si- 
non d'être  punies.  Ainsi,  selon  cette  déûni- 
tion,  il  est  évident  que  ,  sans  la  notion  d'un 
Dieu  et  d'une  providence,  il  n'y  a  point  de 
loi  ni  d'obligation  morale  iiroprement  dite. 

C'est  par  analogie  que  nous  appelons  lois 
les  volontés  des  hommes  qui  ont  l'autorité 
de  nous  récuinpcuscr  et  de  nous  punir;  mais 


343 


LOI 


LOI 


514 


si  cette  autorité  ne  venait  pas  de  Dieu  ,  si 
elle  n'était  pas  un  effet  de  sa  volonté  suprême, 
elle  serait  nulle  et  illégitime  ;  elle  se  rédui- 
rait h  la  force  ;  elle  pourrait  nous  imposer 
une  nécessitéphysique,  et  non  uneobligation 
morale.  Telle  est  l'équivoque  sur  laquelle  se 
sont  fondés  les  matérialistes  ,  lorsqu'ils  ont 
voulu  établir  une  morale  indépendante  de 
toute  notion  de  la  Divinité  ;  ils  ont  dit  que  la 
loi  estla  nécessité  dans  laquelle  nous  sommes 
de  faire  ou  d'éviter  telle  action,  sinon  d'être 
blâmés,  haïs  et  méprisés  de  nos  semblables, 
et  de  nous  condamner  nous-mêmes. 

Cette  définition  est  évidemment  fausse  ; 
elle  suppose,  1'  que  tout  homme  assez  puis- 
sant ou  assez  fourbe  pour  se  faire  louer,  es- 
timer et  servir  par  ses  semblables,  sans  faire 
aucune  bonne  action ,  n'est  pas  obligé  d'en 
faire  ;  que  s'il  y  réussit  par  des  crimes ,  il 
n'est  pas  coupable.  Combien  n'y  a-t-il  pas 
d'hommes  qui  ont  obtenu  les  éloges ,  l'es- 
time, l'admiration  de  leur  nalion  ,  par  des 
actions  contraires  à  la  loi  naturelle  et  au 
droit  des  gens  ?  Ces  actions  sont-elles  deve- 
nues des  actes  de  vertu,  parce  qu'elles  ont 
été  louées  et  approuvées  par  une  nation  stu- 
pide  et  barbare?  Celui  qui  les  faisait  n'était 
certainement  pas  obligé  d'aller  consulter  les 
autres  peuples  pour  savoir  s'ils  en  pensaient 
de  même.  D'autre  sont  été  blâmés,  condamnés 
et  punis  pour  avoir  fait  des  actes  de  vertu. 
Rien  n'est  plus  absurde  que  de  faire  déjien- 
die  les  notions  du  bien  et  du  mal  moral  de 
l'opinion  des  hommes.  2°  Il  s'ensuit  que 
quand  un  homme  est  assez  puissant  ou  en- 
durci dans  le  crime  pour  braver  la  haine  et 
le  mépris  des  autres,  et  pour  étouffer  les  re- 
mords, il  est  affranchi  de  toute  loi,  et  qu'il 
ne  peut  plus  être  coupable.  L'absurdité  de 
toutes  ces  conséquences  démontre  la  faus- 
seté du  système  de  morale  des  matéria- 
listes. 

Plusieurs  anciens  philosophes  et  quel([ues 
littérateurs  modernes  ont  dit  que  la  loi  en 
général  est  la  raison  humaine,  en  tant  qu'elle 
gou veine  tous  les  peuples  de  la  terre.  Cette 
délinition  n'est  pas  juste.  La  raison,  ou  la  fa- 
culté de  raisonner,  peut  nous  indiquer  ce 
qu'il  nous  est  avantageux  de  faire  ou  d'évi- 
ter, mais  elle  ne  nous  impose  aucune  né- 
cessité de  faire  ce  qu'elle  nous  dicte  ;  elle 
peut  nous  intimer  la  loi,  mais  elle  n'a  point 
par  elle-même  force  de  loi.  Si  Dieu  ne  nous 
avait  pas  ordonné  de  la  suivre,  nous  pour- 
rions y  résister  sans  être  coupables.  Le  llam- 
beau  qui  nous  guide  et  la  loi  mi  nous  oblige 
ne  sont  pas  la  môme  chose.  D  ailleurs  la  rai- 
son ne  nous  guide  avec  sïireté  que  quand 
elle  est  droite  :  or,  dans  combien  d'hommes 
n'est-elle  pas  obscurcie  et  dépravée  par  les 
passions  ,  par  une  mauvaise  éducation  ,  par 
«  les  lois  et  les  coutumes  de  la  nation  dans  le 
sein  de  laquelle  ils  sont  nés?  Supposer  qu'elle 
est  encore  la  loi  de  l'homme,  c'est  toujours 
faire  dépendre  le  crime  et  la  vertu  de  l'opi- 
nion des  peuples. 

Il  faut  donc  nécessairement  remonter  plus 
haut.  Puisqui;  Dieu,  en  créant  l'homme,  lui 
a  donné  tout  à  la  fois  la  raison  et  l'intelli- 


gence, une  inclination  violente  à  rechercher 
son  propre  bien,  et  le  besoin  de  vivre  en 
société  avec  ses  semblables,  sans  doute  il  a 
voulu  que  l'homme  fit  ce  qui  lui  est  avanta- 
geux, sans  nuire  au  bien  des  autres  ;  il  lui 
a  défendu  de  chercher  ses  intérêts  aux  dé- 
pens des  leurs  :  autrement  Dieu  aurait  voulu 
l'impossible  ;  il  aurait  voulu  que  l'homme 
vécût  en  société,  sans  vouloir  qu'il  fit  ce  qui 
est  absolument  nécessaire  pour  former  la 
société;  il  serait  tombé  en  contradiction. 
Cette  volonté  ou  cette  loi  de  Dieu  est  donc 
prouvée  parla  constitutionmème  de  l'homme. 
D'autre  part,  Dieu  n'a  pas  pu  consentir  que 
l'homme  fût  le  maître  de  braver  impuné- 
ment cette  volonté  suprême,  aussi  bien  que 
celle  de  ses  semblables  ;  autrement  cette 
volonté  serait  en  Dieu  une  simple  velléité  ; 
il  n'aurait  pas  sulûsamment  pourvu  au  bien 
de  la  société  dont  il  est  l'auteur.  11  a  donc 
établi  des  récompenses  pour  ceux  qui  ac- 
complissent la  loi,  et  des  châtiments  pour 
ceux  qui  la  violent.  De  là  viennent  le  dicta- 
men  de  la  conscience ,  les  remords  causés 
par  le  crime,  la  satisfaction  secrète  attachée 
aux  actes  de  vertu.  Ce  sont  là  les  signes  qui 
nous  avertissent  de  la  loi  ou  de  la  volonté 
de  notre  souverain  Maître,  mais  qui  ne  sont 
pas  cette  loi. 

Les  anciens  i)hilosophes,  plus  sensés  que 
les  modernes,  avaient  sur  ce  point  la  même 
idée  que  les  théologiens.  Selon  Cicéron,  qui 
copiait  Platon,  la  vraie  loi,  la  loi  primitive, 
source  de  tous  les  autres,  est,  non  la  raison 
humaine,  mais  la  raison  éternelle  de  Dieu, 
la  sagesse  suprême  qui  régit  f'univers  ;  tel 
est,  dit-il,  le  sentiment  de  tous  les  sages,  de 
Lcgib.,  ].  II,  n.  14  ;  Platon,  de  Legih.  hb.  iv  ; 
c'était  celui  de  Socrate  ;  Brucker,  Hist.  Phi- 
los., tom.  I,  pag.  561.  Les  pythagoriciens 
posaient  de  môme  pour  fondement  de  toutes 
les  lois  la  croyance  d'une  divinité  qui  punit 
et  récompense.  Prologue  des  lois  de  Zaleu- 
chus,  Ocellus  Lucan.,  c.  k,  etc.  —  Leland, 
Demonstr.  étang.,  t.  III,  p.  3i2  et  suiv.,a  cité 
d'autres  passages  des  anciens.  Mais  nous 
avons  une  meilleure  preuve  de  cette  théorie 
dans  nos  livres  saints.  Immédiatement  après 
la  création  de  l'homme.  Dieu  exerça  l'au- 
guste fonction  de  législateur  ;  il  impo'sa  une 
loi  il  notre  premier  père,  et  le  punit  ensuite 
pour  l'avoir  violée.  Après  avoir  averti  Caïn 
que  sa  conscience  serait  le  juge  de  ses  ac- 
tions et  le  vengeur  de  ses  crimes,  il  le  punit 
d'y  avoir  résisté  en  commettant  un  homicide 
(  Gcn.  IV,  7  et  11  ).  11  exerça  lamême  justice 
envers  le  genre  humain,  en  le  faisant  périr 
par  le  déluge.  Toute  l'histoire  sainte  est  le 
tableau  de  cette  Providence  juste  et  sage, 
qui  récompense  la  vertu  par  des  bienfaits, 
et  punit  le  crime,  même  en  ce  monde,  sans 
préjudice  de  ce  qui  lui  est  réservé  pour  une 
autre  vie. 

Les  incrédules,  qui  ne  veulent  point  qu'un 
Dieu  gouverne  le  monde,  disent  que  nous  ne 
connaissons  pas  assez  la  nature  divine,  ni 
les  volontés  de  Dieu,  pour  deviner  ce  qu'il 
ordiinne  et  ce  qu'il  défend  ;  que,  pour  s'être 
l'ait  une  fausse  idée  de  laDivuiité,   tous   les 


345 


LOI 


1-01 


546 


peuples  lui  ont  attribué  des  lois  absurdes  ; 
-qu'il  faut  fonder  les  lois  sur  la  nature  de 
i  liomme,  sur  ses  besoins  sensibles,  sur  l'in- 
térêt général  de  la  société,  choses  qui  nous 
sont  beaucoup  mieux  connues.  Sophisme 
grossier.  Ces  mêmes  raisonneurs,  qui  pré- 
tendent si  bien  connaître  la  nature  de 
l'homme,  commencent  par  la  défigurer,  en 
supposant  que  l'homme  n'est  qu'un  corps  et 
un  pur  animal  ;  avec  une  pareille  notion, 
]ieut-on  le  supfioser  soumis  à  d'autres  lois 
qnl\  celles  des  brutes? 

C'est  par  la  nature  même  de  l'homme,  non 
telle  qu'ils  la  conçoivent,  mais  telle  qu'elle 
est,  que  nous  voyons  ce  que  Dieu  a  ordonné 
et  ce  qu'il  a  défc^ndu.  11  y  aurait  contradi- 
ction à  supposer  que  Dieu,  en  donnant  à 
l'homme  tel  besoin,  telle  inclination,  tel  dé- 
féré de  raison  et  d'intelligence,  ne  lui  a  pas 
prescrit  des  lois  analogues  à  cette  constitu- 
tion. Mais  si  l'homme  était  l'ouvrage  du  ha- 
sard, ou  d'une  nécessité  aveugle,  quelles 
lois  morales  pourrait-on  fonder  sur  sa  na- 
ture ? 

Les  peuples  ignorants  et  stupides  n'ont 
argumenté  ni  sur  la  nature  de  Dieu,  ni  sur 
la  nature  de  l'homme,  pour  attribuer  à  Dieu 
ou  pour  établir  eux-mêmes  des  lois  absurdes. 
Ils  ont  cru  faussement  les  fonder  sur  les  in- 
térêts de  la  société  ou  des  particuliers,  qu'ils 
entendaient  très-mal.  Que  l'on  interroge  tous 
les  peuples  qui  ont  de  pareilles /oîs,  ou  ils 
diront  qu'ils  les  suivent,  parce  qu'elles  ont 
été  faites  par  leurs  pères,  ou  ils  les  justifie- 
ront |)ar  des  raisons  d'utilité  apparente  et 
d'intérêt  mal  entendu,  ou  ils  argumenteront 
sur  de  prétendus  principes  de  justice  qui 
n'ont  aucun  rapport  à  la  Divinité.  A  la  vé- 
rité, la  plupart  des  anciens  législateurs  se 
sont  donnés  pour  inspirés,  afin  de  soumettre 
plus  aisément  les  peuples  aux  Puisqu'ils  leur 
proposaient.  Ils  sentaient  qu'aucun  homme 
ne  peut  avoir  par  lui-même  l'autorité  d'im- 
jjoser  des  lois  à  ses  semblables.  Les  erreurs 
dans  lesquelles  ils  sont  tombés  ne  sont  ce- 
pendant pas  venues  de  ce  qu'ils  concevaient 
mal  la  nature  de  Dieu,  mais  de  ce  qu'ils  en- 
tendaient mal  les  intérêts  des  hommes,  ou 
de  ce  qu'ils  cherchaient  leur  intérêt  particu- 
lier plutôt  que  celui  des  peuples. 

Jamais  on  n"a  tant  parlé  qu'aujourd'hui  de 
l'esprit  des  lois,  de  l'esprit  des  coutumes  et 
des  usages  des  dilïérents  peuples;  pour  sai- 
sir cet  esprit,  il  faudrait  se  mettre  à  la  place 
du  législateur,  voir  les  circonstances  dans 
lesquelles  il  se  trouvait,  le  caractère,  les  be- 
soins, les  idées,  ;os  habitudes  de  ceux  pour 
lesquels  telle  loi  a  été  faite  ;  par  conséquent 
il  faudrait  savoir  parfaitement  l'histoire  de 
chaque  nation  dans  son  origine.  Cela  n'est 
pas  aisé,  puisque,  chez  la  plupart  des  peu- 
ples, la  législation  est  plus  ancienne  que 
l'histoire.  Il  est  donc  très-permis  de  douter 
si  les  philosophes,  qui  ont  cru  prendre  l'es- 
prit des  lois  et  des  coutumes,  y  ont  parfai- 
tement réussi.  Le  peuple  juif  est  le  seul  dont 
les  lois  soient  incorporées  ?i  son  histoire,  et 
dont  le  législateur  ait  montré  le  véritable 
esprit  de  ses  lois  ;   et  la  plupart  des  moder- 


nes qui  en  ont  parlé  n'ont  pas  pris  la  peine 
de  consulter  cette  histoire,  avant  de  raison- 
ner sur  les  lois  qu'elle  renferme. 

Selon  notre  manière  de  concevoir,  toute 
loi  vient  de  Dieu,  comme  premier  et  souve- 
rain législateur  :  mais  on  n'appelle  lois  di- 
vines que  celles  que  Dieu  a  portées  ou  im- 
médiatement par  lui-môme,  oui)ar  des  liom- 
mes  spécialement  envoyés  di>  sa  part.  Ainsi 
la  loi  divine  se  divise  en  loi  naturelle  et  en 
/oi  positive;  celle-ci  se  sous-divise  en /oi  an- 
cienne et  loi  nouvelle.  Dans  la  loi  ancieniu) 
ou  mosaïque,  on  distingue  les  lois  morales 
d'avec  les  lois  cén^moniclles  et  les  lois  poli 
tiques.  Sous  la  loi  nouvelle,  il  y  a  des  lois 
divines  et  des  lois  ecclésiastiques.  Ces  der- 
nières sont  censées  lois  humaines  aussi  bien 
que  les  lois  civiles.  Nous  sommes  obligés 
de  parler  de  ces  différentes  espèces  de  lois, 
parce  qu'il  n'en  est  aucune  qui  ne  donne  lieu 
à  (les  questions  théologiques. 

Loi  naturelle  ou  Lui  de  nature.  On 
nomme  ainsi  la  loi  que  Dieu  a  imposée  à 
tous  les  hommes,  et  qu'il  a  dû  leur  imposer 
en  conséquence  de  la  nature  qu'il  leur  a 
donnée,  c'est-à-dire  de  leurs  besoins,  de 
leurs  inclinations,  de  leurs  qualités  bonnes 
ou  mauvaises.  Pour  {irouver  l'existence  do 
cette  loi  et  les  devoirs  qu'elle  nous  prescrit, 
il  nous  suffit  de  nous  examiner  nous-mêmes, 
et  de  voir  la  manière  dont  nous  sommes 
constitués.  —  1°  Le  sentiment  d'une  loi  na- 
turelle est  aussi  général  dans  tous  les  hom- 
mes que  la  notion  d'une  Divinité.  Si  l'on 
excepte  un  petit  nombre  d'épicuriens,  qui  se 
parent  du  nom  de  déistes,  quiconque  admet  un 
Dieu,  fût-il  sauvage  et  presque  stupide,  l'en- 
visage non-seulement  comme  l'auteur  de  son 
être,  mais  comme  un  maître  qui  lui  impose  des 
devoirs,  qui  peut  le  récompenser  et  le  punir. 
C'est  ce  qui  rend  tout  homme  religieux,  qui 
le  porte  à  tAcher,  par  des  respects  et  des  of- 
frandes, de  se  concilier  les  faveurs  de  son 
Dieu,  et  lui  fait  craindre  de  provoauer  sa  co- 
lère. Une  persuasion  aussi  générale  ne  peut 
pas  venir  du  hasard;  c'est  donc  un  instinct 
de  la  nature,  par  conséquent  l'ouvrage  de 
Dieu.  Or,  un  Créateur  infiniment  sage  n'a 
pas  pu  faire  d'un  sentiment  faux  l'instinct 
général  de  \a  nature  (1).  —  2°    L'Iiomme  est 

(1)  (  Loin  de  nous,  dit  M.  Frayssinous  (Conft;- 
reiice  sur  la  loi  naturelle),  loin  de  nous  la  puérile 
pensée  qu'il  fut  un  temps  où  le  genre  humain  vivait 
sans  Dieu,  sans  aucun  sentiment  religieux,  sans  au- 
cun principe  de  morale  ;  comme  s'il  avait  commencé 
par  être  athée  et  entièrement  brute,  et  que,  par  des 
progrès  insensibles,  il  fût  passé  de  cet  état  complut 
d'athéisme  et  d'abrutissement  à  celui  de  quelque 
croyance  religieuse,  et  qu'il  eût  enfin  découvert  Dieu, 
la  providence,  la  vie  future,  la  morale,  ainsi  qu'a- 
près bien  des  efforts  et  des  expériences  multiplicfs 
on  a  découvert  l'algèbre  ou  la  chimie.  L'homme  est 
un  être  naturellement  raisonnable,  moral,  religieux  : 
vous  le  trouveriez  plutôt  dépouillé  de  toute  intelli- 
gence, que  dépourvu  de  toute  notion  de  justice  et 
de  vertu.  Si  haut  que  vous  remontiez  dans  l'anti- 
quité, vous  verrez  toujours  les  honnnes  en  posses- 
sion de  croire  à  quelques  maximes  de  religion  et  de 
nioiale.  lii  la  nature  a  devancé  l'industrie  :  tandis 
que  la  faible  raison  s'est  égarée  S'.ir  tout  cela  eu  de 


sil 


LOI 


LOI 


348 


nié  avec  un  fonds  de  pitié  pour  son  sembln- 
ble;  il  n'aime  point  fi  le  voir  souffrir  ;  sans 
réflexion  même,  il  tend  le  bras  h  celui  qu'il 
voit  près  de  tombor.  A  moins  qu'il  ne  soit  do- 
miné par  un  mouvement  de  colère  ou  de 
vengeance,  il  est  porté  h  secourir  un  mal- 
heureux, et  il  gortte  un  contentement  inté- 
rieur lorsqu'il  lui  a  fait  du  bien.  D'autre 
part,  rhouHuo  s'aime  lui-même,  recherche 
son  bien-être,  craint  de  soulfrir,  désire  ilo  se 
conserver  :  ce  sentiment  domine  en  lui  sur 
tous  les  autres,  est  le  mobile  de  la  plup  irt 
de  ses  actions.  Ainsi,  respect  envers  Dieu, 
bienfaisance  envers  les  hommes,  amour  de 
soi-même,  voilî»  trois  penchants  certaine- 
ment innés  dans  l'humanité.  Mais  l'homme 
éprouve  des  passions  capables  d'étouffer  ces 
penchants  ou  de  les  pervertir,  de  le  rendre 
irréligieux,  méchant  et  malfaisant,  crue' 
même  envers  soi.  Dieu  lui  permet-il  é;^ah'- 
ment  de  céder  aux  uns  ou  aux  autres?  L"  :  ■ 
t-il  rendu  susceptibhi  de  religion,  de  bie  ■ - 
faisance,  d'amour  bien  réglé  de  soi,  sansliù 
en  faire  utidevnir?  Dans  ce  cas,  Dieu  n'au- 
rait voulu  ni  le  bien  général  de  l'humani-  ', 
ni  l'avantage  de  chacfue  particulier  ;  il  aurait 
destiné  l'homme  à  la  société,  et  il  aurait 
rendu  la  société  impossible.  Ces  suppositions 
répugnent  à  l'idée  d'un  Etre  souverainement 
bon.  Puisque  Dieu  a  fait  l'homme  capable  tle 
discerner  entre  le  bien  et  le  mal  moral,  de  choi- 
sir l'un  ou  l'autre  avec  une  ])leinc  liberté,  il 
lui  a  certainement  imposé  l'obligation  de  pra- 
tiquer l'un  et  d'éviter  l'autre  ;  il  n'a  pu  créer 
un  être  susceptible  de  lois,  sans  lui  donner 
aucune  loi.  —  L'homme  est  convaincu  de 
l'existence  d'une  obligation  morale  par  le 
sentiment  intérieur  que  nous  appelons  la 
conscience.  Le  malfaiteur  se  cache  pour  com- 
mettre un  crime,  lors  même  qu'il  n'a  rien  à 

vaines  recherches,  ou.  que  même  elle  n'a  enfante  que 
des  .systèmes  irès-ridicnles,  nos  livres  saints  nous 
font  assister  en  queli|iie  sorte  à  l'œuvre  de  la  cro.i- 
lion,  et  nous  apprennent  commeut  les  choses  se  sont 
passées.  Ce  que  les  sages  de  l'antiquité  avaient  ign/j- 
r('s  les  enfants  le  savent  painii  nous.  Lu  premii:r 
hoiunie  sortit  des  mains  de  son  ciéaleur  dans  l'état 
tle  jnalurité  :  il  ne  naqnit  pas  enfant,  <lans  la  fai- 
Wesse  et  l'ignorance  du  premier  âge  ;  il  parut  sui'  la 
terre  lionnne  fait,  jouissant,  dès  le  moment  de  S'iii 
exislence,  de  tontes  les  facultés  du  corps  et  de  l'es- 
l>rit  vil' arriva  à  la  vie  avec  des  connaissances  toutes 
i'ortnées  dans  son  esprit,  avec  des  sentiments  reli- 
s^'ieiix  dans  son  cœur,  avec  une  langue  tout(!  faite 
pour  exprimer  ses  idées  :  il  trouva  en  lui  la  conn:iis- 
Kance  ite  Dieu  son  créateur,  tles  notions  d'ordre  cl 
de  vertu,  l'amour  du  bien,  une  intelligence  qui  s'c- 
Itivait  jusqu'à  l'atiteni' de  son  être,  une  volonté  ani- 
mée'du  Uiésir  de  lui  plaire;  et  sans  doute  son  pre- 
mier sentiment  fut  celui  de  la  reconnaissance  et 
de  l'-amour.  Ce  qu'il  avait  reçu  de  Dieu  mcme,  ce 
^ju'il  savait,  il  le  transmit  à  ses  enfants,  qui,  à  leur 
,onr,  le  laissi'rent  connue  tm  héritage  .aux  gcm'ra- 
lions  suivantes  :  la  tradilion  se  conserva,  s'è!i'n<lit 
avec  l'espèce  humaine  ;  et  voilà  comme,  de  famille  en 
famille,  d'âge  eu  âge,  de  contrée  en  coutrt'c,  les  no- 
tions primitives  se  sont  conservées  plus  ou  moins 
pures  dans  le  genre  humain.  Ainsi  toutes  les 
(•royances  religieuses  et  morales  ont  une  source 
commune  ;  mais  ce  sont  des  ruisseaux  dont  les  uns 
vnl  conservé  la  pureté  de  leurs  eaux,  et  dont  les 


redouter  de  la  part  de  ses  semblables  ;  lors- 
(}u'il  l'a  commis,  il  éprouve  de  la  honte  et  des 
remords  :  ainsi,  il  est  averti  par  la  nature 
qu'il  y  a  un  souverain  vengeur  dont  il  doit 
craindre  la  justice.  On  dit  que,  par  l'habitude 
du  crime,  le  méchant  vient  à  bout  d'éloufïer 
les  remords  et  la  honte  :  quand  le  fait  serait 
vrai,  il  ne  prouverait  encore  rien  ;  à  force  do 
s'endurcir  aux  souffrances,  l'homme  peut 
émousser  la  sensibilité  physiijue;  il  ne  s'en- 
suit pas  delàqu'elle  no  lui  est  pas  naturelle. 
Un  inalfait(Hir,  pris  pour  juge  des  actions  d'un 
autre,  blâme  sans  hésiter  ce  ([ui  est  mal,  et 
approuve  ce  qui  est  bien  ;  il  prononce  ainsi 
contre  lui-même,  et  rend  hommage  h  la  loi, 
lors  môme  qu'il  ne  veut  pas  la  suivre.  —  4* 
Les  philosophes  païens,  Ocellus  Lucaïujs,  Pla- 
ton, Théopliraste,  Cicéron  et  d'autres,  ont 
très  bien  aperçu  toutes  ces  vérités,  et  ils  en 
ont  conclu  comme  nous  l'existence  d'une  loi 
■iiaturelle.  Ils  disent  que  toute  loi  est  émanée 
de  l'intelligence  divine  ;  que  la  loi  suprême, 
fondement  de  toutes  lesautresi  est  la  raison 
et  la  sagesse  du  Dieu  souverain.  Plat.,  deLe- 
'  (jib.,  1.  IV,  In  Cril.  et  Polit.;  Cic,  de  Legib-, 
1.  Il,  n.  14  et  sui.;  Lact  ,  1.  vi,  c.  8,  etc. 

Vainement  les  matérialistes  ont  voulu  fon- 
der la  morale  et  les  devoirs  de  l'homme  sur 
son  intérêt  temporel  ;  ils  ont  confondu  le 
sentiment  moral  avec  la  sensibilité  physi- 
que :  al)Siirdité  révoltante.  Est-il  donc  be- 
soin de  vertu  ou  de  force  d'dme  pour  agir 
par  un  motif  d'intérêt?  Quel  est  le  motif  in- 
téressé d'un  homme  qui  meurt  pour  sa  pa- 
trie ?  Sans  une  loi  naturelle,  émanée  de  la 
volonté  de  Dieu,  il  n'y  a  pins  ni  bien  ni  mal 
moral,  ni  vice  ui  vertu.  Voy.  Bien  et  Mal 
MORAL,  Devoir,  etc. 

Mais  ce  n'est  pas  assez  pour  un  théologien 
de  prouver  l'existence  de  la  loi  naturelle  par 

autres  se  sont  plus  ou  moins  altérés  à  travers  la  cor- 
ruption des  siècles.  C'est  de  là  que  sont  venus  ces 
principes  communs  à  tous  les  hommes,  que  l'igno- 
rance ou  les  passions  alfaiblissent,  mais  n'anéantis- 
sent pas;  cette  lumière  qui,  pour  bien  des  peuples,  a 
été  obscurcie  des  nuages  du  mensonge,  mais  qui 
laissa  toujours  échapper  quelques  rayons.  Or,  ces 
règles  univers(dles,  invariables,  dont  le  sentiment  se 
trouve  partout,  ces  notions  couununes  de  bien  et  de 
mal,  qui  gouvernent  l'csp  ce  huuiaine ,  et  sont 
connue  la  législation  secrète  du  monde  nmral,  voilà 
ce  qu'on  appelle  loi  naturelle  :  dérmmination  très- 
légitime.  Elle  est  naturelle,  parce  qu'elle  est  fondée 
sur  la  nature  des  choses,  sur  des  rapports  primitifs 
entre  l'homme  et  Dieu,  entre  l'homme  et  ses  sem- 
blables; naturelle,  parce  qnc  les  principes  en  sont 
tellement  conlormes  à  notre  nature  raisonnable., 
qu'il  sullit  de  les  exposer  pour  en  faire  sentir  la  vé- 
rité ;  naturelle,  parce  qu'on  en  trouve  des  vestiges 
partout  où  se  trouve  la  nature  humaine,  ce  qui  a  fait 
dire  qu'elle  est  gravée  dans  le  cœui'  ;  naturelle  enfin, 
parce  qu'il  fallait  la  distinguer  de  toute  autre  loi 
donnée  à  l'homme  depuis  la  création,  et  qu'on  ap- 
pelle positive.  Aussi  la  dénomination  de  loi  naturelle 
est-elle  autorisée  par  les  livres  saints,  et  notamment 
par  saint  Paul,  par  tous  les  docteurs  de  l'Eglise,  par 
tous  les  moralistes  de  toutes  les  nations  et  de  tous 
les  siècles,  par  le  langage  univeisellement  reçu  de 
tous  les  hommes  ;  en  sorte  que  proscrire  le  mot 
de  lo'  naturelle,  ce  serait  se  nicllre  en  révolte  contre 
le  genre  humain,  i 


349 


LOI 


LOI 


550 


la  constitution  mômo  de  l'humanité;  il  doit 
encore  montrer  que  Dieu  a  conlirmé,  par  la 
révélation,  les  leçons  do  la  nature. 

Dans  le  temps  "que  Caïu,  tils  aîné  d'Adam, 
était  rongé  d^  jalousie,  Dieu  lui  dit  :  Si  tu 
fais  bien,  n'en  rccevras-lu  pas  le  salaire?  Si  tu 
fais  mal,  ton  péché  est  à  la  porte,  est  toujours 
arec  toi  (Gen.,  c.  iv,  v.  7).  Dieu  le  renvoie 
au  témoignage  de  sa  conscience.  Co  repro- 
che suppose  (juo  Caïn  sentait  ce  qui  est  mal, 
ce  qu'il  voulait  faire  et  ce  (|u'il  devait  éviter. 
Job,  après  avoir  dit  que  Dieu  est  le  souve- 
rain législateur,  ajfjute  que  tout  homme  le 
voit  et  l'euvisage  (  onime  de  loin  (Job,  c. 
xvxvi,  V.  22  et  25).  Il  avait  dit  ailleurs  : 
Interrogez  qui  vous  voudrez  parmi  les  étran- 
gers, vous  verrez  qu'il  sait  que  les  méchants 
sont  réservés  à  un  cruel  avenir,  et  marchent 
continuellement  à  leur  perte  (c.  ixi,  v.  29). 
Le  psaimisto  compare  la  loi  du  Seigneur  à 
la  lumière  du  soleil,  delaciuelle  aucun  hom- 
me n'est  entièrement  privé  {Ps.  xvin,  v.  7 
et  8).  Saint  Paul  dit  que,  quand  les  nations 
qui  n'ont  point  de  loi  (positive  ou  écrite), 
font  naturellement  ce  que  la  loi  commande, 
elles  sont  à  elles-mêmes  leur  propre  loi;  elles 
montrent  que  les  préceptes  de  la  loi  sont  gra- 
vés dans  leur  cœur,  et  que  leur  conscience  leur 
en  rend  témoignage  {Rom.,  c.  ii,  v.  14-j.  Kien 
de  plus  formel  que  ce  passage  (1). 

Mais,  pour  intimer  la  loi  naturelle  k  tous 
les  hommes.  Dieu  n"a  pas  attendu  qu'ils  par- 
vinssent à  la  connaître  par  leurs  propres  ré- 
flexions ;  il  l'a  enseignée  do  vive  voix,  et  par 
une  révélation  expresse,  à  nos  premiers  pa- 
rents. Nous  lisons  dans  l'Ecclésiast.,  c.  xvu, 
V.  5,  que  non-seulement  Dieu  leur  a  donné 
l'esprit,  l'intelligence,  le  sentiment,  pour 
connaître  le  bien  et  le  mal,  mais  qu'il  y  a 
ajouté  des  instructions  ;  qu'il  les  a  rendus 
dépositaires  delà  loiûe  vie  ;  qu'il  a  fait  avec 
eux  une  alliance  éternelle  ;  qu'il  leur  a  mon- 
tré les  arrêts  de  sa  justice  ;  qu'ils  ont  tu 
l'honneur  d'entendre  sa  voix  ;  qu'il  leur  a  dit, 
gardez-vous  de  toute  iniquité,  et  a  donné  à 
chacun  d'eux  des  préceptes  à  l'égard  du  pro- 
chain, v.  9  et  suiv.  En  effet,  nous  voyons 
dans  l'histoire  môme  de  la  création  que  Dieu 
a  commandé  expressément  aux  premiers 
hommes  la  fidéhté  mutuelle  des  époux,  le 
respect  envers  les  pères,  l'amitié  entre  les 
frères  ;  qu'il  a  défendu  le  meurtre,  etc.;  c'é- 
taient là  autant  de  devoirs  de  la  loi  naturelle. 
Il  leur  a  enseigné  la  manière  de  l'.îdorer, 
puis(ju'il  a  sanctifié  le  septième  jour,  et 
que  les  enfants  d'Adam  lui  ont  oflert  des  sa- 
crifices. 

Ainsi,  quand  on  dit  que,  depuis  la  créa- 
tion jusiiu'à  Moïse,  les  hommes  ont  vécu 
sous  la  loi  de  nature,  cela  ne  signifie  pas 
qu'ils  n'ont  reçu  de  Dieu  aucune  loi  posi- 
tive ou  révélée  ;  l'histoire  sainte  nous  ap- 
prend le  contraire  :  la  sanctification  du  sep- 

(I)  Nons  n'adoptons  pas  coniplétenieiit  les  notes 
des  diverses  éditions  do  Besançon  sur  ce  passage. 
Nous  avons  suffisamment  indiqué  notre  pensée  sur 
la  promulgation  de  la  loi  naturelle  dans  notre  Dict. 
"ià  Tliéol.  luor. 


tième  jour,  la  défense  de  manger  du  ft-uitdo 
l'arbre  de  vie,  la  défense  do  manger  du 
sang,  étaient  des  lois  positives.  Voy.  Kévéla- 

TICN    l'IUMITIVE. 

Pour  nous  convaincre  que  Dieu  a  daigné 
instruire  h^s  premiers  hommes  par  des  le- 
çons |>ositives,  il  suffit  de  comfiarer  la  mo- 
rale suivie  |)ar  les  patriarches  à  celle  qu'ont 
enseignée,  dans  la  suite  des  siècles,  les  phi- 
losophes les  plus  célèbres.  Les  premiers,  nés 
dans  l'enfance  du  monde,  avant  que  l'onci'it 
fait  des  études  et  des  réflexions  sur  les  de- 
voirs de  la  loi  naturelle,  auraient  dii  avoir 
uiv-  morale  plus  imparfaite  que  celle  des 
philosophes  qui  ont  pu  profiter  de  l'expé- 
J'ience  des  siècles  précédents,  qui  ont  fiiit 
une  étude  particulière  de  la  morale  et  (h\  la 
législation.  C'est  néanmoins  tout  le  contraire. 
Dans  le  seul  livre  de  Job,  on  peut  puiser 
des  maximes  de  morale  plus  claires  et  plus 
saines  que  dans  les  écrits  de  Socrate  et  de 
Platon.  Les  patriarches  ont  donc  eu  de  meil- 
leures leçons  de  morale  que  les  philosophes, 
savoir  :  les  instructions  de  Dieu  môme.  Aussi 
la  connaissance  des  préceptes  de  la  loi  na- 
txirelle  ne  s'est  bien  conservée  que  dans  les 
ftunilles  et  les  peuplades  qui  ont  fidèlement 
gardé  le  souvenir  delà  révi'lation  primitive  : 
partout  ailleurs,  les  législateurs,  les  philo- 
sophes, les  nations  entières  ont  méconnu 
plusieurs  vérités  de  morale  qui  nous  parais- 
sent delà  dernière  évidence  ;  elles  ont  éta- 
bli des  lois  et  des  usages  injustes,  cruels, 
absurdes.  Les  Chaldéens,  les  égyptiens,  les 
Grecs,  les  Romains,  qui  ont  passé  pour  les 
peuples  les  plus  éclairés  et  les  plus  sages, 
ont  été  jilongés  dans  le  même  aveuglement. 
Les  Chinois  et  les  Indiens,  qui  ont  cultivé, 
dit-on,  la  morale,  depuis  quatre  mille  ans, 
ne  l'ont  pas  rendue  plus  pirfaite  qu'elle  était 
parmi  eux  il  y  a  vingt  siècles.  Aujourd'hui 
encore,  dès  que  les  philosoplies  modernes 
ferment  les  yeux  à  la  lumière  de  la  révéla- 
tion, ils  enseigtient  une  inorale  aussi  fausse 
et  aussi  corrompue  que  celle  des  païens.  Voy. 
Nouv.  Démonst.  Evang.,\>s.v  Leland,tom.  III, 
c.  r,  etc. 

Lorsqu'ils  disent  que  la  loinaturelleQ%{cè\\(i 
que  l'homme  peut  connaître  par  les  seules 
lumières  de  la  raison  et  par  la  voie  do  la 
conscience,  ils  jouent  sur  des  équivoques, 
et  ils  s'accordent  bien  mal  avec  les  faits.  Il 
faudrait  dire,  du  moins,  par  les  lumières  d'une 
raison  éclairée  et  cultivée,  et  par  la  voie  d'une 
conscience  droite.  Car  enfin,  lorsque  la  raison 
est  obscurcie  par  les  passions,  par  des  erreurs 
reçues  dès  l'enfance,  ]iar  la  stupidité,  par  des 
usages  et  des  coutumes  absur>ies,  par  des 
lois  vicieuses,  h  quoi  se  réduisent  alors  ses 
lumières,  et  quel  peut  être  le  dictamen  de  la 
conscience  ?  Comment  n'ont-clles  pas  dit  à 
tous  les  peuples  et  à  leurs  législateurs,  qu'il 
ne  faut  adorer  qu'un  seiil  Dieu;  que  l'idul.-l- 
trie  est  un  crime;  que  l'usage  d'exposer  ou 
de  tuer  les  enfants  outrage  la  nature  ;  que  le 
droit  de  vie  et  de  mort  sur  les  esclaves  est 
barbare.  On  dira,  sans  doute,  que  sur  tous 
ces  I  oints  les  hommes  n'ont  consulté  ni  la 
raisiin  ni  la  conscience;  nous   en  convien- 


551 


LOI 


LOI 


3S2 


drons  sans  peine  :  mais  il  en  résultera  tou- 
jours que,  pour  savoir  en  quoi  les  hommes 
ont  écouté  ou  n'ont  pas  écouté  la  raison,  nous 
n'avons  point  d'autre  guide  certain  que  la 
révélation.  Que  l'on  d(Mnan(le  à  quel  peuple 
on  voudra,  quelles  sont  les  lois  elles  mœurs 
les  plus  sages  et  les  plus  raisonnables,  il  ju- 
gera toujours  que  ce  sont  les  siennes;  c'est 
la  réflexion  d'Hérodote,  et  l'on  ne  peut  pas 
en  douter. 

La  loi  naturelle  est  gravée  dans  le  cœur 
de  tous  les  hommes,  nous  le  reconnaissons 
après  saint  Paul  ;  mais  il  faut  en  lire  les  ca- 
ractères, et  cela  n'est  pas  toujours  aisé  :  les 
passions,  les  préjugés  de  naissance,  les  ha- 
bitudes invétérées,  troublent  la  vue,  et  alors 
on  ne  voit  plus  rien  :  l'exemple  de  toutes  les 
nations  en  est  une  preuve  palpable.  La  loi 
naturelle  est  évidente  dans  l(>s  premiers  prin- 
cipes; mais  il  est  facile  de  se  Iromper  dans 
les  conséquences,  cela  est  arrivé  aux  hom- 
mes les  plus  clairvoyants  d'ailleurs.  Un 
moyen  de  connaître  ce  que  cette  loi  ordonne 
ou  défend,  est,  sans  doute,  d'examiner  ce 
qui  est  conforme  ou  contraire  au  bien  géné- 
ral de  la  société  ;  mais  où  est  le  peu|ile,  oii 
est  le  sage  qui  ait  su  connaître  ce  bien  géné- 
ral, qui  ne  l'ait  pas  souvent  confondu  avec 
un  intérêt  momentané  et  mal  entendu?  Si 
nous  en  croyons  nos  politiques  modernes, 
ce  bien  général  est  encore  très-peu  connu  : 
et  de  là  viennent,  selon  eux,  la  législation 
imparfaite,  la  politique  aveugle,  la  mauvaise 
conduite  de  toutes  les  nations.  L'intérêt  gé- 
néral, ou  bien  commun,  a  certainement  va- 
rié dans  les  divers  états  du  genre  humain; 
il  n'était  p;is  absolument  le  même  dans  l'état 
de  société  domestique  que  dans  l'état  de  so- 
ciété civile  et  nationale.  Lorsque  les  peu- 
ples, encore  peu  policés,  se  croyaient  tou- 
jours en  état  de  guerre  l'un  contre  l'autre, 
ils  ne  faisaient  aucune  attention  au  bien  gé- 
néral de  l'humanité  ;  conséquemment  le  droit 
des  gens  était  très-mal  connu  :  il  ne  l'a  été 
mieux  que  depuis  que  l'Evangile  est  venu 
apprendre  aux  hommes  qu'ils  sont  tous  frè- 
res, et  les  a  réunis  dans  une  société  reli- 
gieuse universelle.  Dieu,  dont  la  sagesse 
ne  se  dément  jamais,  a  révélé  successive- 
ment aux  hommes  ce  que  la  loi  naturelle  exi- 
geait d'eux  dans  ces  états  divers.  11  a  toléré 
chez  les  patriarches  des  usages  qui  ne  pou- 
vaient produire  du  mal  dans  l'état  de  société 
domestique,  mais  qui  devaient  devenir  per- 
nicieux dans  l'état  de  société  civile  ;  telle 
était  la  polygamie  :  il  n'a  pas  condamné  l'es- 
clavage ,  parce  qu'il  était  inévitable.  Yoy. 
Polygamie,  Esclavage.  Pour  disculper  les 
patriarches  sur  ces  deux  chefs,  plusieurs  au- 
teurs ont  pensé  que  Dieu  les  avait  dispensés 
db  \à  loi  naturelle  ;  W  ïio\xs  paraît  que  cette 
loi  n'admet  point  de  dispense,  et  qu'd  n'en 
est  pas  besoin  lorsque  la  loi  n'oblige  pas. 

On  ne  peut  donc  ])as  raisonner  plus  mal 
que  le  font  les  déistes,  lorsqu'ils  soutien- 
nent que  la  loi  naturelle  suffit  à  l'homme 
pour  régler  ses  actions;  qu'il  n'a  besoin  que 
de  consulter  sa  raison  et  sa  conscience,  pour 
savoir  ce  qu'il  doit  faire  ou  éviter.  Cela  oour- 


rait  être  vrai,  si  la  raison  de  tous  les  hom- 
mes était  toujours  éclairée,  et  leur  conscience 
toujours  droite  ;  mais  le  contraire  n'est  que 
trop  prouvé  par  une  expérience  générale  et 
constante.  Quand  un  homme,  né  avec  un 
esprit  très-pénétrant,  avec  un  cœur  sensible 
et  généreux,  avec  des  talents  cultivés  par 
une  excellente  éducation,  serait  capable  de 
discerner  sûrement  ce  qui  est  conforme  ou 
contraire  k  la  loi  naturelle,  il  n'en  serait  pas 
ainsi  de  l'homme  sauvage,  k  peu  près  stupide 
ou  dé|iravé  par  de  mauvaises  leçons  et  de 
mauvais  exemples.  Un  homme  aiïra-t-il  ja- 
mais plus  d'esprit,  de  sagacité,  de  droiture, 
que  Platon,  Socrate ,  Aristote  et  Cicéron  ? 
Tous  se  sont  trompés  sur  des  devoirs  natu- 
rels, parce  que  les  mœurs  publiques  avaient 
corrompu  la  morale. 

Si  l'on  dit,  comme  quelques  déistes,  que 
quand  l'homme  est  incapable  de  connaître 
jiar  lui-même  ses  devoirs  naturels,  il  est  dis 
pensé  de  les  remplir,  il  faudra  soutenir  aussi 
qu'il  n'est  pas  obligé  de  prêter  l'oreille  aux 
leçons  de  l'éducatiou,  aux  conseils  des  sages, 
k  la  voix  des  lois  humaines.  Puisque,  selon 
les  déistes,  il  est  en  droit  de  se  refuser  aux 
lumières  de  la  révélation  et  aux  instructions 
positives  de  Dieu,  k  plus  forte  raison  est-il 
bien  fondé  k  résister  à  celles  des  hommes. 
De  ces  réflexions  il  résulte  que  la  loi  natu- 
relle n'est  pas  ainsi  nommée,  parce  qu'elle 
peut  être  parfaitement  connue  de  tous  les 
hommes,  par  les  seules  lumières  naturelles 
de  la  raison,  mais  jiarce  qu'elle  est  fondée 
sur  la  constitution  de  la  nature  humaine,  telle 
que  Dieu  l'a  faite.  Lorsque  l'homme,  instruit 
par  la  révélation,  connaît  sa  propre  nature 
et  les  relations  que  Dieu  lui  a  données  avec 
ses  semblables,  il  en  déduira  très-bien  ses 
devoirs  par  des  raisonnements  évidents  ; 
mais  s'il  méconnaît  sa  propre  nature  et  son 
auteur,  comme  ont  fait  tous  les  païens,  il  rai- 
sonnera fort  mal  sur  les  obligations  que  la 
nature  lui  impose. 

Aujourd'hui,  avec  le  secours  des  lumières 
que  l'Evangile  a  répandues  dans  le  monde 
sur  les  vérités  de  la  morale,  nos  philosophes 
sont  en  état  de  distinguer  ce  que  les  anciens 
ont  écrit  de  bien  uu  de  mal  touchant  les  de- 
voirs de  la  loi  naturelle;  fiers  de  leur  capa- 
cité, ils  en  font  honneur  k  la  nature  ;  ils  dé- 
cident que  tout  homme  peut  en  faire  autant  ; 
que  la  révélation  n'est  pas  nécessaire.  Ils 
n'ont  qu'à  jeter  un  coup  d'œil  sur  la  morale 
qui  règne  chez  les  nations  qui  ne  connais- 
sent pas  l'Evangile,  ils  verront  de  quoi  la 
nature  est  capable,  et  à  quoi  ont  servi  vingt 
siècles  de  dissertations  sur  la  loi  naturelle,  il 
ne  s'ensuit  pas  de  là  que  les  infidèles  soient 
i  absolument  excusables,  ni  qu'ils  l'aient  été 
autrefois,  lorsqu'ils  ont  méconnu  et  violé  la 
loi  naturelle.  Saint  Paul  a  décidé  que  du  moins 
les  philosophes  ont  été  inexcusables  {Rom.  c. 
I,  V.  20).  De  S'ivoir  jusqu'à  quel  point  la  stu- 
pidité, l'ignorance,  le  défaut  d'éducation,  le 
vice  des  mœurs  jinbliques,  ont  pu  excuser  le 
commun  des  païens,  c'est  une  question  que 
Dieu  seul  peut  résoudre,  et  sur  laquell*  nous 
n'avons  pas  besoin  d'être  fort   instruits  :  il 


5S5 


LOI 


LOI 


3S4 


nous  suffit  de  savoir  (iiic  Dieu,  souveralne- 
mfiit  juste,  ne  commande  l'impossible  à  per- 
sonne, et  ne  demande  compte  à  chacun  que 
jlo  ce  qu'il  lui  a  donné  ;  que  celui  qui  a  reçu 
davantage  sera  jugé  plus  sévèrement  que 
celui  qui  a  moins  reçu  (Iaic.  c.  xii,  v.  48). 

Nous  ne  voyons  pas  pourquoi  il  est  néces- 
saire de  su]iposer  dans  tous  les  hommes  un 
si  haut  degré  de  capacité  naturelle  pour  con- 
naître et  remplir  leurs  devoirs,  pendant  que 
nous  ignorons  quels  sont  les  secours  surna- 
turels que  Dieu  daigne  y  ajouter.  Si,  en  re- 
connaissant toute  la  faiblesse  des  lumières 
de  la  raison,  l'on  ciaint  de  foiu-nir  une  ex- 
cuse aux  crimes  des  iiitidèles,  ou  se  trompe. 
L'Ecriture  sainte  nous  assure  que  Dieu  n'a- 
bandonne auciuie  de  ses  créatures  ;  que  ses 
miséricordes  éclatcnit  sur  tousses  ouvrages; 
que  le  Verbe  divin  est  la  lumière  qui  éclaire 
tout  homme  venant  en  ce  monde,  etc.  Les 
Pères  de  l'Eglise,  et  en  particulier  saint  Au- 
gustin, entendent  ce  passage  de  la  lumière 
de  la  grAce;  ils  appliquent  à  Jésus-Christ  ce 
qui  est  dit  du  soleil,  ([ue  personne  n'est  pri- 
vé de  sa  chaleur  :  ils  enseignent  que  les  ac- 
tions vertueuses,  faites  par  les  païens,  étaient 
un  effet  delà  grrtce  de  Dieu.  Voy.  Gbace, 
§  ."J.  Qu'impoile  à  la  théologie  que  tout  inti- 
dèle  soit  coupable  pour  avoir  résisté  aux  lu- 
mières de  la  raison,  ou  h  la  lumière  surna- 
turelle de  la  grâce  ?  Ne  voir  ici  que  la  nature, 
c'est  donner  dans  l'erreur  des  déistes.  Voy. 
Religion  naturelle. 

Si  l'on  demande  en  quoi  consistent  les  de- 
voirs prescrits  par  la  loi  naturelle  à  l'égard 
de  Dieu,  de  nos  semblables  et  de  nous-mê- 
mes, on  en  trouvera  l'abrégé  dans  le  Décalo- 
gue.  Voy.  ce  mot. 

Loi  divine  positive.  On  entend  sous  ce 
nom  une  loi  que  Dieu  a  intimée  aux  hom- 
mes par  des  signes  extérieurs,  et  par  un  acte 
libre  de  sa  volonté.  Souvent  par  des  lois  po- 
sitives, Dieu  a  commandé  ou  défendu  ce  qui 
l'était  déjh  par  la  loi  naturelle,  comme  lors 
(pi'il  imposa  aux  Juifs  leDécalogueavec  tout 
l'aiipareil  de  la  majesté  divine  :  souvent  aussi 
il  a,  par  ces  sortes  de  lois,  imposé  aux  hom- 
mes lies  devoirs  qui  ne  leur  étaient  pas  pres- 
crits par  la  loi  naturelle  ;  ainsi  il  voulut 
(pi'Abraham  reçilt  la  circoncision  :  il  ordonna 
aux  Juifs  d'offrir  au  Seigneur  les  prémices 
des  fruits  de  la  terre,  etc.  Une  loi  divine  po- 
sitive ne  peut  d  'uc  être  connue  que  par  la 
révélation,  ou  plutôt  cette  loi  môme  est  une 
révélation  de  la  volonté  de  Dieu.  Dans  l'arti- 
cle précédent,  nous  avons  fait  voir  que  Dieu 
a  imposé  aux  hommes  des  lois  positives  dès 
le  commencement  du  raondi'-,  il  en  porta  de 
nouvelles  i)our  les  Juifs  par  le  ministère  de 
Moïse;  eiilin,  il  en  a  fait  publier  de  plus 
l)arfaites  ]iour  tous  les  hommes  par  Jésus- 
Christ  :  ce  sont  là  les  trois  époques  de  la 
révélation. 


nous 


Il  est  évident  que,   jiar  la  loi  naturelle , 
lUS  sommes  obligés  d'obéir  à  Dieu ,  lors- 


qu'il commande,  quelle  que  soit  la  manière 
dont  il  lui  plaît  de  nous  faire  connaître  ses 
volontés  ;  dès  qn'd  a  porté  des  lois  positi- 
ves, c'est  [lOLir  nous  un  devoir  naturel  de 


nous  y  soumettre  et  de  les  accomplir  ;  ce 
n'est  point  k  nous  de  lui  demander  raison 
do  ce  qu'il  juge  à  propos  d'ordonner  et  de 
défendre. 

Telle  est  cependant  la  prétention  des  déis- 
tes :  ils  soutiennent  que  Dieu  ne  peut  impo- 
ser à  l'homme  des  lois  positiiies  ;  que  ces  lois 
seraient  inutiles,  injustes,  pernicieuses,  con- 
traires îi  la  loi  naturelle  ;  que,  ciuand  il  se- 
rait vrai  que  Dieu  en  a  porté,  l'iioinme  est 
toujours  en  droit  do  ne  pas  s'en  iid'ormer. 
Si  leurs  arguments  étaient  solides,  ils  i)rou- 
veraient,  à  plus  forte  raison,  que  toute  loi 
humaine  quelconque  est  inutile ,  injuste , 
pernicieuse,  contraire  à  la  liberté  naturelle 
de  l'homme  :  car  entin,  si  les  hommes  peu- 
vent avoir  droit  de  nous  imposer  des  lois 
positives ,  nous  voudrions  savoir  pourquoi 
Dieu  n'a  pas  le  même  privilège.  —  1°  Ils  di- 
sent que  Dieu,  souverainement  bon,  ne  i)eut 
donner  aux  hommes  que  des  lois  qui  con- 
tribuent au  bien  de  tous;  or,  tels  sont,  se- 
lon eux,  les  seuls  principes  de  la  loi  natu- 
relle ;  ceux  mêmes  qui  les  violent,  désirent 
qu'ils  soient  observés  par  les  autres  hom- 
mes :  il  n'en  est  pas  ainsi  des  préceptes  po- 
sitifs. Qu'importe  au  bien  général  du  genre 
humain ,  que  le  dimanche  soit  fôté  plutôt 
que  le  sabbat  ?  11  ne  servirait  à  rien  de  dire 
que  les  préceptes  positifs  contribuent  à  la 
gloire  de  Dieu  ;  sa  principale  gloire  est  de 
l'aire  du  bien  aux  hommes.  La  fausseté  de 
ce  principe  des  déistes  saute  aux  yeux.  De 
môme  que  Dieu  peut  accorder  à  un  seul 
homme  un  bienfait  naturel  ou  surnaturel 
({u'il  n'accorde  pas  aux  autres,  il  peut  aussi 
lui  imposer  un  précepte  positif  qui  ne  lèra 
ni  bien  ni  mal  aux  autres  ,  et  qui  ne  leur 
sera  pas  connu.  Ainsi,  Dieu  ordonna  au  pa- 
triarche Abraham  de  quitter  son  pays,  de 
recevoir  la  circoncision  ,  d'offrir  son  tils  en 
liolocauste,  etc.  Ces  préceptes  étaient  un 
bienfait  pour  Abrahaoi,  puisque  c'était  pour 
lui  l'occasion  de  mériter  une  grande  récom- 
pense, et  que  Dieu  lui  donna  les  grâces  dont 
il  avait  besoin  pour  les  accomplir.  C'est  une 
absurdité  de  soutenir  que  ces  préceptes 
étaient  inutiles  ou  injustes,  parce  qu'ils  ne 
procuraient  aucun  bien  aux  Chaldéens,  aux 
Egyptiens,  aux  Ghananéens.  (]e  que  Dieu 
peut  faire  à  un  seul  homme,  il  peut  le  faire 
à  un  peuple  entiei',  jiour  la  même  raison  ; 
ainsi,  pour  que  les  lois  positives,  imposées 
à  la  seule  nation  juive,  aient  été  utiles  et 
justes  ,  il  n'est  pas  nécessaire  que  Dieu  en 
ait  fait  autant  aux  Chinois  et  aux  Indiens  ; 
il  suflit  que  cette  faveur,  accordée  au  peu- 
jile  juif,  n'ait  porté  aucun  préjudice  aux  au- 
ti'es  nations,  n'ait  diminué  en  rien  la  me- 
sure des  bienfaits  naturels  ou  surnaturels 
que  Dieu  voulait  leur  accorder.  Dieu  n'est 
pas  plus  obligé  de  faire  à  tous  les  mêmes 
grâces  surnaturelles,  que  de  départir  à  tous 
les  mêmes  dons  naturels.  11  est  encore  faux 
que  les  préceptes  positifs  ne  tournent  pas 
au  bien  de  tous  ;  ils  contribuent  à  faire 
mieux  observer  la  loi  nalundle,  et  ceux  qui 
les  accomplissent  donnent  à  leurs  semblables 
un  grand  exemple  de  vertu.  La  défense 


5SS 


LOI 


LOI 


m 


sitive  de  manger  du  sang  tendait  à  inspirer 
de  l'horreur  pour  le  meurtre  ;  le  sabbat  était 
destiné  à  procurer  du  repos  aux  esclaves  et 
aux  animaux;  c'était  une  leçon  d'humani- 
té, etc.  Nous  ne  prendrons  pas  pour  juges 
de  l'importance  des  lois  positives  les  déistes 
qui  les  violent  ;  mais  leur  conduite  même 
prouve  contre  eux.  Quoiqu'ils  ne  veuillent 
se  soumettre  à  aucune  des  lois  positives  de 
la  religion,  ils  ne'sont  cependant  pas  fâchés 
que  leurs  femmes  ,  leurs  enfants  ,  leurs  do- 
mestiques y  soient  fidèles  ;  ils  savent  bien 
que  la  désobéissance  aux  lois  positives  n'a 
jamais  contribué  à  rendre  un  homme  plus 
exact  observateur  de  la  loi  naturelle,  mais 
au  contraire.  Sans  recourir  à  la  gloire  de 
Dieu,  l'utilité  des  préceptes  positifs  est  as- 
sez prouvée  par  l'intérêt  de  la  société.  — 

2°  Les  déistes  objectent  que  ceux  à  qui 
Dieu  imposerait  des  loispositives  seraient  do 
pire  condition  que  ceux  qui  connaissent  les 
seules  lois  naturelles  ;  après  avoir  observé 
celles-ci,  ils  pourraient  encore  être  damnés 
pour  avoir  violé  celles-là.  Dieu  n'a  pas  be- 
soin de  mettre  notre  obéissance  à  l'épreu- 
ve, et  il  n'y  a  point  de  meilleure  épreuve 
que  la  loi  naturelle  ;  gêner  notre  liberté  sans 
raison,  ce  serait  nous  tenter  et  nous  porter 
au  mal. 

Nouveau  tissu  d'absurdités.  Dieu  n'a  pas 
plus  besoin  do  nous  éprouver  par  la  loi  na- 
turelle que  par  des  lois  positives  ,  puisqu'il 
s;ut  ce  que  nous  ferons  dans  toutes  les  cir- 
constances possibles;  mais  nous  avons  be- 
soin nous-mêmes  d'être  mis  à  cette  double 
épreuve,  alin  de  réprimer  nos  passions  par 
l'obéissance,  de  nous  juger  par  le  témoi- 
gnage de  notre  conscience,  de  nous  élever 
ti  des  actes  héroïques  de  vertu  que  la  loi 
naturelle  n'exige  point,  mais  dont  la  prati- 
que nous  est  très  -  avantageuse  ,  et  dont 
l'exemide  est   très-utile  à  la  société. 

11  faut  avoir  le  cœur  dépravé  pour  envi- 
sager les  lois  de  Dieu  comme  un  joug  qui 
nous  est  désavantageux  :  il  s'ensuit  de  ce 
faux  préjugé  que  cc'lui  qui  connaît  tous  les 
devoirs  naturels  est  de  pire  condition  que  ce- 
lai qui  les  ignore  par  stupidité  ;  que  toute 
loi  qui  gêne  noire  liberté  est  une  tentation 

3ui  nous  porte  au  mal  ;  comme  si  la  liberté 
e  mal  faire  était  un  privilège  fort  précieux. 
Le  plus  grand  bonheur  pour  l'homme  est 
d'avoir  une  parfaite  connaissance  de  tout 
ce  que  Dieu  exige  de  lui,  des  vertus  qu'il 
peut  pratiquer ,  des  vices  qu'il  doit  éviter  ; 
d'avoir  des  motifs  et  des  secours  puissants 
"    pour  faire  le  bien  ;  de  trouver  de  fortes  bar- 
rières contre  l'abus  de  sa  liberté.  Tel  est  le 
sort  du  chrétien  en  comparaison  de  celui 
d'un  païen  ou  d'un    sauvage.   Les  déistes 
,    semblent  craindre  que  l'homme  ne  soit  ti  op 
instruit  et  trop  vertueux ,  ou  que  Dieu  ne 
soit  pas  assez  puissant  pour  le  récompenser 
'    du  bien  qu'il   lui  ordonne  de  faire  ;  mais 
ceux  qui  ont  tant  de  peur  de  pratiquer  des 
œuvres  de  surérogatiou  ,  sont  très-sujets  à 
manquer  aux  plus  nécessaires. — 3°  Us  disent 
que  Dieu  ne  peut  pas  commander  poiu'  tou- 
••/  'v^        jours  des  rites,  des  usages,  des  pratiques  qui 

(  '^' .  VI 

■  ; 


peuvent  devenir  nuisibles  avec  le  temps  ;  or, 
telles  sont,  continuent-ils.  Unîtes  les  choses 
ordonnées  par  des  lois  positives.  Vu  la  va- 
riété des  climats,  des  luceurs,  des  événement.s, 
rien  ne  peut  être  constamment  utile  que  les 
devoirs  prescrits  par  la  loi  naturelle.  C'est 
donc  toujours  la  raison  qui  doit  nous  servir 
de  règle  pour  sivoir  ce  qu'il  faut  faire  ou 
éviter.  Un  précopte  positif  peut  avoir  été 
abrogé  ou  changé  ;  ce  n'est  point  à  nous  de 
le  savoir.  Les  /ois  imposées  aux  Juifs  sont 
conçues  en  termes  aussi  absolus  que  celles  de 
l'Evangile;  cependant  elles  ont  été  abrogées  : 
celles  du  christianisme  peuvent  donc  l'être  è 
leur  tour.  Pour  donner  quelque  apparence 
de  solidité  à  cette  objection,  il  aurait  fallu 
citer  au  moins  un  rite,  une  pratique,  un  acte 
de  vertu  commandé  par  l'Evangile,  quipuisse 
devenir  nuisible  avec  le  temps  ou  dans  cer- 
tains climats  ;  aucun  déiste  n'a  pu  le  faire. 
Il  en  résulte  seulement  que,  dans  certains 
cas,  il  y  a  des  lois  positives  qui  sont  suscep 
til)les  de  dispense  ,  et  nous  en  convenons  ; 
hors  de  ces  cas,  l'on  est  obligé  d'y  obéir  jus- 
qu'à ce  que  l'on  soit  sur  que  Dieu  a  trouvé 
Jiou  de  les  abroger,  et  c'est  ce  qu'il  ne  fora 
jamais. 

11  est  faux  que  les  lois  mosaïques  aient 
été  conçues  en  termes  aussi  généraux  et 
aussi  ;»}jsolus  que  celles  de  l'Evangile  ;  les 
premières  n'étaient  imposées  qu'à  la  nation 
juive,  étaient  relatives  au  climat  et  à  l'intérêt 
exclusif  de  cette  nation  ;  les  secondes  sont 
prescrites  à  toutes  les  nations,  pour  tous  les 
lieux,  et  jusqu'à  la  consommation  des  siè- 
cles. En  faisant  profession  de  consulter  tou- 
jours la  raison  pour  voir  ce  qui  est  utile  ou 
nuisible ,  les  déistes  ont  donné  atteinte  à 
plusieurs  articles  essentiels  de  la  loi  natu- 
relle. Us  ont  jugé  que  la  polygamie,  le  di- 
vorce ,  la  prostitution ,  l'exposition  et  le 
meurtre  des  enfants  n'étaient  pas  des  usages 
absolument  mauvais;  que  l'on  pourrait  en- 
core les  permettre  aujourd'hui  :  ils  ont  sou- 
tenu que  la  morale  des  philosophes,  qui  ap- 
prouvaient tous  ces  désordres ,  était  meil- 
leure que  celle  de  l'Evangile.  En  prétendant 
toujours  suivre  le  même  guide,  tous  les  peu- 
ples jugent  que  leurs  lois  et  leurs  coutumes 
sont  très-raisonnables ,  quoique  la  plupart 
soient  réellement  absurdes  pt  injustes:  où 
est  donc  rinfailliliilitô  de  la  raison,  pour 
juger  de  ce  que  Dieu  a  di>  commander,  dé- 
fendre ou  permettre  ?  L'exemple  des  qua- 
kers, qui  prennent  à  la  lettre  plusieurs  pré- 
ceptes de  l'Evangile  susceptibles  d'explica- 
tion, ne  prouve  pas  qu'il  faut  s'en  tenir  au 
dictamen  de  la  raison  pour  prendre  le  vrai 
sens  des  lois  positives,  puisque  ces  sectaires 
font  profession  de  la  consulter  ;  il  est  beau- 
coup plus  sûr  de  s'en  rapporter  au  jugement 
de  l'Eglise,  à  laquelle  Jésus-Christ  a  promis 
son  assistance  pour  enseigner  lldèlement  sa 
doctrine.  —  4-"  Toutes  les  nations,  poursui- 
vent les  déistes ,  se  flattent  d'avoir  reçu  do 
Dieu  des  lois  positives  ;  elles  ne  sont  cepen- 
dant pas  moins  vicieuses  les  unes  que  les 
autres.  Occupées  d'observances  superflues, 
elles  sont  moins  attachées  aux  devoirs  es- 


557,.  LOI 

sonliols  do  la  morale  ;  plus  elles  sont  cor- 
rompues ,  plus  elles  mettent  leur  oonliance 
îjans  les  prali(|ues  exti'rieurcs  pour  câliner 
AHU-s  remords.  Tel  qui  vole  sans  scrupule 
ne  voudrait  manquer  ni  à  l'abstinence  ,  ni 
h  la  célébratiiin  d  une  fôte.  On  se  llatte  d'ex- 
pier tous  les  crimes  par  le  zùle  pour  l'or- 
thodoxie. Païens,  juifs,  mahométans,  chré- 
tiens, tous  sont  coupables  de  ce  défaut; 
mais  il  domine  surtout  dans  l'Ki^lisc  romai- 
ne: partout  où  il  y  a  plus  de  sïipcrstition,  il 
y  a  moins  de  religion  et  de  vertu.  Si  cette 
salire  est  vraie,  les  sectes  qui  ont  fait  pro- 
fession de  renoncer  aux  superstitions  de  l'E- 
ylise  romaine,  sont  devenues  beaucoup  plus 
vertueuses  ;  cependant  leurs  écrivains  se 
plaignent  de  la  corruption  qui  y  régne.  Les 
sauvages ,  qui  n'ont  jamais  ouï  iwrlcr  do 
loh  positives,  doivent  observer  la  loi  natu- 
relle beaucoup  mieux  que  nous  ;  on  sait  ce 
(pii  en, est.  Les  déistes  surtout,  guéris  de 
loulc  superstition,  tloivcnt  être  les  plus  re- 
ligieux de  tous  les  hommes;  allVanchis  du 
jiiug  des  lois  positives,  ils  ne  doivent  ôtro 
occupés  que  des  devoirs  de  la  loi  naturelle. 
Mais  cette  loi  défend  de  calomnier,  et  l'ob- 
jection des  déistes  est  une  calomnie.  Où  ré- 
gnent, parmi  les  chrétiens,  la  corruption  et 
les  désordres  que  l'on  nous  reproche  ?  Dans 
les  grandes  villes ,  à  Rome  ,  à  Londres,  à 
Paris  ;  mais  de  tout  temps  ces  capitales  ont 
été  le  clo;iquo  des  vices  de  l'humanité  :  ce 
n'est  pas  par  là  ((u'il  faut  juger  des  mœurs 
d'une  nation,  D'ailleurs,  malgré  l'énorme 
corruption  qui  y  règne,  les  préceptes  <le 
l'Evangile  y  inspirent  encore  ,  h  un  très- 
grand  nombre  de  personnes,  des  veitus  dont 
on  ne  trouve  point  d'exemples  chez  les 
païens  ni  chez  les, mahométans,  et  dont  les 
déistes  ne  seront  jamais  capables. 

Ounnd  un  homme  coupaule  de  vol  viole- 
rait encore  toutes  les  lois  religieuses,  en  se- 
rait-il mieux  disposé  à  se  repentir  et  h  ré- 
(larer  son  injustice?  Tant  qu'il  lui  reste  de 
la  leligioi; ,  il  n'est  pas  vrai  qu'il  vole  saus 
srruputc,  [luisqne  l'on  suppose  qu'il  a  des 
remords  et  qu'il  cherche  à  les  calmer  par 
des  ])ratiques  de  piété  :  or,  les  remords  jhhi- 
vent  le  conduire  à  résipiscence,  et  les  pra- 
li(|ues  de  religion,  loin  de  les  calmer,  tloi- 
vcnt  plutôt  les  augmenter,  il  y  a  donc  lieu 
d'espérer  sa  conversion  plutôt  que  celle  d'un 
homme  qui  ajoute  l'irréligion  aux  autres 
crimes  dont  il  est  coupable,  alin  d'étoulfer 
ainsi  les  remords.  Les  observances  religieu- 
ses ne  sont  donc  pas  superlltics,  puisqu'elles 
sont  coûunandées  par  des  lois  positives ,  et 
qu'elles  peuvent  servir  directement  ou  indi- 
rectement à  rendre  un  homme  ]>lus  lidèle 
aux  devoirs  de  la  loi  naturelle.  Lors([ue  les 
athées  et  les  déistes  se  vantent  d'être  plus 
vertueux  que  les  autres  hommes ,  ils  sont 
aussi  hypocrites  (pie  les  superstitieux  ;  ceux- 
ci  voudraient  cacher  leurs  injuslicis  sou? 
le  voile  de  la  piété  ;  ceux-là  s'elforcenl  ,  j^ 
pallier  leur  impiété  sous  un  masque  d-^.  ^^jg 
pour  la  loi  nalureUc;  nous  ne  som'^^ 
plus  dupes  des  uns  que  des  autrp  ^    '     ^ 

Par  une  expérience  aussi  a^jciénue  que 


LOI 


3SS 


le  monde,  il  est  prouvé  que  les  peuples  qui 
ont   reçu   de    Dieu    des  lois   positives,    ont  ', 
njieux  connu  et  mieux  observé  la  loi  na(u~ 
relie  que  les  aulres  ;  tels  ont  été  les  [lalrùar- 
chos  et  les  Juifs  à  l'égard  des  nations  idol.'i- 
tres,    et   tris   sont  encore  les  chrétiens  en 
comparaison   des    peuples    infidèles.    Quoi 
ipi'en  disent  les  incrédules,  les  lois  cirilcs, 
la  police ,  les  mœurs  sont  meilleures  chez 
nous  que  chez  tous  les  peuples  qui  ne  sont 
pas  chrétiens.  C'est  donc  une  absurdité  de 
soutenir  que  les  lois  divines  positives  ne  ser- 
vent à  rien  ,  et  ne  contribuent  en  rien  au 
bien  de  l'humanité.  Si  un  i)hilosopho  faisait 
sérieusement,  contre  les  lois  civiles,  les  niè-  ■ 
mes  arguments  que  les  déistes  font  contre 
les  lois    divines   positives  ;  s'il    disait   que 
les  lois  civiles  de  telle  nation  sont  injustes, 
p.irce  qu'elles  ne  peuvent  pas  tourner  à  l'a- 
vantage des  autres  nations,  ni  contribuer  à 
l'observation  du  droit  des  gens  ;  s'il  soute- 
nait que  tout  peuple  soumis  à  des  lois  civi- 
les est  de  pire  condition  que   les  sauvages, 
jiaice  que  sa  liberté  est  plus  gôiiée  ;  s'il  pré- 
teniiait  que  ces  lois  sont  inutiles,  puisqu'il 
faut  souvent  les  abroger  et  les  changer,   et 
(pii'  ce  qui  était  utile  dans  un  temps  devient 
nu'sible  dans  un  autre  ;  s'il  voulait  persua- 
<lcr  que  ces  lois  sont  pernicieuses,  parce 
(]  oie  peuple,  plus  occupé  des  devoirs  civils 
(jne  des  devoirs  naturels,  croit  avoir  rempli 
toiie  justice  lorsqu'il   a   satisfait  aux  pre- 
miers, etc.,  on  ne  daignerait  pas  lui  répoiiilro. 
En  un  mot,  Dieu  a  donné  des  lois  positi- 
ves anx  patriarches,  aux  juifs,  aux  chrétiens  ; 
ce  fait  est  invinciblement  prouvé:  donc  elles 
ne  sont  ni  inutiles,  ni  injustes,  ni  jierni- 
cieuscs  :  à  un  fait  incontestable  ,  il  est  ab- 
surde d'oi)poser  des  raisonnements  spécu- 
latifs. Ce  n'est  point  là  le  seul  article  sur  le- 
(luol  nos  philosophes  modernes,  ont  mal  rai- 
sonné au  sujet  des  lois  divines  positives.  Us 
disent  que  les  lois  humaines  .statuent  sur  le 
bien,  et  les  lois  divines  sur  lo  nieilleur;  ce- 
la n'est  pas  exactement  vra-, -.  la  loi  positive^. 
Iiar  laquelle  Dieu  a  défe^^du  le  meurtre,  a^ 
pour  objet  le  bien  ,  et  'jgn  le  mieujc  ;  il  en 
est  de  môme  de  tou'.e  ^  les  lois  du  Décalo- 
gue.  11  n'est  donc  pa'-j  vrai  non  plus  (lue  ce 
(pii  doit  être  réglé  r^gj.  jes  lois  humaines  peut 
rarement  l'être  y  aV  les  lois  de  la  reliijion  : 
Dieu,  pour  de  l\,onnes  raisons,  avait  ordon- 
né aux  Juifs  ,    pa,.  principe  de  religion,  ce 
qui  semblait    jevoir  être  plutôt  réglé  par  des 
lois  humaiw  .5  q^  civiles.  Enlin,  il  n'est  pas 
absolument  i  vrai  que  les  lois  de  la  rclir/ion 
aient  |)lus    pour  objet  la  bonté  de  chaque  ]mr- 
ticuher  (  jue  ^.Q\]Q  (j,.  la  société;  tout  particu- 
lier, tid^è]e  a^x   lois  de   la  religion,   en  est 
m'^'n^ .  (Usposé  à  être  bon  citoyen  ;  l'homme, 
'■'^  ^""jutraire,  qui  méprise  les  ,'ois  religieuse.^, 
^'  j  sera  pas  pour  cela  plus  sou  mi^  -^^^  '["* 
civiles:  tous  ceux  qui  disserten''.  contr.^  les 
premières  ne  manquent  presque  j  amais  a  in- 
vectiver contre  les  secondes. 

Quand  on  dit  qu'il  ne  faut  pas  opposer 
les  lois  religieuses  à  la  loi  naturelle,  ,ce  prin- 
cipe est  équivoque  et  captieux,  Si  Wx'^  *-"''^~ 
tend  que   Dieu  ne  peut  pas  défendre,    P'^'' 

4.  -  .> 


359 


LOI 


LOI 


360 


une  loi  religieuse ,  ce  qu'il  a  commandé  par 
la  loi  naturelle,  on  au  contraire,  cela  est  vrai. 
Si  l'on  veut  dire  qu'il  ne  peut  pas  défendre 
par  l'une  ce  qui  6tait  permis  ou  n'était  pas 
défendu  par  l'autre,  cela  est  faux.  Il  n'était 
pas  défendu  à  l'homme,  par  la  loi  naturelle, 
de  manger  du  sang;  mais  Dieu  l'avait  défendu 
kNoé  par  une  loi  positive,  etc. 

Loi  ancienne  ou  mosaïque.  C'est  le  recueil 
des  lois  que  Dieu  donna  aux  Hébreux  par  le 
ministère-de  Moïse,  après  qu'il  les  eut  tirés 
de  l'Egypte,  et  pendant  les  quarante  ans  qu'ils 
passèrent  dans  le  désert;  selon  le  texte  hé- 
breu ,  ce  fut  après  l'an  du  monde  2513.  Ce 
code  de  lois  en  renferme  de  plusieurs  espè- 
ces ;  on  y  distingue  les  lois  morales  ou  natu- 
relles, dont  l'abrégé  est  nommé  le  Décalogue  ; 
les  lois  cérémonielles ,  qui  réglaient  le  culte 
que  les  Juifs  devaient  observer  ;  les  lois  ju- 
aiciaires  ,  c'est-à-dire  civiles  et  politiques  , 
par  lesquelles  Dieu  pourvoyait  aux  intérêts 
temporels  de  la  nation  juive.  Ces  dernières 
ne  sont  point  proprement  l'objet  de  la  théo- 
logie ;  mais  nous  sonuues  obligés  de  les  dé- 
fendre contre  plusieurs  reproches  injustes 
que  les  incrédules  ont  faits  contre  ces  lois. 
Dans  l'article  Judaïsme,  §  2,  nous  avons  mon- 
tré que  les  lois  morales  de  Moïse  étaient  très- 
bonnes  et  irrépréhensibles  à  tous  égards,  et 
nous  justiûerons  de  même  les  lois  cérémo- 
nielles dans  un  article  séparé  ;  il  s'agit  ici 
d'envisager  la  totalité  de  cette  législation. 
Nous  examinerons  ,  1°  pourquoi  Moïse 
avait  réuni,  et,  pour  ainsi  dire,  confondu  les 
ditférentes  espèces  de  lois;  2"  quelle  sanction 
il  leur  avait  donnée  ;  3°  par  qui;!  motif  les 
Juifs  devaient  les  observer  ;  k"  l'elTet  qui  en 
résulte  ;  5°  en  quel  sens  saint  Paul  oppose 
la  loi  à  l'Evangile,  et  semble  déprimer  la 
première  ;  6°  quelle  différence  il  y  a  entre 
ces  deux  lois  ;  '7°  en  quel  sens  et  jusqu'à  quel 
point  la  loi  ancienne  était  figurative  ;  8°  si 
elle  a  dû  toujours  durer,  comme  les  Juifs  le 
prétendent.  11  n'est  presque  aucune  de  ces 
questions  qui  n'ait  .donné  lieu  à  des  erreurs  ; 
nous  ne  pouvons  1,'îs  traiter  que  fort  en 
abrégé  (1). 

(i)  Mais  auparavant  nous  devons  examiner  si  Moïse 
a  enipi'uiitésa  législation  à  un  pi'uple  élranger,  et  s'il 
pnuvail  tirer  de  son  propie  foiids  un  code  de  lois 
aussi  parfait. 

1°  Pour  peu  que  l'on  compare  l'a  législation  de 
Moïse  avec  celle  des  nations  ancieni.'es,  il  est  facile 
d'apercevoir  qu'ellos  sont  loin  d'être  semblables  et 
identiques.  Le  parallèle  ne  tarde  pas  à  .nioiurer  en- 
lie  elles  une  ditréreuce  telle  que  l'on  .ist  bientôt 
convaincu  que  le  chef  des  Hébreux  n'a  pas  puisé  .ses 
lois  dans  les  codes  étrangers.  Comparons  d'abord 
lus  lois  religieuses  de  Moïse  avec  celles  des  i.\ations 
même  les  plus  célèbres. 

Moïse  reconnaît  un.  Dieu  uni(iue,  source  nécessaire 
de  tous  les  êtres,  esprit  pur,  immense,  inlini.ll  a  cro^é 
l'univers  parsa  puissance,  il  le  gouverne  paisa  sagesse 
il  en  règle  tous  ks  événements  par  sa  providence,  et 
connue  il  est  \e  principe  de  tout,  c'est  aussi  à  lui 
qu'il  faut  tout  rapporter.  Un  cidtc  pompeux  est  éta- 
bli en  son  bo'.meur  ;  un  talieniacle  magnilique  est 
érigé;  des  autels  sont  dressés;  des  prcircs  consa- 
crés ;  de  'iioiubreux  sacrilices  sont  prescrits.  Mais 
toute  celle  pompe,  tout  cet  éclat,  ne  sont  rien  à  ses 
yeux,  si.  les  sentiments  du  cœur  n'en  forment  la  partie 


I.   O^ielques  censeurs  de  Moïse  trouvent 

fort  mauvais  que  ce  législateur  n'ait  pas  mis 
plus  d'ordre  dans  sos  lois,  qu'il  les  ait  mêlées 
ensemble  et  avec  les  faits  qu'il  rapporte. 
Cette  critique  est-elle  sensée  ? 

Nous  pourrions  remarquer  d'abord  que  les 
anciens  écrivains  n'ont  jamais  observé  la 
méthode  dont  nous  sommes  aujourd'hui  si 
jaloux  ;  mais  il  y  a  des  réflexions  plus  im- 
portantes à  faire.  Dans  les  livres  de  Moïse, 
c'est  la  liaison  infime  des  lois  avec  les  faits 
qui  donne  à  ces  derniers  un  degré  de  certi- 
tude qui  ne  se  trouve  point  dans  les  autres 
histoires,  et  qui  démontre  la  sagesse  et  la 
nécessité  de  ces  lois.  Une  preuve  qu'il  n'a- 
gissait point  par  son  propre  génie,  mais  par 
ordre  du  ciel  et  par  zèle  pour  le  bien  de  son 
peuple,  c'est  qu'il  n'a  point  formé  de  plan 
comme  fait  un  auteur  qui  est  maître  de  sa 
matière;  il  a  écrit  les  faits  à  mesure  qu'ils 
se  sont  |)assés,  les  lois  à  mesure  qu'elles  se 
sont  trouvées  nécessaires,  et  que  les  faits  y 
ont  donné  occasion.  Tout  se  tient  et  forme 
une  chaîne  indissoluble.  Les  Juifs  ne  pou- 
vaient lire  leurs  lois  sans  apprendre  leur 
histoire,  et  ils  ne  pouvaient  se  rappeler  celle- 
ci  sans  concevoir  du  respect  pour  leurs  lois  ; 
aucune  ne  ven.nit  de  la  volonté  arbitraire  du 
législateur;  toutes  avaient  été  amenées  par 
les  circonstances.  Les  deux  premières  qui 
leur  furent  imposées  furent  la  cérémonie  de 
la  pâque  et  l'oblation  des  premiers-nés;  ils 
étaient  encore  en  Egypte,  et  ces  deux  rites 
devaient  servir  d'attestation  de  la  mort  mi- 
raculeuse des  premiers-nés  des  Egyptiens  et 
de  la  délivrance  des  Israélites  {Exode,  c.  xii 
et  XIII.)  La  loi  du  sabbat  leur  fut  intimée  à 
l'occasion  du  miracle  de  la  manne  (xvi,  23), 
pour  leur  rappeler  que  le  monde  avait  été 
créé  i)ar  le  Seigneur  ;  la  publication  du  Dé- 
calogue  ne  se  fit  que  quelque  temps  après  , 
c.  XX. 

Jusqu'alors  les  Hébreux  avaient  connu  les 
lois  morales,  tant  parles  lumières  de  la  rai- 
son que  par  la  tradition  de  leurs  pères,  qui 
remontait  jusqu'à  la  création;  mais  après  les 
mauvais  exemples  que  ce  peuple  avait  eus  en 

principale.  Dieu  demande  avant  tout  aux  Israélites  la 
crainte  et  l'amour,  la  reconnaissance  de  ses  bienfaits, 
un  aveu  de  leur  dépendance  absolue.  Toutes  les  pu- 
rilicaiions  extérieures  rappellent  la  sainteté  qu'il 
exige  ;  la  miséricorde  est  une  bostie  qui  lui  est  plus 
agréable  que  le  sacrilice.  Tel  est  le  code  religieux 
que  Moïse,  au  nom  de  Dieu,  imposa  au  peuple  dont 
il  était  le  guide.  Que  voyons-nous  dans  les  législa- 
tions religieuses  des  autres  peuples?  Ignorance  de  la 
nature  et  des  perfections  de  l'Etre  suprême,  culte 
indigne  de  la  Divinité,  i  Les  nations  les  plus  éclai- 
rées et  les  plus  sages,  dit  Bossuel,  les  Cbaldéens,  les 
Phéniciens,  les  Egyptiens,  les  Grecs  et  les  Koraains, 
étaient  dans  la  plus  affreuse  ignorance  et  le  plus  com- 
plet aveuglement  sur  la  religion.  »  Qui  oserait  ra- 
conter les  cérémonies  des  dieux  immortels  et  leurs 
jnystères  impurs  ?  Leurs  amours,  leur  cruauté,  leur 
jalousie  et  tous  les  autres  excès  élaient  le  sujet  de 
leurs  fêtes,  d«  leurs  sacrilices,  des  hymnes,  des  ta- 
bleaux qu'on  leur  consacrait.  Le  crime  était  adoré  et 
reconnu  propre  au  culte  des  dieux.  PJous  allons  es- 
sayer d'apprécier  dans  quelques-uns  de  ses  traits  la 
diiléreiice  qui  existe  entre  les  lois  civiles  de  Moïse  et 
celles  des  autres  pspples. 


Mi 


LOI 


LOI 


ses 


Egypte,  après  la  captivité  à  laquelle  il  avait 
él6  réduit,  il  était  très-nécessaire  de  lui  in- 
timer les  lois  morales  d'une  manière  posi- 

La  plupart  des  législations  anciennes  abandon- 
naient les  enfants  anx  caprices  de  leurs  parents.  Le 
père  était  niaitre  d'en  disposer  à  son  gre  :  .;  leur 
naissance,  il  était  libre  de  les  tUever  mi  de  les  expo- 
ser. Dans  le  cours  de  leur  vie,  il  pouvait  impunément 
les  châtier,  les  maltraiter,  les  vendre,  les  tuer  même. 
Moisc  restreint  ce  pouvciir  illimité,  que,  chez  les 
nations  païennes,  les  pères  avaient  sur  leurs  entants. 
H  ne  leur  accorde  pas  sur  eux  un  droit  absolu  de  vie 
et  de  mort.  Tout  ce  (pi'il  permet  aux  pmeiits,  lors 
même  qu'ils  ont  le  plus  jusie  sujet  de  se  plaindre, 
c'est  de  s'adresser  aux  juges  pour  les  faire  punir.  Il 
songea  aussi  à  assuier  la  vie  de  ceux  qui  n'avaient 
pas  encore  reçu  le  jour.  La  Grèce  n'était  pas  aussi 
humai[ie.  Deuxdeses  lét;islaieurs  philosophes,  crai- 
gnant nue  trop  grande  populalion,  conseillaient  de 
Taire  périr  les  enfants  des  le  sein  de  leur  mère.  La 
législation  de  Moise  est  toute  paternelle  pour  les  es- 
claves. Elle  leur  assure  des  jours  de  repos  et  de  dé- 
lassement; elle  condamne  à  mort  ceux  (pii  leur  ote- 
raient  la  vie.  Chez  les  aunes  peuples,  on  regardait 
les  esclaves  comme  des  bêles  de  somme,  et  les  maî- 
tres avaient  sur  eux  droit  de  vie  et  de  mort. 

La  moilération  envers  les  ennemis  était  encore  un 
oaractcre  des  lois  de  Moise.  Qu'on  eu  lise  les  disposi- 
tions et  on  verra  qu'elles  lendentà  prévenir  la  guerre 
ou  à  la  rendre  moins  terrible  et  moins  atroce,  lors- 
qu'elle était  nécessaire.  Ainsi  elle  difendait  les  dé- 
gâts et  les  ravages;  les  arbres  même  devaient  être 
respectés.  Dans  aucun  cas  on  ne  devait  tuer  les  fem- 
mes et  les  eid'ants.  (Ihi/  Ic^  autres  nations,  point  de 
grâce  aux  vaincus  :  biens,  liberté,  vie,  tout  deve- 
nait la  proie  du  vaincpieur.  Saccager,  égorger  tout, 
n'épargner  ni  le  sexe  ni  l'âge,  était  une  chose  toute 
naturelle.  C'est  le  sort  (pi'opnuivèrent  Tyr  et  Sidon. 
Tous  les  étrangers  étaient  ennemis  pour  les  nations 
infidèles  ;  Moïse  ordonne  de  les  traiter  avec  bienfai- 
sance et  générosité. 

D'après  ce  court  exposé,  on  voit  que  la  législation 
de  Moïse  diû'ère  essentiellement  de  celles  des  plus 
anciennes  nations  dont  l'histoire  nous  ait  conservé 
le  souvenir.  On  voit  que  les  mœurs,  les  coutumes, 
les  usages,  la  religion  de  ces  peuples,  sont  contraires 
aux  prescriptions  du  chef  des  Hébreux.  Il  est  donc 
indubitable  que  celui-ci  ne  leur  a  pas  emprunté  sa 
législation.  Âloise,  il  est  vrai,  fut  instruit  chez,  les 
Egyptiens;  mais  les  Egyptiens  étaient-ils  assez  avan- 
cés en  jurisprudence  dans  ces  temps  reculés  pour 
lui  donner  tant  de  lumières  !  Héroflote  alla  s'ins- 
truire en  Egypte.  Eu  rapporta-t-il  de  si  grandes  ri- 
chesses en  fait  de  religion  et  de  morale  ?  Quoique  les 
prêtres  lui  eussent  ouvert  les  trésors  de  leur  science, 
\\  n'en  rapporta  que  des  fables. 

Apres  avoir  vengé  Moise  du  reproche  de  plagiat, 
montrons  que  : 

5°  Le  législateur  des  Hébreux,  livré  à  lui-même, 
ne  pouvait  créer  un  code  de  lois  aussi  parfait.  Qu'on 
examine  le>  diverses  parties  de  la  législation  nmsaï- 
qtie,  on  voit  que  toutes  accusent  une  intelligence  su- 
périeure ii  celle  de  l'homme.  Le  culte  et  les  homma- 
ges dus  au  Créateur  sont  tracés  avec  assurance  et 
sans  aucun  mélange  d'impiété  ou  de  superstition. 
Dans  les  institutions  figuratives  le  présent  est  lié  à 
l'avenir.  Quelques  prescriptions  rituelles  paraissent, 
au  premier  coiip-d'œil,  minutieuses  et  inutiles;  mais 
examinées  plus  attentivement  et  par  rapport  aux  cir- 
constances des  tenqis  et  des  lieux,  et  au  caractère 
des  Israélites,  on  voit  qu'elles  concourent  toutes  à 
faire  accomplira  ce  peuple  ses  glorieuses  destinées. 

Un  ensemble  de  règlements  et  d'ordoimances  ci- 
viles brille  par  la  sagesse,  l'équité  et  la  justice. 
Elles  assurent  par  les  nio\ens  le-,  plus  efficaces  la 
vie  de  tout  individu  libre  ou  esclave,  pauvre  ou  riche, 

DlCTlONN.  DE  ThÉOL.   DOGMATIQUE.     111 


livi',  avec  tout  l'appareil  de  la  tnajesté  di- 
vine, de  les  faire  mettre  par  écrit,  et  d'y 
ajouter  la  sanction  des  peines  et  des  récom- 

contre  la  violence  et  l'oppression  ;  elles  protègent 
les  étrangers,  donnent  appui  aux  faibles,  secours 
aux  malheureux,  inspirent  partout  les  plus  tendres 
sentiments  d'amour  et  d'humanité.  La  possession 
tranquille  des  propriétés,  la  jouissance  paisible  des 
avantages  légitimement  acquis,  ont  aussi  des  garan- 
ties suffisantes.  Rien  n'est  oublié,  rien  n'est  omis.  On 
trouve  dans  le  code  de  Moise,  et  des  lois  d'hygiène 
propres  à  conserver  la  santé  des  Hébreux,  et  des  rc- 
glemenls  sur  l'agriculture,  source  de  richesses  et  d'a- 
bondance, et  des  ordonnances  qui  tendent  à  accroi- 
tre  la  population;  en  un  mot,  tous  les  moyens  de 
renilr(^  une  nation  heureuse  et  llorissante.  Moise  les 
indique  et  les  prescrit.  Son  code  ne  laisse  rien  à  dé- 
sirer ;  il  est  même  si  complet,  qu'on  ne  sait  c« 
qu'on  pourrait  y  ajouter  pour  le  perfectionner.  Est-il 
possible  qu'un  code  aussi  parfait  soit  la  création 
d'ini  homiiie  livré  à  lui-même  '.'  la  faiblesse  de  l'in- 
telligence des  plus  grands  génies  s'est  toujours  déce- 
lée par  quelque  endroit;  leurs  œuvres  portent  le  ca- 
chet de  limperfeclion.  Nous  pouvons  donc  affirmer 
sans  aucun  doute  (pie  la  législation  des  Hébreux, 
considérée  comme  le  résultat  des  méditations  et 
comme  le  fruit  des  labeurs  de  leur  chef,  serait  une 
dérogation  aux  lois  qui  régissent  l'humanité. 

.">"  L'immutabilité  de  la  legislalimi  de  Moise  pen- 
dant quinze  siècles  prouve  qu'il  était  inspiré. 

En  jetant  un  coup  d'œil  sur  les  législations  des 
divers  peuples,  on  voit  que  quelques  années  suffisent 
pour  y  apporter  de  notables  changements.  Des  cir- 
constances imprévues  surviennent  et  réclament  des 
modifications.  Des  dispositions  établies  comme 
avantageuses,  nécessaires,  deviennent  inutiles,  dégé- 
nèrent même  en  abus.  On  les  supprime  pour  leur  en 
substituer  d'autres  qui  souvent  n'ont  pas  plus  de  du- 
rée. Tel  fut  le  sort  des  lois  de  Dracon,  de  Lyeurgue, 
de  Selon.  Et  sans  remonter  à  ces  âges  reculs,  en 
France  le  code  civil  n'at-il  pas  subi  d'importantes 
modifications  ?  et  cependant  il  a  été  composé  par  un 
grand  nombre  de  savants,  à  l'aide  des  lumières  des 
nations  anciennes  et  modernes  !  Chaque  année  on 
en  letraiiche  ou  on  y  ajoute  quelques  articles.  Que 
la  législation  de  Moïse  ait  subsisté  pendant  quinze 
siècles  dans  toute  son  intégrité,  telle  qu'elle  est  sor- 
tie des  mains  de  son  auteur,  c'est  un  fait  en  dehors 
de  ce  qui  arrive  chez  tous  les  peuples.  Si  le  temps, 
qui  met  tout  à  l'épreuve,  n'y  a  fait  découvrir  aucun 
vice,  n'y  a  apporte  aucun  changement,  malgré  l'in- 
constance et  l'indocilité  du  peuple  hébreu,  c'est 
une  preuve  d'une  perfection  surhumaine. 

4°  1  La  nature  de  la  sanction  de  la  loi  de  Moïse 
conduit  aussi  a  la  même  conclusion,  i  Dans  plusieurs 
chapitres  du  Deutéronome,  Moïse  annonce  aux  Israé- 
lites le  bonheur,  la  paix,  l'abondance,  la  prospérité 
en  récompense  de  l'observation  fidèle  de  la  loi.  Il 
prédit  en  même  temps  les  malheurs,  les  calamités, 
les  Iléaux  en  punition  de  sa  violation.  Jamais  un 
homme  sage,  s'il  n'eûteté  inspiré  du  ciel,  n'eût  donné 
a  ses  lois  une  telle  sanction,  puisque  les  éléments, 
la  guerre,  la  peste,  ne  sont  pas  à  sa  disposition.  Et, 
chose  étonnante  !  Les  peines  et  les  récompenses  an- 
noncées par  Moïse  arrivent  comme  il  l'avait  prédit  ! 
Qu'on  parcoure  l'histoire  du  peuple  de  Dieu,  et  on 
verra  qu'il  fut  tour  ;a  tour  glorieux  et  humilié,  libre 
sous  le  ciel  de  sa  patrie,  et  c:iptil'  sur  des  rives  étran- 
gères, selon  qu'il  était  lidele  à  la  loi,  ou  qu'un  esprit 
d'erreur  l'emportait  en  des  voies  trompeubCs.  Ou  - 
bliait-il  sou  Dieu  et  ses  glorieuses  destinées  ?  Aussi- 
tôt l'invisible  vertu  qui  émanait  du  Saint  des  saints, 
pour  conserver  la  nation  el  la  lemlre  prospère,  sem- 
blait se  retirer  et  ne  laisser  ;i  sa  place  qu'une  puis 
sauce  destructive.  Mais  lorsque  touché  de  repentir  il 
gi  missail   sur  ses  égarements,   cherchait  a  rentrer 

12 


365 


bor 


LOI 


SQi 


?penses.  La  plupart  des  loù  civiles,  qui  vio- 
■  rent  à  la  suite,  n'étaient  qu'une  t'xtensiin  et 
une  application  des  lois  du  Dé.calogue  ;  et  le 
très-grand  nomlire  des  lois  cérémonielles  ne 
furent  portées  q  l'après  l'adoration  du  veau 
d'or.  Ici  rien  ne  se  fait  au  hasard,  et  n'est 
écrit  sans  raison. 

II.  Mais  M -ïse,  disent  les  incrédules,  n'a 
donné  à  ses  lois  point  d'autre  sanction  que 
celle  des  peines  et  des  récompenses  tempo- 
reîles  ;  il  ne  parlr'  point  de  celles  de  l'autre 
vie;  ou  il  ne  les  connaissait  pas,  ou  il  a  eu 
tort  de  n'en  pas  faire  mention.  Il  y  a  long- 
temps que  cette  objection  a  été  faite  par  les 
marcionites  et  par  les  manichéens  ;  mais 
quinze  cents  ans  d'antiquité  ne  l'ont  pas 
rendue  plus  juste. 

Dans  les  articles  Ame,  Immortalité,  En- 
fer, nous  avons  prouvé  que  les  patriarches, 
Moïse  et  les  Israélites,  ont  connu  et  ont  cru 
les  récompenses  et  les  peines  do  l'aulro  vie; 
mais  il  n'i  tait  ni  nécessaire,  ni  convenable 
que  ce  législateur  en  parlât  dans  ses  lois. 
Puisqu'il  avait  réuni  ensemble  les  lois  mo- 
rales, les  lois  cérémonielles,  les  lois  civiles 
et  politiques,  il  ne  devait  pas  donner  à  ce 
recueil  de  lois  la  sanction  des  récompenses 
et  des  peines  de  la  vie  future  ;  il  aurait 
donné  lieu  aux  Juifs  de  conclure  qu'ils  pou- 
vaient mériter  une  récompense  éternelle,  en 
faisant  des  ablutions ,  en  discernant  les 
viandes,  etc.,  tout  comme  en  pratiquant  les 
vertus  morales.  Malgré  la  sage  précaution  de 
Mois ',  malgré  les  leçons  des  jirophètes,  les 
pharisiens  et  leurs  discij  les  sont  tombés 
dans  cette  erreui;  les  rabbins  l;  soutiennent 
encore  aujourd'hui  ;  ils  prétendent  que  la 
loi  cérémonielle  donnait  aux  Juifs  [ilus  de 
sainteté  et  de  mérite ,  et  les  rendait  plus 
agréables  à  Dieu  qu  ■  la  loi  morale.  Voy.  la 
Conférence  tlu  juif  Oi'obio  avec  Limborch. 

Nous  convenons  que  l'ail  ance  par  laquelle 
Dieu  avait  promis  h  la  nation  juive  la  pos- 
session de  la  Palestine  et  une  prospérité 
constante,  sous  condition  que  ce  peuple  ob- 
serverait fidèlement  ses  lois ,  ne  regardait 
que  ce  monde  ;  mais  ,  sous  cet  aspect,  elle 
concernait  le  corps  de  la  nation,  et  non  les 

f»articuliers  ;  elle  ne  dérogeait  point  ii  l'al- 
iance  primitive  que  Dieu  a  contractée  dès 
le  commencement  uu  monde  avec  toute  créa- 
ture raisonnable,  k  laquelle  il  a  donné  des 
lois,  une  conscience,  une  âme  immortelle  ; 
alliance  par  laquelle  il  promet  à  la  vertu  une 
récompense,  non  dans  cette  vie,  mais  dans 
.'autre;  alliance  sul'iisam aient  attestée  par 
la  promesse  faite  à  Adam  d'un  Rédempteur 
qui  ne  devait  venir  que  quatre  mille  ans 
après  ;  par  la  mort  d'Abel,  privé  en  ce  monde 
de  la  récouipenso  de  sa  vertu;  par  l'enlève- 
ment d'Enos,  dnnt  la  piété  avait  plu  à  Dieu, 
etc.  De  même  que  les  nouvelles  lois  posi- 
tives, imposées  aux  Hébreux,  ne  dérogeaient 

dans  les  voies  saintes  que  son  législateur  lui  avait 
tracées,  des  jours  plus  sereins  cointiieiiçaient  à  luire, 
et  Dieu,  le  reprenant  sous  sa  proiection,  lui  accor- 
dait ses  grâces  et  ses  faveurs.  Qui  pourrait  après 
cela  inéconnaitre  la  main  de  Diea  dans  la  législaiioii 
de  Moïse? 


point  à  la  loi  morale  portée  dès  la  création, 
ainsi  les  nouvelles  promesses  quileur  étaient 
faiti!S  ne  donnaient  aucune  atteinte  à  la  pre- 
mière promesse  faite  au  genre  humain.  Voilà 
ce  que  n'ont  pas  voulu  voir  les  premiers  hé- 
rétiques qui  ont  calomnié  la  loi  ancienne;  les 
sociniens,  qui  ont  dit  que  le  judaïsme  n'é- 
tait pas  une  religion,  mais  une  constitution 
politique;  les  inc.édules,  qui  ne  savent  que 
répéter  les  vieilles  erreurs,  et  quelqu'  s  théo- 
logiens, qui  n'y  ont  pas  regardé  de  plus  près. 

III.  De  là  même  on  voit  aisément  par  quels 
motifs  un  Juif  devait  observer  la  loi,  princi- 
palement la  loi  morale.  Il  le  devait  par  res- 
pect pour  le  souverain  Légis'ateur,  qui  est 
Dieu,  par  l'espoir  de  mériter  la  récompense 
éternelle  des  justes,  comme  avaient  fait  les 
patriarches,  par  la  confiance  d'avoir  part  à 
la  prospérité  temporelle  que  Dieu  avait  pro- 
mise à  la  nation  entière.  Mais  puisque  cette 
promesse  regardait  le  corps  de  la  nation  plu- 
tôt que  les  particuliers,  un  juif,  exact  ob- 
servateur de  la  loi,  ne  pouvait  pas  se  flatter 
de  jouir  du  bonheur  temporel,  s'il  airivait 
au  gros  de  la  nation  d'encourir  la  colère  di- 
vine pour  avoir  violé  la  loi.  Dans  une  puni- 
tion générale,  les  justes  étaient  enveloppés 
avec  les  coupables,  et  alors  il  ne  restait  aux 
premiers  que  l'espoir  de  Ig  récompense  éter- 
nelle réservée  à  la  vertu.  Tel  a  été  le  sort 
de  Tobie,  de  Jérémie,  de  Daniel,  de  la  plu- 
part des  |irophèles,  de  Moïse  lui-même,  dont 
la  vie  fut  remplie  d'amertume  par  les  infi- 
délités de  son  peuple.  Les  afflictions  aux- 
quelles ils  furent  exposés  ne  leur  firent  pas 
abandonner  la  loi  de  Dieu. 

il  n'est  donc  pas  vrai,  comme  le  pensent 
les  détracteurs  de  la  loi,  que  Dieu,  en  la 
donnant  aux  Juifs,  n'ait  voulu  leur  inspirer 
qu'un  intérêt  sordide,  une  crainte  servile,  et 
lésait  dis|)ensés  de  l'aimer.  Si  plusieurs  ont 
eu  ce  mauvais  caractère,  il  ne  venait  ni  de  la 
loi,  ni  du  législateur.  Le  commamiement 
d'aimer  Dieu  ne  ])Ouvait  être  plus  formel 
(Deut.  VI,  5)  :  Vous  aimerez  le  Seigneur  votre 
Dieu  de  tout  votre  cœivr,  de  toute  votre  âme 
et  de  toutes^vos  forces  ;  les  préceptes  que  je 
vous  impose  seront  dans  votre  cœur,  etc. 
(Chap.  X,  V.  12)  :  «  Que  vous  demande  le  Sei- 
gneur votre  Dieu,  sinon  que  vous  le  craigniez, 
que  vous  lui  obéissiez,  que  vous  l'aimiez  et 
que  vous  le  serviez  de  tout  votre  cœur?  11 
est  bon  de  se  souvenir  que,  dans  le  style  de 
l'Ecriture,  craindre  signifie  respecter.  [Ibid., 
V.21,  et  XI,  1)  :  Voyez  ce  que  le  Seigneur  a  fait 
pour  vous....!  Aimez-le  donc,  et  observez 
constamment  ses  lois,  ses  cérémonies,  les  rè- 
gles de  justice  qu'il  vous  prescrit,  et  les  pré- 
ceptes qu'il  vous  impose.  C'est  la  leconnais- 
sance,  l'amour,  le  re>ipect,  la  confiance,  la 
soumission,  et  non  l'intérêt  ou  la  crainte  ser- 
vile, que  Moïse  veut  ins[)irer  à  son  peuple. 
Devait-il  pour  cela  les  exempter  de  crainte  ? 
Il  aurait  bien  mal  connu  les  hommes,  et  son 
peuple  en  jiartieulier.  Toute  législation  doit 
être  menaçante,  et  toutes  le  sont,  parce  qu'en 
général  les  hommes  sont  plus  sensibles  aux 
menaces  qu'aux  promesses,  et  qu'il  est  plus 
aisé  aux  chefs  des  nations  de  punir  que  do 


5C5 


LOI 


t.OI 


5C(i 


récompenser.  Les  rôveiii'.s  eu  jiolili(}ii(>  blâ- 
ment op  t(in  général  des  lois;  ([u'ils  refon- 
dent riiuiiianité,  tivant  (le  proposer'  une  autre 
manière  de  la  gouverner. 

A  l'article  Jidaïsme  ,  §  V  ,  n  us  avons 
prouv(^  par  FEiTiturc,  par  les  Pères,  suitout 
par  saint  Augustin,  par  les  notions  ('évidentes 
de  la  juslice  divine  ,  rpie  Dieu  donnait  aux 
Juifs  des  grAces  pour  acconi|ilir  sa  loi.  Kn 
observant  môme  la  loi  cMuinniellc,  un  juif 
pratiquait  l'ohéissanee;  il  faisait  doue  im  acte 
de  vertu.  Cet  acte,  fait  |iar  un  motif  louable 
et  avec  le  secours  de  la  grâce  ,  pouvait  donc 
être  méritoire;  lorsqu'il  était  fait  par  crainti' 
ou  par  intérêt  temporel,  il  ne  nuTitait  rien 
pour  le  salut;  ce  n'était  plus  alor's  un  elfet 
ae  la  i;râce.  NoiisaVons  encore  rcm'irqu;'  que 
ces  grâces  accordées  aux  Juifs  n'étaient 
point  attaclK'es  \\  la  lettre  de  la  loi,  |  uis- 
qu'elle.s  n'étaient  pas  formelieuient  piomises 
parla  loi;  niiis  elles  venaient  de  la  pro- 
messe d'un  Hédeuij.leur  fa. te  à  noire  premier 
père,  et  renouvelée  ;i  Abrabain.  C'était  donc 
\ix\  elfet  des  mérites  futurs  de  Jésu.s-Chrisi, 
qui  est  l'Agneau  imm  lé  depuis  le  coiinnen- 
cement  du  monde  lApoc.  xv,  8»,  mais  qui  n'a 
eu  besoin  de  s'inuuoler  qu'une  seule  fois 
pour  clfacer  le  [)é("lié  [llcbr.  ix,  2(5).  On  verra 
ci-après  quecettcdoctrine  n'est  contraire  ni  à 
celle  ilesaint  Paul  ni  à  cellede  saint  Augustin. 

IV.  Mais  pour  justilier  leurs  préventions, 
les  incrédulcis  veulent  que  l'on  juge  de  la 
loi  mosaïqnr  pai'  les  effets  qui  en  ont  résulté, 
soit  à  l'égard  du  corps  de  ia  nation  juive, 
soit  à  l'égard  des  particuliers  ;  nous  y  con- 
sentons encore. 

A  l'.irlicle  Jlifs,  §  2  et  suiv.,  nous  avons 
examiné  quels  ont  été  les  mœurs,  le  degré 
de  [irospérité  de  ce  peuple,  le  i-ang  qu'il  a 
tenu  dans  le  monde,  ro]iinion  qu'en  ont  eue 
lesauties  nations.  Nous  avons  fait  voir  qu'il 
a  loujiiurs  été  lieureux  ou  mallieiu'eux,  se- 
liin  qu'il  a  été  plus  ou  moins  fidèle  à  ses 
lois;  (jue,  tout  considéré,  son  sort  a  été  meil- 
leur que  celui  des  autres  peuples;  qu'en  gé- 
néral ces  derniers ,  faute  de  connaître  les 
Juifs,  en  ont  aussi  mal  jugé  que  les  incré- 
dules modernes.  La  meilleure  manière  de 
juger  du  sort  des  Juifs  et  de  la  sagesse  de 
leurs  lois,  est  sans  doute  de  remonter  au 
dessein  qu'avait  la  Providence  divine  en  for- 
mant cette  lég  slation  :  or,  ce  dessein  nous 
est  révélé  non  -  seulement  par  l'Ecriture 
sainte,   mais  p;ir  la  cliaine  des  événements. 

A  l'épocpie  de  la  ndssion  de  Moïse,  tous 
les  peupl  s  connus,  Ass. l'iens  ,  Ciialléens, 
Cliananéetis  ou  Phéniciens,  Euypùens,  étaient 
déjà  tombés  dans  le  polytliéisme  et  dans  l'i- 
doiàtrie;  leurs  uiœnrs  étaient  aussi  corrom- 
pues que  leur  croyance,  leur  gouvernement 
sais  règle,  leur  jiolitiijue  absurde  et  meur- 
trièie;  tous  ne  pensaient  qu'à  s'entre-dé- 
truire.  Dieu  pouvait-il  leur  donner  une  leçon 
plus  propre  à  les  corriger,  que  de  i)Iaccr  au 
milieu  d'eux  une  nation  mieux  jiolicée,  jilus 

Eaisihie,  et  moins  m  il  gouvernée?  Les  Hé- 
reux  ont  été  la  première  république  qui  ait 
existé  dans  le  Hiomle  ;  cliez  eux,  ce  n'est 
pas  l'hemme  qui    de»  ait  régner,  c'est  la  loi. 


Si  les  peuples  voisins  avaient  été  moins  dé- 
pravés, tous  auraient  adopté  le  fond  de  celte 
législation;  ils  aLU'aient  renoncé  au  brigan- 
dage et  à  l'ambition  des  conquêtes  ;  ils  au- 
raient cultivé  en  jiaix  la  portion  de  terre 
qu'ils  possédaient;  il  y  aurait  eu  moins  de 
crimes  commis  et  de  sang  répandu.  Mais 
non  ;  le  bien-être  des  Juifs  excita  leur  haine 
et  leur  jalousie  ;  tous  se  sont  relayés  suc- 
cessivement pour  tourmenter  les  Jiiifs,  sans 
vouloir  proliter  en  rien  de  leur  exemple. 
Aujourd'hui  peut-être  il  en  serait  encore  de 
mèuie,  parce  que  les  nations  ne  sont  de- 
venues guère  plus  sages  qu'elles  n'étaient 
a:itrefois.  Cependant,  malgré  leur  fureur 
destructive,  le  peuple  juif,  avec  sa  religion 
et  SOS  lois,  a  subsisté  pendant  quinze  cents 
ans  :  quelle  autre  législation  a  eu  une  plus 
lou-^ue  durée'.' Ce  peuple  a  ainsi  continué  de 
r  ndre  témoignage  au  gouvernement  de  la 
Providence,  à  la  certitude  de  ses  |iromessos, 
à  la  sagesse  de  ses  desseins,  surtout  h  la  ve- 
nue future  d'un  Rédem))teur.  L'intention  de 
Dieu  n'avait  donc  pas  été  de  créer  une  nation 
célèbre  par  ses  conquêtes ,  redoutable  par 
ses  forces ,  fameuse  |)ar  ses  connaissances, 
par  ses  arts,  par  son  commerce.  Celse,  Ju- 
lien et  leurs  copistes  ,  qui  ont  toujours  ar- 
gumenté sur  cette  folle  supposition,  se  sont 
égarés  dès  le  premier  pas.  La  prospérité  des 
Kom-iins,  dont  ils  étaient  enivrés,  ne  s'est 
formée  qu'aux  dépens  de  tous  les  autres 
peuples,  et  par  le  ravage  de  l'univers  entier. 
Dieu  n'avait  pas  destiné  les  Juifs  h  être  le 
fléau  des  nation--,  mais  à  leur  servir  d'exem- 
ple si  elles  voulaient  être  sages,  ou  de  con- 
damnation, si  elles  le  refusaient.  Pendant 
que  les  lois  de  celles-ci  ont  varié  sans  cesse, 
celles  de  Moïse  n'ont  souffert  aucun  chan- 
gement ;  elles  sont  encore  telles  que  le  lé- 
gislateur les  a  données  ;  faites  d'un  seul 
coup,  dans  la  durée  de  quarante  ans,  elles 
ont  été  observées  sans  altération,  jus(|u'au 
montent  que  la  Providence  avait  marqué 
pour  les  faire  cesser.  Aucun  autre  peuple 
n'a  été  aussi  opiniâtrement  attaché  h  ses  lois 
que  les  Juifs;  après  plus  de  trois  mille  ans, 
s'ils  étaient  les  maîtres,  ils  les  feraient  re- 
vivre dans  toute  leur  étendue,  sans  en  vou- 
loir rien  retrancher.  Si  elles  étaient  aussi 
mauvaises  que  le  prétendent  nos  politiques 
incrédules,  aui  aient-elles  produit  un  atta- 
chement aussi  singulier? 

Depuis  peu  il  a  paru  un  ouvrage  intitulé  : 
Moise  considéré  comme  législateur  et  comme 
moraliste.  On  s'attendait  à  y  trouver  l'apo- 
logie des  lois  mosaïques  c  nre  la  censure 
téméraire  des  philosophes  incrédules  ;  mais 
à  j)eine  y  a-t-il  quelques  réflexions  qui  ten- 
dent à  faire  sentir  la  sa-;esse  et  l'utilité  de 
ces  lois,  eu  égard  au  temps,  au  cliruat,  au 
peuple  pour  lequel  elles  ont  été  faites,  et 
aux  mœurs  générales  qui  régnaient  pour 
lors.  Elles  sont  présentées,  non  dans  leui- 
pureté  originale,  et  telles  qu'elles  -ont  dans 
le  texte  de  Moïse,  mais  avec  toutes  les  rêve- 
ries et  les  puérilités  dont  les  Juifs  modernes 
les  ont  surchargées.  Les  citations  du  'lalmud 
ou  de  la  Miscnne,   les  cOmMu-ntaires    des 


567 


LOI 


LOI 


368 


rabliins  anciens  et  modernes,  les  disseilfi- 
tions  des  critiques  hébraisauts,  vont  de  pair, 
dans  cette  compilation,  avec  le  texte  de  l'E- 
criture sainte,  comme  si  tous  ces  monuments 
avaient  la  môme  autorité.  Probablement  l'au- 
teur a  voulu  travailler  pour  les  Juifs,  et  non 
pour  les  chrétiens.  Heureusement  nous  avons 
été  mieux  instruits  par  le  judicieux  auteur 
des  Lettres  de  quelques  Juifs,  etc.,  qui  a  fait 
le  parallèle  des  lois  de  Moïse  avec  celles 
des  plus  célèbres  législateurs  |)rofanes,  et 
qui  a  démontré  la  supériorité  des  premières, 
t.  III,  k°  partie. 

V.  Cependant  saint  Paul  semble  s'être  ap- 
pliqué à  déprimer  la  loi  mosaïque;  il  dit  que 
cette  loi  n'a  rien  amené  h.  la  perfection  ;  que 
si  la  première  alliance  avait  été  sans  défaut, 
il  n'aurait  pas  été  nécessaire  d'en  faire  une 
nouvelle,  comme  Dieu  l'a  promis  par  ses 
prophètes  ;  que  cette  loi  n'était  bonne  (|ue 
pour  des  esclaves;  que  si  elle  pouvait  rendre 
l'homme  juste  ,  Jésus-Christ  serait  mort  en 
vain;  que  la  loi  est  survenue  afin  de  faire 
abonder  le  péché,  etc. 

Mais  il  dit  aussi  que  la  loi  est  sainte,  que 
le  commandement  est  saint,  juste  et  bon  (fiom. 
VII,  12)  ;  que  ce  ne  sont  pas  ceux  qui  écou- 
tent la  loi,  mais  ceux  qui  l'accomplissent  qui 
sont  justes  devant  Dieu  (ii,  13)  ;  qu'en  éta- 
blissant la  foi,  il  ne  détruit  pas  la  loi,  mais 
(|u'il  la  confirme  (m,  31).  Il  cite  les  paroles 
de  Moïse,  qui  dit  que  celui  qui  accomplira  la 
loi  y  trouvera  la  vie  (x,  5).  Comuient  tout 
cela  peut-il  s'accorder?  Il  est  évident  que 
dans  ces  derniers  passages,  le  mot  loi  n'est 
pas  pris  dans  le  même  sens  ;  autrement  saint 
Paul  se  contredirait.  Dans  les  premiers,  lors- 
iju'il  parle  au  désavantage  deia/o«,  il  entend 
la  loi  cérémonielle,  civile  et  politique;  dans 
les  seconds,  il  est  question  de  la  loi  morale. 
Sans  cette  distinction,  il  serait  impossible  de 
rien  entendre  à  la  doctrine  de  saint  Paul  ; 
mais  il  est  aisé  d'en  démontrer  la  justesse, 
fin  effet,  saint  Paul  attaque  l'erreur  des  ju- 
daisants,  qui  soutenaient  que  pour  être  sau- 
vé il  ne  suffisait  pas  de  croire  en  Jésus-Christ, 
et  d'observer  les  lois  morales  renouvelées 
dans  l'Evangile,  mais  qu'il  fallait  encore  pra- 
tiquer la  circoncision  et  les  autres  obser- 
vances légales.;  erreur  condamnée  par  les 
apôtres  dans  le  concile  de  Jérusalem  {Acl. 
xv).  Ainsi,  par  la  loi,  les  Juifs  entendaient 
principalement  la  loi  cérémonielle.  Consé- 
i)uemment,  dans  ÏEpitre  aux  Romains,  saint 
Paul  combat  le  préjugé  des  juifs,  qui  se  flat- 
taient (l'avoir  mérité  la  grâce  de  l'Evangile 
et  le  salut,  parce  qu'ils  avaient  observé  la  loi 
mosaïque.  Dans  VEpitre  aux  Galates,  l'Apôtre 
reproche  à  ces  nouveaux  convertis  de  s'être 
laissé  séduire  par  de  faux  docteurs,  qui  leur 
avaient  persuadé  que  la  circoncision  et  les 
observances  légales  étaient  nécessaires  pour 
être  sauvé.  Dans  li  lettre  aux  Hébreux,  il 
cembat  de  nouveau  la  tiop  haute  idée 
que  les  Juifs  avaient  conçue  de  ia  sainteté 
ot  de  l'excellence  de  leurs  cérémonies. 
Or,  en  prenant  dans  ce  sens  la  loi  pour 
le  cérémonial  mosaiiiue,  tout  ce  que  dit 
Sv'iint  Paul  de  son  insuffisance,  de  son  inu- 


tilité, de  ses  défauts,  est  exactement  vrai. 

Le  sens  de  saint  Paul  est  encore  prouvé 
par  les  expressions  dont  il  se  serf.  Il  dit  que 
nous  ne  sommes  plus  suus  la  loi,  mais  sous 
la  grâce  {Rom.  vi,  14  et  15)  :  or,  nous  som- 
mes certainement  encore  sous  la  loi  morale, 
puisque  Jésus-Christ,  loin  de  l'abroger,  l'a 
confirmée  dans  son  s  rmon  sur  la  montagne 
et  ailleurs.  Partout  il  semble  opposer  la  io?  àla 
foi  :  or,  la  foi  n'est  point  opposée  à  la  loi  mo- 
rale ;  un  des  principaux  devoirs  imposés  par 
celle-ci  est  de  croire  à  la  parole  de  Dieu,  à  ses 
promesses,  h  ses  menaces.  11  dit,  la  loi  est 
survenue  (Rom.  v,  20);  peut-on  parler 
ainsi  de  la  loi  morale,  imposée  h  l'homme 
dès  le  commencement  du  monde  ?  La  loi, 
même  cérémonielle,  n'est  pas  survenue  pour 
faire  abonder  le  péché,  comme  certains  com- 
mentateurs veulent  traduire  ;  mais  de  ma- 
nière que  le  péché  est  devenu  plus  abondant  : 
cette  loi  a  été  l'occasion  et  non  la  cause  du 
péclié  ;  ainsi  saint  Paul  s'explique  lui-même 
iRom.  vil,  8  et  11).  Saint  Augustin  a  poussé 
tort  loin  cette  dispute  contre  les  Pélagiens. 
Pelage  avait  dit  :  La  loi  conduisait  au  royaume 
éternel  comme  l'Evangile,  ou  aussi  bien  que 
l'Evangile  [L.  de  Geslis  Pelag.,  c.  xi,  n°  23). 
Cette  fausse  maxime  renfermait  trois  erreurs: 
1°  elle  donnait  lieu  de  penser  que,  par  la  loi, 
Pél.ige  entendait,  comme  les  Juifs,  la  loi  cé- 
rémonielle; 2°  elle  égnlait  la  loi  à  l'Evangile, 
au  lieu  que  saint  Paul  la  met  fort  au-des- 
sous ;  3°  Pelage  entendait  la  loi  sans  la  grâce, 
puisqu'il  n'admettait  point  la  nécessité  de  la 
gr;ice  pour  les  bonnes  œuvres.  Saint  Augus- 
tin, pour  réfuter  ces  erreurs,  lui  opposa  tout 
ce  que  saint  Paul  a  dit  au  désavantage  île  la  ioj. 

A  la  vérité,  il  parait  que  s;iint  Augustin  a 
conslamment  entendu  le  passage  de  saint 
Paul ,  leoc  subintravit  ut  abundaret  delictum, 
dans  ce  sens  que  Dieu  avait  donné  aux  Juifs 
la  multituue  de  leurs  lois,  afin  que  fatigués 
de  ce  joug,  et  humiliés  par  le  nombre  de 
leurs  chutes,  ils  sentissent  le  besoin  qu'ils 
avaient  de  la  grâce,  et  la  demandassent  à 
Dieu  ;  mais  outre  que  ce  sens  n'a  été  donné 
aux  paroles  de  l'apôtie  par  aucun  des  pères 
qui  ont  précédé  saint  Augustin,  le  saint  doc- 
teur n'a  jamais  admis  que  Dieu  ait  tendu 
exprès  un  çiége  aux  juifs  pour  les  faire  pé- 
cher, il  a  lui-môme  reconnu  que  le  texte  de 
saint  Paul  peut  avoir  le  sens  que  nous  y  avons 
donné  ci-dessus,  L.  i,  adSimpiic,  q.  1,  n°  17; 
Contra  adv.  legis  etprophet.,  I.  ii,  c.  11,  n"  36. 
11  ne  s'ensuit  donc,  ni  de  la  doctrine  de  saint 
Paul,  ni  de  celle  de  saint  Augustin,  que  la 
loi  mosaïque,  à  la  prendre  dans  sa  totalité, 
ait  été  mauvaise,  défectueuse,  indigne  de 
Dieu,  incapaljle  de  rendre  juste  un  juif  qui 
l'observait  avec  intention  d'obéir  à  Dieu,  et 
avec  le  secours  de  la  grâce. 

VI.  Quelle  est  donc  la  différence  qu'il  y  a 
entre  la  loi  mosaïque  et  l'Evangile  ?  Les  théo- 
logiens la  réduisent  à  plusieurs  chefs,  d'a- 
près ce  qu'en  dit  saint  Paul.  Saint  Jean  l'in- 
dique en  deux  mots,  en  disant  :  «  La  loi  a 
été  donnée  par  Moïse,  la  grâce  et  la  vérité 
sont  venues  par  Jésus-Christ  {Joan.  i,  17). 

1°  Dans  la  loi  de  Moïse,  les  graiids  mystères 


369 


LOI 


LOI 


870 


(ie  noire  it-ligioii,  la  sainte  Trinité,  l'incarna- 
tion, la  rédemption  du  mond'^  i)ar  Jésus- 
Christ,  etc.,  ne  sont  révélés  que  d'une  uia- 
nièro  assez  obsoure,  au  lieu  qu'ils  le  sont 
beaucoup  plus  clairement  dans  l'Evangile. 
Dans  celui-ci,  les  promesses  d'une  ri;com- 
pense  éternelle  pour  la  vertu,  les  menaces 
d'un  chAtiment  éternel  pour  le  crime,  sont 
beaucoup  plus  formelles  que  dans  l'ancienne 
loi  :  Jésus-Christ,  dit  saint  Paul,  a  mis  en 
lumii^'re  la  vie  et  l'immortalité  par  l'Evangile 
(//  Tim.  I,  10).  Les  lois  morales  y  sont  mieux 
développées  ;  il  n'y  est  plus  question  do  la 
multitude  des  cérémonies  et  d'usages  oné- 
reux auxquels  les  Juifs  étaient  assujettis  dans 
presque  toutes  leurs  actions.  —  2°  La  loi 
montrait  aux  Juifs  ce  qu'ils  devaient  faire  ou 
éviter  ;  mais  Dieu  n'y  avait  pas  ajouté  une 
promesse  formelle  de  leur  accorder  la  grAce 
pourtoutes  leurs  actions  ;  cette  grAce  leur  était 
donnée  en  considération  di'S  mérites  futurs 
du  Rédempteur,  mais  avec  moins  d'abondance 
que  Jésus-Cluist  ne  l'a  répandue. lui-même. 
En  disant  :  Celui  qui  croira  et  sera  baptisé  sera 
sauvé  (Marc,  xvi,  16j,  il  a  attaché  au  baptême 
un  titre  pour  obtenir  toutes  les  grAces  dont 
nous  avons  besoin  ;  il  les  répand  en  effet 
dans  nos  cœurs  par  ce  sacrement  et  par  tous 
les  autres  qu'il  a  institués.  C'est  pour  cela 
que,  selon  saint  Paul,  la  loi  ne  rendait  pas 
1  homme  juste,  au  liei  que  l.i  justice  nous  est 
donnée  par  la  foi  et  par  les  sacrements.  — 
3°  Le  principal  motif  qui  engageait  un  juif  à 
observer  la  loi  était  la  crainte  des  peines 
temporelles  et  des  mnlédictions  dont  Dieu 
menaçait  les  infiattcurs  ;  un  grand  nombre 
de  lois  portaient  la  peine  de  mort.  Au  con- 
traire, le  motif  dominant  qui  excite  un  chré- 
tien à  la  vertu  est  la  connaissance  de  la  bonté 
de  Dieu,  le  souvenir  de  ses  bienfaits,  la  cer- 
titude d'en  obtenir  encore  de  plus  graiiils, 
par  conséquent  l'amour  ;  de  lii  saint  Paul  dit 
que  l'anciimie  loi  était  gravée  sur  la  pierre, 
au  lieu  que  la  nouvelle  est  gravée  dans  nos 
cœurs  par  le  Saint-Esprit  ;  il  dit  que  la  pre- 
mière était  faite  pour  des  esclaves,  la  se- 
conde piiur  des  enfants  qui  envisagent  Dieu, 
non  comme  un  maître  redoutable ,  mais 
comme  un  père  tendre  et  miséricordieux. 
Aussi  la  loi  ancienne  est  appelée  par  les  apô- 
tres mêmes  un  joug  insupportable  {Act.  xv, 
'10j;au  lieu  que  Jésus-Christ  appelle  ses 
lois  un  joug  rempli  de  douceur  et  un  fardeau 
léger  [Matth.  xi,  30).  —  h-"  La  loi  mosaïque 
était  pour  les  Juifs  seuls  ;  elle  était  relative 
au  climat  et  à  l'état  d'une  nation  séparée  de 
toutes  les  autres  ;  elle  ne  pouvait  durer 
qu'autant  que  les  Juifs  demeureraient  en  pos- 
session de  la  Palestine,  et  y  formeraient  un 
corps  de  république.  L'Evangile  est  pour 
tous  les  temps  et  pour  toutes  les  nations  ;  il 
est  destiné  à  réunir  tous  les  hommes  en  so- 
ciété religieuse,  universelle.  C'est  pour  cela 
même  que  Jésus-Christ  n'a  |)oint  établi  de 
lois  civiles  ni  politiques  ;  son  Evangile  s'ac- 
corde avec  toute  loi  raisonnable  et  conlorme 
au  bien  commun.  On  ajoute  enlin  que  la  loi 
ancienne  n'était  que  la  tigure  de  ce  que  Dieu 
devait  faire,  accorder  et  prescrire  sous  la  loi 


nouvelle  ;  ce  caraotère  sera  expliqué  dans  le 
paragraphe  suivant. 

Nous  ne  réfuterons  point  ici  une  prétendue 
ditlerence  que  Luther  et  Calvin  ont  imaginée 
entre  la  loi  mosaïque  et  l'Evangile  ;  ils  ont 
dit  que,  selon  saint  Paul,  la  première  était  la 
/oî  CM  œuvre* ,  qui  attachait  le  salut  aux 
bonnes  œuvres,  qui  inspirait  à  un  juif  la  con- 
fiance à  ses  œuvres  :  au  lieu  que  l'Evangile 
ne  commande  que  la  foi,  n'attache  le  salut 

3u'à  la  foi,  ne  nous  parle  d'autre  justice  que 
e  celle  de  la  foi  ;  d'oii  il  s'ensuit  que  les 
bonnes  œuvres  sont  plutôt  un  obstacle  qu'un 
moyeu  de  salut  pour  un  ehrétien.  Cette  er- 
reur, justement  proscrite  par  le  concile  de 
Trente,  est  une  c<uiséquence  de  la  doctrine 
des  prétendus  réformateurs  sur  la  justice 
imputative  :  n  )us  en  avons  déjà  remarqué 
la  fausseté  aux  mots  Imputation,  Justifica- 
tion, LiBERTÉcHRÉTiENNE,  nous  cu  parlcrous 
encore  dans  les  articles  Loi  nouvelle  et  Bon- 
nes OEUVRES.  Il  suflit  de  remarquer  que  les 
novateurs  ont  maiicieusi'ment  abusé  des  ex- 
])ressions  de  saint  Paul  ;  par  les  œuvres,  cet 
aiiôlre  entend  évideiument  les  cérémonies 
et  les  usages  civils  de  la  loi  ancienne,  dont 
les  Juifs  soutenaient  la  nécessité  pour  le  sa- 
lut. Jamais  saint  Paul  n'a  pensé  h  nier  la  né- 
cessité et  l'utilité  des  œuvres  de  la  loi  mo- 
rale, telles  que  sont  l'amour  de  Dieu  et  du 
prochain,  les  actes  de  charilé,  de  justice,  de 
tempérance,  d'obéissance,  de  reconnaissance, 
etc.  Il  dit  au  contraire,  à  cet  égard,  que  ce 
ne  sont  pas  les  auditeurs  de  la  loi  qui  seront 
justiriés,mais  les  observateurs,  (ii,  13.) 

VIL  Une  autie  queslion  est  de  savoir  en 
quel  sens  el  jusqu'à  quel  point  la  loi  an- 
cienne était  figurative,  et  si  c'était  là  son  prin- 
cipal mérite. 

Dans  les  articles  Ecriture  sainte  ,  §  3, 
FiGURisME,  Figuriste,  uous  avous  remarqué 
l'abus  (lu  système  de  quelques  théologiens, 
qui  prétendent  que  tout  était  figuratif  dans 
l'ancienne  loi  ;  qui,  pour  expliquer  ce  qu'ils 
n'entendent  pas,  et  justifier  ce  dont  ils  ne 
voient  |)as  l'utilité,  ont  recours  à  des  allégo- 
ries ;  nous  avons  vu  que  les  fondements  de 
ce  système  ne  sont  pas  solides,  et  que  les 
conséquences  en  sont  dangereuses.  D'autre 
jiarl,  les  incrédules  s'en  sont  prévalus  jxjur 
tourner  enridiculeles  explications  mystiques 
de  l'Ecriture  sainte,  données  par  les  apôtres, 
par  les  évangélistes,  par  les  Pères  de  l'Eglise, 
par  lus  docteurs  juifs.  N'y  a-t-il  donc  pas  un 
milieu  à  garder  entre  ces  deux  excès  ?  — 
1°  L'on  ne  peut  pas  nier  qu'il  n'y  ait  des  li- 
gures dans  l'ancienne  loi  ;  saint  Paul  le  dit 
expressément ,  et  il  savait  que  c'était  la 
croyance  de  la  synagogue  ;  lui-même  en  re- 
marque et  en  explique  plusieurs  ;  d'autres 
sont  citées  dans  l'Evangile,  et  Jésus-Christ 
s'en  est  fait  l'application.  Il  est  certain  d'ad- 
leurs  que  le  style  ûguré  et  allégorique  a  été 
familier  à  tous  les  sages  de  l'antiquité  :  cette 
manière  d'instruire  servait  à  exciter  la  curio- 
sité et  l'attention  des  auditeurs,  et  à  rendre 
les  vérités  plus  sensibles  ;  Jésus-Christ  s'en 
est  servi  par  cette  raison.  Il  n'est  donc  pas 
étonnant  que  Dieu  l'ait  employée  par  l'organe 


371 


101 


LOI 


572 


de  Moïse  et  des  prophètes.  Ces  sortes  de  le- 
çons n'avaient  rien  d'indi'cent  ni  de  captieux  ; 
ce  qui  nous  paraît  obscur  ne  l'éfaitpas  dans 
ces  lemps-l^,  et  et'  qui  n'était  pas  suflisam- 
laont  entendu  pour  ie  moment,  devenait  in- 
telligible par  la  suite.  —  2'  Les  figures  re- 
Biarquées  dans  l'ancienne /oj  parles  écrivains 
du  Nouveau  Testament  sont  inconteslables, 
puisque  ces  auti'urs  sacrés  étaient  revêtus 
d'une  mission  divine  pour  expliquer  les 
sa  ntes  Ecritures  ;  celles  qui  ont  été  unani- 
mement aperçues  par  les  Pères  de  l'Kglise 
font  partie  de  la  tradition  et  doivent  être 
respectées  à  ce  titre  ;  toutes  les  autres  n'ont 
que  le  degré  d'autorité  que  mérite  un  auteur 
particulier.  Souvent  ce  sont  des  conjectures 
arbitraires,  opposées  les  unes  aux  autres, 
toujours  assez  inutiles,  et  qui  exposent  quel- 
qui'fois  nos  livres  saints  à  la  dérision  des 
incrédules.  —  3"  Il  est  évident  que  les  lois 
morales  de  l'Ancien  Testament  n'avaient  rien 
de  figuratif.  Jésus-Christ  les  a  expliquées, 
les  a  rendues  jilus  parfaites,  les  a  i-onfnm(''es 
de  nouveau  pnr  son  autorité  divine,  en  a 
rendu  l'nb-ervatinn  plus  silre  parles  conseils 
de  perfection.  Quant  aux  lois  civiles  et  poli- 
tiques, elles  étaient  relatives  au  caractère 
des  Juifs,  à  leur  besoin,  à  leur  situation; 
l'utilité  de  ces  lois  est  donc  incontestable, 
indrpendamrùent  de  toute  signification  mys- 
tique. 

Restent  donc  les  lois  cérémonieUes  qui  re- 
gardent le  culte  divin  ;  c'est  principalement 
dans  celles-ci  que  saint  Paul  fait  reuiarquer 
di's  figures  :  mais  les  cérémonies  légales 
n'avaient-elles  point  d'autre  utilité?  Sain! 
Paul  ne  l'a  pas  dit.  Il  affirme  seulement  qu(! 
c'étaient  des  éléments  vides  et  sans  force, 
incapables  de  donner  la  grAce,  ni  la  justice, 
ni  la  rémission  des  péchés  :  tout  cela  est  vrai  ; 
mais  il  ne  l'est  pas  moins  qu'elles  avaient  un 
autre  but.  Les  unes  étaient  des  monuments 
des  prodiges  que  Dieu  avait  opérés  en  faveur 
de  son  peuple,  comme  la  pâque  et  l'oblation 
des  premiers-nés  ;  les  autres,  une  reconnais- 
sance du  souverain  domaine  de  Dieu  et  de 
sa  providence  bienfaisante ,  comme  les  of- 
frandes et  les  sacrifices.  Par  les  sacrifices 
pour  le  péché,  l'homme  se  reconnaissait  cou- 
pable ;  par  les  abstinences,  il  réprimait  la 
gourmandise  ;  l'ustge  de  ne  point  ramasser 
les  gianuies  pendant  la  moisson,  mettait  un 
frein  à  l'avarice  ;  les  purifications  et  les  pré- 
cautions de  propreté  inspiraient  le  respect  pour 
le  culte  du  Seigneur,  etc.  Ces  cérémonies 
étaient  donc  des  actes  de  vertu,  lorsqu'elles 
étaient  observées  par  un  motif  d'obéissance 
et  avec  une  intention  pure;  elles  ne  don- 
naient pas  la  grâce,  mais  elles  excitaient 
l'homme  à  la  demander  :  saint  Paul  n'a  pas 
en.seigné  le  contraire.  Il  n'est  donc  pas  be- 
soin de  recourir  au  sens  figuratif,  pour  jus- 
tifier la  loi  cérdmoniclle.  Ajoutons  que  si  cette 
loi  n'avait  point  eu  d'autre  utilité  que  de  fi- 
gurer des  événements  futurs,  le  législateur 
aurait  été  très-répréhensible  de  ne  pas  ex- 
pliquer aux  Juifs  ce  sens  figuratif,  sans  le- 
quel la  loi  ne  leur  servait  de  rien  :  or,  nous 
^^  trouvons  dans  l'Ancien  Testament  aucune 


de  ces  explications.I!  serait  ridicule  de  dire  que 
Dieu  a  donné  aux  Juifs  des  lois  inutiles  pour 
eux,  dont  le  sens  ne  devait  être  connu  que 
quinze  cents  ans  ajirès,  par  ceux  qui  ne  se- 
raient plus  obligés  à  ces  lois.  Saint  Paul  par- 
lant de  la  loi  du  Deutérononie,  Vous  ne  lierez 
point  le  mufle  du  bœuf  qui  foule  le  grain,  dit: 
n  Dieu  prend-il  donc  soin  des  bœufs?  n'est- 
ce  pas  plutôt  iiournous  que  ces  paroles  ont 
été  dites  (/  Cor.  iv,  9].  »  2\ssurémont,  Dieu 
n'avait  pas  porté  cette  loi  pour  l'utilité  des 
b.>  u';'s,  mais  pour  réprimer  l'avarice  des  Juifs  ; 
aucun  d'eux  ne  pouvait  deviner  que  par  là 
Dieu  voulait  pourvoir  d'avance  à  la  subsis- 
tance des  ministres  de  l'Evangile.  L'argument 
de  saint  Paul  se  réduit  à  dire  :  Si  Dieu  n'a 
pas  voulu  que  l'on  refusât  la  nourriture  à  un 
animal  qui  travaille,  à  plus  forte  raison  ne 
veut-il  pas  qu'elle  soit  refusée  à  ceux  qui 
annoncent  rÉv.angile.  Il  est  encore  plus  évi- 
dent que  le  sens  figuratif  ne  peut  pas  servir  à 
justifier  une  action  criminelle  ou  répréhen- 
sible  en  elle-même  :  Saint  Paul  n'en  a  jamais 
fait  cet  usage.  Saint  Augustin  reconnaît  que 
ce  serait  unabus.L.i/,  contra Fauslum,c.k2. 
foy.  FiGURisME.  S'il  lui  est  arrivé  d'y  tomber, 
il  ne  faut  pas  l'imiter  en  cela. 

On  ne  doit  pas  pousser  le  sens  des  expres- 
sions de  saint  Paul  plus  loin  que  ne  l'exige 
le  dessein  de  cet  apôtre  :  il  voulait  di'truire 
la  folle  confiance  que  les  Juifs  mettaient  dans 
leurs  observances  légales,  et  leur  prouver 
qu'elles  n'étaient  plus  nécessaires  au  salut 
depuis  la  venue  du  Messie;  conséquemment, 
il  leur  en  montre  le  vide  et  l'inefficacité,  en 
comparaison  des  grâces  attachées  k  l'Evan- 
gile et  à  la  foi  en  Jésus-Christ.  L'inutilité  des 
premières  était  donc  comparative  et  ni  in  abso- 
lue, autrement  saint  Paul  se  serait  contredit  ; 
il  reconnaît  que  c'était  un  très-grand  avan- 
t.ige  pour  les  Juifs  d'avoir  entendu  les  paroles 
de  Dieu.  Or,  c'est  principalement  par  leurs 
lois  que  Dieu  leur  avait  parlé  {Rom.  m,  2j. 
Dieu  est  trop  sage  pour  avoir  imposé  aux 
Juifs  des  lois  inutiles  pour  eux.  Lorsque 
Moïse  fait  l'éloge  de  ces  lois,  il  n'en  excepte 
aucune  (Deut.  ly,  6,  etc.) 

VIII.  Une  dernière  question  est  d'exami- 
ner si  la  loi  de  Moïse  a  dû  toujours  durer. 
Les  Juifs  le  prétendent,  et  les  incrédules  ont 
trouvé  bon  de  faire  valoir  les  arguments  des 
Juifs  pour  combattre  la  divinité  du  christia- 
nisme. On  comprend  d'abord  que  cette  dis- 
pute ne  peut  pas  regarder  la  loi  morale;  celle- 
ci  a  été  portée  pour  tous  les  hommes ,  de- 
puis le  commencement  du  monde,  et  Jésus- 
Christ  l'a  confirmée  pour  jusqu'à  la  fin  des 
siècles  :  il  s'agit  donc  principalement  de  la 
loi  cérém.onielle.  Comme  cette  question  de- 
mande quelques  observations  préliminaires, 
nous  en  ferons  le  sujet  de  l'article  suivant. 

Loi  cÉKÉMONiELLE.  C'cst  le  rccucil  des 
lois  par  lesquelles  Moïse  avait  prescrit  aux 
Juifs  la  manière  dont  ils  devaient  honorer 
Dieu,  les  rites  qu'il  fallait  observer,  les  pra- 
tiques dont  ils  devaient  s'abstenir;  c'était,  à 
proprement  parler,  le  rituel  de  la  religion 
mosaïque.  Il  est  renfermé  principalement 
dans  le  Lévitique. 


575 


LOI 


LOI 


374 


Nous  ne  connaissons  aucune  partie  de  Van- 
ciftmeloi,  qui  ait  donné  lieu  à  îles  erreurs 
})lus  opposées.  Les  incrédules  anciens  et  mo- 
dernes ont  soutenu  que  le  culte  presirit  aux 
Juifs  était  non-seuleiuent  grossier  et  dégoû- 
tant, mais  absurde,  indécent,  superstitieux, 
indigne  de  la  m.ijesté  divine.  Quelques  au- 
teurs ,  qui  ont  réfuté  ce  reproche,  l'ont  ce- 
penilant  autorisé  à  ipielqurs  égards ,  en  di- 
sant qu'une  l'arlie  des  rites  judaïques  était 
empruntée  des  païens;  d'autres  ont  assez 
mal  justifié  ces  rites .  en  soutenant  qu'ils 
étaient  figuratifs.  Les  Juifs,  au  contraire,  en- 
têtés de  leur  cérémonial  à  l'excès,  y  ont  at- 
taché une  idée  de  sainteté  (>t  d'excellence 
iju'il  n'avait  pas;  ils  nnt  prétondu  (pie  Dieu 
l'avait  établi  pour  toujours  ,  qu(^  le  Messie 
devait  être  envoyé,  non  pour  abolir  la  loi  cé- 
rémonielle,  m  is  jiour  la  confirmer  et  y  sou- 
mettre toutes  les  nations  :  un  des  principaux 
griefs  qui  les  indispose  cnnire  le  christia- 
nisme, est  l'ahdHtion  de  cette  loi.  Les  incré- 
dules, attentifs  h  saisir  toules  les  occasions 
de  combatîre  notre  religion,  n'ont  pas  rnan- 
qué  de  soutenir  que  la  prétention  des  Juifs 
est  mieux  fondée  que  la  riùtre.sur  le  texte 
des  livres  saints;  que  Jésus-t'IuisI  et  s(!S 
apôtres  n'avaient  aucune  inlentinn  d'abolir 
lis  rites  mosaïques,  mais  que  saint  Paul  en 
forma  le  projet  ixnir  justifier  sa  désertion  du 
judaïsme,  et  gagner  plus  aisément  les  païens; 
que  c'est  lui  qui  est  l'auteur  du  christia- 
nisme tel  que  nous  le  professons. 

Pour  terminer  cette  dispute,  nous  avons  à 
prouver,  1"  que  le  culte  établi  par  Moïsi^ 
élail  fondé  sur  des  raisons  solides;  2"  qu'il 
n'était  ni  intligne  de  Di*  u,  ni  superstitieux, 
ni  emprunté  des  païens;  3°  que  l'entôteiiient 
des  Juifs  pour  leurs  cérémonies  *  loin  d'étro 
appuyé  sur  le  texte  des  livres  saints,  y  est 
directement  contraire;  k-  que  Dieu  ne  les 
avait  point  établies  pour  duier  toujours; 
5°  querinlentionde  Ji'sus-Ghrist  ei  des  apô- 
tres ne  fut  jamais  de  les  conserver.  Nous 
abrégerons  cette  discussion  le  plus  qu'il  nous 
sera  possible. 

l.  Aux  mots  Culte  et  Cérémome,  nous 
avons  prouvi''  la  nécessité  des  rites  exlérii'urs, 
pour  entretenir  la  religion  paimi les  hommes, 
et  en  faire  un  lien  de  société;  nous  avons 
fait  voir  que  Diiu  en  a  prescrit  aux  houuues 
depuis  le  commencement  du  monde;  qu'un 
très-grand  nombre  de  rites  commandes  aux 
Juifs,  comme  les  offrandes,  les  saerilices,  1-s 
repas  communs,  les  fiHes,  les  ablutions,  les 
libations  ,  les  purifie  itions  ,  les  abstinenc  s, 
les  consécraiions,  etc.,  avaient  déjii  été  ob- 
servés par  les  patriarches;  qu'ainsi  ces  rites 
n'étaient  pas  nouveaux  pour  les  Juifs.  Vuy. 
Liturgie,  Offkam»e,  etc. 

Nous  ne  jtouvons  témoigner  à  Dieu  nos 
sentiments  de  respect,  de  reconnaissance,  de 
soumission,  etc.,  par  d'autres  signes  que  par 
ceux  dont  nous  nous  servons  pour'  les  faire 
Connaître  aux  hommes  :  il  est  donc  évident 
que,  dans  tous  les  temps,  les  rites  doivent 
Être  analogues  au  ton  des  mœurs;  consé- 
quemifient,  tians  les  pr.iniers  Ages  du  monde, 
lorsque  les  mœurs  étaient  encore  informes 


et  gpos-siéres,  les  eérémonies  religieuses  ont 
dû  s'en  ressentir;  ce  ijui  nous  paraît  aujour- 
d'hui rebutant  et  imh'cent,  ne  l'était  pas  pour 
loi's.  Nous  avons  autant  do  tort  de  le  conaam- 
ner,  que  de  bl.lmer  les  usages  des  nations 
moins  policées  que  nous,  telles  que  sont  les 
Arabes  ,  les  Tartares  et  d'auti  es  peuples  no- 
mades, chez  lesquels  on  retrouve  encore  les 
nueursdes  patriarches.  Prouvera-t-on  jamais 
que,  pour  donner  aux  anciees  pi'uples  une 
religion  convenable  ,  Dieu  a  dil  rendre  leurs 
mœurs  et  leurs  usages  semblables  aux  nô- 
tres? Notre  dégortt  pour  les  rites  anciens 
n'est  qu'un  témoignage  de  notre  ignorance. 
Les  voyageurs  qui  ont  comparé  les  différen- 
tes nations  de  la  tiTre,  et  (jiii  ont  eu  le  bon 
esprit  de  se  conformer  aux  rnœurs  des  pays 
dans  lesquels  ils  se  trouvaient,  n'ont  pas 
conservé  la  morue  pri'vention  pour  les  usages 
de  leur  jialrie,  que  ceux  cpii  n'en  sont  jamais 
sortis;  ils  ont  jugé  que  chez  nous,  comme 
airieui'S,  l'haliitiiiie,  en  fait  de  coutume,  l'em- 
pfute  souvi'ut  sur  la  raison.  Si  l'on  interro- 
geait, dit  Hérodote,  les  dilTérents  peuples  de 
la  terre,  et  qu'on  leur  demandAt  quelles  sont 
les  lois  ,  les  mo"^urs  ,  les  coutumes  les  meil- 
leures, chacun  ne  manc[ueiait  pas  de  répon- 
dre que  ce  sont  les  siennes. 

Nous  avons  encore  fait  voir  qu'en  géné- 
ral les  cérémonies  sont  très-bonnes  et  très- 
utiles,  lorsqu'elles  sont  tout  à  la  fois  une 
profession  de  foi  des  dogmes  qu'il  faut  croire, 
une  leçon  des  vertus  que  l'on  doit  pratiquer, 
et  un  lien  de  soeieté  (jui  réunit  les  hommes: 
toute  la  question  est  drinc  de  savoir  si  le  cé- 
ri'nionial  ju'iaique  renfermait  ces  trois  avan- 
tages. Quant  au  i)reiiiier,  il  est  évident,  \v<r 
l'histoire  sainte,  qu'au  siècle  de  Moïse,  tou- 
tes les  nations  dont  il  était  environné  étaient 
tombées  dans  le  polythéisme ,  dans  l'idolA- 
Irie  et  dans  tous  les  désordres  qui  en  sont 
inséparables.  11  était  donc  de  son  devoir  d'in- 
cnlqui  rpi'ofondémont  h  son  peuple  le  dogme 
capital  d'un  seul  Dieu,  créateur,  gouverneur 
(le  l'univers  ,  souverain  de  tous  les  pcLiples, 
arbitre  de  tous  les  événements;  de  multiplier 
les  rites  qui  attestaient  cette  grande  vérité; 
de  défendre  tous  ceux  qui  pouvaient  y  donner 
atteinte;  de  metire  ainsi  un  mur  de  sépara- 
tion entre  les  Hébreux  et  les  idol.'Ures.  Or, 
un  très-grand  nombre  des  rites  qu'il  prescrit, 
tendaient  évidemment  à  ce  dessein.  Si  plu- 
sieurs nous  jiaraissent  raiimtieux,  c'est  que 
lious  ignorons  jusqu'il  quel  point  les  ido- 
Inti  es  poussaient  la  su[ierstition  dans  les  cho- 
ses même  qui  avaient  le  moins  de  rap;iort 
cl  la  religion;  mais  on  ]ieut  s'en  former  une 
idée  l'u  lisant  le  poëme  d'Hésiode,  intitulé  : 
Les  trnvaiiT  et  1rs  jours.  Il  fallait  donc  pres- 
crire aux  Israélites,  dans  le  plus  grani^l  dé- 
tail, ce  qu'ils  devaient  faire  ou  éviter:  ils  n'é- 
taient pas  assez  instruits  pour  le  discerner 
eux-mêmes. 

Déj.^,  dans  l'article  précédent,  nous  avons 
fait  voir  que  la  plupart  des  rites  mosaïques 
n'étaient  pas  moins  destinés  h  inspirer  aux 
Juifs  les  vertus  religieuses  et  sociales,  la  sou- 
mission et  la  reconnaissance  envers  Dieu,  la 
charité  et  l'humanité  envers  leurs  frères,  la 


575  LOI 

femp(^r.inre,  le  désintéressement,  la  modéra- 
tion dans  les  désirs.  En  olfrant  à  Dieu  la  diine 
et  les  prémices,  un  juif  devait  se  souvenu' 
que  tout  vient  de  Dieu;  qu'il  fnut  lui  rendre 
hommage  et  actions  de  grâces  pour  tout;  que 
l'homme  n'a  droit  d'user  des  dons  du  Créa- 
teur qu'autant  qu'il   est   fidèle  aux  devoirs 
de  religion  :  il  payait  aux  prêtres  ,  aux  lévi- 
tes et  aux  pauvres  le  tribut  de  sa  reconnais- 
sance. La  défense  d'achetpr  les  fonds  à  per- 
pétuité lui   faisait  entendre  au'il  ne   dev.nt 
point  s'attacher  aux  biens  de    ce   monde; 
qu'ils  ne  f.iisaient  que  passer  entre  ses  mains  ; 
qu'il  devait  se  borner  n  faire  valoir  par  sou 
travail  les  fonds  desquels  Dieu  était  le  vrai 
propriétaire.  Le  repos  de  la  terre  à  chaque 
septième  année,  l'obligation  d'en  abandonner 
les  fruits  aux  pauvres,  aux  étrangers,  aux 
veuves,  aux  orphelins,  la  dîme  établie  tous 
les  trois  ans  à  leur  profit,  lui  apprenaient  à 
les  aimer  comme  ses  frères ,  à  les  respecter 
comme  tenant  la  place  de  Dieu  et  comme  re- 
vêtus  de  ses  droits.  A  la  vue  de  la  récolte 
abondante  qtii  arrivait  à  la  sixième  année, 
pour  le  dédomina.^er  du  repos  de  l'année  sui- 
vante, il  devait  prendre  une  entière  confiance 
à  la  Providence,  et  adorer  la  fidélité  avec  la- 
quelle Dieu  remplit  ses   promesses.   Aucun 
Hébreu  ne  devait  demeurer  esclave  à  perpé- 
tuité ,  parce  que  lous  appartenaient  k  Dieu, 
qui  les  avait  aflVancliisdala  servitude  de  TE- 
gypte  pour  en  l'aire  son  peuple  et,  pour  ainsi 
dire ,  sa  famille  particulière.  Les  attentions 
même  de  propreté,  les  purifications,  les  absti- 
nences accoutumaient  les  Juifs  à  une  décence 
de  miEurs  qui  ne  se  trouve  point  clie/  les 
peuples  barbares  ,  et  qui  contribue  h  répri- 
mer les  excès  violents  des  passions.  Peut-on 
nier  que  toutes  ces  lois ,  soit  cérémonielle», 
soit  politiques,  n'aient  contribué  à  rendre  les 
juifs  sociables ,  à  entretenir  parmi  eux  l'u- 
nion ,  la  paix  ,  l'humanité  ,  la  douceur  des 
mœurs?  Les  attentions  de  propreté  et  la  sa- 
lubrité   du    régime  étaient  très-nécessaires 
dans  un  climat  aussi  chaud  que  la  Palestine, 
et  dans  un  voisinage  aussi  dangereux  que 
celui  de  l'Egypte.  Depuis  que  ces  lois,  qui 
paraissent  minutieuses,  ont  été  négli-çées  jiar 
les  mahoniétans ,  l'Egypte  et  l'Asie  sont  de- 
venues le  foyer  de  la  peste;  et  plus  d'une 
fois  ce  fléau  ,  propagé  de  proche  en  proche, 
a  ravagé  l'Europe  entière.  Il  a  fallu  des  siè- 
cles pour  extirper,  en  Occident,  la  lèpre  ap- 
portée de  l'Asre  par  les  armées  des  croisés. 
Les  précautions  que  Moïse  avait  prises  ne 
furent  pas  infructueuses ,  puisque  Tacite  a 
remarqué    qu'en    général   les    Juifs  étaient 
sains  et  vigoureux  :  Corporahominum  salu- 
bria  (itque  fcrcntia  laborutn.  Ceux  qui  préten- 
dent que  parmi  ces  pratiques  il  y  en  a  plu- 
sieurs qui  sont  puériles  ,  superflues  ,   indi- 
gnes de  l'attention  d'un  sage  législateur,  en 
jugent  aussi  mal  que  les  mauvais  physiciens, 
qui,  faute  de  connaître  la  nature,  décident 
qu'il  y  a  une  infinité  de  choses  inutiles  ou 
défectueuses  parmi  les  ouvrages  du   Créa- 
teur. 

IL  Dès  que  les  lois  cérémonielles  étaient 
toutes  fondées' sur  des  raisons  solides,  pour- 


LOl 


576 


quoi  auraient-elles  été  indignes  de  Dieu? 
Est-il  donc  indigne  de  la  sagesse  et  de  la 
bonté  divine  de  pohcer,  par  la  religion,  une 
nation  qui  ne  l'est  pas  encore  ;  de  montrer 
qu'il  est  le  père  et  le  proiecteurde  la  société 
civile;  de  donner  aux  peuples  encore  bar- 
bares le  modèle  d'une  bonne  législation? 
Celle  des  Juifs  aurait  contribué  au  bonheur 
de  tous ,  s'ils  avaient  voulu  profiter  de  cette 
leçon  (1). 

Un  culte  n'est  point  indigne  de  la  majesté 
divine,  lorsqu'il  lui  est  rendu  par  obéissance 
et  avec  une  intention  pure.  11  est  sans  doute 
fort  indifférent  à  Dieu  qu'on  lui  olfre  la  chair 
des  animaux,  les  fruits  de  la  terre,  ou  le  pain  , 
et  le  vin  travaillés  par  les  hommes;  que  l'on 
se  découvre  la  tête  ou  les  pieds  pour  lui  té- 
moigner du  respect  :  mais  Dieu  a  pu  pres- 
crire l'un  plutôt  que  l'autre,  selon  les  temps 

(1)  Un   but  sublime  occupe  toute   la  pensée  de 
Moise.  Il  veut    que  les  descendants  d'Abraham  ne 
prostituent  iamais  leurs  adorations  ;i  des  dieux  su- 
balternes. Il  veut  que  dans  le  sein  de  cette  vaste   fa- 
mille on  retrouve,  après  de  longs  siècles,  sans    mé- 
lange et  sans  corruption,  les  plus  précieuses  maxi- 
mes et  pour  la   religion  ei  pour  la  société.  Et  parce 
que  les  l'Hes  païennes,  pleines  de  pompe  et  de  spec- 
tacle,  pouvaient  donner   aux  Hébreux  du  dégnùl  et 
du  mépris  pour  un  cuile  plus  simple  et   moins  biil- 
lant,  il  voulut  aussi  donner  des  rites  à  sa  religion  et 
en  revètiide  cérémonies  les  plus  augustes  mystères. 
Il  établit  donc  des  solennités  et  en  (ixa  le  retour,  il 
commanda  des  sacrifices  et  en  ordonna  les  détails;  il 
presciivii  des  jeûnes,  et  à  certains  jours  la  cessation 
des  œuvies  serviles.  Il  lit  les  règlements  les  plus  mi- 
nutieux. I.a  plupart  rions  apparaissent  sous  l'inspira- 
tion du  motif  qui   lei  a  dictés  ;  quelques-uns   nous 
étonnent  par  leur  peu   d'importance,    frappent  par 
leur  singularité  ou  choquent  par  leur  indélicatesse  ; 
et  cependant,  en  somme,  ils  sont  une  œuvre  admira- 
ble et  de  l'amour  le  plus  éclairé,  et  de  la  politique  la 
plus  adroite.  Cette  législation  ne  pourrait  être  dépré- 
ciée que  par  Thomme  ignorant  et  irréfléchi,  qui,  ne 
s'entendant   pas   a    la  valeur   des  temps,  mesure  le 
passé  aux  exigences  du  présent,  flétrit   sottement  ce 
qu'il  ne  retrouve  pas  dans  sa  vie  privée,   ou   ce   qui 
ne  lui  retrace  pas  ses  habitudes  ;  blessé  de  quelques 
apparentes  imperfections,  il  en  rend  responsalile  le  lé- 
gislatem-,   plutôt  que  le  peuple   intraitable  auquel 
sont  destinées  ces  lois.  Si  on  prenait  de  tels  princi- 
pes pour   règle  de  jugement,  il  n'y  aurait  pas  une 
seule  législation   qui   pût  en  supporter     l'épreuve. 
Qu'on  tienne  compte  à  Moise  des  honnnes,  des  temps, 
des  pays,  et  sa  législation   sera   l'œuvre  d'un   sage. 
S'il  charge  son  code  de  pratiques,  s'il  nudtiplie  les 
observar.ces,  s'il  leur  imprime  un  caractère  qui  nous 
étonne,  s'il  assure  l'exécution  de  ses  mesures  par  la 
terreur  des  châtiments,  c'est  parce  qu'il  faut  séparer 
son  peuple  des  autres  peuples,  placer  des  limites  in- 
franchissables, répi'imer  la   trop  facile  inclination 
des  siens,  en  gênant   et  en  bornant  leurs  l'elalions  ; 
c'est  pour  en  faire  un  peuple  digne  de  Jéhovah  ,  son 
roi  et  son  Dieu.  Dès  lors,  tout  acte  tdolàtrique    n'é- 
tait plus  seulement  une  impiété,  c'était   une   révolte 
contre  le  souverain,  un  crime   de  lèse-iuajeslé  qire 
tontes  les  législations  punissent  de  la  peine  des  par- 
ricides,  et   que  la  justice   divine  a  aussi  pu  ne  pas 
mi'iiager  sans  crainte  de  nuire  à  sa  bonté.  La  preuve 
enfin  (|ue  la  législation  de  Moise  était  ce  qu'elle  de- 
vait être,  c'est  qu'elle  :i  résisté  à  l'épreuve  des  temps. 
Trenie-tiois   siècles   de  durée,  soit  pendant  l'exis- 
tence du  peuple  Juif  en  corps  de  nation,  soit  depuis 
sa  dispersion,  téntoisnent  encore  de  la  bonté  de  ces 
insliluticins,    et  redisent   suffisamment  si  l'auteur  a 
bien  fait  d'en  presci'iie  la  rjgoureuse  exécution. 


377 


LOI 


LOI 


378 


et  selon  les  mœurs  d'une  nation;  et  lorsqu'il 
a  oidonnô  un  pitequelcoiiciue,  ce  n'est  point 
à  nous  (le  le  blâmer,  parce  qu'il  ne  s'accorde 
pas  avec  nos  usages  et  nos  pn'jugés  :  alors 
c'est  un  abus  de  terme  de  le  nommer  super- 
stitieux, puisque  ce  mot  signill'  ce  que 
l'homme  ajoute  de  son  chef  et  par  caprice  à 
ce  qui  est  commandé.  Voy.  Supeiistition. 

Mais,  dira-t-OM,  Jésus-Christ,  parlant  du 
nouveau  culte  qu'il  voulait  établir  au  lieu  du 
culte  mosaïque,  dit  :  Le  temps  est  venu  au- 
quel les  vrais  adorateurs  adoreront  le  Père  en 
esprit  et  en  vi'rité  IJoaii. ,  iv,  23).  Donc  il 
sujiposeque  les  Juifs  n'adoraient  point  ainsi, 
que  le  culte  était  défectueux  et  purement 
matériel. 

Nous  convenons  qu'un  grand  nombre  de 
Juifs  tombaient  dans  ce  défaut;  Jésus-Clirist 
le  l(^ur  a  souvent  reproché;  il  a  répété  la 
plainte  que  Dieu  faisait  déjà  piu-  Isaio  :  Ce 
peuple  m'honore  des  lèvres,  mais  son  cœur  est 
&(>«  èloifpiè  de  moi  [Malth.  xv,  8).  Mais  c'é- 
tait leur  faute,  et  non  celle  de  la  loi,  qui  leur 
ordonnait  d'aimer  Dieu  et  de  le  servir  de  tnut 
leur  cœur  {Deut.  vi,  5;  \,  12,  etc.).  Adorer 
Dieu  en  esprit  et  en  vérité ,  ce  n'est  |ias  l'a- 
dorer sans  cérémonie  :  puisque  Jésus-Christ 
lui-même  a  observé  le  cérémonial  judaïque, 
il  a  établi  par  lui-môaii'  le  lji|)tème  et  l'eu- 
charistie; il  a  fait  étabhr  par  ses  apôtres  les 
autres  sacrements;  il  leur  a  donné  le  Saint- 
Esprit ,  en  soufflant  sur  eux;  il  a  béni  des 
enfonts  par  l'imiiosition  des  mains,  guéri  des 
malades  par  sa  salive  et  en  prononçant  des 
paroles  :  sont-ce  là  des  superstitions?  Adu- 
rer  en  esprit  et  en  vérité ,  c'est  avoir  dans 
l'esprit  le  sens  des  cérémonies ,  et  dans  le 
cœur  les  alfections  qu'elles  doivent  insjiirer  : 
voilà  ce  qui'  la  ])iu|iarl  des  Juifs  ne  faisaient 
pas. 

Est-on  mieux  fondé  à  dire  qu'une  partie 
des  rites  judaïques  était  emprunt('e  des  pai.'iis  ? 
Spencer,  qui  l'a  ainsi  soutenu,  de  Leijib. 
Hebr.  ritwdib.,  2'  [lart.,  lib.  m,  1"  dissert., 
n'est  pas  d'accord  avec  lui-même ,  puisiju'il 
reconnaît  que  la  jibipait  de  ces  rites  étaient 
destinés  à  condanuiei'  ceux  des  païens  et  à 
en  détourner  les  Juiis.  Dieu  avait  défendu  à 
ces  derniers  d'imiter  les  Egyptiens  et  les 
Chananéens  [Levit.  xvni,  2;  Deut.  xii,  30). 
.Vmau  disait  au  roi  Assuérus  que  la  religion 
juive  était  contraire  aux  autres  [Esther.  m,  8). 
Diodore  de  Sicile,  Manétbon,  Slrabon,  Tacite, 
Celse,  en  parlent  de  même.  Conserver  un(.' 
partie  des  rites  des  idolAtres  eût  été  un  très- 
mauvais  mo.ven  do  détourner  les  Juifs  de 
l'idolAtrie;  c'aurait  été  [ilutôt  un  piège  pro- 
pre à  les  y  faire  tomber.  Les  preuves  que 
Spencer  allègue  pour  faire  voir  que  plusieurs 
cérémonies  juives  étaient  en  usage  chez  les 
païens,  sont  très-faibles  i'I  tirées  d'écrivains 
trop  modernes;  elles  donnent  ]ilutùt  sujet 
de  penser  que  les  nations  voisines  des  Juifs 
avaient  malicieusement  copié  plusieurs  de 
leurs  cérémonies,  atiii  de  débaucher  les  Juifs 
et  de  les  attirer  à  l'idoh'itrie.  Sans  recourir  à 
cett(^  sup|»osition,  l'on  sait  qu'une  bonne  par- 
tie des  nies  mosaïques  avait  été  pratiquée 
par  les  patriarches,  et  employée  au  culte  du 


vrai  Dieu,  avant  que  les  païens  en  eussent 
abusé  pour  honorer  des  dieux  imaginaires  : 
Moïse ,  en  les  ramenant  à  leur  destination 
primitive,  ne  faisait  que  revendiquer  un  bien 
qui  appartenait  à  la  vraie  religion.  Aussi,  le 
sentiment  de  Spencer  a  été  réfuté  par  le  Père 
Alexandre,  llisl.  écoles.,  tom.  1,  p.  40i  et 
suiv.  La  plupart  des  rites  que  l'on  prend 
pour  des  imitations  ont  été  évidemment  sug- 
gérés à  tous  les  peuples  par  la  nature  même 
des  choses,  par  le  besoin,  par  la  réllexion, 
sans  qu'il  ait  été  nécessaire  de  les  emiirunter 
d'ailleurs.  Ainsi ,  Speneer  convient  que  les 
olfrandes,  les  sacritices,  les  repas  communs, 
les  fêtes,  les  purifications,  les  abstinences, 
les  temples ,  les  symboles  de  la  présence  di- 
vine ,  ont  été  communs  à  tous  les  peuples. 
Sont-ce  les  Egi  ptiens  ou  les  Chananéens  qui 
les  ont  portés  aux  Indiens,  aux  La|)ons,  aux 
Américains,  aux  insulaires  de  la  mer  du  Sud  ? 
Il  a  sulli  à  tous  ces  peuples  d'avoir  la  plus 
légère  teinture  de  bon  sens,  pour  compren- 
dre l'énergie  et  la  nécessité  de  tous  ces  rites. 
Mais  Spencer  observe  très-bien  i|ue  Moïse 
en  avait  soigneusement  écarté  toutes  les  su- 
lierslitions  par  les([uelles  les  idolâtres  les 
avaient  allérés.  Il  donne  pour  exemple  des 
rites  imités  par  Moïse,  les  prophéties  et  les 
oracles,  le  tabernacle  et  les  chérubins,  les 
cornes  des  autels,  la  robe  de  lin  des  prêtres, 
la  cousécraliou  de  la  chevelure  des  nazaréens, 
les  eaux  de  jalousie  ,  la  cérémonie  du  bouc 
émissaire;  cette  imitation  est-elle  prouvée  ? 
Avant  que  !i\s  nations  païennes  eussent  de 
prétendus  prophètes  et  des  oracles ,  Dieu 
avait  parlé  aux  patriarches,  leur  avait  fait  des 
prédictions  et  des  promesses  :  il  avait  in- 
struit .Moïse  lui-même;  ce  législateur  n'avait 
donc  pas  besoin  de  rien  imiter,  ni  de  rien 
inventer.  Au  mot  Or.4cle,  en  recherchant 
l'origine  de  ceux  des  païens,  nous  verrons 
qu'ils  n'avaient  rien  de  commun  avec  l'orach; 
des  Hébreux. 

Il  est  naturel  qu'avant  d'avoir  des  maisons, 
les  peuples  nomades  aient  habité  sous  des 
tentes,  et  qu'avant  de  bâtir  des  temples  ,  ils 
aient  eu  pour  leurs  assemblées  religieuses 
des  tabernacles  portatifs.  Or,  les  Hébreux 
furent  errants  dans  le  désert  pendant  qua- 
rante ans.  Cette  circonstance  suffisait  donc 
liour  sentir  le  besoin  d'un  tabernacle,  dans 
let(uel  le  peu|)le  pût  s'assembler  et  où  les 
prêtres  pussent  faire  leurs  fonctions.  Il  en 
était  de  mC'nie  d'un  cotfre  ou  d'une  arche 
destinée  à  renfermer  les  symboles  de  la  pré- 
sence divine.  Des  voyageurs  disent  avoir 
trouvé  une  espèce  d'arciie  d'alliance  dans  une 
des  îles  de  la  mer  du  Sud;  les  insulaires 
l'appelaient  la  maison  de  Dieu;  il  n'y  a  pas 
d'apparence  que  cette  idée  leur  soit  venue 
des  Egyptiens.  Mais,  au  lieu  que  chez  les 
idolâtres  ces  sortes  de  coffres  renfermaient 
des  puérilités  ou  des  obscénités ,  Moïse  ne 
mit  dans  l'arclie  d'alliance  que  les  tables  de 
la  loi.  Spencer  n'a  pas  prouvé  qu'il  y  eût 
des  chérubins  en  Egypte  ni  ailleurs,  et  il  est 
forcé  de  convenir  que  l'on  ne  sait  pas  trop 
quelle  forme  avaient  ces  images  ou  statues. 
Ou  voit, à  la  vérité,  descomesauxaut/âlsdes 


579 


LOI 


LOI 


380 


Grecs  et  des  Romains;  mais  est-ii  sûr  que 
les  Egyptiens  avaient  des  autels  semblables  ? 
Ce  n'est  pas  assez  de  dire  que  les  Grecs 
avaient  tout  emprunté  des  E.^yptiens;  ce  a 
est  faux  :  rien  ne  ressemble  moins  à  la 
sculpture  égyptienne  que  celle  des  Grecs. 

Pourquoi  chercher  du  mystère  dansla  robe 
de  lin  des  prêtres?  Le  lin  était  commun  eu 
Egypte,  ot  il  n'étaU  pas  rare  dans  la  Palestine  ; 
irse  blanchit  mieux  et  plus  aisémeut  que  la 
laine  ;  0  est  moins  chaud,  et  par  conséquent 
plus  propre  aux  pays  méridionaux.  Les  ri- 
ches et  les  grands  le  préféraient  à  la  laine  ; 
-de  lîi,  les  robes  de  lin  éluent  les  habits  do 
cérémonies  :  elles  convenaient  donc  aux 
prôtri'S.  Dieu  avait  réglé  et  ordonné  tout  ce 
que  faisait  Moïse;  mais  il  n'avait  commandé 
que  ce  qui  coiivenai!  lu  mieux  au  temps,  au 
lieu,  aux  circonstances,  au  idées  gén  raie- 
mont  reçues.  Chez  les  Grecs,  les  longs  ciie- 
veux  embarrassaient  les  jeunes  gfus  dans  la 
liitie,  à  lâchasse,  dans  l'action  de  nager; 
conséquemment  ils  les  coupaient  et  les  coii- 
sacraient  aux  dieux  qui  pi  ésklaient  h  ces  di- 
vers exercices;  cela  était  naturel,  mais  n'avait 
rirn  decommun  avecleiiazaréatdes  Hébreux, 
ni  avec  les  mœurs  des  Egyptiens.  S.encer 
n'a  pas  prouvé  que  les  eaux  de  jalousie, 
ni  la  cérémonie  des  deux  boucs,  fussent 
en  usage  chez  aucun  peuple  ;  il  a  remarqué  , 
au  contraire,  que  le  sacrifice  d'un  de  ces 
aniiiiau.v  semidait  insulter  aux  Egyptiens  qui 
adoraient  h  s  boucs  à  Mendès,  et  que  l'obla-  ' 
tion  de  tous  les  deux,  faite  à  Dieu,  condam- 
nait la  dortrine  des  deux  principes,  fort 
commune  dans  l'Orient.  Julien,  de  son  côté, 
avait  rêv  ■  que  cette  cérémonie  expiatoire  des 
Juifs  était  relative  au  culte  des  dieux  aver- 
runci  :  l'une  de  ces  imaginations  n'est  pas 
mieux  fondée  que  l'autre.  D'autres,  plus  té- 
méraires, ont  dit  que  le  sacritice  de  la  vache 
rousse  venait  des  Egyptiens  ;  maislesauteuis 
anciens,  mieux  instruits,  cou. me  Hé;odote, 
1.  u,  c.  4.1  ;  Porphyre,  de  Abstin.,  sect.  1,  1. 
X,  cap.  27,  nous  apprennent  que  les  Egyp- 
tiens honoraient  les  vaches  comme  consacrées 
àlsis;  et  Manéthou  reproche  aux  Juifs  de 
contredire  les  Egyptiens  dans  le  choix  des 
victimes.  Votj.  Vache  roi;sse. 

Nous  sommes  obligés  de  réfuter  toutes  les 
vaines  conjectures,  parce  que  les  incrédules 
les  ont  adopt  'es.  Comme  il  a  plu  aux  pro- 
testants de  dire  que  les  cérémonies  tle  l'E- 
glise romaine  étaient  des  restes  de  paganisme, 
il  n'en  a  rien  CJÙté  pour  en  dire  autant 
des  cérémonies  juives;  mais  en  accusai it 
Mo  se  d'avoir  tnut  copié,  ils  ne  sont  eux-mê- 
mes que  les  copistes  des  manichéens  et  des 
autres  anciens  héréticjues.  Voy.  Temple, 
Sacrifice,  etc. 

IlL  11  n'est  pas  moins  important  de  détruire 
le  I  réjngé  des  Juifs  et  la  tiop  haute  idée 
qu'ils  ont  conçue  de  leur  loi  cérémonielle.  Ils 
prétendent  que  ce  culte  extérieur  donnait 
une  vraie  sainteté  à  ceux  qui  le  pratiq.  aient, 
qu'il  était  plus  méritoire,  plus  parfait,  plus 
agréalile  k  Dieu  que  le  culte  intérieur  :  il 
n'est  pas  vrai,  disent-ils,  que  ce  culte  fût  li- 


guratif,  comme  les  chrétiens  l'ont  imaginé  ; 
il  était  établi  pour  lui-même  et  à  cause  de 
sa  propre  excellence  :  ainsi,  il  n'y  a  aucune 
raison  de  croire  que  Dieu  ait  voulu  l'aboiir 
]ioiir  lui  en  subsister  un  autre. 

Mais  en  cela  les  Juifs  contre  lisent  le  texte 
sacré,  et   s'aveuglent  eux-mêmes.  —  1°  Ils 
abusent  du   terme  de  sainteté  qui   est   très- 
équivoque  en  hébreu  ;  en  g 'néral,  il  signifie 
la  destin  dion  d'une  chose  ou  d'une  p' rsonne 
au  culte  du  Seigneur  :  mais  souvent  il    n'ex 
prime  que  l'exemption  d'une  tache  ou  d'une 
souillure  corporelle.  Il  est  dit   d'une  femme 
qui  avait  conçu  par  un  crime,    qu'elle^  fut 
sanctifiée  de  son  impureté,  c'est-h-dire  qu'elle 
cessa  d'avoir  la  maladie  de  son  sexe  {Il  Heg. 
c.  XI,  V.  k).  L'eau  de  jalousie,  sur  laiiuelle 
le  jirêtre  avait   prononcé  des  malédictkjns, 
est  appelée  une  eau  sainte  {Num.  c.  v,  v.  17  ).  Il 
est  dit  quola  partie  delà  victime  réservée  pour 
le  prC'\V:'esl  sanctifiée  au  prêtre  (c.  vi,  v.  20). 
Enfin, tout  le  peuple  juif  est  appelé /a mM/n'^Mde 
des  saints  {  chap.  xvi,  v.  3  ).  Foj/.  Saiîjt,  Sain- 
teté. Dieu  répète  souv-'nt  aux  Juifs  :  Soyez 
saints,  parce  que  je  suis  saint  ;  mais  la  sain- 
teté de  Dieu  et  celle  des  Juifs  ne  sont  pas  la 
môme   chose.  La  sainteté  de  Dieu  consiste 
en  ce  qui!  ne  voulait  souffrir  dans  son  culte 
ni  le  cime,  ni  l'hypocrisie,  ni  la  négligence, 
ni  l'indécence  ;  celle  d'un  jnif  consistait   à 
éviter  tous  ces  défauts.  S'ensuH-il  de  lîi  qu'il 
était  aussi  sainî,  aussi  estimable,  aussi  agréa- 
ble à  Dieu,  en  faisant  des  cérémonies,  qu'en 
])r,itiquant  les  vertus  morales,  la  justice,  la 
chant.',  le  désintéressement,  la  chasteté,  etc.? 
—  2°  Dieu  a  témoigné  hautement  le  contraire  ; 
il  déclare  aux  Juifs,  par  Isase,   que  leurs  sa- 
critices,  leur  encens,  leurs  fêtes,  leurs  assem- 
blées  religieuses  lui  déplaisent,  parce  qu'ils 
sont  eux-mêmes  vicieux.  Purifiez-vous,  leur 
dit-il  ;  ûtez  de  mes  yeux  les   pensées  crimi- 
nelles, cessez  de  faire  le  mal,  apprenez  à  faire 
le  bien,  pratiquez  la  justice,  soulagez  le  mal- 
heureux opprimé,  soutenez  le  droit  du  pupille, 
prenez  la  défense  de  la  vernie  :  alors  venez  dis- 
puter contre  moi,  dit  le  Seigneur  ;  quand  vos 
péchés  seraient  rouges  comme    de   l'écarlate, 
vous  deviendrez  aussi  blancs  que  la  neige  {haie, 
c.  i,v.  16  ;c.  Lxvi,  V.  2).  La  même  morale 
est  répétée  par  Jérémie  (  c.   vu,  v.  21;    par 
Ezéchiel,  c.  xx,  v.5;  par  Michée,  c  vi,  v.6). 
Ezéchiel,  parlant  des  lois  cérémonielles,    les 
nomme  des  préceptes  qui  ne  sont  pas  bons, des 
lois  qui  ne  peuvent  donner  la  vie  {  c.  xx,v.25). 
Dieu  a  souvent  dispensé  ses  serviteurs  d'exé- 
cuter des  lois  cérémonielles,  jamais  il  n'a  dis- 
pensé personne  d'observer  les  lois  morales; 
il  est  donc  absolument  fjux  que  les  premiè- 
res soient  meilleures  et  plus  importantes  que 
les  secondes.  C'est  une  absurdité,  disent  les 
Juifs,  de  penser  qu'un  homme  quelconque 
peut  être  plus  saint  et  plus  agréable  à  Dieu 
que  Moise,  Samuel,  David  et  les  autres  per- 
sonnages desquels  Dieua  déclaré  la  sainteté. 
Soii.  Par  la  même  raison,  il  est  absuide  de 
soutenir  que  Moise,  Samuel  et  David  ont  été 
plus  saints  qu'Hénoch,  Noé,  Job  et  d'autres 
dont  Dieu  a  déelaié la  sainteté  :  ceux-ci  n'é- 
taient cependant  ni  cireoucis,  ni  sancliliés 


581  LOI 

par  la  loi  cérémonielU  des  Juifs  qui  n'existait 
l>as  encore  La  vraie  sainteti^  consiste  suis 
doute  à  exécuter  tout  ce  que  Dieu  prescrit, 
soit  par  la  loi  naturelle,  soit  par  des  loisi posi- 
tives, et  à  le  faire  de  la  manière  et  par  les 
motifs  qu'il  coiuniaode;  mais  on  ne  prou- 
vera jamais  que  tovit  le  (ju'il  oiiloniu'  par 
UH(,'  loi  positive  est  meilleur  et  plus  |»arfait 
que  ce  (ju'il  commande  par  la  loi  naturelle. 
— 3'  De  .«-avoir  si  la  loi  c('rémonielle  était  ou 
n'était  pas  ligurative,  c'est  une  question  qui  ne 
peut  pas  être  décidée  jiar  la  li'ttie  môme  de 
lâloi.  Il  il'étail  pa*-  ciinv;  nahie  qu'en  donnant 
ties  lois  aux  Hélueux,  Dieu  leur  révélât 
qu'elles  figuraienl  d'autres  lois  plus  parfaites, 
qui  seraient  établies  dau';  la  suit»;  ;  cette  pré- 
diction auiail  diminu.'  le  respect  et  rattache- 
ment ipie  ce  pcupC  devait  a\oir  pour  ses /o/s, 
et  n'aurait  ité  d'aucune  utilité  d'ailleurs. 
Mais  le  Jlessie  était  annoncé  comme  légis- 
lateur; c'était  donc  h  lui  do  révéler  aux 
Juifs  ce  que  leurs  pôns  avaient  i^^noié,  de 
leur  déveloiiper  le  vrai  sous  de  la  loi  ei  des 
prophètes.  Or,  Jésus-(3hrist,  seul  vrai  Messie, 
a  déilaré  par  ses  apôtres  que  la  lui  céremo- 
nielle  était  en  plusieurs  cluis^'S  une  ligure  d'; 
la  loi  nouvelle  ;  et  tel  a  été  le  sentimi'ut  des 
anciens  docteurs  juifs.  Voy.  Galatin,  1.  x,  et 
I.  xr,  c.  1.  Par  11  nature  même  de  laloicérc- 
nionielle,  il  csl  évident  que  son  utilité  était 
relative  et  non  absilue:  elle  convenait  au 
tenq)S,  au  lieu,  ;>  la  situation,  au  caractère 
particulier  des  Juifs;  mais  elle  ne  peut  con- 
venir ni  à  tous  les  siècles,  ni  à  tous  les  i)eu- 
ples,  ni  ^  tous  les  climats.  Klle  n'était  point 
iiguiative  en  toutes  choses,  et  son  principal 
mérite  n'était  jias  do  re|)résenler  des  événe- 
ments futurs  ;  mais  on  ne  peut  jias  y  mé- 
coiinaitre  les  li,^ures  qui' isaint  P.ul  y  a  mon- 
trées, et  (jue  les  Pères  de  l'hl^^lise  y  ont 
unanimement  aperçues.  Voy.  ]'a:ticle  précé- 
dent, §  7. 

Le  [iréjugé  des  Juifs,  en  faveur  do  leurs 
cérémonies,  est  venu  en  grande  partie  de  la 
haine  et  du  mépris  (pi'ils  avaient  conçus  con- 
tre les  autres  nations,  lorMpie  Ji'sus-Clirist 
pirut.  Comme  ils  avaient  été  tourmentés  suc- 
cessivement par  les  Egyptiens,  par  les  Assy- 
rimis,  par  les  Perses,  par  les  Cirées  et  par  les 
Romains,  ils  contractèrent  une  antipathie  vio- 
lente contre  les  gentils  en  général.  Ils  se 
persuadèrent  que  Dieu,  uniquement  attentif 
Il  leur  nation,  abandonnait  toutes  les  autres, 
n'en  prenait  pas  plus  de  soin  que  des  brutes  ; 
quelques-uns  de  leurs  rabl)ins  l'ont  dit  en 
TirO|ires  termes.  Ils  conclurent  qu'aucun 
nomme  ne  pouvait  prétendre  aux  bienfaits 
d  '  Dieu,  h  moins  (pj'il  no  se  lît  juif,  ([u'il  ne 
reçitt  la  circoncision,  et  ne  se  soumît  ii  toutes 
les  /o/s  juives.  Cette  préoccupation  les  aveu- 
gla sur  le  sens  des  prophélies,  leur  lit  mécon- 
naître Jésus-Christ,  les  indisposa  contre  l'E- 
vangile, parce  ipie  les  gentils  étaient  admis 
îi  la  foi  aussi  liien  que  les  Juifs. 

IV.  La  i|uej.tion  cejiendant  est  toujours  de 
savoir,  si,  en  donnant  aux  Jidl's  la  loi  c&é- 
monielle,  le  dessein  de  Dieu  était  qu'ede  du- 
rât toujours,  qu'elle  ne  iVH  jamais  abrogée  ni 
changée  :  lui  seul  a  pu  uous  instruire  de  sa 


LOI 


URi 


volonté  ;  nous  ne  pouvons  la  connaître  que 
jiar  la  révélation. 

Or,  en  premier  lieu,  dans  le  Deutéronome, 
c.  xvni,  V.  13,  Dieu  promet  aux  Juifs  un  pro- 
phète semblable  iiMose,  et  leur  ordonne  de 
l'écouter  :  un  propbète  ne  peut  pas  ressem- 
blera Moïse,  s'il  n'est  pas  législateur  comme 
lui.  Aussi,  en  parlant  du  Messie,  Isa;e  dit 
que  les  îles  ou  les  peuples  maritimes  atten- 
dront sa  loi  (  c.  xi.n,  V.  k  ).  Les  docteurs jwifs 
aneii  ns  et  modemes  en  conviei  nent.  Voi/. 
Galatin,  1.  x,  chap.  1  ;  Munimen  fidei,  1"  par- 
tie, c.  XX,  etc.  Comment  di  ne  jieut-on  pré- 
tendre que  le  Mess'O  n'établira  pas  une  loi 
nouvelle?  — En  second  lieu,  Dieu  dit  aux 
Juifs  par  Jérémie  :  Je  ferai  avec  la  maison 
d  Israël  et  de  Judu  une  nouvelle  alliame  diljc- 
rcntc  de  celte  que  j'ai  faite  avec  leurs  pères  , 
lorsque  je  les  ai  tires  de  l'Ef/i/pte,  par  laquelle 
fui  die  leur  maître,  mais  qu'ils  ont  rompue. 
Voici  l'alliance  que  je  ferai  avec  elles  :  Je  met- 
trai mu  loi  dans  leur  dîne,  et  je  l'écrirai  dans 
leur  cœur  :  je  serai  leur  Dieu,  et  elles  seront 
mon  peuple.  Un  particulier  n'enseignera  plus 
son  voisin,  en  lui  disant,  connaissez  le  Sei- 
ijneur  ;  tous  me  connaîtront,  depuis  le  plus 
petit  jusqu'au  plus  yiand;  je  pardonnerai 
leurs  pe'clu's  et  les  laisserai  dans  l'oubli  [Jerem. 
c.  xvxi,  V.  31  ).  Ces  ditrércnces  entre  l'une 
et  l'autre  alliance  sont  palpables.  En  vertu 
de  la  première,  Dieu  éuait  le  maitie  et  le  sou- 
verain temporel  des  Juifs  ;  jiar  la  seconde, 
il  sera  leur  Dieu.  Celle-là  était  écrite  sur  des 
tables  de  pierre  et  dans  les  livres  de  Moïse  ; 
celle-ci  sera  gravée  dans  le  cœur  des  iiom- 
raes.  L'ancienne  faisait  connaître  Dieu  aux 
seuls  Juifs,  la  nouvelle  le  fra  connaître  à 
tons  les  hommes.  L'une  ne  donnait  point  la 
rémission  des  péchés,  elle  les  punissait  sévè- 
rement; l'autre  les  eifacera  de  manière  ([ue 
Dieu  ne  s'en  souviendia  plus.  Saint  Paul  a 
relevé  avec  raison  ces  divers  caractères 
(  Uebr.  c.  vni,  v.  8,  etc.)  Les  rabbins  ]iré- 
tendent  que  cette  promesse  r-gaidele  i éta- 
blissement de  la  république  juive  après  la 
captivité  de  B.ib.v  loi. e  ;  mais  alors  rien  n'est 
a; rive  de  ce  (|ue  Dieu  promet  par  celte  pro- 
phétie ;  aussi  les  anciens  docteurs  juifs  con- 
venaient qu'elle  regarde  le  règne  du  Messie  : 
elle  s'est  accomplie  en  effet  à  l'avènement  de 
Jésus-Christ.  En  troisième  lieu,  Dieu  a  fait 
prédire  par  ses  prophètes  un  nouveau  sacer- 
doce, un  nouveau  sacrifice,  un  nouveau 
culte.  Sehm  le  psaume  cix,  le  sacerdoce  du 
Messie  doit  être  éternel,  non  selon  l'oidre 
d'Aaron,  mais  selon  l'ordre  de  Melcliisédecli. 
Ce  sacerdoce  ne  sera  plus  attaché  à  la  nais- 
sance ;  Isaïe  dit  que  Dieu  prendra  les  prêtres 
et  les  lévites  parmi  les  nations  {  c.  lxvi,  v. 
21  ).  Ils  n'exerceront  plus  leurs  fonctions  , 
comme  les  anciens,  dans  le  temple  de  Jéru- 
salem, mais  en  tout  lieu  selon  la  prédiction 
de  Malacliie(  c.  I,  v.  10;.  Daniel  déclare  qu'a- 
près la  mort  du  Messie,  les  victimes,  les  sa- 
crilioes,  le  temple,  seront  détruits  pour  tou-^ 
jours  (  c.  IX,  V.  27  ).  —  En  quatrième  lieu, 
la  loi  cerémonielle  était  évidemment  tiestinée 
à  séparer  les  Juifs  des  autres  nations  ;  c'est 
pour  cela  même  qu'elle  était  imposée  aux 


.■583 


LOI 


LOI 


384 


seuls  Juifs  :  «  Vous  serez,  leur  avait  dit  le 
Seigneur,  ma  possession  séparée  de  tous  les 
autres  peuples  (  Exod.  c.  xix,  v.  5  ).  Or,  Dieu  , 
a  déclaré  (ju'à  la  venue  du  :»'essie  toutes  les 
nations  seraient  appelées  à  le  connaître,  à 
l'ailorer,  à  observer  sa  loi  ;  les  Juifs  en  con- 
viennent. 11  est  donc  impossible  qu'à  cette 
époque  Dieu  ait  voulu  conserver  une  loi 
destinée  à  séparer  les  Juifs  des  autres 
nations. 

Il  n'est  pas  moins  absurde  de  vouloir  as- 
sujettir tous  les  peuples  à  la  loi  cérémonielle 
do  Moïse.  Celle-ci,  comme  nous  l'avons  déjà 
remarqué,  n'avait  qu'une  utilité  relative  au 
temps,  au  climat,  à  la  situation  paiticulière 
des  Juifs.  Le  culte  mosaïque  fut  attaché  ex- 
clusivement au   tabernacle,    et   ensuite  au 
temple  de  Jérusalem  ;  il   était   défendu  de 
faire  des  offrandes  et  des  sacrifices  ailleurs. 
La  loi  réglait  le  droit  civil  et  politiquD   des 
Juifs  aussi  bien  que  le  culte  relij^ieux.  Or, 
il  est  impossible  que  ce  qui  convenait  à  un 
peuple  renfermé  dans  la  Palestine,  convienne 
aux  habitants  de  toutes  les  contrées  de  l'u- 
nivers ;  que  toutes  les  nations  du  monde  aient 
le  même  droit  civil  et  volitique,  les  mêmes 
mœurs  elles  mêmes  u:5dges.  Il  est  impossible 
que  les  habitants  de  la  Chine,  du  Congo,  de 
l'Aniériqud,  des  iles  du  Sud,  soient  oblifi;és 
de  venir  à  Jérusalem  otl'rir   des   sacrifices  , 
célébrer  des  fêtes,  observer  des  cérémonies. 
Il  est  déjà  difficile   de  montrer  l'utilité  de  la 
loi  cérémonielle  pour  les  Juifs  ;  comment  en 
prouverait-on  l'utilité  [lour  le  monde  entier? 
Enfin  le  ineilleurinterprète  des  prédictions 
et  (les  desseins  de  Dieu  est  l'événement.  De- 
puis dix- sept  cents  ans,  Dieu  a   banni   les 
Juifs  de  la  terre  promise  ;  il  a  permis  que  le 
temple  tùl  détruit  ;  et  aucune  puissance  hu- 
maine n'a  pu  le  reconstruire  ;  il  a  rendu  im- 
possible  le  rétablissement  de  la  république 
juive.  Sa  constitution  dépendait   essentielle- 
ment des  généalogies;  or,  celles  des  Juifs 
sont  tellement  confondues,  leur  sang  est  tel- 
lement mêlé,  qu'aucun  juif  ne  peut  montrer 
de  quelle  tribu  il  est  ;  aucun  ne  peut  prou- 
ver qu'il  descend  de  Lévi,  et  qu'il  a  droit  au 
sacerdoce  ;  le  Messie  même,    que   les    Juifs 
sttendent,  ne  pourrait  faire  voir  qu'il  est  né 
du  sang  de  David.  Dieu  avait  promis  de  com- 
bler la  nation  juive  de  prospérités  tant  qu'elle 
serait  fidèle  à  sa  loi;  telle  est  la   sanction 
qu'il  lui  avait  donm-e  :  or,  depuis   dix-sept 
siècles.  Dieu  n'exécute  plus  cette  promesse  ; 
les  Juifs  en  conviennent   et   en    gémissent  ; 
donc  Dieu  ne  leur  impose  plus  la  loi  qu'il 
avait  donnée  à  leurs  pères.  Ils  ont  beau  dire 
que,  selon  les  livres  saints.  Dieu  a  établi  la 
loi  à  perpétuité,  pour  toujours,  pour  jamais, 
pour  toute  la  suite  des  générations,  pour  tant 
que  la  nation  juive  subsistera;  qu'il   leur  a 
défendu  d'y  rien  ajouter  ni  d'en  rien  letran- 
clier  :  dans  le   style  des    écrivains    sacrés  , 
tous  ces  termes  iw  signifient  souvent  qu'une 
durée  indéterminée.  Ainsi  la  mère  de  Samuel 
le  consacra  au  service  du  temple  pour  jamais, 
c'est  à-dire  pour  toute  sa  vie  (/  Reg.  c.  i,  v. 
22.  )  L'esclave  auquel  on  avait  percé  l'oi  eille 
devait  demeurer  en  servitude  o  perpétuité , 


c'est-à-dire  jusqu'au  jubilé  (  Deut.  c.  xv,  v. 
17  ).  Dieu  avait  promis  à  David  que  sa  posté- 
rité durerait  éternellement  (  Ps.  lxxxviii,  v. 
37);  elle  est  cependant  éteinte  depuis  dix- 
sept  siècles.  Moïse,  en  disant  aux  Juifs  qu'ils 
doivent  ohs'rver  leur  loi  dans  la  terre  que 
Dieu  leur  donnera  (  Deut.  c.  xn,  v.  1  ),  lait 
assez  entendre  qu'ils  ne  ))Ourront  plus  l'ob- 
server lorsqu'ils  n'y  seront  plus.  Mais  il 
n'était  pas  à  propos  de  révéler  plus  clairement 
aux  Juifs  que  les  lois  cérémonielles  de- 
vaient cesser  un  jour  et  faire  place  à  un 
culte  plus  parfait  ;  ils  y  auraient  été  moins 
attachés,  et  ils  n'étaient  déjà  que  trop  enclins 
à  les  violer,  pour  se  livrer  aux  susperstitions 
de  leurs  voisins. 

V.  Est-il  vrai  que  Jésus-Christ  n'avait  pas 
dessein  d'abolir  la  loi  cérémonielle,  (ju'il  ne 
l'avait  pas  témoigné  à  ses  apôtres,  que  saint 
Paul  est  le  seul  auteur  de  ce  changement  ? 
Quelques  juifs  lui  ont  fait  ce  reproche  ,  et 
les  incrédules  l'ont  répété  avec  affectation  ; 
c'est  de  Jésus-Christ  même  que  nous  devons 
apprendre  ce  qu'il  a  voulu  taire. 

il  dit  :  La  loi  et  les  prophètes  ont  duré  jus- 
qu'à Jean-Baptiste,  dès  ce  moment  le  royaume 
de  Dieu  est  annoncé,  et  tous  lui  font  violence; 
mais  le  ciel  et  la  terre  passeront  plutôt  qu'il 
ne  tombera  un  seul  point  de  la  loi  {Luc.  xvi , 
16).  Que  signifie  le  royaume  de  Dieu,  qui  suc- 
cède à  la  loi  et  aux  prophètes,  sinon  le  rè- 
gne du  Messie,  et  en  quel  sens  est-il  roi,  s'il 
n'est  pas  législateur  ?  11  dit  qu'il  est  venu , 
non  pour  détruire  la  loi  et  les  prophètes  , 
mais  pour  les  accomplir  (il/fi«/(.  v,  17).  Il 
parlait  de  la  loi  morale ,  et  il  en  développait 
le  vrai  sens;  il  accomplissait  en  effet  tout  ce 
qui  était  dit  de  lui  dans  la  loi  et  dans  les  pro- 
phètes; puisqu'il  est  annoncé  dans  la  loi 
comme  semblable  à  Moïse,  et  dans  les  pro- 
[)liètes,  comme  donnant  sa  loi  aux  nations. 
Dans  ce  sens,  il  n'a  donc  jias  fait  tomber  un 
seul  point  de  la  loi.  Mais,  quand  il  est  ques- 
tion des  lois  cérémonielles  ,  du  sabiiat ,  des 
ablutions,  des  abstinences,  etc.,  il  reproche 
aux  pharisiens  d'y  attacher  plus  d'importance 
qu'à  la  loi  morale;  il  déclare  qu'il  est  maître 
de  dispenser  du  sabbat  [Matth.  xii ,  8)  etc., 
C'est  ce  qui  indisposa  le  plus  contre  lui  les 
chefs  de  la  nation  juive. 

Comment  les  apôtres,  instruits  par  ce  di- 
vin Maître,  auraient-ils  pu  penser  à  conser- 
ver les  cérémonies  judaïques?  Ils  les  obser- 
vaient comme  Jésus-Christ  les  avait  obser- 
vées lui-même,  pour  ne  jias  troubler  l'ordie 
public  ;  mais,  dans  le  concile  de  Jérusalem, 
ils  décidèrent  d'une  voix  unanime  que  les 
gentils  convertis  n'y  étaient  point  obligés 
(Act.  XV,  10  et  28).  Ils  ne  firent  pas  un  dé- 
cret positif  ])Our  abroger  la  loi  cérémonielle, 
parce  que  la  république  juive  subsistait  en- 
core ;  et  que  eette  loi  tenait  à  l'ordre  public, 
parce  que  les  chefs  de  la  nation  n'étaient  pas 
encore  dépouillés  de  leur  autorité  à  cet  éga  rd, 
parce  que  les  apôtres  savaient  que  Dieu  ren- 
drait bientôt  la  pratique  de  cette  loi  impos- 
sible ,  par  la  destruction  de  Jérusalem  que 
Jésus-Christ  avait  prédite  ,  par  la  ruine  du 
temple  ,  par  la  dispersion  des  Juifs  ,  par  la 


58:i 


LOI 


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586 


dévastation  ck»  la  Judée.  Sur  ce  point ,  il  n'y 
eut  aucune  dispute  entre  saint  Paul  et  les 
autre-  apôtres.  Voij.  S.unt  Paul.  C'est  donc 
très-mal  k  propos  que  los  incrédules,  api  es 
avoir  déprimé  tant  qu'ils  ont  pu  les  lois  cé- 
rémoniellcs ,  se  sont  réunis  aux  Juifs  pour 
soutonirque  Jésus-Christ  n'avait. jamais  pensé 
h  lesdélruire;il  en  a  prédit  assez  clairement 
la  destruction  ,  en  annonçant  celle  de  Jéru- 
salem et  du  temple  ;  les  apôtres  n'ont  fait 
nue  suivre  ses  instructions ,  lursqu'ils  ont 
déclaré  que  l'observation  de  ces  lois  était 
devenue  très-iimtile  au  salut.  L'obstination 
des  Juifs  à  en  soutenir  la  perpétuité  ,  lors 
même  qu'ils  ne  peuvent  plus  les  observer, 
ne  prouve  que  leur  aveuglement  et  leur  opi- 
niAtreté.  Voy.  JimAÏSAMS,  Judaïsme. 

Lois  .iudiciaiues,  civh.es  et  politiques  des 
Juifs.  Cet  article  tient  plus  h  la  jurispru- 
dence qu'Ji  la  théologie  ;  mais  la  témérité 
avec  laquelle  les  incrédules  ont.ittaqué  toutes 
les  lois  de  Moïse  sans  les  connaître  et  sans 
être  en  état  d'en  juger,  nous  force  de  faire 
une  ou  deux  réflexions  h  ce  sujet.  Leur  in- 
tention a  été  de  rendre  suspecte  la  mission 
du  législateur;  il  est  de  notre  devoir  d'en 
prendre  la  défense. 

Nous  n'entreprendrons  pas  de  justifier  en 
détail  les  lois  civiles  (tes  Juifs,  il  faudrait  un 
volume  entier.  D'ailleurs  cette  apologie  a  été 
faiie  de  nos  jours  d'une  manière  capable  de 
satisfaire  tous  les  esprits  non  prévenus,   et 
de  lèrmcr  la  bouche  aux  censeuis   impru- 
dents.  Voy.   Lettres  de   quelques  Juifs,  etc., 
5"  édit.,4'  part.,  tom.  111,  lettr.  2  et  suiv.  En 
comparant  les  lois  ciriles  do  .Moïse  avec  celles 
des  autres  peuples,  l'auteur  de  cet  ouvrage 
montre  la  sagesse  et  la  supériorité  des  pre- 
mières ;  il  répond  aux   objections  ]iar  les- 
(]uelles  on  a  voulu  les  atta(juer.  Tout  homme 
raisonnable,  qui  voudra  suivre  cette  compa- 
raison, sera  étonné  de  ce  que  trois  mille  trois 
cents  ans  avant  nous,  un  seul  homme  a  pu 
enfanter  d'un  seul  coup  une  législation  aussi 
complète ,  aussi  bien  adaptée  au  temps  ,  au 
lieu,  aux  circonstances  ,  au  génie  du  peuple 
auquel  elle  était  destinée.  Chez  les  autres 
nations,  la  législation  n'a  été  ftirmée  que  par 
pièces  ;  on  a  fait  de  nouvelles  lois  à  mesure 
que  l'on  en  a  senti  le  besoin;  sans  cesse  il 
a  fallu  y  toucher,  les  modifier,  les  corriger, 
les  changer.    Celles   de   Moïse    n'ont    reçu 
aucune  altération  pendant  quinze  cents  ans; 
il   était  sévèromt'nt  délendu  d'y  rien  ajou- 
ter ni  d'en  rien  retrancher.  Elles  n'ont  cessé 
d'avoir  lieu  que  quand  le  peuple  pouf  lequel 
elles  étaient  faites  a  été  dispersé  dans  le 
monde  entier.  Ce  phénnmène  suffit  jiour  dé- 
montrer que  le  législateur  était  non-seule- 
ment l'homme  le  plus  sage  et  le  plus  éclairé 
de  son  siècle  ,   mais  qu'il  était  inspiré  de 
Dieu.  Vingt  fois  les  Juifs  ont  voulu  secouer 
le  joug  de  leurs  lois,  autant  de  fois  les  mal- 
heurs qu'ils  ont  essuyés  les  ont  forcés  de  re- 
venir à  l'obéissance ,  et  Moïse  le  leur  avait 
prédit ,  Deut.  ,  c.  xxviii   et  suiv.  Les  rois 
d'Israël  ont  pu  réussir  à  faire  enfreindre  les 
lois  reliffiemes,  en  |ilongeant  dix  tribus  dans 
l'idolâtrie  ;  mais  ils  n'ont  pas  osé  toucher  au 


droit  civil  établi  par  Moïse ,  ni  forger  d'au- 
tres lois.  Vainement  ceux  d'Assyrie  ont 
transplanté  la  nation  presque  entière  h  cent 
lieues  de  sa  patrie ,  et  l'ont  retenue  captive 
pendant  soixante-dix  ans  ;  les  Perses  n'ont 
paru  renverser  la  monarchie  assyrienne  que 
pour  rendre  aux  Juifs  la  liberté  de  retourner 
chez  eux  ,  de  faire  revivre  leur  religion  et 
leurs  lois.  Les  Antiochus  ont  inutilement 
employé  toute  leur  puissance  pour  les  anéan- 
tir ;  ils  y  ont  échoué  :  cet  édifice,  construit 
par  la  main  de  Dieu,  n'a  été  renversé  ([uau 
moment  ([ue  Dieu  avait  marqué  pour  sa 
ruine,  et  qu'il  avait  prédit  par  ses  prophètes, 
Ici  l'incrédulité  a  beau  s'armer  de  pyrrlio- 
nisme,  de  sarcasmes,  d'un  mépris  aU'ecté, 
ressource  ordinaire  de  l'ignorance  ,  elle  ne 
détruira  jamais  l'impression  que  fait  sur  lnut 
homme  sensé  ce  phénomène  unique, auquel 
on  ne  voit  rien  de  semblable  dans  l'univers 
entier. 

•  Lois  POLITIQUES  DES  JuiFS.  —  Lcs  lois  poliliqucs 
des  Juifs  nu'ritent  nue  altenlion  spéciale  ;  nous  pro- 
posons deux  questions  sur  ce  poinl. 

1°  CJucltt'  oUiil  la  tonne  de  la  constitution  polill- 
(pie  cialiliepar  Moisu? 

Moiso  avait  divisé  la  nation   d(*s  Hélirmx  en  deux 
ordres,  le  léviliqnc  et  le  populaire.  La  noldcsse   n'y 
faisait  pas  nn  rang  à  part  ;  les  armes  inùines  ne  de- 
vaient pas  faire  une  profession  distinguée.  —  L'or- 
dre  populaire   fut  divisé   en  dou/.e    tribus,  à  qui   la 
terre   de  Chanaan   fut   distribuée.  Ell(!s   formèrent 
dou/.e  provinces  dans  la  l'alesline,    qui  prirent  leur 
nom  chacune  du  patriarche  dont  la  posteiilé   l'occu- 
pait.  Chaque   tribu  eut  un   conseil  particulier  ;  et 
chaque  ville  trouva,  dans  ses  anciens,   ses  niagislials 
et  ses  juges.  Celait  a  eux  qu'appartenait  la  décision 
des  alfaires  ;   ils   décidaient  d'après  la  loi  qui  avait 
prévu    les    cas  de  quelque  conséquence.  —  L'ordr.' 
tévitique  était  consacré   au    ministère    des    aiilets. 
Toutefois  les  lévites  n'étaient  pas  tellement  attachés 
aux  devoirs    de    leur   état   qu'ils  n'entrassent  dans 
tous  les  emplois  de  la  société  et  dans    les   ditférenls 
ministères  de  la  république,  dont  ils  faisaient  la  plus 
n(d)lc  partie.  Les  lévites  avaient  à  leur  tète    un  chef 
souverain  ;  seul  il  portait  le  litre   de   grand  prêtre, 
de  grand  sacrificateur,  de  pontife.  On   devait  rappor- 
ter à  son  tribunal  toutes  les  alTaires  ecclésiastiques, 
les  contestations   sur   les   cultes,  les  doutes  ou  les 
embarras   sur   la    pratique  de  la  loi,  et  il  jugeait  en 
dernier  ressort.  Bien  plus,  la  décision  des  plus  gran- 
des affaires  de  l'Etat   lui   appartenait  en   quelque 
sorte  ;  car  les  affaires  civiles,  les  guerres,  les  traités 
de  paix,  dépendaient  de  la  religion  par  la  nature  de 
la    législation   mosaïque.   On   voit  ipie  l'autorilé  du 
pontife  était  immense. 

Telle  était  l'organisation  particulière  des  dill'e- 
rents  corps  de  l'Etat.  Ils  étaient  unis  entre  eux  par 
un  conseil  général  ;  il  était  composé  des  princes  des 
tribus  et  des  anciens  chefs  de  familles.  Le  droit  de 
le  convoquer  appartenait  au  chef  de  la  république, 
ou  à  son  défaut,  au  grand  sacrillcateur.  Il  déclarait 
la  guerre,  faisait  la  paix,  formait  tes  alliances,  choi- 
sissait les  généraux,  et  quelquefois  même  élisait  les 
rois  ;  il  recevait  le  serment  du  monarque,  et  lui  jurait 
(idi'lité  au  nom  du  peuple.  Ses  décisions  étaient  or- 
dinairement soumises  à  1  approbation  du  peuple.  Sous 
Josué,  il  fut  obligé  de  se  justifier  en  piésence  de  la 
multitude.  Le  gouvernement  des  Hébreux  est  peut-être 
l'unique  dans  son  espèce.  Israël  clioisiiDieu  pour  son 
roi  ;  la  nation  tout  entière,  hommes,  femmes,  enfants, 
lui  prêta  serment.  Dieu  se  réserva  le  pouvoir  légisj- 
latif.  Il  pourvut  à  l'exécution  de  ses  lois  par  les  deux 
grands  mobiles  qui  font  marcher  le  genre   humain, 


387  LOI 

la  crainte  et  respéraiice,  les  châtiments  et  les  ré- 
compenses. 

Il  n'était  pas  essentiel  à  la  constitution  de  lEtat, 
hors  des  casesiraordinaires,  iprelle  eût  un  chef  po- 
litique, qui,  au-dessous  de  Dieu,  eut  une  autorité 
générale  sur  toute  la  naiion.  Il  arriva  cependant  as- 
sez, rarenienl  qu'elle  en  fut  lotaleuicnl  privée  ;  et 
même  avaiit  l'éiablissement  des  rois  on  vil  pres(pie 
toujours  parmi  les  Hébreux  un  conducteur  qui,  sous 
le  nom  déjuge,  avait  la  plus  grande  part  aux  affaires 
pour  le  conseil  ctpinir  l'exécution  ;  mais  ce  titre  de 
juge,  qui  exigeait  de  grands  soins,  n'entraînait 
après  soi,  ni  privilège,  ni  succession.  Le  juge  rece- 
vait son  pouvoir  ou  du  choix  de  Dieu  dans  quelques 
circonsianciîsqui  le  rendaient  nécessaire,  ou  du  corps 
des  tribus  qui  lui  confiaient  leur  autorité  sans  s'en 
dessaisir.  Ainsi  le  peuple,  sous  la  royauté  divine,  de- 
meurait en  po-session  de  la  liberté.  Une  des  grandes 
fautes  de  cette  nation  inconsidérée,  que  Dieu  voulait 
conduire  immédiatement  par  lui-même,  fut  de  for- 
cer le  Seigneur,  après  bien  des  aimées,  à  lui  donner 
un  roi.  En  accédant  aux  di  sirs  de  son  peuple.  Dieu 
n'abdiqua  pas  pour  cela  la  royauté  spéciale  ([u'il  s'é- 
tait réservée  ;  il  marqua  sou  autorité  spéciale,  pen- 
dant toute  la  royauié,  par  l'action  qu'il  exerça  sur 
les  affaires,  soit  en  suscitant  des  prophètes  qui 
maniléstaiont  ses  volontés  aux  rois  ei  aux  peu- 
ples, soit  en  iniligeant  des  chàtimenls  rigoureux  à 
la  nation  choisie  lor^iqu'elle  était  iulidcle. 

2°  Quelle  fin   Dieu    se  proposait-il  en  donnantà 
son  peuple  un  gouvernement  theocrati(|ue'? 

Dans  le  système  de  gouvernemeiii  que  nous  ve- 
nons d'étudier,  il  y  a  un  point  bien  digne  de  iixer 
notre  attention,  c'est  la  ihéncratie.  Quel  fut  le  but 
de  son  institution  ?  Celui-là  même  qui  engagea  le 
Seigneur  a  se  choisir  un  peuple.  L'oubli  des  vérités 
éternelles  avait  forcé  le  Seigneur  à  séparer  une  na- 
tion d«S  autres  nations  pour  confiei'  à  sa  -sarde  un 
dépôt  précieux.  11  rendit  Israël  le  dépositaire  de  sa 
doctrine  ;  il  lui  ordonna  de  garder  la  connaissance  du 
libérateur  promis  ;  il  voulut  ((u'il  lût  en  spectacle  à 
l'univers,  publiant  ses  espérances  et  se  faisant  gloire 
de  son  attente.  Bientôt  la  barrière  devint  impuis- 
saute.  L'idolâtrie  rompit  ses  digues  ;  Lraèl  chauccla 
dans  sa  foi.  Le  penchant  le  \ilus  violent  l'eiitraina 
pendant  plusieurs  siècles  a  imiter  les  nations  idolâ- 
tres. Pour  détruire  ce  penchant,  le  Uoi  céleste  fut 
obligé  d'employer  les  punitions  les  plus  rigoureuses 
et  contre  les  rois  et  contre  les  peuples.  Si  Dieu  eût 
remis  plein  pouvoir  entre  les  mains  d'un  roi,  qu'il 
se  lut  réservé  une  action  sur  son  peuple,  semblable 
à  celle  qu'il  exerça  sur  les  nations  inlidèles,  croit-on 
qu'Israël  eiit  accompli  sa  mission  providentielle  '? 
Croii-on  qu'il  eut  prolesté  sans  cesse  contre  l'uni- 
verselle dépravation  ?  Ooit-on  qu'il  fût  demeuré  un 
flambeau  éclalant  parmi  les  ténèbres  épaisses  où  la 
venté  était  eteinie  sur  les  points  les  plus  essentiels? 
Non  :  jamais  Israël  n'eut  exécuté  les  desseins  du 
Seigneur,  si  Dieu  ne  se  fut  réservé  une  action  spé- 
ciale sur  sa  conduite.  Il  n'y  a  pas  une  page  du  Vieux 
Testament  qui  n'en  fournisse  la  preuve. 

Loi  orale,  loi  traditionnelle  des  Juifs.  Si 
l'on  en  croit  leurs  docteurs,  lorsque  Dieu 
donna  sa  loi  à  Moïse  sur  le  mont  Sinaï ,  il 
ne  lui  enseigna  pas  seulement  la  substance 
des  iiréceptes  ,  luais  il  lui  en  donna  l'expli- 
c;ition  ;  il  lui  commanda  de  mettre  ces  pré- 
ceptes par  écrit,  et  d'en  donner  de  vive  voix 
l'explicatioii  à  son  l'rère  Aaron  et  aux  an- 
ciens du  peuple;  ceux-ci  l'ont  transmise  de 
même  à  leurs  successeurs.  Ainsi,  disunt-ils, 
la  loi  orale  a  passé  de  bouclie  en  bouche  de- 
puis Moïse  jusqu'à  rabbi  Juda  Uaccudoscli, 
ou  le  Suint,  chei'  de  l'école  de  Tiljériade, 
qui  vivait  sous  l'emper.ur  Adrien,  et  qui  la 


LOI 


388 


1 


mit  par  écrit  vers  l'an  150  de  l'ère  chrétienne. 
Cet  ouvrage  est  ce  qu'ils  n>!3mment  le  Mis- 
chna,  et  il  y  a  un  ample  comMiciitaire  qu'ils 
appellent  la  Gémare;  l'un  et  l'autre  réunis 
sont  un  recueil  énorme  appelé  le  Talmud. 
Voy.  ces  mots. 

Les  Juifs  ont  dressé  fort  sérieusemerit  la 
liste  d- tous  les  personnages  qui,  de  siècle 
en  siècle,  ont  transmis  la  loi  orale,  di'puis 
Moïse  jusqu'à  rabbi  Juda;  on  peut  la  voir 
dans  Prideaux  ,  t.  I,  1.  v,  p.  220;  c'est  une 
pure  imagination.  Ils  ont  moins  de  respect 
pour  la  loi  écrite  que  pour  cette  prétendue 
loi  orale;  ils  disent  que  celle-ci  supplée  tout 
ce  qui  manque  à  la  première  ,  et  enlève 
toutes  les  diflicultés ,  qu'elle  vient  de  Dieu 
aussi  certainement  que  la  loi  écrite.  Dans  la 
r 'alité,  c'est  un  fatras  de  puérilités,  de  fa- 
blis  et  d'ineplies  ;  la  secte  de  juifs ,  que  l'on 
nomme  caraïtes  ,  rejette  ces  prétendues  tra- 
ditions ,  et  n'en  fait  aucun  cas.  Ainsi,  pen- 
dant que  les  docteurs  juifs  insistent  sur  la 
défense  que  Dieu  avait  faite  de  rien  ajouter 
à  sa  loi  et  d'en  rien  retrancher  [Deut.  xii,  42); 
pendant  qu'ils  soutiennent  que  le  Messie  ne 
peut  pas  avoir  r;mtorité  d'y  déroger,  ils  l'ont 
eux-mêmes  surchargée  et  détigurée  par  leurs 
traditions  ;  Jésus  -  Christ  le  leur  a  reproché 
plus  <l'une  fois  [Matth.  xv,  3,  etc.). 

D'abord  il  n'est  fait  aucune  mention  de 
cette  prétendue  loi  orale  dans  les  livres 
saints  ;  toutes  les  fois  qu'il  y  est  parlé  de  la 
loi  de  Dieu,  cela  s'enten  I  évidemment  de  la 
loi  écrite.  Dans  les  cas  de  doute  et  d'incerti- 
tude. Moïse  lui-même  était  obligé  de  con- 
sulier  le  Seigneur;  cela  n'auiMit  pas  été  né- 
cessaire ,  si  Diei!  lui  avait  donné  une  exiili- 
cation  aussi  détaillée  de  la  loi  que  celle  du 
Taluiud,  qui  remplit  douze  volumes  iti^folio. 
Outre  l'impossibilité  de  retenir  p  ir  mémoire 
cette  énorme  compilation  ,  comment  se  per- 
suader que  lus  iloctcurs  juifs  ,  qui ,  sous  le 
roi  Josias,  avaieit  tellement  laissé  oublier  la 
loi  au  peuple,  qu'il  fut  tout  étonné  d'enlen- 
dre  lire  l'exemplaire  qui  fut  retrouvé  dans  le 
temple,  aient  iidèlemeut  conservé  le  souve- 
nir des  traditions  du  Tnimud  (  IV  lleg.  xxii, 
10  ;  //  Parai,  xxxiv,  li)  '.'  Dieu,  sans  doute, 
n'auraU  pas  attendu  seize  siècles  pour  les 
faire  écrire ,  s'il  avait  voulu  qu'elles  fus- 
sent observées  aussi  exactement  que  la  loi 
écrite. 

Les  auteurs  protestants,  qui  ont  réfuté  les 
visions  des  Juifs  touchant  la  loi  orale,  n'ont 
pas  manqué  d'y  comparer  les  traditions  de 
l'Eglise  romaine  ;  de  d:rc  (\u'h  l'exemple  des 
Juifs  les  catholiques  ont  réduit  toute  la  reli- 
gion chrétienne  à  la  Ira  lition,  et  si'  servent 
des  mômes  raiSiins  que  les  Juifs  pour  en 
prouver  la  nécessité.  11  aurait  fallu ,  pour 
justifier  ce  paiallèle,  citer  au  moins  un  exem- 
ple d'une  tradition  catlioli(|ue  évidemment 
contraire  à  la  loi  de  Dieu ,  ou  aussi  ridicule 
en  elie-mème  que  sont  la  plupart  de  celles 
des  Juifs.  Limboich,  rn  réfutant  Orobio,  lui 
reproche  qu'eu  lîspaguu  les  Juifs  ci  oient,  en 
vertu  de  leur  tradition,  qu'il  leur  est  permis 
de  feindre  qu'ils  sont  chrétiens,  de  l'ait  ster 
par  serment,  de  violer  tous  les  préceptes  de 


^89 


Lot 


LOI 


S90 


leur  loi,  dont  l'observation  les  ferait  recori- 
naitre  pour  Juifs.  Arnica  collatio,  p.."}OG.  Les 
catholiques  ont-ils  quelque  tradition  qui  au- 
torise un  crime  seinhlable? 

Les  traditions  desJuils  ne  paraissent  dans 
aucun  des  livres  (jui  ont  été  écrits  f)endant 
seize  cent  quarante  ans ,  depuis  Moi.'o  jus- 
(|u'au  rabbin  Juda  ;  les  traditions  citées  par 
les  catholiques  sont  couchées  dans  les  écrits 
des  Pères  qui  ont  succédé  iinniédiatem  nt 
aux  apôtres,  et  dans  les  livres  de  ceux,  qui 
sont  venus  après.  II  est  incertain  si  le  der- 
nier des  apùtres  était  mort  lorsque  l'épitre 
de  saint  Barnabe  et  les  deux  letres  de  saint 
Clément  ont  été  écrites.  Celles  de  saint 
Jgnace  etdi-  saint  Polycaq»'  sont  venues  im- 
médiatement après.  Ce  sont  les  écrivains  du 
iv°  siècle  ipii  nous  ont  conservé  les  extraits 
et  les  fragments  des  ouvrages  des  trois  pre- 
miers, qui  ont  péri  dans  la  suite.  Les  rites 
et  les  usages  de  ces  temps-là  sont  consignés 
dans  les  canons  des  apôtres,  et  dans  ceux 
des  conciles  tenus  pour  lors.  11  n'y  a  donc 
l)oint  ici  de  vide  commt>  cliez  les  Juifs;  tout 
a  été  écrit ,  sinon  par  les  aiiôtrcs  ,  du  moins 
par  leurs  dis(i|iles  ou  par  les  successeurs  de 
ces  derniers.  Les  tiaditions  ipi'ils  nous  ont 
laissées  ne  sont  [las  en  assez  grand  nombre 
pour  surcharger  la  mémoire;  en  quoi  res- 
Si'mblent-clles  à  celles  des  Juifs?  Les  pro- 
testants eux-mêmes  ont  beau  fronrier  les 
traditions,  ils  ont  été  forcés  d'y  recourir  dans 
toutes  h'ui's  dis:  utes  contre  les  sociniens  et 
contre  les  anabaiitistes.  Ils  bap  isent  les  en- 
fants, ils  obs.  rvent  le  dimanche,  ils  célèbrent 
la  Pàipio,  ils  fout  le  signe  de  la  croix;  les 
anglicans  ont  conservé  le  carême  comme 
une  tradition  apostolique,  ils  respectent  les 
canons  des  apôtres.  Peu\  ent-ils  montrer  dans 
l'Hcriture  sainte  1 -s  lois  qui  ordonnent  ces 
usages?  Les  sociniens  leur  ont  souvent  fait 
cette  question,  et  les  Juifs  peuvent  la  renou- 
veler.Pridcaux,  bon  anglican,  no  l'ignorait  j)as, 
non  |)lus  que  Lindjorch  ;  le  repiocho  qu'ils 
fontauxcatholic^ues  ret.imi)e  sur  eux-mêmes. 

Fo//.   TUADITION. 

Loi  CHRÉTIlîWE  ,  Loi  DE  Gli ACE  ,  Lol  NOU- 
VELLE. C'est  ainsi  que  1  on  désigne  les  lois 
que  Dieu  a  données  aux  honmies  par  Jésus- 
Christ,  et  qui  sont  renfermées  dausJ'Evan- 
gile. 

Nous  avons  à  examiner  si  l'Evangile  est 
véritablement  une  loi,  si  nous  devons  et  si 
nous  pouvons  l'observer,  si  cette  /oi  divine  a 
contribué  en  quelque  chose  à  perfectionner 
les  lois  humaines.  Devrions-nous  être  obli- 
gés (.l'entrer  dans  cette  discussion  ?  Nous  ne 
savons  pas  si  les  calvinistes  sont  encore  au- 
jourd'hui dans  l'opinion  de  Caivin,  qui  a  re- 
fusé ^  Jésu-;-Christ  la  qualité  de  législateur, 
et  qui  a  soutenu  que  ce  divm  .Maître  n'a  point 
imposé  aux  hommes  des  lois  nouvelles.  Antid. 
Synod.  Trident.,  can.  20  et  21.  Son  dessein 
éia:t-il  de  justilier  l'entêtement  des  Juifs? 
Nous  avons  prouvé  contre  eux  que  le 
Messie  était  annoncé  sous  l'auguste  qualité 
de  législateur.  Jésus-Christ  lui-même  a  dit 
à  ses  apôtres  :  Je  vous  donne  un  commande- 
ment nouveau,   qui  est  de  vous  aimer  les  uns 


les  autres  comme  je  vous  ai  aimés  (Joan.  caj). 
XIII,  3'i).  Le  commandement  d'aimer  le  pro- 
chain est  aussi  ancien  que  le  momie;  mais 
il  n'était  formellement  ordonné  à  personne 
de  donner  sa  vie  pour  le  salut  de  ses  sem- 
blables ,  comme  Jésus -Christ  l'a  fait,  et 
comme  tout  chrétien  est  obligé  de  le  (aire 
lors(|ue  cela  est  néces,saire.  11  leur  dit  :  Vous 
serez  mes  amis,  si  vous  faites  ce  que  je  vous 
commande  (xv,  IV).  Lorsqu'il  a  ordonné  à 
tous  les  fidèles  de  recevoir  le  baptême  et 
l'eucharistie,  n'a-t-il  pas  fait  deux  lois  nou- 
velles, selon  la  croyance  même  des  protes- 
tants? Lorsque  les  apôtres  ont  décidé,  dans 
le  concile  de  Jérusalem,  que  les  gentils  n'é- 
taient point  tenus  à  observer  le  cérémonial 
judaïque,  ds  ont  porté  par  \h  même  une  loi 
qui  défendait  d'y  assujettir  les  lidèles  ;  saint 
Paul  le  suppose  ainsi  lians  son  épitre  aux 
dalales,  et  il  nomme  l'Evangile  la  loi  de 
Jésus  -  Christ  [  Galat.  vi ,  2  ;  1  Cor. ,  ix  , 
21,  etc.). 

Mais  les  calvinistes  n'ont  pas  encore  re- 
iioni^ë  tous  à  une  autre  erreur  soutenue  |iar 
les  chefs  de  la  réforme,  et  dont  la  précé- 
dente n'est  qu'une  conséquence.  Ils  préten- 
dent que  l'homme  est  justijié  ou  rendu  juste 
par  la  foi,  et  non  par  son  obéissanci'  h  la  loi 
de  Dieu;  qu'il  est  impossible  à  llioinme 
d'accomplir  parfaitement  cette /oî;qu.'  toutes 
ses  œuvres ,  loin  d'être  méritoires,  sont  de 
vrais  péchés  ;  mais  que  Dieu  ne  les  impute 
point  à  ceux  qui  ont  la  foi.  Ils  disent  que, 
selon  saint  Paul,  la  ^0»  (l'e.ii /)os  imposée  au 
juste;  qu'ainsi,  h  proprement  parler,  le  chré- 
tien n'est  pas  plus  obligé  aux  lois  du  Déca- 
l.ogue  (ju'à  toutes  les  autres  lois  de  Moïse;  et 
c'est  en  cela  qu'ils  font  consister  la  liberté 
chrétienne.  Sous  ce  titre,  et  au  mot  Justifi- 
cation, nous  avons  déjà  réfuté  cette  er- 
reur. 

N'est  ce  pas  une  imiiiété  de  soutenir  que  Dieu 
nous  impose  des  lois,  ei  nous  commande  des 
chosi  s  qu'il  ne  nous  est  pas  possible  d'ob- 
server? .Moïse  rejetait  déjà  celte  folle  pen 
sée,  en  <lisant  aux  Juifs  :  La  loi  que  je  vous 
impose  aujourd'hui  n'est  ni  au-dessus  àe  vous, 
ni  loin  de  vous,...  mais  près  de  vous,  dans 
votre  bouche  et  dans  votre  cœur,  afin  que  vous 
l'accomplissiez  (Deut.  xxx,  llj.  Certaine- 
ment Dieu  n'impose  ]ias  aux  chrétiens  un 
joug  plus  insupportable  qu'aux  Juifs;  Jésus- 
Christ  nous  assure  que  son  joug  est  doux  et 
son  lardeau  léger  (Matth.  xi,  30).  Mais  celte 
douceur  ne  consiste  i)as  en  ce  qu'il  nous  af- 
franchit (!;■  toute  loi.  A  la  vérité,  il  nous  est 
impossible  de  le  porter  par  nos  forces  na- 
turelles, comme  le  voulaient  les  pélagiens  ; 
mais  il  nous  est  possible  de  le  faire  avec  le 
secours  ue  la  gr.lce  :  or,  à  l'article  Grâce, 
§  3,  nous  avons  |-rouvé  que  Dieu  l'accorde 
par  les  mérites  de  Jésus-Christ,  atin  de  nous 
l'aire  accomplir  ce  qu'il  nous  commande.  Ce 
divin  .\>aitie  dit  :  Celui  qui  m'aime  gardera 
mes  commandements  i  Joan.  xiv,  21  et  23j. 
Saint  Paul  dit  dans  le  même  sens  :  «  Celui 
qui  aime  le  prochain ,  a  rempli  la  loi  (  Rom. 
XIII,  8).  Cela  est  vrai,  répondent  les  protes- 
tants, mais  nous  ne  pouvons  aimer  Dieu  au- 


391 


LOI 


LOI 


592 


tant  que  nous  le  devons.  Nouvelle  absurdité 
de  supposer  que  Dieu  nous  oblige  à  l'aimer 
plus  que  nous  ne  pouvons,  et  qu'il  ne  nous 
donne  pas  la  grâce,  afin  que  nous  puissions 
l'flimer  autant  que  nous  le  devons.  Saint  Paul 
enseigne  le  colitraire,  en  disant  :  «  Je  puis 
tout  en  celui  qui  me  fortifie  {Philipp.  iv,  13). 
«  Dieu,  fidèle  a  ses  promesses,  ne  |)ermettra 
pas  que  vous  soyez  tentés  au-dessus  de  vos 
forces  »  (/  Cor.  x,  13). 

Que  Jésus-Christ  n'ait  abrogé  aucun  des 
préceptes  du  Décalogue,  que  les  chrétiens 
soient  obligés  de  l'observer,  aussi  bien  que 
les  Juifs,  sous  peine  de  damnation,  c'est  une 
vérité  si  clairement  établie  dans  l'Evangile, 
que  l'on  ne  peut  trop  s'étonner  de  la  témé- 
rité de  .ceux  qui  la  contestent.  Dans  son  ser- 
mon sur  la  montagne,  le  Sauveur  rappelle 
ces  préceptes,  les  explique,  les  confirme,  y 
ajoute  des  conseils  de  perfection;  il  déclare 
qu'd    n'est  pas  venu  détruire  la  loi  ni  les 
pro|)hètes,  mais  les   accomplir:   que  celui 
qui   en  violera  un  seul  commandement,  et 
l'enseignera  ainsi  aux  hommes,  sera  le  der- 
nier dans  le  royaume  des  cieux;  que,  pour 
entrer  dans  ce  royaume,  ce  n'est  pas  assez 
de  lui  dire,  Seigneur,  Seigneur,  mais  qu'il 
faut  accomplir  la  volonté  de  son  Père;  que 
celui  qui  écoute  ses  paroles  et  ne  les  exé- 
cute point,  est  un  insensé  dont  la  perte  est 
assurée,  etc.  [Matth.  c.  v,  vi,  vn,).  Quand  on 
lui  demande  ce  qu'il  faut  faire  pour  avoir  la 
vie  éternelle,  il   ré|>ond  :  Gardez  mes  com- 
mandements :  cette  réponse  serait  absurde, 
s'il  était  impossible  de  les  garder.  En  an- 
nonçant ce  qu'il  fera  au  jugement  dernier, 
il  dit  qui  appellera  au  bonheur  éternel  ceux 
(jui  auront  pratiqué  des  œuvres  de  charité, 
et  qu'il  enverra  au  feu  éternel  ceux  qui  au- 
ront négligé  d'en  faire  (Matth.  c.  xxv,  v.  34). 
Lorsque  ses  disciples,  étonnés  de  la  sévé- 
rité ue  sa  morale,  disent  :  Qui  donc  pourra 
être  sauvé?  il  répond  que  cela  est  impossi- 
ble aux  hommes,  mais  que  tout  est  [lossible 
arec  Dieu  (c.  xis,  v.   26).  Ainsi  il  enseigne 
tout  à  la  fois  la  nécessité  d'observer  la  loi 
divine  et  la  possibilité  de  le  faire  avec  la 
grâce  de  Dieu. 

11  n'est  donc  pas  vrai  que  les  œuvres  ainsi 
faites  soient  des  péchés;  Jésus-Clirist  au 
contraire  les  nomme  jwsfj'ce,  et  leur  promet 
récompense  dans  le  ciel.  Saint  Paul  (c.  vi, 
V.  1)  les  compare  au  travail  du  laboureur, 
qui  est  récompensé  ou  payé  par  une  abon- 
dante moisson  {II  Cor.  c.  ix,  v.  6;  Galal. 
c.  VI,  V.  7,  etc.). 

A  la  vérité,  cet  apôtre  dit  que  la  loi 
n'est  pas  imposée  au  juste  [I  Tim.  c.  i,  v.  7); 
mais  de  quelle  loi  parle-t-il?  De  la  loi  anr- 
cienne,  de  la  loi  qui  menaçait  et  punissait, 
par  des  peines  aîtlictives,  les  hommes  in- 
justes, rebelles,  impies,  etc.  [Ibid.).  C'est 
celle-là  que  saint  Paul  enteml  ordinaire- 
ment, lorsqu'il  dit  simplement  la  M.  Or, 
cette  loi  pénale  étà\t  abrogée  par  l'Ev.ingile. 
Mais  il  n  en  était  pas  de  même  de  la  loi  mo- 
rale; sauit  Paul,  parlant  de  celte  dornièie, 
dit  :  «  Détruisons-nous  donc  la  loi  pur  la  foi? 


Non,  nous  l'établissons  au  contraire  {Rom. 
c.  IH,  V.  31). 

En  effet,  qu'entend  saint  Paul  par  la  foi? 
Il  entend  non-seulement  la  docilité  à  la  pa- 
role de  Dieu,  mais  la  confiance  en  ses  pro- 
messes et   l'obéissance  à  ses  ordres  ;  c'est 
ainsi   qu'il  caractérise  la  foi  d'Abraham  et 
des  patriarches;  c'est  en  cela  qu'il  la  propose 
pour  modèle  aux  fidèles  {Hebr.  c.  xi  et  xn). 
L;i  foi  prise  dans  ce  sens,  loin  d'emporter 
exemption  de  la  loi  divine,  renferme  au  con- 
traiie  la  fidélité  à  l'exécuter:  en  quel  sens 
CL'lui  qui  a  cette  foi  peut-il  être  affranchi  de 
la  loi?  Saint  Paul,  loin  de  concevoir  la  foi 
justifiante  à  la  manière  des  protestants,  réfute 
complètement  leurs  erreurs.  Voy.  OEuvres. 
Le  concile  de  Trente  les  a  donc  justement 
proscrites,  en  frappant  d'anathème  ceux  qui 
disent  qu'il  est  impossible  à  l'homme  jus- 
tifié et  secouru  par  la  grâce  d'observer  les 
commandements  de  Dieu;  ceux  qui  ensei- 
gnent   que  l'Evangile  ne  commande  que  la 
foi;  que  le  reste  est  indifférent;  que  le  Dé- 
calogue ne  concerne  en  rien  les  chréliens; 
que  Jésus-Christ  a  été  donné  aux  hommes 
comme  un  rédempteur  auquel  ils  doivent  se 
confier,  et  non  comme  un  législateur  auquil 
ils   doivent  obéir;  que,  par  le  baptême,  un 
chrétien    contracte   la   seule    obligation  de 
croire,  et  non  celle  d'observer  toute  la  loi  de 
Jésus-Christ,  etc.,  sess.  6,  de  Justif.,  can. 
18,  19,  21;  sess.  7,  de  Bapt.,  can.  7. 

On  ne  doit  pas  être  surpris  de  ce  qu'à 
l'exemple  des  protestants  plusieurs  incré- 
dules ont  soutenu  que  la  loi  évangéliquc  est, 
dans  une  iniinilé  de  chosi'S,  d'une  sévérité 
outrée,  et  au-dessus  des  forces  de  l'huma- 
nité ;  qu'elle  ne  convient  qu'à  des  moines 
ou  à  quelques  misanthropes  ennemis  d'eux- 
mêmes  et  de  la  société.  Une  preuve  démon- 
strative du  contraire,  c'est  qu'un  grand  nom- 
bre de  saints  de  toiis  les  états,  de  tous  les 
âges  et  de  tous  les  sexes,  en  ont  parfaite- 
ment accompli  tous  les  préceptes ,  et  que, 
malgré  la  corruition  du  siècle,  plusieurs 
chrétiens  fervents  les  observent  encore,  sans 
être  pour  cela  ennemis  d'eux-mêmes  ni  de 
la  société.  Voy.  Morale  chrétienne. 

A  l'article  Loi  mosaïoije,  §  6,  nous  avons 
montré  la  ditférence  qu'il  y  a  entre  cette  loi 
ancienne  et  la  loi  nouvelle,  la  supériorité  et 
l'excellence  de  celle-ci,  soit  par  rapport  au 
culte  qu'elle  nous  ordonne  de  rendre  à 
Dieu,  soit  relativement  aux  devoirs  qu'elle 
nous  prescrit  envers  le  prochain,  soit  à  l'é- 
gard des  vertus  que  nous  devons  pratiquer 
pour  notre  propre  perfection  et  notre  bon- 
îieiu'. 

En  comparant  les  Zois  de  l'Evangile  à  celles 
de  Moïse  et  à  celles  qui  avaient  été  données 
aux  patriarches  dans  le  premier  âge  du 
monde,  on  voit  que  celles-ci  étaient  adap- 
tées au  besoin  et  à  l'état  des  familles  encore 
nomades  et  isolées  ;  que  celles  de  Moïse 
étaient  destinées  à  réunir  les  Hébreux  en 
société  nationale  et  civile;  au  lieu  que  Jé- 
sus-Christ a  donné  les  siennes  pour  les  peu- 
ples déjà  civilisés  et  capables  de  former 
entre  eux  une  société  religieuse  universelle. 


S9S 


LOI 


LOI 


S9i 


De  là  même  il  s'ensuit  que  Jésus-Chrisl  n'a 
point  dû  ajouter  de  lois  civiles  ni  politiques 
aux  lois  morales  et  religieuses  qu'il  a  éta- 
blies, parce  que  celles-ci  s'accordent  très- 
bien  avec  toute  législation  raisonnable  et 
conforme  au  bien  de  l'humanité.  Mais  en 
ordonnant  à  tous  les  hommes  d'obéir  aux 
souverains  et  à  leurs  lois,  il  a  enseigné  des 
maximes  capab'es  de  corriger  et  do  perfec- 
tionner les  lois  civiles  de  tous  les  peuples. 
Les  législateurs  indiens  sur  les  bords  du 
Gange,  Zoroastre  chez  les  Perses,  Mahomet 
chez  les  Arabes ,  ont  fait  des  lois  civiles 
aussi  bien  que  des  institutions  religieuses; 
quand  les  unes  et  les  autres  seraient  conve- 
nables au  sol  et  au  climat  pour  le(|uel  elles 
ont  été  faites,  ce  qui  n'est  point,  elles  se- 
raient sujettes  aux  plus  grands  inconvé- 
nients, si  on  les  transplantait  ailleurs.  Jé- 
sus-Christ, plus  sage,  et  qui  voulait  que  son 
Evangile  fit  le  bonheur  de  toutes  les  nations, 
n'a  posé  que  les  grands  principes  de  morale 
(pii  ont  rendu  meilleures  les  lois  de  toutes 
celles  qui  ont  embrassé  le  christianisme. 

Ce  fait,  vainement  contesté  par  les  incré- 
dules, est  aisé  à  prouver  par  la  réforme  que 
fit  le  premier  em[)erour  chrétien  dans  les 
lois  romaines  qui  sont  devenues  celles  de 
l'Europe  entière.  Nous  puiserons  nos  preuves 
dans  le  Code  théoilosicn,  et  dansUjs  auteurs 
païens  cités  par  Tillemont.  —  1"  Loin  d'imi- 
ter le  despotisme  de  ses  prédécesseurs, 
Constantin  mit  des  bornes  à  son  autorité;  il 
ordonna  que  les  anciennes  lois  prévau- 
draient sur  tous  lesrescrits  de  remj.'erour,  de 
quelque  roanière  qu'ils  eussent  été  obtenus; 
que  les  juges  se  conlbruieraient  au  texte  des 
lois,  et  que  les  rescrits  n'auraient  aucune 
force  contre  la  sentence  des  juges.  11  ôta  aux 
esclaves  et  aux  fermiers  du  prince  la  liberté 
de  décliner  la  juridiction  des  juyes  ordinai- 
res. Il  donna  aux  gouverneurs  des  provinces 
le  pouvoir  de  punir  les  nobles  et  les  officiers 
coupables  d'usurpation  ou  d'autres  crimes, 
sans  que  ceux-ci  pussent  demander  leur 
renvoi  par-devant  le  préfet  de  Rome,  ou 
par-devant  l'empereur.  Les  abus  contraires 
avaient  prévalu  sous  les  règnes  précédents. 
Cod.  Theod.,  1.  i,  tit.  2,  n.  1;  1.  ii,  tit.  I,  n. 

I  ;  1.  IV,  tit.  6,  n.  1  ;  1.  ix,  tit.  1,  n.  1 .  —  2* 

II  adoucit  le  sort  des  esclaves  et  favorisa  les 
aIVranchissemeuts.  En  31'i-,  il  donna  un  édit 
(|ui  rendait  la  liberté  à  tous  les  citoyens 
(jue  Maxence  avait  injustement  condamnés 
h  l'esclavage.  En  316,  il  permit  aux  maîtres 
d'alfranchir  leurs  esclaves  dans  l'église,  ou 
par-ilevant  l'évoque,  et  aux  clercs  d'affran- 
chir les  leurs  par  testament;  quelques  [ihi- 
losophes  modernes  ont  osé  blAmer  cette 
sage  conduite.  11  soumit  à  la  peine  des  ho- 
micides tout  maître  qui  serait  convaincu 
d'avoir  tué  volontairement  son  esclave.  Cod. 
Theod.,  I.  IX,  tit,  12,  n.  1  et  2;  Tillem.,  Vie 
de  Const.,  art  36,  40,  'i-G.  —  3°  Il  modéra  les 
supplices,  il  abolit  celui  de  la  croix  et  de  la 
fraction  des  jambes;  il  lit  envoyer  aux  mines 
ceux  qui  étaient  condamnés  à  se  battre 
comme  gladiateurs  ;  il  défendit  de  les  mar- 
quer au  visage  et  au  front  ;  il  ne  voulut  pas 

DiCTIONX.   DE  TuÉOL.  DOliMATlQUE.   111. 


que  personne   fût  condamné  à  mort   sans 
preuves  suffisantes.  En  différentes  circons- 
tances,  il  fit  grâce  aux    criminels,  excepté 
aux  homicides,  aux  empoisonneurs  et  aux 
adultères.  Cod.   Theod.,  I.  ix,  tit.  38  et  56; 
1.   XV,  tit.  12,  etc.  —  V  II  réprima  les  con- 
cussions des  magistrats  et  des  ofticiers  pu- 
blics, qui  se  faisaient  payer  )iour  leurs  fonc- 
tions, et  qui  vexaient  les  plaideurs   par  le 
délai  de  la  justice.  11  permit  à  tous  ses  su- 
jets d'accuser  les  gouverneurs  et  les  officiers 
des  provinces,  pourvu  que  les  plaintes  fus- 
sent ai)puyées  de  preuves.  Il  mit  les  pupil- 
les et  les  mineurs  à  couvert  des  vexât  ons 
de  leurs  tuteurs  et  curateurs;  il  ne  voulut 
pas  que  l'on  foiçAt  les  pupilles,  les  veuves, 
les  malades,  les  impotents,  h  plaider  hors  do 
leur  province.  L.  i,  tit.  6,  n.  1  ;  tit.  9,  n.  2; 
1.  VI,  tit.  4,  num.  1.  —  5°  L'an  331,  il  fit  pour 
toujours  la  remise  du  quart   des   impôts,  et 
fit  faire  de  nouveaux  arpentages  des  terres, 
afin  de  rendre  [)lus  juste  la  répartition  des 
charges.    11  sup|irima  toute    violence  dans 
l'exaction  des  d'niers  publics;  il  défendit  de 
mettre  en  prison  ou  h  la  torture  les    débi- 
teurs du  fisc,  de  saisir  pour  ce  sujet  les  es- 
claves ou  les  animaux  servant  ?i  l'agricul  - 
turo,    de    retenir  les  prisonniers  dans  des 
lieux  infects  et  malsains.    L.  xvi,  tit.  2,  n. 
3  et  6;  Tillem.,  art.  38,  40  et  43.  —6°  En 
ôtant  aux  hommes  mariés  la  liberté  d'avoir 
des  concubines,  il  pourvut  au  sort  des  en- 
fants naturels,  et  il  est  le  premier  empereur 
qui  se  soit  occupé  de  ce  soin.  11  ordonna 
quG  les  enfants  des  pauvres  fussent  nourris 
aux  dépens  du  public,  afin  d'ôter  aux  pères 
la  tentation  de  les  tuer,  de  les  vendre  ou  de 
les  exposer,  comme  c'était  l'usage.  Il  statua 
des  peines  contre  l'usure  excessive,  contre 
le  rapt,  contre  la  magie  noire  et  malfaisante, 
contre  la  considtation  des  aruspices.  Eu  dé- 
fendant les  sacrifices  des  païens,  il  ne  voulut 
pas   que   l'on   usât  de  violence  contre  eux. 
Cod.  r/(eod.,l.iv,  tit.6,num.  1;  1.  ix,  tit.  IG; 
Tillem.,  art.  38,42,44,  53;  Libanius,  Orat. 
14. —  Déjà,   l'an   312,  après  sa  victoire,  il 
avait  fait  grâce  à  ceux  qui  avaient  suivi  le 
parti  de  Maxence,  et  il  avait  élevé  aux  di- 
gnités ceux  qui  avaient   du  mérite.  Liban., 
Orat.  12.  A  la  guerre,  il  épargna  le  sang  des 
ennemis,    et    ordonna  de    pardonner  aux 
vaincus;  il  promit  une  somme  d'argent  pour 
chaque  homme  qui  lui  serait  amené  vivant. 
11   cassa  les  soldats  prétoriens  qui  avaient 
trempé  plus  d'une  fois  leurs  mains  dans  le 
sang  des  empereurs,  et  avaient  mis  l'empire 
à  l'encan.  Aurel.  Victor,  pag.  526;  Zozyme, 
1.  II,  p.  677.  Il  créa  deux  maîtres  de  la  mi- 
lice,   et   réduisit  les  jiréfets  du  prétoire  au 
rang  de  simples  magistrats  ;  depuis  cette  ré- 
forme, les  empereurs  n'ont  plus  été  mas- 
sacrés par  les  soldats.  Pour  repeupler  les 
frontières  de  l'emiàre,  il  donna  retraite  à 
trois   cent  mille  Sarmates   chassés  de  leur 

Eays  par  d'autres  barbares,  et  leur  fit  distri- 
uer  des  terres, 

Lorsque  les  calomniateurs  du  christianis- 
me viennent  nous  demander  si,  depuis  l'é- 
tablissement de  cette  religion,  les  hommes 

13 


3'J5 


LOI 


LOI 


596 


oui  été  meilleurs  ou  plus  heureux,  les.  sou- 
verains moins  avares  et  moins  sanguinaires, 
les  crimes  plus  rares,  les  supplices  moins 
cruels,  les  lois  plus  sages,  nous  sommes  en 
droit  de  les  renvoyer  au  Code  théodosien, 
qui  a  réglé  pendant  plusieurs  années  la  ju- 
risprudence de  l'Europe,  et  qui  est  le  cane- 
vas de  celui  île  Jiistinien.  C'est  depuis  Cons- 
tantin seulement  que  les  fois  romaines  ont 
eu  une  forme  fixe  et  constante,  et  ce  prince 
est  d'autant  plus  louable,  que  c'est  lui-mêruL! 
qui  écrivait  et  rédigeait  ses  lois.  Tel  est 
néanmoins  le  personnage  contre  lequel  les 
incrédules  ont  exhaL';  leur  bile,  parce  qu'il 
a  embrassé  le  christianisme.  Nous  avons  ré- 
pondu à  leurs  invectives  au  mot  Constantin. 

Ce  détail  abrégé  suiïit  pour  montrer  les 
effets  que  l'Evangile  a  opérés  sur  la  légis- 
lation des  peuples  qui  1  ont  embrassé,  et 
l'on  sait  que  les  barbares  du  Nord  n'ont  com- 
mencé à  connaître  des  lois  que  quand  ils 
sont  dev.uus  chrétiens.  Yoy.  Christianisme. 

Lois  ecclésiastiqles.  On  entend  sous  ce 
nom  les  règlements  sur  les  mœurs  et  sur  la 
discipline  de  lEglise,  qui  ont  été  laits,  soit 
par  les  eonciles  g^néfaux  ou  particuliers, 
soit  par  les  souverains  pontifes  :  comme  la 
loi  d observer  le  carême,  celle  de  sanctifier 
les  fôtes,  de  communier  à  Pâques,  etc. 

Toute  société  quelconque  a  besoin  de  lois, 
et  ne  peut  subsister  sans  cela.  Indépendam- 
ment des  lois  qu'elle  a  reçues  dans  son  ins- 
titution, les  révolutions  du  temps  et  des 
mœurs,  les  abus  qui  peuvent  naître,  obli- 
gent souvent  ceux  qui  la  gouvernent  de 
fdire  d''  nouveaux  règlements  :  ces  lois 
seraient  inutiles  ,  si  l'on  n'était  pas  tenu  de 
les  observer.  Puisiju'il  en  faut  dans  toute  as- 
sociation, à  plus  forte  raison  dans  une  société 
aussi  étendue  que  l'Eglise  ,  qui  embrasse 
toutes  les  nations  et  tous  les  siècles.  Le 
pouvoir  de  faire  des  lois  emporte  nécessaire- 
ment celui  d'établir  des  peines  ;  or,  la  peine 
la  plus  simple  dont  une  société  puisse  faire 
usage  pour  réprimer  ses  membres  réfiac- 
taires  est  de  les  priver  des  avantages  qu'elle 
procure  à  ses  enfants  dociles,  de  rejeter  mô- 
me les  premiers  hors  de  son  sein ,  lorsqu'ils 
y  troublent  l'ordre  et  la  police  qui  doivent  y 
régner.  Souvent  l'Eglise  s'est  trouvée  dans 
cette  triste  nécessité  ;  pour  prévenir  un  plus 
grand  mal ,  elle  a  été  forcée  d'excommunier 
ceux  qui  ne  voulaient  pas  se  soumettre  à  ses 
lois.  Alors,  comme  tous  les  rebelles,  ils  lui 
ont  contesté  son  autorité  législative  ;  ainsi, 
dans  les  derniers  siècles,  les  vaudois,  les 
wicléfites,  les  hussites,  les  disciples  de  Lu- 
ther et  de  Calvin ,  ont  soutenu  que  l'Eglise 
n'a  pas  le  pouvoir  de  l'aire  des  lois  générales, 
ni  de  lier  la  conscience  des  fidèles  ;  ils  ont 
dit  que  chaque  église  particulière  était  en 
droit  d'établir  pour  elle  la  discipline  qui  lui 
paraîtrait  la  meilleure,  et  de  se  gouverner 
}iar  ses  propres  lois.  Les  incrédules,  atten- 
tifs à  recueillir  toutes  les  erreurs,  n'ont  pas 
manqué  u  adapter  cele-lîi  ;  quelques  juris- 
consultes, séduits  par  les  sophismes  des 
hérétiques,  ont  regardé  l'autorité  législative 
de  l'Eglise  comme  un  monstre  on  l'ail  de  po- 


litique, et  comme  un  attentat  contre  le  droit 
des  souverains. 

Aucun  homme  instrui,t  ne  peut  être  dupe 
du  zèle  de  ces  derniers  ;  l'expérience  prouve 
qu'il  n'est  pas  sincère.  Tous  ceux  qui  se 
sont  montrés  les  jilus  ardents  à  mettre  l'E- 
glise dans  la  dépendance  entière  et  abs'ilue 
des  souverains,  n'ont  j.amais  mamiué  d'em- 
ployer les  mêmes  principes  etles  mêmes  argu- 
ments pourréduire  ensuite  les  rois  sous  la  dé- 
pendance des  peuples.  C'est  ce  qu'ont  fait  les 
cal  vinistes,  c'est  ce  que  veulent  les  incrédules, 
c'est  où  tendaient  les  jurisconsultes  dont 
nous  parlons  :  nous  le  ferons  voir  par  la  dis- 
cu'^sion  de  leur  doctrine.  Mais  nous  devops 
alléguer  auparavant  les  preuves  directes  çlu 
pouvoir  li''gisJatif  <|ue  Jésus-Christ  a  donné 
à  son  Eglise,  et  que  Ton  ne  peut  lui  contes- 
ter san~  être  hérétique.  —  1'  Jésus-Christ  dit 
à  ses  apôtres  [Matth.,  xix,  28)  :  Au  temps  de 
la  régénération  ou  du  renouvellement  de  tou- 
tes choses ,  lorsque  le  Fils  de  l'homme  sera 
placé  sur  le  trône  de  sa  majesté,  vous  serez  as- 
sis vous-mêmes  sur  douze  sièges  pour  juger  les 
douze  tribus  d'Israël.  H  se  représente  comme 
le  chef  souverain  de  son  Eglise,  et  les  apô- 
tres comme  ses  magistrats.  L'on  sait  que, 
dans  le  style  des  Livres  saints,  le  nom  de 
juge  est  ordinairement  synonyme  de  celui  de 
législateur,  et  que  les  lois  de  Dieu  sont  ap- 
pelées ses  jugements.  Yoy.  Régénération.  Il 
ajoute  :  Comme  mon  Père  m'a  envoyé,  je  vous 
envoie  (Joan.  xx,  21j.  Celui  qui  vous  écoute, 
m'écoute  moi-même,  et  celui  qui  vous  méprise, 
me  méprise  {Luc.  x,  16).  Si  quelqu'un  n'écoute 
pas  l'Eglise,  regardez-le  comme  un  païen  et  un 
puhlicain.  Je  vous  assure  que  tout  ce  que  vous 
lierez  ou  délierez  sur  la  terre  sera  lié  ou  dé- 
lié dans  le  ciel  (Matth.  xviii,  17).  La  seule 
question  est  de  savoir  si  l'autorité  dont  Jé- 
sus-Christ a  revêtu  ses  apôtres  a  passé  à 
leurs  successeurs  ;  or,  nous  prouverons  que 
ceux-ci  l'ont  reçue  |iar  l'ordination  :  sans 
cela  l'Eglise  n'aurait  pas  pu  se  perpétuer  ; 
saint  iMathias  ,  élu  par  le  collège  apostoli- 
que, n'était  pas  moins  apôtre  que  ceux  aux- 
quels Jésus-Christ  lui-même  avait  parlé.  Il 
n'est  pas  nécessaire  de  rappurter  les  subter- 
fuges par  lesquels  les  hétérodoxes  ont  cher- 
ché k  pervertir  le  sens  de  ces  passages  ;  Bel- 
larmin  et  d'autres  les  ont  réfutés,  tom.  I, 
Controv.  2,  liv.  iv,  c.  16.  —  2°  Nous  ne  pou- 
vons avoir  de  meilleurs  interprètes  des  pa- 
roles de  Jésus-Christ  que  les  apôires  mêmes  : 
or,  ils  se  sont  attribué  le  pouvoir  de  porter 
des  lois,  et  ils  en  ont  fait  en  effet.  Asseuiblés 
en  concile  à  Jérusalem,  ils  disent  aux  fidè- 
les :  //  a  semblé  bon  au  Saint-Esprit  et  à  nous 
de  ne  point  vous  imposer  d'autre  charge  que 
de  vous  abstenir  des  chairs  immolées  aux  ido- 
les, du  sang,  des  viandes  suffoquées  et  de  la 
fornication:  vous  ferez  bien  de  vous  en  gar 
der  {Act.  xv,  28).  Cette  loi  d'abstinence  en 
renfermait  une  autre  ,  qui  était  la  défense 
d'assujettir  les  fidèles  aux  autres  observan- 
ces légales.  Conséquemmeut  saint  Paul  et 
Silas  parcoururent  les  Eglises  de  Syrie  et  de 
(^ilicie  pour  les  confirmer  dans  la  foi ,  en 
leur  ordonnant   d'observer  les  commande 


597 


LOI 


Jl       Cl^llV      HUA       V^UIllitlItV    ll.-l     .      tj 

que  vous  gardez  mes  comina 
]c  vous  les  ai  donnés  (I  Cor. 


inonfs  des  apôtrcïs  ot  dos  anciens,  nu  des  prê- 
tres {Ibid.,  41,  et  XVI,  k).  Saint  Paul  avertit 
les  évoques  ijue  le  Saint-Esprit  les  a  étaliiis 
pour  gouverner  i'Kglise  de  Dieu  (xx,  28). 
En  quoi  consisterait  leur  gouvernement,  si 
les  lidèles  n'étaient  pas  obligi's  de  leur  obéir? 
Aussi  dit-il  il  ces  deinieis  :  «  Obe'issez  à  vos 
préposés,  et  soyez-leur  soumis  [Ileb.  xm,  17  . 
Jl  écrit  aux  Corintliicns  :  Je  vous  loue  de  ce 
nnaïukinents  tels  que 
XI,  2);  aux  Tlies- 
salonicieus  :  Vous  savez  '/uels  préceptes  je 
vous    ai    donnés    par   l'aulorité   de    Jésus- 

Clirist Celui  qui  les   méprise,  ne  méprise 

pas  un  homme,  mais  Dieu ,  qui  nous  a  donné 
son  Saint-lîspril  J  Thess.  iv,  2  et  8).  Si  quel- 
qu'un n'obéit  point  à  ce  que  nous  vous  écri- 
vons, remarquez-le,  et  ne  faites  point  société 
avec  lui  {II  Thess.  ai,  (V).  11  défend  d'ordon- 
ner pour  évèque  ou  j>  lur  diacre  un  biijame, 
de  choisir  une  veuve  qui  ail  moins  de  soi- 
xante ans  ,  et  veut  quelle  n'ait  eu  qu'un 
mari  (/  Tim.  m,  2,  ',),  12).  Cette  discipline 
fut  observée  dans  1  Eglise  primitive  ;  aucune 
société  particulière  ne  s'avisa  il'étalilir  d'au- 
tres lois.  Le  môiu  '  apôtre  ordonne  à  un  évô- 
3ue  de  ri'])!  imaûi.iei  les  désobéissants  ;  il  lui 
éfend  de  Iréquenter  un  hérétique,  lorsqu'il 
a  été  re[)ris  une  oudeu\  fois  {'fit.  i,  10;  m, 
lll).  Saint  Jean  rriiouvelle  1 1  môme  délcnsi; 
(//  Joan.  lOj;  et  cetti.'  loi  subsiste  encore. 
3°  Tendant  les  trois  pr.iuiers  siècles,  et 
avant  la  conversion  des  esupereurs,  il  s'étad. 
tenu  plus  tic  vingt  conciles,  tant  en  Orient 
qu'en  Italie,  dans  Irs  (laules  et  en  Espagne, 
et  la  plupart  avaient  f  lit  des  lois  de  disci- 
pline. Ce  sont  ces  lois  qui  ont  été  recueillies 
sous  le  nom  de  Canons  des  apôtres.  Le  con- 
cile de  Nicée,  tenu  l'un  825,  s'y  conforma,  et 
{)lusieurs  sont  encore  en  usage.  11  y  a  de 
ces  canons  qui  regardent  non-seidemeiit 
l'adminislralion  des  sacrements,  les  devoirs 
desévèqiies,  les  mœurs  des  ecclésiastiques, 
l'observation  du  cirém',  la  célébration  de  la 
Pàque  ;  mais  encore  l'admiiiistralion  des 
biens  ecclésiastiques,  la  validité  des  mariages, 
les  causes  d'excommunication,  etc.;  objets 

3ui  intéressent  l'ordre  civil.  L'Eglise  n'en  a 
ispensé  personne,  sous  prétexte  que  ces 
décrets  n'étaient  pas  revêtus  de  l'autorité 
des  souverains  ;  elle'  a  mémo  exigé  l'obser- 
vation de  plusieurs,  sous  peine  d'anathème. 
Elle  a  donc  cru  constamment,  depuis  les 
apôtres  ,  que  ses  lois  obligeaient  les  fidèles 
indépendamment  de  l'autorité  civile.  Si  c'é- 
tait une  erreur,  elle  serait  aussi  ancienne 
que  l'Eglise.  —  'i-°  Plusieurs  de  ces  lois  de 
discipline  ont  une  liaison  essentielle  avec  le 
dogme  :  il  s'agissait  de  fixer  la  croyance  des 
fidèles  sur  les  etfets  des  saciements ,  sur 
l'iudissolubihté  du  mariage,  sur  la  sainteté 
de  l'abstinence,  sur  le  caractère  et  les  |.ou- 
voirs  des  ministres  de  l'Eglise,  dogmes  atta- 
qués encore  aujourd'hui  [lar  les  hérétiques. 
Or,  l'Eglise  ne  peut  avoir  le  pouvoir  de  dé- 
cider du  dogme  sans  avoir  aussi  le  liroit  de 
prescrire  les  usages  j.ropres  k  l'incidquer, 
et  les  jirécautions  nécessaires  pour  en  pré- 
venir l'allération.  .lauiais  une  secte  de  nova- 


LOl  398 

leurs  ne  s'est  élevée  contre  la  discifdine  éta- 
blie, sans  donner  atlcinte  à  quelque  article 
de  doctrine,  sans  attaquer  du  moins  l'auto- 
rité de  l'Eglise,  que  nous  avons  prouvé  être 
de  foi  divine. — 5°  11  n'est  aucune  de  ces  sec- 
tes ipii  ne  se  soit  attribué  îi  elle-même  le 
droit  qu  ell(^  refusait  ii  l'Eglise  catholique  ; 
ainsi  l'on  a  vu  les  pioteslants,  soulevés  contre 
les  lois  ecclésiastiqurs,  m  établir  de  nouvelles 
chez  eu\,  faire  dans  leurs  synodes  des  ilé- 
crets  touchant  la  forme  du  cuUe,  la  manière 
de  prêcher, l'état  et  la  eondition  de  leuis  mi- 
nistres, etc.,  enjoindre  à  leurs  partisans  de 
s'y  conformer,  'Ous  peine  d'excommunica- 
tion. Ils  ont  eu  grand  soin  de  liaire  conlir- 
nier  ce  privilège  par  les  édits  de  tolérance, 
et  ont  toujours  soutenu  qu'une  société 
chrétienne  ne  pouvait  s'en  passer.  Ils  ont 
cru  que  c  S  décrets  obligeai  nt  les  mem- 
bres de  leui-  communion,  non  en  vertu  de 
l'a  itorité  du  souverain,  mais  par  la  na- 
ture môme  di^  toute  société  religieuse  ,  el  ils 
se  sont  atlacliés  à  le  [)rouver  [lar  les  mêmes 
passages  de  l'Ecriture  dont  nous  nous  ser- 
vons pour  établir  l'autorité  de  l'Eglise  ca- 
tholique. Y  e  it-il  jamais  contradiction  plus 
j)al;iable'?  Beausobre  convient  qu'il  n'y  a 
qu'un  esprit  de  révolte  et  de  scaisme  qui 
pu  sse  soulever  les  chrétiens  contre  des  or- 
donnances ecclésiastiques  qui  n'ont  rien  de 
mauvais  ;  mais  en  mèra  ■  tem^  s  il  attribue 
à  un  esprit  de  domination  et  d'intolérance 
dans  les  clids  de  l'Egl  se,  les  lois  ri^;oureu- 
ses  qu'ils  ont  faites  sur  d'^s  cl i oses  indiffé- 
rentes. Telle  est,  dit-il,  celle  du  concile  de 
(langres,  qui  anatiiématise  ceux  qui,  ]iar  dé- 
votion et  par  mortilication,  jeûnent  le  diman- 
che. Il  demande  qui  a  donné  ;i  des  évêques 
le  pouvoir  de  faire  de  semblables  lois?  His- 
toire du  Munich  ,  1.  ix,  c.  0,  §  3. 

Nous  lui  lé  oudons  oue  c'est  le  SiUnt-Es 
prit;  ainsi  l'ont  d:'clare  les  apôtres  au  con- 
cile de  Jérusali-m  :  la  loi  qu'ils  y  ont  impo- 
sée aux  ûdôles  de  s'abstenir  du  san^;  et  des 
chairs  suffoquées  était-elle  beaucoup'  moins 
importante  que  la  défense  du  concile  de 
Gangres  de  jeun  t  le  dimanche  ?  C'est  aux 
pasteurs,  et  non  a  ix  simples  lilèles,  de  ju- 
ger si  une  c!ios.e  est  indiiîérente  ou  essen- 
tielle. Si  une  fois  l'on  admet  les  argumenta- 
tions contre  l'iiiiporfance  des  lois,  bientôt 
il  n'y  aura  plus  de  loi. —  fi"  Constanlinne  fut 
point  un  ])riuçe  peu  jaloux  de  son  autorité, 
ni  incapable  d'en  connaître  l'ét  ndue  et  les 
bornes  :  ou  peut  en  juger  par  ses  lois.  Lors- 
qu'il embrassa  le  cliristianisme,  il  ne  put 
ignorer  le  nombre  des  conciles  qui  avaient 
été  tenus  dans  l'empire,  ni  les  décrets  qui  y 
avaient  été  faits,  ni  le  pouvoir  que  s'  dtri- 
buaient  1  .s  évoques.  Présent  au  concile  de 
Nicée,  il  ne  leur  contesta  pas  plus  le  droit  de 
fixer  la  célébration  île  la  P  que,  que  le  pou- 
voir de  décider  le  dogme  attaqué  par  Arius. 
Il  ne  réclama  contre  aucun  des  décrets  de 
(Uscipline  portés  dans  les  autres  conciles 
tenii.s  sous  son  règne  ;  au  contraire  ,  il  ne 
crut  pouvoir  faire  un  usage  plus  utile  de 
l'autorité  souveraine,  que  de  les  soutenir  çt 
de  les  faire  observer.  Nous  savons  bien  que 


599 


LOI 


LOI 


400 


Jes  incrédules  ne  lui  pardonnent  pas  ccHle 
conduite  ;  mais  tout  hoinoie  sage  peut  juger 
si  l'on  doit  s'en  rapporter  à  eux  plutôt  qu'il 
lui.  Julien  lui-iuônio,  quelque  emporté  (ju'il 
fût  contre  le  christianisme,  qu'il  avait  abjuré, 
ne  s'avisa  jamais  de  regarder  les  lois  erclr- 
siastiques  comme  des  attentats  contre  l'au- 
torité impériale  ;  celles  qui  avaient  été  fai- 
tes touchant  les  mœurs  des  ecclésiasticpns 
lui  paraissaient  si  sages,  qu'il  aurait  voulu 
introduire  la  même  discipline  parmi  l'^s  pi'ù- 
tres  païens  :  il  le  témoigne  dans  ses  lettres. 
Lorsque  les  princes  idolâtres  se  sont  con- 
vertis ,  ils  ont  fait  profession  d'ombras>er 
tous  les  dogmes  enseignés  par  l'Eglise  ;  or 
un  de  ces  dogmes  est  de  croire  que  Jésus- 
Christ  a  donné  à  l'Eglise  le  droit,  l'autorité 
et  le  pouvoir  de  faire  des  lois  auxquelles 
tout  fidèle  est  obligé  d'obéir.  Nous  ne  lisons 
pas  que  Clovis,  en  se  faisant  chrétien,  ait 
rayé  cet  article  dans  sa  profession  de  foi.  11 
est  singulier  qu'après  plus  de  douze  siècles, 
des  publicistes,  instruits  à  l'école  des  iii-ré- 
tiques,  viennent  apiirendreà  nos  rois,  élevés 
dans  le  sein  de  l'Eglise,  qu'ils  ne  peuvent 
obéir  à  leur  mère  sans  renoncer  aux  droits 
de  la  souveraineté  ;  que  le  pouvoir  de  régler 
la  discipline  ecclésiastique  leur  appartient 
aussi  essentiellement  que  celui  do  tixer  la 
jurisprudence  civile,  et  qu'ils  veuillent  in- 
troduire le  système  anglican  dans  l'Eglise 
catholique.  L  examen  des  principes  sur  les- 
quels est  fondé  ce  système  achèvera  d'en 
démontrer  l'absurdité.  Ses  partisans  disent 
que  Jésus-Christ  est  le  seul  chef  de  l'Eglise  ; 
que  les  pasteurs  ne  sont  que  les  membres  et 
les  mandataires  du  corps  des  fidèles  ;  que 
les  pouvoirs  de  Jésus-Christ  ont  été  donnés 
au  corps  de  l'Eglise,  et  non  à  ses  ministres  ; 
loin,  disent-ils,  d'accorder  à  ceux-ci  aucune 
autorité,  Jésus-Christ  leur  a  interdit  toute 
voie  d'autorité  ,  puisqu'il  leur  a  dit  :  Les 
princes  des  nations  dominent  sur  elles;  il  n'en 
sera  pas  de  même  parmi  vous;  quiconque  vou- 
dra être  le  premier  entre  vous  doit  être  le 
serviteur  de  tous  {Matth.  xx,  25). 

Voilà  précisément  la  doctrine  qui  a  été 
condamnée  dans  Wiclef  et  dans  Jean  Hus, 
par  le  concile  de  Constance  ;  dans  Luther 
et  dans  Calvin,  par  le  ccncde  de  Trente.  Si 
ceux  qui  la  renouvellent  ignorent  ce  fait,  ils 
sont  bien  mal  instruits;  s'ils  le  savent,  ils 
sont  hérétiques.  Ce  n'est  point  au  corps  des 
fidèles,  mais  à  ses  apôt.es,  que  Jésus-Christ 
a  dit:  Paissez  mes  agneaux,  paissez  )nes  brebis  ; 
vous  serez  assis  sur  douze  sièges^  etc.  11  est 
absurde  de  confondre  les  pasteurs  avec  le 
troupeau,  de  préten  re  que  celui-ci  doit  se 
paître  lui-môme,  que  c'est  à  lui  d'instituer 
et  de  gouverner  ses  |iasteurs.  Ceux-ci,  selon 
saint  Paul ,  sont  établis  pour  gouverner 
l'Eglise,  non  par  les  iidèles,  mais  ^jar  le 
Saint-Esprit;  les  pouvoirs  de  Jésus-Christ 
leur  sont  donnés  par  la  mission  et  par  l'or- 
dination, et  non  par  commission  des  Iidèles. 
C'est  une  autre  hérésie  d'alTirmerque  Jésus- 
Christesi  seul  chef  de  l'Eglise.  11  est  sans  iloute 
le  seul  chef  souverain  duquel  émaneut  tous 
Ws  pouvoirs;  mais  il  a  établi  à  sa  place  un 


chef  visible,  en    disant  à  saint  Pierre  :  Sur 
cette  pierre  je  bâtirai  mon  Eglise,  etc.  Voy. 

P.VPE. 

Jésus-Christ  a  interdit  à  ses  apôtres  la  do- 
mination despotique  et  absolue,  telle  que 
l'exerçaient  alors  tous  les  souverains  des  na- 
tions ;  mais  on  voit,  par  les  passages  que  nous 
avons  cités,  qu'il  leur  a  certainement  donné 
une  autorité  pastorale  et  paternelle  sur  les 
fidèles.  Il  ne  faut  pas -confon  Ire  l'excès  et 
l'abus  de  l'autorité  avec  l'autorité  même.  Un 
autre  principe  de  nos  alversaires  est  que 
l'autorité  des  ministies  de  l'Eglise  est  pure- 
ment spirituelle  ;  ils  en  concluent  qu'elle 
peut  influer  sur  les  Ames ,  et  non  sur  les 
corps,  que  les  pasteurs  peuvent  nous  com- 
mander des  actes  intérieurs,  et  non  régler 
notre  conduite  extérieure.  Ce  n'est  qu'une 
équivoque  et  un  abus  du  mot  spir/^we/.  Cette 
autorité  a  sans  doute  pour  objet  direct  et 
principal  le  salut  de  nos  âmes;  mais  il  ne 
s'ensuit  pas  de  là  qu'elle  ne  puisse  nous 
conuuander  ni  nous  interdire  des  actions 
extérieures,  puisque  celles-ci  peuvent  con- 
tribuer ou  nuire  au  salut.  Lorsque  les 
apôtres  ordonnèrent  l'abstinence  des  viandes 
immolées,  des  chairs  sutfoquées,  du  sang  et 
de  la  fornication,  il  était  question  d'actions 
extérieures  et  très-sensibles  ;  le  carême  et  le 
dimanche,  qui  sont  de  leur  irstitution, 
tiennent  de  très-près  à  l'ordre  civil.  L'auto- 
rité ecclésiastique  a  donc  aussi  pour  objet 
cet  ordre  extérieur  de  la  société,  puisqu'elle 
règle  les  mœurs.  Les  souverains  qui  con- 
naissent leurs  véritables inlérèts  n'ont  garde 
d'en  prendre  de  l'ombrage  ;  ils  sentent 
que  l'Eglise  leur  rend  eu  cela  un  service 
essentiel. 

On  nous  objecte,  en  troisième  lieu,  que 
le  royaume  de  Jésus-Christ  n'est  pas  de  ce 
monde.  Autre  so]ihisme  :  Jésus-Chiist,  à  la 
vérité,  n'a  pas  reçu  des  puissances  de  la 
terre  sa  royauté,  et  elle  n'a  pas  pour  objet 
principal  la  félicité  de  ce  monde;  mais  elle 
s'exerce  en  ce  monde,  [luisque  par  ses  lois 
Jésus-Christ  règne  sur  son  Eglise  et  sur  les 
souverains  même  qui  l'adorent.  Cette 
royauté  jiroduit  de  très-bons  eti'els  dans  ce 
monde,  puisqu'il  n'est  point  de  nations  mieux 
policées  que  les  nations  chrétiennes.  Une 
quatrième  maxime  de  certains  politiques 
modernes  est  que  l'Eglise  est  dans  l'Etat, 
et  non  l'Etat  dans  l'Eghse;  que  celle-ci  est 
étrangère  à  l'Etat  et  au  gouvernement;  que 
ses  ministres  n'ont  été  reçus  que  sous  con- 
dition qu'ils  se  borneraient  aux  fonctions 
purement  spirituelles;  qu'aucun  souverain, 
en  irofessant  le  christianisme ,  n'a  pré- 
tendu renoncer  à  aucune  portion  de  son 
autorité. 

Mais  nous  ne  concevons  pas  en  quel  sens 
l'Eglise,  la  religion.  Dieu  et  ses  lois,  sont 
étrangers  cliez  une  nation  chrétienne;  sans 
les  luis  de  Dieu,  enseignées  par  son  Eglise, 
les  lois  civiles  seraient  réduites  à  leur  seule 
force  coaclive;  le  souverain  ne  pourrait  se 
faire  obéir  que  uar  la  crainte  des  supplices, 
au  lieu  que  l'Eglise  apprend  aux  sujets  à 
obéir  par  motif  de  conscience,  et   parce  que 


401 


LOI 


LOI 


èOH 


Dieu  rordonni'.  Un  des  principaux  devoirs 
des  pasteurs  est  (renseigner  cette  morale,  et 
d'en  donner  l'exemple.  Comment  ce  service 
qu'ils  rendent  au  gouvernement  peut-il  lui 
ùire  étranger?  A  entendre  raisonner  quel- 
ques publicistes,  il  semble  que  les  rois  aient 
lait  \iiie  grâce  à  Jésus-Christ  en  recevant 
son  Evangile  et  ses  lois;  nous  soutenons  que 
c'est  lui  qui  leur  a  fait  une  grande  grAce  en 
les  recevant  dans  sou  Eglise,  puisque,  in- 
dépendamment de  leui'  salut,  ils  y  trouvent 
un  moyen  de  rendre  leur  autorité  sacrée  et 
leurs  lois  inviolables.  Constantin,  Clovis', 
Ethelbert  et  les  autres  l'ont  très-bien  com- 
pris :  en  courbant  leur  lôle  sous  le  joug  de 
Jésus-Christ,  ils  n'ont  jias  stipulé  le  degré 
d'autorité  qu'ils  prétendaient  acrnrder  à  ses 
ministres;  Jésus-Christ  l'a  lixé  lui-môme. 
Ils  se  sont  donc  soumis  aux  lois  de  l'Eglise 
sans  restriction  et  sans  réserye;  mais  au- 
trement ils  n'auraient  jias  été  chrétiens,  et 
l'on  aurait  été  en  droit  do  leur  refuser  le 
baptême.  La  i)remière  chose  que  promettent 
nus  rois  à  leur  sacre  est  de  maintenir  de 
tout  leur  pouvoir  la  religion  catholique;  un 
dogme  essentiel  de  cette  religion  est  que 
l'Eglise  a  le  pouvoir  de  faire  des  lois,  qui 
obligent  en  conscience  tous  ses  membies 
sans  exception.  Loin  de  renoncer  par  ce 
serment  à  aucune  portion  de  leur  autorité 
légitime,  ils  la  rendent  plus  sacrée,  et  ils 
donnent  à  leurs  lois  une  force  supérieure  à 
toute  puissance  humaine.  Ils  n'ont  prétendu 
acquérir  aucune  autorité  sur  le  dogme,  sur 
la  morale,  sur  les  rites,  sur  les  lois  de 
l'Eglise,  parce  que  Dieu  ne  la  leur  a  i)as 
donnée. 

Enlin  un  nouveau  principe  imaginé  parnos 
aavers.iires  est  quTi  la  vérité  le  ministère 
des  pasteurs  un  dépend  que  de  Dieu;  mais 
que  la  publicité  d-  ce  ministère  dspend  ab- 
solument du  souverain,  que  celte  |)ublicité 
a  été  acciird('c  aux  ministres  de  l'Eglise  sous 
condition  d'être  alisolu  nient  soumis  aux  vo- 
lontés du  gouvernement. 

Nous  réjondons  qu'il  est  absurde  de  dis- 
tinguer la  prédication  de  l'Evangile,  l'admi- 
nistration des  sacrements,  le  culte  de  Dieu, 
les  f(jnctions  des  ministres  de  l'Eglise, 
d'avec  \euv  publicité.  Lorsque  Jésus-Christ  a 
dit  à  ses  apôtres  :  Prêchez  l'Evangile  à  toute 
créature;  ce  que  je  vous  dis  à  runillc,  pu- 
bliez-le sur  les  toits;  vous  serez  mes  témoins 
jusqu'aux  extrémités  de  la  terre,  etc.,  il  ne 
leur  a  point  ordonné  d'attendre  la  permis- 
sion des  souverains;  il  leur  a  [irédit,  au 
contraire  ,  que  toutes  les  ])uissances  de  la 
terre  s'élèveraient  contre  eux,  mais  qu'ils  en 
triompheraient;  c'est  ce  ijui  est  arrivé. 

Ou  le  christianisme  est  une  religion  di- 
vine, ou  c'est  une  religion  fausse;  si  elle 
est  divine,  aucune  puissance  liumaine  ne 
peut  en  empêcher  la  publication  et  la  publi- 
cité sans  résister  J>  Dieu  ;  si  elle  est  fausse, 
aucune  permission  des  souverains  n'en  peut 
rendre  la  prédication  légitime.  Un  souverain 
qui  croit  qu'elle  est  divine,  et  n'eu  permet 
pas  la  publicité,  est  un  impie  et  un  ennemi 
de  Jésus-Christ.    Les  ministres   de    l'Eglise 


ont  reeii  de  Dieu,  et  non  des  souverains, 
leur  mission  et  le  droit  de  prêcher;  Jésus- 
Christ  leur  a  ordonné  de  le  faire  malgré 
toutes  les  défenses,  et  :iu  péril  de  leur  vie  : 
c'est  ainsi  que  le  christianisme  s'est  établi. 
Lorsqu'on  a  défendu  aux  apôtres  de  prêcher 
h  Jérusalem,  ils  ont  répondu  :  Jugez  vous- 
mêmes  s'il  ne  faut  pas  obéir  à  Dieu  plutôt 
qu'aux  hommes  (Act.  c.  iv,  v.  19;  c.  v,  c.  2'J). 
Les  ministres  de  l'Eglise  doivent,  sans  doute, 
de  la  reconnaissance  aux  souverains  qui  les 
protègent;  mais  ce  n'est  ]ias  à  ce  titre  qu'ils 
doivent  leur  obéir  dans  l'ordre  civil;  ils  y 
sont  oliligés  par  la  loi  naturelle  et  par  la  loi 
divine  positive,  qui  ordonne  à  tout  homme 
d'èlre  soumis  aux  puissances  supérieures 
{Rom.,  c.  xui,  V.  1),  pourvu  toutefois  que 
ce  ne  soit  point  contre  un  ordre  positif  de 
Dieu.  Or  les  ministres  de  l'Eglise  ont  reçu 
de  Dieu  un  ordre  iiositif  de  prêcher  l'Evan- 
gile. Jésus-Christ  lui-même  a  mis  celte  res- 
triction il  l'obéissance,  en  disant  :  Rendez  à 
César  ce  qui  est  à  César,  et  à  Dieu  ce  qui 
appartient  à  Dieu,  'l'elle  est  la  règle  prescrite 
ti  tous  les  hommes  sans  exception. 

Il  n'est  donc  pas  vrai  qu'en  s'attribuant  une 
mission  divine,  les  pasteurs  de  l'Eglise  se 
rendent  indépendants  des  souverains.  Us  en 
dépendent  dans  l'ordre  civil  comme  tous  les 
autres  sujets;  ils  doivent  être  soumis  à 
toute  loi  civile  qui  n'est  point  contraire  à  la 
loi  de  Dieu;  ils  doivent  enseigner  aux  autres 
cette  soumission  et  en  donner  l'exemple; 
mais  leur  ministèr'e  concernant  le  dogme, 
la  morale,  la  discijiline  qui  règle  les  mœurs, 
n'est  point  du  ressort  de  la  loi  civile.  Il  ne 
s'ensuit  point  de  là  qu'il  y  a  un  empire  dans 
l'empire,  imperium  in  imperio,  ou  deux  au- 
torités (ontr-aires  et  qui  se  croisent,  puisque 
ces  deux  autorités  ont  deux  objets  tout 
diirérents.  Elles  ne  se  trouveront  jamais  en 
opposition,  lorsqu'on  s'en  tiendr-a  à  la  règle 
que  Jésus-  Christ  a  prescrite.  Les  anciennes 
contestations  entre  le  sacerdoce  et  l'empire 
n'auraient  pas  eu  lieu,  si  les  deux  partis 
l'avaient  mieux  observée,  et  avaient  mieux 
connu  leurs  droits  respectifs;  mais  ces  con- 
testations mêmes  ont  servi  à  les  éclaircir;  il 
n'y  a  plus  aujourd'hui  là-dessus  de  doute  ni 
d'incertitude;  et  il  est  à  présumer  que  nos 
adversaires,  avec  tous  leurs  sophismes.  ne 
viendront  plus  à  bout  d'obscurcir  la  question. 
L'Eglis  '  a  donné  une  preuve  éclatante  de 
son  juste  respect  envers  les  souverains,  h  la 
suite  du  concile  de  Trente.  Plusieurs  décrets 
de  cette  assemblée,  touchant  la  discipline, 
n'ont  pas  été  d'abord  reçus  en  France,  parce 
qu'il  y  avait  une  jurisprudence  contraire 
établie,  et  que  ces  décrets  ne  regardaient 
pas  directement  les  mœurs;  ainsi  cette  oppo- 
sition n'a  causé  aucun  scandale.  L'Eglise  a 
espéré  que  le  temps  et  les  circonstances 
amèneraient  les  choses  au  point  oii  elle  les 
désirait;  elle  ne  s'est  pas  trompée,  puisque 
la  plupart  de  ces  décrets  sont  aujourdnui 
exécutés  en  France  en  vertu  des  ordonnan- 
ces de  nos  rois. 

Que  veulent  donc  les  ennemis  de  l'Eglise? 
Non-seulement  les  erreurs  dans  lesqreUe» 


405 


LOI 


LOI 


4M 


ils  toiij'beiit  soiil  sensibles,  aiais  ils  se  ren- 
dent ridicules  par  leurs  contradictions.  D'un 
c^té,  ils  drclament  contre  le  despotisme  di'S 
princes  ;  de  l'autre,  ils  leur  attribuent  un 
pouvoir  despotique  sur  le  spirituel  aussi 
Lieu  que  sur  le  temi)Orel.  Montesquieu  l'a 
remarqué  à  l'égard  des  Anglais  :  ils  font 
bien,  dit-il,  d'être  très-jaloux  de  li'urlibf'rté; 
s'ils  venaient  à  la  perdre,  c  serait  le  peuple 
le  plus  esclave  de  la  terre;  il  serait  sous  le 
joug  d'un  despote  spirituel'  et    temporel. 

Mais  nous  avons  déjài  remarqué  le  vrai 
but  de  cette  doctrine;  nos  pollti(^ues  anti- 
chrétiens  ne  veulent  mettre  l'Eglise  dans  la 
dépendance  abaolue  des  princes,  que  pour 
réduire  les  princes  eux-mêmes  sous  le  joug 
de  leurs  sujets.  De  même  qu'ils  disent  que 
les  pasteurs  ne  sont  que  les  mandaiaires  des 
fidèles,  qu'ils  ont  n'çu  du  corps  de  VEglise 
et  non  de  Dieu  tous  leurs  pouvoirs,  que 
leurs /qîs  ne  peuvent  obliger  qu'aulant  que 
les  fidèles  vêulenl  bien  s'y  soumettre;  ils 
enseignent  aussi  que  les  rois  ne  sont  que 
les  mandataires  du  peuple,  que  c'est  de  lui 
qu'ils  tiennent  leur  autorité',  que  la  souve- 
raineté appartieut  (ssentiellement  au  peuple, 
et  qu'il  ne  peut  pas  s'en  dessaisir;  qu'il  est 
en  droit  de  la  revendiquer  e!  d'en  dépouiller 
ses  mandataires  lorsqu'ils  gouvernent  mal. 
Tel  a  été  le  progrès  de  la  doctrine  des  cal- 
vinistes :  M.  Bossiel  l'a  observé,  Histoire 
des  Var.,  tom.  IV,  pag.  311;  Bayle  lui-même 
le  leur  a  reproché,  Avis  aux  réfugiés, 
2'  point.  Les  princes  n'ont  donc  garde  de  se 
laisser  prendre  à  ce  piège;  l'expérience  leur 
a  fait  voir  qu'il  n'y  a  rien  k  gagner  pour 
eiix.  Voy.  AuTOuiTÉ  ecclésiastique,  Hié- 
rarchie, Deux  puissances,  elc.  (')• 

Lois  CIVILES.  Ce  sont  les  lois  établies  'par 
les  souverains,  pour  maintenir  l'ordre,  la 
police,  la  tranquillité  dans  leurs  États,  et 
pour  fixer  les  droits  respectifs  d  leurs  sujets. 
Un  t  éologien  ne  serait  pas  obli;.;é  d'en  par- 
ler, s'il  n'y  avait  pas  eu  des  hérétiqufs  qui 
ont  enseigné  des  erreurs  à  ce  sujet.  Les 
vaudois  et  les  anabaptistes  ont  prétendu  que 
toute  loi  humaine  est  contraire  h  la  liberté 
chrétienne;  qu'un  fidèle  n'est  pas  obligé 
en  conscience  d'y  obéir;  et  ils  se  sont  fon- 
dés s,<r  quelques  passages  de  l'Ecriture 
sainte  mal  entendus.  Luther  avait  donné 
lieu  à  cette  erreur,  par  son  livre  De  la  liberté 
ehrétienne  ;  M.  Hoisiid  l'a  réfutée,  jD^/ense  des 
Variations,  prender  discours,  §  52;  Calvin 
l'a  Siutenue  dans  son  Institution  chrétienne, 
lib.  IV,  c.  10,  §  5,  quoiqu'il  s'élève  d'ailleurs 

{i)  Nous  avons  traité  dans  notre  Dict.  de  Tliéol. 
iiior.  celle  importante  question  :  En  qni  réside  le 
pouvoir  législatif  lie  l'Eglise?  Nous  la  résumons  en 
lieux  mois.  Il  est  de  l'aitque  le  pouvoir  Icgislalit  n  side 
dans  les  évéques  ei  principalement  dans  le  pape.  Il 
est  de  foi  que  le  ()euple  chrétien  n'a  aucune  part  au 
pouvoir  législatif  de  l'Eglise.  11  approche  de  la  foi 
que  le^  prêtres  n-ont  aucune  part  ;i  ce  pouvoir.  Le 
pape  comme  souverain  de  l'Eglise  a  le  droit  de  por- 
ter des  lois  qui  obligent  tous  les  chrétiens.  L'évéque 
peut  porler  des  lois  pour  son  diocèse;  son  pouvoir 
est  soumis  a  l'autorité  souveraine  du  pape,  '-\u\  peut 
^lodlficr  ses  lois,  en  dispenser  et  niomc  les  lappor- 
téh.  Voij.  Dict.  de  Théol-  nior.,  art.  Loi. 


contre  les  anabaptistes.  Le  même  principe, 
sur  lequel  ces  sectaires  ont  prétendu  qu'un 
chrétien  n'est  pas  obligé  en  conscience  de 
se  soumettre  aux  lois  de  l'Eglise,  devait  néces- 
sairement les  conduire  à  enseigner  qu'il 
n'est  pas  obligé  non  plus  d'obéir  aux  lois 
civiles.  Le  contraire  est  cependant  formel- 
lement enseigné  par  saint  Paul  {Rom.  c.  xiii, 
V.  1)  :  Que  toute  personne,  dit-il,  soit  sou- 
mise aux  puissances  supérieures  :  toute  puis- 
sance vient  de  Dieu,  c'est  lui  qui  les  a  établies; 
ainsi  celui  qui  leur  résiste,  résiste  à  l'ordre 
de  Dieu,  et  s'attire  la  condamnation.  Le  prince 
est  le  ministre  de  Dieu  pour  procurer  le 
bien;  si  votis  faites  le  mal,  il  ne  porte  pas  le 
glaive  inutilement,  mais  pour  punir  les  mal-  ■ 
faiteurs.  Ainsi,  soyez  soumis  non-seulement 
par  la  crainte  du  châtiment,  mais  par  motif 

de  conscience Rendes  donc  à  chacun  ce 

qui  lui  est  dû,  les  tributs,  les  impôts,  les  res- 
pects, les  honneurs  à  qui  ils  appartiennent. 
S  unt  Pierre  fait  aux  fidèles  la  même  leçon 
(/  Pétri,  c.  Il,  V.  13).  L'apôtre,  comme  on  le 
voit,  n'exclut  aucune  des  lois  civiles;  il  y 
comiirend  même  les  lois  fiscales.  11  n'ac- 
corde à  piTSonne  le  droit  d'examiner  si  les 
lois  sont  justes  ou  injustes,  avant  de  s'y 
soumettre.  Quelle  loi  serait  juste,  si  l'on 
consultait  les  séditieux  et  les  malfaiteurs  7 

Jésus-Christ  avait  dé'jïi  décidé  la  question; 
lorsque  les  Juifs  lui  deman  lènnt  s'il  était 
permis  de  payer  le  tribut  h  César,  il  leur  dit  : 
Rendez  à  César  ce  qui  est  à  César,  et  à  Dieu 
ce  qui  appartient  à  Dieu  [Matth.  c.  xxii, 
V.  -21)  ;  et  il  en  donna  lui-même  l'exemple, 
en  faisant  payer  le  cens  [)Our  lui  et  pour 
saint  Pierre  (c.  xvii,  v.  20).  Aussi  ïertullien 
atteste  la  fidélité  des  chrétiens  à  satisfaire 
à  toutes  les  charges  publiques,  pendant  que 
les  païens  n'omettaient  aucune  fraude  pour 
s'en  exempter.  Apolog.,  c.  42. 

Pour  réunir  les  Hébreux  en  corps  de 
nation.  Dieu  lui-même  avait  daigné  faire  la 
fonction  de  législateur;  il  avait  porté  des 
lois  judiciaires,  civiles  et  politiques,  aussi 
bien  que  des  lois  morales  et  religieuses  : 
par  là  il  avait  témoigné  qu'il  est  lefundateur 
de  la  société  civile,  comme  il  l'est  de  la  so- 
ciété naturelle  et  domestique.  Il  est  donc 
vrai,  comme  l'enseigne  saint  Paul,  que 
toute  puissance  légitime  vient  de  Dieu  ;  de 
lui  émane  l'autorité  des  Pères,  celle  d  s  ma- 
gistrats, celle  des  princes  et  des  rois,  tout 
comme  celle  des  pasteurs.  Par  ces  liens 
divers.  Dieu  a  voulu  léprimer  les  passions 
des  hommes,  cimenter  parmi  eux  l'ordre, 
la  si'ireté  et  la  paix.  Les  hérétiques  et  les 
incrédules,  qui  ont  cherclié  ailleurs  l'origine 
des  lois  et  les  fondements  de  la  société, 
sont  non-seulement  des  imprudents  et  des 
aveu, des  qui  ont  bâti  sur  le  .^able,  mais  de 
mauvais  citoyens,  puisqu'ils  affaiblissent  et 
brisent,  autant  qu'ils  le  peuvent,  les  liens 
de  société. 

Dieu  avait  prononcé  la  peine  de  mort  con- 
tre  quiconque  résisterait  à  la  sentence  du 
juge  ou  du  souverain  magistrat  de  la  nation 
ju  ve  {Deut.  c.  xxvu,  v.  12);  il  .ivait  détendu 
d'en  médire    et  de    l'outrager  de  paroles 


405 


LOI 


LOL 


*oc 


{Eccotl.  c.  XXII,  V.  28).  Ces  lois  n'étaient 
jioint  tl(»s  ordonnancps  arbitraires;  l'oljliga- 
tion  d'y  ob  'ir  ne  venait  [las  seulement  de  ce 
que  le  gouvernement  des  Juifs  était  théo- 
cratique;  elle  dérivait  de  la  loi  naturelle. 
En  effet,  un  des  premiers  principes  de  jus- 
tice est  que  tout  iiomme  qui-jouit  des  avan- 
tages de  la  société,  doit  aussi  en  supporter 
]cs  c'  argcs  :  or,  c'est  sous  l;i  protection  des 
lois  civiles  qu'un  citoyen  jouit  en  sîireté  de 
ses  biens,  de  ses  droits,  de  son  état,  de  sa 
vie  iiiême;  rien  de  tout  cela  ne  serait  assuré 
dans  l'anarchie;  on  le  voit  dans  les  dissen- 
sions civiles.  Il  est  donc  juste  qu'il  supporte 
aussi  la  gêne,  les  inconvénients,  les  priva- 
tions que  lui  imposent  ces  mômes  lois.  C'est 
une  absurdité  de  prétendre  concilier  la  li- 
berté de  chaque  particulier  avec  la  sûreté 
générale.  Si  chacun  avait  le  droit  de  décider 
de  la  justice  ou  de  l'injustice  des  lois,  les 
gens  de  bien  seraient  de  pire  condition  que 
les  raaKaiteurs;  les  hommes  sages  et  jpaciti- 

3ues  seraient  î\  la  merci  des  insensés.  Tel  qui 
isserte  et  déclame  contre  l'injustice  d'une  loi 
quelconque,  juge  qu'clc  est  sage,  dès  qu'elle 
tourne  à  son  avantage;  si  les  circonstances 
venaient  à  changer,  il  serait  casuiste  d'au- 
tant plus  sévèri>  h  l'égard  de  son  prochain, 
qu'il  est  plus  relâché  pour  lui-même. 

Nous  n'avons  donc  pas  besoin  d'examiner 
s'il  y  a  des  lois  purement  pénales,  dont  l'in- 
fraction est  censée  innocente,  pourvu  que 
l'on  puisse  se  soustraire  à  la  peine.  S'il  y  en 
avait,  ce  serait  sans  doute  les  lois  fiscales,  et 
nous  voyons  que  Jésus-Christ  el  saint  Paul 
ordonnent  d'y  satisfaire  :  celui  qui  les  viole 
ts\  toujours  coupable.  L'exemple  qu'il 
donne  est  un  piège  pour  les  auti'es,  et  ordi- 
nairement il  n'échapi^e  à  la  jieine  que  par 
une  suite  de  fraudes  contrai les  à  la  droiture 
que  Dieu  jirescrit  à  tous  les  hommes.  S'il  n'y 
avait  pas  une  loi  divine,  naturelle  et  positive, 
qui  Ordonne  au  citoyen  d'être  soumis  aux 
lois  civiles,  parce  que  le  bien  de  la  société 
l'exige  ainsi,  toute  loi  civile  serait  pureaniit 
pénale  et  réduite  K  la  seule  force  coactive  : 
mais  Dieu,  fondateur  de  la  société,  veut  que 
«es  membres  en  observent  les  lois.  Par  ce 
motif,  un  chrétien  se  soumet  sans  murmure, 
soutfre  patiemment  le  préjudice  momentané 
qu'rl  peut  ressentir  d'une  loi  quelconque, 
en  considération  des  avautagas  durables  que 
la  société  lui  [iroeure. 

Les  anciens  philosophes  pensaient  donc 
très-sensément,  lorS(]u'ils  rapportaient  à  la 
Divinité  l'origine  de  toutes  les  lois,  et  en 
legardaient  les  infracteurs  comme  des  im- 
pies. Les  modernes,  bien  moins  sages,  dé- 
clament à  l'envi  contre  notre  législation.  Si 
on  les  en  croit,  c'est  un  amas  confus  de  lois 
disparates  el  absurdes,  un  mélang  '  bizarre 
des  lois  romaines  et  des  institutions  barba- 
res, des  lois  qui  n'ont  point  été  faites  pour 
nous,  qui  n'ont  aucune  analogie  avec  notre 
caractère  national,  etc.  (1). 

M)  Les  lois  de  Miiios,  deZaleucus,  celles  des  douze 
Tables,  rcposenl  eiiiiéreitient  sur  la  ci;iiiile  des 
dieux.  Cicéron,  dans  son  iraitc  des  lois,  pose  la  pro- 
vidence comme  la  base  de  toute   législation.  Nuroa 


Onoique  cette  discussion  ne  nous  icgaide 
uoi  Ht,  (111  nous  permettra  d'observer,  1°  qu'une 
législation  en  vertu  de  laquelle  notre  mo- 
narchie subsiste  depuis  treize  siècles,  sans 
avoir  essuyé  aucune  révolution  générale, 
ne  peut  pas  être  aussi  mauvaise  qu'on  le 
prétend  :  cela  n'est  arrivé  h  aucune  autre 
nation  de  l'univers.  Si  nos  lois  étaient  con- 
traires au  génie  national,  elles  n'auraient 
pas  duré  aussi  longtemps  cheic  un  peuple 
auquel  on  a  toujours  reproché  beaucoup 
d'inconstance  et  de  légèreté.  2°  Lorsque  nos 
rois  ont  réuni  plusieurs  de  nos  provinces  îi 
la  couronne,  le  [iremier  article  Je  la  capitu- 
lation a  toujours  été  que  les  habitants  con- 
serveraient leurs  lois  et  leurs  coutumes  par- 
ticulières. C'esi  donc  sur  la  parole  de  nos 
rois,  (]ui  doit  toujours  être  sacrée,  qu'est 
fimdée  la  diversité  des  lois,  des  coutumes, 
des  [loids,  des  mesures,  de  la  monnaie  de 
eompte,  etc.  3°  Est-ce  dans  un  siècle  cor- 
rompu el  très-|!eu  sage  que  se  trouveront 
les  hommes  les  plus  propres  à  refondre  la 
législation  et  à  faire  un  nouveau  co>le1  Des 
p'dlnsophes  chargés  de  ce  soin  commence- 
raient par  disputer  selon  leu  coutume;  au 
bout  de  dix  ans,  ils  ne  seraient  peut-être 
jias  d'ancord  sur  une  seule  loi.  Les  grands 
magistrats,  les  jurisconsultes  consommés, 
sont  timides;  ils  vrientde  loin  les  inconvé- 
nients d'une  loi  nouvelle,  ils  ne  la  projio- 
sent  qu'en  tremblant;  les  ignorants,  qui  ne 
prévoient  rien,  se  croient  ca|)ables  de  tout 
réformer.  Au  reste,  nous  ne  prétendons 
lililmer  nue  les  déclamations  indécentes  con- 
tre les  lois;  il  peut  y  avoir,  sans  doute, 
dans  les  nôtres  des  défauts  à  réparer  :  c'est 
le  sort  de  tous  les  ouvrages  des  hommes, 
et  nous  avons  cet  inconvénient  de  commun 
avec  tous  les  autres  peuples.  Le  moyen 
d'oiilenir  une  réfoime  sage  est  de  l'attendre 
avec  respect  des  puissances  qui  gouvernent. 

(Oiicluons  que  quand  un  peuple  est 
fidèle  à  observer  ses  anciennes  lois,  il  n'a 
jias  besoin  et  il  n'est  pas  tenté  d'en  faire  de 
nouvelles;  que  quand  il  est  indisposé  contre 
elles,  c'est  une  marque  qu'il  n'est  pas  capa- 
ble d'ohservei'  ni  de  souiliir  aucune  loi  :  il 
peut  dire  de  lui-même  ce  que  Tile-Live  di- 
sait ;ies  Romains  :  Nous  sommes  parvenus 
K  une  période  où  nous  ne  pouvons  plus 
supporter  ni  nos  vices,  ni  les  remèdes  né- 
cessaires pour  les  guérir. 

LOLLARDS,  nom  d'une  secte  qui  s'éleva 
en  Allemagne  au  commencement  du  s.iv' 
siècle;  elle    eut,    oit-on,    pour  auteur  un 

avait  fait  de  Rome  la  ville  sacrée,  ponr  en  faire  la 
\\\\e  éternelle.  Ole/,  la  religion  à  la  masse  des  hom- 
mes, par  quel  la  reniplacerez-vous  ?  Si  on  n'est  pas 
préoccupé  du  bien,  on  le  sera  du  mal  :  l'esprit  el  le 
cœur  ne  peuvent  demeurer  vides.  Quand  il  n'y  aura 
plus  de  religion,  il  n'y  aura  plus  ni  patrie,  ni  société 
pour  les  hommes,  qui,  en  lecouvrani  leur  indépen- 
dance, n'auront  que  la  force  pour  en  abuser.  C'est 
surtout  dans  lei  Etats  libres  que  la  iciipon  est  né- 
cessaire. C'est  la,  dit  Polybe,  que,  pour  n'être  pas 
obligé  de  donner  un  pouvoir  dangereux  à  quelques 
hommes,  la  plus  forte  crainte  doit  être  celle  des 
dieux.  (Portalis,  Discours  sur  l'organisalion  des 
ciûteB.) 


107 


LON 


LOT 


408 


nommé  LoIlard-WuUer,  ou  Gauthier-Lollard, 
qui  commença  de  dogmatiser  en  1315.  11 
emprunta  des  albigeois  la  plus  grande  partie 
de  ses  erreurs;  il  enseigna  que  les  démons 
avaient  été  chassés  du  ciel  injustement, 
qu'ils  y  seraient  un  jour  rétablis,  au  lieu 
que  saint  Michel  et  les  autres  anges  coupa- 
bles de  cette  injustice  seraient  éternellement 
damnés,  aussi  bien  que  tous  ceux  qui  n'em- 
brasseraient pas  la  doctrine  qu'il  prêchait. 
II  se  fit  un  grand  nombre  de  disciples  en 
Autriche,  en  Bohême  et  ailleurs.  Ces  sectai- 
res rejetaient  les  cérémonies  de  l'Eglise, 
l'invocation  des  saints,  l'eucharistie  et  le 
sacrifice  de  la  messe,  l'extrôme-onction  et 
les  satisfactions  pour  le  péché,  disant  que 
celle  de  Jésus-Christ  suffisait;  ils  soutenaient 
que  le  baplême  ne  produit  aucun  effet;  que 
la  pénitence  est  inutile;  que  le  mariage  n'est 
qu'une  prostitution  jurée.  Lollard  fut  brûlé 
vif  h  Cologne,  l'an  1322;  on  dit  qu'il  alla  au 
bilcher  sans  frayeur  et  sans  repentir. 

En  Angleterre,  les  sectateurs  de  Wiclef 
furent  nommés  lollards,  parce  que  ces  deux 
sectes  se  réunirent  à  cause  de  la  conformité 
de  leurs  sentiments;  les  uns  et  les  autres 
furent  condamnés  par  Thomas  Arundel, 
archevêque  de  Cantorbéry,  dans  le  concile 
de  Londres,  en  1396,  et  dans  celui  d'Oxford, 
en  1408.  On  a  observé,  avec  raison,  que  les 
wiclélites  d'Angleterre  disposèrent  les  es- 
prits au  schisme  de  Henri  VIII,  et  que  les 
lollards  de  Bohême  préparèrent  les  voies 
aux  erreurs  de  Jean  Hus. 

C'est  ainsi  que  la  plupart  des  écrivains  ont 
envisagé  les  lollards:  mais  Mosheim,  Hist. 
eccl.,\iv'  siècle,  n*  part.,  c.  2,  §  36,  prétend 
qu'ils  se  sont  trompés.  Il  dit  que  ce  nom 
signifie  gens  qui  chantent  à  voix  basse;  que 
dans  l'origine  il  fut  donné  aux  cellites  de 
Flandre,  confrérie  d'hommes  pieux,  qui  pen^ 
dant  la  peste  noire,  au  commencement  du 
XIV'  siècle,  se  dévouèrenl  à  soigner  les  ma- 
lades et  à  enterrer  les  morts,  et  qui  les  por- 
taient à  la  sépulture  en  chantant  des  hymnes 
à  voix  basse  et  sur  un  ton  lugubre.  Voy.  Cel- 
lites. 11  ajoute  qu'il  s'en  trouva  parmi  eux 
qui,  sous  un  extérieur  modeste  et  dévot, 
avaient  des  mœurs  très-corrompues;  désor- 
dre qui  rendit  bientôt  odieux  le  nom  de 
lollard.  On  le  confondit  avec  celui  de  beg- 
gards,  gens  qui  affectaient  de  prier  i)eaucoup, 
et  l'on  désigna  sous  ces  deux  noms  les  hy- 
pocrites qui ,  sous  un  masque  de  itiété  ,  ca- 
chaient un  libertinage  réel.  Ainsi,  dit-il,  le 
nom  de  lollard  n'était  point  celui  d'une 
secte  particulière;  mais  on  le  donna  indis- 
tinctement à  toutes  les  sectes  et  à  toutes  les 
personnes  que  l'on  crut  appliquées  à  cacher 
leur  impiété  envers  Dieu  et  l'Eglise  sous  les 
dehors  de  la  piété  et  de  la  religion,   (^'esl 

fiour'  cela  qu'on  le   donna  presque  h  toutes 
es  sectes  hétérodoxes  du  xiv"  et  du  xv°  siè- 
cle. Voy.  Beguards. 

»  LONGANIMITÉ.  C'est  le  nom  qu'on  iloiine  à  la 
miséricorde  de  Dieu,  qui  aUeud  le  pécheur  à  repen- 
tir. Voy.  Miséricorde,  Conversion. 

*  LONGÉVITÉ.  L'F>.riuire  nous  assure  que  les 
patriarches  vivaient  trés-longlfimps.  Les  incrédules 


ont  contesté  la  vérité  de  ce  récit.  Il  se  trouve  conllr- 
iné  par  tous  les  historiens  anciens.  Bérosc,  Mané- 
ihon,  Hirarn,  Estians,  Hécatée,  IJellanicus,  Hésiode  , 
donnent  une  très-longue  vie  aux  premiers  hommes. 
Servius,  dans  ses  commentaires  sur  Virgile,  dit  que 
les  Arcadiens  vivaient  jusqu'à  trois  cents  ans.  Ho- 
mère, Hésiode,  Platon,  Lucain,  Senèque,  parlent 
aussi  de  la  longue  vie  des  géants. 

LOT  ,  neveu  d'Abraham.  Les  incrédules 
de  notre  siècle,  marchant  sur  les  traces  des 
marcionites,  des  manichéens ,  et  d'autres 
hérétiques,  ont  fait  plusieurs  objections  sur 
la  conuuite  de  ce  patriarche,  et  sur  ce  qui 
en  est  dit  dans  l'histoire  sainte  {Gen.  c.  xix). 
Ils  ont  dit,  1°  que  l'excès  de  la  brutalité  des 
sodomites  n'est  pas  croyable.  Mais  si  l'on 
veut  comparer  ce  trait  d'histoire  avec  ceque 
plusieurs  voyageurs  ont  écrit  touchant  les 
mœurs  de  quelques  nations  idolâtres  des 
Indes etdes  autres  partiesdu monde,  on  verra 
qu'en  faitde  corruption  rien  n'est  incroyable; 
et  plût  à  Dieu  qu'il  n'y  eût  jamais  eu  rien 
de  semblable  chez  les  nations  oii  l'on  pro- 
fesse le  chiistianisrae  1  —  2°  Ils  soutiennent 
que  Lot  fut  criminel  lui-même  d'offrir  à 
ces  brutaux  Ses  deux  filles  pour  assouvir 
leur  passion.  Nous  convenons  qu'il  ne  peut 
être  excusé  que  parla  crante  et  le  trouble 
dont  il  fut  saisi, etquiluiôtèrentlaréflexion. 

—  3"  Que  le  changement  de  la  femme  de 
Lot  en  statue  de  sel  est  un  phénomène  im- 
possible. Mais  le  texte  signifie  simplement 
qu'elle  fut  statue,  c'est-à-dire  rendue  immo- 
bile par  le  sel,  et  non  changée  réellement  en 
sel.  Or,  qu'un  air  infecté  de  vapeurs  de  nitre, 
de  soufre  ,  de  bitume ,  de  vitriol  ,  puisse 
tuer  une  femme  et  la  rendre  immobile  com- 
me une  statue,  ce  n'est  ni  un  prodige  inouï, 
ni  un  phénomène  impossible.  Quant  à  ce  qui 
a  été  dit  par  quelques  historiens,  que  cette 
statue  subsistait  encore  plusieurs  siècles  après 
l'événement,  etc.,  nous  ne  sommes  pas  obli- 
gés de  le  croire.  — 4°  L'on  ne  conçoit  pas, 
disent-ils,  que  Lot,  plongé  dans  l'ivresse, 
ait  commis  deux  incestes  successifs  avec  ses 
deux  filles,  sans  le  sentir,  comme  il  est  dit 
dans  le  texte.  Mais  le  texte  signifie  seu- 
lement qu'il  ne  s'en  souvint  point  à  son 
réveil     et     lorsque    l'ivresse  fut    dissipée. 

—  5°  Ils  jugent  que  Moise  ou  un  autre  his- 
torien juif  a  forcé  cette  narration,  pour  ren- 
dre infâme  l'origine  des  Moabites  et  des  Am- 
monites, et  pour  fournir  à  sa  nation  un  pré- 
texte de  maltraiter  et  de  dépouiller  ces  deux 
peuples.  La  vérité  est  que  les  Juifs  n'ont 
dépouillé  ni  l'un  ni  l'autre,  et  n'ont  pas  en- 
vahi un  seul  pouce  de  leur  terrain.  Jephté  le 
soutient  ainsi  aux  Ammonites  (Judic.  c.  xi, 
V.  15)  ;  et  il  cite  pour  preuve  les  faits  rap- 
portes dans  le  livre  des  Nombres  (c.  xxii), 
faits  que  les  Ammonites  ne  pouvaient  igno- 
rer. Les  guerres  survenues  dans  la  suite 
entre  les  Juifs  et  ces  deux  peuples  furent 
toujours  causées  par  des  hostililés  commcii- 
céespar  l'un  des  deux  :  on  le  voit  )iar  la 
suite  de  l'histoire. — 6"  Ils  ont  souvent  répété 
que  ces  traits  del'liistoire  sainte  sont  de  très- 
mauvais  exemples.  Cela  serait  vrai,  si  l'his- 
toire les  approuvait  ;  mais  on  n'y  voit  aucun 
signe  d'approbation.  Il  s'ensuit    seulement 


409 


LUC 


LUC 


410 


que  Moïse  ot  les  autres  auteurs  sacr(''s  ont 
'•crit  avec  toute  la  sincérité  ot  l'inifiartialité 
possibles;  qu'ils  n'ont  dissimulé  aucun  des 
crimes  commis  par  les  patriarches  et  par 
leurs  descendants  ;  qu'ils  n'ont  pas  cherché 
à  nourrir  l'orgueil  des  Juifs,  ni  à  leur  inspi- 
rer des  prétentions  injuslos.  Par  le  tableau 
qu'ils  tracent  des  anciennes  mœurs,  ils  nous 
font  couiprendre  que,  dans  tous  les  temps, 
les  bieufoits  que  Dieu  a  daigné  accorder  aux 
hommes  ont  été  très-gratuits;  que  s'il  avait 
traité  la  race  humaine  commeelleleméritait, 
il  n'aurait  pas  cessé  un  moment  de  (onnor  et 
de  frapper.  Comme  cette  vérité  est  très-im- 
portante, il  a  été  nécessaire  de  l'inculquer 
dans  tous  les  temps  ;  il  n'est  pas  inutile  de 
la  répéter  encore  aujourd'hui.  Voy.  la  Dis- 
sertation de  D.  Calmet  sur  la  ruineilc  Sodome, 
Bible  d'Avignon,  t.  I,  p.  593. 

Barbejrac,  dans  son  Traité  de  la  morale  des 
Pères,  c.  S,  §  7,  a  censuré  saint  Irénée  et 
les  autres  Pères  de  l'Eglise,  qui  n'ont  pas 
voulu  condamner  rigoureusement  la  conduite 
de  Lot,  et  qui  ont  cherché  à  atténuer  h; 
crime  qu'il  a  commis  avec  ses  tilles.  Saint 
Irénée  pose  pourmaxime  que,  ipiand  l'Ecri- 
ture rapporte  une  action  sans  la  bl.'lmer, 
nous  ne  devons  pas  la  condamner,  quelque 
criminellequ'ellenous  paraisse,  maisy  cher- 
cher un  type  ou  une  tigure.  Barbeyr'ac  dit  à 
ce  sujet  que,  quand  nous  y  trouverions  un 
type,  cela  ne  peut  pas  effacer  le  crime  ;  que 
l'e-tcuse  dont  se  servent  les  Pères  donne 
lieu  à  des  conséquences  très-pernicieuses 
aux  mœurs. 

Nous  convenons  qu'un  type  n'efface  pas 
un  crime;  mais  les  Pères  ont-ils  pensé  le 
contraire,  et  n'ont-ils  pas  donné  ^l'autre  ex- 
cuse ?  Saint  Irénée  dit  que  Lot  accomplit  ce 
type,  ou  lit  l'action  dont  nous  avons  parlé, 
non  de  propos  délibéré,  ni  par  une  affection 
criminelle,  mais  sans  en  avoir  la  pensée  ni 
le  sentiment.  Adr.  Hœr.,  I.  iv,  c.  31  (olim 
50  et  51).  C'est  donc  jirincipalement  par  le 
défiut  de  connaissance  et  de  liberté  dans 
l'ivresse,  et  non  h  cause  du  type  de  cette 
action,  que  saint  Irénée  excuse  Lo^  Origène, 
saint  Jean  Chrysostonie,  Théodoret,  saint 
Ambroise,  saint  Augustin,  ont  fait  de  môme; 
et  ils  ont  cru  que  Lot  avait  été  enivré  par 
surprise,  et  non  par  sensualité.  Nous  ne 
voyons  pas  quelle  conséquence  il  en  peut 
résulter  contre  la  pureté  des  mœurs.  Grabe, 
plus  judicieux  que  Barbeyrac,  dit  qu'il  y  a 
de  la  témérité  à  porter  un  jugement  surtout 
cela.  Voy.  \<^sNotcsdr  Feuardentet  de  Grobe, 
sur  saint  Irénée. 

LUC  (saint),  l'un  des  quatre  évangélistes, 
auteur  de  l'Evangile  qui  porte  son  nom  (1), 
et  des  Actes  des  Apôtres.  Il  était  Syrien  do  na- 
tion, natif  d'.\ntioche,  et  médecin  de  profes- 
.sion;  il  fut  compagnon  dos  voyages  et  des 
travaux  de  saint  Paul,  jusqu'à  la  mort  de  cet 
apôtre  ;  mais  depuis  ce  moment,  on  ne  sait 
plus  rien  de  certain  sur  les   lieux  dans  les- 

(1)  L'Evangile  (le  saint  Luc  est  proto-canonique, 
à  l'exceptloit  de  l'iiistoire  de  la  sueur  de  san£  nui 
est  deuiero-canoniqne. 


quels  saint  Luc  prêcha   l'Evangile,  ni  sur  le 
genre  de  sa  mort. 

Selon  l'opinion  la  plus  commune,  il  écrivit 
son  Evangile  l'an  53  de  Jésus-Christ,  et  les 
Actes  des  Apôtres  dix  ans  après  ;  il  cite  l'Ecri- 
ture sainte,  selon  la  version  des  Septante,  et 
non  selon  le  texte  I  ébreu  ;  d'où  l'on  conclut 
qu'il  était  juif  helléniste,  et  que  l'Iié;  reu 
n'était  |ioiiit  sa  Ingue  maternelle.  Il  parle  un 
grec  plus  pur  que  les  autres  évangélistes,  mais 
on  y  remarque  encore  plusieurs  expressions 
jiropres  aux  juifs  hellénistes,  et  d'autres  qui 
tiennent  de  la  langue  syriaque,  usitée  à  An- 
tioche.  Ce  qu'il  dit  au  commencement  do 
son  Evangile  donne  lieu  à  quelques  discus- 
sions, u  CDUime  plusieurs,  dit-il,  ont  entre- 
j)ris  de  faire  l'histoire  des  choses  qui  sont 
arrivées  parmi  nous,  de  la  manière  que  les 
ont  rapportées  ceux  qui  en  ont  été  témoins 
(lès  le  commencement,  etqui  étaient  char- 
gés de  nous  les  annoncer,  j'ai  trouvé  bon, 
moucher  Théophile  ,  de  vous  les  écrire  par 
ordre,  après  m'en  être  soigneusement  infor- 
mé dès  l'origine,  afin  que  vous  sachiez  la 
vérité  de  ce  que  vous  avez  appris.  » 

Il  n'est  pas  fort  nécessaire  de  savoir  si  ce 
Théophile,  auquel  saint  Luc  adresseaussi  les 
Actes  des  apôtres,  était  un  personnage  particu- 
lier, ou  si  c'estlenomappcllatifde'tout  homme 
qui  aime  Dieu.  Il  dit  qu'il  s'est  informé  soi 
gneusement  do  tout;  de  là  on  conclut  qu'il 
n'était  point  du  nombre  des  soixante-douze 
disciples  qui  suivaient  Jésus-Christ,  mais 
qu'il  avait  été  converti  au  christianisme  par 
la  prédication  des  apôtres.  Cependant  ces 
mots,  des  choses  qui  sont  arrivées  parmi  nous, 
semblent  insinuer  qu'il  avait  été  ténoin 
d'un;  i)on'io  pn-iie  des  actions  du  Sau- 
veur. Saint  Luc  ajoute  qu'il  a  remonté  h  Vo- 
rir/ine;  en  etfet,  il  prend  les  faits  de  plus  haut 
que  les  autres  évangélistes,  puisqu'il  rap- 
porte la  naissance  do  saint  Jean-Baptiste, 
l'annonciation  laite  à  la  sainte  Vierge,  et 
plusieurs  événements  de  l'enfance  du  Sau- 
veur, dont  les  autres  n'ont  point  parlé.  Ce 
qu'd  dit  de  ceux  qui  avaient  p«/rr/)m  d'écrire 
la  môme  histoire  a  fait  croire  à  saint  Jérôme 
que  saint  Luc  voulait  désigner  par  là  les 
Evangiles  faux  et  apocryphes,  et  qu'il  avait 
pris  la  plume  pour  les  réfuter.  Mais  le  texte 
ne  donne  aucun  lieu  à  celte  conjecture,  puis- 
qu'il ajoute  que  ces  écrivains  avaient  fait 
l'histoire  selon  le  rapport  des  témoins.  Saint 
Luc  peut  donc  avoir  eu  on  vue  les  Evansiles 
de  saint  Matthieu  et  de  saint  Marc,  qui  exis- 
taient déjà,  quoique  peut-être  il  ne  les  eût 
pas  lus.  Il  a  pu  se  proposer  de  suivre  leur 
exemple,  et  non  de  les  réfuter,  puisqu'il  ne  les 
contredit  en  rien,  ou  de  faire  une  narration 
plus  détaillée  que  la  leur  sans  pour  cela  blâ- 
mer la  leur.  C  est  mal  à  propos  que  les  in- 
crédules ont  voulu  tirer  avantage  de  la  con- 
jecture de  saint  Jérôme,  pour  concluie  que 
les  Evangiles  apocryphes  exislaient  déjà  du 
temps  de  saint  Luc,  et  qu'ils  sont  plus  an- 
ciens que  nos  vrais  Evangiles.  Le  premier 
auleurqui  ait  parlé  des  Evangilesapocrvphes 
est  saint  Irénée,  qui  n'a  écrit  que  plus  d'un 
siècle  après  taint   Luc.  D'autres   n'ont  pas 


m 


LUC 


LUM 


413 


mieux  rencontré,  quand  ils  ont  conclu  que 
cet  Evan§élihte  n'était  pas  content  des  Evan- 
giles de  saint  Matthieu  et  de  saint  Marc, 
puisque  le  sien  n'est  pas  opposé  aux  leurs  et 
ne  les  contredit  en  rien. 

Quelques  anciens,  comme  Tertullien  et 
l'auteur  de  la  S?/nopse  attribuée  à  saint  Atha- 
nase,  pensent  que  l'Evanu;ile  de  saint  Luc 
était  proprement  l'Evangile  de  saint  Paul; 
que  cet  apôtre  l'avait  dicté  à  saint  Luc  ;  que 
quand  il  dit,  mon  Evnn<iile,i\  entend  l'Evan- 
gile de  saint  Luc.  Mais  saint  Irénée,  1.  m, 
c.  1,  dit  simplement  que  saint  Luc  mit  par 
écrit  ce  que  saint  Paul  prêchait  aux  nations; 
et  saint  Grégoire  deNazianze,  que  cet  évan- 
géliste  écrivit  aidé  du  secours  do  saint  Paul. 
Il  est  vrai  que  saint  Paul  cite  ordinairement 
l'Evangile  de  la  manière  la  plus  conforme  au 
texte  de  saint  Luc  ;  on  peut  en  voir  des  exem- 
ples [ICor.c.  xi,v.23  et  2'i.;  c.xv,v.  5,  etc.). 
Mais  saint  Luc  ne  dit  nulle  part  qu'il  ait  été 
aidé  par  saint  Paul  :  cette  conjecture  n'est 
fondée  que  sur  la  liaison  qui  a  régné  con- 
stamment entre  l'évangéliste  et  l'apôtre. 

Les  marcioiiites  ne  recevaient  que  le  seul 
Evangile  de  saint  Luc,  encore  en  retran- 
chaient-ils plusieurs  choses,  en  particulierles 
deux  |)remiers  chapitres,  comme  l'ont  remar- 
qué Tertuhien,  L.  v,  contra  Marcion.,  et 
saint  Epiphane,  Hœr.,  h2.  Yoy.  Tillemont, 
t.  II,  p.  130,  etc. 

LUCÏANISTES,  nom  de  secte  tiré  de  Lucia- 
nus  ou  Lucanas,  hérétique  du  iT  siècle.  Il 
fut  disciple  de  .Marcion,  auquel  il  suivit  les 
erreurs,  et  y  en  ajouta  de  nouvelles.  Sont 
Epiphane  dit  que  Lucianus  abandonna  Mar- 
cion, en  enseignant  aux  hommes  à  ne  point 
se  m  irier,  de  peur  d'enrichir  le  Créateur.  Ce- 
pentlant,  comme  l'a  remarqué  le  père  Le 
Quien,  c'i'tnit  là  une  erreurde  Marcion  et  des 
autres  gno^tiques.  Il  niait  l'immortalité  de 
Vâme,  qu'il  croyait  matérielle. 

Les  ariens  furent  aussi  appelés  lucianistes, 
et  l'origine  de  ce  nom  est  assez  douteuse.  11 
parait  que  ces  hérétiques,  en  se  nommant 
lucianistes,  avaient  envie  de  persuader  que 
saint  Lui  ien,  prêtre  d'Antioche,  qui  avait 
beaucoup  travaillé  sur  l'Ecriture  sainte,  et 
qui  soutï'rit  le  mart.i  re  l'an  31'2,  était  dans  le 
même  sentiment  qu'eux,  et  peut-être  le  per- 
snadi'rent-ils  à  quelques  saints  évoques  de 
ce  temps-là.  Mais,  ou  il  faut  distinguer  ce 
saint  martyr  d'avec  un  autre  Lucien,  disciple 
de  Paul  de  Samosato,  qui  vivait  dans  le  môme 
temps,  ou  il  faut  supposer  que  saint  Lucien 
d'Amioc 'i',  après  avoir  éti'  séduit  d'abord  par 
Paul  de  Saniiisate,  reconnut  snn  erreur,  et 
revint  à  la  doctrine  cathohque  touchant  la 
divinité  du  Verbe,  puisqu'il  est  certain  qu'il 
mourut  dans  le  sein  et  dar;s  la  communion 
de  l'Eglise.  On  peut  en  voiries  preuves.  Vies 
des  Pères  et  des  Martyrs,  t.  I,  p.  124. 

LUCIFÉRIENS.  Ce  nom  fut  donné  à  ceux 
cpii  adhérèrent  au  schisme  de  Lucifer,  évo- 
que de  Cag'liari  en  Sardaigne  ;  scliisnie  qui 
arriva  an  iV  siècle  de  l'Eglise. 

Voici  quelle  en  fut  l'occasion.  Après  la 
mort  de  rempereur  Constance,  fàuteui-  des 
ariens,  Julien,  son  successeur,  rendit  aux 


évêques  exilés  la  liberté  de  retourner  dans 
leurs  sièges.  Saint  Athanase  et  saint  Eusèbe 
de  Verceil,  dans  le  dessein  de  rétablir  la  paix, 
assemblèrent,  en  362,  un  concile  à  Alexan- 
drie, ofi  il  fut  résolu  de  recevoir  à  la  commu- 
nion les  évêques  qui,  dans  celui  de  Rimini, 
avaient  par  faiblesse  trahi  la  vérité  catholique, 
mais  qui   reconnaissaient   leur  faute.  Cette 
assemblée  députa  Eusèbe  pour  aller  calmer 
les   divisions    qui   régnaient   dans  l'Eglise 
d'Antioche,   où   les  uns    étaient  attachés  à 
leur  évêqueEustathe,  qui  avait   été    chassé 
de  son  siège  à  cause  de  son  attachement  à  la 
foi   catiiohque;    les   autres   à  Mélèce,  qui, 
api  es  avoir  été  dans  le  parti  des  semi-ariens, 
était  revenu  à  cette   même  foi.  Lucifer,  au 
heu  d'aller  avec  Eusèbe  auconcile  d'Alexan- 
drie, était  ahé  directement  à  Antioche,  et  y 
avait  ordonné  pour  évoque  Paulin,   dont   il 
espérait  que  les  vertus  réuniraient  les  deux 
partis.  Ce  choix  déplut  à  la  plupart  des  évo- 
ques d'Orient,  et  augmenta  le  trouble,  puis- 
qu'au  lieu  de  deux  évêques  et  de  deux  par- 
tis, il   s'en  trouva  trois.  Lucifer,  offensé  do 
ce  qu'Eusèbe  et  les   autres   n'approuvaient 
p.is  ce  qu'il  avait  fait,  se  sépara  de  leur  com- 
munion, ne  voulut  avoir  aucune  société  avec 
les  évêques    reçus  à  la  pénitence,  ni    avec 
ceux  qui  leur  avaient  fait  grâce.  Cependant 
les  marques  de  repentir  que  les  premiers  a- 
vaient  données  les  rendaient  dignes  de  l'in- 
dulgence de  leurs  collègues.  Ainsi  ce  prélat, 
recoiumandable  d'ailleurs  par  ses   talents, 
par  ses   vertus,  par  son  attachement  à  la  foi 
catholique,  par  ses  travaux,  troubla  l'Eglise 
par  un  rigorisme  outré,  et  persévéra  dans  le 
schisme  jusqu'à  la  mort.  On  ne  lui  a  repro- 
ché aucune  erreur  sur  le  dogme  ;  mais  ses 
adhérents  furent  moins  réservés;  l'un  d'en- 
tre   eux,  nommé   Hilaire,  diacre  de  Rome, 
soutenait  que  les  ariens,  ainsi  que  les  autres 
hérétiques   et  les    schismatiques,  devaient 
être  rebaptisés  lors  [u'ils  rentraient  dans  le 
sein  de  l'Eglise  catholique.  Saint  Jérôme  le 
réfuta  sohdement  dans  son  Dialogue   contre 
les  lucifériens  ;  il  soutint  que    les  Pères   de 
Rimini  n'avaient  péché  que  parsui-prise  ;  (|ue 
hur  cœur  n'.vait  point  été  complice  de  leur 
favlilcïse,  puisque,  s'ils   n'avaient    pas  pro- 
fessé assez  exactement  le  Jogme  catholique, 
ils  n'avaient  pas  non  plus  énoncé    l'erreur; 
il  le  i)ronva  par  les  actes  mêmes  du  concile. 
Les  lucifériens  étaient  répandus,  mais    en 
petit  nombre,  dans  la  Sardaia,ne  et  en  Espa- 
gne. Dans  une  requête  qu'ils    présenté  ent 
aux  empereurs  Théodose,  Valentinien  et  Ar- 
c.idi',  ils  firent  profession  de  ne  vouloiF  com- 
muniquer ni  avec  ceux  qui  avaient  consenti 
à  l'hérésie,  ni  avec  ceux  qui  leur  accordaient 
la  paix  ;  ils  soutenai-  ntque  le  jiape  Daraase, 
saint    Hilaire  de  Poitiers,    saint  Athanase  et 
les  autres    confesseurs,  en  recevant  à  la  pé- 
nitence les  ariens,  avaient  trahi  la  vérité.  V.. 
Péiau,  t.  II,  1.  IV,  C.4,  §  10  et  11;  Tillemont, 
t.  VII,  p.  51/... 

LUMIÈRE.  Dans  l'Ecriture  sainte,ce  mot  est 
souvent  employé  dans  sa  signification  pi-opre, 
mais  il  a  aussi  trcs-fréqueranicnt  un  sens  fi- 
guré [Job.  c.   XXXI,  v.  26},  la  lumière  est 


4!" 


l.UM 


LUM 


4U 


prise  piiui-  If  sideil  ;  dans  saint  Marc(c.  xiv, 
V.  54),  file  signitie  du  feu.  Ainsi,  lorsquil 
est  dit  (Gmes.  c.  i,  v.  3  ),  que  D  eu  rréa  la 
lumière,  cela  si,;;nirie  évidemment  qu'il  cr'a 
un  corps  i,An(5  et  lumineux.  L(^  grec  v"?  el  le 
français  /eu  sont  la  même  racine.  Chez  tous 
les  i>('U[ries,  la  lumirre  est  la  iiiAine  diise  que 
In  vie  ;  voir  la  lumière,  jouir  de  la  lumière, 
c'est  naître  et  vivre  (Joh.  c.  iu,v.  16)  ;  mar- 
chera la /wmîpre  des  vivants,  signilie  Jouir 
de  la  vie  et  do  la  santé.  De  môme,  dans  tou- 
tes les  lany;ues,  1 1  latriière  exprime  la  publi- 
cité. Jésus-Christ  dit  à  ses  a[ll^tres  (.Wrt///*., 
c.  X,  V.  27)  :  Ce  que  je  vous  dix  dans  les  tM- 
bres  ou  en  secret,  dites-le  à  la  huuière,  ou  au 
grand  jour. 

D(ms  le  «icns  figuré,  la  lumière  exprime  ce 
qu'il  y  a  d  jilus  parl'ait.  Lors(|ue  saint  J^'au 
dit  que  Dieu  est  lumière,  et  qu'il  n'y  a  point 
en  lui  de  ténèljres  II  Joim.  c.  v,  v.  5  )  ,  il  cn- 
tenrl  que  Dieu  est  la  S4)uvernine  |  ei'fection, 
et  qu'd  n'y  a  point  en  lui  de  déf.iul.  A  peu 
près  dans  le  même  sens,  saint  Jacques  (c.  i, 
V.  17)  ap]xdle  Dieu  le  p^re  des /i/?n)^rcs,  dans 
lequel  il  n'yapoint  d'incoustance,  ni  a^imiie 
oiuhre  d.-  changement.  I.e  Fils  de  Dieu,  .se- 
lon saint  l';n\\  {Hebr.  c.  1,  v.  3),  est  la  s[ilin- 
deur  de  la  lumière,  ou  de  la  gloire  du  Pèi'c, 
cest-h-dire qu'il  lui  est  égal  en  perfection. 
Lorsrpie  le  coiciie  de  Nicée  l'a  mimmé  Dieu 
de  Dieu,  lumière  de  lumière,  il  a  donné  à  en- 
tendre que  le  Père  éternel  a  engendré  son 
Fils  égal  à  lui-même,  sans  rien  perdre  de 
son  être  ni  de  ses  perfections,  comme  un 
flambeau  en  allume  un  auire  sans  rien  per- 
dre de  sa  luntière,  et  que  l'un  est  parfaitement 
égitl  à  l'autre.  De  même  {Sap.,  c.  vii,  v.  26), 
il  est  dit  que  la  sagesse  est  la  splendeur  de 
la  lumière  éternelle,  le  miroir  sans  tache  de 
la  majesté  de  Dieu,  et  l'image  de  sa  bonté. 

La  lumière  de  Dieu  exprime  souvent  eu 
général  les  bienfaits  de  Dieu,  les  etlets  de 
son  atfection  pour  nous  {Ps.  xxxv,  v.  10),  le 
psalmiste  dit  à  Dieu  :  «  Dans  votre  lumière 
nous  verrons  la  lumière  ;  »  c'est-h-dire  lors- 
que vous  nous  rendrez  votre  affection,  nous 
vivrons  et  nous  jouirons  de  vos  bienfaits. 
(Psnlm.  L\yj,  v.  2):  «  Que  Dieu  nous  mon- 
tre la  lumière  de  son  visage,  »  ou  i)u'il  nous 
montre  un  visage  serein,  signe  de  bienveil- 
lance et  de  bonté.  (>onséquemment,  la  /«- 
m  If  re  désigne  souvent  la  prospériti'  et  la  joie 
(Ps.  xcvi,  V.  11  ':  «La  lumière  s'est  levée 
pour  le  juste,  et  la  jiiie  pour  ceux  qui  ont 
le  cœur  droit.  »  .Mais  la  lumière  de  Dieu  dé- 
signe aussi  la  grâce,  parce  qu'elle  éclaire  nos 
esprits,  et  allume  dans  nos  cœurs  l'amour  de 
la  vertu.  (Ps.  i.xxxix,  v.  17  ),  David  dit  à 
Dicu  :  «  Faites  briller,  Seigneur,  votre /wmu're 
sur  nous,  et  dirigez  toutes  nos  œuvres.»  Jé- 
sus-ChriSt  est  a]ipclé  la  vraie  lumière  i|ui 
éclaire  tout  homme  qui  vient  en  ce  moniie 
IJoan.  c.  I,  V.  t)  !  ;  et  il  dit  lui-même  :  Je  suis 
la  lumière  du  monde  <  c.  vin,  v.  12;  c.  ix,  v. 
5),  parce  qu'il  est  l'aiitcur  et  ie  distributeur 
de  la  grâce.  Par  la  même  raison,  la  pamle  de 
Dieu,  la  l»i  de  Dieu,  est  appelée  une  lumière 
qui  nous  éclaire,  jiarce  qu'elle  nous  fait  con- 
iMiîlreiiOS  devoirs.  Jésus-Cbrist  dit  à  ses  apô- 


tie.s  :  Vous  êtes  la  lumière  du  monde  (Matth- 
c.  V,  V.  U),  parce  qu'ils  devaient  éclairer  les 
hommes  par  la  prédiiation  de  l'Evangile  <'t 
pSr  l'exemple  d(^  leurs  vertus.  Ainsi,  Jésus- 
Christ  appelle  les  bons  exemples  une  lumière: 
Que  votre  lumière  brille  devant  les  hommes, 
afin  qu'ils  voient  vos  bonnes  œuvres  (Ibid.  16'. 
Lesfidèlcs  sont  appelés  enfants  de  lumière  ;  les 
bonnes  œuvres,  des  armes  de  lumière,  etc.Fn- 
tin,  lebonheuréternel  e--t  désigné  sous  le  nom 
de   lumière  éternelle  {Apoc,  c.xxii,  v.  5,  etc.). 

L'ow&rc,  les  ténèbres,  la  «u/(,  sontl'oppnsé 
di'  la  lumière,  et  ont  h  peu  près  autant  de  si- 
gnilicalions  coniraires.  Voy.  Tévèbuks,   etc. 

La  manière  dont  Moïse  raconte  la  création 
(le  la  lumière  est  remarquable  par  l'énerçie 
et  1('  subbme  de  son  expression.  Dieu  dit  : 
Que  la  lumière  soit,  et  la  lumière  iut.  Le  rhé- 
teur Longin,  quoique  paien,  était  frappé  de 
la  noblesse  avec  laijuelle  Moïse  exprime  le 
pouvoir  créateur  de  Dieu,  qui  opère  par  le 
seul  vouloir.  Ceise,  moins  sensé,  d.sait  que 
cette  maiiiére  de  parler  semblait  suppos.M' 
dans  Dieu  un  désinmimissani  ou  un  besoin  : 
reiiian]ue  ab>-urde,  pnisquec'estuncommai!- 
demeiit  qui  est  imm  ilati-ment  suivi  de  sou 
etf  t.  Les  manichéins,  de  leur  côté,  trou- 
vaient mauvais  que  Moïse  etit  rapporté  li 
création  delà  lumière,  avant  celle  du  soleil  ; 
qu'il  eût  supposé  un  jour,  un  soir  et  un  m-i- 
tin,  avant  qu'il  y  eût  un  soleil.  Les  incrédu- 
les modernes,  dont  toute  la  s  ience  consiste 
à  collier  les  anciens,  ont  répété  (lu'il  n'y  a 
rien  de  sublime  dans  la  narration  de  Moïse, 
qu'il  y  a  même  du  désordre  et  de  la  confu- 
sion; qu'il  a  suivi  l'opinion  populaire,  selon 
laquelle  \àlumiêre  ne  vient  |ws  du  soleil,  et 
q'ii  suppose  que  c'est  un  corps  fluidi'  distin- 
gué de  cet  astre.  Rien  n'est  moins  judicieux 
que  cette  censure.  Un  peu  de  bon  sens  suf- 
fit pour  sentu'  qu  Moïse  ne  pouvaitpas  mieux 
exprimer  qu'il  l'a  fait  la  création  proprement 
dite,  et  l'on  délie  tous  les  philosophes  de 
mieux  rendre  cette  idée.  Poui' qu'il  y  eût  un 
jour,  un  soir  et  un  matin,  il  suffisait  qu'il  y 
eût  un  fc'i,  un  corps  lumineux  quelconque 
qui  tourn'.t  autour  de  la  terre,  ou  autour  du- 
quel la  terre  tournât.  Or  .Âloïse  nous  ap- 
prend que  Dieu  cn'-a  ce  corps ,  duquel 
probablement  le  soleil  et  les  étoiles  furmt 
formés  trois  jours  après.  Il  n'y  a  donc  point 
ici  de  confusion. 

Cr  lire  que  la  lumière  est  un  fluide  très- 
distingué  du  .soleil,  ce  n'est  p;is  une  opinion 
populaire,  mais  un  système  philosophique 
soutenupar  plusieurs  anciens,  renouvelé  par 
Descartes,  suivi  encore  par  un  bon  nomijre 
d'hshiles  physiciens.  Quand  on  frappe  d(ux 
cailloui  1  un  contre  l'autre ,  dans  l'obscurité, 
les  étincelles  de  lumière  qui  en  sortent  ne 
viennent  certainement  f)as  du  soleil.  Mais 
Moïse  ne  dit  rien  qui  favorise  ni  qui  détruise 
cette  opinion,  puisqu'il  paile  jimpleinent 
d' Mil  feu  ou  d'un  corps  lumineux,  dont  l'elfet 
fut  un  soir  et  un  matin,  par  eonséqueiil  uû 
jour.  Voy.  Jour. 

Au  IV'  siècle,  il  y  eut  une  gr  lude  dispute 
poursav^iirsi  la  /h/hkVp  que  certains  moines 
visionnaires  croyaient  voir  à  ieur  nombril, 


41S 


LUT 


LUT 


416 


était  la  même  que  celle  dont  Jésus-Christ  fut 
environné  sur  le  Thabor;  si  cette  lumière 
était  créée  ou  incréée.  Otte  question  très- 
absurde  donna  lieu  à  une  autre  qui  était  de 
savoir  si  les  opérations  extérieures  de  Dieu 
étaient  distinguées  ou  non  de  son  essence  ; 
si  elles  étaient  créées  ou  incréées.  La  chose 
parut  assez  grave  aux  Grecs  pour  assembler 
quatre  conciles,  dans  trois  desquels  ils  con- 
damnèrent ceux  qui  soutenaient  que  les  opé- 
rations extérieures  de  Dieu  étaient  créées  et 
distmguées  de  son  essence.  Nous  en  avons 
parlé  au  mot  Hésichastes. 

LUMINAIRE.  Voy.  Cierge. 

LUTHÉRANISME,  sentiments  de   Luther 
et  de  ses  sectateurs  touchant  la  religion. 

De  toutes  les  hérésies  qui  ont  affligé  l'Eglise 
depuis  sa  naissance,  il  n'en  est  aucune  qui 
ait  fait  des  progrès  plus  rapides,  et  qui  ait 
produit  d'aussi  tristes  effets.  Celle-ci  eut  pour 
auteur  Martin  Luther,  néàEisleben,  ville  du 
comté  de  Manstèld  en  Thuringe,  l'an  1483. 
Après  ses  études,  il  entra  dans  l'ordre  des 
Augustins  ;  en  1508,  il  alla  à  Wirtemberg,  et 
y  enseigna  la  philosophie  dans  l'université 
qui  y  avait  été  établie  quelque  temps  aupa- 
ravant. En  1512,  il  prit  le  bonnet  de  docteur; 
en  1516,  il  commença  de  s'élever  contre  la 
théologie  scolastique,  et  la  combattit  dans 
des  thèses.  En  1517,  Léon  X  ayant  fait  prê- 
cher des  indulgences  pour  ceux  qui  contri- 
bueraient aux  dépenses  de  l'éditice  de  Saint- 
Pierre  de  Rome,  eu  donna  la  commission 
aux  dominicains.  On  prétend  qu'ils  s'en  ac- 
quittèrent de  la  maiTière  la  plus  odieuse;  que 
la  plupart  de  leurs  quêteurs  menaient  une 
vie  scandaleuse,  et  faisaient  un  indigne  tra- 
lîc  des  indu'gences  ;  que  ces  moines,  dans 
leurs  sermons,  avançaimit  des  erreurs,  des 
absurdités,  et  même  des  impiétés,  pour  faire 
valoir  les  indulgences.  Il  peut  y  avoir  de 
l'exagération  dans  ce  reproche  ;  il  vient  de 
la  part  des  protestants.  Luther,  homme  vio- 
lent et  emporté,  d'ailleurs  fort  vain  et  plein 
de  lui-môme,  trouva  bon  de  prêcher  contre 
eux,  et  il  le  fit  avec  plus  de  clialeurque  n'en 
inspire  le  vrai  zèle  :  c'est  ce  qai  a  donné  des 
soupçons  contre  la  pureté  de  ses  motifs.  Des 
prédicateurs,  il  passa  aux  indulgences  mê- 
mes, et  il  déclama  également  contre  les  uns 
et  les  autres.  Il  avança  d'abord  des  proposi- 
tions ambiguës;  engagé  ensuite  dans  la  dis- 
pute, il  les  soutint  dans  un  sens  erroné,  et  il 
alla  si  loin,  qu'il  fut  excommunié  par  b^  pape 
l'an  1320.  Avant  cette  condamnation,  il  avait 
ap  elé  au  pape,  ets'i'tait  soumis  à  son  juge- 
ment ;  mais  quand  il  se  vit  flétri  et  ses  ojji- 
nions  proscrites,  il  ne  garda  plus  de  mesures. 
11  fut  si  flatté  de  se  trouver  chef  de  parti,  que 
ni  l'excommunication  de  Rome,  ni  la  con- 
damnation de  |)lusieurs  universités  célèbres, 
en  particulier  de  la  faculté  de  théologie  de 
Paris,  ne  tirent  aucune  impression  sur  lui. 
Ainsi  il  forma  une  secte  que  l'on  a  nommée 
le  luthéranisme,  et  dont  ies  partisans  sont 
appelés  luthériens. 

Pour  s'en  former  une  idée  juste,  il  faut 
voir  comment  Luther  fut  entraîné  d'une  er- 
reur à  une  autre  par  les  conséquences,  avec 


quelle  rapidité  sa  doctrine  se  répandit,  quel- 
les furent  les  causes  qui  y  contribuèrent , 
quels  sont  les  effets  qui  en  ont  résulté.  Dans 
l'article  suivant,  nous  veri'ons  le  nombre  des 
sectes  qui  sont  nées  de  celle  de  Luther. 

I.  Lorsque  ce  novateur  déclama  contre  l'a- 
bus des  indulgences,  il  ne  prévoyait  pas  à 
quels  excès  il  serait  conduit  par  la  fougue  de 
son  caractère  ;  s'il  l'avait  pressenti,  il  est  à 
j)résumer  qu'il  aurait  recula  à  la  vue  du 
chaos  d'erreurs  dans  lesquelles  il  allait  so 
jilonger  :  rien  n'est  plus  propre  que  sa  con- 
duite à  effrayer  ceux  qui  seraient  tentés  d'in- 
nover en  fait  de  reli.ion.  Comme  nous  ré- 
futons ses  opinions  dans  les  divers  articles 
de  ce  Dictionnaire  qui  y  ont  rapport,  nous 
nous  contenterons  d'y  renvoyer  le  lecteur. 

Pour  savoir  si  l'usage  des  indulgences 
était  légitime  en  lui-même,  il  fallait  exa- 
miner si  l'Eglise  a  le  pouvoir  d'absoudre  le 
pécheur  de  la  peine  éternelle  qu'il  a  méri- 
tée ;  si,  après  la  rémission  de  cette  peine, 
il  est  encore  obligé  de  satisfaire  à  la  justice 
divine  par  une  peine  temporelle;  si  l'Eglise 
peut  l'en  dispenser,  du  moins  en  partie,  en 
lui  ajtpliquant  par  l'indulgence  les  mérites 
surabondants  de  Jésus-Christ  et  des  saints. 
Luther  ne  nia  pas  d'abord  l'efficacité  de 
l'absolution,  mais  il  nia  la  nécessité  do  la 
satisfaction;  il  dit  qu'à  la  vérité  l'Eglise 
avait  puimposer,  par  les  canons  pénitentiaux, 
des  peines  médicinales,  ou  de  bonnes  œu- 
vres, capables  de  préserver  le  pécheur  de 
la  rechute;  que  ces  peines  étaient  une  pré- 
caution contre  les  péchés  futurs,  mais  non 
un  remèile  pour  les  péchés  passés  ;  que 
toute  l'indulgence  de  l'Eglise  cniisislait  à 
dispenser  le  pécheur  de  la  rigueur  de  cette 
ancienne  discipline  purement  ecclésiastique 
et  non  à  le  décharger  devant  Dieu  d'aucune 
obligation.  Voy.  Indulgence,  Satisfaction. 
—  Poussé  sur  cet  article,  il  prétendit  que 
l'Eglise  n'avait  pas  même  le  pouvoir  de  re- 
mettre les  péchés  par  l'absolution,  mais 
seulement  de  déclarer  que  le  péché  était 
remis.  Voy.  Absolution. 

Par  quel  moyen  le  péché  est-il  donc  re- 
mis, si  l'absolution  n'a  pas  cette  vertu  ?  Par 
la  foi,  répondit  Luther,  non  par  cette  foi 
générale  par  laquelle  nous  croyons  tout  ce 
que  Dieu  a  révélé,  mais  par  une  foi  spé- 
ciale par  laquelle  nous  croyons  fermement 
que  Jésus-Cnrist  est  mort  pour  nous,  el 
que  les  mérites  de  sa  mort  nous  sont  ap 
[diqués  ou  imputés.  C'est  à  cette  prétemlue 
loi  que  Luther  applique  ce  qu'a  dit  saint 
Paul,  que  nous  sommes  justiliés  par  la  foi, 
et  que  le  juste  vit  de  la  fbi,  etc.  ;  mais  il  est 
évident  que  saint  P;iul  n'a  jamais  entendu 
la  foi  de  la  manière  dont  il  a  plu  à  Luther  de 
l'expliquer.  Yoy.  Foi,  §  5;  Justification, 
Imputation.  Tel  est  néanmoins  le  fonde- 
ment de  tout  le  système  de  cet  hérésiarque, 
comme  on  va  le  voir. 

Si  c'est  par  la  foi  seulement  que  les  pé- 
chés nous  sont  remis,  ce  n'est  donc  pas  par  la 
contrition.  Aussi  Luther  décida  que  la  con- 
trition, loin  de  rendre  l'homme  moins  pé- 
cheur, le  rend  plus  hypocrite  et  plus  cou- 


AIT 


LLT 


LUT 


il8 


pable.  Voy.  Contrition.  Il  fut  néanmoins 
d'avis  de  conserver  la  confession,  à  cause 
(les  .salutaires  effets  qu'elle  peut  produire  : 
c'est  uu  des  articles  (te  la  confession  d'Au^s- 
bourj^  ;  mais,  dans  la  suite,  les  IuHk  riens 
l'ont  supprimée.  En  effet,  qui  pourrait  se 
résoudre  à  une  pratique  aussi  humiliante  et 
aussi  [)énible  ,  dès  qu'il  serait  persuadé 
qu'elle  ne  contribue  en  rien  k  la  rémission 
du  péché,  et  que,  sans  elle,  les  péchés  nous 
sont  remis  par  la  foi?  Yoy.  Confession. — 
Consi'quemment  tout  ce  que  nous  nonuuons 
œuvres  satisfactoires,  le  jeûne,  la  |iéiiileiice, 
la  continence,  les  macérations, l'aumône,  etc., 
sont  très-superllus  ;  Luther  n'hésita  ])oint 
de  l'affirmer  et  de  comlamner  ainsi  les  saints 
de  tiius  les  siècles,  saint  Paul  et  tous  les 
apôtres.  Les  vœux  monastiques,  par  les- 
quels on  s'oblige  h  toutes  ces  pratiques 
sont,  selon  lui,  un  abus.  Il  donna  l'exemple 
d'en  secouer  le  joug,  en  épousant  une  re- 
ligieuse, et  il  déclama  conlre  le  célibat  des 
prêtres. 

On  doit  faire,  sans  doute,  des  œuvres  de 
charité  et  de  religion,  des  aumônes,  des 
prières,  puisque  Jésus-Christ  les  commande; 
mais,  selon  Luther,  elles  ne  contribuent  ni 
à  effacer  les  péchés,  ni  à  nous  rendre  agréa- 
bles à  Dieu,  ni  à  nous  mériter  une  récom- 
Ëense;etron  no  sait  pas  trop  pourquoi 
ieu  nous  les  commande.  Luther  soutint 
même  absolument  que  nous  ne  pouvons 
rien  mériter,  que  tous  nos  mérites  consis- 
tent en  ce  (jue  ceux  de  Jésus-Christ  nous 
sont  imputés  par  la  fni.  Il  poussa  l'ontôte- 
ment  jusqu'à  enseigner,  d'un  côté,  que 
l'homme  pèche  dans  toutes  ses  œuvres,  et 
de  l'autre,  que  l'homme,  justifié  par  la  foi, 
ne  peut  commettre  des  péchés,  parce  que 
Dieu  ne  les  lui  imnuto  point.  M.  Bossuet 
fait  sentir  toute  l'absurdité  de  cette  contra- 
diction, Uist.  des  Variât.,  1.  i,  n.  9  et  suiv. 
Voy.  OEuvKES,  MÉRITES,  Voeux,  etc. 

Mais  si  l'homme  pèche  nécessairement 
dans  toutes  ses  œuvres,  en  quoi  consiste 
donc  le  libre  arbitre '?  Luther  prétendit  que 
le  libre  arbitre  est  nul;  que  Dieu  fait  tout 
dans  l'homme,  le  péché  aussi  bien  que  la 
vertu;  que  le  libre  arbitre,  tel  que  les  théo- 
logiens l'admettent,  est  incompatible  avec  la 
corruption  de  l'homme  et  avec  la  certitude 
de  la  prescience  divine.  Cette  doctrines  scan- 
daleuse fut  adoucie  dans  la  confession 
d'Augsbourg,  et  aucun  luthérien  n'oserait 
aujourd'hui  la  soutenir  dans  les  termes  ré- 
voltants dont  se  servait  Luliier 

Dès  que  les  péchés  ne  nous  sont  point 
remis  par  les  sacrements,  mais  jiar  la  fui,  il 
s'ensuit  que  toute  l'eiricacité  des  sacrements 
consiste  en  ce  que  ce  sont  des  signes  capa- 
bles d'exciter  la  foi  :  telle  fut  l'opinion  de 
Lutiier.  Comme  il  jugea  que  les  deux  seules 
cérémonies  capables  de  produire  cet  effet 
sont  le  baptême  et  l'eucharistie  ou  la  cène, 
il  ne  retint  que  ces  deux  sacrements;  la 
confessiond'Augsbourgyajiuit a  la  pénitence: 
mais  il  ne  paraît  pas  que  les  luthériens  soient 
demeurés  fermes  dans  ce  dernier  article  de 
leur  confession. 


Du  principe  de  Luther  touchant  les  sacre- 
ments, les  anabaptistes  et  les  sociniens  ont 
conclu  que  les  enfants  étant  incapables  d'a- 
voir la  loi,  il  ne  faut  pas  les  baptiser  après 
leur  naissance,  mais  qu'il  faut  attendre  qu'ils 
soient  jiarvenus  à  l'Age  de  raison.  Voy.  Sa- 
crement, etc. 

Il  y  avait  dans  la  doctrine  de  ce  novateur 
une  ditficult(*  par  rapport  à  l'eucharistie.  Si 
les  paroles  sacramentelles  prononcées  par 
les  prêtres  ne  produisent  rien,  quel  peut 
être  l'effet  de  la  consécration?  Ici  Lutiier, 
fieu  d'accord  avec  lui-même  ,  a  soutenu 
constamment  qu'(>n  vertu  des  paroles  de  la 
consécration  ,  Jésus-Ciirist  est  réellement 
présent  dans  l'eucharistie,  mais  que  la  subs- 
tance du  pain  et  du  vin  y  demeure;  il  rejeta 
donc  la  transsubstantiation.  Mais  Carlostadt, 
son  collègue  dans  l'université,  soutint  contre 
lui  que  la  substance  du  corps  de  Jésus-Ciirist 
ne  pouvait  pas  subsister  avec  celle  du  pain 
et  du  vin  ;  que  s'il  fallait  admeitre  la  pré- 
sence réelle,  il  fallait  admettre  aussi  la 
transsubstantiation  comme  les  catholi(jues. 
Carlostadt  eut  des  sectateurs  qui  furent 
nommés  sncramentaires ;  leur  sentuncnt  sur 
l'eucharistie  a  été  suivi  par  Zwingle  et  par 
Calvin.  Luther  no  recula  point;  il  persista 
jusqu'à  la  mort  à  enseigner  le  dogme  de  la 
présence  réelle;  mais  il  le  fit  plutôt  par  es- 
prit de  contradiction  contre  les  sacramcn 
taices  que  par  respect  pour  les  paroles  de 
Jésus-Christ,  ou  par  habitude  de  raisonner 
conséquemment,  et  l'on  ne  sait  pas  trop  ce 
qu'il  entendait  par  cetlc.  présence  réelle.  Après 
lui ,  lorsqu'il  fallut  expliquer  comment  le 
corps  de  Jésus-Christ  peut  être  dans  une 
hostie  avec  le  iiain  ,  quelques  luthériens 
dirent  que  c'était  par  impanntion,  d'autres 
par  ubiqitité,  d'autres  par  concomitance,  ou 
par  une  imion  sacramentelle.  Voy.  Impana- 
TioN,  Transsubstantiation,  Ubiquité. 

Si  Jésus -Christ  est  réellement  présent 
dans  l'eucharistie,  il  doit  y  être  adoré.  Lu- 
ther hésita  sur  ce  point;  il  avait  d'abord 
conservé  l'élévation  de  l'hostie  à  la  messe, 
en  dépit  de  Carlostadt  qui  la  désapprouvait  ; 
ensuite  il  la  supprima,  et  ne  voulut  plus  que 
Jésus-Christ,  présent  sur  l'autel,  y  fût  adoré: 
conséquemment  il  défendit  de  garder  du 
pain  consacré,  et  il  exigea  la  communion 
sous  les  deux  espèces. — Pouniuoi  Jésus- 
Christ,  présent  sur  l'autel,  ne  pourrait-il 
pas  être  offert  en  sacrifice  à  son  Père  ?  Lu- 
ther y  aurait  peut-être  consenti;  mais  comme 
les  mérites  de  Jésus-Christ  pourraient  aussi 
nous  être  appliqués  par  le  sacrifice,  cet  hé- 
résiarque ,  qui  ne  voulait  point  admettre 
d'autre  application  de  ces  mérites  que  par  la 
foi,  nia  que  la  messe  fût  un  sacrifice.  11 
n'avait  blAmé  d'abord  que  les  messes  pri- 
vées; mais  bientôt  après  il  retrancha  l'obla- 
tion ,  l'élévation  et  l'adoration  de  l'eucha- 
ristie. Voy.  Sacrifice,  Messe  ,  Elévation, 
Communion,  etc. 

De  tout  temps  cependant  ce  sacrifice  a 
été  offert  pour  les  vivants  et  pour  les  morts; 
mais  selon  la  doctrine  de  Luther,  le  péché, 
une  fois  remis  par  la  foi,  n'a  plus  besoin 


■M9 


LUT 


LUT 


*èli 


d'être  expié  ni  en  ce  monde  ni  on  l'autre  : 
H  n'y  a  donc  point  de  purgatoire;  la  prière 
pour   les    morts  est  superflue.  Dans   tou- 
tes   les    liturgies    chrétiennes    on    a    fait 
mémoire  des  saints  ;   mais  l'invocation  des 
snints,  selon  Luther,  leur  suppose  des  mé- 
rites indépendants  de  ceux  de  Jésus-Christ. 
En  vertu  de  cette  fausse  conséquence  qu'il 
prêtait    malicieusement    aux    théologiens , 
il  rejeta   l'invocation  et  l'intercession  des 
saints.  Voy.  Morts  ,  Purgatoire  ,  Saints,  etc. 
Puisque ,   selon   lui ,  les   sacrements   et 
toutes   les   cérémonies  n'ont  point  d'autre 
effet  que  d'exciter  la  foi,  l'ordination  des 
prêtres  ne  peut  leurdonner  aucun  caractère, 
aucun  pouvoir  surnaturel;  il  n'y  a  point  do 
vrai  sacerdoce  ni  d  hiériirchie  ;  c'est  aussi  le 
sentiment  de  Luther.  Dès  qu'il  ôtait  au  ma- 
riage la  dignité  de   sncrement,   on  ne    doit 
pas  être  surpris  de  ce  qu'il  a  donné  atteinte 
a  l'indissolubilité  de  ce  lien,  de  ce  qu'il  a 
permis  la  poh  gamie  au  land.^rave  de  Hesse, 
et  de  ce  qu'il  a  été    très-relâché  sur  l'adul- 
tère ;  on  le  lui  a  reproché  plus  d'une  fois. 
Vo}/.  OnDiNATioN,  HiÉuàRcniE,  Mariage,  etc. 
Furieux  d'avoir  été  condamné  et  excom- 
munié  par  le   pape,   il  décida  que  le  pajie 
était  l'antechrist  ;  il  nia  que  l'E-lise  eût  le 
pouvoir  déporter  des  censures"  et  de  con- 
damner dos  erreurs  ;  il  soutint  que  la  seule 
règle  de  loi  des  fidèles  est  l'Ecriture  sainte. 
Mais,  par  une  contradiction  révoltante,  lui- 
même  condamnait  les  sacrameutaires  et  les 
anabaptistes ,  s'attribuait  parmi   ses  secta- 
teurs toute  l'autorité  duu  souverain  pontife, 
ne   voulait  pas   que    l'on  fît   usage   d'une 
autre  version  de  l'Ecriture  sainte  que   de 
la  sienne ,   excommuniait   et  aurait  voulu 
exterminer  tous  ceux  qui  ne  pensaient  pas 
comme   lui.  11  avait  rejeté    du  canon  des 
Ecritures  l'épitre  de  saint  Jac(|ues ,   parce 
qu'elle  enseigne  trop  clairement  la  néces- 
sité des  bonnvs  œuvres;  mais  les  luthériens 
ont  adouci  sur  ce  point  la  docirine  de  leur 
patriarche,  et  ont  remis  cette  épître  dans  le 
canon,  de  même  que  rApoi'a'ypse,  qui  n'est 
pas  reçue  par  les  calvinistes.'  Voy.  Clergé, 
Pape,  etc. 

Le  même  principe  sur  lequel  il  rejetait 
toutes  les  lois  et  les  institutions  de  l'Eglise, 
comme  autant  d'inventions  humaines,  le 
conduisit  à  soutenir  qu'en  vertu  de  la  li- 
berté des  enfants  de  Dieu,  acquise  par  le 
baptême,  un  chrétien  n'était  assujetti  à  au- 
cune loi  humaine.  Aussi,  lorsqu'il  eut  fait 
paraître  son  livre  De  la  Liberté  chrétienne, 
les  paysans  d'une  partie  de  l'Allemagne  se 
révoltèrent  contre  les  seigneurs,  l'an  1525, 
jirirent  les  armes,  et  se  livrèrent  aux  plus 
grands  excès.  Voy.  Liberté  chrétiexne. 

11  est  donc  évident  que  le  luthéranisme 
ne  s'est  formé  que  peu  à  peu,  et  par  pièces; 
(/a  été  l'ouvrage  des  circonstanees,  du  ha- 
sard, de  l'intérêt  du  moment,  mais  surtout 
des  passions,  plutôt  que  de  la  force  du  génie 
de  son  auteur.  La  multitude  (tes  disputes 
qu'il  a  causées,  des  erreurs  et  des  désordres 
auxquels  il  a  donné  lieu,  des  sectes  qui  en 
sont  sorties  du  vivant  même  de  Luther,  ont 


dil  convaincre  ce  novateur  de  l'énorraité  du 
crime  qu'il  avait  commis,  en  levant  le  pre- 
mier l'étendard  de  la  révolte.  Il  a  vécu  dans 
le  trouble,  dans  la  crainte,  dans  les  fureurs 
de  la  haine;  à  moins  qu'il  n'ait  été  frappé 
d'un  aveuglement  stupide ,  il  n'a  pas  pu 
mourir  sans  remords.  —  'Vainement  ses 
sectateurs  font  de  lui  les  éloges  les  plus 
outrés,  et  le  peignent  comme  un  apôtre  sus- 
cité de  Dieu  pour  réformer  rEj;lise.  Ce  n'é- 
tait dans  le  fond  qu'un  moine  brutal  et 
grossier ,  qui  n'avait  d'autre  mérite  que 
d'avoir  passé  sa  vie  à  disputer  dans  une 
université.  Ses  panégyristes  mêmes  sont  for- 
cés de  convenir  que,  quand  il  mmpit  avec 
l'Eglise  romaine,  en  1520,  il  n'avait  point 
encore  formé  de  système  théologique,  et 
qu'il  ne  savait  encore  ce  qu'il  devait  ensei- 
gner ou  rejeter  dans  la  croyance  catholique. 
Ce  n'est  point  en  tâtonnant  ainsi,  que  les 
apôtres  ont  dressé  le  symbole  delà  foi  chré- 
tienne. Les  calvinistes  et  les  anglicans  ne 
conviennent  point  du  mérite  éminent  que 
les  luthériens  attribuent  à  leur  fondateur. 
Voy.  les  Notes  du  tradact.  de  Vhist.  ecclés.  de 
Mosheim,  tom.  l'V,  p.  50,  61,  etc. 

(1)  Voici  le  jugement  que  Tailleur  des  Discussions 
wnicaie-i  porte  des  principaux  réformateurs.  D'abord 
Lutljer  témoigne  qu'étajÉt  catholique  «  il  avait  passé 
sa  vie  en  austérités,  en  veilles,  en  jeûnes,  en  orai- 
sons, avec  pauvreté,  chasteté  et  obéissance,  i  Une 
fois  réformé,  c'est  un  autre  homme  ;  il  dit  i  que 
comme  il  ne  dépend  pas  de  lui  de  n'être  point  horimie, 
il  ne  dépend  pas  non  plus  de  lui  d'être  sans  femme, 
et  qu'il  ne  peut  pas  plus  s'en  passer  que  de  &ubvejûr 
;u)\  nécessités  naturelles  les  plus  viles.  >  (Tom.  V, 
Hi  Clip.  ]  ad  Gntal.,  v.  4,  et  Serm.  de  Matiiin., 
M.  119.) 

«  Je  ne  m'esmerveille  plus,  ô  Luther,  lui  écrivait 
Henri  "VIH,  comment  lu  n'es  honteux  :i  bon  escient, 
et  comme  tu  oses  levei-  Us  yeux  et  devant  Dieu  et 
devant  les  hommes,  puisque  tu  as  été  si  léger  cl  si 
volage  de  t'etre  laisié  transporter  par  l'instigation 
du  diable  à  les  folios  concupiscences.  Toi,  frère  je 
l'ordre  de  Saint-Augustin,  as  le  premier  abusé  d'une 
nonain  sacrée,  Iccjuel  péclié  eut  été,  le  temps  passé, 
si  rigoureusement  puni,  (|u'elle  eût  été  enterrée  vive, 
et  toi  fouetté  jjisqu'à  rendre  l'âme.  Mais  tant  s'en  faut 
que  tu  ayes  corrigé  ta  faute ,  qu'encore,  chose  exé- 
crable !  tu  l'as  publiquement  prise  pour  femme , 
ayant  contracté  avec  elle  des  uoces  incestueuses  et 
abusé  de  la  pauvre  et  misérable  p,...,  fiu  grand  scan- 
dale du  monde,  reproche  et  vitupère  (le  ta  nation, 
mépris  du  saint  mariage,  très-grand  déshonneur  et 
injure  des  vœux  faits  à  Dieu.  Finalement,  qui  est 
encore  plus  détestable,  au  lieu  que  le  déplaisir  et 
honte  de  ton  incestueux  mariage  le  dût  abattre  et 
accabler,  ô  misérable  !  lu  en  fais  gloire  ;  au  lieu  de 
requérir  pardon  de  ton  malheureux  forfait,  tu  provo- 
ques tous  les  religieux  débauchés,  par  tes  lettres,  par 
tes  écrits ,  d'en  faire  le  même.  »  (  Dans  Florim. 
p.  299.) 

«  Dieu,  pour  chàiier  l'orgueil  et  la  superbe  de  Lu- 
ther, qui  se  découvre  dans  tous  ses  écrits,  dit  un  des 
premiers  sacraraentaires,  retira  son  esprit  de  lui, 
l'abandonnant  à  l'esprit  d'erreur  et  de  mensonge,  le- 
quel possédera  loujouis  ceux  qui  ont  suivi  ses  opi- 
nions ,  jus(|u'à  ce  qu'ils  s'en  retirent.  >  (  Conrad. 
Reis.,  sur  la  cène  du  Seiijueur,  B.  2.)  <  J.;Ul,her  nous 
traite  de  secte  exécrable  et  damnée  ;  mais  qu'il  prenne 
garde  qu'il  ne  se  déclaie  lui-même  pour  archi-héré- 
ti(|ue,  par  cela  même  qu'il  ne  veut  et  ne  peut  s'asso- 
cier avec  ceux  (|ui  confessent  le  Christ.  Mais  que  c-' 
hoiume  se  laisse  élrangemeni  emporter  par  ses  de  • 


121  LUT 

11.  Mais  ce  fougueux  réformateur  fut 
ébloui  par  un  succès  auquel  il  ne  s'était  pas 
attendu.  Les  premiers  qui  embrassèrent  le 

nions!  que  son  langage  est  sale,  Cl  (jue  ses  paroles 
sont  pleines  dos  diables  d'enfer  !  Il  dit  »|ne  lo  diable 
habile  niaiiiteiianl  et  pour  Kuijours  dans  le  corps  des 
zwiiigliens,  que  les  blasphèmes  s'cxlialenl  de  leur 
sein  ensatauisé,  sursalanisé  et  pcisataiiisé  ;  ipie  leur 
langue  n"est  «pi'une  langue  niensongèie,  reniuée  au 
gre  de  Saian,  infusée,  peifusée  et  translusce  dans  son 
venin  infernal.  Vit-on  jamais  de  lels  discourj  sortis 
d'un  démon  en  fureur?  Il  a  écrit  tous  ses  livres  par 
l'inipuUion  et  sous  la  diclée  du  déjiiou,  avec  lequel  il 
eut  alfairc,  et  qui,  dans  la  luUe,  parait  l'avoir  ter- 
rassé |)ar  des  arguuicuts  viciorieux.  »  ^L'cglise  de 
Zurich,  Ciinlrn  lu  Coiif.  de  Lulhet,  p.  (il.) 

«  Voyez-vous,  s'écriait  Zwiugle  ,  comme  Satan 
s'elTorce  d'entrer  en  possession  de  cet  homme?  > 
[Hép.  à  tu  Coiif.  (le  Luther.)  i  11  n'est  point  rare,  di- 
sait-il encoie,  de  voir  Luther  se  eouiiediro  d'une 
page  à  l'autre...  ;  el,  ;»  le  voir  au  milieu  des  siens, 
vous  le  croiriez  obsédé  d'une  phalange  de  démons,  i 
(//<  d.)  Iniligné  de  l'accueil  (|ue  Luther  avait  l'ail  ;i 
sa  version  des  Ecritures,  il  teinprte  à  son  tour  contre 
celte  de  Luther,  l'appelaiii  «  un  inipos|.ei4r  qui  change 
el  rechange  la  sainte  parole.  ^ 

I  Vériiableiiieiil  Luther  est  fort  vicieux,  disait 
Calvin  ;  plût  à  Dieu  qu'il  eiU  soin  de  réfieiier  davan- 
tage rinlempcrancc  qui  bouillomie  eu  lui  de  tout 
côté  !  plùl  à  Dieu  qu'il  eût  songé  davantage  à  recon- 
naître ses  vices  !  >  (  Schlusseniberg,  Tliénl.  Cidv., 
liv.  Il,  fol.  126.)  «  Calvin  disait  encore  que  Luther 
n'avait  rien  fait  qui  vaille ;  q\i'il  ne  faut  point  s'a- 
muser à  suivre  ses  traces,  être  iiapisle  à  dcuii;  qu'il 
vaut  mieux  bàlir  une  cglisi^  tout  à  neuf...  Quelquefois, 
il  est  vrai,  Calvin  donnait  des  louanges  :>  Luther,  jus- 

?iu'a   l'appeler  le  restaurateur  du    christiai.isme.    » 
Fhu-im.) 

<  Ceux,  diseid  les  disciples  de  Calvin,  qui  mettent 
Luthcraurang  des  propbcles,  et  constituent  ses  livies 

§our  règle  île  l'Eglise,  ont  Iri'S-mal  mérité di'  l'Eglise 
e  Christ,  et  exposeiil  soi  el  leurs  églises  ii  la  risée 
el  coupe-gorge  de  leurs  adversaires.  »  (In.  Admon. 
de  lih.  Cunciiril.,  c.  G.) 

«  Ton  école,  répondait  Calvin  an  hiihérien  'Wes- 

phal,    n'est  qu'une    puante   étable  à  pourceaux 

ni'enlends-lu,  chien  ?  m  enlends-lu,  frénétique?  in'en- 
tends-tu,  grosse  béte?  > 

Carhisladl,  retiré  a  Orlamunde  avec  sa  femme,  s'y 
était  tellemeni  fail  goûter  des  habitants,  qu'ils  failli- 
rent lapider  Luther,  a<'Couru  pour  le  goiirmander 
sur  ses  mauvaises  opinions  timchant  leucliaristic  ; 
Luther  nous  l'apprend  dans  sa  lettre  à  ceux  de  Stras- 
bourg :  «  Ces  chrétiens  me  chargèrent  à  coups  de 
pierres,  me  donnant  telle  bénédiction:  Va-l'en  à  tous 
les  mille  diables  !  te  puisses-tu  rompre  le  col  avant 
d'cire  de  retour  chez  toi  !  • 

Mélnnchivn.  Voici  le  jugement  (|u'en  ont  porté 
ceux  de  sa  coiiununion.  Les  luthériens  di'clarent  en 
plein  synode  «  qu'il  avait  si  souvent  changé  d'opinion 
sur  la  primauté  du  pape,  sur  la  justilicatiou  par  la 
foi  seule,  sur  la  cène,  sur  le  libre  arbitre,  que  toutes 
ses  incertitudes  avoient  l'ail  chanceler  les  faibles  dans 
ces  questions  fondamentales  ,  empêché  un  grand 
nombre  d'embrasser  la  confession  d'Augsboiirg  ; 
qu'en  changeant  el  rechangcanl  ses  écrits,  il  n'avait 
donné  que  trop  de  sujet  aux  pontificaux  de  relever 
ses  variations,  et  aux  iiilèles  de  ne  savoir  plus  à  ipioi 
s'en  tenir  sur  la  véritable  doctrine.  »  Ils  ajoutent 
I  que  son  fameux  ouvrage  sur  les  Lieux  tliéologiquis 
pourrait  plus  convcnablemenl  s'appeler  Tmilé  sur  les 
jeui  théotogiqnes.  >  (  C'jU  ij.  Alleiil'.,  M.  ."iOâ,  .503, 
an.  1568.)  Schlusseniberg  va  même  jusqu'à  déclarer 
«  ipie,  frappé  d'en-haut  par  un  esprit  d'aveuglement 
el  de  vertige,  Mélanchion  ne  lit  plus  ensuite  que  tom- 
ber d'erreur  en  erreur,  el  finit  par  ne  plus  savoir  ce 


LUT  i<ii 

luthéranisme  furent  ceux  de  Mansfeld  et  de 
Saxe;  il  fut  prêché  h  Kiaichsaw,  en  1521;  à 
Goslar,   îi   Rostoch,  à   Riga   en   Livonie,   h 

ipi'il  fallait  croire  lui-même.  >  Il  dit  encore  c  que 
maiiifesteuieut  Mélanchton  avail  contredit  la  vérité 
divine,  à  sa  propre  honte,  et  il  l'ignominie  perpé- 
tuelle de  son  nom.  »  (Lut.  i.  p.  91,  etc.)  Eu  efl'el, 
peut-on  imaginer  quelque  chose  déplus  contraire  à 
la  foi,  au  christianisme,  que  celle  proposition  de 
Mélanchion  :  La  arliiles.  d  (ai  d  ivriil  être  m  uveiit 
chniniés  cl  éire  calqué'i  sur  les  leihpn  el  les  lirconslunces. 
(l'.nir.  philos,  du  baron  de  Starck,  miiiislre  proles- 
lanl,  etc.) 

(E  ol  imp  de.  Lrs  luthériens  oui  écrit,  dans  l' l- 
polû lie  de  le  ir  cène,  qu'OEiolampadi',  fauteur  de 
l'opinion  sacramentaiie,  parlant  un  jour  au  land- 
grave, lui  dit  :  «  J'aimerais  mieux  qu'on  m'eût  coupé 
la  main,  (|ue  non  pas  qu'elle  eût  rien  écrit  conli'e 
l'opinion  de  Luther  en  ce  qui  regarde  la  cène,  i  Ces 
paroles,  rapportées  à  Luther  par  un  homme  ipii  les 
avait  eiitenilues,  parurent  adoucir  un  instant  la  haine 
du  patriarche  de  la  reforme  ;  il  s'écria  en  a|)prenant 
sa  mort  :  «  Ah  !  misérable  et  infortuné  UIÀolanipade, 
tuas  été  leprophèleileton  malheur,  quand  tu  appelas 
Dieu  à  prendre  vengeance  de  loi  si  tu  enseignais  une 
mauvaise  doctrine.  Dieu  te  pardonne,  si  lu  es  en  tel 
état  qu'il  te  puisse  pardonner,  i  ('"!/.  Floiim.,  p. 
175.)  Peudant  que  les  habitants  de  liàle  plaçaient 
dans  leur  cathédrale  celte  épitaphe  sur  son  tombeau  :• 
«  Jean  OEcolampade,  théologien ,  premier  au- 
teur de  la  doctiiiie  évangilique  dans  celle  ville,  et 
v.iilable  évèqiie  de  ce  temple,  i  Luther  écrivait,  de 
son  côté,  (|ue  «  le  diable  ,  duquel  (Kcolampade  se 
servoil,  l'étrangla  de  nuil  dans  son  lit.  —  C'est  ce 
bon  maitre,  dit-il  encore,  qui  lui  avait  appris  qu'en 
l'Ecriture  il  y  avait  des  conlradiclions.  Voyez  à  quoi 
Satan  réduit  les  hommes  savants,  t  {De  Missa  pri- 
vai/.) 

Cmlnsiudi.  En  voici  le  portrait  tracé  parle  modéré 
Mélanchton  :  c  C'était,  dit-il,  un  homme  brûlai,  sans 
esprit,  sans  science  et  sans  aucune  lumière  du  sens 
commun  ;  qui,  bien  loin  d'avoir  quelque  marque  de 
l'esprit  de  Dieu,  n'a  jamais  su  ni  pratiqué  aucun  des 
devoirs  de  la  civilité  humaine.  Il  paraissait  en  lui  des 
marques  évidentes  d'impiété  ;  toute  sa  doctrine  était 
ou  juda  (pie  ou  séditieuse.  Il  condamnait  toutes  les 
lois  faites  par  les  païens  ;  il  voulait  que  l'on  jugeât 
selon  la  loi  de  Moise,  parce  qu'il  ne  connaissait  point 
la  natiiri'  de  la  liberté  chrétienne;  il  embrassa  la 
doctrine  faMatii(ue  des  anabaptistes,  aussitôt  que  Ni- 
colas Siork  commença  de  la  répan.lre.  Une  partie  de 
l'Allemagne  peut  rendre  témoignage  que  je  ne  dis 
rien  en  cela  ipie  de  véritable.  >  (Florim.)  Il  fut  le 
premier  prêtre  de  la  réforme  (|ui  se  maria.  Dans  la 
messe  de  nouvelle  fabrique  qui  fut  composée  pour 
son  mariage,  ses  fanaliques  partisans  allèrent  jus- 
qu'au point  de  qualifier  de  bienheureux  cet  homme 
qui  iiorlait  des  tiiarijues  évidentes  d'inipiélé.  L'oraison 
de  celte  messe  était  ainsi  conçue  :  Dens,  qui  p  si  tam 
lonyain  elimxiain  facerdoliim  tthrmn  cœcitalem,  bia- 
lum  Adrœnm  CarlosiaHitm  ea  qratia  dunare  dignalus 
es,  ut  piimus,  niilla  hiibila  r.t.oiie  p  ;pis(j.  i  jiiris,  u.ro- 
rcm  ducere  auMs  fueril;  da,  qiiœsiimus,  ui  umnes  sa- 
cerdoles,  receplit  s^anii  mente,  ejus  eestigui  sequenles, 
ejeciis  coticubinii  anl  eisdtm  duclis,  ad  leijitimi  eonsor- 
liinit  thori  ronvertuntur  ;  Ver  Dominum  nosirum,  etc. 
(Citi'e  dans  Florim.) 

€  On  ne  peut  nier,  nous  disent  les  luthériens,  que 
Cirlosladt  n'ait  clé  étranglé  du  diable,  vu  tant  de  té- 
moins (|ui  le  rapportent,  tant  d'auteurs  qui  l'ont  mis 
par  écrit,  et  les  lettres  mêmes  des  pasteurs  de  Uàle.  » 
(  Hist.  de  Ccen.  .Aiigusl.,  fol.  41.)  Il  laissa  un  lils, 
Hans  Carlostadt,  qui,  détaché  des  erreurs  de  son 
pi'rp,  se  rangeai  l'Eglise  catliolii|iir. 

Tels  furent  les  apôtres  de  la  prêt  ndue  rérorme  : 
or,  que  pouvait-on  attendre  de  pareils  hommes?  Que 


i25 


LUT 


LUT 


m 


Reutiinge  et  à  Halle  en  Souabe,  à  Augs- 
bourg,  k  Haral)Ourg,  en  1522  ;  en  Prusse  et 
daps  la  Poméranie,  en  1523  ;  à  Eimbecli, 
flans  le  duché  de  Lunebourg,  h  Nuremberg, 
eu  1525;  dans  la  Hcsse,  en  1526  ;  à  Altem- 
bourg,  à  Brunswick  et  à  Strasbourg,  en 
1528;  à  Gottingue,  h  Lemgou,  à  Lunebourg, 
en  1530;  à  Munster  et  à  Paderborn  en  West- 
phalie,  en  1532;  à  Ktlingue  et  ;v  Ulm,  en 
t533;  dans  le  duché  de  Gubenhaguen,  à 
Hanovre  et  en  Poméranie,  en  1531.;  dans  le 
duché  de  Wirtemberg,  en  1535;  à  Cotbus, 
dans  la  Basse-Lusace,  en  153";  dans  le  comté 
de  la  Lippe,  en  1538  ;  dans  j'électorat  de 
Brandebourg,  à  Brème,  à  Hall  en  Saxe,  à 
Leipsick  en  Misnie,  et  h  Quedlimbourg,  en 
1539;  à  Embden  dans  la  Frise  orientale,  à 
Hailbron,  à  Halberstat,  à  Magdebourg,  en 
15ÎI-0;  au  Palatinat  dans  le  duché  de  Neu- 
bourg,  à  Ragensbourg,  et  à  Wismar,  en  154-1  ; 
àBuxtende,ù  Hildesheim  et  à  Osnabruck, 
en  154-3;  dans  le  Bas-Palatinat,  en  154-0  ; 
dans  le  Mecklembourg,  en  1552;  dans  le 
marquisat  de  Dourlach  et  de  Hochberg,  en 
1556;  Jansle  comté  de  Benteheim,  en  1564; 

pouvail-on  espérer  de  leurs  prédications?  Quels  en 
lurent  les  résultais?  Eux-nicnies  vont  nous  rappren- 
dre. 1  Le  monde,  dit  Luther,  empire  tous  les  jours, 
et  devient  plus  méchant.  Les  hommes  sont  aujour- 
d'hui plus  acharnés  à  la  vengeance,  plus  avares,  de- 
mies (le  toute  miséricorde,  moins  modestes  et  |)lus 
incorrigibles;  enfin  plus  mauvais  qu'en  la  papauté.  > 
(  Luther,  i«  PoslHla,  sa>).  l.  Doui.  Advent.) 

«  Une  chose  aussi  étonnante  que  scandaleuse,  est 
de  voir  que  depuis  que  la  pure  doctrine  de  l'Evan- 
gile vient  d'ctre  remise  en  lumière ,  le  monde  s'en 
aille  journellement  de  mal  en  pis.»  (Luther,  in  Senn. 
conv.v.  Germuin.,  fol.  55.) 

Luther  avait  coutume  de  dire  «  qu'après  la  révéla- 
tion de  son  Evangile,  la  vertu  avait  été  éteinte,  la 
justice  opprimée,  la  tempérance  garrottée,  la  vérité 
déchirée  par  les  chiens,  la  foi  deveime  chancelante, 
la  dévotion  perdue.  » 

I  Les  nobles  et  les  paysans  en  sont  venus  à  se  van- 
ter sans  laçon,  qu'ils  n'ont  que  faire  d'être  prêches  ; 
qu'ils  aiment  mieux  qu'on  les  débarrasse  tout-.i-1'ait 
de  la  parole  de  Dieu,  et  qu'ils  ne  donneraient  pas 
une  obole  de  tous  nos  sermons  ensemble.  Eh  !  com- 
ment leur  en  faire  un  crime,  dès  qu'ils  ne  tiennent 
nul  compte  de  la  vie  future?  Ils  vivent  comme  ils 
croient;  ils  sont  et  restent  des  pourceaux,  croient 
en  pourceaux  et  meurent  en  vrais  pourceaux.  > 
(Le  même,  sur  ta  1"  Ep.  aux.  Corintltieus,  chap.  15.) 

C'était  alors  un  proverbe  en  Alleiuagne,  pour  an- 
noncer qu'on  allait  passer  joyeusement  la  journée  en 
débauche  :  tlodie  lulheranice  vi  émus;  nous  nous  en 
doimerons  aujourd'hui  a  la  luthérienne. 

I  Que  si  les  souverains  évangélisants  n'interposent 
leur  autorité  pour  apaiser  toutes  ces  contestations, 
nul  doute  que  les  églises  de  Christ  ne  soient  bientôt 
infectées  d'hérésies  qui  les  entraîneront  ensuite  à 
leur  ruine...  Par  tant  de  paradoxes,  les  fondements  de 
notre  religion  sont  ébranlés,  les  principaux  articles 
mis  en  doute,  les  hérésies  entrent  en  ioule  dans  les 
églises  de  Christ,  et  le  chemin  s'ouvre  à  l'athéisme. 
(Sturm.,   tiulio  ineundœ  coiicord.,  p.  2,  an.  1579.) 

<  Nous  en  sommes  venus  à  un  tel  degré  de  barba- 
rie, dit  Mélanchton,  que  plusieurs  sont  persuadés 
que  s'ils  jeûnaient  un  seul  jour,  on  les  trouverait 
morts  la  nuit  suivante.  >  (  i>ur  le  clmp.  6  de  saint 
ilalthieii.) 

1  L'Elbe,  écrivait-il  coulidemment  à  un  ami,  l'Elbe 
avec  tous  ses  flots  n'a  pu  me  fournir  assez  tl'eau 


à  Haguenau  et  au  bas  marquisat  de  Bade,  en 
1568,  et  dans  le  duché  de  Magdebourg,  en 
1570. 

Vers  l'an  1525,  deux  disciples  de  Luther 
portèrent  en  Suède  les  premières  semences 
de  ses  opinions.  Gustave  Vasa,  qui  venait 
d'y  être  placé  sur  le  trône,  jugea  qu'une  ré- 
volution dans  la  religion  abaisserait  la  puis- 
sance du  clergé  et  airormirait  la  sienne;  il 
favorisa  le  luthéranisme ,  l'embrassa  lui- 
même,  le  rendit  bientôt  dominant  dans  ses 
Etats,  et  s'empara  des  biens  ecclésiastiques. 
Christiern  III,  roi  de  Danemark,  entra  dans 
les  mêmes  vues,  par  les  mêmes  motifs;  aidé 
par  les  conseils  et  parles  armes  de  Gustave, 
il  se  rendit  maître  absolu  en  1536 ,  et  fit 
recevoir  dans  son  royaume  la  confession 
d'Augsbourg  pour  règle  de  foi.  —  Mosheim 
avait  fait  son  possible  pour  pallier  d  ais  son 
histoire  ecclésiastique  les  violences  don' 
Christiern  usa  pour  écraser  le  clergé;  mai-i 
son  traducteur  est  Cduvenu  que  ce  roi,  en 
détruisant  le  corps  épiscopal  avec  une  es 
pèce  de  fureur,  détruisit  l'équilibre  du  gou- 
vernement. —  Cette  hérésie  n'avait  encore 

pour  pleurer  les  malheurs  de  la  réforme  divisée.  »— 
I  Vous  voyez  les  emportements  de  la  multitude  e' 
ses  aveugles  désirs,  i  écrivait-il  encore  à  son  ami 
Camérarius. 

(  L'autorité  des  ministres  est  entièremeut  abolie, 
dit  Capiton  a  son  ami  Farell;  tout  se  perd,  tout  va 
en  ruine,  il  n'y  a  parmi  nous  aucune  église,  pas  même 
une  seule  où  il  y  ait  de  la  discipline...  Le  peuple 
nous  dit  hardiment  :  Vous  voulez  faire  les  tyrans  de 
l'Eglise  (jui  est  libre,  vous  voulez  établir  une  nouvelle 
papauté.  »  —  <  Dieu  me  fait  connaître  ce  que  c'est 
qu'être  pasteur,  et  le  tort  que  nous  avons  fait  à  l'E- 
glise par  le  jugement  précipité  et  la  véhémence  incon- 
sidérée qui  nous  a  fait  rejeter  le  pape.  Carie  peuple, 
accoutumé  et  comme  nourri  à  la  licence,  a  rejeté 
tout-à-fait  le  frein...  ;  il  nous  crie  :  Je  sais  assez 
l'Evangile;  qu'ai-je  besoin  de  voire  secours  pour 
trouver  Jésus-Christ?  Allez  prêcher  ceux  qui  veu- 
lent vous  entendre.  >  Bucer,  collègue  de  Capiton  à 
Strasbourg,  faisait  les  mêmes  aveux  en  1549,  et 
ajoutait  qu'on  n'avait  rien  tant  recherché,  en  embras- 
sant la  réforme,  que  le  plaisir  d'y  vivre  à  iu  jantanie. 
Mycon,  successeur  d'CEcolainpade  dans  le  ministère 
de  Baie,  fait  entendre  les  mêmes  plaintes.  «  Les 
laïques,  dit-il,  s'attribuent  tout,  et  le  magistrat  s'est 
fait  pape.  »  (luter.  E/i.  Ca/c.) 

Il  en  était  de  même  parmi  les  calvinistes.  Calvin, 
après  avoir  déclamé  contre  l'athéisme  qui  ré- 
gnait surtout  dans  les  palais  des  princes,  datis  les 
tribunaux  et  les  premiers  rangs  de  sa  communion  : 
I  11  est  encore,  ajoute-t-il,  une  plaie  plus  déplorable. 
Les  pasteurs,  oui,  les  pasteurs  eux-mêmes,  qui  mon- 
tent en  chaire...  sont  aujouid'hui  les  plus  honteux 
exemples  de  la  perversité  et  des  autres  vices.  De  là 
vient  que  leurs  semions  n'obtiennent  ni  plus  de  cré- 
dit ni  plus  d  autorité  que  les  fables  débitées  sur  la 
seine  par  un  histrion.  Et  ces  messieurs  pourlaui 
osent  bien  encore  se  plaindre  qu'on  les  méprise  et  les 
montre  au  doigt  pour  les  tourner  en  ridicule  !  Quanta 
moi,  je  m'étonne  de  la  patience  du  peuple;  je  m'étoime 
que  les  femmes  et  les  enfants  ne  les  couvrent  pas  de 
boue  et  d'ordure,  i  (  Liv.  sur  tes  Scundales,  p.  128.) 

11  n'y  a  nullement  a  s'étonner,  dit  Smideliu,  qu'en 
Pologne,  en  Transylvanie,  en  Hongrie  et  autres  lieux, 
plusieurs  passent  à  l'arianisme,  quelques-uns  à  Ma- 
homet :  la  doctrine  de  Calvin  mené  à  ces  impiétés. 
{l'ré(ace  contie  l'Apot.  de  Danœus.)  —  Voyez  Ù  Uii- 
cussion  amicale,  etc.,  t.  L 


iiï 


LUT 


en  l'OiOgne  que  des  sectateurs  cachés  sous 
le  règne  de  Sigisrnond  I",  uiort  on  ISVS; 
ruais  son  (ils  Sigisnioud-Augiisle,  connu  par 
sa  faiblesse  pour  les  l'eiuaK's,  lais>a  i)leino 
liberté  aux  seigneurs  polonais.  l{i(uilôt  on 
vit  dans  ce  royaume  des  lutliériens,  des 
hussites,  des  sacranicntaires  calvinistes,  des 
anabaptistes,  des  unitaires  ou  socinieiis,  et 
des  grecs  scliisniatiques. 

Le  lutln'ranisme  a  a' ssi  péni'lré  en  Hon- 
grie et  en  Transylvanie ,  à  la  laveur  drs 
ti'oubles  qui  ont  agiié  ces  deux  l'oyauiues  : 
njais  il  y  est  moins  puissant  dei)uis  ipie  l'un 
et  Tautie  sont  enlrés  sous  la  domination 
de  la  maison  d'Autriche.  En  France,  les 
émissaires  de  Lutlier  lirent  d'abord  (juchiues 
|)iosélytes,  mais  ils  furent  ré()rim(''s;  ceux 
deCalvin  eurent  jiiiisde  succès,  et  vinrent  à 
bout  de  bouleverser  le  royaume.  11  eu  fut  do 
môme  en  Angleterre  :  Luther  ni  ses  disci- 
jiles  n'eurent  aucune  part  au  schisme  de 
Henri  VIH  ;  ce  prince,  encore  catholiiiue, 
avait  fait  un  livre  contre  Luther;  il  persista 
jusipi'à  la  mort  dans  sa  haine  contre  le  lu- 
Ihi-'rttnisme;  la  forme  qu'il  donna  à  la  religion 
jingl  cane  ne  fut  pas  plus  approuvée  i)ai- les 
]irotestants  ((ue  i)ar  hs  catholicpies.  Sous 
iMJouai'd  VI ,  ce  furent  Pierre  Martyr  et 
Jh'rnardin  Ochin  qui  furent  appelés  pour 
faire  la  réforuiation;  l'un  et  l'autre  étaient 
dans  les  opinions  de  Calvin. 

Hl.  On  est  moins  étonné  des  progrès  ra- 
pides du  tutiu'raiiisine,  lorsqu'on  en  exa- 
mine les  causes.  Hn  IS'il,  Cliailes-Quint, 
dans  la  diète  de  Wt)rms,  avait  mis  Luther  au 
bande  reaq)ire,  et  avait  ordonné  de  pour- 
suivre ses  adhérents;  mais  Frédéric,  duc  do 
Saxe,  qui  avait  goûté  les  opinions  (h^  Lutlier, 
le  prii  sous  sa  protection,  et  ce  d(''cret  n'eut 
aucun  ell'et.  De  retouràWittemberg,  Luther 
attira  dans  son  parti  l'université  dans  la- 
quelle il  avait  déjà  enseigné  plusieurs  de  ses 
erreLU'S  ;  il  lit  abolir  les  messes  privées,  prit 
le  titre  d'ecclésiaste  de  Wittemberg,  s'attri- 
bua une  autorité  plus  absolue  que  celle  du 
pape,  et  vanta  ses  succès  comme  une  preuve 
uicontt'slable  de  sa  mission.  En  1523,  il  quit- 
ta entièrement  l'habit  religieux.  Lorsque  le 
nonce  du  pape  se  plaignit  à  la  diète  de  Nu- 
remberg de  l'inq)unité  dont  jouissait  ce  no- 
vateur aussi  bien  que  ses  jiartisans,  les 
princes  laiiiues  ré|iondirent  par  un  long  mé- 
iiioiri^  qu'ils  intitulèrent  :  Centam  yrnvninina, 
dans  leipiel  ils  se  plaignaient  des  vexations, 
des  extorsions  et  des  entreprises  des  ecclé- 
siasticjues  sur  la  juridiclion  séculière. 

En  lo'i5,  Luther  séduisit  une  religieuse 
noiiun(''e  (2athi'rine  de  Bore  et  l'épousa  en- 
suite |)ubliqiiement  (1).  Les  deux  diètes  as- 
sembh'es  ^  Spire,  l'une  cette  même  année, 
et  l'autre  en  1529,  ne  furent  jias  moins  fa- 
voral)les  au  hUhéranisme,  malgré  les  instan- 

(I)  Celle  coiuluiie  de  Lullier,  iiiiiié  en  ceci  par  loiis 
les  rcroniuUeurs,  faisait  dire  à  Erasme  :  «  C'est  donc 
ainsi  qn'ils  se  erncilient!  La  idoiination  semble  n'a- 
voir eu  d'autre  liul  (jue  tie  lianslornier  en  i  pinisenrs 
et  épouseuses  les  nuiineset  les  ntmnes;  et  ceuegiaiidc 
tragédie  va  liuir  comme  les  comédies,  où  tout  le 
monde  se  marie  au   dernier  acle.  »  {Epht.  7  et  II.) 

Diction N.    nB  Théol.  i>oG.MATiytii.  111. 


LUT  12« 

ces  et  les  décrets  de  Charles-Ouint.  Plusu.u-s 
I)rinci'S  qui  avaient  embrassé  les  seutiuiciil-; 
de  Luther  pi'Olestèrent  conire  ces  décrets  : 
de  là  1(!  nom  de  protestants  qui  fut  donné 
aux  luthériens.  En  1530,  h  la  diète  d'Angs- 
bourg,  ces  mêmes  princes  préscntèriuit  leur 
confession  de  foi,  cpii,  pour  cette  raison,  a 
été  iionnnée  Coiifcssion  d'Auysbour;/  ,•  ils 
prouu'llaicnt  de  se  soumettre  ii  la  di'cisinn 
d'un  concde  temt  par  le  i)apt'  ;  mais  ils  no 
tinrent  [las  parole.  Voy.  Alosboihg.  Ils  s'as- 
semblèrent ensuite  à  Smalcalde,  et  y  lirrnt 
une  ligue  conire  rem|irri;ur.  Luther  l'ap- 
jirouva,  et  fut  d'avis  de  faire  la  guerre  au 
pape  et  à  tous  ses  adhérents.  Li^s  lullnhiens 
prcdilèi'cnt  des  guerres  aux(pii'll(>s  Charles- 
Quint  fut  occupé,  de  ses  dissinisious  avec  le 
|)a|)e  et  avec  François  1",  [)Our  l'aire  do  nou- 
veaux progrès.  En  153i),  le  lantlgrave  de 
Hesse  obliiit  de  Luther  et  des  tl:é(dogi(Mis 
[)rotestants  la  permission  d'avoir  deux  lém- 
mes  h  la  fois  :  pour  récompense,  le  land- 
grave leur  avait  promis  de  leur  accorder  h  s 
biens  ecclésiastiques. 

L'an  15'*2,  le  pape  Paul  111,  de  concert 
avec  renq>ereur  et  le  roi  de  France,  couvo- 
(jua  le  concile  de  Trente  pour  terminer  les 
contestations  de  religion  qui  divisaient  l'Em- 
pire et  les  Etats  voisins  ;  la  i»remière  session 
fut  tenue  au  mois  de  décembre  15'i-5.  L'an- 
née suivante,  Luther  mourut  à  Eisleben  sa 
pairie,  après  avoir  attiré  à  ses  opinions  mie 
grande  jiartie  de  l'Allemagne.  A  la  diète  de 
Itatisbonne,  tenue  en  ISW,  Charles-Ouint 
lit  composer  [lar  plusieurs  théologiens  un 
formulaire  de  religion,  pour  accorder,  s'il 
était  |)0ssible,  les  catlioli  pies  et  les  protes- 
tants, en  atten  lant  (jue  le  concile  eilt  décidé 
les  jioints  contestés  ;  c'est  ce  ipie  l'on  a  nom- 
mé \'lnt(-rim  de  Cliai'les-Quint  :  cet  ouvrage 
ne  |ilut  ni  à  l'un  ni  à  l'autn;  [larti,  et 
fut  attaipié  )iar  tous  les  deux.  Voy.  Inté- 
rim. 

Par  le  traité  de  [laix  conclu  à  Passaw,  en- 
tre Charles-Quint  et  les  princes  de  l'Empire, 
et  par  celui  d'Augsliourg,  fait  trois  ans 
afirôs,  les  protestants  obtinrent  la  tolérance 
de  leur  religion,  ou  la  liberté  de  con- 
science. 

Le  concile  de  Trente,  terminé  en  1563,  ne 
put  réconcilier  les  luthériens  avec  l'Eglise 
romaine  ;  les  dissensions  entre  eux,  avec  les 
zwingliens  ouealvinistes,  couimi' avec  les  ca- 
tholiques, ont  duré  justpi'en  lGi8,  époque 
à  laquelle  le  traité  de  .Munster,  a|)pelé  aussi 
tiaité  d'Osiialiruckou  de  Westphalie,  garanti 
par  toutes  les  puissances  de  l'Europe,  a  mis 
les  choses  dans  l'état  où  elles  sont  aujour- 
d'hui. On  sait  d'ailleurs  dans  iiuelle  situa- 
tion les  esprits  se  trouvaient  au  commence- 
ment du  xvr'  siècle.  Les  tlilférehtes  sectes 
qui  avaient  paru  depuis  le  xi"  sièele,  comme 
les  henriciens,  les  albigeois,  les  vaudois,  h'S 
lollards,  les  wiclélites,  les  hussiles,  n'avaient 
pas  cessé  de  déclamer  contre  hs  abus;  el.es 
avaient  indisposé  les  peuples  contre  les  pas- 
teurs et  contre  lout  le  clergé.  On  se  plai- 
gnait diitra.ic  des  bénétices,  de  la  vente  des 
indulgences,  de   ÏAms   des   excommunica- 

li 


427  tXt 

tions,  du  payement  des  absolutions,  des  en- 
treprises sur  la  juridiction  séculière,  de  la 
vie  scandaleuse  de  la  plupart  des  ecclésias- 
tiques, des  fraudes  pieuses  comiuises  paries 
moines  :  toivs  ces  désordres  s'étaient  multi- 
pliés pendant  le  grand  schsme  d'Occident  ; 
mais  il  s'en  fallait  beaucoup  que  le  mal  fût 
aussi  grand  et  aussi  général  que  les  protes- 
tants ati'ectent  de  le  représenter. 

Au  concile  de  Constance  et  à  celui  de  BAle, 
on  avait  demandé  en  vain  la  réforme  de  l'E- 
glise dans  1j  chef  et  dans  les  membres  ;  on 
n'avait  rien  obtenu.  Au  lieu  de  détruira  et 
de  prévenir  les  erreurs  en  instruisant  les 
pfHi[)les,  le  clergé  n'avait  procédé  contre  les 
hérétiques  que  par  des  censures,  par  des 
sentences  de  l'inquisition  et  par  des  sup- 
plices :  ce  n'était  pas  là  le  moyen  de  calmer 
les  esprits.  Tous  ceux  qui  désirai'nt  la  ré- 
forme étaient  persuadés  qu'elle  ne  pouvait 
se  faire  que  par  des  moyens  violents. 

Wiclef  et  Jean  Hus  avaient  en  Allemagne 
beaucoup  de  disciples  cachés  ;  on  y  lisait 
leurs  ouvrages  rcm[ilis  de  déclamations  con- 
tre l'Ej^lise  romaine  et  d'invectives  contra 
les  ecclésiastiques  ;  Luther  s'était  nourri  de 
cette  lecture  ;  les  hommes  les  plus  lettrés 
qu'il  y  eût  pour  lors  étaient  précisément 
ceux  qui  désiraient  le  plus  un  changement 
dans  la  religion.  A  peine  Luther  eut-il  [iro- 
noncé  le  nom  de  réforme  et  donné  le  pre- 
mier signal  de  la  révolte,  qu'il  se  trouva  envi- 
ronné de  partisans  prêts  aie  soutenir.  Ceux 
même  qui  désapprouvaient  ses  emporte- 
ments, soutinrent  que  l'on  ne  pouvait  exé- 
cuter le  décret  porté  contre  lui  à  la  diète  de 
Worms,  sans  exciler  de  séditions  et  sans 
mettre  l'Allemagne  en  feu.  il  ne  trouva  pas 
d'abord  dans  ce  pays-là  des  adversaires  as- 
sez instruits  pour  réfuter  solidement  ses  er- 
reurs, et  pour  distinguer  les  abus  d'avec  les 
dogmes.  Plusieurs  écrivains  prétendent  que 
dé)à,  en  151C,  avant  que  Luther  eût  élevé 
la  voix  conti-e  l'Eglise,  Zwingle,  chanoine  de 
Zurich,  avait  conçu  le  plan  d'une  réiorma- 
tion  générale  ;  que  loin  d'avoir  été  disciple 
de  Luther,  il  était  plutôt  ca|iable  d'être  son 
maître.  Hist,  eccl.  de  Mosheim,  noies  du  tra- 
ducteur, t,  IV,  p.  19.  La  discipline  avait  sans 
doute  besoin  do  réforme,  et  elle  a  été  faite 
I)ar  le  concile  de  Trente  ;  mais  c'élait  un  at- 
tentat de  vouloir  réformer  des  d  gmes  révé- 
lés de  Dieu  et  professés  par  l'Eglise  chré- 
tienne depuis  quinze  cents  ans. 

il  est  donc  évident  que  les  vraies  causes 
des  progrès  rapides  du  luthéranisme  ont  été 
des  passions  très-condanniables,  la  jalousie 
et  la  haine  (pie  l'on  avait  conçues  contre  le 
clergi',  l'ambitiou  d'envahir  ses  biens  et  de 
dominer  à  sa  place,  le  désir  do  secouer  le 
joug  des  pratiques  les  plus  gênantes  du  ca- 
thohcisme,  l'animosiié  des  princes  de  l'Em- 
pire contre  Charles-Quint,  l'orgued  et  la  va- 
nité des  littérateurs  qui  se  llattaient  d'enten- 
dre la  théologie  mieux  (|ue  les  théologiens, 
.a  mauvai.ve  loi  avec  laquelle  les  prédic.aits 
travestissaient  les  dogmes  catlioliques,  et  les 
Ijelles  promesses  qu'Us  faisaient  d'une  entière 
correction  dans  les  mojurs,  qu'ils  n'ont  pas 


LUT  m 

eu  le  pouvoir  d'opérer.  C'est  très-mal  à  pro- 
pos (|ue  Luther  donnait  ses  succès  comme 
une  preuve  de  sa  mission  pour  réformer 
l'Eglise,  et  que  les  protestants  veulent  faire 
envisager  cette  révolution  comme  un  pro- 
dige, et  son  auteur  comme  un  homme  extra- 
ordinaire; cette  prétendue  réforme  n'a  été 
ni  légitime  dans  son  pr.ncipe,  ni  louable 
dans  ses  moyens,  ni  heureuse  dans  ses  effets. 
Voy.  Mission,  Réformation. 

iV.  Quelles  eu  ont  été  les  suites?  A  penie 
Luther  en  eut-il  appelé  à  l'Ecriture  sainte 
comme  à  la  seule  règle  de  foi,  que  les  aua- 
ba|)tistes  lui  prouvèrent,  la  Bible  k  la  main, 
qu'il  ne  fallait  pas  baptiser  les  ei.faits,  que 
c'était  un  crime  de  prêter  serment,  d'exer- 
cer la  magistrature,  etc.  Ces  sectaires,  joints 
aux  paysans  révoltés,  mirent  une  paitie  de 
r.\llemagne  à  feu  et  à  sang  ;  ils  se  préva- 
laie.nt  du  livre  de  Luther  sur  la  Liberté  chré- 
tienne. Mosheim,  pour  l'excuser,  dit  que  ces 
séilitieux  abusaient  de  sa  doctrine;  m^is 
cette  doctrine  même  n'était  autre  chose  (ju'un 
abus  continuel  de  l'Ecriture  sainte  et  du  rai- 
sonnement, il  vit  naître  de  ses  principes  l'er- 
reur des  sacramentaires,  la  guerre  qui  en 
fut  la  suite,  et  le  schisme  qui  subsiste  en- 
core entre  les  luthériens  et  les  calvm  stes. 
Zwingle,  Calvin,  Muncer,  etc.,  ne  tirent  que 
marcher  sur  ses  traces  et  tournèrent  contie 
lui  ses  propres  armes.  Bientôt  Servet,  Geu- 
tilis  et  les  autres  chefs  des  sociniens  |)0us- 
sèrent  plu^l  in  ses  arguments,  et  attiquè- 
veut  les  dogmes  mômes  qu'il  avait  resjiec- 
tos  ;  les  déistes  n'ont  fait  que  suivre  jus- 
qu'au bout  les  raisonnements  des  sociniens. 
i>e  cet  esprit  de  vertige  est  née  l'incrédu- 
lité que  nous  voyoï.s  rég.ier  aujourd'liui. 
C'est  dans  le  sein  du  protestantisme  que 
lîayle  et  les  déistes  anglais  se  sont  formés, 
et  ce  sont  eux  qui  ont  été  les  maîtres  des 
iiicréilules  françiis.  Cette  postérité  ne  fera 
jamais  honneur  au  fondateur  de  la  réfor- 
me (1).  ^ 

Les  dillérentes  sectes  sorties  de  cette  sou- 
che ne  se  sniu  pas  mieux  accordées  enire 
elles  qu'avec  les  catholiijues  ;  malgré  plu- 
sieurs tentatives  qu'edes  ont  faites  pou.  se 
rapprocher,  elles  sont  aujourd'hui  aussi  di- 
visées que  jamais.  Leur  tolérance  est  pure- 
ment extérieure  et  toute  politiiue;  la  pré- 
tendue réforme  a  été  un  principe  de  division 
auquel  rien  ne  peut  rLUiédier.  Luther  détes- 
tait autant  les  zwin  diens  que  lus  papistes,  et 
lançait  également  ses  anathèmes  contre  les 
uns  et  les  autres.  Inutilement  le  landgrave 
de  Hesse  indiqua,  l'an  1529,  à  Marpourg,  une 

(!)  Si  Deigier  avait  assisté  .i  la  dccoiiiposilion  du 
proleslantisiiie  que  nous  voyons  aujourd'iiui,  il  iiau- 
rait  pas  maïKiué  de  dire  avec  le  piolestaiu  du  Tieai- 
blay  :  «  Les  piolestanis  modernes  s'éloignent  enti  re- 
nient (le  tout  ce  qne  les  chrétieas  ont  cru  depuis  le 
temps  des  apùlres,  et  (|u'iiii  musulman,  ipii  adiait- 
trail  li's  miracles  de  Jésus-Clirist,  serait  plus  piés 
des  chrétiens  que  ne  le  sont  les  docteurs  nu  protes- 
tantisme moderne.  »  (  i''liii  piésenl  du  citii.ti  wsiue, 
cité  par  le  baron  de  Suuck,  nunistie  prolestanl  ; 
titt,etieiis  i>hitusopliiqiies  .5i-r  la  réu.ion  des  dil]'é:enles 
communions  cliréticnites.)  Voy.  RiiFOiuiAiEuiis,  Eglisb 

ÉV ANGÉLIQUE  CURÉTIENM;. 


U9  LUT 

conférence  entre  Luther,  Mélancnton,  OEco- 
lanipado  etZwiiigle  ;  ces  quatre  prétendus 
a[H»ircs  se  trouvèrent  inspirés  si  dillercm- 
riient,  qu'iis  nei  urent  convenir  d(!  rien. 

On  a  trouvé  dans  les  pajiiers  du  cardinal 
de  ("iranvelle,  ministre  do  Cli.!rles-Ouiiit,une 
lettre  ori;4inale  de  Luther,  qui  [)eiiit  au  na- 
turel son  caractère  et  celui  des  autres  p:é- 
(Kcants  ;  elle  est  adressée  à  Guillaume  Pra- 
w  est,  son  ami,  ministre  dans  le  Holsteiu,  et 
a  été  traduite  de  l'allemand.  «  Je  sais,  mon 
frère  en  Christ,  lui  dil-il,  qu'il  arrive  |ilu- 
sicuis  scandales  sous  prétexte  de  l'Evangile, 
et  que  l'on  me  les  impute  tous  :  mais  (jue 
ferai-je  ?  11  n'y  a  aucun  prédicant  qui  ne  se 
croie  cent  fois  plus  savant  (jue  moi  :  ils  ne 
nj'écoutcut  point.  J'ai  une  guerre  plus  vio- 
lente avec  eux  qu'avec  le  pape,  et  ils  me  sont 
plus  opposés.  Je  uo  condamne  ifue  les  céré- 
monies qui  sont  contraires  à  l'EvanjAile,  je 
ga/ile  toutes  les  autres  dans  mon  église.  J'y 
conserve  les  fonts  baptismaux,  et  on  y  ad- 
uunistre  le  baptême,  à  la  vérité  en  langue 
vulgai-e,  mais  avec  toutes  les  cérémonies  j 
qui  étaient  d'usage  aup.nravant.  Je  soullre 
•qu'il  y  ait  des  images  dans  le  temiile,  quoi- 
([ue  des  furieux  en  aient  brisé  quelques-unes 
avant  mon  retour.  Je  célèbre  la  messe  avec 
les  ornements  et  les  céréuiouies  accoutu- 
mées, si  ce  n'est  que  j'y  mêle  quelipies  can- 
ti  ph'sen  lang\ic  vulgaire,  et  que  je  [)ronouco 
eu  allemand  les  paroles  de  la  consécration. 
Je  ne  [irétends  ]ioint  détruire  la  messe  la- 
tine, et  si  on  ne  m'eût  fait  violence,  je  n'au- 
rais jamais  permis  qu'on  la  célébrât  en  lan- 
gage commun.  Eutin,jehais  souvei'ainemcnt 
ci'ux  qui  condamnent  des  C('>rémouies  iudii'- 
fércnles,  et  qui  cliangent  la  liberté  en  néces- 
sité. Si  vous  lisez  mes  livies,  vous  verrez 
que  je  n'approuve  pas  les  perturbateurs  de 
la  paix,  qui  détruisant  des  choses  que  l'on 
j)cut  laisser  sans  crime.  Je  n'ai  aucune  pai  t 
îi  leurs  fureurs  ni  aux  troubles  qu'ils  exci- 
tent ;  car  nous  avons,  par  la  grâce  de  Dieu, 
une  église  fort  tranquille  et  fort  pacilique,  et 
untemjile  libre  comme  auparavant,  excepté 
les  troubles  que  Carlosladt  y  a  excités  avant 
moi.  Je  vous  exhorte  tous  à  vous  délier  de 
Jlelchior,  et  à  faire  en  soite  (]ue  le  magi  - 
tiat  no  lui  permette  point  de  prêcher,  i|uand 
même  il  monti'erait  d -s  lettres  du  souverain. 
11  nuus  a  quittés  fort  en  colère,  parce  que 
ni'us  n'avons  pas  voulu  approuver  ses  rêve- 
ries ;  i  n'est  propre  ni  a:i|)elé  à  enseigner. 
Dites  cela  de  ma  part  à  tous  nos  frères,  alin 
qu'i  s  le  fui  ut  et  l'obligent  à  garder  le  si- 
lence. Adieu,  priez  pour  moi,  et  me  recom- 
mandez à  nos  tVères.  »  ii/ync  Martin  Lutuer, 
sabbato  post  Rcminiscerc,  1528. 

Cette  lettre  pourait  donner  lieu  à  un  am- 
ple counuen;au"e  ;  mais  tout  lect(!ur  intelli- 
gent le  fera  de  lui-même.  C'était  de  la  part 
de  ces  sectaiies  une  absurdité  révoltante  de 
vouloir  (jue  l'église  catholique  appruuvcU 
hum  r(?i'cri'('s,  pendant  qu'eux-mêmes  ne  vou- 
laient approuver  celles  de  i)ersonue,  et  se 
croyaient  tous  infaillibles;  d'exiger  que  les 
catholiques  les  tolérassent,  pendant  qu'ils  ne 
pouvaient  se  tolérer  les  uns   les  autres,  et 


LUT  430 

se  traitaient  mutuellement  de   rêveurs  et  de 
furicujc. 

Si  l'on  imaginait  que  la  prétendue  réforme 
de  Luther  a  rendu  les  mœurs  meil  eures, 
on  se  tromperait  beaucoup;  à  l'article Réfor- 
MATn)N,  nous  prouverons  le  contraire  par 
les  téinoi,,'uages  formels  de  Luther  lui-mê- 
me, de  Calvin,  d'Erasme,  de  Bayle,  et  d'au- 
tres auteurs  non  suspects.  Une  preuve  que 
les  désiu'dres  vrais  ou  prétendus  de  l'Eglise 
catlioli(iue  ne  furent  pas  la  véritable  cause 
du  schisme,  c'est  que,  lorsque  les  abus  eu- 
rent été  corrigés  par  le  concile  de  Trente, 
les  protestants  ne  furent  pas  pour  cela  plus 
dis[)0sés  à  se  réunir  k  l'Eglise,  et  que  leurs 
liropies  dérèglements,  destiuels  ils  no  pou- 
vaient pas  disconvenir,  ne  leur  ont  pas  fait 
changer  de  sentiment.  Di's  faits  tout  récents 
démontrent  que  leur  haine  et  leur  entête- 
ment sont  toujours  les  mêmes;  ils  ont  con- 
servé jusqu'à  nos  jours  les  inqirécatious 
qu'ils  prononçaient  tous  les  dimauches  con- 
tre le  fiape  et  conlre  les  Turcs  dans  les 
filières  publi  pics, principalement  dans  celles 
que  Luther  avait  composées  ;  le  duc  de  Saxe- 
(iolha  lésa  fait  enfin  supprimer.  Gazelle  de 
France  du  24  mars  1775.  On  voit  encore  à 
Genève  et  à  Neuchâtef  les  inscriptions  inju- 
rieuses au  catholicisme,  qui  furent  faites 
dans  le  temps  de  la  prétendue  réforma- 
tion. 

Le  schisme  leur  a-t-il  procuré  la  liberté 
f/e  coHsc/eHce  qu'ils  demanîaient?  les  a-t-il 
atfranchis  de  ce  qu'ils  appelaient  la  tyrannie 
do  l'Eglise  romaine?  Rien  moins.  Ils  ont  vu 
leurs  chefs  usurper  parmi  eux  un  emjiire 
plus  iles;iotiqae  que  celui  des  pasteurs  ca- 
tholiques ;  leurs  synoiles  ont  fait  des  décrets 
sur  le  dogme  et  la  discipline,  et  ont  lancé 
des  excommunications  tout  comme  les  con- 
ciles de  l'Eglise  :  parmi  eux,  les  particuliers 
sont  subjugués,  par  la  croyance  et  par  les 
usages  de  leur  société,  aussi  absolument  que 
lessiûiplestidèles  parmi  nous,  à  moins  qu'ils 
ne  veuillent  faire  bande  à  part;  en  accusant 
les  catholiques  de  croire  à  la  parole  des 
hommes,  ils  croient  eux-mêmes  aveuglément 
à  la  parole  de  leurs  ministres.  Lorsque  nous 
coaiparons  leur  état  au  nôtre,  nous  voyons 
très-bien  qu'ils  ont  perdu  la  vraie  foi  et  le 
véritable  esprit  du  christianisme,  mais  nous 
chiTchons  vainement  ce  qu'ils   ont  gagné. 

Voi/.   HÉIOUMATEUR. 

LUTHÉRIEN.  On  a  donné  ce  nom  à  ceux 
([ui  ont  suivi  les  sentiments  de  Luther;  mais, 
il  proprement  parler,  ils  n'ont  entre  eus 
jiresque  rien  de  commun  que  le  nom; 
il  ne  s'est  trouvé  parmi  eux  aucun  théo- 
logien de  réputation  qui  n'ait  embrassé  des 
sentimt  nts  particuliers,  qui  n'ait  formé  des 
disciples  et  n'ait  eu  des  adversaires:  la  plu- 
jiart  des  dogmes  du  luthéranisme  ont  fourni 
matière  à  la  dispute.  On  compte  actuellement 
l)lus  lie  quarante  sectes  sorties  du  luthéra- 
nisme ;  nous  ne  citerons  que  les  plus  con- 
nues, et  nous  pai  lerons  plus  amplement  df> 
ciiacune  dans  son  article  particulier.  La  plu- 
part preuueut  le  nom  i;ommuii  d'évanyej' 
ques. 


M  -.d 


VI 


^ 


'/ 


4-|  LUT 

On  a  distingué  d'ahora  les  htthérims  ri- 
gides et  les  luthériens  mitigés  ;  les  premiers 
eurent  pour  chef  Matliins  Franeowitz,  plus 
connu  sous  le  nom  de  Fiaccius  lllyricus,  l'un 
dcscenturinteurs  de  Magdel^ourg;  il  ne  vou- 
lait pas  soull'rir  iiue  l'on  cliangoAt  rien  à  la 
doctrine  iieLuthf'r.QiieU[ues-uns  ont  nonuni'; 
Ftacciois  ses  disciples,  à  cause  de  leur  chef. 
Les  luthcriens  mitigés  sont  ceux  qui  ont 
adouci  h's  sentiments  de  Luther,  et  leur  ont 
]iréféré  les  opinions  plus  modérées  de  Phi- 
lippe Mélancliton.  Suivant  ro[iiniun  de  ce 
dernier.  Dieu  attire  à  lui  et  convertit  les  pé- 
cheurs, (Le  manière  que  l'action  toute-puis- 
sante de  sa  grâce  estaccompagnéede  la  coo- 
pération de  la  volonté:  expression  de  la- 
([uelle  LuthiT  et  Fhiccius  son  fidèle  disciple 
avaient  horreur.  L'un  et  l'autre  soutenaient 
ia  servitude  absolue  de  la  volonté  mue  par 
la  grâce,  et  l'impuissance  entière  del'liomme 
de'faire  une  bonne  action.  Quelques  auteurs 
ont  pensé  qu'auiourd'hui"1es  iuthériins  ne 
suivent  plus  ce  sentiment  de  Luther;  mais 
il  y  a  lieu  d'en  douter,  puis(iue  .Moshcim 
taxe  de  semi-pélagianisine  le  sentiment  de 
Mélancliton,  dont  les  sectateurs  étaient  nom- 
més si/ncrgistes  et  pliiUppistcs.  Ilist.  rcciés., 
XVI'  s'ièrle,  sect.  3,  n'  part.,  ch.  1,  Si  30.  .Mé- 
lancliton aurait  encore  voulu  que  l'on  con- 
servât les  cérémonies  de  l'Egbse  romaine, 
et  que  l'on  ne  rompit  point  avec  elie  pour 
des  objets  (le  si  peu  de  conséquence;  d'antro 
part,  il  désirait  que  l'on  eût  plus  de  ménage- 
ments pour  Calvin  et  j)0ur  ses  disciples;  de 
là  ses  partisans  furent  appelés  luthéro-calvi- 
nistcs,  et  crv|)to-c;ilvinistes,  ou  calvinistes 
cachés.  Us  furent  poursuivis  h  outrance  par 
les  anti-adiaphoristes  ou  luthéricna  rigides  ; 
Auguste,  électeur  de  Saxe,  employa  la  vio- 
lence et  les  emprisonnements  pour  les  extir- 
per de  ses  Etats. 

L'on  nomma  luthériens  relâchés  ceux  qui 
suivaient  l'intérim  jiroposé  par  Charles- 
Quint  ,  et  l'on  distingua  parmi  eux  trois 
partis,  celui  de  Mélancliton,  celui  de  Pacius 
ou  Ptcssinger  et  de  l'université  de  Leipsik, 
celui  des  théologiens  de  Franconie.  Us  furent 
encore  nommés  intérimistes  et  adiaphoristes, 
ou  iiuiill'érents.  On  a|)iiela  luthéro-zwingliens 
ceux  qui  mêlaient  ensemble  les  ojunions  de 
Luther  et  celles  de  Zwingle;  mais  comme 
elles  sont  inconciliables  sur  l'article  de 
J'eiiclinrislie,  cette  secte  était  une  société  de 
iui.hérivns  et  de  zwinglieiis  ([ui  se  toléraient 
mutuellement,  et  qui  étaient  convenus  en- 
semble oe  supporter  les  dogmes  les  uns  des 
autres.  Us  eurent  pour  c'ief  Martin  BuCer, 
de  Schelestadt  en  Alsace,  qui,  de  dominicain 
(pi'il  était,  se  tit,  par  une  double  apostasie, 
luthérien.  Dans  le  fond,  il  raisonnait  jikis 
consé(iuemmenl  que  les  autres  réforiiiateui's, 
qui,  en  refusant  à  l'Eglise  romaine  l'autorité 
de  condamner  des  opinions,  se  l'attribuaient 
à  eux-mêmes.  Aussi  ces  luthériens  tolérants 
nommaient  luthéro-papistes  ceux  qui  lan- 
çaient des  excommunications  contre  les  sa- 
cramentaires.  On  doit  encore  mettre  au 
nombre  des  sectateurs  de  Mélancliton  les 
synei'gistc'S,  quisoutenaieiit,  contre  Luther. 


Ltilr 


m 


que  l'homme  peut  contribuer  en  «fuelque 
chose  à  sa  conversion,  qu'il  est  véritablement 
aciif  et  non  passif  sous  l'impression  de  la 
grâce. 

Les  osiandriens  sont  les  disciples  d'André 
Osiander,  qui  prétendait  que  nous  vivons 
parla  vie  substantielle  de  Dieu;  que  nous 
aimons  par  l'amour  essentiel  qu'il  a  pour 
lui-même;  que  nous  sommes  justes  par  sa 
justice  essentielle  qui- nous  est  communi- 
quée; que  la  substance  ilu  Verbe  incarné 
est  en  nous  jiar  la  foi,  par  la  parole  et  par  les 
sacrements.  Cette  doctrine  absurde  partagea 
l'université  de  Kœnigsherg;  il  y  eut  des 
demi-osiandi'iens  et  des  anti-osiandriens  ou 
des  stancariens,  parce  que  Stancar,  ])roi'es- 
seur  dans  cette  même  université,  attaqua  le 
sentiment  d'Osiander  ;  il  embrassa  lui-même 
une  opinion  singulière,  en  soutenant  que 
Jésus-Christ  n'est  notre  médiateur  ([u'en  tant 
qu'homme. 

Quelques  auteurs  ont  nommé  confession- 
nistes  ceux  des  luthériens  qui  s'en  tenaient 
à  la  confession  d'Augsbourg  ;  mais  ils 
étaient  divisés  en  deux  partis,  l'un  de  méri- 
cains,  l'autre  d'opiniâtres  et  de  récalcitrants. 

Dans  l'académie  de  Witlemberg,  George 
Major,  en  1536,  renouvela  l'erreur  des  semi- 
]>élagiens,  et  trouva  des  partisans.  Huber, 
en  1592,  pour  avoir  soutenu  l'universalité  de 
la  rédemption,  fut  chas,sé  de  l'université. 

La  doctrine  de  Luther  sur  l'eucharistie 
forma  encore  deux  sectes,  l'une  d'impaua- 
teurs,  l'autre  d'ubiquitaires;  parmi  les  pre- 
miers, les  uns  disaient  que  Jésus-Christ  est 
dans  le  pa'n  de  l'eucharistie,  les  autres  ({u'il 
est  sous  le  pain,  d'autres  qu'il  est  avec  le 
liain,  in,  sub,  cum;  ceux  qui  furent  nommés 
pdteliers,  dirent  i:{u'il  y  est  comme  un  lièvre 
dans  un  pâté.  Toutes  ces  absurdités  eurent 
des  défenseurs.  Quelques-uns  de  leurs 
plus  célèbres  écrivains,  comme  Leihnitz, 
Pfair,  etc.,  ne  veulent  admettre  ni  l'impa- 
nation,  ni  l'ubiquité,  mais  la  concomitance 
du  corps  de  Jésus-Christ  avec  le  pain,  et 
seulement  dans  l'usage,  parce  que,  selou 
leur  opinion,  l'essence  du  sacrement  con- 
siste dans  l'usage.  Calvin  prétend  aussi 
que,  dans  l'usage,  le  fidèle  reçoit  le  corps  de 
Jésus-Christ,  mais  seulement  par  la  foi, 
c'est-à-dire  Cfue  la  foi  produit  en  lui  le 
même  elfet  que  produirait  le  corps  de  Jésus- 
Christ  s'il  le  recevait  réellement. 

Parmi  ceux  qui  se  nommaient  luthériens, 
il  s'est  trouvé  des  anomiens  ou  antinomiens, 
des  origénistes,  des  millénaires,  des  infé 
rains  ou  infernaux,  des  davidiques.  On  y  a 
distingué  des  bissacramentaux,  des  trisa- 
cramentaux  et  des  quadrisacramentaux,  des 
iiiipositeurs  des  mains,  etc.  On  sait  que  les 
niennonites  ou  anabaptistes  sont  sortis  de 
l'école  de  Luther,  et  l'on  ne  iieut  [las  douter 
que  l'esprit  de  sa  secte  n'ait  contribué  à  faire 
édore  celle  des  libertins,  qui  se  répandirent 
en  Hollande  et  dans  le  Brabant,  vers  l'an 
1528,  puis(prils  avaieiit  adopté  le  principe 
fondauieiital  des  erreurs  de  Luther. 

Quelques-uns  ,  honteux  des  divisions 
scandaleuses  nées  parmi  des   iiommes  .qui 


i33 


LUT 


LUT 


434 


se  disaient  (éclaires  du  ciel,  et  f.iisaient 
tous  profession  de  s'en  tenir  îi  l'ErrKure 
sainte,  firent  leurs  etforis  pour  raiiproclicr 
et  concilier  les  ditrérenls  partis  ;  on  les 
nomma  syncrétistes,  conciliateurs  ou  paci- 
ficateurs. George  Calixlc  fut  un  des  princi- 
paux; mais  ils  ne  purent  réussir  :  chaque 
secte  les  regarda  comme  des  lâches  qui  tra- 
liissaient  la  vérité  par  amour  de  la  paix. 
î)'autr(;s,  non  moins  confus  du  relàciiement 
tli's  mœurs  introduit  i)armi  les  lutltériciis, 
soutinrent  qu'il  était  hesoin  d'une  nouvelle 
réforme;  ils  firent  profession  d'une  piété 
exem|ilaire,  se  crurent  ilhuninés,  et  formè- 
rent des  assemblées  particulières;  on  lésa 
nommés  piétistes. 

Dès  que  Carlostadt  eut  donné  naissance 
à  l'erreur  des  sacramentaires ,  il  eut  des 
sectateurs  appelés  cailostadiens;  Zwingle 
eut  les  siens,  dont  les  uns  furent  nommés 
zwingliens  s^imples  ,  les  autres  zwingliens 
signilicatifs.  Calvin,  h  son  tour,  dogmatisa 
de  son  clief,  et  lit  profession  lie  ne  suivre 
aucun  niaitre.  Parmi  ces  sectaires,  on  a  dis- 
tingué des  tropisles  ou  trojiiies,  des  ém  r- 
giques,  des  arrhabonaiies,  etc.  Les  chspules 
sur  la  prédestination  et  siu-  la  gr.îce  ont  tli- 
visé  les  gomaristes  et  les  arminiens,  et  la 
plupart  de  ces  derniers  sont  devenus  jiéla- 
gieus. 

Lutlier  vivait  encore  lorsque  Servet  com- 
mença d'écrire  contre  le  mystère  de  la  sainte 
Trinité;  celui-ci  avait  voyagé  en  Allemagne, 
et  avait  vu  les  j)rogrès  du  luthéranisme. 
Blaiidatra,  Gentilis  et  les  deux  Socin  le  sui- 
virent de  près  ;  ils  furent  joints  en  Pologne 
par  plusieurs  anal)a|)tistes.  Ou  a  leproché  à 
Luther  lui-même  d'avoir  dit,  dans  un  ser- 
mon sur  le  dimanche  de  la  Trinité,  i|ue  ce 
mot  ne  se  trouve  pas  dans  l'Kcriture  sainte, 
qui  est  la  seule  règle  de  notre  foi  ;  que  le 
mot  consubstanliel  a  déplu  h  saint  Jén'mie, 
et  qu'il  a  de  la  peine  à  le  supporter.  Dans 
sa  version  allemande  du  Nouveau  Teslauient, 
il  a  supiirimé,  comme  les  sociniens,  le  cé- 
lèbre passage  de  saint  Jean  :  Jl  1/  en  a  trois 
qui  rendent  lémoigmuje  lUins  te  ciel,  eU-.^  et 
quatre  ans  avant  sa  mort  il  avait  ôté  des 
litanies  la  prière  :  Sainte  Trinité',  un  seul 
Dieu,  ayez  pitié  de  nous. 

Calvin  n'a  jias  été  |)lus  orthodoxe  dans  les 
livres  même  ([u'il  a  faits  contre  Sei'vet;  aussi 
les  sociniens  font  prof'essum  de  reconnaître 
ces  hérésiarques  jiour  leurs  [iremiers  au- 
teurs, y^oy.  ÏJlist.  du  socinianisnie,  i"  part., 
chap.  3.  Ce  n'est  donc  p<)s  leur  faire  torique 
de  les  regarder  comme  les  jières  du  soci- 
niaiiisme  et  de  ses  diverses  branches. 

Si  nous  ajoutons  à  toutes  ces  secles  la  re- 
ligion anglicane,  formée  par  deux  zwingliens 
ou  calvinistes,  et  toutes  celles  qui  divisent 
l'Angleterre,  on  conviendra  que  jamais  héié- 
siarque  n"a  \m  se  llalter  d'avoir  une  posté- 
rité aussi  nombreuse  qu'est  ceile  de  Luther; 
mais  il  n'a  pas  eu  le  talent  de  faire  régner  la 
paix  entre  les  dillerenles  familles  dont  il  est 
16  i)ère. 

Pour  pallier  ce  scandale,  les  prolestants 
nous   reprochejit  les  disputes  qui  régnent 


entre  les  théologiens  catholiques. Mais  {teut- 
on   com]iarer    la   div(U'sité    d'o[)ini(jns    sur 
(h^s  (picstions  qui  ne  tiennent  en  rien  h  .a 
foi,  avec   le.»  contestations  sur  h's  d  igmes 
dont   la  crovance  est   nécessaire  au   salut? 
Avu  un  théoiiigieii  catholique  n'a  la  té'iuérité 
d'altaipier  un  point  de   doctr  ne  sur   leipiel 
l'Kglisi'    a    prononcé;    aucun     ne     rcîgarde 
connue  excomuuniiés,  et  h  1rs  de  la  voit!  du 
salut,  ceux  qui  ont  des  sentiments  dilfiTents 
des  siens  sur  des  matières  problématiques; 
aucun  ne  refuse  d'être  en  société  religuMise 
avec  eux.  Leurs  disputes  ne  causent  donc 
point  di\  schisme,  puisque  tnus  ont  la  même 
]>rotession  de  foi,  sont  soumis  d'esprit  et  de 
cœur  à  ce  que  l'Eglise  a  dét:idé.  En  est-il  de 
même  des  protestants?  Dès  qu'un    vision- 
naire croit  trouver   dans   l'Ecriture    sainte 
une  opinion    quelconque,    il  a  droit  de  la 
soutenir  et  de  la  prêcher,  et  aucune  puis- 
sance humaine  n'a  celui  de  lui  imposer   si- 
lence. S'il  trouve  des  prosélytes,  ils  ont  droit 
de  former  une  société  particulière,  de  suivre 
telle  ci'oyance    et  d'établir  telle   discipline 
([u'il  leur  plait.    Toutes  les  fois  que  les  pro- 
testants se  conluisent autrement,  ils  contre- 
disent le  principe  fondamental  de  la  réforme. 
Ciinnnent  un  système  si  mal    conçu,   si   in- 
cons('qiieut,  si  ô[)posé  à  l'esprit  de  1  Evangile, 
a-t-il  pu  durer  (lendant  s    longtemps,   être 
suivi  et  défendu  pac  des  hommes  recora- 
mandables  d'ailleurs  par  leurs  talents  et  leurs 
connaissances?  Deux  causes  y  contribuent, 
la  haine  toujours  subsistante  confie  l'Eglise 
romaine  et  un  fonds  d'indifférence  pour  les 
dogmes  de  foi.  Un  homme   né  dans  le  pro- 
testantisme se  fait  un  point  d'honneur  d'y 
persévérer;  il  se  persuade  (jue  Dieu  n'exige 
pas  de  lui  un  examen [irofond  de  sa  croyance; 
que  ce  n'est  pas  à  lui  de  juger  si  Luther  et 
Calvin  ont  eu  raison   ou   tort;   (jue  s'il  se 
trompe,  son  erieur,  que  la  naissance  lui  à 
rendue  inévitable,  ne  lui  sera   point  imjiu- 
tée  il  crime.  Les  [tremieis  réformateurs   po- 
saient pdur  iirincipe  que  tout   homme  doit 
examiner  sa  croyance;  à  présent  leurs  des- 
cendants jugent  que  cela  n'est  plus  néces- 
saire, et  qu'à  défaut  d'autres    preuves,  une 
jirescription  de  plus  de  deux  siècles  doit  en 
tenii'  lieu.  Mais  rien  ne  peut  prescrire  contre 
la   vérité   une    fois    révélée    de   Dieu ,    ni 
contre  la  loi    qu'il  nous  impose   de  l'em- 
brasser. 

Le  Père  Le  Brun,  Explication  des  céré- 
monies de  la  Messe,  tome  VII,  page  k,  rap- 
porte la  liturgie  des  luthériens,  telle  qu'elle 
fut  arrangée  par  Luther  lui-même.  11  observe 
que  fouti's  les  anciennes  liturgies  de  l'Eglise 
chrétienne  sont  uniformes  dans  le  fond  et 
quant  aux  parties  principales  ;  foutes  ren- 
ferment l'oblation  ou  l'offrande  faite  à  Dieu 
du  |iaiii  et  du  vin,  l'invocation  du  Saint- 
Esprit  par  la(|uelle  on  [irie  Dieu  de  changer 
ses  dons  et  d'en  faiie  le  corps  et  le  sang  de 
Jésus-Christ,  l'ailoration  de  ces  symlioles., 
ou  plutôt  de  Jésus-Christ  présent  après  la 
consécration  et  avant  la  communion.  Jus- 
qu'au XVI'  siècle,  on  ne  connaît  aucune  secie 
qui,  en  se  sépai-ant  de  l'Eglise  catholique. 


«t  osé  toucher  à  cette  forme  essentielle  de 
h  liturgie;  toutes  l'ont  enipnrtée  avec  elles 
et -l'ont  gawléo  telle  qu'elle  était  avant  leur 
séparation.  Donatistes,  ariens,  macédoniens, 
nesi.oriens,  cutycliiens  ou  jacobitos,  grecs 
sf'hismatiques,  tous  ont  regardé  la  liturgie 
comme  ce  qu'il  y  a  de  plus  sacré  dans  la 
religion ,  après  l'Evangile.  Quelques-uns, 
coiiHi)  •  les  nestoriens  et  les  jacobites,  y  ont 
glissé  quelques  mots  conformes  à  letirs 
erreurs,  mais  ils  n'ont  pas  osé  toucher  au 
fond.  A  l'artirle  Liturgie,  n-)WS  avons  f;iit 
voir  les  conséquences  qui  s'ensuivent  de 
cette  conduite  contre  les  protestants. 

Luther,  plus  hardi,  commença  par  décider 
que  les  messes  privées,  dans  lesquelles  le 
prô're  seul  communie,  sont  une  aiiomina- 
tion;  dans  la  nouvelle  formule  (|u'il  dnvssa, 
il  retrancha  l'oU'ertoire  et  l'oblation.  parce 
que  cette  cérémonie  atteste  que  la  messe 
est  un  sacrilice;  il  supprima  toutes  les  pa- 
roles du  canon  qui  précèdent  celles  de  la 
consécration;  il  conserva  d'abord  l'élévation 
de  l'hostie  et  du  calice,  qui  est  un  signe 
d'adoration,  à",  peur,  disait-il,  de  scandaliser 
les  laihles  ;  mais  dans  la  suite  il  la  suppri- 
ma. 11  coniJauma  les  signes  de  croix  sur 
l'hostie  et  sur  le  calice  consacrés,  la  fraction 
de  l'hostie,  le  mélange  des  deux  espèces,  la 
communion  sous  une  seule  :  il  décida  que  le 
sacrement  consiste  principalement  dans  la 
communion.  11  tit  ainsi  disparaître  tous  les 
rites  anciens  et  respectables  qui  démon- 
traient la  fausseté  et  l'impiété  de  ses  opi- 
nions. 11  est  certain  que  ce  novateur  n'avait 
aucune  connaissance  des  liturj;ies  orientales, 
non  plus  que  les  théologiens  de  son  temps; 
mais  depuis  qu'ell  'S  ont  été  mises  au  jour, 
et  que  l'on  en  a  démontré  la  conformité  avec 
la  messe  latine,  les  luthériens  n'ont  pas 
moins  continué  à  déclamer  contre  la  messe 
des  catliiiliques,  et  de  la  regarder  comme 
une  invention  nouvelle.  On  sait  qu'au  sujet 
de  la  messe,  Lutlier  prétendit  avoir  eu  une 
conférence  et  une  dispute  avec  le  diable;  le 
Père  Le  Brun  l'a  rapportée  dans  les  ))roprps 
termes  de  Luther.  Plus  d'une  fois  les  luthé- 
riens se  sont  récriés  contre  les  conséquences 
G  deuS'^s  que  les  controversistes  catholiques 
en  ont  tirées  contre  eux;  les  zwinghens  et 
les  cdvinistes  n'en  ont  pas  été  moins  scan- 
dalisés que  les  catholiques;  et  quoi  que 
l'on  en  puisse  'Jire,  ce  trait  ne  fera  jamais 
honneur  au  patriarche  de  la  réforme.  Quand 
ils  Tait  vrai  que  cette  conférence  a  été  pos- 
térieure aux  ouvrages  que  Luther  avait 
écrits  contre  la  messe,  et  à  l'abolition  qu'il 
avait  faite  des  messes  privées,  il  en  résulte 
toujours,  1°  que  Luther,  de  son  aveu,  avait 
célébré  des  messes  privées  pendant  quinze 
ans,  c'est-à-dire  jusqu'en  1522,  puisqu'il 
avait  été  prêtre  l'an  1507.  Si  donc  il  avait 
déjà  écrit  contre  la  messe  en  1520  et  en  1521, 
comme  le  soutiennent  les  luthériens,  il  est 
clair  qu'il  a  célébré  pen  lant  deux  ans  contre 
sa  conscience,  et  bien  persuadé  qu'il  com- 
mettait un^î  abomination.  2°  11  est  bien  éton- 
nant, dans  cette  supposition,  que  Luther 
u'ait  pas  répondu  au  démon  :  Ce  que   tu  me 


dis  contre  la  messe  n'est  pas  'nouveau  povr 
moi,  puisque  jcVai combattue  et  abolie  depuis 
longtemps.  3*  Luther  se  justifie  en  disant 
qu'il  a  célébré  selon  la  foi  et  les  intentions  de 
l'Eglise,  foi  et  intentions  qui  ne  peuvent  pas 
être  ranuvaises  :  ce'te  même  raison  ue 
discuipc-t-elle  jias  tous  les  pnHres  caiholi- 
qu;  s,  non-seulement  à  l'égard  de  la  messe, 
mais  à  l'égard  de  toutes  leurs  autres  fonc- 
tions? k'  Quand  on  supposerait  ([ue  cett^i 
prétendue  conférence  n'a  été  qu'un  rêv,-  do 
Luther,  il  est  toujours  certain  qu'un  homme 
vraimuit  apostolique  n'aurait  jamais  rê-é  de 
cette  manière,  ou  que,  s'il  l'avait  fait, 
il  n'anriiit  pas  été  assez  insensé  pour  le 
publier. 

Voilà  des  réflexions  qui  n'auraient  pas  àà 
échap[)er  à  Bayle,  lorsqu'il  a  rendu  compte 
des  réponses  que  les  luthériens  ont  opposées 
aux  reproches  des  controversistes  catholiqii  es. 
Ceux-ci,  faute  d'avoir  vérifié  les  dates,  ont 
peut-être  poussé  trop  loin  les  conséquences 
qu'ils  ont  tirées  de  la  narration  de  Luther; 
mais  il  en  reste  encore  d'assez  fAchenses 
pour  rendre  inexcus^ible  la  prévention  des 
luthériens.  Yoij.  les  Nouv.  de  la  République 
des  Lettres,  janvier  1687,  art.  3;  OEuvres  de 
Bayle,  tom.  I,  p.  728. 

En  1559,  Mélanchton  et  les  théologiens 
de  Wittemberg,  en  157'i.,  ceux  de  l'univer- 
sité de  Tul)inge,  firent  tous  leurs  efforts 
pour  engager  Jérémie,  patriarche  grec  de 
Const.inlinople,  à  approuver  la  confession 
d'Augsbourg;  ils  ne  purent  y  réussir.  Jéré- 
mie désapprouva  constamment  leur  opinion 
sur  l'eucharistie,  et  sur  1rs  autres  points 
controversés  entre  les  luthérini^  et  l'Eglise 
romaine.  Voy.  la  Perpétuité  de  la  foi,  tom.  I, 
liv.  IV,  chap.  h;  pig.  358. 

LUXE.  Il  y  a  eu  plusieurs  contestations 
entre  les  écrivains  de  notre  siècle,  pour 
savoir  si  le  hixe  est  avantageux  ou  perni- 
cieux à  la  prospérité  des  Etats;  s'il  fnut  l'en- 
courager ou  le  réprimer;  si,  dans  une  mo- 
narchie, les  lois  somptnaires  sont  utiles  ou 
dangereuses.  Cette  question  purement  poli- 
tique ne  nous  regarde  point;  mais  il  suffit 
d'avoir  une  légère  teintute  de  l'histoire  pour 
savoir  que  c'est  le  luxe  qui  a  détruit  les 
anciennes  monarchies;  ainsi  ont  jiéri  celle 
des  Assyriens,  celle  des  Perses,  celle  des 
Uomains  :  en  f  lUt-il  davantage  pour  nous 
convaincre  que  la  même  causé  produira 
toujours  le  môme  elTet'?  Du  moins  l'on  ne 
peut  pas  mettre  en  question  si  le  luxe  est 
conforme  ou  contraire  à  l'esprit  du  christia- 
nisme. Une  religion  qui  nous  prêche  la 
mortification,  l'amour  de  la  croix  et  des  souf- 
frances ,  le  n-noncement  h  nous-mêmes, 
comme  des  vertus  absolument  nécessaires  au 
salut,  ne  peut  pas  approuver  le  luxe  ou  la 
recherche  des  supertUiités.  Jésus-Christ  a 
condamné  ce  vire  par  ses  leçons  et  |iar  ses 
exempU's;  il  a  voulu  naître,  vivre  et  mourir 
dans  la  pauvreté,  par  consi'quent  ilsns  la 
privation  desconnnodités  de  la  vie;  c'e^t  un 
sujet  de  consulation  pour  les  pauvres,  mais 
c'est  aussi  un  motif  de  crainte  pour  les 
riciies,  qui  se  permettent  tout  ce  qui  peut 


KSI  tWX 

natter  la  sensnalitc''.  J(''Sii.s-Clirist  leur  adresse 
ces  paroles  toirililcs  :  Malheur  à  vous, 
riches,  parce  que  vous  trouvez  votre  félicite' 
sur  la  terre  (Luc.  c.  vi.  v.  2'tj.  La  vertu, 
c'est-h-dire  In  force  de  ITime,  peiit-cile  se 
trouver  dans  un  jiomme  énervé  par  le  luoce 
et  par  la  inoilosse?  Les  philosophes,  môme 
païens,  ont  jugé  ee  pliénonK^'ne  impossible. 

Les  Pères  de  l'Rglise  n'ont  lien  rabattu 
de  la  sévérité  des  maximes  de  1  Kvangile  ; 
les  phis  anciens  sont  ceux  dont  la  morale 
est  la  plus  austère,  et  qui  condamnent  loiile 
espèce  de  luxe  avec  le  plus  de  rigueur.  Au- 
jonri'hui  nos  iihilosophes  épicuriens  leur 
en  font  un  crime  ;  ils  les  accusent  d'avoir 
ouli'é  la  morale  et  de  ^'avoir  rendue  impra- 
ticable ;  cependant  les  Pères  ont  (lé écoulés 
et  ont  fait  des  disciples,  du  moins  un  iictil 
nombre  de  chrétiens  fervents  ont  suivi  leurs 
leçons;  ils  savaient  sans  doute  mieux  que 
les  modernes  ce  qui  convenait  au  siècle 
dans  lequel  ils  parlaient.  On  les  accuse  de 
n'avoir  pas  su  dislinguerle  bire  d'avec  l'u- 
sage innocent  que  l'on  peut  f.dre  des  com- 
modités de  la  vie,  sm-tout  lorsque  la  cou- 
tume y  attache  une  espèce  de  bienséaiico 
par  rapport  aux  personnes  d'iuie  cei'taine 
condition.  B.irbeyrac,  Traité  de  In  morale 
des  Pères,  cliap.  5,  §  ik,  etc.  Mais  les  cen- 
seurs des  Pères  sont-ils  eux-mêmes  fort  en 
état  de  tracer  la  ligne  qui  sépare  le  luxe  in- 
nocent d'avec  le  luxe  condamnable?  Ce  qui 
était  luxe  dans  un  temps,  n'est  plus  cens('' 
l'ôtre  dans  un  autre.  Loisqu'une  nation  est 
dans  la  prospérité  et  dans  l'abondance,  soit 
par  le  commerce  ou  autrement,  les  comnio- 
dilés  de  la  vie  se  répandent  de  )>roclie  en 
jirociie,  et  se  communiquent  des  grands  aux 
petits.  Parmi  nous,  les  citoyeiis  les  moins 
aisés  vivent  aujourd'hui,  surtout  dans  les 
villes,  avec  plus  de  commodité  q>ie  l'on  ne 
faisait  il  y  a  un  siècle;  ce  qui  était  alors  re- 
gardé comme  un  luxe  et  une  sujieriluité  est 
censé  à  présent  faire  partie  du  néct  ssaire 
honnête.  La  plupart  des  choses  dont  l'habi- 
tude nous  l;\it  un  besoin  seraient  un  luxe 
chez  les  nations  pauvres.  Pour  savoir  si  les 
Pères  ont  outré  les  choses,  il  faut  dolic  com- 
parer leur  siècle  avec  le  nôtre,  le  degré  d'a- 
bondance qui  régnait  pour  lors  avec  celui 
dont  nous  jouissons  aujourd'hui;  qui  s'est 
donné  la  peine  de  faire  celle  comparaison  ? 

Lorsque  chez  une  nation  le  luxe  est  poussé 
à  son  comble,  on  ne  peut  plus  su;  porter  la 
morale  c'n  élicnne ,  on  se  retranche  dans 
i'éi'icuréisme  spéculatif  et  pratique,  {)0ur 
justilier  l'excès  de  sensualité  auquel  on  se 
livie  ;  mais  alors  ce  sont  les  nKrurs  i)ubli- 
ques  cpii  pèchent  et  non  l'Evangile.  Sans  en- 
trer dans  aucune  discussion,  il  est  aisé  de 
voir  que  .'-i  les  grands  enqiloyaient  h  soula- 
ger les  pauvres  ce  qu'ils  consument  en  fol- 
les déficu'^es,  le  nombre  des  malheureux 
diminuerait  do  moitié,  mais  l'habilnde  du 
luxe  étoulfe  la  charité  et  rend  les  riches  im- 
pitoyables. Une  fortune  qui  sudirait  pour 
subvenir  à  tous  les  besoins  indispensables 
de  la  vie,  ne  sufiit  plus  pour  satisfaire  les 
soûls  capricieux  que  le  luxe  inspire  ;  les  be- 


JLffiK 


438 


•soins  factices  croissent  avec  l'abondaivce,  il 
ne  r'este  plus  de  supertlu  ;i  donner  aux  pau- 
•vres.  On  ne  pense  pics  h  la  leçon  de  saint 
Paul  :  Que  votre  abondance  supplée  à  l'indi- 
gence des  autres,  afin  d'établir  l'égalité  [H 
Cor.  c.  viii,  v.  li). 

Ceux  mêmes  qui  ont  voulu  faire  l'apologi^e 
du  luxe,  sont  forcés  de  convenir  qu'il  amir4- 
1:1  les  hommes,  énerve  les  courages,  perver- 
tit les  idées,  éteini  les  sentiments  d'honneur 
■et  do  probité.  [1  étoutl'c  les  firts  utiles  pour 
alimenter  les  talents  frivoles  ;  il  tarit  la  vrai»! 
source  des  richesses  en  dépeuplant  les  cam- 
pagnes, en  ôtant  à  l'agiiculiure  une  intinitv 
de  i)ras.  11  met  dans  les  fortunes  une  iné- 
galité monstrueuse,  rend  heun  ux  un  petit 
iioaibre  d'houmies  aux  dé|)ens  de  vingl  mil- 
lions d'autres.  Il  rend  les  mariages  trop  dis- 
penili(  ux  par  le  faste  des  femmes,  et  nmli- 
plie  les  céliijaiaires  roluiitueux  et  libertiivs  : 
double  source  do  dépopulation.  En  donnant 
aux  rii  hesses  un  prix  qu'elles  n'ont  point, 
il  Ole  touie  consi  iér.'.ti(m  ^  la  probité  et  à  la 
vertu  :  il  réduit  la  moitié  d'une  nation  à 
servir  l'autre,  et  produit  à  peu  près  les  mème's 
désordres  que  l'esclavagi'  chez  les  anciens. 

Mais  c'est  surlout  aux  ecciésiastii|ues  qùo 
le^■  canons  défendent  touie  eSjièco  de  lure. 
Comme  leur  conduite  doit  être  plus  mo- 
deste, plus  exemplaire,  filus  sainte  que  celte 
des  laïques,  toute  supertluili-  leur  est  plus  s'é- 
vèrenienl  iuteniile.  Le  deuxième  concile  gé- 
néi'al  de  Nicée,  tenu  l'an  787,  can.  Ki,  d  fend 
aux  évoques  et  aux  clercs  les  habits  somp- 
tueux (  t  éclatants,  et  l'usage  des  parfums  ; 
cet  usage  semblait  cept^ndant  nécessaire 
lorsque  le  linge  était  beaucoup  moins  cjijiv 
muu  (ju'il  ne  l'est  aujourd'hui.  Le  concije 
d'Aix-la-Chapelle,  de  l'an  816,  can.  1V5,  leur 
défend  la  magnilicence  et  toute  supeHluité 
dans  la  table  et  dans  la  manière  de  s'Iiabiller. 
En  1213,  celui  de  Montp  Hier,  can.  1,  à, 3, leur 
fait  la  même  leçon,  leur  interdit  les  habits  de 
couleur  et  les  orneaients  d'or  et  d'aru;ent.  Le 
concile  général  de  Latran,  tenu  la  nième  an- 
née, can.  IG,  est  encore  plus  sévère  ;  i!  rappelle 
les  canons  du  quatrième  concile  de  Cart'iage, 
tenu  l'an  398,  qui  veut  que  la  maisortv  les 
meubles,  la  table  d'un  evêque  soient  pau- 
vres. Entin  celui  de  Trente^  sess.  'ii,  de  tti- 
form.,  c.  i,  recommande  instamment  Vtib- 
servation  de  cette  discipline,  et  renouvelle 
à  ce  sujet  tous  les  anciens  canons.  L'usagi», 
la  coutume,  le  rel  chôment  des  mœurs,  les 
prétextes  tirés  de  la  naissance  et  de  la  di- 
gnité, ne  prescriront  jamais  contre  des  rè- 
gles'aussi  res|)ectables.  Le  concile  de  Mont- 
pellier, que  nous  venons  de  citer,  observa 
très-bien  que  le  luxe  des  ecclésiastiques  les 
rend  odieux,  élouifo  aans  les  laï(iues  le  res- 
pect et  la  confiance,  fait  murmurer  les  pau- 
vres, el  tourne  au  détriment  de  la  religion. 
C'est  encore  aujourd'hui  le  lieu  commun 
des  incrédules  ,  et  le  sujet  le  nlus  fré 
quent  de  leurs  invectives  contre  le  clergé. 
il  y  aurait  donc  plus  à  gagner  qu'à  perdre 
pour  cet  oi'dre  vénérable,  si  tous  ses  meni 
br(!s  étaient  assez  courageux  nour  lutter 
contre  le  torrent  des  mœurs  publu^uèS^  êl  Se 


439  LTO 

renfermer  dans  les  bornes  du  plus  étroit  né- 
cessaire. 

Les  grands  hommes  qui  ont  honoré  l'E- 
glise par  leurs  talents  et  par  leurs  vertus 
étaient  tous  pauvres  ;  ceux,  mômes  qui 
étaient  riches  par  leur  naissance,  renon- 
çaient h  li'ur  patrimoine  en  embrassant  l'é- 
tat ecclésiastique,  quoique  cette  oblit;aiion 
ne  leur  fAt  imposée  par  aucune  loi.  Parmi 
des  évéques  du  m'  siècle,  le  seid  Paul  de 
jSanjosate  se  fit  remarquer  jiar  un  luxe  scan- 
Idaleux  ;  mais  il  fut  hérétique ,  méchant 
•Ihomme,  déposé  et  excommunié  pour  ses 
■'erreurs  et  pour  ses  vices.  Ammien  Marcel- 
lin,  auteur  païen  du  iV  siècle,  atteste  que 
plusieurs  évéques  des  provinces  se  rendaient 
recommandables  devant  Dieu  et  devant  les 
hommes  par  leur  sobriété  et  leur  aus'.érité, 
par  la  simplicité  de  leurs  haiiits ,  par  un 
extérieur  humble  et  mortifié.  Hist.,  1.  xxvii, 
pag.  4-58.  Voy.  JMngham,  Oriq.  eccle'siast., 
1.  VI,  c.  2,  S  8,  tome  H,  pay,.  326. 

LUXUKE.  Voy.  Impudicité. 

LYON.  11  y  a  eu  deux  conciles  généraux 
tenus  dans  cette  vibe;  le  premier,  de  l'an 
12i5,  sous  le  pape  Innocent  IV  qui  y  prési- 
dait, est  com|>té  pour  le  treizième  concile 
général.  11  fut  convoqué,  1°  à  cause  de  l'ir- 
ruption des  Tartarcs  dans  l'empire;  2°  pour 
travailler  à  la  réunion  des  Grecs  à  l'Eglise 
romaine  ;  3°  poiu-  condamner  les  hérésies  qui 
se  répandaient  pour  lors;  4"  pour  procurer 
des  secours  aux  fidèles  de  la  terre  sainte 
contre  les  Sarrasins  ;  5°  pour  examiner  les 
crimes  dont  l'empereur  Frédéric  II  était  ac- 
cusé. Baudouin,  empereur  de  Constantino- 
ple,  y  assista,  et  il  s'y  trouva  environ  cent 
quarante  évéques. 

Nous  ne  trouvons  rien  dans  les  décrets 
de  ce  concile  qui  ait  rapport  à  aucune  héré- 
sie en  particulier,  ni  aux  moyens  d'éteindre 
le  schisme  des  Grecs  ;  nous  y  voyons  seu- 
lement des  taxes  imjiosées  sur  les  bénéfices 
pour  secourir  la  terre  sainte,  le  i)rojet  d'une 
croisade  contre  les  Sarrasins  et  confre  les 
ïar  ares. 

La  grande  affaire  était  les  démêlés  entre  le 
saint -siège  et  l'empereur  Frédéric  :  ce 
prince  était  accusé  d'hérésie,  de  sacrilège  et 
de  félonie.  L'empire  étant  regardé  pour 
lors  comme  un  fief  relevant  du  saiiit-siége, 
la  résistance  de  Frédéric  au  pape  paraissait 
être  la  rév(jlfe  d'un  vassal  contre  son  sei- 
gneur. Cônséquemment  Innocent  IV  pro- 
nonça contre  lui  l'excommunication  et  une 
sentence  de  déposition.  Les  évoques  apjirou- 
Yèrent  l'excomumnication  et  répétèrent  l'a- 
nathème  ;  quant  à  la  déjiosition,  il  est  seu- 
lement dit  qu'elle  fut  portée  en  présence  du 
concile  (1).  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  prou- 

(1)  «  Nos  itaque  super  pr.Tcmissis  et  compluribus 
aliis  cjus  nêfaridis  excessibus,  cuiii  fratribus  noslris 
et  sacro  comilio  detiberatione  prscbabila  diligent!, 
cuin  Jt'sii  Chris! i  vices  licel  ininierito  leneamus  in 
terris,  nol)is(|«e  in  beati  Pétri  apostoli  persona  sit 
dictiini  :  Qiwdnimqiie  lignvrris  huper  tevram  ,  etc.  ; 
nieiiioratum  i)rincipcin,  qui  se  impeiio  et  rcgnis  om- 
Bii|iii'  boiiorc  acdignitatereddiditlaiiiindigniini,  (jui- 
que  piopier  sua^  iiiiquitates  à  Ueo  ne  reguei  vel  tiu- 


LYO 


440 


ver  que  co*te  sentence  était  nulle,  et  que  le 
]japi'  excédait  son  pouvoir.  Voy.  Souveiiain  , 
'J'emporel  des  rois.  Aussi  cette  démarche 
irrégulière  eut-elle  les  suites  les  ])lus  fA- 
cheuses  ;  elle  parta:.;ea  l'Italie  en  deux  fac- 
tions, celle  des  guelfes  qui  tenaient  |iour 
le  ]iape,  l'autre  des  gibelins  qui  étaient  du 
parti  de  rem|)ereur,  et  qui  désolèrent  l'Ila- 
li"  pendant  trois  siècles.  S'il  est  étonnant 
que  les  évéques  n'aient  pas  réclamé  contre 
cette  entreprise  du  |iape,  il  l'est  bien  davan- 
tage que  l'empereur  Baudouin,  les  comtes  de 
Provence  et  de  Toulouse,  les  ambassadeurs 
des  autres  souverains  qui  étaient  présents, 
ne  s'y  soient  pas  opposés.  Voy.  l'Histoire  de 
l'Eglise  gallicane,  tome  XI,  1.  xxxii,  an.  12'!5. 
Le  deuxième  concile  général  de  L\on,  qui 
est  le  quatorzième  œcuménique  ,  fut  indi- 
qué l'an  1274  par  Grégoire  X.  Il  avait  aussi 
])Our  objet  la  réunion  de  l'Eglise  grecque, 
le  secours  de  la  terre  sainte,  et  la  réforme 
de  la  discipline  ecclésiastique.  Le  pajie  y 
présida  encore  en  personne,  à  la  tête  de  plus 
de  cinq  cents  évoques  ;  Jacques,  roi  d'Aragon, 
s'y  trouva,  et  l'on  y  vit  les  ambassadeurs  de 
l'eiiipereur  Michel  Paléologue,  ceux  des  rois 
de  France,  d'Allemagne,  d'Angleterre  et  de 
Sicile.  C'est  la  plus  nombreuse  assemblée 
qui  se  soit  furmée  dans  l'Eglise.  Elle  eut 
aussi  un  succès  plus  heureux  que  la  précé- 
dente, puisque  les  Grecs,  au  nom  de  leur 
empereur  et  de  trenie-huit  évoques  de  leur 
Eglise,  y  signèrent  avec  les  Latins  la  même 
profession  de  foi,  y  reconnurent  le  souve- 
rain pontife  comme  chef  de  l'Eglise  univer- 
selle (I),  et  y  chantèrent  le  symbole  avec 
l'addition  qui  a  Paire  Filioque  procedit. 

peret  est  abjectus,  suis  ligatuni  peccatis  et  abjectum, 
omnique  lionore  et  dignilate  privatuui  a  Domino  os- 
lendinnis,  denunliannis,  ac  nibiloininus  sententiaiulo 
privanius;  omnes,  qui  ei  juiaiiieiito  fideiitatis  lenen- 
tur  adstricti  ,  a  juraniento  liuiiisuiodi  perpetuo  ab- 
solventes  ;  aucioritate  apostolica  linniter  inhiliendo, 
ne  qnisqnani  de  c*lero  sibi  tan(|uaiii  imperatori  vel 
régi  pareat  vel  inlendat ,  et  deccrnendo  qnoslibet, 
qui  deinceps  ei ,  velut  imperatori  aut  régi,  con- 
silium  vel  au.vilium  pnt'Sliterint  seu  l'avoreiri  ,  ipso 
fa'cto  excommunicaiionis  vinculo  subjacere.  Illi  au- 
tem  ad  quos  in  eodem  imperio  iniperatcnis  spécial 
electio,eiigant  libère  successorem.i — Labb.,  Coiuil. 
cotleci.,  tom.  XI,  part.  4,  col.  64.'). 

(1)  Les  termes  de  cette  réconciliation  sont  bien 
remarquables.  Ils  montrent  l'idée  qu'on  se  iormait 
de  la  primauté  du  pape,  idée  bien  plus  absolue  que 
ce  que  supposent  nos  gallicans.  L'Eglise  ne  s'ar- 
rêta pas  alors  à  ces  prétendus  sages  tempéraments 
du  gallicanisme.  Voici  les  expressions  du  concile  : 

I  Sancta  romana  Ecclesia  summum  et  plénum  pri- 
matum  et  priucipatuui  super  uuiversam  Ecclesiain 
catbolicam  oblinet  ,  quem  ab  ipso  I>ondno  in  bealo 
l'etro  aposloloruai  piincipc  sive  vertice,  cujus  ro- 
manus  ponlilcx  est  successor,  cum  potestatis  pleiii- 
ludine  récépissé  veraciler  et  humiliter  recognoscil. 
Et  sicul  pi.T  caHeris  tcnetur  (idei  veritalein  del'en- 
dere,  sic  et  si  (|ua;  de  fide  suborl;e  l'uerinl  quaslio- 
nes,  suo  debcnl  judicio  (leliniri.  Ad  quain  polest  gra- 
valiis  (|uilibet  super  negotiis-iil  eeclcsiaslicum  forum 
pertmenlibus  appellare  ,  et  in  ouinibus  causis  ad 
examen  ccclesiasticum  spectaniibus,  ad  ipsius  potesl 
judicinm  recurri  :  et  eidem  omnes  Ecclesi;i;  sunt  sub- 
jeehe,  ips:iriiiii  pr.'elali  obedientiau'  el  leverenHam 
»'û)i  daut.  Ad  liunc  auleui  sic  potestatis  plcDiludO 


441 


MAC 


MAC 


442 


Cons(''qiiemment,  le  premier  des  décrets 
de  ce  concile  regarde  le  dogme  de  la  pro- 
cession du  Saiiil-Ks|)rit  ;  les  autres  concer- 
nant la  discipline.  Le  vingt-troisif'raeest  re- 
ruarquabli',  en  ce  (ju'il  déf 'U  1  de  former  de 
nouveaux  ordres  religieux  et  d'en  prendre 
l'habit,  et  supprimi'  tous  les  ordres  men- 
diants nés  depuis  le  concile  général  de  La- 
tran,  sons  Innocent  III,  en  1215,  et  non  con- 
firiués  par  le  sainl-siége. 


Cependant  la  réunion  des  Tirées  ^  l'Eglise 
romaine  ne  fut  ni  généralr  de  h  uv  ]m{,  ni 
de  lon-^ue  durée,  jiuisqu'il  fallut  la  recom- 
mencer h  Feirare  en  1V38,  et  à  Florence  en 
1V3!).  Cette  dernière  môme  n'a  pas  été  solide, 
puis([ue  les  Grecs  persi'vèrent  encort;  dans 
leur  schisme,  et  y  sont  aussi  obstin('S([u'ils 
r(''laient  |iour  loi'S.  Voi/.  F'i.ohence.  Hist.  de, 
VKillisi-  (jallic,  tome  XII,  1.  xxxiv,  an.  1272 
et  i2~G. 


m 


MACARIENS,  nom  que  les  donatistes  d'A- 
frique donnaient  par  haine  et  par  mépris 
aux  catholii|ues.  ^'oici  quelle  en  fut  l'occa- 
sion. L'au  3't-8,  l'empereur  Constant  envoya 
en  Afi'ique  deux  |)ersonnages  consulaires, 
Patd  et  Macarius  ou  Macaire,  |)our  veiller  à 
l'ordre  i^ublic,  pour  porter  des  aumônes  aux 
}>auvres,  pour  engager  les  donatistes,  par 
des  voies  do  douceur,  à  rentrer  dans  le  sein 
de  l'Eglise.  Macaire  eut  drs  conférences  avec 
(iuel([ues-uns  de  leurs  évéques,  et  leur  té- 
moigna le  désir  qu'avait  l'empereur  de  les 
Voir  réunis  aux  catholiques.  Ces  schismali- 
ques ,  toujours  séditieux,  répondirent  que 
remi)ereur  n'avait  rien  à  voir  dans  les  affai- 
res ecclésiastiques  :  ils  soulevèrent  le  peu- 
ple ;  on  fut  obligé  de  leur  opposer  des  sol- 
dats ;  dans  ce  tunudte,  il  y  eut  du  sang  ré- 
pandu, et  Macaire  fit  jinnir  quelques-ims 
des  donatistes  les  \)\us  furieux.  Ces  sectaires 
s'en  prirent  aux  catholi(|ues,  comine  si  c'a- 
vait été  ces  derniers  qui  avaient  aigri  l'em- 
pereur, et  avaient  été  cause  de  la  punition 
des  coupaliles  ;  ils  ne  cessaient  de  leur  re|)ro- 
cher  les  loups  marnrievs,  c'est-à-dire  les  exé- 
cutions faites  par  Macaii'e,  et  nommaient  les 
catholiques  macarinis. 

Saint  Augustin,  dans  ses  ouvrages  contre 
les  donatistes,  leur  représenta  qu'ils  ne  de- 
vaient atirilnier  qu'à  eux-mêmes  les  ch;Ui- 
ments  et  les  supplices  dont  ils  se  plaignaient; 
que  quand  Macaire  aurait  poussé  la  sévérité 
tro|)  l"in,  ce  qui  n'était  pas  vrai,  les  catholi- 
rjues  n'en  étaient  jioinl  responsables  ;  q\io 
les  i)rétendues  cruautés  exercées  par  cet  en- 
voyé de  l'empereur,  n'ai)prochaient  pas  de 
celles  qu'avaient  commises  les  circoncel- 
lions.  0|)tat  de  Vlilève  nous  apjirend,  aussi 
liien  que  saint  Augustin,  (fue  celte  sévérit(^ 
de  Macaire  jiroduisit  un  bon  effet.  Un  grand 
nombre  de  donatistes,  confus  de  leur  révolte 

coiisistit ,  qiiod  Ecclosias  cœlcras  .iil  solliritmlinis 
piirtemadmillil;  quaniin  niiillas  et  paliiarcliales  pra'- 
clpue  diversis  privilci^iis  cadeiii  roiuaiia  Ecilosia  iio- 
noravit,  sua  laiiien  observala  pra-roijaliva  tiiiii  in 
geiu'i-alibus  coiiciliis,  Uim  in  aliiiuilnis  aliis,  sciiipor 
salva.  »  —  Lab.,  Concil.  collecl.,  loin.  XL  part,  l  , 
coL  966. 

Si  l'on  considère  avec  attention  la  manit'iw  dont 
les  Grecs  se  sont  explii[iios  au  second  concile  de 
Lyon  au  sujet  de  la  principauté  du  pape,  on  recon- 
naîtra facileiiieni  (|u'il  est  impossible  de  concilier  les 
libi'ilét  gallicdius  avec  la  dorliinc  de  ce  concile. 
Yey.  aussi  l'art.  Flouence. 


et  craignant  le  chAliment,  renoncèrent  à 
leur  schistne,  et  se  réconcilièrent  à  l'Eglise. 
Ko//.  Donatistes.  Tillemont,t.VI,  p.  109  et  11'.». 

MACARIS.ME.  Dans  l'office  des  Grecs,  les 
macarismes  sont  des  hyiuues  ou  tropains  à 
l'honneur  des  saints  ou  des  bienlr  ureux  : 
ce  terme  vient  de  fiazipto,-,  beatus.  On  donne 
le  môme  nom  aux  psaumes  qui  commencent 
par  ce  mot,  et  aux  neuf  versets  du  ciinjuiô- 
me  chapitre  de  saint  Matthieu,  depuis  le 
troisième  jusqu'au  onzièiue,  qui  renferment 
les  huit  béatitudes. 

MACÉDONIENS,  hérétiques  du  iV  siècle 
qui  niaient  la  divinité  du  Saint-Esprit.  Ma- 
cédonius,  auteur  de  cette  hérésie,  fut  placé 
sur  le  siège  de  Constantinople  en  Wa,  par 
les  ariens,  dont  il  suivait  les  sentiments,  et 
son  élection  causa  une  sédition  dans  laquelle 
il  y  eut  du  sang  répandu.  Les  violences 
qu'il  exerça  contre  les  novatiens  et  contre 
les  catholiques  le  rendirent  odieux  à  l'empe- 
reur Constance,  quoi(iue  ce  prince  filt  pro- 
tecteur déclaré  de  l'arianisme  ;  con>équem- 
ment  Macédonius  fut  déposé  par  les  ariens 
mômes ,  dans  un  concile  ([u'ils  tinrent  h 
Constantinople  l'an  359.  Egalement  irrité 
contre  eux  et  contre  les  catholiques,  il  sou- 
tint,  malgré  les  premiers,  la  diviiiité  du 
^'erbe  ;  et  contre  les  seconds,  il  soutint  (jue 
le  Saint-Esprit  n'est  pas  une  personne  di- 
vine, mais  une  créature  plus  parfaite  que 
les  autivs.  Il  tourna  contrit  la  diviniti'  du 
Saint-Esprit  la  plupart  des  objections  que 
les  ariens  avaient  faites  contre  la  divinité  du 
Verbe  ;  son  hérésie  fut  l'ouvrage  de  l'or- 
gueil, de  la  vengeance  et  de  l'esprit  de  con- 
tradiction. Il  entraîna  dans  son  parti  quel- 
ques évoques  ariens  tpu  avaient  été  déposés 
aussi  bien  que  lui;  et  ils  eurent  des  secta- 
teurs qui  se  répandirent  dans  la  Tlirace, 
dans  la  province  de  l'Hellespont  et  dans  la 
Bithynie. 

Ces  macédoniens  furent  nommés  par  les 
Grecs  pneumatomaques,  c'est-à-dire  ennemis 
du  Saint-Esprit,  et  marathoniens,  à  cause  de 
Marathoiie, 'évèque  de  Nicomédie,  l'un  des 
plus  coniuis  d'entre  eux.  Ils  séduisaient  le 
peuple  |)ar  un  extérieur  grave  et  par  des 
mœurs  austères,  artifice  oïdinaire  des  hé- 
rétiques; ils  imitaient  la  vie  des  moines  et 
semaient  particulièrement  leurs  erreurs  dans 
les  monastères. 

Sous  le  règne  do  Julien,  ils  eurent  la  li 


HZ 


Mac 


MAC 


m, 


feerté  de  dogmatiser  ;  sous  Iovi«D,  son  suc- 
cessfiu-r,  qui  était  attaché  h  la  foi  de  Nicée, 
ils  demanfièrent  la  possession  de  plusiours 
églises;  ils  ne  purent  rien  obtenir  :  sous 
V'aleiis,  ils  furent  poursuivis  par  les  ariens 
que  cet  empereur  favorisait;  ijg  se  réuni- 
rent en  apparence  aux  cathaliques,  mais 
cette  union  simulée  de  leur  part  ne  dura  fias. 
En  381,  ils  furent  appelés  au  concile  géné- 
ral de  Constantinople,  que  Théodnse  avait 
convoqué  pour  rét  iblir  la  paix  dans  les  égli- 
ses :  ils  ne  voulurent  jamais  signer  le  sym- 
bole de  Nicée,  et  lurent  condamnés  comme 
hérétiques  :  Théodose  les  bannit  de  Constan- 
tinople et  leur  défendit  de  s'assembler.  Tille- 
mont  pense  que  Macédnnius  n'a-sis'a  point 
à  ce  concile.  Depuis  ce  temps,  Ihistoire  ec- 
clésiastique ne  fitit  [.lus  mention  des  macé- 
doniens; saint  Athanase  et  saint  Basile  écri- 
virent contre  eux. 

Le  concile  de  Nicée  n'avait  pis  décidé  en 
termes  expi-èset  fomols  la  divin'tédu  Siint- 
Esprit,  parce  qvie  b's  ariens  attaquaient  uni- 
quement la  divinité  du  Fi's;  m.is  les  Pères 
de  Nicée  tirent  assez  connaître  leur  criy.Mice 
par  leur  symbole.  Lorsqu'ils  disent  :  «  Nous 

croyons  en  un  seul   Dieu   tout-puissant 

et  en  Jésus-t'.lirJst  son  Fi  s  unique,  Dieu  de 

Dieu,     consubstantiel     au    Père ;    nous 

croyons  aussi  au  Saint-Esprit,  »  ils  suppo- 
sent évidemment  une  égalité  parfoile  entre 
les  trois  Personnes,  par  conséquent  la  divi- 
nité de  toutes  les  trois.  Cela  est  encore  évi- 
dent par  le  symbole  plus  éteudu  que  Eusèbe 
de  Césarée  a  tressa  à  son  peuple,  et  qu'il 
avait  présenté  au  concile  de  Nicée;  il  fonde 
l'éj^alité  des  trois  personnes  divines  sur  les 
pHroles  de  Jésus-Christ  qui  sont  la  forme  du 
baptême.  Socrate  (Hist.   ecclés.,  liv.  i,  c.  8). 

C'est  donc  sans  aucune  raison  qu'il  a  plu 
aux  incrédules  de  dire  que  le  concile  géné- 
ral de  Constantinople,  en  déclarant  la  «Jivi- 
nité  du  Saiiit-F.spril,  avait  créé  un  nouvel 
article  de  foi,  et  l'avait  ajouté  au  symbole  de 
Nicée;  ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  conciles  n'a 
rien  créé,  rien  inventé  de  nouveau;  il  n'a 
fait  qu'attester  ce  qui  avait' toujours  été  cru. 
Eusèbe  lui-même,  quoique  très-suspect  d'a- 
rianisme,  proteste  à  ses  diocésains  que  le 
symbole  qu'il  leur  adresse  est  la  doctrine 
qu'il  leur  a  toujours  enseignée,  qu'il  a  r^'çue 
des  évéques  ses  prédécesseurs,  qu'il  a  ap- 
prise dans  son  enfance,  et  dans  laquelle  il  a 
été  baptisé.  Il  atlese  encore  que  tel  a  été  le 
sentiment  unan'me  des  Pères  de  Nic.ée  ;  qu'il 
ii'y  a  eu  diiiicullé  dans  ce  concile  que  sur  le 
ttrmo  do  consubstantiel,  duqurl  on  pouvait 
a.iuscr  en  le  prenant  dans  un  mauvais  sens. 
Une  preuve  que  les  évéques  macédoniens  se 
sentaient  déjà  condamnés  par  le  concile  de 
Nicée,  c'est  que  jamais  ils  ne  voulurent  en 
souscrire  le  symbole;  et  Sabinus,  l'un  d'en- 
tre eux,  soutenait  que  ce  symbole  avait  été 
composé  par  des  hommes  simples  et  igno- 
rants. Sociate,  Ibid.  Notes  de  Yalois  et  de 
Bullus  sur  cet  endroit.  Sab  nus  n'en  aurait 
pas  jiarlé  sur  ce  ton  de  mépris,  s'il  avait  jiu 
pei  suauer  que  les  Pères  deNicée  avaient  pen- 
sé comme  lui.  « 


Au  mot  Saint-Espbtt,  nous  avons  apporté 
les  preuves  de  la  divinité  d«  cette  troisièma 
personne  de  la  sainte  Trinité.  11  est  bon  de 
remarquer  que  l'erreur  des  macédoniens  n'é- 
tait pas  la  même  que  celle  des  sociinens  ; 
ceux-ci  prétendent,  comme  les  sectateurs  de 
Photin,  que  le  Saint-Esprit  n'est  pas  une 
personne;  que  ce  nom  désigne  seulement 
i'o])ération  de  Dieu  dans  nos  flmcs  ;  les  ma- 
cédoniens, au  contraire,  pensaient  que  c'est 
une  personne,  un  être  réel  et  subsistant,,  un 
esprit  créé  semblable  aux  anges,  mais  d'une 
nature  très-su]iéricure  à  la  leur,  quoi(jae 
fort  inférieure  à  Dieu.  Nous  ne  savons  |ias 
sur  quel  fondement  Mosheim  a  confondu 
l'erreur  de  Macédonius  avec  celle  de  Pho- 
tin. Sozom.,  1.  IV,  c.  27  ;  TiiJe-mottt,  t.  VI, 
p.  413  et  hik. 

.  MACHABÉES.  Il  y  a  deux  livres  sous  ce 
nom  dans  nos  Bibles,  qui  contiennent  l'un 
et  l'autre  l'histoire  de  Judas ,  surnomuié 
Machahée,  et  de  ses  frères,  les  guerres 
qu'ils  soutinrent  conire  les  fois  de  Syrie, 
pour  la  défense  de  la  religion  et  de  la  li- 
berté des  Juifs. 

Selon  l'opinion  la  plus  probable,  le  nom 
de  Machahée  est  venu  de  ce  cjue  Judas  avait 
fait  mettre  sur  ses  étendards  ces  lettres  ini- 
tiales M.,  C,  B.,  jîî.,  L,  qui  désignent  en 
hébreu  cette  sentence  de  l'Exode,  c.  xv,  v. 
1  :  Qui  d'entre  les  dieux,  Seigneur,  est  scm- 
Mable  à  tyous?  De  là,  ce  nom  a  été  donné 
non-seulement  à  Judas  et  à  sa  famille,  mais 
encore  à  tous  ceux  ijui,  dans  la  persécution 
suscitée  contre  les  Juifs  par  les  rois  de  Sy- 
He,  souffrirent  pour  la  cause  de  la  religion. 

Le  premier  livre  des  Machabées  avait  ét« 
écrit  en  hébreu,  ou  plutôt  en  syro-chaldaïqueî 
qui  était  alors  la  langu;^  vulgaire  de  la  Ju- 
dée. Saint  Jérôme,  in  Prologo  Galeato,  dit 
(ju'il  l'avait  vu  en  hébreu;  mais  il  n'en  reste 
que  In  version  grecque,  de  laquelle  on  ne 
connaît  pas  l'auteur,  et  dont  Origène,  Te- 
tuUien  et  d'autres  Pères  se  sont  servis.  La 
version  latine  est  plus  ancienne  que  saint 
Jérôme,  qui  ne  l'a  (las  retouchée.  Ce  livre 
contient  l'histoire  de  quaiante  ans,  depuis 
le  commencement  du  règne  d'Aiitioclius 
Epinlianes  jusqu'à  la  mort  du  grand  prêtre 
Simon.  Soit  qu'il  ait  été  écrit  par  Jean  Hir- 
can,  fils  de  Simon,  qui  fut  pendant  près  de 
trente  ans  souverain  sacrificateur,  ou  par  un 
autre  écrivain  sous  sa  direction,  l'auteur 
peut  avoir  été  témoin  de  tout  ce  qu'il  ra- 
conte; à  la  fin  d'-  son  livre,  il  cite  pour  ga- 
rants les  mémoires  du  pontificat  de  Jean 
Hircan 

Le  second  livre  des3/nfftn&^esest  unabré.;é 
de  l'histoire  des  persécutions  exercées  contre 
les  Juifs  par  Epiphanes  et  par  Eiipator,  son 
fils;  histoire  composée  en  cinq  livres  par  in 
nommé  Jason,  et  qui  est  perdue.  Quoique 
celui-ci  raconte  les  mêmes  choses  que  l'au- 
teur du  premier  livre,  il  ne  parait  pas  f(u'ils 
se  soient  vus  ni  copiés  l'un  l'autre  ;  le  se- 
cond a  écrit  en  grec. 

Plusieurs  anciens  auteurs  et  le  concile  de 
Laodicée,  qui  ont  donné  le  catalogue  des 
livres  saints,  n'y  ont  pas  placé  les  dcut  'î. 


44S 


MAC 


MAC 


4i6 


vres  lies  Machahécs;  d'autres,  en  plus  grand 
nombre,  les  ont  regardés  comme  canoniques. 
L'cpître  aux  Hébreux,  c.  xi,v.  35  et  suiy., 
paraît  faire  albision  au  supi>lice  du  saint 
vieillard  Kléazar  et  des  sept  frères,  rapporté, 
II Macimh.,  c,  vi  et  vu.  Le  8V'  ou  85'  canon 
des  apôtres,  Tertidlien,  saint  Cyprien,  Luci- 
fer de  Cngbari,  saint  Hilain;  de  Poitiers,  saint 
Amliroisc,  saint  Augustin,  saint  Isidore  de 
Séville,  e'e.,  les  ont  cités  comme  Ecriture 
sainte.  Origine,  après  k's  avoir  exclus  du 
Cfinoii,  les  cite  ailleurs  connue  ouvrages  ins- 
pirés; saint  Jérôme  et  saint  Jean  Dama<;cène 
ont  varié  de  même  s  r  ce  sujet.  Saint  Clé- 
ment d'Alexandrie,  plus  ancien  que  tous  ces 
Pères,  Strom.,  1.  v,  c.  IV,  p.  705.  cite  le  se- 
cond livre  des  Machnhées,  c.  i,  v.  10.  Le  troi- 
sième concile  de  Cartbage,  en  397,  et  en 
demi  r  li  u  col  li  de  Trente,  les  ont  placés 
parmi  les  livres  canoniques.  Ces  livres  sont 
rejetés  par  les  protestants,  parce  que  le  se- 
cond livre,  c.  xii,  v.  43  et  suiv.,  parle  de  la 
prière  pour  les  morts,  praliqiie  désapprouvée 
[lar  les  réformateurs.  Us  i!é;  laisent  aussi  aux 
incrédules,  parce  (pi'ils  sont  fi\cliés  d'y  voir 
une  fannlle  de  prêtres  féconde  en  liéros,  et 
de  ce  que  la  nation  juive,  qu'ils  ont  tant  dé- 
primée, a  défendu  sa  religion  et  sa  liberté 
avec  un  courage  dont  il  y  a  peu  d'exemples. 
Us  disent  que  l'Eglise  n'a  pas  droit  de  placer 
dans  le  canon,  des  livres  (jue  plusieurs  an- 
ciens en  ont  exclus.  Au  mot  Deutéro-Cano- 
ni(ji;e,  nous  avons  prouvé  le  contraire,  et 
nous  aïons  fait  voir  que,  sur  ce  point,  les 
protestants  ne  sont  d'accord  ni  entre  eux,  ni 
avec  eux-mêmes.  Ils  n'ont  pas  de  grandes 
objections  h  faire  contre  le  [remier  livre  des 
Mflc/m6(''fs;  plusieurs  critiques  parmi  eux  ont 
témoigné  en  faire  beaucoup  d  >  stime  :  mais 
ils  arg  iuienlent  surtout  contre  le  second  li- 
vre ;  ils  prétendent  que  les  deux  lettres  des 
Juifs  de  Jérusalem  h  ceux  d'Alexandrie,  qui 
se  trouvent  cliaj).  i  et  ii,  sont  supposées  : 
voyons  les  ]ireuves  de  cetle  su|iposilion. 

La  date  de  ces  lettres  païaît  fausse,  elle  ne 
s'accorde  pas  avec  la  cbroiiologie;  la  s  cou- 
de est  écrite  au  nom  de  Machabéc,  et  cejuif 
était  mort  depuis  trente-six  ans.  Mais,  en 
premier  lieu,  le  nom  de  Mnchaliee  n'est  \)o\nl 
ajouté  à  celui  de  Judas;  ce  peut  donc  èlre 
un  autre  j'.nf  lie  même  nom.  En  second  lieu, 
dans  les  Mémoires  de  l'Acadthnie  des  Inscrip- 
tions, tome  XLHl,  in-13:.  p.  'i91,  il  y  a  une 
<li>seriat  on  sur  la  dironologie  de  l'ïiistore 
d:'s  M(ivhab('rs,  dans  laqu(dle  l'auteur  concilie 
parf  i.tement  loutes  les  dates  qui  y  sont  mai- 
quées,  soit  entre  elles,  soit  avec  les  monu- 
i:ie:  ts  de  l'histoire  profane,  et  répond  soli- 
dement à  toutes  les  difllcullés.  Nous  nous 
contenions  d'y  renvoyer  le  lecteur.  Dans  la 
première  'le  ces  lettres,  la  fête  de  la  Purilî- 
cation  et  de  la  Dédicace  du  temple  est  nom- 
mée mal  à  propos  fêle  des  T(d)ernacles,  e.  i, 
V.  9.  Mais  ce  tenue  est  exidiqué  ailleurs  ;  il 
est  dit,  c.  X,  V.  G,  ipie  cetle  tèie  fut  célébrée, 
comme  celle  des  Tabernacles,  pendant  huit 
joui~s.  Nou5  y  lisons,  c.  iv,  v.  23,  que  Méné- 
laiis,  qui  obt'nit  la  îouvepjine  sscriticaliire, 
était  frère  de  Simon  le  Beiija;iù(e;  selon  Jo 


sèplie,  il  était  frère  d'Onias  et  de  Jasoii,  et 
(ilsde  Simon  II,  par  conséquent  de  la  race 
d'Aaron  et  de  la  tribu  de  Lévi  :  nous  en 
convenons  :  il  est  clair  que,  dans  le  texte,  il 
y  a  un  mot  transposé  et  un  autre  omis  : 
toute  cette  difticulté  se  réduit  à  une  faute  de 
co))iste. 

Chap.  XI,  V.  21,  il  est  parlé  d'un  mois 
dioscorus  ou  dioscorinthius,  mois  inconnu, 
disent  nos  critiipies,  dans  le  calendrier  syro- 
macédonien.  lisse  trompent;  l'auteur  de  la 
dissertation  dont  nous  venons  de  parler,  a 
fait  voir  (|ue  SiiTxp-i  en  grec  est  la  même 
chose  que  gemini  en  latin  ;  (ju'ainsi  le  n)ois 
dioscorus  est  celui  qui  commence  îi  l'entrée 
du  soleil  dans  le  signe  des  gémeaux,  le  2o 
déniai,  selon  notre  manière  de  compter; 
c'est  le  troi-ième  mois  du  jirinlemps,  dans 
l'année  syo-macédonienne.  Quant  au  mol 
dioscorinthius,  ce  peut  être  encore  une  faute 
de  copiste. 

Il  y  a  une  difficulti^  plus  grave,  sur  la- 
quelle plusieurs  incrédules  onl  insisté.  Dans 
le  premier  livre  des  Machabées,  c.  vi,  il  est 
dit  que  Antiochus  Epiphanes,  forcé  de  lever 
le  siège  d'Elymaïde,  retourna  dans  la  Baby- 
lonie;  qu'éta  it  encore  en  Perse,  il  apprit  que 
son  armée  avait  été  défaite  dans  la  Judée, 
qu'il  tomba  malide  de  mélancolie,  et  qu'il  y 
mourut.  On  croit  (jue  ce  fut  h  Tabis,  ville  de 
Perse.  Dans  le  second  livre,  c.  i,  v.  13,  il  est 
dit  au  contraire  (ju'ii  périt  dans  le  temple  de 
Nanée  qu'il  voulait  piller;  or,  ce  temple  était 
dans  la  ville  même  d'Elymaïde.  Enfin,  c.  ix, 
V.  28  de  ce  même  livre,  on  lit  que  Antiochus 
mourut  dans  les  montagnes,  et  loin  de  son 
jiays.  Voilà,  disent  les  criliques,  une  con- 
tradiction formelle  entre  Cts  deux  livres. 
Nrius  n'y  en  apercevons  aucune.  Il  est  clair 
d'abord  qu'il  n  y  en  a  point  entre  la  manière 
dont  la  mort  d'Aniiochus  est  rapportée,  1.  i, 
c.  6,  et  celle  dont  elle  est  racontée,  I.  u,  c.  9. 
puisqu'il  est  vrai  que  ce  roi,  après  avoir  été 
repoussé  par  les  habitants  d'Elymaïde,  que 
l'on  nommait  aussi  Persépolis,  et  marchant  à 
grandes  journées  pour  regagner  la.  Babylonie, 
tomba  ni.ilade  et  mourut  à  Tabis,  dans  les 
montagnes  de  Perse. 

Sans  nous  arrêter  h  la  manière  dont  on 
explique  ordin  tirement  le  chap.  i,  v.  3  du 
secon  1  livre,  il  n  lUs  parait  qu'il  y  a  une  so- 
lution fort  simple.  Ce  n'est  pas  l'fluleur  do 
ce  livre,  mais  les  Juifs  de  Jérusab'in,  qui 
parlent  dans  la  lettre  ([u'ils  écrivaient  à  ceux 
d'Egyjite.  Cette  lettre  fut  écrite  imm<'d,ate- 
ment  après  la  purilicatioii  du  tempe,  par 
conséquent  à  la  première  nouvelle  q  e  l'ou 
reçut  en  Judée  de  la  mort  d'.Vnt  ochus.  Or, 
par  cette  jiremière  nouvelle,  les  Juifs  de  Jé- 
rusalem ne  furent  jias  informés  lies  vraies 
circonstances  de  cette  mort;  on  |iu;ilia  d'a- 
bord fju'il  avait  été  tué  dans  le  temple  de 
Nanée,  à  Elymaïde  ;  mais,  dans  la  suite,  l'on 
apprit  qu'ilVtait  seulement  eut  é  dans  celle 
ville,  qu'il  avait  été  reiioussé  par  les  habi- 
tants, et  forcé  de  s'enfuir  [Machab.  I.  I,  vi,  3 
et  4;l.  II,ix,2]  ;  qu'ilétait  tombé  malade  dans 
les  montagnes,  à  Tabis  ou  aibeurs,  et  qu'il  y 
était  mort.  L'auteur  de  ce  second  livre  le  sa- 


Wl 


MAC 


MAC 


448 


vait  très-bien,  puisqu'il  le  dit  ;  mais  comme 
il  voulait  r-opier  tidèlenient  Li  lettre  des  Juifs, 
telle  qu'elle  était,  il  n'a  pas  voulu  toucher  à 
la  manière  dont  ils  racontaient  la  moit  d'An- 
tiochus,  en  se  réservant  d'en  rapporter  plus 
exactement  les  circonstances  dans  la  suite 
de  son  histoire.  Ce  n'est  donc  [las  ici  une 
méprise  de  la  part  de  l'historien,  mais  un  té- 
moignage de  sa  fidélité. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  la  persécution 
exercée  contre  les  Juifs  par  Antiochus  Epi- 
phanes  avait  été  clairement  prédite  par  le  pro- 
phète Daniel,  c.  viii,  plus  de  deux  cents  ans 
auparavant.  L'événement  a  répondu  si  par- 
faitement à  la  prédiction,  que  les  incrédules 
ont  été  réduits  à  dire  que  les  proi)hi lies  de 
Daniel  ont  été  écrites  ajirès  coup ,  et  dans 
des  temps  postérieurs  au  règne  d'Antiochus  ; 
mais  la  date  du  livre  de  Daniel  est  constatée 
par  des  preuves  que  les  incrédutes  ne  ren- 
verseront jamais.  On  peut  voir  dans  Pri- 
deaux,  liv.  xi,  à  la  lin,  l'exactitude  avec  la- 
quelle ses  prophéties  ont  été  accomplies,  et 
les  preuves  qu'en  ont  fournies  les  auteurs 
profanes.  Voy.  Daniel.  C'est  pour  cela  même 
ijue  le  plus  célèbre  de  nos  professeurs  d'in- 
crédulité a  rassemblé  toutes  les  objections 
qu'il  a  pu  imaginer  contre  l'histoire  des 
Machabées;  elles  ont  été  solidement  réfutées 
dans  un  ouvrage  récent,  intitulé  :  l'Authen- 
ticité (les  livres  de  VAncien  et  du  Noureuu 
Testament  démontrée,  etc.,  Paris,  1782  ;  mais 
cette  discussion  est  trop  longue  pour  que 
nous  puissions  y  entrer. 

On  a  nommé  troisième  livre  des  Machci- 
be'es,  une  histoire  de  la  persécution  suscitée 
en  Fgypte  contre  les  Juifs,  iiar  Ptolémée 
Philopator;  et  quatrième  livre,  l'histoire  que 
Josèphe  a  écrite  du  marlyre  des  sept  frères 
mis  à  mort  par  Antiochus  Epiphaues,  mar- 
tyre rapporté,  //  Machab.,  c.  vu.  Mais  ces 
deux  derniers  ouvrages  n'ont  jamais  été  mis 
au  nombre  des  livres  saints.  Voyez  Bible 
d'Avignon,  tome  XII,  p.  489  et  839. 

Les  protestants,  pour  justifier  leurs  ré- 
voltes contre  les  souverains,  avaient  allégué 
rexem|)le  des  Machabées.  Bossuet,  5°  Aver- 
tissement, §  2'i.,  a  fait  voir  qu'ils  ne  peuvent 
pas  s'en  [irévaloir.  La  révolte  des  Juifs  contre 
Antiochus  était  légitime;  il  n'était  pas  leur 
roi  naturel,  mais  un  conquérant  oppresseur; 
il  voulait  les  exterminer  et  les  chasser  de  la 
Judée.  Or,  la  religion  juive,  jiar  sa  constitu- 
tion même,  était  attachée  à  la  Terre  promise 
et  au  tem[)le  de  Jérusalem;  les  Juifs  ne  pou- 
vaient y  renoncer  sans  crime.  Antiochus  les 
forçait,  sous  })eine  de  la  vie,  d'abandonner 
le  culte  du  vrai  Dieu,  de  sacrifier  aux  idoles, 
de  changer  de  lois  et  de  mœurs.  Ils  furent 
autorisés  à  la  résistance  par  les  miracles  que 
Dieu  lit  en  leur  faveur,  par  les  prophéties 
de  Daniel  et  de  Zacharie,  qui  leur  avaient 
prédit  cette  persécution,  et  leur  avaient  pro- 
mis le  secours  de  Dieu. 

Aucune  circonstance  semblable  n'a  rendu 
légitimes  les  séditions  des  protestants  :  ils 
n'ont  [las  pris  les  armes  pour  conserver  l'an- 
cienne religion  de  leurs  pères,  mais  pour 
l'abolir  et  eu  établir  une  nouvelle  ;  personne 


n'a  voulu  les  forcer  de  renoncer  au  culte  du 
vrai  Dieu,  ni  d'alijurer  le  christianisme; 
ils  n'avaient  en  leur  faveur  ni  prophéties, 
ni  miracles  :  leur  dessein  ca|iitril  était  moins 
d'olitenir  l'exercice  de  leur  religion  que  de 
se  rendre  indépendants  et  d'écraser  le  ca- 
tholicisme ;  c'est  ce  qu'ils  ont  fait  partout 
oiî  ils  ont  été  les  plus    forts.   Voy.  (îijerues 

DK   BELIGON. 

MACHASOR,  mot  hébreu ,  qui  signifie 
cycle.  C'est  le  nom  d'un  livre  de  prières  fort 
en  usage  chez  les  Juifs  dans  leurs  grandes 
lètes.  Il  est  très-difficile  à  entendre,  parce  que 
ces  iirières  sont  en  vers  et  d'un  style  concis. 
Buxlorf  remarque  qu'il  y  en  a  eu  un  grand 
nombre  d'éditions,  tant  en  Italie  qu'en  Alle- 
magne et  en  Pologne,  et  que  l'on  a  corrigé, 
dans  ceux  qui  sont  imprimés  à  Venise  , 
beaucoup  de  choses  qui  S(jnt  contre  les 
chrétiens.  Les  exemplaires  manuscrits  n'en 
sont  pas  communs  chez  les  Juifs,  mais  il  y 
en  a  plusieurs  dans  la  bibliothèque  de 
Sorbonne  à  Paris.  Buxtorf,  in  Biblioth. 
Rabbiîi. 

JL\CHICOT,  officier  de  l'église  de  Noire- 
Dame  de  Paris,  (jui  est  moins  que  les  bénéli- 
ciers,  et  plus  que  les  chantres  à  gages  ;  il 
porte  clia[ie  aux  fôtes  semi-doubles,  et  tient 
le  chœur.  Du  nom  machicot,  dont  l'origine 
n'est  pas  trop  connue,  l'on  a  fait  le  verbo 
7nachicoter,  qui  signifie  orner  le  chant,  eu  le 
rendant  plus  léger  et  plus  composé,  en  y 
joignant  les  notes  de  l'accord ,  pour  lui 
donner  de  l'harmonie.  Ce  chant,  qui  est  une 
espèce  de  faux-bourdon,  se  uoiume  autre- 
ment chant  sur  le  livre. 

iMACKOSTlCHE,  écrit  à  longues  lignes. 
C'est  ainsi  que  l'on  appela  la  cin((uième  Ibr- 
mule  de  foi  que  composèrent  les  eusébiens, 
l'une  des  factions  des  ariens,  d;nis  un  con- 
cile qu'ils  tinrent  h  Antioclie,  l'an  3i5.  Quel- 
ques modernes  ont  dit  que  celte  profession 
de  foi  ne  renfermait  rien  de  répréhensible; 
mais  ce  n'est  pas  ainsi  qu'en  ont  jugé  saint 
Allianase  et  Sozomène.  Les  eusébiens  y  re- 
connaissaient que  le  Fils  de  Dieu  est  sem- 
blable auPère  en  toutes  choses,  sans  parler  de 
substance.  Ils  condamnaient  ceux  qui  |>ré- 
tendaient  que  le  Fils  a  été  tiré  du  néant,  et 
les  autres  inqiiétés  d'Arius,  parce  que  ces 
paroles,  disaient-ils,  ne  sont  pas  de  l'Iilcri- 
ture.  Ils  semblaient  reconnaître  l'unité  de  la 
divinité  du  Père  et  du  Fils,  mais  ils  suppo- 
saient en  même  temps  le  Fils  inférieur  au 
Père;  c'était  une  contradiction  avec  le  m>)t 
semblable  en  toutes  choses  :  ils  disaient  posi- 
tivement que  le  Fils  a  été  fait ,  quoique 
d'une  manière  différente  des  autres  créa- 
tures :  en  cela  ils  étaient  opposés  au  sym- 
bole de  Nicée,  qui  a  dit  engendré  et  non  fait. 
Ils  envoyèrent  ce  formulaire  en  Italie  par 
trois  ou  quatre  évoques  ;  mais  ceux  d'Occi- 
dent ne  furent  pas  dupes  de  leur  verbiage; 
ils  leur  déclarèrent  qu'ils  s'en  tenaient  au 
symbole  de  Nicée  et  qu'ils  n'en  voulaient 
poii'it  d'autre.  Voy.  Eusébiens. 

L'embarras  des  différentes  factions  qui 
partageaient  l'arianisme,  la  multitude  des 
confessions  de  loi  qu'ils  proposaient,  et  qui 


il9  MAD 

ne  [Ktuvaienl  les  saHsftiirc  oiix-inAïuo:^,  dé- 
montreiil  assi'z  \v  fonds  de  mauvaise  loi  avec 
lequel  ils  procédaient,  et  la  sagesse  de  la 
conduite  des  orllioilnxes  qui  ni;  voulaient 
pas  se  (lé|iartir  du  symbole  de  Nici';e.  Tille- 
nionl,  llist.  (le  l'Arian.,  c.  '38,  toiu.  V'I, 
pa.;.  .'{31. 

MADIANITES.  Nous  lisons  dans  le  livre 
di'-<  Nomhrrs,  c.  25,  que  les  Israi'lites,  [xui- 
dant  leur  séjour  dans  le  désert,  se  livrèrent 
à  i'iin|iudicité  et  à  l'idolâtrie  avec  les  filles 
des  Madidiiilcs  et  des  Moaliites  ;  que  le  Sei- 
t;neur  irrité  ordonna  à  Moïse  de  faire  pen- 
ilie  les  ]irincipaux  auteurs  de  ce  désordre; 
(pie  les  ju^es  lirent  nietlre  à  mort  tous  les 
coupables,  et  (lu'il  jiérit  à  celte  occasion 
vinLjt-quaire  mille  honunes.  Comme  les  Ma- 
dianilcs  avaient  tendu  ce  piège  aux  Israé- 
lites, par  pure  méchdnceté  et  alin  de  les 
corrompi  e,  iMoise,  pour  ven,ij;er  son  peuple, 
ordonna  de  nietlre  h  feu  et  à  sang  le  [)ays 
de  Madian,  d'exlerinmer  celle  nation,  de 
n'en  réserver  (jue  les  filles  vierges.  11  ra- 
conte lui-uième  que  le  butin  fait  dans  celte 
expédition  fut  de  six  cent  soixante-ipiinze 
mille  brebis,  soixante-douze  mille  liieufs, 
soixanle-un  mille  ânes  et  Irente-deux  niillo 
lillos  vierges:  que  lrente-dei_ix  de  ces  Jeunes 
personnes  furent  la  part  du  Seigneur  \i\uin., 
c.  31).  A  ce  sujet,  les  censeurs  de  l'histoire 
sainte  accusent  Moïse  de  cruauté  envers  sa 
propre  nation;  de  perlidie,  d'ingiatitude  en- 
vers les  Madhinites,  chez  lesquels  il  avait 
trouvé  un  asile  dans  sa  fuite  et  avait  pris  une 
6|0use;  de  barbarie,  pour  avoir  fait  égurger 
tous  les  mâles  et  toutes  les  femmes  mariées  : 
ils  disent  que  citte  quantité  énorme  de 
bétail  n'a  jamais  |)u  se  trouver  dans  un  pays 
aussi  peu  étendu  qu'éiait  celui  de  Madian; 
ils  peuvent  que  les  trenle-deux  lilles  réser- 
vées pour  la  paît  du  Seigneur  lurent  immo- 
lées en  sacrilice. 

Il  n'est  pas  un  si'ul  de  ces  reproches  qui 
ne  soit  injuste  cl  mal  fondé.  1"  La  loi,  qui 
coiidanuiail  à  mort  tout  Israélite  coupable 
d'idolâtrie,  ('lait  formelle,  le  peuple  s'y  était 
S'iumis;  ce  n'est  qu'à  cette  condition  (pie 
Dii'u  avait  i)r'iiuis  de  le  jirotéger  :  déjà  ce 
peuple  avait  vu  1  exemple  d'une  pareille  sé- 
vérité, à  l'occasion  du  culle  rendu  au  veau 
d'or  (lîxud.,  c.  xx\n,  v.  27  et  28 j  ;  il  était 
donc  inexcusable.  C'est  une  fausseté  de  dire, 
comnu'  quelqui's  incrédulrs,  ([iic  les  cou- 
paliles  fui'enl  mis  à  mort,  sim|)lement  [lour 
avoir  [iris  des  femmes  madianiles  ;  ils  le  fu- 
rent pour  s'être  livrés  avec  elles  à  l'impudi- 
cité  et  à  rid(')latrie  [Num.  c.  xxv,  v.  3).  Ce 
crime  suflisait  ()our  attirer  les  châtiments  de 
Dieu  sur  la  nation  entière  si  elle  l'avait  laissé 
impuni.  2"  Lorsque  les  Madianiles  exercè- 
rent ce  trait  de  perlidie  envers  les  Israélites, 
ils  n'y  avaient  été  provoqués  par  aucune  in- 
jure ;  ils  craignaient  à  la  vente  d'être  traités 
comme  les  Amorrhéens  :  ils  avaient  tort  ; 
s'ils  avaient  envoyé  des  dé|iutés  à  Moise,  il 
leur  aurait  réi)ondu  qu'ils  n'avaient  rien  à 
craindre,  qu'lsiaël  ne  devait  point  s'empiler 
de  leur  lenitoire,  parce  qu'ils  descendaient 
(l'Abraham  par  Céthura.  Kn  elfet,  dans  la 


MAG  4S0 

conquête  du  pays  des  Chananéeus,  les  Is- 
raélites u'enlevèient  pas  un  seul  pouce  de 
terrain  aux  Madianiles,  aux  Moabites  ni 
aux  Ammonites  {Jud.  c.  xi ,  v.  L'î).  Les  Ma- 
dianiles, chez  lesquels  Moïse  s'était  réfugié 
dans  sa  fuite  d'Egypte,  n'étaient  point  les 
mêmes  que  ceux  dont  il  lit  dévaster  le  pays 
pour  les  punir.  Les  premiers  habitaient  les 
Ijords  de  la  mer  Kouge,  et  n'étaient  jias 
éloignés  de  l'Egypte;  les  seconds  étaient 
placés  à  l'orient  et  au  nord  de  la  l'alesline, 
près  de  la  mer  Morte  et  d "S  .Vluabitrs,  à 
cinquante  lieues  au  moins  des  autres  Madia- 
niles. Ce  n'était  pas  la  même  nation;  l'une 
descendait  de  Chus,  petit-lils  de  Noé,  l'auire 
d'.Vbrahaiu  :  la  première  adorait  le  vrai 
Dieu  ;  cela  est  prouvé  par  l'exemple  de  .)é- 
tliro,  beau-fière  de  .Moïse;  la  seconde  hono 
rait  Béelplié'gor,  dieu  des  Moaliites.  La  cruauté 
avec  laquelle  celle-ci  fut  traitée  était  la  ma- 
nière ordinaire  de  faire  la  guerre  chez  les 
anciens  jieuples.  Mais  il  s'en  faut  b(uiucoup 
(pie  le  pa\s  de  Madian  ait  été  entièrement 
(iépeujilé  et  dévasté,  puisque  deux  cents  ans 
après,  ces  mêmes  Madianiles  asservirent  les 
Israélites,  el  furent  vaincus  parCédi'on  {Jud. 
c.  vi).  3"  Avant  de  (h'cider  ipie  ce  [)ays  ne 
pouvait  pas  nourrir  la  ([iiantité  d'hommes  et 
de  bétail  dont  parle  Moïse ,  il  faudrait 
commencer  par  en  lixer  les  limites;  les  in- 
crédul  s  les  restreignent  à  leur  gré,  et  il 
était  au  moins  du  double  plus  étendu  (pi'ils 
ne  le  supposent.  On  leur  a  prouvé,  par  des 
calculs  et  par  des  exemples  incontestables, 
que  dans  un  pays  médiocremenl  fertile  et 
d'une  égale  étendue,  il  ne  serait  pas  difUcile 
de  trouver  le  même  nombre  d'hommes  et 
d'animaux.  Voy.  les  Lellres  de  quelques  Juifs, 
etc.,  tom.  11,  p.  3  et  suiv.  Le  pays  habité  au 
jourd'hiii  par  les  Druses,  qui  est  celui  des 
Madianiles,  n'est  ni  stérile  ni  désert,  sel  m 
le  recil  des  voyageurs;  il  est  cultivé  et 
peujilé.  Voy.  le  Voyage  autour  du  monde, 
par  M.  de  Paqis,  fait  depuis  17(i7  jusqu'en 
177(j,  tom.  1,  p.  373  et  suiv.,  ei  386.  —  4-°  Le 
texte  de  Moïse  nous  apprend  assez  claiie- 
menl  ce  que  l'on  lit  des  trenle-deux  tilles 
réservées  pour  la  part  du  Seigneur  :  il  est 
dit  que  les  prémices  du  butin  destinées  au 
Seigneur,  soit  en  hommes,  soit  en  bétail, 
furent  données  au  grand  prêtre  Eléazar 
(Num.,  c.  Li,  V.  20,  29,  40  et  41).  Ces  lilles 
furent  donc  réduites  à  l'esclavage  comme 
les  autres,  et  destinées  au  servu;e  du  taljer- 
naele.  il  n'est  point  ici  question  de  sacrilice 
ni  d'immolation  :  jamais  les  Israélites  n'ont 
olfert  à  Dieu  des  victimes  humaines.  Voy. 
ce  mot. 

MaFORTE,  espèce  de  manteau  qui  était  à 
l'usage  des  moines  d'Egypte;  il  se  mettait 
sur  la  tunique,  et  couvrait  le  cou  et  les 
é[iaules  :  il  était  de  toile  de  lin  comme  la 
tuni(pie,  et  il  y  avait  par  dessus  une  melotte 
ou  peau  de  mouton. 

MAtiDELElNE,  l'une  des  saintes  femmes 
(jui  suivaient  Jésus-Christ,  qui  écoulaient 
sa  doctrine,  et  qui  pourvoyaient  à  sa  subsi- 
stance. Plusieurs  incrédules  modernes  se 
sont   appliqués  à  jeter  des    soupçons   sur 


iSl 


MAC 


MAG 


452 


J'attachement  que  cette  femme  pieuse  a 
laontri^  pour  le  Sauveur,  soit  pendant  sa 
vie,  soit  ajirès  sa  mort;  ils  en  ont  parlé  sur 
le  ton  le  jUus  indécent.  Ils  ont  confondu 
Magdeleine  avec  Marie,  fœur  Je  Lazare,  et 
avec  la  pécheresse  de  Naim,  convertie  par 
Jésus-Christ;  c'est  une  opinion  très-dou- 
teuse :  il  y  a  longtemps  que  d'habiles  criti- 
ciues  ont  soutenu  que  ce  sont  trois  personnes 
diffère  .tes.  Voyez  Vies  drs  Pères  et  des  Mar- 
tyrs, lom.  VI,  p. 438;  Bible  d'Avignon,  t.  XIH, 
p.  3:n. 

Quand  même  le  fait  serait  mieux  prouvé, 
il  y  aurait  déjà  de  la  témérité  à  peindre  Mag- 
deleine connue  une  femme  perJuedg  mœurs 
et  de  réputation,  dont  la  conversion  n'était 
rien  moins  que  sincère.  Il  est  seulement  dit 
dans  ÏEvàngUe  que  Magdeleine  avait  été  dé- 
livrée de  sent  démons  {Luc.  c.  vin,  v.  2). 
Sans  eî.'iminer  si  cette  expression  doit  être 
prise  à  la  lettre,  ou  si  l'on  doit  l'entcn<Jre 
d'une  maladie  cruelle,  il  en  résulte  que  la 
reconnaissance  a  sufli  pour  attacher  au 
Sauveur  «une  personne  honnête  et  bien 
née. 

Od  connaît  d'ailleurs  la  S'^vérité  des  mœurs 
uives,  l'attention  avec  laquelle  les  scribes, 
es  pharisiens,  les  docteurs  de  la  loi  exami- 
naient la  conduite  de  Jésus-Christ,  toutes 
ses  démarches  et  toutes  ses  paroles,  pour  y 
trouver  un  sujet  d'accusition  ;  l'assiduité 
avec  laquelle  ses  disciples  l'ont  suivi,  et  ont 
été  témoins  de  toutes  ses  actions.  Les  Juifs 
auraient-ils  souffert  qu'il  enseign^U  le  peuple, 
qu'il  se  donnât  pour  le  Messie,  qu  il  censu- 
rât leur  d'iclrine  et  leuis  vices,  s'ils  avaient 
pu  lui  reprocher  des  m  eurs  vicieuses  et  des 
fréquentations  susi)Ciios?  Ils  l'ont  accusé 
de  séduire  le  [leuple,  d'être  l'ami  des  publi- 
cains  et  des  pécheurs,  de  violer  le  sabbat, 
dt;  s'attribuer  une  autorité  qui  ne  lui  appar- 
tenait pas,  de  s'entendre  avec  les  démons 
qu'il  cliassait  des  corps  ;  auraient-ils  ouolié 
ses  liaisiojfis  avec  des  femmes  jerdues,  s'ils 
avaient  eu  là-dessus  (juclque  soupçon  ?  Ce 
reproelw  ne  se  trouve  ni  dans  les  évangé- 
Mstes,  ni  dans  le  Talmud,  ni  dans  les  écrits 
des  rabbins.  Los  évangélistes  eux-mêmes 
n'auraient  pas  été  assez  imprudents  pour 
faire  mention  de  ces  femmes,  si  leurassiduité 
à  suivre  le  Sauveur  avait  donné  à  ses  enne- 
mis quelque  avantage  contre  lui. 

C'est  sui'tout  pendant  la  passion  et  api'ôs 
la  mort  de  Jésus,  que  Magdeleine  tit  éclater 
son  attachement  pour  lui;  elle  se  tint  con- 
stamment au  pied  de  la  croix  avec  saint  Jean 
et  avec  la  Vierge  Marie  ;  cette  sainte  Mère 
de  Dieu  n'aura,  t  pas  soutl'ert  dans  sa  com- 
pagnie u!iei)crsi)nne  dont  la  conluite pouvait 
faire  toit  à  la  gloire  de  son  Fils.  Magdeleine 
fut  du  nombre  des  femmes  (jui  vinrent  au 
tombeau  de  Jésus ,  pour  embaumer  s'in 
corps  et  lui  rendre  les  honneurs  delà  sépul- 
ture :  les  femmes  perdues  n'ont  (las  cou- 
tume de  so  charger  du  soin  d'ensevelir  les 
morts.  Au.  mokuent  de  la  résurrei'tion,  lors- 
que Jésus  lui  ap,  araii,  et  qu'elle  veut  se 
prosterner  à  ses  pieils,  iilui  dit  :  Ne  me  tou- 
chezpas.;  aUes-dir-eà  mes  frères  qm  je  Vi-iis  re 


monter  vers  mon  Père  [Joan.  c.  xx,  v.  17). 
Il  permet  aux  autres  femmes  de  lui  embras- 
ser les  pieds  et  di*  l'adorer  [Matth.  e.  xxviii, 
v.  0).  II  n'y  a  \h  aucun  vestige  d'attachement 
suspect.  Il  est  bien  ét(;nnant  que  les  incré- 
dules de  notre  sièflc  aient  j)oussé  plus  loiu 
la  pri'vention  et  la  fuieur  contre  Jésus-Christ, 
que  ne  l'ont  fait  les  Juifs.  Yoy.  Femme. 

MAGDELONNETTES.  Il  y  a  plusieurs 
sortes  de  religie  ;ses  qui  portent  le  nom  (!n 
Sainte-Magdeleini',  et  que  le  peuple  appelle 
mngdelonnettes.  Telles  sont  celles  de  >ietx, 
étalilies  en  !4d-2;  celles  de  Paris,  qui  furent 
instiiuées  en  1492  ;  celles  de  Naples,  fon  lées 
en  15-2'i-,  et  dotées  par  li  reine  Sanche  d'A- 
ragon, pour  servir  de  retraite  aux  pécheres- 
ses ;  celles  de  Rouen  et  de  Bordeaux,  qui 
prirent  naissance  à  Paris  on  1618.  Il  y  a  or- 
dinairement trois  sortes  de  personnes  et  de 
congré,^ations  dans  ces  monastères.  La  pre- 
mière est  de  celles  qui,  a|)rès  un  temps  d'é- 
jireuve  suffisante,  sont  admises  à  embrasser 
l'état  religieux  et  à  faire  des  vœux  ;  elles 
portent  le  nom  de  la  Magdeleine.  La  con- 
grégation de  Sainte-Marthe,  qui  est  la  secon- 
de, est  composée  de  celles  qui  ne  peuvent 
être  adiidses  à  faire  des  vœux.  La  congréga- 
tion de  Lazare  est  de  celles  qui  sont  dans 
ces  maisons  par  force  et  pour  correction. 

Les  religieuses  de  la  Mag<leleine  à  Rome, 
dites  les  converties  ,  furent  établies  par 
Léon  X.  Clément  VIII  assigna  ,  pour  celles 
qui  y  seraient  renfermées,  cinquante  écus 
d'aumône  par  mois;  il  ordonna  que  tous  les 
biens  des  femmes  publiques  (\m  mourraient 
sans  tester,  appartiendraient  à  ce  monastère, 
et  que  le  testament  de  celles  qui  en  feraient 
serait  nui,  si  elles  ne  lui  laissaient  au  moins 
le  cinquième  de  leurs  biens.  A  Pa  is,  les 
filles  de  la  Magdeleine  sont  actuellement 
gouvernées  par  les  religieuses  de  Not  e- 
Daiue-de-Chariié,  (lu  filles  de  Saint-Michel  ; 
mais  il  y  a  plusieurs  autres  maisons  dans 
lesquelles  on  reçoit  les  filles  ou  femmes  pé- 
nitentes, ou  dans  lesquelles  on  enferme  par 
autorité  celles  qui  ont  mérité  ce  traiteuicnt. 
Il  n'y  a  qu'une  charité  très-pure  qui  i)uisse 
inspirer  à  des  filles  pieuses  le  courage  de  se 
dévouer  à  la  conversion  des  personnes  de 
leur  sexe  qui  ont  perdu  la  pudeur.  Celles-ci 
sont  ordinairementdesâmessiavHies,  si  per- 
verses, si  intraitables,  que  l'on  peut  difiici- 
leraent  espérer  un  changement  sincère  et 
constant  de  leur  part.  «  Mais  la  charité  est 
douce,  patiente,  compatissante....  ;  elle  souf- 
fre tout,  espère  tout,  et  ne  se  rebute  jamais  » 
(/  Cor.  c.  xin,  v.  4j.  On  doit  encore  avouer 
que,  parmi  les  personnes  du  sexe  qui  se 
perdent,  il  en  est  un  gran<l  nombre  qui  y 
ont  été  réduites  par  la  misère,  plutôt  que 
par  un  goût  di'cidé  j  our  le  libertina.e. 

Il  est  bon  de  remarquer  que  la  plupart  des 
établissements  charitables  dont  nous  parlons 
ont  été  formés  dans  des  siècles  où  l'on  ne 
se  piquait  pas  de  philosophie;  mais  ils  n'ont 
jamais  été  plus  nécessaires  que  dans  le  nôtre, 
depuis  que  les  prétendus  philosophes  ont 
travaillé  de  leur  mieux  à  augmenter  la  c  jr- 
ruption  des  mœurs,   et  ont  étoatl'é  daué  les 


*S5  MAC 

feaiines  les  pnnciiies  de  religion, afin  dô  leur 
ôtor  |)lus  aisément  la  pudfur. 

MAGES,  sav.ints  ou  sages  de  l'Orient,  qui, 
avertis  par  une  étoile  miraculeuse ,  vinrent 
adorer  à  Bctlili'ciu  Jésus  cnl';(i  il, quelque  temps. 
'♦prèssauaissauee.On  sait  que,  clu'z  les  Orien- 
taux, le  nomde7««.'/e  a  désigné  un  savant,  uq 
homme  app'liqné  àTétudedela  nature  et  de 
la  religion,  et  qui  [lossède  des  coniiaissani'es 
sup''rieures.  lout  homme  qui  avait  cette  re- 
pu latii  in, jouissiit  d'une  grande  cousid(' ration 
et  avait  beaucoup  d'autorité  parmi  ses  con- 
irltot dis  ;  il  n'est  donc  pas  étonnant  queTon 
iiit  pensé  q\ie  les  maycs  i|ui  vinrent  adorer 
Ji'sus  élaii'Ut  des  rois  ;  .-dors  elie;^  les  peuples 
voisins  de  la  Judée  ,  les  rois  n'éla:ent  rien 
moins  que  des  munarques  puissants.  Il  est 
dit  dans  l'Evangile  que  ceux-ci  vinrent  de 
l'Orient,  et  l'on  a  disserté  sav.unmcid  pour 
découvrir  de  quelle  contrée  orientale  ils 
étaient  venus.  Nous  ne  voyons  aucune  né- 
cessité de  les  laire  venir  de  l'rrt  loin  ;  il  es-t 
très-priil)ahle  ({uils  p.u'tirent  tki  pays  situé 
à  l'orient  tle  la  mer  Morte,  habité  a  itrefuis 
par  les  .Madianites,  pa;'  les  Moaijitcs  et  par 
les  Ammoid  es,  et  dans  lequel  SDUt  aujour- 
d'hui les  Druses.  Si  Ion  le  témoigna.;e  des 
voyageurs,  l'on  retrouve  cncori>  chez  ce 
peuple  indé[iendant  la  plupart  des  anciens 
usages  des  Juifs.  Les  mafjcs  n'cur.'Ut  donc 
que  trois  ou  ([uatre  journées  de  chemina 
l'ail  e  pour  arriver  à  Bethléem. 

On  ne  peut  pas  douter  (jue,  dans  cette  con- 
trée, si  voisine  de  la  Judée,  \nn  n'e'd  l'i  iée 
del'avénement  piochaindu  Messie,  puisque, 
sek)M  Tacite  et  Suét me,  c'était  uue  opinion 
ancienne,  constante  e'  ié|iandue  dans  tout 
l'Orient,  ((u'un  con([ui'iant  ou  des  conqué- 
rants, sortis  delà  Judée,  seraient  les  maî- 
tres du  monde.  Il  se  peut  l'aire  môme  que 
Tony  eiit  conserve  le  souvenir  de  la  prophé- 
tie lie  Balaam,  qui  annonçait  le  .Messie  sous 
le  nom  d'uiic  cloUv  sortie  de  Jacob.  L'étoile 
(jui  a|i|'arut  aux «JOf/f« n'était  l'ointuno  étoile 
ordinaire,  m.ds  v-n  as're  miraculeux,  pnis- 
(ju'd  dirigeait  Icur  marche  et  s'arrêta  sur 
Bethléem.  Jusq  l'ici  nous  n'apercevons  pas 
qu'il  y  ail  lieu  à  (le  grandes  dil'iicultts. 
Voyez  Vies  des  Pères  et  des  Martyrs,  tom.  1, 
pag.  107. 

Maisles  incrédules  ont  fait  des  dissertations 
pour  prouver  que  l'adoration  des  mages, 
ra()poitée  par  saint  Matt'iicu,  ne  peut  abso- 
lument se  concilier  awc  la  narration  île  saint 
Luc  ;  selon  leur  coutume,  ils  ont  conclu  vic- 
torieusement qu'aucun  docteur  ne  pourra 
jamais  mettre  les  faits  rapportés  dans  l'Evan- 
gile hors  d'atteinte,  lorsque  les  difiicultés 
seront  proposéesdanstoutoleur  force.  Ce  Ion 
triomphant  ne  doit  pas  nous  en  imposer  :  la 
force  de  nos  adversaires  n'est  rien  moins 
qu'invincible.  11  s'agd  de  comparer  le  second 
chajilre  de  saint  .Mittliieu  avec  le  second  de 
saint  Luc  ;  toute  la  diilérence  entre  ces  deux 
évan.;élistes  consiste  en  ce  que  l'un  rai;porte 
plusieurs  faiis  de  l'enfance  uu  Sauveur,  des- 
iiuels  l'autre  ne  parle  pas. 

Saint  Matthieu  rapporte  de  suite  la  nais- 
sance  de  Jésus ,  l'adoration  des  mages,  la 


WAG  «14 

fuite  de  la  sainte  famille  eu  Egypte,  la 
meurtre  des  innocents ,  le  retour  d'Egypte, 
le  séjoui'  de  Jésus  à  Nazareth,  la  prédication 
de  suint  Jean-Baptiste,  le  baptême  de  Jésus, 
sans  lixer  aucune  é,ioq,ue,  sans  déterminer 
l'intervalle  du  temps  cjui  s'est  |)assé  entre 
ces  divers  événements  ,  sans  parler  des 
aiilres  laits  arrivés  dins  ce  même  temps. 
Saint  Luc  raconte  la  naissance  de  Jésus,  sa 
circoncision,  sa  présentation  au  temple  ,  le 
séjour  de  la  sainte  famille  à  Nazareth,  les 
trois  jours  d'absence  de  Jésus,  retrouvé  dans 
le  temple  h  l'âge  de  dou/.e  ans,  la  prédica- 
tion de  saint  Jean-Baptiste,  le  baiitéme  de 
Jésus,' sans  expi'imer  si  tous  ces  faits  se 
sont  suivis  immédinlenuud  ,  ou  ont  été  sé- 
parés par  quelques  délais  et  par  d'autres 
événements.  Saint  .Marc  et  saint  Jean  coin- 
mcncent  leur  Evangile  à  la  prédication  de 
Jean-Ba[)tiste,  et  passent  sous  silence  tout 
ce  qui  a  précédé.  De  même  que  saint  .Mat- 
thieu ne  dit  rien  de  la  circoncision,  de  la 
présentation  au  ti'm;:lG,  do  l'absence  de  Jé- 
sus ;  saint  Luc  omet  à  son  toui-  l'adoration 
des  mages,  le  meurtre  des  innocents,  la  fuite 
en  Egvple,  et  le  retour-. 

Mais,  disent  nos  ciiliquos,  saint  Lue  f a  t 
profession  de  lout  rapporter;  il  dit  qu'il 
s'est  informé  exactement  de  tout  dès  le  com- 
mencement,  et  qu'il  le  rapportera  de  suite 
ou  jiar  ordre  [Luc.  c.  i,  v.  3)  ;  il  n'est  donc 
pas  probaide  q  l'il  ait  rien  supprimé.  V(jUà 
la  plus  fort  ■  difiicidté. 

Est-elle  insoiuble  "?  A  la  vérité,  saint  Luc 
dit  qu'il  s'est  informé  de  tout,  mais  il  ne  dit 
pas  qu'il  écrira  lout  et  c[  l'il  ne  suppiimera 
rien  ;  il  dit  q  l'il  rapportera  les  faits  par  or- 
dre, il  n'ajoute  i)oint  qu'd  les  rap;:orlera  de 
suite,  sans  intervalle,  et  sans  en  omettre 
aucun.  Son  dessein  était  de  reprendre  les 
choses  des  le  commencement  ;  en  ell'et,  il  re- 
monte jusqu'à  la  naissance  de  Jean -Bap- 
tiste et  a  l'aimonciation  faite  à  Marie  ;  aucun 
autre  évang  liste  n'est  remonté  si  haut  ; 
mais  il  n'est  pas  vrai  qu'il  se  pique  d'être 
minutieux ,  comme  nos  critiques  le  suppo- 
sent; dans  le  cours  de  son  Evangile,  il  a 
omis  beaucoup  d'autres  choses  dont  les  au- 
it  ()arlé. 
à  présent  de  savoir  comment  il 
faut  arranger  les  faits,  si  l'on  doit  (ilacer  la 
]irésentaliou  de  Jésus  au  temple  et  la  puri- 
lication  de  Marie,  avant  l'a  loraùou  des  Ma- 
ges et  ce  qui  s'est  ensuivi,  ou  s'il  faut  la 
mètre  a|)rès  le  retour  d'Egv  pie.  Rien  ne  nous 
empêche  de  soutenir  i|ue  cette  présentation 
a  été  (iitl'érée  jusqu'après  le  retom'  d'Egypte. 
Selon  la  loi,  celte  cérémonie  devait  se  faire 
(piarante  jours  après  l'enfantement  ;  mais 
loi'sque  les  couches  avaient  été  f.ich  uses, 
lorsque  la  mèie  ou  l'enfant  étaient  malades, 
lorstiu'ils  étaient  fort  éloignés  de  Jérusalem, 
l'intention  de  la  loi  ne  fut  jamais  de  mettre 
leur  vie  en  danger.  Le  temps  avait  été  pre- 
scrit piincipalemenl  pour  les  Israélites,  cam- 
pés dans  le  désert  autour  du  tabernacle 
{levit.  c.  XII,  v.  (i).  Dans  la  Judée,  cette  loi 
admettait  des  dispenses  et  des  délais.  Il  pa 
rail  que  Anne,  mère  de  Samuel,  crut  être  dans 


très  évangélistes  oi 
11  s'agit 


455  MAG 

le  cas ,  pmsqu  elle  n'alla  pr(^sentpr  son  fils 
au  Seigneur  (ju'après  qu'il  fut  sevré  (/.  Reg. 
c.  I,  V.'  22).  Marie,  forci^e  de  fuir  en  Egypte 
pour  siuver  les  jours  de  son  fils ,  était  en 
droit  d'user  du  même  privilège.  On  ne  sait 
pas  combien  de  temjts  dura  son  absence, 
mais  elle  ne  fut  pas  longue,  puisipie  Hérode 
mourut  cinq  jours  après  le  meurtre  de  son 
fils  Antipatcr,  peu  de  temps  après  le  massa- 
cre des  innocents  (Josèphe ,  Anliq.  1.  xvii, 
c.  10). 

Saint  Luc  dit  à  la  vérité  :  «  Après  que  les 
jours  de  la  purification  de  Marie  furent  ac- 
complis, selon  la  loi  de  Mojse ,  .lésus  fut 
porté  au  temiile  pour  être  présenté  au  Sei- 
gneur {Luc.  c.  Il,  V.  22).  Il  faut  nécessaire- 
ment sous-entendre,  lorsqu'il  [ut  possible 
d'accomplir  la  loi;  la  nature  des  faits  ne 
permet  p.is  de  l'entiHidre  aulrement 

Dans  cette  hypothèse,  tout  se  concilie  sans 
effort.  Jésus,  à  Bethléem,  est  circoncis  huit 
jours  après  sa  naissance,  comme  le  ilit  saint 
Luc;  il  est  adoré  par  les  mages,  transporté 
en  Egypte  ;  les  innocents  sont  massacrés  ; 
Hérode  meurt;  la  sainte  famille  revient  en 
Judée,  comme  le  ra|iporte  saint  Matthieu  ; 
Jésus  est  porté  à  Jérusalem  et  i)résenté  au 
Seigneur  ;  Aiarie  se  purifie  selon  la  loi,  com- 
me nous  l'apprend  saint  Luc;  elle  retourne 
à  Nazareth  avec  Jésus  et  Joseph ,  ainsi 
que  le  disent  les  deux  évangélistes.  Il  est 
exactement  vrai  que  le  retour  à  Nazareth 
suit  immédiatement  le  retour  d'Egypte  , 
comme  le  veut  saint  Matthieu,  et  qu'il  se  fait 
après  que  les  parents  de  Jésus  eurent  ac- 
compli tout  ce  qui  était  prescrit  par  la  loi 
du  Seigneur,  comme  l'a  observé  saint  Luc. 
Où  sont  donc  les  impossibilités  et  les  con- 
tradictions entre  les  deux  évangélistes,  que 
les  incrédules  veulent  y  trouver?  Selon  leur 
préjugé,  saint  Luc  dit  que  Joseph,  Marie  et 
l'enfant  demeurèrent  à  Bethléem  jusqu'à 
ce  que  le  temps  marqué  pour  la  purification 
de  Marie  fût  accompli.  Ils  se  trom|)ent,  saint 
Luc  ne  le  dit  point  ;  il  n'insinue  en  aucune 
manière  que  le  voyage  pour  présenter  Jé>u5 
au  temple  se  soit  fait  de  Bethléem  à  Jérusa- 
lem, comme  le  veulent  nos  censeurs  ;  leurs 
objections  ne  portent  que  sur  cette  fausse 
supposition.  Quand  on  veut  mettre  deux 
historiens  en  opposition,  il  ne  faut  rien  ajou- 
ter au  texte  ni  de  l'un  ni  de  l'autre. 

Il  semble,  disent-ils,  que  saint  .Matthieu, 
ait  ignoré  que  Nazareth  était  le  s<^jour  or- 
dinaire de  Joseph  et  de  Marie.  Où  sont  les 
preuves  de  cette  ignorance  ? 

D'autres  ont  argumenté  contre  le  massa- 
cre des  innocents.  Votj.  ce  mot.  Quelques  in- 
terprètes ont  cru  que  Jésus  était  ,lgé  de  deux 
ans  lorS(|u'il  fut  adoré  par  les  mages  :  celte 
supposition  n'était  pas  nécessaire.  Voy.  Bi- 
ble d'Avignon  ,  t.  XIII,  pag.    185. 

MAGICIEN,  MAGIE.  On  appelle  magie  l'art 
d'opérer  des  choses  merveilleuses  et  qui  pa- 
raissent surnaturelles,  sans  l'intervention  de 
Dieu,  et  magicien  celui  qui  exerce  cet  art. 
M  en  est  souvent  parlé  dans  l'Ecriture  sain- 
te ;  la  magie  y  est  si'vèrement  déf  ndue  ;  les 
magiciens  y  sont  représentés  comme  odieux 


MAG 


450 


à  Dieu  et  aux  hommes:  l'Eglise  chrétienne 
a  [)rononcé  contre  eux  des  anathème';,  et  ils 
sont  punis  par  les  lois  civiles.  Quelle  idée 
devons-nous  en  avoir?  Qu'y  a-t-il  de  réel 
ou  d'imaginaire,  de  naturel  ou  de  surnatu- 
rel dans  leurs  opérations  ?  Sont-ce  des  four- 
beries humaines,  ou  des  prestiges  du  dé- 
mon ? 

Si  nous  consultons  les  écrits  des  philoso- 
phes modernes  sur  ce  sujet,  nous  y  appren- 
drons peu  de  chose.  Pour  s'épargner  la 
peine  de  discuter  la  question,  ils  l'ont  sup- 
posée décidée  selon  leurs  préjugés  ;  ils  n'ont 
pas  distingué  suffisamment  les  différenles 
espèces  de  magie,  comme  les  charmes,  la  di- 
vination, les  enchantements,  les  évocations, 
la  fascination,  les  maléfices,  les  sorts  ou  sor- 
tilèges :  toutes  ces  pratifjues  sont  différen- 
tes, et  demandent  chacune  un  examen  par- 
ticulier. Si  nous  leur  en  demandons  l'origine, 
ils  disent  que  tout  cela  est  venu  de  l'igno- 
rance ;  mais  l'ignorance  n'est  qu'un  défaut 
de  connaissance  :  une  négation  ne  produit 
rien,  ne  rend  raison  de  rien,  et  il  nous  faut 
des  causes  positives.  Us  prétendent  que  de 
nosjours  la  philosophie,  ou  la  connai:>sance 
<le  la  nature,  a  réduit  à  rien  le  pouvoir  du 
démon  et  celui  des  magiciens  :  ils  se  trom- 
l)ent.  Si  la  magie  est  très-rare  parmi  nous, 
elle  y  a  été  commune  autrefois,  et  on  l'exerce 
encore  ailleurs:  pourquoi  y  a-t-on  cru?  et 
pourquoi  ne  devons  -  nous  plus  y  croire  ? 
Voilà  ce  que  des  philosophes  auraient  dû 
nous  apprendre.  Ils  jugent  que  ce  qui  est 
dit  dans  l'Ecriture  sainte,  dans  les  Pères  de 
l'Eglise,  dans  les  conciles,  dans  les  exorcis- 
mes,  a  contribué  à  nourrir  le  préjugé  des 
peuples  et  la  croyance  aux  opérations  du 
démon  :  c'est  une  fausseté  que  nous  avons 
à  détruire. 

Aussi  nous  devons  examiner  1°  l'origine 
de  la  magie,  et  ce  qu'en  ont  pensé  les|)hilo- 
soplies  ;  2"  ce  qui  en  est  dit  dans  l'Ecriture 
sainte  et  dans  les  Pères  de  l'Eglise  ;  3°  les 
raisons  pour  lesquelles  l'Eglise  a  dû  eni- 
jiloyer  lesbénédictionset  les  exorci^mes  pour 
dissiper  les  prestiges  des  magiciens  ;  k'  si 
l'accusation  de  magie,  intentée  contre  plu- 
sieurs sectes  hérétiques,  a  été  une  pure  ca  • 
lomnic. 

I.  L'origine  de  cet  art  funeste  est  la  même 
que  celle  du  polythéisme:  c'en  est  une  con- 
séquence inévitable,  plusieurs  auteurs  l'ont 
fait  voir;  Bayle,  Rép.  aux  quest.  d'un  prov. 
i"  part  ,  c.  3C  et  37  ;  Brucker,  Hist.  de  la 
Philos.,  tom.  I,  liv.  ii,  c.  2,  S  12;  Hist.  de 
l'Acad.  des  Inscript.,  t.  IV,  in-12,  p.  3i,  etc. 
<"hez  les  Orientaux  l'on  a  nommé  mages  ceux 
qui  iiaraissaient  avoir  des  cnnnaissauces  su- 
périeures à  celles  du  vulgaire,  et  magie  l'é- 
tude de  la  nature  et  de  la  religion  ;  dans 
quelques  cantons  de  la  Suisse,  le  peuple  ap- 
pelle encore  mages  les  médecins  empiriques 
auxquels  il  attribue  tles  secrets  particuliers 
p  ur  guérir  les  maladies 

Chez  les  païens ,  dont  l'imagination  était 
frappée  d'une  multitude  d'esprils,  de  génies, 
de  d(Mi)ons  ou  de  dieux  ri'pandus  dans  toute 
la  nature,  qui  en  animaient  toutes  les  parties 


437 


MAG 


M\(; 


4K8 


elles  gouvcrnaiont ,  on  leur  attribuait  les 
i)hénomènos  les  [jIus  ordinaires,  les  biens  et 
les  maux,  les  orages,  la  stérilité  des  campa- 
gnes, les  maladies  et  les  guérisons  ;  à  plus 
flirte  raison  devait-on  les  croire  auteurs  de 
tout  ce  qui  paraissait  (extraordinaire,  mer- 
veilleux et  surnaturel  :  rien  ne  se  faisait  sans 
eux  ;  la  connaissance  la  plus  importante  était 
donc  de  savoir  comment  on  pouvait  ol)tenir 
leur  bienveillance  ,  les  apaiser  lorsqu'ils 
étaient  irrités,  en  obtenir  des  bienfaits,  et 
les  forcer  en  (juelque  manière  de  condescen- 
dre aux  volontés  de  leurs  adorateurs.  Votj. 
Paganisme.  Tout  homme  (jui  semblait  avoir 
cette  connaissance,  le  talent  de  faire  du  mal 
ou  de  le  guérir ,  de  deviner  les  choses  ca- 
chées ,  de  prédire  quelque  événement  ,  de 
tronqier  les  yeux  par  des  tours  de  souples- 
se, etc.,  passait  pour  avoir  à  ses  gages  un  es- 
prit ou  des  esprits  toujours  prêts  .'i  exécuter 
ses  volontés.  Le  nom  de  mage  et  de  magicien 
n'avait  donc  rien  d'odieux  dans  Torigine  : 
l'eux  qui  se  servaient  de  la  magie  pour  faire 
du  bien  aux  hommes  étaient  estimés  et  ho- 
norés; mais  ceux  qui  s'en  servaient  pour 
faire  du  mal  étaient  avec  raison  détestés  et 
proscrits.  L'art  des  premiers  se  nomma  sim- 
plement magie;  les  jiratiques  dos  seconds 
lurent  appelées  i/oè/ie,  magie  noire  et  malfai- 
sante. 

Telle  était  l'opinion  non-seulement  des 
ignorants  ,  mais  des  philosophes  les  plus 
célèbres;  tous  soutenaient  que  les  astres, 
les  éléments,  les  animaux,  étaient  mus  par 
des  génies  ou  démons,  que  ces  intelligences 
prétendues  disposaient  de  tous  les  événe- 
ments ;  sur  ce  préjugé  était  fondé  le  culte 
qu'on  leur  rendait,  et  ce  culte  était  approuvé 
par  toutes  les  sectes  de  la  philosophie.  C'est 
Ih-dessus  (fue  h-  stoïcien  Baibus  établit  le 
polythéisme  et  la  religion  des  Romains,  dans 
le  m*  livre  de  Cicéron,  sur  la  Nature  des 
dieux  ;  que  Celse,  Julien,  Porphyre  et  d'au- 
tres reprochent  aux  chrétiens  d'être  ingrats 
et  impies ,  en  refusant  d'adorer  les  génies 
distributeurs  des  bienfaits  de  la  nature. 
Celse  soutient  sérieusement  que  les  animaux 
sont  d'une  nature  su[)érieure  à  celle  de 
l'homme,  qu'ils  ont  un  conuneice  plus  im- 
médiat que  lui  avec  la  Divinité,  et  ont  des 
connaissances  jjIus  parfaites  ;  qu'ils  sont 
doués  de  la  raison;  que  ce  sont  eux  qui  ont 
enseigné  à  l'homme  la  divination ,  les  au- 
gures et  la  magie.  Orig.  contre  Celse,  liv.  iv, 
n.  78  et  suiv.  Il  passait  donc  pour  constant 
dans  le  paganisme,  qu'un  homme  pouvait 
avoir  commerce  avec  les  génies  ou  démons 
(lue  l'on  adorait  comme  des  dieux,  obtenir 
d'eux  des  connaissances  supérieures  ,  opé- 
rer ,  par  leur  entremise,  des  choses  prodi- 
gieuses et  surnaturelles.  Les  philosophes  en 
étaient  persuadés  comme  le  peuple;  Bayle, 
ibid.,  c.  37  ;  les  stoïciens  en  particulier, 
puisqu'ils  avait  nt  conliance  à  la  divination, 
aux  augures ,  aux  songes,  aux  pronostics, 
aux  prodiges  ;  Cicéron  nous  l'apprend,  L. 
»,  de  Divin.,  n.  Ii9.  Lucien,  dans  son  Phi- 
lopseudes,  reproche  ce  ridicule  à  toutes  les 
sectes  de  philosophie  ;  et,  encore  une  fois, 

DiCTIOSN.    DE  TOFOL.  DOGMATIQUE.     IIL 


c'était  une  conséquence  inévitable  do  la 
théologie  païenne.  I^cs  épicuriens  mômes 
n'en  étaient  pas  exempts  ;  plusieurs  ont  été 
accusés  (le  pratiquer  la  magie,  al  d'être  aussi 
superstitieux  que  le  vulgaire  le  plus  ignw- 
rant  ;  mais  on  no  sait  pas  quelle  idéiî  ils 
avaient  du  pouvoir  magique;  on  sait  seuU;- 
ment  qu'en  général  ils  étaient  très-mauvais 
physiciens.  La  théurgie  des  éclecticjues  ou 
des  platoniciens  du  iv  siècle  était  une  vraie 
magie,  dans  le  sens  uu^me  le  plus  odieux  ; 
ces  [)hilos(iphes  se  tlattaient  d'avoir  un  com- 
merce immédiat  avec  les  esprits,  et  d'oiiérer 
des  prodiges  par  leur  entremise.  De  là  Celse 
et  les  autres  ne  manquèrent  pas  d'attribuer 
à  la  magie,  ou  h  ce  conunerce  prétendu,  les 
miracles  de  Moïse,  de  Jésus-Christ,  des  apA- 
tres  et  des  premiers  chrétiens;  mais  c'était 
une  double  absurdité  de  prétendre  que  les 
démons,  dont  les  chrétiens  détruisaient  le 
culte,  étaient  cependant  en  commerce  avec 
eux,  et  de  blâmer  dans  les  chrétiens  un  art 
par  leijuel  les  philosophes  prétendaient  ses 
faire  honorer  ;  nos  apologistes  n'ont  pas  eu 
de  peine  à  démontrer  le  ridicule  de  cette  ac- 
cusation :  l'on  ne  pouvait  pas  reprocher  aux 
chrétiens  de  s'ôlre  jamais  servis  d'un  pou- 
voir surnaturel  pour  faire  du  mal  à  per- 
sonne. 

Voilà  donc  la  première  origine  des  diffé- 
rentes espèces  de  magie,  qu'il  faut  distin- 
guer. On  a  cru  que,  par  certaines  formules 
d'invocation,  pcr  carmina,  l'on  pouvait  faire 
agir  les  génies  ,  c'est  ce  que  l'on  a  nommé 
charmes  ;  les  attirer  par  iJes  chants  ou  par 
le  son  des  instruments  de  musique,  ce  sont 
les  enchantements;  évoquer  les  morts  et  con- 
verser avec  eux,  c'est  la  nécromancie  ;  ap- 
prendre l'avenir  et  connaître  les  choses  ca- 
chées, de  là  les  différentes  espèces  de  divi- 
nation, les  augures,  les  aruspices,  etc.  ;  en- 
voyer des  maladies,  ou  causer  du  dommage 
à  ceux  auxquels  on  voulait  nuire,  ce  sont 
les  maléfices  ;  nouer  les  enfants  et  les  empê- 
cher de  croître,  c'est  la  fascination  ;  diriger 
les  sorts  bons  ou  mauvais,  et  les  faire  tom- 
ber sur  qui  l'on  voulait,  c'est  ce  que  nous 
nommons  sortilège  ou  sorcellerie  ;  inspirer 
des  passions  criminelles  aux  personnes  de 
l'un  ou  l'autre  sexe,  ce  sont  les  philtres,  etc. 
Tout  cela  dérive  de  la  môme  erreur  primi- 
tive ;  mais  à  chacun  de  ces  articles  nous  in- 
di(|uons  les  autres  causes  positives  qui  ont 
pu  y  contribuer.  L'imjiosture  ,  sans  doute, 
y  a  toujours  eu  beaucoup  de  part  ;  tout 
homme  qui  se  croit  plus  instruit  cjue  les 
autres  veut  paraître  encore  plus  habile  qu'il 
n'est,  proliter  de  la  crédulité  des  ignorants, 
se  faire  admirer  et  reiiouter,  c'est  la  passion 
des  philosophes.  Tout  distributeur  de  remè- 
des a  eu  grand  soin  d'y  mêler  des  formules, 
des  cérémonies ,  des  précautions  ,  (}ui  don-- 
naient  un  air  plus  merveilleux  à  lelfet  qui 
s'ensuivait,  et  plus  d'importance  à  son  art  ; 
c'est  encore  la  coutume  des  charlatans.  Pour 
qu'une  plante  eût  la  vertu  de  guérir,il  fallait 
([u'elle  fût  cueillie  dans  certains  ti'mps,  sous 
telle  constellation;  il  fallait  prononcer  cer- 
taines  paroles  inintelligibles,  se  tenir  daus 

15 


459 


MAG 


MAG 


m 


telle  attitude,  etc.  Ainsi,  la  m(^dccino  devint 
une  magie  composée  de  botanique,  d'astro- 
logie, de  souplesse  et  de  superstition;  Pline, 
1.  XXX  ,  c.  30,  c.  1.  Puisque  la  plupart  de 
ces  pratiques  ne  pouvaient  avoir  aucune  in- 
fluence sur  la  gu6rison,  il  fôllait  donc  que 
leur  ctTet  fût  surnaturel.  Ainsi  l'on  raison- 
nait, et  il  n'est  encore  que  trop  ordinaire 
aux  philosophes  d'argumenter  de  môme  : 
lorsqu'ils  ne  voient  pas  la  cause  immédiate 
d'une  erreur  ,  ils  l'altribuent  à  la  religion, 
au  lieu  qu'il  faudrait  en  acciiser  une  fausse 
philosophie. 

Si  nous  remontons  plus  haut,  oii  trouve- 
rons-nous le  premier  principe  do  la  plupart 
des  erreurs  ?  Bans  les  passions  humaines. 
l)'un  côté,  la  vanité,  l'ambition  et  la  fourbe- 
rie des  imposteurs  ;  de  l'autre,  la  curiosité 
des  hommes,  l'avidité  de  se  procurer  un 
bien,  l'impatience  d'écarter  un  mal,  la  jalou- 
sie, la  vengi-ance  ,  l'envie  de  perdre  un  en- 
nemi, les  tiiinsports  même  d'un  amour  dé- 
réglé, ont  fait  tout  le  mal  ;  une  âme  furi'Use 
a  dit:  Si  je  ne  puis  rien  obtenir  du  ciel,  je 
ferai  agir  l'enfor  : 

Flectere  si  neqiteo  superos,  Acheronla  movebo  : 
or  la  philosoi)hie  n'a  pas  le  pouvoir  de  gué- 
rir les  passions. 

La  vraie  religion,  loin  de  contribuer  en 
ricu  à  cette  démence  ,  n'a  cessé  d'eu  détour- 
ner les  hommes.  Dès  le  commencement  du 
monde,  elle  leur  a  enseigné  qu'il  n'y  a  qu'un 
seul  Dieu  ,  que  lui  seul  a  créé  et  gouverne 
l'univers  ,  distribue  les  biens  et  les  maux, 
donne  la  santé  ou  la  maladie ,  la  vie  ou  la 
mort.  Elle  condamne  toutes  les  passions, 
commande  la  soumission  h.  Dieu  et  la  con- 
fiance à  sa  providence,  défend  de  recourir  à 
aucune  pratique  superstitieuse,  nous  apprend 
à  regarder  le  démon  comme   l'ennemi  du 

S'enre  Ifumain.  Parmi  les  premiers  adorateurs 
U  vrai  Dieu,  nous  ne  voyons  régner  aucune 
superstition;  l'on  a  cependant  osé  reprocher 
aux  patiiarches  la  conliance  aux  songea.  A 
cet  article,  nous  verrons  ce  que  l'on  doit  en 
penser.  Les  Juifs  ne  se  sont  rendus  coupa- 
bles de  magie  que  quand  ils  ont  ipûité  l'ido- 
lâtrie de  leurs  voisins,  et  ce  crime  n'est  ja- 
mais demeuré  impuni.  Mais  il  est  une  troi- 
sième cause,  de  laquelle  nos  philosophes  ne 
veulent  pas  convenir;  ce  sont  les  opérations 
du  démon  lui-môme,  qui,  pour  se  faire  ren- 
dre les  honneurs  divins,  a  souvent  fait  des 
choses  que  l'on  ne  peut  attribuer  ni  à  une 
cause  naturelle,  ni  à  la  puissance  de  Pieu; 
et  Dieu  l'a  permis  ,  atln  de  punie  les  impies 
qui  renonçaient  à  son  culte  pour  satisfaire 
ieurs  passions.  Selon  nos  adversaires,  il  n'y 
eut  jamais  rien  de  réel  en  ce  genre;  tout  ce 
que  les  ignorants  et  les  philosophes  ont  cru 
voir  et  ont  cru  faire  de  surijature!,  ce  que  les 
Pères  de  l'iiglise  ont  supposé  vrai,  ce  que 
les  historiens  et  les  voyageurs  ont  raconté, 
ce  qui  parait  constaté  par  les  procédures  des 
tribunaux,  et  par  la  confession  aièiue  des 
magiciens,   est  imaginaire;  co  sont  ou  des 
impostures  ou  des  ell'els  purement  naturels. 
Nous  soutenons  (juc  cela  n'est  pas  possible. 


Vainement  Bayle  et  d'autres  ont  fait  des  dis- 
sertations sur  le  pouvoir  de  l'imagination,  et 
en  ont  exagéré  les  effets  :  lorsque  les  maléfi- 
ces ont  opéré  sur  les  animaux,  ce  n'était  cer- 
tainement pas  l'imagination  qui  agissait. 

En  général,   s'armer  de  pyrrhonisme  et 
nier  tous  les  faits,  accuser  d'imbécillité  onde 
fourberie  tous  les  auteurs  anciens  et  mo- 
dernes, attribuer  tout  à  d.cs  causes  naturelles 
que  l'on  ne  connaît  pas  et  que  l'on  ne  peut 
pas  assigner,   c'est  une   méthode   trés-peu 
philosophique;    elle   prouve  qu'un  homme 
craint  les  discussions  ,  et  ne  se  sent  en  état 
de  rendre  raisop  de  rien.  Rayle  lui-môme  en 
juge  ainsi,  Dict.  crit.  iïMws,  rem.  D.  Nous 
n'adojitons  point  tous  les  iaits  rapportrs  par 
les  auteurs  qui  ont  traité  i!e  la  magie;  un 
très-grand  nomijre  de  ces  faits  ne  sont  pas 
asse?  constatés  :  nous  savons  que,  par  igno- 
rance ,  l'on  a  souvent  attribué  à  l'opération 
du  démon  des  phénomènes  purement  natu- 
rels, que  plusieurs  personnes  ont  été  fausse- 
ment accusées  de  magie  ,  et  punies  injuste- 
ment; mais  il  ne  s'ensuit  pas  de  làquil  n'y 
ait  jamais  eu  de  magie  proprement  dite.  Nous 
raisonnerions  aussi  mal ,  si  nous  disions  :  Il 
y  en  a  certainement  eu  dans  tel  cas,  donc  il 
y  en  a  eu  dans  tous  les  cas.  Sur  une  matière 
aussi  obscure,  il  y  a  un  milieu  à  garder  entre 
l'incrédulité  absolue  et  la  crédulité  aveugle. 
IL  Trouverons-nous  dans  l'Ecriture  sainte 
ou  dans  les  Pères  de  l'Eghso  quelque  chose 
qui  ait  contribué  à  entretenir  parmi  les  fidè- 
les le  préjugé  des  païens  et  la  confiance  à  la 
magi^-?  Dans  tout  l'Ancien  Testament,  nous 
ne  voyons  aucun  exemple  d'opération  ina,si- 
que  dont  nous  soyons  forcés  d'attribuer  l'ef- 
ibl  au  démon.  Lorsque  Moïse  lit  des  miracles 
en  Egypte,  il  est  dit  que  les  magicims  de 
Pharaon  firent  de  même  par  leurs  enchante- 
ments; ils   imitèrent  donc  les  miracles  de 
Moïse  au  point  d'en  imposer  aux  yeux  des 
spectateurs;  mais  y  eut-il  réellement  du  sur- 
naturel dans  leurs  opérations  ?  Rien  ne  nous 
oblige  de  le  supposer;  le  récit  de  l'Ecriture 
semble  prouver  le  contraire. 

En  premier  lieu,  ces  magicieiis  usèrent  do 
préparatifs.  Ils  furent  appelés  par  Pharaon 
pour  changer  leurs  verges  en  ser(,ients  ;  Pha- 
raon lui-môme  fut  averti  d'avance  du  chan- 
gement des  eaux  du  Nil  en  sang,  et  de  l'arri- 
vée des  grenouilles  (liarorf.  vu,  11  et  17;  vui, 
%).  Il  est  dit  qu'ils  imitèrent  Mo-ise  par  des 
enchantements  et  des  pratiques  secrètes.  Ces 
pratiques  pouvaient  être  des  moyens  natu- 
rels, des  tours  de  main  capables  d'en  impo- 
ser aux  yeux. —  Secondement,  la  comparai- 
son de  leurs  prestiges  avec  les.  miracles  de 
Moïse  confirme  cette  opinion.  Enchanter  les 
serpents  par  les  drogues  qui  leui-  ôtent  le 
pouvoir  de  mordre,  les  manier  ensuite  sans 
aucune  crainte,  est  un  secret  très-commun, 
non-seulement  en  Egypte  et  dans  les  Indes, 
mais  dans  les  cantons  de  l'Europe  où  Ion 
fait  commerce  de  vipères.  Avec  ce  talent  et 
un  [leu  de  souplesse,  il  était  aisé  aux  magi- 
eitiigile  faire  p.aïaître  tout  à  coup  un  serpent 
au  lieu  d'un  l>âton.  M<iis  le  serpent  do  Atoise 
dévora  ceujt  des  magiciens,  ce-  qui  démontre 


(61 


MAG 


MAC 


462 


jiie  Gfî  n'i'Unl  point  un  serpent  cncliaiilé  ou 
affaibli.  Donner  la  couleur  de  san^  li  un 
fleuve  tel  que  le  Nil ,  on  curroiupro  les  eaux 
par  un  coup  do  haguctte,  on  présence  de 
Pharaon  et  de  toute  sa  suite,  ('"est  ce  que  fit 
Moïse,  et  c'est  un  prodige  que  l'on  ne  peut 
ojiérer  par  aucune  causo  nalurtiUo.  Imiter  ce 
changeiuent  dans  une  certaine  qu.mtilé  d'eau, 
dans  un  vase  ou  dans  une  fosse ,  ce  n'est 
plus  un  miracle  ;  nous  ne  voyons  pas  que 
les  nuiguims  aient  rien  fait  davantage.  Lors- 
t|ue  Moïse,  en  étendant  la  ma:n,  lit  sortir  du 
fleuve  une  (pianiité  de  t;renouillos  siilïisaute 
pour  couvrir  le  sol  do  rK[,'v|Ho,  et  qu'il  les 
lit  mourir  ensuite  par  une  prière  ii  liieu,  eo 
iKifut  point  mie  0(iéralion  naturelle,  lîu  faire 
sortir  une  petite  (luaalité ,  non  pa>  en  éten- 
dant la  main,  mais  par  des  appâts  ou  par  des 
(ils  imperceptibles,  c'est  ce  que  peut  faire 
un  homme  adroit  avec  un  peu  de  prépara- 
tion, et  c'est  où  se  borna  le  pouvoir  des  ma- 
(jirims-  Pharaon,  convaincu  de  leur  impuis- 
sance, ne  s'adressa  pas  à  eux,  mais  à  Moïse, 
pour  être  délivré  des  grenouilles.  —  Kn  troi- 
sième lieu ,  ils  furent  forcés  de  s'avouer 
vaincus;  ils  ne  i>iirent  produire  des  insectes, 
parce  que  l'art  n'y  a  |)lus  de  prise;  ils  s  é- 
crièrent  :  Ledohjt  de  Dieu  est  ici;  ils  n(!  pu- 
rent détruire  aucun  des  miracles  de  Moïse, 
faire  cesser  aucun  des  lléaux  dont  il  aruij^ea 
l'Egypte,  ni  s'en  mettre  à  couvert  eux-mêmes. 
Dira-t-on  que  Dieu  ,  après  avoir  permis  au 
démou  de  lutter  contre  lui  par  trois  miracles, 
l'arrûta  seulement  au  quatrième  ?  Mais  le 
Psalmiste,  avant  de  ()arler  des  plaies  de  l'E- 
gypte (Ps.cxxxv,  i),  dit  que  Dieu  seul  fait  de 
grands  miracles;  et  P«.Lxxi,18),que  luiseul 
fait  des  choses  merveilleuses.  Quelques  in- 
terprètes de  l'Ecriture  sainte  ont  pensé  dif- 
féremment; mais  d'autres  ont  suivi  le  senti- 
ment que  nous  (iroposons  ,  et  il  n'y  a  rien 
dans  le  texte  qui  y  soit  contraire. 

Quand  il  serait  vrai  qu'il  y  a  dans  l'Ecri- 
ture sainte  desfails  surnaturels  que  l'on  doit 
attribuer  au  démon,  il  s'ensuivrait  seulement 
que  Dieu  a  permis  h  l'esprit  infernal  de  les 
opérer,  s.)it  pour  punir  les  hommes  de  leur 
curiosité  superstitieuse,  soit  pour  faire  écla- 
ter davantage  saimissance,  en  opposant  d'au- 
tres prodii^es  plus  nombreux  et  plus  merveil- 
leux; mais,  dans  tout  l'Ancien  Testament, 
nous  ne  voyons  aucun  exemple  dont  nous 
soyons  forcés  d'attribuer  l'eU'et  au  démon. 
L'apparition  de  Samuel  à  Saiil ,  en  suite  de 
l'évocation  que  fit  la  pylhouisse  d'Eador 
(/  lieg.  viu,  là),  ne  prouve  point  que  cette 
lemme  ait  eu  le  pouvoir  de  faire  paraître  un 
mort;  c'est  Dieu  qui,  pour  punir  Saûl  de  sa 
curiosité  criminelle  ,  voulut  lui  apprendre, 
par  Sanmel ,  sa  mort  prochaine.  La  pytho- 
nisse  elle-même  en  fut  effrayée;  elle  ne  s'at- 
tendait point  à  cet  évéuemeot.  Yoij.  Pyïuo- 

KISSE. 

Dans  le  livre  de  Tobie,  c.  ti,  v.  14,  nous 
lisons  que  le  démon  avait  fué  les  sept  pre- 
miers maiis  do  S^ira,  Lille  (Je  Ra^uel;  mais  il 
n'est  pa5  dit  qu'aucun  magicien  y  ait  contri- 
bué. Tobie  mit  en  fuite  le  tlémon  en  brûlant 
^e.foie  d'uu  poisson,  c.  vin,  v.  i;  Hiai3cefut 


un  imraclo  opéré  par  l'ange  Uajilia  I.  —  Dans 
le  livre  de  Job,  nous  voyons  que  le  di''iup)n 
allligoa  ce  saint  homme  jiar  la  [lerte  do  ses 
trou|)eaux,  par  la  mort  do  ses  enfants,  i)ar 
une  maladie  cruelle;  ce  fut  par  une  permis- 
sion expresse  de  Dieu  ,  et  [)our  éprouver  la 
vertu  de  Job,  et  non  par  aucune  opération 
humaine.  Aucun  de  ces  exemples  ne  donne 
lieu  (le  conclure  qu'un  homme  peut  avoir  le 
démon  à  ses  ordres  ,  et  le  faire  agir  comme 
il  lui  plaît. 

Dieu  avait  défendu  aux  Israélites  toute  es- 
pèce de  magie,  sous  peine  de  mort  (Levit.  xix, 
31;  XX,  G,  27,  etc.).  C'est  un  des  crimes  (pie 
l'Ecriture  reproche  à  Mana'-sès,  roi  idolAtre 
et  impie  {Il  Parai,  xxxni ,  G).  Cotte  défense 
était  Juste  et  sage.  En  effet,  la  magie  était  une 
l)rofession  de  polythéisme,  puisiiu'elle  sup- 
posait la  contianco  aux  prétendus  génies  ou 
démons  moteurs  de  la  nature  ;  c'était  la  com- 
paguû  inséparable  de  l'idolâtrie,  et  un  des 
ciimes  ([ue  Dieu  voulait  punir  dans  les  Cha- 
nanécns.  Cet  art  funeste  avait  plus  souvent 
pour  objet  de  faire  du  mal  au  prochain  que 
(hilui  faire  du  bien.  Presque  toujours  il  était 
joint  il  l'imposture.  Les  magiciens  avaient 
plus  d'ambition  de  se  faire  craindre  que  de 
se  faire  aimer;  ils  profitaient  de  l'ignorance, 
delà  (U'édulilé,  des  terreurs  populaires,  pour 
inspirer  aux  hommes  une  fausse  contiance  ; 
leur  profession  élait  donc  pernicieuse  par 
elle-même,  et  détestable  h  tous  égards.  Mais 
la  loi  qui  les  condamnait  sup[iosait-elle  qu'ils 
avaient  en  etlet  un  pouvoir  surnaturel ,  et 
pouvait-elle  contribuer  à  entretenir  la  fausse 
opiniim  que  le  peuple  en  avait  ?  Rien  moins. 
Nous  ne  voyons  pas  comment  les  incrédules 
peuvent  en  conclure  quil  n'y  a  eu  parmi  les 
auteurs  sacrés  que  peu  ou  point  de  philosophie. 
Nous  soutenons  qu'il  y  en  avait  plus  (jue  chez 
les  (Irecs  et  chez  les  Romains.  Les  lois  de 
ces  deux  peuples,  qui  proscrivaient  la  magie 
goëtique ,  la  magie  nuire  et  malfaisante,  ne 
statuaient  aucune  peine  contre  la  magie  sim- 
ple, qui  avait  pour  but  de  faire  du  bien.  Nous 
avons  vu  cjue  les  philosophes  y  croyaient 
comme  le  peuple;  on  y  avait  recours  dans 
les  calamités  publiques.  Bayle  a  fait  voir  que 
la  plupart  des  empereurs  romains  avaient  des 
magiciens  à  leurs  gages,  sans  en  cxcepler  le 
sage  et  philosophe  Warc-Aurèle.  liép.  aux 
quest.d'un  Prov.,  T'part.,  c.  38. 

Les  auteurs  sacrés,  mieux  instruits,  répè- 
tent sans  cesse  que  Dieu  seul  fait  des  mira- 
cles, que  lui  seul  connaît  l'avenir  et  pe'ut  le 
révéler,  que  de  lui  seul  viennent  les  biens  et 
les  maux,  les  bienfaits  et  les  fléaux  de  la  na- 
ture. Si  le  démon  fait  quelque  chose,  ce  n'est 
jamais  parles  ordres  û'un  magicien,  mais  par 
une  permission  expresse  de  Dieu.  Ces  vtM'i- 
tés  détruisent  par  la  racine  le  prétendu  pou- 
voir des  magiciens  de  toute  espèce.  A  la  vé- 
rité, les  incrédules  font  aujourd'hui  consister 
la  philosopliio  à  nier  roxist(nîce  môme  du 
démon,  et  par  conséquent  toutes  ses  préten- 
dues opérations;  mais  nous  leur  demandons 
sur  cfuc41e  jM-euve  positive  ils  fondoot  ce- 
doyne  imponant,  comment  ils  démontrent 
l'iiiipossiibilité  de*'  événements  dont  les  au- 


4G3 


MAG 


MAG 


Kl 


leurs  sacrés  font  mention.  Voilà  sur  quoi  ils 
ne  nous  ont  pas  encore  satisfaits.  Un  igno- 
rant peut  nipr  les  faits  avec  autant  d'opiniâ- 
treté que  le  plus  habile  de  tous  les  philoso- 
phes. 

Le  Nouveau  Testament  fait  mention  de  plu- 
sieurs opérations  de  l'esprit  malin,  mais  aux- 
quelles les  magiciens  n'avaient  aucune  pnrt  ; 
ainsi  le  démon  tenta  Jésus-Christ  dans  le  dé- 
sert, et  lui  montra  dans  un  moment  tous  les 
royaumes  de  la  terre  {Luc.  iv,  5).  Jésus- 
Christ  et  ses  apôtres,  en  chassant  le  démon 
du  corps  des  possédés ,  ne  nous  insinuent 
point  qu'aucun  magicien  ait  été  cause  de  cette 
possession.  Le  Sauveur  prédit  qu'il  viendra 
de  faux  prophètes,  qui  feront  de  grands  pro- 
diges capables  do  séduire  même  les  élus, 
s'il  était  possible;  il  ne  décide  point  si  cos 
prodiges  seront  réels  ou  apparents  {Matth. 
XXIV,  24;  Marc,  xiii,  22).  Les  Actes  des  apô- 
tres, c.  vni,  V.  11,  rapportent  que  Simon  le 
3/a(/(C8Vn  avait  séduit  les  Samaritains,  et  leur 
avait  tourné  l'esprit  par  son  art  magique  : 
mais  on  sait  qu'il  n'était  pas  nécessaire  alors 
de  mettre  le  démon  en  action  pour  venir  k 
bout  de  tromper  le  peuple.  Saint  Paul  (// 
Thess.  II,  9)  dit  que  l'arrivée  de  l'antechiist 
sera  signalée  par  les  opérations  de  Satan,  par 
des  actes  de  puissance  et  par  des  prodiges 
trompeurs;  cette  expression  semble  désigner 
des  prodiges  faux  et  simulés,  plutôt  que  des 
choses  surnaturelles,  des  actions  suggérées 
par  Satan,  sans  être  pour  cela  des  merveilles 
supérieures  aux  forces  humaines. 

Aussi  les  Pères  de  l'Eglise  ne  sont  point 
d'accord  dans  le  sens  qu'ils  donnent  à  ces 
passages.  Saint  Justin,  Apol.,  n.  26,  pense 
que  le  démon  était  l'auteur  des  prestiges  de 
Simon  le  Magicien;  mais  saint  Irénée  décide 
que  les  prétendus  miracles  des  hérétiques, 
sans  excepter  ceux  de  Simon,  sont  tous  taux, 
ne  sont  que  des  impostures  et  des  illusions, 
Adv.  Hœr.,  1.  ii,  c.  31;  saint  Clément  d'A- 
lexandrie, Cohort.  ad  Gent.,  p.  52,  dit  que 
les  magiciens  se  vantint  d'être  servis  par  les 
démons,  parce  qu'ils  les  ont  assujettis  à  leurs 
volontés  par  leurs  charmes,  carminibus;  il 
ne  montre  aucune  confiance  à  cette  jactance 
des  magiciens.  Origène  contre  Celse ,  1.  ii, 
n.  50,  pense  que  les  prodiges  des  magiciens 
d'Egypte  étaient  de  purs  prestiges;  cepen- 
dant il  <  st  ailleurs  d'un  autre  sentiment. 
Homil.  13,  in  Num.,  n-  i.  «Que  ]ienserons- 
nous  de  la  magie  ?  dit  Tertullien.  Ce  que  tout 
le  inonde  eu  pense,  que  c'est  une  tromperie, 
mais  dont  la  nature  est  connue  des  chrétiens 
seuls.  »  Conséquemment  il  juge  que  les  ma- 
giciens de  Pharaon  ne  firent  que  tromper  les 
yeux  des  spectateurs,  L.  de  Anima,  c.  57.  Il 
paraît  avoir  la  même  idée  des  prodiges  de 
l'autechrist.  L.  v,  adv.  Marcion.,c.  17.  Saint 
Jean  Chrysostome,  en  expliquant  le  passage 
de  saint  Paul,  doute  si  ces  mêmes  prodiges 
seront  vrais  ou  faux;  saint  Augustin  est 
dans  une  égale  incertitude,  Lib.  xx,  de  Civ. 
Dei,  c.  19;  et  les  Pères  ont  eu  de  bonnes  rai- 
sons pour  ne  pas  penser  comme  les  incré- 
dules. 

Eu  effet,  lorsquelechristianismefut  prêché, 


lamagieétait  plus  commune  que  jamais  parmi 
les  païens;  nous  le  voyons  par  ce  qu'en  di- 
sent Celse,  Julien,  les  historiens  romains,  et 
nos  anciens  apologistes.  Les  Pères  s'atta- 
chèrent avec  raison  à  décrier  cet  art  fu- 
neste: sans  entrer  dans  des  discussions  phi- 
losophiques, plusieurs  attribuèrent  au  dé- 
mon les  prétendus  miracles  dont  les  païens 
se  vantaient;  c'était  la  voie  la  plus  courte 
et  la  plus  sage  de  terminer  la  contestation. 
Le  pouvoir  des  démons  estatteslé  par  l'Ecri- 
ture sainte  ,  quoique  leur  commerce  avec 
les  magiciens  ne  le  soit  pas.  Toutes  les  sec- 
tes des  philosophes  croyaient  fermement 
l'un  et  l'autre  ;  les  historiens  citaient  des 
faits  qui  paraissaient  incontestables,  et  que 
l'on  ne  pouvait  attribuer  h  aucune  cause  na- 
turelle :  si  les  Pères  avaient  embrassé  le  pyr- 
rhonisme  des  incrédules,  ils  auraient  révolté 
l'univers  entier.  Pour  détromper  efficace- 
ment le  monde,  il  fallait  non  pas  des  argu- 
ments auxquels  le  peuple  ne  comprend  rien, 
et  auxquels  il  ne  cède  jamais,  mais  des  faits: 
or,  les  Pères  ont  opposé  aux  païens  un  fait 
public  et  incontestable,  le  pouvoir  des  exor- 
cismes  do  l'Eglise,  dont  les  païens  eux-mê- 
mes furent  souvent  témoins  oculaires,  et  qui 
en  a  converti  un  très-grand  nombre  :  donc 
il  n'est  pas  vrai  que  le  sentiment  et  la  con- 
duite des  Pères  aient  contribué  à  entretenir 
le  ]iréjugé  populaire  toucliant  les  opérations 
du  démon  et  de  la  magie. 

III.  Il  en  est  de  même  de  la  conduite  que 
l'Eglise  a  tenue  dans  les  siècles  suivants,  et 
qu'elle  tient  encore.  Au  iv'  siècle,  les  nou- 
veaux platoniciens  remplirent  le  monde  des 
prétendues  merveilles  de  leur  théurgie  ;  c'é- 
tait, comme  nous  l'avons  déjà  remarqué,  une 
vraie  magie,  et  l'on  sait  les  abominations 
auxquelles  elle  donna  lieu  ;  nos  philosophes 
modernes  n'ont  pas  osé  les  nier  :  plusieurs 
sectes  d'hérétiques  faisaient  profession  de 
magie  ;  il  fallut  donc  augmenter  alors  la  sé- 
vérité des  lois.  Constantin,  devenu  chrétien, 
avait  rigoureusement  proscrit  la  magie  goë- 
tique,  ou  toutes  les  opérations  qui  tendaient 
à  nuire  à  quelqu'un  ;  mais  il  n'avait  établi 
aucune  peine  contre  les  pratiques  supersti- 
tieuses destinées  à  faire  du  bien.  Après  le 
règne  de  Julien,  qui  avait  été  lui-même  in- 
fatué de  la  théurgie,  les  empereurs  furent 
forcés  d'être  plus  sévères,  et  de  défendre 
absolument  tout  ce  qui  tenait  à  lawiaoie. 

L'Eglise  fit  de  même.  Le  concile  de  Lao- 
dicée,  tenu  l'an  366  ;  celui  d'Agde,  en  506  ; 
le  concile  in  Trullo,  l'an  692;  un  concile  de 
Rome,  en  721  ;  les  capitulaires  de  Cliarle- 
magne,  et  plusieurs  conciles  postérieurs,  le 
Pénitentiel  romain  ,  etc. ,  ont  frappé  d'ana- 
thème  et  ont  soumis  à  une  pénitence  rigou- 
reuse tous  ceux  qui  auraient  recours  à  la 
magie,  de  quelque  espèce  qu'elle  fût  ;  il  a 
souvent  fallu  renouveler  ces  lois,  parce  que 
cette  peste  publique  n'a  cessé  de  renaître  de 
temps  en  temps.  Nous  soutenons  que  toutes 
ces  lois,  soit  ecclésiastiques ,  soit  civdes, 
sont  justes,  et  qu'il  y  aurait  de  la  folie  à  les 
blâmer.  Baj^le  a  très-bien  prouvé  que  les 
sorciers,  soit  réels,  soit  imaginaires,  soit  si- 


46» 


MAG 


MAC 


4CS 


iiiulôs,  luéiilent  les  peines  aftliclives  qu'on 
leur  i;iit  subir,  Rép.  aux  qucst.  d'un  Prov., 
i"  part.,  chap.  35.  Le  raisons  qu'il  ap- 
porte sont  les  mêmes  à  l'égard  des  ma- 
giciens. 

Quand  il  serait  certain  que  tout  commerce, 
tout  pacte  avec  le  démon  est  imaginaire  et 
impossible,  il  n'en  serait  pas  moins  vrai 
(lu'.un  magicien  a  le  dessein  et  la  volonté 
d'avoir  ce  commerce ,  et  qu'il  fait  tout  ce 
qu'il  peut  pour  y  réussir;  y  a-t-il  une  dis- 
position d';\me  plus  exécrable  et  une  mé- 
chanceté plus  noire,  ou  quelque  espèce  de 
crime  dont  un  tel  lionmie  ne  soit  pas  capa- 
ble  ?  Lps  magiciens  ne  manquent  jamais  de 
mêler  des  profanations  à  leur  pratiques,  et 
leur  intention  est  toujours  |)lutôt  de  faire  du 
mal  que  de  faire  du  bien  ;  l'on  n'en  connaît 
aucun  qui  ait  été  puni  pour  avoir  voulu  se- 
couiir  les  malheureux,  ou  povu-  avoir  voulu 
rendre  des  services  essentiels  ci  quekpi'un. 
Bayle  observe  très-bien  que,  quand  un  pré- 
tendu magicien  ne  croirait  pas  lui-méuie  à 
la  magie,  c'est  assez  qu'il  ait  voulu  se  donner 
la  réputation  de  magicien  pour  être  punis- 
sable, jiarce  que  l'ojiinion  seule  que  l'on  a 
de  lui  suffit  pour  opérer  les  plus  tristes  effets 
sur  les  caractères  timides  et  les  imaginations 
faibles.  D'autre  part,  que  le  pacte  des  magi- 
ciens avec  le  démon  soit  possible  ou  non, 
les  exorcismes  n'en  sont  pas  moins  bons  et 
utiles  ;  l'intention  de  l'Eglise  qui  les  emploie, 
étant  (le  persuader  les  peuples  que  les  bé- 
nédictions et  les  prières  ont  la  vertu  de  dé- 
truire toutes  les  opérations  du  démon,  ce 
<iui,  dans  toute  hypothèse,  est  vrai.  Et  cela 
suftit  pour  rassurer  et  tranquilliser  les  es- 
prits trop  timides,  pour  écarter  leurs  souji- 
çons,  pour  les  détourner  de  toute  pratique 
superstitieuse  et  impie.  Dans  ses  inquiétudes 
et  dans  ses  peines,  le  peuple  donne  sa  con- 
fiance, non  K  la  philosophie,  mais  <i  la  re- 
ligion, et  il  n'a  pas  tort.  Inutilement  lui  al- 
léguerait-on des  raisonnements  pour  le  dé- 
tromper de  la  magie;  sur  ce  point,  les 
j)liilosophes  n'ont  que  des  preuves  néga- 
tives :  or  ces  jjreuves,  dans  l'esprit  du  peu- 
ple, ne  prévaudront  jamais  au  récit  qu'il  a 
entendu  faire  des  opérations  des  jnagicie7is, 
ni  à  la  multitude  des  témoignages  vrais  nu 
faux  que  l'on  peut  lui  citer.  Le  seul  moyen 
de  lui  faire  entendre  raison  est  de  lui  repré- 
senter que  toute  opération  manque  est  im- 
)ie,  abominable,  sévèrement   délendue  par 


la  loi  de  Dieu,  et  punie  d(!  mort  par  les  lois 
civiles  ;  que  tous  les  magiciens  de  l'univers 
ne  peuvent  rien  sur  un  chrétien  qui  nu^t  sa 
conliance  eu  Dieu  et  aux  jirières  de  l'Eglise. 
Une  preuve  que  ce  ne  sont  ni  ces  prières,  ni 
les  exorcismes,  ni  les  lois,  qui  contribuent  à 
entretenir  les  ei'reurs  du  peuple,  c'est  que 
chez  les  protestants  qui  ont  rejeté  toutes 
les  pratiques  de  l'Eglise,  en  Suisse,  en  An- 
j^leterre,  dans  les  jiays  du  Nord,  la  divina- 
tion, la  magie,  les  sortilèges  sont  beaucoup 
plus  communs  que  chez  les  catholiques, 
parce  que  ces  crimes  demeurent  im[tunis 
parmi  les  protestants. 
Dans  le  temps  môme  crue  l'Angleterre  ne 


voulait  reconnaître  de  règle  et  de  loi  que  ce 
qu'elle  appelait  la  pure  parole  de  Dieu,  elle 
se  trouvait  remplie  d'astrologues,  de  magi- 
ciens, de  sorciers.  La  liberté  de  penser,  intro- 
duite depuis  dans  ce  royaume,  n'y  a  point 
guéri  les  meilleurs  esprits  de  cette  sotte  cré- 
dulité. Hobhes,  matérialiste  décidé,  avait 
l)eur  des  es|irits  :  Charles  II  disait  du  célèbre 
Isaac  ^'l  issius  :  Cet  homme  croit  à  tout,  excepte 
à  la  Bible.  Londres,  tom.  II,  pag.  1  et  sui- 
vantes. 

Lorsque  les  incrédules  prétendent  que  les 
progrès  de  la  iihiloso[)hie,  dans  notre  siècle, 
ont  réduit  à  rien  le  pouvoir  du  démon  et  ce- 
lui des  magiciens,  que  jtersonne  n'y  croit 
plus ,  ils  se  vantent  mal  à  propos  d'un 
exploit  auquel  ils  n'ont  aucune  part,  et  ils 
imitent  ence'a  le  caractère  jongleur  des  nta- 
giciens.  Sont-ce  des  philosophes  qui  sont 
allés  instruire  les  habitants  des  Alpes,  du 
Mont-Jura,  des  Cévennes  et  des  Pyrénées? 
Ce  sont  les  ministres  de  la  religion  ;  et  ceux- 
ci  n'adopteront  jamais  les  principes  des  phi- 
losophes incrédules. 

L'unique  moyen  d'extirper  entièrement  la 
magie,  serait  d'étouffer  les  passions  qui  l'ont 
fait  naître  ;  l'incrédulité  n'a  jias  ce  pouvoir. 
Déjà  nous  avons  remarqué  que  les  épicu- 
riens, quoique  très-impies,  ne  furent  cepen- 
dant pas  exempts  de  superstition.  Il  ne  serait 
pas  impossible  de  citer  des  athées  qui  ont 
cru  à  la  magie  sans  croire  en  Dieu.  Bayle  a 
prouvé  que,  dans  le  système  d'athéisme  de 
Spinosa,  ce  rêveur  ne  pouvait  nier  ni  les  mi- 
racles, ni  la  magie,  ni  les  démons ,  ni  les 
enfers.  Dicl.  crit.  Spinosa.  Nous  ajoutons 
que,  si  les  philosophes  venaient  jamais  h 
bout  de  la  révolution  qu'ils  se  flattent  déjà 
d'avoir  opérée,  ils  rendraient  un  très-grand 
service  aux  théologiens  ;  ils  leur  aideraient  à 
inculquer  une  grande  vérité  ;  savoir,  que  le 
pouvoir  du  démon  a  été  détruit  par  la  croix 
de  Jésus-Christ  ;  qu'il  n'en  a  plus  aucun  sur 
des  chrétiens  consacrés  à  Dieu  par  le  bap- 
tôuic,  à  moins  qu'eux-mêmes  ne  veuillent 
le  lui  accorder.  Yoy.  .sur  ce  sujet  un  pas- 
sage de  saint  Clément  d'Alexandrie,  au  mot 

DÉJIO.N 

Quelques  incrédules  ont  comparé  les  cé- 
rémonies et  les  formules  sacramentelles  usi- 
tées dans  l'Eglise  catholiq^ue  à  la  théurgie 
et  aux  pratiques  des  magiciens  :  ce  sont  les 
jM'otestants,  et  en  particulier  Beausobre,  qui 
Ifur  ont  suggéré  cette  ineplio  ;  ils  conqjai'cnt 
le  saint-chrême  aux  })arfuuis  et  aux  fumiga- 
tions dont  se  servaient  les  Egyptiens  pour 
attirer  les  démons ,  ou  pour  l'es  mettre  en 
'  en  fuite.  Ils  n'ont  pas  vu  qu'ils  donnaient 
lieu  aux  impies  de  comparer  la  forme  du  ■ 
baptême  aux  charmes  ou  aux  paroles  magi- 
ques dos  imposteurs.  Cette  absurdité  sera 
réfutée  au  mot  ïuélrgie.  Yoy.  Charme,  Di- 
vination, Enchantement,  etc. 

IV.  Plusieurs  sectes  d'hérétiques  ont  été 
accusées  de  pratiquer  la  ?/iajie,  en  particulier 
les  basilidiens  et  d'autres  sectes  de  giiosti- 
((ues,  les  manichéens  et  les  priscillianistes 
leui-s  descendants  ;  on  suj).posait  que  Manès 
avait  appris  cet  art  ojieus  deb  mages  do 


487 


MAC 


wag 


468 


l^erse ,  disciples  de  Zoroastré.  Beausobre, 
protecteur  déclaré  do  tous  les  hérétiques,  a 
entrepris  de  les  justifier  contre  Ce  reproche 
des  Pères  de  l'Eglise  ;  il  soutient  que  c'est 
nne  pure  calooinie,  qui  n'a  aucanfondcment 
Hist.  du  Manich.,  1.  ï,  c.  6,  §  10  ;  1.  iv,  c>  3> 
§  19;1.  IX,  c.  13. 

En  premier  lieu,  dît-il,  le  nom  do  magie, 
dans  l'origine,  Q'a  rien  d'odieux  ;  il  signifiait 
l'art  d'employer  des  observations  naturelles, 
des  connaissances  de  physique ,  de  méde- 
cine, d'astrologie  et  de  théologie  :  un  mage 
était  un  savant.  En  second  lieu,  les  païens 
ont  regardé  les  premiers  chrétiens  comme 
autant  de  magiciens,  et  de  tout  temps  l'nn  a 
renouvelé  cette  acciisation,  contre  les  per- 
sonnages les  plus  respectables  :  elle  ne  mé- 
rite donc  aucune  attention.  Quelques  sectes 
d'hérétiques  ont  peut-être  employé  des  pra- 
tiques superstitieuses,  comme  les  amulettes, 
les  talismans,  les  abraocas  des  basilidiens  ; 
mais  si  c'est  là  de  la  magie,  il  faudra  en  ac- 
cuser plusieurs  Pères  de  l'Eglise.  Origène, 
par  exemple,  liv.  i,  contre  Cefse,  n"  24  et  23, 
soutient  qu'il  y  a  une  vertu  surnaturelle  at- 
tachée îv  certains  noms  des  anges  ou  des  gé- 
nies ;  que  la  magie  n'est  point  un  art  vain  et 
chimérique.  Synésius,  de  Insomn.,  était  per- 
suadé que  l'on  peut  avoir  un  commerce  im- 
médiat avec  ces  êtres  invisibles,  et  opérer 
des  choses  merveilleuses  par  leur  entremise. 
On  ne  doit  appeler  magie  que  le  commerce 
atec  les  mauvais  démons  ;  quant  aux  esprits 
bienfaisants,  il  n'est  point  défendu  par  la  loi 
naturelle  de  s'adresser  à  eux  :  cela  n'était 
interdit  par  la  loi  de  Moïse  que  parce  que 
c'était  une  source  d'idolâtrie.  Or,  on  ne  peut 
pas  prouver  que  Zoroastie,  les  basilidiens, 
les  manichéens,  ni  les  priscillianistes,  ont  ja- 
mais invoqué  lesmâuvais démons:  c'est  donc 
injustement  qu'ils  ont  été  taxés  de  magie. 

Cette  apologie  n'est  pas  solide  :  elle  porte 
sur  un  faux  principe.  11  est  vrai  que  les  an- 
ciens ont  nommé  magie  toute  connaissance 
supérieure  bonne  ou  mauvaise,  ensuite  le 
commerce  avec  les  esprits  ou  génies  bons 
ou  mauvais  ;  mais  si  le  commerce  entretenu 
avec  les  mauvais  démons ,  dans  l'intention 
de  nuire  à  quelqu'un,  est  l'espèce  de  magie 
la  plus  abominable,  nous  soutenons  que 
l'autre  espèce  n'est  pas  innocente  ;  non-seu- 
lement elle  conduit  à  l'idolâtrie,  comme  le 
dit  Beausobre,  mais  c'est  une  espèce  de  pro- 
fession du  polythéisme  :  nous  l'avons  fait 
voir  ;  donc  elle  est  défendue  par  la  loi  natu- 
relle, puisqu'un  des  premiers  préceptes  de 
cette  loi  est  de  n'adorer  qu'un  seul  Dieu. 
Les  protestants  sont  forcés  d'en  convenir  ou 
de  se  contredire.  Lorsqu'ils  argumentent 
contre  l'usage  des  catholiques  d'invoquer 
les  anges  et  les  saints,  ils  posent  pour  jirin- 
cipe  que  l'invocation  est  un  culte  religieux, 
et  que  tout  culte  rendu  à  un  autre  être  qu'à 
Dieu  est  une  profanation  et  une  impiété. 
Pourquoi,  lorsqu'il  s'agit  de  disculper  des 
héréli(}ues  raisonnent- ils  sur  une  supposi- 
tion contraire  ? 

Posons  donc  un  principe  plus  solide  et 
plus  vrai  :  c'est  auo  toute  invocation  d'es- 


prits ou  de  génies  supposés  indépendants  de 
Dieu,  et  non  simples  exécuteurs  des  ordres 
de  Dieu,  est  un  acte  de  polythéisme,  parce 
que  l'on  attribue  à  ces  prétendus  génies  un 
pouvoir  qui  n'appartient  qu'à  Dieu,  et  qu'on 
leur  accorde  une  confiance  qui  n'est  due 
qu'à  Dieu  :  donc  c'est  une, impiété  défendue 
pnr  la  loi  naturelle.  Qu'on  l'appelle  jnagje  ou 
autrement,  n'importe  à  lagrièvetédu  crime. 
L'invocation  des  anges  et  des  saints  n'est 
permise  et  louable  que  parce  qu'on  les  sup- 
pose parfaitement  soumis  à  Di'  u,  et  revôtus 
du  seul  pouvoir  que  Dieu  daigne  leur  accor- 
der; qu'ainsi  nous  ne  pouvons  avoir  en  eux 
de  la  confiance  qu'autant  nue  nous  en  avons 
en  Dieu.  Par  conséquent  le  culte  que  nous 
leur  rendons  se  rapporte  immédiatement  à 
Dieu.  La  question  est  de  savoir  quelle  idée 
les  manichéens  avaient  des  esprits  ou  génies. 
Ils  en  admettaient  tle  deux  espèces,  les  uns 
bons,  les  autres  mauvais  ;  mais  ils  ne  les 
regardaient  point  comme  des  créatures  de 
Di-u  ;  ils  disaient  que  les  bons  sont  coéter- 
nels  à  Dieu,  et  que  les  mauvais  sont  sortis 
du  sein  de  la  ma'ière.  Hisl.  du  Manich., 
1.  y,  c.  6,  §  18  ;  1.  vi,  c.  1 ,  §  1.  Jamais  ils 
n'ont  représenté  les  bons  génies  comme  de 
simples  ministres  des  volontés  de  Dieu, 
comme  nous  considérons  les  anges.  Puis- 
qu'ils invoquaient  ces  génies,  et  désiraient 
d'être  en  commerce  avec  eus,  ils  ne  pou- 
vaient rapporter  à  ï)ieu  les  respects,  la  con- 
fiance, la  reconnaissance  qu'ils  témoignaient 
aux  génies  ;  c'était  donc  une  imjiiété ,  et 
nous  ne  voyons  pas  pourquoi  l'on  ne  devait 
pas  la  taxer  d  ■  magie.  Est-il  certain,  d'ail- 
leurs, qu'aucune  de  leurs  pratiques  ne  s'a- 
dressait aux  mauvais  démons,  du  moins 
pour  les  ap.iiser  et  les  empêcher  de  nuire? 
Ils  usaient  certainement  de  caractères  et  de 
figures  magiques.  U  est  dit  du  pape  Symma- 
que  qu'il  fit  brûler,  devâi>t  le  portail  de  la 
basilique  Constantine,  leurs  livres  et  leurs 
simulacres.  Anast.  in  Symiii.  Beausobre,  qui 
semble  regretter  la  perte  de  ces  livres,  dit 
qu'il  ne  sait  pas  ce  que  c'était  que  ces  si- 
mulacres, i6/rf.,irpart.  discprél.,  n.  1.  Cela 
n'était  pas  fort  difficile  à  deviner  ;  les  auteurs 
ecclésiastiques  nous  ont  assez  donPé  à 
entendre  que  c'étaient  des  figures  ma- 
giques. 

Origène  et  Synésius  ont  pensé,  comme 
tous  les  philosophes  de  leur  temps,  qu'il  y 
avait  des  paroles  efficaces,  des  noms  doués 
d'un  certaine  vertu,  des  formules  et  des  pra- 
tiques parle  moyen  desquellesonpouvaiten- 
trer  en  commerce  avec  les  démons  ou  gé- 
nies ;  que  les  magiciens  en  possédaient  la 
connaissance  ;  qu'ainsi  leur  art  n'était  pas 
une  pure  illusion.  Mais  ces  deux  auteurs 
ont-ils  approuvé  ce  commerce  ?  ont-ils  dit 
que  l'on  pouvait  en  user  innocemment  ?  Ils 
ont  témoigné  le  contraire.  Oiigène ,  dans 
l'ouvrage  même  cité,  I.  i,  n.  6,  a  réfuté  la 
calomnie  de  Celse,  qui  accusait  les  chrétiens 
d'opérer  des  prodiges  par  des  enchantements 
et  par  l'entremise  des  démons.  Homil.  13,  in 
N'um,  n.5;il  n'approuve  que  l'invocation 
des  s.niiits  anges  ;  il  dit  que  ces  esprits  ce- 


it9 


MAG 


lestés  h  obéiront  .yaniais  auv  encliantements 

des  mnc/iciens,  qu'ils  lie  peuvent  f.iirc  (juimIu 
bien,  au  lieu  cjuc  les  démons  ou  prétendus 
génies  ne  peuvent  faire  que  du  mal,  etc.  Sy- 
nésius  n'en  a  |)as  eu  lueilJeure  ojànion. 
Quelle  superstition  peut-on  donc  leur  re- 
pioeher  ?  Un  superstili'  nx  n'est  pas  celui  qui 
croit  qu'une  prati(pie  abusive  peut  être  efli- 
cace,  mais  celui  (pii  en  use  et  y  met  sa  con- 
(iance.  Nous  avons  montré  ei-dessus  (]nc  1ns 
autres  Pérès ilel'F.i^lise n'ont  paspeusé  comme 
Origène  et  Synésius. 

Dés  qu'il  était  avéré  que  les  premiers  chré- 
tiens faisaif'ut  des  miracles  jwr  1(!  nom  de 
Jésus-Chiist,  par  le  signe  de  la  croix,  par  la 
récitation  dos  Kvangiles ,  Origène  contre 
Celse,  ibid.,   il  n'est  pas  étonnant  que  les 

faïens  les  aient  accusés  de  maf/ic.  Puisque 
on  a  foinié  le  même  reproche  contre  les 
manichéens,  il  faut  donc  qu'ils  aient  fait 
queUpies  prodii;es  apparents,  ou  qu'ils  se 
soient  vailles  d  en  faire,  et  qu'ils  aient  pro- 
mis d'en  apprendre  le  secret  ;  dans  ct^  cas,  ils 
ont  mérité  le  nom  de  magiciens,  le  blâme 
des  Pères  de  l'K^lise,  et  les  cliAliments  dé- 
cernés contre  ce  crime  parles  lois  impériales. 
Pour  être  censé  niafjicicn,  il  n'était  pas  né- 
cessaire d'avoir  conversé  réellement  avec  les 
démons,  ni  d'avoir  fait  des  prestiges  parleur 
secours;  il  suflisait  de  l'avoir  tenté,  d'avoir 
invoqué  leur  assistance,  el  d'avoir  enseigné 
aux  autres  ces  [iraliques  abominables.  Saint 
Paul  lui-même  a  décidé  ([ue  quiconque  pre- 
nait part  aux  sacrifices  des  païens,  partici- 
pait h  la  table  des  démons  (/  Cor.  c.  x, 
V.  iil).  Donc,  toute  relation  avec  eux  était  un 
culte  qu'on  leur  rendait.  Les  Pères  de  l'E- 
glise n'ont  donc  pas  eu  tort  de  taxer  de  ma- 
gie  les  hérétiques  cou[)ables  de  ce  crime,  et 
Beausobre  les  a  fort  mal  justifiés.  Voy.  Sor- 

CIliRS. 

MAGISTRAT.  Les  vaudois  et  les  anabap- 
tistes ont  soutenu  qu'il  n'est  pas  permis  à 
un  chrétien  d'exercer  la  magistrature,  ]>arce 
que  cette  charge  peut  le  mettre  dans  la  né- 
cessité de  comlannier  (juelqu'un  à  la  mort 
ou  à  des  peines  alUiiuives  ,  ce  qui  est  con- 
traire, disent-ils,  à  la  douceur  et  h  la  charité 
chrétiennes.  Plusieurs  sociiiiens  ont  adopté 
celte  erreur.  Voy.  rHistoiredusocianianisnir, 
1"  part.,chap.  18.  Barbeyrac  s'est  elforcé  de 
prouver  que  Tertullien  y  est  tombé.  Traité 
de  lumoralc  des  Pères,  chap.  6,  §  21  et  suiv. 
Les  ineré Jules,  sur  la  jiarole  des  hérétiques, 
n'ont  pas  manque  de  sup|»oser  que  c'est  lii 
elfeilivement  un  point  de  la  morale  chré- 
tienne, et  ils  ont  saisi  cette  occasion  de  dé 
clamer  contre  l'Evangile. 

Mais  comment  les  hérétiques  ont-ils  prou 
vé  ce  paradoxe  ?  A  leur  ordinaire,  en  prenant 
de  travers  quelques  passages  de  l'Evangile. 
Jésus-Christ  a  dit  [Matlh.  c.  v,  v.  38)  :  Voxts 
savez  qu'il  a  été  dit  aux  anciens  d'exir/er  œil 
pour  mil  et  dent  pour  dent.  Pour  tnoije  rons 
dis  de  ne  point  résister  au  mal  ou  au  méchant  ; 
mais  si  quelqu'un  vous  frappe  sur  une  joue, 
tendez-hii  l'autre  ;  s'il  veut  plaider  contre 
vous  et  vous  enlever  votre  robe,  abandonnez- 
lui  encore  votre  manteau,  etc.  De  là  l'on  a 


MAG  470 

conclu  (pie  le  Stiuveur  â  condrtiîùné  les  ma- 
gistrats juifs,  qui,  selon  la  loi  du  talion, 
presci'ite  par  Moïse,  inlligeaient  aux  crimi- 
nels des  peines  affliclives  ;  que,  iniisqu'il 
défend  h  s  'S  disriphs  do  plaider,  il  détend 
aussi  aux  magistrats  de  condamner  et  de 
punir. 

La  conséquence  est  aussi  fausse  que  le 
conuiienlaire.  Quand  ce  serait  un  crimo  de 
poursuivre  quelqu'un  en  justice,  ce  qui  n'est 
point,  ce  n'en  sirait  pas  un  pour  le  juge 
d(!  terminer  la  contestation.  1!  est  évidi  ni 
que  Jésus-Christ  parle  à  ses  disciples  rela- 
tivement aux  circonstances  dans  lesquelles 
ils  allaient  bientôt  Sf  trouver,  et  h  la  fonction 
dont  ils  étaient  chargtis,  qui  était  de  prêcher 
i'iiv.ingileà  des  incrédules.  Ils  ne  pouvaient 
l'établir  au  milieu  des  pvrsécutions,  à  moins 
de  [Huisser  la  p'itience  jusqu'à  l'héroïsme  ; 
il  leur  aurait  été  fort  inutile  de  poursuivre 
la  réparation  d'une  injure  au  triluinal  des 
magistrats  juifs  ou  païens,  disposés  à  leur 
ôter  môme  la  vie.  Toute  la  suite  du  discours 
de  Jésus-Christ  tend  au  même  but  et  pres- 
crit la  même  morale  II  ne  s'ensuit  pas  de 
là  que  le  Sauveur  a  int^nlit  la  juste  di'fense 
dans  toute  autre  circonstance,  ni  condamné 
la  fonction  des  juges.  11  a  seulement  ré- 
jirouvé  la  conduite  de  ceux  qui  voulaient 
abuser  de  la  loi  prescrite  aux  magistrats 
touchant  la  peine  du  talion,  qui  concluaient 
qu'il  est  permis  aux  particuliei  s  de  l'exercer 
par  eux-mêmes,  et  de  se  venger  par  des  re- 
présailles. 

Nous  ne  pouvons  mieux  interpréter  les 
paroles  do  Jésus-Christ  que  par  la  conduite 
des  apôtres.  «  Nous  sommes  ,  dit  saint  Pan), 
frappés,  maudits,  persécutés, regardés  comme 
le  rebut  du  momie,  et  nous  le  souffrons  ; 
nous  bénissons  Dieu  et  nous  prions  pour  nos 
ennemis  (/  Cor.,  c.  iv,  v.  11).  C'est  par  cette 
patience  même  que  les  apôtres  ont  converti 
le  monde.  Saint  Paul  propose  pour  exemple 
celte  comluile  aux  hdèles,  parce  qu  elle  leur 
était  aussi  nécessaire  qu'aux  apôtres.  «  Je 
vous  en  conju  e,  dit-il,  soyex  mes  imitateurs, 
commejele  suis  de  Jésus-Christ  {Ibid.,  v.  10). 
Ensuite,  c.  vi,  v.  1,  il  les  reprend  de  ce  qu'ils 
avaient  entre  eux  des  contestations,  el  se 
pouisuivaient  par-devant  les  magistrats 
païens  ;  il  les  exhorte  à  terminer  leurs  dif- 
férends ]iar  arbitres.  «  C'est  déjà  une  faute 
de  votre  part,  leur  dit-il,  d'avoir  des  procès 
entre  vous.  Pourquoi  ne  pas  souffrir  plutôt 
une  injure  ou  une  fraude  ?  Mais  c'est  vous- 
mêmes  qui  vous  en  l'cndez  coujiables  envers 
vos  frères.  »  On  peut  encore  prêcher  cette 
morale  à  tous  les  plaideurs,  sans  condamner 
pour  cela  les  fonctions  des  magistrats. 

Loin  de  donner  dans  cet  excès,  l'Apôtre 
veut  qu'on  les  respecte  et  qu'on  les  honore, 
que  l'on  envisage  l'ordre  civil  comme  une 
chose  que  Dieu  lui-même  a  établie  (Rom.  c. 
XIII,  V.  4  ).  Il  enseigne  que  le  prince  est  le 
ministre  de  Dieu  préposé  pour  venger  le 
crime  et  punir  ceux  qui  font  le  mal.  lien  est 
donc  de  même  des  magistrats,  puisque 
c'est  i)ar  eux  que  le  prince  exerce  son 
autorité. 


*71 


MAC 


MA  G 


*7S 


Comme  Tertullien  ne  pouvait  pas  ignorer 
cette  décision  de  saint  Paul,  il  est  naturel  de 
penser  qu'il  n'a  interdit  à  un   chrétien  les 
fonctions    de  la    magistrature,    que    relati- 
vement aux  circonstances  dans  lesquelles  on 
se  trouvait  pour  lors  ;  qu'il  n'a  envisagé  dans 
les  magistrats  que  la  nécessité  de  condamner 
et  de  punir  des  hommes /JOM/- cflMse  de  reli- 
gion. De  idoloL,  c.  17,  p.  96.    C'est  le   but 
général  de  tout  son  traité  sur  V  Idolâtrie;  et  si 
on   l'entend   autrement,  ce    qu'il  dit   de  la 
fonction  de  condamner  et  de  punir  n'y  aura 
plus  aucun  rapport.  11  en  est  de  même  de  ce 
qu'il  ajoute  au  sujet  des  marques   de  dignité 
et  des  ornements  attachés  aux  charges  ;  ces 
ornements  étaient  pour  lors  une  marque  de 
paganisme,  puisque,  dans  ce  temps-là,    on 
n'aurait  pas  soulïert  dans  une  charge  quel- 
conque un  chrétien  connu  pour  tel.  Il  y  a  de 
l'injustice   ii  supposer  que  Tertullien    con- 
damne absolument  et  en  général   tout  juge- 
ment,  toute  sentence,   toute  condamnation, 
toute  marque  de  dignité  pendant  que  tout  ce 
qu'il  dit    d'ailleurs  se   rapporte  évidemment 
aux  circonstances.  Il  est  fâcheux  que  ]\I.  Ni- 
cole n'y  ait  pas  regardé  de  plus  près,  et  qu'il 
ait  autorisé  Itarbeyrac  à  condamner  Tertul- 
lien,   Essais  de  morale,  t.  II,  1'"  partie,  c.  4. 
]\Iais  ce  n'est  pas  ici  la  seule  occasion  dans 
laquelle  on  a  censuré  mal  îi  propos  les  Pères 
de  l'Eglise. 

Les  lois  seraient  inutiles,  s'il  n'y  avait  pas 
des  magistrats  pour  les  exécuter  ;  la  société 
ne  subsisterait  plus,  si  les  méchants  pouvaient 
la  troubler  impunément.  Comment  Jésus- 
Chiist  aurait-il  voulu  la  détruire,  lui  dont  la 
doctrine  a  éclairé  tous  les  législateurs,  a  con- 
sacré tous  les  liens  de  société,  a  introduit  la 
civilisation  chez  les  barbares,  a  rendu  ]:)lus 
sages  et  plus  heureuses  toutes  les  nations 
j)OJicées  V  L'entêtement  de  quelques  héréti- 
ques ne  prouve  rien  ;  ils  n'ont  cherché  à 
lendre  les  lonctions  de  la  mo^î's^raiftre  odieuses 
qu'alin  de  se  soustraire  à  son  autorité,  après 
avoir  secoué  le  joug  de  celle  de  l'Eglise. 
D'autres  ont  donné  dans  l'excès  opposé,  en 
attribuant  aux  magistrats  le  droit  de  pnmon- 
cer  sur  les  questions  de  théologie,  et  de  dé- 
cider quelle  religion  l'on  doit  suivre.  C'est 
ce  qu'ont  lait  les  protestants,  partout  oià  ils 
ont  été  les  maîtres  ;  c'est  par  les  arrêts  des 
magistrats  que  le  catholicisme  a  été  pros- 
crit, et  la  prétendue  réforme  introduite  :  les 
écrivains  de  ce  parti  ont  été  forcés  d'en  con- 
venir. Mais  ce  n'est  pas  aux  juges  séculiers 
(jue  Jésus-Christ  a  donné  mission  pour  prê- 
cher son  Evangile,  pour  eu  expliquer  le  sens, 
pour  a])prendre  aux  tidèles  ce  qu'ils  doivent 
croire  ;  il  a  prédit  au  contraire  à  ses  apôtres 
(pi'ds  seraient  condamnés  par  les  tribunaux, 
maltraités  et  persécutés  par  les  magistrats, 
counneiiraétélui-môme(itfa«/i.x,17,18,etc.). 
Mais  telle  a  été  la  contradiction  et  l'arti- 
fice des  hérétiques  de  tous  les  siècles  ; 
lorsqu'ils  ont  espéré  la  faveur  des  magistrats, 
ils  leur  ont  attribué  une  autorité  pleine  et 
entière  de  décider  de  la  religion  ;  lors(iu'ils 
ont  vu  (pie  cette  autorité  ne  leur  était  ]-)as 
favorable,  ils  ont  tûché  de  l'anéantir  et  de  la 


saper  par  le  fondement.  Ce  manège  a  été  re- 
nouvelé tant  de  fois,  qu'il  ne  peut  plus  en 
imposer  à  personne. 

Jésus-Christ  a  placé  lui-même  la  borne  qui 
sépare  les  deux  puissances,  en  disant  :  Ren- 
dez à  Ce'sar  ce  qui  est  à  César,  et  à  Dieu  ce  qui 
appartient  à  Dieu  ;  ni  l'une  ni  l'autre  no 
])euvent  rien  gagner  à  la  franchir 

*  Magnétisme.  Dans  notre  Dictionnaire  de  Théolo- 
gie nior.ile,  nous  avons  donné  une  idée  du  magné- 
limie,  tant  sous  le  rapport  doctrinal  que  sous  le  rap- 
port pratique.  Nous  nous  contenterons  de  rapporter 
ici  un  fragment  d'un  rapport  de  M.  L.-F.  Cuérin  , 
sur  un  ouvrage  de  M.  l'abbé  Loubert,  ouvrage  qui  a 
jeté  du  jour  sur  la  question  : 

<  L'homme,  dit  M.  l'abbé  Loubert,  en  dirigeant 
sur  son  semblable  le  fluide  éleclro-iierveux,  autrefois 
appelé  esprits  animaux,  détermine  clie?,  celui  oui  est 
soumis  il  cette  action  une  sëcréiion  plus  abondante 
des  esprits  animaux ,  une  disposition  spéciale  du 
fluide  électro-nerveux  ,  auparavant  comme  à  l'état 
talent,  et,  par  son  fluide  propre  qu'il  siirajouie,  ce- 
lui qui  agit  peut  exercer  une  attraclion  physique 
comparable  à  l'action  de  l'aimant  sur  le  fer  doux. 
Ces  premiers  phénomènes,  abstraction  faite  des  au- 
tres, ont  fait  donner  au  principe  de  cette  action  de 
l'homme  sur  son  semblable  le  nom  de  niagnclisme 
animal,  l'homme  appartenant,  par  certain  côte,  au 
règne  animal.  Mais  l'homme,  cette  intelligence  unie 
à  des  organes,  ununa  ratioiiuHs  et  caro  unus  esl  liomo, 
formant  aussi  un  règne  spécial,  à  part,  ce  principe 
de  l'action  magnétique ,  chez  l'homme ,  a  encore  été 
nommé  ,  d'une  manière  plus  philosophique  et  plus 
chrétienne,  magnétisme  humain,  non  parce  qu'il  ne 
peut  être  dirigé  que  sur  l'homme  ,  mais  parce  qu'il 
est  en  Vliomme  et  qu'il  vient  de  Vhomme.  » 

Après  avoir  délini  le  uiagnéiisine  ,  M.  Loubert 
passe  à  une  question  dont  la  solution  est  purement 
historique;  c'est-h-dire  que  l'étude  historique,  at- 
tentive, exacte,  impartiale,  est  loin  de  nous  montrer 
Mesmer  comme  un  jongleur  et  un  charlatan.  Nous 
passons  rapidement  sur  ces  chapitres  pour  repré- 
senter la  quintessence  d'autres  plus  importants. 

€  Si  les  ennemis  du  magnétisme  aliirment  que  le 
magnétisme  est  esseniiellemeni  mauvais,  hostile  à  la 
loi  et  aux  mœurs  ;  qu'il  n'y  a  pas  de  proportions  en- 
tre les  causes  connues  et  les  effets;  de  nombreux 
défenseurs  intelligents  du  magnétisme,  d'après  les 
faits  et  les  théories  généralement  uvoiiés ,  assurent 
que  ceUe  science  ,  que  cet  art ,  comme  toutes  les 
choses  humaines ,  n'est  qu'accidentellement  nuisi- 
ble, et  que,  bien  comprise,  sa  doctrine  est  amie  de 
la  foi  et  de  la  moralité  publique  et  privée.  Ils  afflr- 
nient  en  ouire  ([ue  l'étude  physiologique  et  psycho- 
logique de  l'homme  fournit  des  données  suffisantes 
pour  expliquer  la  causalilé  des  faits  aussi  bien  (ou 
aussi  mal  )  que  nous  le  faisons  dans  les  autres  (jues- 
tioiis  débattues  ici-bas.  Les  magnétiseurs  les  plus 
éclairés,  les  plus  moraux  ,  les  plus  chrétiens,  ne  se 
constituent  les  défenseurs  et  les  propagateurs  que  du 
magiiéiisme  psycho-physiologique  naturel,  éclairé 
par  un  spiritualisme  modéré  et  franchement  or- 
thodoxe. En  plus  grand  nombre  que  les  autres  ma- 
gnétiseurs ,  ce  n'est  que  ce  magnétisme  naturel 
qu'ils  conseillent,  qu'ils  approuvent  et  qu'ils  tolèrent 
tout  à  fois  ;  ce  n'est  que  par  ce  magnétisme  qu'ils 
réclament  des  franchises  et  des  libertés  intelli- 
gentes et  réglées.  Ils  tolèrent  seulement ,  et  à 
cause  du  silence  de  l'Eglise,  et  à  cause  de  la  bonne 
foi  d'un  grand  nombre  de  personnes  sérieusenicnl 
chrétiennes  ,  le  genre  spécial  de  magnétisme  dont 
les  miignélisettrs  spiritualistes  exagérés  prennent  la 
doléiisc.  Mais  ils  baissent ,  ils  délestent ,  il  abho- 
roiil,  ils  repoussent  le  magnétisme  évidemment  ma- 
giipie  et  diabolique.  Ils  se  réjouissent  même,  jus<|u'à 
un  certain  point,  que  plusieurs  ne  croient  pas  à  cette 


473 


MAG 


MâG 


474 


puissance  inagnélico-maguiuc  et  iliiiboliqiio  :  l'im- 
piélé  et  riininorulité  des  dieux  de  ré|K)i|iio  ;ictiielie 
iiiultiplieiaient  tiop  les  avides  et  iiondireiix  initiés. 
Les  sages  partisans  du  magnétisme  et  du  sninnani- 
bulismi!  ont  donc  déjà  des  raisons  assez  l'orles  pour 
se  Ibrnier  nue  conscience  pratiquement  certaine  siii' 
la  bonté  et  la  moralité  de  leur  science  et  de  le\nart 
comparés  à  un  autre  genre  de  magnétisme,  illusoire, 
dangereux,  on  même  positivement  mauvais  et  con- 
damnable. > 

Voilà,  selon  nous,  de  la  francliise  :  on  ne  peut  po- 
ser plus  clairement  et  plus  nettement  les  (piestions. 
Mais  aux  |)rineipes  réllexes  ([ne  l'auteur  expose  et 
qu'il  tire  du  témoignage  des  bonimes  ,  utteniivenient 
examinf,  viennent  encore  se  joindre  pour  le  plus 
grand  nombre  des  amis  du  magnélisme,  ces  Ininié- 
res  que  t'exi}ciience  seule  donne  ,  celte  conviction 
queVhabitude  seule  alleiinit.  Oeux  qui  les  condiat- 
lent,  que  peuvent-ils  opposiM?  Uien  de  tout  cela. 
Ils  se  livrent  à  perte  de  vue  et  a  priori,  à  une  soif 
mnladivc  de  causalité  qui  n'est,  sur  aucune  (piestion, 
salisl'aile  comme  ils  le  vomiraient  ici,  et  (pii  engen- 
drerait le  plus  absolu  et  le  plus  déses|iérant  scepti- 
cisme,si  I  on  l'applicpiait  à  n'inqiorle  (pielle  science. 
Ils  nous  leraient  douter  (jne  nous  puissi(uis  mouvoir 
le  bras,  parce  que  nous  iiiiiorons  ubsvtuiiicnl  le  coiii- 
meiil .'...  Ils  s'obstinent  à  ne  pas  vouloir  comprendre 
que,  la  question  étant  a  la  l'ois  pliysiologi(pie  et  psy- 
chologicpie,  il  ne  sullit  pas  d'être  tli<!'ologien  pour  la 
saisir  sous  toutes  ses  laces,  et  pour  la  résoudre  dé- 
linilivement  et  complétCinent.  ISous  pensons  que  l'es- 
timable auteur  a  parlaitenuMil  raison  ici  ;  et  nous 
approuvons  complélemenl  ce  (juil  ajoute  au  sujet 
des  antagonistes  du  magnétisme  Imjuain.  Us  nous 
sont,  en  outre  ,  dit-il,  légilinienicnt  suspects ,  parce 
(pi'ils  ont  toujours  dressé  des  cousnllations  igno- 
rantes d  s  premiers  éléments  du  procès  en  litige,  et 
qu'aussitôt  ([u'une  réponse  leur  est  arrivée  dcKonie, 
sans  égard  pour  riiomieur  du  saint-siége,  sans  tenir 
compte  des  paroles  condilionnelles,  proul  expoiiilur, 
ils  ont  fausse  la  conscience  des  lidèles  en  criant  par- 
tout et  bien  liant  :  Le  magné  tismeestdélinitivemen  tel 
absolument  condamné.  Mais  la  réponse  du  cardinal 
Castracane  à  Mgr  Gousset  est  venue  l'aire  jaillir  la 
lumière  dans  les  ténèbres  aux  yeux  des  plus  obsti- 
nés. M.  l'abbé  Loubert  n'énonce  pas  seulement  ceci  : 
il  le  prouve,  et  voici  les  points  auxquels  nous  pou- 
vons réduire  son  argnmenlation  ,  et  qu'il  croit  pou- 
voir rappeler  avec  indépendance  et  liberté  aux  pas- 
leurs  et  aux  (idcles  : 

i  1"  Home  ne  s'est  prononcée  que  sur  des  cas  par- 
ticuliers, et  n'a  pas  entendu  juger  le  magnétisme  en 
lui-même,  ni  prononcer  sur  son  opposition  à  la  loi  et 
aux  mœurs  ;  2°  Mgr  Bouvier,  évéque  du  Mans,  dit 
qu'i/  noserail  pas  loudmiiiter,  par  conséquent  qu'on 
peut  tolérer  ;  5°  Mgr  Gousset,  archevêque  de  Reims, 
affirme  nonseulemenl  qu'im  confesseur  peut ,  mais 
qu'un  confe-.sfur  doit  tolérer  ;  4°  Mgr  Gousset  a  ob- 
servé des  fails  par  lui-incme;  5°  plusieurs  archevê- 
ques ,  évèques  ,  supérieurs  de  communautés  ,  plu- 
sieurs piètres,  plusieurs  confesseurs,  ont  conseillé  ou 
approuvé  ,  ou  toléré  l'usage  du  ma^^nètisme,  et  ac- 
cordé 1  absolution  à  ceux  (|ui  s'en  occupaient;  6"  plu- 
sieurs prêtres  ou  ecclésiastiques  s'en  sont  occupés 
plus  spécialement  et  i>lus  directement  en  assistant  à 
des  expériences,  on  en  en  faisant  eux-mêmes,  ou  en 
consultant  des  somnambules  pour  eux  ou  pourd'au- 
t4'es personnes  malades,  en  se  soumettant  eux-mêmes 
ii  la  magnétisation,  etc.  i 

De  tous  ces  faits,  —  et  considérant  encore,  et  par- 
dessus tout,  quoi  qu'il  <n  soit  au  (oud  du  magnétisme, 
qu'un  confesseur  n'a  pas  le  droit,  dans  les  inalieres 
controversées  ,  d'imposer  smi  opinion  particulière  à 
son  pénitent  ;  que  son  devoir  est  de  lui  donner  I  ab- 
solution, alors  même  ([uo,  dans  les  clioscs  libres  et 
débattues,  It^  péniteni  ne  vcnl  pas  se  conforiuer  ae 
jugement  de  son  confesseur  et  prendre  l'opinion  ciuv 


parait  à  ce  dernier  plus  piobable  et  plus  sftre  ; — M. 
rabbèLoubi'rl  conclut  à /'ofc/iyft/ioii  pour  le  confesseur, 
et  cela  sub  qmri,  sous  peine  de  faute  grave,  de  tolérer 
l'usage  du  magnélisme,  et  au  dr.iit  rigoureux  et  strict 
pour  le  péniteni  de  ré<lanier  et  d'oblenir  l'absolution 
([ni  lui  e^t  due,  posées  de  part  et  d'antre  les  condi- 
tions elablii's,  dans  un  antre  endroit  de  son  ouvrage, 
piiur('vitrr  à  tous  rillusi(m  ou   la  mauvaise  volonté. 

I  Si  nous  soiiimes  assiv.  beiireiix,  dit  M.  Loubert, 

pour  coiic il-,  seuleirtent  en  (pieUpie  chose,  par  ce 

travail  plus  inqiarlait  encore  (pie  le  premier,  à  ob- 
tenir ci'  qiK-  nous  demandons  en  Unissant,  une  tolé- 
rance i'iU'liufente  <l  cliuritabli-,  nous  aurons  servi  suf- 
lisamment  la  cause  de  la  reiigiiui  ,  celle  du  clergé, 
des  lideles  et  de  la  science.  La  rel  gion  verra  s'éten- 
dre d'autant  plus  ses  paciliqni's  conipièles  ,  qu'elle 
î.|)parailra,  comme  elle  est ,  seule  amie  de.  la  vérité, 
de  la  science  et  de  la  liberté  vérilable.  Le  clergé  ré- 
clameia  pins  eflicacemenl  sa  part  li'gilime  d'action 
dans  le  moiivenient  providenliel  du  progrès  et  des 
lumières,  s'il  montre  qu'il  saisit  en  maître  les  har- 
monies sublimes  de  la  vérité  reli  lieuse  et  de  la  vérité 
scientilique.  Les  lidèles  seront  plus  sûrement  prému- 
nis contre  l'erreur,  le  charlalanisme,  l'immoralité  et 
la  superstition,  s'ils  retrouvent  les  guides  éclairés  et 
purs  qui  les  comluisent  et  les  dirigent  dans  ces  voies 
niystériensesoi'iils  entrent  souvent  tèlebaissée,  parce 
(prune  parole  trop  liumaineinent  légère  est  sortie  de 
lèvres  sacrées  et  a  couipromis  la  dignité  de  sa  puis- 
sance tulélaiie  ,  la  sagesse  el  la  prudence  de  sa  pa- 
ternelle aulorilé,  en  disant  :  Tout  n'est  qu'illusion, 
jonglerie,  séduction  dangereuse,  superstition  coupa- 
ble, maïKcnvrcs  illicites  et  condamnée-i.  Montrer  le 
mal  où  il  n'est  pas,  c'est  ne  pas  le  faire  voir  où  il  est; 
le  montrer  partout  et  toujours,  c'est  expo-.er  à  ne  le 
faire  soupçonner  nulle  pari  et  jamais.  On  m'a  assuré 
que  tout  Cit  fau.r  et  criminel  dans  le  ma jnéiisine,  dit 
le  lidele;  mais  j'ai  vu  de  mes  ijeii.t  et  Itiuclié  de  mes 
mains  qielijue  clioae  d'innocen'  et  de  réel.  Là-dessui, 
comme  sur  tout  le  r  ste  ,  un  s'est  trompé  ,  on  vi'a 
trompé.  Et  la  conclusion  lui  est  funeste,  parce  ipi'elle 
est  trop  absolue,  trop  générale.  Un  excès  amène  un 
antre  excès.  L'ennenii  de  Dieu  et  des  hommes  est 
l'insligaleur  prin'i;ial  el  l'ami  de  tous  les  excès,  i 

Notre  auleur  ajoute  :  «  La  science  enfin,  si  ce  tra- 
vail oblient  son  moilesle  but  ,  trouvera  des  esprits 
éclairés  par  la  foi,  des  cœurs  viviliés  par  la  charité, 
des  volontés  fortifiées  (lar  les  vertus  chrétiennes  ;  et 
les  ténèbres  épaisses  des  théories  de  rimpiété  ter- 
restre et  grossière  se  dissiperont  à  l'instant  connue 
les  vapeurs  infectes  cl  malsaines  des  marais  fangeux 
chassées  par  les  rayons  bienfaisants  delaliimiére  du 
ciel.  El  l'empirisme  égoisle  ou  imprudent,  la  spécu- 
lation basse,  dévorée  de  la  soif  de  l'or,  fera  place  à 
l'observation  giùiéreuse  et  mesurée  ,  plus  soucieuse 
de  la  dignité  de  l'homme  el  du  chrétien,  de  sa  santé 
et  de  sa  vie,  que  d'un  métal  tpii  dégrade  ,  ou  d'une 
philanlliropie  qui  n'est  qu'un  prétexte  pour  se  passer 
de  Dieu,  de  son  Eglise  el  des  dons  de  sa  grâce.  Et  la 
faiblesse  des  volontés  humaines  el  les  chutes  et  les 
souillures  d'une  moralité  suspecte,  énervée  par  l'a- 
mour-proprc  et  par  son  isolement  de  la  vertu  d'en 
haut,  céderont  l'empire  à  la  modestie  céleste  qui 
s'elTraie  de  l'apparence  du  mal ,  qui  l'évite  avec  sol- 
licitude ,  qui  sait  courageusement  [itir  une  lutte  où 
vouloir  combatlie,  c'est  être  déjà  vaincu  ;  qui  sait 
cependant  accepter  sans  hésitation  et  sans  craiiile 
CCS  dangers  où  le  devoir  nous  appelle,  où  la  charité 
nous  demande ,  où  la  grâce  d'elat  nous  attend,  où 
Dieu  nous  veut,  nous  assiste  cl  nousforlifie,  nous  en- 
richit de  la  sainteté  de  ses  dons  et  les  couronne  eu 
nous....  Mais  que  nous  ayons  contribué  ou  non  à 
(piebpie  chose  de  tout  cela  ,  nous  olfrirons  toujours 
à  Dieu  et  ii  son  Eglise,  à  Jé.Mis-Christ  et  à  son  vi- 
caire sur  la  terre,  notre  intention  à  bénir  ,  notre 
iruvie  à  cmidamner  ou  à  absoudre,  notre  suuniissiou 
a  accueillir,  à  saiiciilier.  > 


m 


MAG 


M\G 


4*76 


MAGTSIFÎCAT.  Cantique  prononcé  par  la 
sainte  Vierge,  lorsqu'elle  visita  sa  cousine  Eli- 
sabeth [Luc.  1,  46).  L'usage  actuel  de  l'Eglise 
est  de  le  chanter  ou  de  le  réciter  tous  les 
jours  à  Vôpres. 

Bingham  pense,  comme  le  Père  Mabillon, 
que  cet  usage  n  a  commencé  dans  l'Eglise 
latine  que  vers  l'an  506,  parce  que  c'est  dans 
ce  temps-là  que  saint  Césaire ,  évoque 
d'Arles,  et  Aurélion,  son  successeur,  dres- 
sant une  règle  monastique  ,  prescrivirent 
aux  moines  de  chanter  ce  cantique  et  le 
Gloria  in  excchis,  dans  l'oftice  du  malin 
{Orig.  ecclés.,  1.  ïiv,  c.  2,  §  2  et  7).  Mais  lîin- 
gham  observe  lui-même  que  l'usage  de  chan- 
ter le  Gloria  in  excehis  est  beaucouji  plus 
ancien  que  ces  deux  évoques,  et  qLi'il  re- 
monte aux  premiers  siècles  de  l'Eglise. Puis- 
que la  règle  de  saint  Césaire  et  d'Aurélicn 
ne  prouve  pas  que  le  cantique  Gloria  n'ait 
)>as  été  déjà  chanté  avant  eux,  il  en  peut 
être  de  môme  du  Magnificat.  Il  serait  éton- 
nant que  ce  raniique  si  suiilimo  et  si  édi- 
tant, tiré  de  l'Ecriture  sainte,  et  inspiré  par 
le  Saint-Esprit,  eût  été  négligé  pendant  qno 
l'on  chantait  le  Gloria  in  excelsis ,  duquel 
l'auteur  est  inconnu.  Voy.  Doxologie. 

Nous  faisons  ctte  remarque,  ahn  de  mon- 
trer qu'en  fait  d'antiquités,  soit  ecclésiasti- 
ques, soit  profanes,  il  y  a  du  danger  à  s'en 
tenir  aux  preuves  négatives ,  à  conclure 
qu'une  chose  n'a  commencé  que  dans  tel 
temps,  parce  qu'avant  cette  époque  oli  n'en 
voit  point  de  ]ireuves  positives.  C'est  un  ar- 
gument très-faible  et  trop  souvent  répété 
par  les  critiqu  s  protestants.  Au  sujet  du 
Magnificat,  il  y  a  du  moins  une  preuve  gé- 
nérale ;  c'est  l'invitation  que  fait  saint  Paul 
aux  fidèles  de  s'exciter  mutuellement  à  la 
piété  par  des  hymnes  et  des  cantiques  spiri- 
tuels {E^h.,\,  1;  Col.,  m,  16).  Saint  Ignace, 
qui  a  suivi  de  près  les  apôtres,  en  établit  l'u- 
sage dans  l'Eglise  d'Antioche.  Socrate,  Ilist. 
eccL,  1.  XI,  c.  8.  11  est  à  présumer  que  l'on 
clianta  jvir  préférence  ceux  que  l'on  trouvait 
dans  l'Ecriture  sainte,  )misque  l'on  chantait 
les  psaumes  ;  or  le  Magnificat  est  de  ce  nom- 
bre ;  à  tous  égards  il  devait  être  préféré  à  ceux 
do  l'Ancien  Testament.  Voy.  Canîiquè. 

MAHOMÉTIS.VIE.  Système  de  religion  qui 
a  pour  auteur  jMahomet ,  imposteur  arabe, 
né  vers  l'an  570,  mort  en  63£.  Quoique  la 
connaissance  des  favisses  leligions  fasse  \mv- 
tie  de  l'histoire  plutôt  que  de  la  théologie, 
on  a  droit  d'exiger  de  nous  une  notion  du 
mahortiétisme.  Les  incrédules  de  notre  siècle, 
pour  dépriuier  là  vraie  religion,  se  soïit  at- 
tachés à  justilier  les  fausses:  plusieurs  ont 
tenté  de  faire  Typologie  de  Mahomet  et  de 
ses  rôverii's;  ils  ont  prétendu  que  sa  religion, 
tout  absurde  qu'elle  paraît,  est  néanuioins 
fondée  stir  le  même  genre  de  preuves  que 
la  nôtre  ;  qu'un  mahométan  raisonne  aussi 
sensément  qu'un  chrétien,  lorsqu'il  croit  sa 
feligion  divine,  et  traite  d'infidèles  ceux  qui 
ne  pensent  pas  comme  lui.  Quelques-uns 
ont  poussé  l'entêtement  jusqu'à  soutenir  que 
ie  mahométismc  est  une  religion  moins  im- 
pure que   le   christianisme.  Nous  sommes 


donc   obligés  d'examiner  les  caractères  de 
mission  divine  dont  TiJahomet  a  ]>u  paraître 
revêtu,  et  si  la  leligion  qu'il  a  établie  porte 
quehjues  marques  de  vérité.   Le  livre  qui  la 
renferme  est  nommé   Àlcoran,  le  livre  jiar 
excellence  ;  il  est  attribué  à  Mahomet  ;  c'est 
la  règle  de  foi  de   ses   sectateurs,  et  ils  on 
adorent  pour  ainsi  dire  toutes  les  paroles. 
C'est  dan^  cette  source  même  que  nous  exa- 
minerons les  caractères   personnels  du  lé- 
gislateur de  l'Arabie,  la  doctrine  qu'il  a  en- 
seignée, les  moyens  dont  il  s'est  servi  pour 
l'établir  ,  les  effets  qu'elle  a  produits.  Nous 
rougissons  d'être  réduits  à  mettre  le  christia- 
nisme en  parallèle  avec  une  religion  aussi 
absurde  ;  mais  nous  ne  devons  rien  négli- 
ger pour  mettre  dans  tout  son  jour  l'aveu- 
glement et  la   méchanceté    des   incrédules. 
Prideaus,  dans  la  Vie  de  Mahomet;  Maraeci, 
dans  sa  réfutation  de  l'Alcoran,  et  d'autres. 
ont  déjà  fait  cette  comparaison  ;  mais  nous 
sommés  forcés   de   l'abréger   et  de  perdre 
ainsi  une  partie  de  nos  avantages. 

Un  de  nos  philosophes,  qui  a  pris  le  ton  de 
législateur  dans  les  choses  qu'il  entendait  le 
moins,  a  décidé  que  l'on  ne  doit  pas  dire 
VAlcoran,  mais  le  Coran;  et  la  plupart  de 
nos  littérateurs  ont  humblement  adopté  cette 
correction.  Par  la  même  raison  il  ne  nous  se- 
ra plus  permis  de  dire,  fl/n/n6(f,(T?carfe,  a/cn/î, 
alchimie,  algèbre,  almanach,  etc.;  tous  ces 
termes,  empruntés  des  Araljcs,  portent  l'ar- 
ticle avec  eux.  Nous  ne  faisons  cette  remar- 
que que.pour  démontrerl'ineptied'un  person- 
nage auquel  on  prodigue  très-mal  à  propos 
le  titre  de  grand  homme. 

l.  On  prétentl  d'abord  que  Mahomet  était 
né  dans  une  df  s  plus  anciennes  tribus  ara- 
bes, que  sa  fîimilley  avait  tenu  de  tout  temps 
un  rang  distingué ,  qu'elio  était  chargée  cie 
la  garde  et  de  l'inspeetibn  du  temple  de  la 
Mecque,  édifice  également  respecté  par  les 
chrétiens,  par  les  juifs  et  par  les  idolâtres, 
en  mémoire  d'Abraham,  ou  plutôt  d'Ismaël, 
son  fils  ;  que  Mahomet  avait  donc  plus  qu'un 
autre  le  dtroit  de  s'ériger  en  réformateur  de 
lareli;4ion  des  Arabes.  Quand  tous  ces  faits 
seraient  vrais,  la  conséquence  serait  encore 
nulle.  La  réforme  de  la  religion,  à  plus  forte 
raison  l'établissement  d'une  religion  nou- 
velle, n'est  pas  un  droit  de  f  imille  ;  il  faut, 
pour  cela,  une  mission  du  ciel:  or,  Mahomet 
n'en  avait  point.  11  s'ensuit  seulement  de  sa 
naissance,  que  les  Arabes  étaient  disposés  à 
l'écouter  plutôt  qu'un  autre,  et  qu'il  avait 
plus  d'avantage  qu'un  autre  pour  leur  en 
inij/oser.  Durant  quinze  ans,  il  s'enferma 
tous  les  ans  pendant  un  mois  dans  une  ca- 
verne du  mont  Héra,  pour  disposer  ainsi  les 
Arabes  à  croire  à  sa  mission;  il  ne  s'annonça 
d'aljord  que  comme  envoyé  pour  rétablir 
l'ancienne  religion  d'Abraham,  d'Ismaël,  de 
Jésus  et  des  prophètes.  En  cela,  il  trompa 
déjà  ses  compatriotes  ;  la  religion  iju'il  a  éta- 
blie n'est  ni  celle  d'Abraham,  ni  celle  des 
Juifs,  ses  descendants,  ni  celle  de  Jésus  ; 
elle  ne  ressemble  à  aucune  des  trois. 
Mém.  des  Inscr.,  t.  LVIII,  in-1-2,  p.  277,  279; 
L'ignorance  de  Mahomet  n'est  pas  un  fait 


477  MAH 

douteux;  u  se  noniTnait  \m-même1c prophète 
non-hltré;  et  quand  il  ne  l'aurait  pas  avoué, 
sou  livre  en  fait  foi.  Il  est  renijili  ilc  fables, 
d'absurdités  ,  de  fautes  grossières  en  fait 
d'histoire,  de  physique,  de  géograpliie  et  do 
clironologie.  C'est  un  composé  bizarre  des 
rôverics  du  Taimud,  dô  contes  tirés  des  li- 
vres ajiocryphes  qui  avaient  cours  dans  l'O- 
rient, et  de  quelques  tradilions  arabes,  ila- 
lioniet  mit  ensemble  ce  qu'il  avait  ouï  dire  à 
des  Juifs,  à  des  hérétiques  ariens,  nesloriens, 
outychiens,  et  à  ses  compatriotes.  Il  savait 
bien  que  ceux-ci  n'étaient  pas  assez  iusu-uits 
pour  le  contredire. Convaincu  que  leur  igno- 
rance lui  était  ab^i'lument  uécessaiie  pour 
réussir,  il  di'fondit  h  ses  sectateurs  l'étuda 
des  lettres  et  de  la  pliilosoiiliie  ;  c'est  un  fait 
avoué  par  les  musulmans.  Brucker ,  Zj^/a^ 
philos.,  t.  III,  p.  15.  Cette  défense  fut  exacte- 
ment exécutée  parmi  eux  pendant  plus  d'un 
siècle,  ihid.,  p.  21  ;  et  c'est  en  conséquence 
de  cette  bti  funeste  que  les  califes  firent 
brûler  la  rirhe  biblintlièque  d'Alexandrie  et 
toutes  cellesqui  tombèrent  entreleurs  mains. 
Aujourd'hui  encore  les  mahomélaus  détes- 
tent l'imprimerie. 

Les  ennemis  du  christianisme  peuvent-ils 
le  couvrir  d'un  pareil  opprobre?  Vainement 
ils  disent  que  Jésus-Christ  lui-môme  n'avait 
fait  aucune  étude,  qu'il  a  choisi  des  igno- 
rants jiour  ses  apôtres ,  que  saint  Paul  a  dé- 
crédité la  philosophie.  Jésus-Christ,  éclairé 
d'une  lumière  divine,  savait  les  lettres  sans 
les  avoir  amirises  (Jean,  vu,  13).  Souvent  il  a 
confondu  tes  docteurs  Juifs.  Il  avait  promis 
le  Saint-Esprit  à  Ses  aiiôtres,  et  il  le  leur  a 
dotiné  en  etfet  ;  ils  ont  prêché  l'Evangile 
dans  le  siècle  le  plus  éclairé  qui  fu' jamais, 
sous  les  yeux  des  sages  d'Athènes  et  de  Ho- 
me ,  et  en  ont  converti  plusieurs.  Jusqu'à 
présent  les  incrédules  n'ont  pas  réussi  à 
montrer  des  erreurs  dans  leurs  écrits.  Saint 
Paul  n'a  décrédité  que  la  fausse  philosophie 
qui  égarait  les  hommes,  connue  elle  aveuglo 
encore  les  incrédules.  Partout  où  le  christia- 
nisme s'est  établi,  il  a  banni  la  barbarie,  et 
les  lettres  ne  sont  encore  aujourd'hui  culti- 
vées que  chez  les  nations  chrétiennes,  l'oy. 
Lettres.  Voilà  des  faits  aussi  inconti'.stables 
que  l'igtiorance  grossière  de  Mahomet  et  do 
ses  sectateurs.  La  (-orruption  de  ses  mœurs 
n'est  pas  moins  prouvée  ;  jamais  homme  n'a 
poussé  plus  loin  la  luxure.  Il  ne  se  contenta 
pas  d'avoir  plusieurs  femmes,  il  s'attribua  le 
privilège  d'enlever  celles  d'aulrui  ;  il  abusa 
do  ses  esclaves,  môme  d'une  petite  fille  de  huit 
ans.  Il  poussa  l'inquidence  jusqu'à  vouloir 
justifier  ces  tur|dtudes  par  une  permission 
f  jrmelle  de  Dieu ,  et  forgea  dans  ce  dessein 
les  chapitres  33  et  36  de  l'Alcoran.  U  ne  res- 
pecta ni  rage,  ni  les  degrés  de  parenté,  ni 
ta  décence  publique.  Il  prétendit  qu'il  lui 
était  permis  de  prendre,  sur  les  dépouilles 
des  ennemis,  tout  ce  qu'il  voulait,  avant  le 
partage  ;  d'enlever  encore  jiour  sa  part  le 
cinquième  du  tout  ;  do  commettre  des  meur- 
tres dans  la  ville  de  la  Mecque  ;  do  juger  se- 
lon sa  volonté  ;  de  recevoir  des  présents  de 
tes  clients,  malgré  la  défense  de  la  loi  ;  de 


MAH 


478 


partager  les  terres  d'autrui  ,  môme  âvnnt 
qu'd  s'en  fût  rendu  maître;  parce  que  Dieu 
lui  avait  donné,  disait-il,  la  possession  Je 
toute  la  terre.  Gagnier,  F»>  de  Mahomet,  tom. 
II,  pag.  323,  382,  38V,  etc.  Il  ajouta  encore 
pour  ses  sectateurs  le  piivilége  de  fousser 
leurs  serments,  parce  qu'il  était  lui-môme 
coupable  de  ce  crime.  Après  avoir  défendu 
la  fornication  dans  l'Alcoran  ,  il  s'y  livra,  et 
fiirgea  le  OG'  chapitre,  pour  persuader  que 
Dieu  le  lui  avait  permis  [lar  mie  révélation. 
Notes  de  Mnracci  sur  ce.chapitre.  Pour  ])eu 
que  l'on  ait  lu  sou  histoire,  et  (jue  l'on  ait 
consulté  son  livre  ,  ou  voit  que  cet  homme 
était  naturellement  rusé,  fourbe,  hypocrite, 
perlitle,  vindicatif,  ambitieux,  violent  ;  qu'un 
crime  ne  lui  coûtait  rien  pour  satisfaire  ses 
])assions.  Ses  sectateurs  mêmes  n'osent  eu 
disconvenir;  la  seule  excuse  qu'ils  donnent 
est  dédire  qu'en  tout.cela  Mahomet  était  in- 
spiré de  Dieu,  comme  si  Dieu  pouvait  inspirer 
des  crimes. 

Jésus-Christ  a  dit.  hardiment  auK  Juifs  : 
Qui  de  vous  me  convaincra  de  péché  [Joan., 
vin,  'i6)  ?  Jamais  en  effet  ils  ne  lui  ont  re- 
proché autre  chose  que  de  faire  de  bonnes 
œuvres  le  jour  du  sabbat,  de  violer  les  tra- 
ditions des  pharisiens,  de  fréquenter  les  pu- 
blicains  et  les  pécheurs,  de  s'attribuer  une 
autorité  divine,  de  se  faire  suivre  par  des 
troupes  de  peujiles;  en  quoi  tout  cela  était-il 
contraire  à  la  loi  de  Dieu  ?  Ils  l'ont  condamné 
à  mort,  non  pour  avoir  commis  des  crimes, 
m  is  pour  avoir  assuré  qu'il  était  le  Fils  de 
Dieu  :  le  juge  romain  lui-môme  attesta  pu- 
bliq  lement  son  innocence.  Dans  le  Taimud 
et  d.uis  les  autres  livres  des  Juifs,  il  n'est 
accusé  de  môme  que  de  s'être  donné  fausse- 
ment pour  le  Messie.  Malgré  la  malignité 
avec  laquelle  les  incrédul  s  de  tous  les  siè- 
cles ont  examiné  ses  discoui  s  et  toutes  ses 
aciions,  ils  n'ont  jamais  rien  pu  trouver  (jui 
fût  véritablement  digne  de  censure.  Ils  ont 
échoué  de  même  à  l'égard  des  leçons  et  de 
la  conduite  des  apôtres  ;  et  (juand  nous  n'au- 
rions point  d'autres  monuments  pour  justi- 
fier les  mœurs  d  s  premiers  chrétiens,  le  té- 
moignage que  Pline  le  Jeune  en  rendit  à 
Trajaii  suftlrait  pour  fermer  la  bouche  à  nos 
adversaires. 

Mais  enlin,  Maliomet  a-t-il  eu  quelques 
signes  d'une  mission  divine? Non-seulement 
il  n'a  point  fait  de  miracles,  mais  il  a  déclaré 
formellement  qu'il  n'était  jias  venu  pour  en 
faire.  Lorsque  les  habitants  de  la  Mecque  lui 
en  demandèrent  pour  preuve  de  sa  mission, 
il  répondit  que  la  foi  est  un  don  de  Dieu,  et 
que  les  miracles  ne  persuadent  point  par 
eux-mêmes;  que  Moise  et  Jésus-Christ 
avaient  fait  assez  de  miracles  pour  conver- 
tir tous  les  hommes  ;  que  cependant  plu- 
sieurs n'y  avaient  pas  cru  ;  que  les  miracles 
ne  servaient  qu'à  rendre  les  incrédules  plus 
coupables  ;  qu'il  n'était  point  envoyé  pour 
faire  des  miracles,  mais  pour  annoncer  les 
promesses  et  les  menaces  de  la  justice  di- 
vine ;  que  les  miracles  dépendent  de  Dieu 
seul,  et  qu'il  donne  à  qui  lui  plaît  le  pou- 
voir d'en  faire.  11  ne  uouvait   nas   avouer 


479 


MAH 


MAH 


489 


plus  clairement  que  Dieu  ne  lui  avait  pas 
donné  ce  pouvoir.  Mariicci,  Prodrom.,  u' 
part.,  chap.  3.  A  la  vérité,  cela  n'a  pas  em- 
pêché ses  sectateurs  de  lui  en  attribuer  des 
milliers  ;  mais  presque  tous  sont  absurdes  et 
indignes  de  Dieu  ;  ])ersonne  n'a  osé  attes- 
ter qu'il  les  avait  vus,  qu'il  en  était  témoin 
oculaire  ;  ces  prétendus  prodiges  n'ont  été 
forgés  que  longtemps  après  la  mort  de  Ma- 
homet ;  ils  ne  sont  confirmés  par  aucun  mo- 
nument, ne  tiennent  à  aucune  pratique,  à 
aucun  dogme,  à  aucune  loi  du  mahométisme  ; 
les  premiers  propagateurs  de  cette  religion 
ne  les  ont  point  allégués  pour  engager  les 
peuples  h  croire  la  mission  de  leur  législa- 
teur :  ils  ont  dit  :  Croyez,  sinon  vous  serez 
exterminés.  Aujourd'hui  même ,  les  maho- 
métans  un  peu  instruits  désavouent  les  mi- 
racles de  Mahomet,  Mrm.  des  Inscrip.,  lom. 
LVIII,  in-12,  p.  283  ;  ils  ne  citent  en  preuve 
de  sa  mission  que  ses  succès,  qui  leur  pa- 
raissent tenir  du  prodige  :  nous  verrons  ce 
que  l'on  doit  en  penser.  Mais  le  commun 
du  peuple  croit  fermement  tous  les  préten- 
dus miracles  attribués  à  ce  faux  prophète. 

Pour  prouver  les  miracles  de  Jésus-Christ, 
nous  n'alléguons  pas  seulement  le  témoi- 
gnage de  ses  disciples ,  témoins  oculaires 
des  faits,  qui  disent  :  «  Nous  vous  annon- 
çons ce  que  nous  avons  vu, ce  que  nous 
avons  examiné,  ce  que  nous  avons  touché 
de  nos  mains  {Joan.  i,  1);  mais  l'aveu  forcé 
des  Juifs,  des  païens,  des  premiers  héréti- 
ques intéressés  à  les  nier,  de  Celse,  qui  a 
vécu  peu  de  temps  après,  et  qui  fait  pro- 
fession d'avoir  tout  examiné.  Tous  ont  attri- 
bué ces  miracles  à  la  magie:  mais  aucun  n'a 
osé  s'inscrire  en  faux  contre  le  récit  des 
apôtres.  Ces  miracles  tiennent  tellement  à 
notre  religion,  qu'il  n'a  pas  été  possible  de 
l'erubrasser  sans  les  croire.  Le  ])lus  grand  de 
tous ,  la  résurrection  de  Jésus-Christ,  est 
couché  dans  le  symbole  ;  il  est  attesté  par 
un  monument  érigé  par  les  apôtres  mêmes, 
par  la  célébration  du  dimanche.  Aucun  de 
cl's  miracles  n'est  ridicdle  uu  indigne  de 
Dieu  ;  ce  sont  des  œuvres  de  charité,  des 
guérisons  subites,  des  aliments  fournis  à  un 
peuple  entier,  des  résurrections  de  morts, 
le  don  des  langues  accordé  aux  apôtres 
pour  instruire  toutes  les  nations,  etc.  Les 
mêmes  prodiges  ont  continué  dans  l'Eglise 
primitive  pendant  plusieurs  siècles.  Lors- 
que ceux  de  Mahomet  seront  attestés  de  mê- 
me, nous  pourrons  consentir  à  les  croire. 

On  ne  peut  donc  en  imposer  plus  grossiè- 
rement que  l'a  fait  un  incrédule  do  nos  jours, 
lorsqu'il  a  dit  que  les  musulmans  allèguent 
des  miracles  de  leur  prophète  les  mêmes 
preuves  que  nous  donnons  des  miracles  de 
Jésus-Christ.  Ils  croient,  dit-il,  que  l'ange 
Gabriel  appoitait  à  Mahomet  des  feuillets  de 
l'Alcoran  écrits  en  lettres  d'or  sur  du  vélin 
bleu,  parce  que  Abubekre,  Ali,  Aisha,  Omar 
et  Otman,  parents  ou  amis  de  Mahomet,  l'ont 
ainsi  cerldîé  à  cinquante  mille  hommes; 
parce  que  cet  Alcoran  n"a  jamais  été  contre- 
dit par  un  autre  Alcoran,  et  que  ce  livre  n'a 
jamais  été  falsiQé  ;  parce  que  les  dogmes  et 


les  préceptes  qu'il  contient  sont  la  perfec- 
tion de  la  raison,  et  parce  que  Mahomet  est 
venu  h  bout  de  soumettre  à  cette  loi  la  moi- 
tié de  la  terre. 

11  est  faux  d'abord  que  les  Mahométans 
un  peu  instruits  croient  au  prétendu  mira- 
cle de  l'ange  Gabriel  ;  il  est  encore  faux  (^ue 
les  parents  et  amis  de  Mahomet  se  soient 
donnés  pour  témoins  du  fait  et  l'aient  ainsi 
attesté  à  cinquante  mille  hommes.  Puisque 
alcoran  signifie  le  livre,  il  est  faux  que  celui 
de  Mahomet  n'ait  pas  été  contredit  par  d'au- 
tres livres;  et  de  plus  il  se  contredit  lui- 
même.  Puisqu'il  n'a  jamais  été  falsifié,  rien 
n'est  ]jlus  authentique  que  l'aveu  fait  et  ré- 
jiété  par  Mahomet,  qu'il  n'était  pas  envoyé 
pour  faire  des  miracles  :  aucune  preuve  ne 
peut  prévaloir  à  celle-là.  Nous  allons  voir 
que  les  dogmes,  la  morale,  les  lois,  conte- 
nus dans  ce  livre,  ne  sont  rien  moins  que 
raisonnables,  et  que  les  succès  de  son  au- 
teur n'ont  rien  de  merveilleux.  Toutes  les 
prétendues  preuves  de  ses  miracles  sont 
donc  nulles  et  fausses.  Nous  ne  craignons 
jias  que  l'on  renverse  de  même  celles  que 
nous  donnons  des  miracles  de  Jésus-Christ. 

IL  Si  nous  examinons  la  doctrine,  la  mo- 
rale, les  lois  de  Mahomet,  nous  n'y  verrons 
aucune  marque  de  divinité. 

La  profession  de  foi  des  mahométans  se 
réduit  à  treize  articles,  savoir  :  l'existence 
d'un  seul  Dieu  créateur;  la  mission  de  Ma- 
homet et  la  divinité  de  l'Alcoran;  la  provi- 
dence de  Dieu  et  la  prédestination  absolue; 
l'interrogation  du  sépulcre,  ou  le  jugement 
particulier  de  l'homme  après  la  mort  ;  l'a- 
néantissement de  toutes  choses,  même  des 
anges  et  des  hommes,  à  la  fin  du  monde; 
la  résurrection  future  des  anges  et  des  hom- 
mes; le  jugement  universel;  l'intercession 
de  Mahomet  dans  ce  jugement,  et  le  salut 
exclusif  des  seuls  mahométans;  la  compen- 
sation des  torts  et  des  injures  que  les  hom- 
mes se  sont  fails  les  uns  aux  autres;  un 
purgatoire  pour  ceux  dont  les  bonnes  et 
les  mauvaises  actions  se  trouveront  égales 
dans  la  balance;  le  saut  du  pont  aigu,  qui 
conduit  les  justes  au  paradis,  et  précipite 
les  méchants  en  enfer;  les  délices  du  pa- 
radis, que  les  mahométans  font  consister 
principalement  dans  les  voluptés  sensuelles; 
enfin,  11;  feu  éternel  de  l'enfer.  Reland. 
Confession  de  foi  des  mahométans. 

11  est  évident  que  Mahomet  n'est  point 
créateur  de  ces  dogmes.  11  avait  reçu  des 
Juifs  et  des  ariens  celui  de  l'unité  de*  Dieu, 
il  l'entend  comme  eux,  il  nie  que  Jésus- 
Christ  soit  Fils  de  Dieu;  selon  lui,  Dieu  ne 
peut  avoir  un  Fils,  puisqu'il  n'a  point  de 
femme  :  telle  est  sa  théologie.  La  prédesti- 
nation absolue  est  une  erreur  des  Arabes 
idolâtres;  Maliomet  avait  été  idolâtre  lui- 
luême  :  cniogme  détruit  la  liberté  de  l'hom- 
me et  fait  Dieu  auteur  du  péché.  Les  idées 
grossières  du  pont  aigu,  de  la  balance  des 
œuvres,  de  la  compensation  des  torts,  des 
plaisirs  sensuels  du  paradis,  sont  des  ex- 
pressions métaphoriques  d'anciens  écrivains, 
que  Mahomet  a  prises  à  la  lettre.  L'aaéau-^ 


48i 


MAH 


MAIl 


189 


tissement  des  anges  et  des  hommes,  et  leur 
résurrection,  n'est  qu'une  rôverie;  c'est  le 
dogme  de  la  résuirection  future  mal  entendu 
et  mal  rendu  par  un  ignorant.  Il  no  l'aut  pas 
croire  que  ces  points  de  doctrine,  l^ons  ou 
mauvais  soient  claireuicnt  ex|)Osés  dans  l'Al- 
coran;  ils  y  sont  noyés  ilaiis  un  fatras  d'er- 
reurs, de  failles,  de  puérilités  etd'obscénités, 
dont  la  plupart  sont  tirées  du  Talmud  des 
Juifs,  des  évangiles  apocryphes  et  des  his- 
toires romanesques,  ijui,  de  tout  temps,  ont 
été  en  vcigue  tians  l'Orient;  et  tout  musul- 
man est  obligé  de  croire  toutes  ces  absur- 
dités comme  autant  de  révélations  sorties 
immédiatement  de  la  bouche  de  Dieu  môme. 
Lorsque  les  incrédules  (jnt  voulu  faire  en- 
visager le  mahométisme  comme  une  espèce 
de  déisme,  ils  en  ont  imposé  aux  personnes 
peu  instruites;  aucun  déiste  voudrait-il  si- 
gner la  profession  de  foi  d'un  mahométan? 
•M  y  a  de  la  mauvaise  foi  à  ne  présenter  que 
ce  qu'il  y  a  de  moins  révoltant  dans  cette 
religion,  et  de  laisser  de  côté  le  reste, 
couune  si  Mahomet  avait  dispensé  ses  sec- 
tateurs de  le  croire.  11  commence  l'Alcoran 
par  déclarer  que  ce  livre  n'admet  point  do 
doute,  et  qu'une  punition  terrible  attend 
tous  ceux  qui  n'y  croient  pas 

La  morale  de  cet  imposteur  est  encore 
plus  mauvaise  que  ses  dogmes;  elle  prescrit 
avec  la  plus  grande  sévérité  des  rites  et  des 
actions  extérieures,  et  semble  dispenser  ses 
sectateurs  de  tout»s  les  vertus.  Les  puriti- 
cations  ou  ablutions  avant  la  prière,  le  pèle- 
rinage de  la  Mecque,  la  circoncision,  étaient 
des  usages  anciens  dans  l'Arabie;  Mahomet 
les  a  conservés  :  il  y  ajoute  l'obligation  de 
prier  cinq  fois  par  jour,  do  faire  l'aumône  et 
d'observer  le  jeûne  du  ramad.in  qui  est  de 
vingt-neuf  jours.  Quant  aux  vertus  inté- 
rieures, comme  l'amour  de  Dieu  et  du  pro- 
chain ,  la  piété,  la  mortilication  des  sens, 
l'humilité,  la  reconnaissance  envers  Dieu, 
la  confiance  en  sa  bonté,  la  pénitence,  etc., 
il  n'en  est  pas  question  dans  l'Alcoran;  un 
musulman  croit  fermement  que,  sans  l'ob- 
servation scrupuleuse  et  minutieuse  du  cé- 
rémonial, le  cœur  le  plus  pur,  la  foi  la  plus 
sincère,  la  charité  la  plus  ardente,  ne  suf- 
tiraient  pas  pour  le  rendre  agréable  à  Dieu; 
mais  que  le  pèlerinage  de  la  Mecque,  ou 
l'arlion  de  boire  de  l'eau  dans  laquelle  a 
trempé  la  vieille  robe  du  [irophète,  etlaeent 
tous  les  crimes.  Observation  sur  la  religion 
et  les  lois  des  Turcs,  c.  "2. 

Loin  de  faire  aucun  cas  de  la  chasteté, 
Mahomet  permet  tout  ce  qui  lui  est  le  plus 
opposé,  la  polygamie,  le  commerce  des  maî- 
tres avec  leurs  esclaves,  l'impudicité  la  [dus 
grossière  entre  les  maris  et  les  femmes,  la 
liberté  de  faire  divorce  et  de  changer  de 
femmes  autant  de  fois  que  l'on  veut.  Il  n'a 
pourvu,  par  aucune  loi,  au  traitement  des 
esclaves,  et  n'a  point  condanMié  la  coutume 
barbare  de  faire  des  eunuques.  11  permet  la 
vengeance,  la  peine  du  talion,  l'apostasie 
forcée,  le  parjure  en  fait  de  religion;  il  dé- 
cide que  l'idolâtrie  est  le  seul  crime  qui 
puisse  exclure   un   musulman  du  bonheur 


éternel.  Il  a  fallu  que  les  incrédules  abju- 
rasscMit  toute  pudeur,  pour  oser  dire  (juo  le 
mahométisme  est  moins  impur  ipie  le  cliris- 
tiainsme.  Lorsqu'ds  ont  voulu  justifier  la 
polygamie  et  le  divorce,  parce  que  Moïse  les 
a  permis,  ils  devaient  se  souvenir  que  ce 
législateur  y  avait  mis  des  Dornes,  et  que 
Mahomet  n'y  en  a  mis  aucune.  La  loi  juive 
nepermett.nt  point  d'épouser  des  étrangères; 
elle  n'autorisait  le  divorce  que  dans  le  cas 
d'inlidélité  d'une  femme;  elle  n'ajiprouvait 
pas  le  commerce  des  maîtres  avec  leurs  es- 
claves. Les  autres  lois  juives  n'étaient  im- 
posées qu'(\  une  seule  nation  :  la  folie  de 
Mahomet  a  été  de  vouloir  (jue  les  siennes 
fussent  données  à  tous  les  |)euiiles. 

Mais  que  diront  nos  philoso|ihes  tolérants 
ce  la  loi  que  ce  fanatique  inqiose  à  ses  sec- 
tateurs? ((  Combattez  contre  les  infidèles  jus- 
qu'à ce  que  toute  fausse  religion  soit  exter- 
minée; mettez-les  à  mort,  ne  les  épargnez 
point;  et  lorsque  vous  les  au^e^  affaiblis,  à 
force  de  carnage,  réduisez  le  reste  en  escla- 
vage, et  écrasez-les  par  des  tributs  »  [Alco- 
ran,  c.  8,  v.  12  et  39;  c.  9,  v.  30;  c.  47, 
v.  4).  Il  n'est  point  de  loi  plus  sacrée  que 
cclle-lîî  aux  yeux  des  musulmans;  ils  se 
croient  obligés,  en  conscience,  de  détester 
tous  ceux  qu'ils  regardent  comme  inlidèles, 
les  chrétiens,  les  juifs,  les  parsis,  les  In- 
diens; toutes  les  injustices,  les  extorsions, 
les  insultes,  les  avauies,  leur  sont  permises, 
leur  sont  même  commandées  à  cet  égard  : 
c'est  une  des  premièies  leçons  qu'on  leur 
donne  dans  l'enfance;  et  si  I  or  n'avait  pas 
la  vertu  d'apprivoiser  ces  êtres  farouches,  il 
serait  impossible  à  quiconque  n'est  pas  de 
leur  religion  de  demeurer  parmi  eux.  Obser- 
vations sur  la  religion  et  les  lois  des  Turcs, 
cha[).  2,  pag.  li  et  suivantes.  L'on  a  cepen- 
dant osé  écrire  de  nos  jours  et  répétei'  vingt 
fois,  que  les  Turcs  sont  moins  intolérants 
que  les  ciirétiens. 

Ce  serait  faire  injure  à  la  morale  évangé- 
lique  que  de  la  mettre  en  parallèle  avec  un 
code  aussi  abominableque  celuide  Mahomet, 
m.  Comment  donc  a-t-il  |iu  réussir?  par 
quels  moyens  a-t-il  gagné  des  sectateurs? 
C'est  comme  si  l'on  demandait  par  quels 
moyens  un  fanatique  rusé,  fourbe,  violent, 
armé,  a  pu  subjuguer  des  hommes  ignorants 
et  vicieux. 

11  gagna  d'abord  ses  femmes  et  ses  parents 
par  l'ambition,  par  l'espérance  d'acquérir  la 
supériorité  sur  les  autres  tribus  arabes  :  re- 
connaître sa  prétendue  qualité  de  prophète, 
c'était  l'accepter  pour  maître  souverain. 
Forcé  do  fuir  de  la  Mecque,  la  cinquante- 
troisième  année  de  sa  vie,  Mahomet  ne  se 
réfugia  dans  la  ville  de  Médine  qu'après 
avoir  reçu  le  serment  de  soixante-quinze  des 
principaux  habitants,  qui  s'engagèrent  à  le 
défendre,  et  ({ui  lui  tinrent  parole.  Depuis 
ce  moment  jusqu'à  sa  mort,  il  ne  cessa  d'a- 
voir les  armes  a  la  main;  ces  dix  années  ne 
furent  qu'une  suite  de  combats  contre  les 
Arabes  idolâtres  et  contre  les  Juifs,  ou  plu- 
tôt ce  fut  un  brigandage  continuel,  qui  ne 
fit  que  S'augmenter  après  sa  mort.  Ses  suc- 


485 


MAH 


MAH 


484 


■  cessours  oevinrént  souverains  do  l'Arabio, 
sous  le  nom  de  califes;  et  l'on  sait  de  quoi 
les  Arabes  sont  capables,  lorsqu'ils  sont  ex- 
(ittJs  par  l'amour  au  pillige,  toujours  domi- 
nant chez  cette  nation.  Voy.  la  Vie  de  Maho- 
met, par  Maracci,  et  Vnisloire  universelle  des 
Anijlms,  t   XV,  iu-^. 

tours  Tictoires  cessent  de  nous  étonner, 
lorsque  nous  savons  en  quel  état  se  trouvait 
ak):  s  rOrient.  Les  empereurs  de  Constanli- 
nojile,  très-afTaiblis,  ne  conservaient  plus 
d>ns  les  provinces  qu'une  ombre  d'autorité  : 
l'Asie  n'était  presque  peuplée  que  de  la  lie 
des  nations;  ce  n'étaient  plus  ni  des  Ro- 
mains ni  des  Grecs,  mais  un  mélange  de 
toutes  sortes  de  barbares,  Thraces,  Illyriens, 
Isaures,  Arméniens,  Perses,  Scythes,  Sar- 
mates,  Bulj^ares,  Russes;  aucun  de  ces  peu- 
ples ne  pouvait  être  fort  attaché  au  gouver- 
nement ni  à  la  religion. 

Le  chrislianisine  était  divisé  en  plusieurs, 
sectes  qui  se  détestaient.  Les  ariens,  les, 
nestoriens,  les  eutychiens  ou  jacobiles,  tous 
divisés  entre  eux,  se  réunissaient  pour  dé- 
sirer la  ruine  du  catholicisme,  et  les  Juifs 
avaient  moins  d'aversion  pour  les  n^ahomé- 
tans  circoncis  que  pour  les  chrétiens. 

JMaîtres  deP/Vrabie,  les  califes  subjuguè- 
rent l'Egypte  parla  trahison  des,  copiâtes  eu- 
tychiens, mécontents  des  empeicurs  :  ces 
schismatiques  espéraient  un  sort  meilleur 
sous  l'empire  des  mahométans,  que  sous  la 
domination  d,.s  Gjecs.  Mais  ils  furent  étran- 
gement trompés,  puisaue  insensiblement 
ils  ont  été  ojiprimés  par  les  Arabes,  et  ré- 
duits presque  à  rien.  Les  conquérants  de 
l'Egypte  n'eurent  besoin  que  de  faire  des 
courses  pour  assujettir  les  côtes  de  l'Afri- 
que; bientôt  ils  furent  appelés  en  Espagne 
par  les  tils  d'un  roi  goth,  révoltés  contre 
leur  père,  et  par  le  comte  Julien,  mécontent 
de  son  roi.  Dès  ce  moment  ils  infestèrent  la 
Méditerranée  par  des  flottes  de  corsaires; 
ils  envahirent  successivement  la  Sardaigne, 
la  Corse,  la  Sicile,  la  Calabre;  et  dans  la 
plupart  de  ces  expéditions,  ils  furent  aidés 
par  les  Grecs,  ennemis  jurés  des  Latms. 
Dans  toutes  les  capitulations,  ils  promirent 
de  laisser  aux  peuples  l'exercice  libre  de  la 
religion  chrétienne;  mais  ils  n'ont  tenu  parole 
que  dans  les  lieux  oh  les  anciens  habitants 
ont  conservé  assez  de  force  pour  les  y  con- 
traindre. Déjà  ceux  d'Espagne  avaient  passé 
les  Pyrénées  :  ils  allaient  engloutir  U  Fraiac(ï, 
si  Charles  Martel  ne  les  eût  arrêtés  au  cona- 
mencement  duvm'  siècle;  et  sans  les,  yic- 
loires  des  princes  normands  en  Italie,  au 
commencement  du  xi°,  ils  auraient  subju- 
gué l'Europe  entière,  et  l'auraient  pouif 
toujours,  replongée  dans  li  barbarie.  Ce  sont 
les  croisades  des  xii'  et  xiii°  siècles,  et  les. 
conquêtes  des  Portugais  dans  les  lnd«s,  qui, 
en  ôtant  à  çell,e  puissance  formidable  la  ros-: 
souice  du  commi'rce  et  des  ricbesses,  l'ont 
enlju  rédwite  au  dieg?éi  diSi  faiblesse  où  n  uis 
Igi  voyons,  a,uj/yMrd'ljui, 

Que  des  conquérants  favorisés  par  les  cir- 
constances, qui  présentaient  l'Alcoran  il'uue 
maiu  et,  l'civtMi  de  l'auLce,,  aLsu^  établi  le 


mahométisme  aans  une  grande  paitie  du 
monde,  ce  n'est  pas  là  un  prodige  :  nous 
chercherions  vainement  les  contrées  dans 
lesquelles  il  a  été  porté  par  dt'S  missionnai- 
res. Ce  n'est  pas  ainsi  que  le  christianisme 
a  fait  des  progrès.  Jésus-Christ  et  ses  apô- 
tres ont  converti  le  monde,  non  en  donnant 
la  mort,  mais  en  la  soufi'iant  ;  non  en  enle- 
vant des  richesses,  mais  en  y  renonçant; 
non  par  l'épée,  mais  par  la  croix.  Trois  siè- 
cles de  persécutions,  soulfertes  avec  une  pa- 
tience invincible,  ont  enfin  désarmé  les  en- 
nemis de  l'Evangile;  mais  les  martyrs  que 
les  mahométans  ont  envoyés  au  supplice 
n'ont  pu  adoucir  leur  férocité  ;  celle  des 
barbares  du  Nord  a  céJié  peu  à  peu  aux  in- 
structions charit,ables  des  missionnaires  ; 
mais  ce  le  des  musulmans  est  encore  la 
même  depuis  mille  ans. 

lY.  Quand  on  no  le  saurait  pas  d'ailleurs, 
il  serait  aisé  de  voir  les  etfets  terribles  que 
le  mahométisme  a  dû  produire  partout  où  il 
s'est  établi.  C'est  ici  surtout  que  les  incré- 
dules auraient  dû  faire  le  parallèle  entre 
cette  religion  funeste  et  le  christianisme  ; 
iiaais  ils  n'ont  eu  garde  de  le  tenter,  leur 
confusion  aurait  été  trop  sensible. 

La  corruption  des  deux  sexes,  l'avilisse- 
ment et  la  captivité  des  femmes,  la  nécessité 
de  les  renfermer  et  de  les  faire  garder  par 
des  eunuques,   la  multiplication  de  l'escla- 
vage, une  ignorance  universelle  et  incura- 
ble, le  despotisme  des  souverains,  l'asser- 
vissement des  peuples,  la  dépopulation  des 
plus  belles  contré  s  de  l'univers,  la  haine 
mutuelle  et  l'antipathie  des  nations,  voilà  ce 
que  le  mahométisme  a  produit  constamment, 
et  continui'  de  produire  partout  où  il  est  do- 
minant. Celte  religion  seule  a  fait  périr  plus 
d'hommes  que  toutes  les  autres  ensemble. 
Ses  sectateurs  ont  le  cœur  trllement  gâté, 
qu'ils  ne  croient  pas  qu'un  homme  et  une 
femme  puissent  s'envisager  l'un  1  autre  sans; 
penser  au  crime,  ni  se  trouver  seuls  ensem- 
ble sans  se  livrer  à  l'impudicité.  Lorsque  la 
ciiristiaoisme   régnait    en   Asie,   les    maris 
comptaient  sur  la  vertu  de  leurs  femmes  ;  il 
y  régnait  à  peu  près  la  même  liberté  que 
parmi  nous,  et  les  mœurs  n'étaient,  pas  pour 
cela  plus  mauvaises.    Ceux  qui    onj  écrit 
qu'en  général  les  femmes  turques,  toujours 
enfermées,   ont  les  mœurs  très-pures,  ont 
été  mal  informés  ;  en  lisant  les  Observations 
sur  la  rcligioM,  les  lois   et  le  goMveriiommt 
des  Turcs,  ii«   partie,  pag.  64,  on  verra  de 
quoi  elles  sont  capables.  Ce  n'est  donc  pas 
1»  climat  qui  les  corrompt,  c'est  la  religion. 
Daius  l'Etlnopie  chrétienne,  les  femmes  ne 
sont  point  renfeemées,  et  on  ne  les  accuse 
pas  de  mauvaises  mœurs.    11   en   était  de 
môme  sur  les;  côtes  de  l'Afrique,  lorsque  le 
christianisme  y  était  établi. 

Les  maliomét;uis  ,,  persuadés  de  lai  prétr 
destiinatioii  absolue  et  d'un  destin  rigldie, 
ne  prennent  aucune  précaution  pour  e.Jre- 
teniiT  la  salubrité)  de  l'air  et  prévenir  la  con^- 
tagioû  :  ils  se  rovôèent  sans  répugnance  dosi 
habits  d'un  pestit^ré,  laissstnt  pomirir  les 
cadavres,  des  animaux  dans  les.  rues,  etc-,, 


485 


itlAIl 


MAII 


48G 


Cette  paresse  stupide  a  fait  de  l'Egypte  le 
foyer  conlinuol  de  la  peste,  l'entretient  ha- 
bituellement diins  l'Asie,  la  fait  souvent  re- 
naître sur  les  côtes  de  l'Afrique  ,  et  l'a 
communiquée  plus  d'une  fois  à  rEuroi)e  en- 
ti'ère. 

Un  des  plus  fougueux  ennemis,  que  le 
christianisme  ait  eu  dans  notre  siècle  est 
forcé  do  convenir  que  si  l'on  n'eût  arrêté 
les  progrès  du  fanatisme  des  musulmans, 
c'en  était  fait  de  la  liberté  du  monde  entier, 
ç  Sous  le  joug,  dit-il,  d'un  religion  qui  con- 
sacre la  tyrannie  en  fondant  le  trône  sur 
l'autel,  qui  semble  imimser  silence  à  l'amlii- 
tioii  en  permettant  la  volupté,  qui  favorise 
la  paresse  natuielle  en  interdisant  les  opé- 
rations de  l'esprit,  il  n'y  a  point  d'espérance 
pour  les  grandes  révolutions  ;  l'esclavage 
est  établi  pour  jamais.  »  Montes(iuieu,  après 
avoir  fait  les  mômes  observations,  ajoute  : 
«  La  religion  malioraélane,  qui  no  parle  que 
de  glaive,  agit  encore  sur  les  hommes  avec 
cet  esprit  destructeur  (jui  l'a  fon  lée.  »  EsjirH 
des  luisy  livre  xxiv,  chai).  4.  Bayle,  en  faisant 
valoir  les  maximes  d>'  tolérance  que  Maho- 
met avait  d'abord  établies,  ^)asse  sous  silence 
la  loi  de  persécuter  qu'il  imposa  ensuite  à 
ses  sectateiu-s  ;  après  avoir  parlé  des  conven- 
tions qu'ils  ont  toujours  faites  avec  les  chré- 
tiens, de  leur  accorder  la  liberté  de  religion, 
il  est  forcé  de  convenir  qu'ils  exercent  toujours 
une  persécution  souide  i[uiost  souvent  insup- 
portable. Pensées  sur  h  Comète,  c.  2i4.  L'au- 
teur anglais  des  Obscnalions  sur  la  religion  et 
le  gouvernement  des  Turcs  fait  le  môme  aveu, 
et  M-  Guys,  dans  son  Voyage  littéraire  de  ta 
Grèce,  le  coniirme.  Ces  derniers,  témoins 
oculaires  des  faits,  sont  plus  croyables  que 
ceux  qui  n'ont  rien  vu  et  qui  ne  s'étudient 
qu'à  tromper  les  lecteurs. 

Le  baron  do  Tott,  dans  ses  Mémoires  pu- 
bliés  en  lT8i,  a  décrit  le  désordre  qui  rè- 
gne dans  les  sérails  (le  la  Turquie,  ta  cor- 
ruption énorme  ties  deux  sexes,  qui  est  un 
elfet  de  la  polygamie;  le  dérèglement  des 
mœurs,  le  mépris  des  lois,  le  despotisme  du 
gouvernement ,    l'abrutissement  des    hom- 
mes, que  le  mahométismc  a  introduits  par- 
tout où  il  donhne.  Le  ramadan,  qui  est  le 
carême  des  Turcs,  n'est  pas  fort  rigoureux,, 
si  ce  n'est  pour  le  peuple;  chez  les  gens  ai- 
sés, c'est  la  mollesse  qui  s'endort  dans  les 
bras  de  l'hypocrisie,  cl  ne  se  réveille  que 
pour  se  livier  au  plaisir  de  la  bonne  chèie. 
Un  jeune  Turc,  qui  avait  assassiné  son  pèie, 
évita   le  supplice  par  argent ,    quoique  sa 
comlamnation  fût  prononcée.  Les  frères  du 
sultan  sont  renfermés  dans  le  sérail,  et  on 
leur  donne  des  femmes  :  mais  s'ils  ont  des 
enfants,  on  les  détruit.  3es  iilles  et  ses  sœurs 
sont  mariées  aux  visirs   et  aux  grands  de 
Vampire  ;  mais  si  elles  mettent  au  monde 
uu  enfant  mâle,  il  doit  être  étouffé  en  nais- 
sant :  c'est  la  loi  la  plus  publique  et  la  moins 
enfreinte,  etc. 

Volney,  dans  son  Voyage  en  Syrie  et  en 
Egypte,  l'ait  en  ITS'J  et  1785,  prouve  dé- 
monstrativemeut  que  le  gouvernement  des- 
potique des  Turcs  et  tous  le§  Uéaux  d9  VQ5- 


pèce  humaine  qu'il  traîne  h  sa  suite  sont  un 
elfet  naturel  et  inévitable  de  la  doctrine 
insensée  de  l'Alcoran,  tom.  IL  c.  40,  pag. 
432,  etc. 

On  alfecte  do  nous  dire  quo  les  niahomd- 
tans  ne  disputent  point  sur  la  religion  :  ils 
sont  trop  ignorants  pour  le  faire  ;  ils  croient 
tout  sur  la  i)arole  de  leur  prophète.  Cepen- 
dant il  y  a  dill'érentos  sectes  parmi  eux.  Ou- 
tre colles  d'Ali  et  d'Omar,  qui  rendent  les 
Turcs  et  les  Persans  enneiiùs  irréconcilia- 
bles, le  prince  Cantémir  con)ple  parmi  eux 
douze  sectes  hérétiques  ;  d'autres  les  font 
monter  à  soixante-douze  ou  davantage,  et 
niilady  Montagne,  clans  ses  Lettres,  atteste 
leur  aversion  mutuelle.  Les  incrédules,  (piî 
veulent  nous  persuader  que  le  mahomélisme 
est  une  religion  de  déistes,  peuvent  se  con- 
vaincre par  Ih  des  salutaires  effets  que  le 
déisme  produit  dans  le  monde.  Si,  parmi 
les  niahon>étans,  l'on  trouve  encore  quel-, 
ques  vertus  morales,  elles  viennent  de  leur 
teni[)éramcnt ,  et  non  do  l'esprit  de  leur 
religion  :  celle-ci  ne  semble  avoir  été  faite, 
(pie  ()our  étouffer  jusqu'au  moindre  g^rçia, 
de  vertu. 

Mais,  disent  nos  adversaires,  il  n'est  p£(Si 
question  de  savoir  si  le  christianisme  est 
vrai,  et  si  le  mahométisme  est  faux;  si  le 
premier  est  fondé  sur  des  preuves  solides, 
et  le  second  sur  des  raisons  frivoles  ;  il  s'a- 
git do  voir  si  un  mahométan  est  en  état  de 
sentir  cette  différence,  et  de  comprendre  la, 
fausseté  des  prétendues  preuves  de  sa  reli- 
gion ;  si,  en  raisonnant  de  même,  un  Turc 
n'a  pas  autant  de  droit  de  présuriier  la  vé- 
rité de  sa  croyance,  qu'un  chrétien  en  a  de 
soutenir  la  divinité  de  la  sienne  ;  si,  en  un 
mot,  les  prouves  de  l'une  ne  doivent  pas  faire 
autant  d'impres.sion  sur  l'esprit  d'un  igno- 
rant q;io  les  prouves  de  l'autre.  A  cela  nous 
ré|)ondons  que  l'ignorance  est  un  vice  par- 
tout où  elle  se  trouve  ;  qu'elle  doit  pro- 
duire sur  tous  les  hommes  le  même  effet, 
qui  est  l'erreur;  quo  si  elle  ne  le  produit 
pas ,  c'est  par  hasard.  Un  chrétien  et  un 
turc,  ignorants  par  leur  faute,  sont  tous 
deux  coupables;  le  premier  résiste  aux  le- 
çons de  sa  religion,  qui  lui  ordonne  de  s'in- 
struire, et  qui  lui  en  donne  les  moyens  ;  le, 
second  doit  se  défier  de  la  sienne,  dès  qu'elle 
le  lui  défend  :  vodà  ce  que  le  bon  sens  dicte 
à  tous  les  hommes.  11  est  donc  absurde  de 
mettre  en  question  si  deux  ignorants  sont 
exposés  tous  deux  à  so  tromper,  ou  si  des 
preuves  fausses  peuvent  faire  autant  d'im- 
piession  sur  leur  esprit  que  des  preuves 
vraies  :  il  est  clair  que  le  plus  stupide 
des  deux  sera  ordinairement  le  plus  excusa- 
ble. ■    ■ 

Laissons  de  côté  l'ignorance  et  la  stupidité, 
parlons  d'un  homme  raisonnable  qui  cherche 
à  s'instruire.  Un  Turc,  depuis  son  enfance, 
entend  les  docteurs  musulmans  attribuer 
mille  lUwJiges  à  Mahomet,  vanter  surtout  le 
mervedleux  de  ses  succès,  dire  que  chaque  - 
ver.^et  de  l'Alcoran  est  un  miracle,  etc.  S'il  a 
du  bon  sens,  il  doit  demander  qui  a  vu  M 
lyiracles  du  prophète,  ex^çgij^er  par  qq 


187 


MAII 


MAII 


488 


moyens  il  a  réussi,  enfin  lire  au  moins  l'Ai 
coràn.Quo  doil-il  penser,  quand  il  verra  que 
Âlaliomet  lui-même  y  déclaio  qu'il  n'est  pas 
venu  pour  faire  des  miracles,  qu'ils  seraient 
inutiles,  etc.  ;  quand  il  se  trouvera  que  per- 
sonne ne  les  a  vus,  qu'aucun  témoin  n'a  osé 
dire,  j'y  étais  présent  ;  quand  il  saura  que  le 
»n«/iomf7(sme  s'est  établi  par  des  combals  et 
par  des  victoires  sanglantes?  Si  après  cet 
examen,  il  croit  encore  aux  miracles  de  Ma- 
homet, son  erreur  sera-t-elle  encore  inno- 
cente et  invincible  ?  et  s'il  ne  fait  pas  cet 
examen  très-facile,  h  (pii  faut-il  s'en  prendre  ? 
Ajoutons  les  absurdités,  les  crimes,  les  fables 
dont  ce  livre  est  rempli,  et  jugeons  s'il  est 
possible  d'y  ajouter  foi  sans  avoir  l'esprit 
aliéné.  On  dira  que  ces  absurdités  qui  nous 
révoltent  ne  font  pas  la  môme  impression 
sur  un  Turc  habitué  h  les  respecter  dès 
l'enfance.  Mais  ce  respect  d'affection  pure- 
ment machinal  et  non  raisonné  ne  peut  pas 
servir  d'excuse  à  la  prévention  et  à  l'erreur. 
Quand  on  s'obstinerait  <\  soutenir  le  contraire, 
il  s'ensuivrait  seulement  que  l'ignorance  et 
l'erreur  d'un  mahométan  peuvent  être  mora- 
lement invincibles;  et  cela  ne  prouverait 
rien.  Nous  ne  prendrons  pas  la  peine  de 
comparer  cette  disposition  d'un  Turc  avec  le 
résultat  de  l'examen  que  peut  faire  un  chré- 
tien des  miracles  de  Jésus-Christ  et  des  au- 
tres motifs  de  crédibilité  du  christianisme  ; 
nous  en  avons  parlé  ailleurs. 

Pour  avoir  une  idée  juste  de  Mahomet ,  de 
son  livre,  de  sa  religion,  il  ne  faut  pas  s'en 
fier  à  la  vie  de  ce  personnage  laite  par  le 
comte  de  Boulainvilliers  ;  il  avait  copié  sans 
discernement  les  auteurs  arabes,  et  il  semble 
n'avoir  écrit  que  pour  insulter  au  christia 
uisme  ;  le  comte  de  Bonneval,  quoique  apos- 
tat, avait  remarqué  dans  cet  ouvrage  ])lusieurs 
fautes  essentielles.  Voy.  le  Voyage  littéraire 
de  la  Grèce,  par  M.  Guys,  tom.  1,  pag.  4-78. 
La  préface  que  Sale  a  mise  à  la  tète  de  sa 
traduction  anglaise  de  l'Alcoran,  et  que  l'on 
a  donnée  dans  notre  langue  avec  la  version 
française  de  ce  livre,  par  Durier  ,  ne  mérite 
pas  plus  de  confiance  que  Boulainvilliers.  Cet 
auteur  anglais,  qui  paraît  déiste,  a  dissimulé 
les  endroits  de  l'Alcoran  qui  révoltent  da- 
vantage ;  il  a  fait  un  parallèle  très-fautil  des 
lois  de  Mahomet  avec  celles  des  Juifs  :  il  a 
été  solidement  réfuté  par  les  auteurs  de 
l'Histoire  universelle,  tome  XV,  in-4".  Celui 
des  Essais  sur  l'Histoire  générale  et  des  Ques- 
tions sur  l'Encyclopédie,  a  copié  Sale  et  Bou- 
lainvilliers ;  mais  avec  son  infidélité  ordi- 
naire, il  a  voulu  peindre  Mahomet  comme  un 
héros,  et  il  a  été  copié  à  son  tour  par  le 
rédacteur  de  l'article  Mauométisme  de  l'an- 
cienne Encyclopédie  :  ni  l'un  ni  l'autre  ne  se 
sont  souciés  de  garder  seulement  la  vraisem- 
blance. Enfin  le  savant  académicien  qui  a  fait 
le  parallèle  entre  Zoroastre,  Confucius  et  Ma- 
homet, ne  nous  parait  pas  avoir  parlé  de  ce 
dernier  avec  assez  de  sincérité. 

La  Vie  de  Mahomet,  par  (jagnier,  et  celle 
({u'a  faite  Maracci,  sont  beaucoup  plus  lidèies; 
ce  dernier  a  donné  une  réfutation  complète 
et  très-solide  de  l'Alcoran  :  Alcorani  textus 


universus,  etc.,  Patavii,  1698,  in-fol.  U  n'a- 
vance rien  qu'il  ne  prouve  par  les  textes  for- 
mels de  ce  livre  et  par  le  témoignage  des 
auteurs  arabes  ;  il  avait  étudié  leur  langue 
pendant  quarante  ans.  On  peut  consulter  en 
core  avec  sûreté  les  Mémoires  de  l'Acad.  de» 
/nscriy;f.,  tom.  XXXII  in-'i-°, et lom  LVIII,in-  f 
12,  pag.  259;  les  Observations  sur  la  religion,  ' 
les  lois  et  le  gouvernement  des  Turcs  :  les  Mém. 
du  baron  de  Toit  sur  les  Turcs,  les  Tartares 
et  les  Egyptiens  ;  le  Voyage  de  ]Volney,  etc. 
Quant  aux  brochures  faites  par  des  incrédu- 
les (jui  professaient  le  déisme,  et  qui  vou- 
laient montrer  que  le  mahoniétisme  a  les  mê- 
mes preuves  que  le  christianisme,  que  les 
défenseurs  de  l'une  et  de  l'autre  de  ces  re- 
ligions raisonnent  de  même,  ce  sont  des 
productions  trop  viles  pour  qu'elles  méritent 
d'être  citées.  Outre  le  mauvais  ton  qui  y  rè- 
gne, la  mauvaise  foi  y  éclate  de  toutes  parts. 
On  y  suppose,  1°  (jue  les  seules  preuves 
ou  les  seuls  motifs  de  crédibilité  du  chris- 
tianisme, sont  les  prophéties  et  les  miracles 
de  Jésus-Christ  et  des  apôtres.  Nous  avons 
fait  voir  le  contraire  à  l'article  CnRisTiANtSME; 
nous  avons  exposé  en  abrégé  les  autres 
preuves,  et  il  y  en  a  plusieurs  qui  sont  à  la 
portée  des  chrétiens  les  moins  instruits.  2° 
Les  mômes  écrivains  sujiposent  qu'un  simple 
fidèle  ne  peut  point  avoir  d'autres  preuves 
des  miiacles  de  Jésus-Christ  et  des  apôtres 
cjue  la  tradition  qui  en  existe  parmi  leschré 
tiens,  et  la  présomption  qu'ils  ont  de  la  bonne 
foi  des  témoins  qui  les  ont  rapportés  ;  qu'il 
est  donc  précisément  dans  le  même  cas  qu'un 
musulman  à  l'égard  des  prétendons  miracles 
de  Mahomet.  Cependant  la  ditférence  est  pal- 
pable. Ceux  de  Mahomet  sont  absurdes  et 
indignes  de  Dieu,  un  peu  de  bon  sens  suffit 
pour  le  comprendre;  il  n'en  est  pas  de  môme 
de  ceux  de  Jésus-Clirist  et  des  apôtres.  Ceux- 
ci  sont  tellement  incorporés  au  christianisme, 
qu'il  ne  peut  pas  subsister  sans  eux,  au  lieu 
que  le  mahoniétisme  est  absolument  indépen- 
dant des  miracles  de  Mahomet  ;  ce  n'est  point 
lii-dessus  que  les  docteurs  musulmans  fon- 
dent la  vérité  de  leur  religion,  et  ils  ne  pour- 
raient le  faire  sans  contredire  l'Alcoran.  Les 
miracles  de  Jésus-Christ  et  des  apôtres  sont 
avoués  par  les  ennemis  du  christianisme  , 
sans  en  excepter  Mahomet  lui-même  ;  non- 
seulement  les  siens  ne  sont  pas  avoués  par 
les  sectateurs  des  autres  religions  ,  mais  ils 
sont  désavoués  par  les  mahométans  les 
plus  sensés. 

Une  troisième  supposition  des  déistes  est 
qu'une  preuve,  pour  être  solide,  doit  être 
également  à  portée  des  savants  et  des 
ignorants,  de  ceux  qui  ont  reçu  une  bonne 
ou  une  mauvaise  éducation.  C'est  une 
absurdité.  U  est  évident  qu'un  ignorant 
ne  peut  pas  avoir  autant  de  preuves  de  l'e- 
xistence de  Dieu  et  de  la  religion  naturelle 
qu'un  philosophe;  plusieurs  incrédules  ont 
même  soutenu  qu'un  sauvage  est  incapable 
d'en  avoir  aucune.  Nous  ne  sommes  pas  de 
leur  avis  ;  mais  si  un  enfant  avait  été  élevé 
dès  le  berceaudansles  principes  derathéisme, 
et  infatué  de  tous  les  sojjhismes  des  athées, 


iSd 


MAI 


soniinos-noiis  liion  sûrs  que  los  preuves  de 
l'existence  de  Dieu  et  du  la  religion  naturelle  1 
feraient  tjeaiujini])  d'impression  sur  lui?  Les 
déisles  n'ont  pas  vu  que  leur  préicntion 
tombe  aussi  iirecteraent  sur  la  religion  na- 
turelle que  sur  la  religion  révt'lée.  En  (jun- 
trième  heu,  ils  supiioscnt  que  la  conviction 
<iue  nous  avons  de  la  s;iinieté  de  notre  reli- 
gion ,  et  des  salutaires  eirets  (pi'elle  opère 
peut  très-bii-n  n'être  qu'un  fiithousiasuie  et 
un  etl'et  de  l'éducation,  tout  comme  la  pré- 
vention qu'un  Turc  a  conçue  en  faveur  de  li 
sienne.  Mais  si  le  sentiment  inléri.'ur,  le  sens 
commun,  le  témoignage  de  la  conscirnce,  ne 

Crouvent  rien,  quel  moyen  reste-t-il  aux 
ommes  pour  distinguer  la  vérité  de  l'erreur? 
Voilà  le  pyrrlionisiiie  établi.  Queiépon  iraun 
déiste  aux  athées,  lorsqu'ils  lui  soutiendront 

3ue  sa  confiance  aux  preuves   de  l'cixistence 
e  Dieu  et  de  la  religion  naturelle  est  un  pur 
enthousiasme  et  un  etl'et  de  l'éducation  ? 

Lors(pie  les  écrivains  sont  assez  aveugles 
pour  ne  pas  voir  ces  conséquences,  ils  ne 
méritent  pas  d'être  réfutés.  Les  rétlexiotis 
que  nous  avons  faites  ne  sont  pas  moins  so- 
lides contre  les  athi'cs  que  contre  les  déistes. 

Voy.   Ul'LlGION   HÉVÉI.ÉE. 

Quand  nos  incrédules  modernes  n'auraient 
point  d'autre  tur|)itutle  à  se  ri-proclier  que 
(l'avoir  voulu  faire  \'a\  ologie  du  iiicihnmetisnn', 
et  d'avoir  osé  le  comparer  au  clu'istianisme, 
c'en  serait  assez  pour  les  couvrir  d'oppro- 
bre aux  yeux  de  tout  homme  sensé  et 
instruit. 

MAIN.  En  hébreu,  et  dans  les  livressaints,  ce 
mot  a  autant  de  significations  diderentes  (pi'en 
français,  et  la  plupart  sont  métaiihoriques. 

La  )/iHin  signilie(]uelquefois  la  grille  des 
animaux,/  Reg.  c.  xvii,  v.  :n.  David  dit  que 
Dieu  l'a  tiré  de  la  main  d'un  lion  et  d'un  ours. 
Elle  désigne  le  côté  ;  ainsi  nous  disons,  à 
Hiflùi  droite,  à  main  gauche.  Elle  marque  l'é- 
tendue, parce  que  nous  la  désignons  en  éten- 
dant les  mains.  Psalm.  cm,  v.  25,  la  mer  est 
appelée  magnum  et  spatiosum  maniOus.  Elle 
indique  ce  qui  tient  lieu  de  main  et  produit 
le  môme  effet,  un  gond,  une  charnière,  un 
soutien.  Ecclesiast.  c.  iv,  v.  o,  il  est  dit  d'un 
paresseux  qu'il  ferme  ses  mains,  c'est-ù-dire 
qu'il  se  tient  les  bras  croisés  ;  Elisée  versait 
de  l'eau  sur  les  mains  d'JLlie,  c'est-à-dire 
(]u'il  le  servait.  Commeles  coiq)s  de  la  main 
si'rvent  à  compter,  et  que  l'on  compte  sur 
les  do  gts,  nous  lisons  que  Daniel  se  trouva 
dix  mains,  ou  dix  fois  plus  sage  que  les 
tlhaldéens.  Main  signifie  en  général  l'action 
ou  l'ouvrage.  II  licg.  c.  xvui,  v.  18,  la  main 
d'Absalon  est  l'ouvrage  d'Absalon.  Ps.  vu,  v. 
"i-,  si  l'iniquité  est  dans  mes  mains,  c'est-à- 
dire  dans  mes  actions.  La  main  du  Seigneur 
expiiuie  l'ouvrage,  l'opération,  la  protection 


.  i)ro 
la  n 


de  Dieu  ou  si  puissance.  Ps.  xxii,  la  main  du 
gUive  est  la  mort.  Ce  mot  désigne  aussi  le 
secours,  les  conseils,  les  services,  le  minis- 
tère d'une  (lersoiine.  David  dii  à  une  fennue  : 
La  main  de  Joab  est  avec  vo  s  dans  celte  af- 
faire, c'est-à-dire,  il  vous  aide  d'  ses  conseils. 
Abner  dit  à  David  :  Ma  main  sera  avec  vous, 
je  vous  rendrai  mes  services.  Dieu  parle  [  ar 

DlCTIO.NN.  UK  Thhi;L.  UOGiHTUtCE.  111. 


MAJ  m 

la  main  de  Moïse  et  des   pro]iliètcs,  ou   [i,-u" 

ur  ministère.  /  Para!.,  c.  vi,  v.  i;j.  lu  ;n::iii 
des  cantiques  est  la  fonction  des  chanties. 
Conséquemment  remplir  les  mains  à  (picl- 
qu'un,  c'est  le  consacrer  ou  le  destiner  à  un 
ministère  ;  jwur  consacrer  un  nouveau  prê- 
tre, on  lui  mettait  à  la  main  les  (larties  de  la 
victime  (]u'il  devait  olfrir.  La  main  exprime 
aussi  la  possession  :  Dieu  dit  à  Salomou  : 
J'ôlerai  le  niyaumedela  main  i\c  votre  lils, 
il  ne  le  possédera  plus.  J«««.  c.  ni,  v.33,  il  est 
dit  que  Dieu  a  mistoutiîs  ces  choses  dans  la 
jnain  de  S(m  Fils,  c"est-à  dire  dans  sa  puis- 
sance et  dans  sa  possession. 

Le  même  terme  se  met  pour  toutes  les 
choses  qu'expriment  les  divers  gesti'S  de  la 
main.  Elever  ses  mains  au  Seigneur,  c'est  ie 
prier  e(  l'invofpier.  Ps.  i.xvii,  v.  .'îl,  il  est  dit 
que  ri";thio[)ie  étendra  se  ^  mains  vers  le  Sei- 
gneur, [iour  exprimer  i[u'elle  l'invoquera  et 
lui  fera  des  offrandes.  Mais  lever  la  tnain\ivs 
Dieu,  c'est  jurer  en  son  nom.  Au  contiaire, 
lever  la  main  contre  queliju'un,  c'est  lui  ré- 
sister et  se  révolter  :  il  est  dit  d'Isma- 1  (pic 
sa  main  sera  contre  tous,  et  la  main  de  tous 
contre  lui.  .\ppesantir  la  main  sur  ([uelcpi'uu, 
c'est  l'aflligeret  le  punir  ;  la  r'ctii'cr,  c'est  faire 
cesser  le  châtiment;  lui  tendie  la  main,  c'est 
le  secourir;  lui  fortifier  les  mains ,  c'est 
lui  rendre  la  force  et  le  coura;^e.  Jercm.  c.  l, 
V.  13,  il  est  dit  que  ]es  nations  se  donnent  Ki 
main,  ou  font  alliance  entre  elles.  Les  Jnils 
disent  qu'ils  ont  été  obligés  de  donner  la  main 
aux  Egyliens,  ou  de  s'allier  avec  eux,  [lour 
avoir  du  pain.  Mettre  la  main  sur  sa  bouche. 
Job.,  c.  XL,  V.  33,  c'est  se  taire  et  n'avoir 
rien  à  répondre.  Baiser  sa  main  en  regardant 
]('.  soleil,  c'est  l'adorer  et  lui  rendre  un  culte. 
Laver  ses  mains  dans  le  sang  îles  pécheurs  , 
c'est  approuver  le  châtiment  que  Dieu  leur 
envoie,  Ps.  i.vii,  v.  11,  etc. 

Mains  (  Imposition  des  ).  Voy.  Imposition. 

MAITRE  DES   SENTENCES.  Yoy  .Scolas 

TIQLES. 

MAJEURE.  On  nomme  ainsi  la  troisième 
thèse  quedoit  soutenir  un  bachelier  on  licence 
dans  la  faculté  de  théologie  de  Paris,  paice 
qu'elle  doit  renfermer  plus  de  matière,  et 
durer  plus  longtemps  que  la  mineure.  Isile 
doit  durer  dix  heures  ;  elle  a  p-ur  objet  la 
seconde  et  la  troisième  [tailie  de  la  Somme  de 
saint  Thomas,  et  renferme  tout  ce  ipii  a  rap- 
port à  l'histoire  de  la  religion,  par  C(ms('(jueiU 
la  critique  sacrée  et  l'histoire  ecclésiastique. 
Voy.  Degré. 

MAJORISTES  ou  MAJORITES,  discifiles  de 
(leorges  Major,  professeur  dans  l'académie 
luthérienne  de  Wii  tembergen  lo.3().  Ce  théo- 
logien avait  abandonné  les  sentiments  de 
Luther  sur  le  libre  arbitre,  et  suivaitciux  de 
Méîanchton,  qui  sont  [ilus  doux,  et  il  les 
poussait  beaucoup  plus  loin.  Non-seulement 
il  soutenait,  cmnme  ce  dernier,  que  l'homme 
n'est  pas  purement  passif  sous  rim|)ulsion 
de  la  grâce,  mais  qir'il  prévient  môme  la  grâce 
par  des  prièr-es  et  de  bons  -désirs  ;  il  renouve- 
lait ainsi  l'erreur  des  senii-pélagiens.  Pour 
({u'un  infidèle,  disait-il,  se  convertisse,  ilfa'l 
qu'il  écoule  la  parole  de  Dieu   cpi'il  la  com- 


m 


im 


MAL 


I9â 


prenne,  qu'il  en  reconnaisse  la  v(5rit('';  or,  tout 
cela  est  l'ouvra'ïe  de  la  volont!''  :  alors  il  de- 
mande les  lumières  du  Saint-iîspiit,  et  il  les 
obtient.  Mais  il  esl  faux  que  sentir  la  vérité 
(Je  la  parole  de  Dieu,  et  demander  les  lu- 
mières du  Saint-Ksprit,  soit  l'ouvrage  de  la 
volonté  seule  ;  elle  a  besoin  pour  cela  d'être 
prévenue  par  la  grâce.  Ainsi  l'enseigne  l'Ecri- 
ture sainte,  et  l'Eglise  l'a  ainsi  décidé  contre 
ies  semi-pélai^iens  qui  attribuent  à  l'homme 
seul  les  commencements  de  la  conversion  et 
du  silut.  ' 

Major  soutenait  aussi  la  nécessité  des  bon- 
nes œuvres  pour  être  sauvé,  au  lieu  que, 
suivant  Luther,  les  bonnes  œuvres  sont  seu- 
lement une  preuve  et  un  ellei  de  la  conver- 
sion, et  non  un  moyen  de  salut.  Plusieurs 
autres  disciples  'de  Luther,  non  contents 
d'abandonner  de  môme  ses  sentiments,  se 
sont  jetés,  comme  Major,  dans  l'excès  opposé, 
sont  devnus  pélagieus  ou  semi-pélagiens  ;  il 
en  a  été  de  môme  des  sectateurs  de  Calvin. 
Voij-  Arminien. 

MAL.  Nous  avons  eu  et  nous  aurons  en- 
core plus  d'une  fois  occasion  de  remarquer 
que  ia  question  de  l'origine  da  mal  a  été, 
dans  tous  les  temps,  l'écucd  de  la  raison  hu- 
maine. Comment  un  Dieu  créateur  tout-puis- 
sant, siiuvérainement  bon,  a-t-il  pu  produire 
du  mal  dans  le  monde?  Telle  est  laditliculté 
à  laquelle  il  faut  satisfaire.  11  n'en  est  aucune 
qui  ait  doimé  lieu  à  un  jilus  grand  nombre 
d'erreurs.  Elle  a  contribué  beaucoup  à  faire 
imaginer  ]ilusieurs  dieux  ougi'uies  artisans 
et  gouverneurs  du  monde,  dont  les  uns 
étaient  bons  et  les  autres  mauvais,  et  qui 
avaient  mis  chacun  leur  jiart  ilans  la  con- 
struction de  l'univers.  A  la  naissance  de  la 
philosophie  chez  les  Orientaux,  les  raison- 
neurs réduisirent  ces  dieux  ou  génies  à  deux, 
dont  l'un  avait  fait  le  bien,  l'autre  le  mal. 
Chez  k's  Grecs,  les  [.hilosophes  se  partagè- 
rent. Les  stoïciens  attribuèrent  le  7nal  à  la 
fatalité,  à  la  nécessité  de  toutes  chijses,  à 
l'imperfection  essentielle  d'une  matière  étîT- 
nelle  ;  Dieu,  qu'ils  envisageaient  comme 
l'Ame  du  monde,  était,  selon  leurs  idées,  d;ms 
l'impuissance  d'y  remédier  PLiton  et  ses  dis- 
ciples en  rejetèrent  la  faute  sur  la  maladresse 
et  l'impuissance  des  dieux  inférieurs  qui 
avaient  formé  et  gouvernaient  le  monde  ; 
cela  ne  disculpait  pas  le  Dieu  souverain  de 
s'être  servi  d'ouvriers  incapables  de  mieux 
l'ai.e.  Les  épicuriens  attribuèrent  tout  au  ha- 
.sard,  soutinrent  que  les  dieux,  eiidormisdans 
un  parfait  repos,  ne  se  mêlaient  point  des 
choses  dici-bas.  De  ces  dill'érentes  opinions 
.sont  nées,  dans  la  suite,  les  diverses  hérésies 
qui  ont  aflligé  l'Eglise.  La  difficulté  de  la 
(question  paraissait  augmentée,  depuis  que 
la  révélation  avait  l'ait  connaiire  le  ?*(«/ sur- 
venu dans  le  monde  parla  chute  du  premier 
homme.  Comment  se  persuaiier  (jue  Dieu, 
qui  avait  laissé  tomber  la  nature  humaine, 
ait  eu  assez  d'alfection  pour  elle  ]iour  s'in- 
carner, souffrir  et  mourir,  afin  de  la  relever 
et  de  la  sauver"?  Presque  tous  atta(pièrent  k 
réalité  de  l'incarnation;  les  valentiniens  re- 
nouvelèrent le  polythéisme  de  Platr.n,  mul- 


tiplièrent h  discrétion  les  éom  ou  génies 
gouveriiein's  du  monde.  Les  marcionifes,  et 
ensuite  les  manichéens,  les  réduisirent  à 
deux  principes,  lun  bon  el  auteur  du  bien, 
l'autre  méchant  par  nature  et  cause  du  7nal. 
Plusieurs  renouvelèrent  ia  fatalité  des  sto'i- 
ciens,  et  crurent  comme  eux  la  matière  éter- 
nelle. Pelage,  pour  no  |;as  donner  dans  les 
excès  des  manichéens,  souùnt  que  les  maux 
de  ce  monde  sont  la  con.litiou  naturelle  de 
l'honuiie,  et  non  la  peine  du  péché  originel. 
Pour  répondre  aux  manichéens,  (|ui  objec- 
taient la  multitude  des  crimes  dont  le  mon  le 
est  renij  11,  il  piétendit  qu'il  ni»  tenait  qu'à 
l'homme  de  les  éviter  tous,  et  de  faire  con- 
stamment le  bien,  sans  avoir  besoin  d'aucun 
sccoui'S  surnaturel.  Les  prédestinatiens  et 
leurs  successeurs  crur^'iit  trancher  le  nœtid 
de  la  difficulté,  en  .illrdjuant  tout  à  la  puis- 
sance arbitraire  de  Dieu,  sans  se  metlre  en 
peine  de  la  conciiier  avec  sa  bonté.  De  ce 
ciiaos  d'erreurs  sont  sortis,  dans  ces  derniers 
temps,  les  divers  systèmes  d'incrédulité  ;  et 
dans  le  fond,  ce  ne  sont  que  l.  s  vieilles  opi- 
nions ramenées  sur  la  scène.  On  a  renouvelé 
de  nos  jours  toutes  les  objections  des  épicu- 
riens et  toutes  celles  des  manichéens  contre 
la  Providence  divine,  soit  dans  l'ordr.'  de  la 
nature,  soit  dans  l'ordre  de  la  grâce  ;  Bayle 
s'estappliqué  à  les  faire  valoir.  Les  sociniens 
révoltés  contre  les  blasphèmes  des  prédesli- 
nateurs,  sont  redevenus  pélagiens.  Les  déis- 
tes ont  principalement  argumenté  sur  l'épar- 
gne avec  laquelle  Dieu  a  d  stribué  les  dons 
de  la  grâce  et  les  lumières  delà  révélation  ; 
ils  n'ont  pas  vu  qu'ils  faisaient  cause  c ..ui- 
mune  avec  les  athées,  qui  se  plaign.'nt  de  ce 
ijue  Dieu  n'a  pas  a;sez  [iroiigué  aux  hom- 
mes les  bienfViits  de  la  natur;'.  Les  indilfé- 
rciUs,  qui  sont  le  très-grand  nombre,  inca- 
pabli'S  lie  di'brouiller  ce  chaos,  ont  conclu, 
qu'entre  le  théisme  et  l'athéisme,  entre  la  re- 
ligion et  l'incr.'dulité,  c'est  le  goût  seul,  et 
non  la  raison,  qui  décide. 

La  question  de  l'origine  (]u  mal,  si  terri- 
ble en  apparence,  est-elle  donc  réellement 
insoluble".'  Elle  ne  l'est  jioint  quand  on  pr  nd 
la  préC'iution  d'éclaircir  les  termes,  et  que 
l'ony  attache  une  idée  nette  et  [irécise.  C'est 
C'  que  hs  philosophes  n'ont  fait  ni  dans  les 
siècles  passés,  ni  dans  le  siècle  présent; 
nous  espérons  de  le  démontrer  :  mais  il  faut 
vor  auparavant  de  quelle  m  iinèro  la  ditti- 
cullé  a  été  résolue  par  les  anciens  justes, 
qui  ont  été  les  premiers  philosophes  et  les 
premiers  théologiens. 

A  proprement  parler,  cette  question  fait 
tout  le  sujet  du  livre  de  Job;  de  l'aveu  des 
savants,  ce  livre  a  près  de  quatre  mille  ans 
d'antiquité.  L'erreur  des  amis  de  Job  était 
de  penser  qu'un  Dieu  bon  et  juste  ne  peut 
affliger  les  nommes,  à  moins  qu'ils  ne  l'aient 
mérité  par  leurs  crimes.  Job  rél'ute  ce  faux 
préjugé  ;  c'est  un  juste  souffrant  qui  fait  l'a- 
jiologie  de  la  Providence. — l'Le  saint  patriar- 
che fait  parler  Dieu  lui-même,  pour  appren- 
dre aux  hommes  que  sa  conduite  et  ses  des-  • 
seins  sont  impénétrables,  et  qu'il  n'en  doit 
cjmptc  à  personne,  il  leur  demande  qui  lui 


'493 


MAL 


MAL 


m 


a  servi  de  conseiller  et  île  guide  d;ins  In  ma- 
nière dunt  il  a  iirrungé  Touvrage  de  la  créa- 
lion  (c.  IX,  V.  ^8  ;  c.  \,  XII,  XXVI,  x\xm,  etc.). 
De  là  nous  lirons  (h'(]i\  deux  conséquences  : 
la  pieiiiièie,  que  les  niAnies  raisons  qui  jus- 
tiiient  Ueu  sui'le  degré  de  bien  ou  do  mal, 
de  perleelion  ou  d'iniperlection  (ju'il  adonné 
aux  créaturi^s,  le  justilient  aussi  sur  la  quan- 
tité de  biens  et  de  maux,  de  bonheur  ou  de 
soulliance  qu'il  leur  distribue  ;  la  seconde, 
qui'  les  notions  ([ue  nous  tirons  de  la  con- 
(lui(e  et  de  la  bonté  des   hommes   ne  sont 

iias  ap|ilieables  à  la  bonté  et  l\  la  conduite  de 
)ieu.  Nous  prc-luverons  la  vérité  do  ces  deux 
réilexions.  —  2°  Job  jtose  pour  ])rincipe  que 
l'homme  cstsuuillé  parle  péché  dès  sa  nais- 
sance. «Qui  peut, dit-il,  icndrepur  l'homme, 
j'oriué  d'un  sang  ini[)ur,  sinon  Dieu  seul?  »(jue 
riiomuie  n'est  jamais  exempt  de  péché  aux 
yeux  de  Dieu  (c.  ix,  v.  2;  c.  iv,  v.  1).  Les 
attlictions  qu'il  éprouve  peuvent  donc  tou- 
jours être  un  clultimenl,  et  servir  à  l'expia- 
iion  de  ses  liantes. — 3'  i!  soutient  que  Dieu  dé- 
dommage ordinaireuKMil  en  ce  monde  le  juste 
.•it'lligé,  etiiunil  l'impie  iusobnldans  la  pros- 
périté :  Cette  vérité  est  confirmée  par  bs  bien- 
laits  dont  Job  llji-nièuio  est  comblé  sur  la 
lin  de  ses  jours  (c.  xxi,  xxiv,  xxvii,  xlu). 
—  k"  11  compte  sur  une  récompense  après  la 
mort.  «  Quand  D.cu  m'ùterait  la  vie,  dit-il, 
j'espérerais  encore  en  lui...  Je  sais  que  mon 
Uédempli'ur  est  vivant  ;  qu'au  dernier  jour 
je  me  relèverai  de  la  terre,  et  que  je  verrai 

mon  Dieu  dans  ma  chair Les  leviers  de 

ma  bière  perleront  mon  espérance,  elle  re- 
posera avec  moi  dans  la  pous.^ièi'e  du  tom- 
beau.... Accorde/,  Seigneur,  à  l'homme  con- 
damné h  mourir,  i[uelques  moments  de  re- 
pos, jusqu'il  celui  auquel  il  attend,  comme 
le  mLM'ecnaire,le  salaiiedesou  travail  (c.  xiii, 
XIV,  xiiv,  XIX,  etc.).  » 

De  ces  trois  dernières  vérités,  il  s'ensuit 
qti'il  n'y  a  point  de  mal  pui',  de  vml  absolu 
dans  le  monde,  puisqu'il  doit  en  résulter  un 
très-grand  iiien,  savoir  l'expiation  du  iiéclié 
et  un  bonheur  éternel. 

David,  api  es  avoir  avoué  que  la  prospérité 
des  méchants  est  uil  mystère  et  une  tcntalion 
continuillepour  les  gens  de  bien,  se  conso- 
lait de  môme  en  rélléchissant  sur  la  lin  der- 
nière dos  méchants  (Psal.  lxxii,  v.  17j.  Salo- 
mon,  dans  l'Ecclésiaste,  après  avoir  allégué 
ce  scandale,  concluait  que  Dieu  jugera  le 
juste  et  rim[)ie  (Eccles.,  iv,  vm,  ix).  Ma.s 
les  philosophes  ne  sont  pas  satisfaits  de  ces 
ré[)0iises;  c'est  k  nous  de  prouver  qu'elles 
sont  solides  et  qu'elles  résolvent  pleinement 
la  dirnculté. 

En  premier  lieu,  l'on  distingue  des  maux 
de  liois  espèces  :  le  nuil  que  l'on  i)eut  ap- 
peler nu'luplujsique, ce  sont  les  imperfections 
des  cré.'itures;  le  mal  physique,  c'est  la  dou- 
leur, tout  ce  ipd  al'llige  les  êtres  sensililes 
elles  rend  malheureux;  le  »m/  moral,  c'est 
Ve  péché  et  les  peines  qu'il  traîne  à  sa  suite. 
Si  les  imperteciions  des  créatures  et  leurs 
pécliés  n  ■  les  faisaii'Ut  pas  soull'rir,  un  phi- 
losophe ne  les  envisagerait  ])as  couu'ie  des 
maux.  Le  mal  physique  ou  la  douleur   est  le 


principal  objet  des  plaintes;  Dieu,  sans  doute, 
aurait  rendu  les  créatur 'S  plus  parfaites,  s'il 
avait  voulu   les  rendn^    plus  heureuses.  Un 
auteur  anglais  a  fait  voir  que  les  deux  di  r- 
nières  espèces  de  maux  dérivent  de  la  [ire- 
niière,  et  que,  dans  le  fond,  tout  se  réduit  h 
rimpirfoction  des  créatures.  (Ecrits  publié» 
pour(afond.dcBoyle,lomcV,pas-  205,  etc.) 
—En  second  lieu,  l'on  s'obstine  à  [irendre  le 
bien  et  le  mal  dans  un  sens  absolu,  au  lieu 
que  ce  sont  des  termes  purement  relatifs,  et 
qui  ne  sont  vrais  (lue  par  comparaison.   Lo 
bien  paraît  un  ma/ lorsqu'on  le  compare  à  ce 
qui  est  mieux,  parce  qu'alors  il  renferme  une 
jirivation  ;  et  il  parait  un  «n'cMar,  quand  on  le 
compare  à  ce  qui  est  plus  inal.  Ainsi,  quand 
on  dit  (ju'il  y  a  duw«/  dans  le  monde,  cela 
signilie  seulement  qu'il  n'y  a  pas   autant  do 
bien  quii  pourrait  y  en  avoir.  Quand  on  de- 
mande pourquoi  il  y  a  du  mal.  c'est  comme  si 
l'on   demandait    pourquoi  Dieu   n'y  a  pas 
mis    un     plus    grand    degré  do    bien;   et 
la  question  ainsi   pro[)Oséo    fait   déjà  tom- 
ber  par    terre    la   moitié   des    objections. 
—En  troisième  lieu,  l'on  compare  la  bonté  do 
Dieu  jointe  h  un  pouvoir  inhni,  avec  la  bonté 
de  l'homme  dont  le  pouvoir  est  très-borné; 
c'est  une  comparaison  fausse.  Un  homme 
n'est  pas  censé  6oH,  il  moins   qu'il  ne    fasse 
tout  le  bien  qu'il  peut;  il  est   absurde,   au 
contraire,  que  Dieu  fasse  tout  le  bien  qu'il 
peut,  puisqu'il  en  peut  faire  à  l'inlini.  L'in- 
lini  actuel  est  une  contradiction,  puisqu'une 
puissance  infinie  ne  peut  jamais  être  épuisée. 
Les  divers  degrés  de  bien  que  Dieu  peut  faiie 
forment  une  chaîne  inliuie.  Qui  fixera  le  de- 
gré auquel  la  bonté   divine  doit   s'arrêter  ? 
Yoy.  ïioy.  Bonté. 

11  est  bien  singulier  que  ces  doux  snphis- 
mes,  entés  l'un  sur  l'autre,  aienttourné  tou- 
tes les  tètes  [>hilos:phiques  depuis  Job  jus- 
qu'à nous.  Les  Pères  de  l'Eglise  ont  mieux 
raisonné.  Tcrtullien,  dans  ses  livres  contre 
Marcion  et  contre  Ilermogcnc;  saint  Augustin 
dans  ses  écrits  contre  les  manichéens  ;  Théo- 
doret,  dans  son  Traité'de  In  Providence,  ont 
très-bien  .saisi  le  point  de  la  question  ;  ils 
n'ont  pas  été  dupes  d'une  double  équivoque. 
Ils  ont  posé  pour  principe  que  le  mal  n'est 
que  la  privation  .d'un  plus  grand  bien,  et 
(ju'en  raisonnant  toujours  sur  le  mieux,  nous 
ne  trouverons  jamais  le  point  auquel  il  fau- 
dra nous  lixcr.  Faisons  donc  l'application  do 
ceVriHcipe  aux  trois  espèces  de  maux  que 
l'on  reproche  à  la  Providence. 

Tout  être  créé  est  nécessairement  borné, 
par  conséquent  imparfait;  le  jual  métaphy- 
sique est  donc  essentiellement  inséparable 
des  ouvrages  du  Créateur.  Quelque  parfaite 
que  soit  une  créature,  Dieu  peut  en  aug- 
menter à  l'inlini  les  perfections;  à  cet 
égard,  elle  éprouve  toujours  une  privation. 
Au  contraire,  quelque  imparfaite  qu'on  la 
suppose,  dès  qu'elle  pxi^te,  elle  a  reçu 
-  quelque  degré  de  bien  ou  de  perfection, 
■  (juelque  iiualité  qu'il  lui  est  bon  d'avoir.  Il 
n'en  est  donc  aucune  dont  l'exisience  puisse 
être  envisagée  comme  absolumant  mau- 
vaise, comme  un  mal  pur  et  positif;  aucuuo 


ir> 


MAL 


Mal 


iÔ6 


n'e.st  imparfaite  que  })ar  coiuparaisoii  avec 
ut)  autre  être  plus  iiarfait  :  la  perfection 
absolue  n'est  qu'en  Dieu.  Si  une  créatiire 
qui  Iconque  a  lieu  dose  plainiire,  parce  qu'il 
en  est  d'autres  auxquelles  Dieu  a  fait  rilus 
de  bien,  elle  a  lieu  aussi  de  se  féliciter  et 
de  le  remercier,  puisqu'il  en  est  d'autres 
auxquelles  il  en  a  fa  t  moins.  Où  est  donc 
ici  le  fon  iement  des  iilaintes  et  des  murmu- 
res ?  Pour  ne  parer  que  de  nous,  on  con- 
vient aussi  que  tout  homme  est  content  de 
soi;  il  n'est  donc  pas  aisé  de  concevoir  en 
quelle  Sorte  il  peut  èlri;  mécontent  de  Dieu. 
Prétendre  qu'un  Dieu  bon  n'a  pas  pu  don- 
ner l'être  k  des  créatures  imparfaites,  c'est 
soutenir  que,  parce  qu'il  est  bon,  il  n'a  pu. 
riin  créer  du  tout.  Le  pai'fait  absolu  est 
l'inlini.  Dieu  pouvait,  sans  doute,  créer  l'es- 
pèce humaine  plus  parfaite  qu'elle  n'est, 
puisque,  ilans  le  nombre  des  individus,  L'S 
uns  sont  moins  imparfaits  que  les  autres; 
mais  si  l'espèce  entière  n'a  aucun  sujet  de 
se  plaindre  de  la  mesure  des  dons  t[u'elle  a 
rei;us  comment  chaque  individu  peut-il  être 
uiécontent  di^  la  portiiin  qui  lui  est  échue? 

Aussi  Bayle  a  été  forcé  de  passer  con- 
damnation .'•ur  l'article  du  mal  métaphyuique; 
il  est  convenu  qu'il  n'y  aurait  rien  à  objecter 
contre  la  bonté  de  Dieu,  si  l'imperfection 
des  créalures  ne  les  rendait  pas  méconten- 
tes et  malheureuses.  Mais  si  ce  que  nous 
appelons  malheur  ou  soujfrancc  est  une 
suite  inévitable  de  l'impirfection  de  l'espèce, 
couuneiit  l'un  puut-il  fonder  un  méconten- 
tement [>ius  juste  que  lautre? 

Passiins  tionc  à  la  notion  du  mal  physique, 
ou  du  malheur.  Nierez-voiis  ,  me  dira-t-on, 
qu'un  instant  de  douleur,  même  la  plus 
légère,  soit  un  mal  réel,  positif  et  al)solu? 
Oui,  je  le  nie,  parce  qu'il  est  absurde  de  sé- 
parer cet  instant  d'avec  le  reste  de  son  exi- 
stence habituelle  qui  est  un  6i>n;  cet  instant, 
considéré  sur  la  totalité  de  la  vie,  n'est  que 
la  privation  d'un  bien-être  continuel  ou  d'un 
bonheur  habituel  plus  parfdl.  Un  instant  de 
douleur  légère  est  sans  doute  [)référable  à 
une  douleur  plus  vive  et  plus  longue;  si  l'on 
dit  qu'il  s'ensuit  seulement  quiî  l'un  est  un 
moindre  mal  que  l'autre,  j'en  conclus  de 
même  qu'un  bien-être  habituel,  coupé  par 
un  instant  de  douleur,  est  un  moindre  bien 
que  s'il  était  cons  ant,  mais  que  ce  n'est 
point  un  mal  jiositif  ni  un  malheur  absoUi. 
Dans  une  question  aussi  grave,  il  est  bien 
ridicule  d'argumenter  sur  des  mots. 

Un  écrivam  tiès-sensé  et  très-instruit 
vient  de  soutinir  avec  raison  qu'il  n'y  a  pas 
un  seul  des  maux  de  la  vie  qui  Jie  soit  un 
liien  à  plusieurs  égards;  il  n'en  est  donc 
aucun  qui  soit  un  mal  pur  et  absolu.  Etude 
de  la  nature,  lom.  1,  pag.  C05.  Un  autre  a 
très-bien  fait  voir  que  les  besoins  de 
l'homme  sont  le  principe  de  ses  connais- 
sances, de  ses  plaisirs,  le  fondement  de  la 
vie  sociale  et  de  la  civilisation  :  nulle  vo- 
lupté, dit-il,  sans  désir,  et  nul  désir  sans 
liesoin.  Le  plus  stupide  des  jieuples  serait 
eclui  dont  tous  les  bi\soins  seraient  sati-siaits 
sans  «ucun  liavail.  Ori.,fnc  faisait   dé  à  eus 


observations,  contra  Cehum,  lib.  iv,  ii.  70, 
et  il  les  contirmait  par  un  passage  du  livre 
de  VEccle'siaslique,  c.  xxxi\,  v.  21  et  2  i. 

Soutiendra-t-on  qu'un  homme  qui  a  vécu 
quatre-vingts  ans,  et  ([ui  n'a  éprouvé  dans 
tout.'  sa  vie  qu'un  instant  de  douleur  légère, 
a  été  malheureux ,  qu'il  a  droit  de  se 
plaindre,  que  ce  seul  instant  forme  une  ob- 
jection invincible  contre  la  bonté  infinie  de 
Dieu?  Bavle  a  osé  avancer  ce  paradoxe,  et 
tout  incrédule  est  forcé  de  l'adopter.  Qui 
de  nous,  en  pareil  cas,  ne  se  croirait  pas 
très-heureux  et  obligé  de  bénir  la  Provi- 
dence? Entre  le  bonheur  pari'nt  et  absolu 
qui  est  l'état  des  saints  dans  le  ciel,  et  le 
malheur  absolu  qui  est  le  supplice  des 
damnés,  il  y  a  une  échelle  immense  d'('ta's 
habituels  qui  no  sont  bonheur  ou  malheur 
que  par  comparais^  n,  et  il  n'est  aucun  de 
ces  degrés  dans  lequel  Dieu  ne  puisse  placer 
une  créatuie  sensible  sans  déroger  k  sa 
bonté  infinie.  Voy.  Bomieur. 

Bayle  et  ses  copistes  disent  qu'un  Dieu 
infiniment  bon  se  devait  à  lui-môme  de 
rendre  ses  créatures  /iewrcwse*;  jusqu'à  quel 
point?  Toute  créature  est  censée  heureuse, 
quand  on  compare  son  état  à  un  état  p  us 
mallieureux,  et  elle  est  malheureuse  quand 
on  la  comiiare  à  un  état  meilleur.  On  ne 
prouvera  jamais  que  l'état  habituel  des  créa- 
tures, mélangé  de  biens  et  de  maux,  de 
plaisii'S  et  de  .soutl'rances,  plus  ou  moins, 
soit  un  malheur  absolu,  un  état  pire  que  le 
néant,  et  dans  lequel  un  Dieu  bon  n'a  pas 
pu  (ilacer  ses  créatures.  Saint  Augustin  a 
sont  nu  le  conlraire  contre  les  manirhéens, 
et  on  ne  peut  rien  lui  opposer  de  soliile.  En 
raisonnant  sur  le  principe  opposé,  un  incré- 
dule s'est  trouvé  réduit  h  dire  qu'an  ciron 
qui  souffre  anéantit  la  Providence. 

Ici,  comme  nous  l'avons  déjà  remarqué, 
la  révélation  vient  au  secours  tie  la  raison 
et  justifie  la  Providence;  elle  nous  fait  re- 
garder les  maux  de  ce  monde  comme  le 
moyen  de  mériter  et  d'obtenir  un  bonheur 
éternel  :  ces  maux  ne  sont  donc  qu'un  in- 
stant en  comparaison  de  l'éternité.  Consola- 
tion que  n'avaient  jias  les  anciens  philo- 
sophes, ciue  les  hérétiques  ont  oubliée,  et 
tiue  les  incrédules  ne  veulent  pas  recevoir; 
c  est  donc  leur  faute,  et  non  celle  de  Dieu, 
si  c'est  pour  eux  un  malheur  de  vivre.  Une 
béatitude  qui  nous  serait  assurée  sans  souf- 
frances précédentes  et  sans  mérites,  serait, 
si  l'on  veut,  un  plus  grand  bienfait  que  celle 
qu'il  faut  acheter  i)ar  la  vertu  et  par  les 
soutl'rances  ;  mais  s'ensuit-il  que  Dieu  n  est 
pas  bon ,  parce  qu'il  ne  nous  rend  pas 
heureux  de  la  manière  dont  nous  voudiions 
l'être?  11  n'est  pas  question  de  savoir  si  nous 
sommes  contents  ou  non  de  notre  sort,  mais 
sinous  avons  un  juste  sujetde  nous  |>laindie; 
le  mécontentement  injuste  est  un  trait  d'in- 
gratitude, ce  n'est  donc  qu'un  crime  de  plus. 
Job  sur  son  fumier  liénissait  Dieu;  Alexan- 
(h  e,  maître  du  monde,  n'était  pas  satisfait. 
Saint  Paul  se  réjouissait  dans  les  soutfrances; 
un  épicurien  blasphème  contre  1 1  Divinité, 
parce   qu'il    ne  peut   pas   goûter  assez  do 


s> 


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MAL 


-MAL 


m 


ptiisirs.  Prenorons-nous  pour  jugi's  oe  i.'i 
fjoiité  divine  des  voluptueux  in.si'iis(''s,  plut''t 
que  des  iluics  vertueuses  ?  C'est  ici  le  cas  do 
(lire  (jue  c'est  le  goilt  qui  décide,  et  non  la 
raison;  mais  un  philosophe  doit  prendre 
la  raison  pour  guide,  [)lutùt  qu'un  goût  dé- 
]n-:\vé. 

Le  mal  moral  semble  d'abord  former  une 
l'ius  t;rande  ditïiculté.  Comment  un  Dieu 
bon  a-t-il  pu  donner  h  riiomme  la  libei'li'- 
de  pécher,  ou  le  jiouvoir  de  se  rendre  éter- 
ni'llemeni  malheureux?  Il  ne  pouvait  lui 
iaii'e  un  don  plus  funeste,  surtout  sachant 
t'ès-bien  que  l'iiomme  en  abuserait.  Mais  il 
n'est  |.)as  vrai  que  la  lilierté  soit  seulement 
le  pouvoir  de  jHxlicr  et  de  se  rendi'(^  mal- 
heureux; c'est  aussi  le  pouvoir  de  faire  le 
bien  et  de  s'assure^'  un  bonheur  ('ternel  : 
un  de  ces  deux  pouvoirs  n'est  pas  moins 
essentiel  à  la  liberté  que  l'autre.  Une  nature 
impeccable,  une  volonté  détermin(''e  invin- 
ciblement au  bien,  serait  sans  doute  meil- 
/cit/Y  qu'une  liberté  telle  que  la  nôtre;  mais 
il  ne  s'ensuit  jias  (jue  celle-ci  est  un  mal, 
un  don  peiiiicieux  et  funeste  par  lui-même 
Kntre  le  meilleur  et  le  mal,  il  y  a  un  milieu 
([ui  est  le  bien  :  c'est  encore  la  ré|)onse  de 
saint  Auguslm.  11  s'ensuit  seulement  que 
le  libre  arbitre  est  une  faculté  imparfaite. 
Dieu  aide  la  volonté  de  Ihounne  par  des 
grâces  plus  ou  moins  puissantes  et  abon- 
dantes, ce  sont  toujours  des  bienfiits;  l'.;- 
bus  que  riiimune  en  fait  n'en  change  point 
la  nature;  il  ne  faut  pas  conf jndre  le  don 
avec  l'abus  :  celui-ci  est  libre  et  volontaiie, 
il  vient  de  l'honnue  et  non  de  Dieu. 

Bayle  et  les  auires  incrédules  n'ont  pu 
obscurcir  ces  notions  (jue  par  des  sophismes. 
ils  disent,  l"(pie  c'est  le  propre  'l'un  ennemi 
rt'accoi'der  un  bienfait  d:uis  les  cii-conslances 
danslesquelles  il  prévoit  (jue  Ion  en  abusera; 
qu'un  |ière,  un  ami,  un  médecin,  etc.,  se  gar- 
dent bien  de  mettre  entre  les  mains  d'un  en- 
fant ou  d'un  malade, des  armes  dont  ils  ont 
lieu  de  croire  que  l'usage  lui  sera  pernicieux. 
Mais  nous  avons  montré  d'avance  que  toutes 
ces  comparaisons  sont  fautives.  Les  hommes 
ne  sont  censés  nous  aimer,  Être  bons  à  notre 
égard  qu'autant  qu'ils  nous  font  tout  le  bien 
qu'ils  peuvent,  et  qu'ils  prennent  toutes  les 
pr.'C  lulions  qui  dépendent  il'eux  jiour  n(jus 
jjréserver  du  mal.  Il  n'en  est  pas  de  même 
à  l'égard  de  Dieu,  dont  le  pouvoir  est  inlini, 
et  qui  doit  gouverner  les  hommes  de  la  ma- 
nière qui  convient  ii  des  êtres  libres,  cipa- 
bles  de  mériter  et  de  démériter,  de  corres- 
pondre àlagrAce  ou  d'y  résister.  Nous  avons 
déjà  observé  que  vouloirque  Dieu  fasse  tout 
ce  qu'il  peut,  c  est  en  exiger  l'inlini.— 2"  Nos 
adversaires  font,  à  l'égard  de  la  grAce,  le 
inôme  sophisme  qu'à  l'égard  de  la  liberté; 
ils  disent  qu'une  grAce  donnée  dans  un  in- 
stant où  Dieu  prévoit  que  l'homme  y  résis- 
t(îra,  est  un  don  <'mpoisonné  plutôt  (ju'un 
bienfait,  puiscju'elle  ne  sert  (ju'à  rendre 
l'homme  plus  coupable.  Ce  raisonnement 
est  absolument  faux  :  la  prescience  de  Dieu 
ne  change  rion  h  la  nature  de  la  grAce  :  or, 
celle  ci  donne  à  rhnniaie  toute  la  farce  dont 


i:  H  bo-  ■'.:■  pour  faire  le  liien;  elle  e>t  donc 
destinée  a  rendre  l'iiomiiie  vntueux.  et  non 
à  le  rendre  coupable.  L'abus  que  l'hommo 
eu  fait  vient  de  lui  seul  et  non  de  la  grAce, 
puisqu'il  y  résiste.  Lorsque  Dieu  dit  aux 
Juifs  :  Vutis  7n'avez  fait  servira  vos  iniquités 
(Isaie,  c.  XLiii,  v.  2't-),  il  est  évident  ([uc  servir 
ne  signifie  ni  aider,  ni  contribuer,  ni  pous- 
ser au  mal  :  cela  signifie  seulement,  vous 
vous  êtes  servis  de  lues  bienfaits  pour  faire 
le  mal. 

Une  grAce   eflicace,    une   grAce  donnée  à 
riionnne  dansle  moment  .suquel  Dieu  prévoit 
(jue  l'homme  y  corresjionilra,  est  sans  doute 
un  i)lus  grand  bietd'ait  (pi'uiie  grAceinefficace; 
n;.iis  il  n'e>t  pis  vrai  (jue  celle-ci"soitun  don 
pernicieux  et  funeste  [lar  lui-même,  puis(iu'il 
ne  lient  qu'à  l'homme  d'en  suivre   le  mou- 
vement. —  3°   Us  disent    (ju'i-n  parlant    de 
Dieu,  permettre  le  |)éehé  et  vouloir  posilive- 
iiKuit  le  [)é(hé,  c'est  la  même  chose,  puisque 
rien   !i 'arrive  sans  une   volonté  expresse  de 
Dieu  ;  ils  jirétendent  le  prouver  par  le  senti- 
ment des  théologiens  qui  adiiT-ttenl  des  d('- 
crets  prédéterminants  [)Our  toutes  les  actions 
des  hommes.  — Nous  soutenons,    au  con- 
traire, que  permeltre\e.  jiéclié  signifie  seule- 
ment ne  |)as  l'empêcher,  et  qu'il  n'est  pas  vrai 
fiue  Dieu  veuille  jamais  positivemeni  le  |>é- 
cJié.  Voi/.  Pekmission.  Quant  aux  déeicts  pré- 
délerminants,  c'est  une  opinion  que  nous  ne 
sommes  jjas  obligés  d'admettre.  Vny.lhxkvû- 
TEKMiNATio\.    Il  est    injuste   de  fonder  des 
objections  contre  la   Providence  sur  le  sys- 
tème arbitraire  de  quelques  théologiens.  — 
4."  Si  Dieu,   disent  les    incré'dules,   \(.ulait 
sincèrement  empêcher  le  mal  moral,  il  don- 
nerait toujours  des  grAces  efficaces  (jui  [)ré- 
viendraicnt  le  péché  sans  détruire  la  liberté 
de  l'homme.  Ces  raisonneurs  ne  font  jias  at- 
tention que.  par  une  suite  de  grAces  toujours 
efticaces,    l'homme  serait  déterminé   d'une 
manière  aussi  uniforme  qu'il  l'est  jiar  une  né- 
cessité jihysique,  ou  par  un  penchant  invin- 
cible. Il  serait  (Jonc    gouverné  comme   s'il 
n'était  pas   libre  ;  ce  qui    est  absurde.  Une 
seconde  absurditi^  est  desupposer  ju'en  ver- 
tu de  sa  bonté  Dieu  doit  ai  corder  des  grAces 
plus  puissantes  et  plus   abondantes,   à  jiro- 
[lortion  que    l'homme  est   plus   m^  chant  et 
jilus  disposé  à  y  résister. 

Toutes  ces  objections  ne  nous  paraissent 
pas  assez  redoutables  jxxir  en  conclure  (jue 
les  difiicultés  tirées  de  l'existence  du  mal 
moral  sont  insolubles.  Pour  s'en  débarrasser, 
les  sociniens  ont  refusé  i\  Dieu  la  prescience; 
ils  ont  dit  'jne  si  Dieu  avait  prévu  le  péché 
d'Adam,  il  l'aurait  prévenu  ou  empèc'ié. 
Mais  I$ayle  et  d'autres  leur  ont  fait  voir  (jue 
cette  fausse  supposition  ne  les  tire  point 
d'embarras.  En  elfet,  quand  Dieu  n'aurait  pas 
prévu  l'avenir,  du  moins  il  connaît  le  jtrésent; 
il  voyait,  dans  le  moment  auquel  Eve  était 
tentée  par  le  serpent,  la  faiblesse  avec  la- 
(juelle  elle  lui  prêtait  l'oreille,  l'instant  au- 
quel elle  selaissait  vaincre  ;  Dieu  et d'  témoin 
(le  rinvilatiun  qu'e  lefil  à  son  inari,  de  lata- 
cilité  avec  laquelle  il  re(;ut  de  sa  main  le 
fruit  défendu  :  selon  la  supi»ositiondes  ioei- 


i99 


MAL 


MAL 


500 


meus,  Dieu  devait  se  montrer,  intimider  ces 
faibles  (^poux,  arrêter  '."ellet  de  la  tentation. 

Pour  que  les  difficultés  soient  plinnenient 
résolues.  Bayle  exige  que  l'on  concilie  en- 
semble un  certain  nombre  de  vérités  théolo- 
giques  avec  plusieurs  maximes  de  p'iiloso- 
phie  qu'il  y  oppose.  Les  premières  sont, 
1°  que  Dieu  infiniment  p.irfait  ne  peut  rien 
perdre  de  sa  gloire  ni  de  sa  béatitude  ;  •2° 
qu'il  a  par  conséquent  rréé  l'univers  trrs- 
librement  et  sans  en  avoir  besoin  ;  3"  qu'il  a 
donné  à  nos  premiers  parents  le  libre  arbitre 
et  les  a  menacés  de  la  mort  s'ils  lui  désobéis- 
saient; î"  qu'en  punition  de  leur  désobéis- 
sance il  les  a  condamnés,  eux  et  leur  posté- 
rité, k  la  damnation,  aux  souffrances  de  cetie 
vie,  à  la  concupiscence  et  îi  la  mort  ;  5°  qu'il 
n'a  délivré  de  cette  proscription  qu'un  pi'lit 
nombre  d'hommes,  et  les  a  prédestinés  au 
lionlieur  éternel  ;  6"  qu'il  prévoit  tous  les  pé- 
chés et  peut  les  empéclier  comme  bon  lui 
semble;  7°  que  souvent  il  donne  des  gnlces 
auxquelles  il  prévoit  que  l'homme  résistera, 
et  ne  donne  point  celles  auxquelles  ilprévoit 
que  l'homme  consentirait. 

Les  maximes  philosophiques  sont,  1°  que 
la  bonté  seule  a  pu  déterminer  Dieu  à  créer 
le  monde?  2°  que  cette  bonté  ne  serait  pas 
infinie  si  l'on  pouvait  en  concevoir  une  plus 
grande  ;  3°  que  par  cette  bonté  même  il  a 
A'Oulu  que  toutes  les  créatures  intelligentes 
trouvassent  leur  bonheur  à  l'aimer  et  à  lui 
obéir  ;  i"  qu'il  ne  peut  donc  pas  perniettre 
que  ses  Ijienfaits  tournent  à  leur  malheur; 
5°  qu'un  être  malfaisant  est  seul  capable  de 
faire  des  dons  iiar  lesquels  il  prévuit  que 
l'homme  se  perdra;  6° que  permettre  le  mal 
quG  l'on  peut  empêcher,  ce  n'est  pas  se  sou- 
cier qu'il  se  commette  ou  ne  se  c-juimette 
ias,  ou  souhaiter  même  qu'il  se  commette  ; 
°  que  quand  tout  un  peuple  est  coupable  de 
rébellion,  ce  n'estpoint  user  de  clémence  que 
de  pardonner  à  la  cent  millième  partie,  et  de 
faire  mourir  tout  le  reste,  sans  en  excepter 
même  les  enfants.  Bayle  s'efforce  de  prouver 
ces  trois  dernières  maximes  par  les  exem- 
ples d'un  bienfaiteur,  d'un  roi,  d'un  ministre 
d'Etat,  d'un  père,  d'une  mère,  d'un  médecin, 
etc.  Rép.  aux  quest.  iVun  Prov.,  i"  partie, 
ç.  144;  OEuvr.,t.  III,  p.  79G. 

Quoique  plusieurs  des  véritésthéologiques 
supposées  par  Bayle  demandent  des  explica- 
tions, surtout  la  5'  qui  regarde  la  prédestina- 
tion, nous  n'y  toucherons  pas  ;  mais  nous 
soutenons  que   la  plupart  de  ses  maximes 

Philosophiques  sont  captieuses  et  fausses. 
a  2'  est  de  ce  nombre  ;  la  bonté  de  Dieu  est 
infinie  en  elle-même,  mais  elle  ne  pevit  (las 
l'être  dans  ses  effets,  parce  que  l'infini  ac- 
tuel, hors  de  Dieu,  est  une  contradiction. 
Nous  ne  pouvons  estimer  la  bonté  de  l'homme 
que  par  ses  elfets,  au  lieu  que  la  bonté  infi- 
nie de  Dieu  se  démontre  par  la  notion  d'Etre 
nécessaire,  existant  de  soi-même.  Voy.  In- 
fini. La  k'  est  encore  fausse  ;  un  homme,  s'il 
çstbon,  doit  faire  tout  ce  qu'il  peut  pour  em- 
pêcher qu'un  bienfait  tourne  au  malheur  do 
quelqu'un,  même  par  la  faute  de  celui  qtii  le 
rejoit  ;  au  contraire,  il  est  absurde  que  Dieu 


I 


fasse  loul  ce  qu'il  peut,  puisqu'il  peut  h  l'in- 
fini ;  une  auiri;  absurdité  est  de  vouloir  qu'il 
redouble  ses  grâces  ii  mesure  que  l'homme 
est  plus  disposé  h  y  résister.  La  5%  qui  com- 
pare Dieu  il  un  être  malfaisant,  pèche  par  le 
même  endroit,  aussi  bien  ([ue  la  G=  et  la  "i'. 
Toutes  portent  sur  une  comparaison  fautive 
eiiti'e  la  bonti'^  de  Dieu  et  celle  des  créatures  ; 
Bayle  n'en  allègue  point  d'autre  preuve.  Or, 
il  a  reconnu  formellement  lui-même  le  faux 
de  toutes  ces  com])araisons  ;  il  déclare  en 
propres  termes  «  qu'il  n'admet  point  pour 
règle  'le  la  bonté  et  de  la  sainteté  de  Dieu, 
les  idi'i's  que  nous  avons  de  la  bonté  et  de 
la  sainteté  en  général;...  de  sorte  «lue  nos 
idi'cs  naturelles  ne  peuvent  point  être  la 
mesure  commune  de  la  bonté  et  de  la  sainteté 
divine,  et  de  la  bonté  et  de  la  sainteté  humai- 
ne; qnen'yavantpoint  de  iiroportion  entre  le 
fini  et  l'infini,  il  ne  faut  point  se  permettre  de 
mesurera  la  même  aune  la  coiiduite  de  Dieu 
et  la  condidle  des  hommes  ;  et  qu'ainsi  ce 
qui  serait  incompatible  avec  la  bonté  et  la 
saiiitetédeDieu,  quoique  nosfaibleslumières 
ne  puissent  ap.-rcevoir  cette  compatibilité.  » 
11  ajoute  avec  raison,  que  cette  déclaration 
est  conforme  aux  principes  des  théologiens 
L'S  plus  orthodoxes.  Itép.  à  M.  Le  Clerc,  §  5, 
OEuvr.,  t.  IH,  pag.  Pourquoi  donc  Bayle  s'ob- 
stiue-t-il  à  ramener  cette  comparaison  pour 
élayer  tous  ses  arguments  ?  Ce  n'est  pas  à 
torique  Leilmitz  lui  a  reproché  un  anthro- 
pomiir|)hisme  continuel. 

Dès  que  l'on  éclaircit  les  termes,  il  est 
aisé  de  répondre  au  raisonnement  d'filiii- 
cure  :  ou  Dieu  oeut  emjiêcher  le  mal  et  ne 
le  veut  pas,  ou  il  le  veut  et  ne  le  peut  pas; 
dans  le  jireniier  cas  il  n'est  pas  bon,  dans 
le  second  il  est  impuissant.  Nous  ré!)ondons 
qu'il  y  a  des  maux  que  Dieu  ne  peut  pas, 
d'autres  qu'il  ne  veut  pas  empêcher ,  et 
qu'il  ne  s'ensuit  rien  contre  sa  puissance 
infinie  ni  contre  sa  bonté,  parce  que  la  puis- 
sance de  Dieu  ne  consiste  point  à  faire  des 
contradictions,  ni  sa  bonté  à  faire  tout  ce 
qu'il  peut.  —  C'est  donc  injustement  que  les 
sceptiques,  ou  incrédules  indifférents,  pré- 
tendent qu'entre  les  preuves  de  l'existence 
de  Dieu  et  d'une  providence,  et  les  objec 
lit)ns  tirées  de  l'existence  du  mal,  c'est  le 
goût  seul  et  non  la  raison  qui  décide  ;  que  le 
choix  de  la  religion  ou  de  l'athéisme  dépend 
uniquement  de  la  manière  dont  un  homme 
est  atfeclé.  1"  Quand  cela  serait  vrai,  le  goilt 
pour  la  vertu  qui  détermine  un  homme  à 
croire  en  Dieu  est  certainement  i)lus  loua- 
ble que  le  goût  pour  rindé|iendance  qui  dé- 
cide un  philosophe  à  l'athéisme  ;  il  en  i  é^uKe 
déjà  que  ce  dernier  est  un  mauvais  cu'ur.  2" 
Les  preuves  positives  de  l'existence  de  Dieu 
et  d'mie  piovidence  sont  démonstr.dives  et 
.sans  réplique,  au  lieu  que  les  objections  ti- 
rées de  l'existence  du  mal  ne  sont  fondées 
que  sur  des  équivoques  et  de  fausses  com- 
paraisons. 3°  Quand  ces  objections  seraient 
insolidjli's,  c'est  un  inconvénient  commun  .'i 
tous  les  systèmes,  soit  de  religion,  soit  d'in 
crédulité;  or  il  est  absurde  de  rejeter  un  sys 
tèiue  prouvé  par  des    démonstrations   di- 


501 


MAL 


MAI. 


502 


rectos,  quoique  sujet  h  {Icsdifficultcjsinsolu- 
])1('S,  l'-our  eu  i'Hil)rasscr  un  qui  n"a  [)nint  de 

fircuve  (juG  as  ditticuliés  uièiucs,  (t  dins 
eqiiol  ou  est  lorci'  de  dévorer  des  alisui'dités 
et  dcsconlra  l'irlious. 

A  farticle  Manicukisme,  nous  examin' rous 
les  dill'érentns  (('filiations  que  l'on  a  faites 
dcssophisnies  di^  liayle.  LoLlerc,  Kiug,  Jac- 
(jiiali)t,  Laiiîacet'e,  Leiljuitz,  le  l'ère  Male- 
l>ranelio,  Jean  (^larke  et  d'autres  ont  écrit 
(MUtre  lui;  niais  les  uns  se  sont  fondi'S  sur 
des  systèmes  arbitraires  et  sujets  h  contes- 
tation ,  les  autres  ont  nièlé  k  la  qui'slion 
]jriricipale  beaucoup  de  choses  accessoires 
ipii  l'ont  souvent  fait  perdre  de  vue.  Quel- 
ques-uns  ont  enseigné  des  erreurs  ;  aucun 
ne  s'est  appliqué  h  ilénièler  les  équivoijues 
sur  lesquelles  Bayle  n'a  cessé  d'argumenter; 
c'est  ce  qui  lui  a  donné  plusieurs  fois  une 
apparence  de  su|)ériorité  sursesadversai.es. 
C(!nendaiit,  a[)rès  avoir  longtemps  disputé, 
il  a  été  forcé  de.  se  rétracter  ilaiis  ses  der- 
niers ouvrag(!s.  Voy.  Optimisme. 

Ncis  philosophes  n'ont  pas  seulement  pu 
convenir  entre  eux  sur  la  quantité  de  imil 
(pi'il  y  a  dans  le  monde.  Havle  et  si'S  co- 
pistes ont  décidé  qu'il  y  a  plus  de  mal  (|ue 
deiiien;  la  plupart  des  autres  ont  soiiteini 
((u'il  y  a  plus  de  liien  que  de  mal  :  quelques- 
uns  ont  pensé  (pi'il  y  a  une  é^alc  (pianiité 
de  l'un  et  de  l'autre.  Si  on  voulait  écouter 
les  alliées  et  les  épicuriens,  tout  est  mal 
dans  l'univers;  si  nous  en  croyons  les  opti- 
mistes, au  ciiuiiiàie,  tout  est  bien.  Connuent 
pourraient  s'accordiT  enseralile  des  dispu- 
teurs  qui  ne  sont  pas  encore  convenus  de 
ce  qu'ils  entendent  par  bien  cl  mal?  Telle 
fut  di'jîi  l'origine  des  anciennes  disputes 
entre  les  stoïciens  et  les  autres  philosophes, 
sur  la  natuiC  du  bien  et  du  mal.  —  Un  des 
piincipaux  sujets  de  plaintes  de  nos  adver- 
saires est  l'inégalité  avec  laquelle  Dieu  dis- 
tribue aux  cré.itures  sensibles  les  biens  et 
les  maux  ;  nous  y  avons  répondu  dans  l'ar- 
ticle I^ÉGALITÉ. 

Pourquoi  les  objections  tirées  de  l'exi- 
stence tlu  mal  paraissent-elles  difiiciles  à 
résoudre?  Poui  plu^iellrs  raisons  :  la  pre- 
mière, c'est  que  l'on  argumente  sur  Vinfini, 
notion  qui  induit  aisément  en  erreur,  à 
inoins  que  l'on  n'y  regarde  dt  jirès.  La  se- 
conde, est  que  ces  objections  sont  projiosées 
dans  le  langage  ordinaire  que  tout  le  monde 
entend  ou  croit  entendre;  mais  ce  langa,j;e 
est  un  abus  continuel  des  termes,  bien,  mal, 
bonheur,  malheur,  bonté,  malice;  on  les  prend 
dans  un  sens  absolu,  au  lieu  que  ce  sont  des 
termes  de  comparaison;  pour  éclairer  les 
diflicuUés,  il  faut  les  r('Hjuire  à  toute  la  pré- 
cision du  langage  (ihilosophique,  îi  laquelle 
peu  de  personnes  sont  accoutumées,  et  do 
la(juelle  les  incrédules  ont  grand  soin  de  se 
dispenser.  En  troisième  lieu,  on  voudrait 
pouvoir  donner  aux  objections  un  >  réponse 
directe  tirée  des  notions  de  la  bonté  humaine, 
et  c'est  justement  l'application  que  l'on  fait 
de  ces  notions  à  la  bouté  divine  qui  est  la 
source  de  tous  les  sophismes. 
ilALABAUJiS.    Chrétiens    malabares   ou 


chrétiens  de  sauit  Thomas.  C'est  une  peu- 
plade iKimbreuse  de  cliréliens,  établie  dans 
les  Indes  a  la  cote  de  .Malabar,  depuis  les 
premiers  siècles  de  l'Kglis  ■,  et  qui  préten- 
dent que  le  premier  fondateur  de  leurs 
Eglises  a  été'  l'apôtre  saint  Thomas.  Voy. 
Saint  Thomas.  Ils  sont  tombés  dans  le 
nestorianisme  au  v°  siècle.  Voy.   Nestoria- 

MSMIi,  §  V. 

-Mat. 'liîAiiEs  (rites).  On  n'entend  iioint  sous 
ce  nom  les  rites  des  clirHiens  de  saint 
Thomas  dont  nous  venons  de  parler,  m.iis 
ceux  des  Indiens  genlils  ou  idol.tres  con- 
vertis au  christianisme.  Quelques  missiou- 
uaires  envoyés  dans  ce  pays-là  se  persuadè- 
rent ((lie,,  pour  amener  jilus  aisément  les  in- 
diens gentils  à  la  religion  chrétieiuie,  on 
pouvait  tolérer  quelques-uns  de  leurs  usa- 
ges, et  leur  permettre  de  les  conserver  a[»rès 
leur  conversion.  Cette  condescendance  con- 
sistait h  omettre  quelques  cérémonies  du 
baptême,  à  dillérer  l'administration  de  ce 
sacrement  aux  entants,  a  hdsser  aux  fem- 
mes une  image  qui  ressemblait  à  une  idole, 
à  refuser  ([U>  Iques  secours  spiriluels  peu 
impiirtants  aux  parias,  nommés  aussi  pare's 
ou  soodrrs,  qui  sont  une  caste  inépris''e  et 
abliurrée  parmi  les  Indiens  yentous.  H  s'a- 
gissait encore  de  jiermettrc  aux  musieiens 
chrétiens  d'exercer  leur  art  dans  les  fêles 
des  idolâtres,  d'interdiie  aux  femmes  les 
sacrements  lorsqu'elles  éprouvaient  les  in- 
lirmités  de  leur  sexe.  Cette  tolérance  a  été 
coiulainnée  par  le  cardinal  de  Tournon  sous 
Clément  XI,  par  Benoit  XIII  eu  1727,  par 
Clément  XII  en  1739,  par  Benoit  XI V  en 
llkk.  Cedernieriiape  a  néanmoins  permis  de 
destiner  des  prêtres  i)articuliers  pour  les 
parias  seuls,  et  d'autres  jtrêtres  pour  les 
castes  plus  nobles  qui  ne  veulent  avuir  au- 
cune communication  avec  les  parias.  Il  s'en- 
suit de  là  que  le  christianisme,  s'il  était  éta- 
bli dans  les  Indes,  tirer.iil  de  l'opprobre  et 
de  la  misère  au  moins  la  qurtrième  partie 
des  Indiens  écrasés  |iar  l'orguoii  eti»arla  ty- 
rannie des  nobles.  Voy.  Indes,  Induîns. 

iM.\LACHIK  est  le  dernier  des  pr.)p':ètes; 
il  n'a  paru  qu'après  la  captivité  de  B.djylone, 
et  dans  le  temps  que  Néhémie  travaillait  à 
rétablir  chez  les  Juifs  la  parfaite  observa- 
tion de  la  loi  de  Dieu;  ces  deux  (lersonna- 
ges  leur  reprochent  les  mêmes  désordres  et 
la  même  négligence  dans  le  culte  du  Sei- 
gneur. Aggée  et  Zacharie  avaient  vécu  lors- 
que le  temple  commencé  par  Zorobabel  n'é'tiit 
jjas  encore  achevé;  il  l'était  du  temps  de 
Mulnrhie,  et  les  prêtres  y  avaient  recnn- 
niencé  leurs  fonctions  :  seion  le  sentiment 
le  plus  probable,  il  a  prophétisé  sous  le 
règne  d'Artaxerc  '  i\  la  longue  main,  envi- 
ron l'an  h-1%  avant  Jésus-Christ,  sous  le  pon- 
titicat  de  Joiadas  II.  r«.(/.  Prideaux,  1. 1,  1.  vi. 
(domine  le  nom  de  J/a/rtf/u'c  signitie  envoyé 
de  Dieu,  quelques  anciens  ont  cru  que  ce 
prophète  n'était  pas  un  homme,  mais  un 
ange  revêtu  d'une  forme  humaine.  Sa  pro- 
phétie, qui  est  contenue  dans  quatre  chapi- 
tres, renferme  des  |irédictious  importantes. 
-  C.  i,v.  10:«Vousuem'0tusiJlusagréablùs,  dit 


603 


MAL 


MAI 


f>Ot 


le  Seigneur  des  armées  :  je  n'accepterai  plus 
d'offrandes  de  votre  main.  Depuis  le  lever 
du  soleil  jusqu'à  son  coucher,  mon  nom  est 
grand  parmi  les  nations;  en  tout  lieu  on 
m'offre  des  sacrifices,  et  l'on  me  présente 
une  victime  pure.  C.  m,  v.  1  :  Je  vais  en- 
voyer mon  ange,  et  il  préparera  le  chemin 
devant  moi,  et  incontinent  le  maître  souve- 
rain que  vous  cherchez,  et  l'ange  de  l'alliance 
que  vous  désirez,  viendra  dans  son  temple. 
Il  vient  déjà,  dit  le  Seigneur  des  armées.  C. 
IV,  V.  2:  Lorsque  vous  craindrez  mon  nom, 
le  soleil  de  justice  se  lèvera  pour  vous,  il 
;)p[iort('ra  le  salut  sur  ses  ailes,  etc.;  v.  4  : 
Souvenez-vous  de  la  loi,  des  ordonnances 
et  des  préceptes  que  j'ai  donnés  pour  tout 
Jsraël  à  Moïse,  mon  serviteur,  sur  le  mont 
Horcl).  Je  vous  enverrai  le  prophète  Elle 
avant  que  n'arrive  le  grand  et  terrible  jour 
du  Seigneur;  il  réconciliera  les  pères  avec 
les  enfants,  de  peur  que  je  ne  vienne  frapper 
la  terre  d'.mathème.  » 

Les  anciens  docteurs  juifs,  et  les  plus  ha- 
biles d'entre  les  modernes,  comme  Maimo- 
nide,  Aben-Esra,  David  Kimchi ,  reconnais- 
sent cjue  l'ange  de  /'«//i'nncp ,  annoncé  jiar 
Malachie  ,  est  le  IMessie,  et  les  Juifs  étaient 
persuadés  qu'il  devait  venir  pendant  que  le 
second  temple  subsisterait.  C'est  ce  qu'avait 
prédit  Aggée,c.  ii,  v.  8  :  «  Dans  peu  de  temps 
Je  désiré  des  nations  viendra,  et  je  rempli- 
rai cette  maison  de  gloire,  dit  le  Seigneur  ;  » 
il  parlait  du  temple  que  l'on  bâtissait  pour 
lors  ;  c'est  donc  de  ce  même  temple  que 
parlait  aussi  Malachie ,  en  reprochant  aux 
prêtres  juifs  les  profjnalions  qui  s'y  commet- 
taient. Voy.  Gnlatin,  1.  m,  c.  12;  1.  iv,  c.  10 
et  11  ;1.  XI,  c.  9,  etc. 

Ainsi  les  év.mgélistes  n'ont  pas  eu  tort 
d'aiipliquer  à  Jésus-Christ,  et  aux  circons- 
tances dans  lesquelles  il  e>tvenu,la  prophé- 
tie de  Malachie.  L'ange  qui  annonça  au  prê- 
tre Zacharie  la  naissance  de  son  fils  Jean- 
Baplisle,  lui  dit  :  «  Il  précédera  le  Seigneur 
avec  l'esprit  et  avec  le  pouvoir  d'Elie,  pour 
réconcilier  les  pères  avec  les  enfants  {Luc. 
1, 17).»  Zaclnrie  lui-même,  après  la  naissance 
deson  iils,se  féncitc  de  ce  que  cet  enfant  pré- 
pare la  venue  du  Seigneur,  qui  va  jiaraîtro 
comme  la  lumière  du  soleil  pour  éclairer 
ceux  qui  sont  dans  les  ténèbres  {]bid.,  78). 
C'est  une  allusion  au  soleil  de  justice  an- 
noncé par  Malachie;  elle  fut  répétée  par  Si- 
inéon  ,  lors(|u'U  tint  dans  ses  bras  Jésus 
enfant  (ii,  32j.  Lorsque  Jeau-Baptiste  eut 
commencé  à  prêcher,  les  Juifs  lui  envoyè- 
rent demander  s'il  était  le  prophète  Élie 
(Joan.  I,  31).  Jésus-Christ  dit  en  parlant  de 
lui  :  .S^i  t'ous  voulez  le  recevoir,  il  est  véritable- 
ment Elie  (]ni  doit  venir  (Matth.  xi,  14-).  Et 
lors  ]ue  Jeau-Baptiste  eut  été  mis  k  mort, 
le  Sauveur  répéta  la  même  chose  :  Elie  est 
déjà  venu  et  on  7ic  l'a  pas  connu  ;  mais  on  l'a 
traité  comme  on  a  voulu  (xvii,  ik). 

En  elfet,  Jésus-Christ  a  été  Vange  de  l'al- 
liance que  les  Juifs  attei.daie;  t,  puisqu'il  a 
éta!)d  une  nouvelle  alliance  ;  il  a  rempli  de 
gloire  le  second  tom[ile,  puisqu'il  y  a  fait 
plusieurs  miracles,  et  a  révélé  les  desseins 


de  Dieu.  Il  a  institué  un  nouveau  sacrifice 
qui  est  offert  chez  toutes  les  nations,  et  leur 
a  enseigné  le  culte  de  Dieu  qu'elles  ne  con- 
naissaient pas.  Il  a  fait  cesser  les  offrandes 
et  les  sacrifices  des  Juifs,  le  grand  et  terrible 
jour  du  Seitjneur  est  arrivé  pour  eux  ;  lors- 
que leur  république,  leur  ville,  leur  temple, 
ont  (Hé  détruits  par  les  Romains,  alors  le 
Seigneur  a  frappé  leur  terre  d'anathèmc,  puis- 
qu'ils en  ont  été  bannis,  et  depuis  ce  teraiis- 
lii  elle  est  dans  un  état  de  dévastation  et  de 
ruine.  La  prophétie  de  Malachie  a  donc  été 
accomplie  dans  toutes  ses  circonstances . 
Pour  en  esquiver  les  conséquences,  les  Juifs 
disent  que  dans  cette  prophétie  il  n'est  pas 
question  du  second  temple,  mais  du  troisiè- 
me qui  doit  être  bâti  sous  le  règne  du  Me;- 
.sie.  Nous  avons  fait  voir  ijue  l'espérance 
d'un  troisième  temple  est  une  illusion  con- 
traire à  la  leltre  même  des  |irophéties.  Voy. 
Temple,  ils  disent  que  le  Messie  n'est  [la.s 
encore  venu,  puisque  Islien'a  pas  encore  paru. 
S'il  n'est  pas  encore  venu  lui-même,  il  a 
paru  dans  la  personne  de  Jean-Baptisie  qui 
le  représentait.  De  savoir  s'il  doit  revenir  à 
fa  fin  du  monde,  c'est  une  autre  question. 
Voy.  Eue.  ils  soutiennent  que  le  Messie  n'a 
pas  dd  abolir  la  loi  de  .Moïse  ni  les  sacrifices, 
puisque  le  dernier  des  prophètes  finit  ses 
prédictions  en  exhortant  les' Juifs  h  les  ob- 
server. .Mais  il  n'a  pu  leur  recommander  de 
les  observer  que  jusqu'à  l'arrivée  du  Messie  ; 
puisque  celui-ci  est  l'ange  de  l'alliance,  le 
souverain  maître  que  les  Juifs  attendaient, 
c'est  de  lui  qu'ils  ont  dû  apprendre  si  la  loi 
et  les  sacrifices  devaient  cesser  ou  continuer  : 
or  il  a  déclaré  lormelleiiient  qu'ils  allaient 
cesser,  et  les  prophètes  l'avaient  déjà  prédit 
d'avance.  Voy.  Loi  céhémomelle. 

MxVLADE.  Les  anciens  Juifs  ont  été  per- 
suadés que  la  guérison  des  maladies  était 
un  des  princiiiaux  signes  par  lesquels  le 
Messie  devait  prouver  sa  mission  ;  ils  se 
fondaient  sur  la  prophétie  d'Isaïe  (xxxv,  4)  : 
«  Dieu  viendra  et  nous  sauve  a  ;  alors  la  vue 
sera  rendue  aux  aveugles,  l'ouïe  aux  sourds, 
la  parole  aux  muets,  les  boiteux  marcheront 
et  sauteront  de  joie.  »  Il  n'est  pas  nécessaire 
d'examiner  si  c'est  là  le  sens  littéral  de  cette 
prophétie  ;  il  nous  suffit  de  savoir  que  telle 
était  l'opinion  des  Juifs,  et  qu'ils  y  persi- 
stent encore  aujourd'hui.  Galatin,  1.  viii,  c. 
5.  C'est  pour  cela  même  que  Jésus-Clirist 
opéra  tant  de  guérisons,  cl  n'en  refusa  ja- 
mais aucune  ;  saint  Pierre  le  faisait  remar- 
quer aux  Juifs  {Acl.  x,  38),  pour  leur 
prouver  que  Jésus  était  le  messie.  Quoi- 
que les  évangélistes  en  aient  rapporté  un 
très-grand  nombre,  ils  nrms  font  comprendre 
qu'ils  en  ont  passé  sous  silence  encore  da- 
vantage. Saint  Marc  dit  (vu,  50),  que  «  dai  s 
toutes  les  vil  es  et  villages  oii  Jésus  allait, 
on  exposait  les  malades  dans  les  rues  et 
dans  les  places  publiques;  qu'un  le  pria  tde 
perojetlre  qu'ils  toucnassent  seulement  le 
boni  de  ses  habits,  et  que  tous  ceux  qui 
les  touchaient  étaient  guéris.  »  Saint  l/jc 
s  exprime  de  même,  c  iv,  40. 

Au   mol    Guérison,  nous  avons  fait  voii 


fior; 


MAL 


quo.  toiitos  celles  qu'a  opt''i-(^os  notre  divin 
Sauveur  (Haient  véritablement  surnaturelles, 
que  l'on  ne  peut  y  soupçonner  de  la  fraude 
ou  de  la  collusion,  ni  des  causes  naturelles, 
ni  de  la  niai,ne.  11  y  a  lieu  de  penser  que  les 
maladrs  (pii  avaient  ainsi  recouvré  la  santé 
cruieiit  eu  Jésus-Clirist  et  le  reconnurent 
])i)ur  le  Messie.  Parmi  les  Juifs  qui  entendi- 
rent la  première  [)rétlicalion  de  saint  Pierre, 
il  y  avait  sans  d(jute  un  grand  nombre  de 
reuv  qui  avaient  été  ainsi  gui'ris  ;  c'étaient 
autant  de  témoins  irréprochables  de  ce  que 
disait  ce!  apUre;  nous  ne  devons  jias  ôtre 
siu'|iris  de  ce  que  trois  mille  .se  liient  bapti- 
ser (Ad.  M,  kl),  et  de  ce  ipie  le  discours  sui- 
vant convertit  encore  cinq  mille  lioumies  ; 
](Mir  foi  avait  l'-té  préparée  par  les  miracles 
de  Jésus-Christ  même  ,  desquels  ils  avaient 
été  ou  ies  objets  ou  les  témouis. 

Ce  divin  M  dire  avait  donné  îi  ses  apôlres 
v'onire  et  le  pouvoir  de  guérir  I  s  malades, 
par  i)'ir  motif  de  charité  [Matth.  x,  8);  ils 
en  usèrent  h  son  exenqile.  11  est  dit  dans  les 
Actes,  c.  V,  y.  15  et  1(>,  que  l'on  présen- 
tait à  saint  Pierre  tous  les  malades,  non-seu- 
lement de  Jérusalem,  m;ds  des  lieux  cir- 
convoisins;  que  tous  s'en  retournaient  gué- 
rie ;  que  l'ombre  seule  de  cet  ai)Atre  sufd- 
sait  p  lur  leur  rendre  la  sanlé  ;  c'était  sous 
les  yeux  ties  ma;.'istrals  et  des  chefs  de  la  sy- 
nagogue. .Mais  Jésus-Christ  avait  aussi  re- 
couHuandé  de  visiter  et  de  consoler  les  ma- 
lades :  il  fait  envisager  cette  œuvre  de  cha- 
rité connue  un  des  mnyen  d'obtenir  miséri- 
corde au  jugement  de  Dieu  (Matth.  \xv,  30). 
Ses  auôtrt  s  ont  répété  celte  leçon  (/  Thcss. 
XV,  l\,  etc.)  :  elle  fut  exactement  pratiquée 
par  les  premiers  fidèles  ;  leur  cliarité  en- 
vers les  malades  l'ul  poussée  jus{pi'à  l'hé- 
roïsme. Pendant  une  peste  qui  ravagea  l'en- 
jiire  romain  l'an  "25-2,  et  qui  dura  quinze  ans, 
les  ciirétieiis  se  dévouèrent  à  soigner  les 
malades,  sans  en  excepter  les  païens,  et  ;i 
donner  la  .sépulture  aux  morts.  Les  prêtres 
surtout  et  les  diacres  se  firent  remarquer 
[)ar  leur  zèle  à  procurer  aux  mourants  les 
secours  de  la  religion;  plusieurs  furent  vic- 
times de  leur  courage  et  furent  honorés 
comme  des  martyrs,  pentlant  que  les  païens 
abandonnaient  même  leurs  parents  malades, 
fuyaient  au  loin  et  laissaient  les  cadavres 
sans  sépulture.  Ktisèbe,  1.  vu,  c.  22;  S.  Cy- 
prien,  de  Mortalitate;  Ponce,  Vie  de  S.  Cy- 
prieu.  L'empereur  Julien .  ennemi  déclaré 
des  chrétiens,  était  forcé  de  leur  rendre  cette 
justice,  et  en  avait  de  la  jalousie.  Ce  plié- 
noraène  s'est  renouvelé  plus  d'une  fois  dans 
les  diverses  contrées  où  le  christianisme 
s'est  établi. 

C'est  cet  espiit  de  charité,  commandé  par 
Jésus-Ciirist  même,  q;  i  a  fait  fonder  les  hô- 
pitaux dans  des  temps  de  calamité,  et  a  in- 
spiié  à  une  multitude  de  personnes  de  l'un 
et  de  1  autre  sexe  le  courage  de  se  consacrer 
pour  foule  leur  vie  au  service  des  malades. 
Nous  avons  fait  remarquer  ailleurs  avec 
quelle  témérité  les  incr.dules  de  notre  siè- 
c-le  ont  déprimé  l't  censuré  ces  établisse- 
ments si  honorables  à  la  religion,  et  dont 


.M.\L  .^00 

les  sages  du  paganisme  Ti'ont  jamais  eu  l'idée. 
Les  Kiimains  exposaient  leurs  esclaves,  vieux 
ou  iiuilddcs,  dans  une  île  du  'ril)re,  et  les  y 
laissaient  nu)uiirde  faim  ;  chez  nous  l'on  a 
vu  des  reines  panser  de  leurs  mains  h  s  ma- 
lades, et  le  ir  rendre  les  services  les  plus 
bas.  Voy.  ilôpiTAUX,  Hospitaliers,  Fonda- 
tion. 

MALI^:i)lCTION.  Voy.  Impiiécation. 

ALVLLFICE,  praticpie  superstitieuse  em- 
ployée dans  le  dessein  de  nuiie  aux  hom- 
mes, aux  animaux  ou  aux  fruits  de  la  terre. 
On  a  souvent  donné  le  nom  de  maléfice  h 
toute  espèce  de  magie,  et  celui  de  j?î«//'«(7fMr, 
maleficns  ,  aux  magiciens  en  général  ;  mais, 
en  rigueur,  le  maléfice  est  l'espèce  de  magie 
la  plus  noire  et  la  plus  détestable,  puisqu'elle 
a  pour  but,  non  de  faire  du  bien  à  quehiu'un, 
mais  de  lui  faire  du  mal  ;  au  crime  de  in- 
courir  au  démon  elle  réunit  celui  de  la  haine 
et  de  l'injustice  envers  le  prochain.  La  ma- 
lice humaine  ne  peut  aller  jilus  loin  que  de 
s'adresser  aux  puissances  di;  l'enfer  pour 
salisfaire  une  passion  effrénée  de  haine,  de 
jalousie,  de  vengeance;  ma  s,  h  la  honte  de 
l'humanité,  aucun  crime  n'est  incroyable. 

Il  ne  faut  pas  confondre  les  maléfices  avec 
1(3S  poisons.  11  est  très-possible  de  causer 
des  maladies  et  même  la  mort  aux  hommes 
ou  aux  animaux,  par  des  poisons  très-sulitils 
qui  agissent  sans  que  l'on  s'en  aperçoive,  et 
(iont  I  effet  jiarait  une  espèce  de  magie  à  ceux 
qui  ont  peu  de  connaissance  des  causes  na- 
turelles. Il  est  assez  |irobable  que  plusieurs 
malfaiteurs,  qui  ont  été  punis  comme  magi- 
ciens, étaient  seulemeiil  des  empoisonneurs, 
qui,  pour  causer  du  mal,  n'avaient  employé 
(jue  des  dnigues.  Mais  il  est  iirouvé  aussi 
par  le  témoignage  d'auteurs  instruits  et  di- 
gnes de  foi,  par  les  procédures  et  les  arrêts 
des  tribunaux,  par  la  confession  môme  de 
plusieurs  de  ces  malheureux,  qu'ils  avaient 
mis  en  usage  des  pratiques  impies  et  ilia- 
boliques,  qui  ne  pouvaient  produire  aucun 
effet  (jue  par  l'entremise  du  démon;  par  con- 
séquent ils  avaient  ajouté  à  la  malice  des 
empoisonneurs,  la  profanation,  le  sacrilège, 
et  une  espèce  de  culte  rendu  à  l'ennemi  du 
salut.  On  met  ajuste  titre  au  rang  des  ma- 
léfices les  philtres  que  l'un  des  sexes  donne 
h  l'autre  pour  s'en  faire  aimer,  parce  que 
cela  ne  se  peut  pas  faire  sans  déranger  les 
organes,  et  sans  troubler  la  raison  des  per- 
sonnes qui  eu  sont  l'objet. 

Puisque  les  lois  divines  et  humaines  ont 
décerné  des  supplices  contre  les  cm|!Oison- 
neurs  et  les  meurtriers,  à  plus  forte  raison 
tloit-on  sévir  avec  la  dernière  rigueur  contre 
ceux  qui  vont  chercher  jusque  dans  l'enfer 
les  moyens  de  nuire  ii  leurs  semblables. 
Quand  même  leur  malice  ne  pourrait  pro- 
duire aucun  effet,  quand  la  confiance  qu'ils 
ont  au  démon  serait  absoluujent  illusoire, 
leur  crime  ne  serait  pas  moins  énorme,  puis 
qu'ils  ont  eu  la  volonté  de  nuire  par  ce 
moyen  détestable. 

Liorsque  Constantin  porta  une  loi  contre 
les  auteurs  des  maléfices,  il  excepta  les  pra- 
ticiues  qui  avaient  jujurbut  défaire  du  bien, 


507 


MAL 


g\  non  de  causer  du  mal,  sans  oxaminer  si 
elles  étaient  superstitieuses  ou  non,  con- 
traires ou  conformes  à  l'esprit  liela  religion. 
D'autres  empereurs  ont  condaiiuié  dans  la 
suito  toutes  ces  sortes  de  pratiques  sans  dis- 
tinction, parce  que  c'est  une  vraie  magin  ; 
l'on  ne  peut  pas  compter  assez  sur  la  probité 
de  ceux  qui  l'exorcent  pour  s'assurer  qu'ils 
s'en  serviront  toujours  dans  le  dessein  de 
faire  du  bien,  et  (ju  ils  ne  les  emploieront  ja- 
mais dans  l'intention  de  faire  du  mai.  De 
mi'me  les  lois  do  l'Eglise  ont  défendu,  sous 
])eine  d'anathème,  tonte  praiique  su[)ersti- 
(ieuse,  quel  i|u'en  soit  riii_)jet  ou  l'intention, 
et  cette  délV'nse  a  été  renouvelée  dans  plu- 
sieurs conciles.  Thiers,  Traité  des  Siipcrsl., 
t.  1,  1.  II,  c.  5,  p.  l'i-S.  Comme  la  magie  fai- 
sait partie  du  paganisme,  il  n'est  pas  éton- 
nant fiu'elle  ait  cneor^-  régné,  même  après 
l'établissement  du  chrislianisme.  Un  ancien 
Péniteutiel  enjoint  se|)t  ans  do  pénitence, 
dont  trois  au  pain  1 1  à  l'eau,  <\  ceux  qui  se 
sont  servis  d'un  maléfice  dans  le  dessein  do 
causer  la  mort  à  queli|u'un,  ou  d'exciter  des 
tempêtes.  Il  ne  s  ensuit  ])as  do  là  que  l'on 
ait  cru  à  l'eflicarité  do  ces  [)ratiques,  puis- 
que le  pénitcntiel  romain  condamm-  ceux 
qui  y  croient ,  quoiqu  il  statue  les  mémos 
peines.  {Notes  du  P.  Mviiard  sur  le  Saern- 
mentaire  de  S.  Crégoire,  p.  24. 't  et  232.)  Au 
IX"  siècle,  Agoljard,  arche- ôque  de  Lymi,  lit 
un  traité  du  Tonnerre  et  de  la  Grêle,  d^M  le- 
quel il  attaque  la  crédulité  du  jieuplo,  qui 
pense quoce  sont  les  sorciers  ([ui  excitent  les 
ora;.^es.  Déjà  l'auteur  des  Questions  aux  or- 
thodoxes, qui  a  vécu  dans  le  v  siècle,  avait 
combattu  colle  opinion ,  et  avait  soutenu 
qu'elle  est  contraire  à  l'Ecriture  sainte, 
Quœst.  31 

Un  des  maléfices  les  plus  célèbres  dans 
l'histoire  est  celui  dont  voulut  se  servir  Ro- 
l)erl,  comte  d'Artois,  pour  faire  périr  le  roi 
Pliiiiplie  le  Bel  et  la  reine  son  épouse.  Il 
avait  fait  faire  leur  imago  en  cire,  cl  il  fal- 
lait que  ces  figures  lussent  baptisées  avec 
toutes  les  cérémonies  de  l'Eglise  ;  il  était 
persuadé  qu'on  piquant  au  cœur  ces  ligures 
magiques,  il  causerait  des  blessures  mnrlcl- 
los  à  ceux  qu'elles  représentaient.  {Mémoire 
de  l'Acad.  des  Inscriptions,  t.  XV,  in-12,  ji. 
4-28.)  D'autres  peisonnes  considérables  ont 
été  accusées  du  même  crime. 

Malgré  les  lumières  que  les  philosophes 
se  vai.t  nt  d'avoir  répandues  dans  notre 
siècle,  la  croyance  aux  maléfices  est  encore 
assoz  commu.e  [)armi  les  peiqiles  des  cam- 
pagui's.  Us  sont  persuadés  que  ceux  qu'ils 
i\,  pollent  sorcieis  peuviut  faire  tomber  la 
gi-èle  et  le  tonnerre,  donner  des  nudadies 
aux  hommes  et  aux  animaux  ,  l'aire  tarir  la 
source  du  laita.^e  ou  lefa:re  tourner,  rendre 
les  personnes  mariées  incafiablos  d'useï-  du 
mariagt; ,  exciter  entre  elh^s  une  inimitié 
incurab  e,  etc.  Celte  fausse  ci'ovance  donne 
lii'u  à  plusieurs  désordios;  elle  fait  naître 
des  so!q)gons,  di'S  accusations,  dos  haines 
injustes;  eile  autorise  les  éjioux  futurs  à 
prévenir  le  mai-iage,  SO'S  prétexte  do  se 
meliro  a  couvert  des  maléfices;  pour  en  em- 


MAM  SOS 

pôcner  les  efifets,  elle  fait  recourir  a  la  magie, 
comme  s'il  était  permis  de  faire  cesser  un 
crime  par  un  autre  crime,  etc.  11  est  donc  à 
propos  que  les  pasteurs  soient  instruits  et 
bien  convaincus  de  rinefricacitédos)«a(V/('c''« 
cl  des  autres  pratiques  superstieuses,  afin 
qu'ils  puissent  détromper  le  peuple  et  dissi- 
per ses  vaines  terreurs  {>ar  les  grands  prin- 
ciioos  de  la  religion. 

Les  seuls  moyens  permis  de  se  préserver 
ou  de  se  délivrer  des  maléfices  vrais  ou  ima- 
ginaires, sont  Is  bénédictions,  les  prières, 
les  exorcismes  de  l'Eglise,  la  réception  des 
sacrements,  le  saint  sacrilice  de  la  messe,  le 
jeûne,  l'aumône,  les  bonnes  œuvres,  le  si- 
gne do  la  c.oix,  la  confiance  au  pouvoir  de 
Jésus-Christ  et  à  l'intercession  des  saints. 
Voy.  Magie. 

•  Malgaches.  Peuples  de  l'île  de  Mailagascar.  Ils 
sont  plongés  dans  les  lénébres  du  paganisme  etolTrenl 
des  sacrilices  humains.  Leur  liisloire  religieuse  ap- 
partient an  Dictionnaire  des  Religions. 

MAMBRÉ,  est  le  nom  d'une  vallée  très- 
fertile  et  fort  agréable  dans  la  Palestine,  au 
voisinage  d'Hébron,  et  environ  à  trente- 
un  milles  de  Jérusaliun.  Ce  lieu  est  célèbre 
dans  l'écriture  sainte  par  le  séiour  (jue  1) 
patriarche  Abraham  y  fit  sous  clés  tentes  , 
après  s'être  séparé  de  Lot,  son  neveu,  el  plus 
encore  par  la  visite  qu'il  y  reçut  de  trois 
anges  qui  lui  amioneèrent  la  naissance  mi- 
raculeuse d'Isaac  {Gcn.  xviii). 

Le  chêne  ou  le  lérébinthe,  sous  lequel  ce 
patriarclio  reçut  les  anges,  a  été  en  grande 
vénération  chez  les  anciens  Hébreux;  ^aint 
Jérôme  assure  que  do  son  temps,  c'est-à- 
dire  sous  le  règne  de  Constance  le  Jeinie, 
on  y  voyait  encore  cet  arbre  respectable  ;  et  si 
l'on  en  iroit  quelques  voyageurs,  quoique 
le  téiébi{ithe  eût  été  détruit,  il  en  avait  re- 
poussé d'autres  de  sa  souche,  que  l'on  mon- 
trait pour  marquer  l'endroit  où  il  était.  Les 
failles  que  les  rabbins  ont  forgées  sur  celar 
bre  ne  valent  pas  la  peine  d'être  ra{)iiortées. 
Le  respect  que  l'on  avait  jour  ce  lieu  y  at- 
tira un  si  g  and  concours  de  peuple,  que  les 
Juifs,  naturellement  portés  au  commerce,  y 
établiri'nt  une  foire  qui  devint  fameuse  dans 
la  suite.  Saint  Jérôme,  inJerem.,  c.  31,  et  in 
Znch.,  c.  10,  assure  qu'après  la  gueri'e  (ju'A- 
dricn  ht  aux  Juifs,  on  vendit  à  la  foire  de 
Maiiibré  un  grand  nombre  de  captifs,  (ju'iis 
y  furent  tlonnés  à  très-vil  prix;  ceux  qui  ne 
furent  point  vendus,  furent  transpoiiés  en 
Egypte  ,  oii  ils  périrent  de  faim  et  de  mi 
sère.  Telle  élait  l'Iiumanitédes  Romains ;ja 
mais  les  emperouis  chrétiens  n'ont  commis 
de  barbarie  semblable.  Les  Juifs  venaient  à 
Mambré  pour  y  célébrer  la  mémoire  de  leur 
j)ère  Abraham  ;  les  chrétiens  orientaux,  per- 
suadés que  celui  dos  trois  anges  qui  avait 
porté  la  paro  e  à  ce  patriarche  était  le  \'oriio 
éternel,  y  allaient  avec  le  respect  religieux 
qui  e>t  di'i  au  divin  consommateur  de  notre 
foi.  Quant  aux  païens  qui  cro;» aient  aux  aji- 
parit  ons  dos  d  eux,elqui  rappo.laieui  toutiS 
les  histoires  à  leurs  pi'éjugés,  Js  >  é.everenl 
des  autels,  y  placèrent  des  idoles  et  y  olfrii- 
rent  des  sacrilices. 


fe)9  MAM 

S'oio'i^Snp,  TTist.  ecch's.,  .  ii,  c.  'i-,  parlant 
dos  f(Ucs  (le  Mamfm',  dit  que  ce  lieu  était 
dans  la  plus  gcaiido  vriirration  ;  que  tous 
ceux  qui  le  fréquenlaieiit  aiirai.'Ut  eiaint  de 
s'exposera  la  veiigoaiirodiviin'  s'ils  l'avaient 
proliné,  (|u'ils  n'osaient  y  commetlre  au- 
cune inipuretL',  ni  avoir  de  eiminierce  avec 
les  femnii'S.  Au  contraire,  Eusèbc,  1.  m,  de 
Vitn  Constant.,  c.  5-2,  et  Soerale,  ftisl.,  1.  i, 
c.lS.  disent  que  Enlropia.Syru'nnede  nation, 
cl  uu'iro  del'inqiéralrico  l'austa',  ayant  vu  les 
superstitions  et  les  désordi'es  cpii  se  cuni- 
niettaient  à  Mambré,  en  écrivit  à  l'cnipenur 
Constantin ,  son  gendre,  qui  ordonna  au 
comte  Acace  de  l'.dre  brûler  les  idilcs,  de 
renverser  les  autels,  et  de  cli.llier  tous  ceux 
qui  d.ins  la  suite  conunettraicnt  {pielque  im- 
piété sous  le  t'rébinthe  ;  qu'il  y  lit  bàtr  une 
église,  et  ordonna  <\  l'évéque  de  Césai  ée  de 
veiller  h  ce  que  toutes  cnoses  s'y  passas- 
sent dans  la  iilus  grande  décence.  C'est  mal 
à  propos  qu'un  ciili([ue  mo  lerne  a  cru  trou- 
ver de  la  contradiction  entre  ces  trois  histo- 
riens ;  b>s  deux  deiuiers  parlent  tie  ce  cjui 
se  faisait  h  Mambré  avant  que  ('onstanlin  n'y 
ertt  mis  ordre  ;  Sozoniéne,  plus  récent,  ra- 
conte ce  qu'on  y  voyait  deii\iis  que  l'empe- 
reur y  avait  t'ait  une  réforme  ;  il  dit  i)r(''ci- 
sémeht  la  même  chose  que  les  lieux  auli'cs; 
on  peut  s'en  convaincre  en  confront  nt  leui' 
uai'iatinn. 

MAMMILLAÎUF.S  ,  sectes  d'anabapti-tes 
formée  dans  la  ville  de  Harlem,  en  Hollande, 
on  ne  sait  pas  en  quel  temps.  Elle  doit  son 
origine  h  la  liberté  que  se  donna  un  jeum," 
honune  de  mettre  la  main  sur  le  sein  d'uiic 
tille  (pi'il  voulait  éjiouser.  Cette  action  ayant 
été  déférée  au  consisti/irc  des  anabaiitistes, 
les  uns  soutinrent  quelle  jeune  homme  de- 
vait être  excoriununié  ;  d'autres  ne  jugèrent 
pas  la  faute  assez  grave  pour  mi'riter  une 
cxconmiunication.  Cela  causa  une  division 
entre  eux  ;  les  jilus  sévères  doruièrent  aux 
autres  le  nom  oiiievix  <!(;  mnmilluircs.  ('eli 
ne  niar(]ue  pas  qu'il  y  ait  Ijcauroup  d'union, 
de  charité  et  de  bon  sens  parmi  les  anaba- 
ptistes. 

MAMMONA  ,  terme  syriaque  qui  signifie; 
l'argent,  la  monnaie,  les  richess  s  :  il  est  dé- 
rivé de  mail,  mon,  comitte  ou  noiulire.  Dans 
saint  ^iatthieu,  c.  vi,  v.  5V,  .lésus-Chrisl  dit 
que  l'on  ne  peut  servir  Dieu  et  les  richesses, 
mammonœ.  Dans  saint  Luc,  c.  xvr,  v.  9,  le 
Sauveur ,  après  avoir  cité  l'exemple  d'un 
économe  intidèle,  qui  se  lit  des  amis  en  leur 
rcmi'ttant  une  partie  de  ce  qu'ils  devaient 
à  son  maître,  dit  h  ses  auditeurs  :  Failrs- 
voHs  des  amis  avec  les  richesses  d'iniquité,  de 
mammona  iniquilatis.  De  lii  |)lusieurs  incu'- 
dules  ont  conclu  que  Jésus-Christ  |>roj>osait 
un  fort  mauvais  exemple  et  donnait  une  le- 
çon pernicieuse,  en  conseillant  aux  Juifs  de 
se  faire  des  amis  avec  les  richesses  acquisi  s 
injustement,  comme  s'il  était  permis  de  faire 
l'aumône  du  bii'ii  d'autrui. 

Mais  est-il  bien  décidé  que  mammona  ini- 
quilatis signifie  des  richesses  acquises  injus- 
tement? lï  désigeo  évidemment  des  riclle^- 
ses  fausses  et  trompeuses,  du  la  monnaie  de 


MAN 


MO 


mauvais  aloi,  puisque  Jésus-Christ  les  op- 
pose aux  vraies  richesses  :  quod  verum  rsl  quis 
crcdrt  robis'/  En  hébreu,  eu  syriaipie  et  en 
arabe  le  môme  terme  signifu;  rrai  et  vérité, 
juste  et  justice,  parce  ijuc  la.justici!  ne  trompe 
lûii.t  iPs.  Lxxxiv,  v.  11)  :  «  i.a  miséricorde  et 
a  justice,  Veritas,  se  sont  rencontrées,  l'é- 
(Iuil(V  et  la  paix  se  sont  embrassées,  »  etc. 
Il  est  d'ailleurs  évident  que  1  on  ne  doit  pas 
insister  sur  toutes  les  cirronslances  de  la 
parab(de  dont  Jésus-Christ  se  sert;  l'éco- 
nome infidèle  ne  possédait  point  de  riches- 
ses, puis:|u'il  faisait  une  remise  aux  débi- 
teurs de  son  maître,  alin  qu'ils  le  reçussent 
chez  eux  lorsqu'il  serait  privé  do  smi  admi- 
nistration. Le  dessein  du  Sauveur  était 
d'inspirer  aux  hommes  le  détacheini'nt  des 
biens  de  ce  monde,  à  plus  forte  raison  do 
les  détourner  de  toute  in;ustice,  soit  dans 
l'acquisition,  soit  dans  l'usage  des  liciies- 
ses. 

MANDAITES,  ou  chrétiens  de  saint  Jean. 
C'est  une  secte  de  paii'iis  plutôt  (lue  de 
chrétiens,  qui  est  répandue  h  Bassora,- dans 
quehjues  endioits  d('S  Indes,  dans  la  Perse 
et  dans  l'Arabie,  dont  l'oi'igine  et  !a  croyance 
ne  sont  pas  trop  connues.  Ouelqu{!S  écri- 
vains ont  pensé  que  dans  rorij,iiie  c'étaient 
des  Juifs  qui  avaient  habité  le  long  du  Jour- 
dain, iiendant  que  saint  Jean  y  donnait  le 
baptême,  qui  avaient  continué  de  [iratiquer 
cette  c.'iémonic  tous  les  jours,  ce  qui  les^  fit 
nommer  hémérobaplistes  ;  et  qu'a|Mès  la 
conquête  de  la  Palestine  par  les  niahomé- 
tans,  ils  s'étaient  retirés  dans  la  Clialdée  (  t 
sur  le  golfe  Persique;  c'est  ainsi  qui;  d'Her- 
belot  les  a  rei)résentés  dans  sa  Bibliothèque 
orientale  ;  mais  cette  conjecture  n'est  ap- 
jiuyée  d'aucune  preuve.  Dans  la  réalité,  ces 
sectaires  ne  sont  ni  chrétiens,  ni  juifs,  ni 
maliomélans.  Chainbers  dit  que,  tous  les 
ans,  ils  célèbrent  une  fôle  de  cinq  jours, 
pendant  lesquels  ils  vont  recevoir  île  la  main 
de  leurs  évè  pies  le  baptême  de  saint  Jean  ; 
(|ue  leur  baptême  ordinaiie  se  fait  dans  les 
lleuves  et  les  rivières,  et  seulement  le  di- 
manche, que  c'est  ce  qui  leur  a  fait  donner 
le  nom  de  chrétiens  de  saint  Jean.  Mais  on 
sait  (lue  de  fout  temps  les  Orientaux  ont 
regardé  les  ablutions  comme  une  cc'rémonie 
religieuse  et  un  symbole  ilc  puiitication, 
que  chez  les  païens  le  dimanche  était  le  jour 
du  soleil.  Jus(iue-là  nous  ne  voyons  chez 
les  mandaitcs  aucune  maivpie  de  christia- 
nisme, et  c'est  abuser  du  terme  que  de  nom- 
mer éréqucs  les  ministres  de  leui'  leligion. 

Dans  les  Mém.  de  F  Académie  des  Jnscript., 
tome  XII,  in-i',  p.  IG,  et  t.  XVII,  iii-12,  p. 
2.'),  M.  Eourmont  l'ainé  dit  que  cette  secte 
se  donne  une  origine  très-ancienne,  et  la 
fait  remonter  jusqu  à  Abraham  ;  que  de 
temps  immémorial  elle  a  eu  des  simulacres, 
des  arbres  et  des  bois  sacrés,  des  temples, 
des  fêtes,  une  hiérarchie,  un  culte  public, 
même  une  idée  de  la  résurn  rtion  future. 
^'oil<à  des  signes  très-évidents  de  polythéis- 
me et  d'idolâtrie,  et  non  de  judaisim-  ou  de 
christianisme.  Les  astrologues,  qui  douii- 
naieiil  chez    les   mandaites,    foigcaieiit    des 


5H  MAN 

dogmes,  ou  les  rejetaient,  selon  leurs  cal- 
culs astronomiques.  Les  uns  soutenaient 
que  la  résurrection  devait  se  faire  au  bout 
ue  neuf  mille  ans,  parce  qu'ils  fixaient  à  ce 
temps  la  révolution  des  globes  célestes  ; 
d'autres  ne  l'attenàaieut  qu'après  trente-six 
raille  quatre  cent  vingt-six  ans.  Plusieurs 
admettaient  dans  le  monde ,  ou  dans  les 
inondes,  une  es])èce  d'éternité,  pendant  la- 
quelle tour  à  tour  ces  mondes  étaient  dé- 
truits et  refaits.  Toutes  ces  idées  étaient 
conntuuies  chez  les  anciens  Chaldéens.  On 
ajoute  que  les  mandaïtes  font  une  mention 
honorable  de  saint  Jean-Baptiste,  qu'ils  le 
regardent  comme  un  de  leurs  prophètes,  et 
prétendent  être  ses  disciples;  que  leur  li- 
turgie et  leurs  autres  livres  parlent  du  liap- 
tôme  et  de  quelques  autres  sacrements  ()ui 
ne  se  trouvent  que  chez  les  chrétiens.  Si 
M.  Fourmont  avait  exécuté  la  promesse 
qu'il  avait  faite  de  nous  doimer  une  notice 
des  livres  de  cette  secte,  qui  sont  à  la  bi- 
bliothèque du  roi,  et  qui  sont  écrits  en  vieux 
chaldéen,  nous  la  conn  titrions  mieux.  Mais 
ni  cet  académicien,  ni  Fabricius,  qui  i)arle 
des  chrétiens  de  saint  Jean ,  Salut,  lux 
Evang.,  p.  110  et  119,  ne  nous  apprennent 
point  si  ces  prétendus  chrétiens  ont  pour 
princii)al  objet  de  leur  culte  les  astres  ;  si, 
par  Cf)nséquent,  ce  sont  de  vrais  sabéejis  ou 
sabattes,  comme  on  le  prétend.  11  y  a  une 
homélie  de  saint  Grégoire  de  Nazianze,  con- 
tre les  sabéens;  l'Alcoran  parle  aussi  de  cette 
secte,  et  Maimonide  en  a  souvent  fait  men- 
tion ;  mais  sfius  le  nom  de  sahéens  ou  za- 
bérns,  ce  dernier  entend  les  idolâtres  en  gé- 
néral :  nous  ne  savons  donc  pas  s'il  faut  ap- 
pliquer »u\m(indaites  en  particulier  ce  que 
disent  ces  divers  auteurs,  puisque  le  culte 
des  astres  a  été  commun  à  tous  les  peuples 
idol.'tres.  Le  savant  Assémani  iiense,  d'a- 
près Maracci,  que  les  nmndaites  sont  de 
vrais  païens,  qu'ils  ont  pris  que'ques  opi- 
nions des  manichéens,  qu'ils  n'ont  emprunté 
des  chrétiens  que  le  culte  de  la  croix,  et 
qui  c'est  ce  qui  leur  a  fait  donner  le  nom  de 
chrétiens.  Biblioth.  orient.,  tome  IV,  p.  609. 
Yolj.  AsTKES,  Paganisme,  Sabaïsme. 

MANES,  âmes  des  morts.  L'inscription , 
diis  manibits,  que  les  païens  gravaient  in- 
distinctement sur  tous  les  toujbeaux,  dé- 
montre qu'ils  pliçaicnt  au  rang  des  dieux, 
des  morts  (pu  souvent  avaicni  été  très-vi- 
cieux, et  qu'ils  rendaient  les  honneurs  di- 
vins <\  des  persiinnages  qui  avaient  plutôt 
mérité  qui^  leur  mémoire  tût  tlélrie.  A  la 
vérité,  les  Romains  n'accordaient  les  lion- 
neurs  de  l'apoihéose  qu'aux  empereurs; 
c'étaient  h  eux  seu  s  que  l'on  bâtissait  des 
temples,  et  que  l'on  rendait  un  culte  pulilic; 
mais  chaque  particulier  avait  le  dioit  d'ho- 
norer de  même  c!iez  lui  tous  les  morts  qui 
lui  avaient  été  chers  :  Cicéron,  dans  Sun 
ouvra^je  intitulé  Consolaiion,  nous  apprend 
qu'il  avait  fait  b;ltir  une  chapelle  aux  mânes 
de  Tulliii,  sa  tille.  Dans  le  vestibule  de  tou- 
tes les  maisons  consi  érables,  il  y  avait  une 
autd  consacré  aux  dieux  lares ,  que  l'on 
Croyait  être  les  âmes  des  ancêtres  de  la  fa- 


MAN 


m 


mille.  Pour  excuser  cette  conduite,  quel- 
ques-uns de  nos  philosophes  on  dit  qu'en 
donnant  aux  Ames  des  morts  le  nom  de 
dieux,  les  païens  entendaient  seulement 
qu'elles  étaient  dans  un  état  de  béatitude  ; 
que  par  la  mort  du  corps  elles  avaient  ac- 
quis un  pouvoir  et  des  connaissances  su- 
périeures à  celles  des  mortels;  qu'elbs 
pouvaient,  par  conséquent,  les  instruire  et 
les  aider;  c'est  pour  cela  qu'on  leur  rendait 
des  honneurs,  et  qu'on  les  invoquait  k  [leu 
près  comme  nous  en  agissons  h  l'égard  des 
saints. 

Cette  comparaison  n'a  aucune  justesse. 
I'  Les  honneurs  que  l'on  rendait  aux  em- 
pereurs divinisés  étaient  précisément  les 
mêmes  que  ceux  que  l'on  accordait  aux 
grands  dieux,  aux  dieux  du  premier  rang  ; 
les  uns  et  les  autres,  avaient  des  temples,  des 
autels,  des  fêtes,  des  collèges  de  prêtres,  et 
l'on  ne  sait  pas  jusqu'à  quel  point  les  parti- 
culiers superstitieux  pouvaient  impunément 
porter  le  culte  qu'ils  rendaient  à  leurs  ancê- 
tres. On  sait  qu'aujourd'hui  à  la  Chine  le 
culte  religieux  est  à  peu  près  réduit  à  ce  seul 
objet.  C'était  dégrader  la  Divinité  que  de  con- 
fondre ainsi  son  culte  avec  celui  des  hommes 
ou  des  mânes.  —  2°  11  était  absurde  de  suppo- 
ser dans  l'état  de  béatitude  des  morts  qui  ne 
l'avaient  pas  mérité,  et  que  l'on  aurait  dû 
croire  plutôt  toui  mentes  dans  les  enfers  i)ar 
les  furies.  On  ne  |iouvail  donner  aux  vivants 
une  leçon  plus  pernicieuse  que  de  leur  per- 
suader que  la  vertu  n'était  pas  nécessaire 
pour  être  plus  heureux  après  la  mort.  Nous 
ne  voyons  plus  à  quoi  servait  l'enfer  décrit 
par  les  poètes,  si  ce  n'est  tout  au  plus  à 
punir  les  fameux  scélérats  qui  avaient  in- 
spiré de  l'horreur  pai'  leurs  crimes.  —  3* 
Rien  n'était  plus  inconséquent  que  les  idées 
des  païens  touchant  l'état  des  morts  et  le 
séjour  des  flmes.  L'inscription,  Sit  tibi  terra 
levis,  gravée  sur  les  tombeaux,  supposait 
que  l'âme  du  mort  y  était  renfermée.  Pou- 
vait-on attribuer  beaucoup  de  puissance  à 
un  mort ,  quand  on  craignait  qu'il  ne  fût 
écrasé  sous  le  poids  de  la  terre  qui  le  cou- 
vrait? Le  croyait-on  fort  heureux,  quand  on 
pensait  qu'il  avait  besoin  de  nourriture, 
qu'il  pouvait  être  at:iré  par  l'odeur  des  vic- 
times, des  mets,  des  libations  qu'on  lui  (if- 
frait  ?  Les  poètes  semblent  ne  placer  dans 
l'élysée  que  les  Ames  des  héros  ;  pour  celles 
des  hommes  du  commun ,  soit  vertueux , 
soit  vicieux,  on  ne  sait  pas  tvep  ce  qu'elles 
devenaient. 

On  supposait  d'abord  que  les  bonnes  Ames 
des  ancêtres  habitaient  avec  leur  famille  1 1 
la  protégeaient  ;  que  celles  des  méchants, 
que  l'on  appelait  larves  ou  fantômes,  étaient 
errantes  sur  la  terre,  où  elles  venaient  ef- 
frayer et  inquiéter  les  vivants.  Celte  opi- 
nion devait  donner  une  bi(  n  mauvaise  idée 
de  la  justice  divine.  Les  cérémonies  noctur- 
nes que  l'on  employait  pour  les  apaiser,  les 
menaces  que  faisaiint  des  personnes  pas- 
sionnées lie  Viuir  après  leur  mort  tourmen- 
ter leurs  ennemis,  doivent  être  pour  les 
païens  un  sujet  coatinuel  de  crainte  et  d'ia- 


m 


MAN 


MAN 


SU 


quiétude;  ils  étaient  toujours  dans  In  iiienie 
a.^'italiou  que  l(\s  osprils  faiblcspt  |)C'ur(Hix 
éprouvent  parmi  nous.  Dnihil  résulli' que  la 
croyance  de  l'iuniioitalité  dis  ;lnu's  u'avait 
pre.s({uo  aucune  iniluence  sur  les  nui-urs  des 
païens;  elle  no  servait  qu'à  troubler  li'ur 
repos.  Il  élait  donc  fort  nécessaire  (|u>'  Dii  u 
nius  éclairât  sur  ce  point  tiès-iuipoilant 
par  les  lumières  de  la  r/vélation  ;  ce  que 
niius  en  apprennent  les  livres  saints,  est, 
h  tous  égards,  plus  raisonuahie,  [ilus  con- 
solant, plus  jiropre  à  nous  rendre  vertueux 
que  tout  ce  qu'en  ont  dit  les  |)h;losoplies  : 
ceux-ci  n'en  savaient  |)as  plus  que  le  peu- 
ple sur  l'état  des  .-imes  a|>rès  la  mort. 

Il  n'est  |ias  besoin  d'une  longue  discus- 
sion pour  montrer  que  le  culte  rendu  aux 
saints  dans  le  christianisme  n'est  sujet  à  au- 
cun des  inconvi''nients  que  nous  rcproclions 
au  cult((  des  mânes.  Nous  ne  plaçons  au  rang 
des  bienheureux  que  des  persoiuiages  qui 
ont  édilié  le  momie  par  des  v(utus  héroï- 
ques, et  dont  la  sainteté  a  été  pi'ouvée  par 
des  miracles  ;  nous  ne  leur  rendons  pas  le 
mém(^  culte  qu'à  Dieu,  puisque  nous  ne  leur 
attribuons  point  d'antre  ]iouvoir  que  d'ni- 
tercédcr  pour  nous  auprès  de  lui  :  ce  que  la 
foi  nous  en  apprend  ne  peut  nous  causer  ni 
crainte,  ni  inijuiétude,  mais  |ilutOt  la  con- 
fiance en  Dieu  et  la  lran(|uillité. 

On  n'aperço  t  chez  les  patriarclies,  ni  chez 
les  Juifs,  aucun  des  abus  que  les  païens 
})ratiquaient  à  l'égard  des  morts  :  il  était  sé- 
vèrement défendu  aux  Juifs  d'évocjiier  et 
d'interroger  les  morts  {Deut.  c.  xvni,  v.  11), 
et  de  li>ur  faire  des  olframles  (c.  xwi,  v.  14-). 
Celui  qui  avait  louché  un  cadavre  était  censé 
impur.  Tobie  dit  h  son  lils  :  «  Mangez  votre 
pain  avec  les  pauvres,  et  couvrez  leur  u  i- 
dité  de  vos  vêlements  ;  ))lacez  votre  nour- 
riture sur  la  sépulture  du  juste,  et  ne  la 
mangez  pas  avec  les  [)écheui-s  {Tob.,  c  iv, 
V.  17).  »  11  n'est  pas  question  là  d'une  of- 
frande faite  au  mort,  mais  d'une  aumône 
faite  aux  pauvres  à  rintention  du  mort.  Voij. 
MouTs,  Evocation. 

11  est  toujours  utile  de  comparer  les  er- 
reurs des  nations  païennes  avec  les  idées 
plus  justes  qu'ont  eues  les  peuples  éc'airés 
par  la  révélation  :  si  les  incrédules  avaient 
pris  cette  peine,  ils  auraient  été  moins  té- 
méi'airi'S.  H  y  a  dans  les  Mnii.  de  l'Acad.  des 
Iiiscripl.,  t.  1,  in-12,  p.  3.3,  une  bonne  dis- 
sertation sur  les  lémures,  indues,  ou  Ames 
des  morts;  on  peut  consulter  encore  Win- 
det,  de  Viiu  functorum  staCii.  Voy.  Nécuo- 

MANCIE. 

MANICHÉISME,  système  de  Manès,  hé- 
résiarque du  ni'  siècle,  qui  admettait  deux 
pr:nci|ies  créateurs  ou  forniateu  s  du  uioniic, 
l'un  bon  et  auleiu-  du  bien,  c'est  ce  que  l'on 
appelle  autrement  le  dualisme  o.i  le  dithéisme. 
Ce  système,  tout  absurde  qu'il  est,  a  duré 
si  longtemps,  a  pris  tant  de  fuîmes  dilféren- 
tes,  a  trouvé  tant  de  défensi-ui  s,  a  été  atta- 
qué par  des  honunes  si  célèbres,  que  nous 
ne  pouvons  nous  dispenser  de  l'examiner 
avec  soin.  Nous  considérerons,  1°  l'origine 
liu  ntankhéistne  ;  ±  les  erreurs  qu'il  reufer- 


inail  ;  3°  ses  progrès  et  sa  durée,  k'  N;);is 
jiiouverons  qu'il  est  absurde  à  tous  égai'ds, 
et  qu'il  ne  peut  résoudre  aucune  difiicnlté. 
5°  Nous  verrons  comment  il  a  été  ait  îipié 
dans  ces  derniers  temps.  ()°  Nous  UKjntre- 
rons  cpj'il  a  été  mieux  réfuté  par  les  Pères 
de  l'Eglise  que  par  les  philosophes.  7"  Nous 
examinerons  l'ajjologie  que  BcausoJre  a 
voulu  en  faire.  , 

I.  Origine  du  tnanichéisme.On  conçoit  d'a- 
bord que  c'est  la  dilliculté  de  concilier  l'exi- 
stence du  mal  avec  labontédu  Créateur,  (|ui 
a  conduit  les  raisonneurs  à  supposer  deux 
princi|)es  éternels,  dontl'un  a  jiroduit  le  l)ien, 
l'autre  a  fait  le  mal.  U  serait  diflicile  de  s^)- 
voir  quel  a  été  le  premier  auteur  de  celle 
doctrine  impie,  qui  a  été  suivie  par  la  plu- 
part des  philosophes  orientaux,  surtout  |iar 
ceux  de  la  Perse  ([ue  l'on  a  nonunés  les  ma- 
ges. La  révélation  nous  en  fait  assez  sentir 
l'absurdité,  en  nous  apprenant  qu'un  seul 
Dieu  tout-iiuissant  a  créé  toutes  chdses.  Dieu 
dit  souvent  aux  Juifs  :  C'est  moi  qui  donne 
la  vie  et  In  mort,  qui  frappe  et  qui  guéris. 
{Deuteron.  c.  xxxii,  v.  3!),  etc.).  Il  dit  par 
Isaie  :  Cesl  moi  qui  ai  créé  la  lumière  et  les 
ténèbres,  qui  donne  la  paix  et  qui  fais  les 
maux  (c.  XLV,  v.  7).  Ces  paroles  sont  adres- 
sées à  Cyius,  près  d'un  siècle  avant  sa  nais- 
sance, comme  si  Dieu  avait  \oulule  tenir  en 
garde  ciuilre  les  leçons  des  magesqui  furent 
ses  maîtres.  Tobie,  transporté  dans  le  voisi- 
nage de  la  Perse,  disait  de  môme  :  «  C'est 
vous,  Seigneur,  qui  affligez  et  qui  sauvez, 
qui  condusezau  tombeau  et  qui  en  retirez 
(c.  XIII,  v.  2).»  Mais  les  philosophes  ne  pou- 
vaient comprendre  comment  un  Dieu  bon  a 
pu  faire  le  mal. 

.Manès  naquit  dans  la  Perso  l'an  24.0.  S> 
lon  les  auteurs  ecclésiastiques,  il  fut  acheté, 
dans  son  enfance,  par  une  veuve  fort  riche, 
qui  le  lit  instruire  avec  soin  ;  il  lut  les  livres 
d'un  arabe  nommé  Scylhien,  ou  d'un  disci- 
jile  de  celui-ci  nommé  Buddas,  et  y  puisa 
son  système.  Socrate,  Hist.  ecclés.,  I.  i,  c. 
■22.  Mais  selon  les  historiens  orient  lUX,  .Ma- 
nès était  mage  d'origine,  et  avait  été  élevé 
dans  la  religion  de  Zoroastre  ;  il  fut  instruit 
dans  toutes  les  sciences  cidtivées  par  les 
mages;  il  possédait  la  géométrie,  l'astrono- 
mie, la  musique,  la  médecine,  la  peinture, 
et  se  distingua  par  ces  divers  talents.  Il  em- 
brassa le  christianisme  dans  l'Age  mùr,  i  lut 
l'Eeriture  sainte  ;  on  prétend  même  (ju  il 
fut  élevé  au  sacerdoce  ;  il  entreprit  de  réloi- 
mer  tout  à  la  fois  la  doctrine  des  mages  et 
celle  des  chrétiens,  oud'  concilierensemhle 
ces  deux  religions  :  firsqu'on  s'aperçut  (pi'.l 
altérait  la  foi  chrétienne,  il  fut  ch'assé  de 
l'Eglise.  Mém.  de  l'Acad.  des  Inscript.,  toiiio 
I,VI,  iii-t2,  pag.  330  et  suiv.  Mais  saint  Cy- 
rille de  Jéi'usalem,  qui  écrivait  soixante- lix 
ans  seulement  après  Manès,  ne  convient 
point  que  cet  hérésiarque  ait  jamais  été  chré- 
tien. Catéclt.  a,  note  26  ilc  Cranco  as.  Ma- 
nès ne  fut  donc  pas  créateur  du  système  •  es 
deux  princifies.  Si  nous  eu  croyons  Pbitar- 
que,  cette  doctrine  remonte  à  la  plus  hanta 
antiquité,  et  se  trouve  chez  toutes  les  nation». 


515 


JfAN 


MAN 


516 


Dans  son  traité  à'Isis  et  <ÏOsiris,  Plutarque 
attribue  le  dualisme ,  non-seulement  .aux 
Perses,  aux  Ghahléens,  aux  Egyptiens  et  au 
commun  (les  Grecs,  mais  aux  philosophes 
les  plus  célèbres,  tels  cfue  Pythagore,  Ein- 
péilocl^,  HéracHie  ,  Anaxagore,  Platon  et 
Aristote.  Voij.  Dieu,  Idoi.atuie. 

Spencer,  dans  sa  dissertation  de  Hirco 
emiss.,  c.  19,  sect.  1,  enj.'arlc  comme  Plutur- 
fjue.  «  Les  Egyptiens,  dit-jl ,  ap|>elaient  le 
dieu  bon  Osiris,  et  le  mauvais  dieu  Typhon. 
Les  Hébreux  superstitieux  ont  donné  h  ces 
deux  [)rinci|ies  les  noms  de  Gad  elde  Méni, 
la  bonne  et  la  mauvaise  fortune  :  elles  Per- 
ses ont  appelé  le  premier  O/omasdc,  ou  [)lu- 
tùt  Ormuzd,  et  le  second  Ahriman.  Les  Grecs 
avaient  de  môme  leurs  bons  et  leurs  mauvais 
déimins  ;  les  Komains  leurs  j'ot'cs  on  véjoves, 
c'est-a-dire  des  dieux  bienfaitcuis  et  des 
dieux  malfaisants.  Les  astrologues  cx|iriraè- 
rent  le  même  sentiment  par  des  signes  ou 
des  constellations,  les  unes  favorables  et  les 
autres  malignes  ;  les  pliilosoplies  par  leurs 
principes  contraires,  en  [jarticulier  les  pytlia- 
goriciens  |)as  leur  monade  et  leur  diade,  etc. 
Wind.'t,  dans  sa  dissert,  de  Vita  fancLorum 
stain,  p.  15  etsuiv.,  fait  la  même  remarque, 
et  (ht  que  l'on  découvre  des  vestiges  de  ce 
système  dans  tout  l'Orient,  jusqu'aux  Indes 
et  à  la  Chine.  Beausobrc,  dans  sou  Histoire 
critique  de  Manichéc  et  du  manichéisme,  a  ci- 
té ces  auteurs,  et  semble  être  de  leur  avis, 

11  nous  paraît  que  tous  ces  savants  ont 
abusé  de  leur  ér.iiiition.  Ils  n'ont  pas  mis 
assez  de  différence  entre  ceux  qui  ont  admis 
deux  piincipes  éternels  actifs,  et  ceux  qui 
ont  envisag(i  la  mati(^'rc  étern(;lh!  comme 
un  principe  passil;  entre ceuxquiontsupjiosij 
deux  [irincipesincréésct  indépendants  l'iinde 
l'autre,  et  ceux  qui  les  ont  considérés  com- 
me des  êtres  produits  et  secondaires,  sub- 
ordonnés h  une  cause  première  et  unique. 
Or,  selon  Plutarque  lui-même,  les  Egyptiens 
admettaient  un  Dieu  suprême  et  créatCLir, 
qu'ils  nommaient  Cneph  ou  Cnuphis,  et  leur 
fable  sur  Osiris  et  Tijphon  n'a  pas  un  sens 
fort  clair.  Zoroastre,  dont  nous  avons  à  jiré- 
sent  les  ouvrages,  enseigne  que  le  bon  et  le 
mauvais  principe  ont  été  produits  par  le 
temps  sans  bornes  ou  [)ar  l'Eternel.  (  Zcnd- 
Avesta,  t.  1,  n'part.,  p.  'i-l'i-;  t.  II,  p.  3'!-3  et 
'3h\.)  Dans  les  Mém.  dei'Acad.  des  Inscripl., 
t.  LXXl,  in-12,  pag.  123,  .\L  Anquelil  s'est  at- 
tac!ié  à  faire  voir  (}ue  Zoroastre  admettait 
la  création  proprement  dite. 

On  ne  prouvera  jamais  que  les  Hébreux 
aient  pris  la  bonne  et  la  mauvaise  fortune 
pour  deux  personnages  éternels,  indépen- 
dants et  créateurs  ;  ce  n'est  |)oint  la  non 
plus  l'opinion  des  astrologues  qui  ont  distin- 
gué de  bonnes  ou  de  mauvaises  inlluences 
des  étoiles  et  des  planètes.  Nous  avouons 
que  les  i)aiens  en  général  ont  honoré  des 
dieux  tnalfaisants  ;  mais  ils  croyaient  aussi 
(jue  le  môme  Dieu  envojait  laut(jt  des  bien- 
faits à  un  peuple  pour  récompenser  sa  piété, 
et  lantùl  des  malheurs, pour  sevenger  d'une 
(jll'ense.  Le  môme  Jupiter,  auquel  on  attri- 
buait une  victoire  gaguée,  était  aussi  armé 


de  la  foudre  pour  faire tremblories  hommes. 
Homère  suppose  que  devant  le  palaisdo  Ju- 
])iteril  y  a  deux  tonneaux  dans  lesquels  ce 
dieu  |iuise  alteriiali-ement  les  biens  et  les 
maux  qu'il  verse  sur  n  terre  ;  voilh  son 
principal  emploi.  Les  (irecs  et  les  Romains 
pensaient  q\ie  les  divinités  infernales  ne 
jiouvaient  aftliger  les  hommes  qu'autant  que 
Jupiter  le  leur  pi^rmettait.  Ce  n'est  p(nnt 
là  le  système  des  dualistes.  Voilà  [)Ourquoi 
Fauste  le  manichéen  niait  formelleiuent  que 
l'opinion  de  sa  s^cte,  touchant  les  deux  prin- 
cipes, fût  venue  des  païens.  S.  Aug.  contr.i 
Faustum.  1.  xx,  C.  3.  Les  incrédules  sont-ils 
bien  fondés  à  soutenir  que  parmi  nous  le 
peuple  est  manichéen,  p  n-ce  qu'il  attribue 
souvent  au  démon  les  mallieurs  qui  lui 
arrivent  ? 

Quant  aux  philosophes,  tels  que  Pytha- 
gore et  Platon,  un  savant  aca  lémiciena  fait 
voir  qu'ils  admt;ttaient  en  eifet  deux  prin- 
cipes éternels  de  tontes  choses,  Dieu  et  la 
matière,  et  qu'ils  supijosaient  dans  celle-ci 
une  Ame  distinguée  de  Diou  ;  mais  i!  obser- 
ve qu'il  y  avait  plusieurs  différences  entre 
leur  sytème  et  celui  des  mages,  et  que  les 
académiciens,  les  éi)icurions  et  d'autres  se- 
ctes ne  suivaient  ni  Pythagore,  ni  Platon. 
Mém.  deTAcad.  des  Inscript.,  t.  L,  in-12,  p. 
33o  et  377.  Nous  ne  voyons  pas  non  plus 
le  dualisme  soutenu  dans  les  schasters  des 
Indiens,  ni  dans  le  Chou-King  des  Chinois. 
Cl,'  n'est  donc  pas  un  systèuie  aussi  répan- 
du que  le  supposent  Beaiisobre,  Wiuiet, 
Si)encer  et  d'autres  critii[ues. 

Il  faut  avouer  qu'avant  Manès,  Basilide, 
A^alentin,  Bardesanes,  Marcion  et  les  autres 
gnostiques  du  n'  siècle  l'avaient  adopté  ;  et 
il  est  |>robable  que  tous  l'avaient  pris  dans 
la  môme  source,  chez  les  mages  de  la  Perse 
et  chez  les  autres  ])hilosophes  orientaux. 
Mais  il  parait  qu'ils  y  avaient  changé  un 
point  essentiel,  et  qu'ils  n'admettaient  pas, 
comme  Zoroastre,  que  les  deux  principes 
eussent  été  ciéés  par  l'Eterneî;  ils  sem- 
blaient les  avoir  supposés  tous  deux  éternels 
et  incréés.  Quoiqu'il  en  soit,  Manès,  pour 
séduii-eles  cliréliens  elles  amener  à  ses  sen- 
timents, chercha  dans  l'Ecriture  sainte  tout 
ce  qui  lui  pamt  propre  h  les  confirmer.  11 
vit  que  le  démon  y  est  appelé  1 1  i)uissai!ce 
des  ténèbres,  le  prince  de  ce  monde,  le  |ière 
du  mensonge,  l'auteur  du  péché  et  de  la 
mort;  il  conclut  que  c'était  là  le  mauvais 
principe  qu'il  cherchait.  L'Evangile  dit  qu'un 
bon  arbre  ne  peut  porter  de  mauvais  fruits, 
que  le  démon  est  toujours  menteur  comme 
soii  ])iTe{Joan.  c.  viii,  v.  V4-).  Donc,  dit  JJa- 
nès,  Dieu  ne  peut  êtrel-'père  ni  le  créateur 
du  d'inon.  Il  crut  apercevoir  iieaucoup  d'op- 
position entre  l'Ancien  et  le  Nouveau  'les- 
taïuent  ;  il  soutint  (juc  ces  deux  lois  ne 
pouvaient  pas  être  1  ouvrage  du  même  Dieu. 
Jésus-Christ  avait  pro.ids  à  ses  apôtres  l'iîs- 
prit  paruclct,  ou  consolateur  :  c'est  moi, 
dit  Manès,  qui  suis  cet  envoyé  du  ciel  ;  et 
il  commen(;a  de  prêcher.  Un_  des  premiers 
adversaires  qu'il  rencontra,  fut  Arciiélaiis, 
évêaue  deCharcar  ou  Cascar,  dans  la  Mcso 


51T  M.\N 

piitnniie.  Cehii-ri  ('■Inrit  oiitri'  on  confr'-rPiifc 
avec.  iMan^s,  vois  l'an  '277,  lui  pi-niiva  (lu'il 
n'('lnit  pniiii  leiivoyô  'io  Dieu,  qu'il  n'avait 
aucun  sij;nê  de  mission,  que  sa  ilùctiine 
était  directement  contraire  à  l'Kcriture  sainte, 
et  ."bsurde  en  elle-mùme.  Les  actes  de  celte 
conférence  sont  encore  exis'anls;  ils  (lUt  été 
publiés  jiar  Zaca;j,ni,  CoHectan.  nwtnim.  vit. 
licrl.yfirœcœ  et  lalinie,  \n-ï\  Jioinœ,  1098. 
T'est  de  CCS  ac'tes  cpie  Socraie  avait  tiré  ce 
qu'il  dit  de  Manés  et  de  ses  sentiments. 
Saint  Cyrille  dc  Ji'rusalora,  (Uilech.  0,  et 
saint  Epipliaiie,  Ilœr.-IG.  paraissent  aussi  les 
avoir  consultés.  Bcausobre  a  voulu  très-mal 
h  propos  révoquer  en  doute  l'authenticité 
lie  ce  monuuKjnt .  parce  qu'il  rent'ornu)  des 
choses  opposées,  à  ses  idées;  mas  si  les 
raisons  qu'il  y  oppose  étaient  solides,  il  n'y 
aurait  pas  un  seul  livre  ancien  duipicl  on  piit 
contester  l'authenticité.  Manés  conldndu  fut 
obligé  de  s'éloigner  et  de  reiia-ser  dans  la 
l'erse.  Les  uns  disent  que  Sapor  le  lit  mourir, 
d'autres  prétendent  que  ce  l'ut  N'aianc  1"  ou 
\arane  11,  su.  cesseursd'Saiior.  Mais  il  laissa 
des  disciples  qui  eurent  plus  (1(^  succès  que 
lui  :  ils  allèrent  en  l'Uvpte,  en  Syrie,  au  fond 
de  li  l'ers:'  et  dans  l'Inde,  porter  la  doctrine 
de  leur  maître. 

il.  Erreurs  enseignées  par  les  manichéens. 
l.csdisciples  de  Maiirs  ncs'astrei  ;nireni  point 
à  suivre  sa  doctrine  en  toutes  choses  ;  chacun 
d'eux  l'arrangea  selon  son  goût,  et  de  la  ma- 
nière qui  lui  sembla  la  pluspropre  k  séduire 
les  ignorants  ;  Théodoret  a  conqité  plus  de 
soixante-dix  sectes  de  manichéens,  qui,  léuuis 
dans  la  croyance  des  deux  principes,  ne  s'ac- 
cordaient ni  sur  la  nature  de  ces  deux  êtres, 
ni  sur  Kurs  oi)éraliiin5,  ni  sur  les  cousé- 
quoui  es  Sjiéculalives  ou  moiales  (ju'ils  en 
liraient. Cette  reman[ue  est  essentielle.  Com- 
me les  gnosliques  étaient  aussi  divisés  en 
I)iusieurs  sectes,  et  ipte  la  plui  art  se  réuni- 
rent aux  manic!i(''(!ns,  o.i  ne  doit  pas  être 
étonné  de  la  uuiltilude  des  eireurs  (ju'ils 
ra-semblèrenl  :  dès  le  m'  siècle,  plusieurs 
de  ces  partis  fuient  nommés  braehitcs ;  ce 
nom  peut  signilier  vil  et  mé'prisable. 

Parlaforamle  de  rétractation  que  l'on  obli- 
geait les  manichéens  de  faire,  lorsqu'ils  re- 
venaient a  l'Ligl  se  catholique,  on  voit 
quelle  était  leur  croyance;  Cotelier  l'a  rap- 
portée, t.  \  des  Pères  apostoliques,  p.  '6Vi  et 
suiv.  Ce  sont  les  mêmes  erreurs  que  Mâ- 
nes avait  soutenues  dans  sa  conférence 
avec  Archélaùs.  Selon  leur  opinion,  les  âmes 
ou  les  esp^  its  sont  une  émanât  on  du  bon 
piincipe  qu'ils  regar»iaieiit  comme  une  lu- 
mière incréée  ;  et  tous  les  corps  ont  éli;  for- 
més par  le  mauv.ds  j)rincipe  qu'ils  nom- 
maient Salan  cl  la  juissance  des  lénèlires. 
Ils  disaient  qu'il  y  a  des  portions  de  lumière 
renferiuées  dans  tous  les  cor.  s  de  la  natui'e, 
qui  leur  donnent  le  mouvement  et  la  vie, 
qu'ainsi  tous  les  corps  sontaniniés  ;  que  ces 
âmes  ne  [)'uv;;nl  se  réunir  au  bon  principe 
que  ([uand  elles  ont  été  puriliées  par  dilf  - 
rentes  transmigrations  d'un  cor|)S  dans  un 
autre  :  coa.-éiiuemment  ils  niaient  la  résur- 
rection future  et  les  supplices  de  l'enfer  Ils 


uxs 


ma 


faisaient  contre  l'histoire  d(;  la  création  une 
mullitiide  d'ol),jections  que  les  inerédu- 
les  lépèient  encore  a  vjourd'hui,  et  ils  ex- 
))li(piaient  la  formation  d'Adam  et  d'Evo 
d'une  ;:i;::iièrt!  absurde.  Comme,  selon  leur 
sentime'ir,  les  âmes  ou  les  |.orlions  de  lu- 
naère  se  trouvaient  par  !?  g  nératiou  plus 
élroiteiiient  u.-îies  ;>  la  matière  qu'aupara- 
vant, ils  contlauuiaieiit  le  mariage,  parce 
qu'il  n  aboutit,  disaient-ils,  qu'.à  perpétuer 
la  caiiti.'ité  chis  âmes.  iMai.s  on  les  accusa  de 
se  permettre  toutes  les  turpitudes  que  peut 
insi)irer  la  passion  de  la  volupti',  et  que  l'on 
aval  déjà  reprochées  aux  gnostiquos  ;  c'est 
recueil  dans  lequel  sont  tombées  toutes  les 
sectes  (pii  ont  osé  réprouver  l'union  légiti- 
me des  deux  sexes.  Puis  pi'ils  croyaient  les 
plantes  et  les  arbres  animés,  c'était  un  crime, 
suivant  eux,  de  cueillir  un  fruit  ou  de  cou- 
per un  brin  d'herbe;  maisiisse  permettaiimt 
de  manger  ce  qui  avait  été  cueilli,  coiq)é  ou 
arraché  par  d'autres,  pourvu  qu'ils  lissent 
jirofcssion  de  délester  ce  cr  me  prétendu. 
Onelques-uns  d'enlic!  (^ux  jugèrent  au  con- 
traire iju'ils  faisaient  une  bonne  œuvre,  en 
délivrant  ainsi  une  âme  des  liens  i|ui  ratta- 
chaient à  la  matière.  Par  la  même  raison,  ils 
auraient  dil  appi'ouver  l'actiim  de  luer  les 
animaux,  el  môme  l'homicide;  mais  qiu^ls 
hérétiqui  S  ont  jamais  raisonné  conséqueoi 
ment  ? 

Il  parait  qu'ils  regardaient  la  personne 
du  Verbe  divin,  ou.|)lulôl  l'âme  de  Jésus 
Christ,  connue  une  portion  de  la  lumière 
divine,  semblable  en  nature  aux. mires  âmes, 
quoique  plus  parfaite;  ainsi  leur  docirine, 
touclunit  le  mystère  de  la  sainte  'i'rinité  , 
n'était  rien  moins  qu'orthodoxe.  Ils  soule- 
tenaieiil  que  le  Fils  de  Dieu  ne  s'était  in- 
carné qu'en  apparence;  que  sa  naissance, 
ses  souifrances,  sa  mort ,  sa  résurrection  , 
son  ascension,  n'avaient  éti';  (pi'apparentes  : 
ainsi  l'avaient  déjà  soutenu  plusieurs  anciiMis 
hérétiques.  Con-équemment  les  manicliéens 
ne  rendaient  aucun  culte  à  la  croix  ni  à  la 
sainte  Merge  ;  ils  prétendaient  que  l'âme  de 
Jés  ;S-Ch['ist  s'était  réunie  au  soleil,  et  que 
celles  des  ('■!  us  s'y  réunissaient  de  même:  c'i^st 
pour  cela  qu'ils  honoraieul  le  soieil  el  les 
astres,  non-seulement  couunele  symbnle  de 
la  lumière  éternelle,  et  comme  le  séjour  des 
âmes  pures,  mais  comme  la  substance  de 
Dieu  même.  Comme  ils  préten<laienl  que  les 
.'.mes  se  puriliaient  par  tles  ti'a:  sraigralions, 
l'on  Ui'  voit  pas  quelle  vertu  ils  pouvai(!nt 
attribuer  au  baptême  ni  aux  autres  sacre- 
ments: aussi  employaient-ils  d'autres  céré- 
monies laites  par  leurs  (lus  ou  leurs  prétendus 
évêques,  auxquels  ils  attiibuaienl  le  pou- 
voir .l'eil'ace-  njus  les  péchés  ;  ils  furent 
aussi  accusés  de  pratiquer  une  es  èce  o'i-u- 
cliaristie  abominable.  Bcausobre  soutient  que 
c'est  une  calomnie  :  mais  les  preuves  qu'il 
on  rapporte  ne  siuit  pas  fort  convainiantes. 
11  ne  réussit  t)as  nneux  à  les  justdier  contre 
l'accusation  de  magie  que  l'on  a  souvent  le 
nouvelée.  Mosheim  soutient  que  cette  pra- 
tique détestable  était  une  consi'qnence 
inévitable  des    prinuiiies  des   uiauicliéens. 


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52d 


Jnftit   Illfl.  Christ.,  ii'  p-irt.,  c.  S,  p.  351. 
Us   avouaieiil  qiip  Jésus-Chiist  a  donné 
aii\.  liommes  une  loi  plus  parfaite  que  Tan- 
rienne  ;   i's    s'attachaient   luème   à    décrier 
toutes  les  lois  et  les  inst:tutit)ns  de  Moïse,  k 
noircir  toutes  les  actions  des   personnages 
de  l'Ancien  Testament,  à    trouver  des  con- 
tradictions entre  celui-ci  et  l'Evangile.  C'est 
ce  qu'avaient  déjà  fait  avant  eux    Basilide, 
r.arpocrae,   Appelles,  Cerden    cl  Murcion. 
Saint  Augustin,  contra  Advers.  legis  et  pro- 
j)h.,  1.  II,  c.  12,  n.  39.  Les  manichéens  n'a- 
v.iient  pas  [>lus  de  respect  pour  les  saints  du 
christianisme,  ni  pour  les  images,  que  pour 
ceux  de  l'anciei'ne  loi  ;    mais   ils  élevaient 
justiu'auxnues  et  respectaient  h  l'excès  leurs 
j)ro[>res  docteurs.  Us  altéraient  à  leur  gré  le 
texte  des  évangiles  et  des  épîtres  de  saint 
Paul  ;  ils  soutenaient  que  les  passages  de  ces 
livres   qu'on  leur  opposait   avaient  été  cor- 
rompus ;  ils  composèrent  un  nouvel  Evan- 
gile et  d'autres  livres,  et  ils  les  mirent  entre 
lesmHins  de  leurs  prosélytes,   ou  du  moins 
ils  adoptèrent    des   livres    apocryphes  que 
d'autres  avaient  forgés.  Toutes  ces  impiétés 
auraient  révolîé  les  hommes  de  bon  sens,  si 
on  les  leur  avait  présentées  à    découvert  ; 
mais  aucune  secte  d'hérétiques  n'a  su  aussi 
bien   déguiser  sa  doctrine,  et   ménager   la 
crédulité  de  ceux   (ju'elle  voidail   séduire , 
que  celle  des  manichéens.  Pour  en  imposer 
aux  catholiques,  ils  affectaient  de  se  servir 
des  expressions  de  l'Ecriture  sainte,   et  des 
termes    usités   dans    l'Eglise,    ils    faisaient 
semblant  d'admettre  le  baptême,  et  par  là  ds 
entemiaient  Jésus-Christ  qui  a  dit  :  Je  suis 
une  source  d'eau  vive;  de  recevoir  l'Eucharis- 
tie, etc'éiaient  les  parolesde  Jésus-Christ,  qui 
sont  le  pain  lie  vie  ;  d'honorer  la  croix  ,    et 
c'était  encore  Jésus-Christ  étendant  les  bras; 
d'honorer  la  Mère  de  Dieu,  et  ils  désignaient 
ainsi  la  Jérusalem  céleste  ;  de  respecter  saint 
Paul   et    saint  Jean,    mais  ils  donnaient  ce 
nom  à  deux  |)ersonnages  de  leur  secte,  etc. 
Us  tlattaient  leurs  disci|iles,  en  leur  mettant 
entre  les  mains  les  livres  saints  accommodés 
à  leur  doctrine,  et  en   blâmant  les  pasteurs 
de   l'Eglise  catholique,  qui  en    déf  ndaient, 
disaient-ils,  la  lecture  au  peuple.  Manès  n'é- 
tait i)eut-èlre   pas  l'auteur  de    toutes     ces 
fourberies;   mais  ses    sectateurs    en  tirent 
souvent  usage.  Un  de  leurs  docteurs,  nommé 
Arislocrite,  enseignait  qu'au    fond   les  reli- 
gions païenne, juive, chrétienne,  convenaient 
dans  le  principe  et  dans  les  dogmes,  qu'elles 
iied.ll'éraientqiiedansles  termesetdausquel- 
ques  cérémonies.  Parlord,  disait-il ,  on  croit 
un  Dieu   suprême  et  des  esprits  inférieurs  ; 
pai'tout  des  récompenses  et  des  peines  dans 
une  autre  vie  ;  partout  on  voit  des  temples, 
des  sacrilices,   des  sacrements,   des  prières, 
des   otfrandes,    etc.;  il  n'est    question   que 
d'en  bien  prendre  le  sens.  Cet  arlilice  a  été 
mis  en  usage  par  plusieurs  autres  hérétiques. 
Les  manichéens,  i)oursuivis  et  punis  tlès 
leur  naissance  ,  se  crurent  la  dissimulation, 
le  mensonge,  le  parjure,  les  fausses  profes- 
sions de   foi   permis.  Quelques-uns  eurent 
l'audace  d'accuser  Jésus-Christ  de  cruauté  , 


parce  qu'il  a  dit  :  Si  quelqu'un  me  renie  ae~ 
vant  les  hommes ,  je  le  renierai  devant  mon 
Père.  Us  soutinrent  que  (;es  paroles  avaient 
été  fourées  dans  l'Evan-çile.  Ajoutons  à  ces 
supercheries  l'affectation  d'une  morale  .iu- 
stère  et  d'une  vii'  mortifiée ,  un  extérieur 
modeste  et  composé,  une  adresse  singulière 
à  travestir  et  à  décrier  la  doctrine,  la  conduite, 
les  micurs  du  clergé  c;dholique  ,  l'attention 
de  ménager  et  de  concilier  les  différentes 
sectes  séparées  de  l'Eglise  ;  nous  ne  serons 
plus  surpris  de  voir  le  manichéisme  faire  des 
progrès  rapides.  Ce  n'ist  p^s  la  seule  fuis 
que  ce  manège  des  hérétiques  ait  réussi. 
Saint  Augustin,  malgré  la  pénétration  de  son 
génie,  fut  pris  à  ce  piège  dans  sa  jeunesse; 
mais  détrompé  par  la  lecture  des  livres 
saints,  il  attesta  qu'il  avait  embrassé  le  ma- 
nichéisme'sans  le  connaître  ])arfaitemeut  , 
moins  par  conviction  que  par  le  plaisir  de 
contredire  et  d'embarrasser  les  catholiques, 
parce  que  les  coriphées  de  la  secte  tlattaient 
sa  vanité  et  le  comblaient  d'éloges  lorsqu'il 
avait  paru  vaincre  dans  la  dispute.  Aussi 
trouvèrent-ils  en  lui,  après  sa  conversion, 
un  adversaire  redoutable  qui  ne  cessa  de  les 
démasquer  et  de  les  confondre. 

Beausobre  a  cependant  trouvé  bon  de  con- 
tester et  de  ])allier  la  plupnrt  des  erreurs 
attribuées  aux  manichéens  ;  il  accuse  les  Pè- 
res de  l'Eglise  de  les  avoir  exagérées  par  un 
faux  zèle,  et  pour  se  ménager  le  droit  de 
persécuter  ces  hérétiques.  Par  la  même  rai- 
son, les  Pères  ont  sans  doute  aussi  calomnié 
les  différentes  sectes  degnostiques  avec  les- 
ciuelles  les  maniihéens  se  sont  alliés.  Mais 
à  qui  devons-nous  plutôt  nous  fier,  aux  Pè- 
res de  l'EgJse  qui  ont  conversé  avec  les  ma- 
nichéens ,  qui  ont  lu  leurs  livres ,  qui  leur 
ont  fait  abjurer  leurs  erreurs  ,  lorsqu'ils  se 
sont  convertis  ;  ou  à  un  protestant  qui  n'a 
eu  aucun  de  ces  moyens  pour  les  connaître, 
et  qui  se  trouve  intéressé  à  les  justifier  pour 
l'honneur  de  sa  propre  secte? 

Comme  les  protestants  ont  voulu  se  don- 
ner pour  prédécesseurs  des  sectaires  du  xii' 
et  du  xii^'  siècle,  dont  plusieurs' étaient  ma- 
nichéens, il  a  bien  fallu  iirendre  le  parti  de 
ces  derniers  contre  l'Eglise  catholique.  Ces 
hérétiques  re.jetaient  les  sacrements,  le  culte 
de  la  sainte  Vierge  ,  des  saints,  de  la  croix  , 
des  images,  aussi  bien  que  les  prolestants; 
voilà  ,  SL-lon  ceux-ci,  des  témoins  de  la  vé- 
rité (}ui  remontent  jusqu'au  iir  siècle,  et  en 
les  r.'unissant  aux  gnostiqucs  nous  parvien- 
drons au  temps  des  apôtres.  Mais  les  apô- 
tres, ont  condamné  les  gnosli(pies  :  donc  ils 
ont  proscrit  d'avance  les  manichéens  et  toute 
leur  |)rospérilé  jusqu'à  la  lin  des  siècles.  En 
rejetant  les  dogmes  et  les  pratiques  dont 
nous  venons  de  parler,  les  manichéens  ont 
déclaré  la  guerre  à  l'Eglise  catholique  :  donc 
ces  dogmes  et  ces  pratKjues  étaient  établis 
dsns  l'Eglise  au  m'  siècle;  ce  ne  sont  pas 
des  inventions  nouvelles,  comme  les  protes- 
tants ont  voulu  11!  persuadrr.  Les  mani- 
chéens ne  voulaient  honorer  ni  la  sainte 
Vierge ,  ni  la  croix  ,  parce  qu'ils  niaient  la 
réalité  de  l'incarnation  et  do  la  rédemnlion; 


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522 


rejetant  nos  sacrements,  ils  y  substituaient 
d'autres  cérémonies.  Les  i)roteslants  vou- 
draient -  ils  signer  la  môme  profession  do 
foi? 

III.  Progrrs  et  durée  du  manichéisme.  On 
sait  que  les  Perses  étaient  ennemis  jurés  de 
l'empire  romain  :  le  manichc'isme,  né  dans  la 
Perse,  ne  pouvait  manquer  d'être  odieux  aux 
empereurs;  ils  le  regardèrent  comme  un  re- 
jeton de  la  religion  des  mages.  Diocléticn  ne 
lit  pas  plus  de  grâce  aux  manichéens  qu'aux 
chrétiens,  et  les  premiers  lurent  traités  avec 
la  môme  sévérité  par  les  empereurs  suivants 
qui  avaient  embrassé  le  christianisme.  Pen- 
dant deux  cents  ans  ,  de[)uis  '285  jusqu'en 
491,  ces  hérétiques  furent  bannis  do  1  em- 
pire ,  dépouillés  de  leurs  biens  ,  condamnés 
Il  périr  par  ditTérents  supplices  ;  les  lois  por- 
tées contre  eux  sont  encore  dans  le  code 
Théodosien.  ils  ne  laissèrent  pas  de  se  mul- 
tiplier dans  les  ténèbres ,  par  les  moyens 
dont  nous  avons  parlé.  Sur  la  lin  duiv"  siè- 
cle, il  y  avait  en  Afrique  des  manichéens  qui 
furent  combattus  par  saint  Augustin  ;  ils  pé- 
nétrèrent eux-mêmes  en  Espagne  ,  puis(|ue 
Priscillien  y  enseigna  leurs  erreurs  et  celles 
des  gnosiiques  :  ses  sectateurs  furent  nom- 
més priscitlianistes. 

En  491,  la  mère  de  l'empereur  Anastase  , 
qui  était  manichéenne ,  fit  suspendre  dans 
l'Orient  l'effet  des  lois  portées  contre  eux  ; 
ils  jouirent  ainsi  de  la  liberté  pendant  vingt- 
sept  ans  ;  mais  ils  en  furent  privés  sous  Jus- 
tin et  ses  successeurs.  Vers  le  milieu  du  va* 
siècle,  une  autre  manichéenne,  nommée  Gal- 
linice ,  fit  élever  ses  deux  fils  Paul  et  Jean 
dans  ses  erreurs ,  et  les  envoya  prêcher  en 
Arménie.  Paul  s'y  rendit  célèbre  par  ses  suc- 
cès, et  les  manichéens  y  prirent  le  nom  do 
pauliciens.  Il  eut  poursuccesscur  un  nommé 
Silvaiu,qui  entreprit  d'ajuster  le  manichéisme 
avec  les  expressions  de  l'Ecriture  sainte,  et 
de  se  servir  d'un  langage  orthodoxe;  par  cet 
artilice,  il  fit  croire  à  une  infinité  de  per- 
sonnes que  sa  doctrine  était  le  christianisme 
le  plus  pur.  C'est  sous  cette  nouvelle  forme 
qu'elle  se  produisit  dans  la  suite.  11  y  eut 
cependant  des  schismes  [larmi  les  pauliciens; 
vers  l'an  810 ,  ils  étaient  |)artagés  sous  deux 
chefs,  dont  l'un  se  nommait  Sergius,  et  l'au- 
tre Baanès  :  les  sectateurs  de  celui-ci  furent 
appelés  baanites.  Us  se  firent  môme  une 
guerre  sanglante,  mais  ils  furent  réunis  par 
un  certain  Théodote.  L'aversion  de  ces  sec- 
taires pour  le  culte  de  la  croix,  des  saints  et 
des  images,  leur  concilia  l'afl'ection  des  Sar- 
rasins mahométans  ,  qui  faisaient  pour  lors 
des  irruptions  dans  l'empire  :  l'hérésie  des 
iconoclastes  ou  briseurs  d'images,  qui  se 
forma  sur  la  fin  du  vm'  siècle  ,  venait  de  la 
doctrine  des  manichéens  et  de  celle  des 
mahométans. 

L'an  841,  l'impératrice  Théodora,  zélée 
pour  le  culte  des  images  ,  ordonna  de  pour- 
suivre à  la  rigueur  les  manichéens  :  on  pré- 
tend qu'il  en  périt  plus  de  cent  mille  par  les 
supplices  ;  alors  ils  se  liguèrent  avec  les  Sar- 
rasuis,  se  bâtirent  des  places  fortes ,  et  sou- 
tinrent plus  d'une  fois  la  guerre  contre  les 

DtCXIOKN.  BE  TqÉOL.  D0«1UTIQU£.    UL 


empereurs;  mais  vers  la  fin  du  ix*  siècle,  ils 
furent  défaits  dans  une  bataille,  et  entière- 
ment dispersés.  Quelques-uns  se  réfugièrent 
en  Bulgarie  ,  et  furent  connus  sous  le  nom 
de  Bulgares;  d'autres  pénétrèrent  en  Italie, 
se  firent  des  établissements  dans  la  Lombar- 
die,  envoyèrent  des  prédicateurs  en  Franco 
et  ailleurs.  L'an  1022,  sous  le  roi  Robert, 
quelques  chanoines  d'Orléans  se  laissèrent 
séduire  par  la  morale  austère  et  la  piété  ap- 
parente des  manichéens;  ils  furent  condam- 
nés au  feu.  Cette  hérésie  fit  plus  de  progrès 
en  Provence  et  en  Languedoc,  surtout  dans 
le  diocèse  d'Albi,  d'où  ses  sectateurs  furent 
nommés  albigeois.  Les  conciles  que  l'on  tint 
contre  eux,  les  efforts  que  l'on  fit  pour  les 
convertir,  la  croisade  môme  que  l'on  forma 
pour  leur  faire  la  guerre,  les  supplices  aux- 
quels on  les  condamna,  ne  purent  les  anéan- 
tir. Au  xii'  et  an  xiii"  siècle  ,  cette  secte  se 
reproduisit  sous  les  noms  de  hcnricicns,  pé- 
trobrusiens,  poplicains  ,  cathares,  etc.  Les 
semences  qu'ils  avaient  jetées  en  Allemagne 
et  en  Angleterre  furent  le  premier  germe  des 
hérésies  des  hussites  et  des  wiclétites  ,  qui 
ont  préparé  les  voies  au  protcslantisnie.  Dans 
ces  derniers  temps,  les  manichéens  avaient 
aljandonné  le  dogme  fomiamental  de  leur 
secte,  l'hyiiothèse  des  deux  principes  ;  ils  ne 
parlaient  plus  du  mauvais  principe  que  comme 
nous  parlons  du  démon ,  et  ils  faisaient  re- 
marquer l'empire  de  celui-ci  par  la  multi- 
tude des  désordres  qui  régnaient  dans  le 
monde.  Mais  ils  avaient  conservé  leurs  au- 
tres erreurs  sur  l'incarnation  et  sur  les  sa- 
crements,  leur  aversion  pour  le  culte  des 
saints,  de  la  croix  et  des  images,  leur  haine 
contre  les  pasteurs  de  l'Eglise  catholique , 
et  le  libertinage  rairiué  dans  lequel  entraîne 
ordinairement  une  fausse  spiritualité. 

En  considérant  ces  dilférentes  révolutions 
du  manichéisme ,  quelques  écrivains  se  sont 
imaginé  que  la  persécution  constante  exer- 
cée contre  ces  sectateurs  a  été  la  principale 
cause  de  leur  pro|iagation;  l'on  nous  per- 
mettra d'en  juger  autrement.  Nous  ne  dis- 
convenons point  que  le  secret  et  la  nécessité 
de  se  cacher  ne  soient  un  attrait  pour  la  cu- 
riosité et  augmentent  le  désir  de  connaître 
une  doctrine  proscrite;  mais  les  manicliéens 
employaient  assez  d'autres  ruses  pour  sé- 
duire les  simples  :  nous  verrons  ci-après  que 
leurs  sophismes  ne  pouvaient  manquer  a'é- 
tourdir  tous  ceux  (jui  n'avaient  aucune  no- 
tion de  phdosophie.  Ils  firent  plus  do  pro 
grès  pendant  la  paix  dont  ils  jouirent  sous 
lo  règne  d'Anastase  ,  que  pendant  les  temps 
de  rigueur  ;  ils  se  multiplièrent  davantage 
dans  la  Perse  où  ils  étaient  soufferts ,  que 
dans  l'empire  romain  où  ils  étaient  proscrits; 
cette  secte  n'a  été  éteinte  dans  l'Orient  que 
par  l'esjjrit  intolérant  du  mahométisme.  Les 
empereurs  chrétiens  furent  principalement 
'  déterminés  à  sévir  contre  eux  ,  par  les  cri- 
mes dont  on  les  accusait  ;  la  morale  corrom- 
pue qui  s'ensuivait  de  leurs  principes,  leur 
aversion  pour  le  mariage  et  pour  l'agricul- 
ture ,  le  libertinage  secret  par  le(|uel  ils  sé- 
1  duisaient  les  femmes ,  leurs  parjures,  la  li  ■ 

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ccnce  avec  laquelle  ils  calomniaient  l'Eglise 
<;t  ses  ministres  ,  etc.,  sont  des  excès  qui  ne 
peuvent  être  tolérés  nar  un  gouvernement 
S'H-^s.  LorSi[ue  l'impératrice  Théodora  les 
poursuivit  ^  feu  et  à  s-ing,  ils  étaient  mèlt''S 
avec  les  ennemis  de  l'empire  et  placés  sur 
les  frontièies;  la  politique,  plus  que  la  reli- 
gion ,  dirigeait  sa  conduite.  En  Afrique  ,  où 
ils  étaient  faibles  et  paisibles,  saint  Augus- 
tin ne  fut  jamais  d'avis  d'employer  contre 
eux  la  violence,  ni  de  faire  exécuter  les  lois 
porti'es  contre  leurs  prédécesseurs.  Quand 
on  condamna  aux  supplices  les  priscillia- 
nistes  d'Espagne,  saint  Léon  ne  désapprouva 
pas  cette  conduite,  parce  que  leur  doctrine 
et  leurs  mœurs  mettaient  le  trouble  dans  la 
société  civile.  Si  l'on  sévit  contre  les  albi- 
geois, c'est  qu'ils  s'étaient  rendus  redouta- 
bles par  leurs  excès.  Voy.  Albigeois  ,  Pnis- 
ciLLiANisTES.  Aiusl ,  c'ost  toujours  la  con- 
duite des  héréliques  ,  encore  plus  que  leur 
doctrine,  qui  a  décidé  de  la  douceur  ou  de  la 
rigueur  avec  laquelle  on  les  a  traités. 

On  dit  que  si,  au  lieu  de  lois  pénales,  les 
évêques  av'uent  fait  de  bonnes  réfutations 
du  manichéisme ,  il  aurait  prol)ablcment  fait 
moins  de  progrès  ;  on  se  trompe  encore  : 
dans  tiius  les  siècles  cette  erreur  a  été  soli- 
dement réfutée  par  les  Pères  :  nous  le  ver- 
rons dans  un  moment  ;  et  si  l'on  excepte  les 
deux  ou  trois  époques  dont  nous  avons  parlé, 
les  lois  portées  contre  les  manichéens  n'ont 
jamais  été  exécutées  à  toute  rigueur.  Voy. 
Tillemont,  t.  IV,  p.  407  et  suiv. 

IV.  Le  manichéisme  est  absurdeà  to  us  égards  ; 
il  ne  peut  résoudre  la  difficulté  tirée  de  Vori- 

fnnc  du  mal.  Bayle,  qui  avait  employé  toutes 
es  ressources  de  son  esprit  h  pallier  l'ab- 
surdité du  système  des  deux  principes,  a  été 
forcé  enfin  de  convenir  que  cela  n'est  pas 
possilîle.  Second  éclairciss.  à  la  On  du  Dict. 
Crit.  §  5.  Voici  une  partie  des  preuves  qui  le 
démontren*,  et  qui  ont  été  employées  par 
les  Pères  de  l'Eglise. 

1°  Il  est  absurde  de  supposer  un  être  éter- 
nel ,  nécessaire,  existant  de  soi-même,  et  de 
ne  lui  accorder  qu'un  pouvoir  borné;  une 
nécessité  d'être  absolue,  et  cependant  bor- 
née, est  une  contradiction  :  rien  n'est  borné 
sans  cause.  Or,  un  être  éternel  et  nécessaire 
n'a  point  de  cause.  Il  est  encore  plus  ab- 
surde d'admettre  un  être  éternel  et  néces- 
saire essentiellement  mauvais  ;  c'est  préten- 
dre que  le  mal  est  une  substance  ou  un  at- 
tribut positif,  ce  qui  est  évidemment  faux. 
Une  troisième  absurdité  est  de  supposer  d(!ux 
êtres  éternels  et  nécessaires ,  indépendants 
l'un  de  l'autre,  quant  à  l'existence,  et  qui 
cependant  peuvent  se  gêner  l'un  l'autre,  s'em- 
pêcher mutuellement  d'agir  d'une  manière 
conforme  à  leur  nature,  se  rendre  récipro- 
quement mécontents  et  malheureux.  L'être 
éternel  et  nécessaire  est  donc  essintiellcment 
luiique,  indépendant ,  doué  d'une  puissance 
inlinie,  par  conséquent  du  pouvoir  créateur; 
alors  il  n'est  pas  pius  besoin  d'admettre  deux 
principes  que  d'en  admettre  mille,  puisqu'un 
seul  suffit.  Une  quatrième  absurdité  est  di- 
luaginer  du  mal  avant  la  créatiou,  lorsuu'il 


n'y  avait  encore  aucun  être  auquel  le  mau- 
vais principe  pût  nuire.  Aussi  Archi'laiis 
soutint  contre  Manès  ,  qu'il  est  impossible 
qu'une  substance  soit  essentiellement  et  ab- 
solument mauvaise,  puisque  le  mal  n'est  rien 
de  positif,  mais  seulement  la  privation  d'un 
plus  grand  bien.  Confér.  n°  16.  ïcrtullien  a 
fait  ces  mômes  arguments  contre  Hermogène 
et  contre  Marcion  ,  et  saint  Augustin  les  ^ 
répétés. 

2°  Manès  n'était  pas  moins  ridicule ,  lors- 
qu'il concevait  le  bon  principe  ,  comme  une 
lumière ,  et  le  mauvais  sous  l'idée  des  ténè- 
bres; la  lumière  est  un  corps;  les  ténèbres 
n'en  sont  que  la  privation.  Pouvait-il  dire 
par  quelle  barrière  la  région  de  la  lumière 
avait  été  de  toute  éternité  séparée  de  celle 
des  ténèbres  ?  comment  les  ténèbres,  qui  ne 
sont  qu'une  privation  ,  avaient  pu  faire  une 
irruption  dans  la  région  de  la  lumière?  On 
concevrait  plutôt  que  la  luuiière,  p.ir  son 
mouvement,  avait  fait  une  irruption  dans  la 
région  des  ténèbres.   Confér.    d'Archélaiis , 
n°  21  et  suiv.  Cet  hérésiarque  manquait  de 
bon  sens ,  lorsqu'il  disait  que  les  ilmes  ou 
les  esprits  sont  des  portions  de  lumière;  ce 
seraient  donc  des  corps.  L'esprit  est  un  être 
simple  et  indivisible  ;  il  ne  peut  faire  partie 
d'un  autre  esprit,  ni,  par  conséquent,  en  sor- 
tir par  émanation  ;  il  ne  peut  commencer 
d'être  que  par  création.  Le  bon  principe, 
être  simple  et  nécessaire ,  a-t-il  pu  perdi  e 
une  partie  de  sa  substance,  en  laissant  éma- 
ner de  lui  d'autres  esprits  ?  S'il  a  le  pou- 
voir créateur,  tout  autre  pouvoir  que  le  sien 
est  inutile  et  absurde.   Les  manichéens  no 
s'entendaient  pas  eux-mêmes,  en  soutenant 
que  le  mauvais  principe  a  fait  les  corps.  S'il 
ne  les  a  pas  tirés  du  néant ,  il  faut  que  la 
matière  dont  il  les  a  formés  soit  éternelle, 
et  voilà  un  troisième  principe  éternel.  Les 
corps  sont-ils,  aussi  bien  que  les  âmes,  des 
portions  de  lumière  dérobées  au  bon  prin- 
cipe ?  ou  sont-ce  des  portions  de  ténèbres  , 
qui   ne  sont  qu'une   privation  "?  Rien  n'est 
plus  ridicule  que  de  regarder  lescorpscomme 
essentiellement  mauvais.  Puisque  le  corps  et 
l'âme  de  l'homme  sont  évidemment  faits  l'un 
pour  l'autre,  ils  ne  peuvent  pas  être  l'ou- 
vrage de   deux   principes   ennemis  l'un  de 
l'autre  ;  il  en  est  de  môme  de  toutes  les  par- 
ties de  l'univers  ;  l'unité  de  plan  et  de  des- 
sein démontre  évidemment  l'action  d'un  seul 
Créateur  intelligent  et   sage.   Confér.  dAr  • 
^chél.,  11°  20. 

3"  Dans  le  système  de  Manès ,  les  deux 
\  principes  agissent  d'une  manière  contraire 
à  leur  nature;  le  bon  principe  est  impuis- 
sant, timide,  injuste,  imprudent;  le  mauvais 
est  plus  puissant,  plus  sage,  plus  habde.  Se- 
lon lui,  avant  la  naissance  du  monde,  la  ré- 
gion de  la  lumière,  séjour  du  bon  principe  , 
était  de  toute  éterniié  absolument  séparée 
de  la  région  des  ténèbres ,  habitée  |iar  le 
mauvais  ;  le  premier,  ciaignant  une  irrup- 
tion de  la  i)art  de  son  ennemi,  lui  abandonna 
une  partie  des  âmes,  afin  de  sauver  le  reste. 
Mais  ces  âmes  étaient  une  partie  de  sa  sub- 
stance, et  û'avaiôDt  commis  aucun  péché  ; 


S23 


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MAN 


526 


c"étnit  Jonc  une  injuslico  de  les  abnndon- 
iier  pour  jnninis  h  la  tyrannie  du  mau- 
vais principe.  Y  avait-il  h  craindre  que  des 
loarriùres  (^lernojles  iiusscnl  6tre  rompues? 
Ainsi ,  en  rel'usant  de  reconnaître  un  Dieu  , 
unique  auleur  du  itien  et  du  mal,  on  le  sup- 
pose mauvais  en  toules  manières,  fbid., 
n"'  -^'i.,  25,  20.  Saint  .\ugustin  ,  de  Morib. 
Manich.,  c.  12,  n°  25,  etc. 

h"  Dans  ce  mCrae  système,  toute  religion 
estinutile,  est  absurde,  nous  ne  pouvons  rien 
espérer  de  notre  piété  et  de  nos  vertus,  et 
nous  n'avons  rien  à  craindre  pournos  crimes. 
Quoi  que  nous  fassions,  le  Dieu  bon  nous 
sera  toujours  propice,  et  le  mauvais  principe 
nous  sera  toujours  contraire.  Tous  deux 
agissent  nécessairement  selon  l'inclination 
de  leur  nature ,  et  de  toute  l'itendue  de 
leurs  forces  ;  tout  est  donc  la  suite  d'une 
nécessité  fatale  et  inévitable.  Or,  dans  l'Iiy- 
pothèse  de  la  fatalité,  il  n'y  a  plus  ni  i)icu, 
hi  mal  moral;  il  n'y  a  plus  que  bonheur  et 
malheur;  autant  vaut  supposer  que  tout  est 
matière.  Cette  doctrine  est  destructive  de 
toute  loi  et  de  toute  société;  ce  n'est  pas 
sans  raison  que  l'on  a  regardé  les  manichéens 
comme  des  ennemis  dont  il  fallait  purger  le 
monde.  S'ils  n'ont  pas  cnmmistousics  crimes 
dont  ils  ont  été  accusés,  ils  n'ont  pas  agi 
conséquennnent. 

5°  Non-seulement  il  leur  était  impossible 
de  prouver  qu'il  y  a  des  substances  absolu- 
ment mauvaises  par  leur  nature,  mais  ils 
étaient  incapables  de  foire  voir  qu'il  y  a  dans 
l'univers,  tel  qu'il  est,  plus  de  mal  que  do 
bien,  et  qu'à  tout  prendre,  ce  monde  ne  peut 
pas  être  l'ouvrage  d'un  Dieu  bon.  Puis(]u'il 
S'ensuivait  de  lèiu"  doctrine  que  le  mauvais 
principe  a  été  plus  puissant  et  plus  habile 
que  le  bon,  pourtiuoi  a-t-il  laissé  subsister 
dans  ce  monde  autant  de  bien  qu'il  y  en  a? 
|1  n'est  pas  moins  ditlicile  de  concilier  le 
bien  qui  existe  avec  la  puissance  et  la  ma- 
lice du  mauvais  principe,  (jue  d'accorder 
le  mal  qui  règne  avec  la  puissance  d'un 
Dieu  bon. 

6'  Enfin,  l'un  demandait  aux  manichéens: 
Puisque  lu  même  âme  fait  tantôt  le  mal  et 
tantôt  le  hien,  par  lequel  des  deux  princi- 
pes a-t-elle  été  créée'?  Si  c'est  parle  bon,  il 
s'ensuit  que  le  mal  peut  naître  de  la  source 
de  tout  hien;  si  c'est  par  le  mauvais,  le  bien 
peut  donc  provenir  du  môme  principe  que  le 
ni.il  :  ainsi,  la  maxime  fondamentale  du  ma- 
nifhéisme  se  trouve  absolument  fausse  et 
ent.èrement  détruite. 

;  Il  n'est  donc  pas  étonnant  que,  dans  la 
conférence  avec  Archélaûs,  Manès  ait  été 
honteusement  réduit  au  silence,  et  que  ses 
disciples  les  plus  habiles  aient  toujours  été 
confondus  par  saint  Augustin.  C'est  très-mal 
à  propos  que  les  censeurs  des  Pères  de 
l'Eglise  prétendent  que  l'on  ne  s'est  pas 
donné  la  peine  de  réfuter  les  manichéens, 
et  que  l'on  a  trouvé  qu'ilétait  plus  aisé  de 
les  punir. 

11  est  évident  que  Zoroastre,  qui  suppo- 
sait que  les  deux  principes  avaient  été  créés 
par  le  temps  sans  bornes,  ne  jûjiyait  satis- 


faire h  ladifiîculté  tirée  de  l'origine  du  mal. 
Avant  de  les  créer,  l'Eternel  devait  prévoir 
le  mal  qui  résulterait  di'  leurs  O[)érations,  et 
il  devait  s'abstenir  plutôt  de  rien  produire, 
que  de  permettre  l'introduction  ilu  mal  par 
la  malici!  du  mauvais  principe,  lia,  le  ne  pa- 
raît pas  y  avoir  fait  attention,  ('e  ciitiijue 
n'est  pas  mieux  fmidé  h  dire  ([u'à  la  vé- 
rité le  système  de  Manès  est  absurde  en  lui- 
même,  et  qu'il  est  aisé  de  le  réfuter  directe- 
ment; (]ue  néanmoins,  dans  le  détail,  il 
])arait  mieux  d'accord  avec  les  phénomènes 
que  le  système  ordinaire,  et  semble  mieux 
résoudre  les  objections.  Déjà  il  est  démontré 
qu'il  n'en  résout  aucune,  et  nous  ferons 
voir  que  les  Pères  n'ont  pas  moins  réussi 
à  résoudre  la  grande  diincullé  de  l'ori- 
gine du  mal,  qu'à'  n-futcr  directemi-nt  le  ma- 
nirhéisme.  Mais  il  est  bon  de  considérer  au- 
]iaravaut  de  (juelle  manière  les  philosophes 
du  deinier  siècle  s'y  sont  pris  pour  satisfaire 
à  cettecélèhre objection  elpour  rélnterBayle. 

V.  Mrniiêrr  dont  le  viankhéisme  a  ('le  com- 
battu dans  le  dernier  siècle.  Bayle  était  un 
adversaire  assez  redoutable,  poui'  éveil- 
ler' l'atlentiou  des  meilleurs  i)hilosophes. 
MM.  King  ,  Jacquelot ,  La  Placette  ,  Leib- 
nilz.  Le  Clerc,  le  P.  Malcbrancho,  ont  exercé 
leur  plume  contre  lui.  11  n'en  est  j)as  deux 
qui  aient  posé  les  mêmes  principes,  et, 
comme  il  arrive  assez  souvent,  les  questions 
accessoires  qu'ils  ont  tr'aitées  ont  pres(]uo 
toujours  fait  pei-dre  de  vue  l'objet  principal. 
H  s'agissait  de  savoir  si  le  monde,  tel  qu'il 
est,  peut  être  l'ouvrage  d'un  Dieu  tout-puis- 
sant et  infiniment  bon  ;  nous  sommes  obligés 
d'abrégerbeaucouple  détail  de  cette  dispute. 

King,  archevêque  de  Dublin,  dans  un 
traiié  de  l'Origine  du  mal,  posa  pour  principe 
que  Dieu  a  créé  le  monde  pour  exercer  sa 
puissance  et  |)Our  communiquer  sa  bonté; 
mais  qu'aucun  objet  extérieur  n'étant  bon 
par  rapport  îï  lui,  les  choses  ne  sont  bonnes 
que  parce  que  Dieu  les  a  choisies.  11  dit  (jue 
Dieu  a  voulu  exercer  sa  bonté,  mais  de  la 
manière  la  plus  conforme  au  dessein  qu'il 
avait  d'exercer  aussi  sa  puissance,  et  que 
les  maux  i^hysiques  sont  nécessairement  at- 
tachés aux  lois  que  Dieu  a  établies  [lour 
faire  éclater  cette  puissance  môme.  11  con- 
clut que  la  b-onté  de  Dieu  n'exigeait  point 
qu'il  créât  un  monde  exempt  de  maux  phj'- 
siques,  puisque  ce  monde  possible  n'aurait 
pas  été  meilleur  à  son  égard  que  le  nôtre.  11 
observe  que  le  mal  moral  n'est  qu'un  abus 
que  l'homme  fait  de  sa  liberté,  et  qu'il  n'était 
pas  meilleur  par  rap[iort  à  Dieu  de  prévenir 
cet  abus  que  de  le  permettre;  qu'en  le  pré- 
venant il  se  serait  écarté  du  plan  qu'il  avait 
formé  de  conduire  l'homme  par  le  mobile 
des  peines  et  des  récompenses.  Au  lieu  qua 
Bayle  elles  manichéens  affectent  d'exagérer 
la  quantité  de  mal  physique  et  moral  répandu 
sur  la  terre,  King  l'exténue  autant  c{u'il 
peut,  et  fait  à  ce  sujet  plusieurs  réflexions 
très-sensées.  Pour  les  réfuter,  Bayle  em- 
ploya les  propres  principes  de  son  adver- 
saire. Puisque,  de  l'aveu  de  King,  Dieu  a 
créé  le  monde,  non  pour  son  intérêt  ni  pour 


, 


827 


MAN 


MAN 


ti-2& 


sa  gloire,  mais  pour  commimiquer  sa  bonté, 
id  devait  préfiTer  l'oxercice  du  sa  bonté  à 
celui  de  sa  puissance  ;  et  puisque  tout  est 
également  bon  par  rapport  à  lui,  il  devait 
choisir  par  piéférence  lo  plan  ,  les  lois,  les 
moyens  les  plus  avantageux  aux  créatures; 
c'est  ce  qu'il  n'a  pas  fait.  Nous  montrerons 
ci-après  le  sophisme  renfermé  dans  cette 
réplique  de  Bayle.  Jacquelot,  au  contraire, 
dans  un  ouvrage  intitulé  :  Conformité  de  la 
foi  et  de  la  7-aison,  posa  pour  (irincipe  que 
Dieu  a  créé  l'univers  pour  sa  gloire;  con- 
séquemment  qu'il  a  créé  l'homme  libre,  afin 
qu'il  fût  capable  de  glorifier  Dieu  et  de  le 
connaître  par  ses  ouvrages  ;  qu'un  être  iu- 
telligent  et  libre,  étant  le  plus  parlait  ou- 
vrage de  Dieu,  il  manquerait  quelque  chose 
à  la  perfection  de  l'univers ,  si  l'komme 
n'était  pas  libre  et  capable  de  produire  le 
mal  moral  par  l'abus  de  sa  liberté.  11  ajouta 
que  la  bouté  de  Dieu  ne  l'obligeait  point  à 
créer  l'homme  dans  l'état  des  bienheureux, 
parce  que  c'est  un  état  de  récompense,  au 
lieu  que  celui  des  hommes  surla  terre  est  un 
état  a'é,)reuve. 

Bayle  répliqua,  l"  que  Dieu,  trouvant  en 
lui-même  et  dans  ses  perfections  une  gloire 
infinie  et  un  souverain  bonheur,  ne  peut 
avoir  créé  le  monde  pour  sagleire;  qu'ill'a 
créé  plutôt  par  b  )nté  et  pour  avoir  des  êtres 
auxquels  il  pût  faire  du  bien.  2°  Que  l'on  no 
voit  pas  en  quoi  le  mal  physique  ni  le  mal 
moi'al  contribuent  à  la  perfection  de  l'univers 
ni  ài  la  gloire  de  Diru;  que,  sans  ôter  à 
l'homme  sa  liberté,  Dieu  pouvait  lui  faire 
éviter  le  mal  moral  ouïe  j)éché;  que,  puis- 
uue  l'état  des  bienheureux  est  plus  parfait 
que  le  nôtre,  Dieu  pouvait  plutôt  y  placer 
l'homme  que  dans  l'état  d'épreuve.  Autre 
sophisme  que  nous  aurons  soin  de  relever. 

La  Placette,  dans  un  écrit  intitulé,  Réponse 
à  deux  objections  de  M.  Bayle,  attaqua  le 
principe  de  ce  critique,  et  soutint  qu'il  n'est 
pas  démontré  que  Dieu  ait  créé  le  monde 
uniquement  par  bonté  et  jiour  rendre  ses 
créatures  heureuses;  que  Dieu  peut  avoir  eu 
des  desseins  que  nous  ignorons.  Comme 
Bayle  mourut  dans  le  temps  que  La  Placette 
faisait  imprimer  son  ouvrage,  il  n'eut  pas  le 
temps  de  répliquer;  il  aurait  dit,  sans  doute, 
que  des  desseins  que  nous  ignorons  ne 
peuvent  pas  nous  servir  à  expliquer  ce  que 
nous  voyons,  ni  à  résoudre  une  difficulté. 
Leibnitz ,  pour  attaquer  Bayle ,  embrassa 
l'optimisme;  il  prétendit  dans  ses  Essais  de 
Théodicée,  que  Dieu,  prêt  à  créer  l'univers, 
avait  choisi  le  meilleur  de  tous  les  plans 
possibles;  que,  quoique  la  permission  du 
mal  soit  nécessairement  entrée  dans  ce  plan, 
cela  n'empêche  pas  que,  tout  calculé,  ce 
monde  ne  soit  le  meilleur  de  tous  ceux  que 
Dieu  pouvait  faire.  On  ne  peut  pas  dire 
néanmoins  que  Dieu  a  voulu  positivement 
le  mal  moral,  ou  le  péché;  il  a  seulement 
voulu  un  monde  dans  lequel  le  péché  devait 
entrer,  et  dans  lequel  ce  mal  serait  com- 
pensé par  les  biens  qui  en  résulteraient. 
Nous  ignorons  ce  que  Bayle  aurait  répondu 
8  il  avait  cncora  été  vivant;  mais  il  est  évi- 


dent que  l'optimisme  borne  témérairement 
la  puissance  de  Dieu,  en  supposant  qu'il  n'a 
pas  pu  faire  mieux  qu'il  n'a  lait.  Cette  opi- 
nion donne  encore  atteinte  à  la  liberté 
divine,  en  soutenant  que  Dieu  a  choisi  né- 
cessairement le  plan  qu'il  a  jugé  le  meilleur  : 
d'oii  il  résulte  que  tout  est  nécessairement 
tel  qu'il  est.  Enfin,  puisqu'il  est  impossible 
à  l'esprit  de  l'iiomm.j  de  saisir  le  systènie 
physique  et  moral  de  l'univers  dans  sa  tota- 
lité et  dans  ses  différents'  rap-iorts,  nous 
sommes  incapables  de  juger  si  le  tout  est  le 
mieux  possible.  Voy.  Optimisme. 

Le  Clerc  a  eu  recours  h  un  autre  expé- 
dient; comme  la  [)lus  forte  objection  do 
Bayle  portait  sur  la  longue  durée  du  mal 
physique  et  moral  dans  ce  monde,  et  sur 
leur  éternité  dans  l'autre  ,  Le  Clerc  ,  pour 
affaiblir  cette  difficulté,  adopta  l'origénisme  ; 
il  prétendit,  ilans  son  Parrhasiana,  que  les 
peines  des  damnés  finiraient  un  jour;  qu'ainsi 
les  biens  et  les  maux  de  cette  vie  n'étaient 
que  des  moments  destinés  à  élever  enfin 
l'âme  à  la  perfection  et  au  bonheur  éternel. 
Bayle  répondit  que,  si  cette  hypothèse  di- 
minuait la  dilliculté  tirée  de  l'existence  du 
mal,  elle  ne  la  détruis.dt  pas;  qu'il  est  con- 
traire à  la  bonté  de  Dieu  de  conduire  les 
créatures  à  la  perfection  par  le  péché,  et  au 
bonheur  par  les  souffrances,  pendant  qu'elle 
pouvait  les  y  faire  parvenir  autrement  :  il 
y  a  encore  du  faux  dans  cette  réponse. 

Dans  le  dessein  de  dissiper  entièrement 
toutes  les  objections,  le  P.  Malebranche  par- 
tit du  même  principe  que  Jacquelot;  il  dit 
que  Dieu,  étant  un  Etre  souverainement  par- 
fait ,  aime  l'ordre ,  qu'il  aime  les  choses  à 
proportion  qu'elles  sont  aimables ,  qu'il 
s'aime  par  conséquent  lui-même  d'un  amour 
infini  ;  de  là  ce  philosophe  conclut  que,  dans 
la  création  du  monde,  Dieu  n'a  pu  se  pro- 
poser pour  fin  principale  que  sa  propre 
gloire.  11  n'y  aurait,  dit-il,  aucune  propor- 
tion entre  un  monde  fini  quelconque  et  la 
gloire  de  Dieu,  si,  en  le  créant.  Dieu  ne 
s'était  proposé  l'incarnation  du  'Verbe  ,  qui 
donne  aux  hommages  des  créatures  un  prix 
infini.  D'ailleurs,  Dieu  infiniment  sage  doit 
agir  par  des  voloiités  générales,  et  non  par 
des  volontés  particulières;  or,  pour  prévenir 
tous  les  péchés,  il  auiait  fallu  que  Dieu  in- 
terrompît les  lois  générales  et  suivît  des  lois 
particulières;  d'où  l'on  voit,  qu'eu  égard  aux 
différentes  perfections  de  Dieu,  à  sa  bonté, 
à  sa  sagesse,  à  sa  justice ,  il  a  fait  à  ses 
créatures  tout  le  bien  qu'il  pouvait  ieur 
faire.  Ce  système  du  P.  Malebranohe  fut 
attaqué  par  le  docteur  Arnaud.  Sans  exa- 
miner les  raisons  qu'il  y  opposa,  il  nous 
paraît  dur  de  ne  pouvoir  répondre  à  des 
objections  purement  philosophiques  et  qui 
viennent  naturellement  à  l'esprit  des  igno- 
rants, que  par  la  révélation  d'un  mystère 
aussi  sublime  que  celui  de  l'incarnation,  cl 
d'être  obligés  de  savoir  s'il  fallait  absolument 
le  péché  originel  et  ses  suites,  pour  que  le 
Verbe  divin  pût  s'incarner.  En  second  lieu, 
nous  ne  voyous  pas  en  quel  sens  Dieu,  en 
faisant  des  miracles,  suit  les  lois  géuéraiei 


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qu'il  a  étaWies,  et  sur  lesquelles  est  fondé 
riinlic  physique  du  monde  ;  il  passe  pour 
cfiiistant  parmi  les  thf'ologiens,  que  tout  mi- 
racle est  une  exception  ou  une  mTogation  à 
ces  lois.  Nous  voyons  encore  moins  dans 
quel  sens  un  jilus  f:;rand  mmibre  de  grfices 
elllcacos  accordées  aux  liommes  auraient  in- 
terrsmpu  le  cours  des  lois  générales.  Enfin 
cette  hypothèse  semble  supposer,  comme 
celle  de  Leibnitz,  (jue  Dieu  a  fait  nécessai- 
rement tout  ce  (pi'ilafait.  Nous  l'exposerons 
et  nous  la  réfuterons  avec  plus  d'étendue  au 
mot  Optimisme. 

N'y  a-t-il  donc  [las  une  mélliodo  plus 
simple  de  résoudre  les  objections  des  ma- 
nichéens? Pour  y  satisfaire,  les  Pères  do 
l'Eglise  n'ont  point  eu  recours  h  des  sys- 
tèmes arbitraires  ;  ils  n'ont  embrassé  '  ni 
l'optimisme,  ni  la  fatalité,  ni  l'hypothèse 
des  lois  générales.  Bayie,  à  la  vérité,  a  pré- 
tendu que  si  les  Pères  avaient  eu  à  disputer 
contre  des  philosophes  plus  habiles  que  les 
manichéens,  ils  auraient  eu  de  la  peine  à 
résoudr(>  leurs  arguments;  nous  soutenons, 
au  contraire,  (ju'ils  ont  réfuté  d'avance  les 
sophismcs  de  Bayie  et  des  philosophes  de 
toutes  les  sectes  :  nous  ignorons  pourquoi 
les  modernes  n'ont  pas  trouvé  bon  de  s'en 
tenir  aux  vérités  étaiilios  par  les  Pères. 

VI.  Iteponses  des  Pêrcs  de  l'Eglise  aux  ob- 
jections des  manichéens.  11  ne  faut  |ias  ou- 
blier ce  que  nous  avons  dit  ci-devant, 
qu'avant  Manès  le  système  des  deux  prin- 
cipes avait  été  embrassé  par  la  plupart  des 
sectes  de  gnostiques;  Valentin ,  Basilides, 
Bardesancs,  Marcinn  et  d'autres,  avaient  fait 
les  mêmes  objections  et  avaient  été  réfutés 
par  les  Pères.  Tertullien,  dans  ses  livres 
contre  Marcion ,  l'auteur  des  Dialogues 
contre  ce  même  hérétique,  attribués  autre- 
fois h  Origène;  Archélaùs,  dans  sa  confé- 
rence avec  Wanès;  saint  Augustin,  dans  ses 
divers  ouvrages .  etc.,  «nt  tous  suivi  la 
même  méthode  ;  ils  ont  posé  deux  maximes 
d'une  véiité  paljiable,  qui  font  disparaître 
les  difricultés.  Déjà,  dans  l'article  Mai,  et 
ailleurs,  nous  en  avons  fait  voir  la  solidité  : 
nous  sommes  forcés  de  nous  répéter  en  peu 
de  mots. 

1'  Le  mal  n'est  ni  une  substance,  ni  un 
ôtre  positif,  mais  c'est  la  privation  d'un 
plus  grand  bien  ;  il  n'y  a  dans  le  monde  ni 
bien  ni  mal  absolu;  ils  ne  sont  tels  (jue  par 
comparaison.  Tout  bien  créé  étant  essen- 
tiellemenl  borm'',  renferme  nécessairement 
une  {)rivation  ;  il  est  censé  mal  en  compa- 
raison d'im  plus  grand  bien,  et  il  est  mieux 
en  comparaison  d'un  moindre  bien.  Puisqu'il 
n'est  aucun  être  (|ui  no  renferme  quelque 
degré  de  bien,  il  n'en  est  aucun  qui  soit 
absolument  mauvais.  Quand  on  dit  qu'il  y 
a  du  mal  dans  le  monde,  cela  signifie  seu- 
lement qu'il  y  a  moins  de  bien  qu'il  ne 
pourrait  y  en  avoir.  Lorsqu'on  ajoute  qu'un 
Dieu  bon  ne  peut  pas  faire  le  mal,  si  l'on 
entend  qu'il  ne  peut  pas  faire  un  bien 
mouicre  qu'un  autre,  cela  est  faux  et  ab- 
surde. Quand  on  ailirme  qu'il  ne  peut  faire 
que  du  bien,  si  l'on  veut  dire  qu'il  ne  peut 


faire  que  ce  qui  est  le  mieux  possible,  c'est 
une  autre  absurdité.  Quelque  bien  que  Dieu 
fasse,  il  peut  toujours  faire  mieux,  puisque 
sa  puissance  est  intinie,  le  mieux  possible 
serait  l'infini  actuel  créé,  qui  renferme 
contradiction.  S.  August.,  1.  m  de.  Lib.  arb., 
c.  3,  II.  12  et  suiv.;  L.  de  Morib.  Manich., 
c.  k,  n.  G;  Op.  imperf.,  lib  v,  n.  58  et 
60,  etc.  Ce  principe  évident  est  applicable 
aux  trois  espèces  de  maux  que  distinguent 
les  philosophes.  Ils  apj)ellent  mal  l'imper- 
fection des  créatures;  mais  il  n'en  est  au- 
cune qui  n'ait  quelque  degré  de  perfection  ; 
elle  n'est  censée  im|iarfaite  que  (pian(lonla 
compare  à  une  autre  qui  est  [dus  |)arfaite  ; 
ainsi  l'homme  est  imparfait  en  comparaison 
des  anges,  mais  il  est  beaucoup  plus  par- 
fait aue  les  brutes;  et  dans  la  même  espèce 
les  divers  individus  sont  plus  ou  moins 
parfaits  les  uns  que  les  autres.  L'imperfection 
absolue  serait  le  néant,  et  il  n'y  a  point  de 
perfection  absolue  que  celle  de  Dieu. 

Aussi  les  pliilosojihes.  qui  se  plaignent 
du  mal  qu'il  y  a  dans  le  monde,  entendent 
principalement  par  mal  la  douleur  ou  le 
mal-ètre  des  créatures  sensibles.  Or,  quoi- 
qu'un seul  instant  de  douleur  légère  nous 
paraisse  un  mal  positif  et  absolu,  il  ne  nous 
ôt(^  cependant  pas  le  sentiment  d'un  bien- 
être  habituel  dont  nous  avons  joui,  ou  dont 
nous  espérons  de  jouir;  ce  n'est  donc  pas 
un  mal  pur  et  sans  mélange  de  bien;  c'est 
même  un  bien  en  conquraison  d'une  dou- 
leur plus  longue  et  plus  aiguë,  et  il  n'est 
personne  qui  ne  choisît  l'un  préférablement 
à  l'autre.  Un  mal  pur  pourrait-il  être  un 
objet  de  préférence?  Le  bien-ôtre  ou  le 
bonheur,  le  mal-ètre  ou  le  malheur  ne  sont 
donc  encore  que  deux  termes  de  comparai- 
son. Un  homme  qui  a  vécu  quatre-vingts 
ans,  et  qui  n'a  éprouvé  dans  toute  sa  vie 
que  quelques  instants  d'une  douleur  légère, 
est  très-heureux  en  comparaison  de  celui 
qui  a  soulfert  plus  longtemps  et  plus  vio- 
lemment; il  est  certainement  dans  le  cas  de 
bénir  et  de  remercier  Dieu. 

Lorsque  Bayle  et  ses  copistes  ont  osé 
soutenir  qu'un  seul  instant  de  douleur  lé- 
gère est  un  mal  pur,  positif,  absolu,  une 
objection  invincible  contre  la  bonté  de  Dieu, 
ils  se  sontjoués  des  termes.  Quand  ils 
ajoutent  qu'un  Dieu  bon  se  doit  à  lui-môme 
de  rendre  ses  créatures  heureuses,  nous 
leur  demandons  quel  degré  nrécis  de  bon- 
heur il  leur  doit,  et  quelle  doit  en  être  la 
durée;  et  nous  les  défions  de  l'assigner. 
Quelque  heureuse  que  l'on  suppose  une 
créature  sur  la  terre,  elle  pourrait  l'être 
davantage,  et  elle  sera  toujours  censée  mal- 
heureuse en  com[iaraison  des  bienheureux 
du  ciel.  Le  bonheur  de  ceux-ci  n'est  absolu 
que  parce  qu'il  est  éternel  ;  il  pourrait 
augmenter,  puisqu'il  y  a  entre  les  saints 
divers  degrés  de  gloire  et  de  bonheur,  et  la 
félicité  des  uns  a  commencé  plus  tôt  que 
celle  des  autres.  Enfin,  lorsque  lîayle  sou- 
tient qu'un  Dieu  bon  ne  peut  conduire  à  ce 
bonheur  éternel  par  un  seul  instant  de 
souffrance,    il  choque   directeruent   le  bon 


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sens.  Si  en  affirmant  que  Dieu  doit  nous 
rendre  heureux,  Ton  entend  qu'il  doit  nous 
rendre  contents,  il  ne  tient  qu'à  nous  do 
l'êîre.  Un  saint  qui  souffre  se  croit  heureux, 
bénit  Dieu,  et  se  réjouit  de  son  état;  un 
épicurien  se  croit  malheureux,  parce  qu'il 
ne  peut  pns  goûter  autant  de  plaisirs  qu'il 
voudrait  :  que  prouve  la  fausse  idée  qu'il 
se  fait  du  bonheur  ?  Nous  n'imitons  point 
l'opiniûlreté  des  stoïciens,  ciui  ne  voulaient 
pas  avouer  que  la  douleur  fût  un  mal,  mais 
nous  soutenons  que  ce  n'est  point  un  mal 
pur  et  absolu,  qui  rende  l'homme  absolu- 
ment malheureux,  qui  lui  ôte  tout  sentiment 
du  bien-être,  qui  prouve  de  la  part  de  Dieu 
un  défaut  de  bonté  envers  ses  créatures. 

La  troisième  espèce  de  mal,  cfui  est  le 
péché,  ne  vient  point  de  Dieu,  mais  de 
l'homme;  c'est  l'abus  libre  et  volontaire 
d'une  faculté  bonne  et  avantageuse.  Ceux 
qui  soutiennent  que  la  liberté  est  un  mal, 
un  don  funeste,  puisque  c'est  le  pouvoir  de 
se  rendre  éternellement  malheureux,  en 
imposent;  c'est  aussi  le  pouvoir  de  se  ren- 
dre éternellement  heureux  par  la  vertu. 
Cette  faculté  serait,  sans  dout^,  meilleure  et 
plus  avantageuse,  si  c'était  le  seul  pouvoir 
de  faire  le  bien  ;  mais  le  pouvoir  de  choisir 
entre  le  bii'u  et  le  mal  vaut  certainement 
mieux  que  l'instinct  purement  animal  des 
brutes;  ce  n'est  donc  pas  une  faculté  abso- 
lument mauvaise.  S.  August.,  L.  xi  de  Ge- 
nesi  ad  Lit.,  c.  7,  n.  9.  Un  philosophe  qui 
soutient  que  Dieu  ne  peut  ni  vouloir  ni  per- 
mettre le  mal  moral  ou  le  péché,  doit  dé- 
montrer qu'un  être  intelligent,  capable  de 
vertu  et  de  vice,  est  absolument  mauvais 
ou  absolument  malheureux;  comment  le 
prouvera-t-il  ? 

2'  Un  second  principe  évident,  posé  par 
les  Pères  de  l'Eglise,  c'est  gue  la  bonté  de 
Dieu  étant  jointe  à  une  puissance  infinie, 
on  ne  doit  point  la  comparer  à  la  bonté  de 
l'homme,  dont  le  pouvoir  est  très-borné, 
l'homme  n'est  censé  être  bon  qu'autant  qu'il 
fait  tout  le  bien  qu'il  peut  faire  ;  à  l'égard 
de  Dieu  cette  règle  est  fausse,  puisque  Dieu 
peut  faire  du  bien  à  l'infini;  on  ne  trouverait 
donc  jamais  le  degré  de  bien  auquel  la  bonté 
divine  doit  s'arrêter.  S.  Aug.,  L.  contra 
Epist.  Fundam.  c.  30,  n.  33;  c.  37,  n.  4-3; 
Epist.  186,  ad  Paulin,  c.  7,  n.  22,  etc. 
Bayle  lui-même  a  été  forcé  de  reconnaître 
l'évidence  de  cette  vérité.  Mais  que  fait-il? 
Il  l'oublie  et  la  méconnaît  dans  tous  ses 
raisonnements.  11  prétend  qu'un  Dieu  infi- 
niment bon  ne  peut  ni  affliger  ses  créatures, 
ni  permettre  le  péché,  parce  que  si  un  père, 
un  ami,  un  roi,  etc.,  faisaient  de  mèroe,  ils 
ne  seraient  pas  bons.  Dès  que  toutes  ses 
co  mparaisons  sont  démontrées  fausses,  tous 
ses  sophisraes  ne  signifient  plus  rien.  Tel 
est  cependant  l'unique  fondement  sur  lequel 
il  a  soutenu,  contre  King,  .que  Dieu,  en 
créant  le  monde,  devait  choisu'  par  préfé- 
rence le  plan,  les  lois,  les  moyens  les  plus 
avantageux  aux  créatures;  contre  Jacquelot, 
que  l'état  des  bienheureux  étant  plus  par- 
eil que  le  uôlre,  Dieu  devait  plutôt  y  placer 


i 'homme  que  dans  l'état  d'épreuve;  contre 
Le  Clerc,  qu'il  était  plus  digne  d'une  bonté 
infinie,  de  conduire  l'homme  au  bonheur 
éternel  par  les  plaisirs  que  par  les  souffran- 
ces, etc.  Pourquoi  Dieu  devait-il  faire  tout 
cela  ?  Parce  qu'un  homme  ne  serait  pas 
censé  bon,  s'ilne  le  faisait  pas  lorsqu'il  le 
peut.  Ainsi,  Bayle  argumente  constamment 
sur  l'idée  du  mieux,  de  ce  qui  est  plus  avan- 
tageux, plus  digne  de  la  bonté  de  Dieu,  idée 
qui  conduit  à  l'infini,  et  il  compare  toujours 
cette  bonté  à  .celle  d'un  homme  :  double 
sophisme  par  lequel  il  éblouit  ses  lecteurs, 
et  que  les  incrédules  ne  cessent  de  répéter. 
Mais  les  Pères,  et  en  particulier  saint  Au- 
gustin, l'ont  détruit  d'avance  par  les  deux 
principes  qu'ils  ont  posés,  et  qui  sont  d'une 
évidence  palpable;  aujourd'hui  l'on  nous  dit 
que  les  Pères  n'ont  pas  répondu  solidement 
aux  objections  des  manichéens.  Est-on  venu 
à  bout  de  renverser  les  deux  vérités  qui  ont 
été  la  base  de  leurs  réponses  ? 

Saint  Augustin  n'a  pas  moins  réussi  à 
démasquer  les  fausses  vertus  dont  les  mani- 
chéens faisaient  parade.  Il  leur  démontre 
que  leur  abstinence  n'est  qu'une  gourman- 
dise raffinée,  que  leur  chasîeté  est  très- 
équivoque,  qu'ils  se  font  un  scrupule  de 
blesser  une  plante,  pendant  qu'ils  laisseraient 
mourir  de  faim  un  pauvre  catholique  ou  un 
malade,  plutôt  que  de  cueillir  un  fruit  pour 
le  soulager.  11  leur  reproche  plusieurs  vices 
très-odieux;  il  devait  connaître  leurs  mœurs, 
puisqu'il  avait  été  leur  disciple  pendant 
neuf  ans,  et  sûrement  la  perte  d'un  pareil 
prosélyte  dut  leur  être  très-sensible.  Saint 
Cyrille  de  Jérusalem  lésa  peints  à  peu  près 
de  môme,  dans  le  temps  que  leur  secte  ne 
faisait  que  commencer,  Catech.  6;  il  y  avait 
un  assez  grand  nombre  de  ces  hérétiques 
dans  la  Palestine.  Plusieurs  critiques  protes- 
tants ont  accusé  saint  Augustin  d'avoir  sou- 
tenu, dans  ses  ouvrages  contre  les  pélagiens, 
des  sentiments  tout  contraires  à  ceux  qu'il 
avait  établis  contre  les  manichéens  :  c'est 
une  calomnie  que  nous  réfutons  ailleurs. 
Voy.  Saint  Augustin. 

VIL  Examen  de  l'Histoire  critique  de  Ma~ 
nichée  et  du  manichéisme,  publiée  par  Beau- 
sobre.  Si  nous  entreprenions  do  relever  tous 
les  défauts  de  cet  ouvrage,  il  en  faudrait 
faire  un  presque  aussi  considérable;  mais 
comme  ils  ont  été  avoués  et  remarqués 
déjà  par  d'habiles  protestants,  en  particulier 
par  Mosheim  et  par  Hrucker,  et  que  nous 
avons  occasion  d'en  parler  dans  plusieurs 
autres  articles,  nous  nous  bornerons  dans 
celui-ci  à  quelques  observations  générales. 

1°  Beausobre  fait  profession  de  n'ajouter 
foi  à  aucun  témoignage  contraire  à  l'idée 
qu'il  s'est  formée  du  manichéisme.  11  récuse 
celui  des  Pères  de  l'Eglise,  parce  qu'ils  ont 
été  trop  crédules,  que  par  un  faux  zèle  ils 
ont  exagéré  les  torts  des  hérétiques,  et  qu'ils 
ont  affecté  de  publier  tout  ce  qui  pouvait  en 
rendre  la  personne  odieuse.  Il  n'a  point 
d'égard  aux  aveux  de  quelques-uns  des  dé- 
fenseurs du  manichéisme,  parce  que  c'étaient 
des  ignorants  qui  ont  mal  saisi  les  principes 


653  MAN 

e(  la  (loctrino  de  leur  maître.  Il  fait  encore 
moins  de  cas  de  la  confession  de  ceux  qui 
ont  abjuré  cette  erreur  pour  se  réconcilier 
îi  l'Eglise;  c'étaient  des  transfuti;es  qui  ca- 
,oa  niaient  la  secto  qu'ils  abandonnaient 
selon  la  coutume  de  tous  les  apostats.  11  ne 
se  fie  point  aux  auteurs  grecs,  parce  qu'ils 
ne  savaient  pas  la  langue  dans  U^jucUcManès 
a  écrit,  et  qu'ils  connaissaient  raal  la  philo- 
sophie des  Orientaux.  L'on  doit  plutôt  s'en 
rapporter  aux  écrivains  perses,  chaldéens, 
syriens,  arabes,  égyptiens,  môme  aux  juifsr 
cabalistes.  Cependant,  iiarnii  ces  auteurs,  il\ 
n'y  en  a  pas  un  seul  duquel  on  puisse  alfir- 
mer,  avec  certitude,  qu'il  avait  lu  les  livres 
oriijinaux  de  i\Ianés.  Aussi  Brucker  blAme 
avec  raison  cette  prévention  de  Beausobre, 
Histoire  critique  àe  la  Philosophie,  tom.  III, 
pâg.  '189;  tiim.  VI,  nau,-.  550.  Mosheim  de 
môme,  Instil.  Ilist.  christ.,  iV  part.,  cap.  5, 
paf,'.  331 . 

•l"  Ce  critique  ne  veut  pas  que  l'on  attribue 
aux  manichéens  ni  h  aucune  secte  hérétique, 
par  voie  de  conséquence,  des  erreurs  qu'elle 
désavoue  ou  qu'elle  n'enseigne  pas  formel- 
lement; mais  il  se  sert  de  cette  même  voie 
de  conséquence  pour  les  justifier;  ils  n'ont 
pas  pu,  dit-il,  soutenir  tel'e  erreur,  puis- 
qu'ils ont  soutenu  telle  autre  opinion  qui 
est  incompatible  avec  cette  erreur.  Au  con- 
traire, quand  il  s'agit  des  Pères  de  l'Eglise, 
il  leur  attribue  toutes  les  absurdités  possi- 
bles par  voie  de  conséquence,  et  il  s'oppose 
à  ce  que  l'on  se  serve  de  ce  moyen  pour  les 
justifier,  parce  que  selon  lui,  les  Pérès  n'ont 
pas  été  toujours  d'accord  avec  eux-mêmes. 
Ainsi  il  accuse  ceux  môme  qui  ont  admis  la 
création  d'avoir  cru  Dieu  corporel,  comme  si 
ces  deux  opinions  pouvaient  compatir  en- 
semble; il  soulient  que  quelques  autres 
n'ont  pa6  cru  la  présence  réelle  de  Jésus- 
Clh'ist  dans  l'Eucharistie,  parce  qu'ils  se 
sont  exprimés  d'une  manière  qui  ne  paraît 
pas  s'accorder  avec  cette  croyance.  A  son 
avis,  les  Pères  et  les  hérétiques  ont  été  tan- 
tôt conséquents  et  tantôt  inconséquents, 
suivant  qu  il  lui  est  utile  de  le  supposer. 

3°  Par  un  motif  de  charité  exemplaire,  il 
interprète  toujours  dans  le  sens  le  plus  fa- 
vorable les  opinions  des  sectaires,  et  lors- 
qu'il n'est  p;i3  possible  d'excuser  leur  doc- 
trine, il  veut  que  l'on  attribue  du  moins 
leur  égarement  à  une  intention  louable. 
Malheureusement  cette  condescendance  n'a 
plus  lieu  à  l'égard  des  Pères  de  l'Eglise;  il 
prend  toujours  dans  le  sens  le  plus  odieux 
ce  qu'ils  ont  dit;  il  ne  se  fait  pas  môme 
scrufiule  de  falsifier  un  peu  leurs  passages, 
et  de  les  traduire  à  sa  manière  :  il  a  grand 
soin  de  noircir  leurs  intentions,  lorsqu'il  ne 
prut  pas  censurer  leur  doctrine.  Est-ce  à 
tort  que  Brucker  lui  a  reproché  d'avoir  en- 
trepris de  justifier  tous  les  hérétiques  aux 
dépens  des  Pères  de  l'Eglise?  Ibid. 

*°  11  a  cru  excuser  suffisamment  les  er- 
reurs des  manichéens,  lorsqu'il  a  découvert 
Quelques  opinions  à  peu  près  semblables 
ans  les  écrits  des  docteurs  catholiques,  ou 
chez  d'autres  scctcj  hérétiques,    ou  dans 


MAN 


534 


quelque  école  de  philosophie.  11  s'étonne 
de  ce  nue  nous  réprouvons  avec  tant  de  ri- 
gueur les  opinions  des  mécréants,  pendant 


que  nous  excusons  les  Pères  et  tous  ceux 
que  nous  nommons  orthodoxes.  Avec  un 
peu  de  réflexion,  il  aurait  vu,  entre  les  uns 
et  les  autres,  une  différence  qui  justifie 
noire  conduite  et  qui  condamne  la  sienne. 
Lorsqu'un  docteur  catholique  a  eu  quelque 
opinion  singulière  ou  fausse,  il  ne  s'e-it  pas 
avisé  de  l'ériger  en  dogme,  de  censurer  le 
sentiment  des  autres,  d'opposer  le  sien  à 
celui  de  l'Eglise,  de  se  donner  pour  inspiré 
ou  pour  apôtre  destiné  Li  réformer  le  chris- 
tianisme. Voilà  ce  qu'ont  fait  les  hérésiar- 
ques et  leurs  partisans;  ils  se  sont  élevés 
contre  la  croyance  de  l'Églis";  ils  lui  en  ont 
opposé  une  autre  qu'ils  soutenaient  plus 
vraie;  ils  ont  regardé  comme  des  incrédu- 
les et  des  réprouvés  ceux  qui  ne  voulaient 
pas  l'embrflsser;  quelques-uns,  comme  Mâ- 
nes, se  sont  dits  éclairés  par  le  Saint-Esprit,  et 
suscités  de  Dieu  pour  réformer  la  doctrine 
clirélienne;  cette  conduite  a-t-elle  mérité  de 
l'indulgence  et  des  ménagements? 

5°  Beausobre  était-il  en  élat  de  prouver 
que  les  disciples  de  Manès  ont  conservé 
fidèlement  sa  doctrine  d.uis  tous  les  lieux 
où  ils  l'ont  jioriée,  en  Perse,  en  Syrie,  en 
Egypte,  en  (îrèce,  en  Afrique,  e;i  Espagne, 
(  n  Italie;  qu'ils  n'ont  pas  usé  du  privilège 
commun  à  tous  les  seclaires,  de  changer  île 
sentiment  qoand  i!  leur  plait?  Il  a  reconnu 
lui-même  que  les  manichéens  étaient  divi- 
sés en  plus.eurs  sectes  ;  qu'ils  n'avaient 
j)as  tous  le  même  sentiment,  et  que  ceux 
d'.'Vfiique  étaient  des  ignorants,  t.  Il,  p.  529, 
573,  etc.  Ce  n'est  donc  pas  par  ia  doctrine 
de  pareils  disciples  que  l'on  peut  juger  de 
celle  de  Manès,  ni  au  contraire;  comment 
Beausobre  a-t-il  été  certain  qu'aucun  mani- 
chéen n'a  enseigné  les  erreurs  que  les  Pères 
ont  attribuées  à  cette  secte  insensée  et 
im[)ie  7  Les  variations  du  manichéisme 
ont  dû  augmenter  lorsqu'il  a  passé  succes- 
sivement aux  prisciliianistes,  auxpaulicicns, 
aux  bulgares,  aux  bogomiles,  aux  albigeois. 
Si  les  écrits  de  Luther  et  do  Calvin  étaient 
perdus,  pourrait-on  juger  de  leurs  senli- 
ments  par  ce  qui  est  enseigné  aujourd'hui 
chez  les  dilférentes  sectes  de  protestants? 
Brucker  a  reproché  h  Beausobre  de  n'avoir 
pas  su  distinguer  les  dilférentes  époques  de 
la  philosophie  orientale,  de  n'avoir  pas  eu 
égard  aux  révolutions  qui  y  sont  survenues; 
l'on  a  encoic  plus  de  raison  de  se  plaindre 
de  ce  qu'il  n'a  pas  daigné  distinguer  les 
différentes  époques  du  manichéisme.  Mais 
il  a  voulu  tout  confondre,  afin  de  donner 
une  plus  libre  carrière  a  ses  conjectures. 

6°  La  première  chose  qu'il  aurait  àù  faire 
était  d'examiner  si  l'hypothèse  des  deux 
principes  satisfait  ou  ne  satisfait  pas  à  la 
difficulté  de  l'origine  du  mal,  si  elle  met 
mieux  à  couvert  la  bonté  de  Dieu  que  la 
croyance  chrétienne,  si  les  Pères  ont  réfuté 
solidement  cette  hypothèse,  s'ils  ont  ré- 
pondu suffisamment  aux  objections;  l'on 
aurait  vu  par  là  si  Manès  raisoauait  mieux 


%ss 


MAN 


MAN 


B36 


OU  plus  mal  qu'ouî.  Beausobrc  n'a  fait  ni 
l'un  ni  l'autre.  Il  s'est  mis  dans  l'esprit  que 
cet  hérésiarque  était  l'un  des  plus  beaux  génies 
de  l'antiquité,  et  l'un  des  mieux  instruits  de  la 
philosophie  orientale;  le  croirons-nous  sur 
«a  parole,  quand  nous  voyons  que  le  sys- 
tème de  cet  imposteur  n'est  qu'un  composé 
tjizarre  de  pièces  rapportées,  dont  il  a  pris 
/es  unes  chez  les  mages  de  Perse,  les  autres 
chez  les  gnostiques  et  les  marcionites,  les 
autres  chez  les  chrétiens,  dont  il  a  défiguré 
tous  les  dogmes,  et  que  ce  système  ne  sa- 
tisfait en  aucune  manière  à  la  principale 
difficulté  que  l'auleur  voulait  éviter? 

Enlin,  quand  la  méthode  de  Beausobre 
serait  plus  juste  et  plus  sensée,  quand  il 
aurait  mieux  deviné  le  plan  du  manichéisme, 
qu'eu  résulterait-il  pour  l'apologie  de  Mâ- 
nes? Rien  :  jilus  on  lui  supjiGse  de  lumiè- 
res, plus  on  le  fait  paraître  coupable.  C'était 
un  imposteur,  puisqu'il  se  donnait  pour 
apôtre  de  Jésus-Christ,  sans  avoir  aucune 
preuve  de  mission;  c'était  un  fanatique, 
puisqu'il  préférait  la  doctrine  des  philoso- 
phes orientaux  iv  celle  de  Moïse,  dont  la 
mission  divine  était  prouvée,  et  qu'il  se 
flattait  de  concilier  celle  de  Jésus-Christ  avec 
les  rêveries  de  Zoroastre.  Beausobre  avoue 
ces  deux  points;  mais  ce  n'est  pas  tout. 
Manès  était  un  séditieux,  puisqu'il  préten- 
dait changer  la  religion  des  Perses,  et  en 
introduire  une  nouvelle  qu'il  avait  forgée, 
sans  ûtre  revêtu  d'une  autorité  divine;  il 
méritait  le  supplice  que  le  roi  de  Perse  lui 
fit  subir.  C'était  un  mauvais  raisonneur, 
puisque  son  hypothèse  ne  servait  à  rien 
pour  résoudre  la  difficulté  de  l'origine  du 
mal.  Enfin,  c'était  un  blasphémateur  qui, 
sous  prétexte  de  justifier  la  bonté  de  Dieu, 
défigurait  tous  les  autres  attributs  de  la  Di- 
vinité, la  puissance,  la  sagesse,  la  justice,  la 
véracité  de  Dieu.  Est-ce  à  tort  que  les  Pères 
de  l'Eglise  ont  été  indignés  de  ses  attentats? 
Si,  en  faisant  l'histoire  du  manichéisme, 
Beausobre  n'a  point  eu  d'autre  dessein  que 
de  faire  briller  ses  talents,  il  a  parfaitement 
réussi;  on  ne  peut  pas  montrer  nlus  d'esprit, 
d'érudition,  de  sagacité,  une  logique  plus 
subtile  ni  plus  insidieuse,  plus  d'habileté  à 
donner  une  apparence  de  vérité  aux  conjec- 
tures les  plus  hardies,  et  aux  paradoxes  les 
plussinguliers:c'estàjustelitrequecetouvra- 
ge  luiaprocuré  beaucoup  de  réputation,  sur- 
tout parmi  les  protestants  .Mais  il  avait  d'autres 
vues.  Par  intérêt  de  système,  il  lui  importait 
de  confirmer  les  prolestants  dans  le  mépris 
qu'ilsontpour  lesPères  et  pourla tradition,  et 
dans  leurs  préventions  contre  l'Eglise,  parce 
qu'elle  n'a  jamais  voulu  tolérer  les  héréti- 
ques ;  nous  ne  doutons  pas  qu'à  cet  égard  il 
n'ait  encore  eu  le  plus  grand  succès.  Jl  a 
produit  un  autre  eflet  que  l'airteur  ne  pré- 
voyait peut-être  pas  ;  il  a  fourni  aux  incré- 
dules une  ample  matière  pour  calomnier  le 
christianisme  dès  sa  naissance,  pour  prouver 
qu'immédiatement  après  la  mort  des  apôtres, 
notr»?  religion  n'a  eu  pour  défenseurs  que 
des  hommes  crédules,  mauvais  raisonneurs, 
passionnés  et  fourbes,  peu  scrupuleux  en 


fait  de  fraudes  pieuses,'auTquels  on  no  peut 
donner  aucune  conliance.  Si  elle  avait  Dieu 
pour  auteur,  sans  doute  il  ne  l'aurait  pas 
mise  en  de  si  mauvaises  mains.  Mosheim 
n'a  pas  pu  dissimuler  cette  pernicieuse 
conséquence  qui  s'ensuit  de  la  critique  trop 
hardie  des  protestants.  Inst.  Hist.  christ., 
c.  5,  p.  330.  Nous  répétons  souvent  cette 
remarque,  parce  qu'elle  met  au  jour  la  bles- 
sure profonde  que  la  prétendue  réforme  a 
faite  à  la  religion  et  qu'elle  prouve  l'aveu 
élément  dont  l'hérésie  ne  manque  jamais  de 
frapper  les  esprits  les  plus  éclairés  d'ailleurs. 
Yoy.  PÈUES  DE  l'Eglise,  Hérétiques,  etc. 

MANIFESTAIRES,  secte  d'anabaptistes 
qui  parurent  en  Prusse  dans  le  dernier  siècle; 
on  les  nommait  ainsi  jiarce  qu'ils  croyaient 
que  c'était  un  crime  de  nier  ou  de  dissimu- 
ler leur  doctrine,  lorsqu'ils  étaient  interro- 
gés. Ceux  qui  pensaient  au  contraire  qu'il 
leur  était  permis  de  la  cacher,  furent  nom- 
més clanculaires.  Voy.  Anabaptistes. 

MANIPULE.  Voy.  Habits  sacerdotaux. 

MANNE  DU  DESERT.  Lorsque  les  Israéli- 
tes, sortis  de  l'Egypte  et  arrivés  au  désert 
de  Sinaï,  furent  pressés  par  la  faim,  ils  mur- 
murèrent et  se  plaignirent  de  ne  pas  trou- 
verde  quoimangcr.Nous  lisons  dans  VExode, 
c.  XVI,  qu'il  y  eut  le  matin  une  abondante  ro- 
sée autour  de  leur  camp,  et  que  l'on  vit  la 
terre  couverte  de  grains  menus,  semblables 
à  la  gelée  blanche.  Voilà,  dit  Moïse  aux 
Israélites,  le  pain  ou  la  nourriture  que  Dieu 
vous  donne.  L'historien  sacré  ajoute  que  la 
manne  ressemblait  à  la  graine  de  coriandre 
blanche,  et  qu'elle  avait  le  goût  de  la  plus 
pure  farine  mêlée  avec  le  miel.  11  est  dit 
encore  {Num.  xi,  7),  que  le  peuple,  après  l'a- 
voir ramassée,  la  broyait  sous  la  meule,  ou 
la  pilait  dans  un  mortier,  la  faisait  cuire  dans 
un  pot,  et  en  faisait  des  gi^teaux  qui  avaient 
le  goût  d'un  pain  pétri  à  l'huile. 

Nous  ne  croyons  pas  qu'il  soit  fort  néces- 
saire de  disserter  sur  l'étymologie  du  nom 
hébreu  man  ;  c'est  un  monosyllabe ,  mot 
primitif,  qui,  dans  les  langues  anciennes  et 
modernes,  signifie  ce  qu'on  mange,  la  nour- 
riture. A  la  vérité,  Moise  [Exod.  xvi,  16) 
semble  rapporter  ce  nom  à  l'étorMiement  des 
Israélites,  qui,  voyant  la  manne  pour  la  pre- 
mière fois,  dirent  won.  /iM,  qu'est-ce  que  cela? 
Mais  le  texte  hébreu  peut  avoir  un  autre 
sens.  Quelques  littérateurs  ont  voulu  per- 
suader que  la  manne  n'avait  rien  de  miracu- 
leux, puisqu'il  en  tombe  encore  aujourd'hui, 
soit  dans  le  désert  de  Sinaï,  soit  (Jans  d'au- 
tres lieux  de  la  Palestine ,  dans  la  Perse  et 
dans  l'Arabie.  C'est,  disent-ils,  une  espèce 
de  miel,  et  cette  nourriture  pouvait  perdre 
sa  vertu  purgative  dans  les  estomacs  qui  y 
étaient  accoutumés.  Il  est  évident  que  cette 
conjecture  n'est  d'aucun  poids.  Niébuhr,  dans 
son  Voyage  d'Arabie,  dit  que  l'on  recueille  à 
Ispahan,  sur  un  buisson  épineux,  une  es- 
pèce de  manne  assez  semblable  à  celle  des 
Israélites ,  mais  elle  n'a  pas  les  mêmes  pro- 
priétés, et  ce  voyageur  n'en  a  point  vu  de 
telle  dans  le  désert  de  Sinaï.  On  aurait  beau 
chercher  parmi  toutes  les  espèces  de  manne 


K57 


MAN 


MAN 


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connups,  on  n'en  trouvera  aucune  qui  res- 
semble h  eell(;  que  Dieu  envoyait  îi  son  peu- 
ple ;  il  en  résultera  toujours  que  celle-ci 
était  miraculeuse. 

En  Orient  et  ailleurs,  la  manne  ordinaire 
no  tombe  que  dans  certaines  saisons  de  l'an- 
née ;  celle  du  désert  tombait  tous  les  jours, 
exceptée  le  jour  du  sabbat,  et  ce  |ihénoniùno 
dura  pendant  Quarante  ans,  jusqu'à  ce  que 
les  Israélites  lussent  en  possession  de    la 
terre  promise.  La  manne  ordinaire  ne  tombe 
qu'en  jietite  quantité  et  insensiblement,  elle 
peut  se  conserver  assez  longtemps  ;  c'est  un 
remède   plutôt  qu'mie  nourriture  :  celle  du 
désert  venait  tout  d'un  coup,  et  en   assez 
grande  quantité    pour   nourrir   un    peuple 
composé  de  prés  de  deux  millions  d'hom- 
mes ;  non  seulement  elle  se  fondait  au  soleil, 
mais  elle  se  corrompait  dans  les  vint;t-t[uatre 
heures.  M  était  ordonné  nu  peuple  de  recueil- 
lir la  manne  pour  la  journée  seulement  ;  d'en 
amasser  pour  chaque  personne  une  mesure 
<5j;ale,  plein  un  gomor,  ou  environ  trois  pin- 
tes, d'en  recueillir  le  double  la  veille  du  sab- 
bat, parce  i]u'il  n'en  tombait  point  le  lende- 
main, et  alors  elle  ne  se  corrompait  ]ioint. 
Toutes  ces  circonstances  ne  pouvaient  arri- 
ver naturellement.    C'est  donc  avec  raison 
que    .Moïse    fait    envisager    au\    Hébreux 
cette  nourriture   comme  miraculeuse,  leur 
dit  qu'elle  avait  été  inconnue  à  leurs  pères, 
et  que  Dieu  lui-même  daignait  la  leur  pré- 
parer {Deut.  vnf,  3).   .\ussi  Dieu   ordonna 
d'en  conserver  dans  un  vase  qui  fut  placé  à 
côté  de  l'arche  dans  le  tabernacle,  aiin  de 
perpétuer  la  mémoire  de  ce  bienfait. 

Plusieurs  interjirètes  ont  pris  à  la  lettre 
ce  qui  est  dit  de  la  manne  dans  le  livre  de  la 
Sagesse,  (Qu'elle  avait  tous  les  agréments  du 
gnùt  et  toute  la  douceur  des  nourritures  les 
plus  excellentes,  (pi'elle  se  proportionnait  à 
i'aiipétit  de  ccmx  qui  en  mangeaient,  et  se 
changeait  en  ce  (lue  chacun  souhaitait  (Sap. 
XVI,  20).  Mais,  selon  l'explication  de  Joséphe 
et  d'autres  commentateurs,  cela  signifie  seu- 
lement que  ceux  qui  en  mangeaient  la  trou- 
vaient SI  délicieuse,  qu'ils  ne  désiraient  rien 
davantage.  Ainsi,  loi  sque  les  Israélites  en  té- 
moignèrent du  dégoût  (Niim.  xi,  G  ;  xxi,  5), 
ce  fut  par  inconstance,  par  jinr  caiirice, 
par  un  etfet  de  l'esprit  séditieux  qui  IcHr 
était  naturel 

Pour  faire  disparaître  le  miracle  de  la 
tnanne,  un  de  nos  célèbres  incrédules  a  soup- 
çtmné  que  ce  pouvait  être  du  vin  do  coco- 
tier,  parce  que  dans  les  Indes  il  sort  des 
bourgeons  de  cet  arbre  une  liqueur  qui  s'é- 
paissit par  la  cuisson,  et  se  réduit  à  une  es- 
pèce de  gf'léf>  blanche.  C'est  (iommage  que 
cet  aibre  n'ait  jamais  crû  dans  les  déserts  do 
l'Arabie,  et  que  le  terrain  sur  lequel  les 
Israélites  ont  haliité  pendant  quarante  ans 
ait  toujours  été  absolument  stérile,  comme 
il  l'est  encore  aujourd'hui  ;  il  aurait  fallu 
des  forêts  entières  de  cocotiers  pour  nourrir 
pendant  si  longtemps  environ  deux  millions 
d'hommes  ;  et  il  est  permis  de  douter  si  la 
gelée  dont  on  nous  jiarle  est  un  aliment  fort 
substantiel.  On  peut  faire  des  conjectures  et 


des  suppositions  tant  que  l'on  voudra  ;  on 
ne  nous  fera  jamais  concevoir  qu'un  peuple 
immense  ait  pu  vivre  et  se  multiplier  dans 
un  désert  pendant  quarante  ans  aul renient 
que  par  un  miracle.  11  ne  nous  parait  pas 
lort  nécessaire  de  rassembler  ici  les  fables 
et  les  rêveries  que  les  rabbins  ont  forgées 
au  sujet  de  la  manne.  VoyAn.  Bible  d'Avignon, 
t.  II,  p.  74(1). 

(1)  I  La  manne  dont  Dieu,  dil  Bullet,  nourrit  son 
peuple  pcnil.int  quarante  ans  dans  le  désert,  tombait 
la  nuit  ;  elle  était  semblable  à  la  graine  de  coriandre 
(  Exod.,  c.  xvi),  ou  à  ces  petits  grains  de  gelée  blan- 
che que  l'on  voit  sur  la  terre  pendant  l'hiver  (  Num. 
c.  XI,  V.  21  )  ;  on  en  faisait  des  g.àtcaux  ([ni  avaient 
le  goût  d'un  pain  pétii  avec  de  l'huile  et  du  miel 
{Sap.,  c.  XVI  ).  On  olfraltau  Seigneur  de  cesgàleaux 
pétrisà  riiuilc,  ou  frits  dans  l'Imile,  ou  frottés  d'huile, 
ce  qui  mar(|ue  que  c'est  tout  ce  que  1rs  Israélites 
avaient  de  plus  exquis.  Encore  aujourd'hui  les  Ara- 
bes, voisins  do  la  Palestine,  n'ont  point  de  plus  grand 
régal  que  du  pain  pétri  avec  de  l'huile  (  Voij.  d*  Honco- 
nis,  tom.  I,  p.  20()).  Les  gùteaux  forinés  de  manne, 
outre  le  goût  d'huile,  avaient  encore  celui  <le  miel  ; 
ce  qui  en  faisait  l'aliruent  le  plus  délicieux  que  les 
Hébreux  connussent.  Ainsi  Dieu  n'avait  pas  donné  à 
son  peuple  une  nourriture  comnuine  cl  grossière, 
mais  une  nourriture  délicate,  une  nourriture  dont  ce 
peuple  n'usait  que  dans  ses  festins,  une  nourriture 
qui  était  semblable  à  celle  des  princes  et  des  grands  ; 
car  les  termes  hébreux.  Léchera  Ahirim,  du  psaume 
Lxxvii,  que  la  Vulgate  a  rendus  par  le  pain  des  an- 
ges, peuvent  être  aussi  traduits  le  pain  des  princes, 
des  grands  ;  et  Symmaque  l'a  ainsi  rendu  en  deux 
endroits.  Le  Seigneur  ne  se  contenta  pas  d'accorder 
un  si  grand  bienfait  à  tous  les  Israélites  ;  il  voulut 
encore  donner  des  marques  particulières  de  bienveil- 
lance à  ceux  qui,  parmi  eux,  méritaient  singidiére- 
ment  le  nom  (le  ses  enfants  par  leur  constante  sou- 
mission à  ses  ordres.  La  manne  prit  pour  eux  tous 
les  goûts  qu'ils  souhaitaient,  et  leur  tint  lieu  de  tous 
les  aliments. 

c  Mais  comment,  dira-t-on,  la  multitude  dos  Is- 
raélites, pour  laquelle  la  manne  était  un  manger  dé- 
licieux, s'en  lassa-t-elle,  et  désira-t-elle  si  ardem- 
ment les  oignons  d'Egjpte  ?  Pourquoi  '/  parce  que  les 
hommes  se  dégoûtent  bientôt  des  mets  les  plus  ex- 
quis, dès  qu'ils  en  font  un  usage  journalier  et  coiUi- 
nuel.  Ne  voit-on  pas  souvent  des  personnes,  lassées 
de  la  meilleure  chère,  se  régaler  avec  un  morceau 
de  viande  commune.  Si  le  dégoût  des  meilleurs  mets 
est  naturel  dès  qu'on  en  fait  un  usage  continu,  celui 
des  Hébreux  ,  qui  ne  vivaient  que  de  nianiic  et  cpii  n'y 
trouvaient  jamais  que  le  même  goût,  est  donc  excusa- 
ble? Point  du  tout;  parce  qu'il  dépendait  d'eux  de  par- 
ticiper au  prodige  qui  diversifiait  le  goiit  de  la  manne 
pour  un  petit  nombre  de  leurs  l'iéres,  en  imitant  leur 
parfaite  docilité 

I  Mais  peut-on  souhaiter  avec  tant  d'empresse- 
ment des  oignons  ?  cette  plante  ne  parait  guère  pro- 
pre k  faire  iiaitrc  de  si  ardents  désirs.  Nous  répon- 
dons qu'il  ne  faut  pas  juger  des  oignons  d'iigyptc 
par  les  nôtres.  La  bonté  de  cette  plante  est  propor- 
tionnée à  la  chaleur  du  climat  sous  lequel  elle  croit. 
M.  Spon  (  Voijnge  de  Grèce,  t.  I  )  dit  qu'il  a  mangé 
en  Grèce  des  oignons  si  excellents,  qu'ils  ne  cédaient 
en  rien  aux  meilleurs  fruits  de  France.  (Observations 
liv.  Ml.  c.  35.  )  Belon  écrit  que  les  grands  seigneurs  , 
turcs  sont  tellement  accoutumés  à  manger  des  oi-  J 
gnons  crus,  qu'il  ne  font  point  de  repas  qu'ils  n'y  en  : 
mangent.  Mais  ceux  d'Egypte  sont  bien  supérieurs  en 
boute  à  ceux  dont  parleii^t  ces  deux  voyageurs.  Ecou- 
tons M.  Maillet,  quia  été  dix  ans  consul  au  Caire. 
Voici  ses  paroles  :  <  Que  vous  dirai-je  de  ces  fameux 
oigni)ns,  autrefois  si  chers  aux  Egyptiens  (  Descrip- 
tion d  Egypte,  t.  il,  p.  105  ),  et  que  les  Israélites  m- 


B59 


M.VI» 


MAN 


540 


MANSIONNAIRE ,  officier  ecclésiastique 
connu  dans  les  premiers  siècles,  sur  les 
foHclions  duquel  les  critiques  sont  partagés. 
Les  Grecs  le  nommaient  mpaLiovapiti ,  et 
on  le  trouve  sous  ce  nom,  distingué  des  éco- 
H«!Hes  et  des  défenseurs,  dans  le  deuxième 
cencile  de  Chalcédoine.  Denis  le  Petit,  dans 
sa  version  des  canons  de  ce  concile,  rend  ce 
mot  par  celui  de  mansionarius  ;  saint  Gré- 
goire en  parle  sous  ce  môme  nom  dans  ses 
Dialogues,  1.  i,  c.  3  ;  1.  m,  c.  14.  Quelques- 
ims  pensent  que  l'office  de  mansionnaire  était 
le  même  que  celui  de  portier,  parce  que 
saint  Grégoire  appelle  Ahundiusla  mansion- 
naire, le  gardien  de  l'église,  custodem  eccle- 
siœ.  Dans  un  autre  endroit,  le  même  pape 
remarque  que  la  fonction  du  mansionnaire 
était  d  avoir  soin  du  luminaire,  et  d'allumer 
les  lampes  et  les  cierges,  ce  qui  reviendrait 
à  peu  près  à  l'office  dés  acolytes.  M.  Fleury, 
Mœurs  des  chrétiens ,  n°  37,  pense  que  ces 
ofliciers  étaient  chargés  d'orner  l'église  aux 
jours  solennels  ,  soit  avec  des  tapisseries 
de  soie  ou  d'autres  étoffes  précieuses,  soit 
avec  des  feuillages  et  des  fleurs,  et  d'avoir 
soin  que  le  lieu  saint  fût  toujours  dans  un 
état  de  propreté  et  de  décence  capable  d'in- 
spirer le  respect  et  la  piété.  Justel  et  Révé- 
ridge  prétendent  que  ces  man^/onnoîVcs  étaient 
des  laïques  et  des  fermiers  qui  faisaient  va- 
loir les  biens  de  l'Eglise  ;  c'est  aussi  le  sen- 
timent de  Cujas,  de  Godefroi,  de  Suicer  et 
de  Vossius.  Cette  idée  répond  assez  à  l'étj- 
mologie  du  nom,  mais  elle  s'accorde  mal 
avec  ce  que  dit  saint  Grégoire.  Il  se  pourrait 
faire  aussi  que  lesfonctions  àesmansionnaircs 
n'aient  pas  été  les  mômes  dans  l'Eglise  latine 
que  dans  l'Eglise  grecque.  Bingham,  Orig. 
ecclés.,  t.  H,  1.  m,  c.  13,  §  1. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  ne  devons  pas 
omettre  la  réflexion  que  fait  à  ce  sujet  M. 
Fleury,  que  toutes  les  fonctions  qui  s'exer- 
çaient dans  les  églises  jiaraissaieut  si  res- 

greltaient  si  forl  dans  le  désert,  lorsque,  sous  la 
conduite  de  Moïse,  ils  eurent  passé  la  mer  Rougfi? 
Us  n'ont  encore  certainement  rien  perdu  aujourdliui 
de  leur  bonté,  et  ils  sont  plus  doux  qu'en  aucun  au- 
tre lieu  du  monde.  On  en  a  (|uelqnefois  cent  livres 
pour  dix  sous,  on  les  vend  tout  cuits  au  Caire  ;  il  y 
en  a  en  si  gi  ande  abondance,  que  toutes  les  rues  en 
sont  remplies.  > 

«  Les  oignons  de  la  Thessalie  (  Voijaiies  de  Brown 
dans  la  Tlussaiie,  p.  96  )  sont  plus  gios'que  deux  ou 
trois  des  nôtres  ,  ils  ont  un  bien  meilleur  goût,  et 
l'odeur  n'en  esl  point  du  tout  désagivable.  Quoique 
je  n'aimasse  point  les  oignons  auparavani,  cependant 
je  trouvais  ceux-là  très-bons,  et  je  semis  l'on  bien 
qu'ils  l'ortiliaienl  tout  à  lait  mon  estomac.  On  en 
sert  a  la  collation,  et  on  ne  lait  point  de  dilllcnllé 
d'en  manger  avec  du  pain,  et  même  un  assez  grand 
nombre.  Je  demandai  à  un  cliiuoux  qui  était  avec 
moi,  et  qui  avait  presque  élé  dans  tous  les  pays  des 
Jurct,  s'il  avait  jamais  mangé  d'aussi  bons  oignons 
que  ceux  de  Thcssnlie;  mais  il  me  répondit  que  ceux 
d'Egypte  étaient  encore  meilleurs.  Ce  qni  me  lit  en- 
tendre pour  la  première  fois  l'expression  de  la  sainte 
Eciiiure,  et  ce  qui  m'empécba  di".  m'élonnei'  davan- 
tage pourquoi  les  Israélites  desiraient  si  passionné- 
nit'.'it  de  manger  des  oignons  de  ce  pays.  »  —  lié- 
■^oiisei  critique»,  par  M.  UuUet,  t.  Il,  édit.  in-8»,  an. 


pectables ,  que  l'on  ne  permettait  pas  à  ées 
laïques  de  les  faire  ;  l'on  aima  mieux  éta- 
blir exprès  de  nouveaux  ordres  de  clercs, 
pour  en  décharger  les  diacres.  On  regardait 
donc  les  églises  d'un  tout  autre  iril  que  les 
hérétiques  ne  regardent  leurs  temples  ou 
leurs  prêches  :  ceux-ci  ne  sont  que  la  de- 
meure des  hommes  ;  les  églises  ont  toujours 
été  le  temj.le  de  Dieu,  oii  il  daigne  habiter 
en  personne. 

'  MANTELLATÈS,  religieuses  hospitalières 
de  l'ordre  des  servîtes,  instituées  par  saint 
Philippe  Béniti,  vers  l'an  1286;  sainte  Ju- 
lienne Falconiéri  en  fut  la  première  reli- 
gieuse, et  ses  filles  furent  nommées  mantel- 
ïates,  h  cause  des  manches  courtes  qu'elles 
portent  pour  servir  plus  aisément  les  mala- 
des, et  exercer  d'autres  œuvres  de  charité. 
Cet  institut  s'est  étendu  en  Italie,  où  il  est 
né,  et  dans  l'Autriche.  Voy.  Servîtes. 

MAOSIM  ou  MOASIM ,  terme  hébreu  ou 
chaldéen,  qui  se  trouve  dans  le  livre  de  Da- 
niel fxi,  38  et  39).  Le  prophète,  parlant  d'ua 
roi,  dit  «  qu'il  honorera  dans  sa  place  le  dieu 
Maosim,  dieu  que  ses  pères  n'ont  pas  connu  ; 
qu'il  lui  offrira  de  l'or,  de  l'argent,  des  pier- 
reries, des  choses  précieuses  ;  d  bâtira  des 
lieux  fortspour  Maosim,  auprès  du  lieu  étran- 
ger qu'il  a  reconnu.  » 

Les  interprètes  conviennent  que  le  roi 
dont  parle  Daniel  est  Antiochus  Epiphanes  ; 
il  est  désigné  dans  cette  prophétie  par  des 
traits  si  évidents,  que  l'on  ne  peut  le  mé- 
connaître. Daniel  prédit  les  persécutions  que 
ce  roi  de  Syrie  exerça  contre  les  Juifs,  et  les 
efforts  qu'il  fit  pour  abolir  dans  la  Judée  le 
culte  du  vrai  Dieu;  Diodore  de  Sicile  et  d'au- 
tres historiens  profanes  en  ont  fait  mention. 
Cette  jirophétie  a  paru  si  claire  à  Porphyre 
et  à  d'autres  incrédules ,  qu'ils  ont  décidé 
qu'elle  a  été  faite  après  coup,  et  qu'elle  n'a 
été  écrite  qu'après  le  règne  d'Antiochus. 
Nous  avons  fait  voir  le  contraire  à  l'article 
Daniel.  D'autres ,  qu'elle  est  très-obscure, 
qu'elle   ressemble   parfaitement  aux  oracles 

es  fausses  religions  ;  ils  ont  tourné  eu  ri- 
dicule les  commentateurs  qui  ont  entrepris 
de  l'expliquer.  Ainsi  s'accordent  entre  eux 
nos  savants  incrédules. 

Mais  quel  est  ce  dieu  Maosim  qu'Antiochus 
devait  honorer?  Tous  les  interprètes  con- 
viennent que,  selon  le  sens  littéral  du  terme, 
c'est  le  dieu  des  forces.  De  là  quelques-uns 
ont  pensé  que  c'était  Mars,  dieu  de  la  guerre  ; 
d'autres  ont  entendu  |)ar  là  Jupiter  Olym- 
liien  ;  mais  ces  deux  dieux  n'avaient  pas  éta 
inconnus  aux  aïeux  d'Antiochus.  Plusieurs 
ont  dit  que  c'était  le  vrai  Dieu,  auifuel  An- 
tiochus fut  forcé  de  rendre  hommage  avant 
de  mourir  ;  mais  ce  roi  n'a  pas  fait  des  of  ■ 
fraudes  au  vrai  Dieu,  il  ne  lui  a  pas  fait  bA- 
tir  des  forteresses.  D'autres  ont  jugé  avec 
plus  de  vraisemblance,  queledieu  des  forces 
est  la  ville  de  Rome ,  ou  la  puissance  ro- 
maine, érigée  en  divinité  j)ar  les  Rouiains, 
et  dont  le  nom  en  grec  signifie  forée.  Cette 
divinité  avait  été  inconnue  aux  ancêtres  d'An- 
tiochus, et  lorsque  ce  roi  fut  obligé  de  plier 
sous  lapuissance  romaine,  on  ncpeulpasdou- 


3 


£41 


HAR 


MAfl 


643 


ter  qu'iln'ait  honoré  les  aigles  romaines,  les 
enseignes  (.|uolos  Romains  portaient  à  la  t/^to 
do  leurs  armées,  avec  ces  mots  :  S.  P.  Q-  K. 
Seualus  nopulusque  romanus.  Qu'Antiocbiis 
leur  ait  lait  des  oll'randes  et  de  riches  pré- 
sents pour  faire  sa  cour  aux  Romains  ;  qu'il 
ait  fait  ();Uir  des  forteresses  où  ces  enseignes 
furent  placées  et  honorées  avec  la  divinité 
do  Rome,  il  n'y  a  rien  là  d'étonnant,  ni  d'in- 
croyable, ni  de  fort  obscur.  Quebjues  inter- 
prètes ont  appliqué  cette  prophétie  à  l'An- 
téchrist ;  mais  il  paraît  que  ce  n'est  pas  là 
le  sens  littéral.  Plusieurs  protestants  ont 
trouvé  bon  d'en  faire  l'applicalion  au  pape, 
cju'ils  peignaient  comme  l'Anteclirist ,  et 
d'entendre  par  le  culte  du  dieu  Maosim,  le 
culte  de  l'eucharistie  ou  celui  des  saints,  qui 
ont,  disent-ils ,  été  établis  par  les  papes. 
M.  Bossuet  a  eu  lu  iiatience  de  réfuter  ces 
absurdités,  que  Juricu  soutenait  sérieuse- 
ment, et  dont  les  protestants  sensés  rougis- 
sent aujourd'hui.  Ilist.  des  Variât.,  1.  xiii, 
§  15  et  suiv.  La  démence  do  quelques  fana- 
tiques n'est  pas  un  argument  suflisant  pour 
prouver  que  les  prophéties  sont  obscures, 
et  que  l'on  peut  y  trouver  tout  ce  qu'on 
veut. 

Les  rabbins,  malgré  leur  affectation  de 
.subtiliser  sur  tout,  n'ont  jamais  douté  que 
la  prophétie  de  Daniel  ne  désignât  Antio- 
chus.  Quand  elle  aurait  été  obscure  en  elle- 
même,  elle  a  été  assez  expliquée  par  l'évé- 
nement. Tùi  général,  les  prophéties  n'étaient 
pas  obscures  pour  ceux  auxquels  elles  étaient 
adressées,  qui  parlaient  la  même  langue  que 
les  prophètes,  qui  étaient  imbus  des  mômes 
idées.  Quand  après  deux  mille  ans  elles  se- 
raient devenues  plus  obscures  pour  nous, 
i\  ne  s'ensuivrait  rien  contre  l'inspiration  des 
prophètes. 

MARAN-ATHA ,  paroles  syriaques,  qui 
signifient  le  Seigneur  vient ,  ou  le  Seigneur 
est  venu,  ou  le  Seigneur  viendra.  Saint  Paul, 
/  Cor.  c.  XVII,  v.  22,  dit  :  «  Si  quelqu'un 
n'aime  point  lo  Seigneur  Jésus,  qu'il  soit 
anathème ,  »  et  il  ajoute  :  Maran-atha,  le 
Seigneur  vient,  ou,  etc.  Plusieurs  commen- 
tateurs prétendent  que  c'était  une  formule 
d'anathème  ou  d'excommunication  chez  les 
Juifs,  qu'elle  est  équivalente  à  Scham-atha, 
Ou  Schetn-atha,  le  nom  du  Seigneur  vient,  et 
que  sainlPaul  répète  en  syriaque  ce  qu'U  ve- 
nait de  dire  en  grec.  On  a  fait  là-dessus  de 
longues  dissertations. 

Bingham,  Orig.  ecdés.,  t.  VU,  1.  xvi,  c.  II, 
I  16  et  17,  doute  que  cette  formule  ait  jamais 
été  en  usage  dans  l'Eglise  chrétienne,  et 
que  l'on  ail  jamais  excommunié  un  coupable 
pour  toujours,  et  sans  lui  laisser  aucun  es- 
poir de  réconciliation.  11  ne  croit  pas  même 
que  jamais  l'Eglise  ait  demandé  à  Dieu  la 
mort  ou  la  perte  de  ses  plus  cruels  persécu- 
teurs. Saint  Jean  Chrysostome,  Homil.  76, 
in  Epist.  ad.  Cor.,  soutient  que  les  cas  de 
sévir  à  l'excès  contre  les  hérétiques,  contre 
les  persécuteurs  et  les  autres  ennemis  do 
l'Eglise,  sont  très  rares,  jiarce  que  Dieu  ne 
l'abandonnera  jamais  entièrement  à  leur  sé- 
d'action  ni  à  leurs  fureurs.  II  ue  nous  parait 


pas  nécessaire  d'entrer  dans  cette  discussion, 
parce  qu(>  le  texte  do  saint  Paul  peut  très- 
bien  avoir  un  autre  sens.  Voici  comme  l'on- 
teiidenl  plusieuis  interprètes  :  «  Si  quelqu'un  ' 
n'aime  |ias  le  Seigneur  Jésus,  c'est-à-dire  si 
quekiu'un  témoigne  de  l'aversion  contre  lui 
et  prononce  contre  lui  des  malédictions,  comi 
me  font  lesjuifs  incrédules,  qu'il  soit  anathème 
lui-même;  le  Seigneur  vient,  ouïe  Seigneur 
viendra  tirer  vengeance  de  cette  im[iiété.  » 
Ceci  est  donc  une  menace,  et  non  une  impré- 
cation. Voy.  \aS>/nopse  desCrit.  surce2)assage 

Lorsque  l'Egligi;  chrétienne  prie  contre 
ses  persécuteurs  et  ses  ennemis,  elle  ne  de- 
mande pas  à  Dieu  de  l.s  perdre  pour  toujours 
ou  de  les  damner,  mais  de  les  convertir,  ou 
par  des  chAtimenls  exemplaires,  ou  par  d'au- 
tres grâces  efficaces.  Voy.  Imphécation.  Mais 
elle  a  reçu  de  Dieu  le  pouvoir  de  les  excom- 
munier, ou  de  les  rejeter  entièrement  de  la 
société  des  fidèles  jusqu'à  ce  qu'ils  soient 
rentrés  en  eux-mêmes,  qu'ils  aient  fait  une 
pénitence  proportionnée  à  la  grièveté  de  leur 
crime,  et  qu'ils  aient  réparé  le  scandale  qU'lis 
ont  donné.  Voy.  Excommunication 

MARC  (saint),  disciple  de  saint  Pierre,  et 
l'un  des  quatre  évangéhstcs.  On  croit  com- 
munément que  ce  saint  était  né  dans 
la  Cyrénaique ,  et  qu'il  était  Juif  d'ex- 
traction ;  et  l'on  en  juge  ainsi ,  parce  cjue 
son  style  est  rempli  d'hébraïsmrs.  Il  ii  est 
pas  certain  qu'il  ait  été  disciple  immédiat 
de  Jésus-Christ  ;  on  trouve  plus  probii  Aa 
qu'il  fut  converti  à  la  foi  par  saint  Pierre 
ajirès  l'ascension  du  Sauveur. 

Eusèbe,  Hist.  ecch's.,  liv.  ii,  c.  16,  rap- 
porte, d'après  Papias  et  saint  Clément  d'A- 
lexandrie, que  saint  Marc  composa  son  Evan- 
gile à  la  prière  des  fidèles  de  Rome,  qui 
souliaitèrent  d'avoir  par  écrit  ce  que  saint 
Pierre  leur  avait  prêché,  et  il  parait  que  ce 
fut  avant  l'an  49  de  Jésus-Christ.  Quoiqu'il 
ait  écrit  à  Rome,  on  ne  |>eut  pas  prouver 
qu'il  l'ait  composé  en  latin,  comme  quel- 
ques-uns l'ont  pensé  ;  les  Romains  |jarlaicnt 
presque  aussi  communément  le  grec  que 
leur  jiropre  langue.  Comme  il  y  a  beaucoup 
de  conformité  entre  l'Evangile  de  saint  Marc 
et  celui  de  saint  Matthieu,  plusieurs  autres 
ont  jugé  que  le  premier  n'avait  fait  qu'abré- 
ger le  second  ;  il  y  a  cependant  assez  do 
dilïérence  entre  l'un  et  l'autre,  pour  que  l'on 
puisse  douter  si  saint  Marc  avait  vu  l'Evan- 
gile de  saint  Matthieu  lorsqu'il  a  com|)Osé  le 
sien.  Quoi  qu'il  en  soit,  (-n  n'a  jamais  con- 
testé dans  l'Eglise  l'authenticité  de  celui  de 
saint  Marc  (1).  L'ojiinion  constante  des  Pè- 
res a  été  que  cet  évangéliste  alla  prêcher 
dans  sa  patrie  et  eu  Egypte,  entre  l'an  kQ  do 
Jésus-Christ  et  l'an  GO,  et  qu'il  établit  l'E- 
glise d'Alexandrie;  cette  église  l'a  toajours 
regardé  comme  son  fondateur.  On  prétend 
même'  qu'il  y  souffrit  le  martyre  l'an  68;  que 
l'an  310  l'on  b'itit  une  église  sur  sou  tom- 
beau, et  que  ses  reliques  y  étaient  encore 
au  viii"  siècle.  Depuis  ce  temps-là,  l'opinion 

(1)  Le  dernier  cbapiU'C  (le  l'Evangile  selon  saint 
Marc  est  du  nombre  Jcs  purlies  dculéro-canoniciues 
âcl'Ëcrilurc.  Voy.  D£i'T£AO-<:A.NOMQbE. 


Si3 


MAR 


MAR 


544 


s'est  établie  que  les  Vénitiens  les  avaient 
transportées  dans  leurs  îles,  et  l'on  se  flatte 
encore  de  les  posséder  h  Venise.  i 

On  y  garde  aussi,  dans  le  trésor  de  saint 
Marc,  un  ancien  manuscrit  de  l'Rvangile  de 
ce  saint,  que  Ton  croit  être  l'original  écrit 
de  sa  propre  main;  il  est,  non  sur  du  papier 
d'Egypte,  comme  les  Pères  Mahillon  et  Mont- 
faucon  l'ont  pensé,  mais  sur  du  papier  fait 
do  coton;  c'est  ce  que  nous  apprend  Scipion 
MafTei,  qui  l'a  examiné  depuis,  et  i[ui  était 
très-capable  d'en  juger.  Montfaucon  a  prouvé 
qu'il  était  en  latin,  et  non  en  grec;  d'autres 
disent  qu'il  est  tellement  endommagé  de  vé- 
tusté, et  par  1  humidité  du  souterrain  oii  il 
est  enfermé,  que  l'on  ne  peut  plus  en  dé- 
chiffrer une  seule  lettre.  Ce  manuscrit  fut 
envoyé  d'Aquilée  à  Venise,  dans  le  xv"  siè- 
cle. En  1355,  l'empereur  Charles  IV  en  avait 
obtenu  quelques  feuilles,  qu'il  envoya  à 
Prague,  où  on  les  gards  précieusement.  Ces 
feuilles,  jointes  h  celles  qui  sont  h  Venise, 
contiennent  tout  l'Evangile  de  saint  Marc, 
elles  sont  aussi  en  latin.  Voy.  la  Préface  de 
D.  Calinet  sur  l'Evangile  de  saint  Marc. 

En  parlant  des  liturgies,  nous  avons  ob- 
servé que  celle  qui  porte  le  nom  de  saint 
Marc,  et  qui  est  encore  à  l'usage  des  cophtes, 
est  l'ancienne  liturgie  de  l'Eglise  d'Aleian- 
drie,  fondée  par  saint  Marc.  On  ne  doit  donc 
pas  en  contester  l'authenticité,  sous  prétexte 
qu'elle  n'a  pas  été  écrite  ni  composée  par 
cet  évangéliste  même. 

Marc  (chanoines  de  saint).  C'est  une  con- 
grégation de  chanoines  réguliers,  qui  a  été 
florissant'^  en  Italie  pondant  près  de  quatre 
cents  ans  Elle  fut  fondée  k  Mantoue,  sur  la 
fin  du  xii'  siècle,  par  un  prêtre  nommé  Al- 
l)ert  Spinola.  La  règle  qu'il  lui  donna  fut 
successivement  approuvée  et  corrigée  par 
différents  pipes.  Vers  l'an  lioO,  ces  chanoi- 
nes ne  suivirent  plus  que  la  règle  de  saint 
Augustin.  Cette  congrégation,  après  avoir  été 
composée  de  dix-huit  à  vingt  maisons  d'hom- 
mes, et  de  quelques  maisons  de  tilles,  dans  la 
Lombardie  et  dans  l'Etat  de  Venise,  déchut 
peu  à  peu.  En  ISSV,  elle  était  réduite  h  deux 
maisons,  dans  lesquelles  la  régularité  n'était 
plus  observée.  Alors,  du  consentement  du 
pape  Grégoire  XIII,  le  couvent  de  saint  Marc 
de  Mantoue,  qui  était  le  chef  d'ordre,  fut 
donné  aux  camaldules  par  Guillaume,  duc 
de  Mantoue,  et  la  congrégation  des  chanoi- 
nes finit  ainsi. 

MARCELLIENS,  hérétiques  du  iv* siècle,  at- 
tachés à  la  doctrine  de  Marcel,  évoque  d'An- 
cyre,  que  l'on  accusait  de  faire  revivre  les 
erreurs  de  Sabellius,  c'est-à-dire  de  ne  pas 
distinguer  assez  les  trois  personnes  de  la 
sainte  Trinité,  et  de  les  regarder  seulement 
comme  trois  dénominations  d'une  seule  et 
même  personne  divine.  Il  n'est  aucun  per- 
sonnage de  l'antiquité  sur  la  doctrine  duquel 
les  avis  aient  été  plus  partagés  que  sur  celle 
do  cet  évè(}ue.  Comme  il  avait  assisté  au 
premier  concile  de  Nicée,  qu'il  avait  sous- 
crit à  la  condamnation  d'Arius,  qu'il  avait 
même  écrit  un  livre  contrôles  défenseurs  do 
cet  hérétique,  ils  n'oublièrent  rien  pour  dé- 


figurer les  sentiments  de  Marcel,  et  pour 
noircir  sa  réputation.  Ils  le  condamnèrent 
dans  plusieurs  de  leurs  assemblées,  le  dépo- 
sèrent, le  firent  chasser  de  son  siège,  et  mi- 
rent un  des  leurs  à  sa  place.  Eusèbe  de  Cé- 
sarée,  dans  les  cinq  livres  qu'il  écrivit  con- 
tre cet  évoque,  montre  beaucoup  de  passion 
et  (!■  milignité;  et  c'est  dans  cet  ouvrage 
môme  qu'il  laisse  voir  à  découvert  l'aria- 
nisme'qu'il  avait  dans  le  cœur. 

Vainement  Marcel  se  justifia  dans  un  con- 
cile de  Rome,  sous  les  yeux  du  pape  Jules, 
l'an  341,  et  dans  le  concile  de  Sardique,  l'an 
3i7;  on  prétendit  que,  depuis  cette  époque, 
il  avait  mieux  ménagé  ses  expressions,  et 
moins  découvert  ses  vrais  sentiments.  Par- 
mi les  plus  grands  personnages  du  iV  et  du 
V  siècle,  les  uns  furent  pour  lui,  les  autres 
contre  lui.  Saint  Athanase  même,  auquel  il 
avait  été  fort  attaché,  et  qui,  pendant  long- 
temps, avait  vécu  en  communion  avec  lui, 
parut  s'en  rt,tirer  dans  la  suite  et  s'être  lais- 
sé persuader  par  les  accusateurs  de  Marcel. 
Tout  ce  que  l'on  peut  dire,  c'est  que,  dans 
la  fermentation  qui  régnait  alors  entre  tous 
les  esprits,  et  vu  l'obscurité  des  mystères 
sur  lesquels  on  contestait,  il  était  très-difti- 
cile  h  un  théologien  de  s'exprimer  d'une 
manière  assez  correcte  pour  ne  pas  donner 
prise  aux  accusations  de  l'un  ou  de  l'autre 
parti.  S'il  no  fut  pas  prouvé  très-clairement 
que  le  langage  de  .Marcel  était  hérétique,  on 
fut  du  moins  convaincu  que  ses  disciples  et 
ses  partisans  n'étaient  |)as  orthodoxes.  Pho- 
tin,  qui  renouvela  réellement  l'erreur  de  Sa 
bellius,  avait  été  diacre  do  Marcel  et  avait 
étudié  sous  lui  :  l'égarement  du  disciple  ne 
pouvait  manquer  d'être  attribué  au  maître. 
Il  est  donc  très-difficile  aujourd'hui  de  pro- 
noncer sur  la  cause  de  ce  dernier.  Tille- 
mont,  après  avoir  rapporté  et  pesé  les  témoi- 
gnages, n'a  pas  osé  porter  un  jugement, 
t.  VI,  page  503  et  suiv.  Voy.  Photimens. 

MARCIONITES,  nom  do  l'une  des  plus  an- 
ciennes et  des  plus  pernicieuses  sectes  qui 
soient  nées  dans  l'Eglise  au  a"  siècle.  Du 
temps  de  saint  Epiphane,  au  commencement 
du  V,  elle  était  répandue  dans  l'itahe,  l'E- 
gypte, la  Palestine,  la  Syrie,  l'Arabie,  la  Per- 
se et  ailleurs  ;  mais  alors  elle  était  réunie  à 
la  secte  des  manichéens  par  la  conformité 
des  sentiments. 

Marcion,  auteur  de  cette  secte,  était  de  la 
province  du  Pont,  fils  d'un  saint  évoque,  et 
dès  sa  jeunesse  il  fit  profession  de  la  vie  so- 
litaire et  ascétique;  mais,  ayant  débauché 
une  vierge,  il  fut  excommunié  par  son  pro- 
pre père,  qui  ne  voulut  jamais  le  rétablir 
(ians  la  communion  de  l'Eglise,  quoiqu'il  se 
fût  soumis  à  la  pénitence.  C'est  pourquoi, 
ayant  quitté  son  pays,  il  s'en  alla  à  Rome, 
où  il  ne  fut  pas  mieux  accueilli  rar  le  clergé. 
Irrité  de  la  rigueur  avec  laquelle  on  le  trai- 
tait, il  embrassa  les  erreurs  de  Cordon,  y  en 
ajouta  d'autres,  et  les  répandit  i)artout  où.  il 
trouva  des  auiiileurs  dociles  :  on  croit  que 
co  fut  au  commencement  du  iiontilicat  de 
Pie  P^  vers  la  5°  année  d'Antonin  le  Pieux, 
la   ikk'  ou    ik&'  de    Jésus-Christ.   Entêté, 


5iS 


MAR 


MAR 


S46 


comme  son  maître,  de  la  philosophie  do  Py- 
thagore,  de  Platon,  des  stoïciens  et  des  orien- 
taux, Marciou  crut  connue  lui  résoudre  la 
question  de  l'origiue  du  mal,  en  admettant 
deux  ]irincipes  de  toutes  choses,  dont  l'un, 
|jon  par  nature,  avait  produit  le  bien,  l'au- 
tre, essentiellement  mauvais,  avait  produit 
le  mal. 

La  principale  difticulté  qui  avait  exercé  les 
philosophes,  était  de  savoir  comment  un  es- 
jirit,  le!  ([uo  l'âme  humaine,  se  trouvait  ren- 
fermé dans  un  corps,  et  assujetti  ainsi  à  l'i- 
gnorance, à  la  laihlesse,  à  la  douleur;  com- 
ment et  piiurquoi  le  Créateur  des  esprits  les 
avait  ainsi  dégradés.  La  révélation,  qui  nous 
apprend  la  chute  du  premier  homme ,  ne 
paraissait  pas  résoudre  assez  la  dilliculté, 
jiuisque  le  premier  honnuo  lui-mèaje  était 
coniposé  d'une  ànie  spirituelle  et  d'un  corps 
terrestre;  d'ailleurs,  il  semblait  ([u'un  Dieu 
tout-puissant  et  bon  aurait  dd  empêcher  la 
chute  de  l'iK^mme.  Les  raisonneurs  crurent 
mieux  rencontrer,  en  sii[)posant  (jue  l'hom- 
me était  l'ouvrage  de  deux  (irincipes  oppo- 
sés, l'un  père  des  esprits,  l'autre  créateur  ou 
lormateur  des  corps.  Celui-ci,  disaient-ils, 
méchant  et  jaloux  du  bonheur  des  esprits,  a 
trouvé  le  moyen  de  les  emprisonner  dans  des 
corps  :  et  pour  les  retenir  sous  son  empire, 
il  leur  a  donné  la  loi  ancienne,  qui  les  atla- 
chait  à  la  terre  par  des  récompenses  et  des 
cliiUiments  temporels.  Mais  le  Dieu  bon, 
jirincipe  des  esprits,  a  revêtu  l'un  d'entre 
eux,  qui  est  Jésus-Christ,  des  apparences  de 
l'humanité,  et  l'a  envoyé  sur  la  terre  [lour 
abolir  la  hji  et  les  prophètes,  pour  a()pren- 
dre  aux  hommes  que  leur  âme  vient  du  ciel, 
et  qu'elle  ne  jteut  recouvrer  le  bonheur  qu'en 
se  réunissant  à  Dieu  ;  que  le  moyen  d'y  par- 
venir est  de  s'abstenir  de  tous  les  plaisirs 
qui  no  sont  pas  spirituels.  Nous  montrerons 
ci-aprùs  les  absurdités  de  ce  système. 

Conséquemnient  .Marcion  condamnait  le 
mariage,  faisait  de  la  continence  et  de  la  vir- 
ginité un  devoir  rigoureux,  quoiqu'il  y  eût 
manqué  lui-même.  Il  n'administrait  le  bap- 
tême qu'à  ceux  qui  gardaient  la  continence; 
mais  il  soutenait  que,  pour  se  purilier  de  plus 
en  plus,  on  pouvait  le  recevoir  jusqu'à  trois 
fois.  On  ne  l'a  cependant  pas  accusé  d'en  al- 
térer la  forme,  ni  de  le  rendre  invalide.  Il 
regardait  comme  une  nécessité  humiliante 
le  besoin  de  ))rendre  pour  nourriture  des 
corps  })roduils  par  le  mauvais  princi[)e;  il 
soutenait  que  la  chair  de  l'homme,  ouvrage 
de  cette  intelligence  malfaisante,  ne  devait 
pas  ressusciter  ;  que  Jésus-Christ  n'avait  eu 
do  cette  chair  que  les  apparences;  que  sa 
naissance,  sessoulfrances,  samort,  sa  résur- 
rection, n'avaient  été  (pi'apparcntes.  Selon 
le  témoignage  de  saint  Irénée.  il  ajoutait  que 
Jésus-Christ,  descendu  des  enfers,  en  avait 
tiré  les  urnes  de  Cain,  des  sodomites  et  de 
tous  les  pécheurs,  parce  qu'elles  étaient  ve- 
nues au-devant  de  lui,  et  que  sur  la  terre  elles 
n'avaient  pas  obéi  aux  lois  du  mauvais  prin- 
cipe créateur  ;  mais  qu'il  avait  laissé  dans  les 
enfers  .\bel,  Noé,  .\braliam  et  les  anciens  jus- 
tes, parce  qu'ils  avaieut  fait  le  contraire.  Il 


prétendait  qu'un  jour  le  Créateur,  Dieu  des 
Juifs,  enverrait  sur  la  terre  un  autre  Christ  ou 
Messie  pour  les  rétablir,  selon  les  ])ré(lictions 
des  prophètes.  Plusieurs  marcioniles ,  pour 
témoigner  le  mépris  qu'ils  faisaient  de  la 
chair,  couraient  au  martyre,  et  recherchaient 
la  niort;  on  n'en  connaît  ce[)endant  (lue  trois 
qui  l'aient  réellement  soutlerte  avec  les  mar- 
tyrs catholiqijes.  Ils  jeiliiaient  le  samedi,  en 
haine  du  Créateur,  (jui  a  commandé  le  sabbat 
aux  Juifs.  Plusieurs,  à  ce  que  dit  Tcrtullien, 
s'ap[)l.qiiaient  à  l'astrologie  judiciaire;  quel- 
ques-uns curfiil  rcc(jurs  à  la  magie  et  au  dé- 
mon, |)our  arrêter  les  ellels  du  zèle  avec  le- 
quel Théodoret  travaillait  à  la  conversion  do 
ceux  qui  étaient  dans  son  diocèse. 

Le  seul  ouvrage  qui  ait  été  attribué  i  Mar- 
cion est  un  traité  qu'il  avait  intitulé,  Anti- 
thèses ou  Opposiliuiis  ;  il  i'y  était  ajiitliqué  à 
faire  voir  l'opposition  qui  se  trouve  entro 
l'aiicienne  loi  et  l'Evangile,  entre  la  sévérité 
des  lois  de  Moïse  et  la  douceur  de  celles  do 
Jésus-Christ;  il  soutenait  que  la  plui)art  des 
premières  étaient  injustes,  cruelles  etabsur- 
des.  Il  en  eoncluaitijueleCréateur  du  monde, 
quijiarle  dans  l'Ancien  Testament,  ne  peut 
pas  être  le  même  Dieu  qui  a  envoyé  Jésus- 
Christ  ;  conséqu.nnment  il  ne  regardait  point 
les  livres  de  l'Ancien  Testament  comme  in- 
spirés de  Dieu.  De  nosquaire  Evangiles,  il  ne 
recevait  que  celui  de  saint  Luc,  encorB  en 
retraiichait-il  les  deux  premiers  chapitres  qui 
regardent  la  naissance  de  Jésus-Christ  ;  il 
n'admetta.t  que  dix  des  épîtres  de  saint  Paul, 
et  il  en  ùtait  tout  ce  qui  ne  s'accordait  point 
avec  ses  ojiinions. 

Plusieurs  Pères  du  ii'  et  du  ni'  siècle  ont 
écrit  contre  Marcion;  saint  Justin,  saint  Iré- 
née, un  auteur  nommé  Modeste,  saint  Théo- 
phile d'Anlioclu',  saint  Denis  de  Corin- 
the,  etc.;  mais  un  grand  nombre  de  ces  ou- 
vrages sont  jierdus.  Les  plus  complets  qui 
nous  restent  sont  les  cinq  livres  de  Tertulliea 
contre  Marcion,  avec  ses  traités  de  Carne 
Chrisli  et  de  Rcsurrectione  carnis  ;  les  dia- 
logues de  recta  in  Deum  fide,  attribués  autre- 
fois à  Origène,  mais  qui  sont  d'un  auteur 
nommé  Adamantius,  qui  a  vécu  après  le  con- 
cile de  Nicée.  Origène  lui-même,  dans  plu- 
sieurs de  ses  ouvrages,  a  relevé  les  erreurs  de 
Marcion,  mais  en  passant,  et  sans  attaquer 
de  front  le  système  de  cet  hérétique. 

Bayle,  dans  l'article  marcionitcs  de  son  Dic- 
tionnaire, prétend  que  les  Pères  n'ont  pas 
répondu  solidement  aux  diflicultés  de  Mar- 
cion, et  il  cite  pour  preuve  les  réjioi.ses  don- 
nées par  Adamantius  et  par  saint  Hasile  à 
une  des  principales  objections  des  marcio- 
nitcs. Nous  les  examinerons  ci-après  ;  mais  il 
ne  parle  pas  des  livres  de  Tertullien,  et  il 
est  forcé  d'ailleurs  de  convenir  qu'en  géné- 
ral le  système  de  Marcion  était  mal  conçu  et 
mal  arrangé.  Dans rarticleM.\McuÉisME,  nous 
avons  fait  voir  que  les  Pères  ont  réfuté  soli- 
dement les  objections  des  manichéens,  qui 
étaient  les  mêmes  que  celles  des  marcionitcs  ; 
mais  il  est  bon  de  voir  d'aboi  d  de  quelle  ma- 
nière le  système  de  ces  derniers  est  combattu 
iiar  Tertullien. 


ëi7 


MAR 


MÂR 


S'il 


'  Dans  son  premier  livre  contre  Marcion,  ce 
Père  démontre  qu'un  iiromier  principe  éter- 
nel et  incrt^'é  est  souverainement  parfait,  par 
conséquent  unique;  que  la  souveraine  per- 
fection découle  évidemment  de  l'existence 
nécessaire;  qu'il  n'y  a  pas  plus  de  raison 
d'admettre  deux  premiers  principes  que  d'en 
admettre  mille.  11  fait  voir  que  le  Dieu  sup- 
posé bon  par  Marciou  ne  l'est  pas  en  eflet, 
puisqu'il  ne  s'est  pas  fait  connaître  avant  Jé- 
sus Christ  ;  qu'il  n'a  rien  créé  de  ce  que  nous 
voyons;  que,  selon  le  système  de  Marcion, 
ce'Uieu  a  très-mal  pourvu  au  salut  des  hom- 
mes; qu'il  a  laissé  captiver  les  esprits,  dont 
il  était  le  père,  sous  ic.ioug  du  mauvais  prin- 
cipe, et  a  laissé  celui-ci  faire  le  mal,  sans  s'y 
opiioser  ;  qu'il  est  donc  impuissant  ou  stu- 
pide.  Bavle  lui-môme  a  fait  cette  dernière 
réflexion  contre  le  principe  prétendu  bon  des 
manichéens.  Dans  le  second  livre,  Tertullien 
prouve  que  Dieu,  tel  que  les  livres  de  l'An- 
cien Testament  nous  le  représentent,  est  vé- 
ritablement et  souverainement  bun;  que  sa 
bonté  est  démontrée  par  ses  ouvrages,  par  sa 
providence,  par  ses  lois,  par  son  indulgence 
et  sa  miséricorde  envers  les  péclieurs,  même 
par  les  corrections  paternelles  dont  il  use  à 
leur  égard,  et  par  la  sagesse  des  lois  de  Moïse, 
que  Marcion  censure  mal  h  propos.  Il  est 
donc  faux  que  l'Ancien  Testament  ne  soit 
pas  l'ouvrage  d'un  Dieu  bon,  et  que  celui-ci 
ne  soit  pas  le  Créateur.  Dans  le  troisième, 
Tertullien  fait  voir  que  Jésus-Christ  s'est 
constamment  donné  comme  envoyé  ])ar  le 
Créateur,  et  non  par  un  autre  ;  qu'il  a  été 
ainsi  annoncé  par  les  prophètes;  que  sa  chair, 
ses  soullrances,  sa  mort,  ont  été  réelles  et 
non  apparentes.  11  prouve  la  môme  chose 
dans  le  quatrième,  en  montrant  que  Jésus- 
Christ  a  exécuté  ponctuellement  tout  ce  que 
le  Créateur  avait  promis  par  les  prophètes. 
11  met  au  grand  jour  la  témérité  de  Marcion, 
qui  rejette  l'Ancien  Testament,  duquel  Jé- 
sus-Christ s'est  servi  pour  prouver  sa  mission 
et  sa  doctrine,  et  qui  retranche  du  Nouveau 
tout  ce  qui  lui  déplaît.  Dans  le  cinquième,  il 
continue  de  prouver,  par  lesépîtresde  saint 
Paul,  que  Jésus-Christ  est  véritablement  le 
Fils  et  l'envoyé  du  Créateur,  seul  Dieu  de 
l'univers.  Dans  son  traité  de  Carne  Christi, 
il  avait  déjà  prouvé  la  réalité  et  la  passibilité 
lie  la  chair  de  Jésus-Christ;  et  dans  celui  de 
Resurrectione  carnis,  il  fait  voir  que  la  résur- 
rection future  des  corps  est  un  dogme  essen- 
tiel delà  foi  chrétienne;  d'oii  il  résulte  en- 
core que  la  chair  ou  les  corps  sont  l'ou- 
vrage du  Dieu  bon,  et  non  du  mauvais  prin- 
cipe. 
>  Mais  pourquoi  ce  Dieu  bon  a-t-il  laissé 
pécher  l'homme  ?  Telle  est  la  grande  objec- 
tion des  marcionitcs.  11  l'a  permis,  répond 
Tertullien,  parce  qu'il  avait  créé  l'homme 
libre;  or,  il  était  bon  à  l'homme  d'user  de  sa 
liberté.  C'est  par  là  môme  qu'il  est  fait  à  l'i- 
mage de  Dieu,  qu'il  est  capable  de  mérite  et 
de  récompense.  Adamantins,  dans  les  Dialo- 
gues contre  Marcion,  répond  de  même  que 
Dieu  a  laissé  à  l'homme  l'usage  de  sa  liberté, 
|)drce  qu'il  n'est  pas  de  la  nature  de  l'hoomie 


d'être  immuable  comme  Dieu.  Saint  Basile 
dit  que  Dieu  en  a  usé  ainsi,  parce  qu'il  n'a 
pas  voulu  que  nous  l'aimassions  par  force, 
mais  de  noire  plein  gré.  Les  Pères  des  siè- 
cles suivants  ont  dit  que  Dieu  a  permis  le 
péché  d'Adam,  parce  qu'il  se  proposait  d'en 
réparer  avantageusement  les  suites  par  la 
rédemption  de  Jésus-Christ.  Yoij.  Péché  ori- 

GINF.r.,   RÉDEMPTION. 

Voilà  les  réponses  que  Bayle  trouve  in- 
suflisantes  et  peu  solides.  Dieu,  dit-il  ,  pou- 
vait empocher  l'homme  de  pécher,  sans  nuire 
à  sa  liberté ,  puisqu'il  fait  persévérer  les 
justes  sur  la  terre  par  des  grâces  efticaces, 
et  que  les  saints  dans  le  ciel  sont  incapables 
de  pécher.  Il  ne  s'ensuit  point  de  là  que  les 
justes  et  les  bienheureux  cessent  d'être  li- 
bres, sont  immuables  comme  Dieu ,  aiment 
Dieu  par  force,  etc.  Si  les  marcionites  avaient 
ainsi  répliqué  aux  Pères  de  l'Eglise  ,  nous 
pensons  que  ceux-ci  n'auraient  pas  été  fort 
embarrassés  à  les  réfuter.  Ils  auraient  dit, 
sans  doute,  1"  qu'il  est  absurde  de  prétendre 
que,  par  bonté.  Dieu  doit  donner  à  tous  les 
hommes,  non-seulement  des  grâces  suftisan- 
tes,  mais  des  grAces  eflicaces.  Il  s'ensuivrait 
que  plus  l'homme  est  disposé  à  ôlre  ingrat, 
rebelle  ,  infidèle  à  la  grâce  ,  plus  Dieu  est 
obligé  d'augmenter  celle-ci;  comme  si  la 
malice  de  l'iiomme  était  un  titre  pour  obte- 
nir de  plus  grands  bienfaits.  Dire  que  Dieu 
le  doit,  parce  qu'il  le  peut,  c'est  supposer 
qu'il  doit  épuiser,  en  ftiveur  de  l'homme,  sa 
puissance  infinie.  Autre  absurdité.  —  2°  Les 
Pères  auraient  fait  voir  qu'en  raisonnant  sur 
ce  principe,  le  bonheur  môme  des  bienheu- 
reux ne  sullit  pas  pour  acquitter  la  bonté  de 
Dieu.  Ce  bonheur  n'est  infini  que  dans  sa 
durée;  mais  il  pourrait  augmenter,  puisqu'il 
y  a  entre  les  saints  divers  degrés  de  gloire  et 
de  bonheur,  et  que  la  félicité  des  uns  a 
commencé  plus  tôt  que  celle  des  autres. 

Bayle  et  les  autres  apologistes  des  marcio- 
nites raisonnent  donc  sur  un  principe  évi- 
demment faux ,  en  supposant  que  la  bonté 
de  Dieu,  jointe  à  une  puissance  infinie,  doit 
toujours  faire  le  plus  grand  bieit,  et  qu'un 
bien  moindre  qu'un  autte  est  un  mal.  L'ab- 
surdité de  cet  entêtement  n'a  pas  échappé 
aux  Pères  de  l'Eglise,  puisqu'ils  ont  posé  le 
principe  directement  contraire.  Voij.  Mani- 
chéisme ,  §  6.  Les  autres  maximes  sur  les- 
quelles Bayle  se  fonde ,  savoir,  que  Dieu  ne 
peut  ni  faire  ni  permettre  le  mal ,  qu'à  son 
égard,  permettre  et  vouloir,  c'est  la  môme 
chose,  etc.,  ne  sont  pas  moins  fausses;  elles 
sont  réfutées  ailleurs.  Yoy.  Bon,  Mal,  Per- 
mission, etc. 

Marcion  eut  plusieurs  disciples  qui  se  fi- 
rent chefs  de  secte  à  leur  tour,  en  particu- 
lier Appelles  et  Lucien.  Votj.  Appellites  et 
LuciANisTEs.  Pourquoi  n'auraient-ils  pas  eu 
comme  lui  le  privilège  de  former  un  système 
à  leur  gré  ?  Quelques-uns  admirent  trois 
principes  au  lieu  de  doux;  l'un  bon,  l'autre 
juste,  le  troisième  méchant.  Yoy.  les  Dialo- 
gues d'Adamuntius  ,  sect.  1 ,  note  c  ,  p.  804. 
On  ne  peut  pas  citer  une  seule  hérésie  qui 
n'ait  eu  difl'éreiites  branches,  et  dout les 


r;i9  Mar 

sectateurs  ne  se  soiont  bientôt  divis(^.s;  celle 
dos  marcionitcs  se  fondit  dans  la  secte  des  ma- 
nichéens. Vuy.  Tillcmont,  t.  II,  p.  2()6et  suiv. 

Mosheini ,  Bist.  christ. ,  smc.  ii,  §  63,  est 
( onvenu  (luo  Beausobre,  en  parlant  des  mar- 
(iunites  ,  aans  son  Histoire  du  manichéisme, 
a  trop  suivi  son  penchant  à  excuser  et  à  jns- 
liiier  tous  h^s  hérétiques.  Mallioiireusement 
nous  nous  trouvons  souvent  dans  le  cas  de 
lui  reprocher  le  m6me  défaut,  et  il  en  a  en- 
core donné  quelques  preuves  dans  l'exposé 
qn'il  fait  de  la  conduite  et  de  la  doctrine  do 
Marcion.  Il  fait  ce  qu'il  peut  pour  mettre  de 
'.a  suite  et  de  l'ensemble  entre  les  dogmes 
enseignés  par  cet  hérésiarque;  mais  ses  ef- 
forts sont  assez  superflus,  puisqu'il  est  in- 
contestalilo  que  tous  les  anciens  sectaires 
ont  été  très-mauvais  raisonneurs.  De  simples 
prohabililés  nesuftisent  pas  pour  nous  auto- 
riser à  contredire  les  Pères  de  l'iîylise  ,  qui 
ont  lu  les  ouvrai^es  de  ces  hérétiques  ,  qui 
souvent  les  ont  entendus  eux-mêmes,  (!t  ont 
disputé  contre  eux.  1!  serait  donc  inutile 
d'entrer  dans  la  discussion  des  divers  arti- 
cles sur  lesquels  Beausobre  ni  Moshcim  no 
veulent  pas  ajouter  foi ,  h  ce  que  disent  les 
Pères  de  l'Eglise  touchant  les  tnarcionifes. 

MARCOSIKNS, sected'hérétiqucs du  ir  siè- 
cle, dont  le  chef  fut  un  nommé  Marc,  disci- 
ple de  Valenlin,  et  de  laquelle  saint  Irénéo 
a  parlé  fort  au  long.  Lib.  i  adv.  Jlœr.,  c.  13 
et  suiv. 

Ce  Mare  entreprit  de  réformer  le  système 
de  son  maître  ,  et  y  ajouta  de  nouvelles  rê- 
veries; il  les  fonda  sur  les  principes  de  la 
cabale  et  sur  les  prétendues  propriétés  des 
lettres  et  des  nombres.  ^  alenlin  avait  sup- 
posé un  grand  nombre  d'esprits  ou  de  gé- 
nies qu'il  nommait  éons,  et  auxquels  il  attri- 
buait la  formation  et  le  gouvernement  du 
monde;  selon  lui,  ces  éons  étaient  les  uns 
niAles,les  autres  femelles;  et  les  uns  étaient 
nés  du  mariage  des  autres.  Marc,  au  con- 
traire, persuadé  que  le  premier  principe  n'é- 
tait ni  mille  ni  femelle,  jugea  qu'il  avait  pro- 
duit seul  les  éon.s  par  sa  parole,  c'est-à-dire 
par  la  vertu  naturelle  des  mots  qu'il  avait 
prononcés.  Comme  le  premier  mot  de  la  Bi- 
l)le  en  grec  est  :v  «p/ji ,  in  principio,  Marc 
conclut  gravement  que  ce  mot  était  le  pre- 
mier princi])e  de  toutes  choses;  et  commo 
les  vingt-quatre  Icltres  de  l'alphabet  étaient 
aussi  les  signes  des  nombres,  il  b;ltit  sur  la 
combinaison  des  lettres  de  chaque  mot  et 
des  nomljres  qu'elles  désignaient,  le  sys 
tème  de  ses  éons  et  de  leurs  opérations.  Se- 
lon saint  Irénée  ,  il  les  supposa  au  nombre 
de  trente;  selon  d'autres,  il  les  réduisit  à 
vingt-quatre,  à  cause  des  vingt-quatre  lettres 
de  l'alphabet.  Il  se  fondait  encore  sur  ce  que 
Jésus-Christ  a  dit  dans  l'Apocalyiiso  :  Je  suis 
/"alpha  et  /'oméga,  le  principe  et  la  (in,  et  sur 
quelques  autres  passages  dont  il  abusait  do 
même.  Il  conclut  enfin  que  par  la  vertu  des 
mots  combinés  d'une  certaine  manière  ,  on 
pouvait  diriger  les  opérations  des  éons  ou 
des  esprits,  participer  à  leur  pouvoir  ot  opé- 
rer des  prodiges  par  ce  moyen. 

Rien  n'était  plus  absurde  que  de  supposer 


MAR  880 

qu'on  créant  le  monde,  Dieu  avait  parlé  grec, 
e1  que  l'alphabet  de  celte  langue  avait  plus 
de  vertu  que  celui  de  toute  autre  langue 
quelconciue.  Mais  les  pythagoriciens  avaient 
déjà  fondé  des  rêveries  sur  les  propriétés 
des  nombres,  et  l'on  était  encore  entCté  de 
cette  philosophie  au  ii'  siècle.  Ce  n'est  pas 
sans  raison  rpie  les  anciens  Pères  ont  re- 
mar<iué  (pio  les  hérésies  sont  sorties  des 
dill'érenles  écoles  de  philosophie;  mais  l'ab- 
surdilé  de  celle  des  marcosicns  ne  fait  |)as 
beaucoup  d'honneur  à  la  mère  qui  lui  a 
donné  la  naissance. 

Parle  moyen  d'un  prestige,  Marc  eut  le 
talent  de  [lersuader  qu'il  était  réellement 
doué  d'un  pouvoir  surnaturel,  et  qu'il  pou- 
vait le  conununiquer  k  qui  il  voulait.  Il 
trouva  le  secret  de  changer  en  sang,  aux 
yeux  des  spectateurs ,  le  vin  qui  sert  à  la 
consécration  do  leucliarislie.  Il  prenait  un 
grand  vase  et  un  petit,  il  mettait  dans  le 
dernier  le  vin  destiné  au  sacrilice  ,  et  faisait 
une  prière;  un  moment  après,  la  liqueur 
paraissait  bouillir  dans  le  grand  vase,  et  l'on 
y  voyait  du  sang  au  lieu  de  vin.  Ce  vase 
était  probablement  la  machine  hydraulique 
que  les  physiciens  nomment  la  fontaine  de 
Cana  ,  dans  laquelle  il  semble  que  l'eau  se 
change  en  vin  ;  ou  par  une  préparation  chi- 
ruiipie  ,  Marc  donnait  au  vin  la  couleur  de 
sang.  En  faisant  opérer  par  quelques  femmes 
ce  prétendu  prodige  ,  il  leur  ])ersuada  qu'il 
leur  communiquait  le  don  de  faire  des  mi- 
racles et  de  jirophétiser,  et  par  des  potions 
capables  de  leur  troubler  les  sens,  il  les  dis- 
posait à  satisfaire  ses  désirs  déréglés.  Ainsi, 
par  l'enthousiasme  joint  au  libertinage,  il 
parvint  à  en  séduire  un  grand  nombre  et  à 
former  une  secte.  Saint  Irénée  se  plaint  de 
ce  que  cette  pesle  s'était  répandue  dans  les 
Caules ,  (irincipalement  sur  les  bords  du 
Kliùne  :  mais  quelques  femmes  sensées  et 
vertueuses ,  que  Marc  et  ses  associés  n'a- 
vaient pu  séduire  ,  dévoilèrent  la  turpitude 
do  ces  imposteurs;  d'autres  qui  avaient  été 
séduites ,  mais  qui  revinrent  a  résiiiiscence, 
conlirmèrcnt  la  même  chose ,  et  tirent  dé- 
tester leurs  corrupteurs. 

Les  marcosiens  avaient  ])lusieurs  livres 
apocryphes  et  remplis  de  leurs  rêveries,  qu'ils 
donnaient  à  leurs  i)rosélytes  pour  des  livres 
divins.  Suivant  le  témoignage  de  saint  Iré- 
née, 1.  I,  c.  21,  ils  avouaient  que  le  baptême 
de  Jésus-Christ  remet  les  péchés  ;  mais  ils  en 
donnaient  un  autre  avec  de  l'eau  mêlée 
d  huile  et  de  baume,  pour  initier  leurs  pro- 
sélytes, et  appelaient  cette  cérémonie  la  ré- 
demption. Quelques-uns  cependant  la  regar-i 
daient  comme  inutile,  et  faisaient  consister 
la  rédemption  dans  la  connaissance  de  leur 
doctrine.  Au  reste,  ces  hérétiques  n'avaient 
rien  de  fixe  dans  leur  croyance  ;  il  était  per- 
mis à  chacun  d'y  ajouter  ou  d'en  retrancher 
ce  qu'il  jugeait  à  propos  ;  leur  secte  n'était, 
à  proprement  parler,  qu'une  société  de  liberti- 
nage. Il  s'en  détacha  une  partie,  qui  formacelle 
des  archontiques.  Toy.  Tillemont,  t. II,  p.  291 . 

11  est  bon  d'observer  que  si,  au  ii*  siècle, 
la  croyauce  de  l'Eglisa  corétieûue  n'avait  pas 


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MAR 


MAR 


nm 


été  que,  par  la  consécration  de  l'eucharistie, 
le  pain  et  le  vin  sont  changés  au  corps  et  au 
sang  de  Jésus-Christ,  l'hérésiarnue  Marc  ne 
se  s  Tait  pas  avisé  de  vouloir  rendre  ce  chan- 
gem(!nt  sensible  par  un  miracle  apparent;  et 
si  l'on  n'avait  pas  cru  que  le  sacerdoce  don- 
nait aux  prêtres  des  (louvoirs  surnaturels, 
cet  imposteur  n'aurait  pas  eu  recours  à  un 
prestige,  pour  nersuadcr  qu'il  avait  la  pléni- 
tude du  sacerdoce.  C'est  pour  cela  môme 
qu'il  est  utile  à  un  théologien  de  connaître 
les  divers  égarements  des  hérétiques  anciens 
et  modernes,  quelque  absurdes  qu'ils  soient: 
la  vérité  ne  brille  jamais  mieux  que  par  son 
opjiosition  à  l'erreur.  Mosheim,  aussi  atta- 
ché à  justifier  tous  les  hérétiques  qu'à  dépri- 
mer les  Pères  de  l'Eglise,  conjecture  qu  il  n'y 
avait  peut-être  ni  magie,  ni  fraude  dans  les 
procédés  des  marcosicns  ;  qu'ils  ont  été  ca- 
lomniés, ou  par  quelques  femmes  qui  vou- 
laient quitter  cette  secte  pour  se  réconcilier 
à  l'Eglise,  ou  par  quelques  spectateurs  igno- 
rants de  leur  liturgie,  qui  auront  pris  pour 
magie  des  usages  fort  simples,  desquels  ils 
ne  concevaient  pas  la  raison.  Il  ne  peut  pas 
se  persuader  que  ces  hérétiques  aient  été 
assez  insensés  et  assez  corrompus  pour  se 
livrer  à  toutes  les  folies  et  à  tous  les  désor- 
dres qu'on  .leur  prête.  Hist.  christ.,  sage,  ii, 
§  59,  note.  Mais  sur  de  simples  présomptions 
destituées  de  preuves,  est-il  permis  de  sus- 
pecter le  témoignage  des  Pères,  témoins  ocu- 
laires ou  contemporains  des  choses  qu'ils 
rapportent,  qui  ont  pu  interroger  plusieurs 
marcosiens  détrompés  et  convertis  ?  Quand 
ces  hérétiques  seraient  aussi  innocents  qu'il 
le  présume,  la  conséquence  que  nous  tirons 
de  leur  manière  de  consacrer  l'eucharislie 
n'en  serait  pas  moins  solide,  et  Mosheim  n'y 
répond  rien. 

MARIAGE  (1).  Il  n'est  pas  fort  important 
de  savoir  si  ce  terme  vient  du  latin  maritus, 

(l)  Canon»  de  doctrine  sur  le  sacrement  de  ma- 
riage : 

Si  quelqu'un  dit  que  le  mariage  n'est  pas  vérita- 
blement et  proprement  un  des  sept  sacrements  de  la 
iUi  évangéliquc  institué  par  Notre-Seieneur  Jésiis- 
Clirist,  mais  qu'il  a  été  inventé  par  les  nommes  dans 
l'Eglise,  et  qu'il  ne  conlVre  point  la  grâce,  qu'il  soit 
aualhème.  C.  de  Trente,  24*  sess.  C.  1.  —  Si  quel- 
qu'un dit  qu'il  est  permis  aux  chrétiens  d'avoir  plu- 
sieurs femmes,  et  que  cela  n'est  défendu  par  aucune 
loi  divine,  qu'il  soit  anathème.  C.  2.  —  Si  quelqu'un 
dit  qu'il  n'y  a  que  les  seuls  degrés  de  parenté  et 
d'alliance  qui  sont  marqués  dans  le  Lévilique,  qui 
puissent  empêcher  de  contracter  mariage,  ou  qui 
puissent  le  rompre  quand  il  est  contracté,  et  que  l'E- 
glise ne  peut  pas  donner  dispense  en  quelques-uns  de 
ces  degrés,  ou  établir  un  plus  grand  nombre  de  de- 
grés qui  empêchent  et  rompent  le  mariage,  qu'il  soit 
anathème.  C.  3.  —  Si  quelqu'un  dit  que  l'Eglise  n'a 
pu  établir  certains  empêchements  qui  rompent  le  ma- 
riage, ou  qu'elle  a  erré  en  les  établissant,  qu'il  soit 
anathème.  C.  4.  —  Si  quelqu'un  dit  que  le  lien  du 
mariage  ne  peut  être  rompu  pour  cause  d'hérésie,  de 
cohabitation  fâcheuse,  ou  absence  aflectée  de  l'une 
des  parties;  qu'il  soit  anathème.  C.  S. — Si  quelqu'un 
dit  que  le  mariage  fait  et  non  consommé  n'est  pas 
rompu  par  la  profession  solennelle  de  religion,  faite 
par  l'un*  des  parties,  qu'il  soit  anathème.  C.  6.  — 
^quelqu'un  dit  que  l'Eglise  cstdaui  rerreur,quau(l 


ou  de  matris  munus;  quelle  qu'en  soit  l'éty- 
mologie,  il  signifie  la  société  constante  d'un 
homme  avec  une  femme  pour  avoir  des  en- 
fants. Cette  société  peut  êtie  envisagée 
comme  contrat  naturel,  comme  contrat  civil 
et  comme  sacrement  de  la  loi  nouvelle  ;  nous 
soutenons  que,  sous  ces  trois  rapports,  il  a 
toujours  été  et  toujours  dû  être  sanctifié  par 
la  religion.  Nous  sommes  donc  obligés  de 
l'envisager  sous  ces  divers  aspects,  mais 
principalement  sous  le  troisième. 

En  jiremier  lieu,  le  mariage,  comme  con- 
trat naturel,  est  de  l'institution  même  du 
Créateur;  la  manière  dont  l'Ecriture  sainte 
en  parle,  nous  en  montre  clairement  la  na- 
ture et  les  obligations.  Gen.,  c.  ii,  v.  18,  • 
Dieu  dit  :  Il  n'est  pas  bon  que  l'homm*  soit 
seul  :  faisons-lui  un  aide  semblable  à  lui.  Dieu 
endort  Adam,  tire  une  de  ses  côtes,  en  fait 
une  femme,  et  la  lui  présente.  Voilà,  dit 
Adam,  la  chair  de  ma  chair  et  les  os  de  mes  os... 
Ainsi,  l'homme  quittera  son  père  et  sa  mère, 
pour  s'attacher  à  son  épouse,  et  ils  seront 
deux  dans  une  seule  chair.  C.  1,  v.  28,  Dieu 
les  bénit  et  leur  dit  :  Croissez  et  multipliez- 
vous  ;  remplissez  la  terre  d'habitants;  soumet- 
tez-la à  votre  empire;  faites  servir  à  votre 
usage  les  animaux  et  les  plantes. 

Dans  ces  paroles,  nous  voyons,  1°  que  le 
mariage  est  la  société  de  deux  personnes  et 
non  de  plusieurs  ;  d'un  seul  homme  et  d'une 
seule  femme  ;  par  là  Dieu  exclut  d'avance  la 
polygamie.  2°  C'est  une  société  libre  et  vo- 
lontaire, puisque  c'est  l'union  des  esprits  et 
des  cœurs,  aussi  bien  que  des  personnes. 
3°  Société  indissoluble  ;  l'un  des  conjoints 
ne  peut  pas  plus  se  séparer  de  l'autre,  que 
se  séparer  d'avec  soi-même  ;  le  divorce  est 
donc  contraire  à  la  nature  du  mariage.  k°  L'ef  ■ 
fet  de  cette  société  est  de  donner  aux  époux 
un  droit  mutuel  sur  leurs  personnes,  et  ua 
droit  égal  à  celui  que  l'homme  a  sur  sa  pro- 

elle  enseigne,  comme  elle  a  toujours  enseigné,  sui- 
vant la  doctrine  de  l'Evangile  et  des  apôtres,  que  le 
lien  du  mariage  ne  peut  être  dissous  par  le  péché  d'a- 
dultère de  l'une  de»  parties,  et  que  ni  l'un  ni  l'autre, 
non  pas  même  la  partie  innocente ,  qui  n'a  pas 
donne  sujet  à  l'adultère,  ne  peut  contracter  d'autre 
mariage  pendant  que  l'autre  partie  est  vivante  ;  mais 
que  le  mari  qui,  ayant  quitte  sa  femme  adultère,  en 
épouse  une  autre,  connnet  lui-même  un  adulière,  aijisi 
que  la  femme  qui  ayant  quitté  son  mari  adultère,  en 
épouserait  un  autre  :  qu'il  soit  anathème.  C.  7.  —  Si 
quelqu'un  dit  que  l'Eglise  est  dans  l'erreur  quand 
elle  déclare  que,  pour  plusieurs  causes,  il  se  peut 
faire  séparation,  quant  à  L  couche  et  à  la  cohabita- 
tion entie  le  mari  et  sa  femme  pour  un  temps  déter- 
miné, qu'il  soit  anathome.  C.  8.  —  Si  quelqu'un  dit 
que  les  ecclésiastiques,  qui  sont  dans  les  ordres  sa- 
crés, ou  les  réguliers  qui  ont  lait  profession  solen- 
nelle de  chasteté,  peuvent  contracter  mariage,  et 
que  l'ayant  contracté,  il  est  bon  et  valide,  nonob- 
stant la  loi  ecclésiastique  ou  le  vœu  qu'ils  ont  fait  ; 
que  de  soutenir  le  contraire,  ce  n'est  autre  chose  que 
de  condamner  le  mariage,  et  que  tous  ceux  qui  ne  se 
sentent  pas  avoir  le  don  de  chasteté,  encore  qu'ils 
l'aient  vouée,  peuvent  contracter  mariage  :  qu'il  soit 
anathème,  puisque  Dieu  ne  refuse  point  ce  don  à 
ceux  qui  le  lui  demandent  comme  il  faut,  et  qu'il  ne 
permet  pas  que  nous  soyons  tentés  au-dessus  de  nos 
forces.  G.  9.  —  &ï  quelqu'un  dit  que  l'état  du  ma- 


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MAR 


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554 


pre  chair.  5°  Le  but  de  cette  union  est  de 
mettre  dos  enfants  au  luimde  et  de  peupler 
la  terre  ;  les  époux  sont  donc  obligés  de 
nourrir  leurs  enfants  ;  il  ne  leur  est  i>as  per- 
mis d'en  négliger  la  conservation.  G°  C'est 
au  mariage  ainsi  formé  que  Dieu  donne  sa 
bénédiction,  qu'il  ai  tache  la  urospérilé  des 
familles  et  le  bien  général  de  la  société  hu- 
maine. Nous  verrons,  dans  la  suite,  jusqu'à 
quel  point  Dieu  a  pu  s'écarter  de  ce  plan, 
lorsque  les  hommes  ont  |iassé  de  l'état  de 
société  purement  domestique  à  l'état  de  so- 
ciété civile. 

Remarquons  d'abord  (jue,  par  cette  insti- 
tution sainte,  Dieu  a  ré,  are  l'inégalité  qu'il 
a  mise  dans  la  constitution  des  deux  sexes. 
Le  conmierce  COI  jugal  ne  laisse  à  l'homme 
aucune  inconmiodité  ;  la  femme  seule  de- 
meure chargée  des  suites,  des  langueurs  do 
la  grossesse,  des  douleurs  de  reniantement, 
de  la  peine  de  nouirir  son  liuit.  Si  elle  de- 
meurait seule  cliargée  de  l'éducation  îles  en- 
fants, la  nature  aurait  été  injuste  ii  son  égard. 
Mais  riKjmmc  s  assujettir.ut-il  à  reuq)hr  les 
devoirs  de  père,  s'il  n'y  était  engagé  par  un 
contrat  formel,  sacré,  indissoluble  V  Nous  le 
voyons  par  la  conduite  des  honunes  dissolus, 
qui  séduisent  les  femmes  par  le  seul  désir  do 
satisfaire  une  passion  brut  ilc.  11  faut  donc 
que  le  mariage  rétablisse  une  espèce  d'éga- 
lité entre  les  deux  sexes.  Pour  voir  ce  qui 
est  conforme  o  i  contrair  ■  à  la  nature  de  ce 
contrat  important,  il  faut  faire  attention, 
non  à  l'intérêt  seul  des  éjioux,  mais  à  celui 
des  enfants  et  à  celui  de  la  soriélé.  Si  l'un 
nerd  de  vue  uiu^  seule  de  ces  considérations, 
l'on  ne  manquera  pas  de  faire  des  s;  écula- 
tions  fausses  ;  c'est  ce  qui  est  arrivé  à  la 
plupart  des  philosophes,  soit  anciens,  soit 
modernes,  qui  n'ont  pas  connu  ou  qui  n'ont 
pas  voulu  connaître  la  véritable  institution 
du  mariage. 

Les  patriarches,  mieux  instruits,  ont  aussi 
mieux  raisonné.  Comme  sous  l'état  de  iia- 
mre  ils  étaient  non-seulement  les  chefs  na- 
turels de  leur  famille,  mais  les  ministres 
.  ordinaires  de  la  religion,  ils  disposaient  seuls 
du  mariage  de  leurs  enfants,  sans  oublier 
toutefois  que  Dieu  en  était  le  souverain  ar- 

ii;igf  doit  élre  pretcré  à  celui  Je  la  virginité  ou  du 
iclibal,  el  que  ce  n'est  pas  (incUiue  cliose  de  meilleur 
cl  de  plus  lieureux  de  ilenienrer  dans  la  virginité  ou 
dans  le  célibat, (|ue  de  se  niaritu-,  qu'il  soilanatliénie. 
C.  10.  —  Si  quclciu'un  dit  ipie  la  ilt  lénse  de  la  so- 
lenniié  des  noces,  en  cerlaiiis  temps  do  l'amiée,  es', 
une  superstition  lyrannique,  qui  lient  de  celle  des 
païens  ,  ou  si  quelqu'un  condamne  les  bénédictions 
cl  les  autres  cérémonies  que  l'I'.glise  y  piatique, 
qu'il  soit  anatheme.  Cil.  —  Si  queUiu'un  dit  que 
les  causes  qui  corieernenl  le  mariai;e  n'appartiennent 
point  aux  juges  ecclcsiasliques,  cjuil  soit  auaihéme. 
C.  li.  —  Si  quebprun  est  assez  téméraire  pour  oser 
scicunneut  contiacler  mariage  aux  degrés  détendus, 
il  sera  sépare  sans  espoir  d'obtenir  dispense,  ce  qui 
aoi  a  lien  aussi  a  plus  lorlc  raisim  à  l'cgiid  de  celui  (pii 
aura  en  la  hardiesse,  non-senleincnl  de  contradcr 
niaria^e^  mais  aussi  de  le  consommer  ;  (,ue  s'il  le  lait 
sans  le  savoir,  mais  ciu'il  ait  nigligé  d'observer  les 
cérémonies  solennelles  et  requises  a  couiracter  ma- 
rlge,  il  sera  soumis  aux  mé  ncs  peinc:^;  ([ne  si  ayant 
observé  toutes  les  ccrcinoines  requises  on  vient  à  dc- 

DlCTIONN.    DE   ThÉOL.    DOGMATIQUi;.   111. 


bitre.  Abraham,  envoyant  son  serviteur 
chercher  une  épouse  à  son  fils  Isaac  (G en. 
c.  XXIV,  V.  7),  dit  :  «  Le  Seigneur  enverra 
son  ange  devant  vous,  et  vous  fera  trouver 
dans  ma  famille  une  épouse  pour  mon  llls. 
Ce  serviteur  dit,  en  voyant  Rébecca  :  Voilà 
l'épouse  que  Dieu  a  préparée  au  lils  démon 
maître.  »  Batuel  et  Laban  disent  de  môme  : 
«  C'est  Dieu  qui  a  conduit  cette  afl'aire.  » 
Nous  ne  devons  donc  pas  être  sur|»ris  des 
bt'nédictions  que  Dieu  a  répandues  sur  les  1. 
mariages  des  patriarches. 

Mais  dans  les  peuplades  qui  oublièrent  les 
leçons  données  à  nos  premiers  parents,  et 
négligèrent  le  culte  du  vrai  Dieu,  le  mariage 
devint  bientôt  un  libertinage.  Selon  llicri- 
ture  sainte,  les  enfants  des  grands  et  des 
puissants  de  la  terre  ne  consultèrent  que  le 
goût  et  la  passion  dans  le  choix  de  leurs 
éjiouses  ;  de  là  naquit  une  race  corrompue 
qui  attira  par  ses  crimes  le  déluge  univer- 
sel (Gènes,  vi,  2).  Nous  voyons  des  rois  en- 
lever des  étrangères  par  violence ,  pour  les 
mettre  au  nombre  de  leurs  femmes  (c.  xu, 
V.  15  ;  c.  XX,  V.  21,  et  y  joindre  encore  des 
esclaves  (v.  17).Cnez  toutes  les  nations  ido- 
liUres,  l'adultère,  la  polygamie,  le  divorce, 
le  meurtre  des  enfants,  la  cruauté  de  les 
exposer,  la  révolte  de  ceux-ci  contre  leurs 
pères,  ont  déshonoré  la  sainteté  du  mariage, 
en  ont  fait  une  source  de  désordres  et  de 
malheurs  ;  l'auteur  du  livre  de  la  Sages.^e 
la  remarqué  {Sap.  xiv,  2k  et  SlO  .  La  mrme 
chose  arrivera  toutes  les  fois  que  l'on  per- 
dra de  vue,  dans  ce  contrat,  les  desseins  do 
Dieu  et  les  leçons  de  la  religion.  Les  païens, 
à  la  vérité,  avaient  conservé  un  souvenir 
confus  de  l'institution  divine  du  mariage, 
puisqu'ils  avaient  créé  dos  divinités  [larti- 
culières  pour  y  présider;  mais  l'idée  qu'ils 
avaient  de  ces  divinités  mêmes  atteste  la 
dépravation  de  l'esprit  et  du  cœur  des 
jiaieus.  Selon  la  mythologie,  le  dieu  Ihjmen 
ou  Hyménée  était  tils  de  Racchus  et  de  Vé- 
nus. Ils  avaient  forgé  d'autres  personna- 
ges subalternes  ,  auxquels  ils  attribuaient 
des  fonctions  infûmes.  Saint  Augustin  leur 
a  vivement  reproché  cet  aveuglement  dans 
ses  livres  de  la  Cité  de  Z>tew.  Nous  ne  voyons 

couvrir  quelque  empêchement  secret  dont  il  soit  pro- 
bable qu'il  n'ait  rien  su,  alors  on  pourra  lui  accorder 
dispense  plus  aisément  et  gratuitement.  Pour  les  ma- 
riages qui  sont  encore  à  contracter,  on  ne  la  donnerî 
que  rarement  et  pour  cause  légitime.  C.  de  Ti ente, 
2i'  sess.,  du  sacr.  du  rnar.,  c.  5.  —  Le  sainl  concile 
ordonne  qu'avant  de  célébrer  uu  mariage,  le  cure 
de  ceux  qui  doivent  le  contracter  annonce,  pendant 
trois  jours  de  t'êtes  consécutives,  au  milieu  de  la 
messe,  leurs  noms  et  qualités,  et  après  ces  publica- 
tions, s'il  ne  se  trouve  aucun  empecbement,  le  ma- 
riage se  feia  en  l'ace  de  l'Eglise.  C.  de  Treuie,  sess. 
ii-%  du  sacr.  de  mar.,  cl.  —  Si  quelques-uns  s'a- 
visent de  vouloir  i  tre  mariés  sans  la  présence  de 
leur  propre  curé,  ou  d'un  pntre  commis  de  sa  part, 
ou  de  celle  de  l'ordinaire,  ou  sans  avoir  en  outre 
deux  ou  trois  témoins,  le  saint  concile  leur  signilie 
qu'ils  n'avanceront  rien  par  là,  et  il  déclare  des  a 
présent  nuls  et  invalides  les  mariages  conlraclés  de 
cette  sorte.  Le  saint  concile  exiiorie  aussi  les  futurs 
époux  à  ne  point  loger  dans  la  même  maison  avant 
que  d'avoir  reçu  la  bénédiction  nuptiale.  Ibid.,  c.  1. 

18 


K55 


MAR 


MÂR 


356 


pas  qneles  pliilosophes  aient  jamais  censuré 
ce  désordre  -,  ils  étaient  aussi  aveugles  et 
aussi  corrompus  que  le  peuple. 

En  second  lieu,  comme  contrat  civil,  le 
mariage  est  soumis  k  l'inspection  et  à  la  vi- 
gilance des  chefs  de  la  société.  Les  lois  qui 
règlent  les  droits  des  époux,  des  pères  et 
des  enfants,  des  successions,  etc.,  ont  tou- 
jours été  regardées  comme  une  partie  essen- 
tielle de  la  législation.  Mais  toute  loi  civile, 
contraire  k  l'un  des  trois  intérêts  auxquels 
le  mariage  a  rapport,  serait  nulle  et  abusive. 
Rien  ne  peut  prescrire  contre  les  droits  de 
la  nature,  tels  que  Dieu  les  a  établis.  En 
donnant  des  lois  aux  Israélites,  Dieu  n'oublia 
pas  de  faire  régler  par  Moise  les  droits  res- 
pectifs des  époux,  des  pères  et  des  enfants. 
Il  ne  défendit  ni  le  divorce  ni  la  polygamie, 
parce  que  les  circonstances  ne  permettaient 
pas  encore  de  retrancher  ces  deux  abus  ; 
mais  il  en  prévint  les  suites  pernicieuses  par 
des  lois  qui  bornaient  le  pouvoir  des  pères 
polygames.  Il  rendit  le  patrimoine  des  fa- 
milles inaliénable  ;  il  régla  les  droits  des 
aînés  et  des  femmi  s.Celle.--ci,  c'iez  h  s  Juifs, 
n'étaient  ni  esclaves,  ni  enfermées,  comme 
chez  les  autres  nations;  les  héritières  ne  pou- 
vaient prendre  des  maris  que  dans  leur  tribu. 
Moïse  tixa  les  degrés  de  parenté  qui  ijevaient 
former  empêchement  au  mariage,  etc.  Ainsi 
ce  contrat  se  trouva  plus  gêné  qu'il  ne  l'était 
sous  la  loi  dénature.  Mais  les  Israélites  vrai- 
ment religeux  n'ouljlièrent  jamais  que  leurs 
alliances  devaient  être  sanctiliées  par  la  bé- 
nédiction de  Dieu.  Raguel  bénit  le  mariage 
de  Sara  sa  tille  avec  Tobie;  il  leui-  dit  :  «  Que 
le  Dieu  d'Abraham,  d'is^iac  et  de  Jacob  vous 
unisse  et  soit  avec  vous;  qu'il  accompbsse  à 
votre  égard  les  bénédictions  qu'il  leur  a  pro- 
mises (Tob.  Vil,  15).  Il  est  h  présumer  que 
tel  était  l'usage  dans  toutes  les  familles  dans 
lesquelles  régnait  la  crainte  de  Dieu.  L'ange 
Rapliaél  avertit  Tobie  que  l'oubli  de  Dieu, 
dans  cette  rencontre,  est  la  cause  des  désor- 
dres et  des  malheurs  qui  infestent  les  ma- 
riages (vi,  17).  Souvent  les  prophètes  ont  re- 
proché aux  Juifs  leurs  prévai'ications  à  cet 
égard. On  se  tromperait  doue  beaucoup  si  l'on 
se  persuadait  que,  chez  les  Juifs,  le  mariage 
était  considéré  comme  un  contrat  purement 
civil,  dans  lequel  la  religion  n'entrait  pour 
rien,  parce  que  nous  n'y  voyons  pas  inter- 
venir les  prêtres  ;  les  pères  de  famille  en  te- 
naient lieu  comme  ils  avaient  fait  sous  la 
loi  de  nature.  Aujourd'liLii  de  prétendus  po- 
litiques soutiennent  que  l'Eglise  chrétienne 
ne  devrait  avoir  aucune  inspection  sur  le 
mariage  de  ses  enfants;  que  c'est  à  la  puis- 
sance civile  seule  de  détendre  ou  de  per- 
mettre ce  qu'elle  jugera  utde  au  lîien 
public. 

'<.  J'ai  frémi,  dit  un  protestant  très-sensé 
et  un  très-bon  philosophe  ,  j'ai  fi'émi  toutes 
les  fois  que  j'ai  entendu  discuter  philosophi- 
quement l'article  du  tnariage.Que  de  manières 
de  voir,  que  de  systèmes,  qu«  de  passions 
en  jeu  I  On  nous  dit  que  c'est  à  la  législation 
civile  d'y  pourvoir  ;  mais  celte  législation 
n'est  elle  donc  pas  entre  les  mains  des  hom- 


mes, dont  les  idées,  les  vues,  les  principes, 
changent  ou  se  croisent  ?  Voyez  les  acces- 
soires du  mariage  qui  sont  laissés  à  la  légis 
latiiin  civile;  étudiez,  chez  les  différentes 
nations  et  dans  les  différents  siècles,  les  va- 
riations, les  bizarreries,  les  abus  qui  s'y  sont 
introduits;  vous  sentirez  h  quoi  tiendrait  le 
repos  des  familles  et  celui  delà  société,  si  les 
législateurs  humains  en  étaient  les  maîtres 
absolus. 

«  11  est  donc  fort  heureux  que,  sur  ce  point 
essentiel,  nous  ayons  une  loi  divine  supé- 
rieure au  pouvoir  des  hommes.  Si  elle  est 
bonne,  gardons-nous  de  la  mettre  en  danger, 
en  lui  donnant  une  autre  sanction  que  celle 
de  la  religion.  Mais  il  est  un  nombre  de  rai- 
sonneurs qui  prétendent  qu'elle  est  détes- 
table ;  soit  :  il  en  est  pour  le  moins  un  aussi 
grand  nombre  qui  soutiennent  qu'elle  est 
très-sage,  et  auxquels  on  ne  fera  pas  chan- 
ger d'avis.  Voilà  donc  la  confirmation  de  ce 
que  j'avance,  savoir,  que  la  société  se  divi- 
serait sur  ce  point,  selon  la  prépondérance 
des  avis  en  divers  lieux.  Cette  prépondé- 
rance changerait  par  toutes  les  causes  qui 
rendent  variable  la  législation  civile ,  et  ce 
grand  objet  qui  exige  l'uniformité  et  la  con- 
stance pour  le  repos  et  le  bonheur  de  la  so- 
ciété, serait  le  sujet  perjiétuel  des  disputes 
les  plus  vives.  La  religion  a  donc  rendu  le 
plus  grand  service  au  genre  humain,  en  jjor- 
tant  sur  le  mariage  une  loi  sous  laquelle  la 
bizarrerie  des  hommes  est  forcé  de  plirr  ; 
et  ce  n'est  pas  là  le  seul  avantage  que  l'on 
retire  d'un  co  le  fondamental  de  morale,  au- 
quel il  ne  leur  est  pas  permis  de  toucher.  » 
Lettres  sur  V Histoire  de  la  terre  et  de  l'homme, 
tom.  I,  p.  18. 

En  troisième  lieu,  sous  la  loi  évangélique, 
Jésus-Christ  a  rétabli  le  mariage  dans  sa 
sainteté  primitive  ;  et,  pour  en  rendre  le 
lien  |)lus  sacré,  il  l'a  élevé  à  la  dignité  de  sa- 
crement. C'est  sous  ce  nouveau  titre  qu'il 
est  principalement  considéré  par  les  théolo- 
giens. Nous  avons  donc  à  examiner,  1°  si  le 
mariage  des  chrétiens  est  véritablement  un 
sacrement,  quelle  en  est  la  matière,  la  forme, 
le  ministre,  et  quelle  doit  en  être  la  solen- 
nité; 2°  quelle  puissance  a  droit  d'y  mettre 
des  emi)ecliements  et  d'en  dispenser;  3°  si 
un  mariage  valide  est  indissoluble  dans  tous 
les  cas  ;  k"  si  la  di  ictrine  et  la  discipline  de 
l'Eglise  catiiolique,  touchant  le  mariage,  est 
capable  d'eu  détourner  les  fidèles.  11  n'est 
aucune  de  ces  questions  qui  n'ait  <ionné  lieu 
à  des  erreurs  et  à  des  plaintes,  soit  de  la 
part  des  hérétiques,  soit  de  la  part  des  in- 
crédules (i). 

I.  Du  mariage  considéré  comme  sacrement. 
Les  protestants  ont  trouvé  bon  de  retrancher 
le  mariage  du  nombre  des  sacrements,  et  de 
soutenir  que  la  croyance  de  l'Eglise  romaine 
sur  ce  point  n'est  point  fondée  sur  l'Ecri- 


(1)  Dans  noire  Dict.  de  Tliéologie  morale,  nous 
avons  développé  toulcs  les  quebtions  qui  concernent 
le  lu.aiiage.  Chez  tous  les  jH'uples  ce  conU'at  a  etn 
revêtu  de  solennités  paitinilières.  Il   n'était  cepeii 
dant  pas  un  sacrement  cliez  les  lieljreux. 


5ri7  MAR 

tiirfi  sainte;  c'est  à  nous  de  prouver  le  cou 
Irairc. 

1"  Saint  Paul,  parlant  du  mariaffc  des  chré- 
tiens, le  eomiiare  à  l'uiiioii  sajnte  qu)  est 
eutie  J(5sus-Clirist  et  sou  Eglise,  et  il  la  pro- 
pose pour  modèle  aux  personnes  i)iarJ6.es.  Il 
conclut,  en  disant  :  «  Ce  sacreuienl  est  friand, 
j'entends  en  Jésus-Clirist  et  dans  son  Eglise 
(t'phes.  V,  32).  11  s'agit  de  ])rendrele  sens  de 
ces  paroles  (1).  Le  terme  de  «tcnww»/,  disent 
les  réformateurs,  sigiiili-  mi/stvre,  et  licn  de 
|ilus;  l'AptHre  enlendsiuk'uient  que  l'union 
de  Jésus-Christ  avec  l'Kglise  est  un  mystère 
dont  le  mariage-  chrétien  est  une  faible 
jniage  ;  c'est  tout  ce  que  l'on  en  peut  con- 
clure. 

Mais  lorsque  les  protestants  disent  que  le 
baptême  et  la  cène  sont  des  sacrements,  tlon- 
nent-ils  îi  ce  ti  imc  un  autre  sens  ipi'à  celui 
de  mystère'/  Us  entendent  comme  nous,  par 
ces  deux  termes,  un  signe  sensible,  un  rite 
extérieur  et  des  paroles  qui  représentent 
quelque  chose  que  l'on  ne  voit  pas,  qui  si- 
giiitient  un  don  de  Dieu  ipie  l'on  n'ajierçoit 
pas.  Puisque,  de  leur  aveu  ,  le  mana</e  est 
rnte  image  de  l'union  de  Jésus-Chiisi  avec 
son  Eglise,  il  en  résulte  que  lues  signes  ex- 
Jérieurs  d'alliance  entre  les  éi>oux  signitient 
qu'il  doit  y  avoir  en're  eux  une  union  aussi 
sainte,  aussi  étroite,  aussi  indissolidjle 
qu'entre  Jésus-Christ  et  son  Eglise  ;  union 
^ui  ne  peut  pas  être  sans  une  gnke  parti- 
c+iljére  de  Dieu.  Qu'exigent  de  lilus  Jes  pro- 
t«>stants  pour  faire  un  saereinciit?  A  la  véiité, 
si  Jésus-Christ,  après  avoir  épousé  gon  Eglise 
et  l'avoir  dotée  do  sou  sang,  l'avait  bieuitùt 
a<i>andonnée  à  l'erreur;  s'il  lavait  laissé  cor- 
rompre au  point  qu'ell.>  est  devenue  la  pros- 
tituée de  Bahylone,  comme  le  disent  les  |iro- 
teslants,  cette  espèce  de  divorce  serait  un 
bien  njauvais  exemple  donné  aux  chrétiens 
qwi  se  marient  ;  heureusement  la  oalompie 

(1)  Les  paroles  Sacramentiim  Itoc  magnum  est  ne 
peuvent  se  rapporter  qu'à  runion  do  l'iioinme  et  de 
la  femme.  Elles  se  rapportent  évidenniient  à  ce  qui 
les  précède  imniédiaienient;  car  le  pronom  démons- 
tratif liuc  nr.iniue  la  cJiose  dont  il  s'agit  précédeni- 
mcnt  :  or,  les  paroles  qui  précèdent  immédiatement 
ne  peuvent  s'entendre  que  du  mariasse  :  l'ropter  hoc 
relimiuel  Iwmo  patitm  el  tnairem  suam,  et  ad  œrebil 
uxori  sue,  et  eruiit  duo  iii  ca  ne  vna.  Su  ram  iitum 
Iwr  magnum  es'  in  Clirialo  et  in  Ec<  lesin.  (;Vsl  donc 
du  mariage  des  lidèlcs  ([ue  l'Aiolie  dit  que  c'est  un 
grand  sacrement,  sac/ ami;» («m /mc  mayimm  est,  parce 
qu'il  est  un  signe  visible  de  en  le  union  sacrée  qui 
est  entre  Jésus-Clnist  et  son  Eglise.  Si  l'on  rappor- 
tait le  pronom  hoc  à  ruiiion  de  Jèsus-Olnistavec,  son 
Eglise,  voici  (piel  serait  le  sens  de  saiui  Paul  :  lioc, 
c'es»-à-<lire  Jésus-Christ  et  l'Eglise,  sont  un  grand 
sacrement  entre  Jcsus-Chrisl  el  l'Eglise  ;  ce  qui  len- 
fermerait  une  absurdité,  selon  la  remarque  du  second 
concile  de  Cologne  de  l'an  153f).  Quod  esl  autan  hoc 
sacrameiit  m  in  verbin  suinrioribus  relatant,  quod  ma- 
gnum est  in  Christo  et  Ecclesia?  id  esse  nun  polest 
eerle  Chritttuset  Eecle  ta ,  uam  absurde  seifuerel  r;  hoc, 
id  esl  i  hrislns  et  Ecct^sia,  evl  magnum  sa  ramentum, 
in  Chris'o  et  Ecclaia  ;  nemu  enint  sic  tiquilur....  A'e- 
cesse  est  igitnr  ul  id  sacranicntum  quod  dicit  esse  ma- 
gnum i'i  Chrislo  et  Eccleiiiii,!til  illa  coijimctio  liri  cum 
muliere.  {Concil.  Colon,  an.  153(j.  ) 


MAR 


558 


des  |iroteslan(s  n'est  qu'un  blasphème  contre 
la  fidélité  du  Sauveur. 

De  même  que  le  baptême  représente  la 
grâce  qui  purifie  notre  Ame  du  péché,  et  que 
la  cène  représente  la  grAce  qui  nourrit  (^t 
fortifie  notre  âme  ;  ainsi  le  mariage  re|)ré- 
sente  la  grAce  qui  unit  les  esprits  et  les 
cœurs  des  époux.  Où  est  la  différence?  Do 
même  que  Jésus-Christ  a  dit  :  Celai  qui  croira 
et  sera  baptis'',  sera  sauve,  et  celui  qui  mange 
ce  pain,  vivra  éternetlemmt ,  il  a  dit  aussi  : 
Que  l'homme  ne  sépare  point  ce  que  Dieu  a 
uni.  Donc  c'est  la  grâce  de  Dieu  qui  unit  les 
époux. 

2°  C'est  la  question,  disent  les  protestants, 
de  savoir  si  la  cérémonie  du  mariage  donne 
la  grAce.  Cette  qui^stion  est  encore  résolue 
par  saint  Paul  ;  en  comimrant  les  persotmes 
mariées  à  celles  qui  vivent  dans  le  célilial, 
il  dit  que  chacun  a  reçu  de  Dieu  un  don 
particulier  {I  Cor.  vu,  7).  Quel  peut  être  le 
don  de  Dieu  îi  l'égard  des  jiersonne-  mariées, 
sinon  la  grâce  qui  réunit  les  cœurs  '!  Ont- 
elles  moins  besoin  de  grAce  pour  remplir  les 
devoirs  de  leur  état  que  les  célibdaires? 
I^'Apôtre  ajoute,  V.  14,  que  les  enfants  d-s 
fidèles  mariés  sont  saints;  pourquoi,  siuon 
|iarce  qu'ils  sont  nés  d'une  union  sainte'/ 
Or,  cette  union  ne  i>eut  être  snnctitiée  que 
par  la  grâce  de  Dieu.  D'ailleurs,  dès  iju'il  a 
plu  aux  protestants  de  décider  que  les  sa- 
crements ne  produisent  point  par  eux-mê- 
mes la  grAce  sanctitiaiite  dans  l'Ame  de  eeux 
qui  les  reçoivent,  que  tout  leur  effet  consiste 
à  exciter  la  foi  qui  seule  justihe,  nous  ne 
voyons  pas  pourquoi  ils  excluent  le  mariage 
du  nombre  des  sacrements.  Cette  cérémonie 
est-elle  donc  moins  propre  à  exciter  la  foi 
dans  les  ,li  Jèles,  que  celle  du  baptême  ou  de 
la  cène?  L,çs  promesses  niutuclles  que  se 
font  les  éjjoux  d'une  lidélilé  inviolable,  la 
bénédictio)!  de  l'Eglise  qui  consacre  ces  pio- 
messes,  doivent  leur  persuad'T,  sans  doute, 
que  Dieu  les  ratifie ,  qu'il  leur  donnera  les 
grAces  et  la  force  dont  ils  auront  besoin  pour 
vivre  saintement,  pour  s'ajder  et  se  suppor- 
ter, pour  élever  chrétiennement  leurs  en- 
fants, etc. 

3°  L'Eglise  catholique  fait  profession  d'en- 
tendre l'Ecriture  sainte,  non  .comme  il  plait 
à  quelques  docteurs  ,  mais  comme  elle  a  été 
constamment  entendue  depuis  les  apôtres 
jusqu'à  nous  ;  or,  on  a  toujours  donné  ilans 
l'Eglise  aux  passages  que  nous  alléguons  le 
même  sens  que  nous  leur  donnons. 

Saint  '  lément  d'Alexandrie,  Strom.,  I.  ni, 
réfute  les  di^'.ers  hérétiques  qui  condam- 
naient le  mariage  et  regardaient  coimni'  un 
crime  la  procréation  des  enfants;  il  leur  sou- 
tiimt  que  le  mariage  est  non-seuleuient  in- 
nocent et  permis,  mais  saint  et  destiné  à 
sanctifier  les  époux,  et  que  les  entants  qui 
en  proviennent  sont  saints,  c.  6,  p.  5'j2;  que 
c'est  Dieu  qui  miit  la  femme  à  sop  njari, 
c.  10,  pag.  ^'vl;  et  il  le  pr-iuve  par  les  pas- 
sages de  l'Ecriture  que  nous  avons  cites. 
Tertidlien ,  1.  v,  contra  Marcion.,  c.  18, 
emploie  les  mêmes  preuves  contre  Marcion. 
et  nomme  quatre  ou  cinq  fois  le  mariage  sa- 


5S9 


MAR 


MAR 


KGO 


cremcnt  L.  ii,  ad  Uxorem,  c.  8,  il  dit  que  le 
mariage  des  chrétiens  est  conclu  par  rEg]i:>o, 
confirmé  par  l'olilation,  consacré  par  la  hr- 
nediction,  publié  par  les  anges,  appr.  uvé 
par  le  Père  céleste.  Telle  était  donc  la 
croyance  du  ii'  et  du  m*  siècle  de  l'Eglise. 
On  peut  voir  dans  Bcllarmin,  tora.  III,  de  Ma- 
trim.,  et  dans  d'autres  théologiens,  les  pas- 
sages «le  saint  Jean  Chrysostome,  de  saint 
Aiiibioise,  de  saint  Jérôme,  de  saint  Augus- 
tin, de  saint  Léon,  o;c.,  qui  nous  attestent  de 
même  la  tradition  du  iv°  et  du  V  siècle.  C'est 
la  réfutation  complète  des  prétendus  réfor- 
mateurs, qui  ont  osé  écrire  qu'avant  saint 
Grégoire,  qui  a  vécu  sur  la  lin  du  vi%  aucun 
Père  de  l'Eglise  n'avait  regardé  le  mariage 
comme  un  sacrement.  Drouin,  de  Re  sa- 
cram.,  tom.  IX,  1.  x  (1). 

(l)La  preuve  tirée  des  SS.  PP.  a  beaucoup  de 
force.  Les  diverses  édilious  de  Besançon  citent  un 
grand  nombre  de  textes. 

I  C'est  surtout,  disent-elles,  par  la  tradition  que 
l'on  prouve  rinstitution  du  sacrement  de  mariage. 
On  peut  ranger  en  trois  classes  les  témoins  de  la 
Iraditmn  sur  ce  point.  La  première  renferme  les  pas- 
sages des  Pères  qui  ont  donné  au  mariage  le  nom  de 
sacrement. 

I  Saint  Ambroise  traite  le  mariage  de  sacrement 
célcite.  En  parlant  de  celui  qui  convoite  la  femme  de 
son  prochain,  il  dit  :  i  Qui  sic  egerit  peccat  in  Deum 
cujus  legem  violât,  grati;im  solvit;  et  ideo,  quia  in 
Deum  peccat,  sacramenti  cœlestis  aniittit  consor- 
tium. >  (Lib.  I,  de  Adnmo,  c.  7.) 

1  Saint  Augustin  est  celui  de  tous  les  Pères  qui  a 
donné  le  plus  souvent  le  nom  de  sacrement  au  ma- 
riage. «  Dans  l'Eglise,  dit  ce  Père  au  livre  de  Fide  et 
Operibus,  c.  7,  ce  n'est  pas  seulement  le  lien  du  ma- 
riage qui  y  est  recommandable,  mais  encore  le  sa- 
crement. »  In  Ecctesia,  niiptiurum  non  solum  vincu- 
lum,  sed  etiam  sacramenlum  commendntny.  Dans  le 
livre  de  bono  cnnjugali,  c.  4,  il  distingue  le  mariage 
des  chrétiens  d'avec  celui  des  païens,  par  la  qualité 
de  sacrement,  qui  est  intiniment  plus  recommandable 
que  tous  les  avantages  que  les  peuples  idolâtres  re- 
cherchaient dans  le  mariage.  «  Les  nations,  dit  ce 
Père,  font  consister  tout  le  bien  du  mariage  dans  la 
fécondité,  dans  la  chasteté  conjugale  et  dans  la  foi 
qui  en  est  comme  le  lien  ;  mais  les  chrétiens  le  font 
consister  dans  la  sainteté  du  sacremeul,  à  raison  de 
laquelle  il  est  défendu  à  une  femme  d'épouser  un 
autre  mari  pendant  que  le  sien  vit,  quoiqu'il  l'ait  ré- 
pudiée. »  Bonum  nuplinnim  per  omnes  ijentes  atque 
kotnines  in  causa  generandi  est,  in  jide  coslilalis  ;  (juod 
autem  ad  pnpiUum  Dei  perduat,  et.am  in  sancûtnle  sa- 
craiiienli,  per  quam  nefas  est,  etiam  repndio  disceden- 
tem,  alteii  nubere,  dum  vir  ejiis  Vivil.  Dans  le  même 
ouvrage,  cliap.  18  :  In  )iupliis  plus  valet  saiictitus  sa- 
cramenti tjuum  (œcundilas  uteri. 

«  La  seconde  classe  contient  les  textes  des  Pères 
qui  ont  enseigné  que  le  mariage  des  chrétiens  est  ac- 
compagné des  cérémonies  de  la  religion  comme  les 
autres  sacrements,  qu'il  est  bénit  par  le  prêtre  et  con- 
sacré par  l'oblation  du  saint  sacrifice  :  ce  qui  sup- 
pose qu'ils  ont  regardé  le  mariage  comme  un  sacre- 
ment. 

<  TertuUien  voulant  faire  connaître  l'excellence  du 
mariage  des  fidèles  au-dessus  de  celui  des  païens,  dit 
dans  le  second  livre  ad  Uxorem  :  <  Qui  pourrait  ex- 
pliquer le  bonheur  du  mariage  que  l'Eglise  approuve, 
que  l'oblation  ilu  sacrifice  confirme,  auquel  la  bcné- 
«îiciion  met  le  sceau,  ([ue  les  anges  proclament  au 
<'w\,  et  que  le  Père  éternel  ratifie'?  >  Unde  sufficia- 
mui  ad  enarrandam  (eticitatem  liujus  matrimotiii,  qiiod 
Ecclesia  conciliât,  confirmât  oblnliv,  obsignat  btnidi- 


k°  Une  nouvelle  preuve  de  l'antiquité  de 
cette  doctrine  est  la  croyance  des  sectes 
(irientales  qui  sont  séparées  de  l'Eglise  ro- 
maine depuis  le  vf  siècle  ;  elles  mettent  aussi 
bien  que  nous  le  mariage  au  nombre  des  sa- 
crements. Elles  n'ont  certainement  pas  reçu 
ce  dogme  de  l'Eglise  romaine  depuis  leur 
séparation,  et  ce  schisme  était  consoiiimé 
avant  le  pontificat  de  saint  Grégoire.  Vaine- 
ment les  protestants  ont  voulu  contester  ce 
l'ait  essenliel  ;  il  est  prouvé  d'une  manière 
qui  ne  laisse  plus  aucun  lieu  d'en  douter. 
Perpe'l  de  la  foi,  t.  V,  1.  vi,  p.  395  et  suiv. 
Les  conciles  de  Florence  et  de  Trente,  qui 
ont  décidé  que  le  mariage  est  un  sacrement, 
n'ont  donc  pas  établi  une  nouvelle  doc- 
trine. 

5°  Bingham  et  d'autres  orotestants  ont  été 

ctio,  anqeli  renuntiant,  Pater  rerum  habet.  Saint  Am- 
bioise  dit  que  les  fidèles  qui  se  marient  sont  obligés 
de  recevoir  le  voile  de  la  main  du  prêtre,  et  une  bé- 
nédiction qui  les  sanctifie.  «  Cum  conjugiura  vela- 
mine  sacerdotali  et  benedictione  sanctificare  opor- 
teat.  )  (Epist.  2.5,  ad  \  igil.) 

Le  pape  Sirice  déclare,  aans  sa  lettre  à  Himère, 
évêque  de  Tarragone,  qu'une  femme  qui  viole  de 
quelque  manière  que  ce  soit  la  bénédiction  qu''elle  a 
reçue  de  la  main  du  prêtre,  lorsqu'elle  a  été  mariée, 
commet  une  espèce  de  sacrilège,  t  Hoc  ne  fiât,  omni- 
bus modis  inhibenms,  quia  illabenedictio  quam  nup- 
turse  sacerdos  imponit,  apud  fidèles  cujusdam  sacri- 
legii  instar  est,  si  ulla  tiansgressione  violetur.  i  Si 
ce  pape  avait  regardé  le  maiiage  comme  un  pur  con- 
trat civil,  il  n'aurait  jamais  traité  de  sacrilège  le  vio- 
leraent  de  la  foi  du  mariage. 

«  Les  Pères  du  quatrième  concile  de  Carthage, 
tenu  au  commencement  du  y  siècle,  ordonn  rent, 
dans  le  canon  13,  (|ue  l'époux  et  l'épouse  seront  pré- 
sentés au  prêtre  par  leurs  parents  ou  leurs  paranym- 
phes,  pour  recevoir  la  bénédiction  nuptiale,  et  qu'ils 
garderont  la  nuit  suivante  la  continence,  à  cause  du 
respect  dû  à  cette  bénédiction.  Si  les  Pères  de  ce  con- 
cile n'avaient  cru  qu'il  y  eut  une  sainteté  particulière 
attachée  au  mariage  qui  se  célébrait  dans  l'Eglise, 
ils  n'auraient  pas  obligé  les  mariés  à  vivre  le  jour 
qu'ils  ont  reçu  la  bénédiction  nuptiale  dans  une  re- 
tenue et  une  pureté  si  grande  :  ils  ne  l'ont  fait  que 
pour  marquer  le  respect  qu'ds  doivent  avoir  pour  ce 
sacrement. 

«  Le  pape  Nicolas  I",  qui  fut  élevé  sur  le  siège 
apostolique  l'an  85fi,  instruisant  les  Bulgares  de  la 
foi  et  de  la  discipline  de  l'Eglise  romaine,  dit  qu'a- 
près les  fiançailles  le  prêtre  doit  faire  venir  à  l'église 
les  personnes  qui  se  sont  promis  la  foi  du  mariage, 
avec  les  oblations  qu'ils  doivent  otfrir  au  Seigneur 
par  ses  mains,  et  ensuite  leur  domier  la  bénédiction 
et  le  voile  qu'il  qualifie  de  céleste,  comme  il  est  rap- 
porté par  Gratien  dans  le  canon  ISoslrates ,  c. 
55,   q.  5. 

«  La  troisième  classe  comprend  les  passages  où 
les  Plies  reconnaissent  que  le  sacrement  de  mariage 
a  la  force  de  conférer  la  grâce;  ce  qui  prouve  qu'ils 
ont  pris  le  mot  de  sacrement  dans  la  signification  la 
plus  étroite,  et  qu'ils  ont  cru  (|ue  le  mariage  est  un 
vrai  sacrement  de  la  nouvelle  alliance. 

I  Origène,  dans  son  traite  vu  sur  saint  Matthieu, 
enseigna  que  l'homme  et  la  femme,  que  Dieu  a  unis 
ensemble,  ont  reçu  la  grâce,  et  que  c'est  de  là  que 
saint  Paul  donne  le  nom  de  grâce  à  cette  cliasle 
union. 

i  Saint  Alhanase  ,  dans  le  iv  siècle,  a  enseigné 
que  Dieu  avait  attaché  une  grâce  particulière  au  ma- 
riage, pour  y  être  coramuniijuèc  à  ceux  qui  s'y  en- 
gagent :  <  Qui  dixit  uxorem,  etsi  parem  gratiain  non 


%i 


MAR 


MAll 


5fi» 


forcés  ir;ivini(.'r  qiH!  ,  dAs  les  t 'lups  a(iostij- 
liques ,  lu  mariayt  des  chrétiens  sf>  taisait 
par-devant  les  ministres  de  l'Eglise.  Cela  est 
prouvé  par  la  lettre  de  saint  l^qiace  h  saint 
Polycarpe,  où  il  est  dit,  n.  5  :  «  Il  eonvionl 
(jue  les  époux  se  marient  selon  l'avis  de  l'é- 
véque,  alln  que  leur  mariage  soit  selon  le 
Seigneur,  et  non  un  etï  l  des  passions.  Que 
tout  se  lasse  pour  la  jj,loire  de  Dieu.  »  Mais 
s'il  n'avait  été  besoin  (jue  de  la  présence  et 
des  conseils  de  l'évoque,  ils  n'auraient  pas 
été  moins  nécessaires  pour  l.s  liançailles, 
qui  sont  un  engagement  au  mariage;  cepen- 
dant il  sul'llsait  que  les  tiançailles  fussent 
faites  en  présence  île  témoins.  D'ailleui's  Ter- 
tullien,  qui  a  vécu  dans  le  siècle  suivant,  dit 
(luo  le  mariage  est  cuiisavre  par  la  héné- 
(liclion.  Déjà,  du  lenips  de  saint  Ignace,  il  y 
avait  des  hérélique.-;  qui  blâmaient  le  mariage, 
et  qui  regardaient  comme  un  crime  la  pro- 
création des  enfants;  nous  le  verrons  ci- 
apiès;  l'Eglise  ne  pouvait  mieux  condamner 
leur  erreur  (ju'en  liénissant  solennellement 
les  époux;  celte  bénédiction  est  donc  incon- 
teslablement  des  temps  apostoliques  :  jamais 
l'Eglise  ne  l'a  regardi'e  comme  une  simple 
cérémonie  qui  ne  produisait  aucun  etfet. 

0°  Depuis  que  les  protestants  ont  retranché 
le  mariage  du  nombre  des  sacrements,  on  a 
vu  les  suites  pernicieuses  de  kuu'  erreur.  Ils 
ont  soutenu,  comme  les  hérétiques  orien- 
taux ,  que  le  mariage  est  dissoluble  pour 
cause  d'adultère.  Luther  et  ses  coopérateurs 
ont  poussé  la  turpitude  jusqu'à  excuser  ce 
crime,  jusqu'à  aulorisor  la  polygamie,  en 
permettant  au  landgrave  do  Hesse  d'avoir 
deux  femmes  à  la  fois.  Hist.  des  Variât., 
liv.  VI,  chap.  1  et  suiv.  ;  4.°  Avert.  aux  Pro- 
test., etc.  C'est  au  contraire  la  fermeté  de 
l'Eglise  romaine  à  conserver  l'ancienne 
croyance,  qui  a  fait  réformer  chez  les  na- 
tions catholiques  l'imperfection  des  lois  ro- 
maines, et  cjui  a  fait  cesser  l'usage  scanda- 
leux du  divorce.  Pour  sentir  l'importance  de 

consequaliu'  ciiiii  eo  qui  vligiiiitateiii  coinplcctiuir, 
coiiseqiiinir  taiiien  aliquaiii,  quippe  quie  leial  fru- 
cliim  ceiitosinmui.  > 

I  Saint  Chrysoslonie  marque  clairement  qu'il  re- 
ganiuit  le  mariage  comme  un  sacrement  dont  on  ne 
(toit  approclier  qu'avec  de  saintes  dispositions,  pour 
iMi  recevoir  la  grâce  dont  les  mariés  ont  besoin  pour 
vivre  dans  une  sainte  union;  ce  qui  le  l'ait  déclamer 
avec  toute  son  éloquence,  dans  rhomélie  56  sur  la 
<<enèse,  contre  les  pompes  profanes  des  noces,  qu'il 
dit  ne  pouvoir  i  trc  en  aucune  manière  excusées  dans 
les  chrétiens  qui,  comiaissanl  la  sainteté  (la  mariage, 
déshonorent  leurs  noces  par  des  infamies  dont  les 
uaiens  auraient  eu  honte. 

<  Saint  Augustin,  dans  le  livre  qu'il  a  écrit  du  Bieti 
du  ilariiige,  contre  l'erreur  de  Jovinien,  semble  n'a- 
voir d'autre  intention  que  de  l'aire  voir  que  Dieu  a 
attache  une  grâce  particulière  au  mariage  des  lideles, 
(pii  leur  procure  plusieurs  grands  avantages,  et  il 
établit  I  indissolubilité  du  mariage,  particulièrement 
sur  la  qualité  du  sacrenient.  Il  enseigne  lu  même 
vériié  dans  le  livre  des  Aoies  et  de  la  Concupiscence, 
au  chap.  17,  où  il  dit,  «  (pie  la  grâce  du  mariage  fait 
([lie  les  personnes  mariées  ne  cherchent  pas  tant  à 
niellre  des  enfants  au  monde  qu'à  les  voir  renaître 
par  le  baptême.  >  A'o/i  ut  proUs  natcalur  Utntum,  ve- 
rum  etiaiH  ut  reimscatur. 


ce  service  rendu  à  la  société  ,  il  faut  compa- 
lei'  les  désordres  et  les  crimes  qni  naissent 
du  wo/vag'^  chez  les  nations  infidèles  ,  avec 
la  police  et  le  bon  ordre  qui  régnent  chez 
les  nations  chrétiennes.  Voy.  VEsprit  des 
usages  et  des  coutumes  des  différents  peuples, 
t.  I,  1.  m,  c.  8  et  suiv. 

On  croit  communément  que  Jésus-Christ 
éleva  le  mariage  à  la  dignité  de  sacrement, 
lorsqu'il  honora  de  sa  présence  les  noces  de 
Cana  ;  c'est  le  sentiment  de  samt  Epipliane, 
Ha-r.  (J7  ;  de  saint  Maxime, //o/h.  1,  in  Epi- 
phan.  ;  de  saint  Augustin,  Tract.  9,  m  Joan,; 
de  saint  Cyrille,  dans  sa  Lettre  à  Nestorius. 
Mais  peu  importe  desavoir  en  (|uel  temiis  il 
l'a  fait ,  dès  que  nous  soiumes  instruits  de 
celte  vérité  par  les  apôtres.  Au  xii"  et  au 
XIII'  siècle,  saint  Thomas ,  saint  Bonuven- 
ture  et  Scot  n'ont  pas  osé  définir  comme  ar- 
ticle de  foi  que  le  mariage  est  un  sacrement; 
Durand  et  quelques  autres  ont  avancé  que 
cela  n'était  [las  de  fui  ;  mais  l'Eglise  a  décidé 
le  contraire  au  concile  de  Trente,  sess.  24-, 
can.  1.  Nous  avons  vu  ci-devant  les  preuves 
sur  lesquelles  elh^  s'est  fondée. 

Quand  on  dit  que  le  mariage  est  un  sacre- 
ment, cela  s'entend  seulement  du  mariage 
célébré  selon  les  lois  et  les  cérémonies  de 
l'Eglise.  Lorsque  deux  personnes  infidèles, 
mariées  dans  le  sein  du  paganisme  ou  de 
l'hérésie,  embrassent  la  religion  chrétienne, 
le  mariage  (|u'elles  ont  contracté  est  valide  ; 
il  subsiste  sans  être  un  sacrement.  Il  ne  l'é- 
tait pas  dans  le  momeni  de  la  célébration  , 
et  on  ne  le  réhabilite  point  lorsque  les  par- 
ties abjurent  l'infidélité.  Qu('l([ues  théolo- 
giens ont  même  douté  si  les  mariages  con- 
tractés par  procureur,  quoique  valides  , 
étaient  des  sacrements  ;  mais  leur  sentiment 
n'est  pas  suivi. 

On  dispute  encore  pour  savoir  quelle  est 
la  matière  et  la  forme  de  ce  sacrement.  Les 
uns  ont  dit  que  les  contractants  eux-mêmes 
sont  la  matière,  et  que  leur  consentement 
mutuel,  exprimé  par  des  paroles  ou  par  des 
signes,  en  est  la  forme.  Selon  d'autres,  le 
don  que  se  font  les  contractants  d'un  droit 
réciproque  sur  leurs  personnes  est  la  ma- 
tière, et  l'acceptation  mutuelle  de  ce  droit 
est  la  forme.  Suivant  ces  deux  sentiments, 
les  contractants  sont  les  ministres  du  sacre- 
ment ;  le  prêtre  n'est  qu'un  témoin  néces- 
saire pour  la  validité  du  contrat.  Un  plus 
grand  nombre  pensent  qu'il  doit  y  avoir  une 
distinction  entre  le  sujet  qui  rei;oit  le  sacre- 
ment et  le  ministre  qui  le  donne,  puisqu'il 
en  est  ainsi  à  l'égard  des  autres  sacrements; 
d'oii  ils  concluent  cjue  les  contractants  ne 
peuvent  être  tout  à  la  fois  les  snjets  et  les 
ministres  du  mariage.  Dans  l'opinion  con- 
traire, disent-ils ,  il  est  difficile  de  vérifier 
l'axiome  reçu,  savoir  que  les  jiaroles  ajou- 
tées au  signe  sensible  font  le  sacrement  : 
Accedit  vcrbum  ad  élément um ,  et  fit  sacra- 
mentum.  Ils  pensent  ilonc  que  la  matièr.'  du 
sacrement  de  mariage  est  le  contrat  que  font 
entre  eux  les  époux  ,  et  que  la  bénédiction 
du  prêtre  en  est  la  forme  ;  conséquemment 
que  c'est  le  prêtre   qui  en  est   lo  ministre, 


563 


MAR 


comme  il  l'est  des  autres  sacrements.  Le 
concile  de  Trente,  continuent  ces  théolo- 
giens, parait  l'avoir  ainsi  entendu,  lorsqu'il 
a  décidé,  sess.  24,  de  Re'form.  matrim.,  c.  1, 
que  le  prêtre,  après  s'être  assuré  du  con 
sentemont  mutuel  des  contractants,  doit  leur 
dire  :  Ego  vos  in  matrimonium  confungo  , 
etc.,  paroles  qui  no  seraient  pas  exactement 
vraies,  si  elles  n'opéraient  pas  ce  qu'elles  si- 
gnifient. Les  parlisans  du  sentiment  con- 
traire sont  forcés  de  tordre  le  sens  de  celte 
formule ,  pour  la  concilier  avec  leur  opi- 
nion. 

Ce  sentiment,  disent-ils  enQn,  paraît  en- 
core le  plus  conforme  à  celui  des  Pères  et 
des  conciles.  Tertullien,  comme  nous  l'avons 
vu,  dit  i|ue  le  mariage  est  consacré  par  la 
bénédiction.  Saint  Ambroise  s'ex|)rime  de 
.  même,  Epist.  19,  ad  VigiL,  n.  7.  Le  con- 
cile de  Carthage,  de  l'an  398,  exige  cette  bé- 
nédiction ;  et  suivanl  le  décret  de  Gratien, 
elle  donne  la  gr/lce.  Voy.  Ménard,  sur  le  Sa- 
cram.  de  saint  Grég.,  p.  412.  On  objecte  à 
ces  théologiens  que  l;i  formule  prononcée  par 
le  prêtre  n'est  pns  absolument  la  même  par- 
tout, que  dans  les  Eglises  orientales  elle  est 
différente.  jMais  la  formule  de  l'absolution  et 
celle  de  l'ordination  ne  sont  pas  non  plus 
absolument  les  mêmes  que  dans  l'Eglise  ro- 
maine ;  il  suffit  qu'elle  soit  équivalente  pour 
que  le  sacrement  soit  valide. 

Le  concile  de  Trente  a  réglé  encore  le  de- 
gré de  publicité  et  de  solennité  que  doit  avoir 
le  mariage,  en  exigeant  qu'il  fût  précédé  par 
la  pubhcation  des  bans,  célébré  par  le  curé, 
en  présence  de  deux  ou  trois  témoins,  et  en 
déclarant  absolument  nuls  les  mariages  clan- 
•  destins.  Plusieurs  souverains  avaient  fait 
demander  au  concile  celle  réforme  par  leurs 
ambassadeurs.  Quant  aux  cérémonies  qui 
doivent  accompagner  le  mariage,  elles  sont 
prescrites  dans  les  rituels,  et  il  est  peu  de 
personnes  qui  ne  les  connaissent  pour  en 
avoir  été  témoins.  Un  contrat  qui,  pour  toute 
la  vie,  doit  décider  du  sort  des  époux,  des 
droits  et  de  l'état  des  enfants,  de  la  tranquil- 
lité des  familles,  ne  pi'ut  être  trop  |jublic  ; 
aucune  des  précautions  que  l'on  [trend  pour 
en  constater  l'authenticité  ne  doit  paraître 
indifférente. 

IJ.  Des  empêchements  du  mariage.  Tout  con- 
trat, pour  être  Valide,  exige  certaines  condi- 
tions, et  il  y  a  des  personnes  qui,  par  étal, 
sont  inhabiles  à  contracter.  Un  contrat  inva- 
liile  et  nul  ne  peut  être  la  matière  d'un  sa- 
crement, puisqu'il  n'existe  pas.  Il  peut  donc 
y  avoir  des  empêchements  qui  rendent  le 
sacrement  nul,  par  la  nullité  de  la  matière 
ou  du  Contrat  ;  d'autres  qui  le  rendent  seu- 
lement illégitime  sans  le  rendre  nul.  Los 
premiers  sont  nommés  empêchements  diri- 
mants ,  les  autres  sont  seulement  pro- 
hibitifs. 

Oncomptequinzeempêclioraentsdirimants, 
Ou  qui  rendent  le  mariage  nul  ;  ils  sont  ren- 
fermés dans  les  vers  suivants  : 

Errnr,  condilio,  Voliim,  cognallo,  crimen, 

Culiu's  disparitas,  vis,  onio,  ligameii,  lioiicstas 


MAR 

Aii.ens,  ariiiii<i,  si  cbndestinus  etimpos, 
Si  raulier  sil  lapla,  loco  iric  reddila  tuio  (1) 


■^61 


1"  L'erreur  a  heu  lorsque  l'un  des  contrac- 
tants croyant  épouser  telle  personne,  en  a 
pris  une  autre  qui  lui  a  clé  subsistuée  ;  alors, 
à  proprement  parler,  il  n'a  pas  consenti  à  ce 
mariaiie.  2°  Si,  croyant  épouser  une  personne 
libre,  il  avait  pris  une  esclave,  ce  serait 
l'empêchement  nommé  conditio  ;  cette  erreur 
esl  tro])  importante  pour  que  l'on  puisse  pré- 
sumer dans  ce  cas  le  consintcmentile  laiicr- 
sonne  trompée.  3°  Foifoncst  le  vœu  solennel  do 
chasteléou(!e  religion. h'Cognatio  estli  parenté 
ou  la  consanguinité  dans  b'S  degrés  prohibés. 
Chez  toutes  les  nations  i  olicées,  l'on  a  jugé 
que  le  mariage  était  destiné  à  unir  ensemble 
les  dilférentes  familles  ;  conséquemment  (]u'il 
ne  fahait  pas  permettre  aux  proches  parents 
de  s'épouser.  5°  Crimen  est  l'adultère,  joint 
à  la  promesse  d'épouser  la  personne  avec 
laquelle  on  a  péché  ;  et  Vhomicide,  lorsque 
l'un  des  deux  complices,  ou  tous  les  deux  , 
ont  attenté  à  la  vie  de  l'époux  ou  de  l'épouse 
auxquels  ils  sont  unis.  6°  CuUus  disparitas 
signifie  que  le  mariage  d'une  personne  chré- 
tienne avec  un  inhdcle  est  nul  ;  il  n'en  est 
pas  de  même  du  mariage  d'une  jiersonne  ca- 
tholique avec  un  hérétique,  quoique  celui-ci 
soit  encore  défendu  par  les  lois  de  l'Eglise. 
7°  Vis  esl  la  violence,  ou  la  crain'o  qui  6(o 
la  liberté  :  quiconque  n'est  pas  Ubre  n'est 
point  censé  consentir  ni  contracter.  8°  Ordo 
esl  un  des  ordres  sacrés  auxquels  la  conti- 
nence est  attachée,  dans  les  sectes  même 
orientales,  où  l'on  a  conservé  l'usage  d'éle- 
ver aux  ordres  sacrés  des  hommes  mariés,  il 
n'y  a  point  d'exeaiple  d'évêque,  de  prêtres 
ni  de  diacres,  auxquels  on  ait  permis  de  se 
marier  après  leur  ordination.  9°  Ligamen  est 
un  mariage  précédent  et  encore  subsistant  ; 
c'est  l'interdiction  de  la  pdygaraie.  10°  Ho- 
nestas,  l'honnêteté  publique,  est  une  allianc'e 
qui  se  contracte  par  des  fiançailles  valides,  et 
par  le  marïag'e  ratifié  et  non  consommé.  11° 
Amens  désigne  la  folie  ou  l'imbécillité  ;  il  faut 
y  ajouter  l'enfance  ou  l'ilge  trop  peu  avancé 
de  l'un  des  contractants  ;  la  personne  qui  se 
trouve  dans  l'un  ou  l'autre  de  ces  cas  est  in- 
capable de  disposer  d'elle-même.  \1°  Affinitas 
est  la  parenté  d'alliance  dans  un  des  degrés 
prohibés  ;  cet  empêchement  a  été  élahli  par 
la  même  raison  que  celui  de  consanguinité. 
13"  La  clandestinité  a  lieu  lorsque  le  mariage 
n'est  pas  célébré  par-devant  le  curé  et  en 
pfésence  de  témoins  :  nous  avons  déjà  re- 
marqué que  cet  empêchement  a  été  établi 
par  le  concile  de  Trente,  h  la  réquisition  des 
souverains,  ik"  Jmpos  désigne  l'impuissahce 
alisolue  ou  relative  de  l'un  des  deux  contrac- 
tants ;  elle  annulle  le  mariage,  parce  (jue  l'ob- 
jet direct  de  ce  contrat  esl  la  procréation  des 
enfants.  15"  Enfin  le  rapt  est  censé  ôter  à 
une  tille  la  liberté  de  disposer  d'elle-même  ; 
on  sait  que  parmi  nous  ce  crime  esl  puni 
de  mort. 

La  multitude  même  de  ces  empêchements 

(I)  Nous  avons  traité  longuenienl  do  rii.icun  de  ces 
empcchonieiils  dans  notre  Dici.  de  Th.ol.  nioial. 


565 


MâR 


MAR 


566 


dc'iuoiiti't'    le   ^oill  avec  leiniel  rKglisc  (>t  los 
sfluvcr.iins  «ni   veilU'  de  concert  h  prévenir 
tous  les  désordres  qui  pouvaient   se  glisser 
dans  le  mariaf/e,  en  blesser  la  sainteté  et  en 
tro»l)ler  le   bonheur.  Ceux  ([ui  jutçent  que 
l'on  a  trop  g^^né  la  liberté  sur  ce  |ioint,   rai- 
sonnent fort  mal  ;  on  n'a  lAéné  f(ue  le  liberti- 
na,:i;e.  Les  empêchements  prohibitifs  sont  la 
défense  de  procéder  à  la   célébration   d'un 
mariage,  faite  par  le  juj^e  d'Eglise,    le    vœu 
simjile  de  chasteté,  la  défense  dcrRglise(}ui 
inteidit  le  (/u/r/r/^^c  depuis  le  premier  diman- 
che de  l'Avent  jusqu'aux  Kois,  et  depuis    le 
mercredi  des  Cendres  jusqu'à    Qiiasimodo  : 
les  tiançadles  faites  avec  une   personne,  les- 
(juelles  emp<^cheiit  qu'on  ne  puisse  se  marier 
avec  une  autre,  à  moins  qu'elles  n'aient  été 
dihnent  résolues.  H  y  en  avait  autrefois  un 
plus  grand  nombre,  mais  ils  ont  cessé   par 
l'usage,  ef   l'Eglise  dispense  des  autres  tou- 
tes   les   fois  qu'il   y  a  des  raisons  pour  le 
faire. 

L'Eglise  a-t-elle  le  pouvoir  d'établir    des 
empêchements  dirimants  du  marmjo  (l)?Le 
concile  de  Trente  l'a  décidé    formellement , 
SPSS.  2.V,  can.  i  :  Si  quia  dircrit  EccUsiam  non 
putuisse  eonstilucrc  impcdimoila  malrimoniian 
rlirimentia   vel  iniis    conslitiicndia    crni^sn  ; 
unalhema  sil.  Aucun  des  souverains  catholi- 
iiues  n'a  réclamé   contre  cette  décision  (2). 
Ils  avaient  cependant  tous  des  ambassadeiu's 
au  concile  et  des  jurisconsultes    envoyés  de 
leur  paît.  Il  est  ceriain  d'ailleurs    que,    dés 
son  origine  et  sous   les    empereurs    païens, 
riiglise  a  déclai-é  nuls  les  mariages  contrac- 
tés entre  les  chrétiens  et  les  infidèles.   El'e 
s'est  fondée  sur  les  paroles  de  saint  l'atd  (  / 
Cor.  c.  vil,  v.  39,  et  JJ  Cor.   c.  vi,   v.  IV  )   : 
Ne  Vous  mariez  pas  â  drsinlidêlcs,  etc.  Tertul- 
lien,  saint  (',y[irien,  saint  .lérôrae,  saint  Am- 
broise  et  u'autrcs  Pères  l'ont  remai'qué  ;  les 
empereurs  devenus  chrétiens  conlirnient  cette 
discipline  iiar  leurs  lois.  11  en  fut  de  même 
de  l'interdiction  du  mariageh  ceux  qui  avaient 
reçu  les  ordres  sacrés,  etc.  L'an  3(50,  le  con- 
cile de  Laodicée  défendit  aux  parents  chré- 
tiens de  donner  leurs  lilles  en  mariage,  non- 
seulement  (i  des  juifs  et  à  des  païens,  mais 
à  des  liérétii[iies;  celte  défense  fut  rerioiive- 
léc  par  [ilusieurs  autres  conciles,  et  nous  ne 
voyons  pas  {ju'elle  ait  élé  alirogé  '  parles  lois 
des  empereurs.  Bingliam,  Orig.  ceci.,  I.xxii, 
c.  2  (3). 

Quelques  tliéologiens  ont  prétendu  que 
l'Eglise  seule  jouit  de  ce  droit,  à  l'exclusion 
des  souvi'iains  ;  mais  leurs  preuves  ne  sont 
pas  solides.  Us  ont  dit,  1"  ijuc  le  mariage 
étant  un  sacrenient  et  un  contrat  qui  a  des 
ctfets  spirituels,  il  ne  doit  dépendre  que  de 
la  puissance  ecclésiastique.  2"  Que  connue 
.es  lois  qui  regardent  ce  sacrement  intéres- 

(i)  Voye^  noire  Dicl.  de  Théol.  nior.,  art.   EviièÊ- 

CUF.ME.NTS. 

(2)  Le  pouvoir  de  l'Eglise  ne  dépend  nullement  d  i 
pouvoir  des  prince». 

(•5)  Disons  la  plupart.  Nous  l'avons  montré  dans 
noire  Dicl.  de  Théol.  iiiiirali-.  Nous  y  avons  aussi  ex- 
posé la  nature  du  pouvnir  <lcs  puissances  icniporelles 
sur  le  mariage.  \oij.  EsirÊcuEsiE.NT. 


sent  toutes  les  nations  callu)li(|ues,  elles  ne 
doivent  pas  être  sujettes  h  (a.'lles  d'aucun 
souverain  particulier.  3°  Que  (piandles  prin- 
Cf  s  auraient  eu  autrefois  lo  droit  d'établir  des 
empéchemenis  dirimants,  ils  sont  censés  y 
avoir  renoncé,  puisque  l'Eglise  s'est  mainte- 
nue dans  la  possession  de  l'exercer  seule. 
V'  Qu'en  IG35,  Louis  XIIl  s'(-n  rapporta  à  la 
décision  du  clergé,  pour  décider  do  la  validité 
liu  mariage  de  son  frère  (înston  d'Orléans, 
coniracté  contre  les  lois  du  royaume. 

.Mais  le  très-grand  nombre  des  théologiens 
se  sont  réunis  aux  jurisconsultes,  pour  sou- 
tenir que  les  souverains  ont  aussi  bien    que 
rivj,li.se  le  droit  et   le   pouvoir    d'établir  des 
empèrhements  dirimauisdu  mariage.  Ils  ont 
réptnidu  aux    raisons  de   leurs  adversaires 
1°  que   le  mariage  n'est  pas  seulement   uu 
sarrenient,   mais   un    contrat   qui  intéresse 
l'ordre   pul)lie  ;  qu'il  a  non-seulement  des 
eiïets  spirituels,  mais  des  effets  civils  ;  que 
les  princes  ont  dmic  un   intérêt  essentiel, 
et  par   conséquent   un   droit  incontestable 
d'y    veiller  et  de   le   régler  par   leurs  lois. 
—  2°  Que   la  matière   du  sacrement    éiant 
non    un  contrat  quelconque,  mais  un  con- 
trat valide,  il  ne   peut  point  y  avoir  de  sa- 
crement où  il  n'y  a  ([u'un  contrat  nul.  En 
statuant  sur  1 1  validité  ou  la  nullité  du  con- 
trat, 'e  iirincc  ne  touche  \)as  plus  au  sacre- 
ment de  mariage  (jue  ne  toucherait  à  celui 
de  b  iptème  une  personne  qui  corromprait  de 
l'eau  dont  on  aurait  pu  se  servir,  si  elle  eut 
élé  dans  son  étal  naturel.  —  3"  Quoique   le< 
lois  ecclésiastiques  regardent  toute  l'Eglise, 
elles  n'otenl  à  aucun  souverain  l'auloi  ité  qu'il 
a  de  droit  naturel  de  faire  des  lois  pour  le 
l);en  temporel  de  ses  sujets,  et  l'on  ne    (leut 
pas  piouver  que  les  souverains  y  aient  ja- 
mais renoncé.  Saint  Ambroise  pria  Tliéodose 
de  défendre,  sous  peine  de  nullité,  le  mariage 
enlre  cousins  germains;  ce  prince  établit  de 
mémo  l'empêchement  iraflinité    spirituelle. 
Quand  donc  les  souverains  n'auraient  plus 
exercé  ce  pouvoir  depuis  que  le  christianisme 
est  répandu  chez  dilféi  eûtes  nations,  ils  n'ont 
pu  se  dépouiller  du  fond  même  de  ce   droit, 
qui   est  inaliénable.  —  4"  Louis  XIII  con- 
sulta le  clergé  comme  capable  d«'lui  donner 
des  lumières  sur  la  validité  ou  l'invalidité  du 
mariage  de  son  frère,  mais  non   couunc  ar- 
bitre ou  juge  du  droit  de  la   couronne.    Tel 
a  été  de  tout  temps  le  sentiment  des  écoles 
de  théologie  et  de  droit,  comme  l'ont  prouvé 
Launoi,  tiaiis  son  I.vre  do  regia  in  Matrimo- 
niuml'otcstate:  Boileau  dans  sou  Traité   des 
eiiqjà-hcmcnls  du  Mariage,  etc. 

On  peut  ajouter  (|ue,  selon  les  historiens 
du  concile  de  Trente,  le  canon  i°  delà  -IV 
session  avait  été  rédigé  de  manière  qu'il  at- 
tribuait à  l'Eglise  seule  le  pouvoir  d'établirdes  , 
empêchements  dirimants  (i);  mais  un  des 
évêques  ayant  représenté  que  celle  décision 
attaquait  le  droit  de  tous  les  princes,  le  mol 
seule  fut  retranché.  De  leur  côté,  les  princes 

(1)  C'est  donc  un  fait  acquis  que  tous  les  Pères  de 
Treille  crov aient  que  l'Eglise  seule  a  le  pouvoir 
d'apposer  dijs  enipécliemeiits   dirimants  au  luariaise. 


56T 


MÂK 


MAR 


ses 


demandèrent  par  leurs  ambassadeurs  que  la 
clandestinité  et  le  ra|it  fussent  mis  au  nom- 
bre des  empêchements  diriraants,  ce  qui  fut 
fait;  et  aucun  souverain  catholique  n'a  jamais 
contesté  ii  l'EgJise  le  pouvoir  de  disiienser 
de  (ous  les  empêchements  qui  sont  suscfp- 
tihles  de  dispense.  Par  ces  faits  incontesta- 
bles, on  peut  juger  de  la  capacité  et  de  la  sa- 
gesse d'un  critique  moderne,  qui,  en  disser- 
tant sur  les  inconvénients  du  célibat  des  prê- 
tres, décide  qu'il  n'appartient  qu'à  lapuissance 
séculière  d'opjioser  dos  em|)êcliements  au 
mariage  ;  mais  que  les  ecclésiastiques  comptent 
pour  rienle  contrat,  sous  prétexte  qu'il  en  ont 
fait  un  sacrement.  C'est  Jésus-Christ  lui-même 
qui  a  daigné  élever  ce  contrat  à  la  dignité  de 
sacrement,  et  les  ecclésiastiques  ont  toujours 
regardé  le  contrat  comme  si  essentiel,  que, 
sans  un  contrat  valide,  il  ne  peut  point  y  avoir 
de  sacrement. 

Par  l'heureux  concert  qui  a  régné  entre  la 
puissance  séculière  et  l'autorité  ecclésiasti- 
que, les  abus  qui  s'étaient  introduits  dans  le 
mariage  pendant  les  siècles  barbares  ont  été 
enfin  retranchés, Ceux  qui  cherchent  à  mettre 
aux  prises  ces  deux  puissances  également 
nécessaires  et  respectables,  n'ont  jamais  eu 
des  intentions  pures.  Ils  ont  absolument  blâmé 
le  recours  des  princes  au  siège  de  Rome  dans 
les  causes  de  mariage;  ils  ont  dit  que  les 
droits  prétendus  de  ce  siège  étaient  une 
usurpation  des  papes,  une  suite  de  la  souve- 
raineté universelle  qu'ils  s'étaient  attribuée. 
Ces  censeurs  auraient  été  moins  téméraires 
s'ils  avaient  été  mieux  instruits.  Dans  les 
temps  de  désorilre  et  d'anarchie  qui  ont  si 
longtemps  affligé  l'Europe,  des  souverains 
ignorants,  voluiitueux  et  déréglés,  se  jouaient 
impunément  du  mariage;  les  divorces  étaient 
très-communs,  les  grands  seigneurs  répu- 
diaient leurs  femmes  et  en  virenaient  d'autres, 
dès  que  leur  intérêt  semblait  l'exiger,  et 
les  évêques  n'avaient  plus  assez  d'autorité 
pour  empêcher  ce  scandale.  C'est  donc  un 
bonheur  qu'au  milieu  d'une  licence  générale 
on  ait  consenti  à  reconnaître  dans  l'Eglise 
un  tribunal  jikis  éclairé,  plus  libre,  jilus  im- 
posant que  tous  ceux  qui  étaient  pour  lors. 
Qu'imjjorte  de  savoir  si  le  pouvoir  exercé 
par  les  papes  était  un  apanage  essentiel  do 
leur  siège,  ou  une  concession  lil>re  des  évê- 
ques, ou  un  effet  de  la  nécessité  des  circon- 
stances, ou  venait  de  toutes  ces  causes  réu- 
nies, dès  (ju'il  est  certain  que  ce  pouvoir  a 
fait  beaucoup  de  bien  et  a  prévenu  beaucoup 
de  mal  ? 

Pour  savoir  (juels  sont  les  empêchements 
dont  k-s  évêques  peuvent  dispenser,  et  ceux 
pourlesquelsilfaut  recourir  au  saint-siége,  et 
quelles  sont  les  causes  légitimes  de  dispense, 
comme  c'est  une  alfaire  de  discipline  et  d'u- 
sage, on  doit  consulter  les  canonistes. 

De  l'indissolubilité  du  mariage.  Dès  que  le 
mariage  des  chrétiens  a  été  vaiidement  con- 
tracté ,  est-il  absolument  indissoluble  dans 
tous  les  cas  ?  Jésus-Christ  l'a  ainsi  décidé 
(  Matth.  cap.  xix,  v.  C  ).  Que  l'homme  dit-il, 
ne  sépare  point  ce  que  Dieu  a  uni. 

Pour  lui  tendre  un  piège,  les  pharisiens 


étaient  venus  lui  demander  s'il  était  permis 
à  lin  iioinme  de  renvoyer  son  é|iouse   et  de 
faire  divorce  avec  elle,    jiour  quelque  cause 
que  ce  fût;  Jésus  leur  répondit    :  «    N'avez 
vou.'i  pas  lu  qu'au  commencement  le   Créateur 
n'a  formé  qu'un  homme  et  qu'âme    femme,     et 
qu'il  a  dit  :  L'homme  quiltcra  son  père   et  sa 
mère  pour  s'attacher  à  son  épouse,  et   ils    se- 
ront deux  dans  une  seule  chair  ?  Ce  ne    sont 
donc  plus  deux  chairs,  mai»  une    seule.    Que 
l'homme  ne  sépare  point  ce  que  Dieu    a    uni 
Pourquoi  donc,  répliquèrent    les   pharisiens 
Moïse  a-t-il  commandé    de  donner  aux  femme 
un  billet  de  divorce  et  de  les  renvoyer?  Il  V 
fait,  répondit  Jésus,  à    cause    de    la     duret 
de    votre    cœur  ;    mais    il    n'en    était     pu 
ainsi     au     commencement.    Pour    moi ,    je 
vous  dis  que  quiconque  renvoie  sa  femme,    si 
ce  n'est  jiour  cause   de    fornication,    et    en 
épouse  une  autre,  commet  un  adultère;  et  qui- 
conque en  prend  une  ainsi  renvoyée,    commet 
le  même  crime. 

Par  la  restriction  que  met  ici  le  Sauveur, 
a-t-il  déi  idé  qu'il  est  jiermis  de  faire  divorce 
avec  une  épouse,  du  moins  pour  cause  de 
fornication  ou  d'adullère,  et  d'en  éi  ouser 
une  autre,  comme  le  prétendent  les  protes- 
tants ?  Nous  soutenons  la  négative.  Voici  nos 
preuves  : 

1"  il  est  évident  que  la  réponse  de  Jésus- 
Christ  est  relative  à  la  question  des  phari- 
siens :  or,  les  pharisiens  argumentaient  sur 
la  loi  de  Moïse  ;  il  était  question  de  savoir  si 
Moïse  avait  permis  de  renvoyer  une  épouse 
pour  quelque  cause  que  ce  îCil,  comme  l'en- 
tendaient alors  les  Juifs.  Jésus-Christ  décide 
que,  selon  la  lettre  même  de  la  loi,  il  n'était 
permis  de  la  renvoyer  que  pour  cause  de 
fornication  ou  dinfidélité,  et  qu'encore  cette 
permission  n'avait  été  accorviée  aux  Juifs 
qu'à  cause  de  la  dureté  de  leur  cœur.  En 
effet,  la  loi  était  formelle  {Deut.  xxiv,  1).  Si 
quelqu'un,  dit  lloïse.  o  pris  une  femme  et  a 
vécu  avec  elle,  et  qu'elle  n'ait  pas  trouvé  grâce 
à  ses  yeux,  à  causi'  de  quelque  turpitude,  il 
lui  donnera  w/i  billet  de  divorce  et  la  renverra. 
Les  Juifs,  abu.sant  de  cette  loi,  prétendaient 
qu'il  leur  était  permis  de  renvoyer  une 
femme,  non-seulement  pour  la  cause  expri- 
mée dans  la  loi  ,  mais  dès  que  cette  femme 
leur  déplaisait,  pour  quelque  cause  que  ce  fût. 
Malachie,  c.  u,  v.  14-,  leur  reprochait  déjà 
cette  prévarication.  Jésus-Christ  réfute  la 
fausse  interprétation  des  Juifs;  il  décide  que 
la  permission  du  divorce  n'a  lieu  que  dans 
le  cas  de  l'intidélité  d'une  épouse.  Il  l'avait 
déjà  ainsi  expliqué  dans  son  sermon  sur  la 
montagne  (Matth.  v,  31),  et  avait  montré  ie 
vrai  sens  de  la  loi  de  Moïse.  Mais  relative- 
ment à  la  loi  primitive,  portée  dès  le  com- 
mencement du  monde,  c'est  autre  chose; 
Jésus-Christ  fait  sentir  toute  l'énergie  des 
paroles  du  Créateur;  il  fait  remarquer  qu'a- 
vant la  loi  de  Moïse,  il  n'y  avait  point  de 
permission  de  faire  divorce,  et  nous  n'en 
voyons  en  effet  aucun  exemple;  d'oii  il  con- 
clut absolument  qu'il  ne  faut  point  séparer 
ce  que  Dieu  a  uni. 

2"  Le  vrai  sens  des  paroles  du  Sauveur  sa 


569  MAR 

tire  encore  du  récit  de  deux  autres  év.ingé- 
listes  {Marc,  x,  10,,  et  Luc,  \\i,  IS).  11  csl  dit 
que  sps  disciples,  étonnes  de  la  sévériié  df 
sa  décision,  l'interrogèrent  de  nouveau  en 
particulier  sur  ce  mêiuo  sujet; qu'alors  .lésus- 
Clirist  (Jécida  sans  restriction  :  QuicoïK/nr 
renvoie  sa  femmo  et  en  épouse  une  nuire,  est 
adultère;  et  toute  femme  qui  (/uilte  son  mari 
et  en  prend  un  nutre,  est  adultère.  Alors  il 
u'étuit  plus  question  de  la  loi  de  Moïse,  mais 
de  la  loi  nalurellc  et  primitive.  Si  les  disci- 
ples ne  l'avaient  pas  ainsi  entendu  ,  s'ils 
avaient  i)ensé  que  leur  maitre  laissait , 
comme  Mnise,  la  liberté  de  faire  divorcepour 
cause  d'adulière,  nous  ne  voyons  pas  d'où 
auraient  pu  venir  leur  étonnement  et  la  conclu- 
sion qu'ils  tirèrent  de  \h  :  «  S'il  en  e>l  ainsi, 
dirent  ils,  de  la  coudilion  d'un  mari  à  ré,:;ard 
de  sa  femme,  il  vaut  mieux  ne  pas  se  marier 
(Mattlt.  XIX,  10).  » 

3"  ("e  même  sens  est  celui  que  les  |)lus 
anciens  Pères  de  l'Eglise  ont  doiuiéaux  pa- 
roles de  Jésus-Cluist;  Ht'rnias,  tl;n\<  le  Pas- 
teur, livre  II,  manil.  i  ;  Terlidlien,  ileDIono- 
gain.,c.  0  et  10;  saint  Basile,  ad  Atnphilovh., 
can.  !)  et  'iH;  >a'iit  Jérôme,  sur  le  cliapitie 
XIX  de  saint  .Madhieu  et  ailleurs  ;  saint  Au- 
gustin, dans  ses  deux  livres  deAdult.  conju- 
(jiis,  et  dans  d'autres  ouvrages;  le  pape  In- 
nocent III,  dans  sa  3'  lettre  à  Exupère,  c.  6, 
etc.  —  Origène.  sur  saint  Matthieu,  t.  IV, 
n.  23,  semble  penser  de  même,  mais  il  ex- 
cuse les  évèques  qui,  pour  éviter  do  plus 
grands  malheurs,  ont  quelquefois  permis  le 
divorce  et  un  second  mariage. 

Le  deuxième  concile  de  Milève,  l'an  416, 
can.  17;  celui  de  Nantes,  l'an  660,  can.  12; 
celui  de  Soissoiis,  l'an  Ikh,  can.  9;  celui  de 
Paris,  l'an  GVi,  can.  46,  et  plusieurs  autres, 
ont  réglé  la  discipline  sur  la  même  exiilica- 
tion  des  paroles  de  l'Evangile.  C'est  donc 
une  tradition  con.-tante,  et  c'est  avec  raison 
que  le  concile  de  Treute,  sess.  ik,  can.  7,  a 
condamné  ceux  (pu  la  rejettent  connue  une 
erreur  (1).  Ces  autorités  nous  paraissent  plus 
respectables  que  celles  des  pri'tendus  rél'or 
mateurs  et  de  tous  les  dissertateurs  qui  les 
ont  copiés. 

4°  Cette  doctrine  est  exactement  conforme 

(I)  'Voici  les  expressions  des  Pères  du  concile  : 
I  l.e  pren\ifi|)(Me  du  genre  luiiiuiiii  a  priMioiicé,  par 
l'iiispiraliou  de  l'Espril  suint,  ipio  le  lien  du  iiutriiuie 
est  perpétuel  el  iiidissiilnhle,  lors(pril  ;i  dit  :  Vel  os 
etl  miiiiiteiiiint  l'os  rfi'  mes  js,  etc.  I>e  Seii^nenr  :i  l'ait 
conii;n'li-e  la  fennelé  de  te  lien,  lors(piil  a  dit  :  Que 
ce  que  Dicit  h  uni  Vitoimne  ne  le  sepan'  piiint.  »  Le 
ciiKpiiènie  canon  porte  :  <  Si  ipielipi'un  dit  (pi'à 
cause  de  l'Iiëii'sie  ou  d'une  liahitalioii  l'àelieu^e,  on  à 
cause  de  r.ibsence  aU'eetée  d'un  des  époux,  le  lien 
(lu  maria, e  peul  être  dissous,  ipi'il  soit  anatliènn'.  » 
Va  le  septième  :  <  Si  ipielipi'un  dit  (pie  1  Kglise  se 
trompe  lorsipi'elle  a  enseigné  et  ipi'elle  enseigrie,  se- 
lon la  doctrine  évangélii)ue  elapostoliipie,  (|u'a  cause 
de  l'adultire  de  l'ini  de«  époux,  le  lien  du  mauiije 
ne  peut  pas  cire  dissous,  et  que  ni  l'un  ni  l'autre, 
niciiie  l'époux  non  coupable  ipii  n'a  point  doinié  cause 
àl'adidlère,  ne  peut,  l'autre  époux  vivant,  contracter 
un  autre  mariutje,  et  que  cclui-ia  (pii,  ayant  iec:voyé 
la  leiniue  adultère,  eu  épouse  une  antre,  ou  que  celle 
qui,  ayant  renvoyé  le  iiiaii  adiùli-ie,  en  épouse  un 
uuire,  est  adultère  ;  qu'il  soit  anathème.  > 


MAR 


570 


il  celle  de  saint  Paul.  Rom.,  c.  vu,  v.  2,  l'A  • 
pi'itrc  (lit  ([ii'une  femme  demeure  sons  le 
joug  (ic  la  loi  tant  tpte  son  époux  est  vivant, 
de  manière  qu'elle  devient  adultère  si  elle 
vit  avec  un  autre  liouime  ;  il  n'excepte  pas  le 
cas  du  divorce.  /  Cor.,  c.  vu,  v.  10,  il  dit, 
d'a|)rès  Jésits-Christ ,  que  si  une  feranie 
quitte  son  mari,  elle  doit  demeurer  dans  le 
célibat  ou  se  réconcilier  avec  son  mari,  et 
que  celui-ci  ne  doit  point  renvoyer  sa 
femme;  v.  49,  qu'une  feiume  ne  peut  se  re- 
marier qu'après  la  mort  de  son  premier  mari. 
Les  Pères  ont  encore  remarqué  qu'il  n'y  a 
point  là  de  restriction.  Ephcs.  c.  v,  v.  23, 
saint  Paul  compare  le  mariage  des  chrétiens 
à  runioti  que  Jésus-Christ  a  contractée  avec 
sou  Eglise,  union  éternelle  et  indissoluble 
s'il  en  fut  jamais  (1). 

il  faut  observer  cependant  que,  comme  les 
lois  des  empereurs  perinettaniit  le  divorce 
pour  cause  d'adultère,  il  n'a  pas  été  possilde 
aux  pasteurs  de  l'Eglise  de  retrancher  d'a- 
bord cet  abus;  on  a  été  forcé  de  le  siippoi'ter 
|iendanl  les  premiers  siècles.  On  peut  citer 
quelques  Pèr 'S  qui  n'ont  pas  osé  leconiiam- 
iier  absolument,  soit  par  la  crainte  de  blesser 
le  gouvernement,  suit  parce  que  les  paroles 
de  Jésus-Christ  leurontparu  susceptibles  du 
sens  que  leur  donnent  les  prolestants.  C'est 
pour  cela  que  les  Grecs  et  lesArméinensont 
persisté  à  croire  que  le  mariage  estdisso:u- 
ble  pour  caus  •  d'adultère.  Mais  le  senliment 
le  plus  généralement  suivi  a  toujours  été  tpie 
l'atiultère  de  l'un  des  conjoints  ne  dissout 
point  le  lien  qui  les  unit;  que  c'est  une  cause 
légitime  de  se[iaration,  mais  non  de  rupture 
absolue,  ni  de  permission  d'épouser  une 
autre  personne.  11  ne  convcna't  guère  à  des 
hommes  ijui se  donnaient  \)ouv  réformateurs, 
de  donner  atteinte  à  une  discipline  univer- 
selle aussi  respectal)le. 

5"  On  connaît  les  suites  de  la  licence  qu'ils 
ont  introduite.  Lorsqu'une  femme  se  trouve 
malheureuse,  le  désir  d'être  répudiée  est  |)our 
elle  une  tentation  de  tomber  dans  l'adultère. 
Ce  danger  est  prouvé  par  une  expérience  in- 
contestable. (Jn  évêqued'Angletene  a  re|U'é- 
senté  au  parlement  que  la  facilité  d'obtenir 
le  divorce  a  multiplié  les  adultères  dans  ce 
royaume,  et  les  principaux  pairs  sont  conve- 
nus du  lait.  Voyez  le  Courrier  de  VEurope, 
1779,  n.27  el  28.  11  en  fut  de  même  à  Home; 
jamais  les  mœurs  des  femmes  n'y  furent  plus 
(l(''lestables  que  quand  l'apiiltdu  divorce  leur 
eut  fourni  un  motif  pour  ne  plus  respecter 
leurs  époux.  TertuUien  leur  reproche  qu'el- 
les ne  se  mariaient  plus  que  [lar  le  désir  et 
l'espérance  de  se  faire  répudier,  ApoL,  c.  6; 
il  ne  faisait  q  e  ré])éter  les  plaintes  de  Sé- 
nèque,  de  Juvénal,  de  Martial,  etc. 

Dès  que  l'on  admet  une  cause  (pielconque 
capable  de  dissoudre  le  mariage,  la  raison 
se  trouvera  la  même  pour  vingt  autres  cavi- 
sessemblables.  Un  crime  déshonorant  commis 
par  l'un  des  époux,  la  stérilité  d'une  femme, 

(1)  Nous  avons  observé  dans  notre  Dict.  de  Théol. 
morale  que  le  mariage  non  consoniuié  peut  être  dé- 
truit par  la  profession  religieuse 


S71  MAR 

une  maladie  hnbiUielle  et  censée  incurable, 
l'incomiiatibilité  des  c;iractères,  une  trop 
longue  absence,  paraîtront  des  causes  aussi 
légitimes  que  l'intidélité  ;  les  argumentations 
par  analogie  ne  Uniront  plus.  Leseul  moyi  ii 
de  réprimer  la  licence  est  de  fermer  toute 
voie  par  laquelle  elle  l'cut  s'introduire.  Cette 
morale  ne  finraît  trop  sévère  que  chez  les 
nations  oh  le  dérèglement  des  mœurs  a 
corrompu  les  mariages. 

6"  Ceux  qui  ont  voulu  plaider  la  cause  du 
divorce  n'ont  envisagé  que    la  satisfaction 
momentanée  des  éfioux,  comme  si  c'était  là 
le  seul  but  do  l'institution   du   mariage;  ils 
n'ont  fait  aucune  attention  k  l'intérêt  perma- 
nent des  conjoints,  ni  à  celui  des  enfants,  ni 
à  celui  de  la  soc;été.  Lorsque  le  divorce  est 
possil)le  pour  quelque  cause  que   ce  soit,  le 
mariage  ne  peut  pas  inspirer  plus  de    con- 
liance,  plus  de  respect  muliiel,  plus  de  sécu- 
rité, plus  d'attachement  solide,  que  le  com- 
merce illégitime  et  passager  des  deux  Si'xes; 
il  est  promptement  suivi  du  dégoût,   il   ne 
laisse  aucune  espérance  ni  aucune  ressource 
pour  la  vieillesse  ni  peur  l'état  d'intirmité. 
Quel  peut  ôtre alors  lesort  des  enfants?  Une 
mère,  incertaine  si   elle    demeurera   long- 
temps avec  K'S  siens,  ne  peut  avoir  pour  eux 
une  tendresse  telle  qu'il  la  faut  pour  sup- 
porter les  peines  de  leur  éducation;  eux- 
mêmes  ne  savent  pas  s'ils  ne  verront  pas 
arriver  biintH  une    marâtre.  Le  renvoi  de 
leur  mère  doit  leur  faire  regarder  leur  père 
avec   horreur.    Alors  le   mariage,   loin    de 
réunir  les  familles,  les  aigrit   et  les  divise; 
loin   d'épurer   les  mœurs,  il    les   dégrade  ; 
est-ce  là  l'intéièt  de  la  société?  Tous    ces 
inconvénients  sont  attestés  par  l'histoire  ro- 
maine. Oi!  se  trompe  encore  quand  on  ima- 
gine que  la  liberté  de  faire  divorce  engage- 
rait les  conjoints  a  se  ménager  ilavantage, 
qu'elle  rendrait  les  mariages  plus  faciles    et 
plus  communs.  Jamais  ils   ne  furent  plus 
rares  à  Rome  que  ijUand  la  licence  des  di- 
vorces y  fut  portée  au  comble.  Tell,  s  sont  les 
réflexions  d'un  philosophe  anglais ,  Hume, 
Essais  morauxetpolitiques,^2-2.Voy.  Divorce. 
Nous  montrerons  ailleurs  que  les   inconvé- 
nients de  la  polygamie  sont  encore  plus  ter- 
ribles. Voy.  Poi'ïGAMiE.  Mais  on  prétend  que 
la  sévérité  de  la  doctrine  de  l'Eglise  sur  ce 
sujet  produit  aussi  des  effets  filcheux;  c'est 
ce  i|ui  nous  reste  à  examiner. 

IV.  Des  conséquences  ou  des  effets  de  la  doc- 
trine de  l'Eglise  touchant  le  mariage. 

Il  n'est  pas  aisé  de  concilier  ensemble  les 
divers  reproches  que  les  protestants  et  les 
incrédules  ont  faits  contre  la  doctrine  des 
Pères,  qui  est  celle  de  l'Eglise.  Ceux  qui 
ont  voulu  rendre  odieux,  le  célibat  ecclésias- 
tique et  religieux,  ont  allégué  les  éloges  que 
les  Pères  ont  faits  de  l'état  du  mariage  ;  d'au- 
tres les  ont  accusés  d'avoir  loué  à  l'excès  la 
virginité,  la  continence,  le  célibat;  d'avoir 
peint  le  mariage  comme  une  imperfection  et 
fa  vie  conjugale  comme  une  impureté  ;  tous 
ont  soiitenu  que  la  sévérité  de  la  discipline 
de  l'Eg'iso  touchant  le  mariage  eu   détourne 


MAR 


sni 


nuit  h  la  population.  Avant  de  discuter  eo 
détail  ces  dilférentes  accusations,  il  est  à  pro- 
pos de  considérer  les  désordres  qui  régnaient 
dans  le  monde  a  la  naissance  du  christia- 
nisme, et  les  divers  ennemis  contre  lesquels 
les  Pères  de  l'Eglise  ont  été  obligés  d'é- 
crire. 

Chez  les  Juifs,  la  licence  du  divorce  était 
portée  à  l'excès  ;  nous  avons  vu  que  Jésus- 
Christ  s'éleva  contre  ce  désordre,  et  [ilusieurs 
des  leçons  de  saint  Paul  paraissent  y  être  re- 
latives. Le   dérèglement    était   encore  plus 
grand  chez  les  païens  ;  le  mariage   n'y  était 
])l us  qu'une  espèce  de  prostitution,  et  le  célibat 
libertin  y  était  très-commun.  Jésus-Christ  re- 
jirocha  à  la  Samaritaine  qu'elle  avait  eu  cinq 
maris.  Juvénal   parle  d'une  femme    qui   en 
avait  eu  huit  en  cinq  ans,  et    saint  Jérôme 
avait  vu  enterrer  à  Rome  une  femme  qui  en 
avait   eu    vingt-doux.  11    était  essentiel   au 
christianisme  de  tonner  contre  tous  ces  dé- 
sordres :  mais  plusieurs  hérétiques,  en  les 
jMoscrivant,  tombèrent  dans  l'excès  opposé. 
Saint  Paul,  /  ï'ùn.,  c.  iv,  v.  3,  avertit  qu'il 
viendrait   des   séducieurs  qui   défendraient 
aux  tidèles  de  se  marier   et  d'user  des   ali- 
ments que  Dieu  a  créés  ;  cette  prédiction  ne 
tarda  pas  de   s'accomplir.    Les   disciples  de 
Simon  le 'dagicien,  Basilide,   Saturnin,  Cer- 
don,  Carpocrate,   les  sectes  de  gnostiques 
dont  ils  furent   les  auteurs,  les  encratites, 
disciples  de  Tatien,  les  marcionites,  les  hié- 
racites,   les   manichéens,    les  arlamites,  les 
eustathiens,  une  secte  d'origénistes,  les  va- 
lésiens,  etc.,    condamnèrent  le  mariage.  Au 
contraire,  sur  la  un  du    iv°  siècle,  Jovinien 
soutint  que  li  virginité  n'est  pas  un  état  plus 
paif.nt  que    le  mariage.    Ces  Pères  eurent  h 
réfuter  toutes  ces  err.'urs.  Aux  réprobateurs 
du  mariage,  ils  opposèrent   l'exemple  de  Jé- 
sus-C  rist,  qui  honora  de  sa  présence  les 
noces  de  Cana,  et  la  défense  qu'il  fait  de  sé- 
))ari'rce  que  Dieu  a  uni  (Mattli.  xix,  6).  D'où 
il  résulte  que  Dieu  lui-même  est  l'auteur  de 
l'union  des    époux.    Aux  détracteurs  de  la 
virginité  ils  alléguèrent  ce  qu'a  dit  ce  divin 
Sauveur,  que  tous  ne  comprennent  pas  les 
avantages  du   célibat,   mais  seulement  ceux 
auxquels  ce  don  a  été  accordé,  et  qu'il  y  a 
des  hommes  qui  se  sont  faits  eunuques  pour 
le  royaume  des  cieux  [Matth.  xix,  11  et  12). 
Ils  firent  voir  que  saint  Paul,  fidèle  à  la  même 
doctrine,  donne  évidemment  à  la  continence 
et  il  la  virginité  la  prééminence   sur  le  ma- 
riage ;  mais  qu'il  ne  condamne  point  ce  der- 
nier état.  11  décide  qu'il  vaut  mieux  se  ma- 
rier que  do  brûler  d'un  feu  impur,  que  les 
enfants  des  fidèles  sont  saints,  qu'une  vierge 
qui  se  marie  ne  pèche  point  (/  Cor.   vu,  9, 
14,  18,  3t)).  Il  veut  que   le  mariage  soit  ho- 
norable,   et  le  lit  nuptial  sans  tache  {Ilebr. 

XIII,    k). 

Quand  même,  en  combattant  contre  deux 
partis  opposés,  les  Pères  ne  se  seraient  pas 
toujours  exprimés  avec  la  plus  exacte  préci- 
sion, quand  l'un  ou  l'autre  de  ces  jiartis  au- 
rait pu  abuser  de  quelques-uns  de  leurs 
termes,  serait-ce  une  cause  légitime  de  ccn- 


les  hommes,  rond  les  mariages  plus  rares  et     surer  leur  morale  ï  Mais  Barbeyrac,  qui  dé- 


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MAR 


MAR 


374 


clame  contre  eux,  n'ôtnit  [Ms  assez  judicieux 
pour  f.iire  cctie  n'flexion,  et  nous  n'en  avons 
pas  besoin  pour  montrer  que  les  P6rcs  ne  se 
sont  point  L'cartt'vs  de  la  doctrine  de  Jésus 
Giirist  et  de  saint  Paul.  Il  est  seulement  fA- 
cheux  que  nous  soyons  forcés  de  nous  arrê- 
ter à  des  objets  dont  une  imagination  chaste 
ne  s'occupe  jamais. 

L'erreur  capitale  que  Barbeyrac  reproche 
aux  Pères  de  l'Ey;lise,  est  d'avoir  regardé 
comme  illégitime  l'usage  du  mariage  exercé 
pour  le  seul  plaisir,  pour  llaticr  la  chair,  et 
non  par  le  désir  d'avoir  des  enl'ants  ;  d'av<iir 
pensé  que  les  plaisirs  les  plus  naturels  avaient 
en  eux-mêmes  quelipu»  chose  de  mauvais, 
d  que  Dieu  ne  les  permettait  aux  hommes 
(Jue  par  indulgenre.  De  l.'i,  dit-il,  ont  été  ti- 
rées tant  de  conséquences  absurdes  sur  le 
renoncement  k  sol-môme,  sur  la  nécessité 
(les  nioriilications,  sur  la  sainteté  du  célil)at 
et  de  la  vie  mona^ticpie,  etc.  l'raiti/  (h  la 
morale  des  Pères,  c.  h,  §  22  et  suiv.  Nous 
soutenons  qu'en  cela  les  Pères  ont  exacte- 
ment suivi  l'esprit  de  la  morale  chrétienne, 
et  qu'il  n'y  a  que  des  é]iicMriens  et  des  ini- 

riUdiqUes  qui  soient  ca;  aides  de  les  blAmer. 
1  est  bien  étonnant  qu'un  écrivain,  qui  fai- 
sait profession  du  chr.stianisme,  ait  osé  trai- 
ter d'absurde  une  morale  qui  a  été  celle 
des  philosophes  païens  les  plus  estimés. 
Ce  n'est  |ias  ici  le  lieu  d'en  alléguer  les 
preuves 

Saint  Justin,  dans  un  fragment  de  son 
livre  sur  la  Résurrection,  n.  3,  dit  «  qu'il  y 
des  hommes  qui  renoncent  ii  l'usage  illégi- 
time du  mariage  [tar  lequel  on  satisfoil  le  dé- 
sir de  la  chair;  ipie  Jésus-Cdui'^t  est  né  d'une 
Vierge  aiin  d'abolir  la  génération  qui  se  fait 
par  un  désir  illégitime  :  que  la  chair  ne  souf- 
fre point  de  mal  lorsipi'elle  est  |irivée  d'un 
commerce  charnel  illégitime.  »  Barbeyrac, 
c.  2,  §  7.  Quand  cette  traduction  serait  ii- 
dèle,  pourrait-on  en  conclure,  comme  fait 
Barh(>yrac,  que  saint  Justin  a  regardé  tout 
usage  du  mariage  comme  illégitime  ?  Jlais 
la  traduction  est  fausse.  Saint  Justin  dit  : 
«  Nous  voyons  des  hommes  dont  les  uns  dès 
le  commencement,  les  autres  depuis  un 
temps,  observent  la  chasteté,  de  manière 
qu'ils  oïd  romiiu  un  mariage  contracté  illégi- 
tnuement  pour  satisfaire  une  pission,  etc.  » 
11  s'(  nsuit  seulement  que  saint  Justin  ré- 
prouve l'usage  (lu  mariage  exercé  unique- 
meid  pour  satisfaire  les  passions.  Dans  sa 
première  Apologie,  n.  29,  il  dit  que  les  chré- 
tiens ne  se  marient  (pie  j)0ur  avoir  des  en- 
fants, et  que  ceux  ([ui  s'abstiennent  du  ma- 
riage gardent  une  chasteté  perpétuelle  ;  il  ne 
bl'nie  point  les  jiremiers.  11  n'est  donc  pas 
vrai  que  Tatien  ait  emprunté  de  saint  Jus- 
tin l'erreur  jiar  laquelle  il  a  condamné  ab- 
S(dument  le  rmiriage.  comme  le  prétend  Bar- 
beyrac. 

Saint  Irénée,  1.  iv,  c.  15,  compare  le  con- 
seil que  saint  Paul  donne  aux  personnes 
mariées  de  vivre  conjugalement  ,  à  la  per- 
mission du  divorce  accordée  aux  Juifs  dans 
l'Ancien  Testament  ;  or  ,  le  divorce  avait 
quelque  chose  de  vicieux  :  donc ,  conclut 


Barbeyrac  ,  saint  Irénée  a  pensé  aussi  que 
l'usage  du  mariage  était  vicieux ,  ch.  3 , 
§8. 

Est-ce  donc  \h  le  sentiment  de  saint  Iré- 
née, lui  qui  réfute  expressément  Saturnin, 
Basilide,  'l'alien  et  Marcien,  parce  qu'ils  con- 
damnaient le  mariage?  H  s'ensuivrait  plutôt 
qu'il  a  jugé  que  le  divorce  n'avait  rien  do 
vicieux,  non  plus  que  le  mariage.  Mais  il  ne 
s'ensuit  ni  l'un  ni  laiitre.  Dans  l'endroit  cité 
jiar  Barbeyrac ,  saint  Irénée  répondait  aux 
mareionites  qui  soutenaient  que  l'Ancien 
'J'estament  et  le  Nouveau  n'étaient  jias  l'ou- 
vra;^e  du  même  Dieu,  |iuisipie  h'  divoi'cu) 
était  permis  dans  l'un  et  défendu  dans  l'au- 
tre. Il  dit  que  Dieu  a  [lu  permettre  aux  Juifs 
certaines  choses  par  indulgence,  alin  de  les 
retenir  dans  l'observation  du  Décalogue,  de 
mémo  qu'il  en  a  aussi  jiermis  aux  chrétiens 
par  le  même  motif,  alin  (['j'ils  ne  tombassent 
pas  dans  le  déses|ioir  ou  dans  r.i)iostasie. 
La  eomparaisji  tombe  donc  pliit(')l  sur  le 
motif  (|ue  surla  nature  des  choses  ]iermises. 
En  luirlantde  l'usage  du  mariage,  saint  Paul 
se  sert  du  terme  û' indulgence ,  aussi  bien 
que  saint  Irénée  (/  Cor.  vu  ,  6).  S'ensuit-il 
({lie  l'Apôtre  a  regardé  cet  usage  comme  vi- 
cieux? 

Terlidlien,  1.  i,  ad  Uxor.,  c.  iii,  dit  que, 
selon  rA])ôtre,  il  vaut  mioe.x  se  marier  que 
de  brûler,  i)aire  que  brûler  est  encore  quel- 
ciue  cliosi!  de  [lis  ;  qu'il  est  beaucoup  mieux 
ci  ■  ne  l'as  se  marier  et  de  ne  pas  brûler.  11 
pose  pour  principe  7«e  cf  qui  est  permis  n'est 
pas  bon.  Barbeyrac,  c.  6,  |  31. 

Nous  répondons,  1°  que  Tertultien  n'a  pas 
toujours  eu  une  très-grande  exactitude  dans 
les  expressions  ;  2°  qu'il  est  ici  question, 
non  des  premières  noces,  mais  des  secon- 
des ;  c'est  l'objet  des  livres  de  Tertullien  à 
son  éjiouse,  et  l'on  sait  que  les  anciens  Pè- 
res ont  bllmé  les  secondes  noces  comme 
une  imperfection.  Voy.  Bigame.  3'  L'objec- 
tion de  Barbeyrac  est  une  pure  chicane  de 
grammaire.  ISirn,  mal,  bon,  mauvais,  sont 
des  termes  de  pure  comparaison;  il  est  reçu 
dans  le  discours  ordinaire  de  nommer  mal 
ce  qui  est  un  moindre  bien  ,  et  bien  ce  qui 
est  un  moindre  mal.  Selon  Tertullien ,  le 
mieujc  est  de  ne  se  pas  marier  et  de  ne  pas 
Ijiûler  ;  c'est  la  doctrin(>  de  saint  Paul  (/  Cor. 
VII.)  Le  pire  est  de  brûler  et  de  ne  se  pas 
maritr.  Entre  ces  deux  degrés  il  y  a  un  mi- 
lieu, qui  est  de  se  marier  alin  de  ne  pas  brû- 
ler; ce  milieu  est  un  moindre  bien  que  le 
premier,  et  peut  être  appelé  un  mat  par  com- 
jiaraison  ;  mais  c'est  un  bien  positif  en  com- 
paraison du  second.  Ce  qui  est  simplement 
permis  est  donc  un  mal  ,  c'est-à-dire  un 
moindre  bien  en  comparaison  de  ce  qui  est 
commanilé  ou  conseillé  ;  mais  ce  n'est  pas 
un  mal  absolu;  Dieu  ne  peut  pas  permettre 
ce  qui  est  absolument  mal.  Où  est  ici  l'er- 
reur ,  sinon  dans  l'imagination  du  censeur 
des  Pères  ?  Selon  hn,  saint  Ambroise  est  le 
plus  criminel  de  tous  ;  les  éloges  qu'il  fait 
de  la  virginité  sont  outrés,  et  il  fait  envisa- 

§er  le  mariage  comme  un  mal.  Epist.  81,  il 
it  que  ce  n'est  qu'un  remède  à  la  fragilité 


57S 


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liumaine.  Dans  son  Exhortation  à  la  Virgi- 
nité, il  dit  que,  quoique  le  mariage  soit  l)On, 
les  personnes  mariées  ont  toujours  de  quoi 
rougir.  Dans  son  Traité  de  la  Virginité,  liv. 
m,  il  voudrait  engager  toutes  les  filles  à  ne 
pas  se  marier,  et  à  demeurer  vierges;  il 
soutient  qu'il  n'est  pas  vrai  que  la  mullilude 
des  vierges  diminue  la  population.  Dans 
son  livre  V/m  Veuves,  il  dit  que  les  lois  Julia 
et  Papia  Poppœa,  qui  privaient  des  succes- 
sions collatérales  les  veuf^  et  les  célibataires, 
étaient  dignes  d'un  peui)le  qui  adorait  les 
adultères  et  les  crimes  de  ses  dieux.  Bar- 
bevrac,  c.  13,  §  1  et  suiv. 

Nous  soutenons  que  saint  Ambroise,  saint 
Jérôme  et  les  autres  Pères  qui  ont  loué  la 
virginité,  n'en  ont  rien  dit  de  plus  que  ce 
qu'en  a  dit  saint  Paul,  /  Cor.  c.  vn  ;  on  n'a 
qu'à  comparer  leurs  expressions  à  celles  de 
l'Apôtre.  Ce  ne  sont  pas  les  éloges  qu'ils  en 
ont  faits  qui  sont  outrés,  mais  ce  sont  lus 
censures  que  Barbevrac  et  ses  pareils  ont 
faites  de  cette  vertu.  Il  en  est  de  même  de 
ce  qu'ils  ont  dit  du  mariage.  Saint  Ambroise 
dit  que  c'est  un  remède  à  la  fragilité  hu- 
manie,  mais  il  ne  dit  point  que  ce  n'est  que 
cela;  saint  Paul,  de  son  côté,  en  permet 
l'usage  par  indulgence,  v.  6.  Saint  Aiubroise 
dit  que  les  personnes  mariées  ont  toujours 
de  quoi  rougir,  et  saint  Paul  dit  qu'elles 
soull'riront  dans  leur  chair,  v.  28.  Saint  Jean, 
dans  V Apocalypse,  va  plus  loin  ;  il  dit  d'une 
multitude  de  bienheureux  :  «  Voilà  ceux  qui 
ne  se  sont  point  souillés  avec  les  femmes,  car 
ils  sont  vieiges  (Apoc.  \iv,  k).  11  suppose 
donc  que  tout  commerce  quelconque  avec 
les  femiues  est  une  souillure.  SaintAmbroise 
voudrait  que  toutes  les  filles  demeurassent 
vierges  ;  et  saint  Paul  dit  :  «  Je  voudrais  que 
tous  fussent  comme  moi,  »  vu,  7.  11  soutient 
que  la  multitude  des  vierges  ne  nuit  point 
à  la  population  ;  nous  le  soutenons  do  même, 
et  nous  le  prouvons  au  mot  Célibat.  Ce 
Père  bl;îme  les  lois  julienne  et  papienne  ; 
les  plus  habiles  politiques  conviennent 
qu'elles  étaient  du  moins  inutiles  et  n'opé- 
raient aucun  bien.  Telle  est  la  force  des  ob- 
jections et  des  reproches  dont  Barljeyrac  a 
trouvé  le  moyen  de  composer  un  volume 
qui  lui  a  fait  une  réputation  parmi  les  pro- 
testants et  parmi  les  incrédules. 

Un  autre  critique,  moins  instruit  et  plus 
téméraire,  a  iait  mieux  :  dans  un  livre  com- 
posé sur  les  inconvénients  du  céiibat  des 
prêtres,  il  soutient  que  jamais  les  anciens 
hérétiques  n'ont  condamné  le  mariage  com- 
me une  chose  absolument  mauvaise  ;  selon 
lui,  ils  prétendaient  seulement  que  c'est  un 
état  moins  i)arfait  que  la  continence  ou  le  cé- 
libat ;  doctrine  à  présent  soutenue  par  l'E- 
glise romaine,  mais  qui  a  été,  dit-il,  réfutée 
ifît  réprouvée  [iar  les  Pères  de  l'Eglise,  e.  10, 
p.  184-  et  190.  A  la  vérité,  cet  auteur  se  con- 
tredit et  se  réfute  lui-même  dans  ce  même 
chajntre  ;  ils  convient  que  les  anciens  héré- 
tiijues  avaient  forgé  leur  système  pour  ex- 
pliquer l'origine  du  mal  ;  ils  supposaient  deux 
principes ,  l'un  bon  et  créateur  du  bien  , 
l'autre  mauvais  et  auteur  du  mal  ;  c'est  à  ce 


dernier  qu'ils  attribuaient  la  production  des 
corps.  Conséquernment  ils  soutenaient  que 
la  procréation  des  enfants  était  suggérée  par 
le  mauvais  principe,  et  ne  servait  qu'à  éten- 
dre son  empire  ;  n'était-ce  pas  là  condamner 
le  mariage  comme  une  chose  absolument 
mauvaise?  C'est  aussi  l'opinion  que  leur  at- 
tribuent saint  Irénée ,  saint  Clément  d'A- 
lexandrie, Origène,  TertuUien  ,  saint  Epi- 
l)hane.  saint  Augustin,  Théodoret,  etc.,  dans 
les  notices  qu'ils  nous  ont  données  de  ces 
hérésies ,  et  dans  les  réfutations  qu'ils  en 
ont  faites. 

Manès,  dans  la  conférence  qu'il  eut  avec 
Archélaiis,  évèquede  Charcar,  l'an  277,  sou- 
tint que  l'homme  n'est  pas  louvrage  de  Dieu, 
puisque  sa  génération  vient  d'intempérance, 
de  passion  et  de  fornication.  Voy.  les  Actes 
de  cette  conférence,  n.  Ik.  xVussi,  dans  la 
seete  manichéenne,  les  élus  ou  les  parfaits 
renonçaient  au  mariage,  mais  se  livraient  à 
l'impudicité  ;  ils  permettaient  le  mariage  à 
leurs  auditeurs ,  mais  il  les  exhortaient  à 
empêcher  la  génération  ;  saint  Augustin,  de 
Hœresib.,  n.  46.  Les  euslathiens,  les  euclii- 
tes,  les  priscillianistes,  les  albigeois,  les  lol- 
Inds,  qui  étaient  des  rejetons  des  mani- 
chéens, enseignaient  que  le  mariage  n'était 
qu'une  prostitution  jurée.  Voilà  ce  que  les 
Pères  ont  réprouvé  et  réfuté,  et  ce  que  nous 
rejetons  comme  eux. 

Les  canons  du  ccmcile  de  Gangres ,  tenu 
avant  l'an  3il,  condamnent  ceux  qui  blâ- 
mint  le  mariage  et  embrassent  la  virginité, 
non  pour  l'excellence  de  celte  vertu,  mais 
parce  qu'ils  croient  le  mariage  mauvais.  «  Nous 
admirons  la  virginité,  disent  les  Pères  de  ce 
concile,  et  la  séjjaration  d'avec  le  monde, 
jinurvu  qu'elles  soient  jointes  à  la  modestie 
et  à  l'humilité  ;  mais  nous  honorons  aussi 
le  mariage,  et  nous  souhaitons  qi:e  l'on  pra- 
tique tout  ce  qui  est  conforme  aux  divines 
Ecritures.  »  Telle  a  été  la  doctrine  de  l'E- 
glise romaine  dans  tous  les  siècles;  qu'a- 
t-elle  de  commun  avec  celle  des  hérétiques 
anciens  ou  modernes? 

Mais  les  ennemis  de  l'Eglise  sont  si  mal 
instruits,  si  aveugles  ,  si  entêtés,  qu'aucune 
imposture  ne  leur  coîite  rien.  Du  moins,  di- 
sent-ils ,  vous  ne  nierez  )3as  que  cette  pré- 
tendue perfection  de  morale  ne  tonde  à  dé- 
tourner une  infinité  de  personnes  dximariage, 
à  augmenter  le  nombre  des  célibataires,  et 
à  diminuer  d'autant  la  poimlation  ;  tel  est 
lecii  général  des  incrédules.  Nous  nions  ab- 
solument cette  conséquence,  et  nous  en  dé- 
montrons la  fausseté  à  l'article  Célibat.  Ce 
n'estpointla  sévérité  delà  morale  chrétienne 
qui  dégoûte  du  mariage,  c'est  la  dépravation 
des  mœurs  publiques,  fomentée  par  la  morale 
pestilentielle  des  incrédules.  Déjà  parmi  les 
anciens  philosophes,  ce  n'étaient  pas  les  stoï- 
ciens qui  détournaient  les  hommes  du  ma- 
riage, c'étaient  les  épicuriens.  Voy.  la  Mo- 
rale  d'Epicure,  p.  272. 

Le  luxe  porté  à  son  comble,  qui  rend  l'en- 
tretien d'une  famille  très-dispendieux ,  et 
fait  regarder  comme  partie  du  nécessaire  le 
superllu  le  plus  insensé;  l'ambition  des  pères 


577 


MAR 


MAR 


«78 


qui  veulent  que  leurs  enfants  soutiennent  le 
rang  de  leur  naissance ,  et  montent  encore 
plus  haut  ;  la  fureur  d'habiter  les  grandes 
viMcs,  et  le  dégoût  pour  les  occultations  in- 
nocentes et  modestes  de  la  cam])agne  ;  le 
faste  des  femmes,  leurs  iirélentions,  leur  in- 
ca|)aciti''  pour  élever  des  enfants,  le  ton  d'em- 
pire qu'elles  alfectent,  la  licence  de  leur  con- 
duite, etc. ,  voilà  les  causes  qui  empoison- 
nent les  mariages,  en  trouiilent  la  paix,  don- 
nent lieu  aux  l'clats  scandaleux,  en  dégoû- 
tent ceux  qui  n'y  sont  pas  encore  engagés. 
Ceux  qui  déclament  le  jilus  haut  contre!  ce 
désordre  en  sont  les  principaux  auteurs  ; 
s'ils  ne  l'ont  pas  fait  naître  ,  ils  le  rendent 
incurable.  Parmi  nos  philosophes ,  les  uns 
ont  justilié  la  polygamie,  le  divorce,  le  con- 
cubinage ;  les  autres  ré|)rou vent  toute  es- 
pèce de  mariage,  voudraient  que  t(jutes  les 
fenunes  tussent  communes,  et  que  le  monde 
entier  fût  un  lieu  de  prostitution  ;  ils  auto- 
risent les  enfants  h  secouer  le  joug  de  l'au- 
torité paternelle.  Ils  tournent  en  ridicule  la 
fidélité  des  époux,  la  modestie  et  la  réserve 
qui  régnent  dans  une  famille  vertueuse,  l'é- 
ducation sévère  de  la  jeunesse;  veulent  qu'on 
lui  donne  non  îles  talents  utiles,  mais  tous 
les  talents  frivoles,  etc.  Sont -ce  là  les 
moyens  de  nudtiplier  les  mariages,  de  les 
rendre  plus  purs  et  [)lus  heureux"?  C'est  un 
secret  infaillible  pour  romure  le  plus  fort  des 
liens  de  la  société,  et  pour  abrutir  le  genre 
humain. 

Mariage  (1)  (Droit  nat.,pub.,  cir.et  ecclé.i.). 
Le  mariage  pouvant  être  considéré  sous  plu- 
sieurs rapports,  semble  susceptible  de  plu- 
sieurs délinilions;  c'est  un  acte  qui,  en  lui- 
même  et  |)ar  ses  suites,  tient  au  droit  naturel, 
au  droit  iiublic,  au  droit  civil,  et  au  droit  ec- 
clésiastique. La  nature  y  ajtpelle  tous  les 
hommes,  et  elle  a  forme  seule  les  premiè- 
res unions  conjugales.  L'ordre  public  et  les 
sociétés  en  gi'uéral  doivent  y  prendre  le  jilus 
grand  inlér.'t,  [tuisqu'il  est  la  source  licite 
de  la  population.  Les  lois  civiles  ont  néces- 
sairement dû  le  régler,  et  pour  la  forme  et 
pour  les  ellets;  enlin  la  religion,  qui  est  la 
première  bienlaitrice  de  l'humanité,  a  cru 
devoir  crmsacrer  et  sanctitier  un  acte  dont  le 
principal  but  est  de  donner  et  des  citoyens 
à  l'Etat,  et  di's  adorateurs  au  vrai  Dieu.  Chez 
les  peuples  non  civilisés  et  vivant  sans  lois, 
le  mariage  ne  peut  èlre  qu'un  contrat  naturel  ; 
et  parmi  les  nations  civilisées,  il  est  un  con- 
trat naturel  et  civil;  il  n'y  a  que  jiarmi  les 
chrétiens  qu'il  est  tout  a  la  fois  contrat  na- 
turel, contrat  civil  et  sacrement.  On  peut  dé- 
linir  le  mariage  comme  contrat  naturel,  l'u- 
nion volonlairi'  de  l'homme  et  de  la  femme 
libres,  à  l'elfet  de  vivre  ensemble,  de  pro- 
créer des  entants  et  de  les  élever.  On  le  dé- 
finit aussi,  coHlraelus  quo  personœ  corporum 
suorum  dominium  mutuo  tradunt  et  accipiunt. 

(i)  Ueprmiuil  il'aprt-s  roilition  de  Liège.  —  Nous 
avons  iraiié  la  quesiion  du  mariage  sous  le  rapport 
religieux  el  civil  dans  notre  Dicl.  de  Thi;ol.  inorale. 
U'arlicle  que  nous  citons  ici  extrait  de  l'odilion  de 
Li^geexposc  l'ancienne  jurisprudence  sur  le  manayo, 
qu'on  lira  encore  avec  plaisir. 


Justinien  a  défini  le  mariage,  viri  et  mulieris 
conjunctio  individuum  vitœ  ron.iuetudinem 
continens.  Ce  qui  semblerait  pouvoir  s'appli- 
quer au  contrat  naturel  seul.  Le  catéchisme 
du  concile  de  Trente  paraît  avoir  compris 
plus  expressément  le  contrat  civil,  en  ajou- 
tant à  la  détinition  de  Justinien,  ittter  légi- 
timas personas. Ces  expressions  désignent  les 
personnes  capables,  selon  les  lois,  de  con- 
tracter :  Matrimonium  est  viri  mulierisque 
maritalis  conjunctio  inter  légitimas  personas 
individuam  vitœ  consuetudinem  retincns.  Ce- 
pendant on  pourrait  dire  que  .lustinien  a 
entendu  le  contrat  civil,  en  lui  diuniant  le 
caractère  de  [lerpéluité  :  Individuam  vitœ 
consuetudinem  continens;  per|)étuité  qui, 
selon  l'observation  de  Perrière,  ne  peut 
s'entendre  que  du  dessein  des  deux  époux 
de  vivre  ensemble  jusqu'à  la  mort  de  l'un 
ou  de  l'autre;  carie  divorce  était  permis  chez 
les  Romains.  Quoi  qu'il  en  soit  de  l'exacti- 
tude de  ces  définitions,  nos  auteurs  apjiel- 
lent  le  mariage,  un  contrat  revêtu  îles  formes 
prescriles  par  les  lois,  par  lequel  un  homme 
et  une  femme,  habiles  à  faire  ensemlile  ce 
contrat,  s'engagent  réciproquement  l'un  avec 
l'autre  à  demeurer  toute  leur  vie  ensemble 
dans  l'union  qui  doit  être  entre  un  époux 
et  une  épouse. 

Le  mariage,  comme  sacrement,  peut  être 
défini  :  l'alliance  ou  l'union  légitime,  par 
laquelle  un  homme  et  une  femme  s'engagent 
à  vivre  ensemble  le  reste  de  leurs  jours, 
comme  mari  et  comme  épouse;  que  Jésus- 
Christ  a  institué  comme  le  signe  de  son 
union  avec  l'Eglise,  et  à  laquelle  il  a  attaché 
des  grâces  particulières  pour  l'avantage  de 
cette  société  et  pour  l'éducation  des  enfants 
qui  en  proviennent. 

Le  contrat  naturel  est  la  première  base  du 
mariage  :  il  ne  peut  y  en  avoir  de  plusieurs 
espèces,  puisque  la  nature  est  une.  Le  ma- 
riage, comme  contrat  civil,  peut  varier,  parce 
que  les  lois  des  dilférents  états  ne  sont  pas 
les  mêmes.  Un  mariage  peut  donc  être  vala- 
ble dans  un  pays  et  ne  l'être  pas  dans  un 
autre.  Comme  sacrement,  il  tient  l'être  du 
divin  auteur  de  la  religion  :  les  hommes 
ne  peuvent  donc  y  apporter  aucun  change- 
ment essentiel.  Le  mariage,  comme  contrat 
naturel,  paraît  être  du  ressort  de  cette  philo 
Sophie  qui  s'occupe  à  connaître  les  lois  que 
dicte  la  nature  à  tous  les  hommes.  Comme 
sacrement,  il  semble  qu'il  n'appartienne 
qu'aux  théologiens  d'en  traiter;  et  l'on  pour- 
rait dire  au  premier  coup  d'œil  qu'il  ne  peut 
concerner  le  .jurisconsulte  que  comme  con- 
trat civil.  Mais  ici  la  nature,  la  religion  et  les 
lois  civiles  sont  tellement  inhérentes  les  unes 
aux  autres,  qu'il  est  impossible  que  le  juris- 
consulte les  sépare;  il  doit  seulement  avoir 
attention  à  ne  considérer  le  contrat  natuiel 
et  le  sacrement  que  sous  les  rapports  qu'ils 
ont  avec  le  contrat  civil. 

Lorsque  les  hommes  ont  été  réunis  en 
société  et  qu'ils  ont  mis  leur  liberté  et  leur 
propriété  sous  la  sauvegarde  des  lois,  ils  ont 
dû  nécessairement  établir  des  règles  pour 
les  mariages.  Le  simple  contrat  naturel  n'a 


579  MAR 

plus  aiors  suffi,  et  il  a  M(''  perfectionné  et  for- 
tifié par  le  contrat  civil.  Mais  le  contrat  ijatu- 
rel  en  a  toujours  fait  la  base. 

Dans  l'ancienne  loi,  chez  les  Héijreui,  le 
mariage  était  de  commandement.  Dieu  eut  à 
peine  créé  l'homme,  qu'il  jugea  qu'il  n'était 
pas  à  propos  qu'il  fût  seul.  Il  forma  presque 
aussitôt  la  femme  d'une  portion  même  de 
l'homme,  la  lui  présenta  à  l'instant  de  son 
réveil,  comme  pour  le  frapper  |ilus  vivement; 
il  leur  ordonna  à  l'un  et  à  l'autre  de  s'unir 
et  de  perpétuer  la  merveille  qu'il  venait  d'o- 
pérer. Au  sentiment  attraclif  qu'il  plaça  dans 
leur  cœur,  il  joignit  l'ordre  de  croilrc  et  de 
multiplier,  accompagné  de  celui  de  ne  faire 
qu'un  :  Et  erunt  duo  in  carne  una.  Telle  est 
l'origine  sublime  du  mariage  chez  les  chré- 
tiens, origine  oii  tous  les  devoirs  d'un  époux, 
sont  tracés  en  peu  de  mots. 

Les  Grecs  et  les  Romains,  privés  des  lu- 
mières   de    la  révélation,  n'ont  pas    eu   du 
mariage  les  grandes  idées  que  présente  la  loi 
de  Moïse;  cependant  ils  ont  été  assez  éclairés 
pour  la  regarder  comme  un  acte  digne  de 
toute  l'attention  des  législateurs.  Mais  tous 
les  peuples  policés  ne  l'out  pas  envisagé  du 
même  œil;  ceux  qui  Oit  permis  la  pluralité 
des  femmes  légitimes,  ont  oublié  le  véritable 
but   de   la  nature.  La  pluralité  des  femmes 
fut  permise  chez  les  Athéniens,  les  Parthes, 
les  Thraces,   les  Egyptiens,  les  Perses.  Elle 
est  encore  en  usagi'  chez  quelques  peuples 
païens,  et  parliculièiement  chez  les  Orien- 
taux. Le  grand  nombre  de   femmes  qu'ils 
ont  diminue  la  considéralion  que  la  nature 
a  attachée  à  l'état  d'épouse,  et  l'ait  qu'ils  les 
regardent  plutôt   comme  des  esclaves   (jue 
comme  des  compagnes.   Les  Romains  s'é- 
taient garantis   de    celte  erreur  :  leur  droit 
défend  la  pluralité  des  femmes  et  des  maris; 
copenilaiit  Jules-César  avait  projeté  uue  loi 
pour  permettre  la  pluralité  des  femmes.  Mais 
elle  ne  fut  pas  publiée  :  l'objet  de  cette  loi 
était  de  multiplier  la  procréation  des  enfants. 
Auguste,   son   successeur,    eut  les  mêmes 
vues,  mais  employa  des  moyens  différents. 
Il  ne  crut  pas  devoir  rien  clianger  à  l'ancienne 
législation  sur  les  mariages;  il  crut  qu'il  suf- 
fisait de  publier  des  lois  pour  les  encourager. 
Ou  peut  voir   combien  il   avait  cet  objet  à 
cœur  par  le  discours  qu'il  adressa  aux  che- 
valiers romains  célibataires,  il  publia  les  lois 
nommées  Pappia,  Poppœa,  du  nom  des  deux 
consuls  de  cette  année.  Constant  n  et  Jus- 
tinien  abrogèrent  les  Jois  pappiuiennes,  et 
favorisèrent  le  célibat;  la  raison  de  spiritua- 
lité qu'ils  en   apportèrent  lui  puisée  dans  le 
christianisme,    qui  regarde  cet  état  comme 
plus  parfait  que  le  mariage,  quoiqu'il   ait 
élevé    le  mariage  à  la  dignité  de  sacrement. 
"Valentinien  l'  voyait  les  choses  bie'ii  diil'é- 
remment,  mais  avec  les  yeux  des  passions. 
Voulant   épouser   une  seconde    femme,   et 
garder  celle  qu'il  avait  déjà,  il  fit  une  loi 
portant  qu'il  serait  permis  à  chacun  d'avoir 
deux  femmes i   mais  cette  loi  ne  fut  point 
oi)servée;  tant  il  est  vrai  que  le  pouvoir  ab- 
solu ^xe  suffit  pas  pour  donner  des  Jois,  et  que 


MAR 


580 


sans  la  raison  et  la  justice,  les  législateurs 
sont  souvent  impuissants. 

Les  barbares,  qui  inondèrent  l'empire  ro- 
main, soutinrent  que  la  pluralité  des  femmes 
était  contraire  à  l'essence  du  mariage;  et 
Athalaric,  roi  des  Goths,  défendit  la  polyga- 
mie. On  trouve  dans  la  législation  des  Mos- 
covites un  canon  fait  par  leur  patriarche 
Jean,  qu'ils  honorent  comme  un  prophète, 
par  lequel  il  est  ordonné  que  si  un  mari  quitte 
sa  femme  pour  en  épouser  une  autre,  ou  que 
la  femme  change  de  mari,  les  uns  et  les 
autres  seraient  excommuniés,  jusqu'à  ce 
qu'Us  reviennent  à  leur  premier  engage- 
ment. 

Les  citoyens  romains  pouvaient  contrac- 
ter deux    espèces   de  mariages.  On  appelait 
l'un  jaslœ  nuptiœ,  et  l'autre   concubinatus. 
Celui  qu'on  appelait jMste/iM/3(!œ  était  le  ma- 
riage légitime   qu'un  homme    contractait , 
selon  les  lois,  avec  une  femme,  pour  l'avoir 
à  titre  de  légitime  épouse,  justa  uxor.  Ce 
mariage  donnait  aux  enfants  le  droit  de  fa- 
mille, et  au  père  le  droit  de  puissance  pater- 
nelle   sur  eux.  L'autre  espèce   de  mariage, 
qu'on    appelait  concubinatus,  était  aussi  un 
véritable   mariage  permis  par  les  lois  :  con- 
cubinatus, per  legrs  nomen  assumpsit.  Il   ne 
différait  du  mariage  appelé  justœ  nuptiœ,  que 
parce  que  l'homme  ne  prenait  pas  la  femme 
avec  laquelle   il  se   mariait  pour  l'avoir  à 
titre   de   légitime    épouse,  justa  uxor,  mais 
il  la  prenait  seulement  à  titre  de  concubine; 
les  enfants   qui    naissaient  de   ce  mariage 
n'avaient  pas  le  droit  de  famille,  et  Le  père 
n'avait  pas  sur  eux  la  puissance  paternelle; 
ils  n'étaient  pusjusti  liberi;  ils  n  étaient  pas 
néanmoins  bàiaids,  ou  les  apjielait  liberi  na- 


turales, 
qui 


bien    ditlérents  des  nati  et 


spurii, 
étaient  les  iioius  de  ceux  qui  éta  eut 
nés  ex  scorto  et  d'unions  défendues.  Cette 
espèce  de  mariage  fut  introduite,  pour  per- 
mettre les  unions  disproportionnées.  Ur 
sénateur  pouvait  prendre  pour  concubine 
une  femme  atfranchie  de  l'esclavage,  que 
les  lois  ne  lui  permettaient  pas  d'avoir  pour 
légitime  épouse.  Du  reste  tout  ce  qui  pro- 
hibait un  mariage  légitime  prohibait  égale- 
ment le  concubii.age;  il  n'était  pas  plus  per- 
mis d'avoir  deux  concubines  à  la  fois  que 
deux  femmes  légitimes.  Le  concubinage, 
tant  qu'il  existait,  excluait  tout  autre  ma- 
riage, comme  le  mariage  légitime  excluait 
le  concubinage  :  ou  ne  pouvait  avoir  ensem- 
ble une  femme  et  une  concubine. 

Il  est  assez  diliicile  de  tracer  la  ligne  qui 
séparait  le  mariage  légitime  d'avec  le  simple 
concubinage.  Les  cérémonies  extérieures, 
ou  la  confection  de  l'acte  qui  contenait  les 
conventions  matrimoniales,  ne  pouvaient  les 
ditlérencier,  puisqu'un  mariage  pouvait  être 
justœ  nuptiœ  sans  acte  et  sans  cérémoiiie.  Ce 
n'était  que  l'intention  de  l'homme  de  prendre 
sa  femme  à  titre  de  légitime  épouse,  ou  de 
la  prendre  seulement  pour  concubine,  qui 
rendait  le  mariage  ou  légitime,  ou  concubi- 
nage. C'est  ainsi  que  s'exprime  la  légis- 
lation romaine  :  Concubinatus  ex  sala  animi 
destinatione   œstimari    oportet...    concubina 


■'.fil  MAR 

al)  uxore  solo  dclectu  separalur.  De  là  il  suit 
que  le  concubiiwiHe  n'était  présumé  ((u'à  l'é- 
pud  des  femmes  diif.iiuéesou  d'un  él;il  vil  :  In 
îibcrœ  mulifris  consuetudine  non  concubina- 
tits,  sed  iiupliœ  inteliigendœ  sunt,  si  non  cor- 
porc  quantum  fecerit.  Cette  distinction  du 
mariage,  justœ  nuptiœ  et conculiinatus,  n'avait 
lieu  ([u'à  l'éjiard  des  citoyens  romains.  Les 
peuples  soumis  à  la  ■('■[lublique  ou  ii  l'empire 
n'cHaient  capables  que  d'une  esjièce  de  ma- 
riage, qu'on  appelait  simplement  malrimo- 
nium.  H  ne  produisait  point  sur  les  enfanis 
la  puissance  |)aternelle,  telle  que  l'avaient  les 
citoyens  romains,  mais  seulement  telle  que 
la  donne  aux  pères  le  droit  naturel.  Mais 
cette  ditl'ér'eiice  s'évanouit,  lorsque  Antonin 
Caracalla  accoi'da  le  nom  et  les  droits  de 
citoyen  romain  à  tous  les  sujets  de  rem|)ii'e. 

Le  concubinage  le!  qu'il  existait  peu'lantla 
républi(|ue,  et  sous  les.  ))remiers  empereurs, 
subsista  encore  lorsque  la  religion  cbrélicune 
fut  devenue  la  religion  dominante;  on  en 
peut  juger  par  le  dix-septième  canon  du  pre- 
mier concile  de  'l'olèile,  de  l'an  4-00,  où  il  est 
dit  :  Si  quis  liuhcns  uxorrm  fidelis,  concuhi- 
nam  liulicat,  non  com.municct  ;  cœtcrum  qui 
non  haltet  uxorem,  et pro  uxore  concuhinam 
habct,  a  commnnionc  non  rcpcllatur,  tantum 
ut  uiiius  mttlieris,  nul  iixoris,  aut  concubinœ, 
lU  ci  placuerit.  sit  conjunctione  contentus. 

La  qualité  do  eitoycn  romain  étant  deve- 
nue générale,  ou  a;>ant  totalement  disiiaru, 
l'usage  de  contracter  le  mariage  apfielé  con- 
ctMnalus  s'anéantit  insensiblement.  Il  ne 
s'en  est  guère  conservé  de  trace  que  dans 
l'Allemagne,  où  la  qualité  de  noble  a  produit 
pour  les  mariages  les  mêmes  eU'ets  que  celle 
de  citoyen  romain.  Un  honmie  de  qualité, 
qui  se  marie  à  une  femme  de  basse  condi- 
tion, la  prend  pour  femme  d'un  oidre  subal- 
terne. (À'tte  femme  ne  ]iarticipe  pas  au  rang 
et  aux  titres  de  son  mari,  et  les  enfants  qui 
naissent  de  ce  mariage  ne  succèdent  ni  aux 
titres  ni  à  l'hérédité  de  leur  père.  Ils  doivent 
se  contenter,  ainsi  que  leur  mère,  d'une  cer- 
taine quantité  qui  leur  a  été  assignée  par  le 
contrat  ;  c'est  ce  qu'on  appelle  mariage  de  la 
main  gauche.  U  eu  est  de  même  des  princes 
qui  épousent  une  personne  d'une  condition 
inférieure  à  la  leur  ;  ils  lui  donnent  la  main 
gauche  au  lieu  de  la  droite.  Leurs  enfants 
sont  légitimes  et  nobles  ;  mais  ils  ne  succè- 
dent point  aux  Etats  du  père,  à  moins  que 
l'empire  ne  les  réhabilite  ;  quelquefois  le 
prince  épouse  ensuite  sa  feuune  de  la  main 
'■  droite,  trotte  esjjèce  de  mariage  n'a  juis  lieu 
en  France  ;  nos  lois  no  permettent  pas  de  se 
marier  auli  ement  que  pour  avoir  uni;  femme 
à  litre  de  légitime  épouse.  Le  concubina^^e 
avec  une  femme  que  l'on  n'a  |ias  ép<jusée  en 
légitime ;«w(«^f  est,  jiaimi  nous,  une  union 
illicite  et  proliibée.  Cependant  nous  ..vons 
quelques  mariages,  qui,  quoique  valablement 
contractés,  ne  produisent  que  des  elfels  ci- 
vils, à  peu  près  seuiblaiiles  hu  concubinage 
chez  JesUomaius  et  aux  «(e/ta^csde  lamain 
gauche  en  Allemagne. 

Chez  les  Romains,  le  wiari^ùi/f  des  esdavcs, 
fait   du  consentement  de   leurs  inailres,  et 


MAR  m 

jiourvu  qu'il  n'y  ei.\t  aucun  crapôchenoent  na- 
turel ,  s'appelait  contubernium  ;  il  ne  produi- 
sait aucun  ellet  civil  ;  tel  est  encore  aujour- 
d'iiui  celui  des  nègres  esclaves  en  Amérique. 
On  donnait  la  même  dénomination  au  mariage 
que  contractait  un  homme  libre  avec  une  es- 
clave, auf  vice  versa.  Inter  serves  cl  libéras 
matrimonium  contralti  non  potesl,  contuber- 
nium polest.  Ce  mariagene pioduisait  pas  plus 
d'etlets  civils  que  ceux  des  esclaves  entre 
eux. 

Après  les  délinitions  et  les  notions  histo- 
riques préliminaires,  venons  au  mariage,  tel 
([u'il  existe  parmi  nous,  et  qui  doit  faire  l'ob- 
jet principal  île  cet  article.  Le  mariage,  dans 
le  sens  oii  nous  le  [irenons  ici,  est  celui  qui 
est  tout  à  la  fois,  contrat  naturel,  contrat  ci- 
vil et  sacrement. 

Nous  examinerons,  1°  ce([ui  doit  précéder 
le  mariage;'-!'  quelles  sont  les  personnes  qui 
jjeuvent  le  contracter;  3°  comment  il  se  con- 
tracte réellement  ;  k°  quels  sont  ses  eU'ets  et 
ses  obligations  ;  5°  les  cassations  et  la  disso- 
lution des  mariages,  et  les  juges  qui  en  doi- 
vent c  nuaître  ;  6°  les  séparations  d'habita- 
tion ;  7°  les  seconds  mariages  et  l'édit  des  se- 
condes noces.  Nous  esj)érons  renfermer  sous 
ces  divisions  tout  ce  (jui  coiicerne  l'imjior- 
tanle  matière  du  mariage. 

§  L  Ce  qui  doit  précéder  le  mariage.  Comme 
contrat  naturel,  le  mariage  consiste  dans  le 
seul  consentement  des  parties.  Ce  consente- 
ment une  fois  librement  d(;nné  et  en  iileine 
connaissance  de  cause,  le  mariage  est  con- 
tracté dans  l'ordre  de  la  nature.  Heureuses, 
et  mille  fois  heureuses  les  sociétés  où  il  n'y 
aurait  pas  besoin  d'autres  foimalitésl  on  n'y 
suivrait  que  cet  instinct  puissant,  qui  j)o,te 
l'iiomme  et  la  femme  à  se  donner  l'un  à  l'au- 
tre pour  propager  l'espèce  humaine,  et  tra- 
vailler de  concert  à  leur  propre  bonheur  : 
une  promesse  dictée  par  le  cœur,  et  pour  la- 
quelle la  bouche  ne  servirait  (juo  d'organo 
au  sentiment,  est  sans  doute  le  lien  le  plus 
fort  qui  puisse  unir  deux  intlividus.  Pourquoi 
donc  cette  promesse  ne  suUit-ellepas,  n'est- 
elle  pas  vraiment  obligatoire?  Ouisansdoute, 
elle  l'est  ;  gardons-nousde  poser  autrement. 
Le  serment  que  se  font  deux  personnes  li- 
bres, jouissant  de  toute  leur  raison  et  de 
toutes  leursfacultés,  de  s'unir  pour  toujours, 
est  le  pacte  le  plus  sacré  aux  yeux  de  la  na- 
ture et  de  l'honnête  homme. Nos  aïeux, aux- 
quels on  prodigue  si  souvent  le  nom  de  bar- 
bares, le  pensaient  ainsi  lorstpi'ils  établirent 
le  principe  qui  a  eu  pendant  plusieurs  siè- 
cles force  de  loi  parmi  nous,  aut  nubcre,  aut 
mori,  principe  quia  fait  si  longtemps  la  sau- 
vegarde du  sexe  contre  la  séuuclion,  prin- 
cipe qui  a  pu  être  un  rempart  contre  la  dé- 
pravation des  mœurs  ;  mais  qui ,  depuis 
qu'elles  ont  été  corrompues,  était  devenu 
une  arme  meurtrière  dans  les  mains  du  vice, 
et  qui  changeait  souvent  en  séducteur  ce  sexe 
que  la  fiiiblesse  même  fait  toujours  présu- 
mer être  séduit.  D'ailleurs,  quelle  triste  vic- 
toire pour  une  femme  abusée  et  trompée,  de 
ue  devoir  un  époux  qu'à  la  crainte  de  la 
luortl  quelle  réUexion  déchirante  de  se  diic 


J^ 


585 


MAR 


MAR 


584 


à  soi-même,  ce  n'est  que  pour  éviter  l'écha- 
faud  qu'il  a  consenti  à  partager  ma  couche  1 

Quelque  obligatoire  que  soit  en  lui-môme 
le  simple  contrat  naturel,  la  sagesse  des  lé- 
gislateurs a  donc  dû  y  ajouter  des  prélimi- 
naires et  des  formalités  extérieures  pour  le 
rendre  obligatoire  dans  le  for  extérieur  et 
aux  yeux  de  la  société.  Il  a  fallu  prémunir  la 
jeunesse  contre  une  passion  souvent  aveu- 
gle; il  a  fallu  s'assurer  de  la  liberté  et  du  la 
raison  des  contractants,  et  l'on  a  vu  les  deux 
puissances  concourir^  ce  but  salutaire  ;  c'est 
pour  cela  qu'on  a  établi  les  fiançailles,  la  pu- 
blication des  bans,  et  qu'on  a  aboli  les  pro- 
messes per  rp?"6a  de  prœsenti.  Les  fiançailles 
et  la  publication  des  bans  doivent  précéder 
le  mariage.  Ces  formalités  sont  plus  ou  moins 
essentielles,  selon  les  circonstances.  Voy. 
Bans,  Fiançailles.  Les  conventions  matri- 
moniales rédigées  par  écrit,  qu'on  appelle 
contrat  de  mariage,  précèdent  aussi  ordinai- 
rement la  célébration  du  mariage  :  on  peut 
les  regarder  comme  des  fiançailles  profanes. 
Ce  contrat  n'est  point  de  nécessité  absolue  ; 
il  arrive  même  souvent  que  les  futurs  con- 
joints n'en  passent  point.  Dans  ce  cis,  c'est 
la  loi  de  leur  domicile  qui  règle  les  conven- 
tions matrimoniales  ;  il  ne  peut  être  passé 
après  le  mariage  ;  il  f;iut  nécf^ssairement  qu'il 
le  précède,  autrement  il  serait  radicalement 
nul.  Il  doit  être,  selon  le  droit  commun,  ré- 
digé par-devant  notaires.  La  plujiart  de  nos 
coutumes  l'exigent  impérieusement,  pour 
empêcher  les  antidates  et  les  avantages  que 
les  conjoints  pourraient  se  faire  pendant  le 
mariage.  Il  est  cependant  encore  quelques 
pays,  môme  coutumiers,  où  un  contrat  de 
mariage  sous  seing  privé  est  valable  ;  mais  il 
faut  qu'il  soit  signé  des  conjoints,  des  pa- 
rents des  deux  côtés,  et  absolument  à  l'abri 
de  tout  sou|içon  de  dol  et  de  fraude. 

§  II.  Quelles  sont  les  personnes  qui  peuvent 
contracter  le  mariage?  Toute  personne  qui 
n'a  en  elle  aucun  empêchement  dirimant,  ou 
qui  a  obtenu  une  dispense  de  ceux  dont  on 
peut  dispenser,  est  capable  de  se  marier. 
Nous  avons  amplement  traité  cette  matière 
à  l'aiticle  Empêchement  du  mariage:  nous  y 
renvoyons  nos  lecteurs.  Il  en  est  deux  que 
nous  avons  réservés  au  présent  article,  parce 
que  l'ordre  des  matières  l'exigeait  :  c'est  le 
défaut  de  consentement  de  la  part  de  ceux 
dont  dépendent  les  parties  contractantes,  et 
la  disparité  du  culte  |>ar  rappoit  aux  proles- 
tants et  aux  infidèles.  Nous  ne  connaissons 
dans  notre  législation  que  deux  espèces  de 
persomies  ([ui  S(jnt  sous  la  puissance  d'an- 
trui,  les  fils  de  famille,  c'est-à-dire  ceux  qui 
ont  encore  leur  père  ou  mère,  et  les  mineurs 
qui  sont  sous  la  conduite  de  leurs  tuteurs  ou 
curateurs. 

Suivant  les  lois  romaines,  les  mariages  des 
enfants  de  famide  n'étaient  pas  valables  sans 
le  consentement  préa  able  de  celui  qui  les 
avait  en  sa  puissanci;,  in  tantum   ut  jussus 

parent is   prœccdere  debeat Si  adversus  ea 

quœ  diximus  aliquicoierint,  ncc  vir,  nec  uxor, 
necnuptiœ,  nec  matrimonium,  nec  dos  intelli- 
gitur,  instit.  de  nupt.  Les   grands  privilèges 


accordés  par  les  empereurs  aux  soldats  ne 
les  dispensaient  pas  de  cette  règle.  Filius 
familias  miles  matrimonium  sine  patria  vo- 
luntate  non  contrahit.  On  reconnaî*  dans  ces 
lois  une  conséquence  nécessaire  de  la  puis- 
sance paternelle  ;  elles  ont  été  longtemps  en 
vigueur  dans  l'empire,  même  après  que  la 
religion  chrétienne  y  a  été  admise,  et  alors 
l'Eglise  ne  regardait  point  comme  valables 
les  mariagies  contractés  contre  leur  disposi- 
tion. On  en  trouve  des  preuves  dans  les  ou- 
vrages des  saints  Pères.  Cette  doctrine  pa- 
raît s'être  conservée  jusqu'aux  temps  d'Isi- 
dore Mercator,  puisque,  dans  la  ilécrétale 
qu'il  a  faussement  attribuée  au  pape  Evariste, 
et  qui  est  rapportée  au  décret  de  Gratien, 
can.  aliter,  caus.  30,  qucest.  5,  on  appelle 
adulteria,  contubernia,  stupra  et  fornicatio- 
nes,  les  mariages îniis  sans  le  consentemeid 
des  pères  et  mères,  matrimonia  facta  sine 
consensu  parentum.  Mais  les  lois  romaines 
sur  la  puissance  paternelle  ayant  cessé  d'ê- 
tre exécutées  dans  la  majeure  partie  du  monde 
chrétien,  on  s'accoutuma  insensiblement  à 
regarder  comme  valables  les  mariages  des 
enfants  de  famille,  même  mineurs,  quoique 
faits  sans  le  consentement  de  leurs  pères  et 
mères. 

Cette  opinion  paraît  avoir  été  adoptée  par 
le  concile  de  Tren\e  •,tametsidubitanaum  non 
est  clandestina  matrimonia  libero  consensu 
contruhentium  facta,  rata  et  vera  esse  matri- 
monia quandiu  Ecclesia  ea  irrita  non  fecit, 
proinde  jure  damnandi  sunt,  ut  eos  sancta  sy- 
nodus  anathemate  damnât,  qui  ea  vera  et  rata 
esse  nrgant,  quiquc  falso  affirmant  matrimo- 
nia a  filiis  familias  sine  consensu  parentum 
contracta  irrita  esse,  et  parentes  earata  et  ir- 
rita facere  passe;  nihilominus  sancta  Dei  Ec- 
clesia, ex  justissimis  causis,  illa  semper  de- 
testata  est  atque  prohibait.  Ce  décret  du  con- 
cile a  beaucoup  occupé  nos  théologiens  et 
nos  canonistes.  Ils  ontc  lerché  à  le  concilier 
avec  nos  lois  et  nos  usages.  Ils  soutiennent 
qu'il  a  seulement  entendu  condamner  le  sen- 
tuuent  de  quelques  protestants,  qui  jiréten- 
daient  que  par  le  droit  naturel,  les  parents 
avaient  par  eux-mêuies  le  pouvoir  de  vali- 
der ou  d'annuler  les  mariages  de  leurs  en- 
fants, contractés  sans  leur  consentement, 
sans  qu'il  fût  besoin  pour  cela  d'une  loi  po- 
sitive qui  les  déclarât  nuls.  Mais  le  concile 
n'a  pas  décidé  ni  pu  décider  que,  dans  le 
cas  d'une  loi  civile  qui  exigerait  dans  les  en- 
fants de  famille  le  consentement  des  parents 
à  peine  de  nullité,  leurs  mariages,  sans  ce 
consenteuient,  ne  laisseraient  |)as  d'être  va- 
lables. En  effet,  il  s'ensuivrait  dune  pareille 
décision  que  les  princes  n'auraient  pas  le 
droit  d'établir  des  erapéciements  dirimants  : 
ce  qui  est  faux.  Voy.  Empêchement. 

Quel  que  soit  le  sens  que  l'on  veuille  don- 
ner à  la  décision  du  concile,  il  est  certain 
que  nous  distinguons  en  France  deux  esjiè- 
ces  d'enfants  de  famille,  les  mineurs  et  les 
majeurs  :  nous  exigeons,  pour  les  mariages 
des  uns  et  des  autres,  le  consentement  des 
I)arents;  mais  le  défaut  de  ce  consentement 
ne  produit  pas  les  mêmes  effets  dans  toui 


les  cas.  Quant  aux  mariages  des  fils  do  fainillo 
mineurs,  lo  défaut  do  consentement  des  pè- 
res et  mères  les  rend  nuls.  Nos  autours  cher- 
chent à  appuyer  cette  nullité  sur  l'esprit  et 
la  lettre  de  nos  lois. 

On  retrouve  dans  nos  anciens  Capituiaires 
des  traces  de  la  nécessité  du  consenleinent 
des  pères  et  mères  pour  le  mariage  de  leurs 
enfants,  du  moins  quant  aux  tilles.  Ces  lois 
étaient  tombées  en  désuétude.  On  en  peut 
juger  par  le  préambule  de  l'édit  de  Henri  II, 
du  mois  de  février  1556  :  «  Comme  sur  la 
j)lainle  h  nous  faite  des  mariages,  qui  jour- 
iiellement,  par  une  volonté  ciiarnelle,  indis- 
crète et  désordonnée,  se  contractaient  en 
notre  royaume  par  les  enfants  de  famille, 
contre  le  vouloir  et  consentement  de  leurs 
nères  et  mères,  n'ayant  aucunement  devant 
les  yeuî  la  crainte  de  Dieu,  l'honneur,  ré- 
vérence et  obéissance  qu'ils  doivent  à  leurs 

dits  parents Nous  eussions    longtemps 

conclu  et  arrêté  sur  ce  faire  une  bonne  loi 
et  01  donnance,  par  le  moyen  de  laquelle  ceux 
qui,  pour  la  crainte  de  Dieu ,  l'Iionneur  et 
révérence  paternelle  et  maternelle,  ne  se- 
raient détournés  et  retirés  de  mal  faire,  fus- 
sent par  la  sévérité  de  la  peine  temporelle 
révoqués  et  arrêtés »  Le  législateur  sup- 
pose qu'avant  lui  il  n'y  avait  aucune  loi  sur 
cette  matière.  L'édit  continue  :  «  Avons  dit 

et  statué que    les    enfants   de   famille, 

ayant  contracté  et  qui  contracteront  ci-après 
mariages  clandestins,  contre  le  gré,  vouloir 
et  consentement  de  leurs  pères  et  mères, 
puissent,  pour  telle  irrévérence,  ingratitude, 
mépris  et  consentement  de  leurs  dits  j)ères 
et  mères,  et  chacun  d'eux  exhérédés  ;  puis- 
eent  aussi,  lesdits  pères  et  mères,  pour  les 
causes  que  dessus,  révoquer  toutes  les  do- 
nations qu'ils  auraient  faites  à  leurs  en- 
fants   Voulons  que  lesdits  enfants,  qui 

ainsi  seront  illicJtOLDent  conjoints,  soient 
déclarés  audit  casd'cxhérédalion,  et  les  dé- 
clarons incapables  de  tous  avantages  tjulls 
pourraient  prétendre,  par  le  moyen  des  con- 
ventions apposées  es  contrats  de  mariage, 
ou  par  lo  bénéfice  des  coutumes  de  notre 
royaume.  » 

Cotte  loi  ne  prononce  point  la  peine  de 
nullité  contre  les  mariages  des  enfants,  môme 
mineurs,  contractés  sans  le  consentement 
des  pères  et  mères.  Elle  ne  les  regarde  que 
comme  illicites  :  qui  ainsi  seront  ilticitement 
conjoints;  el'e  ne  i)unit  les  enfants  que  par 
la  peine  de  l'exhérédation,  qu'elle  laisse  ce- 
pendant à  la  volonté  des  pères  et  mères; 
elle  ne  les  déclare  déchus  des  conventions 
matrimoniales  ou  du  bénéfice  des  coutumes, 
que  dans  les  cas  où  l'exhérédation  serait 
prononcée.  Les  enfants  ne  peuvent  éviter 
les  peines  portées  par  la  loi,  même  en  re- 
quérant le  consentement  de  leur  père  :  il 
est  nécessaii'C  pour  cela  qu'ils  l'aient  obtenu. 
Il  y  a  cependant  une  exception  bien  remar- 
quable. «  N'entendons  comprendre  les  ma- 
riages qui  seront  contractés  par  les  fils  ex- 
cédant l'.lge  (le  trente  ans,  et  les  filles  ayant 
vingt-cinq  ans  passés  et  accomplis,  pourvu 
qu'us  se  soient  mis  eu  devoir  de  requérir 

PiCTIOH».    DE  ThÉOL.  DOatUTIQUB-    lU. 


MAR  «80 

l'avis  et  conseil  de  leurs  dits  pères  et  mè 
res;  ce  qu(^  voulons  être  ainsi  gardé  iiour 
le  regard  des  mères  qui  se  remarient,  des- 
quelles suffira  requérir  leur  conseil,  et  ne 
seront  lesdits  enfants,  auxdits  cas,  tenus 
d'attendre  leur  consentement.  »  Lo  législa- 
teur termine  sa  loi  par  ordonner  que  lesdits 

enfants et  ceux   qui  auront    traité   tels 

mariages  avec  eux,  et  donné  conseil  et  aide 
pour  ia  consommation  d'iceux,  soient  sujets 
a  telles  peines  qu'elles  seront  avisées,  selon 
l'exigence  des  cas,  par  les  juges. 

L'article  40  de  l'ordonnance  de  Blois  porte  : 
«  Enjoignons  aux  curés  de  s'enquéi'ir  de  la 
qualité  de  ceux  qui  voudront  se  marier;  et 
s'ils  sont  enfants  de  famille,  ou  en  puissance 
d'autrui,  nous  leur  défendons  de  passer  ou- 
tre à  la  célébration  desdits  mariages,  s'il  ne 
leur  apparaît  du  consentement  des  pères, 
mères,  tuteurs  ou  curateurs,  sous  peine  d'ô- 
tre  punis  comme  fauteurs  du  crime  de  rapt.  » 
L'article  4-1  confirme  l'édit  de  155G;  l'édit  de 
Melun  confirme  l'article  40  do  l'ordonnancQ 
de  Blois. 

Louis  XIII,  par  sa  déclaration  de  1639, 
fut  jtlus  loin  que  les  ordonnances  précéden- 
tes. Les  peines  portées  par  les  rois  ses  (iré- 
décesseurs,  contre  lesmarî'ag'M  contractés  par 
les  enfants  de  famille  sans  le  consentement 
de  leurs  ])ères  et  mères,  n'ayant  pu  les  ar- 
rêter, il  a  jugé  à  propos  d'en  ajouter  de 
nouvelles.  En  conséquence,  l'article  2  do  la 
déclaration  s'énonce  ainsi  :  «  Le  contenu  de 

l'édit  de  l'an  1556,  et  aux  articles  41 de 

l'ordonnance  de  Blois,  sera  observé,  et  y 
ajoutant,  avons  déclaré  et  déclarons  les  veu- 
ves, fils  et  filles,  moindres  de  vingt-cinq  ans, 
qui  auront  contracté  mariage  contre  la  te- 
neur desdites  ordonnances,  privés  et  déchus 
jiar  le  seul  fait,  ensemble  les  enfants  qui  en 
naîtront,  et  leurs  hoirs,  indignes  et  incapa- 
bles à  jamais  des  successions  de  leurs  pères 
et  mères  et  aïeux,  et  de  toutes  autres  direc- 
tes ou  collatérales,  comme  aussi  des  droits 
et  avantages  qui  pourraient  leur  être  acquis 
par  contrats  de  mariage  et  testaments,  ou 
par  les  coutumes  et  lois  de  notre  royau- 
me, même  du  droit  de  légitime;  et  les  dis- 
positions qui  seront  faites  au  préjudice  de 
notre  ordonnance,  soit  en  faveur  des  per- 
sonnes mariées,  soit  par  elles  au  profit  des 
enfants  nés  de  ces  mariages,  nulles  et  de  nul 
effet  et  valeur.  Voulons  que  les  choses  ainsi 
données  demeurent  irrévocablement  acqui- 
ses à  notre  fisc,  sans  que  nous  en  puissions 
disposer  qu'en  faveur  des  hôpitaux  ou  autre.s 
œuvres  pics,  etc.  » 

Mais  quelles  que  soient  les  peines  portées 
par  ces  différentes  lois  contre  les  mariages 
faits  sans  le  consentenient  des  pères  et  mè- 
res, elles  se  bornent  h  la  privation  des  effets 
civils.  On  n'y  voit  point  la  |icine  de  nullité 
textuellement  prononcée.  Si  la  lettre  do  nos 
ordonnances  n'est  pas  précise  à  ce  sujet, 
nos  autours  soutiennent  qu'il  n'en  est  pas 
de  même  de  leur  espiit,  et  que  si  on  les 
considère  attentivement,  on  découvrira  fa- 
cilement qu'elles  ré|iulent  nuls  et  non  vala- 
blemaot  contractés  tous  les  mariages  des  mi- 

19 


587 


MAR 


MAR 


&38 


neiirs,  contractés  sans  le  consentement  de 
leurs  pères    et   mères.  En   effet,   il   paraît 
qu'elles  regardent  comme  le  fruit  de  la    sé- 
duction ces  sortes  de  mariages,  puisqu'elles 
Teulent  (ordonnance  de  Blois,    art.  40)  que 
les  curés,  qui  y  prêteront  leur  ministère, 
soient  punis  comme  fauteurs  du  crime  de  rapt. 
Elles  supposent  donc  que  le  mariage  d'un 
mineur  doit  passer  pour  entaché  du  vice  de 
séduction,  par  cela  seul  qu'il  est  contracté 
sans  le  consentement  de  ses  pères  et  mères. 
Il  n'y  a  en  effet  que  la  séduction,  et  une  sé- 
duction très-forle,  qui  puisse  faire  oubliera 
un  mineur,  la  déférence,  le  respect  et  l'o- 
béissance qu'il  doit  aux  auteurs  de  ses  jours. 
Dès  que  la  loi  suppose  la  séduction  dans  ces 
sortes  de  mariages,  elle  les  suppose  par  là 
même  nuls,  puisque  la  séduction  est  un  em- 
pêchement dirimant  du  mariage,  empêche- 
ment qui,  en  enchaînant  la  liberté,  fait  dis- 
paraître le  consentement  nécessaire  à  tout 
contrat.  Alors  la  présomption  est  de  celles 
que  l'on  aiipelle  en  droit  prœsumptiones  ju- 
ris,   qui   suai    équipollentes  à  une  preuve 
parf.iite,   et  qui  dispensent   d'en   apporter 
d'autres.  La  séduction  en  ce  cas  n'est  consi- 
dérée que  dans  la  chose  môme  :  on  n'exa- 
mine point  de  la  part  de  qui  elle  vient,  quand 
même  ce  serait  le  mineur  qui  s'est  marié 
qui  se  serait  séduit  lui-même  par  sa  passion, 
quand  même  celle  qu'il  a  épousée  n'y  au- 
rait contribué  que  par  le  malheur  qu'elle  a 
eu  de  lui  plaire,  la  séduction  ne  laisserait 
pas  d'être  présumée,  et  le  mariage,  en  con- 
séquence, réputé  nul.  La  nullité  du  mariage 
des  mineurs,  opérée  par  le  défaut   de  con- 
sentement de  leurs  pères  et  mères,  ne  pro- 
vient donc  point  de  la  puissance  paternelle, 
telle  qu'elle  avait  été  admise   chez  les  Ro- 
mains. Ce  n'est  pas  l'atteinte  portée  à  cette 
puissance  qui  annule  le  contrat  civil.  C'est 
ta  présomption  que  l'enfant  s'est  conduit  en 
aveugle,  dès  qu'il  n'a  point  marché  à  la  lueur 
du  tiambeauque  la  nature  et  la  loi  lui  don- 
nent pour  se  diriger  pendant  sa  minorité. 
C'est  pourquoi  l'article  40  de  l'ordonnance 
de  Blois  veut  qu'on  punisse,  comme  fauteurs 
du  crime  de  rapt,  les  curés  qui  béniront  les 
mariages  des  mineurs,  sans  qu'il  leur  appa- 
raisse  du  consentement  de  leurs  pères  et 
mères;  et  de  là  on  conclut  que  ces  mariages 
sont  nuls,  sekm  l'esprit  de  la  loi. 

On  tire  la  même  conséquence  d'une  autre 
disposition  de  l'ordonnance  de  Blois  :  «  Pour 
obvier  aux  abus  qui  adviennent  des  maria- 
ges clandestins,  avons  ordonné  que  nos  su- 
jets ne  pourront  valablement  contracter  ma- 
riage,s&as,  proclamation  précédente  de  bans.  » 
Le  principal  motif  qui  a  porté  le  législateur 
à  prescrire  la  formalité  des  bans  a  été  d'eiti- 
pêcher  les  mineurs  de  se  marier  à  l'insu  de 
leurs  pères  et  mères.  Cela  est  si  vrai,  que  le 
défaut  do  publication  de  bans  passe  pour 
èlve  de  nulle  considération  dans  les  mariages 
des  majeurs,  et  que  môme  à  l'égard  de  ceux 
des  mineurs,  il  n'est  de  quelque  poids  que 
lorsque  les  pères  et  mères  se  plaignent  du 
mariage,  et  qu'il  n'en  est  d'aucun  lorsqu'ils  y 
ont    consenti.  Cela  posé,  l'ordonuauce  de 


Blois,  en  déclarant  nids  et  non  valablement 
contractés  lesmariages,  lorsqu'on  aurait  man- 
qué d'observer  une    formalité  établie,  pour 
empêcher  les  mineurs  de  se  marier  à  l'insu 
et  sans  le  consentement  de  leurs  pères  et 
mères,    fait    suftisamment   connaître    que 
les  mariages  ainsi    contractés    ne    ]iuissent 
subsister ,    et   qu'ils    soient    réputés    non 
valablement    contractés.  Pourrait-on  pen- 
ser  sans   absurdité    que   la    loi    ait  voulu 
avoir  plus   d'indulgence  pour  le  mal  môme 
qu'elle  a  voulu   prévenir,  que  pour  l'inob- 
servation d'une  formalité  qu'elle  n'a  établie 
que  pour  l'empêcher?  Ce  qui  ajoute  encore 
à  ce  raisonnement,  c'est  la  disposition  de  la 
môme  ordonnance  de  Blois,  qui  porte  que  la 
dispense  de  quelques-unes   des  proclama- 
tions de  bans  ne  pourra  être  accordée  que 
du  consentement  des  principaux  parents  des 
parties  contractantes,  et  par  conséquent  de 
leurs  pères  et  mères.  Il  en  est  de  même  de 
la  déclaration  du  26  novembre  1639,  qui  exi- 
ge le  consentement  des  pères  et  mères,  tu- 
teurs,  curateurs,  pour  la  proclamation  des 
bans  des  mineurs.  Si  ces  lois  requièrent  le 
consentement  des  pères  et  mères  pour  que 
les  bans  soient  valablement  publiés  ;  si  elles 
le  requièrent   pour  les  dispenses  des  bans, 
n'est-il  pas  évident  que  leur  esprit  est  d'exi- 
ger, à  plus  forte  raison,  ce  consentement, 
pour  que  les  mariages  des  mineurs  soient 
valablement     contractés?   Certainement   le 
mariage  est  un  acte  bien  plus  important  que 
les  dispenses  des  bans  ou  leur  publication. 
Go  que  l'on  vient  de  dire  sur  la  nécessité 
du  consentement  des  pères  et  mères,  pour 
la  validité  des  mariages  des  mineurs  est  tiré 
du    plaidoyer  do   M.  d'Aguesseau,  dans  la 
cause  de  Melchior  Fleury,  contre  la  demoi- 
selle deBezac. 

On  ne  peut  douter  que  la  jurisprudence 
constante  de  tous  les  tribunaux  du  royaume 
ne  soit  de  regarder  le  défaut  de  consente- 
ment des  pères  et  mères  comme  opérant  la 
nullité  du  mariage  des  mineurs.  Mais  en 
même  temps  il  faut  convenir  que  cette  aul- 
hté  n'est  textuellement-  prononcée  par  au- 
cune loi  :  elle  n'est  que  la  conséquence  de 
plusieurs  dispositions  de  nos  ordonnances. 
Mais  des  nullités  ne  doivimt  point  s'établir 
par  des  inductions;  il  faut  plus  que  l'esprit 
des  lois,  il  faut  leur  volonté  clairement  ma- 
nifestée. Il  est  vrai  que  la  séduction  que 
fait  présumer  le  défaut  de  consentement  des 
pères  et  mères  est  en  elle-même  un  empê- 
chement dirimant-  Mais  ce  n'est  cHCore  ici 
qu'une  séduction  présumée;  et  une  pré- 
somption, fût-elle  môme  prœsumptio  juris, 
ne  paraît  pas  suffire  pom-  fwnder  la  nullité 
d'un  acte  aussi  important  que  le  mariage.  Ce 
sont  sans  doute  ces  réflexions  qui  ont  fait 
dire  à  d'Héricourt  qu'il  serait  à  souhaiter 
que  nos  rois  s'expliquassent  d'une  manière 
plus  précise  sur  une  matiôre.de  cette  impor- 
tance ,  et  qu'ils  déclarassent  les  enfants 
mineuis  inhabiles  à  contracter  mariage, sans 
le  consentement  de  leurs  pères,  mères,  ou 
tuteurs,  ou  du  moins  sans  un  aiTèt,  dans  les 
cas  où  les  cours  souveraines  jugeaient  (^uo 


f;s9 


MAR 


MAR 


r;oo 


lo  refus  (les  p^res  et  mères  fiU  injuste.  Cetto 
(•lernièro  otiservatioii  de  irHériconrt  présente 
In  fjiicstion  de  savoir  si  un  père  rt  une  mère 
ne  peuvent  pas  être  quelquelois  forcés  de 
donner  leur  consentement  nu  mnriaqc  de 
leurs  enfants  mineurs.  Il  s'est  trouvé  des 
tas  où  le  refus  des  pères  et  mères  avant  élé 
reconnu  injuste,  les  cours  ont  permis  aux 
mineurs  de  contracter  des  mariaqes  que  le 
reste  de  leur  famille  jugeait  leur  être  avan- 
ta,'cux.  On  eitn  à  cetto  occasion  uti  arrêt  du 
17  juillet  1722,  par  lequel  unmineur,  sur  un 
avis  de  paienls,  a  élé  autorisé  h  contracter 
un  mariage  avantageux,  auquel  la  mère  re- 
fusait de  consentir.  Mais  cela  souffrirait 
peut-èire phisde  dillicultéh  l'égar.id'un  père  : 
au  reste,  ces  cas  s» 'ni  rares.  On  doit  pré- 
sumer de  la  iiiété  paternelle,  que  si  le  père 
ou  la  mère  refusent  leur  consentement,  ils 
ont  l'our  cela  de  bonnes  raisons  qu'ils  ne 
jugent  pas  h  jtropos  de  publier. 

En  Angleterre,  ofi  la  liberté  de  disposer 
de  sa  personne  et  de  ses  biens  est  moins 
lunilée  que  dans  le  reste  de  l'Europe,  les 
enfants  môme  mineurs  pouvaient  se  marier 
sans  le  consentement  des  auteurs  de  leurs 
jours  ;  mais  les  al)us  multipliés,  qui  étaient 
la  suite  de  cette  liberté,  ont  fait  naître  l'acte 
du  Parlement  de  1753. 

On  suit  en  Flandre  un  usage  qui  parait 
tenir  un  juste  milieu  entre  rautorito  illi- 
mitée des  pères  et  la  liberté  indéfinie  des 
enfants,  qui  laisse  h  la  sagesse  éclairée  des 
uns  tout  sui  ein[)iro,  et  prévient  les  suites 
fAcheuses  des  passions  aveugles  des  autres. 
Si  le  père  reTuse  injustement  son  consente- 
ment, la  loi,  qui  est  le  premier  père  des 
citoyens,  le  donni^  pour  lui.  Les  mineurs 
peuvent,  sous  l'autorité  du  juge,  qui  ne  pro- 
nonce qu'en  conn  ussaice  de  cause,  se 
marier  nrdgré  leurs  pères  et  n.ères,  tuteurs 
et  curateurs;  en  ce  cas  le  magistrat  nomme 
un  ollicier  pour  assister  au  contrat  et  en 
régler  les  conventions,  (let  ancien  usage  -ie 
la  Fbuidre  a  été  confirmé  par  une  iléclara- 
tion  du  8  ma,  s  170V  :  «  Voulons,  dit  cette 
loi,  q  e  les  sentences  et  arrêts  qui  auront 
été  rendus  avec  les  pèies  et  mères,  tuteurs 
et  curateurs,  soient  exécutés,  même  ceux 
par  lesquels  il  aura  été  pciiuis  aux  mineurs 
de  contracter  mariagr,  sans  que  ce  défaut 
ou  refus  de  consentement  des  pères  et 
mères,  tuteurs  ou  curateurs,  puissent  en  ce 
casêtie  0[>posés  auxdits  mineurs.  » 

Si  le  pèie  consent  au  mariage  de  son  fils 
mineur,  et  que  la  mère  s'y  refifse,  le  mariage 
n'en  est  pis  mnins  val,il)lc  :  quia  plus  hono- 
ris tribuiturjiidicio  patris,  quam  matris.  Si 
le  père  est  décéd.',  le  consentement  de  la 
mère  est  nécessaire;  mais  pour  qu'elle  con- 
serve son  autorité  entière,  il  faut  qu'elle  ne 
cenvole  point  ii  de  secondes  noces,  etiju'elle 
mène  une  C(jnduile  régulière.  Un  arrêt  du 
3;*  août  1760  a  prononcé  la  main  levée  d'une 
'  opposition  formée  par  une  mère  au  mariage 
de  son  fils,  âgé  de  vingt-trois  ans,  avec  une 
fille  de  vingt-huit;  il  y  avait  deux  circon- 
stances particulières.  Toute  la  famille  du 
tils  a^éait   le  mariage,  la  mère    seule    s'y 


opposait.  La  mère  s'était  remariée  et  s'était 
dérangée  de  manière  qu'on  avait  été  obligé 
de  la  riire  enfermer. 

Les  pères  et  mères  décédés  sont  repré- 
sentés parles  aienxct  aïeules;  mais  on  no 
laisse  pas  h.  ces  derniers,  non  plus  qu'aux 
rnères  seides,  une  autorité  entière  lorsqu'il 
s'agit  du  mariage  des  mineurs;  leur  famille 
la  partage;  c'est  ce  qui  paraît  avoir  été  dé- 
cidé par  un  arrêt  du  30  mai  17G7  :  dans 
cette  espèce,  la  dame  Gros-Jean  voulait 
marier  la  demoiselle  Gargam,  sa  petite-fille, 
âgée  de  treize  ans  quatre  mois,  avec  un 
sieur  Heuvrard,  igé  do  trente-cinq  à  qua- 
rante ans.  L'oncle  paternel  tle  la  demoiselle, 
et  qui  était  curateur  ?i  son  émaneip.itiou, 
s'ofipusa  à  ce  mariage  de  concert  avec  la 
lamille;  l'opposition  était  fondée  sur  la  dis- 
proportion d'ilge,  de  naissance  et  de  fortune. 
M.^  l'avocat  général  Barentin  conclut  à  ce 
qu'il  fût  tenu  chez  la  dame  Gros-Jean  une 
assemblée  des  parents  paternels  et  mater- 
nels, pour,  sur  leurs  avis,  être  onlonné  ce 
que  de  raison  ;  mais  quoique  l'aïeu'e  dé- 
clarât qu'elle  ne  donnait  son  consentement 
que  sous  la  condition  que  sa  p'  tite-fiUe,  h 
cause  de  sagrande  jeunesse,  resterait  encore 
deux  ans  au  couvent  après  sou  mariage,  la 
cour  remit  la  cause  à  deux  ans,  et  cependant 
ordonna  que  dans  hnilaine,  à  compter  du 
jour  de  la  signification  de  l'arrêt,  la  daujc 
Gros-Jean  et  le  sieur  Gargam  conviendraient  ' 
conjointement  d'un  couvent,  dans  lequel 
serait  mise  la  mineure,  duquel  couvent  elle 
ne  pourrait  sortir  que  du  consentement  de 
l'aïeule  et  de  l'onde  curateur. 

L'éloignement  du  lieu  où  demeure  le 
père  et  la  mère,  lorsque  ce  lieu  est  connu, 
ne  dispense  pas  les  enfants  d'obtenir  leur 
consentement.  Celui  des  plus  proches  (la- 
rents  assemblés  à  cet  etTet  ne  peut  le  sup- 
pléer. Une  fille,  dont  la  mère  demeurait  à 
Saint-Domingue,  avait  élé  mariée  à  Orléans 
sans  son  consentement.  Le  prévôt  de  cet;e 
ville  avait  homologué  un  avis  do  parents, 
qui  avaient  tous  approuvé  le  mariage,  et  avait 
en  conséquence  permis  la  célébration.  Sur 
l'app.l  comme  d'abus  interjeté  par  la  mère, 
le  mariage  a  été  déclaré  nul  et  abusif,  et  il  a 
élé  fait  défense  au  prévôt  d'Orléans  d'ho- 
mologuer pareils  avis.  —  Il  n'en  serait  pas 
de  même  si  le  père  était  absent  depuis 
longtemps,  et  qu'on  ignor.it  le  lieu  de  sa 
demeure;  dans  ce  cas,  a)>rès  information 
faite  de  son  absence,  l'enfant  pourrait  être 
dispensé  d'obtenir  son  consenteme;it  qui 
serait  suppléé  par  celui  du  tuteir  et  de  la 
famille.  La  mêuie  dispense  a  lieu  pour  le 
mariage  des  mineurs,  dont  les  pères  et  mères 
se  seraient  ret'.rés  dans  les  pays  étrangers, 
pour  cause  île  religion,  Yog.  la  déclaration 
du  tnois  d'août  IGS6  et  celle  du  2i  mai  1721. 

La  p  rte  de  l'état  civil,  soil  par  la  profes- 
sion religieuse,  s  àl  par  une  c^-mdauinaliua 
à  une  p  ine  capitale,  dépoudie  les  pères  et 
mères  de  leurs  droits  sur  leurs  enfants,  jiar 
rapport  au  mariage;  ceux-ci  peuvent  lo 
contracter  sans  leur  consentement;  c'est  uno 


891 


IIAR 


MAR 


698 


euite  de  la  mort  civile  qui  fait  perdre  le  droit 
de  cité. 

'  Lorsqu'un  mineur  n'a  ni  père  ni  mère,  il 
doit  faire  intervenir  pour  son  mariage  le 
consentement  de  son  tuteur  ou  curateur  à 
sa  personne;  car  le  tuteur  aux  causes,  ou 
le  tuteur  onéraire,  ne  représente  point  le 
père  et  la  mère.  Les  déclarations  du  15  dé- 
cembre 1721,  et  premier  février  1743,  ont 
réglé,  par  rapport  aux  mineurs  qui  ont  un 
tuteur  en  France  et  un  autre  dans  les  co- 
lonies, que  c'est  le  tuteur  du  lieu  où  le 
père  du  mineur  avait  son  domicile,  qui  doit 
donner  son  consentement  par  écrit  au  ma- 
riage du  mineur,  sur  un  avis  de  parents  as- 
semblés devant  le  juge  qui  l'a  nommé.  Pour 
de  grandes  considérations,  on  consulte  l'autre 
tuteur  et  les  parents  qui  habitent  le  même 
lieu  que  lui.  L'opposition  faite  par  un  tu- 
teur au  mariage  de  son  mineur  peut  être 
plus  facilement  levée  que  celle  des  pères  et 
mères.  Il  y  a  cette  différence  entre  l'une  et 
l'autre,  que  le  défaut  de  consentement  des 
pères  et  mères  fait  toujours  supposer  une 
séduction  qui  rend  nul  le  contrat  civil,  et 
que  celui  des  tuteurs  et  curateurs  ne  la  fait 
supposer  que  lorsque  le  mineur  paraît  avoir 
été  réellement  séduit,  et  que  le  mariage  lui 
est  désavantageux  par  une  frappante  inéga- 
lité de  conditions  et  de  biens. 

De  tout  ce  que  l'on  vient  de  dire  sur  la 
nécessité  du  consentement  des  pères  et 
mères,  tuteurs  et  curateurs  ,  au  mariage  des 
mineurs,  on  peut  en  conclure  que  le  défaut 
de  ce  consentement  opère  une  nullité ,  qui 
u'étant  prononcée  testuellement  par  aucune 
ordonnance,  n'est  point  absolue;  qu'elle 
peut  se  couvrir ,  et  que  toute  personne 
n'est  pas  recevable  à  la  faire  valoir.  Yoy.  ci- 
dessous  ie  §  5. 

Les  enfants  majeurs  sont  obligés,  comme 
les  mineurs,  de  requérir  le  consentement  de 
leurs  pères  et  mères;  mais  il  y  a  cette  diffé- 
rence que  le  mariage  des  majeurs  ne  peut 
être  attaqué  à  défaut  de  ce  consentement. 
La  peine  infligée  à  ceux  qui  se  marient  sans 
l'obtenir  est  d'encourir  l'exhérédation  des 
pères  et  mères,  lorsqu'ils  jugent  à  propos 
d'user  de  la  faculté  que  la  loi  leur  ordonne 
dans  ce  cas.  11  faut,  pour  que  les  enfants 
majeurs  ne  puissent  encourir  la  (i(>ine  d'ex- 
hérédatiun,  qu'ils  aient  requis  le  consente- 
ment de  leurs  pères  et  mères ,  par  des 
sommations  respectueuses,  au  nombre  de 
deux  au  moins.  Toute  majorité  n'autorise 
pas  à  faire  les  sommations  respectueuses;  il 
faut,  selon  l'édit  de  1556,  q^ie  les  garçons 
soient  majeurs  de  trente  ans,  et  que  les  tilles 
aient  vingt-cinq  ans  accomplis.  Lorsqu'un 
garçon  est  majeur  de  vingt-cinq  ans,  mais 
au-dessous  de  trente,  il  ne  lui  suliit  pas, 
]i0ui"  se  mettre  à  couvert  de  l'exhérédation, 
(le  faire  des  sommations  respectueuses,  il 
doit  obtenir  le  consentement  de  ses  pères  et 
mères,  autrement  il  est  toujours  sujet  à  la 
peine,  parce  que  la  loi  n"a  excepté  que  les 
majeurs  de  trente  ans;  mais  son  mariage  est 
•iiiattuqaahle,  et  en  cela  il  diffère  du  luuieur 
de  moius  de  viugt-cinq  ans.  Daos  une  cause 


jugée  le  12  février  1718,  M.  l'avocat  général 
Chauvelin  établit  qu'un  majeur,  quoiqu'au- 
dessous  de  trente  ans,  ne  pouvait  être  empô- 
clié  de  se  marier  sans  le  consentement  de  son 
père;  qu'il  s'exposait  seulement  à  l'exhéré- 
dation. 

L'édit  du  mois  de  mars  1697  soumet  à  la 
formalité  des  sommations  respectueuses  les 
veuves  majeures  de  vingt-cinq  ans.  En  cela 
il  a  ajouté  à  l'édit  de  1556  et  à  la  déclaration 
de  1639  ;  dans  la  première  de  ces  lois,  il 
n'avait  point  été  question  des  veuves,  et  la 
seconde  n'avait  parlé  que  des  veuves  mi- 
neures. Le  même  éJit  Je  1697  ajoute  encore, 
pour  certains  cas,  aux  précédentes  lois;  il 
déclare  les  veuves,  les  lils  et  les  filles  ma- 
jeurs, môme  de  vingt-cinq  et  de  trente 
ans,  lesquels,  demeurant  actuellement  avec 
leurs  pères  et  mères,  contractent,  à  leur 
insu,  des  mariages  comme  habitants  d'une 
autre  paroisse,  sous  prétexte  de  quelque 
logement  qu'ils  y  ont  pris  peu  de  temps  au- 
paravant leurs  mariages,  privés  et  déchus 
par  le  seul  fait,  ensemble  les  enfanis  qui 
en  naîtront,  des  successions  de  leurs  dits 
pères  et  mères,  aieux  et  aïeules,  et  de  tous 
autres  avantages  qui  pourraient  leur  être 
acquis  en  quelque  manière  que  ce  puisse 
être,  même  du  droit  de  légitime. 

Malgré  les  sommations  respectueuses,  la 
peine  d'exhérédation  pourrait  être  encourue, 
si  le  mariage  était  tout  à  fait  honteux  et 
déshonorant  ;  bien  loin,  disent  nos  auteurs, 
que  dans  ce  cas  l'enfant  satisfasse  en  partie 
au  respect  qu'il  doit  à  son  père,  en  lui  de- 
mandant son  consentement,  la  réquisition 
qu'il  lui  a  faite  pour  un  pareil  mariage  sem- 
ble encore  ajouter  à  roulrage  qu'il  lui  fait 
par  ce  mariage.  Un  arrêt  de  règlement  du 
17  août  1692  a  prescrit  les  formalités  des 
sommations  respectueuses.  L'enfunt  doit 
commencer  par  présenter  au  juge  royal  du 
domicile  de  ses  père  et  mère,  une  requête  aux 
fins  qu'il  lui  soit  iiermis  de  faire  à  ses  père  et 
mère  des  sommations  respectueuses  de  don- 
nerleur  consentementaumaria(/eriu'ilseprû- 
pose  de  contracter  avec  tel  ou  telle;  en  con- 
séquence de  la  permission  que  le  juge  met 
au  bas  de  la  requête,  l'enfant  doit  se  trans- 
porter chez  ses  père  ou  mère,  avec  deux 
notaires,  ou  un  notaire  et  deux  témoins,  et 
là  les  requérir  de  lui  accorder  leur  consente- 
ment, de  laquelle  réquisition  le  notaire 
dresse  un  acte,  que  l'on  appelle  sommation 
respectueuse. 

Les  bâtards,  qui  n'ont  neque  familiam  ne- 
que  gentem,  ne  sont  pas  dans  l'obligation 
d'obtenir  ni  môme  de  requérir,  pour  se  ma- 
rier valablement,  le  consentement  de  leur 
père  et  mère.  On  lit  au  second  tome  du 
Journal  des  Audiences,  un  arrêt  du  1"  fé- 
vrier 1662,  par  lequel,  sur  l'appel  comme 
d'abus  interjeté  par  une  mère  du  mariage  de 
sou  fils  bâtard,  qui,  âgé  de  vingt-trois  ans, 
et  revêtu  d'une  charge  de  secrétaire  du  roi, 
avait  épousé  la  fille  d'une  vendeuse  de  vieux 
chap.eaux  sous  le  petit  Châtelet,  les  parties 
furent  mises  hors  de  cour.  Lorsque  les  bâ' 
,  tards  sont  miuears,  ils   ont  besoin,   poujr 


r;93 


MAR 


MAR 


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se  marier,  du  ronsonlomcnt  de  leur  tuteur 
ou  curateur;  s'ils  n'en  ont  point,  in  doit 
leur  en  créer  un.  Plusieurs  de  nos  coutu- 
mes ont  abrégé  h  cerlains  égards  les  mino- 
rités ;  mais  les  majorités  coutimiières  ne  sont 
d  aucune  consiilération  pour  les  inariages. 
On  n'admet  dans  cette  matière  que  la  majo- 
rité de  droit  conmuin  et  général,  qui  est 
celle  de  ving'.-cinq  ans. 

Depuis  la  révocation  de  i'édit  de  Nantes, 
la  loi  ne  reconnaît  plus  de  protestants  en 
France;  on  n'y  recomiaîl  par  conséquent 
plus  pour  valables  entre  les  Français  quo 
les  mariages  contractés  en  lace  de  l'Kglise; 
d'où  il  suit  une  in<"apar;ité  légale  pour  le 
mariage  dans  la  personne  des  protestants, 
qui,  ne  voulant  point  et  ne  le  pouvant  point 
en  conscience,  ne  se  soumettent  pas  aux 
lois  reçues  dans  l'Eglise  et  dans  l'Etat.  Cette 
position  fâcheuse  met  cependant  un  grand 
nombre  de  familUs  dans  \\n  état  d'incerti- 
tude, par  rapport  h  la  légitimité  <les  enfants 
et  k  l'ordre  des  successions.  Il  y  a  longtemps 
que  les  gémissements  de  nos  frères  égarés 
SG  font  entendre  dans  des  écrits  dictés  par 
le  tolérantisme ,  la  politiipie  et  l'iuniianité. 
Nos  tribunaux  eux-mêmes  semblent  an- 
noncer la  nécessité  d'un  changement  à  cet 
égard  dans  notre  législation,  i)ar  les  espèces 
de  faux-fuyants  auxquels  ils  (int  recours, 
pour  éviter  l'application  des  lois  subsis- 
tantes. 

Plus  humbles  et  plus  modestes  qu'ils  ne 
l'étaient,  dans  des  temps  malheureux  où 
l'ambition  elfrénée  de  (pielcpies  particuliers 
leur  avait  mis  les  ai'iues  h  la  main  contre 
l'autorité  légitime,  les  protestants  français  so 
réduisent  aujourd'hui  A  réclamer  des  modi- 
fications, (pu,  en  assurant  leur  état  civil,  no 
mettraient  jias  leui'  religion  au  niveau  de  la 
religion  du  prince;  ils  n'aspirent  plus  h  la 
d(nnination,  ni  même  h  l'égalité  ;  ils  sollici- 
tent une  tolérance  jduti'it  civile  que  reli- 
gieuse. Un  des  articles  sur  lesquels  ils  in- 
sistent avec  le  plus  tlo  raison  est  celui  do 
leurs  mariages;  ils  proposent  qu'il  leur 
soit  peimis  de  se  marier  après  trois  publi- 
cations de  bans  ii  l'audience  de  la  juridiction 
prochaine,  en  présence  de  témoins  et  devant 
iè  juge  de  leur  ilomicile.  11  faut,  disent-ils, 
ou  nous  empêcher  de  nous  marier,  ou  nous 
forcer  au  sacrement,  ou  déclarer  nos  ma- 
riages concubinaires,  ou  nous  permettre  do 
nous  marier  devant  des  juges  séculiers;  le 
premier  de  ces  partis  est  un  outrage  à  la  na- 
ture; le  second,  une  source  de  sacrilèges  ;  le 
tioisième  une  insulte  aux  mœurs  et  un  op- 
probre pfiur  la  nation  ;  reste  donc  le  qua- 
trième. Fermez-nous,  continuent-ils,  l'entrée 
aux  dignités,  aux  charges,  aux  honneurs, 
nous  le  soulfrirons  en  silence,  comme  nous 
le  faisons  depuis  longtemps;  l'agricultuio 
et  le  commerce  nous  sullisent  ;  mais  ne  vous 
opnosez  plus  à  ce  que  nous  nous  livrions  ' 
légitimement  et  liciti'ment  à  la  première,  à 
la  plus  puissante  et  h  la  plus  sacrée  de 
toutes  les  impulsions  de  la  nature.  Ne  nous 
condamnez  plus  à  trembler  perpétuellement 
pour  le  sort  des  compagoes  do  nos  travaux 


(>t  de  nos  peines,  pour  l'état  de  nos  enfants. 
Quel  inconvénient  résulterait-il  pour  le  gou- 
vernement et  pour  le  catholicisme,  do  voir 
nos  mariages  scellés  du  sceau  de  l'autorité 
civile  et  publique?  Nous  n'en  serions  pas 
moins  des  sujets  fidèles,  des  citoyens  ]iaisi- 
bles.  Nous  n'en  respecterions  pas  moins  la 
religion  de  notre  prince  et  les  ministres  du  ; 
culte  dominant.  Nous  en  prenons  h  témoin  _' 
les  Fléchier,  les  Fénelon ,  dont  nous  ne  > 
prononçons  les  noms  qu'avec  vénération  et 
attendrissement.  On  ne  nous  [lersécute  plus 
ouvertement,  on  ne  répand  plus  notre  sang. 
Les  armes  dont  le  fanatisme  aveugle  avait 
armé  la  main  d'une  politique  ombrageuse 
ne  nous  frappent  [dus.  Mais  n'est-ce  pas 
oublier  tout  h  la  fois  et  les  principes  d'une 
sage  administration,  et  les  lois  de  l'hnma- 
luté  et  do  la  religion  même,  que  de  nous 
condamner  ou  au  célibat,  ou  au  concubi- 
nage, ou  au  parjure?. Mânes  du  grand  Henri, 
[trotégez-nous  I  Inspirez  pour  nous  à  volro 
petit-tils  ces  sentiments  paternels  qui  vous 
rendirent  tous  vos  sujets  également  chers  ! 
Dites-lui  (jue  ceux  qui  ont  le  malheur  do 
jienser  autrement  qiic  Rome  vous  furent 
toujours  fidèles,  et  qu'ils  le  seront  toujours 
à  votre;  jtostérité;  que  c'est  une  erreur  do 
fait,  de  croire  qu'il  n'y  a  plus  de  protestants 
dans  1(^  royaume;  qu'il  y  en  a  encore  au 
moins  deux  millions  qui  ont  droit  à  sa  jus- 
tice, et  que  sa  justice  exige  (pi'il  réforme  ou 
modilie  des  lois  qui  n'ont  pour  base  qu'une 
erreur  de  fait,  de  laquelle  il  résulte  qu'une 
foule  de  citoyens  sont  sans  patrie  au 
milieu  de  leur  patrie  même.  —  Ces  récla- 
mations n'ont  servi  jusqu'à  présent  qu'à 
émouvoir  les  cœurs  sensibles,  à  frajiper  les 
esiirits  justes,  et  à  faire  désirer  au  corps  do 
la  natii'n  une  réforme  dans  les  lois  que 
l'on  doit  aux  malheurs  des  circonstances,  et 
auxepi elles  l'habitude  a  fait  pousser  de  pro- 
foiiues  racines. 

Les  raisonnements  philosophiques  et  po- 
liti(|ues  ne  sont  pas  les  seuls  que  l'on  ait 
em|)loyés  en  faveur  du  mariage  des  protes- 
tants ;  des  jurisconsultes  ont  voulu  les  dé- 
fendre par  les  lois.  Ils  citent,  pour  prouver 
la  légalité  de  ces  mariages,  l'arrêt  du  conseil 
d'Etat  du  15  septembre  1685,  qui  porte  que 
le  roi  «  désirant  donner  moyen  à  ceux  des 
religionnaires  qui  voudraient  se  marier,  de 
pouvoir  le  faire  commodément  dans  le  pays 
où  l'exercice  de  la  K.  P.  R.  se  trouve  liéjà 
condamné,  ordonne  que  par  les  mêmes  mi- 
nistres qui  seraient  établis  par  les  inten- 
dants pour  baptiser  ceux  de  ladite  religion, 
les  religionnaires  pourraient  se  marier, 
pourvu  que  ce  fût  en  présence  du  principal 
officier  de  la  demeure  du  ministre,  et  que 
les  publications  et  annonces  qui  doivent 
précéder  ces  mariages  fussent  faites  au 
siège  royal  le  plus  prochain  du  lieu  do  la 
demeure  des  deux  religionnaires  qui  se  ma- 
rieraient, et  seulement  à  laudience.  » 

On  prétend  que  cette  loi  n'a  été  abolie  par 
aucun  édit  subséquent,  même  par  celui  révo- 
catif de  I'édit  de  Nantes,  et  que  les  déclara- 
tions de  1698  et  de  1724  ne  peuvent  s'appli- 


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quer  qu'aux  sujets  réunis  à  l'Eglise,  et  non 
à  ceux  qui  ont  persévéré  dans  le  protcslan- 
tisme;  c'est  ce  qu'il  n'est  pas  inutile  rl'exa- 
Qiiner,  autant  que  la  mture  de  cet  ouvrage 
pourra  nous  le  permettre. 

L'édit  de  1697,  loi  générale  du  royaume, 
dit  :  a  Voulons  que  les  onlonnances  des 
rois  nos  prédécesseurs,  concernant  la  célé- 
bration des  mariages ,  et  notamment  celle 
qui  regarde  la  nécessité  de  la  présence  du 
propre  curé  de  ceu:!  qui  contractent,  soient 
exactement  observées  ».  La  révocation  de 
l'édit  de  Nantes  avait  précéilé  de  plusieurs 
années  l'édit  de  1697  ;  il  n'y  avait  plus  alors, 
aux  yeux  du  législateur,  que  des  catholiques 
dans  le  royaume.  Il  n'en  distinguait  que 
deux  classes,  ceux  qui  ne  s'étaient  jamais 
séparés  de  l'Eglise  et  ceux  qui  venaient  de 
s'y  réunir.  L'édit  de  1697  porte  également 
sur  tous.  S'il  pouvait  y  avoir  du  douie  h 
ce  sujet,  la  déclaration  du  1.3  septembre  1698 
le  lèverait  absolument  :  «  Enjoignons  à  nos 
sujets  réunis  à  l'Eglise  d'observer  dans  les 
mariages  qii'ils  voudront  contracter  les  so- 
lennités prescrites  par  les  saints  canons,  et 
notamment  par  ceux  du  dernier  concile,  et 
par  nos  ordonnances  ;  nous  réservant  de 
pourvoir  sur  les  contestations  qui  pourraient 
être  intentées  à  l'égard  des  effets  civils  de 
ceux  qui  auraient  été  contractés  par  eux 
depuis  le  premier  novembre  1685,  lorsque 
nous  serons  plus  parliculièrimicnt  informés 
de  la  qualité  et  des  circonstances  des  faits 
particuliers.  »  La  déclaration  de  172i  est 
conçue  en  termes  à  pou  près  semblables,  et 
confirme  de  plus  fort  l'édit  de  1697  :  «  Vou- 
lons que  les  ordonnances,  édits  et  déclara- 
tions sur  le  fait  des  mariages,  notamment 
ceux  de  l'année  1697,  soient  exécutés  selon 
leur  forme  et  teneur,  par  nos  sujets  nouvel- 
lement réunis  à  la  foi  catholique,  comme 
par  tous  nos  autres  sujets.  » 

D'après  toutes  ces  lois,  il  paraît  qu'il  n'y  a 
qu'une  seule  manière,  selon  laquelle  le  ma- 
riage puisse  être  valablement  contracté  ; 
c'est  celle  prescrit'!  par  l'édit  de  1697  ;  les 
protestants  ne  peuvent  donc  plus  se  marier 
selon  la  forme  portée  en  l'arrêt  du  conseil 
du  15  septembre  1685.  Les  pnitestanls  eux- 
mêmes  en  ont  été  si  convaincus,  qu'ils  ont 
cessé  de  se  présenter  devant  les  juges  des 
lieux  do  leur  domicile ,  pour  y  célébrer 
leuiS  mariages;  ils  se  contentent,  pour  la 
plupart,  de  prendre  leurs  ministres  à  témoins 
de  leuis  unions,  ce  qui  s'est  appelé  se 
marier  au  désert;  et  ce  mariage,  d'après  nos 
lois,  est  radicalement  nul.  Mais  celle  nullité, 
que  l'on  peut  dire  n'être  que  de  convention, 
est  un  (Time  aux  yeux  de  la  nature  et  de 
l'honneur,  surtout  lorsqu'elle  est  invoquée 
par  l'homme  gui  se  joue  des  serments  et  de 
la  bonne  foi  d'une  femme.  C'est  alors,  selon 
nos  lois,  quelque  ri-i,oureuses  qu'elles  soient 
contre  ces  sortes  d'unions,  un  quasi-délit 
qui  donne  lieu,  en  faveur  de  la  femmeabiisée, 
à  des  dommages  et  intérêts,  seule  et  triste 
compensation  que  nos  tribunaux  puissent 
eccordfr. 

C'est  ce  qu'a  développé  avec  cette  éloquence 


lumineuse  et  remplie  d'humanité  qui  le 
caractérise,  W.  Servant,  dans  son  plaidoyer, 
dans  la  cause  d'une  femme  protestante  jugée 
au  parlement  de  Grenoble  en  1767.  Jacques 
Roux  et  iMarie  Robequin,  tous  deux  protes- 
tants, avaient  reçu  la  bénédiction  nuplialo 
d'un  ministre  de  leur  reHgion.  Cette  union, 
dit  M.  Servant,  sacrée  dans  d'autres  temps, 
mais  iiroscrite  dans  celui-ci,  dura  sans  alté- 
ration durant  près  de  deux  années.  Un  pre- 
mier enfant  en  fut  le  fruit  ;  mais  bientôt  la 
division  se  fit  sentir.  Roux  s'attacha  à  sa 
servante,  qui  fit  contre  lui  une  déclaration 
de  grossesse.  La  femme  Robequinforma  alors 
une  demande  en  séparation.  Roux  répondit 
«  que  li  Robequin  pouvait  se  dispenser  do 
chercher  des  prétextes  [JOur  obtenir  sa  sépa- 
ration; qu'il  lui  a  dit,  de[>uis  plusieurs 
années,  qu'elle  pouvait  se  marier  avec  qui 
bon  lui  semblerait  ;  que  le  contrat  passé  en- 
tre eux  le  23  avril  1764,  n'ayant  pas  été 
suivi  de  la  bénédiction  nuptiale,  il  n'existait 
point  de  mariage.  »  Dans  le  temps  que 
Roux  brisait  tous  ses  liens,  la  Robequin  por- 
tait dans  son  sein  une  preuve  bien  triste  de 
leur  durée.  Le  3  mai  1766,  elle  fut  obligée 
de  faire  une  déclaration  de  grossesse.  Elle 
forma  ensuite  une  demande  de  1,200  livres 
en  dommages  et  intérêts,  outre  la  restitution 
de  sa  dut  et  le  payement  des  frais  de  couches. 
Roux  obtint  de  l'évêque  de  Die  des  dispenses 
pour  se  marier  avec  cette  môme  fille  qui 
n'avait  pas  attendu,  l'ordre  de  la  religion 
pour  s'abandonner  à  lui,  et  olfrit  ensuite  à 
la  Robequin,  par  excès,  disait-il  d'équité, 
300  livres  de  dommages  et  intérêts.  La . 
cause  se  présentant  dans  cet  état,  M.  Ser- 
vant n'entreprit  point  d'établir  la  légalité  du 
mariage  de  Jean  Roux  et  de  Mar.e  Robe- 
quin; mais  il  démontra  que  si  leur  contrat 
était  nul  aux  yeux  de  la  loi,  il  ne  l'était  pas 
aux  yeux  de  la  nature,  et  que  légitime  en 
soi,  il  suffisait  pour  iaire  naître  une  action 
en  dommages  et  intérêts  contre  celui  qui  le 
violerait. 

Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  mettre 
sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  tout  le  plai- 
doyer de  JW.  Servant.  Nous  nous  contente- 
rons de  citer  un  passage  de  sa  péroraison, 
où  l'on  retrouve  ce  tolérantisme  juste  et 
humain,  que  la  religion  elle-même  se  fait 
gloire  d'avouer,  et  auquel  la  politique  ne 
jieut  qu'applaudir.  «  Ecoutons  ces  hommes 
(les  protestants),  c'est  le  moyen  de  les  ga- 
gner: c'est  la  douceur,  c'est  la  charité,  qui, 
réunissant  les  cœurs  dans  la  morale,  con- 
fond bientôt  les  esprits  divisés  dans  le 
dogme.  Oui,  quand  on  viendra  vous  dire 
que  les  protestants  vantent  votre  jugement 
et  b'nissent  leurs  juges,  vous  goûterez  une 
joie  pure,  parce  qu'en  satisfaisant  des  hom- 
lucs  égarés  dai:s  une  religion  l'ausse,  vous 
leur  donnez  une  leçon  de  la  vraie.  Oh  1  qu'il 
est  doux,  qu'il  est  honorable  d'être  aimé, 
d'être  béni  par  les  hommes  de  tous  les  par- 
lis  ;  et  pour  cela,  je  ne  sais  qu'un  seul 
moyen  :  il  faut  être  juste  envers  tous,  faire 
partout  respecter  la  bonne  foi  :  il  faut  sou- 
tenir l'étranger  opprimé  centre  l'oppresseur 


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qui  nous  appartient  ;  il  faut,  en  an  mot, 
rendre  justice  les  yeux  fermés,  et  tout  au 
plus  les  ouvrir  ajjrés,  pour  se  réjouir  si  nos 
amis  ont  profité  de  notre  équité. 

K  Tel  est  notre  devoir.  De  [ilus  grands  des- 
seins ne  sont  pas  en  notre  puissance;  c'est 
au  législateur  à  les  former  :  c'est  aux  pro- 
testants surtout  îi  mériter  l'avenu-,  en  se 
conformant  au  présent  sans  murmurer  du 
passé;  qu'ils  cessent  de  se  regarder  comme 
des  enfants  oul)liés  et  rojetés  sans  ictour  du 
sein  de  la  patrii;  :  ils  savt'ut  si  !e  iirinco  que 
nous  aimons  pourrait  regarder  le  dernier 
Français  avec  inditlérence;  tous  les  actes 
d'obéissance  leur  sont  comptés  :  (|u'ii3  ne  so 
lassent  pas  do  les  multiplier.  C'est  ainsi 
qu'il  leur  convient  d'atta([uer  nos  lois;  c'est 
par  leur  soumission  qu'ils  doivent  en  incul- 
per la  sévérité;  c'est  par  la  fidélité  qu'ils 
doivent  ioreer  la  défiance,  et  leur  silence 
parlera  mieux  en  leur  faveur  que  la  plainte. 
P'nutres  parli  roui  h  leur  place  :  ils  peuvent 
s'en  lier  à  des  ministres  sages;  l'oreille  d'un 
bon  roi  est  un  dépAl  sacré  oij  nulle  idée  juste 
no  s'égare;  et  tandis  que  les  citoyens  indis- 
crets murnuirenl  de  la  lenteur  ou  de  l'oubli 
du  bien,  peut-être  la  sagesse  mûrit  en  secret 
des  fruits  que  l'im^iatience  aurait  fait  avor- 
ter. La  politique  a  ses  saisons  comme  la 
nature,  et  les  plus  riches  moissons  restent 
souvent  cachées  dans  le  sein  de  la  terre. 
Quand  l'ordic  général  est  sage,  les  vœux 
l)articuliers  ne  le  sont  pas  :  il  faut  attendre 
tout  et  ne  (irécipiter  rien  ;  il  faut  donner  à 
nos  plaintes  les  bornes  que  nous  donnons  à 
nos  espérances.  » 

Nous  ne  pouvions  mieux  faire  connaître 
que  par  ce  nassage  d'un  plaidoyer  d'un 
magistrat  céléure,  l'esprit  qui  guide  nos  tri- 
bunaux. Ils  respectent  les  lois  existantes, 
en  désirant  qu'elles  soient  abolies  ou  modi- 
fiées ;  ils  font  apercevoir  aux  protestans  un 
avenir  plus  heureux,  et  sont  justes  à  leur 
égard  autant  que  leur  permet  la  loi,  dont  ils 
ne  sont  qui'  les  d  positaires.  C'est  ce  qu'é- 
prouva Marie  Robequin.  Le  Parlement  de 
Grenoble  lui  adjugea  les  dommages  et  inté- 
rêts qu'elle  demandait.  Concluons  do  tout 
ce  que  nous  venons  de  dire,  que  dans  l'élat 
actuel  de  notre  législation,  les  mariages  des 
protestants,  contractés  devant  leurs  minis- 
tres ,  sont  nuls  et  ne  peuvent  produii-e 
aucuns  ell'ets  civils.  Tout  ce  ciu'on  a  écrit 
jusqu'à  présent  pour  établir  leur  validité 
prouve  peut-être  que  nos  lois  îi  cet  égard 
ont  commis  une  erreur  de  fait;  mais  ellfs 
n'en  existent  pas  moins  ;  et  tant  qu'elles  ne 
Si'ront  pas  abolies  ou  réformées,  nos  Iribu- 
naux  ne  pouiront  pas  s'empêcher  de  s'y 
cont'ormei'.  Ain.-i,  lorsque  ces  mariages  sont 
attaqués  par  d'autres  que  par  les  père  et 
mère,  ou  un  dos  cenjoinls,  on  ne  les  défend 
point  en  Iraiiant  le  fond  de  la  question 
môme.  On  s'attache  uniquement  k  la  fin  de 
Don-recevoir  prise  de  la  possession  d'état. 
Cette  fin  de  non-recevoir  réussit  ordinaire- 
ment contre  des  collatéraux  toujours  défa- 
vorables. 

Le  sieur  Gravier,   né   h  Bergerac,  avait 


quitté  de  bonne  heure  le  lieu  de  sa  nais- 
sance poar  se  livrer  au  conuuerce.  Après 
avoir  été  commis  chez  des  négociants  à 
Limoges,  il  devint  leur  associé.  Dans  un  des 
voyages  qu'il  fiisait  h  raison  de  son  com- 
merce, il  prit  du  goûl  pour  Madeleine  Rous- 
seau, fille  d'un  aubergiste  de  Jonzac  en 
Saintonge. 

Le  15  juin  1753,  la  mère  du  sieur  Gra- 
vier lui  envoya  une  procuration  adressée 
au  sieur  Magnac,  portant  pouvoir  d'assis- 
ter, en  son  nom,  au  mariage  de  son  tils  avec 
la  demoiselle  Rousseau.  Le  18  septembre 
de  la  môme  année,  il  fut  passé  devant  no- 
taire un  contrat  (jui  régla  les  conventions 
matrimoniales.  En  175V,  le  sieur  Gravier 
revint  à  Rergerac  et  s'y  fixa-  Il  y  vécut  avec 
la  demoiselle  Rousseau  comme  avec  son 
épouse;  en  eut  plusieurs  enfants,  et  décéda 
en  1772,  après  avoir  fait  un  testament,  par 
lequel  il  déclare  qu'il  a  été  marié  avec 
la  demoiselle  Rousseau  ,  qu'il  en  a  eu 
plusieurs  enfants,  et  qu'il  l'institue  son  hé- 
ritièiC  générale  et  universelle.  La  oienioi- 
sello  Rousseau,  se  regardant  comme  la  veuve 
du  sieur  Gravier,  et  connue  mère  légitinie 
de  ses  enfants,  se  mit  en  devoir  d'exécuter 
le  testament  de  son  mari.  En  qualité  de  son 
héritière  instituée,  elle  réol;uua  ses  droits 
dans  la  succession  de  son  père  et  en  de- 
manda le  partage.  Les  sœurs  du  sieur  Gravier 
commencèrent  par  demander  à  sa  veuve 
qu'elle  justifiât  la  légitimité  de  son  mariage. 
Celle-ci  fit  signifier  un  certificat  du  curé 
d'Avi  en  Saintonge,  qui  attestait  qu'il  avait 
célébré  le  mariage  en  présence  de  témoins. 
Mais  cet  acte  ne  se  trouvait  point  inscrit 
sur  les  registres  de  la  paroisse  d'Avi  :  on 
n'y  counaissait  aucun  dos  témoins  qui  y 
étaient  dits  avoir  assisté  à  la  célébration  du 
mariage.  Le  curé  d'Avi  n'était  point  le 
propie  curé  du  sieur  Gravier.  Le  défen- 
seur de  la  veuve  excipa  cependant  du  cer- 
tificat du  curé  d'xVvi;  mais  il  insista  surtout 
sur  1,1  possession  d'état  do  la  veuve  et 
des  enfants  du  sieur  Gravier.  Deux  cir- 
constances assez  singulières  semblaient  af- 
faibUr  la  force  de  cette  possession.  Le  21 
novembre  1757,  le  parlement  de  Bordeaux 
rendit  un  arrêt,  par  lequel,  en  ordonnant 
l'exécution  des  ordonnances  du  royaume 
sui-  le  fait  des  mariages,  il  fit  inhibition  et 
défense  à  tous  les  sujets  du  ressort,  de  se 
faire  marier  par  autres  que  les  curés  des 
paroisses  où  ils  habitaient  :  et  à  tous  ceux 
qui  avaient  contracté  des  mariages  devant 
d'autres  que  leurs  curés,  de  se  hanter  ni 
fréquenter  avant  qu'ils  les  eussent  fait  ré- 
habiliter; déclaiait  les  cohabitations  faites 
en  vertu  de  tels  |irétendus  mariages,  être 
des  concubinages,  et  les  enfants  qui  en  se- 
raient |irovenus,  illégitimes  (t  bâtards,  et 
comme  tels  incapables  de  toutes  successions 
tant  directes  que  collatérales.  Le  procu- 
reur du  roi  de  Bergerac,  en  exécution  de 
cet  arrêt  envoyé  dans  toutes  les  sénéchaus- 
sées, dénonça  plusieurs  partieulirrs  de  Ber- 
gerac. De  ce  nombre  furent  le  sieur  Gra  '.er 
et  la  demoiselle  Rousseau.  Ils  furent  décré 


599 


MAft 


MAR 


eoi) 


tés  l'un  ctl'autro  d'ajournement  personnel. 
Une  sentence  du  3  juillet  1758  leur  enjoi- 
gnit de  se  séparer,  et  leur  défendit  de  conti- 
nuer à  cohabiter  ensemble,  h  peine  d'être 
poursuivis  extraordinairement.  L'autre  cir- 
constance, non  moins  importante,  est  que 
les  trois  enfants  du  sieur  Gravier  et  de  la 
demoiselle  Rousseau  avaient  été  bajitisés 
comme  enfants  naturels,  et  illégitimes,  quoi- 
qu'un d'entre  eux  eût  été  tenu  sur  les  lonts 
de  baptême  par  une  des  sœurs  du  sieur 
Gravier.  A  ces  deux  moyens,  la  veuve 
Gravier  répondait  que  la  sentence  de  la 
sénéchaussée  de  Bergerac  n'avait  jamais 
été  signifiée,  si  elle  avait  existé,  et  qu'elle 
n'était  point  produite.  Quant  aux  extraits  de 
baptême  de  ses  enfants,  elle  disait  qu'il  ne 
dépendait  point  d'un  curé  rt'ôter  ni  de 
donner  un  état  aux  enfants  qu'il  baptisait  ; 
qu'en  donnant  aux  siens  les  qualiflcations 
qu'il  leur  avait  données,  il  avait  franchi  les 
bornes  de  son  ministère;  que  plusieurs  ar- 
rêts qu'elle  citait  avaient,  dans  des  circon- 
stances pareilles,  réprimé  les  curés,  et  elle 
demanda  que  les  extraits  de  baptême  de  ses 
enfants  fussent  réformés.  Au  surplus,  ajou- 
tait-elle, l'injure  que  le  curé  de  Bergerac 
nous  a  faite  n'est  pas  un  titre  dont  on  puisse 
abuser  contre  nous  :  nous  avons  vécu  pu- 
bliquement comme  mari  et  comme  femme; 
notre  cohabitation  a  été  respectée  par  les 
deux  puissances;  nos  enfants  sont  nés  sous 
leurs  yeux;  nous  avons  donc  possédé,  nous 
avons  donc  imprimé  à  notre  possession 
tous  les  caractères  qu'il  fallait  qu'elle  eût 
pour  former  une  possession  légale.  Les 
actes  secrets  du  curé  de  Bergerac,  qui  n'é- 
tait pas  notre  juge,  n'auraient  pas  dû  la 
troubler;  ils  ne  l'ont  donc  pas  troublée. 
Par  arrêt  rendu  sur  les  conclusions  de  M. 
l'avocat  général  du  Paty,  le  16  juin  1775,  le 
Parlement  de  Bordeaux,  sans  s'arrêter  à 
l'appel  comme  d'abus,  incidemment  inter- 
jeté par  les  demoiselles  Gravier,  du  mariage 
du  sieur  Gravier,  leur  frère,  les  a  débou- 
tées de  toutes  leurs  demandes  :  en  consé- 
quence il  a  maintenu  la  veuve  Gravier 
dans  sa  possession,  et  lui  a  adjugé  toutes 
ses  conclusions,  excepté  l'impression  et  l'af- 
fiche de  l'arrêt. 

Si  le  mariage  de  deux  protestants,  con- 
tracté devant  leurs  ministres,  est  légalement 
nul,  à  plus  forte  raison  celui  d'un  catholique 
avec  une  protestante,  ainsi  contracté,  le  sera- 
t-il  aussi.  C'est  la  disposition  textuelle  de 
l'édit  de  novembre  1680,  enregistré  au  mois 
de  décembre  suivant.  Cet  édit  est  exécuté. 
Nous  en  avons  vu  un  célèbre  exemple  dans 
l'affaire  du  sieur  deBombelle  et  de  la  demoi- 
selle Camp  L'éloquence  a  en  vain  plaidé  la 
cause  de  la  demoiselloCamp,  ellen'a  pu  faire 
plier  la  loi.  Les  protestants  ne  regardent 
point  du  même  œil  ces  alliances.  Us  pensent 
qu'un  protestant  peut  licitement  épouser 
une  catholique.  Le  dernier  synode  calviniste, 
tenu  à  la  Rochelle ,  décida  que  la  diversité 
dos  religions  ne  devait  point  cm[)êeher  le 
mariage,  à  cause  du  passage  do  saint  l'ouï, 
qu'une  lemme  Qdèle  sanctifiait  un  mari  ido- 


lAfre.  Cette  décision  fut  un  des  motifs  dont 
on  se  servit  pour  déterminer  la  reine  de  Na- 
varre à  consentir  au  mariage  de  son  fds 
(Henri  IV)  avec  Marguerite  de  Valois,  sœur 
de  Charles  IX,  pour  la  célébration  duquel  on 
obtint  les  dispenses  de  la  Cour  de  Rome. 

Nous  n'avons  en  France  aucune  loi  concer- 
nant le  mariage  desintidèles,  c'est-à-dire  qui 
ne  seraient  pas  chrétiens.  Nous  aurons  bien- 
tôt occasion  de  parler  du  mariage  des  Juifs 
et  de  celui  des  Français  contractés  en  pays 
étrangers.  Quant  aux  princes  du  sang  royal, 
Voy.  Empêchement  du  mariage. 

§  111.  Comment  se  contracte  le  mariage.  Le 
seul  consentement  des  parties,  avons-nous 
dit  plusieurs  fois,  forme  le  mariage.  Ce  seul 
consentement  suffit-il  pour  l'élever  parmi 
les  chrétiens  à  la  dignité  de  sacrement?  Cette 
question  conduit  à  celle  de  savoir  quel  est 
le  ministre  de  ce  sacrement  ;  question  sur 
laquelle  les  théologiens  sont  partagés.  On 
convient  que  le  consentement  donné  selon 
les  lois  est  la  matière  du  sacrement.  L'accep- 
tation mutuelle  des  parties,  par  paroles  ou 
par  signes,  en  est  la  matière.  Quant  au  mi- 
nistre, les  uns  prétendent  (jue  ce  sont  les 
parties  contractantes  elles-mêmes  qui  s'ad- 
ministrent le  sacrement  ;  les  autres  soutien- 
nent que  le  prêtre  est  seul  ministre.  La  pre- 
mière opinion  parait  la  plus  conforme  à  l'an- 
cienne législation,  on  peut  la  suivre  sans 
donner  atteinte  à  la  législation  actuelle,  par- 
ce que  quand  le  prêtre  ne  serait  pas  le  minis- 
tre du  .sacrement,  il  est,  môme  dans  ce  sys- 
tème, un  témoin  tellement  nécessaire,  que 
sans  sa  présence  il  n'y  a  point  de  sacrement. 

On  peut  voir,  à  l'article  Empêchement  du 
mariage,  comment  les  princes  ont  ordonné 
l'union  du  contrat  civil  et  de  la  bénédiction 
nuptiale,  pour  rendre  le  mariage  parfait  et 
lui  faire  produire  tous  les  efl'ets  civils.  Nous 
nous  contenterons  de  dire  ici  que  la  bénédic- 
tion nuptiale  est  de  la  plus  haute  antiquité 
dans  l'Eglise.  On  trouve  cet  usage  dans  Ter- 
tullien,  dans  saint  Isidore  de  Séville,  dans 
saint  Ambroise,  dans  le  concile  de  Carthage 
de  l'an  398.  Le  pape  Innocent  I",  dans  sa 
lettre  à  Victrice,  évêque  de  Rouen,  en  parle 
en  ces  termes  :  Beneaictio  quœ  per  sacerdo- 
tem  nuhentibus  imponitur. 

Mais  nos  auteurs  les  plus  instruits  assurent 
en  même  temps  que  ce  n'était  qu'un  pieux 
usage  ;  ils  le  prouvent  j)ar  les  lois  do  Justi- 
nien,  dont  nous  avons  rendu  compte  au  mot 
Empêchement.  Ils  vont  même  jusqu'à  sou- 
tenir que  cette  bénédiction  n'était  pas  néces- 
saire pour  que  le  contrat  civil  devint  sacre- 
ment, et  ils  s'autorisent  de  la  réponse  du 
pape  Nicolas  I",  à  la  consultation  des  Bul- 
gares dans  le  ix' siècle.  Après  avoir  décrit 
les  formalités  en  usagedans  l'Eglise  romaine 
pour  la  célébration  des  mariages,  parmi  les- 
quelles se  trouve  la  bénédiction  sacerdotale, 
le  pape  ajoute  :  pcccatum  autem  esse  si  hcrc 
cuncta  in  nuptiali  fœdere  non  interveniant,  non 
discimris,  quemadmodum  grœcos  vos  adstruere 
dicilis,  prœsertim  cum  tatila  soleat  arctare 
quosdam  rerum  inopia  ut  ad  hœc  prceparanda 
nullum  hit  suQ'ragetur  auxilium,  ac  per  Ao(? 


m 


MAR 


MAR 


m 


mfficiat  necundum  Icges,  solus  corumconSen*^tr8S-^la!rement.  Sess.  2V,  cnp.  1,  de  Reform., 


sus  de  quorum  conjunctionibus  aailur.  On 
voit  par  l:i  qiio  le  pa()e  ne  considcrait  |iaslo 
]irôtre  comme  ministre  essentiel  du  sacre- 
nnuit,  ot  la  bénédiction  nuptiale  comme  en 
étant  la  forme,  puisque,  selon  lui,  le  seul 
consentement  des  parties  contractantes  suf- 
fit, pourvu  qu'elles  soient,  selon  les  lois, 
habiles  h  se  marier. 

Jîientôt  unnouvel  ordre  de  choses  s'établit 
en  France.  Nos  rois,  à  l'exemple  des  empe- 
reurs romains,  déclarèrent  la  bénédiction 
nuptiale  essentielle  au  Diariage.  C'est  ce  que 
l'on  voit  dansplusieurs  Capitulairesde  Char- 
lemagne  et  de  ses  successeurs.  Il  paraît  que 
ces  lois  avaient  in  vue  de  remédier  aux  in- 
convénients que  [produisent  les  mariages  clan- 
destins, et  irem[)6cher  les  parents  aux  de- 
grés prohibés  de  les  contracter  entre  eux.  Ne 
chrisliani  ex  propinquitaCe  sui  sanguinis  con- 
nubiaditcant,nec  sine  bcnediclionc  sacerdotis, 
cum  virginibun  nubcrc  audeant,  neque  viduas 
absquc  suorum  acicerdoCum  consensu  et  con- 
nivenlia  plebis  ducere  pr(csumant{CapiC.  408, 
lib.  vi).  On  voit  cumbien  est  ancien  l'usage 
de  ne  donner  la  bénédiction  nuptiale  qu'aux 
mariages  de  tilles,  et  de  se  contenter,  pour 
les  veuves,  de  la  présence  du  prêtre.  Les 
seconds  mariages  ne  seraient-ils  pas  élevés 
à  la  dignité  de  sacrement  comme  les  pre- 
miers? Sancitum  est  ut  publiée  nupliœ  ab 
his  qui  nubere cupiunt  fiant,  quia  sœpe  in  nup- 
tiis  clam  factis  gravia  peccala....  et  hoc  ne 
deinceps  fiât,  oninibns  cavrndumest  ;  sed  prius 
conveniendus  est  sacerdos  in  rujus  purochia 
nuptiœ  fieri  debent,  ut  in  Ecclesiu  coram  po- 
pulo, et  ibi  inquirere  una  cum  populo  ipse 
sacerdos   débet  ,    si    ejus   propinqua  sit   an 

non postquam   isla   ninnia  probata  fue- 

rint,  et  niliil  impedirrit,  lune,  si  virgo  fuc- 
rit,  cum  brticdictionc  sacerdotis,  sicut  in  sa- 
cramenturio  continelur,  et  cum  consilio  mul- 
torum  bonorum  hominum  publiée  et  non  oc- 
culte ducenda  est  uxor  ICapit.  179,  lib.  vu). 
On  retrouve  des  dispositions  semblables  dans 
d'autres  Capitulaires  et  dans  le  concile  do 
Trosti,  tenu  en  900,  sous  Charles  le  Simple. 

Ces  lois  tombèrent  en  désuétude  :  on  ne 
regarda  plus  la  bénédiction  nuptiale  et  la 
célébration  du  mariage,  en  face  de  l'Eglise, 
comme  nécessaires  absolument  pour  la  vali- 
dité du  sacrement.  Il  était  censé  valablement 
contracté  par  cela  seul  que  les  parties  s'é- 
taient réciproquement  promis  de  se  prendre 
pour  mari  et  femme;  c'est  ce  qu'on  aji[ielait 
sponsalia  de  prœsenti.  Cet  état  de  choses  est 
prouvé  par  plusieurs  décrétales  d'Alexandre 
111  et  irlnnocent  111. 

Ces  soi'les  de  mariages  furent  appelés  clan- 
destins. Le  concile  deLatran,  sous  liniocent 
III,  les  défendit.  .Mais  û  ne  les  déclara  pas 
nuls,  lorsque  les  parties  étaient  d'ailleurs  ca- 
pables de  les  lontractei'  ;  il  se  contenta  d'or- 
donner qu'on  leur  imposerait  en  ce  cas  une 
pénitence  :  his  qui  taliler  prœsumpsrrint , 
eliam  in  grudu  concesso,  copulari,  condigna 
pœnitentia  injungatur.  Ils  furent  donc  sup- 
posés valiiles ,  (|uoique  déclarés  illicites. 
Q'tst  ce  que  le  concile  de  Trente  a  expliqué 


rapporté  ci-dessus.  L'on  y  voit  clnireniont  la 
distinction  entre  les  mariages  tout  h  la  fois  vali- 
des et  licites,  et  ceux  qui  ne  sont  que  valides. 
Le  concile  déclare  que  jusqu'alors  les  ma- 
riages clandestins,  c'est-à-dire  ceux  faits  sans 
la  bénédiction  et  l'intervention  sacerdotales 
ont  été  illicites,  semper  detestata  est  atque 
prohibuit  ;  mais  qu'ils  ont  été  valables  com- 
me contrats  civils  et  comme  sacrements,  rata 
et  vera  esse  matrimonia  quandiu  Ecclesia  ea 
irrita  non  fecit.  Le  mariage  verum  est  le  con- 
trat civil  ;  le  mariage  ratiwi  est  le  sacrement. 
C'est  le  sens  que  donnent  les  canonistes  à 
ces  expressions  verum  et  ratum,  d'après  une 
décision  d'Innocent  111.  Etsi  malrimonium 
verum  inter  infidèles  existât,  non  tamen  est 
ratum;  inter  fidèles  autcm  verum  et  ratum 
existit. 

Le  concile  de  Trente,  en  condamnant  l'o- 
pinion do  ceux  qui  avaient  regardé  jusqu'a- 
lors comme  nuls  les  mariages  clandestins, 
rendit  hommage  aux  principes  sur  lesquels 
ils  se  fondaient,  en  les  déclarant  lui-mémo 
nuls  pour  l'avenir.  Son  décret  est  congii  en 
ces  termes  :  Qui  aliter  quiim  prœsente  paro- 
cho  vel  alio  sacerdotc  de  ipsius  parochi  seu 
ordinarii  licentia,  et  duobus  vel  tribus  testi- 
bus  matrimonium  contraherc  attentabunt,  cos 
sancta  synodus  ad  sic  contrahendum matrimo- 
nium omnino  inhabiles  reddit,  et  hujusmodi 
contractas  irritas  et  nullos  esse  decernit.  Ce 
décret  est  sans  doute  très-sage;  maison  jugea 
enFrancf  que  le  concile  avait  en  c(da,  comme 
en  beaucoup  d'autres  choses,  entrepris  sur  la 
puissance  temporelle,  en  ce  que  son  décret 
portait  non-seulement  sur  le  sacrement,  mais 
encore  sur  le  contrat  civil.  On  crut  devoir  le 
faire  exécuter,  non  pas  comme  décision  do 
l'Eglise,  mais  comme  une  loi  &■'  l'Etat. 

L'ordonnance  de  Blois,  article  40,  t>orte  : 
«Nous  avons  ordonné  que  nos  sujets  ne  pour- 
ront valablement  contracter  mariage  sans 
proclamations  précédentes....  a[)rès  lesquels 
bans  seront  épousés  publiquement;  et  pour 
témoigner  de  la  forme,  y  assisteront  quatre 
témoins  dignes  de  foi,  etc.»  L'article  4V  dé- 
fend à  tous  notaires,  sous  peine  de  punition 
corporelle,  de  recevoir  auc'unes  promesses 
do  mariage,  par  paroles  de  présent.  L'édit  du 
mois  d'aoï^t  1606  veut  que  les  causes  con- 
cernant les  mariages  appartiennent  il  la  con- 
naissance des  juges  d'Eglise,  K  la  charge 
qu'ils  seront  tenus  de  garder  les  ordonnan- 
ces, môme  celle  do  Blois  en  Vartirle  40 ,  et 
suivant  icelles,  déclarer  les  mariages  qui 
n'auront  été  faits  et  célébrés  en  l'Eglise,  et 
avec  les  formes  et  solennités  requises,  nuls 
ot  non  valablement  contractés,  conune  peine 
imlicto  par  les  conciles.  La  liéclaration  do 
1639  ordonne  l'exécution  de  l'arliclo  40  do 
l'ordonnance  de  l?lois,  et,  en  l'interfirétant , 
ajoute  qu'à  la  célébration  d'iceUii  mariage^ 
assisteront  quatre  témoins  avec  le  curé  qui 
recevra  le  consentement  des  parties,  et  les 
conjoindra  en  mariage,  suivant  la  forme 
pratiquée  an  l'Eglise  :  fait  défenses  à  tous 
prêtres  de  célébrer  aucuns  mariages,  qu'en- 
tre leurs  paroissiens,  sans  la  permission  par 


60S 


MAR 


MÀR 


601 


écrit  du  curé  ou  del'évêque.  Enfin  l'élit  ^4 
1691,  que  nous  avons  déjà  tant  cité,  «  veut 
que  les  ordonnances  des  rois  nos  prédéces- 
seurs, eoncernant  la  célébration  des  mariages, 
et  notammenl  celles  qui  regardent  la  nécessité 
de  la  présence  du  propre  curé  de  ceux  qui 
contractent,  soient  exactement  observées.  » 

D'après  ces  lois,  le  curé  n'est  pas  seulement 
un  témoin  passif;  il  doit  recevoir  le  consen- 
tement des  parties  et  les  conjoindre  en  ma- 
riage, suivant  la  forme  pratiquée  en  l'Eglise; 
ce  sont  les  propres  expressions  de  la  décla- 
ration de  1639  :  il  ne  suffit  donc  pas  aux 
deux  parties  de  se  présenter  simplement  de- 
vant leur  curé  ,  et  de  lui  déclarer  qu'ils  se 
jirennent  pour  mail  et  pour  femme,  il  faut 
encore  que  le  curé  reçoive  leur  consente- 
ment ;  s'd  le  refuse,  il  n'y  a  d'autre  voie  à 
prendre  ([ue  do  se  pourvoir  devant  le  juge 
ecclésiastique,  c'est-à-dire  devant  l'ofticial, 
ou,  par  appel  comme  d'abus,  devant  le  Par- 
lement. La  présence  et  le  concours  du  pro- 
pre curé  sont  donc  devenus  nécessaires  pour 
la  validité  des  mariages  dans  tout  le  monda 
catholique,  soit  en  vertu  du  décret  du  concile 
de  Trente,  soit  en  vertu  des  lois  de  l'Etat, 
comme  en  France  ;  mais  que  faut-il  en- 
tendre par  le  propre  curé  des  parties  con- 
tractantes ?  C'est  ce  qu'il  est  important  d'exa- 
miner avec  soin. 

Par  le  (iropre  curé  des  parties,  on  entend 
le  curé  du  lieu  où  elles  font  leur  résidence 
ordinaire.  Lorsqu'une  personne  demeure 
une  partie  de  l'année  dans  un  lieu,  et  l'autre 
partie  dans  un  autre,  son  curé  est  celui  du 
lieu  oii  elle  fait  sa  principale  demeure,  où 
elle  fait  ses  piques,  où  elle  a  coutume  de  se 
dire  demeurant  dims  les  actes  qu'elle  passe  , 
où  elle  est  imposée  aux  charges  publiques. 
Si  l'on  change  le  lieu  de  sa  résidence,  il  faut 
au  moins  avoir  demeuré  six  mois  dans  le 
lieu  de  sa  nouvelle  demeure,  lorsque  l'on 
sort  d'une  paroisse  du  môme  diocèse,  et  un 
an,  lorsque  l'on  change  de  diocèse.  Cet  objet 
était  trop  impoitant  pour  que  nos  lois  le 
laissassent  indécis  ou  arbitraire  :  «  Défen- 
dons, dit  l'édit  du  mois  de  mars  1697,  à  tous 
curés  de  conjoindre  en  mariage,  autres  per- 
sonnes que  cfux  qui  sont  leurs  vrais  pa- 
roissiens, demeurant  actuellement  et  publi- 
quement dans  leurs  paroisses,  au  moins  de- 
puis six  mois,  à  l'égard  de  ceux  qui  demeu- 
raient aupararant  dans  une  autre  paroisse  de 
la  même  vdie  ou  du  même  diocèse,  ou  de- 
puis un  an,  pour  ceux  qui  demeuraient  dans 
un  autre  diocèse. 

Le  ciiré  des  mineurs  est  celui  de  la  de- 
meure de  leurs  pères  et  mères,  tuteurs  et 
curateurs,  quand  môme  ils  auraient  un  do- 
micile de  fait  ailleurs,  sauf  ([u'en  ce  cas  leurs 
bans  doivent  être  aussi  publiés  en  la  paroisse 
du  lieu  de  ce  domicile  défait:  «Déclarons,  dit 
encore  l'édit  de  1697,  que  le  domicile  des 
fils  et  lldes  de  famille,  mineurs  de  vingt-cinq 
ans,  pour  la  célébration  de  leur  mariage,  est 
celui  de  leurs  pères  et  mères,  ou  de  leurs 
tuteurs  ou  curateurs,  après  la  mort  de  leurs 
dits  pères  et  mères,  et  en  cas  qu'ils  aient 
un  autre  domicile  de  fait,  ordonnons  que  les 


bàns  seront  publiés  dans  les  paroisses  où  ils 
demeurent,  et  dans  celles  de  leurs  pères  et 
mères,  tuteurs  et  curateurs.  » 

L'évèque,  comme  [tremier  pasteur  du  dio- 
cèse, est  compétent  pour  la  célébration  du 
mariage  de  tous  ses  diocésains,  résidant  au 
moins  depuis  un  an  dans  son  diocèse  :  il  peut 
permettre  que  l'on  se  marie  devant  tout 
])rôtre  qu'il  indique  et  qui  se  trouve  par 
là  son  mundalniie  ou  son  délégué.  Les  curés 
peuvent  également  déléguer-pour  cette  céré- 
monif  leui'S  vicaires  ou  de  simples  prêtres 
habitués  à  leurs  paroisses;  il  n'est  pas  alors 
besoin  de  permission  par  écrit,  la  qualité  d» 
vicaire  ou  de  prêtre  habitué  la  suppose  ; 
si  c'est  un  prêtre  étranger  qui  célèbre  le 
mariage,  il  faut  que  le  curé  soit  présent  ou 
qu'il  donne  une  permission  par  écrit. 

La  présence  du  propre  curé  est  prescrite 
par  nos  ordonnances,  à  peine  de  nullité  de 
mariage  ainsi  contracté;  c'est  ce  qui  résulte 
do  la  lettre  et  de  l'esprit  île  la  déclaration  de 
1639,  et  de  l'édit  de  1697.  Cette  nullité  est 
absolue,  elle  frappe  sur  les  mariages  des  ma- 
jeurs comme  sur  ceux  des  Hiineurs,  la  loi  ne 
distingue  point.  Quelque  absolue  que  soit 
cette  nullité,  la  loi  n'ordonne  cependant  pas 
que  l'on  sépare  pour  toujours  ceux  au  ma- 
riage  desquels  on  n'aurait  d'autre  reproche 
à  làire  que  le  défaut  de  présence  du  curé. 
Elle  veut  qu'à  la  requête  des  promoteurs 
dans  certains  cas,  ou  à  celle  des  procureurs 
du  roi,  les  parties  siront  contraintes  de  se 
retirer  par-devant  les  archevêrjucs  ou  évo- 
ques, poui'  faire  réhabiliter  leurs  mariages, 
après  avoir  subi  la  pénitence  qui  leur  sera 
imposée.  On  peut  conclure  de  ces  disposi- 
tions de  la  déclaration  du  15  juin  1697,  ciue 
si  le  législaleur  regarde  comme  une  nullité 
dans  les  mariages  le  défaut  do  présence  du 
curé,  il  désire,  pour  l'avantage  des  conjoints 
et  pour  assurer  l'état  de  leurs  eidànts,  qu'ils 
réparent  cette  faute,  et  il  porte  même  les 
choses  jusqu'à  ordonner  au  ministère  pu- 
blic do  les  y  contraindre.  Ces  considérations 
ont  sans  doute  été  les  motifs  de  quelques 
arrêts  qui  ont  déclaré  des  parties  non-re- 
cevables  dans  l'appel  comme  d'abus,  inter- 
jeté delà  célébration  de  leur  mariage,  sous 
prétexte  qu'il  avait  été  célébré  par  un  prêtre 
incompétent,  lorsque  leur  appel  n'avait  été 
interjeté  qu'après  un  long  temps  de  cohabita- 
tion publique  et  sans  que  personne  se  fût 
jamais  plaint  de  ce  mariage. 

«  Il  y  a  quelquefois,  dit  M.  d'Aguesseau, 
tome  V  de  ses  œuvres,  des  cii constances 
assez  fortes,  suivant  les  règles  de  la  police 
extérieure,  pour  fermer  la  bouche  à  la  mau- 
vaise foi  et  à  l'inconstance  de  ceux  qui  ré- 
clament, sur  ce  fondement  (du  défaut  de  la 
présence  et  du  consentement  du  propre  curé) 
contre  un  consentement  libre  et  une  longue 
possession  ;  il  faut  au  moins,  en  ce  cas, 
qu'il  paraisse  que  la  justice  ne  se  détermine 
que  par  les  fins  de  non-recevoir,  et  qu'en 
déclarant  les  parties  non-recevables  ,  elle 
ajoute  toujours  que  c'est  sans  préjudice  à. 
elles  de  se  retirer  par-devant  l'évoque  pour 
réhabiliter  leur  mariage,  si  faire  se  doit.  » 


cns 


MAR 


MAR 


f.OÔ 


Dans  des  cas  semblables  à  celui  que  sn[i* 
pose  M.  d'Aguesseau,  lesmagislrats  n'enfrei- 
gnent point  la  loi.  Ils  déclarent  seulement 
3ue  tel  individu  qui  l'invorpie  est  di^no 
'ôtre  sous  s.i  inoteition,  parce  qu'il  n'est 
point  de  loi  qui  ait  clé  portée  dans  la  vue 
(le  favoriser  le  dol  et  la  mauvaise  foi.  Quand 
il  s'agit  de  faire  peitlrc  un  état  à  une  femme 
et  à  des  enfanls  qui  en  ont  joui  longtemps 
j)ubliquem  lit  et  paisiblement,  il  vaut  mieux 
suiiposerque  les  lois  ont  él6  observées  dans 
la  célébration  du  mariage,  que  de  croire  un 
homme  (jui  n'est  proba'ili'ment  dirigé  que 
jiar  des  motifs  d'intérêts  ou  autres  encore 
plus  condamnables.  Les  arrêts  qui  ont  dé- 
claré non-rccevables  des  parties  qui  récla- 
maient contre  leurs  mariages,  sont  donc  des 
arrêts  de  circonstances,  qui  n'affaiblissent 
en  rien  le  principe,  que  le  défaut  do  ]irésence 
ou  de  consenlvment  du  propre  curé  opère 
une  nullité  radicale,  que  rien  ne  peut  cou- 
viir. 

De  la  nécessité  de  la  présence  du  propre 
curé  il  suit  que  les  mariages,  contractés 
par  des  Fiaui^'ais  en  pays  étrangers,  sont  or- 
dinairement nuls.  Nous  disons  ordinaire- 
}H(nt,  parce  que  ces  sortes  de  mariages  p-u- 
vmt  être  valides.  On  croit  communément 
qu'un  Fran(,ais  ne  peut  pas  .-e  marier  en 
pays  étranger,  et  on  répète  assez  sirivent 
que  ces  sortes  de  mariages  sont  prohibés 
par  nos  ordonnances.  L'on  cite  la  décinralion 
du  16  juin  1GS5.  Cette  loi  n'a  en  vue  que 
les  protest  nts  qui  sortaient  du  royaume 
pour  se  marier.  L'époqu  •  ^  laquelle  elle  a 
élé  renilue  et  son  texte  le  prouvent  assez. 
«  Nous  défendons,  dit  le  législateur,  expres- 
séujcnt  h  tous  nos  sujets,  de  quelque  qua- 
li;é  et  cond.tiou  qu'ils  soient,  de  consentir 
et  approuver  ?i  l'avenir,  que  leurs  enfants 
ou  ceux  dont  ils  seront  tuteurs  ou  cura- 
teurs, se  maiient  en  pays  étranger,  soit  on 
signant  les  contrats  qui  pourraient  être  faits 
pour  lesdits  mariages,  soit  par  actes  posté- 
rieurs, pour  quelque  cause  et  sous  (juelque 
prétexte  que  ce  soit,  sans  notre  permission 
expresse,  à  peine  do  galères  à  iicrpétuité,  h 
i'égard  des  hommes,  et  de  bannissement 
perjiéluel  pour  les  femmes,  et  de  confisca- 
tion de  leurs  biens  :  et  où  ladite  confisca- 
tion n'aurait  lieu,  de  2,U00  liv.  d'amende 
contie  les  pères  et  mères,  tuteurs  ou  cura- 
teuis,  qui  auraient  contrevenu  h  ces  présen- 
tes, laquelle  dite  amende  payable  par  eux 
sans  déport.  » 

Les  peines  infligées  par  le  législateur  à 
ceux  qui  consentiront  que  des  Français,  en 
leur  puissance,  se  marient  dans  les  pays 
étrangers,  fut  assez  connaître  combien  ces 
sortes  de  mariages  sont  contraires  k  ses  vues 
et  h  ses  intentions.  Mais  il  a  plutôt  inten- 
tion d'empêcher  que  ses  sujets  ne  sortent  du 
royaume  pour  former  des  établissements 
ailleurs,  que  de  prononcer  la  nullité  de  leurs 
mariages.  C'est  ce  qu'il  annonce  clairement 
dans  le    préambule  de  la  décliration,  lors- 


qu'il dit  :  «  Nous  avons  été  informés  que 
plusieurs  de  nosdits  sujets  malintentionnés 
n  notre  service  et  à  la  patrie,  ou  par  d'autres 


raisons  et  motifs,  procurent  le  mariage  da 
leurs  enfants  ou  de  ceux  dont  ils  sont  tu- 
teurs ou  curateurs  hors  de  notre  royaume, 
pour  s'y  établir  et  y  faire  leur  demeure 
pour  toujours,  renonçant  par  ce  moyen 
au  droit  qu'ils  ont  par  leur  naissance  d'être 
nos  sujets  et  de  jouir  des  avantages  qu'elle 
leur  donne,  etc.  »  Qu'un  Français  se  ma- 
rie dans  les  pays  étrangers  sans  intention 
d'ubandoimer  sa  patrie,  qu'il  y  revieruie 
ensuite  avec  son  épouse,  on  ne  pourra  ojt- 
poscr  à  son  mariage  la  déclaration  du  1(5 
juin  1GS3,  [)arce  que  le  h'gislateur  n'a  cer- 
tainement point  en  vue  d'annuler  de  pa- 
reils mariages,  mais  seulement  d'cnq>êcher 
qu'on  ne  favorise  ceux  des  Français  qui  ab- 
diquent leur  patrie. 

Une  ordonnance  du  16  août  1716  exclut 
de  toutes  charges  et  administrations  pu- 
bliques ,  et  des  assemblées  du  corps  de 
la  nation  dans  les  échelles  du  Levant,  les 
ni''gociants  français  qui  y  épouseront  des 
filles  ou  veuves  nées  sous  la  doudnation 
du  Grand-Seigneur;  et  dcsdites  charges  et 
administrations  ceux  qui,  n'ayant  pas  r.lge 
d  '  trente  ans,  épouseront,  sans  le  consen- 
tement de  leurs  pères  et  mères,  des  filles 
même  des  Français.  Une  autre  ordonnance 
du  21  décembre,  même  année,  exclut  des 
droits  et  privilèges  appartenant  h  la  nation 
française  dans  les  villes  et  j  orts  d'Italie, 
d'^Fspagne  et  de  Portugal,  les  enfants  nés 
des  mariages  contractés  entre  les  Français 
naturels  ou  entre  les  étrangers  naturalisés 
Français  et  les  filles  du  pays.  Ces  deux  or- 
donnances n»  prononcent  point  la  nullité 
des  mariages  dont  elles  parlent,  quoique  con- 
tractés hors  du  royaume;  elles  les  pri- 
vent seulement  de  quelques-uns  des  effets 
civils,  parce  que  l'usage  de  se  marier  ainsi 
en  pays  étrangers  est  préjudiciable  au  bien 
de  l'Etat,  eh  ce  qu'il  engage  ceux  n\ie  le 
commerce  attire  dans  ces  pays  h  s'y  établir 
pour  toujours,  ce  qui  prive  le  roj'aume 
de  bons  sujets  et  des  biens  qu'ds  en  ont 
emportés. 

Si  les  mariages  célébrés  en  pays  étran- 
gers sont  pour  l'ordinaire  nuls,  ce  n'est 
pas  en  vertu  de  quelque  loi  particulière 
qui  les  déclare  tels ,  mais  en  vertu  des 
lois  générales  existant  dans  le  royaume, 
ue  l'on  a  cherché  à  éluder,  en  se  mariant 
ans  un  pays  où  elles  n'ont  point  d'cnqùre. 
Qu'un  mineur,  qui  veut  épouser  une  fille 
malgré  sa  famille  qu'il  sait  s'y  opposer, 
passe  h  Liège  ou  à  Pruxelles;  qu'il  s'y 
fasse  suivre  par  l'objet  de  son  amour  ;  que 
là  il  l'épouse  en  observant  les  formalités 
requises  d  ins  le  lieu  de  la  célébration,  ce 
mariage  est  nul,  et  par  le  défaut  du  con- 
sentement de  ceux  dont  dépend  le  mineur, 
et  ]  ar  le  déiaut  de  présence  du  proiire  curé  : 
les  lois  qui  le  soumettent  à  ces  deux  con- 
ditions sont  personnelles  à  tout  Français , 
le  suivent  partout,  et  ne  peuvent  cesser  .^ 
de  l'obliger  qu'au  moment  où  il  ces''_^^j.j^ 
d'ètie  Français.  11  n'est  donc  point  '^\onuant 
que  tant  de  mariages  célébrés  ov  ^'^  ^^^^^^ 
gers  aient  ete  annulés  sur  le-    „.„'„,•;  ^„n,iu, 


, 


.o  apiiels  comme 


^ 


607 


MÀR 


MAR 


(i08 


d'abus  interjetés  par  les  pères  et  mères,  ou 
autres  parties  intéressées.  Ils  étaient  tous 
infectés  de  quelque  vice  radical,  qui  n'avait 
pu  être  couvert  par  la  célébration  hers  du 
royaume.  C'est  ce  qu'ont  jugé  les  arrêts 
de"  1711,  1703,  et  autres  rapportés  par 
Denisard. 

Un  Français  qui  aurait  sa  résidence  dans 
un  pays  étranger,  pourrait  donc  s'y  marier 
valablemont,  pourvu  iju'il  ne  le  fasse  pas  en 
fraude  de  nos  lois.  Polbier  assure  qu'un 
Français  qui  résiderait  dans  un  pays  où  il 
n'y  a  pas  d'exercice  de  la  religion  catholi- 
que ,  qui  contracterait  avec  une  femme  ca- 
tholique, dans  la  cliapelle  d'un  ambassadeur 
catholique,  et  devant  l'aumônier  de  l'ambas- 
sadeur, formerait  un  mariage  valable  ,  n'y 
ayant  pas,  dans  ce  cas,  de  fraude,  et  le  jna- 
riaçfi  n'ayant  pu  être  céiéliré  autrement.  No 
serait-il  pas  absurde  de  soutenir  qu'un  Fran- 
çais, que  son  état  ou  ses  affaires  retien- 
draient pendant  plusieurs  années  hors  du 
royaume  ,  serait  nécessairement  condamné 
à  garder  le  célibat  pendant  tout  ce  temps? 
Il  doit  observer  les  lois  di^  sa  patrie  autant 
qu'il  est  en  lui,  mais  il  n'est  pas  tenu  à  l'im- 
possible. 

11  est  des  personnes  qui ,  par  état  ou  par 
profession,  n'ont  aucun  domicile;  tels  sont 
les  étrangers,  les  marchands  porte-balles , 
les  ouvriers  qui  parcourent  successivement 
différentes  villes  sans  se  fixer  dans  aucune. 
On  demande  quel  est  le  propre  curé  de  ces 
personnes,  et  à  quel  prêtre  elles  doivent  s'a- 
dresser pour  célébrer  leurs  mariâmes? 

Le  concile  de  Trente  ,  sess.  2k,  c.  7,  de 
Rcform.,  a  prévu  cette  difliculté.  Il  a  or- 
donné aux  curés,  ne  illorum  matrimoniis  in- 
tersint ,  nisi  prius  diligcntem  inquisitioncm 
fecerint,  et  re  ad  ordinnrium  delatn,  ah  eo  li- 
ccntiam  id  faciendi  oblinueiint. Celte  disposi- 
tion du  concile  a  été  adoptée  parmi  nous  par 
l'usage  ;  car  nos  lois  sont  muettes  sur  ce  cas 
particulier.  Il  faut  donc  alors  s'adresser  à 
l'évêqne  du  domicile  de  la  partie  avec  la- 
quelle on  contracte,  pour  lui  demander  dis- 
pense du  défaut  ile  domicile  ;  l'évoque  no 
doit  l'accorder  qu'en  connaissance  de  cause, 
et  après  une  information  pour  s'assurer  de 
la  vérité  des  faits  qu'on  lui  a  exposés.  La 
dispense  n'est  accordée  que  sous  la  condi- 
tion sine  qua  non,  que  l'évoque  n'a  point  été 
trompé.  On  a  un  exemple  d'une  pareille  dis- 
pense accordée  au  comte  des  Goûtes ,  par 
M.  le  cardinal  do  Noailles,  archevêque  de 
Paris  ;  mais  comnie  elle  avait  été  obtenue 
sur  un  faux  exposé,  le  mariage  n'en  lut  pas 
moins  déclaré  nul,  après  la  mort  du  comte 
des  Goûtes,  par  arrêt  du  .31  janvier  1737. 

Si  les  deux  parties  contractantes  sont  gy- 
rovagues,  c'est-à-dire  n'ont  ni  l'une  ni  l'au- 
tre de  domicile,  ni  résidence,  elles  doivent 
se  présenter  à  l'ordinaire  du  lieu  où  elles 
veulent  se  marier.  C'est  ce  que  prescrivent 
nos  llituels,  entre  antres  celui  a'Auch.  Par 
arrêt  du  G  juin  1760,  il  fut  dit  n'y  avoir  abus 
dans  le  mariage  du  sieur  Pitrot,  maître  des 
bail  ts  de  la  Comédie  Italienne,  avec  Louise 
Jtegis,  comédienRe,  célébré  à  Varsovie,  par 


le  vicaire  général  de  l'archevêché  de  Gnesne 
et  de  Varsovie  ,  dans  une  église  paroissiale, 
en  présence  de  plusieurs  témoins.  Cet  arrêt 
prouve  deux  choses  ;  1°  que  le  mariage  n'est 
pas  nul,  par  cela  seul  qu'il  a  été  contracté 
en  pays  étranger  ;  2°  que  les  gyrovagues 
n'ont  d'autre  propre  curé  que  l'évêque  du 
diocèse  dans  lequel  ils  se  trouvent. 

Une  ordonnance  du  23  septembre  1713 
défend  à  tous  recteurs,  curés,' aumôniers  et 
prêtres,  de  marier  les  officiers  de  marine 
sans  la  permission  du  roi,  à  peine  d'être  pu- 
nis comme  fauteurs  et  complices  du  crime 
de  rapl.  Nous  ne  voyons  pas  qu'elle  ait  été 
enregistrée  dans  aucun  tribunal. 

Ai)rès  avoir  établi  la  nécessité  de  la  pré- 
sence du  propre  curé  des  parties ,  après 
avilir  fait  voir  quelles  sont  les  exceptions  à 
cette  loi,  il  nous  reste  à  examiner  si ,  dans 
le  cas  où  les  parties  no  seraient  pas  de  la 
même  paroisse,  le  concours  des  deux  curés 
est  nécessaire,  et  quelles  sont  les  peines  in- 
fligées aux  curés  qui  marieraient  lies  per- 
sonnes qui  ne  seraient  point  de  leurs  pa- 
roisses. 

La  première  de  ces  questions  est  traitée  su- 
périeurement par  M.  d'Aguesseau,  dans  un 
mémoire  qui  se  trouve  au  lome  V  de  ses 
Olùivres  :  il  distingue  trois  cas.  Le  premier 
est  lorsque  les  bans  ont  été  jiubliés  dans  les 
iiaroisses  respectives  des  parties  ;  il  n'y  a  pas 
liou  dans  ce  cas  à  la  (juestion.  Le  curé  qui  dé- 
livre le  certificat  de  la  publication  des  bans 
donne  parla  même  son  consentement  auma- 
riag'e,  et  y  concourt  d'une  manière  suffisante. 
Le  second  cas  est  lorsque  les  parties  obtien- 
nent de  l'évêque  dispense  do  trois  bans. 
Alors  le  mariage  célébré  par  le  curé  d'une 
des  parties  est  valable.  L'évêque  est  censé 
l'avoir  approuvé  par  la  dispense  des  bans  ; 
et  comme  il  est  le  premier  pasteur  des  par- 
ties, sou  consentement  équivaut  à  celui  des 
deux  curés.  Enfin  le  troisième  cas  est  celui 
auquel  les  bans  n'ont  été  publiés  (jue  dans 
la  paroisse  de  l'une  des  ]iarties,  dont  le  cu- 
ré à  célébré  le  mnritt^e.  Dans  ce  cas,  M.  d'A- 
guesseau soutient  le  mariage  nul  par  le  dé- 
faut de  consentement  du  curé  de  l'autre  par- 
tie. Son  principal  motif  est  qu'alors  le  mar- 
riage  est  infecté  du  vice  de  la  clandestinité. 
Un  mariage  est  clandestin ,  dit  ce  célèbre 
magistrat,  1°  par  le  défaut  d'une  forme  et 
solennité  requise,  k  peine  de  nullité  ;  2° 
lorsque  l'omission  de  cette  forme  peut  por- 
ter préjudice  à  des  tiers,  en  leur  dérobant 
la  connaissance  d'un  mariage  qu'ils  peuvent 
avoir  intérêt  de  connaître  et  d  empêclier. 

M.  d'Aguesseau  voit  le  défaut  d'une  forme 
et  solennité  prescrite,  à  prine  de  nullité , 
lorsque  le  curé  d'une  des  parties  ne  consent 
et  ne  concourt  point  à  leur  mariage.  L'obli- 
gation de  se  marier  devant  le  profire  curé  ou 
de  son  consentement  est  également  imposée 
h  l'une  et  h  l'autre  partie ,  et  par  le  concile 
et  par  les  ordonnances.  Dès  lors  il  ne  suffit 
point  que  le  mariage  soit  célébré  par  un  des 
deux  curés  à  l'insu  de  l'autre.  Il  n'est  pas 
vrai  dans  ce  cas  que  les  conjoints  se  soient 
mariés  coram  proprio  parocho  aut  de  ejus 


009 


MAR 


MAR 


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licmtia,  puisque  le  curé  d'une  d'elles  ignore 
le  mariage.  La  loi  est  donc  violée  ou,  pour 
mieux  dire  ,  une  solennité  requise  h  peine 
de  nullité  est  omise.  Il  est  encore  plus  évi- 
dent que  ce  mariage  renferme  le  second  ca- 
pHCtère  de  clandestiniti^ ,  qui  consiste  dans 
le  préjudice  que  le  défaut  de  forme  fait  à 
des  tiers,  auxquels  il  dérobe  la  connaissance 
d'un  mariage  dont  ils  avaient  intérêt  d'être 
avertis  i)0ur  l'empêcher.  Saf)posons  qu'un 
jeune  homme,  voulant  faire  un  7nariage  pen 
convenable  ou  môme  honteux,  ait  été  ma- 
rié [)ar  le  curé  de  la  fille,  à  l'insu  du  curé 
de  sa  paroisse  où  il  n'a  |ias  fait  publier  de 
bans  ,  dans  ce  cas,  le  jmino  hounne  a  celé 
son  mariage  à  ses  jiarents,  en  le  faisant  îi  l'in- 
su de  son  curé,  et  en  ne  faisant  pas  publier 
de  bans  dans  sa  paroisse.  Les  parents  n'ont 
pu  veiller  sur  ce  qui  se  passe  dans  une  au- 
tre paroisse  que  la  leur,  et  n'ont  pu  par  con- 
séquent s'o|)poser  à  une  union  à  laquelle  ils 
se  seraient  o|iposés  s'ils  en  avaient  eu  con- 
uaissance.  H  est  iuifiossible  de  ne  pas  ici  re- 
connaître le  vice  de  clandestinité  auquel  le 
concile  de  Trente  et  les  ordonnances  ont 
voulu  remédier  en  établissant  la  nécessité 
de  la  présence  ou  du  consentement  du  pro- 
pre curé. 

On  convient  assez  généralement  que,  lors- 
que les  parties  sont  mineures,  ou  1  une  d'el- 
les seulement ,  le  mariage,  cjuoique  célébré 
par  le  curé  d'une  des  parties  ,  est  nul  lors- 
qu'il a  été  fait  h  l'insu  et  sans  le  concours 
du  curé  de  la  partie  mineure.  Mais  il  n'en 
doit  pas  être  de  même,  selon  plusieurs  au- 
teurs, lorsque  les  deux  parties  sont  majeu- 
res. Les  partisans  de  cette  opinion  s'appuient 
sur  un  raisonnement  qui  parait  assez  plau- 
sible. Lorsque  le  mariage  ,  disent-ils,  a  été 
célébré  par  le  ctu'é  d'une  des  parties,  le  con- 
cours et  le  consentement  du  curé  de  l'au- 
tre partie  consiste  dans  la  ]niblication  des 
bans  qu'il  a  faite  et  dans  le  certificat  qu'il  a 
donné  de  cette  publication.  Or  le  défaut  de 
publication  de  bans,  suivant  la  jurisprudence 
des  arrêts,  ne  fait  pas  une  nullité  à  l'égard 
du  mariage  des  majeurs.  Donc,  lorsqu'un 
mariage  de  majeur  a  été  célébré  par  le  curé 
d'une  des  parties  ,  le  défaut  de  concours  du 
curé  de  l'autre  partie  ne  doit  pas  opérer  une 
nullité  M.  d'Aguesseau  combat  ce  raisonne- 
ment, et  rejette  la  distinction  entre  les  ma- 
riages des  majeurs  et  ceux  des  mineurs.  Il  no 
faut  pas  ,  selon  lui,  confondre  la  publication 
des  bans  avec  le  consentement  et  le  concours 
du  curé.  L'un  n'est  qu'un  préalable  au  maria- 
ge, qui  n'est  essentiel  que  pour  les  mineurs; 
l'autre  est  une  forme  même  du  mariage,  sans 
laquelle  il  nepeutêtre valable. C'est  pourquoi, 
lorsque  les  parties  sont  de  différentes  parois- 
ses, le  mariage,  quoique  célébré  parle  curé  do 
l'une  des  parties,  est  nul,  si  le  curé  de  l'autre 
partie  n'y  a  pas  concouru,  soit  en  inibliantdes 
Dans,  soit  de  toute  autre  manière,  quand 
même  les  parties  seraient  majeures.  Le  con- 
cile et  les  ordonnances  de  nos  rois  qui 
ont  adopté  ces  dispositions,  n'ont  fait  à  cet 
égard  aucune  distinction  entre  les  majeurs 
,ei  les  mineurs.  L'opinion  de  M.  d'Aguesseau 


étant  d'un  grand  poids,  il  est  très-prudent, 
de  la  part  des  conjoints,  même  majeurs,  et 
domiciliés  dans  deux  paroisses  différentes  , 
d'obtenir  le  consentement  du  curé  qui  ne  cé- 
lèbre jioint  le  mariage.  Le  curé  qui  célèbre 
le  mariage  a  un  très-grand  intérêt  de  se  faire 
remettre  le  certificat  de  l'autre  curé,  par  le- 
quel il  atteste  avoir  publié  les  bans  sans  qu'il 
y  ait  eu  d'oppositions;  car  s'il  y  en  avait  eu, 
11  serait  exposé  aux  dommages  et  intérêts 
que  pourraient  prétendre  ceux  qui  les  au- 
raient formées. 

Les  lois  ecclésiastiques  et  civiles  ne  se 
sont  |ias  contentées  de  frapper  de  nullité  les 
mariages  contractés  par-devant  d'autres  prê- 
tres que  les  propres  curés  ;  elles  ont  infligé 
des  peines  aux  prêtres  (]ui,  n'étant  pas  les 
curés  des  parties,  leur  administreraient  la 
bénédiction  niqjtiale.  Le  concile  de  Trento 
les  ()unit  par  la  suspense  qu'ils  encourent, 
ipso  jure,  et  qui  doit  durer  jusqu'à  ce  qu'ils 
aient  obtenu  l'absolution  ordinaire  du  curé 
qui  devait  célébrer  le  mariage  :  Quod  si  quis 
parochus  velalius  sacerdos,  sive  isœeularis,  sive 
regulitris  sit,  etiamsi  id  sibi  privilégia,  vel 
vnmemorahili  cnnsuetudine  lieere  contendat, 
alterius  parochiœ  sponsos  sine  itlorum  paro- 
chi  liccntia  matriinonio  conjungere  aut  bcne- 
dicere  ausus  furrit,  ipso  jure  tandiu  suspciisus 
maneat,  (juandiu  ab  ordinario  ejus  parociti 
qui  tnatrimonio  intéresse  debebat ,  scu  a  quo 
benediclio  suscipienda  erat,  absoivatur. 

Nos  ordonnances  ont  été  plus  loin.  L'édit 
du  mois  de  mars  1697  porte  :  «  Voulons 
que  si  aucuns  desdits  curés  ou  prêtres,  tant 
séculiers  que  réguliers,  célèbrent  ci-après, 
sciemment  et  avec  connaissance  de  cause, 
des  mariages  entre  des  personnes  qui  ne  sont 
pas  elfectivement  de  leurs  pai'oisses,  sans  en 
avoir  la  permission  par  écrit  des  curés  de 
ceux  qui  les  contractent ,  ou  de  l'archo- 
vê([ue  ou  évêque  diocésain ,  il  soit  procédé 
contre  eux  exlraordinairemeiit  ;  et  qu'outre 
les  peines  canoniques  que  lt!S  juges  d'Eglise 
pourront  [jrononcer  contre  eux,  lesdits  curés 
et  autres  prêtres,  tant  séculiers  que  ré'guliers, 
qui  auront  des  bénéfices,  soient  par  nos  ju- 
ges privés  pour  la  première  fois  de  la  jouis- 
sance de  tous  les  revenus  de  leurs  cures  et 
bénéfices  pendant  trois  ans,  h  la  réserve  de 
ce  qui  est  absolument  nécessaire  pour  leur 
subsistance ,  ce  qui  ne  pourra  excéder  la 
somme  de  six  cents  livres ,  dans  les  plus 
grandes  villes,  et  celle  de  trois  cents  partout 
ailleurs  ;  et  que  le  surplus  soit  saisi  à  la  di- 
ligence de  nos  procureurs,  et  distribué  en 
œuvres  pies  par  l'ordre  de  l'évêque  diocé- 
sain. Qu'en  cas  d'une  seconde  contravention, 
ils  soient  bannis  pendant  le  temps  do  neuf 
ans,  des  lieux  que  nos  juges  estimeront  à 
propos. 

«Que  les  prêtres  séculiers  qui  n'auront  pas 
de  bénéticcs,  soient  condamnés  au  bannis- 
sement pendant  trois  ans;  et  en  cas  de  ré- 
cidive, pendant  neuf  ans  ;  et  qu'à  l'égard  des 
prêtres  réguliers,  ils  soient  renvoyés  dans 
un  couvent  de  leur  ordre,  que  leui- supérieur 
leur  assignera  hors  des  provinces  marquées 
,par  les  arrêts  de  nos  cours,  ou  los.  »«a- 


611 


MÂR 


MAR 


til2 


tences  de  nos  juges,  pour  y  demeurer  renfer-  . 
mes  pendant  le  temps  qui  sera  marqué  par 
lesdits  jugements,  et  sans  y  avoir  aucune 
charge  ni  fonction,  ni  voix  active  et  passive, 
et  que  lesdits  curés  ou  prêtres  puissent,  en 
cas  de  rant  fait  avec  violence,  être  condam- 
nés îi  plus  grandes  peines,  lorsqu'ils  prête- 
ront leur  ministère  pour  célébrer  des  ma- 
riages en  cet  état.  » 

Pour  que  les  curés  ou  autres  prêtres  soient 
soumis  à  ces  peines,  il  faut  qu'ils  aient  cé- 
lébré, sciemini'nt  et  avec  connaissanrc  de  cause, 
le  mariage  de  ceux  qui  ne  sont  pas  de  leurs 
paroisses.  S'ils  ont  été  surpris,  ils  sont  excu- 
sables, "ïais  pour  être  censés  avoir  été  sur- 
pris et  trouipés,  il  faut  qu'ils  se  soient  fait 
certifier  la  qualité  et  le  domicile  des  parties 
par  le  nombre  de  témoins  ■|)reserit  par  les 
ordonnances.  Cette  observation  nous  conduit 
naturellement  h  l'examen  de  la  nécessité  des 
témoins  qui  doivent  assister  à  la  célébration 
du  mariage. 

Le  concile  de  Trente  exige,  pour  la  vali- 
dité du  mariage,  la  présence  de  deux  ou  trois 
témoins,  clnobus  vcl  tribus  tcslibus.  Cette 
disposition  du  concile  est  trop  sage  pour  n'a- 
voir pas  été  adoptée  par  nos  ordonnances, 
ainsi  que  celle  qui  ordonne  que  les  curés 
tiendront  un  registre  sur  lequel  ils  inscii- 
ront  le  nom  des  contractants  et  des  témoins, 
et  le  jour  et  le  lieu  où  le  mariage  aura  été 
célébré  :  Uabcat  parorhus  librum  w  qno 
conjuguin  et  testium  nominn,  dieiiique  et  lo- 
cum  contracti  matrimonii  dcscribat  ;  quem 
diligenter  apud  se  custodiat. 
La  déclaration  du  20  novembre  1039,  art. 

premier,  porte  :  «  Nous  voulons qu'à  la 

célébration  du  mariage  assisteront  quatre 
témoins  dignes  de  foi,  outre  le  curé  qui  re- 
cevra le  consentement  des  parties  et  les  con- 
joindra  en  mariage  suivant  la  forme  prati- 
quée en  l'Eglise....  ordonnons  qu'il  sera  l'ait 
un  bon  et  lidèle  registre,  tant  des  mariages 
que  de  la  publication  des  bans,  ou  des  dis- 
penses et  des  permissions  qui  auront  été 
accordées.  » 

L'édit  du  mois  de  mars  1697  suppose  la 
nécessité  do  quatre  témoins  pour  la  validité 
des  mariages,  et  inllige  des  peines  à  ceux 
qui,  par  un  faux  témoignage,  induiraient  les 
curés  en  erreur  :  «  Enjoignons  à  tims  curés 
et  autres  prêtres  qui  doivent  célébrer  des 
mariages,  de  s'informer  soigneusement  avant 
de  commencer  les  cérémonies,  et  en  pré- 
sence de  ceux  qui  y  assistent,  par  le  témoi- 
gnage de  quatre  témoins  dignes  de  foi,  do- 
miciliés, et  qui  sachent  signer  leur  nom,  s'il 
s'en  peut  aisément  trouver  autant  dans  le 
lieu  où  on  célébrera  le  mariage  ;  voulons 
paieillement  que  le  procès  soit  lait  à  tous 
ceux  qui  auront  supposé  être  les  pères,  mè- 
res, tuteurs  ou  curateurs  des  mineurs,  pour 
l'obtention  des  permissions  de  célébrer  des 
mariages,  des  disjjenses  de  bans  et  des  mains- 
levées  des  oppositions  formées  à  la  célébra- 
tion desdits  mariages  ;  comme  aussi  aux  té- 
moins qui  auront  certilié  des  faits  faux,  à 
l'égard  de  l'âge,  qualité  et  demeure  de  ceux 
qui  contractent, soit  par-devaut  les  archevê- 


ques et  évoques  diocésains,  soit  par-devant 
lesdits  curés  et  prêtres,  lors  de  la  célébra- 
tion desdits  j?ïor(fl.7''.ç  ;  et  que  ceux  qui  seront 
trouvés  coupables  desdites  suppositions  et 
faux  témoignages,  soient  condanmés,  savoir, 
les  hommes,  à  faire  amende  honorable  et 
aux  galères  pour  le  temps  que  nos  juges  es- 
timeront juste,  et  au  bannissement,  s'ils  ne 
sont  pas  ca[)ables  de  subir  ladite  peine  de 
galères;  et  les  femmes,  à  faire' pareillement 
amende  honorable,  et  au  banrdssement,  qui 
ne  pourra  être  moindre  de  neuf  ans.  » 

Rnlin,  la  déclaration  du  9  avril  1736  est 
trop  claire  et  trop  précise  pour  qu'il  puisse 
rester  aucun  doute  sur  la  nécessité  de  la 
présence  des  témoins,  leur  nombre ,  leur 
qualité  et  la  manière  dont  l'acte  de  célébra- 
tion de  mariage  doit  être  rédigé.  «  Dans  les 
actes  de  célébration  de  mariage  seront  in- 
scrits les  noms,  surnoms,  âge,  qualités  et  de- 
meures des  contractants  ;  et  il  y  sera  marqué 
s'ils  sont  enfants  de  famille,  en  tutelle  ou 
curatelle,  ou  en  la  puissance  d'autrui  ;  et  les 
consentements  des  pères,  mères,  tuteurs  ou 
curateurs,  y  seront  pareillement  énoncés  : 
assisteront  auxdits  actes  quatre  témoins  di- 
gnes de  foi  et  sachant  signer,  s'il  peut  aisé- 
ment s'en  trouver  dans  le  lieu  qui  sachent 
signer  :  leurs  non^s,  qualités  et  domiciles 
sciont  pareillement  mentionnés  dans  lesdits 
actes,  et  lorsqu'ils  seront  pareillement  parents 
ou  alliés  des  contractants,  ils  déclareront  de 
quel  côté  et  en  quel  degré,  et  l'acte  sera 
signé  sur  les  deux  registres,  tant  par  celui 
qui  célébrera  le  mariage  que  par  les  con- 
tractants, ensemble  jmr  lesdits  quatre  témoins 
au  moins  ;  et  à  l'égard  de  ceux  desdits  con- 
tractants ou  desdits  témoins  qui  ne  pourront 
ou  ne  sauront  signer,  il  sera  fait  mention  de 
la  déclaration  qu'ils  en  feront,  etc.  »  Art.  7. 
Le  concile  de  Trente  n'exige  que  la  pré- 
sence de  deux  ou  troistémoins;  mais  ill'exige 
à  peine  de  nullité  :  il  ne  met  point  de  dif- 
férence enire  la  présence  du  propre  curé  et 
celle  des  témoins  ;  il  met  l'une  et  l'autre  sur 
la  même  ligne  :  Qui  aliter  quam  pressente 
parocho  vel  alio  sacerdote  de  ipsius  parochi 
vel  ordinarii  licentia,  et  duobus  vel  tribus 
testibus,  matrimonium  contrahere  attentabunt, 
eos  sancta  synodus  ad  sic  contrahendum  om- 
nino  inhabiles  reddit,  et  hujusmodi  contrac- 
lus,  irritas  et  nullos  esse  deccrnit.  W  ordonne 
que  les  curés  tiendront  un  registre  des  ma- 
riages ;  mais  il  ne  déclare  pas  imls  les  wm- 
riages  qui  n'y  seraient  point  inscrits. 

Quant  à  nos  ordonnances,  elles  veulent 
que  les  témoins  soient  au  nombre  de  quatre  ; 
mais  elles  n'ont  point  prononcé  la  peine  de 
nullité  s'ils  étaient  en  moindre  nombre. 
C'est  pourquoi  des  auteurs,  qui  paraissent 
très-versés  dans  noire  jurisprudence,  assu- 
rent que  pour  le  mariage  des  majeurs,  le 
nombre  de  deux  témoins  est  absolument 
suffisant,  quoiqu'on  en  exige  quatre  dans 
celui  tles  mineurs;  et  que  M.M.  les  gens  du 
roi  n'ont  jamais  fait  attention  que  lorsqu'il 
s'est  agi  du  mariage  de  ces  derniers,  au 
moyen  d'abus  pris  de  ce  que  quatre  téuioins 
n'y  avaient  pas  assisté. 


613 


MAR 


MAR 


Cti 


Denisard  remarque  que  la  rtéolaration  de 
173G  n'cxp!i(iiio  point  si  les  témoins  doivent 
être  milles  ;  mais  que  lesjuiiscoiisuites  pen- 
sent que  la  loi,  en  demandant  des  témoins 
dignes  de  foi,  sa  disposition  ne  peut  s'en- 
tendre que  de  ceux  qui,  suivant  les  rèi^les 
ordinaires,  peuvent  valablement  être  témoins 
dans  des  actes  de  cette  importance.  L'auteur 
des  Conférences  de  Paris,  et  Gohard,  ne 
pensent  pas  de  nirme.  Ils  disent  qu'aucune 
loi  ecclésiastique  ou  civile  n'a  dérogé  en  ce 
point  à  l'ancien  droit  mar(pié  au  canon  V'i- 
(iHur,  35,  qiiœst.  G,  lequel  autorise  égale- 
ment dans  cette  matière  le  témoignage  des 
frères,  sœurs,  cousins  et  cousines,  (juoi((u'il 
soit  rejeté  en  beaucoup  d'autres  ;  que  ledit 
de  1697  suppose  que  les  femmes  peuvent 
être  témoins,  puisqu'il  condamne  à  un  ban- 
nissement de  neuf  ans,  celles  qui  déposeront 
faux,  sur  l'-ge,  la  qualité  et  le  domicile  des 
conjoints.  Dans  celte  diversilé  d'opinions, 
il  est  plus  sik  de  ne  faire  assister  aux  ma- 
riages que  des  témoins  m:lles  ;  et  quoique 
les  ordonnances  ne  [irescrivent  rien  sur  leur 
âge,  on  doit  les  choisir  majeurs,  et  on  cour- 
rait des  risques  si  on  se  contentait  de  mi- 
neurs ou  d'impubères  ;  on  poiuTait  dire 
qu'ils  ne  sont  pas  dans  le  nombre  de  ceux 
que  la  loi  appelle  dignes  de  foi.  11  faut  aussi 
faire  grande  attention  à  la  rédaction  de  l'acte 
de  célébration  sur  les  registres  de  la  paroisse, 
surtout  depuis  la  déclaration  de  llSii,  cjui 
porte,  art.  10  :  «  Voulons  qu'en  aucun  cas 
lesdits  actes  de  célébration  ne  puissent  être 
écrits  ou  signés  sur  des  feuilles  volantes;  ce 
qui  sera  exécuté,  à  peine  d'être  procédé  ex- 
traordinaireuient  contre  le  curé  ou  auties 
prêtres  qui  auraient  fait  lesdits  actes,  les- 
quels seront  condamnés  en  telle  amende  ou 
autre  plus  grande  peine  qu'il  appartiendra, 
suivant  l'exigence  des  cas,  et  à  peine  conlre 
les  contractants,  de  déchéance  de  tous  les 
avantages  et  conventions  portés  par  le  con- 
trat do  mariage  ou  autres  actes,  même  de 
privation  d'effets  civils,  s'ily  échoit.  »  Quoi- 
que la  loi  no  prononce  point  la  peine  do 
nullité  contre  les  mariages  nou  inscrits  sur 
le  registre  de  la  paroisse,  celles  qu'elle  porto 
sont  assez  graves  pour  que  les  curés  et  les 
parties  contractantes  s'y  conforment  exacte- 
ment. 

Des  différentes  lois  que  nous  venons  do 
citer  il  paraît  résulter  qu'il  ne  peut  y  avoir 
d'autres  preuves  pour  constater  la  célébra- 
tion des  mariages  que  les  rogi,4res  des  pa- 
roisses. Ce  principe  est  vrai  dans  la  Ihèso 
générale;  et  si  l'on  cite  des  arrêts  qui  ont 
admis  à  la  preuve  à  défaut  d'extrait  de  ma- 
riage, ils  ont  été  rendus  dans  des  circon- 
stances particulières,  et  la  i)lupart  avant  la 
déclaration  de  173G.  Tels  sont  ceux  de  167G 
et  17'25,  qu'on  lit  dans  Denisard  et  dans  le 
Répertoire  de  jurisprudence.  Quant  à  celui 
de  175G,  rendu  sur  les  conclusions  de  .M. 
l'avocat  général  Séguier,  il  y  avait,  outre 
autres  circonstances,  la  preuve  de  l'altéra- 
tion des  registres  de  la  paroisse,  dont  on 
avait  enlevé  plusieurs  feuillets. 

D'après  l'article  14  du  titre  20  de  l'ordon- 


nance de  lGfi7,  la  preuve  par  témoins  no 
devrait  6tro  admise  (jue  lorsque  les  registres 
sont  perdus,  ou  qu'il  n'y  en  a  jamais  eu. 
«  Si  les  registres  sont  ])erdus,  ou  qu'il  n'y 
en  ait  jamais  eu,  la  preuve  en  sera  reçue 
tant  [lar  titres  que  par  témoins,  et  en  l'un 
et  l'autre  cas,  les  ba|)têmes,  mariages  on  sé- 
jultures,  pourront  être  justifiés,  taut  parles 
registre^,  ou  papiers  domestiques  des  pères 
et  mères  décèdes,  ((ue  par  témoins.  » 

Au  l'csto,  au  milieu  de  tous  les  arrêts  qui 
paiaisscnt  se  contredire,  ou  du  moins  prou- 
ver que  dans  cette  matière  il  y  a  une  foulo 
d'exceptions  aux  principes  généraux,  nous 
croj'ons  pouvoir  assurer  comme  une  vérité, 
que  lorsqu'il  s'agit  de  l'état  des  hommes, 
jamais  la  preuve  [)ar  témoins  ne  doit  être 
admise  contre  les  actes,  ou  pour  suppléer 
les  actes,  que  quand  on  iap,;orte  un  com- 
mencement de  preuve  pai'  écrit.- 

Un  ariôt  du  conseil,  du  12  juillet  17V7, 
rendu  eu  forme  do  règlement,  a  pourvu  à 
l'inconvénient  qui  résultait  de  la  représen- 
tation des  registres  des  parois^^es,  que  les 
fermiers  des  domaines  exigeaient  des  curés 
sous  prétexte  de  connaître  plus  facilement 
les  droits  de  centième  denier  qui  sont  dus 
jiar  les  héritiers  des  défunts.  Les  cuiés  se 
refusaient  à  cette  représentation,  parce 
qu'elle  pouvait  préjudicier  à  l'honneur  des 
l'amilles,  qui  demande  quelquefois  que  les 
actes  de  célébration  des  mariages  soient  te- 
nus secrets.  Pour  tout  concilier,  sa  majesté 
a  ordormé,  en  interprétant  l'article  1"  de  la 
déilaration  de  1736,  que  le  registre  des  sé- 
j)ultures  demeurera  dorénavant  séparé  de 
celui  des  mariages  et  baptêmes,  et  que  les 
fermiers  ne  pourront  prétendie  que  la  com- 
munication du  premier,  qui  leur  a  été  ef- 
fectivement accordée  par  l'art.  13  de  la  dé- 
claration du  20  mars  1708. 

On  vient  d'établir  que  le  mariage  se  con- 
tracte réellement  et  valablement  parmi  nous, 
par  la  bénédiction  nuptiale  donnée  par  le 
propre  curé,  ou  de  son  consentement,  en 
présence  de  quatre  témoins  dignes  de  foi,  et 
qu'il  doit  être  du  tout  dressé  sur  le  registre 
de  la  paroisse  un  acte  signé  par  le  curé, 
par  les  conjoints  et  jiar  les  témoins.  Voyons 
à  présent  quels  elTets  produit  un  mariage 
ainsi  contracté. 

§  IV.  Effets  et  ohligalions  du  mariage.  Du 
mariage  valablement  contracté  naissent  des 
obligations  réciproques  entre  le  mari  et  la 
feuune;  et  ces  obligations  prennent  une  nou- 
velle étendue,  si  une  heureuse  fécondité  leur 
donne  des  enfants. 

Le  mari  doit  traiter  sa  femme  maritale- 
ment, c'est-à-dire  lui  fournir  tout  ce  qui  est 
nécessaire  pour  les  besoins  de  la  vie,  selon 
ses  facultés  et  son  état.  11  doit  le  lui  four- 
nir, soii  de  son  propre  bien,  soit  des  fruits 
de  son  travail  ;  entin,  il  est  obligé  au  devoir 
conjugal  lorsqu'elle  le  lui  demande ,  et  à 
u'avou-  commerce  avec  aucune  autre  femme, 
contre  la  foi  c^u'il  lui  a  donnée.  La  femme 
peut  intenter  une  action  eu  justice  contre 
son  mari ,  pour  le  forcer  h  la  recevoir  chez 
lui  et  à  la  traiter  muritalemeut.  La  femme, 


«IS 


HAtl 


MAR 


61S 


de  son  côté,  contracte  envers  son  mari  l'o- 
bligation (le  le  suivre  partout  où  il  jugera  à 
propos  d'établir  sa  résidence  ou  son  domi- 
cile, pourvu  néanmoins  que  ce  ne  soit  pas 
hors  du  royaume,  cest-à-dire  pour  s'établir 
en  pays  étranger.  De  cette  obligation  nait , 
en  faveur  du  mari ,  une  action  pour  faire 
condamner  en  justice  sa  femme,  lorsqu'elle 
l'a  quitté,  h  retourner  avec  lui.  La  lemme 
ne  peut  rien  opposer  à  cette  demande  ;  elle 
n'est  point  écoutée  à  se  plaindre  que  l'air 
du  lieu  que  son  mari  habite  est  contraire  à 
sa  santé ,  qu'il  y  règne  môme  des  maladies 
contagieuses.  En  vain  prétendrait-elle  qu'elle 
essuie  de  mauvais  traitements  de  la  part  de 
son  mari,  cela  n'autoriserait  point  son  éloi- 
gnement  de  lui,  à  moins  qu'elle  n'eût  formé 
sa  demande  en  séparation  d'habitation. 

La  loi  naturelle ,  comme  les  lois  civiles  , 
imposent  aux  pères  et  mères  l'obligation  de 
nourrir,  d'élever,  d'entretenir  leurs  enfants  ; 
c'est  une  des  obligations  les  plus  sacrées  du 
mariage,  necare  videtur  et  is  qui  alimenta  de- 
negat.  Celle  obligation  s'étend  jusqu'aux  pe- 
tits-enfants, dans  le  cas  où  ils  n'auraient  ni 
père  ni  mère  en  état  de  subvenir  à  leurs 
besoins.  Une  autre  obligation  des  pères  et 
des  mères  est  de  laisser  à  leurs  enfants  une 
certaine  portion  de  leur  succession ,  qu'on 
«piielle  légitime ,  à  moins  qu'ils  ne  la  leur 
aient  donnée  de  leur  vivant,  en  avancement 
d'hoirie ,  ou  que  les  enfants  n'aient  mérité 
d'encourir  la  peine  d'exhérédation.  Un  des 
fruits  les  plus  doux  du  mariage  est  de  trou- 
ver dans  ses  enfants  les  secours  dont  on 
peut  avoir  besoin,  et  que  ces  secours  soient 
offerts  par  la  main  de  l'amour  et  de  la  re- 
connaissance. Si  des  enfants  pouvaient  ou- 
blier ce  premier  de  tous  les  devoirs  envers 
leurs  pères  et  mères  ,  la  loi  les  y  contrain- 
drait. Le  premier  qui  s'est  laissé  traduire 
devant  les  tribunaux,  pour  être  condamné  à 
fournir  des  aliments  aux  auteurs  de  ses 
jours ,  a  dû  mériter  l'exécration  du  genre 
Immain.  N'est-ce  pas  une  espèce  de  parri- 
cide que  de  refuser  de  conserver ,  par  ses 
eoins  et  ses  secours ,  la  vie  à  ceux  de  qui 
on  la  tient? 

L'obligation  ,  de  la  part  des  enfants  ,  de 
nourrir  leurs  pères  et  mères ,  s'étend  aux 
aïeux  et  aïeules  ,  et  autres  pareuts  de  la  li- 
gne directe  ascendante,  dans  le  cas  où  ceux 
qui  occupent  la  place  intermédiaire  dans  la 
ligne  ne  vivent  jjIus  ou  ne  sont  pas  en 
état  de  le  faire.  Ces  liens  formés  par  la  na- 
ture entre  les  pères  et  les  enfants  subsistent 
même  à  l'égard  des  bâtards. 

Les  obligations  dont  nous  venons  de  par- 
ler, naissent  du  mariage  comme  contrat  na- 
turel. Voyons  ceux  qu'il  produit  comme  con- 
trat civil. —  1°  Le  mariage  conûrme  et  donne 
toute  sa  perfection  aux  conventions  matri- 
moniales portées  dans  le  contrat  qui  l'a  pré- 
cédé ,  ou  stipulées  par  la  loi.  Ces  conven- 
tions ne  peuvent  avoir  d'exécution,  si  elles 
ne  sont  suivies  du  mariage;  elles  sont  tou- 
jours sous  la  condition  si  nuptiœ  sequentur. 
—  2°  11  produit  la  puissance  paternelle  sur 
les  enfants  qui  en  naissent.  Cotte  i)vji5sau(;« 


parmi  'nous  est  bien  différente  de  celle  des 
Romains.  Elle  est  commune  au  père  et  à  la 
mère ,  sauf  que  le  père  l'exerce  seul  tant 
qu'il  vit. — 3°  Par  le  mariage,  la  femme  ac- 
quiert le  nom  de  son  mari.  Elle  ne  fait  plus 
avec  lui  qu'un  tout,  auquel  il  donne  sa  dé- 
nomination ,  et  crunt  duo  in  carne  una.  Ou- 
tre le  nom  du  mari,  elle  participe  à  tous  ses 
titres ,  à  son  rang ,  à  ses  honneurs  et  à  ses 
préséances.  Elle  en  conserve  uiôme,  après  la 
dissolution  du  mariage ,  la  noblesse  et  les 
titres,  tant  qu'elle  demeure  en  viduité.  Mais 
comme  le  mariage  élève  une  femme  au  rang 
de  son  mari,  lorsqu'avant  de  s'unir  h  lui  elle 
en  occupe  un  inférieur  dans  la  société ,  de 
même  elle  en  déchoit  si  elle  épouse  quel- 
qu'un qui  ne  soit  |)as  son  égal  ;  une  femme 
noble ,  qui  épouse  un  homme  de  condition 
roturière ,  perd  sa  noblesse  pendant  que  le 
mariage  dure.  Mais  après  la  dissolution,  elle 
la  reprend  :  on  suppose  qu'elle  n'a  été  qu'é- 
clipsée par  l'interposition  de  la  personne  de 
son  mari.  Par  une  suite  de  ce  même  prin- 
cipe ,  do  cette  union  intime  que  produit  le 
mariage  entre  les  deux  conjoints ,  du  mo- 
ment de  la  bénédiction  nuptiale  ,  ia  femme 
n'a  plus  d'autre  domicile  que  celui  de 
son  mari  ;  elle  devient  dès  lors  soumise 
à  toutes  les  lois  du  lieu  de  ce  domicile.  — 
^•*  Un  des  ettets  civils  les  plus  importants 
du  mariage  est  de  donner  aux  entants  les 
droits  de  famille  et  de  parenté  civile.  C'est 
par  là  que  se  forment,  au  milieu  des  socié- 
tés générales,  des  sociétés  particulières  con- 
nues sous  le  nom  de  familles ,  qui  sont  ré- 
gies par  des  lois  qui  donnent  des  droits  ac- 
tifs et  passifs  dans  les  successions  des  dif- 
férents membres  qui  les  composent.  — 
5"  Parmi  les  principaux  effets  civils  du  ma- 
riage, on  doit  compter  celui  qu'il  a  de  légi- 
timer les  enfants  nés  d'un  commerce  que 
les  parties  ont  eu  ensemble  avant  de  se  ma- 
rier. 

Il  n'y  a  qu'un  mariage  valable  qui  puisse 
produire  des  etl'ets  civils;  mais  tout  jnartajra 
valable  ne  les  produit  pas  également.  Les 
mariages  secrets  ,  les  mariages  in  extremis  , 
et  ceux  contractés  par  des  personnes  qui 
ont  perdu  la  vie  civile,  ne  produisent  point 
d'effets  civils.  Les  mariages  secrets  sont  ceux 
qui ,  quoique  contractés  par  des  personnes 
habiles  à  se  marier ,  et  avec  toutes  les  for- 
malités prescrites  par  les  lois  de  l'Eglise  et 
de  l'Etat,- n'ont  cependant  point  été  connus 
du  public  ,  parce  que  .les  deux  conjoints 
n'ont  point  vécu  publiquement  comme  mari 
et  femme.  Ces  mariages  ne  sont  point ,  à 
proprement  parler,  clandestins  ;  la  clandes- 
tinité ne  peut  s'appliquer  qu'à  ceux  qui  sont 
contractés  sans  la  présence  ou  la  permission 
du  propre  curé ,  sans  l'assistance  des  té- 
moins en  nombre  requis ,  et  autres  forma- 
lités nécessaires.  Ainsi  on  ne  peut  pas  les  ar- 
guer de  nullité,  à  raison  do  la  clandestinité. 
Mais  comme  ils  en  approchent  beaucoup , 
le  législateur,  qui  n'a  pas  cru  devoir  les  dé- 
clarer nuls ,  a  cru  devoir  les  punir,  en  le§ 
privant  des  &Uels  civils   les  jilu^   impor- 


6i7 


MAR 


1 


L'article  5  do  la  déclaration  de  1630,  porte  : 
«  Désirant  pourvoir  k  l'abus  qui  commence 
à  s'introduire  dans  notre  royaume,  par  ceux 
qui  tieiuient  leurs  mnriagcs  secrets  et  cachés 
pendant  leur  vie,  contre  le  respect  qui  est 
aC[  .\  un  si  grand  sacrement,  nous  ordonnons 
que  les  majeurs  contractent  leurs  mariaf/t's 
publiquement  et  en  face  de  l'église,  avec 
les  solennités  prescrites  parles  ordonnances 
de  Blois ,  et  déclarons  les  enfants  qui  naî- 
tront de  ces  mariagen  ,  <pie  les  |)artios  ont 
tenus  jusqu'ici  ou  tiendront  k  l'avenir  ca- 
chés pendant  leur  vie,  qui  ressentent  plutôt 
la  honte  d'un  conculiinaiie  ,  que  la  dignité 
d'un  mariafie ,  incapables  de  toutes  succes- 
sions, aussi  bien  que  leur  postérité.  » 

La  loi  refuse  aux  mariages  secrets  l'effet  pré- 
cieux de  la  ])arenté  civile.  Les  enfants  qui  eu 
naissent  sont  incapables  de  toutes  successions, 
ce  qui  comprend  non -seulement  les  direc- 
tes, mais  encore  les  collatérales.  Ainsi  jugé 
par  arrêt  du  24  juillet  170'i-.  Cette  incapacité 
s'étend  jusqu'h  leur  [lostérité.  La  loi  le  veut, 
aussi  bien  que  leur  postérité.  D'ailleurs,  com- 
ment transmettre  des  droits  qu'on  n'a  pa^ 
soi-même  ? 

Quoique  la  loi  ne  prononce  aucune  peine 
contre  les  femmes  dont  les  mariages , sont 
demeurés  secrets,  la  honte  du  concubinage 
qu'elle  semble  attacher  h  ces  sortes  de  ma- 
riages les  a  rendus  si  défavorables,  que  l'on 
prive  les  veuves  des  avantages  que  leurs 
contrats  de  mariage  leur  avaient  accordés. 
Par  un  arrêt  du  26  mai  1705  ,  rapporté  par 
Augeard  ,  Mario  Souvelle  ,  ouvrière  du  Pa- 
lais, veuve  du  sieur  Sonnet,  trésorier  des 
Suisses,  fut  déclarée  privée  des  effets  civils 
de  son  mariage  ,  qui  avait  été  tenu  secret 
pendant  tout  le  temps  qu'il  avait  duré ,  et 
en  conséquence  déchue  de  son  douaire  et 
autres  conventions  matrimoniales.  Los  héri- 
tiers du  mari  furent  seulement  condamnés 
à  lui  restituer  la  somme  que  son  mari  avait 
reconnu  avoir  reçue  d'elle  en  dot. 

C'est  à  ceux  qui  prétendent  que  le  mariage 
a  été  secret,  à  le  prouver.  Cette  preuve  peut 
se  faire  par  la  réunion  de  plusieurs  circon- 
stances. Par  exemple,  que  la  femme  n'a  pas 
pris  le  nom  de  son  mari  pendant  tout  le 
temps  que  le  mariage  a  duré,  qu'elle  a  pris 
dans  les  actes  qu'elle  a  passés  depuis  son 
mariage,  la  qualité  de  Qlle  ou  de  veuve  d'un 
précédent  mari  ;  lorsqu'une  servante  qui  a 
épousé  son  maître,  ou  un  domestique  qui  a 
épousé  sa  maîtresse,  continuent  de  paraître 
dans  la  maison  dans  leur  état  de  domesti- 
cité, etc.  Ces  preuves  ne  pourraient  point 
être  détruites  ni  par  l'acte  de  célébration  de 
mariage ,  ni  par  l'attestation  de  publication 
des  bans,  parce  que  l'un  et  l'autre  sont  très- 
compatibles  avec  le  secret  du  mariage,  sur- 
tout dans  les  grandes  villes. 

Les  mariages  in  extremis  sont  dans  le  cas 
de  ceux  qui  ont  été  tenus  secrets  pendant 
leur  durée.  L'article  6  de  la  déclaration  do 
1639  les  assimile  en  tout  :  «  Nous  voulons 
que  la  même  peino  ait  lieu  contre  les  en- 
fants qui  sont  nés  de  femmes  que  les  pères 
ont  entretenues,  et  qu'ils  épousent  lorsqu'ils 

DiCTIOKK.    PB  iBfcOL.  DO«UATIQUE.    111. 


MAK  618 

sont  K  l'extrémité  de  la  vie.  »  L'édit  du  mois 
de  mars  1697  a  confirmé  et  étendu  celte  dis- 
position :  «  Voulons  que  l'article  6  de  l'or- 
donnance de  1639,  au  sujet  des  mariages, 
ait  lieu,  tant  îi  l'égard  des  femmes  qu'h  ce- 
lui des  homiues;  et  que  les  enfants  qui  sont 
nés  de  leurs  débauches  avant  lesdits  ma- 
riages, ou  qui  jiourront  naître  après  lesdits 
mariages  contractés  en  cet  état ,  soient  , 
aussi  bien  que  leur  postérité,  incapables  de 
toutes  successions.  » 

Pour  (pie  le  mariage  soit  dans  le  cas  de 
la  loi,  il  faut  deux  choses  :  1°  qu'il  ait  été 
précédé  d'un  commerce  illicit(!  entre  les 
deux  conjoints  ;  2"  que  la  maladie  dont  un 
conjoint  est  attaqué,  lorsqu'il  contracte,  ait 
trait  à  la  mort.  Un  homme  avait  reçu  un 
cou[)  de  pied  ;  la  blessure  paraissait  si  dan- 
gereuse, que  six  jours  après  il  reçu!  l'ex- 
trême-onction.  Le  môme  jour  il  se  maria  et 
survécut  cinquante-quatre  jours  depuis  son 
mariage.  Par  arrêt  du  28  février  1667,  le 
mariage  fut  déclaré  avoir  été  contracté  in 
extremis.  Par  deux  autres  arrêts  aussi  rap- 
portés au  tome  111  du  Journal  des  Audiences, 
des  22  décembre  1672  et  3  juillet  ICTî,  des 
mariages  furent  réputés  faits  in  extremis, 
quoique  dans  l'espèce  du  premier,  riiomme 
eût  survécu  soixante-cinq  jours,  et  dans 
l'espèce  du  second,  quarante-deux  jours.  Il 
en  serait  autrement  si  la  maladie  d'un  des 
deux  conjoints  n'avait  pas  un  trait  prochain 
à  la  mort,  comme  une  hydropisie  ou  une 
pulmoniequi  ne  seraient  pas  dans  leur  der- 
nier période. 

;  Un  mwriag'e  contracté  dans  l'état  de  gros- 
sesse n'est  pas  censé  contracté  in  extremis, 
quoique  la  femme  décède  peu  de  jours 
après  la  célébration,  par  l'accident  il'une 
fausse  couche,  ou  autre  de  pareille  nature. 
Il  en  est  de  môme  delà  mort  subite  arrivée 
h  une  des  parties  le  jour  même  ou  le  lende- 
main du  mariage.  Si  la  personne  (pii  se  ma- 
rie, étant  malade,  avoir  ffittout  ce  qui  était 
en  son  pouvoir  lorsqu'elle  était  eu  pleine 
santé  pour  y  parvenir,  et  qu'elle  en  ail  été 
empêchée  par  des  difficultés  et  des  opposi- 
ti'ins  qu'elle  n'ait  pu  surmonter  plus  tôt,  le 
mariage  n'est  pas  privé  des  effets  civils.  On 
n'est  plus  dans  le  cas  de  la  loi  ;  on  ne  peut  pas 
dire  que  celui  des  conjoints  qui  est  décédé, 
ait  attendu  les  derniers  instants  de  sa  vie  pour 
le  contracter;  ainsi  jugé  par  arrêt  du  Parle- 
ment de  Uouen,  du  29  juillet  1717. 

Enfin,  latroisième  espèce  de  mariage,  qui, 
quoique  valable  en  lui-même  et  comme  sa- 
crement, est  néanmoins  privé  des  effets  ci- 
vils, est  celui  que  contracte  une  personne 
morte  civilement,  par  une  condamnation  à 
une  peine  capitale.  C'est  la  disposition  de 
l'article  6  de  la  déclaration  do  1639,  qui,  après 
avoir  parlé  des  mariages  in  extremis,  con- 
tinue en  ces  termes  :  «  Comme  aussi  (les 
mêmes  peines)  contre  les  enfants  procréés 
par  ceux  qui  se  marient  après  avoirété  con- 
damnés à  mort,  même  par  les  sentences  de 
nos  juges  rendues  par  défaut,  si  avant  leur 
décès,  ils  n'ont  été  remis  au  même  état,  sui- 
-  vaut  les  lois  prescrites  par  nos  ordonnances.  » 

20 


Oid 


MAR 


MAR 


m 


La  déclaration  ne  parle  ici  que  des  condam- 
nés à  mort.  Elle  ne  comprend  point  par 
conséquent  ceux  qui  ont  perdu  la  vie  civile 
par  un  autre  genre  do  condamnation,  comme 
,es  galères  perpétuelles.  11  paraît  cependant 
que  la  même  raison  devrait  empêcher  pour 
les  uns  et  pour  les  autres  effets  civils  du 
mariage.  Dès  qu'on  est  mort  civilement,  de 
quelque  manière  que  ce  soit,  on  est  censé 
retranché  de  la  société,  on  n'y  existe  plus 
quant  à  ce  qui  est  de  l'ordre  civil  ;  c'est  une 
conséquence,  que  l'on  no  puisse  être  alors 
capable  d'un  mariage  civil.  Est-il  permis  de 
mettre  le  raisonnement  à  la  place  de  la  loi  ? 
Et  lorsqu'elle  ne  prive  des  effets  civils  que 
les  mariages  des  condamnés  k  mort,  doit-on 
l'étendre  à  ceux  contractés  par  des  condam- 
nés à  d'autres  peines  qui  emportent  la 
mort  civile  ?  Nous  aurions  de  la  peine  à  le 
croire. 

Pothier  assure  que  la  privation  des  effets 
civilsn'a!ieupourlesmar!a(/e«  des  condamnés 
à  mort  par  contumace,  que  lorsqu'ils  sont  dé- 
cédés cinq  ans  après  la  publication  de  leurs 
jugements.  Ces  termes  de  la  loi,  «  si,  avant 
leur  décès,  ils  n'ont  été  remis  dans  leur  pre- 
mier état,  suivant  les  lois  prescrites  par  nos  or- 
donnances,» ne  l'arrêtent  point.  Sa  raison  est 
que,  d'après  l'ordonnance  de  1670,  lorsqu'on 
meurt  dans  les  cinq  ans  accordés  pour  purgerla 
contumace,  on  meurt  integri  status,  et  que  par 
conséquenton  n'est  point  dans  le  cas  de  la  dé- 
claration, puisqu'on  n'est  pas  obligé  desefaire 
rétablir  dans  un  état  qu'on  n'a  jamais  perdu. 

Mais  quel  est  l'état  des  enfants  provenus 
des  trois  espèces  de  mariages  dont  nous  venons 
de  parler  ?  Doivent-ils  être  regardés  comme 
illégitimes?  Non.  Ils  ne  jouissent  pas,  à  la 
vérité,  de  tous  les  droits  que  les  effets  civils 
du  mariage  donnent  aux  enfants,  tels  que  les 
droits  de  famille,  de  succession,  de  douaire, 
de  légitime ,  etc  ;  mais  ils  ne  sont  pas 
bAtards  :  ils  sont  nés  d'un  mariage  valable, 
d'un  mariage  qui  a  reçu  le  caractère  desacre- 
ment,  et  qui,  par  conséquent,  a  eu  pour  base 
un  contrat  civil  dont  les  effets  ont  été  seu- 
lement restreints  parles  lois  du  prince. 

Nous  avons  établi  ci-dessus  en  principe 
qu'il  n'y  avait  qu'un  mariage  valable  qui  pût 
pioduire  les  effets  civils.  Ce  principe  reçoit 
une  exception  bien  honorable  pour  l'huma- 
nité. Elle  est  puisée  dans  la  bonne  foi  des 
parties. 

Lorsque  la  nullité  du  mariage  ne  [)rovient 
quy  d'un  empêchement  dirimant,  et  que  d'ail- 
leurs les  parties  ont  observé,  en  se  mariant, 
toutes  les  solennités  prescrites  par  les  lois 
de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  l'ignorance  où  elles 
étaient  l'une  et  l'autre  de  cet  empêchement 
dirifoant  les  met  à  l'abri  du  reproche  d'a- 
voir vécu  dans  une  union  illicite  et  crimi- 
nelle. Ni  la  religion  ni  la  société  n'ont  à  se 
filaindre.  Il  serait  injuste  de  les  punir  ;  il  ne 
e  serait  pas  moins  de  punir  leurs  enfants. 
Elles  doivent  se  séparer  lorsqu'elles  ont  con- 
naissance de  rempùcheuient  qui  s'opposait 
à  leur  union.  Voilà  tout  ce  qu'on  en  peut 
exiger;  mais  il  est  nécessaire  que  leur  igno- 
rance ait  été  accompagnée  de  la  bonne  foi, 


c'est-k-dire  qu'ils  aient  été  fondés  à  croire 
que  rien  ne  s'opposait  à  leur  mariage. 

Une  femme  reçoit  la  nouvelle  de  la  mort 
de  son  mari  ;  elle  reçoit  en  même  temps 
son  extrait  mortuaire  en  bonne  forme ,  ou 
tout  autre  acte  équivalent.  Elle  contracte 
un  second  mariage  ;  des  enfants  en  provien- 
nent. Le  mari  reparaît.  Dans  ce  cas,  il  est 
évident  que  le  second  mariage  est  nul.  La 
femme  doit  quitter  le  second  mari  et  retour- 
ner avec  le  premier.  Mais  quoique  ce  second 
mariage  soit  nul,  la  bonne  foi  des  parties 
qui  l'ont  contracté  lui  donne,  par  rapport 
aux  enfants  qui  en  sont  nés,  tous  les  droits 
de  famille  et  tous  les  autres  droits  qu'ont  les 
enfants  procréés  on  légitime  mariage.  Ils 
viendront  aux  successions  de  leur  père  et 
mère,  et  môme  concurremment  à  celle  de 
leur  mère,  avec  les  enfants  qu'elle  a  eus  de 
son  premier  mariage.  Par  la  môme  raison, 
la  femme  ne  sera  point  privée  ni  de  son 
douaire,  ni  des  autres  avantages  stipulés 
par  son  contrat  de  mariage  avec  le  second 
mari. 

11  n'est  pas  nécessaire,  pour  qu'un  «lona^e 
nul,  comme  nous  le  supposons,  produise  les 
effets  civils,  que  les  deux  parties  soient  dans 
la  bonne  foi,  il  suffit  qu'une  des  deux  ysoit. 
Un  homme  marié  se  fait  passer  pour  garçon 
ou  pour  veuf;  il  produit  des  preuves  de  son 
état  ;  il  trompe  une  femme  qui  le  croit  libre. 
Un  religieux,  un  clerc  dans  les  ordres  sa- 
crés, dérobent  à  tous  les  yeux  l'engagement 
qui  les  lie.  Ils  contractent  mariage.  Dans 
tous  ces  cas  et  autres  semblables,  la  bonne 
foi  de  la  femmene  permet  pas  qu'on  la  motte 
dans  la  classe  des  concubines,  ni  ses  enfants 
dans  celle  des  bâtards  ;  elle  jouira  de  tous 
les  droits  d'une  épouse  légitime,  et  ses  en- 
fants de  tous  les  avantages  et  de  toutes  les 
prérogatives  de  la  légitimité.  Un  chevalier 
de  Malte  avait  celé  sa  qualité  de  profès,  et 
s'était  marié.  L'enfant  né  de  ce  mariageînl, 
en  conséquence  de  la  bonne  foi  de  la  mère, 
déclaré  avoir  les  droits  d'enfant  légitime, 
et  de  porter  le  nom  et  les  armes  de  son  père. 
Arrêt  du  k  février  1689.  Un  récollet  profès, 
dont  on  ignorait  l'état,  avait  ainsi  trompé 
une  femme.  Après  son  décès,  on  opposa  îi 
la  femme  la  nullité  de  son  mariage.  Un  ar- 
rêt du  22  janvier  1693  lui  adjugea  toutesles 
conventions  matrimoniales  et  la  moitié  de 
1,1  communauté  qui  était  opulente.  Ces 
mêmes  principes  ont  lieu  k  l'éganl  de  cer- 
tains mariages,  qui  quoique  valables  en  eux- 
mêmes,  sont  cependant  privés  des  effets  ci- 
vils. Une  femme  épouse  un  homme  condam- 
né à  mort,  sans  avoir  pu  avoir  connaissance 
du  jugement  qui  l'acondamné.  Sa  bonne 
foi,  dans  ce  cas,  donne  au  mariage  les  effets 
civils,  k  l'effet  que  les  enfants  qui  en  sont 
nés  puissent  succéder  à  leur  mère  et  à  leurs 
parents  maternels  ;  mais  ils  ne  peuvent  rien 
réclamer  des  biens  de  leur  père  acquis  au 
lise  par  une  suite  de  sa  condamnation.  Ils 
n'ont  point  non  plus  le  droit  de  famille  dans 
celle  de  leur  père,  qui  était  incapable  de  les 
leur  communiquer,  les  ayant  lui-même  per- 
dus avant  leur  naissance. 


I 


1 


C21  MAR 

Ln  siour  Thibaut  de  la  Boissière  avait  eu 
plusieurs  enfants  de  Marie  de  ln  Tour, 
hnnme  Maillard.  Maillard,  depuis  longlentips 
absent,  passa  pour  mort  sur  la  foi  d'un  cer- 
tificat délivré  par  un  capitaine.  Le  sieur  do 
la  Boissière  épousa  alors  Marie  de  la  Tour. 
Maillard  s'i  tant  représenté  ajirès  quarante 
ans  d'absence,  un  arrôt  du  15  mars  lf)7'i. 
annula  le  muriaçie  du  sieur  de  la  Boissière, 
et  déclara  bâtards  les  enfants  qu'il  avait  eus 
de  Marie  de  la  Tour  avant  le  mariage.  D'a- 
près cet  arrôt,  on  peut  poser  en  principe 
qu'un  mariage  nul,  quoique  contracté  do 
bonne  foi,  no  légitime  pas  les  enfants  nés 
d'un  commerce  illicite  dont  il  avait  été  pré- 
cédé. 

§  V.  De  la  cassation  et  de  la  dissolution 
du  mariage,  et  des  juges  qui  en  peuvent  con- 
naître. A  considérer  le  mariage  dans  son 
institution ,  telle  que  l'Ecrilure  sainte  nous 
la  présente,  il  esliudissoluliiede  sa  nature  : 
Homo  rclinquel  patrem  suum  et  matrem 
suam  et  adhœrcbituxori  suœ,  et  erunt  duo  in 
carne  ^lna.  Si  les  Juifs  ont  pu  rompre  ce  lien 
par  le  divorce,  c'est  une  condescendance 
qu'a  eue  pour  eux  leur  législateur;  condes- 
cendance fondée  surleur  caractère  plutôt  que 
sur  la  loi  naturelle  et  la  loi  divine  :  Quod 
Deus  conjunxit,  homo  non  separet...  quo- 
niam  Moi/srs  ad  duritiam  cordis  vcstri  pcr- 
misitvobis  dimittereuxores  vestras  :  ah  initia 
autem  non  fuit  sic.  La  loi  de  Jésus-Christ  a 
rendu  au  mariage  su  première  indissolul)ilité, 
et  nous  la  regardons  comme  un  lien  que  la 
mort  seule  d'un  des  conjoints  peut  rompre. 
Il  n'en  était  pas  demèmechezlesBomains, 
même  après  qu'ils  eurent  embrassé  le  chris- 
tianisme. On  trouve  dans  les  Pandectes  une 
décision  du  jurisconsultePaul,  qui  met  le  di- 
vorce au  nombre  des  manières  dont  se  dis- 
sout le  mariage  ;  dirimilur  matrimonium  di- 
vortio,  morte,  captiritate,  vcl  alla  contingente 
servilute  utrius  eorum.  Justinieu  ne  crut  pas 
devoir  abolir  entièrement  le  divorce  ;  il  se 
contenta  d'en  restreindre  la  liberté.  Cette 
permission  ou  cette  tolérance  des  lois  civiles 
n'inilua  en  rien  sur  l'esprit  de  l'Eglise  ;  elle 
regarda  toujours  le  divorce  comme  prohibé 
par  l'Evangile,  et  comme  incapable  de  rom- 
pre le  lii'n  (lu  mariage.  Elle  retrancha  tou- 
jours de  sa  communion  les  conjoints  qui, 
après  s'Être  sé])arés,  convolaient  à  de  se- 
condes noces  ;  elle  les  traita  en  adultères,  en 
les  assujettissant  à  la  peine  que  les  canons 
prononcent  contre  ceux  qui  se  rendent  cou- 
j)ables  de  ce  crime.  Parmi  nous,  les  lois  de 
l'Etat  ont  adopté  les  lois  de  l'Eglise;  le  divorce 
u'est  point  admis  pour  quelque  cause  que  ce 
soit.  Nous  y  avons  substitué  la  séparation 
d'habitation,  quoad  tliorum,  qui  Ifdsse  tou- 
jours subsister  le  lien  et  autorise  seulement 
les  conjoints  à  uc  plus  vivre  ensemble.  Yoy. 

DlVOllCE. 

Dans  les  gouvernements  protestants  ,- le 
divorce  est  encore  admis  pour  certaines  rai- 
sons. L'auteur  de  la  Vie  de  Jean  Sobieski 
assure  qu'il  est  aussi  en  usage  en  Pologne. 

L'indissolubilité  du  mariage  reçoit  cepen- 
daul  uue  exception  parmi  les  catholiques. 


MÀR 


C-2-2 


La   profession   religieuse  l'emporte  sur  le 
mariage  dans  deux  cas. 

Le  ])rcmier,  lorsque  les  deux  époux  con- 
sentent volontairement  et  librement  h  entrer 
dans  un  ordre  religieux  admis  dans  l'Etat,  et  h 
y  faire  des  vœux.  Mais  il  est  nécessaire  que 
l'un  et  l'autre  contractent  ce  nouvel  engage- 
ment ;  car  si  l'un  des  deux  seulement  lo 
coniracfait,  lo  lien  du  mariage  subsisterait 
toujours  ;  il  no  suflit  pas,  pour  le  rompre, 
du  consentement  de  l'autre  époux.  Quia,  dit 
le  pajic  saint  Grégoire ,  postquam  copula- 
tione  conjugii  viri  atque  mulieris  unum  cor- 
pus efficitur,  non  potest  ex  parte  converti, 
et  ex  parte  in  .fœculo  remanere.  11  en  est  de 
mémo  h  cet  égard  de  la  promotion  aux  or- 
dres sacrés.  On  ne  doit  pas  ordonner  un 
homme  marié  si  sa  femme  ne  fait  pareille- 
ment V03U  de  continence.  C'est  la  décision 
d'Alexandre  111,  cap.  5,  cxt.  de  Convers. 
conjug.  :  Nulius  conjugatorum  est  ad  sacros 
ordines  promovendus,  nisi  ab  uxorc  conti- 
ncntiam  profHente,  fucrit  absolutus. 

Les  lois  de  l'Eglise,  à  ce  sujet,  ont  pré- 
valu sur  celles  de  Justinion  qui,  par  sa  no- 
vellc  21,  cap.  5,  avait  permis  le  divorce  k 
celui  des  deux  conjoints  qui  voulait  em- 
brasser la  profession  religieuse.  Il  pensait 
que,  dans  ce  cas,  ce  n'était  pas  l'homme, 
mais  Dieu  lui-même  qui  rompait  le  mariage, 
en  inspirant  à  un  des  conjoints  le  dessein 
d'embrasser  un  état  plus  parfait,  et  de  se  con- 
sacrer entièrement  à  lui.  L'Eglise  en  a  jugé 
autrement,  en  exigeant  non-seulement  le 
consentement  des  deux  parties,  mais  même 
que  tous  les  deux  embrassent  à  la  fois  un 
état  qui  leur  fasse  h  l'un  et  à  l'autre  une  loi 
de  la  continence.  Il  est  cependant  une  cir- 
constance qui  permet  à  un  mari  d'embras- 
ser la  profession  religieuse  ou  de  se  faire 
promouvoir  aux  ordres  sacrés  sans  le  con- 
seiittinent  de  sa  femme  ;  c'est  lorsque  la 
femme  a  été  convaincue  d'adultère  et  con- 
damnée en  conséquence  à  la  réclusion  jjar 
un  jugement  qui  ne  serait  pas  par  défaut, 
et  qui  aurait  force  de  chose  jugée.  La  fem- 
me, dit-on,  ayant  perdu  le  droit  de  deman- 
der le  devoir  conjugal  et  de  demeurer  avec 
son  mari,  son  consentement  cesse  d'être  né- 
cessaire ;  mais  la  femme  n'a  pas  pour  cela  le 
droit  de  se  remarier  pendant  le  vie  de  son 
mari.  Une  femme  ayant  eu  querelle  avec  son 
mari,  l'avait  quitté  et  avait  épousé  un  autre 
homme.  Le  mari  s'était  fait  ordonner  prêtre, 
et  s'était  ensuite  fait  moine  de  Cîteaux.  Inno- 
cent 111  décide  que  cette  femme  doit  quitter 
son  prétendu  second  mari  avec  lequel  elle 
vivait  en  adultère,  et  qu'elle  ne  doit  pas  être 
reçue  à  redemander  le  premier. 

Le  second  cas  oii  l'indissolubilité  du  ma- 
riage reçoit  une  exception  ,  c'est  lorsqu'il 
n'a  point*  été  consommé.  Alors  un  des  deux 
conjoints  peut  embrasser  la  vie  religieuse 
sans  le  consentement  de  l'autre,  qui  devient 
par-là  même  libre.  Tel  est  le  droit  des  Dé- 
crétais, confirmé  par  le  concile  do  Trente  : 
Si  quis  dixerit  matrimonium  ratum  non  con- 
summatum ,  per  solcmnem  religionis  pro- 
feisio)wn  allerim  conjugum,  non  posso  di- 


G2Ô 


MÀH 


MAR 


624 


rimi,  avothema-  sit.  Cette  prérogative  des 
vœux  solennellement  émis  dans  un  ordre 
approuvé  de  dissoudre  le  mariage  non  con- 
summatum,  n'a  pas  été  accordée  à  la  pro- 
motion aux  ordres  sacrés.  Si  un  homme  ma- 
rié, quoi(|ue  n'ayant  pas  consommé  sonma- 
rianr,  recevait  la  prêtrise  ou  tout  autre  ordre 
sacré',  il  devrait  être  déclaré  suspens  de  ses 
ordres  et  condamné  à  retourner  avec  sa 
femme.  La  raison  qu'en  apporte  Jean  XXII, 
c'est  que  ni  la  loi  divme  ni  la  loi  ecclésias- 
tique n'ont  donné  à  la  promotion  aux  or- 
dres .'^acrés  l'effet  de  pouvoir  dissoudre  le 
mariaqe  môme  non  cai^ommé  :  cum  nec 
jure  divino  nec  per  sacra;  canones  rcpcriatur 
hoc  slatutum.  Extravag.,  cap.  unie,  de  Voto 
et  vot.  redempt. 

Deux  textes  de  l'Evangile  ont  fait  naître 
la    question   de   savoir   si   l'adultère  de  la 
femme  (iissout  le  mariage.  Les  Pharisiens 
ayant  demandé  à  Jésus-Christ,  si  licet  ho- 
mini  dimittere  uxorem  suam  quacunque    ex 
causa,  le  divin  Législateur  répond  que  le 
mariage,  par  son  institution,  est  indissolu- 
ble, et  qu'il  n'est  pas  permis  à  l'homme  de 
sé|)arer  ce  que  Dieu  a  uni.  Il  résout  l'objec- 
tion prise  de  ce  que  Moise  avait  permis  le 
divorce  :  Quoniam  vobis  Moïses  ad  duriliam 
cordis    vcstri   permisit...   dico   aulem    vobis 
quia  quicunque  dimiserit  uxorem  suam,  nisi 
ob  fornicationem  et  aliam  duxerit,  mœcha- 
tur  :   et    qui   dimissam    duxerit   mœchatur , 
S.  Matth.,  chap.  xix.  Dans  le  chapitre  t  du 
même  Evangile  on  lit  :  Dictum  est,  quicun- 
que dimiserit  uxorem  suam,   det  ei  libellum 
repudii  :  ego  autem  dico  vobis,  quia  omnis 
qui  dimiserit  uxorem  suam,  excepta  fornica- 
tionis  causa,  facit   eam  mœchari  ;  et  qui  di- 
missam   duxerit ,    adultérât.   Par   ces  deux 
exceptions  qu'on  lit  dans  les  deux  textes,  nisi 
ob  fornicationem,  excepta  fornicationis  causa, 
Jésus-Christ  entend-il  permettre  à  l'homme 
de  faire  un  véritable  divorce,  qui  rompe,  en 
cas  d'adultère  de  la  part  de  la  femme,  le  lien 
du  mariage,  ou  lui  permet-il  seulement  de 
se  séparer  d'habitation    d'avec   sa  femme, 
sans  qu'il  soit  coupable  devant  Dieu  de  l'a- 
dultère qu«  la  femme,  ainsi  renvoyée,  pour- 
rait commettre  en  épousant  un  autre  hom- 
me ?   En  deux  mots,  Jésus-Christ  autori.-e- 
t-il,  dans  le  cas  de  l'adultère  de  la  part  de  la 
femme,  un  véritable  divorce  ou  une  simple 
séjiaration  a  thoro  ? 

La  question  a  souffert  difficulté  dans  les 
premiers  siècles  du  christianisme.  Lo  con- 
cde  d'Arles,  de  l'an  31i,  quoique  composé 
de  six  cents  évoques,  n'osa  la  décider  ;  il  se 
contenta  de  conseider  simplement  au  mari 
de  ne  pas  se  marier  du  vivant  de  sa  femme 
adultère,  placuil  ut,  in  quantum  potest,  con- 
silium  eis  detiir,  ne  viventibus  uxoribus,  licet 
adulteris,  alias  accipiant.  Tertullien,  saint 
Epiphane,  Astérius,  évoque  d'Araasée,  ont 
pris  les  deux  textes  de  l'Evangile  cités,  dans 
le  sens  que  l'adultère  de  la  femme  dissout 
le  mariage  :  Existimate  et  omnino  vobis  pcr- 
suadete  matrimonia  morte  tantum  et  adulte- 
rio  dirimi.  Saint  Augustin  a  embrassé  l'opi- 
nion contraire.  Il  avoue  cependant  que  de 


son  temps  les  avis  étaient  partagés,  et  que 
l'Ecriture  sainte  était  fort  obscure  sur  cette 
question. 

L'Eglise  grecque  a  suivi  le  premier  senti- 
ment, et  y  a  persévéré  jusqu'k  présent.  L'E- 
glise latine  a  adopté  le  second,  comme  on 
peut  le  voir  dans  les  Capitulaires  do  Charlc- 
magne  et  dans  les  conciles  du  ix*  siècle.  Le 
droit  canonique  moderne,  c.'est-h-dire  le  dé- 
cret et  les  décrétales  tiennent  également  la 
doctrine  de  l'indissolubilité  du  mariage , 
môme  pour  cause  d'adultère  de  la  femme. 
Ils  ont  établi  la  distinction  de  la  séparation, 
quoad  thorum  et  quoad  vinculum.  Quamvis  ex 
causa  fornicationis  liceat  thori  separationem 
facere,  non  tamen  aliud  matrimonium  conti-a- 
here  fas  est,  cum  matrimonii  vinculum  légi- 
time contracti  sit  perpetuum,  dit  le  concile 
de  Florence,  tenu  sous  Eugène  IV. 

La  question  ayant  été  de  nouveau  propo- 
sée au  concile  de  Trente,  il  laissa  à  chaque 
Eglise  la  liberté  de  suivre  son  ancienne  dis- 
cipline ,   et   se  contenta  de  frapper  d'ana- 
thème  ceux  qui  taxeraient  d'erreur  la  disci- 
pline de  l'Eglise  latine  sur  ce  point  ;  et  il 
n'est  pas  douteux  parmi  nous,  que  lorsqu'un 
homme  s'est  fait  séparer  de  sa  lemme,  après 
l'avoir  convaincue  d'adultère,  le  lien  du  ma- 
riage est  censé  subsister  et  forme  un  empê- 
chement dirimant  qui  rend  nul  le  mariage 
qu'il  contracterait  avec  une  autre  du  vivant 
de  celle  qu'il  a  répudiée.  On  s'est  élevé  de- 
puis quelque  temps  contre  cette  doctrine.  Il 
a  paru  plusieurs  écrits,  dans  lesquels  on  a 
fait  valoir  les  sentiments  des  anciens  Pères 
de  l'Eglise  et  des  raisons  politiques,  pour 
faire   admettre  l'adultère  de  la  part  de   la 
lemme,   comme  une  cause   opérant  la  dis- 
solution du  mariage  :  mais  voy.  Divorce. 
M.  Linguet,   dans  sa  consultation  pour  un 
charpentier  de  Landau,  dont  la  femme  s'était 
retirée  en  pays  étranger,  avec  un  sergent  d'un 
régiment  suisse  qu'elle  y  avait  épousé,  a  cru 
ne  pouvoir,  dans  l'état  actuel  de  notre  légis- 
lation, donner  d'autre  conseil  à  son  client 
que  de  s'adresser  au  pape  et  au  roi,  à  retfet 
d'obtenir  des  deux  puissances  une  dispen-e 
en  vertu  de  laquelle  il  pourrait  se  remarier. 
S'il  est  un   cas  où   une  pareille  dispense 
puisse  s'accorder,  c'est  dans  celui  du  char- 
pentier de  LandaUj  qui,  dans  toute  la  force 
de    l'âge    et   du   tempérament ,    se  trouve 
forcé  de  garder  le  célibat  par  la  fuite  de  sa 
femme,  qui  va  contracter  de  nouveaux  liens 
dans  un  pays  étranger. 

On  a  poussé  si  loin  parmi  nous  la  doctrine 
de  l'indissolubilité  du  mariage,  que  le  Par- 
lement de  Paris  a  jugé  qu'un  Juif  converti  à 
la  religion  chrétienne  ne  pourrait  se  rema- 
rier, quoique  sa  femme  juive  eût  refusé  do 
le  suivre  depuis  sa  conversion,  eût  ticcepté 
le  libelle  du  divorce  permis  par  la  loi  de 
Moise,  et  qu'une  sentence  de  l'OfTiciahté  de 
Strasbourg  l'eût,  conformément  à  l'usage 
pratiqué  dans  la  province,  déclaré  libre  de 
se  pourvoir  par  mariage  en  face  de  l'Eglise, 
avec  une  femme  de  la  religion  qu'il  venait 
d'embrasser.  Cet  arrêt,  du  2  janvier  1758, 
rendu  contre  BoraichLévi,  et  que  l'on  trouve 


C25 


MAR 


MAR 


626 


flans  lous  nos  livres,  est  contraire  h  l'opi- 
nion (les  premiers  théologiens,  des  plus  et'- 
K^'lires  cnnonistes,  de  Benoit  IV,  d'une  foulo 
tl'auteurs  du  premier  mérite  ;  aux  Rituels 
de  plusieurs  diocèses  ,  au  Catéchisme  do 
Montpellier,  etc.  Il  est  en  outre  contraire  ii 
la  jurisprudence  du  conseil  souverain  d'Al- 
sace, et  ;>  l'usage  constamment  observé  jus- 
qu'alors dans  les  diocèses  où  il  y  a  des  Juifs, 
tels  que  Strasbourg,  Metz,  Toul  et  Verdun. 
Mais  la  cour  n'a  vu,  dans  toutes  les  autorités 
et  dans  cet  usage,  qu'une  erreur  qui  no  pou- 
vait anéantir  ce  principe  que  te  mariage, 
même  connue  contrat  naturel,  est  indissolu- 
ble ;  et  qu'en  promettant  à  un  infidèle  con- 
verti de  se  remarier  du  vivant  de  sa  femme, 
si  elle  ne  voulait  pas  le  suivre  à  raison  do 
la  disparité  des  cultes,  c'était  abuser  d'une 
liiusse  interpri'tation  donnée  parles  théolo- 
giens scolasliques  à  ce  passage  de  saint  Paul, 
si  discfsscrit,  discedat,  non  cnim  subjrctus  est 
fraler  aut  soror  in  hujusmodi,  qui  ne  doit 
élre  entendu  que  do  la  séparation  quoad 
llturum,  et  non  pas  quoad  vinculum. 
.  Le  mariage  étant  de  sa  nature  indissolu- 
ble, lorsqu'il  a  été  légitimement  contracté, 
aucune  puissance  humaine  ne  peut  le  cas- 
ser. Il  ne  faut  donc  pas  croire  que  lorsqu'un 
mariage  est  cassé,  ce  soit  une  dissolution 
proprement  dite.  Il  faut  entendre  par  cassa- 
tion le  jugement  j)ar  lequel  le  juge  déclare 
que  le  mariage  n'a  pas  été  va^.ablement 
cuniracté  et  qu'il  est  nul.  Casser  un  mariage 
n'est  donc  autre  chose  que  déclarer  qu'il  n'a 
jamais  existé. 

Les  demandes  en  cassation  de  mariage 
peuvent  être  intentées  par  l'une  des  parties 
C(ui  l'ont  contracté,  par  les  jières  et  mères, 
tuteurs  ou  curateurs,  par  les  parents  colla- 
téraux, et  quelquefois  par  la  partie  publi- 
c|ue.  Pour  qu'un  des  conjoints  puisse  atta- 
quer son  mariage,  il  est  nécessaire  que  le 
moyen  qu'il  emploie  opère  une  nullité  ab- 
solue, comme  un  empêchement  dirimant  do 
droit  naturel  ou  de  droit  divin,  ou  l'omis- 
siiin  d'une  solennité  essentielle.  Il  devrait 
être  déclaré  non-recevable,  si  la  nullité  n'é- 
tait que  respective,  et  surtout  si  elle  prove- 
nait de  son  fait.  11  arrive  même  qu'en  ac- 
cueillant la  demande  (i'une  des  parties,  on 
la  condamne  en  des  dommages  et  intérêts 
envers  l'autre.  Un  arrêt  de  17-21,  en  décla- 
rant, sur  la  demande  du  sieur  de  la  Noue, 
son  mariage  abusif,  le  condamna  en  50,000 
liv.  de  dommages  et  intérêts  envers  la  femme 
qu'il  avait  épousée. 

Il  est  difiicilc  de  donner  des  principes  qui 
puissent  s'appliquer  à  toutes  les  espèces  cjui 
peuvent  se  iirésenter.  C'est  aux  magistrats  à 
concilier  dans  leur  sagesse  tout  ce  qui  est 
dû  à  la  dignité  du  sacrement,  à  l'honnêteté 
publique,  à  la  bonne  foi  et  à  la  possession 
d'état.  Un  conjoint  qui,  pour  rompre  des 
liens  qu'il  a  vulontaircment  contractés,  veut 
lui-même  révéler  sa  propre  turpitude,  est 
bien  défavorable.  11  ne  doit  y  avoir  que  le 
,'.rand  piincipe  de  l'intérêt  et  de  l'ordre  pu- 
blic qui  puisse  le  faire  écouter.  Mais  si  c'est 
la  partie  lésée  qui  se  plaint  ;  si  une   femme 


vient  h  découvrir  qu'elle  a  Oté  trompée  ;  que 
celui  qu'elle  croit  son  époui  n'a  jamais  pu 
l'êlre;  qu'après  son  décès,  son  mariage  sera 
attaqué,  et  qu'il  est  tellement  nul,  '  qu'elle 
sera  reléguée  dans  la  classe  des  concubines, 
et  ses  enfans  dans  celle  des  bâtards,  ne  doit- 
elle  pas,  du  moment  que  ses  yeux  sont  ou- 
verts à  une  triste  lumière,  et  que  sa  bonne 
foi  cesse,  |)rendre  tous  les  moyens  possibles 
pour  éviter  les  malheurs  dont  elle  est  me- 
nacée ?  KUe  doit  tenter  de  faire  réhabiliter 
son  mariage;  mais  si  la  chose  n'est  pas  pos- 
sible, il  ne  lui  reste  d'aulro  voie  que  celle 
de  recourir  aux  tribunaux,  et  de  prévenir 
elle-même,  en  faisant  déclarer  son  mariage 
nul,  un  arrêt  qui  la  tLtrirait  après  le  décès 
de  celui  qui  la  trompée.  Autant  cette  fennne 
est  malheureuse,  autant  la  justice  doit  s'em- 
presser à  lui  procurer  des  compensations'. 

Si  1  empêchement  dirimant,  qui  rend  lo 
mariage  nul  en  lui-même,  est  un  de  ces 
défauts  qui  ne  peut  être  connu  que  des  con- 
joints, il  n'y  a  que  la  partie  lésée  qui  ait 
droit  de  s'en  plaindre.  Ainsi,  lo  mari  im- 
puissarit  est  non-;ecevablc  à  demander  que 
son  mariage  soit  déclaré  nul.  Ne  doit-il  pas 
s'estimer  heureux  que  sa  femme  qui  lui  est 
attachée  se  contente  du  nom  stérile  d'épouse, 
et  porte  la  délicatesse  jusqu'à  ne  pas  vou- 
loir lever  le  voile  qui  cache  à  tous  les  yeux 
les  secrets  de  la  couche  nu|)liale  :  la  justice 
le  repousse  avec  indignalicui  :  Nemo  audiri 
débet  propriam  allegans  turpitiidinem  ! 

Les  père  et  mère  d'un  mineur  qui  s'est 
marié  sans  leur  consentement  sont  parties 
capables  pour  poursuivre  la  nullité  de  son 
mariage.  Riais  eux  seuls  ont  droit  de  se 
plaindre  de  l'atteinte  portée  à  leur  autorité; 
si  par  la  suite  ils  approuvent  ce  mariage  ou 
le  reconnaissent,  ils  sont  par-là  mêuie  non- 
recevables  à  l'attaquer.  Leur  silence  pendant 
leur  vie,  ou  ])endant  celle  do  leur  enfant, 
est  une  approbation  tacite  qui  couvre  la  nul- 
lité. Leurs  droits  à  cet  égard  sont  des  droits 
purement  personnels,  qui  s'éteignent  avec 
eux  et  ne  peuvent  se  transmettre.  Jamais  des 
collatéraux  ne  sont  admis  à  exciper  du  dé- 
faut do  consentement  des  pères  et  mères. 
C'est  la  jurisprudence  constante  de  tous  nos 
tribunaux,  et  c'est  ce  qui  prouve  combien 
nous  avons  été  fondés  à  dire  ci-dessus  quo 
cette  nullité  n'est  point  railicale  et  absolue, 
même  pour  le  mariage  des  mineurs.  Nous 
ajouterons,  pour  conlirmcr  ce  princi[)e,  quo 
si  un  père  et  une  mère  gardent  le  silence 
pendant  la  minorité  de  leur  lUs,  et  que  lui- 
même  persévère,  après  sa  majorité,  à  regar- 
der son  ?riarw(/e  comme  valable,  la  séduction, 
qui  est  la  principale  base  de  la  nécessité  du 
consentement  des  père  et  mère,  disparait. 
On  ne  la  présume  plus,  parce  qu'on  ne  peut 
pas  présumer  que  si  elle  eût  existé,  les  père 
et  mère  eussent  gardé  le  silence  pendant  la 
minorité  de  leur  lils,  et  que  lui-même,  par- 
venu à  sa  majorité,  n'eût  pas  réclamé.  II  ne 
resie  plus  aux  père  et  mère  que  la  faculté  de  1 
déshériter,  si  d'ailleurs  ils  n'ont  p-s  recor, 
ou  approuvé  le  mariage.  Les  tuteurs 
aussi  parties  capables  pour  tttaqucr  les 


627 


MAR 


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riagcs  de  leurs  'mineurs.  Mais  comme  leur 
autorité  n'est,  pour  ainsi  dire,  que  l'ombre  de 
celle  des  pères  et  mères,  leur  réclamation 
n'est  point  écoutée,  à  moins  qu'ils  ne  prou- 
vent que  le  mineur  a  été  séduit. 
Quant  aux  collatéraux,  la  loi  ne  les  admet 

•  point  à  contester  le  rnariage  pendant   la   vie 

•  des  deux  époux  ;  ce  n'est  qu'au  décès  de 
I  l'un  ou  de  l'autre  qu'ils  peuvent  avoir  inlé- 
;  rêt  à  le  faire  annuler.  Leurs  droits,  s'ils    en 

ont,  ne  sont  ouverts  qu'à  ce  moment.  L'action 
qu'ils  intentent  môme  à  cette  époque  est 
toujours  défavorable.  II  faut  que  la  nullité 
qu'ils  opposent  à  ce  mariage  attaqué  soit  ab- 
solue et  radicale.  «  Si  l'on  excepte,  dit  M. 
d'Aguesseau,  certains  défauts  essentiels  qui 
forment  des  nullités  que  le  temps  ne  peut  ja- 
mais couvrir,  certaines  circonstances,  où  la 
considération  du  bien  public  semble  se  join- 
dre aux  collatéraux,  pour  s'élever  contre  un 
mariage  odieux,  il  est  difficile  qu'ils  puissent 
détruire  les  fins  de  non-recevoir  qu'on  leur 
oppose  :  le  silence  dos  pères  et  des  mères 
et  des  contractants  mêmes,  l'union  de 
leur  mariage,  la  possession  paisible  de  leur 
état ,  etc.  » 

La  reconnaissance  des  collatéraux  pendant 
la  vie  des  deux  époux  ne  forme  point  une 
fin  de  non-recevoir  qui  puisse  couvrir  des 
nullités  absolues,  parce  qu'en  général  l'ap- 
probation donnée  à  un  acte  ne  rend  non- 
recevable  à  l'attaquer  que  lorsqu'elle  est 
donnée  dans  un  temps  où  le  droit  de  l'atta- 
quer était  ouvert.  Plusieurs  arrêts  ont  con- 
firmé ce  principe.  Nous  nous  contenterons 
de  citer  celui  du  1"  février  1755,  rendu  sur 
les  conclusions  de  M.  Bochardde  Sarron.  Le 
mariage  du  sieur  de  la  Vaquerie  de  Bacliivil- 
iier  avec  Pbilippine  Belabre  fût  déclaré  abusif. 
Le  moyen  que  le  frère  du  sieur  Bachivillier 
opposait  à  ce  mariage  était  puisé  dans  le  dé- 
faut de  concours  des  deux  curés.  Philippine 
Belabre  se  défendait  par  des  fins  de  non-re- 
cevoir. Elle  disait  que  le  frère  du  sieur  Ba- 
chivillier l'avait  reconnue  comme  sabelle-sœur 
légitime  dans  dilférentes  lettres  qu'il  lui 
avait  écrites,  et  qu'un  collatéral  était  non- 
recevable  à  attaquer,  par  la  voie  de  l'appel 
comme  d'abus,  le  mariage  d'un  parent  sur 
lequel  il  n'avait  aucune  autorité.  Le  frère 
répondait  que  le  moyen  d'abus  résultant  du 
défaut  de  concours  des  deux  curés  était  ab- 
solue pouvait  seproposer  par  des  collatéraux. 
Quant  à  la  prétendue  reconnaissance  du 
mariage,  il  disait  qu'elle  n'était  d'aucun  poids 
quand  elle  était  émanée  de  celui  qui  n'avait 
pas  droit  de  s'en  plaindre  pendant  la  vie  des 
conjoints.  Sur  ces  moyens  respectifs,  intervint 
l'arrêt  ci-dessus  daté.  11  y  avait  cette  circons- 
tance particulière  que  Philippine  Belabre, 
quoique  veuve  depuis  trois  mois ,  avait  pris 
la  qualité  de  fille  majeure,  et  dans  son  con- 
trat de  mariage  et  dans  ses  dispenses  de 
publication  de  bans  accordées  par  M.  l'ar- 
chevêque de  Rouen. 

Si  la  reconnaissance  des  collatéraux  est 
postérieure  au  décès  de  leur  parent,  ils  no 
peuvent  plus  attaquer  son  mariage  :  ils  y  sont 
absolument  non-recevablcs.  Ces  principes  fu- 


rent établis  par  M.  l'avocat  général  Le  Nain, 
dans  une  cause  jugée  en  1707.  Ils  ont  été  con- 
firmés par  un  arrêt  du  26  janvier  1756,  rendu 
sur  les  conclusions  de  M.  l'avocat  général 
Séguier.  Isaac-Jean  Picot,  originaire  d'Abbe- 
ville,  mais  domicilié  à  Dunkerque,  avait 
épousé,  en  174-7,  une  Anglaise  dans  l'île  do 
Guernesey.  Il  n'était  sûrement  pas  marié 
devant  son  propre  curé  ;  d'ailleurs  le  mariage 
avait  été  célébré  en  pays  étranger.  Après  le 
décès  de  Picot,  son  frère  attaqua  son  mariage. 
Sa  veuve,  qui  depuis  s'était  remariée,  n'op- 
posa à  son  beau-frère  que  sa  reconnaissance 
l)ostérieure  au  décès  de  Picot  :  et  cette  fin 
de  non-recevoir  fut  accueillie. 

Dans  ces  sortes  d'aflaires,  c'est  surtout 
aux  circonstances  qu'il  faut  s'attacher.  Elles 
varient  à  l'infini,  et  font  souvent  plier  la  loi. 
En  voici  un  exemple  récent.  Louis Esparcieux, 
après  avoir  fait  profession  dans  l'ordre  des 
Capucins,  quitta  son  monastère  et  se  réfugia 
à  Genève.  Il  y  vécut  pendant  six  ans  dans 
la  religion  prétendue  réformée,  et  épousa 
ensuite  Marguerite  Philibert,  dont  il  eut  une 
fille  nommée  Lucrèce  Esparcieux.  Après  la 
mort  de  Louis  Esparcieux,  arrivée  en  1735 , 
la  veuve  vint  s'établir  à  Lyon,  et  abjura  la 
religion  protestante.  Lucrèce  Esparcieux,  sa 
fille,  épousa  Gabriel  Bouchard.  Louis  Espar- 
cieux, avant  sa  profession  dans  l'ordre  des 
Capucins,  avait  fait,  en  1725,  une  donation  de 
tous  ses  biens.  Sa  fille  attaqua  cette  donation  ; 
et  pour  faire  tomber  la  fin  de  non-recevoir 
prise  de  l'émission  des  vœux  de  son  père , 
elle  en  interjeta  appel  comme  d'abus.  D'un 
autre  côté,  les  représentants  du  donataire 
interjetèrent  aussi  appel  comme  d'abus  du 
mariage  de  Louis  Esparcieux.  Arrêt  du  31 
décembre  1779,  qui  déclare  Lucrèce  Espar- 
cieux non-recevable  dans  l'appel  comme 
d'abus  par  elle  interjeté  de  la  profession  de 
son  père  dans  l'ordre  des  Capucins  ;  déclare 
pareillement  les  représentants  du  donataire 
non  recevables  dans  l'appel  comme  d'abus 
inttTJeté  du  mariage  de  Louis  Esparcieux 
avec  Marguerite  Philibert.  «  Néanmoins,  au- 
torise la  dite  Lucrèce  Esparcieux,  femme 
Bouchard,  à  répéter,  à  titre  d'aliments,  le  tiers 
des  biens  appartenant  ou  devant  appartenir 
à  son  père  au  moment  de  la  donation,  dé- 
duction faite  sur  ce  tiers  de  100  livres  de 
provision  accordée  à  la  femme  Bouchard , 
tous  dépens  compensés.  »  Si  la  cour  se  fût 
attachée  à  la  rigueur  des  principes,  elle  eût 
autrement  jugé.  Mais  le  temps,  la  possession 
d'état,  la  bonne  foi  de  la  femme,  une  nom- 
breuse famille  dont  il  était  dur  d'entacher 
l'origine,  parurent  des  fins  de  non-recevoir 
qui  devaient  écarter  des  collatéraux.  On  ap- 
pliqua à  l'espèce  cette  loi  d'un  des  empe- 
reurs romains  :  Movemur  et  temporis  diutur- 
nitate  et  numéro  liberorumvestrorum. 

Les  curés  sont  non-recevables  à  attaquer 
les  mariages  de  leurs  paroissiens,  sous  pré- 
texte qu'ils  n'y  ont  point  assisté  ou  consenti. 
C'est  ce  qui  a  été  jugé  par  un  arrêt  du  29 
décembre  1693,  qui  déclara  le  curé  de  Rether 
non-recevable  dans  l'appel  comme  d'abus, 
qu'il  avait  interjeté  du  mariage  de  ses  parois- 


620 


MAR 


MAR 


650 


siens  célébré  à  Paris  sans  sa  permission ,  et 
renvoya  les  parties  contractantes  par-devant 
le  diocésain  pour  recevoir  pénitence,  et 
procéder  à  la  célébration  de  leur  mariage,  si 
faire  se  doit. 

Si  lieux  personnes  vivaient  publiquement 
connue  mari  et  femme,  et  qu'il  fût  do  noto- 
riété qu'ils  ne  seraient  pas  mariés,  il  n'est 
pas  douteux  que  les  officiers  chargés  du 
ministère  public  auraient  action  pour  faire 
réprimer  un  pareil  scandale  ;  mais  ils  ne  doi- 
vent point  non  plus  s'ériger  en  inquisiteurs,  et 
chercher  à  découvrir  des  défauts  secrets  pour 
attaquer  des  mariages  dont  personne  no  se 
plaint.  La  déclaration  du  15  juin  1697  leur 
trace,  ainsi  qu'aux  promoteurs  des  officiali- 
tés,  la  marche  qu'ils  ont  à  suivre.  Le  légis- 
lateur n'y  a  en  vue  que  d'empêcher  les  ma- 
riages clandestins ,  c'est-à-Hire  ceux  qui 
n'auront  point  été  célébrés  par  le  propre  curé 
des  parties.  11  veut  que  les  juges,  môme  sur 
les  poursuites  que  le  ministère  public  pour- 
rait faire  d'office,  pendant  la  première  année 
desdits  prétendus  mariages,  obligent  ceux 
qui  prétendent  avoir  contracté  des  mariages 
de  cette  nature,  de  se  retirer  par-devant  leur 
archevêque  ou  évoque,  pour  les  réhabiliter 
suivant  les  formes  prescrites  par  les  ordon- 
nances, et  après  avoir  accompli  la  péuitenco 
qui  leur  sera  par  eux  imposée. 

Ainsi,  les  procureurs  du  roi  dans  les  siè- 
ges royaux,  et  à  plus  forte  raison  les  procu- 
reurs généraux  dans  les  cours  souveraines, 
ont  action,  pendant  la  première  année  du  mo- 
riage,  contre  ceux  qui  ne  l'ont  pas  célébré 
devant  leur  propre  curé  ou  sans  dispenses, 
pour  les  faire  contraindre  à  se  retirer  devant 
i'évêque  pour  le  réhibiliter.  Les  promoteurs 
des  officialités  ont  le  môme  droit  dans  cer- 
tains cas;  ils  peuvent  faire  assigner  les  par- 
ties devant  l'évoque  pour  la  réhabilitation 
de  leur  mariage.  Mais  pour  cela  il  faut  la 
réunion  des  trois  circonstances  :  1°  qu'il  s'a- 
gisse d'un  mariage  célébré  par  un  prêtre 
étranger  sans  la  permission  de  l'évoque  ou 
du  curé;  2°  que  le  mariage  ne  soit  attaqué  ni 
par  le  j)rocureur  du  roi,  ni  par  aucune  par- 
tie civile;  3°  que  l'on  soit  encore  dans  l'année 
de  la  célébration  du  prétendu  mariage.  Ces  trois 
conditions  sont  exigées  par  la  déclaratien  du 
15  juin  1697,  qui  esi  le  fondement  de  la  com- 
pétence des  promoteurs  en  cette  matière. 

L'édit  du  mois  de  décembre  1606,  art.  12, 
attribue  aux  juges  d'Eglise  la  connaissance 
des  causes  qui  concernent  les  mariages,  à  la 
charge  par  eux  de  se  conformer  aux  ordon- 
nances du  royaume;  ce  qui  a  été  confirmé 
par  l'art.  3i  de  celui  de  1695.  «  La  connais- 
sance ,  dit  ce  dernier  édit ,  des  causes  qui 
concernent  les  sacrements,  apjiartiendra  aux 
juges  d'Eglise.  Enjoignons  à  nos  ofticiers, 
même  à  nos  cours  de  Parlement,  de  leur  en 
laisser,  môme  leur  en  renvoyer  la  connais- 
sance ,  sans  prendre  aucune  juridiction  ni 
connaissance  des  affaires  de  cette  nature,  si 
ce  n'est  qu'il  y  eut  appel  comme  d'abus,  de 

Quelque  ordonnance ,  jugement  ou   procé- 
ure  faite  par  le  juge  d'Eglise,  qu'il  s  agisse 
d'une  succession  ou  autres  etl'ets  civils ,  à 


l'occasion  (desquels  on  traiterait  do  l'état  dos 
personnes  décédées  ou  de  celui  de  leurs 
enfants.  »  Les  limites  do  la  juridiction  ecclé- 
siastique sont  tracées  par  cet  article.  Les  of- 
ficiaus  doivent  connaître  de  tout  ce  qui  con- 
cerne la  validité  ou  l'invalidité  du  mariage. 
Mais  s'il  s'agit  d'une  succession  ,  des  effets 
civils ,  de  l'état  des  personnes  décédées  ou 
de  celui  de  leurs  enfants,  les  juges  d'Eglise 
cessent  d'être  compétents.  Ils  ne  le  sont 
pas  non  plus  lorsque  la  question  roule  sur 
lui  fait  ou  sur  l'existence  même  du  mariage. 
Après  cela ,  il  est  facile  de  fixer  les  cas  oii 
l'on  peut  se  pourvoir  devant  les  tribunaux 
ecclésiastiques. 

Lorsque  c'est  l'une  des  parties  qui  ont 
contracté  le  mariage,  qui  veut  en  poursuivre 
contre  l'autre  la  cissation,  la  voie  ordinaire 
est  de  la  faire  assigner  devant  l'official,  pour 
en  voir  prononcer  la  nullité.  La  voie  extraor- 
dinaire est  l'appel  comme  d'abus.  C'est  aussi 
la  voie  que  l'on  suit  le  plus  souvent  pour 
faire  réformer  les  jugements  des  offlciaux, 
lorsqu'ils  contreviennent  aux  canons  ou  aux 
ordonnances  du  royaume.  On  pourrait  ce- 
pendant se  pourvoir  par  l'appel  simple  devant 
l'official  métrofiolitain.  Si  c'est  un  père,  une 
mère  ou  un  tuteur,  qui  attaque  le  mariage  à 
raison  du   défaut  de  son   consentement,  il 
doit  se  pourvoir  par  l'appel  comme  d'abus. 
Il  ne  s'agit  alors  que  d'une  infraction  aux 
lois   civiles ,  puisque  ce  sont  ces  lois  qui, 
parmi  nous,  ont  établi  la  nécessité  de  ce 
consentement   pour  la  validité  du  mariage 
des  mineurs.  Lorsque  ce  sont  les  |iarents  de 
l'une  des  parties  qui  attaquent  après  sa  mort 
son  mariage ,  pour  priver  la  femme  de  son 
douaire,  l'exclure  du  partage  de  la  commu- 
nauté ,  ou  les  enfants  de  la  succession  ,  la 
question  ne  peut  pas  être  portée  devant  les 
juges  d'Eglise.  Il   ne  s'agit  pas  du  lien  du 
mariage,  puisque  l'une  des  parties  est  décé- 
dée. 11  n'y  a  plus  que  des  intérêts  temporels, 
des  effets  civds  à  régler.  L^s  tribunaux  sé- 
culiers sont  seuls  compétents  pour  en  con  - 
naître.  C'est  la  disposition  textuelle  de  l'ar- 
ticle 3i  de  léditde  1695,  ci-dessus  rapporté. 
C'est  pourquoi,  dans  ce  cas,  on  se  pourvoit 
toujours  par  l'appel  comme  d'abus. 

Pour  compléter  la  matière  de  cet  article, 
il  nous  resterait  à  traiter  les  séparations 
d'habitation ,  les  seconds  mariages  et  l'édit 
des  secondes  noces ,  qui  ont  un  rapport  im- 
médiat au  mariage.  Nous  les  avons  indiqués 
dans  notre  division.  Mais  la  nature  de  cet 
ouvrage  ne  nous  permet  pas  de  nous  en  oc- 
cuper ici.  [M.  l'abbé  BEnTOLio,  avocat  au 
Parlement.)  (Extrait  du  Dictionnaire  de  Jur- 
risprudcnce.) 

MARIE,  mère  de  Jésus-Christ.  Les  catho- 
liques la  nomment  communément  la  sainte 
Vierge,  la  mère  de  Dieu. 

11  était  prédit  par  la  prophétie  de  Jacob, 
Gen.,  c  xLix,  v.  18,  que  le  Messie  naîtrait 
du  sang  de  Juda;  et  par  celle  d'Isaîe,  c,  vu, 
V.  li,  qu'il  naîtrait  d'une  vierge  ;  les  Juifs 
enont  toujours  été  persuadés,  et  ils  le  croient 
encore  aujourd'hui  :  leur  croyance  commune 
était  aussi  qu'il  serait  de  la  race  de  David, 


031 


MAR 


MÂR 


C52 


Matih.,  c.  xxn,  v.  i2,  selon  une  autre  pré- 
diction d'Isaie,  c.  xi,  v.  1.  Conséquemment 
saint  Matthieu  et  saint  Luc  ont  fait  la  généa- 
logie de  Jésus-Christ ,  afin  do  montrer  qu'il 
réunissait  dans  sa  personne  ces  divers  ca- 
ractères. Il  faut  donc  que  Marie,  sa  mère, 
ait  été  de  la  tribu  de  Juda  et  de  la  race  do 
David  aussi  bien  que  Joseph,  son  époux. 
Certains  critiques  ont  prétendu  que  cela  ne 
pouvait  pas  être,  puisque,  selon  l'Evangile, 
Mark  était  cousine  d'Elisabeth  ,  femme  du 
prêtre  Zacharie  :  or  les  prêtres,  disent-ils, 
devaient  prendre  des  femmes  dans  leur  pro- 
pre tribu  ;  c'était  une  loi  générale  pour  tous 
les  Israélitos  ;  Marie  était  donc  pJ'itôt  de  la 
tribu  de  Lévi  que  de  celle  de  Juda.  Ainsi 
raisonnent  les  manichéens.  Saint  Augustin, 
livre  xum,  contra  Faust.,  chap.  3  et  4. 

Mais  s'il  en  était  ainsi,  et  si  la  loi  ne  souf- 
frait point  d'exception,  Marie  n'aurait  pas 
pu  épouser  Joseph,  qui  était  certainement 
de  la  tribu  de  Juda  et  do  la  race  de  David  ; 
il  lauî  donc  ou  que  Zacharie,  ou  que  Joseph 
ait  été  dispensé  de  la  loi.  Elle  avait  été  éta- 
blie afin  que  les  filles  héritières  ne  portas- 
sent point  les  biens  de  leur  tribu  dans  une 
autre;  elle  n'avait  donc  pas  lieu  lorsqu'une 
fille  n'était  pas  héritière  de  sa  famille ,  et  il 
n'y  a  point  de  preuve  qu'Elisabeth  ait  été 
héritière  de  la  sienne.  D'ailleurs ,  après  le 
retour  de  la  captivité ,  les  prêtres  qui  ne 
trouvaient  pas  d'épouses  dans  leur  propre 
tribu ,  furent  obligés  d'en  prendre  dans 
celle  de  Juda ,  qui  était  la  plus  nombreu- 
se, et  qui  composait  alors  le  gros  de  la 
nation.  Le  prêtre  Zacharie  avait  donc  pu 
épouser  Elisabeth,  quoiqu'elle  ftit  de  la  tri- 
bu de  Juda. 

Les  protestants,  qui  ne  peuvent  pas  souf- 
frir le  culte  que  nous  rendons  à  la  Vierge 
Marie ,  ont  fait  tous  leurs  eiforts  pour  obs- 
curcir et  déprimer  les  prodiges  de  grâce  que 
Dieu  a  opérés  dans  cette  sainte  créature  ; 
nous  avons  donc  à  justifier  contre  eux,  non- 
seulement  les  vérités  que  l'Eglise  catholique 
a  décidées  sur  ce  sujet,  mais  encore  les  opi- 
nions théologiques  universellement  établies  ; 
les  unes  et  les  autres  sont  fondées  sur  le 
respect  qne  nous  avons  pour  Jésus-Christ, 
et  sur  l'idée  que  l'Ecriture  sainte  nous  donne 
de  la  grâce  de  la  rédemption. 

l.  La  croyance  commune  des  catholiques 
est  que  Marie  a  été  exempte  de  tout  péché. 
Au  mot  Conception  immaculée,  nous  avons 
fait  voir  que,  quoique  l'Eglise  n'ait  pas  for- 
mellement décidé  que  Marie  a  été  exemple 
du  péché  originel  ,  c'est  cependant  une 
croyance  fondée  sur  les  preuves  les  plus  so- 
lides, môme  sur  l'Ecriture  sainte  et  sur  une 
tradition  constante.  Il  n'y  a  donc  aucun  su- 
jet de  blâmer  la  loi  qui  défend  à  tout  théo- 
logien catholique  d'attaquer  ce  point  de  doc- 
trine, et  de  le  révoquer  en  doute.  Quant  à 
l'exemption  de  tout  péché  actuel,  môme  vé- 
niel, ce  privilège  que  nous  attribuons  à  Ma- 
rie est  établi  sur  les  preuves  les  plus  soli- 
des. Les  paroles  de  l'auge  ,  je  vous  salue, 
M:iric,  pleine  de  grâce,  le  Seigneur  est  avec 
vous,  ne  sont  suscoptibl&s  d'aucune  limita- 


tion, non  plus  que  celles  des  Pères  de  l'E* 
glise,  qui  disent  que  la  sainte  Vierge  a  été 
toujours  pure  et  exempte  de  tout  péché. 
Saint  Augustin,  L.  de  Nat.  et  Grat.  ,  c.  36, 
n.  4-2,  déclare  que,  par  respect  pour  le  Sei- 
gneur, lorsqu'il  s'agit  de  péché,  il  ne  veut 
pas  que  l'on  fasse  aucune  mention  de  la 
sainte  Vierge  Marie.  «  Nous  savons,  dit-il, 
qu'elle  a  reçu  plus  de  grâces  pour  vaincre 
le  péché  de  toute  manière,  parce  qu'elle  a 
eu  le  bonheur  de  concevoir  et  d'enfanter  ce- 
lui qui  n'a  jamais  eu  aucun  péché.  «  Aussi 
le  concile  de  Trente,  sess.  6,  de  Justif:,  can. 
23,  déclare  que  personne  ne  peut,  pendant 
toute  sa  vie,  éviter  tout  péché,  même  vé- 
niel, sans  un  privilège  particuher  reçu  de 
Dieu,  tel  que  l'Eglise  le  croit  à  l'égard  de  la 
sainte  Vierge. 

Vainement  des  critiques  protestants  ont 
objecté  que  plusieurs  auteurs  chrétiens  n'ont 
point  attribué  ce  privilège  h-Marie,  et  qu'ils 
l'ont  crue  coupable  de  quelques  fautes  légè- 
res. S'il  y  a  eu  quelques  écrivains  respecta- 
bles qui  aient  été  de  ce  sentiment,  ils  raison- 
naient sur  des  passages  de  l'Ecriture  sainte, 
desquels  ils  ne  prenaient  pas  le  véritable 
sens,  et  qui  ont  été  mieux  eiyiliqués  par 
d'autres.  Ce  serait ,  par  exemple,  sans  au- 
cun fondement  que  l'on  soupçonnerait  la 
sainte  Vierge  coupable  d'un  moment  d'in- 
crédulité, lorsqu'elle  fut  étonnée  de  ce  que 
l'ange  Gabriel  lui  annonçait  sa  maternité 
divine  ;  il  était  naturel  de  demander ,  com- 
ment cela  pourra-t-il  se  faire,  dès  que  je  ne 
connais  point  cVhomme?  Aussi,  lorsque  l'ange 
lui  dit  que  ce  serait  par  l'opération  du  Saint- 
Esjirit ,  elle  ne  douta  point ,  et  elle  se  sou- 
mit à  l'ordre  du  ciel.   . 

Il  y  aurait  encore  moins  de  raison  de  pré- 
tendre qu'aux  noces  de  Cana  elle  ressentit 
un  mouvement  de  vanité,  lorsqu'elle  espéra 
que  son  Fils  ferait  un  miracle  en  faveur  des 
époux,  ou  lorsqu'elle  vint  le  voir  environné 
du  peuple  qui  l'éceutait  [Matlh. ,  xii ,  4-6). 
Un  sentiment  de  charité  pour  des  gens  qui 
sont  dans  la  peine  ,  et  un  sentiment  de  ten- 
dresse maternelle,  ne  sont  pas  des  péchés. 
De  quel  front  a-t-on  ])u  écrire  que  Marie, 
au  pied  de  la  croix,  à  la  vue  des  souffran- 
ces et  des  ignominies  de  son  Fils,  fut  tentée 
de  douter  de  sa  divinité  ?  L'Evangile  ne  nous 
donne  lieu  que  d'admirer  son  courage.  Les 
incrédules  ont  ajouté  à  tous  ces  reproches 
ridicules  et  dénués  de  tout  fondement,  une 
calomnie  contre  Jésus-Christ  même  ;  ils  ont 
dit  que  dans  les  occasions  dont  nou^  venons 
de  parler ,  le  Sauveur  traita  durement  sa 
sainte  mère.  Au  mot  Femme,  nous  avons  fait 
voir  le  contraire. 

II.  La  virginité  de  Marie  a  été  perpétuelle 
et  inviolable;  c'est  une  vérité  que  l'Eglise  a 
décidée,  dès  les  premiers  siècles,  contre  les 
ébionites  et  contre  d'autres  hérétiques. 
Avant  d'en  déduire  les  raisons,  il  est  désa- 
gréable pour  nous  d'avoir  à  réfuter  une  ca- 
lomnie grossière  et  impie,  forgée  par  pure 
malignité,  et  que  les  incrédules  ont  em- 
pruntée des  Juifs;  ils  ont  dit  que  Jésus- 
Christ  était  né  d'un  adultère.  Gelse  met  ce 


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IIAR 


MAR 


C54 


reproche  dans  la  boucho  d'un  Juif  ;  il  est 
répétC)  dans  le  Talmud  ot  dans  les  Vies  do 
Jésus-Clirist  composées  par  les  rabbins  mo- 
dernes. 

Nous  y  opposons,  1*  la  sévérité  avec  la- 
qu'elie  les  filles  nubiles  étaient  gardées  chez 
les  Juifs,  la  rigueur  avec  laquelle  étaient 
punies  celles  qui  tombaient  en  faute  après 
leurs  fiançailles,  à  plus  forte  raison  les  fem- 
mes adultères;  la  loi  ordonnait  de  les  lapi- 
der et  de  noter  d'infamie  le  fruit  de  leur 
crime.  S'il  y  avait  eu  lieu  au  moindre  soup- 
çon contre  la  conduite  do  Marie,  les  Juifs, 
devenus  jaloux  do  Jésus,  n'auraient  pas 
soutl'ert  qu'il  échappât,  non  plus  que  sa 
mère,  à  la  peine  infligée  par  la  loi.  Les  pa- 
rents de  Joseph,  qui  furent  d'abord  incré- 
dules à  la  mission  de  Jésus,  n'auraient  pas 
supporté  dans  le  silence  l'opprobre  dont  ce 
crime  les  aurait  couverts.  Jésus  lui-môme, 
chargé  d'ignominie,  n'aurait  trouvé  ni  di- 
sciples ni  sectateurs  ;  il  n'aurait  pas  seu- 
lement osé  enseigner  en  public ,  encore 
moins  s'appliquer  les  pro[)héties,  en  pré- 
sence de  témoine  qui  lui  auraient  reproché 
sa  naissance.  Parmi  les  Juifs  persuadés  que 
le  Messie  devait  naître  d'une  vierge,  il  n'y 
en  aurait  pus  eu  un  seul  qui  eilt  voulu  re- 
connaître pour  Messie  un  enfant  adultérin. 

2°  Les  évangélistcs,  qui  ont  rapporté  dans 
Je  plus  grand  détail  les  reproches  des  enne- 
mis du  Sauveur,  n'ont  fait  aucune  mention 
de  celui-ci  ;  au  contraire,  les  Juifs  repro- 
chaient à  Jésus  d'élre  fils  d'un  artisan  nommé 
Joseph;  ils  le  regardaient  donc  comme  en- 
fant légitime.  Il  est  dit  dans  le  Talmud  que 
Jésus  était  né  du  sang  de  David;  ce  n'était 
donc  pas  le  fruit  d'un  adultère. 

3°  Du  temps  môme  des  apôtres,  Cérinthe, 
Carpocrate,  une  partie  des  ébionites,  soute- 
naient que  Jésus  était  fils  do  Joseph,  et  non 
conçu  par  miracle;  Orig.  contre  Cclse,  l.  ii, 
note,  p.  385;  Eusèbe,  1.  ni.  c.  17;  Théodo- 
ret,  Hœret.  fab.,  1.  ii,  c.  1.  Ce  soupçon  n'a- 
vait rien  d'injurieflx.  Marcion  et  les  gnosti- 
3UPS  prétendaient  qu'il  était  indigne  du  Fils 
e  Dieu  d'ôtre  né  d  une  femme;  ils  auraient 
rendu  leur  sentiment  bien  plus  probable, 
s'ils  avaient  pu  supi)oser  que  Jésus-Christ 
était  né  d'un  adultère;  mais  la  notoriété  pu- 
blique ne  le  permettait  pas.  Il  est  donc  faux 
que  saint  Luc  ait  été  réduit  à  forger  le  mi- 
racle d'une  conception  opérée  par  le  Saint- 
Esprit,  pour  pallier  l'opprobre  de  la  nais- 
sance de  Jésus;  saint  Matthieu  aflirme  ce  mi- 
racle aussi  bien  que  saint  Luc,  et  s'il  y 
avait  eu  pour  lors  quelque  doute  sur  la  lé- 
gitimité de  cette  naissance,  la  supposition 
d'un  miracle  aurait  été  plus  propre  à  le 
confirmer  qu'à  le  dissiper.  Mais  il  n'y  avait 
aucun  soupçon  sur  ce  sujet;  la  notoriété 
publique  du  mariage  de  Joseph  et  de  Marie, 
et  de  leur  cohabitation  constante,  écartait 
toutes  les  idées  odieuses  dont  la  malignité 
des  incrédules  aime  à  se  repaître. 

4*  Saint  Matthieu  et  saint  Luc  confirment 
le  miracle  qu'ils  rapportent  par  d'autres  faits, 
par  deux  apparitions  d  anges  faites  à  Joseph, 
par  l'adoration  des  pasteurs  et  celle  dos  ma- 


ges, par  les  prédictions  d'Elisabeth,  de  Za- 
charie,  d'Anne  et  de  Siméon,  etc.  Ce  sont  là 
des  événuments  publics  que  les  évangélistcs 
n'ont  pas  pu  inventer  impunément. 

6*  Quiconque  admet  un  Dieu  et  une  pro- 
vidence, ne  se  persuadera  jamais  que  Dieu 
ait  choisi  un  enfant  adultérin  pour  en  faire  lo 
législateur  du  genre  humain,  et  le  fonda- 
teur delà  plus  sainte  religion  qui  fût  jamais; 
qu'il  ait  consacré  en  quelque  façon  l'adul- 
tère par  l'auguste  destinée  de  Jésus-Christ, 
par  les  prophéties  qui  l'ont  annoncé,  [lar 
les  heureux  ett'ets  que  sa  doctrine  a  produits 
dans  l'univers  entier,  par  les  adorations 
d'une  infinité  de  peuples;  un  athée  soûl  peut 
supposer  cette  absurdité.  C'est  la  réflexion 
qu'Origène  oppose  à  Celse.  En  second  lieu, 
Cérinthe,  Carpocrate  et  les  ébionites,  qui 
attaquaient  la  virginité  de  Marie,  en  suppo- 
sant que  Jésus-Christ  était  né  de  Joseph, 
contredisaient  l'Evangile.  Saint  Matthieu, 
c.  I,  V.  18  et  20,  dit  formellement  que  3Iarie 
était  enceinte  par  l'opération  du  Saint-Es- 
prit; que  l'enfant  qu'elle  portait  avait  été 
formé  [lar  le  Saint-Esprit.  Il  allègue,  pour 
confirmer  ce  fait,  la  prophétie  d'isaïe,  c.  iv, 
V.  l'i.  :  «  Une  Vierge  concevra  et  enfantera 
un  Fils  qui  sera  nommé  Emmanuel,  Dieu 
avec  nous.  *  Il  ajoute  que  Joseph  n'eut  au- 
cun commerce  avec  son  épouse  jusqu'à  la 
naissance  de  Jésus,  v.  25.  Saint  Luc,  c.  i, 
V.  34,  rapporte  la  réponse  que  l'ange  du  Sei- 
gneur fit  à  Marie,  lorsqu'elle  lui  demanda 
comment  elle  pourrait  ôtre  mère,  puisqu'elle 
n'avait  commerce  avec  aucun  homme  :  Le 
Saint-Esprit  surviendra  en  vous,  la  puissance 
du  Très-Uaut  vous  protégera,  et  pour  cela 
même  le  Saint  qui  naîtra  de  vous  sera  nommé 
le  Fils  de  Dieu.  On  ne  peut  pas  enseigner 
plus  clairement  que  Jésus-Christ  a  été  conçu 
sans  dunncr  aucune  atteinte  à  la  virginité  do 
sa  sainte  mère. 

Mais  la  bizarrerie  des  hérétiques  est  in- 
concevable. La  plupart  des  anciens  soute- 
naient que  le  Fils  de  Dieu  n'avait  pas  pu  se 
revêtir  de  notre  chair,  parce  que  la  chair 
est  essentiellement  mauvaise.  Suivant  leur 
opinion,  il  n'avait  pris  que  les  apparences 
de  la  chair;  il  était  né,  mort  et  ressuscité 
seulement  en  apparence.  Ceux-là,  s'ils  rai- 
sonnaient conséqucmment,  ne  devaient  pas 
hésiter  d'admettre  la  virginité  de  Marie: 
aussi  était-ce  le  sentiment  d'une  partie  des 
ébionites.  Les  autres  niaient  cette  virginité, 
ils  prétendaient  que  Jèsus-Christ  était  né 
du  commerce  conjugal  do  Joseph  avec  son 
épouse;  ils  lui  contestaient  la  divinité,  et 
disaient  qu'il  n'était  Fils  de  Dieu  que  par 
adoption.  Voij.  Edionites.  Aujourd'hui  les 
sociniens  reconnaissent  que  Jésus-Christ  a 
été  formé  dans  lo  sein  de- Marie,  par  l'»pé- 
ration  du  Saint-Esprit,  et  sans  blesser  la 
virginité  de  sa  mère  :  c'est  pour  cela,  di- 
sent-ils, qu'il  a  été  nommé  Fils  de  Dieu  : 
ainsi  l'ange  Gabriel  le  déclare  à  Marie,  Luc, 
c.  I,  V.  34.  Donc  il  n'est  Fils  de  Dieu  que 
dans  un  sens  métaphorique  ;  il  n'est  pas 
Dieu  dans  le  sens  rigoureux.  Ainsi  se  com- 
batteat  les  sectaires  qui  se  doimeût  la  li- 


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MAR 


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berté  d'interpréter,  comme  il  leur  plait,  les 
paroles  de  l'Ecriture  sainte. 

D'autres,  non  moins   téméraires,  comme 
Eunomius,  Pelvidius,   Jovinien,  Bonose  et 
leurs  seclateurs,   prétendirent   qu'après  la 
naissance    du    Sauveur,   Joseph    et    Marie 
avaient  eu  d'autres  enfants;  qu'ainsi  la  mère 
de  Dieu  n'était  pas  toujours  demeurée  vierge  ; 
.    ils  furent  condamnés  et  réfutés  par  les  Pè- 
res de  l'Eglise,  au  grand  regret  des  protes- 
tants,  ennemis  des  vœux  de   virginité.  Ils 
n'alléguaient  que  des  preuves  très-lrivoles  ;  j 
ils   disaient  :  Nous  lisons  dans   saint  Mat-  ' 
thieu,  c.  I,  V.  8  et  25,  que  Marie,  épouse  de 
Joseph,  se  trouva  enceinte  avant  qu'ils  eus- 
sent commerce  ensemble;  que  Joseph  n'eut 
point  de  commerce  avec  son  épouse  jusquà 
ce  qu'elle  mit  au   monde  son  prcmier~né. 
Cela  suppose  qu'ils  eurent   commerce  en- 
semble dans  la  suite,  et  que  Jésus    eut  des 
frères  :  aussi  est-il  parlé  de  ses  frères   dans 
l'Evangile. 

Les  Pères  de  l'Eglise  ont  répondu  que  le 
seul  dessein  de  saint  Matliieu  a  été  de  faire 
voir  que  Jésus-Christ  n'était  point  né  du 
sang  de  Joseph,  mais  conçu  par  l'opération 
du  Saint-Esprit.  Il  le  prouve,  en  rapportant 
ce  qui  a  précédé  la  naissance  de  Jésus,  mais 
sans  faire  mention  de  ce  qui  est  arrivé 
après.  Le  nom  de  premier-né  se  donnait 
aussi  bien  h  un  fils  unique  qu'à  celui  qui 
avait  des  frères.  Chez  les  Juifs,  le  nom  de 
frères  désignait  souvent  les  cousins  germains 
et  les  aulres  parents.  D'ailleurs  Joseph  pa- 
raît avoir  été  trop  âgé  pour  avoir  des  en- 
fants. Si  Jésus  avait  eu  des  frères,  il  n'au- 
rait pas  eu  besoin,  sur  la  croix,  de  recom- 
mander sa  mère  à  saint  Jean,  et  il  ne  lui 
aurait  pas  dit  à  elle-même  :  Yoilà  votre  fils. 
Petau,  de  Incarn.,  1.  xiv,  c.  3. 

Plusieurs  de  nos  saints  docteurs  ont  été 
persuadés  qu'avant  d'épouser  Joseph,  Marie 
avait  promis  à  Dieu  une  virginité  perpé- 
tuelle. En  effet,  la  maternité  que  l'ange  lui 
annonçait  n'aurait  pas  pu  l'étonner,  si  elle 
s'était  proposé  de  vivre  conjugalement  avec 
son  époux.  Calvin,  Bèze,  les  centuriateurs 
de  Magdebourg,  ennemis  de  tous  les  vœux, 
ont  tourné  en  ridicule  cette  pensée  des  Pères. 
Cependant  Pliilon  nous  apprend  que,  chez 
les  Juifs,  il  y  avait  des  esséniens  des  deux 
sexes,  qui  faisaient  profession  de  continence 
perpétuelle;  le  vœu  de  Marie  n'avait  donc 
rien  de  contraire  aux  mœurs  des  Juifs. 
h  IIL  Marie  est  mère  de  Dieu  dans  toute  la 

{)ropriété  du  terme.  Ainsi  l'a  décidé,  contre 
es  nestoriens,  le  concile  général  d'Ephèsc, 
l'an  4-31.  En  etfet,  Marie  est  certainement 
mère  de  Jésus-Christ.  Or,  Jésus-Christ  est 
Dieu;  donc  elle  est  mère  de  Dieu.  L'argu- 
ment est  démonstratif. 

Nous  avons  déjà  remarqué  que  les  gnos- 
tiques,  les  docètes,  les  marcionites,  les  ma- 
nichéens, etc.,  enseignaient  que  le  Fils  de 
Dieu  ne  s'était  incarné  et  n'avait  pris  un 
corps  qu'en  apparence  :  ils  ne  pouvaient  donc 
pas  appeler  Marie  mère  de  Dieu  dans  le  sons 
propre.  Les  ariens,  qui  niaient  la  divinité 
de  Jésus-Christ,  étaient  dans  le  môme  cas. 


L'Eglise,  en  condamnant  toutes  ces  sectes  , 
avait  assuré  à  Marie  l'auguste  titre  que  nous 
lui  donnons  encore  aujourd'hui. 

Cependant,  vers  l'an  /i.30,  un  prêtre  de 
Constantinople,  nommé  Anastase,  s'avisa  do 
blâmer  ce  titre  dans  ses  sermons,  et  Nesto- 
rius,  patriarche  de  cette  ville,  prit  la  dé- 
fense de  ce  prédicateur.  Mais,  pour  soutenir 
que  Marie,  mère  de  Jésus-Christ,  n'est  pas 
mère  de  Dieu,  il  faut  nécessairement  ensei- 
gner qu'en  Jésus-Christ  Dieu  et  l'homme  ne 
sont  pas  une  seule  personne,  mais  deux; 
qu'entre  l'une  et  l'autre  il  n'y  a  pas  une 
union  substantielle,  mais  seulement  une 
union  morale,  c'est-à-dire  un  concert  par- 
fait de  volontés,  d'alfections  et  d'opérations. 
C'est  aussi  ce  qu'enseigna  Nestorius.  Yoy. 
Nestokianisme,  §  2.  Il  se  montrait  mal  ins- 
truit, en  disant  que  le  nom  Seotozo?,  mère 
de  Dieu,  n'avait  pas  été  donné  à  Marie  par 
les  anciens;  il  lui  est  donné  dans  la  confé- 
rence entre  Archélaûs,  évoque  de  Charcar, 
et  l'hérésiarque  Manès,  l'an  277,  plus  de 
cent  cinquante  ans  avant  Nestorius.  Julien, 
mort  l'an  368,  réprouvait  cette  expression. 
Saint  Cyrille,  contre  Julien,  1.  vin,  pag.  270- 
Elle  était  donc  en  usage  pour  lors.  Mal  à 
prO|!OS  certains  critiques  ont  avancé  fjue 
saint  Léon,  mort  l'an  461,  en  est  le  premier 
auteur. 

D'ailleurs ,  qu'importe  le  mot  lorsque 
nous  trouvons  la  chose?  Au  ir  siècle,  saint 
Irénée  appelait  Jésus-Christ,  Emmanuel,  qui 
est  né  d'une  Vierge,  le  Verbe  existant  de  Marie: 
Qui  ex  Virgine  Emmanuel,  Verbum  exislens 
ex  Maria;  il  le  nomme  Fils  de  Dieu  et  Fils 
de  l'homme,  c'est-à-dire  d'une  créature  hu- 
maine ;  il  dit  que  Marie  a  porté  Dieu  dans 
son  sein;  donc  elle  en  est  la  mère.  Àdv.  hoir., 
lib.  in,  c.  20,  n.  3,  c.  21,  n.  10.  Saint  Ignace, 
disciple  des  apôtres,  s'exprime  de  môme, 
ad  Ephes.,  n.  7  et  18.  Dans  le  fond,  c'est  la 
même  expression  que  celle  de  saint  Paul, 
qui  dit  que  Dieu  a  envoyé  son  Fils  fait  d'une 
femme.  Galat.,  c.  iv,  v.  4. 

Mère  de  Dieu,  disent  les  apologistes  de 
Nestorius,  semble  signifier  que  Marie  a  en- 
fanté la  divinité.  Fausse  réflexion.  Ce  terme 
n'exprime  pas  plus  l'erreur  que  ceux  dont 
saint  Irénée,  saint  Ignace  et  saint  Paul  se 
sont  servis.  Jésus-Christ  est  Dieu  et  homme; 
donc  Marie  est  aussi  réellement  mère  de 
Dieu  que  mère  d'un  homme;  elle  a  enfanté 
l'humanité  de  Jésus-Christ,  parce  que  l'hom- 
me n'a  pas  toujours  été,  mais  elle  n'a  pas 
enfanté  la  divinité,  parce  que  celle-ci  est 
éternelle.  Dans  saint  Luc,  c.  i,  v.  13,  di- 
sent-ils encore,  Elisabeth  nomme  sa  cousine 
la  mère  de  mon  Seigneur,  et  non  la  mère  de 
mon  Dieu.  Mais  les  Juifs  ne  donnaient  qua 
Dieu  seul  le  titre  de  mon  Seigneur.  Elisa- 
beth ajoute  :  Tout  ce  qui  vous  a  été  dit  par 
le  Seigneur  s'accomplira  .  Ici  le  Seigneur  est 
certainement  Dieu.  Ils  disent  que  les  an- 
ciens nommaient  Marie,  ©eotoxo?,  et  non  privcp 
ToO  0EOÛ.  Soit. Ils  la  nommaient  aussi  Xpia-oxi- 
xoç  et  non  piir^p  tov  Xptarov.  Lcs  Latins  disaient 
Deipara  plutôt  que  mater  Dei,  et  il  ne  s'en- 
suit rien.  Au  reste,  il  n'est  pas  étonnant  que 


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MAR 


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les  soriniens,  ennemis  de  la  diTinité  de  Jé- 
sus-Christ, et  ceux  des  protestants  qui  pen- 
chent au  socinianisme,  rejetlenl  le  titre  de 
wkVc  de  Dieu;  tous  l'ont  en  aversion,  parce 
que  c'est  le  fondement  du  culto  que  l'Eglise 
calliolique  rend  à  la  sainte  Vierge. 

IV.  C'est  une  pieuse  croyance  que  Marie 
est  rcssuscitée  après  sa  mort,  et  qu'elle  a 
(Hé  transportée  an  ciel  en  corps  et  en  âme. 
Au  mot  Assomption,  nous  avons  fait  voir 
l'origine  de  cette  persuasion  et  la  manière 
dont  clic  s'est  établie.  Dans  la  Bible  d'Avi- 
(jnon,  t.  XV,  pag.  59,  il  y  a  une  disserta- 
tion de  dom  Calmetsur  le  trépas  de  la  sainte 
Vierge,  oh  il  rapporte  ce  qu'en  ont  dit  les 
anciens  et  les  modernes;  mais  le  simple  ex- 
trait que  nous  en  pourrions  faire  nous  mè- 
nerait trop  loin. 

V.  De  la  dévotion  envers  la  sainte  Vierge. 
Le  culte  que  nous  reniions  h  Mnr/e  est  fondé 
sur  les  mômes  raisons  et  les  mômes  motifs 
que  celui  que  nous  adressons  aux  autres 
saints,  avec  cette  différence  que  le  premier 
est  plus  profond  et  plus  solennel.  En  effet, 
si  tous  les  saints  peuvent  intercéder  pour 
nous,  et  si  Dieu  daigne  écouter  leurs  prières , 
à  plus  forte  raison  la  sainte  Vierge,  plus  fa- 
vorisée de  Dieu,  plus  riche  en  mérites,  et 
élevée  à  un  plus  haut  degré  de  gloire  que 
tous  les  autres  saints,  a  \ia  pouvoir  d'inter- 
cession, et  est  digne  de  nos  hommages,  do 
notre  dévotion  et  de  notre  confiance. 

Cette  croyance  n'est  pas  nouvelle  dans 
l'Eglise,  quoi  qu'en  disent  les  protestants  et 
les  incrédules.  Quand  elle  ne  daterait  que 
du  IV'  siècle,  comme  ils  le  prétendent,  c'en 
serait  assez  pour  nous.  Les  Pères  de  ce 
siècle,  qui  ont  célébré  à  l'envi  les  vertus, 
les  mérites,  le  pouvoir  de  la  sainte  Vierge; 
n'ont  rien  inventé  do  nouveau;  ils  ont  fait 
profession  de  suivre  ce  qui  était  cru,  ensei- 
gné, établi  et  pratiqué  pendant  les  trois  siè- 
cles précédents.  On  peut  voir  ce  qu'ils  ont 
dit  de  la  mère  de  Dieu,  dans  Pétau,  de  In- 
carn.,  1.  xiv,  c.  8  et  9. 

Il  y  a  dans  saint  Irénée,  liv.  m,  chap.  22, 
n.  '(■,  un  passage  qui  est  célèbre.  «  De  môme, 
dit  ce  Père,  qu'Eve,  épouse  d'Adam,  mais 
encore  vierge,  est  devenue  par  sa  désobéis- 
sance la  cause  de  sa  propre  mort  et  de  celle 
de  tout  le  genre  humain,  ainsi  Marie,  fiancée 
à  un  époux,  et  cependant  vierge,  a  été,  par 
son  obéissance,  la  cause  de  son  salut  et  de 
celui  de  tout  le  genre  humain.  »  Et  1.  v, 
c.  19  :  «  Si  la  première  a  été  désobéissante  à 
Dieu,  la  seconde  a  consenti  à  obéir,  afin  que 
Marie,  vierge,  devînt  l'avocate  d'Eve,  encore 
vierge,  et  atin  que  le  genre  humain,  assu- 
jetti à  la  mort  par  une  vierge,  fût  délivré 
par  une  vierge,  etc.  »  Saint  Augustin  a  cité 
ces  dernières  paroles,  pour  prouver  aux  pé- 
lagiens  le  péché  originel.  A  son  exemple, 
plusieurs  autres  Pères,  comme  saint  Basile, 
saint  Epiphane,  saint  Ephrera,  etc.,  ont  fait 
le  môme  parallèle  entre  Eve  et  Marie.  Cette 
doctrine  d'un  Père  du  ii''  siècle,  suivie  par 
les  autres,  a  souvent  incommodé  les  protes- 
tants ;ils  l'ont  expliquée  selon  leurs  préjugés. 


Daillé,  Adv.  cultum  relig.  Latinor.,  liv.  i  e. 
8,  dit  que  le  terme  d'avocate,  dans  saint 
Irénée,  ne  peut  signifier  ni  qu'Eve  a  invo- 
qué la  sainte  Vierge  quatre  mille  ans  avant 
sa  naissance,  ni  que  Marie  a  secouru  Eve, 
morte  depuis  quarante  siècles  :  Avocate,  dit- 
il,  signilie  consolatrice,  dans  Tertullien  et 
dans  d'autres  Pères;  ainsi,  saint  Irénée  a 
seulement  voulu  dire  que  Marie,  en  répa- 
rant le  mal  que  la  première  avait  fait,  lui  a 
fourni  un  sujet  de  consolation.  Tous  les 
protestants  ont  adopté  cette  réponse;  ils  la 
suivent  par  tradition. 

Mais  pourquoi  chercher  ailleurs  que  dans 
saint  Irénée  lui-môme  le  sens  du  terme 
dont  il  se  sert?  Partout  ailleurs,  ce  Père 
entend  par  avocate  une  personne  qui  accorde 
à  une  autre  du  secours,  de  la  protection,  do 
l'assistance.  Voy.  1.  m,  c.  18,  n.  7;  c.  23, 
n.  8:  1.  IV,  c.  34,  n.  4.  Nous  ne  voyons  pas 
pourquoi  il  a  été  plus  diliicile  h  Marie  de 
secourir,  de  protéger,  d'assister  Eve  après 
quatre  mille  ans,  que  de  lui  donner  un  sujet 
de  consolation  ;  et,  puisque  cette  consola- 
tion est  pour  tous  les  hommes,  elle  doit  leur 
inspirer  du  respect  et  de  la  reconnaissance 
pour  la  sainte  créature  qui  la  leur  a  procu 
rée. 

Daillé  prétend  qu'il  ne  faut  pas  entendre 
ces  paroles  à  la  rigueur,  puisque  c'est  Jésus- 
Christ  seul  qui  est  l'auteur  de  la  rédemption. 
Il  l'est,  sans  doute;  cependant  Dieu  a  voulu 
faire  intervenir  dans  ce  mystère  le  consente- 
ment libre  do  Marie;  elle  y  a  donc  contribué 
par  ce  consentement,  par  sa  foi,  par  son 
obéissance,  comme  le  dit  saint  Irénée.  Elle 
a  donc  été  en  cela  Vavocate,  la  protectrice, 
la  bienfaitrice,  non-seulement  d'Eve,  mais 
du  genre  humain.  Lorsque  les  Pères  du  iv" 
siècle  et  îles  suivants  ont  dit  que  Marie 
est  la  mère,  la  réparatrice,  la  médiatrice  des 
hommes ,  ils  n'ont  fait  que  développer  la 
pensée  de  saint  Irénée.  Jésus-Christ  est 
seul  médiateur  par  ses  propres  mérites  ; 
Marie  et  les  saints  sont  médiateurs  parleurs 
prières  et  par  leur  intercession.  Yoy.  Mé- 

UIATEUK. 

Grabe,  moins  emporté  que  Daillé,  dit  que, 
quand  on  avouerait  que  Marie  intercède  et 
prie  pour  le  salut  de  tous  les  hommes  en 
général,  ce  que  les  plus  modérés  d'entre  les 
protestants  ne  refusent  pas  d'admettre  , 
il' est  cependant  impossible  qu'elle  entende 
les  prières  de  tant  de  milliers  de  personnes. 

Croirons-nous  donc  que  Dieu  n'est  pas 
assez  puissant  pour  faire  connaître  à  la 
sainte  Vierge  et  aux  saints  les  prières  qu'on 
leur  adresse,  ou  qu'il  leur  dérobe  cette  con- 
naissance, de  peur  de  les  trop  occuper? 
Si  les  jilus  modérés  d'entre  les  piotestants 
admettent  que  les  bienheureux  peuvent 
intercéder  pour  nous,  ils  donnent  gain  de 
cause  aux  catholiques.  Yoy.  la  Préface  de 
dom  Massuel  sur  saint  Irénée,  2°  oissert., 
art.  6. 

Mais,  pour  les  satisfaire,  il  faut  leur  prou- 
ver le  culte,  l'intercession  et  l'invocation  de 
Mai-ie  et  des   saints  par  l'Ecriture  :  nous  le 


639 


MÀR 


MÀR 


640 


ferons  au  mot  SiiNxs.  Ici  nous  nous  borne- 
rons h  observer  que  Marie,  dans  son  canti- 
que, Luc,  c.  I,  V.  48,  dit  :  «  Toutes  les  gé- 
nérations me  nommeront  bienheureuse  , 
parce  que  le  Tout-Puissant  a  opéré  en  moi 
de  grandes  choses.  »  Voilà  du  moins  un  culte 
de  louanges.  Jésus-Christ  dit,  £uc.,  c.  xvi, 
V.  9  :  «  Faites-vous  des  amis  avec  les  richesses 
trompeuses  et  périssables,  afin  que ,  quand 
vous  viendrez  à  manquer,  ils  vous  reçoivent 
dans  le  séjour  éternel.  »  Que  signifie  cette 
leçon ,  si  ceux  qui  sont  dans  le  séjour  éter- 
nel ne  peuvent  contribuer  en  rien  au  salut 
de  ceux  qui  les  ont  assistés  sur  la  terre?  Or, 
ils  ne  peuvent  y  contribuer  que  par  leurs 
prières  et  par  leur  intercession.  S'ils  peuvent 
intercéder  pour  nous,  il  est  très-permis  de 
les  invoquer.  Yoy.  Saints. 

Nous  ne  connaissons  point  de  meilleur 
interprète  de  l'Ecriture  sainte  que  la  prati- 
que de  l'Eglise;  or,  indépendamment  du 
témoignage  des  Pères,  dans  toutes  les  an- 
ciennes liturgies  du  monde  chrétien,  il  est 
fait  mention  ou  mémoire  de  la  sainte  Vierge 
et  des  saints.  Ce  fait  n'est  plus  douteux,  de- 
puis que  ces  liturgies  ont  été  rassemblées, 
comparées  et  publiées;  la  plupart  datent  des 
premiers  siècles ,  quoiqu'elles  n'aient  été 
mises  par  écrit  qu'au  iv'  siècle.  Les  sectes 
orientales  ,  quoique  séparées  de  l'Eglise 
romaine  depuis  douze  cents  ans,  ont  con- 
servé comme  elle  le  culte  et  l'invocation  de 
la  sainte  Vierge  et  des  saints.  On  en  voit  les 
preuves  dans  la  Perpétuité  de  la  foi,  tom.  V, 
p.  489,  etc. 

Cette  dévotion  est  une  source  d'abus.  Tel 
est  le  cri  général  des  protestants.  Bayle,  à 
son  ordinaire,  a  jeté  un  ridicule  impie  sur 
le  culte  rendu  à  la  sainte  Vierge;  il  le  com- 
pare à  celui  que  les  païens  rendaient  à 
Junon,  et  soutient  qu'il  est  plus  excessif. 
Dict.  crit.  Junon,  M.  Il  dit  que  ce  culte  n'a 
commencé  dans  l'EgUse  que  trois  ou  quatre 
cents  ans  après  l'ascension  de  Jésus-Clirist  ; 
qu'il" est  né  du  penchant  naturel  à  tous  les 
hommes  à  imaginer  la  cour  céleste  sembla- 
ble à  celle  des  rois  de  la  terre,  dans  laquelle 
les  femmes  ont  ordinairement  beaucoup  do 
pouvoir;  de  l'intérêt  sordide  des  prêtres  et 
des  moines,  qui  ont  Vu  que  ce  culte  était 
très-lucratif;  des  faux  miracles  que  l'on  a 
forgés,  etc.  Il  pense  que  la  dispute  entre 
saint  Cyrille  et  Nestorius,  et  la  condamna- 
tion de  ce  dernier,  contribuèrent,  du  moins 
par  accident,  h  augmenter  le  cuite  de  la 
sainte  Vierge.  Mais,  par  une  contrailiction 
qui  lui  est  familière,  il  juge  que  tout  ce 
que  l'on  a  dit  de  plus  outré  touchant  Marie 
coule  naturellement  du  titre  do  mère  de  Dieu; 
que  quand  môme  on  se  serait  borné  à  la 
seule  qualité  de  mère  de  Jésus-Christ,  comme 
le  voulait  Nestorius,  on  en  aurait  infaillible- 
ment tiré  les  mômes  conséquences.  Nesto- 
rius, M.  N.  Il  prétend  qu'en  1695  la  Sor- 
bonne  condamna  trop  mollement  les  er- 
reurs et  les  visions  contenues  dans  le  livre 
de  Marie  d'Agréda;  les  rumeurs  que  cette 
censure  excita  parmi  les  dévots  de  la  sainte 
Vierge  démontrent,  selon  lui,  que  les  erreurs 


et  les  abus  de  l'Eglise  romaine  sont  incura- 
bles. Agréda,  B.  D.  C.  (1). 

A  ces  vaines  clameurs,  nous  répondons 
d'abord,  en  général,  que  s'il  faut  retrancher 
toutes  les  choses  dont  on  peut  abuser,  il 
faut  détruire  toute  religion  ;  une  des  objec- 
tions les  plus  communes  des  athées  est  de 
soutenir  qu'il  est  impossible  que  l'on  n'a- 
tjuse  pas  de  la  religion,  et  Bayle  lui-mômo 
était  dans  cette  opinion. 

Qu'y  a-t-il  de  commun  entre  le  culte  que 
nous  rendons  à  la  sainte  Vierge  et  cdui 
d'une  divinité  du  paganisme?  Les  païens 
supposaient  Junon  égale,  en  nature  et  en 
pouvoir,  aux  autres  dieux;  ils  lui  attri- 
buaient des  passions  et  des  vices,  la  jalou- 
sie, la  haine,  les  caprices,  la  vengeance,  la 
fureur  :  ils  l'honoraient  par  des  pratiques 
absurdes  et  licencieuses.  Nous  faisons  pro- 
fession de  croire,  au  contraire,  que  Marie 
est  une  pure  créature,  qu'elle  n'a  auprès  de 
Dieu  qu'un  pouvoir  d'intercession  ;  nous 
l'honorons  à  cause  de  ses  vertus  et  des 
grâces  que  Dieu  lui  a  faites  ;  nous  demandons 
à  quels  crimes  ce  culte  peut  donner  lieu.  Si  de 
faux  dévots  ont  forgé  des  fables,  des  miracles, 
des  erreurs,  c'a  été  dans  les  bas  siècles; 
l'Eglise  les  a  toujours  réprouvés  ;  elle  ne 
néglige  rien  pour  en  désabuser  les  fidèles. 

(1)  Nous  avons  vu  de  nos  jours,  les  parlisans  de 
rCÈuvre  de  la  Miséricorde  loniber  dans  une  erreur 
plus  grossière. 

Ils  enseignent  que  la  sainte  Vierge  est  émanée  de 
la  nature  divine.  —  Voici  comment  Micliel  Vintras 
raconte  ce  que  lui  a  dit  sur  ce  sujet  Tarehange  saint 
Michel  {Litre  il'or,  p.  62)  : 

«  Il  m'a  dit  que  la  irès-sainle  Vierge  était  divine, 
parce  qu'elle  était  formce  de  l'émanation  île  la  divi- 
nité, et  que  celle  émanation  surpassait  tout  ce  qui 
devait  ctrc  créé  dans  le  ciel.  Que  son  esprit  :  taii  liié 
de  l'Esprit  de  la  trés-sainle  Trinile;  qu'il  élait  com- 
posé de  l'émanation  de  la  puissance  du  Pore,  de  l'a- 
mour du  Fils,  et  de  la  sagesse  du  Saint-Esprit  ;  qu'a- 
lors donc  elle  était  divine  ,  puisque  la  puis- 
sance du  Père  est  divine,  ipie  l'amour  du  Fils  est 
divin,  et  que  la  sagesse  du  Saint-Esprit  est  divine. 
Ce  fut  là  ce  qui  fit  que  le  pins  grand  des  archanges 
devint  jaloux  et  voulut  se  rcvoller  contre  son  créa- 
teur, parce  qu'il  ne  pouvait  souffrir  la  Sagesse  en 
qui  se  complaisait  l'Eleruel,  et  qni  n'était  autre  quo 
cet  esprit  qui  devait  un  jour  prendre  un  corps,  et(iu'il 
entendait  appeler  la  Fille  du  Ciel.  Alors  il  séduisit 
ses  frères  en  leur  disant  qu'ils  étaient  aulant  que  cet 
esprit  qui  captivait  tout  l'amour  de  la  Trinité.  > 

11  est  vrai  que  Vintras  s'aperçut  depuis  que  saint 
Michel  s'èlait  exprimé  un  peu  trop  hardiment,  et 
qu'il  tâche  d'expliquer l'ema/iiilio;!  de  la  sainte  Vierge 
dans  le  sens  d'une  création  proprement  dite.  Mais 
les  paroles  citées  n'en  contiennent  pas  moins  une  hé- 
résie et  une  impiété,  comme  le  montre  ladélinilion 
suivante  de  saint  Léon,  que  nous  choisissons  entre  un 
grand  nombre  d'autres  (pi'on  pourrait  rapporter  : 

f  Quinto  capitulo  referlur  quoJ  animaui  hominis 
divina;  asserant  esse  substantiae,  quant  impielateui 
ex  philosuphorum  quorumdam  et  manich;corum  opi- 
nione  niananleni,  calholica  fides  danniat  :  scieus 
nullam  tam  sublimem  esse  facturam,  cui  Deus  ipse 
nalura  sil.  Quod  enim  de  ipso  est  idem  est  quod  ipse. 
Ncc  id  aliud  est  quara  Filius  et  Spirilus  sanclus. 
Prœier  hanc  aulem  sumraœ  Trinitatis  unani  deita- 
teni,  iiihil  omnium  crealurarum  est  quod  non  in 
cxonlio  &ui  ex  nihilo  creatuta  sit.  >  (Labbe,lorae  IV, 
page  659.) 


eu 


MAR 


MAR 


Ui 


Puisque,  suivant  l'aveu  do  Baylo,  le  res- 
pect, la  conûance,  la  dévolioii  epvers  la 
sniuto  Vierge,  coulent  naturellecûent  du 
titre  do  mère  de  Dieu,  et  do  wicVe  de  Jésus- 
Christ,  comment  s'est-il  pu  faire  que  les 
chrétiens  demeurassent  trois  ou  quatre 
cents  ans  avant  d'en  tirer  une  conséquence 
aussi  claire,  et  avant  de  suivre  le  penctiant 
nalurel  h  tous  les  hommes?  En  431,  le  con- 
cile général  d'Ephèse  se  tint  dans  une  église 
dédiée  à  la  sainte  Vierge,  il  n'est  pas  dit 
que  cette  dédicace  lût  récente.  Selon  une 
tradition,  c'était  dans  cette  ville  que  la 
sainte  mère  de  Dieu  avait  vécu  avec  saint 
Jean,  et  qu'elle  avait  fini  sa  vie  mortelle; 
il  n'en  fallait  pas  davantage  pour  y  rendre 
son  culte  plus  éclatant  qu'ailleurs.  Lorsque 
Itf  concile  eut  confirmé  l'auguste  qualité  ([ui 
lui  était  donnée  par  les  fidèles,  et  eut  con- 
damné Nestorius,  le  peuple  fit  éclater  sa 
joie,  et  combla  les  évoques  de  bénédictions; 
il  était  donc  accoutumé  à  cette  croyance  ; 
sa  dévotion  était  établie,  et  pour  lors  elle 
ne  pouvait  procurer  aucun  profit  aux  prêtres 
ni  aux  moines;  selon  l'opinion  de  nos  ad- 
versaires mêmes,  les  dévotions  lucratives 
ne  se  sont  établies  que  dans  les  bas  siècles. 
—  Quand  celte  dévotion  aurait  augmenté 
depuis  le  concile  d'Ephèse,  il  no  s'ensui- 
vrait rien.  Lorsqu'une  pratique  a  été  blâmée 
par  des  hérétiques,  et  approuvée  par  l'E- 
glise, malgré  leur  censure,  il  est  naturel 
qu'elle  devienne  plus  commune  et  plus 
solennelle  ,  parce  qu'alors  elle  est  regardée 
comme  une  profession  de  foi  contre  l'hérésie. 

Les  rumeurs  de  quelques  dévots  igno- 
rants, contre  la  censure  du  livre  de  Marie 
d'Agrcda,  i)rouvent  encore  moins;  elles 
étaient  dictées  par  un  esprit  do  parti,  puis- 
que la  lecture  do  ce  livre  avait  déjà  été 
défendue  à  Rome.  Mais  ,  depuis  cette  épo- 
que, personne  en  Franco  ne  s'est  avisé  de 
renouveler  les  visions  et  les  erreurs  do  Marie 
d'Agréda;  la  censure  produisit  donc  son 
ell'et,  et  il  n'est  pas  vrai  que  l'eniôtement 
des  dévots  ait  été  incurable.  Les  docteurs  do 
la  faculté  de  Paris,  dans  leur  censure,  sui- 
virent à  la  lettre  los  règles  prescrites  par 
Gorson,  chancelier  de  l'Eglise  do  Paris,  il  y 
a  trois  cents  ans,  touchant  le  ciUte  de  la 
sainte  Vierge.  Petau,  de  Incarn.,  1.  xiv,  c.  8, 
n.  9  et  10. 

Il  y  aura  des  vices,  dit  un  ancien,  tant  qu'il 
y  aura  des  hommes;  il  en  est  de  même  des 
erreurs  et  des  abus;  mais  aucun  no  s'établira 
jamais  pour  longtemps  dans  l'Eglise  catholi- 
que, parce  qu'elle  est  attentive  à  les  con- 
damner tous.  Dans  les  sectes  séparées  d'elle, 
les  erreurs  et  les  abus  sont  incurables,  puis- 
que personne  n'a  droit  d'y  apporter  du  re- 
mède. 

A  la  place  des  prétendues  superstitions  do 
l'Eglise  romaine  ,  on  a  vu  naître  chez  les 
protestants  les  impiétés  des  sociniens,  des 
anabaptistes,  des  libertins  ou  anomiens,  des 
quakers,  le  déisme,  le  spinosisme,  l'athéis- 
me, etc. 

MARIES  (trois).  L'on  entend  sous  ce  nom 
trois  personnes  dont  il  est  parlé  dans  l'E- 


vangile ;  savoir  :  Marie-Magdelelnc,  Marie  > 
sœur  de  Lazare,  et  la  pécheresse  de  Naim, 
qui  répandit  du  parfum  sur  les  pieds  de  Jésus- 
Christ  chez  Simon  le  pharisien.  La  question 
est  de  savoir  si  ce  sont  trois  personnes  dilTé- 
rentes  ,  ou  si  c'est  la  môme  qui  est 
désignée  sous  divers  caractères.  Dom  Cal- 
met ,  dans  une  Dis!:ertaiion  sur  ce  sujet. 
Bible  d'Avirpion,  t.  XIII,  p.  331,  après  avoir 
exposé  les  divers  sentiments  et  les  preuves 
sur  lesquelles  les  Pères,  les  commentateurs 
et  les  critiques  se  sont  fondés,  conclut  par 
juger  que  la  question  est  à  peu  près  inter- 
minable ;  il  penche  néanmoins  pour  le  senti- 
ment de  ceux  qui  distinguent  les  trois  Ma- 
ries :  et  quand  on  s'en  tient  au  texte  de 
l'Evangile,  c'est  l'opinion  qui  paraît  la  plus 
probable.  Voy.  la  Dissertation  sur  la  Made- 
leine, iiar  Anquetin,  curé  de  Lyon ,  in-12, 
1C99. 

*  MARISTE>.  La  plupart  des  anciennes  congréga- 
tions onl  siircnniljé  sous  les  coups  de  la  Rêvolulion. 
Le  calholicisnie,  puisant  sa  force  dans  l'association, 
a  vu  rr uaîno  avec  joie  les  congrégaiions  religieuses. 
LesMaristes  llennent  un  rang  Ires-dislinguc  parmi 
les  congrégaiions  de  France.  Ils  se  livreiU  à  l'ins- 
truction primaire,  surtout  dans  les  diocèses  de  Lyon 
et  de  Belley.  Ils  sont  aussi  chargés  des  missions  de 
rOcéanie  occidentale.  Ils  se  sont  associé  des  reli- 
gieuses connues  sous  le  nom  de  soeurs  Maristes,  qui 
donnent  l'insnuction  aux  jeunes  filles. 

MARONITES,  chrétiens  du  rite  syrien,  qui 
sont  soumis  à  l'Eglise  romaine,  et  dont  la 
principale  demeure  est  au  mont  Liban  et 
dans  les  autres  montagnes  do  Syrie.  Leur 
nom  sert  h  les  distinguer  des  Syriens  Jaco- 
bites  et  schismntiques. 

On  ne  convient  pas  de  leur  origine.  Si 
l'on  s'en  rapportait  à  eux,  ils  croient  que 
leur  christianisme  date  des  temps  apostoli- 
ques, et  qu'ils  y  ont  toujours  persévéré  sans 
inlorruptinn  ;  qu'ils  ont  tiré  leur  nom  du 
célèbre  anachorète  saint  Maron,  qui  vivait  h 
la  fin  du  IV*  siècle,  dont  Théodoret  a  écrit  la 
vie,  et  dont  le  monastère  fut  bâti  au  com- 
mencement du  V  siècle,  dans  le  diocèse 
d'Apamée,  près  du  fleuve  Oronte.  Le  savant 
maronite  Fauste  Nairon,  professeur  de  lan- 
gue syriaque  dans  le  collège  do  la  Sapience  à 
Kome,  entreprit  de  le  montrer  dans  une  dis- 
sertation imprimée  on  1679,  et  dans  un  autre 
ouvrage  intitulé  Euoplia  fidci  cathoticœ , 
publié  aussi  à  Rome  en  1C94..  Mais  Asséma- 
in,  aulve  maronite  non  moins  savant,  pré- 
tend qu'il  n'y  a  point  de  vestiges  du  nom  de 
maronite  avant  le  xn*  siècle  ;  qu'il  tire  son 
origine  do  Jean  Maron,  patriarche  syrien,  et 
du  monastère  de  Saint-Maron ,  situé  près 
d'Apamée.  Biblioth.  orient.,  tom.  I,  pag.  507. 

En  effet,  il  est  prouvé  qu'au  iv'  siècle,  et 
même  dans  le  milieu  du  v%  les  Libaniotes  ou 
habitants  du  mont  Liban,  étaient  encore  idolâ 
très,  etqu'ilsfurent  convertis  au  christianisme 
par  les  exhortations  de  saint  Siméon  Stylite, 
mort  l'an  439.  Jusqueversia  fin  du  vii°  siècle, 
on  ne  voit  pas  qu'ils  aient  ou  aucune  relation 
avec  le  monastère  do  Saint-Mai  on,  qui  était 
assez  éloigné  d'eux.  A  cette  époque,  l'armée 
do  remperour  de  Gonstantinople  étant  entréo 


64S 


MAR 


MAR 


6U 


en  Syrie,  détruisit  ce  monastère;  l'un  des 
moines,  nommé  Jean  Maron,  écrivit  un  livre 
intitulé  Libelhis  fdei  ad  Libaiiiotas,  dans 
lequel  il  combattit  les  erreurs  des  Nestoriens 
et  des  Eutychiens,  dont  ces  peuples  étaient 
alors  infectés.  Comme  il  était  évoque,  il  ins- 
truisit et  gouverna  les  Libaniotes  jusqu'il  sa 
mort,  arrivée  l'an  707  ;  il  paraît  que  c'est 
depuis  ce  temps-lh  qu'ils  ont  été  appelés 
maronites.  Il  se  peut  faire  cependant  cpe, 
dans  l'origine,  ce  terme  syriaque  ait  signi- 
fié montaqnards,  puisqu'il  y  a  un  mont  Mau- 
rus  qui  fait  partie  de  la  chaîne  du  Liban. 
Volney,  dans  son  Voyage  en  Syrie  et  en 
Egypte,  fait  l'histoire  dés  maronites,  avec 
quelques  circonstances  différentes  ;  mais  il 
s'accorde  pour  le  fond  avec  ce  que  nous  vo- 
nons  de  dire,  t.  II,  c.  2V,  §  2. 

Il  est  encore  prouvé  qu'au  milieu  du  yiu* 
siècle  les  maronites  du  mont  Liban  étaient 
engagés  dans  l'erreur  des  monothélitcs  ; 
mais,  l'an  1182,  ils  tirent  abjuration  de  cette 
hérésie  entre  les  mains  d'Aiméric,  patriar- 
che d'Antioche.  Depuis  ce  temps-lh ,  plu- 
sieurs adhérèrent  au  schisme  des  Grecs  ; 
mais  enfin  au  wi'  siècle,  sous  Grégoire  XIII 
et  Clément  VIII,  ils  se  réunirent  à  l'Eglise 
romaine,  et  ils  persévèrent  dans  leur  sou- 
mission au  saint-siége.  Quoique  plusieurs 
de  leurs  anciens  livres  aient  été  corrompus 
par  les  Syriens  jacobites,  ils  en  ont  ce[)en- 
dant  conservé  plusieurs  qui  sont  absolument 
exempts  d'erreur.  Ils  se  servent  des  mêmes 
liturgies  que  les  Jacobites,  parce  qu'elles 
n'ont  pas  été  altérées.  Le  Brun,  Explic.  des 
cérém.  de  la  messe,  t.  IV,  p.  625  et  suiv.  Leur 
profession  de  foi  se  trouve  dans  le  III"  tome 
de  la  Perpétuité  de  la  foi,  1.  vui,  c.  16.  Leur 
patriarche  prend  le  nom  de  patriarche  d'An- 
tioche ;  il  réside  h  Canobin  ou  Canubin,  noni 
tiré  du  grec  cœnobium,  monastère.  Celui-ci 
est  au  mont  Liban,  à  dix  lieues  de  la  ville 
de  Tripoli  de  Syrie.  L'élection  de  ce  patriar- 
che se  fait  par  le  clergé  et  par  le  peuple,  se- 
lon l'ancienne  discii)line  de  l'Eglise.  11  a  sous 
lui  quelques  évèqucs,  qui  résident  à  Damas, 
à  Alep,  à  Tripoli,  dans  l'ile  de  Chypre  ,  et 
dans  quelques  autres  lieux  oii  il  y  a  des  ma- 
ronites. 

Les  ecclésiastiques  qui  ne  sont  pas  évoques 
peuvent  tous  se  marier  avant  leur  ordina- 
tion ;  mais  si  leur  femme  vient  à  mourir, 
ils  ne  peuvent  se  remarier  sans  être  dégra- 
dés. Leurs  moines  sont  pauvres,  retirés  dans 
le  coin  des  montagnes  ;  ils  travadlent  de 
leurs  mains,  cultivent  la  terre,  et  ne  man- 
gent jamais  de  chair  :  on  dit  qu'ils  ne  font 
point  de  vœux,  mais  cela  ne  s'accorde  pas 
avec  l'ancienne  discipline  des  moines  orien- 
taux; ils  suivent  la  règle  de  saint  Antoine. 
Les  prêtres  maronites  ne  disent  pas  la  messe 
en  particulier  ,  excepté  dans  certains  cas  ; 
ils  la  disent  tous  ensemble,  et  réunis  autour 
de  l'autel  ;  ils  assistent  le  célébrant,  qui  leur 
donne  la  communion.  Leur  liturgie  est  en 
Syriaque  ;  mais  ils  lisent  l'épître  et  l'évangile 
à  haute  voix  en  langue  arabe.  Les  laïques  ob- 
servent le  carême,  et  les  jours  de  jeûne  ils 
ne  commencent  à  manger  que  doux  ou  trois 


heures  avant  le  coucher  du  soleil.  Ils  ont 
plusieurs  autres  coutumes,  sur  lesquelles  on 
peut  consulter  la  relation  du  père  Dandini, 
jésuite,  qui  fut  envoyé  chez  eux  par  Clé- 
ment VIII,  pour  s'informer  de  leur  véritable 
croyance.  Cette  relation,  écrite  en  italien,  a 
été  traduite  en  français  par  K.  Simon,  avec 
des  notes  critiques,  dans  lesquelles  il  relève 
plusieurs  fautes  du  jésuite  ;  m;ais  l'abbé  Re- 
naudot  nous  avertit  que  ni  l'un  ni  l'autre  de 
ces  guides  n'est  infaillible. 

Les  maronites  ont  h  Rome  un  collège  ou 
séminaire,  fondé  pour  eux  par  Grégoire  XIII, 
et  qui  a  produit  de  savants  hommes.  De  cette 
école  sont  sortis  Abraham  Echellensis  et 
MM.  Assémani,  dont  les  recherches  et  les 
travaux  ont  jeté  un  grand  jour  sur  la  littéra- 
ture orientale,  surtout  par  l'immense  recueil 
d'auteurs  syriens,  que  l'un  des  deux  derniers 
a  fait  connaître  dans  sa  Bibliothèque  orientale, 
en  k  vol.  in-folio,  imprimée  à  Rome  en 
1719. 

Un  voyageur  français,  qui  a  vu  les  monta- 
gnes de  Syrie,  il  y  a  dix  ans,  dit  cjuc  les  ma- 
ronites n'ont  pour  tout  objet  d'étude  que 
l'Ecriture  sainte  et  leur  catéchisme,  mais 
qu'ils  sont  de  bonne  foi,  de  bonnes  mœurs, 
très-soumis  à  l'Eglise  romaine  ;  qu'ils  sont 
laborieux  ;  (|ue  leur  industrie  et  celle  des 
Druses  ont  fertilisé  le  sol  des  montagnes  de 
Syrie,  et  en  ont  fait  un  jardin  très-agréable. 
Il  ajoute  que  la  religion  catholique  a  fait 
beaucoup  de  progrès  dans  la  Syrie,  à  Da- 
mas et  dans  le  sud-ouest  des  montagnes, 
où  les  hérétiques  et  les  schismatiques  fai- 
saient autrefois  le  plus  grand  nomljre.  Les 
missions  se  font  dans  ce  pays-là  par  les  ca- 
pucins, par  les  cordeliers  obscrvantins  du 
couvent  de  Jérusalem  ,  parles  carmes  dé- 
chaussés de  Tripoli  et  du  Mont-Carmel.  Ce 
même  voyageur  rend  justice  k  leur  zèle,  à 
leurs  travaux  et  à  leurs  succès.  Voyage  de 
M.  Pages,  t.  I,  p.  352,  etc.  Volney  qui  a  de- 
meuré pendant  huit  mois  chez  ]es  maronites, 
en  1781,  rend  le  même  témoignage  touchant 
leur  religion  et  leurs  mœurs.  Voyage  en  Sy- 
rie et  en  Egypte,  t.  II,  p.  8  et  suiv.  A  ce  su- 
jet il  fait  remarquer  la  différence  que  pro 
duit  la  religion  dans  les  mœurs,  dans  la  con 
dition,  dans  la  destinée  des  peuples,  en  com- 
parant l'état  des  maronites  avec  celui  des 
Turcs.  Ibid.,  c.  4-0,  p.  432.  Puisque  les  ma- 
ronites, malgré  les  erreurs  dans  lesquelles  ils 
sont  tombés  en  différents  temps,  ont  conser- 
vé les  mômes  liturgies  et  les  mômes  livres 
qu'ils  avaient  avant  le  schisme  des  Jacobi- 
tes, arrivé  au  v  siècle,  et  qu'ils  s'en  servent 
encore,  c'est  un  monument  incontestable  de 
la  croyance  qui  était  suivie  pour  lors  dans 
l'Eglise  orientale.  Or,  ces  livres  contiennent 
les  mêmes  dogmes  et  les  mêmes  pratiques 
que  suit  l'Eglise  romaine,  et  que  les  héréti- 
ques osent  lui  reprocher  aujourd'hui  comme 
des  nouveautés  introduites  en  Occident  par 
les  pa[)es.  (Voy.  Syuiens.) 

*  MARTINISTJES.  On  a  donné  ce  nom  aux  croyants 
à  Martin,  le  prétendu  proplièle,  qui  fil  des  révélations 
à  Louis  XYIII. 

MARTYR.  Co  nom  signifie  témoin;  il  dé- 


GiS 


JJAR 


MAR 


m 


signe  un  hommo  qui  a  souffert  des  suppli- 
ces, et  môme  la  mort,  pour  rendre  témoi- 
gnage de  la  vérité  de  la  religion  qu'il  pro- 
fesse. Ou  le  donne  par  excellenci!  à  ceux 
qui  ont  sacriûé  leur  vie  pour  attester  la  vé- 
rité des  faits  sur  lesquels  le  christianisme 
est  fondé. 

fin  chargeant  les  apôtres  de  prêcher  l'E- 
vangile, Jésus-Christ  leur  dit  :  Vous  serez 
mes  témoins  à  Jérusalem,  dans  toute  la  Ju- 
dée et  la  Samaric,  jusqu'aux  extrémités  de  la 
terre  [Acl.  i,  8).  Di'jh  il  leur  avait  dit  :  L'on 
vous  tourmentera  et  on  vous  ôtera  ta  l'ie,  et 
vous  serez  odieux  à  toutes  les  nations,  à  cau- 
se de  mon  nom  [Mattli.  xxiv,  9)  ;  ne  craignez 
point  ceux  qui  peuvent   tuer  le  corps,  et   ne 

peuvent  pas  tiucr  l'dme Si  quelqu'un  me 

confesse  devant  les  hommes,  je  le  confesse- 
rai devant  mon  Père  qui  est  au  ciel  ;  mais  si 
quelqu'un  me  renie  devant  les  hommes,  je  le 
renierai  devant  mon  Père  (x,  28  et  32).  De 
là  Tertullicn  conclut  que  la  foi  chrétienne  est 
un  engagement  au  martyre,  fidcm  marlijrii 
debitricem.  On  sait  avec  quelle  piofusion  le 
sang  des  chrétiens  a  été  répandu  par  les 
païens  pendant  prés  de  trois  cenlsans. 

Comme  le  témoignage  d^s  Martyrs  est  une 

f)reuve  invincible  de  la  vérité  des  faits  sur 
esquels  notre  religion  est  fondée,  ses  enne- 
mis ont  fait  tous  leurs  efforts  pour  l'affai- 
blir. Ils  ont  soutenu,  1*  que  le  nombre  <les 
martyrs  a  été  beaucoup  moindre  que  no  lo 
supposent  les  écrivains  ecclésiastiques  et  les 
compilateurs  de  martyrologes;  2°  qu'il 
n'est  pas  vrai  que  l'on  ait  fait  soidfrir  aux 
martyrs  les  tourments  horribles  qui  sont 
rapportés  dans  leurs  actes  ;  3°  que  la  plupart 
ont  été  mis  h  mort,  non  pour  leur  religion, 
mais  pour  les  crimes  dont  ils  étaient  coupa- 
bles, parce  qu'ds  étaient  turbulents,  sédi- 
tieux, animés  d'un  faux  zèle,  et  perturbateurs 
du  repos  public;  4°  que  leur  courage  n'a 
rien  eu  de  surnaturel,  que  c'était  un  ellet 
du  fanatisme  des  chrétiens  et  de  leur  opi- 
niâtreté ;  5"  que  ce  courage  ne  prouve  lien, 
puisque  les  religions  les  plus  fausses  ont  eu 
leurs  martyrs  ;  G"  que  le  culte  rendu  aux 
martyrs  et  à  leurs  reliques  est  superstitieux, 
et  qu'il  a  été  la  source  des  plus  grands  abus. 
Pour  réfuter  toutes  les  erreurs  des  héréti- 
ques et  des  incrédules,  nous  préférerons  le 
témoignage  des  auteurs  païens 'à  celui  des 
écrivains  ecclésiastiques,  et  nous  ferons  voir 
que  ces  derniers  n'ont  rien  dit  qui  ne  soit 
confirmé  par  l'aveu  de  leurs  ennemis. 

I.  Du  nombre  des  martyrs.  On  en  compte 
dix-neuf  mille  sept  cents  qui  soulfrirent  à 
Lyon  avec  saint  Irénée,  sous  l'empire  de  Sé- 
vère ;  six  mille  six  cent  soixante-six  soldats 
de  la  légion  thébéenne  massacrés, par  les  or- 
dres do  Maximien  ;  Sozomèue  dit  que,  dans 
la  Perso,  il  en  périt  deux  cent  mille  sous  Sa- 
per 11,  dont  seize  mille  étaient  connus  :  le 
carnage  continua  sous  Isdegerde  ou  Jezded- 
gerd  et  sous  Behram  ses  successeurs.  Le  P. 
Papebrock,  dans  les  Acta  sanctorum,  comjîte 
seize  mille  martyrs  abyssins,  et  une  multi- 
tude dans  les  autres  pays  du  monde.  Do- 
dwel,  dans  mio  diisarlation  jointe  aux  ou- 


vrages do  saint  Cyprien,  dans  l'édition  d'An- 
gleterre, a  entrepris  de  prouver  que  fout  cola 
sont  des  exagérations  ;  que  le  nondjre  des 
martyrs  mis  à  mort  dans  l'étendue  do  l'eui- 
pire  romain  a  été  beaucoup  moindre  qu'on 
Dépense.  Bayle  et  les  autres  incrédules  n'ont 
pas  manqué  d'applaudir  à  son  travail,  et  do 
conhrmer  son  opinion  par  leur  suffrage.  La 
plus  forte  de  ces  preuves  est  un  passnge 
d'Origène,  1.  m,  contre  Celse,  n.  H  ,  où  il 
dit  n  que  l'on  peut  aisément  compter  ceux 
qui  sont  morts  pour  la  religion  chrétienne, 
parce  qu'il  en  est  mort  un  i>etit  nombre,  et 
par  intervalles.  Dieu  ne  voulant  pas  que  cette 
race  d'hommes  fût  enti'rcmcnt  détruite.  » 
Dodwel  parcourt  ensuite  les  dilTérentos  per- 
sécutions qu'essuya  l'Eglise  chrétienne  sous 
Néron,  sous  Domitien  et  sous  les  empereurs 
suivants,  il  dit  que  la  plupart  do  ces  orages 
ne  tombèrent  que  dans  certains  endroits, 
qu'il  y  eut  de  longs  intervalles  de  tranquil- 
lité, que  j)lusieurs  empereurs  furent  d'un 
caractère  très-doux,  plus  portés  à  favoriser 
le  christianisme  qu'à  lo  persécuter.  11  cher- 
che à  atténuer  les  expressions  des  auteurs 
chrétiens  ou  païens  qui  ont  parlé  de  la  mul- 
titude des  massacres  commis  dans  les  diffé- 
rentes époques.  Dom  Ruinart,  dans  la  pré- 
face qu'il  a  mise  à  la  tète  de  sa  collection 
des  Actes  authentiques  des  martyrs,  a  réfuté 
Dodwel,  et  nous  ne  connaissons  [lersonne 
qui  ait  osé  attaquer  les  preuves  qu'il  lui  op- 
pose :  sans  nous  assujettira  les  copier,  nous 
forons  quelques  réllexions. 

11  serait  d'abord  à  souhaiter  que  nos  ad- 
versaires eussent  pris  plus  de  soin  de  s'ac- 
corder avec  eux-mêmes.  Ils  prétendent  que, 
dans  les  premiers  siècles,  la  plupart  des 
chrétiens  couraient  au  martyre  ;  que  c'était 
un  fanatisme  épidémiquc  inspiré  par  les  Pè- 
res de  l'Eglise;  que  les  chrétiens  étaient 
séditieux  et  turbulents,  allaient  insulter  les 
magistrats,  troubler  les  cérémonies  païennes, 
provoquer  la  cruauté  des  l^ourrcaux  ;  ils  ont 
étalé  les  raisons  ou  plutôt  les  prétextes  sur 
lesquels  on  les  poursuivait  à  mort  ;  ils  ont 
ainsi  fait  l'afiologie  de  la  cruauté  des  jiersé- 
cuteurs  :  ensuite  ils  viennent  gravement 
nous  dire  que  cependant  l'on  n'a  supplicié 
qu'un  petit  nombre  de  chrétiens.  Dans  ce  cas, 
les  empereurs,  les  gouverneurs  de  province, 
les  magistrats,  étaient  des  insensés,  qui  se 
laissaient  insulter,  soulfraicnt  que  l'ordre 
])ublic  fût  impunément  troublé,  ne  tenaient 
aucun  compte  des  cris  tumultueux  du  peuple, 
qui  demandait  que  les  chrétiens  athées,  im- 
pies, scélérats,  fussent  exterminés.  Voilà  un 
pliénouiène  bien  singulier.  L'on  sait  aussi  à 
quoi  s'en  tenir  sur  la  douceur,  la  police,  le 
bon  ordre  qui  régnaient  chez  les  Romains  ; 
s'il  y  eut  jamais  des  monstres  de  cruauté,  co 
furent  Néron,  Domitien,  Cahgula,  Maximieu, 
Maximin,  Licinius,etc.  Les  empereurs  même, 
dont  on  nous  vante  la  clémence,  laissèrent 
la  plus  grande  liberté  aux    gouverneurs   do 

Erovince  ;  et  ceux-ci,  pour  se  rendre  agréâ- 
tes au  peuple,  lui  permirent  d'assouvir  sa 
fureur  conli-e  les  chrétiens.  Nous  voyijns, 
par  la  leUro  dePliua  à  Trajaju,  qu'il  n'yavaii 


647 


MAR 


MAU 


618 


aucune  règle  établie  pour  les  jugements,  au- 
cune borne  fixée  pour  les  supplices  qu'on 
leur  faisait  subir.  Il  ne  sert  donc  à  rien  do 
compter  le  nombre  des  persécutions  ordon- 
nées par  des  édits,  puisque,  dans  les  inter- 
valles, il  y  eut  encore  un  grand  nombre  do 
chrétiens  mis  h  mort.  On  abuse  évidemment 
du  passage  d'Origène,  et  l'on  affecte  d'en 
supprimer  les  dernières  paroles  qui  en  déter- 
minent le  sens;  elles  prouvent  que  le  nom- 
bre des  martyrs  fut  peu  considérable  ,  en 
comiiaraison  des  chrétiens  qui  furent  conser- 
vés. Dieu  ne  voulant  pas  que  cette  race  d'hom- 
mes fût  entièrement  détruite;  il  ne  s'ensuit 
pas  que  ce  nombre  ne  fût  très-grand  en  lui- 
même.  D'ailleurs,  Origène  écrivait  avant  l'an 
250,  plusieurs  années  avant  la  |iersécution  de 
Dèce  :  or,  ce  fut  pendant  les  soixante  années 
suivantes  que  le  carnage  fut  le  plus  général. 
Origène,  qui  vivait  dans  la  Palestine,  ne  pou- 
vait pas  connaître  le  nombre  des  martyrs  qm 
avaient  souffert  dans  l'Occident.  11  prévoyait 
lui-même  que  la  tranquillité  dont  jouissaient 
alors  les  chrétiens  ne  durerait  pas.  Ibid., 
1.  III,  n.  14.  Mais  il  faut  des  preuves  positi- 
ves, et  nous  en  avons  de  plus  solides  que 
les  conjectures  de  Doiiwel 

Pour  le  i"  siècle,  le  martyre  de  saint 
Pierre,  de  saint  Paul,  celui  des  deux  saints 
Jacques,  de  saint  Etienne  et  do  saint  Siméon, 
sont  prouvés,  ou  par  les  Actes  des  apôtres, 
ou  par  les  écrits  des  plus  anciens  Pères. 
Saint  Clément  de  Rome,  après  avoir  parlé 
de  la  mort  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul, 
dit  :  «  Ces  hommes  divins  ont  été  suivis  par 
une  grande  multitude  d'élus,  qui  ont  souf- 
fert les  outrages  et  les  tourments  pour  nous 
donner  l'exemple.  »  Epist.  1,  n,  6.  Saint 
Polycarpe,  dans  sa  Lettre  aux  Philippiens, 
leur  propose  de  même  l'exemple  des  bien- 
heureux Ignace,  Zozime  et  Rufe,  môme  de 
saint  Paul  et  des  autres  apôtres,  qui  sont 
tous  dans  le  Seigneur,  avec  lequel  ils  ont 
souffert,  cum  quo  et  passi  sunt.  Saint  Clé- 
ment d'Alexandrie,  Strom.,  1.  iv,  c.  6,  dit 
que  les  apôtres  sont  morts  comme  Jésus- 
Christ,  pour  les  Eglises  qu'ils  avaient  fon- 
dées. Ceux  qui  ont  écrit  que  le  martyre  de 
la  plupart  des  apôtres  n'est  pas  certain, 
étaient  fort  mal  instruits.  Tacite,  Annal., 
1.  XV,  c.  44-,  nous  apprend  «  que  Néron  Ot 
mourir  par  des  supplices  recherchés,  des 
hommes  détestés  pour  leurs  crimes,  et  que 
le  viilgaire  nommait  chrétiens.  Leur  supers- 
tition, dit-il,  déjà  réprimée  auparavant,  pul- 
lulait de  nouveau.  L'on  punit  d'abord  ceux 
qui  s'avouaient  chrétiens,  et  par  leur  confes- 
sion l'on  en  découvrit  une  grande  multitude, 
multitudo  ingens,  qui  furent  moins  convain- 
cus d'avoir  mis  le  feu  à  Rome,  que  d'être 
haïs  du  genre  humain.  »  Nous  aurons  encore 
plus  d'une  fois  occasion  de  citer  ce  passage. 
Pour  en  éluder  la  force,  Dodwel  dit  que 
cette  persécution  n'eut  pas  lieu  hors  de 
Rome.  Comment  donc  Tacite  savait-il  que 
les  chrétiens  étaient  détestés  du  genre  hu- 
main, si  on  ne  les  poursuivait  qu'à  Rome? 
Ce  n'est  pas  là  que  tous  les  apôtres  et  les 
autres  disciples  du  Sauveur  ont  été  mis  à 


mort.  Selon  Tacite,  celte  superstition  avait 
été  déjà  réprimée  auparavant;  il  parle  évi- 
demment de  l'édit  par  lequel  Clauae,  pré- 
décesseur de  Néron,  avait  banni  de  Rome 
les  juifs,  qui,  au  rapport  de  Suétone,  y  fai- 
saient du  bruit  à  l'instigation  du  Christ,  m- 
pulsore  Christo.  On  ne  peut  méconnaître, 
sous  ce  nom,  les  chrétiens  qui  pour  lors 
étaient  confondus  avec  les  juifs  Sueton.  in 
Claud.,  Act.  cap.  xviii,  V.  2.  • 

Dans  le  w  siècle,  Pline  écrit  à  Trajan  que 
si  l'on  continue  à  punir  les  chrétiens,  un« 
infinité  de  personnes  de  tout  Age,  de  tout 
sexe,  de  toute  condition,  se  trouveront  en 
danger,  puisqu'on  lui  en  a  déféré  un  très- 
grand  nombre,  et  que  cette  superstition  est 
répandue  dans  les  villes  et  dans  les  campa- 
gnes. Trajan  lui  répond  qu'il  ne  faut  pas  re- 
chercher les  chrétiens,  mais  que,  s'ils  sont 
accusés  et  convaincus,  il  faut  les  punir. 
Plin.,  1.  X,  Epist.  97  et  98.  Ce  prince  si  dé- 
bonnaire n'est  point  effrayé  de  la  multitudo 
de  ceux  qui  périront,  et  nous  pouvons  juger 
si  l'on  cessa  de  déférer  au  tribLinal  de  Pline 
des  hommes  détestés  dii  genre  humain;  il  at- 
teste cependant  qu'il  ne  les  a  trouvés  cou- 
pables d'aucun  crime.  Les  fidèles  de  Smyrne 
s'excitent  au  martyre,  à  l'exemple  de  leur 
évoque  saint  Polycarpe;  lui-même  leur  avait 
fait  cette  leçon  :  elle  n'aurait  pas  été  néces- 
saire, s'il  n'y  avait  eu  qu'un  petit  nombre 
de  chrétiens  mis  à  mort,  et  s'il  n'y  avait  pas 
eu  du  danger  pour  tous.  Lettre  de  l'Eglise 
de  Smyrne,  n.  17  et  18.  —  La  Chronique  des 
Samaritains  porte  qu'Adrien,  successeur  de 
Trajan,  fit  mourir  en  Egypte  un  grand  nom- 
bre de  chrétiens.  Celse,  qui  écrivait  sous 
Marc-Aurèle,  nous  apprend  que  la  persécu- 
tion durait  encore  sous  ce  règne.  Orig,  con- 
tre Celse,  1.  viii,  c.  39,  43,  48,  etc.  Un  chrono- 
logiste  juif  le  confirme  et  parle  de  même  du 
règne  de  Commode.  Si  les  supplices  n'a- 
vaient pas  continué  sous  les  Antohins,  saint 
Justin  et  Athénagore  auraient-ils  osé  se 
plaindre  à  eux  de  ce  qu'ils  n'usaient  pas  en- 
vers les  chrétiens  de  la  justice  qu'ils  exer- 
çaient envers  tous  les  hommes?  Dodwel  pré- 
tend qu'Athénagore  ne  parle  point  de  morts 
ni  de  supplices,  mais  seulement  de  vexa- 
tions, d'exils,  de  peines  pécuniaires.  11  n'a 
pas  daigné  lire  le  texte.  «  Nous  vous  sup- 
plions, dit  Athénagore,  de  ne  pas  souffrir 
que  des  imposteurs  nous  ôtent  la  vie.  Après 
nous  avoir  dépouillés  de  nos  biens,  aux- 
quels nous  renonçons  volontiers,  ils  en 
veulent  encore  à  nos  corps  et  à  notre  vie, 
etc.  »  Legatio  pro  christianis.,  n.  1.  Que 
prouvent  la  philosophie  de  ces  princes,  leurs 
vertus  et  leur  douceur  })rétendue? 

Le  ni'  siècle  offre  des  scènes  plus  san- 
glantes. Sans  parler  du  caractère  farouche  et 
sanguinaire  de  Septime-Sévère ,  de  Cara- 
calla,  d'Héliogabale  et  de  Maiimin,  ceux  qui 
furent  moins  cruels  no  laissèrent  pas  de 
sévir  contre  les  chrétiens.  Lampride  rap- 
porte qu'Aleiandre-Sévère  voulut  bâtir  un 
temple  à  Jésus-Christ  ;  mais  on  l'en  détourna, 
en  lui  représentant  que  s'il  le  faisait,  tout 
le  inonde  embrasserait  le  christianisme,  et 


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MAR 


MAR 


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(1110  tous  les  autres  toinples  seraient  déserts  : 
conséqucmmpnt  Sj)artion  ('-crit  que  cet  em- 
pereur défen-dit  à  ses  sujets  d'ciiibrasser  le 
judaïsine  ni  le  clnistianisnie.  Ou  sait  iJr  ijuels 
troubles  son  règne  fut  suivi,  et  de  iiudle  uia- 
nit'ri^  Maximin,  son  successeur  et  soiienui'iiii, 
U'ailn  les  chrctiens;  c'est  alors  qno  Origèno 
écrivit  son  Exhortution  au  marli/rr,  aliu  d'eu- 
cour.igcrles  lidèles.  Lui-nièuie  tiil  tournirnté 
peuilant  la  persécution  de  Dècr;  et  sa  mort, 
arrivée  trois  ou  quatre  ans  après,  fut  une 
suite  d(>  c{>  qu'il  avait  souffert  dans  sa  prison. 
On  dira,  sans  doute,  que  l'histoire  de  ci^llo 
persécution,  tracée  par  Eusèbe,  Uist.  crde- 
■!(«.«/.,  I.  VI,  c.  39  et  suiv.,  exagère  les  faits; 
mais  il  cite  les  témoins  oculaires  de  ce  (ju'il 
l'apporte.  Une  grande  partie  des  chrétiens 
d'kgyfite  s'enfuit  en  Arabie,  d'autres  se  sau- 
vèrent d ms  les  déserts,  et  y  péiirent  de  mi- 
sère; outre  ceux  qui  furent  condanuiés  k 
mort  par  les  juges,  un  grand  nombre  fiircnt 
mis  en  pièces  par  les  païens  furieux,  etc.  On 
peut  juger  par  là  de  ce  ([ui  arriva  dans  les 
.iuli-es  pnivinces  de  l'empire.  Les  édits  de 
Dèce  ne  furent  |ioint  iM'voqués  sous  les  em- 
pereurs suivants.  Sur  la  lin  de  ce  siècle,  et 
au  c  immenceineni  du  iv,  la  persécution  dé- 
clarée |iar  Dioclélien  dura  dix  ans  sans  re- 
lâche, et  fut  plus  meurtrière  que  toutes  les 
autres.  Ce  prince  avail  eu  peine  à  s'y  résou- 
dre; il  disait  qu'il  était  dangereux  de  liou- 
bler  l'univers  et  de  répandre  inutilement  du 
sang;  que  les  chrétiens  mouraient  avec  joie. 
11  céda  néanmoins  aux  désirs  de  Maxiuiien, 
son  collègue,  et  publia  trois  édils  consécu- 
tifs :  le  premier  ordi<nndtde  détruire  toutes 
les  églises,  de  rechercher  et  de  brûler  les  li- 
vres des  clirétiens;  de  les  [iriver  eux-mêmes 
de  toute  dignité,  de  léduire  en  esclavage 
les  tidèlesdu  commun;  le  second  voulait  que 
tous  les  ecclésiastiques  fussent  mis  en  jjri- 
son,  et  forc(''S  de  toutes  manià-es  à  sacritier; 
le  troisième  ordonnait  que  tout  chiétien 
qui  refuserait  de  sacrifier  fût  tourmenté  [lar 
les  plus  cruels  supplices.  Eusèbe  et  Lactance 
font  meidion  d'une  ville  de  Plirygie  toute 
chrétienne,  qui  fui  mise  à  feu  et  a  sang,  et 
dont  on  lit  périr  tous  les  habitants.  Ces  deux 
empereurs  furent  si  convaincus  de  l'excès  du 
carnage  tiue,  dans  des  inscri|)tions  et  sur  des 
médai.les,  ils  se  vantèrent  d'avoir  exterminé 
le  christianisme,  nom/;?*"  rlirisliaiKintm  de- 
leto:  superstitione  Cliristi  ubiquc  delcla.  Est- 
ce  à  tort  que  les  auteurs  ecclésiastiques  ont 
ap|ielé  le  règne  de  Dioclétien  l'ère  des  tnar- 
tyrsî  Mais  ces  princes  s'applaudissaient  vai- 
nement lie  leur  triomphe.  Maximien-dalère 
et  Maximien-Herctde,  héritiers  de  leur  fu- 
l'eur  contre  le  christianisme,  après  avoir  d'a- 
bord renouvelé  les  édits  et  fait  continuer 
les  meurtres,  furent  forcés  de  les  faire  ces- 
ser, paire  que,  disent-ils,  un  grantl  nombre 
de  chrétiens  persistent  dans  leurs  senti- 
ments, et  qu'il  n'y  a  aucun  moyen  de  vain- 
cre leur  obstination.  LuciusCecil.,  de  Morte 
persec,  n.  3'i  ;  Eusèbe,  1.  ix,  c.  1.  Enlin, 
l'an  311,  Constantin  et  Licinius  conlirnu'^- 
rent  la  tolérance  du  clnistianisnie  par  un 
édil.  On  veut  nous    persuader   (|ue  Julien, 

DlCTlO.NN.  DE  ThkOL.  UOUMATIOI  i:.    !il. 


content  de  vexer  les  chrétiens,  n'en  fit  mou- 
rir aLieiin;  mais  on  alfecte  d'oublier  (pi'il 
laissa  un  libre  cours  à  la  haine  et  h  la  fu- 
reur des  païens.  Ceux-ci,  pour  se  venger  <Je 
ce  que,  sous  les  règnes  de  Constantin  et  de 
Constance,  plusieurs  de  leurs  temples 
avaient  éti';  détruits,  poussèrent  la  rage  jus- 
(|u'à  manger  les  entrailles  de  plusieurs  chré- 
tiens. Ceux  de  Ga  a,  après  avoir  ouvert  lo 
v(!utre  à  (les  prêtres  et  à  des  vierges,  mêlè- 
rent de  l'orge  à  leurs  entrailles,  et  les  ti- 
rent manuer  pai'  des  pourceaux.  Julien,  loin 
de  s'o;i[iOser  à  ces  traits  de  barbar.e,  iiunit 
les  gouverneurs  (pii  s'y  étaient  opposés.  Mé- 
moires de  rAeiideiniedes  Inscript.,  tom.  LXX, 
iu-1-2,  p.  -260  et  suiv.  Ce  fut  vers  la  lin  du 
IV'  siècle  et  au  commencement  du  v',  quo 
Sapor,  Je/.dedgerd  et  Beliiam,  rois  de  Perse, 
résolurent  d'exterminer  de  leurs  Etals  les 
chrétiens,  et  les  tirent  |)érir  par  milliers. 

N(jus  voudrions  savoir  quelles  preuves  po- 
sitives et  quels  monuments  l'on  peut  oppo- 
ser à  ceux  que  nous  venons  d'alléguer, 
((uellcs  raisons  l'on  a  de  récuser  les  actes 
et  les  tombeaux  tles  martyrs,  el  le  témoi- 
gnage des  éciivains  ecclésiastiques,  dont 
plusieuis  étaient  contemporains  et  bien  ins- 
truits des  faits  qu'ils  rapportent.  Mosheira, 
très -instruit  de  ces  preuves,  convient  quo 
le  nombie  des  martyrs  a  été  beaucoup  pius 
considérable  que  Dodwel  ne  le  sufipose; 
mais  il  pense  qu'il  y  en  a  eu  cependant 
beaucoup  moins  que  ne  le  disent  les  mar- 
tyrologes. Uist.  Christ.,  sec.  i,  §  33.  La 
question  est  de  savoir  combien  il  en  faut 
retrancher.  C'est  par  les  preuves  que  nous 
venons  d'alléguer  qu'il  faut  en  juger. 

11.  De  la  cruauté  des  supplices  ({ue  Von  a 
fait  souffrir  aux  martyrs.  On  peut  déjfi  s'en 
faire  une  idée,  en  considérant  le  caractère 
san.;uinaire  qu'avaient  contracté  lesKomains, 
accoutumés  a  repaître  leurs  yeux  du  meur- 
tre des  gladiateurs,  à  voir  combattre  les 
hommes  contre  les  bêtes,  à  regarder  volu|)- 
tueusement  un  blessé  qui  mourait  de  bonne 
gnlce,  il  fair.'  périr  des  troupes  de  prison- 
niers pour  honorer  le  triomphe  de  leurs 
guerriers,  k  exterminer  des  familles  en- 
tières pour  assouvir  leur  vengeance;  étaient- 
ils  encore  accessibles  à  la  pitié?  Ils  ne  fai  • 
faient  pas  jilus  de  cas  de  la  vie  di;  leurs  es- 
claves que  de  celle  d'un  animal  ;  leurs  fem- 
mes même  étaient  ileveiiues  aussi  féroces 
((d'eux  :  Juvénal  le  leur  re[)roche  et  nous 
aiipreiid  ([ue  leur  liarbarie  égdait  leur  lu- 
bricité. —  Tacite,  dans  le  [)assage  que  nous 
avons  dt'jà  cité,  dit  que  sous  Néron  les 
clirétiens  furent  tourmentés  par  des  suppli- 
ces très-reclierchi'S,  ejcquisitissimis  pœnis : 
il  en  fait  le  talileau.  «  L'on  se  lit,  tlit-il,  un 
jeu  (le  leur  mort:  les  uns,  couverts  de  peaux 
de  bêtes,  furent  di'vorés  par  les  chiens;  les 
autres,  attachés  à  des  pieux,  furent  brûlés 
jiour  servir  (\c  tlambeaux  pendant  la  nuit. 
Méron  prêta  ses  jardins  pour  ce  s-ectacle; 
il  y  parut  lui-même  en  habit  de  cocher,  et 
monté  sur  un  char,  comme  aux  jeux  du  cir- 
que. »  Juvénal  y  fait  allusion.  Sut.  i,  v.  55. 
S!-i>è(]u«   enchérit   encore:   il  parle  du  fer, 

21 


6IH  MAR 

du   feu,    dos    chaînes,    des  bètes    fc'iroces, 
d'hoiniues  éventrés,  de  prisons,  de  croix,  do 
chevalets,    de    corps    percés   de    pieux,  de 
raeudjres  disloqués,  de  tuniques    imbibées 
de  poix,  et  de  toul  ce  cjne    la   barbarie  hu- 
maine a  pu  inventer,  Jipist.    14.    Pline   ne 
nous  apprend  point   par  quels  supplices  il 
faisait  périr  les  chrétiens  qui  refusaient  d'a- 
])ostasier;  mais  il  tiit  qu'il   a   envoyé  à   la 
mort  tous  ceux  qui   ont  persévéré    dans  le 
refus  d'adorer  les  dieux,  et  qu'il  a  fait  tour- 
menter deux  feunncs  que  Ton  disait  être  deux 
diaconesses,  pour  savoir  ce   qui  se  passait 
dans   les    assemblées   des   chn'tiens  ,1.x, 
Epist.  97.  —  Celse  r  proclie   aux  chrétiens 
que  quand  ils  sont  pris  ils  sont  condauuiés 
au  supplice,  mis  en  croix,  et  qu'avant  de  les 
faire  mourir  on  leur  fait   souliVir   tuas   les 
(jcnres  de  tourments.   Orig.  contre  Celse,  liv. 
viii,  n.  39,  kS,   48,  etc.    Liljauius  dit  ([ue, 
quand  Julien  parvint  h  l'empire,  «  ceux  qui 
suivaient  une  religion  corrompue  craignaient 
beaucoup;  ils  s'attendaient  qu'on    leur  ar- 
racherait les  yeux,  qu'on  leur  couperait  la 
léle,  que  l'on  verrait  couler  des  fleuves  de 
leur  sang;   ils  croyaient  que   ce    nouveau 
maître  inventerait  de  nouveaux   tourments 
jilus  cruels  que  d'être  mutilé,  broyé,  noyé, 
enterré  tout  vif:  car  les  empereurs  précédents 
avaient  employé  contre  eux  ces  sortes  de  sup- 
plices....  Julien,  convaincu,    dit-il,    que   le 
christianisme   prenait    des    accroissements 
jiar  le  carnage  de  ses  sectateurs,  ne  voulut 
pas    employer   contre  eux    des  châtiments 
qu'il   ne  pouvait  approuver.  »  Parentali   in 
Julian.,  n.  S8.  Ce  même   fait   est  conliruié 
par  la    teneur    des  édits  portés  contre  les 
chrétiens;  on  laissait  le  genre  de  leur  sup- 
plice à  la  discrétion  des   gouverneurs  de 
province  et  des  magistrats,  ceux-ci  on  déci- 
daient selon  le  degré   de   leur  haine    et  de 
leur   cruauté  personnelle,  et   selon  le  plus 
ou  le  moins  de  fureur  que  le  peuple  faisait 
paraître  contre  les  martyrs. 

Nos  adversati-es  peuvent  dire  tant  qu'il 
leur  plaira  que  saint  Laurent  rôti  sur  un 
gril,  saint  Romain  K  qui  l'on  arracha  la  lan- 
gue, sainte  Félicité  et  saiirte  Perpétue,  expo- 
sées aux  bêtes  dans  le  cirque,  d'autres  aux- 
quels on  déchira  les  entrailles  avec  des 
peignes  de  fer,  etc.,  sont  des  fables  de  la 
Légende  dorée.  Les  auteurs  j)aiens  que  nous 
venons  de  citer  n'étaient  intéressés  ni  à 
vanter  la  constance  des  martyrs,  ni  à  exa- 
gérer la  cruauté  des  persécuteurs.  Saint  Clé- 
ment, Teitullien,  saint  Cyprien,  Kusèbe,  les 
autres  historiens  et  les  rédacteurs  des  Actes 
des  martyrs  n'ont  rien  dit  de  plus  que  les 
i-nnemis  déclarés  du  christianisme;  et  c'en 
t'St  assez  déjà  pour  nous  convaincre  qu'ils 
ti'ont  pas  eu  tort  d'attribuer  le  courage  des 
martyrs  à  un  secours  surnaturel  et  S(juvent 
miraculeux.  Comme  il  est  prouvé  par  l'his- 
toire que  les  rois  de  Perse  étaient  encore 
plus  cruels  que  les  empereurs  romains,  on 
iie  doit  pas  être  surpris  des  tourments  hor- 
ribles rapportés  dans  les  Actes  des  martyrs  de 
la,  Perse;  ils  ont  été  renouvelés  dans  le  der- 
luer  siècle  à  l'égard  des  martyrs  du  Japon. 


MAU 


652 


Si  l'on  veut  consulter  VEsprit  des  usages 
des  différents  peuples,  I.  xv,  on  verra  que  la 
cruauté  des  suiiplices  a  été  à  peu  près  la 
même  dans  tous  les  siècles  et  chez  les  dif- 
iérentes  nations,  et  (ju'il  ne  faut  pas  juger 
des  mœurs  du  momh;  entier  par  les  nôtres. 
111.  Quelle  est  la  vraie  raison  pour  laquelle 
les  martyrs  ont  été  mis  à  mort?  Il   est   éton- 
nant   que    les  incréduh^s  modernes  soient 
]>lus  injustes  envers  les  martyrs  qne  ne  l'ont 
été  les  persécuteurs  ;  ceux-ci    n'ont  accusé 
les  ])remiers  chrétiens  d'aucun  autre  crime 
(jue  d'impiété  et  de  superstition,  de  ne  vou- 
loir point  adorer   les  dieux,    sacrilier  aux 
idoles,    d'être    opinijltrément   attachés  à  la 
nouvelle  religion  qu'ils  avaient  embrassée. 
Aujourd'hui  on  ose  écrire  que  les  chrétiens 
étaient  des  honnnes  turbulents  et  séditieux, 
qui  troublaient  la  tranquillité  puhlique,  ([ui 
allaient  insulter  les  païens  dans  leurs  tem- 
ples et  les  magistrats  sur  leur  tribunal,  qui 
]irovo(|uaient  de  propos  déliliéré  la  haine  des 
persécuteurs  et   la  fureur   des   bourreaux. 
Walheureusement   les    protestants   sont  les 
premiers    auteurs  de  cette  calomnie;  pour 
excuser  les   séditions  et   les  violences  par 
lesquelles  ils  se  sont  signalés  dès  leur  nais- 
sance, ils  ont  trouvé  bon  d'attribuer  la  mô- 
me conduite  aux  prendcrs  chrétiens.   Bas- 
nage,  Ilist.  de  l'Eglise,  lib.  xix,  chap.  8,  S  5. 
Si  cela  était  vrai,    Jésus-Christ  aurait  eu 
tort  d'aimoncer  à  ses  discii)les  qu'ils  seraient 
poursuivis  et    mis  à  mort  pour   son  nom,  à 
cftuse  de  lui,  qu'ils  souffriraient  persécution 
pour  la  justice,  et  non  pour  des  crimes;    il 
les  aurait  prévenus,    sans  doute,  contre  les 
accès  d'un  faux  zèle  et  leur  aurait    défendu 
d'exciter    contre    eux  la    haine    publique  ; 
mais  il  leur  dit  qu'il  les   envoie    comme  des 
brebis  au  milieu  des  loups.  «    On  nous  per- 
sécute, dit  saint  Paul,  et  nous  le  soulfroiis; 
l'on  nous  maudit,  et  nous  bénissons  Dieu  ; 
on  blas|)lième  contre  nous,  et  nous  prions  ; 
jusqu'à  jirésent  on  nous  regarde  comme  le 
rebut  do   ce   monde    (/  Cor.    iv,  12).   11  dit 
(pie  tous  ceux  qui  veulent  vivre  pieusement 
et  selon    Jésus-Christ    soullriront  persécu- 
tion m  Tim.  iir,   12,  etc.).  Si  les    prcaners 
li(ièles  n'avaient  pas  suivi  celte  leçon  et  ces 
exemples,  il  faudrait  que   nos    apologistes, 
saint  Justin,    Alhénagore,    Minutius    Félix, 
saint  Clément  d'Alexandrie,  Tertullien,  Ori- 
gène,  saint  Cyrille,  etc.,  eussent  été  de  vrais 
im))udents  ;    ils  reproclient    aux  [laïons    de 
sévir    contre    des    innocents,  de    mettre    à 
mort  des  citoyens  paisibles,  soumis  aux  lois, 
ennemis  du    tunudtc    et  des    séditions,  qui 
jamais  n'ont  tremiiédans  aucune  îles  conju- 
rai ions  qui  étaient  pour  lors  si  fré(iuenles, 
auxquels  on  ne  reproche  point  d'autre  crime 
que  de  refuser  leur  encens  à  de  fausses  di- 
vinités. C'est  aux  emiiereurs.    aux  gouver- 
neurs de  province,    aux    magistrats,    qu'ils 
ose; il  faire  ces  représentations.  Enliu,d  serait 
bien  (■tonnant  que  les  rédacteurs  des  Actes 
des  martyrs,  qui  sans   doute   étaient  possé- 
dés (iu  même  fanatistne  que  les  martyrs  eux- 
UM'uios,  n'eussent  laissé  cchaiiperdans  leiu-s 
relations  aucun  trait   do   haine,  de    colère, 


653 


MAR 


MAK 


r,r,i 


d'insolence,  do  ressentiment  contr(i  les  ju- 
ges ni  oonln^  les  bourreniix,  n'eussent  mis 
dans  la  bouclio  des  martyrs  que  des [laroles de 
douceur  et  de  patience.  Maisc'estautémoi- 
ynagc  niiVue  des  anciens  accusateurs  que 
nous  appelons  delà  calonuiie  des  modernes. 

Tacite  dit  à  la  vérité,  que  les  chrétiens 
étaient  détestés  à  cause  de  leurs  crimes, 
(pi'ils  furent  convaincus  d'être  liais  du  genre 
humain;  qu'ils  étaient  cou])aliles  et  avaient 
mérili'  un  cliAtiment  exemplain^  ;  mais  il 
n'ai'ticule  aucunauti'e  crimequ'une  supersti- 
tion pernicieuse,  exiliabilis  supcrslilio.  Sué- 
tone, dans  la  Vie  de  Ncroii.  dit  do  mémo 
(}ue  l'on  punit  par  des  supplices  les  chré- 
tiens, secte  d'une  su|ierstitiou  perverse  et 
mallaisaiite,  suiivrstitionis  pruvœ  alque  )n(i- 
hficw.  C'est  ainsi  ([ue  les  païens  taxaient 
l'impiété  des  chi'étiens  envers  les  dieux, 
l>arce  (pi'ils  la  regardaient  connue  la  cause 
des  lléaux  de  l'emiiire  et  des  malheurs  pu- 
Iiiics.  Domilien  condamna  plusieurs  person- 
nes considérables  à  l'exil,  |)0in' avoir  changé 
de  religion,  et  non  jour  aucun  autre  crime. 
Xiphilin,  V(f  de  Duinilien.  Pline  est  encore 
un  téuioin  nneux  instruit.  Il  avoue  à  Tra- 
ian  (|u'ii  ne  sait  pas  ce  que  l'on  punit  dans 
les  chrétiens,  si  c'est  le  nom  seul  ou  les  cri- 
mes attachés  à  ce  nom  ;  qu'il  a  cependant 
envoyé  au  sup|ilice  ceux  qui  ont  persévi'ré 
h  se  dire  chrclit'us.'  jiersuadé  que,  quelle 
que  fi^l  leur  conduite,  leur  obstination  de- 
vait cMie  |iunic.  Il  ajoute  qu'ajwès  en  avoir 
inlerrogé  plusieurs  qui  avaient  renoncé  à 
cette  religion,  il  n'avait  pu  en  tirer  d'autre 
aveu,  sinon  qu'ils  s'assemblaient  à  certain 
jour,  avant  1  aurore,  pour  honorer  Jésus- 
Christ  connue  un  Dieu;  ([u'ils  s'engageaient 
l)ar  serment,  non  à  commettre  quelque  crime, 
mais  à  les  éviter  tous  ;  qu'ensuite  ils  pre- 
naient ensemble  une  nourriture  connnune 
et  innocente,  l'iinc  dit  enlin  qu'ariès  avoir 
l'ail  tourmenter  deux  diaconesses,  povu'  ti- 
rer il'elles  la  vciité,il  n'a  pu  découvrir  au- 
tre chose  ([u'une  su|ierslition  [lerverse  et 
excessive,  supcrslitionem  pria  nui,  immodi- 
cam.  Trajau  apiu'ouve  celte  conduite,  et  dé- 
cide qu'il  ne  l'aut  pas  rechercher  les  chré- 
tiens, mais  que  s'ils  sont  ac('usés  et  con- 
vaincus, il  l'aut  les  punir.  Ainsi  les  chré- 
tiens, justiliés  même  par  des  ajjostats,  ne 
laissèrent  |  as  d'iMre  mis  à  mort.  Adrien  et 
Antonin,  plus  l'quitables,  défendirent  dans 
leurs  rcscr.ts  de  punir  les  chrétiens,  à  moins 
ipi'ils  ne  fussent  couj  ables  de  quelque  cri- 
me. Saint  Justin,  ApoL  J,  num.  (ii(  et  70, 
prouve  que  jusqu'alors  ils  avaient  été  punis 
sans  aucun  crime:  mais  nous  avons  vu  que 
ces  ordres  furent  fort  mal  exécutés.  Celse, 
(jui  écrivit  immédiatement  après,  re[)roche 
aux  chrétiens  les  supplices  qu'on  leur  fai- 
sait soulfrir  ;  mais  il  ne  leur  attribue  point 
d'autres  forfaits  que  de  s'assembler  malgré 
la  défense  des  magistrats,  de  détester  les 
simvdacies,  de  blaspliémer  contre  les  dieux. 

Sous  le  règne  de  Marc-Aurèle  ,  le  juris- 
consulte Ul()ii!n  rassembla  dans  ses  livres, 
li.>ucliant  les  devoirs  des  proconsuls ,  tous 
les  éJits  des  empereurs  précédents  iiortés 


contre  les  chrétiens,  afin  de  faire  voir  par 
(jucis  sunplices  il  fallait  les  punir  ;  cela 
n'aurait  |ias  été  nécessaire!,  s'ils  avaient  été 
coupabl(\s  de  crimes  dont  la  peine  était  déjà 
lixi'e  i)ar  les  lois.  Lactance,  Divin,  iiistii., 
lib.  V,  c.  li.  Dans  les  édils  que  Dioch'tien 
et  Maximien  portèrent  contre  eux,  et  dont 
les  historiens  ecclésiasticiues  ont  conservé 
la  teneur,  ils  n'accusèrent  les  chrétiens  que 
d'avoir  renoncé  au  culte  des  dieux  ;  lorsque 
Maxinnen-dalère  et  Maxinnen-Hercule  don- 
nèrent d'autres  édits  pour  faii'e  cesser  la 
persécution,  ils  ne  lii'eut  mention  d'aucun 
dt'lit  |/our  lesquels  les  chrétiens  eussent  be- 
soin de  grilce.  Eusèbe,  Hist.,  l.ix,  c.  7  et  9. 
Lactance,  de  Morte  pcrsec,  n.  3'(.  Julien, 
dans  son  ouvrage  contre  le  christianisun;, 
ne  reproche  aux  chrétiens  ni  sédition,  ni 
révolte,  ni  aucune  infraction  de  l'ordre  pu- 
blic ;  au  contraire,  dans  une  de  ses  lettres, 
il  avoue  que  cette  religion  s'est  établie  |)ar 
la  pratique,  du  moins  apparente,  de  toutes 
les  vertus,  Lettre  49,  à  Arsace.  Lorsque 
lîasnage  a  osé  écrire  que  la  plupart  des 
marti/rs  cjui  souffrirent  dans  la  persécution 
de  Julien  l'Apostat  étaient  des  mutins  et  des 
séditieux  qui  abattaient  les  temples  des 
idoles,  il  a  montré  plus  de  passion  contre  les 
anciens  chrétiens  que  Julien  lui-môme.  Li- 
banius,  dans  la  harangue  funèbre  de  cet 
empereur,  convient  dos  tourments  borrdjles 
qu'on  leur  faisait  soutfrir  ;  il  ne  cherche 
point  à  excuser  cette  cruauté  jiarles  crimes 
dont  on  les  avait  convaincus.  Lucien,  en 
les  touriuuit  on  ridicule,  remarque  en  eux 
des  vertus  et  non  des  crimes.  Lorsque  les 
])aions  forcenés  criaient  dans  l'amphilhéà- 
tre,  toUe  impios,  ils  ne  peignaient  pas  les 
chrétiens  comme  des  malfaiteurs,  mais 
comme  des  ennemis  des  dieux,  dont  il  fal- 
lait |)urger  la  terre. 

Pour  énerver  la  preuve  que  nous  tirons 
de  la  constance  des  martyrs,  nos  adversai- 
res disent  cjue  la  barbarie  avec  laquelle  on 
les  traitait  les  rendit  intéressants,  excita  la 
pitié,  fit  natuiellement  des  |)rosélytes  ;  en- 
suite ils  ne  veulent  convenir  ni  de  cette 
barbarie,  ni  de  l'innocence  des  chrétiens. 
ils  [■(ïprochent  au  christianisme  d'inspiiMU' 
aux  |ieuples  l'obéissance  |)assive,  et  de  fa- 
voriser les  tyrans  ;  d'autre  part,  ils  préten- 
dent que  les  premiers  chrétiens  avaient 
]iuisé  dans  leur  religion  l'esprit  de  déso 
b  issance  et  de  révolte.  Pendant  trois  siè- 
cles de  persécutions,  h  peine  peuvent-ils  ci- 
fer  dans  l'histoire  deux  ou  trois  exemples 
d'uLi  faux  zèle,  et  ils  supposent  que  c'est 
ce  faux  zèle  qui  a  été  la  cause  des  persécu- 
tions. -Mais  la  passion  les  aveugle,  ils  ne 
raisonnent  pas.  Saint  Justhi,  saint  Irénée, 
Origèue,  Tertullien,  saint  Cyprien,  Eusè))e, 
saint  Epi[ihane,  disent  que  l'on  n'a  pas  ]ie!- 
sécuté  les  anciens  hérétiques,  qu'il  n'y  a 
point  eu  de  martyrs  parmi  eux  ;  plusieurs 
soutenaient  que  c'était  une  folie  de  s'expo- 
ser ou  de  se  livier  au  martyre  ;  nous  vou- 
drions savoir  d'eu  est  venue  cette  distinc- 
tion, et  si  la  vie  des  hérétiques  était  plus 
innocente   que    celle    des  catholiques.  Les 


c:;.'; 


MAR 


MAR 


Go'î 


l 


mnrU/rs  suppliciés  dans  la  Perse  n'étaient 
.as  plus  criminels  que  ceux  qui  ont  été  mis 
„  mort  clans  l'empire  romain.  A  la  vérité, 
les  juifs  et  les  maj;es  persuadèrent  aux  rois 
de  {^erse  que  les  chrétiens  étaient  moins 
ntfectionnes  à  leur  gouvernement  qu'h  celui 
des  Honiains  ;  ils  leur  tirent  envisager  le 
christianisme  comme  une  religioi  romaine, 
et  ce  fut  pour  eux  iin  motif  de  haïr  les 
chrétiens  ;  mats  on  ne  put  jamais  citer  au- 
cune jireuve  d'inlidélité  de  la  part  de  ceux- 
ci.  Il  leur  fut  ordonné,  sous  peine  de  la 
vie,  d'adorer  le  feu  et  l'eau,  le  soleil  et  la 
lune,  en  témoiguai;e  de  ce  qu'ils  renon- 
çaient au  christianisme  ;  tous  ceux  qui  re- 
fusèrent furent  mis  à  mort  ;  il  fut  permis 
aux  gouve-neurs  de  province  de  les  tour- 
menter comme  ils  jugeraient  k  propo  -.Minii. 
lie  t'Arad.  des  insrriprions,  t.  LXIX.  in-12, 
.  p.  295  et  suiv.  Hvde  et  quelques  autres  pro- 
testants, par  zèle  pour  la  religion  des  Per- 
ses, ont  osé  accuser  d'opiniAtreté  ces  mar- 
tyrs ;  (Ui  dit  qu'ils  avaient  tort  de  refuser 
ce  que  l'on  exigeait  d  eux,  puisque  le  culte 
rendu  par  les  Perses  aux  créatures  n'était 
qu'un  c  ilte  relatif  et  subordonnée  celni  du 
Dieu  supr.'me.  Mais  enlin,  puisque  les  Per- 
ses regardaient  ce  culte  comme  une  renoncia- 
tion formelle  au  christianisme,  les  chrétiens 
pouvaient-ils  s'y  s  )umeltre  sans  a  lostasier? 

On  a  tléclamé  violemment  contre  le  faux 
zèle  d'un  évéque  de  Suze,oupl  dût  évèque 
des  Hu/ites,  nommé  Abdns  ou  Àbdnn,  qui 
brîila  un  temple  du  feu,  refusa  de  le  i'eh;l- 
tir,  et  fut  cause  d'une  sanglante  iiersécu- 
tion.  Mais  ce  fait  arriva  sous  Jezdedgerd,  et 
quatre-vingts  ans  auparavant  Sanor  li  avait 
fait  périr  des  m  llie  s  de  clu-étieus.  B'ail- 
ieurs,  le  faux  zèle  d'un  seul  évèque  était-il 
un  juste  suiet  d'exterminer  tous  les  c!iré- 
tieiis  ?  Assémani  nous  apprend,  d'après  les 
auteurs  svriens,  que  ce  temple  du  feu  ne 
fut  pas  bi'ùlé  par  Ahdas,  mais  par  un  des 
prêtres  de  son  clergé  ;  ainsi  ce  fait  a  été 
mal  rapporté  par  les  a  deurs  grecs.  Puisque 
cet  évèque  n'était  pas  jiersonn  'llement  cou- 
pable, d  n'avait  jias  tort  de  r. 'fuser  de  réta- 
blir le  temple  détruit.  Kiblinlh.  orient.,  t  ill, 
|i.  371.  Le  même  auteur  nous  assure  (jne  la 
persécution  causée  par  cet  événement  sous 
L.'zdedgerd  ne  fut  pas  longue,  mais  bientôt 
assoupie.  11  n'est  donc  pas  vrai  que  le  fait 
li'Abd'as  ait  fait  périr  des  milliers  de  c'iré- 
tiens.  /6k/.,  t.  1,  p.  18;{. 

Bayle,  Comment,  philos.,  préface,  OEuvr. 
tome  11 ,  pag.  SCV,  prétend  que  sous  Néron 
[>lusieurs  martyrs,  vaincus  i)ar  les  tourments, 
s'avouèrent  coupables  de  l'incendie  de  Kome, 
et  en  accusèrent  faussi^ment  d'autres  com- 
fpliccs  ;  (jue  cependant  ils  sont  dans  le  mar- 
tyrologe. Il  tiird  le  sens  du  [lassage  de  Ta- 
cite, que  nous  avons  cdé  plus  haut,  Annnl., 
1.  XV,  n.3'<..  «  Néron,  dit  cet  historien,  passa 
pour  êtic  le  véritable  auteur  de  l'incendie  do 
Kome  ;  afin  d'étoulfer  ce  liruit,  il  substitua 
des  coupabli's,  et  il  punit  par  des  supplices 
très-recherchés  ceux  que  le  peuple  nommait 
chrétiens,  gens  déte>tés  pour  leurs  crimes. 
L'auteur  du  uo  nom  osl  Christ  ,  qui  ,  so  is  Iw 


règne  de  Tiiière,  avait  été  livré  au  suppiir'O 
par  Ponce-Pilate.  Cette  superstition,  d«''jà 
répi-imée  aupar  ivanl,  pullulait  de  nouveau, 
non-seulement  dans  la  Jiidi'^e  où  elle  avait 
l)ris  naissance,  mais  à  Home,  où  tous  les 
crimes  et  toutes  les  in''amies  de  l'univers  se 
rassemblent  et  simt  accueillis. On  punit  donc 
d'ab')rd  ceux  qui  avouaient,  ensuite  une  mul- 
titude infinie  que  l'on  découvrit  par  la  con- 
fession des  promie'S,  mais  qui  firent  moins 
convaincus  du  crime  de  rimendic  q  le  .i'è- 
tre  haïs  du  genre  hum  itn,  etc.  »  Cela  si- 
gnilie-t-il  que  ceux  qui  avouaient  se  iliH'l.i- 
rèrent  coup  ibles  de  l'incendie  "/  Us  avouer  oit 
qu'ils  étaient  chrétiens  ,  et  ils  déeouvciroitt 
une  multitude  infinie  d'autres  chrétiens;  tel 
est  évidemment  le  sens.  Ma  s  Rayle  a  trouvé 
bon  de  peindre  ces  martyrs  comme  des  ca'om- 
niateurs,  et  de  les  placer  dans  le  martyro- 
loye,  peniiant  que  l'on  ne  sait  pas  seulement 
leiirs  noms.  Barbeyrac,  aussi  peu  judicieux, 
dit  que  l'on  a  érigé  eu  saints  de  fauv  mar- 
tyrs, des  suicides  qui  se  sont  livrés  e  ix- 
mèmes  à  la  mort  ;  ries  lenmi  'S  qui  se  sont 
jetées  dans  la  mer,  dans  les  ileuvfs  on  dans 
les  (lammes,  pour  conserver  leur  chasteté.  Il 
s'élève  contre  les  Pères  de  l'Eglise  qui  ont 
loué  leur  courage,  qui  ont  exhorté  les  chré- 
ti  Mis  au  martyre,  contre  tous  ceux  qui  l'ont 
désiré  et  recherché;  il  sont  eut  qu'd  n'est  pas 
permis  de  désirer  le  martyre  pour  lui-même; 
que  Jésus-Christ,  loin  de  donner  celle  leçon 
à  ses  disciples,  leur  a  dit  :  Lorsque  vous  se- 
rez persécutés  dans  une  ville,  fuyez  dans  une 
autre.  Traité  de  la  morale  des  Pères,  c.  vin, 
t?  ."J'i.  ;  c.  XV,  §  11.  Mais  désirer  le  martyre 
poui'  l'cssemb'er  à  Jésus-Ctirist,  pour  lui  té- 
moigner notre  amour,  pour  mériter  la  ré- 
comîiense  qu'il  a  daigné  y  altac'ier,  pour  l'a- 
vantage (jui  doit  on  revmir  à  i'Eglise,  etc., 
est-ce  di'iirer  \e  martyre  pour  lui-même,  pour 
le  jilaisir  de  soutîrir  ou  .e  se  d  divrer  de  la 
vie  '!  Vodù  le  sophisme  sur  lequel  Daillé, 
Bar:)eyrac  et  d'autres  protestants  argumen- 
tent contre  les  Pères  de  l'Eglise.  Pour  prou- 
ver que  le  désir  dont  nous  i)arlons  est  non- 
seulement  permis,  mais  très-louable,  nous 
no  citerons  point  les  exemples  qu'en  fournit 
l'iiistoire  ecclésiastique,  puisq  le  c'est  contre 
ces  exemples  mômes  que  nos  adversiires  se 
r ''crieut  ;  nous  adéguerons  rEcritiire  h  la- 
quelle ils  en  appellent. 

Jésus-Christ  dit  [Luc.  xu,  50)  :  Je  dois 
être  baptisé  d'un  baptême  de  sang,  et  combien 
me  sens~je  pressé  jusqu'à  ce  qu'il  s'accom- 
plisse !  Lorsque  saint  Pierre  lui  dit  <i  ce 
sujet  :  A  Dieu  ne  plaise.  Seigneur,  il  n'en  sc- 
ra  rien,  Jésus  le  reprend  et  le  regarde  com 
me  un  ennemi  [Matth.  xvi,  22).  11  alla  à  Jé- 
rusalem, sachant  très-bien  l'heure  et  le  mo- 
m(Uit  auxquels  il  serait  saisi  par  les  Juifs, 
conilamné  et  mis  à  mort.  Les  incrédules 
l'accusent  a  issi  d  avoir  provoqué,  par  un 
zèle  imprudent,  la  h  une  et  la  fureur  des 
Juifs.  Hai'beyrac  dit  que  cet  exemple  ne  fait 
pas  règle,  parce  que  Jésus-Christ,  par  sa 
mort,  devait  racheter  le  g 'Ure  humain.  Mais 
les  Pères  disent  aussi  ipic  quand  nu  martyr 
soulfi'e,  ce  n'est  pas  pour  lui  seul,  mais  [tour 


657  MAH 

Imite  l'Eglise  de  Dieu,  h  laqueilo  il  (loiiiie 
un  gr.iiid  exemple  de  vcr'tu  ;  et  saint  Jean 
dit  ([ue  nous  devons  mourir  pour  nos  frè- 
res, eoimne  J(^siis-Christ  est  mort  (our  nous. 
On  >ait  1  impiessionqiii»  faisait  sur  les  païens 
la  constance  des  martj/rs. 

«.Je  divin  Sauveur  dit  h  tous  ses  disciples 
IMiitth.  V.  10)  :  Heureux  ceux  qui  souflrenl 
persii'ution  pour  In  justice,  parce  que  le 
rui/iiujiie  des  deux  est  à  eux.  Vous  serez  heu- 
reux lorsque  vous  souffrirez  persécution  pour 
moi.  liejouissez-iious,  votre  re'coiiipeusr  sera 
(jrande  dans  le  ciel.  Saint  Pieri-e  dit  de  mu- 
nie aux  lidèles  :  «Si  vous  souillez  eu  fai- 
sant le  bien,  c'est  une  grilce  que  Dieu  vous 
fait  ;  c'est  puur  cela  que  vous  (Mes  appelés, 
et  Jésus-Christ  vous  en  adonné  l'exemple.... 
Vous  Ates  heureux,  si  vous  soutirez  quelque 
chose  pour  la  justice  {IPetr.  ii,  20;  m,  Ik). 
N'cst-il  donc  [las  peiinis  de  dé.ireretde  re- 
chercher ce  dont  nous  devons  nous  ri'jouir, 
ce  (pii  nous  rend  heureux,  ce  qui  est  notie 
vocation?  Saint  Paul  dit  de  lui-même  (Plii- 
lipp.  I,  22)  :  «  J'ignore  ce  que  je  dois  ch(ii- 
sir  ;  je  suis  eniliarrassé  entre  deux  jiartis  : 
jo  désire  de  mourir  et  d'(>lre  avec  Jésus- 
Christ,  et  ce  seiait  le  meilleur  pour  moi  ; 
mais  je  vois  qu'il  est  nécessaire  |iour  vous 
que  je  vive  encore.  «  Saint  Paul  aurait-il 
hésité,  si  le  désir  de  mourir  pour  Jésus- 
Christ  était  un  crime  ?  Un  prophète  lui  pré- 
dit qu'il  sera  enchainé  à  Jérusalem  et  livié 
aux  païens  ;  les  fidèles  veulent  le  détourner 
d'y  aller  :  «  Pourquoi  m'aflligez-vous,  dit-il, 
par  vos  larmes  ?  Je  suis  prêt,  non-seulement 
a  être  enchaîné,  mais  encore  à  mourir  pour 
Jébus-Christ  [Act.  x\i,  11),  et  il  part;  il  ne 
regardait  donc  pas  le  commandement  de  fuir 
la  persécution  connue  un  précepte  général 
et  rigoureux. 

Pendant  lis  persécutions,  les  pasteurs  de 
l'Eglise  se  sont  quelquefois  di'rohés  à  l'orage 
pour  un  temps,  alin  de  consoler  et  de  soute- 
nir leur  troupeau  ;  ainsi  en  ont  agi  saint 
Denis  d'Alexandrie,  saint  Grégoire  Thauma- 
turge et  saint  Cyprien  ;  ou  ne  les  en  a  pas 
bhlmés  :  mais  lorsqu'ils  ont  cru  que  cela 
n'était  jias  nécessaire,  ou  que  la  mort  du 
pasteur  procurerait  le  repos  à  ses  ouailles, 
ils  ont  refusé  de  fuir,  et  se  sont  montrés 
hardiment.  Nous  convenons  (jue  Tertullien 
a  pnrté  trop  loin  le  rigorisme,  en  voulant 
prouver  (lu'il  n'est  jamais  permis  aux  mi- 
nistres de  l'Eglise  de  fuir  pendant  la  persé- 
cution, ni  de  s'en  racheter  par  argent,  de 
Fuga  in  pcrsecut.y^Ris  il  ne  s'ensuit  pas  de  là 
que  ce  soit  un  devoir  de  fuir  toujours  et  d'é- 
viter toujours  \e martyre,  autant  i|u'on  le  peut. 

Que  des  protestants,  qui  ne  font  aucun 
cas  de  la  chasteté,  blfunent  des  vierges  qui 
ont  mieux  aimé  périr  que  de  perdre  la  leur, 
cela  ne  nous  étonne  pas  ;  mais  les  martyrs 
ne  pensaient  pas  ainsi.  On  a  beau  dire 
qu'une  vifjlenre  soullerte  malgré  soi  ne 
peut  pas  souiller  l'ùme ,  sait-on  jusqu'à 
quel  point  les  personnes  ver.ueuses  dont 
nous  parlons  auraient  élé  tentées  de  consen- 
tir à  la  brutalité  dont  on  les  mena(;ait  ?  Vai- 
nement on  allègue  la  loi  naturelle  qui  nous 


MAH 


eni 


oblige  h  conserver  notre  vie  ;  n'est-ce  donc 
pas  aussi  une  loi  naturelle  de  la  [terdre  plu- 
tôt que  de  man(|uer  de  lidéhté  à  Dieu  et  de 
cciisentir  au  péché?  Où  Jésus-Christ  a-l-il 
violé  la  loi  na.'urelle  en  nous  ordonnant  de 
soull'rir  la  mort  pour  lui?  Il  n'est  donc  pas 
nécessaire  ne  recourir  ici  à  une  ins|Mration 
|iarticulière,  ni  de  faire  sorlir  Dieu  d'une 
machine,  comme  nos  adversaires  nous  en 
accusent  ;  l'Evangde  est  formel ,  et  nous 
nous  en  tenons  là.  Voy.  Suioiue.  Nous  ne 
devons  |)as  oublier  que  les  protestants  ont 
fait  contie  les  martyrs  du  Japijii  les  mêmes 
re|)roehes  que  f  mt  les  incrédu'es  (outre  les 
()r(uuiers  7nartyrs  du  christianisme  :  ils  sont 
les  [irincipaux  auteia-s  des  calomnies  aux- 
quelles nous  sommes  forcés  de  répondre. 
IV.  La  constance  des  martyrs  et  les  con- 
versions qu'elle  a  opérées  sont  un  piténomène 
surnaturel.  Dodwel,  non  co;  lent  d'avoir  ré- 
duit presque  à  rien  le  nombre  des  nutrlyrs,ii 
fait  encore  une  autre  dissertation  pour  prou- 
ver que  leur  conslance  dans  les  tourments 
n'a  rien  eu  de  surnaturel.  Il  j)!  éicnd  (pie  la  vie 
austèieipie  menaient  les  piemiers  chrétiens 
les  rendait  naturellement  cajjables  de  sui:- 
porler  les  plus  crueles  tortures;  qu'ils  y 
étaient  engagés  par  les  honneurs  que  l'on 
rendait  aux  tnartyrs,  e'.  par  l'ignominie  dont 
étaient  couverts  ceux  (pii  succombaient  à  la 
violence  des  tourmenis,  par  l'opinion  dans 
laque  le  on  était  que  tous  les  |iéehés  étaient 
etl'acés  par  le  martyre,  que  ceux  qui  l'endu- 
raient allaient  incontinent  jouir  de  la  béati- 
tude, et  tiendraient  la  première  p'ace  dans 
le  royaume  temporel  de  mille  ans  i|ue  Jé- 
sus-Lllirist  devait  bienlèit  établir  sur  la  terre. 
Les  inerédi  les  ont  enchéri  sur  les  idées  de 
Dodwel  ;  ils  ont  comparé  le  courage  des 
martyrs  à  celui  des  stoïciens,  des  indiens, 
qui  se  précipitent  sous  le  char  de  IC'irs  ido- 
les, des  femmes  qui  se  brûlent  sur  le  corps 
de  leur  mai  i,  des  sauvages  ijui  insultent  aux 
bourreaux  ipii  les  tourmenlenl,  des  hugue- 
nots et  (les  donatistes  ([ui  ont  soutfert  cons- 
tamment la  mort.  Suivant  leur  opinion,  la 
patience  des  martyrs  était  nu  effet  du  fa- 
natisme qui  leur  était  inspiré  par  leurs  pas- 
teurs; ils  n'ont  pas  rougi  de  com,>arer  les 
ap('itres  et  leurs  imitateurs  aux  ma  iaitein.s 
qui  s'exposent  de  sang-froid  aux  supplices 
dont  ils  sont  menacés,  et  les  subissent  en- 
lin  de  bonne  grâce,  parce  qu'ils  ne  ]ieiivent 
jilus  reculer.  On^mt  àux  conversions  opé- 
rées par  lexemple  des  martyrs,  ils  disent 
que  c'est  l'elï'et  naturel  des  pinsécutions  ; 
que  le  même  [ihéiiomène  est  arrivé  lors- 
que Ion  ciMidamnait  au  supplice  les  prédi- 
canls  huguenots  et  leurs  prosélytes. 


seJvtes. 
is  la  ré 


On  a  droit  d'exiger  ce  nous  la  réfutatioa 
do  toutes  ces  impiistures.  Nous  soutenons 
d'abord  ipie  le  courage  des  martyrs  a  élé 
siirnalurel.  Voici  nos  [iieuves:  l°Jésus-rJirist 
avait  promis  do  doiini  r  à  ses  disciples,  dans 
celte  eireonstance,  des  grâces  et  un  sec mrs 
divin:  Je  vous  donnerai  une  sagesse  à  laquelle 

vos  ennemis  ne   pourront  résister Par  la 

patience  ,  vous  posséderez  vos  dmes  en  paix 
[Luc.  ïXi,  15  et  19).  Vous  sou/frirez    en   c$ 


6,S9 


MAB 


MAR 


BGO 


monde  :  mois  ,  ayez  confumc,  fui  vaincu  le 
monde  {Joun  xvi,  33).  Saint  l'oiil  dit  aux  Phi- 
li])piens,  c.  i,v.  28:  «  Ne  craignez  imintvos 
ennemis,  il  vous  est  donné  do  Dieu,  non- 
seulement  de  croire  en  Jésus-Clirist,  mais 
encore  de  souffrir  pour  lui.  »  2"  Les  fidèles 
comptaient  sur  cette  grAce,  et  non  sur  leurs 
pre|)res  forces;  ils  se  préparaient  au  combat 
par  la  prière,  par  le  jeûne,  par  la  i)énitence  ; 
fes  Pères  de  l'Eglise  les  y  exhortaient. 
L'exemple  de  plusieurs .  qui  avaient  suc- 
combé il  la  violence  des  tourments,  inspi- 
"ait  aux  autres  l'humilité,  la  crainte,  la  dé- 
ûance  d'eux-mêmes.  3"  Cette  grâce  a  été  ac- 
cordée à  des  chrétiens  de  tous  les  ilges  et  de 
toutes  les  conditions  ,  de  l'un  et  de  l'autre 
sexe  :  de  tendres  enfants  ,  des  vieillards  ca- 
ducs, des  vierges  délicates,  ont  soutfert  sans 
se  plaindre,  sans  gémir,  sans  insulter  aux 
persécuteurs;  ont  vaincu,  par  leur  patience 
modeste  et  tranquille,  la  cruauté  des  bour- 
reaux. 4°  Souvent  dos  miracles  éclatants  ont 
prouvé  que  la  constance  des  martyrs  venait 
du  ciel,  ont  forcé  les  païens  à  y  reconnaître 
la  main  de  Dieu  ;  nos  apologistes  l'ont  fait 
remarquer  et  ont  cité  des  témoins  oculaires. 
C'est  ce  qui  a  inspiré  aux  chrétiens  tant  de 
vénération  pour  les  martyrs  et  un  si  gr.nid 
resijcct  |iour  leurs  reliques.  5°  C'est  une  aii- 
sur.lité  de  soutenir  qi.e  le  courage  ([ui  vient 
d'un  motif  surnaturel,  tel  que  le  désir  d'ob- 
tenir la  rémission  des  péchés  et  de  jouir  lie 
la  béatitude  éternelle,  est  cependant  naturel. 
Ce  désir  est-il  puisé  dans  la  nature  '.'  l'aper- 
çnit-on  dans  un  grand  nombre  de  personnes  ? 
6°  Nous  voudrions  savoir  ce  que  nos  ad- 
versaires entendent  par  entlio^isiasme  et  fa- 
natisme du  martyre.  Ces  termes  ne  peuvent 
signifier  qu'une  persuasion  dénuée  de  preu- 
ves, un  zèle  inspiré  par  quelque  passion  ; 
les  martyrs  n'étaient  point  dans  ce  cas.  Leur 
persuasion  était  fondée  ■  sur  tous  les  motifs 
de  crédibilité,  qui  [îroiivent  la  divinité  du 
christianisme,  sijr  des  faits  dont  ils  avaient 
été  témoins  oculaires,  ou  desquels  ils  no 
pouvaient  douter.  Ce  n'était  point  un  préjugé 
de  naissance,  |)uisqu'ils  s'étaient  convertis 
du  paganisme  au  christianisme.  A'oyons-noiîs 
dans  b,'ur  conduite  quelque  signe  de  passion, 
de  vanité,  d'ambition,  d'orgueil,  de  haine,  de 
vengeance,  etc.?  Celse,  qui  sans  doute  avait 
été  témoin  de  la  constance  de  iilusieursma/-- 
tyrs,  n'osait  les  blâmer.  Origène  contre  Celse, 
1.  I,  n.  8,  n.  66.  Aujourd'hui  on  ose  les  ac- 
cuser de  fanatisme,  sans  savoir  ce  c{ue  l'on 
entend  par  là. 

Un  fanatisme,  ou  un  accès  de  démence  ne 
peut  pas  durer  pendant  plusieurs  siècles, 
être  le  même  dans  la  Syrie  et  dans  la  Perse, 
en  Egypte  et  dans  la  Grèce,  en  Italie,  en  Es- 
pagne et  dans  les  Gaules.  Les  païens  mêmes 
admiraient  la  constance  des  martyrs;  il  est 
fâcheux  que  des  hommes  qui  devraient  être 
chrétiens,  la  regardent  comme  une  fjlie.  Les 
donatistes,  qui  se  donnaient  la  mort  afin 
d'obtenir  les  honneurs  du  martyre;  les  hu- 
guenots, suppliciés  pour  les  séditions  qu'ils 
avaient  excitées;  les  Indiens  qui  se  font  écra- 
ser, et   leurs  femmes  qui   se  brûlent,  sont 


des  fanatiques,  sans  diiute,  parce  gu'ils  n'ont 
eu  et  n'ont  aucune  preuve  des  opinions  par- 
ticulières pour  lesquelles  ils  se  livrent  h  ].i 
mort;  plusieurs  sont  enivr/'S  d'opium  ou 
d'autres  boissons  qui  leur  ôtent  la  réflexion. 
La  constance  des  stoïciens  était  un  effet  do 
leur  vanité,  et  l'insensibilité  des  sauvages 
vient  de  la  fureur  que  le  désir  de  la  ven- 
geance leur  inspire.  Peut-on  reprocher  aux 
martyrs  aucun  de  ces  vicoS'?  Les  malfaiteurs 
ne  sont  pas  les  maîtres  d'échapper  au  su])- 
plice  ;  les  premiers  chrétiens  pouvaient  s'y 
soustniro  en  reniant  leur  foi. 

Ce  ne  sont  pas  seulement  les  Pères  de  l'E- 
glise qui  nous  apprennent  que  la  constance 
surnaturelle  des  martyrs  a  souvent  converti 
les  païens  ;  Libanius  convient  que  le  chris- 
tianisme avait  fait  des  progrès  par  le  carnage 
de  ses  sectateurs  ;  c'est  ce  qui  enipôclia  Ju- 
lien de  renouveler  les  édits  sanglants  portés 
contre  eux  dans  les  siècles  précédents.  Lors- 
que nos  ailversaires  disent  que  c'est  l'effet 
naturel  des  persécutions,  que  la  cruauté 
exercée  envers  les  chrétiens  excita  la  pitié 
et  les  rendit  intéressants,  que  la  même  chose 
est  ai'i'ivée  à  l'égard  des  huguenots,  ils  se 
jouent  delà  crédulité  de  leurs  lecteurs.  En 
effet,  les  cris  tumultueux  du  peuple  assem- 
blé dans  l'amiihithéâtre,  qui  demandait  que 
l'on  exterminât  les  chrétiens,  toile  impios, 
christianos  ad  leonem,  ne  venaient  certaine- 
ni;='nt  pas  d'une  pitié  bien  lendre.  Quand  on 
attribuait  tous  les  malheurs  de  l'empire  à  la 
haine  et  à  la  colère  que  les  dieux  avaient 
conçues  contre  les  chrétiens  ,  cette  idée  n'é- 
tait guère  propre  h  les  rendre  intéressants. 
Les  philosophes  qui  se  joignirent  aux  per- 
sécuteurs, pour  couvrir  d'opprobre  les  sec- 
tateurs du  christianisme,  n'avaient  jias  in- 
tention, sans  doute,  de  prévenir  les  esfirits 
en  leur  faveur.  VoiUi  ce  qui  s'est  fait  pendant 
trois  cents  ans. 

Ceux  qui  ont  embrassé  leprotestantisme,  au 
XVI'  siècle,  ne  Font  pasfait  par  admiration  delà 
constance  de  ses  prétendus  »(«/•/(/;•«;  ils  a  valent 
d'autres  motifs.  Ils  étaient  séduits  d'avance 
par  les  discours  calomnieux  et  séditieux  des 
prédicants  ;  les  uns  étaient  attirés  par  l'i  s- 
jiérance  du  pillage,  los  autres  par  l'envie  de 
se  venger  du  quelques  catholiques,  ceux-ci 
par  le  jilaisir  d'humilier  et  do  mallraiter  le 
clergé,  ceux-là  par  le  désir  d'avoir  des  pr()- 
tecteurs  puissants,  tous  par  l'esprit  d'indé- 
pendance. Aucun  de  ces  motifs  n'a  pu  en- 
gager des  païens  à  se  faire  chrétiens.  «  I.a 
constance  que  vous  nous  reprochez,  dit  Ter- 
tullien,  est  une  leçon  ;  en  la  voyant,  qui 
n'est  pas  tenté  d'en  rechercher  la  caus.'  ? 
Quiconque  examine  notre  religion,  l'em- 
brasse. Alors  il  désire  de  souffrir,  afin  d'a- 
cheter, par  l'elFusion  de  son  sang,  la  grâce 
de  Dieu,  de  laquelle  il  s'était  rendu  indigne, 
et  d'obtenir  ainsi  le  pardon  de  ses  crimes.  » 
Apol.,  c.  50.  Les  exemples  cités  par  nos  ad- 
versaires sont  donc  aussi  feux  que  leurs 
conjectui'es,  et  leurs  reproches  sont  aiisur- 
des.  Est-il  vrai,  enfin,  que  les  Pères  de  l'E 
glise  aient  soufflé  le  fanatisme  du  martyre, 
et  qu'ils  aient  ainsi  travaillé  à  dépeupler  le 


661 


MAR 


MAR 


662 


monde?  Pour  snvoir  s'ils  ont  \)6ch6  on  ((ut'l- 
quG  chose,  il  faut  examiner  les  diUV'it'ntcs 
circonstances  dans  iesijuelles  ils  se  sont 
trouvés. 

Au  ir'  et  au  m'  siccio,  jilusicin-s  secliis 
d'lHV(''tii|uescoiidann]èrt'nt  le  m<iilt/re,oi\»i'i- 
tînèi'ent  (|u'il  était  permis  lio  leniei'  la  foi, 
ijoe  c'était  une  fnjje  de  mourir  pour  con- 
fesser J(''siis-Clirist.  Tels  lurent  his  hasili- 
(iiiMis,  les  vahuilininns,  les  gn(istii|ues  ,  les 
iii'lci'saitcs,  les  manichéens  et  tous  ceux 
ipii  soulcnaicnt  que  Jésus-Christ  lui-même 
n'avait  soull'crt  (ju'en  a|ip;irenc(;.  D'autres 
donnèrent  dans  l'excès  opposé,  cruient  qu'il 
était  beau  de  rechercher  le  mnrti/rc  par  va- 
nité';  on  en  accuse  les  inontanisics  et  quel- 
ques marcionites  :  les  domtistes,  schJs- 
matiques  furieux,  se  faisaient  donner  la  mort 
ou  se  précipitaient  eux-mêmes,  alin  d'obte- 
nir les  honneurs  du  martj/rr.  Les  l'ères  écri- 
virent contre  ces  divers  (ennemis;  les  pre- 
miers furcuU  réfutés  par  saint  ("démont  d'A- 
lexandrie, 5/ro/n.,  l.iv.  c.  4  et  suiv.;  parOri- 
gène,  dans  son  l-'altortulion  <m  ntrirli/re;  pai- 
Tertnlllen,  dans  l'ouv.  a;i;e  intitulé-  Srorpiaccs, 
etc.  .Mais  en  comh.iltaiil  conire  une  erieur, 
ils  n'oni  pas  favorisé  l'auti'e.  Saint  ('dément 
d'Alexandrie,  dans  ce  même  ch-ipilie,  dit 
que  ceux  ipii  cherchent  la  moii  do  propos 
délibér('  ne  sont  chrétiens  ([uo  o'e  nom,  ipTils 
ne  connaissent  pas  le  vrai  Dieu,  ((u'ils  dé- 
sirent la  destiiiition  de  leur  corps  (ui  haim? 
du  Créateur.  Il  dévigiii!  évidemment  les  mai- 
cioiùfes,  et,  dans  le  chapitr.'  10,  il  dit  que 
ces  gens-i;^  sont  honneides  d'eux-mêmes; 
ipie  s'ils  i)rovoquent  la  colère  des  juji'-S,  ils 
resscmlileiil  ^  ceux  (|ui  veulent  irriter  une 
liête  féi'oce,  etc.  Orij^ène  adresse  son  exhor- 
talion  ]irincipalenient  aux  minislres  de  l'K- 
glise,  et  c'est  aussi  |)Our  eux  que  Tertullien 
écrivit  son  livre  de  la  Fuite  pviukiut  tes  per- 
sécutions. Origèno ,  dans  tout  son  livi'e , 
n'emploie  que  des  preuves  et  des  motifs 
tirés  d(^  I  Ecriture  sainte  ;  il  ne  parle  point  du 
culle  ni  des  honneurs  (juc  l'on  rendait  aux 
mil rt j/rs  iht]s  ce  monde,  mais  seulement  do 
la   i^ioirc   dont    ils  jouissent    dans  le   ciel. 

Dans  la  li  ttre  de  l'Ej^lise  de  Smvrne,  fou- 
chant  le  martyre  do  saint  Polycaipfr,  n.  k, 
on  désap[U'ouve  ceux  qui  vont  se  dénoncer 
eiix-môines,  ]iarce  que  rEvaii;j:ile  ne  l'or- 
donne point  ainsi.  Le  concile  d'Elvire,  tenu 
l'an  300,  can.  60,  décide  que,  si  qui;lqu'un 
brise  les  idoles  et  so  fdit  tuer,  il  ne  doit 
point  êtri!  mis  au  nombre  des  martyrs.  Saint 
Augustin  soutint  de  môme,  contre  les  do- 
uât stes,  que  leurs  circoncellions,  qui  se 
faisaient  tuer  ,  n'étaient  jioint  de  vrais  Hi«r- 
tyrs,  m.iis  des  forcenés;  que  c'était  la  cause 
et  non  la  peine  qui  fait  le  vrai  martyr.  D'au- 
tre part,  le  concile  do  (langrcs,  tenu  entre 
l'an  325  et  l'an  3'd,  can.  20,  dit  anathèmo 
à  ceux  qui  condamnent  les  assemblées  que  l'on 
tient  au  tombeai  des  martyrs,  et  les  services 
(lue  l'on  y  célèbre,  et  qui  ont  leur  mémoire  en 
horreur.L'élaient, sans  doute, dos  manichéens. 
Les  Pères  et  les  cfuiciles  ont  donc  tenu  un 
sage  milieu  entre  l'impiété  de  ceux  qui  blA- 
uiaient  le  martyre  et  la  téniéiité  de  ceux  qui 


le  rcciierchaient  sans  nécessité.  Si  Barbeyrac, 
ses  maîtres  et  les  incrédules,  ses  copistes, 
avaient  daigné  faire  ces  réflexions,  ils  n'au- 
raient pas  accusé  les  Pères  d'avoir  soufflé  lo 
fanatisme  du  martyre,  ni  les  chrétiens  d'y 
avoir  couru  les  nciix  fermés.  Si  une  ou  deux 
fois  dans  trois  cents  ans,  ils  sont  allés  en 
fuulo  se  présiMiter  aux  juges,  il  est  évidcuit 
que  leur  dessein  n'était  jias  de  courir  à  la 
morl,  mais  de  démontrer  aux  magistrats  l'i- 
nutiliti'  de  leur  ciuauté  ,  et  de  les  engager 
<i  se  dé'.sister  de  la  persécution.  C'est  ce  que 
Tertullien  re|)ri'senlnit  à  Scapula,  gouverneur 
de  (Cartilage,  il  ne  faut  jias  cdufondre  les 
chrétiens  en  gé'uéral,  avec  des  héréli([ues 
ennemis  du  chrislianisimî;  les  reproches  des 
liaïens  ne  prouvent  pas  [ilus  que  les  calom- 
nies des  incrédules  modernes. 

Mosheim,  Institut.  Jlisl.  christ.,  sœct.  1, 
1"  part.,  chap.  5,  §  17,  exagère  les  privilèges 
et  les  honneurs  que  l'on  rendait  aux  martyrs 
ot  aux  confesseurs,  soit  pendant  leur  vie, 
soit  afirès  leur  mort;  il  en  résulta,  dit-il, 
de  gran<ls  abus.  Il  ne  (;ite  en  preuve  que  les 
plaiides  de  saint  Cyprien  h  ce  suji^t.  Mais, 
(juantl  il  y  aurait  eu  des  abus  dans  l'Eglise 
tr.'Vfrique,  Cela  ne  prouve  pas  ((u'il  y  en 
avait  de  mômc!  partout  ailleurs;  l'usage  des 
protestants  est  de  voir  de  l'abus  dans  tout  ce 
qui  leur  di'-plait.  Dans  un  autre  ouviage,  il 
aci^use  les  martyrs  d'avoir  pensé  qu'ils  ex- 
piaient leuis  pécli ''S  par  leur  propre  sang,  et 
non  par  celui  di;  Jésus-Christ,  et  il  dit  que 
c'était  la  croyance  commune,  ïlist.  christ.. 
Site.  I,  §  32  ;  il  cite  pour  preuve  Clément 
d'Alexandrie,  Slrum.,  1.  iv,  p.  59(j.A  la  vé- 
rité ce  Père  dit  que  la  r.'solutiiui  de  confes- 
ser Jésiis-(]hrist,  en  bravant  la  mort,  détruit 
tous  les  vices  nés  des  passions  du  corps; 
mais  il  pense  si  peu  que  cela  se  fait  sans 
égard  au  sang  de  Jesus-Christ,  (ju'il  rapporte, 
page  suivante,  les  paroles  du  Sauveur  :  Sa- 
tan a  désiré  de  vous  cribler,  mais  j'ai  prié 
pour  vous.  Luc,  cap.  xxii,  v.  31. 

V.  Le  témoignage  des  martyrs  est  une  preuv» 
solide  de  la  divinité  du  christianisme.  Cela  se 
comprend,  dès  que  l'on  conçoit  lasijjnitication 
du  terme  de  martyr  ou  de  témoin,  et  la  na- 
ture des  preuves  que  doit  avoir  une  religion 
révélée.  Dans  tous  les  tribunaux  de  l'uni- 
vers, la  ]ireuvc  par  témoins  est  admise, lors- 
qu'il s'agit  de  constater  des  faits,  parce  que 
les  faits  ne  peuvent  pas  être  prouvés  autre- 
ment que  par  des  témoignages  ;  elle  n'a  plus 
lieu  lorsqu'il  est  question  d'un  droit  ou  du 
sens  d'une  loi,  parce  ipi'alors  c'est  une  af- 
faire d'opinion  et  de  raisonnement.  Or,  que 
Dieu  ait  révélé  tels  ou  tels  dogmes,  c'est  un 
fait  et  non  une  question  spéculative  qui 
puisse  se  décider  [lar  des  convenances  et  par 
des  conjectures.  Pour  prouver  que  le  chris- 
tianisme est  une  religion  révélée  de  Dieu, 
il  fallait  démontrer  que  Jésus-Christ ,  son 
fondateur,  était  revêtu  d'une  mission  divine, 
(ju'il  avait  prêché  dans  la  Judée,  iju'il  avait 
faillies  miracles  et  des  prophéties,  qu'il 
était  mort,  ressuscité  et  monté  au  ciel;  qu'il 
avait  tenu  telle  conduite  sur  la  terre,  qu'il 
avait  envoyé  le  Saint-Esprit  à  ses  apôtres. 


6G3 


MAR 


MAR 


6(il 


qu'il  avait  enseiy;iitj  telle  doctrine.  Voilà  les 
faits  que  Jésus-Clirisl  avait  ciiarij;é  ses  apô- 
tres d'attester,  en  leiii'  disant  :  Vous  me  ser- 
virez de  témoins,  (■/•(Vî's  mih,i  testes  (Act.  i,  8). 
("est  ce  que  faisaient  les  apôtres,  en  disant  aux 
tulèies  :  «  Nous  vous.'uinonçons  ce  que  nous 
avons  vu  de  nos  yeux,  ce  que  nous  avons 
entendu,  ce  que  nous  avons  considéré  atten- 
tivement, ce  que  nos  mains  ont  touché,  con- 
cernant leA''erbe  de  vie  qui  s'est  montré  parmi 
nous  (/  Joan.  i,  1).  Ce  témoignage  était-il  ré- 
cusable,  surtout  lorsque  les  apôtres  eurent 
dunné  leur  vie  pour  en  confirmer  la  vérité? 

Les  fidèles  convertis  par  les  apôtres  n'a- 
vaient pas  vu  Jésus-Christ,  mais  ils  avaient 
vu  les  apôtrc'S  faire  eux-mêmes  des  miracles 
pour  confirmer  leur  prédication,  et  montrer 
en  eux  les  mêmes  signes  de  mission  divine 
dont  leur  maître  avait  été  revêtu^  Ces  fidèles 
pouvaient  donc  aussi  attester  ces  faits;  en 
mourant  pour  sceller  la  vérité  de  leur  té- 
moignage, ils  étaient  bien  sûrs  de  n'être 
pas  trompés.  Ceux  qui  sont  venus  dans  la 
.«suite  n'avaient  peut-être  vu  ni  miracles  ni 
martyrs  ;  mais  ils  en  voyaient  les  monu- 
ments, et  ces  monuments  dureront  autant 
que  l'h'glise  :  en  soull'rant  le  martyre,  ds 
sont  morts  pour  une  religion  qu'ils  savaient 
être  prouvée  par  les  faits  incontestables 
dont  nous  avons  parlé,  et  que  les  témoins 
oculaires  avaient  signés  de  leur  sang;  qu'ds 
voyaient  revêtue  d'ailleurs  de  tous  les  ca- 
ractèri  s  de  divinité  que  l'on  peut  exiger. 
Que  manque-t-il  à  leur  témoignage  pour 
être  digne  de  foi? 

Malgré  les  fausses  subtilités  des  incrédu- 
les, il  est  démontré  cjue  les  faits  évangéli- 
ques  sont  aussi  certains  ]iar  rapport  à  nous, 
qu'ils  1  étaient  pour  les  apôtres  qui  les 
avaient  vus.  Yoy.  Cerutude  morale.  Un 
martyr,  qui  mourrait  aujourd'hui  pour  attes- 
ter ci'S  faits,  serait  donc  aussi  assuré  de 
n'être  pas  trompé  que  l'étaient  les  apôtres; 
son  témoignage  serait  donc  aussi  fort,  en 
faveur  di-  ces  fa !ts,  que  celui  des  apôtres. 
Tel  est  l'elfet  de  la  certitude  morale  conti- 
nuée pendant  dix-S' pt  siècles;  telle  est  la 
chaîne  de  tradition  qui  rend  à  la  vérité  des 
faits  évangéliqies  un  témoignage  immortel, 
et  qui  en  portera  la  conviction  jusqu'aux 
dernières  générations  de  l'univers.  «  Le 
vrai  martyr,  dit  un  déiste,  est  celui  qui 
meurt  pour  un  culte  dont  la  vérité  lui  est 
démontrée.  »  Or,  il  n'est  point  de  démons- 
tration plus  convaincante  et  plus  infaillible 
que  celle  des  faits. 

A  présent  nous  demandons  dans  quelle 
religion  de  l'univers  on  peut  citer  des  mar- 
tyrs, e'est-à-dlre  des  hommes  cajialjles  de 
rendre  un  témoignage  semblable  à  celui 
que  nous  venons  d'exposer.  On  nous  allè- 
gue des  protestants,  des  albigeois,  des  moii- 
tanistes,  des  mahoinétans,  des  athées  même, 
ui  ont  mieux  aimé  mourir  que  de  démordre 
lie  leuis  opinions.  Qu'avulent-ils  vu  et  en- 
tendu? que  pouvaient-ils  attester?  Les  hu- 
guenots avaient  vu  Luther,  Cdvin  ou  leuis 
di.vci|iles  se  révolter  contre  l'Eglise,  gagner 
des  prosélytes,  faire  avec  eux  bande  à  part, 


[| 


remplir  l'Europe  de  tumulte  et  de  séditions; 
ils  les  avaient  entendus  déclamer  contre  les 
pasteurs  catholiques,  les  accuser  d'avoir 
changé  la  doctrine  de  Jésus-Christ,  per- 
verti le  sens  des  Ecritures,  introduit  des 
erreurs  et  des  abus.  Ils  les  avaient  crus  sur 
leur  parole,  et  avaient  embrassé  les  mêmes 
opinions  :  mais  avaient-ils  vu  l'sprédicants 
faire  des  miracles  et  des  prophéties,  décou- 
vrir li'S  plus  secrètes  pensées  des  cœurs, 
montrer  dans  leur  conduite  des  signes  de 
mission  divine?  Voilh  de  quoi  il  s'agit.  Les 
huguenots  d'ailleurs  n'ont  pas  subi  des  sup- 
plices |iour  attester  la  vérité  de  leur  doctrine, 
mais  parce  qu'ils  étaient  coupables  do 
révolte,  de  sédition,  de  brigandage,  souvent 
de  meurtres  et  d'incendies.  11  en  est  à  peu 
près  de  même  des  autres  hérétiques,  des 
mahométans  et  des  athées;  la  plupart  au- 
raient évité  le  supplice  s'ils  l'avaient  pu. 
Us  sont  morts,  si  Ion  veut,  pour  témoigner 
qu'ils  croyaient  fermement  la  doctrine  qu'on 
leur  avait  enseignée,  ou  qu'ils  prêchaient 
eux-mêmes;  mais  pouvaient-ils  dire  comme 
les  apôtres  :  «  Nous  ne  pouvons  nous  dis- 
penser de  publier  ce  que  nous  avons  vu  et 
entendu?»  Act,  c.  iv,  v.  20.  La  religion 
catholique  est  la  seule  dans  laquelle  il  puisse 
y  avoir  de  vrais  martyrs,  de  vrais  témoins, 
parce  que  c'est  la  seidc  qui  se  fonde  sur  la 
certitude  morale  et  inlaillible  delà  tradition , 
soit  pnur  les  faits,  soit  pour  les  dogmes. 
Lorsque  h  s  ineiédules  viennent  nous  étour- 
dir par  le  nombre,  la  constance,  l'opini  .trotô 
des  prétendus  martyrs  des  fausses  religions, 
ils  démontrent  qu'ils  n'entendent  [las  seule- 
ment l'état  de  la  question. 

VL  Le  culte  religieux  rendu  aux  martyrs 
est  légitime,  louable  et  bien  fondé;  ce  n'est 
ni  une  superstition,  ni  un  abus.  La  certitude 
du  bonheur  éternel  des  martyrs  est  fondée 
sur  la  promesse  formelle  de  Jésus-Christ  : 
Celui,  dit-il,  qui  perdra  la  vie  pour  moi  et 
pour  l'Evangile,  la  sauvera  (Marc,  viii,  35  ; 
Matth.  v,  8;  x,  39;  xvi,  25,  etc.).  Quicon- 
que aura  renoncé  à  tout  pour  mon  nom  el 
pour  le  royaume  de  Dieu,  recevra  beaucoup 
plus  en  ce  monde,  et  la  vie  éternelle  en 
l'autre  {Luc.  xviii,  29;  Matth.  xix  ,  27). 
Je    donnerai    à  celui    qui    aura   vaincu    la 

))uissance  sur  toutes  les  nations Je  le 

ferai  asseoir  à  côté  de  moi  sur  mon  trône, 
comme  je  suis  assis  sur  celui  de  mon  Père 
(Apoc.  Il,  26;  lu,  21,  etc.).  Dans  le  tableau  de 
lagloire  éternelle,  que  saint  Jean  lEvaiigéliste 
a  tracé  sur  L'  jilan  des  assemblées  chrétien- 
nes, il  représente  les  martyrs  placés  sous 
l'autel,  c.  VI,  v.  9.  De  là  l'usag  ^  qui  s'éta- 
blit parmi  les  premiers  fidèles  de  placer  les 
reliques  des  martyrs  au  milieu  des  assem 
blées  chrétiennes,  el  de  célébrer  les  saints 
mystères  sur  leur  tombeau;  nous  le  voyons 
par  les  actes  du  martyre  de  saint  Ignace  et 
de  .'•aint  Polycàrpe.  Voy.  Ueliques. 

Si,  comme  le  soutiennent  les  prolestants, 
les  martyrs  n'ont,  auprès  de  Dieu,  aucun 
pouvoir  d'intercession;  si  c'est  un  abus  de 
les  invoquer  et  d'honorer  les  restes  de  leurs 
imps,  nous  tlemundons  en   quoi    coiisisle 


tan 


MAR 


MAR 


HGC 


le  centuple  en  ce  monde,  ^[l\^\  Jésus-Chiist  Icui- 
a  promis,  /«  puissance  qu'il  leui"  a  (loimi'-i; 
sur  tontes  les  nations,  elle  trône  sur  loijuel 
il  les  a  placés  dans  le  ciel,  l'nurso  iléliarias- 
ser  de  cette  preuve,  les  cal»  iii.sles  ont  ju,;é 
que  le  plus  court  était  tie  rejeter  TApoca- 
lypse.  Ils  ne  répondent  rien  aux  promesses 
<ie  Jésus-Christ,  et  ils  nous  disent  grave- 
ment que  le  culte  des  martyrs  n  est  l'onde 
sur  aucun  passade  de  l'Ecriture  sa  nte;  que 
c'est  un  usage  enjprunté  des  fiaiens,  qui 
lionoraient  ainsi  leurs  braves  et  leurs  héros. 
Avons-nous  aussi  em|)rMnté  d'eux  l'usagci 
de  doinier  une  sé[iulture  lionoraLde  aux 
citoyens  qui  ont  utilement  servi  leur  |iatrie'? 
Lorscpi'ils  ont  exerce''  leur  fureur  contre  les 
reliques  des  martyrs  et  des  autres  saints, 
ils  ont  travaillé  à  détruire  des  monuments 
(jue  les  prenders  tidèles  regardaient  connue 
un(^  des  jilus  fortes  ])reuves  tie  la  divinité 
(lu  christianisme.  Ils  ont  imité  la  conduite 
des  pai(!ns,  i[ui  anéantissaient,  autant  ([u'ils 
pouvaient,  les  restes  des  corps  des  martyrs, 
alin  (|ue  les  chrétiens  ne  pussent  les  re- 
cueillir et  les  hoimrer.  Mais  il  était  île  leur 
intérêt  de  su]iprinu!r  ce  ti''moij;nage  tro]) 
ékiquent;  l'usage  étaiili  depuis  le  coiinnen- 
cemenl,  de  ne  ri'garder  comme  viaisj;i((/7(/;-.s- 
que  ceux  c|ui  étaient  morts  dans  l'unitc  de 
l'Eglise,  était  une  comlanniation  trop  claire 
du  schisnu^  des  protestants.  Julien,  (jui  dé- 
clamait connue  eux  contre  le  culte  rendu 
aux  martyrs,  était  plus  à  portée  qu'eux  d'en 
coimaitre  l'origuie  et  l'aniiquité;  il  pense 
qu  avant  la  mor'i  fie  saint  Jean  i'Evan^éliste, 
les  tombeaux  de  s;iint  Piene  et  de  saint 
Paul  éla  ent  déjà  honorés  en  secret,  et  que 
ce  sont  les  apôtres  qui  ont  ajipris  aux  chré- 
tiens à  veiller  aux  tombeaux  des  martyrs. 
Saint  Cyrille,  contre  Julien,  1.  x.,  j).  327. 
33i.  Et'  comme  il  élait  constant  ipie  Dieu 
conliiinait  ce  culle  par  les  miiaclesqui  s'o- 
péraii'Ut  au  tombeau  des  martyrs,  l»orpii\  re 
les  attril)uait  aux  prestiges  du  démon;  saint 
Jérôme,  contre  Vigilance,  p.  28tj.  Beausobrc 
souti  nt  que  c'étaient  des  inqioslures  et  des 
fouiberies.  i-es  protestants,  ([ui  ont  prétcnihi 

aue  ce  cuite  n'a  connuencé  que  sur  la  lin 
u  m'  ou  au  commencement  du  iV  siècle, 
étaient  très-mal  instruits  ;  il  est  aussi  ancien 
que  l'Elglise  :  on  n'a  fait  alors  que  suivre 
ce  qui  avait  été  établi  auparavant,  et  du 
temps  môme  des  apôtres;  nous  le  verrons 
dans  un  moment.  Mosheim  semble  convenir 
que  le  culte  nés  martyrs  a  commencé  dès 
le  I"  siècle.  Hist.  christ. ,  sœc.  i,  §  32, 
note. 

Un  des  principaux  reproches  que  l'on 
fait  aux  chiétiens  du  iv°  siècle,  c'est  d'avoir 
transporté  les  reliques  des  martyrs  liois  de 
leurs  tombeaux,  ne  les  avoir  partagées  pour 
en  diuiner  à  plusieurs  églises.  Il  faudiaa 
donc  aussi  bhimei-  les  lidcles  du  ii"  siècle, 
([ui  transportèrent  ;i  Antioihe  les  restes  des 
os  de  saint  Ignace  qui  n'avaient  pas  élé 
consumés  p;ir  le  feu,  et  ceux  de  Smyrne, 
qui  recueil  ireiit  de  même  les  os  de  saint 
Polycarpe.  Mais,  disent  nos  censeurs,  il  en  est 
résulté  des  abus  dans  la  suite  ;  on  a  forgé 


de  fausses  reliques  et  de  faux  miracles,  on 
a  rendu  aux  martyrs  le    même    culle   qu'îi 
Jésus-Chiisl.     C'est   une    des    plaintes    de 
iJeausobre  ;   il  n'a    rien   omis    pour   rendre 
odii'ux  h^  culte  que  nous  rendons  aux  mar- 
tyrs; il  en    a  recherché  l'origine;  il  l'a  com- 
paré avec  celui   que  les  [laiens  adressaient 
aux  dieux  et  aux  mAnes  des  héros  ;   il  en  a 
exagéré  les  abus,  Hist.  du  manich.,   I.    ix, 
c.  3,  iî  5  et  suiv.   Ces  tiois  articles  méritent 
ijuelques  moments  d'examen.  Suivant   son 
(■pinion,   le  culte  rt^ligieux  di.'S  martyrs  s'est 
(''tabli  d'abord  par  le  soin  qu'avaient  les  pre- 
miers  chrétiens  d'ensevelir   les    morts;   ils 
jugeaient    les  martyrs    encore    jilus    dignes 
d'une  sé|iulture   honorable    ([ue    les    autres 
morts;    cep(^ndant  on  ne  les  enterrait  pas 
dans  les  églises;  ensuite  |iar  la  coulume  de 
faire  l'éloge  des  justes  défunts,  et  de  célébrer 
leur  mémoire,  surtout  au  jour   anniversaire 
di^    leur  décès;    double   usage,    dit-il,    qui 
était  imité  des  Juifs.  Cependant  les  anniver- 
saires  des  martyrs    ne   commencèrent    (pu- 
veis  l'an  170.  On  célébrait   le  service   divin 
auprès  de    leur   tombeau,  mais  on  ne    les 
piia:t    pas;  l'on    se    bornait   à   louer  et  h 
remercier  Dieu   des   grâces  «pi'il  leur  avait 
accordées.    En    parlant    de    rempressement 
(ju'eurent    les    chrétiens    de    transporter   h 
Aiiticche  les  os  de  sa  nt  Ignace,  l'an  107,  il 
pense  que  ce  zèle  é  ait  nouveau.  On  reuiar 
que,  dit-il,  dans  les  chrétiens  une  atfection 
pour  le  corps  des  martyrs,   qui    paraît   trop 
humaine;  on  serait  bien  aise  de  les  voir  un 
peu  plus  ph  losojihes  sur  l'article  de  la  sé- 
pulture ;    mais    c'est    une    petite   faiblesse 
qu'il  faut  excuser.  Comme  lancienne  Eglise 
n'avait  point  d'autels,  on  ne  commença  d'en 
placer  sur  les  tomheaux    des  martyrs  qu'au 
IV'  s.ècle,  lorsque  la   paix  eut  été  donnée  à 
l'Eglise  ;    et    les  translations    de    reliques 
n'eiM'ent  lieu    que   sur  la  lin   de  ce  même 
siècle.  Bientôt  les  honneurs  accordés   aux 
martyrs  et  à  leurs  cendres  devinrent  exces- 
sifs ;  on  pubha  une  multitude  de  mi(acle<: 
u|)éiés  par  ces  reliques,  etc.  Heureusement 
pour    nous    toute  cette  savante  théorie  se 
trouve  réfutée  parles  monuments,  et  c'est 
de  l'érudition  piodiguée  ii  pure  perte.  Quand 
le  livre    de   rApocalypse    n'aurait  pas   été 
écrit  par  saint  Jean,  1  on  n'a  du  moins  ja- 
ni.iis  osé  nier  qu'il  n  ait  été   fait  sur  la  tin 
du  1"  siècle,  ou  tout  au  commencement  du 
II'.  Nous  y  trouvons  le  plan  des  assemblées 
chrétiennes,   tracé  sous  l'image  de  la  gloire 
éternelle  ;  et  c.  vi,  v.  9,  il  est  dit  :  «  Je  vis 
sous  l'autel  les  âmes  de  ceux  ijui  ont   été 
mis  à  mort  pour  la  pa;ole  île  Dieu,  et  pour 
le  temoiynuge  qu'ils  rendaient.  »  On  n'a  |)as 
oublié  (pie  martyr  et  témoin,  c'est  la  môme 
chose.  Voilà  donc,   dès  les  temps  apostoli- 
((ues,  les  martyrs  placés  sous  lautel,   dans 
les  églises  ou  dans  les  assemblées  des  chré- 
tiens ;    l'on  n'a   donc  pas  attendu  jusqu'au 
iv  siècle  pour  introduire  cet  usage.  Nest-ce 
fias  déjà  lui  signe  assez  clair  d'un  culte  reli- 
gieux.' L'empereur  Julien    avait-il  tort  de 
lienser  (jue  déjà,  du  temps  de  saint  Jean  l'E- 
vangéliste,   les  tombeaux  de    saint    Pierre 


607 


MAR 


et  de  saint  Paul  avaient  été  honorés  ? 
L'an  107,  les  actes  du  martyre  de  saint 
Ignace  nous  apprennent  qu'il  avait  désiré 
que  tnul  son  corps  fiU  consumé,  de  peur  que 
les  fidèles  ne  fussentinquiétés  [lour  avoir  re- 
cueilli ses  reliques  ;  il  savait  donc  que  c'était 
l'usage  des  premiers  chrétiens.  Los  écrivains 
de  ces  actes  ajoutent  :  «  Il  ne  restait  que  les 
plus  dures  de  ces  saintes  reliijues  qui  ont 
élé  recueilliGS  dans  un  linge,  et  trans-iortées 
à  Aiitioche  comme  un  trésor  inestimahle,  et 
laissées  à  la  sainte  Eglise  par  respect  pour 
ce  martyr...  Après  avoir  longtemps  prié  le 
Seigneur,  et  nous  être  eniiormis,  les  uns  de 
nous  ont  vu  le  bienheureux  Ignace  qui  se 
présentait  à  nous ,  et  nous  emlirassait;  les 
autres  l'ont  vu  qui  priait  avec  nous,  ou  pour 

nous,   i7rfy;>;o,u.evov  ïi/^fv NoUS     VOUS    aVOnS 

marqué  le  jour  et  le  temps  ,  afin  que  ras- 
semblés dans  le  temps  de  son  martyre,  nous 
attestions  notre  communion  avec  ce  géné- 
reux athlète  de  Jésus-Christ.  »  Ainsi,  sept 
ans  après  la  mort  de  saint  Jean,  la  coutume 
était  établie  de  recueillir  les  reliques  des 
marlt/rs,  de  les  garder  coonne  un  trésor,  de 
les  placer  dans  le  lieu  où  les  fidèles  s'as- 
semblaient, de  célébrer  comme  une  fête 
l'anniversaire  de  ces  généreux  athlètes ,  et 
tout  cela  était  fondé  sur  la  persuasion  où 
l'on  était  qu'ils  priaient  pour  nous  ou  avec 
nous,  et  sur  le  désir  que  l'on  avait  d'être  en 
communion  avec  eux.  Voilà,  aux  yeux  des 
protestants,  de  terribles  superstitions,  ]ira- 
tiquées  par  les  disciples  immédiats  des 
apôtres  :  il  faut  que  ces  envoyés  de  Jésus- 
Christ  ai'Uit  bien  mal  instruit  leurs  prosé- 
lytes. Mais  ce  sont  de  petites  faiblesses  que 
nos  censeurs  veulent  bien  excuser  par  grâce; 
en  fermant  les  yeux  sur  les  expressions  de 
ces  premiers  chrétiens,  en  reculant  la  date  de 
leurs  usages  jusqu'au  iv'  siècle,  le  scandale 
sera  réparé.  Les  protestants,  devenus  pliilo- 
sophes  sur  l'article  de  la  sépulture,  ont 
trouvé  bon  de  brûler  et  de  jirofaner  ce 
qu'avaient  recueilli  précieusement  les  pre- 
miers chrétiens.  Mais  puisque  ceux-ci 
n'étaient  pas  ithilosophes,  il  se  peut  faire 
que  les  protestants  philosophes  du  xvi'  siècle 
n'aient  plus  été  chrétiens. 

Au  milieu  du  n°  siècle,  l'an  169,  l'Eglise 
de  Smyrne  dit,  dans  les  actes  du  mart;.  rede 
saint  Polycarpe,  n.  17  :  «  L'ennemi  du  salut 
s'eff  rça  de  nous  empêcher  d'en  emporter 
les  reliques,  quoique  plusieurs  désirassent 
dcltf  faire,  et  de  communiquer  avec  ce  saint 

corps Il  fit  suggérer  au  proconsul  par  les 

juifs,  de  défendre  que  ce  corps  ne  nous  fût 
livré  pour  l'ensevelir,  de  peur,  disaient-ils, 
fju'ils    ne    quittent   le   crucifié  pour    (idorer 

celui-ci Ces  gens-là  ne  savaient  pas  qu'il 

nous  est  impossible  d'abandonntT  jamais 
Jésus-Christ,  qui  a  souffert  pour  notre  salut, 
et  d'en  honorer  aucun  autre.  En  effet,  nous 
l'adorons  comme  Fils  de  Dieu,  et  nous  ai- 
mons avec  raison  les  martyrs,  comme  dis- 
ciples et  imitateurs  du  Seigneur,  à  cause  de 
leur  attachement  pour  leur  roi  et  leur 
maître,  et  plaise  à  Dieu  que  nous  soyons 
louis    consorts    et    leurs    condisoip! 'S 


MAR  668 

Après  que  le  corps  du  saint  martyr  a  été 
brûlé,  nous  avons  recueilli  ses  os,  plus  pré- 
cieux que  l'or  et  les  pierreries,  et  nous  les 
avons  placés  où  il  convenait.  Dans  ce  lieiî 
même,  lorsque  nous  pourrons  nous  y  as- 
sembler. Dieu  nous  fera  la  grAce  d'y  célé- 
bier  avec  joie  et  consolation  le  jour  de  son 
martyre ,  afin  de  renouveler  la  mémoire 
de  ceux  qui  ont  combattu,  d'instruire  et 
d'exciter  ceux  qui  viemlront  après  nous.  » 
Il  est  aisé  de  voir  la  conformité  parfaite  de 
ces  actes  avec  ceux  du  martyre  de  saint 
Ignace  ;  il  n'est  donc  pas  vrai  que  les  anni- 
versaires des  martyrs  et  l'usage  de  placer 
leurs  reliques  dans  des  lieux  d'assemblées 
des  fidèles,  datent  seulement  de  l'an  169, 
époque  de  la  mort  de  saint  Polycarpe.  Il  est 
absurde  d'observer  (jue  J'on  n'enterrait  pas 
les  martyrs  dans  les  églises,  lorsqu'il  n'y 
avoit  point  encore  d'édifices  nommés  églises; 
on  les  enterrait,  ou  on  les  jilaçait  dans  un 
lieu  convenable,  pour  y  tenir  l'es  églises  ou 
les  assemblées;  ainsi  les  tombeaux  des 
martyrs  sont  devenus  des  églises,  depuis  le 
commencement  du  ii°  siècle  au  plus  tard. 
Il  est  faux  que  l'ancienne  Eglise  n'ait  point 
eu  d'autels,  puisqu'il  en  est  parlé  dans  saint 
Paul  et  dans  l'Apocalypsr^.  Voy.  Autel.  îI 
l'est  que  les  translations  des  reliques  n'aient 
commencé  qu'à  la  fin  du  iV  siècle ,  puisque 
les  reliques  de  saint  Ignace  furent  trans- 
portées à  Anliociie.  Si  l'on  ne  priait  pas  les 
martyrs,  nous  demandons  en  quoi  consiste 
la  communication  que  l'on  désirait  d'avoir 
avec  eux  par  le  moyen  de  leur  corps  ou 
de  leurs  reliques.  Voy.  Saint,  §  2  et  3. 

.Mais  les  f)rotestanIs  triomplient  parce  que 
les  Smyrnicns  disent,  nous  adorons  Jésus- 
Christ  et  nous  aimons  les  martyrs  ;  or,  les 
aimer,  ce  n'est  pas  leur  rendre  un  culle  re- 
ligieux; les  fidèles  déclarent  même  qu'ils  ne 
j)euvent  rendre  de  culte  à  aucun  autre  qu'à 
Jésus-Christ.  Voy.  Commémoration.  Nous 
conv.'UQns  qu'ils  ne  pouvaient  rendre  à  au- 
cun autre  le  même  culte  qu'à  Jésus-Christ; 
que  ce  soit  là  le  vrai  sens,  on  le  verra  dans 
un  moment.  Mais  pour  savoir  si  l'amour 
pour  les  martyrs,  exprimé  et  témoigné  par 
les  usages  dont  nous  venons  do  parler, 
n'(''tait  pas  un  culte  et  un  culte  religieux,  il 
faut  d'abord  examiner  les  priiicipos  que 
Beausobre  a  posés  à  ce  sujet.  Il  appelle  e(«/fe 
civil  celui  (jui  s'observe  entre  des  liomines 
égaux  par  nature,  maisiiarini  lesquels  le  mé- 
rite et  l'autorité  mettent  de  la  différence, 
1.  IX,  c.  5,  §  6.  Donc  lorsque,  malgré  l'éga- 
lité de  la  nature,  Dieu  a  mis  entre  eux  de 
l'inégalité  par  les  dons  de  la  grâce;  qu'il  a 
daigné  accorder  aux  uns  une  dignité,  une 
autorité,  un  pouvoir  surnaturel  que  n'ont 
pas  les  autres,  les  honneurs  rendus  à  ces 
personnages  privilégiés  ne  sont  plus  un 
culte  civil,  puisqu'ils  ont  pour  motif  des 
qualités  et  des  avantages  que  la  nature  ni  la 
société  civile  ne  peuvent  accorder.  Donc 
c'est  le  mo!if  seul  qui  dépide  et  qui  fait 
juger  si  un  culle,  un  honneur  quelconque, 
est  ciril  ou  religieux.  Ceausubre  embrouille 
la  'iiieslion,  lors(pi'il  définit  le  culte  reli- 


C69 


MAn 


MAR 


670 


aieux,  celui  qui  fait  partie  de  l'honneur  que 
les  hommes  rciuleut  au  souvcrjiin  Eti'i';  cette 
ch'liiiitiôM  est  lausse.  Pi'icr,  lléchir  les  ge- 
noux, se  prosterner,  sont  des  actes  qui  font 
partie  do  l'honneur  dO  à  Dieu  ;  sont-ils  pour 
cela  un  culte  religieux,  lorsqu'on  les  em- 
ploie à  l'égard  des  princes  et  des  grands? 
beausohre  convient  que  non.  Donc  les  diffé- 
rentes espèces  de  culte  nc^  sont  f)oint  carac- 
térisées jiar  les  personnes  auxquelles  on 
les  rend,  mais  par  le  motif  qui  les  fait 
rendre. 

Nous  n'avons  pasd'autros  signes  extérieurs 
pour  honorer  Dieu  que  j)our  honorer  les 
hounnes,  pour  l'ondre  le  culli'  religieux  que 
pour  ténioigner  le  culte  civil,  |)oui-  exprimer 
le  cuite  divin  lU  suprême  que  pour  car.icté- 
riser  le  culte  inférieur  et  suhordonné,  pour 
désigner  un  culte  ahsolu  ipie  pour  indiquer 
uu  culti'  relatil;  donc  c'est  le  motif  ([ui  en 
fa  t  toute  la  dilférence.  t-i  l'honneur  rendu 

I  pour  motif  un  nu'rite,  une  autorité,  uu 
pouvoir,  une  iirééminencc  relative  K  la  so- 
ciété et  il  l'ordre  civil,  c'est  un  culte  civil; 
si  c'est  un  pouvoir,  une  dignité,  un  mérite, 
relatifs  à  l'ordre  de  la  grâce  et  du  salut  éter- 
nel, motif  que  la  rehgion  seule  nnus  fa  t 
connaître  et  nous  inspire,  c'est  un  cidte  re- 
ligieux. Toute  autre  notion  serait  trompeuse 
et  fausse.  Donc  il  est  faux  que  les  méuies 
cérémonies  ipii  s'observent  innocemment 
dans  le  culte  civil  à  l'honneur  d'uin^  cr.  a- 
ture,  ne  soient  plus  permises  dans  le  culte 
religieux,  dès  qu'elles  ont  pour  ohjet  la 
môme  créatuie ,  couime  le  prétend  Beau- 
sobre.  Voy.  Gni.TE.  L'évidence  de  ces  prin- 
cipes démontre  le  ridicule  du  parallèle  ([u'il 
a  voulu  faire  entre  les  honneurs  que  les 
c,illiolii|ues  rendent  aux.  mai'lijrs,  h  leurs 
reliques ,  à  leurs  images,  et  ceux  que  les 
païens  rendaient  aux  dieux  et  <i  leurs  idoles; 
les  uns  et  les  autres,  dit-il,  ont  employé 
|)récisémeiit  les  mêmes  pratiipies,  les  p;  ières, 
les  v(cux,  les  ollVaudcs,  les  statues  portées 
eu  pompe,  les  tleurs  semées  sur  les  lom- 
iK'iuix,  les  cierges  allumés  et  les  lampes,  les 
prostemements,  les  baisers  respectueux,  les 
têtes  accompagn'''es  lie  festins,  les  veilles,  etc. 

II  le  prouve  par  un  détail  fort  long.  .Mais  h 
quoi  sert  tout  cet  étalage  d'érudition?  11 
fiilhiit  examiner  si  les  catlioli([ues  ont  surles 
marltjrs  la  même  opinion,  les  mêmes  idées, 
les  mêmes  senliments  que  les  païens  avaient 
de  leurs  dieux;  si  les  premiers  attribuent 
aux  martyrs  la  même  nature,  les  mêmes 
qu  lités,  le  même  pouvoir,  que  les  seconds 
supposaient  à  leurs  divinités;  c'était  là  toute 
la  question. 

Or,  la  dïtfi'rence  est  sensible  h  tout  homme 
qui  n'est  ])oint  aveuglé  i»ar  reniêtemeut  de 
systèuie.  Les  païens  ont  regardé  leurs  dieux 
connue  autant  d'êtres  siqirèmes,  au-dessus 
desquels  ils  ne  coiniaissaieut  rien ,  comme 
tous  égaux  en  nature,  tous  revêtus  d'un 
pouvoir  indépendant  quoitpic  borné,  et  qui 
n'avaient  point  de  compte  à  rendre  de  l'u- 
sage qu'ils  en  faisaient;  nous  le  prouverons 
en  son  lieu.  Voi/.  I'acanis^ik,  5  3.  Les  catho- 
liques, au  contraire,   rcirnrdent  les  martyrs 


et  les  autres  saints  comme  de  iniros  créa- 
tures (pd  ont  reçu  de  Dieu,  leur  Créateur, 
tout  ce  qu'elles  ont  et  tout  ce  ([u'elles  sont, 
tant  dans  l'ordre  de  la  nature  que  dans 
l'ordre  de  la  grAce  ;  qui  ne  peuvent  rien 
faire  ni  rii'ii  donner  par  elles-mêmes,  mais 
seulement  obtenir  de  Dieu  des  grûces  par 
leurs  prières,  non  en  vertu  de  leurs  mérites, 
mais  en  vertu  des  mérites  do  Jésus-Christ. 
Voy.  Intkhciîssion.  Donc  il  est  impossible  (pu' 
le  culte  catholi(pie  et  le  culte  païen  soient  de 
même  nature  (>t  de  même  espèce.  Beausobre 
lui-même  a  posé  pour  principe  que  le  culte 
extérieur  n'est  rien  autre  choseque  rexjires- 
sion  des  sentiments  d'estime,  de  vénération, 
de  confiance,  de  crainte,  d'amour,  (pie  l'on 
a  |)our  un  être  que  l'on  en  croit  digne  ;  ([ue 
ces  sentiments  ont  leur  cause  dans  l'opiinon 
que  l'on  a  des  perfections  et  du  pouvoir  de 
cet  être,  et  qu'ils  doivent  y  être  proportion- 
nés,  lil).  IX,  c.  4,  §  7.  Sur  ce  principe,  il  a 
décidé  que  le  culte  reiulu  au  soleil  |)ar  les 
manichéens,  par  les  l'(irses,  par  les  sabaïtes, 
par  les  essiuiiens ,  n'était  point  un  culte 
suprême,  ni  une  adorafirui,  ni  une  idolâ- 
trie. Il)i(l.,  0.  1,  §  '2.  Ce  n'est  [loint  ici  le 
lieu  d'examiner  si  cette  liécision  est  vraie 
ou  fausse;  mais  il  s'ensuit  toujours  du  piin- 
cif)e  posé  que  ce  n'est  point  par  les  signes 
extérieurs  qu'il  faut  juger  de  la  nature  du 
culte,  que  c'est  parles  sentiments  intérieurs 
et  par  les  nioiils  de  ceux  qui  le  rendent; 
sentiments  toujours  proportionnés  h  l'ojii- 
nion  qu'ils  ont  du  [lersonnage  ou  de  l'objet 
auquel  ils  le  rendent.  Donc,  puisqu'il  est 
démontré  que  les  catholiques  n'ont  point,  à 
l'égard  des  martyrs,  la  même  opinion  (jue 
les  païens  avaient  de  leurs  dieux,  il  est  ab- 
surde de  conclure  [lar  la  ressemblance  des 
pratiques  extérieures,  que  les  uns  et  les 
autres  ont  pratiqué  le  môme  culte.  Déj?» 
Théodorof,  au  v°  siècle  de  l'Eglise,  en  a  fait 
voir  la  dilTéience,  Therapeut.,  serm.  8.  Une 
autre  afisurdilé  est  de  partir  du  même  prin- 
cipe pour  absoudre  les  manichéens,  et  pour 
condamner  les  catholiques.  Voy.  Pagasissuî, 
8  8.  Une  inconséquence  aussi  palpable  est 
évidemment  affectée  et  malicieuse. 

Quant  à  la  ressemblance  prétendue  entre 
le  culte  lendu  aux  martyrs  par  les  chvé- 
tiens,  et  celui  que  les  païens  rendaient  h 
leurs  héros,  nous  répondons  que  ce  dernier 
était  abusif,  1"  jiarce  (jue  les  païens  hono- 
raient dans  ces  personnages  des  vices  écla- 
tants, plutôt  que  des  vertus;  jamais  ils  n'oiil 
élevé  desaut'ls  à  un  homme  qui  s'était  seu- 
lement distingué  par  des  vertus  morales; 
2°  parce  que  1rs  païens  attribuaient  aux  ;\mes 
des  hiTos  le  même  pouvoir  indépendant  et 
absolu  qui  ne  convient  qu'h  la  Divinité.  Ni 
l'un  ni  l'autre  de  ces  défauts  n'a  jamais 
eu  lieu  dans  les  honneurs  accordés  chez 
les  chrétiens  aux  martyrs  et  aux  autres 
saints. 

11  ne  nous  reste  plus  qu'il  exanniier  les 
abus  vrais  ou  faux  qui  ont  résulté  du  culte 
rendu  aux  martyrs,  h  leurs  reliques  et  à 
leurs  images.  Déjà  nous  avons  été  obligés  de 
reeiarquer  vingt  fois  (pi'il  n'est  rien  de  si 


671 


MAR 


MAR 


672 


saint,  de  si  auguste,  de  si  sacré,  de  quoi 
l'on  ne  puisse  abuser  ;  que  c'est  une  injus- 
tice  de  cont'dndre  l'abus  avec  la  ctiose , 
surtout  lorsqu'il  est  possible  de  prévenir  et 
de  retrancher  les  abus,  sans  toucher  au  fond 
de  la  chose.  N'a-t-on  pas  abusé  du  principe 
même  que  les  protestants  reg'ir;lent  comme 
l'axiome  le  plus  sacré,  savoir,  qu'il  faut 
prendre  l'Ecriture  sainte  |iour  la  seule  rè^le 
(le  la  foi  et  des  mœur-.?  Mais  voyons  les  aiius. 
On  a  supposé  d.in<  les  reliques,  dit  Reaii- 
soljre,  une  vertu  miraculeuse  et  sanctiliante. 
(^ela  est  vrai  :  si  c'est  une  erreur,  elle  est 
foniéesur  l'Ecriture  sainte;  cefle-ci  nous 
atteste  que  les  os  du  prophète  Elisée,  l'om- 
bre de  saint  Pierre,  les  suaires  et  les  tabliers 
de  saint  Paul,  avaient  une  vertu  miraculeuse 
(JV  Beg.  xin,21;  Act.  v,  15;  xi\,  2).  Jésu-- 
C^irist  dit  que  le  temple  sanctitie  l'or,  et  que 
l'autel  sanctifie  l'ollrande  (Matth.  xxiii,  17 
et  19).  Les  relic[ues  rj'un  saint  sont-elles 
moins  susceptibles  d'une  vertu  sanctiliante 
qu'un  temple  et  un  autel"?  Les  protestants 
eux-mêmes  attribuent  cette  vertu  à  l'eau  du 
baptême,  au  pain  et  au  vin  qii'ils  reçoivent 
dans  la  cène;  oii  est  le  rnul?  Les  r.'liques 
honorées  avec  réflexion  nous  suggèrent  des 
pensées  très-sa'utaires ,  confirment  notre 
foi,  excite;. t  notre  courage,  raniment  noire 
espérance,  nous  font  adunrer  Dieu  dans  ses 
saints,  etc.  N'est-ce  [las  là  un  moyen  de 
sanctification?  Les  témoins  du  martyre  de 
saint  Ignace  et  de  saint  Polycarpe  te  conce- 
vaient ainsi  ;  c'est  pour  cela  qu'ils  désirent 
connnuniquer  avec  ci's  saints  corps,  avec  ces 
saintes  reliques.  M.ùs  l'on  a  supposé  de 
fau-^s'-s  reliques,  de  fausses  révélations,  de 
faux  nnracles;  et  à  qui  les  protestants  osent- 
ils  attiibuer  c(^s  faussetés"?  Aux  Pères  les 
plus  respectables  du  iV  et  du  \'  siècle  :  à 
saint  Basile,  à  saint  Jean  Chrysostome ,  k 
saint  Ambioise,  à  saint  Jérôme,  à  saint  Au- 
gustin ,  etc.  Est-il  d  ne  permis  de  calom- 
nier sans  i)reuve"?  Dans  les  bas  siècles, 
les  erreurs  en  ce  geni'C  ont  été  plus  fré- 
quentes qu'auparavant;  mais  l'ignorance 
cr.'dule  n'est  pas  un  crime;  dès  que  les 
pasle  irs  de  l'E-îlise  ont  soupçonné  de  la 
fausseté  ou  de  l'abus,  ils  ont  proscrit  l'un 
et  l'au  re.  L'on  a  loigé  aussi  de  fausses 
prophéties,  de  faux  évangiles,  de  fausses 
histoires;  faut-il  tout  In-iticr,  comme  les 
protestants  ont  fait  ii  l'égard  des  reliques"? 
Nous  convenons  que  les  fêtes  des  ynartyrs 
ont  été  souvent  une  occasion  de  débauche, 
puisque  1  s  conciles  imt  fait  des  décrets 
pour  y  mettre  ordre.  Mais  en  retranchant 
les  fêtes,  les  protestants  ont  du  moins  con- 
servé les  dimanches,  et  souvent  ils  se  sont 
plaints  de  ce  que  ci'S  saints  jours  sont  pro- 
fanés parmi  eux  ;  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il 
faut  encore  aijolir  les  dimanches.  Nous  avons 
assez  réf.. té  les  autres  clameurs  de  nos  ad- 
versaires ;  il  est  faux  que  l'on  ait  érigé  les 
martyrs  en  divinités,  qu'on  leur  ait  rendu 
le  môme  culte  qu'à  Jésus-Christ,  que  l'on 
ait  mis  plus  de  confiance  en  eux  qu'en 
Dieu  et  en  Jésus-Christ ,  etc.  Ces  im- 
postures   ne  peuvent   servir  (ju'à  tromper 


les  ignorants.  L'ère  des  martyrs  est  une 
époque  que  les  Egyptiens  et  les  Abyssins 
ont  suivie  et  suivent  encore,  que  les  inalio- 
métans  même  ont  souvent  marquée  depuis 
qu'ils  sont  maîtres  de  l'Egypte.  On  la  prend 
du  commencement  de  la  persécution  dé- 
clarée par  Dioclétien,  l'an  de  Jésus-Clirist 
202  ou  203.  On  la  nomme  aussi  l'ère  de  Dio- 
ctétien. 

MARTYRE,  supplice  enduré  par  un  chré- 
tien, dans  l'unité  de  l'Eglise,  pour  confesser 
la  foi  de  Jésus-Christ.  On  a  distingué  or- 
dinairement les  martyrs  d'avec  les  confes- 
seurs; par  ces  dirniers,  l'on  entendait  ceux 
qui  avaient  été  tourmentés  pour  la  foi,  mais 
qui  avaient  survécu  aux  souffrances;  et  l'on 
nommait  proprement  martyrs  ceux  qui 
avaient  perdu  la  vie  par  les  supplices. — Voici 
quelles  étaient  communément  les  circonstan- 
ces du  martyre,  selon  M.  Fleur >'. 

La  persécution  commençait  d'ordinaire 
par  un  édit  qui  défendait  les  assemblées 
des  chrétiens,  et  condamnait  à  des  peines 
tous  ceux  qui  refuseraient  de  sacrifier  aux 
idoles.  Il  était  permis  de  fuir  la  persécution, 
ou  de  s'en  racheter  par  argent,  pourvu  que 
l'on  ne  dissimulât  point  sa  foi  ;  et  l'on  bl<l- 
mait  la  témérité  de  ceux  ([ui  s'exposaient  de 
propos  délibéré  au  martyre,  qui  cherchaient 
à  irriter  les  païens,  à  exciter  la  persécution, 
comme  nous  l'avons  observé  dans  l'article 
précédent.  La  maxime  générale  du  chris'ia- 
nisme  était  de  ne  point  tenter  Dieu,  d'at- 
tendre patiemment  que  l'on  fût  découvert 
et  interrogé  juridiquement  pour  rendre 
compte  (le  sa  foi.  Ce  n'est  point  ainsi  qu'en 
oïd  a.ii  les  hérétiques,  lorsqu'ils  ont  voulu 
faire  bande  à  part  ;  leur  grande  ambition  a 
toujours  été  de  braver  publiquement  les 
lois,  et  de  r'sister  h  l'autorité.  —  Lorsque 
les  chrétiens  étaient  pris,  on  les  conduisait 
au  magistrat,  rpii  les  interrogeait  juridique- 
ment. S'rls  niaient  qu'ils  fussent  chrétiens, 
on  les  renvoyait  ortlinairement,  parce  (jue 
l'on  savait  que  ceux  qui  l'étaient  véritable- 
ment ne  le  niaient  jamais,  ou  ([iie  dès  lors 
ils  cessaient  de  l'être.  Quelquefois,  pour  se 
mieux  assurer  de  la  vérité,  on  les  obligeait 
à  faire  (juelque  acte  d'idolâtrie,  comme  à 
présenter  de  l'encens  aux  idoles,  à  jurer 
p.ir  les  dieux  ou  par  le  génie  des  empe- 
reurs, à  lilasphémer  contre  Jésus-Christ,  eif. 
S'ils  s'avouaient  chrétiens ,  on  s'eiforcait 
de  vaincre  leur  constance,  d'abord  jiar  la 
persuasion  et  par  des  promesses,  ensuite  par 
des  menaces  et  par  l'appareil  du  supplice, 
eiitin  par  les  tourments. 

Les  supplices  ordinaires  étaient  d'étendre 
le  [iatient  sur  un  chevalet,  par  des  cordes 
attachées  aux  pieds  et  aux  mains,  et  tirées 
avec  des  poulies  ;  de  le  pendre  par  les 
mains  avec  des  poids  attHchés  aux  pieds; 
de  le  battre  de  verges,  ou  de  le  fiaiiper 
avec  de  gros  bâtons  ou  des  fouets  armés  de 
pointes  nommées  scorpions  ,  ou  des  la- 
nières de  cuir  cru  ou  garnies  de  balles  de 
plomi).  On  a  vu  un  grand  nombre  de  mar 
tyrs  mouiir  ainsi  sous  les  coups.  A  d'au 
très,  après  les  avoir  étendus,  on  briilait  les 


luj  MAU 

coliis,  et  on  les  déchirait  îivpc  des  pL'i;,'ues 
(le  fec,  de  manitre  (|ue  souvent  on  1  'iir  dé- 
couvrait les  ciUns  jus(ju'aux  eiitiaillcs,  et  le 
feu,  |)én6trant  dans  le  corps,  étoulVait  les 
patients.  Pour  rendre  les  plaies  plus  sensi- 
bles, on  les  f  ottait  qiiekpiefuis  de  sel  et  de 
vinaigre  ,  et  on  les  rouvrait  lorsqu'elles 
coinuiençaient  à  se  fermer.  Le  pins  ou  le 
moins  de  rigueur  et  de  durée  de  ces  tor- 
tures dépendait  du  caractère  |)lus  ou  moins 
iruel  des  magistrats,  du  plus  (ju  du  moins 
lie  prévention  et  de  haine  qu'ils  avaient 
tuntre  les  chrétiens.  —  Pendant  ces  tour- 
ments ou  iulerroj^eait  toujours.  Tout  ee  qui 
se  disait  par  le  ju.^e  ou  par  le  patient  était 
écrit  mot  pour  mot  par  des  grelliers.  Ces 
procès-verbaux  iMaiiMit  par  ronséquent  plus 
détaillés  que  les  inlerin^aloires  qui  se  l'ont 
aujourd'hui  dans  li^s  procès  criminels.  Connue 
les  anciens  avaient  l'art  d'écrire  ces  notes 
abrégées,  ils  écrivaient  a  ssi  vite  que  l'on 
|)arla)t,  et  rendaient  les  propres  lermes  des 
nersonnnges.  au  lieu  cpie  nos  procès-ver- 
baux s(jnl  en  tierce  personne,  el  sont  réJi- 
f^és  suivant  le  style  du  grcfiier.  Ceu\  d'au- 
trefois, plus  exacts,  fuiv-nt  rvCuedIis  pir  des 
clnétiens  :  c'est  ce  que  nous  appelons  les 
Acten  authcnlii/ties  des  inarlijrs,  et  ces  actes 
S(!  lisaient  dans  les  assembUn^s  chi'élicnnes, 
aussi  bien  que  l'Ecriture  sainte.  —  Dans  ces 
interr(i|;,it( lires  ,  on  pressait  souvent  les 
clin'tiens  de  dénoncer  ceux  qui  étaient  de 
la  même  religion,  surtout  les  l'véques,  les 
firèlres,  les  uiacres,  et  d"  livrer  les  saintes 
Ecritures.  Pendant  la  persi'culion  de  Dioclé- 
tien,  les  païens  s'altacJièrent  prnicqialeinent 
à  détruire  les  livres  des  chrétiens,  jieisua- 
di'S  que  c'était  le  moyen  le  plus  sur  d'a- 
bolir c.'tte  religion.  .Mais  sur  toutes  ces 
recherches  les  cln-éticns  gardaient  un  secret 
aussi  profond  rpie  sur  les  mystères.  Ils  ne 
nonnnaient  personne;  ils  disaient  (pie  Dieu 
les  avait  instruiis  et  ([u'ils  portaient  les 
saintes  Ecritures  gravées  dans  leurs  cœurs. 
On  nomma  Inutitrurs  ou  traîtres  ceux  qui 
furent  assez  lâches  pour  livrer  les  livres 
saints,  ou  pour  découvrir  leurs  frères  ou 
leurs  past' urs.  —  Après  l'iulerrogatoiro , 
ceux  qui  persistaient  dans  la  confcss  (jii  du 
christianisme  étaient  envoyés  au  supplice; 
mais  plus  souvent  on  les  remettait  en  jinson, 
pour  les  éprouver  plus  longtemps  (  t  pour 
les  tourmenter  j)lusieurs  fois.  Les  prisons 
étaient  ihijà  une  espèce  de  tourment;  on  ren- 
fermait les  martyrs  dans  les  cachots  1  s  plus 
obscurs  elles  plus  infects;  on  leur  mettait 
les  fers  aux  pieds,  aux  ujains  et  au  cou  ;  de 
grandes  pièces  de  bois  aux  jambes,  des 
entraves  pour  les  tenir  élevées  ou  écaitécs, 
pendant  que  le  patient  était  sur  son  dos. 
Quelquefois  on  semait  le  cachot  de  tels  de 
pots  de  terre  ou  de  verre  cassé,  et  on  les  y 
étendait  tout  uns,  et  déchirés  de  coups; 
souvent  on  laissait  corrompre  leurs  plaies, 
ou  les  laissait  mourir  de  faim  et  de  soif; 
d'autres  lois  on  les  nourrissait  et  on  les 
pansait  avec  sdiii,  aiin  de  les  tourmenter  de 
nouveau.  Ordinairement  on  délendail  de  les 
laisser  [)arler  ;»   peisiuinu,   parce  ipi'oti  sa- 


MAR 


r.7i 


viiil  (]U'eii  cet  état  ils  convertissaient  'ueau- 
couii  d'iiitidèhis  ,  quelquefois  jusqu'aux 
g'^ôliers  et  aux  soldats  qui  les  gardaient. 
D'autres  fois  on  donnait  ordre  de  faire 
entrer  ceux  que  l'on  croyait  capables  d'é- 
branler leur  constance,  un  ])ôre,  une  mère, 
une  épouse,  des  enfants,  dont  les  larmes  et 
les  discours  tendres  étaient  une  tentation 
souvent  iilus  dangereuse  que  les  touiments. 
Mais  ordinaircMnent  les  diacres  et  les  lidèles 
visitaient  les  martyrs  pour  h>s  soulager  et 
les  consoler.  —  Les  exécutions  se  faisaient 
communément  hors  des  villes;  et  la  plu|iart 
des  martyrs,  après  avo  r  surmonté  les  tour- 
ments, tiu  par  miracle,  ou  par  leurs  propres 
forces,  ont  lini  par  avoir  la  tète  coupée.  On 
trouve  néanmoins  dans  l'histore  ecclésias- 
tique divers  genres  de  mort,  par  lesquels  les 
païens  en  ont  fait  périr  plusieurs,  comme  de 
les  exposer  aux  bètes  dans  rainphithé.ître, 
de  les  lapider,  de  les  iiriiler  vifs,  de  les 
précipiter  du  haut  des  montagnes,  de  les 
n(jyer  avec  une  [lierre  au  cou,  de  les  faire 
traîner  |)ar  des  chevaux  ou  des  taureaux, 
indomptés,  de  les  écorclier  vifs,  etc.  Les 
fidèles  ne  craignaient  point  de  s'approcher 
d'eux  dans  les  tourments,  de  les  accompa- 
gner au  supplice ,  de  recueillir  leur  sang 
avec  d  -s  linges  ou  des  éponges,  de  conser- 
ver leurs  coi'iiS  ou  leurs  cendres;  ils  n'épar- 
gnaient rien  pour  racheter  ces  restes  des 
mains  des  bourreaux,  au  risque  de  subir 
eux-mêmes  le  martyre.  Quant  à  ces  chrétiens 
soutfrauts ,  s'ils  ouvraient  la  bouche ,  ce 
n'était  (juc  pour  louer  Dieu,  implorer  sou 
secours,  édifier  leurs  frères,  demander  la 
conversion  des  inlidèles. 

Voilà  les  hommes  que  les  incrédules  ne 
rougissent  |)as  de  peindre  comme  des  en- 
têtés, lies  lanatiques,  des  séditieux  juste- 
ment punis,  des  malfaiteurs  o  lieux  :  oi!i 
sont  donc  les  crimes  de  ces  héros  qui  no  sa- 
vaient que  soullrir,  mourir,  et  bénir  leurs 
persécuteurs?  Fleury,  Mœurs  des  chrétiens, 
II'  ])ait.  n.  19  elîuiv. 

MAKTYKOLOCE,  liste  ou  catalogue  des 
martyrs.  Ces  sortes  de  recueils  ne  contien- 
nent ordinairement  (pie  1'  nom,  le  lieu,  le 
jour,  le  genre  du  martyre  de  chaque  saint. 
Comme  il  y  en  a  pour  chaque  jour  de  l'an- 
née, l'usage  est  établi  dans  l'Eglise  romaine 
de  lire  tous  les  jours,  à  jirime,  la  liste  des 
martyrs  honorés  ce  jour-là.  Baronius  donne 
au  pape  saint  Clément  la  gloire  d'avoir  in- 
troduit l'usage  de  recueillir  les  actes  des 
martyrs,  et  ce  pontife  a  vécuimmédiatemeit 
apiès  les  ap(^tr  s. 

Le  murtyroloye  d'Eusèbe  de  Césarée,  fait 
au  iv"  siècle,  a  été  l'un  des  plus  célèbres  de 
l'ancienne  Eglise  :  il  fut  traduit  en  l.itin  par 
saint  Jér(jme  :  mais  il  n'en  r:  ste  que  le 
catalogue  des  martyrs  qui  soutfrirent  dans 
la  Palestine  pendant  les  huit  dernières 
années  de  la  persécution  de  Dioclétien,  et 
qui  se  trouve  à  la  Un  du  huitième  livre  de 
l'Histoire  ecclésiastique.  Dans  ce  temps-là  il 
n'était  p.is  possible  à  un  particulier  d'a\iiir 
connaissance  de  tous  les  martyrs  ijui  avaient 
souffert  dans  lesdilléientus  parties  tiu  moudo 


675 


MAR 


MAS 


C7(5 


--Celui  que  l'on  attribue  ?»  Bède,  dans  le 
VIII''  siècle,  est  suspect  en  quelques  endroits, 
parce  que  Ton  y  trouve  le  nom  de  quelques 
saints  qui  ont  vécu  après  lui  ;  mais  ce  i)OU- 
vait  (Mre  des  additions  qui  y  ont  été  faites 
'lans  la  suite. 

Le  ix°  siècle  fut  fécond  en  martyrologes. 
On  y  vit  paraître  celui  di'  Fiorus,  sous-diacre 
lie  l'église  de  Lyon,  qui  ne  (it  cependant  (|ue 
i  emplir  les  vides  ilu  wartf/rologe  deBède; 
celui  de  Wandell)crt,  moine  dû  diocèse  de 
Trêves  ;  celui  d'Usuaril ,  moine  français  , 
qui  le  composa  par  ordre  de  Charles  le 
Cliauve  :  c'est  celui  dont  l'Ef^lise  romaine  se 
sert  ordinairement;  ccliù  de  Uaban-Maur, 
qui  est  un  supplément  à  celui  de  Bède  et  i!e 
Fiorus,  et  (pii  fut  com])Osé  vers  l'an  8i5. 
Le  martyrologe  d'Adon,  moine  jde  Ferrières 
en  Gâtinais,  ensuite  de  Prum,  dans  le  dio- 
cèse de  Trêves  ,  et  enfin  archevêque  de 
Sienne,  est  une  suite  du  martyrologe  romain 
d'Usuard  :  en  voici  l'orij^ne,  selon  le  l'ère 
du  Soliier,  l'un  des  Bollandistes.  Le  Mar- 
tyrologe de  saint  Jérôme  est  le  fond  du 
grand  romain  ;  de  celui-là  on  a  fait  le  petit 
romain,  imprimé  par  Rosweidc ,  jésuite, 
mort  cl  Anvers  en  1629;  de  ce  petit  romain, 
avec  celui  de  Bède,  augmenté  par  Fiorus, 
Adon  a  fait  le  sien,  en  ajoutant  ;\  ceux-là 
ce  qui  y  manquait.  11  le  compila  à  son 
refour  de  Rome,  en  858.  Le  martyrologe  de 
Névelon,  moine  de  Corbie,  écrit  vers  l'an 
1089,  n'est  proprement  (ju'un  abrégé  d'Adon, 
avec  les  additions  do  quelques  saints.  Le 
])ère  Kircher  yiarle  d'un  martyrologe  des 
cophtes,  gardé  dans  le  collège  des  maronites, 
à  Kome.  On  en  a  encore  d'autres,  tels  que 
celui  de  Notker,  surnommé  le  Bègue,  moine 
de  l'abbaye  de  Saint-Gall  en  Suisse,  fait  sur 
celui  d'Adon,  et  publié  en  89'i-  ;  celui  d'Au- 
gustin Bellin  de  Padoue;  celui  de  François 
Maruli,  dit  Maurolkua  ;  celui  de  Vander 
Meulen,  nommé  Molanus,  qui  rétablit  le 
texte  d'Usuard,  avec  de  savantes  remarques. 
Galerini,  protonotaire  apostolique,  en  dédia 
un  à  Grégoire  Xlll,  mais  qui  ne  fui  point 
approuvé.  Celui  que  Baronius  donna  en- 
suite, accompagné  de  notes,  fut  mieux  reçu 
et  ap[)rouvé  par  Sixte  V  :  c'est  le  martyro- 
loge moderne  de  l'Eglise  romaine.  L'abbé 
Chastelain,  connu  par  son  érudition,  donna, 
en  1709,  un  texte  de  ce  martyrologe  traduit 
en  français,  avec  des  notes,  et  il  avait  en- 
trepris un  commentaire  plus  étendu  sur 
tdut  ce  livre,  dont  il  a  paru  un  volume,  qui 
renferme  les  deux  premiers  mois. 

11  y  a  eu  filusieurs  causes  de  la  différence 
qui  se  trouve  entre  les  martyrologes  et  des 
faits  apocryphes  ou  incertains  qui  s'y  sont 
glissés.  1°  La  malignité  des  hérétiques,  et  le 
zèle  peu  éclairé  de  quelques  chrétiens,  qui 
ont  supposé  des  actes  ou  les  ont  inter|iolés. 
2°  La  perte  des  actes  vi'ritables,  arrivée  pen- 
dant la  persécution  de  Dioclétien  ou  pendant 
l'invasion  des  barbares,  actes  auxquels  on  a 
voulu  suppléer  sans  avoir  de  bons  mé- 
moires. 3°  La  crélulité  des  légendaires,  qui 
ont  tout  adopté  sans  clioix,  ou  qui  ont  lait 
des  actes  selon  leur  goût.  4-°  La  dévotion  mal 


entendue  des  peuples,  qui  s'est  empressée 
d'accréditer  les  traditions  fausses  ou  incer- 
taines. 5°  La  timidité  des  écrivains  plus 
sensés,  qui  n'ont  pas  osé  attaquer  de  front 
les  préjugés  populaires.  Il  est  vrai  cepen- 
dant que  depuis  la  renaissance  des  lettres 
et  de  la  critique,  les  bollandistes,  MM.  do 
Launoi,  de  Tillemont,  Baillet  et  d'autres,  ont 
purgé  les  Vies  des  saints  de  tous  les  faits 
a 'ocryj^lies,  qui,  loin  de  contribuer  à  l'édifi- 
cation des  tidèles,  ne  servaient  qu'à  exciter 
la  censure  des  hérétiques  et  des  incrédules. 
Dom  Thierry  Uuinart  a  donné,  en  1689,  un 
recueil  de  Actes  sincères  des  martyrs,  avec 
une  savante  préface.  Outre  que  la  plupart 
sont  tirés  de  monuments  authentiques,  les 
caractères  de  simplicité,  d'antiquité  et  de 
vérité  que  l'on  y  aperçoit ,  démontrent  que 
ces  actes  'n'ont  pas  été  composés  dans  le 
dessein  d'exagérer  les  faits,  et  d'exciter  l'ad- 
miration des  lecteurs.  Cependant  le  père  Ho- 
noré de  Sainte-Marie ,  carme  déchaussé, 
dans  ses  Réflexions  sur  Vusage  et  les  règles 
de  la  critique,  t.  1,  dissert,  i,  prétend  que, 
selon  les  règles  établies  par  dom  Ruinart,  il 
y  a  dans  cette  collection  quelques  actes  qui 
n'auraient  pas  dû  y  être  admis,  et  que  l'on  en 
a   exclu  d'autres  qui  méritaient   d'y  entrer. 

Les  protestants  ont  aussi  leurs  martyrolo- 
ges. Il  y  en  a  en  ang'ais,  qui  ont  été  com- 
posés par  J.  Fox,  par  Bray  et  par  Clarke; 
mais  peut-on  donner  le  nom  de  martyrs  à 
quelques  fanatiques  qui ,  sous  la  reine 
Marie ,  furent  punis  pour  leurs  emporte- 
ments? Les  calvinistes  de  France  ont  aussi 
dressé  la  liste  de  leurs  prétendus  martyrs,  et 
l'ont  entlée  tant  qu'ils  ont  pu  ;  il  est  cependant 
certain  que  la  cause  de  leur  suppplice  ne  fut 
pas  leur  religion,  mais  que  ce  furent  les 
excès,  les  violences,  les  séditions  dont  ils 
s'étaient  rendus  coupables. 

On  appelle  aussi  martyrologe  le  registre 
d'une  sacristie,  dans  lequel  sont  contenus 
les  noms  des  martyrs  et  des  autres  saints 
dont  on  fait  l'olïïce  ou  la  mémoire  chaque 
jour,  tant  dans  la  ville  et  dans  le  diocèse, 
que  dans  l'Eglise  universelle.  Il  ne  faut  pas 
le  confondre  avec  le  nécrologe,  qui  confient 
la  liste  des  fondations,  des  obits,  des  priè- 
res et  des  messes  que  l'on  doit  dire  chaque 

jôu''- 

MASBOTHÉENS  ou  MASBUTHEENS,  nom 

de  secte.  Eusèbe,  d'après  Hégésijijje,  Hist 
ecclésiast.,  1.  iv,  c.  22,  parle  de  deux  sectes 
de  masbothécns;  les  uns  étaient  connus 
parmi  les  Juifs  du  temps  de  Jésus-Christ,  les 
autres  parurent  au  i"  ou  au  ii°  siècle  de 
l'Eglise.  Il  rapporte  leur  nom  à  un  certain 
Masbolhée,  qui  était  leur  chef;  mais  il  est 
plus  probable  que  c'est  un  mot  chaldéen  ou 
syriaque,  qui  vient  de  scabat ,  repos  ou 
reposer,  et  qu'il  désigne  des  observateurs 
scru[)uleux  du  sabbat.  Ainsi  il  parait  que  les 
premiers  étaient  des  juifs  superstitieux,  qui 
prétendaient  que  le  jour  du  sabbat  l'on 
devait  s'al>stenir  non-seulement  des  œuvres 
servilcs,  mais  encore  des  actions  les  plus 
ordinaires  de  la  vie,  et  (pii  passaient  ce  joui 
dans  une  oisiveté   absolue.    Les    seconds 


077 


MAS 


étaient  probableiTiftnt  dos  juifs  mal  convertis 
«•m  chrislianisnio,  qui  poiisaient,  coiiimo  les 
i''i)ioiiites ,  que  sous  l'Evniv^ilf  il  fallait 
continuer  h  obsei'vor  les  rites  judjuqiies, 
qu'il  fallait  chômer,  non  le  (liiiianche,  mais 
le  sal>l)at,  CDinme  les  Juifs.  Voij.  S\iiiiatai- 
RKS  et  les  Noies  de  Valois  sur  l'ilist.  eccle- 
sidsl.  (VEusèhr. 

MASCAUADE.  Un  ancien  usa^e  des  païens 
était  de  se  masquer  le  pfemier  jour  de  jan- 
vier, de  prendre?  la  ligure  de  certains  ani- 
maux, comme  de  vache,  de  cerf,  etc.,  de 
courii-  ainsi  les  mes,  de  taire  des  avanies  et 
des  indéccuc(!S.  Un  concile  d'Auxerre,  tenu 
i'aii  585,  défend  aux  chrétiens  d'imiter  cette 
coutume  ;  et  un  ancien  pénitenliel  romain 
impose  trois  ans  de  pénitence  à  ceux  (piiau- 
rai(;nt  donné  ce  scandale.  Voy.  les  Notes  du 
Père  Mémtrd  sur  le  Sacramentairc  de  saint 
Grégoire,  p.  252. 

Déjà  la  loi  de  Moïse  défendait  aux  femmes 
de  s'habiller  en  hommes,  et  aux  hoimuos 
de  prendre  des  habits  de  femmes.  ])arce  que 
c'est  une  abomination  devant  Dieu  (  Dent. 
XXII,  5).  Ucs  conuuentateurs  observent  que 
chez  les  païens,  les  prêtres  de  \  éuus,  dans 
certaines  cérémonies,  s'habillaient  en  fem- 
mes, et  ([ue,  pour  sacrilier  .^  Mars,  les  fem- 
mes se  revêtaient  des  babits  et  des  armes 
d'un  homme  ;  c'éiait  donc  une  des  supersti- 
tions de  l'idol.'ltrie  que  la  loi  interdisait  aux 
Juifs.  D'ailleurs,  les  auteurs  même  profanes 
remarquent  (jue  ces  sortes  de  mascarades 
avaient  toujours  pour  but  le  libertinage  le 
plus  grossier,  et  ne  manquaient  jamais  d'y 
conduire.  On  sait  assez,  cpie  chez  nous, 
connue  ailleurs,  ceux  qui  se  déj^uisent  pour 
se  trouver  dans  des  assemblées  noctui'ues, 
no  le  font  que  pour  jouir,  sous  le  mas({ue  , 
d'une  liberté  (pi'ils  n'oseraient  pas  prendre 
à  visage  découvert.  Ce  n'est  donc  pas  sans 
raison  c{ue  les  tiiéologiens  moralistes  font 
un  cas  de  conscience  de  ce  pernicieux 
usage. 

MASORE,  MASOnÈTES.  De  l'hébreu  ma- 
sar,  donner,  liv.er,  les  rabbins  ont  fait  ma- 
sorah,  tradition,  et  ils  nomment  ainsi  le  tra- 
va'l  entrepris  pai'  les  docteurs  juifs,  pour 
servir,  disenl-ils,  de  Itaiehhi  loi,  c'est-à-diro 
pour  prévenir  tous  les  ehangements  qui 
pourraient  être  faits  dans  le  texte  hébieude 
l'Ecriture  sainte,  et  pour  le  conserver  dans 
mie  intégrité  parfaite  ;  et  l'on  a|)pelle  maso- 
rèles  ou  massoretles  ceux  qui  ont  contribué 
à  ce  travail.  Ce  dessein  était  louable,  sans 
doute,  mais  le  succès  y  a  mal  répondu  ;riii- 
diislF'ie  miuulieuse  de  ces  grammairiens  s'est 
lioriiée  à  lompter  les  |)lirases,  les  mots  et  les 
lettres  de  chaipu;  livrede  l'Ancien  Testament, 
h  marquer  le  verset,  le  mot  et.  la  leitre  qui 
font  précisément  le  milieu  de  chaque  livre, 
à  dire  combien  de  fois  tel  mot  hébreu  se 
trouve  dans  le  texte  sacré,  etc.  On  leur 
attribue  encore  le  méi'ite  d'avoir  inventé  les 
sigi  es  qui  tiennent  lieu  de  points,  tie  virgu- 
les, d'accents,  et  les  points-voyelhis  qui  ué- 
ter  minent  la  prononciation  de  ehaque  mot. 

11  ne  faut  pas  confondre  la  iiuisore avec  ]n 
cabale;  la  première  est  la  manière    dont    il 


MAS  IÎ78 

faut  lire  le  texte  sacré;  la  seconde  est  la 
méthode  ([ii'il  faut  suivre  pour  en  iiieudro 
le  sens;  les  juifs  prétendent  tenir  l'une  et 
l'autre  de  la  même  source,  et  font  remonter 
cette  double  tradition  jusqu'à  ^loise;  mais 
l'une  de  ces  pi'étentions  n'est  pas  miens 
fondée  (pie  l'autre.  Parmi  les  hébraisants,  et 
surtout  parmi  les  protestants  {|ui  ont  jugé 
que  la  tradition  des  juifs  est  plus  respecta- 
ble, et  mérite  plus  de  croyance  (jue  celle  de 
l'Eglise  chrétienne!,  [ilusicurs  ont  fait  re- 
monter l'origine  de  la  )/ws'o*"c  jusipi'à  Esdras 
et  à  la  grande  synagogue  (pi'il  établit,  ou  du 
moins  jusqu'au  temps  auquel  la  langue 
hél)rai(]ue  cessa  d'être  vulgaire  pai-mi  les 
Juits.  D'autres  lattribuenl  aux  rabbins  (pii 
enseignaient  dans  la  fameuse  école  de  Tibé- 
riade,  au  v°  et  au  vi'  siècle;  quelques-uns 
ont  prétendu  que  ce  travail  est  encore  plus 
moderne. 

Dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  In- 
scriptions,lowie  XX,  in-12,  p.  222,  il  y  a  une 
dissertation  dans  hiepielle  M.  Fimmiooi  laine 
prouve,  })ar  un  manuscrit  de  labibliolhè([ue 
du  roi,  que  la  masore,  et  surtout  la  ponc- 
tualion  du  texte  hébreu  qui  en  fait  la  partie 
priiici|jale,  a  été  faite,  non  à 'l'ibériade.  mais 
h  NéhanUa,  dans  la  Chaldée,  au  milieu  du 
iw  siècle,  entre  les  années  do  Jésus-Christ 
2'i.''i.  et  2()0;et  il  témoigne  faire  la  plus 
grande  estime  de  ce  travail.  Cette  disserta- 
tion est  de  l'année  \.T.'A.  Mais  il  fauteiue  ce 
savant  académicien  ait  changé  d'avis,  puis- 
qu'on l'/'fO  il  a  voulu  prouver  (juc  les  Sep- 
tante n'ont  pu  fair«  leur  traduction  telle 
qu'elle  est,  que  sur  un  texte  hébieu  ponc- 
tué; selon  ce  système,  il  faudrait  faire  re- 
monter l'origine  de  la  masure  jusqu'à  l'an 
2'JO  avant  Jésus-Christ,  par  conséiiuent  à 
plus  de  cinq  cents  ans  avant  le  milieu  du 
m'  siècle.  Histoire  de  l'Acad.  des  Inscrip- 
tions, t.  Vil,  in-12,  ().  300.  La  diversité  des 
0|iinions,  touchant  cette  question  sui'  la- 
(}uelle  on  a  beaucoup  écrit,  a  déterminé  la 
])lupart  des  critiques  à  penser  que  la  »«(.s'o/-e 
n'est  l'ouvrage  ni  d'un  seul  grammairien,  ni 
d'iuic  même  école,  ni  d'un  même  siècle  ; 
que  ceux  de  la  Chaldée  et  ceux  de  Tibériade 
y  ont  contribué;  que  d'autres  rabbins  y  oui 
travaillé  après  eux  à  diverses  reprises,  jus- 
qu'aux XI''  et  xu'  siècles,  temps  auquel  on 
y  mit  la  dernière  main  :  et,  dans  ce  sens, 
la  masure  porte  à  juste  titre  le  noiu  de  tra- 
dition, puisque  c'est  un  ouvrage  qui  a  passé 
successivement  par  plusieais  maiis.  De  sa- 
vuii-  quelle  estime  l'on  doit  faire  de  cet  ou- 
vrage, et  quel  degré  de  cunliance  on  peut  y 
donner,  c'est  une  autie  question  sur  laquelle 
les  avis  sunt  également  partagi;s,  mais  qui 
nous  parait  indépendante  de  la  précédente. 
Tuisque  la  S;gnilicatioii  d'une  iulinité  de 
niots  hébreux  dé[iend  de  la  manièie  dont 
ils  sont  [)unctaés  el  [irononcés,  en  quelque 
tem;  s  cjue  la  ponctuation  en  ait  été  faite,  il 
sera  toujours  permis  de  douter  si  ceux  qui 
en  sunt  les  auteurs  avaient  conservé  par  une 
tradition  certaine  la  vraie  prononciation  de 
ces  termes,  par  conséquent  le  vrai  sens,  dé- 
terminé par  les  points  voyelles  qu'ils  y  ont 


C70 


MAS 


MA.S 


680 


mis.  Ce  douife  nous  pnraît  fondé  sur  ùcs  laits 
et  sur  des  raisons  auxquelles  nous  ne  voyons 
pasqueles  critiques  se  soient  donné  la  (leine 
de  satisfaire.  1°  Il  Y  a  un  grand  nombre  de 
termes  auxquelslesSeptante  n'ont  lasdonné 
le  môme  sens  que  les  pararihrastes  chal- 
déens  ;  que  les  uns  et  les  autres  se  soient 
servis  d  exemplaires  hébreux  ponctués  ou 
sans  points,  cela  nous  est  égal  ;  il  en  résulte 
toujours  que  les  premiers  ne  prononçaient 
pas  comme  les  seconds, tous  les  termes  dont 
le  sens  varie  selon  la  prononciation,  et  que 
sur  ce  chef  la  tradition  juive  n'était  rien 
moins  que  constante  et  certaine.  2"  Lors- 
que OrigiMic  a  fait  les  Hexaples,  et  qu'il  a 
écrit  le  texte  hébreu  en  caractères  grecs,  il 
n'en  a  pas  toujours  fixé  la  prononcialiou 
d'une  manière  conforme  à  la  ponctuation  des 
masontcs;  il  est  aisé  de  s'en  convaincre  par 
la  cnnfro:  tation.  Ce.  endant  Origène  travail- 
lait aux  Hexaples  dans  le  mt'me  temps  au- 
,  quel  on  supiiose  que  les  rabbins  étaient  oc- 
cupés de  la  ponctuation. Oue  celle-ci  ait  été 
faite  à  Tibériade  ou  dans  la  Chaldée,  cela 
est  encore  indiii'éreiit,  il  s'ensuivra  toujours 
que  les  rabbins  de  la  Palestine,  desquels 
Origène  avait  apiiris  à  lire  l'hébreu,  ne  le 
pronoi'c;aient  pas  exactement  comme  ceux 
de  la  Chaldée.  3°  11  nous  paraît  imposs  ble 
que,  depuis  le  moment  auquel  l'hébreu  a 
cessé  d  être  langue  vulgaire,  la  prononcia- 
tion du  texte  ait  pu  être  tououis  la  môme 
dans  la  s  lialdée,  dans  la  Palestine  et  en 
Egypte.  Aucun  peuple  de  l'univers  n'a  con- 
servé exactement  la  prononciation  de  sa 
langue  dans  les  migrations  qu'il  a  faites,  et 
après  avoir  essuyé  différentes  révolutions. 
Les  Italiens,  les  Espagnols,  les  Français,  ne 
prononcent  point  de  même  les  ternies  latins 
qu'ils  ont.  retenu  chacun  dans  sa  langue  ; 
ils  prononieiit  même  ditféremment  le  latin 
écrit  dans  les  livies,  quoique  cette  langue 
ait  ses  voyelles  invariables,  et  ipielle  soit 
aussi  sacrée  pour  nous  que  l'hébreu  l'était 
pour  les  .Juifs  ;  admettrons-nous  un  miracle 
pour  croire  que  la  même  chose  n'est  pas 
arrivée  chez  eux  ?  De  là  il  nous  parait  natu- 
rel de  conclure  que  la  confrontation  des  an- 
ciennes versions  chaldaiqaes,  grecques,  sy- 
riaques, arabes,  latines,  est  beaucoup  plus 
utile  pour  l'intelligence  dutcxte  hébreu, que 
la  ponctuation  des  mnsorètes. 

MASSALILNS  ou  ME8SAL1ENS,  nom  d'ail; 
ciens  sectaires,  tiré  d'un  mot  hébreu  qui 
signilie /prière,  parce  qu'ils  croient  que  l'on 
doit  [irier  continuellement,  et  que  la  prière 
peut  tenir  lieu  de  tout  autre  moyen  de  sa- 
r  ,ut.  Ilsfurent  nommés  par  les  Grecs,  euclutes, 
pour  la  même  raison. 

Saint  Epi))hane  distingue  deux  sortes  de 
7nassaliens;  les  plus  anciens  n'étaient,  selon 
lui,  ni  thiétieiis,  ni  .juifs,  ni  samaritains  ; 
c'étaient  des  païens  qui,  admettant  plusieurs 
dieux,  n'en  adora.ent  cependant  qu'un  seul 
qu'ils  nommaient  le  Toul-Puiasanl,  on  le 
Très-Haut.  1  illemont  pense,  avec  assez  de 
raison,  que  c'étaient  les  mêmes  que  les  hi/- 
psistaires  ou  lujpsistariens.  Ces  ituiasaUens, 
di',  saint  Epiphane,  oiitfaitbàtiren  plusieurs 


lieux  des  oratoire»  éclairés  de  flambeaux  et 
de  lampes,  assez  semblables  à  nos  églises, 
dans  lesquels  ils  s'assemblent  pour  juier  et 
pour  chantei'des  h>mne<àl  honneurdeUieu. 
Scaliger  a  cru  que  c'étaient  des  juifs  essé- 
niens,  mais  saint  Epi|ihane  les  distingue 
f 'imellcinent  d'avec  toute<lessectes  de  juifs. 
il  parle  des  autres  mnnsaliens  comme  d'une 
secte  qui  ne  faisait  que  de  naître,  et  il  écri- 
vait sur  la  (indu  iV  siècle.  Ceux-cifaisaient 
profession  d'être  chrétiens  ;  ils  prétendaient 
que  la  iM'ière  était  l'unique  moyen  de  salut, 
et  sullisait  pour  être  sauvé;  plusieur-s  moi- 
nes, ennemis  du  travail,  et  obstinés  à  vivre 
dans  l'oisiveté,  embrassèrent  cette  erreur, 
et  y  eu  ajoutèrent  plusieurs  autr'es.  Ils  di- 
saient que  chaque  homme  tirait  de  ses  pa- 
rents, et  apiiortait  en  lui,  en  naissant,  un 
démon  qui  possédait  son  Ame,  et  le  portait 
toujours  au  mal;  que  le  baptême  ne  pouvait 
chasser  entièrement  ce  démon  ;  qu'ainsi  ce 
sacrement  éta  t  assez  inutile;  que  la  prière 
seule  avait  la  vertu  de  mettre  en  fuite  jiour 
toujours  l'esprit  malin  ',  qu'alors  le  Saint- 
\'.s\)iil  descendait  dans  l'.'ime,  et  y  donnait 
des  mai'ques  sensibles  de  sa  présence,  par 
des  illuminations,  par  le  don  de  prophétie, 
par  le  [n'ivilége  de  voir  distinctement  la  Di- 
vinité et  les  plus  secrètes  |iensées  des  cœurs, 
etc.  ils  ajoutaient  (jue,  dans  cet  heureux 
état,  l'honnue  était  alfranchi  de  tous  les 
mouvements  tles  passions  et  de  toute  incli- 
nation au  mal,  qu'il  n'avait  ))lus  besoin  de 
jeûnes,  de  mortiiicatioiis,  de  tr'avail.  de  bon- 
nes œuvres  ;  qu'il  était  semblable  à  Dieu, 
et  absolument  im()eccable.  On  ne  doit  jias 
être  surpris  de  ce  que  ces  illum  nés  donnè- 
rent tians  les  derniers  excès  derim|nété,  de 
la  démence  et  du  libei-tinage.  Souvent,  dans 
les  accès  de  lenr  enthousiasme,  ils  se  met- 
taient à  danger,  à  jauter,  à  faire  des  cou- 
torsions,  et  disaient  qu  ils  sautaient  sur  le 
diable;  on  les  nomma  enthousiastes,  cho- 
i-eutes  ou  danseurs,  adeliihiens,  eustathieiis, 
du  nom  de  quelques  uns  de  leurs  chefs, 
psalieiis,  ou  chanteurs  de  psaumes,  euiihé- 
luitcs,  etc.  Ils  furent  conilamnés  dans  ])lii- 
sieurs  conciles  particuliers  et  par  le  concile 
général  d'Ephèsc,  tenu  eu  i.'il,  et  les  empe- 
reurs portèrent  des  lois  contreeux.Les  évo- 
ques déleudiient  de  leievoir  ces  hérétiques 
à  la  communion  de  l'Eglise,  parce  qu'ils  ne 
faisaient  aucun  scrupule  de  se  |  arjnrer,  de 
renoncer  à  leurs  erreurs,  d'y  retomber  et 
d'abuser  de  l'indulgeiice  de  1  Eglise  (Ij. 

Un  vit  l'cnaitre  au  x"  siècle  une  autre 
serte  d'eurhitcs  ou  tmissaliens,  qui  était  un 
rejeton  des  muniiiiéciis;  il-udmeltaient  deux 
dieux  liés  d'nn  premier  être;  le  plus  jeune 
gouvernait  le  ciel; l'aîné  présidait  à  lateire; 
ils  nommaient  cel..i-ci  Satan,  et  supposaient 
que  ces  deux  frères  se  faisaient  une  gne  re 
co  tinuelle,  mais  qu'un  jour  ils  devaient  se 
réL-oncilier  [i).  Enlni  il  parut  encore  au  vu* 
siècle  des  euchites  ou  muasalicns,  que  l'oii 
prétend  avoir  été  la  tige  des  bugomiles  ;  il  no 

(1)  loy.  Tilleiiiont,  loin.  Vlil,  p:ig.  527. 

[i)  1,0  Cltiv,   ISiUliolli.  Univ.,  loni.  \V,  pug.  119. 


661 


MAT 


MAT 


iWS 


serait  pas  aisé  de  montrer  ce  que  ces  divers 
sectaires  ont  eu  de  coniraun,  et  ce  qu'ils 
avaient  de  particulier.  Mosheini  conjecture 
que  les  (irecs  donnaient  le  nom  gi'Tir'ral  de 
ritassaikns  à  tous  ceux  qui  rejelaifuit  les  cé- 
lémonies  inutiles,  les  superstitions  populai- 
res, et  qui  regardaient  la  vraie  piété  comme 
l'essence  du  christianisme.  C'est  vouloir  jus- 
tilier,  sur  de  simples  conjectures,  des  en- 
thousiates  que  les  liistoriens  du  temps  ont 
représentés  comme  des  insensés,  dont  la 
Ijlu|)art  avaient  de  très-mauvaises  mœurs. 
Mais  dès  que  des  visionnai]  es  ont  déclamé 
contre  les  abus,  les  superstitions,  les  vices  du 
clergé,  c'en  est  assez  pour  qu'ils  soient  re- 
gardés par  les  ])i'Otestants  comme  des  zéla- 
teurs de  la  pureté  du  chi'istianisme. 

MASSILIENS  ou  JJAUSEILLOIS.  On  a 
nommé  ainsi  les  semi-pélagiens,  parce  qu'il 
y  en  avait  un  grand  nombie  à  Marseille  et 
dans  les  environs.  Voy.  Se.mi-Pélagiens. 

MATE1UALISME,.MATEIUAL1STES,  nom 
de  secte  et  de  système.  Les  anciens  Pères 
nommaient  matérUdisles  tous  ceux  qui  soute- 
naient que  rien  ne  se  fait  do  rien,  que  la 
création  pmprement  dite  est  im|iossil)le, 
qu'il  y  a  une  matière  éternelle  sur  laquelle 
Dieu  a  travaillé  pour  former  l'univers  ;  c'é- 
tait le  sentiment  de  tous  les  anciens  jdiilo- 
sophes;  on  n'en  connaît  aucun  qui  ait  admis 
clairement  et  distinctement  la  création  do  la 
matière.  Tertullien  a  solidement  réfuté  l'er- 
reur de  ces  malc'rialigles,  dans  son  Traité 
contre  Ilcniiogènc.  11  fait  voir  que,  si  la  ma- 
tière est  un  être  éternel  et  nécessaire,  elle 
ne  peut  avoir  aucune  imperfection,  ni  être 
sujette  à  aucun  changement  ;  que  Dieu  môme 
n'a  pu  en  changer  la  disposition,  qu'il  n'a 
pu  avoir  aucun  pouvoir  sur  un  ètie  qui  lui 
est  coéternel.  C'est  l'argument  que  Clai  ke  a 
fait  valoir  et  a  développé  de  nos  jours  plus 
au  long.  Tertullien  conclut  que  la  matière  a 
commencé  d'ètro  ;  or,  elle  n'a  pu  commen- 
cer que  par  création.  Saint  Justin,  dans  son 
Exhortation  aux  Gentils,  n.  2,'}  ;  Origène, 
dans  son  Commentaire  sur  la  Genèse,  et  sur 
saint  Jean,  t.  I,  n.  18,  prouvent  de  môme 
que,  si  la  matière  était  éternelle.  Dieu  n'au- 
rait eu  ancmi  |iouvoir  sur  elle.  Hei'mogène, 
pour  ne  pas  rendre  Dieu  responsable  du  mal 
qu'il  y  a  dans  le  monde,  l'attribuait,  comme 
la  plupart  des  autres  philosophes,  à  l'imper- 
fecti(jn  essentielle  de  la  matière.  Tertullien 
soutient  que,  dans  ce  cas,  Dieu  a  dû  s'abste- 
nir de  créer  le  monde,  dès  qu'il  ne  [louvait 
j)as  remédier  aux  défauts  de  la  matière  ; 
qu'ainsi  Dieu  ne  se  tiouve  iioint  disculpé, 
(pi'il  est  absurde  d'attribuer  à  une  matière 
éternelle  le  mal  et  non  le  bien  qui  est  dans 
1  univers.  11  fait  voir  que  Hermogè:  e  se  con- 
tredit en  su  posant  la  matière  tantôt  bonne 
et  tantôt  mauvaise,  eu  la  faisant  intinie,  et 
cependant  suuniise  à  Dieu.  La  matière,  dit 
Tertullien,  est  renfermée  dans  l'espace  ; 
donc  elle  est  bornée,  donc  c'est  Dieu  qui  lui 
a  lionne  îles  bornes.  Nous  ne  croyons  pas 
que  les  inétaiihysiciens  modernes  aient  de 
meilleures  jireuvos  pour  combattre  l'éternité 
de  la  matière,  et  il  est   toujours  à  propos  de 

DlcTlO^A.    DE  ThÉOL.    dogmatique.     III. 


faire  voir  ipie  les  Pères  de  l'Eglise  n'étaient 
pas  aussi  mauvais  raisonneurs  que  certains 
critiques  le  prétendent.  Ynij.  Hermogémexs. 

On  appelle  aujourd'hui  matérialistes  ceux 
cpn  n'admetient  point  d'autre  substance  que 
la  matière  ;  qui  soutiennent  que  les  esprits 
ou  les  substances  spirituelles  sont  des  chi- 
mères ;  que  dans  l'homme  le  corps  seul 
est  le  principe  de  toutes  ses  opérations;  qui, 
par  conséquent,  n'admettent  point  de  Dieu, 
ou  qui  l'envisagent  comme  une  i\me  univer- 
selle répamiuedaiis  tous  les  corps,  de  la- 
quelle proviennent  leurs  mouvements  et 
leurs  divers  changements.  Comme  l'un  et 
l'autre  do  ces  systèmes  supposent  toujours 
la  matière  éternolle  et  incrééc,  ils  sont  di'jà 
réfutés  par  les  arguments  que  les  Pères  ont 
employés  contre  les  anciens  matérialistes. 
Nous  devons  laisser  aux  philosojihes  le  soin 
de  démontrer  que  la  matière  est  essentielle- 
ment incapable  d'une  action  spirituelle,  telle 
que  la  |iensée  ;  celle-ci  est  une  opération 
simple  et  indivisible  ;  elle  ne  peut  avoir 
liour  sujet  ni  [lour  principe  une  substance 
divisible  telle  que  la  matière.  Quand  même 
on  admettrait  un  atome  indivisible  de  ma- 
tière, on  ne  pourrait  lui  attribuer  aucune 
autre  qualité  essentielle  que  l'inertie  ou  l'in- 
capacité de  produire  aucune  adion.  D'ail- 
leurs les  matérialistes  supposent  que  la  ma- 
tière ne  devient  ca|)able  de  penser  que  par 
l'organisation  ;  or,  celle-ci  exige  la  réunion  et 
l'arrangement  de  [ilusieurspartiesdematière. 

Plusieurs  critiques  modernes  ont  prétendu 
que  les  anciens  Pères  de  l'Eglise  n'ont  pas 
cru  que  l'âme  humaine ,  ni  les  anges ,  fus- 
sent des  substances  purement  inmiatéi  ielies, 
qu'ils  les  ont  seulement  conçus  comme  des 
corps  subtils  et  très-déliés  ;  qu'ainsi  l'on  doit 
mettre  ces  Pères  au  nombre  des  matérialistes. 
t>n  fait  ce  reproche  en  particuliei-  à  saint 
!  renée,  à  Origène,  à  Tertullien  ,  ?i  saint 
Hilaire  et  à  saint  Ambroise.  Déjà  nous 
avons  réfuté  cette  accusation  h  l'article  1m- 
•iiATÉRiALisHE,  et  uous  justilious  encore  la 
doctrine  des  Pères  ,  en  parlant  de  chacun 
sous  son  nom  particulier.  11  est  filcheux 
que  des  écrivains  catholiques,  savants  d'ail- 
leurs, aient  adopté  trop  légèrement  cet  in- 
juste soupçon.  Nous  ne  devons  pas  omet- 
tre de  remarquer  que  les  matérialistes  n'ont 
aucune  jireuve  directe  de  leur  système; 
ils  ne  font  qu'objecter  des  diliicultés  contre 
l'hypothèse  de  la  spiritualité.  On  ne  conçoit 
l'as,  disent-ils,  la  nature  d'un  être  spirituel, 
ni  ses  opérations ,  ni  comment  il  peut  être 
renfermé  dans  un  corps,  et  lui  imprimer  le 
mouvement.  Mais  conçoit-on  mieux  une  ma- 
tière éternelle,  nécessaire,  in.réée,  et  cepen- 
dant bornée  ,  et  dont  les  attributs  ne  sont 
ni  éternels,  ni  nécessaires,  puisqu'ils  chan- 
gent? (onçoit-on  un  être  purement  passif, 
indiiférent  au  mouvement  et  au  repos,  et 
qui  est  ce|)endant  principe  du  mouvement  ; 
un  être  composé  et  divisible,  et  qui  est  ce- 
pendant le  sujet  de  inodiiications  indivisi- 
bles, etc.?  Ce  ne  sont  pas  là  seulement  des 
mystères  inconcevables,  mais  des  contradic- 
tions formelles.  11  nous  paraît  qu'il  est  moins 

39 


683 


MAT 


MAT 


684 


absurde  d'admetlro  de«  mystères  imcompré- 
sibles  que  des  contratlictioiis  grossières ,  et 
qu'H  y  a  de  la  démence  h  vouloir  étouO'er 
le  sentiment  intérieur  qui  nous  assure  que 
nous  sommes  autre  chose  que  delà  matière. 
Quant  au  système  des  philosophes  qui  ont 
envisagé  Dieu  comme  l'Ame  du  monde,  voy. 
Ame  do  MOîvnE. 

MATHURINS.  Voy.  Trinitaires. 

MATIÈRE  SACRAMENTELLE.  Dans  tous 
les  sacrements  ,  les  théologiens  distinguent 
In  matière  d'avec  la  forme.  Par  la  ]iremière , 
ils  entendent  le  signe ,  le  rite  sensible  ou 
l'action  qui  constitue  le  sacrement  ;  par  la 
seconde,  les  j  aroles  qui  expriment  l'inten- 
tion qu'a  le  ministre  en  faisant  cette  action, 
et  reflet  du  sacrement.  Ainsi  dans  le  bap- 
tême, la  matière  du  sacrement  est  l'ablution, 
ou  l'action  de  verser  de  l'eau  sur  le  baptisé; 
la  forme  sont  les  paroles  :  Je  te  baptise,  au 
nom  (lu  Père,  etc.  Si  la  cérémonie  de  verser 
de  l'eau  sur  un  enf<\nt  n'était  accompagnée 
d'aucune  parole,  ce  serait  un.-^  action  pure- 
ment iiidilléreute  ,  qui  pourrait  avoir  ])Our 
objet  de  laver  cet  enfant  ou  de  le  rafraîchir; 
mais  en  y  ajoutant  les  paroles  sacramen- 
telles,  celles -ci  déterminent  l'action  à  une 
fin  spirituelle  ,  et  font  comprendre  que  ce 
n'est  plus  une  action  profane  :  (î'est  donc  ce 
qui  donne  à  l'action  la  forme  ou  la  nature 
de  sacrement.  Pour  la  coulirmation,  la  ma- 
tière est  l'imposition  des  mains  de  l'évèciue, 
et  l'onction  faite  avec  le  saiiit-chrème;  pour 
l'eucharistie,  c'est  le  pain  et  le  vin.  La  pé- 
nitence a  pour  matière  les  actes  du  pénilent, 
c'est-à-dire  la  contrition,  la  confession  (  t  la 
satisfaction.  Le  nom  même  à' extrême-onction 
exprime  quelle  est  la  matièr-e  de  ce  sacre- 
ment. Pour  celui  de  l'urdr  ■,  c'est  l'imposi- 
tion des  mains ,  et  la  cérémonie  de  mi'Itre 
à  la  main  de  l'ordonné  les  instruments  du 
service  divin  ,  et  d' s  fonctions  auxquilles 
cet  homme  est  destiné.  I>ans  le  mariage,  la 
matière  du  sacrement  est  le  contrat  que  les 
époux  font  entre  eux  ;  la  forme  est  la  béné- 
diction nui)tiale  donnée  par  le  prêtre ,  ilu 
moins  selon  le  sentimint  le  plus  comnmn. 
Pour  plus  grande  précision,  les  théologiens 
distinguent  encore  la  matière  éloignée  d'a- 
vec la  matière  prochainf.  Par  la  première, 
ils  entendent  la  chose  sensible  qui  est  ap- 
pliquée, par  exemple,  l'eau  lians  le  baptême; 
par  la  seconde,  ils  entendent  l'action  de  l'ap- 
pliquer, ou  l'ablution,  etc. 

On  demande  si ,  lorsque  l'Eglise  ou  les 
souverains  ont  établi  des  empêchements  di- 
rinwnts  pour  le  mariage,  ils  ont  changé  la 
matière  de  ce  sacrement.  Il  sufùt  de  donner 
un  peu  d'attention  ,  pour  comprendre  qu'ils 
n'ont  pas  plus  louché  au  sacrement  que  ce- 
lui qui  corromprait  l'eau  de  laquelle  on  est 
prêt  à  se  servir  pour  baptiser.  Par  cette  ac- 
tion malicieuse,  il  arriverait  que  ce  qui  était 
eau  naturelle ,  et  par  conséquent  matière 
propre  au  baptême,  ne  l'est  plus  et  ne  peut 
plus  y  servir.  De  mêine  l'Eglise  ,  en  déci- 
dant qu'un  contrat  clandestin  est  invalide  et 
nul,  a  fait  que  ce  qui  était  cônfi  at  valide  et 


légitime  ,  par  conséquent  matière  suffisante  ? 
pour  le  mariage,  ne  l'est  plus,  ne  sert  plus 
à  rien,  jiuisque  pour  ce  sacrement  il  faut, 
non  un  contrat  tel  quel,  mais  un  contrat  va- 
lide et  légitime,  île  même  que  jiour  le  bap- 
tême il  faut,  non  de  l'eau  telle  que  l'on  vou- 
dra, mais  de  l'eau  naturelle  et  non  corrom- 
pue. Pourquoi,  dira-t-on  peut-être,  toutes 
ces  distinctions  subtiles  et  cette  précision 
scrupideuse'?  Parce  qu'il  en  est  besoin,  lors- 
qu'il s'agit  d'examiner  les  divers  défauts  ou 
iiiaiiquements  qui  peuvent  rendre  le  sacre- 
ment nul ,  de  décider  si  une  chose  tient  à 
l'essence  du  sacrement,  ou  seulement  au  cé- 
rémonial accidentel ,  de  ré|)ondre  aux  so- 
jihismes  par  lesquels  les  liénHiques  se  sont 
crus  en  droit  de  changer  à  leur  gré  les  rites 
et  les  paroles  dont  l'Eglise  se  sert  |iOur  ad- 
ministrer les  sacrements.  Voy.  Forme. 

MATINES.  Voy.  Melres  canoniales. 

.MATTHIAS  (saint),  apôtre.  On  ne  peut 
guère  douter  que  ce  saint  n'ait  été  un  des 
soixante  et  douze  diseiplrs  de  Jésus-Christ, 
qui  écoutaient  assidûment  sa  doctrine  et 
flirent  témoins  de  toutes  ses  actions;  c'est  le 
sentiment  des  Pères  de  l'Eglise,  et  il  est  fondé 
sur  le  récit  des  Actes  des  Apôtres,  c.  t,  v.  21. 

Après  l'ascension  chi  Sauveur,  saint  Mat- 
thias fut  élu  par  le  collège  aposîolique  (voy. 
Juridiction)  [lour  remplir  la  iilace  de  Judas. 
Nous  ne  savons  rien  de  certain  sur  ses  ac- 
tions, ni  sur  les  travaux  de  son  apostolat. 
Les  Grecs  croient,  sur  une  tradition,  qu'il 
prêcha  la  foi  dans  la  Cappadoce  et  sur  les 
côtes  de  la  mer  Cnsjiienne,  et  qu'il  fut 
maityrisé  dans  la  Colchide.  Les  hérétiques 
ont  supposé  sous  son  nom  un  Ey.mgile  et  de 
prétendues  traditions,  mais  le  tout  ;i  é  é  con- 
damné comme  apocryphe  par  le  pape  Inno- 
cent I".  Comme  les  protestants  se  persua- 
dent que  le  premier  gouvernement  de  l'E- 
glise a  été  démocratique,  et  que  tout  s'y  fai- 
sait h  la  pluralité  des  sull'rages,  Mosheim  a 
imaginé  que  l'élection  de  saint  Matthias  fut 
ainsi  faite;  que,  dans  le  v.  26  du  premier 
chapitre  des  Actes,  au  lieu  de  ces  mots,  on 
jela  le  sort  sur  eux,  ou,  on  les  tira  au  sort , 
il  y  a  dans  le  grec,  on  reçut  les  suffrages. 
Mais  outre  que  le  grec  yUp.s  n'a  jamais  si- 
gnifié suffrage ,  ce  sens  serait  contraire  au 
V.  2i,  où  les  apôtres  disent  en  priant  Dieu: 
Seigneur,  montrez  vous-même  quel  est  celui 
des  deux  que  vous  avez  choisi.  On  sait  que , 
suivant  l'opinion  commune  des  Juifs,  le  soit 
était  un  des  moyens  de  connaître  la  volonté 
de  Dieu.  «  On  jette  les  sorts,  dit  Salomon , 
mais  c'est  le  Seigneur  qui  les  arrange  [Prov. 
XVI,  'i'.i).  «  On  ne  pensait  pas  de  même  des 
élections  faites  à  la  pluralité  des  suffrages. 
Mosheim,  Ulst.  Christ.,  sœc.  i,  |  11. 

MATTHIEU  (saint),  ai>ôtre  et  évangéliste, 
était  Galiléen  de  naissance,  juif  de  reiigion, 
et  publicain  de  profession.  Les  autres  évan- 
gélistes  l'apiiellent  simplement  Levi,  qui  était 
son  nom  hébreu;  pour  lui,  il  se  nouune  Ujvl- 
joavs  Mdtthien,  qui  paraît  être  un  nom  grec, 
mais  qui  peut  être  aussi  dérivé  de  l'hébreu, 
et  il  ajoute  jutuofeurso  sa  prossio  de  publi- 


C8S 


M\T 


MAT 


880 


rain,  h  Inqiiello  il  reiioïKja  pour  suivre  Ji'- 
sui-Chrisl;  trait  d'huinilité  de  sa  part,  puis- 
qne  la  qualité  de  )nil)licaia  était  méprisée  et 
délestée  parmi  les  Juifs,  ([uoiqu'elle  fût  ho- 
norable chez  les  Romains. 

Cet  apôtre  écrivit  son  Evangile  d'ans  la 
Judée,  avant  de  partir  pour  ail  i-  prêcher  la 
doctrine  de  Jésus-('hrist  ;  on  croit  qu'il  la 
porta  chez  les  Parthe^,  d'autres  disent  dans 
YEthiopie :mR\s  on  sait  ({uo  (liez  les  anciens 
ce  nom  no  désii^no  pas  t(mj<uirs  l'Abyssinie, 
ou  l'Ethiopie  proproniint  dite.  On  a'joutc 
qu'il  récr.vit  v(>rs  Van  41  de  l'éro  vulgaire, 
huit  ansaprés la r.Vunroclion de  Jés  s-C!irist, 
çommo  11'  marquent  tous  les  anciens  ma- 
nuscrits grecs  Saint  Irénée  est  le  seul  qui 
ait  cru  que  cet  Evan;^ile  ne  fut  composé  que 
pendant  la  piédication  lie  saint  Pierre  et  de 
saint  Paul  à  Home,  ce  qui  revient  à  l'an  61 
de  l'ère  connnune  ;  ce  sentimonl  n'est  [)as 
probable,  juiisqu  il  passe  iiour  constant  que 
saint  Matthieu  a  écrit  plusieurs  années  avant 
saint  Marc.  Papias ,  Origéue  ,  saint  Irénée  , 
Eusèbe,  saint  Jérôme,  saint  E|)ip'nane,  Théo- 
doret ,  et  tous  les  ani;iens  Pères  ,  assuient 
))osilive:iient  que  l'î-'yangilo  de  saint  Mat- 
thieu fui  ori;i;inairemnt  écrit  en  h  brou  ino- 
di'ine,  ou  en  syro-chaldaique ,  qui  était  la 
langue  vulgaire  des  Juifs  du  temps  de  Jésus- 
Christ.  Contexte  hébreu  ne  subsiste  plus; 
ceux  que  Sébastien  .Munster,  du  Tillet  et 
d'autres  ont  fait  impriuKir,  sont  modernes 
et  traduits  en  liébreu  sur  le  latin  ou  sur  le 
grec.  La  version  grecque  (]ui  passe  aujour- 
d'hui po\a"  rori:^inal  a  été  faite  dès  h  s 
temps  apostiiliques;  (piant  à  la  traduction 
latint! ,  on  convient  qu'elle  a  été  feite  sur  le 
grec,  et  qu'elle  n'est  guètv  moins  ancienne; 
mais  les  auteurs  ck)  1  (Uie  et  de  l'autre  sont- 
inconnus. 

Ouel  jues  modernes,  comme  Erasme,  Gai- 
vin,  Ligfoot,  Le  Clerc  et  d'autres  protestants, 
soutiennent  que  saint  Matthieu  écrivit  en 
grec ,  et  que  ce  qu'on  dit  de  son  prétendu 
original  hébreu  est  faux.  Mais  les  raisons 
qu'ils  allèguent  ne  sont  rien  moins  que  so- 
lides, et  il  n'est  pas  dif.icilc  de  les  réfuter. 
1*  Les  anciens ,  qui  témoignent  que  saint 
Matthieu  avait  écrit  en  hébreu  ,  le  disent 
pour  avoir  vu  et  lu  son  Evangile  écrit  en 
cette  langue.  Si  leur  t'moignage  n'est  pas 
parfaitement  uniforme ,  c'est  (ju'il  y  avait 
deux  Evangiles  hébri'ux  .ittribués  à  saint 
Matthieu,  l'un  pur  et  entier,  duquel  ils  ont 
parlé  avec  estime,  l'autre  altéré  par  les  ébin- 
nites ,  et  qui  n'avait  plus  a^icune  autorité  , 
comme  nous  le  dirons  ci-après.  2°  L'on  con- 
vient ([ue  la  langue  grec<|ue  était  assez  com- 
munément parlée  dans  la  Palestine  ,  mais  il 
n'est  pas  moins  vrai  que  le  commura  des 
Juifs  y  parlait  l'hébreu  m;'dé  de  chaldaïque 
et  de  syriaque.  Saint  Paul  ,  arrêté  dans  le 
temi)le  de  Jérusalem,  harangua  le  peuple  en 
hébreu  [Art.  \xi,  k-}.  La  paraphrase  d'On- 
kélos  ,  composée  vers  le  temps  de  Jésus- 
Christ  ,  et  celle  de  Jonathan ,  faite  peu  de 
temps  après,  sont  dans  cette  même  lang  le. 
Saint  Matthieu  a  donc  pu  écrire  iiwur  ceux 
d'entre  les  jui|6  convertis  qui  n'avaient  pas 


l'usage  du  grec.  3"  Il  y  a  dans  .sou  iivangilo 
des  noms  hébreux  expliipiés  en  grec  ;  mais 
cela  ne  prouve  rien,  siion  que  le  traducteur 
était  grec  et  l'original  hébreu.  k°  De  dix  pas- 
sages de  l'Ancien  Testament  cités  par  saint 
Matthieu,  il  y  en  a  sept  qui  sont  plus   ap 
prochants  du  texte  hébreu  que  de  la  ver- 
sion des  Septante;  et  si  les  trois  autres  siuit 
plus  conformes  au  grec ,   c'est  que  le  grec 
lui-môme  ,  dans  ces  iiassages  ,  est  ex.ic  e- 
ment  conforme  au  textf  hébreu.  5°  Quoique 
l'original  hébreu  de  xaint  Matthieu  soit  ai;- 
tuellement  perdu  ,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il 
n'a  jamais  existé  ;  la  raison  pour  laquelle  les 
églises  le  négligèrent  peu  à  peu,  c'est  que 
les   ébionistos    en    avaient  corrompu   plu- 
sieurs exemplaires  ;  de  là  le  grec,  auquel  ils 
n'avaient  pas  louché,  fut  regard'''  connue  si  ul 
aiithentijue.  6°  Quoique  les  autres  a  ôlres 
aient  écrit  en  grec  aux  Juiis  de  la  Pal 'Sthi", 
et  îi  ceux  qui  étaient  dis;  ersi's  dans  l'Orirui, 
il  s'ensuit  s;^uloment  que  saint  Matthieu  au- 
rait absolument  pu  faire  de  même,  mais  il 
ne  s'i'nsiit  point  qa'il  ne  leur  ait  pis  écrit 
en  hébreu.  A  quoi  sert  d'opposer  des  rai- 
sonncm.nts   et  des  conjectures  au  téim li- 
gnage formel  des  anciens,  en  particuliei-  d'O- 
rigène  ol  de  saint  Jérôme  ,  qui  entendaient 
l'hébreu,  ot  quiélaient  ca;>abl  s  d'en  juger? 
On  ne  peut  pas  douter  qu'il  n'y  ait  eu  dès 
11'  iiremier  s  ècle  un  Evan  .ih;  écrit  en   hé- 
breu, qui  a  été  nommé  dans  la  suite  l'Evan- 
gil  '  des  ébionites,  des  Nazaréens,  selon  les 
Hébre  'x,  et  qui  a  encore  eu  d'autres  noms. 
Or,  il  n'y  a  aucune  preuve  que  cet  Evangile 
ait  été  (ians    l'origine  dilférent  de    celui  de 
saint  Matthieu;  mais  comme  il  avait  été  in- 
terpolé et  altéré  ]iar  les  ébionites,  les  chré- 
tiens orthodoxes  ne  voulurent  plus  s'en  ser- 
vir. Les  Nazaréens  en  avaient  coummuiqué 
un  exemplaire  à  saint  JérôiTie  ,  qui   prit  la 
peine  de  le  trad  lire  ;  il  ne  l'aurait  pas  fait, 
s'il  y  avait  eu  une  ojjposition  formelle  ou 
des  dilTérences  considérables  entre  cet  Evan- 
gile et  celui  de  saint  Matthieu.  Le  dessein 
pi'incipal  de  cet  évangéliste  était  de  montrer 
aux  Juifs  que  Jésus-Christ  est  le  Messie  pro- 
mis à  leurs  pères;  conséquemment  il  piouve, 
par  la  guiéalogie  de  Jésus,  qu'il  est  descendu 
de  David  et  d'Abraham;  que,  par  ses  mira 
clés,  par  sa  naissance  d'une  vierge,  p.ir  ses 
souffrances ,- il  a  vériiié   en  lui  les  prophé- 
ties, et  qu'il  a  été  revêtu  de  tous  les  carac- 
tères sous  lesquels  les  prophètes  avaient  dé- 
signé le  Messie.  Âiiisles  incréJulosaci usent 
saint  Matthieu  d'avoir  appliqué   fauss  ment 
à  Jé-us-Christ  plusieurs  prophéties  qui  ne 
le  regardaient  point.  Avant  de  les  examiner 
en    détail ,    nous    rievons     observer    qu'il 
n'est  pas  nécessaire  qu'un:^  projihétie    ait 
di'signé  directement  et  uniquement  le  Mes- 
sie,  pour    que    les  év-uigidistes   aient   eu 
droit  de  lui  en  faire  rap[)licati()n.  C'était  chez 
les  Juifs  un  usage  établi  d'ap|)liquerau  Mes- 
sie, dans  un  sens  tiguré  et  allégorique,  plu- 
sieurs prédictions,  qui,  dans  le  sens  littéral, 
désignaient  d'auti  es  personnages.  5u('»i(  Mat- 
thieu, qui  écrivait  princi|)alement  pour  les 
Juifs,  était  donc  en  droit  de  suivre  la  tradi- 


687 


MAT 


MAT 


68s 


tion  établie  parmi  eux  ,  et  de  donner  aux 
prophéties  le  même  sens  qu'y  donnaient  leurs 
docteurs;  c'était  un  arsument  personne!  au- 
quel ils  ne  pouvaient  rien  opposer.  Voj/. 
Allégorie,  Sens  mystique,  Type,  etc.  -Mais 
nous  soutenons  que  la  plupart  des  prophé- 
ties que  les  évangélistes  ont  entendues  de 
Jésus-Christ  le  regardaient  lilléralemmt . 
directement  et  uniquement ,  et  nous  allons 
le  prouver  à  l'égard  de  saint  Matthieu  en 
particulier. 

Au  mot  Bethléem  ,  nons  avons  fait  voir 
que  la  prédic'ion  du  prophète  Michée,  c.  v, 
V.  2;  au  mot  Emma\uel  ,  que  celle  d'Isaïe  , 
c.  VII,  V.  17,  désignent  le  Messie  dans  le  sens 
propre  et  littéral.  Au  mot  Nazaréen  ,  nous 
prouverons  que  ce  terme,  dans  quelque  sens 
qu'on  le  prenne,  lui  convient  })arlai!emont, 
et  qu'il  lui  est  attrib  lé  par  les   prophètes. 
Saint  Matthieu  n'a  donc  pas  eu  tort  do  pré- 
tendre que  ces  trois   prophéties  regard/tient 
Jésus-Christ.  En   parlant  du    retour   de   la 
sainte  famille  d'Egypte  dans  la  Judée,  c.  n, 
V.  15,  il  dit  que  celi  se  lit  pour  accomplir 
ce  qui  a  été  dit  par  un  prophè  e,  J'ai  appelé 
mon  Fils  de  VEgyptc.  Ces  paroles  du  prophète 
Osée,  c.  XI,  v.l,  regardent  directement  la 
sortie  des  Israélites  de  l'Egypte.  Aussi  saint 
MoÂthim  no  dit  point  qu'elles  aient  été  ac- 
complies dans  celte  seule  circonstance.  Ga- 
latin ,  1.  VIII,  c.  h,  fait  voir  que  les  anciens 
Juifs  ont  appliqué  ,  comme  saint  Matthieu  , 
cette  prédiction  au  Messie;  c'est  donc  sur 
leur  tradition  que  l'évangéliste  s'est  fondé. 
Ibid. ,  V.  18 ,  il  entend  du  massacre  des  in- 
nocents ce  qu'on  lit  dans  Jérémie,  c.  xxxi, 
V.  15  :  «  On  a  entendu  de  loin  une  voix  de 
douleur  dans  Rama  ;  ce  sont  les  cris  et  les 
gémissements  de  Rachel  qui  pleure  ses  en- 
fants, etc.  »  Or,  ce  prophète  parle  des  gé- 
missements de  la  Judée  au  sujet  de  ses  ha- 
bitants conduits  en  captivité.  Mais  cela  n'em- 
pêche point  que  cet  événement  n'ait  pu  être 
regardé  comme  une  figure  de  ce  qui  arriva  au 
massacre  des  innocents  :  en  donnant  ce  se- 
cond sens   aux  paroles  du  prophète ,  saint 
Matthieu  n'exclut  pas  le  jiremier. 
Quant  à  la  prédiction  d'Isaie ,  c.  ix,  v.  1, 
ui  annonce  une  grande  lumière  aux  peuples 
Je  la  terre  de  Zabulon  et  de  Nephtali,  pays 
qui,  dans  la  suite,  fut  nommé  la  tlalilée  des 
nations,  nous  soutenons  qu'on  ne  peut  l'en 
tendre  que  de  la  prédication  du  Messie  dans 
cette  partie  de  la  Judée,  et  que  saint  Mat- 
thieu a  eu  raison  de  l'expliquer  ainsi,  c.  iv, 
V.  15.  Voyez    la  Synapse   des  Critiques  sur 
Isaie.  11  en  est  de  môme  du  chap.  53,  v.  k, 
de  ce  prophète,  où  il  dit  du  Messie,  et  non 
d'un  autre  :  «  11  a  véritablement   supporté 
nos  malaiiies,  et  a  pris  sur  lui  nos  douleurs.» 
Au  mot  Passion,  nous  prouverons  que  tout 
ce  chapitre  ne  peut  cire  adapté  qu'a  lui.   Il 
est  vrai  que  saint    Matthieu,  c.  vin,  v.  17, 
l'applique  non  aux  souffrances  du  Sauveur, 
mais  aux  guérisons  miraculeuses  qu'il  opé- 
rait; cette  différence  n'est  pas  assez  considé- 
rable pour  lui  en  faire  un  crime.  Chap.  xxvii, 
V.  9,  le  Messie  est  certainement  désigné  par 
ces  paroles  de  Zacharie,  c.  xi,  v.  12  :  «  Ils 


ont  donné  pour  ma  récompense  trente  pièces 
d'argent,  etc.  »  Il  est  évident,  par  toute  la 
suite  de  ce  chapitre  ,  que  c'est  moins  une 
histoire  qu'ime  vision  prophétique  de  ce  qui 
devait  arriver  à  Jésus-Christ.  Voyez  la  Sy- 
napse des  critiques  sur  Zacharie.  A  la  vérité, 
aulieude  ce  prop'ièle,  saint  Matthieu  nomme 
Jérémie,  mais  c'est  une  faute  du  traducteur 
grec,  et  non  de  saint  Matthieu;  aussi  ne  se 
frouve-t-el!e  point  dans  la  version  syriaque 
de  cet  Evangile. 

David  a-t-il  pu  dire  de  lui-même,  Ps.  xxi, 
V.  19  :  «  Ils  se  sont  partagé  mes  vêtements, 
et  ont  jeté  le  sort  sur  ma  robe?»  Puisque 
cette  circonstance  singulière  est  arrivée  à 
Jésus-Christ  pendant  sa  [lassion ,  c'est  une 
preuve  évidente  que  les  paroles  du  psahniste 
étaient  une  prédiction.  Onremarcjur  que  de- 
puis le  c.  IV ,  V.  22,  de  saint  Matthieu,  jus- 
qu'au c.  XIV,  V.  13  ,  cet  évaogéliste  n'a  pas 
suivi  dans  la  narration  des  faits  le  même 
ordre  que  les  autres,  mais  il  ne  contredit 
aucun  des  faits  dont  les  autres  font  mention. 
L'on  a  forgé  sous  son  nom  quelques  livres 
afiocryplies,  comme  le  livre  de  l'Enfance  de 
Jésus-Christ ,  condamné  [lar  le  pape  Gélase, 
et  une  liturgie  éthiopienne.  Nous  avons  vu 
cjue  VEvangile  selon  les  Hébreux  était  seule- 
ment interpolé  par  les  ébionites. 

MAXIME  (saint),  abbé  et  confesseur,  mort 
l'an  662,  fut  un  des  plus  zélés  défenseurs  de 
la  foi  catholique  contre  les  monotliélites  :  il 
fut  persécuté  pour  elle,  et  mourut  en  exil  à 
l'âge  de  quatre-vingt-deux  ans.  S^s  ouvrages 
ont  été  recueillis  par  le  Père  Combefis.  et 
imprimés  à  Paris  eu  1675,  en  deux  vol.  in- 
fol.;  mais  il  en  reste  quelques  autres  qui  ne 
sont  pas  renfermés  dans  cette  édition.  Il  ne 
faut  pas  le  confondre  avec  saint  Maxime, 
évêque  de  Turin  ,  qui  vivait  au  V  siècle ,  et 
dont  il  reste  plusieurs  homélies ,  publiées 
par  le  Père  Mabillon  et  par  Muratori. 

MAXIMIANISTES.  On  nomme  ainsi  une 
partie  des  donatistes  qui  se  séparèrent  des 
autres  l'an  393.  Il  condamnèrent,  à  Carthagc, 
Primien,  l'un  de  leurs  évoques,  et  mirent 
Maximien  à  sa  ])lace;  mais  celui-ci  ne  fut 
pas  reconnu  par  le  parti  des  donatistes.  Saint 
Augustin  a  parlé  plus  d'une  fois  de  ce 
schisme;  il  fait  remarquer  que  tous  ces  sec- 
taires se  poursuivaient  les  uns  les  autres 
avec  plus  de  violence  que  les  catholii]ues 
n'en  exercèrent  jamais  contre  eux.  Ils  ser- 
concilièreiit  cependant ,  et  se  pardonnèrent 
mutuellement  les  mêmes  griefs  pour  lesquels 
ils  s'obstinaient  à  demeurer  séparés  des  ca- 
tholiques. Voy.  S.  August.,  L.  de  Gestis  cum 
emerito  donatista ,  n.  9;  Tillemont ,  t.  XIU, 
art.  77,  p.  192. 

MÉCHANCETÉ ,  MÉCHANT.  La  révélation 
nous  enseigne  que  l'homme ,  déchu  de  la 
justice  originelle  par  le  ])éclié  d'Adam,  vient 
au  monde  avec  une  concupiscence  effrénée, 
avec  des  passions  violentes,  rebelles  k  la  lai- 
son,  et  difticilesàdom|)ter;  qu'il  a,  par  con- 
séquent ,  plus  d'inclination  au  mal  qu'au 
bien,  plus  de  penchant  à  être  méchant  qu'à 
être  bon.  Les  pensées  et  les  sentiments  du 
cœur  de  l'homme  ,  dit  l'Ecrigire  sainte,  sont 


089 


MEC 


MED 


6i>0 


tinirnh  tiu  mal  (h's  su  jeunesse  [Gen.  vin,  21). 
Cette  Irislo  vérité  n'est  que  trop  cniiliriiit^e 
par  l'expérience,  puisque  l'on  voit  tous  les 
signes  des  passions,  de  la  .jalousie,  de  l'im- 
patience, de  l'obstination,  de  la  colère  et  de 
la  Laine  dans  les  enfants  du  |ilus  bas  Age. 
Les  [)élagiens,  (jui  cuntestaient  sur  ce  |)oint, 
combattaient  tout  à  la  fois  la  parole  de  Dieu 
et  le  sentiment  intérieur.  Les  philosophes 
incrédules,  non  moins  opiniAtres ,  se  sont 
partagés  sur  cette  question  ;  les  uns  ont  sou- 
tenu que  la  compassion  naturelle  à  l'homme, 
la  promptitude  avec  laquelle  il  accourt  aux 
cris  d'ime  personne  qui  souffre,  la  multitude 
des  établissements  fondés  parmi  nous  i)our 
soulager  les  malheureux,  démontrent  que 
l'homme  est  né  bon.  D'autres  ont  prétendu 
que  de  sa  nature  il  n'est  ni  bon  ni  méchant, 
mais  prêt  à  devenir  l'un  ou  l'autre ,  selon 
qu'il  sera  bien  ou  mal  élevé  et  gouverné. 
Plusieurs  ont  dit  que  le  naturel  de  l'honnue 
est  irréformable,  que  le  caractère  de  chaque 
individu  ne  change  jamais.  A  quelle  opinion 
se  ranger  après  toutes  ces  spéculations  ? 

Pour  juger  du  fond  de  la  nature  humaine, 
il  est  d'abord  évident  qu'il  ne  faut  pas  la 
considérer  chez  les  nations  chrétiennes  et 
policées,  oii  l'homme,  imbu  dès  l'enfance  do 
leçons,  d'exemples,  de  jiréceptes,  d'habitu- 
des qui  tendent  à  réprimer  les  passions  et  à 
les  subjuguer,  est  redevable  de  ses  vertus 
aux  secours  extérieurs  qu'il  a  reçus,  sans 
compter  les  grAces  intérieures  que  Dieu  lui 
a  fa. tes.  A  moins  que  tous  les  membre-^  d'une 
pareille  société  ne  soient  nés  incorrigibles, 
il  est  impossible  que  le  très-grand  nombre 
ne  contractent  plus  ou  moins  un  penchant 
au  bien,  qu'ils  n'avaient  pas  en  naissant.  Les 
actes  de  charité  et  des  autres  vertus  prati- 
quées parmi  nous  ne  prouvent  donc  pas  no- 
tre bonté  naturelle ,  mais  plutôt  une  bonté 
acquise,  puisqu'on  ne  voit  pas  la  même  chose 
chez  les  nations  intidèles.  D'autre  part,  un 
sauvage  abandonné  dès  l'enfance,  élevé  par- 
mi les  animaux  dans  les  forêts,  leur  ressem- 
ble plus  qu'à  un  honune;  chez  lui,  les  pas- 
sions sont  indomptables,  et  le  moindie  objet 
suflit  pour  les  exalter.  Uniquement  alfecté 
du  présent  comme  les  enfants,  il  passe  rapi- 
dement d'un  excès  à  un  autre  :  on  ne  peut 
donc  avoir  en  lui  aucune  confiance.  La 
crainte  que  lui  donne  son  inexpérience  suf- 
fit pour  lui  faire  envisager  comme  un  en- 
nemi font  homme  qu'il  n'a  pas  encore  vu. 
11  est  difficile  de  reconnaît:  e  dans  un  être 
ainsi  constitué  ,  un  caractère  naturellement 
bon.  Nous  avouons  volontiers  que  la  vie  sau- 
vage est  contraire  à  la  nature  humaine,  puis- 
que Dieu  a  créé  l'homme  pour  vivre  en  so- 
ciété; mais  il  ne  s'ensuit  pas  de  là  que  les 
vices  d'un  sauvage  ne  viennent  pas  du  fond 
môme  de  sa  nature.  Voy.  Langage.  At- 
tri  iuer  ceux  qui  régnent  parmi  nous  à 
rimi)erfection  de  nos  lois  civiles  ,  politi(iues 
et  religieuses ,  aux  défauts  essentiels  de  l'é- 
ducation et  du  gouvernement,  c'est  une  au- 
tre prétention  chimérique.  Ces  institutions, 
prises  dans  leur  totalité,  ont-elles  jamais  été 
meilleures  chez  une  autre  nation  qu'elles  ne 


sont  chez  nous?  Nos  philosophes  réforma- 
teurs ,  en  voulant  tout  changer,  prétendent 
donc  parvenir  à  une  perfection  à  laquelle, 
depuis  six  mille  ans ,  le  genre  humain  n'a 
encore  pu  atteindre  !  Quand  on  considère  la 
niHuièrt!  dont  ils  raisonnent ,  on  se  trouve 
très-bien  fondé  à  douter  du  prodij^'e  qu'ils  se 
llattent  de  pouvoir  opérer.  S'il  était  vrai  quo 
toutes  nos  institutions  sont  encore  très-im- 
parlaifes ,  il  faudrait  déjà  conclure  que  les 
hommes,  qui  depuis  six  mille  ans  travaillent 
à  se  perfectionner,  sont  très-maladroi's,  puis- 
qu'ils ont  si  mal  réussi;  que,  s'ils  ne  sont  i)as 
naturellement  mcckants  ,  ils  sont  du  moins 
fort  stupides  :  et  il  m^  serait  pas  aisé  de  con- 
cevoir comment  des  êtres  intelligents ,  qui 
d'euv-mêmes  sont  portés  à  faire  le  b  (Mi,  ont 
tant  do  ueine  à  le  connaître. 

On  s'écrie  que  les  vices  de  ceux  qui  gou- 
vernent sont  la  cause  de  tous  les  maux  de 
l'iuunanité;  supposons-le  pour  un  moment. 
Connue  ces  maux  ont  toujours  été  à  peu 
près  les  mêmes,  il  en  résulte  que  tous  ceux 
qui,  depuis  le  commencement  du  monde, 
ont  gouverné  les  peuples,  ont  été  vicieux. 
C'est  un  assez  bon  argument  pour  conclure 
que  si  nos  philosophes  censeurs ,  réforma- 
teurs ,  restaurateurs  ,  gouvernaient ,  ils  se- 
raient aussi  vicieux,  et  peut-être  plus  que 
tous  ceux  qui  gouvernent  ou  qui  ont  gou 
verné.  Or,  nous  demandons  eu  quel  sens  un 
être  qui  ne  manque  jamais  d'abuser  de  l'au- 
toi'ité  dès  qu'il  la  possède,  et  d'être  vicieux 
dès  qu'il  gouverne,  est  cependant  naturelle 
ment  bon. 

Puisque  la  révélation  ,  une  expérience  de 
soixante  siècles,  le  sentiment  intérieur  et  les 
aveux  de  nos  adversaires ,  concourent  à 
prouver  que  l'honmic  est  naturellement  plus 
porté  au  mal  qu'au  bien,  il  nous  parait  que 
nous  sonuues  bien  fondés  à  le  croire,  et  que 
l'on  n'a  pas  eu  tort  de  partir  de  ce  principe 
pour  prouver  aux  pélagiens  la  nécessité  de 
la  grâce  divine  pour  faire  toute  bonne  œuvre 
utile  au  salut ,  et  surtout  pour  persévérer 
dans  le  bien  jusqu'à  la  hn.  Nous  sommes 
donc  encore  en  droit  de  l'opposer  aux  soci- 
niens,  lorsqu'ils  prétendent  que  l'on  n'a  pas 
solidement  établi  contre  les  pélagiens  la  dé- 
gradation de  la  nature  humaine  par  le  péché 
d'Adam,  la  nécessité  du  baptême,  de  la  grAce, 
de  la  rédemption,  etc.  Ici  la  question  philo- 
sophique se  trouve  essentiellement  liée  à  la 
théologie.  , 

♦  Ml^ClIlTARISTES.  L'Annénieii  catfiolique  Mé-  | 
cfiilar  (le  consolateur)  fomla,  en  1701,  une  société  à 
Conslauliiiople  pour  Iravailicr  à  la  conversion  des 
Ariiiénieiis  non  unis.  Celle  société  fut  contrainte  de 
se  retirer  a  Venise  en  1715.  Elle  t-lirigea  de  là  les 
Arméniens  unis  delà  Russie,  de  la  Pologne,  de  la 
Transylvanie,  et  eut  constanmient  des  missionnaires 
à  Constanlinople  et  dans  les  cités  voisines,  pour 
travailler  ii  la  conversion  des  Arnicnicns  schisniati- 
i|ues.  La  congrégation  transporta  sou  principal  éta- 
blissement à  Vienne,  en  1810,  lorsque  Mapoléon  s'em- 
para de  Venise.  Les  méchitaristes  continuent  tou- 
jours leur  glorieuse  mission. 

MÉDIATEUR.  C'est  celui  qui  s'entremet 
entre  deux  contractants  pour  porter  les  pa- 


(59t 


MED 


MBD 


693 


rôles  de  l'un  à  l'autre,  et  les  faire  agréer,  ou 
antre  deux  personnes  ennemies  pour  les  ré- 
concilier. Toy.  RÉPARATEUR. 

Dans  les  alliances  que  font  les  hommes  où 
le  saint  nom  de  Dieu  intervient.  Dieu  est  le 
témoin  et  le  médiateur  des  promesses  et  des 
engagements  réci;iro  |iies;  lor-sque  les  Israé- 
lites promettent  à  Jephté  de  l'établir  juge 
des  tribus,  s'il  veut  se  mettre  à  leur  tête 
pour  combattre  les  Ammonites,  ils  lui  di- 
sent :  «  Dieu,  (jui  nous  entend,  est  le  média- 
teur et  le  tt^moin  que  nous  accomplirons  nos 
promesses  {Judiv.  a,  10).  »  Lorsque  Dieu 
voulut  donner  sa  loi  aux  Hébreux ,  et  con- 
clure avec  eux  une  alliance  à  Sinaï,  il  prit 
Moïse  iiour  médiateur;  il  le  chargea  de  porter 
ses  paroles  aux  Hi'breux,  et  de  lui  rapporter 
les  leurs  :  «J'ai  servi,  leur  dit  Moïse,  d'en- 
voyé et  de  médiateur  entre  le  Seigneur  et 
vous,  pour  vous  apporter  ses  paroles  »  [Veut. 

V,  S).  »  .         ,  . 

Dans  la  nouvelle  alliance  que  Dieu  a  faite 
avec  les  hommes  ,  Jésus-Christ  a  été  le  mé- 
diateur et  le  réeonciliateur  entre  Dieu  et  1.  s 
hommes;  il  a  été  non-seulement  le  répon- 
dant de  part  et  d'autre,  mais  encore  le  prê- 
tre et  la  victime  du  sacritice  par  lequel  cette 
alliance  a  été  consommée  :  «  11  n'y  a,  dit  saint 
Paul,  qu'un  seul  médiateur  entre  Dieu  et  les 
hommes,  savoir  Jésus-Christ  homme ,  qui 
s'i  st  livré  pourlaré  iemption  de  tous  {ITim. 
n,  5).  »  L'Apôtre  ,  dans  son  épîlre  aux  Hé- 
breux, relôve  admirablement  cette  fonction 
de  médiateur  que  Jésus-Christ  a  exercée ,  et 
fait  voir  combien  elle  a  été  supérieure  à  celle 
de  Moïse.  Il  observe,  1°  que  Jésus-Christ  est 
Fils  de  Dieu ,  au  lieu  que  Moïse  n'était 
que  Sun  serviteur.  2°  Les  prêtres  de  l'an- 
cienne loi  n'étaient  que  pour  un  temps  ,  ils 
se  succédaient;  le  saceriiocede  Jésus-Christ 
est  éternel ,  et  ne  finira  jamais.  3°  C'étaient 
des  pécheurs  qui  int-rcéiaient  pour  d'autres 
pécheurs;  Jésus-C::rist  est  la  sainteté  môme, 
il  n'a  pas  besoin  d'offrir  des  sacrifices  pour 
lui-même.  4-°  Les  sacriliceset  les  cérémonies 
de  l'ancienne  loi  ne  pouvaient  puriûer  qiie 
le  corps,  celui  de  Jésus-Christ  a  effacé  les 
péc'iés  et  puritiê  les  âmes.  5°  Les  Mens  tem- 
porels promis  i^ar  l'aicienne  loi  n'étaient 
que  la  figure  des  biens  éternels  dont  la  loi 
nouvelle  nous  assure  la  possession.  Saint 
Paul  conclut  qu(>  les  transgresseurs  de  celle- 
ci  seront  pr.nis  bien  plus  rigouieusement 
que  les  violateurs  de  l'ancienne. 

De  ce  que  saint  Paul  a  dit  qu'il  n'y  a  qu'un 
seul  et  unique  médiateur  de  rédemption,  qui 
est  Jésus-Cluist,  s'ensuit-il  que  les  hommes 
ne  puissent  intercéder  auprès  de  Dieu  les 
uns  pour  les  autres?  L'apôtre  lui-même  se 
recommande  souvent  aux  iirièresdes  fidèles, 
et  les  assure  qu'il  irie  pour  eux;  saint  Jac- 
ques les  exhorte  à  j)rier  les  uns  poui-  les 
autres,  c.  v,  v  16.  Saint  Paul,  après  avoir 
dit  que  Dieu  s'est  réconcilié  le  mmde  par 
Jésus-Christ ,  (joute  :  «  Dieu  nous  a  confié 
un  ministère  de  réconciliation  (Il  Cor.  v, 
18).  »  Personne  n'oserait  soutenir  que  cette 
réconciliation,  conJiée  aux  apôtres,-  déroge  à 
la  qualité  de  réeonciliateur,  qui  appartient 


éminemment  à  Jésus-Christ;  comment  donc 
peut-on  prétendre  que  les  titres  d'interces- 
seurs, d'avocats,  de  médiateurs ,  qne  ivji\s 
donnons  aux  anges,  aux  saints  vivants  et 
morts,  flôrogent  l'i  la  dignité  et  aux  mérites 
de  ce  divin  Sauveur?  Jésus-CInist  est  seul 
et  unique  médiateur  de  rédemption  ,  et  par 
ses  jiropi  es  mérites ,  comme  l'entend  saint 
Paul;  mais  tous  ceux  qui  piient  et  intercè- 
d'Uit,  demandent  grâce  et  niisi'Ticorde  pour 
nous,  sont  aussi  nos  médiateurs,  non  par 
leurs  propres  mérites,  mais  par  ceux  de  Jé- 
sus-Christ; par  conséquent  dans  un  sens 
moins  sublime  que  Jésus-Christ  ne  l'est  lui- 
même. 

Les  anciens  Pères  ont  été  persuadés  que 
c'était  le  Fils  de  Die::  lui-même  qui  avait 
donné  aux  Hébreux  la  loi  ancienne  sur  le 
mont  Sinaï,  il  était  donc  le  vrai  et  principal 
médiateur  entre  Dieu  et  les  Israélites;  cepen- 
dant nous  ne  sommes  pas  étonnés  de  voir  ce 
titre  do  médiateur  accoidé  à  Moïse  par  saint 
Paul  lui-môme  (Gai.  m,  19).  Les  protestants 
ont  donc  très-mauvaise  grâce  de  se  réerirr 
sur  ce  que  l'Eglise  catholique  donne  aux 
anges  et  aux  saints  ce  même  litre  de  média- 
teurs ,  et  de  soutenir  que  c'est  une  injure 
fait  à  Jésus-Christ  ,  seul  médiateur  entie 
Dieu  et  les  hommi'S.  Voy.  Intercession. 

MÉDISANCE,  discours  désavantageux  au 
prochain,  par  lequel  on  fait  remarquer  on 
lui  des  défauts  qui  n'étaient  pas  connus. 
L'Ecriture  sainte,  soit  de  l'Ancien,  soit  du 
Nouveau  Testament,  condamne  sans  restric- 
tion toute  espèce  de  médisance,  peint  les  dé- 
tratteurs  comme  des  hommes  odieux.  Le 
psalmiste  ait  |>rofession  de  les  détester, Ps.  c, 
V.  5.  Salomon  conseille  à  tout  le  monde  de 
s'en  écarter,  Prov.  c.  iv,  v.  24.  Le  détrac- 
teur, dit-il,  est  un  homme  abominable;  il  ne 
faut  pas  en  approcher,  c.  xxiv,  v.  9  et  21. 
L'Bcdésiaste  le  compare  à  i  n  serpent  qui 
mord  dans  le  silence,  c.  x,  v.  11.  Saint  Paul 
reproche  ce  vice  aux  anciens  philosophes,  et 
l'attribuo  à  leur  orgueil.  Rom.  c.  i ,  v.  30.  Il 
cherche  aussi  à  en  corriger  les  Corinthiens, 
//  Cor.  c.  xn,  v.  20.  Saint  Pierre  exhorte  les 
fidèles  à  s'en  abstenir,  /  Petr.  c.  ii,  v.  1.  Saint 
Jacques  leur  fait  la  môme  leçon  :  «  Ne  faites 
point  de  médisance  les  uns  contre  les  autres  ; 
celui  qui  méiiit  do  son  frère,  et  s'pn  rend 
juge  ,  se  met  à  la  place  de  la  loi  ;  il  usurpe 
les  droits  de  Dieu,  souverain  juge  et  législa- 
toui',  qui  seul  peut  ni'us  perdre  ou  nous  sau- 
ver (Jac.  IV,  11).»  Cette  témérité  vient  tou- 
jours d'un  très-mauvais  principe;  elle  part 
ou  d'un  fonds  de  malignité  naturelle ,  ou 
d'une  pas>ion  secrète  d'orgueil ,  de  haine, 
d'intérêt ,  de  jalousie,  ou  d'une  légèreté  im- 
pardonnable. Les  prétextes  par  lesquels  on 
cherche  à  la  justifier  n'elï'aceront  jamais  l'in- 
justice qui  y  est  attachée,  ne  prescriront  ja- 
mais contre  la  loi  naturelle,  qui  nous  défend 
de  fftire  à  autrui  ce  que  nous  ne  voulons  pas 
qu'on  nous  fasse.  Nos  jugements  sont  si 
fautifs  ,  nos  préventions  sont  souvent  si  in- 
justes, nos  atfi'Ctions  si  bizarres  et  si  intoii- 
stantes,  que  nous  devons  toujours  craindre 
de  nous  tromper  en  jugeant  des  actions  et 


693 


MEL 


mi 


CiA 


des  d(''fauts  ilu  in'ochaiii;  toujours  indulgents 
pour  iious-inêincs,  jaloux  à  l'excôs  de  notre 
ré|)iilation,  prêts  à  diHester  pour  toujours 
quiconque  aurait  jiaiiô  contre  nous,  nous 
(ieviioiis  <^tre  plus  circonspects  et  plus  cha- 
ritables h  l'cgaul  des  autres.  TouU' médisance 
qui  piirte  préjudice  au  in'ocliain  entraîne  la 
nécessite  d'une  répaiation;  il  n'est  j)as  pius 
))ermi3  île  lui  nuiio  par  des  discours  (|ue  par 
(.ies  actions.  De  la  méilUiiniT  à  la  calimuiie  la 
distance  n'est  pas  !on,^ue  ,  et  le  pas  est  glis- 
sant :  ui-ais  lorsque,  par  l'un  ou  l'autre  de 
ces  crimes ,  l'on  a  ùté  à  quelqu'un  sa  répu- 
tation, son  crédit,  sa  fortune,  couinient  faire 
liour  les  réparer?  Voij.  CiàLOiiMK. 

MEDITATION.  Voy   Ouaison  mentale. 

MEDKASCHl'.i,  lerme  hébreu  ou  rabbini- 
'([ue,  qui  siii,nifie  allégories;  c'est  le  nom  que 
les  Juifs  donnent  aux  couuuentaires  aIlé.j;o- 
ri(|ues  sur  l'Ecrilure  sainte,  et  en  particulier 
sur  le  Penialeuqiie.  Comme  presque  tous  les 
niiciens  commentaires  de  leurs  docieurssout 
allégoriques  ,  ds  les  désignent  tous  sous  ce 
même  nom. 

MÉGII.LOTH,  mot  hébreu,  qui  sigrûfie 
rouleaux;  les  Juifs  ap|ielh'iit  ainsi  l'Ecrlé- 
siaste,  le  Cantique,  les  Lameutations  de  Jé- 
rémie ,  Uulh  et  ("stlier  :  on  ne  sait  pas  trop 
pourquoi  ils  donnent  plutôt  ce  nom  à  ces 
cinq  livres  de  l'Ecriture  sainte  qu'à  t  )us  les 
autres. 

AiÉLANCOLIE  RELlGiEUSE,  tristes.se  née 
d'une  fausse  idée  qu(!  l'on  se  fait  do  In  reli- 
gion ,  quand  on  se  persuade  qu'elle  jjroscrit 
géii' ralement  tous  les  plaisirs,  même  les 
plus  innocents;  qu'elle  ne  commande  aux 
honnnes  que  la  contrition  du  cœur,  le  jeûne, 
les  larmes,  la  crainte,  les  gémissements. 
Celte  tristesse  est  tout  cnsem'.iïe  une  maladie 
du  corps  et  de  l'espiit;  souvent  elle  vient  du 
dérangement  de  la  machine ,  d'un  cerveau 
faible  et  du  défaut  d'instruction;  les  livres 
i|ui  ne  représentent  Dieu  (pie  couniii'  un  juge 
terrible  et  inexorable  ,  qui  |)rêchent  le  rigo- 
risme des  opiiûons  et  une  morale  outrée, 
sont  très-propres  à  la  faire  naitreouàla  rendre 
incurable ,  h  remplir  les  esprits  de  craintes 
chimériques  et  de  scrupules  mal  fondés  ,  à 
détruire  la  confiance  ,  la  force  et  le  courage 
dans  les  ;hnes  les  plus  portées  à  la  vertu. 
Lorsque  queU[ues-uiu'S  sont  malheureuse- 
ment prévenues  de  ces  erreurs,  elles  sont 
dignes  de  compassion;  l'on  ne  peut  prendre 
trop  do  soins  pour  les  guérir  d'une  préven- 
tion qui  est  également  contraire  à  la  vérité, 
à  la  raison,  à  la  nature  de  l'homme,  à  la 
bonté  inlinie  de  Dieu  et  ii  l'esprit  du  chris- 
tianisme. 

Les  grandes  vérités  de  notre  foi  sont  plus 
propre.*  à  nous  consoler  (ja'à  nous  etfrayer  ; 
la  doctrine  de  Jésus-Christ  porterait  bien 
mal  à  uropos  le  nom  d'Evangile  ou  de  bonne 
nouvelle,  si  elle  était  destinée  à  nous  attris- 
ter. Que  Dieu  ait  aimé  le  monde  jusqu'à 
donner  son  Fils  unique  pour  victime  de  la 
rédemption  {Joan.  ni,  16  ;  que  ce  divin  Sau- 
veur ail  voulu  être  semblable  à  nous,  et 
éprouver  nos  misères  ,  aiin  d'être  miséricor- 
dieux [Hebr.  ii,  17);  qu'il  ait  donné  en  etfet 


son  sang  et  s.i  vie  pour  réconcilier  le  monde 
à  son  Pc;  e  (Il  Cor.  v,  19);  que  la  paix  ait  été 
ainsi  conclue  entre  le  eiei  et  la  terre  (Colos  . 
I,  20),  etc..  sont-ce  là  des  dogmes  ca;'ables 
de  nous  affliger'?  «  Je  vous  annonce  un  grand 
sujet  de  joie,  disait  l'auge  aux  pasteurs  de 
Bethléem;  il  vous  estné  un  Sauveur  (Lue.  n, 
10).  »  Cette  joie,  sans  doute,  était  pour  tous 
les  hommes  et  pour  tous  les  siècles.  Jésus- 
Christ  veut  que,  dans  les  afflictions  même  et 
dans  les  pcrséc^itions ,  ses  disciples  se  ré- 
jouissent, parce  que  leur  récompense  sera 
grande  dans  le  ciel  [Matth.  v,  H  et  12),  H 
distingue  leur  joie  d'avec  celle  du  monde  ; 
mais  il  soutient  qu'elle  est  plus  vraii^  et  plus 
solide  :  Je  vous  reverrai ,  dit-il  ;  votre  cœur 
sera  pérUtré  de  joie,  et  personne  m  pourra  la 
troubler  (Joan.  xvi,  20  et  22). 

Le  royaume  de  Dieu,  selon  saint  Paul,  ne 
consiste  ))i.>int  dans  les  plaisirs  sensuels, 
mais  dans  Injustice,  ilans  la  paix  et  la  joie 
du  Saint-Esiirit  (Rom.  xiv,  17  i.  «  Que  le  Dieu 
de  toute  consnlatioii ,  dit-il  aux  Romains, 
vous  remplisse  de  joi"  et  de  paix  dans  l'exer- 
cice de  votre  foi,  afin  que  vous  soyez  pleins 
d'espérance  et  de  force  dans  le  Sà!nt-Ks]>rit 
(c.  xv,v.  13).))llditauxPhili[ipiens:  .<  Réjouis- 
sez-vous dans  le  Seigneur;  je  vous  le  réi^ète, 
réjouissez-vous;  [ue  votre  modestie  soit 
connue  de  tous  les  homun's;  le  Seigneur  est 
irès  de  vous,  ne  soyez  en  peine  de  rien 
Philipp.  IV  ,  4).  »  11  veut  que  la  joie  des  fi- 
dèles dans  le  culte  du  Seigneur  éclate  par 
des  hyuuies  et  par  des  cantiques  (Ephes.  v, 
19;  Cotoss.  ui,  16).  On  a  beau  G':ercher  à 
obscurcir  le  sons  de  ces  passages  par  d'nu- 
tiesqui  semblent  dire  le  contraire;  lorsqu'on 
examine  ceux-ci  de  près ,  on  voit  évidem- 
ment que  ceux  qui  en  sont  affectés  les  pren- 
nent de  travers.  Mais  de  même  qu'un  seul 
liypocondre  suffit  dans  une  société  ]jour  en 
troubler  toute  la  joie,  ainsi  un  écrivain  mê- 
lant dique  ne  manque  presque  jamais  de 
communiquer  sa  maladie  à  ses  lecteurs.  Ces 
gens-là  ressemfilent  aux  espions  que  Moïse 
envoya  pour  découvrir  la  (erre  orouiiso  ,  et 
qui  par  leurs  faux  rajiports  eu  dégoûtèrent 
les  Israélites.  Ceux  ,  au  contraire  ,  (pii  nous 
font  voir  la  joie  ,  la  paix,  la  tranquidité  ,  le 
bonheur,  attachés  à  la  vertu,  ressemblent 
aux  envoyés  plus  fidèles,  qui  rap|)ortèrent  de 
la  Palestine  des  fruits  délicieux,  alin  d'inspi- 
rer au  peuple  le  désir  de  posséder  cette  heu- 
reuse contrée. 

Lorsque  dans  une  communauté  religieuse 
de  l'un  ou  de  l'aulre  sexe  on  voit  régner 
une  joie  innocente,  une  gaité  modeste,  un 
air  de  contontement  et  de  séréruté ,  on  fient 
iu.^er  hardiment  que  la  régularité,  la  ferveur, 
la  piété,  y  sont  bien  i't;tblie<  ;  si  l'on  y  trauve 
de  la  tristesse,  un  air  sombre,  chagrin,  mc- 
content ,  e'est  un  signe  non  équivoque  du 
Contraire;  le  joug  de  la  règle  y  parait  trop 
pesant,  on  le  porte  malgré  soi. 

MÉl  ANCHTONIKNS  ou  LUTHÉRIENS 
MITIGÉS.  Voy.  Lithériens. 

AiELCHISÉDÉCIENS,  nom  de  plusieupg^ 
sectes  qui  ont  paru  en  différents  temps.  '^'^  "' 
premiers  fureul  une  branche  de  théodoti 


69S 


MEL 


MEL 


696 


~^' 


et  lurent  connus  au  m"  siècle  ;  aux  erreurs 
des  deux  Théo(iotes,  ils  ajoutèrent  leurs  pro- 
pres imaginations,  et  soutinrent  que  Melclii- 
sédecli  n'était  jias  un  liomuie,  mais  la  grande 
vertu  de  Dieu  ;  qu'il  était  supérieur  à  Jésus- 
Christ,  puisqu'il  était  médiateur  entre  Dieu 
et  les  anges,  comaie  Jésus-Glirist  l'est  enlre 
Dieu  et  les  hommes.  Voy.  ïhéodotieivs.  Sur 
la  fin  de  ce  môme  siècle ,  cette  hérésii'  fut 
renouvelée  en  Egypte  par  un  nommé  Hie'raœ, 
qui  prétendit  que  Melchisédech  était  le  Saint- 
Esprit.  Voy.  HiÉRACiTES.  Quelques  anciens 
ont  accusé  Origène  de  cette  erreur;  mais  il 
faut  que  ce  reproche  ait  été  bien  mal  fondé, 
puisque  ni  M.  Huet,  ni  les  éditeurs  des  œu- 
vres d'Origi'ne,  n'en  font  aucune  mention. 
Voy.  Huet'ii  Origen. ,  lib.  ii ,  quœst.  2.  Les 
écrivains  ecclésiasticiues  iiarlent  d'une  autre 
secte  de  melchisédéciens  plus  modernes,  qui 
paraissent  avoir  été  une  branche  des  mani- 
chéens. Ils  n'étaient ,  à  proprement  parler, 
ni  juifs ,  ni  chrétiens ,  ni  païens  ;  mais  ils 
avaient  pour  Melchisédech  la  plus  grande 
vénération.  On  les  nommait  attingani ,  gens 
qui  n'osent  toucher  peisonne,  de  peur  de  se 
souiller.  Quand  on  leur  présentait  quelque 
chose  ,  ils  ne  le  recevaient  point ,  à  moins 
qu'on  ne  le  mît  à  terre ,  et  ils  faisaient  de 
même  quand  ils  voulaient  donner  quelque 
chose  aux  autres.  Ces  visionnaires  se  trou- 
vaient dans  le  voisinage  de  la  Phrygie.  Enlio, 
on  peut  mettre  au  rang  des  melchisédéciens 
ceux  qui  ont  soutenu  que  Melchisédech  était 
le  Fils  de  Dieu,  qui  avait  apparu  sous  une 
forme  humaine  à  Abraham,  sentime:  l  qui  a 
eu  de  tem[>s  en  temps  quelques  défenseurs, 
entre  autres  Pierre  Cunéus,  dans  sa  Républi- 
que des  Hébreux  ,  ouvrage  savant  d'ailleurs. 
Il  a  été  réfuté  par  Christophe  Scidégelet  par 
d'autres  ,  qui  ont  prouvé  que  Melchisédech 
était  un  pur  homme ,  l'un  des  rois  de  la  Pa- 
lestine, adorateur  et  prêtre  du  vrai  Dieu.  Ou 
demandera,  sans  doute,  comment  des  hom- 
mes raisonnables  ont  pu  se  mettre  dans  l'es- 
prit de  pareilles  chimères.  C'est  un  des 
exemples  de  l'abus  énorme  que  l'on  peut 
faire  de  l'Ecriture  sainte ,  quand  on  ne  veut 
suivre  aucune  règle,  ni  se  soumettre  à  aucune 
autorité, 

Saint  Paul ,  dans  VEpitre  aux  Hébreux , 
c.  VII,  pour  montrer  la  supériorité  du  sacer- 
doce de  Jésus-Christ  sur  celui  d'Aaron  et  de 
ses  descendants,  lui  ajiplique  ces  paroles  du 
psaume  109  :  «  Vous  êtes  i)rètre  pour  l'éter- 
nité, selon  l'ordre  de  Melchisédech  ;  »  et  fait 
voir  que  le  sacerdoce  de  celui-ci  ne  ressem- 
blait point  à  celui  des  prêtres  juifs.  En  eflêt, 
il  fallait  que  ces  derniers  fussent  de  la  fa- 
mille d'Aaron  ,  et  nés  d'une  mère  Israélite  ; 
Melchisédech,  au  contraire,  ét&il  sans  père, 
sans  mère,  et  sans  généalogie;  l'Ecriture  ne  dit 
point  qu'il  eut  ))Our  père  un  prêtre;  elle  ne 
parle  ni  de  sa  mère  ,  ni  de  ses  descendants; 
sa  dignité  n'était  donc  attachée  ni  à  la  fa- 
mille ni  à  la  naissance.  Saint  Paul  ajoute 
qu'i/  n'a  eu  ni  commencement  de  jours,  ni  fin 
vie,  c'est-à-dire  que  l'Ecriture  garde  le  si- 
efice  sur  sa  naissance  ,  sur  sa  mort,  sur  sa 
succession  ,  au  lieu  que  les  prêtres  juifs  ne 


servaient  au  temple  et  à  l'autel  que  depuis 
J'àge  do  trente  ans  jusqu'à  soixante  ,  et  ne 
commençaient  à  exercer  leur  ministère  qu'a- 
près la  mort  de  leurs  prédécesseuis.  Leur 
sacerdoce  était  donc  très-borné,  au  lieu  que 
l'Ecriture  ne  met  pfiint  de  bornes  à  celui  île 
Mclchiséderh;  c'est  ce  qu'enteiul  saint  Paul, 
lorsqu'il  dit  Cfue  ce  roi  demeure  prêtre  pour 
toujours  à  un  sacerdoce  perpétuel  ;  d'où  il 
conclut  que  le  caiactère  de  Melchisédech 
était  plus  propre  que  celui  des  prêtres  juifs 
à  figurer  le  sacerdoce  élernel  de  Jésus-Christ; 
et  c'est  dans  ce  sens  qu'il  dit  (|ue  ce  person- 
nage a  été  rendu  semblable  au  Fils  de  Dieu. 

Cependant,  continue  l'apôtre,  Melchisédecli 
était  plus  grand  que  Abi'aham,  à  plus  forte 
raison  queLévi  et  que  Aaron  ses  descendants, 
puisqu'il  a  béni  Abraham,  et  a  reçu  de  lui  la 
dime  de  ses  dépouilles  ;  donc  le  sacerdoce 
de  Jésus-Christ ,  formé  sur  le  modèle"  de  ce- 
lui de  Melchisédech ,  est  plus  excellent  que 
celui  d'Aaron  et  de  ceux  qui  lui  ont  succédé. 
Tel  est  le  raisonnement  de  saint  Paul.  Mais 
en  prenant  à  la  lettre  cX  dans  le  sens  le  plus 
grossier  tout  ce  qu'il  dit  de  Melchisédech, 
des  cerveaux  mal  organisés  ont  fondé 
là-dessus  les  rêveries  dont  nous  avons 
parlé. 

ilELCHITES.  Ce  nom,  dérivé  du  syriaque 
malck  ou  melck,  roi,  empereur,  signifie roî/a- 
listes  ou  impériaux ,  ceux  qui  sont  du  parti 
ou  de  la  croyance  de  l'empereur.  C'est  le 
nom  que  les  eutyciiiens,  condamnés  par  le 
concile  de  Chalcédoine,  donnèrent  aux  ortho- 
doxes qui  se  soumirent  aux  décisions  de  ce 
concile,  et  à  l'édit  de  l'empereur  Marcien 
qui  en  ordonnai I  l'exécution  ;  pour  la  môme 
raison,  ceux-ci  furent  aussi  nommés  chalcé- 
doniens  par  les  schismatiques.  Le  nom  de 
melcliitcs,  parmi  les  Orientaux,  désigne  donc 
en  général  tous  les  chrétiens  qui  ne  sont  ni 
jacobites,  ni  nestoriens.  11  convient  non- 
seulement  aux  Grecs  catholiques  réunis  à 
l'Eglise  romaine  ,  et  aux  Syriens  maronites, 
soumis  de  même  au  saint-siége,  mais  encore 
aux  Grecs  schismatiques  des  patriarcats 
d'Antioche,  de  Jérusalem  et  d'Alexandrie, 
qui  n'ont  embrassé  ni  les  erreurs  d'Eutychès, 
ni  celles  de  Nestorius.  Les  patriarches  grecs 
de  ces  trois  sièges  ont  été  obligés  en  plu- 
sieurs choses  de  recevoir  la  loi  du  patriarche 
de  Constantinople,  de  se  conformer  aux  rites 
de  ce  dernier  siège,  de  se  borner  aux  deux 
liturgies  de  saint  Basile  et  de  saint  Jean 
Chry.-ostomc  ,  desijuelles  se  sert  l'Eglise  de 
Constantinople.  Le  pati-iarche  melchite  d'A- 
lexandrie réside  au  Grand-Caire,  et  il  a  dans 
son  ressort  les  églises  grecques  de  l'Afrique 
et  de  l'Arabie;  au  lieu  que  le  patriarche 
cophte  ou  jacobite  demeure  ordinairement 
dans  le  monastère  de  Saint-Macaire,  qui  est 
dans  laThébaide.  Celui  d'Antioche  ajuridic- 
tion  sur  les  Eglises  de  Syrie,  de  Mésopota- 
mie et  de  Caramanie.  Depuis  que  la  vilio 
d'Antioche  a  été  ruinée  par  les  tremblements 
de  terre,  il  a  transféré  son  siège  à  Damas 
où  il  réside,  et  où  l'on  dit  qu'il  y  a  sept  à 
à  huit  mille  chrétiens  du  rite  grec  ;  on  eu 
suppose  le  double  dans  la  ville  d'Alep,  uiais 


697 


MEL 


MEN 


698 


il  (Ml  reste  peu  dans  les  mitres  villes  ;  les 
schismes  des  Syriens  JMcobites,  des  N.'sto- 
riens  et  des  arméniens,  ont  réduit  ee  i)atriar- 
cat  >\  nn  très-petit  nombre  d'éviclu's.  Le 
patriarclio  de  Jérusalem  gouverne  les  Kglises 
ta-ecques  de  la  Palestine  et  des  conlins  de 
i'Araliie;  son  district  est  un  démemjjrement 
de  celui  d'AntiocIie,  fait  par  le  concile  de 
Clialrédoinc^  :  de  lui  dépend  le  célèbre  mo- 
nastère (lu  mont  Sinai,  dont  l'abbé  a  le  tilre 
darchevèijue. 

Quoique  dans  tous  ces  pays  l'on  n'entende 
pUcs  le  grec,  on  y  suit  cependant  toujours 
la  litur^i(!  grecque  de  Constanlinople  ;  ce 
n'est  ijue  depuis  quelque  tem()S  que  la  dit'li- 
culté  de  trouver  des  pr(jtres  et  (ii  s  diacres 
qui  sussent  lire  le  grec  a  obligé  les  mrl- 
chites  di'.  célébrer  la  messe  en  arabe.  Lebriui, 
Explication  des  cérémonies  de  la  messe,  t.  IV, 
p.  WS. 

MELECIKNS,  partisans  de  M(^lèce,  évêque 
de  Lyco[iolis  en  Egypte,  déposé  dans  un  sy- 
node par  Pierre  d'Alexandrie  son  métro- 
politain, vers  Fan  306,  i)ouv  avoir  sacrilié 
aux  idoles  pendant  la  iiersécutinn  de  Dio- 
clétien.  Cet  évcque ,  obstiné  à  conserver 
son  siège,  trouva  des  adhérents,  et  forma 
un  schisme  qui  dura  pendant  près  de  cent 
cinquante  ans.  Comnu!  .Mélèce  et  ceux  de 
son  parti  n'étaient  accusés  d'aucune  erreiu- 
contre  la  foi,  les  évoques  assemblés  au  con- 
cile de  Nicée,  l'an  325,  les  invitèrent  à  ren- 
trer dans  la  cumuumion  île  l'Eglise,  et  con- 
sentirent .^  les  y  recevoir.  Plusieurs,  et  M(''- 
lèce  lui-même,  i!onnèrent  des  mar([ues  de 
soumission  à  saint  Alexandre,  pour  lors  pa- 
triarche d'Alexau(h-ie  ;  mais  il  parait  que 
cette  réconciliation  ne  l'ut  pas  sincère  de 
leur  part  :  on  prétend  que  Mélèce  retourna 
bientôt  à  son  caractère  brouillon,  et  mourut 
dans  son  schisme.  Lorsciue  saint  Athanase 
fut  placé  sur  le  siège  d'Alexandrie,  les  mA- 
léciens,  jusqu'alors  ermemis  déclarés  des 
sriens,  se  joignirent  h  eux  pour  persécuter 
et  calomnier  ce  zélé  défenseur  de  la  foi  de 
Nicée.  Honteux  ensuite  des  excès  auxquels 
ils  s'étaient  portés,  ils  cherchèrent  à  s(!  réu- 
nir à  lui  ;  .\rsèni',  leur  chef,  lui  écrivit  une 
lettre  de  soumission,  l'an  333,  et  lui  de->; 
meura  constamment  attaché.  Mais  il  parait 
(jn'une  partie  des  inéhriens  persévérèrent 
dans  leur  confédération  avec  les  ariens, 
puisipie  du  temps  de  Tliéouoret,  leur  schis- 
me subsistait  encore,  du  moins  parmi  quel- 
ques moines  ;  ce  Père  les  accuse  de  plusiein-s; 
usages  supcistitieux  et  ridicules.  i 

Il  ne  faut  pas  confond le  le  sclusmali(]ue' 
tlont  nous  venons  de  parler,  avec  saint  .Mé- 
lèce, évoque  de  Sébaste  et  ensuite  d'.^iitio- 
che,  vertueux  jirélat,  exilé  trois  fois  par  la 
cabale  des  ariens,  à  cause  de  son  attachement 
à  la  doctrine  catholique.  Ci-  fut  h  son  ncca-f 
sion,  mais  non  par  sa  faute,  (lu'il  se  lit  ua 
schisme  dans  l'Eglise  d'Antiocne.  Une  par-^ 
lie  de  son  troupeau  se  révoHa  contre  lui, 
"SOUS  prétexte  que  les  ariens  avaient  eu  part 
à  son  ordination.  L';(^Jferde  Cagliari,  envoyé 
pour  calmer  les  esprits,  les  aigrit  davantag(>, 
en  ordouKaiît  Paulin  pour  prendre   la  place 


de  saint  Mélèce.  Voy.  Lucifériens.  En  par- 
lant (le  ces  deux  derniers  personnages,  saint 
Jér(ime(Hrivait  au  pape  Damase  :  Je  ne  prends 
le  parti  ni  de  Paulin  ni  de  Mélèce.  Tillemont, 
t.  V,  p.  453  ;  t.  VI,  p.  233  et  2G2  ;  t.  VIII, 
p.  14.  et  29. 

MELOTE,  peau  de  mouton  ou  de  brebis 
avec  sa  toison,  nom  dérivé  de  pÀ^ov,  brebis  ou 
&/frt//.  Les  premiers  anacliorètes  se  couvraient 
les  épaules  d'une  méloir,  et  vivaient  ainsi 
dans  les  déserts.  Partout  où  la  Vulgnte  parle 
du  manteau  d'Elie,  les  Septante  disent  la 
mélole  d'Elie;  saint  Paul,  parlant  des  anciens 
justes,  dit  qu'ils  marchaient  dans  les  déserts 
couverts  de  mclotei  et  de  peaux  de  chèvres 
(Hébr.  X.I,  37);  c'était  l'hahit  des  pauvres. 
M.  Fleury,  dans  son  Ilist.  ecclés.  ,  dit  que 
les  disci[)les  de  saint  Pacôme  portaient  une 
ceinture,  et  sur  la  tunique  un^'  peau  di'  chè- 
vre blanche  ,  qui  couvrait  leurs  épaules  , 
qu'ils  gardaient  l'un  et  l'autre  à  table  et  sur 
leur  grabat  ;  mais  que  quand  ils  se  présen- 
taient h  la  conuuunion,  ils  ôtaient  la  mélote 
et  la  ceinture,  et  ne  gardai(!nt  ([ue  la  tuni- 
que. C'est  q>ie  la  ceinture  était  uniquement 
tlestinée  à  relever  la  tuni([ue  quand  on  vou- 
lait marcher  ou  travail'cr,  et  la  mélote  à  se 
garantir  de  la  pluie  ;  cet  éijuipage  ne  conve- 
nait plus,  lorsqu'on  voulait  se  mettre  dans 
une  situation  |ilus  respectueuse  ;  cette  atten- 
tion des  solitaires  prouve  leurs  sentiments  à 
l'égard  de  l'eucharistie. 

MEMBRES  CORPORELS  ATTRIBUÉS  A 
DIEU.  Yoij.  ANTnR0P0L0(;iiî. 

MEMBRES  DE  L'EGLISE.  Voy.  E(îuse, 
§  3. 

MENACES.  Selon  la  remarque  de  plusieurs 
Pères  de  l'Eglise,  les  menaces  que  Dieu  fait 
aux  pécheurs  sont  un  ell'et  de  sa  bonté  ;  s'il 
avait  dessein  de  les  punir,  il  ne  chercherait 
pas  ti  les  eU'rayer ,  il  les  laisserait  dans  une 
entière  sécurité.  La  justice  de  Dieu  exige, 
sans  doute,  qu'il  accomplisse  toutes  ses  pro- 
messes ,  à  moins  que  les  honuues  ne  s'en 
rendent  indignes  par  leur  désobéissance, 
mais  elle  n'exige  point  ([u'il  exécute  de  mô- 
me toutes  ses  menaces  ;  il  peut  pardonner 
et  faire  miséricorde  à  (\m  il  lui  jilaît,  sans 
déroger  à  aucune  de  ses  perfections.  Nous 
voyous  dans  l'Ecriture  sainte  que  Dieu  s'est 
souvent  laissé  toucher  en  faveur  des  pé- 
cheurs par  les  prières  des  justes.  Combien 
de  fois  l'intercession  de  Moïse  n'a-t-elle  i)as 
délouriH'  les  coups  dont  Dieu  voulait  fra|iper 
les  Israélites?  C'est  la  i-.'mar(]uede  saint  Jé- 
rôme, Dial.  1,  contra  Pelug.,  c.  9  ;  in  Isaiam, 
c.  ult.  ;  in  Epist.  ad  Ephes.,  c.  2  ;  de  saint 
.\ugustin,  L.  de  Geslis  PelaqH,  c.  3,  n"  9  et 
11  ;  contra  Jitlian.,  1.  m,  c.  IM,  n"  35  ;  contra 
dnas  Epist.  Pelag.,\.iv,  c.  G,  n"  16;  de  saint 
Fulgence,  L.  i,  ad  Monim.,  c.  7,  etc.  Voy. 
Miséricorde. 

Il  ne  s'ensuit  pas  de  là  que  nous  sommes 
en  droit  de  ul'  pas  craindre  l'effet  des  mena- 
ces de  Dieu,  puisque  souvent  il  les  exécute 
d'ine  manière  terrible,  témoins  les  hommes 
antédiluviens,  les  Sodomites,  les  Egyptiens, 
Tes  Israi'lites  idokUres  et  rebelles,  et'c.  .Mais 
il  n'a  point  accompli  celles  qu'il  avait  faites 


699 


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à  David,  au  roi  Achab,  aux  Ninivites,  etc., 
parce  qu'ils  en  ont  été  toucliés  et  ont  fait 
pénitence.  Dans  ces  occasions,  l'Ecriture 
dit  que  Dieu  s'est  repenti  du  mal  qu'il  voulfiit 
faire  aux  pécheurs  (Ps.  cv,  45  ;  Jerem.  26, 
19,  etc.);  parce  que  sa  conduite  ressemble 
à  celle  d'un  homme  qui  se  repent  d'avoir 
menacé.  Dieu  lui-même  déclare  ailleurs  qu'il 
est  incapable  de  se  repentir  et  de  changer  de 
volonté.  Voy.  Anthropopatoie. 

MENANDRIENS,  nom  d'une  des  plus  an- 
ciennes sectes  de  anostiqui's.  Mén.indre,  leur 
chef,  était  disciple  de  Simon  le  Magicien  ; 
né  comme  lui  dans  la  Samarie,  il  lit  aussi 
bien  que  lui  profession  de  magie,  et  suivit 
les  mômes  sentiments.  Sfmon  s  •  faisait  nom- 
mer ta  grande  vertu  ;  Ménandre  ptdjlia  que 
cette  grande  vertu  ét;iit  inconnue  à  tous  les 
hommes  ;  que  pour  lui  il  était  envoyé  sur  la 
terre  par  les  puissances  invisibles  pour  opé- 
rer le  salut  des  hommes.  Ainsi  Ménandre  et 
Simon  son  maître  doivent  être  mis  au  nom- 
bre des  faux  messies,  qui  parurent  immé- 
diatement après  l'ascension  de  Jésus-Christ, 
Flulôt  qu'au  rang  des  hérétiques.  L'un  et 
autre  enseignaient  que  Dieu  ou  la  suprême 
intelligence,  qu'ils  noumi  lient  Ennoia,  avait 
donné  l'être  à  un  grand  nombre  de  génies 
qui  avaient  formé  le  monde  et  la  race  des 
houmies  ;  c'était  le  système  des  platoniciens, 
Valentin ,  qui  parut  après  Ménandre,  lit  la 
généalogie  de  ces  génies,  qu'il  nomma  des 
éons.  Voy.  Valentiniens.  Il  paraît  que  ces 
imposteurs  supposaient  que,  dans  le  nombre 
des  génies,  les  uns  étaient  bons'  et  bienfai- 
sants, et  les  antres  mauvais,  et  que  ces  der- 
niers avaient  |)lus  de  part  que  les  premiers 
au  gouvernement  du  monde,  puisque  Mé- 
nandre se  |irélendait  envoyé  par  les  génies 
bienfaisaïUs,  pour  apprendre  aux  hommes 
les  moyens  de  se  délivrer  des  maux  auquels 
l'iiomme  avait  été  assujetti  |ar  les  mauvais 
génies.  Ces  moyens,  selon  lui,  étaient  d'a- 
bord une  espèce  de  baptême  qu'il  conférait  à 
ses  disciples,  en  son  propre  nom,  et  qu'il  a;!- 
pela  t  une  vraie  résurrection,  jiar  le  moyen 
duquel  il  leur  |)romettait  l'immortalité  et  une 
jeunesse  perpétuelle;  mais,  comme  l'observe 
le  savant  éditeur  de  saint  Irénée,  sous  le 
nom  de  résurrection  Alénandre  entendait  la 
connaissance  de  la  vérité,  et  l'avantage  d'être 
sorti  des  ténèbres  de  l'erreur.  Il  n'est  guère 
possible  qu'il  ail  persuadé  à  ses  partisans 
qu'ils  seraient  immortels  et  délivrés  des 
maux  de  cette  vie,  dès  qu'ils  auraient  reçu 
son  baptême.  Il  est  donc  probable  que,  par 
V immortalité,  Ménandre  jiromettait  à  ses  dis- 
ciples qu'après  leur  mort,  leur  corps,  dégagé 
de  toutes  ses  parties  grossières,  reprendrait 
une  vie  nouvelle,  plus  heureuse  que  celle 
dont  il  jouit  ici-bas.  Quelque  violent  que 
soit  le  désir  dont  les  honunes  sont  liossédés 
de  vivre  toujours,  il  ne  ]iarait  pas  possible  de 
persuader  à  ceux  qui  sont  dans  li'ur  bon  sens 
qu'ils  peuvent  jouir  de  ce  privilège.  Le  jire- 
mier  ménandrien  que  l'on  aurait  vu  mourir 
aurait  détrompé  les  autres.  On  connaît  l'en- 
têtement tles  Chinois  à  cliercher  le  breuvage 
d'immortalité,  mais  aucun  n'a  encore  osé  se 


vanter  de  l'avoir  trouvé  ;  et  quand  un  Chi- 
nois serait  assez  insensé  pour  l'aflirmer,  il 
n'est  pas  vraisemblable  qu'aucun  voulTit  l'eu 
croire  sur  sa  parole.  L'autre  moyen  de  triom- 
])her  des  génies  créateurs  et  ujalfaisants  était 
la  pratique  de  la  théurgie  et  de  la  magie, 
secret  auquel  les  philosophes  platoniciens 
du  iV  siècle,  noaunés  éclectiques,  eurent 
aussi  recours  dans  le  même  dess.ein.  Voy.  l'a 
première  dissertation  de  dom,  Masswt  sur  saint 
Irénée,  art.  3,  §  2  ;  Mosheim,  Instit.  ffisto- 
riœ  christ ianœ ,  sœc.  i,  part,  ii,  cai).  5, 
§    '5. 

Ménandre  eut  des  disciples  h  Antioche, 
et  il  en  avait  encore  du  lem:  s  de  saint  .lus- 
tin  ;  mais  il  y  a  beaucoup  d'apparence  qu'ils 
se  confondirent  bientôt  avec  les  autres  sec- 
tes de  gnosliqu<'s.  Quelque  a'isurde  iju'ait  été 
sa  doctnne,  on  peut  en  tirer  dos  conséquen- 
ces importantes.  1°  Dans  le  temps  que. lésus- 
Christ  a  paru  sur  la  terre,  on  attendait  dans 
l'Orient  un  iSïessie,  un  Rédemiiteur,  un  Li- 
bérateur du  genre  humain,  puisque  plusieurs 
imposteurs  profitèrent  de  cette  opinion  pour 
s'annoncer  comme  envoyés  du  ciel,  et  trou- 
vèrent des  partisans.  2°  Les  prélendus  en- 
voyés ,  qui  ne  voulaient  tenir  leur  mission 
ni  de  Jésus-Christ  ni  des  apôtres,  ne  se  sont 
cependant  pas  inscrits  en  faux  contre  les  mi- 
racles publiés  à  la  prédi(ation  de  l'Evangile  ; 
les  anciens  Pères  ne  les  en  accusent  point, 
ils  leur  reprochent  seulement  d'avoir  voulu 
contrefaire  les  miracles  de  Jésus-Christ  et 
des  ajiôtres  par  le  moyen  de  la  magie.  Si- 
mon et  Ménandre  étaient  ceiiendant  très  à 
portée  de  savoir  si  les  faits  publiés  par  les 
évangélistes  étaient  vrais  ou  faux,  puisqu'ils 
étaient  nés  dans  la  Samarie  et  dans  le  voisi- 
nage de  Jérusalem.  3°  Nous  ne  voyons  pas 
non  plus  que  ces  premiers  ennemis  des  apô- 
tres aient  forgé  de  faux  évangiles;  celte  audace 
ne  commença  que  dans  le  second  siècle, 
longtemps  après  la  mort  des  apôires.  Tant 
que  ces  témoins  oculaires  vécurent,  personne 
n'osa  contester  l'authenticité  ni  la  vérité  de 
la  narration  des  évangélistes.  Les  hérétiques 
se  bornèrent  d'abord  à  l'altérer  dans  quelques 
])assages  qui  les  incommodaient;  bientôt, 
devenus  plus  hardis,  ils  osèrent  compnser 
des  histoires  et  des  expositions  de  leur 
croyance,  qu'ils  nommèrent  des  évangiles. 
k"  Ces  anci:  ns  chefs  de  parti  étaient  des  phi- 
loso|iiies,  puisqu'ils  cherchaient,  parle  moyen 
du  système  de  Platon,  à  résoudre  la  dilliculté 
tirée  de  l'origine  du  mal.  Il  n'est  donc  pas 
vrai,  comme  le  prétendent  les  incrédules,  que 
la  prédication  de  l'Evangile  n'ait  fait  impr.  s- 
sion  que  siir  les  ignorants  et  sur  le  bas  peu- 
ple. Ceux  qui  ont  cru  et  se  sont  faits  chré- 
tiens avaient  à  choisir  entre  la  doctrine  dos 
apôtres  et  celle  des  imposteurs  qui  s'attri- 
buaient une  mission  semblable.  Il  n'est  pas 
vrai  non  [ilus  que  le  cluislianismc  ait  fait  ses 
prcnders  progrès  dans  les  ténèbres,  et  sans 
que  l'on  ait  pris  la  peine  d'examiner  les  faits 
.sur  lesquels  il  sefond;dt,  puisqu'il  y  a  fu  Je 
vives  disputes  entre  les  disciples  des  apôtres 
et  ceux  des  faux  docteurs  ;  et  puisque  la  doc- 
trine apostolique  a  triomphé  de  ces  premières 


701  MRN 

sectes ,  c'est  l'vkliimnient  parce  que  l'on  a 
été  convaincu  de  la  mission  des  premiers  et 
de   l'impostiiro    des    seconds.    Voy.    Simo- 

NIENS. 

MENDIANTS,  nom  de  religieux  tjui,  pour 
pratiquer  la  pauvreté  évangéliquc ,  vivent 
d'numùnes  et  vont  quêter  le;:r  subsistance. 
Les  (]uatie  ordres  mendiants  las  plus  am^iens 
sont  les  carmes,  les  jacobins  ou  dominicains, 
les  cordeliers  et  Igs  augustins  ;  les  plus  mo- 
dernes sont  les  capucins,  les  récollcts,  les 
minimes,  et  d'autres,  dont  on  peut  voir  l'in- 
stitut et  le  régime  dans  {'Histoire  tirs  Ordres 
monastiques,  par  le  père  llélyot.  Nous  ])ar- 
lons  des  principaux  sous  leurs  noms  particu- 
liers. 

L'inutilité  et  l'abus  des  ordres  mendiants 
sont  un  des  lieux  connnuns  sur  lesqu;isnos 
philosophes  politiques  se  sont  exercés  avec 
le  iilus  de  zèle.  Suivant  leur  avis,  ces  reli- 
gieux sont  non-seulement  des  hominos  fort 
mutiles,  mais  uneciiarge  très-onéreuse  pour 
les  peui>les.  Les  privilèges  q  ;'ils  ont  obtenus 
des  souverains  poutifes  ont  contribué  à  éner- 
ver la  discipline  ecclésiastique;  les  quêtes 
sont  pour  eux  une  occasion  i  rochaine  de  dé- 
règlement, de  bassesse,  de  fraude^  pieuses, 
etc.  Toutes  ers  plaintes  ont  été  ceiii.es  d'a- 
près les  protestants.  On  voudra  bien  nous 
permettre  quelques  observations  sur  ce 
sujet. 

1°  C'est  dans  le  \u'  siècle  que  les  ordres 
mendiants  ont  commencé.  Dans  ce  temps-lîi, 
l'Europe  étnit  infectée  de  différentes  sectes 
d'hérétiques  qui,  par  les  dehors  de  la  pau- 
vreté, de  la  mortiticalion,  de  l'humilité,  du 
détachement  de  toutes  choses,  séduisaient 
les  peuples  et  introduisaient  leurs  erreurs. 
Tels  étaient  les  cathares ,  les  vaudois  ou 
pauvres  de  Lyon,  les  poplicains,  les  frérots, 
etc.  Plusieurs  saints  personnages,  (lui  vou- 
laient préserver  de  ce  plégc  les  fidèles,  sen- 
tirent \!\  nécessitéd'opposerdes  vertus  réelles 
à  l'hypocrisie  des  sectaires,  et  défaire  par  re- 
ligion ce  que  ces  dcrni 'rs  faisaient  parledé- 
sirde  tromper  les  ignoiants.  Tout  [irédicateur 
qui  ne  paraissait  pas  aussi  niortitié  que  les 
hérétiques  n'aurait  pas  été  écouté  ;  il  fallut 
donc  des  hommes  qui  joignissent  à  un  véri- 
table zèle  la  pauvreté  que  Jésus-Christ  avait 
commandée  a  ses  apôtres  {Matth.  x,  9  ;  Lxic. 
xiv,  33,  etc.).  Plusieurs  s'y  engagèrent  par 
vœu,  et  trouvèrent  des  imitateurs.  Mosheim, 
quoique  protestant ,  très-prévenu  contre  les 
moines  et  surtout  contre  les  mendiants,  con- 
vient cependant  de  cette  origine,  llist  eedé-~ 
siflsf.,sa^c.  xHi,  il'  part.,  c,  -2,  §  21.  Ce  des- 
sein était  certainement  très-louable,  on  doit 
en  savoir  gré  h  ceux  qui  ont  eu  le  courage 
de  l'exécuter  ;  et  quand  le  succès  n'aurait  pas 
répondu  parfaitement  aux  vues  des  institu- 
teurs et  des  papes  qui  les  ont  approuvés,  on 
n'aïuail  [);is  droit  de  les  en  rendre  respon- 
sables ni  de  les  blàmor.  Les  critiques  qui  ont 
dit  que  rni.-.titution  des  ordres  mendiants 
était  l'ouvrage  de  l'ignorance  des  siècles 
bai  bans,  d'une  piété  mal  entendue,  d'une 
faus.>cidée  d(!  la  jterfection,  etc.,  ont  très-mal 
rtncQUlré  ;  c'étiiit  unelletde  la  nécessité  des 


MEN 


70* 


circonstances  et  de  la  disposition  des  peuples. 
Ceux  qui  ont  écrit  que  c'était  un  projet  de 
politique  de  la  part  des  papes  ;  que  ceux-ci 
voulaient  avoir  dans  les  mendiants  une  es- 
liôce  de  milice  toujours  prête  à  exécuter 
leurs  ordres  et  h  seconder  leurs  vues  ambi- 
tieuses, ont  été  encore  moins  heureux  dans 
leur  conjecture.  Quelle  ressource  les  papes 
pouvaient-ils  espérer  do  trouver ,  pour  éten- 
dre leur  puissance,  dans  l'humilité  timide 
de  saint  François,  ou  de  ceux  qui  mit  rrlor- 
mé  des  ordres  religieux?  S'ds  avaient  fondé 
là-dessus  leurs  vues  ambitieuses,  ils  auraient 
été  cruellement  troiii|/és,  etl'esiirit  p.rophé- 
tique  q  l'on  leur  prête  aurait  bien  mal  vu  l'a- 
venir ;  cela  sera  prouvé  dans  un  moment. 

2°  Loin  d'avoir  eu  l'inlentiou  de  se  rendre 
inutiles  au  monle,  les  fondateurs  des  ordres 
mendiants  ont  eu  celle  do  se  consacrer  à  l'in- 
struction des  fidèles  et  à  la  conversion  d.' ceux 
tpii  étaient  tombés  dans  l'erreur  ;  ils  y  ont 
travaillé  aussi  bien  que  leurs  disciples,  avec 
le  zèle  le  jilus  sincère,  et  avec  beaucoup  de 
fruit.  Alors  le  clergé  séculier  était  fort  dégra- 
dé; il  fallut  remplir  le  vide  de  ses  travaux 
par  ceux  des  rel  gieux  mendiants  ;  de  \h  vint 
le  crédit  et  la  considération  ({u'ilsacquirent. 
Mosheim  en  convient  encore.  Aujourd'hui 
nièiiie,  depuis  que  le  clergé  est  rétabli,  il  y 
a  encore  unciniinité  de  paroisses  pauvresel 
d'une  des  ertediliicile,  dans  lesquelles  on  a 
besoin  du  secours  des  religieux.  11  n'est  d'aii- 
b  urs  aucun  des  {irdvesmendiants  dans  leiiuel 
il  n'y  ait  eu  des  savants  qui  ont  honoré  l'E- 
glise par  leurs  travaux  littéraires  autantque 
par  leurs  vertus. 

3°  Les  papes,  en  apjirouvant  ces  ordres, 
ne  les  ont  point  soustraits  d'abord  à  la  juri- 
diction des  évêques;  les  exemptions  ne 
sont  venues  qu'après ,  et  ça  été  encore 
l'elfet  des  circr:iistances  et  de  la  dégradation 
dans  laquelle  le  clergé  séculier  était  tombé. 
Nous  convenons  que  les  religieux  en  abusè- 
rent quelquefois;  que  leurs  liisputes,  leurs 
prétentions,  leur  revoit'  contre  les  évêques, 
leur  ambiti.ui  dans  les  universités,  ont  été 
un  des  désordres  qui  ont  donné  le  plus  d'oc- 
cupation et  d'inquiétude  aux  papes  ;  JMos- 
hcim,  saec.  xiv,  iT  part.,c.  2,  §  17;  saec.xv,  n* 
part.,  c.  2,  §20.  Mais  il  n'est  pas  vrai  que  les 
jiajies  les  aient  ordinairement  soutenus,  plu- 
sieurs ont  donné  des  bulles  pour  les  répri- 
mer. Depuis  ([ue  le  concile  de  Trente  a  re- 
mis les  choses  dans  l'ordre,  que  les  anciens 
obus  ne  subs  stcnt  plus  et  ne  sont  plus  à 
craindre,  il  est  de  mauvaise  gr.'ce  d'en  rap- 
peler le  souvenir,  et  île  remlre  les  religieux 
d'aujourd'hui  responsables  des  fautes  com- 
mises il  y  a  deux  cents  ans. 

k"  Nous  voyons  dans  la  règle  de  saint  Au- 
gustin, et  dans  celle  de  saint  François,  que 
suivent  la  plupai  t  des  religieux  pauvres,  Que 
le  dessein  des  instituteurs  était  d'en  placer 
dans  les  convenis,  dans  lescampagne>,  plu- 
tôt que  dans  les  villes,  alin  (pie  les  religieux 
fussent  appliquas  à  instruire  et  à  consoler 
la  partie  du  peuple  qui  en  a  le  plus  Ijesuiu, 
et  pa.  lageassent  leur  temps  entre  la  prière, 
J'iustrucliou  et  le  travail  des  mains.  Si  leur 


703 


MEN 


M  EN 


".04 


intention  n'apas  été  mieux  suivie,  à  qui  en 
est  la  faute?  Aux  laïques  principalement. 
Ceux-ci,  plus  occupés  de  leur  commodité 
que  du  besoin  des  peuples,  ont  multiplié  les 
couvents  dans  les  villes,  parce  qu'ils  vou- 
laient des  églises  plus  <\  leur  portée  que  les 
paroisses,  des  ouvriers  plus  souples  et  plus 
complaisants  que  les  pasteurs, deschapelles, 
des  sénultures,  des  fondations  pour  eux  seuls, 
une  piété  qui  satisfit  tout  à  la  fois  leur  mol- 
lesse et  leur  vanité.  Moslieim,  s.-cc.  xiii,  n' 
part.,  chap.  2,  |  26.  Il  était  bien  difficile  que 
les  religieux  ne  s'y  prêtassent  pas  par  inté- 
rêt. A  qui  doit-on  s'en  prendre  des  abus  qui 
en  ont  résulté  ?  Ceux  qui  ont  été  la  princi- 
pale cause  du  mal  ont-ils  droit  des'en  plain- 
dre ?  On  a  tendu  des  pièges  au  désintéres- 
sement des  religieux,  et  l'on  s'étonne  de  ce 
qu'ils  y  sont  tombés. 

5°  Il  est  faux  que  la  mendicité  soit  la  sour- 
ce du  relâchement  des  religieux,  puisqu'un 
désordre  égal  s'est  glissé  dans  les  maisons 
des  moines  rentes,  dunt  la  richesse  est  au- 
jourd'hui un  sujet  de  jalousie  et  de  cupidité. 
On  ne  pardonne  pas  plus  l'opulence  aux 
uns  que  la  pauvreté  aux  autres;  on  n'ap- 
l)rouve  pas  plus  la  vie  solitaire,  mortifiée, 
laborieuse ,  édifiante  des  religieux  de  la 
Traiipe  et  de  Sept-Fonds,  qui  ne  sont  à  char- 
ge à  personne,  que  l'oisiveté,  la  dissipation 
et  le  relâchement  des  religieux  mendiants. 
Si  les  séculiers  n'avaient  pas  eu  detouttemps 
l'empressement  de  s'introduire  chez  les  reli- 
gieux, de  se  mêler  de  leurs  affaires,  de  ju- 
gorde  leur  régime,  le  malserait  moins  grand. 
Aiais  un  moine  dyscole,  dégoûté  de  son  état, 
révolté  contie  ses  supérieurs,  ne  manque 
jamais  de  trouver  des  soutiens,  des  i>rotec- 
teurs.  Les  pères  de  famille ,  embarrassés  de 
leurs  enfants,  ont  souvent  fait  entrer  dans 
le  cloître  ceux  qui  étaient  le  moins  propres 
à  i)rendre  l'esprit  et  à  remplir  les  devoirs  de 
cet  état  ;  ceux-ci  ont  été  forcés  de  se  donner 
à  Dieu,  parce  qu'ils  étaient  le  rebut  du  monde. 
Ail. si  l'on  déclame  contre  l'état  religieux, 
parce  que  les  séculiers  sont  toujours  prêts 
à  le  pervertir.  La  vertu  la  i>las  courageuse 
peut-e:le  tenir  contre  l'air  empesté  d'irréli- 
gion et  de  corruption  qui  règne  aujourd'hui 
dans  le  monde  ?  Il  faut  que  ce  poison  soit 
bien  subtil,  puisqu  ila  pénétré  dans  les  asiles 
même  qui  élaient  destinés  h  en  préserver  les 
hommes. 

Nous  avons  infecté  de  nos  vices  l'état  reli- 
gieux, tout  saint  qu'il  était  par  lui-même  ; 
donc  il  faut  le  détruire.  Tel  est  le  cri  qui 
reienlit  h  présent  dans  une  grande  partie  de 
l'Europe,  et  tel  est  le  triomphe  préi)aré  au 
vice  sur  la  vertu.  Celle-ci,  honteuse  et  pros- 
crite, ne  saura  |)lus  oii  se  cacher.  Heureuse- 
ment il  est  encore  des  déserts;  lorsque  les 
moines  auront  le  courage  de  s'y  retirer 
comme  leurs  nrt'décesseurs,  alors  leurs  en- 
nemis confondus  seront  forcés  de  leur  rendre 
hommage.  Un  protestant  plus  judicieux  que 
les  autres,  qui  a  beaucoup  rélléchi  sur  la 
nature  et  sur  la  société,  après  avoii- ri-connu 
futilité  des  communautés  religieuses  dans 
lesquelles  on  travaille,  n'a  pas  excepté  celles 


des  mendiants.  «  Dans  cette  classe  d'hommes, 
dit-il,  il  y  en  a,  sans  doute,  que   l'on  peut 
regarder  comme  des  paresseux,  et  que  l'on 
nommeordinairement  fainéants,  pour  exciter 
contre  eux  la  haine  |iul)lique.   Mais    que  de 
fainéanis  pareils  ne  renferme  pas  le-  monde  ! 
Fainéants  dorés,  armés,  portant  les  couleurs 
de  celui-ci  ou  de  celui-là,    ou   des  haillons, 
ou  le  pistolet,  pour  le  présenter  à  la   gorge 
des  passants.  Il  y  a  des  paresseux  parmi  les 
hommes  ;  il  faut  y  pourvoir  de  quelque  ma- 
nière, et  celle-là  est  une   des  plus   douces. 
Ce  n'est   point  encourager  la  paresse,    c'est 
l'empêcher  d'être   nuisible  au  monde,    et  il 
me  semble  que  l'on  n'y  pense  pas  assez,  non 
)ilus  qu'à  ceux  que  l'état  de  la  société  rend 
oisifs.  »  Lettres  sur  l'Hist.  de  la  terre   et   de 
l'homme,  t.  IV,  page  78.  D'ailleurs  c'est  une 
erreur  de   croire  que,  dans  les  maisons  de 
religieux  mendiants,    personne  ne  travaille 
que 'les  frères  lais  et  les   domestiques.  Une 
communanté  ne  peut  subsister  sans  un   tra- 
vail intérieur  et  des  occupations  continuelles; 
et  les  couvents  dont  nous  parlons   ne   sont 
pas  assez  riches  pour  payer  des  mercenaires. 
Ils  ont  ordinairement  un  vaste  enclos,  dont 
la  culture  est  très-soignée,  et  il  n'est   point 
de   religieux  robuste  qui   n'y    travaille  de 
temps  en  temps,  qui  ne  s'occupe  de  quelque 
travail  manuel  et  des   soins   domestiques  ; 
c'est  un  des  préceptes  de  leur  règle. 

Lorsqu'on  aura  trouvé  le  moyen  de  rendre 
utiles  tant  d'honnêtes  fainéants  qui  vivent 
dans  le  monde,  et  qui  l'infectent  par  leurs 
vices  ;  lorsqu'on  aura  supprimé  tant  de  pro- 
fessions dont  la  subsislance  n'est  fondée  que 
sur  la  corruption  des  mœurs  ;  lorsqu'on  aura 
persuadé  aux  nohl  s  que  le  travail  n'esi  point 
un  apanage  de  la  roture,  ni  un  reste  d'escla- 
vage, qu'il  ne  dégrade  point  la  noblesse,  et 
qu'il  y  a  i)lus  d'honneur  à  Iravailler  qu'à 
mendier,  il  sera  permis  de  penser  à  la  sup- 
pression des  ordres  mendiants.  Mais  tant  que 
l'on  verra  des  armées  de  nobles  fainéants 
assiéger  les  cours  et  les  palais  des  grands, 
y  exercer  une  mendicité  plus  honteuse  que 
"celle  des  moines,  puisqu'elle  vient  ordinai- 
rement d'une  mauvaise  conduite  et  d'un 
faste  insensé,  il  sera  difficile  de  prouver  que 
la  mendicité  religieuse  es'  un  opprobre. 

Ceux  qui  mènent  une  vie  oisive  dans  le 
cloître  ne  seraient  pas  ]ilus  laborieux  s'ils 
étaient  au  mdieu  de  la  société  ;  ils  y  aug- 
menteraient la  corruption,  de  laquelle  l'état 
religieux  les  met  à  couvert,  du  moins  jus- 
([u'à  un  certain  point.  Il  ne  faut  cependant 
pas  oubl'.er  qie  saint  Augustin,  dans  son  li- 
vre de  Opère  hionachorum,  prend  la  défense 
des  moines  qui  vivaient  du  travail  de  leurs 
mains,  contre  ceux  qui  prétendaient  qu'il 
était  mieux  de  vivre  des  oblations  ou  des 
aumônes  des  fidèles.  Yoy.  Moine. 

MENÉE,  MÉNOLOGE  ou  MÉNOLOGUE. 
Ce  sont  des  livres  à  l'usage  des  Grecs  ;  leur 
nom  vient  de  /^âv,  le  mois.  Les  menées  con 
tiennent  l'office  de  l'année,  divisée  par  mois, 
avec  le  nom  et  la  légende  des  saints  dont 
on  doit  faire  ou  l'office  ou  la  mémoire  ;  c'est 


7ii: 


MEN 


MEN 


706 


la  partie  (le  nos  Ijréviaires  que  nous  nom- 
mons le  propre  dex  saints. 

Le  ménologe  est  le  calendrier  ou  le  niart-- 
rologe  des  Grecs  ;  c'est  le  recueil  des  vies 
des  saints,  distribu(''es  pour  ciiaque  jour  des 
mois  de  Tannée  ;  les  (irecs  en  ont  de  plu- 
sieurs sortes,  et  qui  ont  6té  laits  par  dill'é- 
rents  auteurs.  Depuis  leur  schisme,  ils  y  ont 
inséré  les  noms  ot  les  vies  de  jikisieurs  hé- 
rétiques qu'ils  honorent  comme  des  saints. 
Les  écrivains  ha,i;ioi:,raphes  citent  souvent 
les  menées  et  le  ménologe  des  Grecs,  mais  on 
convient  (pie  ces  deux  ouvrages  (int  été  faits 
sans  aucune  critique,  et  sont  remi)lis  de 
fables.  Baillet,  Disc,  sur  les  Vies  des  Saints. 

MENNONITES.  Voij.  Anabaptistkï. 

MENSONGE,  discours  tenu  à  cpielqu'un 
dans  l'intention  de  le  tromper.  L'Ecriture 
sainte  condaume  toute  espèce  de  mensonge; 
l'auteur  de  l'Ecclésiastique,  c.  vu,  v.  Ik,  dé- 
fend d'en  pioférer  aucun,  de  quelque  es- 
pèce qu'il  soit  :  le  juste,  selon  le  psahniste, 
est  celui  qui  dit  la  vi'rité  telle  qu'elle  est 
dans  son  cœur,  et  dont  la  langue  ne  tromiie 
jamais.  Ps.  xiv,  v.  3.  Jésus-Christ,  dans 
l'Evangile,  dit  que  le  mensonge  est  l'ouvrage 
du  démon  ;  que  cet  esprit  de  ténèbres  est 
menteur  dès  l'origine,  et  père  du  me)ison(/e. 
Joiin.,  c.  viii,  V.  kk-.  Saint  Paul  exhoi  le  les  li- 
dèles  à  éviter  tout  mensonf/e,  h  diie  la  vérité 


hounnes,  et  qu'en  les  pardonnant  il  les  au- 
torise et  les  approuve  ?  Il  faut  faire  attention 
que  connue  l'on  i)eut  mentir  par  un  simple 
geste,  un  geste  suffit  pour  dissi|)er  toute  l'é- 
quivoque ou  la  duplicité  qui  paraît  dans  les 
paroles  ;  qu'ainsi  l'on  doit  être  très-réservé 
à  soutenir  que  tel  personnage  a  conunis  un 
mensonge  dans  telle  cii'constance. 

Saint  Augustin  a  fait  en  deux  livres  un 
traité  exprès  sur  le  mensonge,  dans  lequel  il 
le  condamne  sans  exception,  et  décide  qu'il 
n'est  jam.iis  |iermis  de  mentir,  |)Our  quelque 
raison  que  ce  soit  ;  cjue  si  le  mensonge  olîi- 
cieux  est  une  moindre  faut(i  que  le  mensonge 
pernicieux,  il  n'est  cependant  ni  louable,  ni 
absiilument  innocent.  Après  l'avoii'  [irouvé 
par  les  ])assages  de  l'Ecriture  que  nous  avons 
cités,  le  saint  docteur  observe  que,  sous  pré- 
texte de  rendre  service  au  prochain,  l'on  se 
permet  aisément  toute  espèce  de  mensonge  ; 
que  quiconque  prétend  qui!  lui  est  permis 
de  mentir  pour  l'utilité  d'autrui  se  persuade 
aussi  fort  aisément  qu'il  peut  le  faire  légiti- 
mement pour  son  [iropre  intérêt.  A  la  vérité, 
dit-il,  il  paraît  dur  de  décider  qu'on  ne  doit 
pas  mentir,  même  imur  sauver  la  vie  à  un 
innocent  ;  mais  si  l'on  soutient  le  contraire, 
il  faudra  dire  aussi  qu'il  est  permis,  par  le 
mémo  motif,  de  commettre  un  autre  crime, 
un  parjure,  un  blasphème,  un  homicide,  etc. 


sans  aucun  déguisement.  Èplies.,  c.  iv,  v.  25.     Ence  genre,  les  fausses  inductionset  les  argu- 


Saiiil  Jacques  leur  fait  la  même  leçon.  Jar., 
c.  m,  V.  IV.  Saint  l'aul  va  plus  loin,  il  dé'- 
cide  qu'il  n'est  j>as  jjermis  de  mentir  pour 
procurer  la  gloire  de  Dieu,  ni  de  faire  du  mal 
pour  qu'il  en  arrive  du  bien.  Iio7n.  c.  m,  v.  7 
et  8. 

Quelques  incré'dules  ont  osé  accuser  Jésus- 
Christ  d'avoir  fait  uu  mensonge.  A  la  veille  de 
la  fête  des  Tabernacles,  les  parents  de  Jé- 
sus l'exhortèrent  h  s'y  montrer  et  à  se  faire 
connaître.  Allez-y  vous-mêmes,  répondit  le 
Sauveur  ;  pour  moi,  je  n'y  vais  point,  parce 
que  mon  temps  n'est  pas  encore  venu.  11  de- 
meura donc  encore  quelques  jours  dans  la 
Galilée,  ensuite  il  alla  à  la  fête  eu  secret,  et 
sans  être  accompagné  {Joan.  vu,  3).  Jésus, 
comme  on  le  voit,  ne  répondit  pas  :  Je  n'irai 
point,  mais  je  n'y  vais  point,  parce  que  mon 
temps  n'est  pas  encore  arrivé  ;  nous  ne  som- 
mes pas  encore  au  moment  auquel  je  veux  y 
aller.  11  n'y  a  là  ni  équivoque,  ni  restriction 
mentale,  ni  ombre  de  fausseté.  Il  n'y  en  a 
jias  davantage  dans  la  conduite  de  Jésus- 
Christ  à  l'égard  des  deux  disciples  qui  allaient 
h  Eiumaùs,  le  lendemain  de  sa  résurrection; 
il  est  dit  que  sur  le  soir,  le  Sauveur,  après 
avoir  marché  avec  eux,  fit  semblant  de  vou- 
loir aller  plus  loin  (Luc.  xxiv,  18).  Il  voul.iit 
les  engager  à  le  presser  de  demeurer  avec 
eux,  comme  ils  firent  en  effet  ;  ce  n'est  point 
là  un  mensonge,  mais  un  procédé  très-inno- 
cent. 

On  ne  prouvera  jamais  que  Dieu  ait  ap- 
prouvé aucun  des  mensonges  dont  il  est  fait 
mention  dans  l'histoire  sainte  ;  il  ne  les  a 
pas  toujours  punis  en  privant  de  ses  bienfaits 
les  coupables  ;  mais  où  est-il  décidé  que 
Dieu  doit  aussitôt  punir  toutes  les  fautes  des 


mentations  par  analogie  iraient  à  lintini.  De 
là  il  conclut  que  l'on  ne  doit  mentir  ni  pour 
l'intérêt  de  la  religion,  dont  la  première  base 
doit  être  la  vérité,  ni  sous  jirétexte  de  pio- 
curer  la  gloire  de  Dieu,  de  détourner  un  pé- 
cheur du  crime,  de  sauver  une  Ame,  etc., 
puisque  aucun  autre  péché  n'est  justifié  ni 
])ermis  par  ces  mêmes  motifs.  Ajoutons  qu'en 
suivant  le  sentiment  contraire,  nous  serions 
tentés  de  douter  de  la  véracité  même  de  Dieu, 
de  croire  que  quand  il  nous  j)arle,  il  nous 
trompe  peut-être  pour  notre  bien  ;  nous 
sentons  cependant  que  ce  soupçon  serait  un 
blasphème.  Voy.  Véracité  de  IJieu. 

Dans  son  second  livre,  saint  Augustin  ré- 
fute les  priscillianistes,  qui  alléguaient  les 
mensonges  rapportés  dans  l'Ancien  Testa- 
ment, jiour  prouver  qu'il  leur  était  permis 
d'employer  ce  moyen,  et  même  le  parjure, 
pour  dissimuler  leur  croyance.  11  observe 
très-bien,  cli.  x,  n.  il,  et  cli.  xiv,  n.  1'.»,  que 
tout  ce  qu'ont  fait  les  saints  et  les  justes 
n'est  pas  un  exemple  à  suivre;  qu'ainsi  rien 
ne  nous  oblige  de  justilier  toutes  les  actions 
des  iiatriarches.  Il  soutient  cependant  que  A- 
braliam  et  Isaac  n'ont  pas  menti  en  disant 
que  leurs  femmes  étaient  leurs  sœurs,  c'est- 
à-dire  leurs  parentes,  puisque  cela  était  vrai. 
Barbeyrac,  i)lus  sévère,  prétend  que  c'était 
un  vrai  mensonge,  parce  que  l'intention  d'A- 
braham était  de  trouifier  les  Egyptiens,  en 
priant  Sara  de  dire  qu'elle  était  sa  sœur.  La 
question  est  de  savoir  si  taire  la  vérité  dans 
une  circonstance  où  rien  ne  nous  oblige  à  la 
dire,  lorsque  d'ailleurs  on  ne  dit  rien  de  faux, 
c'est  encore  commettre  un  mensonge.  Voilà 
ce  que  Barbeyrac  ,  Bayle  et  les  autres 
censeurs   des  Pères   ne  prouveront  jamais. 


707 


M  EU 


MER 


708 


Voyez  Traité  de  la  Morale  des  Pères,  c.  xiv, 
§  7.  Saint  Augustin  cherche  à  excuser  le 
mensonge  par  lei(iiel  Jacob  trompa  son  pcre 
Isaac  en  lui  i lisant  qu'il  était  Esaû  son  aîné; 
il  dit  que  cette  action  (tait  un  type  ou  une 
tigure  des  événements  qui  devaient  arriver 
dans  la  s  lite  ;  mais  cette  raison  ne  suffit  pas 
pour  la. justifier  ;  il  vaut  mieux  s'en  tenir  .i 
la  maxime  posée  par  ce  saint  docteur,  que 
toutes  les  actions  des  anciens  justes  ne  sont 
pas  des  exemples  à  suivre.  Yoy.  Jacob.  Il  dit 
que  Dieu  a  récompensé  dans  les  sages-lem- 
ines  d'E-xy|)te  et  dans  Raab,  non  le  mensonge 
quelles  avaient  commis,  mais  la  charité  qui 
en  était  la  cause  ;  il  pense  môme  que  ces 
fenmies  auraient  été  récompensées  par  le 
bonheur  éternel,  si  elles  avaient  mieux  aimé 
soulfrir  la  mort  que  de  mentir.  De  Mend., 
1.  H,  c.  15,  n.  32  ;  c.  17,  n.  34.  Mais  il  nous 
paraît  que  les  sages-femmes  d'Egypte  ne 
mentirent  point  en  disant  au  roi  que  les  fem- 
mes des  Hébreux  s'accouchaient  elles-mê- 
mes ;  celles-ci,  averties  d  •  l'ordre  donné  de 
faire  périr  leurs  enfants  mUes,  évitèrent, 
sans  doute,  de  faire  venir  des  sages-femmes 
égyptienn:  s. 

Nos  philosophes  moralistes  n'ont  pas  man- 
qué do  trouver  tro[)  sévère  la  doctrine  de 
saint  Au  Austin  sur  le  mensonge,  (jui  est  celle 
du  commun  des  Pùies et  des  Uiéolugiins.  Ils 
ont  décide  que  mentir  p.ur  srniver  la  vie  à 
des  innocents,  ou  pour  détourner  un  homme 
de  commettre  un  criiue,  est  une  action  très- 
louable,  et  qui  ne  peut  être  condamnée  qu'au 
tribunal  des  insensés.  C'est  ro])inion  de  Uar- 
beyrac,  censeur  déclaré  de  la  Morale  des  Pc- 
res,  c.  li,  §  7.  Mais  ces  grands  critiques  ont- 
ils  répondu  aux  raisons  par  lesquell(>s  saint 
Augustin  a  prouvé  ce  qu'il  enseigne?  Us 
n'ont  pas  seulement  daigné  en  faiiemontioi!; 
elles  demeurent  donc  dans  leur  entier.  Par 
une  coniradicton  grossière,  quelques-uns 
ont  bl.lmé  Origène,  Cassien,  et  un  petit 
nombre  d'autres,  qui  seml)lent  ne  pas  con- 
damner absolument  le  mensonge  oflicieus  ;  et 
en  censurant  ceux  qui  réprouvent  absolu- 
ment toute  espèce  de  mensonge  et  de  faus- 
seté, ils  se  sont  obstinés  à  prétendre  que  les 
Pères  en  général  se  sont  permis  des  fraudes 
pieuses  ou  des  mensonges  par  motif  de  reli- 
gion. De  deux  choses  l'une,  ou  il  ne  fallait 
pas  soutenir  l'innocence  du  mensonge  offi- 
cieux, ou  il  ne  fallait  pas  accuser  les  Pères 
d'en  avoir  commis  ;  c'est  cependant  ce  qu'a 
fait  Le  Clerc  à  l'égai-d  de  saint  Augustin  en 
particulier.  Voy.  ses  Notes  sur  tes  Ouvrages 
de  ce  Père,  tom.  V,  in  Serm.  'Si-2;  tom.  W,  in 
Lib.  de  Mend.;  tom.  VII,  in  L.  xxii,  de  Civit. 
Dei,  cap.  vni,  §  1.  Toutes  ces  inconséquen- 
ces démontrent  qu'en  se  bornant  aux  lumiè- 
res de  la  raison,  il  n'est  pas  aisé  d'établir 
sur  le  mensonge  une  règle  générale  et  infail- 
lible ;  qu'ainsi  la  loi  naturelle  n'est  pas  aussi 
claire  que  le  jirétendent  les  déistes,  même 
sur  nos  devoirs  les  plus  communs,  et  qu'il 
est  beaucoup  plus  sûr  de  nous  lier  aux  le 
yons  de  la  révélation. 

MER.  Le  })saiii)istc  dit  à  Dieu  :  «  Les  Ilots 
de  la  mer  s'élovenl  plus  haut  que  les  monta- 


gnes, et  semblent  prêts  à  fondre  sur  les  riva- 
ges, mais  ils  tremblent  au  son  de  votre  voix, 
ils  reculent  à  la  vue  des  bornes  que  vous 
leur  avez  marquées  ;  jamais  ils  n'oseront  les 
franchir,  ni  couvrir  la  face  de  la  terre  (Ps. 
cm,  6).  Dans  le  livre  de  Job,  c.  xxxvai,  v. 
8,  le  Seigneur  dit  :  Qui  a  renfermé  la  mer 
dans  ses  bornes?  C'est  moi  qui  lui  ai  mis  des 
barrières  et  qui  la  tiens  captive;  je  lui  ai  dit  : 
Tu  viendras  jusque-là,  et  ici  se  brisera  l'or- 
gueil de  tes  flots.  Dans  Jérémie,  c.  v,  v.  2i  : 
J'ai  donné  pour  bornes  à  la  mer  un  peu  de 
sable,  et  je  lui  ai  intimé  l'ordre  de  ne  jamais 
les  passer  :  ses  flots  ont  beau  s'enfler  et  mena- 
cer, ils  ne  pourront  pas  les  franchir.  Il  n'est 
point  de  phénomène  plus  capable  de  nous 
donner  une  grande  id'e  de  la  puissance  de 
Dieu  qui  oppose  à  la  mer  agitée  un  grain  de 
sable,  et  la  force,  par  cette  faible  barrière,  à 
rentrer  dans  son  lit. 

Mais  la  mer  a-t-elle  un  mouvement  lent  et 
progressif,  qui  lui  fait  continuellement  aban- 
donner des  plages  pour  s'emparer  d'autres 
terrains  qui  étaient  à  sec,  de  manière  que  la 
constitution  intérieure  et  extérieure  du  globe 
ait  déjà  changé  par  ces  révoluiions  ?  Quoi- 
que cette  discussion  tienne  particulièrement 
à  la  physique  et  à  l'histoire  naturelle,  elle 
D'est  cependant  pas  étrangère  à  la  théologie, 
puisque  plusieurs  philosop  .es  de  nos  jours 
ont  prétendu  qu'il  y  a  sur  ce  point  des  ob- 
servations certaines  qui,  si  elles  étaient 
vraies,  ne  pourraient  s'allier  avec  1»  récit  de 
Moïse.  La  mer,  disent  nos  dissertaieurs,  perd 
continuellement  du  te.  rain  dans  les  diffé- 
rentes parties  du  m  m  Je,  et  probablement 
elle  regagne ,  dans  certaines  contrées,  ce  ■ 
qu'elle  laisse  à  sec  en  d'autres.  On  se  con- 
vainc tous  les  jours  que  le  fond  de  la  mer 
Baltique  dimiiiue  ;  on  voit  encore  les  vesti- 
ges d'un  canal  par  lequel  cette  mer  commu- 
niquait à  la  mer  Claciale,  mais  qui  s'est  com- 
blé par  la  succession  des  temps.  La  nature 
du  sol  qui  sépare  le  golfe  Persique  d'avec  la 
tuer  Caspienne  fait  juger  que  ces  deux  mers 
formaient  autrefois  un  même  bassin.  Il  y  a 
aussi  beaucoup  d'apparence  que  la  mer  Rouge 
communiquait  autrefois  à  la  Méditerranée, 
dont  elle  est  actuellement  séparée  par  l'isthme 
de  Suez.  Ces  changements  arrivés  sur  le 
globe  sont  plus  anciens  que  nos  connaissan- 
ces historiques.  La  mer  s'est  retirée  et  a  laissé 
à  découvert  beaucoup  de  terrain  sur  les  co- 
tes de  l'Egypte,  de  l'Italie,  de  la  Provence  ; 
les  lagunes  de  Venise  seraient  bientôt  rem- 
plies, si  011  n'avait  soin  de  les  curer  souvent. 
11  parait  que  l'Amérique  était  encore  couverte 
des  eaux,  il  n'y  a  pas  un  grand  nombre  de 
siècles,  et  qu'elle  n'est  pas  habitée  depuis 
fort  longtemj)S.  Enlin,  la  multitude  des  coips 
marins  dont  notre  hémisplière  est  rempli, 
prouve  invinciblement  qu'il  a  été  autrefois 
couvert  des  eaux  de  l'Océan.  La  mer  a  cer- 
tainement, selon  ces  mômes  philosophes,  un 
mouvement  d'orient  en  occident,  qui  lui  est 
imprimé  par  celui  qui  fait  tourner  la  terre 
d'occident  en  orient  ;  ce  mouvemeut  est  plus 
violent  sous  l'équateur,  oii  le  globe,  plus 
élevé,  roule  un  cercle  plus  grand  et  une  zone 


709 


MER 


MER 


710 


plus  agitée;  il  est  évident  que  ce  mouvement 
<ies  eaux  doit  insensiblement  dôplacor  la  mer 
dans  la  succession  des  siècles.  Mallieurouse- 
nient  toutes  ces  observations,  qui  ne  sont 
que  des  conjectures,  sont  démontrées  faus- 
ses pariM.  dé  i.uc,  dans  ses  Lrttrvs  sur  l' His- 
toire (le  la  terre  et  de  ilioiitme,  iiii|)iiiiK es 
en  1779.  en  5  vol.  in-8".  11  t'ait  voir  que,  si 
elles  étaient  vr.iics,  il  en  résulterait  seule- 
ment (]ue  la  quantité'  des  eaux  île  la  mer  di- 
minue, coiinnc  Telliamed  le  soutient  et 
conune  M.  de  Bull'on  le  suppose  dans  ses 
Epoques  de  la  nature  ;  mais  aucun  des  faits 
alléjiués  par  nos  iihilosoplies  ne  prouve  que 
In  mer  a  cliangi'  de  lit,  ni  qu'elle  a  regagné, 
dans  q*ieiqui'S  parties  du  globe,  le  terrain 
qu'elle  a  perdu  dans  les  autres.  Or,  M.  de 
Luc  réfute  également,  et  avec  le  même  suc- 
cès, le  système  de  Telliamed,  tom.  ii,  httr. 
41  et  suiv.,  et  celui  de  Kull'on,  dans  tout  son 
ouvra;^e.  Quchpies-iuis  des  faits  cilés  par  le 
premier  jirouveiai  id  tpie  la  mer  augioento 
plutôt  qu'illc  ne  dim  nue  ;  ma's  dans  le 
fond  ils  ne  prouvent  rii  n,  et  la  plupart  sont 
faux. 

Pour  nous  couvnincre  que  la  mer  a  réelle- 
ment dian.^^é  lie  lit  par  un  mouvi  ment  pro- 
gressif et  iiise;  sible,  il  faudrait  montiei'  par 
des  faits  certains  que  l'Oc'an  s'éloigne  0(  n- 
stammeut  des  cotes  occidentales  de  l'Angle- 
terre, de  la  France,  de  l'Espagne,  d'  l'Afri- 
que, (les  Indes  et  de  l'Amérique  ;  qu'au  con- 
traire il  mine  et  envahit  peu  à  peu  1  s  côtes 
orientales  de  la  Tartarie,  de  la  Chine,  des 
Indes,  de  lAfriijue,  de  l'Amérique  :  il  fau- 
drait prouver  que  les  elfets  de  ce  déplace- 
ment sont  encoc  plus  visibles  sous  l'équa- 
tcnr  que  vers  les  pôles.  Une  cause  univer- 
selle, qui  agit  uiuformément  sur  toutl  ■  glo- 
l>e,  doit  produire  le  nième  ellet  dans  toutes 
ses  parties.  Vo  là  ce  qu'on  ne  fait  |  as.  On 
nous  cite  des  altérissemenls  qui  se  font  à 
]'end)ou(hure  des  grands  tlcuves,  du  Nil,  du 
IV),  du  lUiÔHc,  si:r  la  Méditerranée  plutôt 
que  sur  l'Oeéan,  sur  des  cô  es  exjjosées  aux 
quatre  points  cardinaux  du  monde,  sous  l'é- 
quatcur  couimc  ailli  urs.  Où  sont  donc  les 
conquêtes  de  l'Océan  dans  ces  divers  para- 
ges ?  Les  ports  de  Cadix  et  de  Brest,  situés  à 
l'occident,  n'ont  pas  diminué  de  profondeur 
de|>uis  deux  mille  ans.  Si  quelques  ports 
moins  jirofonds  ont  été  comblés,  c'a  été  par 
les  saliles  que  charrient  les  rivièics,  et  non 
par  la  retraite  de  l'Océan.  Au  lieu  de  se  re- 
tirer des  côtes  de  France,  il  les  mine  le  long 
de  la  Manche,  et  pousse  !■  s  sables  vers  l'.Vn- 
gleterre,  et  sans  cesse  il  menace  d'engloutir 
la  Hollande.  Cela  ne  s'accorde  jias  avec  la 
théorie  de  nos  advirsaires. 

M.  de  Luc  observe  que,  si  la  mer  avait 
changé  de  lit,  il  aurait  fallu  que  l'axe  de  la 
terre  changeât  :  or,  toutes  Tes  observations 
astronomiques  prouvent  qu'il  est  dans  la 
même  (losilion  depuis  plus  de  vingt  siècles. 
Tome  II,  Lettre  33,  p.  162  et  suiv.  Ce  savant 

§h\sicien  admet,  a  la  vérité,  un  mouvement 
e  la  mtr  d'orient  en  occident,  causé  par  le 
mouvement  de  la  lune,  et  par  celui  de  la 
chaleur  du  soleil  ;  mais  il  soutienl   que   re 


mouvement  ne  se  fait  sentir  que  dans  la  ideine 
mer,  et  (ju'il  est  insensible  en  a|)prochnnt  des 
côtes.  11  doit  donc  prodvure  beaucoup  moins 
d'elfet  sur  les  continents  que  celui  des  marées. 
Or,  dans  les  marées  même  les  plus  hautes, 
la  mer  :;e  fait  que  déposer  sur  les  côtes  basses 
une  légère  quantité  de  vase  ou  de  gravier  ; 
elle  ne  pioduil  aucun  efl'et  sur  les  rochers 
e>car[>és  qui  bordent  ses  rivages.  Si  donc  les 
marées  sont  incapables  de  changer  le  lit  de  la 
;/((7-,  à  plus  forte  raison  son  pré'lendu  mou- 
venuMit  d'orient  en  occident  est-il  nul  pour 
produire  u"  |)areil  elTet. 

11  est  d'ailleurs  très-permis  de  douter  de  ce 
mouvement  ;  plusieurs  raisons  semblent  en 
en  démontriT  l'impossibilité.  1"  L'atmosphère 
qui  environne  la  terre  a  son  mouvement 
comme  elle  d'occident  en  orient,  et  suit  la 
mèmi>  direction  ;  cela  est  démontré  par  la 
chute  peipendiculaire  d'un  corps  grave  qui 
•tomberait  de  l'atmosphère.  Or,de(leuxiluiues 
dont  le  globe  est  environné,  savoir,  l'eau 
et  l'air,  il  est  impossi  le  que  le  fluide  infé 
rieur  soit  emporté  par  un  mouvement  con- 
traire à  celui  des  deux  couches  entre  lesquel- 
les il  e-t  renfermé.  Jamais  on  n'assignera  une 
cause  générale  capable  d'imprimer  à  la  mer 
un  mouvemen'  contraire  à  celui  de  la  terre 
el  à  celui  de  l'atmosphère.  Si  la  différence 
de  densité  et  de  |!esanteur  entre  la  terre  et 
l'eau  suffisait  pour  donner  k  la  mer  un  mou- 
vement ojiposé  à  celui  de  la  terre,  elle  suffi- 
rait, à  plus  forte  raison,  pour  impriiner  la 
même  direction  au  mouvement  de  l'atmo- 
sphère, qui  est  jilus  légère  et  moins  dense  que 
l'eau.  —  2"  Lorsque  l'on  donne  un  mouve- 
ment violent  de  rotation  à  un  globe  solide 
légèrement  plongé  dans  l'eau,  les  parties  de 
l'eau  qu'il  entraîne  sont  cmjiDrtées  dans  la 
même  direction  que  le  gh^be,  et  non  dans  un 
sens  opposé.  En  vertu  de  la  force  centiifuge, 
les  gouttes  d'eau  s'échap|>ent  par  la  tangenle, 
mais  toujours  dans  la  direction  que  leur  im- 
prime le  mouvement  du  globe,  et  non  autre- 
ment. Donc,  si  l'eau  qui  couvre  la  terre 
n'était  pas  comiirimée  et  retenue  par  l'atmos 
phère,  elle  s'échapperait  par  la  tangenle, 
mais  d'occident  en  orient,  selun  la  direciion 
du  mouvement  de  la  terre,  et  non  dans  le 
sens  opposé.  —  3°  Si  l'on  met  une  liqueur 
quelconque  dans  un  globe  de  verre  creux,  et 
que  l'on  donne  à  celui-ci  un  mouvement 
cii'culaire  violent,  en  vertu  île  la  force  cen- 
trifuge, la  liqueur  suit  encore  le  mouvement 
du  globe.  Or  le  mouvement  de  la  lerre  et  de 
l'almosphèie  est  d'une  vitesse  inconcevable; 
dans  ce  mouvement,  l'eau  ne  s'écarte  point  du 
centre  de  giavité,  parce  que  le  mouvement  .'-e 
faitsurle  centre;  mais  elle  s'en  écarterait,  si 
elleavait  un  mouvement  opposé  :  donc  le  pré- 
tendu mouvement  dela»»f»-  d'orient  en  occi- 
dent est  contraire  à  la  force  centrijiète  aussi 
bien  qu'àla  force  centrifuge,  donc  il  répugne  à 
toutes  les  lois  générales  du  mouvement.  —k° 
D'autres  philosophes  conjecturent  que  la  mer 
a  un  mouvement  violent  du  sud  au  nord,  parce 
que  tous  les  grands  caps  s';.vaiu-ent  vers  le 
sud,  et  que  la  plujiart  des  erands  ^Aolfes  sont 
tournés  vers  le  Rofd.  Voila  doiic  le  mouve 


7n 


MER 


MER 


712 


uieiit  de  la  mer  donent  en  occident,  croisé 
par  un  iiiouveraent  du  sud  au  nord.  Cela  nous 
parait  iirouver  que  cet  élénienl  se  meut  vers 
tous  les  points  de  la  ciiciinférence  du  globe  ; 
c'est  l'ellet  naturel  du  tlux  et  du  rellux  ;  mais 
nous  avons  vu  que  ce  mouvemeut  n'a  jamais 
tendu  à  déplacer  hi  mer. 

Si  le  mouvement  des  eaux  du  sud  au  nord 
était  réel,  le  golfe  Persique,  loin  de  s'éloi- 
gner de  la  mer  Caspienne,  aurait  continué  de 
s'en  appiocher  ;  la  )««•  Uouge  ferait  des  ef- 
forts continuels  pour  se  joindre  à  la  Médi- 
terranée, et,  au  contraire,  elle  en  est  au- 
jourd'hui à  une  plus  grande  distance  qu'au- 
trefois. Voyez  Descript.  de  l'Arabie ,  par 
Niébuhr,  p.  3V8  et  353.  La  profondeur  de  la 
mer  Baltique,  au  lieu  de  diminuer,  devrait 
augmenter.  Nos.pbilosophesont  une  sagacité 
singulière  pour  forger  des  conjectures  tou- 
jours contredites  par  les  phénomènes. 
L'histoire  sainte  nous  donne  lieu  de  croire 
qu'imuiédiatement  après  le  déluge  le  golfe 
Persique  et  la  mer  Caspienne,  la  mer  Rouge 
et  la  Méditerranée,  éiaient  séparés  comme 
ils  le  sont  aujourd'hui  ;  leur  prétendue 
jonction  dans  des  temjis  j>lus  reculés  choque 
toute  vraisemblance.  Les  montagnes  placées 
entre  les  deux  premières  n'ont  jamais  pu  être 
naturellement  couvertes  par  les  eaux  de  la 
mer.  S'il  avait  été  possible  de  percer  l'isthme 
de  Suez,  pour  joindre  les  deux  secondes,  cet 
ouvrage,  tenté  plusieurs  fois,  aurait  été  exé- 
cuté ;  mais  par  la  retraite  des  eaux  du  goife 
de  Suez  vers  le  sud,  il  est  devenu  plus  difli- 
cile  qu'il  ne  l'était  dans  les  siècles  passés.  Le 
seul  fait  qui  puisse  prouver  que  la  mer  a 
couvert  autrefois  notie  hémisphère,  ce  sont 
les  corjis  marins  qui  se  trouvent  dans  le  sein 
de  la  terre  et  quelquefois  à  sa  surface,  soit 
dans  les  vallons,  soit  dans  les  montagnes. 
Mais  M.  de  Luc  prouve  ,  par  la  position,  par 
la  variété,  par  les  mélanges  de  ces  coipsavec 
des  productions  terrestres,  que  leur  dépôt  ne 
s'est  pas  fait  par  un  changement  lunt  et 
progressif  du  lit  de  la  mer,  mais  une  révolu- 
tion subite  et  violente,  telle  que  lEcrUure 
sainte  la  peint  dans  l'histoire  du  déluge  uni- 
versel.'!'. V,  Lettre  120,  p.  103;  Lettre  13(3, 
p.  389,  etc.  Voy.  Déluge,  Monde. 

Meii  d'airain,  grande  cuve  que  Salomon 
fit  faire  dans  le  temple  de  Jérusalem , 
pour  servir  aux  prêtres  à  se  puritier 
avant  et  après  les  sacritices.  Ce  vase  était 
de  forme  ronde  ;  il  avait  cinq  coudées  de 
j)iofondeur,  dix  de  diamètre  d'un  bord  à 
l'autre,  et  !  rente  de  circonférence.  Le  bord 
était  orné  d'un  cordon  embelli  de  pommes, 
de  boulettes  et  de  têtes  de  bœufs  en  demi- 
relief.  11  était  por  é  sur  un  pied  semblable 
à  une  grosse  colonne  creuse,  appujée  su» 
douze  bœuls  disposés  en  quatre  groupes , 
trois  à  trois,  et  qui  laissaient  qualre  passages 
pour  tirer  leau  par  des  robinets  attachés  au 
pied  du  vase.  JJJ  lieg.  c.  vu,  v.  2.J;  U  Pa- 
rai., c.  IV,  V.  2. 

Mer  Morte,  ou  Lac  Asphaltite.  Nous 
lisons  dans  l'histoire  sainte  que,  ]jour  punir 
les  crimes  des  habitants  de  Sodome  et  des 
villes  voisines,  Dieu  y  fit  pleuvoir  du  soufro 


enflammé,  que  la  terre  vomit  du  bitume,  et 
augmenta  l'incendie,  qu'elle  s'alfaissa,  que  les 
eaux  du  Jourdain  y  formèrent  un  lac  dont 
les  eaux,  impiégnées  de  soufre,  de  bitume  et 
d'un  sel  amer,  etoulfent  les  plantes  sur  ses 
bords  (  Gen.  xix  j.  C'est  aux  géographes  de 
décrire  ce  lac  tel  cpi'il  est  aujoura'hui.  [  Voy. 
le  Dictionnaire  de  la  Bible  do  Dom  Calmet, 
édition  Migne.  ] 

Les  anciens  qui  en  ont  parlé,  Diodore  de 
Sicile,  Sirabon,  Tacite,  Pline,  Sblm,  rappor- 
tent la  tradition  qui  a  toujours  subsisté, 
que  ce  lac  fut  autrefois  formé  par  un  em- 
lirasement  qui  détruisit  plusieurs  villes. 
L'asphalte  cpii  y  surnage,  le  bitume  et  le 
soufre  qui  se  trouvent  sur  ses  bords  ,  la 
couleur  de  cendre  et  la  stérilité  du  sol  qui 
l'environne,  l'amertume  et  la  pesanteur  de 
ses  eaux,  les  vapeurs  qui  s'en  élèvent,  dé- 
))0sent  encore  du  fait  aux  yeux  des  natura- 
listes. Le  récit  des  voyageurs  modernes 
s'accorde  avec  celui  des  anciens  ;  la  narra- 
tion de  Moïse  est  donc  d'une  vérité  incon- 
testable. Quelques  incrédules  cependant  l'ont 
attaquée.  La  mer  AJorte,  disent-ils,  a  toujours 
existé,  les  eaux  du  Jourdain  qui  s'y  déchar- 
gent, et  qui  n  ont  point  d'autre  issue  ,  ont 
dû  y  former  un  lac  dans  tous  l'es  temps. 
Celui  qui  existe  aujourd'hui  n'est  donc  point 
un  etïet  de  l'embrasement  de  Sodome.  Mais 
les  eaux  du  Rhin  dans  la  Hollande,  celles 
du  Cliiysorrhoas  près  de  Damas,  celles  de 
l'Kuphiate  dans  la  Mésopotamie,  etc.,  dis- 
paraissent sans  former  aucun  lac.  Celles  du 
Jourdain  pouvaient  donc  se  dissiper  de 
même,  se  perdre  dans  les  sables,  entrer  dans 
les  conduits  souterrains,  et  tomber  dans  la 
Méditerranée,  ou  se  disperser  dans  les  cou- 
pures faites  pour  arroser  les  terres.  1  Ecri- 
ture nous  indique  cette  dernière  façon,  en 
disant  c^u'avant  la  ruine  de  Sodome  et  de 
Gomorrhe,  toute  la  plaine  qui  bordait  le 
Jourdain  était  arrosée  par  des  canaux,  comme 
un  jardin  délicieux   (  Gen.  xiii,  10  ). 

Sui)posons  d'ailleurs  que  le  lac  Asphaltite, 
auquel  on  donne  aujourd'hui  vingt-quaire 
lieues  de  longueur,  n  en  ait  eu  que  douze  ou 
quinze  lorsque  Sodome  subsistait,  et  n  ait 
occupé  que  la  partie  septentrionale  du  ter- 
rain qu'il  remplit  actuellement  ;  n'était-ce 
pas  assez  de  cm  i  ou  six  lieues  en  carré, 
pour  placer  la  belle  et  fertile  vallée  que  l'on 
nommait  la  Vallée  des  bois,  et  pour  y  bâtir 
cinq  ou  six  villes  ou  gros  bourgs?  Tout  ce 
terrain,  atfaissé  par  l'embrasement ,  a  |  res- 
que  uoublé  l'étendue  de  la  mer  Morte,  du 
nord  au  midi.  Alors  il  est  exactement  vrai , 
selon  le  texte  de  Moïse,  que  ce  qui  était  au- 
trefois la  Vallée  des  bois  est  aujourd'hui  la 
mer  salée  {Gen.  xiv,  3j.  Cette  supposition  , 
contre  laquelle  on  ne  [leut  rien  objecter  de 
solide,  lève  toute  diiticulté  ;  elle  est  d'autant 
plus  probable,  que  Sodome  et  les  autres 
villes  détruites  étaient  précisément  situées 
dans  la  partie  méridionale  du  terrain  que 
couvre  aujourd'hui  la  mer  Morte  ;  Uisl.  de 
l'Acad.  des  Inscript.,  tom.  XVI,  iii-12,  p.  232; 
Disserl.  sur  la  ruine  de  Sodome,  Bible  d'Avi- 
gnon, tom.  1,  p.  21)3. 


713 


lUER 


MER 


714 


Le  savant  Michai-lis,  dans  los  Mémoireu  de 
la  société  de  G oltinriite,  di^  l'an  1760,  n  donne» 
une  dissertation  sur  l'origine  et  la  nature  de 
la  mer  Morte,  dans  laquelle  il  prouve,  l"(iue 
l'étendue  de  ce  lac  est  encore  incertaine, 
parce  qu'elle  n'a  pas  encore  été  mesurée  par 
des  opérations  (ie  géométrie,  mais  seuliincnt 
estimée  au  coup  d'œil  ;  2"  que  la  salure  en 
est  extrême,  ce  qui  est  cause  que  tous  les 
Corps  vivants  y  surnagent  ;  3'  que  c'est  un 
sel  usuel,  duquel  les  liabilants  de  la  Pales- 
tine se  sont  toujours  servis,  et  non  un  sol 
mêlé  de  hitume,  comme  quelques  modernes 
l'ont  prétendu;  4°  qu'il  n'y  a  aucun  poisson 
ni  aucun  coquillage  dans  cette  mer  :  5"  qu'elle 
n'a  point  d'issue,  mais  que  ses  eaux  se  dis- 
sipent par  l'évaporation  ;  6"  que  le  naphte  et 
le  bitume  abondent  sur  ses  bords;  7"  ([ue  la 
Penlapole  était  véritablement  |)laeée  dans  le 
lieu  à  présent  occupé  par  la  mer  Morte; 
8"  ({u'avant  la  ruine  de  Sodome,  il  y  avait 
déjà  Une  couche  de  bitume  détrempée  d'eau, 
sous  une  couche  de  terre  végétale  sur  la- 
quelle plusieurs  vdles  étaient  bâties;  (]ue  la 
couche  de  bitume  ayant  élé  embrasée ,  la 
couche  sup(''rieure  a  di'i  s'atl'aisser  et  former 
un  lac  ;  9"  (|u'avant  l'embrasement,  l'eau  du 
Jourdain  était  divisée  en  une  inliuité  de  ca- 
naux (}ui  arrosaient  les  terres  ;  que  c'est  ce 
qui  leur  donnait  une  fécondité  iniToyable  ; 
10'  que  rend)rasement  fut  produit  jiar  le  feu 
du  ciel.  Il  suftit  de  lire  cet  ouvrage  pour 
sentir  la  dilférence  qu'il  y  a  entre  les  ré- 
flexions d'un  homme  sensé  et  instruit, 
et  les    fèves  d'un  ignorant  incrédule. 

Mi'.u  Uocr.E.  Rien  Ti'est  plus  célèlire  dans 
les  livres  saints  que  le  passage  des  Hébreux 
au  travers  des  eaux  de  la  mer  Rouge,  lors- 
qu'ils sortirent  de  l'Egypte;  mais  aucun  mi- 
racle n'a  ét('  plus  contesté.  Il  s'agit  cepen- 
daid  de  savoir  connncnt  et  par  quelle  route 
les  Hébreux,  au  nombre  de  deux  millinns 
d'hommes,  avec  leurs  meubles  et  leurs 
trou|ieaux,  ont  pu  sortir  de  l'Egypte,  et  ga- 
gner le  désert  dans  lequel  ils  ont  vécu  iien- 
dant  40  ans.  Pour  faire  ce  trajet,  ils  avaient 
h  droite  une  chaîne  de  montagnes,  h  gauche, 
du  coté  du  nord,  les  Philistins  et  les  Ama- 
lécites,  derrière  eux  les  Egyptiens  qui  les 
poursuivaient,  devant  euX  la  mer  Rouge. 
Connnent  se  sont-ils  tirés  de  K\? 

L'histoire  sainte  dit  que  Dieu  commanda 
à  .Moise  d'i'lever  sa  baguette  sur  les  eaux  et 
(le  les  diviser  ;  qu'il  lit  souffler  un  vent 
chaud  pendant  la  nuit  pour  dessécher  le 
fou  1  de  la  mer:  qu'il  plaça  entre  le  camp  des 
Hébreux  et  celui  des  Egyptiens  une  nuée 
obscure  du  côté  de  ceux-ci,  et  lumineuse  du 
côté  des  Israélites.  A  cette  lueur,  ces  derniers 
passèrent  au  milieu  des  eaux,  qui  s'élevaient 
connue  un  mur  h  leur  droite  et  à  leur  gau- 
che. Au  point  du  j<iur.  Pharaon  qui  les 
poursuivait,  s'engagea  dans  ce  passage  avec 
son  armée;  .Moïse,  étendant  la  main,  lit  re- 
tourner les  Ilots  dans  l  ur  lit  ordinaire;  les 
Egyptiens  y  furent  submergés,  sans  ipi'il  en 
éclia|)pàt  un  seul  Jisod.,  cap.  xiv).  Dans  le 
cantique  chanté  par  1.  s  Israidites  en  action 
de  grAccs,  ils  s'écrient  :  «  Le  souille  de  votre 

DiCTIONN.    DE  THÉOI,.   noGMATIQUE.     IH. 


colère,  Seignetn",  a  rassemblé  et  fait  monter 
les  eaux;  les  Îlots  ont  perdu  leur  iluiditr', 
les  abîmes  il'eau  se  sont  amoncelés  au  mi  • 
lieu  de  la  mer,  »  c.  xv,  v.  8.  David,  l's.  lxxvi 
etLxxvii;  ls(ne,c.  i.xni,  v.  12;  IInOacuc,c. 
m,  v.  8  ;  l'auteur  du  Livre  de  la  Sagesse,  c. 
XIX,  V.  7,  s'expriment  de  môme  sur  (h>  grand 
événement.  Les  incrédules  n'ont  rien  né- 
gligé pour  en  faii-e  disparaître  le  surnaturel. 
Ils  commencent  par  siqiposer  que  les  Israé- 
lites passèrent  à  rextri'inité  du  bras  de  la 
mer  Rouge  qui  aboutit  à  Suez,  et  qui,  selon 
l'estimation  des  voyageurs,  pouvait  avoir 
[lour  lors  une  demi-lieue  de  large.  Dans 
cet  endroit,  disent-ils ,  le  flux  et  le  retlux 
sont  très-sensibles  ;  dans  le  temps  du  reflux, 
les  eaux  laissent  à  sec  au  moins  une  demi- 
lieue  de  terrain  à  l'extrémité  ilu  golfe  ; 
Moïse,  qui  connaissait  les  lieux,  sut  protitor 
habilement  du  moment  du  reflux  pour  faire 
]iasser  les  Hébreux  ;  Pharaon  ,  s'élant  im- 
prudemment engagé  dans  le  même  passage 
quelques  heures  ajirès,  et  au  moment  (bi 
flux,  perdit  la  tète  avec  tout  son  monde  et 
fut  submergé.  Ils  citent  l'historien  Josè|ihe, 
qui  compare  ce  passage  des  Israélites  à  celui 
des  soldats  d'Alexandre  dans  la  mer  de  Pam- 
philie,  et  qui  n'ose  afiiriiier  (pi'il  y  eût  du 
surnaturel.  Ils  'ajoutent  qu'un  miracle,  tel 
(jue  les  livres  de  Moïse  'e  rapportent,  aurait 
dû  devenir  célèbre  chez  toutes  les  nations 
voisines  ;  qu'aucune  cependant  ne  paraît  en 
avoir  eu  connaissance,  puisqu'aucune  n'en 
a  parlé.  Toland  décide  que  ce  fut  un  strata- 
gème de  Moïse. 

Mais  en  supposant  môme  que  les  Israéli- 
tes ont  passé  la  mer  dans  le  lieu  indiqué 
par  nos  adversaires,  il  est  évident  que  cela 
n'a  pu  se  faire  de  la  manière  dont  ils  le  pré- 
teiuîent.  —  1"  Il  est  absurde  d'imaginer  que 
les  Egyptiens  ne  connaissiient  pas  aussi 
bien  que  Moïse  le  Ihix  et  le  reflux  du  golfe 
de  Suez  ;  que  dans  toute  l'armée  de  Pharaon 
il  n'y  avait  personne  d'assez  instruit  de  ce 
phi'iiomèiie  journalier  pour  en  avertir  les 
autres.  Il  n'est  pas  nuvns  ridicule  de  penser 
que  parmi  deux  millions  d'Israélites,  dont 
la  plupart  avalent  demeuré  dans  la  terre  de 
Gessen,  peu  éloignée  de  Suez,  aucun  n'a- 
vait connaissance  du  llux  et  du  lellux  de  la 
7ner  ;  (\ue  Moïsea  pul'asciner  lesyeux  de  toute 
celte  multitude,  au  point  de  lui  persuader 
qu'en  traversant  le  golfe,  elle  avait  à  droite 
et  à  gauche  les  flots  élevés  comme  un  mur. 
Quelques  moments  auparavant,  tout  ce  peu- 
ple s'était  révolté  contre  Moise,  en  voyant 
arriver  l'armée  des  E;gy|)tiens  :  «  N'y  avait-il 
donc  pas  de  tombeaux  en  Egyjite  jiour  nous 
enterrer,  «lisaient-ils,  au  lieu  de  venir  nous 
faire  périr  dans  un  désert  (  Exod.  xiv , 
11)?»  Et  l'on  veut  que  bientôt  apiès  Moise 
leur  ait  fait  croire  tout  ce  qu'il  lui  a  plu 
d'imaginer.  —  2"  Lorsque  le  flux  arrive,  il 
ne  vient  point  brusquement,  il  avance  pen- 
dant six  heures,  et  se  relire  dans  un  espace 
de  temps  égal.  Onand  ceux  des  Elgyptiens 
qui  étaient  h  la  droite  de  leur  armée  et  du 
cote'  du  midi,  auraient  pu  être  surp.ris  par 
les  flots,  ceuxqui  occuiiaient  la  gauche  ducôté 

23 


71S 


MER 


MÈn 


716 


du  nord,  (levaient  nécessairement  échappernii 
naufrage.  Les  hor.is  du  golfe  de  ce  côté-là 
ne  sont  point  escarpés  ;  les  chevaux  des 
Egyi  tiens  étaient-ils  assez  lents  à  la  course 
pour  ne  pouvoir  pas  fuir  plus  prompte- 
nientque  les  eaux  n'arrivaient?  11  n'est  pas 
[iossible  que  la  této  ait  tourné  as^ez  fort 
aux  Egyptiens  poiu'  ne  plus  distinguer 
le  côté  par  lequel  il  fallait  se  sauver.  —  3"  11 
n'est  pas  vrai  que  le  rellux,  même  dans  les 
plus  basses  marées,  laisse  une  demi-lieue 
de  terrain  à  sec  au  fond  du  golfe  de  Suez  ; 
selon  le  rapjiort  des  voyageurs,  il  en  décou- 
vre tout  au  plus  une  lar-^eur  de  trois  cents 
pas.  Mettons-en  le  double,  si  l'on  veut;  tout 
cet  espace  ne  demeure  découvert  que  pen- 
dant un  quart  d'heure,  après  lequel  le  rellux 
commence,  et  les  eaux  reviennent  insensi- 
blement pendant  six  heures.  11  est  donc  im- 
[lossible  qu'une  multitude  de  deux  millions 
d'hommes,  avec  leurs  troupeaux  et  leur  ba- 
gage, ait  pu  passer  dans  un  espace  aussi 
étroit  et  en  si  peu  do  temjjs.  Niébuhr,  voya- 
geur instruit,  qui  y  a  passé  eu  1762,  atteste 
l'impossibilité  de  ce  passage.  «  Aucune  ca- 
ravane, dit-il,  n'y  passe  |)our  aller  du  Caire 
au  mont  Sinai,  ce  qui  abrégerait  cependant 
beaucoup  le  chemin;  l'on  tourne  à  cinq  ou 
six  milles  ]ilus  au  nord ,  et  du  temps  de 
Moise  le  circuit  devait  être  encore  plus  long, 
puisque  le  golfe  s'a»ançait  davantage  de  ce 
côté-là,  et  devait  être  plus  profond.  En  re- 
tournant du  mont  Sinai  à  Suez,  j'ai  traversé 
ce  golfe  sur  mon  chameau  pendant  la  jlus 
basse  marée,  près  des  ruines  de  Colsum,uii 
peu  au  nord  de  Suez,  ut  les  Araliesqui  mai- 
chaient  à  mes  côtés  avaient  de  l'eau  jus- 
qu'aux genoux;  le  biuic  île  sable  sur  lequel 
nous  étions  ne  paraissait  pas  fort  large.  Si 
donc  une  caravane  voulait  passera  Colsum, 
elle  ne  le  pourrait  qu'avec  Ijien  de  l'incom- 
inodité,  et  sûrement  iras  à  ])ied  sec,  à  ])lus 
forte  raison  une  armée.  »  Dcscript.  de  VA- 
rabie,  pag.  333-353.  —  k"  Ceux  qui  disent 
que,  ;iour  écarter  davantage  les  Ilots  du 
fond  du  golfe,  et  découvrir  un  plus  large  es- 
pace de  terrain,  Dieu  lit  souffler  un  vent  du 
nord,  contredisent  la  narration  de  Moïse  ;  il 
dit  expressément  que  Dieu  lit  souffler  un 
vent  d'orient  violent,  Kaditn  ou  Kédem,  qui 
divisa  les  eaux  (Exod.  xiv,  21)  ;  vent  très- 
sec,  puisqu'il  venait  du  désert  d'Arabie. 
D'ailleurs  ce  vent  du  nord  serait  arrivé  iuen 
à  propos  pour  les  Israélites,  et  aurait  cessé 
bien  malheui'cusement  pour  les  Egyptiens. 
S'il  faut  admettre  ici  du  surnaturel,  nous 
ne  voyons  pas  quelle  nécessité  il  y  a  de  le 
mettre  au  rabais,  comme  si  un  miracle  cou- 
lait à  Dieu  iilus  qu'un  autre. 

Quand  donc  il  serait  vrai  que  les  Israé- 
1  tes  ont  passé  le  liras  de  la  mer  Rouge  près 
db  Suez,  nous  serions  encore  forcés  de  le 
regarder  comme  miraculeux.  Mais  le  pro- 
dige est  bien  plus  sensible,  s'ils  l'ont  passé 
vis-à-vis  de  la  vallée  de  Dédéa,  environ 
douze  lieues  plus  au  midi,  comme  le  sou- 
tient le  père  Sicard,  qui  a  suivi  très-exac- 
ti'inent  leur  marche,  telle  qu'elle  est  mar- 
quée dans  l'Ecriturf    %i  qui  l'a   vérifiée  par 


l'inspection  des  lieux  ;  dans  cet  endroit,  la 
mer  a,  selon  Niébuhr,  au  moins  trois  lieues 
de  large  :  le  père  Sicard  lui  en  suppose  cinq 
ou  six.  Alors  les  Israélites  n'ont  pu  passer 
sans  avoir  les  eaux  élevées-  comme  un  mur 
à  leur  droite  et  à  leur  gauche,  ainsi  que  le 
disent  les  livres  saints,  par  conséquent  sans 
im  miracle  incontestable. 

Quoi  qu'en  disent  nos  adversaires,  Josèphc 
reconnaît  formelli'ment  le  miraculeux  de  cet 
événement,  ylr)<«(/.,  1.  ii,  c.7.  La  liberté  (piMl 
laisse  aux  païens  d'en   croire  ce  qu'ils  vou- 
dront, ne  prouve  donc  rien  ;  il  a  vécu  quinze 
cents  ans  après  l'événement,  et  il  ne  parait 
pas  avoir  vu  les  lieux.  11  n'y  aucune  res- 
semblance entre  le  passage  des  Israélites  au 
travers  de  la  mer  Rouge,  et  celid  des  soldats 
d'Alexandre  sur  le  bord  de  la  mer  de  Pam- 
philie.  Ammien  dit  qu'ils  profitèrent  d'un 
moment  auquel  le  veut  du  nord  écartait  les 
flots    du  rivage,    et  Strabon  ajoute  que  ces 
soldats  avaient  encore  de  l'eau   jusqu'à    la 
ceinture.  D'ailleurs  le  premier  de  ces  histo- 
riens observe  qu'Alexandre    ne    fit  passer 
ainsi  qu'une  partie  de   son  armée,  et  il  no 
dit  j)as  quel  fut  le  nombre  des  soldats  qui 
tentèrent  ce  passage.  De  expcdit.  Alex.,  lib.  i. 
Ces  mômes  critiques  en  imposent  encore, 
lorsqu'ils  disent  que  le  passage  miraculeux 
des  Israélites   et  la   défaite    des  Egy[)tiens 
n'ont  pas  été  connus  i!es  nations  voisines,  et 
qu'aucun  auteur  profane  n'en  a  parlé.  Non- 
seulement  les  Ammonites  en  étaient  très-ins- 
truits (Judith,  V,  12j,  mais  Diodore  de  Sicile, 
liv.  III,  ch.  3,  rafiporte  que,  selon  la  tradi- 
tion des  Ichtyophages,  qui  habitaient  le  bord 
occidental  de  la  mer  Rouge,  cette  mer  s'était 
ouverte  autrefois  par  un  rellux  violent,  que 
tout  son  fond  avait  paru  à  sec  ;  mais  qu'en- 
suite il  était  survenu  un  flux  imiiélueux  qui 
avait   réuni  les  eaux.  Justin,   1.  xxxvi,  dit, 
d'a[)rès  Trogue-Pompée,    que  les  Egyptiens 
(jui  poursuivaient  Moïse  furent   contraints 
jiar  les  tempêtes  de  retourner  chez  eux.  Ar 
tapan  ,  cité  par  Eusèbe,  Prœpar.evang.,  lib. 
IX,  c.  72,  observe  que  les  prêtres  de  Aleiii- 
niiis  ne  convenaient  pas  du  passage  miracu- 
leux de  Moïse,  mais  que    ceux  d'Héliopolis 
a  vouaient  qu'il  s'était  miraculeusement    ou- 
vert un  passage    au  travers  des    flots.   Le 
savant    auleur   de    l'Histoire   véritable  des 
temps  fabuleux,  tom.  111,   [lag.  202  et  suiv., 
fait   voir  que  plusieurs  traits  de    l'histoire 
d'Egypte,  tels  qu'ils  sont  rapportés  par  les 
auteurs  prof  nés,  no  sont  ru'U  autre  chose 
que  les  événements  de  l'histoire    de    Mois.; 
et  des  Hébreux,    déguisés   et  travestis,  et 
qu'en  particulier   l'on  y  reconnaît  très-évc- 
deinment  le  passage  de  la  mer  Rouge.  Voij. 
la   Dissert,    sur    ce   sujet,  B'ible  d'Avignon, 
t.  li,  p.  46. 

On  [leut  faire  à  ce  sujet  une  observation 
(jui  |irouve  l'exactitude  et  la  justesse  de  la 
narr.Uion  de  Moïse.  En  pa.-laiil  de  l'armée  de 
Piiaraon  qui  poursuivit  les  Israélites,  il  ne 
l'ait  mention  que  de  chars  et  de  cavalerie, 
Exod.,  c.  XIV  et  xv.  En  ellet,  les  historiens  et 
les  voyageurs  ont  remarqué  que  les  rois 
d'Egypte  u'eurenl  jamais  d'autres  troupesque 


7J7 


MER 


MER 


718 


M;;  la  cavalerie;  aujourd'hui  encore  la  seule 
milice  de  l'E^'yiitc  sont  li-s  mauielmicks,  ([ui 
smit  tous  cavaliers.  Voiin(je  en  Sijrk  et  m 
Jù/i/pte,  !  ar  Volney,  tome  11,  iT  jiart.,  c.  11. 

iVIKllCl.  Les  pères  de  la  Merci  ou  de  la 
réiiemption  des  ciiilifs  siuit  un  ordre  reli- 
gieux qui  [irit  naissance  à  Hai'celone  en  i'2-2'.), 
à  l'imitation  de  l'drdie  des  trinilaires,  fondé 
ou  France  par  saint  Jean  de  Matlia.  Ce  n'é- 
tait au  commencement  ([ii'uno  congré.^ation 
de  genlilshounnes,(|ui,((Xcit(''spar  le  zèle  et  la 
cliarilédo  saint  Pierre  Nolasfjue,  p;entillioni- 
uji'  français,  consacrèrent  une  partie  de  lein-s 
biens  h  la  rédemiilion  des  chn^tiens  l'éduits 
à  l'esclavage  chez  les  intidèles.  On  sait  avec 
(pu'lle  iiduimanilé  ces  malheureux  étaient 
tivuté's  |)ar  les  Mani'(\s  mahométans,  qui  do- 
minaient alo:  s  en  Kspaij;ne  ;  leur  sort  élait 
cnc(jre  plus  cruel  sm-  les  côtes  de  Barbarie. 

Le  nombre  des  chevaliers  ou  confrères 
<lévoués  cl  cette  bonne  (Buvre  augmenta 
bientôt  ;  on  les  appela  les  confrères  de  la 
ronf/rc(/ation  de  Notre-Dame  de,  miséricorde. 
Aux  trois  v(eux  ordinaires  de  religion,  ils 
joignirent  celui  d'em]iloy(T  leurs  biens,  leur 
liberté  et  leur  vie  au  rac'hat  des  captifs.  Rien, 
sans  doule,  n'est  plus  li(''roïquo  ni  plus  su- 
blime que  ce  vœu  ;  il  fait  également  iion- 
iienr  h  la  religion  et  à  l'humanité.  Les  succès 
rapides  de  cet  ordre  naissant  engagèrent 
Grégoire  IX  h  l'approuver,  et  il  le  mit  sous 
la  règle  de  saint  Augustin,  l'an  1235.  Clé- 
ment V  ordoima,  en  1308,  que  cet  ordre 
fût  légi  [lar  un  religieux  prôtre.  Ce  change 
ment  causa  la  séparation  des  clercs  et  des 
laiqucs  ;  les  clicvaliers  furent  incorporés  h 
d'autres  ordres  militaires  ,  et  la  congréga- 
tion de  la  Merci  ne  fut  plus  comiiosée  que 
d'ecclésiasti([ucs  ;  c'est  sous  cette  dernière 
forme  ([u'elb'  subsiste  encore. 

Outre  les  p.ovinces  dans  lesquelles  cet 
ordre  est  divisé  tant  en  Kspagne  (]u'en  Amé- 
ri<iue,  il  y  en  a  une  dans  les  [larties  mé- 
riiii(uiales  de  la  France.  Le  père  Jean-Bap- 
tiste (ionzalès  du  Saint-Sacrement,  mort  en 
1G18,  y  introduisit  une  réforme  qui  fut 
approuvée  par  Clément  VU!  ;  ceux  qui  la 
suivent  vont  [lieds  nus,  pratiquent  exac- 
tement la  retraite,  le  recueilleuit'nt,  la  pau- 
vreté, l'abstinence,  ils  ont  deux  provinces  en 
Espagne,  une  en  Sicile  et  une  en  France. 

Les  ennemis  de  l'état  monastique  diront 
sans  doute  :  Pourquoi  ne  pas  laisser  la  con- 
grégation de  la  Merci  telle  qu'elle  était  d'a- 
bord, sur  le  [lied  d'une  confrérie  de  laïques? 
Parce  qu'une  simple  confrérie  n'aurait  pas 
été  de  longue  durée.  Poui'  lui  donner  de 
la  stabiliti',  pour  élablir  une  correspon- 
dance entre  les  ditférentes  parties  de  cette 
congrégation,  il  fallait  des  vœux,  une  règle, 
un  régunc  monastique;  l'expérience  prou- 
ve que  tout  établissement  d'une  autie  es- 
pèce ne  subsiste  pas  longtemps.  Foj/. Rédemp- 
tion, Thimtaires. 

MERCREDI    DES    CENDRES.    Voy.    Cen- 

BUES. 

IMFRK  DE  DIEU,  qualité  que  l'Eglise  ca- 
tholique donne  à  la  sainte  Vierge  Marie. 
L'usage   de  la  qualiticr  ainsi   est  venu  des 


Crées,  qui  l'appelaient  Oôcrô/af,  nom  que  les 
Latins  ont  rendu  par  Deijtara  el  Dei  genitrix. 
Le  concile  d'Efilièse,  en  V31,  conlii'ma  cette 
dénomination;  et  le  concile  de  Constanti-' 
nople,  eu  353,  ordonna  qu'à  l'avenii-  on' 
nommerait  toujours  ainsi  la  sainte  Vierge 
Ci\s  deux  déerc^ts  furent  portés  poui'  ter- 
miner une  longues  dispute,  et  pour  l'toulfer 
une  err(!ur.  Lorsque  N(v';torius  était  patri- 
arche de  Conslautinoiile,  un  de  ses  prêtres 
nommé  Anastase  s'avisa  de  soutenir,  dins 
un  sermon,  que  l'on  ne  devait  point  aji- 
peler  la  saute  Vierge  mère  de  Dieu,  mais 
mère  du  ('lirist  ;  ces  paroles  ayant  soulevé 
tous  les  esprits  et  causé  du  scandale,  le 
patriarche  prit  très-mal  à  propos  le  parti  du 
jirédicateur,  appuya  sa  doctrine,  et  se  lit  con- 
damner lui-même. 

Eu  elfet,  pour  refuser  h  Marie  le  titre  de 
mère  de  Dieu,  il  faut  ou  soutenir,  connue 
les  gnosti([ues,  (\nr  le  Fils  de  Dieu  n'a  pas 
pris  une  chaii'  réelle  dans  le  sein  de  Marie, 
et  qu'il  est  né  seuleiueut  en  nppareiu'c; 
ou  enseigner,  comme  les  ariens,  que  Jésus- 
Christ  n'est  pas  Dieu,  ou  [)rélendre  (ju'il 
y  a  en  lui  deux  personnes  :  savoir,  la  per- 
sonne divine  et  la  personne  humaine; 
qu'ainsi  la  divinité  et  l'humanité  ne  sont 
])as  unies  en  lui  substantiellement,  mais  nuj- 
ralement  ;  ciue  c'est  une  union  d'adopliuu, 
de  volonté,  d'action,  de  cohabitation,  et  non 
tnie  incarnation  :  c'est  ce  que  Nestorius  fut 
obligé  de  dire  pour  se  défendre,  et  ce  qui 
fut  légitimement  condamné.  Ainsi,  le  nom 
de  mère  de  Dieu  est  non-seulement  une  con- 
séquence évidente  du  dogme  de  l'incarna- 
tion, mais  il  ne  fait  que  rendre  exacte- 
ment les  expressions  de  l'Ecriture  sainte. 
Saint  Jean  dit  fjue  le  Verbe  s'est  fuit  chair; 
or,  il  a  pris  cette  chair  dans  le  sein  de  Marie  ; 
donc,  ou  le  Veibe  n'est  pas  Dieu,  ou 
Dieu  n'est  pas  né  de  Marie  selon  la  chair. 
Saint  Paid  nous  l'apprend,  lorsqu'il  dit  (jue 
le  Fils  de  Dieu  est  né,  selon  la  chair,  du 
sang  de  David  {Rom.  i,  3);  ([u'il  est  né  d'une 
femme  (Galat.  iv,  h). 

Les  Pères  des  trois  premiers  siècles,  saint 
Ignace,  saint  Irénée,  Terlullien,  etc.,  sesont 
servis  de  ces  passages  pour  jirouver  aux 
anciens  héréticpies  la  réalité  de  la  chair 
do  Jésus-Christ  ;  ceux  du  quatrième  les 
ont  employés  pour  établir  sa  divinité  contre 
les  ariens.  Le  concile  de  Nicéc  a  décidé  que 
le  Fils  uiriijuc  de  Dieu,  vrai  Dieu  de  vr.ii 
Dieu,  consubstantiel  à  son  Père,  s'est  in- 
carné par  l'opération  du  Saiiit-Es|irit,  est  i?é 
de  la  vierge  .Marie,  et  s'est  fait  homme.  Ou  il 
faut  renoncer  à  cette  profrssion  de  foi,  ou 
il  faut  domier  h  .Marie  le  titre  de  mère  de 
Dieu.  Saint  Ignace,  disciple  immédiat  des 
apôlies,  dit  en  propres  termes  (]uc  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ  est  Dieu  existant  dais 
l'honmic,  né  de  Dieu  et  de  'ilarie.  Epist.  ad 
Ephes.,  n.  7.  Ce  passage  est  cité  et  adopté 
par  Théodoret,  qui  n'était  rien  moins  qu'en- 
nemi de  Nestorius.  Yoij.  Pétau,  de  Inciirn.. 
1.  v,  c.  17-  11  ne  s'cnçnit  point  île  \h  iiue 
Marie  a  engendré  la  Divinité,  ni  (jue  Marie 
est  mère  de  la  nature  tlivine,  comme  le  cou- 


710  JÎER 

rlnaicnt  fes  nestoricns  :  une  nature  éternelle 
ne  peut  iMre  engendrée  d'une  créature.  Aussi 
.os  Pères  ne  disent  pas  sim|ilemenl  que  Marie 
est  ?nère  du  Verbe,  mais  m'rr  du  Verbe  incar- 
ne.  c'est  à  nous  d'imiter  exactement  leur 
langage.  Si  l'on  peut  abuser  du  titre  de 
mère  de  Dieu,  ^esterius  abusait  bien  plus 
malicieusement  du  nom  de  mère  du  Christ, 
puisqu'il  s'en  servait  pour  saper  le  mystère 
de  l'incarnation. 

Mais  ce  titre  auguste  a  déplu  aux  iiro- 
testants,  parce  qu'il  autorise  trop  évidem- 
ment les  autres  qualités  que  l'Eglise  catho- 
lique attribue  à  la  sainte  Vierge,  et  le  culte 
singulier  qu'elle  lui  rend;  mais  on  sait  aussi 
que,  par  leur  prévention,  ils  n'ont  que  trop 
f  ivorisé  les  ennemis  de  la  divinité  de  Jésus- 
Christ.  Vainement  ils  disent  que  les  Pères 
grecs  ont  nommé  Marie  ©eotozo?,  et  non 
uïjT»/)  Toû  0£o*  ;  il  s'ensuit  seulement  qu'ils 
ijut  mieux  aimé  employer  un  seul  mot  que 
trois  jiour  exprimer  la  même  chose.  Par 
la  même  raison  ils  ont  dit  X/sio-toto/»,-,  et  non, 
ij.^Tïip  ToO  XptuToû;  et  il  ne  s'ensuit  rien. 

Il  n'est  })as  vrai  que  saint  Léon  soit  le 
premier  des  Pères  latins  qui  ait  noumié 
jMarie  mère  de  Dieu.  Cassien  et  Vincent  de 
Lérins,  CominonrI.,  c.  12  et  15,  ont  soutenu 
cotte  qualité  contre  Nestorius.  Les  plus  an- 
ciens, tels  que  Tertiillion,  saint  Cypriun, 
saint  Hilaire,  saint  Jérôme,  saint  Ambroise, 
saint  Augustin,  etc.,  (lisent  que  Dieu  est 
né  d'une  vierge,  est  né  d'une  femme;  qu'une 
vierge  a  conçu  Dieu,  l'a  porté  duis  son 
sein,  l'a  enfanté,  etc.  Voy.  Pétau,  ib.,  1.  v, 
c.  li,  n.  9  et  suivants.  Chez  les  Pères  grecs, 
le  nrom  ©eotoxo?  se  trouve  déjà  dans  la  con- 
férence d'Archélaiis,  évoque  de  Charcar  eu 
Mésopotamie,  avec  l'hérésiarque  Manès,  l'an 
277,  p'us  de  cent  cinquante  ans  avant  la 
naissance  du  nestorianisme.  Alexandre,  pa- 
triarche d'Alexandrie,  s'en  est  servi  dans 
sa  lettre  synodique  à  celui  de  Constanti- 
nople,  écrite  avant  l'an  a25.  Théodoret,  lli.st. 
ecclés.,  1.  1,  c.  h,  p.  20.  C'était  une  courte 
profession  de  foi  de  la  divinité  de  Jésus- 
Christ.  Origène,  saint  Denis  d'Alexandrie, 
saint  Athanase,  saint  Basile,  saint  Proelus, 
Eujèbe  et  d'autres  (pie  cite  saint  Cyrille, 
l'ont  employé  avant  le  concile  d'Ejàièse.  Jean 
d'Antioche,"  dans  sa  lettre  à  Nestorius,  lui 
représenta  que  ce  terme  avait  été  employé 
par  plusieurs  Pères,  et  (ju'aucun  ne  l'avait 
jamais  rejeté.  Julien  reprochait  aux  chré- 
tiens cette  expression,  dans  son  ouvrage 
contre  le  christianisme.  Pétau,  ibid.,  c.  13, 
n.  9  et  suiv.  Voy.   Nestokiamsme. 

MERITE,  en  '  théologie,  signifie  la  bonté 
morale  et  surnaturelle  de  nos  actions,  et 
le  droit  qu'elh'S  nous  donnent  à  une  récom- 
pense de  la  part  de  Dieu. 

U  est  clair  d'abord  que  nous  ne  jjouvons 
avoir  aucun  droit  à  l'égard  de  Dieu  qu'au- 
tant qu'il  a  bien  voulu  nous  l'accorder 
]iar  une  promesse  ciu'il  nous  a  faite  ; 
mais  comme  il  est  de  \a  justice  de  Dieu 
d'accomplir  exactement  ses  jiromesses,  on 
peut,  sans  abuser  du  terme,  nonuner  droit 
l'espérance  bien  fondée  dans  laiiuelle  nous 


MER 


720 


sommes  d'obtenir  ce  que  Dieu  nous  a  promis 
si  nous  remplissons  les  conditions  qu'il  n(/us 
a  prescrites.  Droit  et  justice  sont  évidemment 
corrélatifs  :  la  promesse  que  Dieu  fait  à 
l'homme  est  une  espèce  de  contrat  qu'il 
daigne  former  avec  lui. 

Les  théologiens  distinguent  le  me'rite  de 
condignité,  meritum  de  rondigno,  et  le  mérite 
de  congruité  ou  de  convenance,  meritum 
deconr/ruo;  Us  disent  ordinairement  que  le 
]iremier  a  lieu,  lorsqu'il  y  a  une  juste  pro- 
portion entre  la  valeur  de  l'action  et  la  ré- 
compense qui  y  est  attachée;  que  quand 
celte  i^roportion  ne  se  trouve  pas,  l'action 
no  iieut  avoir  qu'un  me'rite  de  congruité. 
Mais  comme  saint  Paul  nous  avertit  que 
les  souffrances  de  ce  monde,  par  consé- 
quent les  bonnes  œuvres,  n'ont  aucune  pro- 
portion ou  condignité  avec  la  gloire  éter- 
nelle qui  nous  est  réservée,  Rom.,  c.  viii, 
V.  18,  il  parait  plus  simple  de  dire  que 
le  mérite  de  condignité  est  fondé  sur  une 
promesse  formelle  de  Dieu,  au  lieu  que 
le  mérite  de  congruité  n'est  appuyé  que  sur 
la  contiance  à  la  bonté  divine.  Dans  le 
premier  cas,  la  récompense  est  un  acte 
deju.stice;  dans  le  secoiid,  c'est  une  pure 
grâce  et  un  trait  de  miséricorde  :  aussi  les 
théologiens  conviennent  qu'il  n'y  a  ici  qu'un 
mérite  improprement  dit.  Par  ce  moyen, 
le  passage  de  saint  Paul  ne  forme  |)lus 
une  dillîculté  ;  il  est  exactement  vrai  que 
nos  bonnes  œuvres  et  nos  souffrances  n'ont 
par  elles-mêmes  et  jiar  leur  valeur  intrin- 
sèque aucune  condignité,  aucune  jiropor- 
tion  avec  le  bonheur  éternel,  mais  seule- 
ment en  veitu  de  la  iiromesse  de  Dieu  et 
dos  mérites  do  Jésus-Chiist.  U  y  a  dans 
l'Eciiture  sainte  des  preuves  et  dos  exemples 
de  ces  deux  es|ièces  de  mérite.  La  récom- 
pense des  justes  et  la  jiunition  des  pé- 
cheurs y  sont  également  ap[)i'léos  un  salaire. 
Saint  Paul  dit  qu'à  celui  qui  travaille  la 
récompense  n'est  pas  accordée  comme  une 
grâce,  mais  comme  une  dette  {Rom.  iv,  4). 
«  J'ai  achevé  ma  course,  dit-il  ailleurs  ;  j'ai 
gardé  ma  foi  ou  ma  fidélité  ;  la  couronne 
de  justice  m'est  réservée  ;  le  Seigneur,  juste 
juge,  me  la.  rendra  un  jour  {II  Tim.  iv,  7).  » 
Si  la  récompense  est  un  acte  de  justice, 
l'homme  l'a  donc  méritée  :  il  est  digue  de 
la  recevoir.  En  otfet,  Jésus-Christ  parle  de 
ceux  qui  seront  jugés  (lignes  du  siècle  futur 
et  de  la  résurrection  des  morts  (Luc.  xx,  35). 
Il  dit  de  ceux  qui  ne  sont  pas  souillés  : 
Ils  marcheront  arec  moi  en  habits  blancs, 
parce  qu'ils  en  sont  dignes  {Apoc.  ni,  4-  ). 
Voilà  un  mérite  de  condignité.  Mais,  encore 
une  fois,  ce  mérite  ou  cette  dignité  vien- 
nent plulôt  de  la  promesse  de  Dieu  et  de 
sa  grâce,  que  de  la  valeur  essentielle  des  ac- 
tions de  l'homme. 

Les  livres  saints  nous  en  montrent  d'une 
autre  espèc'.  Daniel,  c.xxiv,  v. 4,dit  àNabu- 
ciiodonosor  :  «  Rachetez  vos  péchés  par  vos 
aumi'mes  ;  »  il  lui  fait  envisager  le  pardon 
de  ses  péchés  comme  la  ré('ornpense  do 
SOS  bonnes  œuvres.  Ce  roi  reconnaît  qu'il 
a  été  f'appé  de  Dieu  et  hinuilié  en  punitioa 


721 


MER 


MER 


m 


(le  son  urgueil,  et  qu'il  a  été  rc'l;il)li  sur 
son  trône,  parce  qu'il  a  béni  et  iiuié  Dieu. 
lliid.,\.  31.  Ce  n'était  certainement  [las  là 
une  récompense  due  par  justice.  Nous  li- 
sons (jue  Dieu  lit  prospérer  les  sages- 
femmes  d'Egypte  parce  ([u'ciles  av;dent  craint 
Dieu  (Exod.  i,  20).  Dans  le  livre  de  liutli,  c. 
I,  V.  8,  Noéini  jii'ie  Dii'U  de  rendre  à  ses 
■  leux  belles-tilles  le  bien  qu'elle  en  avait 
reçu.  Selon  saint  Jacques,  la  courtisane 
•îahab  fut  justiliée  {>ar  ses  œuvres  (Jac.  ii, 
'■l'ô).  Un  ange  dit  au  centurion  Corneille  : 
"  Vos  prières  et  vos  aumônes  sont  mon- 
tées vers  Dieu,  et  il  s'en  souvient.  »  Con- 
séquemment  saint  Pierre  est  envoyé  à  cet 
homme  pour  lui  faire  connaître  Jésus-Christ 
[Act.  i,k).  Les  actions  de  tous  ces  personna- 
ges ne  pouvaient  avoir  aucune  proportion 
avec  les  bienfaits  de  Dieu,  et  Dieu  ne  leur 
avait  I  ien  [)romis  ;  mais  il  était  de  sa  bonté 
de  ne  pas  les  laisser  sans  récompense  : 
elles  avaient  donc  unme'rite  do  convenance 
LU  de  congruité.  C'est  ainsi  que  Dit  u  le  re- 
présente lui-niénie  {Isaie,  i,  IG);  il  i)roinet 
aux  Juifs  que  s'ils  se  purilient  d(^  leurs  ini- 
quités, s'ils  (cessent  d'y  retomber,  s'ils  ob- 
servent la  justice  et  la  charit(',  il  pardon- 
nera, uubliei'a  et  etfacera  tons  leurs  péchés 
passés.  A  ces  conditions  il  consent  que  les 
Juifs  viennent  exiger  l'effet  do  cette  [no- 
luesse,  et,  pour  ainsi  dire,  le  premli'c  lui- 
même  à  paitie  :  Venile,  et  arguite  me,  dicit 
Dominus.  Dieu  regarde  donc  ses  pr.iuiesses 
connue  un  titre  et  un  droit  ])Our  ses  créatu- 
res, et  leur  exécution  connne  un  acte  de 
jusiice  de  sa  part.  Voilà  tout  ce  que  l'on  en- 
tend sous  le  nom  d.'  mérite. 

Pour  le  mérite  de  coiidignité,  les  théolo- 
giens exigent  plusieurs  conditions;  il  laut, 
1°  (pie  l'honnne  soit  juste  ou  en  état  de  grâce 
sanctiliante;  2"  (ju'il  soit  roi/ai/cur,  c'est-à- 
dire  encore  vivant  sur  la  terre  :  ainsi  le  )iifV(<c 
n'a  plus  lieu  après  la  mort  ;  3"  que  sou 
action  soit  libre,  exempte  de  toute  néces- 
sité, même  sim|ile  et  relative;  'i-°  qu'elle 
soit  moralement  bonne  et  vertueuse  ;  5" 
(ju'elle  soit  rap|iortée  à  Dieu  et  à  une  lin 
surnatur(  lie  ,  et  faite  avec  le  secours  de 
la  grAce  actuelle  ;  6"  qu'il  y  ait  de  la  part  de 
Dieu  une  promesse  formelle  de  récompenser 
celte  action.  La  2',  la  3%  la  '*'  et  la  5"  de 
ces  conditions  sont  suffisantes  pour  le  mé- 
rite  de  coHfjruo. 

De  là  ils  concluent  que  l'homme  ne  peut 
mériter  en  aucune  manière  la  )ireinière 
grAce  actuelle  ;  autrement  elle  serait  la  ré- 
compense d'actions  faites  sans  son  secours, 
d'actions  purement  naturelles  :  cela  est  im- 
possible, et  l'Eglise  l'a  ainsi  décidé  contre 
les  pélagiens  et  les  semi-pélagiens.  Il  ne 
peut  pas  mériter  non  plus  de  condiçino  la 
première  grâce  habituelle  ou  sanctiliante, 
puisque  celle-ci  est  absolument  nécessaire 
pour  le  mérite  de  condignilé  ;  il  peut  ce- 
pendant la  mériter  de  coiujruo,  aussi  bien 
que  le  don  do  la  foi,  par  le  moyen  des 
bonnes  œuvres  faites  avec  le  secours  de 
la  grûce  actuelle.  L'Eglise  a  condamné  ceux 
'.jui  ont   enseigné  que  la  foi  est  la  première 


grAce.  Saint  Augustin,  dans  son  livre  du  Don 
de  la  perséoérance,  a  encore  prouvé,  coiiti  o 
les  senii-|iél-igiens,  que  l'homme  ne  peut 
mériter  ce  don  de  condigno ,  parce  ipie 
Dieu  ne  l'a  yias  f  r  un  s  aux  justes;  mais, 
selon  ce  saint  docteur,  l'hoinme  peut  l'ob- 
tenir par  de  ferventes  prières  et  par  une 
humble  conliance  en  la  bonté  de  Di 'U,  par 
conséquent  le  mériter  de  congruo.  Selon 
le  cours  ordinaire  de  la  providence,  il  n'est 
[las  à  c.aindre  que  Dieu  abandonne  à  la 
dernière  heure  une  Ame  qui  l'a  fidèlement 
servi  pendant  toute  sa  vie. 

Nous  avons  prouvé,  par  l'Ecriture  sainte, 
ciuo  riioinmc  juste  peut  mériter  de  con- 
digno c\.  par  justice  la  vie  éternelle,  parco 
qu'il  |)eut  remplir  à  cet  égard  toutes  les 
conditions  qu'exige  le  mérite  de  condignité  ; 
l)ar  la  même  raison  il  peut  mériter  de  même 
l'augmentation  de  la  grAce  sanctifiante  et  un 
dv-croissement  de  gloire  dans  le  ciel.  C'est 
encore  le  sentiment  de  saint  Augustin;  et 
telle  est,  sous  ce  rapport,  la  doctrme  du 
concile  de  Trente,  sess.  6,  de  Juslif.  11  n'est 
aucum^  question  sur  laiiuelle  les  proles- 
tants aieni  calomnié  plu-s  grossièrement  l'E- 
glise ea[holi(jue;  ils  lui  ont  reproché  d'en- 
seigner que  l'homme  peut  mériter  la  ré- 
mission de  ses  péchés  et  la  justification  par 
ses  ouvres,  par  ses  propres  forces,  et  in- 
dépeudaminont  des  inéritea  de  Jésus-Christ; 
de  contredire  saint  Paul ,  en  admettant , 
sous  le  nom  de  condignité,  une  proportion 
entre  nos  œuvres  et  la  récompense  que  Dieu 
nous  promet  ;  de  supposer  que  les  bonnes 
œuvres  des  justes  n'ont  pas  besoin  d'une 
acceptation  g,itita;te  de  Dieu  pour  mériter 
le  lion'ueur  éternel,  qu'elles  opèrent  par 
elles-mêmes  la  rémission  des  péchés,  ex 
opère  opcrato.  Us  ont  cité  Isaie,  c.  lxiv,  v. 
6,  qui  dit  que  toutes  nos  justices  soni  sem- 
blables à  un  linge  souill(^  ;  et  Jésus-Chiist, 
qui  nous  avertit  que  quand  nous  avons 
lait  tout  ce  qu'il  commande,  nous  ne  som- 
mes encore  que  des  sei  viteurs  inutiles  [Luc. 
xvii,  10).  Quelques-uns  ont  soutenu  (juc, 
dans  toutes  ses  œuvres,  le  juste  pèche  au 
moins  véniellement,  puisqu'il  n'accomplit 
jamais  la  loi  aussi  parfaitement  qu'il  le  do  t  ; 
d'autres  ont  poussé  l'entêtement  jusqu'à  dire 
que,  dans  toutes  ses  actions,  il  pèche  mor- 
tellement. 

Quiconque  prendra  la  peine  de  lire  le 
concile  de  Trente,  y  verra  une  doctrine  dia- 
métralement opposée  à  celle  que  les  pro- 
testants nous  imputent.  Il  déclare  que  per- 
sonne n'est  justilié  que  ceux  auxquels  h; 
mérite  de  la  passion  de  Jésus-Christ  est 
communiqué,  sess.  (i,  de  Justif.,  c.  3;  que 
))ersonne  ne  |ieut  se  disposer  à  la  justi- 
fication ([u'autant  qu'il  est  jirévenu  et  se- 
couru ))ar  la  grAce  de  Dieu,  c.  5  et  G.  U 
enseigne  que  l'Iiomme  est  justitii'  par  la  foi, 
l'espérance  et  la  charité,  et  qu'il  reçoit  ces 
dons  par  Ji-sus-Clirist,  c.  7;  qu'ainsi  il  est 
ju-tilié  gratuitement,  puis(pie  rien  de  ce 
qui  précède  la  justification,  soit  la  foi,  soit 
les  œuvres,  ne  jteut  mériter  la  justifica- 
tion, qui  est  une  pure  grAce,  c.  8.  etc.  Le  con- 


725 


MER 


MES 


724 


cJlr"  appuie  toutes  ces  v(''i'U6s  sur  des  passnges 
exprès  derEeriture  sainte.  Conséqueiuniont  il 
dit  aualhème  h  quic'  iiique  soutient  queriinni- 
me  peut  ôtre  justifié  par  les  œuvres  qui  vien- 
nent de  ses  propres  forces,  ou  de  la  doc- 
trine qu'il  a  reçue,  sans  ia  grAce  divine 
qui  nous  est  donnée  par  Jésus-Christ.  Cnn. 

1.  Il  condamne  ceux  qui  disent  que  la 
grAce  divine  est  donnée  par  Jésus-Llirist, 
seulement  alln  que  l'homme  puisse  plus 
facilement  mener  une  vie  sainte  et  niéii- 
ter  la  vie  éternelle,  comme  s'il  le  iiouvait 
faire  absolument,  quoique  plus  difficilement, 
|iar  son    libre  arbitre  et  sans  la  gnlce.   Cmi. 

2.  Ces  dfiux  points  de  la  foi  avaient  déjà 
été  décidés  contre  les  pélagiens.  Enfin,  le 
concile  censure  ceux  qui  prétendent  ({ue 
riiomme  justifié  peut  persévérer  toute  sa 
vie  dans  la  justice  sans  un  secours  spécial 
de  Dieu,  Can.  -22.  Nous  demandons  en  ([uoi 
cette  doctrine  peut  déroger  aux  mérUva  , 
aux  satisfactions,  à  la  médiation  de  Jésus- 
Christ.  Ce  concile  ne  parle  ni  de  mérite 
lie  condignité,  ni  de  justification  ex  opère 
operato;  aucun  théologien  même  ne  s'est 
servi  de  cette  dernière  expression,  en  par- 
lant des  bonnes  œuvres.  Pour  rendre  la 
première  odieuse,  les  protestants  y  atta- 
chent un  faux  sens  ;  ils  entendent  par  là 
un  me'rite  rigoureux,  fondé  sur  la  vale  :r 
intrinsèque  des  actions  :  nous  convenons 
qu'un  tel  mérite  ne  convient  qu'à  Jésus- 
Christ  seul  ;  puisqu'il  était  Dieu,  toutes  ses 
actions  étaient  d'un  prix,  d'une  valeur,  d'un 
7nérite  infinis.  11  a  donc  mérité,  en  rigueur 
de  justice ,  non-seulement  la  gloire  dont 
jouit  son  humanité  sainte,  mais  le  salut  do 
tous  les  hommes,  et  toutes  les  grâces  dont 
ils  ont  besoin;  au  lieu  que  les  bonnes 
œuvres  des  justes  ne  tirent  leur  valeur  que 
de  ces  grâces  mêmes,  et  n'ont  qu'un  mérite 
emprunté  de  ce  divin   Sauveur. 

Si  c'est  le  terme  de  mérite  qui  cho(|ue  les 
protestants,  lorsqu'il  est  appliqué  aux  hom- 
mes, on  les  prie  de  faire  attention  qu'il  est 
dit  dans  l'Ecriture  sainte  [Eecli.  xv,  15)  que 
tout  acte  de  miséricorde  mettra  chacun  à  sa 
jilace,  selon  le  mérite  de  ses  œuvres.  Saint 
Paul  fait  allusion  à  ce  passage  {Rom.  u,  6), 
lorsqu'il  dit  que  Dieu  rendra  à  chacun  se- 
lon ses  œuvres.  Les  protestants  ne  nient 
point  que  le  péché  ne  mérite  chAliinent  :  or 
le  châtiment  du  péché  et  la  récompense  de 
la  vertu  sont  également  appelés  jiar  saint 
Paul  un  salaire,  merces  ;  donc  le  mot  de  mérite 
convient  également  a  l'un  et  à  l'autre.  Que 
prouve  le  passage  d'isaïe  cité  par  les  proies  • 
tants?Que  les  actes  mêmes  de  religion  et  de 
piété  du  commun  des  Juifs  étaient  infectés 
par  des  motils  criminels  ;  ce  prophète  le  leur 
reproche,  c.  i,  v.  58,  etc.  Il  n'en  est  pas  de 
même  des  bonnes  œuvres  des  justes  inspi- 
rées par  la  grâce. 

Quoique  nous  sovons  des  serviteurs  très- 
inutiles  à  Dieu,  il  a  cependant  daigné  noiis 
promettre  une  récompense,  non  parce  qu'il 
a  besoin  de  nos  services,  mais  parce  qu'il 
BOUS  a  créés  pour  nous  faire  du  bien,  et 
parce  que  Jésus-Christ  a  mérité  celle  ré- 


compense pour  nous.  De  même,  quoique 
nous  soyons  incapaliles  d'accomplir  parfaite- 
ment la  loi,  et  d'aimer  Dieu  autant  qu'il  mé- 
rite d'être  aimé,  cependant  sa  grâce  nous 
rend  capables  de  le  faire  autant  qu'il  le  faut 
pour  être  éternellement  récompensés  :  Dieu, 
qui  est  la  justice  et  la  bonté  même,  n'exige 
pas  de  nous  un  degré  de  perfection  supérieur 
aux  forces  qu'il  nous  donne  par.  sa  grâce. 
Ne  sont-ce  pas  les  protestants  eux-mêmes 
qui  se  couvrent  du  ridicule  dont  ils  ont 
voulu  charger  les  catholiques?  Le  principe 
fondaii'cntal  de  leur  doctrine  sur  la  justili- 
cation,  est  ipie  la  justice  personnelle  de  Jé- 
sus-Christ nous  est  imputée  par  la  foi,  c'est- 
à-dire  par  la  ferme  persuasion  dans  laquelle 
nous  sommes  que  nos  péchés  nous  sont 
pardonnes  par  ses  mérit .s,  tellement  qu'il 
sufllt  d'avoir  cette  persuasion  ferme  pour 
être  justifié  en  etl'et.  Or,  nous  demandons 
pourquoi  cet  acte  de  foi  est  d'une  plus 
grande  valeur,  a  plus  d'efticacité  et  de  pro- 
porlion  avec  la  rémission  des  péchés,  que 
les  autres  actions  de  l'homme  que  nous 
nommons  des  bonnes  œuvres.  Nous  deman- 
dons, si  cette  foi  opère  la  rémission  des  pé- 
chés ex  opère  operato  ,  pourquoi  dans  cet 
acte  l'homme  ne  pèche  ni  mortellement  ni 
véniellement,  i)endant  qu'il  pèche,  selon  les 
protestants,  dans  toutes  ses  autres  actions. 
S'ils  disent  que  Dieu  l'a  voulu  ainsi  et  l'a 
promis,  cela  nous  suffit;  il  est  bien  iilus  sûr 
qu'il  a  promis  de  récompenser  toutes  les 
bonnes  œuvres,  qu'il  ne  l'est  qu'il  a  promis 
d'agréer  la  foi  des  prolestants  :  il  n'est  pas 
question  de  cette  prétendue  foi  dans  l'Ecri- 
ture sainte,  et  dans  le  fond  ce  n'est  qu'une 
vision.  Est-ce  parce  que  Dieu  inspire  cet 
acte  de  foi  '?  Mais  il  insiiire  aussi  toutes  les 
bonnes  œuvres  ;  selon  saint  Paul,  c'est  lui 
qui  opère  en  nous  le  vouloir  et  l'action  {Phi- 
lipp.  II,  13].  Est-ce  parce  que  cet  acte  de  foi 
est  très-difficile  et  humilie  profondément 
l'homme  ?  Nous  n'en  voyons  ni  la  difficulté, 
ni  l'humilité.  Il  est  beaucoup  plus  aisé  de 
se  mettre  cette  chimère  dans  l'esfirit,  que  de 
faire  une  aumône,  de  pratiquer  une  morti- 
fication, de  pardonner  une  injure,  de  con- 
fesser ses  péchés,  etc.  Il  y  a  certainement 
une  humilité  plus  sincère  à  reconnaître  la 
nécessité  d'accouiplir  toute  la  loi,  à  confes- 
ser que  nous  ne  pouvons  rien  sans  une 
grâce  de  Jésus-Christ  qui  nous  prévient, 
nous  excite  au  bien,  et  le  fait  avec  nous. 
Voilà  ce  que  les  protestants  n'oni  jamais 
enseigné  bien  clairement.  Ils  n'ont  fait,  con- 
tre les  bonnes  œuvres,  aucune  objection  qui 
ne  puisse  être  rétorquée  contre  leur  préten- 
due foi  justifiante.   Yoy.  Justification,  hi- 

PUTATION,   OEUVUES,    CtC. 

MESSE  (1),  prières  et  cérémonies  qui  se 
font  dans  l'Eglise  catholique,  pour  la  con- 
sécration de  l'euchaiistie.  On  a  aussi  nom- 
mé ces  prières,  la  liturgie,  ou  le  service, 
parce  que  c'est  la  partie  la  plus  auguste  du 

(I)  Yoy.h.  Dict.  de  Tliool  mor.  pour  les  questions 
qui  ii'auraieiU  pas  été  suriisaiiimcnllrailcis  par  lîer- 
gicr. 


725 


MES 

j/naxe  et  collecte,  cV'st-^-(li^o 


MES 


72C 


ssembUc,  office  solennel,  sacrifice,  ohliitloiis, 

ivins  mijslires,  etc.;  mais  dcpiii.s  H',  iv''  sii''-* 
I.,  1,.  .,..'...  ,i„  ,„,.„  n  Al/.  1,1  .,i,,o   ,,<.;(/.  .i.,m. 


service!  ilivin 
as: 

rfù,..- ,  ..„.,  -.  , ..  -^    .. 

clo  le  nom  de  messe  a  élé  le  plus  usité  dans 
l'E-iise   latine  (1). 

Queli|ues  anteiu'S  onl  vnulu  lirer  C(!  nom 
de  i'Iiéliii'ii  iiiissdh,  otlVande  vulonlaiie  ;  il 
est  |)lus  |ii(>iiaiilo  qu'il  vient  du  ialiu  iiiissio, 
renvoi,  parce  ([u'après  les  prières  et  les  in- 
structions qui  [irécèdeiit  l'olilaliiui  des  tions 
sacrés,  ou  renvoyait  les  calécliumèncs  et  les 
pénileuls  :  les  li.lèle><  seuls,  que  l'on  suppo- 
sait dip;ries  de  participer  au  saint  sacrilice, 
avaient  droit  d'éti'e  tc'uujins  (h;  la  célébra- 
tion. C'est  l'ét.vmologie  que  saint  Au;j;usliu, 
saint  Avit  de  Vienne  et  saïUt  Isidore  d(!  Sé- 
viile  ont  doiuiée  de  ce  terme.  Par  analogie, 
l'on  a  souvent  donné  le  nom  de  messe  h  tous 
les  oflices  du  jour  et  de  la  nuit. 

IJin^çhaiii,  entêté  de  ses  pi'éjugés  ant:ïli- 
caiis,  a  voulu  prouver,  [lar  cette  observation, 
que  la  messe  n'a  jamais  été  le  nom  spéciale- 
ment attaché  h  la  consécration  de  l'eue;!  laris- 
tic,  et  n'a  jamais  si^nilié  un  sacrilice  exi)ia- 
toiro  pour  les  vivants  et  pour  les  morts, 
comme  on  l'entend  aujourd'hui  (Oriq.  cé- 
dés., 1.  XIII,  c.  1,  §  i).  Mais  il  fournit  lui- 
niOnu'  de  (|uoi  le  réfuter.  Il  convient  que  le 
mot  de  messe  vient  du  lalin  missio,  renvoi  : 

(1)  Canons  de  docirine  sur  le  sacrifice  de  la  messo. 

Si  (iiielqii'iin  (lit  qu'à  la  messe  on  n'olTro  pas  à 
Die»  un  vérilablLU'l  propre  sacrifice,  ou  (pi'ctre  uffoit 
n'est  aiilro  chose  que  Jésus-Clirisl  nous  èUc  donné  à 
manger,  ipi'il  soit  anallièine.  C.  de  Trenlo,  c.  1. —  Si 
(pielqu'un  (lit  ipio  par  les paroles  :  i'aiesceci  en  tné- 
mo'ue  demoi,  Jésus-Christ  n'a  pas  elal)li  les  aiiolros 
prOh'cs,  ou  n'a  pas  ordonné  qu'eux  ou  les  auU'cs  prê- 
tres otlVissent  son  corps  cl  sou  saug,  (pi'il  soit  aiia- 
théuie.  ('<.  i.  — Si  quelqu'un  dit  que  le  sacrifice  de 
la  messe  est  seuleuuMit  un  sacrilice  de  louange  et 
d'action  de  ijràreson  une  simple  mémointdu  sacrifice 
qui  a  été  accompli  à  la  croix,  et  qu'il  n'est  pas  pro- 
pitiatoire, ou  qu'il  n'est  profitalile  qu'à  celui  ([ui  le 
reçoit,  et  (|u'il  ne  doit  pas  etreolfert  pour  les  vivants 
et  pour  les  nH)rls,  pour  les  péchés,  les  peines,  les 
salislaelions,  et  pour  toutes  les  autres  nécessités, 
«pi'il  soit  auatlicme.  C.  5.  —  Si  quelqu'un  dit  ((ue, 
par  le  sacrilice  de  la  messe,  on  coiinuet  un  blasphè- 
me contre  le  très-saint  sacrifice  de  Jésus-ChrisI, 
COiisonnui'  en  la  croix,  ou  qu'on  y  démge,  (pi'il  soit 
anathèine.  C.  l. — Si  quel(|u'un  dit  ((uc  c'est  une  im- 
posture de  céléhrer  des  messes  eu  riionncur  des 
Sjaints  et  pour  ohleiur  leur  entremise  auprès  de  Dieu, 
•;omiue  c  est  l'intention  de  l'Eglise,  tpi'il  soit  ana- 
Uierue.  C  5.  —  Si  ipiehpi'un  dit  que  le  canon  di;  la 
messe  eoiitieiil  des  erreurs,  et  que  pour  cela  il  en 
tint  supprimer  l'usage,  qu'il  soit  aiiathème.  C.  (J.  — 
Si  i|uel(|u'un  dit  (pie  les  cérénR)uies,  les  oriu^menls 
et  les  bignes  extérieurs  dont  use  l'IIglise  dans  la  célé- 
bration de  la  messe,  sont  phitiU  des  choses  qui  por- 
tent à  l'iuipiéléqne  des  devoirs  de  pic'té,  de  (h^volion, 
qu'il  soit  anathènic.  C.  7.  —  Si  ipielipiuii  dit  qu(>  les 
messes  auxipielles  le  seul  prcire  eonuunnie  sacra- 
niciUelleuient  sont  illicites,  cl  que  pour  cela  il  en 
l'anl  faire  cesser  l'usage,  (pril  soit  anatliénie.  C.  8. 
—  Si  (pudqn'un  dit  ipie  l'usage  de  l'I'^glise  romaine, 
de  pronom  er  à  basse  voix  une  partie  du  canon  i^t 
les  parolt's  tie  la  consécration,  doit  être  condaumé; 
ou  ipie  la  nu>sse  ne  doit  être  célébrée  qu'en  langue 
vulgaire,  ou  qu'on  ue  doit  pas  mêler  d'eau  avec  le 
T:n  (pd  doit  être  ofl'ert  dans  le  calice,  parce  que  c'est 
contre  l'institution  île  Jésus-Clirist,  ou'il  soit  ana- 
tkcme.  C.  0. 


or,  dans  quelh^  partie  de  l'offico  ronvoynit- 
011  quehpies-uns  des  assislants  ?  11  l'a  re- 
connu ;  c'est  immédiatement  avant  l'oblaliou 
et  la  couséciation  de  reuchari>tie  :  voilà 
pouripioi  ce  qui  [irécédait  était  appelé  la 
iwc.s.sc  des  calécliumènes  ;  pareil  (lu'alors  on 
les  renvoyait  :  le  reste  idait  appeli''  la  messe 
des  lidèles.  Donc,  dans  l'origine,  'a  messe  ou 
le  renvoi  n'a  eu  lieu  qu'à  l'i'gard  de  la  con- 
Si'cratiou  de  l'eucharistie  ;  donc  c'est  relati- 
vement à  celte  consécraliou  ipie  le  nom  de 
messe  a  été  introduit  :  consi'ipiemment  il  n'a 
été  donné  que  par  analo^de  et  abusivement 
aux  aulros  parties  de  l'oflice  divin.  Or,  il 
est  prouvé,  par  les  plus  anciennes  liturgies, 
que  dès  l'ori^çine  cette  consécration  a  été 
]irécédée  et  accompagnée  de  l'oblation,  et  a 
été  regardée  comme  un  vrai  sacrilice.  Fo//. 
El  ciiAitisTiE ,  §  5.  Ainsi,  selon  la  croyance 
de  l'Eglise  catholique,  la  messe  est  le  sacri- 
lice de  la  loi  nouvelle,  par  lequel  l'Eglise  of- 
fre à  Dieu,  par  les  mains  des  prèlres,  le 
corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ,  sons  les 
espèces  du  pain  et  du  vin.  Cette  doctrine, 
comme  on  le  voit  évidemment,  supjiose  la 
|)rési'nce  réelle  de  Jésus-Christ  dans  l'eu- 
cliaristie,  et  la  transsubstaiittalion ,  ou  le 
changement  de  la  substance  du  imin  et  du 
vin  en  celle  du  corps  et  du  sang  de  Ji-sus- 
Christ.  .\u  mol  EuciiAnisriE,  nous  avons  di'- 
montréla  liaison  intime  de  ces  trois  dogmes. 
Les  sacramontaires  n'admeltent  aucun  des 
trois,  et  les  luthériens  nient  la  transsuhstan- 
lialion  ;  conséquemment  tous  ont  condamné 
et  retranché  la  messe.  Ils  ont  enseigné  tjue 
ce  prétendu  sacrilice  faisait  injure  el  déro- 
geait à  la  dignité  et  au  md-ite  de  celui  que 
Jésus-Christ  a  offert  sur  la  croix  ;  qu'il  n'est 
ni  pro|iitiatoire,  ni  imp(''traIoire  ;  qu'il  no 
doit  être  olfert  ni  pour  la  rémission  des  pé- 
chés, ni  pour  les  vivants,  ni  pour  les  morts, 
ni  à  l'honneur  des  S'ànts  ;  qu'il  n'y  a  [loiiit 
d'autre  manière  d'offrir  Jésus-Cluist  k  son 
Père,  que  de  le  recevoir  dans  l'iùicharistie,  et 
([lie  celle  action  ne  peut  [irofiterqu'à  celui  qui 
communie;  que  uans  la  loi  no  velle  le  seul 
sacrilice  agi  éable  à  Dieu,  ce  sont  les  prières, 
les  louanges,  les  actions  de  gr;\ces.  Ils  en  ont 
conclu  que  le  canon  de  la  messe  est  rempli 
d'erreurs,  que  toutes  1  s  cérémonies  dont 
l'Eglise  se  sert  dans  cette  action  son(  su- 
perstitieuses et  impies,  que  l'usage  de  célé- 
brer dans  une  langue  que  le  peu]ile  n'en- 
tend pas,  et  de  réciter  le  canon  à  voix  basse, 
sont  des  alnis,  etc.  Le  concile  do  Trente  a 
coiiilamné  tous  ces  articles  de  la  doctrine 
des  protestants  par  aulant  de  décrets  direc- 
tement contraires  :  il  les  a  fondés  sur  les 
jiassagcs  de  l'Ecriture,  dont  les  litHérodoxes 
ont  perverti  le  sens,  et  sur  la  pratique  con- 
stante de  toutes  les  Eglises  chrétiennes,  de- 
])uis  les  apôtres  jusqu'à  nous.  Scss.  22.  Les 
prétendus  réformateurs  n'en  vinrent  pas 
tout  à  coup  h  cet  excès  de  fureur  coutre  la 
messe.  Luthei  ne  condamna  d'abord  que  les 
messes  privées  ;  il  retrancha  cnsLiitc  l'obla- 
tion et  la  prière  pour  les  morls;  enfin  il 
supprima  l'élévation  et  l'adoration  de  l'eu- 
charistie. Il  en  fut  de  môme  eu  Auslelerro  : 


•727 


MES 


MES 


72« 


la  liturgie  n'y  a  été  mise  dans  l'état  où  elle 
est  aujourd'luii,  qu'a|irès  plusieurs  chaiii^e- 
ments  consécutifs.  On  peut  voir  dans  le  P. 
Lebrun,  Explic.  des  cérémonies  de  la  Messe, 
tom.  VII,  p.  1  et  suivantes  (l),les  différentes 
liturgies  des  sectes  protestantes,  et  les  com- 
parer avec  celles  des  autres  communions 
chrétiennes.  Si  les  fondateurs  de  la  réforme 
avaient  mieux  connu  les  anciennes  liturgies, 
il  est  à  présum'ir  qu'ils  n'auraient  pas  vomi 
tant  d'invectives  contre  la  tnesse  romaine. 
On  a  eu  lieau  représenter  à  leurs  disciples 
que  l'Eglise,  en  offrant  à  Dieu  le  corps  et  le 
sang  de  Jésus-Christ,  présent  sur  l'autel,  ne 
prétend  pas  otfrir  un  sacrifice  dilTéreiit  de 
celui  de  la  croix  ;  q  le  c'est  Jésus-Christ  lui- 
même  qui  s'oll're  fiar  les  mains  des  prêtres  ; 
qu'il  est  donc  le  prêtre  ou  le  pontife  princi- 
pal et  la  victime,  comme  il  l'a  été  sur  la 
croix.  Puisque  ce  divin  Sauveur,  selon  l'ex- 
pression de  saint  Paul,  esi  prêtre  pour  l'é- 
ternité, et  toujours  vivuit  afin  d'intercéder 
pour  nous  [Hebr.  vu,  2i  et  25),  pourquoi 
n'exercerait-il  pas  encore  son  sacerdoce  sur 
la  terre,  lorsqu'il  y  est  présent,  de  môme 
qu'il  l'exerce  dans  le  ciel  ?  Les  protestants 
ne  veulent  pas  entendre  ce  langage,  qui,  de- 
puis f's  apôtrris,  est  celui  de  toute  l'Eglise. 

Pour  justdier  leur  prévention  contre  la 
messe,  (jlusieurs  ont  avancé  que,  selon  l'o- 
pinion des  catholiques,  Jésus-Christ,  sur  la 
croix,  a  satisfait  à  la  justice  divine  iiour  le 
péc  lé  originel  seulement,  et  qu'il  a  institué 
ia  messe  p  .ur  effacer  les  péchés  actuels  que 
les  hommes  conmiettent  tous  les  jours  ;  que 
la  messe  justifie  les  hommes  ex  opère  ope- 
rato,  et  mérite  la  rémission  de  la  coulpe  et 
de  la  peine  aux  pécheurs  qui  n'y  mettent 
point  d'obstacle,  il  est  évident  que  ce  sont 
.à  deux  fausses  imputations.  Jamais  aucun 
catholique  n'a  douté  que  Jésus-Christ  mou- 
rant n'eût  satisfait  pour  tous  les  péchés  sans 
exception  ;  l'Ecriture  l'enseigne  ainsi ,  et 
nous  le  ré|iéton3  dans  la  messe,  en  di- 
sant :  «  Agneau  de  Dieu,  qui  effacez  les  pé- 
chés du  monde,  ayez  pitié  de  nous.  »  Mais 
nous  croyons  que,  par  le  sacrifice  de  la 
messe,  les  mérites  de  la  mort  de  Jésus-Christ 
nous  sont  appliqués,  de  même  que  les  pro- 
testants croient  qu'ils  se  les  appliquent  par 
la  foi.  Lorsque  l'Eglise  enseigne  que  la 
messe  est  un  sacrifice  propitiatoire,  elle  en- 
tend qLie  Jésus-Christ  présent  sur  l'autel, 
en  état  de  victime,  demande  grâce  pour  les 
pécheurs,  comme  il  l'a  fait  sur  la  croix  ; 
qu'il  apaise  la  justice  de  son  Père,  et  dé- 
tourne les  cliiUiiuents  que  no3  péchés  ont 
mérités.  Au  mot  ELcnAuisTiE,  §  5,  nous 
avons  prouvé  par  l'Ecriture  sainte  et  par  la 
tradition,  que  c'est  un  vrai  sacrifice,  duquel 
Jésus -Christ  est  le  prèlie  princijjal.  C'est 
donc  lui-môme  qui  s'offre  à  sou  Père  par  les 
niains  des  prêtres  de  la  loi  nouvelle.  Le  mo- 
tif de  cette  offrande  est  le  même  qu'  I  avait 
en  s'offrant  sur  la  croix  ;  donc  il  s'otl're  afin 
d'obtenir  miséricorde  pour  tous  les  hoiumcs, 
pour  effacer  les  péchés  des  vivants  et  des 
morts.  Mais  ce  dogme  tient  encore  à  un  au- 

(1)  Voir  ci-dessus,  col.  jl2,  note. 


tre  quQ  les  protestants  ne  veulent  pas  aa- 
mettre  :  savoir,  qu'après  la  rémission  de  la 
'coul|iedu  péché  et  de  la  peine  éternelle,  le  pé- 
cheur est  encore  obligé  de  satisfaire  à  la  j  ustice 
divine  par  des  peines  temporelles  ou  en  ce  mon- 
de ou  enl'autre.  Foy. Rémission, Satisfaction. 

C'est  sur  ce  même  fondement  que  l'E- 
glise s'appuie,  lorsqu'elle  offre  le  sacrifice, 
de  la  messe  pour  les  morts,  et  qu'elle  en  fait 
mention  dans  toutes  les  messes.  Comme  elle 
croit  (jue  les  fidèles  qui  sortent  de  ce  monde 
sans  avoir  suffisamment  ex[)ié  leurs  péchés, 
sont  obligés  de  souffrir  une  peine  tempo- 
relle en  l'autre,  elle  demande  à  Dieu  pour 
eux,  et  par  Jésus-Christ,  la  rémi.ssion  de 
cette  peine.  Voy.  Mokts,  Puugatoire.  Par 
la  même  raison,  la  messe  est  un  sacrifice  eu- 
charistique, un  sacrifice  d'actions  de  grâce. 
Pouvons-nous  mieux  témoigner  à  Dieu  no- 
tre reconnaissance,  qu'en  lui  ollVant  le  pins 
précieux  de-i  dons  qu'il  nous  a  faits,  son  Fds 
unique  qu'il  a  daigné  nous  accorder,  et  qui 
s'est  livré  lui-même  jiour  victime  de  notre 
rédemption  ?  Nous  lui  disons  alors  comme 
Salomon  :  «  Nous  vous  rendons.  Seigneur, 
ce  que  vous  nous  avez  donné  (/  Parai. 
XXIX,  H).  »  Nous  avons  donc  tout  lieu 
d'espérer  que  Dieu,  touché  de  cette  obla- 
tion,  nous  accordera  de  nouvelles  grâces  ; 
conséquemment  nous  regardons  la  messe 
comme  un  sacrifice  impétratoire  qui  rem- 
place éminemment  les  anciennes  hosties 
pacifiques.  Et  de  toutes  ces  vérités  nous 
concluons  que  le  sacrifice  de  la  messe  sup- 
plée avec  un  avantage  infini  à  tous  ceux  qui 
ont  été  offerts  à  Dieu  dans  tous  les  siècles. 
On  ne  peut  pas  nier  du  moins  que  cette 
doctrine  ne  soit  la  plus  propre  à  exciter  la 
pi'té,  la  reconnaissance  et  l'amour  envers 
Jésus-Christ,  la  confiance  en  Dieu,  etc.  En 
supprimant  la  messe,  il  semble  que  les  pro- 
testants avaient  conjuré  d'étoutler  dans  les 
cœurs  tout  sentiment  de  religion.  Ils  repro 
chent  aux  catholiques  les  inesses  dites  5 
l'honneur  des  saints,  comme  si  elles  déro- 
geaient à  l'honneur  suprême  qui  est  dû  h 
Dieu  et  à  Jésus-Christ.  Cette  plainte  n'est 
fondée  que  sur  une  équivoque.  Quelle  est 
l'intention  de  l'Eglise  dans  ces  messes  ?  De 
remercier  Dieu  des  grâces  dont  il  a  comblé 
les  samts,  surtout  du  bonheur  éternel  dont 
il  les  a  mis  en  possession,  et  d'obtenir  leur 
intercession  auprès  de  lui.  Concil.  Trident.. 
sess.  22,  can.  5.  En  quel  sens  des  messes  ei 
des  prières  ,  dont  le  seul  objet  est  de  re 
connaître  Dieu  comme  la  source  de  tous  1  ; 
biens,  comme  l'arbitre  souverain  du  bonheui 
éternel,  comme  la  bonté  même  qui  daigiu; 
se.  laisser  fléchir  par  les  prières  de  ses  ser- 
viteurs, peuvent-elles  faire  injure  k  Dieu? 
Jamais  l'Eglise  n'a  offert  le  sacrifice  qu'à 
lui  seul;  c'est  donc  à  lui  seul  qu'elle  ra|:- 
porte  la  gloire  de  tout  ce  qu'elle  demande  et 
de  tout  ce  qu'elle  obtient,  et  elle  ne  demande 
rien  sans  ajouter  :  Par  Jésus-Clirisl  N.-S. 

Mosheim  dit ,  Hist.  ecclésiast.,  sœc.  iv , 
II'  pari.,  c.  4,  §  8.  que  l'usage  qui  s'in- 
troduisit au  k'  siècle  de  donner  la  cène  sur 
le  tombeau  des  martyrs  et  aux  obsèques  des 


720 


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morts,  fit  naître  dans  la  suite  les  messes  des 
saints  et  les  messes  des  morts  ;  et  il  recule 
l'origine  des  messes  des  saints  au  viii°  siècle. 
Ibkl.,  stvc.  VIII,  II'  part.,  c.  't,  §  2.  Il  faut  con- 
venir qu'un  intervalle   de  ijuatre  cents   ans 
est  un  peu  long,    et  que  voilà   une  cause 
Lien  éloignée  de  son  ell'et  ;  mais  .Moslieiin 
ne  s'est  pas  souvenu  qu'au  ii'  siècle  les  fi- 
dèles de  Smyrne  se  profiosaient  déjà  de  te- 
nir leurs  assemblées  au  lomheau  de  saint 
Volycavpe,  Episi.  Eccles.  Smyru.,  n.  18;  et 
qu'au  premier  r.\pocalypse,  c.  vi,  v.  9,  nous 
représente    les    martyrs   placés  sous  l'autel. 
Voy.  Maktyhs,  §  G.  D.nis  toutes  les  liturgies, 
il  est  l'ait  mémoire  des  saints,  et  l'Eglise  y 
demande  à  Dieu  leur  intercession  auprès  de 
lui.  Voilà  des  monuments  bien  antérieurs 
au  viu*  siècle.  Où  ce  savant   luthérien  a-t-il 
vu  cjue  l'on  donnait  la  cène?  Il  a  lu  dans  les 
Pèr.'S   que  l'on  otlrait  le  sacriliee  de  notre 
salut,  la  victime  de  notre  r('dcniption,   le  sa- 
crifiée  de  Je'sus-Chrisl ,    etc.,    mais   il  n'est 
question  là  ni  de  cène  ni  de  souper.   Il   est 
bien  absiu-de  de  prêter  aux  chrétiens  du  iv 
siècle  un  l.ingage   forgé  dans  le  xvi',  pour 
déligurer  Li  doctrine  île  l'eucharistie.  Un  re- 
proche pins  grave,  ce  sont  les  messes  privées, 
les  messes  dans  lesquelles  le  prêtre  comuui- 
nie  seul,  et  célèbre  sans  assistants  et  sans 
solennité.  Bingham  soutient  que  c'est  une 
invention  moderne  imaginée  par  les  moines, 
une  superstition  dangereuse  et  absuidc  ;   il 
allègue   les   canons  de  plusieurs    conciles, 
qui  défendent  au  prêtre  de  célébrer  lorsqu'il 
n'y  a  personne  jiour  lui  répondre.  Orig.  ec- 
clés.,  1.  XV,  c.  4,  §  '*.  Cependant  l'on  a   fait 
voir  aux  protestants  que  du  tom|)s  de  saint 
Ambroise,  de  saint  Augustin,  de  Théodore!, 
par  conséquent  au   iv*  siècle,  les  messes  pri- 
vées étaient  déjà  en  usage,   et  que  ces  Pères 
ne    les    ont   point    bl.hnées.    Lebrun,  t.  I, 
Lj.  6.  Conune  la  consécration  de   l'eucharis- 
tie ne  s'est  jamais  faite  autrement  qu'à  la 
messe,  il  n'était   [las  toujours  possible  do  cé- 
lébrer  une  messe   solennelle   pour    donner 
l'eucharistie  aux  malades,  aux   confesseurs 
emprisonnés,  aux  solitaires  retirés  dans  les  dé- 
serts, etc.  Pendant  les  persécutions,  l'on  a  été 
souvent  obligé  de  célébrer  la  nuit  dans  des 
lieux  retirés,  dans  les  catacombes,  dans  les 
nrisons,  et,  au  défaut  d'autel,  de  consacrer 
l'eucharistie    sur   la   poitrine  des   martyrs. 
C'est  donc  une  erreur  de  croire  que,  dans 
les  premiers  siècles,  la  messe  n'a  été  diti>  que 
par  des  évêques,  au  milieu  d'une  assemblée 
de  prêtres  et  d'assistants   disposés  à  com- 
munier. Les  conciles  (jui  ont  défendu  aux 
prêtres  de  célébrer  lorsqu'il  n'y  a  personne 
jiour  répondre ,  sont  encore  observés   au- 
jourd'hui ;  un  prêtre  ne  célèbre  jamais  sans 
avoir  quel  |u'un  pour  lui  répondre.  Vaine- 
ment Bingham  insiste  sur  ce  que   le    célé- 
brant   parle  toujours  au    pluriel  ,    et    dit  : 
Prions,   rendons  (jrdces,   nous  vous   offrons. 
Seigneur,  etc.  11  s'ensuit  seulement  que  le 
prêtre  parle  au  nom  de  l'Eglise,  et  non  en 
son  propre  nom.  Faut-il  qu'un  prêtre  s'abs- 
tienne de  réciter    l'oiviison    dominicale   en 
son  particulier,  parce  qu'il  dit  à  Dieu  :  No- 


tre Père,  donnez-nous  notre  pain  quotidien, 
délivrez-nous  du  mal  ? 

Quehpies  faux   zélés  ont  dit  qu'il   serait 
peut-être  bon  de  sup|irimer   les  messes  fré- 
quentes, parce  que  si  elles  étaient  plus  ra- 
res, toujours  célébrées  avec  la  même  pom- 
pe ([ue  dans  lis  premiers  siècles,  le  peuple 
en   serait   plus  fra|)pé  et  y  assisterait  avec 
plus  de  resjjecl  ;  que  les  [irêtres  eux-mûmes 
célébreraient  avec  plus  de  dévotion.  Mais  le 
concile  de  Trente  ,  a()'ès  avoir  examiné  la 
question,  n'a  condamné  ni  les  messes  privées 
ni  les  messes   fréquentes.   En  voici   les  rai- 
sons :  1"  dans  les  villes  épiscopales,  le  peu- 
]ile,  à  la  vérité  ,  assiste  volontiers  à  la  messe 
célébrée  par  l'évêque  les  jours  de  fêtes  so- 
lennelles, et  il  est  alfecté  de  cel  appareil  de 
religion  ;  mais  cette  dévotion   momentanée 
ne  fait  pas  sur  lui  beaucoup  d'eU'.'t  ;  2"  dans 
les  églises  de  la  cain|)agne,  cette  poiu[)e  n'est 
pas  possible  ;  si  le  peu|ile  n'était  pas  obligé 
d'assist -r  à  la  messe  les  jours  de  dimanches 
et  de  fêtes,  il  les  f)assei'ait  souvent  sans  au- 
cune prati(pie  de  piété.  Dans  les  monastères 
assujettis   à  la  clôture  ,   la    messe  entendue 
tous  les  jours  contribue  beaucoup  à  y  main- 
tenir la  |>iété  ;  3"  dans  les  villes  et  tlans  les 
caiu()agnes,  une  inlinité  de  saintes  âmes  dé- 
sirent d'assister  tous  les  jours  à  la  messe,  n'y 
manquent  jamais,  et  Je  font  toujours  avec  le 
même   respect  :  l'on  doit  avoir  |)lus  d'égard 
pour  elles  que  pour  les  chrétiens  indévots. 
4°  A  moins  qu'un    prêtre   n'ait  perdu   tout 
sentiment  de  religion,  il  est  impossible  qu'il 
ne  soit  pas  contenu  dans  ses  devoirs  par 
l'habitude  de  célébrer  souvent.  5°  Les  abus 
viennent  encore  plus  souvent  de  l'indévo- 
tion,  de  la  mollesse,  de  la  vanité  des  laïques, 
que  de  la   faute  des  prêtres.   11  en  est  donc 
des  messes  fiéqueiites  comme  de  la  commu- 
nion fréquente.  Tout  considéré,  il  en  résulte 
un  véritable  bien  ;  et  en  changeant  la  disci- 
jiline  établie,  il  en  résulterait  d'autres  abus 
plus  grands  ([ue  ceux  qu'on  voudrait  réfor- 
mer. Il  serait  à  souhaiter,  sans  doute,  com- 
me l'observe  le  concile  de  Trente,  que  tous 
les  fidèles  qui  assistent  au  saint  sacriliee  de 
la  messe  eussent  toujours  la  conscience  as- 
sez  |mre  pour  y  communier  ;    mais  parce 
que  la  piété  et  la  ferveur  des  chrétiens  sont 
refroidies,  il  ne  s'ensuit  pas  que  les  prêtres 
doivent  s'abstenir  de  célébrer.  La  messe  est 
non-seulement  la  prière  de  l'Eglise,  mais  le 
sacriliee  offert  au  nom  de  tout  le  corps  des 
fidèles  ;  il  est  inst  tué  non-seulement   pour 
la  communion,  mais  pour  rendre  à  Dieu  le 
culte  suprême,  pour  le  remercier  de  ses  bien- 
faits, pour  en  obtenir  de  nouveaux,  surtout 
la  rémission  des  péchés  ;  et  lorsijue  les  fi- 
dèles  négligent  d'y  assister  et  d'y  [irendre 
part,  il  n'est  [las  moins  nécessaire  de  l'of- 
frir pour  eux.  Les  protestants  ,  sans  doutr, 
ne  soutiendront  pas  que  la  mort  de  Jésus- 
Christ  sur  la  croix  ne  fut  pas  un  véritable 
sacrifice,  parce  qu'alors  la  victime  ne  fut  pas 
mangée  par  les  assistants. 

Ce  qui  égare  nos  adversaires,  c'est  qu'ils 
commencent  par  se  faire  une  fausse  idée  de 
l'eucharistie  ;  ils  ne  la  regardent  ni  comme  un 


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sacrifice,  m  comme  une  prière,  mnis  seule- 
ment comme  un  souper,  comme  un  repas  com- 
mun; et  parce  que  saint  Paul  l'a  nommée  une 
fois  la  ccnedii  Seigneur,  i\s  s'obstinent  à  ne  pas 
l'appeler  autrement,  et  ils  en  concluent  que, 
quand  il  n'y  a  point  d'assemblée  ni  de  repas 
commun,  la  cérémonie  est  nulle  et  al)usive. 
Par  la  même  raison  ils  devraient  conclure  que 
c'est  encore  un  abus,  lorsqu'elle  n'est  pas 
précédée  par  une  agape  ou  par  un  repas  de 
charité,  comme  du  tem])s  de  saint  Paul  (/ 
Cor.  XI,  21).  Mais  les  clirf'tiens  du  n%  du  ni° 
et  du  iv'  siècle,  ((ui  l'ont  nommée  eucharis- 
tie, oblation  ,  sacrifice,  liturgie,  avaient-ils 
donc  perdu  déjà  la  véritable  idée  qu'en 
avaient  donnée  les  apôtres  ?  Il  n'est  pas  éton- 
nant qu'avec  ce  préjugé  les  protestants  aient 
cru  voir  un  grand  nombre  d'erreurs  dans  le 
canon  de  la  messe,  et  l'aient  rejeté  comme 
une  formule  superstitieuse,  parce  qu'ils  y 
ont  trouvé  la  condamnation  de  toutes  leurs 
opinions  touchant  l'eucharistie. 

Cependant  Biiigham,  bon  anglican  ,  mais 
moins  opiniAtre  que  les  luthériens  et  les  cal- 
vinistes, a  trouvé  bon  de  rapporter  le  canon 
de  la  messe  ou  de  la  liturgie  grecque,  tel 
qu'il  se  trouve  dans  lesConstitiUions  apostoli- 
ques, liv.  vni,  c.  12,  et  que  l'on  croit  avoir  été 
écrit  sur  la  fin  du  iv°  siècle.  Or,  il  y  a  vu  les 
noms  d'offrande  et  de  sacrifice,  les  paroles  de 
la  consécration,  l'invocation  par  laquelle  le 
célébrant  demande  que  le  Saint  Esprit  rende 
présents  le  corps  et  le  sang  do  Jésus-Christ, 
l'obhition  qui  en  est  faite  h  Dieu  pour  l'Eglise 
entière,  pour  les  saints  de  tous  les  siècles,  la 
prière  pour  les  morts  ,  la  profession  de  foi 
du  fidèle  prêt  h  communier,  qui  est  un  acte 
d'adoration  adressé  h  Jésus- Christ.  Orig. 
ecclés.,  liv.  xv,  c.  3,  §  1.  Le  canon  do  la 
messe  romaine  ne  renferme  rien  do  plus.  De 
quel  droit  les  anglicans  et  les  autres  protes- 
tants ont-ils  retranché  de  leur  liturgie  tou- 
tes ces  preuves  de  l'ancienne  croyance  ?  Ils 
ont  déclamé  contre  l'usage  de  réciter  le  ca- 
non à  voix  basse,  et  de  manière  que  les  as- 
sistants ne  peuvent  l'entendre.  Mais,  dans 
une  dissertation  sur  ce  sujet,  le  Père  Le- 
brun a  fait  voir  que  cet  usage  n'est  |)as  par- 
tii'ulier  à  l'Eglise  romaino,  qu'il  a  lieu  chez 
les  sectes  orii'nfales  séparées  d'elle  depuis 
douze  cents  ans,  et  que  c'est  l'ancienne  nra- 
ti([ue  de  l'Eglise  universelle  ;  il  a  répondu  à 
toutes  les  plaintes  que  l'on  a  faites  à  cet 
égard.  Explication  sur  les  cérémonies  de  la 
messe,  t.  \'III,  [lag.  1.  Voij.  Secrète.  11  en 
est  de  môme  do  l'usage  de  célébrer  dans  une 
langue  qui  n'est  [las  entendue  du  peuple.  Le 
Père  Lebrun  a  pi'ouvé  dans  une  autre  dis- 
sertation, t.  VII,  p.  201,  que  l'Eglise  n'a  ja- 
mais prétendu  qu'il  fallût  célébrer  la  liturgie 
dans  une  langue  inconnue  au  peuple;  mais 
(pi'elle  a  soutenu  en  même  temps  qu'il  n'est 
pas  nécessaire  de  célébrer  en  langue  vulgai- 
re; que  de  même  qu'elle  n'a  donné  l'exclu- 
sion à  aucine  langue,  elle  n'a  pas  voulu  s'as- 
sujeltii'iion  plus  à  toutes  les  variations  du 
langage.  Ainsi,  dès  les  temps  aoostoli([ties, 
on  a  céléliré  on  grec,  en  'atin,  en  syriaque 
et  en  cnpiite;  au  iv  siècle,  ou  l'a  fait  aussi 


en  éthiO[)ien  et  en  arménien ,  et  les  li- 
turgies furent  écrites  au  V  dans  toutes  ces 
langues.  Au  ix"  et  au  x",  la  liturgie  fut  écrite 
et  célébrée  en  esçlavon,  en  illyrien  et  eu 
russe,  parce  que  toutes  les  langues  dont  nous 
venons  de  parler  étaient  fort  étendues  ;  mais 
à  mesure  qu'elles  ont  changé  et  ont  cessé 
d'être  vulgaires,  l'Eglise  n'a  point  permis  de 
retoucher  la  liturgie  ;  elle  est  demeurée  telle 
qu'elle  était.  Ainsi  les  anciennes  Eglises  sé- 
parées de  l'Eglise  romaine  sont  précisément 
dans  le  même  cas  qu'elle  ;  les  Orientaux 
n'entendent  pas  plus  la  langue  de  leur  litur- 
gie, que  les  peuples  de  l'Europe  n'enten- 
dent le  latin.  Voy.  Langue  vclgaire. 

Les  auteurs  liturgiques  distinguent  dans 
la  messe  dilférentes  parties,  1»  la  préparation 
ou  les  prières  qui  se  font  avant  l'oblation, 
et  c'est  ce  que  l'on  nommait  autrefois  la 
m.esse  des  catéchumènes;  2"  l'nblation  ou 
l'offrande  qui  s'étend  depuis  l'offertoire  jus- 
qu'au Sanctus  ;  3°  le  canon  ou  la  règle  de  la 
consécration  ;  4°  la  fraction  de  l'hostie  et  la 
communion  ;  5°  l'action  de  grâce  ou  post- 
communion. Nous  parlons  de  chacune  de 
ces  parties  sous  son  nom  propre,  et  l'on  en 
trouve  l'explication  dans  le  Père  Lebrun  ; 
mais  nous  sommes  obligés  de  dire  doux 
mots  touchant  la  fraction  de  l'hostie. 

11  est  dit  dans  les  évangélistes  que  Jésus- 
Christ,  instituant  l'eucharistie,  prii  du  pain, 
le  bénit,  le  rompit  et  le  distribua  à  ses  dis- 
ciples en  leur  disant  .•  Prenez  et  mangez , 
ceci  est  mon  corps,  etc.  Conséquemment  tians 
toutes  les  liturgies  il  est  prescrit  de  rompre 
le  pain  eucharistique  pour  imiter  l'action  de 
Jésus-Christ,  jionr  représenter  son  corps  bri- 
sé en  quelque  manière,  et  froissé  par  sa 
passion  et  [)ar  le  supplice  delà  croix.  De  là, 
chez  les  Pères  de  l'Eglise,  rompre  le  pain  eu- 
charistique signilie  le  consacrer  et  le  distri- 
buer aux  fidèles.  Sur  ces  paroles  de  saint 
Paul  {1  Cor.  \,  16)  :  Le  pain  que  nous  rom- 
pons n'est-il  pas  la  participation  du  corps 
du  Seigneur,  saint  Jean  Ciirysiistome  dit, 
Ilomil.  2V,  n.  2  :  «  C'est  ce  que  nous  voyons 
dans  l'eucharistie.  Il  a  été  dit  de  Jésus-Christ 
sur  la  croix,  rious  ne  briserez  point  ses  os  ; 
mais  ce  (pi'il  n'a  pas  souffert  sur  la  croix,  il 
le  sonll'i'c  pour  vous  lorsqu'il  est  oll'crt  ;  il 
cousent  h  être  brisé  pour  se  donner  à  tous.  » 
Saint  Paul  [Ibid.,  xi,  2i),  rapportant  l.'s  pa- 
roles de  Jésus-Christ ,  dit  suivant  le  texte 
grec  :  Ceci  est  mon  corps  brisé  pour  r^ous.  Le 
Sauveur  présentait  donc  son  propre  corps 
dans  un  état  de  fr.'ction,  de  souIVrance,  de 
mort  et  de  sacrifice.  Saint  Luc  et  saint  Paul 
ajoutent:  Ceci,  ou  ce  calice,  est  une  nouvelle 
alliance  dans  mon  sang;  le  sang  de  Jésus- 
Christ,  renfermé  dans  la  coupe,  représentait 
celui  des  victimes  immolées  pour  cimenter 
l'alliance  conclue  entre  Dieu  et  son  peujile 
(Hcbr.  VI,  18,  etc.)  Saint  Grégoiie  de  Na- 
zianze  écrit  à  un  prêtre,  Epist.  240:  «Priez 
pour  moi,  lorsque  par  votre  parole  vous  fai- 
tes descendre  le  Verbe  de  Dieu,  lorsque  par 
une  fraction  non  sanglante  vous  divisez  ie 
corps  et  le  sang  du  Seigneur,  et  quo  votre 
voi.x'tieiit  liiju  de  s^iaivc.  »  Un  savant  .-u-iij'ais, 


733  MES 

qui  a  cité  ces  )iassagos,  no  s'est  pas  omliar- 
r.issé  (lo  savtiir  s'ils  coiitieniiciil  vnu>.  doc- 
IriiU!  (lillVTciite  de  celle  de  rEij;liso  anzlicii- 
110,  (lui  n'adinot  point  la  pn'seiicc  réelle  de 
Jésus-t'liiist  dans  l'euciianstic-,  mais  il  ro- 
proclie  à  rE,u,lise  fomaiiie  de  n'avoir  eonsor- 
vé  (jin;  roniiircdii  rilo  ancien,  puiscjuè  chez 
nous  riiostic;  n'est  i)lus  rompue  pour  <Mro 
distribuée  aux  fidèles,  mais  seulement  pour 
en  mettre  une  parcelle  dans  lo  calice.  Biu- 
^liam,  Orig.  erclés.,  liv.  xv,  c.  3,  §  .IS. 

Mais  les  aiiglic.ins,  non  plus  qui;  les  autres 
liruteslants,  n'imitent  pas  plus  srrupuleuse- 
iiu'nt  que  nous  r.ictioii  île  Jésus-(-lnist  ;  sui- 
v;uit  les  évan^çélistes,  le  Sauveur  rompit  le 
pain  avant  de  prononcer  les  paroles  de  la 
consécraliiin  :  les  Grecs  ilivisent  l'hostie  en 
fjualie  parties,  les  niozarahes  la  partageaient 
en  neuf  morceaux;  dans  quelques  sectes 
ori(!ntales,  on  consacre  le  pain  déjà  partii^ijé 
en  plusieurs  i)arties.  Ce  rite  n'a  donc  Jamais 
été  uniforme  dans  les  diil'ércntes  E^liseschré- 
ticnni's  ,  parées  qu'on  ne;  l'a  jamais  regardé 
connue  la  |iartii'  essentielle  ou  intégi'ante  de 
la  consécration  ni  de  la  cumnuuiion.  11  nous 
ohjeitc  encore  que,  suivant  la  ci'oy.inee'  de 
l'i'lglise  romaini',  ce  n'est  point  h;  corpa  do 
Jésus-Christ  ijui  est  brisi'  ou  rom|)u,  mais 
S'ul  ment  les  es()èces  ou  ap|),irences  du  pain. 
Nous  en  convenons,  et  il  en  est  de  même  à 
l'ég.u'd  de  la  division  qui  semble  faite  entre 
le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ  ,  parce 
(lue  c(^  divin  Sauveur  ressuscité  ne  peut  plus 
souH'rir  réellement,  ni  éprouver  la  sépara- 
lion  réelli!  de  son  corps  d'avec  son  san:^;. 
Ainsi ,  lorsque  saint  Jean  Chrysostonic  dit 
que  Jésus-Christ  soulfre  et  consent  à  ôtre 
brisé  dans  l'eucharistie,  il  entend  évidem- 
ment (lue  cela  se  fait  d'une  manièie  sacra- 
mentelle et  m.ystiiiue,  et  non  autrement. 
Mais  s'il  enteiuiuit  (pie  l'eucharistie  elle-uuW 
lue  n'est  (lue  la  ligure  du  corps  et  du  sang 
de  Jésus-tdu'ist,  son  discours  d'un  bout  à 
l'autre,  ne  sciait  ([u'un  abus  continuel  des 
termes.  Quoiqu'il  soit  imiios.'iible  (pie  Jésus- 
Christ  soulfre  et  meure  à  présent,  il  lu'  l'est 
pas  ipril  mette  son  corps  dans  un  état  dans 
leiiuel  il  paraisse  soutirant  ou  mort. 

On  donne  a  la  mesiie  dilférents  noms,  se- 
lon le  rite,  la  langue,  l'intention,  le  degré  de 
solennité  avec  lexpiels  on  la  célèbre.  Ainsi, 
l'on  distingue  la  ini'ssr  (jrcctjite  et  la  messe  la- 
tine, romaine  ou  (/râ/orienne  ;  les  messes  um- 
hrosienne,  f/allicanc,  gothique,  moznmbiqiie, 
etc.  Nous  en  avons  donné  la  notion  au  mot 
LiruuGiE.  On  ap|)elle  messe  du  jour,  celle  qui 
est  propre  au  temps  oCi  l'on  est  et  à  la  fi'ste 
que  l'on  célèbre,  et  messe  votive  ,  celle  d'un 
saint  ou  d'un  mystère  dont  on  ne  fait  ni  l'of- 
fice ni  la  fùte,  c(mime  la  messe  du  Saint-Ks- 
piit,  lie  la  sainte  Vierge,  etc.  Nous  avons 
déjà  parlé  de  la  messe  des  présdncii fiés  et  d(;s 
messes  pour  les  morts.  On  a|ipelle  messe  so- 
lennelle, messe  haute  ou  grand' messe,  celle  qui 
se  dit  avec  un  diacre  et  un  sous-diacre,  et 
qui  se  chante  par  des  choristes  ;  messe  basse 
ou  petite  messe,  cidle  qui  est  dite  par  un  prê- 
tre seul,  et  sans  aucun  chani.  On  nommait 
autrefois  messe  du  scrutin  celle  qui  se  disait 


MES 


734 


pour  les  catéchumènes ,  le  mercredi  et  le 
samedi  de  la  quatrième  semaine  du  carême, 
lorsqu'on  examinait  s'ils  étaient  suflisa  m  ment 
disposés  à  recevoir  le  ba]itême  :  («t  messe  du 
jugement,  celle  qui  se  disait  pour  un  accusé  (pi i 
voulait  se  justilier  par  les  preuves  établies. 

Il  faut  avouer  que,  dans  les  siècles  d'i- 
gnorance, il  s'est  glissé  de  grands  abus  dans 
la  c(''li''bration  de  la  sainte  messe;  Tliiers  en 
a  parlé  dans  son  Traité  des  superstitions, 
t.  H,  liv.  IV.  Heureusement  ils  ont  été  re- 
tranchés, et  ils  n'ont  plus  lieu  depuis  (pie  h^ 
concile  de  Trente  a  ordonné  aux  évêques  d'y 
tenir  la  main  et  d'y  veiller  de  jirès.  Ainsi, 
l'on  a  défendu  la  messe  sèehe,  ou  la  messe 
dans  laquelle  il  ne  se  faisait  point  de  consé- 
cration ;  le  cardinal  Hona,  dans  son  traité  de 
Rébus  lilurgicis,  liv.  i,  c.  15,  en  parle  assez 
au  long;  il  l'appelle  messe  nautique ,  pai'ce 
qu'on  la  disait  dans  les  vaisseaux  ,  où  l'on 
n'aurait  pas  |iu  consacrer  le  sang  de  J(''sns- 
Christ  sans  s'exposera  le  répandre,  à  cause 
de  l'agitation  du  vaisseau.  Il  dit,  sur  la  foi  de 
Guillaume  de  Nangis,  que  saint  Louis,  dans 
son  voyage  d'outre-nier,  en  taisait  dire  ainsi 
dans  le  vaisseau  qu'il  montait.  Il  cite  encore 
Génébrard,  ipii  dit  av(ur  assisté  à  Turin,  en 
1587,  à  une  pareille  («esse  célébrée  sui'  la  lin 
dujour,  aux  obsèques  d'une  personne  nuble. 
Durand,  qui  en  fait  aussi  mention,  dit  ipie 
l'on  n'y  disait  point  le  canon  ni  les  f)ricres  re- 
latives à  la  consécration.  Une  fausse  di'volion 
avait  persuadé  aux  ignorants  cjue  les  iirières 
de  la  messe  avaient  plus  de  mérite  et  de  crédit 
auprès  de  Dieu  que  les  autres  ofiices  de 
l'Eglise  :  on  ne  peut  excuser  cette  erreur  que 
par  la  simplicité  de  ceux  qui  y  sont  tomliés. 
Pierre  le  Chantre,  qui  vivait  en  1200,  s'éleva 
avec  raison  contre  cet  aljus,  qui  a  été  aussi 
condammî  par  un  concile  de  Paris  de  l'an 
i-2\-2,  par  i)lusieurs  savants  évê(]ues  des  Pays- 
lîas,  par  un  synode  de  Bordeaux  du  15  avril 
100^],  etc.  Le  concile  de  Trente  ordonne  aux 
évèques  de  veiller,  avec  le  plus  grand  soin, 
<i  ce  que  le  saint  sacritice  de  la  messe  soit  cé- 
lébré dans  toutes  les  églises  avec  la  sainte- 
té, la  piété  et  la  décence  conveiiables,  et  à 
ce  que  toute  profanation  soit  bannie  de  cet 
auguste  mystère.  Deimis  celte  époque,  plu- 
sieurs conciles  provinciaux,  surtout  en  Fran 
ce,  ont  fait  les  règlements  les  plus  sages 
pour  déraciner  et  prévenir  tous  les  abus  (pie 
l'ignorance,  la  négligence  et  l'avarice  avaient 
introduits.  Mais  cela  n'est  pas  aisé  :  la  vani- 
té, la  mollesse,  l'indévotion,  l'indépendance  , 
lutteront  toujours  contre  le  zèle  des  pas- 
teurs ;  les  grands  du  monde  veulent  un  culte 
aisé,  commode,  domestii|ue,  qui  leur  coûte 
peu  ;  et  les  simples  ]iarticuliers  veulent  les 
imiter.  La  messe,  devenue  un  usage  Journa- 
lier ,  a  cessé  d'inspirer  autant  de  respect 
qu'elle  en  mérite;  les  prêtres  et  les  assis- 
tants se  sont,  pour  ainsi  dire ,  familiarisés 
avec  cet  auguste  mystère. 

D'autre  pari,  les  protestants  ont-ils  beau- 
coup gagné  à  le  supprimer?  La  piété  est 
très-rare  parmi  eux,  parce  qu'elle  n'a  jilus 
d'alim'nl  :  ils  sont  très-oeu  attachés  à  leur 
reiijjiua,  iis  n'y  tiennent  que  par  intérêt  po- 


7.Î5 


MES 


MES 


736 


litique  et  par  haine  pour  l'Eglise  romaine  ; 

Îiourvu  qu"ils  en  demeurent  si^parés,  peu 
eur  importe  ce  qu'ils  doivent  croire  et  pra- 
tiquer. Voy.  Protestants,  Réfokmation. 

MKSSIE,  terme  eiiiprunié  de  l'hébreu  Mes- 
siah,  oint  ou  sacn'';  les  Grecs  l'ont  rend  i  par 
XctTrôf,  qui  si  nifie  la  môme  chose,  il'on  nous 
avons  retenu  le  nom  d"  Christ.  Les  H(''l)reux 
le  donnaient  aux  prôlres ,  a-is  prophètes  et 
aux  rois  :  on  en  trouvera  rétymolo-!,ie  au 
mol  Onction.  Il  est  dit  qu  Aar  n  et  ses  fils 
furent  oints  ou  sacrés  pour  exercer  le  sa- 
cerdoce {Num.  I,  V.  3),  et  ses  di'scèndaiils 
sont  ai'pelés  les  oints  ou  les  messies  prtMres 
(//  Machab.  i,  v.  10).  Elle  reçoit  de  Dieu 
l'ordre  de  donner  à  Elisée  l'onction  ou  le 
ministère  de  prophète  (III  Reg.  xix,  v.  16). 
Les  rois  sont  souvent  nommés  les  christs  du 
Seigneur,  ou  les  messies  de  Dieu.  Ce  titre  se 
trouve  môme  donné  à  des  rois  idolâtres,  à 
celui  de  Syrie  (III  Reg.  xix,  v.  15);  à  Cyrus 
Ils.  XLv,  V.  1);  et  k  tout  le  peuple  i!e  Dieu 
(Ps.  civ,  v.  13).  Ne  touchez  pas  mes  imessies, 
cesl-à-dirc  le  peuple  qui  m'est  spécialement 
consacré;  et  ne  faites  point  de  mal  à  mes 
prophètes,  à  ceux  qui  sont  chargés  de  faire 
connaître  mon  nom  à  toutes  les  nations. 
Mais  le  nom  de  Messie  a  été  spécialement 
employé  ])ar  les  prophètes,  pour  désigner 
l'Envoyé  de  Dieu  jiar  excellence,  le  Sauveur 
et  le  Libérateur  du  genre  humain  (Dan.  ix, 
Ps.  II,  V.  2.  etc.).  Anne,  mère  de  Samuel 
(/  Reg.  II,  V.  10),  conclut  son  cantique  par 
ces  paroles  remarquables  :  «  Le  Seigneur  ju- 
gera les  extrémités  de  la  terre;  il  donnera 
l'empire  à  son  Roi,  et  relèvera  la  force  de 
son  Messie.  »  Cela  ne  peut  être  appliqué 
aux  rois  des  Hébreux,  puisqu'alors  ils  n'en 
avaient  point.  Aussi,  dans  le  Nouveau  Testa- 
ment, le  nom  de  Christ  ou  de  Messie  n'est 
plus  donné  qu'au  Sauveur  du  monde.  «  Vous 
savez,  dit  saint  Pierre  au  centurion  Corneille, 
de  quelle  manière  Dieu  a  oint  Jésus  de  Na- 
zareth par  le  Saint-Esprit,  et  par  la  puis- 
sance qu'il  lui  a  donnée  (Act.  xv ,  37). 
Jésus-Christ  lui-même  déclare  à  la  Samari- 
taine qu'il  est  le  Messie  attendu  |iar  les  Sa- 
maritains ,  aussi  bien  que  par  les  Juifs 
(Joun.  IV,  25).  La  grande  question  qui 
est  entre  ces  derniers  et  les  chrétiens,  con- 
siste à  savoir  si  le  Messie  est  venu,  si  c'est  Jé- 
sus-(;iirist  ou  un  autre.  Pour  y  satisfaire,  nous 
avons  à  prouver  contre  les  Juifs,  1"  que  le 
.Messie  est  arrivé,  et  qu'ils  ont  tort  de  sou- 
tenir le  contraire;  2°(jue  toutes  les  prophé- 
ties qui  le  concernent  ont  été  accomplies 
dans  la  personne  de  Jésus-Christ  ;  3°  que 
([uand  il  y  aurait  du  doute  sur  le  sens  des 
ji.ophéties,  sa  qualité  de  Messie  serait  assez 
[irouvée  par  ses  miracles  et  par  les  autres 
car.ictères  dont  il  a  été  revêtu;  4°  que  les 
Juifs  ne  |ieuvent  faire,  contre  ces  vérités, 
aucune  objection  solide  :  ainsi,  c'est  sans 
aucun  succès  que  les  incrédules  répètent 
aujourd'hui  les  mêmes  arguments  contre 
la  mission  div.ne  de  Jésus-Clirist. 

L  Le  Messie  est  arrivé.  Nous  le  prouvons  en 
rassemblant  les  prophéties  nui,  selon  l'aveu 
des  Juifs  mômes,  désignent  le  temps  de  son 


arrivée;  mais  nous  ne  ferons  que  les  indi- 
quer sommairement ,  en  renvoyant  aux 
aiticles  par  iculiers  sous  lesquels  nous  en 
parlons  plus  au  long.  —  1"  Selon  la  prophé- 
tie de  Jacob  (Gen.  xi.ix,  v.  8  et  suiv.),  ]e  Mes- 
sie doit  venir  lorsque  le  sceptre  ne  sera 
plus  dans  la  tribu  de  Juda,  puisque  le  scep- 
tre n'est  prorais  à  cette  tribu  que  jusqu'à 
l'arrivée  du  Messie.  Or,  depuis  dix-sept  cents 
ans,  la  postérité  de  Juda  n'a,  dans  aucun 
lieu  du  monde,  aucune  espèce  d'autorité  ; 
donc  le  Messie  n'est  |ilus  à  venir.  Les  Juifs 
d'aujourd'hui  sont  en  grande  partie  de  la 
tribu  de  Jnda  ;  mais  dans  aucune  contrée  de 
l'univers  ils  n'ont  la  liberté  de  suivre  leurs 
lois  civiles  ni  religieuses,  ni  de  se  gouver- 
ner eux-mêmes.  Voy.  Juda.  —  2°  Suivant  la 
prophétie  de  Daniel,  c.  ii,  v.  W,  et  c.  vu, 
v.  ik  et  suiv.,  le  règne  du  Messie  doit  se 
former  après  la  destruction  de  la  troisième 
monarchie  dont  il  parle  ;  et  qui  est  évidem- 
ment celle  des  Grecs,  et  pendant  la  durée  de 
la  quatrième  qui  est  celle  des  Romains.  Or. 
la  monarchie  des  Grecs  est  détruite  depui  ~ 
plus  de  dix-sept  siècles,  et  celle  des  Ro- 
mains ne  subsiste  plus.  Voy.  Monarchie. 
Selon  le  même  prophète,  c.  ix,  v.  25,  le 
Messie  a  dû  venir  soixante  et  dix  semaines 
d'années,  ou  qufitrecent  quatre-vingt-dix  ans 
après  la  reconstruction  de  la  ville  de  Jéru- 
salem :  or,  cette  ville  a  été  certainement 
rebAtie  soixante-treize  ans  après  le  premii-r 
retour  de  la  captivité  de  Babylone,  et  sous 
le  règne  d'Artaxerxès  k  la  longue  main. 
Que  les  Juifs  arrangent  comme  ils  voudront 
le  calcul  des  soixante-dix  semaines,  elles 
sont  certainement  écoulées  depuis  jilus  de 
dix-sept  cents  ans.  Voy.  Semaine.  Dans  ce 
môme  cha|)itre,  v.  27  ,  il  est  dit  qu'après  la 
mort  du  Messie  les  offrandes  et  les  sacrifices 
cesseront  ;  or,  les  Juifs  ne  peuvent  plus  en 
faire  depuis  la  môme  époque.  —  3°  Les 
projihètes  Aggée,  c.  ii,  v.  7,  et  Malachie, 
c.  m,  V.  1,  ont  prédit  que  le  Messie  vien- 
drait dans  le  temple  que  l'on  rebâtissait 
pour  lors;  ce  temple  fut  détruit  de  fond 
en  comble  par  les  Romains ,  il  n'en  reste 
plus  aucun  vestige  ;  et  lorsque  les  Juifs 
entreprirent  de  le  rebâtir  sous  le  règne 
de  Julien,  ils  en  furent  empêchés  par  les 
globes  de  feu  qui  sortirent  des  fondements, 
et  rendirent  le  lieu  inaccessible.  Le  Messie 
était  donc  arrivé  avant  toutes  ces  révolu- 
tions. Voy.  Aggée,  Malachie,  Temple.  — 
4°  Les  Juifs  ont  toujours  cru,  et  ils  croient 
encore,  sur  la  foi  des  prophéties,  que  le 
Messie  doit  naître  du  sang  de  David  et  de 
Juda.  Or,  depuis  la  dispersion  des  Juifs  , 
arrivée  sous  les  Romains,  leurs  généalogies 
sont  tellement  confondues,  qu'il  est  impos- 
sible à  aucun  Juif  de  prouver  qu'il  est 
de  la  tribu  de  Juda  plutôt  que  de  celle  de 
Benjamin  ou  de  Lévi;  à  pins  forte  raison, 
qu'il  est  de  la  race  de  David.  Celle-ci  est 
tellement  anéantie,  que  l'on  n'en  connaît 
plus  aucun  rejeton.  La  perte  que  les  Juifs 
ont  faite  de  leurs  généalogies,  qu'ils  ont 
conservées  avec  tant  de  soin  pendant  quinze 
cents  ans,  aurait  dû  les  convaincre  que  le 


737  MES 

temps  de  l'arrivc^e  du  Messie  est  pjissé  depuis 
iLiiigtemps.  Voy.  Ciénéalogie. — 5' Quel(iuos 
années  avant  la  d  struction  de  Jérusnlcni  (^t 
la  dispersion  des  Juifs,  il  (Hait  constant,  non- 
seulement  dans  la  Judée,  mais  dans  tout 
l'Orient,  (jnc  l'arrivée  du  Messie  était  [iro- 
chaine.  «  Le  Messie  vient,  dit  la  Saniaiitaine 
(Joan.  IV,  V.  25),  et  il  nous  ensei^inera 
toutes  eliosrs.  ><  Les  Juifs  doutèrent  si  saint 
Jean-Bapti'te  n'était  pas  le  Messie  [Lue.  iv, 
V.  15).  Josèplic,  Hist.  de  la  guerre  (les  Juifs, 
1.  XVI,  c.  31,  fiarle  d'un  passa,i;e  de  l'Kcri- 
ture  qui  |  ortait  (jue  l'on  verrait  en  ce  lemps- 
là  un  homme  de  leur  contrée  commander  h 
toute  la  terre,  et  il  en  fait  rapiilication  h 
Vespasien  ;  c'est  évidemment  le  passa^io  de 
Daniel,  c.  vu,  v.  li.  «  Il  s'était  répandu 
dans  tout  l'Orient,  dit  Suétone  dans  la  V^ie 
de  Vespasien ,  une  opinion  ancienne  et 
constante  qu'en  ce  temps-là,  par  un  arrêt  du 
destin,  des  conquérants  soriis  de  la  Judée 
seraient  les  maîtres  du  monde.  Plusieurs, 
dit  Tacite,  étaient  persuadés  iiu'il  était  écrit 
dans  les  anciens  livres  des  jirélres,  qu'm 
ce  lemps-là,  l'Orient  re|irendrait  la  supério- 
rité, et  cjue  des  liommes  sort  s  de  la  Judée 
seraient  les  maîtres  du  monde.  »  Donc  l'on 
était  bien  convaincu  que  le  temps  lixé  par 
les  prophètes  pour  iarrivée  du  Messie,  était 
accompli.  Or,  l'exjiédition  de  Tite  et  de 
\espasien  dans  la  Judée  s'est  l'aile  trente- 
sept  ans  aj'rès  la  mort  de  Jésus-(]lirist. 
Dans  ce  temps-lk  même  il  parut  dans  la 
Judée  plusieurs  imposteurs  qui  se  donnèrent 
pour  messies,  qui  séduisirent  ini  grand  nom- 
bre de  Juifs,  et  qui  furent  exterminés  par 
les  Romains.  Josèphe  en  parle,  et  Jésus- 
Christ  en  avait  pr;''venu  ses  disciples 
(Matlh.  XXIV,  V.  2'i-).  C'est  donc  un  aveugle- 
ment inexcusable  de  la  part  des  Juifs  d'at- 
tendre encore  un  Messie  qui  a  dû  paraître 
dix-sept  siècles  avant  nous.  —  C"  Il  y  a  chez 
les  Juifs  une  ancieinie  tradition  rapjiortée 
dans  le  Talmud,  Tract.  Sanhedr.,  c.  11,  oui 
porte  que  le  monde  doit  durer  six  mille 
ans,  savoir  :  deux  mille  avant  la  loi,  deux  mille 
sous  la  loi,  et  deux  mille  sous  le  Messie. 
Quoiipie  celte  tradition  soit  lausse,  elle 
prouve  contre  les  Juifs  qui  la  reçoivent, 
que  le  Messie  a  dû  naître  l'an  iOOO  du 
monde,  comme  cela  est  arrivé.  C'est  donc 
contre  le  sentiment  di'  leurs  anciens  doc- 
teurs que  les  Juifs  s'obstinent  à  soutenir 
(jue  le  Messie  est  encore  à  venir.  Qmnd  on 
les  presse  sur  ce  point,  ils  disent  qu'à  la 
vérité  ies  pro])hètes  l'avaient  ainsi  |>rédit, 
mais  que  l'avénemcnt  du  Messie  a  été  re- 
tardé à  cause  de  leurs  péchés.  Mais  ce  sub- 
terfuge contredit  une  maxime  reçue  parmi 
eux  :  savoir,  que  quand  Dieu  menace  de  pu- 
nir il  ne  le  fait  |ias  toujours,  parce  que  le 
r(>pentir  des  pécheurs  arrête  souvent  son 
bras;  mais  que  quand  d  jiromet  des  bien- 
faits, il  ne  manque  jamais  d'accomplir 
SCS  promesses.  Prideaux  ,  Hist.  des  Juifs, 
1.  XVII,  t.  Il,  p.  232.  Nous  examinerons  cette 
maxime  dans  la  suite.  Selon  la  suii|)osilion 
d-es  Juifs,  Dieu  peut  dilférer  l'avènement  du 
Messie  jusqu'à  la  lin  du  mende.  Ils  ont  si 


MES  7/38 

bien  senti  leur  tort,  que  leurs  docteurs  ont 
prononcé  une  malédiction  contre  ceux  (pu 
suiiputeront  le  temps  de  l'arrivée  du  Messie. 
(^lémare,  Til.  Sanhedr.,  c.  11. 

11.  C'est  en  Jesus-Cfirisl  et  non  dans  aucun 
autre,  que  les  prophéties  qui  concernent  le 
Messie  ont  t'té  aceomplies.  Outre  les  pr(''dic- 
tions  des  prophèles  que  nous  venons  de  ci- 
ter, et  par  lesquelles  le  teni|)S  auquel  le 
Messie,  a  dû  venir  e-t  clairement  nianpié,  il 
en  est  d'autres  qui  lui  altribuent  certains 
caractères  qui  ne|)euvent  convenir  (pi'à  lui; 
SI  nous  pouvons  faire  voir  qu(!  ces  carac- 
tères (lut  été  rassend)lés  dans  Jés  s-Christ, 
il  en  résultera  (jue  c'est  lui  ([ui  a  été  le  vrai 
Messie,  et  que  les  Juifs  sont  coupables  d.^  ne 
pas  le  reconnaître  |)Our  tel.  En  premier  lieu, 
un  des  principaux  privih'ges  ((ue  les  pro- 
[•hètes  ont  attribué  au  Messie,  est  q\\'\\  de- 
vait naître  d'une  vierge  ;  les  anciens  doc- 
teurs juifs  l'ont  expressément  avoué;  ils 
l'ont  c.'nclu  de  la  prophétie  d'is.ïie,  c.  vu, 
V.  l'i^,  où  il  est  dit  :  «  Une  vierge  coticevra 
et  enfantera  un  Fils  qui  sera  nonnné  linitna- 
nucl,  Dieu  avec  nous,  »  et  de  i[uelques  au- 
tres projihéties  qu'ils  ont  ex|)li(pu''cs  d  ins  un 
sens  mystique  jiour  les  fabe  cadrer  avec 
celle-là.  Voy.  (ialatin,  1.  vu,  c.  iï  et  15. 
Ainsi  les  rabbins,  qui  soutiemient  (pie  celte 
prédiction  ne  regarde  j)as  le  Messie,  mais 
le  tils  (.risaïe,  s'écartent  non-seulement  du 
vrai  sens  de  la  prophétie,  mais  encore  du 
senlimehl  de  leurs  anciens  maîtres;  nous 
les  avons  réfut('S  au  mot  Emmanuel.  Or, 
Jésus-Christ  est  né  d'une  vierge  ;  les  apô- 
tres et  les  évangélistes  Vont  ainsi  publié,  et 
aucim  ue  ceux  qui  se  sont  donnés  pour 
Messie  n'a  osé  s'attribuer  le  même  [irivilége. 
Si  c'était  une  im|)oslure.  Dieu  n'aurait  pas 
[lu  permettre  qu'elle  fût  conru'nii'e  par  les 
miracles,  [lar  les  vertus,  par  ia  sainteté  de  la 
doctrine  de  Jésus-C  .rist,  et  par  la  révolu- 
tion qu'elle  a  causée  dans  le  monde.  Les 
calomnies  ]iar  lesquelles  les  Juifs  et  les  in- 
crédules ont  cherc'.é  à  rendre  suspecte  la 
naissance  ue  ce  divin  Sauveur,  sont  assez 
réiutées  |iar  leur  absurdité  même.  Nous 
convenons  que  cette  naissance  miraculeuse 
n'était  pas  un  signe  exiérieur  et  sensible  par 
lequel  le  Me.sie  \)ùt  être  reconnu,  puis([u'elle 
ne  |)Ouvait  être  prouvée  (jue  [lar  la  suite  des 
événements;  mais  c'étaitunecirconstance  né- 
cessaire, puisqu'elle  était  jiréuite.  Les  Jiiils  ne 
peuvent  pas  en  raisonner  autrement  parrap- 
])ort  nuMessie  ([u'ils  attendent.  Le  même  pro- 
phète le  nomme  Emmanuel,  Dieu  avec  nous, 
le  Dieu  fort,  le  Père  dus:ècle  futur,  c.  ix,  v.  G. 
Or  Jésus-Christ  s'est  donné  constanu.uenl  1 1 
qualité  de  Fils  de  Dieu,  égal  à  son  Père.  Les 
Juifs  qui  le  lui  fint  reproché  comme  un  blas- 
phème, et  qui  l'ont  condamné  à  mort  pour  ce 
sujet,  ceux  d'aujourd'hui  qui  concluent  d(!  là 
qu'il  n'est  pas  le  Messie,  puisqu'il  a  usurpé'  la 
(Jivniité,  sont  contredits  par  les  plus  célèbres 
deleursdocteursciui  ont  enseigné  quek'jl/c.v.'./e 
serait  Dieu  dans  toute  la  signdication  du  nom 
Jc'hovah.  Voy.  Calatin,  1.  m,  c.  9  et  suiv. 

En  second  lieu,  suivant  les  prophéties,  lo 
Messie  doit  être  législateur,  établir  une  hi/ 


759 


MES 


MES 


740 


nouvelle  '{Deut.  xviii,  v.  lo).  Moïse  promet 
aux  Juifs  un  pro[)!iète  semblable  à  lui  ;  pour 
lui  ressembler,  il  Tant  être  législateur  comme 
lui.  Isaïe  parlant  du  31essie,  c.  xlii,  v.  '••,  dit 
que  les  îles,  ou  les  pays  les  plus  éloignés, 
attendront  sa  loi.  La  prophétie  de  Jacoli  an- 
nonce la  même  chose,  lorsqu'elle  dit  que  le 
Messie  rassemblera  les  peuples,  ou  que  les 
peuples  lui  seront  soumis  {Gcn.  xl,  v.  10). 
Jérémie  le  contirme  (c.  xsiii,  v.  5),  lors- 
qu'il promet  un  roi  descendaiic  de  David, 
qui  fera  régner  sur  la  terre  l'équité  et  la 
justice.  Les  Juifs  ne  peuvent  contester  à 
Jésus-Christ  l'avantage  d'avoir  établi  une 
loi  nouvelle,  sous  laquelle  il  a  rangé  une 
grande  partie  des  peuples  du  momie.  Le 
môme  prophète,  c.  xxxi,  v.  31,  prédit  que 
Dieu  fera  avec  les  Juifs  une  nouvelle  al- 
liance dilférente  de  celle  qu'il  a  faite  avec 
leurs  pères  après  leur  sortie  de  rEg3'|ite; 
qu'il  écrira  sa  loi  dans  leur  es|irit  et  dans 
'.  eur  cœur;  qu'il  se  fora  connaître  à  tous,  et  qu'il 
pardonnera  leurs  péchés.  Leurs  anciens  doc- 
teurs ont  entendu  cette  prédiction  de  l'al- 
liance que  Dieu  voulait  faire  avec  son  peu- 
ple sous  le  règne  du  Messie;  c'est  pour 
cela  que  Malachic,  c.  m,  v.  1,  le  nomme 
VAnge  de  VaUiance.  Jésus-Christ  a  rempli 
toute  l'énergie  de  ce  nom  et  de  cette  pro- 
messe, puisqu'il  a  fait  connaître  Dieu  et  sa 
loi  aux  nations  plongées  dans  l'infiilélité, 
qu'il  a  pardonné  les  péchés,  et  a  donné  à 
SCS  envoyés  le  pouvoir  de  les  remettre.  Sui- 
vant le  psaume  cix  ,  v.  4,  il  devait  être  prê- 
tre selon  l'ordre  do  Melchisédech;  et  suivant 
Malachie,  c.  i,  v.  11,  et  c.  m,  v.  3,  Dieu  a 
déclaré  qu'il  établirait  de  nouveaux  sacri- 
fices et  un  nouveau  sacerdoce.  Jésus-Christ 
a  vérifié  toutes  ces  prédictions;  non-seule- 
ment il  s'est  olfert  lui-même  en  sacrifice  sur 
la  croix,  mais  il  a  ordonné  à  ses  disciples  de 
renouveler  sur  les  autels  ce  sacritice,  sous 
les  symboles  du  pain  et  ilu  vin,  conformé- 
ment à  celui  qui  lut  offert  par  Melchisédech. 
Par  un  trait  singulier  d'aveuglement,  les 
Juifs  ne  veulent  pas  reconnaître  Jésus-Christ 
])o\iv  Messie,  parce  qu'il  a  établi  une  nou- 
velle loi  au  lieu  de  confirmer  l'ancienne, 
parce  qu'il  n'a  pas  obligé  ses  disciples  à  ob- 
server les  cérémonies  et  les  sacrifices  or- 
donnés par  Moïse,  pane  qu'il  n'a  pas  fondé 
dans  la  Jmlée  un  103  aume  temporel  ;  c'est 
comme  s'ils  lui  faisaient  un  crime  d'avoir 
accompli  trop  exactement  les  anciens  ora- 
cles. Voy.   Lois  CÉRÉMONIELLES. 

En  troisième  lieu,  il  était  prédit  que  le 
Messie  serait  rejeté  par  son  peu|ile,  serait 
mis  à  mort  et  ressusciterait.  En  comparant 
le  LUI"  chapitre  d'isaïe  avec  l'histoire  que 
les  évangélistes  ont  faite  des  op[irobi'cs,  des 
souffrances,  de  la  mort  et  de  la  résurrection 
de  Jésus-Christ,  il  semble  que  le  prophète 
ait  fait  la  narration  d'un  événement  passé, 
plutôt  que  la  prédiction  de  ce  qui  devait  ar- 
river sept  cents  ans  après  lui.  Voy.  Passion 
i)E  JÉsus-CuRisT.  Les  Juifs,  embarrassés  par 
cotte  prophétie,  n'ont  pas  jm  s'accorder  sur 
les  moyens  d'en  détourner  le  sens.  Les  uns 
ont  dit  qu'elle  ne  regarde  pas  le  Messie,  que 


c'est  un  tableau  des  souffrances  actuelles  de 
la  nation  juive;  mais  il  est  évident  que  le 
texte  parle  d'un  personnage  particulier  et 
non  d'un  peu|ile  entier.  Les  autres  ont  ima- 
giné qu'il  doit  y  avoir  deux  Messies,  l'un 
pauvre,  humilié  et  souffrant;  l'autre,  fils  de 
David,  glorieux,  conquérant,  libérateur  de  sa 
nation;  ils  ont  ajouté  que  Jésus  pouvait 
être  le  premier,  mais  qu'il  n'est  sûrement 
pas  le  second.  C'est  reconnaître  assez  claire- 
ment que  leur  prétendu  Messie,  glorieux  et 
conquérant,  n'est  qu'une  chimère  contraire 
auxiirédictions  des  |>rop!iôtes.  Galatin,  1.  viii, 
ch.  IX  et  suiv.,  a  tait  voir  que  la  paraphrase 
chaldaïque  de  Jonathan  et  l'explication  des 
anciens  docteurs  juifs  sont  parfaitement  con- 
formes à  la  manière  dont  nous  entendons  le 
chapiire  lui  d'isaïe  et  les  autres  [irédic- 
tions  qui  annoncent  les  soultVances  du  Mes- 
sie. Dieu  a-t-il  pu  permettre  que  Jésus- 
Christ  réunit  dans  sa  personne  cette  multi- 
tude de  caractères  frai)pants,  singuliers,  dé- 
cisifs, qui  devaient  rendre  le  Messie  recon- 
naissable,  s'il  n'était  pas  réellement  le 
personnage  désigné  par  les  prophètes?  11 
aurait  tendu  aux  hommes  un  piège  inévila- 
hle  d'erreurs.  Lorsque  les  Juifs  disent  que 
si  Jésus  avait  été  le  Messie ,  il  n'aurait  pas 
été  possible  à  leurs  pères  do  le  méconnaître, 
de  le  rejeter  et  de  le  crucifier,  ils  argumenlent 
contre  leurs  propres  oracles  ([ui  ont  prédit  cet 
aveuglement  étonnant  de  la  nation  juive,  et 
ils  nous  montrent  eux-mêmes  une  incrédulité 
aussi  surprenante  que  celle  de  leurs  pères. 

Mais  ce  n'est  pas  assez,  disent-ils,  que  Jésus 
ait  accompli  un  certain  nombre  de  prophéties; 
il  devait  les  accomplir  toutes  sans  exception  ; 
or,  il  y  en  a  un  grand  nombre  qu'il  n'a  pas  véri- 
fiées. 

1°  Il  est  dit  dans  Isaïe,  c.  11,  v.  2,  que  dans 
les  derniers  jours  ,  ou  à  la  fin  des  temps,  is 
montagne  de  la  maison  du  Seigneur  sera  éle- 
vée sur  toutes  les  autres,  que  toutes  les  na- 
tions s'y  assembleront ,  qu'elles  changeront 
leurs  armes  guerrières  en  insti'uments  de  la- 
bourage, qu'il  n'y  aura  plus  de  guerres,  mais 
une  paix  per[iétuelle.  Ilion  de  tout  cela  n'est 
encore  arrivé. 

Réponse.  Il  faudraii  savoir  d'abord  ce  que 
les  Juifs  entendent  par /es  derniers  jours  ;  si 
c'est  la  fin  du  monde,  counuent  s'accompli- 
ront les  événements  annoncés  par  cette  pro- 
phétie ?  Il  est  clair  que  cette  exiiression  ne 
désigne  aucune  époque  précise ,  mais  en 
général  le  temps  que  Dieu  a  marqué  pour 
exécuter  ses  desseins.  Or,  à  la  venue  de 
Jésus-Christ,  cotte  prophétie  a  été  suiïisam- 
meiit  accom|)lie  :  la  montagne  du  Soigneur, 
Jérusalem  et  son  temple,  sont  devenus  plus 
célèbres  que  jamais  chez  toutes  les  nations  ; 
c'est  \\  que  le  Saint-Esprit  est  descendu  sur 
les  apôtres,  et  que  s'est  formée  l'Eglise  de 
Jésus-Christ  ;  c'est  de  là  que  la  parole  du 
Seigneur  et  la  loi  nouvelle  sont  parties,  se- 
lon l'expression  du  prophète;  c'est  là  que  le 
Messie  a  commencé  à  lassembler  toutes  les 
nations  et  a  formé  un  nouveau  peuple.  Non- 
seulomont  il  régnait  pour  lors  une  paix 
profonde  dans    l'empire  romain,    mais   l'E- 


7il 


MES 


MES 


742 


vniigilo  a  fait  cesser  la  divisidii  ot  l'iiiinnlié 
qui  n'gnait  cnlrc  les  juifs  et  l:\s  païens,  entre 
les  divers  peuples  qui  Font  embrass(''.  SI 
celle  poix  n"a  pas  été  plus  prompte  et  plus 
étendue,  c'est,  en  grande  partie,  la  faute 
des  juifs  incrédules.  Il  y  a  de  l'entôtement  k 
prendre  à  la  rigueur  tous  les  termes  des 
jiropliélies,  et  h  vnuli)ir([ue  des  expressions 
niétaplioriques  soient  vériliées  à  la  lettre. 
(;e  n'est  donc  |)as  la  jieine  de  réfuter  les 
juifs,  lorsi[u"ils  (jjijct'li'nt  (pie,  selon  Isaïe  , 
c.  XI,  V.  0,  sous  le  l'i'gne  du  Messie,  le  loup 
vivra  avec  l'agneau,  et  le  léopard  avec  le 
clievreau,  que  le  veau,  le  lion  et  la  hiei'is 
paiti'ont  cnseuilile,  etc.  En  lisant  atleutive- 
ment  ce  clia|)iti'e,  ou  voit  ([u'il  signilie  seu- 
lenirnt  que  la  doctrine  et  les  lois  du  Messie 
reniiront  les  lionnui's  plus  paisililes  et  plus 
sociables  iju'ils  n'étaient  auparavant. 

2°  Dieu,  dans  le  Dniléronoiiie,  c.  xxx,  v.  3, 
a  promis  de  rassembler  les  Juifs  dms  leur 
terre  natale,  tpiand  môme  il  les  aurait  dis- 
l)Crsés  aux  extrémités  du  monde.  Or,  cela 
no  s'est  pas  fait  après  la  captivit('^  de  Babylone; 
il  n'en  revint  (jue  la  tribu  de  Juda,  et  une 
partie  de  celle  de  Benjamin  et  de  celle  de 
Lévi  ;  donc  il  faut  que  cela  s'exécute  sous  le 
règne  du  Messie,  quand  il  viendra  :  il  doit 
racheter,  sauver  et  rasseml)ler  les  Juifs,  les 
faire  jouir  d'une  i)rospéiité  et  d'un  bonheur 
constant  (Vsoï.  xxxv,  'i,  etc.  ).  Non-seulement 
Jésus  n'a  [las  rempli  ces  grandes  promesses  ; 
mais  on  sujjpose  que,  loin  de  sauver  les 
Juifs  ,  il  les  a  r(''|irouvés  ,  et  leur  a  pré- 
féré les  ]jaïens  pour  en  composer  son  Eglise. 

Réponse.  Les  pr(jmesses  du  Deuteronome 
sont  évidemment  limitées  et  condilionnelles  ; 
Dieu  promet  di'  rassembler  les  Juifs,  lorsque, 
r(;penlanls  de  tout  leur- cœur,  ils  retourneront 
à  lui  et  obéiront  à  ses  ordres  ;  le  texte  est 
formel.  Si  la  plus  grande  partie  des  Juifs 
trans[iortés  à  Babylone  n'ont  été  ni  rejien- 
tants  ni  obéissants,  s'ils  ont  préféré  la  terre 
étrangère  dans  la(juelle  ils    s'étaient  établis. 


on 


îi  celle  dans  laquelle  ils  étaient  nés,  peut  .... 
j'ciirocher  à  Dieu  de  n'avoir  pas  exécuté  ses 
promesses  ?  L'édit  de  Cyrus,  qui  mit  (in  à  la 
captivité  de  Babylone,  laissait  à  tous  les 
Juifs,  sans  exce|)tion,  la  liberté  de  retourner 
dans  la  Judée  (  Esdras,  i,  3  ).  Il  est  dit  que 
tous  ceux  à  qui  Dieu  inspira  de  la  bonne  vo- 
b.uité  en  prolitèrent  [Ibid.,  5  J  :  conséquem- 
meutEsdias  ajoute  (jue  tout  Israël,  de  retour 
de  la  captivité,  h;ibila  dans  les  villes  qui  lui 
appartenaient  (  ii,  70  ).  Que  fallait-il  de  plus 
pour  ai'comjjlir  les  promesses  de  Dieu?  H 
u'esl  ilonc  pas  vrai  que  la  (lis|)eision  et  l'exil, 
dans  lei|uel  sont  aujouid'hui  les  Juifs,  soient 
une  si.ite  et  une  continuation  de  la  captivité 
de  Babylone,  connue  les  rabbins  le  soutien- 
nent, l'ar  la  même  raison  le  Messies  sauvé  et 
rassemblé  les  Juifs  autant  qu'il  le  devait,  puis- 
qu'il leur  a  olfert  le  salut  et  leur  en  a  fourni 
les  moyens  ;  il  est  absurde  de  |iréten(Jre  que 
Dieu  doit  sauver  ceux  qui  ne  le  veulent  pas  et 
qui  résistent  opiniAtrément  aux  bienfaits  qu'il 
ieuroirre;(ju'aujourii'bui  le.l/cw/cdoit conver- 
tir, ujalijré  eux,  les  Juifs  obstinés  et  rebelles. 
3°  Suivant  les  prophéties ,    disent-ils,  le 


Messie  ffoit  être  un  fils  de  David,  f[ui  régnera 
éternellement  dans  la  Judée  (  Ezeeh.  xxwii, 
al  et  suiv.  )  ;  fuiget  Magog,  deux  nations 
puissantes,  doivent  être  vaincues  et  détruites 
parles  Juifs,  c.  xxwiii  etxxxix.  Le  troisième 
tem|ile  doit  être  rebâti:  Ezéchiel  en  donne  le 
pfin  et  les  dimensions,  c.  xl  et  suiv.  Le  Messie 
doit  avoir  une  postérité  nombreuse,  et  régner 
sur  toute  la  terre  (Isai.  i.iii,  10,  etc.).  Bien 
de  tout  cela  ne  peut  Cti'c  appliqué  k  Jésus. 
lie'ponse.  Ce  n'est  pas  assez  de  idter  dos 
]irophéties  et  de  leur  donner  un  sens  arbi- 
traire, il  faut  encore  les  concilier,  ou  du 
moins  ne  pas  les  inetti'e  en  contradiclion.  Nous 
demandons  comment  un  règne  temporel  peut 
être  éternel  sur  la  ferre,  et  si  les  Juifs,  deve- 
nus sujets  de  leur  iirétendu  Messie,  ne  seront 
plus  exposés  à  la  mort;  comment  les  guerres, 
les  victoires,  le  carnage  des  peuples,  peuvent 
s'accorder  avec  le  caractère  pacifiipie  que  les 
prophètes  attribuent  au  Messie,  et  avec  cette 
l)aix  profonde  qui,  selon  les  Juifs  mêmes, 
doit  ri'gner  sur  toute  la  terre  ;  comment  un 
règne  glorieux  et  heureux  peut  être  compa- 
tible avec  les  opprobres,  les  soulfrances,  la 
mort  que  le  Messie  doit  subir,  etc.  ?  Mais  les 
Juifs  n'y  regardent  pas  de  si  près.  Ce  n'est 
jioinl  à  nous  de  décider  quels  sont  les  peuples 
nommés  Gog  et  Magog  ;  les  Juifs  pri'teudent 
que  ce  sont  bs  Turcs  et  les  chrétiens,  et  ils 
se  félicitent  d'avance  du  plaisir  de  les  exter- 
miner sous  leur  Messie  futur  ;  les  inter|)rètes 
s  JHt  très-peu  d'accord  sur  ce  sujet.  Ce  qu'il 
y  a  de  certain,  c'est  qu'Ezéchiel,  ([ui  iiro- 
jihétisaif  pendant  la  captivité  de  Babylone, 
parle  évidemment  des  événemi  nls  qui  de- 
v.iient  la  suivre  dejji'ès,  et  auxtiuels  les  Juifs 
de  son  temps  devaient  avoir  part.  Il  n'est  jioint 
questiondaiis  ce  prophète  ni  ailleurs  d'un  troi- 
sième lenq^le,  mais  du  second  (jui  fut  l);\ti  scus 
Zorobabel  ;  il  est  évident  (pie  ce  qu'il  dit  des 
dimensions  du  temple  est  allégorique;c'est  une 
absurdité  de  la  part  des  Juifsd'imagin(^r(prE- 
zéchiel ,  Aggée  et  Zacharie  n'ont  rien  dit  du 
temple  (pii  allait  être  bâti,  et  ([u'ils  ont  iiarlé 
d'un  troisième,(iui,ai)rès(leux  mille  ans,  n'est 
pas  encore  commencé.  Si  les  dimensions  et  le 
jilan  (lu'Ezéchiel  a  tracés  n'ont  pas  été  exac- 
tement suivis,  il  faut  s'en  prendre  aux  Juifs 
aux()uels  le  iirophète  Aggée  a  vivement  re- 
proché leur  négligence  et  leur  peu  décourage, 
c.  I,  V.  2.  Ils  n'((nt  jias  mieux  exécuté  ce  (jue 
le  prophète  leur  prescrit  sur  le  partage  de  la 
terre  sainte,  sur  la  j>ortion  qu'ils  doivent  ré- 
server pour  K  s  étrangers,  etc.  ;  ils  trouvent 
commode  de  réserver  pour  le  règne  du  Messie 
tout  ce  que  leurs  pères  ont  négligé  de  faire 
conformément  aux  exhortations  des  proiihè- 
tes,  et  ils  prennent  ces  exhortations  pour  des 
prédictions  qui  ne  sont  pas  encore  accomplies. 
La  postérité  du  Messie,  ce  sont  les  jieuples 
qu'il  a  instruits,  conigés,  rendus  jibis  socia- 
bles, et  dont  il  a  composé  son  Eglise  ;  il  ne 
lui  convenait  pas  d'avoir  une  autre  famille. 
Il  est  étinnant  que  les  Juifs,  a]irès  avoir 
prétendu  que  le  lui'  chapitre  d'Isaie  ne  doit 
jias  s'enleiidie  du  Messie,  se  servent  de  ce 
même  chapitre  pour  jirouvcr  qu'il  a  dû 
avoir  une  longue  postérité  ;  on  ne  peut   pas 


743 


MES 


MES 


7U 


lui  appliquer  les  derniers  versets  snns  lui 
appliquer  nussi  lespiemies,  ei  pour  lors 
il  faut  nécessairement  admettre  les  oppro- 
bres, les  soutrrances,  la  mort  it  la  résurrec- 
tion du  Mes.s(fi;  événements  qui  ne  s'ac- 
cordent guère  avec  l'idée  que  les  Juifs 
se  forment  de  son  règne.  Telles  sont  cepen- 
dant les  absurdiiés  et  les  contradictions  que 
plusieurs  incrédules  modernes  n'ont  pas 
dédaigné  de  copier,  |)our  attaquer  l'une  des 
jxeuves  du  chrisiinnisme. 

III.  Nous  croyons  fermement  que  la  preuve 
tirée  des  prop':éties  est  évidente  pour  tout 
liomme  raisonnable  ;  elle  dt^vrait  l'être  sur- 
tout pour  les  Jinfs  dépositaires  de  ces  pro- 
phéties. Voilfi  pourquoi  les  apôtres,  lorsqu'ils 
prêchent  Jésus-Christ  aux  Juifs,  commencent 
par  prouver  qu'en  lui  ont  été  accomplies 
toutes  les  prophéties.  Cependant,  comme  la 
force  de  cette  preuve  défiend  de  la  compa- 
raison qu'il  faut  faire  des  dilférentes  prédic- 
tions des  prophètes,  cette  discussion  n'était 
pas  à  la  poitée  des  ignorants  ;  elle  ne  pouvait 
faire  impression  que  sur  les  Juifs  instruits, 
et  qui  étaient  d'assez  bonne  foi  pour  s'en 
tenir  à  la  tradition  de  leurs  anciens  docteurs. 
Le  joug  de  la  domination  romaine,  que  les 
Juifs  ne  portaient  qu'avec  la  plus  grande  ré- 
pugnance, avait  tourné  les  esprits  vers  les 
prophéties  qui  semblaient  leur  promettre  un 
libérateur  temporel  ;  et  le  sadducéisme  qu'a- 
vaii'ut  embrassé  plusieurs  membres  de  la 
synagogue,  les  rendait  peu  sensibles  aux 
bienfaits  spirituels  que  le  Messie  était  venu 
répandre  sur  les  hommes.  Des  esprits  ainsi 
dis|)Osés  n'étaient  pas  fort  propres  à  saisir 
le  vrai  sens  des  piophéties;  et  comme  les 
calamités  de  la  nation  juive  augmentèrent 
encore  dans  la  suite,  il  n'est  pas  étonnant 
({ue  le  sens  le  plus  grossier  soit  devenu  une 
tradition  chez  les  Juifs  modernes.  D'autre 
j)art,  les  païens  qui  ne  connaissaient  pas  les 
livres,  la  croyance  ni  les  espérances  des  Juifs, 
avaient  besoin  d'une  preuve  plus  à  leur  por- 
tée que  les  prophéties.  Les  miracles  de  Jé- 
sus-Christ et  des  apôtres  devaient  donc  faire, 
sur  les  uns  et  sur  les  autres,  une  imiires^ion 
plus  vive  et  plus  efficace.  Les  Juifs  n'ont 
jamais  osé  nier  absolument  les  miracles  de 
Jésus-Christ  ;  les  uns  ont  dit  qu'il  les  avait 
opérés  par  le  secours  de  la  magie,  les  autres, 
par  la  prononciation  du  nom  ineifable  de 
Dieu  ;  quelques-uns  ont  sout  nu  que  Dieu 
pouvait  donner  à  un  imposteur  ou  à  un  faux 
prophète  le  pouvoir  de  faire  des  miracles. 
Mais  le  caractère  de  magicien  est  incompati- 
jile  avec  la  sainteté  de  la  doctrine  du  Sau- 
veur ;  il  a  déclaré  qu'au  lieu  d'avoir  de  la 
n'ollusion  avec  le  démon,  il  était  venu  pour 
le  vaincre  et  le  dépouiller  (  Luc.  xi,  15  ). 
C'est  blasphémer  contre  Dieu  et  sa  provi- 
dence, de  supposer  qu'il  ])eut  donuer  à  un 
imposteur  le  [louvoir  de  faire  des  miracles,  ou 
en  prononçant  son  nom  nu  autrement.  Les  ma- 
giciens et  les  imposteurs  ont-ils  jamais  opéré 
des  guérisons  et  des  miracles  pour  instruire, 
pour  corriger ,  pour  sanctilier  les  hommes  ? 
Lorsque  Dieu  envoya  Moïse  pour  annoncer 
aux  Juifs  ses  volontés  et  ses  lois,  il  lui 
4 


donna  pour  lettres  de  créance  le  pouvoir  d'o- 
pérer des  miracles,  et  Moïse  n'eut  point 
d'autres  preuves  à  donner  de  sa  mission.  Les 
Juifs  conviendront-ils  que  Moïse,  quoique 
doué  d'un  pouvoir  surnaturel,  pouvait  ce- 
pendant être  un  imposteur  ?  Quelle  preuve 
peuvent-ils  apporter  de  la  réalité  et  de  la  divi- 
nité des  miracles  de  Moise,  que  nous  ne 
I)uissions  appliquer  à  ceux  do  Jésus-Christ  7 

11  y  a  plus  :  les  anciens  docteurs  juifs  sont 
convenus  que  le  Messie  doit  faire  des  mir  acles 
semblables  k  ceux  de  Moïse.  De  quoi  servi- 
raient-ils, si  cette  preuve  n'était  d'aucune 
force  pour  constater  son  caractère  et  sa  mis- 
sion ?  Quelques-uns  môme  ont  avoué  dans 
le  Talinud  qu'il  s'était  fait  des  miracles  au  nom 
de  Jésus-Christ  parsesdiscijiles.  Galatin,  1.  viii, 
ch.  5  et  7.  Dieu  a-t-il  pu  permettre  qu'  1  so 
fît  des  miracles   au   nom   d'un  faux  Messie? 

Un  second  c  tractère,  que  les  Juifs  ne  peu 
vent  contester  à  Jésus-Clirist,  est  la  sainteté 
de  sa  doctrine  et  la  pureté  de  ses  mœurs; 
double  avantage  qu'aucun  imposteur  n'a  ja- 
mais réuni  dans  sa  personne.  On  a  souvent 
défié  les  Juifs  de  montrer  dans  l'Evangile 
une  seule  maxime  capable  de  porter  les 
hommes  au  crime  ou  d'affaiblir  en  'hix  l'amour 
delà  vertu,  et  dans  la  conduite  du  Sauveur 
une  action  justement  condamnable.  Les  seuls 
reproches  que  les  Juifs  lui  aient  faits,  ont 
été  de  ce  qu'il  s'attribuait  la  qualité  de  Fils 
de  Dieu  et  les  honneurs  de  la  Divinité,  de  ce 
qu'il  violait  le  sabbat  et  d'autres  lois  cé- 
rémonielles,  de  ce  qu'il  attaquait  les  tradi- 
tions et  la  morale  des  pharisiens.  Or,  nous 
avons  fait  voir  que  dans  tout  cela  il  remplis- 
sait, selon  les  prophètes,  les  fonctions  es- 
sentielles de  Messie,  de  législateur,  de  maître, 
de  réformateur  de  son  jieuple  ;  qu'il  était 
véritablement  Emmanuel,  Dieu  avec  nous  ; 
que  c'était  à  lui  de  montrer  aux  docteurs 
juifs  le  vrai  sens  des  Ecritures  et  de  la  loi  de 
Dieu,  qu'ils  entendaient  fort  mal.  En  faisant 
voir  que  le  culte  le  plus  agréable  h  Dieu  con- 
sistait dans  les  veitus  intérieures  et  non 
dans  les  cérémonies,  il  ne  faisait  que  répéler 
les  leçons  des  prophètes  ;  on  ne  peut  enten- 
dre, sans  étonnement,  les  rabbins  modernes 
soutenir  que  le  culte  extérieur  est  plus  p.irlait 
etd'unpiusgrandméritequele  culte  intérieur. 

Un  troisième  signe  auquel  les  Juifs  auraient 
dû  reconnaître  dans  Jésus-Christ  le  Messie 
promis  à  leurs  pères,  est  la  conversion  des 
jjaïens  o[)érée  par  sa  doctrine.  Ils  ne  peuvent 
niei-  que  ce  prodige  n'ait  dû  arriver  ii  l'avé- 
nement  du  Messie  ;  les  proi)hètes  l'ont  an- 
noncé trop  clairement  {Isai.  ii,  3  et  18;  xix, 
2l;xLix,  6;  Zach.u,  11, etc.).  C'était  une  tradi- 
tion constante  chez  les  Juiis,  Galatin,  1.  ix,  c. 

12  et  suiv. ,  et  ils  ont  été  témoins  de  l'évé- 
nement. Quand  môme  ils  ne  l'auraient  jias 
prédit,  la  preuve  ne  serait  pas  moins  invin- 
cible. Dieu  a-t-il  pu  se  servir  d'un  imposteur, 
d'un  faux  Messie,  pour  opérer  cette  grande 
révolution,  pour  amener  les  nations  ido- 
lâtres à  la  connaissance  de  son  nom?  Malgré 
l'eiitètement  des  Juifs,  ils  sont  forcés  d'a- 
vouer que  les  chrétiens  ador. lit,  aussi  bien 
i|u't;ux,  le  vrai  Dieu,  le  Créateur  du  ciel  et 


745 


MES 


MES 


7i6 


de  la  terre,  le  Dieu  d'Abraham,  d'Isaac  et  "> 
de  Jacob  ;  qu'ils  ont  les  mêoies  articles  de  foi, 
les  mêmes  règles  essentielles  de  morale,  les 
mêmes  espérances-  Sont-ce  des  missionnai- 
res juifs  qui  ont  converti  le  monde?  C'est 
l'ouvrage  des  apôtres  do  Jésus-Christ.  Si  les 
Juifs  sont  toujours  le  peuple  chéri  du  Sei- 
gneur, comment  a-t-il  permis  que  des  hommes 
qui,  selon  l'opinion  des  Juifs,  sont  des  déser- 
teurs (lu  judaïsme  et  des  apostats,  fussent 
les  auteurs  d'une  si  heureuse  révolution  et 
servissent  .\  éclairer  toutes  les  nations  "? 

Un  quatrième  trait  do  la  Providence  qui 
démontre  la  mission  divine  de  Jésus-Christ 
et  sa  qualité  de  Messie,  est  l'abandon  dans 
loipiel  les  Juifs  sont  laissés  depuis  qu'ils  ont 
rejeté  ot  mis  à  mort  ce  divin  Sauveur.  Ils  sa- 
vent que  telle  a  été  l'époque  à  laquelle  ils  sont 
tombes  dans  l'étal  de  dispersion, d'exil, d'escla- 
vage ot  d'opprobre  dans  lequel  Us  gémissent, 
et  duquel  ils  n'cmt  pas  pu  se  relever  depuis 
di\-sept  cents  ans.  A  l'article  Juif,  §  6,  nous 
avons  fait  voir  que  cette  chute  énorme  est  évi- 
demment lapuniliondudéicidequ'ilsontcom- 
mis  dans  la  personne  de  Jésus-Clirist.  Ce  divin 
Maître  le  leur  avait  prédit  plus  d'une  fois  ; 
mais,  loin  d'ôtre  touchés  de  ses  menaces, 
ils  en  devinrent  i)lus  furieux  contre  lui.  Ce 
n'est  pas  la  premiè.e  fois  que  cela  leur  était 
arrivé.  Fiers  des  promesses  que  Dieu  avait 
faites  à  leurs  pères,  ils  crurent  pouvoir  bra- 
ver impui)  ■ment  les  menaces  des  prophètes. 
C'est  à  ce  sujet  cjne  Jéiémie  leur  adressa,  de 
la  pirt  lie. Dion,  ces  paroles  terribles,  c.  xvin, 
v.  G  :  «  Ne  suis-je  donc  pus  autant  le  maître 
de  votre  soit,  qu'un  potier  est  libre  de  dispo- 
ser de  l'argile  (pi'il  lient  entre  ses  mains  ? 
Toutes  les  fois  tpie  j'aurai  menacé  de  punir 
une  nation,  si  elle  l'ail  pénitence,  je  m'abs- 
tiendrai de  lui  taire  le  mal  que  j'avais  résolu; 
mais  aussi  loutes  les  fois  que  je  lui  aurai 
promis  des  bienfaits  el  dos  prospérités,  si 
elle  fait  le  mal  devant  moi,  el  ne  m'écoute 
pas,  je  la  priverai  des  faveurs  que  je  lui  des- 
tinais. Voyez,  continue  le  [)rop,iète,  s'il  y  a 
sous  le  ciel  une  nation  ((ui  aii  fait  autant  de 
mal  que  vous  !  Aussi  Dieu  a  l'osolu   de   ne 

fias  vous  épargner.  »  Les  Juifs  furieux  vou- 
ent se  défaire  de  Jérémie;  le  prophète 
indigné  s'adresse  à  Dieu,  et  le  conjure  de 
déployer  toute  la  rigueur  de  sa  justice  contre 
ce  peuple  rebelle,  ibid.,  v.  20  et  suiv.  On  sait  ' 
quelles  furent  les  suites  de.  celte  prière. 
Voilà  précisément  ce  que  les  Juifs  ont  fait 
de  nouveau  à  l'égai  d  de  Jésus-Cbrisl.  Irrités 
par  ses  leçons  ,  par  les  reproches  qu'il  leur 
faisait  de  corrompre  le  sens  des  Ecritures, 
par  la  destruclion  dont  il  les  menaçait,  non- 
seulemenl  ils  résolurent  sa  mort,  comme 
celle  de  Jérémie,  mais  ils  exécutèrent  cet 
abominable  dessein,  el  jamais  ils  ne  se  sont 
repentis  de  leur  forfait  ;  il  n'est  donc  pas 
étonnant  que  Dieu  eu  tire  une  vengeance 
plus  terrible  que  de  tous  leurs  autres  ciimos. 
Ils  ne  peuvi^'Ul  rentrer  en  grâce  avec  Dieu 
qu'en  adorant  le  Aîe.^sie  qu'ils  ont  crucilié. 
IV.  Objections  des  Juifs,  adoptées  et  ap- 
puyées par  les  incrédules.  S'd  fallait  rapporter  et 
réfuter  toutes  ces  objections  en  particulier, 
DiGTioM.  OU  Théol.  dogmatique.    III. 


nous  serions  obligés  de  faire  un  gros  volume; 
mais  déjà  nous  en  avons  résolu  et  iirévenu 
plusieurs,  soit  dans  cet  article,  soit  dans 
ceux  auxquels  nous  avons  renvoyé  ;  nous 
nous  bornerons  ici  aux  plus  générales. 

1°  Nos  adversaires  disent  que  quand  même 
les  Juifs  se  seraient  trompés  sur  levraisens 
des  prophéties,  ils  seraient  cependant  excu- 
sables; que  la  plupart  de  ces  prédictions 
semblent  annoncer  plutôt  un  règne  temporel 
du  Messie,  et  une  délivrance  temporelle  des 
Juifs,  qu'un  règne  mystique  et  des  bienfaits 
S[)irituels;  que,  pour  saisir  les  vrais  carac- 
tères de  ce  personnage  et  la  vérité  de  ses 
leçons,  il  fallait  connaître  des  mystères  dont 
les  Juifs  ne  pouvaient  puiser  aucune  notion 
dans  leurs  livres. 

Réponse.  Nous  remarquerons  d'abord  que 
cette  excuse  prétendue  attaque  directement 
la  sagesse  et  la  sainteté  divine,  puisqu'elle 
suppose  que  Dieu  n'avait  pas  rendu  les  pro- 
phéties assez  claires  [lour  prévenir  l'erreur 
involontaire  dos  Juifs.  Ils  ne  pouvaient  s'en 
prévaloir  eux-mêmes  sans  se  contredire, 
puisqu'ils  soutiennent  que  leurs  prophéties 
sont  assez  claires  pour  qu'ils  aient  été  au- 
torisés à  rejoter  les  explications  que  Jésus- 
Christ  leur  donnait,  à  le  punir  comme  un 
séducteur  el  un  faux  prophète  ,  et  à  refuser 
toute  autre  preuve  de  sa  mission  et  de  son 
caractère.  Nous  convenons  que  ces  prophé- 
ties n'étaient  pas  fort  claires  en  elles-mêmes, 
surtout  pour  los  ignorants  ;  mais  à  qui  ap- 
partenait-il de  les  expliquer  '?  Etait-ce  aux 
docteurs  de  la  synagogue,  toujours  pré- 
venus, aveuglés  par  la  vanité  nationale, 
comme  ils  le  sont  encore  aujourd'hui,  et 
toujours  prêts  à  s'emporter,  comme  leurs 
pères,  contre  tout  prophète  qui  ne  leur  an- 
nonçait pas  des  prospérités  et  des  bienfaits 
de  Dieu  ?  N'était-ce  pas  plutôt  à\x  Messie,  dès 
qu'd  avait  commencé  par  prouver  sa  qualité 
de  prophète  et  d'envoyé  de  Dieu,  [lar  les 
miracles  qu'il  opérait  ?  Toute  la  question  se 
réduit  à  savoir  si  ce  sont  les  prophéties  qui 
doivent  servir  à  juger  les  miracles  do  Jésus- 
Christ,  comme  les  Juifs  le  prétendent,  ou  si 
ce  sont  les  miracles  qui  devaient  démontrer 
d'abord  qu'il  était  le  Messie,  par  conséquent 
l'interprète-né  des  prophéties.  Or,  nous  sou- 
tenons qu'il  fallait  commencer  par  croire  aux 
Qiiracles,  comme  Jésus-Christ  l'exigeait,  et 
non  autrement.  En  elfet,  nous  délkms  nos 
adversaires  d'alléguer  une  seule  jjrophétie 
en  vertu  de  laquelle  les  Juifs  aient  pu  juger 
d'abord,  avec  une  entière  certitude  ,  que  tel 
homme  était  le  Messie,  et  par  laquelle  on 
puisse  le  prouver  encore  aujourd'hui,  s'il  ve- 
nait h  paraître  comme  les  Juifs  l'attendent. 
Selon  les  prophètes,  il  doit  être  liJs  de  David  ; 
mais  David  a  eu  une  nombreuse  postérité  : 
il  s'agit  de  savoir  quel  est  celui  de  ses 
descendants  qui  est  le  Messie,  et  aujour- 
d'hui il  serait  impossible  de  dresser  et  de 
prouver  sa  généalogie.  Selon  les  Juifs,  il 
doit  être  roi  dans  la  Judée  ;  pour  être  roi, 
il  faut  des  sujets  ;  il  n'en  aura  point,  à 
moins  que  les  Juifs  ne  commencent  jiar  se 
soumettre  à  lui  sans  motif,  sans   preuve,  et 

2i 


747 


MES 


avec  une  confiance  aveugle.  S'il  fnut  le  con- 
naître par  ses  victoires,  il  ne  les  remportera 
pas  sans  soldats  ;  il  y  aura  bien  du  sang  ré- 
pandu et  des  innocents  immolés,  avant  que 
l'on  sache  s'il  faut  lui  résisier  ou  lui  obéir. 
Le  Messie  doit  être  né  d'une  vierge  ;  com- 
ment le  saura-t-on,  à  moins  qu'un  ange  en- 
voyé du  ciel,  des  prophètes  inspirés,  tels  que 
Zacliarie,  Anne,  Siméon,  Jean-Baptiste,  ou 
une  voix  céleste,  ne  lui  rendent  témoignasse, 
comme  cela  s'est  fait  pour  Jésus-Ciirist  ?  Ce 
sont  là  des  miracles. Il  doit  être  rejeté,  souf- 
frir et  triompher  ensuite  ;  mais  les  souffrances 
qu'on  lui  iera  subir  seront  un  crime  affreux, 
si  sa  mission  est  prouvée  d'.iilleurs  ;  elles 
seraient  une  punition  juste,  s'il  usurpait  la 
qualité  de  Messie  sans  titre  et  sans  preuve. 
C'est  donc  par  la  nécessité  de  la  chose  même 
que  Jésus-Christ  a  fait  des  mir.icles  avant  de 
se  donner  pour  Messie,  et  qu'il  a  .liusi  dé- 
montré qu'il  avait  droit  de  s'appliquer  les 
prophéties,  et  d'en  montrer  le  vrai  sens. 
Lorsque  quelques  théologiens  moderni'S  ont 
avancé  que  f^s  miracles  de  Jésus-Christ  se- 
raient une  preuve  caduque  s'ils  n'avaient  pas 
été  prédits,  on  les  a  censurés  avec  raison  ;  et 
lorsque  les  Juifs  disent  que  ces  mômes  mi- 
racles ne  pouvaient  être  authentiques ,  à 
moins  qu'ils  ne  fussent  admis  comme  tels 
par  la  synagogue,  ils  ont  oublié  que  les  an- 
ciens prophètes,  loin  d'avoir  eu  l'attache  des 
chefs  de  la  nation  juive,  en  ont  été  rejetés  et 
poursuivis  à  mort  :  Jésus-Christ  le  leur  a  re- 
proché plus  d'une  fois  [Matlh.  xxiii,  31  ;  Luc, 
XI,  48,  etc.). 

2°  Ce  n'est  pas  assez,  disent-ils,  que  le 
Messie  fasse  des  miracles  ;  il  faut  qu'il  fasse 
ceux  que  les  prophètes  ont  prédits.  Mais 
nous  avons  déjà  fait  voir  que  les  prétendus 
miracles  dont  les  Juifs  ont  l'esprit  frappé,  et 
qu'ils  s'obstinent  à  voir  dans  les  prophètes, 
sont  inutiles,  absurdes  et  indignes  de  Dieu. 
Que  les  monlagnes  soient  aplanies,  les  vallées 
comblées,  les  tleuves  desséchés  pour  la  com- 
modité des  Juifs,  qu'il  sorte  des  torrents  du 
désert,  que  les  bêtes  féroces  soient  apprivoi- 
sées et  ne  dévorent  plus  les  autres  animaux, 
etc.  ;  en  quoi  tous  ces  miracles  peuvent-ils 
contribuer  à  la  gloire  de  Dieu  et  à  la  sancti- 
fication des  âmes?  Ceux  de  Jésus-Chiist 
étaient  plus  sages  ;  les  guérisons  qu'il  opérait 
en  soulageanlles  corps  disposaient  les  esprits 
à  croire  en  lui,  et  donnaient  des  leçons  de 
charité. 

3°  Ces  miracles,  disent  encore  les  Juifs 
modernes,  ne  peuvent  plus  être  aussi  cer- 
tains pour  nous  qu'ils  l'étaient  pourccux  qui 
en  furent  témoins;  si  Jésus  avait  fait  tous 
ceux  qu'on  lui  attribue,  personne  n'aurait  pu 
refuser  de  croire  en  lui. 

Réponse.  En  me  servant  des  principes  des 
Juifs,  je  pourrais  leur  dire  :  Parce  que  les 
miracles  de  Mo'ise  ne  sont  plus  aussi  certains 
pour  nousqu'ilsl'étaientpourceux  quien  fu- 
renttémoinssommes-nous  dispensés  de  croire 
la  mission  divine  de  ce  législateur  ?  Dirons- 
nous  que  s'il  les  avait  véritablement  Ojiérés, 
sans  doute  les  Egyptiens  auraient  été  plus 
dociles,  et  les  Juifs  ne  se  seraient  pas  révoltés 


MES  7Î8 

si  souvent  contre  lui  dans  le  désert?  C'est 
ainsi  que  les  Juifs  attaquent  leur  propre  re- 
ligion en  voulant  ruiner  la  nôtre.  Il  est  faux 
que  les  miracles  de  Jésus-Christ  soient  moins 
certains  pour  nous  que  pour  ceux  qui  en 
furent  les  témoins;  la  certitude  morale, 
poussée  au  plus  haut  degré  de  notoriété,  n'est 
pas  moins  invincible  que  la  certitude  physi- 
que ;  elle  ne  donne  pas  plus  de  lieu  à  un  dou- 
te raisonnable.  D'ailleurs  la  conversion  du 
monde,  opérée  par  les  miracles  de  Jésus- 
Christ  et  des  apôtres,  leur  donne  un  degré 
d'authenticité  et  de  ceriitude  que  ne  pouvaient 
pas  encore  avoir  ceux  qui  les  ont  vus.  L'in- 
crédulité d'une  grande  partie  des  Juifs,  mal- 
gré ces  miracles,  n'y  donne  pas  plus  d'at- 
teinte que  les  révoltes  do  leurs  pères  n'en 
donnent  à  ceux  de  Moïse  ;  ce  peuple  a  été 
rebelle,  indocile,  intraitable  dans  tous  les 
siècles  ;  on  peut  encore  aujourd'hui  lui  faire 
les  mômes  reproches  que  Moïse  lui  adressait 
et  lui  renouveler  la  réprimande  de  saint 
Etienne  {Act.  vu,  51]  :  «  Vous  résistez  tou- 
jours au  Saint-Esprit ,  comme  ont  fait  vos 
pères.  » 

4°  Le  juif  Orobio,  dans  sa  Conférence  avec 
Limborch,  soutient  que  la  foi  au  Messie  n'est 
pas  un  point  nécessaire  au  salut,  puisqu'il 
n'en  est  pas  fait  mention  dans  la  loi  ne  Moïse. 
On  ne  peut  donc  pas  supposer,  dit-il,  que 
la  dispersion  et  les  calamités  actuelles  des 
Juifs  sont  un  chûtiment  de  leur  incrédulité 
au  Messie  ;  c'est  vouloir  pénétrer  dans  les 
desseins  de  Dieu,  lors  môme  qu'il  n'a  pas 
voulu  nous  les  révéler. 

Réponse.  Moïse  dit  formellement  dans  la 
loi  :  «  Le  Seigneur  vous  suscitera  un  prophète 
semblable  à  moi,  vous  l'écouterez  ;  et  Dieu 
ajoute  :  Si  quelqu'un  n'écoute  pas  leprophète, 
j'en  serai  le  vengeur  {Deut.  xvin,  15,19).» 
Nathanaël,  l'un  des  docteurs  de  la  loi,  frappé 
des  miracles  de  Jésus-Christ,  reconnut  en 
lui  le  prophète  dont  parle  Moïse  dans  la  loi 
(Joan.  I,  45,  49).  Quand  ce  passage  ne  regar- 
derait pas  le  Messie  en  particulier,  mais  tout 
prophète  envoyé  de  la  part  de  Dieu,  comme 
le  prétendent  les  Juifs,  n'en  serait-ce  pas 
assez  pour  conclure  que  c'est  Dieu  qui  les 
punit  de  leur  incréduhté  à  l'égard  de  Jésus, 
et  qu'il  continueia  de  les  punir  tant  qu'ils 
persévéreront  dans  leur  obstination  ?  Nous 
avons  vuue  quellemanière  ils  l'ont  été  pour 
avoir  résisté  à  Jérémie;  soutiendront-ils  que 
Jésus-C  :rist  n'a  pas  prouvé  sa  qualité  de 
prophète  d'une  manière  plus  éclatante  que 
Jérémie? 

Les  Juifs  peuvent  apprendre  de  Josèphe 
due  Jean-Baptiste  était  un  prophète,  et  qu'il 
était  regardé  comme  tel  dans  toute  la  Judée 
{Antiq.  Jud.,  1.  xvni,  c.  7).  Or  il  a  déclaré 
que  Jésus  était  le  Messie,  le  jugedes  bons  et 
des  méchants,  prêt  à  récompenser  les  uns  et 
à  punir  les  autres  {Matlh.  m,  12).  Jésus  a 
donc  usé  de  son  droit  en  punissant  les  Juifs 
incrédules.  Mais  c'était  à  lui  d'annoncer  aux 
Juifs  leur  destinée  :  il  la  leur  a  clairement 
pré(hle  ;  il  leur  a  déclaré  que  le  sang  de 
tous  les  justes  et  des  prophètes,  versé  de- 
puis le  commencement  du   monde  jusqu'à 


70 


HES 


SES 


ftii 


lui,  retomber.iit  sur  eux,  que  UMir  terre 
demeurerait  déserte,  que  leur  temple  serait 
détruit,  qu'il  leur  arriverait  une  calamité  telle 
qu'il  n'y  en  a  point  eu  depuis  le  commence- 
mont  du  monde,  parce  qu'ils  n'ont  pas  vou- 
lu protit('rdesesavischaritatjl('S(ïl/f/«;/i.XKiir, 
35  et  suiv.  ;  xxir,  2,21.  etc.).  l.'accomnlis- 
sement  exact  de  celle  propliétic  suflit  (lour 
démontrer  qu'il  est  le  Messie.  L'entéteraont 
des  Juifs  c^t  (le  vouloir  que  Mo'ise  et  les 
anciens  projilièles  leur  aient  prédit  tout  ce 
qui  devait  leur  arriver  jusqu'à  la  fin  du 
monde;  il  n'en  est  rien  :  les  propliôtes  ont 
prédit  ce  (pii  devait  .irriver  à  leur  nation, 
jusq'i'à  1.1  venue  du  Messie,  et  ils  l'ont  annon- 
cé lui-même  comme  le  législaîenr,  le  docicur 
et  le  maître  que  les  Juifs  doivent  rcoider; 
toulc  autre  p.-i'diclion  aurait  été  inulile  et 
prématurée.  Çn  donc  éié  à  lui  de  prédi.èee 
qui  arriverait  dans  la  suite  des  siècles  ,  et  il 
l'a  fait  tant  pru-Uii  que  par  ses  apôtres.  Nous 
ne  cherchons  ])oint  à  pénétrer  les  desseins 
cachés  de  Dieu,  quand  nous  nous  en  rappor- 
tons à  ce  qu'il  a  dit  parla  bouche  Ou.M(s.fie. 

5°  f.'on  ne  se  persuadera  jamais,  disent 
les  Juifs,  que  le  Messie  ait  été  spécialement 
promis  piour  la  notion  juive,  et  que  les  fruits 
de  son  avènement  aient  été  transporlés  aux 
gentils  ;  c'est  supposer  que  Dieu  a  trompé 
les  Juifs,  et  qu'il  a  exécuté  ses  rromcsses 
tout  autrement  qu'il  ne  leur  avait  fait  entendre. 

lyponse.  Ce  n'est  pas  Dieu  qui  tiomjie  les 
Juifs,  ce  sont  eux  qui  s'.ivf  u,-;k'ni  eux-mêmes, 
et  (jiii  contredisent  leurs  propres  Ecritures. 
Dieu  avait  dii  <i  Ahraliam  -.Toutes  les  nations 
de  la  (erre  seront  bénies  en  vous  [Gen.  xu, 
3;  xvrii  Î6  ;  xxn,  18).  Cette  môme  promesse 
est  répétée  ù  Isaac,  c.  xwi,  v.  4,  et  à  Jacob, 
c.  xxMir,  V.  l'i.  De  quel  droit  les  Juifs  pré- 
tendont-ils  réserver  à  eux  seuls  ces  béné- 
dictions promises  à  toutes  les  nations?  A  la 
Térité,Dieudità  ces  troispatriarches:  Toutes 
les  nations  de  la  terre  seront  bénies  en  vous 
et  dans  votre  race,  ibid.  La  question  est  de 
savoir  si  le  mot  race  doits'entendre  detoute 
la  postérité,  ou  d'un  descendant  iiarticulier 
de  ces  patriarches.  Or,  il  est  absurde  de  l'en- 
tendre de  toute  leur  postérité  ;  il  faudrait  y 
conif-rendre  les  Madiauiles  nés  d'Abraham 
et  de  Célhura,  et  les  Iduméens  descendus 
de  Jacob  par  lisait  :  voilî»  ce  que  les  Juifs 
n'a'lmcftront  jamais.  Ont-ils  été  eux-mêmes 
une  iiafion  assez  fidèle  à  Dieu,  pour  qu'ils  se 
flattent  d'être  le  canal  des  bénédictions  pr  i- 
miscs  Ji  tons  les  peuples  de  la  terre.  Jacob 
nous  fait  entendre  le  contraire;  il  dit  que  ce 
sera  Venvoyé  de  Dieu  ou  le  Messie,  qui  ras- 
semblera les  nations  sous  ses  lois  {Gen.  lix, 
10).  Isaïe  dit  qu'il  rendra  la  justice  aux  na- 
tions, que  lespeu[ilos  des  îles  attendront  sa 
loi,  qu'il  fera  alliance  avec  les  peuples,  qu'il 
sera  la  lumière  îles  nations,  qu'il  sera  lau- 
teiir  de  leur  salut  jusqu'aux  extrémités  de 
la  terre  {Isai.  xlu,  I  et  6  ;  xlix,  6,  etc.  ). 
■Voilà  donc  h  race,  ou  le  descendant  des  pa- 
triarches, qui  répandi'a  sur  toutes  les  nations 
delà  terre  les  bénédictions  promises.  A  quel 
litre  les  Juifs  en  ont-ils  crmcu  de  la  jalousie, 
et  en  tireut-ils  un  i)retexte  pour  uiéconnai- 


(ro  le  Messie?  Moïse,  près  de  mourir,  le  leur 
avait  prédit  :  Ils  ont  provoqué  ma  colère,  dit 
le  Seigneur,  en  adoptant  de  faux  dieux,  et 
moi  j'exciterai  leur  jalousie,  en  adoptant  uii 
peuple  étrànf/er  et  une  nation  insensée  [Dent. 
xxxii,  21].  liieu  n'est  donc  arrivé  que  ce  que 
Dieu  avait  annoncé;  Jésus-Christ,  les  ajiO- 
trcs,  les  évangélistes,  n'ont  fait  que  suivre 
les  Ecritures  à  la  lettre,  lorsqu'ils  ont  dé- 
claré que  les  bénédictions  qiii  devaient  être 
répandues  par  le  3Iessie  seraient  départies 
aux  nations  plusabondammontipi'aux  Juifs, 
parce  que  ceux-ci  s'en  rendaient  indignes. 
Ils  s'obslineiit  à  supposer  que  les  promesses 
de  Dieu  sont  absolues,  n'exigent  de  la  part 
des  homrues  aucune  correspondance  libre 
et  volontaire.  Dieu  a  déclaré  le  contraire  par 
Jérémie,  c.  xviii,  v.  9  ;  et  par  Plzéchicl,  c. 
xxxni,  v.  13;  et  cela  est  p/ouvé  par  vingt 
exemiilcs.  Dieu  avait  promis  (jue  les  Juifs 
du  royaume  d'IsraiH  reviendraient  de  Baby- 
lone  ,  aussi  bien  que  ceux  du  royaume  de 
Juda  (Osée,  XI,  etc.)  ;  cependant  h  s  premiers 
n'en  revinrent  point,  parce  qu'ils  ne  le  vou- 
lurent pas.  Les  Juifs  mêmes  Conviennent  do 
cotte  grande  vérité,  puisqu'ils  disent  que 
Dieu  a  retardé  la  venue  du  Messiekcjuse  de 
leurs  pécl.és.  Si  Dieu  peut,  avec  justice,  re- 
tarder l'elfet  de  ses  iromesses  à  l'égard  de 
ceux  qui  lui  sont  infidèles,  il  peut, "par  la 
même  raison,  les  en  priver  et  les  transpor- 
ter à  d'autres. 

6°  D;cu,  disent-ils,  n'avait  pas  seulement 
promis  do  répandre  sur  n  is  pères  les  béné- 
dictions du  Messie,  s'ils  étaient  fidèles  ;  mais 
il  avait  promis  de  les  rendre  fidèles;  il  leur 
avait  dit  :  Je  vous  donnerai  un  nouvel  esprit 
et  un  nouveau  cœur;  je  mettrai  mon  esprit 
au  milieu  de  vous  ;  je  vous  ferai  marcher  se- 
lon mes  commandements,  observer  mes  ordon- 
nances et  exécuter  ma  loi  (  Ezech.,  xxxvi,  26  ; 
XI,  19;  Jérem.,  xxxi,  33,  etc.).  Si  Dieu  n'a 
jias  accompli  cette  promesse  après  la  capti- 
vité de  Banylone,  il  le  fera  donc  sous  le  rè- 
gne futur  du  Messie. 

Réponse.  Le  comble  de  l'aveuglement  des 
Juifs  est  de  s'en  prendre  à  Dieu  de  leur  in- 
fidélité volontaire,  et  de  se  tlutter  que,  sous 
le  règne  de  leur  prétendu  Messie,  Dieu  les 
convertira  par  miracle,  sans  qu'ils  puissent 
résister  à  l'opération  toute-puissante  de  sa 
grâce  :  et  maiheureusement  d'autres  raison- 
neurs n'ont  pas  moins  abusé  de  ce  passage 
que  les  Juifs  :  l'événement  aurait  ûù  détrom- 
per les  uns  et  les  autres.  Il  est  de  la  nature 
de  l'homme  d'être  libre,  et  s'il  ne  l'était  pas, 
il  ne  serait  pas  capable  de  mériter  ni  de  dé- 
mériter ;  la  vertu  et  le  vice  seraient  pour 
l'Iiomme  un  bonheur  ou  un  malheur,  et  non 
un  sujet  de  récompense  ou  de  chAtiment.  Il 
est  donc  aussi  de  la  nature  de  la  grûce  de 
laisser  à  l'homme  la  liberté  de  résister, 
parce  que  Dieu  ne  peut  pas,  sans  se  contre- 
dire, conduire  l'homme  d'une  manière  con- 
traire à  la  nature  qu'il  lui  a  donnée.  Lors- 
que Dieu  promet  à  l'homme  de  le  rendre  fl- 
dèle,  cela  signifie  donc  seulement  qu'il  lui 
donnera  tous  les  secours  dont  il  a  besoin 
pour  l'être  en  ell'et,s'il  n'y  résiste  pas,  comxiio 


7B1 


MET 


MET 


752 


il  est  toujours  libre  de  le  faire.  Tout  autre 
sens  serait  absurde  ,  puisqu'il  autoriserait 
l'homme  à  rejeter  sur  Dieu  la  perversité  de 
son  propre  cœur. 

La  q-iestion  est  donc  de  savoir,  si ,  lors- 
que Dieu  a  envoyé  le  Messie,  il  a  donné  aux 
Juifs  tous  les  secours  et  les  grâces  néces- 
saires pour  croire  en  lui.  Or,  il  l'a  fait,  puis- 
qu'un assez  grand  nombre  ont  cru  en  Jésus- 
Christ  ;  ce  divin  Maître  a  dit  aux  autres  : 
Si  vous  étiez  aveugles,  vous  n'auriez  point  de 
péché  {Joan.  ix,  k\).  Ils  étaient  donc  suffi- 
samment éclairés  par  la  grâce;  et  saint 
Etienne  leur  a  reproché  qu'ils  résistaient  au 
Saint-Esprit,  comme  avaient  fait  leurs  pères 
{Act.  VI,  51).  Yoy.  Gra.ce,  Liberté. 

MÉTAMORPHISTES,  ou  TRANSFORMA- 
TEURS, secte  d'hérétiques  du  xii*  siècle,  qui 
prétendaient  que  le  corps  de  Jésus-Christ , 
aumomentde  son  ascension,  avait  été  changé 
ou  transformé  en  Dieu.  On  dit  que  quelquis 
luthériens  ubiquitaires  ont  renouvelé  cette 
erreur. 

MÉTANGISMONITES ,  hérétiques  dont 
parle  saint  Augustin,  Hœr.  57.  Leur  nom  est 
formé  de  uetk  ,  dan?  ,  et  ày/sfi»,  vase ,  vais- 
seau; ils  disaient  que  le  Verbe  est  dans  son 
Père  comme  un  vaisseau  dans  un  autre.  Cette 
secte  a  pu  être  une  branche  des  aiiens. 

MÉTANOEA,  terme  grec  qui  signifie  rési- 
piscence ou  pénitence  ;  et  c'est  ainsi  que  les 
Grecs  nomment  le  quatrième  des  sept  sacre- 
ments. Mais  ils  ont  principalement  donné  ce 
nom  à  une  cérémonie  ou  pratique  de  péni- 
tence qui  consiste  à  se  pencher  fort  bas ,  et 
à  mettre  une  main  contre  terre  avant  de  se 
relever. .Les  confesseurs  leur  en  prescrivent 
ordinairement  un  certain  nombre,  en  leur 
donnant  j'absulution.  Quoique  les  Grecs  re- 
gardent ces  grandes  inclinations  du  corps 
comme  une  pratique  fort  agréable  à  Dieu , 
ils  condamnent  les  génufiexions,  et  préten- 
dent qu'on  ne  doit  adorer  Dieu  que  debout. 
Ils  ne  font  pas  attention  que  les  gestes  du 
corps  sont  par  eux-mêmes  très-indifférents, 
et  qu'ils  n'ont  point  d'autre  signification  que 
celle  qui  leur  est  attachée  par  l'usage.  Dans 
l'Occident,  se  découvrir  la  tête  est  une  mar- 
que de  respect;  dans  l'Orient,  c'en  est  une 
de  se  déchaussir,  et  d'avoir  les  pieds  nus. 
Lorsque  Moise  voulut  s'approcher  du  buis- 
son ardent,  Dieu  lui  cria  :  Déchausse-toi,  la 
terre  due  tu  foules  aux  pieds  est  une  terre 
sainte\Exod.  ui,  5).  11  exigea  de  lui  la  mar- 
que de  respect  qui  était  en  usage  pour  lors. 
11  est  évident  que  se  mettre  à  genoux  ou 
se  prosterner  est  un  signe  d'humiliation  , 
par  conséquent  d'adoration  ;  lorsque  Moïse 
annonça  aux  Israélites  ce  que  Dieu  lui  avait 
ordonné  ,  ils  se  prosternèrent  pour  adorer 
Dieu  [Ib.  IV,  31). 

I  MÉTAPHYSIQUE. Quoique  cet  articlenous 
soit  étranger,  nous  sommes  obligés  de  ré- 
pondre à  un  reproche  que  l'on  a  sou  vent  fait 
aux  théologiens ,  d'en  faire  voir  l'inconsé- 
quence et  l'absurdité.  On  demande  pour- 
quoi mêler  des  discussions  métaphysiques  à 
lu  théologie  ,  qui  doit  être  uniquement  fon- 
dée sur  la  révélation?  Parce  que,  dès  l'ori- 


gine du  christianisme,  les  philosophes,  au- 
teurs des  hérésies,  se  sont  servis  de  la  mé- 
taphysique pour  attaquer  les  dogmes  révélés, 
et  parce  que  les  incrédules  ,  leurs  succes- 
seurs, font  encore  aujourd'hui  de  même.  Les 
Pères  de  l'Eglise  et  h  s  théologiens  ont  donc 
été  forcés  de  faire  voir  que  la  métaphysique 
de  ces  philosophes  était  fausse,  de  se  servir 
de  toute  la  précision  du  langage  d'une  saine 
métaphysique,  cour  exposer  et  développer  les 
dogmes  de  la  loi ,  et  pour  les  mettre  à  cou- 
vert des  sopinsmes  que  l'on  y  opposait.  Cet 
abus  prétendu  que  l'on  attribue  très-mal  à 
propos  aux  se  il.fStiques  ,  vient  dans  le  fond 
des  artifices  et  de  l'opiniâtreté  des  ennemis 
de  la  révélation.  Pourquoi  les  incrédules  mo- 
dernes se  sont-ils  appliqués  à  déprimer  la 
métaphysique?  Parce  qu'elle  fournit  des  ar- 
guments invincibles  contre  eux.  Eux-mêmes 
ne  peuvent  attaquer  ni  établir  aucun  sys- 
tème que  par  des  arguments  métaphysiques. 
Pour  combattre  l'existence  de  Dieu ,  es 
athées  soutiennent  que  les  attributs  qu'on 
lui  prête  sont  incompatibles  ;  d'autre  côté,  il 
s'agit.de  savoir  si  la  matière  qu'ils  mettent 
à  la  place  do  Dieu  est  susceptible  des  attri- 
buts qu  ils  lui  supposent,  si  elle  est  capable 
de  penser  dans  l'homme  ,  d'être  le  principe 
de  ses  mouvements  et  de  ses  actions ,  etc. 
Voilà  des  discussions  très  -  métaphysiques. 
Les  déistes  ne  peuvent  prouver  l'existence 
et  l'unité  de  Dieu  que  par  les  notions  de 
cause  première,  d'être  nécessaire,  d'ordre, 
d'intelligence,  de  nécessité  ,  de  hasard  ,  de 
cause  finale,  etc.  La  grande  question  de  l'o- 
rigine du  mal  ne  peut  être  éclaircie  qu'en 
donnant  une  idée  nette  de  ce  que  l'on  nomme 
bien  et  mal,  qu'en  montrant  la  différence  es- 
sentielle qu'il  y  a  entre  la  bonté  ioinle  à  une 
l)uissance  infinie  ,  et  la  ôonfe  jointe  à  une 
Jouissance  bornée.  Ce  n'est  certainement  pas 
la  physique  qui  débrouillera  toutes  ces  ques- 
tions. Nous  est-il  défendu  de  nous  servir, 
pour  repousser  nos  ennemis,  des  mômes  ar- 
mes dont  ils  se  servent  pour  nous  attaquer, 
d'opposer  une  métaphysique  exacte  et  sulide 
à  des  notions  fausses  et  trompeuses  ?  Les 
hérétiques  anciens  et  modernes,  ariens,  pro- 
testants, sociniens  et  autres,  ne  sont  pas  de 
meilleure  foi.  D'un  côté,  ils  voudraient  que 
les  dogmes  de  la  foi  fussent  énoncés  dans 
le  langage  simple  et  populaire,  comme  ils 
l'ont  été  par  les  écrivains  de  l'Ancien  et  du 
Nouveau  Testament;  de  l'autre,  ils  s'etfor- 
cent  de  prouver  que  ce  langage  ne  s'accorde 
pas  avec  la  vraie  métaphysique,  et  qu'd  n'est 
pas  possible  de  le  prendre  à  la  lettre.  Ils  ont 
attaqué  le  dogme  du  [)éché  originel  par  de 
prétendus  principes  de  justice  et  d'équité; 
le  mystère  de  l'Incarnation ,  par  de  fausses 
notions  de  ce  que  nous  appelons  nature  et 
pei sonne;  celui  de  l'eucharistie,  par  une 
explication  captieuse  des  mots  substance,  ac- 
cidents, étendue,  matière,  corps,  etc.  Oii  en 
seraient  les  théologiens  catholiques ,  s'ils 
n'étaient  pas  meilleurs  métaphysiciens  que 
leurs  adversaires? 

Il  en  est  de  môme  de  la  dialectique;  si  un 
théologien  n'était  pas  aguerri  à  toutes  les 


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ruses  des  sophistes  ,  il  ne  serait  pas  en  état 
de  les  réfuter  avec  tout  ravanta;j;e  que  peut 
avoiruno  logique  ferme  et  toujours  d'accord 
avec  ello-méme  ,  sur  une  dialectique  fausse 
et  qui  no  chcrcho  qu'à  faire  illusion.  Ce  n'est 
donc  ni  par  goût,  ni  par  habitude,  ni  par  un 
reste  d'aitacheiuent  M'ancien  usage,  que  les 
théologiens  cultivent  ces  deux  sciences;  elles 
leur  seront  absolument  nécessaires  tant  que 
la  religion  aura  des  ennemis ,  et  il  est  pré- 
dit qu'elle  en  aura  jusqu'à  la  tin  des  siè- 
cles (1). 

(1)  <  La  métaphysique,  dit  M.  Laurentie,  qui  n'est 
point  éciaiice  par  la  foi,  n'est  tprune  science  vainu 
et  ténébreuse.  L'intelligtMicc  de  l'honuiic  se  perd  dans 
ses  secreis,  et  aucun  moyen  ne  lui  reste  de  se  re- 
connaître parmi  des  oliscurilcs  si  profondes.  Pour 
l'arrêter,  il  suifirait  de  lui  proposer  celte  question  : 
Y  a-t-il  quelque  chcise?  Sa  raison  orgueilleuse  aurait 
beau  s'agilei',  s'épuiser  et  s'irriter,  toujours  elle  vien- 
drait expirer  sur  rette  question  insoluble  pour  le 
philosophe (|ui  no  s'en  laiipiirle  qu'a  lui  seul.  «  La 
qiu'stion  pourquoi  il  existe  quehpie  chose,  dit  un 
■philosophe,  est  la  plus  enibairassanle  que  la  philo- 
sophie puisse  se  proposer,  et  il  n'y  a  que  la  révélation 
qui  y  réponde.  >  (Penst'es  sur  l'iuierpr:  talion  de  Ici 
nature,  ii.  58,  pag.  di.)  Et  toutes  les  (piestions  que 
peut  se  proposer  encore  la  philosophie,  après  celle- 
ci,  olTrent  les  mêmes  diliicultés.  La  philosophie,  en 
cflêl ,  ne  donne  la  raison  d'aucune  chose,  et  il  faut 
toujours  qu'elle  monte  jusqu'à  Dieu  pour  y  trouver  le 
secret  des  êtres. 

t  La  métaphysique,  comme  la  logiiiue,  a  ses  axio- 
mes pour  appuyer  la  suite  de  ses  raisonnements;  si 
elle  veut  montrer  les  causes  des  êtres,  elle  pose  en 
principe,  dans  les  éodes,  ces  propositions  :  Ab  actit 
ad  passe  viilit  consecutin,  seil  mm  vice  versa.  Possibili 
posiio,  in  aclu  iiihil  seqnitur  al'surdi,  etc.  Mais  quelle 
que  soit  la  vérité  de  ces  axiomes,  (pielle  que  soit 
même  la  vérité  des  conséquences  (pi'on  en  déduit,  ou 
voit  bien  que  leur  certilude  pliilosoplii(iue  ne  repose 
pas  en  eux-mêmes,  et  qu'elle  suppose  toujours  anlé- 
rieurcnieut  une  raison  de  les  adopter  connue  vrais, 
et  par  conséquent  des  vérités  \>liilosophi(pies  tjui  lem- 
soient  anlécedenles.  Que  servirait  de  dire,  en  ellét, 
ab  aclu  ad  passe  vilet  coiiseculii,  si  déjà  on  n'admet- 
tait un  élre  agissant  ?  On  suppose  donc  l'être  ])our  lu 
prouver.  Chose  ab^u^le  en  philosophie,  même  lors- 
qu'elle se  rencontre  dans  des  axiomes  dont  nul  ne 
conteste  la  vérité. 

«  D'ailleurs,  cpielle  conséquence  philosophique  y 
a-t-il  à  tirer  de  ces  axiomes,  pour  établir  la  verilé  tl<"s 
êtres'?  Yoici  un  philosophe  ingénieux,  et  c'est  un 
athlète  armé  contre  l'aUiéismc  (Berkeley),  qui  fait 
des  livres  pour  montier  non  pas  (ju'il  n'y  a  pas  de 
corps,  ainsi  (pion  h'  léprie  dans  tontes  les  philuso- 
phies,  mais  que  la  philosophie  ne  saurait  doiiiier  au- 
cune preuve  tirée  uni(pieuient  d'elle-même,  ([u'il  y 
ail  des  corps;  chose  tout  à  tait  différente.  Fenelun 
l'avait  déjà  dit  :  <  Uien  n'est  plus  facile  que  d'em- 
barrasser un  liomme  de  bon  sens  sur  la  vériti!'  de 
son  propre  corps,  quoiqu'il  lui  soit  impossible  d'où 
douler  sérieusement.  >  {Lelties>,ur  la  /!f7if(ioH.)(1uclle 
ressource  en  effet  trouve-i-ou  contre  une  telle  diffi- 
culté, dans  les  axiomes  de  la  méiaphysiipie'.'  Toutes 
les  subtilités  du  momie  ne  créeront  pas,  avec  ces 
axiomes,  un  syllogisme  où  l'existence  des  corps,  (pie 
l'on  veut  prouver,  ne  soit  d'aliurd  présupposée.  Or, 
cette  impuissance  de  prouver  l'existence  des  corps 
par  de  purs  argumenis  niétaphy>iques ,  n'est  pas, 
comme  on  l'imagine  dans  les  écoles,  une  chose  indif- 
fé-'ente  pour  1  alheisiue.  Quoi  !  l'athée,  cet  esprit 
su|)erbe  qui  se  conlie  si  téméraireuieiit  à  sa  raison, 
ne  peut  point  prouver  son  être  par  la  raison  !  quoi  ! 
ton  corps,  celte  matière  à  laquelle  il  borne  son  être, 


MÉTEMPSYCOSE,  MÉTEMPSYCOSISTES. 

Voy.   TRANSMKînATION  DES  AMES. 

MÉTHODISTES.  C'est  le  nom  que  les  pro- 
testants ont  donné  aux  controversistes  fran- 
çais, parce  que  ceux-ci  ont  suivi  différentes 
méthodes  pour  attaquer  le  protestantisme. 
Voici  l'idée  qu'en  adonnée  Mosheim,  savant 
luthérien  ,  dans  son  Hist.  eccL,  sœc.  xvii , 
sect.  2,  part.  2,  c.  1,  §  15.  On  peut ,  dit-il, 
réduire  ces  méthodistes  à  deux  classes.  Ceux 
do  la  preruière  imposaient  aux  protestants, 
dans  la  dispute ,  des  lois  injustes  et  dérai- 

lui  est  un  mystère  inexplicable  !  Oserait-il,  après 
cela,  ouvrir  encore  la  bouche?  Que  dira-t-il'?  il  ne 
peut  rien  démontrer  par  sa  raison  :  une  seule  pa- 
role l'arrête  dans  ses  systèmes  ;  et  le  plus  faible  de 
ses  adversaires  le  réduit  à  l'impuissance  de  rien  éta- 
blir, pas  même  son  existence,  par  la  philosophie  ! 
Comment  ne  voit-on  pas  bien  celte  misère  désespé- 
ranie  de  l'alliée  ?  et  comment,  pour  le  confondre  et 
l'accabler,  pense-t-on  encore  à  se  mettre  dans  la  po- 
siii(ni  philosophique  où  il  est  lui-même,  lorsqu'il  est 
si  facile  de  l'abattre,  en  le  laissant  seul  et  désarmé 
dans  ce  triste  et  abject  isolement  où  il  réduit  lui- 
même  sa  raison  ? 

«  La  même  impuissance  du  philosopne  se  fait  sen- 
tir sur  toutes  les  questions  de  métaphysique  géné- 
rale; et  cette  impuissance,  il  faut  en  convenir,  est 
une  grande  leçon  donnée  a  la  raison  humaine.  La 
philosophie  traite  de  l'essence  des  êtres,  elle  examine 
péniblement  ce  qui  constitue  leur  nalure,  et  si  celte 
nature  leur  est  tellement  propre  ipi'elle  ne  puisse 
pas  être  allérée  sans  que  les  eues  perdent  leur  es- 
sence. Elle  examine  encore  les  propriétés  absolues 
et  les  propriétés  relatives  des  êtres  ;  elle  examine 
leur  possibiliié,  leur  vérité,  leur  identité  ;  elle  dis- 
tingue l'être  créé  et  l'être  incréé,  le  Uni  el  l'infini, 
l'elfet  et  la  cause.  .Mais  en  toutes  ces  questions,  qui 
met  fin  aux  incertitudes  el  aux  obscurités  de  la  rai- 
son '!  La  raison  ne  sait  pas  d'elle-même  ce  que  c'e.st 
(pie  l'être,  comment  donc  en  comprend-elle  l'essence 
et  la  vérité  '.'  elle  ne  peut  pas  même  démontrer  par 
(les  arguments  purement  pbilosopbiipies  l'identité  de 
l'être.  L'homme  n'a  en  soi  aucun  moiirphilosophique 
d'aflirnier  (pi'il  est  le  même  être  aujourd'hui  (pi'hier, 
demain  ([u'aujourd'hui.  Sait-il  mieux  par  la  raison  ce 
que  c'est  que  l'être  créé  et  l'être  incréé '.'  comprend- 
il  lin  être  ([ui  n'est  que  possible,  c'est-à-dire  un  être 
qui  n'est  pas '?  Compremî-il  la  cause  de  l'être,  et  eu 
comprend-il  l'effet'?  et  lorsqu'il  établit  ces  axiomes 
métaphysiques  :  L:i  cause  est  avmtt  l'effet,  nul  effet 
sans  caiise,  est-il  sûr  de  distinguer  l'une  et  l'autre, 
et  de  savoir  toujours  philosophiiiuement  qu'est-ce 
qui  est  cause,  qu'est-ce  qui  est  efl'et''  Sait-il  enlin  ce 
«pie  c'est  que  le  fini  et  l'infini'?  La  raison  a-t-elle 
percé  d'elle-même  tout  ce  mystère  ?  a-l-elle  un 
moyen  logique  de  le  mettre  à  la  portée  de  toutes  les 
inlélligciices  capables  de  raisonnement  ?  Quiconque  a 
conservé  au  milieu  des  recherches  vagues  et  profon- 
des de  la  métaphysique  un  peu  de  ce  calme  qui  em- 
pêche l'homme  de  s'étourdir  et  de  s'aveugler,  avouera 
cl  publiera  que  tout  cela  est  mysti'rieiix  ;  que  toutes 
ces  questions  étonnent  et  conriuident  la  raison, 
et  que  d'elle-même  elle  est  impuissante  pou"  les 
résoudre. 

«  Quoi!  n'y  a-l-il  donc  rien  de  cerlain  sur  l'être? 
Qui  l'osera  dire?  Il  n'y  a  rien  de  cerlain  pbilosopbi- 
que:nei!t  sur  l'être  pour  l'athée,  ou  simplement  pour 
le  philosophe  qui  veut  expliquer  l'être  par  sa  propre 
raison.  Mais,  dans  nos  doctrines  philosophiques, 
l'hoinme  n'est  jamais  réduit  ..  la  triste  coiidition  de 
vouloir  tiouver  en  soi  la  rais(jn  de  louies  choses. 
Nuire  philosophe  est  un  homme  social,  il  trouve  sa 
certilude  autour  de  lui  ;  la  raison  universelle  des 
hommes  éclaire  la  sienne  et  la  fortifie.  C'est  d'abord 


m 


MET 


sonnables.  De  ce  nombre  a  été  l'ex-jésuite 
François  Véron,  curé  de  Charenton,  qui  exi- 
geait de  ses  adversaires  qu'ils  prouvassent 

à  l'aide  de  cette  raison,  à  laquelle  il  participe  par 
des  croyances  communes,  qu'il  renverse  et  liuniilie 
la  raison  particulière  du  pliilosophe  icuiéraire  qui 
croit  pouvoir  rompre  la  société  des  intelligences, 
pour  se  livrer  à  son  propre  esprit.  La  logique  a  mon- 
tré comment  cette  lutte  devenait  toujours  un  triom- 
phe pour  la  vérité;  mais  c'est  poni  encore.  Cette  ma- 
nière de  considéi  er  l'homme  par  rapport  à  la  société, 
lui  crée  des  avantages  de  raisonnement  contre  les- 
quels tous  les  sophismes  métaphysiques  viennent  se 
briser. 

i  En  effet,  qu'est-ce  qui  manque  à  la  raison  par- 
ticulière de  l'honime  pour  appuyer  ses  recherches 
philosopiiiques  ?  Un  premier  motif  de  certitude  sur 
lequel  repose  toute  la  suite  des  raisonnements.  Or, 
quel  est  ce  premier  motif  de  certitude  qui  manque  à 
la  raison  qui  veut  tout  démontrer  ?  Evidemment 
c'est  Dieu  lui-même.  Tant  que  Dieu  n'est  pas  mis  en 
tète  des  vérités  métaphysiques,  il  n'y  a  rien  qui 
puisse  être  démontré  philosophiquement  ;  l'homme 
tourne  perpétuellement  dans  un  cercle  vicieux,  sans 
jamais  atteindre  une  première  vérité  à  laquelle  reste 
lixée  la  chaîne  de  toutes  les  autres  vérités.  Ainsi  il 
démontre  la  certitude  par  la  certitude,  et  l'être  par 
la  certitude  de  l'être,  sans  jamais  venir  à  bout  de 
montrer  pourquoi  il  est  certain  que  cette  certitude 
est  réelle,  pourquoi  même  il  croit  qu'il  est  certain 
de  quelque  chose.  Le  philosophe  qui  n'est  point 
athée  fait  bien  tous  ses  efforts  pour  faire  arriver 
Dieu,  mais  toujours  par  la  simple  raison,  à  la  tête 
des  démonstrations  métaphysiques  ;  car  il  sent 
qu'une  fois  cette  première  vérité  posée,  la  certitude 
de  toutes  les  autres  se  déioule  d'elle-même.  Mais 
l'erreur,  l'irrémédiable  erreur  du  pliilo-.ophe,  c'est 
de  vouloir  encore  démontrer  d'abord  cette  première 
vérité  par  sa  raison;  et  ainsi  il  reto:iibe  dans  ses 
éternelles  pétitions  de  principes,  ainsi  il  met  une 
preniiere  véiilé,  qui  est  sa  raison,  avant  la  pre- 
mière vérité,  qui  est  Dieu  ;  ainsi  il  reste  toujours 
dans  l'impuissance  invincible  de  rien  démontrer 
philosophiquement  ;  et  telle  est  la  conséquence  ri- 
goureuse de  toute  philosophie  qui  enseigne  à  Thora- 
me  à  chercher  en  lui  la  raison  de  toutes  choses,  et 
la  raison  même  de  sa  certitude. 

I  Voyez  combien  est  différente  la  condition  du 
philosophe  qui  ne  se  sépare  point  de  la  société  qui 
lui  transmet  ses  notions.  Pour  lui.  Dieu  se  montre 
de  toutes  parts,  non  pas  comme  une  vérité  philoso- 
phique démontrée  premièrement  par  la  raison,  mais 
comme  un  être  qui  remplit  le  monde,  comme  une 
vérité  universelle,  comme  une  lumière  qui  est  mani- 
festée à  toute  intelligence  venant  au  monde,  et  dont 
nul  ne  peut  s'empêcher  de  voir  l'éblouissante  clarté. 
Or,  l'homme  social  qui  commence  par  croire,  et  non 
point  par  raisonner,  ayant  une  fois  reçu  par  la  foi 
cette  première  vérité  de  l'être  de  Dieu,  y  trouve  na- 
turellement le  moyen  d'échàrer  toutes  les  questions 
de  la  métaphysique  ;  sa  raison  n'a  plus  de  mystère  à 
redouter,  tout  se  découvre,  et  la  certitude  philoso- 
phique commence  à  ce  point  fi.ve,  que  l'homme  trou- 
ve hors  de  sa  raison.  Chose  merveilleuse  !  la  raison 
commence  par  s'abaisser,  mais  c'est  pour  s'élever 
ensuite  ;  elle  n'est  même  la  raison  que  parce  qu'elle 
se  soumet;  dès  qu'elle  est  rebelle,  elle  devient  incer- 
taine, elle  s'égare  dans  ses  recherches,  elle  abandon- 
ne les  notions  communes  aux  autres  intelligences, 
c'est-à-dire  elle  rompt  leur  société,  et  elle  expire 
dans  ses  doutes  et  dans  sa  solitude. 

c  Nous  disons  que  Dieu  étant  une  fois  mis  en  tète 
4es  vérités,  tout  l'être  s'explique.  Alors  la  raison, 
pour  la  première  fois,  peut  savoir  ce  que  c'est  qu'elfe 
et  n'être  pas  ;  ce  que  c'est  que  cause  et  effet,  infini 
f  l  lini,  puissance  et  action  de  l'être  ;  alors,  pour  la 


MET  7ja 

tous  les  articles  de  leur  croyance  par  des 
passages  clairs  et  formels  de  l'Ecriture 
sainte ,  et  qui  leur  interdisait  mal  à  propos 

première  fois,  les  axiomes  de  la  métaphysique  reçoi- 
vent une  certitude  philosophique,  et  leurs  conséquen- 
ces se  montrent  avec  une  vérité  de  logique  qu'aucune 
raison  ne  peut  plus  renverser.  Le  philosophe  dit 
peut-être  :  Vous  supposez  Dieu  ;  donc  toute  la  suite 
de  vos  raisonnements  tombe  avec  cette'  supposition. 
Nous  supposons  Dieu,  comme  nous  supposons  le  so- 
leil. Est-ce  là  une  supposilio.i  ?  Dieu  est  le  soleil  des 
intelligences;  le  philosophe  dit-il  que  l'homme  qui 
jouit  de  la  lumière  céleste  aurait  besoin  d'une  rai- 
son philosophique  pour  affirmer  qu'il  en  jouit  en  ef- 
fet ?  Le  monde  voit  le  soleil  se  lever  cha([ue  matin  à 
l'aurore,  et  se  coucher  le  soir  pour  faire  place  aux 
nuits.  Faut-il  au  monde  des  démonslraiions  pour 
s'assurer  de  cette  marche  toujours  nouvelle  et  tou- 
jours la  même  '.'  Le  monde  voit  aussi  do  toutes  parts 
la  lumière  d'une  intelligence  suprême  qui  éclaire 
tous  les  êtres  pensants.  Le  monde  pourrait-il  ne  pas 
voir  cette  clarté  resplendissante?  Et  quand  il  fer- 
merait les  yeux  de  sa  raison,  ne  saurait-il  pas  en- 
core malgré  lui  que  toutes  les  raisons  eu  sont 
éblouies  V  Or,  que  l'on  ne  considère  d'abord,  si  l'on 
veut,  l'existence  de  ce  soleil  intellectuel  que  comme 
un  fait  universel  que  des  démonstrations  logiques 
peuvent  ensuite  fortifier  dans  la  pensée  de  l'homme, 
toujours  est-il  manifeste  que  Dieu,  connu  à  l'iionime 
par  cette  première  et  solennelle  proclamation  de 
toutes  les  intelligences,  et  placé  ainsi  à  la  tête  de 
toutes  les  vérités  philosophiques,  est  le  premier  point 
fixe  auquel  reste  attachée  la  chaîne  de  ces  vérités. 

€  Voici  donc  comment  la  philosophie  chrétienne, 
c'est-à-dire  la  vraie  philosophie,  développe  hardiment 
son  système  métaphysique,  à  l'aide  de  ce  premier 
principe,  sans  craindre  d'être  jamais  arrêtée  dans  sa 
marche,  et  d'être  jetée  dans  les  incertitudes  de  la 
philosophie  qui  cherche  en  soi  un  premier  principe 
.semblable  et  un  fondement  semblable  de  ccrliliide. 
Dieu,  d'abord,  lui  est  révélé  tout  entier;  et  voici 
commeul  elle  li;  voit  appajaître avec  sa  lumière  dans 
le  monde  inteltecluel. 

t  De  toute  éternité  Dieu  est,  Dieu  est  parfait, 
«  Dieu  est  heureux.  Dieu  est  un.  L'impie  demande  : 
«  Pourquoi  Dieu  est- il?  Je  lui  réponds  :  Pourquoi 
«  Dieu  ne  serait-il  pas?  est-ce  à  cause  qu'il  est  par- 

<  fait? et  la  perlèction  est-elle  un  obstacle  à  l'être? 
«  Erreur  insensée  !  au  contraire,  la  perfection  est  la 
«  raison  d'être.  Pourquoi  l'imparfait  serait-il,  et  le 
«  parfait  ne  serait-il  pas  ?  c'est-à-dire  pourquoi  ce 
«  qui  tient  plus  du  néant  serait-il,  et  que  ce   qui 

<  n'en  tient  rien  du  tout  ne  serait-il  pas?  Qu'appelle- 
«  t-on  parfait  ?  Un  être  à  qui  rien  ne  man(|ue.  Qu'ap- 

<  pelle-l-on  imparfait  ?  Un  être  à  qui  quelque  chose 
«  manque.  Pourquoi  l'être  à  qui  rien  ne  manque  ne 
I  serait-il  pas,  plutôt  que  l'être  à  qui  quelque  chose 
«  manque  ?  D'où  vient  que  quelque  chose  est,  et 
t  qu'il  ne  se  peut  pas  faire  que  le  rien  soit,  si  ce 
«  n'est  parce  que  l'être  vaut  mieux  que   le  rien,  et 

<  que  le  rien  ne  peut  pas  prévaloir  sur  l'être,  ni 
«  empêcher  l'être  d'être?  Mais,  par  la  même  raison, 

<  l'imparfait  ne  peut  valoir  mieux  que  le  parfait,  ni 
«  être  plutôt  que  lui,  ni  l'empêcher  d'être.  Qui  peut 
«  donc  empêcher  que  Dieu  ne  soit  ?  et  pourquoi  le 
f  néant  de  Dieu,  que  l'impie  veut  iiiagincr  dont  son 
«  cœur  insensé  (Ps.  13,  v.  !),  pourquoi,  dis-je,  ce 
«  néant  de  Die»  l'emporterait-il  sur  l'être  de  Dieu  '! 
t  vaut-il  mieux  que  Dieu  ne  soit  pas  que  d'être  ?... 
I  (Bossuet,  1"  Elévation  sur  les  vitistères.)  On  dit  : 
I  Le  parfait  n'est  pas  ;  le  parfait  n'est  qu'une  idée  de 

<  notre  esprit,  (pii  va  s'élevant  de  l'imparfait  (|u'on 

<  voit  de  ses  yeux  jusqu'à  une  perfection  qoi  n'a  de 
I  réaliié  que  dans  la  pensée.  C'est  le  raisonnement 
f  que  l'impie  voudrait  faire  dans  son  cœur  insensé, 

<  qui  ite  songe  pas  que  le  parfait  est  le  premier,  et 


757 


lœir 


MET 


74» 


tout  raisonnement,  toute  conséquence,  toute 
espèce  d'argumentation.  11  a  (Hé  suivi  par 
Bertliole  Nihusius,  transfuge  du  protestan- 
tisme ;  par  les  frères  Wallembourg ,  et  par 
d'autres,  qui  ont  trouvé  qu'il  était  plus  aisé 
de  défendre  ce  qu'ils  possédaient  que  de  dé- 
montrer la  justice  de  leur  possession.  Ils 
laissaient  à  leurs  adversaires  toute  la  charge 
de  prouver,  alin  do  se  réserver  seulement  le 
soin  de  répoudre  et  de  repousser  les  preu- 
ves. Le  cardinal  do  Kiclielieu  ,  et  d'autres  , 
voulaient  qu'on  laissAt  de  côté  les  plaintes 
et  les  reproches  des  protestants,  qu'on  ré- 
duisît toute  la  dispute  à  la  question  de  l'E- 
glise ,  que  l'on  se  contentût  de  prouver  son 
autorité  divine  par  des  raisons  évidentes  et 
sans  réplique.  Ceux  de  la  seconde  classe  ont 
pensé  que  ,  pour  abréger  la  contestation  ,  il 
fallait  opposer  aux  protestants  des  raisons 
générales  que  l'on  nomme  préjugés ,  et  que 
cela  suffisait  pour  détruire  toutes  leurs  pré- 
tentions. C'est  la  mélhoile  qu'a  suivie  Nicole, 
dans  ses  Prcjucjés  léiiHimcs  contre  les  calvi- 
nistes. Après  lui ,  plusieurs  ont  été  d'avis 
3u'un  seul  de  ces  arguments,  bien  poussé  et 
évcloiipé,  était  assez  fort  pour  démontrer 
l'abus  et  la  nullité  de  la  réforme.  Les  uns 
lui  ont  opposé  le  droit  de  prescription  ;  les 
autres,  les  vices  et  le  défaut  de  mission  des 
réformateurs;  quelques-uns  se  sont  bornés 
à  prouver  que  cet  ouvrage  était  un  vrai 
schisme,  par  conséquent  le  plus  grand  de 
tous  les  crimes.  Celui  qui  s'est  le  plus  dis- 
tingué dans  la  foule  des  controversistes,  par 
son  esprit  et  par  son  éloquence ,  est  Bos- 
suet  ;  il  a  entrepris  de  prouver  que  la  so- 
ciété formée  par  Luiher  est  une  Eglise  fausse, 
en  mettant  au  jour  l'inconslance  des  opi- 
nions de  ses  docteurs ,  et  la  multitude  des 


«  cil  soi,  et  dans  nos  idées;  et  que  l'imparfait  en 
«  toutes  façons  n'est  ((u'une  dégradation.  Dis-moi, 
«  mon  àiue,  connuenl  cnlends-lu  le  néant,  sinon 
«  par  l'élre?  coiumcnt  entends-tu  la  privation,  si  ce 

<  n'est  par  la  forme  dont  elle  prive.  Comment  l'iin- 
«  perl'ceiion,  si  ce  n'est  par  la  perfection  dont  elle 
(  déclioil?  Mon  àme,  n'enlends-tii  pas  que  tu  as  une 
«  raison,  mais  imparfaite,  pnis(iu'ellc  ignoie,  qu'elle 
«  doute,  qu'elle  erre  et  ((u'elle  se  trompe  ?  Mais  coni- 

<  nient  eiilenda-lu  l'erreur,  si  ce  n'est  coninic  pri- 
I   vation  de  la  vérité  ;  et  comment  le  doute  ou  l'ob- 

<  scurilé,  si  ce  n'est  comme  privation  de  l'inlelligen- 
(  ce  et  de  la  Imiiièie  ;  ou  conimeut  enlin  l'ignorance, 
I  si  ce  n'est  comme  privation  du  savoir  parfait'? 
«  comment  dans  la  volonté,   le  déiéglement   et  le 

<  vice,  si  ce  n'est  comme  privation  de  la  règle,  de  la 
f  droituie  et  de  la  vertu  'Ml  y  a  donc  primitivement 
I  une  intelligeuce,  une  science  certaine,  une  vérité, 

<  une  inllexibilitc  dans  le  bien,  une  règle,  un  ordre, 
I  avant  qu'il  y  ait  une  décbéance  de  toutes  ces  cho- 

<  ses;  en  un  mot,  il  y  a  une  perfection  avant  qu'il  y 
I  ait  un    défaut;   a\anl    tout  dérèglement,  il   faut 

<  qu'il  y  ait  une  chose  qui  est  elle-même  sa  règle, 
I  et  qui,  ne  pouvant  se  quitter  soi-même,  ne  peut 
(  non  plus  m  faillir  ni  dolaillir.  Voil:'»  donc  un  être 
f  parlait;  voilà  Dieu,  nature  parfaite  et  heureuse. 
«  Le  reste  est  incompréhensible,  et  nous  ne  pou- 
€  vous  même  pas  compiendie  jusqu'où  il  est  parfait 
«  et  heureux,  pas  même  jusqu'à  (jnel  point  il  est  inr 

<  compréhensible.  >  (Bossuct,  11'  Etév.) — Extrait 
i]e  {'liiirodiciiou  nia  philosephie,  etc.,  par  M.  Lau- 
reniie,  irpari.,  cb.  }J. 


variations  survenues  dans  sa  doctrine  ;  de 
démontrer,  au  contraire  ,  l'autorité  et  la  di- 
virnté  de  l'Eglise  romaine ,  par  sa  constance 
à  enseigner  les  mêmes  dogmes  dans  tous  les 
teuips.  Ce  i>rocédé  ,  dit  Mosheim,  est  forte- 
tement  étonnant  de  la  part  d'un  savant,  sur- 
tout d'un  Français  ,  qui  n'a  pas  pu  ignorer 
que ,  selon  les  écrivains  de  sa  nation ,  les 
papes  ont  toujours  très -bien  su  s'accom- 
moder aux  temps  et  aux  circonstances ,  et 
que  Rome  moderne  ne  ressemble  pas  plus 
à  l'ancienne  que  le  plomb  ne  ressemble  à 
l'or. 

Tous  ces  travaux  des  défenseurs  de  l'E- 
glise romaine,  continue  le  savant  luthérien, 
ont  donné  plus  d'embarras  aux  [irotestauts 
qu'ils  n'ont  procuré  d'avantage  aux  catholi- 
ques. A  la  vérité,  plusieurs  princes  et  quel- 
ques hommes  instruits  se  sont  laissé  ébran- 
ler, et  sont  rentrés  dans  l'Eglise  que  leurs 
pères  avaient  quittée  ;  mais  leur  exemple 
n'a  entraîné  aucun  peuple  ni  aucune  pro- 
vince. Ensuite,  après  avoir  fait  l'énuméra- 
tion  des  plus  illustres  convertis,  soit  parmi 
les  princes,  soit  parmi  les  savants,  il  dit  que 
si  l'on  excepte  ceux  qui  ont  été  poussés  à 
ce  changement  par  des  revers  domestiques, 
))ar  lambitiou  d'augmenter  leur  dignité  et 
leur  forlune,  par  légèreté  ou  par  faiblesse 
d'esprit,  ou  par  d'autres  causes  aussi  peu 
louables,  le  nombre  se  trouvera  réduit  à  si 
peu  de  chose,  qu'il  n'y  aura  pas  lieu  d'être 
jaloux  d(  s  acquisitions  faites  par  les  catho- 
liques. 

Nous  ne  pouvons  nous  dispenser  de  faire 
quehjues  réflexions  sur  ce  tableau.  1°  Dès 
que  les  protestants  ont  posé  pour  principe 
et  pour  fondement  de  leur  réforme,  q^ue  l'E- 
criture sainte  est  la  seule  règle  de  loi,  que 
c'est  par  elle  seule  qu'il  faut  décider  toutes 
les  questions  et  terminer  toutes  les  di.spules, 
oiî  est  l'injustice  ,  de  la  part  des  théo- 
logiens catlioliques,  de  les  prendre  au  mot, 
et  d'exiger  qu'ils  prouvent  tous  les  articles 
de  leur  doctrine  par  des  passages  clairs  et 
formels  de  l'Ecriture  '?  Prétendent-ils  ensei- 
gner sans  règle,  et  dogmatiser  sans  princi- 
pes'? Ils  ont  eux-mêmes  imposé  celte  loi 
aux  catholiques,  et  ceux-ci  l'ont  subie;  en- 
suite les  prolestants  la  trouvent  troji  dure, 
et  voudraient  s'en  exempter.  Ce  sont  eux 
qui  sont  venus  attaquer  l'Eglise  catholique, 
et  lui  disputer  une  possession  de  quinze 
siècles;  c'est  donc  à  eux  de  prouver  par 
l'Ecriture  que  cette  possession  est  illégi- 
time. —  2°  11  n'est  pas  vrai  qu'aucun  de  nos 
controversistes  ait  interdit  aux  prolestants 
tout  raisonnement  et  toutç  conséquence  ; 
mais  on  a  exigé  que  les  conséquences  fus- 
sent tirées  directement  de  passages  de  l'E- 
criture clairs  et  formels.  11  ne  l'est  pas  non 
plus  que  nos  controversistes  se  soient  bor- 
nés à  répoudre  aux  preuves  des  protestants. 
On  n'a  qu'à  ouvrir  la  Profession  de  foi  car- 
tholique  de  Véron,  l'on  verra  qu'il  prouve 
chacun  de  nos  dogmes  de  foi  par  des  textes 
formels  de  l'Ecriture  sainte.  Les  frères  de 
"Wallembourg  ont  fait  de  même;  mais  ils 
sout  a»lés  plus  loin.  Ils  ont  fait  voir  que  la  mé- 


T59 


MET 


MET 


760 


thode  de   l'Eglise  catholique   est  la  môme 
dont  elle  s'est   servie  dans  tous  les  siècles, 
et  qui  a  été  employée  par  les  Pères  de  l'E- 
glise   pour    [irouver  les  dogmes  de  foi  et 
réfuter   toutes    les  erreurs;   que  celle  des 
protestants  est  fautive,  et  justilie  toutes  les 
hérésies  sans  exception;  que  leur   distinc- 
tion entre  les  articles  fondamentaux   et  les 
non  fondamentaux ,    est  nulle  et  abusive  ; 
qu'ils  ont  lalsiûé  l'Ecriture  sainte,  soit  dans 
leurs  explications  arbitraires,  soit  dans  leurs 
versions  ;  et  il  le  prouve  en  comparant  leurs 
différentes  traductions  de  la  Bible;  que  non 
contents   de   cette    témérité  ,   ils    rejettent 
encore  tout  livre  de    l'Ecriture  sainte  qui 
leur    déplaît.    Ces   mêmes    controversistes 
prouvent  que  c'est  par  témoins  ou  par  la  tra- 
dition  que  le  sens  de   l'Ecriture  sainte  doit 
<^tro   fixe,    et.  que  les  articles  de  foi  doi- 
vent  être   décidés ,    et    qu'ils    ne   peuvent 
l'être  autrement.  C'est  après  tous    ces  préli- 
minaires qu'ils   opposent  aux  protestants  la 
voie  de  prescri|)tion,   et  des   préjugés  très- 
légitimes;  savoir,  le  défaut  de  mission  dans 
les  réformateurs,  le  schisme  dont  ils  se  sont 
rendus    coupables ,    la    nouveauté  de    leur 
doctrine ,   etc.   Us  ont  donc  prouvé  d'une 
manière  invincible,  non-seulement  la  pos- 
session de  l'Eglise  catholique,  mais  la  justice 
et  la  légitimité   de   cette  possession.  —  3° 
Puisque  les   protestants   ont  allégué,   pour 
motif  de  leur  schisme,  que  l'Eglise  romaine 
n'était  plus  la  véritable  Eglise   de   Jésus- 
Christ,  le  cardinal  de  Richelieu  n'a  pas  eu 
tort  de  prétendre  qu'en  prouvant  le  contraire 
on  sapait  la  réforme  par  le  fondement.  Sur 
ce  point,  comme   sur  tous  les    autres ,   nus 
adversaires  se  sont  très-mal  défendus;  ils 
ont  varié  dans  leur  système,  ils  ont  admis 
tantôt    une    Eglise   invisible  ,     tantôt    une 
Eglise  composée  de  toutes  les  sectes  chré- 
tiennes, quoiqu'elles  s'excommunient  réci- 
proquement, et  ne  veuillent  avoir  ensemble 
aucune   société.  Bossuet  a   démontré   l'ab- 
surdité de  l'un  et  de  l'autre  de  ces  systèmes, 
et  les  protestants  n'ont  rien  répliqué. — k° 
L'on  sait  de  quelle  manière  ils  ont  répondu 
à  l'Histoire  des  Yarialioni  ;  forcés  d'avouer 
le  fait,  ils  ont  dit  que  l'Eglise  cathoHque 
avait  varié   dans   sa    croyance   aussi   bien 
qu'eux,  et  avant  eux.  Mais  ont-ils  apporté 
de  ces   prétendues  variations  ties   preuves 
aussi  positives  et  aussi  incontestables  que 
celles  que   Bossuet    avait  alléguées  contre 
eux?  Leurs  plus   célèbres    controversistes 
n'ont  pu  fournir  que  des  preuves  négatives  ; 
ils  ont  dit  :  Nous  ne  voyons  pas,  dans  les 
trois  premiers  siècles,   des   monuments  de 
tels  et  de  tels  dogmes  que  l'Eglise  romaine 
professe  aujourd'hui  :  donc  on  ne  les  croyait 

fias  alors  ;  donc  elle  a  varié  dans  sa  foi.  On 
cur  a  fait  voir  la  nullité  de  ce  raisonne- 
ment, parce  que  l'Eglise  du  iv'  siècle  a  fait 
profession  de  ne  croire  que  ce  qui  était  déjà 
cru  et  professé  au  troisième,  et  enseigné 
depuis  les  apôtres;  donc  les  monuments 
du  IV'  siècle  prouvent  que  tel  dogme  était 
déjà  cru  et  enseigné  auparavant. 
Quant  à  ce  que  Mosneim  dit  dos  théolo- 


giens français,  il  veut  donner  le  change  et 
faire  illusion.  Jamais  ces  théologiens   n'ont 
enseigné  que  les  papes  s'étaient  accommo- 
dés aux  temps  et  aux  circonstances,  quant 
à  la  profession  du  dojrme;  qu'ils  ont  varié 
dans  le  dogme;  que  l'Eglise  do  Rome  n'a 
plus  la  même  croyance  que  dans  les  pre- 
miers siècles.  Ils  ont  dit  que  les  papes  ont 
profité  des  circonstances  pour  étendre  leur 
juridiction,  pour   borner  celle  des  évoques, 
pour  disposer  des  bénéfices,   etc.  ;  qu'ils  ont 
ainsi  changé  l'ancienne  discipline  ;   mais  la 
discipline  et  le  dogme  ne  sont  pas  la  même 
chose.  Bossuet  a  démontré  que   les  protes- 
tants ont    varié  dans   leuis   articles  de  foi; 
Musheim  parle    de  v/irialions  dans  la  disci- 
pline;   est-ce  là    raisonner   de    bonne  foi? 
D'ailleurs  les  théologiens  français  sont  per- 
suadés   que    le   pape   ne   peut  pas   décider 
seul  un  article  de  foi,  que  sa  décision  n'est 
irréformable  que  quand  elle  est  confirmée 
par  racquicscement  de  toute  l'Eglise;  com- 
ment donc  pourraient-ils  accuser  les  papes 
d'avoir  changé  la  foi    de  l'Eglise?   Le  pro- 
cédé de  Mosheim  n'est   pas  plus  honnête  à 
l'égard  des  princes  et  des  savants,  qui,  dé- 
trompés des  erreurs  du  protestantisme  par 
les    ouvrages   des    controversistes    catholi- 
ques,   sont    rentrés  dans  l'Eglise  romaine. 
Lorsque  ces   controversistes  ont  accusé  les 
réformateurs  d'avoir  fait  schisme  par  liber- 
tinage, par  esprit  d'indépendance,  par  am- 
bition d'être  chefs  de  sectes,  etc.,  les  pro- 
testants  ont    crié   à  la    calomnie;   ils   ont 
demandé  de  quel  droit  on  voulait  sonder  le 
fond  des  cœurs,  prêter  des  intentions  cri- 
minelles à  des  hommes  qui  pouvaient  avoir 
eu  des    motifs  louables  ;  et  ils  commettent 
cette   injustice   à  l'égard   de  ceux  qui  ont 
renoncé  au  schisme  et  aux  erreurs  de  leurs 
pères.  Ces  convertis  ont-ils  eu  une  conduite 
aussi  répréhensible  que  les  réformateurs? 
Qu'aurait   dit    Mosheim  ,    si   on   lui   avait 
soutenu  en  face  qu'il  voulait  vivre  et  mourir 
luthérien,  parce  qu'il  occupait  la  première 

Elace  dans  une  université,  et  jouissait  d'une 
onne  abbaye? — Que  le  commun  des  luthé- 
riens, malgré  l'exemple  de  plusieurs  princes 
et  d'un  nombre  de  savants  convertis,  aient 
persévéré  dans  les  erreurs  dont  ils  ont  été 
imbus  dès  l'enfance,  cela  n'est  pas  étonnant; 
ils  ne  sont  pas  instruits  et  ne  veulent  pas 
l'être;  ils  ne  lisent  point  les  ouvrages  des 
théologiens  catholiques,  et  les  ministres  le 
leur  défendent.  Mais  la  conversion  de  ceux 
qui  ont  été  instruits,  qui  ont  lu  le  pour  et 
le  contre,  nous  paraît  un  préjugé  favorable  à 
l'Eglise  catholique ,  et  désavantageux  aux 
protestants. 

MÉTHODISTES,  est  aussi  le  nom  d'une  secte 
récemment  formée  en  Angleterre  ,  et  qui 
ressemble  beaucoup  à  celle  des  hernhutes 
ou  frères  moraves.  Son  auteur  est  un  M. 
Wilhefield;  elle  se  propose  pour  objet  la  ré- 
forme des  mœurs  et  le  rétablissement  du  dog- 
me de  la  grâce,  défiguré  parl'arminianisme, 
qui  est  devenu  commun  parmi  les  théolo- 
giens anglicans.  Ces  méthodistes  enseignent 
que  la  foi  seule  suffit  pour  la  justification  do 


761 


MEZ 


MIC 


762 


l'homme  et  pour  lo  salut  éternel,  et  ils  s'at- 
tachent h  inspirer  beaucoup  de  crainte  do 
l'enfer;  ils  ont  adopté  la  liturgie  anglicane, 
et  ont  établi  parmi  eux  la  communauté  do 
biens  qui  régnait  dans  l'Eglise  de  Jérusa- 
lem à  la  naissance  du  christianisme.  Ou 
assure  qu'ils  ont  les  mœurs  très-pures  ; 
mais  comme  cette  secte  ne  doit  sa  naissance 
qu'h  l'enthousiasme  de  son  chef,  il  est  à 
craindre  que  sa  ferveur  ne  so  soutienne  pas 
longtemps,  Londres,  t.  Il,  p.  '20S.  [I.o  mé- 
thodisme a  fait  de  très-grands  progrès  en 
Amérique;  il  a  formé  un  grand  noudirc  de 
sectes  qui  sont  trop  peu  importantes  pour 
nous  en  occu|ier  ici.] 

MÉTUÈTE  ,  sorte  de  mesure  chez  les 
Grecs  :  ce  nom  est  dérivé  de  uirpeiv,  mesurer. 
On  le  trouve  deux  lois  dans  l'Ancien  Testa- 
ment; savoir,  I  Parai,  c.  ii,  v.  10,  etc.  iv,  v.  5. 
Dans  l'un  et  l'autre  endroit,  l'hébreu  porto 
ballte.  Celle-ci  était  une  grande  mesure 
creuse,  qui  contenait  trente  pinlas,  mesure 
de  Paris,  ^  peu  de  chose  près,  et  la  métrèle 
des  Grecs  était  h  peu  près  égale. 

11  est  dii  dans  saint  Jean,  c.  ii,  v.  G, 
qu'aux  noces  de  Cana ,  Jésus -Christ  fit 
emplir  d'eau  six  grands  vases  de  i)ierr(!  (pii 
contenaiait  chacun  deux  ou  trois  métrHcs, 
et  qu'il  changea  cette  eau  en  vin.  Selon  l'é- 
valuation ordinaire,  chacun  de  ces  vases 
pouvait  contenir  environ  quatre-vingts 
pintes;  ainsi  le  miracle  fut  opéré  sur  quatre 
cent  (|uatre-vingts  pinirs  d'eau.  Par  cette 
qu.inlité  de  vin,  Jésus-Christ  voulut  dédom- 
mager les  époux  de  Cana  d'une  partie  d's  la 
dépense  qu'ils  avaient  faite  pour  leurs  noces. 
Yoy.  Cana. 

MÉTIlOCOMIE.Ce  terme,  souvent emiiloyé 
par  les  historiens  ecclésiastiques,  signilio 
un  bourg  |irinci[ial,  et  qui  en  a  d'autres 
sous  sa  .juridiction  :  il  vient  du  grec  fiijTnp, 
mère,  ely.'.<ij.fi,  botira,  rilUige.  Ce  ipie  les  mé- 
tropoles étaient  à  l'égar^l  des  villes,  les  mê~ 
Irocomies  l'étaient  à  l'égard  des  villages  de 
la  campagne.  C'était  le  siège  de  la  résidence 
d'un  chorévéque  ou  d'un  doyen  rural.  Voy. 
Chorévéque. 

*  METROPOLE.  Siège  du  niétropolilain  ou  do 
l'archevéqne.  Lu  dignité  d'nrcliev(''<iiie  et  de  niéu-o- 
polilaiii  n'est  que  de  droit  ecclésiastique.  L'Eglise, 
dépositaire  de  la  juridiction  spirituelle,  a  pu  déléguer 
à  un  évè(|uc  une  certaine  juridiction  sur  les  diocè- 
ses voisins  alin  de  maintenir  l'ordre  et  la  discipline. 
Nous  avons  détermine  la  nature  et  l'étendue  des 
pouvoirs  juridictioiuiels  des  métropolitains  dans  no- 
tre Dict.  de  Théol.  nior  ,  art.  Archevêchf..  l>a  Con- 
stituante de  1789  s'arrogea  le  droit  d'établir  des  mé- 
tropoles. C'est  à  l'Eglise  seule  qu'appartient  ce  pou- 
voir, comme  nous  l'avons  démontre  aux  mois  Dio- 
cèse, CoNsriTiiTioK^ELLE  (Eglise). 

MEURTRE.  Toy.  Homicide. 

MEZUZOTH,  terme  hébreu  qui  signifie  les 
deux  poteaux  ou  les  jambages  d'une  porte. 
Dans  le  Deutéronome,  c.  vi,  v.  6-9,  et  c  xi, 
V.  13-20,  il  est  ordonné  aux  Juifs  d'avoir 
toujours  sous  les  yeux  les  paroles  de  la  loi, 
de  les  graver  dans  leur  cœur,  de  les  porter 
sur  leurs  mains  et  sur  leur  front,  et  de  les 
placer  sur  les  jambages  do  leurs  portes. 


Pour  exécuter  ces  paroles  îi  la  lettre,  les 
Juifs  prennent  un  morceau  de  parcheiuin 
pré[)ar6  exprès ,  sur  lequel  ils  écrivent  , 
d'une  encre  particulière  et  en  caractères 
carrés,  ces  deux  passages  du  Deutéronome. 
Ils  roulent  ce  parchemin ,  et  l'enfcrmc^nt 
dans  un  roseau  ou  dans  un  autre  tuyau, 
de  peur,  disent-ils,  que  les  paroles  de  la  loi 
ne  soient  profanées.  Sur  les  bouts  du  tuyau 
ils  écrivent  le  mot  Saddcû,  qui  est  un  des 
noms  de  Dieu.  Us  placent  ces  mezuzoth  aux 
portes  des  maisons,  des  chambres  et  des 
lieux  frétiuentés;  toutes  les  fois  qu'ils  en- 
trent ou  qu'ils  sortent ,  ils  toucnent  cet 
endroit  du  bout  du  doigt,  et  baisent  ensuite 
leur  doigt  par  resjiect.  —  Il  serait  mieux, 
sans  doute,  de  prendre  l'esprit  de  la  loi, 
que  de  so  borner  ainsi  à  l'observation  su- 
perstitieuse de  la  lettre  ;  mais  tel  est  le 
génie  grossier  et  minutieux  des  Juifs  mo- 
dernes.- 

MICHÉE,  est  le  septième  des  petits  pro- 
phètes ;  il  est  surnommé  Marathite,  parce 
qu'il  était  de  Maralh  ou  Maratliie,  bourg  do 
JuJée,  et  pour  le  distinguer  d'un  autre  pro- 
phète de  môme  nom,  qui  parut  sous  le  règne 
d'Achab.  Celui  dont  nous  parlons  pro[)hétisa 
pendant  |>rès  de  cinmiante  ans ,  sous  les 
règnes  de  Joatlian,  d'Achaz  et  d'Ezéchias, 
et  fut  contemporain  d'Isaïe.  On  ne  sait  rien 
autre  chose  ni  de  sa  vie,  ni  de  sa  mort.  — 
Sa  prophétie  ne  coiitient  que  sept  chapitres; 
elle  est  écrite  en  style  tiguré  et  sublime, 
mais  facile  h  entendre;  il  prédit  la  ruine 
et  la  captivité  des  dix  tribus  du  royaume 
d'Israi-l  sous  les  Assyriens;  et  celle  des 
deux  tribus  du  royaume  de  Juda  sous  les 
Chaldéens,  on  punition  de  leurs  crimes,  en- 
suite leur  délivrance  sous  Cyrus.  A  ces  pré- 
dictions, il  en  ajoute  une  très-claire  tou- 
chant la  naissance  du  Messie,  son  règne,  et 
l'établissement  de  son  Eglise.  Voici  ses 
paroles,  c.  v,  v.  2  :  «  Et  vous,  Bethléem, 
autrefois  E[ihrata,  vous  êtes  pe.i  considé- 
rable parmi  les  villes  de  Juda  ;  mais  c'est  de 
vous  que  sortira  celui  qui  iloit  régner  sur 
Israël;  sa  naissance  est  dès  le  commence- 
ment, dès  l'éternité...  11  demeurera  ferme, 
il  paîtra  son  troupeau  dans  la  force  du  Sei- 
gneur, avec  toute  la  grandeur  et  au  nom  du 
Seigneur  sou  Dieu;  il  sera  loué  et  admiré 
jusqu'aux  extrémités  du  monde.  C'est  lui  qui 
sera  notre  paix.» 

Le  paraphraste  chaldéen  et  les  anciens 
docteurs  juifs  ont  entendu  cette  prédiction 
de  la  naissance  du  Messie;  c'était  la  croyaiice 
commune  des  Juifs  quand  Jésus-Christ  vint 
au  monde.  Lorsque  Hérode  demanda  aux 
scribes  et  aux  docteurs  de  la  loi  où  devait 
naître  le  Messie,  ils  répondirent  à  Bethléem, 
et  citèrent  la  prophétie  de  Mic.hée  [Malth. 
11,  v.  5);  et  les  plus  savants  rabbins  en  sont 
encore  persuadés.  —  Quelques-uns,  suivis 
par  Grotius,  ont  dit  que  cette  prophétie 
pouvait  désigner  Zorobabel.  <jui  fut  le  chef 
des  Juifs  au  retour  de  la  captivité.  Mais  ce 
chef  n'était  point  né  à  Bethléem,  il  était  né 
à  Kabvlone,  son  nom  môme  lo  témoigne;  il 
B'a  poiut  régné  sur  les  Juifs  ot  sur  Israelj 


7G3 


mï 


MIL 


784 


son  autorité  était  Irès-bornée.  En  quel  sens 
pourrait-on  dire  que  sa  naissance  est  de 
toute  éternité,  qu'il  a  été  la  paix  de  sa  na- 
tion, qu'il  a  été  admiré  aux  extrémités  de 
la  terre,  etc.?  Aucun  des  traits  marqués  jiar 
le  prophète  ne  peut  lui  convenir.  Voy.  la 
Synopsedes  critiques  sur  ce  passage. 

MICHEL,  en  hébreu,  mi-dia-el,  qui  est 
semblable  à  Dieu.  Ce  nom  est  donné  à  plu- 
sieurs hommes  dans  l'Ancien  Testament; 
mais  dans  le  prophète  Daniel,  c.  x,  v.  13  et 
21;  c.  xn,  V.  1,  il  désigne  l'ange  tutélaire 
de  la  nation  juive;  dans  l'épitre  de  saint 
Jude,  V.  9,  il  est  appelé  archange,  ou  chef 
dos  an^es:  et  dans  l'Apocalypse,  c.  xn,  v.  7, 
il  est  dit  :  Michel  et  ses  anges.  De  là  l'on 
conclut  que  Michel  est  le  chef  de  la  hiérar- 
chie céleste  ;  et  c'est  sous  cette  qualité  que 
l'Eglise  lui  rend  un  culte  particulier.  Voy. 
Ange. 

MIEL.  Dans  le  Lévitique,  c.  n,  v.  11,  il 
est  défendu  aux  Hébreux  d'offrir  du  miel 
dans  les  sacrifices.  Chez  les  païens,  le  miel 
était  offert  à  Bacchus  ;  on  en  garnissait  la 
plupart  des  victimes  ;  on  faisait  des  libations 
de  vin,  de  lait  et  de  miel  à  l'honneur  des 
morts  et  des  dieux  infernaux  ;  on  croyait 
que  les  douceurs  étaient  agréables  aux 
dieux.  Moïse  voulut  retrancher  toutes  ces 
superstitions. 

D'ins  plusieurs  endroits  de  l'Ecriture,  le 
miel  désigne  en  général  ce  qu'il  y  a  do 
meilleur  et  de  plus  exquis  parmi  les  pro- 
ductions de  la  nature.  Pour  exprimer  la 
fertilité  de  la  Palestine,  il  est  dit  souvent  que 
c'est  une  terre  dans  laquelle  coulent  le  lait 
et  le  miel;  on  sait,  en  effet,  que  la  Palestine 
avait  d'excellents  pâturages,  et  que  les  Juifs 
y  nourrissaient  de  nombreux  troupeaux  : 
or,  parmi  les  peuples  pasteurs,  le  lait  pur, 
ou  avec  différentes  préparations,  fait  la 
principale  nourriture.  On  sait  encore  que, 
dans  cette  même  contrée,  les  abeilles  se 
logent  souvent  dans  le  creux  des  rochers  ; 
que  pendant  les  grandes  chaleurs,  leur  miel, 
devenu  très-liquide,  coule  et  se  répand  par 
les  fentes  de  la  pierre  ;  ainsi  se  vérifie  à  la 
lettre  l'expression  des  livres  saints,  et  c'est 
l'explication  de  ce  que  dit  Moïse  {Dcul.  xxxii, 
13J,  que  Dieu  a  voulu  placer  Israël  dans 
une  terre  dans  laquelle  il  sucerait  le  miel  de 
la  pierre.  Souvent  encore  le  belirre  et  le 
miel  sont  joints  ensemble,  pour  exprimer  ce 
qu'il  y  a  de  plus  gras  et  de  plus  doux  ;  mais 
dans  Isaïe,  c.  vu,  v.  15,  où  il  est  dit  que 
l'enfant  qui  naîtra  d'une  vierge,  et  qui  sera 
nommé  Emmanuel,  mangera  du  beurre  et 
du  miel,  afin  qu'il  sache  choisir  le  bien  et 
rejeter  le  mal,  il  paraît  que  c'est  une  expres- 
sion figurée,  pour  signifier  que  cet  entant 
recevra  une  excellente  éducation. 

_  MILITANTE  (Eglise).  En  prenant  le  terme 
d'Eglise  dans  sa  significaiion  la  plus  étendue, 
on  distingue  l'Eglise  militante,  qui  est  la 
société  des  fidèles  sur  la  terre;  l'Eglise 
soufifrante,  et  ce  sont  les  Ames  des  fidèles 
qui  sont  en  purgatoire  ;  l'Eglise  triomphante, 

Ïui  s'entend  des  saints  heureux  dans  le  ciei. 
a  première  est  appelée  militante ,   parce 


que  la  vie  du  'chrétien  sur  la  terre  est  re- 
gardée comme  une  milice,  comme  un  com- 
bat qu'il  doit  livrer  au  monde,  au  démon  et 
à  ses  propres  prissions.  Voy.  Eglise. 
f  MILLÉNAIRES.  Au  ir  et  au  m'  siècle  de 
rEs<lise,  on  a  nommé  ainsi  ceux  qui  croyaient 
qu'à  la  fin  du  monde  Jésus-Christ  reviendrait 
sur  la  terre,  et  y  établirait  un  royaume  tem- 
porel pendnnt  mille  ans,  dans  lequel  les 
fidèles  jouiraient  d'une  félicité  temporelle, 
en  attendant  le  jugement  dernier,  et  un 
bonheur  encore  plus  parfait  dans  le  ciel  ;  les 
Grecs  h-s  ont  appelés  chitinstes ,  terme  sy- 
nonyme à  millénaires.  Celte  opinion  était 
fondée  sur  le  cli.  xx  do  l'Apocalypse,  où  il 
est  dit  que  les  martyrs  régneront  avec 
Jésus-Christ  pendant  mille  ans;  mais  il  est 
aisé  de  voir  que  cette  espèce  de  propliétie, 
qui  est  très-obscure  en  elle-même,  ne  doit 
pas  être  prise  à  la  lettre.  Papias,  évoque 
d'Hiéraplc,  et  disciple  de  saint  Jean  l'Evan- 
géliste,  passe  pour  avoir  été  l'auteur  de  cette 
opinion;  mais  Mosheim  a  prouvé  qu'elle 
vient  originairement  des  Juifs.  Elle  fut  sui- 
vie par  plusieurs  Pères  de  l'Eglise,  tels  i^ue 
saint  Justin,  saint  Irénée,  Népos,  Victorin, 
Lactance,  T'ertullien,  Sulpice  Sévère,  Q.  Ju- 
lius  Hilarion,  Commodianus,  et  d'autres 
moins  connus. 

Il  est  essentiel  de  remarquer  qu'il  y  a 
eu  des  mi lli'nair es  de  deux  espèces.  Les  uns, 
comme  Céiinthe  et  ses  disciples,  ensei- 
gnaient que,  sous  le  règne  de  Jésus-Christ 
sur  la  terre,  les  justes  jouiraient  d'une  féli- 
cité corporelle  qui  consisterait  principale- 
ment dans  les  plaisirs  des  sens  ;  jamais  les 
Pères  n'ont  embrassé  ce  sentiment  grossier; 
au  contraire,  ils  Font  regardé  comme  une 
erreur.  C'est  par  cette  raison  môme  que 
plusieurs  ont  hésité  pour  savoir  s'ils  de- 
vaient mettre  l'Apocalypse  au  nombre  des 
livres  canoniques  ;  ils  craignaient  que  Cé- 
rinthe  n'en  fût  le  véritable  auteur,  et  ne 
l'eût  supposé  sous  le  nom  de  saint  Jean, 
pour  accréditer  son  erreur.  Les  autres 
croyaient  que,  sous  le  règne  de  mille  ans, 
les  saints  jouiraient  d'une  félicité  plutôt 
spirituelle  que  corporelle,  et  ils  en  excluaient 
les  voluptés  des  seps.  Mais  il  faut  encore 
remarcpaer,  1°  que  la  plupart  ne  regardaient 
point  cette  opinion  comme  un  dogme  de 
foi  ;  saint  Justin  qui  la  suivait  dit  furmellû  ■ 
ment  qu'il  y  avait  plusieurs  chrétiens  pieux 
et  d'une  foi  pure,  qui  étaient  du  sentiment 
contraire,  Dial.  cum  Tryph.,  n°  80.  Si,  dans 
la  suite  du  dialogue,  il  ajoute  que  tous  les 
chrétiens  qui  pensent  juste  sont  de  même 
avis,  il  parle  de  la  résurrection  future,  et 
non  du  règne  de  mille  ans,  comme  l'ont 
très-bien^  remarqué  les  éditeurs  de  saint 
Justin.  Bnrbeyrac  et  ceux  qu'il  cite  ont  donc 
tort  do  dire  que  ces  Pères  soutenaient  le 
règne  de  mille  ans  comme  une  vérité  a-ios- 
tolique.  Traité  de  la  morale  des  Pères,  c.  2, 
p.  4,  n.  2.  —  2°  La  principale  raison  pour 
laquelle  les  Pères  croyaient  ce  règne,  est 
qu'il  leur  paraissait  lié  avec  le  dogme  de  la 
résurrection  générale;  les  héiétiqnes,  qui 
rejetaient  l'un,  niaient  aussi  l'auire.  Cela  est 


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AÎIN 


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clair  par  le  passage  cité  de  saint  Justin,  et 
par  ce  que  dit  saint  Irénée,  Adv.  Ilœr., 
m.  V,  c.  xsxi,  n.  1.  Ainsi,  lorsqu'il  traite 
chi/Tétiques  ceu\  qui  ne  sont  pas  de  son 
avis,  quoiqu'ils  passent,  dit-il,  pour  avoir 
iMic  foi  pure  et  orlliodoxo,  cette  censure 
ne  tombe  pas  tant  sur  ceux  qui  niaient  le 
règne  de  mi  le  ans,  que  sur  ceux  qui  reje- 
taient la  résurrection  future,  connue  les  va- 
Icnliniens,  les  mare  onilos  et  les  autres 
gnostiques.— 3"  Il  s'en  faut  Ijcaucoup  que  ce 
sentiment  ait  élé  unanime  parmi  les  Pères. 
Origènc,  D  nis  d"Al  xandrie,  son  disciple  ; 
t^aïus,  prêtre  de  Rome  ;  saint  Jérôme  et 
d'autres  ont  écrit  contre  le  prétendu  règne 
de  mille  ans,  et  l'ont  rejeté  comnif  une  fa- 
ble. Il  n'est  donc  pas  vrai  que  celle  opinion 
ait  été  établie  sur  la  tradition  la  plus  res- 
pectable ;  les  l'èr -s  no  font  point  tradition 
lorsqu'ils  disputent  sur  une  (piestion  quel- 
conque. Les  protestants  ont  mal  choisi  cet 
exemple  pour  d.'primer  l'autorité  des  Pères 
et  de  la  tradition,  il  les  incrédules  ([ui  ont 
copié  les  protestants  ont  montré  bien  peu 
de  discernement.  Mosheim  a  l'ait  voir  qu'il 
y  avait  parm  les  Pères  au  moins  quatre 
opinions  ditlV-rentes  touchant  ce  prétendu 
règne  de  milbi  ans,  ]Jisl.  christ.,  sase.  ni, 
§  38,  note.  Quelques  auteurs  ont  parlé  d'une 
autre  espèce  île  millénaires,  qui  avaient 
imaginé  que  de  nulle  ans  en  millt;  ans  il  y 
avait  pour  des  damnés  une  cessation  des 
peines  de  l'enfer  ;  cette  rêverie  était  encore 
fond 'e  sur  rApocal.vpS'\ 

iMlîs'ÉENS.  C'est  le  nom  que  saint  Jérùme, 
dans  sa  lettre  89 ,  donne  aux  nazaréens, 
qu'il  suppose  être  une  secte  de  juifs. 
F(i(/.  Nazaréens.  Aujourd'hui  les  rabbins  ap- 
jiellent  minnim  ou  minécns,  les  hérésies  et 
les  hérétiques,  ceux  qui  ont  une  religion 
différente  de  la  leur  ;  ce  terme  hébreu  nous 
paraît  synonyme  du  mot  Sectl:,  Séparation, 

SCUISAIE. 

*  MES'IÎRALOGIE.  Rien  ne  parait  plus  étranger  à 
la  science  lliéulogique  que  la  minéralogie;  elle  sert 
ce|ieiulani  à  conlirnier  nos  livres  saints,  ;i  constater 
la  véraeito  de  la  cosinogoiiio  niosaiiiue  et  l'existence 
lin  dehige.  Nous  avons  développé  les  preuves  que 
nous  fournit  la  minéralogie  aux  mots  Cosmogo.nie. 
Déluge.  Nous  nous  contenions  d'y  renvoyer. 

MINEURE.  Seconde  thèse  do  théologie 
que  doit  soutenir  un  bachelier  en  licence, 
sur  la  troisième  partie  de  la  Somme  de  saint 
Thomas,  qui  traite  des  sarrements  :  cette 
thèse  dure  six  heures.  Voy.  I)egké. 

5IINEURS  (ordres).  On  distingue  quatre 
ordres  mineurs,  qui  sont  ceux  d'acolytr,  de 
lecteur,  d'exorciste  et  de  portier.  Voyez-les 
chacun  sous  leur  nom.  Us  sont  appelés 
tnineurs,  parce  que  leuis  fonctions  uj  sont 
pas  aussi  importantes  que  celle  des  ordres 
majeurs.  Plusieurs  théologiens  pensent  que 
le  sous-diaconat  et  les  quatre  ordres  mineurs 
sont  des  sacrements  ;  et  comme  l'un  con- 
vient qu'aucun  ordre  ne  peut  ôt.e  reçu  deux 
fois,  ils  conclu- lit  que  tout  oidre,  soit  ma- 
jeur, soit  mineur,  imprime  lui  caractère 
IneU'açable.  Les  tirées  et  les  autres  chrétiens 
orientaux,  séparés  de  l'Eglise  catholique  re- 


garoent  comme  des  ordres  le  sous-diaconat, 
i'oflice  de  lecteur  et  celui  des  chanties;  ils 
n'admettent  point  d'autres  ordres  mineurs. 
Cette  ditl'i-rence  di>  sentiments  est  cause  que 
la  iilui)arl  des  théologiens  estiment  que  ces 
ordres  ne  sont  pas  des  sacrements.  Perpét. 
de  lu  foi,  {.  V,  1.  V,  c.  6.  Yoy.  Ordre. 

Mineurs  (frères),  religieux  de  l'ordre  de 
saint  François.  C'est  le  nom  que  les  corde- 
liers  ont  pris  dans  leur  ori;j;ine,  par  humi- 
lité ;  ils  se  sont  appelés  fratres  minores, 
moindres  frères,  et  quelquefois  minoritœ. 
Voij.  Franciscain,  Cordelier. 

Mineurs  (cU'rcs).  C'est  une  congrégation 
de  clercs  réguliers  qui  doit  son  établisse- 
ment h  Jean  Augustin  Adorne,  gentilliomme 
génois;  il  l'institua  l'an  1588  à  Naples,  avec 
Augustin  et  François  Caraccioli  :  en  1(505 
le  pape  Paul  V  approuva  leurs  constiiutions. 
Leur  général  réside  <i  Home,  dans  la  maison 
de  S'iint-Laurent,  et  ils  ont  un  collège  dans 
la  même  ville,  à  Sainte-Agnès  de  la  place 
Navdne.  Leur  destination,  comme  celle  des 
autres  clercs  réguliers,  est  de  remplir  exac- 
tement tous  les  devoirs  de  l'état  ecclésiasti- 
que. Voi).  Clerc  régulier. 

MINCiRÉLIENS,  peuples  de  l'Asie  qui 
habitent  l'ancienne  Colchide,  ou  les  pays 
situés  entre  la  mer  Noire  et  la  mer  Cas- 
pienne ;  nous  n'avons  à  parler  (juc  de  leur 
religion. 

Elle  est  à  peu  près  la  même  que  celle  des 
Grecs  ;  mais  c'est  un  christianisme  très- 
corrompu.  Quelques  historiens  ecclésiasti- 
ques ont  dit  que  le  roi,  la  reine  et  les  grands 
de  la  Colchide,  en  Ib.'i'ie,  avaient  été  con- 
vertis h  la  foi  chrétienne  par  une  liUe  es- 
clave, sous  le  règne  de  Constantin.  Socrate, 
liv.  I,  c.  20;  Sozoïnène,  1.  n,  c.  7.  D'autres 
prétendent  que  ces  jieuples  doivent  la  con- 
naiss.Tuce  du  christianisme  à  un  nommé 
Cyrille,  que  les  Esclavons  nomment  en  leur 
langue  Chiusi,  qui  vivait  vers  l'an  8l36. 
Peut-être  la  religion  s'était-elle  éteinte  dans 
ce  pays-là  pendant  le  temps  qui  s'est  écoulé 
depuis  le  v'  siècle  jusqu'au  ix'.  Les  Mingré- 
liens  montrent  sur  le  bord  de  la  mer,  près 
du  lleuve  Curax,  une  grande  église,  dans 
laquelle  ils  assurent  que  saint  André  a 
prêché  ;  mais  ce  fait  est  très-apocryphe.  Le 
primat  ou  principal  évoque  de  la  Mingrélie 
y  va  une  fois  dans  sa  vie  pour  y  consacrer 
l'huile  sainte  ou  le  chrême,  que  les  Grecs 
appellent  myron.  Autrefois  ces  peuples  re- 
connaisîaient  le  paliiarche  d'Antioche  ;  au- 
jourd'hui ils  sont  soumis  à  celui  de  Constan- 
tinople.  Ils  ont  néanmoins  deux  primats  do 
leur  nation,  qu'ils  nomment  catholicos,  l'un 
pour  la  Géorgie,  l'autre  pour  la  Mingrélie. 
Il  y  avait  autrefois  douze  évêchés  ;  il  n'en 
reste  que  six,  [larce  que  les  six  autres  ont 
été  changés  en  abbayes.  Ce  cjue  disent  quel- 
ques voyageurs  des  richesses  du  l'rimat  et 
des  évèques  mingréliens,  de  la  magnificence 
de  leur  habillement,  des  extorsions  qu'ils 
font,  et  des  sommes  qu'ils  exigent  pour  la^-rrrs*»^. 
messe,  pour  la  confession,  pour  rordiuation^^^iiii:^;^^ 
etc.,  ne  s'accurde  guère  avec  ce  que  d'aorV^  ^^'^ 
très  relations  nous  apprennent  de  la  pauvwla        ■^" 


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de  ce  peuple  en  général  ;  il  doit  y  avoir 
exagération  de  part  ou  d'autre.  11  est  plus 
aisé  de  croire  ce  que  l'on  nous  raconte  tou- 
chant l'ignorance  et  la  corruption  du  clergé 
en  général  et  des  particuliers  de  cette  na- 
tion. L'on  d  t  que  les  évoques,  quoique  fort 
déréglés  dans  leurs  mœurs,  se  croient  néan- 
moins très-réguliers,  parce  qu'ils  ne  man- 
gent point  de  viande,  et  qn'ds  jeûnent  exac- 
tement pendant  le  carême,  qu'ils  disent  la 
messe  selon  le  rite  grec,  mais  avec  peu  de 
cérémonies  et  beaucoup  d'irrévérence;  que 
les  prêtres  peuvent  semarier,  non-seulement 
avant  leur  ordination,  mais  après,  passer 
même  à  de  secondes  noces,  avec  une  dis- 
pense ;  que  les  évêques  vont  à  la  chasse  et 
à  la  guerre  avec  leur  souverain,  etc. 

Aussitôt  qu'un  enfant  est  venu  au  monde, 
un  prêtre  lui  fôit  une  onction  du  chrême  en 
forme  de  croix  sur  le  front,  et  ditl'ère  le 
baptême  jusqu'à  l'âge  d'environ  deux  ans  ; 
alors  on  baptise  l'enfant  en  le  i)lon;;eant  dans 
l'eau  chaude  ;  on  lui  fait  des  onctions  pres- 
que sur  toutes  les  parties  du  corps,  on  lui 
donne  à  manger  du  pain  béni  et  du  vin  à 
boire.  Ces  prêtres  n'obscrventpasexactement 
•la  forme  du  baptême;  et  au  lieu  d'eau,  ils  se 
sont  quelquefois  servis  de  vin  pour  baptiser 
les  enlants  des  personnes  considérables. 
Lorsqu  un  malade  les  appelle,  ils  ne  lui  par- 
lent point  de  confession,  mais  ils  cherchent 
dans  un  livre  la  cause  de  sa  maladie,  et 
l'attribuent  à  la  colère  de  quelqu'une  de  leurs 
images  qu'il  faut  apaiser  ptr  des  offrandes. 
11  y  a  en  Mingrélie  des  religieux  de  l'ordre 
do  saint  Basile,  que  l'on  appelle  berres  ;  ils 
sont  habillés  comme  les  moines  grecs,  et 
observent  la  môme  façon  de  vivre.  Un  abus 
très-condamnable  est  que  les  pères  et  mères 
sont  les  maîtres  d'engager  h  cet  état  leurs 
enfants  dès  l'flge  le  plus  tendre,  et  avant 
qu'ils  soient  en  état  de  faire  un  choix.  Il 
y  a  aussi  des  religieuses  de  cet  ordre  qui 
observent  les  mêmes  jeûnes  et  la  môme 
abstinence  que  les  moines,  et  qui  portent 
un  voile  noir  ;  mais  elles  ne  gardent  point 
3a  clôture  et  ne  font  point  de  vœux  ;  elles 
peuvent  renoncer  à  cet  état  quand  il  leur 
piaît.  Les  églises  cathédrales  sont  propres, 
ornées  d'images  peintes,  et  non  en  relief, 
enrichies,  dit-on,  d'or  et  de  pierreries;  mais 
les  églises  paroissiales  sont  très-négligées. 
On  ajoule  que  h'S  Mingrcliens  ont  beaucoup 
de  reliques  précieuses  qui  leur  furent  ap- 
portées par  les  Grecs,  lorsque  Constantino- 
ple  fut  prise  par  les  Turcs,  entre  autres  un 
morceau  ùe  la  vraie  croix  long  de  huit 
pouces  ;  mais  la  bonne  foi  des  Grecs,  en  fait 
de  reliques,  a  été  de  tout  temps  sujette  à 
caution. 

C'est  plus  qu'il  n'en  faut  pour  juger  que 
les  Mingrélicns  sont  un  peuple  ignorant, 
superstitieux,  corrompu,  dont  toute  la  re- 
ligion consiste  en  prati(iups  extérieures  sou- 
vent abusives.  Ils  ont  quatre  carêmes,  l'un 
de  quarante  jours  avant  PAques ,  l'au'ro 
de  quarante-huit  jours  avant  Noil.  le  troi- 
sième d'un  mois  avant  la  fêle  do  saint 
Pierre,  le  quatrième  dç  quinze  jours  à  l'hon- 


neur de  la  sainte  "Vierge.  Leur  grand  saint 
est  saint  Georges,  qui  est  aussi  le  patron  par- 
ticulier des  Géorgiens,  des  JMoscovites  et 
des  Grecs.  Ils  rendent  aux  images  un  culte 
qu'il  est  difficile  de  ne  pas  taxer  d'idolâ- 
trie; ils  leur  offrent  des  cornes  de  cerf, 
des  défenses  de  sanglier,  des  ailes  de  fai- 
sa'S  et  des  armes,  afin  d'avoir  un  heureux 
succès  à  la  chasse  et  à  la  guerre.  On  pré- 
tend qu'ils  font,  comme  les  juifs,  des  sa- 
crifices sanglants,  qu'ils  immolent  des  vic- 
times, elles  mangent  ensemble;  qu'ds  égor- 
gent des  animaux  sur  la  sé|)ulture  de  leurs 
parents;  qu'ils  y  versent  du  vin  et  de  l'huile, 
comme  faisaient  les  païens.  Ils  s'abstien- 
nent de  viande  le  lundi,  par  respect  pour 
la  lune,  et  le  vendredi  ect  pour  eux  un 
jour  de  fête.  Ils  sont  très-grands  voleurs  ; 
le  larcin  ne  passe  pas  chez  eux  pour  un  crime, 
mais  pour  un  tour  d'adresse  qui  nedéshono- 
le  point;  celui  qui  en  est  convaincu,  en  est 
quitte  pour  une  légère  amende. 

Les  théatins  d'Italie  ont  établi,  en  1627, 
une  mission  en  Mingrélie,  de  même  que 
les  capucins  en  Géorgie,  et  les  Dominicams 
en  Circassie  ;  mais  le  peu  de  succès  de  ces 
missions  les  a  fait  souvent  négliger  et  même 
abmdonner  entièrement.  On  conçoit  que  des 
peuples  qui  ont  ajouté  aux  préjuges  et  k 
l'antipathie  des  Grecs  les  erreurs  les  plus 
grossières  en  fait  de  religion,  ne  sont  pas 
fort  disposés  à  écouter  des  missionnaires 
latins.  D.  Joseph  Zampi,  théatin,  Relation 
de  Mingrélie;  Cerry,  Etat  présent  de  l'Eglise 
romaine;  Chardin  ,  Voyage  de  Perse,  etc. 

MINLMES.  Ordre  religieux  fondé  <]ans  la 
Calabre  par  saint  François  de  Paule,  l'an 
li36,  confirmé  par  Sixte  IV  en  14-74,  et  jjar 
Jules  II  en  1507.  Ou  donne  à  Paris  le  nom 
de  bonshommes  aux  religieux  de  cet  insti- 
tut, parce  que  les  rois  Louis  XI  et  Charles 
VIII  les  nommaient  ordinairement  ainsi , 
ou  plutôt  parce  qu'ils  furent  d'abord  étabhs 
dans  le  bois  de  Vincennes,  dans  le  monas- 
tère des  religieux  oe  Grandmont,  que  l'on 
appelait  les  bomhommes.  En  Espagne,  le  peu- 
ple les  appelait  les  pères  de  la  Victoire,  k 
cause  d'une  victoire  que  Ferdinand  V  rem- 
porta sur  les.  Maures,  et  qui  lui  avait  été 
prédite  par  saint  François  de  Paule.  Ce  saint 
par  humilité  lit  prendre  à  ses  religieux  le  nom 
de  minimes,  c'est-à-dire  les  plus  petits,  comme 
pour  les  rabaisser  au-dessous  des  franciscains, 
qui  se  nommaient  frères  mineurs.  Outre  les 
trois  vœux  monastiques,  les  minimes  en  font 
un  quatrième,  d'observer  un  carême  perpé- 
tuel ;  c'est-à-iiire  de  s'abstenir  de  tous  les  mets 
dont  on  ne  permettait  pas  autrefois  l'usage  en 
carême.  L'esprit  de  leur  institut  est  la  retrai- 
te, la  mortihcation  et  le  recueillement.  Cet 
ordre  a  donné  aux  lettres  quelques  hom- 
mes illustres,  entre  autres  le  père  Mersenne, 
contemporain  et  ami  de  Descartes 

*  MINISTÈRE.  Cette  expression  désigne  le  corps 
des  pastfiurs  chargé  de  gouverner  l'Eglise.  Le.  corps 
des  premiers  pasteurs  se  compose  du  pape  et  des 
évciiues,  nui  doivent  être  unis  et  ne  former  qu'un 
seul  ministère.  Toutes  les  questions  qui  coneernent 


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le  ministère  ecclésiastique  ont  été  traitées  aux  mots. 
Apostolicité,  Pipe,  Evêque,  Juridiction,  elc 

MINISTRE  signifie  serviteur.  Saint  Paul 
nomme  les  apôtres  7?îmisirM  de  Jésus-Christ, 
et  dispensateurs  des  mystères  de  Dieu  (/ 
Cor.  IV,  ij.  Lorsqu'un  ecclésiastique  se  dit 
ministre  de  l'Eglise,  il  se  reconnaît  serviteur 
(ie  la  société  des  fidèles;  et  s'il  ne  leur  ren- 
dait aucun  service,  il  manquerait  essentiel- 
lement au  devoir  de  son  état.  Il  n'est  pas 
nécessaire,  sans  doute,  que  tous  remplissent 
les  fonctions  de  pasteurs;  mais  il  est  du  de- 
voir de  tous  de  contribuer  en  quflijue  chose 
au  culte  de  Dieu  et  au  salut  des  lidèles,  au 
moins  par  la  prière  et  par  le  bon  exemple. 
Selon  la  règle  tracée  par  Jésus-Christ , 
riiomme  le  plus  grand  dans  l'Eglise  est  ce- 
lui qui  rend  le  plus  de  services.  Que  celui, 
dit-il,  qui  veut  être  le  premier  soit  le  serviteur 
de  tous...  Le  Fils  de  l'Iiovime  nest  pas  venu 
pour  être  servi,  mais  pour  servir  tes  autres 
{Marc.  IX,  SY ;  x,  h^].  Par  la  mémo  raison, 
celui  qui  n'en  rend  aucun  est  le  dernier  de 
tous  et  le  plus  méprisable.  Saint  Paul  nous 
fait  remarquer  qu'il  y  a  des  devoirs  et  des 
fonctions  de  jdus  d'une  espèce  ;  s'instruire 
soi-même  pour  se  rendre  capable  d'instruire 
les  autres,  contribuer  h  la  pom[)e  et  à  la  ma- 
jesté du  service  divin,  enseigner,  catéchiser, 
prêcher,  exhorter,  assister  les  pauvi'es,  con- 
soler ceux  qui  soulFrent,  soulager  les  pas- 
teurs d'une  partie  de  leur  fardeau  :  tout  cela, 
dit  l'Apôtre,  sont  des  dons  de  Dieu  ;  chacun 
doit  en  user  selon  la  mesure  de  la  grAce  et 
du  talent  qu'il  a  reçus  {Rom.  xii,  G).  Qu'au- 
rait-il dit  de  ceux  'qui  jugent  ces  fonctions 
indignes  d'eux,  qui  croient  avoir  acqins, 
ar  une  dignité  ou  par  un  bénéfice,  le  privi- 
ége  d'être  oisifs,  qui  préfèrent  l'honneur 
d'être  serviteurs  d'un  prince  ou  d'un  grand, 
à  celui  de  servir  l'Eglise? 

A  la  naissance  de  la  prétendue  réforme, 
les  prédicants  prii-ent  le  titre  de  ministres 
du  saint  Evangile  :  le  nom  seul  de  ministres 
leur  est  resté;  et  comme  ils  rendent  moins 
de  services  aux  fidèles  ([ue  les  pasteurs  ca- 
tholiiiues,  il  est  naturel  qu'ils  soient  aussi 
moins  respectés.  Cet  exemple  nous  convainc 
que  les  peuples  ne  sont  point  dupes  des  ap- 
parences; qu'ils  estiment  le-;  hommes  à  pro- 
portion de  i'utihté  qu'ds  en  retirent  ;  que  le 
faste  et  l'orgueil  ne  leur  en  imposent  iioint. 
[Au  mot  Institution  canonique,  nous  fai- 
sons connaître  de  qui  les  ministres  de  Jé- 
sus-Christ doivent  recevoir  leur  juridiction, 
leur  mission.  Nous  avons  tr-aité  dans  no- 
tre Dict.  de  Théol.  mor.,  de  l'obéissance  due 
aux  ministres  de  Jésus-Christ.  Nous  nous 
contentons  d'y  renvoyer,  au  mot  Obéis- 
sance.] 

MINISTRE  DES  SACREMENTS.  En  par- 
lant de  chacun  des  sacrements  en  particulier, 
nous  avons  soin  de  dire  qui  en  est  le  mi- 
tiistre,  ou  qui  a  le  pouvoir  de  l'administrer. 
Tout  homme  raisonnable  qui  sait  ce  que 
c'est  que  le  baptême,  peut  le  donner  valide- 
nient.  Dieu  a  voulu  que  celafùt  ainsi,  à  causa 
de  la  nécessité  de  ce  sacremeol  :  mais  las 


R 


protestants  ont' tort  de  prétendre  qu'il  en 
est  de  même  de  tous  les  autres;  que,  |iour 
en  être  le  ministre,  il  n'est  pas  nécessaire 
d'être  revêtu  d'aucun  caractère  :  l'Evangile 
nous  enseigne  clairement  le  contraire.  C  est 
à  ses  disciples,  et  non  à  d'autres,  (pie  Jé- 
sus-Christ a  dit,  en  instituant  l'eucharistie  : 
Faites  ceci  en  mémoire  de  moi;  les  péchés  se- 
ront remis  à  ceux  auxquels  vous  les  remet- 
trez, etc.  Les  fidèles  ba[>tisés  recevaient  lo 
Saint-Esprit  par  l'imposition  des  mains  des 
apôtres,  mais  ils  ne  le  donnaient  pas.  Saint 
Paul  ne  parlait  pas  du  commun  des  chré- 
tiens, mais  des  apôtres,  lorsqu'il  disait  : 
«  Que  l'homme  nous  regarde  comme  les  mi- 
nistres de  Jésus-Christ,  et  les  dispensateurs 
des  7nystères  ou  des  sacrements  do  Dieu  (/ 
Cor.  IV,  15].  »  C'est  à  Tite  et  .\  Timothéc, 
et  non  aux  simples  fidèles,  qu'il  donnait  la 
commission  d'imposer  les  mains  îi  ceux  qu'il 
fallait  destiner  au  sacerdoce.  Saint  Jacques 
veut  que  l'on  s'adresse  aux  prêtres  de  l'E- 
glise, et  non  aux  laïques,  pour  recevoir  l'onc- 
tion en  cas  de  maladie.  Le  concile  de  Trente 
n'a  ilonc  pas  eu  tort,  sess.  7,  can.  10,  de  con- 
damner les  protestants,  qui  soutiennent  iiue 
tous  K'S  chrétiens  ont  1'  pouvoir  de  |)rêrfier 
la  parole  de  Dieu  et  d'administrer  les  sacre- 
ments, lùix-niêrnes  n'accordent  pas  h  chaque 
particulier'  le  droit  de  faire  ce  que  font  leurs 
ministres  ou  leurs  pasteurs;  mais  les  réfor- 
mateurs trouvèrent  bon  d'enseigner  d'aliord 
le  contrair'e,  soit  pour  flatter  Irurs  prosé- 
lytes, soit  pour  persuader  qu'ils  n'avaient 
pas  besoin  de  missiim.  Lo  même  concile, 
ibid.,  can.  11,  a  décidé  que,  pour  la  validité 
d'un  sacrement,  il  faut  (pie  le  ministre  ait 
au  moins  l'intention  de  faire,  par  cette  ac- 
tion, ce  que  fait  l'Eglise.  Dès  lors  les  pro- 
testants n'ont  pas  cessé  de  nous  reprocher 
(jue  nous  faisons  dépendre  lo  salut  des  Ames 
d(^  l'intention  intérieure  d'un  prêtre,  chose 
de  laquelle  on  ne  peut  jamais  avoir  aucune 
certituile. 

Mais  si  les  protestants  attribuent  quelque 
vertu  au  baptême  donné  à  un  enfant,  peu- 
vent-ils croire  que  ce  sacrement  serait  va- 
lide et  produirait  son  effol,  quand  môme  il 
serait  administré  par  un  impie  (jui  n'aurait 
point  d'autre  dessein  que  de  se  jouer  de 
cette  cérémonie,  de  tromper  les  assistants, 
ou  de  causer  la  mort  de  l'enfant  [lar  un  poi- 
son mêlé  avec  l'eau?  Des  étr-siigers,  qui 
n'entendent  pas  la  langue  dont  un  ministre 
se  sert,  ne  iieuvent  pas  être  si1rs  (pi'il  n'a 
pas  changé  les  paroles  du  l)a|itêrae,  et  ([ue 
leur  enfant  est  validement  baptisé.  Eux-mê- 
mes i)euTent  en  imposrr,  et  dire  ([ue  leur 
enfant  a  été  baptisé,  pendant  qu'il  n'en  est 
rien.  Quelques  anglicans  ont  eu  la  bonne  foi 
d'avouer  qu'ils  tombent  dans  le  même  in- 
convénient que  nous,  en  exigeant  qu'un  mi- 
nistre  des  sacrements  ait  été  validement  or- 
donné. Soutiendra-t-on  que,  si  l'euchai-istie 
était  consacrée  avec  le  fruit  de  l'arbre  à  pain, 
et  avec  une  liqueur  qui  ressemblerait  à  du 
vin,  mais  qui  n'en  serait  pas,  le  sacrement 
n'en  serait  pa*  moins  valide?  Voilà  des  su- 
percheries qui  peuvent  tromper  les  hommes 


771 


mik 


MIR 


774 


les  plus  attentifs.  Il  ne  s'ensuit  pas  de  là  que 
nous  mettons  le  salut  des  Ames  h  la  discil^- 
tion  des  prôtres  :  nous  croyons,  tout  comme 
les  protestants,  que  le  désir  du  ha,' tome  en 
tient  lieu,  lorsqu'il  n'est  jias  possible  de  le 
recevoir  eu  efl'et;  h  plus  forte  raison,  le  dé- 
sir des  autres  sacrements  peut-il  y  suppl<';er, 
et  nous  obtenir  la  gri\ce  divine,  lorsqu'on  no 
peut  pas  faire  autrement.  Voy.  Sacrements. 

MINUTIUS  FÉLIX,  orateur  ou  avocat  ro- 
main, né  en  Afrique,  viv.iit  au  commence- 
ment du  ni"  siècle;  il  a  écrit,  vers  l'an  211, 
un  dialogue  intitulé  Octavius,  dans  lequel  il 
prouve  l'absurdité  du  paganisme,  la  sagesse 
et  la  vérité  du  christianisme.  Cet  ouvrage, 
qui  est  trôs-court,  a  été  singulièrement  es- 
tuné  dans  tous  les  temps ,  soit  h  cause  de 
la  beauté  du  style,  soit  à  cause  des  faits  et 
des  réflexions  qu'il  renferme.  Il  y  en  a  eu 
plusieurs  bonnes  éditions  en  Angleterre,  en 
Hollande  et  en  France  :  au  mot  Paganïsme, 
§  10,  nous  donnerons  un  court  extrait  de 
cet  ouvrage.  Barbeyrac,  qui  ne  voulait  pas 
qu'aucun  auteur  ecclésiastique  pût  échap[ier 
à  sa  censure,  a  fait  plusieurs  reproches  à  ce- 
lui-ci. 11  tourne  en  ridicule  ce  qui  a  été  dit 
par  cette  écrivain  et  par  d'autres  Pères,  tou- 
chant la  figure  do  la  croix;  nous  les  avons 
justifiés.  Voy.  Croix.  II  dit  que  Minulius 
Félix  condamne  absolument  les  secondes 
noces,  et  les  regarde  comme  un  adultère. 
Cela  est  vrai  à  l'égard  des  secondes  noces 
et  des  suivantes,  cjui  se  faisaient  après  les 
divorces;  nous  soutenons  qu'en  cela  les 
Pères  avaient  raison,  et  qu'ils  n'ont  rien  dit 
de  trop,  eu  égard  à  la  licence  qui  régnait 
alors  chez  les  païens.  Yoy.  Bigame.  Le  sens 
de  notre  auteur  est  évident  par  le  passage 
que  Barbeyrac  a  cité  lui-même,  Octav.,  c. 
XXIV.  «  Il  y  a,  dit  Minutius,  des  sacrifices 
réservés  aux  femmes  qui  n'ont  eu  qu'un 
mari;  et  il  y  en  a  d'autres  pour  celles  qui  en 
ont  eu  plusieurs  :  on  cherche  scrupuleuse- 
mont  celle  qui  peut  compter  un  plus  grand 
nombre  d'adultères.  »  Nous  ne  pensons  pas 
qu'il  soit  ici  question  de  celle  qui  avait  en- 
terré un  plus  grand  nombre  de  maris,  mais 
de  celle  qui  avait  fait  un  plus  grand  nombre 
de  divorces.  11  trouve  mauvais  que  Minu- 
tius Félix  et  d'autres  anciens  aient  réprouvé 
dans  un  ciirétien  l'usage  de  se  couronner 
de  fleurs;  usage,  selon  lui,  très-indiilerent  ; 
il  l'est,  sans  doute,  si  on  le  consiilère  abso- 
lument en  lui-même;  mais  il  ne  l'était  pas, 
suivant  les  mœurs  des  païens.  Si  l'on  veut  se 
donner  la  peine  de  lire  le  livre  de  Tertul- 
lien  de  Corona,  l'on  verra  qu'aucune  des 
causes  pour  lesquelles  les  jjaiens  se  cou- 
ronnaient, n'était  absolument  innocente; 
que  toutes  tenaient  plus  ou  moins  à  l'idolâ- 
trie ou  au  libertinage.  Voy.  CouuoMyE, 

La  censure  de  Barbeyrac  est  fausse  et  in- 
juste à  tous  égards. 

MIRACLE.  Dans  le  sens  exact  et  philoso- 
phii[ue,  un  miracle  est  un  événement  con- 
traire aux  lois  (le  la  nature,  et  qui  ne  peut 
être  l'effet  d'une  cause  naturelle.  Toutes  les 
définitions  que  l'on  a  données  des  miracles 
reviennent  à  celle-là,  quoique  les  philoso- 


phes et  les  théologiens  aient  varié  dans  les 
terme.'?  dont  ils  se  sont  servis  (1).  Jamais  on 
n'a  tant  écrit  sur  cette   importante  matière 

(!)  Il  est  peu  dp  queslioiis  sur  lesquelles  on  se  soit 
plus  exerce  ijue  suileiniraole.  Voici  un  aperçu  nou- 
veau de  M.  J.-B.  J.  que  nous  menons  sous  les 
yeux  du  lecleui-  : 

Les  niiraclc.'S  peuvent  être  considérés  pliilosophi- 
quemcul  ou  tliOologiquenicnt,  c'est-à-dire  sous  le 
poinl  de  vue  de  la  raison  naturelle,  ou  s  us  celui  de 
la  raison  ccl  liiéc  par  la  lévélation.  Dans  le  premier 
cas,  ils  peuvent  servir  aux  infidèles  et  aux  incrédules 
coinine  motifs  de  crédibilité  d'une  révélation  surna- 
turelle ;  dans  le  seconil,  ils  sont  propres  soit  à  con- 
firmer le  croyant  dans  sa  loi,  soit  à  attester  la  sain- 
teté de  quelques  membres  de  la  véritable  Eglise. 
Depuis  le  xviii"  siècle,  époque  oii  la  philosophie  s'est 
séparée  de  la  théologie,  il  est  devenu  nécessaire, 
pour  conduire  rationuellcnient  à  la  révélation  tout 
esprit  qui  raisonne  en  dehors  des  idées  révélées  re- 
çues communément,  de  traiter  la  question  des  mi- 
racles à  l'aide  des  seules  lumières  de  la  raison,  c'est- 
à-dire  uniquement  au  moyen  de  l'observation  et  de 
l'induction. 

Oi)  définit  ordinairement  le  miracle  ce  qui  se  fait 
en  (Itliors  de  l'ordre  de  toute  la  nature  créée  (S.  Tlio- 
mas,  1  p.,  q.  110,  art.  4):  ou,  un  fuit  sensi'de,  svrpre- 
tiiinl,  contraire  à  l'ordre  urd'inairc  de  la  l'iovidenC'-  et 
aux  lois  de  la  nalurr  (  P.  Perroue,  De  veru  reUrf.,  c. 
m,  art.  1)  ;  ou,  un  événement  contraire  aux  lois  de 
la  nature,  et  qui  ne  peut  être  l'effet  d'une  cause  na- 
turelle (Bergier,  art.  Miracle)  ;  ou,  un  fait  extraor- 
dinaire résultant  de  l'harmonie  inconnue,  quoique 
naturelle  ,  des  lois  générales  (  llouteville,  La  retig. 
prouvée  par  les  faits,  t.  II,  1.  r,  c.  C);  ou,  un  phé- 
nomène du  système  extraordinaire  des  lois  de  la  na- 
ture (lionnct,  Heckcrches  sur  l:  chr.sl.,  c.  5)  ;  ou,  un 
fait  sensible  et  eilraordinaire,  contraire  à  l'ordre  or- 
dinaire de  la  Providence  parmi  les  hommes  (Bailly, 
tract.  De  vera  retiy.,  c.  v,  art.  1,  §  1). 

Tous  ces  auteurs  et  un  grand  nombre  d'autres  en- 
core ne  fondent  la  notion,  la  possibilité  et  la  force 
probante  des  miracles  que  sur  la  création  de  la  ma- 
tière et  de  ses  lois,  opérée  par  un  être  d'une  puis- 
sance et  d'une  sagesse  infinies,  vérités  que  l'homme 
ne  peut  découvrir  au  moyen  de  l'observation  et  de 
l'induction,  et  qu'il  ne  connaît  par  conséquent  que 
par  la  révélation.  Si  nous  voulions  examiner  au  point 
de  vue  théologique  les  diverses  définitions  qui  ont  été 
données  du  miracle,  il  ne  nous  serait  point  difficile 
de  montrer  qu'aucune  d'elles  ou  ne  peut  s'appliquer 
à  cerwins  miracles,  ou  n'exclut  certains  phénomènes 
qui  ne  sont  point  des  miracles.  Mais  recherchons  la 
valeur  philosophique  des  prétendues  lois  de  la  na- 
ture, et  voyons  s'il  est  vrai  de  dire  que  tout  miracle 
soit  une  dérogation  à  ces  lois. 

Les  théologiens  entendent  communément  par  lois 
de  la  nature,  les  divers  modes  d'action  du  grand  Ar- 
chitecte de  l'univers,  ou  raccomplissement  de  ses 
Tolontés  générales  dans  les  êtres  visibles.  D'abord, 
on  sait  que  les  lois  proprement  dites  ne  sont  que 
l'expression,  la  simple  nianiléstation  et  non  raccom- 
plissement des  volontés  d'un  législateur,  et  qu'elles 
ne  sont  imposées  qu'à  des  êtres  intelligents  et  libres. 
Il  y  a  donc  abus  de  terme  à  appeler  lois  les  phéno- 
mènes naturels,  et  il  ne  peut  y  avoir  que  confusion 
de  langage  à  affirmer  de  ceux-ci  ce  qui  n'est  appli- 
cable ([u'à  celles-là.  En  eflét,  quand  on  dit  qu'il  y  a 
dérogation  aux  lois  de  la  naiure,  qu'il  y  a  suspension 
de  ces  lois,  on  prononce  an  moins  un  non-sens  ;  car 
si  l'on  substitue  la  définition  à  l'objet  défini,  ce  qu'en 
bonne  logique  on  doit  pouvoir  toujours  faire,  on  sera 
contraint  d'aflirnier  qu'un  fait  miraculeux  suspend 
l'accompUss  mrnl  d'une  des  volontés  iiéuéralcs  du  Créa- 
teur. Ainsi,  quand  Jésus-dlirist  dessécha  subitement  le 
iiguier  stérile,  loute  la  végétation  aurait  été  suspen- 


775 


MIR 


MIR 


Vf 


que  dans  tioirc  s\M(^;  elle  serait  assez 
éclaircie,  s'il  n'y  avait  pas  toujours  des  rai- 
sonneurs intéressés   par  système  h   l'em- 

diif,  conuiio  olani  Vaccompli»semciit  d'une  des  volontés 
flàn'iales  du  Crànleur;  qu.wû  il  iTssuscila  Lazare, 
tons  Ips  ninrls  seraient  sortis  ilii  loiiilieaii,  el-c.  Si 
l'on  veut  dire  tout  siiii|ilemeiit  (|ue  dans  le  cas  d'un 
miracle  un  plK'iioméne  est  produit  dans  des  circon- 
Ktaucos  on  il  n'cxisle  pas  onliiiaireinenr,  hieii  qu'il 
s'harmonise  avec  des  plu'MOMunes  naturels  du  inème 
ordre,  il  n'y  a  là  ni  suspension,  ni  dérogalion,  rien 
qui,  considéré  sans  aucun  ésiard  aii\  circonslances, 
soit  contraire  à  ce  que  l'on  ohseive  connnunénicnt. 
Le  miracle  ne  consiste  donc  que  dans  le  choix  des 
circonslances,  et  jamais  l'iiarnionie  de  la  iialuro  ne 
saurait  être  Iroulili'e  sons  un  aichitecle  souveraine- 
ment sage  ipii  vent  dans  des  cas  particuliers  se  laire 
reconnaître  pour  l'auteur  de  l'univers.  Si  Dieu  a{;is- 
sait  contrairement  à  ses  volontés  générales,  comme 
par  exemple,  s'il  produisait  des  corps  organisés  sans 
vai^seau^•,  sans  libres  on  sans  cellules,  s'il  agissait 
sur  les  sens  de  riionime  soit  pour  les  réparer  ,  soit 
pour  les  blesser,  sans  en  modifier  les  organes  :  en 
nn  mol,  s'il  voidait  la  lin  sans  les  moyens,  il  no  se 
ferait  point  reconnaitre  pour  l'auteur  de  la  nature 
connue,  mais  il  exposerait  les  houitiies  à  le  regarder 
connue  nn  periiirbateur  de  riiarnionie  de  ce  monde. 
Ainsi,  des  plii''notnènes  (pii,  considérés  en  eux-nié- 
nic-,  paraîtraient  tout  à  fait  differeids  de  cmix  que 
l'on  observe  ordinairement ,  ou  produits  par  des 
can'C-i  d'une  nature  contraire,  ne  seraient  propres 
qu'à  dé'Iriùre  l'unilé  de  Dieu  dans  l'esprit  des  liom- 
me~,  el  à  y  siibsiiiner  l'idée  de  deux  principes  in- 
dépendants et  rivaux.  Aussi  Dieu,  dans  la  palralion 
des  miracles,  s'est  tellement  rapproché,  quant  aux 
circonstances,  de  l'ordre  des  phénomènes  naturels, 
et  a  ainsi  tcllenienl  respecté  la  liheric  Imuuune  , 
qit'il  y  a  tonjours  ,  comme  saint  Augustin  le  dit 
quelque  part,  assez,  d'obscurité  pntir  ceux  qui  résis- 
tent ù  la  grâce  de  la  foi,  et  assez  de  clarté  pour 
ceux  qui  y  coopèrent. 

Apres  avoir  lait  l'appréciation  des  pri'tendues  lois 
delà  nature  au  point  de  vue  thcologique,  nous  allons 
les  examiner  au  point  de  vue  purement  philosophi- 
que. «  A  proprement  parler,  dit  le  P.  l'erroné  (Pr;i'l. 
theid.  t.  I,  c.  50),  Dieu  ne  régit  ni  les  genres  ni  les 
espèces,  qui  ne  sont  que  des  idées  abstraites,  mais 
seulement  les  individus,  qui  seuls  ont  de  la  réalité; 
il  ne  les  n'git  point  par  des  lois  uiuverselles,  les- 
quelles n'existent  que  dans  notre  esprit,  et  (pie  nous 
imaginons  en  voyant  nue  Dieu  gouverne  d'une  ma- 
nière uniforme  les  individus  de  telle  classe,  mais  il 
régit  chaque  individu  en  vertu  d'une  volonté  spéciale. 
D'où  il  résulte  (pie  quand  Dieu  veut,  par  exemple, 
que  telle  planète,  s'arnle,  il  ne  déroge  :'i  aucune  loi 
qu'il  ait  établie,  mais  il  décide  S(Mon  son  bon  plaisir 
que  cette  planète  tourne  autour  du  soleil  pour  tant 
de  temps,  qu'après  elles'arrèle,  puis  qn'ellesc  meuve 
de  nouveau.  Il  est  clair  (jue  l'on  ne  coiu.'oit  en  cela,  et 
qu'il  n'y  a  en  ellèt,  aucune  dérogation  à  une  loi  uni- 
verselle; or,  on  doit  en  dire  autant  par  rapport  à 
tout  autre  phénomène  extraordinaire.  On  peut  donc 
dire  qu'en  réalité  il  n'y  a  aucune  loi  universelle  do 
la  nature,  aucune  qui  ait  pour  objet  les  genres  et  les 
espèces,  el  que  les  seuls  individus  sont  régis.  Il  ne 
peut  y  avoir  ni  dérogation  proprement  dite,  ni  ex- 
ception, mais  tout  se  fait  par  un  acte  très-simple  de 
la  volonté  divine,  en  vertu  duquel  tel  individu  de  la 
nature  dans  certaines  circonsianees  re(,'oil  telles  ou 
telles  modilications.  t  On  conçoit,  d'après  cet  exposé 
rationnel  du  théologien  romain,  ([ue  les  lois  dites  de 
la  nature  ne  sont  autre  chose  que  les  phénuniene.^ 
naturels  généralisés,  el  par  conséquent  n'ont  qu'une 
réalité  subjective.  Les  astronomes,  les  physiciens, 
les  chimistes,  les  physiologistes  ne  créeiil  leurs  lois, 
comme  les  naturalistes  les  caractères  de  leurs  geu- 


brotiiller.  On  peut  la  n'duiro  à  quatre  ques- 
tion :  1"  Un  miracle  est-il  possilile'?  2"  Si 
Dieu  en  faisait  un,  pourrait-on  le  discerner 

res  et  de  leurs  espèces,  qu'après  l'observation  d'un 
certain  nombre  de  laits  individuels,  qui,  eonsid(''iés 
sons  les  mêmes  points  de  vue,  olfient  une  ressem- 
blance paiiaile.  Parmi  les  phénomènes  naturels,  il  en 
est  (pii  sont  produits  par  une  force  positive  et  qui, 
par  conséquent,  font  naître  l'idée  de  causalité;  il  en 
est  d'autres,  au  C(mlraiie,  qui  sont  des  ph('nomènes 
de  pure  passivité,  lesipiels  n'induisent  aucnnemenl 
à  racli(Mi  d'un  être  actil  .sur  un  cire  passif  :  nous 
nommerons  les  uns  phénomènes  de  causalité,  cl  les 
autres,  qui  ne  sont  que  divers  elTels  de  ré(piilibre, 
phénomènes  de-passiviti'.  Les  hommes  de  la  science, 
i'aisanl  abstraction  de  toute  idt-e  de  causalité,  ont 
soumis  à  des  lois  tontes  sortes  de  [ihénomènes  :  ils 
ont  dit  les  lois  de  la  pesanteur  on  de  rè(piilibie,  de 
i'électricilé,  du  nuignétisme,  etc.,  aussi  bien  (lue  les 
lois  du  niouvemcnt,  de  la  végétation,  de  l'assimilation, 
des  sécrétions,  etc. 

Cependant,  il  y  a  pour  le  philosophe  une  différence 
énorme  entre  un  pln-nomène  de  caiisalibi  et  un  phé- 
nomène de  pure  passivité  :  il  reconuait  dans  l'un  uu 
principe  actif,  que  l'observation  et  l'induclion  ne 
sauraient  lui  faire  trouver  dans  l'autre.  S'il  considère 
les  êtres  organisés  comme  tels,  ou  les  corps  inoiga- 
nifpies  comme  I'aisanl  partie  de  notre  système  plané- 
taire, il  ne  larde  pas  à  y  découvrir  l'action  d'un  cire 
immatériel  sur  la  matière  brûle,  action  dont  il  lui  est 
facile  d'apprécier  soit  l'exercice  dans  des  circon- 
stances extraordinaires  el  en  dehors  des  lois  de  l'ana- 
logie, soil  la  cessation  anormale,  aux((uels  cas  il  peut 
y  avoir  miracle,  comme  nous  le  verrons  bientôt.  Si, 
an  contraire,  l'observateur  lixe  son  aueiition  sur  les 
corps  inorganiques  qu'il  rencontre  à  la  surface  de  la 
terre,  ou  même  sur  les  C(M'ps  organises  envisagés 
comme  masses  et  sans  aucun  égard  à  l'organisation, 
il  n'y  voit  rien  qui  soil  distinct  des  propriétés  con- 
nues de  la  matière  brute.  Il  ne  laui  cependant  jias 
conclure  de  là  que  de  tels  corps  ne  puissent  jamais 
engendrer  l'idée  de  causalité.  Les  pliénoméiies  de 
passivité  aux(]Hels  ils  donnent  lieu  ordinairement 
peuvent  être  remplacés  par  des  phénomènes  de  cau- 
salité qui  aient  pour  causes  des  agents  invisibles, 
produisant  des  ed'ets  analogues;!  ceux  que  des  agents 
visibles  offrent  sans  cesse  a  nos  regards.  Il  est  clair 
que  dans  ces  cas  il  peut  y  avoir  miracle  tout  aussi 
bien  que  dans  les  cas  extraordinaires  des  phéno- 
mènes de  causalité.  Dans  les  miracles  de  celle  caté- 
gorie, l'agent  invisible  ne  change  pas  plus  les  pro- 
prit'tés  des  corps  que  ne  le  l'ont  les  causes  visibles 
d'effets  analogues  :  il  vainc  des  résistances,  il  établit 
des  équilibres  par  des  moyens  inconnus  aux  hom- 
mes, el  voilà  tout.  Si  donc  le  philosophe  admettait 
les  lois  des  physiciens,  il  ne  devrait  pas  ariinner  pour 
cela  ni  que  tout  miracle  est  une  dérogation  à  qiiel- 
(prune  (le  ces  lois,  ni  qu'il  résulte  d'une  loi  incon- 
nue. Que  l'on  regarde,  par  exemple,  la  pesanteur 
comme  une  loi  générale  de  la  niatiire,  et  que  l'on 
suppose  comme  laits  bien  constatés  par  l'histoire,  soit 
qiii^  le  fer  d'une  hache  s'est  transporté  du  lond  du 
lit  d'un  fleuve  à  la  surface  de  l'eau  ,  soit  qu'un 
homme  a  marché  sur  ce  liquide  sans  y  être  englouti, 
soit  que  la  mer  ou  un  fleuve  a  comme  suspendu  ses 
vagues  pour  livrer  passage  à  une  armée,  soit  que  des 
hommes  ont  été  élevés  de  terre  et  transportés  sans 
moyens  visibles,  etc.,  devra-l-on  conclure  qu'il  y  ait 
eu  dérogation  à  la  Uii  générale  de  la  pesanteur  en  fa- 
veur soit  de  ce  fer,  soit  de  ces  eaux,  soit  de  ces 
hommes'?  On  n'est  pas  plus  autorisé  à  le  faire  en  de 
tels  cas,  que  dans  ceux  si  nombreux  où  des  agents 
naturels  soulèvent,  par  leur»,  moyens  ordinaires,  des 
corps  d'une  pesanteur  sp.xili((iic  plus  grande  que 
celle  des  milieux  dans  les(iuels  ils  opèrent.  La  risi- 
siance  csl  vaincue  par  une  puissance  invisible  ou  sur 


775  MIR 

d'avec  un  lait  naturel,  et  le  proaTer?5*  Les 
miracles  peuvent-ils  servir  à  conlirmer  une 
doctrine  et  une  religion?  V  Dieu  en  a-t-il 
l'ait    véritablement   pour   servir  do   témoi 


MIR 


77* 


gnage  k  la  révélation?  On  comprend  que 
nous  sommes  forcés    d'aijréger  toutes  ces 
questions. 
I.  Un  miracle  est-il  possible?  Personne  ne 


humaine  dans  les  cas  extraordinaires,  comme  elle 
î'esl  par  une  puissance  visible  dans  les  cas  ordi- 
naires :  néanmoins,  il  y  a  miracle  quand  l'agent  est 
invisiltlc,  ou  mieux  surhumain,  il  y  a  elfet  purement 
nalurel  quand  il  est  visible,  ou  de  l'ordre  ordinaire. 
Qu'on  ne  m'objecte  pas  avec  l'abbé  llouieville  ou 
Charles  Bonnet  qu'un  miracle  résulte  d'une  loi  in- 
connue de  la  nature,  ou  ([u'il  est  l'effet  d'une  série 
particulière  et  extraordinaire  de  causes.  D'abord  ces 
deux  liypolhéses,  (jui  au  fond  se  confondent,  comme 
l'a  judicieusement  lait  remarquer  le  P.  Perrone  (Op. 
cit.  I.  1,  c.  XLVUi),  sont  tout  à  fait  gratuites,  surtout 
si  l'on  raisonne,  comme  nous  le  faisons  ici,  d'après 
les  seules  lumières  de  la  raison.  Ensuite,  une  loi  in- 
connue ou  une  cause  extraordinaire  appartenant  à  une 
série  inconnue  est  un  non-sens.  Comment  concevoir 
l'idée  d'une  loi  ou  d'une  série  inconnue  de  causes 
d'après  quelques  faits  isolés,  entre  lescjuels  l'analogie 
n'établit  aucune  liaison  ï  Enfui,  pour  ne  parler  iti  que 
de  la  pesanteur,  rien  n'autorise,  dans  les  laits  ex- 
traordinaires mentionnés  ei-dessus,  la  supposition 
soit  d'une  loi  inconnue,  soit  d'une  cause  extraordi- 
naire en  vertu  de  laquelle  un  morceau  de  fer,  cer- 
taines eaux,  certains  hommes,  etc.,  auraient  cessé 
d'être  attires  vers  leur  centre  de  gravité,  pour  quel- 
ques instants  seulement,  sans  prenure  invariable- 
ment une  direction  contraire.  Si,  par  exemple,  les 
eaux  et  les  hommes  dont  il  s'agit  ont  été  réduits  tout 
à  coup  »  une  pesanteur  specilique  moindre  que  celle 
de  l'air,  pourquoi  leur  ascension  dans  ce  milieu 
n'aurait-elle  pas  été  instantanée,  continue  et  dans 
une  direction  rigoureusement  verticale'?  On  voit  qu'il 
faudrait  recourir  aux  causes  occultes  des  anciens  et 
à  d'autres  bizarreries  du  niéiiie  genre  pour  soutenir 
les  hypothèses  de  Uouteville  et  de  Bonnet.  D'ail- 
leurs, tout  s'oppose  à  ce  que  les  corps  puissent  être 
dépouillél  d'une  propriété  sans  laquelle  il  serait  im- 
possible de  les  observer  a  la  surface  de  la  terre.  Est- 
il  possible,  en  bonne  philosophie,  de  supposer  des 
agents  destructeurs  dans  un  orJre  de  phénomènes  oii 
l'observation  ne  peut  induire  a  aucun  auteur'?  IN'est- 
ii  pas,  au  contraire,  émiiieniinent  rationnel  et  rigou- 
reusement conforme  à  l'analogie,  dans  les  cas  de  mi- 
racles de  l'espèce  qui  nous  occupe,  d'admettre  que  la 
résistance  est  vaincue  par  une  puissance  surhu- 
maine? Nous  pourrions  opposer  des  arguments  tout 
aussi  solides  à  nos  nombreux  adversaires  de  tous  les 
systèmes,  pour  annuler  la  valeur  philosophique  de 
beaucoup  d'autres  lois  dites  de  la  nature.  Ouelquefois 
les  théologiens  ont  voulu  quitter  les  hauteurs  de  l'ahs- 
Iraction,  où  ils  se  plaisent  tant,  pour  descendre  dans 
'e  monde  des  réalites  :  alors  ils  ont  créé,  pour  avoir 
le  plaisir  d'y  déroger,  des  lois  de  la  nature  en  oppo- 
sition avec  toute  observation  sévère.  11  serait  trop 
long  deles  suivre  dans  tous  leurs  détours:  qu  il  nous 
suliise,  pour  neutraliser  toutes  leurs  théories,  de  don- 
ner une  bonne  delinition  philosophique  des  miracles, 
et  de  raisonner  ensuite  sur  des  réalités  pour  en  faire 
l'application. 

Le  philosophe  anglais  Locke  définit  le  miracle  «  un 
fait  sensible,  qui  surpasse  la  portée  du  spectateur, 
qui  le  croit  contraire  au  cours  de  la  nature,  et  le 
juge  divin.  )  On  a  fait  observer  plus  d'une  fois,  et  avec 
raison  ,  que  cette  détinition  ne  peut  caractériser  un 
miracle,  lequel  n'aurait  pas  sa  garantie  en  lui-même, 
mais  serait  subordonné  a  l'appréciation  de«  témoins. 
Cette  appréciation,  du  reste,  même  faite  par  ues 
spectateurs  ignorants,  a  son  utilité  quand  il  s'agit  de 
faits  éclatants  et  à  la  portée  ds  tout  le  monde,  mais 
elle  n'est  nullement  nécessaire  pour  la  constaution 
d'un  fait  surhumain.  Souvent  ua  fait  qui  sort  do  l'or- 


dre  ordinaire  reçoit  les  interprétations  les  plus  op- 
posées de  la  part  de  ceux  mêmes  qui  en  ont  été  les 
témoins,  c'est  à  la  critique  à  en  faire  elle-même  une 
saine  appréciation. 

Selon  Clarke,  autre  philosophe  anglais,  un  mira- 
cle est  <  un  fait  contraire  au  cours  de  la  nature, 
produit  par  l'intervention  de  quelque  intelligence 
supérieure  à  l'homme.  »  Le  principal  défaut  que 
Bailly  trouve  dans  cette  définition,  c'est  qu'elle  sup- 
pose qu'un  miracle  doit  être  un  effet  contraire  à 
ceux  qui  sont  produits  dans  tout  l'univers,  ce  ([ue 
l'on  n'est  jamais  en  droit  d'affirmer;  tandis  qu'il 
suffit,  pour  qu'un  fait  soit  réputé  miraculeux,  i  qu'il 
soit  contraire  à  l'ordre  ordinaire  de  la  Providence 
parmi  les  homme».  )  Cette  observation  est  d'autant 
mieux  fondée,  que  l'homme  ne  juge  d'un  miracle  que 
par  comparaison,  et  qu'il  ne  peut  comparer  que  des 
faits  qu'il  lui  est  possible  d'observer.  D'ailleurs,  il 
n'a  besoin  pour  sa  gouverne  de  reconnaître  d'autre 
autorité  que  celle  qui  exerce  son  empiresur  le  monde 
dont  il  fait  partie  :  c'est  uniquement  à  cette  autorité 
qu'il  est  porté  à  se  soumettre,  parce  que  d'elle  seule 
il  croit  dépendre.  Cependant,  nous  ne  pouvons  ad- 
mettre avec  Bailly  et  b«aucoup  d'autres  théologiens 
qu'un  fait  miraculeux,  pour  être  réputé  tel,  doive 
être  contraire  au  cours  ordinaire  de  la  nature  obser- 
vable :  il  suffit  qu'il  soit  di/férent,  même  seulement 
quant  à  certaines  circonstiiices,  des  faits  naturels. 
C'est  sans  doute  cette  considération  qui  a  porté  le 
savant  pape  Benoit  XIV  à  distinguer  trois  sortes  de 
miracles,  qu'il  dit  être  ou  tupra,  ou  prœter,  ou  contra 
naturam  {De  bealif.  et  canoiiis.  sauclorum,  lib.  iv,  p.  i, 
c.  1  seqq.).  Mais,  tout  en  reconnaissant  le  mérite  de 
cette  distinction,  qui  peut  jeter  quelque  lumière  sur 
la  théorie  si  diflicile  des  miracles,  nous  ne  pouvons 
accorder,  pour  les  raisons  exposées  plus  haut,  et  sur- 
tout pour  des  raisons  d'analogie,  qu'un  fait  miracu- 
leux puisse  jamais  être  tubstaiiiiellemeni  contraire 
aux  faits  naturels.  Quant  à  la  cause  du  miracle,  as- 
signée par  Clarke,  nous  n'avons  aucun  motif  de  la 
contester,  quoique  Bailly  et  d'autres  théologiens 
souti»nnent  contre  le  philosophe  anglais  qu'on  ne 
peut  attribuer  de  miracles  proprement  dits  aux  anges 
soit  bons,  soit  mauvais.  Comme  nous  raisonnons  da- 
prés  les  seules  lumières  naturelles,  nous  ne  pouvons 
parler  d'anges,  soit  bons,  soit  mauvais,  bien  qu'il 
soit  impossible  de  contester  l'action  d'esprits  ou  de 
forces  subalternes  dans  le  gouvernement  du  monde. 
Il  est  vrai  qu'une  foule  de  phénomènes  observés  nous 
induisent  à  reconnaître  qu'il  y  a  unité  de  plan  et 
d'ordonnance  dans  le  système  planétaire  dont  nous 
faisons  partie,  et  que,  par  conséquent,  il  est  régi  par 
une  force  intelligente  supérieure  à  l'homme.  Mais 
rien  absolument  ne  nous  prouve  que  celte  force 
agisse  seule  et  par  elle-même,  sans  avoir  sous  sa 
direction  des  forces  subaliernes  qui  puissent  produi- 
re des  phénomènes  de  causalité  tant  extraordinaires 
qu'ordinaires.  Toutefois,  comme  nous  sommes  portés 
à  croire,  que  les  phénomènes  de  causalité  ne  peuvent 
être  modiliés  que  par  l'agent  qui  peut  les  produire, 
nous  devrons  logiquement  attribuer  à  rordoiina.teur 
suprême  de  ce  monde  tous  les  faits  extraordinaires 
qui  manifesteront  la  puissance  dont  l'action  s'exerce 
communément. 

On  peut  essayer  de  définir  le  miracle  soit  a  priori, 
soit  a  posteriori.  On  le  définirait  a  posteriori,  si,  après 
avoir  considéré  les  divers  faits  que  les  théologiens 
catholiques  regardent  comme  miraculeux,  on  les  ca- 
ractérisait par  ce  qu'ils  ont  de  commun.  Selon  cette 
méthode,  on  pourrait  dire  qu'un  miracle  quelconque 
est  un  fait  extraordinaire  daus  ta  nature,  ou  dans  sa 


m 


MIK 


MIU 


778 


peut  en  douter,  dès  qu'il  admet  que  c'est 
Dieu  qui  a  cri''é  le  monde,  et  qu'il  l'a  fait 
avec  une  pleine  liberté,  en  vertu  d'une  puis- 
cause,  ou  dans  ses  circonstances.  Piirnii  les  fails 
miraculeux,  les  uns,  ei  c'est  le  plus  grand  nombre, 
sont  constatables  imniédiatenieiit  et  par  eux-mêmes; 
d'autres  ne  le  sont  que  par  l'appréciation  de  Isurs 
effets,  tels  sont  les  cas  de  la  connaissance  intuitive 
des  actes  et  des  pensées  d'autrui,  ceux  des  conver- 
sions inespérées,  du  don  des  langues,  etc.  ;  il  en  est 
aussi  qui  ne  peuvent  se  prouver  que^par  d'autres 
miracles,  comme  les  divers  cas  d'inspiration  et  cer- 
taines prophéties,  ou  par  l'accomplissement  d'événe- 
ments naturellement  imprévisibles,  comme  la  plu- 
Eart  des  prophéties  ;  enlin,  quelques-uns  ne  s'éta- 
lissent  que  par  le  raisonnement  basé  sur  des  pré- 
misses révélées,  tels  sont  ceux  de  l'assistance  de 
l'Eglise  parle  Saint-Esprit,  de  la  transsubstantiation, 
des  effets  des  sacrements.  On  conçoit  l'acilement  que 
raisonnant  dans  cette  matière,  d'après  les  seules  lu- 
mières naturelles,  nous  ne  pouvons  adopter  une  dé- 
finition a  ]>osteriori  des  miracles. 

Pour  procéder  a  priori,  il  faut  partir  de  l'utilité  des 
miracles.  Nous  supposons  d'abord  qu'un  homme  qui 
cherche  la  vérité  en  matière  de  religion  ait  reconnu, 
au  moyen  de  l'observation  et  de  l'inluction,  l'existence 
d'une  puissance  intelligente  qui  régit  le  monde  dont 
nous  faisons  partie.  Nous  supposons  ensuite  (piayant 
déposé  tout  prt'jugé  d'éducation,  il  se  soit  assure  de 
l'insuffisance  de  la  raison  pour  connaître  ce  qu'il  lui 
importe  le  plus  de  savoir,  et  principalement  ce  qu'il 
a  à  faire  pour  être  agréable  au  puissent  ordonnateur 
dont  il  croit  dépendre.  Il  voudrait  connaître  ses  vo- 
lontés, mais  il  ne  peut  les  deviner;  il  interroge  les 
anciens,  ainsi  que  ceux  qui  s'occupent  h  honorer  un 
être  supérieur,  et  dans  quelque  pays  (pi'il  fasse  son 
enquête,  on  l'assure  que  la  Divinité  s'est  autrefois 
manifestée  aux  hommes  pour  leur  intimer  ses  volon- 
tés. Il  conçoit  alors  ((ne  si  une  telle  manilèslalion  a 
eu  lieu,  elle  a  dil  être  accompagnée  de  signes  qui 
attestassent  le  pouvoir  de  son  auteur  sur  le  iiLonde 
observable,  et  en  particulier  sur  l'homme.  Le  pen- 
seur a  dune  le  plus  grand  intérêt  à  rechercher  quelle 
est  celle  des  révélations  répuiées  divines  par  diverses 
sociétés  religieuses,  en  faveur  de  laquelle  il  y  a  eu 
des  signes  extraordinaires  bien  constatés.  Mais  on 
conçoit  qu'il  est  de  la  plus  haute  importance  d'exa- 
miner au  préalable  quels  devront  être  les  caractéies 
de  ces  signes  ou  miracles,  pour  que  l'on  reconnaisse 
facilement  ([u'ils  ont  pour  auteur  l'ordonnateur  su- 
prême de  ce  monde.  Nous  distinguons  des  faits  de 
deux  ordres  :  ceux  de  l'ordre  physique,  qui  s'accom- 
plissent dans  les  êtres  matériels,  et  ceux  de  l'ordre 
psychologique,  qui  ont  pour  sujet  l'àme  humaine 
considérée  comme  douée  d'inielb'Ction  et  de  volition. 
Tant  que  les  fails  soit  physiques  soit  psychologiques  ne 
sortent  pas  de  l'ordre  ordinaire  de  la  providence, 
selon  lequel  tout  se  fait  par  degrés,  et  par  des 
moyens  proportionnés  aux  lins,  ils  sont  considérés 
comme  purement  naturels.  Mais  s'il  arrivait  (pie  cer- 
tains faits  sortissent  de  l'ordre  ordinaire,  soit  parce 
qu'ils  excéderaient  le  pouvoir  naturel  des  agents  qui 
paraîtraient  en  être  les  causes,  soit  parce  qu'ils 
n'offriraient  dans  leurs  circonstances  aucune  analo- 
gie avec  ce  <pii  arrive  communément,  d'après  l'ex- 
périence universelle,  ils  devraient  être  réputés  mi- 
raculeux. Un  miracle  est  donc  un  fait  soit  physique, 
soit  psychologique,  qui  excède  la  puissance  des 
agents  visibles,  et  (|u'aucune  analogie  ne  peut  faire 
provoir.  Telle  est  la  délinilion  philosophi(pie  du  mi- 
racle. Mais  cette  délinition  n'est  pas  pratique  pour  le 
commun  des  hommes  :  1°  pari  e  que  la  plupart  ne 
sauraient  discerner  un  fait  cxiraoïdiiiaire  d  un  fait 
naturel  de  l'ordre  psychologique,  siniout  si  l'on  a 
égUrd  aux  laits  de  magnétisme  humain  léputés  natu- 
rels; 2*  parce  qu'il  n'est  pas  toujours  facile  d'appré- 

DlCTIONS.   DE  ThÉOL.    DOGMATIUtE.     III. 


sauce  infinie.  En  elTet,  dans  cette  hypo- 
thèse, (jiii  est  la  seule  vraie,  c'est  Dieu  qui 
règle  l'ordre  et  la  marche  de  l'univers,  tels 

cier  les  limites  de  la  puissance  des  agents  visibles  ; 
3°  parce  qu'il  l'est  encore  moins  d'apprécier  conve- 
nablement l'analogie  dans  l'ordre  physique;  4°  sur- 
tout, parce  que  des  faits  physiques  quelconques, 
même  des  plus  extraordinaires,  ayant  pour  causes 
des  agents  invisibles,  ne  sont  pas  de  nature  à  inté- 
resser ceux  qui  en  ont  connaissance  au  point  de  les 
porter  à  embrasser  des  pratii|ues,  toujours  plus  ou 
moins  pénibles,  qui  peuvent  en  être  la  conséquence. 
Aussi,  comme  nous  voulons  considérer  le  miracle 
uniquement  sous  le  point  de  vue  de  son  utilité  géné- 
rale, d'aliord  sans  avoir  aucun  égard  aux  fails  psy- 
cliiil()gi(iues,  nous  ne  fixerons  notre  attention  que 
sur  les  faits  de  l'ordre  physiipie.  Les  faits  ou  phéno- 
mènes physiques  sont  de  deux  sortes  :  ceux  de  cau- 
salité et  ceux  de  passivité.  Les  phénomènes  de  cau- 
salité manifestent  dans  un  être  passif  l'action  d'un 
être  intelligent  et  libre.  La  rotation  des  planètes 
aulour  du  soleil,  les  divers  mouvements  vitaux  que 
l'on  observe  dans  les  végétaux  et  les  animaux,  soiitdes 
phénomènes  de  causalité,  aussi  bien  que  les  mouve- 
ments de  l'homme  et  ses  actions  sur  les  êtres  qui 
l'environnent.  Les  phénomènes  de  causalité  que  nous 
pouvons  observer  sont  donc  de  deux  sortes  :  les  uns 
sont  renfermés  dans  les  limites  du  pouvoir  naturel  de 
rhomnie,  et  les  autres  excèdent  sa  puissance.  Nous 
avons  vu  que  les  phénomènes  de  passivité  peuvent 
être  remplacés  par  des  phénomènes  de  causalité  qui 
aient  pour  causes  des  agenls  invisibles  :  dans  ce  cas, 
ce  sont  des  phénomènes  de  causaliié  extraordinaires. 
Les  phénomènes  ordinaires  de  causalité  qui  excédent 
la  puissance  naturelle  de  l'homme  et  ont  pour  causes 
des  agents  invisibles,  peuvent  aussi  être  mêlés  Je 
phi'nomènes  extraordinaires  du  même  genre.  D'où 
il  résulte  qu'il  peut  y  avoir  des  phénomènes  extraor- 
dinaires de  causalité  de  deux  classes  :  ceux  de  sim- 
pL'  causaliié,  qui  se  passeraient  à  la  surface  de  la 
terre  dans  des  corps  inorganiques,  ou  dans  des  corps 
organisés  considérés  en  laiit  que  masses  ;  et  ceux 
que  je  propose  d'appeler  de  douille  causalité,  qui 
seraient  observés  soit  dans  des  êtres  déjà  organisés, 
soit  dans  des  êtres  inorgani<pies  devenus  organisés 
en  dehors  de  la  voie  de  g(Mic'ralion  d'un  iiaienl  sem- 
blable, soit  dans  des  êlres  inorganiques  offrant  déjà 
l'idée  de  causalité.  Ainsi,  avouons-nous  qu'il  peut  y 
avoir  des  miracles  physiques  de  deux  classes  ;  mais 
dans  la  pratique,  nous  ne  pouvons  considérer  comme 
tels  les  phénomènes  extraordinaires  de  simple  cau- 
salité :  soit  parce  qu'il  n'est  pas  toujours  facile, 
ainsi  que  nous  lavons  déj  i  dit,  d'apprécier  les  limi- 
tes de  la  puissance  hiimaioe,  soit  parce  que  des 
phénomènes  de  cette  classe  peuvent  avoir  pour  cau- 
ses des  agenls  invisibles  d'un  pouvoir  inappréciable, 
agissant  sur  les  niasses  des  êtres  comme  lui-même, 
sans  avoir  sous  leur  dépendance,  soit  le  règne  orga- 
nique, soit  surtout  le  règne  de  spontanéité.  Or, 
l'homme  ne  peut  être  porté  a  adopter  soit  des  croyan- 
ces soit  des  pratiques,  en  faveur  desquelles  seraient 
opérés  des  miracles  qui  ne  lui  sembleraient  pas  avoir 
pour  causes  uniagent  dont  il  croie  dépendre.  Nous 
ne  (louvoiis  donc  tenir  coiiiplo,  dans  notre  définition 
pratique  du  miracle,  quedes  pliènoménes  extraordi- 
naires de  double  causalité,  qui  seuls  manifestent  in- 
dubitablement à  rhoinmc  la  puissance  de  l'ordonna- 
tour  suprême  du  momie  dont  il  fait  partie.  Mais  il 
importe  avant  tout  de  tracer  les  caiaetères  dont  doi- 
vent être  revêtus  les  phénomènes  extraordinaires  de 
ceUe  classe,  pour  avoir  force  probante.  Comme  ces 
phénomènes,  dans  l'hypothèse  d'une  révélalion,  sont 
des  signes  d'une  volonté  spéciale  de  leur  auteur, 
1°  ils  ne  doivent  offrir,  dans  les  circonstances  de 
leur  production,  aucune  analogie  avec  les  phénomè- 
nes ordinaires  de  causalité.  11  suffit, 

25 


m 


sm 


MIR 


780 


qu'ils  sont  ;  c'est  lui  qui  a  établi  la  liaison 
que  nous  apercevons  entre  les  causes  phy- 
siques et  leurs  effets,  liaison  de  laquelle  nous 

ï\  siiflit,  pour  en  juger  prudemmenl,  de  s'en  rap- 
porter à  l'expérience  universelle,  et  il  n'est  point  né- 
cessstire  de  connaître  tous  les  phénomènes  pliysi- 
(lues,  passés,  présents  et  à  venir.  Les  phénonienes 
de  double  causalité  seront  toujours  d'une  appréciation 
facile   pour   le  vulgaire,  qui   n  aura  jamais  rien  ob- 
servé d'analogue  dans  les  cas  ordinaires,  et  qui  ne 
manquera  pas  de  les  attribuer  à  une  volonté  spéciale 
(|e  la  Divinité.  Si  les   savants,  soit   contemporains, 
soit  des  âges  postcrieurs,  veulent  examiner  les  faits 
miraculeux  de  cette  classe,  ils  doivent  en  faire  l'ap- 
préciation d'après  les  connaissances  de  leur  époque, 
et    suivant  ce  principe   d'analogie  :  la  même  cause 
naturelle,  agissant  dans  les  mêmes  circonstances  na- 
turelles, produit  les  mrmesellêts  naturels.  Lorsqu'ils 
ont  des  doutes,  il  est  de  leur  plus  grand  intérêt  de  les 
lever  au  plus  tôt,  en  reproduisant  les   causes  natu- 
relles auxquelles  ils  attribuent  tels  ou  tels  laits  ex- 
traordinaires. Ils  jugeront  ainsi  sainement  de  la  na- 
ture du  miracle  («).  On  reconnaît,  par  exemple,  que 
certains  ell'eis  bien  constatés  du  magnétisme  humain 
«ont   naturels  et  dépendent  de  la  constitution   parti- 
culière de  tels  ou  tels  individus,  en  réitérant  les  ex- 
périences dont  résultent  ces  laits.  Il  en  est  de  même 
de  beaucoup  d'autres  phénomcnes  physiques  dont  on 
ignore  lescau.ses.  On  s'assurera,  au  contraire,  que  les 
faits  de  résurrection,   de  guérison,  etc.,  rapportés 
dans  la  Bible,  supposé  qu'ils  soient  bien   constatés, 
sont  surnaturels,  eu  répétant  dans  des  circonstances 
analogues  les  paroles  et  les  actions  qui  en  ont  été  les 
causes  occasionnelles,    avec  lesquelles  ils  n'ont  au- 
cune proportion.  Nous  avons  dit  que  les  phénomènes 
miiaculeux  ne  doivent  ollVir,  r/a»s  tes  cir  onsiiimes 
de  leur  production,  aucune  analogie  avec  les  phéno- 
mènes ordinaires  de  caiisalilé  :  cehisuflii  pour  qu'ils 
signalent  J  une  manière  certaine  riiiteiveniion  ex- 
traordinaire de  la  Divinité.  Ou  sait,  par  exemple, 
que  tous  les  êtres  organisés  naissent   invariablement 
d'un  parent   semblable,   se  développent  par   degrés 
dans  un  temps  plus  ou  moins  long,  conservent  tou- 
jours certaines  lésions  organiijue^,  ne  sont  affranchis 
de  quelques  autres    qu'insensiblement  et  par  des 
moyens  proportionnés  aux  effets,  enfin  ne  renaissent 
pa;  de  leurs  propies  débris  après]  leur  mort,  comme 
la  mythologie  l'allirme  du  phénix.  Si  donc  des  êtres 
organises   étaient  produils  tout  d'un  coup  et  à  l'état 
d'aoulte,  eu  dehors  des  circonstances  orainaiies  de 
la  repruduclion,  s'ils    étaient  guéris  d'iuliiniilés  rê- 
)ulécs  incurables,  ou  délivrés  iualautanoiuenl  de  ma- 
adies   quelconques  sans    l'emploi  d'aucun  moyen 
curaiif  ;  eidin,  si  après  avoir  été  privésde  la  vie,  ils 
redevenaient  vivants  avec   les  mêmes    tissus,  sans 
avoir  été  décomposés  en  leurs  principes  élémentaires, 
et  sans  ayoir  été  assimiles  peu  à  peu,  et  ensuite  re- 
produits par  des  parents  semblables,  il  serait  certain 
d'après  toutes  les  données  de  l'analogie,  qu'il  y  aurait 
intervention  extraordinaire  du  grand  arbitre  de  l'or- 
ganisation, qui  aurait  adopte  pour  quelques  cas  par- 
ticuliers des  modes  de  procéder  qu'il  n'emploie  pas 
ordiru'.iremenl.  — 2'  Il  resuite  de  l'exposé  de  ce  pre- 
mier caractère  des  phénomènes  de   doul  le  causaliié, 
que  non-seulement  il  suflit,  pour  qu'ils  aient   force 
probante,  qu'ils  soient  produits  daus  des  circonstan- 
ciés différentes  de  celles  au  milieu  desquelles  se  pas- 


la)  S'ils  vement  recourir  à  «es  causes  occu.les,  on  mé- 
eonnailre  rinler\eiilion  extraordinaire  de  la  Divinité,  en 
invoquant  soil  les  mauvais  génies,  snil  ruxpérience  des 
généraiions  fiiiures  dms  les  [iliéiioinèiies  )ili,ysiiiue>i,  ils 
s'aveiiyleut  volonlairenunl  cX  dryionnrnl  d'inie  condiii  n 
pire  que  le  vulgane,  ce  qui  arrive  souvenl.  liien  n'ist 
inalhiinalîi|Ut  en  nialîère  de  religion;  mais  loul  est  assez 
ckir  p"iir  quiconque  lait  un  usage  légiliine  de  sa  raisuii, 
el  ne  résiste  pas  a  la  grâce. 


r. 


ne  pouvons  point  donner  d'autre  raison  que 
la  volonté  de  Dieu  ;  c'est  lui  qui  a  donné 
aux  divers  asenls  tel  degré  de  force  et  d'ac- 

sent  les  phénomènes  ordinaires  de  causalité  ;  mais 
que  pour  être  attribués  à   l'ordonnateur    du   monde 
dont  nous  faisons  partie,  ils  doivent  accuser  la  inénie 
puissance    que  ces   phénomènes  ordinaires,  c'esl-à- 
dire,   leur  être  iubslantieHement   identiques.  En  un 
mot,  dans  les  faits  miraculeux  les  seuls  -moyens  pro- 
videntiels seront  changés,  mais  la  substance  des  laits 
devra  être  invariable  dans  un   même    ordie.   Autre- 
ment, comme  nous  l'avons  dit  ci-dessus  (  en    prou- 
vant  contre  les   théologiens  qu'un  miracle  ne  peut 
être  contraire  aux  préiendues  lois  de  la  nature),  ces 
signes  exiraordinaires  ne  manifesteraient  pas  la  puis- 
sance dii  dominaieur  de  ce  monde  ;  ils  induiraient, 
au  conlraiie,  à  l'exislence  d'un  agent  perturbateur 
de  1  ordre  établi,  contre  lequel  il  laudrait  se  mettre 
en  garde.  C'est  sans  doute  pour  n'avoir  pas  su  appré- 
cier l'unilé  d'action  dans  la  substance,  soit  de  divers 
phénomènes  ordinaires,  soitdeces  phénomènes  com- 
parés aux  extraordinaires,  que  beaucoup  de  philoso- 
phes ont  admis  l'existence  et   le  culte  de  plusieurs 
principes   indépendants.  —  3°    Un  troisième    caiac- 
lère  qui  doit  distinguer   les   phénoinnes  de  double 
causalité,  considérés  comme  sitine.i  d'une  volonté  spé- 
ciale de  leur   auleur,   c'est  qu'ils    soient  opères,  en 
réiditii  ou  eu  apparence,  ou  au  moins  annoncés    par 
un  lliauuiaturge,  en   faveur  d'une  doctrine    qui    ait 
trait  à  la  religion.  On    conçoit  d'abord  la   nécessité 
d'un  envoyé  extraordinaire  dans   l'hypothèse    d'une 
réviilatiun,   pour    qu'elle  puisse   être   suKisaiiiment 
notifiée  :  les  fails  ne  pailetit  pas  d'eux-ineiues,  et  le 
vulgaire  surtout  a  besoin  qu'un  simple  mortel,  dépo- 
sitaire de  l'autorité  Uivine,  les  lui   fasse   remarquer 
et  lui  rende  praticables  les  injonclioiis  qui  lui  sont 
faites.  Ensuite,  si   ces   phénomènes   n'étaient  point 
annoiicrs  comme  venant  à   l'appui  d'une    doctrine 
importante,  manifestée  a  l'huinanité,   la  plupart  des 
hommes  n'y  donneraient  pas   plus  d'atteuuon   qu'ils 
p'en  apporient  de  no^  jours  aux  diverses  recréations 
physiques  el  chimiques.  De  plus,  s'ils  n'éiaieni  re- 
prêsenlés    comme  l'indice  de  la   puissance  d  un  su- 
pieiiie  orilonnateur  qui  peut  punir  ou    récompenser 
les  infiacteur»  ou  les  observateurs    de  ses   volontés, 
on  ne  se  mettrait  guère  en  peine  ni  des  croyances  ni 
des  pratiques  enjoinies,  pour  jieu  qu'elles  gi  nassent 
la  liberté,  el  les  signes  que  produirait  la  Divinité  en 
témoignage  d'un  vouloir  spécial,  seraient  d'une  sté- 
rilité complète.  S'il  arrivait  que  des  p^iénoniénes  mi- 
raculeux,   opérés  en  faveur   d'une  uoctrine,  fussent 
contre-balancés  par  d'autres  laits  à  l'appui  d'une 
doctrine    contraire  ou  simplenient  coiitradicloiie,  il 
imporierait  beaucoup   de   bien  examiner  d  abord  si 
les  phénomènes  sont  de  rfo/id/e  cuu^aliié  de  part  et 
d'aulie,   alin  de  pouvoir  te  déiernnner  pour  l'être 
qui  domine   l'organisation.  Si  les   uns  et  les  autres 
étaient  de  dout>le  causalité,  ou  ils  manifesteraient 
une  puissance  inégale,  et  alors  nous  aurions  intérêt 
à  nous  porter  pour  l'être  le  plus  puissant,  ou  ils  se- 
raient l'indice  de  pouvoirs  eg^ux,  ce  qui  n'est  guère 
présuinable,  et  eu  pareil  cas  nous   n'aurions  d  autre 
ressource  que  de  prier  l'être  dont  nous  dépendons 
de  nous  manifester  plqs-çlairemenl  ses  volontés  (a). 

Il  suit 

(fl)  Notre  doctrine  philosophique  sur  les  miracles  est 
conforme  dans  le  fond  aux  assertions  des  Ihéologieiis  re- 
latives a  la  pratique.  Connue  ils  partent  des  idées  révélées 
pour  (lahlir  leur  lliéorie,  ils  disent  qu'il  est  de  la  soue- 
raine  sagesse  el  de  la  providem  e  de  Dieu  d'appuyer  la 
vérilé  de  sa  rêvélaliou  sur  des  mirfClps  deiil  \i-\  5,'eiis  les 
plus  simples  puiSMeni  faire  l'appréciaiiiin.  Sidini  Smces, 
on  ne  reiiennirerait  jamais  la  muindie  ddliiuué,  pius;|ue 
Dieu  seul  «.erait  iiivarialilemiMil  railleur  des  mira,  les; 
selon  s::inl  'I  bornas,  ies  miracles  pri'premnil  dits  nu  sau- 
raient être  allnbués  à  aucun  autre  ageiii.  Si  Suarez,  tJe- 
DOil  IIV  et  d'autres  Dcusent  oa'ou  doit  r^aduv  coauno 


7î<l 


Mtn 


MIR 


782 


UvM  qu'il  lui  a  p]ii  :  fout  ce  qui  arrive  est 
un  efM  do  retto  volonté  siiprfiine,  et  les 
choses  seraient  autrement,  s'il  l'avait  vou- 
lu (I). 

Cet  orilre  qu'il  n  établi  est  connu  aux. 
hommes  par  rexf>érience,  c'est-h-dii  e  par  le 
d'inoi^^iiage  constant  et  uniforme  de  leurs 
sens;  témoignage  qui  est  le  même  depuis 
six  mille  ans.  Les  Oétails  de  cet  ordre  sont 
ce  que  nous  nommons  les  (oh  de  la  nature, 
parce  (pie  c'est  l'exécution  de  la  volonté  du 
souverain  arbitre  de  toutes  choses.  Ainsi  il 
est  constant,  ])ar  l'expérience,  que  quand 
un  homme  est  mort,  c'est  pour  toujours; 
telle  est  donc  la  loi  de  la  natiu-e;  s'il  arrive 
(|u"iui  homme  ressuscite,  c'est  un  miracle, 
iniisque  c'est  un  événement  contraire  au 
cours  onlinaii'O  de  la  nature,  unr  dérogation 
à  la  loi  générale  que  Dieu  a  établie,  uneU'et 
supérieur  aux  forces  naturelles  de  l'honmie. 
D(Mnérac  il  est  constant,  par  l'expérience, 
que  le  feu  appiiiiué  au  bois  le  consume; 
ainsi,  lorsque  Moise  vit  un  hnis^on  cmlirasé 
qui  ne  se  consmnait  point,  il  eut  raison  do 
pen-er  que  c'était  un  mirarle,  et  non  1  effet 
d'une  cause  naturelle  Mais  Dieu,  en  ré- 
glant de  toute  éternité  quun  h(mime  mort 
le  serait  [lour  toujours,  (pic  le  bois  serait 
consumé  jiar  le  feu,  ne  s'est  pas  ùté  à  lui- 
même  le  pouvoir  d<'  déroger  à  ces  deux  lois, 
de  rendre  la  vie  à  un  homme  mort,  de  con- 
server un  buisson  au  milieu  d'un  feu,  lors- 

ii  suit  des  caraclères  ci-dessus  exposés,  que  les 
miracles  conslilérés  sous  le  point  de  vue  pratique 
doivent  <?tre  ainsi  d(;tlnis  :  Des  pliénonu'nt's  extraor- 
dinaires de  double  cansulilé,  dont  les  circonslances  et 
la  sut)Staiit;e  nianileslcnt  riîKervenlioii  de  la  Divinité 
à  rappui  d'une  doctrine  r(ivelfe.  On  peut  les  d(!linir 
plus  siiupleuioiil  eu  laveur  du  vulgaire  :  Des  signes 
nianil'esles  do  volontés  spéciales  inlimces  à  Ihomme 
par  l'ordopuialciu-  supr(>ine  de  ce  monde. 

(l)Dieu  peut-il  taire  des  miracles,  c'est-à-dire 
peiit-il  déroger  aux  lois  qu'il  a  élablies  ?  Celle  ques- 
tion, sérieusement  traitée,  repond  J.-J.  Rousseau, 
serait  impie  si  elle  n'était  absunle;  ce  serait  l'aire 
trop  d'houneur  à  celui  qui  la  résoudrait  négative^ 
menl,  que  de  le  pmiir  ;  il  sul'lirait  de  l'enfermer. 
Mais  aussi  quel  liomme  a  jamais  niiî  que  I>ieu  pilt 
faire  des  miracles?  H  l'allait  être  Hébreu  pour  de- 
mander si  Dieu  pouvait  dresser  des  tables  dans  le 
désert.  (Lettres  de  la  Moniaijiie.) 

de  vérital)les  mira.  I^^s  d(«s  elTels  surprenants  qui  surpas- 
sent la  piiiosaiice  nalurellf»  ilps  causes  visibles  el  corpo- 
re  les  ,  ils  lévi'iil  les  dillicidti's  qui  suij^issenl  de  leur  opi- 
nioEi,  par  l'examen  de  la  iloclriiie.des  lins,  eic,  de  l'agent 
au  point  de  vue  laliiotique.  Il  en  est  inènu!.  tels  que  le 
P.  l'erroné,  l'aiileur  de  lu  1  héi)loi;ie  de  Monipellier  el 
d'autres,  qui  accurdent  ipic  les  mauvais  anges  [ipuvent 
taire  des  mir.icles ,  même  en  couliniialion  de  l'erreur  ; 
mais  ils  préleiideni  faire  disparaître  les  obstacles,  en  sou- 
tenant (jiie  Dieu,  en  venu  de  sa  souveraine  véracité  , 
fournira  loiijours  le  moyen  de  discerner  ta  vérilé  :  qu'il 
limitera  le  pouvoir  des  démons,  que  dans  le  cas  d'un  con- 
flit de  miracles  il  opérera  les  plus  éclatants,  ■soit  par  lui- 
même,  soit  par  les  lions  anges,  qu'il  prémunira  les  hom- 
mes contre  l'erreur  par  des  révélations  spéciales,  connue 
il  l'a  fail  en  prédisaiu  les  miracles  de  l'Auieelinsl ,  etc. 
Qui  ne  voit  que  toutes  ces  asseyions  sont  parallèles  a  nos 
iihlicatious  scieiitili  o-p^atllp^'^^'?  Kniiii ,  les  plus  sensés 
d'entre  eux  li.nl  jouer  un  «ranj  rôle  à  la  grke  pour  écar- 
ter les  obstacles  a  l,i  ré.  eptina  de  la  révélalioii  :  nous 
voulons  nous,  que  la  plus  grave  dillicullé  que  fou  puisse 
rencoiilrer  ne  soil  vaincue  qiie  par  la  prière  ,  ce  qui  ro- 
vieot  aa  même. 


qu'il  le  jugerait  h  propos,  afin  de  réveillr;ii 
rattention  des  bouimes,  de  les  instruire,  de 
leur  intimer  des  préceptes  positifs.  S'il  l'a 
fait  à  lertaines  époques,  il  est  clair  qu('  celte 
exce|)lion  it  la  loi  générale  avait  été  prévue 
et  résolue  de  Dieu  de  toute  éternité,  aussi 
bien  que  la  loi;  qu'ainsi  la  loi  et  l'excep- 
tion, pour  tel  cas,  sont  l'une  et  l'autre  l'ef- 
fet de  la  sagesse  et  de  la  volonté  éternelle 
de  Dieu,  puisque,  avant  de  créer  le  monde, 
Dieu  savait  ce  qu'il  voulait  faire  el  ce  qu'il 
ferait  dans  toute  la  durée  des  siècles. 

Lorsiiue,  [lOur  prouver  l'iiiipossibilité  des 
miracles,  les  déistes  disent  ((ue  Dieu  ne  peut 
pas  changer  de  volonté,  défaire  ce  qu'il  a 
fait,  déranger  l'ordre  qu'il  a  établi;  que 
cette  conduite  est  contraire  à  la  sagesse  di- 
vine, etc.,  ou  ils  n'entendent  pas  les  termes, 
ou  ils  en  abusent.  C'est  très-1  biement,  et 
sans  aucune  nécessité,  que  Dieu  a  établi  tel 
ordre  dans  la  nature  ;  il  jiouvait  le  régler 
autrement.  11  ne  tenait  qu'à  lui  de  décider 
que  du  corps  d'un  homme  mort  et  mis  en 
terre  il  renaîtrait  un  homme,  comme  d'un 
gland  semé  il  renaît  un  chêne;  la  résurrec- 
tion n'est  donc  pas  un  phénomène  supérieur 
à  la  puissance  divine.  Quand  il  ressucite  un 
homme,  il  ne  change  joint  de  volonté,  puis- 
qu'il.avait  de  toute  éternité  résolu  iJe  le 
ressusciter,  et  do  déioger  ainsi  à  la  loi  gé- 
nérale. Celte  exception  ne  détruit  point  la 
loi,  puisque  celle-ci  continue  à  s'exécuter, 
comme  auparavant,  à  l'égard  de  tous  les 
autres  hommes.  Une  résurrection  ne  porte 
donc  aucune  atteinte  à  l'ordre  établi,  ni  à  la 
sagesse  éternelle  dont  cet  ordre  est  l'ou- 
vrage. De  même  que  l'ordre  civil  et  l'inté- 
rêt do  la  société  exigent  que  le  législateur 
déroge  quelquefois  à  une  loi,  et  y  fasse  une 
exception  dans  un  cas  particulier,  le  bien 
général  des  créatures  exige  aussi  quelque- 
lois  que  Dieu  déroge  à  quelqu'une  des  lois 
physiques,  en  faveur  de  l'ordre  moral,  pour 
instruire  ctconiger  les  hommes,  pour  leur 
intimer  des  lois  positives,  etc. 

Cela  n'est  pas  nécessaire,  disent  les  déis- 
tes :  Dieu  n'est-il  donc  pas  assez  puissant 
pour  nous  faire  connaître,  sans  miracle,  co 
qu'il  exige  de  nous'/  Prouveia-t  on  qu'il  lui 
est  plus  aisé  de  ressusciter  un  mort,  que  de 
nous  éclairer? 

Nous  répondons  que  rien  n'est  impossi- 
ble ni  difiicile  à  une  puissance  infinie;  qu'il 
est  donc  absurde  d'.irgumenler  sur  ce  qui 
est  plus  facile  ou  difficile  à  Dieu.  Mais  nous 
supplions  nos  adversaires  de  nous  dire  de 
quel  moyeu  Dieu  doit  se  servir  pour  nous 
imposer  une  loi  positive;  de  quelle  manière 
Dieu  a  dti  s'y  prendre  pour  donner  une  re- 
ligion vraie  h  Adam  et  aux  patriarches,  aux 
juifs,  aux  païens,  pour  tirer  de  l'idolâtrie 
toutes  les  nations  qui  y  étaient  plongées. 
Lorsqu'ils  l'auront  assigné,  nous  nous  char- 
geons de  leur  prouver  que  ce  moyen  quel- 
conque sera  un  miracle.  Kn  elfet,  l'ordre  de 
la  nature  que  Dieu  a  établi  n'est  point  d'in- 
struire immédiatement  par  lui-même  chaque, 
homme  en  particulier,  mais  de  l'instruire' 
par  l'organe  des  autres    hommes,  par  des 


785 


MIR 


MIR 


784 


faits,  par  l'expérience,  par  la  réflexion. 
Ainsi,  en  voulant  que  Dieu  instruise  chaque 
individu  par  une  révélation  ou  une  inspira- 
tion particulière,  ils  exigent  réellement  un 
miracle  pour  chacun,  mais  miracle  très-su- 
spect, qui  favoriserait  l'illusion  et  le  fana- 
tisme, ou  qui  ressemblerait  à  l'inslinct  gé- 
néral auciuel  nous  ne  sommes  pas  les  maî- 
tres de  résister.  Aussi  tous  ceux  qui  ont  nié 
la  possibilité  des  miracles,  ont  été  forcés  de 
soutenir  l'impossibilité  d'une  révélation. 
Les  athées  et  les  matérialistes,  qui  disent 
que  l'ordre  de  la  nature  et  ses  lois  sont  im- 
muables, puisque  c'est  une  suite  de  la  né- 
cessité étemelle  et  absolue  de  toutes  choses, 
ne  sont  pas  plus  raisonnables.  Outre  qu'il 
est  absurde  d'admettre  un  ordre  sans  une 
intelligence  qui  ordonne,  des  lois  sans  lé- 
gislateur, et  une  nécessité  dont  on  ne  peut 
donner  aucune  raison,  il  l'est  encore  de 
borner,  sans  aucune  cause,  la  puissance  de 
la  nature.  Lorsque  Spinosa  a  dit  que,  s'il 
jiouvait  croire  la  résurrection  de  Lazare,  il 
renoncerait  à  son  système,  Bajle  lui  a  fait 
voir  qu'il  déraisonnait  :  puisque,  selon  Spi- 
nosa, la  puissance  de  la  nature  est  infinie, 
de  quel  droit  pouvait-il  regarder  comme  im- 
possible aucun  des  événements  merveilleux 
rapportés  dans  l'Ecriture  sainte?  Dict.  Crit., 
Spinosa,  R.  Un  matérialiste  plus  moderne  a 
senti  cette  inconséquence;  mais  il  ne  l'a 
évitée  que  par  une  contradiction.  Il  dit  que 
nous  ne  savons  pas  si  la  nature  n'est  point 
occupée  à  produire  des  êtres  nouveaux,  si 
elle  ne  rassemble  pas  des  éléments  propres 
à  faire  éclore  des  générations  toutes  nou- 
velles, et  qui  n'auront  rien  de  commun  avec 
celles  qui  existent  à  présent.  S^jst.  de  la  Nat., 
\"  part.  c.  16,  \).  86.  Ainsi,  selon  ce  philo- 
sophe, tout  est  nécessaire,  et  tout  peut  chan- 
ger. Par  la  môme  raison,  nous  ne  savons  pas 
si,  du  temps  de  Moïse,  la  nature  n'a  pas 
fait  éclore  toutes  les  plaies  de  l'Egypte,  la 
séparation  des  flots  de  la  mer  Rouge,  la 
manne  du  désert,  etc.,  et  si,  du  temps  de 
Jésus-Christ,  elle  n'a  pas  opéré  toutes  les 
guérisons,  les  résurrections  et  les  autres 
prodigi'S  dont  nous  soutenons  qu'il  est  l'au- 
teur. Il  y  a  plus  de  bons  sens  et  de  liaison 
dans  les  idées  des  nations  les  plus  stupides. 
Les  peuples  mêmes  qui  ont  cru  que  plu- 
sieurs dieux  ou  génies  avaient  concouru  à  la 
formation  du  monde,  ont  pensé  aussi  que 
ces  uièmes  intelligences  le  gouvernaient; 
ils  ont  conclu  qu'elles  pouvaient  en  changer 
l'ordre  et  la  marche  quand  elles  le  jugeaient 
à  propos,  par  conséquent  opérer  des  rnira- 
cles  à  leur  gré;  et  c'est  pour  cela  même 
qu'ils  leur  ont  adressé  leurs  vœux  et  rendu 
leurs  hommages. 

Ceux  qui  disent  que  les  miracles  sont 
peut-être  l'etret  d'une  loi  inconnue  de  la  na- 
ture, nous  paraissent  aussi  abuser  des  ter- 
mes. En  quel  sens  peut-on  supposer  qu'une 
exception  particulière  à  la  loi  générale  est 
une  loi  ?  A  la  vérité,  la  loi  et  l'exception 
sont  également  un  effet  de  la  volonté  du 
souverain  législateur,  comme  nous  l'avons 
déjà  rcniarqué;  mais  cette  volonté  n'est  cen- 


sée loi,  et  ne  peut  être  nommée  telle,  qu'au- 
tant qu'elle  est  générale  et  connue  par  une 
ex[iérience  constante.  Donner  à  l'exception 
le  nom  de  loi  inconnue  ,  c'est  évidemment 
confondre  toutes  les  notions.  Saint  Augus- 
tin a  dit  que  les  miracles  ne  se  font  pas  con- 
tre la  nature,  mais  contre  la  connaissance  ou 
contre  l'expérience  que  nous  avons  de  la 
nature,  puisque  la  nature  des  choses  n'est 
autre  que  la  volonté  de  Dieu,  1.  vi  de  Genesi 
adlitt.,  c.  13;  lib.  xxi  de  Civil.  Dei,  c.  8. 
Cela  se  conçoit.  Mais  pour  que  nous  puis- 
sions nous  entendre  et  ne  pas  nous  contre- 
dire, il  faut  distinguer  la  volonté  générale  de 
Dieu  d'avec  une  volonté  particulière  ;  la 
première  peut  être  appelée  loi  de  la  nature 
et  cours  de  la  nature,  puisqu'elle  s'exécute 
ordinairement  et  constamment  ;  la  seconde, 
qui  est  une  exception,  ne  peut  être  nommée 
loi  que  dans  un  sens  très-impropre  et  abusif: 
or,  l'abus  des  termes  ne  contribue  jamais  à 
éclaircir  une  question.  Selon  Clarke,  la  seule 
différence  qu'il  y  a  entre  un  événement  na- 
turel ,  et  un  fait  miraculeux,  c'est  que  le 
premier  arrive  ordinairement  et  fréquem- 
ment, au  lieu  que  l'autre  se  voit  très-rare- 
ment. Si  les  hommes,  dit-il,  sortaient  ordi- 
nairement du  tombeau,  comme  le  blé  sort 
de  la  semence,  cela  nous  paraîtrait  naturel  ; 
et  au  contraire  la  manière  dont  ils  sont  en- 
gendrés aujourd'hui  serait  regardée  comme 
miraculeuse.  Cette  observation  est  juste  à 
réu,ard  des  choses  que  Dieu  fait  imméiiiate- 
ment  par  lui-même,  sans  le  concours  des 
hommes.  Leibnitz,de  son  côté,  soutenait  que 
la  rareté  ne  suffit  pas  pour  caractériser  un 
miracle,  qu'il  faut  encore  que  ce  soit  une 
chose  qui  surpasse  les  forces  des  créatures  ; 
et  cela  est  encore  vrai,  quant  il  s'agit  des 
choses  que  Dieu  opère  par  le  ministère  des 
créatures.  Si  ces  deux  philoso()hes  avaient 
fait  cette  distinction,  ils  auraient  été  d'accord. 
Recueil  des  pièces  de  Clarke,  de  Lcibnitz,  etc., 
p.  105  et  201.  De  là  on  doit  conclure  que, 
quoique  la  transsubstantiation  se  fasse  tous 
les  jours  et  toutes  les  fois  qu'un  prêtre  dit 
la  messe,  c'est  cependant  un  miracle,  parce 
que  c'est  un  effet  infiniment  supérieur  aux 
forces  naturelles  des  hommes  dont  Dieu  se 
sert  pour  l'opérer.  Au  contraire,  les  saints 
mouvements  que  Dieu  produit  en  nous  par 
sa  grAce,  quoique  surnaturels,  ne  sont  pas 
(les  miracles,  parce  que  Dieu  les  produit  en 
nous  sans  nous,  immédiatement  par  lui- 
même  et  très-fréquemment.  Voy.  Naturel. 
Comme  nous  ignorons  quelles  sont  les  fa- 
cultés et  le  degré  de  force  (pie  Dieu  a  don- 
nés aux  anges  bons  ou  mauvais,  nous  ne 
pouvons  ni  les  mettre  au  nombre  des  agents 
naturels,  ni  décider  si  tout  ce  qu'ils  font 
est  naturel  ou  miraculeux.  Nous  voyons 
seulement  dans  l'histoire  sainte  que,  quand 
Dieu  s'est  servi  de  leur  ministère,  c'était, 
ou  pour  annoncer  aux  hommes  des  événe- 
ments que  ceux-ci  n'auraient  pas  pu  con- 
naître, ou  pour  faire  des  choses  que  les  hom- 
mes ne  pouvaient  pas  faire.  Leur  mission  et 
leurs  actions  étaient  donc  miraculeuses, 
puisqu'il  n'est   pas  dans  l'ordre  commun  el 


?85 


MIR 


MIR 


786 


journalier  de  la  Providence  d'en  agir  ainsi 
à  r<^gard  du  genre  humain.  Quant  aux  opé- 
rations des  esprits  de  t(^nèbres,  nous  pouvons 
encore  moins  en  raisonner,  parce  (|ue  l'E- 
criture en  parle  moins  que  des  bons  anges. 
Nous  y  voyons  seidemcnt  f[ue  les  mauvais 
es[irits  ne  peuvent  rien  faire  sans  une  per- 
mission particulière  de  Dieu.  Voy.  Démox. 

II.  Peut-on  (lisrerner  certainement  un  mira- 
cle d'avec  un  fait  naturel  et  le  prouver?  Il  est 
assez  ('•toimant  cpii'  nous  soyons  obligés  de 
discuter  scru|iuleusenu'nt  deux  questions 
aussi  aisées  ii  résoudre  ;  mais  il  n'est  aucun 
sujet  sur  lequel  les  incrédules  aient  i)Oussé 
plus  loifi  renlètement  et  les  contradictions. 
Pour  distinguer  sûrement ,  disent-ils  ,  un 
miracle  d'avec  un  fait  naturel,  il  faudrait 
connaître  toutes  les  lois  de  la  nature,  et  sa- 
voir jusqu'où  s'étendent  ses  forces  :  or,  nous 
ne  savons  ni  l'un  ni  l'autre  ;  donc  nous  ne 
nouvonsjamais  décider  si  tel  événement  est 
l'effet  d'une  loi  de  la  nature,  ou  si  c'est  inic 
exception.  Nous  répondons  que,  par  une 
cx()érience  de  six  mille  ans,  la  nature  nous 
est  assez  connue  i)0ur  savoir  certainement 
qu'un  mort  ne  peut  ressusciter  en  vertu  vl'au- 
cune  loi  de  la  natur('  :  qu'ainsi  toute  résur- 
rection est  une  exce[)tion  ou  un  miracle.  11 
en  est  de  même  des  autres  faits  que  l'his- 
toire sainte  nous  donne  jiour  des  événe- 
nements  miraculeux.  Par  une  inconséijuence 
grossière ,  les  incrédules  soutiennent,  d'un 
(■ôté,  que  Dieu  ne  i^eut  pas  déroger  à  une 
loi  de  la  nature;  de  l'autre  ils  supposent  (jue 
Dieu  a  établi  des  lois  op|)Osées  :  l'une,  par 
la([uelle  il  a  décidé  qu'un  mort  l'est  pour 
toujours;  l'autre,  par  laquelle  il  a  réglé  (|u'un 
mort  peut,  sans  miracle,  être  rendu  à  la  vie. 

Les  athées,  il  est  vrai,  ne  peuvent  mettre 
aucune  borne  aux  forces  de  la  nature  ;  ils 
sont  obligés  de  les  supposer  infinies,  puis- 
([u'ils  ne  peuvent  assigner  aucune  cause  qui 
les  ait  limitées.  Pour  nous,  qui  admeltons 
un  Créateur  intelligent  et  sage,  une  Provi- 
dence attentive  et  bienfaisante,  nous  som- 
mes très-assurés  que  les  forces  de  la  nature 
sont  bornées,  et  que  ses  lois  sont  constantes, 
parce  que  Dieu  les  a  établies  pour  le  bien 
des  créatures  sensibles  et  intelligentes.  11 
est  d'ailleurs  évident  que  l'ordre  moral  porte 
sur  la  constance  de  l'ordre  physique  :  si  les 
lois  de  la  nature  pouvaient  changer,  nous  no 
serions  plus  assurés  de  rien,  il  n'y  aurait 
plus  de  certitude  dans  la  règle  de  nos  de- 
voirs. Nous  sommes  donc  absolument  cer- 
tains que  Dieu  n'a  point  établi  des  lois  phy- 
siques opposées  l'une  à  l'autre,  qu'il  ne 
changera  point  l'ordre  de  la  nature  tel 
qu'il  nous  est  connu,  que  les  miracles  ne 
deviendront  jamais  des  elTets  nalurels.  Con- 
séqueminent  nous  sommes  assurés  que  Dieu 
ne  donnera  jamais  à  aucun  agent  naturel  le 
pouvoir  de  troubler  et  de  changer  l'ordre 
physique  du  monde  et  le  cours  ordinaire  de 
la  nature,  que  les  esprits  bons  ou  mauvais 
n'ent  point  ce  pouvoir,  encore  moins  les 
magiciens  et  les  im;  osteurs,  et  nous  prouve- 
rons que  cela  n'est  jamais  arrivé. 

Entre  les  différents  événements  rapportés 


par  l'histoire  sainte,  il  en  est  dont  le  surnatu- 
rel sauteaux  yeuxdetout  homniede  bon  sens, 
etsurles(piel.sil  n'iîst  besoin  ni  dedissertation 
ni  d'examen.  Qu'un  malade  guérisse  par  des 
remèdes,  lentement,  en  reprenant  des  forces 
peu  îi  peu,  c'est  la  marche  de  la  nature; 
qu'il  guérisse  subitement  à  la  parole  d'un 
homme,  sans  conserver  aucun  reste  ni  au-  • 
cun  ressentiment  de  la  maladie,  c'est  évi-' 
demmeiit  un  miracle.  Qu'un  Ihaumatui'go, 
par  sa  parole  ou  par  un  simple  atlouchemerd, 
rende  la  vie  aux  moits,la  vue  aux  aveugles- 
nés,  l'ouïe  aux  sourds,  la  voix  aux  muets,  la 
force  et  le  mouvement  aux  jiaralytiques  ; 
marche  sur  les  eaux,  calme  les  tempêtes 
sans  laisser  aucune  marque  d'agitation  sur 
les  tlols,  rassasie  cimi  mille  hommes  avec 
cinq  pains,  etc.,  ce  ne  sont  certainement  pas 
\h  des  œuvres  naturelles  ;  pour  en  décider, 
il  n'est  pas  nécessaire  d'êtie  médecin,  philo- 
sophe ou  naturaliste,  il  sullit  d'avoir  la  plus 
légère  dose  de  bon  sens.  Lorsque  les  cir- 
constances peuvent  laisser  ipielque  doute  sur 
le  naturel  d'un  fait,  c'est  le  cas  de  suspen- 
dre notre  jugement,  et  de  ne  pas  affirmer  té- 
mérairement un  miracle. 

Mais  voici  un  argument  auquel  les  incré- 
dules ne  répondront  jamais,  h'il  est  impos- 
rible  de  discerner  certainement  un  miracle 
d'avec  un  f^it  naturel,  pourquoi  rejetez-vous 
les  événements  de  1  histoire  sainte,  qui  vous 
paraissent  miraculeux,  pendant  que  vous  ad- 
mette/, sans  dillicullé  ceux  dans  lesquels  il 
n'y  a  rien  que  de  naturel  ?  A'ous  ne  voulez 
pas  croire  les  iiremiers,  parce  que  ce  sont 
des  tniracles,  et  vous  soutenez  en  même  temps 
que  si  ces  faits  sont  arrivés,  on  n'a  pas  pu 
savoir  certainement  que  c'étaient  des  mira- 
cles :  peut-on  se  contredire  d'une  façon  plus 
grossière'?  Il  s'agit  de  savoir,  en  second  lieu, 
si  un  miracle  peut  être  constaté,  si  l'on  peut 
en  prouver  la  réalité.  Ici  nouvelle  contradic- 
tion de  la  part  des  déistes  ;  c'en  est  une, 
en  effet,  d'avouer,  d'une  part,  que  Dieu  peut 
faire  des  miracles,  et  de  soutenir,  de  l'autre, 
que  Dieu  n'est  pas  assez  jmissant  pour  les 
rendre  tellement  sensibles  et  reconnaissablcs, 
que  personne  ne  jmisse  en  douter  raison- 
nablement :  dans  ce  cas  ,  à  quoi  serviraient 
les  miracles?  Toute  la  question  se  réduit  à 
savoir  si  un  miracle  est  ou  n'est  pas  un  fait 
sensible,  si  le  surnaturel  du  fait  empêche 
que  la  substance  du  fait  ne  jiuisse  tomber 
sous  les  sens  ;  il  y  aurait  de  la  folie  à  le  sou- 
tenir. Déjà,  dans  les  articles  Fait  et  Ceuti- 
TtDE,  nous  avons  démontré  qu'un  miracle 
est  susc(q)tible  des  mêmes  preuves  qu'un 
fait  naturel  quelconque  ;  qu'il  i)eut  être  nn'- 
taphysiquement  certain  pour  celui  qui  l'a 
éprouvé  en  lui-même;  physiquement  cer- 
tain pour  celui  qui  en  a  été  témoin  oculaire; 
qu'il  peut  donc  être  moralement  certain 
pour  les  autres  par  le  témoignage  irrécusable 
de  ceux  qui  l'ont  vu  et  de  celui  qui  l'a  éprouvé. 
Nous  ne  répéterons  point  les  raisons  que 
nous  en  avons  données  ;  mais  il  nous  reste 
des  objeciions  à  résoudre. 

La  plus  éblouissante,  au  premier  coup 
d'œil,  est  celle  que   D.  Hume  a  traitée   fori 


787 


MIR 


MIR 


788 


au  long  dans  son  dixième  Essai  sur  Ventende- 
ment  humain,  où  il  s'est  proposé  de  prouver 
qu'aucun  témoignage  ne  peut  constater  l'exis- 
tence d'un  miracle.  Un  miracle,  dit-il,  est  un 
effet  ou  un  phénomène  contraire  aux  lois 
de  la  nature  ;  or,  comme  une  expérience 
constante  et  invariable  nous  convainc  de  la 
certitude  de  ces  lois,  la  fireuve  contre  le  tni- 
racle,  tirée  de  la  nature  mAme  du  fiit,  est 
aussi  entière  qu'aucun  argument  que  l'ex- 
périence puisse  fournir.  Elle  ne  peut  donc 
être  détruite  par  aucun  témoignage,  (juel 
qu'il  puisse  èlre.  En  effet,  la  foi  que  nous 
ajoutons  à  la  déposition  des  témoins  oculai- 
res est  aussi  fomiée  sur  l'expériince,  c'est- 
à-dire  sur  la  connaissance  que  nous  avons 
que  ce  témoignage  est  ordinairement  con- 
forme à  la  vérité.  Si  donc  ce  témoignage 
tombe  sur  un  fait  miraculeux,  il  se  trouve 
deux  expériences  opposées,  dont  l'une  dé- 
truit l'auU'e,  ou  du  moins  dont  la  [)]us  forte 
doit  prévaloir  à  la  plus  faible.  Or,  comme  il 
est  be  lucoup  plus  probable  que  des  témoins 
se  trompent  ou  veulent  tromper,  qu'il  ne 
l'est  que  le  cours  de  la  nature  est  interrom- 
pu, l'on  doit  plutôt  s'en  tenir  à  la  première 
supposition  qu'iv  la  seconde.  De  là  D.  Hume 
conch.t  qu'un  miracle,  quelque  attesté  qu'il 
soit,  ne  mérite  aucune  croyance.  Pour  peu 
que  l'on  y  fasse  attention,  l'on  verra  que  ce 
sophisme  ne  |iorte  que  sur  une  équivoque 
et  sur  l'abus  du  terme  d'expérience.  En  effet, 
en  quoi  consiste  l'expérience  ou  la  connais- 
sance que  nous  avons  de  la  constance  du 
cours  lie  la  nature  "?  En  ce  que  nous  ne  l'a- 
vons jamais  vu  changer,  si  nous  n'avons  ja- 
mais été  témoins  d'aucun  miracle;  mais  s'en- 
suit-il que  ce  changement  est  impossible, 
parce  que  nous  ne  l'avons  jamais  vu  ?  Ce 
n'est  donc  ici  qu'une  expérience  négative, 
si  l'on  peut  ainsi  parler,  un  simple  défaut 
de  connaissance,  une  (lure  ignorance.  D.  Hu- 
me l'a  reconnu  lui-même  dans  son  quatrième 
Essai,  où  il  avoue  que  nous  ne  pouvons 
prouver,  a  priori,  l'immutabilité  du  cours  de 
la  mture.  N'est-il  pas  absurde  de  vouloir 
qu'un  simple  défaut  de  connaissance  de  no- 
tre [lait  l'emporle  sur  la  connaissance  posi- 
tive et  sur  l'attestât  on  formelle  des  témoins 
qui  ont  vu  un  miracle?  ai  l'argument  de  D. 
Hume  était  solide,  il  prouverait  que,  quand 
nous  voyons  pour  la  première  fois  un  fait 
étonnant,  nous  devons  récuser  le  témoignage 
de  nos  yeux,  parce  qu'alors  il  se  trouve 
coiitrr.ire'à  notre  prétendue  expérience  pas- 
sée, que  nous  devons  même  nous  délier  du 
seiUiment  inti'rieur,  lorsque  nous  éprouvons 
en  nous-mêmes  un  symptôme  que  nous  n'a- 
vions jamais  senti.  Ce  sophisme  attaque 
donc  de  front  la  certitude  physique  et  la 
certitude  métaphysique,  aussi  bien  que  la 
certiiude  morale.  Voy.  Expérience.  En  se- 
cond lieu,  est-il  vrai  que  nous  nous  fions  au 
témoignage  humain  seulement ,  parce  que 
nous  avons  reconnu  par  exjiérience  que  ce 
téruoignage  est  ordinairement  conforme  à  la 
vérité.'  11  n'en  est  rien;  nous  nous  y  lions 
par  un  instinct  naturel  qui  nous  fait  sentir 
que  sans  cette  c-onûaace,  la  société  humaine 


serait  impossible.  Nous  nous  y  fions  dans 
l'enfance  avec  plus  de  sécurité  que  dans  l'âge 
mûr;  et  plus  nous  devenons  vieux  et  expé- 
rimentés, plus  nous  devenons  déliants.  Mais 
cette  défiance,  poussée  à  l'excès,  serait  aussi 
déraisonnable  que  celle  des  incrédules.  Lors- 
qu'un fait  sensible  et  palpable  ,  naturel  ou 
miraculeux,  est  altesté  par  un  grand  nom- 
bre de  témoins  qui  n'ont  pu  avoir  un  intérêt 
comnuin  d'en  imjioser ,  qui  n'ont  pas  pu 
même  user  ensemble  de  collusion,  qui  pa- 
raissaient d'iilleurs  sensés  et  vertueux  ,  il 
est  impossible  que  leur  témoignage  soit  faux  ; 
nous  y  déférons  alors  avec  une  entière  cer- 
titude, en  vertu  de  la  connaissance  ultime 
que  nous  avons  de  la  nature  humaine.  Ce 
n'est  ici  ni  une  simple  présomption,  ni  une 
expérience  purement  négative,  ou  une  igno- 
ranf^e,  mais  une  connaissance  positive  et  ré- 
fléchie. Dans  ce  cas,  il  est  absurde  de  dire 
qu'il  est  jjIus  probable  que  les  témoins  se 
sont  trompés  ou  ont  voulu  tromper,  qu'il  ne 
l'est  que  lecnirs  de  la  nature  est  interrom- 
pu ;  pour  que  l'un  ou  l'aulre  de  ces  incon- 
vénienls  eût  lieu,  il  faudrait  que  le  cours  de 
la  nature  humaine  fût  changé. 

Nous  avons  donc  alors  un  témoignage  tel 
que  David  Hume  l'exige,  %m  témoignage  de 
telle  nature,  que  sa  fausseté  serait  plus  mira- 
culeuse que  le  fait  qu'il  doit  établir.  Dieu  peut 
avoir  de  sages  raisons  d'interrompre  pour  un 
moment  l'ordre  physique  et  le  cours  de  la 
nature,  mais  il  ne  peut  en  avoir  aucune  de 
renverser  l'ordre  moral  et  la  constitulion 
de  la  nature  humaine  :  le  premier  de  ces mi- 
racles  n'a  rien  d'impossible  ;  le  second  serait 
absurde  et  indigne  de  Dieu.  David  Hume  ne 
raisonne  pas  mieux  lorsqu'il  prétend  que, 
qu'Uid  il  s'agit  d'un  miracle  qui  tient  à  la  re- 
ligion, tous  les  témoignages  humains  sont 
nuls,  parce  que  l'amour  du  merveilleux  et 
le  fanatisme  religieux  suffisent  pour  tourner 
toutes  les  têtes,  et  pervertir  tous  les  princi- 
pes. Si  ces  deux  maladies  étaient  aussi  com- 
munes et  aussi  violentes  que  le  prétendent 
les  déistes,  on  ve  r.iit  éclore  tous  les  jours 
de  nouveaux  miracles,  et  le  monde  en  serait 
rempli.  L'amour  du  merveilleux  peut  en- 
traîner les  hommes,  lorsqu'il  n'y  a  ri.n  à 
risquer  pour  eux,  lorsqu'un  fait  n'est  con- 
traire ni  à  leurs  préjugés  ni  à  leurs  intérêts; 
mais  l;)rsque  des  faits  merveilleux  doivent 
les  obliger  à  changer  de  religion,  d'opinions 
et  de  mœurs,  meltro  en  danger  leur  for- 
tune et  leur  vie,  nous  ne  voyons  pas  qu'ils 
soient  fort  empressés  de  les  admettre  :  alors 
le  zèle  de  religion,  loin  de  les  disposer  à 
croire  les  faits,  les  rend  défiants  et  incré- 
dules. Telles  étaient  les  dispositions  des  Juifs 
et  des  païens  à  l'égard  des  miracles  de  Jésus- 
Christ  et  des  apôtres  :  ils  eu  ont  cependant 
rendu  témoignage,  puisqu'un  grand  nombre 
se  sont  convertis,  et  que  les  autres  n'ont 
pas  osé  les  nier.  Voy.  Jésus -Chiust,  Apô- 
tres, etc. 

Peut-on  se  contredire  plus  grossièrement 
que  le  fimt  les  incrédules  ?  Suivant  eux, 
nous  devons  nous  fier  à  nos  sens,  plitôt  qu'à 
toute  espèce  de  témoignage,  lorsqu  ils  aous 


";89 


MIR 


MIR 


790 


attestent  que  l'eucharistie  n'est  que  du  pain 
et  du  vin,  puisque  par   nos  sens  nous  y  en 
apercevons  toutes  les  qualités  sensihles,  et 
nous   ne  devrions  plus  nous  y  lier,  si  Dieu 
changeait  visiblement   ce   pain  et  ce  vin  en 
une   autre    esjjôee    de  corps,  quand   ?nAuie 
nous  y  aficrcevrions  toutes  les  qualités  sen- 
sibles d'un  nouveau  corps.  Le  témoignage  de 
nos  sens   nous  donne  une  entière  certitude, 
lorsqu'il  est  négatif  et  q\i"il  ne  nous  atteste 
aucun  î7î/mr/r  ;  mais  il  ne  prouve  rien,  lors- 
qu'il est|iosilif  etqu'dnousattesteunm/»-or/e 
évident  et  sens  ble.  Un    logicien    sensé  f)Ose 
le  principe  dirocteuieni  contraire.  Vlissui  de 
David  llumc,  sur  les  ittiractes ,  a  éié  réfuté 
par  (]ampl)ell,   auteur  nu'^\a\s ,  Dissertation 
giir  les   miracles,  etc.,  Paris,  1767.    D'autres 
déstesont  dit  que  les- [ireuves  morales,  suf- 
fisanles  pour  cofist  iter  les  faits  qui  sont  dans 
l'ordre  des  possibilités  morales,  ne  sulFisent 
plus  pour  constaler  los  Tails  d'un  aulre  or- 
dre, et  purement  surnaturels  ;   que   des  té- 
moignages a<se;.  forts  pour  nous  faire  croire 
une  chose  probable  n'ont  plus  assez  de  force 
pour  nous  [lersuader  une  chose  improbalde, 
telle  que  l;i   résurrection    d'un    mort.  Mais 
nous  ne    sommes    pas  assez  habiles    pour 
concevoir  pour  |uoi  un  »i(rac/f  n'est  pas  dans 
l'ordre  des  possibilités  morales,  dès  que  c'est 
Dieu  qui  l'opère  :  y  a-t-il  (pielque  fait  sii[>é- 
rieur  à  la  |)uissance  divine?  Nous  voudrions 
savoir  encore   ce  que  l'on  entend  par  chose 
improbable.  Kst-ce   une  chose  qui  ne  peut 
pas  être  prouvée  ?  Tout  ce  qui  est  possible 
peut  exisicr,  tout   ce  qui    existe  peut  être 
prouvé,  dès  qu'il    tondjc  sous  les  sens  ;  la 
mort  d'un  homme  et  sa  vie  sont  de  ce  genre  : 
jamais  on  n'a  imaginé  qu'il  fût  impossible  de 
vérifier  si  uii  homme  est  mort  ou  vivant.  Im- 
probable   signilic-t-il    impossible?    Alors    il 
faut  commencer  par    prouver  qu'un  mira- 
cle est  absolument  impossible  ?  jusqu'à  pré- 
senlles incrédules  n'en  sont  pas  v.nus  à  bout. 
L'auteur  des  Questions  sur   l'Encyclopédie 
a  fait  briller  toute  la  sagacité  de  son  juge- 
ment sur  celle-ci,  ou  plutôt  il  a  mis  dans  le 
plus  grand  jour  les  travers  et  l'opiniâtreté 
des   incrédules.  «  Pour  croire  un  miracle, 
dil-il,  ce  n'est  pas  assez  de  l'avoir  vu,  car 
on  peut  se  tromper.  Bien  des  gens  se  sont 
crus  faussement  sujets  do  miracles;  ils  ont 
été  tantôt  malades  et  tantôt  guéris  par  un 
pouvoir  surnaturel;  ils  ont  été  changés   en 
loups;  ils  ont  traversé  les  airs  sur  un  manche 
iv  balai;  ils  ont  été  incubes  et  succubes.  Il 
faut  que  le  miracle  ait  été  bien  vu  par  un 
grand  nombre  de  gens  très-sensés,  se  por- 
tant bien,  et  n'ayant  nul  intérêt  à  la  chose. 
11  faut  surtout  qu'il  ait   été    solennellement 
attesté  par  eux.  Car  si  l'on  a  besoin  de  for- 
malités authentiques  pour  les  actes  les  plus 
simples,  à  plus  forte  raison  pour  constater 
des    choses    natur^'llement   impossibles,    et 
dont  le  destin  do   la  terre  doit  dépendre. 
Quand  un  miracle  authentique  est  fait,  il  ne 
prouva   encore  rien  ;  car  l'Kcriture  dit   en 
vingt  endroits  que  des  imposteurs  peuvent 
faire  des  miracles.  On    exige   donc    que  la 
doctrine  soit  appuyée  par  des  miracles,  et 


les  miracles  par  la  doctrine.   Ce  n'est  point 
encore  assez.  Comme  un  fripon  peut  prêcher 
Une  fiès-honne  doctrine,  et  faire  des  mira- 
cles comme  les  sorciers  de  Pharaon,  il  faut 
que  ces  miracles  soient  annoncés  par  des 
prophéties;  pour  être  sAr  de  la  vérité  de  ces 
prophéties,  il  faut  les  avoir  entendu  annon- 
cer clairement,  et  les  avoir  vu  s'accomplir 
réellement;  il   faut   posséder    parfaiteuient 
la  langue  dans  laquelle  elles  ont  été  con- 
servée-;. Il  ne  suffit  pas  même  que  vous  soyez 
témoin  de  leur  accomplissement  miraculeux, 
car  vous  pouvez  être  troaqié  par  les  appa- 
rences. Il  est  nécessaire  que  le  miracle  et  la 
prophétie  soient  juridiquement  constatés  par 
les   i)remiers    de  la    nation,    et  encore   se 
Irouvera-t-il    des  dout.iirs  :  car   il  se  peut 
que  la  nation  soit  intéressée  ?)  supposer  une 
prophétie  et  un  miracle;  et  dès  que  l'intérêt 
s'en  mêle,  ne  comptez  sur  rien.  Si  un  inira- 
clr  prédit  n'est  pas  aussi  public,  aussi  avéré 
qu'une  éclipse  annoncée    dans  l'almanach, 
soyez  sur  que  ce  miracle  n'est  qu'un  tour  de 
gibecière  ou  un  cont(!  de  vieille.  On  souhai- 
terait, pour  qu'un  miracle  fût  bien  constaté, 
qu'il  fil t  fait  en  présence  de  l'académie   des 
sciences  de  Paris,  ou  de  la  société  royale  de 
Londres ,   et    de    la   faculté  de    médecine, 
assistée  d'un  détachement  du  régiment  des 
gardes,  pour  contenir  la  foule  du  peu[ile.  » 
Réponse.  Pourcjuoi  n'y  pas  appeler  encore 
tous  les  incréduh'S,  déistes,   athées,    maté- 
rialistes, pyrrhoniens  et  autres'?  Eux  seuls 
sont  les  sages  par  excellence.  Mais    si   ce 
n'est  pas  assez  d'avoir  vu  un  miracle  pour 
le  croire  et  pour  en  être  sûr,  de  quoi  servira 
la  présence  des  académiciens,  des  médecins 
et  de  tout  leur  cortège  ?  Si   personne   n'est 
assuré  do  se  bien  porter,  d'être  dans    son 
bon  sens,  de  voir  réellement  ce  qu'il  voit, 
ni  de  sentir  véritablement  ce  qu'il  éprouve, 
nous  ne  croyons  pa^  que  ces  savants  soient 
plus  privilégiés  qu"  les  autres  hommes.  Le 
seid  doute  bien  fondé  qu'il  y  ait  ici,  est  de 
savoir  si  un  philosophe  qui  raisonne  ainsi  a 
la  tête  bien  saine.  Prescrire   des    règles  de 
certitude,    et  prétendre    ensuite  qu'en    les 
réunissant  toutes  on  n'aura   encore  rien  de 
certain,  est  un  pyrrhonisme  insensé. 

1"  En  quel  lieu  du  monde,  si  ce  n'est  aux 
petites  maisons,  a-t-on  vu  des  gens  qui  se 
croyaient  sourds,  muets,  aveugles  ou  para- 
lytiques, pendant  qu'ils  se  portaient  bien, 
on  qui  se  croyaient  parfaitement  guéris  de. 
ces  infirmités,  lorsqu'ils  les  avaient  encore  ? 
Plusieurs,  guéris  par  des  remèdes,  ont  peut- 
être  cru  faussement  leur  guérison  miracu- 
leuse :  dans  ce  cas,  il  est  bon  de  consulter 
des  médecins  pour  savoir  ce  qui  en  est  ; 
mais  que  leur  témoignage  soit  nécessaire 
pour  juger  si  ces  inhrmités  ont  cessé  ou 
durent  encore,  c'est  une  absurdité.  De  pré- 
tendus sorciers,  après  s'être  frottés  de  dro- 
gues, ont  pu  rêver  qu'ils  allaient  au  sabbat 
sur  un  manche  à  balai  ;  d'autres,  dans  le 
déhre  d'une  imagination  déréglée,  ont  pu 
rêver  qu'ils  étaient  incubes  ou  succubes; 
mais  les  témoins  des  miracles  de  Jésus-Cbnst 
ne   s'étaient  frottés  d'aucune   compositiou 


79i 


MIR 


MIR 


792 


pour  rêver  qu'ils  voyaient  ce  qu'ils  ne 
voyaient  pas  :  ce  n'est  point  dans  les  songes 
(Je  la  nuit,  mais  au  grand  jour  et  en  public, 
qu'i'ls  les  ont  vus. 

a°  Nous  admettons  volontiers  que  les 
témoins  d'un  miracle  doivent  être  en  grand 
nombre,  très-sensés,  se  portant  bien,  et  sans 
aucun  intérêt  à  la  chose  ;  il  nous  paraissent 
encore  plus  croyables,  lorsqu'ils  étaient  in- 
téressés à  la  révoquer  en  doute.  Or,  les  Juifs 
contemporains  de  Moïse  étaient  intéressés 
à  ne  lias  croire  légèrement  des  miracles  qui 
mettaient  leur  sort  à  la  discrétion  de  ce  lé- 
gislateur, qui  les  assujettissaient  à  une  loi 
très-dure  et  à  des  mœurs  nouvelles,  qui  les 
rendaient  odieux  aux  Egyptiens  et  aux  Cha- 
nanéens.  Les  apôtres  étaient  très-intéressés  à 
ne  jias  croire  sans  examen  les  miracles  de  Jé- 
sus-Christ ,  qui  déplaisaient  aux  Juifs ,  et 
à  ne  pas  se  charger  témérairement  d'une 
mission  qui  les  exposait  à  la  persécution 
des  juifs  et  des  païens.  Ceux-ci,  élevés  dans 
des  i)réjugés  trôs-o|)posés  au  cliristianisme, 
avaient  le  plus  vif  intérêt  à  se  délier  des  wîi- 
racles  de  Jésus-Christ  et  des  apôtres,  qui 
devaient  les  engager  à  un  changement  de 
religion  très  -  difficile  et  très -dangereux. 
Quant  aux  formalités  juridiques  et  aux 
procès-verbaux  solennellement  dressés,  nous 
soutenons  qu'ils  ne  furent  jamais  nécessai- 
res pour  constater  des  faits  publics,  dont 
toute  une  ville  ou  toute  une  contrée  ont  été 
témoins.  Avant  l'invention  de  ces  formalités 
était-on  moins  cet  tain  qu'aujourd'hui  de  ces 
sortes  de  faits?  Lorsque  des  miracles  ont 
causé  une  grande  révolution  dans  le  monde, 
leur  clJ'et  est  une  preuve  plus  forte  que 
toutes  les  informations  et  les  procédures 
possibles.  Le  philosophe  que  nous  réfutons 
suppose  encore  faussement  que  la  certitude 
de  tous  les  faits  doit  être  plus  grande,  à  pro- 
I^iortion  de  leur  importance ,  puisque  les 
laits  desquels  dépendent  notre  vie,  notre 
conservation ,  notre  fortune ,  nos  droits 
civils,  sont  ordinairement  ceux  dont  nous 
avons  le  moins  de  certitude.  Parce  qu'un 
miracle  peut  intéresser  toute  une  nation, 
s'ensuit-il  qu'il  faut  que  chaque  particulier 
en  soit  témoin  oculaire  ? 

3°  11  est  faux  que,  selon  l'Ecriture  sainte, 
les  imposteurs  et  les  magiciens  puissent 
faire  de  vrais  miracles;  elle  nous  assure  au 
contraire  que  Dieu  seul  jieut  en  faire,  et  nous 
le  prouverons  dans  le  paragraphe  suivant. 
Lorsqu'il  s'agit  de  prouver  la  mission  d'un 
homme,  il  n'est  pas  encore  question  de  doc- 
trine :  c'est  une  absurdité  de  prétendre  que 
les  Juifs ,  opprimés  en  Egypte,  devaient 
exiger  la  profession  de  foi  de  Moïse  et  le 
code  de  sa  morale,  avant  de  croire  à  sa 
mission;  que  les  Juifs  et  les  païens  étaient 
des  hommes  fort  capables  déjuger  delà  doc- 
trine de  Jésus-Christ,  pendant  que  les  incré- 
dules ne  les  croient  pas  seulement  capables 
d'attester  ses  miracles.  Est-il  donc  plus 
difficile  de  s'assurer  d'un  fait  sensible,  que 
de  i»rononcer  sur  la  bonté  d'un  catéchisme?  i 

k°  Des  miracles  annoncés  par  des  prophé- 
ties en  sont  d'autant  plus  authentiqties  et 


piUS  frappants  ;  mais  cela  n  est  pas  absolu- 
ment nécessaire.  Une  prophétie  est  elle- 
même  un  fait  miraculeux  ;  il  faudrait  donc  la 
vérifier  par  une  autre  prophétie,  et  ainsi  à 
l'iiitini.  Un  fait  surnaturel,  sensible  et  pal- 
pable, doit  être  vérifié  comme  tout  autre 
fait;  si  nous  sortons  de  là,  nous  ne  trouve- 
rons plus  que  des  règles  absurdes. 

5"  C'en  est  une  de  soutenir  qu'il  faut  avoir 
entendu  clairement  la  prophétie,  et  l'avoir 
vue  s'accomplir  réellement.  Selon  cette  dé- 
cision. Dieu  ne  pourrait  pas  prédire  des 
miracles  qui  ne  doivent  être  opérés  que  dans 
plusieurs  siècles,  puisque  l'on  veut  que  les 
mêmes  hommes  entendent  prononcer  les 
paroles  du  prophète,  et  en  voient  l'accom- 
plissement. Aucontraire,plusles  événements 
sont  éloignés,  plus  il  est  évident,  lorsqu'ils 
arrivent,  qu'ils  n'ont  pas  pu  être  prévus  par 
une  lumière  naturelle.  Une  prophétie,  écrite 
depuis  plusieurs  siècles,  n'est  ni  moins  cer- 
taine, ni  moins  claire,  ni  moins  frappante, 
que  si  elle  avait  été  faite  depuis  peu;  elle 
1  est  même  davantage.  Notre  critique  est-il 
persuadé  que  les  savants  du  xviu"  siècle 
n'entendent  pas  l'hébreu,  et  ne  peuvent 
prendre  le  sens  des  prophéties?  Mais  les 
versions  chaldaïque  et  grecque  ont  été  écri- 
tes avant  que  les  faits  arrivassent,  avant  la 
naissance  de  Jésus-Christ;  elles  sont  con- 
formes aux  versions  syriaque,  arabe,  latine, 
qui  ont  été  faites  après,  et  la  plupart  sont 
l'ouvrage  des  Juifs.  C'est  là  que  nous  prenons 
le  sens  du  texte.  11  a  donc  été  entendu  de  même 
dans  tous  les  siècles  ;  ces  prophéties  n'étaient 
donc  pas  inintelligibles,  ni  même  fort  obs- 
cures. 

6°  Elles  ont  été,  comme  on  le  voit,authen- 
tiquement  certifiées  par  les  docteurs  et  les 
chefs  de  la  nation  juive,  soit  quant  à  la 
lettre,  soit  quant  au  sens,  dans  les  para- 
phrases chaldaïques  et  dans  la  version  des 
Septante  ;  mais  il  n'est  pas  nécessaire  que  les 
chefs  de  la  nation  en  aient  certitié  de  même 
l'accomplissement  dans  le  temps  :  ils  ont  pu 
avoir  intérêt  à  contester  les  miracles  de 
Jésus-Christ,  à  détourner  le  sens  des  pro- 
phéties, à  s'aveugler  sur  leur  accomplisse- 
ment, comme  ils  font  encore  aujourd'hui, 
puisqu'ils  reconnaissent  eux-mêmes  que  cet 
aveuglement  était  prédit.  Cependant  il  n'a 
pas  été  général,  puisque  les  docteurs  juifs, 
tels  que  Nicodème,  Gamaliel,  saint  Paul,  et 
un  grand  nombre  de  prêtres,  ont  cru  en 
JésLis-Christ  ;  les  autres  mênie  n'ont  pas  osé 
contester  ses  miracles.  Eu  admettant  pour  un 
moment  toutes  les  règles  prescrites  par 
notre  critique,  un  ignorant  est  eu  droit  de 
rejeter  le  témoignage  de  tous  les  philoso- 
phes, lorsqu'ils  lui  attestent  des  faits  éton- 
nants qu'il  ne  conçoit  pas,  et  qui  doivent  lui 
paraître  surnaturels.  Mais  en  retranchant  ce 
qu'il  y  a  d'absurde  dans  ces  règles,  ujus 
sommes  en  état  de  prouver  que  les  miracles 
qui  continuent  la  révélation  ont  été  bien  vus 
jiar  dos  hommes  sensés  qui  n'y  avaient 
aucun  intérêt,  qui  les  ont  attestés  à  la  face 
des  nations  entières,  en  présence  des  chefs 
qui    n'ont   rien  eu  à  y  opposer;  que  ces 


795 


AfIR 


HIR 


794 


miracles  ont  été  faits  pour  appuyer  une 
doctrine  très-pure  et  très-digne  do  Dieu; 
(ju'ils  ont  été  annoncés  par  (les  prophéties 
très-aullicntiques  et  très-claires,  constam- 
Dient  entendues  dans  le  sens  que  nous  leur 
donnons,  et  que  ce  sont  ces  miracles  qui  ont 
converti  les  juifs  et  les  païens.  Que  faut-il 
de  plus? 

Pour  aflViiblir  ces  preuves,  le  niômc  auteur 
a  prétendu  que  les  uiahométans  en  avaient 
de  semblables  pour  établir  la  réalité  des 
miracles  de  Maliomet  :  nous  avons  réfuté 
cette  com[)araison  fausse  à  l'article  Mahomé- 
TisME.  D'autres  ont  dit,  avant  lui ,  que  l'on 
pourrait  encore  prouver  de  même  la  vérité 
des  miracles  du  paganisme  ;  mais  aucun 
d'eux  n'a  pu  alléguer  ces  preuves  prétendues. 
Plusieurs  ont  objecté  la  multitude  de  miracles 
rapportés  dans  les  légendes  ;  l\  cet  article, 
nous  avons  fait  voir  que  la  plupart  de  ces 
prodiges  sont  absolument  dénués  de  preuves. 
(Juelqu(!S-uns  enlin  ont  objecté  les  raisons 
par  lesquelles  on  a  voulu  élayer  les  préten- 
dus miracles  du  diacre  PAris;  nous  ne 
croyons  pas  qu'il  soit  nécessaire  d'en  dé- 
montrer la  fausseté. 

m.  Les  miracles  peuvent~ils  servir  à  con- 
firmer une  doctrine,  et  d  prouver  la  divinifé 
d'une  rclii/ion?  L'on  n'en  avait  pas  douté 
avant  qu'il  y  eût  des  déistes;  et  il  a  fallu,  d« 
leur  ])art,  un  travers  singulier  d'esprit  pour 
soutenir  le  contraire.  [Voij.  Diivoisin,  De'- 
monstrations  évangéliques,  publiées  par  M. 
l'abbé  Migne  :  Notions  sur  les  miracles , 
tom.  XIll,  col.  7G3.1 

En  etl'et ,  puisque  c'est  Dieu  ,  qui,  par 
sa  toute-puissance,  a  réglé  le  cours  de  la 
nature,  a  établi  l'ordre  physique  du  monde 
tel  qu'il  est,  lui  seul  a  le  pouvoir  de  le  sus- 
pendre, d'y  déroger,  même  pour  un  instant, 
d'arrêter  l'elfet  de  la  moindre  des  lois  dont 
il  est  l'auteur.  11  n'a  certainement  donné  k 
aucune  créature  la  puissance  de  déranger 
son  ouvrage,  de  troubler  la  tranquilité  des 
hommes  pour  l'utilité  desquels  Dieu  a  fait 
les  choses  telles  qu'elles  sont.  \\i  la  con- 
*  fiance  que  les  hommes  ont  eue  de  tout 
temps  à  la  constance  de  la  marche  de  l'uni- 
vers, et  l'étonnement  que  leur  ont  toujours 
causé  les  miracles  vrais  ou  apparents,  leur 
sort,  pour  ce  monde  et  pour  l'autre,  serait 
à  la  discrétion  des  mauvais  esprits  ou  des 
imposteurs  auxfjucls  Dieu  aurait  donné  le 
pouvoir  d'opérer  des  prodiges  supérieurs 
aux  forces  de  la  nature;  sa  sagesse  et  sa 
bonté  s'y  opposent.  Aussi  s'en  esl-il  expli- 
qué lui-même  très-clairement;  après  avoir 
lait  souvenir  les  Hébreux  des  prodiges  qu'il 
a  opérés  en  leur  faveur,  il  leur  dit  :  Voyez 
par  lu  que  je  suis  le  seul  Dieu,  et  guil  n'y  en 
a  point  d'autre  que  moi  {Deut.  xxxu,  39j.  Le 
psalmiste  répète  souvent  que  Dieu  seul  fait 
des  miracles  (Psalm.  lxxi  ,  18;  c.xxxv, 
k,  etc).  Ezéchias,  en  lui  demandant  une  déli- 
vrance miraculeuse,  lui  dit  :  «  Sauvez-nous, 
Seigneur,  afin  que  tous  les  peuples  de  la 
terre  connaissent  que  vous  êtes  le  seul 
souverain  Maître  de  l'univers  {Isau  xxxvii, 
20j.  »  Lorsque  Moïse  lui  demande  comment 


il  pourra  convaincre  les  Hébreux  de  sa  mis- 
sion, Dieu  lui  donne  le  pouvoir  d'opérer  des 
miracles,  et  lui  dit  :  Va,  je  serai  dans  ta 
bouche,  et  je  t'enseignerai  ce  qu'il  faudra  dire 
[Exod.  IV,  1,  1-2).  Moïse  obéit,  et  c'est  il  la 
vue  de  ces  miracles  que  les  Israélites  croient 
à  sa  mission,  et  que  le  roi  d'Egypte  est  forcé 
eutin  de  se  rendre.  Dieu  donnait-il  à  son 
envoyé  de  fausses  lettres  de  créance,  des 
signes  éipiivoques ,  et  qui  pouvaient  être 
contrefaits  par  des  im|>osteurs?  11  dit  ipi'il 
exercera  ses  jugements  sur  l'Egypte,  afin  (pie 
les  Egyptiens  sachent  qu'il  est  le  Seigneur 
{Exod.  VII,  5).  Comment  auraient-ils  pu  le 
savoir,  si  des  magiciens  avaient  pu  faire 
les  mêmes  miracles  (pie  .Moïse?  C'est  aussi 
à  la  vue  du  premier  des  miracles  de  Jésus- 
Christ  que  ses  disciples  crurent  en  lui 
[Joan.  II,  11).  Lorsque  Jean-Baptiste  lui 
envoya  deux  de  ses  disciples  pour  lui  de- 
mander :  «  Etes-vous  celui  qui  doit  venir, 
ou  faut-il  en  attendre  un  autre?  «Jésus  opé- 
ra plusieurs  guérisons  miraculeuses  en  leur 
présence,  et  répondit  :  Allez  dire  à  Jean  ce 
que  vous  avez  vu  (Luc.  vu,  19).  Souvent  il  a 
(Jit  aux  Juifs  :  Les  œuvres  que  je  fais  au  nom 
de  mon  Père  rendent  témoignage  de  moi.  Si 
vous  ne  voulez  pas  me  croire,  croyez  à  mes 
œuvres  (Joan.  x,  25,  38)  ;  et  en  parlant  des 
incrédules,  il  dit  :  Si  je  n'avais  pas  fait 
parmi  eux  des  œuvres  qu'aucun  autre  n'a 
faites,  ils  ne  seraient  pas  coupables  (xv,  Si). 
Au  moment  de  quitter  ses  apôtres,  il  leur 
donne  le  pouvoir  d'opérer  des  miracles  p(jur 
prouver  leur  mission  (Marc,  xvi ,  15  et 
suiv.).  Devait-on  s'arrêter  à  cette  preuve, 
si  des  magiciens  ,  des  imposteurs,  des  faux 
propliêtes,  étaient  capables  d'en  faire. 

Saint  Pierre  déclare  que  Jésus-Christ  est 
le  Fils  de  Dieu  ,  qu'il  est  ressuscité ,  qu'il 
faut  croire  en  lui  pour  être  sauvé,  que  lui  et 
ses  collègues  en  sont  des  témoins  fidèles;  et 
il  le  prouve  ])ar  le  miracle  ([u'il  venait  d'ojié- 
rer,  en  guérissant  un  homme  impotent  de- 
puis sa  naissance  (Act.  m,  13  et  suiv.).  Saint 
Paul  dit  qu'il  a  fondé  sa  prédication,  non  sur 
les  raisonnements  de  la  sagesse  humaine, 
mais  sur  les  dons  du  Saint-Esprit  et  sur  uik^ 
puissance  surnaturelle  (/  Cor.  ii,  4);  que  les 
signes  de  son  ajJOstoLit  ont  été  les  prodiges 
et  les  tniracles  qu'il  a  opérés  (II  Cor.  xii,  12). 
11  était  donc  bien  sûr  i;ue  ces  signes  ne  pou- 
vaient être  imités  par  de  faux  apôtres.  Les 
incrédules  ont  donc  tort  d'avancer  que  (luand 
même  les  miracles  prouveraient  qu'un  nom- 
me est  envoyé  de  Dieu,  ils  ne  iirouveraient 
pas  que  cet  homme  est  infaillible  ni  imper- 
cable.  Dès  que  Dieu  a  envoyé  un  homme 
pour  annoncer  de  sa  part  une  doctrine  ,  et 
porter  des  lois,  et  qu'il  lui  a  donné  pour  let- 
tres de  créance  le  pouvoir  do  faire  des  mi- 
racles, nous  soutenons  que  la  justice,  la  sa- 
gesse, la  bonté  divine,  sont  intéressées  à  ne 
pas  f)ermettre  que  cet  homme  se  trompe  ou 
veuille  tromper  les  autres ,  en  leur  ensei- 
gnant une  doctrine  fausse,  ou  en  leur  pres- 
crivant de  mauvaises  lois,  .\utrement  Dieu 
tendrait  aux  nations  un  piège  d'erreur  iné 
vitable  .  et  les  mettrait  dans  la  néce.s.sité  do 


795 


MlH 


MIR 


m 


•io.  livrer  à  un  imposteur.  En  quec  sens  pour- 
rait-il dire  qiril  est  la  vérité  môme,  (idèle, 
ennemi  de  l'in'cjuilé  ,  juste  et  droit  {Drut 
XXXII,  k);  qu'il  est  incapable  do  mentir  et  de 
troiTifier  comme  les  hommes  {ISuin.  xxiii,  19); 
qu'il  est  vrai  dans  toutes  ses  paroles,  et  saint 
dans  toutes  ses  œuvres  {Ps.  cxliv,  13,  etc.)  ? 

Non-seidemeiit  Dieu  avait  promis  h  son 
peuple  de  lui  envoyer  des  prophètes,  mais  il 
avait  dit  :  Si  r/uelqu'un  n'écoute  pas  un  pro- 
phète qui  parlera  en  mon.  nom,  j'en  serai  le 
vengeur;  mais  si  un  prophète  parle  faussement 
de  ma  part,  ou  au  nom  des  dieux  étrangers, 
il  seramis  à  mort  [Deut.  xviii,  19).  Conlinnel- 
lement  il  reproche  aux  Juifs  qu'ils  n'écou- 
tent pas  ses  prophètes  ,  et  il  menace  de  les 
punir.  Cette  incrédulité  ,  cependant ,  aurait 
été  très-juste  de  la  part  des  Juifs ,  s'il  avait 
été  possible  qu'un  prophèlefit  des  miracles 
pour  prouver  uni' mission  fausse.  Dieu  a-t-il 
pu  menacer  de  les  punir  d'une  jusl:'  défiance, 
et  pour  avoir  suivi  les  règh-s  de  la  prudeice 
liumaine?  Mais,  répliquent  les  déistes,  il  y 
a  dans  l'Ecriture  sainte  d'autres  passages 
qui  semblent  opposés  h  ceux-là  et  qui  en- 
seignent le  contraire.  11  est  dit  que  les  ma- 
giciens de  Pharaon  imitèrent  les  miracles  de 
Moisi;,  fccerunt  similiter  (Exod.  ,  vu,  li, 
22,  etc.).  Moïse  défend  aux  Juifs  d'écouter 
un  faux  prophète,  (juand  mémo  il  fcr-dt  des 
miracles  {DnU.  xiii ,  1).  Dieu  permet  à  l'es- 
prit de  mensonge  de  ,'o  placer  dans  la  bou- 
cîie  des  prophètes  {111  Reg.  xxii,  22).  11  lui 
permet  d'aflliger  Job  par  des  fléaux  qui  sont 
de  vrais  miracles  {Job  ,  i,  12).  11  dit  :  Lors- 
qu'un prophète  se  trompera  et  parlera  fausse- 
nicnt,  c'est  moi  qui  l'ai  trompe  ;  je  mettrai  la 
main  sur  lui,  et  je  l'exterminerai  lEzech.  xiv, 
9).  Jésus-Clirist  prédit  qu'il  viendra  de  faux 
christs  et  de  faux  pro,'hètes  ,  qui  feront  de 
gi'ands  prodig  'S  et  des  miracles  cspables  de 
tromper  même  les  élus  {Matth.  xxiv,  24). 
Saint  Paul  prédit  la  même  chose  de  l'Ante- 
christ  {Il  Thess.  n  ,  9).  Il  défend  d'écouter 
même  un  ange  du  ciel  qui  annoncerait  un 
autre  Evangile  que  le  sien  {Galat.  i,  8).  Les 
prodiges  et  les  miracles  ne  prouvent  donc 
lien;  c'est  plutôt  un  piège  d'erreur  qu'un 
signe  de  vérité.  Qu'importe  qu'un  miracle 
soit  vrai  ou  faux,  réel  ou  apparent,  si  ceux 
i(ui  en  sont  témoins  sont  dans  l'impossibi- 
lité (le  distinguer  l'un  de  l'autre  ? 

liéponse.  Nous  soutenons  qu'aucun  de  ces 
passages  ne  prouve  le  contraire  do  ceux  que 
nous  avons  cités.  1°  A  l'article  Magie  ,  §  2, 
nous  avons  fait  voir  que  les  magiciens  d'E- 
gypte ne  firent  (|ue  des  tours  de  sou|)lesse; 
qu'ils  n'imitèrent  que  très-imparfaitement 
les  miracles  de  Moise,  qu'il  était  très-aisé  de 
distiiiguiT,  dans  cette  occasion,  l'opération 
divine  d'avec  les  prestiges  de  l'art;  amsi, 
lorsque  l'histoire  sainte  dit  qu'ils  firent  de 
même,  cela  ne  signifie  pas  uiie  imitation  par- 
faite et  k  laquelle  on  pût  être  innocemment 
trompé.  — 2°  Moïse  n'a  jamais  supposé  qu'un 
faux  prophète  p(ït  foire  des  miracles;  il  dit: 
«  S'il  s'éiève  au  milieu  de  vous  un  propliète 
ou  un  homme  qui  dise  qu'il  a  eu  un  songe, 
et  qui  prédise  un  signe  ou  uu  phénomène; 


SI  ce  qu'il  a  prédit  arrive,  et  qu'il  vous  dise. 
Allons  adorer  les  dieux  étrangers,  vous  n'é- 
couterez point  ce  prophète  ou  ce  rêveur, 
parce  que  c'est  le  Seigneur  votre  Dieu  qui 
vous  éprouve,  afin  que  l'on  voie  si  vous  l'ai- 
mez ou  non  fie  tout  votre  cœur  et  de  toute 
votre  âme.  Ce  prophète  ou  ce  conteur  lic 
songes  sera  mis  à  mort.  »  Annoncer  un  phé 
nomène  naturel  qui  arrive,  ce  n'est  pas  faire 
un  miracle.  Moise  prévient  ici  i  s  Israélites 
contre  la  stupidité  des  iflol.'.lres ,  qui  ado- 
raient lesastr^'S,  et  (pii  prenaient  les  phéno- 
mènes du  ciel  pour  des  signes  de  la  faveur 
ou  de  la  colère  de  ces  prétendues  divinités 
[Dettt.  IV,  19).  --  .3"  11  est  évident  que  ce  qui 
est  dit  d  s  faux  prophètes  (///  Jleg.  xxii,  22), 
est  une  expression  figurée  très  commune  en 
hébreu;  l'esprit  menteur  n'est  point  un  (ler- 
sonnage  ou  un  démon,  mais  l'esprit  menti'ur 
du  pro  hète  lui-même.  Lorsque  l'auteur  sa- 
cré ajoute  que  c'est  Dieu  qui  a  mis  cet  esj'rit 
dans  la  bouche  des  prophètes  d'Acliab  ,  cela 
signilie  seulement  que  Dieu  a  permis  qu'ils 
se  trompassent  et  voulussent  tromper,  et 
qu'il  ne  les  a  pas  empêchés.  C'est  un  hé- 
braïsme  qui  a  été  remarqué  par  tous  les 
commentateurs  ,  Classius ,  Philolog.  sacra, 
col.  814,  871,  etc.  Nous  avons  donné  des 
exemples  d''  cette  manière  de  parler  en  fran- 
çais à  l'article  HÉBRAisjiE,n.li.  Voy.  Permis 
sioN. — 4°  Le  sens  est  le  môme  dans  Ezé- 
chiel,  c.  XIV,  v.  9,  où  il  est  dit  que  Dieu  n 
trompé  un  faux  pioiilièle,  et  qu'il  le  punira; 
pourrait-il  justement  punir  un  homme  qu'il 
aurait  trompé  lui-même  ?  C.  xiii,  v.  3,  on  lit  : 
«  Malheur  aux  prophètes  insensés  qui  sui- 
vent leur  propre  esprit ,  et  ne  voient  rien.  >; 
Leur  |iro[ire  esprit  n'est  donc  pas  celui  de 
Dieu.  —  5"  Les  fléaux  dont  Job  fut  afiligé 
furent  des  miracles  ,  sans  doute  ;  mais  rien 
ne  nous  force  de  les  attribuer  à  l'opération 
immédiate  du  démon,  plutôt  qu'à  celle  de 
Dieu,  ni  de  prendre  à  la  lettre  ce  qui  est  dit 
de  Satan  :  le  sentiment  des  Pères  de  l'Eglise 
et  des  commentateurs  n'est  pas  uniforme 
sur  ce  point.  Vog.  la  Sgnopse  des  critiques 
{Job,  I,  6).  Quand  on  le  prendrait  à  la  lettie, 
il  s'ensuivrait  toujours  que  le  démon  ne  peut 
pas  faire  une  chose  conliaire  au  cours  ordi- 
naire de  la  nature  sans  une  permis>ion 
expresse  de  Dieu;  et  il  n'y  avait  aucun  dan- 
ger que  les  hommes  fussent  troaqiés  à  celte 
occasion.  Job  lui-même  dit  que  c'est  Dieu 
qui  lui  a  ôté  ses  liions,  v.  21  ;  ce  n'était  donc 
pas  le  démon.  —  ti°  Jésus-Christ  ne  dit  point 
que  les  christs  feront  des  miracles,  mais 
qu'ils  donneront  ou  qu'ils  montreront  des 
signes  et  de  grands  prodiges.  On  sait  en  ef- 
fet qu'avant  la  ruine  de  Jérusalem  il  arriva 
des  phénomènes  singuliers  dans  le  ciel  et 
sur  la  terre,  Josèp'ie  les  rapporte  :  ceux  qui 
se  donnaient  faussement  pour  le  Messie  pu- 
rent abuser  de  ces  prodiges ,  et  les  donnei 
comme  autant  do  signes  do  leur  mission  : 
ce  sens  est  confirmé  par  l'histoire.  Yog.  la 
Sgnopse  {Matth.  xxiv,  2'i-).  En  second  lieu, 
Ji''Siis-Christ  ne  dit  point  absolument  que  les 
élus  ou  les  fidèles  y  seront  trom  es ,  mais 
qu'ils  le  seront ,  si  cela  peut  se  faire ,  après 


797  MIR 

avoir  été  pr(5vcnus  et  avertis,  comme  il  les 
prévient  ea  effet.  Voilà  pourquoi  il  ajoute  : 
Je  vous  ni  prédit  ce  qui  doit  arriver.  Après 
un  pareil  avirlissement ,  personne  ne  pou- 
vait p'iis  y  Ôti'e  trompé  que  ceux  qui  vou- 
laient l'ôtre.  On  doit  enlendre  île  inùnie  ce 
que  saint  Paul  dit  de  i'antechrist  (//  Tliess. 
.'I,  3);  si  ceiiend.int  il  est  question  là  de  ce 
personnage ,  et  non  de  quelqu'un  d(>s  faux 
messies  qui  parurent  en  ce  lemps-ià ,  ou  de 
l'imposteur  Alexandre ,  qui  lit  grand  bruit 
au  11°  sii^cle ,  ou  enfin  de  qiie'qu'mi  des  lié- 
r(^siari]ues  ([ui  se  vantèrent  de  faire  des  mi- 
rnrle.i;  la  ) il u part  des  comiuenlaleurs  con- 
vienne t  que  (-et  endroit  de  saint  l'aul  n'est 
pa';  fai'ile  à  expli([uer.  Voi/.  AMEciiiiisr. — 
7"  Il  scr.iit  alisurde  de  supjtoscr  qu'un  ange 
du  cirl  ppuf  venir  prCcher  un  faux  livang  le; 
ce  (jue  saint  Paul  écrit  aux  Galatcs  signifie 
donc  seulement  :  «  Si  un  faux  apôtre  vient 
vous  j)rèc!ier  un  autre  Evangile  que  celui 
que  ji?  vous  ai  annoncé  ,  qnauil  même  il  pa- 
railrait  être  un  ang:i  du  ciel,  dites-lui  ana- 
tlième.  »  Il  n'est  iioint  question  là  de  l'appa- 
rition m  raculeuse  d'un  ange. 

A  la  vérité ,  plusieurs  Pères  de  l'Eglise 
semblent  avoir  été  persuadés  que  la  |)lupart 
des  miracles  vantés  par  les  païens  avaient  été 
opérés  par  le  démon;  mais  d'autres,  dont  lo 
sentiment  n'est  [)as  moins  respectable,  ont 
pensé  que  ce  n'étaient  que  des  prestiges  et 
des  tours  de  souplesse.  Yoy.  Magib,  §  2. 
Quand  on  pourrait  prouver  le  contraire  ,  il 
ne  s'ensuivrait  encore  rien  contre  la  véiité 
que  nous  défendons  ici,  savoir,  qu'un  homme 
ijui  se  donne  pour  envoyé  de  Dieu,  et  qui 
lut  des  tniracles  pour  conlirmcr  sa  docfrinr, 
doit  et  peut  être  cru  sans  aucun  danger  d'er- 
reur; les  miracles  du  paganisme  n'avaient 
pas  été  faits  pour  confirmer  une  d  ctriiio. 

Nous  avons  fait  voir  non-seulement  que 
Moïse,  Jésus-Christ  et  les  apôtres  ont  fait  des 
miracles ,  mais  qu'ils  les  ont  opérés  directe- 
ment pour  prouver  leur  mission  et  la  doc- 
trine qu'ils  annonçai!  nt;  d'oii  nous  con- 
cluons que  c'est  Dieu  lui-mèmi'  qui  a  auto- 
risé cetle  mission  et  celle  doctrine.  Quand 
Dieu  aurait  p(  rmis  que  les  démons  tissent 
des  miracles  pour  contenter  la  curiosité,  ou 
pour  sati.sfaire  les  autres  passions  de  leurs 
adorateurs,  il  ne  s'ensuivrait  pas  encore  que 
ces  prodiges  ont  été  opérés  directemen!  pour 
contirmer  la  religion  des  i)aieiis  ;  le  paga- 
nisme était  établi  longtemps  avant  que  des 
imposteurs  entreprissent  de  faire  des  mira- 
cles pour  nourrii'  la  superstition  des  païens. 
Yoy.  Polythéisme,  Idolâtrie. 

On  ne  prouvera  jamais  que  Dieu  ait  été 
obligé  d'ôter  du  monde  tous  les  pii'gcs  et 
tous  les  moyens  de  séduction  auxquels  les 
hoaimes  se  sont  volontairement  livrés;  mais 
il  ne  pouvait ,  sans  déroger  à  sa  sainteté, 
donner  à  des  imposteurs  ou  à  des  fanatiques 
le  pouvoir  d'inteirompre  le  cours  de  la  na- 
ture, pour  établir  une  nouvelle  religion  fausse 
à  la  iilace  du  paganisme. 

11  n'est  pas  croyable ,  disent  encore  les 
déistes,  que  Dieu  ait  fait  des  miracles  pour 
une  flaUou  plutôt  que  pour  une  autre;  pour 


MIR 


798 


les  Juifs  ,  et  non  pour  les  Egyptiens  ou  les 
Assyriens ,  pour  les  sujets  de  l'empire  ro- 
main, et  non  pour  les  Indiens  ou  pour  les 
Chinois.  11  peut ,  sans  miracle ,  éclairer  et 
convertir  fous  les  peuples ,  et  leur  intiiniT 
telle  doctrine  ou  telles  lois  qu'il  juge  à 
propos. 

Réponse.  Cette  objection  renferme  pres- 
que autant  d'absurdités  ([u'il  y  a  île  mois. 
1"  Il  est  absolument  faux  que  Dieu  ne  puisse 
accorder  à  une  n  stion,  à  une  famille,  ou  à 
un  homme,  un  bienfa  t ,  soit  dans  l'ordre 
naliirel  ,  s  lit  dans  l'ordre  surnaturel  ,  sans 
l'accorder  de  même  à  tons  les  jieuples  ou  à 
tous  les  hommes.  Nous  avons  démontré  le 
contraire  au  mot  Inégalité.  — 2°  Les  (léist(\s 
supposent  toujours  que  Dieu  a  fait  des  /»/- 
racles  pour  les  Juifs  seuls,  pi'ndant  que  l'F,- 
critui'e  sa  nte  enseigne  formellement  le  con- 
traire. En  [larlant  des  plaies  de  l'Iigyiitc, 
Dieu  dit  qu'il  exercera  ses  jugements  sur  ce 
royaume ,  alin  qu(^  les  ligypticns  sachent 
qu'il  est  le  Seigneur  [Exod.  vu  ,  5).  Moise 
avertit  les  Israélites  que  Dieu  les  rcn  Ira 
)j|us  illustres  que  les  autres  nations  ipTil  a 
faites  pour  sa  louangi^ ,  pour  son  nom  et 
pour  sa  gloire  {Deut.  xxvi,  1!)).  L'auteui'  du 
livre  de  la  Sagesse  nous  fait  remar(|ucr  que 
Dieu  ,  qui  aurait  pu  exterminer  d'un  seul 
coup  les  Egyptiens  et  les  Chnnanéens ,  les  a 
punis  lentement  et  par  divers  tléaux,  alin 
de  leur  laisser  le  temps  de  faire  pénitence  et 
de  désarmer  sa  colère;  il  conclut  par  ces 
paroles  :  «  Vous  épargnez  tous  les  pécheurs. 
Seigneur,  parce  que  tous  sont  à  vous,  et  ipie 
vous  aimez  leurs  Dmcs  (Sap.  xi  et  xii).  » 
Dieu  dit  aux  Juifs  qu'il  a  exécuté  ce  qu'd 
avait  promis  de  faire  en  leur  faveur,  non  à 
cause  de  leurs  mériies,  mais  afin  que  son 
nom  no  fût  pas  blasphémé  chez  les  nations 
{lîzech.  xs,  9,lk,2i).  Le  Psalmiste  demande 
la  continuation  des  bienfaits  de  Dieu  sur  son 
peuple ,  et  ajoute  :  «  Non  pas  pour  nous , 
Seigneur;  mais  rendez  gloire  à  votre  nom 
})ar  votre  miséricorde  et  par  votre  fidélité 
à  remplirvos  promesses,  afin  que  les  nations 
ne  disent  pas,  Où  est  leur  Dieu  {Ps.  cxiti)  ? 
Lo  Seigneur  dit  qu'il  délivrera  son  peuple 
de  la  cajitivité  à  la  face  des  Babyloniens  et 
des  Chaldéens,  pour  sa  propre  gloire,  et 
afin  qu'il  ne  soit  pas  blasphémé  {Isai.  xLvm, 
11).  11  déclare  tiu'il  punira  les  Sidoniens  par 
le  même  motif,  et  afin  ({u'ils  sachent  qu'il 
est  le  Seigneur  [Ezech.  xxviii,  2-i).  Tous  ces 
passages  et  beaucoip  d'autres  démontrent 
que  Dieu  n'a  point  per  lu  de  vue  le  salut  des 
peuples  infi  lèlcs,  et  qu'il  a  fait  des  grf.ces  à 
tous.  Voy.  iNFiDikLES.  —  3"  Conclure  de  là  que 
Dieu  a  donc  dû  suscit  r  chez  tous  les  peu- 
ples du  monde  un  Moï^e,  leur  donner  une 
révélation ,  une  législation ,  une  religion 
comme  aux  Juifs,  et  par  les  mêmes  moyens, 
c'est  un  trait  de  folie.  Savons-nous  Cf  qim 
Dieu  a  fait  (lour  chaque  peuple  en  particulier, 
et'jusqu'àquel  point  tous  ont  résisté  aux  le- 
çons qu'il  leur  a  faites  ,  et  aux  secours  qu'il 
leur  a  rionn/'s  ?  11  est  encore  plus  absurde 
de  prétendre  que  Jésus-Christ  devait  doîic 
naître,  laire  des  miracles,  mourir  et  ressus 


799 


MIR 


MIR 


coo 


citer  aans  les  quatre  parties  du  monde,  aussi 
bien  que  dans  la  Judée  ;  qu'il  devait  môme 
le  faire  dans  chaque  ville  de  l'univers,  tout 
comme  à  Jérusalem.  Ce  qu'il  a  fait  dans  cette 
contrée  devait  servir  à  la  conversion  de  l'u- 
nivers entier,  et  il  a  envoyé  ses  apôtres 
prêchera  toutes  les  nations.  Il  ne  sert  à  rien 
de  dire  que  des  miracles ,  qui  étaient  une 
preuve  frap,pante  pour  les  témoins  oculaires, 
ne  le  sont  plus  pour  les  peuples  éloignés,  à 
plus  forte  raison  pour  nous,  qui  vivons  dix- 
sept  siècles  après  les  faits.  Un  fait  qui  a 
existé  une  fois  ne  cessera  jamais  d'avoir 
existé,  et  dès  qu'il  est  prouvé  une  fois,  il 
l'est  pour  tous  les  siècles  et  pour  tous  les 
hommes  qui  auront  du  bon  sens.  —  k"  Il  est 
faux  que  Dieu  puisse  convertir  tous  les  peu- 
ples sans  miracles;  et  déjà  nous  avons  délié 
les  incrédules  d'assigner  aucun  moyen  qui 
ne  soit  pas  miraculeux.  Changer  tout  à  coup 
les  idées,  les  préjugés,  les  habitudes ,  la 
croyance  et  les  mœurs  de  toutes  les  nations, 
sans  aucun  signe  extérieur  et  frappant  qui 
les  touche  et  leur  inspire  des  réflexions  nou- 
velles ,  est-ce  un  phénomène  conforme  au 
cours  ordinaire  de  la  nature  ?  On  dit  que 
Dieu  peut  donner  à  tous  les  hommes  une 
grâce  intérieure  et  efficace  qui  les  conver- 
tisse tous.  Mais  cette  grâce  universelle  et 
uniforme  qui  agirait  do  même  sur  tous  et 
produirait  le  môme  eii'et ,  serait  non-seule- 
ment un  miracle  inouï,  mais  un  miracle  ab- 
surde; il  conduirait  les  hommes  comme  ils 
sont  conduits  par  l'instinct;  il  détruirait  leur 
liberté;  l'effet  qui  s'ensuivrait  ressemblerait 
à  un  enthousiasme  universel ,  dont  ou  ne 
verrait  ni  la  cause,  ni  les  motifs.  Est-ce  ainsi 
que  Dieu  doit  gouverner  le  genre  humain  ? 
Les  déistes  rejettent  les  miracles  sages  pour 
recourir  à  des  miVac/es  insensés,  qui  seraient 
indignes  de  la  sagesse  divine. 

Mais  on  demande,  que  prouvent  les  mira- 
cles 't  Ils  démontrent  d'abord  une  Providence, 
non-seulement  générale ,  mais  parliculière; 
et  de  ce  dogme  une  fois  prouvé  s'ensuivent 
toutes  les  autres  vérités  que  l'on  nomme  la 
religion  naturelle.  Comme  les  hommes  dis- 
traits par  d'autres  objets  réllédiisstuit  fort 
peu  sur  les  merveilles  journalières  de  b  na- 
ture, il  est  quelquefois  nécessaire  que  Dieu 
réveille  leur  attention  et  les  étonne  par  des 
événements  contraires  au  cours  ordinaire  de 
la  nature  ;  c'est  la  réflexion  de  saint  Augus- 
tin ,  Tract.  8,  in  Joan.,  n.  1,  et  Tract.  ^2'*, 
n.  1;  de  Civit.  Dei,  1.  x,  c.  12.  D'ailleurs  l'or- 
dre commun  de  la  nature,  loin  d'éclairer  les 
hommes,  avait  été  l'occasion  de  leur  erreur; 
ils  en  avaient  regardé  les  divers  phénomè- 
nes comme  l'ouvrage  d'autant  de  dieux  dif- 
férents :  il  étiit  d(jnc  nécessaire  de  les  dé- 
tromper par  des  miracles  faits  au  nom  d'un 
seul  Dieu,  créateur  et  souverain  maître  de  la 
nature.  L'exemple  de  Pharaon  et  des  Egyji- 
tiens  ,  de  Rahab  ,  de  Nabuchodonosor,  d'A- 
chior,  chef  des  Ammoniies,  de  Naaman,  etc., 
prouve  l'efficacité  de  ce  moyen.  Quoi  qu'en 
disent  les  déistes  ,  il  est  plus  efflcace  que  la 
contemplation  de  la  nature. 

En  second  lieu,  les  miracles  prouvent  la 


révélation,  la  vérité  de  la  doctrine  que  prê- 
chent ceux  qui  opèrent  des  miracles  pour 
cette  fin,  comme  nous  l'avons  fait  voir.  Si  les 
miracles  ne  prouvaient  rien,  les  incrédules 
ne  feraient  pas  tant  d'efforts  pour  en  faire 
douter. 

IV.  Y  a-t-il  eu  effectivement  des  miracles  ? 
Si  cela  est  indubitable,  toutes  lés  autres  ques  • 
lions  sont  résolues  ;  il  s'ensuit  que  les  mi- 
racles ne  sont  ni  impossibles,  ni  indignes  do 
Dieu,  ni  inutiles  ;  qu'ils  prouvent  quelque 
chose,  et  qu'ils  peuvent  être  prouvés  ;  or,  à 
moins  d'être  athée,  matérialiste  ou  pyrrho- 
nien,  on  est  forcé  d'en  admettre.  Les  athées 
mêmes  conviennent  que  la  création  est  le 
plus  grand  des  miracles;  et  que  quiconque 
admet  celui-là  ne  peut  raisonnablement  nier 
la  possibilité  des  autres  :  à  moins  de  soutenir 
l'éternité  de  la  race  des  hommes,  on  est  obli- 
gé d'avouer  que  le  premier  individu  n'a  pu 
commencer  d'exister  que  par  miracle.  Le  dé- 
luge universel  est  attesté  par  l'inspection  du 
globe  entier,  c'est  incontestablement  un  au- 
tre miracle  ;  toutes  les  hypothèses  forgées 
par  h  s  philosophes  pour  en  combattre  la 
réalité  ,  ou  pour  l'expliquer  naturelle- 
ment, sont  aussi  frivoles  les  unes  que  les 
autres. 

Aux  articles  Jésos-Christ,  Apôtres,  Moïse, 
nous  prouvons  la  vérité  des  miracles  qu'ils 
ont  opérés  (1). 

On  connaît  l'argument  qu'a  fait  saint  Au- 
gustin pour  prouver  que,  de  quelque  ma- 
nière que  l'on  s'y  prenne  il  faut  nécessaire- 
ment admettre  des  miracles  dans  l'établis.se- 
mcnt  du  christianisme.  Ou  les  apôtres,  dit- 
il,  ont  fait  des  wî/roc/es  pour  persuader  aux 
juifs  et  aux  païens  les  mystères  et  les  évé- 
nements surnaturels  qu'ils  prêchaient,  ou  les 
peuples  ont  cru,  sans  voir  aucun  miracle, 
les  choses  du  monde  qui  devaient  leur  pa- 
raître les  plus  incroyables  ;  dans  ce  cas,  leur 
foi  môme  est  le  plus  grand  des  miracles  {De 
Civil.  Dei,  I.  xxii,  c.  5j.  Mais  ce  qu'on  n'a 
pas  assez  remarqué,  c'est  que  ce  raisonne- 
ment est  également  applicable  à  l'établisse- 
ment du  judaïsme,  et  à  celui  de  la  religion 
des  patriarches.  Comment,  au  milieu  des  er- 
reurs dont  toutes  les  nations  étaient  préve- 
nues, un  homme  tel  que  Moïse  aurait-il  pu, 
sans  mi)-acles,  persuader  l'unité  de  Dieu,  sa 
providence  universelle,  etc.,  à  un  peuple 
aussi  grossier,  aussi  intraitable,  aussi  porté 
à  l'idolâtrie  que  les  Juifs,  et  leur  faire  rece- 
voir des  lois  onéreuses  qui  devaient  les  ren- 
dre odieux  à  toutes  les  autres  nations  ?  Vu 
le  penchant  universel  de  tous  les  peuples  vers 
le  pcjlytliéisme  et  l'idolâtrie,  dans  des  siè- 
cles où  il  n'était  pas  encore  question  de  [)hi- 
losophie,  comiiunt  trouve^t-on  une  suite  de 
familles  patriarcales  qui  ont  constamment 
fait  profession  d'adorer  un  seul  Dieu,  et  qui 
lui  ont  rendu  un  culte  pur,  si  Dieu  lui-même 

(1)  Ou  peut  voir  dans  les  Démon strationt  évangé- 
liiqties,  loin.  Xlll,  col.  70.5,  le  travail  de  Duvoisin  sur 
les  miracles  de  Jésus-Cluist,  travail  troi)  éteudu  pour 
(lue  nous  le  reiirodMisious  ici. 


801 


MIR 


MIP. 


802 


ne  les  a  pas  miraculeusement  instruites 
et  préservées  de  l'erreur?  Voilîideux  j^rands 
phénomènes  que  Ton  n'expliquera  jamais 
par  des  moyens  naturels,  mais  (jue  l'Ecriture 
sainte  nous  fait  concevoir  très-clairement, 
par  le  moyen  d'une  révélation  surnaturelle 
donnée  de  Dieu  depuis  le  commencement  du 
inonde. 

Le  don  des  miracles  ne  s'est  pas  terminé  à 
la  mission  et  à  la  prédication  des  apôtres  ; 
saint  Paul  atteste  ou  du  moins  suppose  qu'il 
était  commun  parmi  les  tidèles  (/  Cor.  xii, 
xiii,  xiv)  ;  et  les  Pères  île  l'Eglise  sont  té- 
moins qu'il  a  continué  dans  les  siècles  sui- 
vants. Saint  Justin,  Apol.  2,  n.  G  ;  Dial.  cum 
Tryph.,  n.  82,  atteste  que  les  démons  sont 
chassés  au  nom  de  Jésus-Christ,  et  que  l'es- 
prit  prophétique  a  passé  des  juifs  aux  chré- 
tiens. Saint  Irénée  ajoute  que  plusieurs  gué- 
rissent les  maladies  par  l'imposition  des 
luaitis,  et  que  qualques-uns  ont  ressuscité  des 
morts.  Aav.  Hœr.,  1.  ii,  c.  56  et  57.  Tertul- 
lieii  prend  à  témoin  les  païens  du  pouvoir 
qu'ont  les  chrétiens  de  cliasser  les  démons, 
ApoL,  c.  23,  ad  Scapulam,  c.  2.  Origène  at- 
teste qu'il  a  vu  plusieurs  malades  guéris  [)ar 
l'invocation  du  nom  de  Jésus-Christ,  et  par 
le  signe  de  la  cioix,  Conlra  Cels.,  1.  m,  n. 
24,  etc.;  Eusèbc,  Démonst.  évang.,  1.  m,  p. 
109  et  132;  Lactance,  Divin.  Inslit.,  1.  iv, 
c.  27;  Saint  Grégoire  de  Nazianze  et  Théo- 
dorct  rendent  le  môme  témoignage.  Saint 
Grégoire  de  Néocésarée  fut  nommé  Thnu- 
maturge  h  cause  du  grand  nombre  de  ses 
miracles.  Saint  Arat)roise  rapporte,  comme 
témoin  oculaire,  les  miracles  opérés  au  tom- 
beau des  saints  luartyrs  Gervais  et  Prolais  ; 
et  saint  Augustin  ceux  qui  se  faisaient  de 
son  temps  par  les  reliques  de  saint  Etienne, 
l.  XXII  de  Civit.  Dei,  c.  8,  etc.  La  réalité  de 
ces  miracles  est  encore  prouvée  par  l'accu- 
sation de  magie  si  souvent  répétée  par  les 
païens  contre  les  lidôles,  et  par  l'affectalion 
des  philosophes  ilu  iV  siècle ,  de  vou- 
loir opérer  des  7niracles  i)ar  la  théurgie , 
afin  de  pouvoir  les  opposer  à  ceux  des  chré- 
tiens. 

Les  protestants  n'ont  pas  été  peu  embar- 
rassés à  cette  occasion  ;  ils  ont  senti  qu'il 
n'était  pas  possible  de  récuser  toutes  ces 
preuves,  sans  donner  atteinte  à  la  solidité 
des  témoignages  qui  constatent  les  miracles 
de  Jésus-Christ  et  des  apôtres  ;  que,  d'autre 
part,  on  ne  peut  guère  ajouter  foi  aux  mira- 
cles opérés  dans  les  trois  ou  quatre  premiers 
siècles  de  l'Eglise,  saus  donner  aussi 
croyance  à  des  écrivains  respectables  qui 
attestent  des  miracles  opérés  dans  l'Eglise 
romaine  pendant  les  siècles  postérieurs. 
Middleton,  auteur  anglais,  prit,  en  1749,  le 
jiarti  de  soutenir  que,  depuis  le  temps  des 
aiiôtres,  il  ne  s'était  plus  fait  de  miracles 
dans  l'Eglis  '  ;  il  donna  pour  raison,  1°  que 
les  Pères,  qui  ont  prétendu  qu'il  s'en  faisait 
de  leur  temps,  étaient  des  hommes  crédules 
et  sans  critique;  ajoutons  qu'en  général  ils 
ont  été  accusés  de  fraudes  pieuses  et  de 
mauvaise  loi  par  la  plupart  des  critiques 
prolestants;  2"  parce  que,  s'il  fallait  croire 


ces  prétendus  miracles  cités  par  les  Pères 
il  faudrait  admettre  aussi  ceux  desquels  les 
calholicpies  veulent  se  prévaloir  pour  étayer 
leurs  opinions.  Ce  livre  fit  grand  bruit,  et 
fut  réfuté  i)ar  plusieurs  prolestants. 

Mosheim,  liist.  christ.,  sœc.  ii,  §  20,  note, 
accuse  Middleton  d'avoir  voulu  ,  par  cette 
tournure,  faire  révoquer  en  doute  les  mira- 
des  de  Jésus-Christ  et  des  apôtres.  11  lui  re- 
présente qu'il  n'est  pas  besoin  d'une  grande 
critique  pour  être  en  état  de  juger  si  un  mi- 
racle dont  on  est  témoin  est  viai  ou  faux  ; 
qu'une  accusation  générale  de  crédulité  ou 
d'incapacité,  faite  contre  les  Pères,  est  té- 
méraire et  ne  prouve  rien.  Il  n'a  pas  comjjris 
que  l'oîi  peut  répondre  la  môme  chose  au 
reproche  de  mauvaise  foi  qu'il  a  souvent 
répété  lui-même  contre  les  Pères  en  géné- 
ral. Il  ne  répond  rien  non  plus  au  parallèle 
que  l'on  peut  faire  entre  les  preuves  qui  at- 
testent les  miracles  des  trois  ou  quatre  pre- 
miers siècles,  et  celles  que  nous  donnons 
des  miracles  opérés  dans  les  siècles  posté- 
rieurs. L'objection  de  Middleton  méritait 
cependant  d'être  résolue.  Quelques  autres 
protestants  ont  répondu  qu'il  a  pu  se  faire 
des  miracles  dans  l'Eglise  romaine,  pour 
conlirmer  les  vérités  générales  du  christia- 
nisme, sans  qu'il  s'ensuive  rien  en  faveur 
des  dogmes  particuliers  à  cette  Eglise  Mais 
les  miracles  opérés  par  la  sainte  eucharistie, 
par  l'invocation  des  saints,  [lar  l'attouche- 
ment de  leurs  re/iques,  confirment  certaine- 
ment la  croyance  des  catholiques  à  l'égard 
de  ces  divers  objets.  Dieu  n'a  pas  pu  les 
confirmer,  par  des  miracles,  dans  une  foi  et 
une  confiance  fondées  sur  des  erreurs;  et  il 
faut  faire  attention  que  plusieurs  miracles 
opérés  de  cette  manière,  sont  attestés  par 
les  auteurs  môme  du  m'  ou  iV  siècle,  dont 
les  protestants  n'ont  pas  osé  rejeter  absolu- 
ment le  témoignage.  D'autre  part,  les  incré- 
dules opposent  à  nos  preuves  la  réponse 
que  Minutius  Félix  faisait  aux  paiens,  lors- 
qu'ils vantaient  les  prétendus  miracles  de 
leurs  dieux  :  «  Si  tout  cela  était  arrivé  autre- 
fois, leur  disait-il,  il  arriverait  encore  au- 
jourd'hui ;  mais  ces  prodiges  n'ont  jamais 
été  faits ,  parce  qu'ils  ne  peuvent  pas  se 
faire.  » 

Nous  soutenons  que  cette  maxime  n'est 
pas  applicable  aux  miracles  qui  prouvent  la 
vraie  religion.  Les  miracles  du  paganisme 
n'ont  pas  pu  se  faire,  1°  parce  que  la  plupart 
étaient  des  crimes;  on  supposait  que  plu- 
sieurs personnes  avaient  été  punies,  méta- 
morphosées en  animaux  ou  eu  arbres,  pour 
des  actions  très-innocentes,  ou  parce  qu'elles 
n'avaient  pas  voulu  se  jirôter  aux  passions 
brutales  des  dieux;  2°  parce  que  ces  préten- 
dus miracles  n'avaient  ])as  pour  but  de 
porter  les  hommes  à  la  vertu  ,  mais  de  les 
confirmer  dans  la  pratique  d'une  religion 
évidemment  fausse,  absurde,  et  injurieuse  à 
la  Divinité,  ou  de  satisfaire  les  passions  in- 
justes des  nations  oudes  particuliers;  3" par- 
mi ces  prodiges  il  y  en  avait  très-peu  qui 
pussent  être  envisagés  comme  des  bienfaits; 
c'étaient  plutôt  des  effets  de  la  colère    <|es 


803 


MIS 


MIS 


80i 


dieux  que  do  leur  bienveillance.  Tous  sup- 
posaient que  le  gouvernement  de  ce  monde 
clait  livr.'^  au  cajirice  d'une  nniititudi'  de 
génies  bizarres,  vicieux  et  malfaisants,  tcès- 
mal  d'accord  entre  eux,  etc.  Peut-on  faire 
aucun  de  ces  reproches  contre  ies  miracles 
que  nous  alléguons  en  faveur  de  la  vraie 
religion?  Minutius  Félix  avait  raison  de  dire 
que  si  les  dieux  avaient  fait  autrefois  tant 
de  prodiges,  et  s'ils  étaient  aussi  puissants 
que  le  prétendaient  les  païens,  ils  auraient 
tiù  surtout  (a  Cf.  éclater  ce  pouvoir  à  la  nais- 
sance du  christianisme,  et  multiplier  les 
miracles,  pour  provenir  la  chute  de  leur 
culte  que  cette  religion  détruisait  peu  à 
peu  ;  c'est  ce  que  l'wi  n'a  pas  vu.  Mais  au- 
jourd'hui les  incrédules  auraient  très-mau- 
vaise grâce  d'exiger  qu'il  se  fil  de  nouveaux 
wirncles  pouT  conlirmerle  christianisme,  dL>s 
qu'il  est  suffisamment  prouvé  pai-  la  multi- 
tude de  ceux  qui  ont  été  faits  depuis  le 
commencement  du  monde  jusqu'à  nous.  On 
peut  môme  dire  des  incrédules  modernes  ce 
qui  a  été  dit  des  anciens  :  Quant  ils  verraient 
ressusciter  des  morts,  ils  ne  croiraient  pas 
{Luc.  XVI,  31).  Plusieurs  l'ont  formellement 
déclaré. 

Us  ont  donc  le  plus  grand  tort  d'objecter 
que  si  Moïse  avait  fait  autant  de  miracles 
qu'on  le  dit,  les  Egyptiens  ne  se  seraient 
pas  obstiui's  à  poursuivre  les  Hébreux  ,  et 
que  ceux-ci  ne  se  seraient  pas  si  souvent 
révoltés  contre  lui;  que  si  Jésus-Clirist  et 
les  apôtres  avaient  opéré  des  tniracles  si 
fréquenis  et  si  éclatants,  il  ne  serait  pas 
resté  un  seul  incrédule  parmi  les  juifs  ni 
pu-mi  les  païens.  L'opini;Ureté  des  incré- 
dules d'aujouid'hui  ne  nous  fait  que  trop 
sentir  de  quoi  ceux  d'autrefois  ont  été  ca- 
pables. Un  miracle,  quelque  éclatant  qu'il 
soit,  ne  convertit  point  les  hommes  sans  une 
grâce  intérieure  qui  les  rende  dociles,  et  il 
n'est  aucune  grâce  à  laquelle  ^.es  cœurs  en- 
durcis ne  puissent  résister.  Lo  squ'un  mi- 
racle  opère  ungiand  nombre  de  conversions, 
c;'  c'iangeœent  des  esprits  et  des  cœurs  doit 
nous  surprendre  autant  que  le  surnaturel 
du  miracle  et  que  l'interruption  du  cours  de 
la  nature.  Voij.  la  Dissertation  sur  les  mi- 
racles, Bible  d'Avignon,  t.  II,  p.  25. 

MIRAMIONES,  congrégation  de  filles  ver- 
tueuses qui,  sans  fare  des  vœux,  se  consa- 
crent à  l'instruction  des  jeunes  personnes  de 
leur  sexe  et  au  soin  des  malades.  Elles 
furent  fondées  à  Pa^is  en  1C65,  par  madame 
(Je  Miramion,  veuve  pieuse  et  charilaWe , 
sous  le  titre  de  communauté  de  Sainte-Ge- 
neviève. 

MISÉRICORDE  DE  DIEU.  C'est  le  plus 
consolant  des  attributs  divins,  le  seul  qui 
fonde  noire  espérance,  et  e'est  aussi  celui 
dont  les  livres  saints  nous  donnent  la  [ilus 
haute  idée.  Dieu  fait  priuci paiement  consis- 
ter sa  gloire  à  pai  donner  ••"v  pécheurs.  Il 
dit  qu'il  fait  justice  jusqu'à  dsièuio  et  la 

qùat'ièrae  génération,  et  m  orde  jusqu'à 
la  millième,  or  plutôt  san  nés  et  sans 

naesure,  in  miliia  {Exod.  x        .  Selon  l'ex- 


pression du  psalmiste,  Dieu  a  pitié  de  nous 
comme  un  père  a  pitié  de  ses  enfants,  parce 
qu'il  connaît  la  matière  fragile  dont  il  nous 
a  forrmés  {Ps.  en,  13).  Connue  si  la  tendresse 
d'un  père  n'était  pas  encore  assez  touchante, 
Dieu  compare  la  sienne  à  celle  d'une  mère; 
il  dit  de  la  nation  jiiivo  :  Jérusalem  pense  que 
le  Seigneur  l'a  oubliée  et  l'a  délaissée;  une 
mère  peut-elle  donc  oxdilier  son  enfant,  et 
manquer  de  pitié  pour  le  fruit  de  ses  entrailles? 
Quand  elle  en  serait  capable,  je  ne  vous  oublie- 
rai point  (Isai.  xLix,  H).  Dans  le  psaume 
cxxxv,  tous  les  versets  ont  pour  refrain 
que  la  miséricorde  de  Dieu  est  éternelle.  ÎS'ous 
en  voyons  la  preuve  dans  la  conduite  que 
Dieu  a  tenue  envers  les  hommes  depuis  la 
création. 

Jésus-Christ,  parfaite  image  de  Dieu  son 
Père,  a  été  la  miséricorde  personnifiée  et 
revêtue  de  notre  nature;  il  n'a  dédaigné, 
rebuté,  humilié  aucun  pécheur;  il  n'a  fait 
que  pardonner.  La  brebis  perdue,  l'enfant 
prodigue,  la  pécheresse  de  Naïm,  Zachéc,  la 
femme  adultère,  saint  Pierre,  le  bon  larron, 
la  prière  qu'il  a  faite  sur  la  crois  pour  ceux 
qui  l'avaient  crucilié;  quelles  leçons  I  Par  ces 
traits,  Jésus-Christ  a  prouvé  sa  divinité  aussi 
efiicaccment  que  par  ses  miracles  :  c'est 
ainsi,  dit  saint  Paul,  que  la  bonté  et  la  dou- 
ceur de  Dieu  notre  Sauveur  s'est  fait  con- 
naître {Tit.  ni,  'i-).  Un  homme  n'auiait  pas 
poussé  la  miséricorde  jusque-Vd.  Les  Pères  de 
l'Eglise  ont  épuisé  leur  éloquence  à  relever 
tous  ces  traits.  Pelage  eut  la  témérité  de 
soutenir  qu'au  jugement  de  Dieu  aucun  pé- 
cheur ne  recevra  miséricorde,  que  tous  se- 
ront condamnés  au  féu  éternel.  «  Qui  peut 
souffrir,  lui  répondit  saint  Jérôme,  que  vous 
borniez  la  miséricorde  de  Dieu,  et  que  vous 
dictiez  la  seiitiiico  du  juge  avant  le  jour  du 
jugement?  Dieu  ne  pourra-t-il,  sans  votre 
aveu,  pardonner  aux  pécheurs  s'il  le  juge  à 
propos?  »  Dialog.  1 ,  contra  Pelag.,  c.  9. 
«  Que  Pelage,  dit  saint  Augustin,  nomme 
comme  il  voudra  celui  qui  pense  qu'au  jour 
du  jugement  aucun  pécheur  ne  recevra  mi 
séricorde;  mais  qu'il  sache  que  l'Eg  ise 
n'adopte  point  celte  erreur  ;  car  quiconque 
ne  fait  pas  JttWeVicorde  sera  jugé  sans  miséri- 
corde. »  L.  de  Gestis  Pclagii,  c.  3,  n.  9  et 
11.  «  Dieu  est  bon,  dit  ce  même  Père,  Dieu 
est  juste;  parce  qu'il  est  ju>te,  il  ne  peut 
damner  une  âme  sans  qu'elle  l'ait  mérité; 
parce  qu'il  est  bon,  il  peut  la  sauver  sans 
mérites,  et  eu  cela  il  ne  fait  tort  à  per- 
sonne. »  Contra  Julian. ,  lib.  m ,  c.  18 , 
n.  35;  contra  duas  Epist.  Pelag.,  1.  iv,  c.  6, 
n.  16.  «  Lorsque  Dieu  fiiit  miséricorde ,  dit 
saint  Jean  Chrysostome,  il  accorde  le  salut 
sans  discussion,  il  fait  trêve  de  justice,  et 
ne  demande  compte  de  rien.  »  Hom.  in 
Ps.  Lx,  V.  1.  C'est  le  langage  uniforme  des 
Pères  de  tous  les  siècles,  langage  qui  sup- 
pose cependant  que  les  pécheurs  revien- 
dront sincèrement  à  Dieu  pendant  qu'ils  sont 
encore  sur  la  terre,  parce  qu'il  n'y  a  pas  de 
Salut  à  espérer  pour  ceux  qui  meurent  dans 
leur  péché, 


805 


MIS 


MIS 


800 


*MisÉRiconDn(OF;iivreilela).ll  yaquelques  nnnéos, 
il  s'csl  foiiiié  une  scdc  cnlierciiioiit  noiiv<'llc,  qui 
lirélcrul  iioii-sculonioiil  renouveler  le  elMisli:inisiiie, 
mais  II-  inonde  (oui  erilier.  Le  numde  t'prouve  aii- 
jonrd'hni  nn  grand  liesoiii  d'ainonr.  C'esl  aussi  l'a- 
mour qu'il  lanl  élaldir  sur  la  lenc,  il  laul  faire  ro- 
gner le  Sainl-hJspiil.  Jus(|u'aliMS  nous  avons  vu  le 
règne  de  la  loi,  celui  de  Jesus-Clirisl,  celui  du  Saiul- 
E;pril  arriv('.  De  uièuio  qiu'dans  l'Ancien  Teslauieul, 
les  |ud|)liéles  se  sutcedaienl  (lonr  arnioncer  la  venue 
du  .Messie,  les  propInHcs  se  succèdent  depuis  plus 
de  ccul  ans  pour  aiuMuicer  la  venue  de  I  Ksprii.  Le 
grauil  propliele  Pierre-.Micliel  Viniras  annonce  que 
riieure  approclic.  <  C'esl  au  mois  d'août  KSÔO  que 
le  Verlic  Taisait  entendre  ces  parides  ;  c'est  aUus 
aussi  (|ne  l'areliange  saint  Mieliel  Taisait  les  premiè- 
res ouvertures  à  cet  ouviier  de  'l'illy,  IJigene  Viu- 
Iras,  connu  sous  les  prénoms  du  l'iorre-Micliel  par 
lesiinels  le  noiumail  l'cn.oyé  celesle.  1-e  ciel  ména- 
gea une  circiuislancequi  mil  cet  homnie  de  Dieu  eu 
presciue  avec  le  porie-voi\  qu'il  allait  remplacer, 
pour  elalilir  la  succession  de  la  mission  priiplielique. 
Voici  dmic  le  dernier  cliainon  de  celle  pr(q)lielie  ; 
mais  celui-ci  iloil  èlre,  pins  (pie  les  precéclenls,  le 
Christ  represeulaliT  et  son  imago  plus  resseud)lanlc; 
IKUI  qu'il  ait  ele  dans  son  passé  pins  paiTait  que  les 
precedcnls  :  liéraut  plus  rapproclié  t'es  lemp»  de  la 
misencoiile,  il  eoulesse  qu'il  en  avait  |)lns  besoin; 
mais  il  sera,  par  les  communicalinns  pleines,  vas- 
les,  Imniueeses,  la  rcpii'scnlaliiiu  du  (ilirisl  eiisei- 
guanl;  parles  pei  set  niions  qu'il  éprouve  (h:  la  part 
des  i'ilales  goii\ernanis  (H  îles  pharisiens  nouveaux', 
la  repré^eulatiou  du  Chi'ist  pei.-.einlé  :  ses  prrs('cu- 
lions  ain'oiil  des  caracteies  auatugnes  et  seron'  pui- 
sées dans  le  même  espril  qui  a  poussé  les  phari- 
siens d'aulrelois  ;  et  par  ces  trois  e(ircnves  du  corps, 
de  l'ànie  et  de  l'cspiii,  ipii  seront  conniiea  en  leur 
leuqis,  la  reiuésenlatiou  du  Christ  dans  la  grolle  des 
Olivier.-..  Voit i  donc  nu  temps  ipii  s'uiivie,  inio  ère 
ipii  est  a  sou  aurore  et  qui  s'appellera  l'ère  ou  le 
règne  du  Sainl-lispril.  W  est  manilésle  qui;  mil  n'é- 
chappera au  calaclysinc  s'il  n'apiiarlient  a  l'iouvrc 
de  niisi'ricmdc  lorniellemenl  ou  eu  esprit.  > 

I-a  nouvelle  secte  piolcsse  nu  grand  nomhrc d'er- 
reurs cl  de  iloctrines  eliaiiges.  L'Iionime  esl  nu 
couq)osé  de  corps,  d'esprit  et  il  aine,  jisiis-l^hrist  n'a 
pris  qu'une  portiiui  de  noire  liiunanilé.  —  Le  peelié 
originel  est  une  Taule  persunnelle.  —  La  sainte 
Vierge  émane  de  la  iialnie  divine.  —  Le  Saint-Ls- 
prit  doit  se  inaiiiTesler.  —  iVous  reliilous  chacnnû 
de  ces  erreurs  aux  ai  lit  les  (pii  les  couceriicul. 

La  nouvelle  secte  a  clé  condamiK'e  par  un  luef  de 
Grégoire  X\L  L'ahhé  Charvon  prcleiul  ipiecohiel 
a  ete  surpris.  iNeus  n'avons  conmi  aucun  hérétique 
ipii  n'ait  lemi  ce  lapgage.  Quoiqu'il  en  soil,  iiuus  pcii- 
stuis  rendre  service  an  clergé  en  lermiiianl  par  la  ; 
lradncli>in  du  IjieT  de  Grégoire  XVI  à  .Mgr  l'cvèquc 
lie  H.iyen.\.  On  ne  saurait  trop  inellre  à  la  portée  de 
tous  ces  pièces  précieuses  qu'on  se  procure  diflici-- 
lenienl  et  qui  sont  liien  plus  elticaces  (pie  les  rai- 
sonnements pour  ple^ervel•  et  ili'sahiiser  les  esprits 
(pie  relieur  conimeiicer;iil  a  oiiiiainer. 

1  Vcnerahle  Trére,  salut  et  hénédiclion  aposioli(pic.  ■ 
Depuis  ipie  vous  nous  ave/,  donne  avis  de  la  nou- 
velle associaliiui  d'honinies  impies  ipii  s'est  li)iuii:c 
dans  votre  diocèse,  et  Iransiuis  ipiehpies-uns  de  leurs 
iiiiprii'.ies  et  (le  leurs  nuiunscrils,  nous  avons  désiré 
vivement  vous  écrire  cette  lettre.  .Mais  les  graves 
préoccupalio.'is  Cl  les  alTaiiv'S  qui  nous  allligeiil  sans 
cesse  ne  nous  oui  pas  permis  de  nous  inelire  lout  de 
suite  a  lire  et  à  peser  ces  ecrils  comme  nous  le  sou- 
haitions pour  reconnailie  l'esprit  de  celle  ni.ilheii 
rcuse  as^(lcialioll.  .Noire  douleur  a  élé  grandiMpi.iml 
nous  avmis  vu  par  ces  ecrils  pestilentiels  que  les 
liO'uiues  pervers  de  ici  le  société,  sons  lu  inasque 
de  la  piele  et  à  l'aide  il'uM  rais(.iiue;ucul  captieux, 
s'qUoiceiH  d'iiiUqJuiio  dca  sectes  Uc  perdition  au 


milieu  du  troiipciu  de  Jésus-Christ.  P.ir  une  a»d,-ice 

aussi  lémi'iaire  qne  sacrilège,  ils  se  Iransforimuit 
en  apôtres,  et  s'arrogent  une  nouvelle  mission  divine, 
aniioïK'ant  une  prétendue  œuvre  de  la  iiii.S('riioi(/e,  et 
préleiulaul  (pi'ils  vont  par  ce  moyen  redonner  eu 
([uehpie  s(ule  la  vie  .a  l'LgIise.  Ils  osent  répandre 
dans  le  piildie  des  révelalioiis  sur  les  anges  et  les 
autres  habitants  du  ciel,  des  coiumuiiicatious  de  Jé- 
sus-Christ lui-même,  des  visions  et  des  miracles.  Ils 
se  sont  Tonné  un  apostolat  composé  de  laïque-..  Ils 
adirinenl  qu'il  va  s'élahlir  dans  l'ICglise  un  troisième 
règne,  qu'ils  ne  craignent  pas  de  noiniuer  le  règne 
du  Saint-lCsprit,  alin  que  les  vérités  déposées  cl.ins 
rÇvaiigile,  et  <pu!  l'Eglise,  d'après  leurs  blasphèmes, 
n'aurait  pas  assez,  e\pli(pi('Os,  soient  mises  dan,,  loiii 
leur  jour,  (pie  de  nouveaux  dogmes  soient  uianiTes- 
lés,  et  (pie  l'Iiglise  ellc-inème  sorte  eiilin  tic  son  elal 
de  depr.ivation.  Ces  impiétés  et  ces  extravagances 
sont  parTaiUunenl  en  harniouic  avec  l'esprit  île  (et 
hoinuie  pervers,  ([ui  se  dit  Taussemcnl  due  de  Nor- 
mandie et  ijui,  sortant  par  l'al)llsla^ie  du  sein  de  l'E- 
glise calholiipie,  ne  Taisant  aucun  cas  de  l'aulorih; 
du  S:iint-Si('ge  el  s'égaraiit  iniséralileinenl  par  ses 
aclions  et  ses  paroles,  professe  en  diverses  manières 
les  erreurs,  les  senlimculs  et  les  projets  de  1  associa- 
tion uialhenreuse  dont  nous  parlons,  el  s'elTorce  par 
CCS  inachinalioiis  lenélueiises  d'égarer  et  de  p('i\ii8 
le  troupeau  de  .lésiis-Chrisl.  .Vu  reste,  les  livres  et 
les  écrits  des  apolres  de  celle  o'uvre  uonsélaienldi'jà 
presipie  tous  coiimis  ;  car  ils  nous  élaient  p.irveuus 
depuis  longleiups.  Noire  ooiileur  est  grande,  vi'ué- 
l'.ilile  Trcre,  en  voyant  le  luit  de  celle  associalion 
(liali(diqiie.  Par  leurs  lenlalives  andaeieilses  et  con- 
damnables cooire  la  vérilable  Lgliscdo  Jésiis-Chrisl,' 
par  leurs  assauts  contre  la  chaire  de  saint  i'ierre  et 
|)ar  leur  mépris  de  sou  autorité,  leur  dessein  est 
ceriaiutiiioiildc  Iricéii;)',  ilc  \wv  el  i!c  perdre  les  J)r^ 
bis  du  Seigneur. 

«  C'est  ponripioi,  vénérable  Trére,  ce  que  vous 
ave>.  cru  devoir  Taire  coiitri;  celle  associalion,  nous 
ra|iprouvoiis  entièrement  et  nous  donnons  à  votre 
vigil.ince  cl  à  voira  sidlieiinde  les  louanges  qu'elles 
nii'riienl.  Accomplissanl  voire  sailli  ininistère  avec 
mie  pal  laite  lidélilé,  vous  n'avez,  pas  pliiliil  appris  la 
(lillu^iou  "le  la  secte  delestable  dans  voire  diocèî.ie, 
qiK^  vous  l'avez.  Iiauieineiit  reprouvée.  Vous  avez 
employé  vos  soins  à  préserver  voire  lioiipean  de  ces 
pàliir.iges  eiiqioismiiies,  el  vous  avez  on  particulier, 
par  vos  lellies  et  vds  avis^excilé  le  zèle  de  votre 
clergé,  afin  d'arrèler  rimpii'aé,  la  licence  cl  les  len- 
lalives de  ces  hommes  égarés.  Ce  sont  là  les  loups 
Cl  les  sangliers  de  la  Tonl  prels  à  nietire  en  pièces 
les  brebis  du  Seigneur  et  à  ravager  sa  vigne.  Ils  iiic- 
riieiil  cerlaiiiemeiil  les  repriinaud(\s,  les  censures  el 
les  iieincs  ecclesiasliipics.  Coiilinnez,  vénérable  Irerc, 
avec  votre  zèle,  voire  prudence  el  votre  venu  bien 
conniic,  à  combattre  les  coinbals  du  Seigneur.  Ne 
n<  gligci  rien  poiii'  ipie  les  lideles  (pii  vous  soni  eon- 
Tk.'s  s'aUcrniissPiil  dans  la  Toi  del'Lglise  callndiquc, 
Cl  qu'ils  exilent  et  repoussent  avec  soin  les  crreni'S, 
les  laliles  el  les  exlravagances  do  celle  association 
impie.  Oiiaiit  a  nous,  nous  ne  cesserons  de  répandre 
nos  prières  devant  Dieu,  alin  (|iie,  dans  cette  cause 
(pu  esl  la  sienne,  il  daigne  diriger  et  stcmuler  d'cii 
liant  vos  pensées  el  vos  elTorts.  Nous  vous  re'ivoyo.'is 
les  ecrils  (pie  vous  nous  avez,  transmis  au  sujet  de 
CCS  liomines  Tallacicux,  cl  en  témoignage  de  notre 
bienveillance  toiilc  |)articnlièrc  pour  vous,  nous  vous 
accordons  cl  :;  tout  votre  troupeau,  vénérable  Trcre, 
la  bénédiction  apusioliiine. 

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MISNA  ou  MISCANA.  loy.  Tai.mld. 

.MiSSliL,  livre  c|ui  conliciil  les  messes 
l)fi»|ji'cs;ui\  (JilVc>i'Guls  juui's  et  i'ùtes  de  l'an- 
née. Lo  Missel  l'oiuoin  u  li'abord  élé  Uressé 


807 


MIS 


MIS 


808 


OU  recueiHi  par  le  pape  Gélase,  mort  l'an 
496;  mais  il  ne  faut  pas  croire  qu'il  ait  com- 
posé toutes  les  prières  qu'il  y  a  rassemblées,' 
elles  sont  plus  anciennes  que  lui.  Saint  Cé- 
lestin,  qui  a  précédé  Gelase  de  plus  de 
soixante  ans,  dit  dans  sa  lettre  aux  évêques 
des  Gaules,  c.  11,  que  les  prières  sacerdo- 
tales viennent  des  apôtres  par  tradition,  et 
sont  les  mômes  dans  tout  le  monde  chrétien. 
Gélase  ne  fit  donc  que  de  mettre  en  ordre 
les  messes  que  l'on  était  déjà  dans  l'usage  de 
dire,  et  sans  doute  il  en  ajouta  de  nouvelles 
pour  les  saints  dont  le  culte  avait  été  ré- 
cemment établi;  c'est  ce  que  l'on  appelle  le 
Sacramentaire  de  Gélase.  Saint  Grégoire  le 
Grand,  mort  l'an  604-,  tit  de  même;  il  re- 
toucha le  missel  ou  sacramentaire  de  Gélase  ; 
il  en  retrancha  quelques  prières,  et  y  ajouta 
peu  de  chose  ;  il  corrigea  les  fautes  qui 
avaient  pu  s'y  glisser,  et  rédigea  le  tout  en 
un  seul  volume,  que  l'on  a  nommé  le  Sacra- 
mentaire grégorien,  qui  subsiste  encore  au- 
jourd'hui. Voy.  Liturgie,  Sacramentaire. 

Depuis  le  renouvellement  des  lettres,  plu- 
sieurs évêques  ont  fait  dresser  des  missels 
propres  pour  leurs  diocèses ,  et  quelques 
ordres  religieux  en  ont  de  particuliers  pour 
les  saints  canonisés  dans  les  derniers  siè- 
cles. Ces  missels  sont  faits  avec  plus  de  soin 
et  d'intelligence  que  les  anciens;  mais  on  n'y 
a  pas  touché  au  canon  de  la  messe,  il  est 
encore  le  même  que  du  temps  de  saint  Gré- 
goire et  de  Gélase;  ces  deux  papes  même 
n'en  sont  pas  les  premiers  auteurs  ;  il  date 
certainement  des  temps  apostoliques,  et  il 
est  le  môme  dans  toute  l'Eglise  latine.  Si  les 
prétendus  réformateurs  avaient  été  mieux 
instruits,  ils  n'auraient  pas  atfecté  tant  de 
mépris  pour  cette  ancienne  règle,  qui  est, 
après  l'Ecriture  sainte,  ce  que  nous  avons 
de  plus  respectable.  Voy.  Canon. 

MISSION.  En  parlant  des  personnes  de  la 
Sainte-Tiinité ,  mission  signifie  l'envoi  de 
l'une  des  personnes  par  une  autre,  pour  opé- 
rer parmi  les  hommes  un  effet  temporel. 
CeUemission  a  nécessairement  deux  rapports, 
l'un  à  la  personne  qui  envoie  ,  l'autre  à 
l'efi'et  qui  doit  être  opéré.  Conséquem- 
ment,  dans  les  personnes  divines,  la  mission 
est  éternelle  quant  à  l'origine  :  ainsi  le  Verbe 
divin  avait  été  destiné  de  toute  éternité  à 
être  envoyé  pour  racheter  le  genre  humain  ; 
cette  mission,  ou  l'exécution  de  ce  décret,  n'a 
eu  lieu  que  dans  le  temps  marqué  par  la  sa- 
gesse divine,  ou  dans  la  plénitude  des  temps, 
comme  s'explique  saint  Paul  {Gai.  iv,  k).  La 
mission  ,  prise  activement ,  est  propre  à  la 
personne  qui  envoie  ;  si  on  la  prend  passi- 
vement, elle  est  propre  à  la  personne  qui  est 
envoyée.  Comme  Dieu  le  Père  est  sans  prin- 
cipe, il  ne  peut  pas  être  envoyé  par  l'une 
des  autres  personnes  ;  mais  comme  il  est  le 
principe  du  Fils,  il  envoie  le  Fils.  Le  Père  et 
Je  Fils,  en  tant  que  principe  du  Saint-Esprit, 
envoient  le  Saint-Esprit  ;  mais  le  Saint-Es- 
prit n'étant  point  le  principe  d'une  autre  per- 
sonne, ne  donne  point  de  mission.  Ce  qu'on 
lit  dans  Isaïe,  c.  lxi,  v.  1,  l'Esprit  de  Dieu 
yn'n.  envoyé,  etc.,  doit   s'entendre  de  Jésus-  • 


Christ,  en  tant  que  homme,  et  non  en  tant 
"que   personne  aivine,  puisqu'à  cet  égard  il 
'ne   procède   en  aucune  manière   du   Saint- 
.  Esprit.  Les  théologiens  distinguent  deux  sor- 
^tes  de  missions  passives  dans  les  personnes 
divines  :  l'une  visible,  telle  qu'à  été  celle  do 
Jésus-Christ  dans  l'incarnation,  et  celle  du 
Saint-Esprit  lorsqu'il  descendit  sur  les  apô- 
tres en  forme  de  langues  de  feu  ;  l'autre  invi- 
sible, de  laquelle  ii  est  dit  que  Dieu   a  en- 
voyé l'esprit    de  son  Fils   dans  nos    cœurs, 
etc. 

*■  Toutes  ces  distinctions  et  ces  précisions 
sont  nécessaires  pour  rendre  le  langage  théo- 
logique exact  et  orthodoxe,  pour  prévenir 
les  erreurs  et  les  sophismes  des  hérétiques. 
Vainement  les  sociniensvoudraientse  préva- 
loir du  terme  de  mission,  pour  conclure  que 
le  Fils  et  le  Saint-Esprit  ne  sont  que  les  en- 
voyés du  Père  ;  que  le  Père  a  donc  sur  eux 
une  supériorité  ou  une  autorité  ;  qu'ils  ne 
sont  par  conséquent  ni  co-éternels,  ni  con- 
substantiels  au  Père.  En  fait  de  mystères  ré- 
vélés, les  arguments  philosophiques  ne  prou- 
vent rien  ;  ijffaut  s'en  tenir  scrupuleusement 
au  langage  de  l'Ecriture  sainte  et  de  la  tradi 
tion.  Voy.  Trinité. 

Mission,  en  parlant  des  hommes,  signifie 
un  pouvoir  et  une  commission  spéciale  que 
quelques-uns  ont  reçue  de  Dieupour  instruire 
leurs  semblables,  pour  leur  annoncer  la  pa- 
role et  les  lois  de  Dieu.  Voy,  Juridiction, 
Apostolicité. 

Lorsque  Dieu  a  voulu  révéler  aux  hommes 
des  vérités  qu'ils  ne  savaient  pas,  leur  pres- 
crire de  nouveaux  moyens  de  salut,  leur 
imposer  de  nouveaux  devoirs,  il  a  donné  une 
mission  extraordinaire  à  certains  hommes 
pour  exécuter  ses  desseins.  Ainsi  il  a  envoyé 
Moïse  pour  intimer  sa  loi  aux  Israélites,  les 
prophètes  pour  annoncer  ses  bienfaits  ou  ses 
châtiments,  Jésus-Christ  pour  fonder  la  loi 
nouvelle,  les  apôtres  pour  la  prêcher.  Sans 
cette  mission  bien  prouvée  personne  n'aurait 
été  obligé  de  les  croire  ni  d'écouter  leurs  le 
çons.  Pour  prémunir  son  peuple  contre  les 
faux  prophètes.  Dieu  déclare  qu'il  ne  leur  a 
point  donné  ûe  mission  [Ezech.  xiii,  6)  ;  mais 
il  menace  de  ses  vengeances  quiconque  n'é- 
coutera pas  un  prophète  qu'il  a  envoyé 
{Deut.  xviii,  19).  Jésus-Christ  lui-même  fonde 
son  autorité  d'enseigner  sur  la  mission  qu'il 
a  reçue  de  son  Père  (Joan.  m,  34.  ;  v,  23,  24). 
Il  dit  à  ses  apôtres  :  Comme  mon  Père  ma 
envoyé,  je  vous  envoie  (xx,  21).  11  menace  de 
la  colère  de  Dieu  les  villes  et  les  peuples  qui 
ne  voudront  pas  recevoir  ses  envoyés  [Matth. 
X,  14.).  Saint  Paul  juge  cette  mission  si  né- 
cessaire, qu'il  demande  :  «  Gomment  prêche- 
ront-ils, s'ils  n'ont  pas  de  mission  (Rom.  x, 
15)  ?  »  Pour  soutenir  la  dignité  de  son  apo- 
stolat ou  de  sa  mission,  il  déclare  qu'il  ne  l'a 
pas  reçue  des  hommes,  mais  de  Jésus-Christ 
lui-môme  {Gai.  i,  1). 

Les  signes  que  Dieua  donnés  à  ses  envoyés 
pour  prouver  leur  mission  sont  certains  et 
indubitables.  Ce  sont  des  connaissances  su- 
périeures à  celles  des  autres  hommes,  des 
vertus  capables  d'inspirer  le  respect  et  la 


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MIS 


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810 


confiance,  le  don  de  prédire  l'avenir,  iiiais 
surtout  le  pouvoir  de  faire  des  miracles. 
Telles  ont  iHi'  les  lettres  de  créance  de  Moïse, 
des  prophètes,  de  Jésus-Christ,  des  apôtres  : 
tout  homme  qui  se  prétend  revêtu  d'une  »i(s- 
.sion  extraordinaire  doit  la  prouver  de  m('me, 
sans  quoi  l'on  a  le  droit  de  le  reuiardcr  connue 
un  ini|)Osteur.  Mais  les  incrédules  ont  donné 
nue  di''cision  fausse  et  absurde  !ors([u"ils  ont 
dit  que  «  quand  (in  annirice  au  peuple  un 
dogme  (]ui  contredit  la  i(^li,'ion  dominante, 
ou  qnehpie  fait  contraire  ii  la  tranquillité  pu- 
h]\qui.\  justill(U-nv  sn  iiiissinn  par  dcn  mira- 
cles, le  gouvernement  a  droit  de  sévir,  et  le 
peuple  de  crier  ('nicili(jc.  »  C'est  supposer 
que  le  {^onvorucment  et  le  peu])le  ont  diMit 
de  punir  un  homme  (pd  est  évidiunnient  en- 
voyé de  Dieu  ;  qui'  Dieu  n'a  plus  aucun  diiiit 
d'envoyer  des  ])r.'dicateurs  pour  détromper 
un  peuple  (juia  une  relii;ion  fausse,  dès  (jue 
cette  relit^ion  est  devenue  donnnante  et  au- 
loriséepar  loslois;  que  les  païens  incrédules 
ont  eu  raison  de  persévérer  dans  l'idoliUiie, 
de  rejeter  l'I'Aani^iie,  et  de  mettre  à  mort  les 
apôtres  ([ui  ont  voulu  les  instruire. 

On  dit  :  «  Quel  danger  n'y  atnait-il  pas  h 
al)andoimer  les  esprits  aux  séditions  d'un 
imposteur  ou  aux  rêver  es  d'un  vision- 
naire? »  Mais  un  homme  peut-il  (^tre  un  im- 
posteur ou  un  visionnaire,  lorsqu'il  jirouve 
par  des  miracles  qu'il  est  envoyé  de  Dieu  ? 
Dieu  donr.e-t-il  à  un  imposteur  ou  à  un 
visionnaire  le  pouvoir  d'opérer  des  mi- 
racles ? 

11  est  faux  que  le  sang  de  Jésus-Christ  ait 
crié  vengeance  contre  les  Juifs,  i)iécisément 
«  parce  ([u'eu  le  répandant  ils  fermaient  l'o- 
reille à  la  voix  de  Moïse  et  des  proiihètes  qui 
le  déclaraient  le  Messie.  »  Ils  ont  été  couji  i- 
bles  |iriu<ii)alement  parce  ([ue  .lésus-Christ 
.enr  i)r(invait  par  ses  udracles  qu'il  avait  droit 
de  s'ajtpliquer  les  prophéties,  d'en  montrer 
le  vrai  sens,  de  ré'fuler  le  sens  faux  que  les 
docteurs  juifs  s'obslinaient  ii  y  donner.  C'est 
prinr'ipalement  à  ses  miracles  que  Jésus- 
Christ  en  appelait  pour  démontrer  qu'il  était 
le  Messie.  Voi/.  Miracles,  §  3.  Ce  qui  suit 
est  encore  plus  faux.  «  Un  ange  vint-il  à  des- 
cendre du  ciel,  apiiuy;\t-il  ses  raisonnements 
par  des  miracles,  s'il  prêche  contre  la  loi  de 
Jésus-Christ,  Paul  veut  qu'on  lui  dise  ana- 
thème.  »  Jamais  saiid  l'aul  n'a  supposé  qu'un 
ange  pouvait  descendre  du  ciel  pnur  prêcher 
un  faux  Kiangde,  et  faire  des  miracles  pour 
le  confirmer.  Voij.  Mihacles,  §  3.  linlin,  la 
conclusion  est  absurtle.  «  Ce  n'est  donc  pas 
par  des  miracles  qu'il  faut  juger  de  la  m!s.'.-/oH 
d'un  honune,  mais  c'est  par  la  conformité  de 
sa  doctrine  avec  celle  du  peuple  au(iuel  il  se 
dit  envoyé,  surtout  lorsc/ue  la  doctrine  de  ce 
peuple  est  démontrée  vraie.  »  Et  lorsque  la 
doctrine  de  ce  jieuple  est  démontrée  fausse, 
telles  qu'(''taienl  la  doctrine  des  païens,  les 
traditions  et  la  morali\  des  docteurs  juds  du 
temps  de  Jésus-Christ,  par  où  jugerons-nous 
de  la  mission  du  iirédicateur  qui  vient  pour 
en  détromper  les  peuples? 

il  est  étonnant  que  l'auteur  des  paradoxes 
(pu;  nous  réfutons  n'ait  pas  vu  (juil  i)ronon- 

DlCTIONN.  UE  TUÉOL.   DOGMATIyiE.  III 


çait  un  arrêt  de  mort  contre  lui-même  et 
contre  tous  les  incrédules  ;  il  s'ensuit  évidem- 
ment de  sa  décision  que  quand  une  trouiie 
de  pnHendus  pliilosopries  sont  venus  ensei- 
gner parmi  nous  le  déisme,  l'athéisme,  le  m:i- 
térialisme,  le  pyrhonisme,  autant  de  systè- 
mes ([ui  contredisent  la  religion  dondnante, 
et  qid  sont  très-propres  htroidiler  la  tranpiil- 
lit('  iiubliiiue,  le  gouvernement  a  eu  droit  de 
si'vir,  et  le  peuple  de  crier  Cracifige.  Il  est 
d(mc  fort  heureux  pour  tous  ces  prédi- 
canls  que  le  gouvernement  et  le  peuple 
ne  les  aient  pas  jugés  selon  leur  [iro[)rG 
doctrine. 

Mais  ils  ont  poussé  plus  loin  lem-s  préten- 
tions. Si  Dieu,  disent-ils, a  voulu  nous  révéler 
((uehpies  vérités,  pourquoi  no  pas  nous  les 
enseignerimmédiatement  '.'  Pourquoi  les  con- 
lier  à  d'autres  hommes  dont  les  lunnères  et  la 
)irobité  doivent  nous  être  suspectes?  Pour- 
tpioi  des  missions  ?  Est-il  croyalde  que  Dieu 
ait  voulu  noLis  instruire  par  Moïse  et  jiar  Jé- 
sus-Christ, dont  l'un  a  vécu  3001),  et  l'autre 
1700  ans  avant  nous  ?  Combien  de  généra- 
tions, combien  de  dangers  d'erreur  entre  eux 
(  t  nous? 

Réponse.  Nous  félicitons  nos  adversaires 
de  ce  qu'ils  sont  des  personnages  assez  im- 
portants pour  que  Dieu  ail  dû  leur  adresser 
la  révélation  par  préf  rence  ;  mais  comme 
chaque  génération  d'hommes  qui  ont  vécu 
depuis  .\dam  a  pu  prétendre  au  même  privi- 
lège, il  aurait  fallu  que,  depuis  la  création 
jusqu'à  nous.  Dieu  recommen(;U  au  moins 
cent  vingt  fois,  selon  le  calcul  le  plus  mo- 
déré. Nous  soutenons  qu'il  n'a  pas  dft  le  faire, 
1"  parce  que  la  religion  étant  le  principal  lien 
de  la  société,  il  a  fallu  qu'elle  se  transmît 
des  ))èresaux  eid'ants,  comme  les  autres  in- 
stitutions sociales  ;  2°  parce  que  la  révélation 
étant  un  fait  éclatant,  ju'ouvé  par  d'autres 
faits,  la  certitude  n'en  duniniie  point  par  le 
lapsdes  siècles  (t"Oi/.CE'.;TiTLDE);  3°  parce  (jue 
Dieu  a  veillé  à  la  conservation  de  ce  dépôt, 
)>Misqu'il  nous  est  parvenu.  Une  preuve  de 
cette  vérité,  c'est  c[uo  la  religion  d'Adam  a 
subsisté  jusqu'à  Moïse,  celle  de  Moïse  jusqu'à 
Jésus-Christ,  et  cel'e  de  JésiiS-Gliristjiisqu'à 
nous,  malgré  tous  les  eiforts  que  l'incrédu- 
lité a  faits  dans  tous  les  temps  pour  la  dé- 
truire ;  il  en  sera  de  môme  jusqu'à  la  fin  des 
siècles  ;  4°  jiarce  que,  suivant  le  itrnicipe  do 
lios  adversaires  ,  Dieu  aurait  dû  rcnouvi  1er 
la  révélation  n  n-seulcment  da'is  tous  les 
êges,  mais  dans  tous  les  lieux  du  monde. 
Quand  il  l'aurait  donnée  à  Paris,  les  Chinois 
et  les  Américains  se  croiraient-ils  obligés  do 
venir  l'y  chercher?  Voij.  IIévélation. 

11  faut  distinguer  la  mission  extraordinaire 
de  laquelle  nous  venons  de  parler,  d'.'vec  la 
missio)i  ordinaire.  Connue  Jésus-Christ  n'a 
])as  fondé  son  Eglise  pour  un  temps  seule- 
ment, mais  pour  toujours,  il  allait  qu(î  la 
missio7i  qu'il  donnait  aux  ajjôtres  pût  se 
transmettre  à  d'autres.  En  etfet,  ces  premiers 
envoyés' de  Jésus-Christ  se  sont  donné  des 
coopérafeurs  et  des  successeurs.  Ils  élisent 
saint  MatlhiTS  pour  remjilacer  rapost(dat  de 
Juda  {.ict.i,  -J/'}.  Snint  Paul  avertit  les  anciens 


8H 


MIS 


MIS 


S13 


de  l'Eglise  d-Ephèse  que  le  Saint-Espiit  les 
a  établis  évoques  ou  surveillants,  pour  gou- 
verner l'Eglise  de  Dieu  {Acl.  xx,  28j.  Il  dit 
queApollo  est  ministre  de  Jésus-Clirist  aussi 
bien  que  lui  (/  Cor.  m,  5);  que  Timoihée 
travaille  à  l'œuvre  de  Dieu  comme  lui  fxvi, 
10]  ;  que  Jésus-Christ  a  prêché  aux  Corin- 
ihiens  par  lui,  })ar  Timotnée  ot  par  Sdvain 
IJl  Cor.  I,  19).  il  nomme  Epaphrodite  sou 
rrère,  son  coopérateur,  son  collègue,  et  l'a- 
pôtre des  Philippiens  [Philipp.  ii,  23).  Il 
donne  les  mêmes  titres  k  Tychiquo,  à  Oné- 
sime,  à  Jésus,  surnommé  le  Juste,  à  E|>a- 
phras,  à  Archippe  [Coloss.  iv).  11  charge  Ti- 
mothée  et  Tite  d'enseigner,  de  veiller  sur 
(es  mœurs  des  fidèles,  d'établir  des  minis- 
tres inférieurs  ;  il  leur  parle  de  la  grâce  qu'ils 
ont  reçue  par  l'imposition  des  mains,  etc. 
Saint  Clément,  disciple  des  apôtres,  dit  que 
Jésus-Chiist  a  reçu  sa  tnission  de  Di^u,  et 
que  les  apôtres  l'ont  l'eçue  de  J;''sus-Clirist  ; 
qu'après  avoir  reçu  le  Saint-Esprit  et  avoir 
prêché  l'Evangile,  ils  ont  établi  évoques  et 
diacres  les  plus  éprouvés  d'eulre  les  lidèles, 
et  qu'ils  leur  ont  donné  la  même  chage 
qu'ils  avaient  nçui;  de  Dieu  ;  qu'ils  ont  éta- 
bli une  règle  de  succession  pour  l'avenir, 
afin  qu'après  la  mort  des  preuiiers  leur 
charge  et  leur  ministère  fussent  donni's 
à  d'autres  hommes  également  éprouvés, 
Epist.  1,0.  k%  43,  hk. 

Voilà  donc ,  depuis  la  naissance  de  l'E- 
glise, un  ministère  perpétuel,  une  succession 
de  ministres,  une  contin  atioii  de  mission, 
qui  se  transmet  et  se  communique  par  l'or- 
dination. Dès  que  cette  iitission  ordinaire 
est  la  même  que  celle  des  apôtres,  et  vient 
du  Saint-Esprit  aussi  bien  que  la  leur,  elle 
n'a  plus  besoin  d'être  prouvée  par  des  dons 
miraculeux,  mais  par  la  pu:^licité  delà  suc- 
cession et  de  l'ordination  ;  elle  est  divine  et 
surnaturelle  pour  toute  la  suite  des  siècL'S, 
comme  elle  l'a  été  dans  son  origine.  C  est 
une  ineptie  delà  part  des  incrédules  de  dire 
auxpasteurs  del'Eglise  que,  s'ils  sont  les  en- 
voyés de  Dieu,  ils  doivent  prouver,  comme 
les  apôtres,  leur  missio7i  par  des  miracles. 
Jésus-Chiist  et  les  apôtres,  par  leurs  mira- 
cles, ont  prouvé  leur  propre  mission  et  cul!e 
de  leurs  successeuisjusqu'blafin  des  temps; 
puisque  Jésus-Christ  a  promis  aux  apôues 
d'ôtre  avec  eux  jusqu'à  la  consommation  des 
siècles  (Maltli.  xxvui,  20),  il  est  avec  leurs 
successeurs  comme  il  étailavec  eux  ;  jamais  \\ 
n'aeu(iesseindelaisseisesouailles  sans  guide 
et  sans  pasteurs.  Si  la  cliaînu  de  leur  succes- 
sion se  trouvait  tout  à  coup  interrompue,  il 
faudrait  une  nouvelle  mission  extraordinaire, 
prouvée  par  des  miracles  comme  la  pre- 
mière. 

Nos  adversaires  disent  que  la  mission  et 
l'assistance  de  Jésus-Christ  étaient  néces- 
saires auxajiôtres,  parce  qu'ils  devaient  faire 
des  miracles,  mais  que  cela  n'est  plus  néces- 
saire aujourd'hui.  Fausse  interprétation.  Jé- 
sus-Christ jjromet  aux  apôtres  son  assistance 
l-iour  prêcher,  pour  enseigner,  pour  baptiser; 
le  texte  est  formel  ;  U  leur  promet  rsjirit 
consolateur  qui  leur  enseigaera  toute  vérité, 

/ 


etc.  Donc,  ce  n'était  pas  uniquement  pour 
faire  des  miracles.  Les  miracles  mômes  n'é- 
taient nécessaires  que  pour  prouver  la  mis- 
sion :  donc  c'est  pour  celle-ci  que  Jésus- 
Christ  leur  a  promis  son  assistance.  Lorsque 
des  novateurs  se  sont  séparés  do  l'Egl  se, 
ont  embrassé  une  docti'ine  contraire  à  la 
sienne,  ont  formé  une  société  à  part,  ils  ont 
senti  le  défaut  de  cette  mission;  c'est  le  cas 
dans  lequel  se  sont  trouvés  les  protestants. 
Dans  cet  embarras,  les  uns  ont  dit  qu'il  n'é- 
tait pas  besoin  démission  extraordinaire,  ou 
que  les  fidèles  avaient  pu  la  donner  ;  les  au- 
tres, que  la  mission  extraordinaire  des  chefs 
de  la  réforme  et  lit  assez  [trouvée  par  leur 
courage  et  par  leur  succès  ;  quelques-uns 
ont  dit  (|ue  plusieurs  de  leurs  pasteurs 
avaient  conservé  la  mission  ordinaire  qu  ils 
avaient  reçue  dans  l'Eglise  romaine.  C  est  à 
nous  de  réfuter  ces  trois  systèmes. 

Nous  soutenons  donc,  1°  qu'une  mission 
extraordinaire  était  absolument  nécessaire 
aux  prétendus  réformateurs  de  l'Eglise.  Pour 
le  prouver,  nous  pourrions  nous  borner  à 
représentir  le  taljleau  qu'ils  ont  tracé  de 
l'Eglise  romaine  au  xvi*  siècle.  Selon  eux,  ce 
n'était  plus  l'Eglise  de  Jésus-Christ,  mais  la 
synagogue  de  Satan,  la  prostituée  de  Baby- 
loiie,  la  demeure  de  l'antechrist;  les  évoques 
et  les  l'rêtres  n'étaient  plus  des  pasteurs,- 
mais  des  loups  dévorants ,  des  imposteurs, 
des  impies,  etc.  La  religion  qu'ils  ensei- 
gnaient n'était  plus  qu'un  amas  d'erreurs,  de 
blasphèmes,  de  superstition-s ,  d'idol.trie, 
cent  fois  pire  que  le  mahométisme  et  le  pa- 
ganisme ;  il  était  impossible  d'y  faire  son  sa- 
lut. Suivant  celte  peinture,  il  y  avait  jilus  de 
différence  entre  cette  religion  et  le  christia- 
nisme établi  par  Jésus-Christ,  qu'il  n'y  en 
avait  entre  celui-ci  et  le  judaïsme,  à  plus 
f  irte  raison  cju'entre  le  judaïsme  et  la  reli- 
gion des  patriarches.  Cependant,  lorsque 
Dieu  a  voulu  substituer  le  judaïsme  à  cette 
religion  primitive,  il  a  donné  uue  mission  ex- 
traordinaire à  Moïse  ;  et  ce  législateur  lui- 
môme  sentit  le  besoin  qu'il  avait  d'un  pou- 
voir surnaturel  pour  persuader  aux  Israélites 
qu'il  était  envoyé  vers  eux  par  le  Dieu  de 
leurs  pères,  Exod.,  c.  iv.  Lorsque  Dieu  a 
voulu  faire  succéder  la  loi  nouvelle  à  la  loi 
ancienne,  il  a  envo.. é  son  propre  Fils;  il  a 
rendu  sa  mission  et  celle  des  apôtres  en- 
core plus  éclatante  que  celle  de  Moïse. 
Donc,  il  a  dû  faire  de  même  en  faveur  des 
réformateurs ,  s'il  a  voulu  remplacer  la  reli- 
gion fausse  et  corrompue  de  l'Eglise  ro- 
maine par  la  religion  sainte  et  divine  des 
protestants.  Diront-ils  qu'il  n'y  a  pas  autant 
de  ditférenco  entre  leur  parfait  christianisme 
et  l'idolâtiie  du  papisme,  qu'entre  les  reli- 
gions dont  nous  venons  de  parler  ?  Us  ont 
(lit  qu'il  y  en  avait  davantag  '.  Vainement  ils 
répondront  qu'il  ne  s'agissait  pas  de  fonder 
ni  de  créer  l'Eglise,  mais  de  la  réformer.  11 
est  évident  que,  selon  biurs  idées,  l'Eglise 
de  Jésus-Christ  n'existait  plus;  il  s'agissait 
donc  de  la  créer  de  nouveau,  et  non  de  la 
réformer.  Vainement  encore  ils  répondront 
qu'il  ne  fautp;s  prendre  à  la  lettre  le  tableau 


815 


mis 


MIS 


Rll 


hideux  que  lis  préiiicants  ont  trac(5  dp  l'E- 
glise roiiifiine,  et  les  expressions  que  le  fa- 
natisme leur  a  dictées  ;  co  taljloau  est  encore 
le  n-iôiiH!  |i()ur  le  fond  dans  Vllistoire  cc- 
clésiasthiHc  de  Xlosheim,  ini[)rirn('!e  en  1755. 

lui  second  lieu ,  les  prolestanls  soutien- 
nent qu'il  fait  une  mission  extraordinaire 
pour  aller  prêcher  la  religion  chr(''iienne  aux 
inlidèles,  et  en  g/'néi'al  pour  attaquer  toute 
religion  autorisée  par  des  souverains  et  [)ar 
les  lois  d'une  nation  ;  nous  le  verrons  dans 
l'article  suivant  :  c'est  pour  celamôrae  qu'ils 
désapprouvent  les  missions  des  catholiques 
dans  les  pays  inlidèles,  chez  les  héréli(pies 
et  les  sclnsLuati(|ues.  Or,  les  prédicants  de 
la  réforme  ont  atla([ué  et  voulu  détruire  le 
calholii'isme,  qui  était  en  Europe  la  religion 
dominante,  autorisée  par  les  lois  et  protégée 
par  les  souverains  :  donc  il  leur  fallait  une 
tnission  extraordinaires  bien  iirouvéc,  sans 
quoi  l'on  a  été  eu  droit  de  les  traiter  comme 
des  séditieux.  l.i'S  lidôles  ,  c'i  st-h-dii'e  leurs 
prosélytes,  out-ils  pu  la  leur  doiuier"?  Il  est 
absurde  d'abord  de  supposer  ijue  Luther  a 
leçu  sa  mission  des  lutiiéiiens  avant  ((u'il  y 
en  cilt  et  avant  qu'il  eût  prêché.  l'I  en  est  de 
niAnie  des  autres  prédicants.  Ce  n'est  pas  des 
fidèles,  mais  de  Jésus-Christ,  que  les  apô- 
tres ont  reçu  leur  mission,  et  ils  ont  prouvé 
ipie  celte  /«(.«('on  était  divine,  par  lès  mira- 
cles qu'ils  ont  opérés  :  nous  l'avons  fait  voir 
au  mot  Miracles,  Si  4.  Les  lidôles  peuvent-ils 
donner  des  |>ouvoirs  surnaturels  qu'ils  n'ont 
|ias,  le  pouvoir  de  remettre  les  pé'chés,  de 
conférer  la  grâce  par  les  sacrements,  de 
consacrer  le  cor|is  et  le  sang  de  Jésus-Christ? 
Non,  sans  doute  :  aussi  les  proleslanls  ont- 
ils  été  forcés,  par  nécessité  de  système,  de 
nier  tous  cis  pouvoirs,  de  scmtcnir  i|ue  les 
sacrements  ne  dorment  t)oint  de  grâces  et 
u'ira[jrimcnt  aucun  caractère,  que  l'euclia- 
ristie  n'est  que  le  signe  du  corps  et  du  sang 
de  Jésus-Christ,  et  n'opère  que  jiar  la  foi,  etc. 
Tout  cela  se  suit  ;  mais  ce  n'est  point  là  ce 
qu'ont  enseigné  Jésus-Christ  et  les  apôtres. 
Enlii],  Luther  lui-même  soutenait  la  néces- 
sité d'une  mm/onextraordinaire  [lour  iirècher 
une  nouvelle  doctrine.  Lorsque  Muncer  avec 
ses  anabaptisti'S  voulut  s'ériger  en  pasteur, 
Lutiier  prétendit  qu'on  ne  devait  pas  l'ad- 
nieltre  îî  prouver  la  v.'rité  de  sadoctruiepar 
les  Ecritures,  mais  qu'il  fallait  lui  demander 
qui  lui  avait  donné  la  charge  d'ensegner. 
«  S'd  répon  I  que  c'est  Dieu,  poursuivait  Lu- 
ther, qu'il  le  prouve  par  un  miracle  mani- 
feste ;  car  c'est  par  de  tels  signes  que  Dieu 
sedéclae,  (]uand  il  veut  changer  (juelque 
chose  dans  la  forme  ordinaire  de  la  mission.» 
Hist.  des  Variât.,  1.  i,  n.  28.  Calvin,  de  son 
côté,  ne  soulfrit  jamais  qu'un  prédicant  quel- 
conque enseign'.t  à  Genève  une  autre  doc- 
trine que  la  sienne. 

2°  Les  succès  et  le  courage  des  [)rélendus 
réformateurs  ne  prouvent  pas  plus  leur  mis- 
sion extraordinaire  que  les  succès  de  M.mès 
et  d'Arius  ne  prouvent  la  leur.  Le  mani- 
chéisme a  duré  pendant  près  de  mille  ans, 
et  a  failli  de  subjuguer  la  plus  grande  partie 
oie  l'empire  romain  ;  il  a  été  uiî  tL-m^vs  où  l'a- 


rianisme  paraissait  prêt  à  écraser  ,a  foi  ca- 
tholique, et  cette  hérésie  a  pris  une  nouvelle 
naissance;  parmi  les  ]irotestau(s.  Ce  n'est  pas 
par  ses  succès  r(ue  saint  Paul  prouvait  la  di- 
vinité de  son ai)ostolat,  mais  parles  miracles 
qu'il  avait  Opérés  ;  nous  l'avons  remarqué  au 
mot  MiRACLK,  §  3.  L'a|)Ostolat  de  Luther  ne 
commença  ])as  par  de  grands  succès,  mais 
par  des  protestations  feinti's  de  soumission 
il  l'Eglise  romaine;  il  n'avait  donc  encore 
alors  point  de  preuves  lie  sa  prétendue  mis- 
sion. Les  protestants  veulent  la  prouver 
comme  les  juifs  démontrent  celle  de  leur 
Messie  futur  :  il  la  rendra  évidente,  disent- 
ils,  en  aciduiplissant  toutes  les  prophéties; 
mais  avant  (|Ui'  toutes  no  soient  accomplies, 
à  quels  signes  pourra-t-oii  le  reconnaître? 

â"  Il  est  ridicule  de  prétendre  que  les 
chefs  de  la  léformc  ,  dont  phisieurs  étaient 
prêtres,  et  (pjelques-uns  docteurs,  étaient 
revêtus  de  la  m/ssiOM  ordinaire  qu'ils  avaient 
reçiie  des  iiasteurs  de  l'Eglise  romaine.  Se- 
lon leur  [irétention  ,  ces  pa-teurs  avaient 
jie.du  :  ar  leurs  erreurs  toute  leur mîw/o» et 
leur  caractèri!  ;  pouvaient-ils  encore  les  don- 
ner ?  Les  novateurs  disaient  que  cette  mis- 
sion éXad  le  caractère  de  la  béte,  dont  il  est 
parlé  dans  l'Apocalypse;,  et  qu'il  fallait  com- 
inencir  |)ar  s'en  dépouiller.  L'Eglise,  d'ail- 
leurs, pouvait-elle  donner  mmîon  de  prêcher 
contre  elîe,  ei  de  répanelre  une  doctrine  à 
laquelle  elle  disait  anatlième '?  Toute  hérésie, 
toute  révoll  '  conire  l'iiiglise ,  anéantit  la 
mission;  c'est  la  doctrine  des  a;  ôtres;  saint 
Jean  dit  des  premiers  hérétiques  :  «  Ce  sont 
des  aidrchrists  ;  ils  sont  sortis  d'avec  nous, 
mais  ils  n'étaient  pas  des  nôtres  ;  s'ils  en 
avaient  été',  ils  seraient  demeurés  avec  nous 
{I  Joan.  Il,  19).  »  Les  |)rêires  et  les  évoques 
iiui  lîmbassèr.  nt  le  luthéranisme  ne  fon- 
d  dent  plus  leur  qualité  de  pasteurs  sur  leur 
ancienne  mission,  mais  sur  la  vérité  de  leur 
nouvelle  doctrine.  Si  les  pasteurs  de  l'Eglise 
catholique  conservaient  encore  leur  mission 
et  leur  caractère,  c'était  un  crime  de  se  ré- 
volter contre  eux. 

De  quelque  manière  que  l'on  envisage  les 
prétendus  réfoimateurs,  il  est  évident  qu'ils 
ontétédefaux  apôtres,  des  docteurs  saus 
mission,  des  pasteurs  sans  caractère;  que 
l'édifice  qu'ils  ont  construit  est  sans  fonde- 
ment, et  que  la  foi  de  leurs  s  ctateurs  a  été 
un  enthousiasme  qui  n'était  fondé  sur  rien. 
Aujourd'hui  elle  ne  subsiste  (|ue  par  l'habi- 
tude, par  un  int(';rêt  purement  i)olitique,  [lar 
la  honte  de  se  rétracter,  après  avoir  si  long- 
temps déclamé. 

Missions  étrangères.  On  appelle  ainsi  les 
établissements  formés  dans  les  ()ays  intidôles 
pour  amener  les  peuples  à  la  connaissance 
du  christi:inisme. 

La  commission  que  Jésus-Christ  a  donnée 
à  ses  apôtres,  d'instrinre  et  de  baptiser  les 
nations,  s'étend  à  tous  les  siècles  ;  aussi  le 
zèle  apostolique  n'a  jamais  cessé  iJans  l'E- 
glise catholique,  et  il  y  durera  tant  qu'il  y 
aura  sur  la  terre  des  iniidèles  et  des  mé- 
créants à  convertir,  puisque  Jésus-Christ  a 
promis  d'être  avec   ses  envoyés  jusqu'à  la 


8îi) 


MIS 


MIS 


816 


consoiiiiualion  des  siècles.  Dans  les  tonijis 
inôme  les  moins  éclairés,  le  zèle  pouf  la 
conversion  des  infidèles  a  produit  d'heureux 
effets,  et  il  s'est  réveillé  à  la  renaissance  des 
lettres. 

Au  V  siècle,  lorsque  les  Barbares  du  Nord 
se  répandirent  dans  toute  l'Eur.tpe,  le  clergé 
sentit  la  nécessité  de  travailler  à  l.'S  insiruiro, 
afin  de  les  guérir  de  leur  férocité,  et  h  furce 
de  persévérance  il  en  vint  k  bout.  Sur  la  lin 
du  VI''  siècle,  saint  Grégoire  le  Grand  envo^'a 
des  missionnaires  en  Angleterre  i)oar  ame- 
ner à  la  foi  chrétienne  les  Saxons  et  les  au- 
tres barbnres  qui  s'étaient  emparés  de  ce 
pays-là.  Voi/.  Angleterre.  Au  viii",  une 
grande  partie  de  l'Allemagne  apprit  à  con- 
naître rEvan;.;ili'.  Voy.  Allemagne.  Au  ix% 
les  missions  furent  poussées  jusqu'en  Suède 
et  en  Danemark,  et  s'étendirent  sur  les  deux 
bords  du  Danube.  Au  x%  le  christianisme 
s'établit  dans  la  Pologne,  la  Russie  et  la 
Norwége  (voij.  Nord),  pendant  que  des  mis- 
sionnaires nestoriens  le  portaient  en  Tarta- 
rie  et  jusqu'à  la  Ghiue  ;  et  ces  divers  tra- 
vaux ont  été  continués  pendant  les  siècles 
suivants.  Au  commencement  du  xvi%  l'Amé- 
rique fut  découverte,  et  bientôt  une  troupe 
de  missionnaires  accourut  pour  réparer  les 
ravages  que  l'ambition  et  la  soif  de  l'or  cau- 
saient dans  le  nouveau  monde.  Le  passage 
aux  Indes  par  le  cap  de  Bonne-Espérance, 
découvert  en  même  temps  parles  PortLigais, 
donna  plus  de  facilité  de  pénétrer  dans  les 
parties  les  plus  orientales  de  l'Asie,  et  dans 
les  plus  méridionales  de  l'Afrique  ;  jieu  à 
peu  l'on  a  fait  des  missions  dans  les  Indes, 
au  Tonquin,  à  la  Chine,  au  Japon;  il  n'est 
preque  plus  aucune  partie  du  monde  dans 
laquelle  des  missionniires  n'aient  pénétré  ; 
plusieurs  ont  été  plus  loin  que  les  naviga- 
teurs et  les  voyageurs  les  plus  intrépides. 

Il  y  a  un  siècle  que  l'on  lit  à  Rome  YEtat 
présent  de  l'Eglise  romaine  dans  toutes  les 
parties  du  monde  ;  c'était  un  détail  des  difl'é- 
rentes  missions  établies  dans  les  différentes 
contrées  de  l'univers,  écrit  pour  l'usage  du 
pape  Innocent  XI.  Ce  livre  est  curieux  et 
assez  rare  ;  comme  l'état  des  missions  a 
beaucoup  changé  dans  l'espace  d'un  siècle, 
il  serait  à  souhaiter  que  l'on  en  fit  un  nou- 
veau :  nous  sommes  persuadés  que,  pen- 
dant cet  intervalle,  les  missions,  loin  de  dé- 
choir, ont  pris  un  nouvel  accroissement,  et 
qu'elles  ont  gagné  d'un  côté  ce  qu'elles  ont 
pcidu  de  l'autre.  Entre  les  divers  établisse- 
ments qui  ont  été  faits  pour  cet  objet,  il  en 
est  deux  qui  méritent  principalement  notre 
attention.  Le  premier  est  la  congrégation  et 
le  collège  ou  b;  sémimire  de  la  Propagande, 
de  Propaganda  fide  ,  fondé  à  Rome  par  le 
pape  Grégoire  XV,  en  1622,  continué  par 
Urbain  VIII,  et  enrichi  par  les  bienfaits  des 
papes  et  des  cardinaux,  et  d'autres  person- 
nes pieuses.  Cette  congrégation  est  compo- 
sée de  treize  cardinaux,  chargés  de  veiller  aux 
divers  besoins  des  missions  et  aux  moyens  de 
les  faire  prespérer.  Le  collège  est  destiné  à 
entretenir  et  à  instruire  un  nombie  dii  sujets 
de  dlEférentes  nations,  pour  les  mettre  en 


état  do  travadler  aux  missions  dans  leur 
j)ays.  Il  y  a  une  riche  imprimerie,  pourvue 
de  caractères  de  quarante-huit  langues  difl'é- 
rentes  ;  une  am|ile  bibliothèque,  fournie  de 
tous  les  livres  nécessaires  aux  missionnai- 
res ;  des  archives  dans  lesquelles  sont  ras- 
senblés  toutes  les  lettres  et  les  mémoires 
qui  viennent  des  missions  ou  qui  les  concer- 
nent. Etat  présent  de  l'Eglise  romaine,  etc., 
p.  283.  Vabricii,  salutaris  lux  Evangelii, 
etc.,  c.  33  et  3'i..  Le  second  est  le  séminaire 
des  missions  étrangères ,  établi  à  Paris  en 
1663,  par  le  Père  Bernard  de  Sainlc-Thé- 
rèse,  carme  déchaussé  et  évoque  tie  Baby- 
lone,  et  fondé  par  les  libéralités  de  plusieurs 
personnes  zélées  pour  la  propagation  de  In 
la  foi.  Ce  séminaire,  destiné  à  procurer  des 
ouvriers  apostoliijues  et  à  fournir  à  leurs 
besoins,  est  dans  une  étroite  relation  avec 
celui  de  la  Propagande  :  il  envoie  des  mis- 
sionnaires principalement  dans  les  royau- 
mes de  Siam,  du  Tonquin  et  de  la  Cochin- 
chine.  On  compte  quatre-vingts  séminaires 
moins  considérables,  mais  fondés  |)our  le 
môme  objet,  dans  les  différents  royaumes 
de  l'Europe.  Fabric,  ibid.,  c.  34.. 

En  1707,  Clément  XI  ordonna  aux  supé 
rieurs  des  principaux  ordres  religieux  de 
destiner  un  certain  nombre  de  leurs  sujets 
k  se  rendre  capables  d'aller  au  besoin  tra- 
vailler aux  missions  dans  les  différentes  par- 
ties du  monde.  Plusieurs  l'ont  fait  avec  un 
zèle  très-louable  et  avec  beaucoup  de  suc- 
cès, en  particulier  les  carmes  déchaux  et  les 
capucins.  La  société  des  jésuites  avait  été 
spécialement  établie  pour  cet  objet.  Ce  zèle, 
quoique  très-conforme  à  l'ordre  donné  par 
Jésus-Christ  et  à  l'esprit  apostolique,  n'a  pas 
truuvé  grâce  aux  yeux  des  protestants.  In- 
capables de  l'imiter,  ils  ont  pris  le  [larti  de 
le  rendre  odieux  ou  du  moins  suspect  ;  ils 
en  ont  empoisonné  les  motifs,  les  procédés 
et  les  effets  ;  les  incrédules ,  toujours  in- 
struits à  cette  école,  ont  encore  enchéri  sur 
leurs  reproches.  Ils  ont  dit  que  la  plupart 
des  missionnaires  sont  des  moines  dégoûtés 
du  cloître,  qui  vont  chercher  la  liberté  et 
l'indépendance  dans  des  pays  éloignés,  ou 
des  hommes  d'un  caractère  inquiet,  qui, 
mécontents  de  leur  sort  en  Europe,  se  tlat- 
tent  d'acquérir  plus  de  considération  dans 
les  climats  lointains.  En  faisant  semblant  de 
louer  les  papes  de  la  constance  de  leur  zèle, 
ils  ont  fait  entendre  que  ces  pontifes  ont 
toujours  eu  pour  objet  d'étendre  leur  domi- 
nation spirituelle  et  temporelle,  plutôt  que 
de  gagner  des  âmes  à  Dieu  ;  que  les  mis- 
sionnaires eux-mêmes  ne  paraissent  pas 
avoir  eu  un  autre  motif;  que  c'est  ce  qui  les 
a  rendus  justement  suspects  à  la  plupart  des 
gouvernements.  Ils  ont  ajouté  que  ces  énns- 
saires  des  papes,  loin  de  prêcher  le  pur  et 
parfait  christi  misme,  n'ont  enseigné  que  les 
erreurs,  les  superstitions,  les  pratiques  mi- 
nutieuses de  l'Kglise  romaine,  qu'ils  n'ont 
corrigé  leurs  prosélytes  d'aucun  vice  et  ne 
leur  ont  inspire  aucune  vertu  réi  Ile  ;  qu'à 
proprement  parler,  leur  prétendue  conver- 
sion n'a  consisté  qu'à  quitter  une  idolâtrie 


isr 


MIS 


MIS 


818 


|iuur  eu  icpreiulri^  uno  aude;  quo  les  con- 
vertisseurs, non  contents  d'eaijilover  l'iij- 
struction  el  la  persuasion,  connue  les  apô- 
tres, ont  eu  recours  aux  impostures,  aux 
faux  miracles,  aux  fraudes  pieuses  de  tou- 
te'S  espèces,  souvent  aux  armes,  h  la  vio- 
lence, aux  supiilices  ;  que  l'on  a  vu  naître 
entre  eux  des  disputes  et  des  divisions  qui 
ont  scandalisé  l'Europe  entière,  et  ont  in'iisi 
posé  les  inlidèles  contre  le  chrisliaidsme. 
Ces  censeurs  ont  conclu  (pi'il  n'est  pas  éton- 
nant ([ue  la  plupart  de  ces  missions  aient 
pro:luit  fort  peu  de  fruit,  et  n'aient  souvent 
abouti  cpi'à  exciter  du  trouble  el  des  sédi- 
tions. Kiilin,  ils  ont  soutenu  et  décidé  qu'il 
n'est  pas  permis  d'aller  prêcher  le  christia- 
nisme aux  inlidèl's,  contre  le  gré  et  sans 
l'aveu  des  souverains,  d'attaquer  une  reli- 
gion dominante  et  conlirmée  par  les  lois 
d'une  nation,  à  moins  que  l'on  ne  soit  re- 
vêtu, comme  les  apôtres,  d'une  mission  ex- 
traordinaire et  du  don  des  miracles.  .Vinsi 
ont  parlé  des  missinnnaires  calholi(|ues  des 
ditl'érents  siècles,  Moshoiu],  dans  son  7/(4- 
toire  ecclésiastique  ;  Fabricius,  dans  son  ou- 
vrage intitulé  :  Salutaris  lux  Evangclii  loto 
orbi  exoriens,  cliap.  xxxii  et  suiv.,  où  il 
cite  plusieurs  auteurs  qui  ont  été  de'  même 
avis. 

Mais  rien  n'est  plus  singulier  (pie  la  aia- 
nière  dont  ces  savants  écrivains  ont  pris  la 
peine  de  se  réfuter  oux-mèmcs.  Comme  les 
catholi(pies  avaient  souvent  icproché  aux  pro- 
testants leur  peu  de  zèle  à  étendre  la  religion 
chrétienne  d.ms  les  pays  où  ils  s'étaient  ren- 
dus les  maîtres,  nos  deux  crititjues  font  un 
étalage  pompeux  dfs  tentatives  et  des  efforts 
que  les  Anglais,  les  Hollandais,  les  Suédois, 
les  Danois,  ont  laits  pour  propager  le  chris- 
tianisme dans  les  Iniles  et  dans  tous  les 
lieux  où  ils  ont  des  établissements  de  com- 
merce. L^.-dcssus  nous  prenons  la  liberté  de 
leur  demander,  1°  s'd  est  (ilus  juste  et  plus 
conforme  à  l'esprit  du  christianisme  d'aller 
avec  (les  armées  et  du  canon  former  des 
établissements  de  comiueice  dans  les  pays 
infidèles,  malgré  les  souverains,  que  d'y  en- 
voyer des  missionnaires  désarmés  pour  ca- 
téchiser leurs  sujets;  2°  si  le  pur  christia- 
nisme que  les  convertisseurs  protestants  ont 
prêché  a  jiroduit  de  plus  grands  elfets  que 
la  doctrine  catholique;  si  leur  zèle  a  été 
plus  pur,  et  si  Kur  vie  a  été  beaucoup  plus 
apostolique  ipie  celle  des  missionnaires  de 
l'Eglise  romaine;  J"  s'ils  ont  connncneé  par 
mettre  l'Ecriture  sainte  à  la  main  de  leurs 
prosél}tes,  ou  s'ds  se  sont  bornés  à  les  in- 
struire de  vive  voix,  comme  font  nos  mis- 
sionnaires ;  si  la  foi  de  ces  néophytes  pro- 
testants a  été  formée  selon  les  jirincipes  et 
la  méthole  que  les  protestants  soutiennent 
être  la  seule  lé.-;itimo.  Il  est  évident,  et  ces 
critiques  l'unt  bien  senti,  i|ue  la  méthode 
qu'ils  prescrivent  est  aus.si  impraticable  à 
1  égard  des  inlidèles  iju'à  l'égard  des  enfants; 
(pic  les  premiers  ijui  ne  savent  pas  lire,  et 
qui  n'entendent  que  leur  langue  maternelle, 
seront  incapables  toute  leur  vie  d^  lire  l'Ecri- 
ture sainte,  soit  dans  le  texte,  soit  dans  les 


versions;  qu'ils  sont  donc  furcés  lU-,  .s'en  te- 
inr  à  la  parole  do  celui  qui  les  insli'uit,  et 
((u'il  n'est  pas  fort  aisé  de  deviner  sur  quel  mu- 
lif  leur  foi  peut  être  fondée.  Conséquemment 
nous  demandons  encore,  si  cette  foi  peut 
sulliie  pour  le  salut  d'un  Indien  ou  d'un 
lro(juois,  pourquoi  une  foi  semblable  ne 
sidtil  })as  ))Our  le  salut  d'un  siuiple  fidèle  de 
l'Eglise  romaine.  D'où  nous  concluons  que 
c'est  cette  contradilidu  même  entre  le  prin- 
cijje  fondamental  du  protestantisme  et  la 
mélhode  doiit  il  faut  se  servir  |)our  conver- 
tir les  infidèles,  qui  a  dégoîlté  les  protes 
taiits  des  missions,  et  les  a  engagés  à  ca- 
linnider  les  missionnaires  catholiques.  On 
sait  en  effet  que  leurs  pompeuses  fuissions, 
entreprises  uniquement  par  politi(pie  et  |iar 
ostentation,  n'ont  pas  eu  jusqu'ici  de  brillants 
succès  ;  que  presque  toutes  sont  tombées  ou 
très-négiigées  ;  que  souvent  ils  ont  fait  des 
plaintes  du  ])eu  de  zèle  et  di;  l'indolence  de 
leurs  ministres,  et  que  plusieurs  d'entre 
eux,  tels  que  Salmon,  Gordon,  les  auteurs 
do  la  Bibliollièquc  anglaise,  etc.,  sont  con- 
venus de  celte  tache  de  leur  religion.  Mais 
ce  n'est  pas  assez  de  les  réfuter  par  leur 
propre  l'ait,  il  faut  encore  répondre  à  tous 
leurs  reproches. 

1°  Les  ecclésiastiques  du  séminaire  des 
missions  dlrangêres,  et  ceux  de  la  Pro)ia- 
gande,  les  tliéalins,  les  prêtres  delà  mission, 
nommés  lazaristes,  etc.,  ne  sont  pas  des 
moines  dégoûtés  du  cloître,  et  l'on  no  pou- 
vait pas  regarder  comme  tels  les  jésuites. 
Quand  on  considère  les  travaux  auxquels 
ces  missionnaires  se  livrent,  les  dangers 
qu'ils  courvut,  la  mort  à  laquelle  ils  sont 
souvent  exfjosés,  on  s  nt  qu'aucune  passion 
humaine,  aucun  motif  tempoiel,  ne  sont  ca- 
pables d'inspirer  autant  de  courage,  que  le 
zèle  seul  et  la  charité  chrétienne  les  ani- 
ment. Lorsque  nous  disons  aux  protestants 
que  les  prédicanis  de  la  réforme  étaient 
jioussés  par  le  dégoôt  du  cloître,  [lar  l'amour 
de  l'indépendance,  par  l'ambition  de  devenir 
chefs  de  luirli,  ils  nous  accusent  d'injustice 
et  de  témérité  ;  ont-ils  autant  de  raisons  de 
suspecter  le  zèle  des  missionnaires  que  nous 
en  avons  de  nous  délier  de  celui  des  pré- 
tendus réformateurs  ?  Luther,  en  se  révol- 
tant contre  l'Eglise,  devint  pape  de  Wittem- 
berg  et  d'une  partie  de  l'Allemagne.  Calvin 
se  lit  souverain  pontife  et  législateur  de 
Genève.  Nous  ne  connaissons  aucun  mis- 
sionnaire qui  ait  pu  se  llatter  de  faire  une 
aussi  belle  fortune  aux  Indes  ou  en  Améri- 
que. 

■1"  l'eut-on  se  persuader  que  les  papes  se 
soient  jamais  proposé  d'asservir  l'univers 
entier  à  leur  domination  temporelle ,  et 
qu'ils  forment  encore  aujourd'hui  le  i)rujot 
de  se  faire  un  empire  aux  extrémités  de 
l'Asie  ou  de  l'Afrique  "?  Ils  ont  sans  doute 
des  héritiers  auxquels  ils  désirent  de  trans- 
mettre leur  couronne.  Cette  idée  est  si  folle, 
que  l'on  ne  conçoit  pas  comment  on  peut  la 
prêter  à  un  homme  sensé.  Nous  voudrions 
savoir  encore  j-ar  quelle  récompense  ils  ont 
pay:''  le  zèle  des  missionnaires  ijui  se  sont 


8Î9 


MIS 


MIS 


8-20 


exposés  auliHfois  [.our  eux  à  la  barhario  des 
peuiiles  du  Nord,  et  quel  salaire  ils  fonl  es- 
pérer î»  ceux  qui  vont  aujourd  hui  braver  la 
mort  chez  les  Sauvages,  h  la  Chine,  ou   sur 
les  côtes  de  l'Afrique.  Les  missionnaires  ont 
certainement  prêché   partout  et  dans   tous 
les  temps  la  juridiction  spiritiiel'e  du  pape 
sur  toute  l'Eglise,  parce  que  c  est  un  dogme 
delà  foi  catholique;  mais  quand  on  veut 
nous  persuader  qu'un  empereur  de  la  Lliine 
a  banni  les  missionnaires  de  ses  Etats,  parce 
qu'il  avait  peur  de  devenir  vassal  ou  tribu- 
taire du   paiie,  en   vérité  celle  ineptie  est 
trop  ridicule.  Quelque  vicieux  qu'aient  pu 
être  certains  papes,  nous  présumons  qu  ils 
croyaient  en  Dieu  et  en  Jésu.'^-C.luist;  ils  ont 
donc  dû  croire  qu'il  était  de  leur  dovoir  d  u- 
tendrolafoi  chrétienne  autant  ouilslo  pou- 
vaient; I  ourqroi  leur  supposer  un  autre  mo- 
tif? Enfin,  quand  leur  zèle  n'aurait  -as  ele 
as  e  '  pur,  l'Eurnpe  entière  ne   leur  est  pas 
moins  redevable  de  la  tranquillité  qu'ds  lui 
ont   procurée,  soit  par  la   conversion   des 
Barliares   du    N  :rd ,    soit   par   l'affaiblisse- 
ment des   maliomctans,  qui  a  clé  l'effet  des 
croisailes.  Cet   avantage  nous   paraît  asseï 
grand  pour  ne  pas  les  calomnier  mal  a  pro- 
pos. 

3°  Nous  convenons  que  les  missionnaires 
ont  préclié,  soit  dans  le  nord,  soit  dans  les 
aulres  parties  du  m  nde,  la  foi  catholique, 
la  religion  romaine,   et  non  b'    protestan- 
tisme. Ils  ne  pouvaient  pas  l'enseigner  avant 
qu'il  fût  éclos  du  ciTveau  de  Luther  et  de 
Calvin  ;   ceux  qui   sont   venus  après  n'ont 
pas  été  tentés  d'aller  au  bout  du  monde  pour 
y  enseigner  des  hérésies.   Avant   de  savoir 
s'ils  ont  eu  tort,  il  faudrait  que  le  procès  fût 
décidé   entre  les  protestants  et  n  jus.  Que 
diraient-ils,   si  nous  nous  plaignions  de  ce 
que  leurs  ministres  prêchent  dans  les  Indis 
le  luthéranisme  ou  le  calvinisme,  et  non  la 
doctrine   catholique?  Le    reproche  d  idol:;- 
trie,  fait  à  l'Eglise  rom.dne,  est  une  absur- 
dité surannée  qui  ne  devrait  plus  se  trouver 
dans  les  écrits  des  protestants  sensés;  mais 
comme  elle  fait  toujours  illusion  aux  r^no- 
rants,  ils  la  répéteront   tant  qu'ils  trouve- 
ront «ies  dupes  a-sez  stupides  pour  y  crone. 
Voy.  Paganisme,  §  11-  Mosheim,  si  obstiné 
à  censurer  les  missions  des  catholiques  dans 
tous  les  siècles,  n'a  pas  fait  les  mêmes  re- 
proches à  celles  des  nestonens  dans  la  lar- 
tarie  et  dans  les  indes,  ni  k  celles  des  Grecs 
chez  les  Bulgares   et   chez  les  Busses.  Ce- 
pendant les  nestoriens  et  les  tirées  ont  en- 
s-eigné  à  leurs  prosélytes  les  mêmes   super- 
stitions et  la  même  idolAtrie  que  les  mis- 
sionnaires de  l'Eglise   romaine,  le  culte  des 
saints  et  des  images,  l'adoration  de  l'eucha- 
ristie, les  sept  sacrements,  etc.  ;  les  Russi  s 
en  font  encore  profession.  Nous  ne  voyons 
pasquelesTartarcsetles  Russes  aient  été  des 
chrétiens  plus  parfaits  que  les  Allemands  et 
les  Danois,  convertis  par  des  catholiques. 
Mais  comme   les   nestonens   et    les  Grecs 
n'enseignaient  pas  la  suprématie  du  pape, 
ils  ont  par  cotte  dscrétion  mérité  d'être  ab- 
sous per  les  protestants  de  toutes  les  erreurs 


et  de  tous  les  déDiuts  de  leurs  missions.  A 
la  vérité,  les  nestoriens  iiis;iraient  à  leurs 
]irosélytes  la  soumission  à  leur  patriarche, 
et  les  Grecs  soumeltaient  les  Russes  à  cehii 
de  Constantinople;  n'im|>orte,  il  estindiifé- 
renl  aux  protestants  que  leschrét  ens  soient 
subordonnés  à  ,un  chef  quelconque,  pourvu 
que  ce  ne  soit  pas  au  pontife  rumain  :  telle 
est  leur  judicieuse  impartialité. 

1°  Nous    sommes  très-persuadés   que  les 
Barbares  du  Nord  n'ont   pas  été  des  saints 
immédiatement  après  leur    conversion,   et 
qu'il  a  fallu  au  moins  une  ou  deux  gené- 
rati  lis   pour    leur   donner    de    meill-^ures 
mœurs  ;  mais  enfin  ils  ont  renoncé  au  bri- 
gandage ;  depuis  qu'ils  ont  été  chrétiens,  les 
contrées    méridionales    de    l'Europe    nont 
plus  été  dévastées  par  leurs  mc.rsions.  De 
savoir  si  les  Normands  ont  été  convertis  par 
l'apijàt  de   posséder   .a   Normandie,  et  les 
Francs  par  l'espoir  de  faire  plus  de  conquê- 
tes, sous  la  protection  du  Dieu  des  Romains 
que  sous  celle  de  leurs  anciens  dieux,  Mos- 
heim le  prétend,   c'e-t   une   question  que 
nous  n'entreprendrons  pas  de  décider  ;  nous 
n'aviins  pas  comme  lui  le  sublime  talent  de 
lire  dans  les  cœurs.  Mais  du  moins  les  en- 
fants de  ces  conquérants  farouches  sont  de- 
venus plus  tiaitab;es,  et  ont  appris  à  mieux 
connaître  le  Dieu  des  chrétiens.  Faut-il  re- 
noncer à  la  conversion  des  Barbares,  parce 
que  l'on  ne  peut  pas  tout  à  coup  en  iaire 
des  saints?  Nous  conviemlrons  encore  vo- 
lontiers que  parmi   un  très-grand  nombre 
de  missionnaires   il   y   en   avait  plusieurs 
qui  n'étaient  pas  de  grands  docteurs  :  qu  au 
milieu  des  ténèbres  répandues  pour  lors  sur 
l'Europe  entière,  quelques-uns  se  sont  per- 
suadé   qu'il   était    permis   d'employer   des 
fraudes  pieuses  pour  intimider  des  barbares 
incapables  de  céder  à  la  raison.  Sans   vou- 
loir excu-er  cette  conduite,  toujours  con- 
damnée par  les  évêques  dans  les  conciles, 
nous  (lisons  qu'il  y  a  de  l'injustice  de  1  at 
tribuer  à  tous,  et  de  prétendre  que  celait 
l'esprit  dominant  de  ces  tenqis-la.  Puisque 
nous  avouons   qu'il    v   avait    pour  lors   de 
grands  vices,  les  protestants  devraient  con- 
venir aussi  qu'il  y  avait  de   grandes   vertus, 
puisque  l'un  de  ces  faits  n'est   pas  moins 
prouvé  que  l'autre.    11    y   avait   môme  de 
vraies  et  de   solides    lumières.    Si  1  on   en 
doute,  on  n'a  qu'il  lire  la  lettre  que  Dnmel, 
évêque  de  Winchester,  écrivit,  en  I'2k,  à  saint 
Boniface,  apôtre  de  l'Allemagne.  Nous  de- 
hons  les  protestanls  les  plus  habiles  dinia- 
ainer  une  meilleure  manière  de  convaincre 
des  idolâtres  de  la  fausseté  et  du  ridicule  de 
leurs  superstitions.  Hist.   de  l'iùjhsc  galli- 
cane, tom.  IV,  1.  XI,  an.  725. 

5°  Quand  ils  disent  que  l'on  a  souvent 
employé  les  armes  et  la  violence  pour  cok- 
verlir' les  Barbares,  ils  veulent  jiarler  sans 
doute  des  expéditions  de  Charlemagne  con- 
tre les  Saxons,  et  des  exploits  dc-s  che- 
valiers de  l'ordre  teuloni(iue  d.ms  la  Prusse. 
Nous  examinerons  ces  faits  à  l'artii  le  Nnnc. 
Quant  aux  séditions  et   aux  troubles   dont 


821 


MIS 


MIS 


832 


(l'autros  accusent  les   missionnaires,   voy. 
Chine,  Japon. 

6°  Nous  avouons  cntin  que  les  contesta- 
tions qui  ont  lY'gné  entre  les  niissioniiaires, 
dans  h;  dernier  siècle,  touchant  les  rites  chi- 
nois et  nialabares,  n'étaient  ni  édiliantrs,  ni 
propres  ii  firecurei'  le  succès  dis  missions  : 
mais  le  foml  du  priicès  n'était  pas  fort  clair, 
puisqu'il  a  fallu  quarante  ans  po;  r  le  termi- 
ner; «  enfin,  les  nécreis  des  souverains  non- 
lifos  l'ont  fait  cesser,  »  et  à  Dieu  ne  plaiso 
(pu' nous  viiulions  justilier  ceux  qu'ds  ont 
condamnés.  Jlais  il  y  a  en  des  disputes  mémo 
eiilre  les  prcmii  rs  prédicateurs  de  l'Kvan- 
^'ile  Saint  Paul  s'en  plaij-'iiait  et  en  L;émis- 
sait  ;  il  n'en  faisait  jias  un  sujet  de  triomphe, 
connue  font  les  prot>  slants.  Il  y  a  (m  des  dis- 
putes bien  [ilus  vives  entre  les  fondaleiu'S 
de  la  prétendue  ré^formo  ,  et  après  di'ux  siè- 
cles di^  durée,  ces  débats  ne  sont  pas  encore 
lirmincs.  Kst-ce  aux  |)rotestants,  divisés  en 
vingt  sectes  diltV'rentes,  ipi'il  convient  de  re- 
procher des  disputes  aux  missionnaires? 

1°  En  disant  qu'il  faut  une  vocation  ex- 
tiaordinaircel  surnaturelle  pour  travailler  à 
la  conversion  des  intidèles ,  sous  une  domi- 
nation élranu^ère,  les  jirotcstants  témoignent 
assez  clairement  (|U(!  l'ordi'o  et  la  promesse 
de  Jésus-Christ  :  Allez  ilans  le  monde  entier, 
prêchez  rS'.v(in<jilc  à  toute  créature,  enseignez 
et  baptisez  toutes  les  nations,....  je  suis  avec 
vous  jusqu'à    la    consomnuition    des    siècles 
{Mattli.  xxvni,  19  ;  Marc,  xvi,  15),  ne  les  re- 
gardent pas,  et  nous  en  sommes  persuadés 
cpnnne   eux.   Mais  rEf;lisi'    catholique    est 
depuis  dix-sept  siècles  en  possession  de  s'ap- 
jHuprier  celte  mission  et  ces  promesses;  elle 
n'a  plus   besoin  de  miracles  jwur  prouver 
son  droit.  Loin  d'ordonner  h  ses  apôtres  d'at- 
tendre le  consentement  des  souverains  pour 
prêcher,  Jésus-l'.hrist  Cnmmence  par  décla- 
rer que  toute  puissance  lui  a  c'té  donnée  dans 
le  ciel  et  sur  la  terre.  Déjà  il  avait  averti  ses 
ajiôtri  s  (jue  |iartout  ils  seraient  haïs,  mal- 
traités, poursuivis  h  mort  pour  son  nom  ;  il 
avait  ajouté  qu'il  ne  faut  pas  craindre  ceux 
(pii  peuvent  tuer  le  cur[is  ,  mais  seulement 
celui  qui  peut  perdre  le  corjis  et  l'Ame,  et  il 
leur  avait  promis  son  assistance  (Matth.  x, 
1()  et  suiv.j.  Encore  une  fois  ce  commande- 
ment et  Cl  s  promesses  sont  sans  restriction; 
l'Ur  eU'el  doit  durer  jusqu'il  la  consomma- 
li(jn  drs  siècles.  Nous  av(jns  demindé  plus 
(i'une  fois  aux  |)r(jteslants  quelles  lettres  d'at- 
iaciie  Luther,  Calvni  et  les  aulr,  s  iirédicants 
avaient  reloues  des  souverains  pour  [)ièclier 
leur  doctrine,  ou  par  quels  mirailes  ils  ont 
prouvé  leur  vocation  extraordinaire  et  sur- 
iiaturelle  ;  nous  attendons  vainement  la  ré- 
ponse. 11  est  tort  sni^ulier  qu'il  faille  le  don 
des  miracles  ou  le  consentement  des  souvi  - 
rains  pour  aller  porter  la  vérité  cliez  les  in- 
lidèles,  et  qu'il  n'ait  fallu  ni  l'un  ni  l'autre 
pour  répandre  1  hérésie  dans  toute  l'Euiope. 
Mais  la  vocation  des  riformateiirs  ('tait  la 
même  que  celie  des  anciens  hérétiques;  leur 
di  s^ein  et  leur  ambition,  dis.iit  Terlulhen, 
n'est  pas  de  convertn-  les  païens,  mais  de 


pervertir    les  catlK)liques.    Dt    Prœseript., 

8*  Il  n'est  pas  fort  diflicile  de  voir  pour- 
quoi les  missions  des  derniers  siècles  n'ont 
pas  produit  autant  de  fruit  ipi'elles  sem- 
blaient en  promettre.  Les  Européens  se  sont 
rendus  odieux  dans  les  trois  autres  jiarties 
du  monde  par  leur  ambition,  leur  rapacité, 
leur  orgueil,  leur  liliertina,:j,e,  leur  cruauté  ; 
tous  conviemieiit  (jue  dès  ipie  l'on  a  une  fois 
franchi  l'Océan  ,  on  ne  connaît  plus  d'autre 
religion  (jue  le  commerce,  ni  d'autre  Dieu 
que  l'argent.  Sur  ce  point,  les  nations  pro- 
testaires  sont  tout  aussi  coupables  (jue  les 
nations  catholiques  Quelle  conliance  peu- 
vent donner  les  intidèles  à  d(\s  missionnaires 
arrivés  d'un  jia.vs  qui  ne  leur  semble  avoir 
jiroduit  que  des  monstres?  Les  niissionnai 
res ,  asservis  aux  intérêts  de  la  nation  (jui 
les  iiroiége,  se  sont  trouvés  souvent  im|)ii- 
ques,  sans  le  vouloir,  dans  les  contt  stations 
et  les  mauvais  procédés  de  leurs  compa- 
Irioles.  Voilà  ce  qui  a  fait  le  mal,  et  il  du 
rera  tant  que  les  missions  seront  dépendantes 
des  iieu|)les  de  l'Eue  pe,  uniquement  occu- 


i    [ICI 
I  (JCS 


pés  des  intércMs  de  leur  commerce. 

Les  ajKJIres,  dégagés  de  ces  entraves,  n'é- 
taient obli.i^îés  de  ménager  ni  do  favoriser 
I)eiS(jnne;  ils  instruisaient  des  nationaux, 
et  leurdonniient  ci  suite  le  soin  d'enseigner 
et  de  convertir  leurs  c(jmi)atriotes.  On  a 
senti  enlin  la  nécessité  de  les  imiter,  d'éle- 
ver des  Chinois  el  des  Indiens  pour  (  n  faire 
des  missionniires.  C'est  le  seul  moyen  de 
réussir;  mais  il  ne  convient  |ias  h  ceux  (jui 
ont  fait  la  i)lus  grande  |  artie  du  mal  de 
tiioiui  her  aujourd'hui  des  pernicieux  effets 
qu'il  a  produits.  11  est  cependant  faux  que 
les  tnissions  en  uénéral  aient  été  aussi  infruc- 
tueuses  (jue  le  iirétendent  les  protestants; 
riitat  delEç/lisc  romaine  dans  toutes  les  par- 
ties du  monde,  qu'eux-mêmes  ont  eu  soin 
de  jiublier,  est  une  jireuve  autliontique  du 
contraire. 

M.  de  Pages,  dans  ses  Voyages  autour  du 
inonde,  terminés  en  1776,  atteste,  connue  té- 
moin oculaire,  le  succès  des  missionnaires 
fianciscains  en  Amérique ,  la  douceur  et  la 
jiureté  des  uKeurs   qu'ils  y  font  régner.  Il 
dit  que  la  religion  catholique  a  fait  beau- 
coup de  progrès  dans  la  Syrie,  à  Damas  et 
dans  le  sud-ouest  des  montagnes,  où  les  hé- 
réliijiies  et  les  schismatiques  faisaient  autre- 
lois    le   plus    grand  nombre;   (ju'elle  s'est 
aussi  étendue  en  Egypte  jiarrai  les  coplites. 
((  J'ai  vu  |iar  moi-même  ,  dit-il ,  les  peines 
et  les  travaux  des  missionnaires,   en  ïur- 
(piio,  en  l'erse,   dans  les  Indes,  j3ays  qui 
fourmillent  tle  chrétiens  jieu  instruits.  Les 
missions  ont  fait  des  jirogrès  admirables  dans 
les  royaumes  de  Pégu,  Siam,  Camboye,  Co- 
chinchim',  et  même  à  la  Chine,  |)ar  le  moyen 
(les  sujets  chinois  que  l'on  instruit  en  Ita- 
lie.... L'Espagne  seule  a  fait  plus  de  chré- 
tiens en   Amérique  et  en  Asie  ,  qu'elhj   ne 
jiossède  de  sujets  en  Eurojie.  »  M.  Anquetil, 
dans  son  Voyage  des  Indes,  com|ite  deux  cent 
mille  chrétiens  h  la  seule  côte  de  Malabar, 
dont  les  trois  quarts  sont  catlioli(iues. 


823 


MJ3 


MIS 


8S4 


De  fous  les  missioanaires  ,  ceux  que  l'on 
a  le  plus  maltraités  sont  les  jésuites;  et  les 
incrédules  nontpas  manrpié  de  recueillir  et 
de  fomnicntcr  tous  les  rejiroches  qu'on  leur 
a  faits.  Il  n'est  point  d'impostures,  de  fables, 
de  calomnies ,  que  l'on  n'ait  vomies  contre 
leurs  missions  du  Paraguay  et  de  la  Chine  ; 
on  n'a  pas  môme  épargné  saint  François- 
Xavi  r.  On  a  dit  qu'il  était  d'avis  que  l'on 
ne  parviendrait  jamais  ?i  établir  solidement 
le  christianisme  chez  les  infidèles,  h  moins 
que  les  auditeurs  ne  fussent  toujo'u-s  à  la 
portée  du  mousquet.  L'on  a  cité  pour  garant 
de  celte  anecdote  le  P.  Navarrette,  qui  était, 
dit-on,  son  confrère.  L'auteur  qui  a  r.'cueilli 
cette  fable  ignor.iit  que  Navarrette  était  ja- 
cobin et  non  jésuite ,  ennemi  déclaré  des 
jésuites  et  non  leur  confrère  ;  que  le  second 
volume  de  son  ouvrage  sur  la  Chine  fut  sup- 

firimé  par  rinf|u;sition  d'Espagne ,  et  que 
'on  n'a  pas  osé  publier  le  troisième.  Il  ré- 
sulte de  là  que  ce  religieux  n'avait  pas  écrit 
par  un  zèle  fort  pur.  Ce  qu'il  dit  de  saint 
François-Xavier,  si  cependant  il  l'a  dit .  est 
prouvé  faux  par  les  lettres  et  par  la  conduise  de 
ce  saint  missionnaire.  Baldéus,  auteur  protes- 
tant, a  rendu  une  pleine  justice  au  zèle,  aux 
travaux,  aux  vertus  de  ce  môme  saint.  Apol. 
pour  les  cathol.,  tom.  II,  c.  \iv,  p.  2f)S. 

Lorsque  l'auteur  de  VHistoire  des  établis- 
sements des  Européens  dans  les  Indes  a  fait 
l'apologie  des  missions  des  jésuites  au  l'a- 
raguay,  au  Brésil,  à  la  Californie,  les  philo- 
sophes ses  confrères  ont  dit  que  c'était  un 
reste  de  prévention  et  d'attachement  porir  la 
société  de  laquelle  il  avait  été  membre.  lïîais 
Montesquieu,  BulTon,  Muratori,  Haller,  Pre- 
mier, ofiicier  du  génie;  un  autre  militaire  qui 
a  pris  le  nom  de  philosophe  Larfoi^eeur,  etc., 
n'ont  jamais  été  jésuites;  ils  ont  ce[)endant 
fait  l'éloge  des  missions  du  Paraguay,  et  les 
deux  derniers  y  avaient  et  ■;  ils  en  parlaient 
comme  témoins  oculaires.  M.  Roliertson , 
dans  son  Histoire  de  V Amérique;  M.  île  Pa- 
ges, dans  ses  Voyages  autour  du  monde,  ]ju- 
bliés  récemment,  tiennent  le  même  lan- 
gage. 

Un  trait  de  la  fourberie  dos  incrédules  a 
été  de  nous  peindre  l'état  des  jieuples  do 
l'Inde,  delà  Chine,  et  môme  des  Sauvages, 
non-seulement  comme  très  -  supportable, 
mais  comme  heureux  et  meilleur  que  celui 
des  nations  chiétionnes  ,  alin  de  jtersuader 
que  le  zèle  des  missionnaires  ,  loin  d'avoir 
pour  objet  le  bonheur  de  ces  peuples,  ne 
tendait  dans  le  fond  qu'à  les  asservir  et  à 
les  rendre  mallieuieux.  Mais  depuis  que  l'on 
a  comparé  ensemble  les  relations  des  divers 
voyageurs,  qr:o  l'on  a  vu  par  les  livres  ori- 
ginaux des  Chinois,  des  Indiens,  des  Guè- 
bres  ou  Parsis,  la  croyance,  les  mœurs,  les 
lois,  le  gouvernement  de  ces  peuples  ^livers, 
on  a  nus  au  grand  jour  l'ignorance,  la  pré- 
vention, la  mauvaise  foi  de  nos  philosophes 
mci'éduies  ,  un  a  mieux  compris  l'énoriuité 
du  crime  des  prolestants,  (pu,  non  CDutents 
lie  négliger  les  missions,  auxquelles  ils  sen- 
tent bien  qu'ils  Ifc  sont  p.is  propres,  ont  en- 
core cherché   à   les  déiriei'  cl  à  les  remire 


odieuses.  Celte  considération  n'a  pas  empê- 
ché un  voyageur  très-moderne  d'adopter  sur 
ce  point  les  idées  et  le  langage  philosophi 
ques.  Suivant  son  avis ,  on  peut  douter  si 
les  missionnaires  sont  animés  par  le  désir 
de  rendre  éternellement  heureuses  les  na 
lions  ilolâlres,  ou  par  le  besoin  inquiet  de 
se  trans[)Orter  dans  les  pays  inconnus  pour 
y  annoncer  des  vérités  effrayantes.  Ceux  de 
la  Chine,  dit-il,  n'ont  pas  été  entièrement 
désintéressés  ;  [)our  compensation  des  fati- 
gues, et  pour  dédommagement  des  persécu 
lions  auxquelles  ils  s'exposaient,  ils  ont  en- 
visa:^é  h  gloire  d'envoyer  à  leurs  compa- 
triotes des  r. dations  étonnantes,  et  des  pein- 
tures d'un  peuple  digne  d'admiration.  L'on 
sait  d'ailleurs  que  celte  classe  d'Européens 
borne  ses  connaissances  aux  vaines  subtili- 
tés (le  la  scolastique,  et  à  des  éléments  de 
morale  subordonnés  aux  lois  de  l'Evangile 
et  aux  vérités  révéléi-s.  Voyages  de  M.  Son- 
nerai, publiés  en  178i. 

Sans  examiner  si  des  motifs  aussi  frivoles 
peuvent  servir  de  compensation  et  de  sa- 
laire aux  missionnaires,  nous  demandons  à 
cet  écrivain  scrutateur  des  cœurs  si  notre 
religion  est  la  seule  qui  enseigne  des  vérités 
effrayantes;  si  les  Chinois  ,  les  Indiens,  les 
Parsis,  les  mahométans,  ne  croient  pas  aussi 
bien  que  nous  une  vie  à  venir  et  un  enfer 
pour  les  méchants.  Quel  peut  donc  être  pour 
les  missionnaires  l'avantage  de  leur  annon- 
cer l'enfer,  cru  parles  chrétiens,  au  lieu  de 
celui  que  croient  les  infidèles?  nous  ne  le 
concevons  pas.  Si  ces  missionnaires  eux- 
mêmes  croient  une  vie  à  venir,  ils  peuvent 
donc  avoir  pour  motif  de  leurs  voyages  et 
de  leurs  travaux  l'esnéranco  de  mériter  le 
bonheur  éternel  pour  eux  -  mêmes  ,  et  de 
jnettre  en  état  leurs  prosélytes  de  l'obtenir. 
Mais  ceux  qui  ne  croient  rien  s'imaginent 
que  tout  le  monde  leur  ressemble  ,  et  que 
les  missionnaires  prêchent  des  vérités  ef- 
frayantes sans  y  croire.  Si  tous  les  mission- 
naires de  la  Chine  avaient  fait  et  publié  des 
relations ,  l'on  pourrait  penser  que  tous  ont 
eu  l'ambition  d'étonner  leurs  compatriotes; 
mais  les  trois  qu.irts  des  missionnaires  n'en 
ont  point  fait,  et  n'ont  eu  part  à  aucune;  on 
ne  se  souvient  pas  seulement  de  leurs  noms 
en  Europe  ;  où  est  donc  la  gloire  qu'ils  ont 
envisagée  pour  récompense? On  nous  regar- 
derait comme  des  insensés  ,  si  nous  disions 
que  les  négociants,  les  navigateurs,  M.  Son- 
nerai lui-même,  ne  sont  allés  aux  Indes  et 
à  la  Chine  que  povu-  avoir  le  plaisir  de  nous 
étonner  par  leurs  relations,  ou  de  contredire 
ceux  ({ui  avaient  écrit  avant  eux.  Esl-il  vrai 
que  les  missionnaires  n'aient  montré  dans 
leurs  relatiiius  point  d  autres  connaissances 
que  celle  de  la  scolastique  ,  et  de  la  morale 
lie  l'Evangile  ?  Ce  sint  eux  qui  les  premiers 
nous  ont  fait  connaîlre  les  pays  qu'ils  ont 
parcourus,  et  les  nations  qu'ils  ont  iiislnii- 
les.  Notre  voyageur,  qui  a  bien  senti  que  ce 
reproche  qu'il  fait  aux  missionnaires  en  gé- 
néral no  pouvait  reg  irder  les  jésuites ,  a 
trouvé  bon  do  leur  attribuer  des  motifs 
otlieux  ;  c'est  une  calorimie,  et  rien  de  plus. 


fe2S 


MIS 


MIS 


82« 


Au  mot  Tautaufs,  nous  parlerons  en  p.irti- 
cnlier  des  inissiomt  faites  en  Tartai-ie. 

Le  rédacteur  de  l'art.  Californie,  du  l)iv- 
tionnairc  de  Juri!:i)ni(i.,  s'y  est  pris  d'une 
autrt!  manière.  Ajirès  avoir  copié  le  tal)leau 
des  missions  de  ce  pavs-if\,  tracé  thi\^VHist. 
philos,  des  établiss.  des  Européens  dans  les 
deux  Indes, il  convient  (|U(!  l'esprit  d-  domi- 
nation et  de  conuaerce  n'a  porté  que  la 
corruittion ,  le  carna;^e,  la  servitude  dans 
toutes  les  contrées  di;  l'Aïuéricpie  ;  que  c'est 
à  la  religion  seule  de  rapprocher  et  de  civi- 
liser les  Sauva.!,es.  Il  avoue  que  la  philoso- 
pliie  n'a  jamais  donné  ce  zèle  ardent  et  jia- 
lient,  cette  almégaliou  de  soi-même,  (|u'in- 
sjiire  la  charité  (chrétienne  ,  et  qu'exiyc  ce- 
pendant la  fondation  d'une  société  paruu  les 
Sauvages.  11  ilemande  par  quels  motifs  le 
pliilosnphe  saurait  les  engager  à  renoncer 
au  repos  de  leur  vie  vagabonde ,  pour  se 
courber  sous  le  joug  des  travaux  civils. 
Nous  sauiions  gié  à  l'auteur  de  ces  ré- 
flexions, s'il  n'avait  pas  clierrhé  h  les  em- 
poisonner; mais  il  doute  de  la  véi'it/'  des 
faits,  parce  qu'ils  ne  sont  cDUsIatés  |iar  le  té- 
moignage d'aucun  philosophe  impartial; 
nous  avons  f.iit  voir  le  contraire.  Il  doute  si 
l'indépendance  de  l'état  de  la  nature  .  si  l'i- 
gnorance de  tous  nos  besoins  factices,  no 
valent  pas  mieux  que  la  sûreté  tro|)  souvent 
incertaine  (jue  jjeuvent  procurer  nos  lois , 
que  l'abondance  et  les  commodités  de  nos 
arts  et  de  nos  sociétés,  (pii  immolent  à  l'ai- 
sance ou  plutôt  à  la  satiét'  du  petit  nombre 
la  substance  et  le  nécessaire  physique  de  la 
multitude.  11  doute  entin  si  les  institutions 
des  bons  missionnaires  étaient  aussi  ))ropres 
<i  conserver  et  îi  faire  prospérer  les  nouvelles 
sociétés,  qu'elles  paraissent  avoir  été  suffi- 
santes pour  en  jeter  les  premiers  fondements; 
si  la  tyrannie  du  despotisme  et  les  fureurs 
de  la  supersiilion  n'eussent  pas  bientôt  suc- 
cédé à  l'enthousiasme  éclairé  de  il  l>ienrai- 
sance  et  de  la  ieli;von. 

Permis  à  un  philosophe  sans  religion  de 
douter  de  l'éviiience  môme,  mais  il  ne  doit 
pas  déraisonner.  1"  11  est  faux  que  la  vie  va- 
gabonde des  Sauvages  soit  luiétat  de  repos; 
souvent  |.our  se  procurer  la  subsistance,  ils 
sont  obligés  de  faire  des  chasses  de  deux 
cents  lieues,  et  s'ils  se  donnent  du  repos, 
c'est  en  faisant  travailler  les  femmes  à  leur 
place  ;  celles-  ci  ne  sont  -  elles  donc  pas  des 
créatures  humaines  ?  -2°  Il  l'est  que  l'état  sau- 
vage soit  Vetat  de  naiure  ;  la  nature  n'a  pas 
fjiit  l'houime  pour  vivre  comme  les  brutes; 
la  ditl'érer.ce  de  leurs  facultés  le  tlémontre. 
3"  11  n'est  pas  vrai  que  la  société  immole  à 
l'aisance  du  petit  nombre  le  nécessaire  phy- 
sique de  la  nuillitude.  (le  qui  arrive  par  l'in- 
humanité de  ijuel  jues  individus  ne  vient  |ias 
plus  de  l'état  de  société,  que  les  guerres,  les 
massacres,  les  cruautés  des  Sauvages  ne 
viennent  des  sentiments  naturels  d  liuma- 
nité,  et  i[uo  les  déraisonnenients  des  jjhilo- 
sophes  ne  viennent  de  la  raison.  4°  C'est  une 
absurdité  de  supposer  que  des  institutions 
suftlsantos  pour  réunir  les  honunes  en  so- 
ciété, pour  leur  inspirer  des  sentiments  mu- 


tuels d'affection,  de  charité,  de  concorde,  ne 
suffisent  plus  pour  les  maintenir  dans  cet 
état.  Quand  il  serait  décidé  que  leur  bon- 
heur ne  peut  pas  durer  toujours,  ne  serait- 
ce  pas  encore  un  nn-rite  de  le  procurer  du 
moins  h  trois  ou  quatre  'iénéralions  d'hom- 
mes? 5"  Il  est  bien  indécent  ipie  les  philo- 
sophes ,  qui  se  reconnaissent  inca|ial)les  de 
fonder  une  société,  s'attachent  «à  déprimer 
les  travaux  do  ceux  qui  en  viennent  h  bout. 
C'(>st  le  procès  des  frelons  contre  les  abeilles. 
Voy  Sauvages,  Société. 

♦  MISSIONS  PROTESTANTES.  Les  (il)scrv:ilioiis 
qu'on  va  lin»  sont  liltéraleinent  Irailiiiles  du  Coiir- 
riir  de  lioston  (50  mai  1839),  jonnial  priitcslanl,  qui 
les  a  extraites  d'nn  ouvrage  léceiniuenl  pulilié  aux 
Etats-Unis  par  un  niissionnaiic  proleslanl,  le  révé- 
rend M.  Mateolu),  Icnioin  oculaire  lui-uu'uie  des  faits 
qu'il  rapporte  avec  une  adniiralile  franchise. 

t  Nous  exlrain  us  du  voyage,  du  révérend  M.  Mal- 
colm  quelques  passages  qui  prouveront  le  peu  de  suc- 
cès (les  missionnaires  prolestants ,  américains  et 
autres,  au  sud-ost  de  l'Asie  :  surtout  si  l'on  compara 
le  faillie  résultat  de  leurs  travaux  au\  énonues  dé- 
penses qu'ils  ont  occasionnées.  Ce  défaut  de  succès 
a  été  si  bien  senti  par  les  amis  des  missions,  que, 
selon  Jl.  Maleolm,  la  seule  (|ueslion  est  aujourd'hui 
(!e  savoir  si  les  plans  et  les  mélhoiUcs  jus(pi"à  présent 
ailoplés  doivent  subir  quelque  modification,  ou  si 
l'œuvre  des  missions  doit  être  entièrement  abandon- 
n-e.  Sur  le  premier  point,  M.  Maleolm  est  d'avis  que 
le  système  des  écoles,  sur  le(piel  on  avait  principa- 
lement compté,  est  resté  sans  résultat  et  ne  saurait 
être  poursuivi.  A  l'appui  de  celte  opinion,  il  cite  des 
faits  qui  luius  mettront  à  méii.e  de  juger  non-seule- 
ment de  l'inutilité  des  immenses  déboursés  (ju'exige 
le  soutien  des  missions,  mais  encore  des  succès  in- 
comparablement plus  grands  (  incoiniinrahly  grenier 
sHcce-is)  (|iii  ont  accompagné  les  travaux  des  mission- 
naires catholiques  et  même  le  prosélytisme  dea  mu- 
sulmans. Nous  laissons  parler  le  révérend  M.  Mal- 
eolm. 

«  Plus  de  2.jO,000  écoliers  reçoivent  aujourd'hui 
rinstruction  dans  les  écoles  des  missionnaires,  et  le 
nombre  de  ceux  qui  y  ont  été  reçus  jusqu'ici  et  qui 
ont  vécu  sous  l'inlluence  des  ministres,  peut  se  mon- 
ter à  un  million.  Feu  M.  Ueichardt,  de  Calcutta,  (pii 
fut  employé  pendant  longtemps  au  service  de  ces 
écoles,  assurait  que,  parmi  tant  de  milliers  de  jeunes 
gens,  cinq  ou  six  seulement  s'étaient  faits  ehrétiens. 
A  Vepery,  faubourg  de  Madras,  où,  pendant  un  siè- 
cle, une  entreprise  de  ce  genre  a  élil  puissamment 
soutenue  par  \z  Société  des  contuiissances  ckrélienns, 
les  résultats  uc  sont  guère  plus  enrourageanls,  non 
plus  qu'à  Tranquebar,  où  les  missionnaires  danois 
ont  des  ('coles  depuis  cent  trente  ans.  Dans  tout  Ma- 
dras, où  les  écoles  sont  fréquentées  par  plusieurs 
milliers  d'indigènes,  on  n'en  compte  (las  plus  d'une 
deuii-douzaine  qui  aient  embrassé  le  christianisme. 
.Vu  collège  anglo-chinois,  élevé  à  grands  frais  à  Ma- 
lacca,  il  y  a  plus  de  vingt  ans,  on  compte  une  ving- 
taine de  conversions.  L'école  établie  à  Calcutta  par 
l' Aiiocialion  (jéiurate  eioss.isc,  et  (|ui,  depuis  six 
ans,  réunit  enviion  quatie  cents  écoliers,  compte 
cinq  ou  six  néophytes;  celle  qui  a  été  fondée  il  y  a 
seize  ans  à  Chitlagong,  et  qui  réunit  plus  de  deux 
cents  élèves,  n'a  vu  jusqu'ici  que  deux  de  ses  éco- 
liers amen  s  à  la  connaissance  de  la  vérité.  A  Arra- 
can,  les  écoles  n'ont  pas  encore  produit  une  seule 
conversion.  Dan»  tout  l'empire  des  Ifirnians,  je  n'ai 
pas  oui  parler  d'un  seul  chrétien  sorti  des  écoles. 
Dans  les  lieux  où  les  écoles  prospèient  le  plus,  un 
nombre  considérable  d'éléves^nt,  à  la  vérité,  aban- 
donné l'idolâtrie,  mais  sans  embrasser  le  christia- 
nisme, et  sont  à  présent  des  inlidéles  entêtés  (concti- 


827 


MIS 


MIS 


828 


led  hifidels),  pires  dans  leurs  coixliiile  que  les  païens  ; 
pliisienrs,  grâce  à  l'édncalion  qu'ils  ont  reçue,  ont 
obtenu  des  "fonctions  et  une  iniluence  dont  ils  se  ser- 
vent contre  la  religion  même  i  (a). 

Il  parait  que  les  distributions  de  livres  n'ont  pas 
été  plus  heureuses  que  les  fondations  d'écoles  ;  voici 
comment  M.  Makolin  s'en  exprime  : 

i  On  n'a  p:i3  imprimé  uu)iiis  de  sept  traductions 
différentes  des  saintes  Ecrilures  en  langue  malaise; 
et  il  parait,  in  outre,  par  un  rapport  du  docteur 
Rliliie,  que,  dés  1  aimée  48:20,  on  avait  dijà  composé 
quarante- deux  autres  ouvrages  cbrétiens  dans  la 
raiMue  langue  :  ils  avaient  été  distribués  par  milliers 
parmi  les  Malais  :  mais  je  n'ai  pas  entendu  parler 
d'un  seul  Malais  converli  dans  loiite  la  presqu'île. 
Pour  ce  qui  concerne  la  distribulion  de  la  Bible  et 
des  traités  religieux,  on  doit  considérer  condiicn  pe- 
tit est  le  nombre  de  ceux  ipii  ont  été  convertis  par 
celle  voie,  en  comparaison  des  sommes  prodigieu>es 
dépensées  [lour  cette  fin.  En  cU'ct,  l'avidité  avec  la- 
quelle nos  livres  de  rcligiiui  sotit  leçus  par  les  païens 
el  les  maliomélans  ne  doit  pas  s'attribuer  au  désir 
de  connaître  la  vérité;  le  pap'er,  les  caractères  im- 
primés, la  foiinc  et  la  couleur  des  livres  sont  pour 
eux  im  objet  de  curiosité  aussi  grand  que  le  serait 
pour  nous  un  manuscrit  sur  des  feuilles  de  palmier. 
Un  missionnaiie  paen,  en  Europe,  qui  distribuerait 
gratuilenieul,  dans  les  rues  de  nos  cités,  des  manu- 
scrits de  ce  genre,  trouverait  plus  d'amateurs  qu'il 
n'en  pourrait  conienter,  et  veriaii  cha(|ue  jour  la 
foule  se  presser  autour  de  lui  jusqu'à  ce  que  la  curio- 
sité s'éleignil  dans  l'abondance.  C'est  ainsi  que,  dans 
l'Arracan,  quel(|iics  milliers  de  traités  religieux  et 
des  portions  de  la  Bible  ayant  éié  distribués  parmi 
les  babilants,  ceux-ci  finireni  par  les  détruire,  sans 
qu'un  désir  sérieux  de  connaître  la  vérité  se  fût  ma- 
■  nifesté  au  milieu  de  cette  innombr.able  multitude.  Les 
Birmans  surtout  sont  attirés  ciiez  les  missionnaires 
par  les  plus  frivoles  motifs;  la  plupart,  sousprétexie 
de  nous  demander  des  livres,  venaient  pluiot  pour 
voir  des  étrangers  et  pour  admirer  le  costume  de  nos 
femmes.  Ils  regardaient  toulefois  avec  étoniiement 
les  livres  que  nous  leur  donnions,  el,  en  essayant 
d'examiner  la  rclure,  ils  les  di*cbiraient  sous  nos 
yeux.  Ce  suit  là  des  faits  dignes  de  ralteution  des 
sniis  iies  nilssions  en  Europe;  il  est  désirable  qu'ils 
pe  se  laissent  pas  induire  eij  erreur  par  les  rappiu  ts 
supei'lîciels  des  missionnaires.  ?.!oi-iueiue,  eu  remon- 
tant l'Irraouaddi  jusqu'à  la  ville  d'Ava,  capitale  des 
Birmans,  je  distribuai  des  traités  religieux  dans  qua- 
tre-vingt-Ueux  villes  et  villages,  et  j'en  fournis  .  six 
cent  cinquante-sept  bateaux,  dont  plusieurs  conle- 
iiaien!  de  quinze  à  trenle  passagers,  outre  ceux  que 
je  faisais  souvent  passer  aux  pei  tonnes  qui  se  iroii- 
vaieiil  sur  le  rivage.  En  général  ces  livres  étaient 
reçus  avec  avidité,  et  la  plupart  de  ceux  qui  en 
avaient  un  en  demandaient  un  aulrc  :  un  grand  nom- 
bre se  jetaient  dans  l'eau  et  nageaient  a  la  suite  du 
bateau  ;  et  souvent,  lorsque  nous  étions  amarrés  au 
rivage,  nous  étions  entourés  d'une  si  grande  multi- 
tude de  sollicilenrs,  que  nous  pouvions  à  peine  man- 
ger et  dormir.  Mais  toutes  ces  démonsirations  étaient 
loin  de  prouver  dans  ce  peuple  le  désir  de  s'initier  à 
la  foi  chielienne,  nos  livres  n'étaient  pour  eux  qu'un 
objet  rare.  A  Sincapour,  où  l'on  a  lait  d'incroyables 
ellbrts  pour  la  distribution  des  livres  et  pour  l'éta- 
blissement des  écoles ,  pas  une  seule  conversion 
n'est  venue  récompenser  tant  de  travaux  et  de  de- 
la)  La  loyauté  qui  doit  présider  aux  disoussions  reli- 
gifU-es  nous  fail  un  'devoir  de  reci.nnailre  (]  le  les  mlssioii- 
iianes  proleslaiils  ,  plus  liciireiix  dans  l'Iude  iiiéndiuii:dp 
y  OUI  réuul  (pielques  cinlauies  de  prosélytes.  Sur  ce 
uonilire  d  tant  compter  plusieurs  famill(>s  callioliipies  de- 
)>iiis  longlemps  déiiussées  p;ir  les  prèires  loriu^.us  et 
lrii|i  |jd)les  pi.ur  se  soutenir  d'ellrs-iur'iiies.   I.u  rc^ie  se 

e pose  de  pari;is  au  service  des  foiicUuuuaires  an,!^l:us, 

ei  dd  iiialhi'ureux  qui  Hçoiveul  le  paiu  des  prédica'uls  ï 
coudiliou  de  le  venir  chercher  au  leinple. 


penses.  Cependant  il  n'est  aucun  point,  dans  tout 
1  Orient,  où  les  livri's  religieux  aient  été  répandus 
avec  une  aussi  grande  [U'ofiision  ;  (ui  en  a  donné  des 
inilli  rs  et  des  dizaines  de  mille;  on  en  a  abomlam- 
mcnt  pourvu,  non-seulement  les  liabiiants  malais, 
mais  encore  ceux  de  Java,  de  Sumalia,  les  Cliiu"is; 
les  musulmans,  les  Arabi's,  les  Télingas,  etc.,  eie. 
Depuis  longtemps  ou  voit  les  dislribulcurs  allant  do 
maison  en  maison,  el  di'bilant  leur  marcbandise  de 
tous  côtés;  d'autre  part  les  ell'orls  pour  établir  des 
écoles  n'ont  pas  manqué  :  tout  est  resté  infructueux. 
Ce  qui  rend  fort  dillieile,  pour  ne  pas  dire  impossi- 
ble, une  traduction  de  nos  livres  (le  religion,  intel- 
ligible pour  les  Malais,  c'est  la  stiuciiire  de  celle 
l.uigue  :  le  malais,  il  est  vrai,  s'apprend  sans  peine  : 
il  n'a  pas  de  sons  difficiles  à  prmionccr  pour  un  Eu- 
ropéen, la  constrnclion  est  exlréinement  simple,  et 
ses  mots  sont  en  petit  nombre;  la  mcuie  expression 
désigne  le  nombre,  le  genre,  les  modes  et  le  lenqis  ; 
ou  se  sert  du  inôiiie  mot  pour  le  subslanlif,  l'adjeclif, 
le  verbe  el  l'adverbe;  les  temps  mêmes  des  verbes 
varient  rarement,  eu  sorte  qu'on  a  bientôt  appris  ce 
qui  est  indispensable  pour  la  conversation  ordinaire. 
.Mais  elle  est  si  pauvre  eu  termes  abstraits,  qu'en 
parlant  ou  en  écrivant  sur  des  questions  religieuses, 
on  ne  peut  éviter  des  expressions  nouvelles,  (lu'une 
longue  habiUide  peut  seule  faire  C(mi|irendre  a  lin- 
lerloculeur.  Dans  la  traduction  des  livres  de  religion, 
il  a  fallu  emprunter  de  nouveaux  mots  a  l'anglais,  au 
grec,  au  portugais  et  surlimt  a  l'arabe.  VValler  i.a- 
milton  ra])porte,  dans  son  journal  [lùisiIndia-Ca- 
zeifei),  (pie,  sur  cent  mots  d  un  livre  de  prières  tra- 
duit en  malais,  on  avait  trouvé  ireiile  termes  polyné- 
siens, seize  sanscrits  el  sept  arabes  :  ce  qui  ne  laissait 
qu'environ  une  moitié  de  mois  proiirement  malais. 
C'est  encore  bien  pis  pour  les  Chinois  :  leur  écriture 
n'(;tant  |);is  alphabéliiîue,  mais  chaque  expression  de 
la  langue  savanle  se  rcprésenlant  par  un  caractère 
particulier,  il  arrive  de  la  qu'il  n'y  a  pas  de  carac- 
tères pour  un  grand  nombre  de  mots  de  nos  langues 
d'Occident.  Il  serait  donc  inqiossible  de  Iraduire  les 
Ecrilures  sainles  ;  or  écrii  dans  la  langue  du  peuple, 
(luoiqu'on  put  peul-élre  les  l'aire  compi'cndie  par  une 
cxplicalion  orale;  d'ailleurs  la  dilVéï'cnce  des  dialec- 
tes fait  (|ue  le  langage  icrit  ne  peut  cire  compris  par 
la  plupart  de  ceux  'pii  savent  lire,  et  qui  ne  forment 
pas  la  ([iiarantième  partie  de  la  |iopulalion.  On  de- 
mandera peut-être  pourquoi  l'on  ne  iraduii'ait  pas  les 
Ecritures  dans  les  dillérenls  dialectes  parlés?  la  rai- 
son en  est  simple  :  c'est  qu'il  n'y  a  pas  de  caraclèies 
spéciaux  pour  la  pliipart  de  ces  dialectes;  et  quebpie 
étrange  ipie  celle  assertion  puisse  paraître,  il  y  a 
une  niulliluile  demolsdans  le  langage  ordinaire  (pi'on 
ne  peut  exprimer  par  écrit.  Il  est  pénible  de  voir  (pie, 
malgré  l'ii.edicacite  et  rinutilité  de  ces  traductions, 
la  seule  version  de  la  Bible  en  chinois  ail  coûté  plus 
de  cent  mille  dollars  (environ  ciiK|  cent  vingt  mille 
francs).  Crpeiidani,  malgré  ces  dillicultés,  il  y  a  quel- 
que chose  d'inexplicable  dans  la  stérilité  des  luissions 
protestantes;  car  les  missionnaires  caiholiipies,  avec 
de  très-faibles  ressources,  ont  obtenu  beaucoup  plus 
de  succès;  ils  ont  fait  un  grand  iiimibie  de  |irnsé- 
lytes;  leur  culie-est  devenu  populaire,  et  partout  il 
excite  ralteution  publique.  Ne  pourrait-il  pas  se  faire 
que  la  surabondance  des  moyens  possédés  par  les 
missionnaires  protestants,  leur  richesse  même  et  leur 
grandeur  apparente,  fussent  quelques-uns  des  prin- 
cipaux obstacles?  Ils  ne  sont  pas  placés  au  niveau 
des  peuples  auxquels  ils  s'adressent;  il  ne  peutjainais 
exister  assez  de  familiarité  entre  eux  et  la  foule  pour 
attirer  la  confiance,  la  sympathie  nécessaire  pour 
faire  une  forte  impression  sur  les  esprits.  A  Sinca- 
pour, par  exeii'ple,  où,  comme  on  l'a  dit  plus  haut, 
on  a  lait  des  ell'orts  extraordinaires,  on  n'a  pu  jiis- 
(|u'a  |uésent  convertir  un  seul  Malais  à  la  religion  ' 
prolestanle;  tandis  que  les  missionnaires  catholiipjes  ; 
y  ont  deux  églises,  ont  opéré  nombre  de  conver- 
sions parmi  les  Malais,  les  Chinois  cl  autres,  el  réii- 


K9  MIT 

nissent  tous  les  dimaiKhes  à  leurs  églises  un  concours 
considérable  d'iioninics  de  toutes  les  religions. 
Quelles  peuvent  être  les  raisons  de  cene  dilTérence 
iliins  les  travaux  des  nos  et  des  auircs'.'  Voici  celles 
qui  se  présentent  à  mon  esprit  (dit  toujours  M.  Mal- 
colnij  :  les  missionnaires  papisics  dans  llndc  sont, 
en  général,  gens  de  bonnes  mu'urs;  ils  vivent  d'une 
nianicre  beaucoup  plus  liunddc,  ils  se  ni.leiit  plus 
volontiers  avec  le  peuple;  leurs  houiuaires,  autant 
que  j'ai  pu  l'apprendre,  ne  sont  ipie  de  cent  piastres 
par  an,  et,  n'étant  pas  mariés,  ils  savent  vivre  de 
peu.  t 

I  M.  Malcolm  (ajoute  le  rédacteur  du  Journal)  au- 
rait pu  ajouter  ipic  les  inissionuaires  catholiques  ne 
laissent  apris  eux  ni  veuves,  ni  orplielins,  pour  ab- 
sorber les  contrilnilions  iloniices  (..NpiessiMiunt  pour 
le  soutien  des  luisslonuairi's  actuels  travaillant  à  la 
conversion  des  paysans.  Saint  l'aul,  ccrivant  aux 
premiers  chrétiens,  qui  se  trouvaient  dans  nue  posi- 
tion à  peu  près  semblable  à  ccll<'  de  nos  mission- 
naires vivant  au  milieu  des  peuples  d'Orient,  leur 
disait  :  —  Ji;  désire  vous  voir  dégagées  de  sollicitudes; 
celui  qui  n'est  point  marié  s'oceep'  du  soin  des  cho- 
ses du  Seigneur,  et  de  ce  qu'il  (ioil  faire  pour  plaire 
à  Dieu;  mais  l'bomuu'  marié  s'occupe  des  choses  du 
monde  et  de  ce  qu'il  doit  laiie  pour  plaire  à  sa  fem- 
me: il  est  p  iriagc  (/  Cori  lit.,  vu).  Les  missionnaires 
protestants  ne  pourraieut-ils  pas  se  soumettre  à  la 
vjc  de  privation,  d'almégatinn  et  de  mortification 
qu'embrassent  avec  tant  de  joie  les  missionnaires  ca- 
tholiques? I 

MITRE,  ornemont  de  tôle  que  portenl  ios 
évêques,  lorsi|u'ils  ot'licCnt  i  oiitiiicaieini'iit. 
M.  Languet,  d;in.s  .s;i  Réfutation  de  D.  Claude 
ds  Vert,  convient  ijii'ii  est  ass>'Z  'iillicile  de 
découvrir  en  quel  teinji.s  celle  osiièce  de 
l)Otinet  a  reçu  la  fm-me  qu'on  lui  donne  au- 
jourd'hui; il  pense,  avec  be.iucoup  de  vrai- 
semblance, que  cet  onieineiit  a  succédé  aux 
couronnes  (pie  port,iiei;t  aulrelois  les  évo- 
ques el  les  jîrèlies  dans  ieuis  fonctions.  11 
est  p.'irl-.  de  ces  Cduronnes  dans  l'Apoca- 
lypse, c.  IV,  v.  'i-  ;  ilans  tùiséhe,  IJist.  Ecclc's., 
•  X,  c.  IV,  et  dans  plusieurs  autres  auleufs 

?  lus  récents.  Ycritahlc  esprit  de  l'Eglise  dans 
usage  de  ses  cérémonies,  §  35,  p.  284. 
Comme    le    sacerdoce    est    comparé  h  la 
royauté  dans  l'Ecriture  sainte,  il   n'est  pas 
étoiuianl  que,   dans   les  fonctions   les   plus 


MO^  830 

le-;  (irnements  pontiticaux,  il  n'est  point  fait 
mention  de  la  mitre,  non  plus  tjue  dans  d'au- 
tres manuscrits  :  Amalaire,  Haban-Maur, 
Alcnin,  ni  les  autres  anciens  auteurs  qui  ont 
traité  îles  rites  ecclésiastiques,  ne  (larlent 
point  de  cet  ornement.  C'est  peut-ôtre  ce  qui 
a  l'ait  dire  à  Onuphre,  dans  son  Explication 
des  termes  obscurs  <\m  est  la  fin  des  Vies  des 
pa[ies,  que  l'usage  des  mitres,  dans  l'Eglise 
romaine,  ne  remontait  pas  au  delîtdesix  cents 
ans.  C'est  aussi  le  sentiment  ilui)ère  Ménard, 
dans  ses  Notes  sur  le  Sacramentaire  de  saint 
Grégoire.  Mais  le  père  Marteiuie,  dans  son 
Traité  des  anciens  rites  de  l'Eglise,  dit  (ju'il 
est  constant  que  la  mitre  a  été  à  l'usage  des 
évéques  de  J.'rusalem,  successeurs  de  saint 
Jacques;  on  le  voit  par  une  lettre  de  Théo- 
dose, patriarche  de  Jérusalem,  à  saint  Ignace, 
patiiarclie  de  Conslantinople,  qui  fut  produite 
dans  le  viii"  concile  général.  Il  est  encore 
certain,  ajoute  le  mt^me  auteur,  que  1  usage 
des  mitres  a  eu  lieu  dans  les  Eglises  d'Occi- 
dent, longtemps  avant  l'an  1000;  il  est  aisé 
d  ■  le  prouver  par  une  ancienne  figure  de 
saint  Pierre,  qui  est  au  devant  de  la  porte 
du  mouistère  de  Corlue,  et  qui  a  plus  de 
mille  ans,  et  par  les  anciens  portraits  des 
papes  que  les  bollandistes  ont  rap(>ortés. 
■l'héodul|)he,  évoque  d'Orléans,  fait  aussi  men- 
tion de  la  mitre  dans  unedeses  poésies,  où  il 
dit  en  parlant  d'un  évéque  :  lllius  ergo  caput 
resplcndens  mitra  tegebat.  Ainsi,  continue  le 
j)ère  .ilarleniie,  pour  concdier  les  divers  sen- 
timents sur  celle  matière,  il  faut  dire  que 
l'usage  des  mitres  a  loujoui  s  été  dans  l'Eglise, 
mais  qu'autrefois  tous  les  évêques  ne  la  por- 
taient pas,  s'ils  n'avaient  un  privilège  parti- 
culier du  pai  e  à  cet  égard.  Dans  quelques 
catliédrales,  on  voit  sur  des  tombes  des  évo- 
ques repré.sentés  avec  la  crosse,  sans  mitre. 
D.  iMabillon  et  d'autres  prouvent  la  même 
clMs.e  p.iur  l'Eglise  d'Occident  et  jiour  les 
évoques  d'Orient,  excepté  les  patriarches. 
Le  Père  Coar  et  le  cardinal  Bona  en 
disent  autant  à  l'égard  des  Grecs  mo- 
dernes, 
augustes  du 'culte   divin,   les  nrétros  a'ieiit         D,in>  la  suite,  en  Occident,   l'usage  de  la 


porté  uu  des  j fincipaux  ornements  des  rois. 
Le  souverain  pontiie  îles  Juifs  avait  sur  sa 
tète  une  tiare,  en  hébreu  mitsncphet, qui  signi- 
fie une  ceintiu'e  de  tèle  ;  et  les  prôtri'S  por- 
taient aussi  beu  que  lui  une  milre  migba  liât, 
qui  signiiie  un  bonnet  élevé  en  pointe,  au- 
tour duquel  étaient  des  couronnes  (  Exod. 
x\ix,  G  et  9;  xxxix,  26  ).  La  ti  ne  étaitaussi 
l'ornemeiit  des  rois  (  /soi.  lxii,  3  );  et  il  pa- 
raît que  la  mitj-e  devint  dans  la  suite  une 
coitlure  des  feuuues.  Juditii,  c  x,  v.  3,  mit 
itne  mitre  sur  sa  tète  ()0ur  aller  se  présenter 
hHolopherni'.  Un  voyage  ur  moderiîe  nous 
apprend  (jue  les  feuuues  druses,  ces  monta- 
gnes de  Syrie,  portent  encore  aujourd'hui  uni! 
coill'ure  en  cène  d'argent,  qu'elles  nomment 
tantoura,  el  qui  est  proluiblcment  la  wu'/rc  de 
Judith.  Les  dames  fraisçaises  qui  suiviient 
les  croisés,  prirent  sans  doute  du  goût  pour 
cette  coiirure,  puisqu'elle  élail  en  us,igi'  en 
France  au  xv'  siècle.  —  Dans  un  ancien  poii- 
tilical  de  Cambrai,  qui  faille  détail  de  tous 


mitre  est  non-seuiement  devenu  commun  à 
tous  les  évêques,  mais  ii  a  élé  accordé  iaik 
abbés.  Le  pa,  e  Alexandre  11  l'accorda  à  l'abbé 
de  Cantorbéry  et  à  d'autres  ;  Urbain  11,  à  ceux 
du  iMont-Cass.n  et  de  Clutiy.  Lis  chanoines 
de  l'iiglise  de  Besnnç  lU  portent  le  rochet 
comme  les  évoques,  et  la  mitre  lorsqu'ils  of- 
licienl.  Le  célébrant,  le  diacre  et  le  ^ous- 
diacre  prirtent  aussi  la  mitre  dans  les  églises 
de  Lyon  et  de  .Mâcon  ;  il  en  est  de  même  du 
prieur  et  du  chantre  de  Notre-Dame  de  Lo- 
ches, etc.  La  forme  de  cet  ornement  n'a  [)as 
toujours  été  la  même  ;  les  mitres  ([ue  l'on 
voit  sur  un  tombeau  d'évêques,  i\  saint  Rcmi 
de  Keims,  ressemblent  plus  à  unecoiife  qu'à 
un  bonnet.  La  couronne  lU  roi  Dagobert 
sert  de  mitre  aux  abbés  de  Munster,  'y'og. 
ll.uii  rs  sAcuÉs. 

MITTI'NTKS.  Voy.  Lapses. 

ÂiOABlTES.  De  l'inceste  de  L  .1  avec  sa 
lille  amce  naquitun  tilsnoinuié  Moab;  IvsMoa'- 
bites,  ses  descendants,  étaient  places  à   l'o- 


851 


MŒL 


MŒ\] 


833 


rient  de  la  Talestine.  Quoique  descendus  de 
la  famille  d'Ahrahnin,  aussi  bien  que  les 
Israélites,  ils  furent  tonjoui's  leurs  ennemis. 
Cependant  Moïse  défendit  à  son  peuple  de 
s'emparer  du  pays  des  Moabitcs,  parce  que 
Dieu  leur  avait  donné  les  terres  dont  ils 
étaient  en  possession  {Deut.  ii,  9  ).  Trois 
cents  ans  a].irès  cette  défense,  Jephté  jiro- 
tcstait  encore  que  les  Israélites  n'avaient  en- 
valii  aucune  partie  du  terrain  des  Moabites 
(Juclic.  XI,  15  ).  Moïse  ne  pouvait  donc  avoir 
aucun  motif  de  forger  une  fable,  ]iour  noter 
d'infamie  l'orii^ine  de  ce  peuple,  comme 
quelques  incrédules  l'en  ont  accusé  :  celle 
des  Israélites  était  marijuée  de  la  même  tache 
par  l'inceste  de  Juda  avec  sa  bru.  ^Dans  la 
suite  les  Moabilcs  furent  vaincus  et  assujettis 
par  David  ;  il  les  rendit  trijjulaires,  mais  il  ne 
les  dépouilla  pas  de  leurs  possessions  (  // 
Rcrj.  vni.  2  ).  Il  dit,  Ps.  lis,  v.  10,  Moah  olla 
spei  meœ;  et  Ps.  cvii,  v.  10,  Moah,  Icbcs  spei 
ineœ  ;  il  fallait  traduire,  sccundum  spem  meam  : 
«  Moab,  selon  mon  espérance,  n'esl  (ju'un 
vase  fragile,  que  je  briserai  aisément.  »  Il  y 
a  dans  l'hi-breu  :  Moab  olla  lotionis  meœ. 
«Moab  est  un  vase  aussi  fragile  que  celui  dans 
lequel  je  me  lave.  »  Jérémie,  c.  xlviiî,  v.  42, 
avait  prédit  la  destruction  des  MouUUes  ;  il 
parait  qu'eu  elfet  ils  furent  exterminés  par 
les  Assyriens,  aussi  bien  que  les  Ammonites  : 
il  n'en  est  plus  parlé  depuis  la  captivité 
de  Babylone. 

îviOEURS.  Un  des  paradoxes  que  les  in- 
crédules ont  soutenu  de  nos  jours  avec  le 
plus  d'opiniâtreté,  e^t  que  la  religion  ne 
contribue  en  rien  à  la  pureté  des  mœurs,  que 
les  opinions  des  hommes  n'inlluent  en  aucune 
manière  sur  leur  conduite.  Dans  ce  cas,  nous 
ne  voyons  jias  par  quel  motif  les  philosophes 
peuvent  être  poussés  h  enseigner  avec  tant 
de  zèle  ce  qu'ils  appellent  la  vérité.  Si  les 
opinions  et  les  dogmes  ne  servent  à  rien 
pour  régler  la  conduite,  que  leur  importe  de 
savoir  si  les  hommes  sont  croyants  ou  incré- 
(iules,  chrétiens  ou  athées  ?  11  est  aussi  ab- 
surde de  prêcher  l'impiété  que  d'enseigner 
la  religion.  Pour  sentir  la  fausseté  de  leur 
maxime,  il  sufiit  de  comparer  les  mœurs 
(ju'ont  eues,  dans  les  divers  Ages  du  monde, 
les  auorateurs  du  vrai  Dieu,  avec  celles  des 
nations  livrées  au  polythéisme  et  îi  l'idolà- 
trie.  Le  livre  de  la  Genèse  et  celui  de  Job 
sont  les  seuls  ciui  puissent  nous  donner  quel- 
que lumière  sur  ce  point  d'histoire  ancienne, 
il  y  a  certainement  Ijien  de  la  diflerence  en- 
Ire  les  mœurs  des  patriarches  et  celles  que 
l'Ecriture  sainte  nous  montre  chez  les  Egyp- 
tiens et  chez  les  Chananéens.  Abraham  se 
rendit  vénérable  jiarmi  eux,  non-seulement 
par  ses  richesses  et  sa  pi'ospérité,  mais  en- 
core par  la  ilouceur  et  la  régularité  de  ses 
mœurs,  par  sa  justice,  son  désintéressement, 
son  humanité  env,  rs  les  étrangers,  par  sa 
fidélité  il  tenir  sa  parole  ,  par  son  lespcct  et 
sa  soumission  envers  la  Divinité.  Nous 
voyons  (;lus  de  vertu  dans  sa  fiunille  que  dans 
celle  de  Lalian,  qui  cmruuençait  à  être  infec- 
tée du  i)olythf'isme.  L'histoire  y  remarque 
aussi  des  crimes,  mais  ils  n'y  furent  pas  fré- 


quents ;  si  les  enfants  de  Jacob  )3araissaient 
avoir  été,  pour  la  plui>art,d'un  assez  mauvais 
caractère,  c'est  (pa'ils  (Haient  nés  et  avaient 
été  élevés  d'aboid  dans  la  famille  de  Laban. 
Les  exemples  de  dépravation  qu'ils  virent 
ensuite  en  Egypte  n'étaimt  pas  fort  propres 
<i  les  rendre  fidèles  aux  anciennes  vertus  de 
leurs  ]ières. 

Job  fait  rénumération  de  plusieurs  crimes 
communs  chez  les  Iduméens  parmi  lesquels 
il  vivait,  et  qui  adoraient  le  Sûleil  et  la  lune  ; 
il  se  félicite  d'avoir  su  s'en  préserver,  c.xxxi. 
Les  histoires  des  Chinois,  des  Indiens,  des 
Grecs  et  des  Romains,  s'accordent  à  nouspein- 
ilre  toutes  les  premières  peu|ilades  comme 
des  hor  les  de  sauv:ges  plongées  dans  l'i- 
gnorance et  dans  la  barbarie,  et  qu'il  a  fallu 
civiliser  peu  à  peu;  l'on  sait  quelles  sont 
les  mœurs  des  hommes  dans  cet  élat  déplo- 
lable.  Jamais  les  familles  patriarcales  n'y  ont 
été  i'éduites;  Dieu  y  avait  pourvu,  en  accor- 
dant plusieurs  siècles  de  vie  aux  chefs  de  ces 
familles  :  ils  avaient,  par  ce  moyen,  l'avan- 
tage de  pouvoi'  iii'^tnnre  et  morigéner  leurs 
descendants  jusqu'à  la  douzième  ou  h  la  quin- 
zième génération.  L'on  nous  olijectera  peut- 
êtreque, s  donnons,  toutesles  anci  unes  peu- 
plades connaissaient  cependant  le  vrai  Dieu  et 
i'a-ioraient,  puisque  le  polythéisme  n'est  pis 
la  religion  prinntive.  Elles  le  connaissaient 
sans  doute  ;  mais  nous  n'en  voyons  aucune 
qni  l'ait  adoré  seul,  comme  faisaient  les  pa- 
triarches. Voy.  Dieu,  §  5. 

!  a  révélation  donnée  aux  Hébreux  par  le 
ministère  de  îâoïse  jirésente  ruie  seconde 
éjioquesons  laquelle  nous  trouvons  le  même 
p'iénomène  à  l'égard  des  mœurs.  Le  tableau 
qu>  l'abbé  Fleuryatracé  de  celles  des  Is- 
raélites est  très-difféient  de  ce  qui  se  passait 
ciiez  les  nations  idolâtres,  et  de  la  peinture 
que  Moïse  lui-même  a  faite  de  la  coiTuption 
des  Cliaiianéens.  On  ne  peut  cependant  pas 
accuser  ce  législateur  d'avoir  exagéré  leurs 
crimes,  pour  fourrnr  à  sa  nation  un  prétexte 
lie  les  exterminer  :  ce  soupçon,  hasardé  par 
les  incrédules,  est  démontré  faux.  En  elfet. 
Moïse  avertit  son  peuple  qu'il  tombera  dans 
les  mêmes  désordres,  toutes  les  fois  qu'il 
voudra  lier  société  avec  ces  nations  ;  et  la 
suite  des  événements  n'a  que  trop  confirmé 
sa  prédiction.  Lorsque  ce  malheur  est  arrivé, 
les  prophètes  n'ont  jamais  manqué  de  repro- 
cher aux  Israélites  que  leurs  dérèglements 
étaient  l'elfet  des  exemples  que  leur  avaient 
donnés  leurs  voisins,  et  de  la  fureur  qu'ils 
avaient  de  les  imiter.  Ainsi,  les  déclamations 
mêmes  que  les  incrédules  ont  faites  sur  les 
vices  énormes  des  Juifs  sont  une  preuve  de 
la  dépravation  des  idolâtres,  puisque  les 
Juifs  ne  les  ont  contractés  (jue  ]iar  imitation, 
et  que  tous  ces  désordres  leur  étaient  sévè- 
rejnent  défendus  par  IcLirs  lois.  L'auteur  du 
livre  de  la  Sagesse  observe,  avec  raison, 
que  l'idolAtrie  était  la  source  et  l'assemblage 
do  tiHis  les  crimes  (Sap.  xiv,  23).  Ceux  qui 
voudraient  en  douter  peuvent  s'en  convain- 
cre eu  lisant  ce  que  les  auteurs  profanes  ont 
dit  des  mœurs  des  dilférentes  nations  connues 
à  l'époque  de  la  naissance  du  christianisme. 


83 


sita:ii 


M(*:u 


854 


Les  apoliigistes  de  notre  religion  n'ont 


IIMS 


nian(jué  de  rassembler  ces  preuves,  pour 
démontrer  le  besuin  qu'il  y  avait  d'une  ré- 
forme dans  les  mœurs  do  tous  les  peuples  , 
lorsque  Jésus-Christ  est  venu  sur  la  terre.  Les 
poètes,  les  historiens,  les  philosophes,  ont 
tous  contribué  sans  h;  vouloir  à  charger  les 
traits  du  tableau.  C'est  surtout  à  cette 
troisième  épotpie  de  la  révélation  que 
l'inlluence  de  la  religion  sur  les  mœurs 
a  été  rendue  ])alpable  ])ar  la  révolution 
que  le  christianisme  a  produite  dans  les 
lois  ,  k's  coutumes  ,  les  habitudes  des 
divers  peuples  du  monde.  S'il  n'avait 
pas  fallu  refondre,  en  qnchpie  manière,  l'hu- 
manité pour  établir  l'iivangile,  ses  premiers 
prédicateurs  n'auiaiont  pas  éprouvé  tant 
<_!(!  résistance.  Nous  ne  renverrons  les  incré- 
dules ni  au  témoignage  des  Pères  de  l'Eglise, 
ni  ;  ux  rétlexions  di'  lîossuet  dans  son  Dis- 
cours sur  l'histoire  universelle,  ni  au  livre 
de  l'abbé  Fleury  sur  les  Mœurs  des  clire'tiens  : 
tous  ces  titres  leur  sont  suspects.  Mais  récu- 
seront-ils la  déposition  des  ennemis  même 
de  notre  religion,  de  Pline  le  Jeuue,deCelse, 
de  l'empereur  Antonio,  de  Julien,  de  Lucien, 
etc.,  et  le  témoignage  qu'ils  ont  été  forcés  de 
rendre  de  la  pureté  des  mœurs  et  do  l'inno- 
ceiico  de  la  conduite  de  rcux  qui  l'avaient 
embrassée  ? 

Plme,  d;ins  sa  célèbre  lettre  à  Trajan,l.  10, 
lettre  97,  atteste  que,  soit  par  la  conléssion 
des  chrétiens  ([u'ii  a  fait  mettre  à  la  toiture, 
soit  par  l'aveu  de  ceux  qui  ont  apostasie  , 
il  n'a  rien  découvert,  sinon  que  li's  chrétiens 
s'assemblaient  eu  secret  [lour  honorer  Clirist 
comme  un  Dieu;  (pi'ds  s'obligeaient  par 
serment,  non  à  couuneltre  des  crimes,  mais 
à  s'abstenir  du  vol,  du  brigandage,  de  l'a- 
dulière,  de  manquer  il  leur  parole,  de  nier 
un  dépôt  ;  qu'ils  prenaient  ensemble  un  re- 
pas innocent,  et  qu'ils  avaient  cessé  leurs 
assemblées  depuis  qu'elles  étaient  défendues 
par  un  édit.  Celse  avoue  qu'U  y  avait  parmi 
les  chrétiens  des  hommes  modérés,  tempé- 
rants, sages,  intelligents;  il  nuleurre|iroclie 
point  d'autre  crime  (pie  le  refus  d'adorer  les 
dieux,  de  s'assembler  malgré  les  lois,  de 
chercher  à  persuader  leur  doctrine  aux  jeu- 
nes gens  sans  expérience  et  aux  ignorants. 

L'empereur  Antonin ,  dans  son  rescrit 
aux  Etats  de  l'Asie,  reproche  aux  païens,  obs- 
tinés à  persécutei-  les  chrétiens,  (]ue  ces 
hommes  dont  ils  deuiandent  la  mort  sont  plus 
vertueux  ([u'eux  ;  il  rei.d  justice  à  l'inno- 
cence, au  caractère  paisible,  au  courage  des 
chrétiens  ;  il  défend  de  les  mettre  .\  mort 
pour  cause  de  religion.  Saint  Justin,  Apot.  1, 
n.()9,'70;  Eusèbe,  Hist.  ccclcs.,  I.  iv,  c.  xiii. 
Parmi  les  divers  édits  qui  furent  portés  con- 
tre eux  par  les  empei-eurs  suivants,  y  en  a-t- 
il  un  seul  qui  les  accuse  de  quelque  crime  ? 
On  n'a  pas  encore  pu  en  citer.  11  y  a  plus  : 
Julien  est  forcé  défaire  leur  élogedaus  plu- 
sifurs  di.'  ses  lettres.  Il  reiiroclie  aux  païens 
d'être  moins  cliarit;d)les  et  moins  vertueux 
que  les  Galiléens.  11  dit  que  Uur  impiété 
s'est  accréditée  dans  le  monde  par  l'hospi- 
talité, par  le  si)iu  «l'enterrer  les   morts,   par 


une  vie  réglée,  par  l'apparence  de  toutes  les 
vertus.  «  Il  est  honteux,  dit-il,  (jue  les  impies 
Galiléens,  outre  leurs  pauvres,  nourrissent 
encore  les  nôtres,  que  nous  laissons  manquer 
de  tout.  »  11  aurait  voulu  introduire  pai'iui 
les  prêtres  païens  la  même  discipline  et  la 
même  régularité  de  conduite  qui  régnait 
parmi  les  jirêtres  du  christianisme.  Lett.  SI, 
(lArsaee,  etc.  Lucien,  dans  son  Uisloirede  la 
mort  de  Péréqrin,  rend  justice  à  la  charité, 
à  la  fraterniti^  au  courage,  à  l'innocence  des 
mœurs  des  chrétiens.  »  Ils  rejettent  con- 
stamment, dit-il,  les  dieux  des  Grecs  ;  ils 
n'adorent  que  le  sophiste  (jui  a  été  crucilié  ; 
ils  règlent  leurs  mœurs  et  leur  conduite  sur 
ses  lois  ;  ils  méprisent  les  biens  de  la  terre  , 
et  les  mettent  en  commun.  » 

Parmi  les  ïragments  qui  nous  restent  des 
écrits  de  Porphyre,  d'Hiéroclès,  de  Jamhlique 
et  des  autres  [)liilosophes  enn  mis  du  chris- 
tianisme, et  dans  tout  ce  qu'en  ont  dit  les 
Pères  de  l'Eglise,  nous  ne  trouvons  rien  qui 
nous  apprenne  que  ces  philosophes  ont 
blâmé  les  mœurs  ues  chrétiens;  ils  ne  leur 
reprochent  que  leur  aversion  pour  le  culto 
des  dieux  du  paganisme. 

Y  avait-il  donc  quelque  autre  attrait  que 
celui  de  la  vertu  qui  pût  engager  un  iiaïen 
à  embrasser  le  christianisme  ?  Si  l'on  veut 
comparer  le  génie,  la  croyance,  les  pratiques 
du  ])agaiiisirie,  avec  l'Evangile,  on  sentira 
que,  pour  changer  de  religion,  il  fallait  qu'il 
se  fit  le  plus  grand  changement  dans  l'esprit 
et  dans  le  cœur  d'un  converti.  Quels  funestes 
eifets  ne  devait  pas  produire  sur  les  mœurs 
une  religion  qui  enseignait  aux  païens  que 
le  monde  était  gouverné  par  une  multitude 
de  génies  vicieux,  bizarres,  capricieux,  très- 
jieu  d'accord  entre  eux,  souvent  ennemis 
déclarés,  qui  ne  tenaient  aux  lioinmes  au- 
cun compte  des  verlus  morales,  mais  seu- 
lement de  l'encens  et  des  victimes  qu'on 
le.ir  otfrail  ?  Aussi  le  culte  qu'on  leur  ren- 
dait était-il  purement  extérieur  et  merce- 
naire. Ou  demandait  aux  dieux  la  santé,  les 
richesses,  la  prospérité,  l'exemption  de  tout 
malheur,  souvent  le  moyen  de  satisfaire  une 
passion  criminelle.  Les  philosophes  avaient 
décidé  que  la  sagesse  et  la  vertu  ne  sont 
])oint  un  don  de  la  Divinité,  mais  un  avan 
tage  que  1  homme  peut  se  donner  à  lui- 
niemr.  Les  vœux  injustes,  l'impudicité  ,  la 
divination,  les  augures,  la  magie,  l'etl'usion 
du  sang  humain,  faisaient  partie  de  la  reli- 
gion. Celle-ci,  loin  dérégler  les  mœws,  était 
au  contraire  l'ouvrage  de  la  dépravation  des 
mœurs.  Voij.  Paganisme,  §  6. 

L'Evangde  apprit  aux  hommes  qu'un  seul 
Dieu,  inlimiuent  saint, juste  et  sage,  gouverne 
seul  le  monde,  eliju'ii  l'a  créé  par  sa  parole; 
([u'il  est  incapable  de  laisser  le  crime  impuni 
et  la  vertu  sans  récompense  ;  qu'il  sonde  les 
esprits  ei  les  cœurs;  qu'il  voit  non-seulement 
toutes  nos  actions,  mais  nos  pensées  et  nos 
désirs;  que  son  cuite  ne  consiste  point  eu  .t., 
vaines  cérémonies,  mais  dans  les  sentiments 
de  respect,  de  reconnaissance,  d'amour,  de^ 
conhance,  de  soumission  à  ses  lois,  de 


gnation  à  ses  ordres  ;  qu'il  veut  que  Aiyt 


-^ 


83K 


MŒV 


MOEU 


836 


l'aimions  sur  toutes  choses,  et  le  prochain 
comme  nous-mêmes.  Il  enseigne  que  la  cha- 
rité est  la  plus  sublime  de  toutes  les  vertus; 
2u'un  verre  d'eau  donné  au  nom  de  Jésus- 
hrist  ne  demcurr'ra  pas  sans  récompense  ; 
qu'il  faut  bénir  la  Providence  dans  1rs  afflic- 
tions, parce  qu'elles  expient  le  péché,  répri- 
ment les  passions,  purifient  la  vertu,  nous 
rendent  sensibles  aux  souffrances  de  nos 
semblables;  que,  pour  être  agréable  à  Dieu, 
il  faut  êlre  non-seulement  exempt  de  crime, 
mais  orné  de  toutes  les  vertus,  et  quf  c'est 
Dieu  qui  nous  rend  vertueux  par  sa  grAce. 
Dès  ce  moment  l'on  cessa  de  regarder  les 
pauvres  comme  les  objets  df  la  colère  divine, 
et  l'im  comprit  que  c'était  un  devoir  do,  les 
assister.  11  n'y  eut  jjIus  de  distinction  entre 
un  Grec  et  un  barbare,  entre  un  Romain  et 
un  étranger,  entre  un  juif  et  un  gentil.  Tous 
rassemblés  aux  pieds  d'un  même  autel,  a;l- 
mis  à  la  ménie  table,  honorés  du  même  titre 
d'enfants  de  Dieu,  scntu-ent  qu'ils  étaient 
frères.  Alors  coumiença  d'éclnre  l'héroïsme 
de  la  charité  ;  dans  les'  calamités  publiques 
on  vit  les  chrétiens  se  dévouer  à  soulager 
les  malades,  les  léiireux,  les  pestiférés,  sans 
distinction  entre  les  lidèles  et  les  infiilèles; 
on  en  vit  qui  vendirent  leur  propre  liberté 
pour  racheter  celle  d'autrui.  Saint  Clément, 
Ep.  1,  n.7. 

Suus  le  paganisme,  la  condition  des  es- 
claves était  h  peu  près  la  même  que  celle 
des  bêtes  de  somme;  quand  ils  furent 
baptisés,  on  se  souvint  que  c'étaient  des 
hommes,  et  qu'il  y  avait  de  l'inhumanité  à 
les  tiaitcr  comme  des  brutes;  qu'ils  n'étaient 
pas  faits  pocn-  repaître  du  speclacle  de  leur 
mort  les  yeux  d'un  peuple  rassemblé  dans 
l'ampliithéàtre,  ni  [lour  périr  par  la  faim, 
lorsqu'ds  étaient  vieux  ou  malades.  La  poly- 
gamie et  le  divorce  furent  proscrits  ou  ré- 
primés; on  mit  des  bornes  à  la  puissance 
paternelle,  le  soit  des  enfants  devint  certain; 
il  ne  fut  plus  peimis  de  les  tuer,  de  les 
vendre,  de  les  cxp.ser,  de  destiner  les 
uns  h  l'esclavage  ot  les  aidres  à  la  prosti- 
tution. 

Le  despotisme  des  emoereurs  avait  été 
porté  aux  derniers  excès  ;  Constantin  ne  fut 

f)as  plutôt  chriHien,  qu'il  le  borna  par  des 
ois  :  les  guerres  civiles,  presque  inévitables 
h  cliaque  mutation  de  règne,  n'eurent  plus 
lieu;  les  empereurs  ne  furent  plus  massacrés, 
ni  les  provinces  livrées  au  pillage  des  ar- 
mées. «  Nous  devons  au  christianisme,  dit 
Montesquieu,  dans  le  gouvernement  un 
ce.'ta.n  droit  [lolitique;  dans  la  guerre,  un 
certain  droit  d.'S  gens,  que  la  nature  humaine 
ne  saurait  assez;  reconnaître.  »  Esprit  des 
lois,  1.  KXiv,  c.  III.  Ajoutons  que  nous  lui 
devons,  dans  la  société  civile,  une  douceur 
de  commerce,  une  contianc  ■  mutuel  e,  une 
décence  et  une  liberté' qui  ne  se  trou  vent  nulle 
part  ailleurs,  et  dont  nous  ne  sentons  le 
prix  (jue  quand  nous  avons  comparé  nos 
mainrs  avec  celles  des  nations  infidèles.  Celte 
réviilutioii  ne  s'est  pas  faite  chez  une  ou 
deux  nilions,  mais  d  tus  tons  les  climats, 
dans  la  (jrece  et  eu  Italie,  sur  les   côtes  et 


dans  l'intérieur  de  l'Afrique,  en  Egy|)te  et 
en  Arabie ,  chez  les  Perses  et  chez  les 
Scythes,  dans  les  Gaules  et  en  Germanie; 
partout  où  le  christianisme  s'est  établi,  tôt 
ou  tard  il  a  produit  les  mêmes  effets.  On 
dira,  sans  doute,  que  ce  phénomène  n'a  été 
que  passager,  qu'insensibh'inent  les  nations 
chrétiennes  sont  retombées  à  peu  près  dans 
le  môme  état  où  elles  étaient  sous  le  paga- 
nisuie.  C'est  de  quoi  nous  ne  conviendrons 
jamais,  quoi  qu'en  disent  quelques  mora- 
listes utr.ihilaires,  qui  ne  se  sont  pas  donné 
la  peine  d'examiner  de  près  les  mœurs  des 
païens  anciens  ou  moilernes. 

Nous  convenons  que  l'inondation  des  Bar- 
bares, au  V'  siècle  et  dans  les  suivants,  lit 
une  révolution  t'icheuse  dans  la  religion  et 
dans  les  tnœurs.  >,!ais  enfin,  le  christianisme 
apprivoisa  peu  à  peu  ces  conquérants  fa- 
rouches; et  lorsque  cet  orage,  qui  a  duré 
pendan!  plusieurs  siècles,  a  été  passé,  cette 
même  l'eligion  n  réparé  insensiblement  les 
ravages  qu'il  avait  causés.  Les  Scythes  ou 
Tartares,  répandus  en  Ori'nt,  embrassèrent 
le  maliométisiiie  ;  ils  ont  conservé  leur  igno- 
rance et  leur  férocité.  Les  Francs,  les  Bour- 
gui;j,nons ,  les  Goths,  les  Normands,  les 
Lombards  n'avaient  pas,  dans  l'origine,  de 
meilleures  mœurs  que  le'S  Barbares;  ils  en 
ont  changé  en  devenant  cliré'tiens. 

Comme  on  ne  peut  juger  du  bien  et  du 
mal  que  par  comparaison,  il  faut  commencer 
par  faire  le  parallèle  de  nos  mœurs  avec 
celles  de  toutes  les  nations  qui  sont  encore 
])longées  dans  l'inlidélité,  et  il  sullîi  de  lire, 
pour  cela,  l'Esprit  des  usages  et  des  coutu- 
mes des  différents  peuples.  Lorsqu'un  jihilo- 
sophe  en  sera  instruit,  nous  le  prierons  de 
nous  dire  chez  laquelle  de  toutes  les  nations 
il  aimerait  mieux  vivre,  qu'au  milieu  du 
christianisme.  Plusieurs  de  celles  qui  sont 
aujourd'hui  à  demi  barbares  étaient  autre- 
fois chrétiennes;  en  perda' t  leur  religion, 
elles  sont  retombées  dans  l'ignorance  et  la 
corruption  que  la  lumière  de  l'Evangile  avait 
autrefois  dissipées.  Malgré  ce  fait  incontes- 
table, on  vient  nous  dire  gravement  que  la 
religion  n'influe  en  rien  sur  les  mœurs  m  sur 
le  sort  des  peuples,  non  plus  que  sur  celui 
des  particuliers;  quelques  incrédules  ont 
poussé  la  démence  jusqu'à  soutenir  que  le 
christianisme  a  plutôt  perverti  que  réformé 
\es  mœurs.  Lorsqu'on  nous  oppose  l'exemple 
de  quelques  philosophes  sans  religion,  tpii 
ont  c  pendant  toutes  les  vertus  moi'alos,  on 
ne  fait  qu'un  sophisme  puéril.  Ces  mcn  dules 
ont  été  élevés  dès  l'eniance ,  instruits  et 
formés  dans  une  sociét''  qui  croit  en  Dieu; 
ils  sont  obligés  de  suivre  le  ton  des  mœurs 
publiques  :  la  morale  dont  ils  font  parade, 
et  dont  il  se  croient  les  auteurs,  est,  dans  la 
vérité,  l'ouvrage  de  la  religion.  L'auraient-ils 
reçue,  s'ils  étaient  nés  chez  une  nation  qui 
n'eût  ni  Dieu,  ni  culte  public,  ni  morale  po- 
pulaire? Toute  nation  qui  se  trouverait  dans 
ce  cas  serait  sauvage,  barbare,  sans  lois,  sans 
principe  et  sans  mœurs  :  on  dit  qu'il  y  en  a 
une  de  cette  espèce  dans  les  Indes;  mais 
l'on  ajoute  que  ce  sont  des  brutes  plutôt  que 


837 


MOI 


MOI 


838 


des  hommes.  Ou  ne  raisonne  [jas  mieux 
quand  on  insiste  sur  la  njultitiide  di's  chré- 
tiens dont  la  euniluite  e>>t  diauiétraleniiMit 
o[iposi''0  à  la  moral  ■  de  l'Evauijde;  il  s'en- 
suit seulement  que  la  violence  des  [jassions 
('mpôclie  la  religion  d'inlknT  sur  les  mœurs 
di\s  particuliers  aussi  couslauuuent  (ju'elle 
devrait  le  faire.  Comme  il  n"est  aucun  homme 
(|ui  soit  dominé  i)ar  toutes  les  passions,  il 
n'en  est  aucun  sur  lequel  la  religion  n'ait 
([uelque  empire  ;  il  la  suit  même  sans  s'en 
apercevoir,  lors  |u'il  n'est  pas  entraîné  pai' 
la  fougue  ^l'une  jiassion.  11  n'y  a  donc  .jamais 
aucun  lit'U  de  conclure  que  la  relit^ion  n'in- 
ll'jo  en  rien  sur  lès  mœurs  générales  d'une 
nation  ;  il  est  au  contraire  démontré  pai'  le 
fait,  qu'il  n'y  a  sous  h;  ciel  aucun  peu[)le 
dont  les  mœurs  gi'néraies  soient  meilleures, 
et  nu^nuï  aussi  bonnes,  que  celles  des  naiions 
chrétiennes. 

Pour  savoir  ce  qu'il  en  e>t,  il  ne  faut  pas 
consulter  des  philoso|ihes  qui  ont  rûvii  dans 
leur  cabinet,  l't  qui,  par  nécessité  de  sys- 
tème, sont  inti'ressés  à  nier  les  faiis  les  plus 
incontestables;  il  faut  lire  les  relations  des 
voyageurs  (|ui  (jut  l'ait  le  tour  du  monde,  t[ui 
ont  fréquenté  et  obsi'rvé  un  grand  iiouiLu  e 
de  nations.  Tous  ont  éprouvé  la  diiférence 
énorme  (ju'il  y  a  entre  les  mœurs  des  unes 
et  des  autres,  et  ils  en  rendent  témoignage. 
Chez  un  peuj)!e  inlidele,  un  étranger  est 
toujours  dans  la  déliance,  en  danger  pour 
sou  équiiiage  et  i»our  sa  vie,  livré  à  la  merci 
d'un  guide  ou  d'un  homme  puissant;  s'il 
ari'ive  parmi  des  chrétiens,  fiU-ce  au  bout 
du  monde,  il  retrouve  la  sécurité,  la  société, 
la  liberté;  il  croit  être  de  retour  dans  sa 
patrie.  Voy.  Cuiustiamsue,  Mouale  (1). 

MOINE,  MONASTÈIU',  ÉTAT  MONAS- 
TIQUE. Ces  trois  articles  se  tiennent  de  trop 
près  pour  pouvoir  être  séparés.  Le  nom  de 
moine,  tiré  du  grec  povoî,  seul,  solitaire,  a 
designé,  dans  soii  origine,  des  hommes  (|ui 
se  confinaient  dans  les  iléserts,  et  qui  vi- 
vaient éloignés  de  tout  commerd'  avec  le 
mon  !e,  pour  s'occuiier  uniquement  de  leur 
salut.  Dans  l'Eglise  catholique,  on  appel. e 
moines  ou  religieux  ceux  qui  se  sont  enga- 
gés par  vœu  à  vivre  suivant  une  certaine 
règle ,  et  à  [pratiquer  la  perfection  de 
l'Evangile. 

il  y  a  tu  de  très-bonne  heure  des  chré- 
tiens, qui,  il  l'imitation  de  saint  Jean-Bap- 
tiste et  des  pro|)hètes,  se  sont  retirés  dans 
la  soliluiie  pour  vaquer  à  la  prière,  au  jeûne 
et  aux  auli'es  exercices  de  la  pénitence;  on 
les  appela  ascètes,  c'est-à-dire  hommes  qui 
s'exercent  à  des  œuvres  pénibles.  Jésus- 
Christ  semble  avoir  donné  lieu  à  ce  genre 
de  vie  par  les  quarante  jours  qu'il  [îassa  dans 
le  désert,  et  par  l'habitude  q  l'il  avait  de  s'y 
retirer  |)0ur  prier  avec  plus  de  recueille- 
ment :  il  a  lo  lé  la  viesolitaue  de  .saint  Jean 
Baptiste  ^Matlh.  \i,  7),  et  saint  Paul  a  fait 
l'éloge  lies  ]irophèles  qui  vivaient  dans  les 

(1)  Dans  iiotie  Diciionnaire  de  Tliéol.  inor.,  nous 
avons  uioiilrii  llicureuse  influence  du  chrislianisiiie 
sur  les  mœurs  publiques  cl  sur  la  famille.  Nous  nous 
cotiteiiloDS  d'y  renvoyer. 


déserts  {Hebr.  xii).  Cela  nous  paraît  déjà 
sullire  pour  iixer  le  jugemenl  ({ue  nous  d.  - 
\ons  porter  de  Vetat  monastique.  Naus  cnm- 
mencerons  d'abor^i  jiai-  en  faire  l'histoire  ; 
nous  ré{)ondrons  ensuite  aux  repioches  (pie 
les  ennemis  de  cet  état  ont  coutume  d(! 
l'aire.  —L'origine' de  l'état  religieux  paraît  foi  t 
simple,  quand  on  ne  veut  pas  s'aveugler, 
l'endanl  les  persécutions  ijue  les  chréti.us 
essuyèrent  durant  les  trois  premiers  siècles, 
plusieurs  de  ceux  de  l'Egypte  et  de  la  pro- 
vince du  Pont  se  retirèrent  dans  les  lieux 
inhabités,  pour  se  soustraire  aux  r.  cherches 
et  aux  tourments.  Ils  contractèrent  le  goût 
de  la  solitude,  et  ils  y  deiueurèreni  ou  ils  y 
retournèrent  dans  la  suite.  Saint  l'aul,  pre- 
mie,  ermite,  se  retira  dans  la  Thébaide,  vers 
l'an  239,  pour  fuir  la  persécution  de  Dèce, 
et  vécut  dans  une  caverne  jusqu'il  l'ûge  de 
cent  quatorze  ans,  en  se  nourrissant  des 
Iruits  d'un  palmier  qui  en  couvrait  l'entré,;. 
Sainl  Aiitoine,  Egyptien  comme  lui,  eiii- 
br.issa  le  même  genre  de  vie,  et  l'ut  suivi 
par  d'autres;  tous  vivaient  dans  des  cellules 
séparées,  à  quelque  distance  les  unes  des 
autres.  Mais,  dans  le  siècle  suivant,  saint 
Paeùme  les  rassembla  en  d  lléients  »iOH«s- 
lères  ,  et  en  communautés  couq  osées  de 
trente  ou  i,uarante  moines,  et  leur  [)rescrivit 
une  règle  commune.  De  là  est  venue  la  dis- 
tinction entre  les  cénobites  ou  moines,  qui 
vivaient  en  communauté,  et  les  ermites  ou 
ùnacliorètcs,  qui  vivaient  seuls.  Tous  les  mo- 
nastères reconnaissaient  pour  supérieur  un 
même  abbé,  et  se  rassemblaient  avec  lui  pour 
célébrer  la  Pt'ique:  on  prétend  que  les  moines 
des  dilférentes  paries  de  l'Egypte  fusaient 
un  nombre  de  cinquante  mille  a.i  moins;  il 
peut  y  avoir  de  l'exagération.  Si  l'on  est  en 
jieine  de  savoir  comment  pouvait  vivre  une 
si  grande  uiuLitude  d  iiommes  qui  ne  possé- 
daient et  ne  cultivaient  rieu,  d  faut  se  sou- 
venir que,  dans  ce  climat,  la  nature  se  con- 
tente de  peu;  que  ie  peu^de  y  vit  ,ie  plantes 
et  de  légumes  qui  y  croissent  eu  abondance, 
et  que  le  régime  le  plus  sobre ,  dans  un 
pays  aussi  exe;  ssivem.  nt  chaud,  est  le  plus 
utile  à  la  santé.  Les  sol.taiics  vivaient  de 
dattes  et  de  quelques  racines  ;  les  cénobites 
travaillaient  les  feuilles  du  ]jalmicr,  en 
faisaient  des  nattes  et  d'autres  ouvrages, 
dont  la  vente  leur  procurait  les  aluuents  les 
plus  n  cessaires  à  la  vie.  il  ne  fudpas  croii'e 
que  la  Thébaide  et  les  autres  déseris  habités 
par  les  «toines  fussent  absolument  stériles  et 
incapables  iie  culture.  Piusiours  prolrstants 
ont  lové  prolondéiuent  pour  deviner  d'où 
est  venu  aux  Egyptiens  le  goût  jiour  la  vie 
monastique;  ils  disent  que  g'a  étél'elîet  na- 
turel de  la  clialeur  du  climat,  qui  lend 
l'homme  paresseux  et  sombre,  qui  le  porte  à 
la  solitude,  à  la  vie  austère,  à  la  contempla- 
tion; que  celle  inclination  était  augmentée 
chez  les  Egyptiens  par  les  maxime-;  de  la 
philosopliie  orientale,  qui  enseignait  qu'il 
laut  que  l'âme  se  détache  du  corps  et  de 
tous  ies  appétits  sensuels  pour  s'approcher 
de  la  Divinité.  Mosheim,  Hist.  christ.,  sœc.  ii, 
§  33,  n.  3,  p.  317;  sœc.  ni,  §  28,  p.  669. 


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MOI 


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C'est  ilouuuiigc  quii  cotte  vision  sublime 
ne  s'accorole  \v\s  avec  les  fnits.  1°  Le  climat 
de  l'Egypte  n'a  certainement  pas  changé 
depuis  le  II"  siècle  de  l'Eglise  ;  il  est  aujour- 
d'hui tout  aussi  cliaud  qu'il  était  pour  lors, 
pourquoi  donc  les  solitudes  de  la  Thébaide 
ne  sont-elles  plus  peuplées  do  moines  et 
d'anachorètes?  —  2"  Le  climat  de  la  Perse, 
do  l'Asie  Mineure,  de  la  Grèce,  de  rUalio, 
des  Gaules,  de  l'Angleterre,  de  la  Russie,  ne 
ressemble  guère  à  celui  de  l'Egypte  ;  à  peine 
cependant  le  christianisme  a-t-il  été  établi 
dans  ces  ditrérentes  contrées,  que  le  mona- 
chisme  s'y  est  introiiuit.  On  sait  la  quantité 
do  moines  qu'il  y  avait  en  Angleterre  avant 
la  prétenlue  réforme;  ce  chmat  est  bien 
ditTérent  de  celui  de  l'Egypte,  et  l'on  ne  se 
souvient  pas  d'avoir  jamais  vu  les  Anglais 
fort  entichés  de  la  philosophie  orientale.  — 
3'  Dès  que  l'Evangile  a  f  lit  l'éloge  de  la  vie 
que  menaient  les  moines,  pourquoi  croirons- 
nous  que  les  Egyptiens  ont  été  moins  tou- 
chés dfS  leçons  de  Jô-us-Christ  que  de  celles 
des  philosophes  orientaux?  Or,  dans  les  ar- 
ticles Abstinence,  Anachorète,  Célibat, 
Jeune,  Mortification,  etc.,  on  verra  que 
Jésus-Christ  et  les  apôtres  ont  formelle- 
ment approuvé  ces  pratiques  ,  en  ont  donné 
l'exemple,  et  ont  loué  ceux  qui  s'y  sont  con- 
sacrés. Saint  Antoine  abandonna  son  patri- 
moine, et  se  retira  duis  le  désert,  non  pour 
avoir  étudié  la  philosophie  orientale,  mais 
pour  avoir  entendu  lire  ces  paroles  de  l'Evan- 
gile :  «  Si  vous  voulez  être  parfait^  allez 
vendre  ce  que  vous  possédez,  donnez-le  aux 
pauvres,  et  vous  aurez  un  trésor  dans  le 
ciel  [Matth.  xix,  2!).  »  —  4"  Jloslieim,  ibiiJ., 
note  1,  convient  que,  dès  l'origine  du  chris- 
tianisme, il  y  eut  des  ascètes,  c'est-à-dire  des 
clirétiens  de  l'un  cl  do  l'autre  sexe,  qui,  au 
milieu  de  la  société,  menaient  à  peu  près  la 
inôrae  vie  que  les  moines.  Jîingham,  autre 
protestant,  l'a  prouvé,  Orig.  eccU's.,  tora.  lli, 
1.  VII,  c.  I.  Avant  (juil  y  eût  des  moines,  il 
y  avait  di'ja  des  communautés  de  vierges 
qui  vivaient  dans  le  célibat,  dans  la  retraite, 
dans  la  pratique  d'une  vie  pénitente  et  mor- 
tiliée  ;  il  n'y  a  pas  d'apiiarence  qu'elles  en 
aient  pris  le  goût  dans  la  philosophie  orien- 
tale. Mais  ce  n'est  pas  ici  le  seul  cas  dans 
lequel  les  protestants  ont  fermé  les  yeux 
aux  leçons  de  l'Evangile,  pour  se  livrer  aux 
conjectures  d'une  fausse  érudition. 

Les  occupations  habituelles  des  moines 
étaient  la  psalmodie,  la  lecture,  la  prière,  le 
travail  des  mains  et  les  pratiques  de  péni- 
tence. Les  solitaires  mêmes  se  visitaient  et 
s'édihaient  par  des  conversations  pieuses  : 
quand  on  dit  qu'ils  passaient  leur  vie  dans 
une  contemplation  cuntinuello,  il  ne  faut  pas 
prendre  ces  paroles  à  la  lettre.  Des  hommes 
jetés  par  un  naufrage  dans  des  îles  désertes 
ont  trouvé  le  moyen  d'y  vivre  et  de  s'y  occu- 
per :  pourquoi  n'en  aurait-il  pis  été  de  même 
des  anachorètes?  Nous  ne  voyons  pas  en 
quel  sens  Moshoim  el  d'autres  ont  osé  dire 
que  la  vie  de  saint  Paul,  premier  ermite, 
avait  été  celle  d'tine  brute  ]ilutùt  que  celle 
d'an  homiiie.  Cette   censure   amèrc    serait 


ilus  applicable  a;ix  honnêtes  fainéants  dont 
es  villes  sont  r.'mplies,  et  qui  sont  égale- 
ment à  charge  îi  eux-mêmes  et  aux  autres. 
Voi/.  Anaciiohèt!;. 

Dès  l'an  305,  saint  Hilarion,  disciple  do 
saint  Antoine,  établit  dans  la  Palestine  des 
monastères  semblables  à  ceux  d'Egypte. 
Dien'ôt  la  vie  monastique  s'intioduisit  dans 
la  Syrie,  l'Arménie,  le  Pont,  la  Cappadoce, 
et  dans  toutes  les  parties  de  l'Orient.  Saint 
Basile,  qui  avait  appris  à  la  connaître  en 
Egypte,  el  qui  en  faisait  grand  cas,  dressa 
une  règle  pour  les  moines;  elle  fut  trouvée 
si  sage  et  si  parfaite,  quo  tous  l'adoptèrent, 
et  elle  est  encore  suivie  aujourd'hui  par  les 
moines  do  l'Orient.  Le  savant  Assémani  nous 
apprend  que  les  premiers  moines  qui  s'éta- 
blirent dans  la  Mésopotamie  et  dans  la 
Perse  furent  autant  d'apôtres  ou  de  mission- 
naires, et  ([ue  la  plupart  devinrent  évoques. 
Biblioth.  orientale,  tome  IV,  c.  ii,  §  k.  L'an 
3i0,  saint  Athanase  apporta  en  Italie  la  Vie 
de  saint  Antoine  qu'il  avait  composée,  et 
inspira  aux  Occidentaux  le  désir  de  l'imiter. 
On  ne  sait  pas  précisément  en  quel  lieu 
de  l'Italie  furent  bâtis  les  premiers  mo 
nastères. 

Le  christianisme,  dit  Mosheim,  n'aurait 
jamais  connu  la  vie  dure,  triste  et  austère 
des  moines,  si  les  esprits  n'avaient  pas  été 
séduits  par  la  maxime  pompeuse  des  anciens 
philosophes,  qu'il  fallait  tourmenter  le  corps 
pour  que  l'àme  eût  plus  de  communication 
avec  DLou.  Malhoureusomenl  cotte  maxime 
est  conlirmée  par  l'Evangile.  Jésus-Christ  a 
dit  :  Si  guelqu'un  veut  me  suivre,  qu'il  re- 
nonce à  lai-même,  et  porte  sa  croix  tous  les 
jours  de  sa  vie  {Matth.  xvi,  24).  Saint  Paul 
dit  que  ceux  qui  sunl  à  Jésus-Christ  cru- 
ciiicnt  leur  chair  avec  tous  ses  vices  et  ses 
convoitises  {Gai.  v,  24),  et  il  se  donne  lui- 
même  pour  exemple  {1  Cor.  ix,  27).  Si  la  vie 
austère  et  mortihée  était  contraire  à  l'esprit 
du  christianisme,  comme  le  prétendent  les 
protestants ,  il  serait  impossible  que  les 
Pères  du  iV  siècle,  qui  n'étaient  ni  des  igno- 
rants, ni  des  es[)rits  fiibles,  eussent  donné 
généralement  dans  la  môme  erreur.  Ou  ne 
peut  pas  dire  que  c'a  été  un  vice  du  climat, 
puisque  l'on  a  pensé  de  même  dans  tous  les 
climats;  ni  que  Ion  craignait  la  lin  du 
niondi',  les  Pères  n'y  pensaient  pas;  m  que 
l'on  consultait  l'ancienne  philosophie,  contre 
laïuelle  les  Pères  s'élevaient  de  toutes  leurs 
forces.  Mais  on  sentait  que,  pour  convenir 
les  païens,  il  lallait  une  vie  apostuli.jue,  et 
cette  vie  ne  fut  jamais  l'opicuréisme  des 
prolestants  et  des  incrédules.  Loin  d'aper- 
cevoir ici  do  la  misaïUiiriipie,  nous  y  voyons 
un  zèle  ardont  |)our  le  ijoniieur  et  le  salut 
des  hommes.  }'o!/.  Ascètes.  Sur  la  tin  de 
ce  siècle,  la  vie  monastique  fut  introduite 
dans  les  Gauls:  saint  Martin,  mort  l'an  400, 
en  est  regardé  comme  le  |ireraier  auteur,  et 
il  en  fit  professio.i  lui-niôme.  A  cette  même 
époque,  s;dnl  Hunorat  fonda  le  célèbre  mo- 
nastère de  Lérins  sur  le  modèle  de  ceux  de 
l'Orient.  Ce  fut  seulement  au  commencement 
du  u"  siècle,    que   sa;nî  Benoit  lit  sa  rèylc 


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pour  les  moines  qu'il  avait  rassemblés  au 
Mont-Cassin,  règle  qui  fut  bientôt  suivie 
par  tous  les  moines  de  l'Occident.  Mais  la 
différence  du  climat  ne  permettait  pas  qu'ils 
suivissent  un  régime  aussi  austère  que  les 
Orientaux;  c'est  pour  cela  que  la  règle  de 
saint  Benoît  est  beaucoup  plus  douce  que 
celle  de  saint  Basile.  Sulpice-Sévère,  d;ins 
son  premier  Dialogue  sur  la  vie  de  saint 
Martin,  le  fait  remarquer  à  ceux  qui  étaient 
scandalisés  de  cet  adoucissement ,  et  qui 
auraient  voulu  que  les  moines  gaulois  pra- 
tiquassent les  mêmes  austérités  que  ceux  de 
la  ïhébaide;  on  prétend  que  samt  Jérôme 
était  do  ce  nombre,  parce  qu'il  n'avait  pas 
éprouvé  la  nécessité  d'un  régime  plus  doux 
dans  les  pays  se[)ti'ntrionaux.  Mais  Mosheim 
a  très-grand  tort  d'en  conclure  que  l'on  vit 
dans  les  Gaules,  non  la  réalité  delà  vie  mo- 
nastique, mais  seulement  le  nom  et  les  ap- 
parences. Un  peu  ]ilus,  un  peu  moins  d'aus- 
térité, ne  change  pas  l'essentiel  de  la  vie 
monastique,  qui  consiste  d.ms  le  renonce- 
ment au  monde  et  dans  la  pratique  des  con- 
seils évangéliques. 

11  ne  raconte  pas  mieux,  lorsqu'à  cette 
occasion  il  distingue  les  cénohiles  d'avec  les 
ermites  ol  les  sarabaites.  Il  nous  paraît  que 
tous  les  moines  gaulois  furent  d'ahord  eéno- 
bites,  et  que  les  enniles  ou  anachorètes  ne 
sont  venus  qu'après,  il  n'est  pas  vrai  que 
les  ermites  aient  été  la  plupart  des  fanatiques 
et  des  insensés  ;  Mosheim  cite  à  faux  Sul- 
pice-Sévère, qui  ne  l'a  jamais  dit,  et  il  n'est 
aucun  fait  coimu  qui  le  [)rouve.  Quant  aux 
Sarabaites,  qiie  saint  Benoît  nomme  girova- 
gues  ou  vagabonds,  nous  convenons  que  c'é- 
taient de  faux  moiiics  et  des  hommes  très-vi- 
cieux, dégdûtés  de  la  discipline  monastique  ; 
mais  ils  n'ont  jamais  été  connus,  surtout  en 
Occident.  C'est  justement  ce  désordre  qui  ût 
sentir  en  Orient  la  nécessité  d'attacher  les 
moitiés  à  leur  état  par  des  vœux,  précaution 
de  laquelle  on  a  fait  très-injustement  un 
crime  à  saint  Basile.  L'universalité  et  la  per- 
pétuité de  cet  usage  démontrent  qu'il  l'a 
fallu  pour  prévenir  les  scandales.  C'est  par 
la  même  raison  que  l'on  soumit  les  moines 
à  des  épreuves.  Pallade  ,  dans  son  Histoire 
Lausiaque,  écrite  l'an  420,  c.  xxxvni,  dit  ex- 
pressément que  celui  qui  entre  dans  le  mo- 
nastère, et  qui  ne  peut  pas  en  soutenir  les 
exercices  pendant  Irois  ans,  ne  do;t  point 
être  admis  ;  mais  que  si,  durant  ce  temps,  il 
s'acquitte  des  œuvres  les  plus  difliciles,  on 
doit  lui  ouvrir  la  carrière.  Voilà  l'origine 
bien  marquée  du  noviciat  qui  est  en  usage 
aujourd'hui,  mais  qui  est  restreint  à  un 
temps  plus  court.  Au  reste,  il  n'y  avait  point 
de  discipline  unitorme  sur  l'dge  nécessaire 
pour  la  validité  des  vieux. 

Au  y  siècle,  saint  Augustin,  dans  son  li- 
vre de  Opère  monachor.,  prit  la  défense  de 
ceux  qui  vivaient  du  travail  de  leurs  mains, 
contre  ceux  qui  soutenaient  qu'il  était  mieux 
de  vivre  des  oblalions  et  des  aumônes  des 
fidèles.  Comme  les  parents  mettaient  sou- 
vent leurs  enfants  en  bas  âge  dans  un  mo- 
nastère pour  les  y  faire  élever  dans  la  piété, 

DiCTIONN.     DE  ThÉOL,    DOGMATIQUE.   III 


le  second  concile  de  Tolède  de  l'an  kk*l,  dé- 
fendit, can.  1,  de  leur  faire  faire  profession 
avant  l'Age  de  dix-huit  ans,  et  sans  leur  con- 
sentement, dont  l'évoque  devait  s'assurer. 
Le  quatrième,  tenu  l'an  589,  changea  cette 
disposition,  can.  4-9,  et  voulut  que,  de  gré 
ou  de  force,  ils  demeurassent  perpétuelle- 
ment attachés  au  monastère.  On  ignore 
les  raisons  de  ce  nouveau  décret ,  mais 
il  ne  fut  jamais  approuvé  pir  l'Eglise.  Bin- 
gham,  Origines  ecclésiastiques ,  1.  vu ,  c. 
III,  §  5.  Il  nous  paraît  qu'il  y  a  une  contra- 
diction choquante  dans  la  manière  dont 
Mosheim  parle  des  moines  du  v"  siècle.  Il 
dit  que  l'on  était  si  persuadé  de  leur  sain- 
teté, que  l'on  prenait  souvent  parmi  eux  les 
prêtres  et  les  évéques,  et  que  l'on  multipliait 
les  monastères  à  l'intini  ;  ensuite  il  ajoute 
que  leurs  vices  étaient  passés  en  proverbe. 
S'ils  avaient  été  communément  vicieux,  l'on 
ne  serait  pas  allé  chercher  dans  des  monas- 
tères des  prêtres  ni  des  évêques ,  dans  un 
temps  oîi  le  peuple  était  maître  des  élections. 
Quand  on  lui  demande  pourquoi  l'on  compte 
dans  le  clergé  de  ce  temps-là  un  si  grand 
nombre  de  saints,  il  répond  que  cela  est  venu 
de  l'ignorance  de  ce  siècle.  Niais  il  oublie 
que  ce  siècle  a  été  le  plus  brillant  de  l'Eglise 
latine,  que  c'est  celui  au  commencement  du- 
quel saint  Jérôme  et  saint  Augustin  ont  en- 
core vécu.  Il  a  cité  lui-même,  parmi  les 
écrivains  de  ce  temps-là,  saint  Léon,  Paul 
Orose,  saint  Maxime  de  Turin,  saint  Eucher 
de  Lyon,  saint  Paulin  de  Noie,  saint  Pierre 
Chrysologue,  Salvicn,  saint  Prosper,  Marius 
Mercator,  Vincent  de  Lérins,  Sidoine  Apol- 
linaire, Vigde  lie  Tapse,  Arnobe  le  jeune, 
sans  parler  de  plusieurs  autres  moins  con- 
nus. Il  ne  traite  Cassien  d'ignorant  et  de  su- 
perstitieux que  parce  qu'il  a  écrit  pour  les 
moines.  Il  pouvait  ajouter  Sulpice-Sévère, 
saint  Hilaire  d'Arles,  le  pape  Gélase,  etc.  A 
la  vérité  l'inondation  des  Barbares  arriva  au 
commencement  de  ce  même  siècle  ;  mais  il  ne 
détruisirent  pas  tout  à  couples  études  et  les 
sciences.  L'Eglise  grecque  ne  fut  pas  moins 
féconde  en  écrivanis  savants  et  estimables. 
Même  passion  et  même  inconséquence  de 
la  part  de  Mosheim,  dans  son  Histoire  du  \i' 
siècle.  Il  décide  en  général  que  l'état  monas- 
tique était  rempli  de  fanatiques  et  de  scélé- 
rats ;  selon  lui,  le  nombre  des  premiers  était 
le  plus  grand  en  Orient,  c'étaient  les  seconds 
qui  abondaient  en  Occident.  Que  dire  d'un 
écrivain  aussi  fougueux  ?  Nous  convenons 
que  les  moines  d'Orient  excitèrent  beaucoup 
de  troubles  dans  l'Eglise,  les  uns  par  leur 
altach.'ment  à  Nestonus,  les  autres  par  leur 
opiniâtreté  à  soutenir  Eutychès  ;  mais  les 
crimes  de  l'hérésie  ne  sont  pas  ceux  de  la 
vie  monastique.  Dans  ce  siècle,  cette  profes- 
sion s'établit  et  se  répandit  promptement  en 
Angleterre  [lar  la  mission  de  saint  .\ugustin 
et  de  ses  compagnons  ;  une  preuve  que  les 
moines  anglais  n'ét  lient  alors  ni  des  scélé- 
rats, ni  des  fanalicjues,  c'est  qu'ils  ont  été  les 
principaux  apôtres  des  peujiles  du  Nord.  A 
l'article  Missions  ÉTnA>T.fcRi:s,  nous  avons  vu 
racliarnement  avec  lequel  AJosheim   et  ses 

27 


S43 


MOI 


MOI 


Ui 


pareils  ont  décrié  leurs  travaux,  et  l'injus- 
tice de  la  censure  qu'ils  en  ont  faite.  La  rè- 
gle de  saint  Benoît  n'était  certainement  pas 
propre  à  inspirer  le  crime  et  le  fanatisme.  Il 
est  bien  absurde  de  supposer  que  des  hom- 
mes foncièiem  -nt  vicieux  se  sont  néan- 
moins dévoués  au  s;dut  de  leurs  frères. 

La  vraie  cause  de  la  prospérité,  du  crélit, 
des  richesses  que  les  moines  acquirent  au  vï° 
et  au  VII'  siècle,  n'est  pas,  comme  l'imagine 
Mosheim ,  la  protection  décidée  des  .souve- 
rains ponlifes.  Cette  protection  môme,  et  ce 
qui  s'ensuit,  sont-enus  de  jibis  haut,  du  be- 
soin que  l'on  avait  des  moines  et  des  services 
qu'ils  ont  rendus  pour  loi  s.  Le  clergé  sécu- 
lier tomba,  lorsque  les  Barbaies  eurent  pil- 
lé les  églises  et  répandu  la  désolation  par- 
tout. Pour  se  mettre  ïi  couvert  de  leurs  vio- 
lences, il  fallut  se  retirer  dans  les  lieux  les 
plus  écartés,  et  c'est  ce  qui  fit  bMir  une 
multitude  de  mona.stères  sur  les  montagnes, 
dans  les  forêts  ou  dans  les  vallons  reculés. 
Les  peuples  privés  de  pasteurs  ne  purent 
recevoir  de  secours  spirituels  et  temporels 
que  des  moines;  est-il  donc  étonnant  que 
ceux-ci  soient  devenus  riches  et  importants  ? 
S'ils  avaient  été  vicieux,  les  Barbares  ne  les 
auraient  pas  respectés  ;  or,  il  est  constant 
que  ce  respect  a  :.;ouvent  été  une  barrière 
pour  a:rêtcr  les  effets  de  leur  férocité.  Mos- 
heim est  forcé  de  convenir  qu'au  vir  et  au 
viir  siècle  les  moines  ont  soutenu  les  débris 
des  lettres  et  des  sciences,  ont  rassemidé  et 
copié  les  livres,  ont  eu  les  seules  bibliothè- 
ques qui  restassent  pour  lors.  Les  monastè- 
res devinrent  le  dépôt  des  actes  publics, 
des  ordonnances  des  rois  ,  des  décrets  des 
parlements,  des  traités  entre  les  princes,  des 
Chartres  de  fondation,  de  tous  les  monu- 
ments de  l'histoire.  Il  observe  que  les 
familles  les  plus  distinguées  se  croyaient 
heureuses  de  pouvoir  placer  leurs  enfants 
dans  le  cloître.  Si  les  moines  avaient  été  aussi 
déréglés  cju'il  le  prétend,  est-il  probable  que 
l'on  aurait  eu  pour  eux  autant  de  considé- 
r;ition  et  de  contianco,  et  qu'eux-mêmes  au- 
raient travaillé  avec  autant  d'appbcation  à  se 
rendre  utiles  ?  Aujourd'hui  pour  récompen- 
se, on  les  accuse  d'avoir  falsifié  les  livres, 
les  titres,  les  monuments.  Il  dit  que  les  moi- 
nes en  imposaient  au  peuple  par  une  fausse 
apparence  de  piété  ;  mais  s'ils  sauvaient  du 
moins  les  apparences,  leur  vie  n'était  donc 
pas  scandaleuse.  Le  peuple  n'a  jamais  été 
aussi  aveugle  ni  aussi  imbécile  qu'on  le  pré- 
tend; iJ  a  eu  toujours  les  yeux  très-ouverts 
sur  la  conduite  des  ecclésiastiques  et  des 
moines,  parce  qu'il  sait  que  ces  deux  classes 
d'hommes  ne  sont  établies  que  pour  son  uti- 
lité, et  qu'ils  lui  doivent  l'exemph^  de  toutes 
les  vertus.  Un  seul  qui  scandalise  fait  plus 
de  bruit  que  cent  qui  éililient.  Il  remarque 
encore  que  ,  dans  ces  temps-là,  il  y  eut  de 
grandes  contestations  entre  les  évèques  et 
les  moines  touchant  leurs  droits  et  leurs 
possessions  respectives  ;  que  ces  derniers 
recoururent  aux  papes,  qui  les  prirent  sous 
leur  juridiction  immétiiiite;  que  de  là  sont 
nées  les  cxem]>tions  :  ce  fut  un  abus,  sans 


doute  ;  mais  il  fut  l'ouvrage  des  circonstan- 
ces, et  non  de  l'ambition  des  papes,  comme 
on  affecte  do  le   supposer.  Voy.  Exemption. 

Puisqu'il  y  eut  des  disputes,  des  intérêts 
opposés,  et  sûrement  des  torts  de  part  et . 
d'autre,  ce  n'est  donc  pas  sur  quelques  traits 
d'hiuneuret  de  satire  lancés  contre  les  moi- 
nes ]iar  des  écrivains  qui  avaient  à  se  plain- 
dre d'eux,  que  l'on  doit  juger  de  leurs  ver- 
tus et  de  leurs  vices.  De  même  que  l'on  ne 
doit  pas  ajouter  beaucoup  de  foi  à  ce  que 
les  moines  ont  écrit  contre  le  clergé  séculier 
dans  ces  moments  de  fermentation,  il  est  de 
la  prudence  de  se  délier  aussi  des  plaintes 
do  leurs  adversaires.  Mais  Mosheim  ne  peut 
soulfrir  dans  les  moines  ni  les  vertus,  ni  les 
vices,  ni  la  vie  solitaire ,  ni  l'esprit  social. 
«  Dans  l'Orient,  dit-il,  au  viii"  siècle,  ceux 
qui  menaient  la  vie  la  i)lus  austère  dans  les 
aésorts  do  l'Egypte,  de  la  Syrie  et  de  la  Mé- 
sopotamie ,  étaient  plongés  dans  une  igno- 
rance profonde,  dans  un  famitisme  insensé, 
dans  une  superstition  grossière.  »  L'accusa- 
tion est  grave,  mais  elle  est  sans  preuve  : 
ou  sait  d'ailleurs  ce  qu'entend  nt  les  protes- 
tants par  fanuiisme  et  superstition  ;  ce  sont 
tontes  les  pratiques  de  piété  usitées  dans 
l'Eglise  catholique  et  les  austérités  que  l'E- 
vangiie  approuve.  «  Ceux ,  poursuit-il,  qui 
s'étaient  rapprochés  des  villes,  Iroubiaient 
la  société,  et  ils  eurent  souvent  besoin  d'ê- 
tre réprimés  par  les  édits  sévères  de  Con- 
stantinCopronyraeet  des  autres  empereurs.» 
Il  n'a  eu  garde  d'ajouter  que  ces  empereurs 
étaient  iconoclastes  ou  briseurs  d'images,  et 
que  les  momcssoutenaientdetouti'sleuisfor- 
ces  la  doctrine  catholique  touchant  le  culte 
des  images.  Il  n'a  pas  dit  que  Citnstantin  Co- 
pronyme  fut  un  monstre  de  cruauté,  qui  Ut 
tourmenter,  mutiler,  périr  dans  les  supplices 
un  grand  nombre  d'évèques  ,  de  prêtres  et 
de  moines,  parce  qu'ils  ne- voulaient  p;is  imi- 
ter son  impiété.  Voij.  Icoivo'fcLASTEs.  Est-il 
permis  de  travestir  ainsi  l'histoire  ecclésias- 
tique, pour  favoriser  les  oinnions  des  pro- 
testants ?  Il  assure  que  dans  l'Occident  les 
moines  ne  suivaient  plus  aucune  règle,  qu'ils 
étaient  livrés  à  l'oisiveté,  à  la  ciapule,  à  la 
volupté  et  aux  autres  vices,  et  il  le  prouve 
par  la  multitude  des  capitulaires  de  Charle- 
magne  qui  tendaient  à  les  réformer.  Il  y  eut 
sans  doute  alors  plusieurs  moniistères  peu 
réglés  ;  mais  si  l'on  veut  consulter  le  viii' 
siècle  des  Annales  des  bénédictins,  et  les  Ac- 
tes des  saints  de  cet  ordre,  par  dom  Mabil- 
lon,  on  verra  que  le  mal  n'était  pas  aussi 
grand  ni  aussi  général  que  Mosheim  voudrait 
le  persuader.  Ce  qui  se  passait  dans  les  Etats 
de  Charlemagne  ne  prouve  rien  contre  les 
moines  d'Angleterre,  d'Espagne  et  d'Italie. 

Pour  réformer  le  clergé  séculier,  on  jugea 
qu'il  fallait  assujettir  les  prêtres  qui  desser- 
vaient les  cathédrales  à  la  vie  commune  ; 
saint  Clirodegand,  évoque  de  Metz ,  écrivit 
pour  eux  une  règle  à  peu  près  semblable  à 
celle  des  monastères  ;  telle  est  l'origine  des 
chanoines.  Ce  fait  n'est  pas  propre  à  prou- 
ver que  la  vie  monastique  était  pour  lors  un 
cloaifue  de  vices  et  de  déréglomenls.  On  sait 


S4fi 


MOI 


MOI 


Ud 


bailleurs  que  la  plupart  des  auteurs  de  ce 
siècle  dont  il  nous  reste  des  écrits, ont  été  des 
abbés  ou  des  moines.  Il  en  est  de  môme  du 
IX'.  Mosheim  a  remar(jué  que  dans  ces  deux 
siècles  un  ^rand  nombre  de  seigneurs ,  de 
princes,  de  souverains,  renoncèrent  à  leur 
Ibrtune  et  à  leur  dignité,  et  se  confinèrent 
dans  b  s  cloîtres  pour  servir  Dieu.  On  vt  les 
empereurs  elles  rcis  choisir  des  moines  pour 
en  faire  leurs  ministres,  leurs  envoyés  dans 
les  cours ,  leurs  hommes  de  conli.mce.  Cet 
historien  n'en  soutient  pas  moins  qu'en  gé- 
iiéi^l  les  (jiomM  étaient  déréglés,  puisque 
Louis  le  Débonnaire  se  servit  lie  saint  Benoît 
d'.Xniane  pour  les  réformer,  pour  rétablir  la 
discipline  monastique,  jiour  réunir  les  mo- 
nastères sons  la  môme  rè,4e  et  sous  ii;  môme 
régime.  Si  cela  prouve  que  tous  n'étaient 
pas  des  saints,  cela  démontre  aussi  que,  de 
tous  les  étals  de  la  société,  celui-ci  était  en- 
core le  moins  mauvais  et  d.ins  lequel  il  y 
avait  le  moins  de  vices,  et  que  jamais  on  ne 
lui  a  pardonné  aucun  désoidro.  On  ne  peut 
])as  disconvenir  que  le  relAcheniei  t  de  l'étal 
monaslicpie  pendant  ces  deux  siècles  ne  soit 
venu  des  désordres  du  gouvernement  féo- 
dal. La  licence  avec  laquelle  les  seigneurs 
piilaii-nt  les  monastères,  s'en  appro])iiaient 
les  revenus,  sous  prétexte  de  protection  ou 
autrement,  réduisit  les  abbés  à  se  défendre 
par  la  force  ;  ils  armèrent  leurs  vassaux,  se 
mirent  à  leur  tète  et  se  rendirent  redouia- 
bles.  Ils  furent  ailmis  aux  i)arlemenls  avec 
les  évoques,  et  commencèrent  .'i  faire  com- 
paraison avec  eux  ;  ils  prirent  parti  dans 
les  ;;uerres  civiles  comme  les  aulres  sei- 
gneurs. Les  Normands  qui  couraient  la  Fran- 
ce achevèrent  île  tout  ruiner.  Les  moi- 
nes qui  pouvaient  échapper  à  leurs  rava- 
ges quittaient  l'habit  ,  reven;nent  chez 
leurs  parents,  prenaient  les  armes,  ou  fai- 
saient quelque  tralic  pour  vivre.  Il  n'est  ]ias 
surprenant  que  les  monastères  qui  restaient 
sur  pied  fussent  souvent  occupés  par  des 
moines  ignorants  qui  savaient  h  peine  lire 
leur  règle ,  gouvernés  par  des  supérieurs 
étrangers  ou  inti  us.  Mais  ce  n'est  pas  sur  ces 
temps  d'anarchie  et  de  calamité  qu'il  faut  ju- 
ger des  moines  de  l'univers  entier. 

Dans  le  x"  siècle ,  saint  Odon,  abbé  de 
(-luny,  fit  dans  son  ordre  une  réforme  qui 
fut  presque  généralement  adoptée,  mais  qui, 
suivant  Mosheim,  consistait  |)rincipalement 
en  pratiques  minutieuses  et  incommodes.  Il 
nomme  ainsi  l'abstinence  et  le  jeune,  la  clô- 
ture plus  sévère,  l'assiduité  au  chœur,  la  pri- 
vation des  commodités  superflues,  etc.  Mais 
ce  sont  ces  prétendues  minuties  qui  entre- 
tiennent la  fidélité  à  la  règle,  nounissent  la 
piété  et  soutiennent  la  vertu.  Si  les  moines 
avaient  éié  (lour  lors  sans  lois,  sans  m  eurs, 
sans  religion,  et  habitués  à  des  vices  gros- 
.siers,  auraient-ils  été  aus.si  aisés  il  réformer  ? 
un  seul  hnnnne  en  serait-il  venu  h  bout? 
On  n'a  rien  reproché  aux  Orientaux  dans  ce 
Siècle,  ni  dans  le  précédent,  ni  dans  le  xi', 
]iarce  qu'ils  ne  furent  pas  tdui  mentes  comme 
les  Européens. 

.\  cette  nouvelle   épo(iue,  nous  trouvons 


encore  dans  Mosheim  une  contradiction  pal- 
pable. !1  dit  quêtons  les  écrivains  de  ce  (emps- 
îà  parlent  de  l'ignorance,  des  fourberies,  des 
contestations,  des  dérèglements  ,  des  crimes 
et  de  l'impiété  des  moines  :  que  cependant 
ils  étaient  considérés,  honorés  et  enrichis, 
parce  que  les  séculiers,  qui  étaient  encore 
l>lus  vicieux  et  plus  ignorants  qu'eux,  se  flat- 
taient d'expier  tous  leurs  crimes  par  les  priè- 
res des  momMachetées  à  prix  d'argent  ;  que 
cependant  ceux  do  Cluny  étaient  les  plus  es- 
lim:'s  et  les  plus  respectés,  parce  qu'ils  sem- 
blaient être  les  plus  réguliers  et  les  plus 
vertueux.  De  ce  tableau,  éviiiemment  trop 
chargé,  il  résulte  d(''jà  que  les  laïques  de  ce 
siècle  n'étaient  ni  assez  stupides  [lour  no  pas 
distinguer  parmi  les  moines  ceux  qui  pa'  ais- 
saiont  les  plus  réguliers,  ni  assez  corrompus 
pour  ne  pas  les  estime:'  jilus  que  les  aulres. 
Cela  posé,  on  ne  persuadera  jamais  que  les 
séculiers  aient  pu  avoir  aucune  confiance  aux 
prières  d'une  classe  d'hommes  que  les  écri- 
vains de  notre  temps  peignent  comme  des 
scélérats  et  des  impies.  Aussi  cetle  pri'ten- 
due  scélératesse  n'est-elle  prouvée  par  le  té- 
moignage d'aucun  écrivain  contemporain. 
(.)n  pourra  peut-être  citer  dans  l'iii'loire 
quelques  fails  particuliers  très-odieux,  mais 
c'est  une  injustice  et  une  incons  quence  de 
conclure  du  particulier  au  général,  il  on  ré- 
sulte, en  secnnd  lieu,  que  les  désordres, 
vrais  ou  faux,  reprochés  aux  moines,  n'é- 
taient point  le  vice  de  leur  état,  mais  le  vice 
du  siècle  ;  que,  vu  l'excès  de  la  corruption 
qui  régnait  universellement  pour  lors,  il  était 
à  peu  près  impossible  qu'elle  ne  pénétrât 
pas  dans  les  cloîtres  ;  et  l'on  |,ourrait  porter 
à  peu  près  le  même  jugement  de  notre  pro- 
pre siècle.  Quand  l'impiété,  l'irréligion  et  la 
morale  posiilentielle  des  philosophes  incré- 
dules viendraient  à  se  glisser  jusque  dans  les 
monastères,  il  ne  s'ensuivrait  rien  contre  la 
sainteté  de  l'état  monastiijtie. 

C'est  dans  le  xi"  siècle  que  saint  Romuald 
fonda  en  Itahe  l'ordre  des  camaldules,  saint 
Jean  Gualbert  celui  de  Vallombreuse  ;  que 
l'abbé  Guillaume  forma  en  Allemagne  la  con- 
grégation d'Hirsauge,  et  que  saint  Robert, 
abbé  de  Molesme,  lit  éclore  en  France  l'ordre 
de  Cîteaux  ;  ils  firent  revivre  toute  la  sévérité 
de  la  règle  de  s.dnt  Benoit.  Voilà  donc  tou- 
jours des  moines  qui  consentent  à  rentrer 
dans  la  régularité,  et  qui  trouvent  dans  leur 
règle  primitive  le  moyen  de  se  réformer. 
C'est  cependant  contre  la  règle  môme  que  les 
protestants  et  les  incrédules  déclament  ; 
mais  lorsqu'ils  auront  poussé  l'erreur,  l'im- 
piété, l'irréligion,  jusqu'au  comble,  qui  les 
réformera  ?  Sur  la  iin  de  ce  môme  siècle  com- 
mença l'ordre  des  chartreux  ;  Mosheim  con^ 
vient  qu'il  n'en  est  aucun  qui  ait  conservé 
plus  constamment  la  ferveur  de  sa  première 
institution  :  depuis  sept  siècles  entiers  il  n'a 
pas  .  u  besoin  de  réforme. 

On  sait  l'éclat  que  saint  Bernard,  par  ses 
talents  et  par  ses  vertus,  donna  pendant  le 
xii'  siècle,  à  l'ordre  de  (liteaux,  et  l'abbé 
Suger  à  celui  de  saint  Benoît.  Ces  deux 
grands  hommes  ont  cependant   trouvé  des 


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censeurs  :  le  mérite   éminent  en  aura  tou- 
jours.  Mosheim  parle   désavantageusement 
du  premier,  et  ne  dit  rien  du  second.  11  in- 
siste  sur  les  contestations  et  l'inimitié  que 
la  diversité  des  intérêts  tlt  bientôt  naître  en- 
tre ces  deux  ordres  religieux,  et  les  disputes 
qui  survinrent  entre  les  moines  et  les  cha- 
noines réguliers.  On  ne  voit  point  que  ces 
dissensions  aient  altéré  la  pureté  des  mœurs 
dans  ces  ditTérents  corps.  Les  autres  ordres 
qui  furent  institués  dans  ce    môme  siècle, 
celui  de  Fontevrault,  celui  des  prémontrés 
et  celui  des  Carmes,  sont  une  Preuve  que 
l'on  continuait  à  estimer  l'état  monastique. 
Le  nombre  de  ces  ordres  augmenta  beaucoup 
dans  le  xin'  ;  notre  historien  est  forcé  d'a- 
vouer qu'il  y  eut  parmi  les  moines  de  vrais 
savants  ;  que  les  dominicains  espagnols  étu- 
dièrent la  langue  et  la  littérature  arabe  pour 
pouvoir  travailler  à  la  conversion  des  Juifs 
et  des  Sarrasins,  ou  des  Maures  mahomé- 
tans  ;   c'est  alors  que  l'on  vit  naître  les  or- 
dres mendiants.  Mosheim  convient  que  leur 
institution  fut  l'effet  de  la  nécessité  dans  la- 
quelle se  trouvait  l'Eglise.  Le  clergé  séculier 
négligeait  ses   fonctions,   laissait  manquer 
les  peuples  de  secours  spirituels,  et  les  an- 
ciens moines  s'étaient  beaucoup  relâchés.  Les 
hérétiques,  divisés  en  plusieurs  sectes,  se 
réunissaient  à  soutenir  que  les  ministres  de 
l'Eglise  devaient  ressembler  aux  apôtres,  et 
pratiquer   la  pauvreté  volontaire  ;  les  doc- 
teurs de   ces  sectes  en  faisaient  profession, 
ne  cessaient  de  déclamer  contre  les  richesses 
et  les  mœurs  relâchées  du  clergé  et  des  moi- 
nes, et  les  peuples  se  laissaient  séduire  par 
ces  invectives.  A  la  pauvreté  fastueuse  et 
insolente   des  sectaires ,   il   fallut   opposer 
l'exemple  d'une  pauvreté  humble  et  modeste, 
jointe  à  une  vie  austère  et  mortifiée.  C'est  ce 
qui  fit  propager  en  peu  de  temps  les  ordres 
des  dominicains,   des  franciscains,  des  car- 
mes et  des  augustins.  Notre  historien  avoue 
qu'ils  rendirent  d'abord  de  très-grands  ser- 
vices, que  leur  zèle  et  la  pureté  de   leurs 
mœurs  inspirèrent  aux  peuples  le  respect  et 
la  confiance  ;  mais  il  observe  qu'il  en  résulta 
de  très-grands  abus.  Les  mendiants,  singu- 
lièrement protégés  par  les  papes  et  par  les 
souverains,  se  mêlèrent  de  toutes  les   af- 
faires ,   se  chargèrent   de  toutes  les  fonc- 
tions, débauchèrent  les  peuples  à  leurs  pas- 
teurs,   empiétèrent   sur  les  droits  des  évo- 
ques, portèrent  le  trouble  dans  les  universi- 
tés dans  lesquelles  ils  occupaient  des  chaires, 
séduisirent  les  ignorants  par  de  fausses  ré- 
vélations  et  de  faux  miracles,  fatiguèrent 
même  les  souverains  pontifes  par  leurs  dis- 
sensions et  leurs   erreurs.  Ainsi  le  mal  ne 
manque  presque  jamais  de  naître  du  bien  ; 
c'est  l'histoire  de  tous  les  siècles  et  la  desti- 
née de  la  nature  humaine  :  mais  faut-il  nous 
abstenir  de  faire  du  bien,  de  peur  que  dans 
la  suite  il  n'en  arrive  du  mal  ?  Si  les  laïques 
avaient  été  moins   imprudents,   les  moines 
mendiants  n'auraient  pas  eu  l'occasion  d'ou- 
blier si  aisément  leurs  devoirs  et  leur  des- 
tination. Nous  continuons  d'en  conclure  que 
les  peuples  n'ont  jamais  estimé  les  ministres 


de  la  religion  qu'à   proportion  des  services 
qu'ils  en  ont  tirés.  Les   dissensions  et  les 
disputes  entre  les  religieux  mendiants  et  les 
autres  corps  ecclésiastiques  ont  duré  pendant 
tout  le  XIV'  siècle.  Les  premiers  ont  été  ac- 
cusés d'énerver  la  discipline  ecclésiastique, 
de  pervertir  l'esprit  du  christianisme,  d'amu- 
ser les  peujiles  par  des  dévotions  minutieu- 
ses,  et  souvent  superstitieuses,  etc.  De  nos 
jours,  les  mômes  reproches  ont  été   renou- 
velés contre  les  jésuites,  auxquels   on   n'a 
cependant  pu  imputer  l'ignorance,  ni  la  cor- 
ruption des  mœurs.  Quelques  docteurs  d'un 
caractère  trop  ardent  exagérèrent  ces  abus, 
reprochèrent  aux  souverains  pontifes  de  les 
fomenter ,  allèrent  jusqu'à  blâmer  absolu- 
ment les  pratiques  desquelles  ils  voyaient 
naître  de  mauvais  effets  ;  tels   furent  Jean 
Wiclef  en  Angleterre  ,  et  Jean  Hus  dans  le 
siècle    suivant.  De  ce  foyer  sont  sorties  les 
étincelles  qui  ont  embrasé  le  xvi'  siècle,  et 
qui  ont  fait  éclorele  schisme  des  protestants. 
Mosheim  dit  que  l'on  a  tenté  vainement  de 
corriger  les  moines  pendant    près    de    trois 
siècles  ;  que  rien  n'a  pu  dompter  le  caractère 
insolent ,    hargneux  ,  ambitieux,    opiniâtre, 
superstitieux  des  mendiants,  non  plus  que  la 
fainéantise,  l'ignorance  et  le  libertinage  des 
autres.  11  est  fâcheux  que  Luther,  premier  fon- 
dateur de  la  réforme,  ait  été  élevé  dans  une 
pareille  école  et  en  ait  contracté  tous  les  vices. 

Bingham,  quoique  prévenucontre  l'Eglise 
romaine,  a  parlé  des  moines  avec  plus  de 
modération;  il  ne  s'est  pas  emporté  con- 
tre eux;  il  semble  même  approuver  l'é- 
tat monastique  tel  qu'il  était  dans  son  ori- 
gine. Il  ne  blâme  chez  les  religieux  que  la 
cessation  du  travail  des  mains,  les  vœux, 
l'élévation  des  moines  à  la  cléricature,  et  les 
exemptions  qu'ils  ont  obtenues.  On  voit  évi- 
demment que  Mosheini  ne  les  a  noircis,  dans 
tous  les  siècles ,  qu'afin  de  persuader  qu'au 
xvi%  ils  avaient  absolument  changé  le  fondmô- 
me  du  christianisme,  et  qu'il  étaitindispensa- 
blement  nécessaire  de  le  réformer,  ou  plutôt 
de  le  créer  de  nouveau.  Mais  des  invectives 
dictées  par  le  besoin  de  système  ne  peuvent 
pas  faire  beaucoup  d'impression  sur  des  hom- 
mes instruits. 

Malgré  toute  la  bile  qu'il  a  vomie  contre 
eux,  il  demeure  certain,  1°  que  l'état  monas- 
tique est  venu  non-seulement  des  persécu- 
tions du  christianisme,  et  du  malheureux 
état  des  peuples  sous  le  gouvernement  ro- 
main, toujours  dur  et  tumultueux,  mais  du 
désir  de  trouver  le  vrai  bonheur  ,  que  Jésus- 
Christ  fait  consister  dans  la  pauvreté  volon- 
taire, dans  les  larmes  de  la  pénilence,  dans 
le  désir  ardent  de  la  justice  et  de  la  perfec- 
tion, dans  la  persévérance  à  porter  la  croix; 
que  cet  état  n'inspire  point  le  vice,  mais  la 
vertu,  et  qu'il  en  a  donné  de  grands  modèles 
dans  tous  les  temps.  Depuis  que  les  religieux 
de  la  Trappe  et  de  Sept-Fonts  retracent 
parmi  nous  la  vie  des  cénobites  de  la  Thé- 
baïde,  a-t-on  eu  lieu  de  suspecter  leurs  mœurs 
et  de  douter  de  la  sincérité  de  leurs  vertus? 
Leur  exemple  a  fait  une  infinité  de  conver- 
sions, et  il   en  fera  toujours  ;  l'admiration 


849 


MOI 


MOI 


850 


qu'il  cause  n'est  point  un  étonncment  stu- 
pide  et  mal  fondé,  comme  le  priHoiidont  les 
incrédules,  mais  un  juste  tribut  que  l'huma- 
nité doit  à  la  verhi  qui,  selon  l'énergie  du 
terme,  est  la  force  de  l'dme.  —  2'  Il  est  in- 
contestable que  les  changements  survenus 
dans  la  discipline  de  l'état  monastique, 
comme  les  vœux,  la  stabilité,  l'usage  d'éle- 
ver les  moines  h  la  cléricature,  es  exemp- 
tions, les  congrégations,  les  réformes,  ont 
été  faits  par  nécessité  et  pour  un  plus  grand 
bien  ;  vouloir  que  les  religieux  eussent  per- 
sévéré dans  le  même  régime  pendant  dix- 
sept  siècles,  dans  les  divers  climats,  et  mal- 
gré toutes  les  révolutions  survenues  dans  le 
monde,  c'est  méconnaître  la  nature  de  l'hom- 
me. Faut-il  renoncer  à  la  vertu  parce  qu'elle 
ne  peut  jamais  être  assez  constante,  ni  assez 
parfaite  i  Quand  on  a  eu  le  malheur  de  s'en 
écarter,  il  faut  y  revenir  et  tenter  de  nou- 
veaux eflorts.  Lorsque  \esmoines  se  sont  re- 
lAchés,  il  n'a  jamais  été  impossible  de  les 
réformer  ;  il  n'a  fallu  pour  cela  qu'un  homme 
sage  et  courageux.  —  3°  L'on  ne  peut  pas 
nier  que  dans  tous  les  temps  ils  n'aient  ren- 
du de  grands  services,  surtout  pour  les  mis- 
sions. En  Orient,  saint  Siméon  Stylite,  que 
l'on  a  voulu  faire  passeï'  pour  un  insensé,  a 
cependant  converti  au  christianisme  les  Li- 
baniotes  encore  idolAtres,  et  une  jiarlie  de 
l'Arabie  ;  Mosheim  en  convient.  L'Occident 
est  redevable  aux  moines  de  la  conversion 
des  peu[iles  du  Nord,  de  leur  civilisation  et 
de  la  tranquillité  de  l'Europe  depuis  cet  évé- 
nement. Ils  ont  contribué  plus  (|ue  personne 
à  diminuer  la  férocité  des  Barbares,  à  sauver 
les  dél)ris  des  sciences  et  des  arts,  à  réparer 
les  ruines  de  nos  malheureuses  contrées  ;  ils 
ont  défriché  les  forêts,  et  ont  rassemblé 
autour  d'eux  les  peuples  désolés.  Pendant 
huit  ou  dix  siècles,  la  plupart  des  grands 
évêques  ont  été  tirés  du  cloître.  Aujourd'hui 
encore  une  paitie  des  ordres  religieux  en- 
voie des  missionnaires  dans  les  trois  parties 
du  monde  qui  en  ont  le  plus  besoin.  Ils  font 
cultiver  ce  que  leurs  prédéce  seurs  ont  dé- 
friché ;  plusieurs  dans  les  différents  ordres 
s'appliquent  aux  sciences  avec  succès  ;  ils 
rassemblent  et  débrouillent  tous  les  monu- 
ments dd'antiquilé,  ils  nourrissent  des  pau- 
vres, ils  exercent  l'hospitalité  ;  les  monastè- 
res sont  un  refuge  pour  les  famdles  surchar- 
gées d'enfants,  etceuxqui  s'y  retirent  rendent 
quelquefois  plus  de  services  à  leurs  parents 
que  s'ils  étaient  restés  dans  le  monde.  Un 
grand  nombre  aident  1h  clergé  séculier  dans 
ses  fonctions.  Il  est  bien  absurde  de  fouiller 
dans  tous  les  coins  de  l'histoire,  pour  y  dé- 
couvrir les  vices  des  moines,  sans  jamais 
dire  un  mot  de  leurs  vertus  ni  de  leurs  ser- 
vices, ou  de  ne  faire  mention  de  leurs  tra- 
vaux que  pour  les  déprimer  et  en  empoison- 
ner le  motif.  D'un  côté,  l'on  ne  cesse  d'in- 
sister sur  leur  oisiveté,  et  de  l'autre  on  les 
représente  toujours  agissant  dans  la  société, 
et  occupés  à  y  faire  du  mal.  Il  serait  à  sou- 
haiter, sans  doute,  que  dans  tous  les  temps 
les  religieux  eussent  été  tous  humbles,  mo- 
destes, désintéressés,  attachés  à  leur  règle, 


renfermes  chez  eux,  moins  attentifs  à  se 
prévaloir  de  leiu'S  services  et  do  la  confiance 
des  peuples.  Mais  l'humanité  est-elle  capable 
de  cette  perfection  évangélique  ?  Pour  se 
rendre  utiles,  il  a  fallu  fréquenter  les  laïques, 
et  leur  vertu  n'y  a  jamais  rien  gagné  ;  sou- 
vent, au  lieu  de  réformer  les  mœurs  publi- 
ques ils  ont  contracté  une  partie  de  la  con- 
tagion :  c'est  le  danger  auquel  sont  exposés 
tous  ceux  qui  travaillent  au  salut  des  âmes. 
—  k°  Mosheim  et  ses  pareils  en  imposent, 
lorsqu'ils  représentent  l'état  monasli(]ue 
comme  absolument  dépravé  au  xvi'  siècle. 
11  pouvait  être  fort  déchu  en  Allemagne, 
et  dans  les  pays  du  Nord,  parce  que  la  cra- 
pule est  un  vice  inhérent  au  climat  ;  mais 
encore  une  fois,  les  protestants  devraient  se 
souvenir  que  le  plus  grand  nombre  des  apô- 
tres de  la  réforme  ont  été  des  moines  échap- 
pés du  cloître,  et  qui  en  ont  conservé  tous 
les  vices,  au  lieu  d'en  pratiquer  les  vertus. 

Dans  les  décrets  de  réforme  feits  par  le 
concile  de  Trente,  nous  ne  voyons  rien  qui 
prouve  que  l'état  monastique  avait  besoin 
d'être  absolument  changé  ;  ces  décrets  ont 
plutôt  pour  objet  de  maintenir  la  discipline 
telle  qu'elle  était,  que  d'en  introduire  une 
meilleure.  Les  anciennes  lois  étaient  bonnes, 
il  n'était  question  que  de  les  faire  exécuter. 
Mosheim  blesse  encore  davantage  la  vérité, 
lorsqu'il  dit  que,  même  après  le  concile  de 
Trente,  la  fainéantise,  la  crapule,  l'ignorance, 
la  friponnerie  ,  l'impudicité  ,  les  disputes, 
n'ont  pas  été  bannies  des  cloîtres,  mais  que 
l'on  a  eu  seulement  plus  soin  de  les  cacher, 
afin  de  donner  àentendre  qu'elles  n'y  régnent 
plus  aujourd'hui.  N'y  en  a-t-il  plus  chez  les 
protestants?  Nous  devons  savoir  mieux  qu'eux 
quelles  sont  les  mœurs  du  cloître,  i)uisque 
nous    les   voyons    de    plus    près    qu'eux. 

Le  plus  célèbre  des  philosophes  incré- 
dules, dans  un  moment  de  flegme,  a  reconnu 
l'absurdité  des  satires  qu'il  a  lancées  contre 
l'élat  religieux,  et  que  tant  d'autres  écri- 
vains ont  copiées.  «  Ce  fut  longtemps,  dit-il, 
une  consolation  pour  le  genre  humain  qu'il 
y  eût  des  asiles  ouverts  à  tous  ceux  qui  vou- 
laient fuir  les  oppressions  du  gouvernement 
goth  et  vandale.  Presque  tout  ce  qui  n'était 
pas  seigneur  de  château  était  esclave  ;  on 
échappait,  dans  la  douceur  des  cloîtres,  à  la 
tyrannie  et  à  la  guerre...  Le  peu  de  connais- 
sances qui  restait  chez  les  barbares  fut  per- 
|iétué  dans  les  cloîtres.  Les  bénédictins  tran- 
scrivirent quelques  livres  ;  peu  à  peu  il  sortit 
des  monastères  des  inventions  utiles  ;  d'ail- 
leurs ,  ces  religieux  cultivaient  la  terre , 
chantaient  les  louanges  de  Dieu,  vivaient 
sobreoient,  étaient  hospitaliers,  et  leurs 
exemples  pouvaient  servir  à  mitiger  la  fé- 
rocité de  ces  temps  de  barbarie.  On  se 
plaignit  que  bientôt  après  les  richesses  cor- 
rompirent ce  que  la  vertu  avait  institué.... 
On  ne  peut  nier  qu'il  n'y  ait  eu  dans  le 
cloître  de  grandes  vertus.  Il  n'est  guère  en- 
core de  monastères  qui  ne  renferment  des 
âmes  admirables  qui  font  honneur  à  la  na- 
ture humaine.  Trop  d'écrivains  se  sont  plus 
à  rechercher  les  désordres  et  les  vices  dont 


8,'il 


MOI 


MO» 


»}A 


furent  souillés  quelquefois  ces  asiles  de  la 
piété,  n  est  certain  que  la  vie  séculière  a 
toujours  été  pliis  vicieuse,  que  les  grands 
crimes  n'ont  pas  été  commis  dans  les  mo- 
nastères, mais  ils  ont  été  plus  remarqués 
par  leur  contniste  avec  la  règle  ;  nul  état  n"a 
toujours  été  pur.  Il  faut  n'envisager  ici  que 
le  bien  général  de  la  société  ;  le  petit  nom- 
bre de  cloîtres  fit  d'abord  bcaiicou  »  de  bien, 
le  trop  grand  nombre  peut  les  avilir- » 

Il  dit  que  «  Les  chailreux,  malgré  leurs 
richesses,  sont  consacrés  sans  relâchement 
au  jeûne,  au  silence,  h  la  prière,  à  la  soli- 
tude :  tranquilles  sur  la  terre  au  milieu  de 
tant  d'agitations  dont  le  bruit  vient  à  peine 
jus([u'à  eux,  et  ne  connaissant  les  souve- 
rains que  par  les  prières  où.  leurs  noms  sont 
insérés.  » 

En  parlant  do  ceux  qui  ont  trop  déclamé 
contre  les  religieux  en  général,  «  Il  fallait 
avouer,  dit-il,  (ju  ■  lesbéiiédictitis  ont  donné 
beaucoup  de  bons  o  ivrages,  que  les  jésui- 
tes ont  lenlude  grands  servi( es  aux  bel- 
les-leitres  ;  il  fallait  bénir  les  frères  de  la 
charité  et  ceux  de  la  rédemption  des  ca  - 
tifs.  J,e  prem  er  devoir  est  d'ètie  juste... 
II  faut  convenir,  malgré  tout  ce  que  l'on 
a  dit  contre  leurs  abus,  qu'il  y  a  toijouis 
eu  parmi  eux  des  hommes  "éminents  <  n 
science  et  en  vertu,  que  s'ils  ont  fait  de 
grands  maux  ils  ont  rendu  de  grands  ser- 
vices,   et  qu'en  général  on  (ioit  les  plaindre 

encore    plus  (pi'    les   condamner Les 

instituts  consacrés  au  soulagement  des  pau- 
vres et  au  service  des  malades  ont  été  les 
moins  bridants,  et  ne  sont  pas  les  moins 
respectabl  s.  Peut-être  n'est-il  rien  de  plus 
grand  sur  la  terre  que  le  sacrifice  que  fait 
un  sexe  délicit,  de  la  beauté,  de  la  jeu- 
nesse, souvc  nt  de  la  haute  naissance,  pour 
soulager  dans  les  hôpitaux  ce  ramas  de 
toutes  les  misères  humaines,  d.iul  la  vue 
est  si  humiliante  poui-  l'orgueil,  et  si  ré- 
voltante pour  notre  délic.itesse.  Les  peuples 
séparés  de  la  communion  romaine  n'ont 
imité  qu'imparfaitement  une  charité  si  gé- 
néreuse     Il   est   une  aulre  c  ngrégation 

plus  héroïque:  cr  ce  nom  convient  aux 
trinitaires  de  la  rédemption  des  captifs  ;  ces 
religieux  se  consacrent  depuis  cinq  siècles 
à  briser  les  chaî.ies  des  chrétiens  chez  les 
Maures,  ils  emploient  k  payer  les  rançons 
des  esclaves  leurs  revenus  et  les  aumônes 
qu'ils  recuedlent,  et  qu'ils  portent  eux- 
mêmes  en  Afrique.  On  ne  peut  se  plaindre 
de  tels  instituts.  »  Essais  sur  l'Hist.  gén., 
t.  IV,  c.  135;  Quest.  sur  l'Encyc,  Apoca- 
lypse, Bims  d'Eglisr,  etc. 

On  sait  que  les  prêtres  de  la  mission  de 
saint  Lazare,  les  Cci|)ucins  et  d'antres  re- 
ligieux prenn:'nt  aussi  part  k  cidte  bonne 
œuvre,  si  digne  de  la  charité  chrétienne. 
Il  y  a  eu  ju  xn"'  siècle  un  institut  de  re- 
ligieux  pontifes  qui  s'étaient  dévoués  à  la 
construction  des  jionts  et  à  la  réparation 
des  grands  chemins.  Nous  ne  d  'vnns  pas 
passer  sous  silence  ceux  qui  se  consacrent 
a  l'instruction  des  enfants  pauv.es,  et  qui 
tiennent  les  écoles  de    charito.  Yoy.   Hos- 


pitaliers, RÉDEMPTioiN,  Ecoles,  etc.  Il  est 
étonnant  que  les  protestants,  lorsqu'ils  parlent 
des  moines,  soient  moins  équitables  que  les 
philosophes  incrédules  ;  mais  il.s  ont  bien 
d'autres  torts  à  se  reprocher.  Nous  par- 
lerons  ci-après  des    riches  es   des  moines. 

Monastique  (Etat)  ou  religieux.  On  sait 
ce  que  c'est,  par  l'histoire  que  nous  ve- 
nons d'en  faire.  Pour  enju-eravec  plus 
d'i'quité  que  les  esprits  superficiels  ou  pré- 
venus, il  est  à  propos  de  consulter  le  hui- 
tième Discours  de  l'abbé  Fleury  sur  VHis- 
toire  ecclésiastique;  l'ouvrage  intitulé  de 
l'Etat  religieux,  Paris,  1784  ;  le  Mémoire  d'un 
savant  avocat  sur  l'état  des  Ordres  religieux 
en  France,  qui  a  paru  en  1787  ;  les  Vues 
d'un  solitaire  patriote,  etc.  Nous  avons  d('jk 
vu  que,  les  jugements  qu'en  portent  les 
hérétiques  et  les  incrédules  sont  contradic- 
toires. Suivant  ces  derniers,  le  cliristia- 
nisme  est  un  vrai  monarhisme;  les  vertus 
qu'il  recommande,  les  pratiques  qu'il  jjres- 
crit,  je  renoncement  au  monde  qu'il  con- 
seille, ne  conviennent  qu'à  des  moines;  c'est 
déjk  nous  dire  assez  clairement  que  la  pro- 
fession rebgieuso  n'est  autre  chose  que  la 
pratique  exacte  de  l'Evangile.  D'autre  part 
les  protestants  soutiennent  que  la  vie  mo- 
nastique est  directement  contraire;  que  l'es- 
prit -de  notre  religion  tend  k  nous  réunir 
en  société,  nous  porte  k  nous  secourir  les 
uns  les  autres,  nous  attac!  e  k  tous  les  de- 
voirs de  la  vie  civile,  au  lieu  que  l'esprit 
du  cloitre  nous  rend  isolés,  indolents,  in- 
sensibles aux  besoins  et  aux  maux  de  nos 
semblables.  En  attendant  qu'ds  se  soient 
accordés,  nous  soutenons  que  l'état  reli 
g  eux  est  très-conforme  k  l'esprit  du  christia- 
nisme, qu'il  n'est  point  pernicieux,  mais  plu- 
tôt utile  k  la  société. 

Saint  Jean  nous  avertit  qu'il  n'y  a  rien 
autre  chose  dans  le  monde,  que  convoitise 
de  la  chair,  concupiscence  des  yeux ,  et 
orgueil  de  la  vie  (J  Joan.  ii,  16).  Ce  tableau 
n'était  que  trop  vrai  dans  le  temps  au- 
quel cet  apôtre  parlait,  et  il  ne  l'est  pas 
moins  aujourd'hui.  Voilk  le  monde  auquel 
Jésus-Christ  nous  ordonne  de  renoncer,  du- 
quel il  dit  k  ses  disciples  :  Vous  n'êtes  pas 
ac  ce  monde,  je  vous  ai  tirés  du  monde,  etc.; 
et  il  était  venu  pour  le  réformer.  Les  moines 
ont-ils  tort  de  s'en  séparer  ?  Ils  ont  re- 
noiic'  aux  convoitises  de  la  chair  par  le 
vœu  de  chasteté  et  par  la  pratique  de  la  mor- 
tification ;  k  la  concupiscence  des  yeux,  ou 
au  désir  des  richesses,  par  le  vœu  de  pau- 
vreté ;  k  l'orgueil  de  la  vie,  par  le  vœu  d'o- 
béissance et  par  l'exactitude  k  suivre  une 
règle.  En  quel  sens  cela  est-il  contraire  k 
l'Evangile?  D'autre  côté,  il  n'est  pas  vrai 
que  par  ce  renoncement  les  moines  se  ren- 
dent inutiles  au  monde  et  au  secours  de 
leurs  sembLibles;  il  y  a  plusieurs  manières 
de  contribuei'  au  bien  commun,  et  il  est 
permis  de  choisir,  .lariiais  il  ne  sera  inutile 
de  prier  assidûment  jiour  nos  frères,  de 
leur  donner  l'exemple  des  vertus  chrétien 
nés,  de  leur  prouver  que  l'on  peut  trouver 
le  bonheur,  non  en  contentant  les  passions, 


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mais  en  les  i/'priinant.  (7e.sl  la  destiiiatioii 
des  moines.  Toutes  les  fois  qu'ils  ont  pu  se 
rendre  utiles  k  la  sociiHé  d'une  autre  manière, 
ils  ne  l'ont  pas  refusé.  Déjà  nous  avons  ex- 
posé plusieurs  de  leurs  services,  mais  nous 
n'en  avons  pas  fait  uneénumération  complète. 
Il  y  a  des  espèces  de  travaux  qui  no  peu- 
vent être  exécutés  que  par  des  sociétés  ou 
de  grandes  coniniuuautés,  pour  lesquels  il 
faut  des  ouvriers  qui  aj^issent  de  concert  et 
qui  se  succèdent,  lomiiie  les  missions,  les 
collèges,  les  grandes  collectioTis  littéraires, 
etc.  Une  preuve  que  cela  ne  peut  pas  se  taire 
autrement,  c'est  que  jamais  de  simples  laï- 
ques ne  l'ont  entrepris,  et  jamais  les  récom- 
penses que  les  honunes  peuvent  donner  ne 
feront  exécuter  ce  qu'insfiire  la  religion 
h  des  prêtres  ou  à  des  moines  pauvres, 
détachés  de  ce  monde ,  pieux  et  charita- 
bles. Un  protestant  plus  sensé  et  plus  ju- 
dicieux que  les  autres ,  en  est  convenu 
dans  un  ouvrage  très-récent.  Voy.  Commu- 

NACTÉ. 

Môme  contrjidiotion  de  la  part  de  nos 
censeurs  au  sujet  do  la  conduite  des  moines. 
Lorsqu'ils  sout  demeurés  dans  la  Sdlitude, 
on  leur  a  reiiroché  de  mener  la  vie  des 
ours;  lorsque  des  révolutions  fAchi'Uses  les 
ont  forcés  de  se  raiiproclicr  des  villes,  on  a 
imaginé  que  c'était  par  ambition  :  tant  qu'ils 
se  sont  bornés  au  travail  des  mains  et  à  la 
prière,  on  a  insisté  sur  leur  ignorance  ;  dès 
qu'ils  se  sont  livrés  à  l'élude,  on  les  a 
blâmés  d'avoir  renoncé  h  leur  piemière  pro- 
fession, et  l'on  a  prétendu  qu'ils  avaient 
retardé  le  progrès  des  sciences.  Nos  profonds 
raisonneurs  ne  pcirdonn  nt  pas  plus  la  vie 
austère  et  mortiliée  dans  laquelle  les  moines 
orientaux  persévèrent  depuis  seize  siècles, 
que  le  relâchement  qui  s'est  introduit  peu 
à  peu  dans  les  ordres  religieux  de  l'Oc- 
cident. S'ils  sont  pauvres,  ils  soil  à  charge 
au  peuple  ;  s'ils  sont  riches,  on  oinne  à 
les  dépouiller;  s'ils  sont  pieux  et  reti- 
rés, c'est  superstition  et  fanatisme;  s'ils 
paraissent  dans  le  monde,  on  dit  que  c'est 
pour  s'y  dissiper.  Comment  contenter  des 
esprits  bizarres,  qui  ne  peuvent  soiiffrir 
dans  les  moines  ni  le  repos,  ni  le  travail, 
ni  la  solitude,  ni  l'esprit  de  société,  ni  les  ri- 
chesses, ni  la  pauvreté  ? 

Un  écrivain  récent,  qui  a  publié  ses  voya- 
ges, a  trouvé  bon  de  se  donner  carrière  sur 
ce  sujet.  «  Dans  touti'S  les  religions,  dit-il, 
l'on  a  vu  des  enthousiastes  s'isoler  dans  les 
déserts,  passer  leur  vie  dans  les  mortili- 
caiion's  et  les  prières;  mais  cette  pieuse 
effervescence  ne  l'ut  pas  de  longue  durée. 
Les  descendants  de  ces  pieux  anachorètes 
se  rapprochèrent  bientôt  des  vill.s,  et  pa- 
raissant ne  s'occuper  que  de  Dieu,  leurs 
regards  se  portèrent  avidement  sur  la  terre  ; 
ils  voulurent  être  honorés,  puissants  et  ri- 
ches, quoiqu'ils  affectassent  le  mépris  des 
grandeurs,  le  désintéressement  et  l'humi- 
lité la  plus  prof  lude.  S'ils  recueillaient  de 
hiillants  héritages,  ce  n'était  que  fiour  em- 
pêcher qLi'ils  ne  tombassent  dans  des  mains 
[irofanes ,  ou  pour  faciliter   aux   hommes 


le  moyen  de  gagner  le  cicd  par  l'iixercice 
de  la  charité.  S'ils  bâtissaient  des  palais  su- 
perbes, ce  n'était  |)as  pour  se  loger  d'une 
manière  agréable,  mais  pour  laisser  un  mo- 
nument delà  piété  généreuse  de  leurs  bien- 
faiteurs. El  conmient  ne  pas  les  croire?  Us 
avaient  l'extérii-ur  si  pénitent,  leur  mépris 
pour  les  jouissances  passagères  de  ce  monde 
p.iraiss.iit  être  de  si  bonne  foi,  qu'on  les 
voyait  se  livrer  à  toutes  les  douceurs  de 
la  vie,  sans  se  douter  qu'ils  en  eussent 
l'idf'e  :  tels  ont  été  les  ministres  de  toutes  les 
religions.  » 

Cette  tirade  satirique,  assez  déplacée  dans 
une  histoire  de  voyage ,  n'est  fondée  que 
sur  uniT  ignorance  aifect''e  des  faits  que 
nous  avons  établis;  mais  l'auteur  l'a  jugée 
nécessaire  jiour  donner  plus  de  iiK'rite  hsa  re- 
lation, en  la  conformant  au  goût  de  ce  siè- 
cle.—1°  Ce  qu'il  dit  ne  peut  tomber  que  sur 
lis  ordres  religieux  dis  l'Occident,  puisqu'il 
est  incontestable  que,  depuis  seize  cents  ans, 
les  moines  ori -ntaux  mènent  une  vie  aussi 
austère,  aussi  retirée  et  aussi  pauvre  que 
dans  leur  origine.  A  peine  peut-on  citer  dans 
tout  l'Orient  et  dans  l'Egypte  quehjues  mo- 
nastères liches  ou  bien  bâtis.  Ce  ne  peut 
donc  pas  être  l'appât  d'une  vie  commode 
qui  engage  les  Grecs,  les  Cophtes,  les  Sy- 
riens, les  Arméniens  ni  les  nestoriens,  à 
embrasser  la  vie  monastique.  Les  voyageurs 
nous  attestent  qu'ils  ont  retrouvé  parmi  ces 
moines  la  discipline  primitive  établie  par  les 
fondateurs.  11  n'est  pas  moins  certain  que 
ce  furent  les  massacres  commis  par  les 
Barbares  dans  les  déserts  de  la  Thébaïde, 
qui  forcèrent  les  moines  h  se  réfugier  dans 
les  villes.  On  ne  peut  pas  nier  que  cjuand 
les  évèqut'S  ont  choisi  des  moines  pour 
collègues,  et  que  les  peuples  ont  désiré  de 
les  avoir  pour  pasteurs,  ils  n'y  aient  été 
engagés  par  le  mérite  personnel  et  par 
les  vertus  de  ceux  sur  lesquels  on  jetait  les 
yeux.  Cel  usage  persévère  encore  dans  tout 
l'Orient,  et  lorsqu'un  moine  est  élevé  à  l'éjû- 
sco[iat,  à  peine  change-t-il  quelque  chose 
dans  sa  façon  de  vivre.  Voilà  déjii  une  grande 
partie  du  monde  chrétien,  dans  laquelle 
la  censure  de  notre  voyageur  philosophe 
se  trouve  absolument  fausse.  —  2°  De  même 
que  dans  l'Egypte  la  vie  monastique  a  com- 
mencé à  l'occasion  des  persécutions,  ce  sont 
les  ravages  causés  par  les  Barbares  qui  l'ont 
fait  naître,  et  qui  ont  multi|ilié  les  njo- 
nastères  dans  lOccideut.  Les  moines  ne  se 
sont  rap[irochés  des  villes  que  quand  le 
clergé  séculier  fut  iiresque  anévudi,  et  quand 
les  peuples  eurent  besoin  d'e  ix  [)Our  re- 
cevoir les  secours  spirituels.  Plusieurs  mo- 
nastères bâtis  d'abord  dans  les  lieux  écar- 
tés, sont  devenus  des  villes,  parce  que  les 
peuples  s'y  réfugièrent  dans  les  temps  mal- 
heureux. (Jouuuentse  sont-ils  enrichis  ?  Par 
U  quantité  des  terres  incultes  qu'ils  ont 
déirichées,  par  la  multitude  des  colons  qu'ils 
ont  rassemblés,  par  les  restitutions  des 
grands  qui  avaient  pillé  les  biens  ecclé- 
siastiques, ]iar  la  dîme  qui  leur  a  été  ac 
cordée   lorsqu'ils  servaient   de  curés  ou  de 


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vicaires,  par  les  dons  volontaires  des  riches, 
lorsque  les  monastères  étaient  les  seuls 
hôpitaux  et  les  seules  ressources  contre  la 
misère  publique.  Il  n'a  donc  pas  été  né- 
cessaire que  les  womes  employassent  l'hypo- 
crisie, les  fraudes  pieuses  ni  la  superstition, 
pour  amasser  des  richesses  ;  on  leur  don- 
nait sans  qu'ils  demandassent,  parce  que 
la  charité  n'avait  pour  lors  point  d'autre 
moyen  de  s'exercer ,  et  que  les  moines 
étaient  les  seuls  ministres  de  charité.  Quand 
on  veut  blAmer  ce  qui  s'est  fait  dans  les 
différents  siècles,  il  faut  commencer  par  en 
étudier  l'histoire,  et  voir  quelles  ont  été 
les  vraies  causes  des  événements.  — 3°  Ces 
richesses  ne  pouvaient  pas  manquer  d'in- 
troduire le  relâchement  dans  les  monas- 
tères ;  mais  d'autres  causes  y  ont  contri- 
bué :  les  pillages  fréquents  qu'ils  ont  es- 
suyés ont  eu  des  suites  p.as  fâcheuses 
pour  les  mœurs  que  la  possession  paisi- 
ble de  leurs  biens.  Toutes  les  fois  que 
ce  malheur  est  arrivé,  le  peuple  a  cessé 
d'avoir  pour  les  religieux  le  même  respect 
et  la  même  confiance  ;  ce  n'est  pas  dans  les 
temps  de  relâchement  qu'il  a  été  tenté  de  leur 
faire  des  dons  ;  jamais  il  n'a  eu  pour  eux 
d'estime  qu'à  proportion  de  l'utilité  qu'il 
en  retirait,  et  de  la  régularité  qu'il  voyait 
régner  parmi  eux.  Il  suffit  de  considérer 
sa  conduite  actuelle  pour  en  être  convaincu. 
— 4°  Le  trait  lancé  par  l'auteur  contre  les  mi- 
nistres de  toutes  les  religions  mérite  ii  peine 
d'être  relevé.  C'est  une  absurdité  de  vouloir 
nous  donner  des  moines  du  christianisme 
la  même  idée  que  des  bonzes  de  la  Chine, 
des  faquirs  de  l'Inde,  des  talapoins  sia- 
mois et  dei  derviches  mahométans.  A-t-on 
vu,  parmi  ceux-ci,  les  mêmes  vertus  par 
lesquelles  un  grand  nombre  de  moines  se 
sont  distingués  ;  et  ont-ils  jamais  rendu 
à  la  société  les  mêmes  services  ?  Dans  un 
moment,  nous  répondrons  au  reproche  d'i- 
nutilité que  l'on  a  fait  à  Ve'tat  monastique. 
Mais  les  protestants  sont  allés  plus  loin  ; 
ils  soutiennent  que  cet  état  est  par  lui- 
môme  contraire  à  l'esprit  du  christianisme. 
1°  Jésus-Christ,  disent-ils,  commande  ))rin- 
cipalement  à  ses  disciples  l'union  et  la 
charité  ;  les  moines,  au  contraire,  veulent 
s'isoler  et  ne  vivent  que  pour  eux;  ils  fuient 
le  monde,  sous  prétexte  d'en  éviter  la  cor- 
ruption, et  saint  Paul  nous  enseigne  que  ce 
n'est  point  là  un  motif  légitime  de  s'en  sé- 
parer (/  Cor.  V,  10).  L'Evangile  ne  commande 
point  les  mortifications,  Jésus-Christ  n'en  a 
pas  donné  l'exemple;  elles  peuvent  nuire 
à  la  santé  et  abréger  la  vie,  c'est  une  espèce 
de  suicide  lent  et  cruel.  Lorsque  saint  Basile 
a  recommandé  aux  moines  un  extérieur  triste, 
négligé,  dégoûtant,  il  a  oublié  que  Jésus- 
Christ  a  défendu  à  ceux  qui  jeûnent  de  pa- 
raître tristes  comme  des  hypocrites  {Matth.  vi, 
16).  Saint  Paul  décide  que  celui  qui  ne  veut 
pas  travailler  ne  doit  pas  manger  (//  Tliess. 
III,  10)  ;  et  la  vie  monastique  est  une  profes- 
sion publique  d'oisiveté.  La  méthode  ordi- 
naire des  protestants  est  de  chercher  dans 
l'Ecriture  sainte  ce  qui  paraît  favorable   h 


leurs  opinions,  et  de  passer  sous  silence 
tout  ce  qui  les  condamne.  Jésus-Christ  répète 
souvent  à  ses  disciples  qu'ils  ne  sont  pas  de 
ce  monde,  que  le  monde  les  haïra,  qu'il  les  a 
tirés  du  monde  {Joan.  xv,  19  ;  xvii,  14.,  etc.). 
Saint  Pierre  lui  dit  :  «  Nous  avons  tout  quitté 
pour  vous  suivre  {Matth.  xix,  17).  »  Saint 
Jean  dit  à  tous  les  fidèles  :  «  N'aimez  point  le 
monde,  ni  ce  qu'il  renferme  :  celui  qui  l'aime 
n'aime  pas  Dieu,  etc.  (/.  Joan.  ii,  là,  etc.).  » 
Dans  le  pa^ssage  que  l'on  nous  objecte,  saint 
Paul  dit  que  s'il  fallait  se  séparer  de  tons 
les  hommes  vicieux,  il  faudrait  sortir  de  ce 
monde  ;  cela  n'est  ni  possible  ni  permis  à 
ceux  qui  tiennent  à  la  société  par  des  fonc- 
tions, des  devoirs,  des  ministères  publics  ou 
particuliers  qu'ils  doivent  remplir  :  mais  s'en- 
suit-il que  ceux  qui  en  sont  exempts  n'ont  pas 
droit  de  profiter  de  leur  liberté,  lorsqu'ils 
sentent  qu'il  y  a  pour  eux  du  danger  à  de- 
meurer dans  le  monde?  D'ailleurs,  nous  ne 
voyons  pas  en  quel  sens  un  homme  qui 
se  destine  à  vivre  en  communauté  avec  plu- 
sieurs autres,  et  à  leur  rendre  tous  les  ser- 
vices qu'exige  ce  genre  de  vie,  veut  être 
isolé  et  ne  vivre  que  pour  lui.  Une  des  meil- 
leures manières  d'exercer  la  charité  envers 
nos  semblables  est  de  leur  donner  bon 
exemple,  de  leur  montrer  ce  que  c'est  que 
la  vertu,  c'est-à-dire  la  force  de  l'âme,  jus- 
qu'où elle  peut  aller  et  de  quoi  l'iiomme 
est  capable  lorsqu'il  veut  se  faire  violence. 
Or,  c'est  la  leçon  que  les  moines  fidèles  à 
leurs  engagements  ont  donnée  dans  tous  les 
temps.  Ils  ne  se  sont  pas  bornés  à  prier  pour 
les  a'itres,  mais  ils  ont  consenti  b  quitter  la 
solitude,  et  à  leur  rendre  service  toutes  les 
fois  (ju'il  a  été  nécessaire.  Saint  Antoine  en 
sortit  deux  fois  pendant  sa  vie  ;  la  première, 
jiendant  la  persécution  de  Maximin,  pour  as- 
sister les  tidèles  exposés  aux  tourments;  la 
seconde,  pendant  les  troubles  de  l'hérésie 
d'Arius,  pour  rendre  un  témoignage  public 
de  sa  foi.  Où  est  donc  ici  le  défaut  de  charité 
chrétienne? 

Les  protestants  nous  en  imposent,  lors- 
qu'ils disent  que  Jésus-Christ  n'a  donné  ni 
leçons,  ni  exemples  de  mortificalions.  Nous 
avons  déjà  remarqué  qu'il  a  loué  la  vie  so- 
litaire, pénitente ,  austère  de  saint  Jean- 
Baptiste;  il  dit  de  lui-même  qu'il  n'avait  pas 
où  reposer  sa  tête  {Luc.  ix,  58).  11  ne  tenait 
qu'à  lui  de  vivre  plus  commodément,  puis- 
qu'il disposait  souverainement  de  toute  la 
nature.  Saint  Paul  a  loué  de  même  la  vie 
solitaire  et  mortifiée  des  jirophètes  [Hehr. 
XI,  37  et  38);  il  dit  :  «  Je  châtie  mon  corps 
et  le  réduis  en  servitude,  etc.  (/  Cor.  ix,  27). 
Nous  portons  toujours  sur  notre  corps  la 
mortification  de  Jésus-Christ,  afin  que  sa  vie 
paraisse  en  nous  (//  Cor.  iv,  10).  »  Selon  le 
témoignage  de  Tertullien ,  les  premiers 
chrétiens  vivaient  de  même.  Foy.  Mortifica- 
tion. L'exemple  des  anciens  nîoi«€«  n'est  pas 
propre  à  nous  persuader  que  la  vie  austère 
est  contraire  à  la  santé,  et  abrège  nos  jours. 
Saint  Paul,  premier  ermite,  après  avoir  ptssé 
quatre-vingt-dix  ans  dans  l'exercice  de  la 
pénitence,  mourut  à  l'âge  de  cent  quatorze 


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ans;  et  saint  Antoine  parvint  à  l'âge  de  cent 
six.  H  y  a  plus  vieillards  à  la  Ti'appe  et  à 
Sept-Fonts  que  dans  aucun  autre  état  lie  la 
vie  k  proportion.  Lorsque  saint  Basile  a 
voulu  que  les  moines  eussent  un  extérieur 
mortitié  et  pénitent,  il  n'a  pas  entendu  qu'ils 
l'aflecteraient  par  vanité,  comme  les  liypo- 
crites  dont  parle  Jésus-Christ;  un  motif  vi- 
cieux suffit  pour  rendre  criminelles  les  ac- 
tions les  plus  louables.  Quant  à  l'oisiveté 
[irétendue  des  moines,  nous  répondons  qu'il 
y  a  des  travaux  do  plusieurs  espèces.  Prier, 
lire,  méditer,  chanter  les  louanges  de  Dieu, 
rendre  des  services  à  ses  frères,  vaquer  aux 
dill'érents  offices  d'une  maison,  c'est  être  oc- 
cupé ;  et  ce  genre  de  vie  est  plus  laborieux 
que  celui  de  la  plupart  des  censeurs  qui  le 
blâment.  Voy.  Oisif,  Oisiveté.  —  2°  Cepen- 
dant l'on  s'obstine  à  dire  que  les  7/io/nes  sont 
inutiles  au  monde.  Nous  avons  observé,  au 
contraire,  que  la  plupart  des  ordres  reli- 
gieux ont  été  institués  par  des  motifs  d'uti- 
lité publique,  et  que  dans  les  dill'érents  siè- 
cles ils  ont  rendu  en  efl'et  les  services  que 
l'on  en  attendait.  Les  religieux  hospitaliers, 
ceux  qui  se  destinent  aux  missions,  les  bé- 
nédictins, célèbres  par  leurs  recherches  sa- 
vantes, les  religieux  de  la  rédemption  des 
captifs,  ceux  qui  se  chargent  de  l'enseigne- 
ment, ceux  qui  prêtent  leurs  secours  aux 
pasteurs  dans  les  provinces  où  le  clergé  est 
peu  nombreux,  sont  non-seulement  très- 
utiles,  mais  nécessaires,  et  il  en  est  peu  qui 
ne  soient  employés  à  quelques-unes  de  ces 
fonctions.  Les  hôpitaux,  les  maisons  de  cor- 
rection, les  asiles  destinés  aux  vieillards  ou 
aux  or[ilie]ins,  les  collèges  et  les  séminai- 
res, ne  peuvent  être  constamment  et  utile- 
ment desservis  que  par  des  hommes  qui  vi- 
vent en  communauté,  et  animés  par  les  mo- 
tifs do  charité  et  de  religion.  Que  ces  mai- 
sons soient  séculières  ou  régulières,  que  les 
membres  qui  les  composent  demeurent  li- 
bres d'en  sortir,  ou  soient  liés  par  des  vœux, 
qu'importe  au  public,  pourvu  qu'ils  rem- 
jilissent  tidèlement  leurs  devoirs?  Toujours 
laut-il  que  leur  état  soit  stable;  il  y  aurait 
de  la  cruauté  à  renvuyer,  dans  l'jlge  avancé 
et  dans  l'état  d'inlirmité,  des  sujets  qui  ont 
employé  leur  jeunesse  et  leurs  forces  au 
service  de  la  société.  N'envisageons,  si  l'on 
veut,  que  l'intérêt  politique.  Chez  les  na- 
tions corrompues  par  le  luxe,  il  est  très- 
utile  de  faire  subsister  un  grand  nombre 
d'hommes  avec  le  moins  de  dépenses  qu'il 
est  possible;  or,  il  en  coûte  beaucoup  moins 
pour  entretenir  vingt  hommes  ensemble, 
que  si  on  les  séparait  en  trois  ou  quatre  mé- 
nages. H  faut  qu'il  y  ait  au  moins  quelques 
états  dans  lesquels  on  puisse  retranclier  les 
superfluités  du  luxe,  vivre  avec  frugalité  et 
avec  une  sage  économie.  11  y  a  des  person- 
nes disgraciées  ]iar  la  nature,  maltraitées 
par  la  fortune,  ilétries  par  des  malheurs, 
qui  traîneraient  une  vie  misérable  au  mi- 
lieu de  la  société  ;  il  est  bon  qu'elles  aient 
une  retraite  nù  elles  puissent  passer  leurs 
jours  dans  le  repos  et  dans  l'obscurité.  N'est- 
il  pas  de  l'humanité  de  laisser  à  tout  parti- 


culier la  liberté  d'embrasser  le  genre  de  vie 
qui  lui  plaît  davantage,  qui  s'accorde  le 
mieux  avec  son  goût  et  avec  son  intérêt  pré- 
sent, lorsque  la  société  n'en  souiïre  ]ias  ? 
Mais  l'humanité  dont  nos  philosophes  font 
parade  n'est  pas  leur  vertu  favorite;  s'ils 
étaient  les  maîtres,  ils  asserviraient  impé- 
rieusement à  leurs  idées  le  monde  entier. 
—  3°  Il  est  impossible,  dis(Mit  ces  censeurs 
rigides,  que  le  relâchement  ne  s'introduise 
bientôt  dans  les  ordres  religieux  ;  sans  cesse 
il  faut  de  nouvelles  réformes,  et  en  fin  de 
cause  elles  n'aboutissent  à  rien  ;  de  tou*. 
temps  les  moines  ont  été  le  scandale  de  l'K- 
glise.  On  peut  persuader  ce  fait  aux  igno- 
rants, mais  non  à  ceux  qui  savent  l'histoire: 
nous  soutenons  au  contraire  que  dans  tous 
les  siècles  il  y  a  eu  des  religieux  très-édi- 
iiants,  et  que  dans  les  temps  même  les  plus 
décriés  ils  ont  encore  fait  jilus  de  bien  que 
do  mal.  Depuis  quinze  cents  ans,  l'on  n'a  re- 
marqué j)resque  aucmi  relâchement  chez  les 
moines  orientaux;  ils  sont  encore  tels  qu'ils 
ont  été  institués,  et  toujours  également  at- 
tacliés  k  la  lègle  de  saint  Basile  ou  à  celle 
de  saint  Antoine.  Depuis  sejil  siècles,  les 
chartreux  n'ont  pas  eu  besoin  de  réforme. 
La  plupart  de  celles  qui  ont  été  faites  dans 
les  autres  ordres  ont  eu  un  seul  homme 
pour  auleur;  où  est  donc  l'impossibilité  do 
corriger  ceux  qui  en  ont  besoin?  Nous  n'a- 
vons vu  aucun  ordre  religieux  se  révolter 
contre  les  nouveaux  règlemenls  (ju'on  leur 
a  faits;  ceux  mêmes  que  l'on  a  suppiimi'S 
ont  obéi  sans  résistance;  nous  cherchons 
vainement  parmi  eux  l'esprit  inquiet,  brouil- 
lon, séditieux,  dont  on  les  accuse.  Lorsque 
les  protestante  ont  voulu  les  détruire,  il  a 
iiillu  commencer  par  les  calomnier,  et  l'on 
|)oussa  la  tyrannie  jusqu'à  leur  faire  signer 
les  accusations  atroces  que  l'on  forgeait 
contre  eux.  Voy.  la  Conversion  de  l'Angle- 
terre, comparée  avec  sa  prétendue  réfornta- 
tion,  troisième  entretien,  c.  5.  Si  aujour-- 
d'hui  il  y  a  beaucoup  de  relâchement  parmi 
les  religieux,  ils  ont  cela  de  commun  avec 
tous  les  autres  états  de  la  société.  En  peut- 
on  citer  un  seul  dans  lerjucl  la  décence,  la 
régularité  des  mœurs,  les  vertus  soient  les 
mômes  qu'elles  étaient  dans  le  siècle  passé? 
Lorsque  la  corruption  est  généiale,  tous  les 
états  s'en  ressentent,  mais  ce  n'est  pas  aux 
principaux  auteurs  du  mal  qu'il  convient  de 
le  déplorer  et  de  l'exagérer.  —  k"  L'on  ne 
cesse  de  répéter  que  les  ordres  mendiants 
sont  une  charge  onéreuse  au  public,  et  que 
les  autres  sont  trop  riches;  que  les  premiers 
emploient  la  séduction,  les  fausses  dévo- 
tions, les  fi'audes  jiieuses,  pour  extoi-quor 
des  aumônes;  que  les  uns  et  les  autres  con- 
tribuent à  la  dépopulation  du  royaume. 
Mais  nous  avons  de  la  peine  à  concevoir  en 
quel  sens  les  mendiants  sont  à  charge  à 
ceux  qui  ne  leur  donnent  rien,  et  nous  ne 
connaissons  encore  aucune  taxe  qui  ait  été 
faite  ]iour  forcer  le  peuple  ;i  les  nouri'ir.  Au 
mot  Mendiant,  nous  avons  fait  remarquer 
qu'il  y  a  dans  toute  l'Europe  une  autre  es- 
pèce de  mendicité  beaucoui)  plus  odieuse 


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8G0 


que  la  leur,  et  contre  laquene  personne  ne 
dit  rien.  Quant  aux  dévotions  vraies  ou 
fausses,  il  n'appartient  pas  d'en  jugera  ceux 
qui  n!ont  plus  de  religion,  et  qui  pensent 
que  tout  acte  de  piété  est  une  superstition. 
11  s'est  glissé  des  abus  dans  plusieurs  mai- 
sons religieuses,  nous  en  convenons;  mais 
l'Eglise  a  toujours  cherché  et  ciierchera 
toujours  à  les  réprimer. 

A  l'aiticle  Célibat,  nous  avons  démontré 
par  des  faits,  par  di'S  comparaisons,  par  des 
calculs  incontestables,  qu'il  est  faux  que  le 
célibat  ecclésiastique  et  leligieux  soit  une 
cause  de  dépopulation.  Leibnitz,  philosophe 
protestant  et  bon  politique,  n'a  blâmé  ni 
l'institut,  ni  la  multitude  des  ordres  reli- 
gieux ;  il  voudrait  si'ulement  que  la  plupart 
fussent  occuj)és  à  l'étude  de  l'hist  ire  natu- 
relle ;  c'est  alors,  dit-il,  que  le  genre  hu- 
main ferait  les  plu-i  gr;inds  progrès  dai.s 
cette  science.  Esprit  de  Leibnitz,  t.  II,  pag. 
33.  Nous  savons  très-bien  qu'aux  yeux  des 
dissertateurs  politiques  le  grand  crime  des 
moines  rentes  est  dans  les  richesses  qu'ils 
possèdent  ;  il  nous  reste  à  examiner  ci:"  grief. 
SloNASTÈRE,  maison  dans  laquelle  des  re- 
ligieLix  on  religieuses  vivent  en  commun  et 
oiiserveut  la  même  règle.  Au  mot  Commu- 
inAUTÉ  nous  avons  fait  remarquer  les  avan- 
tages de  la  vie  commune,  soit  relativement 
à  l'intérêt  politique,  soit  par  rapport  aux 
mœurs;  nous  nous  sommes  principalement 
servis  des  réflexions  d'un  philosophe  pro- 
testant; elles  sont  confirmées  par  l'expé- 
rience. 

Dans  l'Occident,  après  l'inondation  des 
barbares,  les  monastères  ont  contribué  plus 
que  tout  autre  moyen  à  la  conservation  de 
la  leligion  et  des  lettres.  On  y  suivait  tou- 
jouis  la  môme  tradition,  soit  pour  la  doc- 
trine, soit  pour  la  célébialion  de  l'oflicc  di- 
vin, soit  pour  la  piatique  des  vertus  chré- 
tiennes; l'exemple  des  anciens  servait  de 
règle  aux  plus  jeunes.  Dès  qu'il  y  eut  des 
monastères,  on  comprit  (pi'il  était  utilu  d'y 
faire  élever  les  enfants,  pour  les  former  de 
bonne  heure  à  la  piété  et  à  la  vertu;  plu- 
sieurs de  nos  rois  n'ont  point  eu  d'autre 
éducalion.  Une  des  princi|)ales  occupations 
des  moines  fut  «Je  copier  les  anciens  livres 
et  d'i'U  multiplier  les  exemplaires;  sans  ce 
travail  une  quantité  de  ceux  que  nous  pos- 
sédons aujourd'hui  seraient  absolument 
perdus.  Pendant  longtemps  il  n'y  eut  point 
d'autres  écoles  pour  cultiver  lès  sciences, 
que  celles  des  monastères  et  des  églises  ca- 
thédrales, pri's  |ue  point  d'autres  écrivains 
que  des  moinrs;  la  plupart  des  évoques 
avaient  fait  profession  de  la  vie  monastique 
ou  avaient  été  élevés  dans  les  monastères. 
Comme  ces  maisons  avaient  été  les  seuls 
asiles  respectés  par  les  barliares,  elles  furent 
aussi  la  seule  ressource  des  peuples  sous 
le  gouvernement  féodal;  lors(|ue  le  clergé 
séculier  eut  été  dépouillé  et  anéanti,  ce  qui 
restait  des  biens  ecclésiastiques  tomba  na- 
Uirellement  dans  les  mains  des  mt)ines,  qui 
étaient  devenus  à  peu  près  les  seuls  pas- 
leurs.  Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  ces  ré- 


flexions,   si  l'on    veut  découvrir   la    vraie 
source  de  la  richesse  des  monastères. 

Aujourd'hui  l'on  dit  que,  depuis  la   re- 
naissance des  lettres  et  le  rétablissement  de 
l'oriJre  public,  les  services  des  moines   ont 
cessé  d'ôtre   nécessains;  qu'ainsi  leurs  ri- 
chesses sont  déplacées  rt  inutiles,  qu'il  faut 
donc  faire  lentrer  dans   le  commerce    des 
biens  qui  n'en  sont  sortis  que  par.  le  mal- 
heur des  temps.  Est-Il  convenable  que  des 
hommes  qui  ont  ftiit  vœu  de  pauvreté  soient 
plus  superbement  logés  que  les  laïques   les 
]  lus  opulents?  La    magnificence    de  leuis 
éilific  s  semble  être  une  insulte  faite  à  la 
misère  publique.  Les  premiers  moines   ont 
habité    des    cavernes   ou  des   chaumières; 
leurs  successeurs  ont-ils  droit  de  se  b'itir 
des  palais?  Dans  un  dictionnaire  géographi- 
que, composé  selon  l'esprit  de  noire  siècle, 
on  ne  manque  jamais,  en  parlant  d'une  ville 
ou  d'un  bourg  dans  lequel  il  y  a  un  monas- 
tère, de  faire  contraster  la  somptuosité  de  ce 
bâtiment   et  l'opulence    qui  y  règne,  av(;c 
l'indigence  et    la  misère    des    laiioureurs; 
d'insinuer  que,  s'il  y  a  beaucoup  de  pau- 
vres dans   la  contrée,  c'est  parce  que  les 
moines  se  sont  tout   approprié.  Il  semble 
que  ce  voisinage   fatal  ait  rendu    fous  les 
bras  perclus  et  suffise  pour  tarir  la  fertilité 
des  campagnes.  On  conliruie  ces  profondes 
léllexions   en  comiiarant   la  richesse  et  la 
prospérité  des   pays  dans  lesrpiels  les  mo- 
7iasltres  ont  été  supprimés,  tels  que  l'An- 
gleterre, une  partie  de  l'Allemagne,  la  Hol- 
lande et  les  autres  Etats  du  Nord,  avec  la 
pauvreté,  l'inertie  et  la  dépopulation  de  ceux 
oii  il  y  a  des  moines,  tels  ijue  la  France, 
l'Espagni'  et  l'Italie  ;  d'où  l'on  conclut  qu'une 
des  [ilus  belles  opérations  poliiiques  de  no- 
tre siècle  serait  la  destiuction  des   monastè- 
res. Ceux  qui  voudront  comparer  ces  dis- 
sertations savantes  avec  le  Traité  du  fisc  com- 
mun que  fit  Luther  en  1526,  pour  prouver  la 
nécessité  de  piller  les  biens  ecclésiastiques, 
y   trouveront  un  peu   plus  de  décence  et 
beaucoup  plus  d'esprit,  mais  ils  y  verront 
le  même  caractère. 

Examinons  donc  de  sang-froid  si  la  ri- 
chesse des  monastères  est,  dans  l'origine, 
aussi  odieuse  qu'on  le  prétend;  si  l'usage 
en  est  contraire  au  bien  public;  si,  en  dé- 
pouillant les  possesseurs,  on  produirait  les 
heureux  efl'ets  que  l'on  nous  promet. 

1"  Nous  avons  déjà  indiqué  sommaire 
ment  les  divers  moyens  par  lesquels  les 
moines  ont  acquis  les  biens  qu'ils  possè- 
dent. Ils  ont  défiiché,  soit  par  eux-mêmes, 
soit  par  leurs  colons,  une  grande  quantité 
de  terres  incultes.  Parmi  les  Seigneurs  qui 
avaient  usurpé  les  biens  ecclésiastiques,  à  la 
décadence  de  la  maison  de  Charlemagne, 
plusieurs,  touchés  de  remords,  restituèrent 
aux  monastères  ce  qu'ils  avaient  enlevé  au 
clergé  séculier,  parce  que  les  moines  avaient 
succédé  à  ses  fonctions  lorsqu'il  fut  anéanti. 
Fleury,  Disc.  2.  sur  l'Hist.  ecçlés.;  Mettrai, 
Etat  de  l'Eglise  de  France  au  \i'  siècle;  Es- 
prit des  Lois,  1.  X.XXI,  c.  XI.  Parla  même  rai- 
son,  la  chmc  leur  fut    accordée  lorsqu'ils 


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remplissaient  les  dovoirs  de  pasteurs;  et  ils 
ont  conservé  dans  un  grand  iionibrG  de  pa- 
roisses le  titre  de  curils  primilifs.  D'atitres 
seigneurs  leur  vendirent  une  partie  de  leurs 
tei'res,  lorsqu'ils  partirent  pour  les  croisades. 
Dans  lies  siôfles  où  il  n'y  avait  point  d'hô- 
])itaitx  ni  de  m.iisons  de  clKU-ité  ijiie  les  nio- 
ndsicrcs,  les  particuliers  qui  n'avaient  point 
d'héritiers  y  laissaient  leurs  hieus  ;  ils  ai- 
maient mieux  li^s  destiner  ainsi  au  soulage- 
m  nt  des  [lauvres  que  de  les  laisser  tomber, 
[lar  déshérence,  entre  les  mains  des  sei- 
gneurs desquels  ils  avaient  souvent  eu  lieu 
(le  se  plaindre.  Entin,  nos  rois,  convaincus 
que  les  monastères  étaient  une  ressource 
assurée  pour  les  besoins  de  leurs  sujets,  eu 
1'  iidèii  nt  plusieurs,  et  les  dotèrent.  La  sa- 
gesse de  li'urs  vues  est  e  .core  attestée  par 
la  multitude  de  villages  et  de  bourgs  qui  se 
sont  formés  sous  les  murs  des  mouastêres, 
et  qui  en  portent  le  nom.  Par  la  il  est  dé- 
montré que  ces  établissi'menls  ont  contri- 
bué h  peupler  les  campagnes,  auparavant 
désertes;  aujourd'hui  ou  soutient  que  c'est 
une  cause  de  dépopulation.  L'on  imagine 
que  CCS  fondations  n'ont  eu  jrour  principe 
qu'une  pii'té  ignorante  et  superstitieuse, 
luie  dévotion  mal  entendue,  un  aveugl  - 
ment  stupide;  mais  celtn  ignorance  préten- 
due n'esl-elle  i)as  plutôt  le  vice  des  cen- 
seurs téiï)éraires?  Dans  les  sièclis  dont  nous 
parlons,  il  n'y  avait  point  de  [hilosop  ,es, 
mais  du  bons  sens  II  était  impossible  que 
des  biens  administrés  avi^c  une  sage  écono- 
mie ne  s'augmentassent  pas  de  jour  en  jour; 
quelle  cause  aurait  pu  les  diminuer?  Au- 
cune fortune  ne  se  détruit,  à  nujins  que  la 
mauvaise  conduite  du  [lossesscur  n'y  in- 
flue de  près  ou  do  loin.  Or,  y  a-t-il  des  ti- 
tres de  possession  plus  légitimes  que  la  cul- 
ture, le  salaire  des  services  rendus  au  pu- 
blic, les  dons  accordés  par  des  motifs  de 
bien  généi'al,  et  une  sage  administration? 
Si  l'on  doutait  de  celle-ci,  il  en  existe  des 
monuments  authentitpies.  «  C'est  par  là,  dit 
un  écrivain  Irès-instruit,  q  le  le  f;uueux  8u- 
ger  parvint  à  doubler  les  revenus  de  l'ab- 
baye de  Saint-Denis.  Les  mémoires  de  cet 
abbé  sur  son  administration,  son  testament 
qid  en  présente  le  résultat  et  une  espèce  de 
bilan,  la  proclamation  qu'il  avait  publiée  en 
11Ï5,  sont  dans  la  Collection  des  Historiens 
(le  France,  par  Duchesne.  Ces  pièces  peu- 
vent former  un  objet  d'étude  très-utile  pour 
ceux  qui  ont  des  colonies  à  établir  ou  à  di- 
riger. »  Londres,  tome  III,  [lage  130.  Au  mot 
Communauté,  nous  avons  vu  que  ces  rélle- 
xions  sont  adoptées  par  M.  de  Luc,  bon  phy- 
sicien et  sage  observateur.  Elles  sont  cou- 
fii'mées  par  le  suIVrage  d'un  militaire  voya- 
geur, qui  n'avait  pas  plus  ce  qu'on  appelle 
les  préjugés  du  catholicisme,  que  M.  de  Luc. 
«  Les  bénédictins,  dit-il,  sont  les  premiers 
cénobites  qui  ont  adouci  les  mœurs  sauva- 
ges de  ces  conquérants  barlores  qui  ont  en- 
vahi les  débris  tle  l'empire  romaui  en  Eu- 
rope; ils  sont  les  prendcrs  qui  ont  défriché 
les  terres  incultes,  marécageuses  él  cou- 
vertes de  forêts,  do  la  Germanie  et  des  Gau- 


les. Leurs  couvents  ont  été  l'asile  des  dé 
plorables  restes  des  sciences  jadis  cultivées 
p  If  les  Grecs  et  par  les  Romains;  ils  ne 
doivent  leurs  richesses  et  leur  bien-être 
qu'.\  leurs  bras  et  à  la  générosité  des  sou- 
verains; il  est  bien  juste  d'en  laisser  jouir 
leurs  successeurs,  sans  envie,  d'autant  plus 
(pie  ce  sont  les  religieux  du  monde  les 
plus  généreux  et  les  moins  intéressés.  » 
De  l'Amérique  et  des  Américains,  par  le 
])lulosoplie     Ladouceur.     Berlin ,    1771 

Il  n'est  donc  pas  ici  cpiestion  d'argiuuen- 
ter  sur  le  haut  domaine  des  souverains,  ni 
sur  le  droit  ([u'ils  ont  toujours  de  reprendre 
ce  qu'ils  ont  donné,  sous  prétexte  d'en  faire 
Tuie  destination  plus  utile.  A  ce  titre,  il  n'y 
aurait  pas  dans  le  royaume  une  seule  famille 
noble  qui  ne  pût  être  légitimement  dé- 
pouillée d'une  bonne  partie  de  sa  fortune. 
Jamais  on  n'a  tant  insisté  qu'aujourd'hui 
sur  le  droit  sacré  delà  propriéti'';  les  moiiu's 
sont-ils  les  seuls  à  l'égard  des(]U(ls  ce  droit 
n'est  plus  inviolable?  C'est  ici  le  cas  d'ap- 
pliquer la  maxime  :  Summani  jus  summa  in- 
juria. 

2°  Nous  ne  voyons  pas  .(ue  l'usage  que 
font  les  religieux  de  leurs  icvemis  soit  plus 
|iréjudicial)le  au  bien  pub'.xc,  (pie  celui  qu'en 
font  les  séculiers.  Plusieurs  de  leurs  accu- 
sateurs sont  convenus  qu'ils  ne  les  dépen- 
sent pas  pour  eux-mêmes,  que  la  plupart 
mènent  une  vie  frugale,  modeste,  mortitiée; 
que  deviennent  donc  leurs  revenus?  On  ne 
les  accuse  point  de  les  enfouir  ni  de  les 
transporter  dans  les  pays  étrangers.  Nous 
présumons  que  leurs  fermiers,  leurs  domes- 
tiques ,  les  ouvriei-s  qu'ils  emploient ,  les 
hôtes  qu'ils  reçoivent,  les  pauvres,  les  ma- 
lades, les  hôpitaux,  qui  les  avoisinent,  en 
al)sorl)tmt  du  moins  une  |iarti(!.  Ils  contri- 
buent à  proportion  de  leur  revenu  aux  sub- 
sides et  aux  dons  que  le  clergé  fait  au  roi  ; 
ils  exercent  généreusement  rhos[>italité,  et 
ceux  qui  possèdent  des  b:uiélices  en  titre 
soulagent  leurs  familles.  —  Nous  avoue- 
rons, si  l'on  veut,  qu'ils  n'imitent  pas  en 
toutes  choses  les  séculiers  opulents  :  ils  ne 
prodiguent  pas  l'argent  poui-  entrelenir  de 
somptueux  équipages ,  pour  nourrir  une 
légion  de  faiuéants,  pour  payer  largement 
des  danseurs,  des  musiciens,  des  acteurs 
dramatiques,  etc.  Mais  ils  ne  ruinent  ni  le 
boulanger,  ni  le  boucher,  ni  le  marcliaiil, 
ni  le  tailleur;  ils  font  beaucoup  travailler  (.-t 
]iaicnt  leurs  ouvriers.  Plusieurs  de  nos  phi- 
losoplu's  enseignent  que  c'est  la  seule  ma- 
nière louable  de  faire  l'aumône;  par  (pielle 
fatalité  les  moines  sont-ils  répréhensibles 
d'eu  agir  ainsi,  et  de  donner  encore  aux 
pauvres  (jui  ne  peuvent  pas  travailler? — Du 
moins  les  revenus  d'un  monastère  sont  (lé- 
pensés  sur  le  lieu  même  qui  les  produit  ; 
s'ils  étaient  entre  les  mains  d'un  seigneur 
ou  d'un  linancier,  ils  seraient  mangés  à 
Pans  :  où  serait  l'avantage  pour  le  peuple 
des  campagnes?  11  est  de  toute  notoriété  que 
le  très-grand  nombre  des  abbayes  et  même 
des  prieurés  sont  possédés  en  commende 
par  des  ecclésiastiques  qui  vivent  au  milieu 


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de  la  société,    qui    en  suivent  le  ton  et  les 
usages  ;  qu'une  bonne   partie  des  revenus 
est  employée  à  la  subsistance   ou  au  bien 
{■tre  des  familles    nobles;   nous   ne  voyons 
pas  non  plus  en  quoi  cet  usage  nuit  à  l'inté- 
rêt public.  Ce  sont  nos  rois  qui  ont  dolé  les 
abbayes,  et  ce  sont  eux  qui  les  donnent.  — 
Il  est  probable  que  si   ceux  qui  sont  jaloux 
des    biens  monastiques  pouvaient  s'en  ap- 
proprier  une  partie,  ils  se  réconcilieraient 
avec  les  fondateurs;  ils  seraient  plus  indul- 
gents  que  Mosheim,    qui,    pourvu  de  deux 
bonnes  abbayes,  n'a  pas  cessé  de  noircir  les 
moines  dans  toute   son  Histoire  rcclésiasti- 
(jue.  —  On  nous  fait  remarquer   le  nombre 
des  pauvres  qui  se  trouvent  autour  des  wio- 
7iasteres  ;   mais  il  y  en   a  davantage,  à  pro- 
portion, à  Paris  et  k  Versailles;    il  est  na- 
turel qu'ils   se  rassemblent   dans  les   lieux 
où  ils  espèrent   trouver  de   l'assistance;  ce 
fait,  par  lequel   on  veut    nous    faire  douter 
do  la  charité  des   moines,    est    ]3récisément 
ce  qui  la    prouve.  —  La    comparaison   que 
l'on  fait  entre  les    pays  dans  Ifsquels  on  a 
détruit  les  monastiresl  et  ceux  dans  lesquels 
ils  subsistent   encore,    est-elle  vraie?  11  est 
certain  d'abord   que  les  contrées  de  l'Alle- 
magne où  il    n'y   a   plus   de  moines,   ne 
sont  ni  plus  peuplées,  ni  plus   riches,   ni 
mieux  cultivées  que  celles  qui  ont  conser- 
vé la  religion  catholique    et  les  couvents  ; 
nous  avons  vu  que  M.  de  Luc  approuve  les 
luthériens  qui  ne  les  ont  pas  détruits.  Les 
cantons  catholiques  de  In   Suisse,   qui  sont 
dans  le  même  cas,  ne  cèdent  en  rien,  pour 
la  fertilité  ni  pour  la  population,  aux  can- 
tons iirotestants.  Voilà  des  faits  positifs. — 
On  ose  écrire   et  répéter  cent  fois  que  la 
France  est  inculte  et  dépeuplée;    c'est  une 
fausseté.  Les    étrangers    qui   viennent    en 
France  sont  étonnés  et  souvent  jaloux  do  la 
prospérité  de  nos  provinces  ;  et  des  philo- 
sophes français,  ingrats  et  traîtres   envers 
leur  patrie,  ne  rougissent  pas  de  la  calom- 
nier aux  yeux  des  autres  nations.  Jl  faudrait 
les  forcer  d'aller  vivre  dans  les  pays  qu'ils 
préconisent.  —  Que   prouve    l'inertie    des 
Italiens  et  des  Espagnols?  Que  l'homme  ne 
travaille  qu'autant    (ju'il  y    est   forcé  par  le 
besoin;  que  quand  une  terre  naturellement 
fertile  lui  fournit  une  subsistance  aisée,  il 
n'est  pas  tenté  de  se  fatiguer  pour  s'en  pro- 
curer une  meilleure.  C'est  pour  cela  que  les 
peuples  du  Midi  sont  moins  laljorieux  que 
ceux  du    Nonl ,    et  qu'un  homme  devenu 
riche,  ordinairement    ne  travaille  plus.  En 
dépit  de  toutes  les  spéculations  philosophi- 
ques, il  en  sera  de  môme  jusqu'à  la  tin  du 
monde.  L'on  sait  d'ailleurs  que  la  partie  de 
l'Italie  qui  est  la  plus  inculte  est  opprimée 
sous  la  tyrannie  du  gouvernement  féodal.  — 
Un  écrivain,  qui  a  beaucoup  vu  et  beaucoup 
rétl.'chi,  a   i)rouvé  qu'il    n'est    pas  vrai  que 
l'Espagne  et  le  Portugal  aient  été  ruinés  par 
le  inonachisme  ;  qu'ils  Font  été  par  le  nombre 
des  nobles   devenu   excessif  dans  ces  deux 
royaumes.  Etudes  de   la  nitture,  1. 1,  p.  hGk. 
3°   L'on  nous   vante   les   heureux    elfets 
qu'a  produits  eu  Angleterre  la  destruction 


des  monastères,  et  l'on  en  conclut  qu'elle  ne 
serait  pas  moins  salutaire  en  France.  Nou- 
veau sujet  de  réflexion.  Nous  ne  parlerons 
point  des  atrocités  qui  furent  commises  à 
cette  occasion;  ce  lut  l'ouvrage  du  fana- 
tisme anti-religieux  et  de  la  rapacité  des 
courtisans  :  il  n'est  ici  question  que  des  ef 
fets  politiques. 

Henri  VIII,  gorgé  de  richesses,  ecclé- 
siastiques, ne  s'en  trouva  que  plus  pauvre; 
deux  ans  après  ces  rapines,  il  fut  obligé  de 
faire  banqueroute;  les  comiilices  de  ce  bri- 
gandage en  absorbèrent  la  meilleure  partie 
pour  leur  salaire.  Son  fils  Edouard  VI,  sous 
le  règne  duquel  on  acheva  de  tout  piller, 
n'en  profita  en  aucune  manière  :  non-seule- 
ment il  fut  accablé  de  dettes,  mais  les  re- 
venus de  la  couronne  diminuèrent  considé- 
rablement. Sous  Elisabeth,  on  fut  obligé  de 
passer  jusqu'à  onze  bills  pour  subvenir  aux 
besoins  des  pauvres,  et  depuis  ce  temps-là 
il  y  a  une  taxe  annuelle  en  Angleterre  pour 
cet  objet.  Cela  n'était  point  lorsque  les  mo- 
nastères subsistaient.  On  dit  que  ces  asiles 
entretenaient  la  fainéantise;  nous  ne  voyons 
pas  pourquoi  des  aumônes  volontaires  i)ro- 
duisaient  plutôt  cet  effet  que  des  aumônes 
forcées,  ou  une  taxe  annuelle.  Aujourd'hui 
les  Anglais  les  plus  sensés  conviennent  que 
leur  pays  n'a  rien  gagné  à  la  destruction  des 
monastères,  et  que  la  France  y  gagnerait 
encore  moins.  Conversion  de  l'Angleterre, 
comparée  à  sa  prétendue  réformation,  en- 
Iret.  3,  c.  5  et  7;  Hume,  Histoire  de  la 
maison  de  Tiulor,  t.  II,  p.  339;  Londres,  t.  II, 
p.  Ii9;  Annales  littéraires  et  politiques,  t.  I, 
p.  56,  etc 

«  Si  l'on  veut,  dit  l'auteur  des  Annales 
politiques,  un  exemple  plus  récent,  on  le 
trouvera  dans  la  catastrophe  des  jésuites. 
Quels  cris  n'a-t-on  pas  jetés  contre  leurs 
richesses?  Quelles  masses  d'or  no  devait-on 
pas  trouver  dans  leurs  dépouilles?  11  sem- 
blait qu'il  n'y  eût  pas  en  Europe  di  s  trésors 
assez  vastes  pour  déposer  le  butin  ciu'on 
leur  arrachait.  Qu"a-t-il  produit  cependant  ? 
Les  créanciers  ,  auieurs  ou  prétextes  de 
leur  désasti'c,  no  sont  pas  payés;  il  est  pro 
bable  qu'ils  ne  le  seront  jamais.  »  Ce  qui  en 
reste  dans  les  provinces  suffit  à  peine  pour 
nourrir  les  hommes  par  lesquels  on  a  été 
forcé  de  les  renq^lacer. 

Lorsque  des  spéculateurs  avides  dissertent 
sur  l'usage  d'une  proie  qui  les  tente,  et 
dont  ils  espèrent  d'enlever  une  partie,  rien 
de  si  beau  que  leurs  plans;  l'opéraiion 
qu'ils  proposent  doit  ramener  l'âge  d'or. 
Lorsque  l'exécution  s'ensuit  et  que  les 
parts  sont  faites,  chacun  garde  la  sienne,  et 
les  projets  d'utilité  |)ublique  s'en  vont  en 
fumée.  —  On  jugera  sans  doute  que  cette 
discussion  jwlitique  est  fort  étrangère  à  la 
théiilogie;  mais  enfin,  l'état,  les  vœux,  la 
profession  monastique,  tiennent  essentielle- 
ment à  la  religion  catholique  qui  les  ap- 
prouve, et  qui  a  condaimié  sur  ce  sujet 
l'entêtement  des  protestants;  nous  sommes 
obligés  de  défendre  sa  dis.cij.iline  contre  les 
divers  ennemis  qui  l'attaquent,  et  de  répoii- 


865 


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866 


dre  à  iCurs  arguments,  ae  quelque  nature 
qu'ils  soient  (1) 

moïse,  législateur  des  Juifs,  a  écrit  sa 
{U'opre  Instoirc  avec  celle  de  son  peuple. 
La  principale  question  qui  doit  occuper  les 
théologiens  est  de  savoir  si  cet  homme  cé- 
lèbre a  été  véritablement  envoyé  de  Dieu, 
et  s'il  a  prouvé  sa  mission  par  des  signes 
incontestables;  de  là  dépendent  la  vérité 
et  la  divinité  de  la  religion  juive.  Or,  nous 
soutenons  que  Motse  l'a  prouvée  en  ell'et 
par  ses  miracles,  par  ses  prophéties,  par  la 
sagesse  de  sa  doctrine,  de  ses  lois  et  de  sa 
conduite  ;  les  incrédules  ne  lui  rendent  jus- 
tice sur  aucun  de  ces  (îhefs;  mais  nous 
verrons  que  leurs  soupçons ,  leurs  con- 
jectures ,  leurs  reproches ,  sont  très-mal 
fondés. 

(1)  Dans  le  Dictiomiairc  de  Tlu'olo(jie  morale,  nous 
avons  fait  ressortir  ions  les  avantages  que  les  insii- 
imioiis  religieuses  employées  au  service  des  malheu- 
reux apportent  à  l'Iunnanité.  Le  lecteur  verra  peut- 
être  avec  plaisir  la  comparaison  donnée  par  M.  Gui/.ol 
entre  les  institutions  religieuses  des  moines  de  l'Orient 
et  celles  de  l'Occident. 

c  En  Orient,  les  monastères  ont  eu  surtout  pour 
bnl  l'isolement  et  la  contemplation  :  les  hommes  (pii 
se  retiraient  dans  la  Thébaïde  voulaient  échapper 
au  plaisir,  aux  tentations ,  à  la  corruption  de  la  vie 
civile;  ils  voulaient  se  livrer  seuls,  hors  de  tout  com- 
merce social,  aux  élans  de  leur  imagination  et  aux  ri- 
gueurs de  leur  conscience.  Ce  ne  fut  que  plus  tard 
qu'ils  se  rapprochèrent  dans  les  lieux  où  ils  s'étaient 
d'aliord  disperses,  et  d'anachorètes  ou  solitaires  de- 
vinrent cénobites,  zoivoëtot,  vivant  eu  commun. 

t  En  Occident,  et  malgré  l'imitation  de  l'Orient,  les 
n)onastères  ont  eu  une  autre  origine  :  ils  ont  commencé 
par  la  vie  commune,  par  le  besoin  non  de  s'isoler, 
mais  de  se  réunir.  La  société  civile  était  en  proie  à 
toutes  sortes  de  désordres  :  nationale,  provinciale  ou 
municipale,  elle  se  dissolvait  de  toutes  parts;   tout 
centre,  tout  asile  manquaient  aux  hommes  qui  vou- 
laient discuter,   s'exercer,   vivre  ensemble.  Ils  en 
trouvèrent  un  dans  les  monastères  ;  la  vie  monasti- 
que n'eut  ainsi  en  naissant  ni  le  caractère  coiUom- 
platif,  ni  le  caractère  solitaire  :  elle  fut  au  contraire 
Ires-sociale  et  Irès-active;  elle  alluma  un  foyer  de 
développement  intellectuel  ;  elle  servit  d'instrument 
à  la  fermentation  et  à  la  propagation  des  idées.  Les 
monastères  du  midi  de  la  Gaule  sont  des  écoles  pliilo- 
sophi(|ues  du  clnistianismc  :  c'est  là  qu'on  médite, 
qu'on  discute ,  qu'on  enseigne  ;  c'est  de  là  que  ])ar- 
tent  les  idées  nouvelles,  les  hardiesses  de  l'esprit, 
les  hérésies.  Ce  fut  dans  les  abbayes  de  Saint-Victor 
et  de  Lérins  que  toutes  les  grandes  questions  sur  le 
libre  arbitre ,  la  prédestination ,  la  grâce ,  le  péché 
originel,  furent  le  plus  vivement  agitées,  et  que  les 
opinions  pélagiennes  trouvèrent,  pendant  cinquante 
ans,  le  plus  d'aliment  et  d'appui  (n).  > 

(rt)  Histoire  de  ta  civilisution  en  France,  tome  I. 


—  Plusieurs  ont  poussé  la  prévention  et  lo 
goi1t  des  paradoxes  jusqu'à  contester  l'exis- 
tence de  Moise,  et  à  soutenir  sérieusement 
que  c'est  un  personnage  faliuleux.  Nous 
opposons  à  ces  écrivains  téméraires  et  très- 
mal  instruits,  en  premier  lieu,  les  livres  que 
Moise  a  écrits,  et  qui  ne  peuvent  pas  avoir 
été  faits  par  un  autie.  Voy.  Pentateuque. 
En  second  lieu,  le  tétnoignage  des  auteurs 
juifs  qui  ont  écrit  après  lui  :  tous  en  parlent 
comme  du  législateur  de  leur  nation;  la  loi 
juive  est  constamment  nommée  la  loi  de 
Moise;  sa  généalogie  est  lapportée  non- 
seulement  dans  les  livres  de  l'Exode,  du 
Lévitiijue  et  des  Nombres  ,  mais  encore 
dans'-eux  des  Paralipomèues  et  d'Esdras.  En 
troisième  lieu,  le  sentiment  et  la  croyance 
des  historiens  profanes,  égyptiens,  phéni- 
ciens, assyriens,  grecs  et  romains.  Ils  sont 
cités  [)ar  Josèpiie  dans  ses  livres  contre  Ap- 
pion,  |)arTatien  dans  son  Discours  contre  les 
Grecs,  par  Origène  dans  son  ouvrage  contre 
felsr,  ])ar  Eusèbe  dans  sa  Pr('puration  évan- 
(jelifiue,  par  saint  Cyrille  contre  Julien.  Com- 
meiU,  malgré  tous  ces  monuments,  a-t-on 
osé  répéter  vingt  fois  de  nos  jours  que  Moise 
a  été  in(-onnu  à  toutes  les  nations? 

Si  un  philosofihe  s'avisait  do  contester 
aux  Chinois  l'existence  de  Confucius,  aux 
Indiens,  celle  de  Beass-Muni,  de  Guutan  et 
des  autres  brames  qui  ont  rédigé  leurs  li- 
vres et  leurs  lois;  aux  Perses,  l'existence  de 
Zoroastre;  aux  luusulmans,  celle  de  Maho- 
met, il  serait  regardé  comme  un  insensé. 
De  tous  ces  jiersonnages,  cependant,  il  n'en 
est  aucun  dont  l'existence  soit  constatée 
par  des  [ireuves  plus  fortes  et  plus  multi- 
phées  que  celle  de  Moïse.  —Le  seul  lai- 
sonnement  que  l'on  ait  opposé  à  ces  preu- 
ves ne  poite  que  sur  une  pure  conjecture. 
M.  Huet  s'était  persuadé  que  les  fables  des 
pa'iens  n'étaient  rien  autre  chose  que  l'His- 
toire sainte  altérée  et  corrompue,  que  les 
personnages  de  la  mythologie  étaient  Moïse 
lui-même.  Il  prétendait  retrouver  les  ac- 
tions et  les  caractères  de  ce  législateur , 
non-seulement  dans  Osiris,  Bacchus,  Séra- 
pis ,  etc.,  dieux  égyptiens,  mais  encore 
dans  Apollon, Pan,  Esculape,Prométhée,etc., 
dieux  ou  héros  des  Grecs  et  des  Latins.  De 
là  l'auteur  de  la  Philosophie  de  l'Histoire  est 
parti  pour  argumenter  contre  l'existence  de 
Moïse.  Nous  retrouveroiis,  tlit-il ,  tous  ces 
caractèies  dans  le  Bacchus  des  Arabes  ;  or, 
celui-ci  est  un  personnage  iiuagiiiaire  :  donc 
il  en  est  de  même  du  premier.  Ce  raisonne- 
ment lui  a  paru  si  victorieux,  qu'il  l'a  ré- 
pété dans  vingt  brochures.  —  C'est  comme 
s'il  avait  dit  :  L'histoire  juive  est  le  fond 
ou  le  canevas  sur  lequel  les  païens  ont 
brodé  leur  luythologie  :  or ,  celle-ci  n'a 
aucune  réalité;  donc  il  en  est  de  même  de 
l'histoire.  Mais  ime  broderie  faite  d'imagi- 
nation détruit-elle  le  fond  sur  lequel  elle 
est  ai)pliquée'.'  La  quesùon  est  de  savoir  si 
c'est  l'historien  juif  qui  a  copié  les  fables 
des  païens,  ou  si  ce  sont  ces  derniers  qui 
ont  travesti  l'histoire  de  Moïse.  Il  fallait 
donc  commencer  par  prouver  aue  celle-ci 


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86S 


est  moins  ancienne  que  les  fables  du  pa- 
ganisme. L'auteur  de  l'objection  n'a  pas 
seulement  osé  l'entreprendre,  et  aucun  in- 
crédule n'est  en  état  de  citer  un  seul  livre 
profane  dont  l'antiquité  remonte  aussi  haut 
que  l'histoire  juive.  Si  les  conjectures  de 
M.  Huet  étaient  vraies,  elles  contirmeraient 
plutôt  qu'elles  ne  détruiraient  1'ex.istence 
de  Moise.  Mais  les  conjectures,  quelque  in- 
génieuses qu'elles  soient,  ne  prouvent  rien. 
Ajoutons  que,  pour  faire  cadrer  l'histoire 
du  législateur  des  Juifs  avec  le  prétendu 
Bacchus  des  Arabes  ,  notre  philosophe 
attribue  à  ce  dernier  des  aventures  aux- 
quelles les  Arabes  n'ont  jamais  pensé.  — 
Un  autre  monument  que  ce  critique  oppose 
à  l'e-ïistence  de  Moïse  est  une  histoire  ro- 
manesque de  ce  personnage,  composée  par 
les  rabbins  modernes,  remplie  de  fables  et 
de  puL'rilités,  mais  qu'il  soutient  être  fort 
ancienne.  La  vérité  est  qu'elle  ne  remonte 
pas  plus  haut  que  le  su'  ou  le  xiu°  siècle, 
qu'elle  n'a  aucusie  marque  d'une  plus  haute 
antiquité,  mais  plutôt  tous  les  caractères 
possibles  d'une  composition  très-récente; 
qu'aucun  ancien  auteur  ne  l'a  connue,  et 
qu'elle  ne  valait  las  la  peine  d'être  tirée 
de  la  poussière.  S'il  nous  arrivait  d'em- 
ployer des  titres  aussi  é\idemment  faux, 
les  incrédules  nous  accableraient  de  repro- 
ches. Venons  aux  preuves  de  la  mission  de 
Moise. 

l.  Que  ce  législateur  ait  fait  des  miracles, 
c'est  un  fait  prouvé,  en  premier  lieu,  par 
l'attestation  des  témoins  oculaires.  Josué, 
successeur  de  Moïse,  prend  à  témoin  les 
chefs  de  la  nation  juive  des  prodiges  que 
Dieu  a  opérés  en  leur  faveur  et  sous  leurs 
yeux,  soit  en  Egypte,  soit  dans  le  désert,  et 
ieur  fait  jurer  d'être  fidèles  au  Seigneur 
(Josué,  xxiv).  Ces  mômes  miracles  sont 
rappelés  dans  le  livre  des  Juges,  c.  ii,  v.  7 
et  12;  c.  VI,  v.  9;  dans  les  psaumes  de 
David,  77,  104.,  105,  106,  134.,  etc.  ;  et  ces 
psaumes  étaient  chantés  habituellement 
dans  le  temple  :  on  en  retrouve  le  récit 
abrégé  dans  le  livre  de  Judith,  c.  v.  Voilà 
donc  une  croyance  et  une  tradition  con- 
stante de  ces  miracles  établies  dans  toute  la 
nation,  dès  le  temps  auquel  ces  miracles 
ont  été  faits.  De  quel  front  les  incrédules 
viennent-ils  nous  dire  que  l'opinion  n'en 
est  fondée  que  sur  le  témoignage  de  Moise 
lui-môme  (Ij? 

En  second  lieu,  les  auteurs  profanes  en 
ont  été  instruits.  Josèphe  soutient,  contre 
Appion,  que  selon  l'opinion  des  Egj^pliens 
mêmes,   Moise  était  un  homme  admirable, 

(1)  Diivoisin  a  parfailement  développé  ceue  thèse  : 
il  montre  que,  soit  qu'on  considère  le  caractère  de 
l'historien,  soit  qu'on  étudie  le  caractèie  du  peuple 
d'Israël,  on  est  forcé  de  convenir  qu'il  mérite  pleine 
et  entière  confiance.  Nous  regrettons  vivement  de  ne 
pouvoir  le  suivre  dans  les  développements  qu'il 
donne  à  cet  important  sujet  :  nous  sommes  forcés  de 
renvoyer  nos  lecteurs  aux  Déinonslralioiis  énmijéti- 
lyurs,  publiées  par  M.  l'abbé  Migne,  toin.  XIII, 'col. 
703,  où  se  trouve  l'ouvrage  de  Duvoisin,  Aulonlé  des 
livres  de  Moïse,  «h.  9. 


et  qui  avait  queiquc  chose  <Ie  divin,  1.  i, 
c.  iO.  C'est  ainsi  qu'en  parle  Diodore  da 
Sicile  dans  un  fragment  rapporté  par  saint 
Cyrille,  contre  Julien,  1.  i,  p.  15.  Il  cite 
d'autres  auteurs  qui  en  ont  parlé  de  mêm', 
Polémon,  Ptolomée  di^  Mendès,  Hellanicus, 
Philoc  rus  et  Castor.  Numénius,  philoso,  lie 
pytha.^oricien,  dit  que  Jannès  ot  Mambrès, 
magiciens  célèbres,  furent  choisis  pai'  les 
Egyptiens  pour  s'opposer  à  Musée,  chef  des 
Juifs,  dont  les  prières  étaient  très-puissan- 
tes auprès  de  Dieu,  et  pour  f.dre  cesser  les 
ûéaux  dont  il  affligeait  l'Egypte.  Orig.  con- 
tre Celse,  liv.  iv,  c.  51;  Eusèbe,  Prép. 
évcmg.,  1.  ix,  c.  8.  D'autres  ont  jugé  que 
Moise  (Hait  un  m.Tgicien  plus  habile  que  les 
autres  ;  telle  était  l'opinion  de  Lysim.ique 
et  d'Apollonius-Molon,  de  Trogue-Pompée, 
de  Pline  l'Ancien,  et  de  Celse;  Josèphe 
contre  Appion,  1.  n,  c.  6;  Justin,  1.  xxxvi  ; 
IPline,  Hist.  nat.,  1.  xxx,  c.  1;  Orig.  contre 
Celse,  1.  I,  c.  26.  L'auteur  de  ['Histoire  vé- 
ritable des  temps  fabuleux  a  fait  voir  que  les 
actions  et  les  miracles  de  Moise  sont  encore 
reconnaissables  dans  l'histoire  des  Egyp- 
tiens, quoique  les  faits  y  soient  déguisés 
et  travestis,  tome  III,  p.  6i  et  suiv.  Mais 
les  incrédules,  auxquels  les  raonumfnts  de 
l'histoire  sont  absolument  inconnus,  ont 
soutenu  que  les  Egyptiens  n'avaient  jamais 
entendu  parler  de  ces  miracles,  et  qu'il 
n'est  pas  possible  qu'ils  en  soient  jamais 
convenus. 

En  troisième  lieu.  Moïse  lui-même  a  éta- 
bli chez  les  Juifs  des  monuments  incontes- 
tables de  ses  miracles.  L'olfrande  des  pre- 
miers-nés attestait  la  mort  des  enfants  des 
Egyptiens,  et  la  délivrance  miraculeuse  de 
ceux  des  Israélites.  La  Pûque  avait  pour 
objet  de  perpétuer  le  souvenir  de  la  sortie 
d'iigypte  et  du  passade  de  la  mer  Rouge. 
La  fête  de  la  Pentecôte  était  un  mémorial 
delà  publication  de  la  loi  au  milieu  des 
feux  de  Sinaï.  Le  vase  de  manne  conservé 
dans  le  tabernacle  et  dans  le  temple  était  un 
témoignage  subsistant  de  la  manière  mi- 
raculeuse dont  les  Hébreux  avaient  été 
nourris  dans  le  désert  pendant  quarante  ans. 
La  verge  d'Aaron,  le  seipent  d'airain,  les 
encensoirs  de  Coré  et  de  ses  partisans, 
cloués  à  l'autel  des  parfums,  rappelaient 
d'autres  prodiges.  Ln  fertilité  de  la  terre , 
malgré  le  repos  de  la  septième  année,  était 
un  miracle  permanent;  et  ce  repos  est  at- 
testé par  Tacite,  Hist.,  1.  v,  c.  tv.  Toutes  les 
cérémonies  juives  étaient  comméinoratives  ; 
cet  historien  s'en  est  très-bien  aperçu,  quoi- 
qu'd  en  ait  mal  pris  le  sens.  Connait-on  un 
autre  législateur  que  J/oi«e,  qui  se  soit  avisé 
de  faire  célébrer  des  fôtes  et  des  cérémonies 
par  un  peuple  entier,  en  mémoire  de  faits 
de  la  fausseté  desquels  ce  peuple  était  con- 
vaincu par  ses  propres  yeux'?  Voyez  Fêtes, 
Cérémonies.  —  Mais  la  plus  forte  preuve 
des  miracles  de  Moise,  ce  sont  les  effets 
qu'ils  OUI  produits,  et  la  chaîne  des  événe- 
ments (pii  s'en  sont  suivis.  Si  ce  chef  de  la 
nation  juive  n'a  fait  aucun  miracle,  i1  faut 
nous  apprendre  pourquoi  les  Egyptiens   int 


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donné  la  libertf';  à  ce  peuple  entier,  rendait 
h  l'esclavage;  par  quel  chemin  il  a  passi'; 
pour  gagner  le  désert,  comment  il  y  a  sub- 
sisté |)endant  q\iarnnto  ans,  pourquoi  ce 
jieuple  s'est  soumis  à  Moise,  a  sulii  ses  lois 
([uoiijiic  trés-onéreuses,  y  est  revenu  tant 
(le  l'ois  après  en  avoir  secoué  le  joug.  Car 
enlin,  ji  demeure  di's  Hi'bicux  en  Kgypte, 
leur  séjour  dans  le  d(''sert,  leur  arrivée  dans 
la  Palestine,  leur  attacliement  h  leurs  lois, 
sont  lies  faits  attestés  par  toule  l'antiquité. 
Tacite  le  reconnaît;  il  faut  en  donner  au 
moins  des  raisons  piausililes  et  moius  ab- 
surdes que  celles  qu'a  copiées  cet  historien. 
—Un  peuple  composé  de  deux  millions 
d'hommes,  et  assez  puissent  pour  conqué- 
rir la  Palestine,  peuple  mutin,  séditieux,  in- 
traitable, counne  ses  liistoriens  en  convien- 
nent, a-t-il  élé  subju;ué,  nouni,  réprimé, 
civilisé,  souvent  chAtié  par  un  seul  homme, 
sans  miracle?  Nos  censeurs  disent  qu'il  a 
soumis  les  Hébreux  par  des  actes  de  cruauté; 
mais  des  actes  de  cruauté  ne  donnent  pas 
des  aliments  à  deux  millions  d'hommes. 
Pourquoi,  au  premier  acte,  la  nation  entière, 
toujours  rassemblée,  n'a-t-elle  pas  massacré 
son  tyran? 

Aux  preuves  positives  que  nous  donnons, 
nos  adversaires  n'opposent  toujours  que  des 
conjectures  ;  ils  objectent  que  si  Moïse  avait 
fait  des  miracles  sous  les  yeux  des  Israélites, 
ils  ne  se  seraient  pas  révoltés  si  souvent 
contre  lui,  et  ne  seraient  pas  tombés  si  ai- 
sément dans  l'idoklt.ie.  Nous  répondons 
avec  plus  de  f  ndement,  que  si  Moise  n'avait 
pas  fait  des  miiacles,  ces  Israélites  si  mutins 
ne  seraient  pas  rentrés  dans  l'obéissance' 
après  leurs  révoltes,  et  n'a  raient  pas  repris 
le  joug  de  leurs  lois  ,  après  l'avoir  si  sou- 
vent secoué.  Qu'un  peuple  rassemblé  se 
soulève,  qu'un  peuple  grossier  ait  du  goi1t 
pour  l'idoLitrie,  ce  n'est  pas  un  prodige  ; 
mais  qu'après  s'être  mutiné,  débauché,  cor- 
rompu, il  revienne  demander  grAce,  pb  urer 
sa  faute,  se  soumettre  de  nouveau  à  un  chef 
désarmé,  cela  n'est  pas  naturel.  Dans  ces 
moments  de  vertige  et  d'égarement  des  Israé- 
lites, jamais  Moïse  n'a  reculé  d'un  pas,  et  n'a 
diminué  un  seul  |)oint  de  la  sévéritt;  de  ses 
lois;  les  séditieux  n'ont  jamais  rien  gagné, 
ils  ont  toujours  été  jiunis  par  la  mort  des 
auteurs  de  la  révolte,  ou  par  des  châtiments 
surnaturels.  Ce  sont  donc  ici  de  nouveaux  mi- 
racles, et  non  une  preuve  contre  les  miracles. 

Tant  de  miracles  sont  impossibles,  disent 
les  incrédules;  était-il  donc  plus  aisé  à  Dieu 
de  bouleverser  continuellement  la  nature 
que  de  convertir  les  Hébreux?  A  l'article 
Miracle  ,  §  3  ,  nous  avons  déjà  démontré 
l'absurdité  de  ce  raisonnement.  Il  s'agissait 
de  convaincre  une  nation  entière  que  Moïse 
était  l'envoyé  de  Dieu,  que  c'était  Dieu  lui- 
môme  qui  parlait  par  sa  nouche,  et  qui  dic- 
tait des  lois  pareet  organe.  Mettre  celte  per- 
suasion dans  l'esprit  de  tous  les  Hébreux  , 
sans  aucLui  motif  extérieur  de  conviction  , 
par  un  enthoiisiasme  subit  et  non  raisonné, 
n'aurait-ce  pas  été  un  miracle  ?  mais  miracle 
absurde ,  indigne  de   la   sagesse  divine.  11 


n  aurait  pu  servir  à  inspirer  aux  Héoreux  ni 
la  reconnaissance  envers  Dieu,  ni  la  crainte 
de  sa  justice,  deux  grands  mobiles  de  toutes 
les  aciions  humaines;  il  aurait  été  encore 
plus  inutile  pour  l'instruction  des  autres 
peuples,  puisqu'il  n'aurait  pas  été  sensible. 
Les  hoinmes  sont  faits  pour  être  conduits 
par  des  motifs ,  et  non  par  des  impulsions 
m.ichinales  ;  par  des  raisonnements,  et  mm 
par  un  enthousiasme  aveugle;  par  des  signes 
palpables,  plutôt  quepardes  révolutions  inté- 
rieures dont  on  ne  peut  pnsconmiître  la  cause. 
L'erreur  des  incrédules  est  de  penser  que 
Dieu  a  fait  tant  de  miracles  jjour  h  s  Israé- 
lites seuls;  or  le  contraire  est  répété  vingt 
fois  dans  les  livres  saints  ;  Dieu  déclare  qu'il 
a  opéré  ces  prodiges  pour  ne  pas  donner 
lieu  aux  autres  nations  de  blasphémer  son 
saint  nom  ,  et  pour  leur  apprendre  qu'il  est 
le  Seigneur  {Eœod.  xx\u,  12;  Deut.  ix,  28; 
XXIX,  24;  x\\u,21;IlIRefj.  ix,  8; />s.  cxiii, 
9  et  10;  Ezcch.  xx,  9 ,  14 ,  22,  etc.).  Nous 
aurons  beau  répéter  cent  fois  cette  réponse 
qui  est  sans  réplique,  ils  n'en  seront  pas 
moins  obstinés  toujours  à  renouveler  la 
même  objection  ;  leur  opiniAlreté  n'est  pas 
un  prodige  ;  mais  s'ils  devenaient  tout  à  coup 
raisonnables  et  dociles,  ce  serait  un  prodige 
de  la  grAce. 

II.  Moïse  a  fait  des  prophéties.  Il  annonce 
aux  Hébreux  que  dans  la  suite  des  temps 
ils  voudront  avoir  un  roi  (Deut.  xvn  ,  Ik). 
Cette  prédiction  n'a  été  accomplie  que  qua- 
tre cents  ans  après.  Il  ét'dt  cependant  natu- 
rel de  penser  que  le  gouvernement  républi- 
cain,  tel  que  Moïse  l'élablissiit ,  paraîtrait 
toujours  plus  doux  aux  Israélites  que  le 
gouvernement  absolu  des  rois ,  et  qu'ils  le 
] (référeraient  à  tout  autre.  Il  leur  promet  un 
prophète  semblable  à  lui,  c.  x,  v.  15  :  or,  le 
Messie  a  été  le  seul  prophète  semblable  à 
Moïse ,  par  sa  qualité  de  législateur,  par  le 
don  continuel  des  miracles,  et  [arce  qu'il  a 
été  le  libérateur  de  son  peuple  ;  il  n'est  venu 
au  monde  qu'environ  (juiu/e  cents  ans  après. 
Moïse  assure  les  Israélites  que  s'ils  sont  li- 
dèles  à  leur  loi.  Dieu  fera  pour  eux  des  mi- 
racles semblables  à  ceux  qu'il  a  faits  en 
lîgypte.  Cela  s'est  vérifié  par  les  exploits  de 
Josué,deSamson,deGédéon,d'Ezéchias,rtc. 
Il  les  avertit  au  contraire  que ,  s'ils  sont 
rebelles,  tous  les  fléaux  tomberont  sur  eux, 
qu'ils  seront  réduits  à  l'esclavage,  transpor- 
tés hors  de  leur  patrie ,  dispersés  par  toute 
la  terre;  la  captivité  de  Babylone  et  l'état 
actuel  des  Juifs  sont  l'exécution  de  cette  me- 
nace. Il  prédit  sa  mort  à  point  nommé,  sans 
ressentir  encore  aucune  des  infirmités  de  la 
vieillesse,  c.  xxxi ,  v.  48,  et  c.  xxxiv.  Ces 
prophéties  ne  sont  point  couchées  dans  les 
livres  de  Moïse  comme  de  simples  conjec- 
tures politiques,  ou  comme  des  conséquen- 
ces tirées  du  caractère  national  des  Hé- 
breux, mais  comme  des  événements  certains 
et  indubitables  ;  on  voit  [lar  le  ch.  xxviii  du 
Deutéronome,  et  par  les  suivants,  que  ce  lé- 
gislateur avait  sous  les  yeux  très-distincte- 
ment toute  la  destinée  future  de  sa  nation  , 
et  qu'aucune  des  circonstances  ne  lui  était 


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cachée.  La  date  de  ces  prophéties  est  cer- 
taine, puisque  Moïse  lui-même  les  a  écrites; 
l'histoire  nous  en  montre  raccomplissemcnt, 
et  il  dépendait  de  Dieu  seul  :  il  ne  peut  être 
arrivé  par  hasard,  et  il  ne  pouvait  être  prévu 
par  les  lumières  naturelles,  puisque  la  des- 
tinée de  ce  peuple  ne  ressemlile  à  celle  d'au- 
cun autre.  Aujourd'hui  encore  les  Juifs  re- 
connaissent que  Moïse  leur  a  prédit  avec  la 
plus  grande  exactitude  tout  ce  qui  leur  est 
arrivé.  Cependant  les  incrédules  prétendent 
qu'il  a  trompé  ce  peuple  par  de  fousses  pro- 
messes; jamais,  disent-ils,  les  Juifs  n'ont 
été  plus  lidèlement  attachés  k  leur  loi  que 
pendant  les  cinq  siècles  qui  ont  suivi  la  cap- 
tivité de  Babylone  ,  et  jamais  ils  n'ont  été 
plus  malheureux. 

Si  l'on  veut  lire  attentivement  l'historien 
Josèphe  et  les  livres  des  A.achabées,  on  verra 
'4ue  cette  prétendue  tidélité  des  Juifs  h  leur 
loi  est  bien  mal  prouvée.  A  la  vérité ,  il  n'y 
eut  point  d'apostasie  générale  de  la  nation; 
mais ,  indépendamment  de  la  multitude  des 
Juifs  qui  s'étaient  ex]iatriés  pour  faire  for- 
tune, ceux  mêmes  qui  restèrent  dans  la  Ju- 
dée étaient  très-corrompus.  Ils  demeurèrent, 
si  l'on  veut ,  fidèles  à  leur  cérémonial,  mais 
ils  devinrent  très-peu  scrupuleux  sur  l'ob- 
servation des  lois  plus  essentielles.  Ils  se 
perdirent  pai'  le  commerce  avec  les  païens , 
et  rien  n'était  plus  pervers  que  les  chefs  de 
lanation, lorsque  Jésus-Christ  vintau  monde. 
D'ailleurs  la  lui  juive  allait  cesser,  et  Dieu 
en  avertissait  la  nation,  en  cessant  de  lapio- 
téger  comme  autrefois. 

III.  La  doctrine  de  Moïse  vient  évidem- 
ment de  Dieu  (1).  Au  milieu  des  nations 
déjà  livrées  au  polythéisme  et  à  l'idohltrie  , 
et  avant  qu'il  y  eût  des  philosophes  occupés 
à  raisonner  sur  l'origine  du  monde  ,  Moïse 
enseigne  clairement  et  distinctement  la  créa- 
tion, dogme  essentiel,  sans  lequel  on  ne  peut 
démontrer  la  spiritualité  ,  l'éternité,  l'unité 
parfaite  de  Dieu  ;  et  il  en  montre  un  monu- 
ment dans  l'observation  du  sabbat ,  dont  il 
renouvelle  la  loi.  Voy.  Création.  11  ensei- 
gne la  providence  de  Dieu  ,  non-seulement 
dans  l'ordre  physique  de  l'univers  ,  mais 
dans  l'ordre  moral  ;  providence  non-seule- 
ment générale  ,  qui  embrasse  tous  les  peu- 
ples, m -is  particulière  ,  et  qui  s'occupe  de 
chaque  individu.  Il  peint  Dieu  comme  seul 
gouverneur  du  monde ,  et  seul  arbitre  sou- 
verain de  tous  les  événements ,  comme  lé- 
gislateur qui  punit  le  vice  et  récompense  la 
vertu.  Voy.  Providence.  Il  montre  l'espé- 
rance de  la  vie  future  dont  les  patriarclies 
ont  été  animés  ;  les  termes  dont  il  se  sert 
pour  exprimer  la  mort  font  envisager  une  so- 
ciété subsistante  au  delà  du  tombeau.  Pour 
donner  à  entendre  qu'un  méchant  sera  mis 
à  mort,  il  dit  qu'il  sera  exterminé  de  son  peu- 
ple; et  pour  désigner  la  mort  d'un  juste,  il 
dit  qu'il  a  été  réuni  à  son  peuple.  Voy.  lii- 
MORTALiTÉ.  Il  fait  sentir  l'absurdité  du  poly- 
théisme, et  fait  tous  ses  elforts  pour  détour- 

(1)  Ses  miracles  et  ses  prophéties  en  sont  une 
preuve  incontestable. 


ner  les  Hébreux  de  l'idolâtrie ,  parce  que 
cette  erreur  capitale  a  été  la  source  de  toutes 
les  autres  erreurs  et  de  tous  les  crimes  dans 
lesquels  les  nations  aveugles  se  sont  plon- 
gées. Voy.  Idolâtrie. 

La  morale  naturelle  n'est  rien  moins  qu'é- 
vidente dans  tous  les  points,  nous  en  som- 
mes convaincus  par  les  égarements  dans  les- 
quels sont  tombés  les  fihilosophes  les  plus 
habiles;  Moïse  en  donne  un  code  abrégé 
dans  le  Décalogue  ,  et  développe  le  sens  de 
chaque  précepte  par  la  multitude  de  ces  lois. 
On  a  beau  examiner  ce  code  original  et  uni- 
que dans  l'univers  :  s'il  prête  à  la  censure 
des  raisonneurs  superficiels,  il  n'a  jamais  in- 
spiré que  de  l'admiration  aux  vrais  savants. 
Voy.  Morale. 

Où  Moïse  avait-il  puisé  des  connaissances 
si  supérieures  à  son  siècle,  et  à  celles  de  tous 
les  anciens  sages  ?  Chez  les  Egyptiens  ,  di- 
sent hardiment  les  incrédules  ;  nous  lisons 
dans  ces  livres  mêmes  qu'il  fut  instruit  de 
toute  la  sagesse,  c'est-à-dire  de  toutes  les  con- 
naissances des  Egyptiens  {Act.  vu,  22).  Mais 
les  Egyptiens  eux-mêmes  en  sav;dent-ils  as- 
sez ,  surtout  dans  les  temps  dont  nous  par- 
lons, pour  donner  tant  de  lumière  à  Moïse  ? 
Lorsque  Hérodote  alla  s'instruire  en  Egypte 
[dus  de  mille  ans  après  Moïse  ,  en  revint-il 
chargé  de  grandes  richesses  en  fait  de  philo- 
sophie et  de  morale  ?  Il  n'en  rapporta  pres- 
que que  des  fables.  Ordinairement  les  con- 
naissances s'étendent  chez  une  nation  par  la 
suite  (les  temps  ;  il  faudrait  qu'elles  eussent 
diminué  en  Egypte.  La  manière  dont  Moïse 
lui-même  peint  les  Egyptiens  ne  nous  donne 
pas  une  haute  idée  de  leur  capacité.  Aussi 
ne  donne-t-il  pas  sa  doctrine  comme  le  ré- 
sultat de  ses  réflexions  ni  des  leçons  qu'il  a 
reçues  en  Egypte  ;  il  la  présente  comme  une 
tradition  reçue  de  Dieu  dans  l'origine,  trans- 
mise jusqu'à  lui  par  les  patriarches  ,  et  re- 
nouvelée par  la  bouche  de  Dieu  même.  Les 
sages  d'Egypte  cachaient  leur  doctrine ,  ne 
la  transmettaient  que  sous  le  voile  des  hié- 
roglyphes :  Moïse  divulgue  la  sienne  ,  il  la 
rend  populaire ,  il  veut  que  tout  particulier 
en  soit  instruit.  Voilà  une  conduite  bien  dif- 
férente ,  et  un  disciple  qui  ne  res53mble 
guère  à  ses  maîtres.  Mais  combien  de  repro- 
ches n'ont  pas  faits  les  Incrédules  contre  cette 
doctiine  môme  ?  Si  nous  voulons  les  en 
croire,  Moïse  a  fait  adorer  aux  Hébreux  un 
Dieu  corporel,  un  Dieu  local  et  particulier, 
semblable  aux  génies  tutélaires  des  autres 
nations,  qui  ne  prend  soin  que  d'une  seule, 
et  oublie  toutes  les  autres  ;  un  Dieu  avide 
d'olTrandes  et  d'encens  ;  un  Dieu  colère , 
jaloux,  injuste,  cruel,  etc.,  que  l'on  devait 
craindre ,  mais  qu'il  était  impossible  d'ai- 
mer. Ainsi,  après  avoir  soutenu  que  Moïse 
n'a  été  que  l'écolier  des  Egyptiens  ,  on 
suppose  qu'il  a  été  cent  fois  plus  insensé 
qu'eux,  et  qu'il  a  professé  des  erreurs  plus 
grossières  que  les  leurs.  Pour  réfuter  en 
détail  tous  les  blasphèmes  que  l'on  prête 
à  Moïse,  il  faudrait  une  longue  discussion. 
Nous  nous  bornerons  à  observer  que  Tacite, 
tout  païen  qu'il  était,  et  fort  prévenu  contre 


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les  Juifs,  a  6i6  plus  judicieux  et  plus  équi- 
table que  nos  pliiloso|)hcs.  «  Les  Egyptiens, 
(lit-il ,  iionurent  la  plupart  des  animaux  et 
des  ligures  composées  do  diflërentcs  espè- 
ces ;  les  Juifs  conçoivent  un  seul  Dieu  par 
la  pensée,  Dieu  souverain,  Dieu  éternel,  im- 
muable, et  qui  ne  peut  pas  cesser  d'être.  » 
Ilist.,  1.  V,  n°  5.  Sont-ce  Ih  les  génies  tuté- 
laires  des  autres  nations  ? 

Un  Dieu  créateur  ne  peut  ôtre  ni  corpo- 
rel ,  ni  local,  ni  borné  à  une  seule  contrée, 
ni  capable  de  négliger  une  seule  do  ses  créa- 
tures ;  il  n'a  besoin  ni  d'encens  ni  tl'oirran- 
des  ;  s'il  était  colère  et  cruel ,  il  pourrait , 
d'un  seul  acte  de  sa  volonté ,  l'aire  rentrer 
tous  les  pécheurs  dans  le  néant,  d'oii  il  les  a 
tirés.  Moise  n'a  pas  été  assez  stupide  imur 
ne  pas  le  sentir,  et  les  Juifs  n'ont  pas  été  as- 
sez grossiers  puur  ne  pas  le  concevoir. 
Ainsi,  les  calomnies  des  Liicréduies  sont  suf- 
fisamment réfutées  par  le  premier  article  di; 
foi  que  Moïse  enseigne  aux  Juifs.  Quant  aux 
expressions  des  livres  saints  sur  lesquelles 
les  censeurs  veulent  se  fonder,  nous  en 
montrons  le  sens  ailleurs.  Voy.  Dieu,  et  les 
autres  ai  ticles  auxquels  nous  avons  renvoyé 
ci-dessus. 

IV.  Ils  n'ont  pas  jugé  plus  sensément  des 
lois  de  !\Ioiso  que  de  sa  doctrine.  Pour  en 
comprendre  la  sagesse  ,  il  faut  commencer 
par  se  mettre  dans  les  circonstances  dans 
lesquelles  il  se  trouvait  ;  connaître  les  idées, 
les  mœurs,  la  situation  des  nations  dont  il 
était  environné  ;  distinguer  ce  qui  est  lion  et 
utile  en  soi-même,  d'avec  ce  qui  est  relatif 
au  climat,  aux  préjugés,  aux  habitudes  que 
l'es  Hébreux  avaient  pu  prendre  en  Egypte  ; 
comparer  ensuite  ce  corps  de  législation 
avec  tout  ce  qu'ont  produit  dans  ce  genre 
les  philosophes  les  plus  vantés.  Où.  sont  les 
incrédules  qui  ont  pris  toutes  ces  précau- 
tions ?  Il  en  est  très-peu  qui  aient  la  capa- 
cité nécessaire;  et  quand  ils  l'auraient ,  leur 
intention  n'est  pas  de  rendre  hununage  ^  la 
vérité  ,  mais  d'éblouir  les  lecteurs,  et  d'im- 
poser aux  ignoranis  i)ar  la  hardiesse  de  leurs 
décisions.  Us  ont  donc  tout  l)l;hné  au  ha- 
sard. Mais  les  habiles  jurisconsultes,  les 
bons  politiques,  n'ont  pas  pensé  de  môme  ; 
(pielques-uns  ont  pris  la  peine  de  faire  un 
parallèle  des  lois  juives  avec  les  lois  grec- 
ques et  romaines ,  et  les  premières  n'ont 
rien  perdu  à  cette  comparaison.  D'autres 
écrivains  les  ont  justifiées  en  défiil  contre 
les  reproches  téméraires  des  incrédules. 
Voyez  Lettres  de  quelques  Juifs,  etc. 

La  législation  des  autres  peu[iles  a  été  faite 
de  pièces  rapportées  ;  c'est  un  ouvrage  qui , 
toujours  très -imparfait  dans  son  origine, 
a  été  continué  ,  augmenté  ,  perfectionné  de 
siècle  en  siècle,  selon  les  événements  et  les 
révolutions  qui  sont  arrivés.  Le  code  do 
Moïse  a  été  fait  d'un  seul  coup  ,  et  pendant 
([uiiize  cents  ans  il  n'a  pas  été  nécessaire 
d'y  toucher  ;  ses  lois  n'ont  cessé  d'être  en 
vigueur  que  lors([ue  la  pratique  on  est  deve- 
nue impossible  par  la  ruine  et  la  dispersion 
totale  de  la  nation  juive  ;  et  si  cela  dépen- 
dait d'elle  ,  elle  y  reviendrait  encore  ;  nulle 
DicTiosN.   vr,  Théol.  dogmatique.  111. 


part  sous  le  ciel  on  n'a  vu  le  même  phéno- 
mène. Moïse  a  mêlé  onsemble  les  lois  reli- 
gicmses  ,  soit  morales,  soit  cérémoniellos  ; 
les  lois  civiles  et  les  lois  politiques  :  on  le 
bl.lme  de  ne  les  avoir  pas  distinguées,  et  d'y 
avoir  mis  ainsi  de  la  confusion;  d'avoir  voulu 
que  les  Juifs  observassent  les  unes  et  les  au- 
tres par  le  même  motif,  par  le  désir  d'être 
saints  et  de  plaire  îi  Dieu.  Pai'  cette  conduite, 
dit-on ,  il  a  donné  lieu  aux  Juifs  de  se  per- 
suader qu'il  y  avait  aulant  de  mérite  à  pra- 
tiipier  un(>  ablution  qu'à  faire  une  aumône. 
Ce  fut  l'erreur  des  pharisiens  ,  que  Jésus- 
Christ  a  si  souvent  coml)attue ,  et  dans  la- 
qui'lle  les  Juifs  sont  encore  aujourd'hui  : 
elle  est  évidemment  venue  de  la  lettre  même 
de  la  loi.  Nous  soutenons  ([ue  dans  tout  cela 
le  législateur  n'est  point  répiéhensible  ;  ses 
livres  sont  en  forme  de  jouinal;  il  y  a  cou- 
ché les  lois  h  mesure  que  Dieu  le  lui  oi- 
(liinnait  et  que  l'occasion  s'en  présentait. 
Cette  méthode  mettait  les  Juifs  dans  la  né- 
cessité d'apprendre  en  même  temps  leur  re- 
ligion et  leur  histoire,  leur  droit  civil  et  leur 
constitution  politique;  il  nous  paraît  que  c'é- 
tait un  bien,  et  non  un  mal. 

Il  est  faux  que  Moïse  n'ait  pas  distingué 
les  lois  morales  d'avec  les  lois  cérémoniel- 
les  :  les  premières  sont  dans  le  Décalogue, 
qui  fut  dicté  par  la  bouche  de  Dieu  môme, 
avec  un  appareil  majestueux  et  terrible;  les 
secondes  ne  furent  écrites  que  dans  la  suite 
et  selon  l'occasion.  Quant  au  motif,  un  peu- 
ple aussi  grossier  que  les  Juifs  n'élait  pas  ca- 
pable d'être  conduit  par  un  autre  mobile  que 
par  celui  de  la  religion  ;  Moïse  n'a  donc  })as 
eu  tort  de  s'y  attacher,  et  do  donner  à  toutes 
ses  lois  la  même  sanction,  savoir,  la  volonté 
de  Dieu,  l'amour  et  la  crainte  de  Dii-u.  De 
là  il  s'ensuit  seulement  que  tout  juif,  en  ob- 
servant une  loi  quelconque,  obéissait  à  Dieu, 
et  non  que  tous  ces  actes  d'obéissance  avaient 
un  mérite  égal.  Si  dans  la  suite  les  Juifs  en 
ont  tiré  une  fausse  conséquence,  ce  n'est  pas 
faute  d'avoir  été  avertis;  Samuel,  David,  Sa- 
loinon,  isaïe  et  tous  les  prophètes  leur  ont 
répété  sans  cesse  que  Dieu  voulait  la  pureté 
du  cœur  plutôt  que  celle  du  corps,  la  misé- 
ricorde et  non  le  sacrilice  ;  la  justice,  la  cha- 
rité l'indulgence  envers  le  prochain,  et  non 
des  cérémonies.  Mais  il  y  aurait  eu  de  l'im- 
prudence à  prêcher  d'abord  cette  morale  h 
un  peuple  qui  n'était  pas  encore  policé,  ni  ac- 
coutumé à  subir  le  joug  d'aucune  loi  écrite. 
Il  fallait  commencer  par  lui  apprendre  à 
obéir,  sauf  à  lui  faire  distinguer  dansla  suile 
le  bieu  d'avec  le  mieux.  Vuij.  Sainteté.  Les 
censeurs  de  Moïse  affectent  d'oublier  que 
tous  les  législateurs  ont  fait  comme  lui  ;  ils 
ont  fait  envisager  les  lois,  non  comme  la  vo- 
lonté des  hommes,  mais  comme  celle  de 
Dieu  :  c'est  ainsi  que  Zaleucus  en  parlait  dans 
11!  jirologue  de  ses  lois,  Cicérou  dans  son 
traité  de  Leyibus,  Platon,  etc.  Tous  oni  com- 
pris que  sans  cela  les  lois  n'auraient  aucune 
for((%  ipi'aucun  homme  n'a  par  lui-même  le 
droit  ni  l'autorité  de  commander  h  ses  sem- 
blables. Voy.  Al'TOlUTÉ   POLITIQLIC,    Loi. 

On  dit  que    les  lois  mosaïques  sont  trop 

■?.H 


S7a 


MOI 


MOI 


876 


sévères  et  trop  dures  ;  elles  punissent  de 
mort  un  violateur  du  sabbat  aussi  bion  qu'un 
homicide;  elles  ont  rendu  les  Juifs  intolérants, 
Seunemis  des  étrangers  et  odieux  à  toutes  les 
■nations.  Le  gouvernement  théocratique  éta- 
bli par  Moïse  n'est,  dans  le  fond,  que  le  gou- 
vernement des  prêtres,  qui  est  le  pire  de 
tous.  Vcil  I  encore,  de  la  part  des  incrédules, 
un  trait  d'ignorance  affectée  qui  ne  leur 
fuit  pas  honneur.  Tout  le  monde  sait  que, 
dans  l'origine,  les  premières  lois  de  tous  les 

Eeuples  ont  été  trop  sévères,  parce  que  des 
omines  qui  ne  sont  pas  encore  accoutumés 
à  subir  ce  joug  ne  peuvent  être  contenus  que 
par  la  crainte.  On  a  dit  que  les  lois  données 
aux  Athéniens  parDracon  étaient  écrites  en 
caractères  de  s:ing  ;  celles  de  Lycurguo  n'é- 
taient guère  plus  douces,  non  plus  que  celles 
des  douze  Tables,  ado|itées  par  les  Romains; 
le  code  des  Indiens  fait  frémir  ;  raa's  il  est 
faux  que  celles  de  Moise  aient  été  aussi  du- 
res :  on  défie  les  incrédules  de  citer  une  seule 
législation  qui  n'ait  pas  stalué  des  supplices 
plus  cruels  que  ceux  qui  étaient  en  usage 
chez  les  Jufs.  Quand  on  connaît  l'importance 
de  la  loi  du  sabl>at,  l'on  n'est  pas  étonné  de 
voir  un  violateur  public  de  cette  loi  con- 
damné à  mort.  Voy.  Sabbat. 

Il  faut  se  souvenir  encore  qu'au  siècle  de 
Moïse  toutes  les  nations  se  re^;ardaient  com- 
me toujours  en  état  de  guerre;  ce  nui  est 
dit  des  rois  delà  Pentapoledu  temps  d'Abra- 
ham, des  usurpations  que  les  Chananéens 
avaient  faites  les  uns  sur  les  autres,  du 
brigandage  qui  subsistait  encore  au  temps 
de  David,  la  m  nière  dont  les  philosophes 
grecs  parlent  des  peuples  qu'ils  nomment 
barbares,  etc.,  en  sont  des  preuves  incontes- 
tables. Moïse  ,  loin  d'autoriser  ce  préjugé 
meurtrier,  travaille  à  le  détruire;  il  ordonne 
aux  Hébreux  de  bien  traiter  b's  étrangers, 
parce  qu'ils  ont  été  eux-mêmes  <tran^crs  en 
Egypte  ;  il  leur  défend  de  toucher  aux  pos- 
sessions des  Iduméens,  des  Moabites  ni  des 
Ammonites,  b'urs  voisins,  et  de  conserver 
du  ressentiment  contre  les  Egyptiens.  Sous 
le  règne  de  Salomm,  il  y  avait  dans  la  Ju- 
dée cent  cinquante-trois  mille  ét:angeis  ou 
prosélytes  (//  Parai,  ii,  17).  Oii  sont  donc  les 
marques  d'aversion  contre  eux?  A  la  vérité 
les  lois  juives  défendaient  de  tolérer  dans  la 
Judée  l'exercice  de  l'idolâtrie,  ce  crim'  d  - 
vait  être  puni  de  mort  ;  mais  elles  ne  com- 
mandaieni  pas  de  tuer  les"  idolâtres  de  pro- 
fession, quand  ils  s'.ib  tenaient  de  leurs  su- 
perstitions. L'on  n'a  jaraa  s  vu  les  Juils  pre:;- 
dre  les  armes  jour  ail  r  exte  miner  l'idoli- 
trie  hors  du  territoire  qu"  Diou  leur  avait  "s- 
signé,  comme  l'ont  f;iit  plus  d'une  fois  les 
Assyriens  et  l;^s  Perses.  Avant  >;e  déclamer 
contre  le  i^ouverncment  théocratique,  il  fau- 
drait commencer  pa;  le  déiinir,  et  nous  ap- 
prendre C'>  que  c'est.  Souvent  les  Israélites 
n'ont  eu  aucun  c';ef;  alors,  disent  les  histo- 
riens, chacun  faisait  ce  qui  lui  semblait  bon  ;  le 
gouvernement  élàit  pour  lors  i)uremeiit  dé- 
mocratique, et  c'est  le  premier  exemple  qui 
en  ait  existé  dans  l'univers.  Lorsqu'il  y  avait 
un  juge  ou  un  roi,  ce  n'est  pas  lui  qui  devait 


régner,  c'est  la  loi  ;  il  n'était  pas  plus  permis 
aux  prêtres  qu'aux  rois  de  la  changer,  d'y 
ajouter  ni  d'en  retranchiT.  Pendant  quatre 
cents  ans,  aucun  prêtre  n'a  été  juge  ou  sou- 
verain magistrat  de  la  nation  ;  Héli  est  le 
premier;  Samuel  n'était  pas  prêtre,  mais 
prophète  ;  et  l'on  sait  si  la  nation  gagna 
beaucoup  à  demander  et  k  obtenir  un  roi. 
Fut-elle  jamais  mieux  gouvernée  que  sous 
les  Asmonéens,  qui  étaient  prô're-'et  rois? 
Diodore  de  Sicile  et  d'autres  anciens  oni  jugé 
beaucoup  plus  sensément  du  gouvorneiiient 
des  Juifs  que  les  phihisophes  modernes.  Ces 
derniers  ont  tourné  enridiciile  les  lois  céré- 
monielles;  mais  ils  ont  montré  aussi  p  ude 
bon  sens  sur  ce  point  c[ue  sur  tous  les  aU|tres. 
Voi/.  Loi  cérémomelle. 

V.  De  la  conduite  de  Mnïse.  Si  ce  législa- 
teur avait  été  un  hoinne  ordinaire,  nous 
convenons  que  sa  conduite  serait  incompré- 
hensible, et  s'il  avait  été  un  imposteur,  il 
faudrait  encore  conclure  que  c'était  un  in- 
sensé :  mais  ce  qu'il  a  fait  pi  ouve  qu'il  n'é- 
tait ni  l'un  ni  l'autre.  Convaincu,  par  ses 
propres  miracles,  qu'il  était  envoyé  de  Dieu, 
assuré  d'un  secours  divin  par  la  bouche  de 
Dieu  même,  a-t-il  dû  se  conduire  avec  les 
timides  précautions  que  la  prudence  hu- 
maine exige,  ou  a-t-il  dû  former  un  jilan  de 
conduite  différent  de  cehii  que  Dieu  avait 
arrêté  d'avance  ?  S'il  a  délivré  son  peuple  de 
la  servitude  d'Egypte,  s'il  l'a  fait  subsister 
dans  le  désert  pendant  quarante  ans,  s'il  l'a 
mis  en  état  de  se  rendre  maître  de  la  Pales- 
tine, il  a  rempli  l'objet  de  sa  mission:  il  est 
ridicule  de  disputer  sur  les  moyens:  pus- 
qui3  ces  trois  choses  ne  pouvaient  être  exé- 
cutées par  des  voies  nalurelles  et  ordinaires, 
il  faut  que  Moïse  ait  agi  p  :r  des  lumières  et 
par  des  forces  surnaturelles,  puisipie  enûn 
il  est  incontestable  qu'il  en  est  venu  k  bout. 
Toute  la  question  se  réduit  à  savoir  s'il  a 
réussi  par  des  injustices,  ]3ar  des  crimes,  ]jar 
la  violation  des  lois  de  1  humanité  ;  les  in- 
crédules le  prétendent;  sont-ils  bien  fondés? 
Moïse,  dit  l'un  d'entre  eux  ,  commence  sa 
carrière  par  l'assassinat  d'un  E:^yptien;  forcé 
de  s'enfuir,  il  épouse  une  femme  idolâtre  et 
la  renvoie  ensuiie,  11  revient  en  Egypte  sou- 
lever les  Israélites  contre  leur  souverain; 
il  punit  les  Ej;yptiens  de  la  faute  de  leur  roi; 
il  engage  ses  Hébreux  à  voler  leurs  anciens 
niaîti-.s.  Arrivé  dans  le  désert,  il  établit  son 
autorité  despotique  par  le  massacre  de  ceux 
qui  lui  résistent  :  il  place  le  sacerdoce  dans 
sa  tribu  et  le  pontilicat  clans  sa  famille  ;  il 
punit  le  peuple  de  la  faute  de  son  frère  Aa- 
ron,  qui  avait  consenti  à  l'adoration  du  veau 
d'or  ;  il  laisse  périr  dans  le  désert  une  géné- 
ration tout  entière,  et  en  mourant  il  auto- 
rise les  Juifs  à  dépouiller  et  à  extt.'rminer  les 
Chananéens.  Tant  de  crimes  n'ont  pu  être 
commandés  par  la  Divinité  ;  c'est  un  blas- 
phème de  les  lui  attribuer. 

Il  est  difûcile  de  répondre  en  peu  de  mots 
à  cette  multitude  d'accusations;  nous  ferons 
cependant  notre  possible  pour  abréger.  1°  Un 
assassinai  est  un  meurtre  commis  de  propos 
délibéré.  Peut-on  p'-juver  qu'en  voulant  dé- 


877 


MOI 


fendre  un  Hé'breu  contre  la  violence  d'un 
E^yplien,  Moïse  avait  (iessein  do  tuer  ce 
dernier;  que  ce  meiu-tre  n'est  pas  arrivé 
contre  son  intention,  et  en  voulant  seulement 
résister  aux  ellbrts  d'un  furieux  ?  Voilh  ce 
qu'il  fiudrait  démontrer,  et  c'est  ce  (jue  l'on 
ne  fera  jamais.  2°  11  est  faux  que  Sé()hoia, 
femme  de  Moïse,  ait  été  idolAtre  ;  on  voit  au 
contiaire  q  le  Jéthio,  père  de  cette  femme, 
adorait  1:^  vrai  Dieu.  Moïse  ne  la  quitta  que 
pour  aller  remplir  sa  commission  en  Egyjite  ; 
et  lorsque  Jétliro  li  lui  ramena  dans  le  désort 
avec  ses  enfants,  il  n'y  eut  aucune  marque 
d'inimitié  de  part  ni  d'autre.  3°  Le  roi  d'E- 
gypte n'était  point  le  souverain  légitime  des 
Israélites  ;  lui-même  ne   les  r. 'gardait  point     qu'elle  était  très-légitime. 


MOL  878 

à  se  mutiner,  on  dirait  qu'il  ,i  usé  de  collu- 
sion avec  Moïse  pour  rendre  croyables  tous 
les  miracles  rajipportés  dans  son  histoire. 
Mais  ,  encore  tine  fois,  si  la  conduite  de 
Moïse  était  injuste,  tyrannique  ,  odieuse , 
comment  n'a-t-il  pas  été  massacré  par  une 
nation  composée  de  deux  millions  d'hommes? 
Comment  les  Juifs  ont-ils  laissé  subsister 
dans  son  histoire  tous  les  rejiroches  qu'il 
leur  fait?  Comment  jes  prèlres  n'ont-ds  pas 
au  moins  effaci'  tout  ce  qui  est  désavanta- 
geux à  leur  tribu  ?  \'oilà  des  questions  aux- 
quelles les  incrédules  n'ont  jamais  tenté  de 
satisfaire.  Quant  à  la  conquête  de  la  Pales- 
tine, nous  prouvons  à  l'article  Chananéens 


comme  ses  sujits,  mais  comme  des  étran- 
gers qui  devaient  un  jour  sortir  de  ses  Etats. 
La  servitude  à  laquelle  il  les  avait  réduits, 
l'ordre  qu'il  avait  donné  de  noyer  l;-urs  en- 
fants mïli'S,  les  travaux  dont  ils  les  accablait, 
étaient,  pour  les  Israélites,  des  sujets  très- 
légitimes  de  quitter  ce  royaume;  et  cette  re- 
traite ne  peut,  en  aucun  sens,  être  regardée 
comme  une  révolte,  k"  Les  vexations  exer- 
cées contre  eux  n'étaient  pas  le  crime  parti- 
culier du  roi  d'E,:;ypte,  mais  celui  de  tous  ses 
sujets  ;  tous  résistèrent  aux  miracles  que 
Moïse  tit  en  leur  présence  :  tous  méritaient 
donc  d'être  punis.  Ce  que  les  Israélites  em- 
portèrent Ji  titie  d'empiunt  n'ét:iit  qu'une 
juste  compensation  de  leurs  travaux,  pour 
lesquels  ils  n'avaient  reçu  aucun  salaire.  Voy. 
Juifs.  5°  Moise  ne  commit  jamais  de  massa- 
cre pour  établir  son  autorité,  mais  pour  pu- 
nirl  idolAtrie  et  les  autres  désordres  auxquels 
les  Hébreux  s'étaient  livrés.  11  le  devait, 
pour  venger  la  loi  f  irmelle  que  Dieu  avait 
portée,  et  de  l'exécution  de  laijuelle  dépen- 
dait la  prospérité  de  la  nation  entière.  6°  Aux 
mots  Aabon  et  Lévites,  nous  faisons  voir 
que  ce  sacerdoce  n'était  pas  un  très-grand 
avantage  pour  la  tribu  de  Lévi,  e'  que  le 
peuple  fut  puni,  non  pour  la  faute  d'ÂBi-on, 
mais  pour  la  sienne.  Si  Moïse  avait  été  con- 
duit par  l'ambition,  il  aurait  fait  passer  le 
pontificat  h  ses  propres  enfants ,  et  non  à 
ceux  de  son  frère.  D'ailleurs  le  choix  que 
Dieu  faisait  de  cette  tribu  et  de  cette  famille 
fut  contirmé  par  des  miracles.  7"  Les  qua- 
rante ans  de  séj  ur  dans  le  désert  turent  la 
punition  des  murmures  injustes  auxquels 
les  Israélites  s'étaient  1  vrés  ;  mais  ceux  de 
cette  ;;énér  .tion  qui  entrèrent  dans  la  terre 
promise  étai  nt  ;lgés  de  vingt  ans  lorsqu'ils 
étaient  sortis  d'  l'Egypte;  ils  avaient  donc 
été  témoins  oculaires  de  tout  ce  qui  s'y  était 
passé,  et  ils  s'en  souvenaient  très-bi 'u. 

Il  est  fort  singulier  que  l'on  veuille  rendre 
Moïse  responsat)le  des  tléaux  surnaturels  et 
miraculeux  qui  sont  tombJs  sur  les  Israéli- 
tes, et  qu'ils  avai>'nt  mérités,  pendant  que 
l'histoire  nous  atteste  qu'il  ne  manquait  ja- 
mais d'intercéder  auprès  de  Dieu  pour  les 
coupables.  Y  e  t-il  une  seule  occasion  dans 
laquelle  on  puisse  faire  voir  que  ce  législa- 
teur a  sévi  contre  des  innocents,  ou  qu'il  a 
demandé  vengeance  à  Dieu  ?  Si  tout  ce  peu- 
ple avait  été  moins  rebelle  et  moins  prompt 


Après  avoir  bien  exainin'  les  miracles,  les 
prophéties,  la  doctrine,  les  lois,  la  conduite 
de  Moïse  ,  qu'exigera-t-on  do  plus  pour  être 
convaincu  qu'il  éta  t  l'envoyé  de  Dieu,  et 
que  les  Hébreux  n'ont  ras  -m  ilouter  de 
sa  mission  ?  Citera-t-on  dans  le  mende  un 
imposteur  qui  ait  su  réunir  tant  de  caractè- 
res do  divinité,  un  législateur  qui  ait  poussé 
aussi  loin  le  courage  ,  la  patience,  la  pré- 
voyance, le  zèle  pour  les  intérêts  de  sa  na- 
tion ?  Il  n'est  [las  poss'ble  de  lire  les  der- 
niers chapitres  du  Deutéronome  sans  être 
saisi  d'aumiraiion  ;  et  quand  on  ne  voudrait 
pas  convenir  qu'il  a  été  le  ministre  de  la  Di- 
vinité, on  serait  encore  f  ircé  tie  reconnaître 
que  c'était  un  grand  homme.  Aus4  le  peu- 
ple pleura  sa  mort  pendant  tr,nte  jours,  et  se 
soumit  sans  résist,uice  à  Josué,  qu'il  avait  dé- 
signé son  successeur. 

MOISSON.  Mose  avait  ordonné  aux  Hé- 
breux, lorsqu'ils  moissonneraient  un  champ, 
de  ne  pas  couper  exactement  tous  les  épis, 
mais  d'en  laisser  une  petite  partie  pourles 
pauvres  et  les  étrangers,  et  de  leur  permettre 
de  glaner  {Levit.  xxiii,  22);  c'était  une  loi 
d'humanité.  Nous  en  voyons  l'exécution 
dans  le  livre  de  Ruth,  c.  ii,  v.  7  et  suiv.,  où 
Booz  invite  cette  femme  moabite  à  glaner 
dans  son  champ,  et  lui  fiit  encore  une  au- 
mône. 

La  moisson  de  l'orge  ne  devait  se  faire 
qu'ajirès  la  fête  de  PAques,  pendant  laquelle 
on  otfrait  au  Seigneur  la  première  javeile  ; 
ni  celle  du  froment  qu'après  la  fête  de  la 
Pentecôe,  pendant  laquelle  on  i'evait  olfrir 
le  premier  pain  de  blé  nouveau  {Lrvil.  xxiii, 
10  et  17).  Yoy.  Prémices  Dans  la  suite,  les 
Juifs  ajoutèrent  bcaucoui)  de  cérémonies  à 
ce  qui  était  ordonné  par  la  loi  pour  l'ouver- 
ture des  moissons.  l{e\&tid,  Antiq.sacxœ  vet. 
Hebrœorum,  p.  'H'V*,  2.37. 

MOLSNlS.vlE,  système  d  ■  théologie  sur  la 
grâce  et  sur  la  [irédostination,  imaginé  par 
Louis  Mnlina,  jésuite  es;agnol,  professeur  de 
théologie  dans  l'université  d'Evora  en  Por- 
tugal. Le  livre  où  il  explique  ce  système, 
intitulé  :  Lihrri  arbitrii  cum  gralia:  donis, 
etc.,  Concordia,  parut  h  Lisbonne  en  15s8; 
il  fut  vivement  atta  |ué  par  les  dominicains, 
qui  le  déférèrent  à  l'inquisition,  en  accusant 
soi  auteur  de  renouvider  les  erreurs  des 
pélagiens  et  des  semi  pélagiens.  La  cause 
ayant  été  prutée  à  Rome,  et  discutée    dans 


S79 


MOL 


MOL 


880 


les  fameuses  assemblées  qu'on  nomme  les 
congrégations  de  Auxiliis,  depuis  l'an  1587 
jusqu'en  1007,  demeura  indécise.  Le  pape 
Paul  V,  qui  tenait  alors  le  siège  de  Rome, 
ne  voulut  rien  prononcer  ;  il  défendit  seule- 
ment aux  deux  partis  de  se  noter  mutuelle- 
ment par  des  qualitications  odieuses.  Depuis 
cette  espèce  de  trêve,  le  molinisme  a  été  en- 
seigné dans  les  écoles  comme  une  opinion 
libre  ;  mais  il  a  eu  des  adversaires  implaca- 
bles dans  les  augustiniens  vrais  ou  faux,  et 
dans  les  thomistes.  Ceux-ci  d'une  part,  et 
les  jésuites  de  l'autre,  ont  publié  chacun  des 
histoires  ou  des  actes  de  ces  congrégations 
conformes  à  leur  intérêt  et  à  leurs  préten- 
tions respectives  :  devinera  qui  pourra,  dit 
Wosheim,  de  quel  côté  il  y  a  le  plus  de  vérité 
et  de  modération. 

Quoi  qu'il  en  soit,  voici  le  plan  du  sys- 
tème de  Molina,  et  l'ordre  que  cet  auteur 
imagine  entre  les  décrets  de  Dieu.  1°  Dieu, 
par  la  science  de  simple  intelligence ,  voit 
tout  ce  qui  est  possible,  et  par  conséquent 
des  ordres  infinis  de  choses  possibles.  2°  Par 
la  science  moyenne.  Dieu  voit  certainement 
ce  que,  dans  chacun  de  ces  ordres,  chaque 
volonté  créée,  en  usant  de  sa  liberté ,  fera, 
si  Dieu  lui  donne  telle  ou  telle  grâce.  Voy. 
Science  de  Dieu.  3°  Il  veut  d'une  volonté 
antécédente  et  sincère  sauver  tous  les  hom- 
mes, sous  condition  qu'ils  voudront  eux- 
mêmes  se  sauver,  c'est-à-dire  qu'ils  corres- 
pondront aux  grâces  qu'il  leur  donnera.  Voy. 
Conditionnelle.  4-°  11  donne  à  tous  les  se- 
cours nécessaires  et  suffisants  pour  0[iérer 
leur  salut,  quoiqu'il  en  accorde  aux  uns  plus 
qu'aux  autres,  selon  son  bon  plaisir.  5°  La 
grâce  accordée  aux  anges  et  à  l'homme  dans 
l'état  d'innocence  n'a  point  été  efiicace  par 
elle-même,  mais  versatile;  dans  une  partie 
des  anges,  elle  est  devenue  efticace  par  l'é- 
vénement ou  par  le  lion  usage  qu'ils  en  ont 
fait; dans  l'homme,  elle  a  été  inefticace,  parce 
qu'il  y  a  résisté.  6"  Il  en  est  de  même  dans 
l'état  de  nature  tombée,  nuls  décrets  abso- 
lus de  Dieu,  efficaces  par  eux-mêmes  et  an- 
técédents à  la  prévision  du  consentement 
libre  de  la  volonté  humaine  ;  par  conséquent 
nulle  prédestination  à  la  gloire  éternelle 
avant  la  prévision  des  mérites  de  l'homme  ; 
nulle  réprobation  qui  ne  suppose  la  pres- 
cience des  péchés  qu'il  commettra.  7°  La  vo- 
lonté que  Dieu  a  de  sauver  tous  les  hom- 
mes, quoique  souillés  du  péché  originel,  est 
vraie,  sincère  et  active  ;  c'est  elle  qui  a  des- 
tiné Jésus-Christ  à  être  le  Sauveur  du  genre 
humain  ;  c'est  en  vertu  de  cette  volonté  et 
des  mérites  de  Jésus-Christ,  que  Dieu  ac- 
corde à  tous  plus  ou  moins  de  grâces  suffi- 
santes pour  faire  leur  salut.  8°  Dieu,  par  la 
science  moyenne,  voit  avec  une  certitude 
entière  ce  que  fera  l'homme  placé  dans  telle 
ou  telle  circonstance,  et  secouru  par  telle 
eu  telle  grâce,  par  conséquent  qui  sont  ceux 
qui  en  useront  bien  ou  mal.  Quand  il  veut 
absobmient  et  efficacement  convertir  une 
âme  ou  la  faire  persévérer  dans  le  bien,  il 
forme  le  décret  de  lui  accorder  les  grâces 
auxquelles  il  prévoit  qu'elle   consentira,  et 


avec  lesquelles  elle  persévérera.  9*  Par  la 
science  de  vision,  qui  suppose  ce  décret,  il 
voit  (fui  sont  ceux  qui  fieront  le  bien  et  per- 
sévéreront jusqu'à  la  fin,  qui  sont  ceux  qui 
pécheront  ou  ne  persévéreront  pas.  En  con- 
séquence de  cette  prévision  de  leur  conduite 
absolument  future,  il  prédestine  les  premiers 
à  la  gloire  éternelle,  et  réprouve  les  autres. 
La  base  de  ce  système  est  que  la  grâce  suf- 
tisante  et  la  grâce  efficace  ne  sont  point  dis- 
tinguées par  leur  nature,  mais  que  la  môme 
grâce  est  tantôt  efficace  et  tantôt  inefficace, 
selon  que  la  volonté  y  coopère  ou  y  résiste. 
Ainsi,  l'efficacité  de  la  grâce  vient  du  con- 
sentement de  la  volonté  de  l'homme,  non, 
dit  Molina,  que  ce  consentement  donne 
quelque  force  à  la  grâce,  ou  la  rende  effi- 
cace in  aciu  jniino,  mais  parce  que  ce  con- 
sentement est  la  condition  nécessaire  pour 
que  la  grâce  soit  efficace  in  actii  secundo,  ou 
lorsqu'on  la  considère  comme  jointe  à  son 
effet;  à  peu  près  comme  les  sacrements,  qui 
sont  par  eux-mêmes  productifs  de  la  grâce, 
et  qui  dépendent  néanmoins  des  disposi- 
tions de  ceux  qui  les  reçoivent  pour  la  pro- 
duire en  effet.  C'est  ce  qu'enseigne  formel- 
lement ce  théologien  dans  son  livre  de  la 
Concorde,  disput.  1.  q.  39,  40  et  suiv. 

Selon  les  molinistes,  la  différence  entre  la 
grâce  efficace  in  actii  jrrijno,  et  la  grâce 
inefficace,  consiste  en  ce  que  la  première 
est  donnée  dans  une  circonstance  dans  la- 
quelle Dieu  prévoit  que  l'homme  en  suivra 
le  mouvement,  au  lieu  que  la  seconde  est 
donnée  dans  une  circonstance  où  Dieu 
prévoit  que  l'homme  y  résistera;  d'où  il 
s'ensuit  ,  disent-ils,  que  la  grâce  efficace 
est  déjà,  m  actu  primo,  un  plus  grand  bien- 
fait de  Dieu  que  la  grâce  inefficace,  puisqu'il 
dépend  absolument  de  Dieu  de  donner  l'une 
ou  l'autre.  Ainsi  ce  n'est  point  l'homme  qui 
se  discerne  lui-même ,  mais  Dieu,  comme  le 
veut  saint  Paul.  Molina  et  ses  défenseurs  ont 
vanté  beaucoup  ce  système,  en  ce  qu'il  dé- 
noue une  partie  des  difficultés  que  les  Pè- 
res, et  surtout  saint  Augustin,  ont  trouvées 
à  concilier  le  libre  arbitre  avec  la  grâce.  Mais 
leurs  adversaires  tirent  de  ces  motifs  mômes 
une  raison  pour  le  rejeter,  puisque,  selon 
les  Pères,  l'action  de  la  grâce  sur  la  volonté 
humaine  est  un  mystère.  Cependant  il  nous 
paraît  que  le  mystère  subsiste  toujours ,  en 
ce  que  l'action  de  la  grâce  ne  peut  être  com- 
parée, sans  inconvénient,  ni  à  l'action  d'une 
cause  physique ,  ni  à  l'action  d'une  cause 
morale.  Voy.  Grâce,  §  5. 

La  plupart  des  partisans  de  la  grâce  effi- 
cace par  elle-même  ont  soutenu  que  le  mo- 
linisme renouvelait  le  semi-pélagianisme  ; 
mais  le  Père  Alexandre,  quoique  dominicain 
et  thomiste,  dans  son  Hist.  ecclés.  du  y'  siè- 
cle, c.  m,  art.  3,  §  13,  répond  à  ses  accusa- 
teurs que  le  système  de  Molina  n'ayant  pas 
été  condamné  par  l'Eglise,  et  étant  toléré 
comme  les  autres  opinions  de  l'école,  c'est 
blesser  la  vérité,  la  charité  et  la  justice,  de 
le  comparer  aux  erreurs,  soit  des  pélagiens, 
soit  des  semi-pélagiens.  Bossuet ,  dans  son 
premier    et  dans   son  second  Avertissement 


881 


MOL 


MOL 


882 


aux  protestant!),  montre  solicleinent,  et  par 
un  paralK'le  exact  du  moltnisme  avec  le  se- 
mi-pélagianisme,  que  l'Eglise  romaine,  en 
tolérant  le  système  de  Molina,  ne  tolère  point 
les  erreurs  des  semi-pélagiens  ,   connue  le 
ministre  Jurieu  avait  osé  le  lui  reprocher. 
Il  est  fâcheux  que,  malgré  ces  apologies  et 
malgré  la  défense  de  Paul  V,  la  même  accu- 
sation renaisse   toujours.   Molina  enseigne 
formellement  que,  sans  le  secours  de  la  grâ- 
ce, l'homme  no  |>eut  l'aire  aucune  action  sur- 
naturelle et  utile   au  salut;  Concorde,   1" 
question,  disput.  5  et  suiv.  Vérité  diamétra- 
lement opposée  à  la  maxime  fondamentale 
du  pélagianisme.   11  soutient  que  la  grâce 
est  toujours  prévenante,  qu'elle  est  opérante 
on  coopérante  lorsipi'elle  est  efiicace;  qu'ain- 
si elle  est  cause  efficiente  des  actes  surna- 
turels, aussi  bien  ((ue  la  volonté  de  l'homme  ; 
disp.  39  et  suiv.  Autre  vérité  anti-pélagien- 
ne.  11  dit  et  répète  que  la  prévision  du  con- 
sentement fotur  de  la  volonté  à  la  grâce 
n'est  jioint  la  cause  ni  le  motif  qui  déter- 
mine Dieu  h  doruier  la  grâce  ;  que   Dieu 
donne  inie  grâce  efiicace  ou  inefiicace  uni- 
quement ixirce  qu'il  lui  plaît  ;  qu'ainsi,  à 
tous  égards,  la  grâce  est  purement  gratuite  ; 
il  se  défend  contre  ceux  qui  l'accusaient  d'en- 
seigner le  contraire,  Troisième  question  des 
causes  de  la  prédestination,   dis|i.  J,   quest. 
23,  p.  370,  373,  380,  de  l'édition  d'Anvers, 
en  1595.  C'est  saper  le  semi-pélagianisme 
par  la  racine-  Le  premier  devoir  d'un  théo- 
logien est  d'être  juste.  En  second  lieu,  nous 
nous  croyons  obligés   de  justifier  de  toute 
erreur  le  système  de  Molina,  sans  vouloir 
pour  cela  ni   le  jirouver  ni  l'adopter.   Des 
théologiens  célèbres,  en  admettant  le  fond 
de  ce  système,  en  ont  adouci  quelques  arti- 
cles et  j)révenu  les  conséquences  ;  c'est  ce 
qu'on  appelle  le  conr/ruisme  mitigé,  et  il  y  a 
déjà  de  l'injustice  à  le  confondre  avec  le  mo- 
linisme.  Mais  il  est  encore  plus  douloureux 
de  voir  des  théologiens  taxer  de  pélagianisme 
et  de  semi-pélagianisme  tous  ceux  qui  ne 
pensent  pas  comme  eux,  lorsque  l'Eglise  n'a 
}3as  prononcé  et  que  les  souverains  ponti- 
fes ont  défendu  de  donner  do  pareilles  qua- 
lifications. Ce  procédé  n'est  pas  propre   à 
jirévenir  les  esprits  judicieux  en  faveur  de 
l'opinion  qu'ont  embrassée  et  que  soutien- 
nent  ces    censeurs   téméraires    (  1  ).    Voij. 

CONGRDISME. 

MOLINOSISME,  doctrine  de  Molinos,  prê- 
tre espagnol,  sur  la  vie  mystique;  condam- 
née à  Rome,  en  1C87,  par  Innocent  XI.  Ce 
pontife,  dans  sa  bulle ,  censure  soixante- 
huit  propositions  tirées  des  écrits  de  .Moli- 
nos, qui  enseignent  le  quiétisme  le  plus  ou- 
tré et  poussé  jusqu'aux  dernières  consé- 
quences. Le  principe  fondamental  de  cette 
doctrine  est  que  la  perfection  chrétienne  con- 
siste dans  la  tranquillité  de  l'âme,  dans  le 
reuoucement  à  toutes  les  choses  extérieures 

(I)  Comme  nous  l'avons  observé  au  mot  Grâce, 
Mgr  Gousset  profère  l'opinion  de  Molina  à  celle  des 
tliomistes.  Il  pense  ciu'avec  elle  on  résout  plus  facile- 
ment  toutes  les  diflkulu^s,  Yuy.  Gn\rF< 


et  temporelles,  dans  un  amour  |)ur  de  Dieu, 
exenqit  de  toute  vue  d'intérêt  et  de  récom- 
pense. Ainsi  une  âme  qui  aspire  au  souve- 
rain bien  doit  renoncer  non-seulement  à  tous 
les  plaisirs  des  sens,  mais  encore  à  tous  les 
objets  corporels  et  sensibles  ,  imposer  si- 
lence k  tous  les  mouvements  de  son  esprit 
et  de  sa  volonté,  pour  se  concentrer  et  s'ab- 
sorber en  Dieu.  Ces  maximes,  sublimes  en 
upiiarence,  et  capables  do  séduire  les  ima- 
ginations vives,  peuvent  conduire  à  des  con- 
séquences affreuses.  Molinos  et  quelques- 
uns  de  ses  disciples  ont  été  accusés  d'ensei- 
gner, tant  dans  la  théorie  que  dans  la  prati- 
que, que  l'on  peut  s'abandonner  sans  péché 
il  des  dérèglements  infâmes,  pourvu  que  la 
partie  supérieure  de  l'âme  demeure  unie  à 
Dieu.  Les  propositions  25,  41  et  suivantes 
de  Molinos,  renferment  évidemment  cette  er- 
reur abominable.  Toutes  les  autres  tendent 
à  d'écréditer  les  pratiques  les  plus  saintes  de 
la  religion,  sous  prétexte  qu'une  âme  n'en 
a  plus  besoin  lorsqu'elle  est  parfaitement 
unie  à  Dieu.  Jloslieim  assure  que,  dans  le 
dessein  de  perdre  ce  prêtre,  on  lui  attribua 
des  conséquences  auxquelles  il  n'avait  jamais 
pensé.  Il  est  certain  que  Molinos  avait  à 
Rome  des  amis  ])uissants  et  respectables, 
très  à  portée  de  le  défendre  s'il  avait  été 
possible.  Sans  les  faits  odieux  dont  il  fut 
convaincu,  lorsqu'il  eut  donné  une  rétracta- 
tion formelle,  il  n'est  pas  jirobable  qu'on 
l'aurait  laissé  en  prison  jusqu'à  sa  mort,  qui 
n'arriva  qu'en  1696. 

Moshcim  suppose  que  les  adversaires  de 
Molinos  furent  principalement  indignés  de 
ce  qu'il  soutenait ,  comme  les  protestants, 
l'inutilité  des  pratiques  extérieures  et  des 
cérémonies  de  religion.  Voilà  comme  les 
hommes  à  système  trouvent  partout  de  quoi 
nourrir  leur  prévention.  Selon  l'avis  des 
protestants,  tout  hérétique  qui  a  favorisé  eu 
quelque  chose  leur  opinion,  ((uelque  erreur 
qu'il  ait  enseignée  d'ailleurs,  méritait  d'être 
absous.  La  bulle  de  condamnation  de  Moli- 
nos censure  non-seulement  les  propositions 
qui  sentaient  le  protestantisme  ,  mais  celles 
qui  renfermaient  le  fond  du  quiétisme ,  et 
toutes  les  conséquences  qui  s'ensuivaient. 
Mosheim  lui-même  n'a  pas  osé  les  justifier, 
Hist.  ecclésiast.  du  x\u'  siècle ,  sect.  2,  i" 
part.,  cap.  i,  §  49.  Il  faut  se  souvenir  que 
les  quiétistes,  qui  firent  du  bruit  en  France 
peu  de  temps  après,  ne  donnaient  point  dans 
les  erreurs  grossières  de  Molinos  ;  ils  fai- 
saient, au  contraire,  profession  de  les  détes- 
ter. Voy.  Quiétisme. 

MOLOCH,  dieu  des  Ammonites  ;  ce  nom, 
dans  les  langues  orientales  ,  signifie  roi  ou 
souverain.  Dans  le  Lévitique,  c.  xvm,  v.  21  ; 
c.  XX,  v.  2,  et  ailleurs,  Dieu  défend  aux  Is- 
raélites, sous  peine  de  mort,  de  consacrer 
leurs  enfants  à  Moloch.  Malgré  cette  loi,  les 
prophètes  Amos,  c.  v,  v.  6  ;  Jérémie,  c.  xix, 
V.  5  et  6  ;  Sophonie,  c.  i,  v.  1  ,  et  saint 
Etienne,  Act.,  c.  vu,  v.  43,  reprochent  aux 
Juifs  d'avoir  adoré  cette  fausse  tlivinilé,  et 
semblent  «lésigner  le  même  Dieu  sous  les 
noms  de  Moloch,  de  Banl  et  de  Melchom.  La 


883 


MOM 


MON 


SSÏ 


coutume  des  idolâtres  était  de  faire  passer 
les  enfants  par  le  feu  à  rhonneur  de  ce  faux 
dieu,  et  il  paraît  que  souvent  l'on  poussait 
la  barbarie  jusqu'à  les  brûler  en  holocauste, 
comme  faisaient  les  Carthaginois  et  d'aulres 
à  l'honneur  de  Saturne.  D.  Calmet  prouve 
très-bien  que  Moloch  était  le  suleil,  adoré 
par  les  dilférents  peuples  de  l'Orieni  sous 
plusieurs  noms  divers.  Bible  d'Avignon,  t.  II, 
p.  355  et  Si.iv.  Mais  ce  que  l'on  dit  de  la  fi- 
gure de  ce  Dieu  et  de  la  manière  dont  on 
•lui  consacrait  les  enfants  n'est  pas  également 
certain.  Mémoires  de  l'Acad.  des  Inscriptions, 
t.  LXXI,  in-12,  p.  179  et  suiv. 

*  MOMIERS.  Genève,  la  forteresse  de  Calvin,  a  vu 
la  (locuine  du  maître  enlièrenient  abandonnée.  Dès 
1817,  on  n'y  enseignait  plus  la  divinité  de  Jésus- 
Christ.  Quelques  lioannes,  nourris  des  doctrines  de 
Cal  lin,  crièrent  au  scandale  et  prétendirent  qu'il 
n'était  pas  permis  de  rejeter  un  seul  article  du  sym- 
bole du  maille.  Ils  éuiiciit  stationnaires;  on  les  ap- 
pela momiers.  Leur  Uijnil>re  lut  bientôt  très-considé- 
rable ;  mais  les  pasteurs  progressistes  en  appelèrent 
au  principe  de  la  rélorine,  au  libre  examen.  Un  ca- 
tholique anonyme  se  mêla  de  la  discussion  dans  la 
Défense  de  la  véiiérulile  Compagnie  des  i,asleiirs  de 
Genève. 

f  Le  droit  d'examen,  y  dil-on,  est  le  fondement 
de  la  religion  protestante  et  tout  ce  qu'elle  contient 
d'invarialile.  Tant  que  ce  droit  est  reconnu,  exercé 
sans  entrave,  elle  subsiste  elle- même  sans  altération  : 
ce  droit  aboli,  elle  n'est  plus.  Mais  combien  ne  se- 
rait-il pas  absur.!e  d'ordonner  à  chacun  d'examiner 
pour  former  sa  loi,  et  de  lui  contester  ensuite  la  li- 
berté (l'admettre  le  résultat,  quel  qu'il  soit,  de  cet 
examen?  Conçoit-on,  je  le  demande,  de  plus  mani- 
feste coniradiction  ?  Nos  pasteurs  ont  donc  pu  légi- 
timement rejeter  telle  ou  telle  croyance  conservée 
par  les  premiers  réformateurs.  Et  que  signifie  même 
ce  mot  de  r^,  ui  me,  entendu  dans  sou  vrai  sens,  sinon 
un  perfectionnement  progressif  et  contimiel  ?  Pré- 
tendre l'arrêter  à  un  point  (ixe,  c'est  tomber  dans  la 
rêverie  des  symboles  immuables,  qui  comiuisent 
tout  droit  au  papisme  par  la  nécessité  d'une  auti:rité 
infaillible  qui  les  détermine.  Souvenons-nous-en 
bien  :  la  plus  légère  restriction  à  la  liberté  de 
croyance,  au  droit  d'alfirmer  et  de  luer,  en  matière 
de  religion,  est  mortelle  au  protestantisme.  Nous  ne 
pouvons  condamner  personne  sans  nous  condamner 
nous-mêmes,  et  notre  tolérance  n'a  d'autres  limites 
que  celles  des  opinions  humaine^.  On  ne  peut  donc, 
sous  ce  rapport,  que  louer  la  sagesse  de  la  vénéra- 
ble Compagnie.  Provoquée  par  des  hommes  qui,  en 
racciisanl  d'erreur,  sapaient  la  base  de  la  réforme, 
elle  s'est  peu  inqniélre  des  opinions  qu'elle  sait  ilre 
essentiellement  bbies;  mais  elle  a  delèndu  le  prin- 
cipe même  de  cette  liberté,  en  repoussant  de  son 
sein  les  sectaires  qui  le  violaient.  Permis  à  vous, 
leur  a-t-elle  dit,  de  croire  mi  de  nier  personnellement 
tout  ce  qu'il  vous  plaira,  pourvu  que  vous  laissiez 
chacun  user  trai](iuiilement  du  même  droit,  pourvu 
que  vous  ne  piéiendie/.  pas  donner  aux  au'acs  vos 
croyances  pour  règle;  car  c'est  là  ce  que  nous  ne 
SouUrirons  jamais.  Qui  ne  reconnaît  dans  ce  langage 
et  dans  cette  conduite  le  plus  pur  esprit  du  protes- 
tantisme?... 

,  «  Nos  pasteurs,  en  n'admettant  pas  la  divinité  du 
Christ,  en  le  regardant  comme  une  pure  créature, 
ne  réclament  d'autre  autorité  que  celle  iiui  peut  na- 
lurellemeiit  appartenir  à  tous  les  hommes,  sans  au- 
cune mission  ni  exlraurdinaire,  ni  divine  ;  et  en  cela 
ds  sont  coiiséqiients.  On  peut  les  croire,  on  peut  ne 
pas  les  croire  :  c'est  un  droit  de   chacun,    le    droit 

consacré  par  la  réforme^  qui  demeure  ainsi  inèbian- 
^le  sur  sa  base.  Les  catholiques  sont   également 


conséquents  dans  leur  système  ;  car  ils  prouvent  fort 
bien  que  parmi  eux  le  ministère  s'est  perpétué  sans 
lacune  depuis  les  apôtres,  ;i  qui  le  Christ  a  dit  :  Je 
voi's  envoie.  Donc,  si  le  Christ  est  Dieu,  les  apôtres 
et  leurs  successeurs  envoyés  par  eux  sont  manifeste- 
ment les  seuls  ministres  légitimes,  les  minisires  de 
Dieu  ;  on  doit  les  considérer  comme  Dieu  même  et 
les  croire  sans  examen,  car  qui  aurait  la  prétention 
d'examiner  après  Dieu?  Il  n'est  donc  point  de  folie 
égale  à  celle  des  adversaires  de  la  vénérable  compa- 
gnie', des  momiers,  imisqu'it  faut  Us  appel  r  pur  leur 
nom.  Ils  veulent  être  reconnus  pour  ministres  de 
Dieu,  sans  prouver  leur  mission  divine  ;  ils  veulent, 
en  cette  qualité,  qu'on  croie  ce  qu'ils  croient,  et  ils 
ne  veulent  p;is  être  infaillibles  ;  ils  veulent  que  tous 
les  esprits  adoptent  leurs  opinions,  se  soumettent  à 
leurs  enseignements  et  conservent  le  droit  d'examen  : 
ce  qui  suppose,  d'une  pari,  qu'ils  peuvent  se  trom- 
per, et,  de  l'autre,  qu'il  est  impossible  qu'ils  se 
trompent;  ils  veulent,  en  un  mot,  élre protestants  et 
renverser  le  proleslanlisme,  en  niant,  soit  le  prin- 
cipe qui  en  est  la  base,  soit  les  conséquences  rigou- 
reuses qui  en  découlent  immédiatement.  »  Celait 
faire  une  critique  habile  du  principe  et  des  préten- 
tions de  la  réforme. 

MONARCHIE.  Dans  l'article  Damel  on 
trouvera  l'explication  de  la  prédiction  de  ce 
jirophète  touchant  les  quatre  monarchies  qui 
devaient  se  succéder  avant  l'arrivée  du  Mes- 
sie. En  Angleterre,  sous  le  règne  de  Crom- 
wel,  on  appela  hommes  de  la  cinquième  mo- 
narchie une  secte  de  fanatiques  qui  croyaient 
que  Jésus-Christ  allait  descendre  sur  la  terre 
pour  y  fonder  un  i.ouvcau  royaume,  et  qui, 
dans  cette  persuasion ,  avaient  dessiin  de 
bouleverser  le  gouvernement  et  d'établir  une 
anarchie  absolue,  viosheim,  Hist.  ecclés.  du 
xyii"  siècle,  sect.  2,  ii'  part,  c.  2,  §  22.  C'est 
un  des  exemples  du  fanatisme  que  produi- 
sait en  Angleterre  la  lecture  de  l'Écriture 
sainte  ,  commandée  à  tout  le  monde ,  et  la 
licence  accordée  à  tous  de  l'entendre  et  de 
l'expliquer  selon  leurs  idées  particulières. 
Voy.  Ecriture  sainte. 

MONASTÈUE.  Yoy.  Moines,  §  3. 
MONASTÉRIENS.  Voy.  Anabap:istes. 
MONASTIQUE  (état).  Voy.  Moines,  §  2 

MONDAIN.  Dans  les  écrits  des  moralistes 
et  des  auteurs  ascétiques,  ce  terme  signifie 
une  personne  livrée  avec  excès  aux  plaisirs 
et  aux  amusements  du  monde,  et  asserve  à 
tous  les  usages  de  la  siiciélé,  bons  ou  mau- 
vais ;  et  ils  appellent  a/fections  mondaines 
les  inclinations  ipii  nous  portent  à  violer  la 
loi  de  Dieu.  Saint  Pierre  exhorte  les  tfièles 
à  fuir  la  convoitise  corrompue  qui  règne 
dans  le  monde  {II  Pelr.  \,  k).  «  N'aimez  |ias 
le  monde,  leur  lîit  saint  Jean,  ni  tout  ce  qu'il 
renferme;  celui  qui  l'aime  n'est  pas  aimé  de 
Dieu.  Dans  le  monde  tou!  est  concupiscence 
de  la  chair,  convoitise  des  yeux,  et  orgueil 
de  la  vie  ;  tout  cela  ne  vient  pas  de  Dieu.  Le 
monde  passe  avec  toutes  ses  convoitises , 
mais  celui  qui  fait  la  volonté  de  Dieu  de- 
meure élerueliemenl.  {IJoan.  n,  15.)»  Le  but 
de  ces  leçons  n'est  point  de  nous  détaclier 
des  ati'eciions  louables,  di:s  devoirs,  ni  des 
usages  innocents  de  la  vie  sociaf',  mais  de 
nous  pr.  server  de  l'excès  avec  lequel  plu- 
sieurs  personnes  s'y  livrenl,  et  de  l'oubli 


«es 


itfÔN 


MON 


«go 


dans  lequel  elles  vivent  h  l'égard  de  leur  sa- 
lut. 

MONDE  (Physique  du).  C'est  la  manière 
dont  le  monde  est  construit  et  a  coraniencé 
d'être.  L'Ecriture  saiiile  nous  appn  nd  que 
Dieu  a  créé  et  arrangé  le  monde  tel  qu'il  est, 
qu'il  l'a  fait  dans  six  jours,  quoiqu'il  eût  pu 
le  faire  dans  un  seul  instant  et  par  un  seul 
acte  de  sa  volonté  (t). 

Cette  narralion,  qui  suffit  pout  nous  inspi- 
rer le  respect,  la  soumission,  la  iTconnais- 
sance  envers  le  Créateur,  n'a  [las  sjiiisi'iùt  la 
curiosité  des  philosophes;  ils  ont  voulu  de- 
viner la  manière  dont  Dieu  s'y  est  pr'is,  et 
la  matière  qu'il  a  mise  en  usa;^e  ;  ils  ont  forgé 
des  systèmes  h  l'envi,  et  ne  se  sont  accor- 
dés sur  aucun.  Descartes  avait  l);iti  l'uni- 
vers avec  de  la  poussière  et  des  tourbillons; 
Biirnet,  plus  modeste,  se  contenta  de  don- 
ner la  théoiie  complète  de  la  formation  do 
ia  terre  ;  Woodward,  mécontent  de  cette 
hypothèse,  prétendit  que  le  glolie  avait  été 
mis  en  dissolution  et  réduit  on  pAte  par  le 
déluge  universel  ;  'NVisthon  imagina  que  la 
terre  avait  été  d'abord  une  comète  bnilante, 
qui  fut  ensuite  inondée  et  couveiie  d'eau 
par  la  rencontre  d'une  autre  comète.  Buf- 
fon,  après  avoir  réfuté  toutes  ces  visions,  et 
s'être  moqué  des  p'^ysiciens,  qui  f  nt  pro- 
mener les  comètes  h  leur  gré,  a  eu  recours 
à  un  expédieni  seniblnble  piiur  c  instruire  à 
son  tour  la  terre  et  les  planètes. 

11  suppose  qu'environ  soixante -quinze 
mille  ans  avant  noirs,  une  comète  est  tom- 
bée obliquement  sur  le  soleil,  a  détaché  la 
six  cent  cinquantième  jiaiMie  de  cet  astre, 
et  l'a  poussée  h  tr(  nte  millions  de  lieues  de 
dislance;  que  cette  matière  brûlante  et  li- 
quide, séi'arée  en  dillV'i'intes  masses  roi- 
lantes  sur  elles-mêmes,  a  formé  les  divers 
globes  (pie  nous  appelons  la  terre  et  les 
planètes.  lia  fallu,  selon  Butlon.  deux  mille 
neuf  cent  trente-six  ans  pour  que  cette  ma- 
tière vitnuse,  brûl  ip.te  et  liquule,  acquît  de 
la  consistance ,  fut  consolidée  jusqu'à  son 
centr  ■,  form.'t  un  globe  api  .ti  vers  les  pôles, 
et  plus  élevé  sous  son  équaleur.  C'est  co 
que  notre  grand  naturaliste  appelle  In  pre- 
mière époque  de  In  nature.  —  La  secon  ie  a 
duré  trente  cinq  iiiille  ;us,  et  c'est  le  temps 
qu'il  a  fa  lu  poiu'  cpii'  le  j^lobe  perdît  ass^'z 
de  sa  chaleur  pour  y  laisser  tomber  les  va- 
peurs et  les  laux  <  ont  il  était  <nviionné. 
Mais,  par  le  refroidi^senent,  il  s'est  foriué 
h  sa  surface  des  cavités  et  des  boiH-soufflu- 
res,  des  inégalités  prodigieuses  ;  c'est  ce 
qui  a  produi'  les  bassins  des  mers  et  les 
hautes  uiontagnes  dont  la  terre  est  hérissée. 
Kxcpplé  le.  r  Sommet,  la  terre  se  trouva  pour 
lors  entièreuK  nt  couverte  d'eau.  —  P;  ndant 
uiie  troi'-ième  é|)Oque,  d'enviion  quinze  à 
vingt  mille  ans,  les  eaux  (pii  couvraient  la 
terre,  et  ([ui  étaient  dans  un  mouvement 
continuel,  ont  formé  d.ms  leur  sein  d'auties 
chaînes  de  montugnes  postérieures  à  celles 

(t)  Nous  avons  résotii  un  gr.ind  nomltre  de  difti- 
cnltes  conceriuiiU  le  nioiirie  aux  mois  Création  Cos- 
mogonie. 


de  la  première  formation,  et  ont  déposé 
dans  leurs  dill'érentes  couches  l'énorme  quan- 
tité de  coquillages  et  de  corps  marins  que 
l'on  y  trouve.  —  A  la  quatrième  époque  les 
eaux  ont  commencé  à  se  retirer,  et  alors  les 
feux  souterrains  et  les  volcans  ont  joint  leur 
action  h  celle  des  eaux  ]iour  bouleverser  la 
surface  du  globe  ;  le  mouvement  des  i  aux 
d'orient  eu  occident  a  rongé  toutes  les  co- 
tes orienIal(!s  de  l'Océan,  et  comme  les  pA- 
les  ont  été  découverts  et  refi'oidis  plus  tôt 
que  le  terrain  placé  sous  ri'qiiateiir,  c'est 
dans  le  Nord  que  les  animaux  terr  stres  ont 
commencé  à  naître  et  fi  se  multiplier.  —  Le 
commencement  de  la  cinquième  époque 
date  au  moins  de  quinze!  mille  ans  avant 
nous ,  pendant  lesquels  les  animaux .  nés 
d'abord  sous  les  pôles,  se  sont  avancés  peu 
à  peu  dans  les  .  ones  tempérées,  et  ensuite 
dans  la  zone  torride,  h  mesure  que  la  terre 
se  refroidissait  sous  l'équateur  ;  et  c'est  là 
que  se  sont  fixées  les  espèces  de  grands  ani- 
maux qui  ont  besoin  de  beaucoup  de  c'ia- 
leur.  —  La  sixième  époque  est  arrivée 
lorsipie  s'est  ûiitc  la  séparation  de  notre  con- 
tinent d'avec  celui  de  rAmériipie,  et  que  se 
sont  formées  les  grandes  îles  que  nous  con- 
naissons. BufTon  place  cette  rév(dulion  à  en- 
viron dix  mille  ans  avant  noti'e  siècle. 

Un  système  aussi  vaste  et  aussi  hardi, 
exjiosé  avec  tout  l'avantage  d'une  imagina- 
tion brillante  et  d'un  sl\le  enchanteur,  ne 
pouvait  manquer  de  séduire  d'abord  les  es- 
lirits  superficiels.  Aussi  l'a-t-on  vanté  com- 
me une  hypothèse  qui  explique  tous  les 
phénomènes  et  satisfait  à  ton' es  les  difficultés. 
Mais  ce  prestige  n'a  pas  été  de  longue  du- 
rée. Parmi  plusieurs  physiciens  qui  ont  at- 
taqué avec  succès  le  système  de  Bulfon,  les 
auteurs  d'un  grand  ouvrage,  inlitul(''/«  Phy- 
sique du  monde,  ont  r'futé  cette  même  hy- 
pothèse dans  toute  son  étendue  ;  ils  en  ont 
détruit  les  principes  et  les  conséquences.  Ils 
ont  prouvé  :  1°  Que,  selon  les  lois  de  la 
physiriue  les  plus  incontestables ,  une  co- 
mète n'a  pas  pu  tomber  sur  le  soleil,  en  dé- 
tacher la  six  cent  cinquantième  partie,  la 
pousser  à  une  aussi  énorme  distance,  en 
former  divers  globes  placés  comme  ils  lo 
sont  ;  que  la  force  d'attnction,  d  nt  Butfou 
fait  usage  pour  donner  de  la  solidité  h  une 
matière  fluide,  est  une  force  supposée  gra- 
tuitement; qu'elle  est  inconcevable  et  in- 
suffisante. —  -1°  Qu'il  n'est  pas  vrai  que  la 
matière  primitive  de  notre  globe  soit  du 
verre  ;  que  plusieurs  des  substances  dont  il 
est  composé  ne  sont  point  vitritiables;  que, 
pour  devenir  une  boule  a])latie  .'■ous  les  pô- 
les et  isonflée  sous  l'équateur,  il  u  a  lias  été 
nécessaire  que  cette  matière  fôt  liipiide  ou 
en  fusion,  mais  seulement  flexible,  comme 
elle  l'est  en  effet.  —  >  Que  le  simple  re- 
frcddissement  d'une  matière  vitreuse  n'a  pas 
pu  y  produire  les  inégalit  s  dont  la  surface  i 
du  globe  est  hérissée  ;  que  les  vapeurs,  ni  }:. 
les  eaux  de  l'atmosphère,  n'ont  pu  tomber  V 
sur  la  terre  avec  assez  de  violence  pour  y 
produire  les  effets  sup:  osés  par  Butfon  :  que 
les  progrès  du  refroidissement  de  la  terre, 


887 


MON 


tels  qu'il  le  conçoit,  iiortent  sur  un  faux 
calcul.  —  k°  Ajoutons  que  la  diflTérence  ad- 
mise par  Buffon  entre  les  montagnes  primi- 
tives et  les  montagnes  secondaires  n'est  pas 
jusie  ;  il  suppose  que  les  premières  sont 
toutes  de  matiùrc  vitreuse,  et  se  sont  for- 
mées par  les  crevasses  qui  se  sont  faites  sur 
le  globe,  lorsqu'il  a  passé  d'une  extrême  cha- 
leur à  l'état  de  refroidissement  :  or,  cela 
n'est  pas  ainsi,  et  le  coniraire  est  prouvé 
par  des  observations  certaines.  Il  n'est  pas 
vrai  que  toutes  ces  montagnes  primitives 
soient  composées  de  matières  vitrescihles, 
et  que  les  montagnes  secondaires  soient  de 
matière  calcaire  ;  que  les  unes  soient  cons- 
truites de  blocs  de  pierres  jetées  au  hasai'd, 
les  autres  posées  par  couches  horizontales  ; 
les  unes  absolument  privées  de  corps  ma- 
rins, les  autres  remplies  de  coquillages  , 
etc.  Cette  construction  n'est  point  du  tout 
uniforme.  —  5°  Le  mouvement  général  des 
eaux  d'orient  en  occident  est  faussement 
supposé,  et  il  est  contraire  à  toutes  les  lois 
connues  du  mouvement.  Les  physiciens 
dont  nous  parlons  ont  observé  que  sur  ce 
point  Buffon  se  contredit  ;  tantôt  il  dit  que 
les  côtes  orientales  de  l'Océan  sont  les  plus 
escarpées,  et  tantôt  que  ce  sont  les  côtes 
occidentales  ;  sa  théorie  sur  le  mouvement 
des  eaux  est  absolument  contraire  à  toutes 
les  observations.  Yoij.  Mer.  —  G°  Ils  ont  fait 
voir  que  la  naissance  spontanée  des  ani- 
maux terrestres,  des  éléphants,  des  rhino- 
céros, des  hi|)popotames,  sous  la  zone  gla- 
ciale, n'est  qu'un  rêve  d'imagination.  «  Le 
système  des  molécules  organiques  vivantes 
et  des  moules  intérieurs,  créé  par  Buffon, 
n'a  plus  de  partisans  ni  d'adversaires  :  son 
sort  est  irrévocablement  décidé.  Les  coups 
que  lui  ont  portés  les  Haller,  les  Bonnet,  et 
tant  d'autres  physiciens,  ont  fixé  ro[)inion 
de  tous  les  esprits.  On  ne  croit  pas  plus  au- 
jourd'hui aux  générations  spontanées  qu'aux 
vampires  et  à  la  production  des  abeilles 
dans  le  corps  d'un  taureau.  »  C'est  ainsi 
qu'en  pense  M.  de  Marivetz.  Point  de  géné- 
ration sans  germe  :  or,  où  étaient  les  ger- 
mes de  l'espèce  humaine  et  des  animaux 
dans  une  masse  de  verre  brûlant,  et  qui  a 
demeuré  dans  cet  état  pendant  soixante- 
quinze  mille  ans,  selon  le  calcul  de  Buffon? 
Les  molécules  organiques  vivantes  et  les 
moules  intérieurs  pouvaient -ils  mieux  y 
subsister  que  des  germes  ?  —  7°  Conçoit-on 
que  les  poissons  et  les  coquillages  aient  pu 
naître  et  se  multi|)lier  à  l'infini  dans  le  sein 
de  la  mer  plusieurs  milliers  d'années  avant 
que  la  terre  fût  assez  refroidie  pour  que  les 
animaux  de  la  zone  torride  pussent  vivre 
près  du  pôle  ?  Car  enfin  Buffon  ne  place  la 
naissance  des  animaux  terrestres  qu'à  la 
quatrième  époque,  et  il  a  fallu  c[ue  les  co- 
quillages fussent  déjà  formés  à  la  troisième, 
pour  être  déposés  dans  le  sein  des  monta- 
gnes où  ils  se  trouvent  aujourd'hui.  Alors 
les  eaux  de  la  mer  devaient  encore  être  au 
degré  de  chaleur  de  l'eau  bouillante  :  ce 
degré  n'était  pas  fort  propre  à  favoriser  la 
naissance  des  coquillages  et  des  poissons. 


MOIS  888 

Le  froid  leur  convient  beaucoup  mieux , 
puisque  c'est  dans  la  mer  Glaciale  que  se 
trouvent  les  plus  grands.  —  8°  M.  de  Mari- 
vetz observe  que  Buffon  ne  donne  aucune 
cause  satisfaisante  de  la  séparation  des  deux 
continents,  ni  de  la  naissance  des  grandes 
îles  ;  que  la  marche  qu'il  fait  suivre  aux  ani- 
maux est  mal  conçue  et  contraire  à  la  vé- 
rité. 11  conclut  que"  ce  grand  naturaliste,  en- 
traîné par  la  chaleur  de  son  imagination, 
n'a  consulté  ni  les  lois  de  la  physique,  ni 
l'expérience,  ni  la  marche  de  la  nature. 

Toutes  ces  preuves  de  la  fausseté  du  sys- 
tème de  Buffon  sont  confirmées  par  les  sa- 
vantes observations  de  M.  de  Luc  sur  la 
structure  du  globe,  et  en  particulier  sur  la 
construction  des  grandes  chaînes  de  mon-> 
tagnes  de  l'Europe,  telles  que  les  Alpes,  les 
Pyrénées,  l'Apennin,  et  celles  qui  s'éten- 
dent depuis  les  Alpes  jusqu'à  la  mer  Balti- 
que. On  voit,  par  ses  Lettres  sur  VHistoire 
de  la  terre  et  de  l'homme,  combien  les  ré- 
flexions d'un  physicien  qui  a  beaucoup  vu 
et  qui  a  tout  examiné  avec  attention,  sont 
supérieures  aux  conjectures  d'un  philoso- 
phe qui  médite  dans  son  cabinet.  M.  de  Luc 
n'admet  aucune  des  suppositions  de  Buffon; 
savoir,  que  le  soleil  est  une  masse  de  ma- 
tière fondue  et  ardente,  que  les  planètes  en 
ont  été  tirées  par  le  choc  d'une  comète,  que 
la  terre  a  été  d'abord  un  globe  de  verre 
fondu  ;  il  attaque  même  directement  cette 
dernière  hypothèse.  De  ce  que  tout  est  vi- 
trescible  dans  notre  globe,  et  peut  être  ré- 
duit en  verre  par  l'action  du  feu,  il  ne  s'en- 
suit pas  que  tout  ait  été  vitrifié  en  effet, 
puisqu'il  n'y  existe  point  de  verre  que  celui 
qui  a  été  fait  artificiellement  ;  on  n'y  trouve 
aucune  matière  qui  soit  absolument  vitreuse, 
ou  qui  soit  réellement  du  verre  ;  il  y  en  a 
même  plusieurs  qui  ne  peuvent  être  rédui- 
tes en  verre  par  leur  mélange  avec  d'autres 
corps.  Il  prouve  que  la  chaleur  de  notre 
globe  augmente  plutôt  qu'elle  ne  diminue. 
11  fait  voir  par  la  manière  dont  sont  cons- 
truites les  hautes  Alpes ,  montagnes  pri- 
mordiales s'il  en  fut  jamais,  qu'il  est  faux 
que  le  globe  ait  jamais  éprouvé  une  vitrifi- 
cation universelle.  L'on  trouve  dans  leur 
sein  différentes  espèces  de  pierres  ;  des 
matières  calcaires,  aussi  bien  que  des  ma- 
tières vitrescihles  ;  il  en  est  de  môme  dans 
les  autres  chaînes  de  montagnes.  11  y  en  a 
dont  le  noyau  est  de  matière  vifrescible,  re- 
couverte par  des  matières  calcaires  ;  d'au 
très  sont  construites  d'une  matière  tout  op- 
posée. Il  est  faux  qu'en  général  il  ne  se 
trouve  point  de  coquillages  ni  de  corps  ma- 
rins dans  les  montagnes  formées  de  matiè- 
res vitrescihles  ;  il  est  seulement  vrai 
qu'ils  y  sont  beaucoup  plus  rares  que  dans 
les  montagnes  construites  de  matières  cal- 
caires. Yoy.  Montagnes.  Il  soutient  qu'au- 
cun fait  ne  prouve  que  la  quantité  des  eaux 
diminue,  ni  que  la  mer  ait  jamais  changé 
de  lit  par  une  progression  insensible.  Si 
elle  en  avait  changé,  il  aurait  fallu  que  l'axe 
de  la  terre  changent,  et  cela  n'est  point  ar- 
rivé. Il  est  faux  que  la  mer  mine  les  côtes 


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889 


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MON 


800 


orientales  des  deux  mondes.  L'on  peut  ex- 
pliquer par  riiistoiro  du  déluge  univcrsol  la 
plupart  d(!S  pliénomèues  sur  lesquels  nos 
physiciens  se  fondent,  beaucoup  plus  aisé- 
ment cpie  par  les  suppositions  arl)itraires 
auxquelles  ils  ont  recours.  Voy.  Mer. 

De  toutes  ces  observations  M.  do  Luc 
conclut  que  la  Genèse  est  la  véritable  his- 
toire du  monde;  que  plus  on  examine  la 
structure  de  notre  globe,  mieux  on  sent  que 
Moïse  avait  été  instruit  par  révélation.  Le 
dessein  do  cet  historien  n'était  certainement 
pas  de  nous  enseigner  la  physique,  mais  de 
nous  transmettre  les  leçons  que  Dieu  lui- 
même  avait  données  à  nos  premiers  ra- 
rents  ;  jus(|u'à  présent  néanmoins  les  i>hilo- 
sophes  ne  sont  pas  venus  ii  bout  de  déiruiro 
aucune  des  vérités  qu'il  a  écrites.  Les  livres 
saints  nous  disent  que  Dieu  a  livré  le  monde 
aux  disputes  des  raisoimeurs  ;  mais  ils  nous 
apprennent  aussi  quel  sera  le  succès  de 
toutes  leurs  spéculations.  «  Depuis  le  com- 
mencement (lu  »i()H'/('jusqu'.i  la  tin,  l'honnue 
ne  trouvera  pas  ce  ipie  Dieu  a  fait,  ^  moins 
que  Dieu  lui-même  n'ait  trouvé  lion  de  le  lui 
révéler  {Eccl.  ni,  11).  »  L'histoire  de  la  créa- 
tion nous  représente  Dieu  comme  un  Pèie 
qui,  en  fabri(iuant  le  monde,  n'est  occupé 
cjue  du  bien  do  ses  enfants,  qui  no  fait  pa- 
rade ni  de  son  industrie,  ni  de  sa  luiissance, 
qui  ne  pense  qu'à  les  rendre  heureux  et 
vertueux.  Parmi  les  jihilosopiies ,  les  uns 
veulent  se  passer  de  Dieu  et  )irouver  que  le 
monde  a  pu  se  former  tout  seul  ;  les  autres, 
plus  sensés,  nous  font  admirer  sa  sagesse  et 
sa  puissance,  mais  ils  oublient  de  nous 
faire  aimer  sa  bonté.  Ils  veulent  que  Dieu 
ait  agi  parles  moyens  les  plus  simples  et  les 
plus  courts,  connue  s'il  y  avait  dos  moyens 
longs  ou  compliqués  à  l'égard  d'un  ouvrier 
qui  opère  par  le  seul  vouloir  ;  le  degré  de 
jcur  intelligence  est  la  mesure  do  celle  qu'ils 
prêtent  à  Dieu.  Il  nous  paraît  mieux  do 
nous  en  tenir  à  ce  qu'il  a  daigné  nous  ré- 
véler. 

Pendant  que  d'Iiabilos  physiciens  admi- 
rent la  sagesse  de  la  narration  de  Moïse, 
(luelques  incrédules  demi -savants  préten- 
dent qu'elle  est  absurde,  et  s'eflbrcent  do 
jeter  du  ridicule  sur  toutes  ses  expressions. 
Celse,  Julien,  les  manicliéens,  ont  été  leurs 
])ré(lécesseurs;  Origène,  saint  Cyrille,  saint 
Augustin  dans  ses  Livres  sur  la  Genèse,  ont 
répondu  à  leurs  objections.  Nous  n'en  co- 
pierons que  quebiues-unes;  on  on  trou- 
vera d'autios  aux  mots  Cataracte,  Ciel, 
Jour,  etc. 

1"  Objection.  Le  premier  verset  de  la  Ge- 
nèse porte  :  Du  commencement  les  Dieu.r  fit 
le  ciel  et  lu  terre;  voilà  une  matière  [iréexis- 
tante  et  plusieurs  dieux  clairement  dési,unés. 
C'est  une  imitation  de  la  cosmogonie  des 
Phéniciens. 

licponse.  L'hébreu  porte  ,  hereschit ,  au 
commencement  ;  et  c'est  ainsi  que  l'ont  en- 
tondu  les  paraphrastes  chaldéens  et  les  Sep- 
tante. La  pié|)Osition  be  signilie  dans,  et 
non  de;  reschit  n'a  jamais  désigné  la  ma- 


tière. Eloliim,  nom  de  Dieu,  quoique  iilu- 
riel,  est  joint  à  un  verbe  singulier,  il  ne  dé- 
signe donc  |)as  plusieurs  dieux ;'il  est  cons- 
truit de  même  dans  tout  ce  chapitre  et  ail- 
leurs. D'autres  termes  hébreux,  malgré  la 
terminaison  du  pluriel ,  n'expriment  tpi'un 
seul  objet  :  chaim,  la  vie;  maim,  l'eau;  phn- 
nim,  la  facr^;  schammaim,  le  ciel;  adonim, 
seigneur;  buhatim,  un  faux  dieu.  Souvent 
les  Hi'broux  disent,  Jélinvuh  elohim,  le  Dieu 
(jui  est  :  titre  incommunicable,  consacré  à 
exprimer  le  vrai  Dieu.  Le  pluriel  se  met 
l)Our  augmenter  la  signification,  et  alors  il 
éipnvaut  au  su|)erlatif;  Elohim  est  le  Très- 
lliiut  ;  les  poètes  latins  font  souvent  de 
même.  Moïse  fait  ainsi  parler  Dieu  :  Sachez 
que  je  suis  le  seul  Dieu,  et  qu'il  n'y  en  a 
point  d'autre  que  moi  [Deut.  xxxii,  39).  Et 
Lsaïe  :  J'ai  fait  seul  l'immensité  des  deux,  et 
par  moi  seul  j'ai  formé  l'étendue  de  la  terre 
(xLv,  2'i).  Los  Phéniciens  n'ont  jamais  fait 
une  proiession  de  foi  semldable.  Dans  leur 
cosmogonie,  rapportée  par  Sanchoniaton,  il 
n'est  question  ni  d'un  Dieu,  ni  de  plusieurs 
dieux  pour  faire  le  monde.  Eusèbe  a  remar- 
qué que  c'est  une  profossioi)  d'athéisme  ; 
mais  on  prétend  que  le  traducteur  grec  l'a 
mal  rendu. 

2'  Objection.  Dire  que  Dieu  a  fait  le  ciel 
et  la  terre,  est  une  expression  ridicule.  La 
terre  n'est' (ju'un  point  en  comparaison  du 
ciel;  c'est  comme  si  l'on  disait  que  Dieu  a 
créé  les  montagnes  et  un  grain  de  sable. 
Mais  cette  idée  si  ancienne  et  si  fausse,  quo 
Dieu  a  créé  le  ciel  pour  la  terre,  a  toujoui-s 
prévalu  chez  les  peuples  ignorants,  tels  qu'é- 
taient les  Juifs. 

Réponse.  L'expression  de  Moïse  prévaut 
encore  et  prévaudra  toujours,  même  chez 
les  savants,  en  dépit  de  ros[)rit  chicaneur 
des  incrédules.  Selon  l'énergie  de  l'hébreu, 
au  commencement  Dieu  créa  schanmiaim, 
ce  qui  est  le  plus  élevé  au-dessus  de  nous, 
et  erls,  ce  qui  est  sous  nos  pieds  :  où  est  le 
ridicule,  sinon  dans  la  censure  d'un  critique 
(pii  n'entend  pas  seulement  la  signilication 
des  termes?  Il  ne  sert  de  rien  à  l'iiomme  de 
connaître  l'immensilé  du  ciel  et  le  système 
du  monde  ;  mais  il  lui  est  très-utile  île  savoir 
(lu'en  le  créant.  Dieu  a  pourvu  .lu  bien-être 
des  habitants  de  la  terre  :  cette  l'éllexion 
nous  rend  reconnaissants  et  religieux. 

:i'  Objection.  La  terre,  selon  Moïse,  était 
toliH,  bohu  ;  ce  terme  s'i^u'ûic  chaos,  désordre, 
ou  la  matière  informe  :  sans  doute  Moïse  a 
cru  la  matière  éternelle,  comme  les  Phéni- 
ciens et  toute  l'antiquité. 

Réponse.  11  est  al)surde  de  supposer  que 
Moïse ,  après  avoir  dit  quo  Dieu  a  créé  le 
ciel  et  la  terre  ,  prend  celle-ci  ]iour  la  ma- 
tière éternelle,  et  se  contredit  en  doux  li- 
gnes. Tohu  bohu  est,  à  la  vérité,  syr.oiiymo 
du  chaos  des  Grecs;  mais  chaos  signilie  vide 
ou  ])rofondeur,  et  non  désordre  ou  matière 
informe  ;  c'est  mal  à  propos  qu'Ovide  l'a 
rendu  par  rudis  indiqcstuquc  moles.  Moïse 
donne  à  entendre  que  la  terre ,  environnée 
des  eaux,  ne  présentait  dans  toute  sa  sui  face 


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(Tu'un  abîme  profond  couvert  de  ténèbres. 
11  est  faux  que  toute  Fanticfiiité  ait  cru  Ja 
matière  éternelle;  c'a  été  le  sentiment  des 
philosophes ,  et  non  celui  du  commun  des 
hommes.  Moïse  tst  plus  ancien  que  les  écri- 
vains de  Phénicie  ;  il  n'a  rien  emprunté  d'eux. 
Il  est  clair  que  les  trois  premiers  versets  de 
la  Genèse  expriment  distinctement  la  créa- 
tion des  quatre  éléments. 

k'  O'ijvction.  (les  mois  :  Dieu  ditquelalu- 
mière  soit,  et  la  lumière  fut,  ne  sont  point  un 
trait  d'éloquence  sublime  ,  quoi  qu'eu  ail 
pensé  le  rhéteur  Longin;  mais  le  pass,i;j;e  du 
psaume  cxlvih,  Il  a  dit,  et  tout  a  été  fuit,  est 
vraimimt  suljlime,  parce  qu'd  <ait  une  grande 
image  qui  frappe  l'esprit  et  l'enlève. 

Réponse.  Celse,  de  son  côté,  jugeait  que 
ces  mo's,  Sit  lux,  exprimaient  un  dé-ir;  il 
semble,  dit-il,  que  Dieu  demande  la  lumière 
à  un  autie.  Voilà  co.nme  les  censeurs  de 
Moïse  ont  raisonné  de  tout  temps.  Mais  nous 
en  appelons  au  jugement  de  tout  lecteur 
sensé;  iieut-on  mieux  faire  entendre  que 
Dieu  opère  par  le  seul  vouloir,  ni  exprimer 
avec  plus  d'énc^rgie  le  pouvoir  créateur?  Le 
Clerc  est  le  premier  qui  ail  su  mauvais  gré 
au  rhéteur  Longin  de  l'avoir  comiTis;  et  en 
cela  il  ne  s'est  pas  fait  beaucoup  d'honneur. 
Nous  demandons  au  pliiloso[)he  qui  l'a  co- 
pié si,  lorsque  le  psalraistea  rendu  la  même 
penséi' ,  il  a  sup|iosé  la  matière  éternelle. 
Voti.  Création. 

5'  Objection.  Une  opinion  fort  ancienne 
est  que  la  lumière  ne  vient  pas  du  soleil, 
que  c'est  un  lluiJe  distin;^ué  do  cet  .istre,  et 
qui  en  reçoit  seulement  l'impulsion;  Moïse 
s'est  conioruié  à  cotte  erreur  populaire,  [luis- 
qu'il  pi  ice  la  cré  ition  de  la  lumière  quatre 
jours  avoni  celle  du  soleil.  On  ne  j  eut  pas 
conccvo  r  qu'il  y  ait  eu  un  soir  ei  un  matin 
avant  qu'il  y  eût  eu  un  soleil. 

Réponse.  S'il  y  a  ici  une  erreur,  elle  n'est 
certainement  pas  populaire;  c'est  une  vieille 
opinion  |)hilosophique  S(jutenue  i)ar  Empé- 
docle ,  I  enouvelée  par  Descartes  ,  et  encore 
suivie  p-ir  d'habiles  physicier.s;  mais  le  peu- 
ple n'y  a  jamais  pensé.  Puisque  l'hébreu 
our  si^niiie  le  feu  aussi  bien  que  la  lumière, 
pour  qu'il  y  ait  eu  un  matin  et  un  soir,  il 
suflii  que  Dieu  ait  créé  d'abord  un  feu  ou  un 
cor  s  lumineux  quelconque ,  qui  ait  fait  sa 
•■évolution  autour  de  la  terre,  ou  autour  du- 
(piel  la  terie  ait  tourné. 

6'  Objection.  Selon  Moïse,  Dieu  fit  deux 
grands  lummaires  ,  l'un  pour  présider  au 
jour,  l'autre  pour  présider  à  la  nuit,  elles 
étoiles.  Il  ne  savait  pas  ijue  la  lune  n'éclaire 
que  par  une  lumière  em;Tuntée  ou  rétléchie  ; 
il  parle  des  étoiles  comme  d'une  ha^Aatelle, 
quoiqu'elles  soieut  autant  de  st!  lis  dont 
cliaci  n  a  des  mondes  roulants  autour  de  lui. 

Réponse.  Sans  doute  l'auteur  a  vu  ces  mon- 
des, et  il  y  a  voyagé  ;  bientôt  il  nous  a[)|)ren- 
dra  ce  qui  s'y  passe.  Ce  n'est  pas  Moïse, 
c'est  Lucrèce  qui  a  douté  ,  après  son  maîire 
Epicure,  si  la  lune  a  une  lumière  propre,  ou 
seulement  une  lumière  rélléchie.  Pour  Moïse, 
il  a  eu  de  bonnes  raisons  Je  parler  sans  em- 
phase dis  étoiles  et  des  autres  astres  ;  ou 


sait  qu'une  admiration  stupide  de  l'éclat  et 
de  la  marche  de  ces  globes  lumineux  a  été 
l'origine  du  polythéisme  et  de  l'idoliltrie  chez 
toutes  les  nations.  Plus  sensé  que  les  philo- 
sûjibes ,  Moïse  ne  fait  envisager  les  astres 
que  comme  des  flambeaux  destinés  ])ar  le 
Créateur  à  l'usage  d.;  l'hnnime;  il  le  répète 
ailleurs,  afin  d'ôter  aux  Israélite?  la  tenta- 
tion d'adorer  ces  corps  inanimés  (Veut.,  iv, 
19). 

1°  Objection.  Les  Hébreux,  comme  toutes 
les  aut  es  nations ,  croyaient  la  terre  fixe  et 
iniinobilo  ,  plus  longue  d'orient  en  occ  dent 
que  du  midi  au  nonl;  dans  cette  opinion,  il 
él.iil  impossible  qu'il  y  eût  des  antipodes; 
aussi  ]ilusieurs  Pères  de  l'Eglise  les  ont 
niés. 

Réponse.  Cependant  les  écrivains  hébreux 
désignent  souvent  la  terre  par  le  mol  Ihebel, 
le  globe;  on  peut  le  prouver  par  vingt  jias- 
sages  :  ils  ne  la  croyaient  donc  pas  plus  lon- 
gue que  large.  Dans  le  livre  de  Job,  c.  xxvi, 
v.  7,  il  est  dit  que  Dieu  a  suspendu  la  terre 
sur  le  rien,  ou  sur  le  vide.  Selon  le  psaume 
XVIII,  V.  7,  1  ■  soleil  [)art  d'un  point  du  ciel, 
et  fait  son  circuit  d'un  bout  h  l'autre.  Comme 
cette  révolution  se  fait  en  ligne  spirale.  Job 
la  compare  aux  replis  tortueux  d'un  serpent, 
c.  XXVI,  v.  11.  Peu  importait  aux  Hébreux 
de  savoir  si  c'est  la  terre  ou  le  soleil  qui 
tourne.  Quant  à  es  que  les  Pères  de  l'Eglise 
ont  pensé  des  antipodes,  voy.  ce  mol. 

Nous  n'avons  pai  le  courage  de  copier  les 
puérilités  que  le  même  philosophe  a  objec- 
tées contre  la    création  de  r/JO)«me  ;  on  en 
trouvera  quelque  chose  à  cet  article.  Mais  il 
faut  répondre  ù  un  grief  plus  sérieux.  Vingt 
auteurs  ont  écrit  que  Galilée  fut  persécuté  et 
puni  par  l'inquisition  à  cause  de  ses  décou- 
vertes astronomiques,  et  pour  avoir  expli- 
qué le  vrai  système  du  monde;  on  se  sert  de 
ce  trait  d'histoire  pour  ren  !re  odieux  le  tri- 
bunal de  l'inquisition,  pour  faire  voir  dans 
quelle  ignorance  l'Itabe  ét.dt  encore  j^longée 
pendant  le  siècle  passé.  Heureusement  nous 
savons  à  présent  ce  qu'il  en  est.  Dans  le 
Mercure  de  France  du  il  juillet  1781,  n°  29, 
il  y  a  une  dissertation  dans   laquelle   l'au- 
teur prouve,  par  les  lettres  de  Galilée  lui- 
môme,  par  celles  de  Guiciiardin  et  du  mar- 
quis Nicolini ,   ambassadeurs  de  Florence, 
amis   et   disciples  de  Galilée ,  qu'il   ne  fut 
point  |)ersécuté  comme  bon  astronome,  mais 
comme    mauvais    Ihéologien ,    pour  s'être 
o')stiné  à  vouloir  montrer  que  le  système  de 
Copern  c  était  d'acconi  avec  l'Ecriture  sainte. 
Ses  découvertes,  dit  l'auteur,  lui  firent,  à  la 
vérité,   des  ennemis;  mais  c'est  sa  fureur 
d'argumenter  sur  la  Hible  qui  lui  donna  des 
juges,  et  sa  pétulance  des  chfigiins. 

Dans  son  premier  voyage  h  Uome,  en  1611, 
Galilée  fut  admiré  et  comblé  d'honneurs  par 
les  cardinaux  et  par  les  seigneurs  auxijuels 
il  lit  |)arl  de  ses  découvertes  ,  et  par  le  pape 
lui-môme.  11  y  retourna  en  1615.  Sa  présence 
déconcerta  les  accusaiions  formées  cintre 
lui  par  les  jacobins,  entêtés  de  la  philo^o- 
phie  d'Arislote,  et  inquisiteurs.  Le  cardinal 
dd  Monte,  et  plusieurs  membres  du  saint- 


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R04 


(^fice ,  lui  tracèrent  le  cercle  de  prudence 
dans  lequel  il  devait  se  renfermer,  pour  évi- 
ter toutes  les  liisputes;  mais  son  ardeur  et 
sa  vanité  l'emportèrcnL  11  exiy;ea,  dit  Gui- 
chardin  ,  que  le  pape  et  rin([uisit;on  décla- 
rassent que  le  système  de  Ciiperiiic  evt  foncié 
sur  la  liihle;  il  écrivit  nu'-riK lires  sur  mémoi- 
res. Paul  V,  fatigué  par  ses  instances,  arrêta 
que  cette  controverse  serait  jugée  dans  une 
congrégation.  Rapjielé  à  Flnrence  au  mois 
de  juin  1616  ,  Galilée  dit  lui-môme  dans  ses 
lettres  :  <(  La  congrégation  a  seulement  dé- 
cidé que  l'opinion  duniouvouient  de  la  terre 
ne  s'accorde  pas  avec  la  liihle....;  je  ne  suis 
point  intéressé  pei'sormelicmt  iit  d;uis  l'ar- 
rêt. »  Avant  son  départ,  il  avait  eu  une  au- 
dience tiès-amjcale  du  pap(;;  le  cardinal  liel- 
larmin  lui  lit  seulement  di'fense,  .lu  nom  du 
saint-siége,  de  reparler  dav.iniage  de  i'.ccord 
prétendu  entre  la  Bible  et  Copirnic,  sans  lui 
interdire  aucune  hypothèse  astronomique. 
Quinze  ans  ajjrès ,  en  16:i2,  sous  le  pontili- 
cat  d'Urbain  VIII ,  Galilée  imprima  ses  tda- 
logues  dctie  mnssime  Syiitcme  (Ici  Miindo,  et  il 
fit  reparaître  ses  mémoii  es  écrits  en  ICKi, 
où  il  s'ell'iirçnit  (i'ériger  en  question  de  dogme 
la  rotat  011  du  globe  sur  sou  ax  '.  On  dit  (]ue 
li'S  jésuites  a  grirent  le  pape  contre  lui.  «  Il 
l'iut  traiter  cette  all'aire  doucement ,  écrivait 
le  nKUNpiis  Nicolini,  dans  ses  d(''péches  du  5 
septendire  1632;  si  le  pape  se  pique,  tout 
est  perdu;  il  ne  faut  ni  disputer,  in  mena- 
cer, ni  braver.  »  C'est  ce  que  Galilée  n'avait 
e(!ssé  de  faire.  Cité  h  Rome,  il  y  arriva  le  3 
février  163:3.  11  ne  fut  point  logé  h  l'inquisi- 
tion, mais  au  |)alais  do  T{jS(  ane.  Un  mois 
après,  il  fut  mis,  non  eans  les  prisons  de 
l'inquisition  ,  mais  dans  l'appartement  du 
fiscal,  avec  ;  leine  liberté  de  comnniniquer 
au  deliois.  Dans  ses  défenses,  il  ne  fut  |ioi:,t 
question  du  fond  de  son  système,  mais  de  sa 

firéiendue  conciliation  avec  la  Bible;  après 
a  sentence  rendue  et  la  rétractation  exigée, 
(îalih'e  fut  le  maître  de  retourner  à  Florence. 
C'est  encore  lui  qui  en  rend  tc'inoignage;  il 
écrivit  au  Père  Kecen>'ri,  son  disciple  :  «  Le 
pape  me  c, oyait  digne  de  son  estime....  Je 
fus  log'  dans  le  délici  ux  palais  de  la  Tii- 
iiiti'-du  Mont....  Qu<;nd  j'arrivai  au  saint-of- 
fice ,  deux  jacobins  m'iiuimèrcnl  très-hon- 
n.'tement  de  faire  mon  a|)ologie....  J'ai  été 
ohlig'  de  rétracter  mon  o  inion  eu  bon  ca- 
tholique. »  .\]a:s  son  opinion  sur  le  sens  de 
riùriture  sainte  était  fort  étrangère  à  l'hy- 
pothèse de  la  rotation  de  la  teiro.  «  Pour  me 
punir,  ajoute  (ialilée,  on  m'a  défendu  les 
dialogues ,  et  congédié  après  cin(|  mois  de 
sé.our  Ji  Rome....  Aujour.l  hui  je  suis  à  ma 
campagne  d'Arcètre ,  où  je  respire  un  air 
pur  auprès  de  ma  c  ère  patrie  »  rejiemiant 
l'on  s'obstine  encfire  à  écrire  queùaliléelui 
persécuté  pour  ses  découvertes,  emprisonné 
à  rin([uisiiion,  f  rcé  d'abureile  système  de 
Copernic,  et  condamné  à  une  prison  perpé- 
tuelle; .Mosheim  et  son  traducteur  l'ont 
fluisi  afùrraé  ,  et  on  le  lépétera  tant  qu'il  y 
aura  des  hommes  prévenus  contre  l'Eg.ise 
romaine. 
-MoA'DE  (Antiquité  du).  De  tout  temps  les 


phih  sophes  ont  disputé  sur  ce  sujet;  plu- 
sieurs des  anciens  croyaient  le  monde  éter- 
nel, [)arce  qu'ils  ne  votdaient  point  admet- 
tre la  création;  les  épicuriens  soutenaient 
que  le  inonde  n'était  pas  fort  vieux,  et  (pi'il 
s'était  form  ■  de  lui-même  par  le  concours 
fortuit  dos  atomes.  La  même  diversité  d'opi- 
nions subsiste  encore  parnd  les  modernes; 
mais  la  (lupait  s'acc -rdent  à  prétendre  que 
\g  monde  est  beaucoup  pli  s  ancien  (p:e  l'his- 
toire sainte  ne  le  suppose.  Selon  le  texte 
hébreu,  il  ne  s'est  écoulé  ipi'eiivii-on  six 
mille  ans  d  puis  la  créât  on  ju^qu'h  nous;  et 
l'en  du  monde  l;o3,  le  globe  a  été  submergé 
par  un  di'luge  universel  q  u  en  a  changé  la 
face.  La  version  des  Septante  donne  au  monde 
dix-huit  cent  soixante  ans  de  durée  de  plus 
que  le  texte  hébreu;  le  Pcntateuque  sama- 
l'itain  ne  s'accorde  avec  aucun  dos  deux. 
Suiv;:nt  l'hébreu  ,  le  déluge  est  a:  rivé  deux 
nulle  trois  cent  quarante-huit  ans  avant  Jé- 
sus-Christ; selon  les  Septante,  trois  mille  six 
cent  dix-sept  :  voilà  [irès  de  treize  cents 
ans  de  diiférence.  Pour  dée'ouvrir  l'origine 
de  cette  variété  de  calcul ,  le»  critiques  ont 
suivi  dillV'rentes  opinions  ;  les  uns  ont  pensé 
que  les  Juils  ont  abrégé,  de  ])roi)os  déliiiéré, 
le  calcul  du  texte  hébreu,  sans  que  l'on 
l)uisse  en  deviner  la  r.dson  ;  les  autres,  cpie 
les  Septante  ont  allongé  le  leiu',  pour  se  coii- 
formor  à  la  chron^  lo-ie  des  Egyptiens.  Cha- 
cime  de  ces  deux  hypothèses  a  eu  des  [lai- 
tisans;  ni  l'ui  e  ni  l'autre  n'est  exempte  de 
difdcultés.  Plusieurs  savants  se  sont  atta- 
ch(''s  au  Peiitateuque  samaritain,  et  sont  tom- 
bés dans  d'autres  incnnvé'iii.  nts. 

Le  savant  auteur  de  VHLsloire  de  l'Astro- 
nomie ancienne  a  pv^mvô  ,  qu'eu  égard  aux 
dillérentes  rûéthodes  selon  lesquelles  les  di- 
vers peuples  ont  calculé  le  tenq)s ,  toutes 
leurs  chi'onologies  s'accordent,  et  ne  dilfè- 
fent  ((ue  de  quelques  années  sur  les  lieux 
é|)0|ues  les  plus  mémorables,  savoir,  la 
création  et  le  déluge  univer-el  ;  que  tout  s 
se  réunissent  encore  à  supposer  la  même 
durée  dej»uis  le  commencement  du  monde 
jusqu';^  l'ère  chrétienne,  en  suivant  le  calcul 
des  Septante.  «  Chez  tous  les  anciens  peu- 
ples ,  dit-il ,  du  moins  chez  tous  ceux  ijui 
ont  été  jaloux  de  consci  vei' les  tiaditions, 
l'on  retrouve  l'intervale  de  la  création  au 
déluge  exprimé  dune  manière  assez  exacte 
et  as-ez  unil'urme;  la  (iuiée  du  monde  jus- 
(ju'à  noire  ère  s'y  trouve  également  à  peu 
])rès  la  même.  »  llisl.  de  l'A^tron.  ancienne, 
liv.  1 ,  §  u;  Eclairciss. ,  liv.  i ,  t;  11  et  suiv. 
C'est  plus  qu'il  n'en  faut  pour  nous  tran- 
(juilliser;  nous  n'avons  j  as  bes(»in  tl'exami- 
ner  les  ditférentes  hypothèses  imaginées  par 
les  savants  pour  parvenir  à  une  conciliation 
parfa.te,  ni  de  rechercher  les  causes  de  ia 
variété  qui  se  trouve  entre  l'In  breu  ,  le  sa- 
raari  ain  et  le  grec  des  Sept;.nte,  ni  de  réfu- 
ter les  prétentions  de  quelques  nations  qui 
s  donnent  me  antiquité  prodigieuse.  L'au- 
teur de  V Antiquité  dévoilée  par  les  usages  sou- 
tient que  l'entêtement  des  C.aldéeiiS,  des 
Chinois,  des  Egyiitiens.  sur  ce  point,  n'est 
fondé  que  sur  des  périodes  astruûouiiqucs, 


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8»' 


arrangées  après  coup  par  les  philosophes  de 
CCS  nations  ,  t.  II ,  1.  iv  ,  c.  2  ,  p.  309.  Nous 
sommes  encore  moins  tentés  de  réiiondre 
iiiis  sophismes  par  lesquels  un  célèbre  in- 
crédule a  voulu  prouver  que  le  monde  est  co- 
éternel  à  Dieu. 

Aujourd'hui  l'on  a  principalement  recours 
h  des  observations  de  physique  et  d'histoire 
naturelle ,  pour  démontrer  Vantiquité  du 
monde;  nous  avons  vu  que  BufTon,  dans  ses 
Epoques  de  la  nature,  suppose  que  le  monde 
a  commencé  à  se  peupler  d'animaux  et 
d'hommes,  quinze  mille  ans  avant  nous; 
mais  il  convient  lui-même  que  ce  n'est  là 
quun  aperçu ,  c'est-à-dire  une  conjecture 
sans  fondement.  On  y  oppose  des  observa- 
tions positives  qui  méritent  plus  d'attention. 
M.  de  Luc ,  qui  a  beaucoup  examiné  les 
montagnes,  a  remarqué  que,  par  les  élioule- 
ments,  elles  s'arrondissent  peu  à  peu;  que 
par  la  pluie  et  par  les  mousses  il  s'y  forme 
une  couche  de  terre  végétale;  qu'ainsi  elles 
arriveront  insensiblement  à  un  point  oii  elles 
ne  pourront  plus  changer  de  forme.  Il  en  est 
de  même  de  plusieurs  plaines  autrefois  in- 
cultes, et  qui  sont  aujourd'hui  cultivées, 
parce  qu'il  s'y  est  formé  de  la  terre  végé- 
tale. Mais  le  peu  d'épaisseur  de  cette  couche, 
soit  dans  les  plaines,  soit  sur  les  montagnes, 
démontre  qu'elle  n'est  pas  fort  ancienne;  si 
elle  l'était ,  la  culture  y  aurait  commencé 
plus  tôt,  et  la  population  serait  plus  avancée. 
Il  s'est  convaincu  que  les  glaces  augmentent 
dans  les  Alpes  ,  et  s'y  étendent  de  jour  en 
jour;  si  les  glaciers  étaient  fort  anciens,  ils 
ne  formeraient  plus  qu'une  glace  continue. 
Après  avoir  attentivement  considéré  le  sol 
de  la  Hollande  ,  et  les  divers  cantons  dans 
lesquels  on  a  fait  des  conquêtes  sur  les  eaux, 
il  a  toujours  retrouvé  les  mêmes  preuves  de 
la  nouveauté  de  nos  continents ,  et  du  petit 
nombre  de  siècles  qu'il  a  fallu  pour  les  ame- 
ner au  point  où  ils  sont  aujourd'hui.  D'où  il 
conclut  que  les  conséquences  qui  se  tirent 
de  l'étal  actuel  du  globe  sont  beaucoup  plus 
sûres  que  les  chronologies  fabuleuses  des 
anciens  peuples;  et  toutes  ces  conséquences 
concourent  à  prouver  que  nos  continents  ne 
sont  pas  aussi  anciens  que  Bulîon  et  d'autres 
physiciens  les  supposent.  Mais,  de  leur  coté, 
ils'allèguent  aussi  des  observations;  il  est  à 
propos  de  voir  si  elles  prouvent  ce  qu'ils 
prétendent. 

t"  La  mer  a  certainement  un  mouvement 
d'oiient  en  occident,  qui  lui  est  imprimé  par 
celui  qui  pousse  la  terre  en  sens  contraire  : 
or,  ce  mouvement  seul  doit  insensiblement 
déplacer  la  mer  dans  la  succession  des  siè- 
cles. On  s'aperçoit  que  le  fond  de  la  mer 
Baltique  diminue;  on  voit  encore  un  canal 
par  lequel  elle  communiquait  autrefois  à  la 
mer  Glaciale  ,  mais  qui  s'est  comblé  par  la 
succession  des  temps.  La  nature  du  sol  qui 
sépare  le  golfe  Persiquc  d'avec  la  mer  Cas- 
pienne fait  juger  que  ces  deux  mers  for- 
maient autrefois  un  même  bassin.  Il  y  a 
aussi  beaucoup  d'apparence  que  la  mer  Rouge 
communiquait  à  la  Méditerranée  ,  dont  elle 
est  actuellement  séparée  par  l'isthme  de  Suez. 


Ces  changements  arrivés  sur  le  glol>e  sont 
plus  anciens  que  nos  connaissances  histori- 
ques. Il  parait  que  l'Amérique  était  encore 
couverte  des  eaux  il  n'y  a  pas  un  grand  nom- 
bre de  siècles,  et  qu'elle  n'est  pas  habitée 
depuis  fort  longteoqis.  Enfin,  la  multitude 
des  corps  marins  dont  notre  hémisphère  est 
rempli  prouve  invinciblement  qu'il  a  été 
autrefois  sous  les  eaux  de  l'Océan.  Combien 
n'a-t-il  pas  fallu  de  milliers  de  siècles  pour 
mettre  la  terre  dans  l'état  où  elle  est  aujour- 
d'hui ? 

Réponse.  A  l'article  Mer,  nous  avons  fait 
voir  que  son  mouvement  prétendu  d'orient 
en  occident  est  absolument  faux  ;  qu'il  est 
impossible  et  contraire  k  toutes  les  lois  du 
mouvement.  De  tous  les  phénomènes  que 
l'on  nous  cite,  il  n'y  en  a  pas  un  seul  qui 
puisse  servir  k  le  prouver.  Pour  séparer  la 
mer  Baltique  de  la  mer  Glaciale,  il  a  fallu 
que  la  première  se  retirât  du  côté  du  midi  ; 
il  en  a  été  de  même  du  golfe  Persique  à  l'é- 
gard de  la  mer  Caspienne,  et  de  la  mer  Rouge 
à  l'égard  de  la  Méditerranée.  L'on  prétend 
qu'en  effet  la  mer  Rouge  a  reculé  du  côté 
du  midi ,  et  qu'elle  s'étendait  autrefois  da- 
vantage du  côté  du  nord  ;  conséquemment 
il  serait  plus  difficile  aujourd'hui  que  jamais 
de  percer  l'isthme  de  Suez  pour  joindre  ces 
deux  mers.  Voy.  le  Voyage  de  Niébuhr  en 
Arabie.  Que  peut-il  s'ensuivre  de  là  en  faveur 
d'un  mouvement  habituel  des  eaux  d'orient  en 
occident  ?  De  quoi  a  pu  servir  ce  mouvement 
pour  découvrir  le  sol  de  l'Amérique  ?  Ce 
mouvement  tendrait  à  l'engloutir  de  nouveau 
du  côté  oriental,  et  non  à  prolonger  ses  côtes. 
On  ne  peut  pas  prouver  que  l'Amérique  a 
gagné  plus  de  terrain  du  côté  de  l'occident 
que  du  côté  qui  nous  est  opposé.  Quant  aux 
corps  marins  que  l'on  trouve  dans  les  en- 
trailles de  la  terre,  et  jusque  dans  le  sein  des 
montagnes  de  l'un  et  de  l'autre  hémisphère, 
il  est  évident  qu'ils  n'ont  pas  pu  y  être 
déposés  pendant  un  séjour  tranquille  et 
habituel  de  la  mer  sur  le  sol  que  nous 
habitons  ;  il  a  fallu  pour  cela  un  boule- 
versement de  toute  la  superficie,  et  nous 
n'en  connaissons  point  d'autre  que  ce- 
lui qui  est  arrivé  par  le  déluge  universel. 
Voy.  DÉLUGE.  Quand  nous  supposerions 
faussement ,  comme  quelques  physiciens, 
que  la  quantité  des  eaux  diminue,  quand 
nous  admettrions  pour  \m  moment  le  pré- 
tendu mouvement  de  la  mer  d'orient  en  oc- 
cident, il  ne  s'ensuivrait  encore  rien  en  fa- 
veur de  Vantiquité  du  monde.  Il  faudrait  sa- 
voir quelle  était  la  quantité  précise  des  eaux 
au  moment  de  la  création,  afin  de  pouvoir 
calculer  le  temps  qu'il  a  fallu  pour  les  réduire 
à  l'état  où  elles  sont  aujourd'hui.  Dans  la  se- 
conde hypothèse,  il  faudrait  savoir  s'il  n'est 
point  arrivé  de  révolution  brusque  sur  le 
globe,  qui  ait  changé  le  lit  de  la  mer,  et  qui 
ait  rais  à  sec  le  terrain  qui estactuellement ha- 
bité. Il  est  bien  absurde  de  fonder  des  calculs 
sur  des  suppositions  que  l'on  ne  peut  pas  prou- 
ver, et  qui  sont  détruites  d'ailleurs  par  l'exa- 
men des  phénomènes  que  nous  avons  sous 
les  yeux,  ou  qui  sont  attestés  par  l'histoire. 


897 


MON 


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2*  Observation.  L'on  voit  par  toute  la  terre 
des  marques  certaines  d'anciens  volcans  ;  il 
y  en  a  plusieurs  l>ouches  dans  les  montagnes 
d'Auvergne  ;  on  en  trouve  des  vestiges  en 
Angleterre  et  le  long  des  bords  du  Khin.  Le 
marbre  noir  d'Egypte  n'est  autre  chose  que 
de  la  lave  ;  il  finit  donc  qu'il  y  ait  eu  un  vol- 
can près  de  Tlièbes  ;  mais  il  était  si  ancien 
que  la  mémoire  ne  s'en  est  |>as  conservée. 
Le  lit  de  la  mer  Morte  a  été  creusé  par  un 
volcan  ;  le  terrain  des  environs  en  lait  toi. 
Selon  le  témoignage  de  Tournefort,  le  mont 
Ararat  a  autrefois  jeté  des  llammes.  A  pré- 
sent nous  no  voyons  des  volcans  que  dans 
les  îles  et  sur  ïes  bords  do  la  mer  ;  il  est 
donc  probable  que  l'eau  de  la  mer  et  l'huile 
qu'elle  charrie  sont  un  ingrédient  nécessaire 
pour  allumer  les  volcans;  coiiséquenuuentil 
faut  que  la  mer  ait  autrefois  baigné  tous  les 
terrains  dont  nous  venons  du  parler,  mais 
qui  en  sont  aujourd'hui  assez  éloignés. 
L'Etna  brûle  depuis  un  tem|)s  prodigieux  ; 
il  faut  deux  mille  ans  pour  amasser  sur  la 
lave  qu'il  jette  une  légère  couche  de  terre  : 
or,  près  de  cette  montagne  l'on  a  percé  au 
travers  de  sept  laves  placées  les  unes  sur  les 
autres,  et  dont  la  jilujiarl  sont  couvertes 
d'un  lit  épais  de  très-bon  terreau  ;  il  a  donc 
fallu  quatorze  mille  ans  pour  former  ces  sejit 
couches.  Le  Vésuve  porte  des  marques  d'une 
très-haute  antiquité,  puisque  le  iiavé  d'Her- 
culanum  est  fait  de  lave  ;  le  Vésuve  avait 
donc  déjà  fait  des  éruptions  avant  que 
cette  ville  fût  bàtio  :  or,  elle  l'a  été  au 
moins  mille  trois  cent  trente  ans  avant  notre 
ère. 

B/ponsc.  En  supposant  que  l'eau  de  la  mer  est 
nécessaire  jiour  allumer  les  volcans,  il  s'ensui- 
vra seulement  que  ceux  qui  sont  aujourd'hui 
dans  l'intérieur  des  terres  n'ont  brûlé  qu'im- 
médiatement afirès  avoir  été  détrempés  par 
les  eaux  du  déluge  ;  et  l'on  n'en  peut  rien 
conclure  en  faveur  de  Vanliquité  du  inonde. 
Ces  volcans  seront  un  monument  de  plus 
pour  prouver  l'inondation  générale  du  globe. 
L'existence  d'un  ancien  volcan  dans  l'Egypte 
est  attestée  par  la  fable  de  Typhon,  fable 
analogue  à  celle  qu'Hésiode  et  Homère  ont 
forgé  sur  le  mont  Etna.  Le  nombre  des  cou- 
ches de  lave  ne  prouve  point  l'antiquité  de 
celui-ci.  Herculanum  subsistait-il  il  y  a  treize 
mille  sept  cents  ans  ?  Aujourd'hui  il  est  à  cent 
douze  pieds  sous  terre-;  pour  arriver  à  cette 
profondeur,  il  faut  traverser  six  couches  do 
lave  séparées  comme  celles  de  l'Etna  par  des 
couches  de  terre  végétale.  11  est  clair  que 
cette  terre  est  de  la  cendre  vomie  par  le  vol- 
can, et  qu'il  a  pu  s'en  former  plusieurs  cou- 
ches dans  une  même  éruption.  Qu'importe 
qu'Herculanum  ait  été  bâti  mille  trois  cent 
trente  ans  avant  notre  ère,  dès  qu'il  s'était 
écoulé  deux  mille  trois  cent  quarante-huit 
ans  depuis  le  déluge  jusqu'à  la  même 
époque  ?  A  la  fondation  de  cette  ville,  il  y 
avait  plus  de  mille  ans  que  le  déluge  était 
passé.  De  même,  quand  la  table  isiaque 
et  la  statue  de  Jlemnon  seraient  de  lave, 
ces  ouvrages  n'ont  \>u  être  faits  que  sous 
des  rois   de   Thèbes   déjà  puissants ,   par 


conséquent  depuis  l'an  2500  du  monde  ; 
jusqu'alors  l'Egypte  avait  été  partagée  en 
petites  souverainetés.  Chronologie  éqypt., 
tom.  H,  table,  pag.  167;  et  il  s'était  écou- 
lé plus  de  huit  cents  ans  depuis  le  dé- 
luge. 

L'auteur  ide  Vlntroduction  à  l'histoire  na- 
turelle de  l  Espagne,  après  avoir  bien  exa- 
miné les  ]iétiitications  et  les  vestiges  des 
volcans,  reconnaît  qu'en  cinq  ou  six  mille 
ans  il  y  a  plus  de  lemjjs  qu'il  n'en  faut 
I)Our  produire  tous  les  phénomènes  dont 
nous  avons  connaissance  :  or,  selon  le  cal 
cul  le  plus  court,  il  s'est  passé,  depuis  le 
déluge  jusqu'à  nous,  quatre  mille  cent  trente- 
deux  ans,  et,  selon  les  Septante,  cinq  mille 
quatre  cent  un.  L'auteur  des  Ileeherclies  sur 
les  Américains  convient  (jue  l'on  ne  connaît 
aucun  monument  d'industrie  humaine  anté- 
rieur au  déluge;  on  ne  découvrira  pas  plus 
de  phénomènes  naturels  cai)ables  d'en  dé- 
truù-e  la  réalité  ou  l'époque. 

3"  Observation.  En  Angleterre  et  en  Hol- 
lande, il  y  a  des  forêts  enterrées  à  une  {)ro- 
fondeur  considérabl(^  Les  mines  de  charbon 
d'Angleterre,  du  Bourbonnais,  et  autres,  pa- 
raissent venir  de  forêts  embrasées  par  des 
volcans.  Les  corps  marins  que  l'on  déteric 
dans  les  mines  et  dans  les  carrières  n'ont 
point  leurs  semblables  dans  les  mers  qui 
nous  avoisinent,  mais  seulement  à  deux  ou 
trois  mille  lieues  de  nos  côtes.  Les  bancs 
immenses  de  coquillages  qui  sont  en  Tou- 
raine  et  ailleurs,  ne  peuvent  y  avoir  été  dé- 
posés que  pendant  un  séjour  très-long  de  la 
mer.  Toutes  ces  révolutions  n'ont  pu  se  faire 
pendant  le  court  espace  de  temps  que  l'on 
suppose  écoulé  depuis  le  déluge  jusqu'à 
no  LIS. 

Réponse.  Voici  ce  que  dit ,  au  sujet  des 
forêts  enterrées,  l'auteur  des  Recherches  sur 
les  Américains  :  «  Pourquoi  veut-on  attri- 
buer aux  vicissitudes  générales  de  notre 
globe  ce  que  des  accidents  particuliers  ont 
pu  produire  ?  C'est  l'inondation  de  la  Cher- 
sonèse  Cimbrique,  arrivée,  selon  le  calcul  de 
Picard,  l'an  3iO  de  notre  ère  vulgaire,  qui  a 
noyé  et  enterré  les  forêts  de  la  Frise.  Les 
arbres  fossiles  qu'on  exiiloile  en  Angleterre, 
dans  la  province  de  Lancastre,  ont  aussi 
passé  longtemps  pour  des  monuments  dilu- 
viens ;  mais  on  a  reconnu  que  la  racine  de 
ces  arbres  avait  été  coupée  à  coups  de  hache, 
ce  qui,  joint  aux  médailles  de  Jules-César 
que  l'on  y  a  trouvées  à  la  profondeur  de 
dix-huit  pieds,  suffit  pour  déterminer  à  peu 
près  la  date  de  leur  dégradation.  »  Tome  II, 
lettre  3,  page  330.  H  est  faux  que  les  mines 
de  charbon  de  terre  soient  des  forêts  con- 
sumées par  le  feu.  Butlon  nous  apprend 
que  ce  charbon,  la'  houilk',  le  jais,  sont  des 
matières  qui  appartiennent  à  l'argile.  Hist. 
nat.,  tom.  J,  in-12,  p.  403.  M.  de  Luc  pense 
que  la  tourbe  est  l'origine  des  houilles  ou 
charbons  de  terre,  et  il  conlirme  cette  con- 
jecture par  des  observations,  tom.  V,  lettre 
1:16,  ]).  2:>3.  Les  volcans  n'y  ont  point  de  part. 
Puisqu(!  plusieurs  coquillages  et  autres  corps 
marins,  que  l'on  trouve  dans  la  terre  ou  dans 


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Ja  piorre,  n'ont  leurs  soiablables  que  dans 
des  mers  très-éloignées  de  nous,  il  est  évi- 
dent qu  ils  n'ont  point  été  disposés  sur  le  sol 
que  nous  h.ibitons  par  un  séjour  habituel 
de  la  miT,  mais  par  une  inondation  subite, 
accouipa  aiée  d'un  bouleversement  dans  la 
surface  du  globe,  telle  qu'elle  est  arrivée 
pendant  le  déluge.  Et  l'on  ne  fieut  pas  esti- 
mer la  plus  ou  moins  grande  quantité  de  ces 
co  juill  )ges  qui  a  pu  être  déposée  sur  cer- 
taini'S  I  lages.  Voy.  Déluge. 

Le  Hio/irfe,  disait  Ncnvion,  a  été  formé  d'un 
seiil  jet.  Nous  cherchons  une  jeunesse  à  ce 
qui  a  toujours  été  vieux,  une  vieillesse  k  ce 
qui  a  toujours  été  jeune,  des  germes  aux  es- 
pèces, des  naissances  aux  générations,  des 
époques  à  la  natur.';  mais  quand  la  sphère 
où  nous  vivons  sortit  de  la  main  divine  de 
son  auteur,  tous  les  temps ,  tous  les  Ages, 
toutes  les  proportions  s'y  manifestèrent  à  la 
fois.    Pour  que  l'Ktna    put   vomir  ses  feux, 
il  fallut  à  la  construction  de  ses  fourneaux 
des  laves  qui  n'avaient  jamais  coulé.  Pour 
que  l'Amazone  pût  rouler  ses  eaux  à  travers 
l'Amérique,  les  Andes  du  Pérou   durent  se 
couvrir  de  neige,  que  les  vents  d'Orient  n'y 
avaient  point  encore  accumulée.  Au  sein  des 
forêts  nouvelles  naquirent  des  arbres  anti- 
ques, afin  que  les  insectes  et  1:  s  oiseaux  pus- 
sent trouver  des  aliments  sous  leurs  vieill  s 
écoices.  Des  cadavres  furent  créés   pour  les 
animaux  carnassiers.  11  dut  naître  dans  tous 
les  règnes  des  êtres  je  ines,  vieux,  vivants, 
mourants  et  morts.  Toutes  les  parties  de 
cette  immense  fabique  parurent  à  là  fois, 
et  si   elle  eut  un  échafaud,    il    a  disparu 
pour  nous.  Eludes  de  la  Nature,  tome  I,  etc. 
Monde    (Fin   du).   Si    nous    voulions    en 
croire  les  ennemis  de  la  religion,  l'opinion 
de  la  fin  du  monde  prochaine  a  été  la  cause 
de  la  piupart  des  révolutions  qui  sont  ai  ri- 
vées dans  les  ditl'érents  siècles.  Les  paï'us 
mômes ,  philosophes  et  autres,  étaient  ])er- 
suadés  qu'un  jour  le  wonr/e  devait  périr  par 
un  embrasement  général  ;  mais  ils  ont  ajlii- 
trairement  tixô  Fépoijue  à  laqm  lie  cette  ca- 
tastrophe  dev.iit  arriver.  Les  Juifs,   comme 
les  autres  peufiles,  croyaii'Ut  que  le  monde, 
après  avoir  été  autrefois  détr  it  par  l'eau, 
devait  l'être  par  le  feu  ;  ils  fondaient  cette 
opinion  sur  quelques  prophéties  dont  le  sens 
n'est  pasfortclaii-.  Le  jubilé  qu'ils  célébraient 
tous  les  cinquante  ans,  pendant  le  luel  les 
héritagi'S  aliénés  lievaiint  retourner  a  leurs 
anciens  possesseurs,  et  les  esclaves  ét.iient 
mis  en  libi-rté,  semble  avoir  eu  pour  motif 
la  persuasion  dans  la  [uelle  étaient  les  Juifs 
qui'  le  monde  devait  linir  au  bout  de  cinquante 
ans.  Cette  attente,  continuent  les  incrédules, 
était  répandue  d'un  bout  de  l'univers  à  l'.iu- 
tre  ;  lorsque  Jésu^-Christ  p  rut  sur  la  terre, 
il  en  I  rolita  pour  publier  qu'il  était  le  .Messie 
promis,  et  le  iiiéj.ugé  général  contribua  beau- 
coup à  le  faire  reconnaître  pour  envoyé  de 
Dieu,    pour  juge  des  vivants  et  des  morts. 
Lui-même  annonça  que  la  fin  du  monde  et  le 
jugement  dernier   étaient  prochains,   et   il 
donna  l'ordre  à  ses  apôtres  de  répandre  cette 
terrible  prédiction.  Us  n'y  ont  pas  manqué  ; 


leurs  écrits  sont  remplis  de  menaces  de  la 
fin  prochaine  du  monde,  de  laco)isommation 
du  siècle,  de  l'arrivée  du  grand  jour  du  Sei- 
gneur. C'est  ce  qui  causa  la  conversion  de  la 
plupart  de  ceux  (|ui  embrassèrent  le  christia- 
nisme, et  leur  inspira  le  désir  du  martyre. 
Bieutrit  ce  préjugé  donna  lieu  à  celui  des 
milb'nairi'S,  ouà l'espérance  d'un  règne  tem- 
porel de  Jésus-Christ  sur  la  terre,  qui  devait 
bientôt  coimnnncer.  Toutes  ces  idées  sombres 
inspirèrent  aux  chrétiens  le  détachement  du 
monde,  un  goût  décidé  pour  la   vie  solitaire 
et  monas  ique,  pour  les  mo;ti,ications,  pour 
la  virginité,  pour  le  cébbat.  On  vit  renaître 
la  même   démence  dans   la  suite ,   surtout 
pendant  les  malheurs   du  ix'  siècle  et  des 
suivants  ;  les  moines  surent  en  profiter  pour 
s'enrichir.  Ainsi,   dans  tous  les  temps,  des 
terreurs   paniques  ont   été   le  principal    ou 
plut  H  l'unique  fondement  de  la  religion.  Tel 
est  le  résultat  drs  profondes  réflexions  des 
incrédules.  Pour  les  réfuter  en  détail,  il  fau- 
drait une  assez  longue  discussion  ;  mais  quel- 
ques r  marques  suffiront  pour  en  démontrée 
la  fausseté.  1"  La  philosophie  païenne,  sui- 
tout  celle  des  épicuriens,  était  beaucoup  plus 
capab'e  que  la  religion  d'ins[)irer  des  doutes 
sur  la  durée  du  monde,  et   de   répandre  de 
vaines  terreurs.  «  Peut-être,  dit  Lucrèce,  des 
tremblements   de  terre  causeront  dans  peu 
de  temps  un  bouleversement  atfieux  surtout 
le  globe  ;  peut-être  tout  s'abimera-t-il  bien- 
tôt avec  un  fracas  épouvantable,  ))l.v,  v.98. 
En  effet,  quelle  certitude  peut-on  avoir  de 
ce  qui  doit  arriver,  si  ce  n'est  pas  un  Dieu 
bon  et  sage  qui  a  créé  le  monde,  qui  le  gou- 
verne,  qui   a   étàlili  les  lois  physiques  sur 
lesquelles  est   fondé   l'or  ire  do  la  nature? 
L'éruption  d'un  volcan  ,  un  tremblement  de 
terre,  une  inondation   subite,   un  météore 
quelconque,  doivent  faire  craindre  la  des- 
truction du  globe  entier.  Un  athée  moderne 
nous  avertit  que   nous    ne   savons    pas   si 
la    nature   ne  rassemble    pas   actuellement 
dans    son    laboratoire    immense    les   élé- 
ments propres  à  faire   éclore  des  généra- 
tions nouvelles,   et  à  former  un  autre  uni- 
vers.   1!    est  singuli  r   que   les    incrédules 
mettent  sur  le  compte  de  la  religion  (les 
terreurs  absurdes  que  peut  faire  naître  leur 
fausse  philosophie.  Dans  le  système  dn  pa- 
ganisme, qui  s  ipposait  toute  la  nature  ani- 
mée par  des  génies,  tout  phénomène  rxtra- 
ordinaire  arrivé  dans  le  ciel  ou  sur  la  terre 
était  un  elTel  de   leur   courroux;  savait-on 
jusqu'où  Ces  êtres  capricieux  et  malfaisants 
étaiciit  capables  de  pousser  leur  malignité  ? 
Quelques   auteurs  ont  pensé  que  les  dilfé- 
rentes  opinions  touchant  la  durée  du  monde 
n  étaient  fondées  que  sur  des  [lério  les  as- 
tronomiques ot  sur  d^'S  calculs  a.  bitraires  ; 
mais  pi'u  nous  importe  de  savoir  quelle  en 
était  la  vraie  cause. 

2°  La  religion  révélée  de  Dieu,  loin  de 
nourrir  ces  vaincs  frayeurs,  n'a  travaillé 
qu'à  rassurer  les  hommes.  Non-seulement 
elle  nous  enseigne  que  l'univers  a  été  créé 
par  un  Dieu  sa^e  et  attentif  à  le  gouverner, 
qui  a  dirigé  t^jutes  choses  au  bien  de  ses 


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MON 


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créatures,  quine  dt'rausi'iM  |«oint  l'ordre  qu'il 
a  établi,  puisqu'il  a  jugé  quo  tout  est  bien  ; 
mais  elle  nous  uionlre  qu'il  n'a  jamais  dé- 
truit 1rs  lioiiiiues  sans  les  eu  avcrtird'avauce. 
Dieu  lit  prédire  le  dclu^je  uiuversel  six  vinj^ts 
ans  avant  (ju'il  arrivât  ;  il  av 'rlil  Ahraliaiu 
de  11  destruction  pruchaiue  de  Sodoine  ;  il 
mena(,;a  les  Egyptiens  avaut  de  les  cliAtier  ; 
les  Chananéeus,  tout  iuqiies  qu'ils  étaient, 
virent  arriver  do  loin  l'orage  piét  à  fondre 
sur  eux,  etc.  ;  l'auteur  du  livre  de  la  Sagessi; 
nous  le  fait  remarquer,  e.  xi  et  xii.  Après 
le  délutje.  Dieu  d  t  ;i  Not';  :  Je  ne  muuàirai 
plus  lu  terre  à  cause  des  lioinmes,  et  je  ne  dé- 
truirai plus  toute  (Ime  vivante  comme  j'ai  fait  ; 
tant  que  la  terre  durera,  les  semailles  et  la 
moisson,  l'été  et  Vhiver,  le  jour  et  la  nuit  se 
succéderont  sans  interruption  {Gènes,  viii, 
21).  «  Ne  craignez  jioint  les  signes  du  ciel, 
comme  font  les  autres  nations,  »  dit  Jéréniie 
aux  Juifs,  c.  X,  v.  iJ.  Peut-on  citer  un  seul 
endroit  de  l'Ancien  Testament  dans  lequel  il 
soit  question  de  la  (in  du  monde  ? 

3°  Les  Juifs  étaient  donc  préservés  du  pré- 
jugé des  autres  nations  par  leiu'  religion 
même.  Leur  jubilé  n'avait  pas  plus  de  rap- 
port à  la  /in  du  monde  que  la  preseripli(jn  tie 
trente  ans  n'y  en  a  jiarmi  nous.  Us  atten- 
daient le  Messie,  non  comme  un  juge  red(ju- 
table  et  di'Strueteur  du  monde,  nuds  comme 
un  libérateur,  un  sauveur,  un  bienfaiteur  ; 
les  prop  êtes  l'avaient  ainsi  annoncé  :  sa 
venue  était  pour  les  Juifs  un  olg'et  d'espé- 
rance et  de  consolation,  plutôt  que  de  trouble 
et  do  irayeur.  A  sa  naissance  un  ang'  dit 
aux  bergers  :  «  Je  vous  annonce  un  grand 
sujet  de  joie  pour  toute  la  nation  ;  il  vous 
est  né  Ji  Bethléem  un  Sauveur,  qui  est  le 
Cia'ist,  lils  de  David.  »  Zacharie,  Siméon,  la 
propiiéte>S(\  Anne,  le  publient  ainsi.  Jean- 
Baptiste,  en  l'annonçant,  dit  qu'il  vient  le  van 
à  la  main  séparer  le  bon  grain  d'avec  la 
paille  ;  mais  celte  si'paration  n'était  ])as  cclie 
du  jugement  dernier,  pinsqu'il  dit  que  Jésus 
est  l'agn  au  de  Diiu,  qui  ôte  le  péclié  du 
monde  {Maltli.  m,  12;  Jocin.i,  29). 

4°  JésLis  lui-même  appelle  sa  doctrine 
Evangile  ou  bonne  nouvelle  ;  il  comnn  nre 
sa  prédication  par  des  bienfaits,  jiar  des  mi- 
racles, par  la  guéiison  di^s  maladies.  Il  d,t 
que  Diiu  a  envoyé  son  Fils,  non  pour  juger 
le  monde,  mais  pour  l-  sauver  (Joan.  m, 
17).  11  prêche  le  royaume  des  deux,  et  il 
ordonne  à  ses  apôtr.  s  de  faire  de  même; 
mais  ce  royaume  est  évidemment  le  règne 
du  Fils  de  Dieu  sur  son  Eglise,  il  n'a  rien  do 
connnun  avec  la  fin  du  monde.  Quelque 
temps  a>ant  sa  p;ission,  ses  disciples  lui  font 
remarquer  la  structure  du  temple  de  ivni- 
Si\\mï  (Matth.  xxiv;  Marc,  xiu;  Luc.  xxi)  ; 
il  leur  dit  (jue  cet  éd  lice  sera  détruit,  et 
qu'il  n'en  restera  pas  pierre  sur  pierre.  Les 
disciples  étonnés  lui  deman  tout  quand  ce 
sera,  quels  seront  les  signes  de  son  ivéne- 
ment  et  de  la  consommation  du  siècl  .  Il  y 
eura  pour  lors  ,  dit-il,  des  guerres  et  des  sé- 
ditions, des  tremblements  de  terre,  des  pestes 
et  des  famines  ;  vous  serez  vous-mêmes  persé- 
cutés et  mis  à  mort  ;  Jérusalem  sera  etiviron- 


née  d'une  armée;  le  temple  sera  profané;  il 
paraîtra  de  faux  prophètes;  il  y  aura,  des  si- 
gnes dans  le  ciel;  le  soleil  et  la  lune  seront 
obscurcis,  et  les  étoiles  tomberont  du  ciel  : 
alors  on  verra  venir  le  Fils  de  l'homme  sur 
les  nuées  du  ciel,  avec  une  grande  puissance 
et  une  grande  majesté  ;  ses  auges  rassemble- 
ront les  élus  d'un  bout  du  monde  à  l'autre,  etc. 
Il  annonce  tout  cfila  comme  des  événemenls 
dont  ses  apôtres  seront  les  téujoins,  et  il 
ajoute  :  Je  vous  assure  que  cette  génération 
ne  passera  point,  jusqu'à  ce  que  toutes  ces 
choses  s'accomplissent.  Est-il  question  ià  de 
la  fin  du  monde?  Les  sentiments  sont  par- 
tagés sur  ce  point.  Plusieurs  interprètes 
pensent  que  .lésus-Christ  pr^'dit  uniejuement 
la  ruine  de  la  religion,  de  la  république  et 
lie  la  nation  juive,  et  que  toutes  les  Circons- 
tances se  vérilièr'nt  lo  squc  les  Romains 
prirent  et  rasèrent  Jérusalem,  et  dispCiSè 
rent  la  nation;  qu'il  y  a  cepeintant  queljues 
expressions  qu'il  no  faut  pas  prendre  à  la 
lettre,  telle  que  la  chute  des  étoHes,  e;c.  ; 
que  Jésus-Christ  a  employé  le  même  style  et 
les  mômes  images  dont  les  prophètes  se 
sont  servis  pour  prédire  d'autres  événe- 
ments moins  considérables.  Gonsé  juem- 
meut  ces  commentateurs  disent  ipie  ci  s  pa- 
roles de  Jésus-Christ,  Cette  génération  ne 
passera  point,  etc.,  signilient  :  les  J^ifs  qui 
vivent  à  présent  ne  s  r^nt  pas  tous  morts 
lorsque  ces  choses  arriveront.  En  ell'et ,  Jé- 
rusalem fut  prise  et  ruinée  moins  de  qua- 
rai;t<^  ans  après.  Selon  ce  scnlimcnl,  il  n'est 
point  question  là  de  la  fin  du  monde.  Les 
autres  sont  d'avis  que  Jésus-Christ  a  joint 
les  signes  qui  devaient  i)récéder  la  dévasta- 
tion de  la  Judée  avec  ceux  (jui  ar.iveront  h 
la  fin  rfw  «londe  et  avaut  le  jugement  dernier; 
que  qu  ind  il  dit  :  Cette  génération  ne  passera 
point,  etc.,  il  entend  que  la  nation  juive  ne 
sera  pas  jusqu'alo.s  (  ntièrement  déliuito, 
mais  qu'elle  subsistera  jus(|u';i  la  fin  du 
monde.  On  ne  peut  pas  n'er  que  1  ■  teime  de 
génération  ne  soit  pris  plusieurs  l'ois  en  ce 
sens  dans  l'Evangile.  Or,  selon  cette  opinion 
Dièiue,  il  n'est  pas  vrai  que  Jésus-t^hrist  ait 
prédit  la  fin  dumunde  comme  piocluMu;. 

5"  Il  n'est  pas  mieux  prouvé  que  les  apôtres 
en  aieiit  parlé.  Saint  Paul  dit  (^iom.  xiii,  11); 
(1  Notre  sa  ut  est  plus  proche  qui'  quand 
nous  avons  cru.  »  Il  dit  {I  Cor.  i,  v.  7),  que 
les  fidèles  attendent  l'apparition  de  Jésus- 
Chiist  et  le  jour  de  son  av/nement.  Saint 
Pierre  ajoute  (/  Pctr.  iv,  v.  7)  que  cet  avè- 
nement approche,  et  que  ce  jour  viendra 
comme  un  voleur.  Saint  Jacques,  c.  v,  v.  8 
et  y,  nous  avertit  qu'il  est  tout  près,  et  .que 
le  juge  est  à  la  porte.  Saint  Jeau  (Apoc.  m, 
v.  11,  et  c.  XXII,  V.  12),  lui  fait  dire  :  «  Je 
viens  promptement  rendre  à  cliacun  selon 
ses  œuvres.  »  Tout  cela  est  exa"temenl  vrai 
h  l'é-ard  de  la  proximité  de  la  mort  et  du 
jugement  particulier,  et  non  à  l'égard  do  la 
fin  du  monde  ou  du  jugement  dernier.  Saint 
Paul  dit  encore  {l  Cor.  x,  v.  11)  :  «  Nous 
qui  sommes  parvenus  à  la  lin  des  siècles. 
[Hebr.,  c.  IX  ,  V.  26  :  «  Jésus-Clirist  s'ç 
donné  pour  victime  à  la  consomuialiou 


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904 


siècles;  >'  mais  nous  avons  vu  que,  dans  la 
question  que  les  apôtres  tirent  à  Jésus-Christ, 
la  consommation  (lu  siècle  signitiait  la  lin  du 
judaïsme.  Saint  Paul  nomme  princes  de  ce 
siècle  les  chefs  de  la  nation  juive  (/  Cor.  ii, 
V.  6  et  8).  On  sait  d'ailleurs  que  le  mot 
siècle  exprime  simplement  une  révolution. 

L'on  doit  donc  entendre  de  même  ce  que 
dit  saint  Pierre  (/  Pelr.  iv,  v.  7  ),  que  la 
fin  de  toutes  choses  approche  ;  et  saint  Jean, 
Ep.  I,  c.  II,  V.  18,  que  nous  sommes  à  la 
dernière  heure,  que  l'Antéchrist  vient,  et 
qu'il  y  en  a  déjà  eu  plusieurs  ;  il  entendait 
l)ar  là  les  faux  prophètes,  qui,  selon  la  pré- 
diction de  Jésus-Christ ,  devaient  paraître 
avant  la  destruction  de  Jérusalem.  Celle-ci 
était  prochaine  lorsque  les  apôtres  écri- 
vaient ;  il  n'est  pas  étonnant  qu'ils  en  aient 
prévenu  les  fidèles.  Dans  les  prophètes,  les 
derniers  jours  signifient  un  temps  fort  éloi- 
gné, et  saint  Paul  appelle  l'époque  de  l'in- 
carnation la  plénitude  des  temps.  11  y  a  plus  : 
saint  Paul,  parlant  de  la  résurrection  jj,éné- 
raledans  sa  première  lettre  aux  Thessaloni- 
ciens,  c.  iv,  v.  14,  avait  dit  :  «  Nous  qui  vi- 
vons, sommes  réservés  pour  l'avènement  du 
Seigneur...;  les  morts  qui  sont  en  Jésus- 
Christ  ressusciteront  les  premiers.  Ensuite  , 
nous  qui  vivons  et  qui  sommes  réservés, 
serons  enlevés  avec  eux  dans  les  airs  pour 
aller  au  devant  de  Jésus-Christ,  et  ainsi  nous 
serons  toujours  avec  le  Seigneur.  Consolez- 
vous  mutuellement  par  ces  paroles;»  c.  v,  v.  1  : 
«  Il  n'est  pas  nécessaire  de  vous  en  marquer 
le  temps  ;  vous  savez  que  le  jour  du  Sei- 
gneur viendra  comme  un  voleur  pendant  la 
nuit.  »  Ces  paroles,  au  lieu  de  consoler  les 
Thessaloniciens,  les  avaient  effrayés  :  saint 
Paul  leur  écrivit  sa  seconde  lettre  pour  les 
rassurer  :  «  Nous  vous  prions,  dit-il,  c.  ii, 
de  ne  pas  vous  laisser  troubler  ni  effrayer, 
ou  par  de  prétendues  inspirations,  ou  par 
des  discours,  ou  par  une  de  nos  lettres, 
comme  si  le  jour  du  Seigneur  était  prochain. 
Que  personne  ne  vous  trompe  en  aucune 
manière,  parce  qu'il  faut  qu'il  y  ait  d'abord 
une  séparation,  que  l'homme  de  péché,  le 
fils  de  perdition,  soit  connu,  etc.  Je  vous  ai 
dit  tout  cela  lorsque  j'étais  avec  vous.  »  Les 
Thessaloniciens  avaient  donc  tort  de  croire 
que  le  jour  du  Seigneur  était  prochain. 

Chez  les  prophètes,  le  jour  du  Seigneur 
est  un  événement  que  Dieu  seul  peut  opérer, 
et  surtout  un  chiUiment  éclatant  (Isai.  u, 
v.  U;  c.  XIII,  V.  6  et  9,  etc.).  Voy.  Jour. 
Ainsi,  lorsque  saint  Pierre  dit,  Ep.  H,  c.  m, 
v.  12  :  «  H;Uous-nous  j)Our  l'arrivée  du  jour 
du  Seigneur,  par  lequel  .es  deux  seront 
dissous  par  le  feu,  etc.;  nous  altendons  de 
nouveaux  cieux  et  une  nouvelle  terre  dans 
laquelle  la  justice  habite;  »  il  n'est  [las  sûr 
que  cela  doive  s'entendre  de  la  fin  du  monde 
et  de  la  vie  future.  Dans  Isaie,  c.  xiii,  v.  10, 
Dieu  menace  d'obscurcir  le  soleil,  la  lune 
et  les  étoiles,  de  troubler  le  ciel,  de  déplacer 
la  terre  ;  et  il  s'agit  seulement  de  la  prise  de 
Babylone.  Ezéchiel ,  c.  xxxii,  v.  7,  exprime 
de  même  la  dévastation  de  l'Egypte  ;  et  Joël, 
cap.  II  et  m,  la  désolation  de  la  Judée.  Dans 


les  Actes  des  apûlres,  c.  ii,  v.  16 ,  saint  Pierre 
applique  celte  prophétie  de  Joël  à  la  des- 
cente du  Saint-Esprit.  Dieu  promet  de  créer 
de  nouveaux  cieux  et  une  nouvelle  teire, 
pour  exprimer  le  rétablissement  futur  des 
Juifs  (Isai.,  Lxv,  v.  17  ;  c.  lxvi,  v.  22).  Les 
apôtres  répétaient  toutes  ces  expressions, 
parce  c{ue  les  Juifs  y  étaient  accoutumés  ; 
c'est  encore  aujourd'hui  le  style  des  Orien- 
taux. 

G°  L'on  assure  très-ninl  à  propos  qu'à  la 
naissance  du  christianisme  l'opinion  de  la 
lin  prochaine  du  monde  était  générale,  que 
ce  fut  la  cause  des  conversions ,  de  l'em- 
pressement des  chrétiens  pour  le  martyre, 
de  la  naissance  du  monachisme,  du  goût 
pour  la  virginité  et  le  célibat.  Si  cela  était 
vrai ,  il  serait  fort  étonnant  que  les  Pères 
n'en  eussent  rien  dit,  et  que  les  philosophes 
ne  l'eussent  point  reiiroché  aux  chrétiens. 
Origùne  ,  dans  son  Exhortation  au  martyre; 
'J'ertullien,  dans  ses  livres  contre  les  gnosti- 
(jucs,  ([ui  blâmaient  le  martyre  ;  dans  ses 
Traités  sur  la  fuite  pendant  les  persécutions, 
sur  la  Chasteté,  sur  la  Monogamie,  sur  le 
Jeûne,  etc.,  n'allèguent  point  la  proximité  de 
la  fin  du  monde;  c'aurait  été  ce|)endant  un 
motif  de  plus.  Saint  Basile  et  saint  Jean 
Chrysostome,  dans  leurs  écrits  sur  la  vie 
monastique,  gardent  le  même  silence. 

On  est  fâché  de  voir  un  homme  aussi  ju- 
dicieux que  Mosheim  confirmer  le  préjugé 
des  incréikdes.  11  dit  qu'il  n'est  pas  probable 
que  les  apôtres,  persuadés  de  la  fin  pro- 
chaine du  monde  et  d'un  nouvel  avènement 
de  Jésus-Christ,  aient  pensé  à  surcharger 
la  religion  de  cérémonies.  Institut.  Hist. 
christ.,  II'  part.,  c.  4,  §  4.  Réflexion  pitoyable 
U  ré[)ète  ailleurs,  qu'au  ii°  siècle  la  plupart 
des  chrétiens  croyaient,  comme  les  monta- 
nistes,  que  le  rnoiu/e  allait  bientôt  finir.  Hist. 
Christ.,  sœc.  ii,  §  67,  p.  423. 

Celse  reproclie  aux  chrétiens  de  croire 
l'emliraseiuent  futur  du  monde  et  la  résur- 
rection des  corps  ;  mais  il  ne  les  accuse 
point  de  croire  que  ces  événements  sont  pro- 
chains, Origène,  contre  Celse,  1.  iv,  n.  11  ; 
l.  v,  n.  14.  Minutius  Félix  soutient  la  vérité 
de  ces  deux  dogmes  contre  les  païens,  Oc- 
tav.,  n.  34:  mais  il  ne  fixe  point  le  temps 
auquel  cela  doit  arriver.  «  Nous  prions,  dit 
ïertuUien,  pour  les  empereurs,  pour  l'em- 
pire, pour  la  prospérité  des  Romains,  parce 
que  nous  savons  que  la  dissolution  affreuse 
dont  l'univers  est  menacé  est  retardée  par 
la  durée  de  l'empire  romain  Ainsi  nous 
demandons  à  Dieu  de  ditl'éi  er  ce  que  nous 
n'avons  pas  envie  d'éprouver.  )>.4^oL,c.xxxii. 
11  ne  changea  d'avis  que  quand  il  fut  devenu 
montaniste.  Les  millénaires  ne  fixaient  point 
la  date  du  règne  temporel  de  Jésus-Christ 
qu'ils  espéraient.  Le  sentiment  commun  des 
Pères  était  que  le  monde  devait  durer 
six  mille  ans,  par  analogie  aux  six  jours  de 
la  création;  c'était  une  tradition  juive,  y  oyez 
les  Notes  sur  Lactance,  Instit.,  1.  vu,  C.  14. 

A  la  vérité,  toutes  les  fois  que  lesj)euples 
ont  éprouvé  de  grandes  calamités,  ils  ont 
imaginé  qu'elles  annonçaient  la  fin  du  monde; 


oos 


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(;'o,sl  pour  cela  que  cotte  opinion  s'établit  en 
Europe  au  x'  siècle.  Un  certain  ermite, 
nommé  Bernard  do  Thuringc,  publia  que  la 
pn  du  monde  allait  arriver;  il  se  tonilait  sur 
une  prétendue  révélation  qu'il  avait  eue,  sur 
le  passage  de  l'Apocalyjjse,  c.  w,  v.  2,  oii  il 
est  dit  que  le  démon  sera  délié  après  mille 
ans,  et  sur  ce  qu'en  l'an  'JCO  la  fête  de  l'An- 
nonciation était  tomljée  le  jour  du  vendredi 
saint.  Une  éi^lipse  do  soleil,  qui  airiva  cetio 
mémo  année,  acheva  de  renverser  toutes  les 
têtes.  Les  théologiens  furent  obligés  d'écrire 
pour  dissiper  cette  vaino  terreur.  Mais  les 
ravages  causés  en  France  parles  Normands, 
en  Espagne  et  en  Italie  [)ar  les  Sarrasins,  en 
Allemagne  par  d'autres  barbares ,  eurent 
plus  de  part  au  préjugé  populaire  que  les 
visions  de  l'ermite  Homard.  La  frayeur  était 
passée  lorsqu'on  commença  à  rebâtir  les 
églises  et  i\  rétablir  le  culte  divin;  l'on  lit 
alors  de  grandes  fondations;  mais  la  [plupart, 
dit  M.  Flour^y,  n'étaient  que  la  restitution 
dos  dîmes  et  des  autres  biens  d'Eglise  usur- 
pés ])endant  les  troubles  précédents.  Mœurs 
des  chrétiens  ,  n"  (J2.  Il  ne  faut  d(jnc  pas  ac- 
cuser les  moines  d'avoir  protité  de  l'étoiir- 
dissemcnt  des  esprits  j)Our  s'enrichir,  ce 
soupçon  injurieux  n'est  fondé  sur  aucun  fait 
positif.  De  ces  rélloxions  il  résulte  ijue  le 
système  des  incrédults,  touchant  rinilueneo 
de  la  peur  sur  les  événements  arrivés  depuis 
dix-sept  cents  ans  dans  l'Eglise,  est  un  rôve 
aussi  nivole  que  la  crainte  do  voir  le  monde 
finir  dans  peu  do  temps. 

Aujourd'hui  il  se  trouve  encore  des  tnéolo- 
giens  entêtés  d'un  ligurismo  outré  ,  c[ui ,  en 
comparant  l'Apocalypse  avec  Jes  deux  épî- 
tres  aux  Thessaloniciens,  et  avec  la  prophé- 
tie de  Malacliie ,  font  une  histoire  de  la  fin 
du  monde,  de  l'Antéchrist,  do  la  venue  d'E- 
lie,  aussi  claire  que  s'ils  y  avaient  assisté. 
Nous  les  félicitons  tic  leur  pénéîration  ;  mais 
on  a  déjh  débité  tant  de  rêveries  sur  ce  su- 
jet ,  qu'il  serait  bon  de  s'en  abstenir  désor- 
mais, et  de  lononcer  à  connaître  ce  (pi'il  n'a 
pas  plu  à  Dieu  de  nous  révéler.  Voij.  Ante- 
CiiuiST.  Vissert.  sur  les  signes  de  la  ruine  de 
Jérusidem  et  sur  la  fin  du  monde,  Bihle  d'A- 
vig.,  t.  XIII,  pag.  403;  tom.  XVI,  pag.  41G. 

iViONOPUYSlTES.  Yoy.  Eutycuiens  et  Ja- 

COBITES. 

MONOTHÉLITES,  secte  d'hérétiques,  qui 
élait  un  rejeton  des  eutychiens.  Eutychès 
avait  enseigné  que,  par  l'incarnation  du  Fils 
de  Dieu  ,  la  nature  humaine  avait  été  telle- 
luent  absorbée  par  la  divinité  en  Jésus- 
Christ  ,  qu'il  n'en  résultait  qu'une  seule  na- 
ture :  erreur  condamnée  par  le  concile  gé- 
néral de  Chalcédoino.  Les  monothélites  sou- 
tenaient qu'à  la  vérité  les  doux  natures 
subsistaient  encore  ,  et  que  l'humanité  n'é- 
tait point  confondue  en  Jésus-Christ  avec  la 
divinité  ,  mais  que  la  volonté  humaine  était 
si  parfaitement  assujettie  et  gouvernée  par 
la  volonté  divine ,  qu'il  no  lui  restait  plus 
d'activité  ni  d'action  pro|ire;  qu'ainsi  il  n'y 
avait  en  Jésus-Christ  qu'une  seule  volonté  et 
une  seule  opération.  Do  là  vint  leur  nom, 
dérivé  de  povof,  seul,  et  de  Hilih,  vouloir.  Go 

Dictions,  de  Théol.  dogmatique.   III, 


fut  l'empereur  Héraclius  rjui,  on  630,  donna 
lieu  à  cette  nouvelle  hérésie.  Dans  le  des- 
sein tlo  ramonera  l'Eglise  catholique  les  eu- 
tychiens ou  mono|)hysites  ,  il  imagina  qu'il 
fallait  prendre  un  milieu  entre  leur  doctrine, 
qui  consislait  à  n'admettre  on  Jésus-Christ 
(pi'une  seule  nature,  et  lo  sentiment  des  ca- 
tholiques, (jui  soutenaient  que  Jésus-Christ, 
Dieu  et  honuno,  a  deux  natures  et  deux  vo- 
lontés; que  l'on  pouvait  les  réconcilier,  on 
disant  qu'il  y  a,  à  la  vérité,  on  Jésus-Christ 
deux  natures,  mais  une  seule  volonté ,  sa- 
voir la  volonté  divine.  Cet  expédient  lui  fut 
suggéré  par  Athanaso  ,  principal  évoque  dos 
arméniens  rnonophysites  ;  par  Paul ,  l'un  do 
leurs  docteurs,  et  par  Sergius,  paiiiarcho  do 
Conslantinople  ,  ami  de  leur  secte.  En  con- 
séquence, Héraclius  publia,  l'an  (530,  un  édit 
pour  faire  recevoir  cetle  doctrine.  Le  mau- 
vais succès  de  sa  politique  prouva  qu'en  ma- 
tière de  foi  il  n'y  a  point  de  tem|)érament  à 
proiiilro,  ni  do  milieu  entre  la  vérité  révélée 
de  Dieu  et  l'horésio. 

Athanaso,  patriarche  d'Anliochc,  etCyrus, 
patriarche  d'Alexandrie,  adoptèrent  sans  ré- 
sistance l'édit  d'Héraclius;  lo  second  assem- 
bla, l'an  G33,  un  concile  dans  lequel  il  le  fit 
recevoir.  Mais  Sophronius,  qui,  avant  d'être 
placé  sur  le  siège  de  Jérusalem,  avait  assisté 
à  ce  concile,  et  s'était  opposé  à  l'accoptatioft 
do  l'édit,  tint,  de  son  côté,  un  autre  concile, 
l'an  634,  dans  lequel  il  fit  condamner  comme 
hérélique  lo  dogme  d'une  seule  volonté  on 
Jésus-Christ.  Il  on  écrivit  nupapo  Honoriu.s. 
Malheureusement  ce  pontife  avait  été  pré- 
venu et  séduit  par  une  lettre  artificieuse  de 
S:'fgius  de  Gonstantinople,  dans  laquelle  ce- 
lui-ci, sans  nier  distinctement  les  deux  vo- 
lontés   en  Jésus-Christ ,    semblait   soutenir 
seulement  qu'elles  étaient  une,  c'est-à-dire 
parfaitement  il'accord  et  jamais  Ofiiiosées  ; 
d'oii  résultait  l'unité  d'opération.  Honorius 
trompé  approuva  cotte  doctrine  par  sa   ré- 
ponse :  on  ne  voit  pas  néanmoins  qu'il  ait 
écrit  à  Soplironius  de  Jérusalem  pour  con- 
damner sa  conduite.  Comme  la  fermeté  do  ce 
dernier  à  condamner  le  monothélisme  était 
applaudie  par  tous  les  catholiques,  l'empe- 
reur Héraclius  ,  pour  faire  cesser  les  dispu- 
tes, ]iidjlia  ,  l'an  639,  un  autre  édit,  appelé 
ecthesis,  ou  exposition  de  la  foi,  que  Sergius 
avait  composé,  par  lequel  il  défendait  d'agi- 
ter la  question  de  savoir   s'il  y  a  une  ou 
doux  volontés  en  Jésus-Christ,  mais  qui  en- 
seignait cependant  qu'il  n'y  on  a  qu'une,  sa- 
voir, la  volonté  du  Verbe  divin.  Cette  loi  fut 
reçue  par  plusieurs  évêquos  d'Orient ,  et  en 
particulier  par  Pyrrhus  de  Constantinople, 
qui  venait  de  succéder  à  Sergius.  Mais  l'au 
née  suivante  ,  le  pape  Jean  IV,  successeur 
d'Honorius,  assembla  un  concile  à  Rome, 
qui  rejeta  Veethèse  et  condamna  les  jnono' 
tliélitcs.  Héraclius,  informé  de  cette  condam- 
nation ,  s'excusa  auprès  du  papo  ,  et  rejetî 
la  faute  sur   Sergius.  La  division  continua, 
donc  comme  auparavant. 

L'an  648,  l'empereur  Constant,  conseillB 
par  Paul  de  Gonstantinople,  morwthélite  com- 
me ses  prédécesseurs .  donna  un  troisième 

29 


909 


MON 


(5dit,  nommé  type  ou  formulaire,  par  lequel 
il  supprimait  Vecthèse,  défondait  d'agiter  dé- 
sormais la  question,  et  ordonnait  le  silence. 
Mais  les  hérétiques,  en  demandant  le  silence, 
ne  le  gardent  jamais  ;  la  vérité  d'ailleurs  doit 
étreprêchée,  et  non  étoufi'ée  par  la  dissimu- 
lation. En  Cii),  le  pape  saint  Martin  1"  tint  k 
Rome  un  concile  de  cent  cinq  évoques,  qui 
condamna  Vecthèse,  le  type  et  le  monothé- 
lisme.  «  Nous  ne  pouvons,  disent  les  Pères 
de  ce  concile,  abjurer  tout  à  la  fois  l'erreur  et 
la  vérité.  »  L'empereur,  indigné  de  cet  af- 
front, s'en  prit  au  pape,  et  fit  attenter  plu- 
sieurs fois  à  sa  vie.  Trompé  dans  ses  projets, 
il  le  fit  saisir  par  des  soldats,  conduire  dans 
nie  de  Naxos,  retenir  prisonnier  pendant  un 
an  ;  ensuite  il  le  fit  transporter  à  Constanti- 
nople,  oîi  le  pape  reçut  de  nouveaux  outra- 
ges; enfin,  reléguer  dans  la  Cliersonèse  Tau- 
rique,    aujourd'hui  la  Crimée,  où  ce  saint 

Fape  mourut  de  misère  et   de  soulfrances, 
an  655.  Cela  ne  servit  qu'à  rendre  les  mo~ 
nothélites   plus  odieux. 

Enfin,  l'empereur  Constantin  Pogonat,  fils 
de  Constant,  par  l'avis  du  pape  Agatlion,  fit  as- 
sembler  àConstantinopIe,  l'an  680,  le  sixième 
concile  œcuménique,  dans  lequel  Sergius, 
Pyrrhus  et  les  autres  chefs  du  monothéUsme, 
même  le  pape  Honorius,  furent  nommément 
condamnés,  et  cette  hérésie  proscrite.  L'em- 
pereur confirma  la  sentence  du  concile  par 
ses  lois.  Dans  cette  assemblée  la  cause  des 
monothélites  fut  défendue  par  ilacaire  d'An- 
tioche  avec  toute  la  subtilité  et  .l'érudition 
possible,  mais  avec  fort  peu  de  bonne  foi  ; 
et  il  n'est  pas  aisé  de  concevoir  ce  que  vou- 
laient ces  hérétiques,  ni  de  savoir  s'ils  s'en- 
tendaient eux-mêmes.  Ils  faisaient  profes- 
sion de  rejeter  l'erreur  des  eutychiens  ou 
nionophysites ,  d'admettre  en  Jésus-Clirist 
la  nature  divine  et  la  nature  humaine  sans 
mélange  et  sans  confusion,  quoique  substan- 
tiellement unies  en  une  seule  personne.  Ils 
avouaient  que  ces  deux  natures  étaient 
entières  et  complètes  l'une  et  l'autre,  revê- 
tues chacune  de  tous  ses  attributs  et  de 
toutes  ses  facultés  essentielles  ,  par  consé- 
quent d'une  volonté  propre  à  chacune ,  ou 
de  la  faculté  de  vouloir,  et  que  cette  fa- 
culté n'était  point  inactive  ou  absolument 
passive.  Us  n'en  soutenaient  pas  moins 
l'unité  de  volonté  et  d'opération  dans  Jésus- 
Christ.  Cette  contradiction  même  démontre 
que  tous  ne  pensaient  pas  de  même  et  ne 
s'entendaient  pas  entre  eux.  Quelques-uns, 
peut-être,  par  unité  de  volonté,  n'entendaient 
rien  autre  chose  qu'un  accord  parfait  entre  la 
volonté  humaine  et  la  volonté  divine  :  ce 
n'était  pas  là  une  erreur  ;  mais  ils  auraient  dû 
s'expliquer  clairement.  D'autres  paraissent 
avoir  pensé  que,  jiar  l'union  substantielle 
des  deux  natures,  les  volontés  étaient  telle- 
ment réduites  en  une  seule,  que  l'on  ne 
pouvait  plus  y  supposer  qu'une  distinction 
méta[)hysique  ou  intellectuelle.  Mais  la  plu- 
part disaient  qu'en  Jésus-Christ  la  volonté 
humaine  n'était  que  l'organe  ou  l'instrument 
uar  lequel  la  volonté  divine  agissait  ;  alors 
la  jiremière  était  absolument  passive  et  sans 


MON  908 

action  ;  car  enfin  c'est  l'ouvrier  qui  agit,  et 
non  l'instrument  dont  il  se  sert.  Dans  cette 
hypothèse,  la  volonté  humaine  n'était  qu'un 
vain  nom  sans  aucune  réalité. 

Les  monothélites  s'étaient  donc  flattés  mal 
à  propos  de  pouvoir  réunir  dans  leur  sys- 
tème les  nestoriens,  les  eutychiens  et  les 
catholiques  ;  quiconque  savait  raisonner  ne 
pouvait  goûter  leur  opinion,  encore  moins 
la  concilier  avec  l'Ecriture  sainte,  qui  nous 
apprend  que  Jésus-Christ  est  vrai  Dieu  et 
vrai  homme,  qui  nous  montre  en  lui  toutes 
les  qualités  humaines  comme  celles  de  la 
Divinité.  Aussi,  après  une  ample  discussion 
de  leur  sentiment  dans  le  sixième  concile 
général,  ils  furent  condamnés  de  toutes  les 
voix;  le  seul  Macaire  d'Antioche  s'y  opposa. 

Ce  concile,  après  avoir  déclaré  qu'il  reçoit 
les  définitions  des  cinq  jiremiers  conciles 
généraux,  décide  qu'il  y  a  dans  Jésus-Christ 
deux  volontés  et  deux  opérations  ;  qu'elles 
sont  réunies  dans  une  seule  personne,  sans 
division,  sans  mélange  et  sans  changement; 
qu'elles  ne  sont  point  contraires,  mais  que 
la  volonté  humaine  se  conforme  entièrement 
à  la  volonté  divine,  et  lui  est  parfaitement 
soumise.  11  défend  d'enseigner  le  contraire, 
sous  peine  de  déposition  pour  les  ecclésias- 
tiques, et  d'excommunication  pour  les  laï- 
ques. Trente  ans  après,  l'empereur  Philip- 
picus-Baidane  prit  de  nouveau  la  défense 
des  monothélites  ;  mais  il  ne  régna  que  deux 
ans.  Sous  Léon  l'Isaurien,  l'hérésie  des  ico- 
noclastes fit  oublier  celle  des  monothélites  ; 
ceux  qui  subsistaient  encore  se  réunirent 
aux  eutychiens.  On  prétend  néanmoins  que 
les  maronites  du  mont  Liban  ont  persévéré 
dans  le  wonoï/iÉ?/isnie  jusqu'au  xi'  siècle.  Ce 
qui  s'est  passé  à  l'occasion  de  cette  hérésie 
a  fourni  aux  protestants  plusieurs  remarques 
dignes  d'attention.  Le  traducteur  de  Mos- 
heim  dit,  1°  que  quand  Héraclius  publia  son 
[iremier  édit,  le  pontife  romain  fut  oublié, 
parce  qu'on  crut  que  l'on  pouvait  se  pas- 
ser de  son  consentement  dans  une  allàire 
qui  ne  regardait  que  les  Eglises  de  l'Orient; 
2'  11  traite  Sophronius,  patriarche  de  Jérusa- 
lem, de  moine  séditieux,  qui  excita  un  af- 
freux tumulte  à  l'occasion  du  concile  d'A- 
lexandrie, de  l'an  633  ;  3°  il  dit  que  le  pape 
Honorius,  écrivant  à  Sergius,  soutint,  comme 
son  opinion,  qu'il  n'y  avait  qu'une  seule  vo- 
lonté et  une  seule  oi)ération  dans  Jésus- 
Christ  ;  4"  que  saint  Martin  1"  ,  en  condam- 
nant dans  le  concile  de  Rome  l'ecthèse 
d'Héraclius  et  le  type  de  Constant,  usa  d'uu 
procédé  hautain  et  impudent  ;  5°  que  les 
partisans  du  concile  de  Chalcédoine  tendi- 
rent un  piège  aux  monophysites,  en  propo- 
sant leur  doctrine  d'une  manière  suscepti- 
ble d'une  double  explication;  qu'ils  montré - 
rentpeu  de  respect  pour  la  vérité,  et  causèrent 
les  plus  fâcheuses  divisions  dans  l'Eglise  el 
dans  l'iitat.  Siècle  vir,  n'  part.  c.  5,  §  4  et 
suiv.  Mosheim,  dans  son  histoire  latine,  est 
beaucoup  moins  emporté  que  son  Iraduc- 
ducleur. 

Sur  la  première  remarque,  nous  deman- 
dons comment  une  nouvelle  hérésie  nais- 


D09 


MON 


MON 


SIO 


santc  pouvait  ne  regarder  que  les  lvj,iises 
d'Orient,  et  si  une  erreur  dans  In  fui  n'inté- 
resse pas  l'Eglise  universelle.  Lorsipie  le 
pape  Jean  IV'  condamna,  dans  le  concile  de 
Rome,  recth(''so  d'Héraclius  ,  cet  em[)erour 
ne  le  trouva  pas  mauvais,  puisipi'il  s'excusa 
et  rejeta  la  faute  sur  Scrgius.  Ce  patriarche, 
ni  celui  d'Alexandrie,  ne  crurent  jias  que 
l'on  pi1t  se  jiasser  du  consentement  du  (iape 
dans  cette  affaire,  puisqu'ils  lui  en  écrivirent, 
afin  d'avoir  son  approbation,  aussi  bien  que 
celui  lie  Jérusalem,  qui  lui  envoya  des  dé- 
putés. Sur  la  seconde,  le  moine  Soplirone 
était  déjîi  évoque  do  Damas,  lorsipi'ii  assista 
au  concile  d'Alexandrie  ;  il  se  jeta  vainement 
aux  pieds  du  palrarche  Cyrus ,  pour  le 
supplier  de  ne  pas  trahir  la  foi  catholique, 
sous  prétexte  d'y  ramener  les  hérétiques. 
Placé  sur  le  siège  de  Jérusalem,  pouvait-il 
se  dis|)enser  de  défendre  cette  même  foi,  et 
de  montrer  les  dangers  de  la  fausse  poli- 
tique des  moHo^/fc'/t/es?  Il  ne  fut  que  trop 
justilié  par  l'événement ,  et  sa  conduite  fut 
pleinement  approuvée  dans  le  sixième  con- 
cile général.  Il  est  singulier  que  nos  cen- 
seurs bl;\ment  également  le  procédé  peu 
sincère  des  monotliélites,  et  la  franchise  de 
Soplirone,  ceux  qui  voulaient  que  l'on  gar- 
d.U  le  silence,  et  ceux  qui  ne  le  voulaient 
pas.  Sur  la  troisième,  nous  n'avons  garde 
de  justilier  le  ))ape  Honorius  ;  mais  nous  ne 
voyons  pas  qu'il  ait  soutenu  ,  comme  son 
0[)inion,  une  seule  volant/  en  Jésus-Christ. 
Nos  censeurs  citent  Bossuet,  Défense  de  la 
Déclaration  (lu  clerqé  de  France,  u'  part., 
1.  xu,  c.  21.  Or,  voici  les  paroles  d'Hono- 
rius  rapportées  par  Bossuet,  c.  22  :  «  Quant 
nu  dogme  de  l'Eglise,  que  nous  devons  te- 
nir et  prêcher,  il  ne  faut  parler  ni  d'une, 
ni  de  deux  opérations,  à  cause  du  peu  d'in- 
telligence des  peuples,  et  atin  d'éviter  l'em- 
l)arras  de  plusieurs  questions  interminables; 
niais  nous  devons  enseigner  (pie  l'une  et 
l'autre  nature  (en  Jésus-Cln-ist)  opère  dans 
un  accord  parfait  avec  l'autre;  que  la  nature 
divine  fait  ce  qui  est  divin,  et  la  natnre  hu- 
maine ce  qui  a[)partient  à  l'humanité.  »  Et 
il  ajoute  «  que  ces  deux  natures  unies  sans 
confusion,  sans  division  et  sans  changement, 
ont  chacune  leur  opération  jiropre.  «  Bos- 
suet n'a  cité  aucun  passa:ïe  d'Honoriusdans 
lequel  il  sOit  l'ail  menlion  à'unescule  volonté'.  A 
la  vérit  ■',  Honorius  n'est  pas  d'accord  avec 
lui-môme,  on  disant  que  les  deux  natures 
en  Jésus-Christ  ont  chacune  leur  opération 
propre,  et  que  cependant  il  ne  faut  point 
parler  de  deux  opérations  ;  mais  il  ne  s'en- 
suit pas  de  là  qu'il  n'ait  admis  qu'une  seule 
volonté  en  Jésus-Christ  ;  il  ne  paraît  pas 
même  que  Sergius,  dans  sa  lettre  k  Hono- 
rius, ait  osé  proposer  cette  erreur. 

Pourquoi  donc,  répliquera-t-on,  le  si- 
xième concile  a-t-il  condamné  les  lettres 
d'Honorius  comme  contiaires  aux  dogmes 
des  apôtres,  des  conciles  et  des  Pères,  et 
comme  conformes  aux  fausses  doctrines  des 
hérétiques  ?  Pourquoi  a-t-il  déci  ié  que  ce 
pape  avait  suivi  en  toutes  choses  le  senti- 
ment  de    Sergiu',   et  avait   continué    des 


dogmes  imiiies?  ce  sont  ses  termes.  Parce 
qu'il  est  en  etfet  contraire  aux  dogmes  des 
a|)ôtres,  des  conciles  et  des  Pères,  de  ne  pas 
professer  la  foi  telle  qu'elle  est,  et  parce 
que  Honorius  a\aiit  tenu  dans  ses  lettres  le 
môme  langage  que  Sergius,  le  concile  a  dâ 
juger  qu'il  pensait  de  même,  (pioique  peut- 
être  il  n'en  lût  rien  (i).  Les  accusateurs 
d'HoïKirius  ont  donc  tort  de  conclure  ou 
(pie  Honorius  a  été  véritablement  hér(Hii|ue, 
ou  (|uo  les  conciles  ne  sont  pas  inlaiilililes  ; 
les  conciles  jugent  des  écrits,  et  non  des 
pensées  intérieures  des  écrivains.  Voy.  Ho- 
norius. 

Sur  la  quatrième  remarque,  nous  soute- 
nons qu'il  y  oui  du  zèle,  du  courage,  do  la 
fermeté,  dans  la  conduite  du  pape  saint 
Martin,  mais  qu'il  n'y  eut  ni  hauteur  ni 
impudence.  Il  s'abstint,  par  respect,  de 
nommer  les  deux  empereurs  dont  il  con- 
damnait les  écrits  ;  cette  condamnation  fut 
souscrite  par  près  de  deux  cents  évoques, 
et  ce  jugement  fut  contirmé  par  le  sixième 
concile  général.  C'est  avec  raison  que  l'E- 
glise honore  ce  saint  pape  comme  un  martyr  ; 
les  cruautés  que  l'empereur  Constant  exerça 
contre  lui  ont  tlétri  pour  jamais  la  mémoire 
de  ce  prince.  Dans  la  cinquième  remarque, 
Mosheim  et  son  traducteur  s'exjiriment 
très-mal,  en  disant  que  les  paitisans  du 
concile  de  Chalcédoine  tendirent  un  piège 
aux  monophysites.  Ce  piège  fut  tendu,  non 
par  les  catholiques,  sincèrement  attachés  à 
ce  concile,  mais  par  les  monolhélites;  il  fut 
imaginé  par  Athanase,  évêque  des  mono- 
physitis;  par  Paid,  docteur  célèbre  parmi 
eux;  par  Sergius  de  Constantinople,  leur 
ami,  et  fut  suggéré  à  l'empereur  Héraclius. 
Ce  sont  donc  ces  personnages,  et  non  les 
catholiques,  (pii  causèrent  les  divisions  et 
les  disiiutes  (pii  s'ensuivirent,  et  ces  sophis- 
tes n'<5taient  rien  moins  que  partisans  du 
concili»  de  Chalcédoine.  La  définition  de  ce 
concile  ne  d.innait  lieu  à  aucune  fausse  ex- 
plication, quand  on  voulait  être  de  bonne 
foi.  K  avait  décidé  qu'il  y  a  dans  Jésus-Christ 
deux  natures,  sans  être  changées,  confon- 
dues ni  divisées  :  or,  une  nature  humaine, 
qui  n'est  pas  changée,  a  certainement  une 
volonté  propre.  Il  fallait  être  d'aussi  mau- 
vaise foi  que  les  monotliélites,  pour  entendre 
qu'il  y  avait  deux  natures,  mais  une  seule 
volonté.  On  voit  par  cet  exemple  de  quelle 
manière  les  protestants  travestissent  l'his- 
toire ecclésiastique. 

MONTANISÏES,  anciens  hérétiques,  ainsi 
appelés  du  nom  de  leur  chef.  Vers  le  milieu 
du  II'  siècle,  Montan,  eunuque,  né  en  Phry- 
gie,  sujet  à  des  convulsions  études  attaques 
d'épilepsie,  prétendit  que  dans  ses  accès  il 
recevait  l'Esprit  de  Dieu  ou  l'inspiralion  di- 
vine ;  se  donna  pour  prophète  envoyé  de 
Dieu  jiour  donner  un  nouveau  degré  de 
perfection  à  la  religion  et  à  la  morale  chré- 
tienne. Dieu,  disait  Montan,  n'a  [las  révélé 

(I)  Il  est  évident  qu'il  n'est  quesllon  ici  que  d'un 
fait  persouiiel,  et  non  d'u[i  fait  dogmaliinip  sur  Iç- 
quoi  un  concile  général  ne  peut  se  tromper.  Voy. 

DOGMATIQLT.S  (faits). 


91  i 


M0^ 


WON 


912 


d'abord  aux  hommes  toutes  les  vérités  ;  il 
a  proportionné  ses  leçons  au  degré  de  leur 
capacité.  Celles  qu'il  avait  données  aux  pa- 
triarches n'étaient  pas  aussi  amples  que 
celles  qu'il  donna  dans  la  suite  aux  Juifs,  et 
celles-ci  sont  moins  étendues  que  celles 
qu'il  a  données  à  tous  les  hommes  par 
Jésus-Christ  et  par  ses  apôtres.  Ce  divin 
Maître  a  souvent  dit  à  ses  disciples  qu'il 
avait  encore  beaucoup  de  choses  à  leur 
enseigner,  mais  qu'ils  n'étaient  pas  encore 
en  état  de  les  entendre.  Il  leur  avait  promis 
de  leur  envoyi-r  le  Saint-Esprit,  et  ils  le  re- 
çurent en  etret  le  jour  de  la  Pentecôte  ;  mais 
il  a  aussi  promis  un  ParacJet,  un  Consolateur, 
(lui  doit  enseigner  aux  hommes  toute  vé- 
rité ;  c'est  moi  qui  suis  ce  Paraclet,  et  qui 
dois  enseigner  aux  chrétiens  ce  qu'ils  ne 
savent  pas  encore.  Environ  cent  ans  après 
Montan,  Manès  annonça  aussi  qu'il  était  le 
Par.iclel  promis  jiar  '  Jésus-Christ  ;  et  au 
seiitième  siècle,  Mahomet  tout  ignorant  qu'il 
était,  se  servit  du  môme  artifice  pour  per- 
suader qu'il  était  envoyé  de  Dieu  pour  éta- 
blir une  nouvelle  religion.  Mais  ces  trois 
imposteurs  sont  réfutés  par  les  passages 
Tnême  de  l'Evangile  dont  ils  abusaient.  C'est 
auxapôti  es  personnellement  que  Jésus-Clirist 
avait  promis  d'envoyer  le  Paraclet,  l'Esprit 
de  vérité,  qui  demeurerait  avec  eux  pour 
toujours,  qui  devait  leur  enseigner  toutes 
choses  (Joan.  iv,  16  et  26  ;  xv,  26).  Si  je  ne 
vous  quitte  point,  leur  dit-il,  le  Paraclet  ne 
viendra  j)as  sur  vous;  mais  si  je  m" en  vais,  je 

vous   l'enverrai Lorsque    cet    Esprit    de 

vérité  sera  venu,  il  vous  enseignera  toute  vé- 
rité (x\i,  7  et  13).  11  était  donc  absurde  d'i- 
maginer un  Paraclet  différent  du  Saint-Esprit 
envoyé  aux  apôtres,  et  de  prétendre  que 
Dieu  voulait  encore  révéler  aux  hommes 
d'autres  vérités  que  celles  qui  avaient  été 
enseignées  par  les  apôtres. 

Montan  et  ses  iiremiers  disciples  ne  chan- 
gèrent rien  h  la  foi  renfermée  dans  le  sym- 
bole; mais  ils  prétendirent  que  leur  morale 
était  beaucoup  plus  parfaite  que  celle  des 
apôtres  ;  elle  était  en  effet  plus  austère  : 
1°  ils  refusaient  pour  toujours  la  pénitence 
et  la  comumnion  à  tous  les  pécheurs  qui 
étaient  tombés  dans  de  grands  crimes,  et 
soutenaient  que  les  prêtres  ni  les  évoques 
n'avaient  pas  le  pouvoir  de  les  absoudre; 
3'  ils  imposaient  à  leurs  sectateurs  de  nou- 
veaux jeûnes  et  des  abstinences  extraordi- 
naires, trois  carêmes  et  deux  semaines  do 
xérophagie,  ])en  iant  lesquelles  ils  s'abste- 
naient, non-seulement  de  viande,  mais  en- 
core de  tout  ce  qui  a  du  jus  ;  ils  ne  vivaient 
que  d'aliments  secs  :  3"  ils  condamnaient 
les  secondes  noces  comme  des  adultères  ;  la 

Earure  des  femmes  comme  une  pompe  dia- 
olique;  la  philosophie,  les  belles-lettres  et 
les  arts,  comme  des  occupations  indignes 
d'un  clirétien  ;  k°  ils  prétendaient  qu'il 
n'était  pas  permis  de  fuir  pour  éviter  la 
persécution,  ni  de  s'en  racheter  en  donnant 
de  l'argent.  Par  cette  affectation  de  morale 
austère,  Montan  séduisit  plusieurs  personnes 
considérables   par  leur    rang  et  par  leu" 


naissance,  on  jiarticulier  deux  oames  nom- 
mées Priscilla  etMaximilla;  elles  adoptèrent 
les  visions  de  ce  fanatiifue,  prophétisèrent 
comme  lui  et  l'imitèrent  dans  ses  prétendues 
extases.  Mais  la  fausseté  des  prédictions  de 
ces  illuminés  contribua  bientôt  à  les  décré- 
diter; on  les  accusa  aussi  d'hypocrisie, 
d'affecter  une  morale  austère  pour  mieux 
cacher  le  dérèglement  de  leurs  mœurs.  On 
les  regarda  comme  de  vrais  possédés;  ils 
furent  condamnés  et  excommuniés  jiar  le 
concile  d'Hiéraple,  avec  Tliéodose  le  Cor- 
royeur.  Chassés  de  l'Eglise,  ils  formèrent 
une  secte,  se  firent  mie  discipline  et  une 
liiérarchie  ;  leur  chef-lieu  était  la  ville  de 
Pépuze  en  Phrygie,  ce  qui  leur  fit  donner 
les  noms  de  Pépuziens,  de  Phrygiens  et  de 
Cataphryges.  Ils  se  répandirent  en  effet 
dans  le  reste  de  la  Phry:^ie,  dans  la  Gfllatie 
et  dans  la  Lydie  ;  ils  pervertirent  entière- 
ment l'Eglise  de  Thyatire  ;  la  religion 
catholique  en  fut  bannie  pendant  près 
de  cent  douze  ans.  Us  s'établirent  à  Con- 
slantinople,  et  se  glissèrent  à  Rome  ;  on 
prétend  qu'ils  en  imiiosèrent  au  pape  Eleu- 
thère,  ou  à  Victor  son  successeur;  que, 
trompé  par  la  peinture  qu'ils  lui  firent  de 
leurs  Eglises  de  Phrygie,  le  pape  leur  donna 
des  lettres  de  communion  ;  mais  qu'ayant 
été  promptement  détrompé,  il  les  révoqua. 
Au  reste,  ce  fait  n'a  pour  garant  que  Ter- 
tullien,  qui  avait  intérêt  à  le  croire.  L.  con- 
tra Prax.,  c.  1. 

En  elfet,  quelques-uns  pénétrèrent  en 
Afrique  :  TertuUien,  homme  d'un  caractère 
dur  et  austère,  se  laissa  séduire  par  la  sé- 
vérité de  leur  morale;  il  poussa  la  faiblesse 
jusqu'à  regarder  Montan  connue  le  Paraclet, 
Priscilla  et  Maximdla  comme  des  prophé- 
tesses,  et  ajouta  foi  h  leurs  visions.  C'est 
dans  ce  préjugé  qu'il  composa  la  plu[)art 
de  ses  traités  de  morale,  dans  lesquels  il 
pousse  la  sévérité  à  l'excès,  ses  livres  du 
Jei'uie,  de  la  Chasteté,  de  la  Monogamie,  de 
la  Fuite  dans  les  persécutions,  etc.  U  donne 
aux  catholiques  le  nom  de  psychiques,  ou 
d'animaux,  peree  qu'ils  ne  voulaient  pas 
pousser  le  rigorisme  aussi  loin  que  les 
montanistes  ;  triste  exemple  des  égarements 
dans  lesquels  peut  tomber  un  grand  génie. 
On  croit-  cependant  qu'à  la  fin  il  se  sépara 
de  ces  sectaires;  maison  ne  voit  pas  qu'il 
ait  condamné  leurs  erreurs.  Elles  furent 
réfutées  par  divers  auteurs  sur  la  fin  du  n" 
siècle  :  par  Miltiade,  savant  apologiste  de 
la  religion  chrétienne  ;  par  Astérius-Urbanus, 
prêtre  catholique  ;  par  Apollinaire,  évêque 
d'Hiéraple.  Eusèbe,  Hist.  ecclés.,  1.  v,  c.  16 
et  suiv.  Ces  éciivains  reprochent  à  Montan 
et  à  ses  propliétesses  les  accès  de  fureur  et 
de  démence  dans  lesquels  ces  visionnaires 
prétendaient  prophétiser  ,  indécence  dans 
laquelle  les  vrais  prophètes  ne  sont  jamais 
tombés  ;  la  fausseté  de  leurs  prophéties  dé- 
montrée par  l'événement;  l'emportement 
avec  lequel  ils  déclamaient  contre  les  pas- 
teurs de  l'Eglise  qui  les  avaient  excom- 
nmniés;  l'opposition  qui  se  trouvait  entre 
leur  morale  et  leurs  mœurs  ;  leur  mollesse 


915 


MON 


MOR 


914 


leur  uiondanili'',  les  artifices  dont  ils  se  ser- 
vaiont  j)Our  extorquer  do  l'argent  do  leurs 
prosélytes,  etc.  Ces  sectaires  se  vantaient 
d'avoir  des  martyrs  de  leur  croyance  ;  As- 
térius-Urhanus  leur  soutint  qu'ils  n'en 
avaient  jamais  eu;  que,  parmi  ceux  qu'ils 
citaient,  les  uns  avaient  donné  de  Tarifent 
[lour  sortir  de  prison,  les  autres  avaient  été 
condauuiés  pour  des  ci'iuies. 

En  1751,  un  pnilestant  a  [luhlié  un  nu'- 
moiro  dans  lequel  il  a  voulu  prouver  que  les 
moiitunisles  avaient  été  condamnés  comme 
li('rétiques,  assez  mal  ;i  propi is.Moslieim sou- 
tient (jue  cetio  coiuianmation  est  juste  et 
légitime,  1°  (larco  que  c'était  une  eireur 
très-répréliensihle  de  prétondre  enseigner  une 
morale  plus  parfaite  que  celle  de  Jéstis- 
Christ;  2°  c'en  élait  une  autre  de  vouloir 
liersuader  que  Dieu  môme  parlait  jiar  la 
bouche  de  Montan;  3"  parce  que  ce  sont 
j)lutftt  les  tnontanistcs  ciui  se  sont  séparés 
de  l'Eglise ,  que  ce  n'est  l'Eglise  qui 
les  a  rejetés  de  son  sein;  c'était  de  leur 
part  un  orgueil  insupportable  de  prétendre 
loruier  une  société  plus  parfaite  que  l'Egliso 
do  Jésus-Christ,  et  d'appeler  pst/chùfues , 
ou  animaux,  les  membres  de  cette  sainte 
société.  Il  est  étonnant  qu'en  condanuiont 
ainsi  les  7nonlanislc.<!,  Mosheim  n'ait  pas  vu 
([u'il  faisait  le  procès  à  sa  |iro|ire  secte. 
Pour  les  disculper  un  peu,  il  dit  qu'au  ii° 
siècle  il  y  avait  parmi  les  chrétiens  deux 
sectes  do  moialistes;  les  uns,  modérés,  ne 
bl.lmaient  point  ceux  qui  menaient  une  vie 
commune  et  ordinaire;  les  autres  voulaient 
(pu'  l'on  observât  quelque  chose  de  plus  (pie 
ce,(pie  les  apôtres  avaient  ordonné  ;  et  en  cel.i, 
dit-il,  ils  ne  dill'éraient  pas  beaucoup  divs 
moiilunistes.  C'est  une  fausseté.  Plusieurs, 
h  la  vérité,  conseillaient,  exhortaient,  re- 
couunandaient  la  pratique  des  conseils  évau- 
géliques,  mais  ils  n'en  faisaient  une  loi  à 
jiei  sonne  ;  en  quoi  ils  pensaient  Irès-ditfé- 
remment  des  montanistes.  Mosheim  olxserve 
encore  que  ces  derniers  rendaient  les  chré- 
tiens, en  général  odieux  aux  païens,  parce 
qu'ils  prophétisaient  la  ruine  prochaine  de 
l'euipire  romain  ;  mais  il  a  tort  d'ajouter 
([ue  c'était  l'oiùnion  comnuuie  des  chré- 
tiens du  II'  siècle.  IlUt.  christ.,  sœc.  ii,  §  66 
et  G".  Voy.  Fin  du  monde. 

H  se  forma  dilfi'renles  branches  de  mon- 
tanistcs.  Saint  î'piphane  et  saint  Augustin  par- 
lent des  arloli/riies,  ainsi  nonuné  de  âpToç, 
pain,  et  de  tv^o;  ,  fromage,  parce  que,  pour 
consacrer  l'eucharistie,  ifs  se  servaient  de 
pain  et  de  fromage,  ou  |)eul-ètre  de  nain 
pétri  avec  du  fromage,  alléguant  jwur  laison 
que  les  premiers  hommes  otl'i  aient  .'i  Dieu 
non-seuleiiien'  les  fruits  de  la  terre,  mais 
cucoie  les  prémices  du  fruit  de  leurs  trou- 
p.eaux.  Ils  admetlaieiU  les  femmes  à  la  prê- 
trise et  à  ré[)iscopat,  leur  permettaient  de 
pailor  et  de  faire  les  prophétesses  dans 
leurs  .•isseuililées.  Saint  Epi|iliane  les  nom- 
me encore  priscillicns,  pcpuznns  et  quinlil- 
livns.  D'autres  étaient  nomaiés  ascitcs,  du 
mot  «Txoç,  outre,  sac  de  peau,  ]!arce  que 
leurs  asseoibléeâ  étaient  des  espèces  de  bac- 


chanales ;  ils  dansaient  autour  d'une  peau 
enllée  eu  forme  d'outre,  en  disant  qu'ils 
étaient  les  vases  remplis  du  vin  nouveau 
dont  parle  Jésus-Christ  [Malth.  iv,  17).  Il 
n'y  a  aucune  raison  de  les  distinguer  de 
ceux  que  l'on  appelait  ascodrutes,  ascodru~ 
pitc.t,  ou  tascodruçiiles.  Ceux-ci,  dit-on,  re- 
jetaient l'usage  des  sacrements,  mémo  du 
baptême;  ils  disaient  (jue  des  grAces  in- 
corporelles ne  peuvent  être  communiquées 
par  des  choses  corpoi'elles,  ni  les  mystères 
divins  par  des  éléments  visibles.  Ils  faisaient 
consister  la  rédemption  parfaite,  ou  la  sanc- 
tification dans  la  connaissance,  c'est-à-diro 
dans  l'intelligence  des  mystères  tels  qu'ils 
les  entendaient.  Ils  avaient  adopté  une  par- 
tie des  rêveries  des  valentiniens  et  des  mar- 
cosiens.  11  paraît  que  les  tascodruç/ites  étaient 
encore  les  mêmes  que  les  passalorynchilcs 
ou  pettalorynchites,  ainsi  nommés  de  Trào-o-a^of, 
ou  7r«rT«>o;,  pieu,  et  do  f'tv,  nez,  parce  qu'eu 
priant  ils  mettaient  leur  doigt  dans  leur 
nez,  comme  un  pieu,  pour  se  fermer  la 
bouche,  s'imposer  silence  et  montrer  plus 
de  recueillement.  Saint  Jérênie  dit  que,  de 
son  temps,  il  y  en  avait  encore  dans  la  Galatie, 
Ce  fait  est  ))rouvé  par  les  lois  que  les  em 
pereurs  portèrent  contre  ces  hérétiques  au 
commencement  du  v'  siècle.  Cad.  Théod.,  c. 
6.  Il  n'est  point  d'absurdité  que  l'on  n'ait 
dû  attendre  d'une  secte  qui  n'avait  d'autre 
fondement  que  le  délire  de  l'imagination, 
ni  tl'autie  règle  que  le  fanatisme.  Il  est 
étonnant  que  l'excès  du  ridicule  ne  l'ait 
pas  anéantie  ])lus  promptement.  Tillemont, 
jWm.,  t.  II,  p.  418. 

MORALE  (1),  règle  des  mœurs  ou  des  ac- 
tions humaines.  L'hounne,  ôire  intelligent  et 
libre,  capable  d'agir  pour  une  lin  ,  n'est  pas 
fait  |;our  se  conduire  j^ar  l'instinct  ou  par 
l'impulsion  du  tempérament,  connue  les  bru- 
tes qui  n'ont  ni  intelligence  ni  liberté  ;  il 
doit  donc  avoir  une  inorale,  une  règle  de 
conduite.  La  grande  question  entre  les  phi- 
losophes incrédules  et  les  théologiens,  est 
de  savoir  s'il  peut  y  avoir  une  morale  so- 
lide et  capable  de  diriger  l'homme,  indé- 
pendamment de  la  religion  ou  de  la  croyance 
d'un  Dieu  législateur,  vengeur  du  crime  et 
rémunérateur  de  la  vertu.  Nous  soutenons 
qu'il  n'y  en  a  point,  et  qu'il  ne  peut  pas  y 
en  avoir;  malgré  tous  les  efforts  qu'ont  faits 
les  incrédules  modernes  pour  en  établir  une, 
ils  n'y  ont  pas  réussi,  et,  pour  les  réfuter 
complètement,  nous  pourrions  nous  conten- 
ter de  leur  opposer  les  aveux  qu'ils  ont  été 
forcés  de  faire. 

1"  Prendrons-nous  pour  règle  de  morale, 
la  raison  ?  Elle  est  à  peu  près  nulle  sans 
l'éducation  ;  il  est  aisé  d'estimer  de  quel 
degré  de  raison  serait  susceptible  un  sau- 
vage abandonné  dès  sa  naissance,  qui  au- 
rait vécu  dans  les  forêts  parmi  les  animaux; 
il  leur  ressemblerait  plus  qu'à  une  créa- 
ture humaine.  Qu'est-ce,  d'aill  -urs,  que  l'é- 
ducation? Ce   sont  les   le>^:ons  et  les  exem- 

(1)  Votj.,  pour  avoir  de  plus  amples  iléveloppe- 
nienis,  notre  Dict.  de  Thcol.  mor.,  surtout  l'inlro- 
duciion. 


9IS 


MOR 


MOR 


91(1 


pies  de  nos  semblables  ;  s'ils  sont  oons, 
justes  et  sages,  ils  perfectionnent  la  raison; 
s'ils  ue  le  sont  pas,  ils  la  dépravent.  Où  s'est- 
il  trouvé  un  homme  qui  ait  eu  une  intel- 
ligence assez  étendue  et  une  âme  assez  ferme 
pour  se  défaire  de  tous  les  préjugés  de  l'en- 
fance, pour  oublier  toutes  les  instructions 
qu'il  avait  reçues,  pour  heurler  de  front 
toutes  les  opinions  de  ceux  avec  lesquels 
il  était  forcé  de  vivre?  Nos  philosophes  ont 
voulu  faire  parade  de  ce  courage  ;  mais 
voyez  si  c'est  la  raison  qui  les  a  conduits 
plutôt  que  la  vanité,  et  si  leur  conduite 
est  fort  diti'érente  de  celle  des  autreshommes. 
Ils  ont  dit  eux-mêmes  que  rien  n'est  plus 
rare  que  la  raisun  cliez  les  hommes,  que 
le  très-grand  nombre  sont  des  cerveaux  mal 
organisés,  incapables  de  penser,  de  réfléchir, 
d'agir  conséquemment  ;  que  tous  sont  con- 
duits par  l'habitude,  par  les  préjugés,  par 
l'exemple  de  leurs  semblables,  et  non  jjar'  la 
raison.  La  question  est  donc  de  savoir  com- 
ment, pour  former  un  bon  système  de  mo- 
rale, on  donnera  au  genre  humain  un  degré 
de  raison  dont  il  ne  s'est  pas  encore  trouvé 
susceptible  depuis  la  créition.  La  raison  est 
offusquée  et  contiedite  par  les  passions.  La 
première  chose  à  faire  est  de  prouver  h  un 
hommesansreligion  qu'il  est  obligé  d'obéir  à 
l'un  plutôt  qu'aux  autres  ;  qu'en  suivant 
la  raison  il  trouvera  le  bonheur,  qu'en  se 
laissant  dominer  par  une  passion  il  court 
à  sa  perte.  Jusqu'à  présent  nous  ne  voyons 
pas  que  cela  soit  fort  aisé.  A  force  de  rai- 
sonner, les  sceptiques,  les  cyniques,  les 
cyrénaïques  et  d'autres  grands  philosophes 
prouvaient  doctement  que  rien  n'est  en  soi 
bien  ou  mal,  juste  ou  injuste,  vice  ou  voitu; 
que  cela  dépend  absolument  de  l'opinion 
des  hommes,  à  laquelle  un  sage  ne  doit 
jamais  se  conformer;  d'oii  il  s'ensuivait 
clairement  que  toute  morale  est  absurde. 
Sans  avoir  besoin  de  l'avis  des  philoso- 
phes, il  ne  s'est  jamais  trouvé  d'homme 
passionné  qui  n'ait  allégué  des  raisons  pour 
justifier  sa  conduite,  et  qui  n'ait  prétendu 
qu'en  faisant  ce  qui  lai  plaisait  le  plus,  il  a 
écouté  la  voix  de  la  nalure.  De  là  les  acadé- 
miciens concluaient  que  la  raison  est  jilutùt 
pernicieuse  qu'utile  aux  hommes, puisqu'elle 
ne  leur  sert  qu'à  commettre  des  primes  et  à 
trouver  des  prétextespourles  justifier.  Cicer., 
de  Nat.  Deor.,  1.  m,  n.  65  et  suiv.  Ceux  d'au- 
jourd'hui ont  enseigné  que  les  passions  sont 
innocentes,  et  la  raison  coupable  ;  que  les 
passions  seules  sont  coupables  de  nous  por- 
ter aux  grandes  actions  ,  par  c  >nséquent 
aux  grandes  vertus  ;  que  le  sang-froid  de  la 
raison  ne  peut  servir  qu'à  faire  des  hom- 
mes médiocres,  etc.  Nous  voilà  bien  dispo- 
sés à  nous  lier  beaucoup  à  la  raison  en  fait  de 
morale. 

2°  Nous  trouverons  peut-être  une  meil- 
leure ressource  dans  le  sentiment  moral, 
dans  cette  espèce  d'instinct  qui  nous  fait 
admirer  et  estimer  la  vertu,  et  détester  le 
crime.  Mais  sans  contester  la  réalité  de  ce 
«entimeut,  n'avons-nous  pas  les  mêmes  re- 
proches  à  lui  faire  qu'à  la  raison?  Il  est 


à  peu  près  nul  sans  l'éducation;  il  est 
peu  développé  dans  la  plupart  des  hommes, 
il  diminue  pou  à  peu,  et  s'éteint  presque  en- 
tièrement par  l'habitude  du  crime.  Nos  phi- 
losophes nous  disent  qu'il  y  a  des  hom- 
mes si  pervers  par  nature,  qu'ils  ne  peu- 
vent être  heureux  que  par  des  actions  qui 
les  conduisent  au  gibet  ;  il  faut  donc  que 
le  sentiment  moral  soit  anéanti  chez  eux, 
et  que  la  voix  de  leur  conscience  ne  se 
fasse  plus  entendre.  Ont-ils  encore  des  re- 
mords après  le  crime?  Nous  n'en  savons 
rien  :  quelques  matérialistes  nous  assurent 
que  les  scélérats  consommés  n'ont  jilus  de 
remords.  Quand  ils  en  auraient,  cela  ne 
sutTirait  pas  pour  fonder  la  morale;  celle-ci 
doit  servir,  non-seulement  à  nous  faire  re- 
pentir d'un  crime  commis ,  mais  à  nous 
empêcher  de  le  commettre.  Un  goût  décidé 
pour  la  vertu  ne  s'acquiert  que  par  l'ha- 
bitude de  la  pratiquer;  et  pour  l'aimer  sin- 
cèrement il  faut  déjà  être  vertueux  :  par 
quel  ressort  sera  mû  celui  qui  ne  l'est  pas 
encore  ? 

3"  Par  les  lois,  disent  nos  profonds  raison 
neurs,  par  la  crainte  des  supplices,  et  par 
l'espi'ir  des  récompenses  que  la  société  peut 
établir  :  l'homme  en  général  craint  plus  lo 
gibet  que  les  dieux.  Mais  combien  de  lois 
absurdes,  injustes,  pernicieuses,  chez  la  plu- 
part des  peuples  I  Les  lois  sont  impuissantes 
sans  les  niœiirs;  plus  elles  sont  multipliées 
chez  une  nation,  jdus  elles  y  supposent  de 
corruption.  Les  esprits  rusés  savent  les  élu 
der,  et  les  hommes  puissants  peuvent  im 
punément  les  braver  ;  il  en  a  été  de  même 
dans  tous  les  temps  et  chez  toutes  les  na- 
tions. Une  action  peut  être  blâmable,  sans 
mériterpourcela  des  peines  afiliclives.  Où  est 
le  législateur  assez  sage  pour  prévoir  toutes 
les  fautes  dans  lesquelles  la  fragilité  humaine 
peut  tomber,  pour  statuer  le  degré  de  pu- 
nition qui  doit  y  être  attaché,  pour  deviiifT 
tous  les  motifs  qui  jicuvent  rendre  un  délit 
plus  ou  moins  digne  de  châtiment?  L'hom- 
me est-il  donc  fait  peur  être  uniciuement 
gouverné,  comme  les  brutes,  par  la  verge 
et  le  bâton  ?  Aucune  société  n'est  assez 
puissante  pour  récompenser  tous  les  actes 
de  vertu  qui  peuvent  être  faits  par  ses 
membres  ;  plus  les  récompenses  sont  com- 
munes, plus  elles  perdent  de  leur  prix. 
L'intérêt  dégrade  la  vertu,  ef  l'hypocrisie 
peut  la  contrefaire  ;  souvent  l'on  a  récom- 
pensé des  actions  que  l'on  aurait  punies,  si 
l'on  eu  avait  connu  les  motifs.  Les  hommes 
ont  la  vue  trop  faible  pour  démêler  ce  qui 
est  véritablement  digne  de  louange  ou  de 
blâme;  ils  sont  trop  sujets  aux  préventions 
et  à  l'erreur.  Si  les  distributeurs  des  récom- 
penses sont  vicieux  et  cai-rompus,  quel  fond 
pourra-t-on  faire  sur  leur  jugement?  Ce  n'est 
qu'en  appelant  au  tribunal  de  la  justice 
divine  que  la  vertu  peut  se  consoler  d'être 
oubliée,  méconnue  et  sauvent  persécutée  en 
ce  monde. 

4°  Dire  que  la  crainte  du  blâme  et  le 
désir  d'être  estimés  de  nos  semblables  suffi- 
sent pour  nous  détourner  du  crime  et  nous 


9i7  MOR 

porter  ii  la  vertu,   c'est  retomber  dans  les 
mômes  inconvéïiieiits.  Non-seulement   chez 
les  nations  barbares  on  loue  et  or.  estime 
des  actions  contraires  ;»  la  loi   nalurelle,  et 
l'on  méprise   la  plupart   des  vertus  civiles, 
mai-s  ce  désordre  se  trouve  chez  les  peuples 
les  plus  polici's.  La  justice  d'Aristide  fut  pu- 
nie |iar   l'ostracisme,  et  la  franchise  de  So- 
crate  par  la  ciguë  ;  les  Uomains  ne  faisaient 
cas  que  de  la  ft'rocité  jAUcrrière;   personne 
n'était  bl.lmé    pour   avoir    ôté  la   vie   h  un 
esclave.  Parmi  nous  le  meurtre  est  commandé 
par  le  point  d'huuueur.  et  quiconque  le  re- 
fuse est  censé  un  hklie;  aucune  dette  n'est 
sacrée,  à  rcxccpliori  de    celle  du.jeu,    etc. 
Nous  ne    Unirions  pas  s'il    nous  fallait  faire 
l'énumérnlion   de  tous  les  vices  qui  no  dés- 
îionorent  point,   et  de  toutes  les  vertus  dont 
on  ne   sait   s'é  i»  personne.  L'opinion  des 
honmies  à-t-elli;  donc  le  pouvoir  de  chanj^er 
la  n;iture  desclioses,  eilamoralc  doit-elle  étr(! 
aussi  variable  que  les  modes?  Je  fais   plus 
de  cas,   dit  Cicéron,  du  témoignage  de  ma 
conscience  que  de  celui  de  tous  les  honuues. 
Un  sa^e,  plus  ancien  et  plus  respectable  que 
lui,   pensait  encore  mieux  ;  il  disait  :  «  .Mon 
témoin  est  dans   le  ciel;    lui   seul   est  Ta r- 
bitre  de  mes  actions   {Job,   xvi,  20).    Si  la 
gloire   et  l'intérêt  sont  les  seuls  ressorts  qui 
nous  déterminent,  pourouoi   donc  ceux  qui 
agissent  par  ces  motifs  tont-ils  ce  qu'ils  peu- 
vent pour  les  cacher? 

5°  Enfin,   lorsque  Jésus-Christ  vint  sur  la 
terre,  il  y  avait  cinq  cents  ans  que  les  phi- 
losophes fondaient  la  morale  sur  ces  mêmes 
motifs,    que    leurs    successeuis     regardent 
comme    seuls  solides   et  suffisants.  On  sait 
les  prodiges   qu'avait   opérés    cette   morale 
philoso|)hique,   et  en  ([uel  état  les  mœurs 
étaient  pour  lors.  C'est    en  comiiarant    ses 
effets  avec  ceux  que  produisit  la  morale  di- 
vine   de  Jésus-Christ,  que   nos  apologistes 
ont  fermé  la  bouche  aux  philosophes  détrac- 
teurs  du   christianisme.    La  religion    seule 
peut  rectifier  tous  ces  motifs  jiroiiosés  jiar 
la  philosophie,  et  leur  donner  un  poids  qu'ils 
n'ont  lias   par  eux-mêmes.    C'est  la  raison, 
i'er.tends  la  raison  cultivée    et  droite,   qui 
nous  déraontro    que    l'homme    n'est    point 
l'ouvrage  du  hasard,  mais  d'un  Dieu  intelli- 
gent,  sage  et  bon,    qui  a  créé  nus  facultés 
telles  qu'elles   sont.  C'est  donc  lui  qui  nous 
a  donné,    uon-seulement   l'instinct   comme 
aux   brutes,  mais  la  faculté  de  réfléchir    et 
deraisoimer.  Puisque  c'est  par  là  qu'il  nous 
a  distingués   des  animaux,  c'est  donc  par  là 
qu'il  veut  nous  conduire  ;  nous  ne  pouvons 
résister  aux    lumières  de  la  raison  sans  ré- 
sister   à  la    volonté  du  Créateur.  Si  elle  se 
trouve  Ircs-boruée  dans  la  plupart  des  hom- 
mes,   si  elle    est  dépravée   dans   les  autres 
par  les  leçons  de  l'enfance,  Dieu,  qui  est  la 
justice  même,  ne  punit   point   en    eux  l'i- 
i^norance  invincible  ni  l'erreur  involontaire  ; 
il  n'exige    d'eux  que  la  docilité  k  recevoir 
de  meilleures  leçons,  lorsqu'il  daignera  les 
leur  procurer.   Si  c'est  l'homme   lui-même 
qui  pervertit   sa   raison   par  l'habitude   du 
crime,   il   n'est  plus    excusable.  11  en   est 


Mon 


913' 


de    même   du  sentiment   moral,  du  témoi- 
gnage que  la  conscience  nous   rend    de  nos 
propres  actions,  des  remords  causés  par  lo 
crime,    de  la  jùtié  qui  nous   fait   compatir 
aux   maux    d'aulrui ,   de  l'atlmiration   que 
nous   inspire  une   belle    action,   etc.    C'est 
Dieu  qui   nous  a  donné    cette  espèce  d'in- 
stinct; sans  cela,  il  ne  prouverait  rien;  nous 
en  serions  quittes  pour  l'étouffer  :  dès  qu'il 
est  le   signe  de   la   volonté   de  notre  sou- 
verain maître,   il  nous   impose   lui  devoir, 
une   obligation  won//c  ;  j   résister,    c'est  so 
rendre  couitable.  Dieu  déclare  que  les  mé- 
chants  ne    viendront   jamais    à    bout  de  so 
délivrer   des   remords  :  Quand  ils  iraient  se 
cacher  au  fond  de  la  mer,  f  enverrai  le  serpent 
les  déchirer  par  ses  morsures.  Amos,  c.  ix,  v. 
3.  «  Qui  a   trouvé    la   paix  en  résistant    à 
Dieu?  »  Job.  c.  ix,  v.  4.  Aucun  homme    n'a 
eu  de  remords  d'avoir  fait  une  bonne  action, 
aucun  ne  s'est  cru  louable  pour  avoir  satis- 
fait une   passion.  Les  passions  tendent  à  la 
destruction  de  l'homme,  et  non  h  sa  conser- 
vation;   un   naturaliste   l'a    tiémontré.     De 
l'homme,  pnrMarat,  tom.  11,1.  in,  p.  47.  11  est 
donc   faux  que    les  passions   soient  la  voix 
de   la  nature.  D'ailleurs,  que  nous   importe 
la  nature,    si  ce  n'est  pas  Dieu  qui  en  est 
l'auteur? 

Dieu,  sans  doute,  a  destiné  l'homme  à 
vivre  en  société,  puisqu'il  lui  en  a  donné  l'in- 
clination, et  qu'en  vivant  is;dé  il  ne  peut  ni 
jouir  des  bienfaits  de  la  n;iture,  ni  perfection- 
ner ses  facultés  :  or,  la  société  ne  peut  sub- 
sister sans  lois.  .Mais  s'il  n'y  avait  pas  une 
loi  naturelle  qui  ordonne  à  l'homme  d'obéir 
aux  lois  civiles,  colles-ci  ne  seraient  plus 
(jue  la  volonté  des  p'us  forts  exercée  contre 
](>s  faibles;  elles  ne  nous  imposeraient  pas 
plus  d'obligation  wora/e  que  la  violence  d'un 
eiuiemi.  jilus  fort  que  nous.  Si  elles  sont 
évidemment  injustes,  la  loi  naturelle  les  an- 
nule; un  citoyen  vertueux  doit  subir  la 
mort  plutôt  que  de  commettre  un  ciime  or- 
donné par  les  lois.  Lorsque  des  particuliers 
sans  titre  et  sans  mission  s'avisent  de  dé- 
clamer contre  les  lois  de  la  société  et  s'éri- 
gent en  réformateurs  de  la  législation,  ce 
sont  des  séditieux  qu'd  faut  punir  :  quel 
crime  est  commandé  par  nos  lois?  Les  ré- 
compenses que  la  société  peut  accorder  ne 
sont  pas  assez  grandes  pour  payer  la  vertu 
dans  toute  sa  valeur  ;  il  lui  on  faut  de  plus 
duraljles,  et  qui  la  rendent  heureuse  pour 
toujours.  Dès  qu'elle  est  sûre  de  les  obtenir 
d'un  Dieu  juste,  peu  lui  importe  que  les 
liommes  la  méconnaissent,  la  méprisent  ou 
la  punissent  :  leurs  erreurs  et  leurs  injustices 
lui  donnent  un  nouveau  droit  aux  biens  de 
l'éternité. 

Mais  il  n'est  pas  vrai  que  la  religion  dé- 
fende à  l'homme  vertueux  d'être  sensible 
au  point  d'honneur,  à  la  louange  et  au  blû- 
mo,  aux  peines  et  aux  récompenses  tem{)0- 
rolles ,  à  la  satisfaction  d'avoir  fait  son 
devoir.  Elle  lui  ordonne,  au  contraire,  de  se 
faire  une  bonne  réputatitin,  de  la  préférer  à 
tous  1  s  biens  de  ce  moi.Je;  ollo  averîit  les 
méchants  que  leur  nom  sera  effacé  de  la  mé- 


ai9 


MOR 


MOR 


920 


nioiro  des  nommes,  ou  déteste  par  la  posté- 
rité (Prop.  XXII,  1;  Eccl.  xxxix,  13;  xu, 
15;  xLiv,  1,  etc.).  La  religion  lui  défend  seu- 
îenient  d'envisager  ces  avantages  comme  sa 
récompense  principale,  d'y  attacher  trop  de 
prix,  de  se  dégoûter  de  la  vertu  lorsqu'ils 
viennent  à  liri  manquer,  de  commettre  un 
crime  pour  les  obtenir.  Jésus-Christ  lui- 
même  nous  firdonne  de  faire  luire  la  lumière 
aux  yeux  des  hommes,  afin  quils  voient 
nos  bonnes  œuvres,  et  glorifient  le  Père  cé- 
leste {Matth.  y,  16).  Saint  Pierre  nous  fait  la 
»iême  leçon  (/  Petr.,  ii,  12  et  15,  etc.).  Elle 
ne  contredit  point  ce  qui  est  dit  ailleurs, 
qu'il  faut  être  humble  et  modeste,  cacher 
nos  bonnes  œuvres,  rechercher  les  humi- 
liations, et  nous  en  réjouir,  parce  qu'ils  y  a 
des  circonstances  dans  lesquelles  il  faut  le 
faire.  Voy.  Humilité. 

La  morale,  disent  nos  adversaires,  doit 
être  fondée  sur  la  nature  môme  de  l'homme, 
et  non  sur  la  volonté  de  Dieu;  la  première 
ïious  est  connue,  la  seconde  est  un  mystère  : 
comment  connaître  la  volonté  d'un  Etre  in- 
compréhensible ,  duquel  nous  ne  pouvons 
pas  seulement  concilier    les   attributs?  En 
voulant  lier  la  morale  à  la  religion,  l'on  est 
venu  k  bout  de  les  dénaturer  l'une  et  l'autre  ; 
la  première  s'est  trouvée  assujettie  à  toutes 
les  rêveries  des  imposteurs.  Quelques-uns 
de  nos  philosophes  ont  poussé  la  démence 
jusqu'à  dire  que  l'on  ne  peut  désormais  jeter 
ks  fondements  d'une  morale  saine  nue  sur 
la  destruction   de  la  plupart  des  religions. 
Nous    convenons   que  la    morale  doit  être 
fondée  sur  la  nature  de  l'homme,  mais  telle 
que  Dieu  l'a  faite,  et  non  telle  que  les  incré- 
dules la  conçoivent.  Si  les  hommes  sont  de 
même  nature  que  les  brutes,  ont  la  môme 
origine  et  la  même  destinée,  on  peut  fonder 
sur  cette  nature  la  morale  des  brutes ,   et 
rien  de  plus.  C'est  de  la  constitution  môme 
de  notre  nature,  telle  que  nous  la  sentons, 
que  nous  concluons  évidemment  quelle  est 
la  volonté  de  Dieu,  et  quelles  sont  les  lois 
qu'il  nous  impose.  Quand  Dieu  serait  encore 
cent  fois  plus  incompréhensible,  toujours 
est-il  démontré  que  c'est  un  Etre  sage,  et 
incapable  de  se  contredire;  il  ne  nous  a  donc 
pas  donné  la  raison,  le  sentiment  moral,  la 
conscience ,  pour    que  nous    n'en  lissions 
aucun  usage.  S'il  nous  adonné  des  passions 
qui  tendent  à  nous  conserver  lorsqu'elles 
sont  modérées,  il  n'approuve  pas  pour  cela 
leur  excès,  qui  tend  à  nous  détruire  et  à 
troubler  l'ordre  de  la  société.  Il   est  donc 
absurde   de  prétendre   que   la  volonté    de 
Dieu  nous  est  plus  inconnue  que  la  consti- 
tution môme  de  l'humanité.  La  vraie  religion 
n'est  pas  plus  responsable  des  rêveries  des 
im'posteurs  en  fait  de  morale  qu'en  fait  de 
dogme  ;  mais  il  n'est  point  d'imjiosteur  plus 
odieux  que  ceux  qui  nous  parlent  de  morale, 
lorsqu'ils   en   détruisent   jusqu'aux  fonde- 
ments, et  qui  nous  vantent  leur  système 
sans  avoir  posé  la  première  pierre  de  l'édi- 
fice. 1-1>  ne  sont  pas  encore  convenus  entre 
eux  de  savoir  si  l'homme  est  esprit  ou  ma- 
tière ,  et  ils  prétendent  assujettir  tous  les 


peuples  à  une  morale  qui  ne  sera  bonne  que 
pour  les  brutes  et  pour  les  matérialistes. 
Qu'ils  commencent  donc  par  convertir  tout  le 
genre  humain  au  matérialisme.  Lorsqu'ils 
disent  qu'en  voulant  lier  la  morale  à  la  reli- 
gion l'on  a  dénaturé  l'une  et  l'autre,  ils  se 
montrent  très-mal  instruits  ;  c'est  au  con- 
traire en  voulant  les  séparer  que  les  anciens 
philosophes  ont  perverti  l'une  et  l'autre.  Il 
est  constant  que  de  tous  les  moralistes  de 
l'antiquité,  les  meilleurs  ont  été  les  pytha- 
goriciens :  or,  ils  fomlaient  la  morale  et  les 
lois  sur  la  volonté  de  Dieu.  Toutes  les  sectes 
qui  ont  fait  profession  de  mépriser  la  reli- 
gion se  sont  déshonorées  par  une  tnoraledé 
testable  ;  il  en  est  de  même  de  nos  philoso- 
phes modernes. 

Une  autre  question  est  de  savoir  si  l'hommo 
est  capable,  par  la  seule  lumière  naturelle, 
de  se  faire  un  code  de  morale  pure,  com- 
plète, irrépréhensible,  ou  s'il  lui  a  fallu  pour 
cela  les  lumières  de  la  révélation.  La  meil- 
leure manière  de  la  résoudre  est  de  consul- 
ter l'événement,  de  voir  si,  depuis  la  création 
jusqu'à  nous,  il  s'est  trouvé  dans  le  monde 
une  nation  qui  ait  eu  ce  code  essentiel,  sans 
avoir  été  éclairée  par  aucune  révélation  ; 
nous  la  cherchons  inutilement,  et  les  incré- 
dules ne  peuvent  en  citer  aucune.  La  preuve 
de  la  nécessité  d'un  secours  surnaturel  à 
cet  égard  est  confirmée  par  la  comparaison 
que  1  on  peut  faire  entre  la  morale  révélée 
aux  patriarches,  aux  juifs,  aux  chrétiens,  et 
la  morale  enseignée  par  les  philosophes. 
Pour  les  deux  premières,  voy.  Religion 
PRIMITIVE,  Judaïsme,  Loi  ancienne  ;  nous 
allons  parler  des  deux  dernières. 

Morale  chrétienne  ou  évangélique.  Dans 
les  articles  Christianisme  et  Jésus-Christ, 
nous  n'avons  pu  parler  qu'en  jiassant  de  la 
morale  chrétienne  ;  nous  sommes  donc  obli- 
gés d'y  revenir,  et  de  répondre,  du  moins 
sommairement,  aux  reproches  que  les  incré- 
dules lui  ont  faits. 

Jésus-Christ  a  réduit  toute  la  morale  à 
deux  maximes  :  à  aimer  Dieu  sur  toutes 
choses  et  le  prochain  comme  nous-mêmes  ; 
règle  lumineuse ,  de  laquelle  s'ensuivent 
tous  les  devoirs  de  l'homme.  Voy.  Amour. 
Mais  ce  divin  législateur  ne  s'est  pas  borné 
là;  par  les  détails  dans  lesquels  il  est  entré, 
il  n'est  aucune  vertu  qu'il  n'ait  recomman 
dée,  aucun  vice  qu'il  n'ait  proscrit,  aucune 
passion  de  laquelle  il  n'ait  montré  les  suites 
funestes,  aucun  état  dont  il  n'ait  tracé  les 
devoirs.  Pour  porter  le  remède  contre  les 
vices  à  la  racine  du  mal,  il  défend  même  les 
pensées  criminelles  et  les  désirs  déréglés 
Ses  apôtres  ont  répété  dans  leurs  écrits  les 
leçons  qu'ils  avaient  reçues  de  lui  ;  il  les  ont 
adaptées  aux  circonstances  et  aux  besoins 
particuliers  de  ceux  auxquels  ils  écrivaient. 
Quelques  moralistes  incrédules  ont  prétendu 
qu'il  était  mieux  de  réduire  toute  la  morale 
aux  devoirs  de  justice  ;  et  par  là  ils  enten- 
daient seulement  ce  qui  est  dû  au  [)rochain  : 
mais  l'homme  ne  doit-il  donc  rien  à  Dieu  ? 
Jésus-Christ,  plus  sage,  désigne  toutes  les 
Ijonnes  œuvres  sous  le  nom  général  de  ;?m- 


m 


MOR 


Mon 


922 


tice  :  dans  le  Nouveau  Testament,  comme 
dans  rAncicn,  un  juste  est  un  lioniinc  qui 
reu)i)lil  tous  ses  devoirs  îi  l'égard  do  Dieu, 
du  procliain  et  de  soi-iiiènic.  Ko//.  Juste. 
Mais  le  iera-t-il  jamais,  s'il  n'aimu  Dieu  sur 
toutes  clioscs  et  le  prochain  comme  soi- 
inômo?  Le  motif  qui  engage  le  plus  puis- 
samment à  observer  la  loi  est  l'amour  que 
l'on  a  pour  le  législateur. 

Jésus-Christ  a  fondé  \a  morale  sur  sa  vraie 
Lape,  sur  la  volonté  de  Dieu,  souverain  lé- 
gislateur; sur  la  certitude  des  récompenses 
et  des  peines  de  l'autre  vie;  il  nomme  ses 
commandements  ht  volonté  de  son  Pêrc;  il  le 
représente  comme  le  juge  suprême ,  qui 
condamne  les  méchants  au  feu  iHernel,  et 
<loime  aux  justes  la  vie  éternelle  [Matlh.  xxv, 
34  et  suiv.).  Mais  ce  divin  Maître  n'a  oublié 
aucun  des  motifs  naturels  et  louables  ipii 
peuvent  exciter  l'homme  à  la  vertu;  il  pro- 
met aux  observateurs  de  ses  lois  la  |iaix  de 
l'Anu',  le  repos  de  la  conscience,  l'empire 
sur  tous  les  cœurs,  l'estime  et  le  respect  do 
leurs  semblables,  les  bienfaits  mémo  tem- 
porels de  la  Providence.  Chargez-rous  de 
mon  joua  ;  apprenez  de  moi  que  je  suis  doux 
et  humilie  de  eauir,  et  vous  trouverez  le  repos 
de  vos  dmes  ;  mon  jowj  est  doux  et  mon  far- 
deau léger  {Matlh.  xx,  29).  Heureux  les 
hommes  doux,  ils  posséderont  la  terre...  Que 
les  hommes  voient  vos  bonnes  œuvres,  ils 
glorifieront  le  Père  céleste  (v,  i  et  ICU  Ne  vous 
mettez  point  en  peine  de  l'avenir,  votre  Père 
céleste  suit  ce  dont  vous  avez  besoin  (vi, 
32,  etc.).  Ceux  qui  ont  lo  courage  de  fairi;  ce 
qu'il  a  dit,  attestent  qu'il  no  les  a  pas  trom- 
pés. A  de  sublimes  leçons  Jésus-Christ  a 
joint  la  force  de  l'exemple,  et  en  cela  il 
l'emporte  sur  tous  les  autres  docteurs  de 
morale;  i\  n'a  rien  commandé  qu'il  n'ait  ]ira- 
liqué  lui-même;  il  s'est  donné  pour  modèle, 
et  il  ne  pouvait  eu  donner  un  ]ilus  [larfait  : 
Si  vous  faites  ce  que  je  vous  comnumde,  vous 
serez  constamment  aimés  de  moi,  comme  je 
suis  aimé  de  mon  Père,  parce  que  j'exécute  ses 
commandements  {Joan.  xv,  10).  11  n'est  pas 
étonnant  (jue,  par  cette  manière  d'enseigner, 
il  ait  changé  la  face  de  l'univers,  et  qu'il 
ait  élevé  l'homme  à  des  vertus  dont  il  n'y 
avait  pas  encore  eu  d'exemple.  On  dit  que 
cette  morale  n'est  pas  prouvée,  n'est  point 
réduite  en  méthode,  ni  fondée  sur  des  rai- 
sonnements; comme  s'il  y  avait  une  meil- 
leure preuve  que  l'exemple,  et  comme  si 
Dieu  devait  argumenter  avec  les  hommes. 
«  Nos  maximes,  dit  Lactance,  sont  claires  et 
courtes;  il  ne  convenait  point  que  Dieu, 
I)arlant  aux  hommes,  confirmât  sa  parole  par 
des  raisonnements,  comme  si  l'on  pouvait 
douter  de  ce  qu'il  dit.  Mais  il  s'est  exprimé 
comme  il  appartient  au  souverain  arbitre  de 
toutes  cliùses,  auquel  il  ne  convient  pas 
d'argumenter,  mais  de  dire  la  vérité.  » 

Lorsque  les  incrédules  étaient  déistes,  ils 
ont  fait  l'éloge  de  la  morale  chrétienne;  ils 
ont  reconnu  la  sagesse  et  la  sainteté  de  son 
auteur;  ils  ont  avoué  qu'à  cet  égard  le  chris- 
tiauiame  l'emporte  sur  toutes  les  autres  re- 
Ijgi^oDs;  ils  ont  ajouté  même  qu'il  uo  fallait 


pas  d'autres  preuves  de  sa  divinité.  Mais  ce 
trait  d'équité  de  leur  part  n'a  pas  été  de  lon- 
gue durée.  Ceux  qui  sont  devenus  matéria- 
listes se  sont  repentis  de  leurs  aveux.  Ils  ont 
embrassé  la  morale  d'Epicure,  et  ils  ont  dé- 
clamé contre  celle  de  l'Evangile;  eelle-ci  a- 
t-elle  donc  changé  comme  l'opinion  des  in- 
crédules? lis  soutiennent  que  les  conseils 
évangéliques  sont  impraticables,  que  l'abné- 
gation et  la  haine  de  soi-même  sont  impos- 
sibles, que  Jésus-Christ'interditaux  liommes 
la  juste  défense,  la  possession  des  richesses, 
la  ])ré voyance  de  l'avenir;  qu'en  a|i|)rouvaut 
\a  pauvreté  volonlaive,  le  célibat,  Vintolérance, 
l'usage  du  glaive,  le  zèle  de  religion,  il  a  fait 
une  i)laie  sanglante  à  l'humanité.  Sous  ces 
divers  articles,  nous  réfutons  leurs  reproches. 
Quelques-uns  ont  dit  que  cette  morale  n'est 
pas  entendue  le  même  partout,  qu'elle  ne 
s'étend  point  à  tous  les  grands  rapports  des 
honuues  en  société. 

11  est  souvent  arrivé,  sans  doute,  que  des 
hommes  aveuglés  par  des  passions  injustes, 
par  l'intérêt  particulier  ou  national,  par  des 
préjugés  de  système,  ont  mal  entendu  et 
mal  appliqué  certains  préceptes  de  l'Evan- 
gile. 11  y  a  eu  des  casuistes  qui,  par  défaut 
de  justesse  d'esprit,  ou  par  singularité  do 
caractère,  ont  porté  les  maximes  de  morale 
à  un  excès  de  sévérité,  d'autres  ([ui  sont 
tombés  dans  un  relâchement  ré|)réliensible. 
Mais  dans  l'Eglise  catholique  il  y  a  un  re- 
mède ellicace  contre  les  erreurs ,  soit  en  fait 
de  morale,  soit  en  matière  de  dogme  ;  l'Eglise 
a  droit  de  proscrire  également  les  unes  et 
les  autres;  on  ne  prouvera  jamais  qu'elle  en 
ait  [professé  ou  approuvé  aucune,  ni  qu'elle 
ait  varié  dans  ses  décisions  à  cet  égaid.  Nos 
philosophes,  toujours  éclairés  par  les  plus 
pures  lumières  de  la  raison,  sont-ils  mieux 
d'accord  dans  leurs  leçons  de  moraU  que 
les  théologiens?  Peut-on  enseigner  des  ma- 
ximes plus  scandaleuses  que  celles  qui  se 
trouvent  dans  la  plupart  de  leurs  écrits? 
Dans  un  moment,  nous  verrons  qu'en  ma- 
tière de  moro/p  l'unanimité  générale  des  sen- 
timents est  absolument  im[)ossible  Nous  ne 
voyons  point  quels  sont  les  grands  rapports 
des  hommes  en  société  auxquels  la  morale 
chrétienne  ne  s'étend  point.  11  n'est  aucun 
état,  aucune  condition,  aucun  rang  dans  la 
vie  civile  dont  les  devoirs  ne  découlent  de 
ces  maximes  générales  :  «  Aimez  le  prochain 
comme  vous-même ,  sans  excepter  vos  en- 
nemis; faites  aux  autres  ce  que  vous  vou- 
lez qu'ils  vous  fassent;  traitez-les  comme 
vous  voulez  qu'ils  vous  traitent.  »  S'il  y  a  un 
rai)port  très-général,  c'est  celui  d'homme  à 
homme  :  or,  le  christianisme  nous  enseigne 
que  tous  les  hommes  sont  créatures  d'un 
seul  et  môme  Dieu,  nés  du  même  sang,  tous 
formés  à  so!i  image,  rachetés  par  la  même 
victime,  destinés  à  posséder  le  môme  héri- 
tage éternel.  Sur  ces  notions  sont  fondés  le 
droit  naturel  et  le  droit  des  gens,  droits  qui 
ne  peuvent  être  anéantis  par  aucune  loi  ci- 
vile ou  nationale,  mais  très-mal  connus  hors 
du  christianisme;  par  là  sont  consacrés  tous 
les  devoirs  généraux  do  l'humanilé.  Mais  OQ 


9S3 


MOR 


MOR 


024 


entend  quelquefois  de  bons  cnreciens  se 
plaindre  de  ce  que  le  code  de  la  morale  évan- 
gélique  n'est  pas  encore  assez  complet  et 
assez  détaillé  pour  nous  montrer,  dans  tous 
les  cas,  ce  qui  est  commandé  ou  défendu, 
permis  ou  loléré,  péché  grief  ou  faute  léj^^ère. 
ISous  sonnnes  très-persuadés,  disent-ils,  que 
l'Eglise  a  reçu  de  Dieu  l'autorité  de  décider 
la  morale  aussi  Wen  que  le  dogme;  mais  par 
quel  organe  fait-elle  entendre  sa  voix?  Par- 
mi les  décrets  des  conciles  touchant  les 
mœurs  et  la  discipline,  les  uns  défendent 
ce  que  les  autres  semblent  permettre;  plu- 
sieurs n'ont  pas  été  reçus  dans  certaines 
contrées,  d'autres  sont  tombés  en  désuétude, 
et  ont  cessé  d'être  observés.  Les  Pères  de 
l'Eglise  ne  sont  pas  unanimes  sur  tous  les 
points  de  morale,  et  quelques-unes  de  leurs 
décisions  ne  semblent  pas  justes.  Les  théo- 
logiens disputent  sur  la  morale  aussi  Jjien 
que  sur  le  dogme,  rarement  ils  sont  d'accord 
sur  un  cas  un  peu  compliqué.  Parmi  les  ca- 
suistes  et  les  confesseurs,  les  uns  sont  ri- 
gides, les  autres  relâchés.  Les  prédicateurs 
ne  traitent  que  les  sujets  qui  prêtent  à  l'ima- 
gination, et  négligent  tous  les  autres.  Entin, 
parmi  les  personnes  les  plus  régulières,  les 
unes  se  permettent  ce  que  d'autres  regardent 
comme  défendu.  Comment  éclaircir  nos  dou- 
tes et  calmer  nos  scrupules? 

Nous  répondons  à  ces  âmes  vertueuses 
qu'une  règle  de  morale,  telle  qu'elles  la  dési- 
rent, est  absolument  impossible.  Dans  l'état 
de  société  civile,  il  y  a  une  inégalité  pro- 
digieuse enire  les  conditions;  ce  qui  est 
luxe,  superfluité,  excès  dans  les  unes, 
ne  l'est  pas  dans  les  autres  ;  ce  cpii  se- 
rait dangereux  dans  la  jeunesse  ,  peut  ne 
plus  l'être  dans  l'Age  mùr  ;  les  divers  de- 
grés de  connaissance  ou  de  stupidité ,  de 
force  ou  de  faiblesse  ,  de  tentations  ou  de 
secours,  mettent  une  grande  différence  dans 
l'étendue  des  devoirs  et  dans  la  grièveté  des 
fautes.  Comment  donner  à  tous  une  règle 
uniforme,  prescrire  à  tous  la  même  mesure 
de  vertu  et"  de  perfection?  Les  lumières  de  la 
raison  sont  trop  bornées  po^ir  fixer  avec  la 
dernière  précision  les  devoirs  de  la  loi  natu- 
relle ;  les  connaissances  acquises  par  la  ré- 
vélation ne  nous  mettent  pas  en  état  de 
voir  avec  plus  de  justesse  les  oljligations 
imposées  par  les  lois  positives.  Dans  les 
l)remiers  Ages  du  monde.  Dieu  avait  permis 
ou  toléré  les  usages  qu'il  a  positivement  dé- 
fendus dans  la  suite,  et  il  avait  défendu  des 
choses  dangereuses  pour  lors,  mais  qui, 
dans  les  sociétés  policées,  sont  devenues  in- 
différentes. Les  lois  qu'il  avait  données  aux 
Juifs  étaient  bonnes  et  utiles,  relativement 
îi  l'état  dans  lequel  ils  se  trouvaient  ;  Jésus- 
Christ  les  a  supprimées  avec  raison,  parce 
qu'elles  ne  convenaient  plus.  Dans  le  chris- 
tianisme môme  il  y  a  des  lois  dont  la  prati- 
que est  plusdifticile  dans  certains  climats  que 
dans  les  autres,  telle  que  la  loi  du  jeûne  ; 
il  n'est  donc  pas  possible  de  les  observer 
partout  avecla  même  rigueur. 

.lésus-Christ,  les  apôtres,  les  pasteurs  do 
l'Eglise,  ont  ordonné  ou  défendu,  conseillé 


ou  permis  ce  qui  convenait  au  temps,  au  ton 
des  mœurs,  au  degré  de  civilisation  des  peu- 
ples auxquels  ils  fiarlaient  ;    mais  tout    cela 
change  et  changera  jusqu'à  la  On  des  siècles. 
Saint  Paul  ne  veut   pas  que  h^s   femmes    se 
frisent  et  portent  des  habits  firécieux  ;  mais 
il  ne  parlait  ni  à  des  princesses,  ni   aux  da- 
mes de  la  cour  des  empereurs.  11  leur   or- 
donne de  se  voiler  d  ins  l'Eglise  ;   cela  con- 
venait en  Asie,  où  le  voile   des   femmes   a 
toujours  fait  partie  de  la   décence.   Ce  qui 
était  luxe  dans  un  temps  ne  l'est  plus   dans 
un  autre  ;  l'usage  des  superfluités  augmente 
à  proportion  de  la  richesse  et  de  la  pros[)érité 
d'une   nation.  Plusieurs   commodités  des- 
quelles nous  ne  pouvons  aujourd'hui   nous 
passer,  auraient  été    regardées   comme  uq 
excès  de  mollesse  chez  les  Orientaux,  et  même 
chez  nos  pères,  dont  les  mœurs  étaient  plus- 
pures  que  les  nôtres.  C'est  pour  cela  même 
qu'il  faut  dans  lEglise  une  autorité  toujours 
subsistante  pour  établir  la    discipline    con- 
venable aux  temps  et  aux  lieux,  pour  préve- 
nir et  réprimer  les  erreurs  en  fait  de  morale, 
aussi  bien  que  les  hérésies.  Mais  de   même 
qu'en  décidant  le  dogme,  l'Eglise  n'éclaircit 
point  toutes  les  questions  qui  peuvent   être 
agitées  pa,rmi  les  théologiens  ;  ainsi,  en  pro- 
nonçant sur  un  point  de  morale,  elle  ne  dissi- 
pera jamais  tous  les  doutes  que  l'on   peut 
former  sur  l'étendue  ou  sur  les  bornes    des 
obligations  de  chaque  particulier.  La  justesse 
des  décisions  des  casuistes  dépend  du  degré 
de  pénétration  ,  de  droiture  d'esprit,  d'expé- 
rience dont  ils  sont  doués  ;  mais  il  leur  est 
impossible  de    prévoir,   dans  leur  cabinet, 
toutes  les  circonstances    par  lesquelles   un 
cas  peut  être  varié  ;   leur  avis  ne   peut    i)as 
être  plus  infaillible  que  celui  des  juriscon- 
sultes touchant  unecpiestion  de  droit,  et  que 
celui  des  médecins  consultés  sur  une  mala- 
die. 11  ne  faut  point  conclure  de  là,  comme 
on  l'a  fait  souvent,  qu'il  n'y  a  donc  rien  de 
certain  en  fait  de  morale,  que  tout  est  rela- 
tif ou  arbitraire,  vice  ou  vertu,  selon  l'opi- 
nion des  hommes.  Les  principes  généraux 
sont  certains  et  universellement  reconnus  ; 
mais  l'application  de  ces  principes  aux  faits 
particuliers  est    c[uelquefois  difficile,  parce 
que  les  circonstances  peuventvarierà  l'intini. 
11  ne  peut  jamais  êlre  permis  de  tromper,  de 
se  parjurer,  de  blas[ihémer,  de  se  venger,  de 
nuire  au  prochain;  le   meurtre,  le  vol,  l'a- 
dultère, la  perfidie,  etc.,  seront  toujours  des 
crimes  ;  la  douceur,  la  sincérité,  la  recon- 
naissance, la  patience,  l'indulgi-nce  pour  les 
défauts  d'à utrui  ;  la  chasteté,    la  piété,   etc., 
toujours  des  vertus.  Mais  de  savoir  jusqu'à 
quel  degré  telle  vertu  doit  être  poussée  dans 
telle  occasion,  jusqu'à  quel  point  telle  faute 
est  griève  ou  légère,  punissable  ou  excusa- 
ble, voilà  ce  qu'il  sera  toujours  très-difficilo 
de  décider. 

Il  y  a  encore  une  vérité  incontestable, 
c'est  qu'avant  la  naissance  du  christianisme 
il  n'y  a  eu  dans  aucun  lieu  du  mond(>  une 
morale  aussi  pure,  aussi  fixe,  aussi  populaire 
que  celle  de  l'Evangile,  et  qu'encore  au- 
jourd'hui elle  ne  se   trouve   peint  ailleurs 


925 


HOR 


MOR 


92(5 


miechozlesnationschrMennes.OndiraqHC, 
ftialgrti  la  porfoction  de  cette  moralr,  les 
niœ'ui-s  do  plusieurs  de  ces  iialioiis  ne  se 
tr.Hivont  ^uère  meilleures  qu'elles  iiY-luieiit 
cliez  les  iiaieiis  ;  qu'elle  n'est  donc  ni  fort 
cflicace,  ni  fort  capahie  de  r(^primerles  pas- 
sions. Nous  nions  d'abord  cette  éj^alité  pré- 
tei:i.lue  de  coriuplion  chez  les  cin'étiens  et 
chez  les  infidèles.  Elle  est  excessive  dans  les 
grandes  villes,  parce  que  les  honuiies  vicieux 
s'y  ra.sscniblent  pour  y  jouir  d'une  plus 
grande  liberté;  mais  elle  ne  rè^ne  point 
parmi  le  peuple  des  campagnes.  Dans  le  cen- 
tre môme  de  la  corruplion,  il  y  a  toujours 
un  trè.s-grand  nondjre  d'dmes  vertueuses  (fui 
se  conforment  aux  lois  de  l'Evangile;  l'incré- 
dulité domine  chez  les  autres  à  |)roportion 
du  degré  de  liberliunge  ;  c'est  en  grande  par- 
tie l'ouvrage  des  philosophes,  et  ce  n  es!  pas 
à  eux  qu'il  convient  de  le  l'aire  remar(|uer. 
Il  n'est  pas  étomiant  que  ceux  qui  ne  croient 
])lus  à  la  religion  n'obéissent  plus  à  ses  lois. 
Mais  si,  au  lieu  delà  morale  rhri-tivtmc,  ccWo 
des  philoso|>hes  venait  ii  s'introduire,  le  dé- 
règlement des  mauus  deviendrait  bienlôt 
général  et  incurable  :  on  le  verra  dans  l'ar- 
ticle siHvanl.  Barbeyrac  a  fait  un  Traite'  de 
1(1  morale  (les  Pères  de  l'iù/lise,  dans  le([uil 
il  s'est  ellorcé  de  prouver  que  ces  saints  doc- 
teuis  ont  été,  en  général,  de  très-mauvais 
moralistes.  Nous  ré  ondrons  à  ses  reproches 
au  mot  PÈRES  UE  l'Eglise. 

Morale  des  Philosophes  Alin  de  nous 
dégoûter  de  la  morale  chrétienne,  les  incri'-- 
dules  modernes  soutiennent  que  celle 
des  sages  du  paganisme  valait  beaucou[) 
mieux,  et  |  our  le  prouver  démonstralive- 
ment,  l'on  fait  aujourd'hui  un  recueil  pom- 
peux des  anciens  moralistes.  Sans  doute  on 
se  propose  de  le  mettre  désormais  entre  les 
manis  de  la  jeunesse,  jiour  lui  tenir  lim  du 
catéchisme  et  de  l'Evangile.  A  la  vérité, 
on  ne  nous  donne  la  morale  païenne  que 
par  extrait,  et  l'on  à  soin  d'en  r(lrancher  ce 
qui  pourrait  scandaliser  les  faibles  :  cette 
précaution  est  sage.  Mais  pour  juger  du 
mérite  des  anciens  moralistes  avec  pleine 
connaissance  de  cause,  il  faut  les  examiner 
à  charge  el  à  iléchaige,  tant  en  général  cju'en 
parliculicr. 

Jean  Leiand,  dans  sa  Nouvelle  démonstra- 
tion èvan(/('li(iae,  ii'  part.,  chap.  7  et  suiv., 
tom.  111,  a  très-bienfait  voir  les  défauts  de  la 
morale  des  philoso])lies  anciens.  Lactanco 
avait  traité  le  même  sujet  dans  si's  Instilu- 
lions  divines.  11  nous  sul'liia  d'extraire  leurs 
réll(;xions.  —  1°  Nous  avons  vu  ci-devant 
que  si  l'on  ne  fonde  point  la  morale  sur  la 
volonté  d;'  Dieu,  législateur,  rémunérateur 
et  vengeur,  ell.:  ne  porte  plus  sur  rien;  ce 
n'est  plus  qu'une  belle  spéculation  sans  au- 
torité, une  loi,  si  l'on  veut,  mais  qui  u'a 
point  de  sanction,  et  qui  ne  peut  imposer  à 
l'Iiomme  une  obligation  proprement  dite. 
Or,  à  l'exceiMion  de  quelques  pythagoriciens, 
aucun  des  anciens  i)hiloso|3hes  n'a  donné 
cette  base  à  la  morale  ;  la  |)luf}ar.t  même  ont 
enseigné  qu'après  cette  vie  la  vertu  n'a  au- 
cune récompense  à  espérer,  i-ii  le  vice  aucun 


supplice  à  craindre.  —  2"  Les  philosophes 
n'avaient  jiar  eux-m(Mues  aucune  autorité 
qui  |)ûl  donner  du  poids  à  leurs  leçons  ; 
quand  ils  auraient  parlé  comme  des  oracles, 
on  n'était  pas  obligé  de  les  croire.  Leurs  rai- 
sonnements n'étaient  pas  à  la  portée  du  com- 
mun des  hommes  ;  les  jjrincipes  d'une  secte 
étaient  réfutés  par  une  autre;  ils  n'étaient 
d'accord  sur  rien  ;  jamais  ils  ne  sont  venus 
à  bout  d'engager  aucune  nation  ni  aucune 
sociiHé,  i)as  seulement  une  seule  famille,  à 
vivre  selon  leurs maximis.  —  3"  Ils  détrui- 
saient, par  leur  exemple,  tout  le  bien  qu'au- 
rait pu  produire  leur  doctrine.  Ciiéron,  Lu- 
cien, Qniutilien,  Lactance,  reprochent  à 
ceux  de  leur  temps  que,  sous  le  beau  nom 
de  philosophes,  ils  cachaiiTit  les  vices  les 
plus  lionteux  ;  que,  loin  de  soutenir  leur  ca- 
ractère par  la  sagesse  et  par  la  vertu,  ils  l'a- 
vilissaient par  le  dérèglement  de  leurs  mœurs. 
Ils  devaient  donc  être  méprisés,  et  ils  le 
furent.  —  k°  Les  pyrrhoniens,  les  sceptiques, 
les  cyrénaitpies,  les  académiciens  rigides, 
soutenaient  l'indllférenco  de  toutes  choses, 
l'incertitude  de  la  morale  aussi  bien  que 
celle  des  autres  sciences.  Epicure  plaçait  le 
souverain  bien  dans  la  volupté,  confondait 
le  juste  avec  l'utile,  ne  prescrivait  d'autre 
règle  que  la  décence  et  les  lois  civiles.  Les 
cyniques  méprisaient  la  décence  môme,  et 
éiigeaient  l'impudence  en  vertu.  —  5°  Pres- 
que toutes  les  sectes  recommandaient  l'obéis- 
sance aux  lois,  elles  n'osaient  pas  faire  autre- 
ment ;  mais  Cicéron  et  d'autres  reconnais- 
saient que  les  lois  ne  suffisent  point  pour 
porierles  hommes  aux  bonnes  actions,  et 
pour  les  détourner  des  mauvaises  ;  qu'il 
s'en  faut  beaucoup  que  les  lois  et  les  insti- 
tutions des  peuples  ne  commandent  rien 
que  de  juste.  Cicer.,  de  Legib.,  I.  i,  c.  4  et 
13.  Les  stoïciens  passaient  pour  les  meilleurs 
moralistes  ;  mais  combien  d'erreurs,  d'ab- 
surdités, de  contradictions  dans  leurs  écrits  ! 
Cicéron  et  Plutarque  les  leur  reprdchcnt  à 
tout  moment  ;  on  n'oserait  rapporter  les  in- 
famies que  ce  dernier  met  sur  leur  compte. 
Les  ]ilns  célèbres  d'entre  eux  ont  admiré 
Diogène,  et  ont  approuvé  l'impudence  des 
cyniijues  ;  leur  piété  était  l'idolAtrie  et  la 
suspeitition  la  plus  grossière;  ils  ajoutaient 
fui  aux  songes,  auxprésages,  aux  augures,  aux 
talismans  et  à  la  magie.  D'un  côté,  ilsdisaient 
que  l'on  doit  honorer  les  dieux  ;  de  l'autre, 
qu'il  ne  faut  pas  les  craindre,  qu'ils  ne  font 
jamais  de  mal,  que  le  sage  est  égal  aux  dieux, 
qu'il  est  même  plus  grand  que  Jupiter, 
puisque  celui-ci  est  impeccable  jiar  nature, 
au  lieu  que  le  sage  l'est  par  choix  et 
par  vertu  :  ce  sont  donc  les  dieux  qui 
devaient  encenser  un  sage. 

L'apathie  ou  l'insensibilité  qu'ils  conseil- 
laient, n'étaient  qu'une  inhumanité  rétléchie 
et  réduite  en  principes  ;  ils  ne  voulaient  pas 
que  le  sage  s'affligeât  de  la  mort  de  ses  pro- 
ches, de  ses  amis,  de  ses  enfants,  qu'il  fût 
sensible  aux  malhturs  publics,  môme  à  la 
ruine  du  monde  entier  ;  ils  condamnaient 
la  clémence  et  la  pitié  comme  des  fainlesscs; 
ils  toléraient  limpudicité  et   s'^    livraient  ; 


927 


MOR 


l'intempérance ,  et  plusieurs  en  faisaient 
gloire  ;  le  mensonge,  et  ils  n'en  avaient  au- 
cun scrupule  ;  plusieurs  conseillaient  le  sui- 
cide, et  vantaient  le  courage  de  ceux  qui  y 
avaient  recours  pour  terminer  leurs  peines. 
Leur  dogme  absurde  de  la  fatalité  anéantis- 
sait toute  morale  ;  ils  étaient  forcés  d'avouer 
que  leurs  niaximes  étaient  impraticables,  et 
leur  prétendue  sagesse  une  chimère.  Ils 
n'avaient  donc  point  d'autre  but  que  d'en 
imposer  au  vulgaire  ;  Aulu-Gelle,  parlant 
d'eux,  dit  :  Cette  secte  de  fripons,  qui  pren- 
nent le  nom  de  stoïciens,  Noct.  Attic,  1.  i, 
c.  2. 

Platon,  Socrate,  Aristote,  Cicéron,  Plutar- 
que  ,  ont  écrit  de  fort  belles  choses  en 
fait  de  morale;  mais  il  n'est  aucun  de 
ces  philoso|)hes  auquel  on  ne  puisse 
reprocher  des  erreurs  grossières.  Platon 
méconnaît  le  droit  des  gens  ;  ils  prétend 
que  tout  est  permis  contre  les  barbares  ;  il 
semble  quelquefois  condamner  l'impudicité 
contre  nature,  d'autres  fois  il  l'approuve  ;  il 
dispense  les  femmes  de  toute  pudeur  ;  il 
veut  (|u"elles  soient  communes,  et  que  leur 
complaisance  criminelle  serve  de  récompense 
à  la  vertu  ;  il  ne  réprouve  l'inceste  qu'en- 
tre les  pèies  ou  mères  et  leurs  enfants.  Il 
établit  que  les  feaunes  à  quarante  ans  et  les 
hounnesà  quarante-cinq,  n'auront  plus  au- 
cune règle  à  suivre  dans  leurs  appétits  bru- 
taux, et  que  s'il  naît  des  enfants  de  ce  hon- 
teux couunerce,  ils  seront  mis  à  mort,  etc. 
Platon  cependant  faisait  profession  de  suivre 
les  leçons  de  Socraie,  De  Repub.,  1.  v.  — 
Aristote  approuve  la  vengeance,  et  regarde  la 
douceur  comme  une  faiblesse  ;  il  dit  que, 
parmi  les  hommes,  les  uns  sont  nés  pour 
la  liberté,  les  autres  pour  l'esclavage;  il  n'a 
pas  eu  le  courage  de  condamner  les  dérègle- 
ments qui  régnaient  de  son  temps  chez  les 
Grecs,  nous  ne  voyons  pas  qu'il  se  soit  élevé 
contre  la  morale  de  Platon.  —  Cicéron  parle 
de  la  vengeance  comme  Aristote  ;  il  excuse 
le  commerce  d'un  homme  marié  avec  une 
courtisane.  Après  avoir  épuisé  toutes  les 
ressources  de  son  génie  pour  prouver  qu'il 
y  a  un  droit  naturel,  des  actions  justes 
par  elles-mêmes  et  indépendamment  de  l'in- 
stitution des  hommes,  il  reconnaît  que  ses 
principes  ne  sont  pas  assez  solides  pour  te- 
nir contre  les  objections  des  sceptiques  ;  il 
leur  demande  gr;\ce  ;  il  dit  qu'il  ne  se  sent 
pas  assez  de  force  pour  les  repousser,  qu'il 
désire  seulement  de  les  apaiser,  l.  i,  de 
Legib.  —  Quand  Plutarque  n'aurait  à  se 
rejuocher  que  d'avoir  approuvé  la  licence 
que  Lycurgue  avait  établie  à  Sparte  et  l'in- 
humanité des  Spartiates,  c'en  serait  assez 
pour  le  condamner. 

Epictèle,  Marc-Antonin,  Simplicius,  ont 
corrigé  en  plusieurs  choses  ]&morate  des  stoï- 
ciens; mais  il  est  plus  que  probable  (pièces 
philosophes,  qui  ont  vécu  après  la  naissance 
du  christianisme,  ont  (irolité  des  maximes 
enseignées  [>ar  les  chrétiens;  de  savants  cri- 
tiques sont  dans  cette  opinion.  Quant  h  nos 
lihilosoplies  modernes,  qui  ont  trouvé  bon 
de  renoncer  à  la  morale  chrétienne,  s'il  nous 


MOR  928 

fallait  rapporter  toutes  les  maximes  scanda- 
leuses qu'ils  ont  enseignées,  nous  ne  finirions 
jamais.  Déjà  nous  avons  remarqué  que, 
([uand  ils  professaient  le  déisme,  ils  ren- 
daient justice  k  la  morale  évangélique_;  mais 
depuis  que  le  matérialisme  est  devenu  parmi 
eux  le  système  dominant,  il  n'est  aucune 
erreur  des  anciens  qu'ils  n'aient  répétée  et 
qu'ils  n'aient  poussée  plus  loin.  Quelques-uns 
en  ont  été  honteux;  ils  ont  avoué  que  La  Métrie 
a  raisonné  sur  la  morale  en  vrai  frénétique,  et 
il  a  eu  des  imitateurs.  Laseuledifférence  qu'il 
y  ait  entre  cet  athée  et  les  autres,  c'est  qu'il  a 
été  plus  sincère  qu'eux,  et  a  raisonné  plus 
conséquemment.  Si  personnen'avait  approuvé 
ses  principes,  les  aurait-on  publiés  ?  Dès 
que  l'on  admet  la  fatalité,  comme  les  maté- 
rialistes ,  l'homme  est -il  autre  chose 
qu'une  machine  ?  et  do  quelle  morale  un 
automate  peut-il  être  susceptible  ?  Dans  ce 
système,  aucune  action  n'est  imputable, 
aucune  ne  peut  être  juste  ni  injuste,  mora- 
lement bonne  ou  mauvaise  ;  aucune  ne  peut 
mériter  ni  récompense  ni  châtiment.  Aussi 
un  des  confrères  de  nos  philosophes,  moins 
hypocrite  que  les  autres,  a  dit  qu'ils  ne  par 
lent  de  morale  que  pour  séduire  les  femmes, 
et  pour  jeter  de  la  poussière  aux  yeux  des 
ignorants.  On  peut  leur  a])pliquer,  h  juslo 
titre,  ce  que  Aulu-Gelle  a  dit  des  stoïciens. 

MOKAVES  (  frères  ).  Yoy.  Heunhutes. 

MOKT,  séparation  delTime  d'avec  le  corps. 
La  révélalion  nous  enseigne  ipie  le  premier 
homme  avait  été  créé  immortel  ;  que  la 
mort  fiSi  la  peine  du  péché  (S((/j.  ii,  2'»  ; 
Rom.,  v,  12,  etc.  ).  Lorsque  Dieu  défendit  à 
notre  premier  père  de  manger  d'un  certain 
fruit,  il  lui  dit  :  Aujotir  que  tu  en  mangeras, 
tu  mourras  (  Gen.  ii,  17  )  ;  c'est-à-dire  tu  de- 
viendras sujet  àla  w*orf  ;  cela  ne  signifiait 
pas  qu'il  devait  mourir  à  l'heure  même, 
puisque  Adam  a  vécu  neuf  cent  trente  ans. 
L'Eglise  a  condamné  les  pélagiens,  qui  pré- 
tendaient que  quand  môme  Adam  n'aurait 
pas  péché,  il  serait  mort  par  la  condition  de 
sa  nature. 

Quelques  incrédules ,  qui  ne  voulaient  pas 
convenir  du  péché  originel  et  de  ses  elfets  , 
ont  dit  que  les  paroles  de  Dieu  étaient  moins 
une  menace  qu'un  avis  salutaire  do  ne  jias 
toucher  à  un  ftuit  capable  de  donner  la  mort. 
Cette  conjecture  est  réfutée  par  la  sentence 
que  Dieu  prononça  contre  Adam  après  sa 
désobéissance  :  «  Parce  que  tu  as  mangi^  du 
fruit  que  je  t'avais  défendu,....  tu  mangeras 
ton  pain  à  la  sueur  de  ton  front ,  jusqu'à  ce 
que  tu  retournes  dans  la  terre  de  laquelle  tu 
as  été  tiré ,  et  puisque  tu  es  poussière  tu  y 
rentreras  {Gen.  ni,  17). 

Mais  ce  qui  doit  nous  consoler,  c'est  que 
la  mort ,  qui  est  la  peine  du  péché ,  en  est 
aussi  l'expiation;  tel  est  le  sentiment  una- 
nime des  Pères  de  l'Eglise  ,  et  c'est  par  là 
qu'ils  ont  répondu  aux  marcionites,  aux  ma- 
nichéens, aux  philosophes  païens  et  aux  i)é- 
lagiens ,  qui  prétendaient  que  la  sentence 
prononcée  contre  Adam  et  sa  postérité  était 
trop  sévère  et  contraire  à  la  justice.  Les  Pè- 
res soutiennent  que  la   condamnation  do 


I 


929  MOR 

l'homme  à  la  mort  est  moins  un  trait  de  co- 
lère et  de  vengeance  de  la  part  do  Dieu,  i|u'un 
effet  do  sa  miséricorde.  «  Dieu  a  eu  pitié  de 
l'homme,  dit  saint  Ii-énéc  ;  il  l'a  éloit^iié  du 
paradis  et  de  l'arbre   de  vie,   non  [)ar  ja- 
lousie, comme  quelfjiies-uns  le  disent,  mais 
I)ar  pitié ,  afin  qu'il  ne  fût  pas  toujours  pé- 
cheur, et  que  son  péché  ne  filt  ni  éternel , 
ni  incurable...  Il  l'a  condamné  à  mourir  pour 
mettre  lin  au  péché  ,  afin  (jue  ,  par  la  disso- 
lution de  la  ciiair,  l'honuiie  inouriU  au   ])é- 
ché,  pour  commencer  do  vivre  à   Dieu.  » 
Adv.  hœr.,  1.  m,  c.  .37.  Saint  Théophile  d'An- 
tioche,  saint  Méthode  de  Tyr,  saint  Hilairo 
de  Poitiers,  saint  Cjrillede  Jérusalem,  saint 
Basile,  saint  Ephrem,  saint  E[)iphanG,  saint 
Ambroise  ,  saint  Cyrille  d'Alexandrie,  saint 
Jean  Chrysostome,  etc.,  enseignent  la  mémo 
doctrine.  Ils  ont  été  suivis  par  saint  Augus- 
tin :  ce  Père  l'a  soutenu  ainsi,  non -seule- 
ment contre  les  manichéens,  mais  contrôles 
pélagiens.  «  Dieu,  dit-il,  adonné  à  l'homme 
Un  moyen  de  récujiérer  le  salut,  par  la  mor- 
talité de  sa  chair,»  l.  m,  de  Lib.  arb.,  c.  10, 
n"  29  et  ^0.  «  Qu'après  le  péché,  le  cor|>s  de 
l'homme  soit  devenu  faible  et  sujet  h  la  mort, 
c'est  un  juste  chiUiment,  mais  qui  démontre, 
de  la  part  du  Seigneur,  plus  de  clémence  que 
de   sévérité.  »  L.   de   vera  Relig.,  cap.  xv, 
n°  29.  «  Par  la  miséricorde  de  Dieu,  la  peine 
du  péché  tourne  h  l'avantage  do  l'homme.  » 
L.  IV,  conira  duns  Epist.  Pclag.,  cap.  \,  n°G. 
«  Ce  que  nous  soullrons  est  un  remède  et 
non  une  vengeance ,   une  correction  et  non 
une  damnation,  »  Etithi/r.  ad  Laur.,  c.  27, 
n°8  ;  L  II,  (/e /'pte.  mcrilis  et  remis.,   c.   3;J, 
n"  53.  «  Jésus-Christ ,  sans  avoir  le  péclié  , 
en  a  porté  la  peine,  alin  do  nous  oter  le  pé- 
ché et  la  peine,  non  celle  qu'il  faut  souffrir 
en  ce  monde  ,  mais  celle  que  nous  devions 
subir  pendant  l'éternité.  »    Oper.    impcrf.-, 
I.  VI,  n"  3G.  Ainsi ,  le  chrétien  qui ,  i)rès  de 
mourir,  fait  de  nécessité  vertu,  subit  avec 
résignation    l'arrêt   de    mort   porté    contre 
l'homme  pécheur,  met  sa  confiance  aux  mé- 
rites et  aux  satisfactions  de  Jésus-Ciu-ist,  est 
assuré  de  recevoir  miséricorde  :  d'où  saint 
Ambroise  conclut  que  quiconque   croit  en 
Jésus-Christ  ne  doit  pas  craindre  do  périr, 
de  Pcenit.,  I.  i,  c.  11;  in  Ps.  cxviii,  v.  175. 
Ce  qui  doit  s'entendre  d'une  foi  accompa- 
gnée de  bonnes  œuvres  ,  et  non  pas  d'une 
loi  morte,  qui  servirait  à  la  condamnation  de 
celui  qui  croit. 

Saint  Paul  dit  que  «  Jésus-Christ  est  mort 
pour  détruire  celui  qui  avait  l'empire  de  la 
mort,  c'est-à-dire  le  démon,  et  pour  délivrer 
ceux  qui  pendant  toute  leur  vie  étaient  re- 
tenus en  esclavage  par  la  crainte  de  la  mort 
{Heb.  Il,  IV).  C'est  le  motif  de  consolation 
qu'il  propose  aux  fidèles.  «  Nous  ne  voulons 
pas,  dit-il ,  vous  laisser  ignorer  le  sort  do 
ceux  qui  sont  morts,  afin  que  vous  ne  soyez 
j)as  aftligés  ,  comme  ceux  qui  n'ont  point 
d'espérance  ;  car  si  nous  croyons  que  J.'sus- 
Christ  est  mort  et  ressuscité,  ainsi  Dieu  lui 
réunira  ceux  qui  se  sont  endormis  en  lui  du 
sommeil  de  la  mort  (Tliess.  iv,  12).  11  n'est 
pas  étonnant   qu'avec  cette  ferme  croyance 


MOR 


930 


les  premiers  fidèles  n'aient  plus  redout^î  la 
mort ,  aient  môme  désiré  le  martyre.  Les 
liai  ns  les  regardaient  comme  des  insensés, 
livrés  au  désespoir  ;  mais  ils  ne  connais- 
saient ni  le  principe  ni  les  motifs  do  ce  cou- 
rage. Aujourd'hui  encore  il  n'est  plus  rare 
de  voir  dos  chrétiens  vertueux  ,  (jui ,  apr-ès 
avoir  craint  la  mort  à  l'excès,  lorsqu'ils 
étaient  en  santé,  l'envisagent  de  sang-froid  , 
la  (h'sirent  même  pendant  leur  dernière  ma- 
ladie, parce  qu'alors  leur  foi  se  réveille  et 
leur  espérance  s'alformit  par  la  proximité 
de  la  récomiiense. 

Nous  concevons  que  la  seule  pensée  de  la 
mort  doit  faire  fiémir  un  méchant ,   surtout 
un  inci'édule;  et  celte  frayeur  doit  augmen- 
ter à  la  dernière  heure,  à  moins  (ju'il    ne 
soit  plongé  dans  une  insensibilité  stupide. 
Aussi  plusieurs  ont  blâmé  les  secours  que 
,  l'Eglise  s'efforce  de  donner  aux  mourants  ; 
c'est,  selon  leur  avis  ,  un  trait  de  cruauté  , 
qui  ne  sert  qu'à   augmenter  l'horreur  natu- 
relle que  nous  avons  du  trépas.  Mais  com- 
ment peuvent  juger  des  dispositions  du  chré- 
tien mourant ,  ceux  qui  n'en  ont  jamais  vu 
mourir  aucun,  ipii  fuient  ce  spectacle  capa- 
ble de  les  faire  trembler,  et  qui  laisseraient 
périr  sans  secours  les  personnes  les  plus 
chères,  sous  le  spécieux  prétexte  d'être  trop 
attendris  ?  Une  àino  bien  persuadée  de  la  cer- 
titude d'une  vie  à  venir,  do  la  fidélité  de  Dieu 
dans  ses  [iroinesses,  do  l'efficacité  de  la  ré  • 
dem|ition ,  et  qui  a  souvent  médité  sur  la 
yiiort,  afin  de  se  détacher  de  la  vie,  qui  sent 
la  multitude  des  grâces  qu'elle  a  reçues  et 
qu'elle  reçoit  encore,  qui  connaît  le  prix  des 
souffrances  et  le  mérite  du  dernier  sacrifice, 
qui   a  sous  les  yeux  l'exemple  d'un   Dieu 
mourant  pour  elle,  ne  peut  rien  craindre  ui 
rien  regretter.  Elle  met  sa  confiance  aux  priè- 
res de  l'Eglise,  elle  les  désire  et  les  demande, 
elle  y  trouve  sa  consolation  ;  elle  est  bien 
éloignée  d'accuser  de  cruauté  ceux  qui  les 
lui  procurent.  D'autres  incrédules  ont  dit  que 
le  pardon  accordé  trop  aisément  aux  péciieurs 
mourants,  les  espérances  dont  on  les  flatte, 
les  consolations  qu'on   leur  procure ,  sont 
une  injustice  et  un  abus  ;  que  cela  sert  à  en- 
durcir les  autres  dans  le  crime  ;  qu'il  est  ab- 
surde de  penser  qu'un  homme  coupable  de 
rapines  et  de  vexations  de  toute  espèce  en 
sera  quitte  pour  se  repentir  à  la  mort.  Aussi 
l'Eglise  n'a  jamais  enseigné  que  le  repentir 
suffit  alors  à  un  homme  injuste,  à  moins  qu'il 
no  ré|)are  ses  torts  et  ne  restitue  autant  qu'il 
le  peut.  Y  a-t-il  un  vrai   repentir,  lorsque 
l'on  persévère  dans  l'injustice  que  l'on  peut 
réparer  ?  Il  n'est  aucun  mini'stre  de  la  péni- 
tence assez  ignorant  ni  assez  pervers  pour 
tlispenser  quelqu'un    d'une   restitution   ou 
d'une  réparation  qui  est  due  par  justice.  Si 
le  coupable  l'exécute  ,  à  quel  titre  lui  refu- 
serait-on le  pardon?  Lors  même  que  la  ré- 
iparation  est  impossible ,  nous  demandons 
'lequel  est  le  plus  utile  au  bien  général  de  la 
la  société,  ou  qu'un  criminel  meure  dans  le 
désespoir  et  convaincu  q^u'il  est  damné  sans 
ressource,  ou  qu'on  lui  lasso  espérer  le  par- 
:{don,  s'il  est  vérilablemont  repentant.  Un  in 


m 


MOR 


MOR 


932 


créaule  qui  décide  que  l'on  ne  doit  alors 
user  d'aucune  indulgence ,  prononce  lui- 
niêiue  son  arrêt  de  rr|.robation  :  «  Quicon- 
que ne  fait  pas  miséricorde ,  dit  saint  Jac- 
ques, sera  jugé  sans  miséricorde  »  [Jac.  ii, 
13). 

Des  calomnies  qui  se  contredisent  n  ont 
pas  besoin  de  réfutation.  D'un  côté,  l'on  ac- 
cuse les  prêtres  d'accabler  un  mourant  pai" 
leurs  discours  durs  et  inhumains  ;  de  l'autre, 
on  leur  reproclie  trop  d'indulgence  pour  les 
pécheurs,  et  d'être  des  consolateurs  iicrfides. 
On  a  i)Oussé  la  malignité  jusqu'à  dire  que 
les  mourants  coupables  d'injustice,  de  vois, 
de  concussions  ,  en  sont  quittes  pour  quel- 
ques largesses  faites  au  sacerdoce.  Si  cela 
était ,  les  prêtres  devraient  regorger  de  ri- 
chesses. Toute  la  vengeance  que  les  prêtres 
doivent  tirer  de  ces  impostures  grossières  , 
est  de  prier  Dieu  qu'il  fasse  miséricorde  aux 
incrédules,  du  moins  à  la  mort. 

*  Mort  de  jÉstis-CnniST.  Les  incrédules  ont 
attaqué  la  vérité  de  la  mort  de  Jésus -Christ. 
I  Saint  Paul,  dit  Mgr  Wisenian,  regarde  ce  fait 
comme  un  des  principaux  fondements  de  notre 
foi,  sans  lequel  sa  prédication  serait  vaine  ;  el  vous 
pouvez  natureUcmcnt  concevoir  que  les  ennemis  du 
clirisliaiiisine,  dans  les  temps  anciens  et  modernes, 
n'ont  rien  négligé  pour  ébranler  celte  pierre  angu- 
laire de  notre  croyance.  Cliaque  contradiction  appa- 
rente dans  le  récit  des  apôtres  a  été  saisie  avec  eni- 
presscMieut  pour  attaquer  ceue  vérité  ;  mais  la  voie 
la  plus  directe  que  Ion  ail  employée  dans  les  pre- 
miers siècles  et  de  nos  jours  a  été  d'essayer  d'élever 
des  doutes  sur  la  réalité  de  la  mort  de  notre  Sauveur. 
L'insistance  avec  laquelle  saint  Jean  paraît  s'arrêter 
sur  les  derniers  événements  de  la  vie  de  Jésus-Christ, 
et  les  affirmations  énergiques  par  lesquelles  il  déclare 
avoir  été  témoin  lui-même  qu'on  lui  a  percé  le 
côté  (n),  paraissent  clairement  indiquer  (pie  déjà  de 
son  temps  cet  événement  solennel  el  important  avait 
été  mii  en  question.  Je  ne  m'arrêterai  pas  un  seul 
instant  aux  grossiers  et  révoltants  blasphèmes  de 
quelques  écrivains  du  dernier  siècle,  qui  ont  poussé 
l'impiété  et  l'oubli  de  tout  sentiment,  jusqu'à  accuser 
notre  divin  Rédempteur  d'avoir  fait  le  mort  sur  la 
croix  (é).  Une  impiété  aussi  monslrucuse  porte  sa 
réfutation  dans  son  absurdité.  Mais  les  incrédules 
modernes,  qui  n'osent  s'aventurer  à  nier  les  vertus 
et  la  sainteté  du  Christ,  tandis  qu'ils  réduisent  ses 
miracles  à  des  événements  purement  naturels,  ont 
choisi  une  manière  plus  artilicieuse  d'expliquer  sa 
résurrection;  ils  ont  imaginé  ((ue,  d'aprrs  les  prin- 
cipes de  la  médecine,  il  ne  peut  être  miut  sur  la 
croix,  mais  doit  en. avoir  été  descendu  dans  un  état 
de  syncoiie  ou  d'asphyxie.  Paulus,  Damm  et  d'aulres 
adoptent  celle  opinion,  el  cherchent  à  l'étayer  par 
beaiicoup  d'argimieuts  captieux.  11  est  certain,  di- 
sent-ils, selon  le  témoignage  de  Josèphe  el  d'aalres 
auteurs  anciens,  que  des  personnes  cruciliées  vivaient 
sur  la  croix  pendant  trois  ou  même  neuf  jours  ;  c'est 
ainsi  que  les  deux  larro[is  dont  il  est  parle  dans  la 
Passion,  n  étaient  pas  encore  morts  le  soir,  et  Pilate 
ne  voulait  pas  croire  que  notre  Sauveur  eût  expiré 
sitôt,  sans  le  témoignage  précis  du  centurion  (c). 
Mais  d'un  autie  cote  il  est  très-probable  que  la  fa- 
tigue, Ic^s  angoisses  de  lame  et  la  perte  du  sang  au- 
ront produit  l'épuisement,  la  syncope  eu  l'évanouis- 

(rt)  Saiiil  Jean,  XIX  ,  51,  3j.  —  Voir  une  lettre  de  l'évè- 
que  lie  Salisliury  au  rév.  f .  Uenyoïi. 

(/))  Voir  l'onr  la  rèfulatioii  de  celle  impiété,  Siiskind 
Magazin  (nr  cliristliclies  Boijmulih,  'J  Heft.,  S.  lo8.  " 

(c)  Vùir  Jnst.  I,i|)s.,  De  Gruce  ,  lib.  ii,  c.  li;  Joseph. 
Cmil.  .\piim.,  1U5I. 


sèment  :  dans  cet  état  notre  divin  Maître  est  mis  à  la 
disposition  de  ses  fidèles  amis  qui  pansent  ses  plaies 
avec  des  aromates,  el  le  laissent  reposer  tranquil- 
lement dans  une  chambre  sépulcrale  bien  retirée.  Là 
il  se  réveille  bientôt  de  son  évanouissement,  et  va 
trouver  ses  amis.  Quant  à  la  vigilance  de  ses  ardents 
ennemis,  on  dit  qu'il  y  a  d'autres  exemples  où  elle 
a  été  éludée  ;  comme  lorsque  saint  Paul  fui  laissé 
pour  mort  après  avoir  été  lapidé  à  Lystres,  ou  quand 
saiul  S(ibastien  fut  guéri  par  les  chrétiens  après  avoir 
été  percé  de  traits.  Le  coup  de  lance  qui  a  percé  le 
côté  de  imire  Sauveur  est  mis  de  côté,  en  disant  ((ue 
le  verbe  employé  en  grec  signille  plutôt  picp'er  ou 
bloser  snperliciellement  que  percer  le  corps.  Ainsi, 
d'après  eux,  dans  l'histoire  de  la  Passion,  il  n'y  a  rien 
qui  prouve  la  mort. 

Si  les  théologiens  avaient  été  abandonnés  à  eux- 
mèmespour  répondre  à  ce  raisonnement  spécieux  cl 
superficiel,  nul  doute  que  leur  science  n'eûl  été  com- 
plètement suffisante  pour  une  pareille  lâche.  Us  au- 
raient indiqué  assez  d'erreurs  dans  l'exposiiion  et 
assez  de  témérité  dans  les  assertions  de  leurs  adver- 
saires pour  les  réfuter  et  les  confondre  de  la  manière 
la  pins  satisfaisante.  Mais  il  élait  bien  pins  à  propos 
(|uc  la  science  même  (\m  avait  été  enrôlée  pour  com- 
baltre  la  religion,  se  chargeât  d'achever  la  rélulalion 
des  objections  que  l'on  prétend  tirer  de  ses  propres 
principes. 

Plusieurs  auteurs  éminenls  s'étaient  occupes  delà 
physiologie  de  la  Passion  de  noire  Sauveur,  si  je 
puis  m'exprimer  ainsi,  avant  que  celte  méthode  d'at- 
taque eiJt  été  employée.  :  tels  sont  Sclieuchzer,  Méad, 
Barlholinns,  Vogler^  Triller,  Richler  et  Eschenbach. 
Mais  une  investigation  plus  approfondie  el  plus 
scientifique  a  été  faite  depuis  par  les  deux  Gruner, 
père  el  fils,  dont  le  dernier  écrivit  d'abord  sous  la 
direction  et  par  le  conseil  du  premier.  Ces  dillérenls 
auteurs  ont  recueilli  tout  ce  (pie  les  analogies  médi- 
cales pouvaient  fournir  pour  établir  le  caractère  des 
sontfranees  de  noire  Sauveur  et  la  réalité  de  sa  mort. 
Ils  ont  montré  que  les  tortures  du  crucifiement 
étaient  eu  elles-mêmes  épouvantables  ,  non-seule- 
ment à  cause  des  blessures  extérieures  el  de  la  pos- 
ture douloureuse  du  corps,  ou  même  de  la  gangrène 
qui  doit  ètie  résultée  de  l'exposition  au  soleil  et  à  la 
chaleur,  mais  encore  par  les  effets  de  celle  position, 
sur  la  circulation  et  les  autres  fondions  ordinaires 
de  la  vie.  La  pression  sur  l'arltre  principale  ou 
l'aorte,  doil,  suivant  Kichter,  avoir  enqièrh(i  le  libre 
cours  (In  sang;  el  en  la  mettant  hors  d'état  de  rece- 
voir tout  ce  qui  élait  fourni  par  le  ventricule  gauche 
du  canir,  doit  avoir  empêché  le  sang  de  revenir  des 
poumons.  Par  ces  circonstances,  il  doit  s'être  produit 
dans  le  ventricule  droit  une  congestion  el  un  effort 
plus  intolérable  qu'aucun  suitpli  e  el  que  la  non 
même.  Puis  il  ajoute  :  Les  pulmomiirfs  et  les  autres 
vciui's  el  artères  autour  di  lœnr  el  de  la  poitrine,  pur 
fabondaiHe  <lu  sang  qui  ij  affluait  et  i'/j  ucntmulait, 
doivent  avoir  ajout  •  d'Itomb  es  soujfrunces  curpordis 
à  Cango)SSe  de  Came  produite  par  raccablant  fardeau 
de  nos  pècliés  (a).  Mais  ces  sonlfrances  générales  doi- 
vent avoir  produit  une  impression  relative  sur  dillé- 
renls individus;  el,  comme  Charles  Gruner  l'observe 
fort  bien,  leur  effet  sur  deux  brigands  endurcis  et 
robustes,  fraîchement  sortis  de  prison,  doit  naturel- 
lement avoir  été  tout  autre  que  sur  notre  Sauveur, 
dont  les  formes  et  le  tempérament  étaient  tout  op- 
posés; il  avaii d'ailleurs  précédemment  souffert  toute 
une  nuit  de  tortures  el  de  fatigues  sans  relâche  ;  il 
avait  lullé  avec  une  agonie  intérieure,  au  point  que 
l'un  des  pliénomênes  les  plus  rares  avait  été  produit, 
une  sueur  de  sang;  el  il  doit  avoir  senti  au  plus  haut 
degré  d'intensité  les  tortures  morales  qu'ajoutaient  a 
son  supplice  sa  honte,  son  ignominie  et  la  détresse 
de  sa  sainte  Mère  el  d'un  petit  nombre  d'amis  fidè- 

(n)  Georgii  G.  Richteri  Disseriationei  quatuor  medicœ, 
GœUniL;.,  1773,  p.  S7. 


935  Mon 

les  (a).  A  ces  rélloxioiis  il  aiiiait  pu  en  ajoulor  Iiieii 
d'aulres.  NVsl-il  pas  évidont.cii  otlcl,  (pie  iioli'c  Sau- 
veur était  bien  .plus  aflaibli  que  d'aulÈvs  personnes 
CP  pareille  circonstance,  puisqu'il  ne  l'ut  pas  assez 
Cnil  pour  porter  sa  croix,  comme  les  criminels  que 
l'on  eoiidnisait  au  supi>lice  étaient  toujours  capables 
(le  le  l'aire'?  Et  si  nos  adversaires  sup|>(>seiit  que  notre 
Sauveur  tomba  seulement  dans  une  syncope  par  épui- 
sement, il  est  clair  qu'Us  n'ont  pas  le  droit  de  le  ju- 
ger d'après  les  autres  cas,  puisque  dans  ces  cas  mê- 
mes cela  n'arrivait  point.  Le  jeune  Gruner  examine 
en  détail  toutes  les  plus  petites  circonstances  de  la 
Passion,  connue  objets  de  médecine  légale,  et  s'oc- 
cupe parlicuU(iremént  de  la  blessure  produite  par  la 
lance  du  soldat.  Il  montre  que  très-probablement  la 
blessure  fut  laite  au  c(iié  gauclie  et  de  bas  en  liant 
transversalement;  et  il  prouve  (|u"iiii  pareil  coup 
porté  par  le  bras  robuste  d'un  solilat  romain,  aviic 
une  lance  courte,  car  la  croix  n'était  pas  lrès-élev(ic 
au-dessus  de  terre,  doit,  dans  toute  bypolbèse,  avoir 
occasionné  une  blessure  mortelle.  Jusiiu'à  ce  iiio- 
nient,  il  suppose  que  notre  Sauveur  avait  encore 
conservé  un  souille  de  vie  ;  (laree  ([u'autremenl  li; 
sang  n'aurait  pas  coulé,  et  parce  que  le  grand  cri 
qu'il  poussa  est  un  sympl(ime  d'une  syncope  produite 
par  une  trop  grande  congestion  du  sang  dans  le  eieur. 
Jlais  celte  blessure,  ipie,  d'après  l'écoulement  dii 
sang  et  de  l'eau,  il  suppose  avoir  été  dans  la  cavité 
de  la  poitrine,  a  di'i  être,  selon  lui,  lu'ee'isaiiement 
mortelle  (b).  Son  père  Clirislian  C.ruiier  suit  les  mê- 
mes traces,  et  réfute  pas  à  pas  les  objections  d'un  ad- 
versaire anonyme.  Il  fait  voir  que  les  mots  employés 
par  saint  Jeaii  pour  exprimer  la  blessure  occasion- 
née par  le  coup  de  lance  sont  souvent  employés 
pour  imliipier  une  blessure  mortelle  (c),  et  qu'eii 
supposant  même  que  la  mort  du  Cliiisl  avait  été 
seulement  apparente  dans  les  premiers  moments, 
l'atteinte  d'une  blessure,  môme  légère,  aurait  été 
mortelle  ;  parce  que  dans  la  syncope  ou  l'évanouis- 
senient  résultant  de  la  perle  du  sang,  toute  saignée 
ddiiiierait  la  mort;  cnliii  il  prouve  que  les  épiées  et 
les   aromates  employés  à    l'embauinement,    ou  la 

(«)  Caroli  Frid.  Gruneri  Commenlatio  antiquaria  medica 
de  Jesu  CUrhli  murle  vera,  non  simuiata.  Halae,  1805, 
pp.  30-30. 

((/)  l'ag.  37.  — Tiriiuis  et  iraiilres  commentaleurs,  ainsi 
que  plusieurs  méiieciiis,  tels  que  Grimer,  Barlholinus, 
Triller  et  tsclieubaLli,  supiiosent  que  l'eau  élail  la  l.viuplie 
contenue  ilaus  le  péricarde.  Vogier ,  Plujsioloi\ia  huluiiœ 
Passwnis,  Helinst.,  lOUô,  p.  H,  suppose  que  c'était  le  sé- 
rum sép.iré  du  sans.  Mais 'a  la  iiianière  dont  saint  Jean 
menllonne  cet  écouleiiieiil  niysiérieiix,  et  aussi  d'après  le 
seiituiieiil  (Je  toute  l'antiquité,  nous  devons  .y  reconiialire 
qiiel'iue  eliose  de  plus  niriin  fait  purement  pli.\  sique. 
llichler  observe  que  l'aliondince  de  sang  et  d'eau  qui 
jaillit  de  la  plaie,  non,  ut  in  morluis  lien  S''/i'( ,  lenluin  et 
grumosmn,  sed  cutniieiu  aJhuc  el  llexiteiu ,  Imiquam  ex 
caleiitissinio  miuricurdiœ  fonU\  doit  i''tie  regardée  romnie 
suniatnrelle  cl  profuii.lémeiil  svnibnrKjue,  p.  Si 

(r)  Viiuiidœ  morlis  Jesu  ClirisU  vcnc.  Ibid.,  p.  77,  seqq. 
—  Lne  considérai  ion  que  n'a  faite  ancun  de  ces  auteurs 
me  semble  décider  le  point  de  l.i  [nofondi'ur  de  la  bles- 
sure, el  metire  liors  de  doute  ipi'elle  ne  lut  pas  super- 
liciolle,  mais  qu'elle  s'étendit  jusque  dans  la  cavité  lliora- 
ciipie. 

Notre  Sauveur  distingue  les  blessures  de  ses  mains  de 
celle  de  sou  ei'ilé,  loi'sipi'd  iiiviie  'l'Iinuias  à  niesiU(T  les 
premières  avec  son  d  'igl,  et  la  sei'ouile  en  y  plac^'aiil  la 
main.  Dicil  Tliomif  :  liijer  diqiliim  Iwiin  liitc,  cl  vide  iiia- 
nus  incas,  el  (ifl'er  maniim  imm ,  el  mille  in  /«dis  memn 
(Jean,  xx,  v.  27).  Celle  ble.ssnre  doit  doue  avoir  clé  de, 
la'  largeur  de  deux  ou  irois  doigts  a  l'extérieur.  Or,  jour 
qu'une  lance  à  |  ointe  ordinaire  et  passablen«nt  aigue 
laisse  une  ciolrice  ou  incision  sur  la  chair  it'uue  telle 
largeur,  elle  doit  avoir  pénélré  de  quatre  ou  ciiu|  pouces 
au  mollis  dans  le  corps;  circonstance  lunt  à  lait  incompa- 
tible avec  une  lilessure  superlicielle  ou  qui  o'eill  alteiat 
que  la  chair.  Ce  raibonnement  s'adresse  donc  a  ceux  ijui 
admettent  en  ciilier  l'histoire  de  la  Passion,  et  les  appa- 
riiious  subsénuenles  de  noire  Sauveur,  mais  qui  nient 
la  réalité  de  sa  mort  :  tels  sont  les  adversaires  de  tjruner. 


MOR 


93  i 


chambre  fermée  du  tombeau,  loin  d'être  propres  à 
faire  revenir  une  personne  évanouie,  auraient  été 
l'instrinnent  le  plus  sûr  pour  rendre  réelle  une  mort 
apparente,  piiisiprils  auraient  produit  la  suH'oealion. 
INous  pouvons  ajouter  l'observation  d'Escbciibadi, 
qu'il  n'y  a  point  d'exemple  attesté  d'une  syiiciipe 
(Inrant  plus  (l'un  jour,  tandis  qu'ici  elle  aurait  dû  en 
durer  trois;  et  enlin,  ipie  celte  même  période  n'au- 
rait pas  été  sufflsanlc  pour  rendre  la  force  et  la  santé 
^  un  corps  ipi: -aurait  soullerl  les  déchirantes  tor- 
tures du  crucifiement  et  raciion  alTaiblissante  d'une 
syncope  par  perte  de  sang.  Voij.  Rédemption  , 
Salut. 

Mort  (le).  Lévit.,  c.  xix  ,  v.  28,  et  Deut., 
C.  xjv,  V.  1 ,  Moïse  défiMid  aux  HiHireux  de 
se  raser  le  front  et  les  sourcils,  ot  do  se  l'aire 
des  incisions  ]ioiir  un  mor^,  ou  |)ourlc/Ho/7. 
Dent.,  c.  xvui,  v.  11,  il  leur  liél'ond  d'inter- 
roger les  morts.  Cap.  xxvi,  v,  l'i,  lorsiiii'iin 
Israélite  offrait  à  Dieu  les  prémices  destruits 
de  la  terre  ,  il  était  obligé  do  protester  qu'il 
n'en  avait  pas  mangé  dans  le  deuil,  rien  oiii- 
ptoyé  à  un  usage  impur,  et  qu'il  n'en  avait 
rien  donné  pour  un  mort  ou  jiour  le  mort. 
Pour  expliquer  ces  dilTérentes  lois,  les  com- 
mentateurs ont  fait  voir  que  c'était  en  usage 
che/.  les  païens  de  s'égratigner,  de  se  déclii- 
rer  la  peau ,  do  se  faire  des  incisions  avec 
des  instruments  tranchants  dans  les  funé- 
railles, et  qu'en  répandant  ainsi  de  leur  sang, 
ils  croyaient  apaiser  les  divinités  infernales 
en  faveur  des  âmes  des  morts  ;  que,  dans  le 
mémo  dessein ,  ils  se  coupaient  ou  s'arra- 
chaient les  cheveux,  les  sourcils  ou  la  barbe, 
et  les  plaçaient  sur  le  mort,  comme  une  of- 
frande à  ces  mômes  divinités.  Spencer,  de 
Legib.  Hebrœor.  ritual.,  1.  ii,  c.  18  et  19. 
Rien  n'est  plus  connu  que  la  coutume  usitée 
dans  le  paganisme  d'interroger  les  morts, 
d'évoquer  leurs  mânes  ou  leur  âmes,  pour 
apprendre  d'elles  l'avenir  ou  les  choses  ca- 
chées. Malgré  la  défense  formelle  qu'en  fait 
Moïse,  Saiil  fit  évoquer  par  une  pylhonisse 
l'âme  do  Samuel,  et  Dieu  permit  qu'elle  ap- 
parût pour  annoncer  à  ce  roi  sa  tnort 
prochaine  (/  Reg.  xxviii,  11).  Il  est  encore 
]iarlé  de  cette  superstition  dans  Isaïe  (viii,  19, 
et  kxv,  h).  Enfin  il  est  prouvé  que  les  païens 
offraient  leurs  prémices  non-seulement  aux 
dieux  ,  mais  encore  aux  héros  ,  ou  aux  mâ- 
nes de  leurs  anciens  guerriers.  Il  est  évi- 
dent que  toutes  ces  superstitions  étaient  fon- 
dées sur  la  croyance  do  l'immortalité  des 
âmes,  et  il  n'en  faudrait  pas  davantage  pour 
prouver  que  ce  dogme  fut  toujours  la  foi  de 
toutes  les  nations.  Le  penchatit  décidé  des 
Juifs  à  imiter  ces  pratiques,  démontre  qu'ils 
étaient  dans  la  même  persuasion  que  les 
peuples  dont  ils  étaient  environnés.  Pour 
les  détourner  de  tout  usage  superstitieux  , 
Moïse  ne  leur  dit  point  que  les  morts  ne  sont 
plus,  qu'il  n'en  reste  rien,  que  l'âme  meurt 
avec  le  coriis  ;  mais  il  leur  dit  que  toutes  ces 
coutumes  sont  des  abominations  r.nx  yeux 
de  Dieu  ,  qu'il  les  punira  s'ils  y  tombent , 
([u'ils  sont  le  peuple  du  Seigneur,  unique- 
ment consacré  à  son  culte,  etc.  Par  là  nous 
concevons  encore  [lourquoi  Moïse  avait  ré- 
glé que  tout  homme  qui  avait  touché  un  ca- 
davre, laême  pour  lui  donner  la  sépultura 


95  s 


MOR 


MOR 


936 


serait  censé  impur,  serait  obligé  de  laver  ses 
habits  et  de  se  purifier  {Num.  xix,  11  et  16). 
C'était  évidemment  pour  écarter  les  Israéli- 
tes de  toute  occasion  d'avoir  commerce  avec 
les  morts.  Dans  le  style  de  Moïse,  être  souillé 
par  une  âme ,  c'est  être  souillé  par  l'attou- 
chement d'un  cadavre.  Cette  loi,  loin  d'ôtre 
superstitieuse,  avait  pour  but  de  retrancher 
les  superstitions  païennnes  à  l'égard  des 
morts. 

MoHTS  (état  des).  Voy.  Ame,  Enfer,  Im- 
mortalité, Mânes,  etc. 

Morts  {prières  pour  les).  L'Eglise  catholi- 
que a  décidé  dans  le  concile  de  Trente,  sess. 
6,  can.  30,  qu'un  pécheur  pardonné  et  ab- 
sous de  la  peine  éternelle,  est  encore  obligé 
de  satisfaire  à  la  justice  divine,  par  des  pei- 
nes temporelles,  en  cette  vie  ou  en  l'autre. 
Voy.  Satisfaction.  Conséquemment  le  mô- 
me concile  enseigne,  sess.  25,  qu'il  y  a  un 
pur'gatoire  après  cette  vie;  que  les  âmes  qui  y 
soutirent  peuvent  être  soulagées  par  les 
suffrages,  c'est-à-dire  par  les  prières  et  par 
les  bonnes  œuvres  des  vivants,  principale- 
ment par  le  saint  sacrifice  de  la  messe.  Déjà 
il  avait  déclaré,  sess.  22,  c.  2,  et  can.  3,  que 
ce  sacrifice  est  propitiatoire  pour  les  vivants 
et  pour  les  morts.  Tous  ces  dogmes  sont 
étroitement  liés  les  uns  aux  autres.  Au  mot 
Purgatoire,  nous  apporterons  les  preuves 
sur  lesquelles  cette  croyance  est  fondée  ; 
nous  avons  à  justitier  ici  l'antiquité  et  l;i 
sainteté  de  l'usage  rejeté  par  les  protestants 
de  prier  pour  les  morts. 

On  ne  neut  pas  douter  qu'il  n'ait  déjà  ré- 
gné chez  les  Juifs.  Tobie  dit  à  son  hls,  c.  iv, 
v.  17  :  «  Mettez  votre  pain  et  votre  vin  sur 
la  sépulture  du  juste,  et  ne  le  mangez  pas 
avec  les  pécheurs.  »  Puisqu'il  était  défendu 
par  la  loi  de  faire  des  offrandes  aux  morts, 
on  ne  peut  pas  juger  que  Tobie  ordonne  à 
son  iils  de  pratiquer  cette  superstition  des 
païens  ;  il  faut  donc  supposer  que  la  nourri- 
ture placée  sur  la  sépulture  d'un  mort  était 
une  aumône  faite  à  son  intention,  ou  qu'elle 
avait  pour  but  d'engager  les  pauvres  à  prier 
pour  lui. 

Nous  le  voyons  encore  plus  expressément 
dans  le  11'  livre  des  Machab.,  c.  xii,  43,  oii  il 
est  dit  que  Judas  ayant  fait  une  quête,  en- 
voya une  somme  d'argent  à  Jérusalem,  atin 
3ue  l'on  otfrit  un  sacritice  pour  les  péchés 
e  ceux  qui  étaient  morts  dans  le  combat. 
L'historien,  conclut  que  «c'est  donc  une  sain  te 
et  salutaire  pensée  de  prier  pour  les  morts, 
afin  qu'ils  soient  délivrés  de  leurs  péchés.  » 

Quand  les  protestants  seraient  bien  fondés 
à  ne  pas  regarder  ce  livre  comme  canonique, 
c'est  du  moins  une  histoire  digne  de  foi,  et 
un  témoignage  de  ce  qui  se  faisait  pour 
lors  chez  les  Juifs.  Cet  usage  s'est  perpétué 
cliez  eux,  et  il  en  est  fait  mention  dans  la 
Mischna,  au  chapitre  Sanhédrin  ;  nous  ne 
voyons  pas  qu'il  ait  été  réprouvé  par  Jésus- 
Clirist  m  par  les  apôtres. 

Baillé, dans  son  traité  de  Pœnis  et  Satisfac. 
humants,  a  disserté  fort  au  long  pour  esqui- 
ver les  conséquences  de  ces  deux  passages. 
Il  dit,  1.  T,  c.  1,  que  dans  le  premier,  Tobie 


recommande  à  son  fils  de  fournir  la  nourri- 
ture à  la  veuve  et  aux  enfants  d'un  juste, 
plutôt  que  de  la  manger  avec  les  pécheurs. 
Mais  il  est  absurde  de  prétendre  que  la  sé- 
pulture ,  le  tombeau  ,  le  monununt  d'un 
juste,  signifient  sa  veuve  et  ses  enfants  :  il 
n'y  a  dans  toute  l'Ecriture  sainte  aucnu 
exemple  d'une  métaphore  aussi  outrée.  H 
dit  que  le  second  regarde  non  les  peines  do 
l'autre  vie,  mais  la  résurrection  future  ;  que, 
suivant  l'auteur  du  livre  des  Marhahées,  Judas 
voulait  que  l'on  priât  pour  les  morts,  afin 
d'obtenir  de  Dieu  pour  eux  une  meilleure 
part  dans  la  résurrection ,  et  non  la  déli- 
vrance d'aucune  peine.  Mais  il  a  fermé  les 
yeux  sur  la  fin  du  )iassa:^o  qui  porte  qu'il 
faut  prier  pour  les  morts,  afin  quils  soient 
délivrés  de  leurs  péchés.  Or,  être  délivré  des 
péchés,  ou  être  déhvré  de  la  peine  que  l'on 
a  encourue  par  les  péchés,  est  certainement 
la  môme  chose. 

Saint  Paul  parlant  contre  ceux  qui  niaient 
la  résurrection  des  morts,  dit  (/  Cor.  xv,  29)  : 
Que  feront  ceux  qui  sont  baptisés  pour  les 
morts,  si  les  morts  ne  ressuscitent  point  ?  A 
(fuoi  bon  recevoir  le  baptême  p  )ur  eux  ?  >> 
Pour  esquiver  les  conséquences  de  ce  i:.?s- 
sage,.JeS:^protestants  soutiennent  qu'il'  est 
fort  obscur,  que  les  Pères  et  les  commenta- 
teurs ne  s'accordent  point  dans  le  sens  qu'ils 
y  donnent.  Mais  cette  réponse  n'est  pas  ai- 
sée à  conciliei'  avec  l'opinion  générale  des 
protestants ,  qui  prétendent  gue  l'Ecriture 
sainte  est  claire,  surtout  en  fait  de  dogmes, 
et  qu'il  suffit  de  la  lire  pour  savoir  ce  que 
l'on  doit  croire.  Ici  ell?  ne  nous  paraît  pas 
d'une  obscurité  impénétrable.  On  sait  que  chez 
les  Juifs  le  baptême  était  un  symbole  et  une 
pratique  de  purification  :  être  baptisé  pour  les 
morts,  signifiedonc  se  purifier  pour  les  morts. 
Soit  que  l'on  entende  par  là  se  purifier  à  la 
place  d'un  mort,  et  afin  que  cette  purification 
lui  serve,  soit  que  l'on  entende  se  purifier 
pour  le  soulagement  d'une  âme  que  l'on 
suppose  coupable,  le  sens  est  toujours  le 
même  ;  il  s'ensuit  toujours  que  ,  selon  la 
croyance  de  ceux  qui  en  agissaient  ainsi, 
leurs  bonnes  œuvres  pouvaient  être  de  quel- 
que utilité  aux  morts;  et  saint  Paul  ne  blâ- 
me ni  cette  opinion  ni  cette  pratique. 

Il  ne  sert  à  rien  d'objecter  que,  du  temps 
de  saint  Paul,  il  y  avait  déjà  des  hérétiques 
qui  prétendaient  que  l'on  pouvait  recevoir 
le  baptême  à  la  place  d'un  mort  qui  avait  eu 
le  malheur  de  ne  pas  le  recevoir.  Outre  que 
ce  fait  est  fort  douteux,  l'Apôtre  aurait-il 
voulu  se  servir  d'un  faux  préjugé  et  d'une 
erreur  ,  i)0ur  fonder  le  dogme  de  la  résur- 
rection luture  ?  Foy.  la  Dissertation  sur  le 
baptême  pour  les  morts.  Bible  d'Avignon, 
tome  XV,  page  kl8.  Nous  donnons  la  môme 
réponse  à  ceux  qui  prétendent  que  la  prière 
pour  les  morts  est  un  usage  emprunté  des 
païens.  Les  Juifs,  ennemis  déclarés  des  païens, 
surtout  depuis  la  captivité  de  Babylone,  n'en 
avaient  certa.inement  rien  emprunté,  et  saint 
Paul  n'aurait  pas  voulu  argumenter  su?  une 
piati(iue  du  paganisme.  S'il  y  avait  encore 
du  doute  sur  le  sens  des  paroles  de  l'Aoôtre 


957 


MOR 


la  tradition   et   .'usage  de  l'ancieiuie  Egàse 
achèveraifnt  de  le  dissiper;  or  nous  voyons 
cet  usage  établi  dès  la  fin  du  ir  siôde.  Dans 
les  actes  de  sainte  Perpétue,  qui  souffrit  le 
martyre  l'an  103,  cette  sainte  prie  pour  l'A- 
me de  son  frère  Dinocrate ,  et  Dieu    lui  fait 
connaître  que  sa  prière  est   exaucée.  Saint 
Clément  d'Alexandrie,  qui  a  écrit  dans  le  mê- 
me temps,  dit  f}u'un  gnostique  ou    un  par- 
fait chrétien  a  pitié  de  ceux  qui,  chAtiés  après 
leur  mort,  avouent  leurs  fautes  malgré  eux 
par  les  supplices  qu'ils  endurent,  Prom.,  1. 
VII,  c.  12,  p.  879,  édit.  do  Potter.  Tcrtuilien, 
L.  de  Corona,  c.  3,  parlant    des   traditions 
apostoliques,  dit  que  l'on  otfre  des  sacrifices 
pour  les  morts    et  aux  fûtes  des  martyrs.  11 
dit  ailleurs,  I.  de  Monog.,  c.  10,  «  qu'une 
veuve  prie   pour  l'ûme  de  son  mari  défunt, 
et  offre  des   sacrifices    le  jour  anniversaire 
de  sa  mort.  »  SaintCypriena  parlé  de  même. 
il  serait  inutile  de  citer  les  Pères  du  iv' 
siècle,  puisque  les   protestants  conviennent 
qu'alors  la  prière  pour  les  morts  était  gt'ué- 
ralement  établie,  mais  ce  n'était  pas  un  usage 
récent,  puisque,  selon    saint  Jean  Chrysos- 
tome,  Ilom.  3,  m  epist.  ad   Philip.,  il  avait 
été  ordonné  (lar  les  apôtres  de  prier  pour  les 
fidèles  défunts,  clans  les  redoutables  mystè- 
res. Aussi  tiouve-t-on  cette  [)rière  dans  les 
plus  anciennes  liturgies  ;  et   au  mot  Litur- 
gie  nous  avons  fait  voir  que,  quoiqu'elles 
n'aient  été  écrites  qu'au  iv°  siècle,  elles  da- 
tent du  temps  des  apôtres.  Saint  Cyrille  de 
Jérusalem,  en  expliquant  cet  usage  aux  fidè- 
les, dit  :  «  Nous  prions  pour  nos  pères  et  pour  les 
évoques,  et  en  général  pour  tous  ceux  d'en- 
tre nous  qui  sont  sortis  de  celte  vie,  dans  la 
ferme  espérance   qu'ds    reçoivent  un  très- 
grand  soulagement  des  prières  que  l'on  offre 
pour  eux  dans  le   saint  et   redoutable  sacri- 
fice. »   Cat.  mtjstag.  5.  Beausobre,  dans   son 
Hist.  du  manichéisme,  1.  ix,  c.  3,  a  osé  dire 
que  saint  Cyrille  avait   (hangé    la    liturgie 
sur   ce  point  ;  on  lui  a  fait    trop  d'honneur 
quand  on    a   pris  la    peine    de   le  réfuter. 
Saint   Cyrille  avait  donc  iiarcouru  toutes  les 
Eglises  du  monde,  iiourrendie  leur  liturgie 
conforme  à  celle  qu'il  avait  fabriquée  pour 
l'Eglise  de  Jérusalem  ?  Pouvait-il  seulement 
connaître   celles  qui  étaient  en  usage  dans 
les  Eglises  de    l'Italie,  de  l'Espagne  et  des 
Gaules"?  On  y  trouve  cependant   la  jirière 
pour  les  morts,  comme  dans  celle  de  Jérusa- 
lem, attribuée  à  saint  Jacques.  Voij.  le  Père 
Lebrun,  Ejcplic.  des  cérémonies  de  la  messe, 
t.  11,  p.  510,  et  tome  V,  p.  300,  et  la  Perpct. 
de  la  foi,  tom.  V,  1.  viii,  c.  5.  Bingliam  soup- 
çonne que  la  cinquième   catéchèse  de  saint 
Cyrille  a  été  inter|)olée;  où  en  sont  les  preu- 
ves ?  Dans  ce  même  siècle,  Aérius,  qui  avait 
embrassé   l'erreur   des   Ariens,    s'avisa    de 
blAmerla  prière  pour  les  morts,  et  séduisit 
quelques  disciples  :  il  fut  condamné  comme 
hérétique,  au  grand  scandale  des  prolestants. 
Voy.  AÉRIENS.  Mais  les   protestants  ne  sofit 
pas  mieux  d'accord  entre   eux  sur  ce  point 
que  sur  les  autres.  Les  luthériens  et  les  cal- 
vinistes  rejettent    également  le   dogme  du 
purgatoire  et  la  prière  pour  les  morts;  les 

DiCTIOXN      CE  TUÉOL.  DOGMATIQUE.    IlL 


MOR  938 

anglicans,  qui  n'admettent  pas  le  purgatoire, 
ont  cependant  conservé  l'usage  de  prier  pour 
les  morts:  leur  office  des  funérailles  est  à 
peu  près  le  même  que  celui  de  l'Eglise  ro- 
maine ;  ils  n'en  ont  retranché  que  la  jirofes- 
sion  de  foi  du  purgatoire. 

Pour  lustilier  la  pratique  de  l'Eglise  an- 
glicane, Bingham  a  rapporté  fort  exactement 
les  preuves  de  l'antiquité  do  cet  usage  ;  il 
fait  voir  (jue  dans  les  premiers  siècles  on  cé- 
lébrait ordinairement  la  messe  aux  obsèques 
des  défunts,  on  demandait  à  Dieu  do  leur 
pardonner  les  péchés  et  de  les  placer  dans  la 
gloire,  Orii/.  ecclés.,  t.  X,  1.  xxmi,c.  3,  §  12  et 
13.  iMais  il  soutient  que  cesprièr(>s  n'avaient 
aucun  rapport  au  purgatoire,  1°  [larce  que 
l'on  priait  pour  tous  les  morts  sans  distinc- 
tion, pour  ceux  de  la  félicité  desipiels  on  ne 
doutait  pas,  pour  les  saints,  même  pour  la 
sainte  Vierge  :  c'étaient  par  conséquent  des 
actions  de  grAces,  ou  pour  obtenir  aux  saints 
une  augmentation  de  gloire.  2°  L'on  priait 
Dieu  de  ne  pas  juger  les  Ames  à  la  rigueur, 
et  on  lui  demandait  pour  les  fidèles  la  i)arfaite 
béatitude  de  l'Ame  et  du  corps.  3°  C'était  une 
profession  de  foi  touchant  l'iaimortalité  des 
Ames  et  la  résurrection  future  des  corps.  11 
prétend  même  que  celte  pratique  était  fondée 
sur  plusieurs  erreurs.  On  croyait,  dit-il, 
que  les  morts  ne  devaient  jouir  de  la  vue  de 
Dieu  qu'après  la  résurrection  générale.  Ceux 
qui  admettaient  le  règne  temporel  de  Jésus- 
Christ  sur  la  terre  pendant  mille  ans,  pen- 
saient que,  parmi  les  infidèles,  les  uns  en 
jouiraient  plus  tôt ,  les  autres  plus  tard.  On 
était  persuadé  que  tous  les  hommes  sans  ex- 
cefition  devaient  passer  dans  l'autre  vie  par 
un  feu  expiatoire,  qui  ne  ferait  pidnt  de  mal 
aux  saints  et  qui  purifierait  les  pécheurs. 
Enfin,  l'on  ima<iinait  que ,  par  des  prières, 
on  pouvait  soulager  même  les  damnés.  Orig. 
ecclés.,  t.  VI,  1.  XV,  c.  3,  §  16  et  17.  Daillé 
avait  soutenu  la  même  chose,  de  Pœnis  et 
Satisfact.  humanis,  1.  v  et  suiv. 

Nous  avons  peine  à  comprendre  comment 
un  auteur  aussi  instruit  a  pu  déraisonner 
ainsi.  1°  Si  la  prière  pour  les  morts  était  fon- 
dée sur  quelqu'une  de  ces  erreurs,  c'était 
donc  un  abus  et  une  absurdit ''  :  pourquoi 
l'Eglise  anglicane  l'a-t-clle  conservée  ?  2' 
Parmi  tous  les  anciens  monuments  que  Bin- 
gham a  cités,  il  n'y  en  a  pas  un  seul  qui  ait 
le  moindre  trait  aux  erreurs  dont  i  fait  men- 
tion, et  on  pouvait  le  défier  d'enallé.j:uer  au- 
cun. 3°  Si  Ion  avait  été  persuadé  que  les  jus- 
tes ne  devaient  jouir  de  la  vue  de  Dieu  qu'a- 
près la  résurrection  générale,  il  y  aurait  eu 
de  la  folie  à  prier  Dieu  de  i)révenir  ce  mo- 
ment :  I  ouvait-on  se  flatter  de  l'engagera 
révoquer  un  décret  porté  à  l'égard  de  tous 
les  hommes  ?  4°  Nous  avouons  que  plusieurs 
anciens  ont  parlé  d'un  feu  expiatoire,  destiné 
à  purifier  toutes  les  Ames  qui  en  ont  besoin  ; 
mais  il  faut  s'aveugler  pour  ne  pas  voir  que 
c'est  justement  le  purgatoire  que  nous  ad- 
mettons. 5°  A  la  réserve  des  origénistes, 
qui  n'ont  jamais  été  en  grand  nombre,  per- 
sonne n'a  pensé  que  l'on  pouvait  soulager 
les  damnés  :  cette   erreur  ne  se  trouve  c[ue 

30 


939 


MOR 


MOfV 


9i0 


dans  quelques  missels  des  bas  siècles.  La 
prière  pour  les  morts  a  été  en  usage  avant 
qu'Origène  vînt  au  monde.  6°  Les  anciens 
fondent  l'usage  de  prier  pour  les  morts,  non 
sur  les  imaginations  de  Bingham,  mais  sur 
les  textes  de  l'Ecriture  que  nous  avons  cités, 
sur  ce  que  dit  Jésus-Christ,  dans  saint  Mat- 
thieu, c.  XII,  V.  32,  que  le  blasphème  contre 
le  Saint-Esprit  ne  sera  remis  ni  dans  ce 
monde  ni  dans  l'autre  :  de  \h  les  Pères  ont 
conclu  qu'il  v  a  des  péchés  gui  peuvent  être 
remis  dans  l'autre  vie  ;  enûn  sur  ce  que  dit 
saint  Paul ,  que  l'ouvrage  de  tous  sera 
éprouvé  i^ar  le  feu,  etc.  [ICor.  m,  13).  Voxj. 
PuRGATOiKE.  Quant  au  sens  que  Binphain 
veut  donner  aux  prières  de  l'Eglise,  il  est 
clair  dans  les  passages  des  Pères  et  dans  les 
liturgies.  Nous  convenons  que  c'est  une  pro- 
fession de  foi  de  l'immortalité  des  âmes  et  ''e 
la  résurrection  des  corps  ;  mais  il  y  a  quel- 
que chose  de  plus.  Saint  Cyrille  de  Jérusa- 
lem distinguo  expressément  la  prière  qui  re- 
garde les  saints,  d'avec  celle  qu'on  lait  pour 
\es  morts:  «  Nous  faisons  mention,  dit-il,  de 
ceux  qui  sont  morts  avant  nous  ;  en  premier 
lieu,  des  patriarches,  des  prophètes,  des  apô- 
tres, des  martyrs,  afin  que,  par  leurs  prières 
et  leurs  supplications.  Dieu  reçoive  les  nôtres; 
ensuite,  pour  nos  saints  Pères  et  nos  évoques 
défunts;  enfin,  pour  tous  ceux  d'entre  los 
fidèles  qui  sont  morts,  persuadés  que  ces 
prières  offertes  pour  eux,  lorsque  ce  saint 
et  redoutable  mystère  est  placé  sur  l'autel, 
sont  un  très-grand  soulagement  pour  leurs 
dmes.  »  Les  \inères  pour  les  saints  n'étaient 
donc  pas  les  mêmes  que  les  prières  pour  les 
dmes  du  commun  des  fidèles  ;  par  les  pre- 
mières ,  on  demandait  l'intercession  des 
saints,  par  les  secondes,  le  soulagement  des 
âmes.  Mais  Bingham,  qui  ne  voulait  ni  l'un 
ni  l'autre,  non  plus  que  la  notion  de  sacrifice, 
a  cru  en  être  quitte  en  disant  que  probable- 
ment le  passage  de  saint  Cyrille  a  été  inter- 
polé. Une  preuve  qu'il  ne  l'est  pas,  c'est  que 
ce  qu'il  dit  se  trouve  encore  dans  la  liturgie 
de  saint  Jacques,  qui  était  celle  de  Jérusa- 
lem, et  dans  toutes  les  autres  liturgies,  soit 
orientales,  soit  occidentales. 

Il  n'est  point  question  dans  ce  passage  de 
demander  à  Dieu  |:our  les  saints  une  aug- 
mentation de  gloire,  mais  leur  intercession 
[)0ur  nous;  ni  de  demander  pour  les  fidèles 
a  parfaite  béatitude  de  l'âme  et  du  cor,  s, 
mais  le  soulagement  de  leur  âme.  On 
voit  la  môme  distinction  dans  la  liturgie  tirée 
des  Constitutions  apostoliques,  I.  viii,  c.  13, 
que  Bingham  a  citée  ;  elle  porte  :  «  Souve- 
nons-nous des  saints  martyrs,  afin  que  nous 
soyons  rendus  dignes  de  participer  à  leurs 
combats.  Prions  pour  ceux  qui  sont  inorts 
dans  la  foi.  »  Vainement  Bingham  allVcte 
de  confondre  ces  ileux  esjièces  de  prières, 
afin  d'en  obscurcir  le  sens  ;  il  n'a  réussi  qu'à 
montrer  sa  prévention. 

Le  luthérien  iMûsheim,  encore  plus  entêté, 
place  au  iv'  siècle  la  naissance  de  l'usage  de 
prier  pour  los  morts;  il  attribue  à  la  philoso- 
phie platonique  les  notions  absurdes  d'un 
certain  feu  destiné  à  purifier  les  Ames  après 


la  mort.  Hist  eccl.  du  iv'  siècle,  ii'  part.  c.  3, 
§  1.  11  dit  que  dans  le  v",  la  doctrine  des 
païens  touchant  la  purification  des  âmes 
après  leur  séparation  des  corps  fut  plus  am- 
plement expliquée,  V  sh'cle,  ii"  part.,  c.  3, 
S  2  ;  qu'au  x*  elle  acquit  plus  de  forcé  que 
jamais,  et  que  le  clergé,  intéressé  à  la  soute- 
nir, l'appuya  par  des  fables,  x'  siècle,  n" 
part.,  c.  3,  §  1.  L'opinion  commune  dis  pro- 
testants est  que  cette  doctiitie  n'a  été  forgée 
que  par  la  cupidité  des  prêtres.  —  Mais 
est-il  bien  certain  que  les  anciens  platoni- 
ciens ont  admis  un  feu  expiatoire  ou  pur- 
gatoire des  Ames  après  la  mort  ?  Quand  cela 
serait,  le  passage  de  saint  Paul  (7  Cor.  m, 
13),  où  il  est  dit  que  l'ouvrage  de  chacun 
sera  éprouvé  par  le  feu,  était  jdus  propre  à 
faire  naître  la  croyance  du  purgatoire  que 
les  rêveries  des  platoniciens  ;  et  c'est  sur 
ce  passage  même  que  les  Pères  fondent  leur 
doctrine.  Puisqu'il  est  prouvé  que  l'usage  de 
jirier  pour  les  morts  date  des  temps  aposto- 
liques, peut-on  faire  voir  que  dans  l'origine 
les  prêtres  en  ont  tiré  quelque  profit'.'  S'il  en 
est  survenu  des  abus  au  x*  siècle  et  dans  les 
suivants,  il  fallait  les  retrancher,  et  laisser 
subsister  une  pratique  aussi  niicicnne  que 
le  christianisme,  et  qui  avait  déjà  eu  lieu 
chez  les  Juifs.  —  Selon  la  remarque  d'un 
académicien,  «  quand  on  est  persuadé  que 
l'âme  siirvit  à  la  desii  iiclion  du  corps,  c[uel- 
que  opinion  que  l'on  ait  sur*i'éiat  où  elle 
se  trouve  après  la  mort,  rien  n'est  si  natu- 
rel que  de  faire  des  vœux  et  d'^s  prières 
pour  tâcher  do  procurer  quelque  fé'ic.té  aux 
âmes  de  nos  parents  et  de  nos  amis;  ainsi 
l'on  ne  doit  pas  être  étonné  que  cette  prati- 
que se  trouve  répandue  sur  toute  la  terre.... 
Bien  loin  donc  que  les  chrétiens  aient  em- 
prunté cet  usage  des  païens,  il  y  a  b  aucoup 
plus  d'apparence  que  les  païens  eux-mêmes 
l'avaient  puisé  dans  la  tradition  primitive, 
et  que  c'est  une  notion  imprimée  par  le 
doigt  de  Dieu  dans  le  cœur  di'  tous  les  hom- 
mes.... Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que 
ceux  qui,  par  leurs  principes,  pa  aissent  le 
plus  prévenus  c'.ntie  cet  usa^e,  convien- 
nent souvent  de  bonne  foi  que,  dans  les  oc- 
casions intéressantes,  ils  ne  peuvent  s'em- 
pêcher do  former  des  vœux  secrets  que  la 
naiure  leur  arrache,  pour  h'urs  |  arents  et 
leurs  amis.  »  Hist.  de  VAcadémie  des  Inscrip- 
tions, t.  Il,  in-12,  p.  119. 

11  est  fort  dangereux  que  la  charité,  qui 
est  l'âme  du  christianisme,  ne  diminue  parmi 
les  vivants,  lorsqu'elle  n'a  plus  lieu  à  l'égard 
des  morls.  L'usage  do  prier  pour  eux  nous 
rappelle  un  tendre  souvenir  de  nos  parents 
et  de  nos  bienfaiteurs,  nous  inspire  du 
respect  pour  1  urs  dernières  volon  es;  ilcon 
tribue  à  l'union  des  familles,  il  en  ras- 
semble les  memlires  disfiersés,  les  ramène 
sur  le  tombeau  de  leur  père,  leur  remet  en 
mémoire  des  faits  et  dès  leçons  qui  intéi  es- 
sent  leur  bonheur.  Cet  effet' n'est  plus  guère 
sensible  dans  les  villes,  où  les  sentiments 
d'humanité  s'éteignent  avec  ceux  de  la  reli- 
gion ;  mais  il  subsiste  parmi  le  peuple  des 
campagnes,  et  il  est  bon  de  l'y  conserver. 


m 


MOK 


MOR 


91Î 


Eii  détruisant  cet  usa^u,  les  protostaiits  ont 
résisté  au  poncliaiit  de  la  nature,  à  l'esprit 
du  clii-isiiaiiisme,  h  la  Ira'lition  la  plus  an- 
cienne et  la  plus  rcspect.ible. 

Morts.  Fêle  des  morts  ou  di'S  trépassés  : 
jour  (le  prières  solennelles  qui  se  font  le  2 
noveniljie  pour  les  ilnies  du  purgatoire  en 
général.  Amalaire,  diacre  île  Metz,  dans  son 
ouvraije  des  Offices  eccli'siastiqiies,  qu'il  dédia 
à  Louis  11!  Déuonnaire,  l'an  .S^",  a  |)lacé  l'of- 
fice des  morls;  mais  il  y  a  liien  de  l'appa- 
rence qu'au  IX"  sifïcle  cet  of'ice  ne  se  disait 
enc^ire  que  p. lur  les  parliruliers.  C'est  saint 
Odilon,  ahhéde  Oluny,  qui,  l'an  998,  institua 
dans  tous  les  monastères  de  sa  congrégation 
la  fête  de  la  Commémoration  de  tous  les  fi- 
dèles di'funts,  et  Toftico  [lour  tous  en  géné- 
ral. Cette  dévotion,  approuvée  parles  papes, 
se  répandit  bientôt  dans  tout  l'Occident.  On 
joignit  aux  prières  d'autres  bonnes  œuvres, 
surtout  des  aumônes;  et  dans  quelques  dio- 
cèses il  y  a  encore  des  paroisses  où  les  la- 
boureurs font  ce  jour-lk  quelque  travail 
gratuit  pour  les  pauvres,  et  ofl'rent  à  l'église 
du  ()lé,  qui,  se'on  saint  Paul  {I Cor.  xv,  37), 
est  le  symbole d  ■  la  lésurrection  future.  Pour 
tourner  cette  fête  <  n  ridicule,  Mosheim  dit 
qu'elle  fut  instituée  en  vertu  des  ex 'orlations 
d'un  ermite  de  Sicile,  qui  prétendit  avoir 
appris  par  révélation  que  les  prières  des 
m  ines  de  Cluny  avaient  une  efficacité  parti- 
culiôie  pour  délivrer  les  âmes  du  purgatoire. 
Il  remanjue  (jiie  le  pape  Benoît  XIV  a  eu 
assez  d'esprit  pour  garder  le  silence  sur  l'o- 
rigine superstiiiruse  de  cette /'i^fe  déshono- 
rante, dans  son  Traité  de  Festis.  Un  célèbre 
incrédule  n'a  pas  manqué  d^^  répéter  l'anec- 
dote de  l'ermile  sicilien;  il  ajoute  que  ce 
fut  le  pape  Jean  XVI  qui  institua  la  fête  des 
morts  vers  le  milieu  du  xvr  siècle.  La 
vérité  est  mie  Jean  XVI  est  un  antipape 
qui  mourut  Van  99G,  deux  ans  avant  l'insti- 
tution de  la  tête  des  morts;  c'est  une  bévue 
grossière  da  l'avoir  placée  au  xvi'  siècle.  Il 
n'est  pas  surprenant  que  Benoît  XIV  ait  mé- 
prisé une  fable  de  laquelle  on  ne  cite  point 
d'autre  preuve  que  /a  Fleur  des  saints,  recueil 
rempli  de  contes  semblables;  mais  les  pro- 
testants ni  les  incrédules  ne  sont  pas  scru- 
puleux sur  le  choix  des  monuments,  ils  sé- 
duisent les  ignorants,  et  c'oet  tout  ce  qu'ils 
'prétendent.  Nous  voudrions  savoir  en  quoi 
les  prières  faites  pour  les  morts  en  général 
sont  déshonorantes  ;  n'est-ce  pas  plutôt  la 
critique  i)e  nos  adversaires? 

MORTIFICATION.  Sous  ce  nom  l'on  en- 
tend tout  ee  qni  peut  réprimer,  non-seule- 
ment les  appétits  déréglés  du  corps,  la  mol- 
lesse, la  sensualité,  la  gourmandise,  la  vo- 
lufité,  mais  encore  les  vices  de  l'esprit, 
comme  la  curiosité,  la  vanité,  la  jalousie, 
l'imfiatience,  etc.  Pour  savoir  si  la  morti- 
fication est  une  vertu  nécessaire,  il  suflii  de 
consulter  les  leçons  de  Jésus-Christ  et  des 
apôtros.  Le  Sauveur  a  dit  :  Heureux  ceux 
qui  pleurent ,  parce  qu'ils  seront  consolés 
[Matlh.  V,  5).  Il  a  loué  la  vie  austè  e,  péni- 
teplo  et  mortifiée  de  saint  Jean-Baptiste  (xi, 
è').  11  a  dît  lui-même  qu'il  n'avait  pas  oii  re- 


poser sa  tête  (viii,  20).  Il  a  prédit  que  ses 
disciples  jeiineraient,  iorsiiu'ils  seraient  pri- 
vés de  sa  présence  (i\,  15;.  11  conclut  :  Si 
Quelqu'un  veut  venir  a{)rés  moi,  qu'il  renonce 
a  lui-mémc,  qu'il  porte  sa  croix  et  me  suive 
(xvi,  2^,  etc.  ).  »  Saint  Paul  a  répété  la 
même  murale  dans  ses  lettres.  «  Si  vous 
vivez  selon  la  chair,  vous  mourrez  ;  mais  si 
vous  mortifiez  par  l'esprit  les  désirs  do  la 
chair,  vous  vivrez  (lioni.  vin,  13j.  Je.  cliAtie 
mon  corps  et  je  le  réduis  en  servitude,  do 
peur  qu'après  avoir  prêché  aux  autres,  je  no 
sois  moi-môme  réprouvé  (/  Cor.  ix,  27). 
Nous  portons  toujours  sur  notre  corps  la 
viortification  de  Jésus-Christ,  afin  que  sa  vie 
paraisse  en  nous  (//  Cor.  iv,  lOJ.  Vionlrons- 
nous  de  dignes  seivileurs  de  Dieu,  p.ir  la 
patience,  |iar  les  soutfrances,  par  le  travail, 
par  les  veilles,  par  les  jeûnes,  par  la  i  has- 
telé,  etc.  (vi,  V).  Ceux  qui  sont  à  Jésus-Christ 
crucifient  leur  chair  avec  ses  vices  et  ses 
convoitises  {Gatat.  v,  21).  Mortifiez  donc  vos 
membres  et  les  vices  qui  régnent  dons  le 
monde,  la  fornication,  l'impureté,  la  con- 
voitise, l'avarice,  elc.  [Colos.  iir,  5).  »  Il  a 
loué  la  vie  pauvre,  austère  et  pénitente  des 
prophètes  [tlehr.  xi,  37  et  38).  Les  premi  rs 
chrétiens  suivirent  cette  morale  à  la  lettre. 
«  Pour  nous,  dit  Tertullien,  desséchés  par  le 
jeilne,  exténués  par  toute  es()èce  de  conti- 
nence, éloignés  d'î  toutes  les  commodités  de 
la  vie,  couverts  d'un  sac  et  couchés  sur  la 
cendre,  nous  faisons  violence  au  ciel  par 
nos  désirs,  nous  fléchissons  Dieu;  et  lorsque 
nous  en  avons  obtenu  miséricorde,  vous  re- 
merciez Jupiter  et  vous  oubliez  Dieu.  y>  Apo- 
logétique, ch.  iO,  à  la  fin. 

Après  des  leçons  et  des  exemples  aussi 
clairs,  nous  ne  comprenons  pas  comment 
les  protestants  osent  blAmer  les  mortifica- 
tions, tourner  en  riijicule  les  austérités  des 
anciens  solitaires,  des  vierges  chrétiennes, 
des  ermites  et  des  moines  de  tous  les  siè- 
cles. Ils  disent  que  Jésus-Christ  n'a  point 
commandé  toutes  ces  pratiques,  qu'il  a 
même  bhlmé  l'hypocrisie  de  ceux  qui  affec- 
taient un  air  pénitent,  que  les  austérités  ne 
sont  pas  une  preuve  infaillible  de  vertu, 
que  sous  un  extérieur  mortifié  l'on  peut 
nourrir  encore  des  passions  très-vives,  etqu'il 
n*est  pas  difiicile  a'eu  citer  d'S   exemples. 

Mais  si  les  paroles  de  Jésjs-Christ,  que 
nous  avons  citées,  ne  sont  pas  des  préceptes 
formels,  ce  sont  du  moins  des  conseils; 
ceux  qui  fichent  do  le«  rédure  en  p  atique 
sont-ils  blAmables?  Artecter  un  air  pénitent 
par  hypocrisie,  pour  être  loué  et  adiiv  é  des 
hemmes,  est-ce  la  mêmu  chose  que  pratiquer 
les  austérités  de  bonne  foi,  dans  la  s  litude 
et  Iwin  (les  re.;a:ds  du  public,  pour  répi- 
mev  et  vaincre  les  passions?  ou  soutiend  a- 
t-on  que,  dans  la  multitude  de  ceux  qui  ont 
su  vi  ce  genre  de  vie,  il  n'y  eu  a  pas  lu  uq 
seul  qui  ait  été  sincère?  Oi'oi(iuo  los  mor- 
tifications n  ■  soient  pas  un  mo.>en  toujours 
infaillible  devaincio  toutes  les  passions,  l'on 
ne  peut  pas  nier  du  moins  qu'elles  n'y  con- 
tribuent ;  ceux  qui  par  Id  n'ont  pas  pu  réus- 
sir à  les  étouffer   entièrement,  en  seraient 


945 


MOR 


MOii 


9U 


encore  moins  venus  à  bout  par  un  genre  de 
vie  contraire.  II  est  très-proliable  que  si  les 
apôtres  et  leurs  disciples  Hv.iient  vécucomme 
ceux  qu'ils  voulaient  convertir,  ils  n'au- 
raient pas  fait  un  grand  nombre  de  prosé- 
lytes. Déjà  l'on  est  forcé  d'avouor  qu'en  gé- 
néral tous  les  hommes  sont  portés  à  estimer 
les  mortifications  et  à  les  regarder  comme 
une  vertu;  quand  ce  serait  un  préjugé  mal 
fondé,  il  faudrait  encore  convenir  que  ceux 
qui  sont  chargés  de  donner  des  leçons  aux 
autres  soat  louables  de  se  conformer  à  cette 
opinion  générale  ou,  si  l'on  veut,  à  ce  fai- 
ble de  l'humanité,  et  il  y  aurait  encore  de 
l'injustice  à  les  blâmer. 

Les  incrédules  n'ont  pas  manqué  d'en- 
chérir sur  les  satires  des  protestants.  On  a 
cru  dans  tout  les  temps,  disent-ils,  que  Dieu 
prenait  plaisir  à  la  peine  et  aux  tourments 
de  ses  créatures;  que  le  meilleur  moyen  de 
lui  plaire  était  de  se  traiter  durement;  que 
moins  l'homme  épargnait  son  corps,  plus 
Dieu  avait  pitié  de  son  âme.  De  cette  folle 
idée  sont  venues  les  cruautés  que  de  pieux 
forcenés  ont  exercées  contre  eux-mêmes,  et 
les  suicides  lents  dont  ils  se  sont  rendus 
coupables,  comme  si  la  Divinité  n'avait  rais 
au  monde  des  créatures  sensibles  que  pour 
leur  laisser  le  soin  de  se  détruire.  Consé- 
quemment  plusieurs  de  nos  épicuriens  mo- 
dernes ont  décidé  gravement  que  mortiQer 
les  sens,  c'est  être  impie;  que,  vu  l'impuis- 
sance de  réprimer  la  plus  violente  des  pas- 
sions, la  luxure,  ce  serait  peut-être  un  trait 
de  sagesse  de  la  changer  en  culte,  etc.  Nous 
rougirions  de  pousser  plus  loin  l'extrait  de 
leur  morale  scandaleuse.  Mais  lorsque  Py- 
thagore  et  Platon  prêchaient  l'abstinence  et 
la  nécessité  de  dompter  les  appétits  du  corps, 
ils  ne  fondaient  pas  leurs  leçons  sur  le  plai- 
sir que  Dieu  prend  aux  tourments  de  ses 
créatures  ;  ils  argumentaient  sur  la  nature 
même  de  l'homme:  ils  disaient  que  l'homme 
étant  composé  d'un  corps  et  d'une  âme,  il 
est  indigne  de  lui  de  se  laisser  dominer  par 
les  penchants  du  corps,  comme  les  brutes, 
au  heu  d'assujettir  le  corps  aux  lois  de  l'es- 
prit. Brucker,  Hist.  de  la  philos.,  tom.  I, 
p.  1066,  etc.  Porphyre,  qui,  dans  son  Traité 
de  l'abstinence,  suivait  les  principes  de  Py- 
thagore  et  de  Platon,  enseigne  que  le  seul 
moyen  de  parvenir  à  la  fin  à  laquelle  nous 
sommes  destinés,  est  de  nous  occuper  de 
Dieu,  de  nous  détacher  du  corps  et  des 
plaisirs  des  sens,  liv.  i,  n.  57.  Si  nous  l'en 
croyons,  Epicure  et  plusieurs  de  ses  disci- 
ples ne  vivaient  que  de  pain  d'orge  et  de 
fruits,  n.  'i-8.  Ce  n'était  pas  pour  plaire  à  la 
Divinité,  puisqu'ils  ne  croyaient  pas  à  la 
Providence.  Jamblique,  Julien,  Proclus, 
Hiéroclès  et  d'autres  ont  professé  les  mômes 
maximes.  On  dit  qu'ils  étalaient  cette  mo- 
rale austère  par  rivalité  envers  les  docteurs 
du  christianisme:  cela  peut  être;  mais  enfin 
ils  copiaient  Platon  et  Pythagore,  qui  ont 
vécu  longtemps  avant  la  naissance  du  chris- 
tianisme, et  auxquels  on  ne  peut  pas  prêter 
le  même  motif.  Ces  philosophes,  disent  nos  ad- 
versaires, étaient  des  rêveurs,  des  enthou- 


siastes, des  insensés  ;  soit. Il  s'ensuit  toujours 
que  l'estime  générale  que  l'on  a  eue  dans 
tous  les  temps  pour  les  mortifications  était 
fondée    sur  les  notions  de  la  philosophie. 

Il  n'est  pas  vrai  que  les  austérités  mo- 
dérées nuisent  à  la  santé.  Il  y  a  plus  de 
vieillards  à  proportion  dans  les  monastères 
delà  Trappe  et  de  Sept-Fonts  que  f)armi  les 
gens  du  monde.  Le  jeûne  et  les  macérations 
n'ont  pas  tué  autant  d'hommes  que  la  gour- 
mandise et  la  volupté.  Ce  ne  sont  pas  les 
épicuriens  sensuels  qui  remplissent  le  mieux 
les  devoirs  de  la  société,  ils  ne  pensent  qu'à 
eux,  et  ne  font  cas  des  hommes  qu'autant 
qu'ils  servent  à  leurs  plaisirs.  Porphyre  a 
raison  de  soutenir  que,  si  nous  étions  plus 
sobres  et  plus  mortifiés,  nous  serions  moins 
avides,  moins  injustes,  moins  ambitieux, 
moins  mécontents  de  notre  sort,  et  moins 
sujets  aux  maladies.  Le  luxe  ne  serait  pas 
si  excessif,  les  riches  feraient  un  meilleur 
usage  de  leur  fortune,  ils  seraient  plus  com- 
patissants et  plus  sensibles  aux  besoins  de 
leurs  semblables.  Ce  sont  les  désirs  inquiets, 
les  besoins  factices,  les  habitudes  tyranni- 
ques  qui  tourmentent  les  hommes;  en  y  ré- 
sistant, ils  seraient  plus  vertueux  et  plus 
heureux.  Pour  jeter  du  ridicule  sur  les  7nor- 
lifications  des  solitaires  et  des  moines,  ou 
les  a  comparées  aux  pénitences  fastueuses 
desfaquirs  mahométans,  indiens  et  cliiuois, 
dont  plusieurs  exercent  sur  leurs  corps  des 
cruautés  qui  font  frémir.  Mais  la  conduite 
de  ces  derniers  fait  connaître  les  motifs  qui 
les  animent;  ils  ont  grand  soin  de  se  pro- 
duire en  public  et  d'exposer  au  grand  jour 
le  supplice  auquel  ils  se  sont  condamnés; 
l'ambition  d'être  admirés  et  respectés,  ou 
d'obtenir  des  aumônes,  un  orgueil  insensé, 
un  fanatisme  barbare,  les  soutiennent  et  leur 
font  braver  la  douleur;  quelques  stoïciens 
firent  autrefois  de  même.  Les  pénitents  du 
christianisme  ont  des  motifs  diflérents  :  l'hu- 
milité, le  sentiment  de  leur  faiblesse,  le  désir 
d'expier  leurs  fautes  et  de  réprimer  les  pas- 
sions; ils  cherchent  la  retraite,  le  silence, 
l'obscurité,  selon  le  consed  du  Sauveur 
[Matth.  VI,  1),  et  ils  ne  poussent  point  la  ri- 
gueur de  leurs  macérations  au  môme  excès 
que  les  fanatiques  des  fausses  religions.  Il 
n'y  a  donc  aucune  ressemblance  entre  les 
uns  et  les  autres. 

Ces  réflexions  devraient  suffire  pour  fer- 
mer la  bouche  aux  protestants;  mais  rien  ne 
peut  vaincre  leur  entêtement  :  ils  attribuent 
au  vice  du  climat  tout  ce  qui  leur  déplaît 
dans  le  christianisme.  Le  goût  pour  la  soli- 
tude, disent-ils,  pour  la  méditation  et  la 
prière,  pour  la  continence,  les  mortifica- 
tions ,  les  pénitences  volontaires ,  est  un 
etfet  de  la  mélancolie  qu'inspire  le  climat  de 
l'Egypte,  de  la  Palestine,  de  la  Syrie  et  des 
contrées  voisines.  Des  philosophes  atrabi- 
laires, tels  que  Pythagore,  Platon,  Zenon,  et 
surtout  les  Orientaux,  ont  accrédité  ces  pra- 
tiques ;  mais  ils  ne  les  ont  fondées  que  sur 
des  dogmes  erronés.  Les  premiers  chré- 
tiens s'y  laissèrent  surprendre;  ils  enchéri- 
rent sur  la  morale  de  Jésus-Christ,   ils   sa 


94S 


MOR 


MOR 


94C 


flnttèrent  de  construire  une  religion  plus 
sainte  et  plus  parfaite  nie  la  sienne;  ils  n'ont 
fait  que  défigurer  ses  leçons.  Vin^t  auteurs 
protestants  ont  fait  tous  leurs  efforts  pour 
donner  à  ce  rêve  un  air  de  probabilité;  un 
court  examen  suffira  pour  dissiper  le  pres- 
tige.—  1°  Il  est  fort  singulier  que  pendant 
ciilq  ou  six  cents  ans,  depuis  Pytliagore 
jusqu'à  Jésus-Christ,  le  vice  du  climat  n'ait 
rien  opéré  sur  les  païens,  dont  les  mœurs 
ont  toijiiurs  été  aussi  licencieuses  en  Orient 
qu'en  Occident,  et  en  Egypte  qu'ailleurs; 
que  depuis  plus  de  mille  ans  il  n'ait  pas  pu 
vaincre  la  mollesse  et  la  lubricité  des  mu- 
sulmans, pendant  qu'il  a  produit  en  moins 
d'un  siècle  un  si  prodigieux  effet  sur  les  chré- 
tiens. A'oilà  un  phénomène  inconcevable! 
—  2»  Pythagore,  premier  philosophe  parti- 
san ûesmortilications,  était  né  dans  la  Grèce; 
il  voyagea  dans  l'Orient,  mais  il  passa  la 
plus  grande  partie  de  sa  vie  en  Italie;  ap- 
pellerons-nous mélancolique  ou  misanthrope 
un  homme  qui  ne  s'est  occupé  qu'à  faire  du 
bien  à  ses  sembl.ibles,  à  civiliser  les  peu- 
ples, à  policer  les  villes,  à  leur  donner  des 
lois  et  des  mœurs?  En  dép  t  d'un  climat très- 
diflérent  de  celui  de  l'Egypte,  il  lit  goûter 
ses  maximes,  il  trouva  des  disciples  et  des 
imitateurs;  on  a  dit  de  lui  :  Emrire  docct, 
et  discipulos  invenit.  —  3°  Si  c'est  iine  va- 
peur maligne  du  climat  qui  a  donné  aux 
chrétiens  uu  goût  pour  les  mortifications 
religieuses,  il  faut  que  son  influence  ait  ré- 
gné sur  toute  la  terre,  à  la  Chine  et  aux  In- 
des, dans  le  fond  du  Nord,  dès  que  le  cliris- 
tianisiue  y  a  pénétré,  et  dans  toutes  les  éco- 
les de  philosophie  de  la  Grèce.  A  la  réserve 
des  épicuriens  et  des  cyrénaiques,  tous  les 
sages  ont  déclaré  la  guerre  à  la  volupté  : 
tous  ont  non-seulement  conseillé  à  leurs 
discipl  s  la  frugalité  et  la  tempérance,  mais 
ils  leur  ont  appris  à  se  passer  de  la  plupart 
des  choses  que  les  hommes  corrompus  par 
le  luxe  regardent  comme  une  [lartie  du  néces- 
saire, et  en  cela  ils  croyaient  travailler  à 
leur  bonheur.  —  k°  Longtemps  avant  la  nais- 
sance de  la  ])  ilosophie.  Dieu  avait  fait  con- 
naître aux  patriarches  la  nécessité  des  mor- 
tifications. Ils  ne  pouvaient  pas -ignorer  la 
chute  de  leur  premier  père  :  et  ils  durent 
en  conclure  (jue  l'affluence  de  tous  les  biens 
est  peu  propre  à  rendre  l'homme  tidèle  à 
Dieu.  Ils  savaient  qu'en  punition  de  cette 
faute,  l'homme  était  condamné  à  arroser  de 
ses  sueurs  une  terre  couverte  de  ronces  et 
d'épiniîs,  et  que  la  pénitence  d'Adam  avait 
duré  neuf  cents  ans  :  lerr.ble  exem()le.  On 
voyait  les  personnages  les  i)lus  agréables  à 
Dieu,  tels  qu'Abraham,  Jacob,  Joseph,  Moïse, 
Job,  etc.,  mener  une  vie  souffrante,  morti- 
liée,  et  leur  vertu  souvent  exposée  à  des  ad- 
versités. «  Je  fais  |)éniience  sur  la  cendre  et 
la  poussière,  »  disait  le  saint  homme  Job,  à 
l'innocence  duquel  Dieu  lui-même  avait  dai- 
gné rendre  témoignage,  ch.  xx,  v.3;  ch.  xin, 
V.  6,  etc.  Un  prophète  nous  apprend  que  l'a- 
bo;'d;ince  de  tous  les  biens,  l'orgueil,  l'oi- 
siveté, et  ce  que  le  monde  appelle  une  vie 
heureuse,  furent  la  cause  des  crimes  et  de  la 


ruine  d«  Sodome  {Ezech.  xvr,  k9).  Let;  sys- 
tèmes insensés  des  philosophes  orientaui 
n'ont  commencé  à  éclure  que  plusieurs  siè- 
cles après.  —  5°  On  pourrait  croire  que  les 
premiers  chrétiens  ont  mal  pris  le  sens  des 
paroles  de  Jésus-Christ,  si  ce  divin  Maître 
ne  les  avait  pas  confirmées  par  ses  exem- 
ples; mais  il  a  voulu  naître  dans  une  famille 
pauvre  et  dans  une  étable;  il  s'est  fait  con- 
naître d'abord  à  de  pauvres  bergers;  il  a 
passé  sa  jeunesse  dans  la  maison  d'un  arti- 
san ;  tous  ses  parents  étaient  de  simples  ha- 
bitants de  Nazareth;  il  a  dit  lui-même  qu'il 
n'avait  pas  où  reposer  si  tète  (Matth.  vin, 
20;  Luc.  IX,  58).  Il  a  choisi  pour  ses  apôtres 
de  pauvres  pêcheurs,  accoutumés  à  une  vie  I 
dure  et  laborieuse,  et  il  a  voulu  qu'ils  aban- 
donnassent tout  pour  le  suivre;  c'est  aux 
pauvres  qu'il  a  commencé  d'abord  à  prêcher 
l'Evangile  (Matth.  xi,  5;  Luc.  iv,  18;  Jac.  ii, 
5).  C'était  volontairement  sans  doute  qu'il  a 
souffert  les  mortifications  de  la  pauvreté  (Il 
Cor.  vin,  9).  En  méditant  sur  ces  circons- 
tances, a-t-on  pu  s'empêcher  de  prendre  à 
la  lettre  ces  maximes  :  Heureux  les  pauvres, 
ceux  qui  souffrent  et  qui  pleurent  ;  malheur  à 
vous,  riches,  qui  avez  votre  consolation,  qui 
Ars  ras.sasiés,  qui  êtes  dans  la  joie,  etc.,  et  de 
croire  qu'il  y  a  du  mérite  à  imiter  la  vie 
de  ce  divin  Maître?  —  6°  Les  philosophes 
orientaux  et  les  hérétiques,  qui  soutenaient 
que  la  chair  est  une  production  du  mauvais 
principe  et  une  substance  mauvaise  par 
elle-même,  n'en  ont  jamais  parlé  d'une  nia- 
nière  plus  désavantageuse  que  saint  Paul. 
Outre  les  passages  de  ses  lettres  que  nous 
avons  cités,  il  dit  {Rom.  vu,  18)  :  «  Je  sais 
qu'il  n'y  a  rien  de  bon  en  moi,  c'est-à-dire 
dans  ma  chair.  V.  20  et  23,  il  l'appelle  une 
chair  dépêché,  une  loi  qui  le  captive  sous  le 
joug  du  péché.  C.  vui,  v.  8.  Ceux  qui  sont 
dans  la  chair  ne  peuvent  plaire  à  Dieu.  Y.  13, 
Si  vous  vivez  selon  la  chair,  vous  mourrez; 
mais  si  vous  mortifiez  par  l'esprit  les  affee 
fions  de  la  chair,  vous  vivrez.  C.  xiii,  v.  14-, 
Ne  contentez  point  les  désirs  de  votre  chair 
(Ephes.  II,  3).  Le  propre  du  paganisme  était 
de  satisfaire  les  désirs  et  les  volontés  de  la 
chair.  [Galat.  v,  16)  :  Marchez  selon  l'esprit, 
et  vous  n'accomplirez  point  les  désirs  de  la 
chair,  etc.  »  Voilà,  au  jugement  de  nos  ad- 
versaires, saint  Paul  devenu  disciple  des 
philosophes  orientaux  ;  c'est  lui  qui  a  infecté 
les  premiers  chrétiens  du  fanatisme  atrabi- 
laire par  lequel  ils  se  sont  armés  contre 
eux-mêmes,  et  se  sont  cruellement  tour- 
mentés ;  c'est  lui  qui  a  cru  forger  une  reli- 
gion plus  parfaite  que  celle  de  Jésus-Christ, 
et  qui  l'a  fait  embrasser  aux  autres,  etc.,  etc. 
Ainsi  l'ont  rêvé  les  protestants,  et  les  incré- 
dules l'ont  répété. 

Ils  ont  beau  dire  que  les  mortificationt 
extérieures  ne  contribuent  en  rien  à  domp- 
ter les  passions,  ni  à  nous  rendre  la  vertu 
plus  facile  ;  c'est  une  fausseté  contredite  par 
l'exemple  de  tous  les  saints.  Puisque  la  vertu 
est  la  force  de  l'âme,  elle  ne  s'acquiert  point 
en  accordant  à  la  nature  tout  ce  qu'elle  de- 
mande, mais  en  lui  refusant  tout  ce  dont  aile 


947 


MOZ 


MUfV 


M 


peut  se  passer.  Moins  nous  avons  de  besoins 
a  satisfaire ,  moins  il  nous  reste  de  désirs 
inquiets  l't  daniçereux.  Une  vie  dure  nYtouf- 
fer.i  pas  absolument  toutes  les  passions; 
mnis  l'hi'ibitude  de  dompter  celles  du  corps 
nous  fait  ré[)iimer  plus  aisément  celles  de 
l'esprit.  Quand  les  protestants  soutiennent 
quf-  le  goùl  pour  les  austérités  religieuses  a 
été  chez  les  (treiiiiers  clirétieiis  un  vice  du 
climat,  nous  sommes  en  droit  de  leur  ré- 
pondre que  l'aversion  pour  toute  espèce  de 
worO/îfo^Jon  est  venue,  cliez  les  réformateurs, 
de  la  vorarité,  de  la  gloutonnerie,  de  l'in- 
tempérance naturelle  aux  [leuples  septentrio- 
naux. Voy.  Anachorètes,  Pauvreté,  etc. 

MOSCOVITES.  Voy.  Rlsses. 

MOY>E.  Voy.  Moïse. 

MOZARABES,  MOZARABES  ou  MOST- 
ARABl-.S.  Oii  nomme  ;iinsi  les  chrétiens  d'Es- 
paj,ne,  qui,  après  la  conquête  de  ce  royaume 
par  les  Maures ,  au  commencem'nt  du  vni* 
siècle  ,  conservèrent  l'exercice  de  leur  reli- 
gion sous  la  domination  des  vainqueurs;  ce 
nom  signifie  mêlés  aux  Arabes.  Les  Visigoths 
qui  étaient  ariens ,  et  qui  s'étairnt  emparés 
de  l'Espagne  au  v'  siècle,  abjurèrent  leur 
héré-ie ,  el  se  réunir  nt  à  l'Eglise  dans  le 
troisième  concile  de  Tolède,  l'an  589.  Alors 
le  christianisme  fut  pn .fessé  en  Espagne 
dans  toute  sa  purt  lé,  et  il  était  encore  tel  six 
vingts  ans  après,  lorsque  les  Mauies  détriii- 
àirent  la  monarchie  des  Visigoths.  Les  chré- 
tiens, devenus  sujets  des  Maures,  conservè- 
rent leur  loi  et  l'exerciee  de  leur  rdigion, 
soit  dans  les  montagnes  de  Castille  et  de 
Léon,  où  plusieurs  se  réfugièrent,  soit  dans 
quelques  villes  où  ils  obtinient  ce  privilège 
par  capitulation  De  là  on  a  nommé  mozara- 
oique  le  rite  qu'ils  continuèrent  à  suivre,  et 
messe  mozarahiquc  la  l.turgie  cpi'ils  célé- 
braient ;  l'un  et  l'autre  ont  duré  en  Espagne 
jusque  sur  la  fin  du  xi'  siècle,  temps  auquel 
le  pape  Grégoiie  VII  eiigag  a  les  Espagnols 
à  prendre  la  1  turgie  romaine.  Pour  tii  er  de 
l'oubli  cet  ancien  rite  et  le  remettre  en  usage, 
le  cardinal  Ximénès  fond  i,  dans  la  cathédrale 
de  Tolède,  une  chapelle  dans  laquelle  l'oflîce 
et  la  messe  mozarabique  sont  célébrés;  il  ht 
imprimer  le  Missel  r,ui  JoOO,  et  le  Bréviaire 
en  1502  ;  ce  sont  deux  petits  in-folio.  Comme 
il  n'en  Ut  tinr  qu'un  petit  nombre  d'exem- 
plaires ,  ces  deux  volumes  étaient  devenus 
très-rares  et  d'un  prix  excessif;  mais  ils  ont 
été  réimpriiui's  à  Rome  en  IToo ,  par  les 
soins  du  P  Leslée  ,  jésuite  ,  avec  des  notes 
et  une  ample  préface.  Cet  éditeur  s'attaclia  à 
prouver  que  la  liturgie  mozarabique  est  des 
temps  apostoliques  ,  qu'elle  a  été  établie  en 
Espagne  par  ceux  mêmes  qui  y  ont  porté  la 
foi  chrétienne;  qu'ainsi  saint  Isidore  de  Sé- 
ville  et  saint  Léandre,  son  frère,  qui  ont  vécu 
au  corarueucement  du  vu'  siècle  ,  n'en  sont 
pas  les  .luteurs,  qu'ils  n'ont  fait  que  l.i  rendre 
plus  correcte ,  et  y  ajouter  quelques  nou- 
veaux ofhces.  Il  fait  voir  que  cette  liturgie  a 
été  constamment  en  usage  d.ms  les  églises 
d'Espa.-^ne  depuis  le  temjis  desa))ùlres,  non- 
seulement  jusqu'il  la  lin  du  règne  des  Visi- 
goths et  au  commencement  du  vui*  siècle, 


mais  jusqu'à  l'an  1080;  que  les  papes  Alexan- 
dre H,  Grégoire  VII  et  Urbain  II,  ne  sont  ve- 
nus h  bout,  qu'après  trente  ans  de  résistance 
de  la  part  des  Espagnols,  de  leur  faire  adop 
ter  le  rite  romain. 

Le  Père  Lebrun,  qui  a  faitnussi  VHistoire 
duritemozarabique,[..lU,Y).  272,  observe  que, 
dans  le  iiiissel  du  cardinal  Ximénès,  ce  rite 
n'est  pas  absolument  tel  qu'il  était  au  vu 
siècle;  mais  que,  pour  en  remplir  les  vides, 
ce  cardinal  y  fit  insérer  plusieurs  ruliriques 
et  plusieurs  jirières  tirées  du  missel  de  To- 
lède, qui  n'était  pas  le  pur  romain,  mais  qui 
était  conforme  en  plusieurs  choses  au  missel 
gallican;  il  distingue  ces  additions  d'avec  le 
vrai  mozarabe,  et  compare  celui-ci  avec  le 
gallican.  Le  Père  Leslée,  qui  a  fait  la  môme 


comparaison  ,  pense  que  le  premier  est  le 
plus  ancien  :  le  Père  Mabillon,  qui  a  donné 
la  liturgie  gallicane,  soutient  le  contraire,  et 


il  par<dt  que  c'est  aussi  le  sentiment  du  Père 
Lebrun.  Quelques  protestanls  ont  avancé  au 
hasard  que  la  croyance  des  chrétiens  moz- 
arabes était  la  môme  que  la  leur,  mais  qu'elle 
s'altéra  insensiblement  i>ar  le  commerce 
qu'ils  eurent  avec  Rome  La  liturgie  îwosr/ri- 
bique  dépo>e  du  contraire;  il  n'est  pas  un 
sei.l  des  dogmes  catholiques  contestés  par 
les  protestants  qui  n'y  soit  c'airement  pro- 
fessé. La  doctrine  en  est  exactement  con- 
forma aux  ouvrages  de  saint  Isidore  de  Se 
ville ,  aux  canons  des  conciles  d'Espagne 
ten;is  sous  la  domination  des  Maures,  et  à 
la  liturgie  gallicane,  dont  l'authenticité  est 
incontestable.  Foy.  Espagne,  Gallican,  Li- 
turgie. 

MURMURE.  Ce  mot,  dans  l'Ecriture  sainte, 
ne  signifie  pas  seulement  une  simple  plainte^ 
mais  un  esprit  de  désobéissance  et  de  ré- 
viilte,  accompagné  de  paroles  injurieuses  à 
la  Providence;  c'est  dans  ce  sens  que  saint 
Paid  (/  Cor.  x,  10)  condamne  les  murmures 
dont  les  Israélites  se  ri  ndirent  souvent  cou- 
pables. Ils  muimurèrent  contre  Moïse  et 
Aaron  dans  la  ferre  de  Gessen,  lorsque  le 
roi  d'Egypte  aggrava  leurs  travaux  [Exod.  v, 
21);  sur  les  bords  de  la  mer  Rouge  ,  lors- 
qu'ils sévirent  p  ursuivis  par  les  Egyptiens 
(xiv,  il);  à  Mara,  à  cause  do  l'amertume  des 
eaux  (xv,  24-J;  h  Sin,  parce  qu'ils  man- 
quaient de  nourriture  (xvi,  2);  à  Raphidim, 
parce  qu'il  n'y  avait  pas  d'eau  (xvii,  2y;  à 
Pliai  an,  lorsqu'ils  se  dégoûtèrent  de  l  manne 
(Nwn.  XI,  Ij  ;  ap:ès  le  retour  des  envoyés 
dans  la  terre  i)romise  (xiv,  I,  etc.).  Ces  mur- 
mures séditieux,  de  la  part  d'un  )  euple  qui 
avait  fait  tant  d'éjireuves  des  altentiims  et 
des  bienfaits  surnaturels  de  la  Providence, 
étaient  très-dign.'S  de  châtiment;  aussi  Dieu 
ne  les  laissa-t-il  pas  impunis.  Quelques  in- 
crédules ont  voulu  en  tirer  avantage.  Si 
Moïse,  disent-ils,  avait  donné  autant  de 
preuves  qu'on  le  suppose  d'une  mission  di- 
vine ,  il  n'est  pas  possilde  qui'  les  Israélites 
se  fussent  si  souvent  révoltés  contre  lui. 
Mais  la  même  histoire  qui  raconte  leurs  ré- 
voltes nous  ajiprend  aussi  (ju'ils  furent  tou- 
jours punis  ,  et  souvent  d'une  manière  sur- 
naturelle ,  par  une  ijontagion,  par  le  feu  du 


949 


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ciel,  par  des  «'••rpents,  par  des  gouffres  subi- 
teraenl  ouverts  sous  leurs  [àeds;  qu'ils  lu- 
rent toujours  forcés  de  revenir  à  rohi^issanre 
et  de  demander  pardon  de  leur  fa\ite;  et  c'é- 
tait toujours  Moïse  qui  intercédait  pour  eux 
auprès  de  Dieu.  Ce  sont  donc  là  plutôt  des 
preuves  de  sa  mission  divine,  que  des  objec- 
tions que  l'on  puisse  y  opposer.  ' 

MUS.àCH.  Ce  lertne  héhroM  a  été  conservé 
dans  la  Vul^ate  {IV  Iie(j.  xvi,  18)  ,  Musach 
Sabbnthi;  et  la  significalion  en  est  fort  incer- 
taine. Le  paraplir;i-te  chaldéen  a  mis  exem- 
pfnr  sabtha,  qui  est  encore  plus  obscur;  les 
Sejitarite  oui  entendu  la  base  ou  le  fonde- 
ment d'un  siège  ou  d'une  chaire;  le  syria- 
que et  l'arabe  nut  trniliiit.  In  nuiison  du  Sab- 
bat. Parmi  les  conuuenint(UU-s,  les  uns  disent 
que  c'était  un  endruildu  temple  où  l'on  s'as- 
seyait les  j'urs  de  sabl)at  ;  d'autres,  que  c'é- 
tait un  pupitre;  (pu^lques-uns,  que  c'était  une 
armoire;  plusieurs  eulin,que  cT'tait  un  par- 
vis ou  un  port  quecouvert.quicommuniqnait 
du  palais  des  rois  au  tciui  le,  et  que  le  roi 
Achaz  lit  fermer,  il  importe  fort  peu  de  sa- 
voir le-quels  ont  le  mieux  rencontn'. 

MUSIQUE.  Voij.  Chant  ecclésiastique. 

♦  MllTH-ÉS  DE  IIUSS!;^.  Notre-Seignoiu-  a  pnsd 
une  grande  iiiaNiiiie  :  Si  voire  œil  vous  tiniid;/(isc, 
arraclie~-te  et  jelez-l,:  loin  de  lOM-.  On  a  vu,  des  les 
premiers  siècles  dn  i'Iiglise,  des  chrétiens  prendre 
celte  maxime  à  la  IcUro  et  se  faire  ennnques  pour 
échapper  aux  auaqiies  incessantes  de  la  chair.  Les 
conciles  cotidanuièrent  celle  praiiiiiie.  On  Ta  vue  se 
renonvelcr  en  Uiissie.  Calhcrinc  H  réprima  ce  fana- 
tisme en  livrant  à  l'ignominie  ceux  qui  élaient  assez 
niallieureux  pour  employer  ce  remède  extnine.  Vers 
1818,  Alexandre,  voyant  la  secte  se  mulliplier,  or- 
donna que  Ions  les  mutilés  seraient  transportés  en 
Sibérie.  On  assure  qu'il  y  a  encore  aujourd'hui  des 
exemples  de  ce  fanatisme  cruel. 

MYHON.  Voij.  Chrême. 

MYSTÈRE  ,  chose  cachée  ,  vérité  incom- 
préhensible. Que  ce  terme  vienne  du  grec 
f<ùw,  je  ferme,  ou  de  uvsw,  j'inslruis,  ou  de 
l'hébreu  mustm-,  caché,  ce  n'est  jins  une  ques- 
tion fort  imjiortante.  Jésus-C-hrist  nomme  sa 
doctrine  les  mi/stèrcs  du  royaume  des  deux 
(Malth.xm,  11),  et  saint  Paul  appelle  les 
vérités  chréliennes  qu'il  faut  enseigner  le 
mystrredc  la  foi  [1  Tim.  ui,  9). — Une  maxime 
adoptée  par  les  incrédules  est  qu'il  est  im- 
possible de  croire  ce  q\ie  l'on  ne  peut  pas 
com|)rendre;  qu'ainsi  Dieu  ne  peut  pas  ré- 
véler des  mijstères;  que  toute  doctrine  mysté- 
rieuse doit  être  censée  fausse  et  ne  peut  pro- 
duire que  du  mal.  Nous  avons  à  prouver 
contre  eux  qu'il  n'est  aucune  source  de  nos 
connaissances  qui  ne  nous  apprenne  des 
mystères  ou  d.s  vérités  incompréhensibles  ; 
qu'il  y  en  a  non-si  ulement  dans  toutes  les 
religions  ,  mais  qu'ils  sont  inévitables  dans 
tous  les  systèmes  d'incrédulité;  que  la  dilfé- 
rence  entre  les  mystères  du  christianisme  et 
ceux  des  fausses  religions  est  (jue  les  pre- 
miers sont  le  fondement  de  la  morale  la  plus 
pure ,  ,!U  lieu  que  les  seconds  ne  peuvent 
aboutir  qu'à  corromi'.re  les  niœurs. 

I.  La  raison  ou  la  faculté  de  raisonner 
nous  démontre  ,  par  des  prjicipes  évidents, 


qu'il  y  a  une  première  cause  de  toutes  cho- 
ses, un  Etre  éternel,  tout-j)uissant,  créateur, 
indépendant,  libre,  et  cependant  immuable. 
Mais  nos  lumières  sont  trop  bornées  pour 
pouvoir  concilier  ensemble  la  liberté  et  l'im- 
mutabilité. Aucun  des  anciens  philosophes 
n'a  pu  concevoir  la  création;  tous  ont  admis 
l'éternilé  de  la  matière.  L'Etre  étemel  est 
nécessairement  inliui;  or  l'infini  est  incom- 
préhensible, tous  ses  attrii)uts  sont  des  mys- 
tères. Par  le  senliment  intérieur  qui  nous 
entraîne  aussi  nécessairement  que  l'évidence, 
niius  sommes  convaincus  que  nous  avons 
une  Ame,  qu'elle  est  le  princijie  de  nos  ac- 
tions et  de  nos  mouvements,  et  il  nous  est 
impossible  de  concevoir  comment  un  esprit 
agit  sur  un  corps  :  c'est  ce  qui  a  fait  naître 
le  système  des  causes  occasionnelles.  Nous 
sommes  certains  .  par  le  témoignage  de  nos 
sens,  que  le  mimvement  se  comumnique  et 
passe  d'un  corps  h  un  autre;  aucun  philoso- 
phe cependant  n'a  [>u  encoie  expliquer  com- 
ment ni  pouniuoi  un  choc  produit  un  mou- 
veuK'Ut.  Les  phénomènes  du  magnétisme  et 
de  l'électricité  ,  la  généralion  régulière  des 
êtres  vivants,  sont  des  mystères  de  la  nature 
que  la  phdosojihie  o'i'claircii'a  jamais.  Sur  le 
témoignage  de  tons  les  hommes,  un  aveugle- 
lU!  ne  peut  se  dispenser  de  croire  qu'il  y  a 
des  couleurs,  des  tableaux,  des  persj  ectives, 
des  miroirs;  s'il  eu  doutait,  il  serait  insensé  : 
mais  il  lui  est  aussi  impossible  de  concevoir 
tous  ces  phénomènes  que  de  comprendre  les 
mystères  do  la  sainte  Trinité  et  de  l'incarna- 
tion. 11  en  est  de  mémo  d'un  snurd  à  l'égard 
de-i  propriétés  des  sons.  C'est  Dieu,  sans 
doute,  (pii  nous  parle  et  nous  instruit  par 
notre  raison,  i)ar  le  sentiment  intérieur,  par 
le  témoignage  de  nos  sons,  jiar  la  voix  una- 
nime des  autres  homuies;  puisque  |)ar  ces 
divers  moyens  il  nous  révèle  des  mystères, 
nous  demandons  jourquoi  il  ne  peut  pas 
nous  en  enseigner  d'autres  par  une  révéla- 
tion surnaturelle;  pourquoi  nous  ne  sommes 
pas  obligés  de  croire  ceux-ci,  pendant  que 
nous  sommes  forcés  d'admettre  ceux-là.  Au- 
cun incrédule  n'a  encore  pris  la  peine  de 
nous  en  donner  une  raison.  Us  disent  qu'il 
est  impossible  de  croire  ce  qui  réjiugno  a  la 
raison,  ce  qui  renferme  contradiction,  et  Ils 
prétendent  que  tels  sont  les  mystères  du 
cliristianisme.  Nous  soutenons  qu'ils  ne  sont 
pas  plus  contradictoires  que  les  mystères  na- 
turels dont  nous  venons  de  [larler.  Selon  les 
anciens  philosophes,  il  y  a  contradiction  que 
do  rien  il  se  fasse  quelque  cliose  :  selon  les 
modernes,  il  est  impossible  qu'un  nouvel 
acte  ne  produise  aucun  ciiangement  dans 
l'être  qui  l'opère.  Les  sceptiques  ont  pré- 
tendu (|ue  le  mouvement  des  corps  renfer- 
mait contradiction,  et  les  matérialistes  disent 
encore  qu'il  est  contra  lictoire  qu'un  esprit 
remue  un  corps.  Un  aveugle-né  doit  juger 
qu'il  est  absurde  qu'une  suj)erlicie  plate  pro- 
duise une  sensation  de  profondeur.  Tous  ces 
raisonneurs  sont-ils  bien  fondés  ?  Pourquoi 
les  incrédules  trouvent-ils  des  contradictions 
dans  nos  mystères?  Parce  qu'ds  les  compa- 
rent à  des  objets  auxquels  ces  dogmes  ne 


9S1 


MYS 


MYS 


952 


doivent  pas  être  conipar^-s.  Si  l'on  se  forme 
de  la  nature  et  de  la  [personne  divine  la  môme 
idée  que  nous  avons  de  la  nature  et  de  la 
personne  humaine,  on  trouvera  delà  contra- 
diction à  dire  que  trois  pr^rsonnes  divines 
ne  sont  pas  trois  Dieux,  de  même  que  trois 
personnes  humaines  sont  trois  hommes;  et 
l'on  conclura  encore  que  deux  natures  en 
Jésus-Christ  sont  deux  personnes.  Mais  la 
comparaison  entre  une  nature  infinie  et  une 
nature  bornée  est  évidemment  fausse.  Lors- 
que nous  comparons  la  manière  d'ôlre  du 
corps  de  Jésus-Christ  dans  l'eucharistie,  à  la 
manière  dont  les  autres  corps  existent  ,  il 
nous  parait  que  ce  corps  ne  peut  j.as  se  ti  ou- 
ver  dans  plusieurs  lieux  au  même  moment, 
niête  sous  les  qualiiés  sensibles  du  pain, 
sans  que  la  substance  du  pain  y  soit  aussi. 
Mais  nous  ignorons  en  quoi  consiste  la  s  h- 
stauce  des  corps  séparés  de  leurs  qualités 
sensibles,  et  nous  avons  tort  de  compaier  le 
corps  sacramentel  de  Jésus-Christ  aux  autres 
corps.  De  môme,  lorsqu'un  athée  compare  la 
liberté  de  Dieu  à  celle  de  l'homme ,  il  lui 
semble  contradictoire  que  Dieu  soit  libre  et 
immuable.  Parce  qu'un  matérialiste  compare 
la  manière  d'être  et  d'agir  des  esprits  avec 
la  manière  d'être  et  d'agir  des  corps,  il  trouve 
qu'il  y  a  contradiction  à  penser  que  l'àme 
est  tout  entière  dans  la  tète  et  dans  les  pieds, 
et  qu'elle  agit  également  partout  où  elle  est. 
Parce  qu'un  aveugle-né  compare  la  sensation 
de  la  vun  à  crlle  du  tact ,  il  doit  apercevoir 
des  contradictions  dans  tous  les  phénomènes 
de  la  vision,  tels  qu'on  les  lui  expose.  Mais 
des  comparaisons  fausses  ne  sont  pas  des 
démonstrations.  Encore  une  fois  nous  dé- 
fions tous  les  incrédules  d'assigner  une  dif- 
férence essentielle  entre  les  mystères  de  la 
religion  et  ceux  de  la  nature.  Tout  ce  qui 
est  incomparable  est  nécessairement  incoin- 
préhi'nsibie,  |iarce  que  nous  ne  pouvons  rien 
concevoir  que  par  analogie.  Comme  les  at- 
tributs de  Dieu  ne  peuvent  être  comparés  à 
ceux  des  créatures  avec  une  justesse  parfaite, 
i-l  est  impossible  de  croire  un  Dieu  sans  ad- 
mettre des  mystères.  En  général  tout  est  mys- 
tère pour  les  ignorants  ;  si  c'était  un  trait  de 
sagesse  de  rejeter  tout  ce  qu'on  ne  conçoit 
pas ,  personne  n'aurait  autant  île  droit 
qu'eux  d'être  incrédule.  Locke  pose  pour 
maxime  que  nous  ne  pouvons  donner  notre 
acquiescement  à  une  proposition  quelcon- 
que, il  moins  que  nous  n'en  comprenions 
les  termes  et  la  manière  dont  ils  sont  aflir- 
més  ou  niés  l'un  de  l'autre;  d'où  il  conclut 
que ,  quand  on  nous  propose  un  mystère  à 
croire,  c'est  comme  si  l'on  nous  parlait  dans 
une  langue  inconnue  ,  en  indien  ou  en  chi- 
nois. Mais  est-il  vrai  que  quand  on  expose  à 
un  aveugle-né  les  nhénomèncs  de  la  vision, 
cest  comme  si  on  lui  piarlait  indien  ou  chi- 
nois ?  Lorsque  Locke  lui-même  admet  la  di- 
visibilité de  la  matière  à  l'infini,  en  a-t-il  une 
idée  fort  claire  ? -Par  sa  propre  expérience, 
il  devait  sentir  que,  pour  admettre  ou  rejeter 
une  proposition,  il  suflit  d'avoir  des  teimes 
dont  elle  est  composée,  une  notion  du  moins 
o'bscure  et  incomnlète.car  analogie  avec  d'au- 


tres idées.  Nous  ne  voyons  pas  toujours  la 
liaison  ou  l'opposition  de  deux  idées  en  elles- 
mêmes,  mais  dans  un  autre  moyen;  savoir, 
dans  le  témoignage  d'autrui  :  ainsi,  quand 
on  dit  à  un  aveugle  que  nous  voyons  aussi 
])romptement  une  étoile  que  le  faite  d'une 
mai-on  ,  il  ne  conçoit  point  la  possibilité  du 
fait  en  lui-même,  mais  si'ulement  dans  le  té- 
moignage de  ceux  qui  ont  des  yeux.  Par 
conséquent ,  lorsque  Dieu  nous  révèle  qu'il 
est  un  en  trois  personnes ,  nous  ne  voyons 
])as  la  liaison  de  ces  deux  idées  en  elles- 
mêmes,  mais  seulement  dans  le  témoignage 
de  Dieu.  Si  on  nous  le  disait  en  chinois  ou 
en  indien ,  nous  n'y  entendrions  que  des 
sons  ,  sans  pouvoir  y  attacher  aui'une  idi''e. 

11  n'est  donc  pas  vrai,  comme  le  prétend 
un  autre  déiste  ,  que  la  profession  de  foi 
d'un  mystère  soit  un  jargon  de  mots  sans 
idées,  et  que  nous  mentions  en  disant  notre 
catéchisme;  un  aveugle  ne  ment  point  quand 
il  admet  les  phénomi'ues  de  la  vision  sur  le 
témoignage  uniforme  de  tous  les  hommes. 
Du  moins,  répliquent  les  déistes,  si  les  mys- 
tères de  Dieu  sont  inconnus  en  eux-mêmes, 
ils  ne  le  sont  plus  lorsque  Dieu  nous  les  a 
révélés  ;  car  enfin  révéler  signifie  dévoiler, 
montrer,  dissiper  l'obscurité  d'une  chose 
quelconque  ;  si  la  révélation  ne  produit  pas 
cet  etfet,  de  quoi  sert-elle?  El'e  sert  à  nous 
persuader  qu'uup  chose  est,  sans  nous  ap- 
prendre comment  et  pourquoi  elle  est  ;  c'est 
ainsi  que  nous  révélons  aux  aveugles  les 
phénomènes  de  la  lumière,  desquels  ils  ne 
se  douteraient  pas,  et  que  nous  ne  parvien- 
drons jamais  à  leur  faire  comprendre. 

IL  Les  incrédules  pourraient  p.iraître  ex- 
cusables, s'ils  avaient  enlin  trouvé  un  sys- 
tème exempt  de  mystères,  mais  il  n'est  pas 
une  seule  de  leurs  hypothèses  dans  laquelle 
on  ne  soit  forcé  d'admettre  d"S  mystères  plus 
révoltants  que  ceux  du  christianisme ,  et 
plusieurs  ont  eu  la  bonne  foi  d'en  convenir. 
Lorsqu'un  matérialiste  a  fait  tous  seseff  rts 
pour  expliquer  par  un  mécanisme  les  diffé- 
rentes opérations  de  notre  âme,  il  se  trouve 
réduit  h  confesser  que  cela  est  inconcevable, 
que  l'on  ne  peut  pas  y  réussir,  qu'il  en  est 
de  même  de  la  plupart  des  autres  phénomè 
nés  de  la  naiure  ;  ainsi  il  ne  fait  que  subs- 
tituer aux  mystères  de  l'Ame  les  mystères  de 
la  matière  ;  il  résiste  en  même  temps  au  sen- 
timent intérieur  et  aux  plus  pures  lumières 
du  sens  commun.  Pour  éviter  d'admettre  la 
création,  un  athée  est  forcé  de  recourir  au 
progrès  des  causes  k  l'intini ,  c'est-k-dire  k 
une  suite  infinie  d'elfets  sans  première  cause  ; 
k  soutenir  que  le  mouvement  est  l'essence 
de  la  matière,  sans  pouvoir  dire  en  quoi  con- 
siste cette  essence  ;  k  supposer  la  nécessité 
de  toutes  choses,  k  prétendre  que  des  actions 
qui  ne  sont  pas  libres  sont  cependant  dignes 
de  chiUiment  ou  de  récompense,  etc.  Y  eut- 
il  jamais  des  mystères  plus  absurdes? 

Les  déistes  ne  réussissent  pas  mieux  k  les 
éviter.  Si  le  Dieu  qu'ils  admettent  n'a  point 
de  providence,  de  quoi  sert-il?  S'il  en  a  une, 
sa  conduite  est  iinpénétraLle.  Ou  il  a  été 
libre  dans  la  distriiiulion   des   biens  et  des 


9SS 


MYS 


MYS 


9H 


maux,  ou  il  ne  l'a  pas  été  ;  dans  le  premier 
cas,  il  faut  faire  un  acte  de  foi  sur  les  rai- 
sons qui  ont  réglé  cette  distribution  ;  dans 
le  second,  nous  ne  lui  devons  ni  culte  ni  re- 
connaissance. Comment  a-t-il  permis  tant 
d'erreurs  et  tant  de  crimes  ?ConMnent  s'est-il 
servi  d'hommes  imposteurs  ou  insensés 
pour  établir  la  plus  sainte  religion  ipu  fut 
jamais  ?  etc.  Aussi  les  alliées  reprochent  aux 
déiste-;  qu'ils  rais(mnent  moins  conséquem- 
ment  que  les  croyants  ;  cpic,  dès  qu'ils  ad- 
mettent uu  Dieu  et  une  provitlence,  il  est 
alisur.le  de  ne  pas  acquiescer  îi  tous  \esmys- 
tères  du  christianisme.  Selon  les  sceptiques  et 
les  pyrrlionicns,  tout  est  mystère,  tout  est 
impénétrable,  et  c'est  pour  cela  qu'il  ne  faut 
admettre  aucun  système  ;  mais  Bayle  leurre- 
pi'ésente  que  bon  gré  mal  gré  «  l'on  est  forcé 
df>  convenir  que  nous  avons  été  précédés 
d'une  éternité  :  si  elle  est  successive,  elle 
est  combattue  par  des  objections  insur- 
montaliles  ;  si  elle  n'est  qu'un  instant,  les 
diflicullés  qu'elle  entraine  sont  encore  plus 
insolubles.  Il  y  a  donc  des  dogmes  que  les 
pyrrhoniens  mômes  doivent  admettre,  quoi- 
qu'ils ne  plussent  rés(iiidr(>  les  objections  qui 
les  combattent.  »  Réponse  au  Prov.,  c.  \cvi. 
Or,  quand  on  ne  serait  obligé  d'admettie 
qu'un  seul  mystère,  dès  lors  il  est  faux  de 
soutenir  qu'un  homme  raisonnable  ne  doit 
jamais  croire  ce  qu'il  ne  jieut  pas  com- 
prendre. 

III.  L'on  nous  objecte  que  les  fausses  re- 
ligions sont  remplies  de  mystères;  nous  en 
convenons.  Les  Chinois  en  ont  sur  Foé  et 
Poussa,  les  Japonais  sur  Xaca  et  Amida,  les 
Siamois  sur  Sommonacodoni,  les  Indiens  sur 
Brama  et  Rudra,  les  Parsis  sur  Ormuzd  et 
Ahriman,  les  mahométans  sur  les  miracles 
de  Mahomet  ;  la  mythologie  des  païms  était 
un  chaos  de  mystères ,  |iuisque,  selon  les 
philosophes,  elle  était  allégorique.  Qu'im- 
porte ?  Sur  tous  ces  prétendus  mystères  peut- 
on  fonder  une  morale  aussi  pure,  aussi  sain- 
te, aussi  digne  de  l'homme,  que  sur  \ps  mys- 
tères du  christianisme  ?  Ceux  des  autres  re- 
ligions sont  non-seulement  absurdes,  mais 
scandaleux  :  ils  corrompent  les  mœurs,  et  on 
le  voit  par  la  conduite  des  peuples  qui  les 
professent.  La  foi  aux  mystères  enseignés 
par  Jésus-Christ  a  changé  en  mieux  les 
mœurs  des  nations  qui  l'ont  embrassée  ;  elle 
a  fait  pratiquer  des  vertus  inconnues  jus- 
qu'alors. Telle  est  la  différence  sur  laquelle 
nos  anciens  apologistes  ont  toujours  insisté, 
et  à  laquelle  leurs  adversaires  n'ont  eu  rien 
à  répliquer;  le  fait  est  incontestable.  Dieu 
a  révélé  des  myst'res  dans  tous  les  temps. 
Il  avait  enseigné  aux  patriarches ,  la  créa- 
'  tion,  la  chute  de  l'homme,  la  venue  future 
d'un  rédempteur,  la  vie  à  venir  ;  aux  Juifs,  le 
choix  qu'il  avait  fait  de  la  postérité  d'Abra- 
ham, la  conduite  de  sa  providence  envers 
les  autres  peuples,  la  vocatiou  future  des 
nations  à  la  connaissance  du  vrai  Dieu.  Il 
n'est  pas  étonnant  qu'il  en  ait  révélé  en- 
core de  nouveaux  par  Jésus-Christ,  lorsque 
le  genre  humain  s'est  trouvé  en  état  de  les 
recevoir.   Mais    ce    que  les    incrédules   ne 


voient  point,  c'est  que  Dieu  s'est  servi  de 
cette  révélation  même  pour  conserver  et  pour 
perpétuer  la  croyance  des  vérités  démon- 
trables ;  aucun  peuple  n'a  connu  et.  retenu 
ces  dernières,  dès  qu'il  a  fermé  les  yeux  h 
la  lumière  surnaturelle.  Où  les  trouve-t-on 
dans  leur  entier,  que  parmi  les  descemlants 
des  patriarches?  Faute  d'aduiettre  la  ciéation, 
les  philosophes  mêmes  n'ont  jamais  pu 
réussir  à  démontrer  solidement  l'unité,  la 
spiritualité,  la  simplicité  parfaite  de  Dieu; 
il.s  ont  approuvé  le  polyth  isme  et  l'idolâ- 
trie, ils  sont  devenus  absolument  aveugles 
en  fait  de  religion.  Lorsque  Jésus-Christ 
parut  sur  la  terre,  la  iihilosofihie,  par  sis  dis- 
putes, avait  ébranlé  toutes  les  vérités  ;  elle 
n'avait  respecté  ni  le  dogme  ni  la  morale , 
elle  n'avait  épargné  que  les  erreurs.  Il  fallait 
des  mystères  pour  lui  imposer  silence,  et  la 
forcer  de  plier  sous  le  joug  de  la  foi. 

Si  l'on  retranche  du  symbole  chrétien  le 
mystère  de  la  sainte  Trinité,  tout  l'édifice  de 
notre  religion  s'écroule;  la  divinité  de  Jésus- 
Christ  ne  peut  plus  se  soutenir  ;  les  effusions 
de  l'amour  divin  à  notre  égard  se  réduisent  à 
rien.  Ce  mystère  no  nous  est  [loint  proposé 
comme  uu  dogme  de  foi  purement  spécula- 
tif, mais  comme  un  objet  d'admiration,  d'a- 
mour, de  reconnaissance..  Dieu,  éternelle- 
ment heureux  en  lui-même,  a  créé  le 
monde  par  son  'Verbe  éternel  ;  c'est  par  lui 
qu'il  le  conserve  et  le  gouverne.  Ce  Verbe 
divin,  consubstantiel  au  Père,  a  daigné  se 
faire  homme,  se  revêtir  de  notre  chair  et  de 
nos  faiblesses ,  habiter  parmi  nous,  pour 
nous  servir  de  maître  et  de  modèle  ;  il  s'est 
livré  îi  la  mort  pour  nous;  il  se  donne  encore 
à  nous  sous  la  forme  d'un  aliment,  afin  de 
nous  unir  plus  étroitement  à  lui.  L'Esprit 
divin,  amour  essentiel  du  Père  et  du  Fils, 
après  avoir  parlé  aux  hommes  par  les  pro- 
phètes ,  a  été  envoyé  pour  nous  éclairer  et 
nous  instruire;  communiqué  parles  sacre- 
ments, il  opère  en  nous  par  sa'grAce,  et  nré- 
side  à  l'enseignement  de  l'Eglise.  Ces  iaées 
sont  non-seulement  grandes  et  sublimes  , 
mais  all'ectueuses  et  consolantes  ;  elles  élè- 
vent l'Ame  et  l'attendrissent.  Dieu,  tout  grand 
([u  il  est,  s'est  occupé  de  nous  de  toute  éternité; 
tout  son  être,  pour  ainsi  dire ,  s'est  approprié 
à  nous.  L'homme,  quoique  faillie  et  pécheur, 
est  toujours  cher  à  Dieu  ;  par  les  excès  de  sa 
bonté  pour  nous  ,  nous  ]iouvons  juger  de  la 
grandeur  du  bonheur  ([u'il  nous  destine.  11 
n'est  pas  étonnant  que  cette  doctrine  ait  fait 
des  saints. — Que  l'on  ne  vienne  plus  nous  de- 
mander à  quoi  servent  les  mystères  ;  ils  n'ont 
]ias  été  iraagini's  exprès  pour  nous  embar- 
rasser par  leui-  oliscuiilé;  ils  sont  inévita- 
bles. Dès  que  Dieu  a  dai,.i,né  se  faire  con- 
naître aux  liommes,  il  ne  pouvait  leur  révé- 
ler son  essence  ,  ses  desseins,  le  plan  de  sa 
providence,  sans  leur  apprendre  des  choses 
incompréhensibles,  par  conséquent  des  mys- 
tères.'^ous  sommes  bien  mieux  fondés  à  dire  : 
De  quoi  servirait  la  religion,  sans  ces  augus- 
tes objets  de  croyance  ?  Bientôt  elle  serait 
réduite  au  même  point  où  elle  fut  autrefois 
entre  les  mains  des  philosopl-ies;  c'est  par 


95S 


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956 


les  mystères  que  Dieu  l'a  mise  à  couvert  de 
leurs  attentats. 

Ces  dogmes  obscurs,  disent-ils,  n'ont  cansf*' 
que  des  disputos  ;  les  hommes  ont  f;:il  con- 
sister toute  la  religion  dans  la  foi  et  dans  un 
zèle  ardent  pour  Tortliodoxie  ;   ils  se  sont 
pcrsua  lé  que  tout  1  .ur  était  perinis  contre 
les  h  Téiiques  et  les  mécréants.  Déi  lamntions 
absurdes.  N'a-t-oii  pas  disputé  avant  le  chris- 
tianisme?  Les  Egyptiens  se  battaient  pour 
leurs  ;in'maux  sacrés;  les   Perses  brûlèrent 
les  temph'S  d  s  Grecs  pir  zèle  pour  lo  culte 
du  feu  ;  l'on  a  v"  plus  d'une  fois  les  ïarta- 
res  en  campa^:;ne  pour  v(  ngcr  une  insuite 
faite  à  leur  idole  ;  les  Mexicains  faisaient  la 
guerre  pour  avoir  des  victimes  humaines  k 
immoler  dms  leurs  temples.   S'il  y  a   une 
vérité  souvent  répéti'e  dans  l'Evangile,  c'est 
que  la  vraie  piété  consiste  dons  les  bnnnes 
œuvres,  et  que  la  foi  ne  sert  ne  rien  sans  la 
pr  tique  des  vertus.  Eu  repruchant  aux  ciiré- 
liens  un  faux  zè'e ,  les  incrédules  en  atfcc- 
tent   un   qui  est  encore   plus  faux  ;  ils   ne 
prêchent  la  morale  que  [)onr  déiruire  le  dog- 
me,  pendant  qu'il   est  prouvé   qu'  l'un  ne 
p.'Ut  subsister  sans  l'autre  ;  ils  veulent  avoir 
Je  privilège  de  ne  rien   croire,  po'ir  obtenir 
la  liberté  de  ne   pratiquer  aucune  vertu  et 
de  se  pei  mettre  tous  les  vi- es.  Voy.  Dogme. 
Les  principaux  mystères   ou  articles  de  foi 
du   christianisme    sont    renfermés  dans   le 
symbole  des  apôtres,  dans  celui  du  concile 
de  Nicée  répété  par  le  concile  de  Trente,  et 
dans  celui  qui  est  communément  attribué  à 
saint  Ath;".i;:se  ;  tout  chrétien  est  obligé  de 
s'en  instruit  e  et  de  les  ci  cire  pour  être  sauvé. 
Nous  appelons  encore  mystères  les  jirinci- 
paux  événements  de  la  vie  de  Jésus-Christ, 
que  l'Eglise  célèbre  par  des  fêles,   comme 
son  incarnation,  sa  nativité,  sa  passion,  sa 
fésurrection,  etc.,  et  ces  fêtes  sont  un  mo- 
nument de  la  réalité  des  faits  dont  elles  rap- 
pellent le  souvenir.  Voy.  Fêtes. —  Il  est  bon 
de  remarquer  que  les  Giecs  nomment  mys- 
tère ce  que  nous  appelons  sacrement,  et  c'est 
dans  ce  sens  que  sa  ni  Paul  a    cniiiloyé  le 
Diot  de  mystère,  en  parlant  de  l'union  des 
époux   {Ephes.  y,    32).    Yoy.   Mariage.    Ces 
deux  termes  sont  parfaitement  synonymes, 
quoique  les  protestants  aient  souvent  alfec- 
té  de  les  distinguer  ;  l'un   et  l'autre   sont 
également  propres  à  désigner  une  cérémo- 
nie ou  un  signe  sens'ble,  qui  opère  un  ell'et 
caché  et  invisible  dans  l'âme  de  ceux  aux- 
quels il  e-t  appliqué.  Les  Syriens  et  les  Ethio- 
piens ont  aussi   un  terme  équivalent  pour 
exprimer  les  sei)ts  sacrements. 

Dans  l'Ecriture  sainte ,  mystère  signifie 
quelquefois  une  chose  que  l'homme  ne  pi'ut 
pas  découvrir  par  ses  propres  lumières,  mais 
qu'il  conçoit  lorsque  Dieu  daigne  la  lui  ré- 
véler; ainsi  Daniel,  c.  ii,  v.  28  et  20,  dit  que 
Dieu  révèle  les  mystères,  c'est-ii-dire  les  évé- 
nements cachés  dans  l'avenir.  Saint  Paul 
{Ephes.  m,  i),  parlant  du  mystère  de  Jésus- 
Christ,  ajoute  :  «  Ci' mystère  est  que  les  gen- 
tils sont  héritiers  et  sont  un  même  corps 
avec  les  Juifs,  et  ont  part  avec  eux  aux 
promesses  de  Dieu  en  Jésus-Christ  par  l'E- 


vangile. »  Jusqu'alors  les  Juifs  ne  l'avaient 
pas  compris.  Mais  jusqu'à  quel  point  les  na- 
tions mêmes  qui  ne  connaissent  pas  l'Evangile 
ont-elles  part  à  la  gr/ice  de  la  rédemption  ? 
C'est  un  autre  mystère  que  Dieu  ne  nous  a 
pas  révélé;  saint  Paul  lui-même  ajoute  que 
les  richesses  do  Jésus-Christ  sont  incora'iré- 
heiisibles  {Ibid.,  8).  Dieu  est  inliniment  bon, 
cependant  il  y  a  du  mal  dans  le  monde  ; 
Dieu  veut  sincèrement  le  salut  de  tous  les 
hommes,  il  y  a  néanmoins  des  difilcultés  à 
vaincre  dans  l'ouviage  dii  saint  ;  Jésus-Christ 
est  le  Sauveur  de  tous,  et  il  y  a  tieaucoup 
d'honnnes  perdus  :  voilà  encore  des  rnyslè- 
res,  mais  que  l'on  ]jarvi(uit  à  éclaircir  jusqu'à 
un  certain  point,  quand  on  n'allecte  (as  u'a- 
buser  des  termes.  Voy.  Mal,  Salut,  Sau- 
veur ,  etc.  Dans  le  langage  ordinaire  des 
théologiens,  un  mystère  est  un  dogme  que 
Dieu  nous  a  révélé,  de  la  vérité  duqnel  nous 
sommes  par  cnnséquent  très-certains,  mais 
que  nous  ne  pouvons  pas  comprendre  ;  et 
c'est  d  ins  ce  dernier  sens  que  les  mystères 
sont  le  principal  objet  de  notre  foi.  Saint 
Pan]  nous  l'enseigne,  en  disait  que  la  foi  est 
le  fondement  des  choses  qn^  l'on  espèie,  et 
la  conviction  de  ce  qui  ne  [laraît  point  (Hebr. 
XI,  1).  Dès  les  premiers  siècles  du  christia- 
nisme, l'on  a  nommé  suints  mystères  le  bap- 
tême, l'eucîiaristie  et  les  autres  sacrements, 
parce  que  ces  cérémonies  ont  un  sens  caché 
et  produisent  un  elïet  que  l'on  ne  voit  pas. 
Les  ['.rotestants,  qui  ne  veulent  pas  avouer 
cet  elfet  surnaturel,  ont  forgé  une  autre  ori- 
gine à  ce  nom  do  mystères  ;  nous  réfuterons 
leur  sentiment  dans  l'articL'  suivant. 

MYSTi!:REs    DU    Paganisme.    On    appelait 
ainsi    certaines  cérémonies   qui   se  prati- 
quaient secrètement  dans  plusieurs  tetuples 
d  s   païens;  ceux   qui  y  étaient   admis   se 
nommaient  les  initiés,  et  on  leur  faisait  pro- 
mettre |)ar  serment  qu'ils  n'en  révéleraient 
jamais  le  secret.  Vn  n'a  pu  savoir  avec  une 
entière   certitude  en  quoi  consistaient  ces 
cérémonies,  qu'après  la  naissance  du  c'iris- 
ti.misme;  plusieurs  de  ceux  ijui  avaient  été 
initiés  se  convertirent,  et  ils  comprirent  que 
le  serment  que  l'on  avait  exigé   d'eux  était 
absurde.  Les  plus  f.uueux  de  ces  mystères 
étaient  ceux  d'Eleusis,  près  d'Athènes,  qui  se 
célébraient   à  l'honneur  de   Cérès  ;  il  y  en 
avait  ailleurs  de  consacrés  à  Bacchus  :  à  Ro 
me,  les  mystères  de  la  bonne  déesse  étaien 
réservés    aux  femmes  ;  il  était  délendu  aux 
homiues  d'y  entrer,  sous  peine  de  moi  t.  On 
prétend  que  cette  bonne  déesse  était  la  mè- 
re de  Bacchus.  Plusieurs   anciens  ont   fait 
beaucoup  de  cas  des  mystères.  Si  nous  en 
croyons  Cicéron  et  d'autres,  les  leçons  que 
l'on  y  donnait  ont  tiré  les  hommes  de  la  vie 
errante  et  sauvage,  leur  ont  enseigné  la  mo- 
rale et  la  vertu  ,  les  ont  accoutumés  à  une 
vie  régulière  et  ditlérente  de  cells  des  ani- 
maux. Cicer. ,  de  Legib.,  1.  i.  Plusieurs  sa- 
vants  modernes  en  ont  parlé  de  même  ,  en 
IKUticulier  Warburthon.  L'on  peut  consulter 
la  cinquième  dissertation  tirée  de  ses  ou\  ra- 
ges, ei  les  suivantes. 
Autant  nos   philosophes   modernes   ont 


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montré  de  mépris  pour  les  mystères  du  chri- 
stianisme, autant  ils  ont  affecté  d'estime  pour 
ceux  (lu  paganisme.  «  Dans  le  chaos  des  su- 
perstitions populaires,  dit  l'un  d'entre  eux, 
il  y  eut  une  insiitution  salutaire  q'ii  empê- 
cha une  parlie  du  genre  humain  de  tomber 
dans  l'ahrutissenient  ;  ce  sont  li^s  mi/slcrcs  : 
tous  les  auteurs  grecs  et  latins,  qui  en  ont 
parlé,  conviennent  qut!  l'uuiîé  de  Dieu,  l'ira- 
jr.ortalité  le  l'Ame,  ii'S  peines  et  les  récom- 
penses après  la  mort ,  étaient  annoncées 
dans  c  tt  '  cérémonie  sacn'C.  On  y  donnait 
des  leçons  de  morale  ;  ceux  cjuiavaionl  com- 
n.i'S  des  crimes  les  contes'^a;ent  et  les  ex- 
piaient. Oi»  jeûnait,  on  s  ■  purifiait,  (  ndoimait 
^aum^ne.  Toutes  li\s  cérémonies  étaient  te- 
nues secrètes  sous  la  r'^ligion  di  serment, 
pour  les  rendre  plus  vénérables.  L'appareil 
extérieur  do  t  les  vii/v!crcs  étai  'nt  icvétus, 
les  prép  rations  et  les  épre.ives  dont  ils 
étaient  iTécé  es,  servaient  à  en  rendre  les  le- 
ço  s  plus  frpjiantis,  et  h  les  giaver  phis 
profon  lé  nent  dans  la  mémoire.  Si  dans  la 
suite  des  S'ècles  ils  fiu-ect  altérés  et  corrom- 
pus ,  leur  institution  primitive  n'était  ni 
moins  utile  ni  muins  louib'e.  » 

A  toutes  ces  belles  clios  's  il  ne  manque 
que  la  vérité  (1).  M.  Leia  û,  dans  sa  Nou- 
velle Déinonstrntion  évaiigi'h'qite,  t.  Il,  ch.ip.  1, 
ap  es  avou- examiné  tout  ce  que  Warburlhou 
et  d'autres  ont  dit  ^  la  lou.mge  d  'S  mystères 
du  pag.misme ,  soutient  (]u'il  est  faux  que 
l'on  y  ait  cnseigni'  l'unité  de  Dieu ,  que 
l'on  ait  détourné  les  initiés  du  polythéisme, 
que  l'on  y  ait  donné  de  bonnes  leçons  de 
morale,  et  que  cette  cérénonie  ait  pu  con- 
tribuer en  aucune  manière  .^  épurer  les 
mœurs  ;  et  il  le  prouve  ainsi  :  1°  S'il  était  vrai 
que  l'on  y  elît  enseign.'  des  vérités  si  uti- 
les, c'aurait  ■■'•lé  encore  une  absurdité  et  une 
injustii  e  de  les  cacher  sous  le  secret  invio- 
lable que  l'on  exige  .it  des  initiés  ;  pourquoi 
cxh'r  au  cotn;uun  des  ho:nmes  des  con- 
naissances dont  tiius  avaient  égalcinent  be- 
soin .'  (lette  conduite  ne  servirait  qu'à  dé- 
montrer qu'il  était  alors  iuiiiossible  de  dé- 
tromper le  peuple  des  erreuis  et  des  su|>ei-- 
stitiohs  dans  lesquelles  il  était  plongé;  que, 

§our  opérer  ce  prodige ,  il  a  lalKi  la  force 
ivine  de  la  doctrine  d  ■  Jésus-illirist.  Com- 
ment excuser  l'inconséijuence  de  la  conduite 
des  magistrats,  di^sprôtres,  des  philosophes, 
qui.  d'un  côté.  |)ro!égeaienf  les  mystères,  de 
l'autre  soutenaient  l'idolAtrie  de  tout  leur 
pouvoir'?  —  2'  Qui  ont  été  les  plus  ardents 
défenseurs  des  mystères  ?  Les  piùlosophes 
du  iV  s  ècle,  Apulée,  Jamblique,  Hiéroclès, 
Produs ,  etc.  Ils  voulaient  s'en  servir  pour 
soutenir  l'id  lltrie  chancelant',  pour  all'.i- 
blir  1  iuijTession  que  faisait  sur  les  esprits 
la  morale  puie  et  subhmo  de  l'Evangile  : 
non  -  seiileait-nt  leur  témoignage  est  donc 
fort  suspect,  mais  ,  au  rapport  de  saint  Au- 
gustin, Porphyre,  moins  entêté  qu'eux,  con- 
venait qu'il  n'avait  trouvé  dans  les  mystères 

(l)Ilyaeuun  certain  nombre  de  voriiés  pro- 
miércb  reconnues  par  les  païens,  mais  elles  étaient 
obsciii'cies  par  l'erreur.  Vey.  Originel  (péclié),  Ré- 

VËtATlOM. 


aucun  moyen  efficace  pour  purifier  l'Ame  , 
de  Civit.  Dei,  1.  x,  c.  32.  Celse,  plus  an- 
cien, dit  h  la  vérité  que  l'immortalité  de 
l'Ame  était  enseignée  dans  les  mystères  :  mais 
elle  était  enseignée  [)nrtout,  même  dans  les 
fables  touchant  les  enfers.  Celse  n'ajoute 
point  que  l'on  y  professait  aussi  l'unité  de 
Dieu ,  l'absurdité  de  l'idolAtrie,  et  que  l'on 
y  donnait  des  leçors  lie  mor.de.  Orig.  con- 
tre Cdse,  1.  VIII,  n.  'iS  et  49.  I.onj^temps  avant 
lui ,  S  iciate  témoigna  qu'il  faisait  fort  peu 
de  cas  des  mystères,  piiis(pril  refusa  con- 
stamment de  s'y  fiire  iniliiT  ;  aurai'-il  agi 
ainsi,  si  c'avait  été  une  leçon  de  morale? — 
3°  Malgré  1  ■  sei  rct  si  étroitement  comman- 
dé d.uis  les  mystères,  ils  ont  été  dévoilés. 
V>'arburtliou  prouve,  d'une  manière  très- 
vraiseaiblable,  if  e  la  descente  d'Enée  aux 
enfeis,  peinte  par  Virgile  dans  le  sixième 
livre  de  l'Enéide,  n'est  auUe  iliosc  que  li- 
nitiation  de  son  héi  os  aux  mystères  d  Eleu- 
sis el  un  tableau  de  ce  que  l'oii  l'.dsait  voir 
aux  initiés.  Or ,  qu'y  trouvons-nous  ?  Une 
peinture  des  enfers  ,  le  dogme  d  ■  la  trans- 
migration des  Ames,  et  la  doctrine  des  stoï- 
ciens sur  l'Ame  du  monde.  Cette  doctrine, 
loin  li'établir  l'unité  de  Dieu ,  confirme 
au  contraire  le  polythéisme  et  l'idol.'.trie. 
C'est  sur  c'  fondement  qiie  le  st.j'ien  Bal- 
bus  les  soutieni  dans  le  second  livre  de  Ci- 
céron  sur  la  Nature  des  dieux  :  il  donne  ainsi 
aujiagauisiiieune  base  philosophique.  Etait- 
ce  là  le  moyen  d'en  détourner  les  initiés  ? 
—  4"  Les  mystères  ont  été  encore  mieux 
connus  par  la  descriotion  ipi'en  ont  faite  les 
Pères  de  l'Eglise.  Saint  Clément  d'Al.  xan- 
drie,  Coliort.  ad  Gcntes.  c.  2,  p.  11  et  suiv.. 
Saint  Ju>t  n  ,  Tatien,  Alhénagore  ,  Arnobe, 
n'y  ont  vu  qu'un  assembla-,e  d'absurdités  , 
d'obscénités  et  d'impiétés.  S'il  y  avait  <  u  des 
leçons  capables  de  prouver  l'unité  de  Dieu 
et  d'inspirer  l'amour  de  la  virtu,  ces  saints 
docteurs,  qui  ont  recherché  avec  tant  de 
soin  (ians  les  auieuis  païens  tuut  ce  qui 
pouvait  servir  à  délromjter  le  peuple,  au- 
rai; nttiié  s;uis  doute  avantage  i.e-  iitystc- 
res  pour  atla(juer  l'erreur  gé'nérale  ;  au  con- 
tiaire,  ils  ont  assuré  tous  iiue  ct.-.te  cérém.i- 
nie  ne  pouvait  servir  qu  à  la  cnniinner. 

Un  auteur  moderne  nous  apprend  que  les 
mystères  étaient  devenus  une  b  aiii  ho  de  fi- 
n:inees  pour  la  république  d'Athènes,  et 
qu'il  en  coiïtoit  fort  c  cer  pour  être  initié. 
Recherches  philos,  sur  les  Egyptiens  tl  sur  les 
Chinois,  t.  Il,  sect.  7,  p.  lo2;  Recherches 
philos,  sur  les  Grecs,  m'  part.,  sert.  8,  t)  5  ; 
il  ajoute  que  quicouq  ;e  voulait  j)  ^yer  les 
my^tagogues  et  les  hiérophantes  }  était  ad- 
mis sans  autre  épreuv  ■  ;  il  cite  Apulée, 
Méttim.,  1.  M.  Cette  nouvelle  circonst  uiee 
n'est  I  as  propre  à  inspirer  Deaucoipde  re.^- 
pect  pour  la  cérémonie. —  On  dir  i  sans  doute 
que  dans  les  derniers  siècles  les  mystères  du 
paganisme  avaient  dégéni  ré  ;  m  .i>  si,  dans 
leur  origine,  ils  avaient  été  aussi  innocents 
et  aussi  utiles  qu'on  le  {irétend,  il  scr.iit  im- 
possible qu'on  les  eût  portés  dans  la  suite 
au  point  de  corrupiionoù  ils  étaient  lorsque 
les  Pères  de  l'Eglise  les  eut  mis  au  gr&ud 


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jour.  Plus  vainement  encore  on  prétendra 
que  ces  Pères  en  ont  exagéré  l'indécence  en 
liaine  du  paganisme.  Auraient-ils  osé  s'ex- 
poser à  être  convaincus  de  faux  par  les  ini- 
tiés ?  Plusieurs  auteurs  profanes  en  ont 
parlé  à  peu  près  comme  eux  ;  et  aucun  de 
ceux  qui  ont  écrit  contre  le  christianisme 
n'a  osé  1  s  contredire.  C'est  donc  très-mal  à 
propos  que  nos  philosophes  incrédules  nous 
ont  vanté  les  excellentes  leçons  que  l'on 
donnait  aux  hommes  dans  les  mystères,  et  ont 
forgé  k  ce  sujet  des  fables  pour  en  imposer 
aux  ignorants.  Plusieurs  critiques  prote- 
stants cités  par  Mosheim,  Ilist.  christ. , 
ssec.  II,  §  36,  p.  319,  et  Hisl.  ecctésiast., 
deuxième  siècle,  W  part.,  ch.  4,  §  5,  ont  eu 
une  imagination  encore  plus  bizarre,  en  sup- 
posant que  les  chrétiens  du  ii'  siècle  oot 
imité  les  mystères  da  jjaganisme.  Le  profond 
respect,  disent-ils,  que  l'on  avait  pour  ces 
mystères,  la  sainteté  extraordinaire  qu'on 
leur  attribuait,  furent  pour  les  chrétiens  un 
motif  de  donner  un  air  mystérieux  h  leur  re- 
ligion, pour  qu'elle  ne  cédât  point  en  dignité 
à  celle  des  païens.  Pour  cet  effet,  ils  donnè- 
rent le  nom  de  tnystères  aux  institutions  de 
l'Evangile,  particulièrement  h  l'Eucharistie. 
Ils  employèrent,  dans  cettecérémonie  et  dans 
celle  du  baptême,  plusieurs  termes  et  plu- 
sieurs rites  usités  dans  les  mystères  des 
païens.  De  là  est  encore  venu  le  mot  de  sym- 
bole. Cet  abus  commença  dans  l'Orient,  sur- 
tout en  Egypte  ;  Clihnent  d'Alexan  Irie  fut 
un  de  ceux  qui  y  contribuèrent  le  plus,  et 
les  chrétiens  de  l'occident  l'adoptèrent,  lors- 
qu'Adrien  eut  introduit  les  mystères  dans 
cette  partie  de  l'empire;  de  là  vint  qu'une 
très-grande  partie  du  service  de  l'Eglise 
fut  très-peu  différente  de  celui  du  paga- 
nisme. 

Il  n'y  a  que  le  désespoir  systématique  qui 
ait  pu  suggérer  aux  protestants  cette  calom- 
nie. 1°  C'est  une  impiété  de  supposer  qu'au 
n'  siècle,  immédiatement  après  la  mort  du 
dernier  des  apôtres,  lorsque  le  christianisme 
n'était  pas  encore  bien  établi,  Jésus-Christ, 
contre  la  foi  de  ses  promesses,  a  délaissé 
son  Eglise  au  point  de  la  laisser  tomber  dans 
les  superstitions  du  paganisme,  pour  y  per- 
sévérer pendant  (juinze  siècles  consécutifs. 
Alors  ce  divin  Sauveur  conservait  encore 
dans  son  Eglise  le  don  des  miracles,  et  l'on 
veut  nous  persuader  qu'il  n'a  pas  daigné 
veiller  sur  la  pureté  du  culte,  non  jilus  que 
sur  l'intégrité  de  1 1  foi.  Il  a  donc  fait  des 
miracles  pour  établir,  chez  des  nations  qui 
étaientencoreoujuives[ou  païennes,  un  chri- 
stianisme déjà  corrompu.  Comment  des  écri- 
vains ,  qui  d'aill(uu-s  paraissent  judicieux, 
ont-ils  pu  enfanter  une  idée  aussi  anli-chré- 
tienne,  et  livrer  ainsi  la  religion  de  Jésus- 
Chiist  à  la  dérision  des  incrédules?— 2° C'est 
une  absurdité  de  penser  que  les  mêmes  pas- 
teurs de  l'Eglise,  qui  tournaient  en  ridicule, 
dans  leurs  écrits,  les  mystères  des  païens, 
qui  en  dévoilaient  le  secret,  qui  en  faisaient 
sentir  l'indécence  et  la  turpitude,  les  ont  ce- 
pendant pris  pour  modèles,  les  ont  imités  en 
plusieurs  choses,  et  ont  cru  que  cette  initia» 


tion  donnerait  plus  de  relief  au  christianis- 
me. Nous  verrons  dans  un  moment  comment 
Clément  d'Alexandrie  en  a  parlé.  3°  L'hypo- 
thèse des  protestants  modernes  est  directe- 
ment contraire  à  celle  que  soutenaient  les 
premiers  prédicants  de  la  réforme  ;  ceux-ci 
prétendaient  que  les  pratiques  qui  leur  dé- 
plaisaient dansle  culte  des  catholi  (ues  étaient 
de  nouvelles  inventions,  des  abus  qui  s'y 
étaient  glissés  pendant  les  siècles  d'igno- 
rance :  voici  leurs  successeurs  qui  en  ont  dé- 
couvert l'origine  au  u'  siècle.  Qu'ils  remon-- 
tent  seulement  à  cinquante  ans  plus  haut,  ils 
la  trouveront  chez  les  apôtres.  D'un  côté 
les  anglicans  sont  persuadés  que  le  culte  des 
chrétiens  a  été  pur  au  moins  pendant  les 
quatre  premiers  siècles,  et  ils  croient  l'avoir 
rétabli  chez  eux  dans  le  même  état  :  de  l'au- 
tre, les  luthériens  et  les  calvinistes  veulent 
que  le  culieait  déjà  été  corrompu  au  ii'  siè- 
cle, mélangé  de  judaïsme  et  de  paganisme. 
Pour  des  hommes  qui  se  croient  tous  fort 
éclairés,  ils  s'accordent  bien  mal.  —  4°  Le 
nom  de  mystères,  que  les  Pères  du  ii°  siècle 
ont  donné  à  l'eucharistie  et  aux  autres  sa- 
crements, est  fondé  sur  une  raison  beaucoup 
plus  simple,  mais  les  protestants  ne  veulent 
pas  la  voir;  c'est  que  les  Pères  ont  entendu 
par  là  que  ces  cérémonies  extérieures  ont 
un  sens  caché,  et  opèrent  un  elfet  invisible 
dans  l'àme  de  ceux  qui  y  participent.  Ainsi, 
le  baptême  ou  l'action  de  verser  de  l'eau  sur 
un  enfant  efface  dans  son  âme  la  tache  du 
péché  originel,  lui  donne  la  grâce  de  l'adop- 
tion divine,  lui  imprime  un  caractère  ineffa- 
çable. L'Eucharistie  ou  l'action  de  pronon- 
cer des  paroles  sur  du  pain  et  du  vin,  et  de 
les  distribuer  aux  assistants,  opère  le  chan- 
gement substantiel  de  ces  aliments  ,  et  en 
fait  le  corfis  et  le  sang  de  Jésus-Christ,  etc. 
Il  en  est  de  même  des  autres  sacrements, 
et  tel  est  le  sens  dans  lequel  saint  Paul,  par- 
lant du  mariage,  a  dit  que  c'est  un  grand 
mystère  en  Jésus-Christ  et  dans  l'Eglise 
[Ephes.  V,  32).  —  5"  Nous  convenons  que, 
dans  les  premiers  siècles,  ces  cérémonies 
ont  été  tenues  secrètes,  qu'on  les  a  dérobées 
soigneusement  aux  yeux  des  païens,  qu'elles 
ont  encore  été  mystérieuses  à  cet  égard  :  on 
ne  les  découvrait  pas  même  aux  catéchu- 
mènes ;  mais  c'est  par  une  raison  toute  dif- 
férente de  celle  que  les  protestants  ont  rê- 
vée. On  ne  voulait  pas  exposer  ces  cérémo- 
nies saintes  à  la  dérision  et  à  la  profanatioQ 
des  païens.  Lorsque  Dioctétien  eut  ordonné 
de  rechercher  et  de  brûler  les  saintes  Ecri- 
tures et  les  livres  des  chrétiens,  on  les  ca- 
cha soigneusement.  Si  les  païens  avaient 
trouvé  dans  les  églises  ou  dans  les  lieux 
d'assemblée  des  ctirétiens,  quelques  objets 
de  culte  ou  quelques  indices  de  cérémo- 
nies, ils  en  auraient  fait  le  môme  usage  que 
des  livres.  Puisque  l'on  était  obligé  de  se 
cacher  pour  pratiquer  ce  culte,  il  ne  pouvait 
manquer  de  paraître  mystérieux.  Une  preuve 
que  telle  est  la  raison  de  la  conduite  des  pa- 
steurs, c'est  qu'ils  ne  refusèrent  pas  d'exposer 
aux  empereurs  et  aux  magistrats  le  culte 
des   chrétiens,  lorsque  cela  fut  nécessaire 


969 


MY? 


MYS 


968 


pour  en  di^raonlrer  l'innocence  et  la  sain- 
tetc.  Ainsi  les  diaconesses,  que  Pline  fit  tour- 
menter i)Our  savoir  ce  qui  se  passait  dans 
les  assenililées  chrétiennes,  le  lui  dirent 
avec  sincérité,  et  saint  Justin  lit  de  môme 
dans  ses  apologies  du  christianisme  aiires- 
sées  aux  empereurs.  Une  seconde  preuve, 
c'est  qu'au  iv  siècle,  lorsque  les  persécu- 
tions lurent  passées  et  le  {laganisme  à  peu 
près  détruit,  l'on  mit  par  écrit  les  liturgies, 
qui  jusqu'alors  n'avaient  été  conservées  que 
par  une  tradition  secrète.  Voyez  Traité  hist. 
et  dogm.  sur  les  paroles  ou  les  formes  des  sa- 
crements, yiar  le  Père  Merlin  ,  jésuite,  Paris, 
llkô.  —  6°  Les  jirotestants  ont  encore  plus 
mauvaise  gr;ke  d'ajouter  que  les  chrétiens 
du  II"  siècle  étaient  des  juifs  et  des  païens, 
accoutumés  dès  l'enfance  h  des  cérémonies 
superstitieuses  et  inutiles  ;  qu'il  leur  était 
difficile  de  se  défaire  des  préjugés  qu'ils 
avaient  contractés  par  l'éducation  et  par  une 
longue  habitude  ;  qu'il  aurait  fallu  un  mi- 
racle contiimel  pour  empêcher  qu'il  ne 
s'inti'oduisît  des  pratiques  superstitieuses 
dans  la  religion  chrétienne.  S'il  a  fallu  uu 
miracle,  nous  soutenons  qu'il  a  été  ojiéré, 
et  ce  n'était  a  irès  tout  ([u'uiic  suite  du  mi- 
racle de  la  conversion  des  juils  et  des  païens. 
Les  apôtres  avaient  prémuni  les  fidèles  con- 
tre les  rites  judaïi|ucs  au  concile  de  Jérusa- 
lem (Ad.  XIV,  -28)  ;  et  saint  Paul,  contre  les 
supeistitions  jiaiennes  {Coloss.  ii,  18),  et 
ailleurs.  Les  Pères  du  i"  et  du  ii°  siècle  ont 
écrit  contre  l'entêtement  drs  ébionitt  s,  tou- 
jours attacliés  aux  lois  juives,  et  contre  l'im- 
piété des  gnostiques,  qui  voulaient  intro- 
duire les  erreurs  des  païens.  Contre  ces 
preuves  positives,  les  vaines  conjectui  es  des 

Erotestants  n'ont  pas  la  moindre  vraisem- 
l.ince. —  7°  Pour  prouver  qu'au  ii"  siècle  les 
chrétiens  d'Egypte  ont  conmiisla  faute  dont 
on  Icsaccuse,  il  faut  expli(iuer  par  (|uelle  voie 
la  môme  contagion  a  pénétré  dans  la  Syrie, 
dans  l'Asie  Muieure,  dans  la  Grèce,  dans 
l'Illyrie,  à  Home  et  dans  les  autres  contrées 
oii  les  apôtres  avaient  fondé  des  Eglises 
avant  ce  temps-là  ;  il  faut  di'signer  le  mis- 
sionnaire égyptien  qui  est  venu  infecter  d'un 
vernis  de  paganisme  les  autres  sociétés 
chrétiennes,  et  le  patiiarche  d'Alexandrie 
sous  lequel  est  arrivée  cette  révolution.  11 
faut  dire  comment  elle  s'est  faite  sans  récla- 
mation dai  s  une  Eglise  si  sujette  aux  dis- 
putes, aux  dissensions,  aux  schismes  en  fait 
de  doctrine.  Puis([ue  l'on  ne  nous  allègue 
aucun  fait  positif  ni  aucune  preuve,  nous 
sommes  en  droit  de  supposer  que  les  fidèles, 
instruits  par  saint  Pierre,  jiar  saint  Paul  et 
par  d'autres  apùties,  ont  été  assez  attachés  à 
leurs  leçons  pour  ne  pas  adopter  sans  exa- 
men une  fantaisie  bizarre  des  docteurs  égyp- 
tiens. —  8"  Saint  Clément  d'Alexandrie,  loin 
d'y  avoir  aucune  part,  est  celui  de  tous  les 
Pères  qui  a  dévoilé  le  plus  exactement  les 
indécences,  les  turpitudes,  les  absurdités 
des  mystères  du  paganisme.  Dans  sonExhor- 
tation  aux  Gentils,  il  parcourt  ces  mystères 
les  uns  après  les  autres  ;  il  démontre  que 
dans   tous  l'infamie  et  la  démence  étaient 


égales,  que  les  symboles  dont  on  y  faisait 
usage  n'étaient  que  des  puérilités  ou  des 
obscénités.  Telles  étaient,  dans  les  mystères 
de  Cérès,  des  corbeilles,  du  blé  d'Inde,  des 
pelotons,  des  gâteaux,  etc.,  et  des  paroles 
qui  n'avaient  aucun  sens.  Le  moyen  de  rendre 
méprisables  les  ritis  du  christianisme  au- 
rait donc  été  d'y  introduire  quelque  chose 
de   semblable    aux   mystères  des   païens. 

C'est  ce[iendant,  disent  nos  adversaires, 
ce  qu'a  fait  Clément  d'Alexandrie;  dans  le 
même  ouvrage,  c.  12,  il  dit  à  un  païen  : 
«  Venez,  je  vous  montrerai  les  mystères  du 
Verbe,  et  je  vous  les  exjjoserai  sous  la  fi- 
gure des  vôtres.  C'est  ici  qu'il  y  a  une  mon- 
tagne agréable  à  Dieu,  couverte  d'un  om- 
brage céleste.  Les  bacchantes  sontdcs  vierges 
pures,  qui  y  célèbrent  les  orgies  du  Verbe 
divin,  qui  y  chantent  des  hymnes  au  roi  de 
l'univers,  qui  y  dansent  avec  les  justes,  et 

y  font  leurs  courses  sacrées O  les  saints 

mystères  !  J'y  vois  Dieu  et  le  ciel ,  je  suis 
saint  par  cette  initiation,  le  Seigneur  eu  est 
le  hiéropliante  :  voilà  mes  mystères  et  mes 
bacchanales.  » 

.Mais,  pour  argumenter  sur  cette  allégorie, 
il  faudrait  faire  voir,  1°  que  d'autres  auteurs 
chrétiens  s'en  sont  servis  et  l'ont  répétée. 
Encore  unefuis,  dans  l'Ecriture  sainte,  mys- 
tère signifie  une  chose ,  une  parole  ou  une 
action  qui  a  un  sens  caché  ;  chez  les  écri- 
vains ecclésiastiques  ,  symbole  a  souvent  le 
même  sens.  Loisque  Jésus-Christ  toucha  de 
sa  salive  la  langue  d'un  sourd  (  t  muet,  qu'il 
mit  de  la  boue  sur  les  yeux  de  l'aveugle-né, 
qu'il  souilla  sur  ses  apôtres  pour  leur  donner 
le  Saint-Esprit,  qu'il  le  fit  descendre  sur 
eux  en  forme  de  langues  de  feu,  peut-on 
nier  que  tout  cela  n'ait  été  symbolique  et 
mystérieux'? Nous  soutenons  qu'il  en  est  de 
même  du  baptême,  de  l'eucharistie  et  de  nos 
autres  sacrements,  puisqu  ils  désignent  et 
|iroduisent  un  etfet  que  l'on  ne  voit  pas.  2°  Il 
faudrait  montrer  dans  notre  culte  les  mon- 
tagnes, les  ombrages,  les  courses,  les  danses 
des  bacchanales,  ou  quelques-uns  de-^  sym- 
boles usités  dans  les  mystères  de  Cérès.  3°  Il 
faudrait  prouver  qu'il  y  avait,  dans  ces  mys- 
tères profanes,  des  rites  semblables  à  ceux  du 
baptême  ou  de  nos  autres  sacrements  ;  nous 
en  défions  nos  adversaires.  Le  signe  de  la 
croix,  symbole  si  commun  et  si  respectable 
chez  les  chrétiens,  aurait  fait  horreur  aux 
païens. 

C'est  donc  une  obstination  malicieuse  de 
la  i)art  des  protestants,  de  nous  reprocher 
sans  cesse  que  notre  culte  est  un  reste  de 
paganisme;  c'en  est  plutôt  un  chez  eux  de 
dire  qu'avant  le  baptême  les  catéchumènes 
étaient  exercés,  ou  plutôt  tourmentés  par  la 
rigueur  et  la  multitude  des  épreuves  que  l'on 
exigeait  d'eux,  comme  de  ceux  qui  voulaient 
être  inités  aux  mystères  :  cela  marque  le  peu 
de  cas  qu'ils  font  du  baptême.  Où  sont  les 
épreuves  que  l'on  faisait  subir  à  ceux  qui  se 
faisaient  initier  pour  de  l'argent  ?  Si  les  pro- 
testants atjtriliuaient  véritablement  au  ba- 
ptême et  à  l'eucharistie  des  effets  spirituels, 
ils  seraient  forcés,  comme  nous,  de  les  ap- 


963 


MYS 


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peler  des  gyinholes,(\es  myslèrfs  ou  drs  sacre- 
ments. Le  slvli;  iliiTéreiil  qp.e  la  plupart  ont 
adopté  nous  donne  lieu  de  douter  de  leur  foi. 

f  MYSTICISME.  Le  mysiicisme  est  une  des  par- 
ties les  jdiis  impartantes  de  la  théologie.  Nous  en 
avons  doinié  une  notion  suClisante  dans  notre  Dic- 
tionnaire de  Théologie  morale,  t.  II  {Hitt  ire  de  ta 
Théologie).  Nous  nous  coiitentous  d"y  renvoyer. 

MYSTIQUE.  Sens  mystique  de  rEcrituro 
sainte.  Voy.  Allégorie,  Figurisjie,  etc. 
Mystiqi'e  (théologie).  Voy.  Théologie. 

*  MYTHE.  Nous  laissons  aux  philologues  à  discou- 
rir sur  le  sens  élyniologi(|ue  de  teUe  expression.  La 
signilication  allrihui'c  aujourd'hui  à  ce  mot  est  un 
discours  (|ui  allégorise  un  fait,  une  doctrine,  ou  qui 
enveloppe  le  lait  de  circonsiances  fabuleuses.  Don- 
nons un  exiMiiple  de  chacune  de  ces  espèces  de  mythe. 
S'il  y  a  quilque  choic  de  certain  au  monde,  c'est 
IVxistence  du  m;d  iroral.  Pour  le  rendre  sensible 
aux  ypiix  du  ppui)lc  ,  Moïse  aura  raconté  la  lenlaliou 
d'Eve,  la  cliute  d'Adam,  cic.  Mais  ces  faits  n'ont  ja- 
mais cxislé,  ils  ont  élc  inveiiiés  pour  communiquer 
une  doctrine.  Ici,  il  n'y  a  rien  de  réel  ;  il  y  a,  au 
contraire,  iie'<  faits  léels  et  positifs,  que  1  historien  a 
environnes  de  circonstances  fabuleuses,  alin  de  les 
rendre  plus  respeciables  aux  yeux  de  la  multitude. 
Moïse  saisit  le  momeiit  du  leflnx  pour  côtoyer  l'ex- 
trémité de  la  mer  Rouge.  Le  flux  contraignant  les 
Egyptiens  à  prendre  un  long  détour,  ils  abandonnent 
la  poursuite  des  Israélites.  Le  chef  des  Hébreux  cé- 
lèbre avec  iiagnilicence  la  délivrance  de  son  piuple, 
et  lefa.t  naiiirel  et  ordinaire  preiul  les  proportions 
d'un  prodige.  Voilà  deux  sorlcs  de  mythes.  On  voit 
donc  que  le  luylhe  est  une  vérdé  doctrinale  ou  un 
fait  enveloppé  de  circonstances  fabuleuses.  Il  est 
évident  qu'on  ne  peut  déduire  aucun  fait,  aucune 
doctrine  d'un  ouvrage  mythique  qu'autant  qu'on  aura 
un  moyen  cei  tain  de  distinguer  le  vrai  du  faux.  Mais 
011  trouver  ce  moyen?  Dans  les  règles  ordinaires  du 
iangage?  mais  ces  règle.>  ne  sont  p  is  celles  du  mythe. 
Dans  l'intention  de  1  auteur?  mais  comment  la  con- 
naître s'il  ne  l'a  pas  expi  iiuée  lui-même  ?  En  ap- 
pellcra-t-on  au  bon  sens?  mais  telle  circonstance 
qui  parait  à  l'un  dans  l'ordre  de-,  convenances  histo- 
riques, paraît  à  l'autre  une  création  imaginaire.  Tel 
fait  est  viai  seUin  celui-ci,  c'est  une  allégorie  selon 
cidui-1  i.  1/un  d'eux  se  trompe.  Lequel?  Il  est  impos- 
sible de  l'aflinner;  car  l'auteur  ayant  enveloppé  sa 
pensée  sous  des  faits  inventés,  sous  des  cir<;oiistanccs 
fabuleuses,  et  n'ayant  donné  aucune  règle  pour  dis- 
cerner ce  qui  est  vrai  de  ses  créations  imaginaires, 
il  s  ensuit  qu'un  livre  mythique  ne  peut  par  lui-même 
établir  ni  un  fait  ni  une  doctrine.  Aussi  les  induc- 
tions que  nous  tirons  de  la  mythologie  païenne  ne 
sont  déduites  d'aucun  auteur  mythique,  mais  de  ce 
qu'une  même  vérité  se  trouve  dans  la  myth(dogie  de 
tous  les  peuples  ;  d'où  nous  concluons  que  telle  doc- 
trine ou  tel  tait  doit  avoii  un  fondement  nel.  11  y  a 
M  peine  quelques  proposiiioiio  géiierales  déduites  ainsi 
de  la  mythologie  ou  delà  croyance  générale  des  peu- 
ples. 1!  iaut  donc  conclure  que  la  mythologie  consi- 
dérée en  elle-même  ne  pe;it  rien  foiiuer. 

Les  exé(irtes  allemands  et  surtout  Slrauss  ont  pré- 
tendu que  nos  Uvres  saints  sont  purement  mythiques, 
t'est  par  là  même  détruire  toute  la  religion  chré- 
tienne; cela  est  évident  d'après  la  nature  du  mythe. 
Nous  avons  combattu  leurs  systèmes  aux  mots  Exé- 

GtSE,  UERJIÉNEUTlyUESACUÉlijPENTATEUgl'E,  StRAUSS. 

Pour  ne  pas  rentrer   dans  une   discussion  épuisée, 

Jous  finissons  cet  article  par  deux  citations,  l'une  de 
Ohn,  concern.ant  l'Ancien  Testament,  et  l'autre  de 
ii.  Canvigny  sur  le  mythisme  en  général  et  concer- 
nant le  Nouveau  Testament. 

«  1°  La  raison  principale  sur  laquelle  se  fondent 
les  partisans  de  l'interprétation  mythique  de  l'Ancien 


904 


Testament  se  trouve  déjà  dans  les  idées  de  Varron. 
Il  dit  en  effet  que  les  âges  du  monde  peuvent  se  di- 
viser en  temps  obscurs,  temps  mythiques  et  temps 
historiques.  Chez  tous  les  peuples,  l'histoire  e^t  d'a- 
bord obscure  et  incertaine,  ensuite  mythique  ou  alli 
goiique,  et  eniin  positivement  historique.  Et  pour- 
quoi, s'est-on  demandé,  si  ce  fait  existe  partout, 
n'aurail-il  pas  existé  chez  les  Hébreux?  Les  témoins 
qui  peuvent  le  mieux  nous  fixer  sur  la  légitimité  de 
l'interprétation  mythique  de  la  Bible  sont  sans  doute 
les  premiers  chrétiens,  qui  eux-mêmes  comiucncé- 
rent  par  oiie  païens,  ei  parmi  h  scfuels  se  trouvaient 
des  hommes  savants  et  des  philosophes  Or,  ils  ne 
purent  ignorer  le  principe  de  Varron.  Ils  conuais- 
saient  la  mythologie  des  Egyptien-,  des  Grecs,  des 
Romains,  des  Persans,  mieux  sans  doute  que  nous 
ne  la  connaissons  aujourd'hui.  Dès  leur  jeunesse, 
les  nouveaux  convertis  avaient  pu  se  familiariser 
avec  ces  produits  de  rimaginaiion  religieuse;  ils  les 
avaient  longtemps  honorés  ;  ils  avaient  pu  étudier 
et  pu  découvrir  toutes  les  subtilités  d'interpréiaiioii 
à  l'aide  desquelles  on  avait  cherché  à  soutenir  le 
crédit  de  ces  monuments.  Ensuite,  lorsque  les  nou- 
veaux convertis  commencèrent  à  lire  la  Bible,  n'es'- 
il  pas  probable  qu'ils  auraient  aussitôt  reconnu  et 
démêle  les  mythes,  s'il  en  avait  existé?  Cependant, 
ils  ne  virent  dans  la  Bible  qu  une  histoire  pure  et 
simple.  Il  f.iut  donc,  selon  l'opinion  compétente  de 
ces  juges  anticiues,  (|u'il  y  ail  une  grande  différence 
entre  le  monde  mythiipie  des  peuples  païens  et  le 
genre  de  la  Bible.  —  2"  l'I  a  pu  arriver,  il  est  vrai, 
que  ces  premiers  chrétiens,  peu  versés  dans  la  haute 
critique,  peu  capubles  aussi  de  l'aiipliquer,  ei  d'un 
autre  côté  accoutumés  aux  mythes  païens,  fussent 
peu  frappés  des  mythes  de  la  Bible.  Mais  n'est  il  pas 
constant  que,  plus  on  est  familiarisé  avec  une  chose, 
et  plus  vite  on  la  reconnaît,  même  dans  les  circon- 
stances dissemblables  pour  la  forme  ?  Si  donc  les 
histoires  hébraïques  sont  des  mythes,  comment  les 
premiers  chréiiens  n'oiit-ilspu  les  découvrir,  et,  s'ils 
ne  l'ont  pu,  n'est-ce  pas  une  preuve  que  ces  m)  thés 
étaient  tellement  iiupûiceptibles  ((ue  ce  n'a  été 
qu'après  (iix-buit  siècles  qu'on  a  pu  les  signaler?  — 
3°  Si  l'on  veut  appliquer  a  la  Bible  le  principe  de 
Varron,  on  n'y  trouve  pas  ces  temps  obscurs  et  in- 
certains i|ui  durent  précéder  l'apparition  des  mythes  : 
les  annales  hébraïques  ne  les  supposent  jamais.  Ainsi, 
les  annales  des  Ikbrcux  dillèrent  essentiellement  de 
celles  de  tous  les  autres  peuples,  sous  le  rapport  do 
l'oiigiue  des  choses.  D'un  autre  côté,  les  plus  an- 
ciennes légendes  des  autres  nations  débmeni  par  le 
polythéisme  :  non-seulement  elles  pailent  d'all;ances 
entre  les  dieux  et  les  mortels,  mais  elles  nous  ra- 
cimtent  les  dépravations  et  les  adultères  célestes; 
elles  décrivent  des  guerres  entre  les  dieux;  elles  di- 
vinisent le  soleil,  la  lune,  les  étoiles,  admettent  une 
foule  de  demi-dieux,  des  génies,  des  dén.ons,  et 
accordent  l'apothéose  a  t(mt  inventeur  d'un  art  utile. 
Si  elles  nous  montrent  une  chronologie,  elle  est  ou 
presque  nulle,  ou  bien  gigantesque  ;  leur  géographie 
ne  nous  offre  qu'un  champ  peuplé  de  chimères  ;  elles 
nous  présentent  loiiics  choses  comme  ayant  subi  les 
plus  étranges  transfoi  mations,  et  elles  s  abandonnent 
ainsi  sans  frein  et  sans  mesure  à  tous  les  élans  de 
l'iniagin.tion  la  plus  estravagante  :  il  en  est  tout 
autrement  dans  les  récits  bibli  pies.  La  Bible  com- 
mence, au  contraire,  par  déclarer  qu'il  est  un  Dieu 
créateur  dont  la  puissance  est  irré-istible  :  H  veut, 
et  à  l'instant  toutes  choses  sont.  Nous  ne  trouvons, 
dans  le  monument  divin,  ni  l'idée  de  ce  chaos  chi- 
méricpie  des  autres  peuples,  ni  une  matière  rebelle, 
ni  un  Ahriman,  génie  du  mal.  Ici  le  soleil,  la  lune, 
les  étoiles,  loiq  d'être  des  dieux,  sont  simplement  à 
l'usage  de  l'honime,  lui  prodiguent  la  clarté  et  lui 
servent  de  mesure  du  temps.  Toutes  les  grandes  in- 
ventions sont  faites  par  des  hommes  qui  rement  tou- 
jours hommes.  La  clironologie  procède  par  séries 


9^5 


M\S 


naturelles,  el  la  géographie  ne  s'élance  pas  liiiiciile- 
nienl  au  delà  des  iHuiies  de  la  terre.  On  ne   voit  ni 
Iransfornialion,  ni  niélamorpLose,  rien   enlin  de  ce 
qui,  dans  les  livres  des  plus  anciens  peuples  prol'a- 
iies,  nous   montre  si  clairement  la  trace  de  I  ima- 
gination el  du   niyilie.  Or,  celte  cunnaissancc  du 
Créaleur,    sans  mélange   de    supersliiion,  cliusc  la 
pins  remanpiable  dans  des  documenls  aussi  aniicpies, 
ne  peut  venir  (pie  d'une  révélation  divine.  En  ellet, 
celle  assertion  de  tant  de   Turcs   modernei  :  (pie   la 
connaissance  du  vrai  Dieu  llnil  parsdriirdii  milieu 
nièn)e  du  polylheisme,  est  cnnlredile  par  tonte  Ihis- 
loire  pi'ol'aue  el  sacrée.  Les  phiinsoplies  eux-mêmes 
avancèrent  si  peu  la  coiuiaissance  uu  bien   luiiqne, 
que,  lors(pie  les  disciples  de   Jésus  tdirist  annoncè- 
rent le  vrai  Dieu,  ils  soniuireiit  contre  eux  le  poly- 
théisme. Mais,  ipielle  (pie  soit  l'origine  de  celte  idée 
de  Uieu  dans  la   li.lde,    il   i  si   ccila.n    (pi'clle   s  y 
trouve  si  suhliuie,  si  |uiro,  (pie  les  id(es  des  philoso- 
phes grecs  les    plus   éclaires,    qui    adiiicltaieut  une 
nature  générale,  une  àine  du  iiKuide,  lui  sont  bien 
inférieures.  Il  est    vrai  que  celte   connaissance   de 
Dieu  n'esl   pas   pai l'aile,   bien   (|u'elle    scit  exacte; 
mais  celle  cii  constance  uiéiue  iironve  (|u'clle  lut  ad- 
inirablcnienl  adapicc  à  I  ctal    de   rhoniiiie   dans   un 
temps  aussi  recule;  cetie  iuipeilecli^iii  et  le  langage 
ligure,  mais  si  clair  el  si  simple  de  la  Uildy,  deuioii- 
Irent  (|ue  ni  Moïse,  ni  personne  deiuiis    lui,   n'a  in- 
venté ce  livic  pour  lui    allribner  eiisnile    une  anli- 
quité    (lu'il    u'aiiiait    pas     eue    réelleineiil.    Celle 
connaissance  si  remariMiable  de  Dieu  a  du  t  lie  con- 
servée dans  sa  pureié  depuis  la  plus  haii  e  anti(iuilé, 
ou  plulôl  clie/,  queiipies  lamilles  depuis  l'oi  igine  des 
choses,  el  l'auleiir  du  premier  livre,  de  la  IJilde  a  eu 
pour  (!es,-cin,  en  l'ccrivaiit,  d'ippuser  (piclque  ch.ise 
de  certain  el   de  rondameuial    aux    liclions   el  aux 
ciuiceplions  des  aulres  peuples  dans  (ies  iciiips  uioins 
anciens.  Quelle  n.ition,  en  eliél,  a  conserve  un  %enl 
rayiMi  de  la  grande  vérité  que  pmclaïue  le  premier 
livre  de  la  Gen  se  '! 

i  Clic/.  pres(|ue  tous  les  peuples,  la  mythologie 
s'est  déviloppie  dans  la  nuit  ues  temps,  lorsipie 
rimagiiiation  ne  redonlail  pas  les  lail»,  el  elle  s'est 
éteinte  des  que  l'hisloiie  a  coiiimeiiw'.  Les  anciens 
nioimmeuls  des  Hébreux,  au  contraire,  sont  moins 
remplis  de  choses  prodigieuses  dans  les  temps  aiiii- 
ques  (pie  dans  les  teiiip^  modernes.  Si  l'ecriviiin  qui 
recueillit  la  Iradiiion  (les  l'aiis  avait  eu  pour  but  de 
nous  donner  un  amas  d  ■  légendes  doiileuses,  de 
fictions,  de  wijif.es,  il  les  aurait  placés  suiionl  dans 
les  temps  auli(pies  :  il  ne  se  sra-iol  pas  exposé  à  être 
con. redit,  en  les  pliK-aui  à  une  époque  plus  moderne 
où  l'histoire  positive  aurait  mille  moyens  de  les 
cnnibaiiic  et  d(!  les  détruire.  Aiu>i  l'aliseiice  de  pio- 
diges  dans  les  premiers  rccits  de  sou  hisloiie  el  le 
peu  de  détails  (pi  (lie  preseule  n'ont  pu  venir  que  du 
soin  scrupuleux  (pTil  mit  a  njeler  tout  ce  (pii  lui 
parut  douteux,  exagéré,  exlravagaiit  et  indigne  d'èlre 
reliilé  :  il  a  peu  rac(Ui'e,  parce  (jue  ce  ipii  lui  a  paru 
tout  ;i  l'ait  veiilihle  se  bornait  à  ce  qu'il  raconte. 
Kieii  de  plus  iinpo.-'anl  il  signaler  dans  la  liible  (pie 
le  p..'u  de  prodiges  lies-iiiiiiques,  et  I  aboiidiiuce  (Jes 
pro  .-ges  plus  modernes  :  c  e>l  le  ((uili.die  ipii  arrive 
chez,  les  autres  peuples.  Dans  la  lîilde,  il  existe  luenie 
des  perio  les  oj  l'on  ne  trouve  aucun  miracle,  el 
d'auircs  où  ilseclaieni  à  ch.apie  piis.  Or,  ces  p('ri(ides 
plus  particulièrement  uiiraeuleue-,  le  sii de  d'A- 
iir.diam,  de  Moise,  des  rois  iuol.un's,  de  J,  sus,  des 
apoires,  soni  toijoiirs  celles  où  il  elail  nécessaire 
(lu'un  le)  s|)eilacle  d'inlervcnhon  divine  ciinlirmàt  la 
propagalioïKle  l'idée  religiiMi-enouveile.  i  es  miracles 
de  l'Eeri.ure  ont  donc  conslaïuuieul  un  bui  grand  el 
louable,  l'auielioration  du  ^eiire  humain,  ei  ne  iléro- 
genl  nnlleuient  à  la  maj(tsle  de  Dieu.  Qu'on  les  com- 
pare avec  les  mijties  et  les  légendes  des  autres  peu- 
ples, et  on  ne  confondra  certainement  pas  des  choses 
aussi  distinctes.  Mais   comment  peut-op  coi^cevoir 


MYS  Ô66 

que  ces  documents  de  l'histoire  primitive  aient  pu 
se  conserver  sans  alléraiion  jusipTan  temps  où  ils 
furent  rassembléà  par  Moise'?  Ndnlils  pu  èiie  grossis 
des  addilioiisde  l'imagination  puelique  '!  Cela  n'est- 
il  pas  arrivii  |>our  les  liiiditions  des  ailles  peuples  '! 
I.ari'ponse  cmisisteàdire  (|u'il  est  1res  vraiseuddable 
(pie  les  traditions  liibli  pies,  ipii  ont  fail  exception 
(piiint  à  leur  supérioriieéviijente  sur  les  autre,-,  (int 
aussi  fait  exceplion  quant  à  leur  mode  de  tran-inis- 
sioii.  Leur  petite  éteniUuï  rendait  précisi'iucnl  leur 
con-ervaliou  plus  l'acile  el  plus  concevable  :  Ciles 
lurent  sans  doute  cciiles  à  une  époque  où  les  tradi- 
lioiis  lies  aulres  peuples  n'avaienl  pas  encore  eié 
rédigées.  Leur  lurme  écrit'-,  leur  langage  simple, 
leurs  nolions  précises  et  élénieiilaires,  lout  cela  en 
(lies  esi  si  frappant  que,  si  l'historien  (pii  les  ras- 
sembla eut  essayé  de  les  iiilei|Mder,  il  se  fût  iiidubi- 
lableiiiei.t  tiahi  de  deux  manières;  par  ses  idées 
plus  modernes  et  par  son  langage  plus  profond  et 
plus  recherché.  » 

«  Il  est  impossible  à  quiconque  suit  la  marche  des 
idées,  dit  M.  Cauviguy,  de  ne  pas  rcconnaitre  dans 
la   marche   du    raiionalisme    moderne,  surtout  eu 
Allemagne,  une  tactique  dianiétralenient  opposée  à 
celle   liu   siècle    dernier.    Le    vollairiauisine,  alors, 
eiiiprunlait  ses  arguments  à   Cel.>-c.    .1    Porpliyre,  à 
leiiipereur  Julii^ii;  l'allure  de    l'iiupie;  •  était   toute 
païenne.  Sou  gr:\nd  éleiiicnl  de   succès    'yitait,  tout 
en  recounaissant  raiilbeiiticilé  des  livns  saiiils,  de 
yilipeiKlcr  leurs  anleurs,  de  les  l'aire  po.-er  sous  une 
foriiie  grotesque,  et,  alin  d'alliier   les  rieurs  de  son 
cotti,  de  leur  prodiguer   maintes   plaisanteries  bouf- 
hnnes.  La  partie  iieraculeuse  de  ces  livres  ne  révé- 
lait ,,  ses  yeu\  que  l.i  fraude  des  nus  et  l'aveugieuiei  t 
des  aiilres;  ce  ii'clii,i,iii  pi.itout  qn'iuipnlalions  d'ar- 
tilico  et  do   ddl,    d'iiupiislure    cl  de  cliailiitaiiisme. 
Qui  n'a  pas  eniendu  parler  de  la  su;  ersilioii  clnis~ 
t  d'il'  des  donie  fti ,tàiis  q  i  colère  t,  par  des  loms  de 
pus  e-pi:ii,i\  la   cro:,nnce   du   gmr-   /iH/iiai»  .' Or,  ce 
cynisme  ell'roiilé,  ceile  iiiipiélé  brutale,  qui  marclient 
tde  levée,  sans   circonluciiiion,  sans  déguiseuieiit, 
tout  cela  n'est  plus  de  Ion  ni  de  mode  ;   tout  cela  ne 
peut  plus  avoir  cours  dans   notre  siècle.  Il  faut, 
surlmii  pour  la  nébuleuse  Allemagne,  des  sysléuies 
pliilosopliiques  aux  foruies  plus  polies  el    plus  gra- 
cieuses, plus  en  harmonie   avec  son   caracièie,  des 
.^yslénies  appuyés  sur  riinagination,  sur   la  poésie, 
sur  lii  spiiiliial.té.  L'incrédulité  du  xviii'  siècle  n'est 
pas  faite  pour  elle  et  ne  va  pas  iialnrellement  a  son 
génie.  Toulel'ois,  si  le  raiiouali- 1.0  nioucrne  n'a  pas 
suivi,  iioiaiiimenl  au  delà  du  Rlil:!,  dans  la  crili(iue 
de  nos  livres  saints,  la  mule  qui  lai  iivait  été  tracée, 
ce  n'esl  pas  (pi  il  se  soit  rapproclié  de  nos  croyances, 
et,  coninio  certains  esprits  (Uit  pu  le  croire  dabord, 
busqué  la  pliilosopliie  i:e  liant   et   de   Goèihe  rein- 
pla(,a  dans  I.'  moiuJe celle  de  \  ollaiie,  qu'il  ait  relevé 
le^  ruines  amoncelées  par    l'impiété.  Loin  de  là,  sa 
critique  souvent  est  plus  menrlrière  et  plus  hardie. 
Les  (jxégeles  d'outre-Kbin  ne  niaiiquenl  pas  de  dire 
à  qi.i  veut  les  entendre  :  <  Je  suis  cliréiieii.  »  Mais, 
de  bonne  lui,  qui  sera   dupe   de  l'eiiibùche'?  Qui  se 
l;;issera  prendre   à   celle    réconcilialion   hypocrite, 
plàirée'/  Coninieiil  ne    pas   s'ajiercevoir  de   piime- 
aliord  que,  si  le  ralioiialisuie  acceple  nos  croyiinces, 
c'est  pour  les  encadrer  dans   ses   mille  erreurs,  les 
souinellre  a  iiu  travail  d'assimilaliou,   les  absorber 
dans  son  sein,  les  ciuiverlir  en  sapiopie  substance? 
A  voir  l'aud.ire  avec  l.iqi.elle   il   envahit    notre  foi, 
n'est-il  pao  évident  qu  il  la  regarde  comme  une  por- 
ti(m  li!giiiiii('  (le  son  h  rilage'i'  Il  est  vrai,  il  ne  s'a- 
cliarne  plus  à  la  coinbaltre,   "la    nier;  il  fait  pis  .  il 
la  Iraile  coinire  une  province  conquise,  avec  une  af- 
feelalion  iiisullaute  de  debonnairelé  el  de  clémence, 
il  la  protège  même,  mais  c'est  alin  de  s'emparer  de 
nos  dogmes  pour  les  transformer  en  théorèmes.  Or, 
celle  reconciliation   hypocrite  n'esl-elle  pas  celle  de 
Néron  quand  il  disait  :  1  J'embrasse  mon  rival,  niaig 


067 


MYS 


MYS 


968 


c'est  pour  rétouCfer.  »  Quoi  que  dise  la  philosophie, 
quoi  qu'elle  fasse,  sa  tendance  est  donc  toujours  la 
même.  La  vérité  est  qu'elle  se  borne  à  changer  les 
armes  émoussées  du  siècle  dernier,  afin  de  porter  la 
lutte  sur  un  autre  terrain,  et,  si  elle  semble  marcher 
par  des  voies  diffi'rpntes,  c'est  toujours  pour  aller 
se  réunir  à  lui  sur  les  ruines  de  la  nième  croyance. 
Grâce  à  D.eu,  nous  voyons  très-bien  où  tendent  les 
belles  paroles  des  éclectiques  et  des  panlliéisles  ;  des 
incrédules  eux-mêmes  nous  en  avertissent  :  —  «  Le 
Christ,  a  dit  M.  Eil.  Quinet,  le  Christ,  sur  le  calvaire 
de  la  théologie  moderne,  endure  aujourd'hui  une 
passion  pins  cruelle  que  la  passion  du  Golgotha.  Ni 
les  Pharisiens,  ni  les  Scribes  de  Jérusalem,  ne  lui 
ont  présenté  une  boisson  plus  amère  que  celle  que 
lui  versent  abondamment  les  docteurs  de  nos  jours. 
Chacun  l'attire  à  soi  par  la  violence  ;  chacun  veut  le 
receler  dans  son  système  comme  dans  un  sépulcre 

blanchi    (a)» —  j  La  métaphysique   de   Hegel, 

de  plus  en  plus  maîtresse  du  siècle,  est  celle  ijui 
s'est  le  plus  vantée  de  cette  conformité  absolue  de 
doctrine  avec  la  religion  positive.  A  la  criiire,  elle 
n'était  rien  que  le  catéchisme  transfiguré,  l'identilé 
même  de  la  science  et  de  la  révélation,  ou  plutôt  la 
Bible  de  l'absolu.  Comme  elle  se  donnait  pour  le  der- 
nier mot  de  la  raison,  il  était  naturel  qu'elle  regar- 
dât le  christianisme  comme  la  dernière  expression 
de  la  foi.  Après  des  explications  si  franches,  si  clai- 
res, si  saiisfaisantes,  qu'a-i-on  trouvé  en  allant  au 
fond  de  cette  orthodoxie?  Lue  tradition  sans  évan- 
gile, un  dogme  sans  iumiorlalilé,  un  chris;ianisme 
sans  Christ.  En  effet,  nos  livres  saints  sont  le  fonde- 
ment de  nos  croyames,  la  pierre  placée  à  l'angle  de 
l'édifice  pour  en  assurer  la  solidité  ;  si  vous  rcussis- 
sei  à  r  braider,  l'édifice  devra  nécessairement  s'é- 
crouler. Or,  n'est-ce  pas  vers  ce  but  que  tendent  tous 
les  elforts  de  l'Allemagne  rationaliste?  Que  sont  de- 
venues nos  sainle-.  Ecritures  pour  les  exégètes?  Une 
suite  d'allégories  morales,  de  fragments  on  de  rap- 
sodies  de  l'éiernelle  épopée,  des  symboles,  des  fic- 
tions sans  corps,  une  série  incohérente  de  poèmes 
libres  et  de  mythes.  Examinons  la  nature  de  cette 
théorie  et  ses  preuves. 

«  Remarquons  d'abord  qu'elle  a  pris  naissance  au 
sein  des  édiles  panlhéistiques,  et  que  son  point  de 
départ  n'est  rien  moins  que  rationnel.  Comment,  en 
eflél,  prncèdeni  les  symbolistes?  Un  beau  jour,  ils  se 
sont  avisés  de  transformer  en  fait  une  de  ces  mille 
hvpoihèses  qui  naissent  dans  leur  cerveau  comme  les 
champignons  après  un  orage,  et,  qui  plus  est,  de 
nous  les  donner  sérieusement  comme  une  loi  de 
l'esprit  humain.  A  les  entendre,  le  premier  dévelop- 
pement de  l'intelligence  dans  sa  simplicité,  dans  son 
énergie  native,  est  essentiellement  mythique.  Allez 
au  fond  de  toutes  les  religions,  de  toutes  les  histoi- 
res les  plus  anciennes,  les  mythes  vous  apparaîtront 
connue  formant  leur  base,  leur  essence.  Or,  ces 
mythes,  ce  ne  sont  pas  des  fables,  des  fictions  sans 
objet  et  sans  corps,  des  inqjostures  préméditées, 
mais  bien  la  reproduction  d'un  fait  ou  d'une  pensée 
que  le  génie,  le  langage  symbolique,  rimaginalion 
de  laiiti(|nilé,ont  dû  nècess;dremenl  teindre  de  leurs 
couleurs.  Ils  pénélrcreul  dans  le  doiliaine  de  l'his- 
toire et  de  la  philosophie  ;  de  là  des  mythes  histori- 
ques et  philosophiiiues.  Les  premiers  sont  des  récits 
d'.  vénements  réels,  propres  à  faire  connaître  la  ten- 
dance de  l'opinion  aniuiue,  il  rapprocher,  à  confon- 
dre le  divin  avec  l'humain,  le  naturel  avec  le  surn.a- 
turel  ;  les  seconds  sont  la  traduction  toujours  alté- 
rée d'une  pensée,  d'une  spéculation,  d'une  idée 
contemporaines  qui  leur  avaient  servi  de  thème  pri- 
mitif. Au  reste,  quoi  qu'il  en  soit  de  celle  altération 
des  faits  historiques,  elle  n'est  pas  le  produit  d'un 
système  préconçu,  mais  l'œuvre  du  temps;  elle  n'a 
pas  sa  source  dans  des  fictions  préméditées,   mais 

(«)  M.  Eg.  Quinet ,  art.  sur  Strauss,  Revue  des  deux 
'mndéi,  1"  déc.  1836,  p.  626. 


elle  s'est  glissée  furtivement  dans  la  tradition  ;  et 
quand  le  mythe   s'est  emparé  de   celle-ci  pour  la 
fixer,  pour  lui  donner  un    corps,   il  l'a  reproiluitc 
fidèlement.  Quant  à  l'origine  des  mythes  philosophi- 
ques, rien  de  plus  sinqde.  Comme  les  idées  et  les 
expressions  abstraites  faisaient  défaut  aux  anciens 
sages,  conmie  d'un  autre  coté  ils   tenaient   à  être 
compris  de  la  foule  accessible  uniquement  aux  idées 
sensibles,   ils  s'imaginèrent   d'avoir    recours  à  une 
représentation  figurative  qui  rendit  leurs  expressions 
plus  claires,  et  servît  comme  d'enveloppe   à   leurs 
conceptions.  Tel  est,  aulant  qu'on  peut  la  préciser, 
la  théorie  générale  des  mythes  ;   théorie  qui,  dit-on, 
doit  nous  domier  la  clef  desévénenienls  que  1  histoire 
a  consignés  dans  ses  annales.  Les  partisans  de  ce 
système,  pour  expliquer  la  présence  des  mythes  au 
fond  des  religions  et   des    histoires   anciennes,  ont 
recours  à  un  développement  spontané  de  l'esprit  hu- 
main. Voulez-vous  savoir  coiiiment  ils   prétendent 
donner  à  cette  supposition  la  certitude  d'uti  théorème 
de  géométrie?  Représentez-vous  les  premiers  hom- 
mes jetés  sur  la  terre,  on  ne  sait   trop   pourquoi,  ni 
comment,  placés  seuls  en  présence  du  monde  ma- 
tériel, sans  aucune  idée,  sans  aucune  connaissance 
inhérente  à  leur  nature,  mais  en  possession  de  facul- 
tés plus  ou  moins  vastes,  qui  devront  nécessairement 
se  développer  sous  l'influence  des  causes  exlérieu- 
les.  Combien  de  temps  passèrent-ils  ainsi  sans  arri- 
ver à  la  conscience  de  leur  personnalité?  C  est  là  un 
des  desideraia  du  système;  ou,  si  la  solution  du  pro- 
blème est  trouvée,  on  a  jugé  a  propos  de   la  garder 
pour  les  initiés.   Toujours  est-il  que,  tout  à  coup, 
par  une  illumination  soudaine,  l'intelligence  humaine 
s'éveilla,  avec  les  puissances  qui  lui  étaient  propres, 
à  la  vie  intellectuelle  et  morale  !  L'homme,  qui  jus^ 
qu'alors  n'avait  piété  aucune  atleni ion  au  spectacle 
que  l'univers  déroulait  a  ses  regards,  commença  à 
se  connaître  et  a  se  distinguer  de  ce  qui  n'était  pas 
lui  ;  le  moi  se.  fit  jour  à  travers  le  non-moi.  Ce  n'est 
pas  tout  :  en  entrant  ainsi  en  possession  de  la  vie, 
il  saisit,  sans  aucun  concours  de   sa  volonté,  sans 
aucun  mélange  de  réflexion,  les  grands  éléments  qui 
la  constituent,  l'idée  de  l'infiui,  du  fini  et  de  leurs 
rapports;  il  atteignit  immédiateiiieut,  spontanément, 
à  toutes  les  grandes  vérités,  à  toutes  les  vérités  es- 
sentielles {«).  »  La  raison  de  son  être,  sa  fin,  ses 
destinées,    lui  apparurent    clairement    dans    cette 
aperception  primitive,  et  toutes  ces  perceptions  se 
manifestèrent  dans  un   langage   harmonieux  et  pur, 
miroir  vivant  de  son  àme.  Or,  cette  nciion  sponluiiée 
de  lu  ruisun  dans  sa  plus  grande  énergie,  c'est  l'ins/ji- 
rutiun,  et  le  premier  produit   de  l'iiispiralioii,  de   la 
sponlanéilé,  c'est  la  religion  (fr).  Elle  débute  par  des 
hymnes  et  des  cantiques  ;  la  poésie  est  son  langage, 
et  le  mythe,  la  forme  nécessaire  sous   laquelle  les 
hommes  privilégiés  qui  possèdent  cette  faculté  a  sa 
plus  haute  (missance,  transmettent  à  la  foule  les  vé- 
rités révélées  par   t'inspirution.  Il  nous  semble    (|ne 
jamais  sysléme  ne  reunil  plus  d'impossibilités,  ne  fut 
jamais  en  opposition  plus  flagrante  avec  les  faits,  la 
logiciue  et  la  IraJition.  Qu'est-ce,   en  effet,  que  la 
prétendue  spontanéité  qui  lui  sert  de  base  ?  Un  rêve, 
une  hypothèse  gratuite,    une    proteslation   mcnsoii- 
gèie  couire  les  enseignements  de  l'histoire,  une  folle 
tentative  pour  substituer  je  ne  sais  quelle  chimère  à 
l'acte  divin,  a  l'operaliou  surnaturelle,  à  la  révélation 
extérieure  qui  éclaira  le  berceau  de  l'humanité.  Les 
symbolistes  ont  beau  faire,  ils  ne  parviendront  ja- 
mais à  étouffer  la  vérité  sous  l'amas  de  leurs  hypo- 
thèses ;   nous  arriverons  toujours,  en  suivant  le  fil 
des  traditions  antiques,  à  un  âge  où  l'homme,  au 
sortir  des  mains  du  Créateur,  eu  reçoit  immédiate- 
ment toutes  les  lumières  et  toutes  les  vérités,  à  un 
âge  où  Dieu,  pour  nous  servir  des  expressions  des 

(a)  Voyez  M.  Cousin,  Cours  d'histoire  de  la  philosophie, 
p.  i3. 
(6)  M.  Cousin,  uoi  sup. 


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livres  saints,  abaissant  les  hauteurs  des  cieux,  descen- 
dant sur  lu  terre  pour  faire  lui-même  l'éilucation  ile 
sa  créature.  Mais,  iiKlépendainment  des  Iradilions 
qui-plaeeiit  l'Edeii  au  iléljuide  l'iiisloire,  et  (pii  con- 
servent  le  souvenir  de  rantiquc  déeliéance,  la  raison 
suffit  pour  démontrer  Talisurdilé  de  celle  théorie. 
N'a-t-on  pas,  en  effet,  prouvé  jus(|u'à  satiété  que,  si 
riioinmc  avait  été  abandonné  dans  l'élat  où  on  nous 
le  représente  à  son  origine,  jamais  il  n'en  serait  sor- 
ti V  N'esl-il  pas  évident,  pour  quicoiuiue  sait  com- 
prendre le  langage  d'une  saine  métaphysique,  que 
l'esprit  humain  est  dans  rinipossibililé  absolue  d'in- 
venier  la  pensée,  de  créer  les  idées  et  la  parole, 
d'enfanter  la  société,  la  religion;  qu'il  lui  faut  une 
excitation  extérieure  poni-  naître  à  la  vie  intellec- 
tuelle comme  à  la  vie  pliysiipie.  Dés  lors,  si  Dieu  a 
créé  riiouime  avec  les  idées  et  la  pandc,  s'il  a  fécon- 
dé sa  pensée,  s'il  lui  a  révélé  une  religion,  une  fois 
en  possession  de  ces  éléments  intégrants  de  la  vie 
spiriluelle,  n"a-t-il  pas  dii  se  développer  nalurellc- 
nienl?  A  quoi  bon  recourir  alors  à  la  spontancilé 
de  l'esprit  humain  ?  t  Les  idées,  les  expressions,  dit 
M.  Maret,  voilà  les  vraies  conditions  de  ses  manilos- 
tations.  Comment  la  forme  mytlii(iue  pourrait-elle  être 
inqiliquée  dans  ces  conditions  nécessaires  ?  N'est- 
elle  pas  une  complication  absolument  imilili'  ?  Qu'on 
prouve  cette  nécessité  :  nous  ne  sachions  pas  qu'on 
l'ait  fait  encore  (a). 


«  On  est  forcé  de  convenir  que  la  création  des 
mythes  est  une  opération  très-compliquée;  aussi  ae- 
corih;-t-on  aux  premiers  humains  des  facidlés  ex- 
traordinaires, el  qui  n'ont  pas  d'analogue  dans  l'état 
actnel  de  la  civilisation.  En  efl'et,  quelle  puissance 
ne  faut-il  pas  supposer  dans  les  inventeurs  des  my- 
thes pour  pouvoir  mellre  en  harmonie,  pour  assor- 
tir les  idées  et  les  synd)oles,  et  les  faire  adopter  aux 
autres!  On  rentre  ainsi  dans  le  surnaturel  et  le  mi- 
raculeux, auquel  on  veut  échapper  par  la  théorie  des 
mythes.  Qu'on  ne  croie  pas  se  tirer  d'embarras  en 
disant  que  les  mythes  ne  sont  pas  la  création  d'un 
seul  homme,  mais  d'un  peuple,  d'mie  société,  d'un 
siècle.  Cette  réponse  ne  fait  (pie  reculer  la  difliculté 
et  rend  tout  à  fait  inexplicable  l'unité  qu'on  remar- 
que et  (pi'on  admire  dans  ces  récits.  Et  la  bonne  foi 
des  in\enleurs,que  vous  en  sendile?  Conçoit-on  qu'un 
homme  sain  d'esprit  puisse  s'abuser  au  point  de 
prendre  pour  des  réalités  les  rêves  de  son  imagina- 
tion'?... Telles  sont  cependant  les  bases  sur  lesciuel- 
les  s'appuie  la  théorie  des  mytlics.  Quand,  pour  nier 
l'ordre  surnaturel  et  divin,  on  est  réduit  :i  ces  mi- 
sérables assertions,  on  ne  réussit  qu'à  jeter  sur  son 
entreprise  le  discrédit  et  le  ridicule  et  a  affermir  les 
vérités  que  l'on  voulait  ébraider.  Au  reste,  c'est 
justice  :  il  ne  faut  pas  que  l'homme  puisse  s'attaquer 
impunément  à  l'uiuvre  de  Dieu.  » 


N 


NAAMAN.  Voy.  Éliske. 

NABL'CHODONOSOR.  Voy.  Daniel. 

NAHUM  est  le  septièmo  des  dou'e  petits 
prophètes  ;  il  prédit  la  ruine  de  Ninivc,  et  il 
la  peint  sous  les  images  les  plus  vives  ;  il 
renouvelle  contre  cette  ville  les  menaces  (jue 
Jonas  avait  faites  longtemps  auparavant.  Cette 
j>fo|iliétie  ne  contient  que  trois  chapitres,  et 
on  ne  sait  pas  certainement  en  quel  temps 
elle  a  été  faite  ;  on  conjecture  que  ce  fut 
sous  le  rèj^tie  de  Manassès. 

NAISSANCE  DE  JÉSUS -CHRIST.  Voy. 
Marie. 

NATHAN,  propliète  qui  vivait  sous  le  rè- 
gne de  David.  Lorsque  ce  roi  se  fut  rendu 
coupable  d'adultèie  et  d'homicide,  Nathan 
vint  le  trouver  de  la  part  de  Dieu,  et  sous  la 
parabole  d'un  homme  qui  avait  enlevé  la 
brebis  d'un  pauvre,  il  réduisit  David  à  con- 
fesser son  péché  et  k  se  condamner  lui-même 
(11  lieij.  xii).  Les  Pères  de  l'Eglise  ont  pro- 
jiosé  ce  prophète  comme  un  modèle  de  la 
fermeté  avec  laquelle  les  ministres  du  Sei- 
gneur doivent  annoncer  la  vérilé  aux  rois, 
et  les  avertir  de  leurs  fautes,  en  conservant 
cependant  le  respect  el  les  égards  dus  à  leur 
digtiité.  Quelques  incrédules  ont  blAmé  la 
facilité  avec  laquelle  il  accoide  le  p;!rdo.i  de 
deux  très-grands  crimes,  mais  ils  ont  eu  tort 
de  dire  que  David  en  fut  quittai  pour  les 
avouer  :  Nathan  lui  annonça  les  malheurs 
qui  allaient  fondre  sur  lui  et  sur  sa  fami  le, 
en  punition  du  scandale  qu'd  avait  donné  : 
et  ces  menaces  furent  exécutées  k  la  lettre. 
Voy.  David. 

NATHINÉENS,  nom  dérivé  de  l'hébreu 
nathan,   donner.  Les    natkinéens  étaient  des 

(h)  Voyez  M.  de  lionald,  Recherches  pliilosophiques.  — 
M.  I  abbé  Marel,  Essai  sur  le  })imlltéhmc,  cbap.  G. 

DiCT10>.N.    ce  ThÉOL.   Di  GMATiyUE.  IIl. 


liommes  donnés  ou  voués  au  service  du  ta- 
bernacle, et  ensuite  du  temple  chez  les  Juifs, 
pour  en  remplir  les  emplois  les  plus  pénibles 
et  les  plus  bas,  comme  de  porter  le  bois  et 
l'eau  nécessaires  pour  les  sacrilices.  Les  Ga- 
liaouites  furent  d'abord  destinés  î»  ces  fonc- 
tions [Josue,  IX,  27).  Dans  li  suite,  ou  y  as- 
sujettit ceux  des  Chanaéens  qui  se  rendirent, 
et  auxquels  on  conserva  la  vie.  On  lit  dans 
le  livre  d'Esdras,  c.  vin,  que  les  nat'iinéens 
étaient  des  esclaves  voués  par  David  et  par 
les  princes  pour  le  service  du  temple  ;  et  il 
est  dit  ailleurs  qu'ils  avaient  été  donnés  par 
Saloiuon.  En  eti'et,  on  voit  (111  lieg.  ix,  21) 
qije  ce  prince  avait  assujetti  les  restes  des 
Chananéens,  et  les  avait  contraints  h  diffé- 
rentes servitudes.  Ilya  toute apparencequil 
en  donna  un  nombre  aux  prêtres  et  aux  lé- 
vites, pour  les  servir  dans  le  temple.  Les 
nathinéens  furent  emmenés  en  captivité  par 
les  Assyriens  avec  la  tribu  de  Juda,  et  il  y 
en  avait  un  grand  nombre  vers  les  iiortes 
Caspiennes.  Esdrasen  ramena  quelques-uns 
en  Judée  au  retour  de  la  captivité,  et  les 
plaça  dans  les  villes  qui  leur  furent  assignées; 
il  y  en  eut  aussi  ci  Jérusalem  qui  occupèrent 
leq'iartier  d'Ophel.  Le  nombre  de  ceux  qui 
revinrent  avec  Esdras,  et  ensuite  avec  Néhé- 
mie,  ne  se  montait  a  guère  jilusde  six  cents 
Comme  ils  ne  sullisaient  pas  pour  h'  service 
du  temple,  on  institua  dans  ia  suite  une 
fête  nommée  Xylophoric,  dans  laquelle  le 
peuple  portait  en  solennité  du  bois  au  temple, 
pour  l'entretien  du  '.eu  sur  l'a-  tel  des  holo- 
caustes. 11  est  parlé  de  celte  insti.ution  [11 
Ësdr.  X,  34).  Voyez  Uelnnd,  A)iti(iuit.  sacrœ 
veter.  Hebrœor.,  iv  pait.,  c.  9,  §  7. 

NATIONS.  Voy.  Gentils. 

N.\T1V1TÉ,    iialalis  dics   ou    nataliliuiK, 

31 


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expressions  qui  sont  principaiemenl  d'usage 
eu  style  de  caleiidric-r  ecclésiastique,  pour 
désigner  la  fête  d'un  saint.  Ainsi  Ton  dit  la 
nativUé  de  la  sauite  Vierge,  la  nativité  de 
saint  Jeau-Baptiste,  et  c'est  alors  le  jour  de 
leur  naissance.  Quand  ou  dit  simplement  la 
Nativité,  on  entend  le  jour  de  la  naissance 
de  Notre-SeignHur,  ou  la  fête  de  Noël. 
Yoy.  Noël.  Mais  dans  les  martyrologes  et 
les  missels,  natalis  signifie  beaucoup  plus 
souvent  le  jour  du  martyre  ou  de  la  mort 
d'un  saint,  parce  qu'en  mourant,  les  saints 
ent  commenci'  une  vie  immortelle  et  sont 
entrés  en  possession  du  bonheur  éternel 
(Binghara,  tom.  IX,  pag.  133).  Par  analogie, 
celte  expressi m  a  été  transportée  à  d'autres 
ft'tes  :  ainsi  l'on  a  nommé  natale  cpiscopa- 
tus,  le  jour  anniversaire  d  ■  la  consécration 
d'un  évêque,  idem,  t.  II,  pag.  188;  natalis 
calicis,  le  jeudi-saini,  fôte  de  l'institution 
de  l'eucharistie;  iiatatis  cathedrœ,  la  fête  de 
la  chaire  de  saint  Pierre  ;  natalitium  ecclesiœ, 
la  fête  de  la  dédicace  d'une  égUse. 

Nativité  de  la  sainte  Vierge,  l'été  que 
l'Eglise  romaine  célèbre  tous  les  ans,  pour 
honorer  la  naissance  de  la  Vierge  Marie, 
mère  de  Dieu,  lo  8  se;itembre.  Il  y  a  plus 
de  mille  ans  que  cette  fête  est  instituée  ;  U 
est  parlé  dans  l'ordre  romain  des  homélies 
el  de  la  litanie  que  l'on  y  devait  lire,  suivant 
ce  qui  avait  été  réglé  parle  pape  Serge,  l'an 
688.  Dans  le  Sacramentaire  de  saint  Gré- 
goire, publié  par  dom  Ménard,  on  trouve  des 
collectes,  une  procession  et  une  préface 
jiropres  poui-  ce  jour-là,  de  même  que  dans 
l'ancien  Sacramentaire  romain,  publié  p.u'  le 
cardinal  Tnomasi,  et  qui,  au  jugement  des 
savants,  est  le  même  dont  saint  Léon  et 
quelques-uns  de  ses  jirédécesseurs  se  sont 
servis.  Les  Grecs,  les  cophles  et  les  autres 
chrétiens  de  l'Orient  célèbrent  cette  fêle 
aussi  bien  que  l'Eglise  romaine;  son  insti- 
tution a  donc  précédé  leur  schisme,  qui 
subsiste  depuis  plus  de  douze  cents  ans.  Le 
Père  Thomassin  et  quelques  autres,  qui  ont 
cru  qu'elle  était  plus  rocente,  disent  que  ce 
qui  s'en  trouve  da.iS  les  anciens  monuments 
que  nous  venons  de  citer  peut  être  une  ad- 
dition faite  dans  les  siècles  postérieurs  ;  mais, 
outre  qu'il  n'y  a  point  do  preuve  positive  do» 
cette  addition,  la  ])ratique  des  chrétiens 
orientaux  témoigne  le  contraire;  ils  n'ont 
pas  emprunté  une  fête  de  l'Eglise  romaine, 
dcjiuis  qu'ils  en  sont  séparés.  Voyez  Vies 
des  Pères  et  des  martyrs,  t.  VllI,  p.  389.  On 
dit  que  les  chrétiens  orientaux  n'ont  com- 
uifucéà  la  célébrer  que  dans  le  xu°  siècle  : 
où  sont  les  preuves  ue  celte  date  ?  Les  cri- 
tiques trop  hardis  exigent  qu'on  leur  pi  ouve 
to  .tes  les  époques  ;  eux-mêmes  se  croient 
dispensés  de  [t.ouver. 

NATUUE,  NATUREL.  11  n'est  peut-être 
aucun  terme  dont  l'abus  soit  plus  fréquent 
parmi  les  pliiloso|ihes,  et  même  parmi  les 
llioologiens;  il  tst  cependant  nécessaire 
d'en  avoir  une  idée  juste,  pour  entendre  les 
dillérentes  signilicitions  du  mot  surnaturel. 
Les  alliées,  qui  n'admettent  point  d'autre 
substance  dans   l'univers   que    la    matière, 


entendent  par  la  nature  la  matière  même 
avec  toutes  ses  propriétés  connues  ou  incon- 
nues ;  c'est  la  matière  aveugle  et  privée  de 
connaissance  qui  o])ère  tout,  sans  l'inter- 
vention d'aucun  autre  agent.  Lorsqu'ils 
nous  parlent  des  lois  de  la  nature,  ils  se 
jouent  du  terme  de  loi,  puisqu'ils  entendent 
par  là  une  nécessité  immuable,  de  laquelle 
ils  ne  peuvent  donner  aucune  raison.  La 
matière  ne  peut  donner  des  lois  ni  eu  rece- 
voir, sinon  d'une  intelligence  qui  l'a  créée 
et  qui  la  gouverne.  Dans  l'hypothèse  de 
l'athéisme,  rien  ne  peut  être  contraire  aux 
prétendues  lois  delà  nature;  rien  n'est  po- 
sitivement ni  bien  ni  mal,  puisque  rien  ne 
p.'ut  être  autrement  qu'il  est.  L'homme  lui- 
même  n'est  qu'un  composé  de  mUière, 
comme  une  brute;  les  sentiments,  les  incli- 
nations, la  voix  de  la  nature,  sont  les  senti- 
ments et  les  pi^'iichants  de  chaque  individu; 
ceux  d'un  scélérat  srmt  aussi  conformes  à 
sa  nature  que  ceux  d'un  homme  vertueux 
sont  analogues  à  la  sienne. 

Dans  la  croyance  d'un  Dieu,  la  nature  est 
le  monde  tel  que  Dieu  l'a  créé,  et  les  lois  de 
la  nature  sont  la  volonté  de  ce  souverain 
maître  ;  c'est  lui  qui  a  donné  le  mouvement 
à  tous  les  corps,  et  qui  a  établi  les  lois  de 
leur  mouvement,  desquelles  ils  ne  peuvent 
s'écarter.  Pour  qu'il  arrive  quelque  chose 
contre  S's  lois,  il  faut  que  ce  soit  lui-même 
qui  l'opère,  et  alors  cet  événement  est  sur- 
naturel ou  miraculeux,  c'est-à-dire  con- 
traire à  la  marche  ordinaire  que  Dieu  fait 
suivre  à  tel  ou  tel  corps.  Voy.  Miracle.  Se- 
lon ce  même  système,  le  seul  vrai  et  le  seul 
iiitedigible,  la  nature  de  l'homme  est 
l'homme  lel  que  Dieu  l'a  fait  :  or,  il  l'a 
c  imposé  d'uuri  âme  et  d'un  corps;  il 
l'a  créé  intelligent  et  Hbre.  Entre  les  di- 
vers mouvements  de  son  corps,  les  uns 
dépendent  de  sa  volonté,  tel  que  l'usage  de 
ses  mains  et  de  ses  pieds,  les  autres  n'en 
dépendent  point,  comme  la  battement  du 
cœur,  la  circulation  du  sang,  etc.  Ces  mou- 
vements suivent  ou  les  lois  générales  que 
Dieu  a  établies  pour  tous  les  corps,  ou  des 
bus  particulières  qu'il  a  faites  pour  les 
corps  vivants  et  organisés.  Lorsque  la  ma- 
chine vient  à  se  détraquer,  ce  qui  arrive 
n'est  plus  naturel,  selon  lexpression  ordi- 
naire des  pliysiciens,  c'est-à-dire  n'est  plus 
conforme  à  la  marche  ordinaire  des  corps 
vivants  ;  mais  ce  n'est  pas  un  événement 
surnaturel,  puisque,  selon  le  cours  de  la 
nature,  il  [leut  arriver  des  accidents  à  tous 
les  corps  organisés,  qui  dérangent  leurs 
fonctions.  Dieu  a  donne  à  l'homme  un  cer- 
tain degré  de  force  ou  d'empire  sur  son 
propre  corps  et  sur  les  autres.  Ce  degré  est 
plus  ou  moins  grand  dans  les  divers  indi- 
vidus; mais  il  ne  passe  jamais  une  certaine 
mesure  :  s'il  arrivait  à  un  homme  d'aller 
beaucoup  au  delà,  celte  force  serait  regardée 
comme  surnatuielle  et  miraruleus  ■.  Ouant  à 
l'âme  de  l'homme.  Dieu  lui  a  prescrit  des 
lois  d'une  autre  espèce,  que  l'on  appelle  lois 
morales  et  lois  naturelles,  parce  qu'elles  sont 
conformes  à  la  nature  d'un  esprit  intelligent 


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et  libre,  destiné  à  mériter  un  bonheur  éter- 
nel par  la  vertu,  mais  qui  peut  encourir  un 
malheur  éternel  piir  le  crime.  I)t^  même  il  a 
donné  à  cette  ;lme  un  certain  degré  de  lorce, 
soit  pour  penser,  pour  rclléohir,  pour  ac- 
quérir de  nouvelles  connaissances  ;  soit  pour 
modérer  les  appétits  du  coi'iis,  pour  répri- 
mer les  inclinations  vicieuses  que  nous 
nommons  les  passions,  pour  pratiquer  des 
actes  de  vertu.  Cette  double  force  est  plus 
ou  moins  grande,  selon  la  constitution  di;s 
divers  individus  :  la  pr.iinèrese  nomme  /u- 
mire  nat  ai  elle,\àSM-ondf:  forer  naturelle.  Dieu 
peut  ajouter  à  l'une  et  à  l'autre  le  secours 
de  la  i^rAce,  qui  éclaire  l'esprit  et  excite  la 
volonté  de  l'homme;  alors  c(!tle  lumière  et 
cete  l'orce  sont  sarnaluretlen  :  mais  el  es  ne 
sont  pas  miraculeuses,  p-irce  (ju'il  est  du 
cours  ordinaire  de  la  Providitnce  d'accorder 
ce  secours  plus  ou  moins  à  l'homme  qui  en 
a  besoin,  dont  la  lumière  et  les  iorcc's  ont 
été  allaililies  par  le  péché.  (jOn^éipiemment 
l'on  app'  lie  actions  surnalurclles,  ou  lertus 
■'iu//i((<u/'e//M,lcsactionslo  laiil  siiueriioanue 
l'ait  par  le  secours  do  la  gr;\ce.  Le  n'est  pas 
ici  le  lieu  d'examnier  s  ,  |iai-  les  seiiles  for- 
ces naturelles,  l'hounne  peut  l'aire  des  actions 
moralement  bonnes,  qui  ne  sont  ni  des  pé- 
chés, ni  aiénloircs  de  la  récompense  éter- 
nelle. Voij.  Cihack,  §  1. 

Comme  les  lumières  naturelles  de  l'homme 
sont  Irès-burnées,  Dieu  a  daij^né  l'instruire 
dès  le  coumiencement  du  monde,  et  lui  a 
fait  Ciinnaîlre  par  une  rév>'latioa  surnatu- 
relle Ic'^  lois  morales  et  les  devoirs  qu'il  lui 
imposait  ;  il  lui  a  donné  une  religion.  Ce  fait 
sera  prouvé  au  mot  Révélation.  Ainsi  les 
déistes  abusent  des  termes,  lorsqu'ils  disent 
que  la  loi  naturelle  est  celle  que  l'homme 
peut  connaître  par  les  seules  lumières  de  sa 
raison  ;  que  la  religion  naturelle  est  le  culte 
que  la  raison  laissée  à  ell-'-mème  peut  dé- 
couvi'ir  qu'il  faut  rendre  à  Dieu.  l,e  degré 
de  raison  et  de  lumière  naturelle  n'est  pas 
le  même  dans  tous  les  hommes,  il  est  pres- 
que  nul  dans  un  sauvage    (To//.  Langage]  ; 
comment  donc  estimer  ce  que  la  rais(in  hu- 
uiauie,  prise  en  général  et  dans  un  sens  ab- 
s.rait,  peut  ou  ne  peut  pas  faire?  D'ailleurs, 
la  raison  n'est  jamais  laissée  à  elle-même  : 
ou  les  hommes  ont  été  instruits  par  une  tra- 
dition venuo  de  la  révélation  primitive,  ou 
leur  raison  a  été  j)ervertie  dès  le  berc  au 
|)ar  une  mauvaise  éduca  ion.  Voy.  Religion 
NATUKKLLE.  Daus  un  autre  sens,  on  a  nommé 
naturel  CG  qui'  Dieu  devait  donner  à  l'homme 
en  le  créant,  et  surnaturel  ce  qu'il  ne  devait 
[las,  ce  qu'il  lui  a  donné,   non  par  justice, 
mats  pir  bonté  pure.  Conséquemmeut  on  a 
demandé  si  les  dons  que  Dieu  a  daigné  tlé- 
partir  au  preiûier  homme  étaient   naturels 
ou  surnaturels,  dus  par  justice  ou  purement 
gratuits,  t^etto  question   sera  résolue  dans 
l'article  suivant.  Dans  l'état  actuel  des  cho- 
ses,  il  y  a  uiiG  inégalité   [irodigieuse  entre 
les  divers  individus  de  la  nature  humaine. 
Lorsque  Dieu  doiin'  à  un  homme,  en   le 
mettant  au  monde,  des  organes  mieux  con- 
formés ,  un  esgrit  )^lus   pénétrant   et  plus 


juste,  des  passions  [ilus  calmes,  une  plus 
belle  âme  qu'à  un  autre,  ces  dons  sont  cer- 
tainement très-gratuits  ;  cependant  nous  di- 
sons encore  ([ue  ce  sont  des  dons  naturels. 
Si  Dieu  |jrocure  encore  à  cet  heureux  mor- 
tel une  excellente  éducation,  de  bons  exem- 
ples, tous  h's  moyens  possibles  de  contrac- 
ter l'hab'tude  de  la  vertu,  ces  nouvelles  fa- 
veurs sont-elles  encore  naturelles  on  surna- 
turelles, dues  par  justice  ou  purement  gi'a- 
tuites  ?  11  n'est  pas  fort  aisé  de  tracer  la  li- 
gn  ■  ipii  sépare  les  dons  de  la  nature  d'avec 
ceux  de  la  gnlce. 

11  esi  facile  de  concevoir  (pie  le  secours 
de  la  grâce  est  surnaturel  dans  un  double 
sens  :  1°  pai'ce  qu'il  nous  donne  des  lumières 
et  une  tbrce  (|ue  nous  n'aurio:  s  pas  sans 
lui  ;  '2"  parce  que  Dieu  ne  nous  le  doit   pas, 
et  que  nous  ne  pouvons   le  mériter  en  ri- 
gueur de  justice,   par  nos  désirs,  par  nos 
prières,  par  nos  bonnes   œuvres  naturelles. 
Mais  il  n'est  pas  mo'us  certain  que  Di'ii 
nous  la  promis,  et  que  Jésus-Christ  l'a  mé- 
riti'   |iour  nous.   Hors  de  l.'i,  nous  ne  iKms 
entendons  plus  lorsque  nous  disputons   sur 
ce  i^ni  esl  naturel  ou  surnaturel.  Sa  nt  Paul 
dit  (7  Cor.   ii,  14)  :  «  La  nature  ne  nous  dit- 
elle  pas  que  si  un  homme  porte  des  cheveux 
longs,  c'est  une  ignominie  pour  lui  ?  »  Par 
la  nature,  saint  Paul   entend  l'usage  ordi- 
naire. Rom.,  c.  Il,  v.   14-,  il  dit  :  «  Lorsque 
les  gentils,  qui  n'ont  point  do  loi  (écrite), 
font  naturellement  ce  que  la  loi  commande, 
ils  sont  à  eux-mêmes  leur  [iropre  loi,  et  ils 
lisent  les  préceptes  de  la  loi  au  fond  de  leur 
cœur.  »  Par   le  mot  naturellement,  l'Apùtre 
ne  jirélend  point  que  les  gentils  pouvaient 
observer  les  piéceptes  de  la  loi  naturelle  par 
les  seules  forces  de  leur  hbre  arbitre,  mais 
par  ces  forces  aidées  de  la  grâce,  comme  Fa 
très-bien  observé  saint  Augustin  contre  les 
pélagiens.  Ici  la  nature  exclut  seulement  la 
révélation.  .Mais  quand  il  dit  {Lphes.  xi,  3) 
Eramus  natura  filii  irœ,  il  entend  la  nais- 
sance; de  même  que  {Gai.  n,  15),  nos  natura 
Judœi,  signifie  nous  Juifs  de  7iaissance.  Dans 
le  discours   orlinaire,  la  nature  et  la  per- 
sonne sont  la  même  chose;  on  ne  distingue 
point  entre  une  nature  humaine  et  une  per- 
sonne   liumiine  ;    mais    la    révélation    du 
mystère   de  la   sainte   Trinité    et  de  celui 
de  l'incarnation  a  forcé  les   théologiens    à 
distinguer  la  nature  d'avec  la  personne.   En 
Dieu  la  nature  est  une,  les  persiniiies  sOnt 
trois  ;  en  Jésus-Christ  Dieu  et  homme,    il 
n'y  a  point  de  [lèrsonne  humaine;  la  nature 
humaine  est   unie    subst  uitiellement   à    la 
personne  divine.  Chez  les  anciens  auteurs 
latins,  natura  signiûe  quelquefois  l'existence  : 
ainsi,    dans  Cicéron ,    natura    Jeorum     est 
l'existence  des  uieux. 

Nature  divine.  Voy.  Dieu. 
Nature  humaine.   Voy.  Homme. 
Nature  (état  de),  ou  de  |iure  nature.  Pour 
savoir  ce  que  c'est,  il  faut  se  souvenir  que 
le  premier  homme  avait  été  créé  dans  l'état 
d'innocence,  non-seulement  exempt  de  pé 
ché,  mais  orné  de  la  grâce  sanctili.inte  et 
destiné  à  un  bonheur  éternel  ;  il  n'était  su 


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jet  ni  aux  mouvesûents  de  la  concupiscence, 
ni  à  la  douleur,  ni  à  la  mort.  On  demande 
si  Dieu  n'aurait  ]ias  j)u  le  créer  autre- 
ment, sujet  au\  mouvements  de  la  con- 
cupiscence, à  la  douleur  et  à  la  mort,  quoi- 
que exempt  de  péché,  et  de>tiné  à  un  bon- 
heur éternel  plus  ou  miiins  par^'ait.  C'est  ce 
que  l'on  appelle  état  de  pure  nature,  par  op- 
position à  l'état  d'innocence  et  de  grâce. 

Quelques  théologiens  se  sont  trouvés  obli- 
gés par  engai^ement  de  système  à  soutenir 
que  cela  n'était  pas  possible  ;  ils  ont  dit 
que  la  grâce  sanctifiante  ou  la  justice  origi- 
nelle, et  les  autres  dons  desquels  elle  était 
accompagnée,  n'élaient  point  des  grâces  jiro- 
prement  dites  ou  des  faveurs  surnaturelles 
que  Dieu  eût  accordées  à  l'homme,  mais 
que  c'était  la  condition  naturelle  de  l'hom- 
me innocent  ou  exempt  de  péché  ;  qu'ainsi 
■  Dieu  n'aurait  pas  pu  le  créer  autrement. 
C'est  la  doctrine  qu'a  soutenue  Baïus,  dans 
son  traité  de  Prima  honiinis  justitia,  lih.  i, 
chap.  4  et  suiv.  ;  et  malgré  la  condamna- 
tion qu'elle  a  essuyée,  elle  a  trouvé  des 
partisans.  Nous  ne  savons  pas  si  ces  théo- 
lugiens  se  sont  bien  entendus  eux-mêmes  ; 
mais  leiu-  système  est  certainement  faux  , 
contraire  au  souvciain  domaine  de  Dieu  et 
k  sa  bonté,  sujet  à  plusieurs  conséquences 
erionées.  —  1"  11  y  a  bien  de  la  témérité  à 
vouloir  prescrire  à  Dieu  le  degré  précis  de 
perfection  et  de  bien-être  qu'il  était  obligé 
par  justice  d'accorder  k  une  créature  k  la- 
quelle il  ne  devait  pas  seulement  l'exis- 
tence. C'est  adopter  l'opinion  des  mani- 
chéens ,  qui  soutenaient  ([ue  l'homme  tel 
qu'il  est  ne  peut  pas  être  l'ouvrage  d'un 
Dieu  juste  et  bon  ;  qu'il  a  sûrement  été  créé 
par  un  Dieu  méchant.  C'est  encore  de  ce  prin- 
cipe que  partent  les  athées  pour  blasphé- 
mer contre  la  Providence  et  nier  l'existence 
de  Dieu.  —  2°  Pour  réfuter  les  manichéens, 
saint  Augustin  a  i)Osé  le  principe  contraire, 
savoir,  que  Dieu  étant  tout-puissant,  il  a  pu 
augmenter  k  l'infini  les  dons,  les  perfections, 
les  degrés  de  bonheur  qu'il  accordait  aux 
anges  et  à  l'homme  en  les  créant  ;  il  aurait 
pu  en  donner  davantage  k  notre  premier 
père,  il  |)ouvait  aussi  lui  en  accorder  moms, 
puisqu'il  ne  lui  devait  rien,  et  qu'd  est  sou- 
verainement libre  et  indépendant.  Dans  une 
gradation  inlinie  d'états  plus  ou  moins  heu- 
reux et  parfaits,  tous  possibles,  aucun  n'est 
un  bien  ni  un  mal  absolu,  mais  seu!em  nt 
par  comparaison  ;  il  n'en  est  par  conséquent 
aucun  qui  soit  ab>olunu'nt  dign  ■  ou  indigne 
d'une  bonté  infinie,  et  a  >.  quel  Dieu  ait  été  obligé 
par  justice  de  s'arrêter.  De  là  saint  Augus- 
tin a  très-bien  conclu  que,  quand  lignoiance 
et  la  difficulté  de  faire  le  nien,  avec  lesquel- 
les nous  naissons,  seraient  l'état  naturel  de 
l'homme,  il  n'y  aurait  pas  lieu  d'accuser, 
mais  plutôt  de  louer  Dieu.  L.  ni,  de  lib. 
Arb.,  c.  5,  n.  12  et  13  ;  de  Gencsi  ad  litt., 
1.  XI,  c.  7,  n.  9;  Epist.  18G  ad  Paulin.,  c. 
7,  n.  22  ;  de  Dono  persev.,  c.  11,  n.  26; 
L.  I.  Retract.,  cap.  'J,  n.  6  ;  Op.  imper,  [con- 
tra JuL,  1.  V,  num.  58  et  60.  11  faut  dire  la 
même  chose  des  souffrances  et  de  la  mort 


auxquelles  nous  sommes  assujettis.  3°  Ceux 
qui  ont  prétendu  que  saint  Augustin  n'a 
ainsi  [larlé  que  par  complaisance  pour  les 
manichéens ,  se  sont  trompés,  ou  ils  ont 
voulu  en  imposer,  puisque  le  saint  docteur 
a  répété  la  même  chose  mm-seulement  dans 
ses  écrits  contre  les  manichéens,  mais  en- 
core dans  quatre  ou  cinq  de  ses  ouvrages 
contre  les  pélagiens,  et  même  dans  le  der- 
nier de  tous.  Bien  plus,  sans  le  principe  Tu- 
mineux  qu'il  a  posé,  il  lui  aurait  été  impcjs- 
sible  de  réfuter  les  ])éla^iens  ,  qui  soute- 
naient que  la  permission  du  péché  ori.inel 
et  sa  punition  étnient  deux  suppositions 
contraires  k  la  justice  de  Dieu,  et  nous  se- 
rions encore  hors  d'état  de  satisfaire  aux 
objections  des  athées.  Près  d'un  siècle  avant 
saint  Augustin,  saint  Athanaso  avait  ensei- 
gné que,  «  par  la  transgression  du  comman- 
dement de  Dieu,  nos  premiers  parents  fu- 
rent réduits  k  la  condition  de  leur  propre 
nature;  de  manière  que,  comme  ils  av;iient 
été  tirés  du  néant ,  ils  furent  condamnés 
avec  justice  k  éprouver  dans  la  suite  la  cor- 
ru|)tion  de  leur  être....  ;  car  enfin  l'homme 
est  mortel  de  sa  nature,  puisqu'il  a  été  fait 
de  rien.  »  De  Incarn.  Yerbi  Dei,  n.  4  ;  Op., 
t.  1,  p.  50.  — 4°  S'il  était  viai  que  Dieu, 
sans  déroger  k  sa  justice  et  sa  bonté,  n'a 
pas  pu  créer  le  premier  homme  dans  un  état 
moins  heureux  et  moins  parfait,  il  serait 
aussi  vrai  que  Dieu,  sans  cesser  d'être  juste 
et  bon,  n'a  pas  pu  permettre  que  l'homme 
déchût  de  son  état  par  le  péché,  et  qu'il  en- 
traînât par  sa  dégradation  celle  du  genre  hu- 
main tout  entier.  Car  enfin  Dieu  pouvait  lui 
accorder  l'impeccabdité  aussi  aisément  que 
l'innocence,  puisqu'il  l'accorde  aux  saints 
dans  le  ciel;  alors  l'état  de  l'homme  aurait 
éié  infiniment  meilleur  et  plus  parfait  qu'il 
n'était,  par  conséquent  plus  analogue  k  la 
bonté  infinie  de  Dieu.  Puisque  Dieu  n'était 
pas  obligé  de  lui  accorder  ce  don,  pourquoi 
était-il  obligé  de  lui  départir  tous  ceux  dont 
il  l'avait  enrichi?  Jamais  l'on  ne  pourra  le 
montrer.  —  5"  Eve,  sans  doute,  a  été  créée 
dans  la  môme  innocenci'  qu'Adam  ;  peut-on 
prouver  qu'k  l'égard  de  tous  les  dons  du 
corps  et  de  l'âme ,  elle  était  égale  k  son 
éjioux  ?  S'il  y  avait  entre  eux  de  l'inégalité, 
il  n'est  donc  pas  viai  que  tous  ces  dons,  et 
le  degré  dans  lequel  l'hoinine  les  possédait, 
étaient  l'apanage  nécessaire  et  inséparable 
de  l'innocence  originelle.  Suivant  Li  narra- 
tion de  l'Ecriture  sainte,  Eve  fut  tentée, 
parce  qu'elle  vit  que  le  fruit  défendu  était 
beau  k  la  vue  et  devait  être  agréable  au 
goût  (Gen.  III,  6j.  Cette  faiblesse  ressemble 
beaucou|)  k  un  degré  de  concupiscence. 
Mais  (ju'on  la  nomme  comme  on  voudra, 
c'était  certainement  une  imperfection,  et  si 
notre  première  mère  avait  eu  plus  de  force 
d'âme,  cela  eût  été  très-avantageux  pour 
elle  et  pour  nous.  —  6°  Par  ces  diverses 
observations  l'on  démêle  aisément  l'équivo- 
que d'un  principe  posé  par  saint  Augustin, 
et  du(juel  on  a  trop  abusé  :  savoir,  que, 
sous  un  Dieu  juste,  personne  ne  peut  être 
malheureux  s'il  ne  l'a  pas  mérité.  11  ne  oeut 


977 


NAZ 


NAZ 


618 


^tre  (ibsolumenl  mulhcureux ,  sans  doute  ; 
luais  réini  dans  lequel  nous  unissons  est-il 
absolument  malheureux?  Il  ne  l'est  que  i)ar 
comparaison  à  un  état  plus  heureux  ;  et 
par  la  nièuie  raison,  c'est  un  état  heureux 
en  i'ouq),iraison  d'un  autre  qui  le  serait 
moins.  Prendre  les  termes  de  bonheur  et  de 
malheur,  qui  sont  purement  relatifs,  pour 
des  termes  ajjsolus,  e'éiait  le  sophisme  des 
manichéens  :  c'est  encore  celui  des  athées 
et  de  tous  ceux  qui  raisonnent  sur  l'origine 
du  mal.  On  y  tombe  encore,  quand  on  dit 
que  Dieu  se  devait  à  lui-môme  de  rendre 
heureuse  une  créature  faite  h  son  image. 
Jusqu'à  quel  point  deva.t-il  la  rendre  heu- 
reuse? Voilà  la  queslion  ,  et  jamais  nous 
n'aurons  un  princq)e  i''videut  jiôur  la  résou- 
dre. Mais  il  y  en  a  un  duquel  il  ne  faut  ja- 
mais s'écarter,  c'est  celui  qu'a  posé  saint 
Aiigustin,  et  qui  est  dicté  par  la  droite  i ai- 
son  :  savoir,  ([ue  comme  il  n'est  point  en 
ce  monde  de  ])i>nheurni  de  malheur  absolu, 
mais  seulement  par  comparaison.  Dieu  a 
pu,  sans  déroger  ii  aucune  de  ses  perlec- 
tions,  créer  l'homme  innocent  dans  un  état 
jilus  heureux  et  plus  parfait  que  celui  d'Adam; 
que,  j)ar  la  même  raison,  il  a  [m  aussi  le 
creiu'  dans  un  état  moins  heureux  et  moins 
parfait  :  il  est  donc  absolument  faux  que  les 
dons  (lu'il  avait  accordés  à  notre  premier |)ère, 
soit  à  l'égard  ilu  corps,  soit  à  l'égard  de  l'ûmc, 
aient  été  un  apanage  nécessaire  et  insépa- 
lauie  de  son  innocence  et  de  sa  création. 

Niez-vous,  nous  tlira-t-on  peut-être,  que 
les  défauts  et  les  soulfrances  actuelles  de 
1  homme  ne  prouvent  le  péché  originel  et  la 
dégiadation  de  la  nature  humaine?  Les  païens 
mêmes  l'ont  senti,  et  saint  Au.;ustin  l'a  re- 
marqué. Nous  répondons  qu'ils  en  ont  fait 
une  simple  conjecture,  mais  qu'ils  étaient 
inca[iables  de  la  |uouver,  et  que  nous  ne  le 
sav<ins  nous-mêmes  que  par  la  révélation. 
Si  saint  Augustin  avait  regardé  leur  raison- 
nement comme  une  dénionslration,  il  aurait 
renversé  le  |)rincipe  qu'il  avait  posé  contre 
les  manichéens,  et  qui  est  de  la  plus  grande 
évidence  ;  mais  il  ne  l'a  pas  fait,  puisqu'il 
l'a  répété  constamment  jusque  dans  son 
dernier  ouvrage. 

Dès  qu'il  est  prouvé  par  la  révélation  que 
nous  naissons  souillés  du  ]iéché  et  con- 
damnés à  l'expier  par  les  soulfrances,  peu 
importe  à  noire  félicité  temporelle  de  savoir 
jusqu'à  quel  point  nous  aurions  été  heu- 
reux, si  Adam  avait  persévéré  dans  l'inno- 
cence; mais  il  importe  inliniment  ^  notre  sa- 
lut de  reconnaître  ce  que  Dieu  a  fait  pour 
répaier  la  nature  humaine,  alin  d'être  re- 
connaissants envers  la  miséricorde  divine 
et  enve.s  la  charité  de  notre  Rédempteur. 
Notre  consolation  est  de  savoir  que  par  sa 
mort  il  a  détruit  l'empire  du  démon,  qu'il 
nous  a  léc  ticiliés  avec  Dieu,  et  qu'il  nous 
a  ouvert  de  nouveau  la  jiorle  du  ciel.  Voy. 

UÉnEMPTION. 

NAZAKÉAI',  NAZAUÉEN.  Ces  doux  mots 
sont  dérivés  de  l'iubreu  nuzar,  distinguer, 
séparer,  im|!Oser  des  abstinences  ;  les  naza- 
réens étaient  des  hommes  qui  s'abstenaient 


par  vœu  de  plusieurs  choses  pern)ises  :  le 
nazaréat  était  le  temps  de  leur  abstinence  : 
c'était  une  espèce  de  purilication  ou  de  con- 
sécration ;  il  en  est  parlé  dans  le  livre  des 
Nombres,  c.  vi.  On  y  voit  que  le  nazaréat 
consistait  en  trois  choses  principales  :  1°  à 
s'abstenir  de  vin  et  de  toute  boisson  capa- 
ble d'enivrer;  2°  à  ne  point  se  raser  la  tète 
et  à  laisser  ci'aître  les  cheveux  ;  3°  à  évi- 
ter de  toucher  les  moi'ts  et  de  s'en  approcher. 

11  y  avait  chez  les  Juifs  deux  espèces  de 
nazaréat  ;  l'un  perpétuel  et  qui  durait  toute 
la  vie,  l'autre  passager  qui  ne  durait  que 
pendant  un  certain  tiiups.  il  avait  éié  pré- 
dit de  Saïuson  {Judic.  viii,  5  et  7),  qu'il  se- 
rait nazaréen  de  Dieu  depuis  sou  enfance  ; 
Anne,  mère  de  Samuel,  promit  (i  Reg.  i,  11), 
de  le  consacrer  au  Seigneur  pour  toute  sa 
vie,  et  de  ne  point  lui  faire  raser  la  tête. 
L'ange  qui  annonça  à  Zacharie  la  naissance  de 
.saint  Jean-Baptiste,  lui  dit  que  cet  enfant  ne 
ferait  usage  d'aucune  boisson  capable  d'eni- 
vrer, et  qu'il  serait  rempli  du  Saint-Esprit 
dès  le  sein  de  sa  mère  (Luc.  i,  13j.  Ce  sont 
là  autant  d'exemples  de  nazaréat  perpétuel. 
Les  rabbins  pensent  que  le  nazaréat  passa- 
ger ne  durait  que  trente  jours;  mais  ils 
l'ont  ainsi  décidé  sur  des  idées  cabalistiques 
qui  ne  prouvent  rien;  il  est  plus  probable 
que  cette  durée  dépendait  de  la  volonté  de 
celui  qui  s'y  était  engagé  par  un  vœu,  et 
que  ce  vœu  pouvait  être  plus  ou  moins 
long.  Le  chapitre  vi  du  livre  des  Nombres 
prescrit  ce  que  le  nazaréen  devait  faire  à  la 
lin  de  sou  vœu  ;  il  devait  se  présenter  au 
prêtre,  olfrir  à  Dieu  des  victimes  pour  trois 
sacrilices,  du  pain,  des  gâteaux  et  du  vin 
pour  les  libations  ;  ensuite  on  lui  rasait  la 
tête,  et  on  biiilait  ses  clieveux  au  feu  de 
l'autel  ;  dès  ce  moment,  son  vœu  était  censé 
accompli,  il  était  dispensé  des  abstinences 
auxquelles  il  s'était  obligé.  Ceux  qui  fai- 
saient le  vœu  du  nazaréat  hors  île  la  Pales- 
tine, et  qui  ne  pouvaient  se  présenter  au 
temple  à  la  fin  de  leur  vœu,  se  faisaient  ra- 
ser la  tête  où  ils  se  trouvaient,  et  remet- 
taient à  un  autre  temps  l'accomplissement 
des  autres  cérémonies  ;  ainsi  en  usa  saint 
Paul  à  Cenchrée,  à  la  hn  de  son  vœu  (Act. 
XVI,  18).  Les  rabbins  ont  imaginé  qu'une 
personne  pouvait  avoir  part  au  mérite  du 
nazaréat,  en  contribuant  aux  frais  des  sacri- 
fices du  nazaréen ,  lorsqu'elle  ne  pouvait 
faire  davantjige  ;  cette  opinion  n'est  fondée 
sur  aucune  preuve. 

Spencer,  dans  son  Traité  des  lois  cérémo- 
nielles  des  Hébreux,  n"  part.,  dissert.  c.  6 
observe  t[ue  la  coutume  de  nourrir  la  che 
velure  des  jeunes  gens  à  l'honneur  de  quel 
que  divinité,  et  de  la  lui  consacrer  ensuite, 
ét.iit  commune  aux  Egyptiens,  aux  Syriens, 
aux  Crées,  etc.;  et  il  suppose  très-mal  à 
propos  que  Moïse  ne  lit  que  purifier  cette 
cérémonie,  en  l'imitant  et  la  destinant  à  ho- 
norer le  vrai  Dieu  Jl  dit  qu'il  n'est  pas  [iro- 
bable  cpic  ces  nations  l'aient  empruii 
Juifs  ;  mais  il  est  encore  moins 
que  Moïse  l'ait  empruntée  d'eux, 
fort  incertain  si  cet  usage  était  déjà 


97»  kK^ 

de  seii  teiups  par  les  idolâtres.  Si  Spencer 
et  d'autres  y  avaient  mieux  réfléchi,  ils  au- 
raient vu  qu'il  n'y  a  point  ici  d'emprunt, 
que  la  coutume  des  païens  n'avait  rien  de 
commun  avec  le  nazareat  des  Hébreux.  Les 
jeunes  Tirées  nourrissaient  leur  chevelure 
jusqu'à  l'âge  de  puberté  :  alors  les  cheveux 
les  auraient  embarrassés  dans  la  lutte,  ilans 
l'action  de  nagiT  et  dans  d'autres  exercices; 
ils  les  consacraient  donc  à  Hercule,  qui  pré- 
sidiit  à  la  lutte,  ou  aux  nymphes  des  e-.ux, 
protocti  ices  des  nageurs  ;  ils  les  suspen- 
daient dans  les  tem|)les  et  les  conservaient 
dans  des  boites  ;  ils  ne  les  brûlaient  pas. 
Leur  motif  était  donc  tout  dilTérent  de  celui 
des  Juifs.  Sous  un  climat  aussi  chaud  quf  la 
Palestiie,  la  chevelure  était  incommode; 
c'était  une  mortifica'ion  de  la  garder,  aussi 
bien  que  de  s'abstenir  du  vin,  etc. 

Nous  lisons  d:ms  saint  Matthieu,  c.  ii,  v.  23, 
que  Jésus  enfant  demeur.iit  à  Nazareth,   et 
qu'il  accomplissait    ainsi  ce  qui  est  dit   p.ir 
les  prophètes.  Il  sera  nommé  Nazaréen.   Ce 
nom,    disent    les  rabbins   et  les  incrédules 
leurs  copistes,  ne  se  trouve  dans  aucun  pi'O- 
phète  en  parlant  du  Messie  ;   saint  Matthieu 
a  donc   cité  taux  dans   cet   endroit.   Ils   se 
trompent.  Soit    que  l'on  rapfiorte  ce   nom  h 
nr<Afr,  rejeton,  ou  à  j?aïsar, conserver, garder, 
ou  à  nazir,  homme  constitué  en  dignité,  etc. 
cela  est  égal.  Isaïe,  c.  xi,   v.  1,    parlant   du 
Messie,  le   nomme  un  rejeton,  netser ,    qui 
sortira  de  Jessé.    C.  xlh,  v.  6,  Dieu  dit  au 
Messie  :  Je  vous  ai  gorrfp  pour  donner  une  al- 
liance àmon  peupleet  la  lumière  aux  nations. 
L'hébreu  emploie  le  prétérit  ou  le  futur  nat- 
zar.  C.  LU,  V.   13,  il  dit  que  le  Messie    sera 
élevé,  cxa  té,  constitué  en  dignité.  La  ver- 
sion syriaque  a  rapporté   ce  nom    à   netser, 
rejeton  :  elle  lait  ainsi  allusiriU  au  premier 
de  ces  passa^ies  d'Is.Vie  ;  le  nom  de  la  ville  de 
Nazareth  y   est  écrit  de  même  ;  cette    allu- 
sion était  donc    très-sensible  dans  le  texte 
hébreu  de  saint  M;itthieu,  et  il  est  inceitain 
si  la  version  syriaque  n'a  pas  été  faite  sur 
le  texte  même,  ph.tôt  que  sur  le  grec.  Ainsi 
saint  Jérôme,  dans  son  Prologue  sur  la  Ge- 
nèse, n'a  pas  hésité  de  rappoiterle  Nazarœus 
de  saint  Mattliieu  au  texte  d'isaïe,  c.  xi,  v.  1. 
NAZARÉI'.NS,  hérétiques   qui   ont   paru 
dans  le  ii'  siècle  de  l'Eglise.  Voici  l'origine 
de  cette  secte.  On  sait  ]iar  les  Actes  des  apô- 
tres, c.  XV,  que  parmi  les  docteurs  juifs  qui 
avaient  embrassé  le  christianisme,  quelqui  s- 
uns  seperïuaiièrcnt  que,  pour  obtenir  le  sa- 
lut, ce  n'était  pas  assez  de  croire  en    Jésus- 
Chi  ist  et  de  pratiquer  sa  doctrine,  qu'il  fallait 
encore  observer  la  loi  de  Mose  ;  conséquem- 
ment  ils  voulaient  que  les  gentils  même  con- 
vertis fussent  assujeliis  à  reci  voir  la  circon- 
cision et  à  î:arder  la  loi   cérémonielle.  Les 
apôtres  assemblés  h  Jérusalem  décidèrent  le 
contraire  ;  ils  ecrivin^nt  aux  tidèles  cnnvcitis 
de  la  gentilit '■  qu'il  leur  suffisait  de  s'abstenir 
du  sang,  des  chairs  sulï'ociuées  et  de  la  forni- 
cation ;  quelques  auteurs  ont  cru  que  sous 
ce  nom  les  apôtres   entemlaient    tout  acte 
,,  d  idolâtrie.  Mais  ils  ne  décidèrent  point  que 
les  Juifs  de   naissance    devenus  chrétiens 


mi 


980 


di  valent  cesser  d'observer  la  loi  de  ^■o!se; 
nous  voyons  au  contraire  (Aet.  xxi,  20  et 
suiv.)  que  les  apôtres  et  saint  Paul  lui-mGme 
continuèrent  à  garder  h'S  cérémonies  juives, 
non  comme  nécessaires  au  s.dut,  mais  comme 
utiles  à  la  police  de  l'Eglise  juive.  Ces  céré- 
monies ne  cessèrent  qu'à  la  destruction  de 
Jérusalem  et  du  temple,  l'an  70. 11  paraît  que-, 
même  après  cette  destruction,  les  Juifs  chré- 
tiens, qui  s'étaient  retirés  à  Pella  et  dans  les 
environs,  ne  quittèrent  point  leur  ancienne 
manière  de  vivre  et  qu'on  ne  leur  eu  fit  pas 
un  crime. 

Vers  l'an  137,  l'empereur   Adrien,  irrité 
par  une  nouvelle  révolte   des  Jui!s,   acheva 
de  les  exterminer,  et  prononça    contre   eux 
une  proscription  générale;  al  Vs  les  chrétiens 
juifs  d'origine  sentirent  la  nécessité  de  s'abs- 
tenir de  toute    marque  de   judaïsme.  Quel- 
ques-uns, plus  entêtés  que  les  autres,  s'obs- 
tinèrent à  garder  leurs  cérémonies,  et  tirent 
band    à  yiart;  on  leur  donna  le  nom  de  na- 
zaréens, soit  que  ce  nom  eût  été  déjà  donné 
aux  juifs  chrétiens  en  général,  comme  nous 
le  voyons  {Act.  xxiv,  5),  soit  que  ce  fût  pour 
lors  un  terme  nouveau  ,  destiné  à  désigner 
les  schismatiques,  et  qui  venait  de  l'hébreu, 
nasar,  séparer.   Bientôt  ils  se  divisèrent  en 
deux  sectes,  dont  l'une  garda  le  nom  de  na- 
zaréens, les  autres  furent  nommés  ébioniits. 
Quelques  auteurs  ont  cru  ce|  endant  que  la 
secte  des  ébionites  est   |  lus   ancienne  que 
cette  date,    qu'elle  fut    formée  d'abord   par 
des  juifs  réfractaires  à  la  décision  du  concile 
de  Jérusalem,  (|u'elleeut  pour  chef  unnom- 
mé  Ebion,  vers  l'an  75.  Voy.  Ebionites. Quoi 
qu'il  en  soit,  les  nazaréens  en  étaient  distin- 
guésp  r  leurs  oiiiuions.  iisjoignaient,  comme 
les  éliionites,  la  foi  de  Jésus-Christ  avec  l'o- 
béissance aux  lo  s  de  Moïse,  le  baptême  avec 
la  circoncision  ;  mais   ils  n'ol)li..:e  dent  point 
les  gentils  qui  embrass;dent  le  christianisme 
à  observer  les  rites  du  judaïsme,  au  lieu  que 
leséb  onites  voulaient  les  y  assujettir. Ceux-ci 
soutenaient  que  Jésus-Chr  si  (tait seulement 
un  homme   né  de  Josejih  et  de   Aia  ie  :    les 
nazaréens  le  reconnaissaient  ])Our  le  Fils  de 
Dieu,  né  d'une  Vierge,  et  ils  rejeiaient  toutes 
les  additions  que  les  pharisiens  et  les   doc- 
teurs de  la  loi  avaient  faites  aux  institutions 
de  Moïse,  il  est  eepen(iant  incertaui  s'ils  a  I- 
mettaient    la   divinité  de  Jésus-Christ  dans 
un  sens  rigoureux,  puisque  l'on   dit    qu'ils 
croyaient  que  Jésus-CInist  était  uni  en  quel- 
que sorte  h  la  nature  divine.  Voyez  LeQuien, 
dans  ses  Notes  et  ses   Dissert,  siir  saint  Jean 
Damascène,  dissert.  7.  Ils  ne  se  servaient  pas 
du  même  Evangile  que  les  ébionites.   Nous 
ne  voyons  pas    pourquoi  Mosheim,  qui    fait 
cette  observation  dans  son  Histoire  ecclésias- 
tique, blâme   saint  Epiphane  d'avoir  mis  les 
nazaréens  au  rang  des  hérétiques.  S'ils  n'ad- 
metlaiont  qu'une  union  morale  entre  la  na- 
ture humaine  de  Jésus-Christ   et   la  nature 
divine  ;  si,  malgié  la  décision  du  concile  de 
Jérusalem  ,  vis  regardaient  enc  reles   céré- 
monies judaïques    comme    nécessaires    ou 
comme   utiles   au   salut,  ils  n'étaient  cer- 
tainement pa.s  orthodoxes. 


981  NAZ 

Saint  Epiphane  dit  que,  comme  les  naza- 
réens avaient  l'usage  (le  rii(''hreu,  ils  lisaient 
dans  cette  laniçue  les  livres  de  l'Ancien  Tes- 
tament. Ils  avaient  aussi  l'Fvanf^ile  liélireu 
de  saint  Matlliieu,  tel  qu'il  lavait  ('■crit  ;  les 
nazaréens  de  B.'rée  le  (oinniuniiiuèrent  à 
saint  Jf'Tôme,  qui  prit  la  peine  de  le  copier 
et  de  le  traduire.  Ce  saint  docteur  ne  les  ac- 
cuse |ioint  de  l'avoir  al  ôrv  ni  d'y  avoir  mis 
aucune  erreur.  Il  en  a  seulement  cité  (|uel- 
qiies  passaj^es  qui  ne  se  trouvent  dans  au- 
cun (le  nos  Evansiles,  mais  qui  ne  sont  pas 
fort  irarortants.  Nous  ne  savons  (lassurquoi 
fondé  Cassaulion  a  dit  oue  cet  Evangile 
était  rempli  de  fables,  qu'il  avait  été  .dtéré 
et  corrompu  par  les  «rrsowHs  et  |)arles  ébio- 
niies.  Ces  derniers  ont  i  u  corrompre  celui 
dont  ils  se  S'  rv.deni  ,  sans  (pie  l'on  puisse 
attiibuer  la  mi'mi?  témérité  aux  nnzari'ens. 
Si  .'aint  Jen'mie  y  avait  trouvé  des  fahl'S, 
des  erreurs,  des  altéraiions  considérables, 
il  n'ourait  pas  pris  la  peine  le  le  traduire.  Il 
est  vrai  que  >  et  livan^ile  était  appelé  indif- 
férenimeiil  l'Kvani^ile  des  naznre'ens,  et  l'E- 
vangile seliii  les  Hélireux;  mais  il  n'est  pas 
srtr  que  ce  soit  le  m(!m(^  que  l'Evangilii  des 
douze  apAtres.  Vojez  Foliricii  codex  apo- 
cryph.  i\ov.  Testament.,  n.  35.  Le  traducteur 
(le  Aioslieim  assure  mal  h  [)ro|)os  que  saint 
Paul  a  cité  cet  Evangile.  Cet  apôtre  dit  (Gai. 
I,  (>)  :  «  Je  m'étoni  c  de  ce  que  vous  quittez 
sitôt  celui  qui  vous  a  appelés  îi  la  grAce  de 
Jésus-Clu'ist  pour  embrasser  un  autre  Evan- 
gile. Malais  il  estclaii  (jue  par  £'f«/ir/i/f,  saint 
Paul  entend  la  doctrin  ■,  et  non  un  livre  :  il 
en  est  de  même,  v.  7  et  11. 

Ce  (]u'il  y  a  île  certain,  c'est  qu'aucun  au- 
teur ancien  n'a  reproché  aux  nazaréens  d'a- 
voir contieiit  dans  leur  Evangile  aucun  des 
laits  ra|ipo  tés  par  saint  Matthieu  et  [lar  les 
autres  (-van^élistes  ;  voilci  l'essentiel.  Puis- 
que c'i'taient  des  Juifs  convertis  et  j)lacés 
sur  les  lieux,  ils  ont  été  à  |iortée  de  vérifier 
les  faits  avant  d'y  ajouter  foi  ;  ils  ne  les  ont 
pas  crus  légèrement,  puisqu'ils  poussaient 
à  l'excès  le^.r  attachement  au  judaïsme.  A 
l'occasion  de  cette  secte  ,  ïolai.d  et  d'autres 
incrédules  ont  furgé  une  hypothèse  absurde. 
Us  ont  dit  (^ue  les  nazaréens  étaient  dans  le 
fond  les  vrais  disciples  de  Jésus-Christ  et  des 
apôtres,  puisque  l'intention  de  ce  divin  Maî- 
tre et  de  ses  envoyés  était  de  conserver  la 
loi  de  iMoïse  ;  mais  que  saint  Paul,  pour  jus- 
tilier  sa  déserlicn  du  judaïsme,  avait  formé 
le  dessein  de  l'abolir,  et  en  était  venu  ^  bout 
malgré  les  autres  apùlres  ;  que  le  christia- 
nisme actuel  était  louvrage  de  saint  Paul  , 
et  non  la  vraie  religion  de  Jésus-Christ.  To- 
land  a  voulu  prouver  cette  imagination  ridi- 
cule par  un  ouvrage  intitulé  Nazarenus.  Il 
a  été  réfuté  par  pKisieurs  auteurs  anulais , 
mais  surtout  jiar  Mosheim  ,  sous  ce  titre  : 
Vindiciœ antiquai  Chrislianor.  disriplinœ  adv. 
J.  Tolandi Nazarenum.m-H''  ITumburgi,  1722. 
U  y  fait  voir  que  Toland  n'a  [)as  api)0rté  une 
seule  I  reuve  ()"sitive  de  toutes  ses  imagina- 
lions  ;  il  soutient  que  la  secte  hérétique  des 
Xazaréens  n'a  pas  paru  avant  le  iv'  siècle. 
D'autres  incrédules  prétendent  au  contraire 


NEC. 


982 


que  le  parti  de  saint  Paul  a  en  le  dessous, 
que  les  judaïsants  ont  pr('valu  ,  que  ce  sont 
eux  qui  ont  introduit  dans  l'Eglise  chrétienne 
l'esprit  judaïque  ,  la  hiéiarchie,  les  dons  du 
Saint-Esprit,  les  ex|)lications  allégoririues  do 
l'Ecriture  sainte,  etc.  Cette  contradiction  en 
tre  les  idées  de  nos  adversaires  sullit  di'jà 
pour  les  réfuter  tous.  A  l'article  Loi  céhé- 
moMiîi.LE,  nous  avons  prouvé  que  l'intention 
de  Jésiis-Ciirist  ni  de  ses  ajiôtres  ne  fut  ja- 
mais d'en  conserver  l'observalidii;  ils  n'au- 
raient pu  le  faire  sans  contredire  les  prédic- 
tions des  prophètes  ,  et  sans  méconnaître  la 
nature  même  de  celte  loi.  U  n'est  pas  moins 
faux  que  saint  Paul  ait  été  d'un  avis  ditl'é 
rent  de  celui  de  ses  collègues  sur  l'inutilité 
des  ce  émonies  légales  par  rapport  au  salut; 
le  contraire  est  prouvé  |)ar  la  décision  una- 
nime du  concile  de  Jérusalem,  par  les  lettres 
de  saint  Pierre  et  de  saint  Jean,  par  celles 
de  saint  Barnabe ,  de  saint  Clément  ei  (lo 
saint  Ignace,  par  la  conduite  iju'ils  ont  sui- 
vie dans  les  églises  qu  ils  ont  fmc^l  es  ,  etc. 
Cette  imagination  des  ralibins,  (]ui  était  di''jà 
venue  dans  l'esprit  des  manichéens,  de  Por- 
phyre et  de  Julien  ,  ne  valait  pas  la  peine 
d'être  renouvelée  de  nos  jours.  Voy.  Sai\t 
Paul,  §  2.  D'autre  part,  comment  a-t-on  pu 
conseiver  dans  l'Eglise  chréiienne  l'esprit 
(iu  judaïjme,  pendant  (pie  les  nazaréens  et  les 
ébionites  ont  été  condamnés  comme  huéli- 
qucs,  àcause  de  leur  obstination  h  judaïsir? 
On  voit ,  par  cet  exemple  et  par  beaucoup 
d'autres,  que  les  ennemis  du  christianisme, 
anciens  ou  modernes,  ne  sont  pas  heureux 
en  conjectures. 

*  NÉCESSARIENS.  Priesdey  a  voulu  introduire 
une  ilocirine  proteiulue  nouvelle,  (|ui  n'est  que  I  ex- 
pression d'un  grossier  niatérialisnie.  L  hoauiie  est 
tout  matière.  11  a  sans  doute  la  lacullé  de  penser  et 
de  vouloir;  mais  sa  volonté  étant  l'œuvre  de  la  ma- 
tière est  nécessitée  comme  elle.  De  nimie  (|ue  la  gra- 
vité netessile  la  cliule  d'une  pierre  jetée  eu  l'air,  de 
nièuie  le  molif,  ((ui  n'est  que  la  matière  mise  en  mou- 
vement, nécessite  la  volonté,  à  moins  qu'il  ne  ren- 
conlre  un  obslacle.  Ce  système  n'a  pas  besoin  di; 
discussion  particulière,  il  est  détruit  par  notre  arlicle 
Nécessité  (doctrine  de  la). 

NAZIANZE.  Voy.  Saint  Grégoire. 

NÉCESSITANT,  terme  dogmatique  dont 
on  se  sert  en  parlant  des  causes  de  nos  ac- 
tions ;  ainsi  l'on  dit  motif  nécessitant^  grdce 
nécessitante ,  pour  exprimer  une  grâce  ou  un 
motif  auxquels  nous  ne  jiouvons  [las  résis- 
ter, et  qui  entraînent  nécessairement  le  con- 
sentement de  la  volonté.  A  la  réserve  des 
protestants  et  des  jansénistes ,  il  lïeA  jier- 
sonne  qui  soutienne  que  la  gr;ke  est  néces- 
sitante ,  et  que  la  volonté  humaine  ne  peut 
résister  à  son  impulsion  ;  tLais  il  est  plu- 
sieurs théologiens  qui,  en  rejetant  le  terme, 
semblent  cependant  aiimettre  la  chose  ,  par 
la  manière  dont  ils  expliquent  l'efdcacité  de 
la  grâce.  A  l'article  Cuace,  §  4,  nous  avons 
prijuvé  par  l'Ecriture  sainte  que  souvent  ; 
l'homme  résiste  à  lagrrce,  et  nous  n'en  som- 
mes que  trop  convaincus  par  notre  propre 
expérience.  Nous  sentons  que  quand  nous 


98S 


NEC 


NEC 


9S4 


faisons  le  mal  avec  remords,  et  en  nous  con- 
damnant nous-mêmes,  nous  résistons  à  un 
mouvement intt'-rieur qui  nous  en  détourne; 
ce  mouvement  vient  certainement  de  Dieu  , 
et  c'est  une  grAce  à  laquelle  nous  résistons. 
L'Eglise  a  justement  condamné  cette  (iropo- 
sition  de  l'évoque  d'Ypres  :  On  ne  résiste  ja- 
mais à  la  grâce  intérieure  dans  l'état  de  na- 
ture tombée.  Voy.  l'arlicle  suivant. 

NÉCESSITÉ.  C'est  aux  métaphysiciens  de 
distinguer  les  divers  sens  de  ce  terme;  mais 
il  importe  aux  théologiens  de  remarquer  l'a- 
lius  que  les  matérialistes  en  ont  fait  pour 
fonder  une  morale  dans  leur  système.  Us  di- 
sent que  le  devoir  ou  l'obligation  de  faire 
telle  action  et  d'en  éviter  telle  autre,  con- 
siste dans  la  nécessité  d'agir  ainsi  ou  d'être 
blâmé  par  notre  propre  conscience  ei  par 
nos  semblables ,  de  recevoir  tel  ou  tel  pré- 
judice de  notre  conduite.  Voij.  Liberté,  in- 
dépendamment des  autres  absurdités  de  ce 
système,  que  nous  avons  remarquées  au  mol 
Devoir,  il  est  évident  qu'il  détruit  la  notion 
de  la  vertu.  Ce  terme  signifie  la  force  de  rdme. 
Est-il  besoin  de  force  pour  céder  à  la  néces- 
sité? C'est  pour  y  résister  qu'il  faut  une 
Ame  forte.  Un  scélérat  consommé  étoutfe  ses 
remords  ,  méprise  le  jugement  de  ses  sem- 
blables, brave  les  dangers  dans  lesquels  le 
jette  un  crime  :  ce  n'est  point  là  la  force  de 
l'âme  qui  constitue  la  vertu  ;  c'est  plutôt  la 
faiblesse  d'une  âme  dépravée  ,  qui  cède  à  la 
violence  d'une  passion  déréglée  et  à  l'habi- 
tude de  commettre  le  crime.  La  vraie  force 
ou  la  vertu  consiste  à  vaincre  notre  sensi- 
bilité i-hysique,  nos  besoins,  notre  intérêt 
momentané,  nos  passions,  lorsqu'il  y  a  une 
loi  qui  nous  l'ordonne.  Les  matérialistes  ne 
font  donc  qu'un  sophisme  ,  lorsqu'ils  disent 
qu'un  homme  qui  se  détruit  afin  de  ne  jilus 
souffrir,  ne  pèche  point,  parce  qu'il  cède  à 
la  nécessité  physique  de  fuir  la  douleur.  .^lais 
s'il  y  a  une  loi  qui  lui  impose  l'obligation  de 
souffrir  plutôt  que  de  se  détruire,  que  prouve 
la  prétendue  nécessité  physique  de  fuir  la 
douleur  ?  Il  faut  donc  commencer  par  dé- 
montrer qu'alors  la  nécessité  est  invincible, 
et  que  l'homme  n'est  plus  libre. 

Par  le  sentiment  intérieur,  nous  distin- 
guons très-bien  ce  que  nous  faisons  libre- 
ment, et  par  choix,  d'avec  ceque  nous  faisons 
par  nécessité:  nous  ne  confondons  point, 
par  exemple,  le  désir  indélibéré  de  manger 
causé  par  une  faim  canine,  avec  le  désir  ré- 
fléchi de  manger  dans  un  moment  où  il  nous 
est  possible  de  nous  en  abstenir.  Nous  sen- 
tons qu'il  y  a  nécessité  dans  le  premier  cas 
et  liberté  dans  le  second  ;  le  choix  a  eu  lieu 
dans  celui-ci,  et  non  dans  le  premier.  Sous 
l'empire  de  la  nécessité  nous  sommes  moins 
artifs  que  pasifs  ;  il  nous  est  impossible  alors 
d'avoir  du  remords  et  de  nous  croire  coupa- 
bles })Our  y  avoir  succombé.  Lorsque  l'évê- 
que  d'Ypres  a  soutenu  que,  dans  l'état  de 
nature  tombée,  pour  mériter  ou  démériter  il 
n'est  pas  besoin  d'être  exempt  de  nécessité, 
mais  seulement  de  coaction  ou  de  violence,  il 
avait  entrepris  d'étouffer  en  nous  le  senti- 
ment intérieur,  plus  fort  que  tous  les  argu- 


ments. Par  une  autre  équivoque,  on  a  con- 
fondu la  nécessité  qui  ne  vient  pas  de  nous, 
aven  celle  que  nous  nous  imposons  à  nous- 
mêmes,  et  l'on  a  étayé  cette  confusion  sur 
un  principe  posé  par  saint  Augustin,  qu'il  y 
a  nécessité  d'agir  selon  ce  qui  nous  ]ilaît  le 
jilus  :  quod  magis  nos  delectat,  secimdum  id 
operemur  necesse  est .  S'il  est  question  là  d'un 
plaisir  délibéré  et  réfléchi,  1q  principe  est 
vrai  ;  mais  alors  la  nécessité  de  céder  à  ce 
plaisir  vient  de  nous  et  de  notre  choix  ;  c'est 
l'exercice  même  de  notre  liberté,  comment 
pourrait-il  y  nuire  ?  S'il  s'agit  d'un  plaisir 
indélibéré,  le  principe  est  faux.  Lorsque  nous 
résistons  à  une  passion  violente  par  réflexion 
et  par  vertu,  nous  ne  faisons  certainement 
pas  ce  qui  nous  plaît  le  plus,  puisque  nous 
nous  faisons  violence  :  il  est  absurde  d"  nom- 
mer plaisir  la  résistance  au  plaisir  :  la  dis- 
tinction entre  le  plaisir  spirituel  et  le  plaisir 
charnel  n'est  dans  le  fond  qu'une  puérilité. 
Voy.  DÉLECTATION.  Voilà  cependant  sur  quoi 
l'on  a  fondé  le  pompeux  système  de  la  délecr 
tation  victorieuse ,  dans  laquelle  l'évêque 
d'Ypres  et  ses  adhérents  font  consister  l'ef- 
ficacité de  la  grâce,  et  qu'ils  soutiennent  être 
le  sentiment  de  saint  Augustin.  Mais  dans  le 
célèbre  passage  du  vingt-sixième  Traité  sur 
saint  Jean,  n.  k,  où  saint  Augustin  dit  :  Tra- 
hit sua  quemque  voluptas  ;  il  ajoute  :  non  né- 
cessitas, sed  voluptas  ;'non  obïigatio,  sed  de- 
lectatio.BoucW  ne  suppose  point  que  la  dé- 
lectation victorieuse  impose  une  nécessité, 
donc  le  système  des  jansénistes  est  formelle- 
ment contraire  à  celui  de  saint  Augustin.  Ceux 
qui  l'ont  suivi  se  sont-ils  flattés  de  changer 
le  langage  humain  et  les  notions  du  sens 
commun,  afin  d'autoriser  tous  lessophismes 
des  fatalistes  ? 

Les  théologiens  distinguent  encore  deux 
autres  espèces  de  7iécessités,  savoir  la  néces- 
sité de  moyen,  et  la  nécessité  de  précepte.  Le 
baptême,  disent-ils,  est  nécessaire  de  néces 
site  de  moyen,  ou  de  nécessité  absolve,  parce 
que  c'est  le  seul  moyen  que  Jésus-Christ  a 
institué  pour  obtenir  le  salut  ;  tellement  que 
quiconque  n'est  pas  baptisé ,  soit  par  sa 
lauteou  autrement,  ne  peut  être  sauvé.  L'eu- 
charistie est  seulement  nécessaire  de  néces- 
sité de  précepte  ;  si  un  homme  refusait  volon- 
tairement de  la  recevoir,  il  mérite:  ail  la  dam- 
nation ;  mais  s'il  en  était  privé  sans  qu'il  y 
eût  de  sa  faute,  il  ne  serait  pas  coupable. 
Voy.  Bai'téme,  §  6. 

*Nécessiti';  (doclrine  de  l:i)  ou  Fatalisme.  On 
nomme  ainsi  la  doclrine  qui  nie  la  liberté,  siirloiit 
celle  de  l'homme  ;  qui  enseigne  que  tout  arrive  né- 
cessairement. Toute  mo.istruense  qu'est  cette  doc- 
trine, elle  a  eu  et  elle  a  encore  beaucoup  de  partisans. 
Le  docte  Pctau  range  p.irmi  les  fatalistes  Déinocrite, 
Epicure,  les  stoïciens,  les  platoniciens,  les  mani- 
chéens, etc.  (Peiav.,Dogni.  théolog.,  1.  m  rie  O/k'^c, 
decr.  101).  Ajimtez-y  Spinosa,  Hobbes,  llnme,  Fré- 
déric, Voltaire,  etc.,  et  les  paiiihéisies  de  nos  jours. 
Dans  l'arlicle  Libeuti;  !>i-.  Dna.nons  a\ons  résolu  les 
diflicultés  spéciales  à  cette  liberté.  Ici  nous  avons 
donc  à  exposer  et  à  réfuter  les  argument.s  qu'on  op- 
pose à  la  liberté  en  général  et  paruculiérement  à  la 
liberté  humain».  Ces":ugunients  sont  métaphysiques, 


9S5 


NEC 


NEC 


986 


psycliologiques,  physiologiques,  Ihéologiques  cl  his- 
toriques. 

I  Argiimenls  mélûphysiques.  —  Toute  ciuise,  dit 
Hume,  esl  néeessaire,  pilisi|n>lle  est  liée  iK'cessaire- 
menl  ii  son  ell'el  (fessai.  8).  S'GiavesaïKle  ilév(;loppe 
ainsi  cet  aigunn-nt  :  A  la  cause  propreiiuMit  liilc  ikius 
rapportons  Uint  ce  cpii  est  nécessaire  pour  iiroilniie 

I  eiri't;  c'est  pou:(piol  aussi  elle  le  pi-oilnil.  iiécessaiie- 
nient.  En  eUel,  si  elle  ne  le  produisait  pas,  il  y  man- 
querait qnel(iue  chose  punr  (|uc  l'enct  iiit  [noilnil  :  or 
nons  appelons  cause  l'assi-mblage  de  toutes  les  choses 
nécessaires  punr  prodnirc  l'eftet.  Il  est  clair  (pi'il  ne 
saui  ait  y  avoir  d'etVct  sans  le  concours  des  choses  në- 

■  cessaires  pour  leproduiie;  rien  au  monde  n'étant 
capaMe  de  démontrer  plus  clairement  que  rellet 
menu-,  que  tontes  ces  choses  se  trouvent  rénnies  e\\- 
send)le.  Ainsi  tont  etl'et  a  une  cause  dont  il  dt^pend 
nécessaiiement;  mais  cette  nécessité  est  dilléreiile 
suivant  la  dillérence  du  snjet.  Cette  démonstration, 
qui  est  claire,  prouve  (pi'il  ne  saurait  y  avoii-  de  cause 
indiiïérente,  c'est-à-dire  qui  puisse  produire  (ui  ne 
pas  produire  reH'cl,  car  produire  ou  ne  pas  produire 
sont  des  choses  totaleuionl  dillërenlcs,  et  il  laiil  (|u'il 
y  ail  une  cause  qui  lasse  (pTuiie  de  ces  choses  ait 
lieu  plutôt  que  l'autre  (Iiilrod.  à  lu  p/ii/os.,  u"  88-;W). 

II  y  a  une  liaison  nécessaire  cuire  relVel  et  sa  caus(', 
en  ce  sens  que  tout  ell'et  présuppose  niMCisaireuienl 
une  cause;   nous  en  convenons  tous.   Mais  la  cause 
esl-elle  liée  nécessairement  à  son  eliet,  <le  manière  à 
lie  pouvoir  subsister  sans  lui?   bislinguous  :  si  vous 
appelez,  cause  la  force  en  lant  «[u'agissant  ou  produi- 
sant actuellement,   la  cause  ne  peut  exister  (pie  l'ac- 
tion ou  reflet  n'ait   lieu.  Ici  nous  siunmes  encore 
d'accord.  Mais  la  force  n'est-elle  capaLde  de  produire 
qu'autant   (pi'elle   produit   actuellement,  et  ne  pro- 
duit-elle qu'autant  qu'elle  y  esl  nécessitée'.'  Vodà  l.i 
question;  et  c^dte  qucsi ion  n'est  point  résolue  par  ce 
principe  mélapliysique  :  tout  ce  (pii  arrive présiq)poso 
nécessaireuieiit  une  cause.  Ce  princi|)e  élahlit  (|u'un 
effet  ne  peut  avoir  lieu  sans  une  force  suflisaute  pour 
le  produire  ;  mais  il  se  tait  sur  la  question  de  savoir 
si  la  force  agit  nécessairement  ou   lihremeul.    Nous 
ne  pouvons  nous  faire  une  iiléc  nette  de  la  force  el 
surtout  de  la  manière  d'agir  (pi'eu  nous  interrogeant 
nous-mêmes.  Toutes  les  forces  du  dehors  se  coiu;oi- 
vent  naturellement  à  l'instar  de  la  force  qui  esl  en 
nous  ou  plutôt  (pii  esl  nous:  c'est  pourquoi  l'homme 
dans  la  passion,  les  sauvages,  les  enfants,  atlrilinenl 
1  activité  intelligente  à  tous  les  êtres  de  la   nalure. 
Or,  counnent  agit  notre  force'?  Le  sens  intime   nous 
avertit  et  même  nous  oblige  du  moins  praliqucuient 
de  croire  (|ue  nous  agissons  librement,  pouvant  ne  pas 
agir,  et   «pie  lorsque  nous  sommes  neccssilés,    nous 
subissons  l'action  au  lieu  de  la  produire,  nous  som- 
mes mus  au  lieu  <le   nous  mouvoir.  .Mais,  ajoute-t- 
on, si  la  force  agit  d'une  certaine  manière,  il  y  a  une 
cause  qui  fait   <|u'elle  agit  ai»si  el  non  autrement, 
puisipuî   rieu  n'arrive  sans  raison  suflisaute.  11  y  a 
louJDUis  une  cause  qui  fait  q\i'on   agit   ainsi  el  non 
a\dreuu'nl  :  j  ■  veux  bien   le   supposer,   ii    condition 
qu'on  entende  par  cause  non-seulement  le  principe 
ellieienl,  mais  eiu'ore   les    motifs  rationnels  et  mo- 
raux de  l'action.  Une  cause  agit  d'une  certaine  façon, 
soit  parce  qu'elle   y  eal  déterminée   invinciblement 
par  >a  nature,  soit  parce  qu'elle  y  est  conlraiiile  par 
une  force  extérieure,  soit  parce  qu'elle  le  veut.  Pour- 
(pioi  veut-elle  agir  ainsi'?  C'est  parce  qu'elle  est  plus 
inclinée  à  le  vouloir,  ou  parce ([u'ellc  juge  iiieilleurde 
vouloir  :  oar  gé'neraleiiienl  nous  agissons  selon  l'in- 
clination  ou   selon  la  raison  prévalante.   .Mais  dans 
l'iiii  et  dans  l'aiilre  cas  nous  sentons  ipie  nous  agis- 
siuis  librement,  sans  nécessité.  Quand  donc  la  volonté 
ne  lueiidrait  jamais  un  parti   quelconque  sans  avoir 
un  motif  rationnel  prépondéiaul,  on  nue  inclination 
plus  grande  pour  ce  parti  que  pour  l'opposé,  il   ne 
s'ensuivrait  pas   qu'elle  agisse   nécessairement.  Au 
reste,  iln'esl  point  démontre  que  la  force  intelligente, 
obligée  d'opter  en  divers   partis   egau\   pour  elle* 


n'ayant  aucun  motif  de  préférer  l'un  à  l'autre,  prenne 
cependant  l'un  el  laisse  l'autre.  Ainsi  nu  lionune  af- 
famé, à  qui  l'on  présenterait  deux  mets  qu'il  aimerait 
également,  qui  fussent  pour  lui  également  agréables 
el  également  faciles  à  prendre,  se  laisserait-il  mourir 
de  faim,  ne  toucherait-il  à  aucun  des  deux  mets, 
p.irce  (|u'il  n'aurait  aucune  raison  de  pn-férer  l'un  à 
l'autre/  Doue  il  n'est  pas  déuioutré  (pi'iin;'  cause  ne 
puisse  agir  sans  avoir  une  raison  pourquoi  elle  agit 
ainsi  plutôt  qu'autrement;  el  cela  fut-il  dcnionlré,  il 
ne  s'ensuivrait  pas  que  la  cause  agisse  nécessaire- 
ment. 

H.  Arguments  psychologiques. —  I.'homme  ne  peut 
s'empécber  tle  vouloir  ce  ipi'il  juge  meilleur,  el  il  ne 
peut  s'empêcher  de  juger  meilleur   ce  qui  lui  parait 
tel  :  donc   il  n'a   la  liberté;  ni  de  jugement  ni  de  vo- 
lonté. Nous  nions,  jusqu'à  preuve  du  contraire,  ipie 
riKunme  ne  veiiilli;  ipie  ce  qu'il  juge  meilleur  de  vou- 
loir. Une  multitude  d'bouimes  respectables  assurent 
avoir  aidé  à  la  passion,  alors   même  qu'ils  jugeaient 
meilleur  de  n'y   aider  pas;    et    il   serait  diflicile  de 
prouver  que  tous  se  sont  trompés  ou  sont  des  impos- 
teurs. Je  vois  le  meilleur,  dit  la  fameuse  Médée  (ap. 
Scnecam),  je  l'approuve,  et  je  suis  le  pire;  et  certes 
il  est  peu  cl'liouiiiies,  si  même   il  en  esl  un  seul,  qui 
n'ait  fait  sur  lui-uiêiiie  celle  fatale  expérience.  Mais 
supposons  que  toute  résolution  ait  été  précédée  de  ce 
jugement  :  Ceci  esl  le  meilleur  ;  il  ne  deviendrait  pas 
nécessaire  pour   cela,  car  dans  le  temps  même  que 
nous  nous  déterminons  pour   le   meilleur,  nous  seii- 
lons  (pie  c'est  librement.  D'ailleurs   le  jugement  dé- 
pend de  la  volonté  dans  beaucoup  de  cas  :  car,  n'ayant 
presque  jamais  uneiivideuce  complète  et  irrésistible, 
nous  pouvons  suspendre  rassentimenlde  notre  esprit, 
délonruer  notre  attention  des  raisons  (jui    foui    p.i- 
raitre  un  parti  meilleur  el  consiibuvr  les  raisons  ipii 
nous  le  feront  paraître  moins  bon.  Donc   nous  soiu- 
ines  souvent  libres  de  porter  sur  mi  même  parti  des 
jiigeiuenls  dili'éienls,  et  par  couséipienl  de  le  vouloir 
et  de  ne  le  vouloir  pas.   Eli  bien,  réprupierez-vous, 
l'àme    se   détermine    toujours   selon  son  incliiialion 
prévalante,  laquelle  résulte  de  toutes  les  pci'ceplious 
de  l'entendement   et  de  toutes  les   impulsions  de  la 
volonté.  .le  réponds  (pie,  cela  fùt-il  vrai ,   la   libiîrté 
subsisterait  encore,  puisque  le  sens  intime,  seul  juge 
de  cette  iiiclinalion,  prononce  ((ii'elle  n'est  pas  tou- 
jours   nécessitante.  .Mais  il  est   faux   que  nous  agis- 
sions toujours  selon  l'inclination  prévalante;   car  il 
est  de  fait  (pie  souvent  rhoinme  a  besoin   de   lutter 
contre  lui-même  et  de  faire  des  efforts  pour  pre:;die 
cerlaincs  résolutions  :  or,  pour  aller  dans  le  sens  de 
l'inclination  ou  impulsion  la  plus    fiu-le,   loin    ipi'oii 
soit  oblige  de  lutter,  de  faire   des  elTorls,  il  sullil  de 
n'opposer  point  de  résistance.  N'eslil  p  as  de  lail  ipie 
l'iiomme  suit  quelquefois  la  raison,   bien  ([u'elle   ne 
le  pousse  pas  dans   son  sens  aussi  hu-teiuent  ipie  la 
passion  le  fait  dans  le  sien.  Donc  l'homme  ne  va  pas 
toujours  dans  le  sens  de  l'incliiialion  prevalauie.  Ce- 
pendant il  la  suit  ordiuaireiiieut,  ipiand  de  puissants 
motifs  ne  s'y  opposent  pas.   Nous  convenons  même 
qui;  Ihomme  prend   toujours  le  parti   vers  lequel  la 
raison  et  l'inclination    prévalante   s'accordent   à    le 
pousser  ;  mais  la  liberté  sub.iiste  encore  dans  ce  der- 
nier cas,  la  conscience  l'alteste,  el  nous  avons  mon- 
tré, à  l'art.  Liberté  de  Clwmme,  i|ue  la  certitude  d'un 
événemenl  n'emporte  pas  sa  nécessité.  Ainsi  de  (  e 
que  placés  dans  ceriames  circonstances  les  houiiiies 
agissent  presque  toujours   ou  même  toujours  d'uiic 
cerlaine  fa(;ou,  vous  ne  pouvez   coucluii  ipi'ils  agis- 
sent nécessairement;  et  puis(|ue  les  uiolils  sans  né- 
cessiter l'action   peuvent    la    rendre  certaine  ou  du 
moins  probable,  les  fatalistes  ont  tort  de  pnaeudre 
que  si  l'Iiouinie  était  libre,  les  conseils  el  les  remon- 
trances le   pénetr.iient   et   les   récompenses  ne  se- 
raient d'aucune  utilité. 

lit.  Arguments  physiologiques  contre  .a  liberté. 
—  Ils  ont  peu  de  valeur.  Dans  certains  états  du  corns, 
dans  h;  sonnneil,  dans  ridiolisme)  dans  la  lièvre  cîj- 


987 


!SEC 


iNEC 


988 


rébrale,  etc.,  l'honime  n'est  pas  inaitre  de  ses  actes  ; 
mais  conclure  qu'il  n'en  est  pas  maître  dans  la  veille, 
dans  la  santé,  ce  ■^erait  extravaguer.  Comme  toutes 
les  autres  facultés  de  l'Iiomnie,  la  lilierié  a  ses  limi- 
tes, ses  défaillances  :  c'est  pourquoi  elle  peut  être 
suspendue  par  mie  passion  subite,  s'évanouir  dans 
l'aliénation  nienlali-.  La  plirénologie,  qiii  suppose  les 
diOérents  ordres  d'idées  el  de  pcnchanis  liés  néces- 
sairement aux  diverses  pari  les  de  l'encépliale,  peut  se 
concilier  avec  le  libre  arbitre  :  l'homme  esi  impuis- 
sant à  exercer  sa  liberté  sans  un  certain  organe,  je  le 
veux  ;  en  conclure/.-voiis  que  doué  de  cel  organe  il 
no  [jourra  pas  davantage  faire  acte  de  liberté?  Je  vais 
plus  loin-  En  vain  les  nialirialistes  démontreraient 
<iuc  l'àme  n'est  point  distincte  du  corps,  le  système 
de  la  fatalile  ne  serait  pas  encore  établi  ;  car  si  la 
matière  peut  penser,  pounjuoi  ne  pourrait-elle  pas 
agir  librement?  et  le  sens  intime  serait  toujours  là 
ponr  attester  que  le  moi,  qu'il  'oit  maiériel  ou  non, 
agit  cfreetivcment  sans  aucune  nécessité. 

IV.  Arguments  théologiques.  —  Us  se  tirent  de  la 
conservation  des  créatures  par  Bien,  de  la  prescience 
divine  et  du  concours  de  Uieu  à  tontes  nos  actions. 
En  voici  le  résumé.  La  créature  existe  dans  tous  les 
instants  de  la  durée  connue  dans  le  prender  instant 
par  l'action  créatrice  (ie  Dieu.  Or,  dans  le  premier 
instant  elle  ne  peut  agir  librement,  donc  ni  dans  les 
SUbiiCi}uenls.  D:eu  ne  peut  c(!nserver  notre  àme  sans 
ses  manières  d'. Lie;  mais  conserver,  c'est  continuer 
de  créer  :  donc  Dieu  coniiinie  de  créer  non-seulement 
la  substance  de  1  àme,  mais  encore  touies  ses  ma- 
nières d'être,  ei  par  conséquent  ses  volilions  qui, 
produites  uniquement  par  Dieu,  ne  sont  pas  l'œuvre 
de  la  liberté  bumaine.  Il  est  impossible  que  ce  que 
Dieu  prévoit  n'arrive  point  ;  or  Dieu  prévuit  toutes 
nos  volitions  :  il  est  doue  iuqiossible  qu'elles  n'aient 
pas  lieu,  et  conscqueniment  elles  sont  nécessaires 
(Bayle  et  Colliiis).  Dieu  est  la  source  de  toute  ré  dite, 
donc  des  réaliiés  morales  comme  des  subslanlielles. 
I  N'importe,  dit  Bossuel,  que  notre  choix  soit  une 
action  véritable  que  nous  faisons  :  car  par  lii-mème 
elle  doit  encore  venir  immédiatement  de  Dieu,  qui, 
élanl,  comme  prenner  être,  cause  innnéiliaie  de  tout 
êlre,  con:nie  pieinier  agissant  doit  èire  cause  de 
toute  ai  lion,  tellement  qu'il  fa  t  en  nous  l'agir  même 
Comme  il  y  fait  le  pouvoir  d'agir  (Boss.,  Tr.  du  libr. 
Arbit.)t  Si  Dieu  fait  tout,  comme  il  lait  toujours  bien, 
il  ne  saurait  y  avoir  de  mal  moral,  j  en  conviens. 
«  Mais,  dil  Voltaire  {Comment. sur  Matebranci.e),  cette 
existence  d'un  principe  dont  tout  émane  est  démon- 
trée, je  suis  lâché  lies  conséquences.  «  Réponse.  Si, 
ce  qui  n'est  pas  prouve,  si  la  créature  ne  peut  agir 
librement  au  pnuiier  instant  de  sou  existence,  c'est 
que  peut-être  elle  a  besoin  pour  agir  librement  dune 
succession  d'actes  et  d'iusianis  ;  c'est  que  peut-être 
elle  ne  saurait  tout  à  la  fois  et  en  naine  temps  com- 
mencer a  exister,  penser  à  divers  partis,  et  faire 
sciemment  un  choix.  Donc,  encore  ipi'elle  ne  puisse 
pas  exercer  sa  liberté  dans  le  premier  instant  de  son 
existence,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'elle  ne  le  puisse  l'aire 
dans  les  instants  suliseipienls.  Dieu,  dit-on,  conserve 
et  partout  continue  de  créer  non  seulement  les  subs- 
tances, mais  encore  toutes  leurs  manières  d'(  tre. 
Nous  pouvons  nier  que  la  conservation  soil  une  créa- 
lion  continue  ;  car  mainicnir  ce  qui  est,  et  l'aire 
exister  ce  qui  n'était  pas,  car  conserver  et  créer  ne 
sont  pas  évidemmenl  une  iiièine  chose,  ''•'nis  adn  ét- 
ions i\ue  l'acte  créaleur  autant  que  perse. ^lani  i'a.^se 
persévérer  les  créatures  dans  l'existence.  Dieu  ne 
eree  point,  et  par  conséquent  ne  continue  pas  de 
cn-er  les  substances  avec  loiites  leurs  mmlilicatious; 
car  l'àme  seul  (pie  c'est  elle-ineme,  cl  non  Dieu,  qui 
proiluil  certains  actes.  Mais  une  voiilion  en  tant 
qu'action  doit  venir  du  premier  agent,  elen  tant  (pi'é- 
tre  doit  venir  du  pieinier  elie?  Sans  dnule  tout  doit 
viiiir  de  Dieu, 'mais  non  pas  immédiatement,  car  si 
Dieu  fait  tout  imniédiatement,  à  quoi  servent  les 


créatures?  Si  l'on  dépouille  les  créatures  de  toute 
activité  propre,  s'il  faut  les  concevoir  dans  la  plus 
étroite  dépendance  de  Dieu,  elles  doivent  alors  eire 
regardées  comme  de  simples  modes  de  la  substance 
divine;  et  l'on  arrive  au  panthéisme.  Or,  quoi  qu'en 
dise  Voltaire,  le  panthéisme,  le  fatalisme,  et  autre 
doctrine  qui  aboutit  à  diviniser  la  cruauté  comme  la 
bienfaisance,  le  vice  comme  la  vejtu,  et  qui  répugne 
au  sens  commun  de  l'humanité,  doit  être  incontinent 
rejetée  malgré  les  apparences  de  vérité  que  présen- 
tent ses  principes  pris  dans  une  métaphysique  abs- 
traite. Vous  limitez  la  puissance  divine  en  la  suppo- 
sant incapable  de  créer  des  êtres  qui  agissent  par 
eux-mêmes,  librement.  La  gloire  des  ciéaturesest  de 
donner  l'existence  à  des  réalités  modules,  comme 
Dieu  la  donne  à  des  réalités  substantielles,  et  cette 
gloire  rejaillit  sur  le  Créateur,  qui  a  produit  des  êtres 
actifs,  images  de  lui-niêuie.  La  plupart  des  théolo- 
giens veulent  que  Dieu  soil  cause  inimédialeinent 
avec  noire  àme  de  toutes  nos  actions  libres;  mais  ce 
n'est  qu'une  opinion  que  nous  pouvons  rejeter  avec 
Durand,  que  nous  devons  même  rejeter  si  elle  nous 
parait  incompatible  avec  la  liberté  bumaine.  Dans 
l'ordre  même  surnaturel,  nous  pouvons  admettre  que 
Dieu  ne  concourt  a  nos  actes  libres  que  par  des 
grâces  de  force,  d'intelligence  et  de  sentiment,  qu'en 
nous  fortilianl,  nous  éclairant,  nous  inclinant  à  agir 
sansnousy  nécessiter.  Si  la  raison  ne  saisit  pas  la  con- 
ciliation de  la  liberté  humaine  avec  la  grâce  eiricace  des 
thomistes,  on  peut  avec  les  mobnistes  admettre  des 
grâces  qui  deviennent  cflicaces  seulement  par  le  libre 
consentement  de  la  volonté,  des  grâces  qui  sont  sui- 
vies de  l'effet,  encore  qu'elles  ne  le  rendent  pas  cer- 
tain.Toutefois,  comme  nous  l'avons  déjà  remarqué,  un 
effet  peut  être  certain  sans  être  nécessaire  ;  et  par  là 
on  conçoit  que  les  événements  prévus  de  Dieu,  bien 
qu'ils  soient  certains,  ne  sont  pas  nécessaires  pour 
cela.  Dieu  connaît  pai'  une  seule  intuition  le  passé, 
le  présent  et  l'avenir.  Et  comme  cette  intuition  ne 
l'ait  ni  le  passé,  ni  le  présent,  elle  ne  fait  pas  non 
plus  l'avenir,  qui  sera  ce  qu'il  sérail  dans  Ibypo- 
thèse  que  Dieu  ne  le  eounait  pas.  Les  perfections  de 
Dieu  et  la  révélation  établissent  la  prescience  divine; 
d'ailleurs  la  libellé  humaine  est  un  l'ail  tout  à  la  fois 
rationnel  et  révélé.  iNoiis  devons  donc  admettre  la 
prescience  divine  el  la  liberté  humaine,  encore  que 
nous  ne  puissions  pas  les  concilier  parfaitement  en- 
tre elles,  pas  plus  (jue  nous  ne  pouvons  concilier 
parfaitement  l'existence  du  liui  avec  celle  de  l'in- 
lini. 

V.  Arguments  historiques.  —  On  objecte  que  la 
liberté  humaine  est  loin  d'être  évidente,  puisqu'elle 
a  contre  elle  toute  l'antiquité,  ipn  admettait  le  destin, 
et  que  de  nos  jours  des  nations  entieies  de  mabomé- 
tans,  par  exemple,  prolésseiit  le  fatalisme.  iNous  ré- 
pondons que  les  maliométans,  tout  en  professant  la 
doctiine  de  la  fatalité,  ne  l'appliquent  pas  tousà  tout  ; 
que  chez  eux  ,  comme  parmi  les  chrétiens,  il  y  a  des 
sectes  «pii  oteiit  entieiemeut  la  liberté  à  riiomnie, 
d'autres  ipii  la  lui  acconient  avec  dépendance  de 
Dieu  ,  d'autres  qui  la  poussent  jusqu'à  rendre 
I  lioaime  abs(duuieiit  indépendant.  (  \  ty.  les  livres 
sacrés  de  l'Orient,  par  G.  Paulbier.  Paris  1840.) 
Quant  à  l'antiquité,  elle  n'a  pas  professé  tout  entière 
le  fatalisme  absulii.  Les  platoniciens  soustrayaient 
les  volontés  iuiiiciincs  a  la  domiiialion  <lii  destiu. 
{Voij.  Alcinoiis.)  Les  é|>icuriens,  d'après  l'expoidlion 
que  Lueieeea  faite  de  leur  syst.  me,  reconnaissent 
formellement  le  libre  arbitre.  Aristote,  dans  ses  ou- 
vrages de  morale,  décrit  très-bien  la  liberté  qui  rend 
riiouinie  responsable  de  ses  actes.  Les  stoïciens  eux- 
m. mes,  tout  grands  partisans  qu'ils  etai.  nt  du  des- 
tin, ailraiicliisïaieiit  pour  la  plupart  de  toute  néces- 
sité les  actions  voloutaiies.  Ainsi  CIny.dppe  (  apud 
Cicero.,  de  Fnio)  dil  bien  que  les  actions  volontai- 
res, coiniiie  tout  ce  qui  arrive,  ont  des  causes  anté- 
cédentes, mais  il  soutenait  que  les  causes  aiaécé- 


»S9 


NEC 


NEC 


990 


dentés  de  nos  asscnliments  ne  les  délerniinaienl  pas 
nécessairemenl.  Les  sloicieii'^  Séiièqiir ,  E|)iclrl(', 
Marc-Aurèle,  oui  si  (oil  cxallé  la  lilieiU'  litiniaiiio, 
qu'ils  lOiit  Cl  ne  indép'^nilaiile  de  loni,  eapalili!  à  elle 
seule  (le  rendre  riioiniiie  lieuieiix  nialgié  tous  les 
événements  |)os>il)le.s.  Nous  ne  devons  pas  nnns  élon- 
ner  de  ce  que  les  sl<'ïeieiis  ont  l'dinis  le  ileslin  el  le 
liliie  arliiire  ;  car  le  desliii  n'est  poiii'  eux  ipii'  la  pi'o- 
videiiee,  l'oidre  ('lahli  pai'  IMen.  Ilb'  ipse  muiiiiim 
coiidili  r  el  rerlor  icripsit  qitidem  j'ala,  seil  sequi'.itr 
(Scneca,  de  Ciovid.,  e.  fi).  C'e^t  l'a  la  doeliiiie  eoin- 
niune  des  philosophes  à  paiiirdc  Tliairs  el  l'e  l'ylha- 
gore.  (  k  0  .  Gniiiguené,  analyse  du  niéi(.oiic  de  M. 
Deunou,  sur  le  deslin,  dans  la  eollecl  des  auteurs 
latins,  Cicér.  t.  IV.  Paris,  18il.)  Les  poêles  eux- 
niènies  euleiideiit  souvent  par  liestiu  les  décrets 
(le  la  Oiviuité.  Ces  expressions  falii  ,  si  l'ré- 
(pienlCs  dans  Virgile,  se  retrouvent  elie/,  les  poêles 
grées.  <  Mortels,  ilil  Kseliyle  (Irag.  des  EuniiMiides), 
emcndiz  les  lois  l'iernelles  dieii'cs  par  les  Paripies, 
et  ()iic  nous  imposent  les  dieux  ;  6;avov  tov  «otoizr-av- 
Tov  EX  Bswv  ôo';£vTc<.  >  Les  iiKntels,  dit  Jupiter  dans 
Jlo.nere  (Oïlys.  e.  i),  nous  accusent  d'ètie  les  au- 
teurs de  leurs  maux;  niais  ce  n'est  pas  à  cause  du 
destin,  c'est  à  cause  de  leurs  propres  crimes  ipi  ils 
soull'rent.  Vous  voyez  ici  le  deslin  coid'ondu  avec 
l'action  divine,  el  déclaré  n'être  point  la  cause  des 
crimes  des  liomines.  Au  reste,  miiis  ne  prélendoris 
pas  (lus  les  poêles  et  nu  me  les  pli  losophes  n'aient 
<|uel()iielois  proîessé  sur  le  l'esliii  des  doctrines  ipii 
eiilrainenl  le  f.ilalisiiic  ahsolu.  Nous  uiainteudiis  seu- 
lement i|uc  r;mtii(iiité  |iaicmie  a  genéjalemcnl  ciu 
à  la  liberté  de  l'iKjmuie. 

NECHILOTH.  Lo  iisatitiio  5  a  [lour  titre 
en  hvbrcu  L'I hcniinrhilnth,  et  ce  leniie  ne  se 
trouve  mille  patt  ;i  lleurs  ;  il  n'est  donc  |ias 
étonnant  rue  la  signilication  en  soit  t'urt  doii- 
tciise.  LaS'iils^ate  et  It.'s  Septante  ont  traduit 
poiir  l'hérilière,  et  cela  ne  nous  a|ipteii(i 
rion  ;  li;  clialdéen  a  mis  pour  surclmnter  ; 
d'autres  disent  fine  c'était  pour  chnnler  à 
deux  chœurs,  pour  la  troupe  des  chantres, 
pour  les  instruments  à  vent,  etc.  Tout  cria 
n'est  (|ue  conjecdires  :  liourcusi  inent  la 
chose  n'est  uas  t'oit  iiiijiortaiitc  Le  sens  du 
mot  néyinoln,  qui  se  trouve  à  la  tête  de  plu- 
sieurs tut  respsautiies,  n'estp;is  mieux  connu. 
T'oy.  la  St/nopse  des  critiijiies. 

NÉCKOLOGE,  terme  grec,  l'ormt''  de 
vtv/i'if  ,  mort,  et  de  Xo/if ,  discours  ou  liste  ; 
c'est  le  cataiOj^ue  des  morts.  Dès  les  pr. - 
mi  rs  siècles  du  clinsiianisme,  les  fidèles  de 
cluiipie  (gl  se  eurent  soin  de  maitjuer  exac- 
t  ment  le  jour  de  la  mort  île  leurs  év('M|ues, 
alin  d'en  faire  mètnoire  dans  la  litury,ic,  et 
de  prier  pour  eux  ;  mais  on  n'y  inscrivait 
pas  ceux  (]ui  ètai^  ni  morts  dans  le  schisme 
ou  dans  l'hérésie.  11  y  a  encore  (le  ces  ne'- 
crologcs  dans  les  morîastères  et  dans  les  cha- 
pitres deschanoines.  Tous  les  jours,  à  l'i.euro 
de  prime,  la  coutume  est  de  lire  au  clufur 
les  noms  des  chanoines  morts  cejour-lh,  (pii 
ont  fait  quelque  donation  ou  foi  l-îtion,  '  t 
Ton  prie  pour  eux  comme  hienlaiteurs  de 
l'Ejjdise.  C'est  un  usage  pieux  et  louajjle  ;  il 
est  bon  que  les  hommes  consacrés  au  ser- 
vice du  Seigni  ur  se  lapiiellent  le  souvenir 
de  la  mort,  et  la  m  moire  de  leurs  anciens 
conlrères;  ceux  qui  ouiilient  les  moris  n'ont 
guère  plus  d'amilié  pour  les  vivants.  On  a 
aussi  nommé  Necroloye  ce  que  nous  appe- 
lons aujoui'd'liui  Martyrologe,  c'est-à-dire 


le  catalogue  des  hommes  Kiorts  en  odeur  de 
sainteté,  quoique  tous  n'aient  pas  été  mar- 
tyrs. Ceux  que  nous  nommons  en  génétal 
confesseurs  n'ont  pas  attesté  par  leur  mort 
la  vérité  de  la  doctrine  de  Jésus-Christ  ;  mais 
ils  ont  tétiioigné  par  leur  vie  qu'il  n'est  [las 
iin|Missible  de  jiratiquer  sa  morale  et  de  vi- 
vre chréli'>nnemi'nt  :  l'un  de  ces  témoignages 
n'est  pas  moins  nécessaire  à  la  religion  que 
r.ititre. 

NÉCIIOMANCIE,  art  d'interroger  les  morts 
pour  a|i])rendre  d'i>ux  l'avenir  ;  cela  se  faisait 
]>nr  une  c  'rémonie  que  r(jn  nommait  évoca- 
tion des  mdnes.  Nous  laissons  aux  écrivains 
de  l'hisluire  ancienne  le  soin  de  décrire  lette 
sui)erstiti(in  ;  nous  nous  bornons  h  en  re- 
chercher l'origine ,  à  on  montrer  les  per 
nicieuses  conséquences,  et  la  sagesse  des 
lois  (|ui  ont  proscrit  ce  genre  de  divi- 
natioM. 

Chez  les  anciens,  les  funérailles  étaient 
accompagnées  d'un  repas  coimnun,  oi^  tous 
les  parents  du  moit  i  assemblés  s'entrete- 
naient de  ses  bonnes  qualités  et  de  ses  ver- 
tus, témoigiiaient  leurs  regrets  par  leurs 
soupirs  et  |iar  leurs  larmes.  11  n'est  pas  éton- 
nant (ju'avec  une  imi.gitiatinn  frappée  de  cet 
olijet  quelques-uns  des  assist;aits  aient  rùvé 
que  le  moi  t  leur  apparaissait,  s'entretenait 
avec  eux,  leur  a|>pr>'nait  des  choses  qu'ils 
désiraient  de  savoir,  et  que  ces  rêves  aiei  t 
été  pris  jour  une  réalité.  On  en  a  conchi 
que  les  m  rts  pouvaient  revenir  et  s'entre- 
tenir avec  les  vivants,  que  l'on  pouvait  les  y 
engager,  en  répétant  les  mêmes  choses  que 
l'on  avait  faites  à  leurs  funiiailles,  ou  des 
cérémonies  analogues.  Quelques  uni)osteurs 
se  sont  vantés  ensuite  ipie,  par  des  paroles 
magiques,  par  des  formules  d'évocation,  ils 
pouvaient  forcer  les  ;'imes  des  morts  à  reve- 
nir sur  la  terre,  à  s'y  montrer,  à  répondre 
aux  questions  qu'ils  leur  faisaient  :  les  hom- 
mes croient  aisé'ment  ce  (ju'ls  désireiil.  Il 
ne  fut  pas  difficile  aux  nécromanciens,  p,ir 
ui:e  lantcnc  magique  ou  aulr^  nu  nt,  def.dic 
paraître  dans  les  ténèbres  une  ligure  quel- 
conqi.e,  que  l'on  prit  pour  le  mort  auquel 
on  vo:.lait  iiarlcr.  Nous  n'ot.trerons  i  as  ici 
dans  la  question  de  savoir  s'il  n'y  eut  jaunis 
que  de  l'illusion  et  de  l'ariitice  dans  ci  tte 
magie,  si  quelijuefois  le  démon  s'en  e^l  mêlé 
pour  séduire  ses  adorateurs,  ou  si  Dieu, 
pour  ])uiiir  une  curi  site  criniiiielle,  a  per- 
mis qu'un  mort  revînt  vérilablement  aniuin- 
cer  les  arrêts  de  la  justice  divine  à  ceux 
qui  av.iient  voulu  les  consulter  ;  nous  en 
dirons  quelque  chose  su  mot  Pytiiomssi:. 
Quelques  ailleurs  ont  éciit  que,  suivant  la 
croyance  des  païens,  ce  n'était  i;i  le  corps  ni 
r,  nie  d  mort  qui  afiparaissait,  mais  son 
ombre,  c'est-h-iiire  une  substance  mitoyeiUie 
entre  l'un  et  l'autre;  mais  iis  ne  donnent 
pour  preuve  que  des  cinijectures  ;  et  certai- 
nement le  commun  des  païens  ne  faisait 
p:is  uiic  di.stinctioii  .si  subtile. 

Par  la  hii  de  Àioise,  il  ('lait  .^évè.cincnt 
(il  fendu  aux  Juifs  d  interroger  les  moi-ts 
iDeiit.  wiii,  11)  ;  de  taire  des  oirraiides  aux 
morts  ;,xx.vi,  14)  ;  de  se  couper  les  cheveux 


991 


NEC 


ou  la  barbe,  et  de  se  faire  des  incisions  en 
signe  de  deuil  (Lerit.  xix,  27  et  28).  Isaïe 
condamne  ceux  qui  demandent  aux  morts  ce 
cjui  intéresse  les  vivants  (viii,  19),  et  ceux 
qui  dorment  sur  les  tombeaux  pour  avoir 
des  rêves  (lxv,  k).  On  sait  jusqu'à  quel  excès 
les  paiens  poussaient  la  superst't  on  envers 
les  morts,  et  les  cruautés  qu'un  deuil  insensé 
leur  faisait  souvent  commettre.  Voilà  ]iour- 
quoi,  chez  les  Juifs,  celui  qui  ava  t  touché 
un  mort  était  censé  impur.  A  la  vérité,  les  usa- 
ges absurdes  des  païens  à  l'égard  des  morts 
étaient  une  preuve  sensible  de  leur  croyance 
touchant  l'immortalité  de  l'âme,  et  le  pen- 
chant des  Juifs  à  les  imiter  démontre  qu'ils 
étaient  dans  la  même  persuasion  ;  mais  pour 
professer  cette  impdrtante  vérité,  il  n'était 
pas  nécessaire  de  copier  les  coutumes  insen- 
sées et  impies  des  païens,  il  suffisait  de  con- 
server l'usage  simple  et  innocent  des  patriar- 
ches, qui  donnaient  aux  morts  ime  sépul- 
ture honorable,  et  qui  resjiectaient  les  tom- 
beaux ,  sans  tomber  dans  aucun  excès.  Les 
rois  d'Israël  et  de  Juda  qui  tombèrent  dans 
l'i'dofllrie,  ne  manquèrent  pas  de  protéger 
toutes  les  espèces  de  magie  et  de  divination, 
par  conséquent  la  nt^rromancte  ;  mais  les  rois 
pieux  eurent  soin  de  proscrire  ces  désordres 
et  do  punir  ceux  qui  en  faisaient  profession. 
Saùl  en  avait  ainsi  ;  gi  au  commencement  de 
son  règne  ;  mais  après  avoir  violé  la  loi  de 
Dieu  en  plusieurs  autres  choses,  il  y  fut  en- 
core intiilèle  en  voulant  consulter  l'âme  de 
Samuel  {I  Rcg.  xxviii,  8).  Foy.  Pythomsse. 
Josias,  en  montant  sur  le  trône,  commença 
par  exterminer  les  magiciens  et  les  devins 
qui  s'étaient  multipliés  sous  le  règne  de 
l'impie  Manassès  {IV  Rcg.  xxi,  6;  xxiii, 
2i).  11  est  évident  que  la  nécromancie  était 
une  des  espèces  de  goétieoude  magie  noire 
et  diabolique.  C'était  une  révolte  contre  la 
sagesse  divine  de  vouloir  savoir  des  choses 
qu'il  a  plu  à  Dieu  de  nous  cacher,  et  de 
vouloir  ramener  dans  ce  monde  des  âmes 
que  sa  justice  en  a  fait  sortir.  Pour  en  venir 
à  bout,  les  païens  n'invoquaient  pas  les 
dieux  du  ciel,  mais  les  divinités  do  l'enfer. 
La  cérémonie  de  l'évocation  des  mânes , 
telle  que  Lucainl'a  décrite  dans  sa  Pharsale, 
liv.  VI,  V.  668,  est  un  mélange  d'impiété,  de 
démence,  d'atrocité,  qui  fait  horreur.  La  fu- 
rie (^ue  le  poète  fait  |)arler,  pour  obtenir  des 
divinités  infernales  le  retour  d'un  âme  dans 
un  corps,  se  vante  d'avoir  commis  des  crimes 
dont  l'esprit  humain  n'a  point  d'idée.  Com- 
me les  cé,éri:onies  des  néeroinanciens  se 
fais  ient  ordinairement  la  nuit,  dans  desan- 
t  es  profonds  et  dans  des  lieux  retirés,  on 
compiend  à  combien  d'illusions  et  de  crimes 
elles  pouvaient  donner  lieu.  L'auteur  du  li- 
vre de  la  Sagesse,  a])iès  avoir  fait  remarquer 
les  al)us  des  sacr.tices  nocturnes,  conclut 
que  l'idolâtrie  a  été  la  source  et  le  comble 
de  tous  les  maux,  c.  xiv,  v.  23  et  27.  Cons- 
tant n  devenu  chrétien  avait  encore  permis 
aux  païens  de  consulter  les  augures,  pourvu 
que  ce  fût  au  grand  jour,  et  qu'il  ne  fût 
question  ni  des  allaires  de  l'empire  ni  de  la 
vie  do  l'emperuur  ;  mais  il  ne  toléra  pas   la 


rSEG  992 

magie  noire  ni  la  nécromancie  ;  lorsqu'il  mit 
en  liberté  les  prisonniers  à  la  fête  de  Pâques, 
ilexceptanommémmentlesnécromancieus,m 
mortuos  veneficus,  Cod.  Theod.,  1.  ix,tit.  38, 
leg.  3.  Constance,  son  fils,  les  condamna  à 
mort  ;  ibid.,  leg.  5.  Ammien  Marcellin,  Ma- 
mertin  et  Libanius,  païens  entêtés,  furent 
assez  aveugles  pour  blâmer  cette  sévérité 
L'empereur  Julien  reprochait  malicieuseinent 
aux  chrétiens  une  espèce  de  nécromancie  ; 
il  supposait  que  les  veilles  au  tombeau  des 
martyrs  avaient  pour  but  d'interroger  les 
morts  ou  d'avoir  des  rêves.  Sa  nt  Cyrille, 
contre  JuL,  1.  x,  p.  339.  11  savait  bien  le 
contraire,  puisque  lui-même,  avant  son  apos- 
tasie, avait  pratiqué  ce  culte. 

Les  lois  de  l'Eglise  ne  furent  pas  moins 
sévères  que  celles  des  empereurs  contre  la 
magie  et  contre  toute  espèce  de  divination  : 
le  concile  de  Laodicée  et  le  quatrième  de 
Carthage  défendirent  ces  crimes,  sous  peine 
d'excommunication  :  l'on  n'admettait  au 
baptême  les  païens  qui  en  étaient  coupables, 
que  sous  la  promesse  d'y  renoncer  pour 
toujours.  «  Depuis  l'Evangile,  dit  Tertullien, 
vous  ne  trouverez  plus  nulle  part  d'astrolo- 
gues, d'enchanteurs,  de  devins,  de  magi- 
ciens, qui  n'aient  été  punis.  »  De  idol. ,c.ix. 
Voy.  Bingham,  Orig.  ecclés.,  1.  xvi,  c.  5  §  4. 

Après  l'irruption  des  barbares  dans  l'Occi- 
dent, l'on  y  vit  renaître  une  ]iartie  des  su- 
perstitions du  paganisme  ;  mais  lesévêqnes, 
soit  dans  les  conciles,  soit  dans  leurs  instruc- 
tions, ne  cessèrent  de  les  défendre  et  d'en 
détourner  les  fidèles  :  ïhiers.  Traité  des  su- 
perstitions, liv.  I,  c.  3  et  suiv.  Comme  la  re- 
ligion nous  enseigne  que  les  âmes  des  morts 
peuvent  être  détenues  dans  le  purgatoire,  le 
peuple  s'imagine  aisément  que  ces  âmes 
soulfrantes  peu  vent  revenir  au  monde  deman- 
der des  prières,  etc.  Mais  l'Eglise  n'a  jamais 
autorisé  cette  vaine  opinion,  et  aucune  des 
histoires  publiées  à  ce  sujet  par  des  aut  urs 
crédules  n'est  digne  de  foi.  Jésus-Christ, 
dans  ce  qu'il  dit  du  mauvais  riche  (  Luc.  xvi, 
30  et  31  ),  semble  décider  que  Dieu  ne 
permet  à  aucun  mort  de  venir  parler  aux 
vivants. 

NEF  DES  EGLISES.  Voy.  Choeuu. 

NÉr.lNOTH.  Voy.  Néchiloth. 

NÈCRES.  Ces  peujiles  donnent  lieu  à 
deux  questions  qui  tiennent  à  la  théologie  ; 
il  s'agit  de  savoir,  1°  si  les  nègres  sont  d  une 
origine  dilférente  de  celle  des  blancs  ;  â"  si 
la  traite  des  nègres,  ei  l'esclavage  dans  lequel 
on  les  r^  tient  pour  le  service  des  colonies 
de  l'Amérique  est  légitime. 

I.  L'Ecriture  sainte  nous  apprend  que  tous 
les  hommes  sont  nés  d'un  seul  couple,  que 
tous  ont  par  consé(juent  la  même  origine  : 
d'où  il  s'ensuit  que  la  dilférence  de  couleur 
qui  se  trouve  dans  les  divers  habitants  du 
monde,  vient  du  climat  qu'ils  habitent  et  do 
leur  manière  de  vivre.  Cela  parait  prouvé 
)iar  la  dégradation  insensible  de  couleur  que 
l'on  romarquo  en  eux,  à  proportion  ipi'ils 
sont  plus  ou  moins  éloignés  nu  rapprochés 
delà  zone  torride.  En  général  les  peuples  de 
nos  provinces  méridionales  sont  plus  bazanès 


993 


NEG 


NE6 


994 


que  nous,  niais  ils  le  sont  beaucoup  moins 
que  les  habitants  dos  côtes  de  Bari)ai-ie,  et 
ceux-ci  sont  mdins  noirs  que  ceux  de  Tinté- 
rieur  de  l'Afrique.  Cette  variation  est  il  lieu 
près  la  luôine  dans  les  deux  héuiisplières.  Ou 
n'en  est  pas  étonné,  quand  on  i(!niar([ue  la 
ditléreuce  de  teint  qui  régne  entre  les  habi- 
tants d'un  même  climatou  d'un  mèuio  villaj^e, 
dont  les  uns  vivent  plus  renfermés,  les  autres 
sont  plus  exposés  par  leur  travail  aux  ar- 
deurs du  soleil  ;  entre  le  teint  d'une  même 
personne  pendant  l'iiiver  et  pendant  l'été.  On 
prétend  môme  qu'il  est  prouvé  par  expé- 
rience que  li's  blancs  transplantés  en  Afrique, 
sans  avoir  mêlé  leur  sang  avec  les  nègres, 
ont  contracté  insensiiilement  la  même  cou- 
leur et  les  mêmes  traits  du  visage;  ([uo  les 
nègres,  au  contraire,  transportés  dans  les 
pays  septentriiuiaux,  se  sont  blanchis  par 
degrés  sans  avoir  cruisé  leur  race  avec  les 
blancs.  C'est  l'opinion  des  pus  habdes  na- 
turalistes, en  particulier  de  lîufl'on,  de  MM. 
Paw  ,  Sclierer,  elc.  D'autres  philosophes 
beaucoup  moins  instruits,  mais  qui  se  sont 
fait  un  point  capital  de  contredire  rKciitur(! 
sainte,  soutiennent  que  ces  ex|)i''rieiices 
sont  fausses  ;  que  les  blancs  ne  peuvent  ja- 
mais devenir  parfaitement  noirs,  que  les 
vègres  conservent  de  race  en  race  leur  cou- 
leur et  leurs  traits,  dans  quelque  climat  qu'ils 
soient  tran'^plantés.  lis  ont  prétendu  prou- 
ver l'impossihililé  de  ces  transmutations  par- 
faites, par  l'examen  du  tissu  de  la  peau 
des  nègres.  Selon  quelques-uns,  la  cause  de 
la  noirceur  de  ceux-ci  est  une  espèce  de 
réseau,  semblable  à  une  gaze  noire,  qui 
est  placé  entre  la  peau  et  la  chair;  ils  ont 
appelé  ce  tissu  une  membrane  muqueuse. 
D'autres  ont  dit  que  c'est  une  substance  gé- 
latineuse, qui  est  répandue  entre  l'épiderme 
et  la  peau  ;  que  celte  substance  est  noirâtre 
dans  les  nègres,  brune  dans  les  peuples  basa- 
nés, et  blanche  dans  les  Européens.  Mais 
puisque  la  membrane,  le  réseau ,  la  suIjs- 
tanco  (lui  séiiaie  ré[)iderme  d'avec  la  chair 
se  trouvent  tians  tous  les  hommes,  il  s'agit 
de  savoir  poui({uoi  elle  i  st  blanche  dans  les 
uns,  110  re  ila.s  les  autres,  et  de  prouver 
que,  sans  croiser  les  races,  ces  substances 
ne  peuvent  changer  de  couleur  ;  voilà  ce  que 
nos  savants  disser. atours  n'ont  pas  lait. 
Puisqu'el  es  ne  sont  que  brunes  dans  les 
peuples  ba>anés,  leur  couleur  peut  donc  se 
dégrader  :  donc  elles  peuvent  passer  du 
blanc  au  noir  ou  au  contraire.  Les  uns  ci- 
tent des  expér  cnces,  les  autres  les  nient  ; 
aux(]ueis  devons-nous  croii  e  "?  En  attendant 
que  tous  se  soient  accordés,  il  nous  est  per- 
mis de  pense;  que  tous  les  hommes,  blancs 
ou  noirs,  rouges  ou  j  luiies,  smit  enl'aiits 
d'Adam,  comme  l'enseigne  l'Ecriture  sainte. 
Que;ques  écrivains  oi.t  imnginé  que  les  nè- 
gres sont  la  postérité  de  Cain,  que  leur  noir- 
ceur est  l'cllet  de  la  iiialé  liction  que  Dieu 
pronoïKja  contre  ce  meurtrier  ;  (pi'il  faut 
ainsi  entendre  le  passage  de  la  Cenèse  (  iv, 
15),  oiiil  est  dit  que  Dieu  mit  un  signe  sur 
Catn,  a!in  qu'il  ne  fût  pas  tue  par  !e  premier 
qui  ie  rencontrerait.  De  là  un  de  nos  philo- 


sophes incrédules  a  pris  occasion  de  déclamer 
contre  les  tiiéologiens.  Avec  un  i)eu  de  pré- 
sence (res[iril,  il  aurait  vu  que  la  théologie, 
loin  d'approuver  cette;  vaine  conjectLire,  doit 
la  rejeter.  Nous  apprenons  par  l'histoire 
sainte  que  le  genre  humain  tout  entier  fut 
renouvelé,  après  le  déluge,  par  la  faiii  lie  de 
Noé  :  or,  aucun  des  iils  de  Noé  n'était  des- 
cendu de  Gain  et  ne  s'était  allié  avec  sa  race. 
Pour  supposer  que  cetie  race  maudite  sub- 
sistait encore  après  le  déluge,  il  faut  com- 
mencer p.'ir  prétendre  qu(;  le  déluge  n'a  pas 
été  univeiscl,  et  conticdire  ainsi  l'histoire 
sainte.  11  y  aurait  donc  moins  d'ineonvénient 
à  dire  ([ue  l;i  noirceur  des  nègres  vient  de 
la  malédiction  prononcée  par  Noé  contre 
Chaiii  son  fils,  dont  la  postérité  a  peuplé 
l'Afrique  (  Gen.  x,  13  ).  Mais,  selon  l'Ecri- 
ture, la  malédiction  tie  Noé  ne  tomba  pas  sur 
Chain,  mais  sur  Chanaan,  fils  de  Cliam  (ix. 
13  )  ;  or,  l'Afrique  n'a  pas  été  peuplée  jiar  la 
race  de  Chanaan,  mais  par  celle  do  Phut. 
L'une  (\f'  ces  imaginations  ne  serait  donc  pas 
mieux  fondée  que  l'autre  (1). 

II.  La  traite  des  nègres  et  leur  esclavage 
sont-ils  légitimes?  Cette  question  a  été  dis- 
cutée dans  une  disseriation  imprimée  en 
17CV.  L'auteur  soutient  que  l'esclavage  en 
lui-même  n'est  contraire  ni  à  la  loi  diî  na- 
ture, [luisque  Noé  condamna  Chanaan  à  être 
esclave  de  ses  frères,  qu'Abraham  et  Jacob 
ont  eu  des  esclaves;  nia  la  loi  divine  écrite, 
puisque  Moïse,  en  faisant  des  lois  en  faveur 
des  esclaves,  ne  condamne  point  l'esclavage; 
ni  à  la  loi  évaiigéliijue,  puisque  celle-ci  n'a 
donné  aucune  atteinte  au  droit  jiublic  établi 
chez  toutes  les  nations.  En  ell'et,  saint  Pierre 
et  saint  Paul  ordonnent  aux  esclaves  d'obéir 
à  leurs  maîtres,  et  aux  maîtres  de  traiter 
leurs  esclaves  avec  douceur.  Le  concile  de 
Gangres  a  frappé  d'anat  lème  ceux  qui,  sous 
prétexte  de  religion,  enseignaient  aux  escla- 
ves à  quitter  leurs  maîtres,  à  mépriser  leur 
autorité.  Plusieurs  autres  décrets  des  conci- 
les supposent  qu'il  est  permis  d'avoir  des 
esclaves  et  d  en  acheter  et  de  les  vendre. 
Au  xni'  siècle,  l'esclavage  a  été  supprimé, 
non  par  les  lois  ecclésiastiques,  mais  j)ar  les 
lois  civiles.  11  ajoute  qu'en  transportant  des 
nègres  en  Aniéiique,  on  no  rend  pas  leur 
sort  jilus  mauvais,  puisqu'ils  ne  seraient 
pas  moins  esclaves  dans  leur  pays,  et  qu'ils 
y  seraient  encore  plus  maltraités;  au  lieu 
que  dans  les  colonies  ils  sont  protégés  par 
des  lois  faites  en  leur  faveur  ;  ils  y  trouvent 
d'ailleurs  la  facilité  d'être  instruits  ne  la  re- 
ligion chrétienne  et  de  faire  leur  salut.  L'au- 
teur distingue  quatre  sortes  d'esclaves  :  1° 
ceux  qui  ont  été  condamnés  pour  des  crimes 
à  perdre  leur  liberté  ;  2°  ceux  qui  ont  été 

(I)  Au  mol  Humaine  (unllé  de  l'espèce),  noiis.ivoiis 
uioiilio  que  la  race  nègre  n'esl  pas  une  pieiive  in- 
toiileslable  qu«  le  genre  hiiniain  ne  ilestenJ  pas 
d'un  inénie  père.  Nous  devons  insister  ici.  Mgr 
Wisenian  a  donné  sur  ce  point  une  démonstration 
complète,  dans  son  discours  sur  l'/Zisfoiri;  luiturelte  de 
ta  race  Immnine  ,  inséré  dans  les  Démonslraiions 
évatiiiéliiiues,  édit.  Migue,  tom.  XV,  col.  120.  Nous 
y  renvoyons  le  lecteur. 


99S 


NËG 


pris  h  la  guerre;  3°  ceux  qui  sont  nés  tels  ; 
4°  ceux  q.ii  sont  ven  ius  par  leurs  pères  et 
mères  ou  qui  se  vendent  eux-mêmes.  Il  ne 
voit  dans  ces  diffrrentes  sources  d'esclava.^e 
aucune  raison  qui  rende  illégitime  la  traite 
dos  nrgres.  H  convient  des  abus  qui  nais- 
sent très-souvent  de  l'i'sclavage,  mais  il  ob- 
serve que  l'abus  d'une  chose  innocente  en 
elle-même  ne  prouve  pas  qu'elle  soit  con- 
tr.iiie  au  droit  naturel  ;  on  peut  répri- 
mer l'abus  et  laisser  subsister  l'usage  légi- 
time. 

Le  philosophe  qui  a  fait  un  traité  de  la 
Félicité  publique,  ne  condamne  pas  non  plus 
absolument  l'esclavage  des  nègres,  mais  il 
ne  l'approuve  pas  positivement.  «Quoiqu'on 
ne  puisse  assez  gémir,  dit-il,  de  ce  que  l'a- 
varice a  conservé  fiarmi  les  peuples  de  l'Oc- 
eidenl  ce  que  la  barbarie  et  l'ignorance  ont 
établi  et  m.dntenu  dans  l'Orient,  nousobser- 
servons  pourlant,  1°  que  l'esclavagi!  n'est 
plus  connu  chez  li'S  chrétiens,  si  ce  n'est 
daiis  les  colonies;  2°  que  les  esclaves  sont 
tons  tirés  d'une  nation  très-sauvage  et  très- 
bi  ule,  qui  vient  elle-même  les  ollrir  à  nos 
négociants;  3° que  si  la  laison  et  la  philoso- 
phie s'écrient  (ju'il  fal  ait  traiter  le  nègre 
touuui'  1  Européen,  il  est cepeniant  viaiquo 
la  grande  dissemblance  de  ces  malheureux 
avec  nous  rappelle  moins  les  sentiments 
(l'humanité,  et  sert  à  entretenir  le  préjugé 
barbaie  qui  les  tient  dans  l'oppression  ;  't° 
que  si  ces  esclaves  ont  été  traités  avec  une 
ciuauté  très-condamnable,  l'expérience  a 
souvent  prouvé  que  jamais  la  d(juceur  et 
les  bienfaits  n'ont  pu  ôter  à  celte  nation  son 
caractère  làc'  e,  ingrat  et  cruel.  11  y  a  môme 
tout  lieu  de  croire  que,  si  les  esclaves  des  co- 
lonies avaientété  des  Euroi)éens,  ils  seraient 
déjà  rentrés  dans  leur  dro.t  de  citoyens, 
comme  les  serfs  do  noire  gouvernement  féo- 
dal ont  peu  à  peu  lecouvré  lalibert''  civile. 
Entln  le  nombre  des  esclaves  est  bien  moins 
considérable  de  nos  jours,  puiscjue  sur  cent 
millions  de  chrétiens  rpii  existent  à  présent, 
on  ne  compte  assurément  pas  un  million 
d'esclaves,  au  li 'U  que  pour  un  million  de 
Grecs,  il  y  avait  plus  de  trois  millions  de  ces 
infortunés.  »  On  voit  aisément  (ju'aucune  de 
ces  raisons  n'esi  sans  rép  ique,  elles  tendent 
plutôt  à  excuser  l'esclavage  des  nègres  qu'à 
le  justitier;  après  mûre  rétlexion ,  nous 
ne  pouvons  nous  lésoudre  à  les  approuver, 
et  il  nous  paiait  que  l'on  peut  y  eu  opposer 
de  |)lus  solides. 

Au  mot  Esclave,  nous  avons  fait  voir,  1° 
que  sous  la  loi  de  nature  et  dans  l'état  de 
société  purement  (lomeslique,resclavageétait 
inévitable,  et  qu'il  n'entraînait  point  alors 
les  mêmes  inconv^hiienls  que  dans  l'état  de 
société  civile;  l'exem-le  des  patriarches  ne 
prouve  donc  rien  dans  la  question  présente. 
2*  Nous  avons  observé  qu'il  n'était  pas  pos- 
sible à  Moïse  de  le  supprimer  en  ièrement, 
que  les  lois  qu'il  lit  en  faveur  des  esclaves 
étaient  plus  douces  et  plus  humaines  ijue  cel- 
les de  toutes  les  autres  nations  ;  l'on  ne  peut 
donc  encore  tirer  avantage  de  la  loi  de  Moïse. 
3°  Jésus-Christ  etlesaoôtres  auraient  commis 


NEG  SM 

une  très-grande  imprudence  en  réprouvant 
absolumentl'esclavage,  puisqu'il étaitautoiisé 
jiar  le  droit  public  de  toutes  les  nauons  ;  mais 
les  leçons  de  charité  universelle,  deilouceur 
et  de  fraternité  (|u'ils  ont  données  à  toui  les 
hommes,  ont  contribué  pour  le  moins  aussi 
etlicacement  à  l'adoucissement  et  à  la  sup- 
pression de  l'esclavage,  qu'auraient  pu  faire 
des  lois  prohibitives.  C'est  l'irruption  des 
barbares  qui  a  retardé  cette  heureuse  révo- 
lution ;  tant  que  le  môme  droit  [)ublic  a  sub- 
sisté, les  conciles  n'ont  pu  faire  que  ce  qu'ils 
ont  fait.  Mais  à  présent  ce  droit  abusif  ne 
subsiste  plus  ;  l'esclavage  a  été  supprimé  en 
Europe  jiar  tous  les  souverains  :  la  quest.oa 
est  de  sivoir  si,  après  laiélorme  decetabus 
en  Europe,  il  a  été  fort  louable  d'.dler  le  ré- 
tablir en  Amériipie;si  on  peut  encoie  l'en- 
visager des  mêmes  yeux  qu'au  x"  et  au  xii* 
siècle  ;  si  l'état  des  nègres  dans  les  colonies 
n'est  pas  cent  fois  plus  malheureux  que 
n'était  celui  des  serfs  sous  le  gouvernement 
féodal. 

l,e  principe  posé  par  l'auteur  de  la  disser- 
tation, savoir,  que  depuis  le  péché  oiiginel 
l'homme  n'est  plus  libre  de  droit  naturel , 
noiis  semble  tiès-ridicule.  Nous  savons  très- 
bieii(|ue  c'est  en  pi  nition  du  péché  d'Adam 
que  l'homme  est  sujet  à  être  t>  rannisé,  tour- 
menté et  tué  par  son  semblable  ;  mais  enfm 
les  Européens  na  ssent  coupables  du  péché 
originel  aussi  bien  que  les  nègres  :  il  faut 
donc  que  les  premiers  commencent  par 
prouver  que  Dieu  leur  a  donné  l'honorable 
commission  de  faire  expier  ce  péché  aux  ha- 
bitants de  la  Guinée,  et  qu'ils  sont  à  cet 
égard  les  exécuteurs  de  la  justice  divine. 
Lorsque  les  nègres,  révoltés  de  l'esclavage, 
usent  de  perfidie  et  de  cruauté  envers  leurs 
mailles,  ils  leur  fout  aussi  [orter  à  leur  tour 
la  peine  du  péché  de  notre  premier  père. 
Avant  que  la  furi  ur  du  comme  ce  maritime 
et  l'avide  jalousie  n'eussent  fasciné  les  es- 
prits et  perverti  tous  lespiincipes,  on  n'au- 
rait pas  osé  mettre  en  question  s'il  était  per- 
mis d'acheter  et  de  vendre  des  hommes  pour 
en  faire  des  esclaves.  C'e-t  encore  une  mau- 
vaise excuse  de  dire  que  les  nègres  esclaves 
chez  eux  seraient  plv.s  maltraités  qu'ils  ne  le 
sont  dans  nos  colonies.  11  ne  nous  est  pas 
permis  de  leur  faire  .Su  mal,  de  t)eur  (|  .e 
leurs  coinpa  riotes  ne  leur  eu  fassent  encore 
davantage.  Nous  persuadera-t-on  que  c'est 
par  un  motif  de  com;iassinn  et  (j'humanilé 
que  les  négocianis  euroj:éens  fini  la  traite 
des  nègres?  11  y  a  un  fait  qui  pas  e  pour  cer- 
tain, c'est  qu'avant  réiablissement  de  ce 
commerce,  les  nations  africaines  se  faisaient 
la  guerre  beaucoup  plus  larement  qu  au- 
jourd'hui ;  (]Ue  le  motif  le  plus  ordinaire  ue 
leurs  guerres  actuelles  est  le  désir  de  faire 
des  p:isonnieis  pour  les  vendie  aux  Euro- 
péens. C'est  donc  à  ces  derniers  que  ces  na- 
tions malheureuses  et  stupides  sont  redeva- 
bles des  fléaux  qui  les  accablent  et  des  cri- 
mes qui  se  commettent  chez  elles.  Avant  de 
savoir  si  nous  avons  droit  de  les  aciieter,  il 
faut  examiner  si  quelqu'un  a  le  droit  naturel 
de  les  vendre.  1!  n'est  pas  question  do  nous 


997 


NEfi 


me. 


99â 


fonder  sur  le  droit  iiijiK>to  et  tjranniquequi 
est  iHaiili  p.inni  ces  peuples,  mais  sur  les 
notions  du  dioit  naturel,  tel  que  la  relijjiori 
nous  le  fait  connaître.  S'il  n'y  avait  point 
d'acheteurs,  il  ne  pourrait  point  y  avoir  de 
vendeurs,  et  ce  ni^çÇoce  infâme  tomher.dt  de 
lui-mAnu'.  Nous  espérons  que  l'on  n'entre- 
j)r/ndra  ras  l'aiioioj^ie  des  négociants  turcs, 
qui  vont  acluîter  di'S  tilles  en  (lircissie  pour 
en  peupler  les  serais  de  Tunpiie.  On  dit 
qu'il  n'est  pas  possible  de  cultiver  des  colo- 
nies à  sucre  autrement  que  par  des  nèares. 
Nous  [)Ourrioiis  répondre  d'abord  que,  dans 
ce  cas,  il  vauilrail  uneux  renonceraux  colo- 
nies qu'aux  sentiments  d'humanité' ;  que  la 
justice,  la  charité  universelle  et  la  dimceur 
sont  plus  nécess.iir(!S  îi  toutes  les  nations  que 
le  sucre  et  le  café.  Mais  tout  le  momie  ne 
convient  pas  de  l'inijiossibiiité  prétendue  tle 
se  passer  du  travail  des  iinjrrs ,  plusieurs 
témoins  dij^nes  de  foi  assurent  (pie  si  les  co- 
lons étaient  moins  avides,  inoins  durs,  moins 
aveuglés  par  un  intérêt  sordide,  il  serait 
très-poss  ble  de  remplacer  avantageusement 
les  nrgres  par  de  meilleurs  ins'.rumenls  de 
culture  et  par  le  .'■ervice  des  animaux.  Lors- 
que les  (îrecs  et  les  Romains  faisaient  exé- 
cuter par  leurs  esclaves  ce  que  font  chez 
nous  les  chevaux  et  les  bœufs,  ils  imagniaient 
que  l'on  ne  pouvait  pas  fiire  antrcnient. 
L'on  ajoute  que  les  nrgrei!  sont  naturelleiu(!nt 
ingrats,  ci'uels,  perlides,  insensibles  aux  bons 
traitements,  incapabies  d'être  conduits  au- 
trement que  par  des  coups.  Si  cela  é.ait  vrai, 
ce  serait  un  sujet  de  honte  pour  la  nature 
humaine,  (ju'd  fdt  plus  diliicile  d'apiu'ivoiser 
les  nègres  que  les  animaux  ;  dans  ce  cas,  il 
fallait  laisser  cette  race  abominable  sur  le 
nialiieureux  sol  ol"!  elle  est  née,  et  ne  pas 
infecter  de  ses  vices  les  autres  parties 
du  monde. 

Mais  n'y  a-t-il  pas  ici  une  dose  de  l'or- 
gueil des  Grecs  et  des  Romains?  Us  dépri- 
maient les  autres  peuples,  ils  les  nommaient 
barbaics,  pour  avoir  le  droit  de  les  tyianin- 
ser.  Nous  avons  interrogé  sui-  ce  point  des 
voyageurs,  des  mis^ionnaires,  des  posses- 
seurs de  colonies  ;  tous  ont  dit  qu'eu  géné- 
ral les  maîtres  qui  traitent  leurs  esclaves  avec 
douceur,  avec  humanilé,  qui  les  nounissent 
suflisanuin'ut,  et  ne  les  surclungent  point 
de  travad,  ne  s'en  tiou\entque  uneux.  Il  est 
donc  lAcheux  que  les  Européens,  (jui  ont 
chez  eux  tant  de  douceur,  d'humanité  et  de 
I)hdosopliie,  semblent  être  devenus  brutaux 
et  bai't>arcs,  des  qu  ils  ont  passé  la  ligne  ou 
franchi  l'Océan.  l'uisiiue  l'on  coi. vient  que 
l'esclavage  entraîne  nécessa  rement  des  abus, 
qu'il  est  lrès-dil'iici!e  à  un  maiire  d'être 
juste,  chaste,  humain  envers  ses  esclaves,  il 
y  a  ben  de  la  lémé.ilé  de  la  part  do  tout 
particulier  qui  s'expose  à  c  tte  tentation,  et 
qui,  pour  augmenter  sa  fortune  ,  n'hésite 
point  d(>  risijuer  la  perte  de  ses  vertus. 

Quant  au  zèle  prétendu  pour  la  conversion 
des  nè{/rf.s,  il  y  a  plusieurs  faits  capaldes  de 
le  rendre  fort  suspect.  Quelques  voyageurs 
ont  écrit  que  ceriaines  nations  européennes, 
qui  ont  des  établissements  sur  les  côtes  de 


l'Afrique,  traversent  tant  qu'elles  le  peuvent 
les  travaux  et  les  succès  des  missionnaires  , 
de  peur  que  si  les  nègres  devenaient  chré- 
tiens, ils  ne  voulussent  plus  vendre  d'escla- 
ves. Il  y  en  a  qui  disent  que  certaines  autres 
nations  établies  en  Amérique  ne  se  soucient 
plus  de  faire  instruire  et  ba|)tiser  leurs  ne-  ' 
grès,  parce  qu'elles  se  font  scrupule  d'avoir 
pour  esclaves  leurs  frères  en  Christ.  Voila  du 
zèle  cpii  ne  ressemble  guère  à  celui  des 
apôtres.  Nous  savons  (jue  des  chrétiens  faits 
esclaves  par  des  intidèles  ont  léussi  aulre- 
fnis  à  convertir  leurs  maîtres,  et  même  des 
peuples  entiers;  mais  nous  ne  voyons  point 
d'exemples  de  chrétiens  qui  aient  réduit  des 
inlidèles  en  servitude,  alin  de  les  convertir. 
Ile  n'est  pas  assez  qu'un  dessein  soit  louable, 
il  faut  encore  que  les  moyens  soient  I  giti- 
nies.  Il  y  a  des  missions  de  capucins  et 
il'autres  religieux  dans  la  (luiiiée,  dans  les 
royaumes  d'Oviero,  de  Ben.n,  d'Angola,  de 
Congo,  Loango  et  du  Monomotapa.  \'oilà 
le  véritable  zèle;  mais  il  n'en  est  pas  ainsi 
des  marchands  d'esclaves.  Si  les  [iremiers 
ne  font  [las  beaucoup  de  fruit,  c'est  que  ces 
malheureux  peuples  doivent  être  prévenus 
contre  la  religion  des  Européens  ,  par  la 
conduite  odieuse  de  ceux  qui  la  professent. 
On  se  souvient  des  préjugés  terribles  qu'ins- 
1  ira  aux  Américains  contie  le  christianisme 
la  barbarie  des  Es,)agnols.  l>es  dissertations 
qui  ont  pour  objet  d(!  jusiilier  la  traite  des 
nègres  ressemblent  un  [)eu  trop  aux  diatri- 
bes ])ar  lesquelles  le  docteur  Sépulvéda  vou- 
lait prouver  que  les  Lspagnols  avaient  le 
droit  de  réduire  les  Américains  en  servitude, 
j  mr  les  taiie  travailler  aux  mines,  et  de 
es  traiter  comme  des  animaux;  il  fat  con- 
damné par  l'université  de  Salamanque,  et  il 
méritait  de  l'être.  Nous  ne  faisons  guère 
plus  de  cas  des  déclamations  de  nos  phdo- 
sophes,  depuis  qu'il  est  constant  que  quel- 
ijins-uiis,  qui  alieclaient  le  plus  de  zèle 
l»our  1  humanité,  faisaient  valoir  leur  argent 
en  le  |)laçanl  dans  le  commerce  des  n  grès. 
Par  ces  observât. ons,  nous  ne  croyons  (.oint 
manquer  de  respect  envers  le  gouvernement 
qui  tolère  ce  commerce;  réfuter  de  mauvaises 
raisons,  ce  n'est  fioint  entrejirendre  de  dt»- 
cider  absoluinen  une  question  :  lorscju'on  en 
apportera  de  meilleures,  nous  nous  y  ren- 
drons volontiers.  Les  gouvernements  les 
jilus  équitables,  les  plus  sages,  sont  souvent 
forcés  de  tolérei-  des  abus,  lorsqu'ils  sont 
univei'sellemenl  établis,  comme  l'usure,  la 
prostitution,  les  pillenes  des  traitants,  l'in- 
solence des  nobles,  etc.  Comment  l.ilter 
contre  le  torrent  ties  mœurs,  lorsiiu'il  en- 
traine généralement  tous  les  éla!s  de  la  socié- 
té '/  On  ne  peut  pas  oublier  qu'il  follut  sur- 
]iren;ire  la  religion  de  Louis  Xlll  pour  le 
faire  consentir  à  l'esclavage  des  nègres,  et 
lui  persuader  que  c'>  tait  le  seul  moyen  de 
les  rendre  chrétiens.  On  s'était  déjà  servi  d'un 
jiareil  artilice  pour  séduire  les  ileux  souve- 
rains de  Castille ,  Ferdinand  et  Isabelle,  et 
pour  arracher  d'eux  des  éditspcu  favorables 
aux  Américains.  Vog.  Américains. 
NÉHÉMIE,  est  l'un  des  chefs  ou  gouver- 


999 


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neurs  de  la  nation  juive,  qui  ont  contribué 
à  la  rétablir  dans  la  terre  sainte  après  la 
caplivité  de  Babylone.  On  ne  doit  pas  dire 
qu'il  fut  le  successeur  d'Esdras,  puisque 
ces  deux  chefs  ont  gouverné  ensemble  pen- 
dant plusieurs  années  :  il  paraît  qu'Esdras, 
eh  qualité  do  prêtre,  était  principalement 
occupé  de  la  religion  et  de  la  loi  de  Dieu , 
et  que  Nékémie  était  chargé  de  la  police  et 
du  gouvernement  civil.  Le  premier  objet  de 
la  commission  qu'il  avait  obtenue  du  roi  de 
Perse,  avait  été  de  faire  rétablir  les  murs  do 
la  viile  de  Jérusalem,  et  il  en  vint  à  bout , 
malgré  les  obstacles  que  lui  suscitèrent  les 
ennemis  des  Juifs.  Cet  événement  est  re- 
marquable dans  l'histoire  juive,  puisque 
c'est  à  l'époque  à  laquelle  on  devait  com- 
mencer <\  compter  les  soixante  et  dix  se- 
maines d'années,  ou  les  490  ans.qui  devaient 
encore  s'écouler  jusqu'à  l'arrivée  du  Messie, 
selon  la  prophétie  de  Daniel.  C'est  aussi  à 
peu  près  h  la  même  date  que  se  consomma 
le  schisme  qui  régnait  entre  les  Juifs  et  les 
Samaritains,  et  que  la  haine  entre  ces  deux 
peu[)les  devint  irréconciliable.  C'est  enfin 
a  ce  même  temps  que  Prideaux  rapporte  l'é- 
tablissement des  synagogues  chez  les  Juifs. 
Histoire  des  Juifs,  1.  vi,  tome  I,  p.  229. 

Néhémic  est  sans  contestation  l'auteur  du 
livre  qui  porte  son  nom,  et  que  l'on  appelle 
plus  communément  le  second  livre  d'Esdras; 
mais  la  ilupart  des  critiques  pensent  que  le 
XII'  chapitre  de  ce  livre,  depuis  le  v.  1  jus- 
qu'au V.  2G,  est  d'une  main  plus  récente:  ce 
n'est  qu'une  liste  de  prêtres  et  de  lévites  qui 
avaient  servi  dans  le  temple  depuis  le  re- 
tour de  la  captivité,  et  qui  est  poussée  plus 
loin  que  le  temps  tie  Néhémie.  Elle  inter- 
romiit  le  cours  de  son  histoire,  mais  elle  ne 
forme  aucun  préjugé  contre  la  vérité  des 
faits  ni  contre  l'authenticité  du  livre.  Les 
protestants  se  persuadent  qu'à  cette  époque, 
eu  immédiatement  après,  le  canon  ou  cata- 
logue des  livres  de  l'Ancien  Testament  fut 
clos  et  arrêté  pour  toujours  ;  et  ils  en  con- 
cluent que  ceux  qui  ont  été  éciits  depuis  ce 
temps-là,  tels  que  les  livres  de  la  Sagesse, 
de  l'Ecclésiastique  et  les  deux  des  Machabées, 
ne  doivent  pas  y  être  placés.  Ce  n'est  qu'une 
conjecture  formée  par  nécessité  de  sistème, 
et  qui  n'est  fondée  sur  aucune  |)ri  uve  posi- 
tive. On  ne  voit  pas  pourquoi  les  chefs  de 
la  naiion  postérieurs  à  Es  iras  et  à  Néhémie 
n'ont  pas  eu  autant  d'autorité  qu'eux,  ni 
pourquoi  les  écrivains  plus  récents  ont  été 
privés  du  secours  del'inspiration.  Ce  n'est  pas 
sur  le  simple  témoignage  des  Juifs  que  nous 
recevons  comme  divins  des  livres  de  l'Ancien 
Testament,  mais  sur  celui  de  l'Eglise  chré- 
tienne, instruite  par  Jésus-Christ  et  par 
les  ajtôtres.  Voyez  Bible  d'Avignon  ,  t.  V, 
p.   786. 

NÉO.ViÉNiE,  fête  de  la  nouvelle  lune.  Ces 
fêtes  ont  été  célébrées  i)ar  toutes  les  nations. 
Moïse  nous  en  montre  l'origine  dans  l'his- 
toire de  la  création,  lorsqu'U  dit  que  Dieu  a 
fait  le  soleil  et  la  lune  pour  être  les  signes 
des  temps,  des  jours  et  des  années  (Ge«.  i,  14-). 
Dans  le  premier  âge  du  monde,  lorsque  les 


hommes  ne  savaient  pas  encore  tirer  le  même 
secours  que  nous  des  lumières  artificielles, 
il  leur  était  naturel  de  voir  avec  joie  la  lune 
reparaître  au  commencement  do  la  nuit,  et 
c'est  de  ce  moment  que  l'on  comptait  un 
nouveau  mois.  Rien  n'éait  donc  plus  iimo- 
cent  dans  l'origine  que  la  fête  de  la  neom^rete. 
Yoij.  Vllistoire  religieuse  du  Calendrier,  c. 
10,'  p.  281. 

Lorsque  les  peuples  se  furent  avisés  de 
diviniser  les  astres,  les  fêtes  de  la  nouvelle 
lune  deviiu'ent  un  acte  d'idolâtrie  et  une 
source  de  superstitions.  Moïse  ne  défendit 
]:oint  cette  fête  aux  Juifs,  elle  était  plus  an- 
cienne qu'eux  ;  il  leur  prescrivit  au  contraire 
les  offrandes  et  les  sacrifices  qu'ils  devaient 
faire  {ISum.  xxviii,  11):  mais  il  défendit  sé- 
vèrement toute  espèce  de  culte  rendu  aux 
astres  [Deut.  iv,  19).  Dans  le  iisaume  lxxxi 
V.  4,  il  est  dit  :  «  Sonnez  de  la  trom,  ette  à 
la  néoménie.  »  C'était  pour  annoncer  le  nou- 
veau mois  et  les  fêtes  qu'il  y  aurait  à  célé- 
brer pendant  sa  durée;  on  annonçait  encore 
plus  solennellement  le  premier  jour  de  l'an- 
née. Ce  n'était  point  là  une  imitation  des 
fêtes  païennes,  comme  le  prétend  Spencer, 
mais  un  usage  très-raisonnable  plus  ancien 
que  le  paganisme.  A  la  vérité  les  Juifs  imi- 
tèrent souvent  dans  celte  occasion  les  su- 
perstitions des  païens;  alors  Dieu  leur  dé- 
clara qu'il  détestait  ces  solennités  et  que  ce 
culte  lui  était  insup|)ortable  (Isa.  i,  13  et 
14).  Les  chrétiens  mêmes ,  dans  plusieurs 
contrées,  eurent  d'abord  de  la  peine  à  re- 
noncer aux  folles  réjouissances  auxquelles 
les  païens  se  livraient  le  premier  jour  de  la 
lune;  il  fallut  les  défendre  dans  plusieurs 
conciles.  Quand  on  connaît  les  mœurs  des 
peuples  de  la  campagne  et  la  facilité  avec 
laquelle  la  jeunesse  se  livre  à  tout  ce  qui 
excite  la  joie,  on  n'est  pas  surpris  des  ob- 
stacles que  les  pasteurs  ont  eus  à  vaincre 
dans  tous  les  temps  pour  déraciner  tous  les 
désordres.  Voy.  Trompettes. 

NÉOPHYTE,  terme  grec  qui  signifie  nou- 
velle plante;  on  nommait  ainsi  les  nouveaux 
chrétiens  ou  les  païens  convertis  depuis  peu 
à  la  foi,  parce  que  le  baptême  qu'ils  rece- 
vaient était  regardé  comme  une  nouvelle 
naissance.  Saint  Paul  ne  veut  [las  qu'on 
élève  les  néophytes  aux  ordres  sacr;'s,  de 
peur  que  l'orgueil  n'ébranl.j  leur  vertu  en- 
core m. il  affeimie  (/  Tiin.ui,  G).  11  y  a  néan- 
moins dans  l'histoire  ecclésiastique  quelques 
exemples  du  contraire,  comme  la  promotion 
de  saint  Ambroise  à  réi)iscop,it  ;  mais  ils  sont 
rares.  On  appelle  encore  aujourd'hui  néo 
pliytes  les  prosélytes  que  font  les  mission- 
nanes  chez  les  infidèles.  Les  néophytes  du 
Ja|.on,  sur  la  fin  du  xvi'  et  au  commence- 
ment du  xvii°  siècle,  ont  montré  dans  les 
persécutions  et  les  touriuents  un  courage  et 
une  fermeté  de  loi  dignes  des  premiers 
siècles  de  l'E-glise  :  il  en  a  été  de  même  de 
plusimirsChinois  nouvellement  convertis. On 
a  enfin  nommé  autrefois  néophytes  les  clercs 
ordonnés  dejmis  peu,  et  les  novices  dans  les 
monastères. 

NERGAL,  ou  NERGEL,  nom  d'une  idole 


lool 


^•ES 


NES 


lOOÎ 


lies  Assyriens.  Il  est  dit  (IV  Reg.  xvii),  que 
i(j  loi  d'Assyrie,  ajjrès  yvoir  transporté  dans 
ses  Etats  les  sujets  du  royaume  d'Israël, 
envoya,  pour  repeufiler  la  Saniarie,  des  Ba- 
byloniens, (les  (  Aitliéens,  des  peuples  d'Avah, 
d'Kniatli  et  de  Safiliarvaïm  ;  que  ces  (''tran;^ers 
joignirent  au  culte  du  Seigneur  \o.  culte  des 
idoles,  auquel  ils  étaient  aceoutunic^s;  que 
l'S  lïaliyloniiMis  firent  Socoth-Henoth ,  Irs 
<;utliéens  Nrrç/el,  li's  iMuatiiéens  Asiina,  les 
f!t'v(''ens  Nébahuz  et  Tlutrlhac;  ipie  ceux  de 
Scpharvaiui  hrillaient  leurs  entants  îi  l'Iion- 
neur  <XAdramclirh  et  Aiuiiiie'lech  leurs  dieux. 
Il  n'est  |ias  ais(''  d'assit^ner  |iréeiséiui'nt  les 
diverses  contrées  de  l'Assyrie  desquelles  ces 
dillérents  [)euples  furent  tin's,  et  il  est  en- 
cori!  l)lus  diili<'ile  d'expliquer  les  noms  de 
liuirs  dieux.  Seldcn,  dans  siin  Iraité  ilc  Diis 
Si/rii):,  pense  que  Socoth-Iifnolh  si^'iiilie  d.  s 
lenles  j)our  IfsjUles  ;  c'i'tait  un  lieu  de  (iros- 
litulioii.  Svrijid  ou  Ncrgrl  est  la  fonlnine  du 
feu;  c'était  un  jiyrée  dans  lequel  les  Perses 
rendaient  un  culte  au  fiu,  comme  l'ont  en- 
core aujouid'liui  les  parsis.  On  lu;  doit  pas 
écouter  les  rabbins,  (pii  prétendent  que  .(>■(- 
ma,  Ncbaltaz  et  Thaithnc  sont  trois  idoles, 
dont  la  première  avait  la  tète  d'nn  bouc,  la 
seconde  la  tète  d'un  c'iicn,  la  trtMsiéme  la 
tète  d'un  Ane  ;  il  est  j)lus  [probable  que  ce 
sont  trois  noms  assyriens,  (jui  désignent  le 
sol  il,  aussi  bien  cpie  Anamélcch  et  Adramé- 
ledi  ;  ces  d  ux  derniers  signilicnt  te  grand 
roi,  le  souverain  de  1,1  nature.  On  ne  sait  pas 
si  ces  nouveaux  liubiiauts  de  la  Sam;)rie  ont 
persévéré  pendant  longterups  dans  le  culte 
des  faux  dieux.  Deux  cents  ans  après  leur 
arrivée,  lorsque  les  Juifs  furent  de  retour  de 
leur  captivité,  Ksdras  et  Néhéinie,  quoique 
ennemis  des  Samaritains,  ne  leur  reprociient 
point  l'idoliUrie;  le  temple,  que  ces  derniers 
b.ltirent  à  cette  époque  sur  le  mont  Garizim, 
parait  avoir  été  élevé  à  l'iionneur  du  vrai 
Dieu,  et  à  l'imitation  de  celui  de  Jérusalem. 
Jésus-Christ  dit  à  la  Samaritaine  {Joan.  iv, 
22)  :  Vous  adorez  ce  que  vous  ne  connaisse: 
pas  ;  mais  cela  ne  prouve  point  que  les  Sa- 
maritains aient  adoré  de  faux  dieux.  Voy. 
Samaritains. 

NESTOKIANISME,  NESTORIENS.  Ce  qui 
regarde  cette  liéiésie  est  sujet  à  plusieurs 
discussions.  Il  faut,  1°  la  considérer  d;uis  son 
origine  et  telle  que  Nestorius  l'a  enseignée; 
2°  voir  si  c'est  une  hérésie  réelle  ou  seule- 
ment apparente;  3"  l'examiner  sous  la  nou- 
velle forme  ([u'elle  prit  dans  la  Perse  et  dans 
la  Mésopotamie  au  v'  siècle;  4°  la  suivre  aux 
Indes  sur  la  cùte  de  Malabar,  oii  elle  a  été 
retrouvée  au  xvi*. 

Nestorius,  auteur  de  l'hérésie  qui  porte 
son  nom,  était  né  dans  la  Syrie,  et  avait 
embrassé  l'état  monastique;  il  fut  placé  sur 
le  siège  de  Constantinojtle  l'an  428.  Il  avait 
de  res[)rit,  de  l'éloquence,  un  extérieur  iiid- 
deste  et  mortifié,  mais  beaucoup  d'orgueil, 
un  zèle  très-jieu  charitalile,  et  presque  [)0int 
d'érudition.  Il  commença  par  faire  chasser 
de  ConstaHtiiKijilo  les  ariens  et  les  macédo- 
niens, lit  abattre  leurs  églises,  et  obtint  de 
l'emiiereur  ïliéodose  le  Jeune  ries  édits  ri- 

DlCTIONN.    VE  TUÉOL.   DOGMATIQUE.    III 


goureux  pour  les  exterminer.  Instruit  par  1ns 
écrits  do  Théodore  de  Mopsueste,  il  y  av;:it 
puisé  une  doctrine  erronée  sur  le  mystère 
de  rineariiation.  Un  de  ses  prêtres,  nommé 
Anastaso,  avait  prêché  que  l'on  ne  devait  ]ias 
appeler  la  sainte  Vierge  ntèr»  de  Dieu,  mais 
seulement  inèri'  du  Christ,  parce  que  Di(;a 
ne  peut  pas  n;iîti('  d'une  créature  humaine. 
Cette  doctrine  souleva  le  peuple.  Nestorius, 
loin  d'a|iaiser  le  scandale,  l'augmenta  eu 
soutenant  la  même  erreur;  il  enseigna  qu'il 
y  avait  en  Jésus-i^hrist  deux  personnes.  Dieu 
et  l'Iiomme;  (pie  l'homme  était  né  do  Marie, 
et  non  Dieu;  d'où  il  s'ensuivait  (ju'entre 
Dieu  et  l'homme  il  n'y  avait  (las  une  union 
substantielle ,  mais  srulement  une  union 
d'alfections,  devolontéset  (ro|iérati(»ns.  (]e;te 
nouveauté  échaull'a  et  divisa  les  esjirits  non- 
seulement  à  Constaiitinople,  mais  parmi  les 
moines  d'Egyjjte  auxi|uels  les  écrits  de  Nes- 
torius furent  communicpiés.  Saint  Cyrille, 
patriarche  d'Alexandrie,  consuJté  sur  cette 
question,  répondit  (ju'il  aurait  été  beaucoup 
mieux  de  s'abstenir  de  l'agiter;  mais  que 
Nestorius  lui  paraissait  être  dans  l'erreur. 
Celui-ci,  informé  de  cette  décision,  s'emporta 
contre  saint  C.\rille,  lui  fit  répondre  avec 
hauteur,  et  lui  reprocha  d'exciter  des  trou- 
bles. Le  patriarche  d'Alexandrie  lépliquaque 
les  troubles  venaient  de  Nestorius  lui-nièine, 
(lu'il  ne  tenait  qu'à  iui  de  les  apaiser,  en 
s  expliquant  d'une  manière  plus  orlhodoxe, 
et  en  tenant  le  même  langage  que  les  catho- 
liques. Tous  deux  en  écrivirent  au  jiape  saint 
Célestin,  pour  savoir  ciMju'il  en  pensait;  ce 
pontife  assembla,  au  mois  d'août  de  l'an  kSO, 
un  ciincile  à  Rome,  quiap[)rouva  la  doctrine 
de  saint  Cyrille,  et  cou  iamna  celle  de  Nes- 
torius. Au  mois  de  novembre  suivant,  saint 
Cyrille  en  assembla  un  autre  en  Egypte,  où 
la  décision  de  Home  fut  approuvée  ;  il  dressa 
une  profession  di;  foi  et  douze  anathèmes 
contre  les  divers  articles  de  la  doctrine  de 
Nestorius;  celui-ci  n'y  répondit  que  par 
douze  anathèmes  opposés.  Cette  contestation 
ayant  été  communi  juée  à  Jean,  patriarche 
d'Antioche,  et  à  Acace,  évoque  de  Hérée,  ils 
jugèrent  Nestorius  condainiiable ,  mais  il 
leur  parut  que  saint  Cyrille  avait  relevé  trop 
durement  ([uelques  exjiressioiis  susceptibles 
d'un  sens  orthodoxe,  et  ils  l'exhortèrent  à 
étoulfer  cette  dis[iute  par  son  silence.  Comma 
elle  continuait  de  part  et  d'autre  avec  beau- 
coup de  chaleur,  l'empereur,  pour  la  termi- 
ner,  indiqua  un  concile  général  à  Ephèse 
pour  le  7  juin  de  l'an  '1.31.  Nestorius  et  les 
évèques  d'.Vsie  y  arrivèrent  les  premiers; 
saint  Cyrille  s'y  rendit  avec  cintpiante  évo- 
ques d'Afrique,  et  Juvénal,  iiatriarrlie  de  Jé- 
rusalem, avec  ceux  de  sa  province.  Pour  Jean 
d'Antioche,  qui  était  accompagné  de  qua- 
rante évèques,  il  ne  se  pressa  pas  d'arriver; 
il  manda  cependant  à  ceux  qui  étaient  déjà 
réunis  à  Eplièse,  que  ni  lui  ni  ses  collègues 
ne  trouveraient  pas  mauvais  que  le  concile 
fiil  commencé  sans  eux.  La  première  séance 
fut  tenue  le  22  juin  ;  saint  Cyrille  y  présida, 
comme  chargé  de  cette  commission  par  le 
pape  Célestin.  Nestorius,  cité  par  le  concile, 

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refusa  de  comparaître  avant  que  Jean  d'An- 
tioche  et  ses  collègues  fussent  arrivés;  mais 
l'absence  de  quarante  évoques  devait-elle  en 
retenir  deux  cents  dans  l'iiiaction?  Le  con- 
cile, après  avoir  examiné  les  écrits  de  Nes- 
torius,  le  condamna  oê  le  déposa,  et  approuva 
ceux  (pie  saint  C)rille  avait  faits  contre  lui. 
Jean  d'AjI'iot'^'e  n'arriva  que  so))t  jouis 
après.  Sans  attendre  qu'on  lui  rendît  compte 
de  ce  qu'avait  f;dt  le  concile,  sans  vouloir 
même  en  écouler  les  députés,  il  tint  dans 
son  auberge  une  assemblée  de  quarante-lrois 
évoques,  dans  laquelle  il  déposa  et  excom- 
munia saint  Cyrille.  Qui  lui  avait  dunné  cette 
autorité'?  Les  députés  du  jiape,  cpii  arrivè- 
rent quelques  jours  après,  tinrent  une  con- 
duite tout  opposée;  ils  se  joignirent  à  saint 
Cyrille  et  au  concile,  ils  souscrivirent  h  la 
condamnation  de  Nestorius  et  ?i  la  sentence 
de  déposition  qiie  le  concile  prononça 
contre  Jean  d'Antioche  et  contre  ses  adhé- 
rents. Ainsi  la  décision  du  concile  d'Ephèsc, 
loin  de  terminer  la  dispute,  la  rendit  plus 
confuse  et  plus  animée;  les  deux,  partis  se 
^^regardèrent  uuituellement  comme  excom- 
muniés; ils  écrivirent  î\  l'empereur  cliacun 
de  leur  côté,  et  trouvèrent  l'un  et  l'autre  des 
{lartisans  à  la  cour.  Théodose  trompé  voulait 
d'abord  que  Nestorius  et  saint  Cyrille  de- 
meurassent déposés  tous  les  deux;  mais, 
mieux  informé,  il  exila  Nestorius  et  renvoya 
Je  ])alriaratie  d'Alexandrie  dans  son  siège. 
Trois  ans  après,  Jean  d'Antioche  reconnut 
son  tort,  se  réconcilia  avec  saint  Cyrille,  en- 
gagea la  plu]iart  des  évoques  de  sa  faction  k 
faire  de  même;  et  comme  Nestorius,  retiré 
dans  un  monastère  près  d'Anlioc'ie,  dogmati- 
sait et  cabalait  toujours,  Jean  demanda  qu'il 
f(1t  éloigné.  L'empereur  le  relé-:;ua  d'abord  à 
Pétra  tlansl'Ai'abie,  ensuite  au  désert  d'Oasis 
en  Egypte,  où  il  mourut  misérable,  sans 
avoir  Voulu  abjurer  S(jn  erreur.  11  faut  re- 
marquer que  jamais  Jean  d'Antioche  ni  les 
évoques  de  son  parti  n'ont  iléclaré  que  la 
doctrine  de  Nestorius  était  orthodoxe;  mais 
il  leur  paraissait  ([ue  celle  de  saint  Cyrille, 
dans  les  anathèmes  qu'U  avait  prononcés 
contre  Nestorius  au  concile  d'Alexandrie,  en 
'(30,  ne  l'était  pas  non  plus.  Lorsque  saint 
Cyrille  les  eut  expliqués,  et  eut  satisfait  ses 
accusateurs,  ils  reconniu-ent  son  orthodoxie. 
Pourquoi  Nestorius  ne  flt-il  pas  do  môme, 
lorsque  Jean  d'Antioche  l'y  exhortait?  Un 
grand  nombre  de  partisans  de  cet  hérétique 
ne  furent  pas  plus  dociles  que  lui;  proscrits 
[)ar  l'empereur,  ils  se  retirèrent  dans  la  Mé- 
sopotamie et  dans  la  Perse,  où  ils  fondèrent 
des  églises  schismatiques.  Avant  de  consi- 
dérer le  ncsiorianifunc  dahs  ce  nouvel  état, 
il  faut  examiner  si  la  doctrine  de  Nestorius 
était  vérilablemont  hérétique,  ou  s'il  ne  fut 
condamné  que  par  un  malentendu. 

IL  Le  nestorianisme  est  véritablement  une 
hérésie.  Les  protestants,  défenseurs-nés  de 
toutes  les  erreurs  et  de  tous  les  hérétiques, 
ont  fait  ce  qu'ils  ont  pu  |)our  justifier  Nes- 
torius. Ils  ont  dit  que  cet  Iiomme  (léchait 
jilutôt  dans  les  expressions  que  dans  le  fond 
des  sentiments;  qu'il  ne  rejetait  le  titre  de 


mère  de  Dieu  qu'à  cause  de  l'abus  que  l'on 
en  pouvait  faire;  que  cette  hérésie  prétendue 
n'aurait  pas  fait  tant  de  bruit  sans  le  carac- 
tère ardent,  brouillon,  ambitieux  et  arrogant 
de  saint  Cyrille;  (jm;  cc]iatriarche  d'Alexan 
drie  se  conduisit  par  orj,ueil  et  par  jalousie 
contre  Nestorius  et  contre  Jean  d'Antioche, 
|ilutôt  que  par  zèle  pour  la  foi  ;  que  sa  doc- 
trine était  encore  moins  orthodoxe  que  celle 
de  son  adversaire.  Ils  ont  soutenu  que  le" 
concile  d'Ephèse  avait  agi  dans  cette  afl'aire 
contre  toutes  les  règles  de  la  justice,  et  avait 
condamné  Nestorius  sans  vouloir  l'entendre. 
Luther,  premier  auteur  do  cette  accusation, 
a  entraîné  h  sa  suite  la  foule  des  protestants, 
Bayle,Basnage,Saurin,LeClerc,LaCroze,etc. 
Moslieim  plus  modéré  avait  également  blAmé 
Nestorius  et  saint  Cyrille;  son  traducteur  l'a 
trouvé  très-mauvais;  il  excuse  Nestorius  et 
rejette  toute  la  faute  sur  le  patriarche  d'A- 
lexandrie. A  l'article  Saint  Cyrille,  nous 
avons  justifié  ce  Père,  et  nous  avons  fait  voir 
qu'il  a  eu  de  justes  motifs  de  faire  ce  cpiilafait. 
Pour  rendre  sa  conduite  odieuse,  ses  accu- 
sateurs passent  sous  silence  plusieurs  faits 
essentiels.  Ils  ne  parlent  ni  des  raisons 
qu'eut  saint  Cyrille  d'entrer  dans  cette  dis- 
pute, ni  des  lettres  très-modérées  qu'il  écrivit 
à  Nestorius,  ni  des  réponses  injurieuses  de 
celui-ci,  ni  de  sa  condamnation  prononcée  à 
Bomo  sur  ses  propres  écrits,  ni  de  l'invita- 
tion que  loi  fit  Jean  d'Antioche  son  ami  de 
s'expliquer  avant  le  concile  d'Ephèse,  ni  de 
la  commission  que  saint  Cyrille  avait  reçue 
du  pape  do  présider  à  ce  concile ,  ni  de  la 
paix  qui  se  conclut  trois  ans  après  entre  ce 
Père  et  les  Orientaux  qui  abandonnèrent 
Nestorius.  Mosheim  méprise  Vllistoire  du 
Nestorianisme,  donnée  par  le  Père  Doucin; 
mais  cet  historien  a  pris  toutes  ses  preuves 
dans  Tillcmont,  qui  cite  tous  les  f.iits  et  les 
pièces  originales.  Mém.,  t.  XIV,  p.  307  et 
suiv.  Au  mot  Ephèse,  nous  avons  prouvé 
que  le  concile,  qui  y  fut  tenu  en  'i31,  a  pro- 
cédé selon  toutes  les  lois  ecclésiastiques; 
que  Nestorius  refusa  0]iiniàtr(''ment  d"y  com- 
paraître ,  et  résista  aux  invitations  de  ses 
amis;  que  sa  doctrine  était  très-connue  des 
évoques,  par  ses  proiiros  écrits,  par  ses  ser- 
mons ,  par  les  discours  même  qu'il  avait 
tonus  à  Ephèse,  en  conversant  avec  eux; 
que  l'absence  atfectée  de  Jean  d'Antioche  et 
de  ses  collègues  ne  forme  aucun  préjugé 
conti'o  la  décision,  puisqu'aucun  d'eux  n'a 
jamais  osé  soutenir  que  la  doctrine  de  Nes- 
torius étHit  orthodoxe.  Enfin,  au  mot  Mi-uik 
DE  Dieu,  nous  avons  montré  que  ce  titr(' 
donné  à  Marie  est  très-conforme  à  l'ECriture 
sainte,  que  c'est  le  langage  des  anciens  Pè- 
res, qu'il  ne  peut  donner  lieu  k  aucun  abus, 
k  moins  qu'il  ne  soit  mal  interprété  par 
malice. 

11  nous  reste  k  prouver  que  l'opinion  de 
Nestorius  était  une  hérésie  formelle  et  très- 
perni(;ieuse,  contraire  k  l'Ecriture  sainte  et 
au  dogme  de  la  divinité'  de  Jésus-Christ. 
Saint  Jean  dit  (i,  1  et  14),  que  Dieu  le  Verbe 
s'est  fait  chair.  L'ange  dit  k  Marie  {I.uc.  m, 
15)  :  Le  Saint  qui  naîtra  de  vous  sera  appelé. 


IGOS 


NES 


NES 


iOOC 


ou  sera  le  Fils  de  Dira.  Selon  saint  i'aiil,  lo 
l'ils  (le  Dieu  n  élt\  f;iit  ou  est  né  du  sang  tic 
Dcivid  selon  la  ehnir  {Hom.  i,  3).  Dieu  a  en- 
V(3yé  son  Fils  fait  d'iuie  feintrie  [Galnt.  iv,  4). 
Saint  Ignaee,  disiipie  des  apôtres,  dit  dans 
sa  lettre  aux  Kphésiens,  n.  7,  que  Notre- 
Sei;j;Meur  Jésus-Christ  est  Diiui  existant  dans 
riioinnie,  qu'il  est  de  Marie  et  de  Dieu; 
n.  18,  ([lie  Jésus-Ciu'ist  notre  Dieu  a  été 
porté  dans  le  sein  de  Marie.  Suivant  ce  lan- 
ijage  apostoli(|iie,  w\  il  i'aut  coul'esser  que  la 
personne  divine,  Dieu  le  Verlie,  Di(ui  le 
ImIs,  est  né  de  Marie  et  (pie  Marie  est  sa 
'.uère,  ou  il  faut  a(liiietti'(!  en  Jésus-Christ 
deux  [lersonnes,  la  personne  divine  et  la 
pei'soniie  liuiuair.e,  dont  la  seconde  est  née 
de  ^^arie,  et  non  la  première.  Alors  en  Jésus- 
(ihrist  la  ilivinilé  et  riiunianité  ne  subsistent 
plus  dans  runil(!  de  personne  ,  l'union  qui 
est  enire  elle  n'est  plus  hiipostatiquc  ou 
substantielle.  Il  ne  peut  y  avoir  entre  les 
deux  personnes  qu'une  union  spirituelle, 
une  iiihabitation,  un  concert  de  volontés, 
d'affections  et  d'o|iérations,  connue  il  y  en 
avait  une  entre  le  Saint-Esprit  et  Marie, 
lorsqu'il  descendit  en  elle.  Dans  cette  liy- 
piithôse,  on  ne  peut  pas  dire  avec  [)lus  cle 
vérité  que  Jésus-Christ  est  Dieu,  qu'on  no 
peut  le  dire  de  sa  sainte  nifre.  Jésus-Christ 
n'est  plus  ni  un  lionnue-Dicu  ni  un  Dieu- 
liomme,  mais  seuleinent  un  homme  uni  à 
Dieu,  i]  n'y  a  pas  plus  d'incarnation  dans 
Jésus-Christ  (jue  dans  la  sainte  Vierge.  Nos- 
torius,  quoique  mauvais  théologien,  le  com- 
juit.  lorsque  le  préiro  Anastase  eut  dit  en 
chaire  :  «  Que  personne  n'appelle  Marie 
mrre  de.  Dieu:  Marie  est  une  créature  hu- 
maine :  Dieu  ne  p'Ut  naître  d'une  femme.  » 
Neslorius  ne  désavoua  ]>as  plus  la  seconde 
propusilion  (jue  la  première  ;  il  soutint  éga- 
lement l'une  et  l'autre  dans  ses  écrits.  Il 
ajouta  :  Je  n  appellerai  jamais  Dieu  an  enfant 
de  lieux  ou  trois  mois.  Eva'-,'re,  Hist  eceles., 
I.  I,  c.  2.  On  prétend  (ju'il  répéta  ces  mômes 
paroles  à  Ephèse  dans  une  conférence  qu'il 
eut  avec  quehjues  évèques.  Socrate,  liv.  vu, 
c.  34.  Conséquemmcnt  il  fut  obligé  d'ad- 
mettre deux  Clirists,  l'un  Fils  de  Dieu,  l'au- 
tre Fils  de  Marie.  Vincent.  Lirin.Commonit., 
c.  17. 

Marins  Mercator  a  conservé  plusieurs  des 
sermons  de  Nestorius.  Dans  le  second  qu'il 
lit  pour  soutenir  son  erreur,  il  prétendait 
(pi'on  ne  doit  pas  dire  que  Dieu  le  \erbe 
Soit  né  de  la  Vierj;e  ni  (pi'il  soit  mort,  mais 
seulement  (ju'il  était  uni  h  celui  ijui  est  né 
et  ([ui  est  mort.  Tillemont,  ibidem.,  |)ag.  316, 
317.  Dans  un  autri',  il  soutenait  (pie  le  Veibe 
n'était  pas  né  de  Mari(\  mais  ([u'il  habitait  et 
était  uni  inséparablement  au  fils  de  .Marie, 
pag.  3t8.  Il  parlait  de  même  dans  son  sep- 
tième sermon  qu'il  envoya  ])ar  bravade  à 
saint  Cyrille,  page  338.  D.ins  ceux  qu'il 
adressait  au  papi'  Célestin,  il  disait  qu'il  ad- 
mettrait le  terme  de  mère  de  Dieu,  pnurvu 
([u'on  ne  crût  pas  (pic  le  Verbe  est  né  de  la 
Vierge,  parce  (pie,  dit-il,  personne  n'engen- 
dre celui  qui  était  avant  lui.  Dans  une  lettre 
au  même  pape,  il  se  plaignait  de  ceux  qui 


attribuaient  au  Verbe  incarné  les  faiblesses 
do  la  iiMluro  humaine.  Dans  le  premier  des 
anatbèmes  (pi'il  opjiosa  à  ceux  de  saint  Cj'- 
rill(N  il  analhématise  ceux  qui  diront  que  Em- 
nianuel  est  le  Verbe  de  Dieu,  et  ((ue  la  sainte 
Vierge  est  mère  du  Verbe.  Dans  le  cin- 
quième, ceux  qui  diront  que  lo  Verbe,  après 
avoir  pris  riioinme,  est  un  seul  Fils  de  Dieu 
par  nature.  Dans  le  sei)tième,  il  soutient  que 
l'homme  né  de  la  Vierge  n'est  jioint  le  Fils 
uni(jue  du  Père,  mais  (pi'il  reijoit  seulement 
ce  nom  par  participation,  à  cause  de  son 
union  avec  le  Fils  nniipie.  Dans  h;  dixième, 
il  soutient  que  ce  n'est  |)oiut  le  A'erbe  éter- 
nel (jui  est  notre  pontife,  et  ([ui  s'est  olfcrt 
pour  nous,  p.  3'i3,  3'i  V,  3G1),  etc  Or  cette 
union  (pi'il  admettait  entre  le  Verbe  et  lo 
Fils  de  Marie  était  seulement  une  union 
(l'halutation,  de  jinissance,  de  majesté,  etc.  ; 
jamais  il  n'a  voulu  admettre  une  union  hy- 
postatique  ou  substantielle.  Selon  lui,  (Ui  ne 
peut  ]»as  dire  qu(;  Dieu  a  envoyé  le  Verbe, 
p.  3(i7,  3G8.  Voilà  ce  qui  scandalisa  les  lidè- 
les  deConstantinoiile,  cequ!  fut  condamné  à 
Rome,  ce  qui  fut  réfuté  par  saint  Cyrille, 
par  .Marins  Mercator  et  par  d'autres,  mémo 
par  Théodoret,  ce  (jui  fut  anathéraatisé  par 
le  concile  d'E|ihèsç,  et  ensuite  par  celui  do 
Chalcédoine;  jimais  Neslorius  n'en  a  voulu 
rétracter  un  seul  mol.  Nous  demandons  h 
ses  apologistes  s'il  y  a  une  seule  d(!  ses  pro- 
positions ([ui  ne  soit  pas  formellement  con- 
traire h  l'Ecriture  sainte,  et  qui  soit  suscep- 
tible d'un  sens  catholique. 

Quand  nous  n'aurions  pas  les  écrits  ori- 
ginaux de  Nestorius,  pourrait-on  nous  per- 
suader que  les  papes  saint  Céleslin  et  saint 
Léon,  les  conciles  d(^  Home,  d'Ephèso  et  de 
Chalcé:loine,  les  amis  mômes  de  Nestorius, 
comme  Jean  d'Antioche,  Théodoict,  Ibas, 
évèque  d'Edesse,  etc.,  (jui,  ajirès  avoir  i)ré- 
suru(5  d'abord  sa cUliolicité,  l'ont  enlin  aban- 
(lonné  à  s(ui  opiniâtreté,  n'ont  rien  (O  m  pris 
<i  sa  doctrine,  ou  l'ont  mal  inlerpréti'e,  aussi 
bien  {{im  saint  Cyrille?  Nous  verrons  ci- 
après  (jue  la  doctrine  i)rofessée  aujouid'hui  ' 
par  les  nestoriens  est  encore  la  môme  quo 
celle  ((u'enseignait  le  patriarche  de  Constan- 
tinofile;  ces  sectain^s  ont  toujours  révéré 
Nestorius,  Théodure  de  Mopsueste  et  Dio- 
dore  de  Tarse,  comme  leurs  li'ois  princi- 
paux maîtres.  Les  apologistes  de  Nestorius 
disent  que  l'on  (icut  abuser  du  titre  de  mère. 
de  Dieu;  (|ue  Nestorius  le  rejetait  unique- 
ment |jarce  (pi'il  lui  ))aiaissait  favoriser  l'hé- 
T'^sie  d'A|)ollinaire.  Mais  l'on  p(îut  abuser 
également  des  passages  de  l'Etriture  sainte 
que  nous  avons  cit'''S;  c'est  de  ces  passages 
mômes  qu'Apollinair.'  abusait  puur  appuyer 
son  eireiif.  Il  soutenait  i(ue  le  Verbe  diviis 
avait  pris  un  corps  humain  et  uneàme,  mai* 
jrrivée  d'entenilemeiit  humain,  et  que  la  |>ré 
seiice  du  ^'erbc  \  suppléait;  quelques-uns, 
de  ses  disciples  enseignaient  que  le  Verbe 
divin  avait  [iris  un  cori)s  humain  sans  âme, 
parce  que  saint  Jean  a  dit  que  le  \'erl,-e  .?'.-sr 
fait  chair,  et  saint  l'aul,  (pie  le  Fils  ùv  Dieu 
a  été  fait  du  sang  de  David  selon  la  chair, 
sans  faire  mention  d'une  âme  iiumaiue.  l\ 


100" 


NES 


NËS 


1008 


n'y  a  aucune  iireuvo  que  les  ariollinaris'LCs 
se  soient  jamais  servis  du  titre  de  mère  de 
Dieu  pour  étayor  leur  opinion.  Par  là  on 
voit  évidemment  l'ignorance  ou  la  mauvaise 
foi  de  Nestorius,  qui  traitait  ses  adversaires 
d'ariens  et  d'a|iollinarislcs  ;  c'est  lui-môme 
qui  tombait  dans  l'arianisme,  puisqu'il  s'en- 
suivait de  sa  doctrine  que  Jésus-Christ  n'est 
pas  réellement  et  substantiellement  Dieu, 
qu'en  lui  l'humanité  n'est  point  substan- 
tiellement unie  à  la  Divinité,  mais  morale- 
ment. La  vraie  raison  de  l'entêtement  de  cet 
hérésiarque  est  qu'il  était  imbu  des  erreurs 
de  Théodore  de  Mopsueste  et  de  Diodore 
de  Tarse.  Aussi  s'euiporisit-il  contre  ceux 
qui  attribuaient  au  Verbe  incarné  les  faibles- 
ses de  la  nature  humaine,  et  h  Jésus-Christ 
homme  les  apanng.'s  de  la  Divinité.  Tille- 
mont,  ibid.,  p.  3i-.3,  W*.  S'il  avait  raison,  les 
apôtres  ont  eu  tort  de  dire  que  le  Fils  de 
Dieu  est  né  d'une  femme,  qu'il  est  né  du 
sang  de  David,  que  le  sang  du  Fils  de  Dieu 
nous  purifie  de  nos  péchés  (/  Joan.  i,  7)  ; 
que  le  Verbe  s'est  fait  chair,  etc.  Voilà  les 
faiblesses  de  l'Iiumanité  attribuées  au  Fils 
de  Dieu,  au  Verbe  incarné.  Jean  d'Anlioche, 
ami  de  Nestorius,  était  trés-Lien  fondé  à  lui 
représenter  qu'il  avait  tort  de  rejeter  le  titre 
de  mère  de  Dieu,  dont  les  Pères  s'étaient 
servis,  qui  exprimait  la  foi  de  l'Eglise,  et 
que  ))ersonne  n'avait  encore  bhlmé;  que  s'il 
rejetait  le  sens  attaché  à  ce  terme,  il  était 
dans  une  grande  erreur,  et  s'expusait  à  rui- 
ner entièrement  le  mystère  de  l'iucarnalion. 
Tillem ont,  ib.,  p.  35'i-,  355.  Mais  Nestorius 
ne  voulait  recevoir  des  conseils  de  personne. 
Une  chose  lemarqiiahle  est  que  nous  voyons 
les  protestants  plus  ou  moins  portés  à  jus- 
lilier  Nestorius,  kpro[iortion  de  hur inclina- 
tion au  socinianlsme.  Plusieurs  théologiens 
anglicans  conviennent  sans  difdculté  que 
Nestorius  fut  légitimement  condaunié;  Mos- 
heim,  (lui  n'était  que  luthérien,  blâme  éga- 
lement Nestorius  et  saint  Cyrille;  son  tra- 
ducteur, qui  est  pour  le  moins  calviniste, 
absout  le  premier,  condamne  absolument  le 
second,  et  lui  attribue  tout  lo  mal  qui  est 
arrivé.  C'est  la  manière  de  jienser  des  soci- 
niens.  Richard  Simon  avait  accusé  saint 
Jean  Clirysostoino  d'avoir  parlé  de  Jésus- 
Christ,  comme  Nestorius.  M.  Bossuet  dans 
sa  Défense  de  la  tradition  et  des  Pères,  I.  iv, 
c.  3,  a  justifié  saint  Jean  Chrysostome  ;  il  a 
fait  voir  que,  selon  Nestorius  et  selon  Théo- 
dore de  Mo|)suesle  son  luaîlre,  Jésus-Christ 
n'était  Dieu  que  par  adoption  et  par  repré- 
sentation. 

III.  Etat  du  nestorianisme  après  le  concile 
d'Ephèse.  Le  savant  Assémani  en  a  fait  exac- 
tement l'histoirr,  Bihliotli,  orient.,  tome  IV, 
c.  4  et  suiv.  Nous  avons  déjà  remarqué 
qu'apiès  la  condamnation  de  Nestorius  dans 
ce  concile,  sadoclriue  trouva  des  défenseurs 
opiniâtres,  surtout  dans  le  diocèse  de  Cons- 
tanlinople  et  dans  les  environs  de  la  Méso- 
potamie. Proscrits  par  les  empereurs,  ils  se 
retirèrent  sous  la  domination  des  rois  de 
Perse,  et  ils  eu  lurent  protégés  en  qualité  de 
îrâusfui^es  mécontents  de  leur  souverain.  Un 


certain  Barsumas,  évoque  do  Nisibe ,  par- 
vint, par  son  crédit  à  la  cour  de  Perr^e  ,  à 
établir  le  nestorianisme  dans  les  dilf'rentes 
parties  de  ce  royauni'^  Lfs  nestoriens,  pour 
répandre  leurs  opinions,  firent  traduire  en 
syriai]ue,  en  persan  et  en  arménien,  les  ou- 
vrages de  Théodore  de  Mopsueste  ;  ils  fon 
dèrcnt  un  grand  nombre  d'églises  ;  ils  eu- 
rent une  école  célèbre  à  Edesse  et  ensuite  h 
Nisibe,  ils  tinrent  plusieurs  conciles  à  Séleu- 
cie  et  à  Ctésiphonte;  ils  érigèrent  un  pa- 
triarche sous  le  nom  de  catholique  ;  sa  rési- 
dence fut  d'abord  à  Séleucie,  et  ensuite  à 
Mozul.  Ces  sectaires  se  firent  nommer  chré- 
tiens orientaux,  soit  parce  (jue  plusieurs  de 
leurs  évoques  étaient  venus  du  patriarcat 
d'Antioche,  qui;  l'on  appelait  le  diocèse  d'O- 
rient, soit  ]iarce  qu'ils  voulaient  persuader 
que  leur  doctrine  était  l'ancien  christianisme 
des  Orientaux,  soit  enfin  parce  qu'ils  se  sont 
étendus  plus  loin  vers  l'Orient  qu'aucune 
autre  secte  chrétienne;  mais  dans  la  suite  iis 
ont  été  plus  connus  sous  le  nom  de  chaldéens, 
et  siiuvent  ils  ont  rejeté  celui  de  nestoriens. 
Lorsque  les  mahométans  subjuguèrent  la 
Perse  au  vu°  siècles,  ils  soullrircnt  plus  vo- 
lontiers les  nestoriens  que  les  catholiques,  et 
leur  accordèrent  [ilusde  liberté  d'exerccrieur 
religion.  11  y  a  des  preuves  positives  que, 
vers  l'an  535,  ils  avaient  déjà  poité  leur 
doctrine  aux  Indes  sur  la  côte  de  Malabar. 
Cosme  Indicopleusti'S,  qui  était  nestorieii, 
dans  sa  topographie  chrétienne  ,  décrivit 
l'état  où  étaient  les  membres  de  cette  secte 
soumis  au  catholique  ou  patriarche  de  la 
Perse.  Au  vu"  siècle,  ils  envoyèrent  des  mis- 
sionnaires à  la  Chine,  qui  y  firent  des  pro- 
grès, et  l'on  prétend  que  le  christianisme 
qu'ils  y  établirent  y  a  subsisté  jusquau  xni'. 
fis  ont  encore  eu  des  églisi'S  a  Samarcande 
et  dans  d'autres  parties  de  la  Tai  tarie.  Nous 
verrons  ailleurs  en  quel  temps  le  nestoria- 
nisme a.  été  banni  de  ces  contrées;  mais  de- 
puis longtemps  il  a  commencé  à  déchoir; 
l'ignorance  et  la  misère  de  ses  pasteurs 
l'ont  réduit  pres(jue  à  rien.  Yoy.  Tartares. 

La  principale  question  agitée  entre  les 
protestants  et  nous  est  de  savoir  quelle  a 
été  et  quelle  est  encore  la  croyance  de  ces 
nestoriens  ou  chaldéens,  séparés  de  l'Eglise 
catholique  depuis  plus  de  douze  cents  ans. 
«  Il  est  constant,  dit  l'abbé  Renaudot,  que 
les  nestoriens  d'aujourd'hui  sont  encore  d  .ns 
le  même  sentiment  que  Nestorius  touchant 
l'incarnation.  Ils  soutiennent  que  ,  d.nis 
Jésus-Christ,  Dieu  et  l'homme  ne  sont  jias 
la  même  personne,  que  l'un  est  Fils  de  D:eu, 
lautre  F'ils  de  Marie  :  qu'ainsi  Marie  ne 
doit  pas  être  appelée  mère  de  Dieu,  mais 
mère  du  Christ;  ijue  le  Verbe  de  Dieu  est 
descendu  en  Jésus-Christ  au  moment  de  son 
baptême.  Ainsi,  selon  eux,  l'union  de  la  di- 
vinité et  de  l'humanité  en  Jésus-Clirist  n'est 
point  substantielle  :  c'est  seulement  une 
union  de  volontés,  d'opérations,  de  bien- 
veillance ,  de  communication ,  de  puis- 
sance, etc.  Us  disent  formellement  qu'il  y  a 
en  Jésus-Christ  deux  personnes  et  ileux 
natures  unies  par  l'opéralion  et  par  la  vu- 


\m 


NES 


NES 


1010 


loiilé.  Cela  est  prouvé  non-seulement  par 
les  oiivr.M|j;es  de  plusieurs  de  leurs  théolo- 
giens, et  par  leurs  livres  liturgicjues,  mais 
parles  écrits  des  jaeoijites  et  des  uielchites 
qui  ont  eorubattu  les  nrsloriciis  et  qui  leur 
Bltrihuent  communément  cette  doctrine. 
C  est  pour  cela  méuie  que  \cs  nrstorii un  ont 
été  soullerts  dans  la  Peise  i)ar  les  maliomé- 
l.uis  plus  aisément  que  les  autres  chrétiens, 
jiarce  f(nc  la  manière  dont  les  premiers  s'ex- 
piimont  au  sujet  de  Jésus-(^lirist  est  con- 
foruio  h  ce  que  Mahomet  en  a  dit  dans  l'AI- 
coran,  et  que  môme  plusieurs  nrxtnrieiis  ont 
cité  les  paroles  do  ce  faux  [)ioplièle,  pour 
plaire  aux  mahométans.  «  Perpi't.  de  la  foi, 
t.  IV,  1.  I,  c.  5.  Nous  verrons  ci-apics  que 
ce  tahleau  est  conliimé  par  Assinnani,  Hi- 
blioth.  orient.,  t.  111  et  IV.  Malgré  ces  preu- 
ves, Mosheiui  a  tûché  df  les  disculper.  Dans 
son  Hist.  ecdcs.  (lu  v'  siècle ,  W  part. , 
e.  5,  §  12,  il  dit  que  dans  plusieurs  conciles 
de  Séleucie  les  nestoriins  ont  décidé  «  qu'il 
y  avait  dins  le  Sauveur  du  monde  ticux  In/- 
jiùslnses  (ou  persoiuies),  dont  Tune  était 
divine,  l'autre  humaine,  savoir  l'homme 
Jésus  :  que  ces  <leiix  n'avaient  (pi'un  seid 
aspect,  TrnofffjTTov;  qu(i  l'union  enti-e  le  Fils  de 
Dieu  et  le  Fils  de  l'homme  n'élait  pas  une 
union  de  nature  ou  de  personne,  mais  seu- 
lement d(^  volonté  et  d'all'ection  ;  qu'il  faut 
jiar  consé(pient  dislinguer  soigneusement 
Christ  de  Dieu  qui  habitait  en  lui  comme 
dans  son  temple,  et  appeler  Marie  mère  de 
Christ  et  lîon  mère  de  Dieu.  »  Cel.t  est  clair, 
et  c'est  précisément  la  doctrine  que  nous 
avons  vue  soutenue  par  Nestoi'ius  lui-même. 
Il  n'est  pas  vrai,  quoi  qu'en  dise  Mosheim, 
qu'en  cela  les  nestoricns  ont  changé  le  sen- 
tnnent  de  leur  chef.  Mais,  dans  son  Uist.  du 
XVI'  siècle,  sect.  'S,  \"  i)artie,  ch.  2,  §  15,  il 
cherche  h  les  excuser.  «  Il  est  vrai,  dit-il, 
(pie  les  chaldéens  attribuent  deux  natures, 
et  même  deux  personnes  à  Jésus-Chiist  ; 
mais  ils  ciirrigeni  ce  que  cette  expression  a 
de  dur,  en  ajoutant  que  ces  natures  et  ces 
personnes  sont  tellement  unies ,  qu'elles 
n'ont  qu'un  seul  aspect  [barsopa).  »  Or  ce 
mot  signiiie  la  même  chose  que  le  grec  npo- 
(TMTrov,  et  le  latin /Krsorta;  d'où  l'on  voit  que 
par  deux  persoimes  ils  entendent  seulement 
deux  natures. 

Sans  recourir  au  témoignage  des  auteurs 
'  syriens,  anciens  ou  mndcrnes,  et  aux  preu- 
ves produites  par  l'abbé  Renaudot,  il  est 
évident  que  Mosheim  s'est  aveuglé  lui-même 
ou  qu'il  a  voulu  en  imposer.  1°  Cette  expli- 
iMtion  ne  peut  s'accorder  avec  les  décisions 
des  conciles  de  Séleucie  qu'il  a  citées  lui- 
même.  2°  Il  résulterait  de  ce  palliatif,  que,  se- 
lon les  7iestoriens,  il  y  a  en  Jésus-Chiisldeux 
natures  et  deux  personnes;  cette  absurdité  est 
trop  forte.  3°  Nous  convenons  que  le  grec  TT-piu-j- 
n'rj  et  le  latin  persona,  dans  leur  signitlcation 
primitive,  ne  si^nitient  puint  personne  dans 
le  sens  théologi(pie,  mais  personnage,  carac- 
tère, aspect,  apparence  extérieure  ;  et  que 
les  nestoriens  [)rennent  barso]ni  dans  ce  der- 
nier sens.  Ainsi  leur  sentiment  est  qu'il  y  a 
dans  Jésus-Christ  deux  natures  et  deux  per- 


sonnes, ou  deux  natures  subsistant  chacune 
en  elle-même,  et  par  elle-même,  savoir,  Dieu 
et  l'honnue,  mais  qu'elles  sont  tellement 
unies  (pi'il  n'en  résulte  qu'un  seul  person- 
nage, un  seul  et  unnpie  caractère,  une  seule 
apparence  personnelle  de  Jésus-Christ,  parce 
(ju'en  lui  les  v(dontés,  les  siiilimenls,  les 
alfeclions,  les  opérations  de  la  divinité  et  do 
l'humanité  sont  toujours  j)arfaitement  d'ac- 
cord. Or  ce  sens,  qui  est  celui  de  Nestorius, 
est  hérétif[ue.  Le  do':;me  c.dholi(|ue  est  qu'il 
y  a  dans  Jésus-Christ  deux  natures,  la  divi- 
nité et  l'humanité,  mais  une  seule  personne; 
que  l'humanité  en  lui  n(!  subsiste  (mint  fiar 
elle-même,  mais  parla  persi  nne  du  Verbe 
au'jucl  elle  est  substantiellement  unie,  de 
manière  que  Jésus-Christ  n'est  point  une 
jiersonne  humaine,  mais  \m^  personne  di- 
vine. Autrement  Jésus-Christ  ne  pourrait 
être  ap[)elé  Dieu-homme  ni  homme-Dieu,  i\ 
ne  serait  pas  vrai  de  dire  que  le  Verbe  s'est 
fait  chair,  (|ue  le  Fils  de  Dieu  est  né  d'une 
femme,  qu'il  est  mort,  qu'il  nous  a  rache- 
tés par  son  sang,  etc.  Quelque  subtilité  qu'on 
emploie,  l'on  ne  parviendra  jamais  à  con- 
cilier l'opinion  des  nestoriens,  ni  leur  lan- 
gage avec  celui  de  l'Eciiture  sainte.  Mosheim 
aj(mte,  qu'èi  l'honneur  immortel  des  nesto- 
riens, ils  sont  les  seuls  chrétiens  d'Orient 
qui  aient  évité  cette  multitude  d'opinions  et 
de  pratiques  superstitieuses  qui  ont  infecté 
l'Eglise  grecque  et  latine. 

Cependant  ils  sont  accusés ,  1°  d'ensei- 
gner, comme  les  Grecs  schismatiques,  que 
le  Saint-Esprit  jirocède  du  Père  et  non  du 
Fils  ;  2°  de  croire  cjue  les  tlmes  sont  créées 
avant  les  corps,  et  cie  nier  le  péché  originel, 
comme  Théodore  de  Mopsneste  ;  3°  de  pré- 
tendre que  la  récompense  des  saints  dans  le 
ciel  et  la  punition  des  méchants  dans  l'enfer 
sont  différées  jusqu'au  jour  du  jugement; 
que  jusqu'alors  les  àines  des  uns  et  des  au- 
tres sont  dans  un  état  de  sensibilité;  4°  de 
penser,  commme  les  origénistes ,  que  les 
tourments  des  damnés  liniront  un  jour.  H 
serait  h  souhaiter,  itour  l'honneur  immortel 
des  nestoriens,  que  Mosheim  les  eût  justiliés 
sur  quelqu'un  de  ces  articles.  Il  aurait  vou- 
lu, comme  les  autres  protestants,  nous  per- 
suader que  les  nestoriens  n'ont  jamais  eu  la 
même  croyance  que  l'Eglise  romaine  tou- 
chant les  sept  sacrements,  la  présence  réelle 
de  Jésus-Christ  dans  l'eucharistie,  la  trans- 
substantiation, le  culte  des  saints,  la  prière 
pour  les  usorts,  etc.;  mais  l'abbé  Renaudot, 
dans  le  tom.  IV  de  la  Perpétuité  de  la  foi  ; 
Assémani,  dans  sa  Biblioth.  orient.,  tom.  III, 
II' part.;  le  Père  Lebrun,  dans  son  Expli- 
cation des  ce'rémonies  de  la  messe,  t.  VI, 
prouvent  le  contraire  par  des  titres  incon- 
testables, auxquels  les  protestants  n'ont  rien 
à  opposer. 

En  se  séparant  de  l'Eglise  catholique,  les 
nestoriens  emportèrent  avec  eux  la  liturgie 
de  l'Eglise  de  Constantinople,  traduite  en 
syriaque,  et  ils  ont  continui^  de  s'en  servir. 
À  présent  ils  en  ont  trois;  la  première, 
qu'ils  appellent  la  liturgie  des  apôtres,  paraît 
être  plus  ancienne  que  l'hérésie  de  Nestorius; 


m\  NES 

1^  jfujonae  est  cello  de  Tlu^odorf  de  Mop- 
suoste;   la    troisième,    celle   de  Néstorius. 
Coito  dernièie  est  la  seule   dans  laquelle  ils 
ont  glissé  leur  erreur  louchant  l'Incarnation  ; 
les    deux    autres   sont    orthodoxes.    On    y 
trouve,  connue  dans  toutes  les  autres  litur- 
gies orientales,  l'expression  de  la  présence 
réelle  et  delà  tianssubslantiation, i'ador.-ilion 
de    l'eucharisfie,   la  coniniéinoration   de  la 
sainte  Vierge  et  dis  saints,  la  prière  pnur 
les  morts.  Les  lustoriens  ont  toujours  crh'-- 
liré  en  langue  syriaque  et  non   en  langue 
vulgaire,  dans  tous  les  pays  oîi  ils  ont   eu 
des    églises,  et  ils    ont   toujoin's   a  Imis  le 
niômo  nombre  de  livres  de  l'Ecriture  sainte 
que  les  catholiques.  D'oii  l'on  conclut  qu'au 
V"    siècle,    lorsque    les   ncstorims  ont  com- 
mencé h  faire  bamle  à   part,    toute  l'Eglise 
chrétienne  croyait  et  professait   les   mêmes 
drigmos   ([ue   les  protestarits    reprochent   à 
l'Eglise  mmaine  comme  une  doctrine  nou- 
velle et  inconnue  à  toute  l'antiquité.  Voj/.  Li- 
TiïRGiE.  On  a  tenté  plus  d'une  fois   de   faii'e 
renoncer  les  7iestoriens  h  leur  schisme.  L'nu 
13()'i.,  J.djallaha,  patriai'che    des  ncstorims, 
envoya  sa  profession   de  foi   orthodoxe  au 
pape  Benoît   XI.   Au    xvi"   siècle,  sous    les 
panes  .Tules  III  et  Pie  IV,   le   patriarche  nés- 
toirien  Jean  Sulaka  lit  de  même  ;  son  succes- 
seur, nommé  Abdissi,  Abdjésu  ou  Ebedjésu, 
vint  à  Rome  deux  fois,  y  fit  son  abjuratioB, 
envoya  sa  profession  de  foi  au  concile  do 
Trente,     reçut    du    souverain    pontife     le 
pullium,  et,  de  retour  en  Syrie,  travailla  avec 
succès  à  la  conversion  des  schisinatiques.  Il 
était  savant  dans  les  langues  orientales,  et 
il  a  com|)Osé  plusieurs  ouvrages.   Un  atitre 
envoya  encore  sa  profession  de  foi  à  Pau'  V; 
mais  on  jirétend  que  ses  députés  no   furent 
pas    sincères     dans     l'exposition    de    leur 
croyance  ;  ils  pallièrenl  leurs  erreurs  afin  do 
se  rapprocher  des  catholiques,  et  rendirent 
mal  lésons  des  expressions  de  leursdocteiu's. 
Ainsi  en  a  jugé  l'abbé  Renaudot,  Pcrpét.  de 
la  foi,  toni.  IV,  1- 1,  c.  5. 

Snivant  la  gazette  de  France,  du  5  juin 
1771,  art.  Rome,  les  dominicains,  mission- 
naires en  Asie,  ont  ramené  à  l'unité  de  l'E- 
glisele  patriai'che  schismalique  des  nestorims 
résidant  à  Mozul,  et  cinq  autres  évè(|ucs  de 
la  même  province.  Sur  la  lin  du  siècle  passé, 
il  y  avait  encore  quarante  mille  nestorims 
dans  la  Mésopotamie  :  Etat  de  l'Eglise 
rom.,  par  le  pridat  Cerri,  p.  155.  Ces  conver- 
sions ne  pouvaient  mancpier  de  déj-daireaux 
protestants.  Mosheim  dit  que  les  mission- 
naires vont  semer  exprès  le  schisme  et  la 
discorde  parmi  les  sectes  orientales,  afin  de 
pouvoir  débaucher  l'un  des  deux  [(.ti'tis. 
Selon  lui,  le  prédécesseur  d'Ebedjésu  n'eut 
recours  à  Rome  que  pour  obtenir  l'avantage 
sur  son  compétiteur,  (piilui  disputait  le  pa- 
triarcat. Mais  on  sait  ([u'il  n'est  pas  besoin 
de  l'inlkience  des  missionnaires  pour  faire 
nailre  de  nouvelles  divisions  parmi  les 
schismatiquos,  puisqu'il  n'y  a  aucune  secte 
qui  n'en  ait  vu  éclore  plusieurs  dans  son  sein. 
Ebedjésu  n'a  donné  aucun  motif  do  douter 
.de  la  sincérité  de  son  catholicisme,  et  plu- 


NES  1012 

sieurs  4e  ses  successeurs  ont  imité  sa  con- 
duite. Cependant  Mosheim  soutient  on  géné- 
ral   que   ces    prétendues   conversions   sont 
inlé'ressées  et  simulées,  qu'elles  n'ont  d'au- 
tre motif  que  la    pauvreté    et    l'espérancc; 
d'obtenir  ilo  l'argent  de  Rome  pour  se  raclie- 
tcr  des  vexations  des  mahométans  ;  que  si 
li;s  libéralités  du  pape  viennent  à  cesser,  le 
catholicisme  de  ces  nouveaux  prosélytes  s'é- 
vanouit. Nous  ne  doutons  pas  que  plusieurs 
évèipies  nestoriens  n'oient  donné  lieu  h  ce 
reproclio,   mais  il  n'est   pas  de  l'intérêt  d(>s 
prolcsiants  d'insister  sur  la  mauvaise  foi  de 
gens  qu'ils  auraient  d-siré  d'avoir  piiur  frè- 
res, et  don!  ils  ont  déhguré  la  doclrino  pour 
la  concilier  avec  la  leur.  L'inconstance  et  la 
dissimulation    de    quelques    ]>rosélytes    ne 
forment  aucun  préjugé  contre  la  pureté  du 
zèle  des  missionnaires  et  des  souverains  pon- 
tifes.   Les  apôtres  mômes   ont   trouvé    des 
hy|)Ocritos  parmi   ceux  qu'ils  avaient   con- 
vi'rtis.  Un  trait  plus  odieux  de  la  part  do 
Mosheim  est  de  dire  que  la  cour  do  Rome  et 
les  missionnaires  sont  de  bonne  composition 
sur  le    christianisme   de  ces  peuples;  que 
pourvu  (ju'ils  reconnaissent  à  l'extérieur  la 
juridiction  du  pontife  romain,  on  leur  laisse 
la  liberté  do  conserver  leurs  erreurs,  et  de 
pratiquer  leurs  rites,    quoi(pie    très-opposés 
à  ceux  de  l'Eglise  rom.dne.    Pure  calomnie. 
N'a-t-on  pas  vu  les  souverains  pontifes  con- 
damner iKuiioment   les  rites   milabares,  in- 
diens et  chinois,  qu'ils  ont  jugés  superslitieux 
ou  pernicieux,  et  défendre   rigoureusement 
aux  missionnaires  de  les  tolérer  ?  Los   mis- 
sionnaires français,  espagnols,  allemands  et 
portugais,  ne  sont  pas  soudoyés  par  le  pape, 
et  ils  n'ont  aucun  intérêt  à  se  rendre  coupa- 
bles d'une  ))révarication.  Quant    aux    rites 
innocents,  et  dont  l'origine  esttrès-ancienne, 
pourquoi  ne  les  conserverait-on  pas,  quoi- 
que différents  de  ceux  de  l'Eglise  romaine? 
Ici  l'entêtement  des  protestants  brille  dans 
tout  srm  jour;   ils  ont  censuré  avec  aigreur 
le  zèle  des  missionnaires  portugais  qui  vou-' 
lurent  tout  réformer  chez  les  nestoriens   du 
Malabar,  et  substituer  les  rites   We   l'Eglise 
latiiio  aux  anciens  rites  des  églises  syrien- 
nes ;  à  jH'ésent  ils  blâment  les  missionnaires- 
de    la  Mésopotamie    qui,    mieux    instruits 
que  les  Portugais,  jugent   qu'il  ne   faut  ré- 
former cho/î    les  nestoriens   que  ce  qui   est 
évidemment  mauvais.  Ils  ont  paru  applaudir 
au  zèle  dos  nestoriens  qui  |)ortèrenl  l'Evan- 
gile et  fondèrent  des  églises  dans  la  Tartîirie 
et  à  la  Chine,  et  ils  ont  cherché   à    rendre 
suspects  les  missionnaires   catholiques  qui 
ont  entrepris  les  mêmes  travaux.  jCependanl 
ces  apôtres  nestoriens,   pendant    se[it  cent> 
ans  de  missions  dans  la  Tartarie,  ont  négligé 
un  soin  que  les  protostan's  jugent  indispen- 
sable ;  ils  n'ont  pas  traduit  en  tartaro  l'Ecri- 
ture sainte,  pas  même  le  Nouveau  Testament  ; 
il  a  fallu  ipn^  ce  fût  nn  religieux  franciscain 
qui  en  prit  la  peine  au  xiV  siècle.  Voy.  Tau- 
TAïuis.  Ces  censeurs  opiniâtres  no  se  lasseront- 
ils  jamais  de  se  contredire  et  do  f'()urnir  des 
armes  aux  incrédules,  en  exhalant  leur  bile 
contre  l'Elglise  roninino?  Ils    n'ont    pas   été 


j(n; 


NE« 


NES 


lOli 


plus  i''fjuit;il>li's  on  |]aiiaiit  ilos  nestorims  du 
yalabitr  ([u'cii  iioigiiaiit  ceux  do  la  Porso  ot 
(le  la  .Môsojiolamio. 

1\'.  l-^tal  lia  nestorianismc  sur  la  côte  de 
Malabar.  \ky&  l'an  1500,  lorsque  los  l'ortu- 
g.iis,  m)rès  avoir  doublé  lo  cap  de  Boniic- 
Esprranco,  péiicUrèroiit  dans  les  Indos,  ils 
furi'ut  fort  élonn(''s  d'y  trouver  de  nouibreu- 
s(\s  peuplades  de  chrélicns  :  ceux-ci  ne  le 
furent  jias  moins  de  voir  arriver  des  élran- 
gei's  qui  étaient  de  leiu-  rcli.iïion.  Ces  peuples, 
(]ui  se  nouuiiaient  (7i/'(7(r'/(.v  (/('  saint  Thomas, 
étaient  jjour  lois  répandus  dans  ipialor/e 
Cents  hourys  ou  hourr^ades  ;  ils  avaii'ulpour 
unii[ue  |  asteur  un  évè([uo  ou  arcl)evè(pie  (jui 
Ici  r  était  envové  iiar  le'  i)alriarche  lusloricn 
de  13al),vlone  ou  ]ilutôl  de  Muznl.Ils  reeher- 
chèreni  l'appui  des  l\)rl!it;ais,  pour  se  dél'en- 
diod  s  vexations  de  (juelques  princes  païens 
qui  les  opprimaient,  et  ils  mauiièrent  a  leur 
pali'iarche  l'arrivée  de  ci'S  étran,i;ers  connue 
un  événement  fort  exti'aordinaire.  ils  étaient 
|)ersaa(lés  ([ue  leur  clnistianisme  subsistait 
depuis  le  i"  siècle  de  ri"'glise,  ([ue  leurs 
ancêtres  avaient  ét(t  convertis  h  la  foi  par 
l'apôtre  saint  Tliouias,  (lue  c'est  de  lui  qu'ils 
avaient  tiré  leur  nom.  A  l'article  Saint  Tho- 
mas, nous  ferons  voir  que  cette  tradition 
n'est  nas  aussi  niai  fondée  que  certains  crili- 
(jues  l'ont  prétenilu,  ot  que  les  autres  ori- 
gines auxquelles  ou  a  voulu  i-^quiorler  lo  nom 
d(;  chrétiens  de  saint  Thomas  sont  Ijoaucoup 
moins  probables.  Quoi  qu'il  en  soit,  ces 
ciirétiens  malaliares  étaient  nestoricns,  et  il 
y  a  lieu  de  croire  qu'ils  avaient  été  engagés 
dans  cette  hérésie  sur  la  lin  du  v'  siècle.  Les 
Portugais,  qui  avaient  anu'ué  avec  eux  plu- 
sieurs missionnaires,  conçurent  le  dessein 
de  les  réunir  à  l'Ei^lise  catholi(iue,  de  la- 
(pu'lle  ils  étaient  séparés  de|iuis  mille  ans. 
Ca'I  ouvrage  futconunencé  |)ar  D.  Jeand'AI- 
b  u[Ui'r(|ue,  premier  archevè([ue  de  Goa,  et 
continué,  en  139'J,  par  D.Alexis  de  Ménéze? 
son  successeur.  Secondé  par  les  jésuites,  il 
tint  un  concile  dans  le  village  de  Diamper 
ou  Odiamper,  dans  lequel  il  fit  un  grand 
nombre  de  canons  et  d'ordonnances  jiour 
coi'riger  les  erreuis  de  es  clnétiens  scliis- 
luatiques,  pour  réformer  leur  liturgie  et 
1  nirs  usages,  pour  les  rendre  conlormes  à 
la  doelrino  el  à  la  tiiscipline  do  l'iîglise  ca- 
lliolique. 

L'histoire  de  cette  mission  a  été  écrite  en 
liortiigais  pflr  Antoine  Govca,  religieux  au- 
gu.itiu,  tiaduile  en  français  et  iui|)rimée  à 
Ihuxflles  en  ItiOO,  sous'le  titre  û'Uisloirc 
orientale  des  t/rands  progrès  de  VEijlisecatho- 
liqae,  en  la  ri'duclion  des  anciens  chrétiens 
ilils  de  saint  Thomas.  Govea  leur  reproche 
un  grand  nombre  d'erreurs.  l^Ils  sont,  dit-il, 
tjpiniàlréiuent  attachés  à  l'hérésie  de  Nesto- 
rius  louchant  l'Incarnation;  ils  n'ont  point 
d'autre  image  que  la  croix,  et  encore  ue  l'Iio- 
noreiit-ils  jias  fort  religieusrraent.  2°  Ils  as- 
surent ((ue  les  âmes  des  saints  ne  verront 
Diou  ((u'après  le  jour  du  jugement.  3"  Ils 
n'admelteul  que  trois  sacrements,  savoir,  le 
Jjaptème,  l'ordre  et  l'eucharistie,  et  dans 
plusieMrs  de  leurs  églises  ils  administrent  le 


ba|)tème  d'une  nianière  quilo  rond  invalide; 
aussi  l'archevêque  Ménézez  les  rebaptisa-t-ii 
en  seci-et  pour  la  plupart,  'i-"  Ils  no  se  servent 
point  d'Imile  sainie  pour  le  baptême,  mais 
d'huile  de  noix  d'Inde,  sans  aucune  béné- 
diction. 5"  Ils  ne  connaissent  pas  môme  les 
noms  d(;  confirmation  ni  d'oxtrême-onetion; 
ils  ne  pratlquenl  |)oint  ta  conl'ession  auricu- 
laire ;  leui's  livres  d'oilicos  fourmillent  d'er- 
reurs. 6"  Pour  la  cf>nsécration,  ils  se,  servent 
de  petits  gâteaux  faits  h  l'Iuiilo  et  au  sel,  et, 
au  lieu  tle  vin,  ils  emploient  de  l'eau,  dans 
laquelle  ils  ont  fait  ti'euqior  des  l'aisins  secs. 
l|s  disent  la  messe  raieunuit,  et  ne  se  croient 
point  obligés  d'y  assisti'r  lesjours  de  diman- 
ches. T  Ils  no'  gardent  point  l'âge  reijuis 
pour  les  ordres,  souvent  ils  font  des  i)réties 
a  l'âge  de  15  ou  do  'iOans;  ceux-ci  se  marient 
même  avec  des  veuves,  et  jusiju'à  deux  ou 
trois  fois  :  ils  n'observent  ]ioint  l'usage  de 
réciter  lo  bréviaire  en  particulier,  ils  se  con- 
tentent de  le  dire  h  haute  vnix  dans  l'église. 
8°  Ils  ont  un  très-grand  respect  pour  le  pa- 
triarche catholique  nestoriendc  I5ab}lono;  ils 
ne  veulent  i)oint  que  l'on  nomme  le  pap(^ 
dans  leur  liturgie.  Souvent  ils  n'ont  ni  curé 
ni  vicaire,  et  c'est  alors  le  plus  ancien  laiipu- 
qui  préside  k  l'assemblée,  etc.  On  a  pu  pré- 
sumer que  cette  liste  d'erreurs  était  tio]) 
chargée,  que  Govca  prit  pour  des  défauts  et 
des  abus  tout  ce  qu'il  n'était  pas  accoutumé 
à  voir.  Depuis  que  les  théologiens  catiioli- 
ques  ont  ap|iris  à  mieux  connaître  les  dif- 
férentes sectes  de  chrétiens  orientaux,  sur- 
tout les  Syriens,  soit  nestoriens,  soit  jacobi- 
tes,  soit  melchites,  soit  maronites,  que  l'on 
a  comjiaré  leurs  liturgies  et  leurs  rites,  que 
l'on  a  consulté  leurs  livres  de  religion,  l'on 
a  reconnu  que  les  Portugais  condamnèrent 
dans  les  nestoriens  du  Alalabar  plusieurs 
choses  innocentes, plusieurs  rites(pio  l'Eglise 
l'Quiaine  n'a  jamais  ré|)rouvés  dans  les  autres 
sectes  ;  que,  s'ils  n'avaiciut  pas  eu  lentète- 
nient  de  vouloir  tout  réformer,  ils  auraient 
réussi  plus  aisément  k  réconcilier  ces  schis 
maliqucs  à  l'Eglise.  Quant  aux  erreurs  sur 
le  dogme,  Asséuiani,  loin  de  contredire  Go- 
vea, en  attribue  encore  d'autres  auxnestoriens 
de  la  Perso,  Biblioth.  orient.,  tom.  III,  p. 
()93.  Ils  omettent,  dit-ij,  dans  la  liturgie , 
les  paroles  de  la  consécration  ;  ils  olfrent  un 
gAteau  à  la  sainte  Vierge,  et  croient  qu'il 
devient  son  coqis  ;  ils  rogar^lent  le  signe  do 
la  croix  connue  un  sacrement.  Quelques-uns 
ont  enseigné  que  les  peines  de  l'cuh-r  au- 
raient un  terme;  ils  placent  les  âmes  des 
saints  dans  le  paraiiis  terrestre,  et  ils  disent 
que  les  Ames  ne  sentent  rien,  séparées  di'S 
corps.  L'an  596,  un  de  leurs  synodes  a  défini 
qu'Adam  n'a  pas  été  créé  immortel,  et  ()ue 
son  i)éché  n'a  point  passé  à  ses  descendants, 
etc. 

La  Croze,  zéléprotestant,  a  fait  exprès  son 
Histoire  du  Christianisme  des  Indes,  pour 
rendre  odieuse  la  conduite  do  l'archevêque 
de  Goa  et  des  missonnau-es  portugais;  il  tire 
avantage  des  reproches  (]uelquefois  mal  fon- 
dés do  Govea;  il  soutient  que  les  chrétiens 
de  saint  Thomas  avaient  précisémenlla  même 


iù\l 


NES 


NES 


lOir. 


croyance  que  les  protestants,  qu'ils  n'admet- 
taient comme  eux  que  deux  sacrements,  sa- 
voir le  baplême  et  la  cône,  qu'ils  niaient  for- 
mel'lement  la  prt''senc'e  réelle  et  la  transsub- 
stantiation ,  qu'ils  avaient  en  horreur  le 
culte  des  saints  et  des  images,  qu'ils  igno- 
raient la  dijclrine  du  purgatoire,  qu'ils  re- 
jetaient les  prétendues  traditions  et  les  abus 
que  l'Eglise  romaine  a  introduits  dans  les 
derniers  siècles,  etc.  Assémani,  BibUoth. 
orient.,  t.  IV,  c.  7,  §  13,  a  pleinement  réfuté 
le  livre  de  La  Croze  ;  il  le  convainc  de  douze 
ou  treize  erreurs  capitales.  Pour  éclairer  les 
faits,  et  savoir  a  quoi  s'en  tenir,  il  a  fallu 
consulter  des  titres  plus  authentiques  que 
les  relations  des  Portugais,  savoir,  la  liturgie 
et  les  autres  livres  des  nestoriens,  soit  du 
Malabar,  soit  de  la  Perse,  d'où  ils  tiraient 
leurs  évêi|ues.  C'est  ce  qu'ont  fait  l'abbé 
Renaudot,  Assémani  et  le  Père  Le  Brun,  et 
ils  ont  démontré  que  La  Croze  en  avait  gros- 
sièrement iîupos.'^.On  trouve  dans  le  VI'  tome 
du  Pôi'e  Lebrun  la  lituri;ie  dos  nestoriens 
nial.Tb.ires,  telle  qu'elle  était  avant  les  cor- 
rections qu'y  fit  faire  l'archevôque  de  Goa; 
cet  écrivam  l'a  confrontée  avec  les  autres  li- 
turgies nestorimnes  ijue  l'abbé  Uenauiot 
avait  fait  imprimer,  et  qui  ont  l'té  fournies 
par  les  nestoriens  de  la  Perse.  Il  en  résulte 
que  les  uns  et  I.  s  autres  ont  toujours  cru  et 
ci'oient  encore  la  irrésence  réelle  do  Jésus- 
Christ  dans  l'eucliaiislie  et  la  transsubstan- 
tiation; que  du  moins  plusieurs  admettent 
sept  sacrements  comme  l'Eglise  romaine  ; 
que  dans  leur  messe  ils  font  mémoire  des 
saints,  prient  pour  les  morts,  etc.  Les  lecteurs 
neu  instruits,  qui  se  sont  laissé  séduire  par 
le  ton  de  confiance  avec  lequel  La  Croze  a 
parlé,  doivent  revenir  de  leur  erreur. 

Quand  nous  serions  forcés  de  nous  en  rap- 
porter à  Govea,  il  serait  encore  évident  que 
ta  croyance  des  nestoriens  malabares  était 
Irès-ojiposéf  à  celle  des  protestants.  Ceux-ci 
croient-ils,  comme  les  Malabares,  qu'il  y  a 
deux  Personnes  en  Jésus-Christ,  et  que  les 
saints  ne  verront  Dieu  qu'après  le  jour  du 
jugement  ?  Les  Malabares  ont  toujours  re- 
gardé l'ordre  comme  un  sacrement;  et  quoi- 
qu'ils n'attendissent  pas  l'âge  prescrit  par  les 
canons,  Govea  ne  les  accuse  point  d'avoir 
donné  les  ordres  d'une  manière  invalide.  Il 
ne  dit  pas  en  quoi  consistait  l'invalidité  de 
leur  baptême  ;  on  n'a  jamais  douté  de  la  va- 
lidité de  celui  qui  est  administré  par  les 
nestoriens  persans  ou  syriens.  Leur  foi  tou- 
chant l'eucharistie  est  constatée  par  leur  li- 
turgie ;  Govea  ne  leur  fait  aucun  reproche 
sur  ce  point.  S'ils  mêlaient  de  l'huile  et  du 
sel  dans  le  pain  destiné  à  la  consécration,  ils 
en  donnaient  des  raisons  mystiques,  et  cet 
abus  ne  rendait  pas  lesacremeni  nul.  Quoi- 
que le  suc  des  raisins  trempés  dans  l'eau  fût 
une  matière  très-douteuse,  ils  ne  refusèrent 
]ioint  de  se  servir  du  vin  que  les  Portugais 
leur  fournirent.  Ils  ne  disaient  la  messe  que 
le  dimanche  ,  et  ils  ne  se  croyaient  pas  ri- 
goureusement obligés  d'y  assister  ;  ils  la  re- 
gardaient néanmoins  comme  un  vrai  saciilice; 
ils  n'en  avaient  pas  horreur  comme  les  pro- 


testants. Ils  négligeaient  beaucoup  la  confes- 
sion ;  cependant  ils  croyaient  l'efficacité  de 
l'absolution  des  prêtres,  par  conséquent  le 
sacrement  de  pénitence.  Ce  n'est  pas  Ik  du 
calvinisme.  Ils  ne  rendaient  pas  à  la  sainte 
Vierge,  aux  saints,  à  la  croix,  un  culte  aussi 
éclatant  et  aussi  assidu  que  les  catholiques; 
mais  ils  ne  condamnaient  pas  ce  cultecomme 
superstitieux.  Ils  n'avaient  pas  d'images 
dans  iCurs  églises,  parce  qu'ils  étaient  en- 
vironnés do  pa'iens  idoMtres  et  de  pagodes; 
s'ensuit-il  qu'ils  regardaient  l'honneur  rendu 
aux  images  comme  une  idolAtrie?  Le  cr)iKile 
de  Trente,  en  enseignant  que  l'usage  des 
images  est  louable,  n'a  pas  aécidé  qu'il  était 
absolument  nécessaire.  Ces  chrétiens  étaient 
soumis  au  patriarche  nestorien  de  Mozul,  et 
non  au  pape,  qu'ils  ne  connaissaient  pas  ; 
donc  ils  admettaient  un  chef  spirituel  et  une 
hiérarcliie  ;  ils  ne  soutenaient  pas,  comme 
les  pi'Otestants,  que  toute  autorité  ecclésias- 
tique est  une  tyrannie.  Ils  ont  toujours  célé- 
bré l'ofiice  divin  en  syriaque,  langue  étran- 
gère pour  eux;  jamais  ils  n'ont  célébré  en 
langue  vulgaire.  Us  observaient  religieuse- 
iiieiit  l'abstinence  et  le  jeûne  du  carême  ; 
l'Airs  évéqncs  n'étaient  pas  mariés;  ils  ont 
toujours  estimé  et  respecté  lu  profession  re- 
ligieuse :  où  est  donc  leur  protestantisme  ? 
Si  les  Portugais  étaient  demeurés  en  pos- 
session du  Malabar,  il  est  très-probable  que 
toute  cette  chrétienté  serait  aujourd'hui  ca- 
tholiqiie;  mais  depuis  que  les  Hollandais 
s'en  .sont  emparés,  ils  ont  favorisé  les  scliis- 
matiques ,  et  n'ont  pris  aucun  intérêt  au 
succès  des  missions.  M.  Anquetil,  qui  a  par- 
couru cette  contrée  en  1758 ,  a  trouvé  les 
Eglises  du  Malabar  divisées  en  trois  [lortions, 
l'une  de  catholiques  du  rite  latin,  l'autre  de 
catholiques  du  rite  syriaque,  la  troisième  de 
Syriens  schismatiques.  Celle-ci  n'est  pas  la 
plus  nombreuse  ;  de  deux  cent  mille  chré- 
tiens, il  n'y  a  que  cinquante  mille  schisma- 
tiques. Le  Père  Lebrun  et  La  Croze  n'a- 
vaient donné  l'tdstoire  de  ces  Eglises  que 
jusqu'en  1()C3,  époque  de  la  conquête  de 
Cochin  par  les  Hollandais  ;  M.  Anquetil, 
dans  son  iliscours  préliminaire  du  Zend- 
Avesta,  p.  179,  la  continuée  jusqu'en  1758. 
Il  nous  apprend  qu'en  1685  les  Malabares 
schismatiques  avaient  reçu  de  Syrie,  sous 
le  bon  plaisir  des  Hollandais,  deux  arche- 
vêques consécutifs,  un  évêque  et  un  moine, 
qui  tous  étaient  Syriens  jacobites ,  et  que 
ceux-ci  avaient  semé  leur  erreur  parmi  ces 
chrétiens  ignorants ,  do  sorte  que  ces  mal- 
heureux, après  avoir  été  nestoriens  pendant 
plus  de  mille  ans,  sont  devenus,  sans  le 
savoir,  jacobites  ou  eutycliiens,  malgré  l'op- 
position essentielle  qu'il  y  a  entre  ces  deux 
hérésies.  La  Croze ,  qui  no  l'ignorait  [las, 
n'a  témoigné  y  faire  aucune  attention.  En 
1758  ils  avaient  pour  archevêque  un  caloyer 
ou  moine  syriL^n  fort  ignorant,  et  un  choré- 
vêque  de  même  religion  un  peu  mieux  ins- 
truit. Ce  dernier  fît  voir  à  M.  Anquetil  le.s 
liturgies  syriaques,  et  lui  laissa  copier  les 
parules  de  la  consécration  ;  il  lui  donna  ei>- 
suite  sa  jfrofcssion  de  foi  jacobite  dans  la 


1017 


NEU 


MC 


lois 


unième  languo.  Zcnd-Avesta ,  loin.  I,  p.  Ifia. 
Par  la  suite  des  faits  que  nous  vonniis 
(l'(^\])osor,  l'on  voit  quo  los  p'Otcstants  ont 
m;in(]n(^  de  sinei^rilé  dans  tout  ce  qu'ils  ont 
(''(•rit  touchant  le  nestorianismr ,  ils  l'ont 
déguisé  et  tr(''S-raal  justilit",  soil  dans  sa 
naissance,  soit  dans  les  proi^çr^s  qu'il  a  i'aits 
aprf's  le  concile  d'Ephèse,  soit  dans  son  der- 
nier état  chez  les  Malabares  ou  chrétiens  de 
saint  Thomas  ;  ils  couronnent  leui- inliilélité 

Fardes  caloniniescontro  les  missionnaires  de 
Fglise  romaine.  «  De  quelque  manière  (]ue 
Jésus-Cihrist  soil  annoncé,  disait  saint  Paul, 
soit  jiar  un  vrai  /èlo ,  soil  par  jalousie,  .soit 
par  un  autr:^  motif,  je  m'en  réjouis  et  m'en 
réjouirai  toujours  (Philipp.  i,  18  et  19).  » 
Ce  n'est  plus  l.\  l'esprit  ([ui  anime  les  pro- 
lestants ;  ils  ne  veulent  pas  r'rfV'lier  Jésus- 
CJirist  aux  infidèles,  et  ils  sont  fichés  de  ce 
que  les  catholi([ues  font  des  cotiversions. 
Vot/.  Missions. 

NEUN'.V'.NR ,  prières  continuées  pendant 
neuf  jours  en  riionneur  de  ipiehjue  saint, 
pour  olitenir  de  Dieu  ([nehpie  i^rAce  [lar  S'ui 
intercession,  ('o'iinie  les  incrédules  instruits 
par  les  protcst-uits  se  font  tine  étuile  de 
iourner  en  ridicule  iO'il^'S  les  j^ratiques  <le 
j)iétç  ii«iiée.s  dans  l'E^H'-e  rmnaine ,  un  l):d 
esprit  ne  otnit  iias  manquer  de  reg.u-der  une 
«ri£rf/»n''c'iinme  une  superstition,  de  la  met- 
tre au  ra'!g  îles  pratiques  que  l'on  nonniie 
\j<tines  ohsprvanci  s  rt  culte  superflu.  Poiu'quoi 
des  prières  répétées  pendant  neuf  jours  ni 
plus  ni  moins?  Seraient-elles  moins  ellica- 
ces.  si  elles  étaient  faites  seulement  pendant 
huit  jours  ou  prolongées  jusqu'h  dix?  etc. 
l'^n  (piei(]ue  nondjre  que  Ion  puisse  faire 
des  prières,  la  même  (juestion  revienilra  et 
ne  jirouvera  jamais  rien.  L'allusion  ;i  un 
noniiire  quelconque  n'est  superstitieuse  ([ue 
quand  e  le  a  quelrpie  chose  de  lidicule, 
et  n'a  aucun  rappoit  au  culte  de  Dieu  ni  aux 
vérités  (jne  nous  devons  professer  ;  elle  est 
loualile,  au  contraire,  lorsqu'elle  sert  à  in- 
cuhpier  un  fait  ou  un  dogme  qu'il  est  essen- 
tiel lie  ne  pas  oublier.  Ainsi  chez  les  patriai- 
ches  et  chez  les  Juifs  le  nombre  se()ténaire 
était  sacri'',  parce  qu'il  faisait  allusion  auv 
six  jours  de  la  crvition,  et  au  septième  ([ui 
était  le  jour  du  repos  ;  c'était  par  conséquent 
une  profession  continuelle  du  dogme  de  la 
création  ,  dogme  fondamental  et  de  la  plus 
grande  importance.  Voy.  Skpt.  Le  cinquiè- 
me jour  de  la  fête  des  Expiations,  les  Juifs 
devaient  olfrir  en  sacrifice  des  veaux,  au 
nombre  de  neuf;  nous  ne  croyons  pas  que 
ce  nomîire  eilt  rien  de  superstitieux,  ijuoi- 
que  nous  n'en  sachions  pas  la  raison  \S'um. 
xxix,  2G!.  Dans  l'Eglise  chrétienne,  le  nom- 
bre de  trois  est  devenu  sacré,  pai-i'c  qu'H 
est  relatif  aux  Personnes  de  la  sainte  Tri  i]it(''. 
Comme  ce  mystère  fut  attaqué  par  iiliisieiirs 
sectes  d'iii'rim-iues  ,  l'Eglise  alfecta  d'en 
multiplier  l'expression  dans  son  culte  exté- 
rieur; d'^  là  la  tripli'  immersion  dans  le  bap- 
tême, le  Tri.iagion  ou  trois  fois  saint  chaulé 
dans  la  liturgie,  les  signes  de  croix  répiMés 
trois  fois  par  le  prêtre  pendant  la  messe,  etc. 
Par  la  même  raison  le  nombre  de  neuf,  ou  trois 


fois  trois,  est  devenu  significatif;  ainsi  l'on 
dit  neuf  fois /fyr/fl  eleison,  fi'ois  fois  à  l'hon- 
neur d(!  cliaqu(>  Personne  divine,  |iour  mar- 
quci'  leur  égalité  parfaite.  Nous  pensons 
qu'une  ncucnine  a  le  môme  sens  et  fait  la 
même  allusion;  cpie  non-seulement  elle  est 
très-innocente,  mais  très-utile.  Si  par  igno- 
rance une  personne  pieuse  s'imaginait  qu'<i 
cause  lie  cette  allusion  le  nombre  de  neuf  a 
une  vertu  particulière,  ([u'airisi  unimem'ainn 
diiit  avoir  plus  d'efficacité  qu'une  dizaine, 
il  fiudrait  pardonnera  sa  simplicité,  et  Tins  , 
triiire  de  la  véritable  raison  de  la  dévotion 
qu'elle    pratique.    Voy.   ()iisehv\>ce    vaixb. 

NICÉE,  ville  de  Bithynie,  dans  laquelle  ont 
été  tenus  deux  conciles  généraux.  Le  pre- 
mier y  fut  assemblé  l'an  ^-26,  sous  le  règne 
et  par  les  ordres  de  Constantin,  pour  termi- 
ner la  contestation  qu'Arius,  prêtre  d'A- 
lexanlrie,  av  lit  élevée  au  sujet  il'  la  divinité 
du  Verbe  ;  il  fut  composé  de  318  évêqiies, 
convoqués  des  dilférentes  parties  de  l'empire 
romain  :  il  s'y  trouva  même  un  évêque  de 
Perse  et  un  de  la  Scylhie. 

Ariiis,  qui  avait  enseigné  que  le  Fils  de 
Dieu  était  une  créature  d'une  nature  ou 
d'une  essence  inférieure  à  celle  du  Père,  y 
fut  condamu'';  le  concile  décida  que  Dieu 
le  Fils  est  rnnsuhslanlirl  au  Père;  la  pro- 
fession de  foi  qui  y  fut  dressée,  et  que  l'on 
nomme  le  Symbole  de  Nicée ,  fait  encore 
aujourd'hui  partie  de  la  liturgie  de  1 E- 
glise.  Dix-sept  évoques,  qui  étaient  dans 
le  même  sentiment  qu'Arius ,  refusèrent 
d'abord  de  souscrire  ;i  sa  condamnation 
et  à  la  décision  du  concile  ;  douze  d'en- 
tre eux  se  soumirent  quehpics  jours  après, 
ei  enfin  il  n'en  resti  que  deux  qui  fuient 
exilés  par  l'empereur  avec  Arius.  Mais  dans 
la  suite  cet  hérésiarque  trouva  un  grand 
nombre  de-partisans,  et  l'Eglise  fut  troublée 
pendant  longtemps  par  les  disputes,  les  sé- 
diiions,  le-;  violences  auxquelles  ils  eurent 
iccours  pour  faire  prévaloir  leur  erreur.  Voy. 
Ar.iAMSME.  Ce  même  concile  régla  (pie  la 
jilqiie  serait  célébrée  dans  toute  l'Eglise  le 
dimanche  qui  suivrait  immcdiatenienl  le  li' 
jour  de  la  lune  de  mars,  comme  cela  se 
faisait  déjà  dans  tout  l'Occident  ;  il  travailla 
h  éteindre  le  schisme  des  inéléciens  et  celui 
des  novatiens.  Voy.  ces  deux  mots.  Il  dressa 
enfin  des  canons  de  discipline  au  nombre  de 
vingt,  qui  ont  été  unanimement  reçus  et  ob- 
servés. 

Les  Orientaux  des  différentes  sectes  en 
reçoivent  un  plus  grand  nombre,  connus 
sous  le  nom  de  Canons  arabiques  du  concile 
de  Nice'e:  mais  les  ditïérentes  collections 
qu'ils  en  ont  faites  ne  sont  pas  uniformes; 
les  unes  en  contiennent  plus,  les  autres 
moins,  et  il  y  en  a  plusieurs  (pii  sont  évi- 
demment tirés  des  conciles  postérieurs  à 
celui  de  Nire'e.  Uenaudot,  Histoire  des  pn- 
trifirches  d'Alexandrie ,  pag.  71.  Jusqu'au 
XVI'  siècle,  ce  concile  avait  été  regardé  com- 
me l'assemblée  la  plus  respectable  (jui  eilt 
été  tenue  dans  l'Eglise  ;  par  l'histoire  que 
Tillemont  en  a  faite',  Mémoire,  tom.  VI,  pag. 
631,  on  voit  que  la  plupart  des  évoques  dont 


1019 


NIC 


NIC 


1020 


il  fut  composé  étaient  des  hommes  vénéra- 
bles, non-seiilenient  jiar  leur  capacité  et  par 
leurs  vertus,  mais  encore  par  ki  gloire  qu'a- 
vaient eue  jilusieurs  de  confesser  Jésus- 
Christ  pendant  les  persécutions,  et  par  les 
marques  qu'ils  on  portaient  sur  leur  corps. 
Mais  depuis  que  les  sociniensout  trouvé  hou 
de  renouveler  l'arianisuie,  ils  ont  eu  inliTèt 
ide  rendre  suspecte  la  décision  de  ce  concile  ; 
'ils  l'ont  représent(^  comme  une  assemblée 
d'évèques  dont  la  plupart  étaient,  comme 
leurs  prédécesseurs ,  imi)us  de  la  pliiloso- 
phie  de  Platon  ,  qui  ne  l'eniporlil'rcnt  sur 
Ariiis  que  parce  qu'ils  se  trouvèrent  plus 
forts  que  lui  dans  la  dispute  et  (]ui  eurent 
la  témérité  de  forger  des  termes  et  des  ex- 
pressions qui  ne  se  trouvent  point  dans  l'E- 
criture sainte.  T.es  protestants,  dont  les  chefs 
LutluT  et  Calvin  n'ont  élé  rien  moins  qu'or- 
thodoxes sur  la  Trinité,  qui  se  trouvaient 
intéressés  d'ailleurs  à  diminuer  l'auiorité  des 
conciles  généraux,  en  ont  parlé  à  peu  près 
sur  le  même  ton.  Les  incrédules  ,  copistes 
des  uns  et  des  autres,  ont  jugé  qu'avant  le 
concile  de  Nicée  la  divinité  du  Verbe  n'élait 
point  un  aiticle  de  fui,  que  ce  dogme  a  été 
invenlé  |iour  l'honneur  et  pour  l'intérêt  du 
clergé,  et  qu'il  n'a  prévalu  dans  l'Eglise  que 
par  l'auiorité  de  Constantin.  Histoire  du  So- 
cin.,  i"  pari.,  c.  3. 

Cependant,  selon  le  récit  des  auteurs  con- 
temporains d'Eusèbe,  très-favorable  d'ailleurs 
au  sentiment  d'Arius,  de  Socrate,  de  Sijzd- 
mène,  de  Théodorot,  c'est  Arius,  et  non  les 
évèques,  qui  ;irgumiMitait  sur  des  notions 
philo^ophiqiics  :  lors([u'il  débita  ses  blas- 
|ilièmes  en  plein  concile,  les  évèques  se  bou- 
chèrent les  oreilles  |iar  indignation  ,  pour 
ne  pis  les  entendre  ;  ils  se  bornèrent  à  lui 
opposer  l'Ecriture  sainte,  la  tradition ,  la 
croyance  universelle  de  l'Eglise.  Au  mot 
Divinité  nE  Jésus-Christ,  nous  avons  fait 
"oir  ipie  ce  dogme  est  ap|iuyé  sur  des  pas- 
sages très-clairs  et  très-foruu'ls  de  l'Ecri- 
ture sainte,  sur  le  langage  constant  et  uni- 
forme des  Pères  des  tmis  preniiei'S  siècles, 
sur  la  liturgie  et  les  prières  de  l'Eglise,  sur 
la  constitution  entière  du  christianisme  ; 
que,  si  ce  dogme  fondamental  était  faux, 
toute  notre  religion  serait  absurde.  Gela  est 
démontré  par  la  chaîne  des  erreurs  que  les 
sociniens  ont  été  forcés  d'enseigner  :  dès 
qu'ils  ont  cessé  de  croire  la  divinité  de  Jé- 
sus-(]hrist,  leur  croyance  est  devenue  le  pur 
déisme.  Nous  ne  savons  pas  sur  quoi  fondé 
Mosheim  a  dit  qu'avant  l'hérésie  d'Arius  et 
le  concile  de  Nicc'e,  la  doctrine  touchant  les 
trois  Personnes  de  la  sainte  Trinité  n'avait 
j)as  encore  été  fixée,  que  l'on  n'avait  rien 
proscrit  à  la  foi  des  chrétiens  sur  cet  arti- 
cle, que  les  docteurs  chrétiens  avaient  des 
sentiments  dill'érenls  sur  ce  sujet,  sans  tpie 
personne  s'en  scandalis;3t.  Ilist.  ecclés.  du 
IV'  sii^cle,  W  part.,  c.  5,  §  9.  Depuis  les  apô- 
tres, la  doctrine  catholi([ue  touchant  la  sainte 
Trinit(''  était  fixée  par  la  forme  du  baplème, 
par  le  culte  suprènie  rendu  aux  trois  Per- 
sonnes divines,  par  les  anatlièmes  pronon- 
cés contre  divers  hérétiques.  Cérintiie,  Car- 


pocrate,  les  Ebionites,  Théodote  le  Cor- 
royeur,  Artémas  et  Artémon,  Praxéas,  les 
NiiiHiens,  Bérylle  de  Bostres ,  Sabellius , 
Paul  de  Samosate,  avaient  nié,  les  uns  la 
divinité  de  Jésus-Christ,  les  autres  la  dis- 
tinelion  des  trois  Personnes  divines  ;  tous 
avaient  été  condamnés.  Saint  Denis  d'Alexan- 
drie et  le  concile  qu'il  lit  tenir  contre  Sa- 
bellius l'an  2(51,  celui  de  Rome,  sous  le  pape 
Sixte  II,  en  2S7,  ceux  d'Anlioche  tenus  con- 
tre Paul  de  Samosate  en  2Gi  et  269,  avaient 
établi  la  même  doctrine  cjue  le  concile  de 
Nicée  :  celui-ci  se  lit  une  loi  de  n'y  rien 
changer:  tel  est  le  bouclier  que  saint  Atha- 
nase  et  les  autres  docteurs  catholiques  n'ont 
pas  (?essé  d'opposer  aux  ariens.  Le  point 
d'honneur,  l'intérêt,  l'esprit  de  dis|)jte  et 
de  contradiction,  n'ont  donc  pu  avoir  au- 
cune part  à  la  décision.  Voy.  Symbole.  Une 
jireuve  que  c'était  l'ancienne  foi  de  l'Eglise, 
c'est  qu'elle  fut  reçue  sans  contestation  dans 
toute  l'étendue  de  l'empire  romain,  dans  les 
synodes  que  les  évèques  tinrent  à  ce  sujet, 
même  dans  les  Indes  et  chez  les  barbares  où 
il  y  avait  des  chrétiens.  Ainsi  l'attestait  saint 
Atlianase,  k  la  têle  d'un  concile  de  quatre 
vingt-dix  évèques  de  l'Egypte  et  de  la  Li- 
bye, l'an  309.  Epistolœ  episcoporum  yEgijpti, 
etc.,  ad  Afros,  0pp.  tom.  I,  part,  ii,  p.  HiJl  et 
892.  Déjà,  l'an  363,  il  avait  écrit  à  l'emjie- 
reur  Jovicn  :  «Sachez,  religieux  empereur, 
que  cette  foi  a  été  i)rêchée  de  tout  temps, 
qu'elle  a  été  professée  par  les  Pères  de  vV*- 
cée,  et  qu'elle  est  confirmée  par  le  sulfrage 
de  toutes  les  Eglises  du  inonde  chrétien  ; 
nous  en  ayons  les  lettres.  »  ]bid.,  page  781. 
Ce  Père,  qui,  dans  ses  divers  exils,  avait  par 
couru  presque  tout  l'empire,  pouvait  mieux 
le  savoir  que  des  écrivains  du  s.iii°  siècle. 
Eusèbe  même  de  Césarée,  malgré  son  pen- 
chant décidé  à  favoriser  Arius,  protestait  à 
ses  diocésains,  en  leur  envoyant  la  décision 
de  Nicée,  que  c'avait  toujours  été  sa  croyance, 
et  qu'il  favait  reçue  telle  des  évèques  ses 
piédi':cpss;urs.  Dans  saint  Athanase,  t.  I, 
pag.  230,  et  dans  Socrate,  llisl.  ecclés.,  ].  i, 
c.  8.  L'autorité  de  Constanlin  n'influa  pour 
rien  dans  la  décision  du  concile  de  Nicée; 
il  laissa  aux  évèques  pleine  liberté  de  dis- 
cuter la  question  et  de  la  décider  connui'  ils 
jugeraient  à  propos  ;  la  crainte  de  déplaire 
à  cet  empereur  n'imposa  point  aux  [laitisans 
d'Arius,  puisque  plusieurs  refusèrent  de  si- 
gner sa  condamnation.  Dans  la  suite,  les  em- 
pereurs Constance  et  Valcns,  sédu'ts  par  les 
ariens,  usèrent  de  violence  pour  faire  réfor- 
mer la  décision  du  concile  de  Nicée;  mais 
les  empereurs  catholiques  n'en  ont  employé 
aucune  pour  faire  |irévaloir  cette  doclrine. 

Mosheim,  jiarlant  des  canons  de  discipline 
établis  par  ce  concile,  dit  que  les  Pères  do 
Nicée  étaient  presque  résolus  d'imposer  au 
clergé  le  joug  d'un  célibat  |)er|iétuel  ,  mais 
qu'ils  en  furent  détournés  par  Paiihnuce, 
l'un  des  évèques  de  la  Thébaide  ;  son  tra- 
ducleur  nomme  cette  loi  du  célibat,  une  loi 
contre  nature,  iv'  siècle,  ii' part.  cap.  5, 
S  12.  Les  prolestanls  ont  lait  grand  bruit  à 
l'i''gMrd   de  ce  fait  ;  niais  il   est  ici  fort  msl 


iO-li 


NIC 


NIC 


1033 


)ir,('^sent(^.  Selon  Soeralo,  I.  i,  c.  11,  et  Sozo- 
m^iic,  1.  I,  c.  2^,  les  Pi^i-cs  (li>  IVirc'o  vou- 
. aient  ordonner  .lux  ('"vôqiies.  ;nix  prûtres  et 
aux  (lineres,  qui  avaient  ('•té  mai'ii's  avant 
leur  onliiialion,  de  se  séparer  de  leurs  fem- 
mes ;  Paplinuee,  qu  ique  eélibntaii'e  lui-uié- 
mo,  représenta  ipie  eefte  loi  scM-ait  trop  dnro 
et  serait  suj(Mtt^  ?i  des  iiie  invi'nients.  (iu"il 
suffisait  de  s'en  tenir  h  la  li'adilion  de  l'F- 
î^lise ,  selon  laquelle  eeux  (pii  avaient  été 
promus  aux  ordres  sarrés  avant  (rèlr(>  ma- 
riés devaient  reuoneei' an  mariage.  En  effet, 
le  1"  iMuon  (in  eoncile  de  N(''ooésarée,  tenn 
Vnn  .'Jl'»  on  315,  ordonnait  do  déposer  un 
pr('tr(^  qui  se  serait  marié  apn'^s  son  ordina- 
tion ;  le  27°  canon  des  aptMres  no  permettait 
(|u'anx  loeteurs  et  aux  chantres  de  prendre 
(les  épouses  :  telle  était  Yaticicnnr  (raililion 
deFluilhe.  Mais  les  protestants,  qui  ont  Ju.hm! 
que  c'était  une  loi  contre  nature,  ont  tr'itivé 
him  de  snpfioser  que  le  concile  de  Nic('e 
avait  laissé  h  trins  les  c1(M'cs  sans  distinction 
la  lil)erlé  de  se  marier.  T'oi/.  (^.ki.idat.  l.e 
deuxième  concile  de  .Y/c/c,  (pii  est  le  se|)- 
ti('''Mifi  général  ,  fut  tenu  l'an  7H7  contre  les 
iconoclastes  ;  il  s'»  trouva  377  év("^ipies  d'O- 
rient avec  les  léj^als  du  |iape  Adrien.  Ou 
sait  que  les  empereurs  T.éon  d'Isa(U"ieii  , 
Cnnslantiu-Copronynie  e(  Léon  IV  s'étaient 
déclarés  contre  le  culte  rendu  aux  images, 
les  avaient  fait  Iniser,  et  avaient  si'vi  avec. 
la(lerni(''re  i'i:.;neur  contre  ceux  <^m  demeii- 
raiiMit  atlaclu's  à  ce  culte.  Constanlin-Copro- 
nymo  avait  assemblé,  l'an  7.'>'i,  ini  concile  à 
Conslanliiiople,  dans  lequel  il  avait  fait  con- 
dannier  le  culte  et  l'usage  des  iinases,  et  il 
avait  apiiuvé  cette  décision  par  ses  lois.  Sous 
le  r(>;.îne  de  l'impératrice  Ir(^ne,  veuve  de 
Li'on  IV,  rpii  jïonvernait  l'empire  au  nom  de 
son  lils  Cnnslantin-Por|ihyro2;én(''lo.  encore 
mineur,  le  concile  do  Nici'e  fut  tenu  poin' 
réformer  les  déiTOts  de  celui  de  Constanti- 
n«i)l(',  et  pour  rétablir  le  culte  des  images. 
La  plupart  dos  éjèrpn\s  rfui  avaient  assisti' 
et  .souscrit  à  ces  décrets  se  rétractèrent  à 
Nier^e. 

Il  y  fut  décidé  que  l'on  doit  rendre  aux 
images  de  Jésus-Christ,  de  sa  sainte  UK're, 
des  anges  et  des  saints,  le  salut  et  I  adoi'a- 
tion  d'honneur,  mais  non  la  véritable  bttrir, 
qui  ne  convient  ([u'.'i  la  nature  divine:  parce 
que  riioimeur  rendu  h  l'image  s'adresse  ?i 
l'original,  et  que  celui  qui  ador(!  l'image 
adore  le  sujet  (pi'elle  re(ii'(''seute;  que  telle 
est  la  doctrine  des  saints  l'éres  et  la  tradi- 
tion do  ri"'glis(!  catholique  répandue  par- 
tout. Dans  l(!s  lettres  que  le  concile  écrivit 
à  l'empereur,  îi  l'impératrice  et  au  clergi'^  do 
Constantino|i|e,  il  expli([ua  le  mot  tYmlorn- 
tion ,  et  lit  voir  que,  dans  le  langage  do 
l'Ecriture  sainte,  (ulorer  et  saluer  sont  deux 
termes  .synonymes.  Cette  di'cision.  envoyée 
par  le  pape  Adrien  h  Charlem.igno  et  aux 
éy(!(|ues  des  Gaules,  essuva  beaucoup  de 
diflinultés  et  de  contradictions  ;  nous  en 
avons  exposé  les  suites  h  l'article  Image. 
On  conij.oit  ([iio  les  protestants,  eimemis 
jurés  du  culte  des  imng(^s,  n'ont  pas  man- 
qué de  di'clan)er  contre  le  conoilc  do  iVnee- 


ils  ont  lAdié  de  répaiulre  sur  sos  di5cret.s 
tout  l'odieux  des  crimes  dont  l'impfîratrice 
Ir(''ne  s'était  rendue  coupable.  On  abroge,!, 
disent-ils,  dans  celte  asscMnlih'e,  les  hiisim- 
l)ériales  au  sujet  de  la  nouvelle  idolAtrio; 
on  annida  les  décrets  du  concile  de  Cons- 
tantinoplc  :  on  r*'tablit  le  culte  des  images 
et  do  la  croix,  et  l'on  décerna  des  chAlimonis 
si'.véres  contre  ceux  qui  soutiendraient  (|ue 
Dieu  était  le  seul  objet  (r(nie  adoration  re- 
ligieuse. On  ne  peut  rien  imaginei'  de  plus 
ridicule  et  de  plus  trivial  (juo  les  arguments 
sur  lesquels  les  év('((ues  (jui  composaient 
ce  concile  fondèrent  leur  décret.  Ccpcn  l;)n( 
les  lîomain.;  les  tinrent  pour  sacrés,  et  jc'.; 
Cii-ecs  regardèrent  connue  des  parricides  (  l 
des  traîtres  ceux  qui  refusèrent  do  s'y  sou- 
mettre. Mosheim,  flist.  ecclés.,  huitihnc  sv- 
cle.  If  pnrt.  0.  3,  §  13.  Au  mot  Imach,  nous 
avons  fait  voir  que  le  culte  ipi'on  leur  rend 
dans  l'Eglise  catholi(jue  n'est  ni  un  usa,.;o 
nouveau  ni  une  /(/oM^/vc;  aussi  cette  qua- 
lification n'est  point  de  iMosheim,  mais  do 
son  Iraducleur.  Nous  avons  montré  que, 
dans  foutes  les  langues,  le  terme  adorer  vsl 
é(]uivoque,  cfu'il  sigrnlie  également  le  cult(! 
rendu  h  Dieu  et  1  lionmmr  rendu  aux  créa- 
tures, qu'il  est  employé  de  même  par  les 
auteurs  sacrés  et  p-u'  (os  écrivains  ecchisias- 
liques;  il  est  donc  ridicule  do  vouloir  con- 
fdiidro  rhonn(!in'  rendu  aux  images  et  le 
culte  rf'udn  h  Dieu,  |iarco  qu'ils  sont  ex- 
primés par  h^  même  terme.  Une  objection 
fondée  sur  une  pure  équiv(jque  n'est  qu'une 
puérilité. 

L'assemblée  des  évèques  h  Constantino- 
ple,  l'an  75'i,  no  mérit(!  [loint  le  nom  do 
f'o»c;7e;  le  chef  de  l'Eglise  n'y  eut  aucune 
part;  au  contraire  il  la  rejeta  connue  uiuî 
assemblée  schismatique  ;  ce  fut  un  acte  do 
despotisme  de  la  part  de  Constantin-Copro- 
nyme;  tout  s'y  conclut  par  sa  seule  autorité  : 
les  évè((ues,  subjugués  [lar  la  crainte,  n'o- 
sèrent lui  résister  :  aussi  demandi'rent-ils 
))ardon  do  leur  faute  au  concile  de  ;Y/cr('.  11 
n'est  pas  vrai,  quoi  qu'en  dise  Moshcim,  qu(! 
les  Crées  regardent  ce  conciliabule  de  Con- 
slanlinople  comme  le  septième  (jL'ciiméinijue, 
prén'rablement  à  celui  de  iV/c(f(';  les  Cirées, 
quo!([ue  schisniatiques,  ne  snnt  point  dans 
les  sentiments  des  iconoclastes  ni  (Jaiis  eeux 
(his  [iroteslants.  11  est  oncdre  faux  ijue  l'on 
ait  décerni'  des  châtiments  sévères  eontr(! 
ceux  (pii  soutiendraient  que  Dieu  est  le  seul 
objet  d'u;;e  ador.ition  religieuse.  Le  com-ile 
de  Nire'e  distingue  cx|ire.-sément  Fadoi-alio-i 
religieuse  proprement  dite,  ou  la  véritable 
latrie,  qui  n'est  ilue  qu'à  Dion  seul,  d'avoi; 
le  sim|)lo  honneur,  nonnné  improprement 
adoration,  que  l'on  rend  aux  images,  cull(! 
purement  relatif,  et  qui  se  raiiporte  à  l'objet 
fju'ellesreprésentont.rof/.  ADonATn)N,Ci  (.TE 
Les  raisons  sur  les(|uclles  les  Pères  do  Nicée, 
fondèrent  leurs  décisions  ne  sont  ni  ridicule.s 
ni  triviales;  ils  s'ap[myèrenl  principalement 
sur  la  tradition  constante  et  universelle  de 
l'Eglise;  on  lut  en  plein  concile  les  passa- 
ges des  ilocteurs  anciens,  et  l'on  y  réfuta  en 
détail  les  fausses  raisons  ipii  avaient  été  al- 


d023 


NIC 


NIC 


1024 


léguées  dans  l'assemblée  de  Constantinople. 
Ce  sont  les  mômes  dont  les  protestants  se 
servent  encore  aujourd'hui. 

Il  est  fi'iux  que  l'on  ait  Iraité  comme  des 
parricides  et  des  traîtres  ceux  qui  réinsè- 
rent d'obéir  à  la  décision  de  Nicée,  ni  que 
l'on  ait  sévi  contre  eux;  nous  ne  voyons 
dans  l'histoire  aucun  supplice  infligé  à  ce 
sujet  ;  le  concile  ne  décerna  point  d'autre 
peine  que  celle  de  la  déposition  contre  les 
évéques  et  contre  les  clercs,  et  celle  de 
l'excommunication  contre  les  laïques  :  au 
lieu  que  les  empereurs  Léon  l'Isaurien, 
Constantin-Copronyme  et  Léon  IV  avaient 
répandu  des  torrents  de  sang  pour  abolir  le 
culte  des  images,  et  avaient  exercé  des  cruau- 
tés inouics  contre  ceux  qui  ne  voulaient  pas 
imiter  leur  impiété.  Mosheim  lui-même  en 
est  convenu,  et  il  n'a  pas  osé  condamner 
avec  autant  de  hauteur  ({ue  le  fait  son  tra- 
ducteur, la  conduite  des  papes  qui  s'oppo- 
sèrent de  toutes  laurs  forces  à  la  fureur  iré- 
nétique  de  ces  trois  empereurs.  Jamais  les 
catholiques  n'ont  emp'oyé  contre  les  mé- 
créants les  mômes  cruautés  que  les  héréti- 
ques, lorsqu'ils  se  sont  trouvés  les  maîtres, 
ont  exercées  toi.tre  les  orthodoxes. 

NICHE.  On  nomme  ainsi,  dans  l'Eglise 
romaine,  un  petit  trône  orné  de  dorures  ou 
d'élolfe  précieuse,  surmonté  d'un  dôme  ou 
d'un  dais,  et  bur  lequel  on  place  le  saint  Sa- 
crement, un  cn.icilix,  ou  une  image  de  la 
sainte  'V'ierge  ou  d'un  saint.  11  y  a  bien,  de 
l'iniiécence,  pour  ne  rien  dire  de  phjs,  h 
comparer  l'usage  de  jiorter  en  procession  ces 
objets  de  notre  dévotion,  avec  la  coutume 
des  idolâtres  anciens  ou  modernes,  qui  por- 
taient aussi  en  procession  dans  des  niches 
ou  sur  des  brancards  les  statues  de  leurs 
dieux  ou  les  symboles  de  leur  culte.  C'est 
cependant  ce  que  l'on  a  fait  dans  [ilusieurs 
dictionnaires.  A-t-on  voulu  insinuer  par  là 
que  le  culte  que  nous  rendons  à  la  sainte 
eucharistie  ou  aux  saints  est  de  même  es- 
pèce, et  non  moins  absurde  que  celui  que 
les  païens  rendaient  à  leurs  idoles.  Vingt 
fois  nous  avons  réfuté  ce  parallèle  injurieux, 
toujours  ré()été  par  les  [irotestants  et  par 
les  incrédules.  Les  prétendus  dieux  du  pa- 
ganisme étaient  des  êtres  imaginaires,  la 
plupart  de  leurs  simulacres  étaient  des  ob- 
jets scandaleux,  et  les  pratiques  de  leur 
culte  étaient  ou  des  puéridtés  ou  des  infi- 
mies.  Jésus-Christ  Dieu  et  homme,  réelle- 
ment présent  dans  l'eucharistie,  mérite  cer- 
tainement nos  adorations;  les  images  des 
saints  sont  respectables  à  plus  juste  titre 
que  celles  des  grands  hommes,  puisqu'elles 
nous  représentent  des  modèles  de  vertu,  et 
dans  les  hoimeurs  que  nous  leur  rendons 
il  n'y  a  rien  de  ridicule,  de  scandaleux,  ni 
d'indécent.  Voy.  Culte,  Idolâtrie,  Image, 
Saint,  etc. 

NICODÈME,  docteur  juif,  qui  vint  pen- 
dant la  nuit  trouver  Jésus-Christ  pour  s'in- 
struire. «  .Maître,  lui  dit-il,  nous  voyons  que 
Dieu  vous  a  envoyé  pour  enseigner;  un 
homme  ne  pourrait  pas  faire  les  miracles 
que  vous  faites,  si  Dieu  n'était  pas  avec  lui 


(Joan.  III,  1).  »  Le  témoignage  rendu  au 
Sauveur  par  un  des  principaux  docteurs  de 
la  synagogue  a  déplu  aux  incrédules,  ils  ont 
cherché  à  l'affaiblir.  Ils  ont  dit  que  le  dis- 
cours adressé  par  Jésus-Christ  à  Nicodème 
est  inintelligible,  qu'il  ne  lui  déclare  pas 
nettement  sa  divinité,  qu'il  semble  que  Jé- 
sus n'ait  parlé  à  ses  auditeurs  que  pour  leur 
tendre  un  piège  et  les  induire  en  erreur.. 
Cependant  ce  discours  nous  parait  très-in- 
telligible et  très-sage.  Jésus  avertit  d'abord 
ce  ilocteur  que  personne  ne  peut  entrer  dans 
le  royaume  tle  Dieu  s'il  ne  reçoit  une  nou- 
velle naisstnce  par  l'eau  et  par  le  Saint-Es- 
prit; c'était  une  invitation  faite  k  Nicodème 
de  recevoir  le  baplêrae.  Jésus  compare  cette 
nouvelle  naissance  aux  effets  du  vent,  dont 
on  entend  le  bruit  sans  savoir  d'où  il  vient  ; 
ainsi,  dit  le  Sauveur,  on  voit  d^ins  le  baptisé 
un  changement  dont  la  cause  est  invisible, 
changement  qui  consiste  à  vivre  selon  l'es- 
prit et  non  selon  la  c'iair.  Il  ajoute  que  le 
témoignage  qu'il  rend  de  cette  vérité  est  di- 
gne de  foi,  puisqu'il  est  descendu  du  ciel 
pour  venir  l'annoncer  aux  hommes;  mais, 
quoique  descendu  du  ciel,  il  dit  qu'il  est 
dans  le  ciel,  v.  13,  et  nous  demandons  aux 
sociniens  comment  le  Fils  de  l'homme  des- 
cendu du  ciel  |iouvait  encore  être  dans  le 
ciel,  s'il  n'était  pas  Dieu  et  homme.  Dieu, 
continue  le  Sauveur,  a  tellement  aimé  le 
monde,  qu'il  lui  a  donné  son  Fils  unique,  afin 
que  (juiconque  croit  en  lui  ne  périsse  point, 
mais  obtienne  la  vie  éternelle.  Il  n'a  point 
envoyé  son  Fils  pour  juger  le  monde,  mais 
pour  le  sauiHT.  Jésus-Christ  pouvait-il  révé- 
ler plus  clairement  sa  divinité  à  Nicodème 
qu'en  lui  déclarant  cju'il  était  aussi  réelle- 
ment Fils  do  Dieu  que  Fils  de  l'homme?  S'il 
n'avait  pas  été  Dieu,  pouvait-il  sauver  le 
monde'/  Il  est  certain  d'ailleurs  que  les  doc- 
teurs juifs  prenaient  le  mot  Fils  de  Dieu 
dans  toute  la  rigueur,  et  qu'ils  étaient  con- 
vaincus par  les  prophéties  que  le  Messie  de- 
vait être  Dieu  lui-même.  Voy.  Divinité  de 
Jésl's-Christ. 

Il  y  a  eu  un  Evangile  apocryphe  sous  le 
nom  de  Nicodème  :  c'était  une  histoire  de  la 
passion  et  île  la  résurrection  de  Jésu.s-Clirist; 
mais  il  n'a  commencé  h  paraître  qu'au  iv" 
siècle;  il  y  est  dit  à  la  fin  qu'il  a  été  trouvé 
par  l'empereur  Théodose  :  avant  ce  temps- 
là  on  n'en  avait  pas  entendu  parler,  aussi 
n'en  a-t-on  fait  aucun  cas.  C'était  évidem- 
ment une  narration  tirée  des  quatre  évan- 
gélistes  par  un  auteur  ignorant,  qui  y  avait 
ajouté  des  circonstances  imaginaires.  Fa~ 
bricii  Codex  apocryphus.  N.  T.  p.  21't.  Il 
n'est  pas  certain  cpie  ce  faux  Evangile  soit 
la  môme  chose  que  les  Actes  de  Pilate  dont 
les  anciens  ont  parlé.  Voy.  Pilate. 

NICOLAITES.  C'est  le  nom  de  l'une  des 
plus  anciennes  sectes  d'hérétiques.  Saint 
Jean  en  a  parlé  dans  V  Apocalypse,  c.  ii,  y.  G 
et  15,  sans  nous  apprendre  quelles  étaient 
leurs  erreurs.  Selon  saint  \v('\\ée,adv.Hœres., 
lib.  1,  c.  2G,  ils  tiraient  leur  origine  de  Ni- 
colas, l'un  des  sept  diacres  de  l'Eglise  de 
Jérusalem  qui   avaient  été  établis  par  les 


10-25 


NIC 


I,Ofc 


um 


opôtres    (.((■/.  MI,  !i)  :  mnis  .o.s   ancic^ii'î    ne 
cuiivicniiêiit  point  do  la  faute  par  laquelle 
il  avait  doniK^  naissance  à  une  hérésn'.  Les 
uns  dis(Mit  que,  conuua  il  avait  épousé  une 
frès-hellc  fenimc,  il   n'eut   pas  le  courage 
d'en  ilonieurer  séparé,  qu'il  retourna  avec 
elle  apr('S   avoir  promis  de   vivre   dans  la 
continence,  et  qu'il  chercha  à  pallier  •■a  faute 
par   des    maximes    scandaleuses.    D'autres 
piétendent  que,   connue  il    était  accusé  de 
jalousie  et  d'un  attachement  excessif  à  cette 
feiiniie,  pour  dissifier  ce  soupçon,  il  la  con- 
duisit aux  a()à(res  et  otfrit  de  la  céder  h  qui- 
conque voudrait  l'épouser;  ainsi  le  raconte 
saint  (élément   d'Alexandrie,   Strom.,    1.  m, 
c.  k,  p.  5-22  et  523  :  il  ajoute    que    Nicolas 
était    très-chaste  et   ((ue  ses  lilles  vécurent 
dans  la  coiUineuce,  mais  que   des  hommes 
corrompus  abusèrent  tl'iine  de  ses  maximes, 
savoir  qu't/  faut  exercer    la  chair,    par  la- 
quelle il  entendait  ([u'il  faut  la  murtilier  et 
la  dompter.  Plusieurs   enlin  ont   p(nisé    ([ue 
ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  faits  ne  sont  proba- 
l)les,   mais  qu'une  S(>cte  de   gnosticiues  dé- 
baucliés  alfecta  d'attribuer    ses  jiropres  er- 
reurs à  co  disciple  des  apôlres,  pimr  se  don- 
ner une  origine  respectable.   Ouoi  qu"il  en 
soit,  saint  Irénée  nous  a|)prend  que  bs  nico- 
laites  étaient  une  secte  de  gnosliques   (jui 
enseignaient  les  mêmes  erreurs  cjuii  les  cé- 
nntliiens,  et  que  saint  Jean  les  a  réfutés  les 
uns  et  les  autres  par  le  couuuencement  de 
son  Evangile,  adv.   Hier.,  1.  ni,  c.  11.  Or, 
une  des  principales  erreurs  de  Cérintlie  était 
de  soutenir  que  le  Créateur  du  monde  n'é- 
tait pas  le  Dieu  suprême,   mais  un   esprit 
d'une  naîure  et  d'une  puissance  inférieures; 
que  le  (Mirist  n'était  point  le  lilsdu  (Créateur, 
mais  un   esprit   d'un  ordre  plus    élevi"    (|ui 
était  descendu  dans  Jésus,   lils  du  Créateur, 
et  qui  s'en  était   séparé  pendant   la  passion 
de  Jésus.   Yolj.  Ckhintiiiens.    Saint   Irénée 
s'accorde  avec  les  autres  Pères  de  l'Eglise 
en  attribuant  aux  nicolaites  les  maximes  et 
la  conduite  des  gnostiques  débauchés.  Voy. 
les  Dissert,  de  D.  Massuet  sur  saint  Ircnéc, 
I)ag.  GG  et  67.  Coccéius,  Holfman,   Vitringa 
e'  d'autres  critiques  protestants  ont  imaginé 
t^ae  le  nom  des  nicolaites  a  été  forgé  pour 
désigner  une  secte  qui  n'a  jamais  existé;  que 
dans  l'Apocalypse  ce  nom  désigne  en  géné- 
ral des  hommes  adonnés  à  la  débauche  et  à 
la  volupté;  que  saint  Irénée,  saint  Clément 
d'Alexandrie  et  les  autres  anciens  Pères  ont 
été  trompés  par  de  fausses  relations.  Mos- 
heim,  dans  ses  Dissert,  sur  l'Hint.    eccles., 
tom.  I,  p.  3ïâ,  a  réfuté  ces  critiques  témé- 
raires; il  a  f.iit  voir  qu'il  n'y  a  aucune  rai- 
son solide  de  suspecter  le  témoignage  des 
anciens   Pères,   que  toutes    les    objections 
que  l'on  a  faites  contre  l'existence  de  la  secte 
des  nicolaites  sont  frivoles.  Il  bblme  en  gé- 
néral ceux  qui  atfectent  d'accuser  les  Pères 
de  crédulité,  d'imprudence,  d'ignorance,  de 
défaut  de  sincérité  ;  il  craint  que  ce  mé:  ris 
déclaré  à  l'égard  des  personnages  les   [ilus 
respectables  ne  donne  lieu  aux  incrédules 
'ie   regarder   cx)mme  fabub-use  toute  l'his- 
toire des  premiers  siècles  du  chnstiauisme. 


Nous  voyons  aujourd'hui  qwc  cette  crainte 
est  très-l)ien  fondée,  et  il  sei-at  à  souhaiter 
que  Mosli.  im  lui-même  se  fût  toujours  sou- 
venu de  cette  rélli'xion  en  écrivant  sur  l'his- 
toire eccli'siastique.  Voy.  Pères. 

Vers  l'an  852,  sous  Louis  le  Débonnaire, 
et  dans  le  \i'  siècle,  sous  le  i)ape  Urbain  11, 
l'on  nonnna  nicotaites  les  prêties,  diacres  et 
sous-diacres,  qui  ]irétendaient  qu'il  leur 
était  [lerniis  de  se  marier,  et  qui  vivaient 
d'une  manière  scandaleuse;  ils  furent  coii- 
danniés  au  concile  de  Plaisance,  l'an  lOi'5. 
De  .M.Trca,  t.  X  Concil.,  p.  I'J5. 
NOACHIDES.  Voy.  Noi:. 
NOCES,  festin  (jue  l'on  fait  h  la  célébra- 
tion d'un  mariage.  J(''sus-Christ  daigna  ho- 
norer de  sa  présence  les  noces  de  Cana,  [)Our 
témoigner  qu'il  ne  ilésajiprouvait  [loint  la 
joie  innocente  à  l.iquelle  on  se  livre  dans 
cette  occasion;  il  y  lit  le  premier  de  ses  mi- 
racles, et  y  changea  l'eau  en  vin.  Voy.  Ca>a. 
A  son  exemple,  les  conciles  et  les  Pères  de 
l'Eglise  n'ont  point  blâmé  la  poiiq^e  et  la 
gaieté  modestes  que  les  (idèles  faisaient  pa- 
railie  dans  leurs  noces;  mais  ils  ont  tou- 
jours oiclonné  d'en  bannir  toute  es[)èco 
d'excès,  et  tout  ce  qui  ressentait  encore 
les  mœurs  [)aiennes.  «  Il  ne  convient  point, 
dit  le  concile  de  Laodicée,  aux  chrétiens 
qui  assistent  aux  noces,  de  se  livier  ii  des 
danses  bruyantes  et  lascives,  mais  d'y  pren- 
dre un  re[ias  modeste  et  convenable  à  leur 
profession.  »  Saint  Jean  Chrysosiome  a  dé- 
clamé plus  d'une  lois  contre  les  désordres 
auxquels  plusieurs  chrétiens  se  livraient 
dans  cette  circonstance.  Bingham,  Oriy. 
ecclc's.,  1.  XXII,  c.  4,  §  8.  Plusieurs  conciles 
ont  défendu  aux  ecclésiastiiiues  d'assisler 
aux  fest.ns  des  noces;  d'autres  leur  ont  seu- 
lement ordonné  de  se  retirer  avant  la  tin  du 
rep.is,  lorsque  la  joie  devient  troj)  bruyante. 
Dans  les  paroisses  de  la  campagne,  plu- 
sieurs |)asteuis  ont  coutume  d'assister  aux 
noces,  lorsqu'ils  y  sont  invités,  parce  qu'ils 
sont  sûrs  que  leur  présence  contiendra  les 
conviés,  et  fera  éviter  toute  espèce  d'indé- 
cence. Ceux  qui  ont  des  paroissiens  moins 
dociles  et  moins  resj)ectu_eux,  s'en  absentent, 
alinde  ne  pas  paraître  ap])rouver  ce  qui  peut 
y  arriver  do  contraire  au  bon  ordre.  Les 
uns  et  les  autres  sont  louables  dans  leurs 
motifs  et  dans  leur  conduite,  selon  les  cir- 
constances. 

Noces  (secondes).  Voy.  Bigames. 

N0(;TIJUNE.  Voy.  Helres  canoniales. 

NOÉ,  patriarche  célèbre  dans  le  premier 
Age  du  monde,  ii  cause  du  déluge  univer- 
sel dont  il  fut  sauvé  avec  sa  famille,  et  parce 
qu'il  a  été  la  seconde  tige  de  tout  le  genre 
humain.  Voy.  Déllge.  Ses  premiers  des- 
cendants ont  été  appelés  noachides. 

Les  incrédules,  qui  se  sont  f.iit  un  mérite 
de  trouver  quelque  chose  à  reprendre  dans 
l'Ecriture  sainte,  ont  jirojiosé  plusieurs  ob- 
jections contre  l'histoire  de  ce  |iatriaiche. 

1°  Dans  la  Genèse,  c.  viii,  v.  20,  il  est  dit 
que  iVoe' sortit  de  l'arche,  otfrit  un  sacritice 
au  Seigneur,  et  cpie  Dieu  le  reçut  en  boniw 
odeur.  Par  cette  expression,  disent  nos  cen- 


1IH7 


NOE 


NOE 


1028 


sc'urs,  ii  paraît  ffue  Moïse  a  été  dans  la  même 
opinion  que  les  i)aiVns,  qui  pensaient  que 
leurs  dieux  se  iioiinissaient  do  la  fumée  des 
victimes  brûlées  ii  leur  honneur,  et  que  cette 
odeur  leur  était  agrf'able.  Ça  été  aussi  le 
sentiment  des  anciens  Pères;  ils  ont  cru 
que  les  dieux  i:\G:'>  païens  étaient  des  démons 
avides  de  celte  fumée;  0|)inion  coniraire  à 
la  spiritualité  de  Dieu  et  des  anges,  inj\i- 
rieuse  à  la  majesté  divine,  et  qui  règne  en- 
core chez  les  idolâtres  modernes.  C'est  par 
le  même  préjugé  que  l'on  a  lirùlé  de  l'en- 
cens et  des  parfums  à  l'honneur  de  la  Divi- 
nité. Mais  une  mé!a|)liore  comiimne  îi  toutes 
les  langues  \\v  peut  pas  fonder  une  objec- 
tion fort  solide;  il  ne  faut  pas  prêter  aux 
auteurs  sacrés  les  erreurs  des  païens,  lors- 
qii  ils  ont  professé  formellement  les  vérilés 
contraires  à  ces  erreurs  ;  or.  Moïse  et  les 
prophètes  ont  enseigné  clairemenl  que  Dieu 
est  un  pur  Esprit,  qu'il  est  [irésent  partout, 
qu'il  n'a  besoin  ni  d'olfrande  ni  de  victimes, 
que  le  seul  culte  qui  lui  soit  agréable,  ce 
sont  les  sentiments  du  cœur  {Gm.  vi,  3; 
Num.  XVI,  22;  Ps.  xv,  2;  xlix,  12;  /,s«(.  i, 
11  ;  Jerem.  vu,  22,  etc.).  Le  passage  que  l'on 
nous  objecte,  signilie  seulement  que  Dieu 
agréa  les  sentiments  de  reconnaissance  et 
de  respect  que  Noe  lui  témoigna  par  son  sa- 
crilice.  Voy.  SACiui-icii.  Ceci  n'a  donc  rien 
de  commun  avec  les  folles  imaginations  des 
païens;  lorsque  les  Pères  ont  argumenté 
contre  eux,  ils  ont  jki  raisonner  d'une  ma- 
nière conforme  aux  jiréjugés  du  paganisme, 
sans  les  adopter.  L'o|)iuion  touchaiil  le  goût 
des  démons  pour  les  sacrilices  était  suivie 
par  les  philosoiihes;  Lucien,  Plutarque,  Por- 
phyre, l'ont  enseignée,  nous  ne  voyons  pas 
j)ourquoi  les  Pères  auraient  dû  la  combat- 
tre. Voy.  DÉMON. 

2"  Gcn.,  c.  IX,  V.  10,  Dieu  dit  hNoé :Jevais 
faire  alliance  avec  vous,  avec  votre  postérité 
et  arec  tous  les  animaux.  De  là  un  |iliili;S(iplie 
moderne  a  conclu  que  l'Ecriture  attribue 
de  la  raison  aux  bètes,  puisque  Dieu  fait 
alliance  avec  elles  ;  il  se  récric  contre  le 
ridicule  de  ce  trait.  Quelles  en  ont  été, 
dit-il,  les  conditions  ?  Que  tous  les  animaux 
se  dévoreraient  les  uns  les  autres,  (ju'ils 
se  nourriraient  de  notre  sang  et  nous  du 
leur;  quajuès  les  avoir  mangés  nous  nous 
exterminerions  avec  rage.  S'il  y  avait  eu  un 
tel  jiacte,  il  aurait  été  fait  avec  le  diable. 
Pour  sentir  l'absurdité  de  cette  tirade,  il  suf- 
lit  de  lire  le  texte  :  Je  rais  faire  arec  vous 
une  alliance  en  ver  lu  de  laquelle  je  ne  dé- 
truirai j)lus  les  créatures  vitmntes  par  les 
eaux  du  délwje.  Ici  le  mot  alliance  signifie 
simplement  promesse;  Dieu,  pour  gage  de 
la  sienne,  fait  paraître  l'arc-en-ciel.  Nouveau 
sujet  de  censure.  «  Remaripiez,  dit  le  phi- 
losophe, que  l'auteur  de  l'histoire  ne  dit 
pas  j'ai  mis,  mais  je  mettrai;  cela  suppose 
que,  selon  son  opinion,  l'arc-en-ciel  n'avait 
l)as  toujours  (  xisté,  et  que  c'était  un  phé- 
nomèiïe  surnaturel.  Il  est  étrange  de  choisir 
le  signe  de  la  pluie  pour  assurer  que  l'on 
ue  sera  pas  noyé.  »  Etrange  ou  non,  la 
promesse  se  vérifie  depuis  quatre  mille  ans. 


Moïse  dit  formellement,  j'ai  mis  mon  arc  dans 
les  nuées;  le  texte  est  ainsi  rendu  par  le 
samaritain, par  les  versions  s.)  riaqueelarabe  : 
les  Septante  portent  '.je  mets  mon  arc  dans  les 
nuées  :  ainsi  la  critique  du  philoso()lie  est 
fausse  k  tous  égards.  Pourquoi  un  phé- 
nomène naturel  n'aurait-il  pas  pu  servir  à 
rassurer  les  hommes? 

3"  Dans  le  môme  chap.,  v.  19,  il  est  dit 
qno  toute  la  terre  fut  repeuplée  par  les  trois 
enfants  de  Noé.  Cela  est  impossible,  disent 
nos  philosoiilies  modernes  ;  deux  ou  trois 
cents  ans  après  le  déluge,  il  y  avait  en 
lîgy|ite  une  si  grande  quantité  de  peu[ile, 
que  vingt  mille  villes  n'étaient  pas  capa- 
bles de  le  contenir.  Il  y  en  avait  sans 
doute  autant  à  proportion  dans  les  autres 
contrées  ;  comment  trois  mariages  ont-ils 
]iu  produire  cette  population  prodigieuse? 
Nous  répondions  à  cette  question,  lorsque 
l'on  aura  piouvé  cette  prétendue  population 
de  l'Egypte.  Ce  royaume  ne  contient  pas 
aujourd'hui  mille  villes,  et  l'on  veut  qu'il 
y  en  ait  eu  vingt  mille  deux  ou  trois  siècles 
après  le  déluge.  L'air  de  l'Egypte  fut  toujours 
très-mal  sain  à  cause  des  inondations  du 
Nil  et  des  chaleurs  excessives  ;  il  l'était  encore 
davantage  avant  que  l'on  eût  fait  des  tra- 
vaux immenses  pour  creuser  des  canaux, 
et  le  lac  Mœris,  pour  faciliter  l'écoule- 
ment des  eaux,  pour  élever  les  villes  au- 
dessus  du  niveau  des  inondations  ;  les  liom- 
incs  y  ont  toujours  vécu  moins  longtemps 
qu'ailleurs.  L'Egypte  ne  fut  jainais  exces- 
sivement peuplée  que  dims  les  fabUs.  Les 
incrédules  ont  eu  beau  faire,  ils  n'ont  eu- 
core  pu  citer  aucun  monument  de  popu- 
lation ni  d'industrie  humaine  antérieure  au 
fiéluge.  Vainement  ils  ont  eu  recours  aux 
histoires  et  aux  clironolugies  des  Chinois, 
des  Indiens,  des  Egyptiens,  des  Chaldéens, 
des  Phéniciens;  il  est  démontré  aujour- 
d'hui qu'en  faisant  attention  aux  différentes 
manières  de  calculer  les  temps  dont  ces  peu- 
ples se  sont  servis,  toutes  se  concilient,  datent 
à  peu  près  de  la  même  éjioijue,  et  ne  peuvent 
remonter  plus  haut  que  ledéluge.  Voy.  Monde 
(Antiquité  du). 

4  "  Ils  ont  dit  que  l'histoire  de  Noé  endormi 
et  découvert  dans  sa  tente,  la  malédiction 
prononcée  contre  Chanaan  pour  le  punir  de 
la  faute  de  Cham  son  père,  est  une  fable 
forgée  par  Moïse,  pour  autoriser  les  Juifs  à 
dépouiller  les  Chananéens,  et  à  s'emparer 
de  leur  pays;  que  cette  punition  des  en- 
fants pour  les  crimes  de  leur  père  est  con- 
traire à  toutes  les  lois  de  la  justice;  que 
la  postérité  de  Cham  n'a  pas  été  moins 
nombreuse  que  celle  de  ses  frères,  puis- 
qu'elle a  i)euplé  toute  l'Alrique.  Mais  ces 
savants  critiques  n'ont  pas  vu  que  Moïse 
attribue  aux  descendants  de  Jajihet  les  mêmes 
droits  sur  les  Chananéens  qu'à  la  |iostérité 
de  Sem,  jinisque  Noé  assujettit  Chanaan  à 
tous  les  deux  (Gen.  ix,  25)  ;  les  Juifs  descen- 
dus de  Sem  ne  pouvaient  donc  en  tirer 
aucun  avantage.  Moïse  les  avertit  (jue  Dieu 
a  promis  à  leurs  Pères  de  leur  donner  la 
Palestine,  el  de  punir  les  Chananéens,  non 


i029 


NOE 


NOfc 


inso 


du  crime  do  Cliam,  ni.iis  de  leurs  propres 
crimes  (Lcvil.  xviii,  25;  Drnl.  ix,  h,  etc.).  Il 
leur  d^iV'nd  de  relounier  on  Kgy[)tc,  et  de 
conserver  de  la  liainc  eonlre  les  Eg. plieiis, 
(}uni([ue  ceux-ci  fu~senl  descendants  de  Cham 
(Drnl.  XVII,  16;  xxiii,  7).  .\ii  reste,  la  ma- 
](^diclinn  de  Nué  est  une  prédiction,  et  rien 
de  i)lus.  Voy.  Imphécation.  La  postérité 
nond)reiise  de  (Iliani  v\o.  pi'onvc  l'icn  contre 
Cette  prédiction,  puisqu'elle  ne  tombait  jias 
sut'  lui,  mais  sur  Clianaan  son  lils;  Dimi  avait 
béni  (]bam  au  sortir  de  l'arclie  [(Icii.  i\,  1). 
81  l'on  veut  se  donner  la  jieine  de  lire  la 
Synopup  des  ciititiues  sur  le  chapilr(î  x,  ou 
la  llihh'  (le  ('finis,  on  verra  que  la  propliélie 
de  iN'ofi'a  été  exaclemtuit  accomplie  dans  tiais 
ses  points. 

Mais  pourt|uoi  c.?.  patriarche  dit-il  :  Bcni 
soit  le  Seigneur  Dieu  de  Son;  n'était-il  pas 
aussi  le  Dieu  de  Cham  et  do  Japliet?  I! 
Télail,  sans  doute,  mais  iVoc' pi'évoyait  que 
la  connaissatu'e  et  le  culte  du  vrai  Dieu 
s'éteindraient  dans  la  postérité  de  ces  deux 
derniers,  au  lieu  qu'ils  se  conserveraient 
dans  une  branche  considérable  des  descen- 
dants de  S 'm,  dans  Abraham  et  dans  sa 
postérité  ;  cette  liénédictiou  est  relative  à 
celle  que  Dieu  donna  h  ce  dernier,  environ 
((uatre  cents  ans  après  {Geii.  xii,  .'},  etc.).  Les 
rabbins  prétendent  que  Dieu  donna  à  Noé 
et  il  ses  enfants  des  préceptes  généraux 
qui  sont  un  pn'cis  de  la  loi  de  nature,  et 
nui  ol>ligenl  tous  les  hommes  ;  qu'il  leur 
did'en  lit  i'idolUrie,  le  blasphème,  le  meurtre, 
raduitère,  le  vol,  l'injustice,  la  coutume  bar- 
bare de  nuuii;er  une  partie  de  la  chair  d'un 
animal  encore  vivant.  .Mais  cette  tradition 
rabbinique  n'a  aucun  fondi'ment,  l'Ecriture 
Sainte  n'en  parle  point.  Dieu  avait  sufli- 
sanniient  enseigné  aux  luMumes  la  loi  de 
nature,  même  avant  le  déluge  ;  Noé  en  avait 
instruit  ses  enfants  par  ses  leçons  et  par  son 
exemj)le  ;  la  rigueur  avec  laquelle  Dieu  ve- 
nait d'en  punir  la  violation  ('tait  pour  eux 
un    nouveau   motif  de  l'observer. 

NOËL,  fête  de  la  naissance  de  Notre-Sei- 
gncur  Jésus-Clirist,  qui  se  célèbre  le  25  dé- 
cembre. On  ne  peut  pas  douter  que  cette 
fête  ne  soit  de  la  plus  haut(!  antiquité,  sur- 
tout dans  les  E,.;lises  d'Occident.  Quelques 
auteurs  ont  dit  (pi'elle  avait  été  instituée 
]iar  le  pape  Télesphore,  mort  Fan  138  ;  qu'au 
iV  siècle  le  pape  Jules  1',  à  la  piière  de 
saint  Cvrille  de  .lérusalem,  fd  faire  des  re- 
ciierches  exactes  sur  le  jour  de  la  Nativité 
du  Sauveur,  et  ([ue  l'on  trouva  qu'elle  était 
arrivée  le  25  de  décendire;  mais  ces  dmx 
faits  ne  sont  pas  assez  prouvés.  Saint  Jean 
C.hrysostome,  dans  une  homélie  sur  la  nais- 
sance de  Jésus-Christ,  dit  que  cette  fête  a 
été  célébrée  dès  le  commencement,  depuis  la 
Thrace  jusqu'à  Cadix,  ]iar  conséquent  dans 
tout  l'Occident,  et  il  n'y  a  aucune  preuve 
que  dans  celte  partie  du  monde  le  jour  en  ait 
jamais  été  changé. 

11  n'y  a  ou  de  variation  que  dans  les  Egli- 
ses orientales.  Ouelques-unes  la  célébrèrent 
d'abord  au  mois  de  mai  ou  au  mois  d'avril, 
d'autres  au  mois  de  janvier,  et  la  confondi- 


rent avec  l'Epiphanie;  insensiblement  elles 
reconimrent  que  l'usage  des  Occidentaux 
était  le  uu'illeur,  elles  s'y  conformèrent.  En 
clfet,  selon  la  remarque  de  saint  Jean  Cdnj- 
snslome ,  puisi(ue  Jésus-Christ  est  né  au 
c(uninencemeut  du  dénombrement  que  fit 
faire  l'enquTeur  .\uguste,  on  ne  pouvait  sa- 
voir ailleurs  mieux  (pi'.MIome  la  date  jiré- 
cise  de  sa  naissance,  puis(pie  c'était  là  qu'é- 
taient conservées  les  anciennes  ar<-hives  de 
reiiq)ire.  Saint  (^iiégoire  de  Nazianze,  mort 
l'an  .'iilH,  Srrm.  58  et  59,  distin-ue  très-clai- 
remi'ut  la  fête  de  la  Nativité,  de  Jésus-C.hrist, 
ipi'il  nomme  Ihenphanie, d'avec  rEpiph.uue, 
jour  au([uel  il  fut  ailoré  par  les  mage<  et 
reriit  le  ba[tlC'me.  l'o/y.  EpirnAMiî.  Bingham, 
Orif/.  ecclés.,  1.  xx,  clia|).  k,  §  'i-  ;  Thonuissin, 
Traité  dex  fêles,  ]\v.  u,  (■ha().  (>  ;  Benoît  XI  V', 
de  Festis  Cliristi,  c.  17,  n.  'i5,  etc.  L'usage 
de  célébrer  trois  messes  dans  cette  solennité, 
l'une  il  minuit,  l'autre  au  point  du  jour,  la 
troisième  le  matin,  est  ancien,  et  il  avait 
autrefois  lieu  dans  (|Ui'!ques  autres  f(Hes 
principales.  Saint  Urégoire  le  Grand  en  parle, 
I/om.  8  in  Evang.,  et  Benoit  XIV  a  |M0uvé 
par    d'anciens   monuments,    qu'il    remonte 


plus  haut  jue   le  vi° 


«i.^i'l 


Dans    les    bas 


siècles,  la  coutume  s'introduisit  en  Occident 
de  représeider  le  mystère  du  jour  par  des 
personnages  ;  mais  insensiblement  il  se  glissa 
des  abus  et  des  indécences  dans  ces  repré- 
sentations, et  l'on  recomiut  bientôt  qu'elles 
ne  convenaient  pas  h  la  gravité  de  l'oliice  di- 
vin ;  on  les  a  retranchées  tians  toutes  les 
églises.  On  a  seulement  conservé  dans  quel- 
ques-unes ce  que  l'on  nomme  l'office  des 
Pasteurs  ;  c'est  un  répons  entre  les  enfants 
de  clueur  et  le  clergé,  qui  se  chante  pendant 
les  /«iff/csavant  le  cantique  lienedictus,  et  l'on 
se  contente  déjouer  .■<ur  l'orgue  l'air  des  ean- 
tiques  en  langue  vulgaire,  nommés  noels,<im 
se  chantaient  autrefois  iiar  le  peuple.  On  ne 
l)eut  guère  douter  que  ce  nom  de  Noël, 
donné  à  la  fètc,  ne  soit  un  abrégé  d'Emma- 
nuel. Voyez  ce  mot. 

NOÉTIENS,  hérétiques,  disciples  de  Noct, 
né  à  Smyrne,  et  qui  se  mit  h  dogmatiser  au 
commencement  du  m'  siècle,  il  enseigna 
que  Dieu  le  Père  s'était  uni  à  Jésus-Christ 
homme,  était  né,  avait  souffert,  et  était 
mort  avec  lui  ;il  iirétendait,  par  conséquent, 
que  la  même  Persomie  divine  était  appelée 
tantôt  le  Père  et  tantôt  le  Fils,  selon  le  be- 
soin et  les  circonstances  :  c'est  ce  (pii  lit  don- 
ner à  ses  partisans  le  nom  de  patripassirns, 
parte  qu'ils  croyaient  que  Dieu  h^  Père  avait 
souffert.  Ce  même  nom  fut  aussi  donné  aux 
sectateurs  de  Sabellius,  mais  dans  un  sens  un 
peu  dith'rent.  Vo//.  Patiupassiens.  Il  n»  pa- 
rait pas  que  l'hérésie  des  noétiens  ait  fait  de 
grands  [irogrès  ;  elle  fut  solidement  réfutée 
]iar  saint  Hippolyte  de  Porto,  qui  vivait  dans 
ce  temps-là.  Beausobre,  dans  son  Histoire 
du  Manichéisme,  t.  J,  p.  535,  a  prétendu  que 
saint  Wippolyte  et  saint  Epiphane  ont  mal 
entendu  et  mal  rendu  hs  ojànions  de  Noët, 
qu'ils  lui  ont  attribué  j-.ar  voie  de  conséi]uence 
une  erreur  qu'il  n'enseignait  pas.  Mais  Mos- 
hcim,Hist.  christ.,  sœe.  m,  §  32,  p.  686,  a 


1031 


NOM 


NOM 


1052 


fait  voir  que  ces  deux  Pères  de  l'Eglise  n'ont 
pas  eu  tort  ;  que  Noi:  t  détruisait  par  sou  sys- 
tème la  distinction  des  Personnes  de  la  sainte 
Trinité,  et  qu'il  prétendait  que  l'on  ne  pou- 
vait pas  admettre  trois  Personnes  sans  ad- 
mettre trois  Dieux. 

Le  traducteur  de  l'Histoire  ecclésiastique 
de  Mosheim,  toujours  plus  outré  que  son 
auteur,  dit  que  ces  controverses  au  sujet  de 
la  sainte  Trinité  qui  avaient  conunencé  dans 
le  I"  siècle,  lorsque  la  philosophie  grecque 
s'introduisit  dans  l'Eglise,  produisirent  dif- 
férentes méthodes  d'expliquer  une  doctrine 
qui  n'est  susceptible  d'aucune  explication. 
Hist.  ecclés.  du  lu'  siècle,  a'  partie,  c.5,  §  12. 
Celle  manière  de  parler  ne  nous  paraît  ni 
juste  ni  convenable.  1"  Elle  donne  à  entendre 
ou  que  les  pasteurs  de  l'Eglise  ont  eu  tort 
de  convertir  des  philosophes,  ou  que  ceux- 
ci  en  se  faisant  chrétiens  ont  dû  renoncer  à 
toute  uolion  de  philosophie;  "2"  que  ce  sont 
les  Pères  qui  ont  cherché  de  propos  délibéré 
des  explications  de  nos  mystères,  et 
qu'ils  n'ont  pas  été  forcés  par  les  héréti- 
ques à  consacrer  un  langage  fixe  et  invariable 
pour  exprimer  ces  dogmes.  Double  siqjpo- 
sition  fausse.  En  elfet,  parmi  les  philosophes 
devenus  chrétiens,  il  y  en  a  eu  de  deux  es- 
pèces. Les  uns,  sincèrement  convertis,  ont 
subordonné  li'S  notions  et  les  systèmes  de 
philosophie  aux  dogmes  révélés  et  ai.x  ex- 
pressions de  l'Ecriture  sainte  ;  ils  ont  recti- 
fié leurs  opinions  phiiuso|)hiques  par  la  pa- 
role de  Dieu.  En  quoi  sont-ils  blâmables 
d'avoir  introduit  la  philosophie  grecque 
dans  l'Eglise  ?  Les  autres,  convertis  seule- 
ment à  lexti  rieur,  ont  voulu  plier  les  dogmes 
du  christianisme  sous  le  joug  des  idé.  s  phi- 
losophiques, les  exi  liquer  à  leur  manière,  et 
ont  ainsi  enfanté  les  hérésies.  11  a  donc  fallu 
que  les  jiremiers,  pour  défendre  les  vérités 
clnétiennes,  se  servissent  des  mêmes  armes 
dont  on  se  servait  pour  les  attaquer,  op))0- 
sassent  des  explications  vraies  et  orthodoxes 
aux  explications  fausses  et  erronées  des  héré- 
tiques ;  leur  attribuerons-nous  le  mal  qu'ont 
fait  ces  derniers?  Telle  est  l'injustice  des  pro- 
testants et  des  incrédules  ;  mais  leur  entête- 
ment est  trop  absurde  pour  qu'on  puisse  le 
leur  pardonner.  Voy.  Philosophie. 

NOUESTAN,  est  le  nom  qu'Ezéchias,  roi 
de  Juda,  donna  au  serpent  d'airain  que  Moïse 
avait  fait  élever  dans  le  désert  (  Num.,  xxi, 
8  ).  Ce  serpent  s'é.ait  conservé  parmi  les  Is- 
raélites jusqu'au  règne  de  ce  jiieux  roi,  par 
conséquent  pendant  plus  de  sept  cents  ans. 
Comme  le  peuple  superstitieux  s'était  avisé 
de  lui  renilieun  culte,  Ezéchias  le  fit  briser 
et  lui  donna  le  nom  de  Nohestan,  parce  qu'en 
hébreu  falius  eu  nahasch  signifie  de  l'airain 
et  un  serpent  ;  et  tan,  un  monstre  ,  un  grand 
animal  (  IV  Reg.  xxxviii,  4  ).  Ainsi  le  pré- 
tendu serpent  d'airain  que  l'on  montre  à 
Milan  dans  le  trésor  de  l'église  de  Saint-Ain- 
broise  ne  peut  pas  être  celui  que  Moïse  avait 
lait  faire. 

NOM.  Ce  mot  a  plusieurs  sens  différents 
dans  l'Ecriture  sainte.  11  est  dit  (  Levit.  xxiv, 
llj,  qu'un  homme  avait  blasphémé  le  nom, 


c'est-à-dire  le  nom  de  Dieu.  Or,  le  nom  de 
Dieu  se  prend  pour  Dieu  lui-même;  ainsi 
louer,  invoquer,  célébrerlenomdeDieu,  c'est 
louer  Dieu.  Croire  au  nom  du  Fils  unique  de 
de  Dieu  (  Joan.  m,  18  ),  c'est  croire  en  Jésus- 
Christ.  Dieu  défend  de  prendre  son  nom  en 
vain,  ou  de  jurer  faussement.  Il  se  plaint  de 
ce  que  la  nation  juive  a  souillé  et  profané  ce 
saint  nom,  fornicala  est  in  nomine  meo  {Ezech. 
XVI,  15  ),  parce  qu'elle  l'a  donné  à  de  faux 
dieux.  Parler  au  nom  de  Dieu  (  Deut.  xviii, 
19  ),  c'est  parler  de  la  jiart  de  Dieu  et  par  son 
ordre  exprès.  Dieu  dit  à  Moïse  (  jE'jrorf.  xxiii, 
19  ),  je  ferai  éclater  mon  nom  devant  vous, 
c'est-à-dire  ma  puissance,  ma  majesté.  Il  dit 
d'un  ange  envoyé  de  sa  part.  Mon  nom, 
est  en  lui,  c'est-à-dire  il  est  revêtu  de  mon 
pouvoir  et  de  mou  autorité.  Nous  lisons  que 
Dieu  a  donné  à  son  Fils  un  nom  supérieur 
à  tout  autre  nom  {  Philipp.  ii,  9  ),  ou  une 
puissance  et  une  dignité  supérieures  à  celles 
de  toutes  les  créatures.  Il  n'y  a  point  d'autre 
nom  sous  le  ciel  par  lequel  nous  puissions 
être  sauvés  (  Act.  iv ,  12  )  ;  c'est-à-dire 
qu'd  n'y  a  point  d'autre  Sauveur  que  lui. 
Marcher  au  nom  de  Dieu  (  Mich.  iv,  5),  c'est 
compter  sur  le  secours  et  la  protection  de 
Dieu.  Le  nom  est  quelquefois  pris  pour  la 
personne  ;  dans  ce  sens,  il  est  dit  [Apoc.  m, 
4  )  :  Vous  avez  peu  do  noms  à  Sardes  qui 
n'aient  pas  souillé  leurs  vêtements,  il  signi- 
fie la  réputation  [Cunt.  i,  2  ]  :  votre  nom  est 
comme  un  parfum  répandu.  Dieu  dit  à  David, 
je  vous  ai  fait  un  grand  nom;  je  vous  ai 
donné  beaucoup  de  célébrité.  Imposer  le  nom 
à  quelqu'un ,  est  une  marque  de  l'autorité 
que  l'on  a  sur  lui  ;  le  connaître  par  son  nom, 
c'est  vivre  en  société  familière  avec  lui  ;  sus- 
citer le  nom  d'un  mort,  c'est  lui  donner  une 
postérité  qui  fasse  revivre  son  nom  :  Dieu 
menace,  au  contraire,  d'effacer  le  nom  des 
méchants  ]iour  toujours,  ou  d'abolir  à  jamais 
leur  mémoire. 

Quelques  hébraïsants  prétendent  que  le 
nom  du  Dieu  ajouté  à  un  autre  désigne  sim- 
plement le  superlatif;  qu'ainsi  les  auteurs 
sacrés  disent  des  montagnes  de  Dieu  pour 
dire  des  montagnes  fort  hautes,  des  cèdres 
de  Dieu  pour  des  cèdres  tort  élevés,  un  som- 
meil de  Dieu  pour  un  sommeil  profond,  une 
frayeur  de  Dieu  pour  une  extrême  frayeur, 
des  combats  de  Dieu  pour  de  forts  et  violents 
combats,  etc.  D'autres  pensent  que  ces  ma- 
nières de  parler  ont  une  énergie  ditférente 
du  superlatif,  et  qu'elles  expriment  l'action 
immédiate  de  Dieu;  que  les  montagnes  et 
les  arbres  de  Dieu  sont  les  montagnes  qu<î 
Dieu  a  formées  et  les  arbres  qu'ilaf^it  croî- 
tre sans  le  secours  des  hommes;  que  le  som- 
meil et  la  frayeur  de  Dieu  expriment  un 
souuneil  et  une  frayeur  surnaturelles  ;  que 
les  combats  de  Dieu  sont  ceux  dans  lesquels 
on  a  reçu  un  secours  extraordinaire  de 
Dieu,  etc.  Nemrod  est  appelé  grand  et  fort 
chasseur  devant  le  Seigneur  {Gen.  x,  9), 
parce  que  sa  force  paraissait  surnaturelle» 
Dans  Isaie,  c.  xxviii,  v.2,  le  roi  d'Assyrie  est 
nommé  fort  et  robuste  au  S.igr.eur,  ou  plu- 
tôt par  le  Seigneur,  parce  que  Dieu  voulait 


10S3 


NOM 


se  servir  dc>  sa  miissanco  pour  chAtici'  les 
IsraiMites.  Cette  nabitude  des  Ht'breux  d'at- 
tribuer h  Dieu  tous  les  événements,  démon- 
tre leur  foi  et  leur  attention  continuelle  à  la 
providence. 

Il  y  a  une  dissertation  de  Buxiorf  sur  les 
divers  710ms  donnés  h  Dieu  dans  l'Ecriture 
sainte,  et  qui  est  iilacée  k  la  tùte  du  Diction- 
naire hébraïque  (ie  Ilobertson  ;  il  y  est  parlé 
principalement  d\i  nom  Jéhovah.  Voyez  cet 
article.  Quant  aux  conséquences  que  les 
rabbins  tirent  de  ces  noms  [)ar  le  moyen  de 
la  cabale,  ce  sont  des  rêveries  puériles  et 
absurdes.  1!  sulfit  de  remarrpier,  l°que  dans 
le  style  de  l'Ecriture  sainte,  être  appelé  de 
tel  nom,  signifie  être  véritablement  ce  qui  est 
exprimé  par  co  nom,  et  en  remplir  toute  l'é- 
nergie par  ses  actions.  Lorsque  Isaïe  dit,  en 
parlant  du  Messie,  c.  vu,  v.  li,  il  sera  nom- 
mé Emmanuel;  c.  ix,  v.  6,  il  sera  appelé 
l'admirable,  le  Dieu  fort,  etc.;  c'est  comme 
s'il  y  avait,  il  sera  véritablement  Dieu  avec 
nous,  admirable,  Dieu  fort,  etc.  Jcrem.,  c. 
xxiii,  v.  G  :  «  Voici  le  nom  qui  lui  sera  donné, 
le  Seigneur  est  notre  justice  ;  »  c'est-à-dire 
il  sera  le  Seigneur  et  il  nous  rendra  justes. 
Malth.,  c.  !,  V.  21  :  «  ^'ous  le  nommerez  Jé- 
sus, parce  qu'il  sauvera  son  peuple.  » — 2°  Le 
nom  b'iohim,  quoique  pluriel,  donné  à  Dieu, 
n'exprime  point  la  |  luralité,  mais  le  super- 
latif; il  signifie  le  Très-Haut;  c'est  pour 
cela  qu'il  est  toujours  joint  à  un  verbe  ou 
particifie  singulier.  Ainsi,  dans  le  v.  1  de  la 
Genèse,  «  Au  commencement,  Dieu  (Elohim) 
créa  le  ciel  et  la  terre,  »  il  n'est  point  ques- 
tion de  plusieurs  dieux,  comme  ont  voulu  le 
persuader  quelques  incrédules,  puisque  le 
verbe  ci-éa  est  au  singulier.  Souvent  il  est 
joint  au  nom  Jéhovah,  nom  de  Dieu  propre  et 
incommunicable  ,  y<fÂoffl/«  i'/o/tim  ;  alors    il 

fiarait  signitierou  Jéhovah,  le  Très-Haut,  ou 
e  seul  des  dieux  qui  existe  véritablement. 
Yoy.  JiÏHOVAU. 

Nom  de  Jésus.  «  Jésus-Christ  s'est  humi- 
lié, dit  saint  Paul,  et  s'est  rendu  obéissant 
jusqu'il  mourir  sur  une  croix  ;  c'est  pour  cela 
que  Dieu  l'a  exalté  et  lui  a  donné  un  nom 
supérieur  à  tout  autre  nom,  atin  qu'au  nom 
de  Jésus  tout  genou  tléchisse  dans  le  ciel, 
sur  la  terre  et  dans  les  enfers  [Philipp.  11, 
8).  )>  Autrefois  nos  pères,  lldèles  k  la  leçon  de 
saint  Paul,  ne  prononçaient  jamais  le  saint 
nom  de  Jésus,  sans  donner  une  marque  de 
respect;  il  est  fâcheux  que  celte  louable  cou- 
tume se  soit  perdue  parmi  nous.  Saint  Jean 
Chrysostome  se  plaignait  déjà  de  ce  que  le 
nom  de  Dieu  était  prononcé  par  les  chrétiens 
avec  moins  de  respect  que  par  les  Juifs  ;  on 
pourrait  dire  aujourd'hui  que  nous  le  pro- 
nonçons avec  moins  de  piété  (jue  les  païens. 
C'est  au  nom  de  Jésus-Christ  que  les  apô- 
tres opéraient  des  miracles;  c'est  à  lui  qu'ils 
rapportaient  toute  la  gloire  de  leurs  succès 
(Act.  ni,  IV  et  viu,  etc.)  :  preuve  évidente  que 
ce  n'étaient  ni  des  imposteurs  qui  agissaient 
pour  leur  propre  intérêt ,  ni  des  hommes 
crédules  abusés  par  de  iausses  promesses. 
Dans  plusieurs  diocèses  on  célèbre ,  le  li 
itujvier,  une  fête  ou  un  oflico   particulier  à 

PiCTlONX.    DB  TUBOL.    DOGMATIQUE.    IlL 


NOM  103^ 

l'honneur  du  saint  nom  de  Jésus,  parce  quo 
le  premier  jour  de  ce  mois  est  entièrement 
consacré  au  mystère  de  la  circoncision. 

Nom  de  Marie,  fête  ou  office  qui  se  célè- 
bre surtout  dans  les  églises  d'Allemagne,  le 
dimanche  dans  l'octave  de  la  Nativité  de  la 
.sainte  Vierge,  en  mémoire  de  la  délivrance 
de  la  ville  de  Vienne,  assiégée  par  les  Turcs 
eu  1C83.  Ce  monument  de  piété  et  de  recon- 
naissance fut  institué  par  le  pape  Inno- 
cent XI  ;  mais  on  ne  l'a  pas  adopté  en  France, 
à  cause  de  l'ofjposition  des  intérêts  |ioliti- 
ques  qui  se  trouvaient  alors  entre  la  FriUice 
et  l'empire. 

Nom  de  «aptême.  L'usage  observé  parmi 
les  chrétiens  de  prendre  au  baptême  le  nom 
d'un  saint  qu'on  choisit  pour  patron,  est 
très-ancien.  Non-seulement  il  en  est  parlé 
dans  le  Sacramentaire  de  saint  Grégoire 
et  dans  l'Ordre  romain ,  mais  saint  Jean 
Chrysostome  reprend  les  chrétiens  de  sou 
temps,  qui,  au  lieu  de  donner  à  un  enfant 
le  nom  d'un  saint,  comme  faisaient  les  an- 
ciens, usaient  d'une  pratique  superstitieuse 
dans  le  choix  de  ce  nom.  Hom.  13,  in  Ep. 
ad  Cor. 

Thiers,  dans  son  Traité  des  superstitions, 
t.  II,  1.  I,  c.  X,  expose  en  détail  tcjules  celles 
que  l'on  peut  commettre  h  ce  sujet;  il  cite 
les  décrets  des  conciles  qui  les  ont  défon- 
dues, et  montre  l'absurdité  de  tous  ces  abus. 
Il  r.  lève  avec  raison  le  ridicule  des  protes- 
tants, qui  atl'ectent  de  prendre  au  baptême 
le  nom  d'un  personnage  de  l'Ancien  Testa- 
ment, plutôt  que  le  nom  d'un  apôtre  ou  d'un 
martyr.  La  sainteté  de  ces  derniers  est-elle 
plus  douteuse  que  celle  des  patriarches,  ou 
sont-ils  moins  dignes  de  nous  servii'  de  mo- 
dèle '/  Si  le  choix  du  nom  d'un  saint  est  une 
es,  èce  de  culte  que  nous  lui  i  endons,  est-il 
moins  permis  d'honorer  les  saints  de  la  loi 
nouvelle  que  ceux  de  l'ancienne  loi. 

NO.MBKES.  Le  livre  des  Nombres  est  le 
quatrième  du  Pentateu(iue  ou  des  cinq  li- 
vres écrits  par  Moïse.  Il  renferme  l'Iiisioire 
de  38  à  39  ans  que  les  Israélites  passèrent 
dans  le  désert;  ce  qui  avait  précédé  est  rap- 
porté dans  l'Exode,  et  ce  qui  suivit  jusqu'à 
l'entrée  de  ce  peuple  dans  la  Palestine,  se 
trouve  dans  le  Deutéronome.  Il  est  écrit  en 
forme  de  journal  ;  il  n'a  pu  l'être  que  par 
un  auteur  témoin  oculaire  des  marches, 
des  campements,  des  actions  que  les  Hé- 
breux tirent  dans  cet  intervalle.  On  l'a 
nommé  le  livre  des  Nombres,  parce  que  les 
trois  premiers  chapitres  contiennent  ks  dé- 
nombrements des  différentes  tribus  de  ce 
peuple,  mais  les  chapitres  suivants  renfer- 
ment aussi  un  grand  nombre  de  lois  quo 
Moïse  établit  pour  lors,  et  la  narration  des 
gijerres  que  les  Israélites  eurent  à  soutenir 
contre  les  rois  des  Amorrhéens  et  des  Madia- 
nites.  Vainement  quelques  incrédules  ont 
voulu  contester  l'auihenticité  de  ce  livre,  et 
soutenir  qu'il  a  été  écrit  dans  les  siècles 
postérieurs  k  Moïse;  outre  la  forme  de  jour- 
nal qui  dépose  en  sa  faveur,  et  le  témoi- 
gnage constant  des  Juifs,  Jésus-Christ ,  les 
apôtres,  saint  Pierre,  saint  Judo  et  saint  Jean 

33 


Î035 


mu 


NOR 


105» 


dans  son  ApocahT>se,  citent  plusieurs  traits 
d'iiistoire  tirés  du  livre  dfs  Nombres,  et  il 
n'est  presque  aucun  des  écrivains  de  lAn- 
cien  Testament  qui  n'en  ait  allégué  quelques 
traits,  ou  qui  n'y  fasse  allusion.  Le  premier 
livre  des  Macbaliées  raconte  ce  qui  est  dit 
du  zèle  de  Phinées  et  de  sa  récompense  ; 
celui  de  l'Ecclésiastique  en  fait  aussi  men- 
tion, de  même  que  de  la  révolte  de  Coré  et  de 
ses  suites  ;  les  (iropiiôtesMichéeet  Néhémie 
parlent  de  la  députation  du  roi  de  Moab  à 
Balaam,  et  de  l.i  réponse  de  celui-ci.  Lo 
quatrième  livre  des  Rois  et  celui  de  Judith 
renouvellent  le  souvenir  des  serpents  qui 
firent  périr  un  grand  nombre  d'Israélites,  et 
du  serpent  d'airain  élevé  à  ce  sujet.  Osée  re- 
met devant  les  yeux  de  ce  peuple  les  arti- 
fices dont  usèrent  les  femmes  madianites 
Ïiour  entraîner  ses  pères  dans  le  culte  de 
l/'clphégor;  David,  Ps.  cv,  joint  cet  événe- 
ment à  la  révolte  de  Dathan  et  d'Abiron,  et 
aux  murmures  des  Israélites.  C'est  dans  le 
livre  dcsNombres  qu'est  portée  la  loi  toicliant 
les  mariages,  qui  est  appelée  loi  de  Moïse 
dans  celui  de  Tobie.  Jephté  dans  le  xi'  chap. 
de  celui  des  Jugi's  ,  réfute  la  demande  in- 
juste dos  Ammonites  ,  en  leur  alléguant  les 
faits  rapportés  dans  les  chap.  xx,  xxi  et  xxu 
des  Nombres;  Josué  en  rappelle  aussi  la  mé- 
moire. Enfin  Moïse  résume  dans  le  Deulé- 
ronome  ce  qu'il  avait  dit  dans  les  Nombres, 
toucliant  les  divers  campements  des  Hé- 
breux, l'envoi  des  es|)ions  dans  la  terre  pro- 
mise, la  déf.iite  des  rois  des  Amorrhéens,  la 
révolte  do  Coré  et  de  ses  partisans,  et  la  con- 
duite de  B.daam.  Il  n'est  pas  possible  d'établir 
l'authenticité  d'aucun  livre  par  une  tradition 
mieux  suivie  et  plus  constante.  Nous  ne 
nous  arrêterons  point  à  discuter  les  objec- 
tions frivoles  que  Sfiinosaet  ses  copistes  ont 
faites  contie  ce  livre  ;  nous  aurons  occasion 
d'en  réfuter  plusieurs  dans  divers  articles 
particuliers,  et  M.  l'abbé  Clémence  l'a  fait 
très-solidt'ment  dans  l'ouvrage  intitulé  : 
l'Authenticité  des  livres,  tant  du  Nouveau  que 
de  l'Ancien  Testament,  Paris,  1782;  il  a  mis 
dans  le  plus  grand  jour  l'ignorance  et  l'inep- 

*  NOMINAUX.  On  appelait  ainsi  ceux  qui  expli- 
quaiont  principalemeiil  les  choses  par  la  propriété 
des  termes,  et  soutenaient  que  les  mois  et  non  les 
choses  étaient  l'objet  de  la  dialectique.  Le  combat 
entre  les  réalistes  et  les  nominaux  fut  cxlrénienient 
vif;  on  l'a  souvent  regardé  comme  ridicule.  Il  se  re- 
nouvelle ce|)endant  à  tous  les  âges.  On  lui  donne  au- 
jourd'hui le  nom  de  forme,  d'absolu,  etc.  Guillaume 
Ouani,  surnommé  le  doclenr  invincible,  l'ut  le  chef 
des  nominaux.  Il  attaqua  indiiecle'ment  le  droit  de 
propriété,  en  prétendant  que  Jésus -Christ  et  les 
apôtres  n'ont  rien  possédé  en  propre,  pas  même  les 
vêtements  qui  les  couvraient  ;  il  en  concluait  que  les 
conleliersncdevaientpasavoirla  propriélédes  choses 
fungibles  qui  seivaienl  à  les  nourrir,  telles  que  le  pain, 
le  vin,  l'eau,  etc.  Une  bnlle  de  Nicolas  III  avait  arrêté 
que  les  cordeliers  n'auraient  que  l'usulruit  des  biens 
qui  leur  seraient  donnés.  De  (aux  logiciens  en  conclu- 
rent que  Jésus-Chrisl  et  les  apôlres  avaient  condamné 
par  leur  exemple  le  droit  de  propriété.  Jean  XXII  rap- 
porta la  bulle  de  Nicolas  111,  qui  coumiençail  à  cau- 
ser du  désordre  dans  l'Eglise  par  la  l'ausse  applica- 
tion qu'on  en  faisait.  Voy.  Oicl.  de  TLéol.  mor.,  l.  Il, 
Hiitai  e  delà  T/iévlo,ie. 


tie  du  critique  incrédule  auquel  il  répond. 

NON-CONFOUMiSTiiS.  C'est  le  nom  gé- 
néral que  l'on  donne  en  Angleterre  aux  dif- 
férentes sectes  qui  ne  suivent  point  la  même 
doctrine  et  n'observent  point  la  même  dis- 
cipline que  l'Eglise  anglicane;  tels  sont  les 
presljytériens  ou  puritains  qui  sont  calvinis- 
tes rigides,  les  mennoniti^s  ou  anal)aptistes, 
les  (|uakers,  les  hernhutes,  QUi.Vog.  ces  mots- 

NONE.  Voy.  Heures  canoniales. 

NONNES.  Voij.  Religielses. 

NORD.  Il  a  fallu  neuf  siècles  de  travaux 
])our  amener  au  christianisme  les  peuples  du 
Nord.  Les  Bourguignons  et  les  Francs  l'em- 
brassèrent au  v'  siècle,  ajirès  avoir  passé  le 
Rhin  ;  l'on  commença  au  vr  d'envoyer  des 
missionnaires  en  Angleterre  et  en  d'autres 
contrées;  l'ouvrage  n'a  élé  achevé  qu'au  xiV 
par  li  conversion  des  peuples  de  la  Prusse 
orientale  et  de  l.i  Lithuanie. 

Au  mot  Missions  ÉTRA^GÈnEs,  nous  avons 
déjh  remarqué  la  malignité  avec  laquelle  les 
jirotestants  imt  alfecté  de  noircir  les  motifs 
et  la  conduite  des  missionnaires  en  général, 
et  l'attention  qu'ont  eue  les  incrédules  de 
co|)ier  ces  mômes  calomnies  ;  mais  il  est  bon 
de  voir  en  détail  ce  qu'a  dit  Blosheim  des 
missions  du  Nord  dans  les  dilférents  siècles  ; 
il  n'a  fait  que  rendre  fidèlement  l'opinion 
qu'en  ont  conçue  tous  les  protestants.  11  est 
convenu  qu'au  m' siècle,  la  conversion  des 
Gotlis  et  la  fondation  des  principales  Eglises 
de  la  Gaule  et  de  la  Germanie  furent  l'on- 
viage  des  vertus  et  des  bons  exemples  que 
donnèrent  les  missionnaires  qui  y  furent  en- 
voyés ;  mais  il  prétend  qu'au  v'  les  Bour- 
guignons et  les  Francs  se  firent  chrétiens, 
par  l'ambition  d'avoir  pour  protecteur  do 
ieui's  armes  le  Dieu  des  Romains,  parce 
qu'ils  le  supposèrent  plus  puissant  que  les 
leurs,  et  que  l'on  em[)loya  de  faux  miracles 
pour  le  leur  persuader.  Dans  un  moment 
nous  verrons  ce  que  l'on  doit  entendre  par 
les  faux  miracles  dont  parle  Mosheim  ;  mais 
il  aurait  dû  prouver  que  les  catéchismes  des 
Bourguignons  et  des  Francs  ne  leur  propo- 
sèrent point  d'autres  motifs  do  conversion 
que  la  puissance  du  Dieu  des  chrétiens  sur 
le  sort  des  armes.  Le  v  siècle  ne  fut  point 
dans  les  Gaules  un  temps  d'ignorance  et  de 
ténèbres  ;  on  y  vit  paraître  avec  éclat  Sul- 
pice-Sévère  ,  Cassien ,  Vincent  de  Lérins, 
saint  Hilaire  d'Arles,  Claudien-Mamert,  Sul- 
vien,  saint  Avit,  Sidoine-Apollinaire,  etc.  Le 
motif  qui'  Mosheim  a  prêté  aux  barbares  qui 
embrassèi'ont  fiour  lors  le  christianisme,  n'est 
fondé  que  sur  le  témoignage  de  Socrate,  hi.s- 
torien  grec  très-mal  instruit  de  ce  qui  s'est 
passé  dans  l'occident.  Voy.  son  histoire  ec- 
clésiastique, 1.  VII,  c.  XXX,  et  la  note  de  Pagi. 
Il  juge  qu'au  vi'  siècle  les  Anglo-Saxons,  le.-; 
Pictes,  les  Ecossais,  les Thuringiens,  les lîavci- 
rois,]es  Boh'''miens,y  furent  engagés  pai  l'e- 
xemple et  jiar  l'autorité  de  leurs  rois  ou  de  leui's 
chefs;  qu'à  proprement  parler,  ils  ne  firent  que 
changer  une  idokïlrio  en  une  autre,  en  sub- 
stituant à  1  adoration  do  leurs  idoles  le  culic 
des  saints,  des  reliques,  des  images  ;  que  les 
missionnaires  nu  su  firent  aucun  scntpulc 


iu57 


NOR 


de  Icnr  donner  des  phénomènes  naturels 
jioiir  des  lairaeles.  Voilh  donc  en  quoi  con- 
sistent les  faux  miracles  dont  Moslieini  a 
déjà  parlé;  c'étaient  des  piiénoinèues  on  des 
événements  naturels,  mais  qui  paruicnt  mer- 
veilleux et  ménagés  exja-ès  par  la  Provi- 
dence m  laveur  du  clu'islianisiue.  Les  mis- 
sionnaires ,  qui  n'élaient  rien  moins  qi.e 
d'iiabiles  physiciens,  purent  y  être  trompés 
fort  aisément,  et  les  bai  hares,  tous  trés-iui  o- 
rants,  en  furent  frappés.  S'il  y  eut  de  l'er- 
reur ,  elle  ne  fut  pas  malicieuse ,  ni  une 
fraude  pieuse  des  missionnaires.  Sur  quoi 
fouiié  Moslieim  suupçonne-t-il  (juela  sauile 
ampoule  ai)j)ort6e  du  ciel  au  baptême  deClo- 
vis  lut  une  traude  pieuse  imaginée  [)ac  saint 
Hemi?Les  missionnaires  ne  sont  pas  ré- 
préhensibies  non  plus  de  s'être  attachés  à 
instruire  les  rois,  et  ceux-ci  sont  louables  ti'a- 
voir  engagé  leurs  sujets  h  iirofesser  une  re- 
ligion qui  n'est  pas  moins  utile  à  ceux  q\û 
obéissent  iju'à  ceux  qui  couimandcnt.  Lis 
apôtres  n'imt  pas  négligé  ce  moyen  d'établir 
ri'^vangile;  saint  Paul  |irècha  devant  Agrijjpa  ; 
il  convertit  le  proconsul  de  C.liyiirejSergius- 
Pai.lus;  et  Abgare,  roi  d'r.desse,l'ut  amené  à 
1.1  foi  par  un  disciple  de  Jésus-Christ.  Luther 
et  ses  collègues  n'ont  su  que  trop  bien  se 
prévaloir  de  ce  moyen ,  ils  n'auraient'  [ms 
réussi  autrement;  s'il  n'est  lias  légitiuR', 
Mosheim  doit  abjurer  le  lulliéranisme.  Lu- 
ther n'a-t-il  pas  répété  cent  fuis  que  ses  suc- 
cès étaient  un  miracle  "?  Quel  crime  ont  com- 
mis les  missionnaires  du  Nord,  qui  n'ait  pas 
été  imité  par  les  réf'ormate;us '.'  Ou:nit  :.u 
reproche  d'idolâtrie  que  Moslieim  iait  aux 
caliioliques,  c'est  une  absurdité  que  nous 
avons  réfutée  ailleurs.  Yoy.  Cli.te,  Idola- 
TiUK,  Martyk,  Pagamsme,  Saints,  etc.  11  n'a 
pas  meilleure  opinion  lio  la  conversion  des 
13ataves,  des  Frisons,  des  Flamands,  des 
Francs  orientaux,  des  Westphaliens,  qui  se 
lit  au  vu'  siècle.  Les  uns,  dit-il,  furent  gagnés 
jiar  les  insinuations  et  les  artilices  îles  fem- 
mes ,  les  autres  furent  subjugués  p,  r  la 
crainte  des  lois  pendes.  Les  moines  anglais, 
irlandais  et  autres,  qui  tirent  ces  missions, 
fure;,t  moins  animés  par  le  désir  de  gagner 
des  Ames  h  Dieu,  que  par  l'ambition  de  de- 
veuir  évèques  ou  archevêques ,  et  de  diiuii- 
ner  sur  les  jH'uples  qu'ils  avaient  subjugués. 
Avant  de  j  arler  de  l'apostolat  des  femmes, 
Moslieim  aurait  dû  se  souvenir  de  ce  qu'ont 
fait  pour  la  réforme  Jeanne  d'Albret  en 
France,  et  lilisabeth  en  Angleterre  ;  leur 
zèle  n'était  certainement  ni  aussi  pur  ni  aussi 
charitable  que  celui  des  princesses  du  vn' 
siècle;  et  personne  n'ignore  jusqu'à  quel 
point  les  lois  pénales  ont  inllué  dans  l'eta- 
Idissemeut  du  nouvel  Evangile.  Le  titre  d'ec- 
clésiasle  de  Wîrtemberg  que  s'arrogea  Lu- 
tlier,  le  rôle  de  législateur  spirituel  et  tem- 
jiorel  que  ("alvin  rem|ilit  à  (ienève,  les  pla- 
ces de  surinleudants  des  Eglises,  de  chefs 
des  universités,  ctc,,  que  possédèrent  les  au- 
tres prédicants,  valaient  mieux  que  l'épij- 
copat  au  vil' siècle,  chez  des  barbares  ré- 
cemmeBt  convertis.  Les  missionnaires  de- 
venus évèques   étaient  continucjlemeut  eu 


NOR  mi 

danger  d'être  massacrés,  et  plusieurs  le  fu- 
rent. Saint  Colomban,  l'un  des  principaux 
apôtres  de  l'Allemagn-,  n'a  jamais  été  évo- 
que ;  il  se  contenta  d'être  moine,  et  la  plu- 
jiart  des  autres  ne  s'élevèrent  pas  [il us  liaut. 
Si  .Moslieim  avait  pris  la  jieine  de  lire  lu  Con- 
version de  l' Antjlclcrrc  comparée  à  sa  préten- 
due Reformation,  il  aurait  vu  la  dilféreiice 
qu'il  y  a  entre  les  missionnaires  du  vu"  siè- 
cle el  les  prédicateurs  de  la  réforme. 

D'ailleurs  saint  Pierre  pla(,a  son  siège 
épiscopal  à-  Antioche,  et  ensuite  à  Uome, 
saint  Jacipies  à  Jt'rusalem ,  saint  .Marc  à 
Alexandrie,  .saint  Jean  à  Ej)lièse;  les  accu- 
serons-nous d'ambition,  parce  qu'ils  ont  été 
évèipies?  Que  l'on  nous  montre  en  quoi 
l'autorité  îles  évèques  mis>.ioiuiaires  a  été 
plus  fastueuse  ou  plus  absolue  que  celle 
des  apôtres  et  de  leui'S  disciples.  Le  vni'  siè- 
cle fut  témoin  des  travaux  de  saint  Boniface 
dans  la  Thuringe,  la  Frise  et  la  Hesse.  Ce 
saint  archevêque  fut  mis  à  mort  par  hs  Fri- 
sons, avec  cinquante  de  ses  compagnons. 
D'autres  prêchèrent  dans  la  Bavière ,  la 
Saxe,  la  Suisse  et  l'Alsace.  Mosheim  dit  que 
saint  Boniface  aurait  justement  mérité  le  ti- 
tre iï Apôtre  de  l'Allemagne,  s'il  n'avait  pas 
eu  plus  à  cœiir  la  puissance  et  la  dignité 
du  pontife  romain  que  l;i  gloiie  de  Jésus- 
Ciinst  et  de  la  religimi;  qu'il  employa  la  ruse 
et  la  force  pour  subjuguer  les  peu,  les  ;  c|u'il 
a  montré  dans  ses  letties  beaucoup  d'orgueil, 
d'entêtement  pour  les  droits  du  sacerdoce, 
et  d'ignorance  du  vrai  christianisme.  Si,  par 
frai  ciuistianisme,  Mosheim  entend  celui  de 
Luther  ou  de  Calvin,  mus  convenons  que 
saint  Boniface  et  ses  compagnons  ne  le 
connaissaient  pas  ;  il  n'est  né  que  huit  cents 
ans  après  eux.  C'est  donc  iiar  son  respect, 
par  son  obéis-ranee,  par  son'  dévouement  au 
pontife  roruain,  que  l'apôtre  de  l'Allemagne 
a  prouvé  son  orgueil.  Nous  avouons  i|ue  les 
réformateurs  ont  montré  le  leur  bien  diffé- 
remment. Mais  nous  voudrions  savoir  par 
quelle  récompense  le  pape  a  payé  les  tra- 
vaux et  le  martyre  des  missionnaires;  par 
quelle  magie  il  a  ensorcelé  des  moines,  au 
point  de  leur  faiie  braver  la  mort  et  les  sup- 
plices pour  satisfaire  son  ambition;  ou  par 
quel  vertige  ces  malheureuses  victimes  ont 
m. eux  aimé  mourir  pour  le  pape  que  pour 
Jésus-Christ.  Nous  verrons  ci-après  que  les 
incrédules  ont  copié  mot  à  mot  cette  ca- 
lomnie de  Mosheim,  et  l'ont  appliuuée  aux 
aiiôlres.  Yoy.  Alle.magx£. 

La  conversion  des  Saxons ,  pendant  ce 
même  siècle,  a  donné  lieu  à  une  censure 
beaucoup  plus  amère.  Sur  la  parole  de 
Mosheim  et  des  autres  protestants,  nos  phi- 
losophes ont  écrit  que  Charlcu  agne  lit  la 
guerre  aux  Saxons,  pour  les  forcer  à  em- 
brasser le  christianism  •  ;  qu'il  leur  envoya 
des  missionnaires  soutenus  par  une  armée  ; 
qu'il  planta  la  croix  sur  des  monceaux  de" 
morts,  etc.  Ce. te  accusatiou  est  devenue  un 
acte  de  foi  parmi  nos  dissertateurs  modernes. 
Le  simple  exposé  des  faits  en  déuionirerala 
faus-eté.  Avan:  Charlemagne,  les  Saxons 
n'avaient  pas  cessé  de  faire  des  irruptions 


1059 


NÔR 


NOR 


ma 


';-:/ 


dans  les  Gaules  ,  de  mettre  .es  provinces  h 
feu  et  à  sang;  ils  continuèrent  sous  son 
règne.  Battus  trois  fois,  ils  espérèrent  d'a- 
paiser leur  vainqueur  en  promettant  de  se 
faire  chrétiins.  On  leur  envoya  des  mission- 
naires et  non  des  soldais.  Après  ce  traité 
conclu,  ils  reprirent  encore  les  armes  cinq 
fois,  furent  toujours  battus  et  forcés  à  de- 
mander la  paix.  L'on  comprend  combien  il  y 
eut  de  sang  répandu  dans  huit  guerres  con- 
sécutives, pendant  un  espace  de  trente-trois 
ans  ;  mais  fut-il  versé  pour  soutenir  les 
missionnaires  ?  Ordinairement  ils  étaient 
les  premières  victimes  de  la  fureur  des 
Saxons.  Histoire  universelle  par  les  Anglais, 
tome  XXX,  édition  in-4°,  livre  xxni,  sect.  3. 
Le  sujet  do  ces  guerres  fut  constamment  le 
môme  :  savoir,  les  incursions,  le  brigandage, 
la  perfidie  de  ces  peuples,  la  violation  conti- 
nuelle de  leurs  promesses.  Ce  fut  après  trois 
récidives  de  leur  part,  que  les  grands  du 
royaume,  dans  une  assemblée  de  mai,  pri- 
rent cette  résolution  lenible,  contre  laquelle 
on  a  tant  déclamé  :  «  Que  le  roi  attaquerait 
en  personne  les  Saxons  perfides  et  infrac- 
teurs  des  traités;  que  par  une  guerre  conti- 
nuelle on  les  exterminerait,  ou  qu'il  les  force- 
rait de  se  soumettre  à  la  religion  chrétienne.  » 
Pour  rendre  ce  décret  odieux,  on  commence 
par  supposer  que  Gharlemagne  était  l'agi  es- 
seur;  que,  par  l'ambition  d'étendre  son  em- 
pire ou  par  un  zèle  de  religion  mal  entendu, 
il  ava  t  attaqué  le  premier  les  Saxons  qui  ne 
voulaient  qu'être  libres ,  indépendants  et 
paisibles  chez  eux.  C'est  une  impostun; 
grossière.  Lorsque  les  Germains  et  les  Francs 

f lassèrent  le  Rhin  pour  envahir  les  Gaules, 
es  empereurs  romains  étaient-ils  allés  les 
inquiéter  dans  leurs  forêts?  Quand  les  Nor- 
mands vinrent  ravager  nos  eûtes,  nos  rois 
avaieut-ils  envoyé  des  flottes  en  Norwége 
pour  attenter  k  leur  liberté  ?  Les  Saxons 
avaient  été  battus  et  rendus  tributaires  par 
Charles-Martel  en  116,  par  Peiiin  en  743, 
745,  747  et  750.  Ce  n'était  donc  pas  Gharle- 
magne qui  était  l'agresseur,  lor-qu'ils  se  ré- 
voltèrent l'an  769,  au  commencement  de  son 
règne.  Hist.  univ.,  ibid.,  sect.  1  et  2. 

Après  l'infraction  des  trois  traités  faits 
avec  ce  prince,  les  Saxons  méritaient  cer- 
tainement d'être  poursuivis  à  outrance. 
Gharlemagne,  après  l'assemblée  de  775,  leur 
laissa  le  choix  ou  d'être  exterminés,  ou  do 
changer  de  mœurs  eu  se  faisant  chrétiens; 
ils  avaient  olfert  eux-mêmes  ce  dernier 
parti.  Y  avait-il  de  l'injustice  ou  de  la 
cruauté  à  les  forcer  d'exécuter  leur  pro- 
messe, afin  de  clianger  des  tigres  en  hommes? 
Si  les  Saxons  se  firent  encore  battre  cinq 
fois,  ce  fut  leur  faute;  il  est  absurde  de  dire 
que  le  sang  fut  répandu  pour  assurer  le  suc- 
cès des  missionnaires;  il  est  évident  que 
l'intérêt  politique  l'emportait  sur  le  zèle  do 
la  religion.  Entin,  l'événement  ])rouva  que 
cet  intérêt  n'était  pas  mal  enlindu,  puisque 
les  Saxons,  une  fois  domptés  et  convertis, 
se  civilisèrent,  demeurèrent  en  paix  et  y 
laissèrent  leurs  voisins. 
Au  ix*  siècle,  sous  le  règne  de  Louis  le 


Débonnaire,  les  Cimbres ,  les  Danois,  les 
Suédois,  furent  instruits  dans  la  foi  chré- 
tienne par  saint  Ausberg  et  saint  Ansgaire, 
sans  armes,  sans  violence,  sans  lois  pénales. 
Notre  historien  a  été  forcé  de  rendre  justice 
aux  vertus  de  ces  deux  moines,  surtout  du 
dernier;  il  a  bien  voulu  lui  accorder  le  titre 
de  saint,  quoiqu'il  ait  été  fait  évêque  de 
Hambourg  et  de  Brème.  Les  Bulgares,  les 
Bohémiens,  les  Moraves,  les  Esclavons  do  la 
Ddmatie,  les  Russes  de  l'Ukraine,  furent 
amenés  au  christianisme  par  des  Grecs. 
Mosheim  ne  les  a  point  blâmés;  il  dit  seu- 
lement que  ces  missionnaires  donnèrent  k 
leurs  prosélytes  une  religion  et  une  niété 
bien  différentes  de  celles  que  les  apôtres 
avaient  établies;  mais  il  avoue  que  ces 
hommes,  quoique  vertueux  et  pieux,  furent 
obligés  d'user  de  quelque  indulgence  à  l'é- 
gard des  barbares,  encore  très-grossiers  et 
très-féroces.  Pourquoi  cette  excuse  n'a-t-elle 
pas  eu  lieu  en  faveur  des  missionnaires 
latins  aussi  bien  que  des  Grecs?  C'est  que 
ceux-ci  n'étaient  pas  des  émissaires  du  pape; 
par  là  ils  ont  mérité  d'être  absous  par  les 
protestants  des  imperfections  de  leurs  mis- 
sions. 

Au  X'  siècle,  Rollon  ou  Robert,  chef  des 
Normands,  peuple  sans  religion,  qui  avait 
désolé  la  France  pendant  un  siècle,  reçut  le 
baptême  et  engagea  ses  soliiats  à  suivre  son 
exemple;  ils  y  consentirent,  dit  Mosheim, 
par  l'appât  des  avantages  qu'ils  y  trouvaient. 
Gela  peut  être  ;  mais  quel  que  filt  le  motif 
de  leur  conversion,  il  mit  fin  à  leur  brigan- 
dage. Selon  lui,  Micislas,  roi  de  Pologne, 
employa  les  lois  pénales,  les  menaces,  la 
violence,  pour  achever  la  conversion  de  ses 
sujrts;  Etienne,  roi  des  Hongrois  et  des 
Transylvains,  en  usa  de  mrme,  aussi  bien 
que  Herald,  roi  de  Danemark.  Ces  faits  sont 
très-mal  prouvés.  Notre  historien  aj  aite  que 
Wlodomir,  duc  des  Russes,  en  agit  avec 
plus  de  douceur.  Ici  perce  encore  la  partia- 
lité. Gomme  les  Russes  ont  été  agrégés  à 
l'Eglise  grecque  qui  a  secoué  le  joug  des 
papes,  et  que  les  autres  peuples  se  sont  sou- 
mis à  l'Eglise  romaine,  il  a  fallu  qu'un  pro- 
testant protégeât  les  premiers  au  désavan- 
tage des  seconds.  Voilà  toute  la  dilîérence. 

Pendant  le  xr  siècle,  les  habitants  de  la 
Prusse  massacrèrent  [ilusieurs  fois  leurs 
missionnaires;  ils  n'ont  été  domptés  qu'au 
XHi°  siècle  par  les  chevaliers  de  l'ordre 
teutonique.  Au  xn' ,  Waldemar,  roi  de 
Danemark,  obligea  les  Slaves,  les  Suèves, 
les  Vandales  à  se  faire  chrétiens  ;  Eric,  roi 
de  Suède,  y  força  les  Finlandais;  les  cheva- 
liers de  l'Epée  y  contraignirent  les  Livo- 
niens.  Soit  :  Mosheim  reconnaît  que  les  Po- 
méraniens  furent  convertis  par  les  soins 
d'Otton  ,  évêque  de  Baïuberg,  et  les  Slaves, 
par  la  persévérance  de  Aicelin ,  évêque 
d'Altembourg.  Voilà  du  moins  deuxévêc[ues 
auxquels  il  ne  reproche  aucune  violence.  Il 
y  a  donc  une  dilierence  à  faire  entre  les 
missions  entreprises  [lar  pin-  zèle,  et  celles 
qui  sont  commandées  par  la  politique  et  par 
la  raison  d'Etat. 


iOil 


NOR 


NOR 


4042 


Noms  r\c.  doutons  point  qiio  des  militaires, 
tels  que  les  cliovnliers  de  rEp(*e  et  ceux  île 
Tordie  teulonique,  n'aient  agi  envers  des 
:  Barbares  qu'il  fallait  civiliser  avec  toute 
;  la  hauteur  et  la  dureté  de  leur  profession, 
'  et  avec  toute  la  rudesse  des  mœurs  septen- 
trionales; mais  ce  vice  ne  retombe  ni  sur 
les  évèques,  ni  sur  les  missionnaires,  ni  sur 
la  religion.  Dès  que  l'intérêt  politi(|ue  s'y 
mêle,  le.5  rois  et  leurs  ministres  ne  se  croi'  nt 
plus  obligés  de  consulter  l'esprit  du  chris- 
tianisme, tout  cède  à  la  raison  d'Etat;  les 
lois  et  les  peines  paraissent  une  voie  plus 
courte  et  plus  eflicace  que  la  persuasion. 
Lorsque  le  gros  des  nations  du  Nurd  eut 
embrassé  le  christianisme,  on  regarda  les 
peuplades  qui  résistaient  encore  counne  ini 
reste  de  rebelles  qu'il  iallait  subjuguer  par 
la  force.  Nous  ne  faisons  point  ra;iologie 
de  cette  conduite;  mais  ce  n'est  point  à  un 
protestant  iju'il  convient  de  la  blimer.  En- 
core une  fois,  il  devait  se  souvenir  que  la 
réforme  ne  s'est  pas  établie  par  d'autres 
moyens,  et  que  sans  cela  elle  ne  serait  pas 
venue  Ji  bout  de  bannir  le  catholicisme  de 
la  plupart  des  royaumes  du  Nord. 

Le  simple  exposé  des  faits  snflitdéj^  pour 
confondre  Mosheira  et  ses  copistes;  mais  il 
y  a  des  réflexions  générales  à  faire  sur  son 
procédé  et  sur  les  conséquences  qui  en  ré- 
sultent. —  1  '  Cet  écrivain  ,  (pioirpuî  très- 
éclairé  d'ailleurs,  n'a  pas  vu  (ju'il  fnurnis- 
sait  aux  incrétiules  des  armes  pour  attaquer 
les  apôtres;  cpi'il  donnait  lieu  à  un  parallèle 
injuiieux  entre  leur  conduite  et  celle  des 
missionnaires  qu'il  a  noircis.  Aussi  n'a-t-il 
pas  fait  à  ceux-ci  un  seul  reproche  qui  n'ait 
été  appliqué  par  les  déistes  à  saint  Paul  et 
îi  ses  collègues.  Us  ont  dit  que  cet  apôtre 
avait  embrassé  le  christianisme,  afin  de  de- 
venir chef  de  parti  ;  que  le  seul  mobile  de 
son  zèle  était  l'andjition  de  dominer  sur  se.;; 
prosélytes;  que  l'on  voit  dans  ses  lettres 
plusieurs  traits  d'orgueil,  de  hauteur,  de 
jalousie,  d'entêtement  pour  les  privilèges 
de  l'apostolal  et  du  sacerdoce;  qu'il  a  com- 
mis une  fraude  pieuse  ou  un  mensonge,  en 
disant  qu'il  était  pharisien;  que  ses  miracles 
étaient  taux,  etc.  Pour  le  prouver,  on  a  fait 
ini  livre  exprès  intitulé  :  Examen  critique  delà 
vie  et  des  ouvrages  de  saint  Paul;  il  semble 
calqu''  sur  les  idées  et  sur  le  style  de  Mos- 
heim.  A  l'art.  Saint  Pail,  nous  réfuterons 
cet  ouvrage  impie;  mais  il  ne  convenait 
guère  h  un  prolestant  qui  faisait  profession 
du  christianisme  d'en  fournir  le  canevas.  — 
2°  11  ne  s'est  pas  aperçu  qu'il  suggérait  en- 
core aux  incrédules,  contre  la  religion  chi'é- 
tienne,  un  argument  auquel  il  n'aurait  pas 
pu  répondre.  En  etl'et,  si  cette  religion  est 
divine,  si  Jésus-Christ  est  Dieu,  s'il  a  pro- 
mis d'assister  son  Eglise  jusqu'à  la  un  des 
siècles,  connnent  a-t-il  ini,  pour  propager 
son  Evangile,  se  servir  d'hommes  aussi  ré- 
préhensibles  que  Mosheim  a  peint  les  mis- 
sioni^aires,  et  d'un  moyen  aussi  odieux  que 
laml>ilion  des  papes?  C'était  fournir  aux 
Bail)aies  un  nouveau  motif  d'incrédulité, 
en  ne  leur  donnant  pour  catéchistes  que  des 


hommes  qui  n'avaient  aucune  marque  d'un 
véritable  apostolat,  des  moines  ignorants, 
superstitieux,  fourbes,  f)lus  occupés  de  la 
dignit('  du  pontife  romain  que  de  la  gloire 
de  Jésus-Christ  et  du  salut  des  îlnies.  Etait- 
ce  donc  là  un  plan  digne  de  la  sagesse  éter- 
nelle "i"  Mais  les  protestants  ont  beau  décla- 
mer contre  des  papes;  c'est  à  l'ambition 
prétendue  de  ces  derniers  que  le  Nord  est 
redevable  de  son  christianisme,  de  sa  civili- 
sation, de  ses  lumières,  et  l'Europe  de  sou 
renos  et  de  son  bonheur.  Si  les  nations  du 
Nord  n'avaient  pas  été  chrétiennes,  les 
émissaires  de  Luther  n'auraient  [las  pu  les 
rendre  protestantes,  aucun  d'eux  n'est  allé 
prêcher  les  infidèles  :  ils  se  sont  contentés 
de  débaucher  à  l'Eglise  les  enfants  qu'elle 
avait  engendrés  en  Jésus-Christ.  —  3"  En 
voulant  faire  le  procès  aux  missionnaires,  il 
a  couvert  d'ignominie  les  docteurs  de  la 
prétendue  réforme.  Ceux-ci  ont-Us  montré 
un  zèle  plus  pur,  plus  désintéressé,  [dus 
charitable,  plus  patient  que  les  apôtres  du 
Nord?  Ih  ne  prêchaient  pas  par  attachement 
au  pape,  mais  par  une  haine  furieuse  contre 
lui  :  ils  n'ont  point  acquis  de  richesses  au 
clergé,  mais  ils  se  sont  emparés  de  celles 
qu'il  possédait,  et  se  s  nt  mis  dans  sa  place  : 
ils  n'ont  point  établi  de  superstition,  mais 
ils  ont  étouffé  toute  piété;  ils  ont  enseigné 
sans  doute  la  doctrine  la  plus  pure,  mais 
bientôt  elle  a  fait  éclore  le  socinianisme,  le 
dé  sme  et  vingt  sectes  dilférentes.  Encore 
faibles,  ils  ont  prêché  la  tolérance  et  ont 
bl1mé  les  moyens  violents;  mais  devenus 
redoutables,  ils  ont  eu  recours  aux  princes, 
aux  lois  pénales,  souvent  à  la  sédition  et 
aux  armes,  pour  asservir  les  catholiques, 
liour  les  chasser  ou  les  faire  ap  -stasier. 
Leurs  jjropres  auteurs  conviennent  (pic  par- 
tout oi"!  leur  religion  est  dominante,  'elle 
l'est  devenue  par  l'influence  de  l'autorité 
séculière.  —  4°  Lorsque  .Moslieim  a  parlé 
des  missions  que  les  nestorieus  ont  faites 
pendant  le  viii%  lex'  et  le  xi' siècle  dans  la 
partie  orientale  de  la  Perse  et  aux  Indes, 
dans  la  Tartarie  et  à  la  Chine,  des  missions 
des  Grecs  sur  les  deux  bords  du  Danube, 
des  missions  plus  récentes  des  Russes  dans 
la  Sibérie,  il  n'en  a  pas  dit  autant  de  mal 
que  de  celles  des  Latins  dans  le  Nord.  Pour- 
(juoi  cette  afifectation?  Les  i  rédicaieurs 
russes,  grecs  et  nestoriens  n'étaient  cer- 
tainement pas  des  apôtres  plus  saints  fjue 
les  missionnaires  de  l'Eglise  romaine  ;  de 
l'aveu  même  de  .Mosheim,  leur  ch.ristia- 
nisme  n'était  pas  jilus  parfait,  ni  leur  succès 
plus  mervedieux.  Nous  ne  lisons  pas  qu'au- 
cun d'eux  ait  soutlert  le  martyi-e,  pendant 
que  des  centaines  de  prédicateurs  catholi- 
ques ont  été  massacrés  par  les  Barbares.  Le 
sort  de  ces  ouvriers  évangéiiques  n'a  ce- 
pendant pas  refroidi  la  charité  de  leurs  suc- 
cesseurs, puisqu'elle  a  continué  pendant 
huit  ou  neuf  cents  ans.  Ces  moines,  peui 
lesquels  Mosheim  affecte  tant  ue  mépris,  et 
qu'il  a  noircis  dans  tous  les  siècles  (ie  son 
Histoire,  ont  marché  cnurageusemcut  sur 
les  traees  du  sang  do  leurs  frères,  et  ont 


lOiS 


NOR 


bravé  le  mAme  danger.  Il  n'est  pas  fort 
louable  de  déprimer  leur  zèle  apostolique, 
en  lui  prêtant  d'  s  motifs  humains  et  nb- 
surdes.  —  5'  il  y  a  de  la  folie  à  vouloir 
nous  persuader  que  la  doctrine  prêchée  aux 
infidèles  par  des  missionnaires  grecs,  n'é- 
tait pas  la  même  que  celle  qu'enseignaient 
les  prédicateurs  latins.  Il  est  constant  qu'a- 
vant le  IX*  siècle  il  n'y  a  eu  aucune  dispute 
ni  aucune  division  entre  les  deux  Eglises 
louchant  le  dogme  ni  le  culte  extérieur; 
que  dans  les  divers  conciles  généraux, 
tenus  pendant  sept  cents  ans,  les  (îrecs  d 
les  Latins  signaient  les  mêmes  professions 
de  foi,  et  ne  se  reprochaient  mutuolleuient 
aucune  erreur.  Les  protestants  les  i)lus 
entêtés  disent  que  les  prétendus  abus,  dont 
ils  nous  font  des  crimes,  se  sont  intioduits 
dans  l'Orient  et  dans  l'Occident  pendant  le 
iv'^  siècle.  Dieu  cependant  n'a  pas  cessé  de 
bénir  et  de  faire  prospérer  les  missions 
depuis  C(^  temps-la  ;  il  y  a  eu  un  plus  grand 
nombre  do  peuples  converlis  au  christianis- 
me depuis  ie  i\'  siècle  qu'il  n'y  en  avait  eu  au- 
paravant. Dieuadonc  rendu  son  Eglise  plus  fé- 
conde depuis  qu'elle  est  tombée  dans  l'erreur, 
que  quand  sa  loi  élait  plus  pure.  Voilà  le  mys- 
tère d'iniquité  que  nos  adversaires  ont  osé 
mettre  sur  le  couipte  de  la  Providence.  — 
6°  Quand  on  a  fait  ces  réflexions,  l'on  est 
tenté  de  regarder  comme  une  dérision  les 
éloges  que  Mosheim  a  faits  des  missions  lu- 
thériennes que  les  Danois  ont  établies  en 
1706,  chez  les  Indions  du  Malabar.  C'est  un 
peu  tard,  après  deux  cents  ans  écoulés  de- 
puis la  naissance  du  luthéranisme  :  n'im- 
porte. Selon  notre  historien,  c'est  la  plus 
sainte  et  la  plus  parfaite  de  toutes  les  mis- 
sions. Les  catéchi^tes  que  l'on  y  envoie  ne 
font  pas,  dit-il,  autant  de  prosélytes  que  les 
prêtres  papistes;  mais  ils  les  rendent  meil- 
leurs chrétiens  et  plus  ressemblants  aux 
vrais  disciples  de  Jésus-Christ.  Cependant 
on  sait  quelles  ont  été  les  raisons  de  cet 
étabhssement;  l'intérêt  du  commerce,  la 
rivalité  à  l'égard  des  autres  nations  euro- 
péennes, la  honte  de  paraître  indifférent  sur 
le  salut  des  Indiens,  un  peu  d'envie  de  jou- 
ter contre  l'Eglise  roujaine.  Des  motifs  aussi 
profanes  ne  sont  guère  propres  à  opérer  des 
prodiges;  en  elfet,  les  voyageurs,  témoins 
oculaireg,  nous  ont  appris  ce  qui  en  est,  et 
plusieurs  ont  regardé  ces  missions  comme 
une  pure  momerie.  Ce  n'est  pas  à  tort  que 
nous  reprochons  continuellement  aux  pro- 
testants qu'ils  sont  les  premiers  auteurs  du 
déisme,  de  l'incrédulité,  de  l'indifférence  de 
religion  qui  régnent  aujourd'hui  dans  l'Eu- 
rope entière  ;  pourvu  qu'ils  puissent  satis- 
faire leur  haine  contre  l'Eglise  romaine,  ils 
s'embarrassent  fortj)cudece  que  leurs  ca- 
lomnies retombent  sur  le  christianisme  en  gé- 
néral. Nos  philosophes  incrédules  n'ont  fait 
que  les  copier.  Mais  [luisque  le  protestan- 
tisme ne  s'est  maintenu  que  par  une  ani- 
mositô  opiniâtre  contre  le  cntholici-me,  srs 
sectateurs  doivent  craindre  d'en  avou'  creusé 
le  tombeau  en  inspirant  l'indilléreuco  j)our 
|outo  religion.  Yoy.  Missions. 


NOT  1044 

*  NOTES  DE  L'ÉGLISE.  Parmi  tontes  les  sociétés 
qui  divisent  le  clirisiianisnie,  il  n'en  est  aucune  qui 
lie  prélcutle  au  pi  ivitége  d'être  soûle  dépositaire  de 
la  v  rilable  doctrine  du  Clirisl.  Elles  s'anàtriciiiali- 
sent  toutes,  elles  prétendent  posséder  exclusivement 
la  vérité  chréljenne.  Cependant  Jésus-Chiist  ne  peut 
cire  divisé,  la  vérité  et  le  mensonge  ne  peuvent  s'al- 
lier. L'allirmation  et  la  négation  ne  peuvent  s'unir 
sur  un  même  point.  Pour  décider  en  faveur  de  qui 
existe  la  vérité,  il  l'aul  nécessairement  que  la  so- 
ciété chrétienne,  véritable  dépositaire  de  la  doclrii* 
du  Christ,  ail  des  caractères  qui  la  distinguent;  car 
le  Sauveur  du  monde  ayant  voulu  que  tous  les  hom- 
mes entrent  dans  son  bercail,  a  dû  donner  des  mar- 
ques ."uxquelles  on  puisse  le  reconnaître.  Ces  mar- 
ques ou  caractères  sont  ce  que  nous  appelions  Notes 
DE  l'Eglise.  Les  théologiens  distinguent  deux  espèces 
de  notes  ,  les  unes  sont  posiiives  et  les  autres  négu' 
tires.  Les  notes  positives  sont  celles  qui  appartien- 
nent exclusivement  à  l'Eglise,  en  sorte  que,  dans 
toute  société  chrétienne  oa  l'on  rencontre  une  seule 
note  positive,  on  peut  dire  là  est  la  véritable  Eglise. 
Les  notes  négatives  sont  des  caractères  essentiels  à 
l'Eglise,  mais  qui  ne  lui  appartiennent  pas  exclusi- 
vement ;  de  leur  absence  on  peut  certainement  con- 
clure qu'une  société  chrétienne  n'est  point  la  véri- 
table Eglise;  mais  de  leur  présence  on  ne  peut  af- 
firmer qu'elle  soit  la  véritable  Eglise.  Les  notes  de 
l'Eglise  doivent  avoir  certaines  ((ualités  :  1°  Elles 
doivent  être  plus  faciles  à  reconnaitre  que  l'Eglise. 
il  est  en  effet  du  caractère  essentiel  de  tout  signe 
distinelif  qu'il  suit  plus  connu  que  l'objet  qu'il  doit 
désigner.  2'  Elles  doivent  être  à  la  portée  de  luns  les 
hommes,  puisqu'ils  doivent  tous  entrer  dans  le  sein 
de  l'Eglise.  3°  Réunies,  il  doit  être  évident  qu'elles 
n'appartiennent  qu'à  une  seule  société.  Les  piolt-s- 
tants  ailmeitaienl  deux  notes  del'Eglise:  la  prédica- 
tion de  la  doctrine  de  Jésus-Christ  et  radniinislration 
légitime  des  sacrements.  Us  les  ont  réunies  eu 
une  seule  :  la  véritable  doctrine  de  Jésus-Christ 
conn'ie  par  l'examen  privé.  Celte  note  est  évi- 
demment un  cercle  vicieux,  car  je  ne  cherche  la  vé- 
ritable Eglise  qu'afiii  d'avoir  la  véritable  doctrine. 
Où  est,  d'après  les  protesianls,  la  véritable  doctrine 
connue  par  l'examen  privé?  Dans  la  Bible?  Mais 
toutes  les  sociéti's  chrétiennes  ont  la  Cible  ;  sont- 
elles  toutes  la  véritable  Eglise?  C'est  une  absurdité. 
C'est  donc  ailleurs  qu'il  f.tut  chercher  les  notes  <le  la 
véritable  Eglise.  Nous  reconnaissons,  nous  catholi- 
ques, quatre  notes  positives  :  Vunilé,  ta  saimeti',  la 
calholicid  et  t'apostoUciié  ;  et  deux  négatives,  lu 
perpétuité  et  la  visibiliié.  Chacun"  de  ces  notes  ayant 
un  article  particulier,  nous  nous  contentons  d'y  ren- 
voyer. Yoy.  Eglise,  §  2. 

♦  Notes  de  pbopositions.  Voy.  CE^■suRES  des  éckits 
et  QuAi-iFicATiON  de  propositions 

NOTIONS  EN  DIEU.  Les  théologiens  ,  en 
traitant  du  mystère  de  la  sainte  Trinité, 
nomment  notions  les  qualités  qui  convien- 
nent à  chacune  des  Personnes  divines  en 
particulier ,  et  qui  servent  à  hs  distinguer. 
Ainsi  la  paternité  et  Vinnascibilité  sont  les 
notions  distinctes  de  la  première  Personne, 
la  filiation  est  le  caractère  distiiictif  de  la  se- 
conde, la  procession  ou  spiralion  passive 
convient  exclusivement  à  la  troisième.  Voy. 
Trinité.  Comme  ce  mystère  est  inconipré- 
hensibié  ,  et  qu'il  a  été  souvent  attaqué  par 
les  hérétiques  ,  les  théologiens  ont  été  for- 
cés de  consacrer  des  termes  particuliers, 
non  pour  l'exphquer ,  puisqu'il  est  inexpli- 
calle,  mais  pour  énoncer,  sans  danger  d'er- 
reur, ce  que  l'on  en  doit  croire. 

NOTRE-DAME ,  titre  d'honneur  que  les 
catholiuues  donnent    à  la  sainte   Vierge  ; 


i'. 


NOV 


N07 


tOij 


<niiisi  nous  disons,  l'église  de  Noire-Dame, 
les  fêles  de  Notre-Dame,  etc.  Les  proto-ilaiits, 
qui  rejettent  le  culte  de  la  sainte  Vicige, 
lont  croire  aux  igiK.rants  que  nous  l'appe- 
lons Noire-Dame  dans  le  ruènu!  sons  quo 
nous  appelons  Jésus-Christ  Notre-Srigneur  ; 
qu'ainsi  nous  rendons  h  l'un  et  à  l'autre  un 
culte  égal.  Mais  une  (.équivoque  ne  devrait 
jamais  causer  de  disputas.  Jésus-Cliri>t  est 
notre  souverain  Soigneur,  paiio  qu'il  est 
Dieu  ;  nous  appelons  sa  sainte  Mère  Notre- 
Dame ,  pour  lui  témoigner  un  plus  profonde 
respect  qu'à  loute  autre  créature  ,  et  une 
cniiére  confiance  en  son  intercession.  Si 
quelques  dévots  peu  instruits  se  sont  qucl- 
«luefois  exprimés  sur  ce  sujet  d'une  nian  ère 
qui  n'est  pas  assez  correi  te ,  il  ne  faut  pas 
en  faire  un  crime  à  l'Eglise  romaine,  qui 
n'approuve  aucun  excès.  Nous  accusera-t-on 
d'idol.Urie  lorsque  nous  donnons  aux  grands 
de  la  terre  le  titre  de  monseigneur? 

NOUVEAU.  Ce  mot  a  plusieurs  sens  dans 
l'Ecrilure  sainte.  Il  signilie  :  1°  ce  qui  est  ex- 
traordinaire (Judic.  y,  8).  Le  Seigneur  a 
choisi  une  nouvelle  manière  de  faire  la  guerre 
et  de  vaincre  nos  ennemis ,  en  insjiirant  à 
une  femme  le  courage  d'un  homme.  2"  Ce 
qui  est  enseigné  avec  plus  de  soin  qu'au- 
trefois. Jésus-Christ  appi'lle  le  précepte  do 
la  charité  un  commandement  nouveau  [Joan., 
XIII,  Z'i) ,  quoiqu'il  fût  déjà  imposé  dans 
l'ancienne  loi ,  ))arce  qu'il  l'a  mieux  déve- 
loppé, q  i'il  e:i  a  donné  de  nouveaux  motif-*, 
et  en  a  montré  dans  lui-même  un  exemple 
parfait.  3°  C  •  qui  est  beau  et  sublime  ;  dans 
ce  sens,  David  a  dit  |)lnsieurs  fois  :  Je  vous 
ch;'.nterai.  Seigneur,  un  cantique  nouveau. 
Dans  le  style  de  saint  Paul,  le  nouvel  homme 
est  lo  chn'lien  purilié  île  ses  anciens  vices 


par  le  baptême.  Jésus-Christ  dit  [Luc.  v,  37) 
qu'il  ne  i.iut  pas  mettre  du  vin  nouveau  d.ins 
(le  vieilles  outres,  |iour  faire  entendre  qu'il 


ne  devait  pas  imposer  à  ses  disciples,  encore 
faibles  ,  des  devoirs  trop  parfai's.  k"  Dans  la 
2'  lettre  do  samt  Pierre,  c.  ni,  v.  13,  et  dans 
l'Apocalypse,  c.  xxi ,  v.  1  et  2,  un  nouveau 
ciel,  une  nouvelle  terre,  là  nouvelle  Jérusa- 
lem, signitient  le  séjour  des  bienheureux; 
mais  dans  Isaie  ,  c.  lxvi  ,  v.  22  ,  les  mêmes 
expressions  paraissent  désigner  le  règne  du 
Messie.  Lors(iue  le  Sauveur  promit  à  ses 
apôtres  de  boire  avec  eux  un  vin  nouveau 
dans  le  royaume  de  son  Père  (Matth.,  xiv, 
25),  cela  pouvait  signifier  ([u'il  boirait  encore 
et  mangerait  do  nouveau  avec  eux,  après  sa 
résurrection.  5"  Joan. ,  c.  xix,  v.  41,  il  est  dit 
que  Joseph  d'Arimathie  déposa  le  corps  de 
Jésus-Christ  dans  un  sépulcre  nouveau,  dans 
lc(iuel  aucun  mort  n'avait  encore  été  dé- 
posé. 6°  Exod.,  c.  xxiii,  v.  15,  le  mois  des 
nouveaux  fruits  était  le  mois  de  Nisan,  pen- 
dant lequel  la  moisson  commençait  en  Egypte 
cl  dans  la  Pal 'Stino. 

NOVATEUR.  On  nomme  ainsi  celui  qui 
enseigne  une  nouvelle  doctrine  en  matière 
de  foi.  L'Eglise  chrétienne  a  toujours  fait 
profession  de  ne  point  suivre  d'autie  doc- 
trine que  celle  qui  lui  a  été  enseignée  par 
Jésus-Christ  et  par  les  apôtres  ;  conséquem- 


ment  elle  a  condamné  comme  hérétiqu  s 
ceux  (pii  imt  entrepris  il.i  la  corriger  et  de 
la  cbHnger.  \1\\g  leur  a  dit,  par  la  bouche  de 
Tertulheu,  l'rœscripl.,  c.  xxxvii  :  «  Je  suis 
plus  ancienni^  que  vous  et  en  possession  de 
la  vériti'  avant  vous;  je  la  tiens  de  eux 
mêmes  qui  étaient  chargés  de  l'annoncer  ;  je 
suis  l'héritière  dos  apôtres,  je  garde  ce  qu'ils 
m'ont  laissé  par  testament,  ce  qu'ils  ont 
confié  l\  ma  foi,  ce  qu'ils  m'ont  fait  jurer  do 
conserver.  Pour  vous,  ils  vous  ont  déshéri- 
t^'s  et  rejetés,  comme  des  étrangers  et  d  s 
ennemis.  »  Elle  a  retenu  pour  base  de  son 
enseignement  la  maxime  étal)li(î  par  ce  mémo 
Père ,  «  que  ce  qui  a  été  enseigné  d'abord 
est  la  vérité  et  vient  de  Dieu  ,  que  ce  qu-  a 
été  inventé  dans  la  suite  est  étranger  et 
faux.  »  Ibid.,  c.  XXXI. 

L'usage  de  l'Eglise,  dit  Vincent  de  Lérins, 
Commonit.,  §  6,  a  toujours  été  ipie  plus  l'on 
était  religieux,  plus  l'oii  avait  horreur  d'S 
nouveautés.  Pour  n'fnter  l'erreur  des  rebap- 
tisants au  m*  siècle,  le  pape  Etienne  n'op- 
posa ipio  celte  règle  :  N'innovons  rien,  gar- 
dons la  tradition.  L'esprit,  r('loqiienee  ,  les 
raisons  plausibles,  les  citations  de  l'Ecrilure 
sainte  ,  le  nombre  des  par  tisans  de  la  nou- 
velle Ojiinion,  !a  sainteté  même  de  plusieurs, 
ne  puiciil  prescrire  C(jntre  le  sentiment  et  la 
pratique  de  l'antiquité.  —  >î  21.  «  (larde/  lo 
dépôt,  dit  saint  Paul  à  Timothée  (7  Tim.  vr  ; 
évitez  toute  nouveauté  profane  et  les  discu- 
tes qu'excite  une  fausse  science.  »  S'il  faut 
éviter  la  nouveauté,  il  faut  donc  s'attacher  à 
l'antiquité,  puisque  la  première  est  profane, 
la  seconde  est  sacrée.  —  §  22.  Expliquez 
plus  clairement,  à  la  bonne  heure,  ce  qno 
l'on  croyait  autrefois  d'une  manière  |iins 
obscure,  mais  n'enseignez  quo  ce  que  vous 
avez  app.is,  et  si  vos  termes  sont  nouveaux, 
que  la  chose  ne  le  soit  pas.  —  §  23.  N'est-il 
donc  pas  permis  de  faire  d^s  jirogrès  dans  la 
science  de  la  religion?  Assurément,  mais 
sans  altérer  le  dogme  ni  la  manière  de  l'en- 
tendre. 11  faut  que  la  croance  des  esprits 
imite  la  marche  des  corps  ;  ils  croissent, 
s'étendent,  se  développent  parla  suite  des 
années,  mais  ils  l'emeurcnt  toujours  les 
mômes.  Qu'il  en  soit  ainsi  de  la  doctrine 
chrétienne  ,  qu'elle  s'all'erndsse  par  le  laps 
des  années  ,  qu'elle  s'élende  et  s'éclanxisse 
parli'S  travaux  des  savants,  qu'elle  devieime 
plus  vénérable  avec  l'âge  ;  mais  que  le  fond 
demeure  entier  et  inaltérable.  L'Eglise  de 
Jésus-Christ,  dépositaire  attentive  et  iidèlo 
des  dogmes  qu'elle  a  regus,  n'y  change  rien, 
n'en  retranclie  rien,  n'y  ajoute  rien.  Son  at- 
tention se  borne  à  rendre  plus  exa(  t  et  iilus 
clair  ce  qui  n'était  encore  proposé  qu'impar- 
faitement,  plus  ferme  et  jilus  constant  ce 
qui  était  suftisamment  expliqué,  plus  invio- 
lable ce  qui  était  déjà  décidé.  Qu'a-1-elIe 
voulu  en  elfet  par  les  décrets  de  ses  conci- 
les ?  Molire  plus  de  clarté  dans  la  croyance  , 
plus  d'exactitude  dans  l'enseignement,  plus 
de  netteté  et  de  précision  dans  la  profession 
de  foi.  Lorsque  le  hérétiques  out(nseigné 
des  nouveautés,  elle  n'a  fait  |iar  ces  mômes 
décrets  que  transmeltre  par  écrit  à  la  posté- 


1047 


NOV 


NOV 


1048 


rite  ce  qu  elie  avait  reçu  des  anciens  par 
tradition,  exprimer  en  peu  de  mots  un  sens 
souvent  fort  étendu  ,  fixer  ce  sens  par  un 
nouveau  terme  pour  le  rendre  plus  aisé  à 
saisir.  —  §  2'*.  S  H  était  permis  d'adopter  de 
nouvelles  doctrines,  que  s'ensuivrait-il?  Que 
les  fidèles  de  tous  les  siècles  précédents,  les 
saints,  les  vierges,  le  clergé,  des  milliers  de 
confesseurs ,  des  armées  de  martyrs ,  les 
peuples  entiers  ,  l'univers  chrétien  ,  attaché 
à  Jésus-Christ  par  la  foi  catholique,  ont  été 
duis  l'ignorance  et  dans  l'erreur ,  ont  blas- 
phémé sans  savoir  ce  qu'ils  disaient  ou  ce 
qu'ils  croyaient.  Toute  hérésie  a  paru  sous 
un  certain  nom  ,  dans  tel  endroit ,  dans  un 
temps  connu  ;  tout  h'résiarque  a  commencé 
par  se  séparer  do  la  croyance  ancienne  et 
universelle  de  l'Eglise  catholique.  Ainsi  en 
ont  agi  Pelage,  Arius,  Sabellius ,  Priscil- 
lien  ,  etc.  ;  tous  se  sont  fait  gloire  de  créer 
des  nouveautés ,  de  mépriser  l'antiquité,  de 
mettre  au  jour  ce  que  l'on  ignorait  avant 
eux.  La  règle  des  catholiques,  au  contraire, 
est  de  garder  le  dépôt  des  saints  Pères  ,  de 
rejeter  toute  nouveauté  profane  ,  de  dire 
avecl'apùtre  :  «  Si  quelqu'un  enseigne  autre 
chose  que  ce  que  nous  avons  reçu,  (pi'il  soit 
aiiathèrae.  »  —  §  26.  Mais  lorque  les  héréti- 
ques allèguent  en  leur  faveur  l'autorité  de 
1  Ecriture  sainte  ,  que  feront  les  enfants  de 
l'Eglise?  Ils  se  souviendront  de  la  règle  an- 
cienne qui  a  toujours  été  observée ,  qu'il 
faut  expliquer  l'Ecriture  selon  la  tradition 
de  l'Eglise  universelle,  et  préférer  dans  cette 
explication  môme  l'antiquité  à  la  nouveauté, 
l'universalité  au  petit  nomiire,  le  sentiment 
des  docteurs  catnoliques  les  plus  célèbres 
anx  opinions  téméraires  de  quelques  nou- 
veaux dissertateurs. 

On  voit  que  Vincent  de  Lérins  n'a  fuit 
que  développer,  dans  son  Commonitoire,  ce 
que  ïertullien  avait  déjà  enseigné  dans  ses 
Prescriptions  contre  les  hérétiques,  deux  cents 
ans  auparavant.  A  la  vérité,  les  novateurs 
des  derniers  siècles  ont  accusé  l'Eglise  elle- 
même  d'avoir  innové,  d'avoir  altéré  la  doc- 
trine enseignée  par  les  apôtres.  Ce  repro- 
che était  aisé  à  former,  mais  il  fallait ,  pour 
en  démontrer  la  fausseté  ,  confronter  la  tra- 
dition de  quinze  siècles  entiers  ;  le  procès 
ne  pouvait  pas  être  sitôt  instruit  ;  les  héré- 
tiques ont  profité  de  l'intervalle  pour  séduire 
les  ignorants.  Est-il  possible  que  l'Eglise 
catholique,  répandue  dans  toutes  les  parties 
du  monde ,  dont  tous  les  pasteurs  jurent  et 
protestent  qu'il  ne  leur  est  pas  permis  de 
rien  changer  à  la  doctrine  qu'ils  ont  reçue , 
conspire  néanmoins  à  faire  ce  changement  ; 
que  les  fidèles  de  toutes  les  nations  ,  bien 
persuadés  que  cet  attentat  est  un  crime , 
aient  consenti  néanmoins  à  y  participer,  on 
suivant  une  doctrine  nouvelle  imaginée  par 
leurs  pasteurs  ?  que  les  sociétés  même  sépa- 
rées de  l'Eglise  romaine  depuis  plus  de 
mille  ans,  aient  été  saisies  du  même  esprit 
de  vertige  ?  Si  co  paradoxe  avait  été  compris 
d'abord,  il  aurat  révolté  tout  le  monde  par 
son  absurdité.  A  force  de  l'entendre  répé- 
ter, on  a  commencé  par  le  croire,  en  atten- 


dant l'examen  des  monuments  qui  démon- 
traient le  contraire.  Enfin ,  il  a  été  fait  dans 
la  Perpétuité  de  la  foi  ;  mais  l'hérésie  était 
trop  bien  enracinée  pour  céder  à  l'évidence 
des  faits  et  des  monuments.  Aujourd'hui 
encore  les  protestants  soutiennent  que  tous 
les  dogmes  catholiques  qu'ils  rejettent  sont 
une  nouvelle  invention  des  derniers  siècles. 
Yoy.  DÉPÔT ,  Perpétuité  de  la  Foi,  Pres- 
cription. 

NOVATIENS,  hérétiques  du  m' siècle,  qui 
eurent  pour  chefs  Novatien,  prêtre  de  Rome, 
et  Novat ,  prêtre  de  Carthage.  Le  premier, 
homme  éloquent  et  entêté  de  la  philosophie 
stoïcienne ,  se  sépara  de  la  communion  du 
pape  ssint  Corneille ,  sous  prétexte  que  ce 
pontife  admettait  trop  aisément  à  la  péni- 
tence et  à  la  communion  ceux  qui  étaient 
tombés  par  faiblesse  dans  l'aposiasie  pen- 
dant la  persécution  de  Dèce.  Mais  le  vrai 
motif  de  son  schisme  était  la  jalousie  de  ce 
que  saint  Corneille  lui  avait  été  préféré  pour 
remplir  le  siège  de  Rome.  Il  abusa  du  pas- 
sage dans  lequel  saint  Paul  dit  {Heb.  vi,  k)  : 
«  11  est  impossible  à  ceux  qui  sont  tombés, 
après  avoir  été  une  fois  éclairés,  et  après 
avoir  goûté  les  dons  célestes,  de  se  renou- 
velerparlapénitence.»Conséquemmentil  sou- 
tint que  l'on  devait  refuser  l'absolution,  non- 
seulement  à  ceux  qui  avaient  apostasie,  mais 
encore  à  ceux  qui  ,  après  leur  baptême , 
étaient  tombés  dans  quelque  péché  grave, 
tel  que  le  meurtre  et  l'advdlère.  Comme 
l'erreur  va  toujours  en  croissant,  les  noi'a- 
tiens  j)rétcndirent  bientôt  que  l'Eglise  n'a- 
vait pas  le  pouvoir  de  remettre  les  grands 
crimes  par  l'absolution.  Cette  r:gidilé  conve- 
nait d'autant  moins  à  Novatien,  qu'on  l'accu- 
sait lui-même  de  s'être  caché  dans  sa  maison 
pendant  la  persécution ,  et  d'avoir  refusé 
ses  secours  à  ceux  qui  souffraient  pour  Jé- 
sus-Christ. On  lui  reprochait  encore  d'avoir 
été  ordonné  prêtre  malgré  l'irrégularité  qu'il 
avait  encourue  ,  en  recevant  le  baptême  au 
lit  pendant  une  maladie  ,  et  pour  avoir  né- 
gligé ensuite  de  recevoir  la  confirmation. 
Mosheim  fait  inutderaent  tous  ses  efforts 
pour  pallier  les  torts  de  Novatien ,  et  en 
faire  tomber  une  partie  sur  saint  Corneille, 
Hist.  christ.,  saec.  m,  §  15,  notes.  11  dit  que 
ce  pape  ne  reprochait  à  son  antagoniste  que 
des  vices  de  caractère  et  des  intentions  inté- 
rieures qui  sont  connues  de  Dieu  seul  ;  que 
Novatien  protestait  contre  l'injustice  de  ces 
reproches.  Jlais  ce  schismatique  avait  dé- 
voilé les  vices  de  son  caractère  et  ses  motifs 
intérieurs  par  ses  discours  et  par  sa  con- 
duite ;  saint  Corneille  était  parfaitement  in- 
formé des  uns  et  des  autres;  les  jirotesta- 
tions  do  Novatien  étaient  démenties  par  ses 
procédés.  11  est  singulier  que  les  protestants 
excusent  toujours  les  intentions  do  tous  les 
ennemis  de  l'Eglise  ,  et  ne  rendent  jamais 
justice  aux  intenticns  de  ses  pasteurs. 

Novat,  de  son  côté,  prêlre  vicieux,  s'était 
révolté  contre  saint  Cyprien,  son  évoque;  il 
l'avait  accusé  d'être  trop  rigoureux  à  l'é- 
gaitl  des  lapses  qui  demandaient  d'être  ré- 
conciliés   à   l'Eglise  ;    il    avait   oppuyé  le 


in  10  Nov 

scliismc  du  dianrc  Félicissime  contre  co 
saint  évoque;  nieiiacô  de  l'oxcDmuiunica- 
tion,  il  s'enfuit  h  Rome;  il  si;  joiy;nil  à  la 
faction  de  Novalien,  et  il  donna  dans  l'excès 
op|)osé  à  ce  qu'il  avait  soutenu  en  Afri- 
que. Mosheira  a  encore  trouvé  bon  d'excu- 
ser ce  [)r6tre ,  et  de  rejeter  une  partie  du 
blAmo  sur  saint  Cyprien ,  ihid.,  §  H.  On  ne 
peut  pas  apfirouver,  dit-il,  tout  ce  qu'ont  fait 
ceux  qui  résistaient  à  cet  év6(jue  ;  mais  il 
est  incontestable  (]u'ils  combattaient  pour 
les  droits  du  clergé  et  du  [leuple ,  contre  un 
évoque  (]ui  s'arroi!,eait  une  autorité  souve- 
raine. Mais  nous  avons  fait  voir  ailleurs  (jue 
ces  prétendus  droits  du  clergé  et  du  peuple 
contre  les  évoques,  sont  cliimériqui'S,  et 
n'ont  jamais  existé  que  dans  l'imagination 
des  protestants.  Voy.  Evèqle  ,  Hiéuaucuik. 
Ces  deux  schismatiques  trouvèrent  dos  parti- 
sans. Novatien  cnj^agea  par  argent  trois  éyè- 
qui'S  d'Italie  à  lui  donner  l'ordre  de  l'épis- 
copat  ;  il  devint  ainsi- le  premier  évè(pie  do 
sa  secte ,  et  il  eut  des  successeurs.  Saint 
Corneille  assembla  un  concile  de  soixante 
évoques  à  Rome  ,  l'an  251,  dans  lequel  No- 
vatien fut  cxcomnuHiié  ;  les  évôcjucs  qui 
l'avaient  ordonné  furent  déposés,  et  l'on  y 
confirma  li's  anciens  camms  ,  qui  voulaient 
que  l'on  récrit  ^  la  })éniti'nce  [jublique  ceux 
qui  étaient'tombés  ,  lorsqu'ils  témoignaient 
du  repentir  de  leur  crime,  et  que  l'on  rédui- 
sit au  rang  des  lai({ues  les  évèques  et  les 
prêtres  coupaliles  d'apostasie.  Cette  disci- 
pline él  lit  daulant  [ilus  sage  ,  qu'il  y  avait 
beaucoup  de  did'érence  à  mettre  entre  ceux 
qui  étaient  tombés  par  faiblesse  et  par  la 
violence  de>  tourments,  et  ceux  qui  avaient 
apostasie  s-ins  ôlre  tourmentés  ;  entre  ceux 
qui  avaient  fait  des  actes  positifs  d'idolA- 
trie  ,  et  ceux  qui  avaient  seulement  paru  eu 
faire,  etc.  Voy.  Lai'ses.  11  était  donc  juste  de 
ne  pas  les  traiter  tous  avec  la  môme  rigueur, 
et  d'accorder  plus  d'indulgence  à  ceux  qui 
étaient  les  moins  coupables.  Saint  Cyprien  , 
Epist.  ad  Aiilonianum. 

A  la  vérité,  l'on  trouve  dans  quelnues  con- 
ciles de  ces  temps-lh,  en  particulier  dans 
celui  d'Elvire,  tenu  en  Espagne  au  com- 
mencement du  IV"  siècle,  des  canons  qui  pa- 
raissent aussi  rigoureux  que  la  pratique  des 
novatiens;  mais  on  voit  évidemment  qu'ils 
ne  sont  point  fondés  sur  la  môme  erreur;  ils 
ont  été  laits  dans  des  temps  et  des  circons- 
tances où  les  évoques  ont  jugé  qu'il  fallait 
une  discipline  sévère  pour  intimider  les  pé- 
cheurs, et  où  l'on  devait  se  délier  des  marques 
de  pénitence  que  donnaient  la  plujiart.  Quel- 
ques auteurs  ont  soupçonné  mal  à  propos 
que  ces  évèipies  étaient  entichés  des  opi- 
nions des  novatiens. 

.  Mosheim,  pour  excuser  ces  derniers,  dit 
'  que  l'on  ne  peut  pas  leur  reprocher  d'avoir 
corrompu  par  leurs  opinions  les  doctrines 
du  christianisme,  que  leur  doctrine  ne  dif- 
férait en  rien  de  celles  des  autres  chrétiens, 
Hlst.  eccl.,  troisième  siècle,  W  part.,  c.  v, 
§  17  et  18,  Ilist.  rhrist.,  sœc.  3,  §  15,  notes. 
Il  l'èce  i-;"!  ce:a  par  in.érèt  de  système.  Une 
tloctriue  du  christianisme  est  que  l'Eglise  a 


NOV 


1050 


reçu  de  Jésus-Christ  le  pouvoir  de  remettre 
tous  les  péchés  ;  or  il  est  certain  que  Nova- 
tien,  ou  du  moins  ses  adhérents,  ont  con- 
testé ce  pouvoir,  et  l'ont  nié  aussi  bien  (pie 
les  protestants.  Bévéridge  et  Binghain,  tous 
deux  anglicans,  conviennent  de  ce  fait,  et  le 
dernier  l'a  prouvé.  Orif/.  ecclés.,  1.  xviii,  c. 
IV,  §  5.  Selon  le  témoignage  de  Socrate,  1. 
vil ,  c.  XXV,  Asclépiade,  évoque  novatien, 
disait  h  un  j)atriarchc  de  Constantinoplo  : 
«  Nous  refusons  la  communion  aux  grands 
pécheurs,  laissant  «^  Dieu  seul  le  jjouvoir  do 
eur  pardoinicr.  »  Tillemont  prouve  la  mémo  - 
chose  par  les  témoignages  de  saint  Pacien, 
de  saint  Augustin  et  de  l'auteur  des  Qurs- 
tious  sur  rAnc.  et  le  Nouv.  Testam.  Mém., 
t.  III,  p.  472.  Saint  Cyprien  le  fait  assez  en- 
tendre, Epist.  52  ad  Antonianum.  «  Nous 
n'anticipons  point,  dit-il,  sur  le  jugement 
d"  Dieu,  qui  ratifiera  c  que  nous  avons 
fait,  s'il  trouve  que  la  pénilence  soit  juste 
et  entière.  Si  nous  sommes  trompés  par  de 
fausses  apparences,  il  corrigera  la  sentence 
que  nous  avons  prononcée...  Puisque  nous 
voyons  que  personne  ne  doit  être  empêché 
de  faire  pénitence,  et  que  par  la  miséricorde 
de  l>ieu  la  paix  peut  être  accordée  par  ses 
prêtres,  il  faut  avoir  égard  aux  gémisse- 
ments des  pénitents,  et  ne  pas  leur  en  refu- 
ser le  fruit.  »  11  n'est  donc  pas  question  de 
savoir  seulement  si  l'Eglise  devait  accorder 
l'absolution  aux  pécheurs,  mais  si  elle  le 
pouvait,  et  si  la  sentrnco  d'absolution  ac- 
cordée par  les  prôlrcs  n'était  pas  une  anti- 
cipation sur  le  jugement  de  Dieu,  comme 
les  7}ovaticns  le  jirétendaient.  Il  est  filcheux 
pour  les  protestants  de  voir  une  de  leurs 
erreurs  condamnée  au  m'  siècle  dans  les 
novatiens  ;  mais  le  fait  est  incontestable.  Ces 
hérétiques  ne  laissaient  point  d'exhorter  les 
pécheurs  à  la  pénitence,  parce  que  l'Ecri- 
ture sainte  l'ordonne  ;  mais  saint  Cyprien 
remarque  avec  raison  i|ue  c'était  une  dérision 
(le  vouloir  engager  les  jécheurs  à  se  repen- 
tir et  à  gémir,  sans  leur  faire  espérer  le  par- 
don, du  moins  k  l'article  de  la  mort  ;  que 
c'était  un  vrai  moyen  de  les  désespérer,  de 
les  faire  retourner  au  paganisme  ou  se  jeter 
parmi  les  hérétiques.  Dans  la  suite,  les  no- 
vatiens ajoutèrent  de  nouvelles  erreurs  à 
celle  de  leur  chef;  ils  condamnèrent  les  se- 
condes noces  et  rebaptisèrent  les  pécheurs  ; 
ils  soutinrent  que  l'Eglise  s'était  corrompue 
et  perdue  par  une  molle  indulgence,  de.  Ils 
se  donnèrent  le  nom  de  (nlliarcs,  qui  signi- 
fie/)urs,  de  môme  que  l'on  appelle  en  An- 
gleterre puritains  les  calvinistes  rigides. 

Quoiqu'il  y  eilt  peu  de  concert  dans  la 
doctrine  et  dans  la  discipline  parmi  les  no- 
vatiens, celte  secte  n'a  pas  laissé  de  s'éten- 
dre et  de  subsister  en  Orient  jusqu'au  vu" 
siècle,  et  en  Occident  jusqu'au  vm'  ;  au  con-  » 
cile  général  de  Nicée,  en  323,  l'on  fit  des  rè- 
glements sur  la  manière  do  les  recevoir 
dans  l'Eglise,  lorsqu'ils  demanderaient  à  y 
rentrer.  Un  de  leurs  évèi[ues  nommé  Acé- 
sius  y  argumenta  avec  beaucoup  de  chaleur, 
pour  prouver  que  l'un  ne  devait  pas  admet- 
tre les  grands  pécheurs  a  la  communion  do 


10';  I 


NUE 


NDB 


10."'2 


l'Eglise;  tonstantin,  qui  (^'tait  pr(''sent,  lui 
répondit  par  dérision  :  Acéshts,  dressez  une 
échelle,  et  montez  au  ciel  tout  seul. 

NOVICE,  NOVICIAT.  On  appelle  novice 
une  personne  de  l'un  ou  de  l'autre  sexe  qui 
aspire  à  faire  profession  do  l'état  religieux, 
qui  en  a  pris  l'iiabit,  qui  s'exerce  à  en  rem- 
plir les  devoirs.  Dans  tous  les  temps,  l'E- 
glise a  pris  des  précautions  pour  empocher 
que  personne  n'entrât  dans  l'état  religioui 
sans  une  vocation  libre  et  solide,  sans  bien 
connaiire  les  obligations  do  cet  état,  et  sans 
y  être  exercé  sulfisamment.  Le  concile  de 
Trente,  s<  ss.  25,  c.  16  et  suiv.,  a  renouvelé 
sur  ce  sujet  les  anciens  canons,  et  a  ctiarg'5 
.es  évêques  de  veiller  de  près  à  leur  obser- 
vation :  mais  cette  matière  appartient  au 
droit  canonique.  Les  hérétiques,  les  incré- 
dules, les  gens  du  monde,  qui  s'imaginent 
que  presque  toutes  les  vocations  sont  for- 
cées, ignorent  les  épreuves  que  l'on  fait  su- 
bir aux  novices,  les  soins  que  prennent  les 
supérieurs  ecclésiastiques  pour  empêcher 
que  l'erreur ,  la  séduction  ,  la  violence  , 
n'aient  aucune  paît  k  la  profession  reli- 
gieuse. On  peut  assurer  en  génénd  que  s'il 
y  a  dans  ce  genre  quelques  victimes  do  l'am- 
bition, de  la  cruauté  et  de  l'irréligion  de 
leurs  parents,  les  novices  y  ont  consenti, 
qu'ils  ont  surpris  la  vigilance  et  l'attention 
scrupuleuse  des  évêquis  et  de  leurs  prépo- 
sés. Voy.  Profession  religieuse. 

NTOUPL  Voi/.  Broucolacas. 

NU-PIEDS  SPIRITUELS,  anabaptistes  qui 
s'élevèrent  en  Moravie  dans  le  x\i'  siècle, 
et  qui  se  vant.iient  d'imitrr  la  vie  des  apô- 
tres, vivant  à  la  campagne,  marchant  pieds 
nus  ,  et  témoignant  beauc  up  d'aversion 
pour  les  armes,  pour  les  lettres  et  j>our  l'es- 
time des  peuples.  Pratéole,  Hist.  tiudip.  et 
s})irit.  ;  Floiimond  de  Raimond,  1.  ii,  c. 
XVII,  rum.  9.  Voij.  Anabaptistes. 

NUÉE.  Dans  l'Ecriture  sainte ,  les  miérs 
ou  le  ciel  nébuleux  désignent  souvent  un 
temjjs  d'aftliction  et  de  calamité  ;  cette  mé- 
taphore est  aussi  employée  fréquemment 
par  les  auteurs  profanes  ;  il  serait  inutile 
d'en  citer  des  exemples.  Une  nue'e  signifie 
quelquefois  une  armée  ennemie  qui  cou- 
vrira la  terre,  comme  les  nuages  couvrent 
le  ciel,  et  le  dérobent  h  nos  yeux  (Jrrem.  iv, 
13;  Ezech.  xxx,  18;  xxsvni,  9).  Les  nuées, 
jiar  leur  lé,.;è'eté,  sont  le  symbole  de  la  va- 
nité et  de  l'inconstance  des  chojes  de  ce 
monde  ;  il  est  dit  (//  Petr.  ii,  17)  que  les 
faux  docteurs  sont  des  miccs  poussées  par 
un  vent  impétueux  ;  et  dans  répître  de  saint 
Jude,  V.  12,  que  ce  sont  des  miées  sans 
pluie.  Elles  représentent  encore  l'arrivée 
brusque  et  imprévue  d'un  événement  quel- 
conque. Jsaï.,  c.  XIX,  V.  1,  dit  que  Dieu  en- 
trera en  Egypte,  jiorté  sur  une  nuée  légère. 
Daniel,  c.  vu,  v.  13,  vit  arriver  sur  les  nuées 
du  ciel  un  personnage  semblable  au  Fils  de 
l'hoirime,  qui  fut  porté  devant  le  trône  de 
lEtemel,  et  auquel  fut  accordé  l'empire  sur 
l'univers  entier;  c'était  évidemment  le  Mes- 
sie. Jésus-Christ  [Matth.  xxiv,  30)  dit  que 
l'on  verra  venir  le  Fils  de  l'homme  sur  les 


nuées  du  ciel,  aTec  beaucoup  de  puissance 
et  de  majesté  ;  et  (xxvi,  64.)  il  dit  à  ses  ju- 
ges :  Vous  verres  venir  sur  les  nuées  du  ciel 
le  Fils  de  l'homme  assis  à  la  droite  de  la  puis- 
sance de  Dieu.  Il  annonçait  ainsi  la  prompti- 
tude et  la  puissance  avec  laquelle  il  vien- 
drait ptïnir  la  nation  juive.  Plusieurs  inter- 
prètes entendent  dans  le  même  sens  ces  pa- 
roles du  psaume  xvii,  10  :  «  11  est  monté 
sur  les  chérubins,  il  a  volé  sur  les  ailes  des 
vents,  »  parce  qu'elles  sont  parallèles  h  cel- 
les du  Ps.  cm,  V.  3  :  «  Vous  êtes  monté  sur 
les  nuées,  vous  marchez  sur  les  ailes  des 
vents.  »  Saint  Paul  (/  Cor.  x,  1)  dit  :  «  Nos 
pères  ont  été  tous  sous  la  nuée,  et  ont  passé 
la  mer;  et  ils  ont  été  tous  baptisés  par  Muïse 
dans  la  nuée  et  dans  la  mer.  »  Cela  ne  signi- 
fie point  que  le  passage  des  Israélites  au 
travers  de  la  mer  Rouge,  et  sous  la  nuée,  ait 
été  un  vrai  baptême,  mais  que  c'a  été  la  fi- 
gure de  ce  que  doit  faire  un  chrétien.  De 
même  qu'après  ce  passage  les  Hébreux  ont 
commencé  une  nouvelle  manière  de  vivre 
dans  le  désert  sous  les  ordres  de  Dieu, 
ainsi  le  chrétien  une  fois  bafitisé  doit  me- 
ner une  vie  nouvelle  sous  la  loi  de  Jésus- 
Christ.  Voy.  la  Synopse  des  critiques  sur  ce 
passage. 

Nuée  (colonne  de).  Il  est  dit  dans  l'his- 
toire sainte,  qu'à  la  sortie  de  l'Egypte,  Dieu 
fit  marcher  à  la  tête  îles  Israélites  une  co- 
lonne de  nuée,  qui  était  obscure  pendant  le 
jour  et  lumineuse  |iendant  la  nuit  ;  quelle 
leur  servit  de  guide  pour  passer  la  m(>r 
Rouge  et  pour  marcher  dans  le  désert  ;  qu'elle 
s'arrêtait  lorsqu'il  fallait  canif^er,  qu'elle  se 
mettait  en  mouvement  lors(|u'il  fallait  par- 
tir, qu'elle  couvrait  le  tabernacle,  etc.  To- 
land  a  fait  une  disserialion,  ([u'il  a  intitulée 
Hodegos,  le  Guide,  pour  faire  voir  que  co 
phénomène  n'avait  rien  de  miraculeux  ;  se- 
lon lui,  la  prétendue  colonne  de  nuée  n'était 
qu'un  pot  à  feu  porté  au  liout  d'une  perche, 
qui  donnait  de  la  fumée  ]ien'lant  le  jour,  et 
une  lueur  pendant  la  nuit;  c'est  un  cxiié- 
dient  dont  plusieurs  généraux  se  sont  servis 
pour  diriger  la  marche  d'une  armée,  et  l'on 
s'en  sert  encore  aujourd  hui  pour  voyager 
dans  les  déseits  de  l'Arabie.  Les  réflexions 
par  lesquelles  l'auteur  a  étayé  cette  imagi- 
nation sont  curieuses.  Il  commence  par  ob- 
server qu'en  général  le  style  des  livres  saints 
est  emphatique  et  liyperboiiqiie  ;  tout  ce 
qui  est  beau  ou  surprenant  dans  son  genre 
est  attribué  à  Dieu  ;  une  armée  nombreuse 
est  une  armée  de  Dieu,  des  montagnes  fort 
hautes  sont  des  montagnes  de  Dieu,  etc.  Voy. 
Noîi  DE  Dieu. 

Dans  les  pays  peuplés,  haliités,  dont  l'as- 
pect est  varié,  la  marche  d  s  armées  est  diri- 
gée par  des  objets  visibles,  par  les  monta- 
gnes, les  rivières,  les  forêts,  les  villes  et 
les  châteaux  ;  dans  de  vastes  campagi.es  et 
dans  des  déserts,  il  faut  des  signaux,  sur- 
tout pendant  la  nuit  :  le  signal  le  pilus  na- 
turel et  le  plus  commode  est  le  feu.  Counuo 
la  flamme  et  la  fumée  montent  on  haut,  ou 
L:ur  a  donné  le  nom  de  colonne  ;  ainsi  s'ex- 
priment, non-seulement  les  auteurs  sacrés. 


1&53  NUE 

mais  les  historiens  profanes.  En  sortant  de 
l'ICg\pto,  les  Israélites  marchaient  en  ordre 
ua  bataille  (Num.  xx:ciii,  1),  et  le  désert 
commençait  à  Ethani,  dans  i'Egvple  même 
[fijfod.  XIII ,  18).  Ils  avaient  donc  besoin 
d'un  signal  pour  diriger  leur  route  ;  Moiso 
lit  porter  devant  la  premii^^re  li^no  de  l'ar- 
iiiéc  du  feu  au  bout  d'une  perehe,  et  il 
niultij)lia  ces  signaux  selon  le  besoin.  Quand 
le  tabernacle  fut  fait,  le  signal  fut  placé  au 
haut  de  celte  tente,  où  Dieu  était  censé  pré- 
sent par  ses  symboles  et  par  ses  ministres. 
Cet  usage  était  connu  des  Perses  ;  Alexan- 
dre s'en  servit,  suivant  Quiiite-Curce,  liv. 
V,  chap.  Il-  Saint  Clément  d'Alexandrie, 
Slrom.,  1.  I,  c.  X.XIV,  édil.  de  Potter,  p.  kll 
et  418,  rapporte  que  Trasybule  usa  de  ce 
stratagème  pour  conduire  une  troupe  d'A- 
théniens pendant  la  nuit,  et  que  l'on  voyait 
encore  à  Munichia  un  niitcl  du  phosphore 
pour  monument  de  celte  marche.  11  alléguait 
ce  fait  pour  rendre  croyable  aux  Grecs  ce 
que  dit  l'Ecriture  de  la  colonne  qui  condui- 
sait les  Israélites  ;  il  ne  la  regardait  donc 
pas  comme  un  miracle. 

L'Ecriture  dit  (pie  cette  colonne,  placée 
entre  le  camp  des  Egyptiens  et  celui  des 
Israélites,  élait  obscure  d'un  côté  et  lumi- 
neuse de  l'autre;  mais  c'était  un  stratagèm.i 
semblable  à  celui  dont  il  est  parlé  dans  la 
Ci/ropédie  de   Xéno|)!ion,  liv.  m.   Puisque 
les  Eftyptiens   ne   furent   point  étonnés  do 
cette  nuée,  ils  ne  la  regardèrent  |'as  comino 
un  phénomène  miraculeux.  Lorsque  l'Ecri- 
ture dit  que  le  Seigneur  marchait  devant  les 
Israélites  (Exod.  siii,  20),  cela  signilie  qu'il 
marchait  par  ses  ministres.  Les  ordres  do 
Moï^e,    d'Aaron,    de   Josué    et    des   autres 
chefs  sont  toujours  attribués  h  Dieu,    mo- 
nar  ,ue    suprême   des  Israélitis.   Il  est   dit 
{Num.    X,  13)  que  les    Israélites    partirent 
suivant  le  commandement  du  Seigneur,  ilé- 
flaré   par    Moïse  ;   cela  montre  assez   que 
Moïse  disposait  do  la  nuée.  Enlin,  l'angi'  du 
Seigneur,  dont  il  est  ici  i)arlé,  était   llobjib, 
beau-frère  de  Moïse,  qui  était  né  et  qui  avait 
vécu  dans  le  désert,   qui,  par  conséquent, 
en  connaissait  toutes  \es  routes.  Dans  le  li- 
vre tles  Juges,  c.  II,  V.  1,  l'ange  du  Seigneur 
dont  il  est   fait  mention  était  un  prophète. 
Aucun  écrivain  judicieux  n'a  fait  le  moin- 
dre cas  de  cette  imagination  de  Toland  ;  les 
connnentateurs    anglais,    clans    la    Bible  de 
Chais  [Exod.  xin,  2lJ,  n'ont  pas  seulement 
daigné  la  réfutiT  ;  mais  nos  incrédules  fran- 
çais en  ont  fait    un   trophée  dans  plusieurs 
de  leurs  ouvrages  ;  nous  ne  pouvons  nous 
dispenser    d'y   opposer    quelques  observa- 
tions. —  1°  Il  est  impossiole  que  les  Israéli- 
tes aient  été  assez  stupides   pour   regarder 
comme  un  miracle   un  brasier  qui    luuiait 
pendant  le  jour  et  qui  éclairait  pondant  la 
nuit;  il  l'est  qu'un  l'eu  porté  dans  un  bra- 
sier  ou  élevé  au  bout  d'une  perche  ait  pu 
être  aperçu  par  tout  un  peuple  composé  de 
plus  de  deux  unllions  u'hommes  ;  il  l'est  en- 
tin  que  la  fumée  d'un  brasier  ait  pu  former 
une  nuée  capable  de  couvrir  dans  sa  marche 
une  aussi  grande  mullitude  d'iiommcs  ;  or, 


NUE 


10.^4 


Mo'iso  atteste  que  la  nuée  du  Seigneur  cou- 
vrait les  Israélites  penlant  le  jonr,  lorsqu'ils 
marchaient  {Num.  x,  34;  xiv,  l'i-).  Voilii  une 
circonstance  qu'il  no  fallait  pas  oublier.  11 
n'est  pas  moins  impossible  que  Moïse  ait  été 
assez  insensé  |)our  vouloir  en  imposer  sur  ce 
sujet  h  une  nation  entière  pendant  quarante 
ans  consécutifs;  c'est  un  fait  (jue  l'on  pou- 
vait vériiier  h  lo\iles  les  heures  du  jour  et 
de  la  nuit;  et  l'hisloire  nous  api^rond  qusî 
la  colonne  de  nuée  pendant  le  jour,  et  de  leu 
pendant  la  nuit,  n'a  jamais  manqué  {Exod. 

XIII,  22).  Moïse,  h  la  quarantième  année, 
jirenait  encore  les  Israélites  îi  témoin  de  ce 
prodige  toujours  subsistant  {Deut.  i,  3."'  ; 
■xxxr,  15).  Autre  circonstance  qu'il  ne  fallait 
pas  omettre.  —  2°  Aucun  des  faits  ni  des 
rétlcxions  allégués  par  Toland  ne  peut  di- 
minuer le  poids  de  ces  deux  circonstances 
essentielles.  Quand  il  serait  vrai  que  les  Is- 
raélites attribuaient  à  Dieu  les  phénomènes 
les  plus  naturels,  cela  ne  suffirait  pas  jiour 
justifier  les  expressions  de  Moïse;  non-seu- 
lement il  appelle  nuée  de  Dieu  la  colonne 
dont  nous  parlons,  mais  il  dit  que  c'était  Dieu 
lui-même  qui  marchait  à  la  tôte  des  Israéli- 
tes, qui  leur  montrait  le  chemin  par  la  co- 
lonne, (pii  les  guidait  pendant  le  jour  et 
jiendant  'a  nuit,  ipii  les  couvrait  par  la  ntiée 
dans  leur  marche,  etc.  {Exod.  xiii,  21;  Num. 

XIV,  IV,  etc.).  L'imposteur  le  i)lus  hardi  n'au- 
rait pas  osé  parler  ainsi,  s'il  n'avait  été  ques- 
tion que  d'un  pot  à  feu  planté  au  bout  d'une 
perch(\  —  3°  Toland  suppose  faussement 
que  le  désert  dans  lequel  les  Israélites  ont 
séjourné  était  une  vaste  campagne  dénuée 
de  tout  objet  visible;  il  y  avait  des  monta- 
gn  s  et  des  rochers,  quelques  arbres  et  des 
]>.Uurages;  l'histoire  de  ^îoïse  en  parle  et 
les  voyageurs  en  dé'poscnt.  Il  était  donc  im- 
possible que  la  fumée  ou  la  Uamme  d'un 
brasier  pût  être  aperçue  par  plus  de  deux 
millions  d'hommes,  soit  lorsqu'ils  étaient  en 
marche,  soit  lorsqu'ils  étaient  campés.  Les 
années  dont  parlent  les  historiens  profanes 
n'étaient  que  des  poignées  d'hommes  en 
comparaison  de  la  mviltitudo  des  Israélites, 
dont  six  cent  mille  étaient  en  état  de  porter 
les  armes.  —  k°  Il  n'est  pas  vrai  que  iMoïse 
ait  multiplié  les  signaux  selon  le  besoin  ;  il 
parle  constamment  d'une  seule  co'onrc  qui 
était  de  nuée,  et  non  de  fumée,  pendant  le 
jour,  et  qui  ressemblait  <\  un  feu  pendant  la 
nuit.  Il  est  encore  faux  que  Dieu  ne  fut 
censé  présent  dans  le  tabernacle  ([ue  par 
ses  symboles  et  par  ses  ministres.  M  est  oit 
formellement  que  Dieu  était  (irésent  dans  la 
colonne  de  nuée,  qu'il  y  parlait,  qu'il  y  fai- 
sait éclater  sa  gloire,  cju'alors  Aaron  et 
Moïse  se  prosternaient  {Exod.  xl,  32;  Num. 
IX,  15;  XI,  25;  c.  xvi,  19  et  22,  etc  ).  Se  se- 
raient-ils ]irosternés  devant  un  brasier? 
L'histoire  dit  que  cela  se  faisait  à  la  vue  de 
tout  Israël.  —  3°  Notre  dissertateur  en  im- 
pose au  sujet  de  saint  Clément  d'Alexandrie. 
Ce  Père  regardait  cei  tainemcut  la  colonne  de 
nuée  comme  un  miracle,  puisqu  il  dit  :  «  Que 
les  Grecs  regardent  donc  connue  croyable  ce 
que  racontent  nos  livres;  savoir,  que  Dieu 


1055 


NUI 


NUI 


1056 


tout-puissant  a  pu  faire  qu'une  colonne  de 
feu  précédât  les  Hébreux  pendant  la  nuit,  et 
guidAt  leur  chemin.  «  S'il  a  comparé  ce  |)ro- 
digo  à  l'action  de  Tras3diule,  c'était  pour 
montrer  que  Dieu  a  fait  par  sa  puissance  co 
que  la  sagesse  avait  dicté  à  un  habile  géné- 
ral. —  6°  Xénophon,  dans  sa  Cyropéclie,  1. 
m,  p.  55,  rapporte  que  Cyrus  et  Cyaxare, 
faisant  la  guerre  aux  Assyriens,  n'allumaient 
point  de  l'eu  dans  leur  camp  pendant  la 
nuit,  mais  au-devant  de  leur  camp,  afin  que 
si  quelque  troupe  ven.iit  les  attaquer,  ils 
l'aperçussent  sans  en  être  vus  ;  que  souvent 
ils  en°  allumaient  derrière  leur  camp,  d'où 
i-1  arrivait  que  les  coureurs  des  ennemis  qui 
venaient  à  la  découverte,  donnaient  dans 
leurs  gardes  avancées,  lorsqu'ils  se  croyaient 
encore  fort  éloignés  de  leur  armée.  11  est 
dit  au  contraire  {Exod.  xiv,  19)  :  «  Que  la 
nuée,  quittant  la  tète  du  camp  des  Israélites, 
se  plaça  derrière,  entre  le  camp  des  Egy- 
ptiens et  celui  d'Israël  ;  qu'elle  était  téné- 
breuse d'un  côté  et  lumineuse  de  l'autre,  de 
manière  que  les  deux  années  ne  purent 
s'approcher  jiendant  tout  le  temijs  de  la 
nuit.  »  En  quoi  ces  deux  faits  se  ressem- 
blent-ils ?  Par  quel  artifice  les  chefs  des  Is- 
raélites purent-ils  rendie  ténébreuse  du  côté 
des  Egyptiens  une  nuée  qui  était  lumineuse 
de  leur  côté? 

11  n'est  pas  fort  étonnant  que  \os  Egyptiens 
n'aient  pas  pris  pour  un  miracle  une  mic'e 
ténébreuse  pendant  la  nuit;  ils  ne  voyaient 
pas  qu'elle  était  lumineuse  du  côté  des 
Israélites.  —7°  Nous  lisons  {Num.  ix,  23) 
que  les  Israélites  campaient  ou  décara|)aient 
h  l'ordre  du  Seigneur;  qu'ils  étaient  en  sen- 
tinelle suivant  le  commandement  de  Dieu, 
donné  par  Moïse  (x,  11);  que  ]i\nuée  s'éleva 
de  dessus  le  tabernacle ,  que  b's  Israélites 
partirent ,  que  les  premiers  décampèrent 
suivant  l'ordre  du  Seigneur,  donné  par 
Moïse.  Quel  avait  été  l'ordre  du  Seigneur? 
D'observer  attentivement  si  la  nuée  s'arrêtait 
ou  marchait,  aiin  de  savoir  s'il  fallait  camper 
ou  décamper.  Comment  cela  prouve-t-il  que 
Moïse  disposait  de  la  nuée  et  la  dirigeait?  — 
8*  11  n'est  pas  prouvé  que  l'ange  du  Sei- 
gneur, dont  il  est  parlé  [Jud.  ii,  1),  fût  un 
prophète  ;  il  n'y  a  rien  dans  le  texte  qui  au- 
torise cette  conjecture. 

Ainsi,  en  détigurant  le  texte,  en  suppri- 
mantlesfaits  et  les  circonstances  essentielles, 
en  citant  à  faux  les  auteurs  sacrés  cl  pro- 
fanes, en  multipliant  les  suppositions  îi  leur 
gré ,  les  incrédules  se  llattent  de  faire  dis- 
paraître les  miracles  de  l'histoire  sainte.  On 
demande  :  si  c'était  la  colonne  de  nuée  qui 
guidait  les  Israélites  ,  pourquoi  donc  Moïse 
engagea-t-il  Hobab  ,  son  beau-frère  ,  à  de- 
meurer avec  eux  ,  alin  qu'il  leur  servit  de 
guide  dans  le  désert  ?  l'arce  que  Holjab,qui 
connaissait  le  désert,  savait  où  l'on  pouvait 
trouver  des  sources  d'eau  bonnes  ou  mau- 
vaises ,  des  arbres  ,  des  pâturages,  des  peu- 
plades amies  ou  ennemies?  Voilà  ce  que  la 
colonne  de  nuée  n'indiquait  pas. 

NUIT.  Les  anciens  Hébreux  partageaient 
la  nuit  en  quatre  parties  qu'ils  appelaient 


veilles,  dont  chacune  durait  trois  heures;  la 
première  commençait  au  soleil  couché  et 
s'étendait  jusqu'à  neuf  heures  du  soir  ;  la 
seconde  jusqu  à  minuit;  la  troisième  jusqu'à 
trois  heures;  la  quitrième  finissait  au  levf 
du  soleil.  Ces  quatre  parties  de  la  7iuit  sonf 
quelquefois  appelées  fl;ms  l'Ecriture,  le  sotr\ 
le  milieu  de  In  nuit ,  le  chant  du  coq ,  et  le 
matin.  La  nuit  se  prend  figurément  :  l°pour 
les  temps  d'affliction  et  d'adversité  {Ps.  xv, 
3)  :  «  Vous  avez  mis  mon  cœur  à  l'épreuve, 
et  vous  m'avez  visité  pendant  la  nuit.  » 
2°  Pour  le  temps  de  la  mort.  Jésus-Christ, 
parlant  de  lui-même  {Jean,  ix,  k)  ,  dit  :  La 
nuit  rient,  pendant  laquelle  personne  ne  peut 
rien  faire.  3°  Les  enfants  de  la  nuit  sont  les 
gentils,  parce  qu'ils  marchent  dans  les  ténè- 
bres de  l'ignorance;  les  enfants  du  jour  ou 
de  la  lumière  sont  les  chrétiens,  parce  qu'ils 
sont  éclairés  par  l'Evangile  :  «  Nous  ne  som- 
mes point,  dit  saint  Paul ,  les  enfants  de  la 
nuit  {I  Thess.  v,  5).  »  Il  y  a  encore  des  pro- 
vinces où  le  peuple,  pour  exprimer  le  ]ieu 
de  mérite  d'un  homme,  dit  rie  lui  :  C'est  la 
nuit. 

Jésus-Christ  avait  dit  {Matth.  xii,  hO)  :  De 
tnéme  aue  Jonas  a  été  trois  jours  et  trois  nuits 
dans  te  ventre  d'un  poisson,  ainsi  le  Fils  de 
l'homme  sera  trois  jours  et  trois  nuits  dans 
le  sein  de  la  terre.  Cela  ne  s'est  pas  vérifié, 
disent  les  incrédules ,  puisque ,  selon  les 
évangélistes,  Jésus-Christ  n'a  demeuré  dans 
le  tombeau  que  depuis  le  vendredi  soir  jus- 
qu'au dinitinche  matin.  L'on  répond  à  cette 
objection  que,  dans  la  manière  ordinaire  de 
]iarlor  des  Hébreux,  trois  jours  et  trois  nuits 
ne  sont  pas  toujours  trois  espaces  complets 
de  vingt-quatre  heures  chacun,  mais  un  es- 
pace qui  comprend  une  partie  du  premier 
jour,  et  une  partie  du  troisième;  ainsi,  dans 
le  livre  d'Esther,  c.  iv,  v.  16 ,  il  est  dit  que 
les  Juifs  jeûnèrent  trois  jours  et  trois  nuits; 
cependant  ils  ne  jeûnèrent  que  pendant  deux 
nuits  et  un  jour  complet,  puisqu'il  est  dit, 
c.  v,  V.  1,  que  Esther  alla  chez  le  roi  le  troi- 
sième jour.  Voy.  la  Synopse  sur  saint  Mat- 
thieu, c.  XII,  V.  ko.  Dans  les  manières  popu- 
laires de  parler,  il  ne  faut  pas  chercher  une 
exacte  précision. 

Les  Juifs  comprirent  très-bien  le  sens  des 
paroles  du  Sauveur;  ils  dirent  à  Pilate , 
c.  XXVII,  V.  63  :  «Nous  nous  souvenons  que 
cet  imposteur  a  dit  pendant  sa  vie  -.Je  ressus- 
citerai après  trois  jours.  Ordonnez  donc  que 
son  tombeau  soit  gardé  jusqu'au  troisième 
jour,  etc.»  En  effet,  Jésus-Christ  avait  dit 
])lusieurs  fois  qu'il  ressusciterait /c  troisième 
jour.  Si  donc  il  avait  tardé  plus  longtemps, 
les  Juifs  auraient  été  en  droit  de  faire  reti- 
rer, le  dimanche  soir,  les  soldats  qui  gar- 
daient le  tombeau ,  et  de  prétendre  que  Jésus 
avait  manqué  de  parole.  Cependant  était-il 
nécessaire  que  les  gardes  fussent  témoins 
de  la  résurrection  pour  rendre  inexcusable 
l'incrédulité  des  Juifs? Les  paroles  de  Jésus- 
Christ  n'ont  donc  pas  paru  équivoques  aux 
Juifs,  et  elles  ont  été  vérifiées  de  la  manière 
qu'il  le  fallait  pour  les  convaincre. 


1057  OBE 

NCTPTIAL,    BÉNÉDICTION    NUPTIALE. 

Fo?/. Mariage. 
NYCTACJES ,    ou   NYCTAZONTES  ,    mot 

grec  dérivé  de  vOç,  nuit.  On  nomma  c'iinsi 
ceux  qui  déclamaient  conlni  la  coutumo 
<lti'avaient  les  premiers  chrétiens  de  veiller 


OBJ 


lOKâ 


la  nuit  pour  chanter  les  louanges  de  Dieu, 
l)ai'ce  que,  disaient  ces  censeurs  ,  la  nuit  est 
faite  pour  le  repos  des  hommes,  liaison  ti'op 
})itoyable  pour  mériter  il'élre  réfutée. 
NYSSE.  Yoy.  Saint  GiiÉ(iOiuE  de  Nysse. 


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0  (les)  do  Noël.  Yoy.  Annonciation. 

OB.  Voy.  Python. 

OBÉISSANCE.//  est  plus  nécessaire  d'obéir 
A  Dieu  qu'aux  hommes.  C'est  ce  que  répon- 
dirent les  apôtres,  lorsque  le  conseil  des 
Juifs  leur  défendit  do  prêcher  (.Icf.  v,  29). 
Us  no  faisaient  que  suivre  la  leçon  que  Je- 
sus-Christ  leur  avait  donnée  ,  en  disant  :  Ne 
craignez  pas  ceux  (/ui  lucnt  le  corps,  mais  qui 
ne  peuvent  tuer  l'âme  (Matlh.  x,  28;  Ltic.  xii, 
4,  etc.).  Ees  incrédules  se  sont  récriés  à 
l'envi  contre  celte  maxime;  elle  n'est  propre, 
disent-ils,  qu'à  riuiverser  l'ordre  public  et  à 
troubler  la  socii'té.  Armé  de  ce  bouclier,  tout 
fanati(iue  se  croit  inspiré  de  Dieu ,  et  en 
droit  de  braver  l'autorité  légitime.  Ohéir  à 
Dieu,  ce  n'est  jamais,  dans  le  fmd,  ({u'obéir 
aux  prêtres,  qui  se  donnent  pour  les  organes 
et  les  interprètes  de  la  volonté  de  Dieu; 
toutes  les  sectes  ont  justiiié  ,  par  ce  faux 
l)rincipe,  leur  résistance  aux  lois  civiles. 

Quelques  réflexions  fort  siuii)les  démon- 
treront la  sagesse  et  la  justice  de  la  conduite 
<les  apûlres  ,  et  l'injustice  de  l'abus  que  l'on 
peut  en  faire  pour  violer  les  lois  de  la  so- 
ciété. —  1"  La  maxime  dont  les  incrédules 
se  scandalisent  a  été  adoptée  par  les  philo- 
sophes les  plus  célèbres  :  Socrate  ,  Platon, 
Epictète,  l'ont  enseignée.  Voy.  le  Plu'don  de 
Platon  ,  et  la  Vie  d'Epictète ,  p.  58.  Celse, 
quoiiju'il  bl.Une  les  chrétiens  de  résister  aux 
lois  qui  autorisaient  l'idoliUrie,  juge  cepen- 
dant que  l'on  ne  doit  pas  trahir  la  vérité  par 
la  crainte  des  tourments.  Orig.  contre  (-etsc, 
1.  1 ,  n.  8.  «  Si  l'on  conuuandait,  dit-il ,  à  un 
adorateur  de  Dieu  de  dire  une  iiniiiété  ou  de 
faire  une  mauvaise  action  ,  il  ne  doit  jamais 
obéir;  il  doit  plutôt  souffrir  les  tourments 
et  la  mort.»  Ibid.,  1.  viii ,  n.  Gti.  11  n'e-t 
donc  pas  vrai  que  toute  résistances  aux  loi'. 
soit  uu  crime.  —  2°  En  refusant  d'obéir  au 
conseil  des  Juifs ,  les  ai>ôlres  ne  suivaient 
pas  l'avis  des  prèti'cs ,  puisque  ce  conseil 
était  [irincipalement  composé  de  i)rètres.  — 
3"  Les  apôtres  |)rouvaient  leur  mission  di- 
vine par  celle  de  Jésus-Christ,  par  sa  résur- 
rection, [lar  la  descente  du  Saint-Esprit,  par 
les  miracles  qu'ils  o|)éraicnt  :  connait-ou  des 
imposteurs  ou  des  fanati(iues  qui  aient  donné 
de  semblawles  |  rcuv.'S  di' leur  inspirati(ui 
prétendue  ".'  Lorsqu'une  religion  fausse  est 
établie  chez  une  nation  par  les  lois,  ou  il 
faut  soutenir  que  Dieu  ne  peut  (>nvoyer  per- 
sonne pour  en  détromper  les  hommes,  ou  il 
faut  convenir  que  ses  envoyés  ont  droit  de 
résister  à  l'autorité  publique.  Les  Juifs  cux- 
luômes  le  comprircut-  '* Prenez  ijarde>  leur 


dit  Gamaliel,  h  ce  (jue  vous  allez  faire....;  si 
l'entreprise  de  ces  gcns-là  vient  des  hommes, 
elle  se  détruira  d'elle-même;  si  elle  vient  île 
Dieu,  vous  ne  pourrez  jias  rem|)èeher,  et  il 
se  trouvera  que  vous  résistez  à  Dieu  {.\ct.  v, 
35,  38).  »  L'autour  des  Pensées  philosophiques 
a  donc  eu   très-grand  tort  de  dire,   n.    42: 
«  Lorsqu'on  annonce  au  iieuple  un  dogme 
ipii  contredit  la  r.'ligion  dominante,  ou  (picl- 
(.[ue  fait  Ciinlraire  à  la  tranquillité  pLililiquc, 
justili;U-(Hi  sa  mission   par  des  miracles  ,  le 
gouvernement  a  droit  de  sévir,  et  le  [leuplo 
de  crier  crucifige.  Quel  danger  n'y  aui'ait-il 
p■^s  à  abandonner  les  esprits  aux  séductions 
d'un  im[)osteur,  ou  aux  rêveries  d'iui  vision- 
naire"?" Coimne  si  les  imposteurs  et  les  vi- 
sionnaires pouvai(uit  faire   des  miracles  en 
preuve  de  leur  mission.  Où   sont  ceux  qui 
en  ont   fait?   Ainsi,   lorsque  des  sectaires 
auxquels  les  lois  défendent  l'exercice  de  leur 
religion   se  croient  en   droit  de  braver  les 
lois ,   et  donnent  pour  toute  ré|)onse  qu'il 
vaut  mieux  obéir  à  Dieu  qu'aux  hommes,  il 
faut  qu'ils  commencent  par  prouver  que  Dieu 
leur  ordonne  cette  résistance,  de  même  que 
les  apôtres  ont  prouvé  que  Dieu  leur  av;iit 
commandé  de   prêcher,   malgré    toutes    les 
imissances  de  la  terre.  On  a  demandé  aux 
premiers  préiiicants  du  i)rotestantisme  des 
signes  do  leur  mission  divine,  ils  n'ont  [loint 
pu  en  donner;  on  les  demande  avec  autant 
de  raison  à  leurs  successeurs  et  à  tous  ceux 
(jui  s'obstinent  à  les  écouter.  Les  premiers 
chrétiens  ,  quoique  bien  convaincus   de  la 
divinité  de  leur  religion,  n'ont  point  entre- 
pris d'en  obtenir  par  violence  l'exercice  pu- 
blic. Qui  a  lionne  aux  protestants  uu  droit 
mieux    fondé?  —  k"   Les  incréd'iles  eux- 
, mêmes  violent  sans  scru[)ule  les  1ms  qui  dé- 
icndent  de  parler,  d'écrire,  u'inviictiver  cou- 
ina la  religion  de  l'Etat;  i  s  n'allèguent  point 
un  ordre  de  Dieu,  auquel  ils  ne  croient  pas; 
mais  ils  soutiennent,  aussi  bien  que  les  sec- 
taires, qu'ils  y  sont  autorisés  par  le  droit 
naturel.  Mais  les  envoyés  de  Dieu,  les  apô- 
tres ,   les  pasteurs  de  l'Eglise  ,  n'ont-ils  jias 
aussi    le     droit    naturel    de    prêcher    h-iir 
croyance,  quand  même  ils  n'en  auraient  i)as 
un  droit  divin  bien  prouvé  ?  C'est  ainsi  quo 
les  hérétiques  et  les  incrédules,  en  voulant 
se  simti'nir  les  uns  les  autres,  se  [)ercent  do 
leurs  propres  traits.  Voy.  ^Mission. 

Obéissance  (Vœu  d').  Voy.  Voeu. 

OBJECTION.  Plusieurs  chrétiens  dont  la 
foi  est  sincère,  sont  surpris  de  la  multitudo 
d'objections  que  l'on  lait  contre  la  religion, 
do  la  quantité  éaorme  de  livres  qui  ont  été 


1059  om 

faits  de  nos  jours  pour  l'attaquer;  quelques 
réflexions  suffiront  pour  les  instruire.  —  11 
n'y  avait  pas  longtemps  que  le  dernier  des 
apôtres  était  mort,  lorsque  les  pilosophes 
païens   commencèrent    à    écrire    contre    le 
christinnisme,  et  employèrent  toutes  les  res- 
sources de  l'art  sojjhistique  auquel  ils  étaient 
exercés.  Us  furent  secondés  par  les  différen- 
tes sectes  d'héréliques  formées  à  leur  écol.-, 
et  cette  autre  espèce  d'ennemis  s'est  renou- 
velée dans  tous  les  siècles.  Les  incrédules 
de  nos  jouis  n'ont  donc  pas  eu  besoin  d'être 
créateurs;  des  sources  abondantes  d'aigu- 
mcnts  leur  étaient  ouvertes  de  toutes  parts  : 
ils  y  ont  puisé  à  discrétion.  Pour  combattre 
les  vérités  de  la  religion,  ils  ont  ramené  sur 
la  scène  les  objections  des  épicuriens ,  des 
pyrrhoniens,  des  cyniques,  des  aca  lémiciens 
rigides  et  des  cyrénaïques  ;  c'est  une  doctrine 
renouvelée  des  Grecs.  Mais  ils  ont   passé 
sous  silence  les  raisons  par  lesque.les  Piaton, 
Socrate  ,  Cicéron ,  Plutarque  et  d'autres  ont 
réfuté    toutes    ces   visions.   Contre  l'Ancien 
Testament,  et  contre  la  religion  des  Juifs,  ils 
ont  rajeuni  les  difticultés  et  les  calomnies 
des  manichéens ,  des  marcioniles  ,  de  Celse, 
de  Julien,  de  Porphyre  et  des  autres  philo- 
sophes; et  ils  ont  laissé  de  côté  los  réponses 
que  Origène,  Tertullien,  saint  Cyrdle  ,  saint 
Augustin  et  d'aulres  Pères  y  ont  données. 
Pour  attaquer  directement  le  christianisme, 
nos  adversa  resont  encore  été  mieux  servis; 
ils  ont  copié  les  livres  des  Juifs  anciens  et 
modernes,  et  ce  ix  des  mahométnns;  ils  ont 
répété  les  r. 'proches  de  tous  les  hérétiques, 
particulièrement  des  protestants  et  des  so- 
ciniens  ,  anglais  ,  français,  allemands  et  au- 
tres.  Il   ne  leui'  a  do;;c  pas  été  difficile  do 
multiplier  les  volumes  h  peu  de  frais.  Toutes 
les    sciences  ont   été   mises  à  cnntributon 
pour  servir  le  dessein  des  incrédules;  l'his- 
toire, la  chronologie  ,  la  géographie,  la  i)hy- 
sique,  l'astronomie,  l'histoire  naturelle,  la 
connaissance  des  langues,  les  découvertes  de 
toute  es|ièce,  les  relations  des  voyageurs,  etc. 
Lorsqu'ils  ont  cru  découvrir  une  objection 
qui  n'avait  pas  eneore  été  faite  ,  un  système 
que  l'on  n'avait  pas  encore  proposé ,   une 
conjecture  singulière  et  inouïe,  ils  l'ont  pré- 
sentée comme  une  victo.re  complète  rem- 
portée sur  la  religion. 

Si  l'on  veut  y  réfléchir,  il  n'est  aucune 
vérité  contre  laquelle  on  ne  puisse  faire  des 
sophismes,  aucun  fait  auijuel  on  n'oppose 
des  probabilités,  aucune  loi  dont  un  dispu- 
teur  entêté  ne  conteste  la  justice,  aucune 
institution  qui  n'entraîne  quelques  inconvé- 
nients. La  religion  est  incommode,  elle  gène 
les  passions  ;  voilà  son  grand  crime  :  si  la  foi 
était  sans  conséquence  pour  la  conduite, 
tout  incrédule  deviendrait  croyant.  Lors- 
qu'une armée  d'écrivains  a  conjuré  contre 
elle,  on  voit  bientôt  éclore  une  bibliothèque 
d'impiétés,  de  blasphèmes  et  d'absurdités. 
Tous  se  répètent,  se  copient,  ressassent  la 
même  difliculté  en  vingt  façons.  Si  l'on  a  le 
courage  de  les  lire,  on  est  bientôt  faiigué  de 
ce  fratras  de  répétitions.  Des  hommes,  qui 
Youdraiout  siûcèremenl  iustruiro  ,  rapporte- 


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raient  le  pour  et  le  contre,  mettraient  les 
preuves  h  côté  des  objections  ;  c'est  ce  qu'ont 
fait  dans  tous  les  siècles  les  défenseurs  du 
christianisme;  mais  ce  ne  fut  jamais  la  mé- 
thode des  incrédules,  ils  se  bornent  à  com- 
piler les  o^^jer^/ons  ;  ils  laissent  aux  théolo- 
giens le  soin  de  chercher  les  ré(ionses  et  les 
preuves.  Pour  être  solidement  instruit,  est-il 
nécessaire  d'avoir  lu  les  arguments  des  incré- 
dules? Pas  plus  que  de  connaître  les  sophis- 
mes des  pyrrhoniens  pour  savoir  si  nous 
devons  ajouter  foi  aux  lumières  de  noire 
raison  et  au  témoignage  de  nos  sens.  Les 
oiijccïîons  ne  peuvent  produire  que  des  doutes, 
il  faut  des  [ireuves  positives  pour  opérer  la 
conviction.  Or,  \cs  objections  des  incrédules 
n'ont  pas  renversé  une  seule  des  preuves  du 
thiistiaiiisme  ;  celles-ci  subsistant  dans 
leur  entier  :  il  s'en  faut  donc  beaucoup  que 
le  triomphe  de  l'incrédulité  ne  soit  a^rSiiré. 
Le  règne  bruyant  de  l'ancienne  ]ilhlosnphie 
ne  fut  pas  de  longue  durée  :  celui  de  la  phi- 
losophie moderne  sera  encore  plus  court, 
parce  que  ses  sectateurs  actuels  ont  encore 
moins  <ie  bon  sens  que  ceux  d'autrefois. 

OHLAT,  enfant  consacré  à  Dieu  par  ses 
parentsdans  une  raaisonreligieuse.Cet  usage 
n'a  commencé  que  dans  les  bas  siècles,  pro- 
bablement au  commencement  du  xi'.  L'es- 
time singulière  que  l'on  avait  conçue  pour 
l'étal  religieux,  la  difliculté  de  goûter  le  re- 
pos ailleurs  et  d'élever  chrétiennement  les 
enfants  dans  le  monde  ,  engagèrent  les  pa- 
rents à  mettre  les  leurs  dans  les  monasières, 
afin  qi'ils  y  fussent  instruits  et  dressés  de 
bonne  heure  à  la  piété  ;  plusieurs  crurent 
leur  donner  la  plus  grande  marque  de  ten- 
dresse, en  les  y  vouant  pour  toujours.  Un 
oblat  était  censé  engagé  par  sa  propre  volonté 
autant  que  par  la  dévotion  de  ses  parents  : 
on  le  regardait  comme  apostat  s'il  quittait. 
On  se  fondait  sur  l'exemple  de  Samuel,  qui 
fut  voué  h  Dieu  parsa  mère  dès  sa  naissance, 
et  sur  l'exemple  des  nathméens;  mais  ces 
jiersonnages  n'étaient  engagés  par  vœu  ni 
au  célibat  ni  aux  autres  observances  monasti- 
ques. Voy.  Nathi?<éens.  Oc  nommait  aussi 
oblat  ou  donné,  et  oblate,  colui  ou  celle  qui 
vonait  sa  personne  et  ses  biens  à  quelque 
couvent  ,  sous  condition  d'être  nourri  et 
entretenu  par  les  moines.  Quelques-uns 
donnaient  leurs  biens  aux  monastères,  sous 
condition  qu'ils  continueraient  d'en  jouir 
pendant  leur  vie  ,  moyennant  une  légère  re- 
devance, et  les  liiens  ainsi  donnés  se  nom- 
maient oblata.  L'on  fut  obligé  de  prendre  cotte 
précaution  ilans  les  temps  de  trouble,  do 
désordre  et  de  rapines.  C'était  la  ressource 
des  faibles  dans  les  gouvernements  orageux 
de  l'Italie  ;  les  Normands,  quoique  puissants, 
l'employèrent  comme  une  sauve-garde  contre 
la  rapacité  des  empereurs.  11  ne  faut  donc 
pas  s'étonner  de  la  richesse  de  certains  mo- 
nastères. 

Tous  ces  usages  ont  été  supprimés  avec 
raison  dans  des  temps  plus  heureux,  et  lors- 
que les  motifs  de  les  tolérer  ne  subsistaient 
plus.  Le  concile  de  Trente,  en  décidant  que 
la  profession  religieuse  faite   avant  l'ûge  dé 


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srizeans  complets,  cls.uis  avoir  fait  le  no- 
vi(  iat  d'un  an,  serait  aiisolumont  nulle  et 
n'imposerait  aucune  obligation  q  lelconque, 
a  suppiiiné  pour  toujours  l'abus  des  oblats  ; 
l'examen,  qui  se  fait  par  les  évoques  des 
jeunes  personnes  qui  sn  destinent  à  la  pro- 
fession religieuse,  prévient  le  (iangor  d'une 
fausse  vocation  que  pourrait  leur  inspirer 
l'éducation  qu'elK'S  ont  reçue  dans  un  cou- 
vent. Les  souverains  ont  em[)ôch'  par  d  s 
lois  les  monastères 'i'aequi'iir  de  nouveaux 
biens  par  des  dons  ou  autrement.  11  ne  ri'sto 
donc  plus  aucun  nnitif  de  plainte  h  ce  sujet, 
et  l'on  n'en  ferait  [ilus,  si  l'on  vonlait  se  ra|>- 
l)eler  les  diU'érentes  circonstances  dans  l(;s- 
quelles  l'Europe  s'est  trouvée  pendant  les 
isiètles  qui  nous  ont  jirécédés.  Un  oblat  ét.nt 
encore  un  moine  lai  que  le  roi  plaçait  dans 
les  abbayes  ou  pri<urés  riclies,  pour  y  éire 
n'iurri,  logé,  vûlu  et  mèmi!  pensionné;  c'é- 
tait une  manière  de  donner  les  invalides  h 
lin  soldat  vieux  ou  blessé  ;  il  sonnait  l;s 
cloches,  balayait  l'église,  et  rendait  d'autres 
légers  services.  Ainsi  les  richesses  des  niu- 
nastères  ont  toujours  été  mie  ressource  ijour 
Je  gouvernement.  Toit  laïque  qui  obtenait 
de  la  cour  une  piuision  sur  un  bénélice,  était 
aussi  nommé  oblat. 

*  OiiLATS  HE  Jl.uur.  IMMACULÉE.  C'est  une  sociclé 
de  iiiissiomiaires  l'iablio  n  Aix  eu  1815,  cl  approiivce 
par  lellrs's  apcisloUijues,  lo  17  lévrier  18"2S.  Ces  oblals 
rcnipUsscnl  les  loiielious  de  iiiissionnaii%'s,  iioii-seii- 
lenient  eu  Fiance  el  en  Corse,  mais  encore  un  An- 
gleterre, an  Cainula  el  aux  Elals-Unis. 

OBLAT^E,  oublies  ou  hostii-s  dont  on  se 
sert  pour  consacrer  l'eucharistie  ,  et  pour 
donner  la  communion  aux  fidèles.  Ce  nom 
est  venu  de  ce  qu'autrefois  le  pain  desliné 
à  la  consécration  était  offert  par  le  peuple. 
Voy.  Hostie. 

OBLATES,  congrégation  de  religieuses  ou 

Slutôt  de  lilles  el  de  femmes  pieuses,  ibndée 
Rome,  en  1'i2d,  par  sainte  Françoise.  Le 
pape  Eugène  IV  en  ap[>rouva  les  constitu- 
tions l'an  ik'il.  Ce  sont  des  lilles  ou  des 
veuves  qui  renoncent  au  monde  pour  servir 
Dieu;  elles  ne  font  point  de  vœux,  mais 
seulement  une  promesse  d'obéir  à  la  supé- 
rieure, el  au  lieu  de  profession  elles  nom- 
ment leur  engagement  oblalion.  Elles  ont 
des  pensions,  héritent  de  leurs  parents,  et 
peuvent  sortir  avec  la  permission  de  la  su- 
j)érieiire.  11  y  a  dans  le  couvent  qu'elles  ont 
a  Home  plusieurs  dames  de  la  première  qua- 
lité ;  elles  suivent  la  rô;;le  de  saint  Benoit. 
On  les  nonmie  aussi  collalines,  probablement 
à  cause  du  quartier  dans  lequel  leur  monas- 
tère est  sitaé.  Cet  institut  lessemble  assez  à 
celui  des  ch.inoiucsses  de  France.  Yie  des 
Pères  et  des  Martyrs,  lom.  il,  \).  638. 

OBLATION.  Ce  terme  est  quelquefois  sy- 
nonyme de  celui  d'o//';-o?ic/es;  il  signitie  ce 
que  l'on  olfre  à  Dieu  et  l'action  même  de 
l'oll'rir;  mais,  en  fait  de  cérémonies ,  il  dé- 
signe parliculiôremeni  l'action  du  piètre, 
qui,  avant  de  consacrer  le  pain  et  le  vin,  les 
olfre  à  Dieu  ,  alin  qu'ils  deviennent,  par  la 
consécration,  le  corps  et  le  sang  de  Jésus- 
Christ  :  c'est  uue  partis  esseutiellc  du  sacri- 


fice do  la  messe,  et  dans  plusieurs  ancieiuirs 
liturgies,  la  messe  entière  est  appelée  abla- 
tion, S.vx'fopà.  Aussi  est-ce  par  ceite  action 
que  commence  ce  que  l'on  a  nommé  autre- 
fois/a messe  des  fidèles  ;  tout  ce  qui  nrétèrlo 
était  aiipelé,  au  iv'  siècle,  la  messe  des  culi'- 
cfiiunènes ,  parce  qu'iimnédiatement  avant 
l'oblation  l'on  n'uvoyait  les  catéchumènes  et 
ceux  ([ui  étaient  en  pénitence  ()ublii|ue  ;  on 
ne  permettait  d'assister  à  l'oblation,  à  la  ciui- 
séciation  el  à  la  communion,  (|u'aux  fidèles 
qui  étaient  en  état  de  puliciper  à  la  sainte 
eucharislie.  Comme  les  protestants  ne  veu- 
lent reconnaître,  dans  ce  mystère,  ni  la  jiré- 
sence  réelle  de  Jésus-C.hrist  ni  le  caractère 
de  sacritice,  ils  ont  l'^lé  obligés  de  suiiprimer 
l'oblation  ;  cette  action  annonce  ti()|)  claiie- 
meiit  les  deux  dogmes  qu'ils  alfeclimt  de 
méconnaître.  Pourijuoi,  en  cll'el,  témoigner 
tant  de  respect  pourle.jiain  elle  viiulestinés 
à  être  consacrés,  s'ils  doivent  èti  e  de  simj)les 
ligures  ou  symboles  du  corps  et  du  sang  do 
3ésus-Christ,  et  [lourquoiles  otfrir  à  Dieu? 
Mais  cette  oblalion  se  trouve  dans  toutes  l 's 
anciennes  liturgies  ,  eu  quelque  lan^j,ue 
qu'elles  aient  été  écrites;  elle  esl  aussi  an- 
cienne que  la  consécration  môme.  On  peut 
voir  (l.ms  le  P.  Lebrun  le  sens  de  toutes 
les  paroles  que  le  [irêtre  prononce,  et  de 
toutes  les  cérémonies  qu'il  fait  à  celte  occa- 
sion, el  jusqu'aux  plusb'gères  variétés  qui 
se  trouvent  entre  les  sacramentaires  ou  mis- 
sels des  dilférenls  siècles,  i'x/j^ic.  des  cérém. 
de  la  Messe,  t.  II,  m'  [laii.,  art.  2  et  G.  Quel- 
ques prutestants  ont  demandé  comment  lo 
prêtre  peut  ajipeler  le  pain  qu'il  oQ'ic  à  Dieu 
une  hostie  ou  victime  sans  tache,  et  le  calice 
dans  lequel  il  n'y  a  enc  ire  que  du  vin,  lu 
calice  du  salut  ?  C'est  que  le  prêtre  fait  moins 
altention  à  ce  que  le  p.-iin  al  le  vin  sont|iour 
lors,  qu'à  ce  qu'ils  doivent  devenir  par  la 
consécration;  illesenvisage  d'avance  comme 
le  corps  el  le  sang  de  Jésus-Christ,  seule  vic- 
time sans  tache,  immolée  pour  le  salut  du 
monde;  sans  cela  personne  n'aurait  jamais 
imaginé  que  du  pain  et  du  vin  jieiivent  être 
un  sacrifice,  et  ([u'il  faut  les  otfrir  à  Dieu 
pour  notre  salut.  Aussi  le  prêtre  ajoute  : 
«  Venez,  Sanctificateur  tont-puissant.  Dieu 
éternel,  et  bénissez  ce  sacritice  préparé  [lour 
la  gloire  de  votre  sainl  nom.  «  Celte  invoca- 
tion ser.iit  encore  déplacée,  si  l'on  ne  croyait 
Oilrir  à  Dieu  que  de  simples  symboles  du 
corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ.  Voy. 
Invocation. 

Thiers,  dans  son  Traité  des  Superstitions, 
tom.  II,  c.  X,  §  10,  dit,  ainès  le  cardinal  Bcl- 
larmin,  que  ces  prières  de  l'oblation  n'Ont 
guère  i)lus  de  cinq  cents  ans  d'antiquité  ; 
mais  le  P.  Lebrun  observe  qu'elles  se  trou- 
vent dans  le  missel  gallican  et  dans  le  mis- 
sel mozarabique,  qui  datent  au  moins  de 
douze  siècles  avant  nous;  et  dan.-  les  litur- 
gies oricnlales,  il  y  a  des  prières  relatives  à 
celles-ci,  et  qui  expriment  la  même  chose  ; 
on  doit  donc  les  regarder  comme  e<sent. elles. 
Thiers  fait  encore  mention  de  quelques  abus 
dans  lesquels  certains  prêtres  sont  tombés 
eu  fjisanl  celte  cérémonie.  Quant  aus  cbta- 


1065  OBS 

lions  qui  se  faisaient  autrefois   par  les  fi- 
dèles dans  cette  partie  de  la  messe,  voy.  Of- 

FRA-NDE. 

OBLIGATION  MORALE.  Voy.  Devoir. 

OBSCÉNITÉ,  parole  ou  action  capable  de 
blesser  la  pudeur.  Un  des  plus  sanglants  re- 
proches que  l'on  ait  à  faire  aux  écrivains  de 
notre  siècle,  même  k  plusieurs  do  nos  philo- 
sophes, c'est  d'avoir  souillé  leurs  plumes  par 
des  obscénités,  soitenvers,  soiten  prose. Non- 
seulement  ils  ont  cherché  à  justifier  par  des 
sophismes  la  plus  brutale  de  toutes  les  pas- 
sions, mais  ils  ont  travaillé  à  la  faire  entrer 
dans  tous  les  cœurs  par  tous  les  moyens 
possibles.  Les  livres  ,  les  tableaux,  les  gra- 
vures, les  statues,  les  spectacles  licencieux, 
tout  est  exposé  au  grand  jour  dans  les  rues 
et  dans  les  places  publiques.  La  pudeur  est 
obligée  de  fuir,  pour  n'avoir  pas  continuelle- 
ment h  rougir  des  objets  dont  ses  regards 
sont  frappés.  Celui  qui  aurait  trouvé  le  fu- 
neste secret  d'empoisonner  l'air  que  nous 
respirons  ,  et  qui  mettrait  cet  art  en  usage 
pour  prouver  son  habileté  eu  fait  de  chimie, 
mériterait  certainement  des  peines  afflictives; 
ceux  qui  emploient  leurs  talents  à  corrompre 
les  mœurs  sont-ils  moins  coupables  ?  Leur 
nom  devrait  être  noté  d'infamie  et  dévoué  à 
l'exécration  de  la  postérité. 

Malheur-,  dit  Jésus-Christ,  à  celui  qui  scan- 
dalise ;  il  vaudrait  mieux  pour  lui  être  pré- 
cipité au  fond  de  la  mer,  quétre  chargé  et 
responsable  de  la  perte  de  ses  frères  [Matth. 
XYui,  7).  C'est  faire  le  mal  f^our  le  mal  ;  s'il 
pouvait  y  avoir  un  crime  irrémissible,  ce  se- 
rait certainement  celui-là.  Saint  Paul  dit  aux 
fidèles  :  «  Qu'aucune  obscénité,  aucune  parole 
indécente  ne  sorte  de  votre  Ijouche,  cela  no 
convient  point  à  des  saints  [Ephes.  v,  3).  Les 
apologistes  du  christianisme  ont  donné  pour 
preuve  de  la  sainteté  et  de  la  divinité  de 
notre  religion  le  changement  qu'elle  opéra 
dans  les  mœurs,  la  chasteté,  la  modestie,  la 
retenue  dans  les  paroles  et  dans  les  actions 
qu'elle  a  fait  régner  parmi  ceux  qui  l'ont  em- 
brassée. L'Eglise  conforma  sa  discipline  aux 
lois  de  l'Evangile.  Au  iv°  siècle,  un  évoque, 
convaincu  d'avoir  écrit  des  livres  licencieux 
dans  sa  jeunesse,  et  qui  ne  voulait  pus  les 
supprimer,  fut  déposé.  11  était  sévèrement 
défendu,  surtout  aux  clercs,  de  lire  ces  sor- 
tes d'ouvrages.  Saint  Jérôme  s'est  ex|irinié 
sur  ce  sujet  avec  la  véhémence  ordinaire  de 
son  style,  Epist.  lil,  ad  Damasum.  Une  des 
raisons  pour  lesquelles  la  lecture  des  livres 
des  païens  fut  interdite  aux  lidèles,  c'était 
les  ffbscénités  dont  la  plupart  étaient  rem- 
j)lis.  Cependant  plusieurs  auteurs  païens,  mê- 
me les  poètes,  ont  blâmé  la  licence  qui  ré- 
gnait de  leur  temps  dans  les  discours  et  dans 
les  écrits  ;  et  en  cela  ils  ont  rendu  hommage 
à  la  sainteté  des  lois  du  christianisme.  Pres- 
que de  nos  jours,  un  écrivain  qui  s'est  rendu 
également  célèbre  par  son  scepticisme  en 
fait  de  religion  et  par  le  stylo  cynique  de  ses 
écrits,  n'a  jias  pu  s'empèclier  de  hlAmer  ce 
second  défaut  dans  un  poète  italien  ;  il  con- 
vient que  cet  auteur  s'est  mal  défendu,  lors- 
(ju'ou  lui  a  reproché  sa  turpitude.  Bayle, 


OBS  1004 

Dict.  crit.,  Guarin,  C.  D.  Lui-même  n'a  pas 
mieux  réussi  à  faire  son  apologie  dans  un 
éclaircissement  placé  à  la  fin  de  son  Diction- 
naire critique.  Brucker  proteste  qu'après 
avoir  lu  sans  préjugé  cette  prétrndue  justi- 
fication, elle  luiaparufiitoyablc,  Ilist. philos., 
t.  IV,  p.  601.  Il  est  bon  de  faire  voir  que  cette 
censure  n'est  pas  trop  sévère ,  parce  que 
d'autres  écrivains  obscènes  ont  allégué  les 
mêmes  excuses  avec  aussi  peu  de  justesse  et 
de  succès. 

Bayle  dit,  1°  qu'il  faut  s'en  rapporter  sur 
ce  point  au  témoignage  des  femmes;  comme 
si  on  avait  besoin  de  leur  avis  pour  décider 
un  point  de  morale.  Quand  la  plupart  auraient 
eu  l'esprit  elle  cœur  gâtés  par  la  lecture  du 
Dictionnaire  critique,  auraient-elles  voulu 
l'avouer?  Pour  mieux  faire,  Bayle  aurait  dû 
encore  eu  appeler  au  témoignage  des  liber- 
tins. —  2°  Il  soutient  que  les  obscénités  gros- 
sières sont  moins  capables  de  blesser  la  pu- 
deur que  quand  elles  sont  enveloppées  sous 
des  expressions  cnastes  en  apparence.  Quand 
cela  serait  vrai,  H  s'ensuivrait  seulement 
que  les  unes  sont  moins  criminelles  que  les 
autres,  et  non  qu'elles  sont  innocentes.  Dans 
le  fait  cet  auteur  est  coupable  de  ce  double 
crime ,  puisque  son  livre  est  rempli  soit 
d'obscénités  grossières,  soit  d'obscénités  dé- 
guisées. —  3°  11  prétend  que  ces  sortes  d'or- 
dures sont  moins  choquantes  dans  un  livre 
que  dans  la  conversation.  Il  n'est  jias  ques- 
tion de  savoir  si  elles  sont  moins  clioquautes, 
mais  si  elles  sont  moins  capables  de  salir 
l'imagination  et  d'exciter  des  passions  im- 
pures. Or,  nous  soutenons  qu'elles  le  sont 
davantage,  parce  qu'une  lecture  se  fait  sans 
témoins,  et  que  l'on  y  rélléchit  avec  plus  do 
liberté  que  dans  la  conversation.  11  demeure 
toujours  pour  certain,  que,  dans  l'un  et 
l'autre  cas,  elles  sont  très-condamnables.  — 
4°  11  dit  que  la  plupart  de  ceux  qui  ont 
lu  son  livre  en  avaient  déjà  lu  d'autres  qui 
étaient  bien  plus  capables  de  les  pervertir, 
qu'ils  n'ont  rien  appris  de  nouveau  dans  le 
sien.  Cela  est-il  certain  à  l'égard  de  tous  ? 
Quand  il  le  serait,  lorsqu'un  homme  a  déjà 
pris  une  dose  de  poison,  il  n'est  |!as  permis 
de  lui  en  donner  davantage  et  d'augmenter 
l'eU'et  que  le  premier  a  dû  produire.  N'y 
eût-il  qu'une  seule  personne  pervertie  par 
la  lecture  de  Bayle,  n'en  serait-ce  pas  assez 
jiour  le  rendre  inexcusable  ?  —  5°  Il  allègue 
]iour  raison  qu'il  ne  lui  était  pas  jiossilile 
d'éviter  ce  défaut  dans  son  dictionnaire.  Cela 
est  très-faux  ;  si  l'on  en  retranchait  tous  les 
endroits  scandaleux,  l'ouviage  n'en  serait 
que  meilleur.  Mais ,  loin  de  chercher  à  les 
éviter,  on  voit  que  l'auteur  affecte  de  les 
accumuler  ;  il  semble  n'avoir  fouillé  dans 
l'antiquité  que  pour  y  recueillir  toutes  les 
anecdoctes  impures.  —  6°  11  s'autorise  de 
l'exemple  de  plusieurs  auteurs  estimables, 
qui  ont  bravé  en  ce  genre  la  censure  du  pu- 
blic. Est-ce  donc  par  là  qu'ils  ont  mérité  de 
l'estime  ?  Un  désordre,  quelque  multiplié 
qu'il  soit,  n'en  est  pas  pour  cela  moins  otiieux; 
(  t  parce  qu'il  a  régné  plus  ou  moins  dans 
tous  les  siècles,  on  n'est  pas  en  droit  pour 


106S 


OBS 


ons 


4066 


cela  de  le  perp(''lucr.  Le  grand  nombre  de 
ceux  qui  y  tombent  est  justement  ee  (|ui  fait 
l'opprobre  de  la  littérature  ;  le  mauvais 
exemple  ne  prescrira  jamais  contrôles  droits 
de  la  raison,  du  i)on  sens  et  de  la  vertu.  — 
7°  11  a  poussé  plus  loin  la  témérité,  on  vou- 
lant justifier  sa  conduite  par  celle  des  au- 
teurs sacrés  (pii  nomment  toutes  choses  par 
leur  nom  sans  aucun  détour,  par  celle  des 
Pères  de  l'Eglise,  qui  ont  raconté  naïvement 
toutes  les  turpitudes  des  païens,  ])ar  celle 
des  casuistes,  qui  entrent  dans  des  détails 
très -scandaleux  touchant  les  péchés  con- 
traires au  sixième  commandement  du  Dé- 
calogue. 

On  lui  avait  répondu,  1°  que  les  casuistes 
sont  forcés  d'entrer  dans  ces  détails,  et 
qu'il  ne  leur  est  pas  possible  de  les  enve- 
lopper sous  des  expressions  chastes  ;  2"  qu'ils 
n'écrivent  point  en  irançais,  ni  pour  toutes 
sortes  do  lecteurs  ;  3°  qu'ils  ont  travaillé 
dans  un  siècle  moins  licencieux  (jue  le  nô- 
tre ;  4"  qu'ils  n'ont  pas  eu  envie  de  pervertir 
leurs  lecteurs,  mais  au  contraire  de  faire 
connaître  les  circonstances  aggravantes  et 
l'énormité  des  fautes  qui  pouvaient  être 
commises  contre  le  sixième  jirécepte  du  Dé- 
calogue.  Bayle  a  répli(pié  qu'il  avait  été  forcé 
aussi  de  rassembler  le  bon  et  le  mauvais  dans 
dans  un  tlictionnaire  historiijue  ;  nous  lui 
avons  déjh  fait  voir  que  cela  est  faux.  11  dit 
que  des  obscénités,  en  latin,  ne  font  |)as  moins 
d'impression  qu'en  français.  Soit  pour  un 
moment;  du  moins  elles  ne  sont  lues  dans 
les  casuistes  nue  par  un  petit  nombre  d'hom- 
mes qui,  par  leur  âge,  ]iar  leur  profession, 
par  la  nécessité  où  ils  se  trouvent,  par  le 
motif  qu'ils  se  proposent,  par  les  précautions 
qu'ils  prennent,  sont  à  couvert  de  danger  ; 
les  lecteurs  de  son  livre  sont-ils  dans  le 
même  cas  ?  Il  ajoute  qu'il  n'est  pas  vrai  que 
notre  siècle  soit  plus  corrompu  (jue  les  pré- 
cédents. Sans  disputer  sur  le  plus  ou  le 
moins,  ne  l'est-il  pas  assez  pour  faire  un 
très -mauvais  usage  des  compilations  de 
Bayle  ?  Qu'il  nous  dise  de  quelle  utilité  peu- 
vent être,  pour  qui  que  ce  soit,  les  obscénités 
qu'il  a  rassemblées.  Ce  n'est  donc  pas  sans 
raison  que  Bruckera  jugé  toutes  ses  excuses 
très -mauvaises.  Mais  il  est  essentiel  de 
montrer  que  Bayle  a  eu  encore  plus  de 
tort  d'alléguer  l'exemple  des  auteurs  sacrés 
et  des  Pères  de  l'Eglise,  et  que  les  incré- 
dules qui  ont  copié  ce  reproche  sont  très-mal 
fondés. 

11  faut  se  souvenir  d'abord  que  le  style 
des  livres  hébreux  n'est  pas  le  nôtre,  parce 
les  mœurs  du  monde  ancien  ne  ressemblaient 
pas  k  celles  du  monde  moderne.  «  Quand  un 
peuple  est  sauvage,  dit  un  savant  magistrat, 
il  est  simple  et  ses  expressions  le  sont  aussi  ; 
commeelies  ne  le  choquent  pas, iln'a  pas  be- 
soin d'en  chercher  de  plus  détournées,  signes 
assez  certains  que  l'imagination  a  corrompu 
la  langue.  Le  peuple  hébreu  était  h  demi 
sauvage,  le  livre  de  ses  lois  traite  sans  dé- 
tour des  choses  naturelles  que  nos  langues 
ont  soin  de  voiler.  C'est  une  marque  que  ces 
façons  de  parler  n'ont  rien   de  licencieux; 

DiCTIONN.    DE  ThÉOL.    DOGMATigLE.    111. 


car  on  n'aurait  pas  écrit  un  livre  de  lois  d'une 
manière  contraire  aux  niû'urs.  »  Traité  de  In 
formation  mécanique  des  langues,  tom.  Il, 
n.  18!).  «  Un  peu|)le  île  bonnes  mœurs,  dit 
un  déiste  célèbre,  a  des  teinies  propres  pour 
toutes  choses,  et  ces  termes  sont  toujours 
honnêtes,  parce  (|u"ils  sont  toujours  em- 
ployés innocemment.  Il  est  impossible  d'i- 
maginer un  langage  plus  modeste  (pie  celui 
de  la  Bible,  précisément  |)arce  que  tout  y  est 
dit  avec  naïveté.  D'où  vient  notre  délicalesso 
en  fait  de  langage?  demande  un  autre  i)hilo- 
soplie.  C'est  que  plus  les  mœurs  sont  dé- 
pravées, plus  les  expressions  sont  mesurées. 
On  croit  regagner  en  langage  ce  qu'on  a 
perdu  en  vertu.  La  pudeur  s'est  enfuie  des 
cceurs  et  s'est  réfugiée  sur  les  lèvres.  »  En 
efl'et,  les  enfants,  les  personnes  simples  et 
innocentes,  parlent  de  tout  sans  rougir  ; 
elles  n'y  voient  aucune  conséquence.  C'est 
le  désir  coupable  de  faire  entendre  des  obs- 
cénités, qui  engage  les  impudiques  k  se  servir 
d'expressions  détournées,  atin  de  révolter 
moins  ;  grâce  k  leur  adresse,  il  n'est  presque 
plus  de  mots  chastes  dans  notre  langue.  Une 
preuve  de  la  vérité  de  ces  réflexions,  c'est 
que,  dans  la  suite  des  siècles,  lorsque  les 
mœurs  des  Juifs  furent  corromi)ues  par  leur 
commerce  avec  les  nations  étrangères,  ils 
défendirent  la  lecture  de  certains  livres  de 
l'Ecriture  sainte  avant  l'âge  de  trente  ans,  et 
l'on  ne  retrouve  plus  dans  le  Nouveau  Tes- 
tament les  mômes  façons  de  parler  que  dans 
l'Ancien.  L'usage  établi  dans  l'Orient  de  ren- 
fermer les  femmes  et  de  converser  rarement 
avec  elles  a  dû  introduire  dans  le  langage 
des  hommes  plus  de  liberté  et  de  naïveté  que 
parmi  nous.  Rien  de  si_  indécent,  selon  nos 
UHPurs,  que  le  chapitre  tles  lois  des  gentous 
indiens,  concernant  l'adultère;  on  ne  peut 
pas  présumer  qu'il  soit  aussi  scandaleux  selon 
les  mieurs  des  Indes. 

Mais  que  font  nos  philosophes  incrédules? 
Ils  affectent  de  retracer  aux  yeux  d'un  peu- 
ple licencieux  des  tableaux  qui  n'étaient 
supportables  qu'k  l'innocente  simplicité  des 
premiers  âges.  Il  traduisent  dans  toute  leur 
énergie  des  passages  qu'un  lecteur  chaste  se 
fait  un  devoir  d'omettre  en  lisant  les  livres 
saints  ;  ils  bravent  les  précautions  (|ue  prend 
l'Eglise  pour  ne  les  mettre  qu'entre  les  mains 
de  gens  incapables  d'en  abuser.  Ensuite  ils 
s'autorisent  de  cette  malignité,  ou  pourdécla- 
mer  contre  nos  livres  saints,  ou  pour  écrire 
des  obscénités  de  leur  chef.  —  Les  mêmes 
raisons,  quijustitient  les  auteurs  sacrés,  ser- 
vent aussi  à  faire  l'apologie  des  Pères  de 
l'Eglise.  1°  Les  mœurs  de  l'Asie  et  de  l'A- 
frique n'étaient  pas  les  mômes  que  les  nô- 
tres, ni  le  langage  de  ces  temps-lk  aussi 
châtié  que  le  notre.  En  général,  le  caractère 
de  ces  pcu])lcs  nous  parait  dur  et  grossier  ; 
ils  ne  ménageaient  les  termes  dans  aucun 
genre;  la  [jolitesse  dont  nous  fciisons  pro- 
fession leur  était  inconnue  ;  on  ne  la  trouve 
pas  même  aujourd'hui  chez  les  Orientaux, 
encore  moins  sur  les  eûtes  de  l'Afrique. 
2°  Les  Pères  parlaient  ou  aux  païens  ou  aux 
chrétiens  ;  il  aurait  été  ridicule  de  craindre 

34 


1067 


OBS 


OBS 


1068 


de  scandaliser  les  premiers,  en  nommant  par 
leur  nom  des  désordres  communs  et  publics 
parmi  eux,  ou  de  révolter  les  seconds,  en 
leur  rappel.int  des  crimes  dont  ils  avaient  été 
témoins.  Saint  Paul  en  a  fait  l'énumération 
dans  son  Epître  aux  Romains.  3°  Les  Pères 
n'en  font  mention  que  dans  le  stylo  le  plus 
ca])able  d'en  faire  sentir  toute  la  turpitude 
et  d'en  inspirer  de  l'horreur;  au  lieu  que 
Bayle  et  ses  imitateurs  en  rappellent  la  mé- 
moire d'un  ton  jovial  et  raillenr,  sans  aucune 
marque  d'improbation,  et  uniquement  pour 
amuser  les  lecteurs  corrompus. 

Barbeyrac,  dans  son  Traité  de  la  morale  des 
Pitres,  reproche  à  saint  Clément  d'Alexandrie 
d'être  entré  dans  un  trop  grand  détail  des 
péchés  dans  son  Pédagogue,  et  à  saint  Jé- 
rôme de  n'avoir  pas  assez  ménagé  la  pu- 
deur dans  les  reproches  qu'il  fait  à  Jovinien. 
Le  Clerc  juge  que  saint  Augustin  a  commis 
la  même  faute  en  écrivant  contre  les  péla- 
giensson  traité  deNuptiis  etConcupiscentia. 
Mais,  indépendamment  des  raisons  que  nous 
avons  alléguées  ,  ces  vieillards  -vénérables, 
dont  l'austéiité  des  mœurs  est  prouvée  d'ail- 
leurs, étaient  certainement  plus  en  état  que 
les  écrivains  du  xvii'  ou  xviii"  siècle,  de  voir 
ce  qui  pouvait  ou  ne  pouvait  pas  scandaliser 
les  chrétiens  de  leur  temps.— Telle  a  toujours 
été  et  telle  sera  toujours  l'équité  des  protes- 
tants. Lorsque  les  Pères  ont  parlé  des  ac- 
tions impures ,  pour  en  faire  rougir  les 
païens  ou  les  hérétiques,  et  pour  en  inspirer 
de  riiorreur  aux  fidèles,  c'a  été  un  crime  aux 
yeux  de  ces  moralistes  rigides  ;  lorsque  leurs 
controversistes  ontforgédes  ordures  abomi- 
nables pour  couvrir  d'opprobres  l'Eglise  ro- 
maine, ils  ont  bien  fait  ;  c'était  par  zèle  pour 
servir  la  bonne  cause,  il  ne  faut  pas  lesbh'i- 
mer  :  Bayle,  lui-même,  a  cité  leur  exemple 
pour  se  justifier.  Voy.  Impudicité. 

OBSEQUES.  Yoy.  Funérailles,  Prières 
pour  les  MouTs. 

OBSERVANCES  LEGALES.  Votj.  Loi  céré- 
momelle.  , 

OBSERVANCE  RELIGIEUSE  ou  ECCLE- 
SIASTIQUE. On  nomme  ainsi  les  usages  qui 
ont  été  ou  commandés  par  quelque  loi  posi- 
tive de  l'Eglise,  ou  établis  par  une  tradition 
dont  on  ne  connaît  pas  l'origine.  Les  |>rotes- 
tants  font  profession  de  les  rejeter  ;  ils  exi- 
gent que  toute  pratique  religieuse  soit  fondée 
sur  l'Ecriture  sainte.  Quelques-uns  de  leurs 
écrivains  ont  voulu  s'autoriser  d'un  passage 
de  Tertullien,  /.  de  Oralione,  c.  12.  Ce  Père, 
disent-ils,  parlant  des  observances,  dit  «  qu'il 
faut  rejeter  celles  qui  sont  vaines  en  elles- 
mêmes,  celles  qui  ne  sont  appuyées  d'aucun 
précepte  du  Seigneur  ou  de  ses  apôtres,  celles 
qui  ne  sont  pas  l'ouvrage  de  la  rehgion, 
mais  de  la  superstition,  celles  qui  ne  sont 
fondées  sur  aucune  raison  solide,  enfin  cel- 
les qui  ont  de  la  conformité  avec  les  céré- 
monies païennes.  »  Mais  ce  passage  est  très- 
mal  rendu.  En  répétant  le  mot  celles,  qui 
n'est  pas  dans  le  texte  ,  on  fait  dire  à  Tertul- 
lien le  contraire  de  ce  cju'il  pensait  et  de  ce 
(pi'il  enseigne  ailleurs.  11  semble  que,  selon 
lui,   pour   rejeter  une  pratique,  c'est  assez 


qu'elle  ne  soit  pas  commandée  par  .Tésu-s- 
Christ  ou  parles  apùlres,  ou  qu'elle  ait  quel- 
que ressemblance  avec  les  coutumes  dis 
païens.  Ce  n'est  point  lace  que  veut  Tertul- 
lien ;  il  dit  que  l'on  doit  rejeter  les  observan- 
ces qui  sont  vaines  en  elles-mêmes,  c'est-ii- 
dire  qui  ne  peuvent  produire  aucun  bon  ef- 
fet, ()ui  ne  sont  appuyées  d'aucun  précepte 
du  Seigneur  ou  des  apôtres,  qui  ne  sont  pas 
l'ouvrage  de  la  raison,  mais  de  la  supersti- 
tion, et  qui  ne  sont  fondées  sur  aucune  rai- 
son solide.  Il  donne  pour  exemple  l'entête- 
ment de  ceux  qui  faisaient  scrujitule  de  prier 
avec  un  manteau  sur  les  épaules.  Nous  con- 
venons que  cette  vaine  observance  réunissait 
tous  les  caractères  de  réprobation  desquels 
Tertullien  a  parlé  ,  et  qu'elle  était  condam- 
nalile. 

.  S'ensuit-il  de  là  que  nous  devons  nous 
al)Stenir  de  faire  le  signe  de  la  croix  ou  de 
jeûner  le  carême,  parce  que  Jésus-Christ  ni 
les  apôtres  n'en  ont  pas  fait  un  précepte 
formel  ?  que  c'est  un  crime  de  nous  mettre 
à  genoux  pour  prier,  ou  de  faire  à  Dieu  des 
ollrandes  ,  parce  que  les  païens  faisaient  de 
même?  Tertullien  s'est  expliqué  plus  claire- 
ment dans  son  traité  de  Corona,  c.  3  :  «  Il  y 
a,  dit-il,  des  observances  que  nous  gardons 
sansy  êtreautorisésparun  texte  de  l'Ecriture, 
mais  fondés  sur  la  tradition  et  sur  la  coutu- 
me. Avant  d'entrer  dans  les  fonts  du  baj)- 
tôme,  nous  protestons  à  l'évèque  que  nous 
renonçons  au  démon,  à  ses  pompes  et  à  ses 
anges." Nous  sommes  plongés  trois  fois,  et 
nous  disons  quelque  chose  de  plus  que  le 
Seigneur  n'a  ordonné  dans  l'Evangile.  Nous 
goûtons  ensuite  d'un  mélange  de  lait  et  de 
miel,  et  depuis  ce  jour  nous  nous  abstenons 
du  bain  pendant  toute  la  semaine.  Nous  re- 
cevons le  sacrement  de  Feucharistie  que  le 
Seigneur  a  commandé  à  tous,  soit  à  l'iieure 
de  nos  repas,  soit  dans  nos  assemblées  avant 
le  jour,  mais  non  d'une  autre  main  que  de 
celle  de  nos  préposés.  Tous  les  ans  nous 
faisons  des  oblations  pour  les  défunts  le  jour 
de  leur  mort.  Nous  nous  abstenons  de  jeû- 
ner et  de  prier  à  genoux  le  dimanche;  nous 
faisons  de  même  depuis  Pùques  jusqu'à  la 
Pentecôte.  Nous  évitons  de  laisser  tomber 
à  terre  quelque  partie  de  notre  pain  ou  de 
notre  boisson.  Avant  d'aller  et  de  venir, 
d'entrer  ou  de  sortir>  de  nous  chausser,  de 
nous  bfdgner,  de  nous  mettre  à  table  ou  au 
lit,  de  nous  asseoir,  ou  d'allumer  de  la  lu- 
mière, dans  toutes  nos  actions,  en  un  mot, 
nous  faisons  sur  notre  front  le  signe  de  la 
croix.  Si,  pour  toutes  ces  observances  et  au- 
tres semblables,  vous  demandez  un  précepte 
de  l'Ecriture,  vous  n'en  trouverez  point;  la 
tradition  les  a  établies  ,  la  coutume  les  a 
confirmées  ,  et  la  loi  les  garde.  »  Lorsqu'on 
objecte  aux  protestants  ce  passage  de  Ter- 
tullien, ils  disent  que  ce  Père  était  uionta- 
niste.  Dans  la  vérité  ,  il  ne  l'était  pas  plus 
en  écrivant  son  livre  de  Corona ,  qu'en  com- 
posant son  traité  de  Oralione.  Quand  il  l'au- 
rait été  cent  fois  davantage,  en  est-i!  moins 
croyable  lorsqu'il  atteste  ce  qui  se  faisait  de 
son  tenqts,  et  (ju'il  donne  la  raison  pour  la- 


1069 


OBS 


OBS 


4070 


quelle  on  le  foisait?  Cola  n'a  aucun  rapport 
aux  erreurs  do  Monlau.  S'il  nous  arrivait 
de  récuser  le  léinoigna^e  d'un  auteur,  préci- 
sément. j)arce  iju'il  était  liéiétique,  les  pro- 
testants crieraient  à  la  iiréventiou,  à  l'intéte- 
jnent,  au  fanatisme. 

Il  y  a  sans  doute  de  vaincs  obscj'vanrrs  que 
l'on  doit  mi'td'o  aunonibre  des  sujierstitions; 
mais  l'Eglise,  loin  de  les  autoriser,  les  con- 
damne. Les  théologiens  entendent  par  vaine 
observance  l'emploi  d'un  moyen  quelcon(jue 
j)0ui'  |)roduire  un  eiïet  avei:  le<[uel  ce  moyen 
n'a  aucune  proportion  ni  aucune  relation 
naturelle,  et  qui  ne  peut  avoir  aucune  el'tl- 
cacité  j)ar  rin-^titution  d(^  Dieu  ni  de  l'Eglise. 
D'oiî  l'on  conclut  ([ue  s'il  produisait  réelle- 
ment quclipie  eirel  ,  ce  ne  pourrait  être  que 
par  l'enlremise  du  démon.  Tels  sont  les 
prétendus  préservatifs  contre  quelques  ma- 
ladies, soit  des  lionmies,  soit  des  animaux  , 
qui  par  eux-mêmes  ne  peuvent  avoir  aucune 
vertu  :  tels  sont  les  secrets  imaginaires  que 
Tou  a  nounnés  art  notoire ,  art  de  saint 
Paul,  art  des  esprits,  etc.  Voj/.  Art.  L'on 
met  au  même  rang  l'observation  des  temps, 
des  jours,  des  mois,  des  années,  la  distinc- 
tion des  jours  heureux  ou  malheureux , 
les  horoscopes,  etc.  Thiers  en  aparté  fort 
au  long  dans  son  Traité  des  Superstitions , 
I.  iv;  il  en  détaille  les  différentes  espèces , 
d  cite  les  passages  de  l'Ecriture  sainte ,  des 
Pères  de  l'Eglise,  des  conciles,  des  statuts 
synodaux  et  des  théologiens  qui  les  réprou- 
vent. Vainement  les  protestants  ont  voulu 
faire  envisager  toutes  ces  absurdités  comme 
un  vice  inhérent  ;v  la  religion  catholique;  ils 
ne  sont  pas  pai'venus  à  en  guérir  leurs  sec- 
tateurs; d  faudrait  pour  cela  extirper  entiè- 
rement l'ignorance  des  peu|iles,  la  faiblesse 
J'esprit,  la  crédulité,  les  terreurs  paniques, 
t'attachement  aveugle  à  la  vie,  à  la  santé, 
aux  biens  de  ce  monde,  (-es  maladies  sont 
aussi  anciennes  et  aussi  répandues  que  l'hu- 
manité :  elles  dureront  probablement  plus 
ou  moins  ,  autant  que  la  race  des  hommes  , 
et  l'on  ne  prend  nulle  part  plus  de  soin  pour 
en  guérir  les  peu[iles  que  dans  l'Eglise  ca- 
Ihohque.  Voy.  Superstitions. 

Observanciî  se  dit  des  statuts  et  des  usa- 
ges particuliers  de  cjuclques  communautés 
ou  congrégations  rehgiiHises.  Chez  les  car- 
mes,  l'on  distingue  ceux  de  l'ancienne  oA- 
servance  d'avec  ceux  (|ui  ont  embrassé  la 
réforme  faite  par  sainte  Thérèse,  et  que  l'on 
nonnne  carmes  déchaussés.  Parmi  les  bernar- 
dins, les  religieux  de  l'étroite  oljserrance  sont 
ceux  qui  ont  repris  toute  la  rigueur  de  la 
règle  de  saint  Bernard ,  tels  sont  ceux  de  la 
Trappe  et  de  Sept-Fonts.  Les  cordeliers  sont 
divisés  en  obsercantins  et  en  conventuels. 
Peu  de  tem[)S  après  la  mort  de  saint  Fran- 
çois, plusieurs  de  ces  religieux  avaient  mi- 
tigé leur  règle,  avaient  obtenu  de  leurs  gé- 
néraux et  des  papes  la  permission  de  possé- 
der des  rentes  et  des  fonds,  d'être  chaussés, 
etc.  D'autres  plus  furvents  peisévérèrent 
dans  l'observation  de  l'institut  de  leur  fon- 
dateur ,  et  prirent  le  nom  i\'obscrva>Uins , 
pour  se  distinguer  des  premiers,  que  l'on 


appela  conventuels.  Dans  la  suite  il  y  eut 
encore  des  relâchements  et  des  réformes 
parmi  les  observantins  mêmes;  on  y  distin- 
gua la  petite  et  la  grande  ou  l'étroite  obser- 
vance. Saint  Pierre  d'Alcantara  fonda  cette 
dernière  l'an  15oo,  en  Esjiagne;  ce  sont  les 
frariciscains  déchaussés.  La  même  raison 
avait  déjà  donné  lieu  aux  réformes  des  ca- 
pucins, des  récollots  et  des  tiercelins  ou 
jiicpus.  11  est  bon  d'observer  que  la  coutume 
ti'ailer  ]iieds  nus  est  jilus  supportable  eu  Es- 
pagne et  en  Italie  que  dans  les  pays  septeu- 
Iriduaux  ;  les  ordres  religieux,  en  se  répan- 
dant au  loin,  ont  été  for(;és  d'accorder  quel- 
(jue  chose  h  la  température  du  climat. 

OBSERVER.  Dans  l'Ecriture  sainte ,  ce 
terme  signifle  quelquefois  jirendre  des  pré- 
cautions. Job,  c.  XXIV,  v.  15,  dit  que  l'adul- 
tère observe  de  ne  marcher  que  dans  les  té- 
nèbres, afin  de  ne  pas  être  reconnu.  Obser- 
ver la  bouche  de  quehju'un,  signifie  épier 
ses  paroles ,  afin  de  le  surprendre  ;  mais 
{  Eccles.  vni,  2  )  observer  la  bouche  du  roi, 
c'est  exécuter  ses  ordres.  11  signifie  encore 
examiner  à  la  rigueur  ;  David  dit  à  Dieu 
(Ps.  cxxix,  -i)  :  «Seigneur,  si  vous  observez 
nos  iniquités,  qui  pourra  soutenir  la  rigueur 
de  votre  jugement?  »  I  Raj.,  c.  ii,  v.  i2,  il  est 
narlé  des  fennnes  qui  observaient  ou  qui  veil- 
laient à  la  porte  du  tabernacle.  Saint  Paul 
dit  aux  Galates  qui  judaisaient,  c.  iv,  v.  10  : 
«  A'ous  observez  les  jours,  les  mois,  les 
temps,  les  années.  »  Plusieurs  interprètes 
croient  (ju'il  leur  reprochait  d'observer  les 
néoménies,  les  l'êtes,  les  jeûnes  du  calen- 
drier des  Juifs;  mais  ([uelques  Pères  de  l'E- 
glise ont  jjeusé  qu'il  les  repr(inait  de  distin- 
guer les  jours  heureux  ou  malheureux  , 
comme  les  païens  ;  ])eut-ôlre  les  Galates 
étaient-ils  coupables  de  l'un  et  de  l'autre  de 
ces  abus.  Luc,  c.  xvii,  v.  20,  Jésus-Christ 
dit  aux  pharisiens  que  le  royaume  de  Dieu 
ou  le  règne  du  iVIessie  ne  viendra  point  avec 
un  éclat  extérieur  qui  le  fasse  remarquer , 
cum  observatione. 

OBSESSION.  Il  y  a  une  distinction  k  faire 
entre  l'obsession  du  démon  et  la  possession. 
Un  hounne  est  possédé,  lorsque  le  démon 
est  entré  dans  son  corps,  qu'il  l'agite  et  le 
tourmente,  soit  continuellement,  soit  ]iar  in- 
tervalles. 11  est  seulement  obsédé,  lorsque  le 
démon,  sans  entrer  dans  son  corjis,  le  pour- 
suit au  deliors,  le  fatigue  et  le  fait  agir. 
L'Ecriture  sainte  fournit  des  exemples  '  de 
l'un  et  de  l'autre  de  ces  deux  états  fâcheux. 
11  est  dit  au  1"  livre  lies  Rois,  c.  xvi,  v.  23, 
que  l'esprit  de  Dieu  s'était  retiré  de  Saiil, 
et  que  de  temps  en  temps  ce  roi  était  agité 
par  un  mauvais  esprit,  par  l'ordre  de  Dieu; 
dans  le  livre  de  Tobie,  c.  ni,  v.  8,  que 
Sara,  fille  lie  Raguel,  avait  eu  sept  maris,  et 
qu'un  démon,  nommé  Asmudée,  les  avait 
tués  loisqu'ils  avaient  voulu  sapjjioclier 
d'elle.  Elle  était  donc  obsédée  par  un  dé- 
mon, mais  qui  n'exergait  sa  malice  que 
conlre  ses  maris.  Les  exemples  de  posses- 
sion sont  fréquents  dans  le  Nouveau  Testa- 
ment. On  regarde  avec  raison  ces  deux  ac- 
cidents comme  des  Uéaux  surnaturels  que 


1071 


OCT 


ODI 


107* 


Dieu  permet,  soit,  pour  punir  ceux  qui,  par 
le  crime,  ont  déjà  livré  leur  Ame  au  démon, 
soit  pour  exercer  la  patience  des  gens  do 
bien.  L'Fxriture  sainte  représente  la  fille  de 
Raguel  comme  une  personne  vertueuse  et 
irréprochable,  qui  était  pénétrée  de  douleur 
du  funeste  sort  de  ses  maris.  Les  symptô- 
mes d'une  obsession  réelle  sont  à  peu  près 
les  mêmes  que  ceux  de  la  possession;  l'on 
doit  prendre  les  mômes  précautions  et  sui- 
vre les  mêmes  règles  pour  juger  de  l'une 
et  de  l'autre;  l'Eglise  prescrit  les  mêmes 
remèdes  pour  l'un  et  pour  l'autre ,  la 
prière ,  les  bonnes  œuvres ,  les  exorcis- 
mes,  sans  interdire  les  moyens  naturels  de 
rétablir  la  santé  du  corps,  que  la  médecine 
peut  foin-nir.  Plusieurs  critiques,  sans  être 
incrédules,  ont  prétendu  que  les  obsessions 
et  \t's  possessions  étaient  des  maladies  pure- 
ment naturelles,  auxquelles  le  démon  n'a 
aucune  part;  que  c'étaient  seulement  des  at- 
taques de  mélancolie,  d'épilepsie,  de  cata- 
lepsie ou  de  manie;  que  l'on  peut  expliquer 
ce  qui  en  est  liit  dans  l'Ecriture  sainte,  sans 
recourir  à  l'intert'ention  du  démon  :  nous 
prouverons  le  contraire  au  mot  Possession 

OCCASION.  Voy.  Cause. 

OCCURRENCE.  En  style  de  bréviaire  et  de 
rubriques,  on  dit  que  deux  ofBces  sont  en 
occurrence  lorsqu'ils  se  rencontrent  le  même 
jour  ;  ainsi  lorsque  la  fête  d'un  saint  tombe  le 
dimanche,  l'ollice  du  saint  est  en  occurrence 
avec  celui  du  dimanche,  et  les  rubriques 
enseignent  auquel  des  deux  il  faut  donner 
la  |)référence.  Voy.  Concurrence. 

OCTAPLES.  L'ouvrage  d'Origène ,  ainsi 
nommé,  était  une  espèce  de  Bible  polyglotte, 
rangée  en  huit  colonnes.  Elle  contenait  1°  le 
texte  hébreu  écrit  en  caractères  hébraïques; 
2°  le  môme  texte  en  caractères  grecs;  3°  la 
version  grecque  d'Aquila;  4°  celle  de  Sym- 
maque;  5"  celle  des  Septante;  6°  celle  de 
Théodotion;  T  celle  que  l'on  appelait  la 
cinquivme  grecque ;H°  celle  que  l'on  nommait 
la  sixième.  Ce  savant  Père  de  l'Eglise  avait 
très-bien  compris  qu'une  des  meilleures  ma- 
nières de  prendre  le  sens  du  texte  sacré, 
était  de  comparer  ensemble  les  différentes 
versions.  Voy.  Hexaples. 

OCTATEUQUE.  De  même  que  les  cinq 
livres  de  Moïse  sont  nommés  \e  Pentateuque, 
en  y  ajoutant  les  trois  livres  suivants,  qui 
sont  Josué,  les  Juges  et  Ruth,  on  a  nommé  ce 
recucW,  VOctateuque,  mot  grec  formé  deôxrw, 
huit ,  et  Ttûxo?,  livre.  Procope  de  Gaze  a  fait 
dix  livres  de  commentaires  sur  VOctateuque. 

OCTAVE,  espace  de  huit  jours  destiné  h 
la  célébration  d'une  fête,  pendant  lequel  on 
répète  tous  les  jours  une  partie  de  l'oflice 
de  la  fête,  comme  les  hymnes,  les  antiennes, 
les  versets,  avec  une  ou  plusieurs  leçons 
relatives  au  sujet.  Le  huitième  jour,  que  l'on 
noumie  projtrement  l'octave,  l'ofTice  est  plus 
solennel  (pie  celui  des  jours  précédents. 
Ordniairement  les  fêtes  les  plus  solennelles, 
comme  Noél,  PAques,  la  Pentecôte,  la  Fête- 
Dieu,  la  fête  du  patron,  sont  accompagnées 
d'une  octave.  On  appelle  encore  octave  la 
station  d'un  prédicateur  qui  prêche  plusieurs 


sermons  pendant  Voctave  de  la  Fête-Dieu. 
Cette  coutume  a  été  établie  en  France  de- 
puis l'hérésie  des  protestants,  afin  d'instruire 
particulièrement  les  peuples  sur  le  sacre- 
ment de  l'eucharistie  et  de  les  affermir  dans  la 
foi  de  ce  mystère.  Ainsi  l'on  dit  que  tel  pré- 
dicateur a  prêché  Voctave  dans  telle  église. 
Dans  quelques  diocèses  il  y  a  des  jiaioisses 
où  l'on  fait  une  octave  des  morts.  Le  titre  du 
psaume  vi,  qui  est  le  premier  des  psaumes 
pénitentiaux,  du  psaume  xii,  etc.,  porte  : 
pro  octava  ou  ad  octavam;  les  commentateurs 
sont  partagés  sur  le  sens  de  ce  mot;  les  uns 
croient  qu'il  désigne  un  psaume  destiné  à 
être  accompagné  par  le  son  d'un  instrument 
à  huit  cordes;  d'autres,  qu'il  devait  être 
chanté  pendanfhuit  jours;  d'autres  disent 
que  cela  désignait  le  ton  le  plus  élevé  que 
nous  nommons  Voctave;  quelques-uns  enfin 
entendent  la  huitième  bande  de  musiciens. 
Aucune  de  ces  conjectures  n'est  certaine. 

ODEUR.  Ce  terme,  dans  l'Ecriture,  signi- 
fie non-seulement  les  paifums,  comme  dans 
Amos,  c.  V,  v.  21  :  «  Je  n'accepterai  plus 
Vodeur  de  vos  assemblées,  »  c'est-à-dire 
l'encens  que  vous  m'offrez;  mais  il  se  prend 
souvent  dans  un  sens  figuré ,  comme  en 
français ,  pour  ce  qui  nous  plaît  ou  nous 
déplaît.  Gen.,  c.  vin,  v.  21,  il  est  dit  que 
Dieu  reçut  en  bonne  odeur  le  sacrifice  de 
Noé,  c'est-à-dire  qu'il  l'approuva,  et  que  ce 
témoignage  de  reconnaissance  lui  fut  agréa- 
ble. Ephes.,  c.  V,  V.  2,  saint  Paul  dit  que 
Jésus-Christ  s'est  livré  et  s'est  offert  à  Dieu 
pour  nous,  comme  une  hostie  et  une  vic- 
time de  bonne  odeur;  parce  tjue  Dieu,  tou- 
ché |iar  ce  sacrifice,  a  pardonné  aux  hommes. 
Odeur  signifie  encore  la  bonne  réfutation  et 
les  heureux  effets  quelle  produit.  «  Pour 
nous,  dit  ce  même  apôtre  (//  Cor.  ii,  14), 
Dieu  répand  partout  Vodear  de  sa  connais- 
sance ou  les  bons  eflets  de  sa  doctrine, 
parce  que  nous  sommes  devant  lui  la  bonne 
odeur  de  Jésus-Christ,  pour  ceux  qui  sont 
sauvés  et  pour  ceux  qui  périssent  ;  pour  les 
uns  c'est  une  odeur  mortelle,  pour  les  au- 
tres une  odeur  qui  leur  donne  la  vie.  »  Ce 
terme  se  prend  aussi  en  mauvaise  part.  Gen. 
XXXIV,  30,  Jacob  dit  à  ses  enfants  :  «  Vous 
m'avez  mis  en  mauvaise  odeur  chez  les  Cha- 
nanéens,  »  vous  m'avez  rendu  odieux  à  ces 
l)euples.£'j-o(/.,c.  v,v.21,les  Israélites  disent 
à  jMoise  et  à  son  frère  :  «  Vous  nous  avez  mis 
en  mauvaise  odeur  auprès  de  Pharaon  et  de 
ses  ministres.  »  Dan.,  c.  m,  v.  9k,  il  est  dit 
des  trois  enfants  dans  la  fournaise,  que 
Vodeur  du  feu  ne  passa  point  en  eux,  c'est-à- 
dire  qu'ils  ne  ressentirent  aucun  mal  ni 
aucun  des  effets  du  feu. 

ODILON  (saint),  cinquième  abbé  de  Cluny, 
mort  l'an  1049,  à  l'âge  de  87  ans,  s'est  rendu 
célèbre  dans  son  siècle  par  ses  talents,  par 
ses  vertus  et  par  l'inslitution  qu'il  a  faite  de 
la  commémoration  générale  des  trépassés, 
qui  a  été  adoptée  par  toute  l'Eglise.  On  a  de 
lui  des  sermons,  des  lettres  et  des  poésies, 
qui  se  trouvent  dans  la  Bibliothèque  de» 
Pères,  et  dans  celle  de  Cluny,  imprimée  par 
les  soins  de  Duchesne. 


4Ô73 


OKCO 


ŒCU 


1074 


♦  ODIN,  la  grande  diviiiilé  des  peuples  du  Nord. 
Il  est  iiiipmlant  deeoiiiiailre  la  mythologie  des 
peuples  Scandinaves  pour  comprendre  comment  tou- 
tes les  traditions  tendent  vers  le  même  but,  la  con- 
naissance des  vérités  primitivement  révcléos  et  crues 
par  le  genre  humain.  Nous  engageons  vivement  nos 
lecteurs  à  lire  dans  les  Démoiistraiio}is  évangéliques, 
publiées  par  M.  l'abbé  Migne,  tom.  X.11I,  col.  1160, 
le  chapitre  de  la  Scandinavie  dims  l'ouvrage  du  sa- 
vant Schmitt,  intitulé  :  la  liédemptioii  annoncée  par 
les  traditions.  Ils  y  trouveront  les  aperçus  les  plus 
intéressants  sur  le  culle  rendu  à  cette  grande  divi- 
nité, et  sur  les  doguics  divers  qui  constituaient  la 
mythologie  des  peuples  du  Nord. 

ODON  (saint),  secoiiil  abbé  de  Cluny,  mort 
l'an  D'iH,  a  laissé  un  a\né'^é  des  morales  de 
saint  Grégoire,  tmis  livres  sur  le  sacerdoce, 
des  sermons  et  des  hymnes  h  l'iionneur  de 
saint  Martin;  ces  ouvrasses  sont  dans  la  Ili- 
bliothàiue  de  Cluiuj.  Ces  deux  t'n  rivains  ne 
méritent  point  le  mé|)ris  ([iio  Moslioiiu  a  té- 
moigné pour  leiM's  ouvrages. 

OÈCONOMIE, teiine qui, formé  du  grec  oUo- 
voftttt,  sigiiilie  k  la  IcKre,  gouvernement  d'une 
maison  ou  d'une  fatniile.  Saint  l'aul  (Kiihes. 
I,  10;  III,  2,  etc.)  s'en  est  servi  pour  dési- 
guer  le  gouverncuient  que  Dieu  a  daigné 
exercer  sur  son  peuple  ou  sur  son  Eglise; 
conséqnemmeut  les  écrivains  ecclésiasti([ues 
et  les  llit'ologiens  distinguent  deux  écono- 
mies, l'ancienne  qui  est  la  loi  de  Moïse,  et 
la  nouvelle  qui  est  l'Evangile.  Une  des  dis- 
j)Ositions  de  celle-ci,  selon  l'Apôtre,  est  (fue 
les  gentils  sont  devenus  cohéi'itiersdes  pro- 
messes de  Dieu  en  Jésus-Christ,  et  membres 
d'une  même  famille  avec  les  Juifs;  mystère 
que  Dieu  n'avait  pas  fait  connaître ,  du 
moins  clairement,  dans  les  siècles  précédents 
{Eplics.  III,  5;  Coloss.  i,  2tj). 

Plusieuis  critiques,  protestants  ou  incré- 
dules, ont  fait  grand  bruit  de  ce  que  saint 
Jérôme,  en  dis|)utant  contre  ses  adversaires, 
a  fait  profession  de  parler  par  économie, 
c'est-à-dire  de  ne  pas  toujours  écrire  ce  qu'il 
pensait,  mais  ce  qui  lui  paraissait  le  plus 
propre  à  réfuter  les  raisonnements  qu'on  lui 
opposait,  ou  à  les  esquiver.  Il  s'est  autorisé 
de  l'exemple  non-seulement  des  Pères  plus 
anciens  (pie  lui,  mais  des  auteurs  sacrés,  de 
Jésus-Christ  môme  et  des  apôtres,  en  parti- 
culier de  saint  Paul.  Barbeyrac  dit  que  saint 
Jérôme  s'est  vanté  ouvertement  de  soutenir 
le  pour  et  le  contre,  selon  les  gens  avec  les- 
quels il  avait  atiaire,  et  d'employer  indiffé- 
remment les  raisons  lionnes  ou  mauvaises, 
selon  (|u'il  en  avait  iiesoin  pourse  tirer  d'af- 
faire dans  la  dispute.  Mais  il  prétend  que  les 
auteurs  sacrés  n'ont  rien  fait  de  semblable. 
«  Us  «nt  quelquefois  employé,  dit-il,  de  ces 
arguments  personnels  ((ue  l'on  n[i|iclle  odlio- 
minem,  et  ils  l'ont  pu  faire  sans  [iréjudice,  ni 
des  véritables  raisons  sur  lescpielles  ils  in- 
sistaient principalement,  ni  de  leur  propre 
sincérité...  Lorsque  l'on  a  prouvé  d'ail- 
leurs par  d  ■  bons  arguments  la  vérité  d'une 
oiiinion  importante,  il  est  très-permis,  et 
c'est  une  pruhMice  charitable,  si  l'on  voit  que 
ceux  avec  qui  l'on  a  affaire  sont  prévenus  de 
certaines  opinions  peu  solides,  mais  inno- 
centes dans  lo  fond,  de  s'en  servir  [lour  leur 


dessiller  les  yeux  et  pour  les  disposer  h  être 
frap[iés  des  autres  raisons  qu'on  leur  op- 
pose  Lorsque  Jésus-Christ  vint  au  monde, 

les  Juifs  croyaient  voir  des  prédictions  du 
Messie  dans  plusieurs  endroits  de  l'Ancien 
Testament ,  qui  nous  jiaraissent  avoir  un 
tout  autre  sens;  il  y  avait  parmi  eux  des  ex 
plicalions  allégoriques  gi'uéralement  reçues; 
la  version  des  Septante  donnait  à  plusieurs 
passages  im  sens  différent  de  celui  i[u'ils  ont 
dans  l'original.  Comni(>  il  n'y  avait  rien  dans 
tout  cela  ([ui  tendît  à  établir  des  erreurs,  les 
apôtres  ne  tirent  pas  dillitulté  de  s'en  servir 
])Our  ménager  la  faiblesse  de  leurs  auditeurs  ; 
mais  ce  n'était  ni  par  un  esprit  do  disjiute, 
ni  pour  vaincre  îi  (juchiue  prix  (juo  ce  fût, 
ni  pour  éviter  ou  tendre  des  pièges,  qu'il  y 
ont  eu  recours,  »  au  lieu  que,  selon  Barbey- 
rac, saint  Jérôme  esttomijé  dans  ces  défauts. 
On  comprend  aisément  que  les  incrédules 
n'ont  pas  manqué  de  se  ])révaloir  de  cette 
apologie;  ils  ont  soutenu  auo  Jésus-Christ  et 
les  apôtres  sont  coupables  de  toutes  les 
fautes  (|ue  Barbeyrac  reproche  à  saint  Jé- 
rôme et  aux  autres  Pères  ;  que  tous,  sans  ex- 
ception, ne  se  sont  fait  aucun  scrupule  de 
dire  des  injures  à  leurs  adversaires,  de  leur 
tendre  des  pièges,  d'employer  des  raisons 
bonnes  ou  mauvaises,  de  citer  les  prophéties 
dans  un  sens  faux ,  d'autoriser ,  par  leur 
exemple,  les  fausses  explications  de  l'Ecri- 
ture sainte,  on  un  mot  de  parler  contre  leur 
pensée,  et  de  mentir  pour  une  bonne  On;  et, 
pour  le  prouver,  ils  ont  cité  les  exemples  mô- 
mes indiiiués  par  Barbeyrac.  C'est  ainsi  que 
les  protestants ,  pour  satisfaire  leur  haino 
contre  les  Pères  de  l'Eglise,  n'ont  jamais  hé- 
sité de  compromettre  la  sincérité  et  la  bonne 
foi  des  auteurs  sacrés.  Dans  les  art.  Saint 
Jkivôme,  S\int  Pall,  Prophéties,  etc.,  nous 
avons  soin  de  réfuter  les  accusations  des  uns 
et  dos  autres. 

On  dit  qu'il  ne  serait  pas  permis  en  justice 
de  faire  ce  qu'ont  fait  les  écrivains  sacrés  et 
les  Pères  de  l'Eglise,  ni  de  imrler  comme 
eux.  Cela  est  faux;  il  est  très-permis  à  un 
accusé  confronté  à  un  témoin,  de  se  servir 
des  faits  vrais  ou  faux  allégués  par  ce  té- 
moin, pour  le  confondre  et  rendre  son  té- 
moignage nul  ;  il  n'est  pas  moins  permis  à 
un  avocat  d'employer  les  raisons  et  les  ar- 
guments faux  mis  en  avant  par  son  adver- 
saire, jiour  le  réfuti  r. 

Les  protestants  ont  d'autant  plus  mauvaise 
grâce  de  condamner  cette  méthode,  que  leurs 
fondateurs  et  lescqntrovcrsistes  n'ont  jamais 
manqué  de  s'en  servir  dans  toules  leurs  dis- 
jmtes  contre  les  théologiens  catholiques.  Ou 
les  a  convaincus  plus  d'une  fuis  d'une  infi- 
délité et  d'une  mauva'se  foi  dont  les  Pères 
de  l'Eglise  ne  se  sont  jamais  rendus  coupa- 
bles; et  les  incrédules  ont  tous  porté  ce  vice 
à  un  excès  dont  on  n'avait  point  encore  vu 
d'exemple.  Voy.  Pi;iii;s  de  l'I'xi.isi:. 

OECUMÉNIQUE  signilie  général  ou  uni- 
versel, du  grec  ot/ouusv«  la  terre  habitée  ou 
habitable,  par  conséquent  toute  la  terre. 
Ainsi  l'on  appelle  concile  œcuménique  celui 
auquel  tous  les  évoques  do  l'Egliso  catholi- 


i075 


C£C\i 


OEIL 


1076 


que  ont  assisté  ou  du  moins  ont  été  appe- 
lés. Voy.  Concile.  Quelquefois  les  Africains 
ont  donné  ce  nom  à  des  conciles  qui  étaient 
seulement  composés  des  évoques  de  toute 
l'Afrique.  Plusieurs  ])ntriarches  de  Constan- 
tinople  se  sont  attribué  le  titre  et  la  qualité 
de  patriarches  œcuméniques  ;  voici  à  quelie 
occasion.  Lorsque  Constantin  eut  transporté 
le  siège  impérial  à  Byzance,  qu'il  nomma 
Constantinoph,\\  décida  que  cette  ville  joui- 
rait de  tous  les  honneurs,  droits  et  privi- 
lèges qui  avaient  été  accordés  autrefois  à 
l'ancienne  capitale  de  l'empire.  Conséquem- 
ment  les  évêques  de  Constautinople  se  per- 
suadèrent (ju'ils  devaient  avoir  sur  lou,t 
l'Orient  la  même  juridiction  que  les  poniifts 
romains  exerçaient  sur  l'Occident.  L'an  381, 
le  [iremier  concile  tenu  dans  cette  ville,  qui 
est  le  second  concile  général,  décida  par  son 
troisième  canon  que  l'évéque  de  Constauti- 
nople aurait  les  prérogatives  d'honneur  après 
celui  de  Rome,  parce  que  c'était  la  nouvelle 
Rome;  ainsi  cet  évèque  se  trouva  placé  au- 
dessus  des  patriarches  d'Alexandrie  etd'An- 
tioche ,  qui  réclamèrent  vainement,  aussi 
bien  que  les  papes,  contre  ce  cliangement  de 
discipline. 

Au  concile  de  Chalcédoinc,  en  i51,  les 
prêtres  et  les  diacres  de  l'Eglise  d'Alexandrie 
présentèrent  au  pape  saint  Léon,  qui  prési- 
dait à  ce  concde  par  ses  légats  ,  une  re- 
quête conçue  en  ces  termes  :  Au  très-saint 
et  tr(}s-heiueux  patriarche  œcuménique  de  la 
grande  Home,  Léon.  De  là  les  évêques  de 
Coiistantinople  prirent  aussi  le  litre  de  pa- 
triarche œcuménique ,  sous  prétexte  qu'on 
l'avait  donné  à  saint  Léon,  quoique  ce  saint 
pape  ne  se  le  soit  jamais  atiribué.  L'an  518, 
l'évèque  de  Coustaniinople  Jean  lil,  et  Epi- 
phane,  l'an  53G,  portèrent  ce  même  titre; 
mais  Jean  VI,  surnommé  le  Jeûneur,  le  prit 
avec  encore  plus  d'éclat  dans  un  concile  de 
tout  l'Orient,  (ju'il  avait  convoqué  l'an  387, 
sans  la  participation  du  pape  Pelage  11.  Ce 
pontife  et  saint  Grégoire  le  Grand,  son  suc- 
cesseur, condamnèrent  en  vain  toutes  ces 
démarches;  les  successeurs  de  Jean  le 
Jeûneur  ont  toujours  conservé  ce  titre,  et 
l'on  en  vit  encore  un  le  prendra  au  concile 
de  Râle,  en  li31.  Non-seulemeut  cette  qua- 
lité doit  son  origine  à  l'orgueil  ot  à  l'ambition 
des  personnages  dont  nous  venons  de  parler, 
mais  elle  est  équivo(jue.  En  effet,  sous  le 
nom  depatriarcUe  œcuménique,  l'on  peut  en- 
tendre ou  celui  dont  la  juridiction  s'étend 
universellement  sur  toute  l'Eglise,  ou  celui 
qui  se  regarde  comme  seul  évêque  souve- 
rain, et  qui  n'envisage  les  autres  c[ue  comme 
ses  vicaires  ou  substituts,  ou  enfin  celui 
dont  l'autorité  s'étend  sur  une  grande  par- 
tie du  monde  en  prenant  le  mot  grec  owùu^utvn 
non  pour  le  monde  entier,  mais  pour  une 
vaste  étendue  de  pays,  comme  a  fait  saint 
Luc,  c.  n,  V.  1.  Le  premier  de  ces  trois  sens, 
qui  est  le  plus  naturel,  est  celui  qu'adoi)ta 
le  concile  de  Chalcédoine,  lorsqu'il  trouva 
bon  que  ce  titre  fût  donné  ;i  saint  Léon.  Les 
patriarches  de  Constautinople  le  prenaient 
sans  doute  dans  le  troisième  sens,  pour  s'at- 


tribuer la  juridiction  sur  tout  l'Orient,  de 
même  que  le  ]iremier  docteur  de  leur  Eglise 
se  nommait  docteur  œcuménique.  Mais  ils 
avaient  encore  tort,  si  jiar  là  ils  prétendaient 
exclure  les  papes  do  toute  juridiction  sur 
les  Eglises  orientales,  comme  ils  l'ont  fait 
dans  la  suite.  Le  second  sens  est  évidemment 
absurde;  c'est  néanmoins  celui  que  saint 
Gn'-goire  le  Grand  paraît  avoir  attribué  aux 
patriarches  de  Constantino]ile,  puisqu'il  dit 
que  le  litre  de  patriarche  œcuménique  est  un 
blasphème  contre  l'Evangile  et  contre  les 
conciles;  que  celui  qui  le  prend  se  prétend 
seul  évè([ue,  et  pi'ive  tous  les  autres  de  leur 
dignité,  qui  est  d'institution  divine. 

Aujourd'hui  tous  les  patri.trches  grecs 
prennent  le  titre  iï œcuménique,  de  même 
que  les  patriarches  jacobites,  nestoricns  et 
arméniens  se  nomment  le  catholique,  (jui 
signifie  de  même  universel;  mais  celte  uni- 
versalité ne  comprend  que  î'élendue  de  leur 
secte.  Du  Cange,  Glossar.  Latin.  Les  protes- 
tants, qui  ra; 'portent  avec  complaisance 
cette  [irétention  des  palriaiches  de  Constau- 
tinople, p;irce  cju'elle  a  mortifié  les  papes, 
sont  cependant  forcés  d'en  avouer  les  fu- 
nestes suites.  C'est  ce  qui  fit  naître  entre 
ces  patriarches  et  ceux  d'Alexandrie  la 
haine  et  la  jalousie  qui  éclatèrent  au  v° 
siècle ,  après  le  concile  de  Chalcédoine, 
par  le  schisme  de  Dioscore  et  des  euty 
chiejis.  C'est  ce  qui  jeta  les  premières  se- 
mences du  schisme  entre  l'Eglise  grecque 
et  l'Eglise  latine,  commencé  par  Photius  au 
ix"  siècle,  et  consoamié  par  Michel  CérulariLis 
dans  le  xr.  Dès  ce  moment  les  Grecs,  pri 
vés  du  secours  des  Latins,  n'ont  pu  se 
défendre  contre  les  Turcs  qui  les  oppri- 
ment. Mosheim,  Hist.  ecclés.  du  v"  siècle, 
11°  part.,  c.  II,  §  1  ;  ix=  siècle,  \i'  part.,c.  m, 
§  2G,  etc.  Mais  les  Grecs,  malgré  leur  ani- 
mosité  contre  l'Eglise  romaine,  ont  senti 
comme  elle  la  nécessité  d'un  chef;  ils  ont 
attribué  au  patriarclie  de  Constautinople 
une  autorité  plus  absolue  sur  les  Eglises 
oriestales,  que  celles  qu'exerçaient  autrefois 
les  i>apes  ;  ils  ont  ainsi  condamné  et  con- 
damnent encore  par  leur  conduite  l'anarchie 
introduite  par  les  protestants. 

OECUMENIUS,  auteur  grec,  qui  paraît 
avoir  vécu  dans  le  x°  siècle,  a  écrit  des 
commentaires  sur  les  Actes  des  apôtres,  sur 
les  Epîlres  de  saint  Paul,  et  sur  celle  de 
saint  Jacques.  Ils  ont  été  imprimés  à  Pari.s, 
en  grec  et  en  latin,  l'an  1G31,  en  deux  voL 
in-fol.  Cet  auteur  n'a  lait  qu'abréger  saint 
Jean  Chrysostome. 

OEIL.  Comme  les  passions  de  l'homme  se 
peignent  principalement  dans  ses  yeux,  le  mrtt 
œil  est  souventemployé  dans  l'Ecriture  pour 
signifier  les  affections  bonnes  ou  mauvaises. 
Il  a  le  même  usage  dans  notre  langue  ;  aussi 
disons-nous  que  l'œil  est  le  miroir  de  l'Ame. 

Ainsi,  l'œil  bon,  l'œil  simple,  fœil  attentif, 
dési.;nent  la  bienveillance,  le  dessein  d'ac- 
corder des  bienfaits  ;  souvent  il  est  dit  que 
Dieu  voit,  considère,  visite  ceux  auxquels  il 
veut  faire  du  bien.  Au  contraire,  l'œu  mau- 
rais,  ou  l'ail  méchant,  exprime  la  ^laine,  la 


1077 


ŒUV 


(jËUV 


1078 


colère,  la  jalousie  ou  l'avarice.  Eccl. y  c.iv, 
V.  14,  le  Sage  dit  que  l'œil  mauvais  ne  voit 
que  du  mal  ;  il  parle  d'un  avare  qui  se 
tourmente  par  la  prévoyance  do  maux  ima- 
ginaires. Matth.,  c.  XX,  V.  15,  le  père  de  ta- 
mdle  dit  à  ses  ouvriers  jaloux  et  miV-ontents  : 
Me  ref;a!(lez-vous  de  mauvais  œil,  parce  que 
je  suis  bon?  On  peut  lixcr  le  r('y,ard  sur 
quelqu'un  on  par  ntloction  ou  par  colère  ; 
nous  lisons  {Ps.  xxxui,  16)  que  les  yeux 
du  Seigneur  sont  arrêtés  sur  les  justes,  et 
que  ses  oreilles  sont  attentives  à  leui'S  priè- 
res; mais  que  ses  rej^ards  sont  tixés  sur  les 
pécîienrs  poin- eUacer  leur  mémoire.  11  dit 
dans  Ezéchiel,  c.  v,  v.  11,  etc.  :  Mon  œil 
ne  parilonnera  pas,  c'est-k-diro  ma  justice 
ne  vous  éparj^nera  point.  H  n'est  pas  néces- 
saire d'avertir  que  les  yeux  attril)ués  à  Dieu 
ne  sont  autre  chose  que  sa  jirovidence. 
Gènes.,  c.  xt.vi,  v.  k,  Dieu  dit  ii  Jacob  :  Jo- 
seph mettra  sa  main  sur  vos  yeux,  il  vous 
fermera  les  yeux  à  votre  mort  ;  c'était  chez  les 
anciens  le  dernier  devoir  de  tendresse  lilinle. 

Job,  c.  XXIX,  V.  15,  dit  :  J'ai  été  l'œil  de 
l'aveugle  et  le  pied  du  boiteux,  c'ost-h-dire 
j'ai  servi  de  guide  à  l'un  et  de  soutien  Ji 
l'autre.  Servir  à  l'œil  (Coloss.  ni,  22),  c'est 
ne  servir  un  maître  avec  soin  que  quand  il 
nous  regarde.  Vo;dez-vous  nous  arracher  les 
yeux?  i\um.,c.\\i,  v.l'i.,signilie,  nous  prenez- 
vous  pour  ties  aveugles  ?  Oh'il pour  œil  et  dent 
pour  (lent  désignent  la  peine  du  talion. 

(HîUVRES  (bonnes).  On  entend  sous  ce 
nom  tous  les  actes,  soit  intérieurs,  soit 
extérieurs,  des  vertus  ciirétieunes,  comme 
de  religion,  de  reconnaissance,  d'obéiss.im  e 
envers  Dieu, de  justice  etdechaiité  à  l'égard 
du  i)rochain,  de  pénitence,  de  mortilicatioii, 
de  patience,  etc.  Jésus-Cin-ist  lui-même  n  nom- 
mé ses  miracles  chs  bonnes  œuvres,  {larce  que 
c'étaient  desactes  deciiarilé  et  de  commiséra- 
tion envers  lesmallieureux.Iiyaeu  entre  les 
protestants  et  les  calhulii[ues  une  dispute 
très-vive  au  sujet  des  bonnes  œuvres;  il 
s'agissait  de  savoir  si  elles  sont  nécessaires 
au  salut,  et  en  quel  sens,  quelle  en  est 
l'utilité,  comment  on  doit  les  envis  iger, 
soit  lorsqu'elles  sont  faites  dans  l'étal  du 
péché,  soit  lorsipi'on  les  fait  après  la  justi- 
tic.ition,  et  en  état  de  grice.  Jamais  les 
ennemis  de  l'Eglise  catholique  n'ont  montré 
plus  de  prévention  et  dontètement  que 
dans  cette  contestation.  Déjà  au  iV  siècle, 
les  aétiens  et  les  eunomiens  avaient  enseigné 
que  les  bonnes  œuvres  ne  sont  pas  nécessai- 
res an  salut,  que  la  foi  seule  est  suiiisante  ; 
les  tlagellants  renouvelèrent  cette  erreur  au 
XIII'  siècle,  et  les  bcggards  ou  béguins  au 
XIV'  ;  sur  le  commencement  du  xy%  Jean 
Hus  prétendit  que  les  bonnes  œuvres  sont 
inditlérentes,  que  le  salut  et  la  damnation 
dépendent  uni(|uenient  de  la  prédestination 
de  Dieu  et  de  la  réiirobation. 

Luther,  vers  l'an  \'6i\>,  soutint  que  les 
œuvres  des  hommes,  quelque  saintes  i[u'el- 
les  paraissent,  sont  des  péchés  mortels  ;  il 
adoucit  ensuite  cette  proposition,  en  disant 
que  toutes  les  œuvres  des  justes  seraient 
des  péchés  mortels,  s'ils  ne  craignaient  pas 


qu'elles  n'en  fussent,"  parce  qu'alors  ils  ne 
pourraient  pas  éviter  la  présomption.  Sous 
prétexte  d'établir  la  bberté  chrétienne,  il 
atlrancliit  les  honnnes  des  préceptes  du  Dé 
calogue;  les  anabaptistes  et  les  anlinoniiens 
suivirent  cette  doctrine.  Comme  elle  était 
scandaleuse,  Mélanc  don  la  réforma  dans  la 
confession  d'Augsbourg,  en  1330;  il  y  dé- 
clara, c.  20,  que  les  pécheurs  réconciliés 
doivent  obéissance  à  la  loi  de  Dieu,  ipie 
celle  que  lui  rendent  les  saints  est  agréable 
à  Dieu,  non  parce  (ju'elli!  est  p.irfaite,  mais 
à  cause  de  Jésus-Christ,  et  parce  que  ce 
sont  des  hommes  réconciliés  avec  Dieu  ; 
que  cette  obéissance  est  une  vraie  justice 
et  mérite  récompense  :  mais  il  ne  dit  point 
quelle  récompense.  On  trouve  la  même 
chose  dans  la  confession  de  Strasbourg,  ou 
des  quatre  villes,  (pii  fuf  aussi  présentée  à 
la  diète  d'Augsbourg.  Probablement  Luther 
lui-même  changea  d'avis,  puis(tue  l'an  1535 
il  approuva  la  confession  de  l\)i  des  Bohé- 
miens, où  il  est  dit,  art.  7,  qu'il  faut  faire 
les  bonnes  œuvres  que  Dieu  commande,  non 
pour  obtenir  par  ce  mo.  en  lajustilicatiou,  le  sa- 
lut cm  la  rémission  des  péchés,  mais  pour  prou- 
ver sa  foi,  pour  se  procurer  avec  plus  d'abon 
dance  l'entréedans  le  royaume  éleiULd,  et  une 
plus  grande  récompense,  i)uis({ue  Dieu  l'a 
promise  :  cjue  les  bonnes  œuvres  fa, tes  dans 
la  foi  sont  agréables  à  Dieu,  et  auront  leur 
récompense  en  ce  monde  et  en  l'autre. 
Recueil  des  Confess.  de  foi  des  Erjliscs  réfor- 
mées, n'  part.,  p.  209.  Nous  ne  savons  [)as 
quelle  différence  mettaient  les  IJnhémiens 
entre  le  salut  et  l'entrée  dans  le  royaume 
éternel,  ni  pourquoi  ils  évitaient  le  terme  de 
mérite,  pendant  qu'ils  en  admettaient  le  sens. 
La  confession  saxonique  envoyée  au  concile 
do  Trenle  en  1551,  ni)iès  la  mort  de  Luther, 
s'exprime  comme  la  confession  d'Augsbourg; 
elle  réprouve  seulement  ceux  qui  diseut 
que  notre  obéissance  plaît  à  Dieu  par  sa 
propre  valeur,  a  un  mérite  de  coudignité, 
est  devant  Dieu  une  justice  qui  mérite  la 
vie  éternelle.  C'est  ici  une  fausse  iut(,'rpré- 
tation  du  mérite  de  condignilé,  et  un  sens 
erroné  auquel  les  théologiens  calholiiiues 
n'ont  jamais  pensé. 

Mais  ,  en  1357,  à  l'assemblée  de  Worms, 
les  luthériens  cliangèreut  encore  leur  foi; 
leurs  docteurs  comlaujnèrent  la  pro|)osition 
de  -Mélanchton ,  qui  disait  que  les  bonnes 
œuvres  sont  nécessaires  au  salut.  Dans  la 
confession  de  foi  que  tes  calvinistes  de 
France  présentèrent  à  Charles  IX,  en  1551, 
ils  dirent,  art.  20  :  «Nous  croyons  ijuc  par 
la  foi  seule  nous  participons  à  la  justice  de 
Jésus-Christ;  art.  21 ,  que  cette  foi  est  une 
grâce  et  un  don  gratuit  de  Dieu;  art.  22, 
quoique  Dieu  nous  régénère  et  nous  forme 
à  une  vie  sainte,  afin  de  nous  sauver  jjleine- 
ment ,  cependant  nous  professons  que  Dieu 
n'a  jjoint  égard  aux  bonnes  œuvres  que  nous 
faisims  par  le  secours  d'.'  son  esprit ,  pour 
nous  justifier  et  nous  faire  mériter  d'être  mis 
au  nombre  des  enfants  de  Dieu.  »  De  cette 
doctrine  il  s'ensuit ,  1°  qu'il  est  inutile  aux 
pécheurs  de  faire  de  bonnes  œuvres,  puisque 


1079 


0E\}\ 


œtv 


1080 


Dieu  n'y  a  point  égard;  2°  que  Dieu  nous 
excite  par  son  esprit  ;»  en  faire,  sans  vouloir 
nous  en  tenir  aucun  compte.  Si  cela  est,  en 
quel  sens  nous  les  fait-il  faire ,  afin  de  nous 
sauver  pleinement  ?  3"  Que  les  bonnes  œuvres 
faites  après  la  régénération  ne  sont  pas  plus 
méritoires  que  celles  que  l'on  fait  dans  l'état 
de  péché.  Ce  sont  là  autant  d'erreurs  palpa- 
bles. Celle  des  anglicans,  dressée  au  synode 
de  Londres  en  1562 ,  n'est  pas  plus  raison- 
nable; elle  porte,  art.  12  :  «  Quoique  les 
bonnes  œuvres,  qui  sont  les  fruits  de  la  foi  et 
qui  suivent  la  justification,  ne  puissent  expier 
nos  péchés  et  soutenir  la  rigueur  du  juge- 
ment de  Dieu,  elles  sont  cependant  agréables 
à  Dieu,  et  acceptées  en  Jésus-Christ;  et  elles 
naissent  nécessairement  d'une  foi  vive  et 
vraie;  art.  13,  quant  aux  bonnes  œuvres  qui 
se  font  avant  d'avoir  reçu  la  grâce  de  Jésus- 
Christ,  et  l'inspiration  du  Saint-Esprit,  elles 
ne  sont  point  agréables  à  Dieu,  puisqu'elles 
ne  viennent  point  de  la  foi  en  Jésus-Christ, 
et  elles  ne  méritent  point  la  grâce  2)ar  con- 
(jruité,  comme  le  disent  plusieurs  :  au  con- 
traire, connue  elles  ne  sont  point  faites  de  la 
manière  que  Dieu  le  veut  et  le  commande, 
nous  ne  doutons  point  que  ce  ne  soient  des 
péchés;  art.  14-,  on  ne  peut,  sans  arrogance 
et  sans  impiété  ,  admettre  des  œuvres  de 
surérogation;  par  là,  les  hommes  prétendent 
non-seulement  rendre  à  Dieu  ce  qu'ils  lui 
doivent,  mais  faire  plus  qu'ils  ne  doivent; 
au  lieu  que  Jésus-Christ  dit  :  Lorsque  vous 
aurez  fait  tout  ce  qui  vous  est  commandé, 
dites  :  Nous  somtnes  des  serviteurs  inutiles.  Il 
est  clair  que  les  anglicans  donnent  malicieu- 
sement un  sens  faux  et  absurde  à  ce  que 
l'on  appelle  œuvres  de  surérogation.  J^es  lu- 
thériens avaient  déjà  fait  de  même  dans  la 
confession  de  foi  que  le  duc  de  Wirtembcrg 
envoya  au  concile  de  Trente  en  1532.  • 

Enfin ,  au  synode  de  Dordrecht ,  tenu  en 
1G18  et  1(519,  il  fut  décidé  par  les  calvinistes, 
arl.  2'i-,  que  «  les  œuvres  louables  dont  la  foi 
est  la  racine,  sont  bonnes  devant  Dieu  et  lui 
sont  agréables,  parce  que  tout  est  sanctifié 
par  sa  grâce  ;  cependant  elles  n'entrent  point 
en  compte  pour  notre  justification.  C'est  par 
la  foi  en  Jésus-Christ  que  nous  sommes  jus- 
tifiés môme  avant  d'avoir  fait  de  bonnes  œu- 
vres, puisque  les  fruits  ne  peuvent  être  bons 
avant  que  l'arbre  ne  soit  bon  lui-même.  Nous 
faisons  donc  de  bonnes  œuvres,  non  pour  mé- 
riter quelque  chose  par  là;  car  que  méri- 
tons-nous? Au  contraire,  nous  devenons 
])lus  redevables  à  Dieu  pour  les  bonnes  œu- 
vres que  nous  faisons ,  puisque  c'est  lui  qui 

nous  fait  vouloir  et  accomplir Nous  ne 

nions  pas  néanmoins  que  Dieu  ne  les  ré- 
comjiense ,  mais  nous  disons  que  c'est  par 

grâce  qu'il  veut  bien  couronner  ses  dons 

En  effet  nous  ne  pouvons  faire  aucune  œwtTe 
qui  ne  soit  souillée  par  le  vice  de  la  chair,  et 
qui,  par  conséquent,  ne  soit  digne  de  châti- 
ment ;  et  quand  nous  en  pourrions  faire  une, 
le  souvenir  d'un  seul  péché  sufiirait  pour  la 
faire  rejeter  de  Dieu.  «  Sans  compter  les  au- 
tres erreurs  de  cette  doctrine,  elle  renferme 
évideuuuent  trois  blasphèmes  :  le  premier, 


que  Dieu  commande  à  ceux  qui  ne  sont  pas 
encore  justifiés  des  œuvres  qui  sont  des  pé- 
chés; le  second,  qu'il  récompense  des  œuvres 
<pii  sont  cependant  dignes  de  châtiment  ;  le 
troisième ,  que  Dieu  se  souvient  encore  de 
nos  péchés  après  nous  les  avoir  pardonnes  : 
l'Ecriture  sainte  dit  formellement  le  contraire. 

Après  avoir  comparé  toutes  ces  profes- 
sions de  foi,  il  n'est  pas  aisé  de  savoir  quelle 
est  la  doctrine  des  protestants  touchant  les 
bonnes  œuvres;  eux-mêmes  ne  l'ont  jamais 
su;  leur  unique  dessein  était  de  contredire 
la  foi  catholique ,  sans  se  mettre  en  peine 
des  conséquences.  Les  équivoques  sous  les- 
quelles ils  ont  enveloppé  leurs  erreurs  ,  les 
changements  qu'ils  y  ont  faits,  les  contradic- 
tions dans  lesquelles  ils  sont  tombés ,  sont 
capables  de  dérouter  le  plus  habile  théolo- 
gien. Pour  excuser  Luther ,  son  maître , 
Mosheim  dit  que  les  docteurs  catholiques 
confondaient  la  loi  avec  l'Evangile,  et  repré- 
sentaient le  bonheur  éternel  comme  la  ré- 
compense de  l'obéissance  légale.  Hist.  ccclés., 
XVI'  siècle,  sect.  3,  n"  part.,  c.  1,  §  29.  Si  par 
la  loi  Mosheim  entend,  comme  saint  Paul,  la 
loi  cérémonielle ,  il  est  très-faux  qu'aucun 
docteur  catholique  ait  jamais  confondu  cette 
loi  avec  l'Evangile ,  ou  ait  enseigné  que  le 
bonheur  éternel  est  la  récompense  de  l'o- 
béissance à  cette  loi.  S'il  entend  la  loi  mo- 
rale contenue  dans  le  Décalogue,  nous  sou- 
tenons que  Jésus-Christ  l'a  renouvelée  dans 
l'Evangile,  qu'elle  en  fait  une  partie  essen- 
tielle ,  et  que  le  bonheur  éternel  est  la  ré- 
compense de  l'obéissance  à  cette  loi,  et  nous 
le  prouvons  par  l'Evangile  même  [Mattfi.  v, 
16  et  17;  x,  42;  xvi,  27;  xxv,  34.,  etc.).  Le 
dessein  malicieux  de  Mosheim  était  de  faire 
confondre  l'obéissance  légale  avec  les  obser- 
vances légales.  C'est  ainsi  que  les  sectaires 
en  imposent  aux  ignorants.  Heureusement 
le  concile  de  Trente  s'est  expliqué  sur  ce 
point  de  la  manière  la  plus  nette  et  la  plus 
précise;  il  a  répandu  la  lumière  sur  ce  que 
les  hérétiques  avaient  affecté  d'embrouiller, 
et  il  n'a  pas  établi  une  seule  proposition 
qu'il  n'ait  fondée  sur  des  passages  formels 
de  l'Ecriture  sainte ,  sess.  6,  de  Juslif. 

11  a  décidé  ,  1°  que  les  pécheurs  se  dispo- 
sent à  la  justification ,  lorsque,  excités  et 
aidés  ])ar  la  grâce  divine,  ils  croient  à  la  pa- 
role do  Dieu  et  à  ses  promesses,  ils  crai- 
gnent ses  jugements,  espèrent  en  sa  miséri- 
corde par  les  mérites  de  Jésus-Christ,  com- 
mencent à  l'aimer  comme  source  de  toute 
justice,  détestent  leurs  péchés,  se  proposent 
de  mener  une  vie  nouvelle  et  de  garder  les 
commandements  de  Dieu ,  c.  6.  Il  ne  dit 
])oint  que  ces  actes  de  foi,  d'espérance,  de 
crainte,  de  contrition,  ces  bons  désirs  et  ces 
bonnes  résolutions  méritent  la  justification; 
il  dit  positivement  le  contraire,  c.  8.  Con- 
séquemment  il  prononce  anathème  ,  can.  7, 
contre  ceux  qui  enseignent  que  toutes  les 
bonnes  œuvres  faites  avant  la  justification 
sont  des  péchés  et  méritent  la  haine  de  Dieu. 
Des  sentiments  et  des  actions  que  Dieu  lui- 
même  inspire  par  sa  grâce,  peuvent-ils  être 
des  péchés  ?  L'Ecriture  sainte  en  parle  tout 


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ŒUV 


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1002 


aulrcHient.  Dieu,  apris  avoir  reproché  nui 
Juifs  leurs  crimes,  leur  dit  par  lu  houclic 
d'Isaïe,  c.  i,  v.  16  :  «  Cessez  de  l'aire  le  uial, 
apprenez  à  faire  le  bien,  exercez  la  justice, 
soulagez  les  opprimés,  défendez  la  veuve  et 
le  pupille,  venez  ensuite  et  recourez  à  moi. 
Quand  vos  {léchés  seraient  rouges  connue 
l'écarlate ,  ils  deviendront  blancs  comme  la 
neige.  »  Dieu  sans  doute  ne  leur  conunan- 
dait  pus  des  péchés.  Dieu  eut  égard  aux  hu- 
miliations, au  jeûne,  aux  mortitications  d'A- 
chab  (IJl  Reij.  XXI,  27);  aux  iirières  et  au  re- 
pentir de  Manassès  (//  Pitntl.  m  ,  12);  à  la 
péiutence  des  Ninivites  {Jon.  m  ,  10);  et  Jé- 
sus-Christ a  cité  cette  pénitence  {Lur.  xi, 
32).  Daniel  dit  ?i  Nabuchodonosor  :  «Rache- 
tez vos  péchés  par  des  aumônes  ,  peut-être 
Dieu  aura  pitié  de  vous  {Dan.  v,  23).  »  Il  est 
donc  faux  que  Dieu  ne  tienne  aucun  coni])te 
aux  p(''cheurs  de  leurs  bonnes  œuvres,  et  i(ue 
ce  soient  de  nouveaux  péchés.  11  fout  avoir 
perdu  lesens,pour  souteniiM[u'un  honuiiecpii 
n'est  jias  encore  justiUé,  iiéchc  en  détcslant 
ses  péchés  et  eu  dciuaudanl  pardon  à  Dieu. 

2°  Le  concile  de  'rrontc  enseigne,  ib.,  c.  8, 
que  les  dispositions  dont  nous  venons  de 
parler  sont  nécessaires  pour  la  justilîcation, 
mais  qu'aucun  ne  peut  la  mériter.  Ainsi  il 
est  toujours  vrai  de  dire  que  nous  sommes 
justifiés  gratuitement,  comme  saint  Paul  ledé- 
clare{7{om.  m,  24).  Cet  apôtre  ajoute  que  nous 
sommes  justifiés  par  la  foi,  parce  que  la  foi  est 
la  racine  et  le  fondement  de  toute  justification. 
Mais  ce  môme  concile  condannie  ceux  qui  pré- 
tendent que  nous  sommes  justiliés  par  la  foi 
seule,  can.  9,  parce  que  saint  Paul  ne  le  dit 
point.  Au  contraire,  nous  lisons  dans  l'Epître 
de  saint  Jacques,  c.  u,  v.  24  :  «Vous  voyez  que 
riioinme  est  justilié  par  les  œuvres  ,  et  non 
par  la  foi  seulement.  »  A  l'article  Foi,  §  5, 
nous  avons  fait  voir  ce  cjuc  saint  Paul  en- 
tend par  la  foi  justiliante,  comment  son  texte 
se  concilie  avec  celui  de  saint  Jacques ,  et 
nous  avons  montré  l'abus  que  les  ]irotestants 
ont  fait  des  paroles  de  saint  Paul.  Cejiendant 
les  théologiens  disent  que  les  bons  senti- 
ments et  les  bonnes  œuvres,  (jui  précèdent  la 
justitication  ,  ont  un  mérite  de  congruifé  (m 
de  convenance;  contiedisent-ils  en  cela  la 
décision  du  concile  de  Trente?  Nullement; 
ils  entendent  seulement,  comme  ce  concile, 
que  ce  sont  des  dispositions  nécessaires  à 
la  justification  ,  que  Dieu  y  a  égard  par  mi- 
séricorde, qu'elles  sont  utiles  jiour  tléchir  sa 
justice,  qu'il  pardonne  plus  aisément  à  un 
pécheur  qui  fait  de  bonnes  œuvres  qu'i\  celui 
qui  n'en  l'ait  point ,  jinisque  lui-même  les 
commande  et  les  ins[iire  jjar  sa  gr.îce.  Ce 
n'est  donc  ici  ([u'un  mérite  iinpro|)rement 
dit,  et  les  protestants  ont  tort  de  chicaner  sur 
.  ce  terme.  Voy.  Mkhite. 

3"  Ce  môme  concile  déclare,  c.  8  et  IC, 
que  les  bonnes  œurres  faites  dans  l'état  de 
gr;lce  ou  parmi  homme  déjà  justilié,  con- 
servent et  augmentent  en  lui  la  justice  ou  la 
grAce  sanctitiante,  et  méritent  la  vie  éter- 
nelle; et  il  le  jn-ouve  par  plusieurs  passages 
de  l'Écriture  sainte.  De  là  il  conclut  qu'il 
faut  proposer  aux  justes  ce  bonheur,  comme 


une  gnko  qui  nous  est  miséricordieuseraent 
]iromise  par  les  mérites  de  Jésus-Christ,  et 
en  môme  temps  comme  une  récompense,  un 
salaire  ,  une  couronne  de  justice  ,  ainsi  que 
s'exprime  saint  Paul.  Conséquemment ,  ain. 
25  et  30 ,  il  condamne  ceux  qui  enseignent 
que  le  juste,  dans  toutes  ses  œuvres  ,  pècho 
au  moins  véniellement ,  et  que  c'est  un  pé- 
ché de  fairc!  de  bonnes  œuvres  en  vue  de  la 
récompense  éternelle.  Le  concile  n'emploie 
point  le  tenue  de  m('ritede  condifjnité;  mais, 
au  mot  iMkiute,  nous  avons  fait  voir  que 
cette  expression  des  théologiens  n'a  rien  de 
ré|ii'éhensible.  Lorsque  le  synode  de  Dor- 
drecht  a  soutenu  que  nous  ne  pouvons  faire 
aucune  bonne  œuvre  qui  ne  soit  souillée  par 
le  vic(,'  de  la  chair,  et  qui  ne  soit  digne  de 
châtiment ,  il  contredit  saint  Paul  (\u\  dé- 
clare (ju'il  ne  reste  [)lus  aucun  sujet  de  con- 
ilaiiiiiation  dans  ceux  qui  sont  en  Jésus- 
Christ  ,  et  qui  ne  vivent  plus  selon  la  chair 
{Rom.  VIII,  11.  Qiiainl  ce  synode  a  ajouté  que 
le  souvenir  d'un  seul  péché  suftirait  pour 
faire  rejeter  de  Dieu  nos  bonnes  œuvres,  il  a 
feruK!  les  yeux  à  la  jiromesse  que  Dieu  a 
faite  jiar  Kzéchiel,  c.  xviii,  v.  21  :  «  Si  l'im- 
[lie  fifit  pénitence  de  tous  ses  péchés,  et  garde 
mes  commandements  ,  je  ne  me  souviendrai 
d'aucune  de  ses  ini(juilés ,  etc.  »  De  quel 
front  les  protestants ,  qui  ne  cessent  d'en 
appeler  à  l'Lcriture  sainte  ,  osent-ils  la  con- 
tredire aussi  formellement? 

4°  Entin,  le  concile  de  Trente  a  répondu  à 
toutes  leurs  plaintes  et  h  tous  leurs  repro- 
ches. 11  n'est  pas  vrai  (jue  la  doctrine  catho- 
lique déroge  à  la  gloire  de  Dieu  ni  aux  mé- 
rites de  Jésus-Christ ,  puisque  tout  ce  qu'il 
y  a  de  bien  en  nous,  soit  avant ,  soit  après 
la  justitication,  vient  de  la  grâce  de  Dieu,  et 
que  toute  grâce  nous  est  accordée  par  les 
mérites  du  Sauveur;  d'où  il  résulte  (jue  tout 
mérite  de  l'homme  est  un  don  de  Dieu, 
qu'en  récoui|)ensant  nos  mérites  Dieu  ne  fait 
que  couronner  ses  projires  dons.  11  n'est  pas 
vrai  non  plus  que  nous  mettions  notre  pro- 
pre justice  à  la  place  de  celle  de  Dieu,  puis- 
que c'est  Dieu  lui-môme  qui  nous  donne  la 
justice  et  qui  allume  la  charité  dans  nos 
cœurs  par  son  Saint-Esprit.  11  ne  l'est  pas 
enfin  que  l'homme  puisse  se  glorifier  en  lui- 
môme  ,  s'enorgueillir  de  ses  bonnes  œuvres 
ou  [irésumer  de  ses  propres  mérites,  puisque 
non-seulement  il  n'a  rien  qu'il  n'ait  reçu, 
mais  qu'il  peut  déchoir  à  tout  moment  do 
l'état  de  grâce  par  sa  propre  faiblesse. 

Si  c'est  le  mot  de  mérite  (}ui  choque  les 
protestants,  ils  ont  encore  tort;  nous  avons 
fait  voir  qu'il  est  tiré  de  l'Ecriture  sainte. 
Voy.  MÉiuTE.  Quant  aux  œuvres  nue  nous 
nommons  de  surérogntion ,  il  est  laux  que 
nous  prétendions  par  là  rendre  à  Dieu  |ilus 
que  nous  ne  lui  devons ,  puisque  nous  lui 
devons  tout;  nous  entendons  seulement,  par 
ce  terme  ,  des  œuvres  qui  ne  sont  pas  com- 
mandées en  rigueur.  Lorsque  Jésus-Christ 
dit  à  un  jeune  homme  :  Si  vous  voulez  être 
parfait  ,  allez  vendre  tout  ce  que  vous  pos- 
sédez ,  donnez-le  aux  pauvres  et  venez  me 
suivre  [Malth.  xix,21),  lui  faisait-il  un  com-r 


1083 


CEUV 


ŒUV 


10S4 


mandement  rigoureux,  sous  peine  de  dam- 
nation? M  lui  proposait  une  œuvre  de  per- 
fection, rpii  lui  aurait  valu  une  plus  grande 
récompense.  II  en  est  de  même  de  ceux  qui 
eut  renoncé  nu  mariage  pour  le  royaume  des 
cieux  fj/atï/i. XXIX,  12). Nous  savons  irès-bien 
que  plus  nous  avons  fait  de  bonnes  œuvres, 
plus  nous  sommes  redevables  à  Dieu ,  qui 
nous  les  a  fait  vouloir  et  accomplir  :  mais  il 
ne  s'ensuit  {las  do  là  que  touti'S  ces  œuvres 
nous  sont  commandées,  et  que  nous  péchons 
si  nous  ne  les  faisons  pas.  11  serait  singulier 
que  nous  fussions  coupables  en  les  omet- 
tant ,  et  que  nous  le  fussions  encore  en  les 
faisant ,  comme  le  veut  le  synode  de  Dor- 
drecht.  11  suffit  de  comparer  la  doctrine  des 
protestants  avec  celle  de  l'Eglise  catholique, 
poui'  voir  laquelle  des  deux  est  la  plus  pro- 
pre à  exciter  en  nous  l'amour  de  Dieu ,  la 
reconnaissance  ,  la  confiance  et  le  zèle  des 
bonnes  œuvres.  L'expérience  peut  encore  en 
décider;  il  se  fait  certainement  plus  de  bon- 
nes œuvres  de  toute  espèce  parmi  les  catholi- 
ques que  chez  les  protestants. 

Depuis  le  concile  de  Trente,  quelques 
théologiens  ont  soutenu  que  toutes  les  bon- 
nes œuvres  faites  par  des  infidèles  ou  par  des 
hommes  qui  n'ont  pas  la  foi  en  Jésus-Christ, 
sont  des  péchés  ;  ils  ont  même  poussé  l'enlé- 
tement  jusqu'à  enseigner,  comme  les  protes- 
tants, que  toutes  celles  (jui  sont  faites  en  état 
de  péché  mortel  sont  de  nouveaux  péchés; 
ces  deux  erreurs  .sont  évidemment  contraires 
aux  passages  de  l'Ecriture  que  nous  avons 
cités ,  et  aux  d'''cisions  de  ce  concile.  Voy. 
Infidèles,  Péché,  etc.  Jlais  n'y  a-t-il  ]>as 
contradiction  entre  les  deux  leçons  que  Jé- 
sus-Christ nous  donne  touchant  les  bonnes 
œuvres?  Malth.,  c.  v,  v.  16,  il  dit  :  Que  votre 
lumière  luise  aux  yeux  des  hommes,  ajin  qu'ils 
voient  vos  bonnes  œuvres  et  glorifient  votre 
Père  céleste.  Et  c.  vi ,  v.  1,  il  dit  :  Gardez- 
vous  de  faire  vos  bonnes  œuvres  devant  les 
hommes,  afin  d'en  être  vus  ;  autrement  vous 
n'aurez  pas  de  récompense  à  espérer  de  votre 
Père  céleste.  Si  l'on  veut  y  faire  attention, 
Jésus-Christ  no  condamne  que  le  second  de 
ces  motifs;  autre  chose  est  de  faire  de  bon- 
nes œuvres  devant  les  hommes,  afin  qu'ils  en 
soient  édifiés  et  glorifient  Dieu;  autre  chose 
de  les  faire  devant  eux  ,  afin  d'en  être  vu  , 
ostimé  et  honoré;  le  premier  de  ces  motifs 
est  louable ,  le  second  est  vicieux  :  c'est  un 
trait  d'orgueil  et  d'ostentation,  souvent  d'hy- 
pocrisie. De  nos  jours,  la  philosophie  publie 
et  vante  ses  bonnes  œuvres,  les  fait  annoncer 
dans  les  nouvelles  publiques;  la  charité  chré- 
tienne cache  souvent  Us  siennes ,  ne  veut 
avoir  que  Dieu  i)our  témoin.  Sur  cette  seule 
ditférence  on  peut  juger  laquelle  des  deux 
en  fait. le  plus  et  en  fera  le  plus  longleiniis. 

*  ŒvnE  DES  SIX  Juins.  Nous  croyons  devoir  ivip- 
porler  ici  l'œuvre  des  six  jouis  de  la  créaliou  telle 
que  Moïse  nous  l';i  transniise. 

1.  Au  romincucement  de  tous  les  temps,  Dieu  qui 
de  toute  éternité  iwait  résolu  de  (aire  de  rien  les  choses 
qu'il  a  faites,  créa  le  ciel  et  la  terre.  —  "2.  La  terre, 
eu  s  r tant  du  néant,  était  informe  et  toute  nue,  sans 
arbres,  sans  fruits  et  saus  aucuns  oraeuieuls  ;  les 


ténèbres  couvraient  la  face  de  l'abîme  d'tdn,  où  la 
terre  était  comme  absorbée,  et  l'esprit  de  Dieu  était 
porté  sur  les  eaux,  les  disposant  a  produin;  les  croa- 
liiies  qu'il  en  voulait  former.  —  3.  Or  Dieu,  vou- 
lant tirer  celte  matière  inforine  des  ténèbres  où  elle 
était  ensevelie,  dit  :  Que  la  lumière  soit  fctite.  El.  à 
l'instant  la  lumière  fut  faite.  —  !k.  Dieu  vit  ensuite 
que  la  lumière  était  bonne  et  conforme  à  ses  desseins  ; 
ainsi  il  l'approuva;  et  il  sépara  la  lumière  d'avec  les 
ténèbres,  ordonnant  qu'elles  se  suctédassent  l'une  à 
l'autre.  —  5. 11  donna  à  la  lumière  le  nom  de  jottr, 
et  aux  ténèbres  le  nom  de  nuit,  et  du  soir  et  du 
matin  se  lit  le  premier  jour.  —  ti.  Dieu  dit  aussi  : 
Que  le  firmament  sa  (  fuit  au  milieu  des  eaux,  et  iju'il 
sépare  les  eaux  de  la  terre  d'avec  tes  cau.c  du  ciel.  — 
7.  Kt  Dieu  fit  le  lirmamenl,  et  il  sépara  les  eaux  qui 
étaient  sous  le  (irmament  de  celles  qui  étaient  au- 
dessH.»  ilu  firmament.  Et  cela  se  lit  ainsi.  —  8.  Et 
Dieu  donna  au  lirmanient  le  nom  de  ciel,  et  du  soir 
et  du  matin  se  fit  le  secouil  jour.  —  9.  Dieu  ilit 
encore  :  Qw-  les  eaux  qui  soûl  restées  sous  le  ciel,  et 
qui  couvrent  la  (ace  de  la  terre  se  rassemblent  eu  un 
seul  lieu,  et  queiéléiuent  aride  paraisse.  Et  cela  se  lit 
ainsi.  —  10.  Dieu  donna  a  réléinent  aride  le  nom  de 
terre,  et  il  appela  mers  toutes  ces  eaux  rassemblées. 
Et  il  vit  que  cela  était  bon  et  conforme  à  ses  des- 
seins. —  il.  Dieu  dit  encore  :  Que  la  terre  yroduite 
rie  l'fierhe  verte  qui  porte  de  la  graine,  et  des  arbres 
fruitiers  qui  portent  du  fruil,  chacun  selon  son  espè.  e, 
et  qhi  renferment  leur  seme.ice  en  eux-mêmes,  chacun 
selon  son  espèce.  Et  Dieu  vit  que  cela  était  bon  et 
conforme  à  ses  desseins.  —  15.  El  du  soir  et  du  malin 
se  fit  le  troisième  jour.  —  U.  Dieu  dit  aussi  :  Que 
des  corps  de  lumière  soient  faits  dans  le  firmament  du 
ciel,  afin  que,  par  l'inégalité  de  leur  éclat,  ils  séparent 
le  jour  et  la  nuil  ;  et  que,  par  leurs  monvemml  réijiés, 
ils  servent  de  siyries  pour  marquer  les  temps  cl  les  sai- 
sons, les  jours  et  les  années.  —  IS.  Qu'ils  luisent  dans 
le  firmament  du  ciel,  et  qu'ils  éclairent  la  terre.  Et  cela 
l'ut  fait  ainsi.  —  10.  Dieu  lit  donc  deux  grands  corpis 
lumineux,  l'un  plus  grand,  pour  présider  au  jour,  cl 
l'aiitie  moindre,  pour  présider  à  la  nuit.  Il  lit  aussi 
les  étoiles.  —  17.  Et  il  les  mit  dans  le  lirmamenl  du 
ciel,  où  il  les  créa,  pour  luire  sur  la  terre.  —  18. 
Or,  Dieu  fit  ces  corps  de  lumière  pour  présider  au 
jour  et  à  la  nuit,  et  pour  séparer  la  lumière  d'avec 
les  ténèbres  ;  et  Dieu  vit  que  cela  était  bon  et  con- 
forme à  ses  desseins.  —  19.  Et  du  soir  et  du  matin 
se  lit  le  quatrii  me  jour.  — 2(i  Dieu  dit  encore  :  Que 
les  eaux  produisent  des  animaux  vivants,  qui  nagent 
dans  l'eau,  et  des  oiseaux  qui  volent  sur  ta  terre,  ioux 
le  firmament  du  ciel.  —  21.  Dieu  créa  donc  les  grands 
poissons  et  tous  les  animaux  qui  ont  vie  et  mouve- 
ment dans  les  eaux,  (|ue  les  eaux  produisirent  par 
son  ordre,  chacun  selon  son  e»p  xe  ;  et  il  créa  aussi 
ions  les  oiseaux  que  les  eaux  produisirent  de  même, 
chacun  selon  son  espèce.  Et  il  vit  que  cela  était  bon 
et  conforme  à  ses  desseins.  —  '2:2.  El  il  les  bénit,  eu 
di.sant  :  Croissez  et  multipliez-vous,  et  remplissez  le,i 
cuHX  de  la  mer,  et  que  Us  oiseaux  se  multiplient  ainsi 
sur  la  terre. — 23.  Et  du  sur  et  du  malin  se  lit  le 
cini|uièiiie  jour.  —  2-i.  Dieu  dit  aussi  :  Que  ta  terre 
produise  des  animaux  vivants,  chacun  selon  son  espèce, 
les  aiiiniaux  domestiques,  les  reptiles  et  les  brtes  sau- 
vaçies  de  la  terre,  selon  leurs  différentes  espèces.  Et 
cela  se  lit  ainsi.  —  25.  Dieu  lit  donc  les  bêles  sau- 
vages de  la  terre  selon  leurs  espèces,  les  animaux 
domestiques  et  tous  les  reptiles  chacun  selon  son 
espèce.  Et  Dieu  vil  que  cela  était  bon  et  conforme  a 
ses  desseins.  —  20.  Il  dit  ensuite  :  l''i:isuns  l'homme 
à  notre  imaqe  el  à  r ,  tre  ressemblance  ;  donnons-lui  un 
espnt  iniclltgent,  immortel,  capable  de  conuaiire  et 
d'aimer;  et  qu'il  commande  aux  poissons  de  la  mer, 
aux  o'iseaux  du  ciel,  aux  bêles,  à  tvute  la  terre  et  à 
tous  Us  rept'iles  qui  se  remuent  sur  la  terre. — 27.  Dieu 
créa  donc  riiomme  à  son  image  ;  il  le  créa  a  l'image 
de  Dieu,  Tayaut  rendu  capable  de  bealilude,  de  cou- 


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naissance  et  d'amour;  et  il  les  créa  mâle  et  femelle 
(comme  on  le  dira  dans  la  suite).— 28.  Et  Dieu,  après 
les  avoir  créés,  les  bénit,  el  il  leur  dit  :  Croissez  et 
miiliiplh'^-vous.;  remplissez  la  lerre,  el  vous  l'assujet- 
liise:,  el  dumiiicz  sur  les  poissons  de  la  vter,  sur  tes 
oiseaux  du  ci4  el  sur  tous  les  (inimaux  qui  se  meuvent 
sur  la  lerre.  — 29.  Dieu  leur  dit  cruoie  :  Je  vous  ai 
donné  toutes  /es  lierb  s  qui  pnrtetit  leur  (iraiiie  stir  la 
terre,  et  tous  les  arbres  (jui  renl'enueni  en  eux-mêmes 
les  semenees,  chacun  selon  son  espèce,  afin  qu'ils  vnus 
servent  de  nourriture.— '50.  El  à  tous  les  animaux  de  la 
lerre,  à  tous  les  oiseaux  du   liel  et  à  tout  ce  qui  se 
meut  sur  la  teire  et  <iui  est  vivant  et  animé,  aliu 
qu'ils  aient  de  ((uoi  se  uounir.  El  cela  se  lit  ainsi. 
—  31.  Dieu  vil  toutes  les  choses  ([u'il  avait  faites,  et 
il  les  apiuouva,  parce  qu'elles  étaient   très-bonnes, 
étant  conliuMies  aux  desseins  de  sa  sagesse  et  de  sa 
bonli'.  Et  du  soir  el  du  matin  se  lit  le  sixième  jour. 
<  Ce  récit  de  la  création,  ditBossuet,  nous  découvre 
ce  grand  secret  de  la  philosophie   (|u'en    Dieu   seul 
résident  la  fécondité  et  la   puissance    absolue.  Heu- 
reux, sage,  tout-puissant,  seul  sullisanl  il  lui-même, 
il  agit  sans  nécessité,  coninie  il  agit  sans   besoin. 
Jamais  contraint  ni  embarrassé  par  sa  niati  le,  dont 
il  fait  se  ipi'il  vent,  parce  ipi  il  lui  a  donné  par  sa  seule 
volonté  le  fond  de  son  cire.  Par  ce  droit  souverain, 
il  la  tourne,  il  la  façonne,  il   la   meut   sans   peine  ; 
tout  dépend  iinmédiatement  de    Dieu  ;  cl   si,  selon 
l'orilrc  établi  dans  la  natare,  une  chose  dépend  de 
l'autre,  par  exemple,  la  naissance  et  raccroisscment 
des  plantes,  de  la  chaleur  du  soleil,  c'esl  à  cause  que 
ce  même  Dieu,  qni  a  fait  toutes  les  parties  de  l'uni- 
vers, a  voulu  les  lier  les  unes  aux   antres,    et   faire 
éclater  sa   sagesse    par   ce  merveilleux  euchaine- 
ment  (a),  t 

OFFENSE.  Les  philosophes  incrédules,  qui 
ont  écrit  qu'un  èlre  aussi  vil  que  l'homme  ne 
peut  otleiiser  Dieu,  ont  joué  sur  une  équivo- 
que. L'homme,  sans  doute,  ne  peut  Iroublerla 
souveraine  félicité  de  Dieu,  ni  lui  causer  au- 
cune éiuution  capable  d'altérer  son  immuta- 
bilité; mais  il  peut  l'aire  ce  que  Dieu  défend, 
braver  ses  menaces,  mériter  punition  ;  c'est 
ce  que  l'Ecriture  sainte  appelle  oU'inserDieu, 
déplaire  h  Dieu,  iirovoipier  sa  colère,  être 
son  ennemi,  etc.  Nous  ne  pouvons  exjirimer 
la  conduite  do  Dieu  h  l'égard  des  créatures, 
que  par  les  mômes  teruios  qui  peignent  la 
conduite   des   hoiumes.   Voy.   A\turopopa- 
TuiE.  Lorsque   Dieu   a  donné  l'être  à  des 
créatures   intelligentes  el  raisonnables,   ce 
n'est  pas  qu'il  eu  eiU  besoin  ou  qu'il  en  pût 
tirer  quel'juo  avantage,  mais  parce  qu'il  vou- 
lait leur  faire  du  bien,  et  il  n'en  est  aucune 
à  laquelle  il  n'en  ait  fait.  11  a  voulu  attacher 
leur  bonheur  ;i  la  vertu  et  non  au  crime  ,  ;\ 
l'obéissance  et  non  à  la  révolte  ;  peut-on  se 
plaindre  de  cette  sage  conduite  '?  Les  incré- 
dules voudraient  qu'il   nous  eiU  accordé  le 
bonheur  absolument,  sans  aucune  condition, 
sans  lieu  e.\igerde  nous;  Dieu  n'a  pas  trouvé 
bon  de  les  satisfaire,  il  nous  a  im|)Osé  des 
lois.  S'il  nous  avait  prescrit  ce  que  nous  de- 
vons faire,  sans  nous  proposer  des  |)eines  et 
des  récompenses,  il  nous  aurait  donné  des 
leçons  et  des  conseils,  mais  ce  ne  seraient 
pas  des  lois.  S'il  nous  avait  ùté  le  pouvoir 
d'y  résister,  il  aurait  anéanti  la  vertu  el  son 
mérite,  puisque  la  vertu  consiste  à  soumettre 

(a)  Ce  récit  a  doniié  licii  à  des  objections  quo  nous  avons 
résolues  aux  mots  Ck4atio.n,  CoijioGo.MEi  Julrs  delà 
ciuSatioii. 


nos  penchants  à  la  loi.  Lorsque  nous  préfé- 
rons de  leur  obéir  plutôt  qu  à  la  loi ,  nous 
donnons  droit  au  législateur  de  nous  punir; 
c'est  dans  ce  sens  que  nous  Volfensons. 

Le  terme  o/fcnser,  <|ui  sigiiilie  k  la  lettre 
se  trouver  à  la  rencontre  de  tjuehpi'un,  être 
en  butte  contre  lui,  ou  lui  barrer  le  che- 
min, est  déjà  métaphorique  à  l'égard  d'un  lé- 
gislateur humain,  à  plus  forte  raison  l'est-il 
à  l'égard  ih;  Dieu. 

OFFERTE,  OFFERTOIRE.  Voffcrle,  l'of- 
frande ou  l'oblatioii,  est  l'action  ipie  t'ait  le 
prêtre  à  l'autel,  lorsqu'il  oirre  à  Dieu  le 
j)ain  el  le  vin  qui  doivent  ôtre  consacrés. 
Yoij.  OiFiiA.NDE.  On  appelle  ojl'crle,  en  Es- 
pagne, la  promesse  de  faire  une  bonne  œuvre 
peu  iant  un  certain  temps,  alin  d'obtenir 
de  Dieu  quelque  bienfait  spirituel  ou  tem- 
porel ;  elle  est  dill'i'rentc  du  vœu,  en  ce 
qu'elle  n'est  point  censée  obliger  sous  peine 
de  péché,  h'ojj'ertoire  est  une  espèce  d'an- 
tienne réciti'C  par  le  prêtre,  chaulée  par  le 
chœur,  ou  jouée  sur  l'orgue  dans  le  temps 
que  l'on  prépire  le  jiain  et  le  vin  pour  les 
oll'iir  à  Dieu,  et  que  le  peuple  va  k  l'of- 
Irande.  Le  P.  Lebrun,  dans  son  Explic.  des 
ccr<'m.  de  la  messe,  t.  H,  p.  "280,  a  remar- 
qué les  divers  changements  qui  ont  été  faits 
dans  cette  partie  de  la  messe  dans  les  dill'é- 
rents  siècles  et  dans  les  dillércutes  égli- 
ses. On  a  encore  nommé  oiïertoirc  la 
naiipe  de  toile  dans  laquelle  les  diacres 
recevaient  les  oQrandes   des   lidèles.   Yoy. 

Ol'FRANDE. 

OFFICE  DIVIN.  Offieium  signifie  à  la  let- 
tre ce  que  l'on  doit  faire,  et  l'on  a  donné 
ce  nom  aux  prières  publiques  de  l'E-lise, 
que  les  lidèles  ont  failes  en  commun  dans 
tous  les  temps  pour  rendre  k  Dieu  le  tribut 
de  louanges,  d'actions  de  grâces  et  de  saints 
désirs  qni  lui  est  dû.  \SOfjice  divin  a  été 
aussi  nommé  liliirgic.  Voy.  ce  mot.  On  ne 
peut  pas  douter  que  cet  usage  ne  soit  aussi 
ancien  ciue  le  cluistianisme  ;  saint  Paul  re- 
commande aux  fidèles  de  s'exciter  et  de  s'é- 
dilier  les  uns  les  autres  par  des  psaumes, 
des  hjtuncs  el  des  cantiques  s|iirituels,  et 
de  les  chanter  de  tout  leur  cceur  k  l'hon- 
neur de  Dieu  {Ephes.  v,  19;  Coloss.  ni,  16). 
11  est  dit  qu'après  la  dernière  cène  Jésus- 
Christ  lui-même  dit  un  hymne  avec  ses 
a[iùtres  [Mutth.  xxvi,  30).  Nous  lisons  dans 
les  Aetes  des  apôtres,  c.  vi,  v.  i,  qu'ils  se  dé- 
chargèrent sur  les  diacres  du  soin  des  pau- 
vres cl  de  la  dislribulii)ii  des  numùnes,  alin 
de  vaquer  plus  librement  k  la  prière  et  à 
la  prédication  ;  il  est  Irès-probalde  iiu'ils 
entendaient  la  prière  publique,  la  liturgie,  et 
ce  cjue  nous  a])pelous  Voffice  divin.  Dans 
Y  Apocalypse,  c.  v,  v.  9,  oii  nous  voyons 
le  plan  de  la  liturgie  apostolique ,  les 
vieillards  ou  les  prêtres  chantent  un  cautiiiuc 
k  la  louange  île  Jésus-Christ. 

Pline  le  Jeune,  après  s'être  informé  de  ce 
cjui  se  passait  dans  les  assemblées  des  chré- 
tiens, dit  qu'ils  y  adressaient  des  louanges 
k  Jésus-Clirisl  comme  k  un  Dieu;  Eusèbe, 
Ilist.  ecclés.,  1.  v,  c.  28,  cite  les  cantiques 
composés   dès   le   commeucemeut  par  les 


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fidèles,  et  dans  lesquels  la  divinité  était 
atfriliuée  au  Sauveur.  Dans  le  concile  d'An- 
tioche,  tenu  l'an  252,  l'on  voit  déjà  le  chant 
des  psaumes  introduit  dans  l'Eglise.  L'insti- 
tution de  cet  usage  est  attribuée  à  saint 
Ignace,  disciple  des  apôtres  ;  Socrate,  ITist. 
eccl/s.,  liv.  VI,  ch.  8,  saint  Justin  ,  Ter- 
tullien,  saint  Clément  d'Alexandrie,  Origène, 
saint  Basile,  saint  Epiphane,  Tliéodoret  et 
d'autres  Pérès  ont  jiarlé  de  l'office  ou  de 
la  prière  publique  de  l'Eglise.  Binr/hnm,  1. 
xni,  c.  5.  Aussi  saint  Augustin  assure  que 
le  chant  de  Voffirc  divin  n'a  été  établi  par 
aucune  loi  ecclésiastique,  mais  par  l'exem- 
ple de  JésMS-Christ  et  des  apôtres.  Saint 
Jérôme,  saint  Ambroise,  le  pape  Gélase, 
saint  Grégoire,  y  ont  ajouté  quelques  parties, 
ont  composé  des  hyumes,  des  antiennes, 
des  prières  nouvelles  sur  le  modèle  des  an- 
ciennes ;  ils  y  ont  mis  de  l'ordre  et  de 
l'arrangement,  mais  ils  ne  sont  pas  les  pre- 
miers auteurs  de  Yofficc  divin,  le  fond  exi- 
stait avant  eux;  cet  office  fut  une  des  prin- 
cipales occupations  des  premiers  moines, 
aussi  bien  que  des  clercs. 

Plusieurs  conciles  tenus  dans  les  daules, 
celui  d'Agde,  le  deuxième  de  Tours,  le  se- 
cond d'Orléans,  règlent  l'ordre  et  les  heures 
de  Vofiice,  et  décernent  des  peines  contre 
les  ecclésiastiques  qui  manqueront  d'y  as- 
sister ou  de  le  réciter  ;  les  conciles  d'Es- 
pagne ont  fait  de  môme.  La  distribution  de 
,'office  en  différentes  heures  du  jour  ou  de 
la  nuit  a  été  partout  à  peu  près  la  mérae; 
elle  subsiste  encore  chez  les  différentes  sec- 
tes de  chrétiens  orientaux,  séparées  de  l'E- 
glise romaine  depuis  le  v  et  le  vi'  siècle. 
Cassien,  qui  vivait  au  v%  a  fait  un  traité 
du  chant  et  des  prières  nocturnes,  et  de 
la  manière  d'y  satisfaire;  après  avoir  expo- 
sé la  pratique  des  moines  d'Egypte,  il  dit 
que  dans  les  monastères  des  Gaules  on  par- 
tageait Voffice  en  quatre  heures  ;  savoir, 
prime,  tierce,  sexte,  et  none,  et  que  la  nuit 
qui  précède  le  dimanche  on  chantait  des 
psaiimes  et  des  leçons.  Déjà,  dans  les  Con- 
stitutions apostoliques,  il  était  ordonné  aux 
fidèles  de  prier  le  matin,  à  l'heure  de  tierce,  de 
sexte,  de  none,  et  au  chant  du  coq.  Saint  Be- 
noît, qui  composa  sa  règle  au  vi'  siècle,  en- 
tre dans  le  détail  des  psaumes,  des  leçons, 
des  oraisons  qui  doivent  composer  chaque 
partie  de  Yoffice  ;  il  est  à  présumer  qu'il 
suivit  l'ordre  étahli  pour  lors  dans  l'Eglise 
romaine. 

La  manière  de  faire  Voffice  varie  selon 
le  degré  de  solennité  de  la  fête,  du  mystère 
ou  du  saint  que  l'on  célèbre;  ainsi  l'on 
distingue  des  offres  solennels  majeurs,  so- 
lennels mineurs,  douilles,  semi-doubles,  sim- 
j)les,  etc.  Quand  on  canonise  un  saint, 
on  lui  assigne  un  office  propre,  ou  tiré  du 
commun  des  martyrs,  des  pontifes,  des  doc- 
teurs, etc.,  selon  l'état  dans  lequel  il  a  vécu, 
ou  selon  le  genre  de  sa  mort.  Lorsque 
l'Eglise  a  institué  de  nouvelles  fêtes  des 
mystères,  on  a  composé  lui  offue  jiropro 
j)Ourles  célébrer.  Dans  tout  ror(li(^  de  Saint- 
Bernard,  le  petit  office  de  la  sainte  Vierge 


se  dit  tous  les  jours.  Au  quatrième  concile  de 
Clermont,  tenu  l'an  1095,  le  pape  Urbain  II 
obligea  tous  les  ecclésiastiques  à  le  ré- 
citer, afin  d'obtenir  de  Dieu  l'heureux  suc- 
cès de  la  croisade  qui  fut  résolu:'  dans  ce 
concile;  mais  le  pape  Pie  V,  par  une  consti- 
tution, en  a  dispensé  tous  ceux  qui  n'y  sont 
pas  astreints  par  les  règles  ]iarticulières 
de  leurs  chapitres  ou  de  leurs  monastères; 
il  y  oblige  seulement,  pour  toute  charge, 
les  clercs  qui  ont  des  pensions  sur  des 
bénéfices.  Les  chartreux  disent  Voffice  des 
morts  tous  les  jours,  à  l'exception  des  fêtes. 
Comme  les  clercs  sont  obligés  par  état  de 
prier  non-seulement  pour  eux-mêmes,  mais 
pour  les  peuples,  l'Eglise  ne  leur  accorde 
les  revenus  d'un  bénéfice  que  sous  con- 
dition qu'ils  s'acquitteront  de  ce  devoir; 
s'ils  ne  le  remplissent  pas,  les  canons  or- 
donnent qu'ils  soient  privés  de  ce  revenu, 
et  déclarent  qu'il  ne  leur  appartient  pas. 
L'Eglise  impose  aussi  à  tous  les  clercs  qui 
sont  dans  les  ordres  sacrés,  l'obligation  de 
réciter  Voffice  divin  ou  le  bréviaire,  tous  les 
jours  ;  ils  ne  peuvent  l'omettre,  en  tout  ou 
en  partie  notable,  sans  pécher  grièvement, 
à  moins  qu'ils  n'aient  une  raison  solide  de 
s'en  dispenser,  telle  que  le  cas  de  maladie  ou 
d'impossiliilité. 

Dans  Voffice  public,  dit  M.  Fleury,  chacun 
doit  se  conformer  à  l'usage  de  l'Eglise  dans 
laquelle  il  chante;  ceux  qui  le  récitent  en 
particulier  ne  sont  pas  obligés  si  étroitement 
à  observer  les  heures  et  les  postures  que 
l'on  garde  au  chœur;  il  suffit,  à  la  rigueur, 
de  réciter  Voffice  entier  dans  les  vingt- 
quatre  heures.  Il  vaut  mieux  cependant 
anticiper  les  prières  que  de  les  retarder; 
sur  ce  fondement,  il  est  permis  de  dire  dès 
le  malin  toutes  les  petites  heures,  les  vê- 
pres d'abord  après  midi,  et,  dès  les  quatre 
heures  du  soir,  matines  pour  le  lendemain. 
Chacun  doit  réciter  le  bréviaire  du  diocèse 
dans  lequel  il  est  domicilié,  à  moins  qu'il 
n'aime  mieux  dire  le  bréviaire  romain,  du- 
quel il  est  permis  de  se  servir  dans  toute 
l'Eglise  latine.  Instit.  au  droit  eccUs.,  t.  I, 
II'  part.,  c.  2,  p.  276;  Thomassin,  Discipl. 
ecclésiastique,  v  part.,  1. 1,  c.  34  et  suiv.  Voy. 
Bréviairi!,  Chant,  Heures  canoniales,  etc. 

C'a  été,  de  la  part  des  protestants,  une 
téméiité  très-condamnable  do  retrancher 
Voffice  divin,  consacré  par  la  pratique  des 
apôtres  et  par  l'usage  de  tous  les  siècles  ; 
ils  n'en  ont  pas  même  laissé  subsister  le 
nom;  ils  lui  ont  substitué  celui  de  prêche^ 
comme  "si  tout  le  culte  divin  consistait  dans 
la  prédication.  Ils  n'ont  conservé  que  l'usage 
des  psaumes  dans  une  version  très-gros- 
sière, et  avec  un  chant  fort  insipide.  En 
faisant  profession  de  se  conformer  en  toutes 
choses  à  l'Ecriture  sainte,  ils  en  ont  très- 
mal  suivi  les  leçons,  puisque  l'Ecriture  nous 
parle  non-seulement  de  psaumes,  mais 
d'hynnies  et  de  cantiques  spirituels.  Il  y 
a  dans  l'Ecriture  d'autres  prières  que  les 
psaumes  ;  les  cantiques  de  Moïse ,  d'I- 
saïe  et  des  autres  jirophètes ,  d'Anne, 
mère  de  Samuel,  de  Tobie,  de  ZacliaiiOj, 


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de  la  sainte  Vierge,  de  Siméon,  etc., 
sont  -  ils  donc  moins  respcclables  et 
nioins  (^-dilinnts  que  les  psaumes  de  Dayid? 
Mais  les  prétendus  réltirmaleurs,  qui  se 
croyaient  très-savants,  étaient  fort  mal  in- 
struits ;  ils  ont  fait  la  réforme  selon  la  mé- 
thode des  ignorants,  qui  est  de  tout  sabrer, 
et  leurs  prosélytes  aveugles  ont  suivi 
comme  un  troupeau  sans  prévoir  les  con- 
sé({uences.  En  voulant  détruire  ce  qu'ils  ap- 
pelaient des  superstitions,  ils  ont  anéanti  la 
piété. 

Leur  entêtement  a  été  le  même,  lors- 
qu'ils se  sont  obstinés  à  vouloir  faire  le  ser- 
vice divin  en  langue  vulgaire  ;  ils  n'en  ont 
pas  prévu  les  inconvénients.   Voy.  Langue 

VULGAIRE. 

OFFICE  (saint).  Voy.  Inquisition. 

OFFICIANT  est  la  même  ehose  que  célé- 
brant ;  c'est  le  prêtre  qui  dit  la  messe  prin- 
cipale dans  une  église,  qui  commence  l'of- 
fice du  chœur,  qui  dit  les  oraisons,  etc. 
Dans  les  églises  cathédrales  il  y  a  dos 
jours  solennels  et  marqués,  auxquels  l'é- 
voque lui-même  doit  oflicier  à  l'autel  et  au 
chœur. 

OFFRANDE.  Ce  mot,  tiré  du  latin  offc- 
renda,  désigne  l'action  d'offrir  à  Dieu  une 
chose  que  l'on  destine  à  son  culte,  et  la 
chose  môme  que  l'on  offre  ;  il  en  de  même 
du  terme  d'o&io<(o«.— L'usage  d'olfrir  h  Dieu 
des  dons  est  aussi  ancien  que  la  religion; 
l'on  a  compris  d'abord  que  c'était  un  té- 
moignage de  respect  pour  le  souverain  do- 
maine de  Dieu,  de  reconnaissance  pour  ses 
bienfaits,  et  un  moyen  d'en  obtenir  de  nou- 
veaux. Soit  que  ces  dons  aient  été  consu- 
més par  un  sacritice,  employés  à  la  sub- 
sistance des  ministres  du  Seigneur,  ou  des- 
tinés au  soulagement  des  pauvres ,  c'est  à 
Dieu  lui-même  que  l'on  a  eu  intention  de  les 
olfrir.  Nous  voyous  les  enfants  d'Adam  pré- 
senter à  Dieu,  l'un  des  fruits  de  la  terre,  l'au- 
tre les  prémices  de  ses  troupeaux  (Gen.  iv,  3). 
Il  est  dit  que  Melchisédech,  roi  de  Salem 
et  prêtre  du  Dieu  Très-Haut,  offrit  à  Abra- 
ham du  pain  et  du  vin,  et  bénit  ce  patriar- 
che, et  (jue  Abraham  lui  donna  la  dîme  des 
dépouilles  qu'il  avait  enlevées  k  ses  ennemis 
(xiv,  18).  Jacob  promet  que  si  le  Seigneur 
le  protège,  il  lui  olfrira  la  dime  de  tous 
ses  biens  (xxviu,  22).  Tout  sacrilice  était  une 
offrande,  mais  toute  offrande  n'était  pas  un 
sacritce.  —  La  principale  oblation  que  les 
hommes  ont  faite  à  Dieu  est  celle  de  leur 
nourriture,  parce  que  c'était  pour  eux  le 
plus  précieux  de  tous  les  biens.  Avant 
le  déluge  ils  ne  vivaient  que  des  fruits  de 
la  terre  et  du  lait  des  tiouiieaux,  ce  fut 
aussi  leur  offiandt  ordinaire;  a[irès  le  dé- 
luge, Noé  otfre  l  Dieu  des  animaux  purs  en 
sacrifice,  et  Dieu  lui  permet,  et  à  ses  en- 
fants, de  manger  la  chair  des  animaux  [Gen. 
VIII,  20;  IX,  3).  De  même,  lorsque  la  bouillie 
de  riz  était  l'unicpie  aliment  des  IVomaius, 
Numa  ordonna  que  \\iv\  honorAt  les  dieux 
en  leur  oB'rant  du  riz  ou  de  la  bouillie  de 
riz.  Suivant  Pline,  jamais  dans  la  suite  les 
Remains  ne  gouttent  aux  fruits  nouveaux, 


sans  en  avoir  offert  aux  dieux  les  prémices  ; 
mais  l'usage  de  leur  offrir  de  la  bouillie 
ou  des  tartes  de  riz,  adorca  duna,  adorea 
lilxi,  subsistait  au  temps  d'Horace,  cnioimie 
l'on  immolât  pour  lors  des  animaux  dans  les 
temples. 

Il  n'est  donc  pas  nécessaire  de  recourir 
h  de  vaines  imaginations,  comme  font  les 
incrédules,  pour  trouver  l'origine  de  l'obla- 
tiondes  animaux  et  des  sacrifices  sanglants; 
ils  ont  été  offerts  à  Dieu,  parce  que  c'était  Ja 
nourriture  des  hommes.  Que  les  païens,  dont 
les  idées  étaient  perverties,  et  qui  avaient  at- 
tribué à  leurs  dieux  les  besoins  et  les  vices  de 
l'humanité,  aient  rêvé  que  la  fumée  des  victi- 
mes leur  était  agréable,  cela  n'est  pas  étoimant; 
les  patriarches,  instruits  par  les  leçons  de 
Dieu  même,  ne  sont  jamais  tombés  dans  cette 
erreur;  lorsqu'ils  vouaient  à  Dieu  la  dîme  de 
leurs  biens,  ils  n'étaient  pas  assez  stupides 
pour  croire  que  Dieu  en  avait  besoin  ou  pou- 
vait en  faire  usage,  mais  ils  comprenaient 
que  les  offrir  à  Dieu,  c'était  lui  en  faire  hom- 
mage. Un  pauvre  comblé  de  bienfaits  par  un 
homme  puissant,  peut,  sans  indécence  et 
sans  lui  dé[)laire,  lui  offrir  des  choses  de 
peu  de  valeur  dont  ce  bienfaiteur  n'a  pas 
besoin,  et  qui  lui  seront  inutiles;  c'est  tou- 
jours un  témoignage  de  respect,  d'affection 
et  de  reconnaissance,  auquel  personne  ne 
[leut  être  insensible  :  c'est  l'intention,  et  non 
l'utilité  qui  donne  le  prix  à  ces  sortes  do 
])résents.  David  le  concevait  ainsi,  lorsqu'il 
disait  au  Seigneur  :  «  Vous  êtes  mon  Dieu, 
vous  n'avez  pas  besoin  de  mes  biens  {Ps. 
XV,  2).  »  Et  Saloinon  :  «  Nous  vous  rendons, 
Seigneur,  ce  que  nous  avons  reçu  de  vos 
mauis  (/  Paralip.  xxix,  14).  »  D'autres  cen  • 
seurs  des  })ratiques  de  religion  n'ont  pas 
mieux  rencontré,  lorsqu'ils  ont  dit  que  l'u- 
sage de  faire  à  Dieu  des  offrandes  est  venu 
de  l'avarice  des  prêtres  qui  en  profitaient. 
Il  n'y  avait  point  de  prêtres,  lorsque  Cain, 
Abel  et  Noé  offrirent  des  sacrifices  h  Dieu; 
et  (juand  il  y  en  eut,  ils  ne  profitaient  ni  de 
ce  qui  était  consumé  jiar  un  holocauste,  ni 
de  ce  qui  était  donné  aux  pauvres.  Dieu  lui- 
même  les  avait  exigés,  afin  d'inspirer  aux 
hommes  le  respect,  la  reconnaissance,  la 
soumission  à  son  égard,  le  détachement  des 
biens  de  ce  monde,  la  charité  envers  les 
malheureux.  Les  mauvais  cœurs,  qui  ne 
veulent  rien  donner  à  Dieu,  ne  sont  pas 
ordinairement  compatissants  à  l'égard  de 
leurs  semblables. 

Lorsque  la  loi  fut  donnée  aux  Juifs,  Moïse 
entra  dans  le  plus  grand  détail  des  offran- 
des qu'ils  devaient  faire,  des  précautions 
et  des  cérémonies  qu'ils  y  devaient  observer. 
Dieu  leur  dit  par  la  bouche  de  ce  légis- 
lateur :  Vous  ne  paraîtrez  pas  devant  moi 
les  mains  vides  {Exod.  xxiii,  15).  Il  n'est 
aucune  esjièce  d(î  comestibles  dont  les  Juifs 
ne  fussent  olViigés  d'otTrir  à  Dieux  les  pré- 
mices, la  ûîme,  ou  une  portion  ;  toutes  les 
fois  qu'Vis  venaient  dans  le  temple,  aucun 
acte  public  de  religion  qui  ne  diït  être  ac- 
compagné d'une  offrande,  et  ils  devaient  choi 
sir  i)Our  cela  ce  qu'd  y  avait  de  meilleur. 


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OFP 


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Dieu  n'avait  point  voulu  donner  aux  prêtres 
de  ])Ortion  dans  la  terre  promise,  afin  qu'ils 
subsistassent  des  ohlalions  du  peuple.  Lors- 
que, par  avarice  on  par  irréli.^ion,  les  Juifs 
négligeaient  de  faire  ces  olfrandes  telles 
qu'elles  leur  étaient  prescrites,  Dieu  lis  en 
reprenait  et  les  menaçait  par  ses  prophù;es 
{Malach.  I,  8,  etc.).  De  là  les  imrt'duli's  ont 
pris  occasion  de  dire  que  la  loi  juive  peignait 
Dieu  comme  un  monarque  inléri'ssé,  avide 
de  dons  et  de  présents,  d'encens  et  de  victi- 
mes; que  le  culte  <iuil  exigeait  était  fort  dis- 
pendieux, et  qu'il  seiuljle  n'avoir  été  établi 
que  pour  l'avantage  des  prêtres;  que  par  la 
quantité  des  tributs  que  ceux-ci  étaient  en 
droit  d'exiger,  ils  étaient  les  Svrai.s  de  la 
nation. 

Mais  avant  de  hasarder  ces  reproches,  il 
aurait  fallu  faire  quelques  réflexions.  l°Dieu 
lui-même  a  déclaré  aux  Jinfs  qu'il  n'avait 
pas  besoin  de  leurs  offrandes,  qu'il  ne  les 
exigeait  que  comme  des  témoignages  de 
piété,  de  reconnaissance  et  d'affection  ;  qu'il 
les  dédaignait  et  les  rejetait  lorsque  ces  dons 
ne  partaient  pas  du  cœur  [Ps.  xlix,  8  ;  l,  18  ; 
Jsai.  I,  11  ;  Jerem.  vi,  20;  Amos,  v,  21,  etc.). 
2°  11  avait  promis  de  récompenser  abondam- 
ment leur  libéralité  par  la  fertilité  de  la 
terre,  jiar  la  fécondité  de  leurs  troupeaux, 
par  la  prospérité  delà  nation  ;  cette  promesse 
était  confirmée  par  le  prodige  continuel  de 
la  fertilité  de  la  sixième  année,  afin  que  la 
terre  se  reposAt  jiendant  la  septième;  et  les 
Juifs  ont  été  forcés  de  reconnaître  que  tous 
leurs  désastres  avaient  été  lajuste  ])unition 
de  leur  négligence  à  observer  leur  loi. 
Avaient-ils  sujet  de  regretter  ce  qu'ils  don- 
naient à  Dieu?  3°  Les  lois  qui  concernaient 
les  offrandes  étaient  pour  l'avantage  des 
pauvres  autant  que  pour  celui  des  prêtres  ; 
ceux-ci  étaient  obligés  de  donner  aux  pau- 
vres tout  ce  qui  ne  leur  était  pas  absolument 
nécessaire ,  et  de  payer  eux-mêmes  aux 
pauvres  la  dîme  de  tout  ce  qu'ils  avaient. 
Rë\dind,  Antiq.  sacr.,  ui°  part.,  c.  9,  §7.  Une 
preuve  que  leur  sort  n'était  pas  fort  heureux, 
c'est  qu'il  leur  est  arrivé  plus  d'une  fois 
d'être  réduits  à  la  dernière  indigence  parla 
négligence  des  Juifs;  Josèphe,  Antiq.,  lib. 
XX,  c.  8.  Cela  devait  arriver  toutes  les 
fois  que  le  peuple  se  livrait  h  l'idolAtrie. 
Enfin  ils  étaient  sévèrement  punis  lorsqu'ils 
abusaient  de  leurs  droits,  ou  qu'ils  négli- 
gt^aient  leurs  fonctions  ;  témoin  le  châtiment 
des  ei.'fsnts  d'Héli  et  les  menaces  que  Dieu 
fait  aux  i;rêtres  par  Ezéchiel  et  par  Malachie. 
La  loi  avau   ^^'^'^^   sagement  pourvu  à  tous 

les  inconvénio^'^'*- 
Quoiiiue  Jésus-^lTist  ait  commande  moins 

de  cérémonies    que    d'actes    intérieurs    de 

vertu,  il  n'a  pas  suppr.'mé  les    offrandes;  il 

a  prescrit,  au  contraire  ,    la  manière  de  les 

faire  :  8i  en  apportant,  dit-ii,  ^'o''"''  offrande 

à  l'autel,  vous  vous  souvenez  quC  ^'olre  frère 

a  quelque  sujet  de  mécontentement  cou^^'f  '*lous, 

allez  à' abord    vous   réconcilier   avec  ù''^  ^  ^^ 

venez  ensuite  faire  votre  don  à  Dieu  [MnC."'- 

v,2.3).  Saiiil  Paul,  quoique  occupé  des  travaux 

de  l'apostolat,    portail  à  Jérusalem   les  au-. 


mûnes  qu'il  avait  recueillies,  et  y  faisait  des 
offrandes  ( Act.  xxiv,  IV).  Il  décide  qu'k 
l'exemple  des  prêtres  de  l'ancienne  loi,  qui 
vivaient  de  l'autel ,  ceux  qui  annoncent  l'E- 
vangile ont  droit  de  vivre  de  l'Hvangile  (/ 
Cor.  IX,  11).  C'est  ainsi,  en  etfet,  que  vécu- 
rent d'abord  les  ministres  de  l'Eglise.  Aucun 
tiilèle  ne  participait  au  saint  sacrifice  sans 
faire  une  offrande,  et  le  produit  en  fut  bientôt 
abondant  ;  on  le  {jartageait  en  trois  portions, 
l'une  pour  l'entretien  du  culte  divin,  l'antre 
jiour  la  subsistance  4('S  ministres  de  l'Eglise, 
la  troisième  yiour  le  soulagement  d(^s  pau- 
vres. On  offrait  à  l'autel  le  pain  et  le  vin  qui 
(levaient  'ervir  au  sacrifice;  les  autres  offran- 
des étaient  (léi)Osé''s  dans  un  lieu  destiné  à 
cet  usage,  ou  dans,  la  maison  épiscopale, 
pour  être  employées  au  besoin.  Mais  on  re- 
fusait les  diins  des  excommuniés,  des  héré- 
tiques, des  pécheurs  publics  et  scandaleux,  de 
ceux  qui  conservaiont  une  iiiimilié  irrécon- 
ciliable, de  ceux  qui  étaient  réduits  à  la  pé- 
nitence publique,  etc.  On  ne  recevait  pas 
môme  les  offrandes  que  leurs  parents  ou 
leurs  amis  auraient  voulu  faire  pour  eux 
après  leur  mort,  liingham,  Orig.  ecclés.,  1. 
XV,  c.  2,  §  1  et  suiv. 

Ammien-Marcellin  reproche  au  pape  et 
autres  ministres  de  l'Eglise  romaine  de 
recevoir  de  riches  ablations  des  dames  ro- 
maines ;  mais  cet  auteur  païen  ignorait  le 
saint  usage  auquel  ces  dons  étaient  destinés  ; 
ils  étaient  employés  à  nourrir  et  à  soula- 
ger les  pauvres,  les  veuves  ,  les  orphelins, 
les  prisonniers,  à  racheter  les  esclaves,  etc. 
C'est  ce  que  représenta  le  diacre  saint  Lau- 
rent au  préfet  de  Rome,  lorsque  celui-ci  vou- 
lut le  forcer  à  lui  livrer  les  trésors  de  l'Eglise 
dont  il  était  déf)Ositaire.  Dans  un  temps  où 
les  évoques  et  les  autres  membres  du  clergé 
étaient  tous  les  jours  exposés  au  martyre, 
ils  n'étaient  pas  tentés  d'amasser  pour  eux 
des  richesses.  Dans  la  suite  des  temps,  les 
dilférentes  révolutions  survenues  dans  i'em- 
j)ire  romain  ont  fait  comprendre  que  la 
subsistance  des  ministres  de  l'E.iilise  serait 
trop  précaire,  si  elle  n'était  fondée  que  sur 
les  obbitions  journalières  des  fidèles  ;  c'est 
ce  qui  a  fait  donner  des  fonds  aux  églises, 
et  a  donné  lieu  à  l'institution  des  bénéfices. 
Voyez  ce  mot.  Comme  les  biens  de  l'Eglise 
ont  été  souvent  usurpés,  on  a  encore  été 
obligé  clans  les  derniers  siècles  de  recourir 
aux  offrandes  et  aux  droits  casuels;  quoique 
ce  soit  dans  l'origine  des  dons  volontaires, 
il  y  a  cependant  encore  des  diocèses  oiî  elles 
sont  censées  une  dette  envers  les  pasteurs; 
mais  elles  sont  très-peu  considérables.  On 
verra  dans  \e  Dictionnaire  de  droit  canonique 
quelle  est  sur  ce  sujet  la  discipline  actuelle. 
Dans  quelques  paroisses,  le  jour  des  Tré- 
passés, les  fidèles  sont  dans  l'usage  déporter 
du  blé  à  Yojfrande,  et  de  faire  de  même  aux 
obsèques  des  morts  ;  c'est  un  symbole  de 
notre  croyance  k  la  résurrection  future,  tiré 
de  saint  Paul  (/  Cor.  xv,  36j.  Il  n'y  a  donc 
en  cela  rica  do  ridicule  ni  de  superstitieux. 
L'offrande  du  pain  bénit,  qui  se  fait  le  di- 
i  manche  dans  les  paroisses,    est  un  faible 


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OIS 


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reste  de  rancioii  usage.  Voi/.  Pain  bémt. 
Comme  ics  jn-oteslaiits  ont  sii|)|)iiiué  l'o- 
Ijlation  qui  i\  toujours  précéié  la  coiisécia- 
tiou  (le  reucliaiistio  cl  ((ui  l'ail  fiarlio  essen- 
tielle du  sacrilic,  il  n'est  pas  étoiuiant  qu'ils 
aient  aussi  rclranclu'  toutes  les  espèces 
d'olframIcs.Mais  sous  (niel  pi(''l(^xte  onl-ils 
réprouvé  cet  acte  de  reiit;i<ia?  Nous  l'igno- 
rons. Il  leur  a  paru,  sans  doute,  un  reste  de 
judaïsme  ou  de  paganisme,  parce  que  les 
juils  et  les  païens  ont  l'ail  des  offrandes: 
mais  nous  avons  vu  ipic  Jésus-Christ  ni  les 
apôtres  n'ont  point  bLhné  les  offrandes  des 
Juifs;  ils  les  ont  approuvées,  au  contraire, 
lorsqu'elles  se  faisaient  avec  ini  C(jeur  sincij- 
remeut  religieux.  S'il  lallait  éviter  tout  ce 
qu'ont  pratiqué  les  païens,  il  faudrait  sup- 
primer toute  espèce  de  culte,  puisqu'il  n'est 
aucune  action  religieuse  que  les  |iaiens 
n'aient  profanée.  Si  c'est  (larce  qu'il  s'y  est 
glissé  des  abus,  même  dans  lechristianisnu», 
il  fallait  proscrire  les  abus  comme  ont  fait 
plusieurs  conciles ,  et  laisser  subsister  la 
chose.  Vol/.  Om.ATn)N.  —  Thiers,  dans  sou 
Traité  dis  Superstitions,  t.  11,  1.  ii,  c.  x,  §  9, 
parle  en  ellel  île  plusieurs  abus  dans  les- 
quels les  peuples  sont  lombes  à  l'égard  des 
offrandes  (|uc  l'on  faisait  à  la  messe ,  et  il 
raf)poite  les  canons  des  conciles  par  lescpiels 
ces  siqicrslitions  ont  été  délVndues. 

OlNG'l'S.  Si  nous  en  croyons  la  Chronirpie 
de  Genèbrard,  ce  nom  fui  donné,  dans  le  xvi* 
siècle,  h  (pielipies  hérétiques  anglais,  qui 
disaient  que  le  seul  [léché  ([ue  l'on  pouvait 
commettre  était  do  ne  pas  embrasser  leur 
doctrine  ;  mais  il  ne  dit  pas  en  quoi  elle 
consistait. 

OINT.   Voi/.  Onction. 

OISIF,  OISIVETÉ.  Ce  vice  est  défendu 
aussi  sévèrcuu'nt  par  la  morale  chrétienne 
que  par  la  loi  naturelle.  Une  des  erreurs  dont 
Jésus-Chrisl  a  repris  le  i>his  souvent  les 
pliaiisieus  était  leur  entctemenl  sur  le  repos 
du  sabbat;  il  leur  a  constamment  soutenu 
que  les  œuvres  <le  charité  étaient  plus  agréa- 
bles à,  Dieu  que  l'inerlie  absolue  dans  la- 
quelle ils  faisaient  consister  la  sanctilication 
du  sabbat.  Saint  l'aul  exhorte  les  fidèles  à  se 
procurer  |)ar  le  travail,  non-seulement  de 
quoi  jiourvoir  à  leurs  Liesoins,  mais  encore 
de  quoi  soulager  les  pauvres  [J'Jplies.  iv,  28). 
11  se  donne  lui-même  pour  exemple,  et  jmusse 
la  sévérité  juscju'ù  diie  que  celui  (pii  ne  veut 
pas  travailler  ne  mérite  jias  d'avoir  à  manger 
(//  Thess.  m,  8).  La  charité,  qui  est  le  carac- 
tère distinctif  du  christianisme,  ne  fut  ja- 
mais une  vertu  oisive.  Celte  morale  fut 
exactement  suivie.  Plusieurs  chréiiens,  dit 
M.  Fleury,  travaillaient  de  leurs  mains  sim- 
plement p(uu- é\iter  Voisivelé.  11  leur  était 
fort  l'cc; immandé  d'éviter  ce  vice,  et  ceux  qui 
en  sont  inséparables,  comme  l'inquiétude, 
la  curiosité,  la  médisance,  les  visites  umlilcs, 
les  promenades ,  l'examen  de  la  conduite 
d'autrui.  On  exhortait  chacun  à  s'oceujier 
de  quelque  travail  utile  ,  principalenu'nt  des 
œuvres  de  charité  envei's  les  malades,  en- 
vers les  pauvres  et  envers  tous  ceux  qui 
avaient  bcsuiu  de  secours. 


C'est  donc  (rès-injustement  que  les  païens 
reprochèrent  ([uelquefois  aux  chrétiens  d'ê- 
tre des  honuues  iiuitiles,  [larco  qu'ils  ne  re- 
cherchaient pas  les  professions  (jui  dissipent 
trop  ou  qui  i)euvenl  être  dangereuses,  comme 
le  conunerce  tel  (pi'il  se  faisait  pour  lors,  la 
poiirsuile  des  alfaires,  les  charges  publiipies  ; 
mais  ils  n'y  renonraienl  iioint  lorsqu'ils  s'y 
trouvaient  engagés.  Aussi  nos  apologistes 
rélutèreiit  avec  force  la  calomnie  des  païens. 
«  Nous  ne  comprenons  pas,  leur  dit  Tertul- 
lien ,  en  quel  sens  vous  nous  appelez  hom- 
mes inutiles.  Nous  ne  sommes  ni  des  soli- 
taires ni  des  sauvages,  tels  que  les  braclima- 
nes  des  Indes  ;  nous  vivons  avec  vous  et 
comme  vous.  Nous  fréquentons  le  barreau, 
la  place  publique,  les  bains,  les  boutiques, 
les  marchés,  les  lieux  où  se  traitent  les  af- 
faires ;  nous  soutenons  comme  vous  les  tra- 
vaux de  la  navigation,  de  la  milice,  de  l'a- 
griculture, du  commerce;  nous  exerçons 
vos  arts  et  vos  métiers;  nous  n'évitons  que 
vos  assemblées  superstitieuses.  »  Apolog., 
c.  4-2;  Orig.  contra  Cclsum,  1.  vin,  etc.  Les 
censeurs  modernes  du  christianisme  ne  sont 
pas  mieux  fondés  à  dire  qu'il  a  consacré 
Voisircté,  en  approuvant  l'état  monasiique. 
L'Eglise,  loin  de  tomber  dans  ce  défaut,  or- 
donna d'abord  aux  clercs  d'apprendre  un  mé- 
tier pour  suljsister  honnêtement,  can.  51  et 
52  du  quatrième  concile  de  Garlhage.  Le 
travail  des  mains  fut  sévèrement  coimnandé 
aux  moines,  et  la  règle  de  saur  .'tc-iioit  le 
leur  ordonne  encore.  Cassien  et  d'autres  au- 
teurs attestent  que  les  solitaires  de  la  Thé- 
baide  étaient  très-laborieux,  qu'ils  se  pro- 
curaient par  leur  travail,  non-seulement  de 
quoi  subsister  ,  mais  encore  de  quoi  faire 
l'aumône;  il  en  fut  de  même  des  up^ines 
d'Angleterre.  Bingham,  Orifjine  ecctc'siaslique, 
liv.  VII,  c.  3,  tj  10.  On  n  ar{usera  pas  au- 
jourd'hui les  ermites  de  Sênart  et  du  Mont- 
^'alérien,  ni  les  religieux  de  la  Trappe,  d'ê- 
tre oisils;  ils  ont  exactement  repris  la  vie 
des  premiers  moines,  et  les  religieux  orien- 
taux l'ont  conservée.  Mais,  après  l'inondation 
des  barbares  en  Europe,  r'v^ise  fut  obligée 
de  changer  sa  discipline  ;  ces  hommes  farou- 
ches ne  faisaient  cas  que  de  la  profession 
des  armes  :  toute  espèce  de  travail  était  dés- 
honoiante  à  leurs  yeux  ;  c'était  une  marque 
d'esclavage  et  de  loture  ;  ne  rien  faire  était 
un  titre  de  noblesse.  On  fut  obligé  d'élever 
les  nmines  au  sacerdoce  après  la  ruine  du 
clergé  séculier  :  pour  l'honneur  de  ce  carac- 
tère, il  fallul  lesdispenserdu  travail  des  mains, 
leur  recommander  seulement  la  prière,  la 
lecture,  l'étude  et  le  chant  des  psaumes. 
Fragment  d'un  concile  d'Aix-la-Chapelle,  dans 
la  Collection  des  Hist.  d-e  France,  t.  VI,  p. 
4.45.  Aujourd'hui  les  protestants  et  les  in- 
crédules qu'ils  ont  endoctrinés  en  font  un 
crime  à  l'Eglise  ;  c'est  à  la  nécessité  et  aux 
malheurs  de  l'Europe  qu'il  faut  s'en  jirenire  ; 
le  préjugé  des  barltares  y  subsiste  encore 
avec  d'autres  vices;  quand  les  ermites  dont 
nous  avons  parlé  seraient  tous  des  saints,  on 
n'en  ferait  pas  pour  cela  plus  d'estime.  Voy, 

MOIME. 


i09n 


ONC 


ONC 


1096 


OLn^TAINS,  cengrégation  do  religieux 
et.  (le  religieuses  assez  répandue  en  Italie:  ils 
suivent  la  règle  de  saint  Benoit  et  sont  ha- 
billés de  blanc.  Leur  instituteur  fut  saint 
Bernard-Ptolémée,  né  à  Sienne  en  1272. 
Leurs  constitutions  ont  été  apjirouvées  par 
les  papes  Grégoire  IX,  Jean  XXII  et  Clé- 
ment VI. 

OMBRE.  Dans  les  pays  chauds,  tels  que  la 
Palestine,  Vomhre  des  arbres  est  un  avan- 
tage précieux  ;  le  premier  soin  des  patriar- 
ches, lorsqu'ils  se  (iroposaient  do  séjourner 
dans  une  campagne,  était  d'y  planter  des  ar- 
bres pour  y  jouir  de  leur  ombrage.  Manger 
son  pain  à  Vombre  de  son  figuier  (III  lieg. 
IV,  25)  est  une  expression  qui  désigne  l'état 
de  tranquillité  et  de  félicité  parfaite.  Ombre, 
dans  les  livres  saints ,  signifie  souvent  pro- 
tection ;  le  Psalraiste  dit  h  Dieu  (Ps.  xvi,  8)  : 
«  Protégez-moi  à  Vombre  de  vos  ailes,  comme 
une  poule  couvre  ses  petits.  »  L'ange  dit  à 
Marie  {Luc.  i,  35)  :  La  puissance  du  Très- 
Haut  vous  couvrira  de  son  ombre,  »  vous  pro- 
tégera et  vous  mettra  à  couvert  de  tout  dan- 
ger. Mais  les  ombres  de  la  mort  signifient, 
ou  l'état  des  morts,  que  l'on  supposait  privés 
de  la  lumière,  ou  une  calamité  qui  nous 
met  en  danger  de  périr  ;  et  au  sens  figuré, 
l'ignorance  et  les  ténèbres  de  l'idolAtrie.  Il 
est  dit  dans  les  Actes  des  apôtres,  c.  v,  v. 
15,  que  l'ombre  seule  du  corps  de  saint 
Pierre  guérissait  les  malades.  Saint  Paul 
(Hebr.  x,  1)  dit  (jue  la  loi  de  Moïse  ne  pré- 
sentait que  Vombre  dos  biens  futurs,  c'est-à- 
dire  une  figure  imparfaite  des  grAces  que 
nous  avons  reçues  par  Jésus-Christ.  Les 
païens  nommaient  o/Ji^^rcs  les  âmes  dos  morts; 
ils  supposaient  que  c'étaient  des  figures  lé- 
gères, telles  que  celles  qu'un  peintre  trace 
avec  le  crayon  sur  le  papier. 

OMISSION.  Ne  pas  faire  ce  que  la  loi  de 
Dieu  nous  commande  est  un  péché  d'omis- 
sion. Comme  la  morale  évangélique  nous 
ordonne  beaucoup  de  bonnes  œuvres  et  des 
actes  de  toutes  les  vertus,  la  plus  grande 
partie  des  fautes  du  chrétien  sont  des  péchés 
d'omission.  Mais  C'^mme  l'inadvertance  et  la 
faiblesse  peuvent  y  avoir  beaucoup  de  part, 
ordinairement  ces  fautes  ne  sont  pas  aussi 
grièves  que  les  péchés  de  commission,  qui 
consistent  à  faire  ce  que  la  loi  de  Dieu  nous 
défend. 

OMPHALOPHYSIQUES.  Quelques  écri- 
vains ont  dit  que  ce  nom  avait  été  donné 
aux  bogomiles  ou  pauliciens  de  la  Bulgarie, 
mais  il  est  plus  probable  que  l'on  a  voulu 
désigner  par  là  les  hésichastes  du  xr  et  du 
XIV'  siècle.  C'étaient  des  moines  fanatiques 
qui  croyaient  voir  la  lumière  du  Thabor  à 
leur  nombril.  Voy.  Hésichastes. 

ONCTION.  Dans  les  contrées  orientales  où 
les  huiles  odoriférantes  et  les  aromates  sont 
communs,  l'on  a  toujours  fait  grand  usage 
des  essences  et  des  parfums  ;  l'on  ne  man- 
quait jamais  d'en  répandre  sur  les  personnes 
auxquelles  on  voulait  témoigner  du  respect. 
De  là  Vonction  faite  avec  une  huile  parfu- 
mée fut  censée  un  signe  de  consécration  : 
l'ou  s'en  servit  pour  consacrer  les  prêtres, 


les  prophètes,  les  rois,  les  lieux  et  les  in- 
struments destinés  au  culte  du  Seigneur- 
•Dans  les  livres  saints,  le  terme  d'onction  est 
synonyme  de  celui  de  consécration  ;V oint  du 
Seigneur  est  un  homme  auquel  Dieu  a  con- 
féré une  dignité  particulière,  et  qu'il  a  des- 
tiné à  un  ministère  respectable.  C'est  la  si- 
gnification du  mot  liébreu  Messiah,  que  les 
Grecs  ont  rendu  par  christos,  qui  a  la  même 
signification.  Voy.  Parfum,  Christ. 

Jacob  allant  en  Mésopotamie  oignit  d'huile 
la  pierre  sur  laquelle  il  avait  reposé  sa  tête, 
et  où  Dieu  lui  avait  fait  voir  une  vision 
[Gen.  xxviii,  18  et  23).  Il  la  destina  ainsi  à 
être  un  autel,  et  il  la  nomma  Be'thel,  la  mai- 
son ou  le  séjour  de  Dieu.  Aaron  et  ses  flls  re- 
curent Vonction  du  sacerdoce  ;  toute  sa  race 
lut  ainsi  consacrée  et  dévouée  au  culte  du 
Seigneur  [Exod.  xxix,  7).  Cette  cérémonie 
est  décrite,  Lévit.  viii.  Moïse  fit  aussi  une 
onction  sur  les  autels  et  sur  les  instruments 
du  tabernacle.  Il  est  encore  parlé  dans  l'E- 
criture de  Vonction  des  prophètes ,  mais  il 
n'est  pas  certain  qu'ils  aient  été  réellement 
consacrés  par  une  effusion  d'huile.  Dieu  dit 
à  Elle  [III  Reg.  xix,  17)  :  «  Vous  oindrez 
Elisée  pour  être  prophète  à  votre  place,  » 
et  dans  l'exécution  il  est  seulement  dit  que 
Elle  mit  son  manteau  sur  les  épaules  d'Elisée. 
Ainsi  le  mot  d'onction  ne  signifie  peut-être 
ici  que  la  destination  au  ministère  de  pro- 
phète. Mais  il  est  distinctement  fait  mention 
de  Vonction  des  rois;  Samuel  sacra  Saùl  en 
répandant  de  l'huile  sur  sa  tête  (/  Reg.  xi,  1). 
Il  fit  la  môme  cérémonie  à  David  (xvi,  13). 
Salomon  fut  oint  par  le  grand  prêtre  Sadoc 
et  par  le  prophète  Natiiau  (///  Reg.  i,  38). 
Lorsqu'il  est  dit  (//  Reg.  n,  4)  que  la  tribu 
de  Juda  oignit  David  pour  son  roi,  cela  si- 
gnifie seulement  qu'elle  le  choisit  et  le  re- 
connut pour  tel.  L'Ecclésiastique,  parlant  à 
Elle,  lui  dit,  c.  xlih,  v.  8  :  «Vous  qui  donnez 
aux  rois  Vonction  de  la  pénitence,  »  c'est-à- 
dire  vous  qui  leur  ins|)irez  l'esprit  et  le  senti- 
ment de  la  pénitence. 

On  ne  doit  pas  être  surpris  de  voir  le  nom 
d'oint,  de  messie  ou  de  christ,  donné  à  un 
roi  païen,  tel  que  Cyrus  (Isai.  xlv,  1).  Ici 
Vonction  ne  désigne  ni  une  cérémonie  m  une 
grAce  surnaturelle,  mais  une  simple  desti- 
nation à  jouer  un  rôle  éclatant  et  célèbre 
dans  le  monde  ;  Dieu  lui-même  s'en  expli 
que,  et  fait  entendre  queVotiction  ou  la  qua- 
lité de  christ,  à  l'égard  de  Cyrus,  consistait  à 
être  un  grand  conquérant,  et  le  libérateur  des 
Juifs.  Dans  le  Nouveau  Testament,  onction 
signilîe  un  don  de  Dieu,  une  grâce  particu- 
lière, qui  nous  élève  à  une  éminente  di- 
gnité, et  nous  impose  de  grands  devoirs. 
Saint  Paul  dit  {II  Cor.  i,  21)  :  «  Dieu  nous  a 
oints,  nous  a  marqués  de  son  sceau,  et  a  mis 
dans  nos  cœurs  le  gage  de  son  esprit.  »  Et 
saint  Jean  {I  Joan.  ii,20  et  27)  :  «  Vous  avez 
reçu  Vonction  de  la  sainteté,  et  vous  connais- 
sez   toutes    choses ,   Vonction  que  vous 

avez  reçue  de  Dieu  demeure  en  vous,  et 
vous  n'avez  pas  besoin  que  l'on  vous  en-r 
soigne.  »  L'Eglise  chrétienne  a  sagement  re- 
tenu rusage  des  onctions  daiis  ses  cérémo- 


im 


ONC 


OND 


4098 


DÏP.'!;  c'est  un  symbole  très-énergique  pour 
coux-qui  connaissent  les  anciennes  mœurs 
de  l'Orient.  Dans  l'administration  du  bap- 
tême, on  fait  une  onction  sur  le  front,  sur 
la. poitrine  et  sur  les  épaules  du  l)aptisé, 
pour  signiûer  qu'il  est  désormais  consacré 
au  Seigneur  el  élevé  à  la  dij^nité  d'enfant 
de  Dieu.  Dans  la  confirmation  l'on  en  fait 
une  sur  le  front,  afin  d'avertir  le  chrétien 
qu'il  ne  doit  pas  rougir  de  la  i)rofession  du 
cliristianisme ,  mais  se  rendre  respectable 
par  la  sainteté  de  ses  mœurs.  Dans  l'ordi- 
nation, l'évoque  consacre  par  une  onction 
le  jjouce  et  l'index  de  ceux  qui  sont  [)romus 
au  sacerdoce,  jiour  les  faire  souvenir  de  la 
pureté  avec  laquelle  ils  doivent  approcher 
des  autels  du  Seigneur.  En  consacrant  une 
église,  l'évoque  fait  des  onctions  sur  les  murs 
de  l'édifice,  et  sur  la  table  des  autels  qui 
doivent  servir  à  la  célébration  du  saint  sa- 
crifice. 

On  convient  que  le  sacre  des  rois  n'est  pas 
une  cérémonie  aussi  ancienne  que  le  chris- 
tianisme ,  puisqu'avant  Constiintin  on  ne 
connaît  ni  roi  ni  empereur  qui  ait  embrassé 
DOtre  religion.  Onuphre  dit  qu'avant  Jus- 
tin II,  aucun  empereur  remjiin  n'a  été  oint 
ou  sacré  ;  d'autres  font  remonter  cette  céré- 
monie jusqu'à  Tliéodose  le  Jeune.  Les  em- 
pereurs d'Allemagne  ont  emprunté  cette  cé- 
rémonie (le  ceux  de  l'Orient,  et,  selon  quel- 
ques auteurs.  Pépin  est  le  premier  des  rois 
(le  France  qui  ait  reçu  ïonction.  L'on  con- 
vient encore  que  la  cérémonie  du  sacre  n'est 
pas  ce  qui  donne  aux  rois  leur  autorité,  ni  ce 
qui  impose  aux  sujets  l'obligation  de  leur 
obéir;  mais  elle  sert  à  rendre  leur  personne 
plus  respectable,  et  les  fait  souvenir  eux-mê- 
mes qu'il  tiennent  de  Dieu  leur  autorité.  Les 
prolestants  ont  retranché  les  onctions  du  bap- 
tême et  toutes  celles  des  autres  sacrements, 
sous  prétexte  que  c'est  une  cérémoniejudai- 
que,  qu'il  n'en  est  parlé  ni  dans  le  Nouveau 
Testament,  ni  dans  les  auteurs  des  trois  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise,  l'ar  la  même  raison 
il  laudrait  aussi  s'abstenir  de  baptiser,  parce 
queiebaptèmeoulesablutioQsétaientenusage 
chez  les  Juifs.  Saint  Jacques  a  parlé  de  ïonc- 
tion des  malades  (Jac.  V,  li]  ;  les  protestants 
n'ont  pas  laissé  de  la  supprimer.  Quand  il  se- 
rait vrai  que  saint  Cyrille  de  Jérusalem  est 
le  premier  qui  ail  parlé  des  onctions  du  bap- 
tême, et  qu'avant  Tertullien  personne  n'a 
fait  mention  de  celle  de  la  confirmation,  que 
s'ensuivrait-il?  Tertullien  est  duiii'  siècle,  et 
il  dit  que  cette  onction  était  une  ancienne 
discipline,  de  Bapt.,  c.  7.  Aucun  des  Pères 
n'a  donné  un  rituel  complet  de  tout  ce  qui 
se  faisait  dans  l'Eglise  primitive,  et  au  iv" 
siècle  on  a  fait  profession  de  suivre  la  prati- 
que des  siècles  précédents.  Les  sectes,  qui 
se  sont  séparées  de  l'Eglise  catholique  au 
V  et  au  vi%  n'ont  pas  élé  aussi  hardies  que 
les  protestants,  elles  ont  conservé  l'usage  des 
onctions.  L'utilité  des  huiles  et  des  essences 
dans  certaines  maladies  les  a  fait  aussi  envi- 
sager comme  un  sunbole  de  guérison  ;  il  est 
dit  {Mure.  VI,  i;|)  que  les  aiioires  oignaient 
fl'huile  les  malades  et   les  guérissaient;  ce 

Dn-TIONN.  DE  ThÉOL.  dogmatique.   111. 


n'était  pas  par  la  vertu  naturelle  de  cette 
onction,  mais  par  le  pouvoir  défaire  des  mi- 
racles (pie  Jésus-Christ  leur  avait  donné. 
Saint  Jacques  exhorte  les  fidèles  malades  à  se 
faire  oindre  de  môme  par  les  jirêtres  avec 
des  prières;  il  dit  que  ces  prières  faites  avoc 
foi  guériront  le  malade,  et  que  s'il  a  des  pé- 
chés, ils  lui  seront  remis  (Jnc.  v,  14).  Nous 
ne  savons  pas  si  cette  pratique  élait  en  usaj,e 
chez  les  Juifs,  niais  nous  voyons  dans  lE- 
criture  que  Yonclion  signiiie  quelquefois 
l'action  de  consoler  un  at'Migé  et  de  soulager 
ses  peines  (Ps.  xxii,  5;  Jsai.  i,G,  etc.).  Enfin 
l'usage  des  anciens  était  de  se  parfumer  pour 
les  grandes  cérémonies  ;  ain.n  David,  après 
avoir  passé  plusieurs  jours  dans  le  jeûne  et 
la  pénitence,  prit  le  bain  et  se  parfuma  pour 
aller  au  temple  du  Seigneur  (U  Req.  xn,  20) 
Judith  fit  de  même  pour  paraître  devant  Ho 
lopherne  (x,3).0n  usait  encore  des  parfums 
pour  les  festins  :  c'était  faire  honneur  aux 
convives  que  de  répandre  sur  leur  tète  des 
essences  odoriférantes  [Matth.  xxvi,  7  ;  Ps. 
cm,  15,  etc.).  Ces  essences  sont  appelées 
dans  l'Ecriture  Vliuile  ou  le  parfum  de  la  joie, 
et  cette  expression  prise  au  figuré  signifie 
l'abondance  de  tous  les  dons  {Ps.  xliv,  8  ; 
Isai.  Lxi,  3). 

Lorsqu'il  est  parlé  dans  l'Ecriture  de  l'onc- 
tion que  Jésus-Christ  a  reçue  de  Dieu,  ce 
terme  réunit  toutes  les  significations  précé- 
dentes ;  il  exprima  le  caractère  de  roi,  de 
prêtre,  de  prophète,  la  plénitude  des  dons 
du  Saint-Esprit,  la  destination  au  plus  au- 
guste de  tous  les  ministères  (Ad.  iv,  27  ;  x, 
38).  Saint  Paul  (Jlebr.i,  8)  lui  applique  ces 
paroles  du  ps.  xliv,  v.  8:  «  Votre  trône,  ô 
Dieu  éternel,  et  le  sceptre  de  votre  royauté 
est  celui  de  la  justice;....  c'est  pour  cela  que 
votre  Dieu  vous  a  oint  du  parfum  de  la  joie, 
l>ar  préférence  à  ceux  qui  y  participent  avec 
vous.  »  Cela  ne  signifie  pas  seulement  que 
Jésus-Christ  a  reçu  les  dons  du  Saint-Esprit 
avec  plus  d'abondance  que  les  autres  hom- 
mes, mais  qu'il  possède  tous  les  attributs  de 
la  Divinité  auxquels  les  hommes  ne  peuvent 
avoir  jjart  que  dans  un  sens  très-impropre. 
L'Apôtre  dit  à  la  vérité  {Hebr.  m,  14-)  que 
nous  sommes  devenus  participants  de  Jésus- 
Christ,  et  saint  Pierre,  que  nous  participe- 
rons un  jour  à  la  nature  divine  (//  Petr.  i, 
4);  mais  il  n'y  a  point  de  comparaison  à 
faire  entre  cette  iiarticipalion  j)ar  gr.lce  et 
celle  (^ui  convient  au  Fils  de  Dieu  par  sa  na- 
ture. C'est  vainement  que  les  sociniens  ont 
voulu  argumenter  sur  ces  passages  pour 
écarter  la  preuve  qui  en  résulte  pour  la 
divinité  de  Jésus -Christ.  Voy.  Fils  de 
Dieu. 

ONDOYER  un  enfant,  c'est  le  baptiser  sans 
observer  les  cérémonies  de  l'Eglise.  Lors- 
qu'un enfant  nouveau-né  paraît  être  en  dan- 
ger de  mort,  et  qu'il  n'est  pas  })Ossiblc  de  le 
porter  à  l'église  pour  lui  faire  donner  le  bap- 
tême, on  prend  la  précaution  de  ïondoycr; 
mais  pour  que  le  baptême  ainsi  administré 
soit  valide,  il  faut  que  la  matière  et  la  forr  '' 
soient  exactement  gardées.  Voy.   B,\i'Tt/dE 


On  trouve  dans  les  rituels 


le  détail 
35 


des 


1099 


ONO 


OPH 


1100 


dans  lesquels  on  peut  baptiser  ainsi  lés  en- 
fants qui  rte  sont  pas  encore  entièrement  nés 
ou  soitis  du  sein  de  leur  mère.  Hors  le  cas 
de  nécessité,  on  ne  doit  pas  ondoyer,  sans 
une  permission  expresse  de  l'évôquo.  L'usage 
était  établi  en  France  A'ondoyer  les  princes 
à  leur  naissance,  et  de  no  suppléer  les  céré- 
monies que  plusieurs  années  après  ;  le  roi 
Louis  XVI,  par  un  motif  de  piété,  a  fait  bap- 
tiser ses  enfants  avec  toutes  les  cérémonies, 
immédiatement  après  leur  naissance.  Il  y 
eut  autrefois  du  doute  pour  savoir  si  les  adul- 
tes, qui  avaient  élé  baptisés  au  lit  pendant 
une  maladie,  et  que  l'on  appelait  les  clini- 
ques, avaient  reçu  toute  la  grâce  du  sacre- 
ment ;   saint   Cyprien  soutint  l'affirmative. 

Voy.  CuMQtJES. 

ONEIROCRITIE,  art  d'interpréter  les  son- 
ges. Voy.  Songe. 

ONONYCHITE.  Ce  terme  signifie  îi  la 
lettre,  qui  a  les  pieds  d'un  âne;  il  est  formé 
du  grec  ô'vo?,  âne;  et  d'ô'vu?,  ongle,  sabot. 
C'était  le  nom  injurieux  que  les  païens  don- 
nèrent dans  le  111°  siècle  au  Dieu  des  chré- 
tiens. Tertullien  dit  qu'ils  le  représentèrent 
avec  des  oreilles  et  un  pied  d'âne,  tenant  un 
livre,  et  couvert  d'une  robe  de  docteur. 
Apolog.,  c.  16.  11  ajoute  qu'un  juif  apostat 
avait  imaginé  cette  figure,  1.  i  ad  Nat., 
c.  li.  Mais  quebpies  critiques  prétendent 
qu'il  faut  lire  ilans  le  texte  onokoitis,  en- 
gendré d'un  âne.  Tertullien  se  moque,  avec 
raison,  de  cette  calomnie  absurde,  et  il  ex- 
pose la  croyance  des  chrétiens  toucîiant  la 
Divinité.  Qu'est-ce  qui  avait  pu  donner  lieu 
à  cette  imagination  bizarre?  Les  païens,  dit- 
on,  savaient  que  les  clirétieus  reconnais- 
saient le  môme  Dieu  que  les  Juifs  ;  or  ils 
accusaient  aussi  les  Juifs  d'adorer  la  tète 
d'un  âne.  Dans  ce  cas  le  juif  apostat  voulait 
tourner  en  ridicule  le  Dieu  de  sa  propre  na- 
tion aussi  ben  que  celui  des  chrétiens.  Il  y 
a  dans  \  Histoire  de  l'Académie  des  Inscrip- 
tions, tome  XIV,  iu-12,  un  mémoire  où  l'on 
rapporte  les  ditféientes  fables  que  les  au- 
teurs païens  ont  forgées  sur  le  compte  des 
Juifs,  et  il  en  résulte  que  les  historiens,  soit 
grecs,  soit  romains,  étaient  très-mal  ins- 
truits de  l'histoire ,  des  mœurs  et  de  la 
croyance  des  Juifs.  Appion ,  grammairien 
d'Alexandrie,  pré  endait  que  quand  Antio- 
chus-Epiphane  pilla  le  temple  de  Jérusalem, 
il  y  trouva  une  tète  d'âne  qui  était  d'or  et 
d'un  assez  grand  prix,  et  qui  était  adorée 
par  les  Juifs.  Josèphe  l'historien,  qui  rap- 
porte cette  calomnie,  la  réfute  en  faisant 
voir  que  les  Juifs  n'ont  jamais  adoré  aucun 
animal,  comme  faisaient  les  Egyptiens,  1.  u 
contra  Appion.  ,  cap.  3.  Diodore  de  Sicile, 
dans  des  fragments  tirés  de  son  xxxiv'  livre, 
raconte  qu'Antiochus  étant  entré  dans  le 
temple  y  trouva  une  statue  de  pierre  qui 
représentait  un  homme  avec  une  grande 
barbe  ,  et  monté  sur  un  âne,  et  qu'il  jugea 
que  cette  figure  était  celle  de  Moïse;  mais 
cela  ne  sulTisait  pas  pour  fonder  la  calomnie 
forgée  par  Appion;  l'on  sait  d'ailleurs  que 
les  Juifs  ne  souffraient  aucune  statue  dans 
leur  temple  ;  et  Tacite  convient  que  quand 


Pompée  y  entra,  il  n'y  trouva  rien.  Le  même 
Tacite,  Éist.j  1.  v,  n.  3  et  4,  rapporte,  d'a- 
près d'autres  écrivains,  que  Moïse  et  son 
peuple  ayatlt  été  chassés  de  l'Egypte,  parce 
qu'ils  étaient  infectés  de  la  lèpre,  se  retirè- 
rent dans  le  désert  d'Arabie,  où  ils  étaient 
près  de  mourir  de  soif,  lorsqu'ils  virent  une 
troupe  d'ânes  sauvages  qui  allaient  vers  un 
rocher  couvert  d'arbres  ;  que  Moïse  les 
ayant  suivis ,  trouva  une  abondante  source 
d'eau  ;  qu'en  reconnaissance  de  ce  service, 
les  Juifs  consacrèrent  dans  leur  sanctuaire 
une  figure  de  cet  animal.  Plutarque,  dans 
ses  propos  de  table,  a  copié  cette  table. 

Mais  Tacite  lui-même  n'y  ajoutait  pas  fol, 
K  Les  Egyptiens,  dit-il,  n.  5,  adorent  plu- 
sieurs animaux  et  des  figures  composées  de 
différentes  espèces;  les  Juifs  admettent  un 
seul  Dieu  que  l'on  ne  peut  saisir  que  pir 
la  pensée  ;  Etre  souverain  qui  existe  de 
toute  éternité.  Etre  immortel  et  immuable. 
Ils  regardent  comme  des  profanes  ceux  qui 
représentent  les  dieux  sous  une  forme  hu- 
maine ;  ils  ne  souffrent  point  de  simulacre 
dans  leurs  villes,  encore  moins  dans  leur 
temple;  ils  ne  rendent  cet  honneur  ni  aux 
rois  ni  atis  Césars.  » 

Plusieurs  savants  modernes  ont  recherché 
l'origine  de  la  calomnie  d' Appion,  et  ont 
formé  différentes  conjectures  sm*  ce  sujet. 
Celle  qui  paraît  la  plus  probable  est  celle  de 
Lefèvre.  11  observe  que  le  temple  bâti  en 
Egypte  par  Onias,  sacrificateur  juif  schismati- 
que,  était  appelé  "Oviou  Uçà-j,  et  souvent 'ovîeîov 
temple  d'Onias  ;  .]es  Alexandrins,  ennemis 
des  Juifs,  l'appelèrent  malicieusement  ovou 
hpô-j,  le  temple  de  Vûne.  Saint  Epiphane  par- 
lant des  gnostiques  judaïsants,  dit  qu'ils  re- 
présentaient leur  dieu  Sabaoth  sous  la  figure 
d'un  âne  ;  mais  ce  fait  ne  paraît  pas  suffi- 
samment prouvé.  Hist.  de  l'Acact.  des  In- 
script., t.  I,  in-12,  p.  181;  Mém.,  tom.  II. 
p.  4.89. 

OPERANTE  (grâce).  Voy.  Grâce. 

OPÉRATION.  Les  théologiens  expriment 
également  par  ce  terme  les  actions  de  Dieu 
et  celles  de  l'homme  ;  ils  distinguent,  en  par- 
lant des  premières,  les  opérations  miracu- 
leuses d'avec  celles  de  la  gi'àce,  qui  sont 
communes  et  journalières  ;  à  l'égard  de 
l'homme  on  distingue  les  opérations  de  l'âme 
d'avec  les  mouvements  du  corps,  les  opéra- 
tions surnaturelles  d'avec  les  actions  natu- 
relles, etc.  En  Jésus-Christ,  Dieu  et  homme, 
l'Eghse  catholique  enseigne  qu'il  y  a  deux 
opérations,  l'une  divine,  l'autre  humaine,  et 
non  une  seule  opération  théandrlque,  comme 
le  prétendaient  les  monothélites  et  les  mo- 
nophysites.  Voy.  Théandrique. 

OPHITES,  secte  d'hérétiques  du  ir  siècle, 
qui  était  une  branche  des  gnostiques;  leur 
nom  vient  d,"i'fii,  serpent,  et  ils  furent  appo 
lés  serpentins ,  parce  qu'ils  rendaient  un 
culte  superstitieux  à  cet  animal.  Mosheim 
prétend  que  cette  secte  était  plus  ancienne 
que  la  religion  chréiienne;  que,  dans  l'o- 
rigine, c'était  un  mélange  de  philosophie 
ég}ptienne  et  de  judaïsme;  une  partie  de 
ses  membres   embrassèrent  l'Evangile,   les 


HOl 


OPI 


OPT 


H02 


aufres  persistèrent  dans  leurs  anciennes  opi- 
nions; do  là  viiit  que  l'on  distingua  les 
ophites  clirétiens  d'dveeccux  qui  ne  Tétaient 
pas;  c'était  aussi  le  senliuumt  de  Pliilastre. 
Quoi  qu'il  en  soit,  les  piviiiiers  ne  se  con- 
vertiront pas  fort  sincèreujont;  ils  conservè- 
rent les  mêmes  cireurs  que  les  gnostiques 
èj^yptions  toucliaot  l'éternité  de  la  matière, 
la  création  du  monde  contre  la  volonté  do 
Dieu,  la  multitudis  dos,  éons  ou  géni(!s  qui 
gouvernaient  le  monde,  la  tyramiie  du  dé- 
miurge ou  créateur;  selon  eux,  le  Christ,  uui 
à  l'homme  Jésus,  était  venu  pour  détruire 
l'enjpire  do  cet  usurf)ateur.  Ils  ajoutaient 
que  le  serpent  qui  séduisit  Eve  éiail  ou  le 
Christ  lui-môme,  ou  la  Sagesse  éternelle  ca- 
chée sous  la  ligure  de  cet  animal;  qu'en 
donnant  <i  nos  premiers  parents  la  connais- 
sance du  bien  et  du  mal,  il  avait  rendu  le 
plus  grand  service  au  genre  humain;  con- 
séquomment  qu'il  fallait  l'honorer  sous  la 
figure  qu'il  avait  prise  pour  instruire  les 
honunes.  Ils  convonaiont  que  Jésus  était  né 
do  la  Vierge  Marie  par  l'opération  do  Dieu  ; 
qu'il  avait  été  lo  plus  .justi;,  le  plus  sage,  le 
plus  saint  de  tous  les  hommes;  mais  ils  sou- 
tenaient que  Ji'sus  n'ét;iit  pas  la  même  per- 
sonne que  le  Christ;  que  celui-ci  élait  des- 
cendu du  ciel  dans  Jésus,  et  l'avait  quitté 
lorsque  Jésus  fut  crucilié;  qu'il  lui  avait  ce- 
pendant envoyé  une  vortu  par  laquelle  Jésus 
était  ressuscité  avec  un  corps  spirituel.  Ainsi 
ces  liorctiqucs  convenaient  dans  le  fond  des 
principaux  faits  publiés  par  les  apôtres. 
Leurs  chefs  ou  prêtres  en  imposaient  aux 
ignorants  par  une  espèce  de  prodige.  Lors- 
qu'ils célébraienl  leurs  mystères,  un  serpent 
qu'ils  avaient  apprivoisé  sortait  de  son  trou  à 
un  certain  cri  qu'ils  faisaient,  et  y  rentrait 
après  s'être  routé  sur  les  choses  qu'ils  of- 
fraient en  sacrifice  ;  ces  imposteurs  en  con- 
cluaient (lue  le  Christ  avait  sanctifié  ces  rions 
par  sa  présence,  et  ils  les  distribuaient  en- 
suite aux  assistants  comme  une  eucharistie 
txqialile  de  les  sanctifier  eux-mêmes.  Théo- 
doret  pense  que  ces  ophites  étaient  les  mômes 
cjue  les  sétliiens,  qui  disaient  que  Seth,  iils 
d'Adam,  était  une  certaine  vortu  divine  ;  il 
parait  ilu  moins  que  la  doctrine  de  ces  deux 
sectes  était  à  pou  près  la  même.  Mais 
comment  conserver  l'unité  de  croyance  parmi 
des  fanatiques?  Les  ophites  antichrétiens 
avaient  la  même  opinion  que  les  précédents 
au  sujet  du  se: pont,  mais  ils  ne  pouvaient 
soull'rir  le  nom  même  de  Jésus-Christ;  ils  le 
maudissaient,  parce  qu'il  est  écrit  qu'il  a  été 
envoyé  dans  le  monde  pour  écraser  la  tète 
du  serpent;  conséquomment  ils  ne  recevaient 
personne  dans  leur  société,  sans  lui  faire 
renier  et  maudire  Jésus-Christ.  Aussi  Ori- 
gène  ne  veut  point  les  reconnaître  pour 
chrétiens,  et  ce  (pi'il  a  cité  de  leurs  livres 
dans  son  ouvrage  contre  Celse  est  inintelli- 
gible et  absurde.  Il  ajoute  que  leur  secte 
était  très-peu  nombreuse  et  |.resque  entiè- 
rement éleinio.  Celait  maliciousemont  que 
Celse  attribuait  aux  chrétiens  les  rêveries 
des  ophites.  Tiliemont,  t.  Il,  p.  288. 
OPINION.   11  *'aut  distinguer  soigneuse- 


ment dans  les  écrits  des  théologiens,  môme 
dans  ceux  des  Pères  de  l'Eglise,  le  dogme 
d'avec  les  opinions.  Tout  ce  qui  tient  au 
dogino  est  sacré,  on  ne  doit  jamais  y  donner 
atteinte  ;  les  opinions  ou  systèmes  sont  li- 
bres; il  est  permis  de  les  soutenir,  lorsque 
l'Eglise  no  les  a  pas  expiossément  condam- 
nés; aucun  système  ne  mérite  la  préférence 
sur  l'opinion  contraire,  qu'autant  qu'il  pa- 
raît s'accordor  mieux  avec  les  vérités  for- 
niolleinoiit  décidées.  Faute  d'avoir  égard  à 
coite  distinction,  il  est  arrivé  de  grands  in- 
convénients. Les  ennemis  de  l'Eglise  catho- 
liipio  lui  ont  fait  un  crime  de  toutes  les 
opinions  ridicules  qu'ils  ont  pu  déterrer 
dans  les  théologiens  les  plus  obscurs  et  qui 
n'ont  tiré  h  aucune  conséquence  ;  comme 
si  l'Eglise  était  obligée  d'avoir  toujours  la 
foudre  à  la  main,  et  de  fouiller  dans  tous  les 
coins  du  monde  pour  y  découvrir  ce  qui 
peut  être  sujet  à  la  censure;  et  les  incré- 
dules suivent  ce  bel  exemple  pour  tourner 
la  théologie  en  ridicule.  D'autre  part,  plu- 
sieurs théologiens  mettent  plus  do  zèle  et 
de  chaleur  à  soutenir  les  opinions  de  leur 
école  et  les  systèmes  particuliers  qu'ils  ont 
embrassés,  qu'à  défendie  le  dogme  contre 
les  assauts  des  hérétiques  et  des  incrédules. 
On  a  poussé  l'ontôtement  jusqu'à  vouloir 
persuader  que  quand  les  conciles  et  les  sou- 
verains pontifes  ont  donné  de  grands  éloges 
à  la  doctrine  d'un  Père  de  l'Eglise,  ils  ont 
consacré  par  là  toutes  les  opinions  que  ce 
personnage  rospectacle  a  suivies,  auxquelles 
dans  lo  fond  il  n'attachait  pas  beaucoup 
d'importance,  et  qu'il  auraitaDanaonnées  sans 
difficulté,  s'il  avait  eu  à  combattre  d'autres 
adversaires.  Ainsi,  d'un  côté,  les  hérétiques 
censurent  avec  aigreur  dans'les  Pères  toutes 
les  opinions  problématiques  ;  d'autre  part, 
des  esprits  ardents  et  prévenus  veulent  que 
tout  y  soit  sacré  :  comment  contenter  à  la 
fois  les  uns  et  les  autres?  Il  serait  bon  de  ne 
jamais  oublier  la  maxime  déjà  ancienne  : 
Dans  les  choses  ne'cessaires ,  unité  ;  dans  les 
questions  douteuses,  liberté;  en  toutes  choses, 
charité. 

OPINIONISTES.  On  nomma  ainsi  certains 
hérétiques  qui  parurent  au  xv"  siècle,  du 
temps  du  pape  Paul  II,  parce  qu'étant  infa- 
tués de  plusieurs  opinions  ridicules,  ils  les 
soutenaient  avec  opiniâtreté.  Leur  princi- 
pale erreur  consistait  à  se  vanter  d'une  pau- 
vreté affectée ,  et  à  enseigner  qu'il  n'y 
avait  point  de  véritable  vicaire  de  Jésus- 
Christ  sur  la  terre  que  celui  qui  pratiquait 
cotte  vertu.  11  parait  que  cette  secte  était  un 
rejeton  de  celle  des  vaudois.  Sponde,  adann. 
14ti7,  n.  12. 

OPTIMISME,  système  dans  lequel  on  sou- 
tient non-seulement  que  tout  est  bien  dans 
le  monde,  mais  que  tout  est  le  mieux  pos- 
sible, optimum;  que  Dieu  avec  toute  sa 
puissance  n'a  pu  faire  mieux  que  ce  qu'il  a 
fait,  que  chaque  créature  ne  peut  être  nij 
plus  parfaite  ni  plus  heureuse  qu'elle  est,  euj 
é;i;ard  à  l'ordre  général  de  l'univers.  Cotte 
ijvpolhèse  a  été  imaginéo  pour  résoudre  la 
grande  question  de  l'origine  du   mal ,   et 


1105 


OPT 


OPT 


IIOA 


iiour  répondre  aux  objections  que  Baylo 
avait  faites  sur  ce  sujet.  Elle  a  été  soutenue 
avec  beaucoup  d'esprit  par  plusieurs  au- 
teurs anglais,  par  Jacquefot,  i)ar  Malebran- 
che  ,  iiar  Leibnitz  ;  comme  ces  deux  der- 
niers paraissent  l'avoir  mieux  développée 
que  les  autres,  c'est  k  eux  que  nous  devons 
principalement  nous  attacher. 

Malebranche  l'a  établie  dans  ses  Entre- 
tiens sur  la  Métaphysique,  et  dans  son  Traité 
de  In  Nature  et  de  la  Grâce.  11  pose  pour 
principe  que  Dieu  ne  peut  agir  par  un  aulre 
motif  que  pour  sa  gloire;  d'où  il  conclut  que 
Dieu,  en  créant  le  monde,  a  choisi  le  plan 
et  l'ordre  des  choses,  qui,  tout  considéré, 
étaient  le  plus  capables  de  manifester  ses 
perfections.  Malebranche  fonde  son  prin- 
cipe sur  le  passage  des  Proverbes,  c.  xvi, 
V.  k,  on  il  est  dit  que  Dieu  a  tout  fait  pour 
lui-même  :  Universa  propter  semetipsum  opé- 
rai us  est  Dominus,  impium  quoque  ad  diem 
malum.  En  rapprochant  ces  paroles  de  celles 
de  saint  Paul  {Coloss.  i,  16)  :  «  Toutes  choses 
ont  été  créées  en  Jésus-Christ  et  par  Jésus- 
Christ  dans  le  ciel  et  sur  la  terre,  et  tout 
subsiste  par  lui ,  »  Malebranche  en  conclut 
que  Dieu,  en  créant  le  monde,  a  eu  pour  ob- 
jet non-seulement  l'ordre  physique  et  la 
beauté  de  son  ouvrage,  dans  lequel  il  a  fait 
éclater  ses  perfections,  mais  l'ordre  moral  et 
surnaturel  duquel  Jésus-Christ  est,  pour 
ainsi  dire,  l'âme  et  le  principe,  et  qui  déve- 
loppe à  nos  yeux  les  attributs  divins  beau- 
coup mieux  que  l'ordre  )ihysique  de  l'uni- 
vers ;  ainsi  pour  comprendre  l'excellence  de 
l'ouvrage  de  Dieu,  il  ne  faut  pas  séparer  ces 
deux  rapports  l'un  de  l'autre.  «  On  ne  com- 
prendra jamais,  dit-il,  que  Dieu  agisse  uni- 
quement pour  ses  créatures ,  ou  par  un 
mouvement  de  pure  bonté,  dont  le  motif  ne 
trouve  point  sa  raison  dans  les  attributs  di- 
vins. Dieu  peut  ne  point  agir;  mais  s'il 
agit,  il  ne  le  peut  qu'il  ne  se  règle  sur  lui- 
même,  sur  la  loi  qu'il  trouve  dans  sa  sub- 
stance. 11  peut  aimer  les  hommes,  mais  il 
ne  le  peut  qu'à  cause  du  rapport  qu'ils  ont 
avec  lui.  11  trouve  dans  la  beauté  que  ren- 
ferme l'archétype  de  son  ouvrage  un  motif 
de  l'exécuter  ;  mais  c'est  que  cette  beauté 
lui  fait  honneur,  parce  qu'elle  exprime  des 
ciualités  dont  il  se  glorifie  et  qu'il  est  bien 
aise  de  posséder.  Ainsi  l'amour  que  Dieu 
nous  porte  n'est  point  intéressé  dans  ce 
sens  qu'il  ait  quelque  besoin  de  nous,  mais 
il  l'est  dans  ce  sens  qu'il  ne  nous  aime  que 
par  l'amour  qu'il  se  porte  à  lui-même  et 
a  ses  divines  perfections  que  nous  expri- 
mons par  notre  nature,  et  que  nous  adorons 
par  Jésus-Christ.  »  9'  Entr.,  n.  8.  «  Plus  un 
ouvrage  est  parfait,  mieux  il  exprime  les 
perfections  de  l'ouvrier,  et  il  lui  fait  d'au- 
tant plus  d'honneur,  que  les  perfections 
qu'il  exprime  plaisent  davantage  a  celui  qui 
les  possède;  ainsi  Dieu  veut  faire  son  ou- 
vrage le  i)lus  parfait  qui  se  puisse...  Mais 
aussi  Dieu  veut  que  sa  conduite  aussi  bien 
que  son  ouvrage  portent  le  caractère  de  ses 
attributs.  Non  content  que  l'univers  l'honore 
par  son  excellence  et  sa  beauté,  il  veut  que  ses 


voies  le  glorifient  par  leur  simplicité,  leur  fé- 
condité, leur  universalité,  leur  uniformité,  par 
tous  les  caractères  qui  expriment  des  quali- 
tés qu'il  se  glorifie  déposséder...  Ce  que  Dieu 
l'eut,  c'est  d'agir  toujours  le  plus  divinement 
qu'il  se  puisse,  ou  d'agir  exactement  selon 
ce  qu'il  est  et  selon  tout  ce  qu'il  est.  Dieu  a 
vu  de  toute  éternité  tous  les  ouvrages  pos- 
sibles et  toutes  les  voies  possibles  de  pro- 
duire chacun  d'eux  ;  et  comme  il  n'agit  que 
pour  sa  gloire  et  selon  ce  qu'il  est,  il  s'est 
déterminé  à  vouloir  l'ouvrage  qui  pouvait 
être  produit  et  conservé  par  les  voies  qui, 
jointes  à  cet  ouvrage,  devaient  l'honorer  da- 
vantage que  tout  autre  ouvrage  produit  par 
toute  autre  voie.  »  Ibid.,  n.  10.  «  SL  un 
monde  plus  parfait  que  le  nôtre  ne  pouvait 
être  créé  et  conservé  que  par  des  voies  ré- 
ciproquement moins  parfaites...  Dieu  est 
trop  sage,  il  aime  trop  sa  gloire,  il  agit  trop 
exactement  selon  ce  qu'd  est,  pour  [)OUvoir 
le  préférer  à  l'univers  qu'il  a  créé....  Quoique 
Dieu  puisse  ne  pas  agir  ou  ne  rien  faire, 
parce  qu'il  se  suffit  à  lui-môme,  il  ne  peut 
choisir  et  prendre  le  pire;  il  ne  peut  agir 
inutilement;  sa  sagesse  lui  défend  de  preu- 
dre  de  tous  les  desseins  possibles  celui  qui 
n'est  pas  le  plus  sage  ;  l'amour  qu'il  se  porte 
à  lui-môme  ne  lui  permet  pas  de  choisir 
celui  qui  ne  l'honore  pas  le  plus....  Si  les 
défauts  do  l'univers  que  nous  habitons  en 
diminuent  le  rapport  avec  les  perfections 
divines,  la  simplicité,  la  fécondité,  la  sa- 
gesse des  voies  ou  des  lois  que  Dieu  suit, 
l'augmentent  avec  avantage.  Un  monde  plus 
parfait,  mais  produit  par  des  voies  moins  fé- 
condes et  moins  simples,  ne  porterait  pas 
tant  que  le  nôtre  le  caractère  des  attributs 
divins.  Voilà  pourquoi  le  monde  est  rempli 
d'impies,  de  monstres ,  de  désordres  de 
toutes  façons.  Dieu  pourrait  convertir 
tous  les  hommes ,  empêcher  tous  les  dé- 
sordres ;  mais  il  ne  doit  pas  pour  cela 
troubler  la  simplicité  et  l'uniformité  de  sa 
conduite;  car  il  doit  s'honorer  par  la  sa- 
gesse de  ses  voies  aussi  bien  que  par  la 
perfection  de  ses  créatures.  >-  Ibia.,  n.  11. 

«  La  prédestination  des  hommes  se  doit 
nécessairement  trouver  dans  le  même  prin- 
cipe. Je  croyais  que  Dieu  avait  choisi  de 
toute  éternité  tels  et  tels,  précisément  par- 
ce qu'il  le  voulait  ainsi,  sans  raison  de  son 
choix,  ni  de  sa  part  ni  de  la  nôtre,  et  qu'en- 
suite il  avait  consulté  sa  sagesse  sur  les 
moyens  de  les  sanctifier  et  de  les  conduire 
sûrement  au  ciel.  Mais  je  comprends  que  je 
me  trompais.  Dieu  ne  forme  point  aveuglé- 
ment ses  desseins,  sans  les  comparer  avec 
les  moyens.  11  est  sage  dans  la  formation  de 
ses  décrets  aussi  bien  que  dans  l'exécution  ; 
il  y  a  en  lui  des  raisons  de  la  prédestination 
des  élus.  C'est  que  l'Eglise  future  ,  formée 
par  les  voies  que  Dieu  y  emploie,  lui  fait 
plus  d'honneur  que  toute  autre  Eglise  for- 
mée par  toute  autre  voie...  Dieu  ne  nous  a 
prédestinés,  ni  nous  ni  notre  divin  chef,  à 
cause  de  nos  mérites  naturels,  mais  à  cause 
des  raisons  que  sa  Ici  inviolable,  l'ordre  im- 
muable, le  rapport  ,  écessaire  des  perfec- 


410S 


OPT 


OPT 


1106 


lions  qu'il  possède ,  lui  fournit.  Il  a  voulu 
unir  son  Verho  k  telle  nature  et  prédesti- 
ner en  son  Fils  tels  et  tels,  parce  que  si  su- 
gesse  lui  a  marqué  d'en  user  ainsi  envers 
eux  pour  sa  propre  gloire.  »  Ibid.,  n.  12. 
Suivant  l'opinion  de  Malebranche,  il  en  est 
de  niônie  de  la  distribution  des  grdces;  Dieu 
ne  les  donne  qu'en  conséquence  de  certai- 
nes lois  générales.  Cette  distribution  est 
donc  raisonnable  et  digne  do  la  sagesse  do 
Dieu,  ([uoiqu'elle  ne  soit  fondée  ni  sur  la 
didV'renci-'  des  natures  ni  sur  l'inégalité  des 
mérites.  Ibid. 

On  ne  peut  pas  nier  que  ce  système  no 
soit  beau ,  di;j;ne  d'un  profond  niél,i|)livsi- 
cien,  séduisant  au  piemiercoupd'u'il  :  Ravie 
lui-niôme  en  a  porté  ce  jugement.  Mais  est- 
il  solide,  ou  n'est-ce  qu'un  rôve  sublime  ? 
Voilà  la  question.  Non -seulement  Bayli^ 
mais  le  docteur  Arnaud  l'a  vivement  ktta- 
(jué.  Sans  examiner  ce  qu'ils  ont  dit,  il  nous 
paraît  que  l'opinion  de  Malebranche  n'est 
fondée  que  sur  <le  fausses  notions  des  at- 
tributs divins,  sur  l'abus  de  plusieurs  ter- 
mes, sur  des  suppositions  qu'il  est  im- 
possible do  prouver  ;  qu'elle  est  con- 
traire à  l'Ecriture  sainte  et  sujette  h  de 
dangereuses  conséquences.  —  1°  Le  |)as- 
sage  du  livre  des  Proverbes  ne  doit  point 
être  cité  en  preuve,  parce  qu'il  est  suscep- 
tible d'un  autre  sens  que  celui  qui  lui  est 
donné  dans  la  Vulgate.  Celui-ci  coupe  la 
phrase,  ne  laisse  aucune  liaison  entre  ce 
(pii  jjrécèle  et  ce  qui  suit.  Aussi  les  Septante, 
le  iiaraphrasle  chakh'en,  la  version  syriaque 
et  l'arabe  ont  traduit  autrement,  et  les  com- 
mentalcurs  conviennent  (jue  le  terme  hébreu 
est  obscur.  Il  peut  signitier  également  /jropfcr 
semetipsum  et  propler  idipsum  ;  la  suite  du 
discours  semble  exiger  que  l'on  traduise 
ainsi ,  c.  xvi,  v.  3  et  i  :  «  Tournez  vers 
le  Seigneur  vos  desseins  ou  vos  entreprises, 
et  elles  auront  un  heureux  succès  ;  il  a  tout 
fait  pour  cette  lin,  propter  idipsum,  et  il  ré- 
serve des  mallieurs  à  l'impie;  ou  plutôt,  mais 
l'impie  va  de  lui-même  au  malheur.  »  En- 
temlre  connue  certauis  traducteurs,  qu(;  Dieu 
a  tout  fait  jinursa  gloire,  et(iu'il  a  lai!  l'im- 
pie ,  alin  d'être  glorilié  par  les  niallieurs 
qu'il  lui  réserve ,  c'est  avoir  de  Dieu  une 
idée  fausse  et  contraire  à  (■elle  (juo  nous 
en  donne  l'Ecriture  sainte.  Dieu  n'a  jamais 
fait  consister  sa  gloire  dans  le  malheur  de 
ses  créatures.  —  2"  L'on  no  peut  pas  com- 
prendre ,  dit  Malebranche,  que  Dieu  agisse 
uniquement  pour  ses  créatures  ou  par  un 
mouvement  de  pure  bonté.  Dieu,  Ji  la  véri- 
té, n'agit  j)oint  sans  motif;  mais  la  bonté 
n'est-elle  pas  à  elle-même  son  molif"?  sui- 
vant une  maxime  très-commune  ,  la  bonté 
aime  à  se  répandre,  bomim  est  sui  diffusi- 
vum  ;  telle  est  son  essence.  Il  ne  sert  à  rien 
d'ajouter  que  le  motif  de  Dieu  doit  avoir  sa 
raison  dans  les  attributs  divins  ;  la  bonté,  en 
tant  qu'elle  a  rapport  aux  créatures ,  n'est- 
elle  donc  pas  un  attribut  essentiel  de  la  Di- 

(1)  Ce  jugement  est  un  peu  sévère  sur  le  Père  Ma- 
lebrauchc.Koi/.  LiniiRTÉ  i)E  Dit»,. 


vinité;  attribut  si  connu,  je  dirais  presouo 
si  palbable,  que  les  ignorants  appellent  I  E- 
tre  suprême,  le  bon  Dieu,  et  que  dans  plu- 
sieurs langues  Dieu  et  bon  s'expriment  de 
même?  Dieu,  continue  Malebranche,  ne 
peut  aimer  les  honnues  qu'à  cause  du  rap- 
port qu'ils  ont  avec  lui  ;  soit,  mais  ce  rap- 
port consiste  en  ce  qu'.ils  sont  ses  créatures  ; 
il  n'est  point  de  rapport  plus  étroit.  «  Vous 
ainu^z,  Seigneur,  tout  ce  qui  est ,  vous  ne 
haïssez  rien  de  ce  que  vous  avez  fait....; 
vous  épargnez  les  honnues,  parce  c[u'ils  sont 
à  vous  et  i[ue  vous  aimez  les  Ames  (Sap.  xi, 
al).  »  —  3"  De  tous  les  attributs  divins,  la 
bonté  est  celui  sur  lequel  les  livres  saints 
insistent  le  plus  :  «  Louez  le  Seigneur,  parce 
qu'il  est  bon,  jiarce  que  sa  mis(iricorde  est 
éternelle.  «  Voilà  le  reirain  de  la  ]ilupartdes 
psaumes.  C'est  à  ce  motif  (pie  le  psalmisle  at- 
tribue tous  les  ouvrages  de  la  création  et  tous 
les  prodi,i;es  de  la  puissance  divine.  Il  dit  à 
Dieu  :  «  Vous  avez  tout  fait  avec  sagesse  ;  » 
mais  il  ajoute  incontinent  :  «  La  terre  est 
couverte  de  vos  richesses  (Ps(d.  cni,  2i).  » 
Un  autre  écrivain  sacré ,  parlant  de  la  sa- 
gesse divine,  dit  que  c'est  l'image  ou  l'ex- 
pression de  sa  bonté  :  Imago  bonitalis  iliiiis 
{Sap.  vu,  26).  Ces  saints  auteurs  nous  font 
admirer  la  sagesse  de  Dieu,  surtout  par  sas 
bienfaits.  —  'i.*  Saint  Augustin  ,  duc[uel  ce 
philosophe  fait  souvent  profession  de  suivre 
la  doctrine,  nous  donne  une  idée  bien  dif- 
férente de  la  Providence  divine  :  «  L'essence 
de  Dieu,  dit-il,  est  d'être  bon  et  la  bonté  im- 
muable. »  De  Perf.  juslili(e  liojninis,  n.  32. 
«  Vous  voulez.  Seigneur,  que  je  vous  serve 
et  vous  honore,  afui  de  me  rendre  heureux, 
vous  qui  m'avez  donné  l'être,  pour  me  faire 
du  bien.  C'est  par  la  plénitude  de  votre  bon- 
té (}ue  subsistent  toutes  les  créatures  ;  vous 
les  avez  tirées  du  néant,  afin  de  faire  un  bien 
qui  ne  vous  sert  à  rien ,  qui  ne  peut  être 
égal  à  vous,  mais  c(ue  vous  seul  pouviez 
faire.  De  quoi,  en  effet,  vous  servent  le  ciel, 
la  terre,  etc.  ?  Confess. ,  1.  xiii ,  c.  1  et  2. 
Nous  avions  besoin  de  savoir  trois  choses 
touchant  la  création  ;  l'Ecriture  nous  les  ap- 
prend. Oui  a  tout  fait?  C'est  Dieu.  Comment 
l'a-t-il  lait'/  Par  sa  jiarole.  Pourtiuoi  l'a-t-il 
fait?  Parce  que  cela  était  bon.  Il  ne  ])eut  y 
avoir  une  meilleiue  raison  à  donner,  que  de 
dire  qu'un  Dieu  bon  devait  faire  de  bonnes 
choses...  Parla  nouscomprenonsqueDieu  ne 
les  a  faites  par  aucune  nécessité, par  aucun  in- 
térêt, par  aucun  besoin,  mais  par  pure  lion- 
té.  »  Saint  Augustin  loue  Platon  et  Origène 
d'avoir  eu  cette  idée  de  Dïcu..  De  Civit.  De i,  I. 
XI,  c.  21,  23  et  2k.  —  5*  Le  système  de 
Malebranche  ôte  à  Dieu  l'un  des  plus  beaux 
apanages  de  la  Divinité,  la  liberté  souve- 
raine, l'indépendance  absolue.  Selon  lui,  la 
loi  que  Dieu  trouve  dans  sa  substance,  l'or- 
dre immuable ,  le  rap[iort  nécessaire  des 
perfections  qu'il  possède,  enfin  l'amour  qu'il 
se  porte  à  lui-même ,  ne  lui  permettent  pas 
de  choisir  le  dessein  qui  ne  l'honore  pas  le 
plus.  Neuvième  entretien,  n.  8,  10,  12.  Dieu 
choisit  donc  et  agit  par  nécessité  de  nature  ; 
en  ce  cas,  où.  est  sa  liberté?  Malebranche 


1107 


OPT 


OPT 


1108 


prétend  sans  doute  que  cette  nécessité  mê- 
me est  une  perfection  divine  ;  mais  cette 
idée  répugne  au  bon  sens.  Aussi  ne  la  prou- 
ve-t-il  que  par  une  supposition  fausse  et  iiar 
un  pur  verbiage.  «  Nous  juj^eons,  dit-il,  de 
Bien  f)ar  nous-mêmes  ;  nous  aimons  l'indé- 
pendance ;  c'est  pour  nous  une  espèce  de 
servitude  de  nous  soumettre  à  la  raison , 
une  espèce  d'impuissance  de  ne  pouvoir 
faire  ce  qu'elle  défend  ;  ainsi  nous  craignons 
de  rendre  Dieu  iuipuissant  à  force  de  le 
faire  sage.  Mais  Bieu  lui-même  est  sa  sa- 
gesse, la  raison  souveraine  lui  est  coéter- 
nelle  et  consubstantielle  ;  il  l'aime  néci  s- 
sairemeiit ,  et  quoiqu'il  soit  obligé  de  la 
suivre,  il  demeure  indépendant.  »  Neuvième 
entretien,  n.  13.  Indépendant  de  tout  empè- 
cliement  extérieur,  à  la  bonne  heure  ;  mais 
soumis  à  une  n<'cessilé  de  nature  é([uiva- 
lente  au  ilestin  ou  a  la  fatalité,  ce  n'est  là 
qu'une  équivoque.  En  premier  lieu,  à  l'é- 
gard d'un  Etre  infuiiment  puissant ,  tel  que 
Bieu ,  il  est  absurde  de  supposer  qu'il  n'y 
ait  ([u'un  seul  dessein ,  un  seul  plan  ,  une 
seule  manière  d'agir  qui  soit  sage.  C'est  pré- 
tendre que  dans  les  ouvrages  de  Dieu ,  au 
dehors,  il  y  a  un  optimum,  un  dernier  ter- 
me de  sagesse  et  de  puissance,  au  delà  du- 
quel Dieu  ne  peut  rien  faire  ni  rien  choisir 
de  mieux;  le  choix  peut-il  encore  avoir 
lieu  lorsqu'il  n'y  a  qu'un  seul  jiarti  possi- 
ble à  prendre  ?  Nous  démontrerons  la  faus- 
seté de  cette  imagination,  en  réfutant  Leib- 
nitz.  En  second  lieu  ,  il  est  laux  que  nous 
empruntions  de  nous-mêmes  la  notion  de 
l'iudépendance  de  Dieu  ;  nous  la  tirons  évi- 
demment de  l'idée  d'Etre  nécessaire  ,  exis- 
tant de  soi-même,  qui  se  suflit  à  lui-même, 
qui  est  également  heureux  et  parfait,  soit 
qu  il  agisse ,  soit  qu'il  n'agisse  pas  au  de- 
hors ;  et  nous  défions  les  partisans  de  Ma- 
lebranche  de  prouver  démonstrotivement 
aucun  des  attributs  de  Dieu  d'une  autre  ma- 
nière. Suppose,  que  Dieu  agit  par  sagesse, 
l)ar  raison  et  par  choix  lorsqu'il  agit  jiar  né- 
cessité de  nature,  c'est  se  coidredire  évi- 
deiument.  —  G°  Ce  même  système  met  sans 
raison  des  bornes  à  la  puissance  divine.  11 
y  a  pour  le  moins  de  la  témérité  à  juger 
que  si  Dieu  a  pa  faire  un  monde  plus  beau 
et  meilleur  que  celui-ci,  et  dans  lequel  les 
créatures  auraient  été  plus  parfaites  et  ))lus 
heureuses,  du  moins  il  n'aurait  pas  pu  le 
faire  ni  le  gouverner  par  des  lois  aussi  sim- 
ples, aussi  fécondes,  aussi  générales  que 
celles  par  lesquelles  il  a  formé  et  conservé 
le  monde  actuel.  Nous  voudrions  savoir  en 
quel  sens  des  lois  peuvent  être  plus  ou  moins 
simples  aux  yeux  de  Dieu ,  qui  voit  tout 
d'un  seul  regard,  et  qui  opère  tout  par  le 
seul  vouloir.  Que  les  voies  les  plus  simples 
idaisent  aux  hommes  dont  l'esprit  est  très- 
borné,  qui  ne  font  rien  sans  effort  et  sans 
se  fatiguer,  cela  se  conçoit;  mais  à  l'égard 
de  Dieu,  y  a-t-il  rien  de  plus  simple  que  le 
vouloir  ?  —  7°  Après  avoir  ùlé  à  Dieu  sa 
toute-puissance  et  la  liberté  d'en  user  com- 
me il  lui  plaît,  notre  philosophe  donne  en- 
core atteinte  à  la  liberté  des  actions  humai- 


nes, en  supposant  que  l'ordre  moral  de  l'u- 
nivers est  encliaîné  à  l'ordre  physique,  ou 
du  moins  que  le  premier  est  une  suite  in- 
faillible du  second.  «  Dieu,  dit-il ,  avant  de 
donner  à  la  matière  la  |)remière  impression 
de  mouvement  qui  a  formé  l'univers ,  en  a 
connu  clairement  toutes  les  suites,  non-seu- 
lement toutes  les  combinaisons  physiques  , 
mais  toutes  les  combinaisons  du  ])liysique 
avec  le  moral,  et  toutes  les  combinaisnus  du 
naturel  avec  le  surnaturel...  Il  a  prévu  que 
dans  telle  circonstance  l'homme  j lécherait, 
et  que  son  péché  se  communiquerait  à  toute 
sa  postérité,  en  conséquence  des  lois  de 
l'union  de  l'âme  et  du  corps.  »  Dixième  en- 
trct.,  n.  17;  Onzième  entret.,  n.  10. 

Il  nous  paraît  qu'il  suffit  d'entendre  les 
termes  pour  comprendre  qu'il  ne  i)eut  y 
avoir  aucune  liaison,  aucune  ressemblance, 
aucune  combinaison  entre  l'ordre  physique 
dont  les  lois  s'exécutent  nécessairement  et 
l'ordre  moral  dont  les  lois  laissent  à  l'hom- 
me un  plein  pouvoir  d'y  résister.  Cetie  com- 
binaison préti  ndue  autorise  les  matérialis- 
tes à  soutenir  que  toutes  les  actions  de 
l'homme,  aussi  bien  que  tous  les  phénomè- 
nes de  la  nature  sont  un  pur  mécanisme  et 
une  suite  nécessaire  des  lois  générales  du 
mouvement  de  la  matière.  Dieu,  sans  doute, 
a  prévu  infailliblement  les  uns  et  les  autres, 
mais  cette  prévision  ne  supipose  ni  n'établit 
aucune  connexion  ni  aucune  ressemblance 
entre  les  uns  et  les  autres  ;  autrement  c'en 
est  fait  de  la  liberté,  et  l'ordre  moral  n'est 
])]us  qu'un  ordre  physique.  Yoy.  Liberté. 
Une  correspondance  entre  l'ordre  naturel  et 
l'ordre  surnaturel  nous  parait  encore  plus  ma. 
imag  née  ;  le  second  est  absolument  indé- 
pendant du  premier  ;  c'est  l'idée  qu'emporte 
le  terme  de  surnaturel.  Sans  toucher  à  l'or- 
dre pliysique  du  monde.  Dieu  a  été  le  maî- 
tre d'établir,  pour  les  créatures  intelligentes 
et  libres,  tel  ordre  surnaturel  qu'il  hd  a  plu. 
Nous  n'avouerons  pas  non  plus  que  le  pé- 
ché d'Adam  se  communique  à  ses  descen- 
dants en  vertu  des  lois  de  l'union  de  l'àme 
avec  le  corj)S.  Saint  Augustin ,  fort  embar- 
rassé à  comprendre  comment  se  fait  celte 
communication  ,  n'a  osé  embrasser  aucun 
système,  contra  JuL,  1.  y,  c.  4,  n.  17;  I.  vi, 
c.  5,  n.  11;  Epist.  166,  ad  Hieron.,  c.  3, 
n.  6  ;  c.  6 ,  n.  16.  11  est  convenu  qu'il  ne 
lui  était  pas  possible  de  concilier  la  puni- 
tion terrible  du  péché  originel  avec  la  justice 
de  Dieu  ;  il  a  défié  les  pélagiens  d'en  venir 
à  bout,  môme  dans  leur  système,  Serm.  294, 
n.  6  et  7  ;  1.  m  contra  Jul.,  c.  12,  n.  25. 
Le  parti  le  plus  sage  est  sans  doute  d'imiter 
sa  modestie,  de  nous  écrier  comme  lui,  o 
altitudo  I  C'est  la  seule  gloire  que  nous  puis- 
sions rendre  à  Dieu.  Que  la  concupiscence 
se  communique  des  pères  aux  entants,  en 
vertu  des  lois  de  l'union  de  l'dme  et  du 
corps,  on  peut  le  sujiposer  ;  mais  la  concu- 
piscence est-elle  un  péché  foimel  et  punis- 
sable ?  11  s'en  faut  beaucoup  que  cette  ques- 
tion soit  décidée. 

Leibnitz  a  embrassé  le  même  système  que 
Malebranche,  et  a  raisonné  sur  le  même 


1100 


OPT 


prir^cipe  ;  comme  il  n'y  a  presque  rien  ajouté, 
nous  nous  étendrons  moins  sur  son  opinion 
que  sur  la  piécédente.  «  La  suprôrae  sages- 
se, dit-il,  Ensuis  de  Théodicec,  n.  8,  jointe  à 
une  b(.inlé  inlinic,  n'a  pu  manquer  de  choi- 
sir U  iiu'ilkar.  Car,  comme  un  uioindro  mal 
est  une  espèce  de  bien,  de  même  un  luoin- 
dre  bien  est  une  espèce  de  mal,  s'il  lait 
obstacle  îi  un  bien  plus  ij;rand  ;  et  il  y  aurait 
quelque  chose  a  corriger  dans  les  actions  de 

JJieu,  s'il  y  avait  moyen  de  mieux  l'aire 

Si  donc  il  n'y  avait  pas  parmi  tous  les  mon- 
des possibles,  un  meilliMU'  optimum,  Dieu 
n'en  aurait  protluit  aucun...  n.  10.  11  est 
vrai  (jue  l'on  peut  iiiiaj;iner  des  mondes  pos- 
sibles sans  péeh(5  et  sans  malheur,  mais  ces 
uièuies  mondes  St'raient  d'ailleurs  fort  infé- 
rieurs en  bien  au  nôtre.  Je  ne  saurais  le 
faire  voir  en.  détail,  car  puis-je  coimaîlre  et 
puis-je  représenter  des  inliuis,  et  les  com- 
parer ensemble.  .Mais  on  en  doit  juger  ob  rf- 
fettu,  puisque  Dieu  a  choisi  le  monde  tel 
qu'il  est.  Nous  savons  d'ailleurs  que  souvent 
un  mal  cause  un  bien  auquel  on  ne  serait 
point  arrivé  sans  ce  mal  ;  souvent  même  deux 
maux  l'ont  un  grand  liieu.  «  Nous  remar- 
<|uons  d'abord  avec  [ilaisir  la  sagacité  et  la 
pénétration  de  Leibnitz.  11  a  très-liien  vu 
(jue  bien  et  mal  sont  des  termes  j)uremeut 
relatifs  ;  qu'à  proprement  paj'leril  n'y  a  dans 
le  monde  auc-unmal  absolu;  ainsi,  c[uand  on 
dit  qu'il  y  a  du  mal,  cela  signilie  seulement 
(ju'il  y  a  moins  do  bien  qu  il  ne  pourrait  y 
en  avoir.  Un  mal  duquel  il  résulte  un  plus 
grand  bien  ne  peut  être  censé  un  mal  |iur, 
un  mal  absolu.  Il  a  com|)ris,  en  second  lieu, 
que  toute  créature  étant  esseutiellemunt  bor- 
née est  nécessairement  imparfaite,  et  que 
c'est  dans  cette  imperfection  même  qu'il  faut 
chercher  l'origine  ilu  mal,  n.  20.  Entin  il  a 
remarqué  que  toutes  les  objections  de  Bayle 
portent  sur  une  comparaison  fautive  entre 
la  bouté  de  Dieu  et  la  bonté  humaine  ;  con- 
séqueuunent  il  lui  a  leproché  un  anthropo- 
morphisme continuel,  n.  125,  13i,  etc.  II 
est  étonnant  qu'un  aussi  grand  génie  n'ait 
pas  tiré  de  ces  notions  si  claires  les  consé- 
quences qui  s'ensuivent,  et  qui  renversent 
son  principe. 

En  ellVt,  1"  il  ne  fallait  pas  oublier  que  la 
IHiissance  de  Dieu  est  infinie,  aussi  bien  que 
sa  sa.^esse  et  sa  bonté  ;  qu'ainsi  ([quelque  bien 
que  Dieu  fasse,  il  peut  toujours laire  mieux. 
11  ist  donc  faux  que  dans  les  ouvrages  de 
Dieu  il  puisse  y  avoir  jamais  un  oplimuin 
au  delà  duquel  Dieu  soit  dans  l'impuissance 
de  rien  faire  de  mieux.  Cet  optimum  serait 
nécessairement  borné,  puisqu'il  serait  créé  ; 
or,  il  répugne  à  la  puissance  inlinie  de  Dieu 
d'être  épuisée  par  un  elfet  borné  ;  cet  opti- 
mum renferme  donc  contradiction.  Poser 
pour  principe  que  la  suprême  sagesse,  jointe 
à  une  bonté  inlinie,  n'a  pu  manquer  de  choi- 
sir le  meilleur ,  ce  n'est  i>lus  s'entendre  soi- 
même.  Un  choix  suppose  au  moins  deux 
objets  entre  lequels  Dieu  a  eu  l'optiun  ;  s'il 
n'y  en  a  qu'un,  ce  n'est  plus  un  choix,  Dieu 
a  été  dans  la  nécessité  de  le  prendre.  Seconde 
contradiction.  Nous  avons  remarqué   que 


OPT  luo 

Malebranche  ?  donné  daus  le  même  écueii, 
lorsqu'il  a  dit  que  Dieu  no  peut  choisir  et 
prendre  le  i)ire.  Neuvième  entrct.,  n.  10.  Par 
le  pire  il  faut  nécessairement  entendre  ce 
qui  est  moins  bien  ;  or  puisque  la  chaîne  des 
bien  et  des  mieux  que  Dieu  peut  faire  s'é- 
tend Ji  l'inlini,  il  n'y  a  point  de  dernier  ter- 
me qui  soit  le  mieux  possible;  il  faut  donc 
nécessairement  ipic  Dieu  choisisse  ce  qui  est 
moins  bien  que  ce  (pi'il  peut  faire,  autrement 
il  ne  pourrait  rien  choisir  du  tout.  .Male- 
branche est  retombé  dans  la  même  erreur, 
en  disant  ijue  Dieu  agit  toujours  selon  tout 
ce  (ju'il  est.  11  deviiil  sentir  que  cela  est  iiu- 
possible,  puisque  Dieu  est  infini  ;  sa  puis- 
sance, sa  sagesse,  sa  bonté,  n'ont  i)oiiit  de 
bornes,  et  il  leur  en  sup[iose,  puisque  tout 
est  ce  après  quoi  il  n'y  a  iilus  rien.  Voilîi 
comme  les  plus  beaux  génies  se  laissent 
égarer  par  des  termes  dont  ils  ne  pren- 
nent pais  la  peine  d'examiner  la  signi- 
fication. Cela  nous  console  des  méprises 
dans  iesq'  elles  nous  pouvons  être  tombés. 
11  est  inutile  de  répéter  ([ue  ces  deux  phi- 
losophes mettept  très -mal  à  propos  des 
bornes  h  la  puissance,  à  la  liberté,  à  l'indé- 
pendance de  Dieu,  cela  nous  parait  démon- 
tré. On  dirait  que  l'un  et  l'autre  ont  jugé 
des  attributs  de  Dieu  sur  le  modèle  de  ceux 
d'un  homme,  et  qu'ils  ont  été  anthropomor- 
phites  sans  s'en  apercevoir.  —  2"  Nous  ne 
concevons  pas  dans  quel  sens  Leibnitz  a  pu 
dire  qu'un  monde  sans  mallieur  et  sans  pé- 
ché serait  fort  inférieur  eu  bien  au  nôtre; 
dans  ce  cas  le  nionde  futur  serait  mpins  bien 
que  celui-ci,  puisqu'il  n'y  aurait  ni  mal- 
heur ni  péché.  Ce  philosophe  a  remarqué 
lui-même  qu'il  y  a  des  maux  de  trois  es- 
pèces :  le  mal  métaphysiiiue,  qui  est  l'im- 
perfection des  créatures;  le  mal  physique, 
ce  sont  les  souffrances  ;  le  mal  moral  ou  le 
péché.  Dans  un  monde  exempt  de  péché  et 
de  malheur,  il  y  aurait  certainement  plus  de 
contentement  et  plus  de  vertu  que  dans  le 
nôtre,  par  conséquent  les  créatures  y  seraient 
moins  imparfaites;  donc  il  y  aurait  plus  de 
bien  que  dans  le  nuire.  Aussi  Leibnitz  est 
convenu  qu'il  ne  pouvait  pas  fairp  voir  le 
contraire  en  détail  ;  cela  n'est  pas  étonnant, 
puisque  ce  serait  une  troisième  contradic- 
tion :  mais  quand  il  ajoute  qu'il  faut  en  iu- 
ger  ab  e/f'ectu,  parce  que  Dieu  a  choisi  le 
monde  tel  qu'il  est,  il  suppose  ce  qui  est  en 
question,  savoir  (jue  Dieu  choisit  toujours 
le  meilleur  ;  or  nous  avons  démontré  que  ce 
meilleur  prétendu  est  imjjossible.  —  3"  Pour 
entendre  ce  qu'il  dit,  qu'il  ne  peut  repré- 
senter ni  comparer  ensemble  les  divers 
mondes  possibles,  parce  que  ce  serait  com- 
parer des  infinis,  il  faut  savoir  qu'il  regarde 
l'univers  actuel  comme  un  infini.  Il  pense 
que  cet  univers  renferme  une  infinité  de 
mondes,  que  les  astres  sont  autant  de  soleils 
qui  éclairent  d'autres  mondes  peuplés  d'ha- 
bitants, soit  semblables  à  nous,  soit  fort 
dilférents  de  nous,  qu'ainsi  notre  globe  n'est 
qu'un  atome  dans  cette  immensité  de  l'uni- 
vers; et  c'est  l'univers  ainsi  considéré  qu'il 
croît  le  meilleur  possible,  optimum.  Mais  il 


1111 


OPT 


ORA 


1112 


oublie  que  cet  univers,  quelque  immense 
qu'on  le  suppose,  est  un  monde  créé,  et  que 
de  son  propre  aveu  toute  créature  est  essen- 
tiellement limitée  et  bornée;  donc,  encore 
une  fois,  un  optimum  créé  serait  un  infini 
créé  qui  im|>lique  contradiction.  En  second 
lieu,  qu'importe  à  notre  bonheur  ou  à  notre 
bien-être  cette  infinité  de  mondes  imaginai- 
res dont  les  habitants  pourraient  être  meil- 
leurs et  plus  heureux  que  nous?  Notre  pre- 
mière pensée  est  de  demander  pourquoi 
Dieu  les  aurait  mieux  traités  que  nous;  cela 
ne  sert  qu'à  prolonger  la  difficulté.  —  k°  Sui- 
vant l'opinion  de  Leibnitz ,  il  est  faux  que 
sur  notre  globe  la  somme  des  maux  surpasse 
celle  des  biens,  et  nous  sommes  de  son  avis. 
«  C'est  le  défaut  d'attention,  dit-il,  qui  di- 
minue nos  biens,  et  il  faut  que  cette  atten- 
tion nous  soit  donnée  par  un  mélange  de 
maux.  Si  nous  étions  ordinairement  malades, 
et  rarement  en  jjonne  santé,  nous  sentirions 
beaucoup  mieux  ce  grand  bien,  et  nous  se- 
rions moins  affectés  de  nos  maux;  mais  ne 
vaut-il  pas  mieux  que  la  santé  soit  ordinaire 
et  la  maladie  rare?...  Sans  l'espérance  de  la 
vie  future,  il  y  aurait  peu  de  personnes  qui 
ne  fussent  contentes  à  l'article  de  la  mort 
de  reprendre  la  vie,  à  condition  de  repasser 
par  la  môme  vicissitude  de  bien  et  de  maux.  » 
N.  13.  Cette  réflexion  sage  est  confirmée  par 
l'exemple  des  païens  qui  n'espéraient  rien 
de  mieux  après  la  mort  que  de  mener,  dans 
les  Champs-Elysées ,  à  peu  près  le  môme 
train  de  vie  qu'ils  avaient  mené  dans  ce 
monde,  et  qui  ne  se  croyaient  pas  pour  cela 
plus  malheureux.  Nous  avons  observé  ail- 
leurs que,  suivant  une  maxime  commune, 
chacun  est  content  de  soi;  comment  donc 
peut-il  être  mécontent  de  Dieu?  Leibnitz 
n'a  pas  tort  de  blâmer  les  hypocondies  qui 
ne  peignent  la  vie  humaine  qu'en  noir,  n.  15. 
Ba,)  le  lui-môme  n'a  pas  pu  s'empêcher  de 
faire  cette  observation,  et  Horace  l'a  chantée 
dans  ses  vers.  — 5°  Leibnitz  semble  penser, 
comme  Malebranche,  que  Tordre  de  lagr;\ce 
est,  pour  ainsi  dire,  enté  sur  l'ordre  de  la 
nature,  ou,  comme  il  s'exprime,  que  l'un 
est  parallèle  à  l'autre.  Cette  spéculation  est 
fort  belle,  mais  nous  avons  fait  voir  qu'elle 
ne  peut  être  admise.  Ainsi  nous  ne  sui- 
vrons pas  ce  philosophe  dans  ce  qu'il  dit  de 
la  }irédestination,  du  nombre  des  élus,  du 
sort  des  enfants  morts  sans  baptême,  etc.  11 
n'est  pas  convenable  d'entrer  dans  des 
questions  théologiques  fort  obscures,  pour 
en  éclaircir  une  qui  peut  se  résoudre  par  les 
seules  lumières  de  la  raison,  quoique  la  ré- 
vélation y  ait  répandu  un  nouveau  jour.  Ce 
que  nous  avons  dit  nous  paraît  suffire  pour 
démontrer  que  Voptimisme,  dans  son  nom 
même,  porte  sa  condamnation;  il  suppose 
dans  les  ouvrages  du  Créateur  un  optimum 
qui  serait  l'infini  actuel,  l'infini  créé,  terme 
au  delà  duquel  la  puissance  divine,  tout  in- 
finie qu'elle  est,  ne  pouvait  rien  faire  de 
mieux;  contradiction  palpable  s'il  en  fut  ja- 
mais. —  6"  Kien  de  moins  solide  que  le 
principe  sur  lequel  Leibnitz  se  fonde  ;  savoir, 
que  Dieu  ne  peut  rien  faire  sans  une  raison 


suffisante.  Dieu  sans  doute  ne  peut  rien 
faire  sans  motii  et  sans  raison,  puisqu'il  est 
intelligent  et  libre;  mais  il  n'est  pas  obligé 
de  nous  découvrir  ses  raisons  ni  ses  motifs, 
et  nous  nous  flatterions  en  vain  de  les  péné- 
trer dans  tous  ses  ouvrages.  Parce  qu'un 
motif  que  nous  croyons  apercevoir  ne  nous 
parait  pas  suffisant  pour  avoir  déterminé 
l'opération  de  Dieu,  il  ne  s'ensuit  point  qu'il 
n'a  pas  suffi  à  Dieu,  et  qu'il  n'en  a  pas  eu 
d'autre  que  nous  ne  voyons  pas. 

Sur  ce  sujet,  comme  sur  presque  tous  les 
autres,  nos  philosophes  donnent  dans  les 
excès  opposés;  les  uns  nous  blâment  de  re- 
chercher dans  la  nature  les  causes  finales  ou 
les  raisons  pour  lesquelles  une  chose  a  été 
faite;  ils  nous  accusent  de  prêter  à  Dieu 
des  intentions  qu'il  n'a  jamais  eues,  etc.  Les 
autres  croient  connaître  tous  les  motifs  que 
Dieu  peut  avoir  eus;  ils  décident  que  Dieu 
n'a  pas  pu  faire  telle  chose,  parce  qu'ils 
n'en  voient  pas  la  raison  suffisante.  Entre 
ces  deux  excès  il  y  a  un  milieu,  qui  est  de 
n'affirmer  des  causes  et  des  raisons  que 
quand  elles  sont  évidentes,  de  garder  un 
respectueux  silence  sur  celles  que  nous  ne 
voyons  pas,  et  de  ne  jamais  argumenter  sur 
notre  ignorance. 

OPUS  OPERATUM.  Voy.  Sacrement. 

ORACLES,  réponse  de  la  Divinité  aux  in- 
terrogations qu'on  lui  fait.  Nous  savons  par 
l'histoire  sainte  que  Dieu  a  daigné  souvent 
converser  avec  les  patriarches  et  leur  révé- 
ler ce  qu'ils  avaient  besoin  de  savoir;  ainsi 
nous  voyons  Abraham,  Isaac,  Rébecca  son 
épouse,  Jacob  et  d'autres  saints  personna- 
ges consulter  le  Seigneur  et  en  recevoir  des 
réponses.  A  leur  tour,  les  polythéistes  se 
sont  flattés  de  pouvoir  aussi  consulter  leurs 
dieux  et  en  recevoir  des  réponses.  Avant 
d'examiner  ces  prétendus  oracles,  il  convient 
de  parler  de  ceux  qui  ont  été  rendus  aux 
Hébreux. 

On  en  distingue  de  quatre  espèces.  1° 
L'inspiration  intérieure,  par  laquelle  un 
homme  se  sentait  porté  tout  à  coup  à  faire 
une  action  extraordinaire  et  contraire  à  l'or- 
dre commun;  ainsi  Phinées,  petit-fils  d'Aa- 
ron,  fut,  par  un  transport  surnaturel,  excité 
à  punir  de  mort  un  Israélite  qui  péchait  pu- 
bliquement avec  une  Madianite;  il  est  dit 
que  ce  zèle  venait  de  Dieu,  et  le  Seigneur 
le  récompensa  {Num.  xv,  11).  Mais  les  cri- 
tiques, qui  ont  imaginé  que  ce  cas  était  com- 
mun chez  les  Juifs,  et  que  cette  conduite 
s'ajjpelait  le  jugement  de  zèle,  en  ont  imposé. 
Nous  lisons  (l  Reg.  x,  10),  que  l'esprit  de 
Dieu  tomba  sur  Saûl,  et  qu'il  prophétisa  dans 
une  assemblée  de  prophètes.  2°  Une  voix  du 
ciel  que  l'on  entendait  distinctement,  et  qui 
venait  ou  immédiatement  de  Dieu  ou  d'un 
ange  envoyé  de  sa  part.  Dieu  parla  ainsi  aux 
Hébreux  sur  le  mont  Sinaï;  il  parlait  à  Moïse 
face  à  face,  et  souvent  dans  la  nuée  lumi- 
neuse qui  couvrait  le  tabernacle.  Une  voix 
du  ciel  fut  entendue  au  baptême  de  Jésus- 
Christ,  à  sa  transfiguration,  à  la  conversion 
do  saint  Paul  ,  etc.  3"  Le  don  de  prophétie, 
sous  lequel  on  comprend  les  visions  et  les 


mz 


ORA 


ORA. 


IIU 


songes  prophétiques  et  le  don  de  les  inter- 
itrôter  ;  les  exeniples  en  sont  fréquents  dans 
l'Ecrituro  sainte,  k"  Les  oracles  ronilus  par 
le  grand  jirôtre,  lorsqu'il  avait  consulté  le 
Sci(.;neur  jiour  les  intérêts  de  sa  nation  ou 
de  quelques  |)articuliers. 

Nous  avons  commencé  par  observer  que 
les  oracles  sont  plus  anciens  que  la  loi  de 
Moïse  ;  Dieu  avait  parlé  immédiatement  à 
Adam,  à  Noé  et  ?i  leurs  enfants,  au  patriar- 
che Abraham,  à  Isaac,  à  Rébecca  son  épouse, 
à  Jacob  son  fds;  il  leur  avait  envoyé  des 
''lo,luris  et  des  songes  qui  leur  apprenaient 
l'avenir;  il  avait  donné  à  Joseph  le  talent  do 
les  interpréter;  enlin,  il  lit  entendre  sa  voix 
à  Moise  dans  un  buisson  ardent.  Aucune  de 
ces  révélations  ou  visions  propiiétiques  n'a 
eu  pour  objet  de  satisfaire  la  curiosité  ni  les 
passions  de  ceux  (]ui  les  ont  eues;  souvent 
elles  annonçaient  des  tlesscins  de  Dieu  qui 
ne  devaient  s'accomplir  que  plusieurs  siè- 
cles après,  mais  auxquels  les  évéïuîments 
ont  exactement  répondu  ;  il  s'agissait  du  soit 
delà  postérité  des  patriarches  ([ui  devaient 
former  des  nalioiis  entières;  ces  prédictions 
étaient  nécessaires  pour  soutenir  la  foi  des 
adoraleurs  du  vrai  Dieu,  jiour  les  conlirmer 
dans  son  culte,  et  les  préserver  de  l'aveu- 
glement dans  lequel  leurs  voisins  commen- 
çaient à  se  plonger.  Dieu  multipliait  ainsi 
les  preuves  démonstratives  de  sa  providence, 
à  mesure  que  le  polythéisme  faisait  des  |)io- 
grôs  sur  la  terre.  Des  oracles  dispensés  avec 
tant  de  sagesse,  portent  avec  eux  l'em- 
preinte de  la  Divinité.  Quelques  écrivains 
but  pensé  ipie  les  faux  oracles  des  païens 
n'étaient  qu'une  imitation  de  ceux  que  Dieu 
avait  daigné  accorder  aux  Hébreux  ;  Spencer 
au  contraire  soutient,  Dissert.  6,  sect.  3,  que 
les  oracles  des  |iaiens  sont  les  plus  anciens; 
que  Dieu  n'en  accordait  aux  Hébreux  que 
pour  prévenir  le  désir  qu'ils  auraient  eu  de 
recourir  h  ceux  des  païens,  à  cause  de  l'ha- 
bitude qu'ils  en  avaient  contractée  en  Egypte; 
mais  il  a  (rès-mal  prouvé  son  opinion.  11 
n'a  [ui  citer  en  faveur  de  l'antiquité  des  ora- 
cles du  paganisme  que  le  témoignage  d'Hé- 
rodote, et  cet  historien  n'a  vécu  que  mille 
ans  après  Moïse.  Celui-ci,  mieux  instruit 
qu'Hérodote,  n'a  rien  dit  des  oracles  de  l'E- 
gypto,  et  l'on  ne  prouvera  jamais  qu'il  y  en 
ait  eu  au  temps  de  la  servitude  des  Israéli- 
tes. Moïse  suppose  ^  la  vérité,  dans  ses  lois, 
qu'il  y  avait  chez  les  Chananéens  des  devins, 
des  astrologues,  de  prétendus  .prophètes, 
puisqu'il  défend  aux  Israélites  de  les  con- 
sulter; mais  il  atteste  en  même  temps  que 
Dieu  avait  rendu  de  vrais  oracles  aux  pa- 
triarches dans  les  premiers  Ages  du  monde. 
11  rapi)orte  [Gen.  xxv,  2-21,  que  Rébecca, 
grosse  de  deux  enfants,  alla  consulter  le  Sei- 
gneur; (pi'il  lui  ré|)ondit  et  lui  annonça  la 
destinée  de  ces  deux  jumeaux;  il  y  avait 
donc  dès  lors  des  lieux  où  l'on  pouvait  con- 
sulter Dieu  et  des  moyens  pour  en  obtenir 
des  réponses  :  c'était  130  ans  avant  l'cnlréo 
des  Israélites  en  Egypte  (xlvu,  9). 

11  est  certain  que  les  hommes,  naturelle- 
ment curieux,  ignorants,  craintifs,  impa- 


tients dans  leurs  peines  et  leurs  besoins, 
empressés  de  s'en  délivrer,  n'ont  jiaseu  be- 
soin de  modèles  pour  se  faire  des  oracles, 
ni  des  imposteurs  pour  être  trompés;  le 
hasard  a  suffi.  Une  voix  entendue  de  loin 
dans  un  lieu  désert,  un  bruit  qui  semble  ar- 
ticulé, l'écho  qui  retenlit  dans  les  rochers, 
dans  les  cavernes,  dans  les  forêts,  les  divers 
asfiects  des  astres,  le  cri,  les  attitudes,  les 
mouvements  inquiets  des  animaux,  ont  été 
pris  par  les  peuples  imbéciles  pour  des  si- 
gnes de  la  volonté  du  ciel,  pour  des  pro- 
nostics de  l'avenir,  pour  des  oracles.  Les  Hé- 
breux, non  contents  des  moyens  iiar  les- 
quels Dieu  daignait  les  instruire,  allaient  en- 
core consulter  les  dieux  des  fiaiens,  inter- 
rogeaient les  morts,  etc.  Saul,  inquiet  sur 
son  sort  futur  et  sur  celui  de  son  armée, 
fAclié  de  ce  que  Dieu  ne  lui  repondait  en 
aucune  manière,  alla  consulter  la  magicienne 
d'Endor  (/  Reg.  xxviii,  6). 

La  question  est  de  savoir  si  les  oracles 
des  Hébreux  étaient  aussi  vains  et  illusoires 
que  ceux  des  païens,  si  c'était  une  source 
continuelle  d'erreurs,  si  c'était  un  artilice 
inventé  par  les  [irêtres  pour  en  imposer  au 
peuple,  et  pour  dominer  avec  plus  d'empire. 
C'est  l'opinion  qu'en  ont  les  incrédules; 
ont-ils  raison?  I"  Nous  convenons  que  les 
inspirations  intérieures  étaient  sujettes  à 
l'illusion;  un  homme  passionné  se  croit  fa- 
cilement inspiré;  mais  les  exemples  de  cette 
espèce  d'oracles  sont  très-rares  dans  l'his- 
toire sainte.  Quand  il  est  dit  d'un  person- 
nage que  Vesprit  de  Dieu  tomba  sur  lui,  cela 
ne  siguihe  pas  toujours  qu'il  fut  divinement 
inspiré,  cela  ne  désigne  souvent  qu'un  trans- 
port subit  et  violent  de  colère  ou  de  courage. 
Les  prêtres  ne  pouvaient  avoir  aucune  part 
à  celte  inspiration  bonne  ou  mauvaise.  2° 
Lorsipi'une  voix  se  faisait  entendre  du  ciel, 
l'illusion  ne  pouvait  y  avoir  lieu  ;  par  quel 
prestige  Moïse  aurait-il  pu  faire  retentir  au 
sommet  du  mont  Sinaï  le  bruit  du  tonnerre, 
le  son  des  trompettes,  une  voix  éclatante 
qui  fut  distinctement  entendue  par  environ 
deux  millions  d'hommes?  Pouvait-il  par 
({uelque  artifice  y  faire  briller  les  éclairs  et 
la  tlamme  d'une  fournaise,  couvrir  la  mon- 
tagne entière  d'une  éjiaisse  nuée  {Exod. 
XIX,  10;  XX,  18)?  Le  peuple,  îi  la  vérité,  in; 
fut  pas  témoin  de  tous  les  entretiens  uo 
Moïse  avec  Dieu,  mais  il  voyait  distincte- 
ment briller  sur  le  tabernacle  la  nuée  dans 
laquelle  Dieu  daignait  descendre  et  |>arler  à 
Moïse  {Num.  xu,  5;  xiv,  10,  etc.).  Aaion  [■[ 
Marie  sa  sœur  disaient  :  Le  Seigneur  uoi.s 
a  parlé  aussi  liien  qu'à  Moïse  (xii,  ±].  —  3" 
Lorsqu'un  prophète  annonçait  des  évi'ne- 
ments  que  la  prudence  humaine  ne  pouvait 
jias  prévoir,  surtout  des  choses  (pii  ne  pou- 
vaient se  faire  que  par  ro[iération  surnatu- 
relle de  Dieu,  et  qu'on  les  voyait  arriver  à 
point  nommé,  ce  don  de  prophétie  ne  pou- 
vait pas  être  suspect.  Il  est  dit  ^Nu>n.\\,'26), 
que  Dieu  prit  une  partie  de  l'esprit  qui  était 
dans  Moïse,  et  en  ht  [>art  à  soixante  et  dou/.e 
des  anciens  d'Israël,  qu'ils  prophétisèrent, 
et  que  Moïse  n'en  fut  point  jaloux  :  «  Tlùt  à 


lllS 


ORA 


ORA 


iW 


Dieu,  dit-il,  qu'il  donncH  son  esprit  k  tout 
le  peuple,  et  que  tous  fussent  prophètes  !  » 
V.  20.  Ce  n'étuicnt  ni  des  prAtres  ni  des  lé- 
vites. La  plupart  des  prophètes  juifs  n'é- 
taient pas  de  race  sacerdolale,  et  souvent  ils 
ont  fait  aux  prêtres  de  vifs  reproches.  Voy. 
PnopiiÈTE.  —  4°  La  quatrième  espèce  d'o- 
rachs,  qui  étaient  les  réponses  du  grand 
prêtre,  a  beaucoup  exercé  les  savants;  ils 
ont  ilisserté  à  l'envi  pour  découvrir  de  quelle 
manière  il  consultait  le  Seii^neiir  et  en  re- 
cevait les  réi)Oiisos.  Ils  ont  été  arrêtés  d'a- 
bord par  la  description  que  Moïse  a  faite 
d'un  des  ornements  du  grand  prêtre,  sous 
lequel  ils  ont  supposé  qu'il  ne  pouvait  ni 
recevoir  ni  rendi'e  des  oracles. 

ExocL,  c.  xxYiii,  après  avoir  prescrit  la 
matière  et  la  forme  de  l'éphod,  voyez  ce  mot. 
Dieu  dit  à  Moïse,  v.  15  :  Vous  ferez  aussi  un 
choschea  misphat,  du  même  tissu  que  l'é- 
phod, et  double,  de  forme  carrée,  de  la  lon- 
gueur et  de  la  largeur  d'une  palme;  vous  y 
attacherez  en  cjuatre  ranys  douze  pierres  pré- 
cieuses enchâssées  dans  de  l'or,  sur  chacune 
desquelles  sera  gravé  le  nom  de  l'une  des  tri- 
bus d'Israël,  v.  19;  Aaron  portera  sur  sa  poi- 
trine, dans  le  cliusclfen  misphat,  le  nom  des 
douze  enfants  d'Israël,  lorsqu'il  entrera  dans 
le  sanctuaire,  pour  en  faire  toujours  souve- 
nir le  Seigneur,  v.  30;  vous  mettrez  dans  le 
chosehen  misphat,  urim  et  t'iummim,  qui 
seront  sur  la  poitrine  d' Aaron,  quand  il  se 
présentera  devant  le  Seigneur,  et  il  portera 
ainsi  sur  son  cœur  le  jugement  des  enfants 
d'Israël  devant  le  Seigneur.  Dans  le  Leviti- 
quc,  c.  vni,  V.  8,  il  est  dit  que  Moïse  revêtit 
Aaron  de  ses  habits  sacerdolaux;  qu'il  lui 
attacha  le  chosehen  dans  lequel  étaient  urim 
et  thumniim.  Il  s'agit  de  prendre  le  vrai  sens 
de  ces  niots  hébreux. 

La  Vulgate  a  traduit  chosehen  misphat  par 
le  rationel  du  jugement  :  d'autres  disent  le 
pectoral  du  jugement.  Pectoral  convient  très- 
bien  h  cet  ornement,  mais  il  faudrait  savoir 
si  le  terme  hébreu  a  quelque  rap;iort  à  la  poi- 
trine. Saphat,  sophet,  sephal,  suivant  la  di- 
versité de  la  pon''tuation,  signillc  également 
juge,  jugement,  judicature,  fonction  et  di- 
gnité déjuge.  Urim  et Ihummim  sont  rendus 
dans  la  Vulgate  par  doctrine  et  vérité,  dans 
d'autres  versions  par  lumière  et  perfection. 
Peut-être  faut-il chei'cher  un  sens  plus  simple. 
S'il  nous  étiit  permis  de  hasarder  notre  avis 
après  celui  de  tant  d'habiles  hébraïsants, 
nous  dirions  que  chosehen  signifie  symbole, 
marque,  signe  distinctif  d'une  dignité  ;  que 
chosehen  misphat  exprime  symbole  de  la  qua- 
lité de  juge.  Urim  et  thummim  sont  à  la  let- 
tre et  selon  la  toui'nure  hébraïque,  des  bril- 
lants parfaits,  des  pierres  précieuses  et 
brillantes,  travaillées,  enchâssées  et  arran- 
gées en  perfection.  Nous  traduirions  donc 
ainsi,  sans  aucun  mystère,  le  texte  sacré  : 
«  A'ous  ferez  aussi  l'ornement  du  juge  du 
même  tissu  que  l'éphod,  de  telle  manière  , 
etc.  Aaron  [lortera  ainsi  sur  sa  poitrine,  dans 
le  signe  distinctif  du  juge,  le  nom  des  douze 
enfants  d'Israël...  Vous  mettrez  dans  cet  or- 
nement des  brillants  de  laplus  grandeperfec- 


<)on, qui  seront  sur  la  poitrine  d'Aaron...  et 
il  portera  ainsi  toujours  sur  son  cœur  le 
symbole  de  juge  des  enfants  d'Israël  devant  le 
Seigneur.  »  Cette  version  est  sinqile,  elle  ne 
laisse  aucun  embarras.  On  ne  sera  pas  étonné, 
sans  doute,  de  voir  chez  les  Hébreux  le  pre- 
mier magistrat  caractérisé  par  un  pectural 
chargé  de  pierreries,  pendant  qu'il  l'est  chez 
nous  par  un  mortier,  qui  est  la  ligure  d'un 
ancien  bonnet. 

Mais  à  quelles  conjectures  ne  se  sont  pas  li- 
vrés les  plus  fameux  critiques  ?  Spencer, 
Prideaux,  les  auteurs  do  la  Synapse,  Le  Clerc, 
les  commentateurs  de  la  Bible  de  Chais,  etc., 
ont  enchi'ri  les  uns  surdes  autres;  subjugués 
])ar  les  visions  desrabbinsils  se  sont  copiés, 
e'  ont  cherché  des  difficultés  où  il  n'y  en  a 
puint.  —  1°  Ils  ont  sui^posé  que  le  grand 
prêtre  ne  pouvait  consulter  le  Seigneur  sans 
avoir  son  iicctoral,  et  l'Ecriture  n'en  ditrien. 
Dans  les  livres  de  Josué  et  des  Juges,où  nous 
lisons  que  le  Seigneur  fut  souvent  consulté, 
il  n'est  parlé  ni  du  pectoral  ni  d'urini  et 
thummim;  il  n'en  est  plus  question  hors  de 
l'Exode  et  du  Lévitique.  Le  grand  prêti'c  de- 
vait être  revêtu  de  ses  habits  sacerdotaux, 
pour  se  présenter  devant  le  Seigneur  dans 
te  sanctuaire,  et  non  ailleurs  ;  or  Dieu  fut 
souvent  consulté  hors  de  là  (  /  Reg.  xxni, 
9, et  XXX,  1  ).  David,  voulant  interroger  le  Sei- 
gneur, dit  seulement  au  prêtre  Abiatliar,  ap- 
pliquez l'éphod  ;  et  cela  peut  signifier  éga- 
lement, mettez-le  sur  vous  ou  sur  moi;  il  y 
avait  des  é,hods  de  lin,  très-ditférents  de 
celui  du  grand  prêtre.  —  2"  Plusieurs  ont 
imaginé  que  urim  et  thummim  étaient  des 
choses  distinguées  du  pectoral,  peut-être  une 
inscription  brodée  ou  attachée  à  cet  orne- 
ment ;  que  c'est  [lar  là  que  le  grand  jirêtre 
interrogeait  le  Seigneur,  et  que  Dieu  ré|)on- 
dait.  D'autres  ont  dit  que  le  grand  prêtre  se 
tenait  debout  devant  le  voile  du  sanctuaire, 
derrière  lequel  était  l'arche  d'alliance,  et 
qu'il  en  sortait  une  voix  articulée  qui  ré- 
pondait. C'est  dommage  que  toutes  ces  belles 
choses  ne  soient  fondées  sur  rien,  et  que 
l'Ecriture  n'en  dise  pas  un  mot.  Il  est  seule- 
ment t\m  Josue,  i\,  ik  ),  que  les  anciens 
d'isiaël  n'interrogèrent  point  la  bouche  du 
Seigneur  avant  de  traiter  avec  les  Gabaoni- 
tes  ;  mais  on  sait  que  la  bouche  ou  la  parole 
du  Seigneur  ne  signifie  souvent  que  l'inspi- 
ration reçue  de  Dieu  par  un  prophète,  sans 
rien  décider  sur  la  manière  dont  il  l'a  reçue. 
—  3°  Spencer,  dans  une  longue  dissertation 
sur  ce  sujet,  a  poussé  le  ritiicule  jusqu'à 
prétendre  que  urim  et  thummim  étaient  deux 
petites  idoles  ou  statues  renfermées  dans  la 
doublure  du  pectoral,  et  qui  répondaient  au 
grand  prêtre  lorsqu'il  les  interro.^cait.  11  a 
oublié  sans  doute  que  Dieu  avait  sévèrement 
défondu  toute  espèce  d'idoles  oq  de  statues. 
Dieu  a-t-il  fait  un  miracle  contre  sa  loi  pour 
en  animer  et  en  faire  parler  deux,  et  autori- 
ser ainsi  l'idokUrie  parmi  son  peuple  ?  Nous 
passons'  sous  silence  l'absurdité  (pi'il  y  au- 
rait eu  à  nommer  urim  et  thummim  deux 
petites  idoles.  S'il  nous  fallait  relever  toutes 
les  inepties  qui  ont  été  écrites  à  ce  sujet, 


1117 


ORA 


ORA 


(118 


nous  ne  finirions  jamais.  Cet  exemple  suffit 
pour  nous  convaincre  que  les  critiques 
protestants,  cpii  .se  croient  beaucoup  plus 
liahiles  que  les  Pères  do  l'Eglise  dans  l'in- 
telligence de  FEci'iture  sainte,  ne  sont  pas 
eux-mêmes  des  oracles  iiiraillihles  ,  et  qu'il 
y  a  souvent  moins  de  justesse  que  de  témé- 
riti''  dans  leurs  conjectures. 

Nous  avons  heau  cliercher  de  quelle  ma- 
nière les  praires  juifs  pouvaient  abuser  des 
oracles  pour  sutijuguer  le  iteuple  et  pour  le 
tromper,  l'hisloire  n'en  fournit  aucun  exem- 
ple, quoiqu'elle  fasse  a-^so/.  souvent  mention 
des  désonlies  dans  lesquels  ils  sont  tombés  ; 
aucun  fl'eux  n'a  été  mis  au  rang  des  faux 
I>ro|)hètes.  Les  incrédules,  qui  les  accusent 
jvir  pure  malij;nité,  ignoi'ent  une  multitude 
de  faits  qui  pourraient  servir  à  les  détrom- 
per. Souvent  l'on  ni'  s'est  pas  adressé  au  grand 
prêtre  dans  les  occasions  même  oi^i  il  s'a- 
gi>sait  des  plus  sérieux  intérêts  de  la  nation, 
comme  de  faire  la  paix  ou  la  guerre,  de  po- 
ser les  armes  ou  de  comli.iitre  ;  et  nous  ne 
voyons  rien  qui  témoigne  (pie  les  particuliers 
étaient  dans  l'usage  de  prendre  l'avis  des 
])rôties  dans  leurs  propres  atl'aii'es.  Josué, 
qui  n'était  pas  prêtre,  mais  chef  du  peuple, 
consultait  lui-même  le  Seigneur  devant  l'ar- 
ctie  du  tabernacle  (  Jos.  vu,  (5  )  ;  mais  il  né- 
gligea cette  précaution  dans  l'atlaiie  des  Ga- 
baonites  (c.  ix ,  v.  14)  ;  cependant  Dieu  lui 
])arlait  immédiatement  comme  h  Moise  (  xx, 
1  ).  Nous  lisons  (  Jud.  ni,  10),  qu'Olhoniol, 
neveu  deCaleb,  avait  l'esprit  de  Dieu.  Un 
ange  vint  de  la  |iart  du  Seigneur  reprocher 
aux  Israélites  leurs  prévaricatinns  (  ii,  1  ). 
Un  autre  fut  encore  envoyé  à  ce  jieuple  et  à 
(iédéon ,  et  communiqua  son  esprit  à  ce 
guerrier  (  vi,  11,  '22,  Si  ).  La  même  faveur  fut 
accordée  à  Jephté  (  xi,  29)  ;  à  Manué,  père 
de  Samson  (xiii,  3  ).  Le  giand  prêtre  Phinées 
ne  fut  consulté  qu'avant  le  deuxième  combat 
contre  les  Benjamiles  (  xx,  28  ).  Dans  ces 
différentes  circonstatnes  nous  ne  voyons  pas 
que  les  prêtres  aient  eu  bi'aucoup  de  crédit 
ni  d'influence  dans  les  affaires  ]>ubliques;  ils 
en  eurent  encore  moins  sous  les  rois.  David 
consulta  plusieurs  fois  le  Seigneur,  mais  il 
n'est  plus  parlé  de  ces  consultations  dans  la 
suite  de  l'iiistoire  ;  lorsque  Dieu  daigna  ré- 
véler SCS  desseins  à  Salomon,  il  ne  se  servit 
point  du  niinistèro  des  prêtres.  Alors  Dieu 
envoya  une  suite  de  proiiliètes,  comme  il 
l'avait  promis  (  Veut,  xvni,  15  ).  Nous  n'a- 
vons donc  pas  à  redouter  la  comimraison 
(jue  l'on  peut  faire  entre  les  oracles  des  Hé- 
breux et  ceux  des  païens,  ni  que  l'on  par- 
vienne à  [irouver  que  les  premiers,  aussi 
bien  que  les  autres,  étaient  des  illusions, 
des  impostures  et  un  artifice  des  prêtres. 
Puisque  Dieu  prodiguait  les  miracles  en  fa- 
veur de  son  pcu[)le,  il  n'est  pas  étonnant 
qu'il  lui  ait  a'issi  accordé  des  oracles.  Ceux- 
ci  n'avaient  rien  d'indécent,  on  ne  les  con- 
sultait point  sur  des  questions  ridicules  ni 
sur  des  desseins  criminels  ;  ils  n'ont  trompé 
personne,  ils  n'étaient  ni  captieux  ni  aaibi- 
gus,  on  ne  les  aciietait  point  par  des  pré- 
seuls, ils  étaieut  rendus  sans  aucuue  marque 


do  fanatisme  ni  de  trouble  d'esprit;  il  n'en 
est  |iresqne  aucun  de  ceux  que  l'on  a  vantés 
chez  \rs  païens  dans  lequel  on  ne  découvi'e 
tous  les  défauts  contraires.  Cependant  |)lu- 
sicurs  anciens  philosophes  ont  eu  confiance 
aux  oracles  qui  étaient  consultés  de  leur 
temps;  Socrale  en  |iarticu]ier  trouvait  bon 
qu'on  les  consultât  en  matière  de  religion. 
Plat.,  deLegih.,].  v.  Voy.  Devin. 

On  nous  dira,  sans  doute,  qu'on  soutenant 
la  divinité  des  oracles  de  la  nation  juive, 
nous  travaillons  à  entretenir  la  crédulité  des 
espiits  faibles,  et  la  vaine  confiance  (ju'ils 
ont  eue  aux  pronostics.  Cela  n'est  pas  plus 
vrai  qu'il  ne  l'est  qu'en  défendant  la  réalité 
des  miracles  de  l'Ancien  Testament ,  nous 
autorisons  la  croyance  des  faux  prodiges  dont 
on  amusait  le  peu[ile  chez  les  païens.  La 
manière  dont  Dieu  conduisait  son  ancien 
peuple  était  évidemment  surnaturelle  et  mi- 
raculeuse ;  elle  était  nécessaire  dans  ces 
temj)s-là.  eu  égard  à  l'enfance  du  genre  hu- 
miun  ;  elle  n'a  pas  été  inutile,  ])uisqu"elle  a 
conservé  sur  la  terre  la  C(Uinaissanee  et  le 
truite  du  vrai  Dieu.  Depuis  qu'il  a  daigné 
nnus  instruire  par  Jésus-ChrisI,  et  conduii'e 
|>ar  l'Evangile  la  raison  humaine  à  sa  pei'fec- 
linn,  nous  n'avons  plus  besoin  des  leçons 
('émentaires  ni  des  soutiens  de  l'enfance 
(dal.  IV,  3).  Le  seul  oracle  que  nous  avinis 
à  consulter  est  l'Eglise  ;  notre  divin  Maître 
l'a  chargée  de  nous  enseigner.  Or,  l'Eglise  a 
sagement  proscrit  tous  les  moyens  supersti- 
tieux par  lesquels  la  curiosité  humaine  vou- 
drait savoir  ce  que  Dieu  n'a  pas  voulu  nous 
découvrir.  C'était  le  faible  ou  plutôt  le  crime 
des  païens  ;  de  là  le  grand  nombre  d'oracles 
dont  l'histoire  fait  mention.  Le  plus  célèbre 
chez  les  Crées  était  celui  de  Delphes;  on  ve- 
nait des  pays  les  plus  éloignés  pour  le  con- 
sulter ;  les  plus  grands  i)hil()so[ilies,  tels  que 
Socrate  et  Platon,  paraissent  y  avoir  eu 
confiance  ;  dans  la  suite  les  éclectiques  ou 
nouveaux  [)latoniciens  en  firent  un  trophée 
contre  le  christianisme;  les  réponses  des 
oracles  étaient  une  des  princi])ales  jireuves 
qu'ils  alléguaient  en  faveur  du  paganisme. 
Persoinie  n'est  tenté  aujourd'hui  de  croire 
qu'il  y  avait  quelque  chose  de  divin  dans 
ces  oracles  si  vantés  ;  mais  la  question  est 
desavoir  si  c'étaient  des  prestiges  du  démon 
ou  seulement  une  fourberie  des  prêtres  et 
des  autres  ministres  de  la  religion  pa'ienne. 
Cette  question  a  été  traitée  savamment  sur 
la  fin  du  siècle  passé  et  dans  le  nôtre.  Van- 
Dalo,  médecin  fameux  en  Hollande,  mort  en 
1708,  avait  fait  une  dissertation  jiour  soute- 
nir que  les  oracles  des  païens  étaient  ime  (lure 
fourberie;  elle  fut  abrégée  et  traduite  en 
français  jiar  Fontenelle,  qui  la  rendit  beau- 
coup plus  séduisante  qu'elle  n'était  ;  tout  le 
monde  connaît  son  Histoire  des  oracles.  Le 
Père  Baltus,  jésuite,  en  fit  la  réfutation  ; 
il  est  à  présumer  que  ses  raisons  panuent 
solides  :  aucun  savant  de  réputation  ne  lui 
a  répliqué. 

Mosheim,  dans  ses  Notes  sur  Cudworlh,  t. 
II,  c.  5,  §  89,  après  avcir  comparé  les  rai- 
sons pour  et  contre,  juge  que  ni  l'un  ni 


1119 


ORA 


ORA. 


H20 


l'autre  de  ces  deux  sentiments  n'est  in- 
vinciblement ])rouvé.  A  la  vérité,  les  dé- 
fenseurs de  Vaii-Dalo  ne  manquent  pas  de 
raisons  idausibles;  ils  ont  observé,  1°  que 
la  plupart  des  oracles  étaient  conçus  en 
termes  ambigus,  et  ne  pouvaient  pas  man- 
quer de  se  trouver  vrais  dans  un  sens 
ou  dans  un  autre  ;  2"  qu'ils  ne  prédisaient 
pas  des  événements  fort  éloignés,  et  sur 
lesquels  il  fût  impossible  de  former  des 
cfinjectures  ;  3°  que  souvent  ils  se  sont  trou- 
vés faux.  Après  avoir  dévoilé  toutes  les  su- 
percheries dont  on  a  pu  se  servir  pour 
tromper  ceux  qui  consultaient  les  oracles, 
ils  ont  conclu  que  ce  qui  est  arrivé  cent  fois 
a  pu  arriver  de  même  dans  tous  les  cas.  Ils 
disent  que  jusqu'à  présent  l'on  n'a  pas  encore 
pu  citer  un  seul  exemple  bien  constaté  d'un 
oracle  exactement  accompli,  et  dont  l'évé- 
nement n'ait  pas  pu  être  naturellement  prévu. 
A  tous  ceux  que  l'on  a  recueillis  dans  les  re- 
lations anciennes  ou  modernes,  ils  ont  ré- 
pondu ou  que  le  fait  n'est  pas  suffisamment 
prouvé,  ou  qu'il  y  a  exagération  dans  les 
circonstances,  ou  que  la  vérification  s'est 
faite  par  hasard.  Quand  on  leur  objecte  le 
sentiment  des  Pères  de  l'Eglise  qui  ont  at- 
tribué les  oracles  au  démon,  ils  répondent 
que  ces  écrivains  respectables  ont  été  sou- 
vent trop  crédules,  qu'il  leur  a  paru  plus 
court  d'attribuei-  à  l'esprit  infernal  toutes 
les  merveilles  citées  par  les  païens,  que  d'en- 
trer dans  la  discussion  de  tous  les  faits, 
de  toutes  les  circonstances  ,  de  tous  les  té- 
moignages. Mais,  d'autre  part,  ils  ne  prou- 
veront jamais  que  le  démon  ne  peut  connaî- 
tre aucun  événement  futur  ni  le  découvrir 
aux  hommes  ;  que  sur  ce  point  ces  connais- 
sances sont  aussi  bornées  que  les  nôtres. 
Ils  ne  peuvent  pas  démontrer  qu'il  est  plus 
indigne  de  Dieu  de  permettre  que  les  hom- 
mes soient  trompés  par  les  prestiges  du  dé- 
mon, que  de  soullrir  qu'ils  le  soient  par  des 
imposteurs  rusés  et  adroits.  Or,  tant  que 
l'impossibilité  de  l'intervention  du  démon  ne 
sera  pas  prouvée,  la  multitude  des  superche- 
ries faites  par  des  imposteurs  ne  prouvera 
pas  quejaaiais  le  démon  n'en  a  fait  aucune. 
Il  est  donc  impossible  de  réfuter  démons- 
trativement  l'opinion  de  ceux  qui  soutien- 
nent que  cet  esprit  de  ténèbres  y  est  souvent 
intervenu.  L'Ecriture  sainte  nous  apprend 
que  Dieu  a  quelquefois  permis  à  l'esprit  de 
mensonge  de  se  loger  dans  la  bouche  des 
faux  prophètes,  pour  tromper  des  rois  mé- 
chants et  impies  (  JJI  Reg.  xxii,  22  ).  A  plus 
forte  raison  Dieu  peut  lui  permettre  de  dire 
quelquefois  la  vérité,  pour  tromper  d'une 
autre  manière. 

Une  autre  question  est  de  savoir  si  Dieu, 
sans  blesser  aucune  de  ses  perfections,  |)eut 
révéler  lui-même  l'avenir  à  des  païens,  à  des 
infidèles,  et  les  mettre  ainsi  en  état  de  le 
faire  connaître  aux  autres.  Pour  prouver 
qu'il  le  peut  et  qu'il  l'a  fait,  il  n.'  servirait  à 
rien  de  citer  les  exemples  de  Balaam,  de 
Caiphe,  des  prophètes  avares  dont  parle  Mi- 
chée,  c.  m,  V.  il  ;  ceux  que  Jésus-Christ 
menace  de  réprouver  au  jugement  dernier, 


etc.  Ces  personnages  n'étaient  pas  des  païens, 
ils  connaissaient  le  vrai  Dieu.  Mais  dans  le 
livre  de  Daniel,  c.  ii,  v.  1,  etc.,  nous  voyons 
le  Seigneur  envoyer  à  Nabuchodonosor , 
prince  infidèle  et  idolAtre,  des  songes  pro- 
phétiques, et  lui  révéler  un  avenir  très-éloi- 
gné.  On  ne  peut  cependant  en  rien  conclure 
en  faveur  des  prétendus  oracles  des  sibylles 
d'Orphée,  etc.,  puisqu'il  est  prouvé  que  ce 
sont  des  écrits  supposés.  Voy.  Sibylles.  Il 
serait  encore  plus  ridicule  d'attribuer  à  l'o- 
pération de  Dieu  les  oracles  du  paganisme. 
Les  motifs  pour  lesquels  on  les  demandait, 
la  manière  souvent  indécente  dont  ils  étaient 
rendus,  les  profanations  dont  ils  étaient  ac- 
compagnés, la  confirmation  de  l'idolâtrie  qui 
en  était  le  résultat,  sont  des  raisons  plus  (jue 
suffisantes  pour  démontrer  que  l'opération 
divine  n'y  est  jamais  intervenue  pour  rien. 
Pour  ])eu  que  les  païens  eussent  voulu  y 
regarder  de  près,  ils  en  auraient  facilement 
connu  l'illusion;  mais  l'obstination  des  phi- 
losophes païens  à  les  faire  valoir  dut  néces- 
sairement augmenter  l'aveuglement  des 
peuples.  Mosheim  lui-même  a  fait  toutes 
ces  réilexions ,  et  elles  nous  paraissent  so- 
lides. 

ORAISON,  prière.  Dans  l'office  divin ,  l'on 
distingue  les  oraisons  d'avec  les  autres  par- 
ties, d'avec  les  psaumes,  les  hymnes,  les 
leçons,  etc.  Ce  sont  des  prières  ou  des  de- 
mandes adressées  directement  à  Dieu,  par 
lese|uelles  l'Eglise  lesuppHe  de  nous  accor- 
der les  biens  spirituels  et  temporels  dont 
nous  avons  besoin.  Elle  les  conclut  toujours 
ainsi  par  Jesus-Christ  Notre-Seigneur,  etc., 
afin  de  nous  faire  souvenir  que  toutes  les 
grSces  nous  sont  accordées  par  les  mérites  de 
ce  divin  Sauveur.  Voy.  Prière. 

ORAISON  DOMINICALE,  ou  prière  du 
Seigneur.  C'est  la  prière  que  Jésus-Christ  a 
ens(!ignée  de  sa  propre  bouche  à  ses  disci- 
ples (Matth.  VI.  9  ;  Ltic,  xi,  2)  ;  on  la  nomme 
vulgairement  le  Pater.  Depuis  1«  commen- 
cement de  l'Eglise  chrétienne,  cette  prière 
a  toujours  fait  partie  essentielle  du  culte  pu- 
blic, elle  se  trouve  dans  toutes  les  liturgies  ; 
on  la  récitait  comme  aujourd'hui,  non-seu- 
lement dans  la  consécration  de  l'eucharistie, 
mais  encore  dans  l'administration  du  bap- 
tême; c'était  pour  les  nouveaux  baptisés  un 
privilège  de  pouvoir  la  dire  dans  l'assemblée 
des  fidèles,  et  d'appeler  Dieu  notre  père;  on 
ne  l'enseignait  point  aux  catéchumènes  avant 
qu'ils  n'eussent  reçu  le  baptême.  Les  Cons- 
titutions apostoliques,  un  concile  de  Gironne, 
le  r|uatrième  concile  de  Tolède,  ordonnent 
de  la  réciter  dans  l'office  divin  au  moins  trois 
fois  par  jour.  Bingham,  Orig.  eccl.,  1.  xiii,  c. 
Y,  §  4  et  5.  Les  Pères  de  l'Eglise  les  plus 
anciçns,  Origène,  TertuUien,  saint  Cyprien, 
dans  leurs  Traités  de  la  Prière,  ont  fait  les 
plus  grands  éloges  de  celle-ci;  ils  l'ont  re 
gardée  comme  un  abrégé  de  la  morale  chré- 
tienne, comme  le  fondement  et  le  modèle  de 
toutes  nos  prières  ;  ils  se  sont  donné  la 
peine  d'en  expliquer  toutes  les  demandes 
l'une  après  l'autre.  Plusieurs  auteurs  moder- 
nes ont  fait  de  même,  comme  Bourdaiouei 


^m 


ORA. 


ORA 


1122 


dans  le  Recueil  de  ses  Pensées  ;  le  Père  Le- 
brun, dans  son  Explication  des  cérémonies 
de  la  Messe,  t.  Il,  p.  53i,  etc.  D'aulre  cAté, 
les  incrédules  ont  fait  leurs  efl'orts  pour  y 
trouver  quelque  ctiose  à  repren  Ire.  Les  uns 
ont  dit  que  Jésus-Christ  n'en  est  pas  le  pre- 
mier autour,  qu'avant  lui- cette  formule  était 
déjà  en  usage  chez  les  Juifs  ;  mais  ils  n'ont 
pu  donner  aucune  preuve  positive  de  ce 
fait,  c'est  une  allégation  hasardée  de  leur 
part.  11  serait  singulier  que  l'on  eût  ignoré 
cette  anecdote  pendant  les  trois  premiers 
siècles,  et  que  l'on  se  filt  obstiné  à  attribuer 
à  Jésus-Christ  l'institution  d'une  formule 
qui  était  d'un  usage  journalier  chez  les 
Juifs. 

Quelques  autres  ont  soutenu  qu'en  disant 
à  Dieu,  ne  nous  induisez  point  en  tentation, 
nous  faisons  injure  à  sa  bonté  souveraine, 
qu'il  semlile  que  Dieu  soit  capable  de  nous 
orter  au  mal  et  d'être  la  cause  du  péché 


l 


lais  ces  censeurs  téméraires  donnent  un 
faux  sens  au  terme  de  tentation.  Dans  l'Ecri- 
ture sainte,  tenter  signifie  seulement  éprou- 
ver, mettre  à  l'épreuve  l'obéissance,  la  fidé- 
lité, la  vertu  de  queliju'un  :  or,  on  peut  l'é- 
prouver autrement  qu  en  le  portant  au  mal  ; 
savoir,  en  lui  commandant  quelque  chose 
de  fort  difficile,  ou  en  Un  envoyant  des  af- 
flictions :  c'est  en  ce  sens  que  Dieu  tenta  Abra- 
ham (Gen.  xxu,  l  );  que  l'aveuglement  de 
Tohie  et  les  malheurs  de  Job  sont  appelés 
une  tentation  (  Tob.  ii,  12).  Lorsqu'il  est  dit 
IDeut.  VI,  16  )  :  «  Vous  ne  tenterez.  j)oint  le 
Seigneur  votre  Dieu,  »  cela  ne  signifie  pas, 
vous  ne  porterez  pas  Dieu  au  mal,  mais  vous 
ne  mettrez  point  sa  puissance  et  sa  bonté  à 
l'épreuve,  en  attendant  de  lui  un  miracle 
sans  nécessité.  La  demande  de  Voraison  rfo- 
»Hm(ca/f  signifie  donc  :  ne  nous  mettez  point 
h  des  épreuves  au-dessus  de  nos  forces, 
mais  doniie/.-nous  les  secours  nécessaires 
pour  les  supporter.  Voy.  Tentation.  Dans  la 
plupart  des  exemplaires  grecs  de  saint  Mat- 
thieu, Voraison  dominicale  finit  par  ces  mots  : 
«  Parce  que  c'est  k  vous  qu'appartiennent  là 
royauté,  la  puissance  et  la  gloire  pour  tous 
les  siècles,  aniPrt;  »  mais  ils  manquent  dans 
plusieurs  manuscrits  très-corrects,  aussi  bien 
que  dans  saint  Luc  et  dans  la  Vulgate.  Les 
jirotestants  font  un  reproche  à  l'Eglise  ca- 
tholique de  ne  pas  les  ajouter  au  Pater, 
comme  s'il  était  mcontestable  que  ces  paro- 
les en  font  partie.  S'ils  y  avaient  vu  quelque 
chose  de  contraire  à  leurs  opinions,  ils  n'au- 
raient pas  manqué  de  les  supprimer.  Un 
anglais,  nommé  Chamberlayne,  a  fait  im- 
primer, en  1715,  à  Amsterdam,  l'oraison 
dominicale,  en  cent  cinquante-deux  langues; 
■''un  auteur  allemand  y  en  a  encore  ajouté 
{quarante-huit,  principalement  des  peuples 
t  de  rAméri(iue;  ainsi  cette  prière  se  trouve 
"aujourd'hui  trailuite  en  deux  cents  langues. 
"  Oraison  mentale,  prière  qui  se  fait  inté- 
rieurement sans  proférer  des  paroles.  On 
l'appelle  aussi  méditation  et  comtemptatinn, 
ou  simplement  oraison;  faire  l'ora/son s'en- 
tend de  Voraison  mentale.  Elle  consiste  à  se 
frapper  d'abord  l'esprit  de  la  présence  de 


Dieu,  à  méditer  une  vérité  du  christianisme, 
à  nous  en  faire  à  nous-mêmes  l'applicaiioii, 
à  en  tirer  les  conséquences  et  les  résolutions 
propres  à  corriger  nos  défauts,  et  à  u.,us 
rendre  plus  fidèles  à  nos  devoirs,  soit  envers 
Dieu,  soit  envers  le  prochain.  Sur  ce  simple 
exposé,  il  est  déjà  clair  que  cet  exercice  est 
l'âme  du  christianisme,  c'est  l'adoration  en 
esprit  et  en  vérité  ijue  Jésus-Christ  a  en- 
seignée à  ses  disci|>les;  il  est  dit  cpie  lui- 
même  passait  les  nuits  à  prier  Dieu  {Luc.\i, 
12  )  ;  ce  n'était  sûrement  pas  à  réciter  des 
prières  voeales.  «  Je  prierai  en  cs|)ril,  dit 
saint  Paul,  et  dans  l'intérieur  de  mon  Ame, 
(/  Cor.  XIV,  15).»  Le  prophète  Isaie  disait 
déjà,  c.  XXVI,  9  :  «  Mon  Ame  élève  ses  désirs 
vers  vous  pendant  la  luiit,  et  dès  le  matin 
mon  esprit  et  mon  cœur  se  tournent  vers 
vous.  »  C'est  ainsi  que  les  saints  ont  jiassé 
une  partie  de  leur  vie. 

Comme  le  plus  grand  nombre  de  nos  fautes 
vient  delà  dissipation  et  de  l'oubli  des  gran- 
des vérités  de  la  foi,  nous  serions  sûrement 
plus  vertueux,  si  nous  étions  plus  occupés. 
«  Nous  avons  péché,  dit  Jérémie,  nous  avons 
abandonné  le  Seigneur;  la  justice  et  la  vertu 
se  sont  enfuies  du  milieu  de  nous,  parce  que 
la  vérité  a  été  mise  en  oubli,  »  c.  lix,  t.  12. 
La  science  du  salut  est  si  importante  et  si 
étendue  !  est-ce  trop  d'y  donner  chatjue  jour 
quelques  moments?  Nous  ne  devons  donc 
pas  être  étonnés  de  ce  que  les  Pères  de  l'E- 
glise ont  fait  des  traités  de  la  prière,  l'ont 
recommandée  comme  un  exercice  essentiel 
au  christianisme,  de  ce  que  les  auteurs  as- 
cétiques de  tous  les  siècles  ont  fait  tant  d'é- 
loges de  la  méditation,  de  ce  que  les  per- 
soiniages  les  plus  éminents  en  vertu  l'ont 
regardée  comme  la  plus  douce  et  la  plus 
consolante  de  toutes  leurs  occupations;  une 
âme  sincèrement  pénétn-e  de  l'amour  de 
Dieu  [)eut-eile  trouver  de  l'ennui  à  s'entre- 
tenir avec  lui.  L'oraison  est  spécialement 
recommandée  aux  ecclésiastiques,  et,  sans 
ce  secours,  il  est  fort  à  craindre  ((ue  toutes 
leurs  fonctions  ne  soient  mal  rem(ilies;  elle 
est  rigoureusement  ordonnée  aux  reli- 
gieux et  aux  religieuses  par  leur  règle,  et 
dans  toutes  les  communautés  régulières  de 
l'un  et  de  l'autre  sexe,  elle  est  faite  en  com- 
nuin,  au  moins  une  fois  jjarjour.  Ouamul- 
ti|ilié  les  méthodes  et  les  recueils  de  médi- 
tations, pour  en  rendre  la  pratique  aisée  et 
agréable. 

Mais  les  ennemis  de  la  piété  ne  pouvaient 
manquer  de  tourner  cet  exercice  en  ridicule, 
de  vouloir  même  persuader  qu'il  est  dange- 
reux. Ce  n'est,  dit-on,  que  depuis  cinq  cents 
ans  (jue  l'on  a  fait  consister  la  dévotion  à 
demeurer  à  genoux  pendant  des  heures  en 
tières,  et  les  bras  croisés  ;  cette  ynété  oisive 
a  plu  surtout  aux  femmes,  naturellement 
paresseuses  et  d'une  imagination  vive;  de 
là  vient  que  tant  de  sauiles  des  derniers 
siècles  ont  passé  la  meilleure  partie  de  leur 
vie  en  contemplation,  sans  faire  aucune  bonne 
œuvre.  Si  cela  est,  ce  n'est  donc  que  depuis 
environ  cinq  cents  ans  que  les  femmes  sont 
devenues  paresseuses  et  d'une  imaginatioji 


H23 


ORA 


ORA 


1124 


vive  ;  ce  ph(''nomène  serait  singulier.  Malheu- 
rousement  l'on  a  aussi  accusé  de  ces  défauts 
les  solitair('s*(le  la  Thél)a:de,  de  la  Palestine 
et  de  l'Asie  mineure,  parce  qu'ils  méilitaient 
aussi  bien  que  les  feniines;  il  faut  donc  que 
l'habitude  do  la  contemplation  soit  [ilus  an- 
cienne qu'on  ne  le  prétend.  L'on  peut  s'en 
CDUvaincre  en  lisant  les  Conférencc.i  de  Cas- 
tifu,  qui  a  vécu  au  commencement  du  y  siè- 
cle, mais  surtout  la  neuvième.  Saint  Benoît, 
qui  rccommaniiait  i\  ses  reliji;ieux  la  lecture 
de  ces  conférences,  forma  sa  règle  sur  ce  mo- 
dèle. Si  l'on  veut  lire  les  traités  d'Origène, 
de  Tertullien,  de  saint  Cyprien,  sur  la  prière, 
qui  sont  du  m"  siècle,  on  verra  qu'ils  ten- 
dent à  inspirer  le  goût  de  l'oraison  mentale, 
encore  plus  que  de  la  prière  vocale.  Les 
auteurs  ascétiques  des  bas  siècles  n'ont  rien 
dit  de  j)lus  fort  que  ces  anciens  Pères.  Il  est 
faux  que  les  saintes  religieuses,  dont  on  bkhne 
la  contemplation,  aient  passé  leur  vie  sans 
faire  de  bonnes  œuvres;  elles  ont  rempli 
exactement  tous  les  devoirs  de  leur  état,  et 
ont  été  des  modèles  de  toutes  les  vertus,  de 
la  charité,  de  la  douceur,  de  la  patience,  de 
l'indulgence  pour  les  défauts  d'autrui,  de  la 
mortitication,  de  la  pauvreté  évaugélique, 
de  la  chasteté,  de  l'obéissance,  de  l'humilité; 
cela  se  peut-il  faire  ,-ans  bonnes  œuvres  ? 
On  dit  que  la  vie  contemplative  conduit  à 
l'erreur  et  au  fanatisme;  témoins  les  faux 
gnostiques  anciens  et  modernes,  les  beg- 
gards,  les  béguins,  et  dans  le  dernier  siècle 
les  sectateurs  de  Molinos  et  les  quiétistes. 
A  cela  nous  répondons  que  s'il  y  a  eu  des 
fanatiques  parmi  les  contemj)latifs,  cela  est 
venu  de  la  mauvaise  organisation  de  leur 
cerveau,  et  non  de  l'habitude  de  Voraison 
mentale;  il  y  en  a  eu  un  plus  grand  nombre 
parmi  ceux  qui  ne  l'ont  jamais  faite.  Ce  n'est 
pas  cet  exercice  qui  a  inspiré  aux  incrédules 
leur  fanatisme  antichrétien  et  la  haine  qu'ils 
ont  jurée  à  toute  religion.  L'on  a  reproché 
un  grain  de  folie  à  plusieurs  philosophes 
anciens  et  modernes;  faut-il  en  conclure  que 
les  méditations  philosophiques  sont  dange- 
reuses par  elles-mêmes,  et  qu'il  faut  s'en 
abstenir?  Nous  sommes  obligés  de  répéter, 
pour  la  centième  fois,  qu'il  n'est  rien  do  si 
saint  ni  de  si  utile  dont  on  ne  puisse  abu- 
ser; qu'il  faut  blâmer  l'abus  et  respect  r  la 
chose.  Voy.  Intérielir,  Théologie  mysti- 
que. 

ORALE  (loi).  Voy.  Loi. 

ORAIUUM  Voy.  Etole. 

ORyVTOlRE,  lieu  destiné  à  la  prière  ;  il  y 
eu  a  dans  les  campagnes  et  dans  les  mai- 
sons des  particuliers.  Un  oratoire  est  dilfé- 
rent  d'une  chapelle  ,  en  ce  qu'il  y  a  dans 
celle-ci  un  autel ,  et  que  l'on  y  peut  dire  la 
messe,  au  lieu  que  dans  un  oratoire  il  n'y 
en  a  point.  L'on  a  donné  ce  nom  d'abord  aux 
chapelles  jointes  aux  monastères,  dans  les- 
quelles les  moines  faisaient  leurs  prières  et 
leurs  exercices  de  piété  avant  qu'ils  eussent 
des  églises  ;  ensuite  à  celles  que  des  parti- 
culiers avaient  chez  eux  pour  leur  commo- 
dité; ou  qui  étaient  bâli«s  îi  la  campagne,  et 
qui  n'avaient  point  droit  de  paroisse.  Dans 


le  vi"  et  le  vu'  siècle  ,  on  appelait  oratoires 
les  chapelles  placées  dans  les  cimetières  ou 
ailleurs  ,  qui  n'avaient  ni  baptistère  ,  ni  of- 
fii'e  public,  ni  prélre-cardinal  on  titulaire; 
l'évoque  y  envoyait  un  prêtre  quand  il  ju- 
geait à  propos  d'y  faire  célébrer  la  messe. 
D'autres  avaient  un  chapelain  ou  prêtre  titu- 
laire, lorsque  le  fondateur  l'avait  désiré  ,  ou 
que  le  concours  des  fidèles  le  demandait. 
Dans  la  suite  ,  plusieurs  de  ces  oratoires  ou 
cha|ielles  ,  situées  dans  des  hameaux  ,  sont 
devenues  des  églises  paroissiales  ou  succur- 
sales ,  lorsque  le  nombre  des  habitants  a 
augmenté.  11  y  avait  aussi  dans  ce  temps-là, 
comme  à  présent ,  des  oratoires  chez  les  er- 
mites et  dans  les  maisons  des  particuliers. 
Les  rois  et  les  [trinces  n'ont  jamais  manqué 
d'en  avoir  ,  et  le  titre  de  maître  de  l'oratoire 
était  une  charge  occupée  par  un  prêtre  ;  sa 
principale  fonction  était  de  réciter  l'office 
divin  avec  le  prince  :  aujourd'hui  c'est  un 
titre  sans  fondions.  Le  conciliabule  de  Cons- 
tanîinople,  tenu  eu  861  par  Photius,  défend 
de  célébrer  la  liturgie  et  de  baptiser  dans  les 
oratoires  domestiques  ;  mais  ce  point  de 
discijdine  est  établi  par  des  canons  plus  res- 
pectables que  ceux  de  Photius.  On  trouve 
encore  ,  dans  la  plupart  des  provinces,  des 
oratoires  placés  sur  les  grands  chemins  ,  et 
quelquefois  au  sommet  des  montagnes,  afin 
que  les  voyageurs  fatigués  puissent  s'y  re- 
poser ,  et  y  faire  leurs  prières.  Fo//. 'Cha- 
pelle. 

Oratoires  des  Hébreux.  Les  anciens  Hé- 
breux, qui  demeuraient  trop  loin  du  taber- 
nacle ou  du  temple,  et  qui  ne  pouvaient  pas 
s'y  rendre  en  tout  temps,  bâtirent  des  cours 
sur  le  modèle  de  la  cour  des  holocaustes, 
pour  y  offrir  à  Dieu  leurs  hommages  ;  elles 
furent  nommées  en  grec  Tcpoaexj/^-n,  prière  ou 
oratoire. 

I  Machab.,  c.  m,  v.  46,  il  est  dit  que,  pen- 
dant que  la  ville  de  Jérusalem  était  déserte  , 
les  Juifs  s'assemblèrent  à  Maspha,  parce  qu'il 
y  avait  là  autrefois,  un  lieu  de  prière  dans 
Israël.  lîn  effet ,  c'est  à  Masplia  que  Jei)hté 
parla  aux  députés  de  Galaad  devant  le  Sei- 
gneur (Judith  ,  II ,  il)  ;  c'est  là  que  les  tri- 
bus s'assemblèrent  devant  le  Seigneur ,  pour 
résoudre  la  guerre  contre  les  Biiijamites  (xx, 
1;  XXI,  5),  On  s'y  a-sembla  encore  sous  Sa- 
muel (/  Ileg.  VII,  5),  et  pour  l'élection  de 
Saiil  (x,  17).  Par  là  môme  on  voit  que  ces 
oratoires  n'étaient  pas  fort  multipliés.  Saint 
Luc,  c.  VI,  12,  dit  que  Jésus  monta  seul  sur 
une  montagne  pour  prier ,  et  qu'il  passa  la 
nuit  à  prier  Dieu  ;  quelques  critiques  tra- 
duisent ,  il  passa  la  nuit  dans  Voratoire  de 
Dieu.  Act.,  c.  XVI,  v.  3  ,  il  dit  :  «  Le  jour  du 
sabbat  nous  sortîmes  de  la  ville,  et  nous  al- 
lâmes vers  la  rivière ,  où  il  semblait  que  se 
faisait  la  prière,  v.  16.  El  pendant  cjue  nous 
allions  à  la  prière,  etc.  »  npoaeu^n,  disent- 
ils,  signifie  dans  ces  passages  Voratoire,  et 
non  la  prière.  Cela  peut  être.  Philon  parle 
des  oratoires.  d'Alexandrie ,  et  dit  qu'ils 
étaient  accompagnés  d'un  bois  sa^'i'é.  Saint 
Epiphano  iiuus  apprend  que  lus  oratoires  des 
Juifs  étaient  des  cours  sans  couvertures, 


I 


H2S 


ORA 


ORD 


1156 


semblables  aux  enclos  que  les  Latins  nom- 
maient forum ,  et  que  le  Saïuaiitains  en 
avaient  un  près  de  Sichem.  Mais  quand  Ju- 
vénal  dit,  5a^  ni,  v.  13,  que  l'ancien  temple 
et  le  bois  sacrc'^  de  li  nymphe  Eij;érie  étaient 
loués  à  des  Jidfs,  il  n'ajoute  point  qu'ils  en 
avaient  fait  un  oroloire,  cela  n'est  pas  même 
probable;  et  ce  que  le  poète  nomme /»o«eM- 
cha,  V.  29G,  n'est  pas  un  oratoire. 

Dans  toutes  ces  citations  nous  ne  voyons 
rien  d'assez  posiiit'pour  en  conclure,  comme 
certains  critii[Uos,  que  les  oratoires  des  .Inils 
étaient  diiïé'rents  des  synagogues,  ptiisque 
Joséphe  et  IMnion  semblent  les  cont'nndre.  Il 
s'ensuit  encoi'e  moins  qu'ils  étaient  ordinai- 
rement placés  sur  des  montagnes  et  accom- 
pagnés d'un  bois  sacré,  que  c'était  la  même 
chose  que  les  hauts-lirux;  ceux-ci  sont  con- 
damnés constamment  dans  l'Ecriture  sainte. 
Il  n'y  a  aucune  apparence  cpic  le  sanctuaire 
du  Seigneur,  dont  il  est  parlé  dans  le  livre 
de  Josué  ,  c.  xxiv  ,  v.  2() ,  ait  été  un  de  ces 
oratoires;  c'était  plutôt  le  tabernacle.  Toutes 
ces  conjectures  de  Prideaux  nous  jiaraissent 
très-hasardées.  Histoire  des  Juifs,  1.  vi,  c.  k. 

Obatoire.  congrégation  do  ptélros  sécu- 
culiers  établie  en  France,  l'an  IGll,  par  le 
cardinal  de  Bérulle,  poar  inslruir  >  les  clercs 
et  les  écoliers.  11  la  forma  sui'  le  modèle  de 
colle  do  Rome,  que  saint  Philipiic  de  Néri 
avait  établie  en  ISoi-,  sous  le  titre  de  l'ora- 
toire (le  Sainte-Marie  en  la  Vallicelle;  le 
cardinal  de  Bérulle  nomma  la  sienne  ïora- 
toire  de  Jésus,  et  il  fut  aidé  par  les  conseils 
de  saint  François  de  Sales  et  du  vénérable 
César  de  Bus.  Au  mois  de  décembre  1611 ,  il 
obtint  do  Louis  XllI  des  lettres  patentes  qui 
furent  t'uregi-trées  an  parlement  l'année  sui- 
vante, avec  cette  clause  :  «  A  la  charge  de 
rapporter  dans  trois  mois  le  consentement  do 
l'évéque,  auquel  ils  demeureront  soumis.  » 
En  l(jl3 ,  Pau]  V  approuva  et  conlinna  cet 
institut;  dès  ce  moment  la  congrégation  de 
l'oratoire  se  répandit  et  fut  établie  dans  plu- 
sieurs villes  du  royaume. 

On  ne  peut  pas  en  faire  un  éloge  plus  flat- 
teur que  celui  qu'en  a  fait  le  célèbre  IJos- 
suct,  en  parlant  des  vertus  de  M.  Bourgoin, 
second  supérieur  général,  en  1602.  «  Le  car- 
dinal de  Bérulle  forma  une  com[)agnie  à  la- 
qui'lle  il  n'a  point  voulu  donner  d'autre  es- 
prit que  l'esprit  même  do  l'Eglise,  d'autres 
règles  que  les  canons,  ni  d'autres  supéricîurs 
que  les  évoques  ,  d'autres  liens  que  la  cha- 
rité, ni  d'autres  vœux  solennels  que  ceux  du 
baptême  et  du  sacerdoce  ;  compagnie  où  une 
sainte  liberté  fait  le  saint  engagement ,  où 
l'on  obéit  sans  dépendre ,  oii  l'on  gouverne 
sans  commander,  où  toute  l'autorité  est  dans 
la  douceur,  et  où  le  respect  s'entretient  sans 
le  secours  de  la  crainte;  compagnie  où  la 
charité,  qui  bannit  la  crainte,  opère  un  si 
grand  miracle,  et  où,  sans  autre  joug  qu'elle- 
même  ,  elle  sait  non-seulement  captiver  , 
mais  encore  anéantir  la  volonté  propre  ; 
compagnie  où,  pour  former  de  vrais  prê- 
tres ,  ou  les  mène  à  la  source  de  la  vérité  , 
OÙ  ils  ont  toujours  eu  main  les  livres  saints, 


pour  en  rechercher  sans  relAche  la  lettre 
par  l'esprit,  l'esprit  par  l'oraison,  la  profon- 
deur par  la  retraite,  l'estime  nar  la  pratique, 
la  fin  [lar  la  charité ,  à  laquelle  tout  se  ter- 
mine ,  et  (|ui  est  l'unique  tri'sor  de  Jésus- 
Christ.  »  D'autres  [lersonnages  très-ri'S[)ee- 
tabk's  en  ont  parlé  de  même.  On  peut  dire, 
à  la  louange  de  cette  congrégation,  quelle  est 
à  peu  |)rès  aussi  pauvre  aujourd'hui  que 
dans  le  temps  de  son  établissement ,  qu'elle 
n'a  presque  fait  aucune  acquisition  ,  et 
(ju'ello  a  toujours  donné  l'exemple  d'un  no- 
ble désintéresseinpiit.  Elle  a  aussi  donné 
à  l'Eglise  et  aux  lettres  des  hommes  distin- 
gués ,  de  grands  prédicateurs,  de  savants 
théologiens  ,  des  écrivains  très-babilos  dans 
la  critique  sacrée  et  dans  les  antiquités  ec- 
clésiasti([ues ,  et  de  bons  littérateurs.  11  en 
est  sorti  d'excellents  ouvrages.  La  |)lupart 
des  membres  qui  l'ont  quittée,  après  y  avoir 
élé  in^ruils  ,  ont  conservé  de  l'estime  et  de 
l'attachement  pour  elle  ,  et  ont  fait  honneur 
à  la  république  des  lettres.  Elle  gouverne 
aujourd'hui  environ  soixante  collèges  et  cinq 
ou  six  séminaires.  Les  protestants  mêmes 
n'ont  pu  refuser  de  rendre ,  à  quelques 
égards,  justice  à  cette  congr('gation  ;  iMos 
luim  en  parle  avec  estime ,  et  nomme  plu- 
sieurs des  sav;uits  qu'elle  a  produits;  mais 
il  donne  à  entendre  qu'elle  fut  formée  par 
esprit  de  rivalité  contre  celle  des  jésuites, 
et  que  l'antipathie  entre  ces  deux  sociétés 
célèbres  a  timjours  élé  sensible.  Mallieureu- 
sement  l'éloge  qu'il  fait  de  Quesnel  et  do 
son  livre,  et  les  torrents  de  bile  qu'il  vo- 
mit contre  les  jésuites,  contribuent  boimcoup 
à  décréditer  son  jugement  ;  la  [passion  y  perce 
de  toutes  parts.  Jlist.  ecclés.,  xvii'  siècle, 
sect.  2,  1"  part. ,  c.  1,  §  28  et  32. 

OKBIBARILNS,  secte  d'hérétiques  qui  li- 
ront du  bruit  vers  l'an  1198.  C'étaieid  des 
vagabonds  auxquels,  selon  les  apparences,  on 
donna  le  nom  d'orbibariens,  tiré  du  mot  latin 
orbis ,  parce  qu'ds  couraient  le  monde  sans 
avoir  aucune  demeure  tixe.  Ils  paraissent 
être  sortis  dos  vaudois.  Ils  niaient  la  sainte 
Trinité,  la  résurrection  future,  le  jugement 
dernier  ,  les  sacrements  ;  ils  croyaient  que 
Jésus-Christ  n'était  qu'un  simple  homme, 
et  qu'il  n'avait  pas  soulfert  :  ils  furent  con- 
damnés par  Innocent  HI.  Comme  ils  étaient 
fort  ignorants ,  on  ne  voit  pas  qu'ils  aient 
subsisté  longtemps.  D'Argcntré,  Coll.  Jud., 
tom.  1;  Sjionde,  ad  ami.  1192. 

ORDALIE  ou   OUDÉAL.  Yoy.  Epreuves 

SUPERSTITIEUSES. 

ORDINAL.  Les  Anglais  nomment  ainsi  un 
livre  qui  contient  la  manière  de  donner  les 
ordres  et  de  célébrer  le  service  divin.  Il  fut 
composé  après  la  prétendue  réfurmation  de 
l'Angleterre,  sous  le  règne  d'Edo;iard  VI, 
successeur  immédiat  d'Henri  VIll  ;  on  le 
substitua  au  pontitical  et  au  rituel  romain.  11 
fut,  dit-on,  revu  par  le  clergé  en  1552,  et  le 
parlement  y  donna  la  sanction  de  son  auto- 
rité, ]jour  qu'il  servit  de  règle  dans  tout  le 
royaume.  Le  Père  Lequien ,  le  père  Har- 
douin,  Fernell,  et  les  autres  théologiens  ca- 
tholiques   qui  ont  attaqué  la  validité   des 


!127 


ORD 


ORD 


H2!{ 


ordinations  anglicanes,  ont  6crit  que  ïordi- 
nal  anglican  était  l'ouvrage  de  la  puissance 
séculière.  Le  Père  Le  Courrayer,  qui  a  sou- 
tenu la  validité  de  ces  mêmes  ordinations  , 
s'est  attaché  à  prouver  que  ce  livre  fut  l'ou- 
vrage du  clergé,  que  le  roi  et  le  parlement 
n'y  eurent  point  d'autre  part  que  de  l'auto- 
riser pour  qu'il  eût  force  de  loi  ;  mais  ces 
preuves  n'ont  pas  demeuré  sans  réplique. 
On  sait  de  qui  était  comi)Osé  pour  lors  le 
clergé  d'Angleterre  :  d'hommes  qui,  en  eni- 
hrassant  l'Iiérésie ,  avaient  perdu  tout  pou- 
V(jir  et  toute  juridiction  ecclésiastique,  dont 
la  plupart  pensaient  que  l'ordre  n'est  pas  un 
sacrement,  et  qu'eux-mêmes  n'avaient  au- 
cune puissance  spirituelle  que  celle  qu'ils 
tenaient  du  roi.  La  question  est  de  savoir  si 
la  formule  qu'ils  ont  ét;d)lie  ,  quelle  qu'elle 
soit,  peut  avoir  aucune  force  de  conférer 
des  [)ouvoirs  spirituels  en  vertu  de  l'au- 
torité séculière.  Les  théologiens  catholi- 
ques soutiennent  que  non ,  i[ue  cette  for- 
mule d'ailleurs  est  insuffisante  :  le  Père  Le 
Courrayer  n'a  pas  prouvé  le  contraire.  Voy. 
Anglican. 

ORDINAND  ,  homme  qui  doit  recevoir  les 
ordres.  On  voit ,  par  les  divers  monuments 
de  l'antiquité ,  avec  quel  soin  l'Eglise  vou- 
lait que  les  ordinands  fussent  examinés. 
Dès  le  m' siècle,  TertuUien  et  saint  Gyprien  ; 
dans  les  suivants  ,  saint  Rasile  ,  saint  Léon 
et  d'autres  Pères  ,  en  rendent  témoignage, 
et  cela  est  prouvé  par  les  canons  de  plu- 
sieurs conciles.  Cette  discipline  parut  si  sage 
à  remi)ereur  Alexandre  Sévère,  qu'il  voulut 
qu'elle  fût  observée  à  l'égard  des  gouver- 
neurs des  provinces.  Lampride,  in  Yitn  Alex. 
Set).  L'examen  concernait  non-seulement  la 
foi  et  la  doctrine,  mais  encore  les  mœurs  et 
la  condition  des  ordinands.  On  excluait  des 
ordres  tous  ceux  qui  étaient  suspects  ti'hé- 
résie ,  ceux  qui  avaient  été  soumis  à  la  pé- 
nitence publique,  ceux  qui  étaient  tombés 
dans  les  persécutions,  qui  étaient  coupables 
de  quelque  grand  crime ,  comme  d'homi- 
cide, d'adultère,  d'usure,  de  sédition,  de 
s'être  mutilés  eux-mêmes,  s'ils  l'avaient  com- 
mis depuis  leur  baptême;  ceux  qui  avaient 
été  baptisés  par  les  hérétiques,  ou  qui  souf- 
fraient que  quelqu'un  de  leur  famille  [lersé- 
vérât  dans  le  paganisme  ou  dans  l'hérésie  ; 
et  l'on  prenait  les  plus  grandes  précautions 
pour  écarter  jusqu'au  plus  léger  soupçon  de 
simonie.  Quant  à  la  condition ,  l'on  n'ad- 
mettait point  aux  ordres  les  militaires ,  les 
esclaves,  ni  même  les  alfranchis ,  sans  la 
permission  de  leurs  maîtres  ;  ceux  qui  étaient 
engagés  dans  une  société  d'art  ou  de  métier, 
ceux  qui  étaient  chargés  des  deniers  pu- 
blics ,  et  qui  devaient  en  rendre  compte , 
ceux  que  nous  appelons  hommes  d'affaires , 
ies  bigames ,  les  acteurs  de  théâtre.  Bin- 
gham  ,  Orig.  ecclés. ,  1.  iv ,  c.  3  et  i.  Qui- 
conque est  instruit  de  cette  discipline  ne 
peut  pas  concevoir  comment ,  dans  nos  der- 
niers siècles,  une  foule  d'écrivains  ont  voulu 
BOUS  peindre  les  pasteurs  de  l'Eglise  des 
quatre  ou  cinq  premiers  siècles  comme  des 
hommes  sans  mérite,  ou  comme  des  per- 


sonnages Q  une  verlu  très-suspecte.  Nous 
sommes  très-persuadés  que  ces  saintes  rè- 
gles n'étaient  pas  observées  fort  scrupuleu- 
sement chez  les  hérétiques;  que,  dans  les 
temps  de  trouble,  on  s'en  est  relâché  ,  quel- 
quefois par  nécessité  et  par  impossibilité  de 
iaire  autrement  ;  de  là  cette  multitude  .l'é- 
vêques  ariens  qui  étaient  si  peu  dignes  de 
leur  caractère.  Mais  enfin  ces  règles  ont  tou- 
jours subsisté,  les  conciles  ont  veillé  à  leur 
observation  ,  et  souvent  ont  dégradé  ceux 
qui  ne  les  avaient  i)as  respectées. 

ORDINATION,  cérémonie  par  laquelle  on 
donne  les  ordres.  Dans  l'Eglise  romaine  elle 
consiste  dans  l'imposition  des  mains  de  l'é- 
voque sur  la  tête  des  ordinands,  avec  une 
formule  ou  une  prière ,  et  dans  l'action  de 
leur  mettre  à  la  main  les  instruments  du 
culte  divin,  relatifs  aux  fonctions  de  l'ordre 
qu'ils  reçoivent.  L'imposition  des  mains  n'a 
cependant  lieu  qu'à  l'égard  des  trois  ordres 
majeurs  ;  savoir  ,  l'épiscopat ,  la  prêtrise  et 
le  diaconat.  La  principale  question ,  qui  se 
présente  sur  ce  sujet ,  est  de  savoir  si  l'or- 
dination  est  ou  n'est  pas  un  sacrement  ;  les 
protestants  la  regardent  comme  une  simple 
cérémonie  ;  les  catholiques  soutiennent  que 
c'est  un  sacrement,  et  ils  le  prouvent. 

1"  Les  protestants  même  ne  peuvent  refu- 
ser de  reconnaître  pour  sacrement  une  céré- 
monie qui  donne  le  Saint-Esprit ,  la  grâce 
sanctifiaiite  et  des  pouvoirs  surnaturels  ;  or, 
tel  est  l'effet  de  Y  ordination.  Joan. ,  c.  xx, 

V.  21,  nous  lisons  que  Jésus-Christ,  après  sa 
résuri'cction,  dit  à  ses  apôtres  :  Comme  mon 
Père  m'a  envoyé,  je  vous  envoie;  qu'ensuite 
il  souffla  sur  eux  et  leur  dit  :  Recevez  le 
Saint-Esprit  ;  les  péchés  sont  remis  à  ceux 
auxquels  vous  les  remettrez  ,  et  sont  retenus 
à  ceux  auxquels  vous  les  retiendrez.  Per- 
sonne, sans  doute ,  ne  niera  que  l'effet  n'ait 
exactement  répondu  aux  paroles.  Les  apô- 
tres reçurent  donc  une  mission  semblable  à 
celle  de  Jésus-Christ ,  le  Saint-Esprit  et  le 
pouvoir  de  le  communiquer ,  avec  celui  de 
remettre  les  péchés.  En  effet,  il  est  dit  [Act. 

VI,  6)  que,  pour  établir  sept  diacres,  les  apô- 
tres leur  imposèrent  les  mains ,  avec  des 
prières;  c.  vin,  v.  17,  que  les  apôtres,  en 
nnposant  les  mains  sur  les  fidèles  baptisés, 
leur  donnaient  le  Saint-Esprit  ;  c.  xin,  v.  2, 
que,  pendant  qu'ils  jeûnaient  et  célébraient 
la  liturgie,  le  Saint-Esprit  dit  :  Séparez-moi 
Paul  et  Barnabe  pour  l'ouvrage  auquel  je 
les  destine  ;  qu'en  conséquence  ils  conti- 
nuèrent de  jeûner  et  de  prier  ;  qu'ils  leur 
imposèrent  les  mains  et  les  envoyèrent;  que 
ces  deux  hommes  furent  envoyés  par  le 
Saint-Esprit.  Saint  Paul  écrit  à  son  disciple 
ïimothée,  c.  iv,v.  14.  :  «  Ne  négligez  point  la 
grâce  qui  est  en  vous ,  qui  vous  a  été  don- 
née par  l'esprit  prophétique  avec  l'imposi- 
tion des  mains  des  prêtres  ;  c.  v,  22,  n'im- 
posez trop  tôt  les  mains  à  personne  ,  et  ne 
participez  pas  aux  péchés  d'aulrui;  //  Tim., 
c.  I,  V.  6 ,  je  vwus  avertis  de  ressusciter  la 
grâce  de  Dieu  qui  est  en  vous  par  l'imposi 
tion  de  mes  mains  ;  car  Dieu  ne  nous  a  pas 
donné  un  esprit  de  crainte,  mais  de  force. 


il2d 


ORD 


ORD 


4150 


fie  rhTiid^  et  de  soIiriiH^.  »  Il  dit  aiiT  pas- 
teurs de  l'Eglise  d'Eiihèsc;  que  le  S.iiiit-Es- 
prit  les  a  établis  évè(iues  ou  surveillants 
pour  ji;ouvern>'r  l'Eglise  de  Dieu(.lff.  xx,28). 

Nous  ne  nous  arrùterons  point  <i  r^ifuter 
les  ditrér.'Utes  lournures  dont  les  protestants 
se  sont  servis  jiour  esquiver  les  conséquen- 
ces de  ces  passages.  En  les  rapprociiaut  et 
en  les  c  miparaut,  ils  nous  [)araissent  |irou- 
ver  que  les  apôtres,  en  imposant  les  mains 
aux  ordinands,  ont  cru  leur  doni:er  la  miune 
missiin  et  les  mômes  pouvoirs  qu'ils  avaient 
reçus  eux-m<Mnes  de  Ji'sus-Cluist  ;  qu'ils 
ont  cru  leur  communiiiuer  le  Saint-Esprit  et 
la  grAce  néce'isaiie  pour  remplir  lidèleinent 
les  fonctions  de  leur  ministère  ;  qu'ils  ont 
voulu  que  ces  évoques  lissent  de  môme  à 
l'égard  (les  nouveaux  pasteurs  qui  devaient 
leur  succé  1er  dans  lii  gouvernement  de  l'E- 
glise de  Dieu.  Cela  posé,  nous  demandons 
s'il  manque  quelpie  chose  à  l'ordination 
pour  (Hrc  un  vrai  sacrement. 

2°  Nous  n'avons  point,  comme  les  pro- 
teslants,  le  [)i'ivilége  d'entendre  l'Ecriture 
sainte  comme  il  nous  plait  ;  nous  en  pui- 
sons le  sens  dans  la  t  aditiou  laissi-e  par  les 
apôtres  h  leurs  disciples,  et  transmise  par 
ceux-ci  à  leurs  success  uirs.  Or,  dans  les 
lettres  de  saint  Clément  et  de  saint  Ignace, 
instruits  |)ar  les  apôtres  mêmes,  dans  les 
canons  des  apôtres  qui  nous  ont  conservé 
la  discipline  des  trois  |)remiers  siècles,  la 
hiérarchie  des  évô(i;ies,  des  prêtres  et  des 
diacres,  est  re|)résentée  comme  une  institu- 
tion divine,  formée  sur  le  modèle  de  l'an- 
cien sacerdoce;  saint  Clément,  Epist.  I  ad 
Cor.,  n.  42.  Il  est  dit  qu'ils  transmettent  leur 
ministère  et  leurs  fonctions  h  leurs  succes- 
seurs, n.  k'*  ;  qu'eux  seuls  doivent  présider 
au  culte  divin,  et  que  les  lidèles  doivent 
leur  être  soumis  ;  que  l'évoque  tient  la  place 
de  Jé-iUS-Chrisl,  et  les  prêtres  celle  des  apô- 
tres, saint  Ignace,  Episl.  ad  Magnes.,  n.  6; 
qu'ils  sont  ordonnés  par  l'imposition  des 
mains,  can.  apost.  1  ;  qu'ils  otTrent  à  l'autel 
le  sacrilice  que  Dieu  a  établi,  caa  II  ;  qu'ils 
forment  un  ordre  sai^ré,  r«».  VI  ;  que  les 
évèiiucs  assemblés  doivent  décider  les  con- 
testations ecclésiastiques,  can.  XXX.  Voilà 
certainement  une  mission,  des  pouvoirs,  un 
caractère  et  d  s  foncti  ins  qui  n'appaitien- 
nent  point  aux  simples  lidèles  Saint  Irénée, 
saint  Clément  d'Alexiuidrie.  Terlullien,  Ori- 
gèue,  saint  Cyprien,  nous  altesleut  que  cette 
(.liscii)line  était  observée  au  m' siècle  ;  elle 
était  donc  la  même  en  Asie,  en  Al'ri((ue,  en 
Italie  et  dans  les  Gaules  ;  qui  l'y  avait  intro- 
duite '.'  Nous  ne  faisons  presque  ici  que  co- 
pier les  réllexions  de  deux  tliéok>giens  an- 
glicans, de  Bévéridge  dans  ses  Notes  sur  les 
Canons  des  apôtres,  et  de  Bnigliam  dans  ses 
Origines  ecclc'siastiques ,  1.  m  et  iv  Nous 
ignorons  pounjuoi  ces  deux  savants,  <]m 
ont  prouvé  comme  nous  que  l'institution 
des  évoques,  des  prêtres  et  des  diacres,  et 
les  degrés  de  leur  hiérarchie  sont  de  droit 
divin,  n'ont  pas  pris  la  pein  ^  d'examiner  si 
leur  ordination  est  ou  n'est  pas  un  sacre- 
ment ;  comment  ils  n'ont  [)as  vu  que  c'est 

Dictions,  de  Théol.  dogmatique.  111. 


une  conséquence  nécessaire  des  passa-jos 
et  des  nidiuuuents  (pie  nous  yen  iDs  deci- 
tcr.  Encore  luie  fois,  si  une  cérémonie  qui 
donne  h  celui  qui  la  reçoit  une  niission,  un 
caractère,  nue  gr;ke  et  dt'S  pouvoirs  surna- 
turels, n'est  pas  un  sacrement,  nous  ne  sa- 
vons j)lus  ce  (fue  l'on  doit  entendre  sous  ce 
nom. 

."?"  Le  cmeile  de  Trente  n'a  donc  fait  que 
conlirmer  la  doctrine  et  l'usage  re(;us  des 
apôlres,  lorsqu'il  a  décidé  que  Vnrdinnlion 
(\st  un  vrai  sacrement,  ([ui  donne  h;  Saint-Es- 
prit, qui  imprime  un  caractère  sacré,  qui 
communique  le  i)ouvoir  dolfrr  le  saint  sa-, 
crilice,  et  d»^  remettre  les  |)é(;hés,  etc.,  sess. 
23,  can.  I  et  suiv.  Il  appuie  cette  doctrine 
sur  les  ]iassages  de  l'Ecrilure  sainte  que 
nous  avons  allégués,  c.  1  et  seq.  Lors(iue  les 
apôtres  et  leurs  disciples  se  sont  donné  des 
successeurs  par  l'ordination,  ils  leur  en  ont 
transmis,  sans  doute,  la  même  idée  e*  la 
môme  notion  (ju'ils  en  avaient  eux-mômes. 
Or,  les  pasteurs  de  l'Eglise,  dans  Ions  les 
siècles,  su  sont  crus  revêtus  de  la  môme 
mission,  du  même  caractère,  de  la  môme 
gr.lce  et  du  môme  ministère  que  les  apôtres. 
Ea  doctrine  catholique  a  (lon(;  autant  de  té- 
moins qu'il  y  a  eu  d'hommes  ordonnés 
depuis  les  apôtres  jusqu'à  nous.  Après 
quin/.e  siècles  il  était  un  peu  tnrd  pour  ve- 
nir en  enseigner  une  autre.  Nous  demandons 
aux  protestants,  qui  n'ont  point  d'ordination 
et  qui  soutiennent  qu'il  n'en  faut  point,  qui 
leur  a  donné  le  Saint-Esprit  pour  mieux  en- 
tendre l'Ecriture  sainte  que  les  disciples  des 
a;.ôti'es,  que  les  [lasteurs  de  l'Eglise  catho- 
lique leurs  successeurs,  cfue  ceux  môme 
des  Eglises  schismatiques  séparées  d'elle 
depuis  douze  cents  ans  ? 

'i-"  En  effet,  les  sectes  des  chrétiens  orien- 
taux, les  nestoriens,  les  jacobites,  les  Grecs, 
les  Arméniens,  donnent  les  ordres  comme 
les  Latins,  par  l'imposition  des  mains  ac- 
compagnée de  prières;  ils  sont  p  rsuadés 
([ue  cette  cérémonie  vient  de  tradition  apos- 
tolique, qu'ille  confère  une  gr.ice  particu- 
lière à  ceux  qui  sont  ordonnés,  pour  les 
rendre  capables  de  remplir  saintement  les 
fonctions  du  ministère  dont  ils  sont  char- 
gés ;  qu'elle  met  entre  eux  et  les  autres 
chrétiens  une  distinction  tixe  et  constante, 
par  conséquent  qu'elle  leur  imprime  un 
caiactère  ;  que  celui  qui  a  reçu  un  ordre 
inférieur,  comme  le  sous-diaconat  ou  le 
diaconat  ,  na  pas  pour  cela  le  pouvoir 
d'exercer  les  fonctions  de  prêtre  ou  d'évô- 
que,  mais  qu'd  lui  t'iut  une  nouvelle  ordina- 
tion. Ils  sont  donc  très-persuadés  que  les 
ordres  sont  un  sacrement,  et  ce  n'est  pas  l'E- 
glise latine  qui  leur  a  donné  cette  croyance, 
puisqu'ils  ont  continué  à  la  délester  dCfiuis 
leur  schisme.  Ainsi  c'est  contre  toute  vérité 
que  les  préteiulus  réformateurs  ont  sou- 
tenu que  la  distinction  des  ordres  et  la  qua- 
lité de  sacrement ,  qui  leur  est  attribuée 
par  les  Latins,  est  une  invention  des  papes, 
inconnue  à  l'ancienne  Eglise.  Ces  mêmes 
Orientaux  regardent  le  sacerdoce  comme 
un  degré  de  dignité  et  d'autorité  dans  l'E- 


im 


onD 


ORD 


im 


glise,  qui  ne  peut  Atre  doniif^  que  par  l'im- 
position des  mains  des  évêquos,  sncces- 
seurs  des  apôtres  ;  et  ils  ne  reconnaissent 
pour  évèq'ies  que  ceux  qui  ont  reçu  Vor- 
dination  episcopale  par  les  mains  d'autres 
évéques,  et  qui,  par  celte  succession  cons- 
tante. ,  remontent  jus  pi'à  Jésus-Christ.  Ja- 
mais ils  n'ont  cru,  comme  les  protestants, 
qu'une  assemblée  de  laïques  pût  faie  des 
jirétres  ;  jamais  ils  n'ont  reconnu  pour  pas- 
teurs légitimes  que  ceux  auxquels  lévôque 
avait  imposé  les  mains  avec  les  prières  et 
les  céréuionies  ordinaires.  Perpét.  de  la  foi, 
t.  V,  1.  V,  c.  6  et  8. 

Fondés  sur  toutes  ces  preuves,  les  théo- 
logiens catholiques  définissent  l'ordination  : 
un  sacremimt  de  la  loi  nouvelle,  qui  d  mne 
le  pouvoir  de  faire  hs  fonctions  ecclé- 
siastiques ,  et  la  grAce  pour  les  exercer 
sainti-ment.  Ils  ne  sont  pas  d'accord  à  dé- 
terminer quelles  sont  la  mntière  et  la  forme 
essentielles  de  ce  sacrement  ;  tous  convien- 
nent que  l'imposition  des  mains  est  absolu- 
ment nécessaire,  aussi  bien  que  la  prière  ; 
mais  la  formule  de  cette  pricre  n'est  tixée 
ni  par  l'Ecriture  sainte  ni  par  aucun  mo- 
nument des  premiers  siècles  ;  eîle  n'est 
pas  littéralement  la  même  dans  l'Eglise  la- 
tine et  chez,  les  Orientaux  ;  mais  le  sens 
n'est  pas  différent.  La  grande  question  e4 
de  savoir  si  la  porreclion  des  instruments, 
usitée  cîiez  1;'S  Latins,  est  aussi  essentielle 
que  l'imposition  des  mains.  La  première 
n'a  pas  lieu  dans  les  Edises  orientales,  el 
cependant  leurs  ordinations  sont  regardées 
comme  vali  es.  De  même  qu'un  prêtre  latin 
a  toujours  été  reçu  comme  tel  dans  l'Eglise 
grecque,  ainsi  un  prôtre  grec,  s. rien,  égy- 
ptien, arménien,  éthiopien,  passe  dans  l'E- 
glise romaine  pour  validement  ordonné  ; 
mais  un  prêtre  anglican,  un  ministre  luthé- 
rien ou  calviniste,  no  sont  envisagés  chez 
les  OrientaLix,  -«ion  phis  que  chez  nous,  que 
comme  de  simples  laïqn  s  sans  ordination. 
Habert,  dans  son  Pontificcd,  le  Père  Morin 
etlePèie  Goar,  .ians  leurs  Traités  de  l'Or- 
dination,  exposent  la  discipline  des  Grecs 
sur  ce  |io;nt  ;  cille  des  autr  s  Orientaux  y 
est  conforme.  Perpét.  de  la  foi,  ibid.,  c.  7 
et  10.  Parmi  les  reirochL'S  que  les  Grecs  ont 
faits  aux  Latii,s,  nous  ne  voyons  pas  qu'ils 
lésaient  bl.m:;>s  d'avoir  ajouté  à  l'imposi- 
tion de,i  mains  la  porrectiou  des  instru- 
ments, avec  une  formule  qui  y  est  relative. 
Ce  symb'ild  est  en  eU'et  très-énergique  et 
très-conven  bb\  il  est  imité  d'après  la  con- 
sécraliun  d  s  i,rêtrcs  de  l'ancienne  loi  [Exod. 
xxis,  Sfi.  et  .3^  ;  Num.  m,  3,  etc.)  ;  il  sert  k 
distinguer  Vordinnlion  et  les  fonctions  des 
divers  ministres  de  l'Eglise.  C'a  été  un  trait 
de  bizarrerie  et  de  témérité  de  la  jiart  des 
tnglicans,  qui  ont  conservé  l'ordination,  de 
retrancher  la /;orrrc<('(jn  des  instruments,  et 
d'imiter  le  riiC  des  Orientaux  plutôt  ijue  ce- 
lui de  l'Eglise  romaine,  pu  s^ue  l'on  ne  peut 
pas  décider  avec  une  eniiere  certitude  que 
cette  porreclion  n'est  pas  nécessaire.  Voy. 
Prêtrise. 

L'ordination  des  évoques  se  nomme  com- 


munément sacre  ou  consécration.  Leur  prin- 
cipal privilège  est  de  pouvoir  seuls  ordon- 
ner les  ministres  inférieurs  de  l'Eglise;  ce 
jiouvuir  leur  a  toujours  (Hé  réservé  ;  ou  le 
voit  par  les  Canons  des  apôtres.  Silou  l'an 
cienne  discipline  de  l'Eglise,  on  ne  connds- 
sait  point  les  ordinations  vagms  ;  tout  clerc 
était  obligé  de  s'attacher  à  une  église,  de 
s'y  destiner  à  uns  fonction,  pour  laquelle  il 
devait  être  ordonné.  Dans  le  xW  siècle  on 
se  relAcha  de  cet  usage,  et  il  eu  est  résulté 
plusieurs  inconvénients  ;  le  concde  de 
Trente  a  travaillé  h  le  rètiblir,  en  défendant 
d'ordonner  un  clerc  qui  ne  serait  pas  pourvu 
d'un  titre  ou  d'un  bén  lice  capable  de  le 
faire  subsister.  Mais  la  nécessité  de  fournir 
des  vicaires  et  des  desservants  dans  les  pa- 
roisses et  les  églises  succursales  de  la  cam- 
pagne, oblige  lés  évoques  à  ordonner  des 
prêtres  sur  un  simple  titre  patrimonial. 

Le  pape  Alexandre  îl  a  condamné  les  or- 
dinations que  l'on  appelle  pcr  saltum,  c'est- 
à-dire  qu'il  a  défendu  d'élever  aux  ordres 
majeurs  un  clerc  qui  n'am^ait  pas  reçu  les 
ordres  mineurs,  et  plus  encore  de  conférer 
un  des  ordres  majeurs  à  celui  qui  n'aurait 
pas  reçu  l'ordre  qui  doit  précéder,  comme 
d'ordonner  prêtre  un  homme  qui  n'est  pas 
diacre.  Quoique  plusieurs  théologiens  aient 
soutenu  que  ces  sortes  û' ordinations  se- 
raient valides  sans  être  légitimes,  leur  sen- 
timent n'est  pas  suivi;  et  si  Ion  peut  en 
citer  d  'S  exemples,  c'étaient  des  abus.  Tout  le 
monde  sait  que  les  femmes  sont  incapables  de 
recevoir  aucun  ordre  ecclésiastique,  et  que 
pour  être  ordonné  validement,  un  homme 
doit  être  baptisé  et  consentir  librement  à 
son  ordination. 

ORDINATIONS  ANGLICANES.  Voy.  An- 
glican. 

ORDRE  ,  caractère  ,  pouvoir ,  ministère 
ecclésiastique ,  conféré  à  un  homme  par 
l'ordination  (Ij.  Le  concile  de  Trente,  sess. 

(I)  Canons  de  doctrine. 

Si  quelqu'un  dit  que  dans  le  Nouveau  Testament 
il  n'y  a  point  de  sacerdoce  visible  et  extérieur,  ou 
qu'il  n'y  a  pas  une  certaine  puissance  de  consacrer 
et  d'oiliir  le  vrai  corps  et  le  vrai  sang  de  Noire- 
Seigneur  et  de  renieiire  et  retenir  les  péchés,  mais 
que  tout  se  réduit  à  la  commission  et  au  sim- 
ple ministère  de  prêcher,  ou  bien  que  ceux  qui  ne 
prêchent  pas  ne  sonl  aucimement  pivlres,  qu'H  soit 
analhcme.  Conc.  de  Trente,  23"  sess.,  du  sacr.  de 
l'ordre,  c.  1.  —  Si  quelqu'un  dit  qu'outre  le  sacer- 
doce il  n'y  a  point  dan.  1  Eglise  d'autres  ordres  ma- 
jeurs et  mineurs,  par  lesquels,  comme  par  certains 
degrés,  on  monte  au  sacerdoce,  qu'il  soit  analli  me. 
C.  i.  —  Si  quelqu'un  dit  tjue  l'ordre  ou  la  saciie 
ordination  n  est  pas  vérilable.iienl  et  proprement  un 
sacreuient  inslilue  pai'  Notie-Seigneur  Jesus-Christ, 
ou  que  c'est  une  invention  humaine,  imaginée  par 
des  gens  ignorants  des  choses  etclêsiasiiques,  ou 
bien  que  ce  n'est  qu'une  certaine  forme  el  manière 
de  ciioisir  des  ministres  de  la  parole  de  bieu  ei  des 
sacrements,  qu'il  soit  analhcaie.  C.  3.  —  Si  qiiei- 
qu'iin  di(  que  le  SaiiilEspril  n'est  pas  donné  pour 
l'ordiualioii  sacrée,  et  qu'ainsi  c'est  vainement  que  les 
évêques  disent:  R^ceoeite  Huini-E.^prit,  ou  que,  par  la 
niêiiie  ordinadon,  il  ne  s'imprime  point  de  caiactcre, 
ou  bien  que  celui  qui  une  lois  a  été  prêtre  peut  de  nou- 
veau devenir  laïque,  qu'il  soit  anaihème.  C.  4.  —  Si 


Ii55 


ORD 


ORD 


H3i 


2'',  apr^s  avoir  di'cidé  que  roi'i'iinalioii  est 
unsîin'Ciiiriit  qui  doiinn  le  Saiiit-'.'^sjirit,  et 
iiiipriini'  un  cnfar-tùro  ineU'ar.iiiU',  distingue 
sopt  ordrp.i  oulie  l'i  pisfopat  ;  savoir,  trois 
oj'dres  sacr.'s  ou  majours,  qui  sont  la  ]  rô- 
trise ,  lo  diacon.it  et  le  sous-daionat ,  et 
quaire  ordres  mineurs,  (]ui  sont  ceux  d'aco- 
lyle,  d'exorciste,  de  lecteur  cl  de  portier. 
La  distinction  de  ces  divers  degés.  et  le 
plus  (lU  luoin^  do  [iroxiinité  qu'ils  ont  an 
sacerdoce,  sont  la  raison  pour  lai[uellc  on 
les  a  nommés  ordres.  Le  concile  di'cide  en- 
core qu'il  y  a  do  droit  divin  dans  1  Eglise 
une  ';iér<u'c!iie  composée  des  évoques,  des 
prètics  el  des  miiiisires  ou  des  diacres.  Yorj. 
HiÛHARCiiii:,  ei  les  noms  de  cliaquc  ordre  en 
parliiiijier.  Il  décide;  enlin  que  les  évéqucs 
sont,  de  droit  divin,  supérieurs  aux  simples 
pri'ti'es.   Voy.  lieiscorAx,  EvÈyuES. 

Plusieurs  tliéoloi;iens  ont  disjjuté  pour 
savoii-  si  le  sous-iliacon  it  el  les  ordres  ini- 
veurs  sjiit  dtS  sacrements,  le  concile  de 
Trente  ne  le  décide  pas  formellement;  mais 
en  prouoni^anl  q;ie  l'ordre  ou  l'ordination 
est  un  sairemenl ,  et  en  donnant  le  nom 
ù'ordre  aux  divers  de^^rés  de  ministre  qui 
approchent  ji'us  ou  moins  du  sacerdoce,  il 
Si'uiijlc  décider  que  tout  ce  qui  est  ordre 
est  s-icrement.  Il  lait  remarquer  que  tous 
ces  degrés  tirent  leur  diginté  et  leur  impor- 
tance de  la  rel.ition  qu'ds  ont  de  près  ou  de 
loin  avec  l'august."  sacrifice  des  autels,  et 
avec  le  pouvoir  de  remetlre  ks  péchés. 
Aussi  le  sentiment  [irosque  général  parmi 
les  théologiens  est  q  .e  non-seulement  le 
sous-d'.aconat,  mais  encore  les  quatre  or- 
dres mineurs  sont  des  sacrements  ;  t  us  con- 
viennent qu'uii  clerc  ne  peut  el  ne  doit  pas 
recevoir  deux  fois  lo  même  ordre;  d  oi!i  l'on 
conclut  que  chacini  de  ces  degrés  imprime 
un  caractère  inelfagahle.  Les  llrecs  et  les 
autres  sectes  <1(!  chrélicns  orientaux  re .ar- 
dent couune  d  -s  ordres  lo  sous-diaconat , 
l'office  de  h  cleur  et  celui  de  chantre  ;  ils  ne 
connaissent  pas  d'autres  ordres  mineurs. 
Perpét.  de  la  foi,  t.  V,  I.  v,  c.  G. 

Mosheim,  qui  semble  n'avoir  entrepris  son 

qnoli"in'un  dil  que  l'onction  sacrée  dont  iisc  l'E- 
gli-c  (luiis  1:)  sainte  ordinal  Ion  non-seuleiiient  n'csl 
pa-  leiiiiiso,  mais  (|n'i;lli'  iloit  itrc  lejclèe,  et  qn'elle 
est  ficriiiLicu^c,  :\u.-.si  bien  cine  les  uuUvs  céréniunics 
lie  l'ordre,  cin'il  so;t  aiiatli  nie.  C.  .'î.— Siqnchiu'iindit 
que,  dans  l'Eglise  catlioliqne,  il  n'y  a  piint  d  liiéiai- 
cliic  olalilic  par  l'ordic  de  Dien,  laquelle  e4  compo- 
sée d'évitpios,  de  pr,  Ires  et  de  ininisires,  qu'il  >oit 
analhèmo.  C.  (1.  —  Si  qupl(prMn  dil  que  les  évé- 
ques  ne  sont  pas  snpéiienrs  aux  pr  Ires,  ou  ([u'îls 
n'ont  pis  la  puissance  de  conférer  la  coulirnialion  et 
les  (U'jres,  ou  que  Cille  i|u'ils  ont  leur  est  connnune 
avec  les  prêtres,  ou  (lue  les  ordres  qu'ils  confrent 
sans  le  conscnlenient  on  l'inlci  vcntion  du  peuple  on 
de  la  puissance  séculière  >ont  nuls,  ou  (pie  ceux  (jui 
ne  siinl  j)  is  oiilonncs  ni  eoiiiiuis  bien  el  legilluienient 
par  la  puissance  ec(lésiasli(|ne  cl  canonique,  mais 
qui  vitMinent  d'ailieiirs,  sont  pourlanl  de  li'gilinies 
niinislies  de  la  parole  de  Dieu,  qu'il  soit  anadiiMue. 
C.  1.  —  Si  (luebpi'un  dit  que  les  éviqnes  qui  soûl 
clioisis  par  l'anlorile  du  pape  ne  sont  pas  vrais  et 
légitimes  évetiues,  mais  que  c'est  une  iiiveulion  iiu- 
uiaiue,  qu'il  soit  anallieiue.  C.  8. 


liist(jire  occlésiaslique  que  pour  censurer  |a 
conduite  de  l'Eglise  catholique,  altriiiuc  à  d.  s 
motifs  peu  louables  l'instiliilion  des  ordres 
7nineurs.  k  Au  m"  siècle,  dit-il,  les  évéques 
s'atlribnèi  eut  bcaucono  plus  d'antorib''  (pi'ils 
n'en  av/iii  nt  eu  au|)aravant  ;  ils  diminuèrent 
insensiblement  1  s  droits ,  non-S'uleinent 
des  simples  lilèles,  mais  des  prôtres.  Un 
des  principaux  auteurs  d'  cette  nouvelle 
discipline  fut  l'évétiue  Gyorien,  homme  le 
plus  entêté  qui  fut  jamais  des  prérogatives 
de  l'épiscopat.  Cette  innovation  ne  manqua 
pas  d'inlrodiiire  di'S  vices  iiarml  les  minis- 
tres do  l'Kglise,  le  luxe,  la  mollesse,  l'arro- 
gance, la  fureur  de  disputer.  Plusieurs  évo- 
ques, surtout  ceux  (jui  occnpiiont  les  plus 
grands  sièges  et  les  plus  riclies,  s'arro  ■gè- 
rent les  ilroits  et  les  ornements  des  souve- 
rains ,  un  trône ,  des  ofïiciors ,  des  habits 
pompeux,  pour  en  imposer  au  j^euple.  Les 
prêtes  imitèrent  l'excmiile  des  évéques,  né- 
gligèient  leurs  devoirs  pour  se  livrer  à  la 
mollesse  ;  les  diacres,  atlen  ifs  à  prciliter  de 
l'occasion,  s'emparèrent  des  dro.ts  it  des 
fo;.ctions  du  sa.  er.ioce.  Telle  est,  selon  moi, 
conliniu^  Moshe  m,  l'origine  des  ordres  mi- 
veurs,  des  sous-diacres,  des  aco'yies,  etc. 
L'Kglisc  aurait  !  u  s'en  passer,  s'il  y  avait 
eu  plus  de  piété  et  de  r.ligion  armi  ses 
pasteurs.  Dès  que  les  évéc[':es  et  les  prèlr  s 
se  fuent  dispensés  des  flmctioiis  'ji.i  Icut 
paraissaient  trop  basses,  les  d  acres  fi- 
re:it  de  même,  et  voulurent  avoir  des  infé- 
rieurs. » 

Ainsi  la  malignité  des  hérétiques  trouve 
des  sujets  de  scaiid.rle  dans  les  chos:  g  les 
plus  innocrnt  s  et  mèm.'  1  s  plus  louai/les  ; 
nous  snuteiion-  que  rm-timlion  des  ordre/ 
mineurs  a  eu  des  motifs  oi nnétialement  op- 
posés à  ceux  que  Mosiieira  a  forgés.  —  1" 
Lorsque  les  fidèles  étaient  eiuore  jiou  nom- 
breux, un  seul  I  onime  zélé  et  laborieux 
pouvait  .HilTire  à  toutes  les  fonctions  du  sa- 
cerdoce. Ainsi  dans  les  caniji.gnes  in  .'eul 
curé  dessert  une  paroisse  ei.tière,  lorsqu'elle 
n'est  pas  fort  étoiidue,  sans  être  aidé  par  des 
clens;  mais  si  son  troupeau  est  nombreux 
et  (iisiribué  .ians  idusiems  hameaux,  il  est 
oliligé  de  s'associer  au  moins  un  vic.nre.  De 
même  dans  les  premiers  s.ècles,  à  mes  re 
que  la  multitude  des  chr.'liens  aug.nenta,  et 
lorsqu'une  égl.se  renfermait  plusieurs  mil- 
liers de  fidèles,  un  seul  époque  ne  pouvait 
[■lus  sufiire  à  remplir  tous  le^  devoirs  et 
foutes  les  fonctions.  Se  on  l'opinion  com- 
mune,  pendant  les  quinze  premièies  an- 
n''es,  les  douze  apôtres  et  plusicms  disciples 
demeu  èrent  rassemblés  à  Jérusalem;  tous, 
saii>  doute,  concimraient  j).  ni  lois  aux  fonc- 
tions du  sacerdoce  ;  lorsqu'il,  se  ti ouvèrent 
surchargés  ,  ils  s'associe  eut  -e  t  diacres 
{Acl.  VI,  2).  Accuserons-nous  lesaoôtres  d  en 
avoiragiaiiisiparorgu.dle  par  mollesse,  parce 
qu'ils  dédaignaient  des  !onclions  qui  leur 
parurent  troj)  ba.îSes,  par  l'auioilion  (j 'avoir 
des  iniéri.  urs,  parce  qu'ils  manquaient  do 
piété  et  de  vraie  religion  ?  Alosladui  n'a  pas 
vu  qu'en  calomniant  les  évoques  du  m*  siè- 
cle, û  donnait  lieu  aui  incrédules  de  former 


!!S3 


OSID 


ÔRfi 


1156 


la  mê'ine  accusation  coiiirc  les  apôtres.  — 
2'  La  Imute  idée  que  l'on  avait  conçue  du 
saint  sacrifice  et  de  tout  ce  qui  y  a  du  rap- 
port fit  comprendre  que  lasiiect  d'un  grand 
nombre  de  mniistres  ra.s?cmbl!''S  autour  de 
l'autel,  occupés  à  remplir  dill'érenies  fonc- 
tions, rendait  la  céiémonie  plus  auguste, 
inspirait  plus  de  piété  et  de  respect  aux  fi- 
dèles. Les  apùtres  avaient  fait  de  même, 
puisque  le  tableau  de  la  liturgie  apostolique, 
î-racé  dans  l'Apocal.pse,  nous  représente  le 
pontife  qui  jiréside  assis  sur  un  trône,  révolu 
il'habits  majestueux ,  enviroimé  de  vingt- 
quatre  vieill.iids  ou  prêtres,  et  des  anges  qui 
roncourent  à  la  pompe  de  la  cérémonie.  Les 
apôtres,  sans  doute,  n'avaient  pas  dessein 
d'en  imposer  au  jieiiple,  mais  de  lui  impri- 
mer le  respect  et  la  piété. 

Si  au  m'  siècle  l'on  avait  eu,  touchant 
.l'eucharistie,  le  môme  sentiment  (juc  les 
protestants,  l'oi  n'aurait  pas  eu  besoin  de 
tout  cet  .-ipiiareil.  Lorsqu'il  n'est  question 
quB  de  préparer  du  pain  et  du  vin  sur  une 
table,  de  couper  ce  pain  en  morceaux,  de 
réciter  les  pai'oles  de  l'instilutidn  et  d'invi- 
ter les  assistants  à  en  prendre,  à  quoi  ser- 
viraient des  ministres  de  ditlerents  ordres? 
Jlais  l'on  n'a  jamais  ainsi  célébré  la  liturgie 
dans  1  Egiise  de  Dieu.  Commi'  l'on  a  tonjours 
cru  que  Jésus-Christ  est  véritablement  pré- 
sent sur  les  autels,  on  a  conclu  qu'il  devait 
y  recevoir  nos  adorations,  et  que  l'on  nu 
])Ouvait  lui  rendre  un  culte  top  pompeux. 
Dès  qu'il  a  plu  aux  jirotestants  de  retran- 
cher ce  culte,  il  a  fallu  par  iniérèt  de  sys- 
tème l'attribuer  à  des  motifs  odieux.  En  re- 
piochant  aux  catholiques  d'imiter  les  fonc- 
tions du  sacerdoce  judaïque,  ils  ont  jugé 
qu'il  était  mieux  de  mettre  leurs  assemblées 
au  ton  de  celles  des  Juifs  modem  s  dans  les 
synagogues. — 3"  Si  les  fonctions  d'un  pasteur 
catholique  n'étaient  pas  plus  étendues  que 
celles  d'un  ministre  luthérien  ou  calviniste, 
un  clergé  nombreux  serait  très-supeillu.  11 
ne  faut  pas  une  nniltitude  d'hommes  pour 
pièclier,  p  'Ur  itri'sider  à  la  cène  et  à  la 
prière  |>ublique.  Mais  lorsqu'à  l'instruction 
il  fjut  joindre  l'administration  des  sacre- 
ments, le  soin  des  pauvres,  la  visite  des 
malades,  la  vigilance  sur  les  établissements 
de  charité,  sur  la  décence  du  culte,  sur  Vor- 
nement  des  églises,  etc.,  c'est  autre  chose. 
Les  ministies  protestants  n'ont  presque  rien 
à  faire,  les  pasteurs  catholiques  sont  souvent 
surchargés;  plus  les  é\è(iues  du  ni'  siècle 
étaient  labori.'ux  et  zélés,  plus  ils  avaient 
besoin  de  ministres  inférieurs.  Ils  ont  donc 
eu  des  motds  tout  différents  de  ceux  que 
M osheim  leur  a  prèles,  et  il  n'est  [las  vrai 
que  l'institution  des  ordres  mineurs  ait  donné 
lieu  aux  inconvénients  que  ce  protesant 
leur  reproche.  D'ailleurs  les  évoques  des 
premiers  siècles  comprirent  d'abord  la  né- 
cessité de  former  de  jeunes  cleics,  de  les 
accoutumer  de  bonne  heure  aux  fonctions 
du  service  divin,  de  faire  dans  la  maison 


senti  l'utilité,  puisque  cet  usage  s'est  con- 
servé jusqu'à  nous.  Les  curés  des  grandes 
paroisses  de  Paris  ont  un  état  aussi  cnnsi- 
dérab  e  que  quelques  évoques,  leur  clergé 
est  aussi  nombreux,  et  l'ofiic  ;  de  leur  église 
est  aussi  pompeux  que  celui  de  plusieurs 
calhi'drales.  Quand  les  protestants  et  les  in- 
crédules se  réuniraient  pour  soutenir  que 
ces  pasteurs  se  conduisent  par  mollesse,  par 
vanité,  par  l'envie  de  s'arroger  les  droits 
et  les  foncions  de  l'épiscopat,  s'ensuivrait- 
il  que  cela  est  vrai. — '*°  Un  nouveau  trdit  de 
maladresse  de  la  part  de  Mosheim  a  été 
d'aitribuer  de  l'ambition,  du  faste,  de  l'arro- 
gance et  de  la  mollesse  à  saint  Cyprien , 
évêque  le  plus  laborieux,  le  plus  zélé,  le 
plus  charitable,  le  plus  exact  observateur  de 
la  pauvreté  qui  fut  jamais.  11  était,  dit  son 
accusateur,  entêté  des  iiréfogatives  de  l'é- 
piscopat,  c'est-à-dire  qu'il  était  exact  à  faire 
observer  dans  son  clergé  la  d  scipline  ecclé- 
siastique, l'ordre  et  la  subordination  néces- 
saires pour  entretenir  la  décence  et  la  paix. 
Cette  subordination  était  commandée  par  les 
Epîtres  de  saint  Paul,  par  celles  de  saint 
Ignace,  par  les  canons  des  apôtres,  plus  an- 
ciens que  saint  Cyprien.  D'ailleurs  cet  évê- 
que de  CarUiage  avait-il  quelque  autorité 
dans  l'Eglise  grecque,  pour  y  faire  regarder 
comme  ordres  mineurs  l'office  des  sous- 
diacres,  des  lecteurs  et  des  chantres?  Il  n'a- 
vait pas  plus  d'influence  dans  l'Eglise  latine, 
jaiisqu'à  la  réserve  des  évoques  d'Afrique, 
aucun  autre  ne  voulut  adojiter  la  disciiiline 
que  saint  Cyprien  voulait  établir,  de  faire 
rebaptiser  ceux  qui  avaii'ut  é^é  baptisés  par 
des  hérétiijues.  Les  protestants  ont  grand 
soin  de  faire  remarquer  la  résistance  que  fit 
cet  évèquc  aux  remontrances  des  papes,  et 
le  peu  de  déférence  qu'il  avait  à  leur  auto- 
rité; et  en  même  temps  ils  s'elTorcent  de  le 
décréd.ter  en  le  peignant  comme  un  honnne 
entêté  à  l'excès  des  préro  iatives  di;  i'épisco- 
pat.  —  3"  Avant  d'atU'djuer  tant  de  vices 
aux  évoques  du  nr  siècle,  il  aurait  été  à 
I)ropos  de  prévoir  les  conséquences.  Si  ce 
que  Mosheim  en  a  dit  est  vrai,  il  s'ensuit 
que  depuis  cette  époque,  et  avant  même  que 
le  christianisme  fût  sobilement  établi,  Jésus- 
Christ,  loin  de  tenir  à  son  Egiise  les  pro- 
messes qu'il  lui  avait  faites,  l'a  livrée  à  la 
discrétion  de  pasteurs  corrompus  jiar  le  luxe 
et  par  la  mollesse,  orgueilleux,  ambitieux, 
dis|iuteui's,  eiUètés,  plus  occupés  de  leurs 
prér'Ogalives  que  du  salut  des  âmes,  qui  n'a- 
vaient ni  piété  ni  vraie  religion.  Selon  saint 
Paul,  Dieu  a  donné  des  pasteurs  pour  1  édi- 
fication du  corps  de  Jésus-Christ  [Ephes.  ly, 
12i;  selon  Mosheim,  il  ne  les  a  donnés  que 
pour  la  destruction  de  ce  même  corps,  et  ils 
y  ont  constamment  travaillé  dans  tous  les 
siècles. 

Le  seul  évêque  du  m"  siècle  qui  ait  res- 
semblé au  tableau  tracé  par  ce  protestant, 
est  Paul  de  Samosate,  hérétique  scandaleux, 
condamné  et  déposé  pour  ses  erreurs  et  ses 


piscopale  ce  que  l'on  fait  aujourd'hui  dans     mœurs  déréglées;  a-t-il  été  ainsi  traité  parce 


les  séminaires.  Telle  est  la  véi'itable  origine 
de  l'institution  des  ordre»  mineurs;  on  en  a 


qu'il  ressemblait  à  tous  ses  collègues.  Voilà 
comm«  se  laissent  aveugler  par  leurs  pré- 


1137 


ORD 


ORD 


llôS 


jugés  (les  théologiens    protestants  qui  sem- 
bleiii  d'dilleurs  Cire  judicieux  el  instruits. 

Ordre  mii  itaike.  (^ijunne  ce  qui  regarde 
les  ordres  militaires  lient  |iouf  le  moins  au- 
tant à  riiistoire  civile  el  jidlitiijue  des  peu- 
ples de  rtiurope  (|u'à  l'liist<iire  ecclésiasti- 
que, nous  ne  parlerons  des  principaux  de 
ces  ordres  que  i)i)ur  exposer  les  uiotiis  de 
leur  institution,  el  pour  ré|iontli'e  à  c|uelques 
reproches  ()ui  oui  été  faits  à  ce  sujet  par  des 
censeurs  très-im[)rudenls.  11  n'esl  plus  né- 
cessaire de  réfuter  les  auteurs  qui  ont  voulu 
attribuer  à  Constantin  l'institution  des  or- 
dres militaires,  et  en  particulier  de  celui  de 
Saint-Cieorge,  ni  ceux  qui  ont  lait  remonter 
au  VIII*  siècle  rétablissement  de  celui  de 
Saint-André  en  Ecosse;  tout  le  monde  est 
aujourd'hui  convaincu  que  la  chevalerie  n'a 
conmiencé  que  pendant  les  croisades,  el  date 
seulement  de  la  tin  d\i  xi'  siècle. 

L'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  nom- 
mé aujourd'hui  Vordre  de  Malte,  qui  est  le 
plus  ancien  de  tous,  est  né  dans  la  Pales- 
tine. Il  fut  composé  d'abord  de  religieux 
h(is|]italiers.Queli  lues  marchands  d'Amal|)hi, 
ville  du  rovaumo  do  Naples,  obtinrent  du 
calife  (les  Sarrasins  la  permission  d't'tablir  à 
Jérusalem  un  hôpital  pour  les  pèlerins  indi- 
g  nts  ou  malades.  Les  religieux  qui  le  des- 
servaient furent  nommés  hospitaliers  de 
Suint-Jean  de  Jérusalem  ,  parce  cpie  leur 
église  était  dédiée  h  saint  Jean-IJaptiste. 
L'an  1099,  lorsijue  cette  ville  eut  été  prise 
par  les  croisés,  rhôi)ital  de  Saint-Jean  fut 
enrichi  par  les  princes,  qui  en  firent  la  ca- 
pitale de  leur  royaume.  S  lUs  Bau  louin  11, 
l'in  lloV,  Raymond  Dupuy,  administrateur 
do  l'hôpital,  offrit  de  faire  avec  ses  frères  et 
à  ses  propres  dépens  la  guerre  aux  maho- 
métans.  Ceile  offre  fut  acceptée  et  approu- 
vée par  le  pape.  Aux  trois  v>i  ux  solennels 
de  religion,  les  hospitaliers  en  ajoutèrent 
un  quatrième,  par  lequel  ils  s'engageaient  à 
défendre  des  insultes  des  Sarrasins  les  (lè- 
lerins  qui  allaient  visiter  les  lieux  saints. 
Ainsi  cet  ordre,  hospitalier  dans  son  ori- 
gine, devint  mil, taire.  Ce  n'est  point  à  nous 
de  rapporter  les  exploits  des  chevaliers  ni 
les  révolutions  que  cet  ordre  célèbre  a  es- 
suyées; on  peut  s'en  instruire  dans  l'his- 
toire qu'en  a  faite  l'abbé  de  Vertot.  Sur  ce 
modèle  fut  in>titué  dans  la  môme  v:lle,  l'an 
1118,  Vordre  des  Templiers,  ainsi  nommés 
narce  que  la  maison  habitée  par  les  cheva- 
liers é:ait  sur  l'emplacement  du  temple  de 
Ji'rusalem.  Les  foudateurs  furent  Hugues 
des  Payens,  Ceolfroi  de  Saiiit-Aldcmar  ou 
de  Saint-Ouu^r,  et  sept  autres  personnes.  Cet 
ordre  fut  confirmé  l'an  1128  dans  le  concile 
de  Troyes,  et  .Tssujetli  à  une  règle  que  saint 
Iternard  dressa  puur  les  chevaliers.  Leur 
destination  était  de  veiller  à  la  sûreté  des 
chemms.  et  de  protéger  les  pèlerins.  On  sait 
que  cet  ordre  fut  supjjrimé  dans  le  concile 
général  de  Vienne  l'an  1311.  L'histoire  en 
a  été  écrite  par  Dupuy,  et  réimprimée  à 
Bruxelles  en  1751. 

L'ordre  du  Saint-S-'pulcre  fut  établi  l'an 
1120,  pour  garder  le  saint  sépulcre  et  le  pré- 


siTver  de  la  profanation  des  infidèlis.  Celui 
des    chevaliers   teulon'ques,    ou   de  Nnfre- 
Dame  des  Allemands,  fut  encore  érigé  dans 
la    Palotine,    l'ai   1190,   pindant  le  siège 
d'Acca  ou  de   Saint-Jean    d'Acre,   autiefois 
Ptolémaide.  Des  marchands  de  Brème  et  de 
Lubeck  se  vouèrent  au  service  des  malades  et 
établirent  un  hôpital.  Les  princes  allemands 
qui  se  trouvaient  .'i  ce  siège  résoluri'Ut  d'ins- 
tituer parmi  la  noblesse  de   leur  nalidu  une 
coidraterinti''  destinée  à  celle  bonne  œuvre. 
Elle  fut  apiirouvée    par  le  pape  (]élestin  111, 
l'an  1192.   Les  chevaliers  faisaient  vœu  île 
défendre   la  religion  chrétienne   et   la  terre 
sainte,  et  de   pourvoir  au    besoin  dos  pau- 
vres. Lorsqu'ils  furent  retournés  dans  leur 
piays,  Conrad,  duc  de  Ma/.ovie  et  de  Cajavie, 
implnr.i  leur  secours  pour  se  d 'fendre  contre 
les  irruptions  des  Prussiens  idolâtres  qui  dé- 
solaient ses  Etats;  il  leur  céda  deux  provin- 
ces et  toutes  les  terres  qu'ils  pourraient  con- 
quérir sur  ces  barbares.  Dans   l'espace  de 
cinquante   ans,   ils  conquiriiit  en  effet  la 
Prusse,  la  Lilhuanie,  la  Poméranie,  etc.  Plu- 
sieiu's  savants  du  Nord  ont  fait  l'histoire  de 
cet  ordre ,  dont  le  grand-maitre,  Albert  de 
Brandibour.iJ,,  embrassa  le  lutliéranisi-.ie  avec 
la  plupart  des  chevaliers,  l'an  1523.  Les  or- 
dres militaires,  institués   en  Espagne  et  en 
Portugal,  ont  eu  (lour  objet  de  défendre  ce 
royaume  contre  les  Maures  ou  Barbaresques. 
Ceux  qui  ont  été  établis  dans  les  autres  Etats 
d'Euio|ie  sont  d(!  simples  marques  d'hon- 
neur par  lesquelles  les   souverains  récom- 
pensent les  sujets  qui  leur  ont  rendu  des 
services  distingués,   soit  dans  le   nji.itaire, 
soit  ailleurs.  Par  ce  simiile  exposé,  il  est 
évident  que  les    ordres  tnilitaires  ont   pris 
naissance  dans  un  temjis  oii  l'Europe  n'avait 
que  di'ux  espèces   d'habilai;ts;   savoir,   les 
nobles  toujours  armés,  el  les  colons  toujours 
esclaves  ,    et  où  les  premiers  cherchaient  à 
concilier  la  dévotion  avec  le  métier  des  ar- 
mes.  L'objet   de   leur    établissement   était 
louable,  et  tous  ont  rendu  d'abord  de  grands 
servies;   plusieurs  ont  ensuite  dégénéré  , 
c'est  le  sort  de  toutes  les  institutions  hu  - 
mai  nés. 

Fabricius  et  d'autres  protestants  n'ont  ap 
prouvé  ni  les  croisades  ni  les  services  rendus 
jiar  les  ordres  militaires  ;  ils  ont  dit  que  les 
seuls  moyens  légitimes  de  projagerle  chris- 
tianisme sont  ceux  dont  les  apôtres  se  sont 
servis  ;  savoir,  l'instruction,  les  exemples  de 
vertu  et  la  patience.  Ils  ont  gémi  de  re  que 
la  foi  clirétietuie  a  été  prêchée  dans  le  Nord 
l'épée  à  la  main  par  les  chevaliers  teutoni 
ques.  Ces  violences,  disent-ils,  étaient  plus 
jiropres  à  irritei-  les  barbares  qu'à  les  con- 
vertir ,  elles  déshonorent  noire  religion,  et 
sont  directement  contraires  à  l'esprit  da 
charité  que  Jésus-Christ  a  voulu  inspii-er  à 
tous  les  hommes.  Les  incrédules  n'ont  pas 
manqué  d'enchérir  sur  ces  déclam  itions  : 
sont-elles  aussi  bien  fondées  qu'elles  le  pa- 
rais .ont  d'.Miord  ? —  1°  L'on  confond  deux 
choses  Irès-ditférentes,  l'objet,  l'intention,  la 
conduite  des  chevaliers  et  celle  des  mission 
iiaires.  On  suppose  que  les  croisades  et  les 


1159 


ORD 


ORD 


ma 


exploits  militaires  des  chevaliers  avaient 
pour  premier  objet  la  cnnversion  des  ind- 
(lùles  :  c'est  une  fausseté.  Leur  destination 
était  de  défendre  les  chrétiens  cnnt  e  les  at- 
taques, les  iusulti'S  et  la  viulcnci!  des  infi- 
dèles ,  soit  musulmans  ,  soit  idolâtres  ;  do 
pn'venir  leurs  iriujitions,  de  réprimer  leur 
brigniidafie.  Où  e.ft  le  crime?  La  reli:;ion 
cliiélienne,  aussi  bien  que  la  loi  nat'irelle, 
défend  la  violence  de  particulier  îi  particu- 
lio' ,  parce  qu'ils  sont  pjotégés  par  les  lois  ; 
mais  elles  ne  défendent  point  aux  nations 
d'o;!poser  la  forc^  à  la  forc;^ ,  la  guerre  à  la 
guerre,  les  repr.'sailles  r.u\  hostilités,  parce 
qu"il  n'y  a  point  d'ai.tre  moyen  praticable 
jiour  Sfî  m  tire  en  silreté.  Que  les  guerricis 
si'icnt  chevaliers  ou  soldats,  volontaires  ou 
enrôlés,  religieux  ou  S('culiers,  cela  est  é^^al; 
la  question  se  réduit  à  savoir  si  le  christia- 
nisme réprouve  1  usag  ■  des  armes  dans  tous 
les  cas,  et  si  toul  exploit  militaire  est  C(in- 
dnmné  par  l'Kvangile  Jamais  les  chevaliers 
ne  se  sont  érigés  en  prédicateurs,  et  jamais 
les  m;ssiv>nv!iiires  n'ont  été  a; mes;  les  liar- 
b;ircs  étaient  des  animaux  farouches;  il  fal- • 
lait  commencer  par  en  faire  des  hommes  en 
les  domptant  parla  forc",  avant  de  penser  à 
en  faire  des  chrétiens  :  le  premier  de  ces 
exploits  était  l'allaire  des  chev.-liers,  le  reste 
était  réservé  aux  missionnaires.  Lorsque  les 
guerriers  avaient  fait  leur  métier,  ils  proté- 
geaient les  miss  onn  ires,  pour  que  ceux-ci 
pussent  faire  paisiblement  le  leur.  Kncore 
une  fois,  nous  ne  voyons  pas  où  est  le  crime. 
Quand  les  chevaliers,  con!ents  d'avoir  forcé 
b^s  barbares  au  re-  o^,  n'auraient  pas  pensé 
à  leur  uonuT  une  religion  p')ur  les  appri- 
voise-,  on  ne  pourrait  pas  encore  lesjugpr 
cou'jables;  s'ils  ont  poussé  le  zèle  de  reli- 
gion plus  loin,  nous  prions  nus  adversaires 
de  nous  dire  en  qu.  i  ce  second  motif  a  pu 
ren  ire  le  premier  ill  ''i:,itime.  On  dit  que  ce 
moien  était  pi  ;s  propre  à  révolter  les  bar- 
bares qu'il  les  convertir  ;  mais  le  contraire 
est  prouvé  jiar  l'événement,  p;iis<juenfln  ils 
se  soi.t  convertis,  et  ([ue  tout  le  Nord  est 
devenu  chrétien.  Ils  ont  massacré  cent  mis- 
sionnaires, et  ceux-ci  se  sont  laissé  égorger 
comme  les  apôtres.  —  2°  Jésus-Christ,  loin 
de  permet  re  k  ses  apôtres  d'user  de  violence 
pour  convc'tir,  leur  a  ordonné'  au  contraire 
delà  soullVir:  raîis  les  apôtres  n'ont  pas  eu 
d'abord  à  instruire  des  barbares  arrivés  à 
maui  armée  dans  l'empire  lomain  et  occupés 
à  le  ravager;  ils  prèchaicnl  l'Iivangile  dans 
un  pays  où  il  y  avait  dfs  lois,  de  la  police, 
un  s  luverain  et  un  gouvernement  bon  ou 
mauvais.  iMais  s'ils  avaient  étéphcés  sur 
une  frontière  infestée  par  des  hordes  d'A- 
rab.'S  idolâtres,  par  dis  armées  de  Perses, 
ado; atours  du  feu,  par  des  bandes  de  Scy- 
thes farouches,  est-il  bien  c  'riain  qu'ils  au- 
raient ordonné  aux  lidèlesde  se  laisser  mas- 
sacrer sans  résistance?  Nous  sonunes  per- 
suadés qu'ils  1;  s  auraient  encouragés  à  se 
déf  ndre  ;  et  .si  les  Romains  victorieux 
avaient  réussi  ti  dompter  tous  ci'S  barbares 
jiar  les  armes,  les  ajiôtres  auraient  marché 
.sans  li6>iter  sur  la  li.ice  dos  armées,  et  se- 


raient allés  planter  la  croix  à  la  place  des 
aigles  romaines.  Autre  chose  était  de  souf- 
fiir  patiemment  la  persécution  des  magis- 
trats, des  olhc'ers  du  prince  et  du  souverain 
lu  -môme,  et  autre  chose  de  se  laisser  tuer 
par  des  barbares  étrangers,  exerçant  le  bri- 
gandage contre  le  droit  des  gens.  On  répli- 
quera que  les  mahomi'tans  étaient  en  jios- 
session  de  la  Palestine  lorsque  les  croi'-és 
sont  allés  les  attaquer  chez  eux.  Mais  les 
empiTCurs  grecs  n'avaient  pas  cédé  la  Pa- 
lestine aux  mahoraétans  par  des  tr.dtés 
solei.nels,  et  depuis  longtemps  ils  implo- 
raiei:t  If^  secours  des  princes  chrétiens.  Les 
mahomélans  menaçaient  d'envahir  l'Europe 
entière;  ils  avaient  déjh  conquis  la  Corsi', 
la  Sicile  et  mie  partie  de  la  Calabre  ;  fallait- 
il  attendre  qu'ils  revinssent  pour  les  re- 
pousser? L'événement  a  prouvé  que  le  seul 
moyen  de  les  affaiblir  était  d'aller  les  atta- 
quer fiiez  eux.  Il  en  était  de  môme  des  .Vlau- 
res  à  l'égaid  de  l'Espagne,  et  des  barbares 
du  Nord  rel-itivement  aux  divers  Etats  de 
l'Allemagne.  —  .3°  Si  les  chrétiens  du  xn*  et 
du  \ui'  siècl  avaient  p^'ché  dans  la  manière 
de  maintenir  leur  religion,  et  dans  les  moyens 
qu'ils  ont  enijiloyés  jiour  la  défendre,  ce  ne 
serait  pas  aux  |irotesiants  qu'd  conviendrait 
de  les  condamner.  Ils  ont  toujoui'S  soutenu 
qu'il  leur  était  ]iernds  de  prendre  les  armes 
contre  le  souverain,  pour  obtenir  la  liberté 
de  conscience,  et  pour  la  conserver  lors- 
qu'elle leur  avait  été  accordée,  et  ils  se  sont 
coiid'jils  partout  selon  cette  maxime.  Nous 
voudrions  savoir  par  quelle  loi  il  est  plus 
p.  rinis  de  faire  la  guerre  au  gouvernement 
sous  lequel  on  est  né,  qu'îi  des  barbares  qui 
en  veulent  non  seulement  à  notre  religion, 
mais  à  nos  biens  ,  h  notre  liberté  et  à  notre 
vie.  Les  incrédules  n'ont  pas  meilleure  grAce 
h  répéter  les  reproches  des  \  rotestanls,  puis- 
qu'ils st)':iieiinent  comme  eux  que  la  tolé- 
rance illimitée  est  de  droit  naturel,  que  tout 
lionnne  est  autorisé  par  la  loi  naturelle  à 
croire  et  k  professer  telle  religion  qu'il  lui 
piait,  et  à  défendre  ce'te  précieuse  liberté 
par  tonte  voie  quelconque.  Nous  demandons 
pour(}uoi  les  c'  réliens  croisés  n'ont  pas  dil 
jouir  de  cette  liberté  dans  la  Palestine,  aussi 
bien  qu'en  France,  ei  iiourquui  les  Alle- 
mands convertis  au  chiisîianisme  oui  dû 
soulfiir  que  les  Prussiens  idolâtres  vinssent 
renverser  leurs  autels?  Votj.  Croisades  , 
Missions. 

OiiniiEs  monastiques  ou  religieux,  coii- 
grégat  on  ou  société  de  religieux  soumis  à 
un  seul  chef,  (jui  observent  la  même  règle 
et  portent  le  même  habit.  On  ]ieut  rédidre 
les  ordirs  religieux  à  cinq  classes;  savoir, 
moines,  chanoines  réguliers,  chevahers , 
clercs  réguliers  et  mendiants  :  nous  avons 
parlé  de  chacun  sous  leur  titre  paiticuiier. 
Au  mot  Moine,  nous  avons  esposé  l'origine 
de  l'état  religieux,  et  nous  en  avons  suivi 
les  progrès  dans  les  ditférents  siècles;  nous 
avons  fait  voir  que  cet  état  n'a  rien  que  de 
louable  ;  que,  dans  tous  les  ti'raps,  il  a  rendu 
de  grands  .services  à  la  religion.  Au  mot 
Monastère,  nous  avons  prouvé  que  les  biens 


1141 


ORD 


ORD 


1142 


f)Oss(^dés  par  les  religieux  leur  appartiennent 
égitiraement,  et  qii  il  n'est  pas  vrai  que  cette 
possession  nuise  au  bien  [)iil)'ic.  Knliii,  au 
mot  Mendiant,  nous  avons  justiti('^  la  nien- 
dii^ité  ciis  religieux  iiauvr.'S.  Dai's  ces  divers 
articles,  nous  avons  ri'pondu  aux  accusa- 
ticins  que  les  liéiélH^ues  ,  les  incrédules  et 
1'  s  faux  polili(fues  ont  ibruiées  contre  l'état 
religieux,  il  nous  reste  peu  de  cliosi'  <i  dire 
pour  achever  d'en  t'aiie  l'apologie  ;  elle 
nous  a  paru  bien  faite  dans  la  brochure  in- 
titul  'G  :  rfe  rj^tal  religieux,  qui  vient  d'être 
publiée. 

On    demande   pourquoi    cette   multitude 
d'ordres  relii/ieu.r?  h  (juoi  jjon  cett.'  variété 
dhabils  et  fie  régimes?  Le   cimcile   de    F.a- 
tran,  tenu  l'an  1215,  avait  défendu  d'établir 
de   nouveaux  ordres;  nu  concile  de  Lyon, 
tenu   soixante   ans   après,   ava:t   renouvelé 
cette  défeiisi^  :  jiounpidi  a-t-elle  été  mal  ot)- 
servée?  Nous  devons  sali-faire  h  toutes  ces 
qui'Stions,  pour  les  avantages  et  les  incon- 
vénients   de    la    disc.pline    actuelle.    Nous 
pourrions  nous  borner  à  ré[)ondro   que  la 
nudlitude  et  la  vai'iétT'des  ordres  religieux  a 
eu  pour  but  de  contenter  tous  les  goi'its,  et 
de  satisfaire  toutes  les  inclinations.  Tel  qui 
veut  embrasser  la  \ie  l'es  charir^-ux  ne  vou- 
drait pas  entrer  chez  les  bénédictins  ou  chez 
les  chanoines  ré.;uliers  :  c.lui  ipii  se  sent 
porté  à  faire  profession  dans  un  ordre  men- 
diant, ne  voudrait  pas  vivre  chez  les  moines 
rentes,  etc.  11  est  étonnani  que  nos  philoso- 
phes, si   zélés  partisans  de  ia  liberté,  qui 
regardent  les  v(enx  monasiiques  comme  un 
esclavage   ii!snpporlal)lp ,    ne  veuillent  pas 
seulement  accordrr  à  ceux  qui  aspirent  à 
i'élat  religieux ,    la  Hlierté  de  clioisir  eiitre 
les  divers  régimes   auxquels  il  faut  s'engi- 
ger  par  les  vœux  :  nous  ne  comprenons  rien 
à  cette  contradiction.  Mais  il  y  a  des  raisons 
plus  siilides.  La  variété  îles  ordres  religieux 
est  venue  des   divers  besoins  de  l'Eglise, 
dans  les  ditl'érents  siècles  et  dans  les  divc  rs 
climals,  et  de  la  ditf.'rence  des  bonnes  œu- 
vres auxquelles  ils  se  destinaient.  Les  lon- 
daleurs  (les  ordres  ont  vu  et  senti  ces  be- 
soins chacun  à  leur  manière;  ils  ne  se  sont 
pas  concertés,  puisque  les  uns  ont  vécu  en 
Orient,  les  autres  en  Occident;   les   uns  au 
i\'  ou  au  vr  siècle,  les  autres  au  xn'  ou  au 
xiir.  Ceux  qui  ont  institué  un  ordre  religieux 
en  Angleterre  ont  consulté  l'utilité,  le  goi'it, 
les  mœurs  de  leur  pays,  sans  s'informer  de 
ce  qui  pouvait  mieux  convenir  en  Italie  ;  les 
fondateurs   espagnols  ne  se  sont  pas  crus 
obligés  de  savoir  si  leur  institut  serait  goûté 
en  Allemagne,  etc. 

Lorsque  saint  Benoît  dressa  sa  règle ,  il 
avait  sous  les  yeux  celle  des  moines  de  la 
Thébaïde;  mais  il  comprit  que  l'austérité  de 
celle-ci  n'i'lait  pas  supportable  dans  nos  cli- 
mats :  il  fut  forcé  de  la  mitiger  [iour  ses  re- 
ligieux. Ceux  qui  ont  formé  des  instituts 
dans  les  pays  du  ÎSord  auraient  été  des  impru- 
dents si's  avaient  imposé  à  leurs  prosélytes 
la  nuillitnde  et  la  rigueur  des  jeûnes  obser- 
vés ;vir  les  caloyers  grecs  et  syriens.  Il  a 
donc  fallu  avoir  égard  au  temps,  aux  lieux, 


au  ton  des  mœurs,  aux  circonstances  sous 
lesquelles  ou  se  trouvait.  La  mf  luu  raison  a 
diterniiné  les  pa]ies,  loiS([    i's  unt  ap'Touvé 
et  coniiniié'   les  diir''re:ils    ordres  religieux 
récemment  établis;   ils  n'ont   consulté   que 
les  besoins  et  l'utilité  do   l'iîglisi',    relative- 
ment au  temps  et  aux  lieux  ;oiir  lesquels  les 
fondateurs  avaiiMit  tiavaillé.  S'ils  avaient  eu 
l'esprit   prophétique,   ils  auraient  prévu  les 
inconvénients  (pu  naîtraient  loiS(|ue  les  cir- 
constances auraient  changé,  lorsqu'un  insti- 
tut   formé    en    Italie    serait    transporté    en 
France  ou  en  Allemagne,  s:-  trou\erait  en 
concurrence  avec  un  autre,  ne  pourrait  plus 
rendre  hs  mêmes  services  ,  etc.    Mais  ceux 
qui    sont  si    prompis   à    blâmer  les  papes, 
sont -ils    eux-mêmes  divinement  inspirés 
pour  prévenir  les  inconvénii-nls  (jui  résul- 
teraient de  la  suppression  de  lé  at  religieux, 
de  l'unifuruiiié  qu'ils   voudr.iient  y  intro- 
duire, de  l'enlèvement  des  bi'  ns  monasti- 
ques,  etc.   Lorsq:'e  les  ordres  religieux  ont 
été   transplantés  d'un  pays  dans  un  autre, 
ils  y  ont  éié  epp'eh's  et  élabl-s  par  les  sou- 
verains, par  les  giands,  par  les  oUieiers  mu- 
nicip.fux,  par  les  peuples,  à  canse  des  ser- 
vices particuliers  qu  ils   rendaient ,   et   dont 
on  sentait  l'utilité  pour  lors.  Ce  n'est  ni  par 
une  fausse  dévol'on  m  par  caprice  (]ue  l'on 
a  voidu  en  avoir  de  plusieurs  espèces  dans 
une  même  ville  ;  c'est  par  besoin,  on,  si  l'on 
veut,  pour  la  commodité  du  public.  De  tout 
temps   les  honunes  de  tous    les    états   ont 
cherché  leur  commodité  [)our  s^tisfair  ■  aux 
devoirs  et  aux  jiratiques  de  religion.  Si  ce 
défaut  a  étt'  poussé  à  de  trop  grands  excès, 
ce  n'est  ni  à  l'iiglise,  ni  aux  papes ,  ni  aux 
évéques  qu'il  faut  s'en   prendre  ;  on  aurait 
trouvé  fort  mauvais  qu'ils  se  refusassent  aux 
désirs  des  peuples,  et  ce  serait  pi  rter  un  peu 
trop  loin  la  sévérité  que  de  soutenir  (jue  les 
religieux  eux-mêmes  ont  di'i  r.  sisler  aux  fa- 
ciliiés  qu'on  leur  d  nu  ut  d'étendre  leurs  in- 
térêts. Nous  n'avons  garde  de  douter  de  la 
sa^ess  '   et   de  la  solidité  des  raisons  pour 
lesquelles  les  conciies  de  Latran  et  de  Lyon 
avaient  défendu,  en  1215  et  en  1275,  d'éta- 
blir de  nouveaux  ordres  religieux  ;  mais  c 'ux 
qui  blâment  les  papes  d'avoir  promplement 
viole  cette  défense,  en  approuvant  les  ordres 
de  s  iint  François  et  de  saint  Dominique,  ne 
consultent  ni  les  dates  ni  les  ciruohsiances. 
Saint  François  avait  commencé  à  rassembler 
des  disciples  d'  s  l'an  1209,  et  avait  obtenu 
la  même  année  l'approbation  verbale  du  pape 
Innocf  nt  IIL  Ce  pontife  ne   la  renouvela , 
1  an   1210 ,  qu'après  avoir  écouté ,  pour  et 
contre ,  l'avis  des  cardinaux.  L'institut  des 
franciscains  ou  religieuses  de  sainte  Claire 
commença  l'an  1212.  La  défense  faite  sous 
le  même'pontife  à  Latran,  l'an  1215,  ne  pou- 
vait donc  plus  regarder  les  franciscaiiiS  ;    et 
l'on  prétend  que  saint  François  lui-même 
s'adressa  à  ce  concile,  et  en  obtint  l'appro- 
bation verbale.  Ho.oré  III,  s  iccesseur  d'In- 
nocent, par  sa  bulle  d  ■  l'an  1223,  ne  fit  que 
cûuliinier  ce  qui  était  (h'ja  fait. 

Saint  Dominique  accompagna  l'évoque  do 
Toulouse  au  concile  de  Latran,  et  y  fut  pré 


1145 


ORD 


ORK 


llii 


sent  ;  il  y  allait  piécist^ment  pour  demander 
à  Innocent  III  la  confirmation  de  son  insti- 
tut. La  promesse  que  lui  en  lit  ce  pontife  ne 
fut  pas  donnée   h  linsu  ni  contre  le  gré  -lu 
concile.  D'ailleurs,  saint  Dominique  iiortait 
déjà  l'habit  des  chanoines  réguliers  de  saint 
Augustin,  et  il  prit  la  règle  de  ce  saint  doc- 
tenr  pour  ses  relideux.  Honon''  III  ne  pou- 
vait donc  lui  refnser  la  bulle  confirmaiive  de 
son  institut,  qu'il  lui  accorda  le  16  décem- 
bre 1216.  Les  dill'éreutes  branches  de  fran- 
ciscains qui  se  sont  formées  n'étaient  point 
de  nouveaux  ordres,  mais  des  réformes  d'un 
ordre  déjh  éabli.  Qu.uit  à  la  variété  des  ha- 
bits, nous  en  avons  rendu  raison  au  mot  Ha- 
bit MONASTIQUE.  De  la  variété  et  de  la  multi- 
tude des  ordres  monastiques   il  est  résulté, 
dit-on,  de  grands  inconvénients;  ils  ont  eu 
des   intérêts,    des  desseins,  des  sentiments 
différents  ;  de  là  sont  nées  les  jalousies  ,  les 
dis!  utes,  les  dissensions,  qui  ont  troublé  et 
scandalisé   l'Eglise.   S'il   n'y  avait   eu  dans 
l'Occident    qu'un   seul  et   même   ordre  reli- 
gieux,  comme  il  n'y  en  a  que  deux  en  Orient, 
cel4  ne  serait  pas  arrivé.  Mais  on  ne  fait  pas 
attention  qu'un  seul  ordre  ne  pouvait  pas  suf- 
fire à  tous  les  besoins  ni  fournir  des  sujets 
pour  remplir   toutes   les  espèces  de  devoirs 
de  la  charité.   Enseigner   les  lettres  et  les 
sciences   dans  les  collèges  ,  soigner  les  ma- 
lades  dans  les  hônitaux  ,  travailler  à  la  ré- 
demption des  captifs,  faire  des  missions  chez 
les  infidèles  et  dans  les  campagnes,  remplir 
les   fonctions    du   ministère    ecclésiastique 
dans   les  villes,   catéchiser  les   enfants  du 
peujile,  etc.,  ne  sont  pas   de  bonnes  œuvres 
assez  compatibles  pour  qu'un  même  ordre 
religieux  puisse  s'en  charger.  Les  deux  or- 
dres de  saint  Antoine  et  de  saint  Basile  ont 
suffi  pour  les  Orientaux,    parce  qu'ils  ne  se 
sont  consacrés  qu'au  travail  des  mains,  à  la 
prière  et   à  la  pénitence  ;   en  Occident ,   les 
fondateurs,  sans  négliger  c^s  trois  objets,  se 
sont  encore  propr)sé  l'utilité  du  prochain,  et 
on  ne  peut  que  leur  applaudir.  C'est  ce|ien- 
dant  cuntre  ces  hommes  respectables  que  les 
incrédules,  copistes  des  protestants,  ont  éva- 
poré leur  bile.  Ils  disent  que  le  vœu  d'obéis- 
sance, imposé  aux  religieux,  fait  assez  con- 
naître quel   a  été  le  motif  des  fondateurs 
d'ordres  ;  chacun  d'eux  a  voulu  se  former 
un  (-mpire,  devenir  une  esi;èce  de  souverain, 
commander  despotiquement   à  ses  sembla- 
bles; ma  s  il  en  est  résulté  un  désordre  dans 
la  société  civile.  Dans  tous  les  temps  un 
moine  se  crut  plus  oldigé  d'obéir  à  ses  su- 
périeurs sjiirituels  et  au  pape,  qu'au  souve- 
rain, aux   lois,   aux  magistrats  de  son  pays. 
Dans  tous  les  siècles  des  moines  fougueux, 
excités  par  leurs  chefs,  sont    devenus    de 
vrais   incendiaires  dans    les  pays  chrétiens. 
Avec  un  peu  plus  de  sang-froid,    les  en- 
nemis de  l'état   religieux  auraient    vu    que 
leuis  calonniies   sont  réfutées  par  des  faits 
incontestables.  Plusieurs  saints  sont  devenus 
fondateurs    û'orares    sans     l'avoir    jiiévu; 
lis  s'étaient  retirés    dans    la  solitude,   sai.s 
vouloir  y    entraîner    personne  ;    la   bonne 
odeur  do  leurs  vertus  leur  a  procuré  des 


disciples  qui  sont  allés  les  chercher  dans 
leur  retraite,  et  se  mettre  sous  leur  conduite. 
C'est  ce  qui  est  arrivé  à  saint  Benoit,  à 
saint  Bruno,  etc.  D'autres  ont  lefusé  d'être 
supi'rieurs  généraux  de  leur  ordre,  ou  se 
sont  démis  de  cette  charge  le  |)lus  tôt  qu'ils 
ont  pu,  et  se  sont  réduits  à  la  qualité  de 
sim;  les  religieux.  D'autres  enfin  ne  sont 
devenus  chefs  d'ordres  que  par  la  ré  orme 
la  plus  sévère  qu'ils  y  ont  établie,  et  en 
donnant  les  premiers  l'exempJe  de  l'obéis- 
sance. Où  sont  dans  tous  ces  cas  les  marques 
d'ambition  ?  Sans  l'obéissance  aucun  ordre 
ne  jiourrait  subsister.  Aucun  de  ces  fonda- 
teurs n'a  établi  pour  maxime  que  l'obéis- 
sance aux  supérieurs  spirituels  et  au  pape 
dispensait  les  religieux  d'être  soumis  au 
souverain,  aux  lois,  aux  magistrats.  Aucun 
ne  s'est  cru  en  droit  de  fonder  un  monastère 
sans  la  permission  et  l'agrément  du  souve- 
rain et  des  magistrats.  Souvent  ce  sont  les 
souverains  eux-mêmes  qui  ont  invité  les 
fondateurs  ou  les  chefs  d'ordres  à  venir 
s'établir  dans  leurs  états,  et  ont  doté  ces 
établissements.  Les  religieux  ont  donc  été 
attachés  au  souverain  par  reconnaissance 
aussi  bien  que  par  la  qualité  de  sujets.  Les 
rois  ont  toujours  été  les  maîtres  d'admettre 
ou  non  sur  leurs  terres  tous  les  ordres  reli- 
gieux quelconques  ;  nous  cherchons  vaine- 
ment les  laisons  et  les  prétextes  sur  lesquels 
un  religieux  pourrait  refuser  l'obéissance 
aux  lois  et  aux  souverains.  Nos  spéculateurs 
politiques  n'ont  pas  mieux  rencontré  en 
imaginant  que  les  papes  n'ont  approuvé  et 
confirmé  les  ordres  religieux,  qu'atin  d'avoir 
h  leur  disposition  une  milice  toujours  prête 
à  épouser  les  intérêts  du  siège  de  Rome,  au 
préjudice  des  évêques  et  des  sou'verains.  Ce 
ne  sont  point  les  papes  qui  ont  suscité  les 
fondateurs,  ni  qui  ont  fait  éclore  de  nouveaux 
ordres,  puisqu'ils  n'ont  fait  nue  les  confirmer  ; 
souvent  ils  en  ont  refusé  1  approbation  pen- 
dant plusieurs  années.  Ils  n'en  ont  confirmé 
aucun  contre  le  gré  des  souverains  ;  souvent, 
au  contraire,  ce  sont  les  souverains  qui  ont 
fait  solliciter  les  bulles  ii  Rome.  Mais  nous  ne 
finirions  jamais,  s'il  nous  fal'ait  réfuter  toutes 
les  fabl'S,les  visions,  les  calomnies  absur- 
des, par  lesquelles  les  hérétiques  et  les  incré 
dules  ont  ch  rché  à  noircir  l'étal  religieux. 

ORÉBITES.  Voij.  HussiTES. 

OREILLE.  Ce  mot  dans  l'Ecriture  sainte 
est  souvent  pris  dans  un  sens  métaphorique, 
surtout  lorsiju'il  est  attribué  à  Dieu.  David, 
dans  plusieurs  jisaumes,  conjure  le  Seigneur 
de  prêter  une  oreille  attentive  aux  prières 
qu'il  lui  adresse,  c'est-à-dire  qu'il  le  supplie 
de  l'exaucer.  Sap.,  c.  i,  v.  H),  il  est  dit  que 
Voreilie jalouse  de  Dieu  entend  les  murmures 
secrets  Oes  impies,  et  cela  signifie  qu'ils  lui 
sont  connus.  Ps.  x,  v.  17,  Voreille  du  Sei- 
gneur entend  les  désirs  du  cœur  des  pauvres. 
En  parlant  des  hommes,  découvrir  l'oreille 
à  quelqu'un,  revelare  aure»i,  c'est  lui  appren- 
dre une  chose  qu'il  ignore  [1  Reg.  xx,  13); 
Jui  faire  dresser  l'oreille,  c'est  le  rendre 
atteiUif  et  docile  [hai.  l,  k  et  5)  ;  lui  percer 
Voreille,  c'est  lui  inspirer  une  #  obéissauce 


ll-tô 


ORG 


ORl 


1116 


entière  {Ps.  xxxix,  7).  Ce  dernier  sens  fait 
allusion  à  l'nsase  établi  chez,  les  Hôhrciix  de 
pei'cer  l'oroV/f  à  l'esclave  ([ui  ('onscntail  à  uo. 
jamais  nuilter  son  maître  ,  cl  ([ui  rcnoiiç.iit 
au  pi'ivilc}j;c  de  recouvrer  sa  lihcric  priidant 
l'année  jubilaire  ou  sabbatiiiue  (  Dnit.  xv. 
17).  Jc.siis-Clirist  dit  souvent  dans  l'I'.vanj^' le 
que  celui  qui  a  des  nreillcs  pour  entendre, 
écoute  :  Voreille  désigne  ici  ruitellijieuce. 
Le  seiirneur  dit  à  Isaie,  c.  vi,  10  :  AçKjravcz 
ou  appesantissez  les  oreilles  de  ce  peuple, 
c'est-à-dire  laissez-le  l'aire  la  sourde  oreille 
et  s'endurcir  ctuitre  vos  discours.  Ce  pro- 
l)hèle  n'avait  certainement  ])as  le  pouvoir  de 
rendre  sourds  ses  auditeurs.  Saint  Paul,  II 
Tint.,  c.  IV,  y.'.i,  aii|)elle  démangeaison  des 
oreilles  l'empressement  d'ujjprendre  (juelque 
chose  de  nouveau. 

*  ORGANIQUES  (Articles).  N<nis  avons  donné  une 
appréciiilion  eoniplètp  des  ailicici  ()fgaui(|ues  dans 
noM-e  Dicl.  de  Tliéologie  morale.  Nous  nous  conten- 
tons ici  d'engager  nos  lecteurs  à  consulter  le  Dic- 
tionnaire de  M.  l'abbé  Proinpsault  sur  la  jurispru- 
dence civile  et  religieuse,  pidjlié  en  ti  ois  volumes  par 
M.  l'abbé  Migiie. 

ORCiUKlL.  Sans  toucher  à  ce  que  les  phi- 
losophes moralistes  |)euvent  d're  pour  dé- 
montrer 1  injustice  et  les  funestes  cflets  de 
l'orgueil,  nous  imus  contentons  d'ol)^erver 
aue  c'est  un  des  vices  le  |)lns  souvent  con- 
damnés <ians  l'Ecriture  sainte.  Tobie  disait 
à  son  (ils,  c.  iv,  y.  IV:  «  Ne  laissez  jamais 
régner  l'ori/itei/  dans  vos  sentiments  ni  dans 
vos  discours  ;  ce  vice  est  la  source  de  toute 
perdition.  »  Suivant  la  inaxiinc  de  Salomon 
\Prov.  XI,  2),  «  Vorf/ueil  est  toujours  suivi 
<le  l'opprobre,  et  l'îiumilité  est  la  compagne 
insé[iarable  tie  la  sagesse.  »  L'Ecclésiastique 
nous  avertit  que  l'orgueil  est  odieux  à  Dieu 
et  aux  hommes,  que  c'est  la  source  de  tons 
les  crimes,  même  de  l'apostasie  ;  que  celui 
qui  en  est  coupable  sera  maudit  et  pc'rira  ; 
que  c'est  le  vice  pour  lequel  Dieu  frapne  et 
détruit  les  nations  et  les  particuliers  (x,  7, 
li,  etc.).  Les  pro})hètes  ont  souvent  t'ait  aux 
Juifs  la  même  leçon;  ils  leur  ont  déclaré  que 
c'était  principalement  pour  leur  orgueil  que 
Dieu  les  punissait. 

Jésus-Christ  a  souvent  reproché  ce  vice 
aux  |ihaiisiens  et  aux  docteurs  de  la  loi  ;  par 
la  parabole  des  talents,  il  nous  apprend  que 
nous  ne  devons  point  tirer  vanité  de  nos 
talents  naturels,  parce  que  ce  sont  des  dons 
de  Dieu  purement  gratuits,  de  l'usage  des- 
quels nous  serons  obligé's  de  lui  rendre 
com|)te,  et  il  dit  ({ue  l'on  demandeia  beau- 
coup a  celui  auquel  on  a  beancou|>  donné. 
Il  nous  défend  de  nous  enorgueillir  de  nos 
vertus  et  de  nos  iionn's  œuvres,  parce  que 
ce  sont  encore  des  giàces  que  Dieu  nous  a 
faites,  et  que  nous  n'aurons  aucune  récom- 
pense à  espérer  de  lui  si  nous  voulons  en 
recevoir  la  ghjire  en  ce  monde.  Par  la  para- 
bole du  pharisien  et  du  publicaiu,  il  nous 
montre  I  orgueil  réprouvé  de  Dieu  et  l'hu- 
milité récoui;  ensée  ;  il  fait  i)rofession  de 
cnerchei-  en  toutes  cho.ses  la  gloire  de  son 
Père,  et  non  la  sienne.  Suint  Paul  a  répété 
Udèlemeiit  les  initructiùns  de  ce  divin  Maî- 


tre; en  parlant  de  toute  espèce  de  grrtce,  il 
demande  :  «  Qu'avez-vons  que  vous  n'avez 
reçu  (/  Cor.  iv,  7).»  Il  exhorte  les  tidèli  s  >>(  se 
regarder  mutuellement  comme  inférieurs  les 
uns  au\  autres  eu  gr'ce  et  en  vertu  ;  et  il 
leur  propose  )iour  nio'èle  rinimilité  de 
Jésus-Chtist  [Philip,  ii,  3).  C'est  par  orgueil 
(lue  les  Juifs  furent  indociles  h  la  doitiine 
ir:  Sauveur;  ils  ne  purent  se  résouidre  i\ 
recevoT  pour  maitre  un  homme  tpii  n'avait 
pas  été  instruit  à  leur  école,  qui  leur  repi'o- 
chait  leur  vanité,  qui  all'ectail  d'enseigner 
jiar  préfirence  les  pauvres  el  les  ignorants. 
Le  même  vice  les  rendit  encore  rel)elles  à 
la  ])ré(lication  des  apôtres  ;  ils  ne  pouvaient 
sciullrir  que  le  don  de  la  foi  et  la  gnlce  du 
salut  fussent  accordés  aux  païens  aussi  bien 
qu'A  eux;  ils  se  croyaient  les  seuls  objets  des 
liromesses  et  des  bienfaits  de  Dieu,  et  cet 
orr/Kc// insensé  [lersévère encore  parmi  eux. 

Par  orgueil,  les  phdosoplies  païens,  con- 
vaincus de  l'absurdité  de  leur  doctrine,  ne 
vouhnent  pis  y  renoncer  entièrement  et  so 
soumetlie  h  la  simplurité  de  la  foi  prêclu-e 
parles  docteurs  clnétens;  ils  voulurent 
concilier  les  dogmes  révélés  avei-  leurs  s\s- 
tènii  s,  et  ils  enfantèrent  ainsi  les  premières 
hérésies.  La  même  passion  a  dominé  les 
héiésiaiques  de  tous  les  siècles  ;  la  |  lupart 
auraient  reconnu  leurs  erreurs,  seraient 
revenus  à  résipiscence,  si  la  fausse  honte  de 
se  dédirr-  et  de  se  rétracter  ne  les  avait  pas 
rendus  opiniâtres.  Cette  même  maladie  rè- 
gne encore  parmi  les  incr^Vlules  de  notre 
siècle  ;  il  leur  parait  indigne  d'eux  de  penser 
et  de  croire  comme  le  peuple  ;  ils  se  jugent 
laits  pour  être  les  maîtres,  les  docteurs,  les 
oracles  des  nations  ;  el  ces  hommes  si  fiers, 
si  hautains,  si  remplis  de  méiris  pour  les 
autres,  ne  sont  dans  le  fond  que  les  esclaves 
d'un  sot  orgueil. 

OHIENT.  Les  Hébreux  désignaient  Varient 
par  kedem,  qui  signilie  le  levant,  |)arce  que 
c'est  de  ce  côté  que  le  soleil  s'avance;  les 
Giecs  et  les  Latins  l'ont  nommé  par  la 
même  raison  le  côté  de  la  lumière.  Dans  les 
livres  saints,  l'orient  se  prend  souvent  pour 
les  pays  qui  s  nt  à  Voricnt  de  la  Judée, 
comme  l'Arabie,  la  Persi',  la  Chaldée  ;  dans 
ce  sens,  il  est  dit  que  les  mages  viiu'ent  de 
l'orient  pour  adorer  le  Sauveur  ;  quelquefois 
pour  l'orient  de  Jérusalem  ;  ainsi  était  située 
la  montagne  des  O.iviers  (Zucii.  xiv,  4)  ; 
d'aiilrefois  pour  le  côté  oriental  du  taberna- 
cle ou  du  tem|ile  [Levit.  xvi,  li).  Mais  il 
désigre  absolument  le  coté  du  lever  du  soleil, 
Matth.  XXIV,  27,  où  il  e^t  dit  que  la  foudre 
part  de  l'orient  à  l'occident.  Lorsque  Isaio 
di>,  c.  XLi,  V.  2,  que  Dieu  a  fait  sortir  le  Juste 
de  l'orient,  cela  signilie  eu  gé.éral  un  [lays 
éloigné,  parce  (|ue  les  Juifs  ava  ent  peu  d.' 
connaissasce  des  peujiles  oci-identaux,  des- 
quels ils  étaient  séjiarés  parla  .Méditi  rranée 
(.'est  pour  la  même  raison  qu'ils  ininiuiaienl 
l'occident,  ou  l'Europe,  les  iUs,  parce  qu'ils 
ne  cùiiuais^aien'  guère  de  ce  cùté-iii  (jueles 
haiiiants  des  i  s  t^e  Chy[)re.  de  Candie  et 
les  autres  de  l'Arciiipei.  Le  prêtre  Zacharie, 
pcii'Jaot  du  Messie»  dit  que  Dieu  nous  a  visi' 


4147 


ORl 


ORI 


lus 


tés  de  l'orient  du  ciel  {Luc.  i,  78)  ;  parce  qu'il 
compare  le  M'ssie  au  soleil.  Ce  passage  ftiit 
évidemment  allusion  à  ce  qui  est  dit  diins  le 
prophète  Z;icliarie,  c.  ni,  v.  8  :  «  Je  ferai 
venir  mon  serviteur  VOricnl.  »  Et  c.  vi, 
T  12  :  «  Voici  un  tiomine  dont  le  nom  est 
VOricnt,  il  naîtra  de  kà-m^^me,  et  il  bâtira 
un  teniple  au  Seigneur.  »  Ceux  qui  clierchent 
à  détourner  le  sons  des  prophéties,  disent 
qu'il  est  question  là  de  Zorobabel,  parce 
qu'il  était  venu  de  Babylone  :  mais  il  est 
dit  que  cet  homme  sera  prôlre  et  roi  ;  cela 
ne  peut  convi  nir  ni  <i  Zorobabel  ni  au  grand 
prêtre  Jésus,  lilsde  Josédecli.  Aussi  le  para- 
phrasle  chaldéen  et  les  ancii'us  docteurs 
juifs  ont  appliqué  constamment  cette  pré- 
diction au  Messie.  L'usage  des  premiers 
chrétiens  était  de  se  tourner  du  côté  de 
Varient  pour  prier  Dieu,  et  l'on  était  per- 
suadé que  cette  pr.dique  venait  des  apôtres. 
En  biUissant  les  anciennes  basiliques,  on 
eut  l'attention  de  placer  le  poriail  à  l'occi- 
dent, et  le  chicur  avec  l'autel  à  Varient; 
ainsi  sont  encore  tournées  la  plupart  des 
anc'ennes  églises.  Les  Pèn'S  donnent  ditlé- 
rentes  raisons  mystiques  de  cet  u  sage.  iVo<f«(/c 
Ménardsw  leSaeram.  de  saint  Gre'goire,  p.  69. 
ORIENTAUX  (chrétiens).  L'on  comprend 
sous  ce  nom,  1"  les  Grecs  schismatiques  ; 
2°  les  jacobhes  syriens,  égyptiens  ou  cophtes, 
et  les  Ethioiiiens  ;  3"  les  nestoriens  de  la 
Perse  et  des  Indes  ;  4-°  les  Arméniens  ;  tous 
ou  ])resque  tous  sont  séparés  de  rE:.;lise 
catholique  depuis  douze  cents  ans.  Nous 
avons  parlé  de  chacune  de  ces  sectes  sous 
leur  nom  particulier.  On  a  montré  dans  le 
livre  de  la  Perpétuité  de  la  foi,  par  des  té- 
moignages incontestables,  et  surtout  par  la 
liturgie  de  ces  ditférentes  sectes,  qu'elles  ont 
la  même  croyance  que  l'Eglise  romaine  sur 
tous  les  dogmes  qu  ■  les  protestants  ont  re- 
jetés et  contesti'S,  tels  qui'  la  présence  réelle 
de  Jésus-Christ  iians  l'eucharistie,  la  traus- 
subslantiation,  le  sacrifice  de  la  messe,  l'a- 
doration du  sacrement,  le  culte  et  l'invoca- 
tion des  saints,  le  nombre  tlessar-reraents,  etc. 
Vainement  les  protestants  ont  voulu  argu- 
menter contre  ces  preuves,  ils  ne  sont  pas 
venus  à  bout  de  les  anéantir  ;  aucune  de  ces 
anciennes  sectes  n'a  voulu  fraterniser  avec 
eux  ni  sou-crire  à  leur  confession  de  foi; 
i-ls  sont  rtgardés  comme  hérétiques  chez  les 
Orientau.  aussi  bien  (jue  chez  nous.  De  là 
même  il  resuite  évidemment  que  les  dogmes, 
les  rites,  les  usages  ré|)rouves  par  les  pro- 
testants, sont  plus  anciens  dans  l'Eglise  chré- 
tienne que  le  v°  siècle;  que  ce  ne  sont  point 
des  erreurs  et  des  jbus  intio luits  dans  les 
temps  d'ignorance  et  de  barbarie,  des  su- 
perstitions inventées  par  les  moines  ou  par 
les  papes,  comme  les  prétendus  réformateurs 
ont  osé  le  soutenir.  Les  Orientaux  n'ont 
certainement  emprunté  de  l'Eglise  romaine 
aucun  dogme  ni  aucun  nsage^  depuis  leur 
schisme  avec  elle,  fuiisqu'ils  ont  toujours 
fait  profession  de  la  délester.  Si  ces  mêmes 
dogmes  et  ces  usages  avaient  été  absolument 
inconnus  pendant  h^s  trois  premiers  siècles, 
et  imaginés  seulement  au  iv',  les  docteurs 


schismatiques,  cliarmés  d'avoir  des  griefs 
contre  les  catholiques,  n'auraient  pas  man- 
qué de  réprouver  toutes  ces  inventions  ré- 
C!'ntes,  et  de  dire  comme  les  )irotestants, 
qu'il  ialîait  s'en  tenir  à  ce  cpie  Jésus-Chnst 
el  les  apôtres  avaient  établi.  Cependant,  au 
y  siècle,  il  devait  être  plus  aisé  qu'au  xvi' 
de  savoir  ce  qui  venait  ou  ne  venait  pas  des 
ajiôtres.  Il  semble  cpie  Dieu  ait  conservé, 
chez  ces  sectes  anciennes,  la  môme  doctrine 
et  la  même  discipline  pendant  douze  cents 
ans,  afin  qu'elles  servissent  de  témoins  en 
faveur  de  l'Eglise  catholique  contre  les  accu- 
sations des  protestants.  Avant  la  naissance  de 
ceux-ci,  les  théologiens  catholiques  connais- 
saient très-peu  les  oiiinions,  les  usages,  les 
mœurs  des  O/vV/Uawx;  l'on  s'en  rapportait  à  ce 
qu'en  avaient  dit  des  voyageurs  ou  des  mis- 
sionnaires assez  mal  instruits.  Mais  comme 
les  protestants  ont  voulu  persuader  que  ces 
anciens  soctaires  pensaient  comme  eux,  et 
ont  fait  des  tentatives  pour  leur  faire  signer 
des  confessions  de  foi  captieuses,  les  ton- 
troversistes  catholiques  n'ont  rien  négligé 
jiour  connaître  avec  une  entière  certitude  la 
doctrine  et  la  foi  des  Orientaux.  L'on  a 
recherché  et  l'on  a  publié  non-seulement  les 
professions  de  foi  solennelles  qu'ils  ont 
données,  mais  les  livres  de  leurs  [irincipaux 
docleurs,  et  surtout  leurs  livres  liturgiques; 
et  l'on  a  déposé  à  la  bibliothèque  du  roi  les 
monuments  anthentiques  de  leur  croyance. 
11  ne  resie  plus  aucun  doute  sur  dt  impor- 
tant sujet  de  controverse,  et  les  protestants 
ne  peuvent  rien  opposer  de  solide  aux  con- 
séquences (pii  en  résultent  contre  eux.  Ils 
disent  :  Mnigié  la  profession  que  font  les 
sectes  orientales  de  ne  point  toucher  à  la 
doctrine  des  apôtres,  elles  s'en  sont  néan- 
moins écartées  touchant  l'Incainatiou  et 
d'autres  dogmes  ;  donc  la  même  [irofession 
que  fait  l'Eglise  romaine  ne  prouve  pas 
q  Telle  n'a  point  innové. 

Réponse.  L'écart  des  sectes  orientales  a 
été  sensible,  il  a  fait  grand  bruit,  il  a  causé 
un  schisme  ;  c'est  une  partie  qui  s'est  sépa 
rée  du  corps,  une  branche  cpii  s'est  déta- 
chée du  tronc;  mais  a^ant  le  xvr  siècle, 
quel  bruit,  quel  schisme  ont  causé  les  pré- 
tendues innovations  de  l'Eglise  romaine?  d.3 
quel  corps  s'est-clie  détachée?  C'est  ce  qu'il 
faut  nous  apprendre.  Us  disent,  en  second 
lieu,  que  depuis  le  sc!:isme  des  Orientaux, 
le  préjugé  tiré  du  consentement  des  Eglises 
ajiostoliques  ne  subsiste  |)lus. 

C'est  une  fausseté.  Tertullien  a  très-bien 
remarqué  que  to  ites  les  Eglises  né-s  de 
celles  quioutétéfondéesparlesapôtres,  etqui 
sont  en  communion  de  foi  avec  elles ,  sont 
ap  stoliques  comme  elles  ;  tel  est  le  cas  de 
toutes  les  Eglises  catlioliques  de  l'Occident 
à  l'égard  de  l'Eglise  romaine.  Les  protes- 
tants ont  si  bien  senti  la  force  do  l'argu- 
ment que  fournit  contre  eux  la  croyance  des 
Orientaux  ,  qu'ils  ont  fit  tous  leurs  etlorts 
pour  les  unir  à  eux.  Toutes  ces  sectes  pen- 
sent avec  nous  et  contre  les  protestants  qu'il 
y  a  une  Eglise  visible  et  enseignante  que 
tout  lidèle  doit  écouter,  quoiqu'elles  n'ac- 


1149 


ORl 


ORI 


il90 


cordent  point  ce  tilro  à  l'Eglise  romaine 
Celte  discussion  th(^oloL;iquo  a  produit  d'ail- 
Icurs  un  grand  bien;  dei)uis  (pie  les  sectes 
orientales  sont  niii'ux  connu  s ,  l'on  a  trn- 
vaillé  avec  plus  de  zèle  à  les  rr'comilier  à  l'K- 
glise  calholiipie.  Parles  souisdes  papes,  par 
la  protection  des  snuverains  de  l'Hurope  , 
])ar  les  succès  des  uiissionnaiies,  il  s'est  fait 
des  conversions  et  des  réunions  ,  non-seu- 
li'Mient  parmi  les  pen[)les ,  nia;s  parmi  les 
évoques  schisnialifjues  ;  le  nond)re  des  di- 
vers sectaires  dinnnue  tous  les  jours,  et,  h 
Il  réserve  desGrecs,  les  autres  sectesoi  ienta- 
les  semblent  toucher  deprès.Meur  extinction. 

Il  ne  faut  [las  trop  se  lier  h  ce  qu'a  dit  Ki- 
cbar  I  Simon  ,  dans  son  ouvrage  intitulé  : 
Ilhtoire  critique  de  la  rrni/(invc  et  des  cou- 
tumes des  nations  du  Levant.  Dans  la  Perpé- 
tuité de  la  foi,  t.  V,  I.  i\,  c.  9,  l'abbé  He- 
naudot  a  fait  voir  ipie  Simon  n'était  pis  as- 
sez instruit  ;  (pi'il  n'avait  pas  consulté  les 
livres  d.  s  nations  dont  il  parle,  et  qu'il  s'est 
livré  trop  souvent  à  de  v;iines  conjectures. 
Couune  il  a  fait  imiirimer  son  livre  en  Hul- 
lande,  il  a  frupiemment  adopté  ou  favorisé 
les  projets  des  piole-tants  ;  et  c'est  pour  cela 
même  qii'is  l'ont  tant  loué.  C'est  lui  qui , 
'un  des  premiers,  s'est  avisé  de  dire  que 
les  sentiments  îles  jacobiles  et  des  nesto- 
rieiis  ne  sont  i!cs  hérésies  que  de  nom  ;  La 
Croze  et  d'autres  protestants  l'ont  répété  ; 
nous  avons  [trouvé  le  contraire.  Voy.  Jaco- 
BiTi:s,  Nkstoriens,  etc. 

Orientaux  (philosophes).  Voî/.  Gnostiqi:es. 

OHKîÈiNE,  célèbre  docteur  de  l'Eglise,  né 
l'an  lirS,  moit  l'an  253.  Il  fut  disciple  de 
Clément  li'Alexandrie;  il  enseigna  comme 
lui  dans  l'école  clirétieime  de  cette  ville,  et 
fut  surnommé  Adamantins  ,  infatigable  ,  à 
cause  de  son  assiduité  au  travail,  de  la  mul- 
titude de  ses  écrits  et  de  son  courage  dans 
les  épreuves  auxi|uelles  il  fut  exposé.  11 
soutl'iit  iiendaiit  la  persécution  do  Dèce  ,  et 
il  ne  tint  pas  h  lui  de  rcmiiortiTla  cournnno 
du  martyre,  à  l'exemple  de  saint  Léonide  son 
p,'i-e.  il  fiit  élev'  au  sacerdoce  ]iar  les  évé- 
(pu'Stle  la  Palestine,  et  il  donna  pendant  toute 
sa  vie  dî  s  exemples  héroïques  de  vertu,  il 
convertit  h  la  foi  chrétienne  une  tribu  d'A- 
rabes, lit  rentrer  d.uis  le  sein  de  l'Eglise  [ilu- 
sieurs  hérétiques  ,  étoull'a  ]  lusieurs  erreurs 
naissantes,  et  il  laissa  un  grand  nombre  de 
disciples  qui  ont  fait  honneur  à  l'Eglise.  La 
medieure  édition  de  ses  ouvrages  a  été  don- 
née |iar  1  s  Pères  de  la  Uue ,  oncle  et  ne- 
veu, bénédictins,  en  quatre  volumes  in-folio, 
dont  le  dernier  a  été  publié  en  1739.  Le  jiie- 
mier  lome  renferme  quelques  lettres  d'Ori- 
gène,  ses  livres  des  Principes,  un  Traite'  de  la 
Prière,  une  Exhortation  au  Martyre,  et  les 
huit  livres  contre  Celse.  Les  irois  suivants 
contiennent  les  conmiontaires  de  ce  Père  sur 
les  ditlerents  livres  de  l'Ecriture  s  :inte  ; 
mais  il  en  avait  fait  un  plus  grand  nombre 
et  d'autr.  s  écrits  qui  ne  sont  pas  veims  jus- 
qu'à nous.  Un  a  placé  dans  le  quatrième  tnme 
1  ouvrage  de  .M.  Huet ,  intitulé  Or/f/c/u'a/io , 
dans  Iccjuel  ce  savant  évèque  discute  les 
opinions  d'Origène  avec  beaucoup  d'csacti- 


tude.  Le  traité  intitulé  Origenis  pnilocalia  , 
qui  se  trouve  après  les  livres  contre  Celse 
dairs  l'éditinji  de  Spencer,  in-i%  n'est  point 
d'Origène  lui-même;  c'est  un  reçu  il  d'en- 
droits choisis  de  ses  ouvrag(>s,  fait  l'ar  saint 
Basile  et  [lar  saint  Grégoire  de  Nazian/e. 
Quant  au  travail  qu'il  avait  fait  sur  le  lextc 
et  sur  les  versions  de  l'Ecriture  sainte,  roy. 

UeWVI.F.S  et  OCTAPLES. 

il  n'est  aucun  Père  de  l'Eglise  (jui  ait  joui 
d'une  plus  grande  rénutation ,  qui  ait  été 
cx|iosé  h  de  plus  cruelles  éiireuves  ,  et  s  r 
le({uel  on  ait  porté  des  jugements  plus  op- 
posés. «  Sa  vie,  dit  Tillemoiit,  son  esjtrit , 
sa  sci(>nce, l'ont  fait  d'aboid  admirerde  tout  le 
monde;  il  a  été  encore  |)lus  fameux  par  la  per- 
sécution cpii  s'est  ensuite  élfsvée  contre  lui, 
ou  par  sa  faute  ,  ou  par  malheur,  ou  pir  la 
jalousie  que  l'on  avait  conçue  de  sa  ré[)uta- 
tion.  Il  s'est  vu  chassé  de  sun  [lays ,  déposé 
du  sacerdoce ,  excomnuniié  mémo  par  son 
évéïpie  et  par  d'autres,  en  même  temps  q:ie  de 
glands  saints  soutenaient  sa  cause ,  et  que 
])ieu  semblait  se  d;clarer  pour  lui,  en  fai- 
sant entrer  par  lui  dans  la  vérit  '■  et  dans  le 
sein  de  son  Eglise  des  hommes  qu'elle  re- 
gard ■  comme  ses  jilus  grands  ornements. 
A|>rèssa  mort  il  a  eu  le  mèum  sort  (]ue  [lon- 
dant  sa  vie.  Les  saints  mômes  se  sc.nt  tiou- 
vés  opposés  les  uns  aux  autres  sur  son  sujet. 
Des  martyrs  ont  fut  son  apologie,  et  des  mar- 
tyrs on!  fait  des  écrits  pour  le  condanuier. 
Les  mis  l'ont  regardé  comme  le  pluS  grand 
maîtie  qu'ait  eu  l'Eglise  après  les  apôtres, 
les  aut  es  l'ont  détesté  comme  le  père  des 
héré  ies  qui  sont  nées  après  lui.  Ce  dernier 
parti  s'est  entin  rendu  si  fort  dans  l'Orient, 
par  l'autorité  d'un  emjiereur  qui  voulait  être 
le  maître  et  l'arbitre  des  alVaires  de  l'Eglise, 
([u'Origène  a  été  fi'appé  d'anaihème,  soit  par 
le  ciiKiuièmo  concile  œcuménique,  soit  ]iar 
un  autre  tenu  vers  le  môme  tem,;s,  et  qui  a 
•été  suivi  en  ce  point  par  tous  les  Grecs.  » 
Méni.,  tom.  III,  pag.  kG't. 

Aujourd'hui  encore  les  jugements  des  mo- 
dernes toueliiuit  la  doctrine  de  ce  Père  ne 
sont  pas  plus  uniformes  que  ceux  des  an- 
ciens. Les  |)rot  estants,  toujours  mtéressés  à  dé- 
primer les  Pères,  <e  lui  ont  fait  aucune  grâce. 
B.iyle,  Le  Clerc,  Beausobre,  .Mosheim,  Bruc- 
ker ,  Barbeyrac  et  d'autres,  l'ont  censuré 
avec  un  excès  d'amertume  ;  ces  grands  jiré- 
dicateurs  de  la  tolérance,  (pii  excusent  tous 
les  hé.étiijues ,  s'arment  de  la  foudre  poui' 
accuser  les  Pères  de  l'Eglise.  Parmi  los  cri- 
ti([uescatiioiiques,  les  uns  ont  été  beaucoup 
plus  modérés  et  plus  indulgents  (jue  les  au- 
tres ;  les  savants  éditeurs  ^iOrig  ne  l'ont  sou- 
vent justitié  contrôla  censure  Imp  sévère  de 
M.  Huet.  Ce  qui  fait  le  plus  d  onneiir  à 
Origène,  c'est  la  modération  avi  c  laquelle  il 
a  repondu  à  ses  ennemis.  Butin  et  saini  Jé- 
rôme rapportent  des  fragments  d'une  lettre 
qu'il  éciivit  après  avoii-  été  excdunuuniépar 
révè([ue  d'Alexandiie.  Il  cite  les  pan. les  de 
saint  Judo;  il  dit  que  ,-aint  ■.luhel  i  e  voulut 
prononcer  aucune  malédiitioii  contre  !•  dia- 
ble, ipiede  le  menacer  du  jugemenl  de  Dii  u; 
ensuite  il  déclare  quii  veut  user  de  mode 


1151 


ORI 


ORl 


uni 


ration  dans  ses  paroles  aussi  bien  que  dans 
son  manger.  «  Je  me  contente,  dit-il,  de  lais- 
ser mi'S  ennemis  et  mes  calomniateurs  au 
jugement  de  Dieu;  je  me  cois  plus  obligé 
d'aviir  |iiti6  d'eux  que  de  les  bar,  et  j'aime 
mieux  prier  Dieu  qu'il  leur  fasse  miséri- 
corde que  de  leur  souhaiter  aucun  mal,  |)uis- 
que  nous  sommes  nés  pour  prononcer  des 
bénédictions  et  non  des  malédictions.  »  Il 
se  plaint  ensuite  de  ce  que  l'on  a  corrompu 
ses  écrits,  et  qu'on  lui  en  suppose  d'autics 
dont  il  n'est  pas  l'auteur.  Il  désavoue  enlin 
l'erreur  qu'on  lui  attribue,  de  croire  !■  sa- 
lut futur  des  démons.  Tillemont ,  ibid.  Ce 
n'est  pas  là  le  ton  d'un  bérétique  obstiné. 
Tous  ces  censeurs,  sans  exe  ption,  sont  for- 
cés de  rendre  justice  à  la  bea  lé  de  son  gé- 
nie et  à  l'étendue  de  ses  connai--sances;  mais 
comment  concilier  avec  la  pén-Hralion  de  son 
esprit  la  grossièreté  dos  e:  reurs,  soit  philo- 
sop'  iques,  soit  tbéologi(|ues,  dont  on  l'ac- 
cuse? Voilà  d'abord  ce  qu'il  n'est  pas  aisé  de 
concevoir.  Dans  les  canons  grecs  du  cin- 
quième concile,  il  est  condunné  pour  avoir 
enseigné,  1°  que  dans  la  Trinité,  le  Père  est 
plus  grand  que  le  Fils,  et  le  Fils  plus  grand 
que  le  Saint-Esprit.  Sur  ce  point,  Bullus , 
Hossuel,  Huet  lui-même  et  les  éditeurs  d'O- 
rigène ,  l'ont  justifié.  Saint  Albaiiase  ,  saint 
Basile,  saint  Grégoire  de  Nazianze ,  avaient 
déjà  jiris  sa  défi-nse;  pouvait -il  avoir  des 
afiologistes  plus  lespectabbs?  Voy.  Oiig., 
de  Prhicipiis ,  1.  iv,  n"  28.  2°  Que  les  ;hiies 
humaines  ont  élé  créées  avant  les  corps,  et 
qu'elles  y  ont  élé  renfermées  en  punition 
des  péchés  qu'elles  avaient  commis  dans  un 
état  antérieur.  M.  Huet  fait  voir  quOrigine 
n'a  proposé  cette  opposition  qu'en  doutant, 
et  sans  l'approuver,  de  Principiis ,  \.  u  , 
c.  8,  n°  4  et  o.  3°  Que  l'Ame  de  Jésus- 
Christ  avait  élé  unie  au  Verbe  avant  l'incar- 
nation. M.  Huet  fait  encore  voir  qu'Origène 
ne  l'a  point  soutenu  dogmatiquement  et  po- 
sitivement. 4°  Que  les  astres  sont  animés , 
ou  sont  la  demenre  d'une  âme  intelligente  et 
raisonnable.  C'était  l'opinion  de  la  plupart 
des  anciens  philosophes  ;  mais  M.  Hi:et  cite 
plusieurs  passages  qui  prouvent  q'A'Origi'iie 
en  doutait.  5'  Qu'ajuès  la  résurrection,  tous 
les  corps  auraii  ni  une  ligure  sphérique.  Les 
éditeurs  û'Origcne  conviennent  que  telle  a 
été  son  opiidon  ,  ma  s  elle  ne  lire  à  aucune 
conséquence.  G°  Que  les  tourments  des  dam- 
nés uniraient  i.n  jour,  et  que  Jésus-Christ, 
qui  a  été  crncilié  pour  sauver  les  hommi'S  , 
le  serait  une  seconde  fois  pour  saurer  les 
démons.  L'on  ne  peut  pas  nier  qu'Origène 
n'a  t  cru  que  le  s  ipjtlice  des  damnés  tii, irait 
un  jour,  et  (jue  peut-être  les  démons  se  con- 
vcrtnaient;  mais  loin  d'avoir  pensé  q  ie  Jé- 
sus-i;brist  seiait  crucifié  une  seconje  fois  , 
il  argumente  sir  le  [irix  infini  de  la  mort  du 
Sauveur,  s  ir  ce  qu'il  est  dit  que  cette  mort 
a  été  le  jugement  du  monde,  etc.  Ajoutons 
que  |uand  il  aui-ait  eifecti  enient  enseigné 
toutes  es  crr  uis,  d  bisa  [)0  ir  ain  i  dire  ré- 
traitées d'.;vaa  e  par  la  piofession  de  foi 
nu'il  a  mise  aaus  la  préface  de  ses  livres  (/es 
Principes,  dflns  1'u.jucro  i!  ,j:.l:n^."■o^■s  dog- 


mes révélés  dans  l'Ecriture  sainte  d'avec  les 
opin'ons  sur  les(|uelles  il  est  permis  à  un 
théologien  de  rechercher  et  de  propo'-er  ce 
qui  lui  paraît  le  [ilus  probable  ;  il  déclare 
formellement  que  l'on  ne  doit  regarder 
comme  vérités  que  ce  qui  ne  s'écarte  point  d» 
la  tradition  ecclésiastique  et  apostolique.  Si 
les  partisans  d'Origène  avaient  élé  aussi  do- 
ciles et  aussi  soumis  à  l'Eglise  que  lui ,  ils 
ne  se  seraient  pas  avisés  d'ériger  en  dogmes 
des  opinions  qu'il  n'a  proposées  qu'en  dou- 
tant, et  iis  n'auraient  pas  attiré  sur  lui  une 
condamnation  ((ui  a  flétri  sa  mémoire. 

Brucker,  mécontent  de  la  manière  dont 
M.  Huet  a  justifié  ou  excusé  la  plupart  des 
opinions  d'Origène ,  attribue  à  ce  Père  d'au- 
tres erreurs  beaucoup  plus  grossie,  es  et  plus 
pernicieuses,  comme  d'avoir  enseigné,  non 
la  création  proprement  dite  ,  mais  l'émana- 
tion de  la  matièi  e  hors  du  sein  de  Dieu,  et  d'a- 
voir borné  la  toute-puissance  divine  ;  d'avoir 
cru  que  Dieu,  les  anges  et  les  âmes  humaines 
ne  peuvent  subsister  sans  être  revêtus  d'un 
corps  subtil  ;  d'avoir  admis  en  Dieu  ,  non 
trois  Pei  sonnes,  mais  trois  substances,  etc. 
Brucker  prétend  que  le  savant  Huet  n'a  pas 
saisi  les  vrais  sentimenis  d'Ortoène ,  parce 
qu'il  n'a  pas  connu  le  système  de  philoso- 
phie que  l'école  d'Alexandrie  avait  adopté, 
et  qui  était  un  mélange  de  philosophie  orien- 
tale et  de  platonisme.  Selon  lui ,  en  rappro- 
chant les  ditférentes  opinions  d'Or/^eVic ,  on 
voit  qu'elles  se  tiennent  et  dérivent  toutes 
de  l'hypothèse  des  émanations,  qui  en  est  la 
clef.  Uist.  christ,  philos.,  t.  111,  1.  ni,  c.  3, 
§  16,  j).  4-43.  il  n'a  fait  que  copier  Mosheim, 
Hist.  christ.,  s.'bc.  5,  §27,  p.  612  et  suiv.  Bel 
exemple  des  travers  de  l'esprit  systématique  1 
Où  est  la  preuve  de  ce  fait  essentiel?  Ori- 
gène  ,  disent  ces  censeuis ,  a  certainement 
suivi  le  système  des  émanations ,  puisque 
c'était  celui  des  ])hilosophes  d'Alexandrie, 
dont  il  avait  été  disciple.  Et  comment  s'a- 
vons-iious  que  c  était  là  leur  système  ?  C'est 
que  Plotin,  Porph.re,  Jarablique,  etc.,  phi- 
Ius0|ihes  païens  et  instruits  à  la  même  école, 
le  soutenaient.  Mais  parce  que  des  raison- 
neurs païens  rejetaient  le  dogme  de  la  ciéa- 
tioii  clairement  enseigné  dans  l'Ecriture 
Sinnte,s'ensuil-il  que  des  docteurs  chrétiens, 
tels  que  Pantœnus,  Clément  d'Alexandrie  et 
Origene,  le  rejetaient  aussi?  Il  s'ensuit  le  con- 
traire, et  leurs  ouvra;;;es  en  font  foi. 

En  effet,  1°  Origêne  ,  dans  son  traité  des 
Principes,  liv.  ii,  c.  l,n°  4,  professe  formel- 
lement le  dogme  de  la  création  ,  et  il  le 
prouve  par  un  raisonnement  sans  réplique. 
«  Je  ne  conçois  pas  ,  dit-il ,  comment  de  si 
gran  s  hommes  ont  pu  admettre  une  matière 
incréée  qui  n'a  |)as  été  faite  par  Dieu,  (Téa- 
teur  de  to>ites  choses,  et  dont  la  nat  re  et  la 
ca-aci!é  sont  un  effet  du  hasard.  Ils  accusent 
d'impiété  ceux  qui  nient  nue  Dieu  aii  fait  le 
mon  le  et  qu'il  le  gouverne,  et  ils  commet- 
tent le  même  crime  en  disant  que  la  ma- 
tière e:-t  incréée   et  coélernede  à  Dieu 

Comment  ce  ciui  s'est  trouvé  par  hasard  a- 
t-il  pu  sullire  u  Dieu  pour  faire  un  si  grand 
ouvrage ,  pour  y  exercer  sa  puissance  et  sa 


n?!5 


ORI 


CRI 


IKSl 


sa  ;osse  p>ir  la  ronslrurtion  et  l'nrrAngomoiit 
(lii  monde?  Cela  m  •  pnrait  trùs-ai)sur  lo  et 
digne  de  gens  qui  ne  conçoivent  ni  l'iiitclli- 
gence  ni  la  |.uissance  d'une  nature  ineieée... 
Si  Dieu  avait  fait  la  n)ati^re,  serait-elle  autre 
qu'elle  n'est,  et  plus  |)ropre  à  ses  desseins?» 
Originf  a  très-bien  compris  ,  1°  que  ce  t(ui 
n'existe  point  par  la  volonté  d'un  être  intel- 
ligent est  l'elTet  du  hasard  ou  d'une  néces- 
sité aveugle;  2'  que  c'est  Dieu  qui  |)ar  sa 
puissance  et  par  son  intelligence,  ou  par  une 
volonté  libre  ,  a  réglé  la  quantité ,  l'éten- 
due ,  la  capacité ,  les  propriétés  de  la  ma- 
tière. Tout  cela  est-il  compatible  avec  le 
système  des  émanations  ?  Ce  Père  prouve  le 
dogme  de  la  création  par  les  passages  de  l'E- 
criture sainte  dont  nous  nous  seivons  en- 
core. 11  cite  les  j)aroles  du  second  livre  des 
Machabées,  c.  xwn,  v.  28,  où  il  est  dit  que 
Dieu  a  tout  fat  de  rien,  ou  de  ce  qui  n'était 
lias.  11  cite  le  livre  du  Pasleitr,  Mmul.  /,  qui 
lépète  la  môme  chose.  linsuite  ces  mois  du 
psaume  cxlvui,  v.  5  :  7/  a  (///  et  tout  a  été 
fuit;  il  a  commandé  et  tout  a  été  créé.  «  Par 
les  premieis  mots  de  ce  texte  ,  dil  Oriyne , 
le  Psalmiste  p.iraît  avoii'  entendu  la  sub- 
stance de  ce  qui  est  ;  par  les  suivants ,  les 
qualités  avec  lesquelles  la  substance  a  été 
torniée.  »  11  nes'i^xprime  pas  d'uni»  manière 
moins  décisive,  dans  son  Commentaire  sur  le 
premier  verset  de  la  fùnise  el  adleurs;  cnlin 
il  admet  expressément  la  création  d-  l'es- 
prit, L.  Il  de  Princip.,  c.  9,  n"  2.  Mos!ieini 
ni  Urucker  ne  sont  pas  iia.iionnables  d'avoir 
dissimulé  ce  fait ,  et  d'avoir  toujours  argu- 
menté sur  la  sup|iosition  contraire.  Or,  le 
dogme  de  la  créatii>n  une  fois  admis,  le  sys- 
tème des  émanations  et  toutes  les  consé- 
quences que  nos  deux  critiques  ont  voulu 
en  tirer  tombent  [)ar  terre.  Des  que  Dieu 
opère  |)ar  le  seul  vouloir,  il  s'ensuit  que  sa 
puissance  est  inlinie,  que  la  création  a  été  un 
acte  très-libre  de  sa  volonté,  (jue  la  matière 
n'existait  pas  auparavant ,  que  Dieu  bii  a 
donné  telles  bornes  et  telles  Ibrnies  qu'il  a 
voulu,  elc.  Voy.  Création.  Si  l'on  nous  ré- 
jiond  qu  Origène  n'a  pas  compris  toutes  ces 
conséquences,  que  souvent  il  n'est  pas  d'ac- 
cord avec  lui-même ,  et  qu'il  contredit  sa 
propre  doctrine;  donc  ses  cmseurs  ont  tort 
de  vouloir  faire  de  ses  opinions  un  tout  lié, 
suivi,  conséqu 'Ut  dans  toutes  ses  parties,  un 
SiStème  complet  de  philosophie  i>uisé  dans 
les  lei;ons  (J'Ammonius  et  de  l'école  d'A- 
lexandrie. Le  fait  certain  est  qu'Oriycnc,  en 
[larlaut  de  la  naissance  de  la  matière ,  ne 
s'est  servi  ni  du  terme  d'émanation  ni  d'au- 
cun autre  équivalent.  Nous  ne  concevons 
pas  comment  le  savant  Huel  a  pu  allribuer 
ri  Origène  le  système  des  émanations  ,  Ori- 
gcnian.,  lib.  n.  q.  12,  n"  4-  ;  comment  il  a  pu 
l'accuser  d  avoii  borné  la  puissance  de  Dieu, 
ibid.,  c.  2,  q.  1,  n°  1,  ni  comment  les  éditeurs 
de  ce  Père,  qui  l'ont  justilié  sur  tant  d'autres 
articles,  ne  font  pas  défendu  sur  celui-là. On 
comprend  encore  moins  connnent  Brucker  a 
pu  pousser  l'entêtement  systématique  jus- 
qu'à piétendre  que  le  système  des  émana- 
tions est  la  base  de  toute  la  philosophie  d'O- 


riijène ,  Tlist.  crif.  philos.,  t.  V,  p.  4 '..').  (t 
(pie,  dans  son  style,  toutes  choses  oiU  été 
créées  I  ar  émanation,  t.  VI,  pag.  6i6.  Nous 
soutenons  que,  dans  le  s'yie  de  ce  Père, 
création  et  ematiation  sont  deux  idées  con- 
tradictoires. 

2°  An  mot  Esprit,  nous  avons  fait  voir 
qn'Origène  a  reconnu  et  prouvé  la  parfaite 
spiritualité  de  Dieu;  donc  il  est  impossible 
qu'il  ait  supposé  que  la  matière  est  sortie  du 
sein  de  Dieu  jiar  émanation,  ni  que  Dieu  ne 
peut  être  suis  un  corps;  Dieu  avait-il  un 
corps  avant  d'avoir  créé  la  matière? 

3"  Loin  d'épouser  les  sentiments  d'aucun 
de  ses  m  litres,  ce  Père  conseillait  h  ses  pro- 
pres disciples  de  s'abstenir  de  ce  défaut,  do 
ne  s'attacher  à  aucune  secte  ni  à  aucune 
école,  mais  de  choisir  dans  les  écrits  des  di- 
vers philosophes  ce  qui  paraîtrait  le  plus 
vrai  ou  le  plus  probalili;  ;  en  un  mot,  de  sui- 
vre la  méthode  des  éclectiques,  (^'est  la  leçon 
qu'il  avait  donnée  à  saint  Crégoire  Thau- 
maturge et  à  son  frère  Athénodore,  Grat. 
paneg.  in  Origen.,u.  13;  mais  dans  les  ma- 
tières théologiques  il  leur  avait  recommandé 
de  ne  se  lier  iju'à  la  parole  de  Dieu,  aux  pro- 
phètes ou  aux  hommes  inspirés  de  Dieu, 
ihid.,  n.  14.  Saint  (Irégoire  atteste  qu'Ori- 
gine ne  manqua  jamais  de  confirmer  ses  pré- 
ceptes par  son  exemple,  n.  II,  et  l'on  veut, 
nous  persuader  que,  conti'e  la  rè^ile  qu'il 
jircscrivait,  il  suivit  constamment  la  doc- 
trine d'Ammonius  son  maître,  et  de  l'école 
d'Alexandrie. 

4°  Dans  les  articles  Emanation,  Platonis- 
me, Théologie  mystique,  nous  réfutons  le 
prétendu  mélange  fait  dans  cette  école  de  la 
philosophie  des  Orientaux  avec  celle  de  Pla- 
ton ;  cette  hypothèse  n'est  ni  prouvée  ni 
probable;  ceux  (|ui  l'ont  imaginée  n'ont  pas 
pu  nous  .lire  en  quel  tenqis,  par  qui,  ni  de 
quelle  manière  la  doctrine  des  Orientaux  a 
pénétré  en  Egypte.  Les  gnostiques  qui  la 
suivaient  ne  prétendaient  point  l'avoir  reçue 
des  Egyptiens,  mais  de  Zoroastre  et  des  au- 
tres philosoplies  persans  ou  indiens  ;  Bruc- 
ker en  est  convenu  ;  or,  dans  les  livres  de 
Zoroastre  que  nous  avons  h  piésent,  on  ne 
trouve  ni  le  système  des  émanations  ni  les 
conséquences  absurdes  ijuc  les  pliilosophes 
d'Alexandrie  en  avaient  déduites.  Plotin, 
après  avoir  étudié  pendant  plus  de  dix  ans 
la  philosophie,  sous  Ammonius,  entreprit  le 
voyage  de  l'Orient  |)our  aliCi  apprendre  celle 
des  Orientaux;  donc  elle  n'était  pas  ensei- 
gn.'c  en  Egypte.  Ce  fut  l'an  243,  et  alor.s 
Origène  n'était  plus  à  Alexandrie,  il  en  était 
so.ti  l'an  242. 

Après  avoir  renversé  le  fondement  sur  lequel 
Mosheini  et  Brucker  ont  ap|)uyé  leurs  accu- 
sations contre  ce  Père,  et  les  plans  qu'ils  ont 
dressés  de  sa  doctrine,  il  serait  inutile  de  les 
réfuter  en  détail;  nous  l'avons  fait  dans  pi  - 
sieurs  articles  de  notre  ouvrage.  C'est  sur- 
tout h  l'éiiard  de  ce  grand  homme  que  nos 
deux  critiques  ont  abusé  de  la  méthode  d'at- 
tribuer .1  un  auteur,  par  voie  de  conséquence, 
des  erreurs  qu'il  n'a  jamais  tnisi  ignées  ex- 
pressément, qu'il  a  peut-être  môme  désa- 


lias 


ORl 


ORl 


H30 


vouûes,  mcHlioOe  qu'ils  ont  bl;1mée  avec  ai- 
greur, lorsque  les  Pères  de  l'Ej^liso  s'en  sont 
servis  avec  i)liis  de  raison  à  l'é,i,ard  des  héré- 
tiques. Pour  calomnier  plus  corninodi-iu -n», 
ils  ont  dit  qu'Oriç/ène  avait  une  doid)!e  doc- 
trine ou  d  ux  systèmes  de  pliilosopliie  di!- 
fcrents,  l'un  ])Our  le  vulgaire,  l'autre  pour 
les  lectouis  int-lligcnts  et  instruits.  Nous 
pourrons  ajouter  foi  à  cette  accusation,  lors- 
que ces  grands  critiques  nous  auront  mon- 
tré distinctement  les  articles  qui  appai' len- 
ncnt  à  chacun  de  ces  systèmes  en  particu- 
liei'.  ils  se  sont  éjà  réfutés  eux-mêmes,  en 
rassemblant  tout  ce  que  ce  Père  a  dit,  pour 
en  former  un  corps  de  doctrine  com])let, 
suivi,  raisonné  et  constant.  Nous  ne  ]>ardon- 
nons  )vs  non  plus  à  Moslieim  d'avoir  écrit 
qu'Ori'jène  accordait  à  la  philosojih  e  ou  à  la 
raison  l'empire  sur  toute  la  rclifjion.  Hist. 
Chris.,  ssec.  m,  §  31.  Le  contraire  est  déjà 
prouvé  par  sa  profession  de  foi,  que  nous 
avons  citée,  mais  encore  mieux  iiar  sa  lettre 
à  saint  Grégoire  Thaumaiur^'\  Op.Aom  I, 
p.  30.  11  dit,  n.  1,  que  la  philosophie  n'est 
qu'un  pr-liiile  et  un  secours  pnur  parvenir 
à  la  doctrine  chréti inne,  qui  est  la  lin  de 
toutes  les  études.  11  ajoute,  n.  -2,  que  très- 
peu  de  ceux  cjui  se  sont  appliqués  à  la  p'ii- 
losop!de  en  ont  tiré  une  véritab  e  utilité, 
que  la  plupart  ne  s'en  sont  servis  que  pour 
enfante-  des  hérésies.  11  conclut,  n.  3,  q  e 
pour  bien  entendre  l'Ecriture  sainte,  il  faut 
que  Jésus-Christ  nous  en  ouvre  la  porte, 
qu'ainsi  le  secours  le  plus  ellicace  est  la 
priè.e.  Nous  voyons  avec  plaisir  Moshei  u 
rendre  justice  aux  vertus  morales  et  chré- 
tiennes tVOrig'ne,  et  avouer  que  personne 
ne  les  a  pratiquées  avec  plus  d'iiéroism"  ; 
quant  à  sa  doctrine,  ce  critique  a  poussé  K 
l'excès  la  préoccupation  et  l'inconséquence. 
D'un  côlé  il  fait  le  plus  grand  éloge  de  ses 
talents;  mais  il  ne  veut  pis  reconnaître  en 
lui  un  génie  original  et  profond,  tjui  tuvait 
ses  idées  de  lui-môme  :  il  n'a  fait,  dii-il,  que 
co,'ier  et  suivie  les  opinions  plnhisophiques 
de  ses  maîtres;  défaut  e  il  lui  attiibucdjux 
eu  trois  systèmes  profondi-ment  raisonnes, 
dans  lesquels  brille  la  plus  line  logique,  et 
que  lui  seul  a  puôlre  capable  de  créer;  trou- 
ve-t-on  la  même  supériorité  de  génie  dans 
lesautresdiscipiesd'Ammonius?/7/s<.c/ir/s<., 
sœc.  3,  §  27,  pag.  603  et  suiv.  11  dit  qu'0;-(- 
gvne  n'est  pas  C(mstant  dans  ses  opuiions, 
qu'il  en  change,  qu'il  embrasse  le  pour  et  le 
contre  suivant  le  boson;  cependant  il  lui 
prête  un  vlan  de  doctrine  lié,  suivi,  unifor- 
me, fondé  sur  des  principes  desquels  il  pré- 
tend que  ce  Père  ne  s'est  jamais  écaité.  Il 
blâme  les  orig:-n;stes  qui  voulurent  ériger 
en  autant  d  dogmes  les  doutes,  les  ques- 
tions, ics  conjectures  modestes  et  timides 
de  leur  maître,  et  il  imUe  leur  injustice  et 
leur  témérité.  Après  a\'oir  loué  le  travail 
immi-nsc  que  cet  homm  ■  iidat  gable  entre- 
prit |iour  cumparer  le  texte  hébreu  avec  les 
versions  dans  ses  Hcxaplcs,  il  dit  cpie  ce  tra- 
vail ne  peut  avoir  que  très-peu  d'utilité  ; 
qn'Orig'ne  lu.-même  n'eu  fit  aucun  usage 
dans  ses  Commentaires  sur  rEcriturc  sainte, 


parce  qu'il  ne  s'attachait  pas  au  sens  littéral,  ,' 
mais  au  sens  mysliipie,  et  que,  par  ses  exem- 
ples aussi  bieu  que  par  s^s  préceptes,  il  en- 
gageait les  auties   h  faire  de  même.  Mais,  • 
comme  il  paraît  que  les  Hexaples  et  les  Oe-  > 
tapies  d'Origènc  ont  été  les   dern  ei  s  de  ses   "v 
travaux,  il  n'est  pas  étonnant  qu'il   ne   s'en 
soit  pas    servi  dans   ses  Commentaires    qui 
av"ientété  faits  longtmps  auparavant  ;  d'ail- 
leurs ni  ses  préceptes  ni  ses  exemples  n'ont 
diMourné  le  prêtre  Hésychius,  le  maityr  Lu- 
cien et  saiMt  Jérôme,  d'étudier  le   texte  hé- 
breu et  d'en  donner   des   versions.  Sou  ou- 
viau,e  aurait  donc  été  utile  <i  tous  les  siècles, 
s'il  n'avait  pas   péri  dans  le  sac  de  la  ville 
de  Césarée  par  les  Sarrasins,  l'an   G53;  c'a 
été  le  germe  et  le  modèle  des  Bibles  poly- 
glottes. Voy.  Hexai'les. 

Pour  juger  d  ■  la  capacité  d'Origêne,  il  faut 
savoir  que  cet  infati.;al)le  écriva;n  avait  fait 
svu'  l'Ecriture  sainte  trois  sortes  d'ouvrages, 
des  commentaires,  des  scholies  et  des  ho- 
mélies. Les  commentaires  et  les  scholies 
étaient  pour  les  savants;  il  s'y  attachait  prin- 
cipalement au  sens  littéral,  il  y  faisait  usage 
non-seulement  d  s  ditrérentés  versions  grec- 
ques de  la  Bible,  mais  aussi  du  texte  hélireu. 
IJans  les  homélies,  qui  étaient  pour  le  peu- 
ple, il  suivait  la  version  des  Sejit.inte,  et  se 
bornait  ordinairement  au  sens  allégorique, 
duquel  il  tirait  des  leçons  pour  les  mœurs. 
Voy.  la  Note  de  Valois  sur  l'Hist.  eecle's. 
(l'iîu>ièbe,  liv.  VI,  c.  37,  oii  cela  est  prou- 
vé par  les  témoignages  de  Sédulius,  de  Bufin 
et  de  saint  Jérôme.  Mais  les  critiques  n'ont 
pas  été  assez  équitables  pour  avoir  égard  à 
ces  divers  genres  de  travail.  11  est  évident 
qu'Origène,  sortant,  pour  ainsi  dire,  des  éco- 
les de  philosoplde,  vers  l'an  230,  fit  ses  li- 
vres des  Principes,  non  pour  dogmatis^^r, 
mais  jiour  essayer  jusqu'à  quel  point  l'on 
pouvait  concilier  les  opinions  des  ph  loso- 
phes  avec  l'Ecriture  sainte.  Celle-ci  est  tou- 
jours la  base  de  ses  spéculations;  souvent, 
à  la  vérité,  il  ne  prend  pas  le  vrai  sens  des 
passages,  mais  aussi  il  ne  parle  qu'avec  le 
doute  le  plus  timide;  il  fait  de  môme  dans 
sa  Préface  sur  la  Genèse  et  ailleurs.  Etonné 
de  l'abus  que  l'on  faisait  de  ses  ouvrages,  il 
écrivit  sur  la  fin  de  sa  vie  au  pape  siint  Fa- 
bien pour  lui  témoi.nerson  repentir.  Saint 
Jérôme,  lipist.  4-1,  ad  Pammach.,  0[:)p.  t.  IV, 
col.  3i7.  Ainsi  lorsqu'il  a  été  condamné  par 
le  cinquième  concile  général,  cette  censure 
est  moins  tombée  sur  lui  que  sur  les  dispu- 
teurs  entêtés,  qui  voulaient  faire  de  ses  dou- 
tes autant  d'articles  de  croyance  ;  il  n'en 
était  pas  moins  mort  dans  la  paix  et  la  com 
muuion  de  l'Eglii-e  deux  cents  ans  aupara- 
vant. .Mais  ou  lui  a  fait  un  crime  de  ce  mé- 
lange de  la  philosophie  avec  la  théologie, 
l'on  en  a  exagéré  les  conséquences  f;kheu- 
ses.  Comme  cette  prétendue  faute  lui  est 
commune  avec  les  autres  Pères  de  l'Eglise, 
nous  aurons  soin  de  la  justifier  aux  mots 
Pkres,  PuiLOSOPUiE,  Platonisme.  On  n'a  pas 
relevé  avcc  moins  d'affectation  celle  qu'd 
commit  réellement  en  se  mutilant  lui  monte, 
soit  pour  éviter  tout  danger  d'impudicitë, 


Ï157 


ORÎ 


ORI 


1158 


soit  pour  prévenir  tout  soiipron  désavanta- 
geux à  l'égard  des  personnes  du  sexe  qu'il 
instruisait.  11  a  eu  la  bonne  foi  de  eon  lain- 
ner  lui-niûuio  sa  conduite,  lioin.  15  ii>  Mutt., 
o.  1  et  suiv.  .Moslieiin  convient  (|ue  l'on  a 
eu  tort  de  l'en  bl-lnier  avec  lanl  (i',n;-^reur. 
Cette  action  l'ut  défendue  dans  la  suite  par 
les  lois  ecclésastiques.  Les  critiques  protes- 
tants lui  ont  encore  reprociié  son  goût  ex- 
cessif poui'  les  ailéf^ories,  la  sévérité  de  sa 
moi  aie  touchant  la  chasteté  conjugale,  les 
austérités,  les  secondes  noces,  la  virgini- 
té, e'c.  Y<iy.  Allégoiue,  Bigame,  CuAsrEiÉ, 
MouTii'iCATiON,  Testament,  etc.  Les  anciens 
ennemis  de  ce  Pôie  poussèrent  l'entètcMnent 
jusqu'il  l'accuser  d'avoir  a[)prouvé  la  magie 
il'icite,  et  de  n'y  a\oir  trouvé  aucun  mal. 
Beausolir  ■,  Ilist.  de  Mnnich.,  t.  II,  1.  i\,  c. 
13,  p.  801,  a  réfuté  cette  accusation.  Mais 
il  a  commis  une  injustice  manifeste  envers 
ce  Père,  en  afiirmant  qu'il  a  en(scigné  ro|)i- 
nion  de  la  transuiigraiion  des  Aaies  ;  nous 
ferons  voir  le  contraire  au  mot  Tuasmicra- 
TioN.  Le  vrai  malheur  d'Orignie  est  d'avoir 
eu  des  disciples  obstinés  à  souteuT  tout  ce 
qu'il  avaii  dit  bien  ou  mal,  et  à  r(nlendre  dans 
un  sens  qui  n'avait  jamais  été  le  sim.  La 
même  chose  est  arrivée  îi  saint  A'iguslin. 
Entin,  quelques  auteurs  ont  écrit  i]u'Ori(fnie 
avait  succouibé  pendant  la  [icrs/'cution  de 
Dôce,  et  avait  jeté  de  l'encens  dans  le  foyer 
d'un  autel  pour  se  soustraire  à  un  traite- 
ment abominable  dont  on  le  mena(;ait;  et 
des  personnages  respeciables  ont  ajouté  foi 
à  ce  récit.  Mais  il  n'est  pas  croyable  qu'un 
homme  aussi  courageux  qnOrifjênc  ait  ainsi 
contredit  les  leçons  qu'il  avait  données  k 
tant  do  martyrs,  et  que  de  tant  d'ennemis 
qui  l'ont  noirci  après  sa  mort,  aucun  n'ait 
i'jil  mention  de  cette  odieuse  accusation  ; 
tant  il  est  vrai  qu'une  grande  réfiutalion  est 
souvent  un  très-grand  malheur! 

OIUGÉNlSTES.On  a  ainsi  nommé  ceux  qui 
s'autorisaient  lies  écrits  d'Origène  poursoute- 
nii-  que  Jésus-Christ  n'est  Fils  de  Dieu  que 
par  adoption,  que  les  unies  humaines  ont 
existé  avant  d'èire  unies  ,\  des  corps,  que  les 
tourments  .les  ilanniés  ne  seront  point  éter- 
nels, ((ue  les  démons  mêmes  serdut  un  jour 
délivrés  des  to  .rments  de  l'enf  r.  Quelques 
moines  de  l'Egv  te  et  de  la  Palestine  don- 
nèrent dans  ces  erreurs,  les  soutinrent  avec 
Oiiiniàtreté,  et  ci  usèrent  de  grantls  troubles 
d  .lis  l'Eglise;  c'est  ce  qui  attira  sur  eux  la 
ceiism'e  du  cinquième  concile  général,  tenu 
à  Constantiuo.  le  l'an  So-'J,  dans  l.iquelle  Ori- 
gène  lui-même  s'est  trouvé  enveloppé.  Les 
oiiçji'nistvs  étaient  pnur  lors  divisés  en  deux 
sectes,  qui  ne  suivaient  ni  l'une  ni  l'autre 
tout  s  les  opinions  faesses  qui  se  trouvent 
dans  les  livres  d'Origèn-.  Ceux  qui  soute- 
naient que  Jésus-Chr.st  net  it  Fils  de  Dieu 
que  jiar  adoption,  [irétendaient  aussi  qu'au 
jour  do  la  résu.rection  générale  les  apôtres 
seraient  rendus  égaux  à  Jésu.s-Ciirist  ;  pour 
cette  raison  ils  furent  nouimés  isochrislrs. 
Ceux  qui  enseignaient  que  les  àines  humai- 
nes avaient  existé  avant  d'être  unies  à  des 
corps,  fureut  aussi  appelés  protoctistes,  nom 


qui  dé.signait  leur  erreur.  On  ne  sait  pa.s 
]iouiqiioi  ces  derniers  furent,  api'elés  t('trn 
(litrx  ou  entêtés  du  nombre  de  quatre.  Il  ne 
faut  ]i.is  confondre  cet  orirje'nisme  avec  les 
erreurs  d'une  autre  secte  dont  les  partisans 
furent  aussi  nommés  orifiénistes  ou  oriqé- 
niciis,  parce  ipi'ils  avaient  eu  pour  chef  un 
certain  Origène,  personnage  très-peu  connu. 
Ils  condamnaient  le  mariage,  et  so;iteiiaient 
que  l'on  jiouvait  innocemment  se  livrer  aux 
impudicités  les  plus  grossières.  Saint  Epi- 
phane  et  saint  Augustin,  qui  ont  parlé  de  cet 
origénisme  imjiur,  convi  iiiienl  ([ue  le  cé:è- 
hre  Origène  n'y  a  donné  aucun  lieu;  ses 
écrits  ne  respirent  que  l'amour  de  la  chas  été. 
OKKIINEL  (péché).  L'on  entend  sons  ce 
te iine  le  péché  avec  lequel  nous  naissons 
tous,  et  qui  tire  son  origine  du  péché  de 
notre  premier  père  Adam.  Yoy.  Adam   (1). 

(I)  Canons  de  doctrine  snr  le  poché  originel. 

Si  quelqu'un  lie  leconiuiii  p;s  qu'Adam,  le  |ireinier 
lioniine,  ayaiil  Iransgrebsé  le  cuMiniandemeiil  de  Dieu 
itaiis  le  paradis,  est  détim  de  I  étal  de  saiiileU  el  de 
justice  dans  lequel  il  avait  élé  établi,  et  par  ce  péclié 
de  desobéissance  et  celle  prévarication  a  encoiun  la 
colère  de  Dieu,  el,  en  conséquence,  la  mort  dont 
Dieu  l'avait  auparavant  nienaee,  et,  avec  la  nnirt,  la 
ca|)livilé  sous  la  puissance  du  diable  qui  depuis  a  eu 
l'empire  de  la  mort,  et  ([ue  par  celle  ofl'eiise  el  cette 
prévarication,  Adam,  selon  le  corps  et  selon  l'àine,  a 
été  1  liangé  en  un  pire  état,  qu'il  siiil  anaihenie.  Conc. 
de  Trente,  5°sess.,  du  peclié  originel. —  Si  (pielqu'un 
sonlienl  que  la  )iiévarication  d  Adam  n'a  élé  preju 
diciable  (pi'à  lui  seul  el  non  p;is  aussi  à  sa  poslciité, 
el  qe.e  ce  n'a  élc'  que  pour  lui,  el  non  pas  aussi  piiur 
nous,  qu'il  a  perdu  la  justice  el  la  sainlelé  qu'il  a\ait 
reçue  et  dont  il  e>l  déchu,  ou  (|u'el.inl  souillé  per- 
sonnellement par  le  pèche  de  désobéissance  il  n'a 
communiqué  el  transmis  à  tout  le  genre  humain  que 
lu  mort  el  les  peines  du  corps  et  non  pas  le  pt  ché 
qui  est  la  mo:  t  de  l'àine,  qu'il  soit  anathème  ;  puisque 
c'est  contredire  ;i  l'Apolie  qui  dit  que  le  péché  est 
entré  dans  h-  monde  par  un  seul  homme  el  qu'ainsi 
la  mort  est  passée  dans  tous  les  hommes,  tous  ayant 
péclie  dans  un  seul  (/(eiii.  i,  12).  —  Si  quel'iu'un 
soutient  que  le  péché  d'Adam,  (|ui  est  dans  sa  source, 
s'etant  Iraiisiiiis  à  tous  par  la  géneraliun  el  noi:  par 
iniitalion,  el  devient  propre  à  un  chacun,  peut  elle 
elîacé  par  la  lorce  de  la  nature  humaine,  ou  par  un 
autre  remède  que  par  les  mérites  de  Jesus-tihiisi, 
qui  nous  a  reconciliés  par  son  sang,  s'élanl  fait  notre 
justice,  notre  sanctilieation  et  notre  rédemption;  ou 
quiconque  nie  que  le  même  mérite  de  Jésus-Christ 
soit  applique  tant  aux  adulles  qu'aux  enlanls  parle 
sacrement  de  baptême  conféré  selon  la  force  el  l'u- 
sage de  l'Eglise,  qu'il  soit  aualbéme,  parce  qu'il  n'y  a 
po'int  d'autre  nom  sous  le  ciel  qui  ail  éle  donné  aux 
hommes  par  lequel  nous  devions  être  sauvés;  ce  qui  a 
donne  lieu  h  celte  parole  :  Voilà  l'Agneau  de  Ditu; 
voit  I  celui  ipii  Ole  les  pèches  du  inonde.  Vous  tous 
qui  ave/,  été  baptisés,  vous  avez  clé  revêtus  de  Jésus- 
Christ  (1  (.  IV  ;  Joa».  I,  9;  Gai.  m,  27).  --  Si  quel- 
qu'un nie  (jue  les  eiilanls  nouvellement  sortis  du  sein 
de  leur  mère,  même  ceux  qui  sont  nés  de  pareuls 
baptisés,  aient  besoin  d'être  aussi  baplisés  ;  elsi  quel- 
qu'un, reconnaissant  que  véritableuienl  ils  sont  bap- 
tisés pour  la  rémission  des  péchés,  soutieul  pourtant 
qu'ils  ne  tirent  rien  du  péché  originel  d'Adam  qui 
ait  besoin  d'elre  expie  par  l'e.m  de  la  régeueralioa 
pour  (iblenir  la  vie  éternelle,  doii  il  s'ensuivrait  que 
la  forme  d»  baptême,  pour  la  rémission  des  pè- 
ches serait  fausse  el  non  véritable,  qu'il  soit  ana 
thème;  car  la  parole  de  l'Apôire,  qui  dit  que  le  pécbfc 
est  entré  dans  le  monde  par  an  seul  homme  et  la 


M59 


ORI 


OR! 


4)60 


'■  La  premièrfi  chose  nécpssaiieh  un  Ihiîolo- 
gien  est  do  savoir  précisément  quelle  esl  la 
doctrine  et  la  fui  catlioique  sur  ce  point; 
le  concile  de  Trente  l'a  clairement  exposée, 
sess.  5.  Jl  décide ,  Can.  1,  qu'Adam  par  son 
péché  a  p  rdu  la  sainteté  et  la  justice,  a  en- 
couru la  colère  de  Dieu,  la  mort,  la  cajiti- 
vilé  snus  l'empir^'  du  démon;  Can.  2,  qu'il  a 
transmis  à  tous  ses  descendants  non-seule- 
ment la  moit  et  les  souffrances  du  corps, 
mais  le  péché  qui  est  la  mort  de  l'âme;  Cnn. 
3,  que  ce  péciié  propre  et  personnel  îi  tous 
ne  peut  être  ôlé  que  par  les  méiiles  de  Jé- 
sus-G!irist;  Can.  6,  que  la  tache  de  ce  péché 
est  pleinement  etf.icée  par  le  baptôujc  De  là 
les  ihéolo-iieiis  concluent  que  les  elfets  et  la 
peine  du  péché  originel  soni,  1°  la  privation 
de  la  grâce  sanctdiante  et  du  droit  au  bon- 
heur éternel ,  double  avantage  dont  Adam 
jouissa  t  dans  l'état  d'innocence;  2°  le  dérè- 
glement de  la  concupiscence  ou  l'inclination 
au  mal;  3'  l'assujettissement  aux  soullVan- 
ces  et  h  la  mort;  irois  blessures  desquelles 
Adam  était  exempt  avant  son  péché.  D'où 
s'eiisjit  la  nécessité  absolue  du  baplCme 
pour  y  remédier.  Yoy.  Baptême.  Le  dogme 
catholique  ne  s'étend  pas  plus  loin.  Holden, 

mort  par  le  pi-rhë,  et  qu'ainsi  la  mort  est  passée  dans 
tous  les  hommes,  ions  ayant  péché  dans  un  seni,  ne 
peut  être  enlendiie  d'une  aiilie  parole  que  l"a  tou- 
jours entendu  lEglise  catholique  répandue  partout. 
C'est  pour  cela  et  conformément  à  ceue  régie  de  foi 
selon  la  iradilion  des  apolics  que  même  les  enfants 
qui  nont  pu  encore  coiinuellre  aucun  péché  person- 
nel sontpourlant  vérital)lemeut  haplises  pour  la  ré- 
missimi  des  péchés,  alin  que  ce  qu'ils  ont  contracté 
par  la  génératiou,  soit  lavé  en  eux  pour  la  rémission: 
car  quîcon(iue  ne  reiiail  de  l'eau  et  du  SaiiU-Esprit, 
uc  peut  entier  au  royaume  de  Dieu  (./onii.  i,  5). — 
Si  quelqu'un  nie  que,  par  la  grâce  de  Jesus-Christ, 
qui  est  conférée  par  le  hapléme,  l'oifense  du  péché 
originel  soit  remise,  ou  soutient  que  tout  ce  qu'il  y  a 
propiemeiit  et  véritablement  de  péché  n'est  pas  oié, 
mais  qu'il  est  seulement  comme  rasé  ou  qu'il  n'est 
pas  imputé,  qu'il  soit  anathème  :  car  Dieu  ne  hait 
rien  dans  ceux  qui  sont  régénérés.  11  n'y  a  point  de 
coridamiialion  pour  ceux  qui  sont  verilableiuent  en- 
sevelis d.ins  la  mort  avec  Jésus-Christ  par  le  hapléme, 
qui  ne  marchent  point  selon  la  chair,  mais  qui,  dé- 
pouillant le  vieil  homme  et  se  révélant  du  nouveau 
qui  est  créé  selon  Dieu,  sont  devenus  innocents,  purs, 
sans  péché,  agréables  à  Dieu  et  cohéritiers  de  Jesus- 
Chiisl,  en  sorte  qu'il  ne  leur  reste  rien  du  tout  qui 
leur  fasse  obstacle  pour  entrer  dans  le  ciel.  Le  suint 
concile  confesse  néanmoins  et  reconnait  ipie  la  con- 
cupiscence ou  l'inclination  au  péché  restai  pourtant 
dans  les  personnes  baptisées;  car  elle  a  été  laissée 
pour  le  combat  et  l'exercice,  et  elle  ne  peut  nuire  à 
ceux  qui  ne  donnent  pas  leur  consenleineiit,  mais 
qui  résistent  avec  courage  par  la  grâce  de  Jésus- 
Christ.  Au  contraire,  la  eouronne  est  préparée  à  ceux 
((ui  auront  bien  comballu.  Le  saiiit  concile  déclare 
aussi  que  celte  coucupiscenee,  (pie  l'Apotre  appelle 
quelquefois  péché,  n'a  jamais  clé  prise  ni  entendue 
par  l'Kglise  catholique  comme  un  véritable  péché 
qui  reste,  a  proprement  parler,  dans  les  |iersoiines 
baptisées,  mais  elle  n'a  été  appelée  du  nom  de  péché, 
que  parce  qu'elle  esl  un  ell'et  du  péché  et  qu'elle  porte 
au  péché. 

L'intention  du  concile  n'est  point  de  comprendre, 
dans  ce  décret,  qui  regarde  le  péché  originel,  la  bien- 
heureuse et  immaculée  \ierge  Marie,  mère  de  Dieu. 
Coiic.  lie  Trente,  ibid 


De  llc.'so!.  pdci,  ].  u,  c.  5.  Plusieurs  héréti- 
ques l'ont  combattu  et  rejeté  ;  les  cathares 
ou  montanistes,  vers  l'an  256,  enseignèrent 
qu'il  n'y  avait  point  de  péché  originel,  et  que 
le  liaptème  n'est  pas  nécessaire.  Environ  1  an 
412.  Pelage  soutint  que  le  péché  d'Adam  lui 
a  été  purement  personnel,  et  na  point  passé 
à  sa  jiostérité,  qu'ainsi  les  enfants  naissent 
exempts  de  péché  et  dans  une  parfaite  inno- 
cence; que  la  mort  à  laquelle  nous  sommes 
sujets  n'est  [loint  la  peine  du  péché,  mais  la 
condition  naturelle  de  l'homme  ;  qu'Adaro 
serait  mort  quand  même  il  n'aurait  pas  pé- 
ché; cntin  que  la  nature  humaine  est  encore 
aussi  saine,  aussi  forte,  aussi  ca|iab!e  de 
faii-e  le  bien,  qu'elle  l'était  dans  l'homme 
tel  qu'il  est  sorti  des  mains  de  Dieu.  Pélago 
trouva  un  adversaire  redoutable  dans  saint 
Augustin  :  il  fut  condamné  dans  plusieurs 
conciles  d'Afrique,  par  les  papes  Innocent  I" 
et  Zozime,  et  enfin  par  le  concile  général 
d'Ephèse. 

En  596  un  synode  des  nesloriens,  en  6i0 
les  Arméniens,  en  796  les  Albanais,  renou- 
velèrent l'erreur  de  Pelage,  et  c'est  encore 
aujourd'hui  le  sentiment  de  l;i  plupart  des 
sociniens.  Calvin  a  pi  étend. i  que  les  enfants 
des  lidèles  baptisés  naissent  dans  un  état  de 
sainteté,  qu'ainsi  le  baplôme  ne  leur  est  pas 
donné  pour  effacer  en  eux  aucun  péché.  Le 
Clerc  et  les  ministres  La  Place  et  Le  Cène 
ont  nié  formellement  le  péché  originel.  Au 
contraire,  Flaccius,  luthérien  rigide,  soute- 
nait cpie  le  péché  originel  est  la  substance 
même  de  l'homme.  Aiosheim,  Iliat.  ecclés., 
xvî'  siècle,  scct.  3,  W  part.,  c.  1,  §  33.  On 
conçoit  bien  que  ce  dogme  ne  pouvait  pas 
manquer  de  déplaire  aux  incrédules  de  no- 
tre siècle;  ils  ont  répété  contre  cet  article  de 
foi  la  |ilui)art  des  objections  des  hérétigiies 
anciens  et  modernes.  Mais  cette  Insle  vérité 
est  clairement  enseignée  dans  l'Ecriture 
sainte.  Job,  c.  xiv,  v.  k,  dit  à  Dieu  :  «  Qui 
peut  rendre  yiur  l'homme  né  d'un  sang  im- 
pur, sinon  vous  seul?  »  Le  Psalmiste,  l's. 
L,  V.  7  :  «  J'ai  été  conçu  dans  l'iniquiié,  et 
formé  en  péché  dans  lu  sein  de  ma  mère.  » 
Saint  Paul,  Rom.,  c.  v,  v.  12  :  «  De  même  que 
jiar  un  homme  le  péché  est  entré  dans  le 
monde  et  la  mort  par  le  péché,  ainsi  la  mort 
a  [lassé  dans  tous  les  hommes,  en  ce  que  tous 
ont  poché Et  de  même  que  la  condamna- 
lion  est  pour  tous  par  le  jiéché  d'un  seul, 
ainsi  la  justification  et  la  vie  sont  pour  tous, 
])ar  la  justice  d'un  seul,  qui  est  Jésus-Christ.  » 
//  Cor.,  c.  V,  V.  li  :  «  Si  un  seul  est  mort 
pour  tous,  donc  tous  sont  moiis  :  or  Jésus- 
Chrisiest  mort  jiour  tous.  »  /  Cor.,  c.  x.v, 
V.  21.  «  La  mort  est  venue  par  un  homme, 
et  la  résurrection  vient  par  un  autre  homme  ; 
de  môme  que  fous  meurent  en  Adam,  ainsi 
tous  seront  vivifiés  en  Jésus-Christ.  » 

Nous  ne  savons  pas  ce  que  répondaient 
les  pélagiens  aux  passages  de  Job  et  du 
Psalmisie;  mais  à  celui  de  VEpitre  aux  Ro- 
mains, ils  répliquaient  que,  selon  l'Apôtre,  le 
péché  et  la  niurt  sont  entrés  dans  le  monde 
|)ar  Adam,  parce  que  tous  les  hommes  ont 
imité  le  péché  d'Adam,  et  sont  morts  comme 


1161 


ORI 


ORI 


1102 


lui;  que,  dans  ce  sens,  la  condamnation  est 
tombée  sur  tous  par  son  péché,  et  tous  sont 
morts  en  Adam.  Comment,  de  Pelage  sur 
VEpît.aux  Rom.  L'absurdité  do  cotte  explica- 
tion saute  aux  yeux.  1°  Comment  Adam  a-t- 
il  pu  être  imité  par  les  pécheurs  qui  ne  l'ont 
pas  connu  et  qui  n'ont  jamais  oui  parler  de 
lui  î  En  quoi  son  péché  a-t-il  pu  intluer  sur 
les  leurs?  2°  Peut-on  dire,  dans  ce  sens,  que 
la  condamnation  est  pour  tous  par  son  péché, 
et  que  tous  meurent  en  lui?  3°  Il  s'ensuit 
que  la  justice  de  Jésus-Christ  n'influe  sur 
la  nôtre  quo  par  l'exemiile;  qu'il  est  mort 
pour  nous  seulement  dans  ce  sens  qu'il  nous 
a  montré  le  modèle  d'une  mort  sainte  et 
courageuse.  C'est  ainsi  que  l'entend  Pelage 
dans  son  Comment,  sur  la  I"  Epît.  aux  Cor., 
c.  XV,  V.  2-2.  Et  telle  est  encore  la  manière 
impie  et  absurde  dont  les  sociniens  expli- 
quent la  rédemption.  Toute  l'Eglise  chré- 
tienne en  fut  scandalisée  au  v"  siècle,  et  il  ne 
fut  pas  difficile  à  saint  Augustin  de  foudroyer 
cette  doctrine.  Le  saint  docteur  la  réfuta 
victorieusement  par  l'Ecriture  sainte  et  par 
la  tradition;  il  apporta  en  preuve  du  dogme 
catlioiiijue  des  passages  des  Pères  qui,  dans 
les  siècles  précédents,  avaient  jirofôssé  clai- 
rement la  croyance  du  péché  originel,  la  dé- 
gradation de  la  nature  humaine  par  le  péché, 
la  nécessité  de  la  rédemption  et  du  baptême 
pour  l'elfacer,  et  toutes  les  conséquences 
que  Pelage  aÛ'ectait  de  nier.  Toutes  ces  vé- 
rités se  tiennent.  Ton  ne  peut  eu  attaquer 
une  sans  donner  atteinte  aux.  autres.  Il  in- 
sista principalement  sur  ces  paroles  de  saint 
Paul  :  Si  un  seul  est  mort  pour  tous  ,  donc 
tous  sont  morts  ;  or  Jésus-Christ  est  mort 
pour  tous.  Il  lit  voir  que  l'Apôtre  prouve 
l'universalité  de  la  mort  spirituelle  et  tem- 
norelle  de  tous  les  hommes  par  l'universa- 
lité de  la  mort  de  Jésus-Christ  et  de  la  ré- 
demption pour  tous  sans  exception.  Voy. 
RÉDEMPTEUR,  Sauveur.  Il  opposa  môme  aux 
pélagiens  la  tradition  générale  de  tous  les 
peuples  (1),  et  le  sentiment  intérieur  de  tous 
les  hommes  qui  réfléchissent  sur  eux- 
mêmes,  comme  font  les  philosophes.  En  elfet, 
tous  les  hommes  naissent  avec  des  inclina- 
tions di'pravées,  portés  au  vice  beaucoup 
plus  qu'à  la  vertu  :  leur  vie  sur  la  terre  est 
uu  état  de  misère,  de  punition  et  d'expiation. 
Il  est  donc  évident  que  l'homme  n'est  point 
tel  qu'il  devrait  être,  ni  tel  qu'il  est  sorti  des 
mains  du  Créateur.  Les  pliilosophes  l'ont 
senti,  et,  pour  expliquer  cette  énigme,  )ilu- 
sieurs  ont  imaginé  que  les  Ames  humaines 
avaient  péché  avant  d'être  unies  aux  corps; 
les  marcionites,  les  manichéens  et  d'autres 
liérétiques,  révoltés  de  l'excès  des  misères  r.e 
cette  vie,  avaient  conclu  que  la  nature  hu- 

(1)  Le  dogme  de  la  chute  originelle  el  de  la  dégra- 
dation du  genre  luiuiaiti  ,  fondé ,  comme  tous  les 
dogmes  c;alioliqm's,  sur  la  Iradiliou  piiniitive  deve- 
nue commune  a  tous  les  peupli^s  du  monde,  a  été 
raagniûqnemcnl  tiaili' par  .M.  labl)é  de  Lamennais, 
dans  son  Essai  sur  l'indifférence.  iNous  regrellons  de 
ne  pouvoir  citer  ici  It^  cliap.  28  du  troisième  volume 
de  cet  ouvrage,  auquel  nous  soiiinioi  forcé  de  ren- 
voyer nos  lecteurs. 

DlCno.N.v.  \}S    TuÉOL.  doumatique.    III. 


maine  n'est  pas  l'ouvrage  d'un  Dieu  bon, 
mais  d'un  être  malicieux  et  malfaisant.  La 
dispute  entre  les  catholiques  et  les  pélagiens 
fut  longue  etopiniAtre.  La  question  touchant 
le  péché  originel  en  lit  naître  plusieurs  aulres 
sur  la  nature  et  les  forces  du  libre  arbitre, 
sur  la  nécessité  de  la  grAce,  sur  la  prédesti- 
nation, etc.  On  peut  voir  la  suite  et  l'enchaî- 
nement de  toute  cette  contestation  dans  la 
septième  dissertation  du  Père  Garnier  sur 
Marius  Mercator,  Apend.  august.,  p.  281.  Il 
serait  trop  long  de  rapporter  et  de  réfuter 
toutes  les  objections  des  pélagiens;  les  Pères 
de  l'Eglise  y  ont  suffisamment  répondu;  nous 
nous  bornerons  à  résoudre  celles  qui  ont 
été  renouvelées  de  nos  jours  par  les  incré- 
dules. 

Ils  disent  en  premier  lieu  que  le  dogme 
du  péché  originel  ne  peut  pas  se  concilier 
avec  la  justice  de  Dieu,  encore  moins  avec 
sa  bonté  ;  on  ne  concevra  jamais  que  Dieu  ait 
voulu  confier  à  nos  premiers  parents  le  sort 
éternel  de  leur  postérité,  surtout  en  pré- 
voyant que  l'un  et  l'autre  violeraient  la  loi 
qui  leur  serait  imposée,  et  rendraient  mal- 
heureux le  genre  humain  tout  entier;  l'on 
comprend  encore  moins  que  Dieu  puisse 
punir  par  un  supplice  éternel  un  péché  qui 
ne  nous  est  ni  libre  ni  volonfaire.  Cela  se 
conçoit  très-bien  quand  on  veut  faire  atten- 
tion à  la  constitution  delà  nature  humaine. 
Comme  les  enfants  ne  peuvent  pourvoir  à 
leur  sort  par  eux-mêmes,  il  est  naturel  que 
leur  destinée  dépende  de  leurs  pères  et 
mères.  Un  père  inhumain  peut  laisser  périr 
ses  enfants;  par  une  mauvaise  conduite  il 
lient  les  réduire  à  la  pauvreté;  par  un  crime 
il  peut  les  déshonorer  et  les  couvrir  d'op- 
probre p)ur  jamais  :  soutiendra-t-on  que  par 
justice  et  par  bonté  Dieu  devait  constituer 
autrement  la  nature  humaine  ?  Le  plan  de  la 
Providence  est  encore  plus  aisé  à  compren- 
dre, quand  on  se  souvient  que  Dieu,  en  pré- 
voyant le  péché  d'Adam  etses  suites  funestes, 
résolut  de  les  réparer  abondamment  par.  le 
rédemption  de  Jésus-Christ.  Il  ne  faut  jamais 
séparercesdeux  do,.;mes  :  l'un  est  intimement 
lié  à  l'autre.  Voy.  Rédemption.  Rien  ne  nous 
oblige  de  croire  que  Dieu  punit  par  le  sup- 
plice éternel  de  l'enfer  le  péclié  originel;  il 
est  tiès-permis  de  penser  que  ceux  qui 
meurent  coupables  de  ce  seul  péché  sont 
seulement  exclus  de  la  béatitude  surnatu- 
relle et  surabondante  qui  nous  a  été  méritée 
par  Jésus-Christ.  On  ne  prouvera  jamais  que 
Dieu  a  dû  par  justice  destiner  la  nature  hu- 
maine à  un  degré  de  félicité  aussi  parfait  et 
aussi  sublime  :  la  ,;UStico  même  des  hommes 
peut,  sans  blesser  aucune  loi,  priver  les  en- 
fants d'un  père  coupable  des  avantages  de 
pure  grâce  qui  lui  avaient  été  accordés  (1). 
Quant  aux  souffrances  de  cette  vie,  nous 
avons  fait  voir  à  l'article  Mal,  qu'il  est  i'aux 
que  notre  état  sur  la  terre  soit  alisolument 
malheureux,  et  que  Dieu  par  justice  ait  dû 
nous  accorder  ici-bas  uu  plus  haut  degré  de 

(1)  Voy.  le  Dirt.  de  Théol.   raor.,  arl.  Péché  oiu- 

GINtl.. 

o7 


1105 


ORt 


ORI 


il64 


bonheur.  Voy.  Etat  de  nature,  Surnaturel. 

En  second  lieu,  les  p(51agiens  disaient  aussi 
bien  que  les  incrédules  :  Si  tous  les  enfants 
naissent  objets  de  la  eolère  divine,  si  avant 
de  penser  ils  sont  déjh  coupables,  c'est  donc 
UB  cripae  affreux  île  les  mettre  au  momie; 
le  mariage  est  le  plus  horrible  des  forfaits, 
c'est  l'ouvrage  du  diable  ou  du  mauvais  prin- 
cijie,  comme  le  soutenaient  les  manichéens. 
On  leur  répond  que  Dieu  lui-même  a  insti- 
tué et  béni  le  mariage,  et  qu'il  n'en  a  point 
nterdit  l'usage  à  l'homme  ajirès  son  péché  ; 
cet  usage  est  donc  innocent  et  légitime. 
Les  enfants  naissent  coupables,  non  en  vertu 
de  l'action  qui  les  a  mis  au  monde,  mais  en 
vertu  de  la  sentence  prononcée  contre  Adam  : 
un  enfant  né  en  légitime  mariage  n'est  pas 
moins  taché  du  péché  originel  qu'un  enfant 
adultérin  conçu  par  un  crime.  Lorsqu'un 
homme  était  condamné  pour  crime  h  l'escla- 
vage, cette  tache  passait  à  ses  enfants,  non 
par  l'action  de  les  mettre  au  monde,  mais 
par  la  force  de  l'arrêt  qui  l'avait  condamné. 
Du  moins,  répliquer)!  nos  adversaires,  le 
baptême  efface  le  péclié  originel  ;  un  enfant 
baptisé  ne  devrait  donc  plus  être  sujet  à  la 
concupiscence  ni  aux  souffrances.  Cela  serait 
vrai,  si  le  baptême,  en  effaçant  la  tache  ilu 
péché,  en  détruisait  aussi  tous  les  effets; 
mais  en  nous  rendant  la  grAce  sanctifiante 
et  le  droit  à  la  béatitude  éternelle,  il  nous 
laisse  le  penchant  au  mal  et  la  nécessité  de 
souffrir  et  de  mourir,  parce  que  l'un  et  l'au- 
tre rendent  la  vertu  plus  méritoire  et  digne 
d'une  plus  grande  récompense. 

En  troisième  lieu  les  incrédules  ont  accusé 
Origène  et  saint  Clément  d'Alexandrie  d'avoir 
nié  le  péché  originel.  Si  cela  était,  il  serait 
fort  étonnant  que  les  pélaj,iens,  qui  avaient 
cherché  si  altentivement  dans  les  Pères  ce 
qui  pouvait  les  favoriser,  n'eussent  pas  cité 
deux  des  plus  célèbres.  La  vérité  est  que 
ni  l'un  ni  l'autre  n'ont  pensé  comme  les  pé- 
lagiens.  Saint  Clément  d'Alexandrie,  Strom., 
\.  m,  c.  XVI,  disputait  contre  Tntien  et  d'au- 
tres hérétiques  qui  condamnaient  le  mariage, 
et  soutenaient  que  la  procréation  des  enfants 
est  un  crime.  Il  cite  ce  })assage  de  Job,  c. 
XIV,  4.  et  5,  selon  la  version  des  Septante  : 
Personne  n'est  exempt  de  souillure ,  quand 
même  il  n'aurait  vécu  qu'un  seul  jour;  et  il 
ajoute  :  «  Qu'ils  nous  disent  où  a  péché  un 
enfant  qui  vient  de  naître,  ou  comment  est 
tombé  sous  la  malédiction  d'Adam  celui  qui 
n'a  encore  fait  aucune  action.  Il  ne  leur 
reste,  selon  moi,  qu'a  soutenir  conséquem- 
ment  que  la  génération  est  mauvaise,  non- 
seulement  (}uant  au  corps ,  mais  quant  à 
l'ilme.  Lorsque  David  a  dit  :  J'ai  été  conçu 
en  péché  et  formé  en  iniquité  dans  le  sein  de 
ma  mère,  il  parle  d'Eve  selon  le  style  des 
prophètes;  celle-ci  est  la  mère  des  vivants  : 
mais  si  lui-même  a  été  conçu  en  péché,  il 
n'est  pas  pour  cela  un  pécheur  ni  un  péché.  » 
En  effet  les  deux  passages  citi'S  jiar  saint 
Clément  signifient  de  deux  choses  l'une,  ou 
quun  enfant  est  souillé  du  péch.!  parce 
qufc  sa  procréation  est  un  crime,  ou  qu'il 
1  est  parce  qu'il  descend  d'Adam  et  d'Eve 


coupables.  Saint  Clément  rejette  le  premier 
sens,  adopté  par  les  hérétiques  ;  il  s'en  tient 
au  second  ;  il  professe  donc  \e  péché  originel. 
Origène,  son  disciple,  est  encore  plus  posi- 
tif. «  On  baptise  les  enfants,  dit-il,  poiu" 
leur  remettre  les  péchés?  En  quel  temps  les 
ont-ils  commis?  Ou  quille  raison  peut-il  j 
avoir  de  baptiser  les  enfants,  sinon  le  sens 
de  ce  passage  :  Personne  n'est  exempt  de 
souillure,  quand  même  il  n'aurait  vécu  qu'un 
seul  jour?  Parce  que  le  baptême  efface  les 
souillures  de  la  naissance,  c'est  pour  cela 
que  l'on  bajitise  les  petits  enfants.  »  Il  cite 
ailleurs  les  paroles  de  David,  et  en  tire  les 
mêmes  conséquences,  Hom.  14-,  in  Luc.  ; 
Tract.  9,  in  Matth-,  Homil.  8,  in  Levit.,  etc. 
Sur  le  quatrième  livre  contre  Celse,  n°  40,  les 
éditeurs  oiit  ajouté  les  passages  de  s  lint 
Justin  et  de  saint  Irénée,  plus  anciens  qu'Oii- 
gène  et  que  saint  Clément  d'Alexandrie.  Par 
]h  on  voit  avec  quelle  témérité  nos  criti- 
ques incrédules  ont  osé  avancer  que  le  pé- 
ché originel  n'était  pas  connu  avant  saint 
Augustin,  et  que  l'on  ne  baptisait  pas  les 
petits  entants  pendant  les  deux  derniers 
siècles  de  l'Eglise.  Us  objectent  enfin, 
d'après  les  pélagiens,  qu'il  y  aurait  tie  la 
cruauté  de  la  part  de  Dieu  sie  punir  par  des 
peines  aussi  terribles  une  faute  aussi  légère 
que  celle  d'Adam. 

Sans  recourir  aux  raisons  par  lesguelles 
saint  Augustin  a  fait  voir  la  grièveté  de  la 
faute  d'Adam,  nous  nous  contentons  de  ré- 
pondre que  ce  n'est  ni  aux  incrédules  ni  k 
nous  de  juger  jusqu'à  quel  point  elle  a  été 
griève  ou  légère,  punissable  ou  pardonnable  ; 
que  le  mo\  en  le  plus  sage  d'estimer  l'énor- 
raité  de  la  faute  est  d-  considérer  la  sévé- 
rité du  châtiment,  puisque  nous  n'avons  que 
très-peu  de  connaissance  de  la  manière  dont 
elle  a  été  commise.  Saint  Augustin  lui- 
même  est  convenu  qu'il  n'était  pas  assez  ha- 
bile pour  concilier  la  damnation  des  enfants 
morts  sans  baptême  avec  la  justice  divine, 
Serm.  294,  de  Bapt.  parvul.,  n.  7.  Si  l'on 
nous  di'mande  en  quoi  consiste  formellement 
la  tache  du  péché  originel,  comment  et  par 
quelle  voie  elle  se  communique  ;\  notre  âme, 
nous  repentirons  humblement  que  nous  n'en 
savons  rien,  imrce  que,  comme  le  dit  saint 
Augustin,  L.  deMorib.  Ecclcs.,  c.  xxii,  il  est 
aussi  difficile  d'en  connaître  la  nature  qu'il 
est  certain  qu'il  existe  :  Hoc  peccato  nihil  est 
adprœdicandum  notius,  nihil  ad  intelligendum 
secretius.  Il  nous  parait  bien  plus  important 
de  représenter  et  de  répéter  que  cette  plaie 
de  la  nature  humaine  a  été  guérie  par  Jésus- 
Chr  si  ;  que,  conune  dit  saint  Paul,  «  Où  le 
péché  avait  abondé,  la  grâce  a  été  sural mon- 
dante; que  SI  tous  les  hommes  ont  été  con- 
damnés à  la  mort  pour  le  péché  d'un  seul,  le 
don  de  Dieu  s'est  répandu  beaucmjp  plus 
abondamment  par  la  grâce  de  Jé^us-Christ  ; 
que,  comme  c'e^t  par  le  péclié  d'un  seul  que 
tous  les  hommes  sont  tombés  dans  la  con- 
damnation, ainsi  c'est  par  la  justice  d'un  seul 
que  tous  les  liommes  reçoivent  la  justifica- 
tion et  la  vie  (Rom.  v,  15,  etc.).» 

Lorsque  les  incrédules  viennewt  nou^  fa- 


116S 


ORl 


ORP 


llfiS 


tiquer  par  des  objections,  nous  pouvons 
nous  borner  h  Jour  répondre  ayec  saint  Au- 
gustin :  «  Quoi(iue  je  ne  puisse  jias  rél'utcr 
tous  leurs  aigumcuts,  .le  vois  ceixdidant 
qu'il  faut  s'en  tenir  à  ce  que  l'Ecrilure  nous 
enscit,'nec!aii'einent  :  savoir,  qu'aucun  liunnue 
ne  peut  parvenir  à  la  vie  et  au  salut  éteinel, 
sans  iHre  associé  avec  Jésus-Christ,  et  que 
Dieu  ne  peut  condaunu^r  injustement  per- 
sonne ou  le  priver  in.iustenient  de  la  vie  et 
du  salut.  »  L.  m,  de  Pecc.  mcritis  et  remiss., 
C.  jv,  n.  7.  Le  Clerc,  dont  le  socinianisaia 
perce  au  travers  de  tous  ses  déguisernculs, 
s'est  élevé  avec  aigreur  contre  saint  Augus- 
tin, n  in-seulemeut  dans  ses  remarques  sur 
les  ouvrages  dis  ce  saint  docteur,  mais  encore 
dans  son  Uist.  eccles.,  an.  180,  §  30-3:},  et 
ailleurs.  Il  l'accuse  d'av(jir  forgé  le  dogme 
du  péilié  orif/hiel  et  d'avoir  forcé  le  sens  <le 
tous  les  passages  de  l 'Ecriture  «t  des  anciens 
Pères,  qu'il  a  cités  contre  les  pélagiens.  Selon 
lui,  les  premiers  docteurs  de  l'Eglise  n'ont 
pas  été  assez  maladroits  en  écrivant  contre 
ics  gnustiques,  les  valeatiniens  et  les  mar- 
cionites,  pour  enseigner  un  dogme  qui  aurait 
fait  triompher  ces  hérétiqiu  s.  Soutenir,  dit- 
il,  (|ue  les  méchants  sont  datunés,  parce 
qu'ils  n'ont  pas  pu  vaincre  la  corru[>tioa  de 
la  nature,  et  parce  qu'ils  n'ont  jias  reçu  de 
Dieu  les  secours  nécessaires  pour  en  venir 
h  bout;  ({u'aii  contraire,  les  b(ins  sont  sau- 
vés, parce  (jue  Dieu  les  a  excités  au  hi'>n  |iar 
des  grâces  nrésistibles;  que  des  enfants  in- 
nocents naissent  sous  un  ordre  de  Pro- 
vidence qui  leur  rend  le  péché  et  la  damna- 
tion inévitables,  n'aurait-ce  pas  été  donner 
aux  gnostiques  le  droit  de  conclure  (jue  le 
genre  humain  avait  été  créé  i  ar  un  être 
aveugle  et  méchant?  Mais  ce  critique  traves- 
tit la  doctrine  de  s-iint  .\ugustin  et  de  l'Eglise 
catholique  à  la  manière  de  Luther  et  de 
Calvin.  Dans  quels  ouvrages  saint  Augustin 
a-t-il  enseigné  les  blasphèmes  qu'il  lui  prête? 
Le  saint  docteur  a  constamment  soutenu 
que,  malgré  la  corruption  de  la  nature, 
l'homme  a  conservé  son  libre  arbitre,  et 
qu'il  en  jouit  encore;  que  Dieu  ne  refuse 
à  aucun  pécheur,  pas  même  au  plus  endui  ci, 
les  grâces  nécessaires  pour  vaincre  ses  pas- 
sions et  pour  se  sauver;  que  la  grâce  donnée 
aux  justes  n'est  |)oint  irrésistible,  que  sou- 
vent même  ils  y  résistent.  Enfin,  ce  Père  n'a 
pas  voulu  d  ci  ler  positivement  quel  est  le 
sort  éternel  lies  enfants  morts  sans  baptême. 
Nous  avons  prouvé  tous  ces  faits  dans  divers 
articles  de  ce  dictionnaire.  Voij.  Baptêmii:, 
§  G;  (ÎRiCE,  §  3  et  k;  Rédemption,  etc.  lin 
reprochant  à  saint  Augustin  de  tOidre  le 
sens  des  passages  dont  il  se  sert,  Le  Clerc 
lui-môme  eni|iloie  tous  les  détours  de  l'art 
S0|ihistique  pour  pervertir  le  sens  des  textes 
les  plus  clairs  de  l'Ecriture  et  des  Pères,  en 
particulier  de  saint  Irénée,  Hisl  eccle'.,  ibid. 
11  ne  serait  jias  dilHcile  de  lui  faire  voir 
que  le  dogme  du  péché  originel  à  été  de  tout 
temps  et  depuis  les  apôtres  la  doctrine  con- 
.stante  de  l'Eglise,  et  qu'il  ne  favorise  en  au- 
cune manière  le  système  impie  des  gnosti- 
ques; et  saint  Augustin  lui-même  a  répondu 


l^liis  d'une  fois  à  cette  objection  des  pél.i- 
gicns. 

Si  l'on  veut  connaître  les  opinions  des 
juifs  et  des  raahométans  sur  ce  |)oint  de 
doctrine,  on  peut  consulter  la  Dissertation 
de  dont  Calmet,  Bible  d'Avignon,  t.  XV, 
p.  331  (i). 

ORNEMENTS  DES  ÉGLISES.  Voy.  Eguses. 

OkNEMENTS  PONTIFflCiUK    ET   SACERPOrAOX. 

Voi/.  Habits. 

ORPHELIN.  Déjà  dans  l'ancienno  loi  Dieu 
s'était  déclaré  le  protecteur  rt  le  père  des 
orplielins;  il  était  ordonné  aux  Juifs  do  ne 
point  les  abandonner,  de  pourvoir  à  leur 
subsistance,  de  leur  laisser  un(î  partie  des 
fruits  lie  la  terre,  de  les  adincttic  au  renas 
des  fêtes  et  des  saerilices  (Deut.  xxiv,  17  et 
sniv.;  XVI,  11,  etc.).  Les  prophètes  ont  sou- 
vent répété  aux  Juifs  celte  leçon,  et  les  ont 
reiiris  de  leur  négligence  à  l'exécuter.  Le 
trésor  di'S  aumônes  gardées  dans  le  temple 
était  piincipalement  destiné  à  leur  enti'etien 
(//  Muchab.  iir,  lOi.  L'a|iôtre  saint  Jacques 
dit  aux  fidèles  que  l'acte  de  religion  le 
meilleur  et  le  jilus  agréable  à  Dieu  est  de 
consoler  les  veuves  et  les  orphelins  dans 
leurs  peini^s  (Jac.  i,  27);  à  plus  forte  raison 
de  soigner  et  d'élever  ces  enfinls  malheu- 
reux. C'est  cet  esprit  de  charité,  principal 
caiactère  du  christianisme,  qui  a  fait  établir 
une  multitude  d'asiles  pour  les  rec  voir,  et 
qui  donne  à  tant  de  vierges  chrétiennes  le 
courage  île  leur  servir  de  mères,  et  de  leur 
accorder  les  mêmes  soins  que  la  tendresse 
maternelle  pourrait  inspirer.  Dans  la  seule 
ville  de  Paris  il  y  a  ti  ois  ou  quatre  établis- 
sements lie  chirité  pour  élever  les  orphelins 
et  les  enfants  abandonnés  ;  la  Pitié ,  les 
Cent-Filles,  les  Orphelines,  etc.  Les  philo- 
sopiies  politiques  auraient  beau  faire  des 
dissertations  pour  prouver  que  l'hunianitô 
et  le  zèle  du  bien  public  exigent  cette  atten- 
tion, ils  auiaient  beau  même  propos  r  des 
sal.iires  et  des  récompenses,  si  la  religion 
n'en  promeitait  pas  de  plus  solides.  Jésus- 
Christ  a  dit  :  «  Je  tiendrai  pour  fait  à  moi- 
môme  ce  que  l'on  aura  fait  pour  le  moindre 
de  mes  frères  {Matth.  xxv,  kO).  »  Ces  cour- 
tes paroles  ont  fait  pratiquer  plus  de  bonnes 
œuvres  que  toutes  les  ricliesses  d'une  nation 
ae  pourraient  en  payer.  Quand  notre  reli- 
g'ion  n'aurait  point  d'autre  titre  de  recom- 
mandation que  le  soin  avec  lequel  elle  veille 

(1)  Les  partisans  de  V(Euvre  de  la  Miséricorde  ont 
aussi  aUai|iio  le  péché  originel.  Dans  leur  syslciiie, 
la  croyance  calliolùpie  sur  le  péché  originel  se  trouve 
eniieienient  renver.sée.  Dans  la  pcnsi>c  «les  nouveaux 
prédicanls,  ce  péché  ne  serait  antre  que  la  laule  per- 
sonnelle et  lie  libre  arbitre  île  l'esprii  ilétlin,  qui  est 
en  nous,  et  pour  l'explalion  tic  laquelle  il  aurait  éfé 
uni  il  notre  corps  et  a  noire  àuie.  Or,  il  esi  lie  fui 
que  ce  n'est  puiiil  par  une  faute  persunnelle  que  nous 
avons  contraciii  la  lâche  d'origine,  mais  par  la  j)ré- 
varication  d'Adam.  «  C'est  un  enseignement  consiani  • 
de  la  foi  catholique,  dit  siiini  Léon,  que  lésâmes 
des  hommes  n'ont  pas  existé  avant  d'ètn'  unies  à 
leurs  corps...  El  parce  que  tout  le  genre  humain  a 
été  vicié  par  la  prévarication  du  premier  homme 
{per  primi  hominis  pnvvaricalionein),  nui  ne  De  ut  étl>< 
délivré  que  par  le  sacrement  de  baptême,  i 


1167 


ORT 


OSE 


1168 


à  la  conservation  des  hommes,  c'en  serait 
assez  pour  la  faire  chérir  et  respecter.  Voy. 
Enfants  trouvés. 

ORTHODOXE,  ORTHODOXIE.  Ces  deux 
termes  sont  formés  du  grec  ip%ç,  droit,  et 
5oǫ,  opinion  ou  jugement.  On  appelle  auteur 
orthodoxe  celui  qui   n'enseigne  rien  que  de 
conforme  à  la  doctrine  de  l'Eglise,  et  Vor- 
thodoxir  est  ]a.  conformité  d'une  opinion  avec 
cette  règle  de  la  foi  ;  c'est  le  contraire  de 
l'hétérodoxie  ou  de  l'hérésie.  Ceux  qui  ne 
veulent  point  avoir  d'autre  règle  de  croyance 
que  leur  propre  jugement,  tournent  en  ridi- 
cule tant  qu'ils  peuvent  le  zèle  pour  l'ortho- 
doxie. Chez  la  plupart  des  hommes,  uisent- 
ils,  ce  zèle  ardent  tient  lieu  de  toutes  les 
vertus  ;  on   pense   môme    qu'il  peut  inno- 
center les    crimes,  et  il  n'en  est  aucun  que 
l'on  ne  se  permette  contre  ceux   que  l'on 
nomme  hérétiques  ou  incrédules.  Si  cela  était 
vrai,  nous  ne  voyons  pas  comment  il  pour- 
rait y  avoir  encore  au  monde  des  hérétiques 
et  des  incrédules  ;  dès  qu'ils  se  montreraient, 
ils  seraient  sûrs  d'être  exterminés,  et  ceux 
qui  prendraient  la  peine  de  s'en  défaire  se- 
raient assurés  d'une  approbation  générale. 
La  sécurité  avec  laquelle  la  religion  s'est 
trouvée  attaqu('e  dans  tous  les   temps  nous 
paraît  démonircr  qiie  le  zèle  de  l'orthodoxie 
ne  fut  jamais  aussi  violent  ni  aussi  meur- 
trier que  les  esprits  forts  voudraient  le  per- 
suader. Il  y  a  même  de  bonnes  raisons  de 
douter  si  eux-mêmes,  devenus  une  fois  les 
maîtres,  ne  seraient  ]ias  plus  injustes,  plus 
ardents,  plus  cruels  que  ceux  auxquels  ils 
attribuent  tous  ces  vices.  Nous  voyons  d'a- 
bord qu'aucun  hétérodoxe  ne  fut  fort  scru- 
puleux sur  le  choix  des  moyens  jiropres  à 
répandre  sa  doctrine,  à  se  faire  des  partisans, 
à  discréditer  et  à  ruiner  le  parti  de  ses  ad- 
versaires. Nous  jugeons,  en  second  lieu,  par 
la  véhémence  de  leur  style,  par  la  chaleur 
de  leurs  déclamations,  par  la  noirceur  de  leurs 
calomnies,  que  leur  caractère  n'est  pas  foit 
doux.  Enfin,  la  licence  des  mœurs  de  la  plu- 
part nous  donne  lieu  de  penser  qu'ils  n'ont 
pas   beaucoup  d'horreur  pour  toute  espèce 
de  crime  qui  pourrait  leur  être   utile,  dès 
qu'ils  seraient  en  état  de  le  commettre  im- 
punément. Dès  qu'il   est  incontestable  que 
la  religion  défend  et  proscrit  toute  mauvaise 
action  quelconque,  il  n'y  a  qu'un   cerveau 
dérangé  qui  puisse  se  persuader  qu'il  lui  est 
permis  d'en  commettre  une  par  zèle  pour  la 
pureté  de  la  foi.  Or,  nous  ne  comprenons  pas 
que  l'hérésie,   l'incrédulité    ni   l'athéisme, 
puissent  être  de  meilleurs  préservatifs  contre 
le  dérangement    du    cerveau    que  la  do- 
cilité des   croyants.    Voy.   Zèle    de   Reli- 
gion. 

OS.  Il  était  défendu  aux  Juifs  de  briser  les 
os  de  l'agneau  pascal  après  l'avoir  mangé 
{Exod.  XII,  i6).  On  ne  voit  pas  d'abord  quelle 
pouvait  être  la  raison  de  cette  défense;  mais 
saint  Jean  l'Evangéliste,  en  racontant  la  mort 
de  Jésus-Christ,  fait  remarquer  qu'on  ne  lui 
rompit  point  les  os,  comme  l'on  avait  fait 
aux  deux  larrons  crucifiés  avec  lui,  et  il  rap- 
porte à  ce  sujet  la  défense  de  VExode  :  Vous 


n'en  briserez  point  les  os  ;  afin  de  nous  faire 
comprendre  que  le  sacrifice  de  l'agneau  pas- 
cal était  une  ligure  de  celui  de  Jésus-Christ, 
immolé  pour  la  rédemption  du  monde.  Les 
Hébreux  disaient  :  Vous  êtes  ma  chair  et  mes 
os,  pour  dire.  Nous  sommes  de  môme  sang, 
nous  sommes  proches  parents  ;  cette  expres- 
sion semblait  faire  allusion  à  ce  que  dit 
Adam,  lorsqu'il  vit  l'épouse  qui  avait  été  ti- 
rée de  sa  propre  substance  :  Voilà  la  chair 
de  ma  chair  et  les  os  de  mes  os  (Gen.  n,  23). 
—  Les  os  signifient  quelquefois  la  force  du 
cor|is.  Ainsi,  le  Psalmiste  dit  :  Mes  os  sont 
affaissés,  disloqués,  brisés,  pour  exprimer  la 
perte  entière  de  ses  forces  ;  souvent  aussi  ils 
signifient  l'intérieur  de  l'homme  et  toute  sa 
substance  :  lorsque  Job  et  David  disent.  Mes 
os  sont  troublés,  effrayés,  humiliés,  c'est  com- 
me s'ils  disaient,  Le  trouble,  la  frayeur,  l'humi- 
liation, m'ont  saisi  tout  entier,  ont  pénétré 
jusqu'à  la  moelle  de  mes  os.  Pour  exprimer  la 
difficulté  de  se  défaire  des  mauvaises  habitu- 
des de  la  jeunesse.  Job  dit,  ch.  xx,  v.  11,  en 
parlant  d'un  pécheur  obstiné  :  Les  vices  de 
sa  jeunesse  demeureront  encore  dans  ses  os,  et 
dormiront  avec  lui  dans  la  poussière  du  tom- 
beau. 

Dieu  avait  ordonné  de  briser  et  de  réduire 
en  poudre  les  os  des   idohUres  et  des  im- 
pies, afin  q^u'il  ne  restât  rien  d'eux  après  leur 
mort  ;  ainsi  briser  les  os  des  pécheurs  signi- 
fie souvent  efï'acer  leur  mémoire.  11  est  dit,  au 
contraire,  que  Dieu  conservera,  engraissera, 
fera  germer   les  os  des  justes,  c'est-à-dire 
qu'il  conservera  leur  mémoire  et  la  rendra 
respectable.  C'est  une  allusion  à  l'usage  des 
patriarches  de  garder  par  respect  les  os  de 
leurs  pères,  alin  de  s'en  rappeler  le  souve  - 
nir.  Jose[)h  mourant  en  Egypte  ordonna  à 
ses  enfants  et  à  ses  proches  de  conserver  ses 
os  et  de  les  transporter  avec  eux  lorsqu'ils 
partiraient  de  l'Egypte  pour  se  rendre  dans 
la  Palestine  {Gen.  l,  15)  ;  et  Moïse  eut  grand 
soin  de  faire  exécuter  cette  dernière  volonté 
[Exod.  XIII,  19).  Saint  Paul   fait  remarquer 
la  foi  de  Josepli,  qui  attestait  ainsi  à  ses  des  ■ 
ceudants  que  Dieu  accomplirait  certainement 
les  promesses  qu'il   avait  faites  à  Abraham 
(Eébr.  XI,  22). 
OSCULUM.  Voy.  Baiser  de  paix. 
OSÉE  est  le  premier  des  douze  petits  pro- 
phètes ;  il  a  été  contemporain   d'Amos  et 
d'Isaïe  ;  il  commença  à  prophétiser  vers  l'an 
800  avant  l'ère  chrétienne,  et  continua  pen- 
dant plus  de  soixante-dix   ans  sous  les  rè- 
gnes d'Osias,  de  Joalhan,  d'Achaz  et  d'Ezé- 
chias,  rois  de  Juda.  Le  style  de  ce  prophète 
est  vif  et  sententieux  :  il  peint  avec  énergie 
l'idolâtrie  et  les  autres  crimes  des  Juifs  des 
deux  royaumes  de  Juda   et  d'Israël  ou  de 
Samarie  ;  il  annonce  le  châtiment  que  Dieu 
veut   en  tirer,  mais  il  promet  la  délivrance 
de  ces  deux  peuples  et  le  retour  des  boutés 
du  Seigneur  à  leur  égard.  Plusieurs  incré- 
dules ont  fait  des  reproches  contre  ce  pro- 
phète et  contre  ses  prédictions.   Ils   ont  dit 
d'abord  qu'Osée  était  né  chez  les  Samaritains, 
par  con^.équent  schismatique  et  idolâtre,  à 
moins  que  Dieu  ne  l'eût  préservé  de  co  criin* 


^169 


OSI 


OSI 


H70 


par  miracle.  Mais,  oiilro  tiue  le  lieu  de  la 
naissance  de  ce  propliète  n'est  jias  connu,  il 
est  évident  ])ar  sa  prophétie  qu'il  n'avait  au- 
cune part  à  l'idolâtrie  ni  au  schisme  de  Sa- 
marie,  puisqu'il  l'appelle  Bethavcn  ,  maison 
d'iniquité,  qu'il  lui  re[)roche  ses  infidélités 
et  lui  annonce  le  chAtimeiit  tei  rible  (jue  Dieu 
veut  en  tirer.  Selon  nos  critiques,  dans  le 
ch.  I,  v.  2  et  3 ,  Dieu  commande  à  Osée  de 
(irendre  une  prostituée,  d'en  avoir  des  en- 
fonts,  jiar  conséquent,  de  vivre  avec  elle  dans 
le  crime.  Mais  ils  traduisent  inlidéiemont  le 
texte  ;  il  jiorte  :  «  Prenez  pour  épouse  une 
prostituée  ou  plutôt  une  feuune  idolâtre  de 
bauiarie  La  Vulgate  ajoute,  faites-vous  des 
enfants,  et  l'Hébreu  dit  sinqiloment  et  des 
enfants  de  fornication,  ou  nés  d'un  mauvais 
commerce.  Il  est  évident,  1°  que  l'idolâtrie 
des  Samaritains  est  appelée  fornication  ou 
prostitution,  non-seulement  par  Osée,  mais 
par  d'auti>es  prophètes  ;  la  terre  des  fornica- 
tions est  une  terre  ido'Atre  ;  par  conséquent 
une  femme  et  des  enfants  de  fornication  sont 
uni^  Samaritaine  et  ses  enfants.  2°  Quand  il 
s'agirait  d'une  prostituée,  ce  n'est  pas  un 
crime  de  l'épouser,  c'est  au  contraire  la  r(!- 
tirer  du  désordre,  et  les  enfants  qui  en  naî- 
tront ne  peuvent  être  appelés  enfants  de  for- 
nication que  par  ra.nport  h  1 1  vie  précédente 
de  leur  mère.  Les  obscénités  grossières  que 
le  plus  célèbre  de  nos  incrédules  a  vomies  à 
cette  occasion  ne  prouvent  que  la  corruption 
dégoûtante  de  ses  mœurs. 

Dansl(!  ch.  m,  v.  1,  Dieu  ordonne  encore 
à  Osée  de  témoii^ner  de  l'attection  à  une  fem- 
me adultère  ,  mais  il  ne  lui  commande  ni  de 
l'épouser,  ni  d'avoir  commerce  avec  elle  ;  au 
contraire,  le  [)rophète  dit  à  cette  femme  : 
«  Vous  m'attendrez  longtemps,  vous  n'aurez 
commerce  avec  aucun  homme,  el  je  vous  at- 
tendrai moi-môme,  parce  que  les  Israélites 
seront  longtemps  sans  rois,  sans  chefs,  sans 
sacrilices,  etc.,  et  ensuite  ils  r(!vii  ndront  au 
Seigneur  :  »  il  n'est  donc  encore  ici  question 
d'aucun  crime  ni  d'aucune  indécence.  Cha- 
pitre XIV,  V.  1,  Osée  lance,  dit-on,  des  malé- 
dictions l'uiieuses  contre  les  Saïuaritains  : 
«  Périsse  Samarie,  parce  qu'elle  a  irrité  son 
Dieu!  que  ses  habitants  meurent  par  le 
glaive,  (jue  ses  enfants  soient  écrasés,  que 
ses  femmes  enceintes  soient  évcntréesl  »  De 
là  on  a  c(mclu  doctement  que  les  jirophètes 
juifs  étaient  des  fanatiques  furieux  qui  se 
croyaient  tout  permis  contre  les  schismati- 
ques  et  les  hérétiques.  Ne  sont-ce  pas  plutôt 
leurs  calonmiatcurs  qui  méritent  ces  titres  ? 
Ici,  ce  n'est  pas  le  prophète  qui  parle,  c'est 
Dieu  qui  aimonce  ce  qu'il  veut  et  ce  qu'il 
fera,  c.  xin,  v.  4  :  Je  suis  le  Seigneur  ton 
Dieu,  etc.  ;  »  c.  xiv,  v.  9  :  C'est  moi  qui 
exaucerai  Ephraim  ;  je  le  ferai  croître  comme 
un  sapin  vert,  etc.  Osée  a-t-il  pu  ainsi  parler 
de  sou  chef?  D'ailleurs,  au  mot  Imprécation, 
nous  avons  fait  voir  que  les  malédictions 
qui  se  trouvent  dans  les  prophéties  et  dans 
les  psaumes  sont  des  prédictions  et  rien  de 
plus. 

OSIANDRIENS,  secte  de  luthériens,  formée 
par  André  Osiander,  disciple,  collègue  et  en- 


suite rival  de  Luther.  Pour  avoir  le  plaisir 
de  dogmatiser  en  chef,  il  soutint,  contre  son 
maître,  que  nous  ne  sommes  point  justifiés 
par  l'imputation  de  la  justice  do  Jésus-Christ, 
mais  que  nous  le  sommes  formellement  par 
la  justice  essentielle  de  Dieu.  Pour  le  prou- 
ver, il  répétait  à  .tout  moment  ces  paroles 
d'Isaïe  et  de  Jérémie  :  Le  Seigneur  est  notre 
justice.  Mais  quand  ils  disent  que  Dieu  est 
notre  bras,  notre  force,  notre  salut,  s'eiisuit- 
il  (|u'il  l'est  formellement  et  substantielle- 
ment ?  Cette  absunlité,  imaginée  par  Osian- 
der, ne  laissa  pas  de  partager  l'université  de 
Kœnigsberg,  et  de  se  répandre  dans  toute  la 
Prusse.  Ce  prédicant,  d'ailleurs,  n'était  pas 
très-réglé  dans  ses  mœurs,  non  plus  que  ses 
collègues.  Voy.  Luthériens. 

*  OSIKIS.  11  n'est  pas  une  divinili'  iln  pag.itiismc 
au  fond  de  laquelle  ou  ne  retrouve  (inelque  idée  de 
la  révélation  primitive.  «  Le  dogme  d*lj  Trinité,  dit 
Sclmiilt,  celui  de  l'Uniié,  sont  la  base  el  la  pierre 
l'ondameiUale  des  mystères.  A  cette  idée  première  se 
rattache  immédiatement  la  croyance  en  un  dieu  ré- 
vélé et  réconciliateur,  qui  en  est  l'objet  essentiel. 
Celle  croyance  donna  lieu  aussi  à  l'espèce  de  repré- 
sentation dramatique,  si  intimement  liée  au  (julte, 
que  l"on  olfrait  annuellement  au  peuple.  Voici  en 
quoi  consistait  ce  spectacle  :  i  Le  dieu  révélé  (  Osi- 
ris,  honoré  sous  leiiiblème  du  soleil)  naît  sous  la 
forme  d'un  enfant  ;  une  étoile  annonce  sa  naissance. 
Le  dieu  grandit,  se  trouve  obligé  de  prendre  la  fuile, 
poursuivi  par  des  animaux  féroces  ;  succombant  enfin 
a  la  persécution,  il  meurt.  Alors  commence  un  deuil 
solennel  ;  le  dieu  du  soleil,  naguère  privé  de  la  vie, 
ressuscite,  et  l'on  célèbre  sa  rcsurreciion.  >  Suivant 
d'autres  témoignages  (Plut.,  de  Inde  et  Otiride),  les 
Egyiitiens  avaient  la  mer  en  horreur  ;  ils  rappelaient 
Typhon,  et  racontaient  que  Typhon  (ijui  était  leur 
mauvais  principe,  de  même  qu'Aliriuian  était  celui 
des  Perses)  avait  poursuivi  son  frère  Osiris;  qu'il 
l'avait  enfermé  dans  un  coffre,  le  17  du  mois  Athyx, 
i|ui  est  le  deuxième  après  l'équinoxe  d'automne.  Il  ne 
suflit  point  :i  Typhon  d'avoir,  à  l'aide  de  soixante  et 
douze  conspirateurs,  ainsi  enfermé  son  frère  Osiris, 
de  l'avoir  tué  et  jeté  ensuite  dans  la  mer  avec  le 
coffre  :  la  sage  Isis,  instruite  du  sort  de  son  époux, 
ayant  trouvé  son  cadavre  que  les  eaux  avaient  ra- 
mené sur  le  rivage,  conservait  ce  triste  débris,  quand 
Typhon  le  découvrit  et  le  coupa  en  morceaux.  La 
déesse  parvint,  néanmoins,  à  rassembler  les  mem- 
bres épars  d'Osiris  et  à  les  réunir  dans  une  tombe. 
Chose  miraculeuse  !  ses  membres  une  fois  déposes 
dans  le  tombeau,  Osiris,  à  ce  que  l'on  prétend,  re- 
couvra la  vie.  Le  sens  de  celte  histoire  s'expliquait 
dans  les  mystères.  Comme  le  dieu  qui  avait  daigné 
habiter  parmi  les  hommes  était  honoré  sous  l'em- 
blème du  soleil,  son  culte  devint  celui  de  cet  astre, 
et  les  circonslances  de  son  histoire  lurent  mises  en 
rapport  avec  le  cours  du  soleil.  C'est  ainsi  que  les 
honneurs,  d'abord  rendus  à  la  Divinité,  dégénérèrent 
en  une  simple  adoration  de  la  lumière,  et  que  l'allé- 
gorie primitive  se  matérialisa,  pour  ainsi  dire.  L'ido- 
lâtrie de  l'Egypte  résulte  de  la  prépondérance  qu'u- 
surpèrent les  noms  et  les  emblèmes  sur  les  idées 
religieuses.  Au  commencement  l'idée  était  traduite 
par  un  symbole;  puis  on  lui  attribua  un  nom,  on  la 
personnilia,  et  ainsi  se  constitua  le  culte  <les  idoles. 
Notre  intérêt  doit  naturellement  se  concentrer  sur  Je 
nom  d'Osiris.  C'est  ce  dieu  bienfaisant  que  nous  trou- 
vons chez  tous  les  peuples,  qui  habite  au  milieu  des 
hommes,  et  qui  les  rend  heureux.  L'Egypte,  comme 
toutes  les  autres  contrées,  l'honora  sous  l'image  du 
soleil.  Il  subit  une  persécution,  de  cruelles  souf- 
frances et  enfin  la  niurl.  Vénéré  dans  les  mystères 
égyptiens,  comme  un  mot  emblématique  et  exprès- 


1171 


PAC 


sif,  le  nom  d'Osiris  allesio  à  nos  yeux  lexislsiice  de 
la  tradition  relative  à  la  future  rédemption  du  monde. 
Aucun  homme  raisonnable  ne  se  refusera  à  cette 


PAC 


1172 


ediiséquence,  en  voyant  la  même  idée,  sauf  la  diver- 
sité des  tenues,  se  reproduire  fidèlement  ebez  tous 
les  peuples. 


PACIAIRES.  Voy.  Trêve  de  Dieu. 

PACIEN  (saint),  évêque  de  Barcelone,  mort 
sur  la  fin  du  iv  siècle  et  mis  au  rang  des 
Pères  de  l'Eglise.  H  a  laissé  ouelques  ouvra- 
ges qui  se  trouvent  dans  la  Bibliothèque  des 
\  Pères  et  dans  le  Recueil  des  Conciles  d'Espa- 
gne ;  le  principal  est  une  réfutation  des  dona- 
tistes  et  des  novatiens. 

PACIFIQUE  (hostie).  Fo?/.  Hostie. 

Pacifiques,  ou  Pacificateurs.  On  nomma 
ainsi,  1°  au  vi'   siècle,  ceux  qui  suivaioiit 
YHénotique  de  l'empereur    Zenon,    et    qui, 
sous  prétexte  de  réconcilier  les  catholiques 
avecles  eutychiens, s'écartaient  desdécisions 
du  concile  de  Chalcédoine  ;  comme  s'il  était 
permis  de  chang  t  quelque  chose  îi  la  foi  do 
l'Egliseparcomplaisance  peuples  hérétiques. 
Toy.  HÉNOTiQUE  —  S"  Au  -su"  siècle,   ceux 
qui  formèrent  entre  eux  une  association  re- 
ligieuse et  guerrière,  pour  pur^'er  nos  pro- 
vinces méridionales  d'une  m  Itilude  de  ban- 
dits, qui,  sous  le  nom  de  brabançons  et  de 
cotereaux,  y  exerçaient  des  violences  inouïe-, 
pillaient  le  sacré  et  le  profane,  mettaient  les 
villes  et  les  villages  à  feu  et  à  sang.  C'était 
un  reste  de  troupes  anglaises  que  les  fils  du 
roi  d'Angleterre  avaient  accoutumées  au  pil- 
lage. L'associât  on  dont  nous  jjarlons  se  for- 
ma vers  l'an  1183,  au  Puy  en  Vêlai,  et  les 
historiens  du  temps  en  citent  des  prodiges 
de  valeur,  Eist.    de   l'Egl.  gallic,   tora.  X, 
1.  xxviii,  an  1183.— 3»  On  donna  encore,  dans 
le  xvi'  siècle,  le  même  nom  à  certains  ana- 
baptistes qui  jiarcouraient  les  bourgs  et  les 
villages,  en  disant  qu'ils  annonçaient  la  paix, 
et  qui  par  cet  artifice  séduisaient  les  peuples. 
En  général  les  hérétiques  ne  veulent  la  paix 
qu'il  condition  quel'i  n  suivra  leur  doctrine 
et  que  l'on  adoptera  toutes  leurs  idées.  — 
4*  L'on  a  pu  enfin  désigner  ainsi  les  théolo- 
giens syncrétistes  ou  conciliateurs,  qui  ont 
cherché  un  milieu   pour  accorder  soit  les 
catholiques  avec  les  protestants,  soit  les  dif- 
férentes sectes  de  ces  derniers  enire  elles,  et 
qui  tous  ont  fort  mal  réussi.  Voy.  Syncré- 
tistes. 

PACTE,  convention  expresse  ou  tacite  faite 
avec  le  démon,  dans  l'espérance  d'obtenir 
par  son  entremise  des  choses  qui  passant  les 
forces  de  la  nature.  Un  pacte  peut  donc  être 
exprès  et  fonnel,  ou  tacite  et  équivalent.  Il 
est  censé  exprès  et  formel,  1°  lorsque  par 
soi-même  l'on  invoque  expressément  le  dé- 
mon, et  que  l'on  demande  son  secours,  soit 
que  l*on  voie  réellement  cet  esprit  de  ténè- 
bres, soit  que  l'un  croie  le  voir;  2°  quand  on 
l'invcque  par  le  mii.istère  de  ceux  qu'on 
croit  être  eu  relation  et  en  commerce  avec 
lui.  Le  pacte  est  seulement  tacite  ou  équiva- 
le.-it  lorsque  l'on  se  borne  à  faire  une  chose 


de  laquelle  on  espère  un  effet  qu'elle  ne  peut 
produire  naturellement  ni  surnaturellenient 
et  par  l'opération  de  Dieu,  parce  qu'alors  on 
ne  peut  espérer  cet  effet  (|ue  par  l'interven- 
tion du  démon.  Ceux,  par  exemple,  qui  pré- 
tendent guérir  des  maladies  par  des  paroles, 
doivent  comprendre  que  les  paroles    n'ont 
pas  naturellement  cette   vertu.  Dieu  n'y  a 
pas  attaché  non  plus  cette  efficacité  ;  si  donc 
elles  produis<iient  cet  effet ,  ce  ne   pourrait 
être  que  par  l'opération  de  l'esprit  infernal. 
De  là  les  théologiens  conclurent  que   non- 
seulement  toute  espèce  de  magie,  mais  encore 
toute  espèce  de  supersliliou  renferme  un  pacte, 
au  moins  tacite  ou   équivalent,  avec  le  dé- 
mon, puisqii'aucune  pratique  superstitieuse 
ne  peut  rien  produire,  à  moins  qu'il  ne  S'en 
mêle.  C'est  le  sentiment  de  saint  Augustin, 
de  saint  Thomas  et  de  tous  ceux  qui    ont 
traité  ceite  matière.  Il  n'est  pas  nécessaire 
de  prouver  que  tout  pacte  avec  l'esprit  im- 
pur est  un  crime  abominable  ;  puisque  l'in- 
voquer expressément    ou   équiva  emment, 
c'est  lui  rendre  un  culte,  c'est  doue  un  acte 
d'idolâtrie  ;  attendre  de  lui  ce  que  l'on  sait 
bien  que   Dieu  ne   veut  pas  nous  accorder, 
c'est  en  quelque  manière  le  mettre  à  la  place 
de  Dieu,  et  lui  donner  plus  de  con;iance  qu'à 
Dieu.    La    loi   divine   le    défend  expresse' 
ment  :  Jésus-Christ  a  mis  en  fuite  l'esprit 
tentateur,  en  lui  répétant  ces  jiaroles  -.e  la 
loi  :  Tu  adoreras   le  Seigneur  ton  Dieu  ci  tu 
le  serviras  seul    [Matlh.  iv,   lOj  ;  il  est  venu 
sur  1»  terre  pour  détruire  les  œuvres  du  dé- 
mdn  [1  Joan.  m,  8).  L'Eglise,  dans  tous  les 
temps,  a  condamné  toutes  les  pratiques  su- 
perstitieuses ou  magiques,  et  a  dit  anathème 
à  ceux  (pii  y  avaient  recours.  C'est  un  reste 
de  paganisme  d'autant  plus  diflicile  à  déra- 
cine.', que   la   curiosité,  l'intérêt  aveugle, 
l'envie  de  se  délivrer  promptement  d'un  ma) 
ou  d'obtenir  un  bien,   sont  des  passions  â 
peu  près  incurables.  La  seule  raison ,  qui 
peut  dominer  jusqu'à   un  certain  point   le 
crime  des  superstitions,  est  l'ignorance  ou 
plutôt  la  stupidité  de  ceux  qui  les  pratiquent. 
Thiers,  Truitédes  Superst.,  t.  1, 1. 1,  c.  1  et  10. 
Nos  philosophes,   toujours   très-confiants 
en   leur  jiropres  lumières,  ont  décidé  que 
tout  pacte  et  tout  commerce  avec  le  démon 
sont  purement  imaginaires  ;  que  si  quelques 
insensés  ont  cru  traiter  n'ellement  avec  lui, 
ce  n'a  \ni  être  qu'en  rêvant  ;  que  tous  ceux 
qui  se  sont  vantés  d'opérer  des  pro.iiges  par 
son  entremise  sont  des  imposteurs,  et  que 
tous  ceux  qui  y  ajoutent  foi  sont  des  imbé- 
ciles. Ils  prétendent  que  les  lois  de  l'Eglise 
et  les  décisions  des  théologiens  ne  peuvent 
aboutir  qu'à  entretenir  sur  ce  point  (a  crédu- 
lité et  les  erreurs  populaiies.  —  1°  Quand  il 
serait  vrai  que  tout  ce  que  l'un  a  cru  et  pu- 


1173 


PAG 


lilié  dans  Ions  les  siècles  touchant  les  opéra- 
tions du  démon  sont  îles  fabl<'s,  les  insensés 
dont  nous  parlons  ne  seraient  pas  moins 
coupaliles,  puisqu'ils  ont  eu  réellement  la 
volonté  et  l'uilention  d'avoir  directement  ou 
indirectement  comm  rce  avec  resjirit  impur. 
Les  lois  et  les  censures  de  l'Ei^lise  ser.tient 
donc  toujours  justes  j  elles  sont  absolument 
aécessaiies  pour  préserver  les  peuples  de 
toute  coniinnceaux  prati(|ues  superstitieuses, 
puisqu'enlin  le  peuple  est  incapable  de  se 
détromper  de  ses  erreurs  par  des  spécula- 
tions pinlosophi(iues;  et  quand  il  serait  en 
état  d'y  coniprendr  quelque  chose,  les  phi- 
losophes no  se  donneinient  pas  la  peine  de 
l'instruire.  —  2°  Ces  savanis  dissertateuis 
.sont-ils  en  état  de  démontrer  par  des  [ireu- 
ves  positives  la  fausseté  de  tout  ce  qui  «été 
dit  sur  ce  point  |)ar  les  écrivains  sncrés,  par 
les  anciens  philosophes,  par  les  Pères  de 
l'Kglise,  par  les  voyageurs  qui  se  donnent 
pour  témoins  oculaires  de  ce  qu'ils  rappor- 
tent ?  Il  est  aisé  de  dire,  Cela  n'est  pas  vrai, 
Ci-la  est  impossible  ;  mais  où  est  la  démon- 
stration ?  Des  lémoignaj^es  positifs  sont  une 
preuve,  l'ignorance  incrédule  n'en  est  pas 
une.  —  3*  Ce  ne  sont  point  les  lois  de  l'K- 
yiise  ni  les  0|iinions  des  théologiens  qui  ont 
})ersiiadé  aux  Caraïbes  de  l'Amérique,  aux 
indiens,  aux  nèi^res  de  Guinée,  ni  aux  La- 
pons, qu'ils  sont  en  commerce  avec  des  es- 
prits, ni  qui  leur  ont  appris  à  pratiquer  la 
magie  ;  cet  art  infernal  est  plus  ancien  qui^ 
le  christianisme,  et noti(Meligionra  extirpé, 
ou  du  moins  l'a  rendu  Ires-rare  partout 
où  elle  s'est  établie.  Voy.  Démo\  ,  Ma- 
GiK ,  etc. 

Pacte  social.  Voy.  Société. 

P^DOBAPriS"\lÈ.  Voy.  Baptême  des  en- 
fants. 

PAGANISME,  païens.  Le  paganisme  est  le 
polytliéisme  joint  h  ridol.''itrie,  c'(»st-k- lire  la 
croyance  de  plusieuis  tiieux  etleculte  qu'on 
leur  rend  dans  les  idoles  ou  simulacres  qui 
les  représentent.  On  croit  que  ce  nom  est 
venu  de  ce  tju'après  riHablissement  du  chri- 
stianisme, les  liaJjitanfs  de  la  campagne  que 
nous  nommons  les  paysans,  pagani,  furent 
les  derniers  qui  demeurèrent  attachés  au 
culte  des  faux  dieux,  et  ijui  continuèrent  à 
1  '  pratiquer,  pemiant  que  les  habitants  des 
vrlies  et  tims  les  hommes  instruits  s'étaient 
faits  chrétiens.  De  là  il  est  arrivé  que  poly- 
Ihéisme,  idolâtrie,  paganisme,  sont  devenus 
des  termes  synonymes.  Depuis  iju'il  a  plu 
aux  incrédules  de  justitier  ou  d'excuser  tou- 
tes les  fausses  religions  pour  calomnier  la 
vraie,  de  pallier  les  absurdités  et  les  crimes 
du  paganisme,  alin  de  les  fane  retomber  sur 
les  adorateurs  d'un  seul  Dieu,  il  est  devenu 
n'cessaire  de  conn.dtre  à  fond  le  système 
des  païens,  son  origine,  ses  progrès,  les  ef- 
fets qu'd  a  pi'oduits,  les  conséquences  qui 
s'en  sont  ensuivies;  sans  cela  l'on  no  com- 
prend! ait  pas  assez,  l'importance  du  service 
(jue  les  leçons  de  Jésus-Christ  ont  rendu  au 
geiu'e  humain,  et  l'on  ne  serait  pas  en  état 
de  réfuter  l'olieux  parallèle  que  les  hé'réti- 
ques   ont   osé   faire    entre  le  culte  praticiué 


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dans  l'Eglise  cathohque  et  celui  des  païens. 
Nous  croyonsavoir  dé'jh  suffisamment  éclai.rci 
ce  sujet  au  mol  Îdoi.atiiik  ;  mais  nous  n'a- 
vons pas  encore  discuté  les  divers  systèmes 
que  nos  adversaires  ont  imaginés  pour  en 
imposer  aux  ignorants.  Ils  ont  môle  cl'ailleurs 
ti  ci'Ue  matière  certaines  questions  inciden- 
tes, touchant  lesquelles  il  est  bon  de  savoir 
ce  qu'il  y  a  de  v/;ai  ou  de  faux. 

Nous  avons  donc  à  examiner,  1°  si  les 
dieux  des  païens  ont  été  des  hommes,  et  si 
l'idolAtrie  a  commencé  dans  le  numdepar  le 
cidte  des  morts  ;  2°  si  le  polythéisme  a  été 
la  première  religion  du  genre  humain;  3- si 
les  polythéistes  ont  admis  un  Dieu  suprême 
auquel  ait  pu  se  rapporter  le  culte  rendu  aux 
dieux  populaires;  4-°  si  l'on  peut  en  quelque 
manière  excuser  l'idolâtrie;  5°  si  les  lois 
portées  par  Moïse  contre  ce  crime  étaient 
trop  sévères  ;  C°  si  parmi  les  Pères  de  l'E- 
glise il  y  en  a  quelques-uns  qui  l'aient  ex- 
cusé, et  d'autres  qui  l'aient  condamné  avec 
trop  de  rigueur  ;  7"  de  auelle  manière  les 
païens  ont  défendu  leur  religion  lorsqu'elle 
a  été  attaquée  par  les  docteurs  chrétiens  ; 
8"  si  les  prolestants  sont  venus  à  bout  (h; 
pouver  ([uc  le  culte  rendu  aux  saints  et  h 
leurs  images  par  les  catholiques  est  une 
idolâtrie.  On  doit  prévoir  que  dans  toutes 
ces  discussions  nous  serons  souvent  obligés 
de  répéter  en  gros  les  principes  et  les  faits 
que  nous  avons  posés  ailleurs. 

§  I.  Les  dieux  du  paganisme  ont-ils  été  des 
hommes?  An  mot  Idolvtuie,  nous  avons 
prouvé  par  l'Ecriture  sainte,  par  le  sentiment 
des  philosophes  les  plus  célèbres,  par  le  ré- 
cit des  poètes,  que  ces  dieux  préiendus 
étaient  des  esprits,  des  génies,  des  intelli- 
gences que  les  païens  supposaient  logés  dans 
toutes  les  parties  de  la  nature,  et  auxquelles 
ils  en  attribuaient  tous  les  phénomènes  ;  que 
c'étaient  par  conséquent  des  êtres  imaginai- 
res qui  n'ont  jamais  exîst  •.  Ce  Sentiment, 
quelque  certain  qu'il  nous  ail  paru,  a  été  dt- 
taqué  par  de  savants  écriv.iins  ;  ils  ont  pensé 
que  le  polythéisme  a  commencé  par  hono- 
rer les  âmes  des  morts,  qu'ainsi  les  dieux 
des  païens  ont  été  des  hommes  qui  ont  vécu 
dans  les  premiers  âges  du  monde.  Quoique 
nous  fassions  beaucoup  de  cas  de  le  ir  éru- 
dition, ils  ne nouspiraissentavoir fondé  leurs 
différentes  hypothèses  que  sur  des  vraisem- 
blances, et  non  sur  aucune  (reuve  positive  ; 
aucun  n'a  dircctemenl  attaqué  celles  que 
nous  avons  données  de  notre  opinion,  c'est 
assez  déjà  i)0ur  nous  y  conHimer.  Mais  nous 
en  avons  encore  plusieurs  à  [iroposer.  — 
1°  L'on  ne  peut  pas  douter  que  le  iiolylhéis- 
me  et  l'idol 'trie  ne  soient  nés  chez  des  na- 
tions plon,.:,ées  dans  l'état  de  Ijarharie,  puis- 
que Ion  n'en  a  presque  trouvé  aucune  dans 
cet  état  qui  ne  fût  polythéiste  et  idolâtre. 
Pour  l'être,  il  n'est  pas  nécessaire  d'avoir  des 
statues  ou  des  images  travaillées,  il  su/ht 
d'adorer  un  objet  matériel  quelconque,  en 
le  supposant  animé  [lar  lhi  génie  intelligent 
el  puissant,  duquel  dépend  notre  destinée. 
Lorsque  les  Grecs  adoiaient  ^'énus  sous  la 
forme  d'une  borne  ou  d'une  pyramide  blan- 


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che,  ils  n'étaient  jias  moins  idolAties  que 
quand  ils  offrirent  leur  encens  à  la  Vénus 
ae  Praxitèle.  Mais  dans  l'état  sauvage,  lors- 
que les  familles  sont  encore  éparses,  isolées, 
tout  occupées  de  leur  subsistance  animale, 
il  ne  peut  y  avoir  parmi  elles  aucun  [)erson- 
nage  assez  important  ni  assez  grand  pour 
s'attirer  l'attention  de  ses  semblables.  On  ne 
peut  en  citer  aucun  exemple  chez  les  peu- 
ples anciens  ni  chez  les  sauvages  modernes. 
Tous  connaissent  cependant  des  esprits,  des 
génies,  des  manitous,  des  fétiches,  qu'ils  re- 
doutent et  qu'ils  révèrent,  et  ces  esprits  ne 
sont  point  les  âmes  des  morts.  —  2°  Suivant 
l'histoire  sainte,  les  Chaldéens  ont  été  les 
plus  anciens  polythéistes,  et,  selon  le  té- 
moignage de  tous  les  auteurs  profanes,  ils 
adoraient  les  astres.  S'ils  avaient  aussi  rendu 
un  culte  aux  âmes  des  morts,  il  serait  fort 
singulier  qu'ils  n'eussent  divinisé  aucun  des 
anciens  patriarches,  qui  étaient  leurs  aieux, 
et  desquels  ils  ne  pouvaient  avoir  perdu  la 
mémoire.  Noé  et  Sem,  qui  étaient  la  tige  de 
leur  nation,  ne  méiitaient-ils  pas  plutôt  des 
autels  qu'un  prétendu  roi  Bélus  qu'on  leur 
donne  pour  premier  roi,  et  dont  l'existence 
n'est  rien  moins  que  certaine  ?  Il  en  est  de 
même  des  Egyptiens  ;  ils  reconnaissaient  Me- 
nés pour  leur  premier  roi,  et  il  est  très-pro- 
bable que  Menés  était  Noé  ;  mais  ce  n'était 
pas  leur  premier  dieu.  Suivant  tous  les  au- 
teurs égyptiens,  le  lègne  des  rois  avait  été 
précédé  chez  eux  par  le  règne  des  dieux,  et 
ceux-ci,  tels  qu'Osiris,  Sérapis,  Isis,  Anubis, 
etc.,  n'étaient  certainement  pns des  hommes, 
quoique  plusieurs  écrivains  se  soient  obsti- 
nés à  les  regarder  comme  tels.  —  3"  Chez 
les  Grecs  et  chez  les  Romains,  le  culte  des 
grands  dieux,  des  dieux  anciens,  fut  toujours 
distingué  d'avec  celui  des  héros  ou  des 
grands  hommes;  nous  le  voyons  par  la  théo- 
gonie d'Hésiode,  qui  est  le  plus  ancien  des 
mythologues.  Or,  si  les  grands  dieux,  tels 
que  Jupiter,  Mars,  Vénus,  etc.,  avaient  été 
des  hommes,  cette  distinction  ne  serait  fon- 
dée sur  rien.  La  plus  ancienne  apothéose 
dont  les  Romains  eussent  connaissance  était 
celle  de  Romulus.  De  môme,  chez  les  Chi- 
nois, le  culte  des  ancêtres  est  très-différent 
de  celui  que  l'on  rend  aux  esprits  moteurs 
de  la  nature,  au  ciel,  à  la  terre,  aux  tleuves, 
etc.  Cela  est  certain  par  le  Chou-Ring  et  par 
les  leçons  de  Confucius.  Cette  considération 
seule  aurait  dû  détromper  les  partisans  du 
sysième  que  nous  attaquons.  —  k"  L'on  ne 
peut  pas  prouver  que  les  anciens  païens  se 
soient  avisés  de  placer  les  morts  dans  le  so- 
leil, dans  la  lune,  dans  les  autres  astres,  ni 
dans  les  éléments,  et  on  ne  voit  aucun  ves- 
tige de  cette  opinion  chez  les  polythéistes 
modernes.  Les  philosophes,  qui  ont  cru 
comme  le  peuple  que  les  astres  étaient  ani- 
més, n'ont  pas  imaginé  que  c'étaient  des 
âmes  humaines  qui  s'y  étaient  allées  loger, 
et  qui  faisaient  mouvoir  ces  grands  cor|is  : 
un  tel  pouvoir  est  trop  supérieur  aux  forces 
de  l'humanité.  Platon,  dit,  à  la  vérité,  qu'a- 
près la  mort  d'un  homme  son  âme  va  se  réu- 
nir à  l'astre  qui  lui  convient;  mais  il  ensei- 


gne dans  le  môme  ouvrage  que  les  astres, 
en  corps  et  en  âme,  ont  existé  longtemps 
avant  que  la  race  des  hommes  fût  formée. 
Suivant  l'opinion  populaire,  les  âmes  des 
morts  étoient  dans  les  enfers  ou  dans  les 
champs  élysées  ;  on  ne  les  croyait  point  dis- 
persées dans  les  différentes  parties  de  la  na- 
ture. On  ne  peut  pas  prouver  non  plus  que 
les  Egyptiens  ont  supposé,  dans  les  animaux 
qu'ils  adoraient,  des  âmes  qui  avaient  été 
autrefois  dans  un  corps  humain;  mais  ils  y 
ont  certainement  supposé  des  espiits,  des 
génies,  des  dieux  plus  intelligents  et  plus 
puissants  que  les  hommes.  Le  philosophe 
Celse  soutient  très-sérieusement  cette  opi- 
nion dans  Origène,  1.  iv,  n.  88. — 5°  Dans  une 
question  d'histoire  et  de  critique,  nous  som- 
mes en  droit  de  citer  le  sentiment  des  diQé- 
rentes  sectes  de  gnostiques  qui  ont  paru 
dans  le  second  siècle  de  l'Eglise,  et  qui 
avaient  puisé  leur  doctrine  chez  les  philoso- 
phes, soit  grecs,  soit  orientaux  :  aucun  de  ces 
sectaires  n'a  enseigné  que  les  dieux  des 
païens  étaient  des  hommes  déifiés  après  leur 
mort  ;  tous  ont  pensé  que  c'étaient  des  gé- 
nies ou  des  esprits  inférieurs  à  Dieu,  et  qui 
avaient  eu  l'ambition  de  se  faire  adorer  par 
les  hommes.  Voy.  Gnostiques,  Valenti- 
NiE\s,  etc. 

Nous  cherchons  vainement  dans  les  divers 
monuments  de  la  croyance  des  païens  des 
argumei  ts  qui  prouvent  que  les  dieux  an- 
ciens, les  dieux  principaux  et  en  plus  grand 
nombi  e  ont  été  des  hommes  déifiés  ;  nous 
n'y  trouvons  que  le  contraire.  Cependant  les 
plus  habiles  critiques  protestants  ont  em- 
brassé ce  système  ;  nous  verrons  ci-après 
par  quel  motif.  Beausobre,  Ilist.  du  Manich., 
t.  II,  1.  IX,  c.  IV,  §  2  et  suiv.,  prétend  queles 
dieux  des  païens  w'onf^^t;'  que  des  hommes; 
que  cela  est  démontré  par  plusieurs  de  leurs 
cérémonies.  Mais,  dans  cet  endioit  même,  il 
est  forcé  de  se  rétracter  et  de  distinguer 
deux  espèces  d'idolâtrie,  savoir,  l'adoration 
des  intelligences  ou  des  esprits  que  l'on  sup- 
posait dans  les  astres  et  dans  toute  la  nature, 
et  ensuite  l'adoration  des  âmes  des  grands 
lionnues.  Voilà  donc  des  dieux  de  deux  es- 
pèces ;  la  question  est  de  savoir  à  laquelle  des 
deux  l'on  a  commencé  d'abord  de  rendre  un 
culte  :  or  nous  avons  fait  voir  qu'elle  est  dé- 
cidée par  les  auteurs  sacrés,  par  les  [iliilo- 
sophes,  par  les  poètes,  par  les  usages  et  par 
les  opinions  de  tous  les  peuples  idol.'itres.  La 
prétendue  démonstration  que  Beausobre 
veut  tirer  des  cérémonies  païennes  est  ab- 
solument nulle;  quand  il  y  en  aurait  plu- 
sieurs qui  semblent  avoir  été  instituées  jiour 
honorer  des  hommes,  il  ne  s'ensuivrait  rien, 
puisque  les  païens  en  général  attribuaient  à 
leurs  dieux  les  actions,  les  inclinations,  les 
faiblesses,  les  vices  et  les  accidents  de  l'hu- 
manité. Dans  son  système,  toute  la  mytho- 
logie est  un  chaos  inintelligible,  au  lieu 
qu'elle  s'explique  très-aisément  dans  le  sys- 
tème op]josé.  il  assure  que  la  ]ilus  grossière 
de  toutes  les  idohitries  a  été  le  culte  rendu 
aux  âmes  des  héros  ;  il  se  contredit  encore 
en  disant,  ibid. ,  c.  ii,  §  9  :  «  Le  culte  reudu 


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aux  anges  on  aux  éons  est  plus  raisonnable 
quecelui  que  les  jiaïens  rendaient  îi  la  pierre; 
car  les  anges  pensent  et-agisserit,  au  lien  (jue 
la  pierre  n'a  ni  pensée  ni  action.  »  Or,  en 
supposant  immortelles  les  âmes  des  grands 
hommes,  elles  i^taient  aussi  capables  de  ]ien- 
ser  et  d'agir  que  les  anges  et  les  éons.  Il  est 
d'ailleurs  évident  que  la  plus  grossière  de 
toutes  les  idol.'Uries  a  été  le  culte  rendu  aux 
animaux  et  h  leurs  figures; cela  est  prouvé 
par  les  reproches  que  Moïse  fait  aux  Israéli- 
tes au  sujet  du  eulli^  du  veau  d'or,  par  les 
paroles  du  livre  de  la  Sagesse,  c.  xui,  v.  10 
et  14,  et  par  celles  de  saint  Paul  {Rom.  i,  23). 
Beausobre  cite  le  prophète  Uaruch.  c.  vi. 
28,  pour  ))rouver  que  les  démons  étaient  la 
môme  chose  que  les  Ames  des  morts.  La  vé- 
rité est  qui'  ce  |iroph(Me  n'en  dit  pas  un  mot  ; 
il  dit  seulement,  v.  21,  que  les  Babyloniens 
crient  et  hurlent  contre  leurs  dieux,  comme 
on  fait  dans  le  repas  d'un  mort  ;  mais  cela 
ne  signifie  pas  que  ces  dieux  étaient  des 
morts.  On  sait  qu'après  le  repas  des  funérail- 
les les  païens  faisaient  à  grands  cris  leurs 
derniers  adieux  aux  morts.  Le  seul  passage 
de  l'Ecrituie  sainte  ({ue  nos  adversaires  ont 
pu  citer  eu  faveur  de  leur  opiiuou,  est  le  re- 
proche que  David  fait  aux  Iraélites  (  Ps.  cv, 
23),  d'avoir  été  initiés  aux  mystères  de  Béel- 
phégor  et  d'avoir  mangé  des  sacrifices  des 
moi'ts.  11  ne  s'ensuit  pas  de  là  que  ce  dieu  des 
Moabites  était  un  homme  mort.  Ce  même 
critique  ajoute  que  les  païens  n'ont  fait  des 
statues  que  quand  ils  ont  commencé  d'ado- 
rer des  morts.  Etait-il  en  état  de  prouver  que 
les  thérajjfiim  de  Laban  étaient  des  figiu'cs 
de  morts?  Lui-même  pense  que  c'étaient  des 
figures  d'anges  {Ibid.  n,  14).  C'est  en  défen- 
dant aux  Israélites  d'adorer  le  soleil,  la  luuo 
et  les  astres,  que  Moïse  leur  défend  aussi,  de 
faire  aucune  figure  d'homme,  de  femme  ou 
d'animaux  (Deutcr.  iv,  16  et  suiv.  ).  Or  des 
figures  d'animaux  n'étaient  pas  faites  pour 
représenter  des  hommes  morts.  Le  système 
de  Beausobre  n'est  dune  fondé  sur  aucune 
preuve  solide. 

Brucker,  dans  son  Histoire  critique  de  la 
Philosophie,  1.  H,  c.  II,  §  19,  soutient  aussi 
que  ia  première  origine  (iupolythéismeaété 
Ib  culte  des  morts;  mais  que  les  philosophes 
orientaux  corrigèrent  ce  préjugé  dans  la 
suite.  1-ls  supposèrent,  dit-il,  un  Dieu  su- 
prême, père  et  gouverneur  de  l'univers, dont 
l'essence,  comme  une  grande  âme,  [lénétrait 
toute  la  nature,  était  la  source  des  esprits 
qui  en  gouveinaient  chaque  partie.  Ils  cru- 
rent que  ces  esprits  étaient  sortis  de  l'essence 
divine  par  émanation,  ou  qu'ils  en  étaient 
seulement  une  modification.  Telle  a  été,  se- 
lon lui,  l'opinion  non-seulement  des  Chal- 
déens  et  des  Egyptiens,  mais  de  tout  l'ancien 
piu/imisinc.  De  kl  il  conclut  que  les  Chaldéens 
adoraient  le  Dieu  sujirême  sous  le  nom  de 
Baal  ou  de  Jupiter  Bélus,  parce  que  leurs 
philosophes  leur  apprirent  à  rapporter  au  Dieu 
suprême  ce  qu'ils  disaient  de  leur  roi  Bélus, 
qui  avait  été  le  premier  objet  de  leur  culte, 
liien  de  plus  fabuleux  que  cette  hypothèse.— 
i"  Brucker  n'a  pu  donner  aucune  preuve  po- 


sitive de  ce  qu'il  avance  ni  des  opinions  qu'il 
prête  aux  Chaldéens  et  aux  Egyptiens;  nous 
ne  sommes  pas  obligés  de  le  croire  sur  sa 
parole.  —  2°  Les  |)lus  anciens  monuments 
que  nous  ayons  de  la  religion  des  Chaldéens 
sont  nos  livres  sacrés.  Nous  y  lisons  {Gènes. 
XXXI,  19  )  que  Laban  avait  des  idoles,  et  i 
les  appelle  ses  dieux,  v.  30;  c.  xxxv,v.l,  que 
Jacob,  de  retour  de  la  Mésopotamie,  et  prô'; 
à  offrir  un  sacrifice  à  Dieu,  ordonna  à  -es 
gens  de  sed('faire  des  dieux  étrangers,  qu'ils 
les  lui  donnèrent,  et  qu'il  les  enfouit  souî 
un  arbre.  Il  est  dit  dans  Josm^,  c.  xxiv,  v.  2, 
et  dans  le  livre  de  Judith,  c  v,  v.  8,  que  lee 
ancêtres  d'Abraham,  dans  la  Mésopotanne, 
avaient  adoré  ])lusieurs  dieux  et  des  dieux 
étrangers;  IV  Rcg.  c.  xvii,  v.  29  et  suiv.,  que 
les  Babyloniens  et  les  autres  peuples,  qui  fu- 
rent envoyés  ])ar  le  roi  des  Assyriens  pour 
habiter  la  Samarie ,  y  joignirent  le  culte  de 
leurs  dieux  au  culte  du  Seigneur;  c.  xix, 
v.  30,  et/saï. ,  c.  xxxvu,  v.38,  que  Senna- 
chérib  ,  roi  des  Assyriens  ,  adorait  son  dieu 
Nesroch  ou  Nisroch,  dans  son  temple,  lors- 
qu'il fut  tué  par  ses  deux  lils.  Jérémie  an- 
nonce aux  Israélites  conduits  en  captivité  à 
Babylone  quils  y  verront  adorer  des  dieux 
d'or,  d'argent  et  de  [lierre  ,  Baruch,  c.  vi , 
V.  3.  Daniel  nous  apjirend  que  Nabuchodo- 
nosor,  roi  de  Babylone,  fit  faire  une  grande 
statue  d'or  et  la  fit  adorer  par  tous  ses  su- 
jets ;  c.  V  ,  V.  4  ,  que  Balthasar  ,  son  fils  ,  fit 
faire  un  grand  festin  pour  toute  sa  cour , 
que  les  convives  y  célébraient  leurs  dieux 
d'or,  d'argent,  de  bronze,  etc.  Il  n'est  parlé 
de  l'idole  de  Bel  ou  de  Bélus  que  dans  le 
cha|)itre  xiv,  v.  2.  Peut-on  prouver  que  ce 
Bélus  était  un  ancien  roi  d'Assyrie,  et  que 
son  culte  était  plus  ancien  que  celui  de  tou- 
tes les  idoles  dont  l'Ecriture  sainte  fait  men- 
tion ? —  3*  Brucker  ne  nous  dit  point  qui 
sont  les  philosophes  chaliléens  qui  ont  cor- 
rigé l'erreur  de  leur  nation  et  cjui  lui  ont 
appris  à  rendre  son  culte  au  Dieu  suprême, 
sous  le  nom  de  Bélus  ;  nous  ne  connaissons 
aucun  philosophe  dans  aucun  lieu  du  monde 
qui  ait  travaillé  à  instruire  les  peuiiles  ,  ni 
qui  leur  ait  fait  connaître  le  Dieu  suprême, 
'l'ous  ont  caché  leur  doctrine  au  peuple , 
lorsqu'elle  était  contraire  à  ses  préjugés , 
ou  ils  se  sont  appliqués  à  réduire  en  sys- 
tème toutes  les  erreurs  populaires.  Nous 
l'avons  fait  voir  au  motiDOLATuiEet  ailleurs. 
—  4°  S'il  y  a  eu  une  réforme  religieuse  chez 
les  Chaldéens  et  chez  les  peuples  voisins , 
ce  ne  peut  être  que  celle  de  Zoroastre;  or 
ce  législateur  vivait  sur  la  fin  de  la  captivité 
do  Babylone ,  et  son  système  n'est  point 
celui  que  Brucker  a  trouvé  bon  de  prêter 
aux  Chaldéens.  Voy.  Pausis. 

Mosheim,  qui  était  dans  la  même  opinion 
que  Beausobre  et  Brucker ,  a  bhïmé  les  cri- 
tiques anciens  et  modernes  qui  ont  cru  re- 
trouver les  mêmes  personnes  dans  les  dieux 
des  Syriens ,  des  Egyptiens ,  des  Grecs  ,  des 
P>oma'ins  ,  des  Gaulois  et  des  Américains.  Il 
aurait  eu  raison  de  les  censurer,  s'il  était 
prouvé  que  ces  dieux  divers  ont  été  des 
hommes;  le  même  personnage  ne  peut  avoir 


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PAe 


mo 


vécu  dans  tant  de  lieux  différents.  Mais  si 
ces  dieux  sont  le  soleil ,  la  lune  ,  la  terre  , 
.'eau  ,  le  feu  ,  les  nui'es  ,  le  tonnerre  ,  etc. , 
que  Ton  croyait  animés*  certainement  ces 
objets  sont  les  mômes  parto;it,  et  ils  ont  dit 
faire  sur  tous  les  peuples  à  peu  prôs  la  mu- 
nie impression.  Le  Clerc  n'a.  pas  mieux  conçu 
que  les  autres  protestants  ]>■&  vi'ritab  es  ob- 
jets du  polythéisme  et  de  l'idolâtrie;  il  l'ex- 
pose fort  mal  dans  son  Ilist.  ecclés. ,  Protég. , 
sect.  2  ,  c.  I ,  §2  et  suiv.  Il  n'apporte  aucune 
raison  nouvelle  pour  prouver  que  les  dieux 
des  p:iïens  ont  et'  des  hommes.  D'autres 
écrivains  ont  imaginé  que  les  divinités  de 
la  mythologie  élaierit  les  attributs  de  Dieu 
personnifiis  :  que  Jupiter  était  sa  puissànc  ', 
Junon  sa  justice,  Minerve  sa  sagesse,  etc. , 
qu  ainsi  Pieu  lui-même  était  adoré  sous  ces 
noms  différents.  Us  ont  pensé  ,  .'■ans  doute  , 
que  le  polythéisme  est  né  chez  des  peuples 
l)liilosophes ,  exrrcés  dans  les  sciences  et 
ca;  ables  d'imaginer  de  pareilles  allép;,ories. 
Mais  nous  avons  observé  que  les  hommes 
les  plus  ignorants  et  les  ilus  grossiers  sont 
précisémeit  ceux  qui  sont  les  jikis  enclins 
à  mult  plier  ,  pour  ainsi  dire  ,  la  Divinité  ,  à 
placer  partout  des  génies,  des  esprits,  des 
êtres  super  eurs  à  l'humanité  ,  dont  il  est 
impo.lant  de  gagner  la  bi'  nveillance  et  de 
prévenir  la  colère.  Chez  tous  les  leuples, 
les  fabl  s  et  1  s  piatiques  de  lido  âtrie  font 
plutôt  al  usion  aux  phénomènes  de  la  nature 
qu'aux  attriliuts  lie  Dieu.  Comment  recon- 
naître ces  attributs  dans  les  personnages  que 
l'on  supposait  présider  aux  inclinations, 
aux  vices ,  aux  crimes  des  hommes  ,  à  l'im- 
pudicité ,  à  la  vengeance  ,  à  l'ivrognerie ,  au 
laicin ,  etc.  ? 

On  noiis  objecte  que  plusieurs  fères  de 
l'Eg'ise  ont  soulerm  aux  païens  que  leurs 
dieux  avaient  été  des  hommes;  mais  les  plus 
anciens  ,  tels  que  saint  Justin  ,  Taticn,  saint 
Théophile  d'Antioche  ,  Clément  d'Alexan- 
drie, le poëlc Prudence,  etc.,  dontplusie  ts 
étaient  nés  dans  le  pacjanisme ,  et  qui  l'a- 
vairnt  examiné  de  plus  près ,  ont  été  con- 
vaincus que  ces  dieux  prétendus  étaient  des 
génies  ou  démons  qui  étaient  supposés  ani- 
mer les  ditlérentes  jiarties  de  la  naiure.  Les 
Pères  postérieurs  ,  qui  semblent  avoir  pensé 
dillVremment,  n'ont  fait  que  suivre  l'opinion 
qui  régnait  de  ieur  teuips  chez  les  païens 
mômes;  elle  semblait  être  coiifu'mée  parles 
fables  (|ui  attribuaient  aux  dieux  1 -s  actions, 
les  passions,  les  vices  de  l'humanité.  C'était 
donc  un  .irgument  personnel  dont  les  Pères 
ont  eu  droit  de  se  servir ,  sans  remonter  à 
la  première  origine  du  polythéisme  et  de 
l'idolâtrie.  Mais  le  très-grand  nombre  de  ces 
saints  docteurs  ont  pensé  aussi,  et  non  sans 
l'aison,  que  les  démons,  ou  les  anges  rebel- 
les ,  attentifs  à  proiiter  des  erreurs  et  des 
passions  des  hommes ,  sont  souvent  inter- 
venus dans  le  culte  que  les  paieus  rendaient 
à  des  génies  purement  imaginaires  ;  qu'ils 
se  sont  ainsi  approjiiié  ce  culte ,  et  qu'ils 
l'ont  souvent  conlirmé  par  des  prestiges.  11 
est  en  effet  diflicile  de  coiufirendre  que  les 
liummes  aient  pu  regarder  comme  un  culte 


religiëtii  des  crimes  (ets  que  l'impudlcifé , 
la  |irostitulion,  les  sacrifices  de  victimes  hit- 
maines,  etc.,  si  ces  abominations  ne  leur 
avaient  pas  été  suggérées  paf  des  esprits 
m.dicietix,  eimefliis  de  Dieu  et  de  ses  créa- 
tures. Il  n'a  pas  été  ni'cessaire  ,  pour  reli , 
que  les  démons  allassent  se  lo.j^er  dans  les 
astres,  dans  les  é  éinents,  dans  tous  les  corps 
dans  lesquels  les  f>aïens  su|iposaienf  des 
esprits  ;  il  leur  a  sufti  de  tromper  les  idolâ- 
tres |)ar  des  prestiges  et  par  des  sug,'estions 
infernales  ,  pour  devenir  tout  à  la  fois  les 
auteurs  et  les  ob'ets  de  l'idnlâtrie  (1). 

§  IL  Le  polythéisme  et  l'idnlâtrie  ont-Us 
été  In  première  religion  du  genre  humain? 
Plusieurs  de  nos  philosophes  modernes  l'ont 
assuré  sans  preuve  et  sur  de  sinJIiles  con- 

(I)  11  seiait  exlrèifleinenl  iniéressant  de  suivre  la 
marche  pnigtcssive  de  I  idolâtrie;  mais  les  moiiti- 
meiils  hisloriiiiies  (|iii  nous  rcslenl,  écrits  pour  la  plii- 
p;nt  sous  le  regnt^  de  cette  mmisliueiise  erreur,  nous 
oB'rent  :i  peine  de  faibles  lueurs.  Une  nuillilude  de 
systèmes  ont  été  inventés  sur  ce  sujet.  Le  célèbre 
liuet,  dans  sa  Démonst  a  ion  éiiini]éli(iiie,  suit  lliis- 
toile  des  principaux  d.eux  du  p.iganisme  et  luontic 
les  rapports  qui  exislent  entre  cix  et  les  grands  per- 
sonnages des  premiers  lenips  du  peupu^  juif.  La 
roule  était  ouverie  :  l'abbé  Gnérih-Diirochcr  y  entra 
à  pleine  voile  :  tout  ce  (|u'il  y  avait  de  vaçne  sous  la 
plume  du  savant  évoque  disparait  ;  il  précise  tous  les 
laits  et  inoniie  une  lelle  analogie  entre  les  dieux  du 
paganisme  et  Abraham,  Moïse,  elc.,  qu'on  ne  peut 
s'cnipjcher  de  s'écrier  :  Ce  sdhi  les  mêmes  person- 
nages, [j'abbé  Rànier,  dans  son  ouvrage  intitulé  : 
La  ilijtk'iloyie  ei  les  (ables  erpliqu 'es  par  i histoire, 
soutient  que  les  dieilx  dii  paganisme  soi\l  qielqiies 
prs  un  (i,ts  importants,  dont  les  actions  ont  été  ern- 
Lellies  dans  la  suite.  Fhiche,  dans  son  Hisio  te  du  ciel, 
se  persiia  !e  que  le  peuple  ignoranl,  voyant  des  li- 
gules placées  sur  des  toinbeaiix,  les  prit  pyiir  des 
dieux,  leur  oITrit  ses  adorations  et  son  culte.  Bcigier, 
dans  son  ouvrage  sur  VUrifiinc  des  die'  x  du  puga- 
ni  me,  prend  pour  des  allégories  la  plupart  de^  tables 
et  se  persuade  que  li'  peuple,  non  content  d'adorer 
Dieu  en  lui-inéiue,  voulut  encore  l'honorer  dans  tes 
lihénoniènrs  de  la  iialiire.  L'ignorance  iransp/iMa 
aux  créaiures  ce  cul'e,  pur  dans  son  origine.  Ces 
systèmes  sont  loin  de  s  élever  a  la  hauteur  d'une  vé- 
ritable démonstration.  Ils  ont  tous  un  coté  sérieux 
et  vrai.  Il  e.it  constant  qu'un  gnind  nombre  de  peuples 
ont  adoré  les  phé.onàènes  de  la  nature.  Il  est  aussi 
certain  que   beaucoup    d'hommes   oui    été    déifiés. 

I  Nous  en  appelons  à  voire  conscieuce,  disait  tértul- 
lieu,  nous  ne  voulons  point  d'autre  juge;  qu'elle  nous 
condamne,  si  elle  ose  nier  que  tous  vos  dieux  aient 
été  des  hommes.  Si  vous  pouviez  le  nier,  yos  an- 
ciens monuments  vous  convaincraient  de  faux;  ils 
ren.ent  encore  lénioign;tse  à  la  vérité.  On  sait  les 
villes  où  vos  dieux  sont  nés,  les  villes  où  ils  ont  vécu 
et  oii  ils  se  sont  rendus  fameux  par  leurs  exploiis; 
la  mémoire  de  leurs  actions  n'est  point  perdue,  cl 
on  montre  les  lieux  où  reposent  leurs  cendres  (i).> 

II  faut  convenir  aussi  que  loiil  n'étant  pas  fable  dans 
la  vie  des  dieux  liii  paganisme,  les  faits  ont  seule- 
ment été  déligures.  «  Dans  tous  les  temps,  dit  un 
philosophe  paien,  les  traditions  des  anciens  événe- 
ineii;s  ont  élé  déligurees  par  les  tables  que  l'on  a 
ajoutées  à  ce  qu'il  y  avait  de  vrai.  Ceux  qui,  dans 
la  suite,  ont  entendu  avec  plaisir  ces  récits  mêlés  i!e 
vrai  et  de  faux,  se  sont  plu  .'  y  joindre  encore  de 
nouvelles  fictions,  de  sorte  qu'il  la  lîu  la  vérité  a 
disparu,  détruite  par  le  mensonge  (<i).  » 

(a)  TiTtul.  Apoloq.,  cap.  x.  i 

{b)  l'ausauias,  tn  Arcaà. 


1181 


PAG 


Md 


1182 


jpctnros;  ils  ont  senJonient  fait  voir  quo  si 
Dieu  avait  dans  l'origine  abandomu'' tous  les 
peuples  à  leur  ignorance  et  à  leur  stupidité 
naturelle ,  ils  auraient  été  certainement  po- 
lythéistes et  idol.Ures ,  et  que  telle  est  la 
peiite  naturelle  de  l'espiit  humain,  comme 
nous  l'avons  observé  au  mot  Idolâtrie  , 
§  1  et  2.  Mais  l'Ecriture  sainte  nous  a|)prend 
que  dès  la  création  Dieu  a  prévenu  ce  mal- 
heur, qu'il  a  instruit  lui-môme  nos  premiers 
parents  «t  leur  postérité,  et  que  si  les  hom- 
mes avaient  tous  élé  lidMes  à  conservci'  le 
souveni.  de  ses  leçons  priniitivos,  aucun  ne 
serait  tombé  dans  î'erreui'.  Une  j)renve  po- 
sitive de  la  vérité  de  cette  tradition  ,  c'est 
qu'après  la  naissance  même  du  polythéisme 
et  de  l'idolâtrie ,  pi(-si|ue  tous  les  (leuples 
ont  (>ncore  conservé  une  notion  vague  et 
faible  d'un  seul  Dieu ,  auteur  et  souverain 
maitro  de  la  nature.  Ainsi ,  du  tenqis  d'A- 
braham, de  Jacob  et  de  Joseph,  nous  voyons 
encore  le  \*rai  Dieu  connu,  respeclT' et  craint 
par  les  Chaldéens,  jiar  les  Ch:inan''cns  et  par 
les  Egyptiens  (Cpn.  xii,  xiii,  xiv,  etc.)-  L'his- 
toiie  de  Job  et  de  ses  amis,  celle  des  sages- 
fèmmes  d'I'gypte,  doJéihro,  beau-père  de 
Moïse,  de  Bala.ira,  deRahal)de  JéricliO,  etc., 
nous  montrent  encore  la  mente  notion  sub- 
sistante dans  les  temps  jiosttTieurs  ;  malheu- 
reusement eli  '  n'influait  en  r;en  sur  le  culie, 
sur  la  morale  ni  sur  la  conduite  du  gros  des 
nations  qui  s'élaiont  plonyi-es  dajis  l'idolâ- 
trie. Nous  pfmrriuns  jimuver  le  mèuie  fait 
par  le  témoignage  des  auteurs  profanes  les 
plus  anciens  et  les  mieux  instruits  ;  mais 
plusieurs  savanisFunt  fait  avant  nous:  lluet, 
Quœstioncs  alnelan...;  de  Burigny,  Thénlogie 
des  païens  ;  C\l(\svort\\ ,  Sj/st.inlpllcrl.  ;  Hiillvux, 
Uist.  des  caiisis  premières  ;  Bidlet ,  Démonst. 
de  l'existence  de  Dieu  ;  Mém.  de  rAcadéin.  des 
Jnserip.,  t.  LXII,  in-12,  pag.  337,  etc.  Nous 
avons  rassemblé  un  grand  noml)re  de  ces 
témoignages  dans  le  Traité  historique  et 
dogmatique  de  la  vraie  religion,  t.  I,  pag. 
Ititi  et  suiv.,  IV  édit.  Cette  id  e  d'un  Dieu 
suprême  n'était  certainement  pas  venue  à 
l'esprit  des  p<  uples  par  le  raisonnement , 
puisqu'en  fail  de  religion  ils  ne  raison- 
naient pas  ;  c'était  donc  un  reste  de  l'an- 
cienne tradition. 

Lorsque  les  disseitateurs  incrédules  ont 
dit  que  tous  les  peuples  ont  été  d'abord  po- 
lythéistes ;  ((u'ensiiite  ,  à  force  de  méditer 
sur  le  premier  principe  des  choses,  quelques 
p!,ilusophes  ont  imaginé  qu'il  n'y  a  qu'une 
seule  cause  f)remière ,  et  qu'ils  l'ont  ainsi 
enseigné,  ils  ont  très -mal  concn  la  marche 
de  l'esprit  humain.  Aussi,  lorsqu'il  leur  a 
fallu  ex[)liquer  par  quelle  progression  d'idées 
les  peupb's  ont  passé  du  polytliéisme  au 
dogme  de  l'unité  de  Dieu,  ces  sublimes  s;  é- 
culati'urs  noni  |)roposé  que  des  conjectures 
dénuées  de  toute  vraisemblance. 

En  etl'et,  si  les  peuples,  accoutumés  d'a- 
borti  à  encens  r  plusieurs  dieux  et  à  leur 
attribuer  Icgouvernementdu  monde,  étaient 
enlin  parvenus  k  reconnaîtie  un  seul  Dieu 
suprême,  ils  lui  auraient  attribué  sans  doute 
une  pruvideuue,  du  moins  une  inspection  et 


une  attention  sur  le  gouvernement  des  dieux 
inférieurs,  le  jmuvoir  et  la  volonté  d'en  fé- 
primer  et  d'en  corriger  les  di'sordres.  Or,  (jucl 
est  le  pcuj)le,  quel  est  le  philosophe  (pii  a 
eu  cette  idée  d'un  Dieu  suprême  ?  Ceux  qui 
ont  admis  une  première  cause,  un  formateur 
du  monde,  ont  supposé  tous  qu'il  en  aban- 
donnait l'administration  tout  entière  aux 
génies  ou  esprits  secondaires  ;  d'oîi  ils  ont 
conclu  que  le  culte  devait  être  adressé  à 
ceux-ci,  et  non  au  Dieu  suprême  ;  tel  a  été 
le  cri  général  de  la  |>hilosophie  jusnu'à  la 
naissance  du  christianisme.  Celse  est  le'  pre- 
mier qui  ait  semblé  avouer  que  le  cult(^  des 
génies  ne  devait  pas  exclure  cebii  du  Dieu 
suiirême  ;  mais  ce  point  important  de  doc- 
trine n'a  jamais  été  connu  du  connnun  des 
païens.  A  quoi  servaientles  spéculations  des 
pliilosopliL'S,  lorsque  le  peuple  n'y  avait  au- 
cune part,  et  qu'elles  ne  pouvaient  influer  en 
rien  dans  sa  croyance  ni  dans  sa  conduite  ? 
On  conçoit  très-iùen  ,  au  contraire,  que  des 
lionnnes  instruits,  dans  renfance.del'exislen 
ce  d'un  seul  Dieu,  de  sa  providence  générale, 
du  culte  qu'il  fallait  lui  rendre,  ont  cependant 
imaginé  des  génies,  des  esprits,  des  Ames, 
dans  tous  les  corps  où  ils  voyaii'ntdu  mou- 
vement ;  l'étonnement,  la  peur,  l'ignorance 
de  la  vraie  causn  des  phénomènes,  ont  suffi 
pour  leur  donner  cette  idée.  Ce  premier  pas 
une  fois  fail,  le  reste  est  venu  de  suite.  Si  ce 
sont  des  génies  qui  mettent  tous  les  corps 
on  mouvement,  ce  sont  eux  aussi  qui  pro- 
duisent immédiatement  lout  le  bien  ou  le 
mal  qui  nous  en  arrive  :  en  les  supposant  à 
|ieu  près  semblables?!  nous,  ils  doivent  être 
tlattés  de  nos  hommages,  de  nos  prières,  de 
nos  otfrandes  ;  donc  il  faut  leur  en  adresser. 
Voila  le  polythéisme  établi  conjointement 
avec  la  croyance  de  l'cxislcnco  d'un  seul 
Dieu  eu  d'un  seul  Etre  suprême.  Si  l'on  se 
persuade  une  fois  que  ce  n'est  pas  lui,  mais 
des  génies  particuiii^rs  qui  distribuent  les 
biens  et  les  maux,  tout  le  cuite  sera  bientôt 
réservé  à  ces  derniers  ;  le  vrai  Dieu  sera 
oublié,  méconnu,  relégué,  pour  ainsi  dire, 
avec  les  dieux  oisifs  d'E,iicure  ;  dès  qu'd  ne 
pense  plus  à  nous,  à  quel  titre  serions-nous 
obligés  de  nous  occuper  de  lui  ?  Encore  une 
fois,  l'Etre  suprême  conçu  sans  providence 
immédiate  n'est  plus  un  Dieu,  mais  un  fan- 
tôme inutile,  étranger  à  1  human  té.  On  aura 
beau  lui  attribuer  des  perfections  absolues, 
l'éiernité,  l'immensité,  1 1  tout  '-puissance, 
une  intelligence  et  une  sagesse  intini .■s,elc., 
s'il  n'y  a  pas  en  lui  bonté,  miséricorde,  jus- 
tice, atlenlion  et  libéralité  à  l'égar  I  de  ses 
créaUires,  nous  n'aurons  pour  lui  ni  le  res- 
pect, ni  la  reconnaissance,  ni  la  crainte,  ni 
l'amour  dans  lesquels  consiste  le  vrai  cu'te  ; 
nous  cherclierons  ailleurs  le  maître  ou  les 
maîtres  que  nous  devons  adorer.  Or,  ce  n'est 
pas  la  iihilosoplne  qui  a  fait  connaître  aux 
hommes  les  perfections  ditines  r  laùves  et 
adorables  qui  les  intéressent,  elle  ne  s'en 
occupa  jamais;  c'est  la  lévélation  S'ule,  et 
sans  celte  lumière  surnaturelle  nous  les  igno- 
rerions encore  ;  mais  ce  sont  celles  dont 
l'Ecriture  sainte  nous  parle  le  [ilus  souvent. 


flS5 


PAG 


PAC 


1184 


De  tout  cela  il  s'ensuit,  1*  que  Dieu,  en 
ordonnant  aux  hommes  de  sanctifier  le  sep- 
tième jour"de  la  semaine  en  mémoire  do  la 
création,  avait  pris  le  moyen  le  plus  propre 
à  conserver  parmi  eux  la  notion  d'un  Dieu 
créateur ,  conservateur  et  gouverneur  de 
l'univers  ,  duquel  viennent  immédiatement 
tous  les  biens  et  les  maux  de  ce  monde,  qui, 
par  conséquent,  doit  être  seul  adoré.  L'exac- 
titude des  patriarches  îi  observer  ce  culte 
exclusif  a  maintenu  parmi  eux  la  vraie  foi  ; 
la  négligence  de  leurs  descendants  à  remplir 
ce  devoir  les  a  fait  tomber  insensiblement 
dans  l'erreur  ;  leur  faute  a  donc  été  volon- 
taire et  inexcusable.  —  2°  Dès  ce  moment 
le  spectacle  de  la  nature  n'a  plus  sufli  pour 
élever  les  hommes  k  la  connaisance  d'un 
seul  Dieu  :  il  est,  au  contraire,  devenu  un 
piège  d'erreur,  auquel  les  philosophes  môme 
ont  été  pris  ;  savants  ou  ignorants,  tous  ont 
cru  les  corps  animés  par  des  esprits  plus 
puissants  que  l'homme  ,  desquels  dépendait 
son  sort  .sur  la  terre,  auxquels,  par  consé- 
quent, il  devait  adresser  son  culte,  et  la 
philosophie  n'est  venue  à  bout  d'en  détrom- 
per aucun.  Plusieurs  se  sont  plongés  dans 
l'athéisme,  plutôt  que  d'en  revenir  k  la  doc- 
trine et  à  la  croyance  primitive.  —  3°  Les 
déistes  ont  donc  "très-grand  toit  de  vanter 
les  forces  delà  raison  et  de  la  luoiièr.'  natu- 
relle, pour  connaître  Dieu  et  savoir  le  culte 
qu'il  fautlui  rendre;  il  faut  en  juger  parl'évé- 
nement,  et  non  jiar  des  conjectures  arbi- 
traires. L'exemple  de  toutes  les  nations  an- 
ciennes et  modernes  démontre  que  l'homme 
passe  fort  aisément  de  la  vérité  à  l'erreur, 
mais  que  sans  un  secours  surnaturel  il  ne 
lui  est  jamais  arrivé  de  revenir  de  l'erreur  à  la 
vérité. 

§  IIL  Le  culte  des  polythéistes  a-t-il  pu  se 
rapporter  à  un  Dieu  suprême  ?  Parmi  le 
grand  nombre  des  savants  qui  se  sont  appli- 
qués à  prouver  qu'au  milieu  même  des 
ténèbres  de  l'idolâtrie,  il  s'est  toujours  con- 
servé du  moins  une  faible  notion  d'un  seul 
Etre  suprême,  tous  n'ont  pas  agi  par  des 
motifs  également  louables.  Les  uns  ont  vou- 
lu prouver,  contre  les  athées,  que  le  poly- 
théisme n'a  pas  été  la  croyance  constante  et 
uniforme  de  tout  le  genre  humain.  Les  déis- 
tes ont  saisi  avec  avidité  cette  occasion  de 
conclure  qu'avant  le  christianisme  tous  les 
peuples  n'étaient  pas  [donnés  dans  un  aveu- 
glement aussi  profond  que  le  supiiosent  les 
théologiens,  et  que  ceux-ci  sont  partis  d'un 
faux  principe  pour  démontrer  la  prétendue 
nécessité  de  la  révélation.  Plusieurs  protes- 
tants en  ont  profité  à  leur  tour,  afin  de  per- 
suader que  le  culte  rendu  par  les  païens  à 
.  des  dieux  subalternes  était  relatif  et  se  rap- 
portait au  vrai  Dieu,  tout  comme  celui  que 
les  catholiques  rendent  aux  anges  et  aux 
saints  ;  que,  si  le  premier  était  une  idolâtrie 
criminolîe,  le  second  ne  l'est  pas  moins. 
Beausobre,  le  plus  téméraire  de  tous  ,  dans 
son  Hitt.  du  Manich.,  1.  ix,  c.  iv,  §  k,  ])Ose 
pour  principe  que  jamais  les  païens  n'ont 
confondu  leurs  dieux  avec  le  Dieu  suprême; 
que  jamais  ils  ne  leur  ont  attribué  l'indépen- 


dance ni  la  souveraineté.  Ils  ont  bien  su, 
dit-il,  que  ces  dieux  n'étaient  ou  que  des 
intelligences  nées  du  Dieu  suprême,  et  qui 
en  dépendaient  comme  ses  ministres,  ou  que 
des  hommes  illustres  par  leurs  vertus  et  par 
leurs  services.  Si  donc  par  le  polythéisme 
l'on  entend  la  croyance  de  plusieurs  dieux 
souverains  et  indépendants,  il  n'y  eut  jamais 
de  polythéisme.dans  l'univers.  Il  conclut  que 
le  culte  rendu  par  les  païens  aux  dieux 
vulgaires  se  rapportait  au  Dieu  suprême  ; 
qu'ainsi  ce  culte  n'était  pas  défendu  par  la 
loi  naturelle,  mais  seulement  par  la  loi 
divine  positive,  que  les  païens  ne  connais- 
sent pas.  'Voilà  un  chaos  d'erreurs  et  d'im- 
postures que  nous  avons  à  réfuter. 

Remarquons  d'abord  que  la  question  n'est 
pas  de  savoir  si  les  païens,  ignorants  oa  phi- 
losophes, ont  admis  un  premier  Etre  forma- 
teur du  monde,  que  l'on  peut  appeler  le  Dieu 
suprême;  mais  s'ils  lui  ont  attribué  une  pro- 
vidence, une  attention,  une  action,  une 
inspection  sur  ce  qui  arrive  dans  le  monde, 
et  principalement  sur  le  genre  humain. 
Dussions-nous  le  répéter  dix  fois,  un  premier 
Etre  sans  providence  n'est  ni  Dieu,  ni  maî- 
tre, ni  souverain  ;  on  ne  lui  doit  ni  culte,  ni 
respect,  ni  attention  quelconque.  Or,  nous 
défions  Beausobre  et  les  critiques  les  plus 
habiles,  de  prouver  que  les  païens,  soit  igno- 
rants, soit  philosophes,  ont  admis  un  Etre 
suprême  occupé  du  gouvernement  de  ce 
monde,  dont  les  dieux  populaires  ne  sont 
que  les  ministres,  et  auquel  ils  sont  comp- 
tables deleur  administr;ition. Non-seulement 
il  n'y  a  aucun  vestige  de  cette  croyance  dans 
les  anciens  monuments,  mais  il  y  a  des 
preuves  positives  du  contraire  (1).  —  1°  Mos- 
heim,  plus  sincère  que  Beausobre,  convient 
dans  ses  Notes  sur  Cudworth,^c.  iv,  §  15  et 
17,  qu'aucun  des  témoignages  allégués  par 
ce  savant  anglais  ne  prouve  la  croyance  dont 
nous  parlons.  Bayle  est  de  même  avis.  Con- 
tinuation des  pensées  div.,  §  26,  66  et  suiv.  ; 
Rép.  auxquest.  d'tm  Prov.,  c.  cvii  et  ex,  etc. 
Le  docteur  Leland,  Nouv.  démonst.  évang., 
1"  part.,  c.  XIV,  fait  voir  qu'aucun  des  philo- 
sophes anciens  n'a  professé  clairement  et 
constamment  le  dogme  d'un  Dieu  suprême, 
père  et  gouverneur  de  l'univers  ;  que  si  quel- 
quefois ils  ont  semblé  l'admettre,  d  autres  fois 
ils  ont  partagé  le  gouvernement  du  monde 
entre  plusieurs  dieux  indépendants.  Saint 
Augustin,  liv.  xx  contra  Faust.  ,  c.  xix, 
avait  dit  que  les  païens  n'ont  jamais  perdu 
la  croyance  d'un  seul  Dieu,  mais  dans  la 
suite  il  a  observé  que  Platon  est  le  seul  qui 
ait  enseigné  que  tous  les  dieux  ont  été  faits 
par  un  seul,  De  Civit.  Dei,  1.  vi,  c.  i  ;  que 
les  autres  philosophes  ne  savaient  qu'en 
])enser,  1.  ix,  c.  xvii.  Nous  avons  vu  ailleurs, 
en  rapportant  le  système  de  Platon,  que 
selon  lui,  l'Etre  suprême  a  seulement  lait 
les  dieux  visibles ,  les  astres,  le  globe  de  la 
terre,  les  éléments  ;   que  les  dieux  visibles 

(1)  Cette  alTirmation  est  peut-èlre  un  peu  .'ibsolue. 
iSoiis  (r(iyoiis(|ii'(iii  pourrait  trouver  dans  les  anciens 
nioniiinciUs  ((ueiques  vestiges  de  la  loi  eu  un  Etre 
suprême,  modérateur tlumonde.  Voy.  Dieu. 


41S5 


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118(5 


ont  engendré  dans  la  suite  les  dieux  invi- 
sibles ,  les  dieux  populaires,  et  que  ce  sont 
ces  derniers  qui  ont  formé  les  hommes  et  les 
animaux.  —  '2°  Loin  ti'attribuer  à  l'Etre  su- 
prême une  i)rovidenee  à  l'éj^ard  des  hommes, 
Platon  suppose  qu'il  n'a  pas  seulement  dai- 
gné les  foi  nier.  Aussi,  lors(ju'il  veut  prouver 
la  providence,  dans  son  dixième  livre  des 
Lois,  ce  n'est  point  à  l'Ktro  suprême  qu'il 
l'attribue,  mais  aux  dieux  en  gi'néral  ;  co 
sont  ces  derniers,  et  non  l'Etre  suiirAmc, 
qu'il  invoque  dans  ce  livre  (!t  dans  le  Tiinéc, 
alin  de  pouvoir  parler  sagement  de  la  nais- 
sance du  monde;  et  de  l'existence  des  dieux  ; 
il  n'ose  dans  l'un  ni  dans  l'autre  d(;  ces  ou- 
vrages réfuter  les  fables  de  la  mythologie,  il 
les  laisse  telles  qu'elles  sont.  Cicéron,  dans 
ses  livres  de  la  Nature  des  dieux,  a  rapporté 
et  comparé  les  sentiments  de  tous  les  philo- 
sophes :  nous  n'y  voyons  aucun  vestige  de 
la  [)rétendue  croyance  d'un  Dieu  suprême, 
gouverneur  de  l'univers,  et  arbitre  du  sort 
des  hommes.  11  serait  singulier  qu'en  faisant 
rémunération  de  toutes  les  opinions  philoso- 
phiques, Cicéron  eiU  passi'  sous  silence  la 
seule  qui  soit  vraie  et  raisonnable,  et  qui, 
selon  nos  adversaires,  était  la  croyance  com- 
mune des  païens.  Nous  y  apiirenons  seule- 
ment que,  suivant  l'avis  des  stoïciens,  l'Etre 
suprême  était  l'ihne  du  niunde.  Or  cette 
âme  n'avait  pas  plus  d'empire  sur  les  phé- 
nomènes de  la  nature,  (|ue  notre  âme  n'en 
a  sur  l'économie  animale  de  notre  corps, 
sur  la  circulation  du  sang,  sur  le  cours  des 
esprits  animaux,  sur  lesmouvements  convul- 
sils,  ou  sur  les  douleurs  qui  nous  arrivent. 
A  plus  forte  raison  l'Ame  du  monde  n'avait- 
elle  rien  ;i  voir  aux  aciions  des  hommes,  aux 
biens  ou  aux  maux  qu'ils  éprouvent  ;  tout 
cela  se  faisait  selon  les  lois  irréformablesdu 
destin,  ou  par  une  nécessité  fatale.  —  3°  Puis- 
que d'ailleurs  le  peuplcn'entendaitrien  aux 
spéculationsdesplnloso])lies,  nous  voudrions 
savoir  dans  quelles  leçons  le  commun  des 
païens  avait  puisé  la  connaissance  d'un  Dieu 
suprême,  servi  et  obéi  par  les  dieux  infé- 
rieurs :  serait-ce  chez  les  poètes  et  chez  les 
mythologues  ?  Suivant  leur  doctrine ,  les 
premiers  dieux  étaient  nés  du  chaos  et  du 
vide,  les  plus  anciens  donnèrent  la  nais- 
sance aux  autres  ;  celui  qui  se  trouva  le 
plus  fort  devint  le  maitre  des  autres,  leur 
distribua  leurs  emplois,  et  se  réserva  le  ton- 
nerre pour  les  faire  trembler.  Mais  de  quel 
droit  aurait-il  empêché  les  autres  de  com- 
mettre des  injustices  et  des  crimes?  Suivant 
les  fables,  aucun  Dieu  n'en  commit  jamais 
autant  que  lui.  Il  est  à  présumer  que  si  le 
commun  des  païens  avait  eu  quelque  notion 
d'un  Dieu  suprême ,  duquel  ces  derniers 
dépendaient,  on  lui  aurait  souvent  fait  des 
plaintes  de  la  mauvaise  conduite  de  ses  mi- 
nistres. Il  est  donc  incontestable,  quoi  qu'en 
dise  Bcausobre,  que  le  jiolythéismo  était  la 
croyance  de  plusieurs  dieux  souverains  et 
indépendants,  puisque  chacun  d'eux  l'était 
dans  son  département.  Neptune  n'attendait 
lioint  les  ordres  d(i  Jupiter  pour  soulever  ou 
pour  calmer  les  Ilots  de  la  mer,  non  plus  que 


Pluton  pour  exercer  son  em])ire  dans  les 
enfers  ;  Mars  ni  Vénus  ne  demandaient  à 
personne  la  permission  d'inspirer  aux  hom- 
mes, l'un  la  fureur  gueriière,  l'autre  le  [)en- 
chant  à  la  volupté  ;  personne  ne  s'informait 
si  Jupiter  lui-même  avait  lancé  la  foudre  sur 
les  bons  ou  sur  les  méchants.  — 4°  Ce  cri- 
tique nous  citera  peut-être  le  sentiment  de 
Celso  et  des  nouveaux  [ilaloniciens  ;  mais  qui 
ne  sait  pas  quecesimposteurs  avaient  changé 
en  [)lusieurs  choses  la  doctrine  des  anciens 
philosophes,  et  qu'ils  l'avaient  ra[)prochée 
de  celle  du  christianisme!,  pour  |)arer  aux 
arguments  des  docteurs  chrétiens  ?  Moslieim 
l'a  fait  voir  d.uis  une  Dissertation  sur  la  Créa- 
lion.  Ji  29  et  suiv.  Beausobre  n'a  pas  ignoré 
que  l'orphyre,  plus  sincère  et  meilleur  logi- 
cien que  les  autres,  enseigne  qu'il  faut  sa- 
critier  aux  dieux,  mais  qu'on  ne  doit  rien 
présenter  au  Dieu  suprême,  qu'il  est  inutile 
(le  s'adresser  à  lui,  même  intérieuremerit. 
De  Abslin.,  I.  ii,  n.  3i.  Il  a  cité  ce  passage, 
mais  il  l'a  falsifié,  Ilist.  du  Munich.,  1.  ix,  c. 
V,  S  "i-  Enfin  il  s'est  réfuté  lui-même,  ibid., 
§  8,  en  avouant  que  le /)a(7a»(".s)«e  du  peuple 
no  doit  point  être  comparé  h  celui  des  plii- 
losophes  ;  que  c'étaient  deux  religions  bien 
diirérentes.  Ainsi,  quand  il  serait  vrai  que  les 
pliilosojjhes  ont  admis  un  Dieu  suprême, 
que  les  dieux  inférieurs  n'étaient  que  ses 
ministres,  que  le  culte  rendu  ii  ceux-ci  pou- 
vait se  rapporter  à  lui,  cela  ne  conclurait 
encore  rien  à  l'égard  du  commun  d  s  païens. 
Non -seulement  ceux-ci  n'avaient  aucune 
connaissance  du  prétendu  Dieu  suprême  des 
phdosophes,  mais  Platon,  dans  le  Timée, 
avoue  qu'il  est  très-difficile  de  le  découvrir, 
et  impossible  de  le  faire  connaître  au  peu[)le. 
En  elfet,  les  païens  le  connaissaient  si  peu, 
que,  quand  les  chrétiens  vinrent  l'annoncer 
au  UKUido  ,  ils  furent  regardés  comme  des 
athées,  parce  qu'ils  ne  voulaient  pas  adorer 
les  dieux  populaires.  —  5°  11  est  étonnant 
que  nos  critiques  modernes  veuillent  nous 
donner  du  paganisme  une  idée  plus  avanta- 
geuse que  les  i)hilosophes  mêmes.  Porphyre, 
ibid.,  n.  35,  avoue  «que  plusieurs  de  ceux 
qui  s'appliquent  à  la  philosophie  cherchent 
plus  à  se  conformer  aux  préjugés  qu'à  hono- 
rer Dieu;  qu'ils  ne  songent  qu'aux  statues, 
et  ne  se  proposent  point  d'apprendre  des 
sages  quel  est  le  véritable  culte;  »  n.  38,  il 
distingue  de  bons  démons ,  qui  ont  pour 
[irincipe  l'âme  de  l'univers ,  et  qui  ne  font 
que  du  bien  aux  hommes,  et  de  mauvais 
génies  qui  ne  font  que  du  mal;  n.  '*0,  ceux- 
ci,  selon  lui,  sont  la  cause  des  fléaux  de  la 
nature,  des  erreurs  et  des  passions  des  hom- 
mes; ils  ne  cherchent  qu'à  tromper  et  à  sé- 
duire ,  à  donner  aux  hommes  de  fausses 
idées  de  la  Divinité  et  du  culte  qui  lui  est 
dd  ;  ils  inspirent ,  dit-il ,  ces  opinions  non- 
seulement  au  peuple,  mais  aussi  à  plusieurs 
philosojihes,  etc.  Aujourd'hui  on  veut  nous 
{lersuader  que  non-seulement  les  [ihiloso- 
phes,  mais  le  commun  des  païens  avaient 
des  idées  très-justes  de  la  Divinité ,  qu'ils 
connaissaient  un  Dieu  suprême ,  el  que  le 
culte  rendu  aux  démons  ou  génies,  bons  ou 


1187  PiG 

mauvais,  se  rapportait  à  lui.  —  6°  Beausohro 
déraisonne  on  soutenant  que  ce  culte  n  o- 
tait  pas  défendu  par  la  loi  naturelle,  mais 
sfulemeut  par  la  loi  divine  positive;  ce  qu  \\ 
dit  pour  justifier  les  martyrs  de  la  Perse,  qui 
souffrirent  la   mort   plutôt  que  d'adoriT  le 
soleil ,    n'csl   qu'un  tissu  d'ineoties.  11  est 
certainement   défendu  par   la  loi  naturelle 
d'adorer  |)lusieurs  dieux,  de  rendre  le  culte 
suprême  h  d'autres  êtres   qu'au  vrai  Dieu; 
surtout  de  le  rendre  à  des  ôlres  fantastiques 
et  imaginaires ,  auxquels  on  attribue  d'ail- 
leurs tous  les  vices  et  tous  les  crimes  de 
riiumanité;   or   tels    étaient  les  ])rétenilus 
dieux  des  païens.  Tout  le   monde  convient 
qu'à  la  réserve  de  la  sanctification  du  sab- 
bat, tous  les  préce,  tesdu  Décalogue  nesiUt 
autre  chose  que  la  loi  naturelle  écrite  ;  or  le 
premier   préi  e.ite  que   nous  y  voyons  est , 
Vous  n'aurez  point  d'autre  Dieu  que  moi.  De 
là  môme  il  s'ensuit  qu'il  est  détendu  par  la 
.oi  naturelle  de  faii'e  aucune  action  qui  puisse 
paraître  un   renoncement  au  culte  du  vrai 
Dieu.  Ainsi  le  viedlard  Eléazar  obéit  Ji  la  loi 
naturelle  lorsqu'il  aima  mieux   mourir  que 
de  manger  de  la  c'iair  de  pourceau ,  parce 
que  ,  dans  la  circonstance  où  il  se  trouvait, 
cette  action  aurait  été  prise  pour  une  pro- 
fession de  paganisme.  Les  chrétiens,  qui  re- 
fusaient de  jurer  par  le  j;énie  de  César,  agis- 
saient par  le  même  principe,  les  païens  en 
auraient  conclu  qu'ils  renonçaient  au  chris- 
tianisme.  Les  martyrs  de  la  Perse  avaient 
donc  raison  de  ne  vouloir  pas  adorer  le  so- 
leil, puisque  les  Perses  l'exic^oaient  comme 
un  acte  d'apostasie.  Saint  Siméon  de  Séleu- 
cie  ne  voulut  pus  mêmese  jirosteiner  devnnt 
le  roi  de  Perse,  tomme  il  avait  cou  urne  de 
faire,  parce  qu'ai  iVs  on  voulait  le  forcera 
renierle  vrai  Dieu,  Sozoïu.,  Ilist.  rcclrs.,  1.  ii, 
c.  IX.  C'est  ce   jui  devrait  emiiôcher  les  Hol- 
landais de  fouler  aux  pieds  l'image  du  cru- 
cifix  en  entrant  au   Japon  ,  parce  que  cette 
action  est  re,..;ardée  par  les  Japonais  comme 
une  abnégati  iU  de  la  religion  chrétienne. 
Voilà  ce  que  le  bon  sens  dicte  à  tmt  homme 
capable  de  rétl'xion;  mais  Benusobre  a  été 
aveuglé  |;ar  ses  préjugés,  au  point  de  ne  pas 
voir  qu'il  a  fourni   des  armes  aux  déistes 
))0ur  se  défendre  contre  les  preuves  de  la 
nécessité  d'une  révélation. 

Un  philosophe  moderne ,  mieux  instruit 
que  Beausobre,  a  donné  du  paganisme  une 
idée  très-juste.  Les  païens,  dit-il,  avaient 
des  cérémonies  dans  leur  cu'te,  mais  ils  ne 
connaissaient  point  d'articles  dn  foi  (1),  ni 

(1)  M.  <le  Lamennais  avait  émis  en  principe  que  les 
anciens  p  uples  ne  jurcal  pas  y.nlii  liéish  s  ;  f/»i;  Imir 
idolàiiie  I  t:il  un  mm  et  iiun  «ne  enciiy,  ta  d  lilion 
d'un  précepte  et  non  lu  ni'j.liot  d'un  dogme.  Les 
Conférences  de  liayeux  Ini  répondent  : 

I  M.  (le  Lamennais  a  compris  qu'il  serait  contraint 
d'abandonner  SOS  opinions  et  ses  raisonnements  sur  le 
principe  de  certitude,  s'il  avouait  que  le  polythéisme 
a  régné  dans  le  monde  p;^n  !ant  plus  de  deux 
mille  ans  ,  et  que  toutes  les  nations,  à  l'excep- 
tion (Pune  sftidc,  ont  été  entachées  de  celle  erreur.  II 
a  mieux  aimé,  malgré  l'évidence  des  faits,  soutenir 
que  les  anciens  peuples,  tout  en  offrant  leurs  adora- 


PAG 


4188 


de  théologie  dogmatique;  ils  ne  savaient  pas 
seulement  si  leurs  dieux  étaient  de  vrais 
personnages  ,  ou  des  symboles  des  puissan- 

tions  et  leurs  sacrifices  m  une  foule  de  divinités  bi- 
zarres, et  même  à  des  créatures  inanimées,  ont  ce- 
pendant toujours  professé  le  dogme  de  l'unité  de 
Dieu.  <  Avant  de  montrer,  dit-il,  comment  le  genre 
humain  tomba  dans  l'ido'àirie,  nous  ferons  observer 
qu'elle  n'est  pas  la  négation  d'un  dogme,  mais  la  vio- 
lation d'un  précepte  et  du  premier  de  tous,  de  ce- 
lui ([ui  ordonne  d'adorer  Dieu  et  de  n'adorer  que  lui 
seul....  On  honora  le  Oréaieur  dans  ses  oeuvres  les 
plus  éclatantes,   devenues  autant  de  symboles  de  la 
Divinité...  L'idolâtrie  ne  fut  jamais  que  le  cidte  des 
esprits  bons  et  mauvais  et  le  culte  des  hommes  dis- 
tingués par  des  qualiiés  éclatantes  ou  vénérés  pour 
hîiirs  bienfaits,  c'est-à-dire,    au  fond,  le  culte  des 
anges  et  celui  des  saints...   L'idolâtrie  n'était  point, 
à  proprement  parler,   une  religion,  mais   senlen.'ent 
im  colle  superstitieux.  »  M.  de  I-amcnnais  n'est  pas 
l'inventeur  de  ce  système;   d'autres  l'ont  soutenu 
avant  lui,  et  surtout  Cvidworlh,   dans  son   ouvrage 
intitulé  :    Système  mtellectuel  du   monde  contre  les 
athi'es;  Biaiisobre,  dans   son  Histoire  du  Manichéis- 
me... An  reste,  quel  qu'en  soit  l'auteur,  on  ne  réus- 
sira jamais  à  le  concilier  avec   renseignement  des 
livres  saints  et  le  témoignage  de  l'histoire.  Non,  l'i- 
dolàtrie  des  anciens  peuples  ne  lut  pas  seulement  un 
crime;   elle  était  encore  une  erieur;  les  i  oies  de- 
vant lesquelles  ces  peuples  se  prosternaient  n'étaient 
pas  seulement   dans  leur  pensée  des  symboles  de  la 
Divinité  ;  ils  leur  ailribuaient  au  moins  une  vertu  di- 
vine, ils  leur  rendaient  un  culte  absolu.  Pourquoi,  en 
eliet,    Moïse  rappelait-il  si  fréquemment  au  peuple 
juif  l'unité  de  Dieu,  sinon  pour  le  préserver  de  l'er- 
reur dans  laquelle  étaient  plongées   toutes  les  na- 
tions voisines?    L'auteur  inspiré  du  Livre  de  la  Sa- 
gesse n'accusait-il  pas  d'erreur  les  peuples  iidideles, 
lorsqu'il  disait  :  Que  les  hi  mmes  sont  juihles  et  avu- 
çili's  !  ils  ignorent  Dieu  ;  ils  ne  le  voient  pas  dans  les 
'merveilles  qui    s'opèeiit   deeani  eux;   ils  simaijineiil 
follement   que  le   jeu,  l'air,  le  soleil,  la  lune,  tous  Us 
astre::,  sont  les  dieux  q^à  youveinent  le  nio  ide !  Ce  roi 
de    Babylone   qui,    dans   son   ignorante  simplicité, 
croyait  que  la  statue  de  Bel  dévorait  pendant  la  nuit 
les   aliments   qu'on   plaçait  le  soir  devant  elle,  ne 
voyait-il  donc  dans  celle  statue  (|u'un  symbole  maté- 
riel de  la  Divinité?  Eidin  saint  Paul  ne  snpposail-il 
pas  que  l'ulolàtiie  élail  une  erreur,  quand  il  écrivait 
aux  Galales  :  Vom  ne  connaissiei  pas  Dieu,  et  ceux 
auxquels  voui  rendiez  vos    lio  nmages  n'nvment  pas  la 
nature   divine;  ou  bien  lor-.qiie,    rencontrant  dans 
Athènes  un  temple  sur  le  frontispice  duquel  on  avait 
gravé  ces  mots  :  Au  Dieu  inconnu,  il  disait  aux  habi- 
lants  de  cette  ville  :  .\oiis  ne  devons  pas  croire  q  e  la 
mit  ire  divine  soit    semblable  à  l'or,    à    Cargent,  à  ces 
pierres  (açonnéiS  et  sculptées  jiar  fart  •  i  Cindustr'e  des 
liomines  ?  Ces  reprocliés   de  l'Apôtre  eussent-ils  été 
fondés,  si  la  foi  des  vcrilés  primitives  s'éiait  conser- 
vée chez  tous  les  peuples  par  une  tradition  perpé- 
tuelle, universelle  et  infaillible?  Nous  avouerons  sans 
peine  (pie  la  croyance  d'un  Dieu   suprême  s'est  tou- 
jours conservée  au  milieu  des  ténèbres  de  l'idolâtrie, 
on  du  moins  que  cette  croyance   n'a  jamais  été  en- 
tièrement elfacée  ;  nousavouerons  encore,  si  l'on  vcul, 
que  quelipies-uns  des   dieux  du  paganisme  ont  pu 
ifétre  d'abord  que  diUerentes  dinouniiatioiis  données 
à  la  Diviinié  pour  exprimer  ses  attributs  ou  ses  opé- 
rations. Mais  lorsqu'une  fois  l'idolâtrie  se  fut  répan- 
due dansle  monde,  ces  dénominations  diverses  fuient 
transfoiinées  en  autant  de  divinités  particulières,  et 
déjà  le  Dieu  supriine,  désigné  dans  le  priiuq>e  par 
ces  dillérenls  noms,  n'était  plus  le  Dieu  viTitable.  Ce 
Jupiter,  dont  les  poètes  racontaient  l'origine,   la  vie, 
les  désordres  et  les  aventures  scandaleuses,  était-il  le 
Dieu  iuliui ,  créaleiLir  du  monde  ?  On  n'héi>itait  p^s 


H8d 


»AC 


t»AG 


iiOO 


ces  naturelles,  comme  du  soleil,  des  planè- 
tes, des  éléments.  Leurs  mystères  n'élaiciit 
point  des  dn^mes ,  mais  <les  piali  [ws  se- 
crètes, souvent  ridicul.'S  et  absurdes;  il  fal- 
lait les  caohi'r  pour  les  garantir  du  uiépris. 
Les  |)aiens  avaient  leiu'S  superstitions,  ils  se 
vantaient  de  miracles  .  tout  «'lait  plein  choi 
eux  d'oracles,  d'augures,  de  |>résa  ^C'^,  de  di- 
vination; les  iirèties  inventaient  des  mar- 
ques de  la  colère  ou  de  la  linnlé  des  dieux, 
dont  ils  prétendaient  être  les  interprètes. 
Cela  tenlait  à  gouverner  les  esprits  par  la 
cr;iinte  et  par  l'espérance  des  événements 
luimains;  mais  le  grand  avenir  d'une  autre 
vien'étijit  guère  envisagé;  ou  ne  se  mettait 
point  en  [leine  d(^  doaiu'r  aux  hoamies  de 
véritables  sentiments  de  Dieu  et  de  r.lme. 
Esprit  de  Leibnitz,  t.  1,  p.  4(15.  Ce  tableau  du 
paganisme  n'est  pas  dill'érent,  dans  le  fond, 
de  celui  qu'en  a  tracé  Varron,  le  plus  savant 
des  Romains,  dans  saint  Aug.,  1.  vi  de  Civil. 
Dei,  c.  V.  Il  distingue  trois  espèces  de  théo- 
logie païenne  ou  de  croyance  touchant  la  Di- 
vinité :  colle  des  poiHcs ,  conteiuie  dans  les 
fables,  celle  que  les  philosophes  enstùgnaient 
dans  leurs  écoles,  celle  que  l'on  suivait  dans 
la  pratique  et  dans  la  sociité  civile.  11  Ciin- 
vient  que  la  première,  qui  attribuait  aux 
dieux  des  faiblesses  et  des  crimes  était  ab- 
surde et  injurieuse  à   la  Divinité;  il  dit  que 

cependant  à  lui  altribiier  la  naline  divnie  ;  on  l'ap- 
pi'iail  le  père,  le  nioiKiri|nc  ,  la  imissance  élcrnelle 
des  tioiniiicset  des  dieiiv.  i  En  lui  aUribnant,  dit  le 
docleiir  Leland,  les  uires  de  la  Divinité  et  le  gou- 
veini'ment  du  momie  ,  les  poêles  nionlreiil  (pi'ils 
avaient  quelque  iionon  d'un  Dieu  suprême  el  du  ses 
aUributs;  ils  miinncnl  aussi  qu'ils  conroiidaicnl  ce 
Dieu,  le  seul  viai  Dieu,  avec  le  elietdes  vaines  idoles, 
et  qu'ils  tiauspoiiaient  à  celui-ci,  p;irunabus  crimi- 
nel, les  honneurs,  le  caraeti're  el  le  eulle  qui  appar- 
tenaient en  propre  au  Dieu  suprême.  >()n  dira  pcut-rlre 
que  les  plulosoplies  avaient  de  Dieu  des  idées  plus 
justes,  et  (lu'ils  se  moquaient  en  secret  de  la  sotte 
crédulilé  el  des  supersUlious  du  peuple.  Nous  ri'pon- 
droiis  :  1°  qu'on  ne  peut  juger  di'S  opinions  domi- 
nantes par  les  idées  de  quel(|ncs  individus  et  niome 
de  «luelques  écoles  •  i°  (pie  les  philosotilies,  loin  de 

fn'oclamer  l'unilé  de  Dieu,  parlèrent  presipie  toujours 
e  langage  du  polydn'i  me  el  euq>loyerenl  toute  leur 
iniluence  à  maiulenir  l'iilolàlrie  et  le  culle  des  die.ix; 
5"  que  la  plcpart  d'entre  eux  n'ailniettaient  pas  d'au- 
tre Dieu  que  le  monde,  que  leur  croyance  notait  en 
realilé  qu'une  sorie  de  panlbrisme.  Cicéron,  qui  a 
rassemblé  dans  ses  livies  lie  uudia  deoium  les  opi- 
nions diverses  des  philosophes  anciens,  impuie  celle 
erreur  a  Plalon  el  au  chef  de  l'école  sioicienne.  Pline 
commence  son  histoire  naturelle  par  ces  mois  : 
Maiid'm  ei  hoc  qiiod  uomiiie  iili  >  (.'ii/iim  appiilurd  U- 
buil,  ciijus  (ircit  ftt'.iti  itgiinliiT  omnia,  iinmen  e!i  e 
credi  par  et,  ulernum,  un  ueiisum,  neqiie  ijc  iluiii, 
neiue  iiieritmum.  Les  preaiiors  apologistes  i;e  la  re- 
ligion chrelie. me  devaient  connaître  mieux  (jne  nous 
les  erreurs  de  la  ph.lus:ipliie  paienne,  (|iii  avait  été 
l'objet  de  leurs  premières  itudes  :  l'un  d  eux  oeplo- 
rail  avec  aiuerlume  l'aveuglemeiil  dans  lequel  ii  était 
plongé  avant  qu'il  eut  embrassé  la  toi  de  l'Evangile  : 
Vener  b  r  [h  cn'citas  .')  /mi,  ev  smnlacra,  •  l,  ta  qtiam 
ine  ael  vis  prœse.s,  uaula  ii\\  beiiii,cia  p  srcbutii  ■  et 
eoi  i/'S  i  d.vos  q  us  eiSi'  milii  peisnaie.  am,  (ifiiciebain 
cotitiiinctiii  (iii.iibus,  ctim  eos  esse  aedcbatii  Uiiua,  lu- 
vides,  (td/UL'  o«««,  nul  m  Imjusmodi  rerum  habiiaie 
tim'eria,  i 


la  seconde,  qui  consistait  h  rechercher  s'il  y 
a  des  di(  iix  ou  s'il  n'y  en  a  point ,  s'ils  soiit 
éternels  ou  nés  dans  le  temps  ,  «le  quelle  na- 
ture et  de  quelle  espèce  ils  sont,  etc.,  serait 
intolérable  en  public,  qu'elle  doit  être  ren- 
ferini'e  dans  l'enceinte  des  écoles;  que  la 
troisième  se  borne  au  cérémonial  religieux. 
Saint  Augustin  n'a  pas  de  peine  à  faire  voir 
que  celle-ci  n'est  point  dilféicnte  de  la  théo- 
logie fabuleuse;  (lue  les  fêtes,  les  spectacles, 
les  cérémonies  du  paganisme  étaient  exacte- 
ment conformes  à  ce  que  l'on  tlisait  des 
dieux  dans  les  fabL'S,  mais  il  n'est  pas  moins 
évident  ([ue  la  iel;gioii  ou  la  croyance  popu- 
laire n'avait  aucun  rapport  aux  questions 
agitées  parmi  les  [ihilosophes ,  et  que  nos 
critiques  modernes  ont  très-grand  tort  de 
vouloir  lier  l'une  avec  les  autres. 

§  W.  Peut-on  excuser  le  paganigine  en  quel- 
fjue  manière  ?  Bu  tous  ceux  qui  ont  entrepris 
d'en  faire  l'apologie,  personne  n'y  a  travaillé 
avec  plus  de  zèle  et  de  sagacité  que  le  lord 
Herbert  de  C  h  erbury,  célèbre  uéisle  anglais, 
dans  son  livre  de  Religione  gentilium.  Selon 
lui ,  toute  religion  vérit;ible  doit  professer 
les  cinq  dogmes  suivants  :  1°  qu'il  y  a  un 
Dieu  suprême;  2°  qu'il  doit  être  le  principal 
objet  de  noire  culte;  3"  que  ce  culle  collSi^te 
principalement  dans  la  piélé  intéiieure  et 
dans  la  veitu;  i"  que  nous  devons  nous  re- 
pentir de  nos  péchés  et  que  Dieu  nous  par- 
donnera; 5°  qu'il  y  a  des  récompenses  pour 
les  bons  et  des  sup]ilices  pour  les  luéchants. 
Or  ces  cinq  vérités,  dit-il,  ont  été  profes- 
sées dans  le  paganisme.  Voici  comme  il  le 
prouve. 

11  faut  savoir  d'abord  que  chez  les  païens 
le  tuot  Dieu  signiliait  seulement  un  èired  une 
■  nature  supérieure  à  la  nôtre,  plus  inlelligent 
et  plus  puiss  ;nt  que  nous.  Selon  le  .senti- 
ment commun  ,  le  Dieu  suprême,  renfermé 
en  lu  -même  et  tout  occupé  de  son  bonheur, 
avait  laissé  le  soin  de  gouverner  l'univers  à 
des  esjirits  inférieurs  ,  qui  éta  eut  les  minis- 
tres et  les  lieutenants  de  sa  providence;  ainsi 
le  culte  qui  leurétait  rendu  était  reatif,  il  ne 
dérogeait  pointa  celui  qui  était  adressé  au 
Créateur.  Les  païens  ont  donc  adoré  les  asp- 
ires et  les  éléments,  parce  qu'ils  les  croyaient 
animi's  et  gouvernés  par  des  esjirits,  et  qu'ils 
les  envisageaient  comme  une  production  de 
la  Divinité.  Le  ciel  était  nommé  Jupiter; 
l'air,  J»Ho«;  le  l'eu,  Vulcainul  Vesta  ;  le.iu, 
Neptune  ;  la  terre  ,  Cyitèle,  HMa,  Cérès,  Plu- 
ton  ;  le  soleil ,  Apollon;  la  lune,  Diane;  les 
autres  planètes  ,  Vénus,  Alors,  Mercure,  Sa^ 
turne.  Les  autres  personnages uésigiiiient  ou 
des  dons  d'  la  Divinité,  ou  quelques-uns  des 
caractères  empreints  sur  ses  ouvrages.  Le 
titre  Optimus  Maximus,  constaïuinoi.t  donné 
au  Dieu  suprême,  att>'stait  sa  iirovidiuice; 
c'est  k  lui  qu'étaient  dû  le  culle  i,  lé; leur,  la 
reconnaissance ,  la  conliance  ,  l'ainour  ,  la 
soumission;  le  culte  extérieur,  l'enceiiS. 
les  sacrilices  étaient  pour  les  dieux  infé- 
rieurs. Les  honneurs  divins  accoiués  aux 
héros  bienfaiteurs  de  l'humanité  attestaient 
la  croyance  de  l'imuiorlalilé  de  l'àme  et 
des  récompenses  promises  à  la  vertu;  on  les 


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appelait  dieux,  c'est-à-dire  saints  et  bienheu- 
reux. Ce  que  l'on  disait  des  enfers  était  un 
témoignage  des  peines  destinées  aux  mé- 
chants. En  divinisant  les  vertus  ,  comme  la 
piété  ,  la  concorde  ,  la  paix  ,  la  pudeur,  la 
bonne  foi,  l'espérance,  la  droite  raison,  sous 
le  nom  de  mens,  etc.,  on  apprenait  aux  hom- 
mes que  c'étaient  des  dons  du  ciel ,  et  les 
seuls  moyens  do  parvenir  au  bonheur.  Les 
expiations  faisaient  souvenir  les  pécheurs 
qu'ils  devaient  se  repentir  et  changer  de  vie, 
pour  se  réconcilier  avec  la  Divinité.  Si  dans 
la  suite  des  temps  il  s'est  glissé  des  erreurs 
et  des  abus  dans  toutes  ces  pratiques,  c'a  été 
la  faute  des  prêtres ,  qui  les  introduisirent 
par  intérêt  et  pour  rendre  leur  ministère  né- 
cessaire. Suivant  ce  système,  avidement  em- 
brassé par  les  déistes,  il  n'y  eut  jamais  de 
polythéistes  dans  le  monde ,  puisque  tous 
reconnaissaient  un  Dieu  suprême;  ni  d'ido- 
lâtres ,  puisque  le  culte  rendu  aux  statues 
s'adressait  aux  dieux  ou  aux  génies  qu'elles 
représentaient  :  les  premiers  principes  de  la 
morale  ont  été  connus  et  professés  partout, 
principalement  dans  les  écoles  de  philoso- 
phie. De  là  les  déistes  ont  conclu  que  les 
Pères  de  l'Eglise  ont  mal  représenté  le  pa- 
ganisme, qu'ils  n'ont  pas  su  en  pnniire  l'es- 
prit ,  ou  qu'ils  l'ont  défiguré  exprès  atin  de 
le  rendre  odieux,  que  dans  le  fond  ce  n'était 
autre  chose  que  la  religion  naturelle ,  quoi- 
qu'elle ne  fût  pas  sans  abus. 

Mais  celte  pompeuse  apologie  du  paga- 
nisme a  été  complètement  rétutée  par  le 
docteur  Lt  land,  dans  sa  nouvelle  Démonstra- 
tion évangélique  ;  il  n'en  est  pas  un  seul  ar- 
ticle auquel  il  n'ait  opposé  des  faits  et  des 
monuments;  nous  nous  bornerons  à  en 
extraire  quelques  réflexions.  —  1°  Elle  nous 
paraît  renfermer  des  contradictions.  Suivant 
l'observation  de  Cherbury,  à  laquelle  nous 
acquiesçons,  h'S  païens,  sôus  le  nom  de  Dieu, 
entendaient  seulement  un  être  plus  puissant 
et  plus  intelligent  que  nous  :  qui  donc  leur 
avait  donné  l'idée  d'un  Etre  suprême,  sou- 
verain maître  de  l'univers  ?  Certainement 
l'idée  rétrécie  qu'ils  s'étaient  faite  de  la  Di- 
vinité n'était  pas  propre  à  les  élever  a  la  no- 
tion sublime  d'un  premier  Etre  éternel , 
existant  de  soi-même ,  tout-puissant ,  père 
de  l'univers,  etc.  Nous  voudrions  savoir  où 
les  païens  avaient  pu  la  puiser.  En  second 
lieu ,  l'on  nous  dit  que  cet  Etre  suprême, 
renfermé  en  lui-même  et  tout  occupé  de  son 
bonheur,  avait  laissé  à  des  dieux  inférieurs 
le  soin  de  gouverner  l'univers,  et  cependant 
on  lui  attribue  une  providence;  qu'est-ce 
donc  que  la  providence,  sinon  le  soin  de 
gouverner  l'univers  ?  Dès  que  le  Dieu-  su- 
prême ne  s'en  mêlait  pas  de  peur  de  troubler 
.son  bonheur,  les  dieux  inférieurs  n'étaient 
plus  de  simples  ministres  ,  de  purs  lieute- 
nants ;  ils  étaient  souverains  absolus  ,  selon 
toute  la  force  du  terme.  Dans  ce  cas ,  nous 
demandons  à  quel  titre  on  devait  un  culte 
intérieur  à  un  être  qui  n'en  exigeait  point, 
de  la  reconnaissance  ou  de  la  conliance  à  un 
monarque  qui  ne  donnait  rien  et  ne  dispo- 
sait de  rien,  de  la  soumission  à  un  fiintômo 


qui  ne  commandait  rien  ,  etc.  ?  H  est  donc 
faux  que  le  culte  rendu  aux  dieux  inférieurs, 
seuls  gouverneurs  du  monde,  dût  se  rappor- 
ter à  lui  en  aucune  manière.  — 2°  Il  est  en- 
core faux  que  le  titre  optimus  maximus  ait 
désigné  le  Dieu  suprême  ni  attesté  sa  pro- 
vidence. On  a  trouvé  dans  les  Alpes  l'inscrip- 
tion, Deo  Pcnino  oplimo  maximo  ;  elle  ne  si- 
gnifiait certainement  pas  que  ce  Dieu  était 
l'Etre  suprême  ni  qu'il  gouvernait  l'univers 
entier;  quand  elle  aurait  exprimé  quelque 
chose  de  plus,  lorsqu'elle  était  appliquée  à 
Jupiter,  jamais  elle  n'a  donné  à  entendre  qu'il 
était  l'Etre  éternel ,  existant  de  soi-même, 
formateur  et  souverain  maître  de  toutes  cho- 
ses ;  ce  n'était  la  croyance  ni  du  peuple  ni 
des  philosophes.  —  3°  Tout  le  monde  con- 
vient que  les  païens  n'ont  jamais  attribui^  au 
Dieu  suprême  une  providence  dans  l'ordre 
moral ,  la  qualité  de  législateur,  déjuge  ,  de 
rémunérateur  do  la  vertu  ,  de  vengeur  du 
crime ,  d'inspecteur  de  toutes  les  actions  et 
des  pensées  des  hommes.  Celse ,  dans  Ori- 
gène  ,  liv.  iv,  n.  99  ,  soutient  qu'à  la  vérité 
Dieu  prend  soin  de  tout ,  ou  de  la  machine 
générale  du  mon  !e  ,  mais  qu'il  ne  se  fâche 
pas  plus  contre  les  hommes  que  contre  les 
singes  et  contre  les  mouches,  et  qu'il  ne 
leur  fait  point  de  menaces.  Le  païen  Céci- 
lius,  dans  Minutius  Félix  ,  n.  5,  prétend  que 
la  nature  suit  sa  marche  éternelle,  sans  qu'un 
Dieu  s'en  môle;  que  les  biens  et  les  maux 
tombent  au  hasard  sur  les  bons  et  sur  les 
méchants;  que,  si  le  monde  était  gouverné 
par  une  sage  Providence  ,  les  choses  ,  sans 
doute,  iraient  tout  autrement. N.  10,  il  tourne 
en  ridicule  le  Dieu  des  chrétiens,  Dieu  cu- 
rieux ,  inquiet ,  jaloux  ,  imprudent ,  qui  se 
trouve  partout,  l'ait  tout,  voit  tout,  même  les 
plus  secrètes  pensées  des  hommes ,  qui  se 
mêle  de  tout,  même  de  leurs  crimes,  comme 
si  son  attention  pouvait  suffire  au  gouverne- 
ment général  du  monde  et  aux  soins  minu- 
tieux de  chaque  particulier.  Tacite  ,  Annal., 
1.  VI,  c.  22,  oijserve  que  le  dogme  de  la  pro- 
vidence des  dieux  est  un  problème  parmi  les 
philosophes,  et  lui-même  ne  sait  qu'en  pen- 
ser en  considérant  les  désordres  de  son  siè- 
cle. Dans  le  troisième  livre  de  Cicéron,  sur 
la  Nature  des  dieux ,  l'académicien  Cotta 
combat  de  môme  la  providence  par  la  multi- 
tude des  désordres  de  ce  monde.  Nous  sa- 
vons très-bien  que  le  peuple  attribuait  une 
espèce  de  providence  aux  dieux  qu'il  ado- 
rait ;  mais  qu'il  l'ait  supposée  dans  un  Etre 
suprême  ou  supérieur  aux  génies  qu'il  nom- 
mait des  dieux ,  nous  chercherions  vaine- 
ment par  quel  moyen  ce  dogme  aurait  pu  se 
graver  dans  l'esprit  du  commun  des  païens. 
—  k'  Quelques  [)hilosophos  ont  dit,  à  la  vé- 
rité, que  le  culte  religieux  consiste  principa- 
lement dans  la  piété  intérieure  et  dans  la 
vertu,  mais  aucun  n'a  enseigné  que  ce  culte 
était  réservé  pour  le  Dieu  suprême,  pendant 
que  les  cérémonies  étaient  le  partage  des 
dieux  inférieurs.  Dès  que  les  païens  avaient 
satisfait  au  cérémonial ,  ils  croyaient  avoir 
accompli  toute  justice  ,  et  ces  pratiques 
étaient  des  absurdités  ou  des   crimes.  De 


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quel  prix  pouvaient  être  la  piété  et  la  vortu 
aux  yeux  des  dieux,  dont  la  plupart  étaient 
censés  vicieux  et  auteurs  des  passions  des 
hommes  ?  Jauiais  les  païens  n'ont  demandé 
aux  dieux,  dans  leurs  prières,  la  sagesse,  la 
justice,  la  tempérance,  la  chasteté;  Gicéron, 
Sénèque ,  Horace  et  d'autres  jugeaient  que 
c'était  à  l'homme  seul  de  se  les  procurer  ; 
comment   les  dieux  auraient-ils   donné    ce 

2u' ils  n'avaient  pas  ?  On  se  bornait  à  leur 
emander  la  santé,  les  richesses,  la  prospé- 
rité, souvent  l'accomplissement  des  désirs 
les  plus  déraisonnables.  Lactance  n'avait 
uas  tort  de  soutenir  aux  païens  que  leur  re- 
ligion ,  loin  de  les  porter  h  la  vertu  ,  ne  ser- 
vait qu'à  les  exciter  au  crime.  Divin.  Instil., 
1.  V,  c.  20,  etc.  —  5°  Ce  serait  donc  une  illu- 
sion de  croire  qu'en  divinisant  quelques 
vertus,  comme  la  paix,  la  bonne  foi,  la  piété 
filiale,  on  ait  voulu  apprendre  aux  hommes 

2ue  c'étaient  des  dons  du  ciel  et  des  moyens 
e  parvenir  au  bonheur.  D'ailleurs ,  à  quoi 
servait  de  leur  ériger  des  autels ,  pendant 
qu'il  y  avait  des  temples  consacrés  aux  vices, 
à  un  Jupiter  débauché ,  à  un  Mars  vindica- 
tif, à  une  Vénus  impudique ,  etc.  ?  Gicéron, 
1.  II,  de  Nat.  deor.,  n.  61 ,  dit  que  les  noms 
de  Cupidon  et  de  Véiius  ont  été  divinisés, 
quoiqu'ils  signifient  des  passions  vicieuses 
et  contraires  à  la  nature  bien  réglée,  parce 
que  ces  passions  agitent  violemment  notre 
àme,  et  parce  qu'il  faut  un  pouvoir  divin 
pour  les  vaincre.  Ainsi  les  païens  clierchaient 
a  excuser  leurs  vices ,  en  les  attribuant  au 
pouvoir   de   certaines    divinités.   Gomment 
expliquer  d'une  manière  honnête  le   culte 
qu'on  leur  rendait  ?  comment  le  rap[)orter  au 
vrai  Dieu? — 6°  L'apotliéose  des  héros  at- 
testait sans  doute  la  croyance  de  l'immorta- 
lité de  l'âme;  c'aurait  été  un  encouragement 
à  la  veitu  ,  si  l'on  n'avait  accordé  cet  hon- 
neur qu'à  des  personnages  res|)ectables  par 
leurs    mœurs  et  par   leurs    services.    Mais 
Hercule,  Thésée,  Romulus,  etc.,  avaient  été 
plus  célèbres  par  leurs  vices  que  par  leurs 
vertus.  Les  païens  ne  plaçaient  dans  le  Tar- 
tare  ou  dans  l'enfer,  que  les  Ames  des  scé- 
lérats qui  s'étaient  rendus   odieux  par  d'é- 
normes forfaits;  l'Elysée  renfermait  plusieurs 
personnages  qui  auraient  éié  punis  chez  une 
nation  policée,  et  le  bonheur  dont  ils  y  jouis- 
saient n'était  pas  assez  parfait  pour  exciter 
puissamment  les    hommes   à  la    vertu.  — 
7°  On  nous  trompe  en  disant  que  le  repentir 
et  le  changement  de  vie  faisaient  partie  es- 
sentielle des  expiations  et  de  la  pénitence 
des  païens;  jamais  ils  n'ont  été  instruits  do 
cette  importante  vérité,  et  ceux  mémo  qui  la 
leur   prêtent  ne  l'ont  apprise  (juo   dans  le 
christianisme.    Lorsque    la     cérémonie    de 
l'expiation  était  exactement  accomplie ,  tout 
était  bien;  un   guerrier  qui,  au  retour  du 
combat,  expiait  ses  homicides  en  lavant  ses 
mains  dans  une  eau  vivo,   n'avait  certaine- 
ment pas  beaucoup  de  repentir  d'avoir  tué 
un  grand  nombre  d'ennemis.  On  expiait  une 
rencontre  sinistre,  un  mauvais  présage,  un 
songe  f;icheux,  plus  souvent  i]uo  des  crimes 
volontaires.  —  8°  Enfin  Cherbury,  après  avoir 

DiCTIONN.     DR   ThÉOL.    DOGMATIQUE.  III, 


fait  tous  ses  efforts  pour  justifier  le  paga- 
nisme, est  forcé  de  se  rétracter.  Dans  le  der- 
nier chapitre  de  son  livre,  il  convient  que 
l'opinion  (les  païens  touchant  la  providence 
dégradait  la  Divinité,  que  le  culte  des  dieux 
inférieurs  lui  était  injurieux  ,  que  le  peuple 
ne  comprenait  peut-être  pas  trop  bien  com- 
ment ce  culte  pouvait  être  relatif  et  remon- 
ter au  Dieu  suprême  ,  et  que  l'on  ne  peut 
pas  l'absoudre  d'idol.itrie.  11  avoue  que  les 
fables  avaient  absolument  étoutfé  la  religion, 
que  l'abus  était  irréfomiable ,  que  c'est  ce 
qui  a  fait  le  triomphe  du  christianisme. 

11  n'est  donc  pas  vrai  que  les  apologistes 
de  notre  religion  et  les  Pères  de  l'Eglise 
aient  mal  représenté  le  paganisme;  ils  l'ont 
peint  tel  qu'ils  le  voyaient  [)ratiquer  et  tel 
qu'il  était  expliqué  par  ses  propres  défen- 
seurs. Celse,  Julien,  Porphyre,  Gécilius  dans 
Minutius-Félix ,  Hiéroclès,  Maxime  do  Ma- 
daure  ,  etc.,  n'ont  reproché  aux  Pères  au- 
cune infidélité  ,  aucune  accusation  fausse  , 
ils  ont  été  de  meilleure  foi  que  les  déistes  ; 
et  dans  le  §  7  nous  ferons  voir  que  les  Pè- 
res ont  exactement  réfuté  toutes  les  raisons 
dont  se  servaient  les  païens  |)Our  pallier  la 
turpitu<le  et  l'absurdité  de  leur  religion. 
Beausobre,  plus  obstiné  que  Gherbury,  sou- 
tient que  les  païens  n'adoraient  pas  leurs 
dieux,  ne  leur  rendaient  pas  le  culte  su- 
prême. L'adoration,  dit-il,  consiste  ,  1"  dans 
les  idées  que  l'on  a  de  l'excellence  et  des 
perf.'ctions  d'un  être  ;  2°  dans  les  sentiments 
qui  naissent  de  ces  idées  et  qui  doivent  y 
être  proportionnés  ;  3°  dans  les  actions  ex- 
térieures qui  sont  les  témoignages  des  sen- 
timents de  l'ilme.  Gela  étant,  la  première 
idolAtrie  consiste  à  transférer  à  (juelque  créét- 
ture  que  ce  soit  le  jiouvoir,  l'excellence  et 
les  perfections  divines,  et  à  croire  que  cette 
créature  les  possède  en  propre  et  par  elle- 
même.  Or ,  il  n'y  a  jamais  eu,  que  je  sache, 
de  telle  idohltrie  dans  le  monde.  Hist.  du 
Manich.,  1.  ix,  c.  k  ,  §  7.  Nous  soutenons,  au 
contraire,  que  telle  a  été  l'idolâtrie  de  tous 
les  polytliéistesdu  monde;  tous  ont  attribué 
à  leurs  dieux  les  perfections  divines ,  non 
telles  que  la  révélation  nous  les  montre 
dans  le  Créateur ,  mais  telles  que  la  raison 
humaine  les  concevait  p  lur  lors;  savoir,  la 
connaissance  de  ce  que  l'on  taisait  pour  leur 
plaire  ou  pour  les  outrager,  la  science  de 
l'avenir  ,  le  pouvoir  absolu  de  faire  du  bien 
ou  du  mal  aux  nations  et  aux  particuliers , 
d'agiter  les  corps  et  les  âmes,  d'inspirer  des 
passions  aux  hommes  ,  d'opérer  des  prodi- 
ges supérieurs  aux  forces  humaines,  de  dis- 
poser des  bienfaits  ou  des  lléaux  de  la  na- 
ture. On  ne  prouvera  jamais  que  les  païens 
ont  eu  la  notion  de  quelque  être  supérieur 
en  perfections  aux  dieux  qu'ils  adoraient , 
ni  d'un  culte  plus  parfait  que  celui  qu'ils 
leur  rendaient.  Ces  dieux.,  selon  la  croyance 
des  païens ,  étaient  donc  autant  d'êtres  su- 
prêmes ,  puisque  l'on  n'en  connaissait  au- 
CLiii  qui  fût  au-dessus  d'eux;  le  culte  qu'on 
leur  rendait  était  l'adoration  suprême,  puis- 
que l'on  n'imaginait  aucune  manière  plus 
énergique  de  leur  témoigner  du  respect ,  de 

38 


!195  PAG 

la  confiance  et  de  la  soumission.  Mais  Beau- 
sobre  avait  ses  raisons  pour  prêter  aux  païens 
l'idée  d'un  Etre  suprême,  tel  que  la  révéla- 
tion nous  l'a  fait  connaître.  Nous  verrons 
dans  la  suite  l'usage  qu'il  en  a  voulu  faire. 

§  V.  Les  lois  que  Moise  avait  portées  con- 
tre l'idolâtrie  étaient-elles  injustes  ou  trop 
sévères?  Ce  législateur  dit  aux  Juifs  :  «  bi 
votre  frère,  votre  tils  et  votre  tille,  votre 
époux  ou  votre  ami  vous  dit  en  secret.  Al- 
lons adorer  les  dieux  étrangers,  ne  l'écou- 
tez  point,  n'en  ayez  point  de  pitié,  ne  le  ca- 
chez point;  vous  le  mettrez  ii  mort,  vous 
jetterez  contre  lui  la  première  pierre  ,  et  le 
peuple  le  lapidera...  Si  vous  apprenez  que, 
dans  une  de  vos  villes,  il  est  dit.  que  quel- 
ques hommes  pervers  ont  séduit  leurs  con- 
citoyens ,  et  leur  ont  dit,  Allons  servir  des 
dieux  étrangers  ,  vous  vous  informerez 
exactement  du  fait ,  et  s'il  se  trouve  vrai , 
vous  détruirez  cette  ville  et  ses  liabitp'its 
par  le  fer  et  par  le  feu ,  el  vous  en  ferez 
un  monceau  de  ruines  (  Deut.  xiii ,  C  et 
suiv.).  » 

Voilà  ,  disent  les  incrédules,  deux  lois 
ahominahles.  Il  est  aisé  à  un  fanatique  do  se 
persuader  que  sa  femme  ou  son  lils  veulent 
le  faire  apostasier,  et  s'il  les  tue  sur  ce  pré- 
texte, il  se  croira  un  saint.  D'autre  part,  c'est 
le  comble  de  la  baibarie  de  détruire  une 
ville  entière  ,  parce  que  quelques  citoyens 
ont  emhrassé  un  culte  différent  du  culte  pu- 
blic. Fausse  explication  et  fausses  consé- 
quences. 11  n'est  i^as  vrai  gue  la  première 
de  ces  lois  autorise  un  particulier  à  tuer  lui- 
même  sa  femme  ou  son  fils ,  sans  fOrmo  de 
procès.  Il  lui  est  ordonné  de  ne  pas  cacher 
leur  crime  ,  mais  de  le  dénoncer  à  l'assem- 
blée du  peuple  ;  puisque  le  peiqjle  devait 
lapider  le  coupable  ,  c'était  donc  au  peuple 
de  le  juger  et  de  le  condamner,  et  ce  n'est 
qu'après  la  condamnation  (jue  le  dénoncia- 
teur devait  jeter  contre  lui  la  itremièrc  pierre. 
Ainsi  le  prétendu  jugement  de  zèle  ,  par  le- 
quel on  suppose  que  tout  Israélite  avait 
droit  de  tuer,  sans  forme  de  procès,  quicon- 
que idolâtrait  ou  voulait  porter  les  autres  à 
l'idolâtrie,  est  une  vision  des  rabbins,  adop- 
tée sans  examen  par  quelques  critiques  im- 
prudents. Vorj.  la  Bible  de  Chais  sur  cet  en- 
droit. Dans  la  seconde  loi ,  il  n'est  pas  seu- 
lement question  de  quelques  citoyens  qui 
ont  pratiipié  l'idoi.Hrie,  mais  d'hommes  per- 
vers qui  y  ont  entraîné  tous  les  habitants 
d'une  ville ,  qui  ont  séduit  leur  concitoyens. 
La  loi  suppose  donc  que  tous  ont  eu  part  au 
crime,  du  moins  par  leur  silence  et  leur  to- 
lérance ;  par  conséquent ,  qu'ils  n'ont  point 
exécuté  la  loi  précédente,  qui  ordonne  de 
mettre  à  mort  tout  citoyen  qui  parlera  d'a- 
dorer des  dieux  étrangers.  Si  celte  rigueur 
jiaï3iît  d'abord  excessive  ,  il  faut  se  souvenir 
que ,  dans  la  république  juive,  ridokltrie 
était  non-seulement  un  crime  de  religion, 
mais  un  crime  d'iîtat.  Dieu  avait  attaclié  la 
conservai. on  et  la  prospérité  de  cette  notion 
au  culte  de  lui  seul;  toutes  les  fois  qu'elle 
B'en  écirta  ,  elle  en  fut  rigoureusemenl  pu- 
wie.  Tottt  homme  qui  portait  ses  concitoyens 


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1196 


à  l'idolâtrie  était  aussi  coupable  que  s'il 
avait  amené  la  peste  parmi  eux  ;  suivant  la 
maxime  salus  populi  suprema  lexesto,  il  de- 
vait être  exterminé.  Aujourd'hui  encore , 
chez  les  nations  les  mieux  policées,  tout  ce 
que  l'on  9p)i«lle  crime  d'Etat  est  privilégié  ; 
pour  le  punir,  on  n'observe  ni  toutes  les  for- 
malités ni  toutes  les  précautions  que  l'on  a 
coutumedo  garder  ixiurles  cas  ordinaires  :  on 
suppose  que  l'intérêt  de  l'Eiat,  salus  populi, 
doit  prévaloir  à  tout  autre  iutérêt.  Depuis 
l'établissement  du  christianisme ,  tout  acte 
d'idoliUrie  de  la  part  d'un  chrétien ,  toute 
pratique  qui  avait  un  rapport  direct  ou  in- 
direct au  paganisme,  fut  regardée  comme  un 
signe  d'apostasie  ,  et  punie  comme  telle  par 
les  lois  ecclésiastiques.  Vog.  Lapsbs. 

§  VI.  Y  a^t-il  des  Pères  de  l'Eglise  qui 
aient  justifié  ou  qui  aient  trop  condamné  l'i- 
dolâtrie ?  Des  protestants  ,  qui  se  sont  ren- 
dus célèbres  par  leurs  calomnies  contre  les 
Pères  do  l'Eglise ,  accusent  Clément  d'A- 
lexandrie et  saint  Justin  d'avoir  imprudem- 
ment justifié  le  culte  des  païens  ;  Borboyrac, 
Traité  de  la  Morale  dti  Pères,  c.  5 ,  §  59; 
Beausobre,  Rem.  sur  les  Actes  des  Apôtres, 
chap.  XVII ,  23  et  30.  Jurieu  a  fait  le  même 
reproche  à  Origène ,  k  Tertullien  et  à  saint 
Augustin ,  Hist.  crit.  des  dogmes  el  des  pra- 
tiques de  l'Eglise,  iv"  part.,  pag.  711.  Voici 
le  passage  de  Clément ,  dont  ils  abusent  : 
«  Quoique  Dieu  connût ,  par  sa  prescience  , 
que  les  gentils  ne  croiraient  point ,  cepen- 
dant ,  afin  ({u'ils  pussent  acquérirla  perfec- 
tion qui  leur  convenait ,  il  leur  a  donné  la 
philosophie ,  même  avant  la  foi  ;  il  leur  a 
donné  aussi  le  soleil  et  la  lune  jnur  les  ren- 
dre religieux.  Dieu  a  fait  les  astres  pour  les 
gentils,  dit  la  loi ,  de  peur  que  ,  slls  étaient 
entièrement  athées,  ils  ne  fussent  pertius  sans 
ressource.  Mais  eux,  ne  luisant  pas  même 
attention  à  ce  précepte  ,  se  sont  attachés  à 
adorer  des  images  taillées ,  de  sorte  qu'à 
moins  qu'ils  ne  se  soient  repentis  ,  ils  sont 
condamnés  ,  les  uns  ,  parce  que  ,  pouvant 
croire  en  Dieu ,  ils  ne  l'ont  pas  voulu  ;  les 
autres  ,  parce  que  ,  cjuoiqu'ils  le  voulus- 
sent ,  ils  n'ont  pas  fa"it  tous  leurs  efforts 
pour  devenir  fidèles.  Bien  plus ,  ceux-là 
même  qui  ne  se  sont  pas  élevés  du  culte  des 
astres  à  leur  Créateur,  seront  aussi  condam- 
nés; car  c'était  là  un  chemin  que  Dieu  avait 
ouvert  aux  gentils,  afin  que,  par  le  culte  des 
astres,  ils  s'élevassent  à  Dieu.  Pour  ceux 
qui  n'ont  pas  voulu  s'en  tenir  aux  astres, 
lesquels  leur  avaient  été  donnés  ,  mais  se  sont 
abaissés  jusqu'aux  pierres  et  auxl3ois,ils 
sont,  dit  l'Ecriture,  réputés  comme  la  pous- 
sière de  la  terre.  »  Strom. ,  1.  vi,  c.  14.  , 
p.  795.  Tout  ce  qui  résulte  de  ce  passage , 
c'est  que,  suivant  lopinion  de  Clément,  Dieu 
voulait  se  servir  de  l'aveuglement  des  païens 
qui  adoraient  le  soleil  ei  la  lune,  pour  les 
élever  à  la  connaissance  du  Créateur.  Mais 
dans  l'Exhortation  aux  gentils,  page  22, 
ce  Pèi-e  fait  un  crime  aux  païens  d'avoir 
érigé  les  astres  en  divinités.  Sa  pensée,  dans 
le  lond ,  revient  à  celle  du  Sage  ,  qui ,  pour 
excuser  en  quelque  manière  les  adorateurs 


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119» 


(les  astres ,  dit  :  «  Ils  sont  les  moins  coupa- 
lilcs  ;  ils  .s"(\^iirent  peut-(Mre  eu  cliercliant 
Dieu  et  on  (lé.siiant  de  le  trouver;  ils  le 
Glierclient  dans  ses  ouvrages ,  des(}uels  ils 
admirent  la  perfection;  ils  ne  sont  cepen- 
dant pas  pardonnaljles.  »  Siip.  c.  ini ,  v.  6. 

Atin  de  travestir  le  sens  de  Clément,  au 
lieu  de  ces  mots  pour  1rs  rendre  religieux, 
Barbejrac  traduit  pour  leur  rendre  (aux  as- 
tres) un  culte  rcligienj-.  Au  lieu  de  dire  s'ils 
Ùuient  entièrement  athées,  il  met  s'ils  étaient 
entièrement  sans  divinités,  atin  de  l'aire  en- 
tendre que  Dieu  avait  donné  aux  païens 
les  astres  pour  divinités.  Le  précepte  dont 
parle  Clément  était  le  précefite  d'être  reli- 
gieux ;  Barbeyrae  prétend  (pie  c'était  le  pré- 
cepte d'adorer  le  soleil  et  la  lune  ;  consé- 
([uemment,  à  ces  i)aroles  lesquels  leur  avaient 
été  donnés,  il  ajoute  de  son  chef  pour  les 
adorer.  Ainsi  il  suppose  ((ue  ce  Père  a  con- 
damné les  gentils  pour  avoir  lait  une  chose 
que  Dieu  voulait  qu'ils  tissent,  c'est-à-dire 
pour  avoir  addi'é  les  astres.  Avec  cette  mé- 
thode' l'on  peut  faire  dire  aux  Pérès  tout  ce 
(jue  l'on  veut,  mais  est-elle  une  preuve  de  la 
biinne  foi  de  ceux  cjui  s'en  servent?  Le  re- 
proche que  ce  critique  l'ait  à  saint  Justin 
n'est  |)as  plus  équitable.  Ce  Pèie,  Dial.euin 
Thnjpli.,  n.  55,  l'ait  dire  au  juif  Tryphoii , 
que,  selon  l'Ecriture  {Dent,  iv,  19],  Dieu  a 
(lonué  aux  gentils  le  soleil  et  la  lune,  pour 
les  adorer  comme  des  dieux  ;  parce  que  saint 
Justin  ne  réfute  pas  expressément  cette  faus- 
se intei'prétation  de  l'Ecriture ,  Barbeyrac 
conclut  que  ce  saint  docteur  l'adopte,  ce  qui 
est  faux,  puisi|ue,  dans  ces  doux  apologies 
eu  parlant  aux  païens,  il  réprouve  formelle- 
ment leur  culte  comrue  une  absurdité  et  une 
profanation.  A  la  vérité,  dans  ce  même  dia- 
logue, n.  121,  il  dit  ([ue  Dieu  avait  donné 
d'abord  le  soleil  pour  l'adorer ,  comme 
il  est  écrit  ;  mais  il  entend  pour  adorer 
Dieu  et  non  le  soleil,  puisqu'il  n'est  écrit 
nulle  part  d'adorer  cet  astre  ;  qu'au  contraire 
cela  est  d(''fendu  (Z^caf.  iv,  1!));  au  lieu  (ju'il 
est  écrit  (Ps.  XVIII,  G),  que  Dieu  a  établi  sa 
demeure  dans  le  soleil  ;  il  est  donc  pcriais 
de  l'y  adorer,  Origène,  in  Joan.,  t.  II,  n.  3  ; 
TortuUien  et  saint  Augustin  ont  pensé  et 
parlé  de  même. 

Beausobre,  dans  l'imdroit  cité  ,  a  iioussé 
la  témérité  plus  loin  ;  il  dit  «  que  les  anciens 
chrétiens  ont  avoué  que  les  Crées  servaient 
le  même  Dieu  que  les  juifs  et  les  chrétiens, 
savoir,  le  Dieu  suprême ,  le  Créateur  du 
monde.  »  Ces  anciens  chrétiens  se  réduisent 
cepcudaiit  à  Clément  d'Alexandrie,  Strom., 
liv.  VI,  c.  5,  pag.  759  et  suiv.,  et  il  ne  fonde 
.son  opinion  que  sur  deux  ouvrages  apo- 
cryphes, ia  Prédication  de  saint  Pierre  et 
iiu  écrit  inconnu  de  saint  Paul.  Il  ne    dit 

fias  même  formellement  ce  que  Beausobre 
ui  prête  ;  il  dit  que  le  seul  et  unique  Dieu 
a  été  connu  des  (îrecs,  vmis  à  la  manière 
païenne  ;  que  par  la  idiilosophio  le  Dieu  t(mt- 
puissant  a  été  glorifié  jiar  le  5  (jrecs.  Eu  ellet, 
il  est  incontesiable  que  Platon,  dans  ce  qu'il 
a  dit  de  la  formation  du  monde  par  un  Dieu 
suprême,  a  témoigné  le  connaître,  mais  à  la 


manière  païenne,  sans  en  avoir  une  véritable 
idée  ;  qu'il  l'a  glorifié  en  (juelque  fai-on,  mais 
sans  l'adorer  ni  le  servir  pour  cel!|.  C'est 
le  reproche  que  siiiit  Paul  fait  aux  phi- 
losophes en  général  Utom.t,  dl),  en  disant 
qu'ils  ont  connu  Dieu,  mais  qu'ils  ne  l'ont 
|ias  glurilié  comme  Dieu  et  no  lui  «Mit  pas 
rendu  grAces.  Beausobre  a  cependant  voulu 
rendre  saint  Paul  liii-m('me  garant  do  l'opi- 
nion de  Clément  d'Aievandtie.  «  L'apôtre, 
dit-il,  par  ces  paroh-s  des  Aet.,  c.  xvii,  v. 
30,  Dieu  méprisant  ces  temjis  d'ignorance,  etc., 
peut  liieii  avoir  voulu  dire.  Dieu  a  excusé  Ws 
cultes  que  les  gentils  ont  rendus  à  des  ido- 
les pendant  le  tein|is  de  leur  ignorance  ; 
que,  ne  leur  ayant  donné  aucuiu!  ioi,  il  veut 
bien  leur  pardonner.  »  Il  est  évident  que  ce 
n'est  |)oinl  là  le  sens  do  saint  Paul,  pnis(|u'il 
ajoute  que  Dieu  ordonne  à  tous  de  faire  pé- 
nitence, parce  qu'il  les  jugera  tous  avec  équi- 
té ;  et  cela  ne  s'accordait  pas  avec  la  eondam- 
nalion  rigoureuse  que  cet  ap(jtre  a  faite  du 
culte  des  païens  {Rom.  i,  21  ;  Jîphes.,  n,  12, 
etc.).  Au  jugement  de  Barbeyrae,  Tertullien 
est  tondjé  dans  un  excès  contraire  ;  il  con- 
damne (ximme  des  pratiques  iddi.iires  des 
actions  inditlérentes  et  innocentes  en  elles- 
mêmes  ;  cdmme  de  faire  sentinelle  à  la  porte 
d'un  temple,  de  donner  le  nom  île  dieu  à 
Esculape  ou  à  un  autre ,  allumer  des  llam- 
beaux  un  jour  de  réjouissance  publi  pie,  se 
couronner  de  Heurs,  etc.  Traité  de  la  Morale 
des  Pères,  c.  vi,  §  10  et  suivants.  Alais  si  les 
païens  eux-mêmes  regardaient  toutes  ces 
pratiques  comme  une  profession  de  paga- 
nisme, et  si  les  chrétiens  les  envisageaient 
comme  un  signe  d'apostasie,  un  fidèle  pou- 
vait-il se  les  permettre  sans  scandale?  Saint 
Paul  dit  :  «  Si  ce  que  je  mange  scandalisait 
mon  frère,  de  ma  vie  je  ne  mangerais  au- 
cune viande  (/  Cor.  viii,  13).  Les  apôtres 
défendirent  aux  premiers  fidèles  de  manger 
du  sang  et  des  viandes  suffoquées  {Act.  xv, 
29):  c'était  cependant  une  chose  innoeenle 
en  elle-même.  Il  est  h  présumer  que  Tertul- 
lien savait  mieux  que  nous  ce  qui  pouvait 
être  de  son  temps  un  sujet  de  scandale.  Au- 
jourd'hui les  protestants  soutiennent  (|ue 
l'usage  des  images  est  mauvais  en  lui-même, 
puisque  l'on  s'en  est  abstenu  dans  les  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise;  mais  si  l'on  s'en 
est  abstenu  seulement  à  cause  des  circon- 
stances, comme  des  autres  choses  dont  nous 
venons  de  parler,  il  ne  s'ensuit  pas  que  cet 
usage  est  mauvais  en  lui-même. 

§  VII.  Comment  les  écrivains  du  paganisme 
ont-ils  justifié  leur  religion?  Moins  liial  que 
les  incrédules  d'aujourd'hui.  Ils  ne  parlent 
ni  de  Dieu  suprême  ni  do  culte  relatif;  ils 
représentent  InloliUrie  telle  qu'elle  était. 
L'apologie  la  plus  complète  qui  en  ait  été 
faite  est  dans  Minutius-Félix,  n.  5  et  suiv. 
Gelse  et  Julien  n'ont  pas  su  défendre  leur 
cause  d'une  manière  aussi  séduisantr-  ;  Cé- 
ciiius,  qui  en  prend  la  défense,  commence 
par  attaipier  le  ciiristianisme.  Nous  ne  som- 
mes, dii-il,  capables  de  eonnaitre  ni  ce  qui 
est  au-dessus  do  nous,  ni  ce  qui  est  au-d.  s 
sous  ;  il  y  a  de  la  témérité  à  l'entrepreudre. 


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ce  serait  bien  assez  si  nous  pouvions  nous 
connaître  nous-mômes.  Que  le  monde  se  soit 
formé  par  hasard  ou  par  une  nécessité  abso- 
lue, qu'est-il  besoin  d'un  Dieu,  quel  ra|v 
port  cela  peut-il  avoir  avec  la  religion  ?  Tou- 
tes choses  naissent  et  se  détruisent  par  la 
réunion  et  la  séjiaralion  des  éléments  :  la 
nature  suit  sa  marche  éternelle  sans  qu'un 
Dieu  s'en  mêle,  les  biens  et  les  maux  tom- 
bent au  hasard  sur  les  bons  et  sur  les  mé- 
chants, les  hommes  religieux  sont  souvent 
plus  maltraités  par  la  fortune  que  les  impies  ; 
si  le  monde  était  gouverné  par  une  sage 
Providence,  les  choses  sans  doute  iraient  tout 
autrement.  Puisqu'il  n'y  a  que  doute  et  in- 
certitude sur  ce  point,  pouvons-nous  mieux 
faire  que  de  nous  en  tenir  à  ce  que  nos  an- 
côlrcs  ont  établi,  de  garder  la  religion  telle 
qu'ils  nous  l'ont  transmise,  d'adorer  les  dieux 
qu'ils  nous  ont  fut  connaître,  et  qui,  à  la 
naissance  du  monde,  ont  sans  doute  instruit 
et  gouverné  les  hommes  ?  —  N.  6.  Aussi 
chaque  nation  a-t-elle  ses  dieux  particuliers  ; 
les  Romains,  en  les  adoptant  tous  et  en  joi- 
gnant la  religion  à  la  valeur  militaire,  sont 
devenus  maît.  es  du  monde  ;  ils  ont  été  sen- 
siblement protégés  par  tous  ces  dieux  aux- 
l'tiels  ils  avaient  préparé  des  autels. —  N.  7. 
'iome  est  remplie  de  monuments  des  faveurs 
miraculeuses  qu'elle  a  reçues  du  ciel  en  ré- 
compense de  sa  jii  'té.  Jamais,  dans  une  ca- 
lamité, elle  n'a  invoqué  les  dieux  en  vain, 
et  plus  d  une  fois  elle  a  été  secourue  par  des 
inspirations  et  des  révélations  surnaturelles. 
—  N.  8.  Malgré  l'obscurité  répandue  sur  l'o- 
rigine des  choses  et  sur  la  nature  des  dieux, 
l'opinion  qu'en  ont  les  diflérentes  nations 
est  néanmoins  constante  et  la  même  partout. 
C'est  donc  une  léiuéiité  et  une  im[)iété  de 
vouloir  détruire  une  religion  si  ancienne , 
si  utile,  si  auguste  ;  plusieurs  athées  célè- 
bres l'avaient  entrepris,  ils  ont  porté  la  peine 
de  leur  crime  et  leur  mémoire  est  en  exé- 
cration. Souffrirons  -  nous  qu'une  troupe 
d'hommes  vils  et  ignorants  déclament  contre 
les  dieux ,  forment  dans  les  ténèbres  une 
faction  impie,  s'engagent  les  uns  aux  autres, 
non  par  des  serments  sacrés,  mais  par  des 
crimes,  conjurent  de  détruire  la  religion  de 
nos  pères?  Pour  cacher  leurs  forfaits,  ces 
malheureux  ne  s'assemblent  que  la  nuit, 
ne  parlent  qu'en  secret ,  ne  s'adressent 
qu'aux  femmes  et  aux  imbéciles ,  fuient 
nos  temples,  méprisent  nos  dieux,  tournent 
en  ridicule  nus  cérémonies,  regardent  nos 
prêtres  avec  Uédain  ;  ils  préfèrent  leur  nu- 
dité et  leur  misère  aux  hoimeuis,  aux 
cliarges  et  aux  fonctions  civiles;  ils  bra- 
vent les  t  urments  présents  par  une  vai- 
ne terreur  des  supplices  à  venir  ;  ils  en- 
durent ici-bas  la  mort,  de  peur  de  mourir 
dai.s  une  autre  vie,  et  se  consolent  de  tous 
les  maux  par  de  b'ivoles  espérances.  —  N.  9. 
Après  avoir  détaillé  les  crimes  horribles  dont 
on  avcusait  les  chrétiens,  il  leur  reproche 
d'adorer  un  homme  puni  du  dernier  sup- 
plice, et  d'honorer  la  croix,  digne  objet  de 
culte,  dit-il,  pour  des  gens  qui  l'ont  méritée. 
Il  laut  bien  que  leur  religion  soit  honteuse 


ou  criminelle,  puisqu'ils  la  cachent.  Pour- . 
quoi  n'avoir  ni  temples,  ni  autels,  ni  simu- 
lacres ;  pourquoi  ne  s'assembler  et  ne  par- 
ler que  dans  l'obscurité,  si  ce  n'est  parce 
que  leur  culte  est  digne  ou  de  mépris  ou  de 
chAtimenf?  Quel  peut  être  ce  Dieu  isolé, 
mystérieux  ,  abandonné  ,  qu'ils  honorent , 
qui  n'est  connu  d'aucune  nation  libre,  pas 
même  des  superstitieux  romains  ?  Les  Juifs, 
nation  vile  et  méprisable,  n'ont  aussi  qu'un 
seul  Dieu;  mais  ils  l'honorent  publique- 
ment par  des  temples,  des  autels,  des  sa- 
crifices, des  cérémonies  ;  et  la  faiblesse  de 
ce  Dieu  est  assez  prouvée  par  l'esclavage 
auquel  les  Romains  l'ont  réduit  avec  toute 
sa  nation.  —  N.  10.  Et  quelles  absurdités 
les  chrétiens  n'ont-ils  pas  forgées  sur  la  Di- 
vinité? Ils  prétendent  que  leur  Dieu ,  cu- 
rieux, inquiet,  jaloux,  imprudent,  se  trouve 
partout,  sait  tout,  voit  tout,  môme  les  plus  se- 
crètes pensées  des  hommes,  se  môle  de  tout 
mêmedeleurscriraes;  comme  sisonattention 
pouvait  suffire  et  au  gouvernement  général  du 
monde  et  aux  soins  minutieux  de  chaque  par- 
ticulier. —  N.  11.  Us  poussent  la  frénésie  jus- 
qu'à menacer  l'univers  eniier  d'un  incendie 
général,  comme  si  l'ordre  éternel  et  divin  de 
la  nature  pouvait  être  changé,  et  à  se  flatter 
de  survivre  eux-mêmes  à  cette  ruine  uni- 
verselle, en  ressuscitant  après  leur  mort.  Ils 
en  parlent  avec  autant  d'assurance  que  si 
cela  était  déjà  fait  ;  abusés  par  cette  illusion, 
ils  se  promettent  une  vie  éternellement 
heureuse  et  menacent  les  autres  d'un  sup- 
plice éternel.  Qu'ils  soient  injustes,  je  lai 
déjà  fait  voir;  mais,  quand  ils  seraient  jus- 
tes, cela  serait  égal,  puisque,  selon  leur  opi- 
nion, tout  vient  d'une  espèce  de  fatalité. 
Si  d'autres  attribuent  tout  au  destin,  eux  at- 
tribuent tout  à  Dieu  ;  ils  en  font  donc  un 
maître  injuste  qui  veut  non  des  adorateurs 
par  leur  pro[)re  choix  ,  mais  des  élus  ;  qui 
punit  dans  les  hommes  le  sort  et  non  la  vo- 
lonté. Je  vous  demande,  continue  Cécilius,  si 
les  prétendus  ressuscites  seront  sans  corps; 
mais  sans  le  corps  il  n'y  a  ni  âme,  ni  intel- 
ligence, ni  vie  ;  seront-ils  avec  leur  propre 
corps  qui  est  réduit  en  poudre  depuis  plu- 
sieurs siècles?  S'ils  ont  un  autre  corps, 
ce  ne  seront  plus  les  mômes  hommes,  mais 
de  nouveiux  individus.  Il  serait  bon  du 
moins  que  quelqu'un  fût  revenu  de  l'antre 
monde,  pour  nous  convaincre  |>ar  expérien- 
ce ;  mais  vous  avez  maladroitement  copié  les 
fables  des  poètes,  pour  les  mettre  sur  le 
compte  de  votre  Dieu.  —  N.  12.  Jugez  plu- 
tôt de  votre  sort  futur  j)ar  notre  condition 
présente.  Vous  êtes  pour  l;i  plupart  pauvres, 
nus,  méprisés,  abandonnés  ;  votre  Dieu  le 
soutfre  ;  vous  êtes  poursuivis,  comlamnés, 
livrés  au  supplice,  attachés  aux  croix  que 
vous  adorez  ;  quoi,  ce  Dieu  qui  doit  vous 
ressusciter  ne  peut  vous  conserver  la  vie  ? 
Sans  lui  les  Romains  règneu'  ,  triomphent, 
dominent  sur  l'univers  et  sur  vous,  pendant 
que  vous  renoncez.aux  commodités  de  la  vie 
et  à  tout  plaisir  même  permis.  Objets  de  pi- 
tié aux  yeux  des  dieux  et  des  hommes,  re- 
connaissez votre  erreur  ;  vous  ne  ressusci- 


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terez  pas  mieux  que  vous  ne  vivez  à  pré- 
sent :  si  dune  il  vous  reste  un  peu  de  bon 
sens,  cessez  de  raisonner  sur  le  ciel  et  sur 
la  destinée  du  monde;  regardez  seulement 
à  vos  pieds ,  c'est  assez  pour  des  ignorants 
tels  que  vous.  —  N.  13.  Si  cependant  vous 
avez  la  fureur  de  philosopher,  imitez  Socrate  ; 
lorsqu'on  l'interrogeait  sur  des  choses  du 
ciel,  il  disait  :  Ce  qui  est  (lu-dessus  de  nous  n'a 
point  de  rapport  à  nous.  La  secte  des  aca- 
démiciens se  tenait  dans  un  doute  modeste 
sur  toutes  les  questions  ;  Simonide  n'osa 
jamais  répondre,  (piand  on  lui  demanda  ce 
qu'il  pensait  des  ilieux  11  faut  donc  laisser 
les  choses  douteuses  telh^s  qu'elles  sont ,  ne 
prendre  aucun  [larti,  de  peur  de  tomber  dans 
la  superstition  onde  détruire  toute  religion. 
Par  ce  simple  extrait  (pii  est  fort  au-dessous 
de  l'original,  on  peut  voir  s'il  est  vrai  qu'à 
la  naissance  du  e'irist  anisnie  la  religion 
païenne  était  absolument  décréditéc  ,  que 
l'on  en  était  déj,oiUé,  {[u'il  n'y  avait  rien  de 
plus  aisé  que  de  la  d/'ti'uire,  comme  la  |ilu- 
part  des  incréilules  ont  osé  le  soutenir.  Oe- 
tavius,  pour  réfuter  cette  anologie,  repré- 
sente à  son  adversaire,  n.  IG,  que  l'ignoran- 
ce et  la  pauvreté  des  chrétiens  ne  font  rien 
à  la  question  ;  j>uisqu'il  s'agit  uniquement 
de  savoir  s'ils  ont  la  vérité  pour  eux  ;  plu- 
sieurs philosophes  ont  été  dms  le  même 
cas  avant  de  se  f.iire  une  réputation.  Los  ri- 
ches, occupés  de  leur  fortune,  ne  pensent 
guère  aux  choses  du  ciel  ;  souvent  Dieu  leur 
a  donné  moins  d'os|)rit  qu'aux  pauvres. 
Lorsque  les  ignorants  exposent  la  vérité  sans 
le  fard  de  l'éloquence,  si  elle  t.  iomphe,  c'est 
uniquement  par  sa  propre  force.  —  N.  17. 
Je  consens,  dit-il,  que  nous  nous  bornions 
à  chercher  ce  que  c'est  que  l'homme,  d'où 
il  vient  et  pourquoi  il  est  ;  ]ieut-OH  le  con- 
naître sans  savoir  tl'où  vient  l'univers,  par 
qui  et  comment  il  a  été  formé  ?  Puisque 
l'homme,  très-dill'érent  des  animaux,  porte 
sa  tête  vers  le  ciel,  pendant  que  la  leur  est 
courbée  vers  la  terre,  il  faut  être  privé  d'es- 
prit, de  bon  sens  et  des  yeux,  |)0ur  cher- 
cher dans  la  i)oussière  du  globe  le  prinei|te 
de  la  raison,  de  la  pensée,  de  la  parole,  par 
lesquelles  nous  connaissons,  nous  sentons 
et  nous  imitons  la  Divinité.  Voilà  ce  que 
font  ceux  qui  prétendent  que  le  monde  s'est 
fait  par  le  concours  fcu'tuit  des  atomes.  Ici 
notre  auteur  trace  en  raccourci  le  tableau 
de  la  nature,  il  fait  remarquer  l'ordre  et  la 
beauté  de  l'univers,  le  rapport  de  toutes  ses 
parties,  la  régularité  de  ses  mouvements, 
ensuite  la  sti  ucture  admirable  du  corps  hu- 
main. Partout  il  montre ,  n.  18,  les  soins 
d'une  Providence  attentive  et  bienfaisante. 
Cette  vérité  une  fuis  démontrée,  il  n'est  plus 
question  que  de  savoir  si  le  monde  est  gou- 
verné par  un  seul  Dieu  ou  jiar  [ilusieurs. 
Un  grand  empire  ne  peut  avoir  qu'un  seul 
maître.  Rome  elle-même  n'a  pu  en  suppor- 
ter deux.  Ailmettons-nous  dans  le  ciel  une 
division  qui  détruit  tout  sur  la  terre?  Dieu,^ 
Père  de  toutes  choses,  n'a  ni  commencement 
ni  lin,  l'éternité  est  son  partage  ;  il  a  donné 
J'èlre  à  tout  ce  qui  est  ;  il  est  donc  seul. 


Avant  que  le  monde  fdt,  il  l'iait  son  monde 
à  lui-même.  Invisibl(> ,  itiaecessible  à  nos 
sens,  immense,  intini,  lui  seul  se  connaît  tel 
qu'il  est;  noire  esprit  trop  bijrné  ne  peut  en 
avoir  une  idée  digm;  de  lui,  aucun  nom  ne 
peut  exprimer  son  essence.  Le  peuple  même, 
en  levant  les  mains  au  ciel,  atteste  ])ar  ses 
exclamation  l'unité  de  Dieu.  —  N.  19.  Les 
poi'tes  et  les  iihilosophes  l'ont  souvent  re- 
ciiunu  ;  Octavius  cite  leurs  paroles  ;  tous, 
sous  le  nom  de  Dieu,  ont  entendu  l'espi'it,  la 
raison,  l'intelligence  qui  gouverne  le  monde; 
leur  langage  est  le  même  que  celui  du  chris- 
tiaiusme.  — N.  -20.  Puisqu'une  seule  volonté, 
une  seule  |irovidence  ré^it  l'univers,  nous 
ne  devons  ajouter  aucune  foi  aux  fables  par 
lesquelles  nos  aïeux  imbéciles  se  sont  laissé 
tromper  ;  faudra-t-il  croire  tout  ce  (ju'ils 
ont  cru,  la  chimère,  les  centaures,  les  mé- 
tamorphoses, etc.  ?  Octavius  démontre  l'ab- 
siirilité,  l'indécence,  l'impiété  des  fables  du 
pnf/anisme,  la  manière  dont  l'idulàlrie  s'est 
inlro(luit(!  par  le  culte  des  morts  ;  il  rapporte 
le  sentiment  des  auteurs  qui  ont  soutenu 
que  les  dieux  des  païens  étaient  originaire- 
ment des  hommes.  Il  fait  voir  l'excès  et  le 
lidicule  de  la  superstilion  des  Romains  qui 
ont  soutenu  toutes  les  rèvei'ies  des  Grecs  et 
des  Egyptiens,  la  puérilité  de  leurs  cérémo- 
nies, les  folies  et  les  crimes  [lar  lesquels 
leur  culte  était  souillé. 

N.  2o.  Quand  on  dit ,  continue  Octavius, 
que  cette  supeistition  a  été  la  source  de  la 
prospi'rité  des  Romains,  l'on  oublie  que  leur 
république  a  été  fondée  par  dos  crimes,  leur 
domination  étendue  par  des  perfidies  et  par  des 
rapines,  leur  empire  enrichi  [larles  déjiouilles 
des  dieux  ,  des  temples  et  des  prêtres  des 
autres  nations.  Chacun  de  leurs  triomphes 
était  une  impiété,  ils  y  étalaient  les  images 
des  dieux  vaincus  ;  ils  ont  donc  été,  non  pas 
religieux,  mais  impunément  sacrilèges  ;  ils 
n'ont  adoré  des  dieux  étrangers  qu'après  les 
avoir  insultés.  Ces  dieux,  trop  faibles  pour 
proté'ger  leurs  premiers  adorateurs,  ne  sont- 
ils  devenus  puissants  et  bienfaisants  qu'à 
Rome?  Religion  bien  res[iectable,  sans  doute, 
que  celle  qui  a  commencé  [)ar  honorer  la 
déesse  des  cloaques,  par  élever  des  temples 
à  la  peur,  à  la  pâleur  et  à  la  lièvre,  et  par  di- 
viniser des  prostituées  1  Sont-ce  ces  dieux 
tutélaires  qui  ont  vaincu  le  .Mars  des  Thraces 
et  le  Jupiter  des  Cretois,  la  .Juiion  d'Argos 
ou  deSamos,  la  Diane  tauii([ue  et  les  mons- 
tres des  Egyptiens  ?  N'est-ce  pas  dans  leurs 
temples  môme  et  par  leurs  prêtres  que  se 
prépaient  et  se  commettent  les  plus  grands 
crimes,  l'impudicité,  la  prostitution,  l'adul- 
tère ?  Avant  les  Romains  l'on  a  vu  les  Assy- 
riens, les  Mèdes,  les  Perses,  les  Grecs,  les 
Egyptiens  ,  faire  des  conquêtes  sans  avoir 
des  collèges  de  pontifes,  des  augures ,  des 
vestales  et  des  poulets  sacrés  dont  l'appétit 
devait  décideç  du  sort  de  la  république. — 
N.  25.  Venons  à  ces  auspices  et  à  ces  pré- 
sages tant  respectés  à  Rome,  dont  l'observa- 
lion  a  été  si  salutaire,  et  le  mépris  si  fatal. 
Sans  doute  Claudius,  Flaminius  et  Junius 
ont  perdu  leur  armée,  parce  qu'ils  n'avaient 


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pas  attendu  que  les  poulets  sacrés  se  fussent 
égayés  au  soleil;  Mais  Régulus  avait  consulté 
les  augures,  et  il  fut  pris  ;  Mancinus  avait 
gardé  le  cérémonial ,  et  il  fut  rais  sous  le 
joug  ;  les  poulets  avaient  mangé  en  feveur 
de  Paulus,  et  il  fut  défait  à  Cannes  avec 
toutes  les  forces  de  Rome.  Les  auspices  et 
les  augures  avaient  défendu  h  César  de  con- 
duire sa  flotte  en  Afrique  avant  l'hiver,  il 
n'en  lint  aucun  compte;  sa  navigation  et  son 
exi)édition  n'en  furent  que  plus  heureuses. 
Ou  sait  le  cas  que  faisait  Démosthène  di's 
oracles  de  la  pythie,  etc. — N.  27.  Vos  dieux, 
sont  des  démons  ;  ainsi  en  ont  juge  les  ma- 
ges, les  philosophes  et  Platon  lui-môme. 
Leurs  oracles  sont  faux,  leurs  dons  empoi- 
sonnés, leurs  secours  meurtriers  ;  ils  font 
du  mal  en  paraissant  faire  du  bien.  Nous 
leur  faisons  avouer  ce  qu'ils  sont,  lorsque, 
par  des  exorcismes  et  des  prières  ,  nous 
les  chassons  des  corps  dont  ils  s'étaient  em- 
parés. Adjurés  au  nom  du  seul  vrai  Dieu, 
ils  frémissent  et  sont  fo;cés  de  quitter  la 
place. —  N.  28.  Sentez  l'injustice  de  vos  pré- 
ventions contre  nous ,  par  le  repentir  que 
nous  avons  d'avoir  autrefois  pensé  et  agi 
comme  vous.  On  nous  avait  persuadé  que 
les  chrétiens  adoraient  des  monstres  ou  des 
objets  obscènes,  que  dans  leurs  assemblées 
ils  égorgeaient  un  enfant,  le  mangeaient,  et 
commettaient  des  impudicités  horribles  ; 
nous  ne  faisions  pas  réflexion  que  ces  calom- 
nies n'ont  jamais  été  prouvées  ,  qu'aucun 
chrétien  ne  les  a  jamais  avouées  au  milieudes 
tortures,  quoique  sûr  d'obtenir  sa  grâce  par 
cet  aveu.  Nous  tourmentions  comme  vous 
ceux  qui  étaient  accusés ,  non  pour  leur 
faire  confesser  leurs  crimes,  mais  pour  leur 
faire  renier  leur  religion.  Si  la  vinleuce  des 
tourments  en  faisait  succomber  quelqu'un, 
dès  ce  moment  nous  prenions  sa  défense, 
comme  si  l'apostasie  avait  expié  tous  ses  fur- 
faits.  Voilà  ce  que  vous  faites  encore.  Si  vous 
agissiez  par  raison  et  non  par  la  suggestion 
d'un  mauvais  esprit,  vous  ne  mettriez  pas 
les  chrétiens  h  la  torture  pour  leur  faire  ab- 
juger  leur  religion,  mais  pour  les  faire  con- 
venir des  actions  infâmes  et  cruelles  que 
■vous  leur  reprochez.  —  N.  29.  Ce  n'est  pas 
nous  qui  commettons  ces  abominations  ; 
c'est  vous-mêmes  ;  elles  sont  consacrées 
chez  vous  par  vos  fables,  par  vos  cérémonies, 
par  vos  mœurs.  Octavius  le  prouve  endétaiL 
— N.  32.  Vous  croyez,  continue-t-il,  que  c'est 
afin  de  cacher  notre  culte  que  nous  n'avons 
ni  temples,  ni  autels,  ni  simulacres  ;  mais  la 
plus  belle  image  de  Dieu  est  l'homme,  son 
temple  est  le  monde  entier,  son  sanctuaire 
est  une  âme  innocente.  La  meilleure  victime 
est  un  cœur  pur,  la  prière  la  plus  agéable  à 
ï)ieu  est  une  oeuvre  de  justice  ou  de  charité. 
Voilà  noscérémonies.  Parmi  nous, l'hommele 
plus  juste  est  censé  le  plus  religieux.  Dieu, 
quoique  invisible,  nous  est  présent  par  ses 
ouvrages,  par  sa  providence,  par  ses  bien- 
faits. Vous  pensez  qu'il  ne  peut  tout  voir  ni 
tout  savoir  :  erreur.  Présent  partout,  créa- 
teur et  conservateur  de  tout,  comment  peut- 
il  iguor&r  quelque  chose  ?  11  a  tout  créé  par 


une  parole,  il  gouverne  tout  par  un  seul  acte 
de  volonté.— N.  33.  Vous  dites  que  les  Juifs 
n'ont  rien  gagné  à  l'adorer,  vous  vous  troui- 
pez  encore  :  lisez  leurs  livres,  ceux  de  Fla- 
vius-Josèphe  ou  d'Antonius  Julianus,  vous 
verrez  que  les  Juifs  ont  été  favorisés  de 
Dieu  et  comblés  de  ses  bienfaits,  tant  qu'ils 
ont  été  fidèles  à  sa  loi.  Ils  n'ont  donc  pas  été 
faits  captifs  avec  leur  Dieu,  comme  vous  l'a- 
vancez par  un  bas])hème  :  c'est  leur  Diou  au 
contraire  qui  vous  les  a  livrés,  parce  qu'ils 
lui  étaient  rebelles.  —  N.  3'i..  Douter  de  la 
ruine  et  do  l'embrasement  futur  du  monde, 
est  un  préjugé  populaire;  tous  les  sages  con- 
viennent que  tout  ce  qui  a  commencé  doit 
finir  ;  c'est  le  s:nitiment  des  stoïciens,  des 
épicuriens  et  de  Platon.  Pythagore  a  cru  une 
espèce  de  résurrection.  Les  pliilosophes  pen- 
sent donc  comme  nous  ;  mais  ce  n'est  pas  à 
leur  )iarole  que  nous  ajoutons  foi.  Le  bon 
sens  seul  nous  fait  comprendre  que  Dieu, 
qui  a  tout  fait,  peut  tout  déti  uire  ;  que,  puis- 
qu'il a  formé  l'homme,  il  peut  à  plus  forte 
raison  lui  donner  une  nouvelle  forme.  Rien 
no  périt  entièrement,  tout  se  renouvelle  dans 
la  nature.  —  N.  3S.  Nous  ne  sommes  pas  les 
seuls  non  plus  qui  croyions  les  enfers  et  un 
feu  vengeur  qui  punit  les  méchants,  vos  poè- 
tes en  ont  souvent  tracé  le  tableau.  Qui  ne 
sont  pas  la  justice  et  la  nécessité  des  peines 
et  des  récompenses  de  l'autre  vie?  Octavius 
prouve  cette  justice  i^ar  la  comparaison  des 
mœurs  des  païens  avec  celles  des  chrétiens. 
—  N.  36.  Que  personne,  dit-il ,  ne  se  tran- 
quillise en  mettant  ses  crimes  sur  le  compte 
du  destin,  la  fortune  ne  peut  détruire  la  li- 
berté de  l'homme  ;  il  est  jugé,  non  sur  son 
sort,  mais  sur  ses  actions  ;  il  n'y  a  point 
d'autre  destinée  que  celle  que  Dieu  a  faite; 
et  comme  il  prévoit  tout,  il  la  règle  selon  les 
mérites  de  cliacun.  Loin  de  rougir  de  notre 
pauvreté,  nous  en  faisons  gloire  ;  nos  vraies 
richesses  sont  nos  vertus.  Dieu  sait  pour- 
voir aux  besoins  de  toutes  ses  créatures,  et 
récompenser  leurs  souffrances;  par  là  il  les 
éprouve  sans  les  abandonner. —  N.  37.  Y  a- 
t-il  aux  yeux  de  Dieu  un  plus  grand  specta- 
cle qu'un  chrétien  aux  prises  avec  la  douleur 
et  invincible  dans  les  tourments  ?  Il  triom- 
phe de  ses  persécuteurs  et  de  ses  bourreaux, 
il  ne  cède  qu'à  Diou;  vos  histoires  élèvent 
jusqu'aux  nues  la  constance  de  Mutius-Scœ- 
vol  I,  d'Aquilius,  do  Régulus  ;  parmi  nous  les 
femmes  et  les  enfants  en  font  autant.  Juges 
aveugles,  vous  n'estimez  que  la  félicité  de  ce 
monde  ;  mais  sans  la  connaissance  de  Dieu 
y  a-t-il  une  félicité  solide,  dès  qu'il  fau* 
mourir?  Ici  Octavius  décrit  les  fôtos  insen- 
sées et  les  plaisirs  licencieux  des  païens.  U 
fait  voir  combien  les  chrétiens  sont  sages 
d'y  renoncer.  11  tourne  en  ridicule  le  scepti- 
cisme orgueilleux  et  affecté  des  philosophes  ; 
pour  nous,  dit-il,  nous  montrons  la  sagesse, 
non  par  notre  li;ibit,  mais  par  nos  sentiments^ 
la  vraie  grandeur,  non  par  nos  paroles,  mais 
par  nos  actions. 

Qu'y  a-t-il  donc  à  désirer  encore,  dès  que 
Dieu  a  daigné  enfin  se  faire  connaître  dans 
notre  siècle  ?  Jouissons  avec  gratitude  de  ce 


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C 


bien  précieux  ;  réprimons  la  superstition, 
bannissons  l'impiété  et  retenons  la  vraie  re- 
ligion. C'est  ainsi  que  Oclavius  conclut  sou 
discours.  L'extrait  que  nous  en  donnons 
araîtra  peut-être  uu  pou  long;  mais  il  est 
lOn  de  montrer  en  quoi  consistait  la  ilispute 
entre  nos  aiwlogisles  et  les  défenseurs  du 
pagmiismr;  les  premiers  raisonnent  certaine- 
ment mieux  que  leurs  adversaires,  el  ils  n'ont 
laissé  aucune  objection  sans  y  donner  une 
réponse  solide.  Si  l'on  veut  consulter  les  au- 
tres écrivains  du  pdtjanisiitc  ([ui  ont  défendu 
leur  religion  contre  les  épicuriens,  on  verra 
qu'ils  ont  raisonné  tout  comme  ceux  qui  aiv 
^umentérent  dans  la  suite  contre  Us  duc- 
tiens.  Le  pontife  Cotla,  que  Cicéjon  fait  par^ 
1er  dans  son  m'  livre  sur  lu  IWiture  des 
dinix,  soutient  qu'en  fuit  de  religion  l'on  ne 
doit  pas  consulter  les  philosophes,  mais  s'en 
tenir  à  la  tradition  des  anciens  et  à  ce  que 
les  lois  ont  établi.  Pour  prouver  l'existence 
des  dieux. ,  il  apporte  les  mêmes  preuves 
que  Octaviusalli"'gue  dans. Minutius-Félix  pour 
rouver  qu'il  y  a  un  liieu.  Mais  quant  à  l'o- 
ligation  et  h  la  manière  d'adorer  plusieurs 
dieux,  il  ne  peut  en  donner  d'autres  raisons 
que  celle  du  païen  Cécilius,  et  que  nous 
avons  vues;  Plalun,  dans  le  Timee ,  déclare 
que,  quoique  la  croyance  vulgaire  louchant 
les  dieux  ne  soit  fondée  sur  aucune  raison 
certaine  ni  probable  ,  il  faut  néanmoins  s'en 
tenir  au  témoignage  des  anciens  qui  se  sont 
dits  enfants  des  dieux,  el  qui  devaient  con- 
naître leurs  parents.  Faible  preuve  ;  mais  on 
sentait  la  nécessité  absolue  d'une  religion 
pour  maintenir  l'ordre  dans  la  société,  el 
l'on  ne  voyait  rien  de  mieux  que  ce  qui  était 
établi  par  les  lois  et  par  la  coutume  ;  on  con- 
cluait qu'il  ne  fallait  jias  y  toucher  et  qu'il 
fallait  ])roscrire  toute  religion  nouvelle. 

§  VIU.  Les  prolestantu  sont-ils  venus  à 
bout  de  prouver  ^ue  le  culte  rendu  par  les  ca- 
tholiques aux  saints,  à  leurs  images  et  à  leurs 
reliques  est  une  idolâtrie  ?  Nous  avons  déjîi 
dénioutré  ailleurs  que  ce  crime  est  imagi- 
naire; qu'il  est  même  imjwssible,  à  moins 
qu'un  catholique  ne  fasse  violence  à  sa  pro- 
fession de  foi  et  au  cri  de  sa  conscience  ; 
mais  les  protestants  ne  démordent  pas.  11  y 
a  cependant  contre  eux  un  arguuieut  auquel 
ils  ne  répondront  jamais.  Idolâtrer ,  c'est 
rendre  à  la  créature  les  honneurs  divins,  ou 
qui  ne  sont  dus  qu'à  Dieu  ;  or,  non-seule- 
ment les  honneurs  que  nous  rendons  auv 
saints  ne  sont  pas  dus  ^^  Dieu;  mais  ce  serait 
une  insulte  et  une  impiété,  s'ils  lui  étaient 
adressés.  En  etfet,  le  principtd  honneur 
que  nous  faisons  aux  saints  est  de  les 
invoquer,  et  celte  invocation  consiste,  sui- 
vant le  concile  de  Trente,  sess.  25,  c.  -2, 
à  prier  les  saints  d'intercéder  pour  nous, 
a^n  d'obtenir  les  grâces  de  Dieu  par  Jésus- 
Christ.  Il  y  aurait  de  la  folie  î»  s'adresser  ainsi 
à  Dieu  ;  la  créature  seule  peut  prier  et  de- 
mander des  grâces,  et  les  obtenir  par  un  au- 
tre, c'est-à-due  par  Jésus-Christ  ;  nous  attri- 
buons donc  aux  saints  le  seul  pouvoir  cjui 
convienne  esscniicUement  aux  créatures. 
Bisl.  des  Variai.,  tom.  V,  p.  531.  —  2°  Nous 


accuse  ra-t-on  d,e  prCter  aux  saints  des  attri- 
buts divins,  et  de  les  diMigurer  encore  comme 
les  païens,  en  les  su|)posant  Joints  aux   pas- 
sions et  aux  vues  de  l'humanité  *?  3"  Nous  n'a- 
vons jamais  cru  comme  eux  que  les  person- 
nes divines,  les  anges,  les  saints,  sont  pré- 
sents dans  leurs  images;  nous  n'accordons  à 
celles-ci  lioint  d'autre  vertu  que  celle  d'ex- 
citer l'attention,  de  Hier  l'imagination,  d'iu- 
.struire  le»  ignorants  [lar  le»  yeux.  On  les  bé- 
nit  el  on  les  consacre  comme    les  vases  du 
saint  sacrilice  et  les  autres  instruments  du 
culle  divin.  Nous  les  respectons  et  nous  té- 
moignons ce  respect  par  des  signes  exté- 
rieurs, ])arco  que  toute  représentation   d'un 
personnage  ou    d'un  objet   respectable  doit 
être  respectée  à  cause  de  lui.  Ce  culte,  ce 
res|)ect,sout  religieux,  puis([u'ils  parlent  d'un 
motif  de    religion,  et  qu'ils   ont  jiour  objet 
d'honorer  dans  les  saints,  non  les  dons  de  la 
nature,  mais  les  mérites  de  la  grâce.  Cepen- 
dant, par  une  alfectation  malicieuse,  les  mô- 
mes censeurs  (jui  soutiennent  que    le  culte 
des  païens  n'était  pas  une    idolâtrie ,  parce 
qu'il  se  rap[)ortait  au  dieu  représenté  ,  et 
non  à  sa  représentation ,  nous  accusent   de 
borner  nos  respects  à  une  image,  sans  pen- 
ser h  l'objet  qu'elle  représente:  ils iious font 
la  grâce  de  nous  supposer  i)lus  stupides  que 
les  païens.  —  4"  Il   n'est  jamais    arrivé  auv 
catholiques   d'honorer  des  images  indécen- 
tes ou  scandaleuses  ,  ni  de  mêler   dans  le 
culle  des  saints  des  pratiques  absurdes  ou 
ciiminelles  ;  ou  du    moins  si  ce  désordre  a 
eu  quelquefois  lieu  parmi  le  peuple  grossier 
dans  les  temps  d'ignorance,  ii  a  toujours  été 
blâmé  et  censuré   par   les  pasteurs  de  l'K- 
glise.  Voif.  Image. 

Mais  aucune  raison  ne  touche  nos  adver- 
saires, et  pour  satisfaire  leur  haine,  les  con- 
tradicUons  ne  leur  coûtent  rien.  Comme  les 
Pères  de  l'iiglise  ont  accusé  les  manichéens 
de  rendre  un  culte  idolâtre  au  soleil  et  à  la 
lune,  lieausiibre  n'a  rien  omis  pour  justifier 
ces  héréli()ues,  et  pour  [irouver  que  ce  culte 
û'étiit  pas  une  idolâtrie.  11  convient  que  les 
manichéens  regardaient  ces  astres  comme 
des  êtres  animés,  comme  des  Ames  pures  et 
bienlieurcuses,  comme  le  siège  et  le  séjour 
de  la  sagesse  et  de  la  vertu  du  Sauveur;  con- 
séquemment,  ilit-il,  les  manichéens  ne  les 
ont  point  honorés  comme  des  dieux  souve- 
rains, mais  comme  des  ministres  de  la  divi- 
nité, comme  les  instruments  vivants  de  ses 
bienfaits.  11  conclut  qu'on  ne  doit  point  les 
taxer  d'idolâtiie,  1"  parce  que  plusieurs  Pè- 
res de  l'Eglise  ont  pensé  de  même  ;  2"  parce 
que  h's  manichéens  n'ont  point  oll'ert  de  sacri- 
fice k  ces  deux  astres;  3"  ils  ne  les  ont  point 
invoqués  ;  V"  ils  ne  tes  ont  point  adorés.  En 
etl'et,  continue  Beausobre  ,  l'adoralion  inté- 
rieure n'est  autre  cbose  que  l'estime  infinie 
que  l'on  a  pour  un  être  auquel  on  attribue  les 
souveraines  i>erfections, auquel  on  se  soumet 
et  se  dévoue  entièrement,  auquel  on  donne 
toute  s -n  admiration,  sa  contiance,  sa  véné- 
ration, sa  reconnaissance,  son  obéissance. 
L'adoration  extérieure  consiste  dans  les  ac- 
tes religieus,  destinés  à  exprimer  les  senti- 


1207 


PAG 


PAI 


i208 


menls  intérieurs  de  l'âme,  comme  les  pros- 
terneraents,  les  génuflexions,  l'encens,  les 
sacrifices,  les  |.rières,  les  actions  de  grâces. 
L'Ecriture,  dit-il,  a  défendu  de  rendre  à  tout 
aulre  qu'à  Dieu  seul  l'une  et  l'autre  de  ces 
adorations  ;  aussi  les  manichéens  n'ont 
rendu  ni  l'une  ni  l'autre  au  soleil  ni  à  la 
lune.  Il  excuse  par  la  même  raison  les  Per- 
sans, les  sabailes  et  les  esséniens,  qui  ontété 
aussi  accusés  d'adorer  ces  deux  astres.  Hist. 
dumanich.,\i\.\x,  c.l,§llet  suiv.,et  ci, §7. 
En  admeitant  pour  un  moment  les  prin- 
cipes posés  par  Beausobre,  nous  lui  deman- 
dons si  les  catholiques  regardent  les  s.iints 
comme  des  dieux  souverains,  s'ils  leur  attri- 
buent les  souveraines  perfections  ,  s'ils  leur 
accordent  toute  leur  admiration,  toute  leur 
confiance,  etc.;  s'ds  leur  offrent  des  sacrifices, 
si  par  consé(^uent  les  signes  extérieurs  de 
respect  qu'ils  leur  adressent  peuvent  être 
appelés  une  adoration.  Puisqu'il  disculpe 
tous  ceux  qui  ont  honoré  les  astres,  à  ([uel 
titre  ose-t-il  nous  taxer  d'idoIAtrie?  Nous 
avons  jirouvé  ailleurs  qu'il  est  faux  que  l'E- 
criture ait  défendu  d'honorer  par  des  signes 
extérieurs,  de  prier,  d'invoquerd'autres  êtres 
que  Dieu  seul,  surtout  lorsque  l'estime, la 
confiance, le  respect  qu'on  leur  témoigne  sont 
subordonnés  à  ceux  que  nous  devons  à  Dieu. 
Yoy.  Anges,  Saints,  Idolâtrie.  Beausobre 
lui-même  avoue  que  ces  sentiments  ont 
leur  cause  dans  l'opinion  que  l'on  a  des  per- 
fections et  du  pouvoir  de  l'être  auquel  on 
s'adresse,  ibid.,  c.  4,  §  7  ;  donc,  dès  que  l'on 
reconnaît  que  cet  être  est  inférieur ,  dépen- 
dant,  soumis  absolument  à  Dieu,  en  un 
mot,  pure  créature  et  rien  de  plus,  il  est  im- 
possible que  le  culte  qui  lui  est  rendu  soit 
censé  culte  divin,  culte  suprême  et  inju- 
rieux à  Dieu.  Donc,  quand  il  serait  vrai  que 
Dieu  avait  défendu  aux  Juifs  toute  espèce 
de  culte  rendu  à  d'autres  qu'à  lui,  nous  se- 
rions bien  fondés  à  croire  que  cette  défense 
était  uniquement  relative  aux  circonstances 
et  au  danger  particulier  dans  lequel  se  trou- 
vaient les  Juifs  ;  que  les  protestants  ont  tort 
de  la  prendre  pour  une  loi  absolue  et  géné- 
rale pour  tous  les  temps,  puisque  Beausobre 
pense  que  le  culte  en  question  n'est  point 
défendu  par  la  loi  naturelle,  en  quoi  il  se 
trompe  absolument,  même  suivant  ses  pro- 
pres principes.  «  L'expérience  fait  voir,  dit- 
il,  que  ces  divinités  subalternes,  qui  ne 
sont  que  les  ministres  du  Dieu  suprôm.e,  de- 
viennent les  objets  de  la  dévotion  de  l'hom- 
me, parce  qu'il  les  regarde  comme  les  au- 
teurs immédiats  de  sa  félicité.  11  perd  de  vue 
la  cause  première ,  qui  est  dans  un  trop 
grand  éloignement ,  et  il  s'arrête  à  la  cause 
seconde.  Quand  cela  n'arriverait  pas,  il  est 
bien  difficile  de  faire  un  juste  partage  des 
sentiments  de  l'Ame.  On  invente  bien  des 
termes  pour  distinguer  le  culte  souverain 
d'avec  le  culte  suljalterne  ;  mais  ces  distinc- 
tions subtiles  et  métaphysiques  ne  sont  bon- 
nes que  pour  l'esprit,  le  cœur  n'en  fait  au- 
cun usage  ,  etc.  Aussi  l'Ecriture  a-t-elle 
interdit  tout  culte  religieux  des  créatures.  » 
Ibid. 


Déjà  nous  avons  réfuté  toute  cette  fausse 
théorie.  1°  Si  elle  était  vraie,  Beausobre 
aurait  eu  tort  de  dire  que  les  sentiments  du 
cipur  ont  pour  cause  l'opinion  que  l'on  a 
dans  l'esprit  des  perfections  et  du  pouvoir 
de  l'être  que  l'on  honore  :  ici  le  cœur  irait 
bien  plus  loin  que  Tesprit.  2°  Si  le  danger 
de  confondre  l'un  et  l'autre  culte  dans  la 
pratique  est  réelle,  les  manichéens,  les  Per- 
sans, les  sabaïtes,  les  esséniens,  en  ont-ils 
été  plus  à  couvert  que  les  cathorquesî 
Comment  Beausobre  sait-il  que  les  premiers 
n'y  ont  pas  succombé?  3"  Dans  ce  cas  il  est 
faux  que  le  culte  subalterne  ne  soit  pas  dé- 
fendu par  la  loi  naturelle;  cette  loi  défend 
certainement  non-seulement  l'idolâtrie  dis- 
tincte et  formelle,  mais  toute  pratique  capa- 
ble de  nous  y  faire  tomber.  L'inconséquence 
et  la  partialité  percent  de  toutes  parts  au 
travers  du  verbiage  et  des  dissertations  de 
ce  critique.  Posons  donc  pour  principe  que 
le  culte,  soit  intérieur,  soit  extérieur,  est 
toujours  proportionné  à  l'idée  que  l'on  a  des 
perfections  et  du  pouvoir  de  l'être  auquel  on 
l'adresse.  Si  on  croit  cet  être  indépendant 
et  puissant  par  lui-môme,  ce  culte  est  né- 
cessairement divin  et  suprême,  et  c'est  le 
seul  qu'on  doit  nommé  adoration.  S'il  est 
adressé  à  un  autre  qu'au  seul  vrai  Dieu,  c'est 
polythéisme  et  idolâtrie,  crime  contraire  à  la 
loi  naturelle  et  à  la  droite  raison.  Lorsqu'on 
ne  prétend  honorer  qu'une  créature  dépen- 
dante, soumise  au  vrai  Dieu,  qui  tient  tout 
de  lui,  qui  ne  peut  rien  que  par  lui,  quels 
que  soient  les  signes  extérieurs  par  lesquels 
on  le  témoigne,  ce  n'est  plus  ni  culte  suprême, 
ni  adoration,  ni  par  conséquent  idolâtrie  ;  le 
donner  pour  tel,  c'est  abuser  malicieuse- 
ment des  termes  pour  tromper  les  ignorants. 
Voy.  Culte. 

PAIN.  Ce  mot,  dans  l'Ecriture  sainte,  si- 
gnifie souvent  toute  autre  espèce  d'aliment 
comme  Veau  désigne  toute  sorte  de  boisson. 
Isaie,  c.  m,  v.  1,  dit  que  Dieu  ôtera  aux 
Juifs  toute  la  force  du  pain  et  de  l'eau,  c'est- 
à-dire  qu'il  les  punira  par  la  disette  d'ali- 
ments. On  retrouve  la  même  expression,  c. 
XXXIII,  V.  6.  En  français  nous  nous  en  ser- 
vons dans  le  même  sens  :  donner  du  pain  à 
quelqu'un,  c'est  lui  fournir  les  moyens  de 
subsister.  Ainsi  lorsqu'il  est  dit  que  Abraham, 
en  renvoyant  Agar  et  Ismaël,  leur  donna  du 
pain  et  un  vase  d'eau  (Gen.  xxi,  14-),  cela 
peut  très-bien  signifier  qu'il  pourvut  à  leur 
subsistance;  sans  cela  on  ne  peut  pas  conce- 
voir comment  ils  auraient  vécu  dans  un  dé- 
sert. De  môme  dans  l'Evangile  Jésus-Christ 
dit  [Joan.  vi,  48)  :  Je  suis  le  pain  de  vie;  v.  52, 
le  PAIN  que  je  donnerai  pour  la  vie  du  monde 
sera  ma  propre  chair.  Pain  signifie  nourri- 
ture. Lorsque  nous  demandons  à  Dieu  notre 
pain  quotidien,  nous  entendons  par  là  tout 
ce  qui  est  nécessaire  à  la  vie.  Dans  les  par- 
ties de  l'Orient  oii  le  bois  est  très-rare,  le 
peuple  est  souvent  obligé  de  faire  sécher  au 
soleil  la  fiente  des  animaux,  de  la  brûler 
pour  cuire  ses  aliments,  et  de  faire  cuire  le 
pain  sous  celte  cendre.  Dieu,  pour  faire 
comprendie  aux  Juifs  qu'ils  seront  réduits 


1509 


PÂl 


PAI 


lâlO 


à  cette  triste  extrémité,  ordonne  au  pro- 
phète Êzéchicl  de  cuire  ainsi  son  pain,  et  de 
le  manger  en  présence  du  peuple,  c.  iv,  v. 
13.  Un  de  nos  pliilosophes  incrédules,  aussi 
ordurier  que  malicieux,  a  osé  soutenir  que 
Dieu  avait  ordonné  à  Ezéchiel  de  manger 
son  pain  couvert  de  fiente  d'animaux.  Telle 
est  la  sagesse  et  la  décence  de  nos  profes- 
seurs d'incrédulité. 

Pains  (multiplication  des).  Nous  lisons 
[Matth.  XIV,  17)  que  Jésus-Christ  rassasia 
dans  le  désert  cinq  mille  hommes  avec  cinq 
pains  et  deux  poissons,  et  que  l'on  recueillit 
douze  corbeillf'S  des  restes  :  ces  pains  n'é- 
taient pas  gros,  puisqu'ils  étaient  portés  par 
un  enfant  (joan.  vi,  9).  Dans  un  autre  en- 
droit, il  est  dit  (Matth.  xt,  34)  qu'il  répéta 
Je  même  miracle,  en  nourrissant  avec  sept 
pains  et  quelques  poissons  quatre  mille 
nommes,  sans  com|)ter  les  femmes  et  les 
enfants,  et  que  l'on  remplit  des  restes  sept 
paniers.  Ce  prodige  fit  tant  d'impression  sur 
cette  multitude  d'hommes,  qu'ils  s'écrièrent 
que  Jésus  était  vi'Tilablement  le  Messie,  et 
qu'ils  furent  près  do  le  |>roclamer  roi  (Joan. 
VI,  Ik  et  15).  Pour  diminuer  l'éclat  de  ce 
prodige,  les  incrédules  ont  dit  que  c'était  le 
même  événement  répété  deux  lois;  mais  la 
narration  des  évangélistes  atteste  le  con- 
traire, puisque  les  ci>constances  sont  diffé- 
rentes. Ils  ont  ajouté  que  sans  doute  Jésus 
avait  envoyé  ses  disciples  à  la  quête  dans 
les  environs,  qu'ils  étaient  revenus  avec  des 
vivres;  que  Jésus  les  lit  distribuer,  et  qu'il 
n'y  a  rien  là  de  miraculeux.  Mais  quand 
vingt  disciples  seraient  revenus  chargés  de 
vivres,  auraient-ils  pu  en  rapporter  assez 
pour  rassasier  quatre  ou  cinq  mille  hommes, 
sans  compter  les  femmes  et  les  enfants?  L'E- 
vangile prévient  encore  ce  soupçon,  en  di- 
sant que  les  disciples  de  Jésus  lui  repré- 
sentèrent qu'il  élait  impossible  de  trouver 
assez  de  vivres  pour  rassasier  toute  cette 
multitude,  dont  une  grande  partie  n'avait 
pas  mangé  depuis  trois  jours.  Enfin,  dans 
l'impossibilité  de  contester  ces  deux  mira- 
cles, nos  sages  critiques  ont  dit  qu'il  eût  été 
mieux  d'empêcher  ce  grand  nombre  d'hom- 
mes d'avoir  faim,  ou  do  les  convertir  tous 
sans  miracle.  Us  n'ont  pas  vu  qu'en  disjiu- 
tant  contre  deux  miracles,  ils  y  en  substi- 
tuaient deux  autres;  mais  le  premier  n'au- 
rait pas  été  aussi  éclatant  ni  aussi  sensible 
que  la  multiplication  des  pains,  et  le  second 
aurait  été  atjsurde.  Dieu  ne  convertit  point 
les  hommes  sans  raison  et  par  un  enthou- 
siasme subit,  mais  par  des  réflexions,  par 
des  motifs,  par  des  preuves  sensibles  et  pal- 
pables. 

Pain  azvme  ou  pain  a  chanter.  Voy. 
Azyme. 

Pain  bénit,  pain  que  l'on  bénit  tous  les 
dimanches  à  la  messe  paroissiale,  et  qui  se 
distribue  ensuite  aux  fidèles;  les  Grecs  le 
nomment  eulogie,  bénédiction  ou  chose  bé- 
nite. Dans  les  premiers  siècles  de  l'Eglise 
tous  ceux  qui  assistaient  à  la  célébration  du 
saint  sacrifice  participaient  à  la  communion; 
maits  lorsque  la  pureté  des  mœurs  et  la  uiété 


eurent  diminué  parmi  les  chrétiens,  on  res- 
treignit la  communion  sacramentelle  à  ceux 
qui  s'y  étaient  préparés,  et  pour  conserver 
la  mémoire  de  l'ancienne  communion  qui 
était  pour  tous,  on  se  contenta  de  distribuer 
à  tous  les  assistants  un  pain  ordinaire  bénit 
par  une  prière.  L'objet  de  cette  cérémonie 
est  donc  le  même  que  celui  de  la  commu- 
nion, qui  est  de  nous  rappeler  que  nous 
sommes  tous  enfants  d'un  même  père  et 
membres  d'une  même  famille,  assis  à  la  môme 
table,  nourris  (lar  les  bienfaits  d'une  même 
Providence,  appelés  à  posséder  un  même 
héritage,  frères  par  conséquent,  et  obligés 
à  nous  aimer  les  uns  les  autres.  Cette  leçon 
ne  fut  jamais  plus  nécessaire  que  dans  un 
temps  où  le  luxe  a  ii  is  une  énorme  dispro- 
portion entre  les  hommes.  «  Nous  sommes 
tous,  dit  saint  Paul,  un  même  pain  et  un 
même  corps,  nous  qui  parliciponsàla  même 
nourriture  (/  Cor.  x,  17).  Pour  exprimer 
cette  union,  nous  voyons  (ju'au  iv"  siècle  les 
chrétiens  s'i  nvoyaient  mutuellement  des 
eulogies  ou  du  pain  bénit;  saint  Grégoire  de 
Nazianze,  saint  Augustin,  saint  Paulin  et 
plusieurs  conciles  en  ont  parlé.  Les  évêques 
s'envoyaient  même  quelquefois  l'eucharistie 
en  signe  d'union  et  de  fraternité,  et  la  nom- 
maient eulogie  ;  mais  le  concde  de  Laodicée, 
tenu  vers  le  milieu  du  iv'  siècle,  défendit 
cet  usage  et  ordonna  d'envoyer  seulement  du 
j9om  6^wi'^  Lorsque  les  Giecs  ont  coupé  un 
morceau  de  pain  pour  le  consacrer,  ils  divi 
sent  le  reste  de  ce  pain  en  petits  morceaux, 
le  distribuent  à  ceux  qui  n'ont  pas  commu- 
nié et  en  envoient  aux  absents;  c'est  ce 
qu'ils  appellent  eulogie;  cet  usage  est  très- 
ancien  parmi  eux.  On  a  aussi  nommé  pain 
bénit  ou  eulogie  les  gâteaux  ou  les  autres 
espèces  de  mets  que  l'on  faisait  bénir  à  l'E- 
glise. Non-seulement  les  évêques  et  les 
prêtres,  mais  encore  les  ermites  faisaient 
cette  bénédiction.  Enfin,  l'on  a  donné  le 
même  nom  à  tous  les  présents  que  l'on  se 
faisait  en  signe  d'amitié. 

L'usage  du  paiw  fc^;u'f  aux  messes  parois- 
siales fut  expressément  recommandé  au  ix* 
siècle  dans  l'Eglise  latine,  par  le  pape  Léon 
IV,  par  un  concile  de  Nantes  et  par  plusieurs 
évoques,  et  ils  ordonnent  aux  fidèles  de  le 
recevoir  avec  le  plus  grand  respect.  Lebrun, 
Explic.  des  cérém.  de  la  messe,  t.  Il,  p.  288. 

Dans  les  paroisses  de  la  campagne,  l'of- 
frande du  pain  bénit  se  fait  sans  appareil  et 
sans  dépense  superflue;  c'est  ordinairement 
une  mère  de  famille  qui  fait  ceite  offrande, 
et  souvent  elle  communie,  afin  de  joindre 
ensemble  le  symbole  et  la  réalité.  Dans  les 
villes,  oïl  le  luxe  et  l'orgueil  ont  tout  per- 
verti, le  pain  bénit  entraîne  quelquefois  une 
dépense  considérable  pour  ceux  qui  l'of- 
frent, parce  que  l'appareil  de  la  cérémonie 
est  ordinairement  proportionné  à  leur  con- 
dition et  à  leur  fortune;  chacun  se  pique 
d'enchérir  sur  ses  égaux.  Quelques-uns  de 
nos  censeurs  modernes  sont  partis  de  là  pour 
déclamer  contre  cet  usage;  ils  en  ont  calculé 
la  dépense  pour  tout  le  royaume,  et  il  ne 
leur  en  a  rien  coûté  pour  entier  ce  résultat  p 


1311 


IPAJ 


PAl 


1212 


ils  ont  conclu  qu'il  vaudrait  mieax  employer 
à  soulager  les  pauvres  cette  dépense  super- 
flue, et  qui,  selon  leur  opinion,'  ne  sert  à 
rien.  Nous  n'avons  garde  d'approuver  au- 
cune espèce  de  luxe,  surtout  dans  les  pra- 
tiques de  religion;  nous  convenons  qu'il  se- 
rait à  souhaiter  qu'on  l'évitât  dans  une  cé- 
rémonie qui  est  destinée  à  nous  faire  sou- 
venir que  tous  les  fidèles  sont  nos  frères, 
par  conséquent  nos  égaux  devant  Dieu;  que 
quand  l'offrande  du  pain  bénit  est  accompa- 
gnée d'un  cortège  fastueux,  il  en  résulte 
souvent  de  l'indécence.  Mais  ce  n'est  pas  à 
l'Eglise  qu'il  faut  s'en  prendre,  puisqu'elle 
a  défendu  plusieurs  fois,  dans  ses  conciles, 
toute  espèce  d'éclat  et  de  bruit  capables  de 
troubler  l'office  diviu  et  de  détourner  l'at- 
tention des  fidèles.  Yoy.  Tliiers,  Traité  des 
Supcrstit.,  t.  II,  1.  IV,  c.  10. 

Ainsi  nous  supplions  les  censeurs  de  tous 
les  usages  religieux  de  faire  à  ce  sujet  quel- 
ques rétlexions  :  1°  En  blAmant  l'abus  d'un 
usage  quelconque,  il  ne  faut  pas  confondre 
l'un  avec  l'autre,  ni  conclure  à  tout  suppri- 
mer; c'est  la  manie  des  ignorants,  parce 
qu'il  est  beaucoup  plus  aisé  de  retrancher 
que  de  réformer.  Que  l'on  bannisse  le  luxe 
et  la  dépense  superflue  du  pain  bénit,  cela 
sera  très-bien;  mais  il  faut  laisser  subsister 
cette  offrande,  parce  qu'elle  nous  donne  une 
leçon  très-bonne  et  très-nécessaire.  En  gé- 
néral c'est  une  mauvaise  méthode  que  de 
calculer  combien  coûte  une  instruction  ou 
un  acte  de  vertu.  2"  Ce  ne  sont  point  les 
pasteurs  de  l'Eglise  qui  ont  suggéré,  com- 
mandé ou  conseillé  ce  luxe,  c'est  la  vanité 
des  particuliers  qui  l'a  introduit,  comme 
elle  a  fait  dans  les  pompes  funèbres,  dont  le 
but  est  de  nous  montrer  la  vanité  des  choses 
de  ce  monde,  et  de  nous  humilier  :  il  y  a  de 
l'injustice  à  mettre  cet  abus  sur  le  compte 
des  pasteurs.  3°  Le  motif  do  faire  l'aumône 
est  très-louable,  mais  c'est  un  masque  dont 
1  irréligion  se  sert  souvent  pour  se  déguiser; 
ceux  qui  ne  donnent  rien  à  Pieu  ne  sont  pas 
ordinairement  mieux  disposés  à  donner  aux 
hommes,  k'  En  blâmant  le  luxe  religieux, 
il  ne  faut  pas  oublier  de  censurer  avec  en- 
core plus  de  force  le  luxe  voluptueux,  qui 
est  cent  fois  plus  criminel  et  plus  meurtrier 
pour  les  pauvres.  Quand  on  dépense  beau- 
coup pour  les  spectacles,  pour  le  jeu,  pour 
les  modes,  pour  alimenter  les  talents  fri- 
voles, etc.,  comment  trouverait-on  de  quoi 
soulager  les  malheureux?  5°  Puisijue  l'éco- 
uomie  est  le  motif  qui  fait  déclamer  nos  ad- 
versaires, ils  doivent  faire  attention  que  les 
dépenses  du  culte  religieux  ne  sont  pas  per- 
dues pour  l'Etat,  plusieurs  personnes  eu 
profitent;  c'est  um;  consommation  qui  est 
aussi  utile  politiquement  que  toutes  les  au- 
tres. 

Pain  conjuré.  Yoy.  Epreuves  supersti- 
tieuses. 

Pains  de  proposition  ou  t'offrande.  Ce 
sont  les  painn  (jue  l'on  ollrait  h  Dieu  tous 
les  samedis  dans  le  laliernacie,  et  ensuite 
dans  !e  temjilc  de  Jérusalem.  11  devait  y  en 
avoir  douze,  selon  le  nombre  des  tribus  au 


nom  desquelles  ils  étaient  offerts;  on  les 
posait  sur  une  table  couverte  de  lam^s  d'or 
et  revêtue  de  divers  ornements,  unique- 
ment destinée  à  cet  usage,  et  placée  vis-à- 
vis  l'arche  d'alliance  qui  était  censée  être 
le  trône  de  Dieu.  C'étaient  des  pains  sans 
levain;  on  devait  les  renouveler  chaque 
jour  de  sabbat,  et  il  n'était  permis  qu'aux 
prêtres  d'en  manger  (Exod.  x\v,  23,  30, 
etc.).  Cependant  Jésus-Christ  (Matth.  xii , 
li)  fait  remarquer  que  David  et  ses  gens 
en  mangèrent  dans  un  cas  de  nécessité,  et 
que  ce  ne  fut  pas  un  crime  de  leur  part 
(l  Rcfj.  XXI,  6).  Quelques  interjirètes  disent 
que  ces  pains  sont  appelés  en  hébreu  les 
pains  des  faces,  et  c'est  ainsi  que  Aquila  et 
Onkélos  ont  traduit;  ils  auraient  mieux  rendu 
la  force  de  l'hébreu  en  tiaduisant  par  tes 
pains  des  présents;  face  et  présence  sont  la 
même  chose;  nous  nommons  une  offrande 
Vn  présent,  parce  qu'offrir  et  présenter  sont 
synonymes.  La  Vulgate  en  traduisant  panes 
propositionis,  n'a  rien  dit  de  plus  que  panes 
obhitionis.  Cette  offrande  était  un  aveu  so- 
lennel que  faisaient  les  Israélites  d'être  re- 
devables à  Dieu  de  leur  nourriture,  de  leur 
subsistance,  dont  le  pain  est  le  symbole  et 
la  partie  principale.  11  n'est  pas  nécessaire 
de  supposer,  comme  font  plusieurs  commen- 
tateurs, que  Dieu,  voulant  être  censé  mo- 
narque des  Israélites,  exigeait  que  son  tem- 
ple fût  meublé  comme  un  palais,  qu'il  y  ertt 
toujours  une  table  servie,  etc.  11  était  juste 
que  les  Israélites  lui  présentassent  un  tri- 
but de  reconnaissance,  et  cela  suffit.  La 
coutume  subsiste  encore,  dans  quelques 
paroisses  de  la  campagne,  d'offrir  de  petits 
pains  le  dimanche  qui  suit  l'enterrement 
d'un  mort;  chaque  proche  parent  porte  le 
sien;  cet  usage  semble  faire  allusion  à  la  le- 
çon que  Tobie  donnait  à  son  fils,  c.  iv,  v. 
18  :  ((  Placez  votre  pain  et  votre  vin  sur  la 
sépulture  du  juste.  »  C'était  donc  une  au- 
mône faite  à  l'intention  du  défunt.  Yoy.  Of 

FRANDE. 

PAIX.  Ce  terme,  dans  l'Ecriture  sainte,  a 
un  sens  très-étendu  ;  il  signifie  non-seule 
ment  le  repos,  la  tranquillité,  la  concorde, 
mais  toute  espèce  ûe  prospérité  et  de  bon- 
heur. La  manière  ordinaire  de  saluer  chez 
les  Hébreux  était  de  dire  :  La  paix  soit  avec 
tous;  Jésus-Christ  saluait  ainsi  ses  disciples, 
et  les  apôtres  se  servent  encore  de  cette  for- 
mule dans  leurs  lettres.  David,  |.x»ur  expri- 
mer la  bdicité  d'un  bon  gouvernement,  dit 
que  la  justice  et  la  paix  se  sont  embrassées 
{Ps.  Lxxxiv,  11  ).  Mourir  en  paix,  être  en- 
seveli en  paix,  c'est  mourir  avee  la  tran- 
quillité d'une  bonne  conscience  et  avec  la 
consolation  que  donne  l'espérance  d'un  bon- 
heur éternel.  C'est  dans  ce  dernier  sens 
qu'il  est  employé  le  plus  souvent  dans  Je 
Nouveau  Testanient.  Le  Messie  avait  été  an- 
noncé sous  le  nom  de  Prince  de  la  paix; 
son  Evangile  est  appelé  l'Evangile  de  la  paix, 
non-seulement  parce  qu'il  api)rcnd  aux 
hommes  à  vivre  en  paix  les  uns  avec  les 
autres,  en  exerçant  mutuellement  la  justice  • 
et  la  charité,  mais  parce  qu'il  Jwus  enseigiue 


191S  PAl 

le  moyen  de  conserver  la  tranquillité  de 
notre  Âme  ]m\t  le  calme  de  nos  passions 
Saint  Paul  dit  que  Jésus-Cliiist,  en  iiiounin 
pour  les  honuucs,  apaci/ié  \\av  le  san^  de  sa 
croix  tout  ce  qui  est  dans  le  ciel  et  sur  la 
terre  (Coloss.  i,  10),  parce  (ju'il  a  uK^rité  et 
obtenu  le  pardon  de  nos  pécliés,  et  nous  a 
ri^conciliés  avec  la  justice  divine.  Il  l'aut 
donc  se  délier  de  tout  système  (|ui  suppose 
que,  malgré  la  rédemption,  la  guiu-re  règne 
toujours  entre  le  ciel  et  la  terre. 

Paix  ou  Baiser  de  paix.  Saint  Pierre  et 
saint  Paul  Unissent  leurs  lettres  en  disant 
aux  tidèlos  :  «  Saluez-vous  les  uns  les  au- 
tres par  un  saint  baiser.  «  Dès  l'origine  de 
l'Kglise  la  coulunio  s'introduisit  parmi  les 
chrétiens,  dans  leurs  assemblées,  do  se 
donner  le  baiser  de  paix,  symbole  de  con- 
corde et  de  charité  nuduclie.  Saint  Justin, 
dans  sa  deuxième  Apolor/ie,  n.  tiS;  Terlul- 
Hen,  de  Oral.,  c.  IV  ;  saint  Cyrille  de  Jéru- 
salem, Calecli.  myst.  5,  et  les  Pères  des  siè- 
cles suivants  on  parlent;  il  en  est  fait  men- 
tion dans  le  concile  de  Laodicée,  dans  les 
Constitutions  apostoliques,  et  dans  toutes  les 
anciennes  liturgies.  Les  païens  prirent  delà 
un  prétexte  pour  calomnier  les  chrétiens, 
«t  leur  tirent  un  ciime  de  cette  marque  d'a- 
mitié fratornolle. 

Jésus-Christ  avait  dit  :  Si  votre  frère  a 
quelque  chose  contre  vous,  laissez  là  votre 
oblation  devant  l'autel,  et  allez  auparavant 
vous  réconcilier  avec  votre  frire  {Matth.,  v, 
24.).  Les  tidèles  conclurent  avec  raison  qu'une 
disposition  nécessaire  pour  parlicifier  aux 
saints  mystères  était  d'avoir  la  ])aix  entre 
eux,  de  renoncer  Jx  tout  sentiment  de  haine 
et  de  jalousie,  de  se  témoigner  mutuelle- 
ment une  sincère  amitié,  puisque  la  connuu- 
niôn  même  est  un  symbole  d'union  et  de 
bienveillance.  Conséquemment  dans  l'Eglise 
d'Orient,  le  baiser  de  paix  se  donnait  avant 
l'oblation  et  après  avoir  congédié  les  caté- 
chumènes ;  cet  usage  fut  môme  suivi  dans 
les  Gaules  et  en  Espagne  ;  mais  dans  l'Eglise 
de  Rome,  il  parait  que  la  coutume  a  été 
constante  de  faire  cette  cérémonie  immédia- 
tement avant  la  corannniion.  Le  pape  In- 
nocent I"  lit  comprendre  k  un  évoque  d'Es- 
pagne que  cet  usage  était  le  jibis  convenable, 
et  il  s'est  établi  dans  toute  l'Eglise  latine,  h 
mesure  que  la  liturgie  romaine  y  a  été 
adoptée.  La  manière  de  donner  la  paix  n'a 
point  varié  non  plus  dans  l'Eglise  de  Rome; 
le  célébrant  haise  l'autel  et  end)rasse  le  dia- 
cre en  lui  disant  :  Pax  tibi,  frater,  et  Eccle- 
siœ  sanctw  Dei :  le  diacre  fait  de  mémo  au 
sous-diacre,  et  lui  dit  :  Pax  tecum  :  celui-ci 
donne  la  paix  au  reste  du  clergé.  Depuis  le 
xir  siècle  jusqu'au  xvi',  il  était  d'usage  dans 

Elusieurs  églises  de  France  que  le  célébrant 
risAt  l'hostie  avant  d'embrasser  le  diacre; 
depuis  ce  temps-là  il  a  paru  plus  convena- 
ble d'en  revenir  à  l'ancienne  coutume  de 
baiser  l'autel  qui  est  le  siège  du  corps  do 
Jésus-Christ.  Ce  n'est  aussi  qu'à  la  lin  du 
XY*  siècle  que  l'on  a  substitué  un  instru- 
ment de  paix,  la  patène,  une  image  ou  une 
felique  qui  est  baisée  d'abord  par  le  prôtre, 


PAL 


lau 


ensuite  par  ses  assistants  et  nar  le  clergé; 
on  ne  la  présente  point  aux  laïques,  si  ce 
n'est  aux  personnes  d'une  haute  dignité,  de 
peur  de  donner  lieu  à  quelques  contestations 
sur  la  préséance,  comme  cela  est  arrivé  plus 
d'une  fois.  Avant  de  donner  la  paix,  le 
prêtre  adresse  à  Dieu  une  prière,  par  la- 
quelle U  le  supplie  de  maintenir  l'union  en- 
tre les  membres  de  son  Eglise,  et  d'y  réu- 
nir ceux  qui  ont  eu  le  malheur  de  s'en  sé- 
parer. La  manière  ordinaire  dont  Jésus- 
Christ  saluait  ses  disciples  était  do  leur  dire  : 
Lu  paix  soit  avec  vous  :  Pax  vobis;  c'était 
la  formule  usitée  parnd  les  Hébreux  :  or 
nous  voyons  par  plusieurs  passages  (h;  l'An- 
cien Testament,  que  la  paix  signiliait  non- 
seulement  l'union  et  la  concorde,  mais  la 
prosfiérité  et  le  bonlieur.  Pour  saluer  quel- 
qu'un, les  Grecs  lui  disaient  :  Xxipt,  soyez  gai 
et  content;  les  Latine  :  Salve,  raie,  ave,  por- 
tez-vous bien.  Le  mot  adieu,  ([ue  le  christia- 
nisme a  introduit  parmi  nous,  signiLie,  Soyez 
avec  Dieu  ;  mais  ordinairement  on  le  pvo- 
nonce  sans  savoir  ce  qu'il  exprime,  ou  sans 
y  faire  attention. 

PAJONiSTES,  sectateurs  de  Claude  Pajon, 
miiristre  calviniste  d'Orléans,  mort  en  1()85; 
il  avait  professé  la  théologie  à  Saumur. 
Quoiqu'il  protestât  qu'il  était  soumis  aux 
déci>ions  du  synode  do  Dordrecht,  il  pen- 
chait cependant  beaucoup  du  côté  des  armi- 
niens, et  on  l'accuse  de  s'être  ap|iroché  des 
opinions  des  pélagiens.  Il  enseignait  que  le 
péché  originel  avait  beaucoup  plus  intlué 
sur  l'entendement  de  l'homme  que  sur  la 
volonté,  qu'il  restait  à  celle-ci  suitisamment 
de  force  pour  embiasser  la  vérité  dès  qu'elle 
lui  était  connue,  et  se  porter  au  bien  sans 
qu'il  fût  besoin  d'une  opération  immédiate 
du  Saint-Esprit.  Telle  est,  du  moins,  la  doc- 
trine que  ses  adversaires  lui  ont  attribuée, 
mais  qu'il  savait  envelopper  sous  des  ex- 
pressions captieuses.  Cette  doctrine  fut  en- 
core soutenue  et  répandue  après  sa  mort 
par  Isaac  Papin,  son  neveu,  et  violemment 
attaquée  par  Jurieu,  qui  parvint  à  la  faire 
coiutamner  dans  le  synode  wallon,  en  1687, 
et  à  la  Haye  en  1688.  Mosheim  convient  qu'il 
est  diflicile  de  découvrir,  dans  toute  cette 
disjjute,  quels  étaient  les  vrais  sentiments 
de  Pajon,  et  que  son  adversaire  y  mit  beau- 
coup d'animosité.  Papin,  dégoûté  du  calvi- 
nisme par  les  contradictions  qu'il  y  remar- 
quait et  par  les  vexations  qu'il  y  éjirouvait, 
rentra  dans  le  sein  de  l'Eglise  catholique,  et 
écrivit  avec  succès  contre  les  protestants.  Son 
traité  sur  leur  prétendue  tolérance  est  très- 
connu. 

PALAMITES.  Yoy.  Hésichastes. 

PALESTINE.  Voy.  Terre  promise. 

PALINGÉNÈSIE,  renaissance.  Ce  mot  est 
devenu  célèbre  parmi  les  philosophes  mo- 
dernes, depuis  la  publication  de  l'ouvrage 
de  M.  Bonnet,  intitulé  Palin(/enesie  philoso- 
phique. Cet  auteur,  savant  physicii'ii,  bon 
observateur,  et  qui  fait  profession  de  res- 
pecter beaucoup  la  religion,  pei.se  que  Dieu 
a  créé  l'uiiiver's  de  manière  (pie  tous  les 
êtres   peuvent  recevoir  une  nouvelle  nais- 


121S 


PÀL 


PAL 


1216 


sance  dans  un  état  futur,  et  s'y  perfection- 
ner assez  pour  que  ceux  qui  nous  paraissent 
les  plus  imparfaits,  y  reçoivent  un  accroisse- 
ment de  faculté  qui  les  égale  k  ceux  d'une 
espèce  supérieure;  qu'ainsi  une  pierre  peut 
y  devenir  un  végétal,  une  plante  être  chan- 
gée en  animal,  celui-ci  être  transformé  en 
homme,  et  l'homme  parvenir  à  une  peifec- 
tion  fort  supérieure  à  celle  qu'il  possède 
aujourd'hui.  Au  reste,  l'auteur  de  ce  sys- 
tème ne  le  propose  que  comme  une  conjec- 
ture probable. 

Pour  l'étabhr,  il  suppose,  1°  que  tout 
corps  organisé,  soit  végétal,  soit  animal, 
vient  d'un  germe  préexistant  ;  que  ce  germe 
est  un  tout  déjà  organisé,  qu'il  est  indes- 
tructible et  impérissable,  à  moins  que  Dieu 
ne  l'anéantisse  ;  que  tous  les  germes  ont  été 
produits  au  commencement  du  monde  par 
le  Créateur.  —  2°  En  conséquence  de  l'ana- 
logie qu'il  y  a  entre  la  siructure,  K'S  facultés, 
les  opérations  des  animaux  et  celles  de 
l'homme,  il  lui  paraît  probable  que  bs  pre- 
miers ont,  aussi  bien  que  l'homme,  une 
âme  immatérielle  et  immortelle.  Comme  il  y 
a  beaucoup  d'analOf^ie  entre  lafibrique,  l'or- 
ganisation, la  vie  des  plantes  et  celle  de 
certains  animaux,  il  conclut  qu'il  en  faut 
raisonner  de  môme.  Si  on  lui  demande  ce 
que  deviennent  ces  âmes  après  la  mort  des 
animaux  et  après  la  destruction  des  plantes, 
il  semble  penser  qu'elles  demeurent  unies 
aux  germes  qui  ne  i)érissent  point. —  3°  Il 
trouve  encore  probable  qu'avant  la  création 
rapportée  par  Moïse,  l'univers  existait  déjà, 
que  cette  prétendue  cré-ition  n'a  été  qu'une 
grande  révolution  ou  un  grand  chang  'ment 
que  notre  globe  subissait  pour  lors,  puis- 
qu'il est  prédit  dans  le  Nouveau  Testament, 
qu'il  y  doit  arriver  encore  une  entière  des- 
truction par  le  feu  (//  Petr.  m,  10).  11  pré- 
tend prouver  cette  conjecture  par  la  manière 
dont  Moïse  raconte  la  création  ;  cet  historien 
suppose  qu'elle  a  été  successive,  au  lieu  que, 
suivant  les  lois  de  la  physique,  les  mouve- 
ments des  globes  célestes  tiennent  tellement 
les  uns  aux  autres,  qu'il  faut  que  le  tout  ait 
été  formé  et  arrangé  d'un  seul  jet  et  au  môme 
instant. — 4"  Il  conclut  que  l'univers  n'a 
pas  été  fait  principalement  pour  l'homme, 
puisque  la  terre  n'est  qu'un  atome  de  ma- 
tière en  comparaison  des  autres  globes  qui 
roulent  dans  l'immensité  de  l'espace,  et  qui 
sont  autant  d'autres  mondes;  que  d'ailleurs 
l'homme  connaît  très-peu  de  chose  dans 
cette  énorme  machine;  il  pense  donc  qu'elle 
a  été  faite  pour  exciter  l'admiration,  et  pro- 
curer le  bonheur  des  intelligences  qui  la  con- 
naissent infiniment  mieux  que  nous,  et  à  la 
perfection  desiiuelles  l'homme  parviendra 
peut-être  dans  l'état  futur.  Conséquemment 
l'auteur  fait  au  hasard  |)lasieurs  conjectures 
sur  ce  que  feront  les  animaux  dans  ce  nou- 
vel état.  —  5°  il  fonde  ci  t  amas  de  suppo- 
sitions sur  le  principe  de  Leibnitz,  que  Dieu 
ne  fait  rien  sans  une  raison  suffisante;  que 
sa  volonté  seule  n'est  point  cette  raison,  et. 
au'il  lui  faut  un  motif;  que  cette  volonté 
divine  tend  essentiellement  au  bien  il  au, 


plus  grand  bien;  qu'ainsi  l'univers  est  la 
somme  de  toutes  les  perfections  réunies  et 
le  représentatif  de  la  perfection  souveraine. 
Nous  ne  savons  pas  si  nous  avons  bien  saisi 
l'ensemble  d'un  système  aussi  compliqué, 
et  dont  les  parties  sont  éparses  dans  deux 
volumes;  mais  plus  nous  l'examinons,  plus 
il  nous  paraît  que  l'auteur,  quoique  bon  lo- 
gicien, n'a  pas  raisonné  conséquemment,  et 
qu'il  est  peu  d'accord  avec  lui-même. 

En  premier  lieu,  il  semble  n'avoir  pas 
compris  que  son  système  fondamental  est 
Voptimisme;  or  à  cet  article  nous  avons  fait 
voir  que  l'on  ne  peut  pas  supposer  dans  les 
ouvrages  du  Créateur  un  optimum;  un  degré 
de  perfection  au  delà  duquel  Dieu  ne  peut 
rien  faire  de  mieux;  il  s'ensuivrait  que  la 
puissance  de  Dieu  n'est  pas  infinie,  qu'il 
n'est  ni  libre  ni  indépendant,  qu'il  agit  hors 
de  lui-même  par  nécessité  de  nature,  et  qu'il 
produit  nécessairement  dans  ses  ouvrages 
l'infini  actuel;  autant  de  suppositions  fausses 
et  absurdes.  L'auteur  de  la  Palingénésie  au- 
rait dû  le  comprendre  mieux  qu'un  autre, 
puisqu'il  enseigne  que  chaque  espèce  de 
créatures  est  susceptible  de  devenir  plus 
parfaite  dans  un  état  futur.  Si  elle  peut  re- 
cevoir plus  de  perfection.  Dieu  peut  donc  la 
lui  donner,  et  il  peut  en  accorder  à  l'infini, 
puisque  sa  puissance  n'a  point  de  bornes. 
S'il  daignait  rendre  chaque  espèce  de  créa- 
tures plus  parfaite,  cela  ne  contribuerait-il 
rien  à  la  perfection  du  tout  ou  de  l'univers? 
11  est  donc  faux  que  l'univers  actuel  soit  un 
optimum,  au  delà  duquel  Dieu  ne  peut  rieu 
faire  de  mieux.  Nous  avons  encore  prouvé 
que  le  prétendu  principe  de  la  raison  suffi- 
sante n'est  qu'une  équivoque,  puisque  1  on 
confond  ce  qui  suffit  réellement  à  Dieu  avec 
ce  qui  nous  paraît  lui  suffire  :  comme  si  la 
borne  de  nos  connaissances  était  le  terme  de 
la  puissance  et  de  la  sagesse  de  Dieu. 

En  second  lieu,  personne  n'a  mieux  dé 
montré  que  notre  auteur  l'imperfection  de 
nos  connaissnnces  naturelles,  combien  peu 
de  choses  nous  savons  touchant  la  nature, 
les  facultés,  les  relations  des  différents  êtres, 
à  plus  forte  raison  touchant  l'ordre  et  le 
mécanisme  général  de  l'univers.  «  Il  serait, 
dit-il,  de  la  plus  grande  absurdité,  qu'un 
ôtre  aussi  borné  et  aussi  chétif  que  moi  osât 
se  prononcer  sur  ce  que  la  puissance  absolue 
peut  ou  ne  peut  pas.  »  Et  par  une  contra- 
diction choquante,  personne  n'a  poussé  plus 
loin  que  lui  la  licence  des  conjectures  sur 
ce  que  Dieu  peut  ou  ne  peut  pas  faire. 

En  troisième  lieu,  il  ne  veut  pas  qu'en 
fait  de  systèmes  philosophiques,  l'on  mêle 
la  religion  avec  ce  qui  n'est  pas  elle;  que 
l'on  tire  des  objections  ni  des  preuves  de  la 
révélation.  Cepend  int  il  en  fait  usage  lui- 
même,  pour  nous  faire  souvenir  que  notre 
monde  doit  éprouver  une  révolution  et  un 
changement  total  par  le  feu;  il  prétend  ex- 
pliquer Moïse.  S'il  n'avait  pas  été  instruit 
par  la  révélation ,  aurait-il  acquis  par  la 
philosophie  une  croyance  aussi  ferme  de  la 
création  et  des  conséquences  qui  s'ensui- 
vent, pendant  qu'aucun  des  anciens  philo- 


1217 


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1218 


so[îhes  n'a  voulu  l'admettre?  Il  dit  quo  ce 
qui  est  vrai  en  philosophie  est  n(^cessaire- 
ment  vrai  en  th(^(jlogie;  donc,  au  (■oulraire, 
ce  i]ui  est  évidemment  faux  en  tliéologie  ne 
peut  être  ni  vrai  ni  probable  en  bonne  phi- 
losophie. Or  nous  soutenons  que,  par  son 
système,  il  doiuie  atteinte  à  plusieurs  vérités 
révélées,  qu'il  ne  rend  point  le  sens  des 
paroles  qu'il  cite  de  saint  Pierre,  et  ([u'il 
s'expose  K  de  funestes  conséquences.  —  1° 
Moïse  dit  qu'au  connnencemeiil  Dieu  créa 
le  ciel  et  la  terre,  le  soleil,  la  lune  et  les 
étoiles;  donc  Dieu  donna  l'existence  non- 
seulement  h  notre  globe,  mais  h  tous  ceux 
qui  roulent  dans  l'étendue  des  cieux  ;  donc 
il  ne  leur  donna  pas  seulement  un  nouvel 
état ,  mais  un  commencement  d'existence 
absolue.  L'entendre  autrement,  c'est  vouloir 
nous  enlever  une  des  leçons  les  plus  essen- 
tielles de  la  révélation,  qui  nous  ont  ap|)ris 
que  le  monde  n'est  pas  éternel.  Voy.  Cuéa- 
TioN.  Ce  qu'ajoute  l'auteur  sur  la  haute  an- 
tiquité de  la  terre  prouvée  par  sa  constitu- 
tion intérieure,  par  son  reiroidissement,  jiar 
les  corps  étrangers  qu'elle  renferme,  etc.,  a 
été  réfuté  par  des  physiciens  très-habiles. 
Voy.  Genèse. — "2"  Pour  créer  rhomme,  Dieu 
dit  :  Faisons-le  à  notre  image  et  resseuiblance. 
Cela  signitie-t-il  que  l'homme  existait  oéjà 
auparavant  dans  l'état  d'animalité,  et  que 
Dieu,  en  le  ]ierfectioiinant,  l'a  élevé  à  l'état 
d'intelligence?  Si  l'animal  peut  devenir  un 
homme  dans  un  état  prétendu  futur,  il  y  a 
lieu  de  douter  si  nous  n'avons  pas  été  des 
animaux  dans  un  état  antérieur  du  monde; 
doute  injurieux  à  Dieu  et  à  la  nature  hu- 
maine. L'Ecriture  sainte ,  loin  d'enseigner 
nulle  part  que  les  brutes  ont  comme  nous 
une  âme  immatérielle,  semble  plutôt  insi- 
nuer qu'il  n'y  a  rien  en  elles  que  de  la  ma- 
tière. Nos  philosophes  incré  ailes  ont  blAmé 
Moise  d'avoir  dit  que  le  sang  tient  lieu  d'dme 
aux  animaux  [Lei-it.  xvii,  14);  mais  ce  pas- 
sage peut  avoir  un  autre  sens.  Voy.  Ame. 
Quand  il  serait  prouvé  que  leur  Ame  est  un 
esprit,  il  ne  s'ensuivrait  encore  rien.  De 
même  que  Dieu  a  pu  créer  des  matières  hé- 
térogènes ou  de  dilférente  nature,  il  a  pu 
créer  aussi  des  esprits  de  dilférente  es]ièce, 
dont  l'un  ne  peut  jamais  devenir  l'autre, 
dont  les  uns  sont  destinés  à  l'immortalité, 
les  autres  seulement  à  une  existence  passa- 
gère. Prétendre  que,  s'il  a  ciéé  des  àiiies 
pour  les  brutes,  il  ne  peut  pas  les  anéantir, 
parce  qu'il  n'y  a  point  de  raison  sutlisante, 
c'est  répéter  toujours  le  même  sophisme. 
Supposer  que  nous  ne  sommes  différents 
des  brutes  que  [lar  l'organisation ,  c'est 
douuer  gain  tie  cause  aux  niaiérialistes.  — 
3"  11  sied  mal  ii  un  philosophe  qui  f.iit  jiro- 
fession  de  respecter  la  révélation,  et  qui  en 
a  donné  de  bonnes  preuves,  de  soutenir 
que  l'histiiire  de  la  création  ne  peut  |ias 
être  vraie  dans  le  sens  littéral.  Quoique 
Newton  ait  dit  t]ue  les  mouvements  des  glo- 
bes célestes  sont  tellement  engrenés  et  dé- 
jjendanls  les  uns  des  autres,  qu'il  faut  que 
le  tout  ait  été  fait  et  arrangé  d'un  seul  jit, 
que  prouve  ce  jugement  ?  Que  ce  grand  ph .  - 


sicien  ne  comprenait  pas  comment  Dieu  a 
pu  faire  et  arranger  le  tout  successivement. 
Mais  Dieu,  doué  du  pouvoir  créateur,  n'est-il 
pas  assez  puissant  pour  faire  ce  ((u'un  philo- 
sophe n(^  comprend  pas?  A  la  vérité,  le  des- 
sein de  Moise  n'était  pas  de  nous  enseigner 
l'astronomie;  mais  il  ne  suit  pas  de  là  que 
les  astronomes  ont  droit  de  forger,  sur  de 
simples  conjectures,  un  système  contraire  à 
ce  qu'il  dit.  D'autres  |)hilosophes,  pour  la 
commodité  de  leurs  hypothèses,  ont  supposé 
que  les  jours  de  la  création  ne  sont  jias 
soulement  un  esf)ace  de  vingt-quatre  heures, 
mais  des  intervalles  de  tem|)s  indéterminés 
et  peut-être  fort  longs  :  ainsi  nos  savants 
dans  leurs  dis[)utes  se  jouent  de  l'Ecriture 
sainte.  — •  4"  Le  texte  de  saint  Pierre  {tpist. 
II,  m,  12)  porte  :  «  Nous  attendons  l'arri- 
vée du  jour  du  Seigneur  dans  lequel  les 
cieux  seront  détruits  jiar  les  flammes,  et  les 
éléments  dissous  par  l'ardeur  du  feu;  mais 
nous  attendons  aussi,  suivant  ses  promesses, 
de  nouveaux  cieux  et  une  nouvelle  terre, 
dans  lesquels  habile  la  justice.  »  Ce  n'est 
cerlainemenl  jias  là  une  palinyénésie  ou  un 
renouvel ienieiit  de  notre  globe,  mais  une 
entière  destruction  du  monde.  Les  nouveaux 
cieux  et  la  nouvelle  terre  sont  le  séjour  du 
bonheur  étern  1,  et  une  seconde  vie  tempo- 
relle; ils  existent  déjà,  i)uisque  l'apôtre  dit 
q[^c  Xsl  justice  y  habite,  et  non  qu'elle  y  ha- 
bitera. D'ailleurs  les  promesses  de  Dieu  n'ont 
jamais  eu  pour  objet  une  nouvelle  vie  sur  la 
terre,  comme  l'avaient  imaginé  les  millénai- 
res, mais  une  vie  éternelle  dans  le  ciel.  On 
dirat  que  notre  auteur  a  voulu  copier  la  my- 
thologie des  Indiens,  touchant  les  quatre 
jiériodes  ou  les  quatre  Ages  du  monde  que 
les  brames  ont  rôvés.  La  foi  chrétienne  nous 
enseigne  qu'après  la  mort  les  justes  et  les 
méchants  iront  incontinent,  les  uns  jouir  du 
bonheur  du  ciel,  les  autres  souffrir  les  pei 
nés  de  l'enfer;  ainsi  l'Eglise  l'a  décidé  contre 
les  Grecs  et  les  Arméniens  :  ni  les  liommes 
ni  les  animaux  ne  sont  donc  point  réservés 
à  un  nouveau  période  de  vie  terrestre,  pour 
s'y  perfectionner  et  y  changer  de  nature.  Ce 
système  de  la  palingénésie  ressemble  un  peu 
troi)  à  celui  de  la  métempsycose  ou  de  la 
transmigration  des  âmes,  que  soutenaient 
les  anciens  philosophes,  et  que  nous  réfute- 
rons en  son  lieu.  —  5"  Nous  avons  encoie  à 
re|irocher  à  notre  phiiosoplie  d'avoir  dit  que 
l'univers  n'a  pas  été  fait  principalement  pour 
l'homme,  mais  pour  des  intelligences  d'un 
ordre  très-supérieur.  L'Ecriture  sainte  nous 
parait  enseigner  le  contraire.  Le  Psalmiste, 
parlant  de  l'homme,  dit  au  Seigneur  [Psal. 
vin,  (>j  :  «  Vous  l'avez  fait  Irès-peu  infé- 
rieur aux  anges;  vous  l'avez  environné  de 
gloire  et  d'honneur;  vous  l'avez  établi  sur 
les  ouvrages  de  vos  mains,  vous  avez  mis  le 
tout  sous  ses  pieds,  »  ou  en  son  ^pouvoir. 
Saint  Paul  enchérit  encore  en  citant  ces 
mêmes  paroles  {Hebr.  i,  14).  «  Les  anges, 
dit-il,  ne  sont-ils  pas  tous  des  esprits  admi- 
nistrateurs, envoyés  [lour  servir  ceux  qui 
auront  le  salut  pour  héritage?  »  c.  n,  v.  5. 
Dieu  n'a  point  soumis  aux  anges  le  monde 


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futur  dont  nous  parlons,  au  lieu  qu'un  au- 
teur sacré  dit  do  l'honime  :  Vous  l'avez  fait 
très-peu  inférieur  nux  anges,  etc.  A  la  vé- 
rité, saint  Paul  applique  cos  paroles  k  Jé- 
sus-Christ; mois  il  ajoute,  v.  11  :  «  Celui 
qui  sanctilie  et  ceux  qui  sont  sanctifiés  sont 
de  m(^ine  nature;  c'est  pour  cela  qu'il  ne 

rougit  poiut  de  les  appeler  ses  frères Or, 

il  n'a  point  pris  la  nature  des  anges,  mais 
celle  des  descendants  d'Ahrahaïu.  »  Qu'au- 
rait pensé  l'apôtre  d'un  système,  qui,  loin 
de  nous  rapprocher  des  anges,  les  suppose 
placés  à  une  distance  infinie  au-dessus  de 
i'honmie,  et  qui  entreprend  d'assimiler  à 
celui-ci  les  animaux  et  les  plantes?  —  6°  Il 
ne  sert  k  rien  d'exténuer  à  l'excès  nos 
connaissances  touchant  la  faltrique  et  la 
marche  physi(iue  du  monde,  dès  (pie  nous 
en  avons  assez  pour  admirer,  remercier  et 
bénir  le  Créateur.  Des  lumières  plus  éten- 
dues n'ont  ahouti  souvent  qu'à  rendre  les 
philosophes  orgueilleux  ,  ingrals  et  incré- 
dules. Un  écrivain  sacré  a  tenu  un  langage 
tout  différent  de  celui  do  noire  auteur. 
«  Dieu,  dit-il,  a  donné  à  nos  premiers  pa- 
rents l'intelligence  de  l'esprit  et  la  sensibilité 
du  cœur;  il  leur  a  montré  les  biens -et  les 
maux  ;  il  a  eu  l'œil  sur  eux  ;  il  leur  a  fait 
voir  la  grandeur  et  la  beauté  de  ses  ouvra- 
ges, afin  qu'ils  bénissent  son  saint  nom, 
qu'ils  le  glorifiassent  de  ses  merveilles,  et 
qu'ils  fussent  attentifs  à  les  publier;  il  a 
daigné  les  enseigner,  et  leur  a  donné  une 
loi  vivante;  il  a  fait  avec  eux  une  alliance 
éternelle;  il  leur  a  fait  connaître  sa  jusiice 
et  ses  jugements,  etc.  {Evcii.,  xvit,  6).  »  Ce 
sage  auteur  ne  fait  jtas  consister  la  science 
de  l'homme  à  concevoir  le  mécanisme  du 
monde  physique,  mais  à  respecter  l'ordre  du 
monde  moral,  ordre  tout  autrement  impor- 
tant que  le  premier. 

Fonder  un  système  sur  la  multitude  des 
mondes  répandus  dans  l'imniensili'^  de  l'es- 
pace, c'est  bâtir  en  l'air  et  toujours  pécher 
par  inconséquence.  D'un  côté,  nous  ne  savons 
rien  ou  presque  rien  sur  la  construction  de 
l'univers;  de  l'autre,  nous  savons  que  les 
globes  célestes  sont  autant  de  mondes  peu- 
plés d'habitants  meilleuis  que  nous  sans 
doute;  du  moins  nous  ne  risquons  rien  de 
le  sup|ioser,  en  attendant  ciu'il  nous  en  vienne 
des  nouvelles.  De  tout  cela  nous  concluons 
que  l'hypothèse  de  la  Pnlingénésie  ne  peut 
servir  qu'à  diminuer  notre  reconnaissance 
envers  Dieu,  à  nous  faire  douter  de  sa  pro- 
vidence particulière  à  l'égard  de  l'homme, 
et  a  favoriser  les  rêves  des  incrédules. 

PALLE.  Ce  mot,  cUt  le  P.  Lebrun,  vient 
de  pallium,  manteau,  couverture.  On  pré- 
tend que  dans  l'origine  c'était  une  pièce  de 
toile  ou  d'étotfe  de  soie',  assez  grande  pour 
couvrir  l'autel  entier,  et  on  l'en  couvrait  en 
effet  lorsque  le  prêtre  y  avait  placé  le  calice 
et  ce  qui  était  nécessaire  au  sacrifice.  Dans 
le  Sarramentaire  de  saint  Grégoire,  le  corpo- 
ral  et  la  palle  sont  ajipelés  pallœ  corporales, 
pour  les  distinguer  des  nappes  d'autel,  ([ui 
sont  simplement  nommées  paUœ  ;  dans  la 
suite  on  a  donné  le  nom  de  corporal  au  linge 


qui  est  dessous  le  calice,  et  celui  qui  est 
dessus  a  retenu  le  nom  de  pallc  ;  en  raccour- 
cissant pour  la  commodité,  on  y  a  mis  un 
carton,  afin  de  le  tenir  plus  ferme.  Eœptic. 
des  cérémonies  de  la  Messe,  t.  II,  pag.  25. 

PALLIUM,  ornement  pontifical  propre  aux 
évoques  et  qui  désigne  ordinairement  la 
qualité  d'archevêque,  il  est  formé  de  deux 
bandelettes  d'étoffe  blanche,  large  do  deux 
doigis,  qui  pendent  sur  la  poitrine  et  derrière 
les  épaules,  et  qui  sont  marquées  de  croix. 
Cette  étoffe  est  tissue  de  la  laine  de  deux 
agneaux  blancs  qui  sont  bénits  à  Rome,  dans 
l'église  de  Saint-Agnès,  le  jour  de  la  fête  de 
cette  sainte.  Ces  agneaux  sont  gardés  ensuite 
dans  quelque  communauté  de  religieuses, 
jusqu'à  ce  que  le  temps  de  les  tondre  soit 
arrivé.  Les  pallium  faits  de  leur  laine  sont 
déposés  sur  le  tombeau  de  saint  Pierre,  et 
y  restent  [lendalit  toute  la  nuit  qui  précède 
la  fête  de  cet  apôtre  ;  ils  sont  bénits  le  len- 
demain sur  l'autel  de  cette  église,  et  envoyés 
aux  métropolitains  ou  aux  évêques  qui  ont 
droit  ,de  le  porter.  Vies  des  Pères  et  des  Mar- 
tijrs,  t.  V,  p.  201.  Ce  qui  regarde  ce  droit  et 
les  privilèges  attachés  aupallium,  appartient 
à  la  juris|irudence  canonique.  M.  Languet  a 
réfuté  (loin  de  Vert  qui  avait  imaginé  que  le 
pallium  était  dans  son  orig ne  le  parement 
ou  la  biirdure  delà  chasuble  des  prêtres,  et 
qu'il  en  a  été  détaché  depuis  deux  ou  trois 
cents  ans  seulement,  pour  être  un  ornement 
])articiilier.  M.  Languet  jirouve  que  c'était 
déjà  un  ornement  épiscopal  du  temps  de  saint 
Isidore  de  Damiotte,  mort  au  milieu  du  v° 
siècle,  puisque  ce  saint  en  a  parlé  et  en  a 
donné  les  significations  mystiques.  Il  fut  ac- 
cordé par  le  pape  Symmaqueà  saintCésaire 
d'Arles,  mort  au  milieu  du  vi'  siècle.  Du  vé- 
ritable esprit  de  l'Eglise,  etc.,  p.  288. 

PALMKS.  Voy.  Hameaux. 

PANACHANTE.  Voy.  Conception  imma- 
culée. 

PANAGIE,  cérémonie  que  font  les  moines 
grecs  dans  leur  réfectoire.  Lorsqu'ils  vont  se 
mettre  à  table,  celui  qui  sort  coupe  un  pain 
en  quatre  parties  ;  d'une  de  ces  portions,  il 
coupe  encore  un  morceau  en  forme  de  coin, 
depuis  le  centre  jusqu'à  la  circonférence,  et 
le  remet  à  sa  place.  Quand  on  se  lève  de  ta- 
ble, le  servant  découvre  ce  pain,  le  présente 
à  l'abbé  et  ensuite  aux  autres  moines  qui  en 
prennent  chacun  un  petit  morceau,  boivent 
un  coup  de  vin,  rendent  grAces  et  se  retirent. 
On  prétend  que  cette  cérémonie  se  pratiquait 
aussi  à  la  table  de  l'empereur  de  Constanti- 
nople;  Codin,  Ducange  et  Léon  AUatius  en 
parlent.  Si  elle  n'est  accompagnée  d'aucune 
parole,  il  est  dillicile  d'en  deviner  l'origine. 
Il  nous  }iaraît  cependant  qu'elle  peut  faire 
allusion  à  ce  qui  est  dit  dans  saint  Paul  (i 
Cor.  XI,  5),  que  ce  fut  à  la  fin  du  repas  que 
Jésus  bénit  la  coupe  de  l'eucharistie,  et  en 
lit  boire  à  ses  disciples.  Ce  dernier  coup  de 
vin  que  boivent  les  moines  grecs  avant  de 
rendre  grâces,  rappelle  la  coupe  de  bénédic- 
tion de  laquelle  les  Hébreux  buvaient  à  la 
fin  du  repas.  Parmi  le  peuple  des  cami>agiies 
qui  garde  beaucoup  de  restes  des  anciennes 


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1223 


mœurs,  il  est  assez  ordinaire  que  le  dernier 
coup  de  vin  soit  lui  à  Ja  ronde  et  à  la  sauté 
de  l'hôte  qui  a  régalé  :  c'est  une  manière  de 
lui  rendre  gnîces.  Le  terme  de  paiiarjie,  qui 
siguilio  toute  sainte,  semble  iuliquer  une 
action  religieuse  par  laquelle  on  veut  ren- 
dre gr;îces  h  Dieu.  Voy.  Colpe. 

PANARÈTE,  mot  grec  qui  signifie  toute 
vertu.  C'est  le  nom  que  les  Grecs  donnent  à 
trois  livres  de  l'Hcriture  sainte  que  l'on  ap- 
pelle Sapientiaux,  (|ui  sont  les  proverbes  de 
Salomou,  l'Ecelésiasteetla  Sagesse.  Les  (irecs 


donnent  h  entendre  j»ar  là  que  ces  livres 
enseii.i;nent  toutes  les  vertus. 

PANOPLIE,  ninmre  com|ilètc.  On  a  ainsi 
nommé  un  ouvrage  du  moine  Euthimius 
Zigabôue,  qui  est  l'exposition  de  toutes  les 
hérésies  avec  leur  réfutation;  il  le  composa 
par  l'ordre  de  l'emiiereur  Alexis  Couniène, 
vers  l'an  1115.  Cet  ouvrage  a  été  traduit  en 
latin  et  inséré  tlans  la  grande  Bibliothèque 
des  Pères. 

*  PA^TI1ÉIS^IE,  doclrinc  qui  enseigne  qu'il  n'y 
a  qu'une  seule  sulislance  (jui  se  nioilifie  cllc-rin'nie. 
Cnnuue  nous  ne  hayons  pas  l'Iiistoiie  de  la  philoso- 
phie, nous  n'avons  point  à  déeiire  les  phases  qu'a 
suhies  cède  nionsliueuse  eneur  depuis  les  lenqis  de 
Xénophane,  de  Paruiénide  et  de  /énon  (a)  jusqu'à 
nos  jouis.  Qu'il  nous  sullisc  de  l'aire  observer  que 
celle  doctrine,  considérée  sous  toutes  les  Ibiuies  po.s- 
sibles,  n'a  jamais  été  et  n'a  pu  être  qu'une  abslrac- 
lion  dépourvue  de  tout  fondement,  et  contraire  à 
l'expérience  de  tous  les  siècles,  ainsi  qu'à  toutes  les 
données  de  la  science.  Il  y  a  deux  systèmes  princi- 
paux de  panthéisme  :  le  piemier  est  celui  des  aiiiicns 
qui  expli(iuaienl  la  formation  des  corps  par  le  mou- 
veiuenl  des  atomes  ;  le  second  esl  des  philosophes 
uioilerues,  d(uil  nous  allons  exposer  les  idées. 

1"  r)<'puis  que  notre  planète  est  habitable,   et  elle 
n'a  jamais  pu  être  observée  qu'elle  ne  fût  telle,  elle  a 
toujours  clé  constituée  dans  sa  partie  solide  de  corps 
plus  ou  moins  distincts,  et  non  d'atomes  sans  cohii- 
sion  et  honiogcnes,  comme    le  prétendaient  les  an- 
ciens panthéistes  ;   aiiireinent,  elle  serait  encore  à 
l'élai  de  chaos,  et  ne  conliendrait  pas   des  êtres 
dou('S  de  propriétés  si  diverses,  et  (jui  sont  nécessai- 
res les  uns  aux  autres  pour  l'entretien  de  la  vie.   De 
même,  si  tous  les  asiies  de  noire  système  planclaire 
n'avaient  été  primitivement  que  des  ëlénienis  isolés 
et  errants,  ils  ne  si' seraient  jamais  formés  en  masses 
compacles,  ni  distribués  en  divers  centres  d'action. 
Les  anciens  panthéistes  malèiialisles  ne  sont  donc 
arrives  à  la  conception  de  leur  système  alomisli(iue, 
qu'en  faisant  ubslraclioii,  soit  de  la  nature  intime  de 
tous  les  coips,  soit  de  la  odusiiui,  soil  des  alliuités 
électives,  soil  do  la  gravitation  universelle,  soil  sui- 
loul  de  l'inertie  de  la    matieie  et  de  l'action  indis- 
pensable d'une  [luissainM!  intidligenle  (lour  l'organi- 
sation et  le  maintien  de  1  ordre  dans  l'univers.  En  un 
mot,  dans  la  ihi'orie  des  atonies  priiniLifs,  on  ne  lient 
aucun  compte  ni  des  pbènoinèiies  naturels,  (|ui  seuls 
sont  du  domaine  de  1  obscivalion,  ni  de  leurs  causes, 
qui  induisent  à  la  connaissance  d'un  supivme  ordon- 
naleur  :  on   part  d'une  hypttilicse  qui  n'a  de  loiide- 
nienl  ((ne  dans  l'imagination,  cl  qui  n'est  que  le  ré- 
sultat d'une  abstraction   que  rien  ne  peut  b^giiiiHcr. 
—  i°  11  y  a  eu,  à  diverses  époques  et  dans  ddJêienls 

(flj  Ces  trois  philosoplips,  que  Ion  peut  rpfiardei-  comme 
les  |iiTes  (lu  i^a  théi-ni:,  vnai.iil  vhis  le  iiiilieu  du  vi' 
sr^cle  av.iiit  notre  ère;  l.eiiciiipe  et  l).!-iiiOLTite,  (pii  oon- 
nércHt  uiK!  irouvclli»  Inrino  a  leit.-  erreur,  ne  vécurent 
i|«e  (laii  le  v  sif'cle  avunt  uolre  ère  ;  et  ICpictn  c,  (pii  la 
niodilia  a  son  tour,  ue  (lajul  qoe  vers  3j«,  du  tei«|is  d'A- 
lexaudru  le  Uranci. 


p-iys,  des  sectes  de  panthéistes  qui  ne  niaient  pas 
précisément   l'exislenee  de  Dieu,   mais  (pii  prélen- 
daient  (pie  tout  était  Dieu,  connue  l'indiipie  le  nom 
qn'(Mi  lein-  a  donné,  el  ipi'il  n'y  avait  dans  toute  l'é- 
tendue de  l'univers  qu'une  seule  substance.  Les  jian- 
théistes   de   notre   ('poipie  confondent  tout  dans  ce 
qu'ils  nomment  l'infini,  l'ub^oUi  (roi/,    ces  mots),  ei 
proclament  que  tout  e$t   dans  touL    Les  uns  el   les 
aulies,  sans  pousser  l'absuaelion  aussi   loin  que  les 
partisans  des  atomes  primitifs,  s'élèvent  par  les  seuls 
ellorts  de  l'imagination  jus(prà  la  conception   d'une 
substance  vniiiue.  On  sait  (juc  les  opérai  ions  de  1  es- 
prit qui  ne  sont  pas   fimdées  sur  des  doinii'es  posi- 
tives de  la   science,    nn  ]ieuvcnt  condniie  qu'à  des 
r('sultats  chimériques  :  exaniimms  donc  (piel  peut  cire 
le  fondement  scientilique   de  l'abslraclion  panlhèis- 
li(lini  moilerno.  l.'observali(m  dirccle  ne  peut  porter 
que  sur  des  indiviilns  :  (juand  on  les  a    convenable- 
ment éuuliés,  on  Tait  absiraclion  de  leur  individualité 
et  des  particularités  qui    leur   sont   exclusivement 
propres,  pour  ne  considérer  (pie  les  qualités  ((ui  leur 
sont  communes  avec  d'autres.  On   iorme   ainsi  des 
groupes  d'autant  plus  généraux  que  l'on  y  envisage 
moins  de  qiialilés,  ei  c'est  en  ce  sens  que  r(m  dit  en 
histoire  naturelle  connue  en   logi(|ue  que  tf  ijenre  a 
moins  de  ccnipTi'hemion  que  l'espèce  ,  mais  plus  d'ex- 
icnfion,  qu'il  en  esl  de  même  de  Vordie  par  rapport 
au  genre,  de  la  ctaise  par  rapport  à  l'iudre,  etc.  :  en 
uti  mol,  que  la  compréhension   esl  kujours  en  raison 
inverse  d,  lexlensioii.  Cela  veut  dire  (pie,  plus  on  s'é- 
lève dans  l'échelle  de  l'abslraclion  par  la  généralisa- 
tion, plus  aussi  on  s'éloigne  de  la  réalité.  Kn  sorte 
que,    si   d'abstraction    en    absiraclion  on  parvient, 
avec  le  panihéisie,  jusqu'à  la  conception  pure  de  la 
subslance,  on  n'a  plus  rien   de  réel,  parce  qn'on  n'a 
plus  rien   d'observable.  On  sort  du  domaine  de  la 
science,  parce  qu'on  abandonne  la  région  des   faits. 
Sans  doute,  il  est  inq)0ssible  d'èlabllr  une  théorie 
scienlilique  quelconque  sans  le  secours  de  la  généra- 
lisation, et  par  conséquent  sans  l'abstraction,  qui  en 
est  rinstrunient  ;  mais,  quand  on  ne  sortirait  même 
pas  de  l'ordre  des  choses  observables,  comme  l'ont 
les  panthéistes,  on  ne  doit  pas  oublier  qu'à  chaque 
opération  généralisatriee  de  l'esprit,  on  a  anéanti  une 
rcalil('  en  Iranchissant  un  abîme.  Qui  ne  comprend 
que  l'animal,    le   vésétal  ,    considérés   en  g(?néral , 
n'existent  pas  plus  que  la  substance  uniipte   îles  pan- 
théistes'.' Les  réalistes  du  moyen  âge  sont  donc  tom- 
bés dans  une  erreur  analogue  à  celle  que  nous  com- 
batlons.  En  effet,  ce  qu'il  y  a  snrtout  d'incons('qucnt, 
d'erroné  dans   le   syslènu;  iianthéistiquc,  c'est  qn'on 
se  précipile  tout  d'un  coup   du  point  culminanl  du 
inonde  idéal  dans  le  monde  réel  :  de  l'unité  de  sub- 
slance, qui  ne  peut  èlre  que  le  résultat  de  l'abstrac- 
tion poussée  à  son  maximum,   on  prétend  conclure 
la  Iransformalion  de  tous  les  individus  les  uns  en  les 
antres  ;  on  vent  voir  tout  dans  tout. 

Il  est  clair,  d'après  les  développements  qui  précc- 
donl,que  le  panlhiisme  n'a  aucun  fondement  scienti- 
lique, et  (jue  le  défaut  capital  de  ce  système  consiste 
dans  la  réalisation  de  l'abstraction,  el  dans  l'anéan- 
tissement par  rvb.siraction  de  tout  ce  qui  tombe  sous 
l'obsenation.  Nous  pourrions  en  rester  là,  et  tenir 
ce  système  pour  renversé  par  la  destruction  de  sa 
base.  Mais  pour  mieux  dévoiler  et  son  opposition 
formelle  avec  les  fails  les  mieux  constaiés  de  la 
science,  ci  les  graves  inconséquences  dans  lesquelles 
il  se  précipite,  nous  allons  exposer  les  cara(  tères 
profonds  qui  distinguent,  les  grands  groupes  d'êtres 
que  nous  pouvons  observer  sur  la  planète  que  nous 
habiions,  et  cela  d'après  les  plus  grands  naturalistes. 
Le  système  panihéistique,  considéré  dans  ses  consé- 
quences, lond  directement  à  la  destruction  de  la 
personnalilé,  soit  divine,  soit  humaine,  et  à  l'anéan- 
lissement  de  l'individualiti'  des  ôircs  physiques.  Nous 
vengerons  plus  tard  la  personnalité  divine  au  nml 
Tri.mté;  nous  avons  dijà  (au  mol  Ame)  dcfciida  la 


1233 


PAN 


PAN 


!2ii 


cause  de  la  personnalité  humaine  contre  les  pan- 
théistes spirilualisles  ;  nous  n'avons  donc  à  démon- 
trer ici  que  l'individunlilé  des  êtres  physiques,  contre 
les  panthéistes  matérialistes. 

Le  célèbre  Linné,  dés   le   commencement  de  sa 
Philosophia   botanica,  distingue  trois  sortes  d'êtres, 
que  l'on  distribuait  autrefois  en  trois  règnes  :  ce  sont 
les  minéraux,  les  végétaux  et  les  animaux.  «  Les  mi- 
néraux croissent ,  dit-il ,  les  végétaux  croissent  et 
vivent,  les  animaux  croissent ,  vivent  et   sentent,  t 
Nous  pourrions  ajouter  un  quatrième  règne  pour 
l'homme,   qui  croît,  vil,    sent  et  pense  librement. 
Mais  déjà  depuis  longtemps  les  naturalistes,   pour 
établir  une  divison  plus   scieniilique,   ont  réduit  à 
deux  les  règnes  de  la  nature  :  le  règne  inorganique, 
qui  comprend  toutes  les  substances  dépourvues  d'or- 
ganisation ou  considérées  en  deliors  de  l'influence  vi- 
tale; et  le  règne  organique  que  constituent  ces  in- 
nombrables petits  tous   qui  sont   doués  d'une  puis- 
sance d'absorption  et  d'assimdalion  ,    et   que  l'on 
nomme  les  végétaux  et  les  animaux.  Nous  ferons  un 
troisième  régne  des   êtres  actifs   dont  nous  avous 
constaté   l'existence  dans  le  paragraphe  précédent, 
et  nous  proposons  de  l'appeler  rè-ine  de  spontanéité. 
Les  quatre  grands  groupes  qui  composent  ces  trois 
règnes  sont  essentiellement  distincts  les  uns  des  au- 
tres, et  même  ils  sont  séparés  par  une  distance  in- 
franchissable.  Les  minéraux  croissent  ou  forment 
des  agrégats  par  simple  juxtaposition  de  parties,  en 
vertu  de  la  force  de  cohésion,  si  les  éléments  sont 
homogènes,  et  par  l'eflèt  de  l'aflinité  élective,  si  des 
éléments  hétérogènes  sont  en  présence.  Leur  exis- 
tence ne  dépend  en  aucune  façon  du  concours  d'êtres 
8»it  semblables,  soit  différents.  Ces  corps  n'ont  pas 
de  parties  plus  importantes  les  unes  que  les  autres  : 
ils  peuvent  être  désagrégés,  altérés  sur  tous  les  points 
indistinctement,  sans  qu'il  s'ensuive  aucun  change- 
ment dans  les  parties  sur  lesquelles  on  n'a  pas  agi  ; 
les  éléments  offrent  partout  les  mêmes  arrangements 
dans  des  corps  identiques  considérés  dans  les  mêmes 
circonstances;  la  forme  générale  et  les  dimensions 
sont  indéterminées;  enfin,   le  mode  d'existence  est  à 
peu  près  constant  dans  les  mêmes  circonstances  :  les 
êtres  inorganiques  se  suffisent  à  eux-mêmes,  et  ils 
persistent  dans  le  même  état,  soit  d'isolement,  soit 
de  combinaison,  à  moins  qu'une  force  étrangère  n'a- 
gisse sur  eux.  Réduits  à  leur  état  normal,  ils  sont 
indestructibles. 

On  voit  déjà,  et  l'on  comprendra  encore  mieux 
bientôt,  par  quel  abîme  les  corps  inorganiques  sont 
séparés  des  organiques.  Mais  combien  ne  dilférent- 
ils  pas  aussi  de  nature  entre  eux,  si  on  les  considère 
dans  leurs  éléments  chimiques?  On  reconnaît  aujour- 
d'hui cinquante-cinq  éléments,  qui  sont  comme  les 
germes  de  toutes  les  substances  minérales,  et  qui 
peuvent  être  isolés  les  uns  des  autres  par  l'analyse 
chimii|ue,  à  quelque  état  de  combinaison  qu'ils  se 
rencontrent  dans  ta  nature.  Les  corps  simples,  qui 
résultent  de  leur  agrégation,  sont  caractérisés  par 
des  propriétés  toujours  très-distinctes,  et  souvent  an- 
tagonisies.  On  sait  que  les  alchimistes,  malgré  leurs 
innombrables  mélanges,  n'ont  jamais  pu  transformer 
une  seule  substance  eu  une  autre  :  les  hommes  de  la 
science  ont,  dés  l'enfance  même  de  la  chimie,  laissé 
aux  panthéistes  le  soin  de  chercher  la  pierre  pliilvso- 
phale.  Les  éléments  chimiques  sont  donc  inaltérables, 
indestructibles,  et  constituent,  dans  l'état  actuel  de 
la  science  ,  de  véritables  individua.  11  y  a  plus  : 
comme  les  corps  simples  ne  se  combinent  entre  eux 
que  dans  des  proportions  toujours  bien  définies,  ils 
donnent  naissance  à  des  substances  minérales  qui  ne 
sont  autre  chose  que  des  agrégats  d'individus,  ayant 
constammeiit  dans  les  mêmes  circonstances  des  for- 
mes et  des  propriétés  identiques.  Si  la  plupart  des 
minéraux  n'offrent  pas  la  même  régularité  dans  leurs 
formes  respectives,  et  ne  se  trouvent  pas  à  l'état 
cristallisé,  c'est  parce  qu'ils  ont  dû  se  trouver  dans 


des  circonstances  physiques  perturbatrices,  qui  ont 
neutralisé  les  lois  rigoureuses  de  la  cristallisation  ; 
quand  on  vient  à  les  placer  dans  des  circonstances 
favorables,  ils  ne  tardent  pas  à  prendre  leur  forme 
caractéristique.  Il  est  donc  évident  qu'H  n'y  a  jamais 
confusion  substantielle  dans  le  régne  minéral,  mais 
qu'il  y  a  partout  imlividualité  distincte.  11  n'y  a  pas 
même  de  gradation  dans  ce  règne,  oii  l'on  n'a  encore 
pu  reconnaître  de  série,  ni  établir  d'espèces  propre- 
ment dites.  Le  principe  proclamé  par  Linné,  que  la 
nature  procède  toujours  par  degrés  et  d'une  manière 
continue,  n'est  applicable  qu'aux  corps  organisés; 
I  mais,  loin  qu'il  puisse  s'étendre  aux  corps  bruts, 
dit  le  savant  M.  Margerin  {Cours  sur  la  géologie ,  i' 
leçon),  c'est  le  principe  contraire  qui  les  gouverne. 
L;i,  tout  est  fixe,  déterminé,  arrêté.  Deux  substance» 
de  même  ordre  se  combinent  en  proportions  définies, 
constantes  pour  un  même  mixte;  et  tout  mixte  de  la 
même  nature,  soumis  à  l'analyse,  reproduit  inva- 
riablement les  proportions,  i  Ce  point  capital,  indi- 
qué par  les  travaux  de  Wenzel  et  de  Richter,  repris 
et  débattu  par  Proust  et  Berthollet,  a  été  mis  hors  de 
doute  par  les  nombreux  travaux  des  chimistes 
modernes.  «  On  découvre  ainsi  dans  le  corps  le 
plus  abject,  la  même  harmonie  qui  règne  dans  les 
cieux  (Ibid.).  I 

En  minéralogie,  l'unité  des  substances  est  carac- 
térisée, 1°  par  la  nature  des  éléments  susceptibles  de 
se  combiner;  2°  par  les  propriétés  dans  lesquelles  ils 
peuvent  se  combiner;  3' par  l'ordre  dans  lequel  ils 
sont  combinés.  Chaque  substance  est  invariable, 
quoique  se  présentant  sous  divers  aspects,  i  A  tra- 
vers ces  diverses  formes,  dit  M.  Margerin  (loc.  cit.), 
l'unité  de  substance  se  fait  connaître  à  ceci,  qu'il  est 
impossible,  au  moyen  d'nn  régime  chimique  conve- 
nable, de  passer  d'une  forme  à  l'autre  sans  altérer 
dans  le  sujet  les  trois  caractères  énoncés  plus  haut. 
Tout  revient  donc  à  la  détermination  de  ces  carac- 
tères. La  nature  et  le  nombre  des  éléments  sont 
fournis  par  les  procédés  ordinaires  de  l'analyse  chi- 
mique. Quant  à  la  manière  dont  ces  éléments  sont 
combinés  entre  eux,  on  parvient  à  la  connaître  par 
la  loi  des  substitutions.  >  La  substance  minérale 
proprement  dite  persévère  indéfiniment  dans  le 
même  état,  et  l'action  mécanique  ne  peut  rien  sur 
sa  nature  :  fùt-elle  réduite  en  poudre  impalpable, 
chaque  grain  renferme  le  minéral  tout  entier.  Le  vé- 
ritable individu  dans  le  règne  minéral  est  donc  la 
molécule  cristalline.  L'action  des  causes  physiques 
et  chimiques  peut  transformer  un  minéral  en  un 
autre  sans  que  la  substance  change  de  nature,  c'est 
dans  le  cas  du  polymorphisme  ,  constaté  dans  ces 
derniers  temps;  mais  toujours  Vindividu  conserve 
son  identité  substantielle. 

Exposons  maintenant  les  caractères  si  tranchés 
des  corps  organiques.  Ils  sont  tous  doués  de  vie, 
c'est-a-dire  d'une  force  qui  combat  l'action  destruc- 
tive des  causes  physiques  et  chimiques.  Ils  croissent 
par  intussiisception  au  moyen  de  l'absorption  et  de 
l'assimilation,  et  par  conséquent  ils  ne  peuvent  se 
passer  des  êtres  qui  les  environnent.  Us  se  les  ap- 
proprient au  moyen  d'instrumenis  dont  ils  sont 
pourvus,  et  que  l'on  nomme  organes.  Us  ont  des  par- 
lies  privilégiées  dont  l'altération  exerce  une  influence 
universelle,  et  même  entraine  la  perte  de  la  vie, 
c'est-a-dire  la  destruction  de  l'être  en  tant  qu'or- 
ganisé; les  arrangements  des  éléments  constituants 
sont  différents  pour  les  diverses  parties  d'un  même 
corps  ;  les  formes  sont  invariables  et  les  dimensions 
limitées  dans  chaque  espèce;  enfin,  dans  tous  le* 
êtres  du  double  groupe  organique,  il  y  a  naissance 
d'uu  parent  semblable,  accroissement,  reproduction 
et  mort.  Que  l'on  voie  si  le  panthéisme  peut,  sans 
nier  tous  les  faits  et  sans  anéantir  toute  science 
d'observation,  franchir  l'abîme  qui  sépare  les  êtres 
organisés  des  corps  bruts,  pour  confondre  les  uns 
et  les  autres  dans  son  désespérant  chaos  1 


12â3 


PAN 


PÀP 


H-IH 


Le  pantliéisme  est  donc  bien  contraire  a  toutes  les 
données  de  l'observation  ;  il  n'est  pas  moins  opposé 
à  la  raison. 

I  En  efl'et,  disent  les  Conférences  de  Baycux,  1°  il 
est  évidemment  faux  dans  son  principe.  Si  nous  re- 
cherchons ce  qu'il  peut  y  avoir  de  commun  dans  les 
divers  syslcincs  de  pauthéisiiic,  nous  reconnaîtrons 
que,  sous  un  langage  dillércnt ,  ils  parlent  tous  du 
même  principe.  Ce  principe  fondamental,  c'est  l'i- 
dentité de  la  substance.  11  n'existe  qu'une  seule  sub- 
stance, dont  le  monde  et  l'iioinme  ne  sont  que  les 
attributs,  i  Qu'avec  Hegel  on  l'apiielle  Vidée  ou  IV/rc  ; 
qu'avec  Schelling  on  luidorinele  nom  tVabiolu;  ([u'oii 
la  présente  avec  Ficiite  comme  le  moi,  avec  Spiiiosa 
comme  Vinflui,  on  aflirnic  toujours  le  même  prin- 
cipe, et  les  différences  ne  sont  que  nominales.  L'é- 
tude des  néoplatoniciens  ,  des  Grecs  et  des  Orien- 
taux, nous  mené  au  même  résultat;  nous  retrouvons 
partout  une  seule  substance  (a).  Or,  le  sentiment  et 
la  raison  repoussent  et  condannient  ce  principe.  «  Je 
sens,  dit  Bergier  (  Voij.  Spinosisme)  que  je  suis  moi  et 
non  un  autre,  une  substance  séparée  de  toute  autre, 
im  individu  réel  et  non  une  modilication  ;  que  mes 
pensées,  mes  volontés,  mes  sensations,  mes  affections 
sont  à  moi  et  non  à  un  autre,  et  que  celles  d'un  au- 
tre ne  sont  pas  les  niieimes.  Qu'un  autre  soit  un 
être,  une  substance,  une  nature  aussi  bien  que  moi, 
celte  ressemblance  n'est  qu'une  idée  abstraite,  une 
manière  de  nous  considérer  l'un  et  l'autre,  mais  qui 
n'établit  point  l'identité  ou  une  unité  réelle  entre 
nous.  >  Que  les  panthéistes  interrogent  tous  les 
honnncs,  ils  retrouveront  en  eux  ce  sentiment  indes- 
tructible de  la  distinction  des  êtres.  On  dira  que  ce 
n'est  qu'une  illusion,  on  alléguera  les  progrès  de  la 
science  humaine;  on  ne  détruira  jamais  l'empire  de 
ces  croyances. 

1  2"  Le  panthéisme,  considéré  en  lui-même,  répugne 
manifestement  à  la  raison.  Qu'est-ce,  en  elTét,  qu'un 
dieu  composé  de  tous  les  êtres  qui  existent  dans  le 
monde,  et  qui  ne  sont  peut-être  eux-mêmes  que  de 
6inq)les  phénomènes  et  des  apparences  trompeuses? 
Conçoit-on  une  substance  uni<iue,  iiiinmable  et  réu- 
nissant en  elle  des  attributs  contradictoires,  féten- 
due  et  la  pensée?  Qu'est-ce  qu'une  existence  vague 
et  indéterminée  dont  on  ne  peut  rien  affirmer,  qui 
n'est  ni  être  ni  mode,  et  qui  cependant  constitue  le 
monde  spirituel  et  le  monde  matériel?  Un  homme 
peut-il  croire  de  bonne  foi  (pi'il  est  l'être  universel, 
iidiui,  nécessaire,  et  dont  tous  les  autres  ne  sont  que 
les  développements  et  les  modilications?  Cet  hom- 
me, qui  ne  respecte  ni  les  devoirs  de  la  religion  ni 
les  lois  sacrées  de  la  nature,  qui  professe  ouverte- 
ment l'impiété  et  même  l'athéisme,  Cst-il  dieu  aussi 
ou  un  attribut,  une  modilication  de  Dieu  ?  En  vérité, 
peut-On  se  persuader  que  des  philosophes  refusent  de 
courber  leur  intelligence  sous  l'autorité  de  la  foi, 
qu'ils  rejctieut  et  condiatlent  les  mystères  du  chris- 
tianisme, pour  adopter  de  pareilles  rêveries? 

«  3"  Le  panthéisme  n'est  p;is  moins  funeste  dans 
ses  conséquences  qu'il  est  absurde  en  lui-même  et 
dans  son  principe.  S'il  n'existe  qu'une  seule  sub- 
stance, si  tout  est  identique,  si  l'homme  est  dieu,  il 
n'y  a  plus  entre  eux  de  rapports  d'autorité  et  de  dé- 
pendance; la  religion,  qui  n'est  fondée  que  sur  ces 
rapports,  est  donc  une  chimère  ;  il  n'y  a  donc  plus 
pour  l'homme  ni  lois  obligatoires  ni  morale,  ni  vice 
ni  vertu,  ni  bien  ni  mal.  D'ailleurs,  qu'est-ce  que 
Dieu  dans  le  système  des  philosophes  panlhéisles? 
Une  abstraction  métaphysicpie,  une  simple  idée  de 
l'inlini,  de  l'absolu,  une  existence  vague  et  indéler- 
minée  qui  ne  se  connaît  que  par  la  raison  humaine, 
le  plus  parfait  de  ses  développements.  Mais  refuser  à 
Dieu  l'intelligence,  la  liberté,  et  même  la  personna- 
lité et  l'individualité,  n'est-ce  pas  l'anéantir?  Le 
panthéisme  n'est  donc  en  réalité  qu'un  système  d'à-  " 


-  théisme  caché  sous  le  voile  d'un  langage  étrange- 
ment obscur  et  d'une  terminologie  barbare.  Qu'est-ce 
enfin  que  cette  raison  humaine  qu'on  nous  présente 
comme  la  maniléslation  et  le  dernier  développement 
de  l'Etre  iidini?  La  raison  humaine  existe-t-clle  ? 
Ouvre/,  les  livres  des  philosophes  allemands,  ot  ils 
vous  apprendront  que  le  monde  n'est  qu'une  appa- 
rence, une  illusion  vaine,  une  forme  sans  réalité  ob- 
jective; (pi'il  n'y  a  nulle  individualité,  nul  acte  per- 
sonnel; qu'il  n'y  a  plus  ni  cause  ni  effet.  Le  mot 
être,  l'idée  abstraite  de  Dieu,  voilà  tout.  .Mais  pour- 
quoi attribuerions-nous  plus  de  réalité  à  celte  idée 
qu'aux  autres?  Le  scepticisme  universel  est  donc  le 
résultat  inévitable  et  la  conséquence  ni'cessaire  de 
toutes  ces  théories  insensées.  <  Le  panlliéisme  est 
donc  en  contradiction  palpable  avec  la  raison  et  la 
logique  dont  il  renverse  tous  les  principes,  avec  la 
personnalité  humaine  qu'il  ne  peut  faire  disparaître 
ni  expliquer,  avec  la  réalité  du  monde  sensible  qu'il 
nie,  sans  nous  faire  comprendre  comment  ce  phéno- 
mène existe,  et  comment  il  nous  donne  le  sentiment 
de  la  réalilé.  Il  est  encore  en  conlradieton  avec  la 
notion  de  l'Etre  absolu  ;  car,  coniine  il  lui  refuse  la 
personnalité  et  qu'il  n'afliriin'  rieiidi'  lui,  il  remplace 
l'Etre  par  l'exisience  et  s'évapoie  dans  l'abstrac- 
liou  ((?).  Voy.  Spikosisme. 

PAPAS,  père.  C'est  le  nom  que  les  Grecs 
schisiiiati([ues  donnent  à  leurs  pnMi'cs,  luAme 
à  leurs  évoques  et  à  leur  p;itnarelie.  Le  Père 
(îoanuol  une  distinction  entre  w«7r«,-,  et7rà;r«f; 
il  dit  que  le  premier  désigne  un  jiontife 
princi[ial;  que  le  second  se  donne  aux  prô- 
tres  et  mùiueaux  clercs  inférieurs.  Les  lirecs 
nomment  jjrotopapas  le  premier  d'entre  les 
préties.  Dans  l'Éj^iise  de  Messine,  en  Sicile, 
il  y  a  encore  une  dignité  de  protopapas,  que 
les  (jrecs  y  introduisirent  lorsque  celte  île 
était  sous  la  domination  des  empereurs 
d'Orient.  Le  prélat  de  l'église  de  Corfoi  i)rend 
aussi  le  même  titre.  Scaiiger  remarque  à  ce 
sujet  que  les  Ethiopiens  appellent  les  prêtres 
papasath,  et  les  évoques  episcopasath;  mais 
ces  deux  termes  ne  sont  pas  de  la  langue 
étiiiopienne.  Scaiiger  n'a  pas  fait  réllexioa 
que  les  Ethiopiens  ou  Abyssins  n'ont  qu'un 
seul  évoque  qu'ils  nomment  Abuna,  qui  si- 
gnilie  notre  Père.  Acosia  rapporte  que  les 
Indiens  du  Pérou  nommaient  aussi  leur 
prêtre  papas.  Enlin  l'usage  est  établi  parmi 
nous  de  donner  le  nom  d'abbé  à  tous  les 
ecclésiastiques.  Du  Gange,  Glossar.  lalinit.  Ce 
concert  de  toutes  les  nations  à  envisager  de 
même  les  ministres  des  autels,  doit  appren- 
dre à  ceux-ci  le  devoir  que  leur  état  leur  im- 
pose, qui  est  de  prendre  pour  tous  les  lidèles 
une  tendresse  paternelle  et  de  se  consacrer 
tout  entiers  à  leur  service.  G'est  donc  une 
très-bonne  leçon,  de  laquelle  il  serait  à  sou- 
haiter que  la  signilicatiou  ne  s'oubliât  jamais. 
Voi/.  Abbé. 

'  PAPAUTÉ  ,  PAPE.  Nous  avons  vu  dans 
l'article  précédent  que  le  nom  de  pape  signi- 
fle  père;  on  l'a  donné  autrefois  non-seule- 
ment aux  évoques,  mais  aux  simjiles  prêtres  : 
depuis  longtemps  il  est  réservé  en  Occident 
aux  évêques  de  Rome,  successeurs  de  saint 
Pierre  :  il  désigne  le  souverain  pontife  de 
l'Eglise  chrétienne  :  et  le  titre  de  Vicaire  de 

Jésus-Christ  sur  la  terre,  qui  lui  est  attribué, 


^ii)  Essai  sur  le  paatUéisme,  p.  \'ô. 
^         DiCTIONN.   DE  TuiiOL.  DOCMiTIQVE.    III. 


(a)  Essai  sur  le  panthéisme,  p.  199 


30 


im 


paP 


PAP 


J52â 


est  fondô  sur  l'Ecriture  sainte;  nous  le  ver- 
rons ci-après '(1). 

On  peut  considérer  le  pape  sous  quatre 
différents  rapports  :  comme  pasteur  de  l'E- 
glise universelle,  comme  patriarche  de  TOc- 
cideiit,  comme  évêque  particulier  du  siège 
de  Rome,  et  comme  prince  temporel.  Les 
dernières  de  ces  qualités  appartiennent  plu- 
tôt à  la  jurisprudence  et  à  l'histoire  qu'à  la 
théologie  ;  nous  nous  arrêtons  uniquement 
à  la  première. 

La  croyance  catholique  est  que  saint  Pierre 
a  été  non-seulement  le  chef  du  collège  apos- 
tolique, mais  le  pasteur  de  l'Eglise  univer- 
selle; que  le  pontife  romain  est  le  succes- 
seur de  ce  prince  des  apôtres,  qu'il  a  comme 
lui  autorité  et  juridiction  sur  toute  l'Eglise, 
que  tous  les  fidèles  sans  exception  lui  doi- 
vent rcsiiect  et  onéi?sauce.  Telle  est  la  défi- 
nition du  concile  de  Florence,  à  laquelle  ce- 
lui de  Trente  s'est  conformé,  lorsqu'il  a  dit 
que  le  souverain  pontife  est  le  vicaire  de 
Dieu  sur  h  terre,  et  qu'il  a  la  puissance  su- 
prême sur  toute  l'Eglise.  Sess.  6,  cleRéform., 
c.  1  ;  sess.  lo,  de  Pœnit.,  c.  7.  Comme  cette 
doctrine  est  la  base  de  la  catholicité  et  de 
l'unité  de  l'Eglise,  les  théologiens  de  toutes 
les  sectes  hétérodoxes  ont  commencé  par  la 
déguiser,  afin  de  la  rendre  odieuse.  Ils  ont 
dit  que  nous  faisons  du  pape,  non-seulement 
un  souverain  spirituel  et  temporel  du  monde 
entier,  mais  une  espèce  de  Dieu  sur  la  terre; 
que  nous  lui  attribuons  un  pouvoir  despoti- 
que, arbitraire  et  tyrannique,  l'autorité  de 
îaire  de  nouveaux  articles  de  foi,  d'instituer 
de  nouveaux  sacrements,  d'abroger  les  ca- 
nons et  les  lois  ecclésiastiques,  de  changer 
absolument  la  doctrine  chrétienne,  le  droit 
d'absoudre  les  sujets  du  serment  de  fidélité 
envers  les  rois  et  les  magistrats,  sous  pré- 
texte que  ceux-ci  sont  impies  ou  hérétiques, 
et  de  disposer  ainsi  des  couronnes  et  des 
royaumes,  etc.  11  est  évident  que  ce  sont  là 
autant  de  calomnies,  puisque  ces  droits  pré- 
tendus seraient  directement  contraires  aux 
devoirs  de  père  spirituel  et  de  pasteur  des 
fidèles  ;  loin  de  maintenir  l'ordre  dans  l'E- 
glise, ils  y  mettraient  la  confusion.  11  est  ab- 
surde de  confondre  une  puissance  suprême 
avec  une  puissance  absolue,  illimitée,  et  qui 
n'est  sujette  à  aucune  loi  ;  celle  du  souverain 
pontife  est  limitée  par  les  preuves  mêmes 
qui  l'établissent,  par  les  canons,  par  la  tra- 
dition de  l'Eglise  (2).  L'essentiel  est  de  la 
prouver  d'abord;  nous  verrons  ensuite  si 
nos  adversaires  sont  venus  à  bout  d'en  dé- 
truire les  fondeniints  et  d'en  démontrer  l'il- 
lusion. Cette  question  a  été  épuisée  de 
part  et  d'autre ,  et  nous  sommes  forcés  de 
l'abréger. 

Pour  y  mettre  un  pou  d'ordre,  nous  exa- 
minerons l°les  preuves  delà  primauté  et  de 

(1)  Voy.  la  Liste  chronoloifiq'u  des  papes ,  (\xi\  se 
trouve  tliiiis  le  Dictionnaire  liturgique  de  l'abbé 
Pascal,  et  dans  celui  de  l'abbe  Pioi.ipsaull  sur  la  ju- 
ri.-.prudeiice  civile  et  ecclésiastique,  publiés  par  M. 
l'abbe  Migne. 

("2)  Vou.   Déclaration  du    clergé   de  Irancc  de 


l'autorité  accordée  à  saint  Pierfe  par  Jésns- 
Clirist  ;  2°  si  la  qualité  de  pasteur  de  l'Eglise 
universelle  a  dû  passer  et  a  passé  en  effet 
aux  successeurs  de  cet  apôtre  ;  3°  quels  sont 
les  droits,  les  devoirs,  les  fonctions  de  cette 
dignité  ;  4°  comment  l'autorité  pontificale  s'est 
établie  par  le  fait  et  a  reçu  desaccroissements; 
5"  si  elle  a  fait  autant  de  mal  que  ses  ennemis 
le  prétendent. 

1.  Dans  l'Evangile  de  saint  Mathieu,  c.  xvi, 
V.  18,  saint  Pierre  ayant  confessé  la  divinité 
de  Jésus-Christ,  ce  divin  maître  lui  répond  : 
Je  vous  dis  que  vous  êtes  Pierre,  et  que  sur 
cette  pierre  je  bâtirai  mon  Eglise,  et  les  portes 
de  Venfer  ne  prévaudront  point  contre  elle. 
Je  vous  donnerai  les  clefs  du  royaume  des 
deux;  tout  ce  que  vous  lierez  ou  délierez  sur 
la  terre  sera  lié  ou  délié  dans  le  ciel.  Dans  le 
le  style  de  l'Ecriture  sainte,  les  portes  de  l'en^ 
fer  sont  les  puissances  infernales,  et  les  clefs 
sont  le  symjjole  de  l'autorité  et  du  gouver- 
nement ;  nous  le  voyons  dans  Isaïe,  c.  xxn, 
v.  22;  Apoc,  c.  m,  v.  7,  etc.  Le  pouvoir  de 
lier  et  de  délier  est  le  caractère  de  la  magis- 
trature, l'un  et  l'autre  sont  donnés  à  saint 
Pierre,  pour  assurer  la  solidité  et  la  perpé- 
tuité de  l'Eglise.  Cela  nous  parait  clair.  Dans 
un  autre  endroit  (  Luc.  xxu,  29},  le  Sauveur 
dit  à  ses  apôtres  :  Je  vous  ?aùse(partestament) 
un  royaume  tel  que  mon  Père  me  l'a  laissé., 
pour  que  vous  soyez  assis  sur  douze  sièges,  et 
que  vous  jugiez  les  douze  tribus  d'Israël.  En- 
suite il  dit  à  saint  Pierre  :  Simon,  Satan  a 
désiré  devons  cribler  (  tous  )  comme  le  froment  : 
mais  j'ai  prié  pour  vous  (  seul  ),  pour  que  vo~ 
tre  foine  manque  point  ;  ainsi  un  jour  tourné 
vers  vos  frères,  confirmez  ou  affermissez-les. 
11  est  encot  e  ici  question  de  la  lermeté  de  la 
foi  et  d'un  privilège  personnel  à  saint 
Pierre. 

Jésus-Christ  étant  ressucité,  après  avoir 
exigé  tiois  fois  de  cet  apôtre  la  protestation 
de  son  amour,  lui  dit  :  Paissez  mes  agneaux, 
paissez  mes  brebis  (  Joan.  xxi,  16  et  17  ).  On 
sait  que  notre  divin  Maître  avait  désigné  son 
Eglise  sous  la  figure  d'un  bercail  dont  il  vou- 
lait être  lui-même  le  pasteur,  c.  x,  v.  16. 
Voilà  donc  saint  Pierre  revêtu  de  la  fonction 
même  que  Jésus-Christ  s'était  réservée,  et 
chargédu  troupeau  tout  entier.  AussisaintMa- 
tliieu,  faisant  i'énumération  (Us apôtres, c.  x, 
V.  2,  dit  que  le  premier  est  Simon  surnommé 
Pierre  ;  cette  primauté  est  suffisamment  ex- 
pliquée par  les  passages  que  nous  venons 
d'alléguer.  Voy.  Infaillibilité  du  pape  et 
Juridiction. 

Conséquemment  après  l'ascension  du  Sau- 
veur, saint  Pierre,  à  la  tête  du  collège  apos- 
tolique, prend  la  parole,  et  foil  élire  un  apôtre 
à  la  place  de  Judas  {Act.  i,  15  ).  Après  la  des- 
cente du  Saint-Esprit,  il  prêche  le  premiei- 
et  annonce  aux  Juifs  la  résurrection  de  Jèsus- 
Christ,  c.  Il,  V.  14-  et  37  ;  c.  m,  v.  12.  C'est 
lui  qui  rend  raison  au  conseil  des  Juifs  de  la 
conduite  des  apôtres,  c.  iv,  v.  8.  C'est  lui  qui 
punit  Ananie  et  Sapliire  de  leur  mensonge., 
c.  v,  V.  3  ;  qui  coniomi  Simon  le  magicien, 
c.  VIII,  V.  19  ;  qui  pjicourt  les  églises  nais- 
santes, c.  IX,  V.  32;  quifecoit  l'ordre  d'allei 


1239  PAPl 

JiapUser  Cornoille,  c.  x,  v.  19  ;  qui  dans  \(i 
concile  de  Jéiusaleoi  porte  la  purnlu  et  dit 
son  avis  le  premier,  c.  xv,  v.  7,  etc.  Si  saint 
Luc  avait  été  compagnon  do  saint  Pierre, 
aussi  assidu  ([u'iJ  l'était  de  saint  Paul,  nous 
serions  plus  instruits  d-s  traits  qui  caractéi'i- 
saicnU'auloritéduchefdesapùti'es.  Saint  Paul 
d'aljord  s'adressa  à  lui  en  arrivant  à  Jérusa- 
lem, lorsqu'il  eut  été  élevé  à  l'apostolat  {Gu- 
Uit..\,  18).  (1) 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  lonstem[)s 
à  réfuter  les  explications  arbitraires  par  les- 
(|uelles  les  protestants  ont  cliei'ché  <i  éluder 
les  cons('(juenccs  des  passages  de  l'Ecriture 
sainte  que  nous  avons  allégués.  Ils  disent 
que  saint  Pierre  a  été  le  fondrmi>nt  de  l'E- 
glise, parce  qu'il  a  prêché  le  premier  l'Evan- 
gile et  a  lait  les  premières  conversirms  ; 
il  ouvrit  ainsi  aux  Juifs  et  aux  gentils  le 
royaume  des  cieux.  Lier  et  délier,  c'est  dé- 
clarer ce  qui  est  permis  ou  défendu  ;  saint 
l'iorre  exerça  ce  pouvoir  au  concile  de  Jéru- 
salem. Ct^s  fausses  explications  sont  contraires 
à  ri'lcritiire  sainte.  Saint  Pierre  prêcha  le 
premiei',  mais  il  ne  prêcha  passent  ;  il  est  dit 
des  apôtres  le  jour  de  la  Pentecôte  :  «  Nous 
les  avons  entendus  annoncer  dans  nos  lan- 
gues les  merveilles  de  Dieu  (Act.  ii,  11  ).  » 
Dans  Isaie,  /es-  clefs,  la  puissance  d'ouvrir 
et  de  fermer,  signiliont  l'autorité  du  gouvei- 
nement,  c.  xxn,  v.  -22;  et  dans  l'.Vfiocalypse, 
c.  lu,  v.  7,  ces  termes  exj)riuu'nt  la  souve- 
raine [luissance  de  Jésus-Christ.  Nous  délions 
les  i)riitestants  de  citer  un  seul  passage  de 
l'Ivcriture  dans  leijuel  /(>;•  et  âélier  aient  la 
signilication  qu'ils  y  donnent.  D'ailleurs  Jé- 
sus-Christ a  voulu  donnera  saint  Pierre  un 
privilège  propre  et  personnel  ;  ceux  qu'allè- 
guent les  protestants  lui  ont  été  communs 
avec  les  autres  apôtres.  Mais  la  règle  des 
catholiques  est  de  n'entendre  l'Ecriture 
sainte  que  comme  elle  a  été  entendue   par 

(1)  «  Pierre,  ditBossuel,  parait  le  premier  en  tou- 
tes manières  :  le  premier  à  confesser  la  foi,  le  pre- 
mier dans  robligaUon  d'exercer  l'amour,  le  premier 
de  tous  les  apoUcs  qui  vit  le  Sauveur  ressuscité  des 
morts,  comme  il  eu  avait  été  le  premier  témoin  de- 
vant tout  le  peuple  ;  le  premier  quand  il  fallut  rem- 
plir le  nombre  des  apôtres,  le  premier  qui  condrma 
la  foi  par  un  miiacle,  le  premier  à  convertir  les 
Juifs,  le  premier  à  recevoir  les  gentils,  le  premier 
partout,  iilais  je   ne  puis  tout  dire  ;  tout  concourt  à 

établir  sa  primaulé  ;  oui,  tout,  jusqu'à  ses  fautes 

La  puissance  donnée  ii  plusieurs  porte  sa  restriction 
dans  son  partage,  au  lieu  que  la  puissance  donnée  à 
un  seul,  et  sur  louf,  et  sans  «ce/j/ioii,  emporte  la  plé- 
nitude... Tous  re(;oiveiit  la  même  puissance,  mais 
non  en  même  degré  ni  avec  la  même  étendue.  Jésus- 
Ciirist  commence  par  le  premier,  et  dans  ce  premier 

il  développe  le  tout, afin  que  nous  apprenions... 

que  l'autorité  ecclésiastique,  premièrement  établie 
en  la  personne  d'un  seul,  ne  s'est  répandnequ'à  con- 
dition d'être  toujours  ramenée  au  principe  de  son 
imité,  et  que  tous  ceux  qui  auront  à  l'exercer,  se 
doivent  tenir  inséparablement  unis  à  la  même 
cbaire.  i 

€  C'est  cette  chaire  tant  célébrée  par  les  Pères,  où 
ils  ont  exalté  comme  à  l'envi  la  principauté  de  la 
chaire  aposloiiqiie,  Id  principauié  principale,  la  source 
de  l'unil'.  et  dans  la  place  de  Pierre,  l'éminenl  degré 
de  la  chaire  sacerdulale  ;  t'Eijlise-mère,  qui  tient  en  sa 


V.\P 


1230 


ceux  qui  ont  été  instruits,  ou  immédiatement 
ou  (le  très-près,  |)ar  les  a|)ôtr('S  ;  nous  nous 
en  rapportons  à  la  iraditioii,  à  l'usage,  à  la 
croyance  ancienne  et  constante  de  l'Eglise  : 
sans  cela  il  n'est  aucun  passage  si  clair , 
que  l'art  des  sophistes  ne  puiss  ;  le  tordre 
à  son  gré. 

A  la  lin  du  i" siècle  o.i  au  commencement 
du  H',  nous  voyons  s, tint  Cl'''ment,/jf//>p,  suc- 
cesseur de  saint  Pi  rre,  écrire  deux  lettres 
aux  Corinthiens,  quil'avaient  consulté, /:'/>!*•(. 
1,  n.  1  ;  il  les  exhorte  à  la  paix  et  h  la  sou- 
mission envers  leur  évoque,  et  il  leur  |!arle 
au  nom  de  l'Eglise  romaine.  Nous  ne  savons 
pas  jiourquoi  les  Corinthiens  s'adress  tient 
plutôt  à  Uome  qu'à  quelfju'une  des  Eglises 
d'Asie,  immédiatement  fondées  par  les'a[)ô- 
tres ,  si  la  première  n'avait  aucune  préémi- 
nence ni  auciaie  supériorité  sur  les  autres. 
Vers  l'an  17t),  Ilégésippe,  converti  du  ju- 
dai-^ine  à  la  foi  chrétienne,  vint  s'insiruire  à 
Rome;  il  dit  que,  dans  toutes  les  villes 
où  il  a  passé,  il  a  interrogé  les  évoques,  et 
qu'il  a  trouvé  ipie,  dans  toutes  les  Eglises, 
la  croyance  est  telle  que  la  loi,  les  prophètes 
et  le  Seigneur  l'ont  enseignée.  Il  dressa  le 
catalogue  des  évoques  di'  Rome  depuis  saint 
Pierre  jusqu'au  pape  Eleuthère  ;  Eusèbe , 
Hist.  eccl.,  1.  IV,  c.  22,  note  de  Péarson. 
Pourquoi  (Iresser  cette  succession,  plutôt 
que  celle  des  évêques  d'une  autre  ville,  si 
elle  ne  [)rouvait  rien?  Quelques  années  au- 
paravant, saint  Justin,  pljiloso|)he  converti 
dans  la  Palestine  et  instruit  dans  l'école 
d'Alexandrie,  qui  était  pour  lors  la  plus  cé- 
lèbre, était  aussi  venu  à  Rome;  il  y  enseigna, 
y  prési-nta  S"s  deux  apologies  aux  empereurs, 
et  y  souffrit  le  martyre.  On  envisageait  déjà 
Rome  comme  le  centre  du  christianisme , 
quoiqu'il  fîit  né  dans  la  Judée.  Sur  la  fin  de 
ce  même  siè^cle,  saint  Irénôe  fit  comme  Hé- 
gésippe,  il  montre  la  succession  des  papes 

main  la  ccndiiite  de  toutes  les  autres  Eglises;  le 
chef  de  l'épicopat,  d'où  par.  le  rayon  du  gouvernruien^  ; 
ta  chaiie  principale,  la  cliare  witiiue,  en  laquelle 
seule  tous  i,ardent  l'unité.  Vous  entende/,  dans  ces 
mots  saint  Optât,  saint  Augustin,  saint  Cyprien,  saint 
Irénée,  saint  Prosper,  saint  Avite,  Tliéoiioret,  le  con- 
cile de  Chalcédoine  et  les  autres  ;  l'.Afrique,  les 
Gaules,  la  Grèce,  l'Asie,  l'Orient  et  l'Occident  unis 
ensemble...  Puisque  c'était  le  conseil  de  Dieu  de  per- 
mettre qu'il  s'élevât  des  schismes  et  des  hérésies,  il 
n'y  avait  point  de  constitution,  ni  plus  terme  pour  se 
soutenir,  ni  plus  forte  pour  les  abattre.  Par  celle 
constitution  tout  est  fort  dans  l'Eglise,  parce  que 
tout  y  est  divin  et  que  touLy  est  uni  ;  et  comme 
chaque  partie  est  divine,  le  lien  aussi  est  divin,  et 
l'assemblage  est  tel  que  chaque  partie  agit  avec  la 

force  du  tout C'est  pourquoi    nos  prédécesseurs 

ont  dit...  qu'ils,  agissaient  au  nam  de  saint  Pierre,  par 
l'autorité  donné'  à  tous  les  évèquei  en  la  personne  di 
saint  Pierre,  comme  vicaires  de  saint  Pierre,  ei  \\s 
l'ont  dit  lors  même  qu'ils  agissaient  par  leui  autorité 
ordinaire  et  subordonnée  :  parce  que  tout  a  été  mis 
premièrement  dans  saint  Pierre,  et  que  la  correspon- 
dance est  telle  dans  tout  le  corps  de  l'Eglise,  que  ce 
que  fait  chaque  cvêque,  selon  la  règle  et  dans  l'esprit 
de  l'unité  catholique,  toute  l'Eglise,  tout  l'cpiscopal 
et  le  chef  de  l'épiscopat,  le  fait  avec  lui.  » —  Sermon 
sur  l'unité  de  l'Lgtne. 


1231 


PAf 


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depuis  saint  Pierre  jusqu'à  Eleulhère  ;  il  dit 
qui'  saint"  Clément,  jiar  sa  lettre  aux  Corin- 
thiens, rétalilit  leur  foi,  et  leur  exposa  la 
tradition  qu'il  avait  reçue  des  apôties  ;  que, 
par  cette  sui-cession  et  cette  tradition,  l'on 
confond  les  hérétiques.  «  Car  il  faut,  dit-il, 
que  toute  Eglise,  c'est-îi-dire  les  fidèles,  qui 
sont  de  toutes  parts,  viennent  (  ou  s'accor- 
dent )  à  cette  Eglise,  à  cause  de  sa  primauté 
principale,  dans  laquelle  les  fidèles  qui  sont 
de  toutes  parts,  ont  toujours  conservé  la 
tradition  qui  vient  des  apôtres  »  Adv.  ILcr., 
l.in,c.3,n.2et  3(l).Grabe,qui  sentait  la  force 
de  ce  passage,  a  fuit  ce  qu'il  a  pu  pour  l'éner- 
ver. Il  convient  que  saint  Irénée  confond 
les  hérétiques ,  non-seulement  par  l'Ecri- 
ture sainte,  mais  encore  par  la  tradition  des 
églises  et  en  particulier  de  l'Eglise  romaine  ; 
que  Tertullien,  saint  Cyprien,  Optât,  saint 
Epiphane,  saint  Augustin,  etc.,  ont  fait  de 
môme;  mais  à  présent,  ditil,  cet  argument 
ne  vaut  plus  rien,  depuis  que  les  papes  ont 
ajouté  h  la  tradition  ([u'ils  avaient  reçue  des 
apôtres  d'autres  articles,  les  uns  douteux, 
les  autres  faux,  dont  ils  exigent  la  profession. 
Comment  ce  critique  n'a-t-i!  pas  sen(i  le  ri- 
dicule de  cette  exception  ?  Quoi ,  Tertul- 
lien, saint  Cyprien,  saint  Augustin  et  les  au- 
tres Pères  qui  de  siècle  en  siècle  ont  cité  cette 
môme  tradiiiun,  n'ont  pas  été  assez  instruits 
pour  voir  si  \(is,papts  avaient  ou  n'avaient  pas 
ajouté  quelque  chose  h  la  Iradilion  primitive 
et  apostO'iijueV  Pendant  que  toutes  les  EgLses 
faisaient  profession  de  croire  qu'il  n'élait  pas 
permis  de  rien  a,outei'  ni  de  rien  changer  à 
cette  tr.nlition  vénérable,  elles  ont  soulfert 
que  les  papes  l'altéivissent  à  leur  gré,  y  ajou- 
tassent ue  nouveaux  articles,  et  elles  les  ont 
reçus  sans  réclamation  ?  Depuis  longtemps 
nous  supplions  les  protestants  de  marquer 
distinctement  ces  articles  nouveaux  qui  ont 
été  inventés  depuis  le  v"  siècle,  et  qui  ne 
sont  pas  crus  dans  les  Eglises  qui  ont  secoué 
le  joug  de  l'autorité  Au.  pape  à  celle  époque. 
Si  l'argument  tiré  de  la  tradition  ne  vaut  rien 
en  iui-inème,  il  ne  valait  pas  mieux  du 
temgs  i!e  saint  Irénée  qu'aujourd'hui.  Voy. 
Tradition. 

Grabe  ne  s'est  pas  borné  là  :  il  soutient  que 
l'opinion  de  saint  Iiénée  n'est  point  que  les 
ùdèles  qui  sont  de  toutes  parts,  doivent  s'ac- 
cordera l'Eglise  romaine,  mais  que  tous  sont 
obligés  de  s'y  rassembler,  pour  venir  sollici- 
ter leurs  alfaires  à  la  cour  des  empereurs,  et 
en  particulier  pour  y  défendre  la  cause  des 
chrétiens  ;  telle  est,  dil-il,  la  force  du  mot 
convenire.  La  primauté  principale   do   cette 

(1)  Le  Icxie  semble  avoir  plus  d'cneigie  :  <  M.ixi- 
mse  et  aiiliqiiissima:  et  oiniiibiis  cognitse,  a  gloriosis- 
siniis  diiobus  aposlolis  Pelio  et  Paulo  tiiiidata;  et  iii- 
slilulaj  Ecclesix',  eaiii  (luaiii  liabet  ab  aposlolis  tia- 
ditioiicm  el  annuiilialaiii  omnibus  lidcMU,  pcr  succcs- 
giones  episcoporum  perveuiciileiii  usquo  ad  nos  iii- 
tlicanles,  tonlundimus  eos  ijui,  cpioquoinodo...  prê- 
ter quam  quod  oporlet  colligunt.  Ad  haiic  eniia  Ec- 
clesiain,  piopler  Potentiouem  ruiNcn-ALiTATEM,  ne- 
Cesse  est  oiiinem  convenire Ecclesiam,  boc  est  omnes 
qui  undi(|oe  siuit  lidcles  ;  in  qua  ab  bis  qui  sunt 
uniliijue  tonseï  vala  est  ea  qu;e  est  ab  aposlolis  ha- 
dilio.  I  (S.  lixnt'us,  Contra  Itares.,  lib.  ni,  cup.  û.  ) 


Eglise  ne  consistait  donc  pas  dans  aucune  au- 
torité ou  juridiction  sur  les  autres;  mais  dans 
le  relief  que  lui  donnait  la  multitude  des  ha- 
bitants de  la  capitale,  le  siège  de  l'eminre, 
l'ainuence  des  étrangers.  Saint  Grégoire  de 
Nazianzp,  dans  le  concile  général  de  Con- 
stantinople,  a  dit  de  même  de  cette  nouvelle 
Rome,  que  c'était  comme  l'arsenal  général 
de  la  foi,  où  toutes  les  nations  venaient  la 
puiser.  Oral.  32.  Siint  Irénée  était  si  peu 
d'avis  que  les  autres  Eglises  fussent  obligées 
de  s'«feo?Y/er  avec  l'Eglise  romaine,  qu'il  sou- 
tint contre  le  pape  Victor  le  droit  qu'a- 
vaient les  Eglises  d'Asie  de  célébrer  la  pàque 
le  quatorzième  jour  de  la  lune,  selon  leur 
ancienne  tradition,  et  qu'il  re|>rit  ce  pape  de 
ce  qu'il  menaçait  de  les  excommunier.  Les 
théologiens  anglicans  ont  applaudi  k  ces  ré- 
tlexions.  Grabe  avait  oublié  sans  doute  que 
du  temps  da  saint  Irénée  les  empereurs  élaient 
païens  et  avaient  proscrit  le  christianisme, 
que  les  papes  étaient  conlinuelleinent  ex- 
posés au  martyre,  que  plusieurs  l'endurèrent 
elfecliveraent  dans  ce  siècle  et  dans  le  sui- 
vant, et  que  les  chrétiens  élaiimt  obligés  de 
se  caclier  ;i  Rome  avec  |)lus  de  soin  qu'ail- 
leurs. Quel  relief  pouvaient  donc  donner  à 
l'Eglise  de  Rome  la  cour  des  empereurs, 
l'afiluence  des  étrangers  ,  la  nécessité  d'y 
venir  solliciter  des  affaires,  elc.  ?  Saint  Iré- 
née ne  fonde  point  là-dessus  la  primauté 
principale  de  l'Eglise  romaine,  mais  sur  ce 
qu'elle  était  li  plus  grande,  la  plus  ancienne, 
la  plus  célèbre  de  toutes,  qu'elle  avait  été 
fondée  par  les  glorieux  apôtres  saint  Pierre 
et  saint  Paul,  et  (pfclle  avait  toujours  con- 
servé leur  tratlition.  lOid. 

Nous  convenons  que,  quand  Constantino- 
plc  fut  devenue  la  c;ipitale  de  l'empire  d'O- 
rienl,  l'Eglise  de  celte  ville  devint  on  quelque 
manière  l'émule  et  la  rivale  de  celle  de  Rome  ; 
mais  peut-elle  enlever  à  celle-ci  l'avantage 
de  son  antiquité ,  de  son  apostolicité,  et 
d'avoir  pour  évoque  les  successeurs  de  saint 
Pierre  ?  Ce  qu'en  dit  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze  ne  prouve  donc  rien  contre  le  senti- 
ment de  saint  Irénée,  et  no  peut  servir  h 
énerver  ses  paroles.  Lorsque  saint  Irénée 
reprit  le  pnpv  Victor,  il  s'agissait  non  d'un 
point  de  foi,  mais  de  discipline  ;  ce  pape 
avait  raison  jjour  le  fond,  jinisque  ce  qu'il 
voulait  fut  décidé  cent  cinquante  ans  après 
dans  le  concile  de  Nicée  ;  mais  ce  n'était 
pas  un  motif  suffisant  p  iur  excommunier 
les  Eglises  d'Asie.  Saint  Irénée  ne  lui  con- 
testa pas  son  autorité,  il  blâma  seulement 
l'usage  que  ce  pontife  on  voulait  faire.  Nous 
ne  voyons  pas  (|uel  avantage  les  ennemis  du 
saint-siége  peuvent  tirer  de  ce  fait  :  un  abus 
d'aulorilé  ne  la  détruit  pas. 

Origène,  Jlomil.  k  in  Exod.,  n.  h,  nomme 
saint  Pierre  le  fondement  de  l'éditice  et  la 
pierre  solide  sur  laquelle  Jésus-Christ  a  bâti 
son  Eglise.  Il  le  ré[ièle,  in  Epist.  ad  Uom., 
lib.  V,  à  latin;  et  il  dit  que  l'autorité  sou- 
veraine de  paître  les  brebis  a  été  donnée  à 
cet  homme.  Tertullien,  de  i'/Yc.'>r/-//j^,  c.  22, 
le  nomme  aussi  la  pierre  de  l'Eglise,  qui  a 
reçu  les  clefs  du  royaume  des  cioux,   etc.  : 


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c.  32  ,  il  opposo  aux  liéri^liques  la  surces- 
sion des  évoques  et  la  tradition  des  Eglises 
apostoliques,  eu  particulier  de  celle  de  Home: 
c.  37 ,  il  soutient  que ,  sans  recourir  à 
l'Ecriture  sainte,  on  réfute  solidement  les 
hétérodoxes  parla  ti-adition  (1). 

Saint  Cypnien.  dans  sa  lettie  55  au  pape 
saint  C.oineille,  dit  que  saint  Pierre,  sur  le- 
quel Jésus-Christ  a  l)fiti  son  Eglise,  parle 
pour  tous  et  répond  par  la  voix  de  l'Eglise  , 
Seigneur,  à  (/ni  irons-nous?  etc.  Parlant  de 
queluues  schisniatiques  :  «  Après  qu'ils  se 
sont,  dit-il,  donné  mi  évèqiie,  ils  osent  pas- 
ser la  mer,  portei'  les  lettres  des  schisuiati- 
(]ues  et  des  profanes  à  la  chaire  de  Pierre 
et  à  risglise  principale,  de  laquelle  est  éma- 
née l'unité  du  sacerdoce,  sans  penser  qu'ils 
s'alressent  à  ces  mêmes  Romains  dont  saint 
Paul  a  loué  la  foi,  et  auprès  d.squels  la  por- 
tidie  ne  peut  avoir  accés(2).  Dans  son  livre  de 
VUnih'  de  l'Iù/lise  vatholiqur,  il  dit  cpm  les 
schismes  et  les  hérésies  se  forment,  lorsqu'on 
ne  recourt  point  <\  la  source  de  la  vérité,  que 
l'on  ne  leconnaît  point  de  chef,  que  l'on  no 
garde  plus  la  doctrine  de  Jésus-Christ.  «  La 
])reuve  do  la  foi,  continue  saint  Cyprien,  est 
facile  et  abrégée  ;  le  Seigneur  dit  à  saint 
Vione,  je  vous  dis  que  vous  êtes  Pierre,  etc.; 
il  h:Uit  son  lùdiso  sur  cet  apôtre  seul,  et  lui 
ordonne  de  paître  ses  hrcliis.  Ouoi{pie  a|jrôs 
sa  résurrection  il  ait  donné  à  tous  ses  apôtres 
un  égal  jiouvoir  de  remettre  les  péchés..., 
cependant,  iwur  montrer  la  vérité,  il  a  établi 
par  son  autorité  une  sl'uIc  chaire  et  une 
niôme  source  d'unité  qui  part  d'un  seul.  Les 
autres  apôtres  étaient  ce  qu'était  saint 
Pierre,  ils  avaient  un  mémo  degré  d'honneur 
et  do  pouvoir,  mais  le  principe  est  dans  l'u- 
nité. La  jjrimauté  est  donnée  à  Pierre  ,  alin 
que  l'on  voie  que  la  chaire  est  une,  aussi 
bien  que  l'Eglise  de  Jésus-Christ.  Tous  sont 
jiasteurs,  mais  un  voit  un  seul  troupeau , 
que  tous  les  apôtres  paissent  d'un  consente- 
ment unanime...  Comment  peut  se  croire 
dans  l'Eglise  celui  qui  abandonne  la  chaire 
de  Pierre  sur  laquelle  l'Eglise  est  fon- 
dée (3]  ? 

(I)  <  Voici  un  édit,  et  même  un  édit  pércmptoire, 
parti  du  souverain  iiontil'e,  de  l'évèque  des  évi(|ues.» 
Au{lio  eiliilum  l't  ijunleni  percniploiiiiin  :  ponlifcx  sci- 
ticel  iiiii.iimus,  ephcopus  epiicoporum  clicit,  elc.  (  De 
J'iidicil  a,  cap.  1.  )  «  Le  Seigneur,  dil-il,  a  donné  les 
ciels  à  Pierre,  et  pur  luik  son  Eglise.  »  Mémento  cla- 
ies Domhium  Pctro,  et  ver  eum  Ecclesiœ  reliquisse. 
(Seorpiac.  ) 

(-2)  «  Komani  cum  mendaciorum  suorum  merce 
t  navisjavernnt:  quasi  verit.ns  posl  cos  navigare  non 
«  possel,  <|n;e  mendaces  linguas  rei  cerl:e  probalionc 

1  eouviucerel Navigare  audent  et  ad  Pelri  cathe- 

I  draui,  at((ne  ad  Ecclesiam  principaleni,  luide  uni- 
«  tas  sae.erdotalis  e\oita  est,  a  scliismaticis  et  prol'a- 
«  nis  liilcras  ferre  ;  nec  cogitant  ces  esse  Homanos 
«  ((uoruni  lides  aposlolo  prxdicantc  laudata  est,  ad 
<  (juos  perlldia  liabere  non  potest  accessum.  »  (Idem 
Episl.  al  Cornelium.  ) 

(•3)  Nous  pourrions  ajouter  ici  une  foule  de  preuves  à 
J'aiviui  de  teUe  croyance.  Les  bornes  de  ce  Dictionnaire 
ne  nous  le  ponueuenlpas.  i\os  lecteurs,  familiarisés 
avec  les  savantes  pid)licaiions  de  M.  l'abbé  Migne, 
pourront  r.îcdcineni  les  trouver  dans  les  divers  die- 
tionnair,es  dont.sc  compose  son  Eucyclopédie  théo- 


Cependant  les  protestants  et  leurs  copistes 
triomphent,  parce  que  saint  Cyprien  dit  qu.e 
les  autres  apôtres  avaient  un  même  degré 
d'honneur  et  de  pouvoir  que  saint  Pierre. 
Loin,  disent-ils,  de  recmniaîlre  dans  \o pape 
aucune  jiu'idiclion  sur  les  autres  évéques, 
saint  Cyprien,  à  la  tête  des  évoques  d'A- 
frique, sonlitit  Contre  le  pape  lUiemie  la 
nullité  du  baptême  des  hénHiques,  et  per- 
sista dans  son  oj)inion.  Sup|)oserons-nous 
donc  que  saint  Cy|irien  s'est  contredit  en  quatre 
lignes  et  a  d(''truit  lui-même  toute  la  force 
de  son  argument  contre  les  scliismaliques? 
Si  saint  Pierre  et  ses  successeurs  n'ont  eu 
et  n'ont  aucune  autorité  ni  auciuie  juri- 
diclion  hors  d(;  leur  diocèse,  en  quoi  leur 
cliaire  i)eut-clle  être  une  source  d'iaiité,  un 
signe  de  vérité  dans  la  doctrine,  un  lien 
d'union  du  sacerdoce?  en  quel  sens  lE- 
glise  universelle  est-elle  b;it!e  sur  cette  chai- 
re? Voilà  ce  qu'on  ne  nous  apprend  pas. 
Tous  les  apôtres  avaient  reçu  de  Jésus- 
Christ  les  mêmes  pouvoirs  d'ordre  et  do 
remettre  les  péchés,  la  même  mission  de 
prêcher  l'Evangile,  de  fonder  des  Eglises 
par  toute  la  terre  et  de  les  gouvernei  ;  en 
cela  tous  éiaicnt  parfait'ment  égaux  ;  s'en- 
suit-il de  là  que  chacune  des  chaires  épi- 
sco[)al('s  qu'ils  fondaient  devait  être  le  centre 
de  l'unité  comme  celle  de  saint  Pierre? 
Jamais  saint  Cyprien  ne  l'a  pensé.  Il  faut 
donc  que  ce  saint  docteur  ait  regardé  le 
privilège  accordé  par  Jésus-Christ  à  saint 
Pierre  comme  quelque  chose  de  plus  qu'un 
simple  titre  d'iiotmeur.  Lorsqu'il  soutint  la 
nécessité  de  réitérer  le  baptême  donné  par 
les  hérétiques,  il  regardait  cette  pratiipie 
comme  un  point  de  discipline  plutôt  qiu"; 
comme  une  question  de  foi  ;  mais  il  était 
dans  l'erreur,  puisque  l'Eglise  n'a  jtas  suivi 
son  avis  :  il  devait  reconnaître  son  jiropre 
principe  dans  la  leçon  ffue  lui  faisait  le 
pape,  en  lui  disant,  n'innovons  rien,  sui- 
vons la  tradition,  non  la  tradition  de  l'E- 
glise d'Afrique  seule,  mais  la  tradition  de 
l'Eglise  universelle.  Ce  n'est  pas  la  seule 
fois  qu'un  grand  génie  a  contredit  ses  prin- 
cipes par  sa  conduite,  sans  s'en  apercevoir 
et  sans  penser  pour  cela  que  ses  principes 
étaient  faux.  Bans  les  premiers  siècles  au- 
cun des  hérétiques  condamnés  par  les  papes, 
aucun  des  évoques  mécontents  de  leurs 
décisions,  ne  s'est  avisé  d'en  parler  avec 
le  mépris  affecté  par  les  protestants  ;  aucun 
n'a  dit  quf  le  ])Ouvoir  des  papes  est  nul, 
que  leur  autorité  est  une  usurpation,  qu'ils 
n'ont  aucune  juridiction  sur  le  reste  de 
l'Eglise,  elc.  Ce  langage  insensé  ne  s'est 
fait  entendre  qu'au  xiv'^  siècle  et  au  xv'  siè- 
cles. Cette  discussion  nous  parait  suffisante 
pour  montrer  de  quelle  manière  l'on  a  en- 
tendu, pendant  les  trois  premiers  siècles  de 
l'Eglise,  les  passages  de  l'Ecriture  sainte 
qui  regardent  saint  Pierre,  et  l'idée  que  Von 
a   eue  de  l'autorité  de  ses   successeurs.  Il 

logique.  Nous  les  engageons  à  consuller  principale- 
ment le  Cours  complet  de  Ttiéologie,  cil  la  question 
du  pouvoir  des  souverains  pontifes  a  été  envisagée 
sous  toutes  ses  faces. 


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PAP 


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n'est  aucun  des  Pères  du  iv*  qui  les  ait  en- 
tendus autrement.  On  peut  citer  saint  Basile, 
saint  Jean  Chr^sostome,  saint  Ambroise , 
saint  Jérôme,  etc.,  et  parcourir  la  liste  que 
Feuardent  et  d'autres  en  ont  faite.  Au  v' 
saint  Augustin  en  a  parlé  avec  encore  plus 
d'énergie  que  les  Pères  précédents  ;  dans 
ses  traités  contre  les  donatistes,  il  n'a  pres- 
que fait  qu'étendre  et  développer  les  princi- 
pes posés  par  saint  Cyprien  :  il  a  soutenu 
contre  les  pélagiens,  que  dès  que  leur  con- 
damnation prononcée  par  les  conciles  d'A- 
frique avait  été  confirmée  par  les  papes, 
la  cause  était  linic,  et  la  sentence  sans  apiiel. 
Les  protestants,  bien  convaincus  de  ces 
faits,  n'en  ont  cependant  pas  été  ébranlés; 
ils  ont  dit  que  les  éloges  prodigués  au  siège 
de  Rome  par  les  Pères,  et  la  déférence  que 
l'on  a  eue  pour  les  papes  dans  plusieurs 
cccasioiis,  ont  été  Teifet  d'un  intérêt  mo- 
mentané :  on  croyait  avoir  besoin  deux,  parce 
qu'en  se  mêlant  adroitement  de  toutes  les 
affaires,  ils  avaient  trouvé  le  moyen  de  se 
rendre  importants.  Mais  les  Orientaux,  tou- 
iours  très-jaloux,  auraient-ils  souffirt  que 
les  papes  entrassent  dans  toutes  les  aiîaires 
de  l'Eglise,  et  se  rendissent  importants, 
s'ils  n'avaient  eu  aucun  titre  pour  le  faire, 
et  si  l'on  avait  cru  leur  juridictioQ  bornée  à 
leur  diocèse,  ou  du  moins  au  patriarcat  d'Oc- 
cident ?  Les  protestants  ont  affecté  de  nous 
peindre  les  évoques  d'Orient  comme  des 
ambitieux  qui  n'avaient  dans  toute  leur  con- 
duite d'autre  motif  que  d'étendreleurautori  té, 
leurs  privilèges,  leur  juiidiction;  comment 
ces  évêques  ont-ils  trouvé  bon  que  les  pa- 
pes, relégués  au  delà  des  mers,  eussent  au- 
cun crédit  dans  les  affaires  de  l'Orient  ?  Il 
serait  inutile  de  citer  les  monuments 
des  siècles  postérieurs  au  v*,  en  faveur  de 
l'autorité  des  papes,  puisque  ceux  qui  la 
détestent  le  plus,  conviennent  que  depuis 
leiV  elle  est  allée  toujours  en  augmentant. 
La  question  se  réduit  donc  toujours  au 
droit,  et  le  droit  nous  paraît  solidement 
établi  par  l'Ecriture  sainte  et  par  la  tradi- 
tion universelle   de  l'Eglise. 

IL  Contestera-t-on  aux  papes  la  qualité 
de  successeurs  certains  et  légitimes  de  saint 
Pierre,  comme  ont  fait  les  protestants?  C'est 
ici  un  fait  constant  par  l'histoire,  s'il  en  fut 
jamais. 

Au  mot  Saint  Pierre,  nous  prouverons 
que  cet  apôtre  est  venu  à  Rome,  qu'il  y 
a  établi  son  siéga  et  qu'il  y  a  soufl'ert  le 
martyre.  Quel  qu'ait  été  son  successeur  im- 
médiat, tous  les  anciens  ont  reconnu  que 
saint  Clément  a  occupé  sa  place  ;  la  suc- 
cession des  papes  n'a  été  contestée  que  dans 
les  derniers  siècles,  par  les  hérétiques  rjui 
avaient  intérêt  de  la  méconnaître.  Si,  sur  un 
fait  aussi  aisé  à  constater,  la  croyance  de 
r.intiquité  et  de  la  tradition  ne  prouve  rien, 
.'.ur  quoi  les  protestants  peuvent-ils  fon- 
der l'opinion  qu'ils  ont  de  l'authenticité  des 
livres  saints?  Il  n'a  certainement  pas  été 
aussi  difficile  de  juger  quel  était  le  suc- 
cesseur de  saint  Pierre  dans  le  siège  de  Rome, 
que  de  savoir  quel  livre  de  l'Ecriture  était 


authentique  ou  apocryphe.  11  n'est  aujour- 
d'hui dans  toute  l'Eglise  aucun  siège  épis- 
copal,  dont  la  succession  soit  plus  certaine 
et  mieux  connue  que  celle  du  siège  de  Rome. 
Il  y  a  eu  des  schismes,  des  antipapes,  des 
pontifes  qui  n'étaient  pas  universellement 
reconnus  ;  mais  ces  schismes  ont  cessé,  et 
l'on  a  toujours  fini  par  rendre  obéissance  à 
un  successeur  légitime.  N'est-ce  pas  un  trait 
marqué  de  providence,  que,  |)endant  que 
les  autres  Eglises  apostoliques  ont  été  dé- 
truites, ou  sont  tombées  dans  l'hérésie,  celle 
de  Rome  subsiste  depuis  dix-sept  siècles  et 
conserve  la  succession  de  ses  évoques,  malgré 
les  révolutions  qui  ont  changé  la  face  de 
l'Europe  entière  ?  , 

Il  ne  reste  donc  plus  qu'à  examiner  si  la 
primauté  et  la  juridiction  sur  toute  l'Eglise, 
accordi'es  par  Jésus-Christ  à  saint  Pierre, 
ont  passé  à  ses  successeurs.  Cette  ques- 
tion nous  paraît  encore  résolue  par  l'Ecriture 
sainte  et  par  la  tradition.  Selon  l'Evangile, 
Jésus-Christ  a  fait  de  cet  apôtre  la  pierre 
fondamentale  de  l'Eglise,  afin  que  les  portes 
de  l'enfer  ne  prévalussent  jamais  contre  elle; 
il  a  prié  pour  la  foi  de'  saint  Pierre,  afin 
que  cet  apôtre  fût  capable  d'affermir  celle 
de  ses  frères  ;  tout  cela  ne  devait-il  avoir 
lieu  que  pendant  la  vie  de  cet  apôtre,  mal- 
gré la  promesse  que  Jésus-Christ  a  faite  à 
son  Eglise  d'être  avec  elle  jusqu'à  la  con- 
sommation dt^s  siècles?  Suivant  le  senti- 
ment des  Pères,  Jésus-Clirist  a  suivi  ce 
plan  divin,  afin  d'établir  l'unité  de  la  foi, 
de  l'enseignement,  de  la  tradition,  de  ma- 
nière que  les  hérétiques  fussent  réfutés  et 
confondus  par  cette  tradition  même.  Ce  plan 
est  donc  pour  tous  les  siècles.  Saint  Pierre 
n'était  plus  depuis  longtemps,  lorsque  les 
Pères  ont  ainsi  raisonné;  au  V  siècli',  les 
évêques  assemblés  à  Chalcédoine  disent 
encore  que  Pierre  a  parlé  par  Léon  son  suc- 
cesseur. 

Si  les  paroles  de  Jésus-Christ  adressées 
à  saint  Pierre  doivent  s'entendre  aussi  do 
ses  successeurs,  elles  prouvent,  disent  les 
pr.itestants,  l'infaillibilité  des  papes,  privi- 
lège qui  n'est  cependant  pas  reconnu  partons 
les  catholiques  :  or  ce  qui  prouve  trop  ne 
prouve  rien. 

Réponse.  C'est  une  impiété  de  supposer 
que  Jésus-Chris  a  parlé  pour  ne  rien  prou- 
ver. En  vertu  des  promesses  faites  à  saint 
Pierre,  ses  successeurs  sont  infaillibles  tant 
qu'ils  sont  unis  à  l'Eglise  et  d'accord  avec 
elle;  leurs  décisions  une  fois  admises  par 
l'Eglise  sont  irréformables,  parée  que  c'est 
alors  le  jugement  de  l'Eglise  universelle. 
'Voilà  ce  qu'aucun  catholique  n'a  jamais 
nié.  Le  privilège  accordé  à  saint  Pierre  et 
à  ses  successeurs  était,  non  pour  leur  avan- 
tage, mais  pour  rendre  indéfectible  la  foi 
de  l'Eglise;  donc  il  ne  faut  pas  le  pousser 
plus  loin  que  ne  l'exige  cette  indéfectibilité. 
Voy.  Infaillibilité  du  pape.  Or  elle  exige 
ce  que  nous  venons  do  dire,  et  rien  de  plus. 
Aujourd'hui  des  écrivains  fort  mal  instruits, 
et  que  l'ignorance  rend  même  plus  hardis, 
osent   affirmer   que   le   pouvoir  des  papet 


1257 


PAÎ 


PAP 


1238 


est  l'effet  d'un  aveugle  préjugé  ou  d'une 
ancienne  usurpation;  que  les  pontiffs  de 
Rome  n'en  ont  fait  aucun  usaj^e  pendant 
les  trois  premiers  siècles  ;  que,  ni  les  ca- 
tholiques, ni  les  hérétiques  ne  se  sont  adres- 
sés au  saint-siége  pour  terminer  leurs  con- 
testations. 

Kst-ce  ainsi  qu'en  parle  l'histoire  ec- 
clésiastique ?  Avant  la  fin  du  i"  siècle, 
les  Corinthiens  s'adressèrent  k  l'Eglise  de 
Kome,  ]iour  faire  cesser  un  schisme  (|ui  les 
divisait  ;  le  pape  saint  Clément  leur  en  écri- 
vit, et  cent  ans  après  ils  lisaient  encore 
celte  lettre  avec  autant  de  respect  que  les 
écrits  des  apôtres,  Eusche ,  lib.  iv ,  c.  23. 
L'an  145,  un  concile  de  Rome  condamna 
Théodotc^  le  Corroyeur,  et  cette  condaui- 
nation  fut  suivie  dans  tout  l'Orient.  L'an 
li)7,  P' lycrale  ,  évèque  d'Ephèse ,  ayant 
f;iit  décider  dans  un  concile  qu'on  célé- 
brerait la  pAque  le  l'i"  de  la  lune  de  mars, 
le  lit  savoir  au  pnpe  Victor;  celui-ci  en  fut 
irrité,  et  fit  condamner  dans  un  concile 
de  Rome  la  pratique  des  Orientaux.  Pour- 
(juoi  écrire  une  lettre  synodale  au  pape,  si 
celui-i'i  n'avait  rion  à  voir  dans  les  affaires 
de  rOrieiit?  L"s  observations  astionomiques, 
pour  fixer  le  jour  de  la  lune,  se  faisaient 
dans  l'école  d'Alexandrie;  l'évèiiue  de  cette 
ville  en  donnait  avis  au  pape,  el  c'est  celui- 
ci  qui  le  faisait  savoir  au  reste  de  l'Eglise. 
Les  ennemis  du  saint-siége  disent  que  le 
crédit  des  papes  vint  de  leurs  richesses  ; 
or,  depuis  le  t'nips  des  apôtres,  les  papes 
envoyaien;  des  aumônes  aux  lidèles  persé- 
cutés dans  la  Grèce,  dans  la  Syrie  et  dans 
l'Arabie  :  c'est  un  évêque  dt^  Corinthe  et 
un  évèque  d'Alexandrie  qui  leur  rendent 
ce  témoignage'.  Eus'be,l.  iv,  c.2.3  ;  1.  yii.c.  5. 

Au  connnencement  du  m*  siècle,  on  vit 
éclore  en  Afrique  la  dispute  touchant  la 
validité  du  baptême  donné  pnr  les  héré- 
tiques ;  saint  Cyprien  et  plusieurs  conciles 
d'Afrique  le  iléclarèrent  nul;  l'Eglise  ro- 
maine décida  le  contraire,  et  cette  décision 
fut  suivie  partout  ;  si  nous  on  croyons  saint 
Jérôme,  les  Africains  eux-mêmes  se  ré- 
tractèrent l'an  2G2,  quatre  ans  après  la  mort 
de  saint  Cyprien.  L'an  237,  le  pape  Fa- 
bien condamna  Origène  dans  un  concile  de 
Rome  ;  c'était  néanmoins  dans  la  Palestine 
que  l'origénisme  faisait  le  plus  de  bruit.  L'an 
242  ou  âVS,  Privât,  hérétique  africain,  fut  ex- 
communié par  ce  même  pape.  Sous  le  pon- 
tificat de  Corneille,  en  232,  un  concile  de 
Rome  confirma  les  décrets  d'un  concile  de 
C  irthage,  touchant  la  pénitence  des  lapscs. 
Vers  1  an  237,  Denis  d'Alexandrie  consulta 
successivement  les  papes  Etienne  et  Sixte, 
touchant  la  validité  du  baptême  donné  par 
les  hérétiques;  environ  l'an  263.  ce  même 
évêque.  accusé  de  sabellianisme,  fut  absous 
dans  un  concile  de  Rome.  L'an  268,  le  deuxiè- 
me concile  d'Antioche  condamna  et  déposa 
Paul  de  Samosate  et  en  r mlit  compte  au  pnpe 
Denis  ;  l'empereur  Aurélien  ordonna  que  la 
maison  de  Paul  fût  donnée  à  celui  auquel 
Vévêque  de  Rome  et  ceux  de  l'Italie  l'ad- 
jugeraient. Analyse  des  conciles,  t.  I,  p.  169. 


La  prééminence  des  papes  a   été  reconnue 
dans  ce   môme    siècle  par  de   respectables 
personnages  qui  en  étaient  mécontents.  Ter- 
tullien,  fAché  de  ce  que  le  pontif(^  de  Rome 
ne  voulait  pas  approuver  la  sévérité  outrée 
des  montamstes,    dit    L.    de  Pudicit.,  c.  1  : 
«  J'apprends   que  le  souverain  pontife   ou 
l'e'véque  des  évéques  a  porté   un  édit,  »  etc. 
Quand  Terlullien  aurait  ainsi  pnr\6  par  dé- 
rision, il  n'est  pas  probable  qu'il  eût  donné 
ce  titre  au  pape,  si  ce  n'avait  pas  été  l'usage. 
Saint  Cyprien,  fAché  h  son    tour   de   ce  que 
le  pape  Etienne  condamnait  la  coutume  des 
Africains  de   reba[)tiser  les  hérétiques,  dit, 
dans    la   préface    du    concile   de  Carthage  : 
Aucun  de  nous  ne  s'établit  évêque  des  évéques, 
etc.  On  pourrait  trouver  dans  l'histoire  ecclé- 
siastique du  m"  siècle,  plusieurs  autres  traits 
d'autorité   do  la  part  des  papes,    dans   les 
Eglises  de  l'Asie  et   de  l'Afrique.  Lorsque 
nous  les  citons  aux  protestants,  ils  répondent 
froid  ment  que  ce  lut  un  etfet  de  l'ambition 
qu'avaient  les  papes  de  se   mêler  de  foutes 
les  affaires.  Mais  s'ils  étaient  persuadés  que 
c'était  leur  devoir,  l'empressement  de  le  rem- 
plir était-il  un  crime?  Lors  même  qu'ils  no 
cherchaient  pas  à  s'en  mêler,  l'on  avait  re- 
cours  à  eux;    nous   venons  d'en  citer  des 
exemples  :  on  sentait  donc  la  nécessité  d'un 
tribunal  toujours    subsistant  pour   décider 
les  contestations,   parce  que  l'on  ne  pouvait 
pas  assembler  tous  les  jeurs  les  conciles; 
et  c'est   ce  qui   prouve   que  la  prétendue 
ambition  des  papes  est  venue  de  la  néces- 
sité des  circonstances  et  des  besoins  de  l'E- 
glise. Voy.  Succession. 

III.  En  quoi  consistent  les  droits,  les  de- 
voirs, les  fonctions  attachés  à  la  dignité 
de  souverain  pon  ife  (1)?  On  ne  peut  mieux 
en  juger  que  par  le  sens  el  l'énergie  des 
paroles  de  Jésus-Christ  ;  ce  divin  i^aître  a 
établi  saint  Pierre  pasteur  de  tout  son  trou- 
l)eau  ;  ses  fonctions  et  celles  de  ses  suc- 
cesseurs sont  donc  les  mômes  à  l'égard  de 
toute  l'Eglise,  que  celles  de  ciiaiiue  évêque 
à  l'égard  de  son  diocèse.  Or,  les  fondions 
des  pasteurs  S'int  connues;  saint  Paul  les  a 
exposées  amplement  dans  ses  lettres  à  Tite 
et  à  Timothée. 

C'est,  en  premier  lieu,  d'enseigner  les  fidè- 
les, de  leur  intimer  non-seulement  les  dog- 
mes de  foi,  mais  la  morale,  par  conséquent 
de  juger  de  la  ductrine  de  tons  ceux  qui 
enseignent,  de  l'approuver  ou  de  la  condam- 
ner, lorsqu'il  est  nécessaire.  Tout  évêque 
a  ce  droit  dans  son  diocèse,  c'est  une  de 
ses  principales  obligations  ;  elle  est  li  même 
pour  le  pasteur  de  l'Eglise  universelle;.  Nou.« 

(I)  Les  principaux  droils  du  p.ipe  sont,  1°  d'être 
le  centre  de  l'niiilé  (V'oi;.  ce  mot)  ;  -t  de  posséderla 
primauté  d'honneur  et  de  juridiclion  sur  touie  l'E- 
glise (Voi/.  ci-dessus  el  Juridiction  )  ;  5°  délrejuge  , 
de  la  foi  (Voij.  Infaillidilité  du  pape);  i"  davoir  le  ^ 
pouvoir  de  porter  des  lois  obligatoires  pour  totita 
l'Eglise  {Voy.  Loi);  5°  de  présider  les  conciles  géné- 
raux (  Foy.  Concile);  6»  le  gouveriiemeiit  du  pape 
est  léellemenl  monaicliique  (  Votj.  Golvernement 
del'EgliseJ 


1239 


PAC 


PAP 


1-7.M 


*vons  fait  voir  que  ]es  papes  en  ont  usé  dès 
le  I"'  siècle  et  dans  les  suivants. 

Les  protestants  disent  que  par  là  nous 
attribuons  au  pape  et  aux  évêques  le  droit 
de  dominer  sur  la  foi  des  fidèles,  que  nous 
les  rendons  arbitres  de  la  doctrine  de  Jé- 
sus-Christ, et  maîtres  de  la  changer  h  leur 
gré.  lis  devraient  commencer  par  faire  ce 
reproche  à  saint  Paul,  qui  dit  à  Timothée  : 
«  Enseignez  et  commandez  ces  choses  ;  prê- 
chez la  parole  de  Dieu  ;  insistez  à  temps  et 
à  contre-temps;  reprenez,  priez,  répriman- 
dez avec  patience  et  avec  assiduité  k  l'en- 
seignement (/  Tim.  IV,  11;  //  Tim.  iv,  2).  » 
Lespasteuis  subissent  les  premiers  le  joug 
qu'ils  imposent  aux  fidèles,  puisqu'ils  re- 
connaissent qu'il  ne  leur  est  pas  permis 
d'enseigner  autre  chose  que  ce  qu'ils  ont 
reçu.  Celui  qui  défend  les  lois  contre  les 
attaques  des  séditieux,  prétend-il  par  là  dis- 
poser des  lois?  D'autres  ont  dit  qu'en  attri- 
buant au  souverain  pontife  l'autorité  d'en- 
seigner toute  l'Eglise,  ou  dépouille  les  évo- 
ques de  leur  droit  ;  c'est  comme  si  l'on  pré- 
tendait qu'un  évoque,  qui  prêche  dans  une 
paroisse,  dépouille  le  curé  de  ses  droits. 

Un  second  devoir  du  pasteur  principal  est 
de  propager  l'Evangile  et  d'amener  à  la  foi 
les  infidèles.  Tel  est  l'ordre  que  Jésus-Christ 
a  donné  :  Enseignez  toutes  les  nations  ,  prê- 
chez rEvanejile  à  toute  cre'ature{Matth.  xxviii, 
19;  3Iarc.  xvi,  15).  A  l'article  Mission,  nous 
avons  fait  voir  que,  depuis  la  naissance  de 
l'Eglise  jusqu'à  nous,  les  souverains  pon- 
tifes n'ont  pas  cessé  d'y  travadler,  et  que 
leur  zèle  n'a  pas  été  infructueux.  Une  suite 
naturelle  de  ce  devoir  est  de  fonder  de  nou- 
velles Eglises  et  d'y  envoyer  des  pasteurs. 
Les  scliismatiques  mêmes  l'ont  compris  ; 
depuis  que  les  nestoriens,  les  eutychiens, 
les  Grecs  se  sont  séparés  de  l'Eglise  ro- 
maine ,  leurs  patriarches  ont  travaillé  à 
étendre  chacun  leur  secte  avec  le  christia- 
nisme; les  protestants  ont  eu  la  discrétion 
de  ne  pas  les  blâmer,  pendant  qu'ils  attri- 
Ijuaiont  les  missions  ordonnées  par  les  papes 
à  une  ambition  démesurée  d'étendre  leur 
domination.  C'est  encore  par  une  suite  du 
droit  d'enseigner  et  de  veiller  à  la  sûreté  de 
l'enseignement  général,  que  les  papes  ont 
présidé  aux  conciles  généraux,  les  ont  or- 
dinairement convoqués,  ont  confirmé  les 
mis  et  rejeté  les  autres,  ou  en  tout  ou  en 
jiartie.  Mais  on  alïecte  de  nous  répéter  que 
ce  droit  prétendu  est  une  usurpation,  que 
les  premiers  conciles  généraux  n'ont  été  ni 
convoqués  ni  présidés  ])ar  les  papes.  Cela 
n'est  pas  étonnant.  Dans  les  premiers  siècles, 
les  évêques,  tous  pauvres,  étaient  hors  d'é- 
tat de  voyager  à  leurs  frais  pour  assister 
aux  conciles  ;  ils  y  étaient  conduits  par  les 
voitures  publiques,  aux  frais  de  l'emptreur; 
un  concile  ne  pouvait  dune  ôlre  assemblé 
que  par  ses  ordies.  Constantin  assista  en 
personne  au  premier  concile  de  Nicée,  mais 
sans  vouloir  dominer  sur  les  décisions  ;  il  y 
reçut  avec  raison  tous  les  honneurs.  Les  lé- 
gats du  pape  Sylvestre  y  furent  reçus  avec 
la  distinction  due  au  chef  de  l'Eglise,  et  il 


conste  par  les  actes  du  concile  de  Chalcé  ■ 
doine  que  la  primauté  de  l'Eglise  rem'aine  y 
fut  reconnue.  Eusèbe,  de  Vita  Constant., 
1.  III,  c.  7,  dans  les  notes.  Le  second  fut 
tenu  à  Constantinople,  par  conséquent  sous 
les  yeux  de  l'empereur  ;  il  ne  fut  composé 
que  des  Orientaux ,  et  il  n'a  été  regardé 
comme  œcuménique  que  par  le  consente- 
ment du  pape  et  des  Occidentaux  ;  le  second 
canon  de  ce  concile  n'assigna  le  rang  au 
siège  de  Constantinople  qu'ajirès  celui  de 
Rome.  Au  troisième  concile  général  assem- 
blé à  Ephèse,  saint  Cyrille  d'Alexandrie  pré- 
sida comme  député  par  le  pape  pour  cette 
fonction,  et  les  protestants  lui  en  ont  fait 
un  crime.  Celui  de  Chalcédoine  fut  assemblé 
par  les  sollicitations  de  saint  Léon,  et  ses 
légats  y  présidèrent;  on  sait  que  ce  grand 
}}ape,  en  approuvant  ce  concile,  déclara 
qu'il  n'approuverait  jamais  le  vingt-huitième 
canon,  qui  accordait  à  l'évêque  de  Constan- 
tinople une  juridiction  égale  à  celle  du  pon- 
tife de  Rome,  parce  que  ce  canon  était  con- 
traire au  concile  de  Nicée,  qui  avait  re- 
connu la  primauté  de  l'Eglise  romaine.  Pen- 
dant plus  d'un  siècle,  les  Occ'dentaux  refu- 
sèrent de  reconnaître  pour  légitime  le  cin- 
quième tenu  à  Constantinople  ;  et  ils  ne  s'y 
résolurent  enfin  que  parce  qu'il  avait  été  ap- 
prouvé par  le  pape  Vigile.  Au  sixième,  as- 
semblé au  même  lieu,  les  légats  du  pape 
Agathon  prirent  séance  immédiatement  après 
l'empereur  et  parlèrent  les  premiers,  et  c'est 
la  lettre  du  pape  qui  détermina  principale- 
ment la  décisioa  de  ce  concile.  Les  protes- 
tants n'ignorent  [loint  la  part  qu'eut  \e  pape 
Adrien  à  la  convocation  du  septième  tenu 
à  Nicée  ;  ils  détestent  ce  concile,  parce  que 
le  culte  des  images,  aboli  pu  les  iconoclastes, 
y  fut  rétabli.  Il  en  fut  de  même  du  huitième, 
assemblé  à  Constantinojile  contre  Photius. 
Tous  les  conciles  généraux  postérieursontété 
tenus  en  Occident,  et  plusieurs  ont  été  assem- 
blés à  Rome.  Un  fait  certain,  c'est  qu'aucun 
concile  n'a  été  regardé  comme  œcuménique. .à 
moins  qu'il  n'ait  été  ou  présidé,  ou  approuvé  et 
confirmé  par  les  papes;  aucun  n'a  produit  un 
efl'et  salutaire  dans  l'Eglise  qu'autant  qu'il  y 
a  eu  du  concert  entre  le  souverain  pontife 
et  les  évêques.  Aucun  patriarche  n'a  joui 
comme  ]es  papes  du  privilège  de  s'y  faire  re- 
présenter par  des  légats.  A  partir  du  pre- 
mier concile  général  jusqu'à  nous,  il  n'y  en  a 
pas  un  seul  dans  lequel  nous  ne  trouvions 
des  marques  de  la  primauté  et  de  la  juri- 
diction universelle  du  saint-siége. 

Enfin,  un  devoir  essentiel  du  pasteur  est 
de  gouverner  l'Eglise  ;  saint  Paul  avertit  les 
évêques  que  le  Saint-Esprit  lésa  établis  sur- 
veillants pour  exercer  cette  importante  fonc- 
tion, et  il  répète  cette  leçon  à  Timothée, 
en  lui  disant  :  Veillez  à  toutes  choses.  Con- 
séquemment,  à  cause  de  la  difficulté  d'as- 
sembler des  conciles,  qui  s'est  augmentée  à 
mesure  que  la  religion  s'est  étendue,  et  que 
la  chrétienté  s'est  trouvée  partagée  en  un 
grand  nombre  de  souverainetés,  les  papes  se 
sont  trouvés  obligés  de  faire  tout  ce  qui  au 
rait  pu  être  fait  dans  un  concile  général 


1241 


PAP 


PAP 


1242 


pour  le  bien  do  l'Eglise,  do  donner  dos  dé- 
cisions sur  In  dogme,  sur  la  morale,  sur  la 
décenco  du  culte,  de  dispenser  des  canons 
lorsque  le  cas  a  paru  l'exiger,  de  diminuer 
par  dos  indulgences  les  rigueurs  de  la  péni- 
tence, d'employer  les  censures  contre  les 
j)éc!ieurs  rebelles  au\  lois  de  l'Eglise.  Cela 
était  surtout  nécessaire  dans  les  temps  de 
trouble,  d'anarchie,  de  désordre,  lorsque  les 
év6(jues  étaient  trop  laililes  et  trop  peu  res- 
pectés ])our  pouvoir  en  imposer  h  dos 
nommes  innssants  et  qui  ne  connaissaient 
aucune  loi.  Les  détracteurs  du  saint-siégo 
ont  trouvé  l)on  de  supposer  et  de  répéter 
cent  fois  (juo  li's  papes  en  ont  agi  ainsi  par 
ambition,  [)ar  la  fureur  do  donuriei-,  par  l'en- 
vie d'attribuer  à  eux  seuls  toute  l'autorité, 
et  d'asservir  l'univers  entier  à  leurs  lois. 
Une  ]irpuve  évidente  du  contraire,  c'est 
qu'ils  n'ont  ordinairement  donné  des  déci 
sions  que  quand  on  les  a  consultés,  et  n'onv 
dicté  des  lois  que  quand  on  a  été  forcé  par 
la  nécf'ssilé  do  recourir  ^  eux.  On  a  dit  que 
cette  conduite  des  papes  avait  énervé  la  dis- 
cipline; ou  se  trompe,  c'est  l'ignorance  et  la 
corruption  dos  monirs  qui  ont  causé  ce  fu- 
neste elfet,  et  si  les  papes  n'y  avaient  pas 
tenu  la  main,  toutes  les  lois  auraient  été 
violées  encore  (ilus  scandaleusement.  De- 
mander une  dispense  pour  ne  jias  observer 
telle  loi,  c'est  du  moins  lui  rendie  un  bom- 
mage;  la  violer  sans  dispense  et  dans  l'es- 
pérance de  l'impunité ,  est  un  mal  encore 
plus  grand. 

On  a  reproché  aux  papes  d'avoir  abusé 
des  censures  et  de  les  avuir  prodiguées  par 
des  intérêts  purement  temporels,  c'était  un 
abus  on  elTet  (1)  ;  mais  quand  on  considère 
à  quelle  espèce  d'hommes  les  papes  avaient 
affaii'o,  on  est  plus  tenté  de  les  excuser  que 
de  déclamer  contre  eux.  Prétendons-nuus 
donc  que  l'autorité  pontilicale  n'a  point  do 
bornes  ?  A  Dieu  ne  |ilaise.  11  on  est  de  cotte 
puissance  comme  de  l'autorité  paternelle. 
Celle-ci  doit  être  plus  ou  moins  grande  selon 
l'âge,  la  capacité,  le  caractère  des  enfants,  et 
selon  que  l'exigent  le  ton  des  mœurs  publi- 
ques et  le  bien  commun  de  la  société.  De 
mémo  celle  du  pastour  de  l'Eglise  a  dû  va- 
rier selon  les  circonstances  et  selon  les  ré- 
volutions arrivées  dans  les  différents  siè- 
cles (2).  Lorsque  le  troupeau  était  encore 
peu  nombreux,  (|ue  les  chrétiens  étaient 
dans  toute  la  ferveur  d'une  foi  naissante  et 
dans  raltente  continuelle  du  martyre,  qu'a- 
vaient (le  plus  à  faire  les  souverains  jiontifos 
et  les  évèques  que  de  prêcher  d'exemple?  A 
mesure  que  le  nombre  des  fulèles  augmenta 
et  cpie  les  églises  se  multiplièrent,  la  vigi- 
lance du  pasteur  dut  être  plus   active;  il 

(1)  Nous  avons  dit  dans  le  Dict.  de  Théol.  nior. 
que  l'Eglise,  ot  conscqiiemnieiu  les  dépositaires  de 
son  autoril(',  peuvent  porter  des  censurei  pour  des  in- 
térêts temporels. 

(2)  Les  droits  attachés  à  la  primauté  par  Notre- 
Seign.  iir  Jcsiis-Christ,  sont  les  mêmes  dans  Ions  les 
temps.  Le  droit  pulilic  a  pu  ajouter  au  pouvoir  des 
papes  relativement  au  temporel,  mais  il  n'a  rien 
ajouté  à  son  pouvoir  essentiel. 


survint  des  abus,  des  disputes,  des  schismes, 
des  hérésies  ;  les  novateurs  trouvèrent  sou- 
vent do  l'appui  h  la  cour  des  empereurs'; 
plusieurs  de  ces  princes  voulurent  décider 
des  questions  de  foi  sans  y  rien  entendre, 
d'autres  crurent  être  au-dessus  do  toutes  les 
lois  :  les  papes  lurent  donc  souvent  obligés 
de  résister  ouvertement  aux  uns,  de  nié'na- 
ger  les  autres  par  la  crainte  de  les  irriter 
davantage  et  de  causer  de  plus  grands  maux. 
Le  caractère  ini]uiot,  ardent,  tracassier  des 
Grecs,  donna  continuollement  do  linquié- 
tudo  et  du  désagrément  aux  papes  ;  les  plus 
doux  ot  les  plus  vertueux  de  ceux-ci  fiu-ont 
ordinairomi'nt  les  jdus  tourmentés.  Si  ceux 
qui  blûmont  leur  conduite  s'étaient  trouvés 
à  leur  place,  ils  auraient  été  bien  embarras- 
sés. 

L'autorité  |iontificalo  fut  poussée  à  son 
condjle  lorsque  l'Europe,  dévastée  par  les 
barbares,  fut  divisée  en  plusieurs  lambeaux 
de  souveraineté,  tomba  dans  l'ignorance  et 
dans  l'anarchie  du  gouvernement  féodal, 
perdit  ses  mœurs,  ses  lois,  sa  police,  n'eut 
jiour  maîtres  que  des  guerriers  farouches  et 
vicieux,  qui  ne  connaissaient  point  d'autre 
droit  ipie  celui  du  plus  fort.  De  quoi  au- 
raient servi  des  prières,  des  exhortations, 
des  avis  paternels,  pour  émouvoir  de  pareils 
hommes?  11  fdilut  dos  menaces  ot  des  cen- 
sures, il  fallut  opposer  la  force  à  la  force,  et 
souvent  armer  les  uns  pour  dompter  les  au- 
tres. Si  l'on  veut  juger  de  ces  temps-là  par 
les  nôtres,  si  l'on  se  persuade  que  la  même 
mainère  do  gouverner  convenait  autant  alors 
Qu'aujourd'hui,  l'on  se  trompe,  et  toutes  les 
déclamations  fondées  sur  ce  principe  portent 
à  faux.  Le  pouvoir  des  papes  est  devenu 
beaucoup  plus  liorné  à  mesure  que  les  cho- 
ses ont  changé,  que  l'ordre  s'est  rélabi  dans 
le  clergé  ot  dans  la  société  civile.  Ils  com- 
preinicnt  eux-mêmes  que  plus  nous  nous 
rapprochons  dos  mœurs  douces  et  polies  qui 
régnaient  dans  l'empire  romain  à  la  nais- 
sance du  christiaidsme,  plus  il  leur  convient 
de  revenir  eux-mêmes  à  la  charité  tendre 
ot  paternelle  cjui  lit  adorer  les  premiers 
successeurs  de  saint  Pierre.  Et  quel  juste 
sujet  de  reproche  onl-ils  donné,  même  à 
leurs  ennemis,  depuis  plus  d'un  siècle? 
Mosheim.  quoique  ])rotestant,  a  la  bonne  foi 
de  convenir  que  l'autorité  des  papes  est  au- 
jourd'hui très-bornée. 

IV.  C'est  néanmoins  des  anciens  troubles 
que  les  protestants  et  les  incrédides  sont 
jiartis  ])Our  faire  envisager  l'autorité  des 
papes  comme  i^n  monstre  d'iniquité  et 
comme  un  despotisme  anti-chrétien;  il  est 
bon  de  voir  la  manière  dont  ils  en  ont 
décrit  la  naissance,  les  progrès,  les  consé- 
quences. 

Le  tableau  qu'en  a  tracé  Mosheim,  Hist. 
ecclés.,  m'  siècle,  ii"  part.,  c.  2,  est  vrai- 
ment curieux.  1"  Il  commence  par  poser 
pour  principe,  que,  dans  l'origine,  l'autorité 
d'un  évêque  se  réduisait  à  peu  près  à  rien; 
qu'il  ne  pouvait  rien  décider  ni  rien  régler 
dans  son  E..^lise,  sans  avoir  recueilli  les  voix 
du  presbytère,  c'est-à-dire   des  ancieus  de 


i2i5 


PÂP 


PAP 


iUi 


l'assemblée.  Nous  avons  prouvé  le  contraire 
aux  mots  Evèque,  Hiérarchie,  etc.  —  2°  Il 
convient  que,  dans  chaque  province,  le  mé- 
tropolitain avait  un  rang  et  une  certaine 
supériorité  sur  les  autres  évèques  ;  mais 
elle  se  bornait  à  convoquer  les  conciles  pro- 
vinciaux et  à  y  tenir  la  première  place,  à 
Ctre  consulté  parles  suffragants  dans  les 
affaires  difticiles  et  importantes.  Il  convient 
encore  que  les  évèques  de  Rome,  d'Antioc'io 
et  d'Alexandrie ,  en  qualité  de  cliefs  dos 
Eglises  jirimitives  et  apostoliques,  avaient 
une  espèce  de  prééminence  sur  les  autres. 
Mais  il  soutient  que  c'était  seulement  'une 
prééminence  d'ordre  et  d'association,  et  non 
de  puissance  et  d'autorité.  Il  préteiid  le 
prouver  par  la  conduite  de  saint  Cyprien  , 
qui  traita,  dit-il,  non-seuleraont  avec  une 
noble  indignation,  mais  encore  avec  un  sou- 
verain mépiis,  le  jugement  du  pnpe  Etienne, 
et  la  conduite  arrogante  de  ce  prélat  ha'. tain, 
et  qui  soutint  avec  chaleur  l'égalité  qu'il  y 
avait  en  fait  de  dignité  et  d'autorité  entre 
tous  les  évèques.  Nous  avons  vu  ci-dessus, 
parles  propres  paroles  de  saint  Cyprien, 
par  sa  conduite,  par  les  suites,  si  tout  cela 
est  vrai.  Moslieim  a  imaginé  que  ce  saint 
martyr  était  protestant;  il  lui  prête  les  sen- 
timents et  le  langage  de  Luther.  C'est  un 
trait  de  mauvais  ■  foi  de  comparer  l'autorité 
du  pape  sur  toute  l'Eglise  à  celle  d'un  mé- 
tropolitain dans  sa  province.  Celle-ci  n'était 
pas  d'institution  divine,  il  n'en  est  pas  ques- 
tion dans  l'Ecriture  sainte.  Jamais  les  pa- 
triarches d'Antioche  ni  d'Alexandrie  n'ont 
fait  aucun  acte  de  juridiction  à  l'égard  dos 
papes  et  de  l'Eglise  romaine;  or,  nous  avons 
lait  voir  que,  dès  le  ir  siècle,  les /ja;>e«  on 
ont  exercé  plusieurs  dans  ces  deux  patriar- 
cats. —  3°  Mosheim  prétend  que  dès  le  m' 
siècle  le  gouvernement  de  l'Eglise  changea, 
que  les  évèques  foulèrent  aux  pieds  les 
droits  du  peiqjle  et  ceux  des  prêtres,  et 
s'attribuèient  toute  l'autorité;  que,  pour  pal- 
lier cette  usurjiation,  ils  publièrent  une  do- 
ctrine obscure  et  inintelligible  sur  la  nature 
de  l'Eglise.  L'un  des  principaux  auteurs  de 
ce  changement,  dit-il,  fut  Cyprien,  homme 
très-entèté  des  prérogatives  de  l'épiscopat. 
De  là  naquirent  les  plus  grands  maux;  une 
bonne  partie  dos  évoques  donneront  dans  le 
luxe,  dans  le  fas!e  et  la  mollesse,  furent 
vains,  arrogants,  ambitieux,  inquiets,  re- 
muants, et  adonnés  à  quantité  d'autres  vi- 
ces. Déjà  nous  avons  observé  que  les  pré- 
tendus droits  du  peuple  et  des  prêtres  pour 
le  gouvernement  de  l'Eglise,  en  concurrence 
avec  les  évoques,  sont  absolument  nuls  et 
faussement  imaginés  ,  et  les  anglicans  le 
soutiennent  comme  nous;  la  doctrine  de 
saint  Cyprien,  touchant  l'unité  de  l'Eglise, 
n'est  ni  obscure,  ni  inintelligible,  ni  forgée 
au  m*  siècle;  elle  est  fondée  sur  les  paroles 
de  Jésus-Christ  et  sur  les  leçons  de  saint 
Paul.  Mais  admirons  l'équité  de  Mosheim. 
Lorsque  saint  Cyprien  tenait  tête  au  pape 
touchant  la  nullité  du  baptême  donné  pirles 
hérétiques,  c'était  une  noble  indignation,  un 
mépris  très-bien  fondé,  quoiqu'il   eût  tort 


sur  le  fond  de  la  question;  lorsqu'il  soute- 
nait l'unité  de  l'Eglise  et  les  prérogatives  de 
l'épiscopal,  quoique  cette  doctrine  fût  vraie, 
c'était  orgueil,  ambition,  entêtement  de  sa 
pai  t.  Il  était  donc  louable  quand  il  se  trom- 
pait, et  bk'nnable  quand  il  avait  raison.  Voilii 
comme  jugent  les  hommes  conduits  par  le 
j)réjugé  et  par  la  passion.  —  k"  Selon  l'avis 
de  ce  critique,  Ilist.  ecclesiast.,  i\'  siècle, 
II-  part.,  c.  2,  §  3,  la  supériorité  du  pontife 
romain  sur  les  autres  évèques  vint  princi- 
palement de  la  magnificence  et  de  la  splen- 
deur de  l'Eglise  à  laquelle  il  présidait,  de  la 
grandeur  de  son  revonu,  de  l'étendue  de  ses 
possessions,  du  nombre  de  ses  ministres  et 
de  la  manière  somptueuse  dont  il  vivait.  De 
là  les  schismes  qui  se  formèrent  quand  il 
s'agissait  d'élire  un  pape.  Cependant  les  papes 
étaient  toujours  soumis  à  l'autorité  et  aux 
lois  de  l'empereur,  et  il  s'en  faut  beaucoup 
(ju'ils  eussent  encore  acquis  le  degré  de 
puissance  (]u'ils  s'arrogèrLUt  dans  la  suite. 
Mais  pourquoi  chercher  des  causes  imagi- 
naires de  l'autorité  des  papes,  lorsqu'il  y  en 
a  de  réelles?  Nous  les  avons  indiquées  : 
l'institution  de  Jésus-Christ,  la  nécessité  de 
maintenir  l'unité  et  la  catholicité  de  l'Eglise, 
les  besoins  multipliés  d'une  société  aussi 
immense  et  qui  devait  lier  ensemble  toutes 
les  nations;  comment  eût-elle  pu  subsister 
avec  l'anarchie?  Une  secte  peu  étendue  peut 
se  soutenir  pendant  un  certain  temps  avec 
un  gouvernement  démocratique;  encore 
voyons-nous  ce  qu'il  a  produit  chez  les  pro- 
testants :  une  très-grande  société  ne  le  peut 
pas  ;  il  faut  absolument  un  centre  d'unité. 
Au  défaut  de  liaison  religieuse,  les  protes- 
tants, pour  se  maintenir,  ont  eu  recours  à 
des  associations  politiques,  à  dos  ligues  of- 
fensives et  défensives  entre  les  souverains 
do  leur  communion,  afin  de  pouvoir  recourir 
aux  armes  en  cas  de  besoin.  Cet  expédient 
est-il  plus  chrétien  que  l'autorité  paternelle 
d'un  pasteur  universel? 

Nous  avons  fait  voir  que  dès  le  W  siècle, 
dans  un  temps  oii  les  papes  n'étaient  ni  ri- 
ches, ni  puissants,  ni  protég^'s  i)ar  les  em- 
pereurs ,  mais  continuellement  ex|;osés  à 
périr  sur  un  écliafaud,  leur  autorité  était 
déjà  reconnue  et  constatée  par  des  actes  au- 
tliontiques  de  juridiction  ;  nous  n'avons 
donc  pas  besoin  des  causes  forgées  par 
Mosheim.  L'Eglise  de  Rome  devint  riche  au 
IV'  siècle  ;  mais  les  défienses  qu'elle  était 
ob!ig('e  de  faire  pour  l'utilité  de  la  religion 
étaient  proportionnées  a  ses  richesses.  Les 
papes,  témoins  des  maux  de  l'Italie  et  de  la 
misère  qu'avaient  causée  les  guerres  civiles 
entre  les  prétendants  à  l'emjiire,  le  mauvais 
gouvernement  des  empereurs,  les  persécu- 
tions et  d'autres  causes  ,  ne  négligeaient 
rien,  n'é|)argnaient  rien  pour  y  pourvoir. 
Croit-on  que  des  bienfaiteurs  aveugles  et 
insensés  auraient  enrichi  l'Eglise,  si  ses  ri- 
chesses n'avaient  servi  qu'à  entretenir  le 
faste  et  les  vices  de  ses  pasteurs  ? 

«  Qu'on  lise,  dit  M.  Fleury,  ce  qu'ont  fait 
les  papes  dejiuis  saint  Grégoire  jusqu'au 
temps   do  Chjrlemagne,  soit  pour  réparer 


d24S 


PAP 


PAP 


124fl 


les  ruinps  de  Rome  et  y  rétablir  non-seule- 
ment les  (^'ylises  et  les  hôpitaux,  mais  les 
mes  et  les  a(juedaes,  soit  pour  garantir  l'I- 
lalio  de  la  fureur  des  Lomljards  et  de  l'ava- 
riée des  Grecs;  on  verra  s'ils  ont  fait  un 
mauvais  emploi  des  biens  de  l'Eglise.  » 
5"  Au  v"  siècle,  Mosheim  a  découvert  d'autres 
raisons  de  l'accroissoiuenl  de  l'autorité  des 
papes;  ce  sont  d'un  eùté  les  jalousies  et  les 
déniôlés  qui  survinrent  entre  1  s  patriarches 
d'Alexandrie  et  d'Antioclie,  et  celui  de  Con- 
slantino|il('  ;  les  deux  premiers  eurent  re- 
cours n\i  pape  |>our  arrêter  l'ambition  et  les 
entrepiises  du  dirnier;  de  l'autre,  c'est  le 
désordre  et  la  confusion  (pic  mit  dans  l'Eu- 
rope entière  l'inondation  des  barbares.  Pour 
cette  fois  nous  sommes  d'accord  avec  Mos- 
heim ;  mais  qu'en  conclurons-nous  ?  Donc 
l'autorité  des  papes  était  nécessaire,  puisque 
sans  cela  les  maux  de  l'Et^lise  auraient  été 
plus  grands  :  donc  Jésus-Christ,  qui  les  pré- 
voyait, a  sagement  établi  cette  autoiité,  et 
sa  parole  s'est  accomplie  ;  les  [lOrt'S  de  l'en- 
fer n'ont  point  prévalu  contre  l'Eglse,  elle  a 
subsisté  et  subsiste  encore,  malgré  les  ora- 
ges qui  se  s  nt  élevés  contre  elle  et  qui 
étaient  les  plus  caiiables  de  la  détruire  de 
fond  en  comble. 

Ceux  qui  ont  imaginé  que  l'autorité  des 
pa/jes  était  fondée  sur  de  fausses  décrélales 
n'ont  lias  été  fort  liabih  s.  Cette  autorité  était 
établie  par  l'usage,  lorsque  les  fausses  décré- 
tais parurent.  Le  faussaire  qui  les  forgea  ne 
Ut  qu'ériger  en  lois  anciennes  la  (lisci|)linc 
et  la  junsfirudence  qu'il  voyait  régner  de 
son  tem|)s  ;  il  n'avait  été  ni  excité  ni  sou- 
doyé par  les  papes.  Grotius  convient  que 
ceux-ci,  loin  de  soutenir  et  de  favoriser  les 
faussaires  ,  les  ont  toujours  condamnés  et 
réprimés,  et  qu'ils  n'ont  pas  cessé  d'encou- 
rager les  travaux  des  habiles  critiques.  L.  de 
Antichristo.  Mais  les  papes  ont  toujours  agi 
par  ambition....  Il  est  bien  singulier  que 
parmi  deux  cent  cinquante  )iontilcs  qui  ont 
été  assis  sur  le  siège  de  Home,  il  ne  s'en 
soit  trouvé  aucun  capable  d'agir  par  reli- 
gion, même  en  faisant  du  bien  :  l'absurdité 
de  cette  calomnie  sufiit  pour  la  réfuter. 
N'import",  .sup(iosons-la  viaie.  Nous  som- 
mes encore  forcés  de  bénir  une  ambition 
qui  a  produit  de  si  heureux  elfets.  C'est 
donc  ce  vice,  inhérent  à  la  papauté,  qui  a 
conservé  en  Europe  un  rayon  de  lumière  au 
milieu  des  ténèbres  de  l'ignorance  ;  ([ui , 
jiar  des  missions  continuelles,  a  rendu  cliré- 
tieus  les  peuples  du  Nord,  et  nous  a  déli- 
vrés de  leur  brigandage  ;  qui  a  sauvé  l'Italie 
du  joug  des  mahométans  ;  qui  a  souvent 
épouvanté  des  princes  vicieux,  féroces,  dé- 
vastateurs, incapables  d'agir  par  un  antre 
mo'if  ciue  |>ar  la  crainte  ;  qui  a  procuré  la 
tenue  des  conciles  ;  qui  a  travaillé  sans  re- 
kiche  à  conserver  la  foi,  les  mœurs  et  la 
discipline.  Heureuse  ambition  1  que  ne 
pouvons- nous  l'inspirer  à  tous  les  sou- 
verains'? Les  moyens  dont  elle  s'est  ser- 
vie n'ont  pas  toujours  été  sages  :  je  le 
ciois.  Dans  des  siècles  où  la  corruption  des 
mœurs  et  l'esprit  de  vertige  étaient  univer- 


sellement répandus,  il  serait  difficile  fjue 
tous  les  papes  s'en  fussent  préservés.  .Mais, 
s'il  y  a  eu  parmi  eux  plusieurs  hommes  vi- 
cieux, il  y  a  en  un  beaucoup  [ilus  grand 
nombre  de  |)ontifes  vertueux,  et  que  l'on  peut 
hardiment  nommer  de  grands  hommes,  qui 
ont  réuni  tout  à  la  fois  les  lumières,  les  ta- 
lents, les  vertus  civiles  et  religieuses.  Il  est 
aiisni'de  de  nommer  toujoui's  les  uns,  sans 
jamais  parler  des  autres  ;  d'exagérer  le  mal 
qu'ont  fait  les  [iremiers,  sans  tenir  aucun 
compte  du  bien  qu'ont  procuré  les  seconds. 
C'est  l'injustice  que  nous  reprochons  a  Mos- 
heim et  à  ses  pareils.  Nous  ne  le  suivrons 
I)oint  dans  le  tableau  hideux  qu'il  a  tracé 
des  papes  de  tous  les  siècles  ;  il  n'a  pas 
épargné  davantage  les  autres   pasteurs  île 


l'Eglise,  ni 


e  clergé  en  général.  Nous  ne 


pouvons  nous  dispenser  de  répéter  ici  un 
reproche  que  nous  lui  avons  déjà  fait  ail- 
leurs. Comment  n'a-t-il  pas  vu  (pie  le  con- 
tre-coup de  ses  fureurs  retombe  sur  Jésus- 
Christ  même?  Quoi,  ce  divin  Sauveur  n'a 
formé  au  prix  de  son  sang  une  Eglise  pure, 
suinte,  sans  tache  et  sans  ride,  que  ])Our  la  li- 
vrer, cent  ans  ajirès,  î\  la  merci  des  pas- 
teurs mercenaires,  ambitieux,  insensés,  sans 
vertu  et  sans  religion  !  Selon  saint  Paul,  il 
lui  a  doimé  des  pasteurs  et  des  docteurs 
pour  |ierfectionner  les  saints,  pour  édifier 
par  leur  ministère  son  corps  mysiique , 
Ephes.,  c.  IV,  V.  11,  et  ils  n'ont  travaillé  pen- 
dant quinze  cents  ans  (pi'à  le  détruire  1 
Après  avoir  promis  d'être  avec  son  Eglise 
tous  les  jours  jusqu'à  la  consommation  des 
siècles,  ii  a  dormi  [lendant  tout  ce  temps-là, 
et  ne  s'est  éveilh'  que  quand  Luther  et  Cal- 
vin ont  fait  briller  aux  yeux  de  l'Euro|)e 
élonnée  l'éclatante  lumière  de  la  bienheureuse 
réforntation  !  Merveilleux  système,  en  vé- 
rité, très-capable  de  rendre  le  christianisme 
respectable  aux  yeux  des  incrédules.  Mais 
qu'importe  aux  protestants  que  le  christia- 
nisme soit  anéanti,  pourvu  que  la  papisme  soit 
confondu  !  Ils  se  félicitent  de  ce  que  les  sectes 
de  chrétiens  orientaux  ne  reconnaissent 
])nint,  non  ]>lus  qu'eux,  la  primauté  de  l'E- 
glise romaine,  ni  la  juridiction  du  pape  sur 
l'Eglise  universelle,  et  de  ce  ipi'ils  regardent 
cette  autorité  du  même  œil  cjuc  les  protes- 
tants, c'est-à-dire  comme  une  usurpation  et 
une  tyrannie.  Quand  cela  serait  vrai,  l'opi- 
nion "de  ces  sectes  hérétiques  ne  serait  [las 
un  fort  argument  à  nous  opposer  ;  mais  il 
ne  faut  pas  être  dupes  d'un  malentendu. 

Aucun  docteur  des  chrétiens  orientaux 
n'a  jamais  nié  que  le  siège  de  Rome  ne  soit 
la  chaire  de  saint  Pierre,  et  que  le  souverain 
pontife  ne  soit  le  successeur  légitime  de  cet 
apôtre  ;  aucun  n'est  disconvenu  que  les  pa- 
pes n'aient  exercé  une  juridiction  sur  les 
Eglises  d'Orient  pendant  les  premiers  siè- 
cles ;  aucun  n'a  rêvé  comme  les  protestants 
que  le  pajie  est  l'antechrist.  Mais  les  uns  di- 
st'ut  que  les  évêques  de  Rome  ont  perdu 
leur  privilège  depuis  (ju'ils  ont  adopté,  tou- 
chant la  procession  du  Saint-Esprit,  une 
doctrine  contraire  à  celle  des  premiers  con- 
ciles œcuméniques,  et  ont  ajoulô  au  sym- 


iui 


PAP 


PAP 


1248 


bole  le  mot  FiUoque.  D'autres  ont  prétendu 
que  l'autorili'^  du  siéfje  do  Rome  a  passé  à 
celui  de  Tonstantinople,  lorsque  l'empire  a 
été  transfîTÔ  dans  cette  derni(''ro  villr-,   et 
que,  depuis  ce  moment,  le  patriarche  grec  a 
été  bien  fondé  h  prendre  1p  titre  de  patriar- 
clie  œcumc'iiiquc.  En  effet,  depuis  cette  épo- 
que ou  fi  peu  près,  cet  évoque  a  exercé  sur 
les  Eglises  grecques  une  autorité  pour  le 
moins  aussi  étendue  et  aussi  absolue  que 
celle  des  pnpcs  sur  les  Eglises   d'Occident'; 
il  a  fait  adopter,  dans  presque  tout  l'Orient, 
la  liturgie  de  Constantinople  ;  il  a  dispensé 
des  canons,  il  a  institué  et  transféré  des  évô-  - 
ques,  etc.  Le  patriarche  d'Alexandrie,  de- 
puis le  VI''  siècle,  n'a  pas  eu  moins  d'empire 
sur  les  cophtes  et  sur  les  Ethiopiens,  et  le 
ratholiqiic  des  nestoriens   a  ftit  de  môme 
dans  les  Eglises  nestoriennes  de  la  Perse,  de 
la  Tartarie  et  des  Indes.  Tons  ces  chrétiens 
orientaux  ont  donc  été  persuailés  qu'il  faut 
dans  l'Eglise  un  chef  visible  qui  ait  autorité 
sur  tous  les  membres  ;  ils  n'ont  pas  môme 
trouvé  mauvais  que  le  pape  exerçât  sur  l'Oc- 
cident la  môme  autorité  que  les'p'Ttriarches 
d'Orient  ont  conservée  sur  les  Eglises   de 
leur  communion.  Ils  font  profession  de  sui- 
vre les  anciens  canons,  qui  ont  établi  entre 
les  évoques  une  Inérarchie  et  différents  de- 
grés  de  juridiction;   ils   ont  condamné  la 
doctrine  des  ))rotestants  sur  ce  sujet,  dès 
qu'ils  en   ont  eu  connaissance.  De'  quoi  a 
donc  servi  aux  protestants  l'empressement 
qu'ils  ont  eu  de  traduire  et  de  publier  les 
traités  des  Grecs  schismatiques  contre  l'au- 
torité et  la  primauté  du  pape?  Adoptent-ils 
les  sentiments   des  Grecs  sur  la  nrocession 
du  Sainl-Espr.it,  sur  l'addition  FilU'que  faite 
au  symbole  et  la  discipline  des  Eglises  d'O- 
rient ?  Pendant  qu'ils  refusaient  au  pontife 
de  Rome  toute  espèce  de  marque  de  respect, 
ils  \vi  rougissaient    pas  d'accorder  au   pa- 
triarche do  Constantinople   le  titre  de  pa- 
triarche   œcuméniriue ,  de  le  nommer  très- 
grande  sainteté,  de  rechercher  sa  commu- 
nion, parce  qu'ils  espéraient  de  lui  l'appro- 
bation de  leur  doctrine.  Mais  cette  bassesse 
n'a  tourné  qu'à  leur  confusion  ;  loin  d'obte- 
nir ce  qu'ils  demandaient,  ils  ont  été  con- 
damnés par  les  Grecs  sur  tous  les  articles  de 
leiir  profession  de  foi,  dans  plusieurs  con- 
ciles tenus  à  ce  sujet  en  Orient.  Pernét.  de 
/a /'oî',  t.  V,  Préface. 

V.  Jtais  est-il  vrai  que  les  papes  aient  été 
aussi  vicieux,  aussi  méchants,  et  qu'Usaient 
fait  autant  de  mal  ou'on  le  dit?  S'il  nous 
lullait  réfuter  tous  les  reproches  absurdes 
qu'on  leur  a  foits,  nous  ne  finirions  jamais  ; 
nous  nous  bornerons  aux  principaux,  et  à 
ceux  que  l'on  a  répétés  le  plus  souvent  ;  sur 
plusieurs  nos  adversaires  eux-mêmes  four- 
uiront  la  réponse  :  mais,  avant  d'entrer  dans 
le  détail,  il  y  a  quelques  réttexions  généra- 
les h  faire.  —  1°  Le  nombre  des  papes  vi- 
cieux n'est  pas  aussi  grand  qu'on  le  croit. 
Bavisson ,  protestant  fougueux  ,  qui  a  fait 
iVes  pontifes  romains  le  tableau  le  plus  infi- 
dèle et  le  plus  scandaleux  qui  fut  jamais, 
n'a  pu  en  accuser  nommément  que  vingt 


huit  ;  encore  n'a-t-il  noirci  les  sept  derniers 
que  parce  qu'ils  ont  été  ennemis  des  protes- 
tants, et  qu'ils    ont   approuvé  les   rigueurs 
que  l'on  a  exercées  contre  eux.  11  en  reste 
donc  deux  cent  vingt-deux  contre  lesquels 
Davisson  n'a  trouvé  aucun  rejiroche  à  faire. 
Y  a-t-il  un  procédé  plus  <létestnble  que  de 
fouiller  dans  une  histoire  de  dix-sept  siè- 
cles, pour  en  tirer  tous  les  crimes,  vrais  ou 
faux,  dont  on  a  chargé  les  papes,  d'en  faire 
le  tissu  en  les  exagérant  tant  que  l'on  peut 
sans  dire  un  seul  mot  des  vertus,  des  bon- 
nes œuvres,  des  services  rendus  à  l'huma- 
nité, desquels  la  chrétienté  leur  est  incon- 
testablement redevable,  et  de  nommer  cette 
chronifiue  scandaleuse  Tableau  fidèle  des  pa- 
pes? Quoi,  le  mal  seul  duit  entrer  dans  un 
tableau,  le  bien  ne  doit  jamais  s'y  montrer? 
\o\\h  comme  les  hérétiques  et  les  incrédu- 
les ont  toujours  écrit  l'histoire.  Celle  qu'ils 
ont  faite  des  papes,  en  5  vol.  in-4°,  et  im- 
Iiriméo  en  Hollande  en  1732,  n'a  eu  pour 
but  que  de  rassembler  tous  les  reproches, 
les  calomnies  et  les  sophismes  que  les  pro- 
testants ont  vomis  contre  les  pontifes  romains 
depuis  deux  cents  an«.  La  charité,  le  cou- 
rage héroïque,  la  vie  humble  et  pauvre  des 
papes  des  trois  premiers  siècles,  sont  des 
faits  certains  ;  les  monuments  de  l'histoire 
en  déposent.   Les  lumières,  les  talents,  la 
vigilance  laborieuse  de  ceux  du  iv'  et  du  v 
sont  incontestables  ;   leurs  ouvrages  subsi- 
sient  encore.  Les  travaux  et  les  elforts  con- 
stants de  ceux  du  vi'  et  du  vir  pour  dimi- 
nuer et  pour  réparer  les  ravages  de  la  bar- 
barie, pour  sauver  les  débris  des   sciences, 
des  arts,  des  lois,  des  mœurs,  ne  peuvent 
être  révoqués  en  doute;  les  contemporains 
en  rendent   témoignage.  Ce  que  les  papes 
ont  fait  dans  le  viir  et  le  ix%  pour  humani- 
ser par  la  religion  les  peuples  du  Nord,  est 
si  connu,  que  les  protestants  n'ont  pu  y  ré- 
pandre un  vernis  odieux  qu'en  empoison- 
nant les  motifs,  les  intentions,  les  moyens 
qui  ont  été  employés.  Il  ne  fallait  pas  ou- 
blier non  plus  ce  que  les  papes  ont  fait  au 
ix'  pour  arrêter  les  ravages  des  raahomé- 
tans.   C'est  donc  dans  la  lie  des  siècles  pos- 
téiieurs  qu'il  a  fallu  fouiller  pour  trouver 
des  personnages  et  des  faits  que  l'on  pût 
noircir  h  discrétion;  c'est  Ih  que  les  enne- 
mis des  papes  ont  sucé  les  torrents  de  bile 
qu'ils  ont  vomis,  et  dont  nos  incrédules  mo- 
dernes se  sont  abreuvés  de  nouveau.  Dans 
quel  tein[)S  y  a-t-il   eu  de   mauvais  papes? 
C'a  été  lorsque  l'Italie  était  déchirée  par  de 
petits  tyrans,  qui  disposaient   du  siège  de 
Rome  à  leur  gré,  y  plaçaient  leurs  enfants 
ou  leurs  créatures,  et  en  chassaient  les  pos- 
sesseurs légitimes.  Il  n'est  jias  étonnant  que 
les  papes  aient  mis  en  usage  toutes  sortes 
de  moyens  pour  se  mettre  à  couvert  de  pa- 
reils attentats.  —  2°  Il    s'en  faut  beaucoup 
que  la  plupart  des  faits  condamnables  re- 
prochés aux    papes   soient    prouvés  ;   une 
grande  partie  sont  rapportés  ]iar  des  héréti- 
ques, par  des   schismatiques,  par  d.  s  gens 
de  parti  qui  ont  vécu  dans  des  temps  de 
trouble,  par  des  écrivains  sans  critique  qui 


m9 


PAP 


PAP 


i2rio 


raMi.issaient  les  bruits  populairos,  sans  s'om- 
barrasscr  de  savoir  s'ils  étaient  vrais  on  faux. 
Pendant  le  grand  schisme  d'Occident,  les 
partisans  des  papes  li-ançais  n'épar.^iièrent 
point  les  papes  italiens  qu'ils  noniiiiaient  an- 
tipapcs  ;  ceux-ci  à  leur  tour  usèrent  de  re- 
présailles contre  les  pnpcs  (rAvi,ij;non.  La 
môme  chose  était  arrivée  dans  les  siècles 
jirécéilents  toutes  les  fuis  qu'il  ,v  avait  eu 
des  schismes  et  divers  prétendants  à  \ii  pa- 
pauté, et  parmi  les  écrivains,  dont  les  uns 
étaient  guclphes,  et  les  autres  (jibelins.  — 
3"  Leihnitz,  [irotestanl  mieux  instruit  et  plus 
modéré  que  les  autres,  est  convenu  i[uc  le 
corps  de  l'Eglise  étant  un,  il  y  a  de  dr(jit  di- 
vin, dans  ce  corps,  un  souverain  nuigistrat 
spirituel  ;  que  la  vigilance  des  papes  pour 
l'observation  des  canons  et  le  maintien  de  la 
disci|iline  a  produit  souvent  de  très-bons 
ell'els,  a  reprimé  beaucoup  de  désordres  ; 
(jue  dans  les  temps  d'ignorance  et  d'anar- 
chie les  lumières  de  leur  consistoire  ont  été 
une  ressource,  et  que  c'est  de  là  qu'est  ve- 
nue leur  plus  grande  autorité,  lîsprit  de 
Lcibiiilz,  t.  II,  p.  3,  0,  etc.  —  4"  Quand  tous 
les  crinU'S  reprochés  aux  papes  sei'aient  vrais 
et  inconlestables,  cela  ne  détruirait  ni  leur 
caractère,  ni  leur  mission,  ni  leur  qualité 
de  pasteurs,  ni  leur  autorité.  C'a  été  une  ci- 
reur absuide  de  la  part  des  vamlois,  des 
hussites,  des  protistanis,  de  soutenir  que 
par  une  conduite  déréglée  les  ministres  de 
l'Eglise  perdent  les  pouvoirs  qu'ils  ont  re- 
çus de  Jésus-Christ.  Loisqu'on  a  objecté  aux 
prolestants  les  vices  des  prétendus  réforma- 
teurs, ils  ont  usé  do  récrimination,  en  in- 
sistant sur  ceux  des  papes;  mais  ceux-ci 
avaient  une  mission  ordinaire  qu'ils  avaient 
reçue  par  l'ordination,  et  qui  ne  se  perd 
point  par  des  péchés  ,  quehjue  énormes 
qu'ils  soient  ;  les  prédicants  n'en  avaient 
point  :  il  fallait  donc  qu'ils  prouvassent  une 
mission  extraordinaire  par  des  miiacles  , 
par  des  vertus  héroïques,  par  la  sainteté  do 
leur  doctrine,  etc.,  comme  ont  fait  les  apù 
très  ;  les  chefs  de  la  réforme  n'avaient  rien 
de  tout  cela.  Nous  n'avons  donc  pas  un  très- 
grand  intérêt  k  faire  l'apologie  des  papes  ; 
mais  le  premier  devoir  d'un  théologien  est 
d'être  juste,  et  de  chercher  la  vérité  de 
bonne  foi  (1).  Venons  au  détail. 


Le  premier  reproche  que  l'on  tait  aux 
pontifes  de  Home  est  de  s'être  rendus  indé- 
j)endaiits  de  la  domination  des  empereurs 
de  Constantinople,  et  de  s'être  formé  peu  à 
]ieu  une  souveraineté.  Ra|)pelons  l'idée  de 
quebpies  faits,  nous  vendrons  ensuite  si  la 
conduite  d 'S  papes  a  été  un  attentat  contre 
lautorité  légitime.  11  est  constant  cpie  depuis 
la  destruction  de  rem[)ire  d'Occident,  au  v° 
siècle,  ceux  d'Orient  n'eurent  en  deçà  de  la 
mer  qu'une  autorité  très-précaire ,  et  ne 
s'occupèrent  de  l'Italie  que  poui'  en  tirei'  do 
l'argent.  Les  Lond)ar(ls  qui,  l'an  5(58,  s'é- 
taient rendus  maîtres  d'une  |iarti(i  de  l'I- 
talie, et  |)ossédaient  l'exarchat  de  Uavenne, 
no  cessaient  de  menacer  Rome.  Vainement 
le  pape  et  les  Romains  demandèrent  du  se- 
cours à  la  cour  de  Constantinople  ;  ils  n'uli- 
tinrent  rien,  et  furent  réduits  h  se  défendre 
eux-mêmes.  Déjà  sous  les  césars,  les  papes, 
cumme  les  autres  évoques,  avaient  eu  le  ti- 
tre de  f/c/c/iscio-s  des  villes  ;  c'était  une  es- 
pèce de  magistrature,  et  plus  le  si'ge  de 
l'empire  était  éloigné,  plus  elle  était  impor- 
tante. Depuis  les  services  qu'avaient  rendus 
aux  Romains  le  pape  Innocent  I"  en  écar- 
tant Alaric,  et  saint  Léon  en  adoucissant  At- 
tila et  en  mo.k'rant  un  peu  les  fureurs  do 
Genséric,  les  papes  fiïrent  regardés  comme 
les  génies  tutélaires  de  Rome,  et  comme  la 
seule  ressource  contre  les  barbares,  ils  y 
jouissaient  donc  déjà  d'une  autorité  à  peu 
près  absolue  ;  les  Romains,  satisfaits  de  ce 
gouvernement  paternel  ,  redoutaient  celui 
des  Lombards,  dont  la  plupart  étaient  ariens. 
Le  pape  Etienne,  trop  faible  pour  résister  à 
ce  ))euple  ])uissant,  implora  le  secours  do 
Pépin,  qui  s'était  rendu  maître  de  la  France; 
Pépin  jiassa  les  Alpes,  délit  Astol[ihc  roi  des 
Lombards,  l'an  77i,  et  l'obligea  de  céder  au 
pfipe  l'exarchat  de  Ravenne.  Nous  deman- 
dons quelle  intidélité  ce  pape  a  commise  en- 
vers l'empereur  d'Orient  ;  celui-ci  ne  voulant 
jilus  être  le  protecteur  de  Rome,  le  pape  en 
chercha  un  autre  ;  ce  n'est  pas  cette  ville 
qui  s'est  soustraite  à  la  domination  des  em- 
{)ereurs,  ce  sont  eux  qui  l'diit  abandonnée  à 
son  malheureux  sort.  Didier  ,  successeur 
d'Astolphe,  reprit  l'exarchat  de  Ravenne,  et 
saccagea  les  environs  de  Rome  ;  Charlema- 
gne  vola  au  secours  du  pnpc  Adrien,  vain- 


(1)  «  Rome  chrétienne,  dit  M.  de  Cliàteanbriand, 
a  cte  pour  le  monde  moderne  ce  nue  Rome  païenne 
lut  pour  le  monde  antique,  le  lien  universel;  celle 
capitale  des  nations  remplit  toutes  les  conditions  de 
sa  destinée,  et  semble  véritablement  la  vie  éternelle. 
11  viendra  peut-être  un  temps  où  l'on  trouvera  (|ue 
c'('l:iil  poiMtaiU  ime  grande  idée,  une  magiiili(iiie  in- 
stitution que  celie  du  troue  pontilical,  Le  l'eie  si»!- 
ritin'l,  placi'  au  milieu  des  peuidcs,  unissait  ensem- 
ble les  diverses  parties  de  la  chretienlé.  Quel  beau 
rôle  que  celui  d'un  pape  vraiment  anime  de  l'es- 
prit apostolique  !  Pasteur  général  du  troupeau,  il 
peut,  ou  contenir  les  lidéles  dans  le  devoir,  ou  les 
défendre  de  l'oppression.  Ses  Etats,  assez  giands 
l'onr  lui  donner  l'indépendance,  trop  petits  pour 
()u'on  ait  rien  à  craindre  de  ses  efl'orts,  ne  lui  lais- 
seai  (pjc  la  puissance  de  l'opinion  :  puissance  admi- 
rable, quand  elle  n'cmbrassc  dans  sou  empire  qu» 


des  œuvres  de  paix,  de  bienfaisance  cl  de  charité  ! 
c  Le  mal  passagerque  quelques  mauvais  papes  ont 
fait  a  disparu  avec  eux;  mais  nous  ressentons  encore 
tous  les  jours  rinlluencc  des  biens  immenses  et  ines- 
timables que  le  monde  entier  doit  à  la  courdc  Rome. 
Cette  cour  s'est  presque  toujours  montrée  supérieure 
à  son  siècle.  Elle  avait  des  idées  de  législalion, 
de  droit  public  ;  elle  connaissait  les  beaux  arts,  les 
sciences,  la  politesse,  lorsque  tout  él;nl  plonge  dans 
les  teni-brcs  des  institutions  gothiques  ;  elle  ne  se 
réservait  pas  exclusivement  la  lumière,  elle  la  ré- 
pandait sur  tous;  elle  faisait  tomber  les  barrières 
que  les  préjugés  élèvent  entre  les  nations  ;  elle  cher- 
chait à  adoucir  nos  mœurs,  à  nous  tirer  de  notre 
ignorance,  ;>.  nous  arracher  :i  nos  coutumes  grossiè- 
res ou  féroces.  Les  papes,  parmi  nos  ancêtres,  furent 
des  missionnaires  des  arts,  envoyés  m  des  barb;ires, 
des  législateurs  chez  des  sauvages,  i—  Le  régne  seul 


13S1 


PAP 


PAP 


12S2 


quit  Didier,  le  fit  prisonnier,  et  détruisit 
ainsi  le  rovaume  des  Lombards.  Couronné 
empereur  ï'an  800  h  Rome,  il  fit  le  pape  son 
premier  magistrat.  Ma  décadence  de  la  maison 
de  Chnrlemagne,  le  pape  imita  les  grands  vas- 
saux et  les  seigneurs  d'Italie  ;  il  se  rendit  in- 
dépendant. 

Les  empereurs  allemands,  malgré  le  titre 
de  rois  des  Romains,  ne  furent  jamais  paisi- 
blement maîtres  de  Rome  ;  la  plupart  se  firent 
détester  par  leur  cruauté  :  c'est  ce  qui  fit 
naître  les  deux  célèbres  factions  des  guclphcs 
et  des  gibelins,  dont  les  premiers  tenaient 
pour  les  papes,  les  seconds  pour  les  empe- 
reurs. Qu'après  plusieurs  siècles  d'anarchie, 
de  guerres  et  de  dissensions,  ceux-ci  soient 
enfin  demeurés  les  maîtres,  ce  n'est  pas  une 
merveille  ni  un  grand  crime;  ils  ont  tou- 
jours prétendu  posséder  leurs  Etats  en  vertu 
de  donations  qui  leur  avaient  été  faites.  La 
plupart  des  autres  souverains  d'Iialie  n'a- 
vaient pas  des  titres  plus  authentiques  ni 
plus  respectables.  Il  est  à  présumer  que  les 
Romains  ne  se  sont  pas  mal  trouvés  de  leur 
gouvernement ,  puisqu'ils  n'ont  pas  cherché 
à  se  donner  d'autres  maîtres.  Depuis  le  sac- 
cagement  de  Rome  par  les  troupes  de  Charles- 
Quint,  ils  sont  le  seul  peuple  qui  ait  toujours 
joui  (les  douceurs  de  la  paix.  Ce  n'est  point 
un  mal,  pour  la  religion,  que  le  pape  soit 
souverain  temporel.  11  ne  serait  pas  conve- 
nable que  le  père  commun  des  fidèles  fût 
sujet  ou  vassal  d'aucun  prince  particulier  : 
obligé  de  les  respecter  et  de  les  ménager 
également  tous,  il  ne  doit  dépendre  d'aucun. 
Les  empereurs  d'Allemagne  s'arrogèrent  le 
droit  de  faire  et  de  défaire  les  papes  h.  leur 
gré  ;  jamais  le  siège  pontifical  ne  fut  plus 
mal  rempli. 

Mais  les  papes  sont  tombés  dans  un  excès 
bien  plus  révoltant  :  ils  se  sont  arrogé  le 
droit  de  donner  les  couronnes  et  de  les  ùttT, 
de  déclarer  certains  princes  incapables  de 
régner,  de  les  excommunier,  de  délier  les 
sujets  du  serment  de  fidélité;  ils  ont  voulu 
di-|ioser  du  temporel  des  souverains,  etc. 
Plusieurs,  à  la  vérité,  ont  eu  cette  préten- 
tion ;  mais  dans  (juelles  circonstances?  Dans 
un  temps  d'anarchie  et  de  brigandage  mu- 
tuel entre  les  souverains,  où,  à  force  d'usur- 
pations et  de  querelles,  il  n'y  en  avait  pres- 
que pas  un  seul  dont  les  droits  ne  fussent 
contestés  ou  contestables.  Mais  quel  est  le 
j. rince  que  les  papes  ont  véritablement  dé- 
pouillé de  ses  Etats,  et  quel  est  celui  auquel 
lis  ont  donné  une  couronne  et  des  terres 
qu'il  ne  possédait  pas  déjà?  Lorsque  ]e pape 
Etienne  couronna  Pépin  et  ses  deux  fils,  ce 
]irince  avait  été  déclaré  roi  et  sacré  comme 
tel  dans  une  assemblée  des  états  généraux 

(le  Chaileinagne,  dit  Voltaire,  eut  une  lueur  de  po- 
litesse qui  lut  probablement  le  fruii  du  voyage  de 
Rome. 

<  C'est  donc  une  chose  assez  généralement  recon- 
nue, que  l'Europe  doit  au  saiut-siige  sa  civilisation, 
uni'  pallie  de  ses  meilleures  lois,  et  pres(nie  loules 
ses  scii!n(^cs  et  ses  arts.  )  Génie  du  Clirisliiniisme, 
IV  part.  liv.  VI,  c.  >i.  ) 


de  la  nation,  tenue  à  Soissons  deux  ans  au- 
paravant :  il  ne  lui  donna  donc  rien.  La  céré- 
monie ne  servit  en  elfet  qu'à  tranquilliser 
les  peuples  et  à  prévenir  de  nouveaux  trou- 
bles. Lorsque  Gri'goire  VII  entreprit  de  dé- 
trôner l'emjjcreur  Henri  IV,  il  savait  que  la 
moitié  de  l'Allemagne  était  opposée  à  ce 
prince  et  qu'il  était  détesté  en  Italie.  Henri 
avait  fait  élire  un  autre  pape,  et  parvint  en 
effet  à  chasser  Grégoire  de  son  siège  :  excès 
et  démence  de  part  et  d'autre.  Les  esprits 
n'étaient  pas  mieux  disposés  en  faveur  de 
Frédéric  II ,  lorsqu'il  fut  excommunié  par 
Grégoire  IX  et  par  Innocent  IV.  C'était  cer- 
tainement un  très-grand  abus  d'employer  les 
peines  canoniques  pour  soutenir  des  intérêts 
purement  teuqiorels  ;  mais  depuis  !e  com- 
mencement du  X'  siècle  jusqu'au  xiv%  l'Eu- 
rope entière  sembla  possédée  d'un  esprit  de 
vertige  ;  il  est  bien  absurde,  au  xviii%  de  re- 
procher aux  papes  les  fautes  commises  par 
leurs  prédécesseurs  il  y  a  sept  cents  ans. 

On  dit  qu'Alexandre  VI  donna  aux  rois 
d'Esiiagne  et  de  Poilugal  l'Amérique,  qui  ne 
lui  ajiparlenait  pas.  La  vérité  est  qu'il  ne 
leur  a  [as  donné  un  seul  i;ouce  de  terrain. 
Ces  deux  rois  s'él<dent  mis  eu  possession  do 
l'Amérique  sans  consulter  Rome;  prêts  à  se 
brouiller  pour  leurs  conquêtes  respectives, 
ils  prirent  le  pape  pour  ai'bitre.  C'est  en  cette 
qualité,  et  non  en  vertu  du  pouvoir  pontifi- 
cal, qu'il  trai;a  la  célèbre  ligne  de  démarca- 
tion qui  fixait  les  limites  de  leurs  posses- 
sions. Cet  arbitrage  prévini  une  guerre  |irête 
à  éclore,  et  le  pape  exhorta  les  deux  rois  à 
travailler  à  la  conversion  des  Améi'icains. 
Une  troisième  accusation  formée  contre  les 
papes  est  d'avoir  vendu  les  gr.lces  de  l'Eglise, 
les  bénélices,  les  dispenses,  les  indulgences. 
11  est  vrai  que  plusieurs  ont  été  coupables 
de  cette  simonie;  mais  c'étaient  princijiale- 
ment  des  papes  réduits  à  subsister  d'aumô- 
nes en  France,  pendant  le  grand  schisme 
d'Occident.  C'était  le  cas  de  dire  que  la  né- 
cessité fait  commettre  des  turpitudes.  On 
avance  néanmoins  une  calomnie  quand  on 
assure  que  les  papes  ont  accordé  pour  de 
l'argent  l'absolution  des  crimes  comnns  et  à 
commettre  :  jamais  le  scandale  n'est  allé  jus- 
que-là. 

Enfin  l'on  reproche  aux  papes  d'avoir  dé- 
cidé que  tout  est  permis  contre  les  héiéti- 
q:ies,  la  perfidie,  le  mensonge,  la  violence, 
les  assassinats,  les  supplices,  ou  du  moins 
d'avoir  autorisé  cette  doctrine  abominable 
par  leur  conduite  :  calomnie  encore  plus 
atroce  que  la  précédente.  A  ce  sujet,  nous 
copierons  les  réflexions  d'un  écrivain  récent 
qui  n'était  ni  tliéologien  ni  soudoyé  par  la 
cour  de  Rome,  et  i]ui  faisait  profession  de 
ne  ménager  personne.  Ce  n'est  [las  le  saint- 
siége,  dit-il,  qui  a  alTumé  dans  les  Pays-Bas, 
et  ensuite  en  France,  les  guerres  théologi- 
ques tjui  ont  causé  tant  de  malheurs  :  les 
papes  n'ont  parlé  que  quand  on  les  a  consul- 
tés. Ce  n'est  pas  la  cour  de  Rome  qui  con- 
d  anna  au  feu  Jean  Hus  et  Jérôme  de  Pra- 
gue; :  un  cmpereiu'  dressa  le  bûcher;  des 
prélats  allemands,  fran(;ais,  espagnols,  l'allu- 


1253 


PAP 


PAP 


nifrcnt;  Rome,  alors  dans  .humiliation,  n'y 
eut  point  de  |iart.  Il  n'y  avait  point  de  légats 
à  la  tôte  des  soldats  (pii  dévastèrent  les  val- 
lées de  Cuijriéres  et  de  Mérindol  :  les  inqui- 
siteurs (]ui  parurent  dans  la  croisade  contre 
les  albigeois  avaient  été  deman(li''s  et  a|i|iolés 
par  Simon  de  Monlforl  et  par  d'autres  sécu- 
liers. Les  crimes  de  Jules  II  et  de  son  prédé- 
cesseur n'ont  pas  eu  la  religion  pour  objet 
ni  [lour  motif,  ni  niéine  pour  prétexte  :  ce 
sont  des  moims,  et  non  pas  Rome,  qui  ont 
attenté  aux  jours  de  nos  rois.  Le  saiiit-oflice 
même  ne  doit  aux  papes  ni  son  origine  ni 
son  extension  :  des  mains  séculières  en  ont 
préparé  le  code,  et  les  pijnees  l'ont  introduit 
de  leui'  |)lein  gré  dans  leurs  Etats.  Ferdinand 
et  Isabelle  mendièient  ce  tribunal  pour  l'Es- 
pagne; le  despotisme  hypocrite  de  Philippe  II 
perfectionna  ce  que  le  ilesiotisme  perlide  de 
son  grand-père  avait  établi.  Les  premières 
lois  contre  les  héi'éticiues  ont  été  purement 
civiles  ;  c'est  l'autorité  laïque  qui  a  donné 
l'exemple  d'iniliger  la  peine  de  mort  aux 
sectes  turbulentes.  Di'puis  le  massacre  des 
donatisti's  jusqu'à  celui  des  ali^igeois, l'Eglise 
n'employa  d'autres  armes  que  l'excommuni- 
cation contre  ses  enfants  rebelles.  Quand  le 
concile  de  Toidouse  eut  ordonné  de  jirocé- 
der  contre  le  crinui  d'hérésie,  les  peines  ne 
furent  encore  que  des  exils  et  des  amendes. 
C'est  l'empereur  Frédéric  II,  cet  antagoniste 
violent  du  saint-siége,  qui  prononça  contre 
les  hérétiques  la  i)eine  du  feu  s'ils  étaient 
opini'tres,  et  d'une  prison  perpétuelle  s'ils 
reconnaissaient  leur  tort.  Jamais  l'inquisi- 
tion romaine  n'a  ressemblé  à  celle  d'Espa- 
gne; jamais  Rome  n'a  vu  û'auto-da-fd.  An- 
nalcs  polit.,  t.  I,  n.  C,  p.  Wa  et  suiv.  11  n'est 
pas  plus  vrai  que  jamais  les  papes,  ni  aucun 
concile,  ni  aucun  théologien  de  marque, 
aient  décidé  ou  enseigné  qu'il  est  permis  de 
violer  la  foi  jurée  aux  hérétiques.  Yoy.  Con- 
stance (concile  de),  Hlssites. 

Cela  n'a  pas  empêché  un  incrédule  i'or- 
eené  d'écrire,  de  nos  jours,  «  que  l'Eglise 
romaine  avait  détruit  autant  qu'il  est  possi- 
ble les  principes  do  justice  que  la  nature  a 
mis  dans  tous  les  hommes.  Ce  seul  dogme, 
dit-il,  qu'au  pape  appartient  la  souveraineté 
de  tous  les  emjiires,  renversait  les  fonde- 
ments de  toute  société,  de  toute  vertu  politi- 
que; il  avait  été  longtemps  établi,  ainsi  que 
l'all'reuse  opinion  qu'il  est  [lermis,  qu'il  est 
niôuie  ordonné  de  haïr  et  de  persécuter  ceux 
dont  les  opinions  sur  la  religion  ne  sont  pas 
conformes  à  celles  de  l'Eglise  romaine.  Les 
indulgences  pour  tous  les  crimes,  incmc  pour 
les  crimes  à  venir;  la  dispense  de  tenir  sa 
jiarole  aux  ennemis  du  [lontife,  fussent-ils 
de  sa  religion;  cet  article  de  croyance  oii 
\\m  enseigne  que  les  mérites  du  juste  peu- 
vent être  appliqués  au  méchant;  la  perver- 
sité de  l'inquisition;  les  exemples  de  tous 
les  vices  dans  la  |)ersonne  des  pontifes  et  de 
leurs  favoris,  toutes  ces  honneurs  devaient 
faii'e  de  l'Europe  un  repaire  de  tigres  et  cle 
serpents,  plutôt  qu'une  contrée  habitée  et 
civilisée  par  des  homujes.  »  Cette  tirade  lou- 
gueuse  paraît  démontrer  que  les  incrédules 


la.-)! 


ne  se  font  aucun  scrupule  d'employer  l'im- 
posture, le  mensonge,  la  calomnie  noire  et 
malicieuse,  pour  décrier  les  papes  et  l'Eglise 
romaine  ;  qu'ils  mettent  ainsi  en  usage  la 
perlidie  et  la  démence  de  laquelle  ils  osent 
accuser  les  autres.  Il  n'y  a  pas  un  seul  arti- 
cle, dans  cette  déclamation,  qui  ne  soit  une 
faussctof;  nous  l'avons  fait  voir  sudisam- 
ment.  Voy.  Héuétique,  Indulgence,  Inqlisi- 
TioN,  etc.  (1). 

(1)  Nous  allons  complélor  ccl  .article  par  quelques 
coiisidcralions  de  M.  tU\  Kavigiian. 

•  A  l'igard  .le  Pieire,  des  cliuses  bien  digues  de 
remarque  nous  sonl  racoiilc'cs  par  l'Evangile';  Jésiis- 
Clirisl,  en  le  voyaiil  iioiir  la  imMiiièie  l'ois,  lui  dit  : 
<  Tu  es  Simuit,  fiU  de  Jouas,  tu  t'appelleras  Cépluis,i 
Joan.,  c.  I.  v.  42,  mot  hélireu  et  svriaijue  qui  signi- 
fie proprement  pierre,  pelra.  Quand  Pierre  a  soleii- 
nclleineiit  coniessé  le  Clirisl,  Fils  du  Dieu  vivant, 
Jésus  reprend  :  Tu  es  bien  l.eureux,  Simon,  /ils  de 
Jouas...;  lu  es  Pierre,  ei  sur  celle  pieire  je  bàiirai 
mou  Eglise,  et  1rs  portes  dr  l'enfer  iiepr^  Vuitdroiil  point 
cciitie  elle.  Je  le  donuerai  les  clejs  du  rotfauwe  des 
deux  :  loiil  ce  que  Ut  auras  lié  sur  la  lerie  Si'rrt  lié  dans 
le  ciel  ;  to'il  ce  que  lu  auras  délié  sur  la  terie  seia  dé- 
lié dans  leciet{Mallli.\\i,  17).  Peu  de  temps  avant 
sa  passion,  Jisiis  dit  encore  à  Pierre  :  J'ai  prié  pour 
loi,  ai^n  ipte  la  foi  ne  vjilpas  à  défaillir....  ,\  ion  tour 
lu  devras  confirmer  el  alfeimir  les  frères  (  Luc,  \\u, 
32).  Après  sa  résuneelion  enlin,  il  ajoule  :  i^itisei 
vus  a<jneaux,  paisseï  mes  brebis  [Joan.  ,  xxi,  15. 19). 
De  plus,  (lilléreiiles  piéroyalives  sont  réservées  à 
Pierre  dans  les  Ecriliires.  il  est  toujours  noinnié  le 
pieiiiier  ;  il  est  souvent  désigné  claiiemeiU  comme 
le  cliet,  le  piiiice  des  apôtres;  il  est  iiomnié  seul 
quand  les  autres  sont  omis,  pour  les  repnisenter  ou 
pour  1rs  instruire.  Dans  les  réunions,  il  se  lève  et 
parle  le  premier,  au  nom  de  tous,  il  prêche  l'Evan- 
gile. S;dnt  Paul  vient  le  voir  a  Jéiusaleni,  comme 
son  siipeiieiir,  parte  (lue,  comme  le  disent  OEcumé- 
nius,  saint  Jean  Clirysostome,  saint  Anibroise,  saint 
Augustin,  il  était  l'oracle  et  le  premier  des  apou-es  : 
Qeia  os  erat  aposlolorum  et  priiiceps.  Une  condiiion 
toute  ditlérente  de  celli^  des  autres  apôtres  lut  donc 
faite  à  Pierre  par  le  Sauveur.  Car  enfin  tontes  ces 
graves  paroles,  toutes  ces  prérogatives  aceuinulées 
doivent  avoir  un  sens.  Elles  prouvent  évidemment 
que  Pierre  a  été  constitue  le  londement,  le  souverain 
el  univeisel  pasteur  de  l'Eglise.  Agneaux  et  brebis, 
c'est-.i-dire  lideles  et  évèques,  comme  le  compiirent 
Origène,  saint  Ambroise,  saint  Léon,  saint  Eiiclier 
el  les  autres,  tout  est  soumis  à  l'autorité  de  Pierre, 
tout  est  commis  à  ses  soins.  On  lui  doime  les  ciels 
comme  au  maître  de  la  maison,  comme  au  souverain 
de  la  ciié.  Pierre  l'ut  donc  n'ellement  établi  ceiiirc 
uui(|ue  et  souverain  d'unité.  Jésus  un  jour  monte  sur 
une  bar(pie,  s'y  assied,  et  de  l;i  adresse  au  peuple 
ses  paisibles  et  divins  enseignements  :  t'était  la  bar- 
que de  Pierre;  toutbaute  et  sainte  image,  loiitbante 
et  divine  leçon  !  i  C'était  l'Eglise,  barque  impéris- 
sable de  Pierre,  où  Jésus-Cluisi  règne  et  enseigne 
toujours  avec  les  suctcsseurs  du  péclieur.  Le  niaiire 
semble  bien  sommeiller  quelquefois,  même  durant  la 
tempête  ;  mais,  aux  cris  du  nautonnier,  il  se  lève  et 
commande  aux  vents  et  à  la  mer  qui  se  taisent. 

I  L'institution  divine  de  saint  Pierre,  tomme  cen- 
tre d'unité  chrélieane  et  calholiipie,  est  encore  cer- 
taine comme  histoire,  indépcndaunneni  des  Ecritu- 
res. C'est  d'abord  la  voix  antique  dclOrirut.  Ori- 
gène, au  second  siècle,  appelait  Pierre  le  grand  fon- 
dement, la  pierre  inébranla' le  de  l'Eglise.  Saint 
Allianase,  écrivait  à  saint  Félix,  pape  :  Sur  vous, 
comme  sur  leurs  fondements,  foni  établies  et  affermies 
tes  colonnes  de  l'Kglise.  Saint  Jean  Clirysostome, 
comraeulanl   la  magnilique  promesse  du  Sauveur, 


i25S 


PAP 


PAP 


125G 


PAPESSE  JEANNE.  Quelques  auteurs  du 
XI'  siècle  et  des  suivants  ont  écrit  qu'entre 
le  pape  Léon  IV,  qui  mourut  l'an  855,  et 

disait  que  que  l'univers  entier  fut  confié  ù  Pierre;  qu'il 
fut  fuit  te  pasteur  et  le  chef  île  toute  l'Eglise.  Les  vuix 
de  rOccideiUsont  unanimes  pour  proclamer  la  môme 
vèriic.  Tertullien  demande  si  quelque  chose  fut  ca- 
clié  à  Pierre,  fondement  de  l'Eglite  à  bi'iiir.  Saint  T.y- 
priiMi,  iiui  sembla  un  instant,  abusé  qu'il  était,  dis- 
culer  non  pas  l'aulorilé,  mais  l'avis  du  pontife 
romain,  est  un  des  plus  ardents  défenseurs  des  droits 
divins  (lu  saint-siége.  Dans  son  livre  admirable  de 
Vl'nilé  de  l'Eglisf,  Pierre  est  le  chef,  la  source,  la 
riirini'  de  toute  l'Eglise.  Il  écrivait  à  Jubaien  :  L'Eiilise 
qui  csl  une,  a  été,  pur  ta  voir  du  Seigneur,  fondée  sur 
un  seul,  qui  en  n  rcc« /es  c'e/s.  Lisez  saint  Jérôme, 
saint  Augustin,  saint  Ambroise,  tous  les  Pèios, 
c'est  toujours  même  fdi,  même  unanimité.  Un  seul 
entre  les  douze  est  choisi,  dit  saint  Jérôme,  afin  que 
le  chef  élant  constitut',  toute  occasion  de  schisme 
soit  ôtée.  Pierre,  ajoute  saint  .\mbroise,  comme  un 
roc  imniobite,  porte  et  soutient  la  masse  et  l'ensemble 
de  l'édifice  chrétien.  Saint  Augustin  affirme  que 
Pierre  se  distingue  par  la  primauté  reçue  au-dessus 
des  autres,  par  la  principauté  de  son  apostolat  supé- 
rieur à  tout  épiscopat.  C'est  assez.  J'omets  une  foule 
de  témoignages  ;  j'omets  cette  éloquenle  protesta- 
tion de  la  ville  éternelle,  les  mille  voix  de  ses  mo- 
numents, de  ses  splendeurs  séculaires  qui  célèbrent 
si  éloquemnient  la  suprématie  de  Pierre. 

«  Et  au  XIX'  siècle,  il  est  des  hommes  qui  ne  crai- 
gnent pas  d'écrire,  il  en  est  d'autres  qui  croient 
avec  un  imperturbable  sang-froid  que  Charlemagne 
ou  Grégoire  VII  inventèrent  la  prérogative  de  Pierre, 
la  suprématie  du  souverain  pontife,  centre  spirituel 
d'unité.  Vraiment  on  s'étonne,  dirai-je,  de  tant  d'i- 
gnorance, car  il  y  en  a  beaucoup,  ou  de  tant  d'aveu- 
glement. On  conçoit  bien  mieux  que,  du  fond  des 
cœurs  catholiques  et  des  convictions  du  génie  chré- 
tien, s'élève  comme  un  accent  d'enthousiasme  et  d'a- 
mour pour  exalter  la  gloire  et  le  bonheur  d'être  unis 
à  la  chaire  de  Pierre  ;  et  qui  de  vous  ne  se  rappelle 
les  paroles  si  belles  de  deux  grands  cœurs,  de  deux 
grands  génies  aussi,  de  Fénelon  et  de  Bossuet  ?  Ils 
protestaient  tenir  à  cette  Eglise  romaine  du  fond  de 
leurs  entrailles.  Voudriez-vous  savoir  pourquoi,  à 
leur  exemple,  nous  tenons  ainsi  étroitement  em- 
brassé cette  pierre  auguste,  ce  vénéré  fondement  de 
Tuniiè  ?  C'est  que  nous  comprenons  la  pensée  de  celui 
qui  fut  l'auteur  et  le  consommateur  de  notre  foi, 
c'est  que  nous  croyons  à  sa  divine  parole.  > 

Dans   la  deuxième  partie,   l'orateur  prouve,  par 

l'histoire  de  la  papauté  même,  qu'elle  a  toujours  joui 
de  celte  suprématie,  que  quel(|ues  personnes  croi«nt 
ne  lui  avoir  appartenu  qu'au  jour  oii  elle  a  eu  un 
royaume,  une  couronne  ;  au  jour  oiielle  a  apparu  au 
monde  entourée  d'un  pouvoir  extérieur.  Voici  le  ra- 
pide aperçu  des  preuves  de  l'orateur.  <  Pierre  avait 
donc  reçu  de  la  bouche  même  du  Sauveur  la  pri- 
mauté :  ill'exerça,  elle  fut  reconnue.  Pierre  mourut 
sous  Néron,  crucilié  comme  son  maitre.  L'un  de  ses 
disciples  et  successeurs  inuuédiats,  saint  Clément,  a 
laisse  des  lettres  authentiques,  et  nous  rapporte  un 
fait  important.  Les  Corinthiens,  au  mépris  de  tous 
lesdroiis,  avaient  déposé  leurs  évéques  et  les  prêtres. 
Saint  Clément  ordonna,  sous  peine  de  l'anathéme 
ou  de  la  damnation  éternelle,  qu'ils  fussent  réinté- 
gres et  reconims  immédiatement.  C'était  au  i"  siècle.  ' 
Pourquoi  recourir  de  Corinthe  à  l'autorité  de  l'évè- 
oue  de  Kome  ?  Saint  Jean  vivait  encore,  on  ne  s'a- 
dressa pas  àlui.  Comment  se  fait-il  que  le  pontife 
romain  prononce  la  sentence  en  juge  souverain,  éta- 
bli au-dessus  des  évoques?  11  n'y  en  a  qu'une  expli- 
cation possible,  la  suprématie  spirituelle  de  la  pa- 
pauté, comme  elle  s'exerce  encore  au  milieu  de  nous. 
La  question  de  li  Pà(pie  aj/itaii  beaucoup    l'Eglise.  ^ 


Benoit  III,  qui  mourut  en  858,  une  femme 
avait  trouvé  le  moyen  de  se  faire  élire  pape, 
et  avait  tenu  le  siège  de  Rome  pendant  deux 

L'Eglise  de  Rome  prononce  entre  l'Orient  et  l'Occi- 
dent, et  sanctionne  sa  décision  par  les  peines  spiri- 
tuelles qu'un  pouvoir  souverain  et  universel  avait  le 
droit  de  porter.  Saint  renée,  qui  touchait  de  la  main 
pour  ainsi  dire  aux  temps  et  aux  enseignements  de 
l'apôtre  saint  Jean,  reconnaît  et  vénère  l'autorité  des 
pontifes  romains.  Il  en  a  conservé  l'ordre  et  la  série 
jusqu'à  son  âge.  t  II  proclame  hautement  qu'il  est 
nécessaire  que  toutes  les  Eglises  soient  en  commu- 
nion, en  rapport  avec  l'Eglise  romaine,  à  cause  de 
son  autorité  supérieure;  qu'il  faut  que  tous  les  lieux, 
du  monde  lui  soient  unis,  parce  que  celle  Eglise  est 
charqée  de  conserver  pour  tout  l'univirt  la  tradition 
qui  vient  des  apùtres.  «  Quel  moyen  ici  de  supposer  la 
fraude  ou  l'erreur  ?  Saint  Ircnce  n'a-t-il  pas  su  ce 
qu'il  disait? 

«  Tertullien  écrit  :  <  J'entends  qu'un  décret  solen- 
nel et  péremptoire  a  été  porté  ;  le  pontife  souverain, 
c'est-à-dire  l'évéque  des  évèques,  a  ordonné.  >  Avec 
ces  précieux  documents  des  deux  premiers  siècles 
comment  rêver  une  institution  politique  récente? 
Comment  douter  de  la  perpétuité  divine  et  a-surée 
du  souverain  pontilicat  dans  les  évéques  de  Rome, 
successeurs  de  saint  Pierre?  Une  institution  de  cette 
nature,  u[ie  autorité  si  extraordinaire  ne  s'improvise 
pas,  et  surtout  ne  s'impose  pas  en  un  instant  à  tout 
l'univers.  Si  la  main,  si  la  loi  divine  n'étaient  pas 
manifestes,  aucune  force  humaine  ne  pourrait  lier 
les  divers  ordres  de  l'Eglise,  et  tous  les  rangs  des  li- 
dèles,  et  toutes  les  consciences,  à  un  semblable  prin- 
cipe d'unité  et  d'obcissance. 

<  Au  111'  siècle,  saint  Cyprien,  résumant  la  tradi- 
tion dans  son  admirable  livre  de  l'Unité,  enseigne 
<  que  la  divine  lumijre  qui  pénètre  l'Eglise  et  em- 
brase de  ses  rayons  le  monde  entier,  vient  d'un 
point  unique,  l'Eglise  de  Rome,  le  pontife  romain, 
dont  il  dit  ailleurs,  qu'il  est  le  chef  du  sacerdoce  ca- 
tholique. Parcourez  tous  les  monuments  subséquents 
du  V'  au  XV'  siècle  :  dans  les  Pères,  dans  les  conci- 
les, dans  l'histoire  tout  entière  de  l'Eglise,  ce  qui 
domine,  c'est  l'existence  et  la  vie  de  l'unité,  en  son 
centre  unique  et  divin,  le  pontife  de  Rome.  Saint 
Jérôme,  du  fond  de  sa  solitude,  s'écriait  en  s'adres- 
sant  au  pape  Damase  :  c  Quant  à  moi,  je  suis  avant 
tout  uni  a  votre  siège,  qui  est  la  chaire  de  Pierre. 
Quiconque  ne  recueille  pas  avec  vous,  dissipe  et 
n'appartient  pas  à  Jésus-Christ.  >  Saint  Athanase, 
«aint  Jean  Chrysostome,  saint  Basile,  saint  Grégoire 
de  Nazianze,  saint  Augustin,  élèvent  tous  la  voix 
pour  saluer  de  leurs  hommages  de  foi  et  de  fidèle 
dépendance  la  primauté,  l'autorité  souveraine  du 
pontife  de  Rome.  Rome  a  parlé,  disaitsaint  Augustin 

la  cause  est  tiuie.  Oii  est  Pierre,  là  est  l'Eglise 

Ubt  Petrus,  ibi  Ecclesia.  Tous  les  conciles  œcuméni- 
ques sans  exception  sont  confirmés  par  l'autorité 
première  du  successeur  de  Pierre.  C'était  la  sanction 
nécessaire.  Les  canons  et  les  conciles  que  Rome 
n'approuve  pas,  l'Eglise  universelle  les  rejette.  Elle 
est  grande,  elle  est  imposante  cette  voix  des  conciles 
généraux.  Dix-huit  fois  seulement  elle  a  retenti  dans 
l'univers,  et  toujours  pour  vénérer  Pierre  et  Jésus- 
Christ,  dans  les  successeurs  de  Pierre.  Les  hérésies 
furent  toujours  déférées  au  jugement  de  l'évéque  de 
Rome.  Toujours  sa  sentence  lut  suivie  et  adoptée 
par  les  conciles,  et  il  devait  en  être  ainsi.  Même, 
sans  la  confirmation  des  conciles  généraux,  le  juge- 
ment de  la  chaire  de  saint  Pierre  était  pour  tout  ca- 
tholique la  règle  de  la  foi.  r 

«  Toutefois,  j'ai  besoin  de  le  dire:  du  sein  de  la 
reforme  et  de  nos  jours,  des  voix  généreuses  se  sont 
élevi  es  pour  venger  la  papauté  de  tant  d'injustes  ou- 
trages et  pour  rendre  hommage  à  ses  bienfaits  et  à 
ses  gloires.  Honneur  à  cette  courageuse  franchise  ! 


i-i;i7 


l'AP 


PAQ 


1258 


ans  oiiiq  mois  quatre  jours,  sous  lo  nom  de 
Jean  VIII.  Mariaiius  Scotus,  nioino  irlandais, 
((ui  (''i'i'ivi(  à  iMayeneo  une  (•lu'oni(|ue  en 
l()8'î.  plus  de  deux  cents  ans  aiirès  l'épotiiie 
du  fait,  est  le  premier  qni  ait  raconté  cette 
fable.  Klle  fut  ensuite  co|iiée  par  Si^eljert  de 
(lenihlours,  (jui  écrivait  l'an  1112,  par  Mar- 
linns  Poloiuis  en  1277,  et  par  d'auli^'s  (jui  la 
sin'clinrs;èrent  do  circonstances  ridicules.  Ils 
dirent  (jue  depuis  ce  temps-là,  avant  d'iii- 
trouiser  un  pope,  on  prenait  la  précaution 
de  le.faire  asseoir  sur  une  chaise  percée  ou 
stercoraire,  pour  véiitier  son  sexe,  etc.  Les 
centuriateurs  de  Mayiiebourg  et  d'autres 
éci'ivains  protestants  lirent  d'abord  grand 
bruit  de  cette  histoire  absurde,  et  donnèrent 
h;  fait  pour  incontestable;  dejiuis  ce  tem|is- 
lii  plusieurs  savants,  non-seulement  parmi 
les  catholiques,  mais  parmi  les  protestants, 
comme  Hlondel,  Casaul)on,  Bayle,  etc.,  en 
ont  démontré  l'absurdité.  On  y  ojipose,  1"  que 
dans  les  manuscrits  les  jilus  anciens  et  les 
])lus  exacts,  soit  de  Marianus  Scotus,  soit  de 
Martinus  Polonus,  soit  do  Sigebert  (le  Gem- 
blours ,  cette  iable  ne  se  trouve  point, 
qu'ainsi  c'est  une  addition  faite  par  (pielque 
copiste  postérieur.  2°  Que  les  histoiùens  con- 
temj)0rains,  tels  que  Auastase  le  Bibliothé- 
caire, témoin  oculaire  de  l'élection  de  Léon 
IV  et  de  Benoit  III,  l'autour  des  Annales  de 
saint  Bertin  et  de  saint  Loup  de  Fcrrières , 
Odon,  .Mginon,  Hiucuuir  de  Reims,  etc., 
n'ont  |ias  dit  un  seul  mot  de  la  prétendue 
papesse  Jeanne;  tous  disent  et  supposent  (jue 
Beimit  III  succéda  immétliateuient  et  sans 
interruption  à  Léon  I\'.  Deux  (jrees  schis- 
niatiipurs  du  même  siècle,  savoir  l'hotius, 
L.  (le  Process.  Spir.  Sanct.,  et  Mélrophane 
de  Smyrne,  L.  de  Div.  Spir.  Sanct i,  disent 
expressément  la  même  chose.  Il  en  est  de 
même  de  Laml)ert  de  Schafnabourg,  de  Khé- 
ginon,  d'Herman  de  Raccourci,  d'Othon  de 
Frisingue,  de  Zonaras,  de  Cédrenus,  de  Jean 
Curopalate,  (|ui  tous  eut  écrit  avant  Maria- 
luis  Scotus.  3"  Que  l'histoire  de  la  papesse 
Jeanne  est  chargée  de  circonstances  évidem- 
ment fausses,  savoir  :  qu'elle  avait  étudié  à 
Athènes,  où  l'on  sait  qu'il  n'y  avait  ])lus 
d'études  ni  d'école  au  ix"  siècle  ;  qu'elle 
était  accouchée  en  allant  en  procession  de 
Saint-Pierre   au   jialais   de   Latran  :  qu'elle 

Qu'elle  soit  bénie  et  reçoive  la  récompense  seule  di- 
gne liVile,  une  ailhéslon  entière  i»  riinité  !  Le  lenips 
lies  dciclainalions  est  passé.  Pour  juger  l'Iiglise  ro- 
maine et  la  chaire  pontilicale,  il  fanl  en  revonii-  aux 
laits  premiers,  à  l'inslitution  lueniicre.  Pierre  liit-il 
établi  le  chef,  le  fonileuient,  le  pasteur  souverain  de 
l'Eglise?  Pierre  .a-t-il  eu  des'  successeurs  ?  Voilà 
tout.  Si  telle  lut  l'institution  primitive  et  divine, 
quoi  qu'on  en  puisse  penser  et  dire,  ni  les  fautes  si 
exagérées  des  uns,  ni  les  attaques  trop  certaines  et 
trop  araéres  des  autres,  ni  les  théories  les  plus  spé- 
cieuses et  les  plus  chères  ne  sauraient  changer  ce  fait 
ne  sauraient  séparer  ce  que  Dieu  a  uni,  ni  détruire 
cequilirisntua.il  reste  alors  à  s'humilier  sous  la 
main  puissante  et  miséricordieuse  du  Dieu  trois  lois 
bon,  pour  reconnaître,  aimer  son  autorité  paternelle 
dans  l'unité  même  romaine,  et  pour  s'embrasser 
enfants  de  la  même  famille,  dans  l'amour  d'une  in- 
dissoluble fraternité,  iji  uiiijie  Ijuleinitalis.  i 

Dictions.    iie  Théol.  hocmatique.  III. 


avait  été  mise  à  mort  en  piuiiiioii  de  son 
crime,  et  enterrée  au  lieu  même  de  son  ac- 
couchement, etc.,  pendant  qu'il  n'y  a  jamais 
eu  aucun  vestige  de  tombeau  dans  cet  en- 
droit. Une  femme  grosse  et  près  de  son  ter- 
me ne  se  serait  pas  exposée  en  public  dans 
cette  circonstance.  Marianus  Scotus  ne  rap- 
porte point  ces  derniers  fails.  Ainsi  il  est 
évident  que  la  fable  s'est  augmentée  sous  la 
main  des  dillerents  copistes.  4"  L'on  montre, 
dans  un  garde-meuble  de  Saint-Jean  de 
Latran,  une  chaise  de  porphyre  artistcment 
travaillée,  dont  la  structure  lemonie  évidem- 
ment aux  siècles  du  [laganisme,  |iendant  les- 
([nels  la  sculpture  était  la  plus  parfaite.  Cette 
chaise  servait  iirobablement  à  prendre  le 
bain,  ou  à  quelque  cérémonie  superstitieuse; 
la  forme  de  cette  chaise,  dont  on  ignorait 
l'usage,  a  pu  donner  lieu  à  la  fable  imaginée 
du  temps  de  Marianus  Scotus. 

Plusieurs  auteurs  protestants,  fAchés  de  ne 
pouvoir  plus  objecter  cette  histoire  absurde 
aux  catholiques,  n'y  ont  renoncé  qu'à  re- 
gret :  ils  ont  conclu  que,  malgré  les  preuves 
de  ceux  qui  nient  absolument  lo  fait,  il  de- 
meurait pour  le  moins  douteux.  Mosheiiu 
dit  (ju'après  avoir  examiné  la  chose  sans 
])arlialité,  il  lui  paraît  que  cette  histoire  doit 
son  (irigine  à  quelque  événement  extraor- 
dinaire qui  arriva  pour  lors  à  Rome.  Il  n'est 
pas  croyable,  dit-il,  qu'une  foule  d'histo- 
riens aient  cru  et  rapporté  ce  fait  de  la  même 
manière,  pendant  cinq  siècles  consécutifs, 
s  il  était  absolument  destitué  de  tout  fomle- 
ment;  mais  on  ignore  encore  ce  qui  a  donné 
lieu  à  cette  histoire,  et  il  y  a  lieu  de  croire 
qu'on  l'ignorera  toujours,  ix"  siècle,  w  part., 
c.  Il,  S  4-  A  cela  nous  répondons  que  s'il 
était  arrivé  dans  ce  temps-là  quelque  évé- 
nement extraordinaire  à  Rouie,  les  témoins 
ocidaires,  tels  que  Anastase  et  les  auteurs 
contemporains ,  en  auraient  certainement 
jiarlé.  Est-ce  donc  là  la  seule  table  qui  ait 
été  forgée  dans  le  \i'  siècle,  sans  aucun  fon- 
dement'/ On  sait  que  la  méthode  des  chro- 
niqueurs des  bas  siècles  est  de  rapporter 
tout  ce  qu'ils  ont  lu  ou  entendu  dire,  sans 
critique  et  sans  choix.  Dès  qu'un  auteur 
quelconque  a  parlé  d'un  fait,  c'en  a  été  as- 
sez pour  qu'il  fût  copié  et  amplitié  jiar  ceux 
([ui  ont  écrit  après  lui,  sans  qu'aucun  ait  été 
curieux  de  remonter  à  la  source.  Mais  tel  est 
le  laible  des  protestants  :  lorsqu'il  est  question 
d  un  tait  favorable  à  l'Eglise  romaine,  les 
preuves  les  plus  démonsti'atives  sudisent  à 
lieine  pour  les  persuader;  s'agit-il  d'un  évé- 
nement injurieux  au  catholicisme,  les  plus 
faibles  iirobabilités  les  déterminent  à  y 
ajouter  foi  ;  et  lors  même  qu'ils  n'oseraient 
plus  l'aflirmer,  ils  veulent  avoir  au  moins  la 
consolation  d'en  douter.  C'est  la  maladie  de 
tous  les  incrédules.  Leibintz,  qui  n'aimait 
pas  les  fables ,  avait  fait  une  dissertation 
liour  achever  de  détruire  celle  de  la  papesse 
Jeanne:  mais  elle  n'a  pas  encore  été  publiée. 
Esprit  (le  Leibnitz,  t.  II,  p.  30. 

PAQUE,  fête  des  Juifs.  Le  mot  hébreu 
phase,  et  le  syriaque  pusca,  signilieut  pas- 
■lage  :  ainsi,  la  pdque  fut  instituée  en  mé- 


i259 


PAQ 


PAQ 


i-im 


moire  du  passage  de  l'ange  exterminateur, 
'  qui  tua  dans  une  nuit  tous  les  ])reiriiers-nés 
des  Egyptiens  et  éjiargna  ceux  des  Hébreux, 
miracle  qui  fut  suivi  du  passage  de  la  mer 
Rouge.  Cest  la  pâque,  dit  Moïse  dans  l'Exode, 
c'est-à-dire  le  passage  du  Seigneur,  c.  xii , 
V.  11. 

Voici  de  quelle  manière  il  fut  ordonné  aux 
Hébreux  de  la  célébrer  en  Egypte  pour  la 
première  fois.  Le  dixiènie  jour  du  premier 
mois  du  printemps,  nommé  Nisan,  chaque 
famille  choisit  un  agneau  mâle  et  sans  dé- 
faut, et  le  garda  jusqu'au  quatorzième  du 
même  mois;  ce  jour,  sur  le  soir,  l'agneau 
fut  égorgé,  et  après  le  coucher  du  soleil  on 
le  fit  rôtir  pour  le  manger  la  nuit  suivante, 
avec  des  pains  sans  levain  et  des  laitues 
amères.  Comme  les  Hébreux  devaient  partir 
de  l'Egvpte  immédiatement  après  ce  repas, 
ils  n'eurent  pas  le  temi>s  de  faire  lever  de 
la  pâte.  Ce  pain  sans  levain  et  insipide  est 
appelé  dans  l'Ecriture  sainte  un  pain  d'afflic- 
tion, parce  qu'il  était  destiné  à  faire  souve- 
nir les  Hébreux  des  peines  qu'ils  avaient 
souffertes  en  Egypte  ;  et  c'est  pour  la  même 
raison  qu'ils  devaient  y  joindre  des  laitues 
amères. 

11  leur  fut  encore  ordonné  de  manger  cet 
agneau  tout  entier  dans  une  même  maison, 
sans  en  rien  transporter  dehors  ;  d'avoir  les 
reins  ceints,  des  souliers  aux  pieds  et  un 
bâton  à  la  main,  par  conséquent  l'équipage  et 
la  posture  de  voyageurs  prêts  à  partir.  Mais 
Moïse  leur  recommanda  surtout  de  teindre 
du  sang  de  l'agneau  le  linteau  et  les  deux 
jambages  de  la  porte  de  chaque  maison,  afin 
que  l'ange  exterminât  ur,   voyant  ce  sang, 

Eassât  outre  et  é|iargnât  les  enfants  des  Hé- 
reux,  pendant  qu'il  mettrait  h  mort  ceux 
des  Egyptiens.  Enfin,  les  Hébreux  reçurent 
l'ordre  de  renouveler  chaque  année  cette 
même  cérémonie,  afin  de  perpétuer  parmi 
eux  le  souvenir  de  leur  délivrance  miracu- 
leuse de  l'Egypte  et  du  passage  de  la  mer 
Rouge  ;  ils  devaient  s'abstenir  de  manger  du 
pain  levé  pendant  toute  l'octave  de  cette 
fête,  et  ne  briser  aucun  des  os  de  l'agneau  ; 
l'obligation  du  la  célébrer  était  si  sévère, 
que  quiconque  aurait  négligé  de  le  faire 
devait  être  condamné  à  mort  {Num.  ix,  13). 
C'était  une  des  grandes  solennités  des  Juifs  ; 
et  pour  participer  au  festin  de  l'agneai,  il 
fallait  absolument  être  circoncis.  Cette  fête 
se  nommait  aussi  la  fête  des  Azymes.  Dans  la 
suite  les  Juifs  ajoutèrent  plusieurs  observan- 
ces minutieuses  à  celles  qui  étaient  formel- 
lement ordonnées  par  la  loi.  Reland,  Antiq. 
sacr.  vet.  Heb.,  pag.  220. 

Les  Hébreux  mangèrent  pour  la  seconde 
fpis  la  pâque  dans  le  désert  de  Sinaï,  l'année 
d''api'ès  leur  sortie  de  l'E.^ypte  {Nutn.  ix,  5)  ; 
et  ïosué  la  leur  fit  célébrer  en  sortant  du 
désert  pour  entrer  dans  la  terre  promise 
{Jos'ùe,  V,  10).  Ainsi  cette  cérémonie  fut 
observëê  d'année  à  autre  par  les  témoins 
oculaires  des  événements  qu'elle  attestait, 
par  les  aînés  des  familles  qui  avaient  été 
préservés  eux-mêmes  des  coups  de  l'ange 
e'xtti'mîiiateùT.   H  leur  était  ordonné  d'in- 


struire soigneusement  leurs  enfants  des  rai- 
sons et  du  sens  de  cette  fête  religieuse 
[Exod.  xn,  36).  Elle  ne  ressemble  donc  en 
rien  aux  fêtes  que  les  païens  célébraient  en 
mémoire  d'événements  fabuleux  :  celles-ci 
n'avaient  pas  été  instituées  à  la  date  môme 
de  ces  événements,  mais  plusieurs  siècles 
après;  elles  n'étaient  iioint  observées  par 
des  témoins  oculaires  des  faits  ;  elles  attes- 
taient donc  seulement  la  croyance  publique, 
mais  cette  croyance  n'était  fondée  sur  aucun 
témoignage  authentique  ;  au  lieu  que  celle 
des  Juifs  venait  de  l'attestation  de  témoins 
oculaires.  L'affectation  des  incrédules  de 
méconnaître  cette  différence  n'est  pas  un 
trait  de  bonne  foi.  C'est  avec  raison  que  les 
auteurs  sacrés  nous  ont  montré  dans  l'agneau 
immolé  pour  la  pâque,  dont  le  sang  avait 
préservé  les  enfants  des  Hébreux  des  coups 
de  l'ange  exterminateur,  une  figure  de 
Jésus-Christ.  Il  est  en  etîet  la  victime  immo- 
lée sur  la  cioix,  ({ui  par  son  sang  a  sauvé 
le  genre  humain  des  coups  de  la  justice  di- 
vine, et  l'a  délivré  d'une  servitude  beaucoup 
plus  cruelle  que  celle  des  Hébreux  en 
Egypte.  Aussi  est-il  appelé  dans  l'Evangile 
l'Agneau  de  Dieu,  qui  efface  les  péchés  du 
monde.  Saint  Paul  dit  qu'il  a  été  immolé 
pour  être  notre  jjfîçwe  (/Cor.  v,  7).  Un  évan- 
géliste  nous  fait  remarquer  que  l'on  ne  brisa 
point  les  jambes  à  Jésus  crucifié,  parce  qu'il 
était  écrit  de  l'agneau  pascal,  vous  ne  brise- 
rez point  ses  os  [Joan.  xix,  36).  11  est  bien 
singulier  que  le  Sauveur  ait  été  mis  à  mort 
le  môme  jour  précisément  que  les  Israélites 
étaient  sortis  de  l'Egypte,  et  que  du  haut  de 
sa  croix  il  ait  vu  les  préparatifs  qui  se  fai- 
saient à  Jérusalem  pour  le  grand  jour  du 
sabbat,  et  pour  les  sacrifices  dont  il  rem- 
plissait lui-môme  la  signification.  Selon  une 
vieille  tradition  juive,  c'était  à  ce  môme 
jour  que  Dieu  avait  fait  alliance  avec  Abraham, 
et  lui  avait  annoncé  la  naissance  d'Isaac. 
Reland,  ibid.,  p.  236. 

Les  évangélistes  nous  apprennent  que 
Jésus-Christ  a  célébré,  plus  d'une  fois  pen- 
dant sa  vie,  cette  fêtr,  pour  laquelle  les  Juifs 
se  ren  laient  de  toutes  parts  à  Jérusalem,  et 
qu'il  fit  encore  la  pâque  avec  ses  disciples  la 
veille  de  sa  mort;  mais  à  cette  cérémonie 
il  en  substitua  une  plus  auguste,  celle  de 
l'eucharistie,  qui  est  le  sacrifice  de  son 
corps  et  de  son  sang.  A  la  vérité,  si  l'eucha- 
ristie n'était  qu'une  simple  figure,  elle  serait 
moins  expressive  et  moins  parfaite  que  celle 
de  l'agneau  pascal;  mais  drs  que  c'est  réelle- 
ment le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Clirist,  il 
est  clair  que  c'est  la  réalité  qui  succède  îi 
la  figure,  et  que  Jésus-Christ  a  dit  avec  vé- 
rité du  calice  qu'il  présentait  à  ses  disciples  : 
Ceci  est  le  sang  d'une  nouvelle  alliance.  Mais 
on  a  disputé  pour  savoir  si  Jésus-Christ 
mangea  réellement  l'agneau  pascal  avec  ses 
disciples,  la  veille  de  sa  mort.  La  principale 
raison  de  ceux  qui  en  ont  douté  est  qu'il 
est  (lit  {Joan.  xvrii,  28j,  que  lorsque  Jésus- 
Christ  fut  présenté  à  Pilate,  les  Juifs  nu 
vouluient  point  entrer  dans  le  prétoire,  âe 
peur  de  se  souiller,  parce  qu'ils  voulaient 


1261 


PAO 


PAO 


{2(;2 


manger  In  pâquc  Ce  n'est  donc  que  ce  jour- 
ik  que  l'on  devait  manger  ragncau  pascal  ;  il 
n'est  pas  probable  que  Jésus-Clirist  l'ait 
mangé  la  veille,  et  vingi-qiiatre  heures 
avant  le  moment  fixé.  Tel  est  le  sentiment 
que  dom  Calmet  a  soutenu  dans  une  ilisser- 
tatiou  sur  ce  sujet  ;  mais  on  lui  a  fait  voir 
que  cette  opinion  est  coiilraire  à  plusieurs 
textes  formels  des  évangélistes.  Bible  d'A- 
vignon, toni.  XIII,  p.  '»30. 

Le  père  Hardouin  a  pensé  que  l'usage  des 
Galiiéens  était  de  faire  la  pâqne  un  jour  plus 
tôt  que  les  autres  Juifs,  et  que  Jésus-Christ 
né  en  (îalilée,  aussi   bien  que  ses  apôtres, 
ravalent   faite   selon   la  coutume   de    leurs 
com|iatrioles;  mais  cette  conjecture  ne  pa- 
raît ])as  siitfisamment  prouvée.  D'autres  ont 
été  jxn'suadés  ijue  Jésus-Christ  avait  mangé 
l'agucau  pascal  en  môme  temps  que  le  com- 
mun des  Juifs,  mais  que  les  ijretres  de  Jé- 
rusalem   i-etardèrent    leur  pdqiie  de  vingt- 
quatre  heures  cette  aimée-là,  soit  parce  que 
ie  lendemain  était  le  grand  jour  du  sabbat, 
et  qu'ils  voulurent  faire  la  cérémonie  en  le 
commençant,  soit  pour  quelque  autre  raison 
tjue  nous  ignorons.  Pour  expliquer  le  texte 
de  saint  Jean,  il  n'est  pas  nécessaiie  de   re- 
courir à  ces  clivers  ex|)édienls.  Dom  Calmet 
lui-môme  a  reconnu  que  le  mot  pâquc  se 
prend  en  plusieurs  sens  diflërents  dans  l'E- 
01  ilure  sainte  ;  il  signifie,  1°  !e  passage    de 
l'ange  exterminateur,  c'est  le  sens   le  plus 
littéral  ;  2"  l'agneau  que  l'on  immolait  ;    3° 
les  autres  victimes  et  les  sacrilices  que  l'on 
olfrait  le  lendemain  ;  k"  les  azymes  ou  pains 
sans  levaiu  que  l'un  mangeait  pendant  les 
sept  jours  de  la  fête  ;  5"  la  veille  et  les  sent 
jours  de  cette  môme  fôte  ;   ajoutons,  6°  le 
grand  sabbat  qui  lomi)ait   l'un  de  ms   si^pt 
jours  (Jonn.  \i\,  .31).    Ainsi  Parasccve  Prts- 
chœ,  ibid.,  v.  14,  n(^  signifie  pas  la  prépara- 
tion du  re;^as  de  l'agneau,  mais  la  prép  ra- 
tion au  sabbat  qui  tombait  dans  l'octave. 
Par  conséquent  lorsqu'il  est  dit,   c.    xvîii, 
v.  28,  que  les  Juifs  craignirent  de  se  souil- 
ler, ()ai'ce  qu'ils  voulaient  manger  la  pâquc, 
cela  peut  très-bien  s'entendre  dans  le  tr  i- 
sième  sens,  des  victimes  qui  devaient  élre 
ollertes  en  sacrilice  c«  jour-là.  <Juant  à  cj 
que  dit  dom  Calmet,  iiu'il  n'est  pas  CToyable 
que  les  Juifs  eussent  isit  saisir  Jésus-Christ, 
l'eussent  condamné  et  crucifié  le  vendredi, 
si  ce  jour  eût  été  un  jour  de  fèlo  et  le  pre- 
mier de  la  solciuiité  des  A  ymt^s,  il  ne  fait 
|)as  attention  que  le  repos  n'était  pas  com- 
Mjaiioé  aux  Juiis  deux  jours  de  suite,  et  que 
le  lendemain  était  le  jour  du  sabliat  ;  le  re- 
pos de  la  fête  ne  devait  donc  commencer 
cette  année-là  que  le  vendredi  soir,  au  cou- 
cher du  soleil.  On  sait  d'ailleurs  que  quand 
il  s'agissait  de  satisfaire  un  •  passion  violente, 
les  Juifs  n'étaient  pas  fort  scrupuleux.  L'on 
a   encore  trouvé   de  la  difiiculté    à  savoir 
combien  de   fois  Jésus-Christ  a   célébré   la 
pâque  depuis  le  comujencement  de  sa  pré- 
dication jusqu'à  sa  mort;  les  uns  ont  dit 
qu'il  avait  fait  trois  pdgnrs,  d'autres  en  ont 
compté  quatre,  d'autres  cinq  ;  ce  qu'il  y  a 
de  certain,  c'est  que  l'Evangile  ne  faii  men- 


tion que  de  trois  ;  c'est  aussi  le  sentiment 
le  plus  suivi  par  les  anciens,  et  auquel  il 
est  à  iiropos  de  s'en  tenir. 

PAQUES,  fôte  qui  se  célèbre  dans  l'Eglise 
chrétienne,  en  mémoire  de  la  résurrection 
de  Jésus-Christ.  On  lui  a  donné  ce  nom  , 
parce  qu'il  est  arrivé  plusieurs  fois,  dans  les 
premiers  temps  de  l'Eglise ,  qu'on  la  faisait 
en  même  temps  que  les  Juifs  célébraient 
leur  pAque.  Les  plus  anciens  monuments 
nous  attestent  que  cette  solennité  est  de 
môme  date  que  la  naissance  du  christia- 
nisme, qu'elle  a  été  établie  du  temps  des  apô- 
tres, témoins  oculaires  de  la  résurrection 
du  Sauveur,  et  qui,  i)lacés  sur  le  lieu  môme 
où  ce  grand  miracle  était  arrivé,  ont  eu  tou- 
tes les  facilités  possibles  de  se  convaincre 
du  fait  ;  ils  n'ont  donc  pu  consentir  à  solen- 
niser  cette  fête,  que  parce  qu'ils  étaient  in- 
vinciblement persuadés  de  l'événement  im- 
portant qu'elle  attestait.  On  doit  donc  en  rai- 
sonner comme  de  la  pdqw  juive  à  l'égard 
des  faits  dont  celle-ci  était  un  monument. 
Aussi ,  dès  les  jiremiers  siècles  ,  la  fête  de 
Pdgues  a  été  regardée  cmime  la  plus  grande 
et  la  plus  auguste  fête  de  notre  religion; 
elle  renfermait  les  huit  jours  que  nous  nom- 
mons la  semaine  sainte ,  et  l'octave  entière 
du  jour  de  la  Résurrection;  ou  y  adminis- 
trait solennellement  le  baptême  aux  caté- 
chumènes ;  les  fidèles  y  particijiaient  aux 
saints  mystères  avec  plus  d'assiduité  et  de 
ferveur  que  dans  les  autres  temps  de  l'an- 
née ;  on  y  faisait  d'abondantes  aumônes  : 
la  coutume  s'introduisit  d'y  alfranchir  les  es- 
claves ;  plusieurs  em|iereurs  ordonnèrent  de 
rendre  à  cette  occasion  la  liberté  aux  pri- 
sonniers détenus  pour  dettes  ou  pour  des 
crimes  qui  n'intéressaient  point  l'ordre  pu- 
blic. Entin  l'on  s'y  préparait  comme  l'on  fait 
aujourd'hui  par  le  jeûne  solennel  de  qua- 
rante jours,  que  nous  appelons  le  carême. 
Au  n"  siècle,  il  y  eut  de  la  variété  entre  les 
dilférentes  Eglises  ,  quant  à  la  manière  de 
célébrer  cette  solennité.  Celles  de  l'Asie  mi- 
neure la  fassaient  comme  les  Juifs  ,  le  qua- 
torzième lie  la  lune  de  mars;  l'Eglise  ro- 
maine, celles  de  l'Occident  et  des  autres  par- 
ties du  monde  ,  la  remettaient  au  dimanche 
suivant  :  les  Asiatiques  prétendaient  avoir 
reçu  leur  usage  de  saint  Jean  l'Evangéliste 
et  de  saint  Philippe  ;  les  Occidentaux  et  les 
autres  alléguaient  pour  eux  l'autorité  de  saint 
Pierre  et  de  saint  Paul  ;  et  il  paraît  que  cette 
diversité  dura  jusqu'au  concile  de  Nicée-, 
tenu  l'an  325.  Pour  comprendre  le  véritable 
objet  de  la  dispute,  il  faut  savoir,  l' que  pour 
imiter  l'exemple  de  Jésus-Christ ,  les  chré- 
tiens de  l'Asie  Mineure  avaient  coutume  de 
manger  un  agneau  le  soir  du  14*  jour  de  la 
1  :ne  de  mars,  comme  font  les  Juifs,  et  de 
nommer  comme  eux  ce  repas  la  pâque.  On 
dit  que  cet  usage  subsiste  encore  chez  les 
Arméniens,  chez  les  coplites  et  chez  d'autr 
c'irétiens  orientaux.  2°  Dès  ce  moment  p! 
sieurs  rompaient  le  jeûne  du  carême;  si  d'i 
très  l'observaient  encore  les  deux  jours 
vants ,  ce  repas  y  avait  mis  du  moins 
interruption. 3° L'usage  constant  était,  co 


Ii63 


PAQ 


PAQ 


1264 


.  encore  aujoard'hui,  de  célébrer  la  fête  de  la 
Résurrection  de  Jésus-Christ  le  troisième 
JQur  après  le  repas  de  la  pâque  ;  ainsi  lors- 
que le  quatorzième  de  la  lune  tombait  un 
autre  jour  de  la  semaine  que  le  jeudi,  la  fêle 
de  la  Résurrection  ne  pouvait  plus  se  faire 
le  dimanche  ou  le  premier  jour  de  la  se- 
maine, qui  est  cejiendant  le  jour  auquel  Jé- 
sus-Christ est  ressuscité.  k°  A  Rome,  dans 
tout  l'Occident  ci  dans  toutes  les  Eglises 
hors  de  l'Asie  Mineure,  les  chrétiens  retar- 
daient le  re|)as  de  l'agneau  pascal  jusqu'à  la 
nuit  (lu  samedi ,  afin  de  le  joindre  h  la  joie 
du  mistèr^'  de  la  résurrection  ;  c'est  <»  quoi 
fait  encore  allusion  la  préface  qui  se  chante 
dans  la  bénédiction  du  cierge  pascal ,  où  le 
célébrant  dit  :  «  C'est  dans  cette  nuit  qu'est 
immolé  le  véritable  agneau  par  le  sang  du- 
quel sont  consacrées  les  maisons  des  fidè- 
les.» Conséquemment  l'on  repiésentait  aux 
Asiatiques  qu'il  ne  convenait  pas  aux  c!iré- 
tiens  de  manger  la  jiâque  avec  les  Juifs  ,  de 
rompre  le  jeûne  du  carême  avant  la  fête  de 
la  Résurrection ,  ni  de  célébrer  celle-ci  un 
autre  jour  (}ue  le  dimanche.  Ainsi,  quand  on 
dit  que  les  Asiatiques  faisaient  la  pdque  le 
14*  de  la  lune  de  mars,  cela  ne  signifie  point 
que  ce  jour-là  ils  célébraient  la  fêle  de  la 
Résurrection, mais  qu'ils  mangeiaient l'agneau 
pascal.  Le  P.  Daniel,  jésuite,  a  éclairci  ce 
fait  en  17-2'i. ,  dans  une  dissertation  sur  la 
discipline  des  qLiarto-décimans ,  recueil  de 
ses  ouvrages,  tomo  III.  Mosheim  l'a  prouvé 
de  nouveau  en  1753.  Hist.  christ.,  sasc.  2, 
§  71.  Quoique  cette  diversité  d'usage  n'inté- 
ressât point  le  fond  de  la  religion,  d  en  ré- 
sultait néanmoins  des  inconvénients.  Lors- 
que deux  Eglisi'S  de  diirérent  rite  étaient  voi- 
sines, il  paraissait  ridicule  que  l'une  tlonnât 
dans  son  culte  extérieur  des  signes  de  joie  , 
pendant  que  l'autre  était  encore  dans  un 
deuil  religieux  de  la  mort  du  Sauveur,  jeû- 
nait et  faisait  pénitence.  Ce  pouvait  être  un 
sujet  de  scandale  pour  les  infidèles  ,  et  la 
marque  d'une  espèce  de  schisme  entre  les 
deux  Eglises.  On  jugeait  qu'une  fête  aussi 
solennelle  devait  être  uniforme ,  d'autant 
plus  qu'elle  sert  à  régler  le  cours  de  toutes 
les  autres  fêtes  mobiles.  Eusèbe  ,  de  Vita 
Constant.,  1.  m,  c.  18. 

Vers  l'an  152  ou  IGO,  saint  Polycarpe,  évê- 
que  de  Smyrne,  vint  à  Rome,  et  conféra  sur 
ce  sujet  avec  le  pape  Anicet;  le  résultat  fut 
que  chacun  garderait  la  pratique  de  son 
Eglise.  Sur  la  fin  de  ce  siècle,  vers  l'an  J9V, 
la  contestation  se  réveilla.  Polycrate  ,  évo- 
que d'Ephêse  ,  ayant  mandé  au  pape  Vic- 
tor qu'il  avait  résolu  dans  un  concile  de  con- 
tinuer, comme  au|)aravant,  à  célébrer  \apd- 
que  le -quatorzième  de  la  lune  de  mars,  ce 
pape  en  fut  irrité  ;  il  assembla  un  concile  de 
son  côté,  et  tenta  d'excommunier  les  Asiati- 
ques. Eusèbe,  Hist.  écoles.,  1.  v,  c  2.3  et  24. 
Voy.  les  Notes  de  Valois.  Saint  Irénée,  évo- 
que de  Lyon,  lui  écrivit  à  ce  sujet  et  bh'ima 
cette  rigueur  ;  il  lui  re|)résenta  ce  qui  s'é- 
tait jiassé  entre  les  deux  saints  évoques 
Anicet  et  Polycarpe,  et  il  conclut  que  l'atta- 
chement  des  évè([ues  do   l'Asie  Mineure  à 


leur  ancien  usage  n'était  point  un  juste  su- 
jet de  faire  schisme  avec  eux.  Il  y  a  contes- 
tation entre  les  savants,  pour  savoir  jusqu'oii 
Victor  poussa  son  zèle  dans  cette  question  ; 
les  uns,  surtout  les  jiroteslants,  disent  qu'il 
excommunia  de  fait  les  Asiatiques,  mais  que 
cette  censure  fut  méprisée  par  tous  les  au- 
tres évêques  ;  d'autres  disent  qu'il  se  con- 
tenta de  les  menacer,  que  c'est  le  sens  du 
mot  dont  se  sert  Eusèbe  ,  il  tenta  de  les  ex- 
coranmnier.  Mosheim  pense  que  ce  pape  re- 
trancha en  effet  les  Asiatiques  de  sa  commu- 
nion ,  qu'il  tenta  de  les  priver  par  là  de  la 
communion  des  autres  évoques ,  mais  que 
ceux-ci  ne  voulurent  jias  l'imiter.  Quoiqu'il 
en  soit ,  les  protestants  ont  saisi  cette_  occa- 
sion de  déclamer  contre  ce  pontife  :  il  n'a- 
vait, disent-ils ,  aucune  juridiction  sur  les 
évêques  d'Asie  ;  jusqu'alors  on  avait  jugé 
que  la  discipline  devait  être  arbitraire  ;  lé 
sujet  n'était  pas  assez  grave  pour  mériter 
une  excommunication  :  c'est  un  des  premiiTS 
exemples  de  l'autorité  que  les  pa|)es  se  sont 
attribuée  sur  toute  l'Eglise  ;  mais  le  peu  d'é- 
gard que  l'on  eut  pour  la  censure  de  Victor , 
démontre  que  l'on  lut  indigné  de  cette  pié- 
tention.  Le  Clerc ,  Hist.  ecclés.  ,  an  194  et 
19G. 

Mais  avant  de  condamner  ce  pape,  il  au- 
rait du  moins  fallu  convenir  des  faits  que 
nous  apprend  Eusèbe ,  Hist.  ecclés.,  1.  v, 
c.  23,  24-,  25.  1°  Ce  pontife  n'agissait  point 
de  son  prop.  e  mouvement  ;  avaiit  qu'il  pro- 
cédât contre  les  Asiatiques,  il  y  avait  eu  plu- 
sieurs conciles  tenus  à  ce  sujet ,  un  dans  la 
Palestine,  un  dans  le  Pont,  un  dans  l'Os- 
rhoéne,  province  de  la  Mésopotamie,  un  dans 
les  Gaules,  une  lettre  écrite  jiar  i'évêquede 
Corintlie ,  et  Victor  agissait  à  la  tête  d'un 
concile  de  Rome  ;  tous  avaient  décidé  qu'il 
ne  fallait  point  faire  la  pâque  avec  les  Juifs; 
un  canon  de  ces  conciles  ^e  trouve  au  nom- 
bre des  Canons  apostoliques  en  ces  termes  : 
<i  Si  un  évêque ,  un  prêtre  ou  un  diacre  cé- 
lèbre le  saint  jour  de  Pâques  avant  l'équi- 
noxe  du  printemps  comme  les  juifs  ,  qu'il 
soit  déposé.  »  Can.  5,  7  ou  8.  Ces  conciles 
ne  regardaient  donc  point  alors  la  question 
comme  indifférente  ;  les  choses  n'étaient  plus 
au  même  état  que  du  temps  d'Anicel  et  de 
Polycarpe;  et  saint  Irénée  a  pu  ignorer  ces 
circonstances  quand  il  écrivit  à  Victor.  2°  Ni 
Polycrate  ni  saint  Irénée  ne  reprochent  à  ce 
pape  de  s'aitribuer  une  autorité  qui  ne  lui 
apiiartenait  pas;  le  concile  des  évêques  de 
la  Palestine  avait  ordonné  que  sa  lettre  sy- 
nodale fut  envoyée  ii  toutes  les  Eglises;  elle 
fut  donc  envoyée  à  Rome,  et  elle  atteste  que 
celles  du  patriarcat  d'Alexandrie  pensaient  et 
agissaient  de  même  au  sujet  de  \ à  pdque. 
3'  Il  est  évident  que  la  tradition  sur  laquelle 
se  fondaient  Polycrate  et  ses  comprovinciaux 
était  très -apocryplie.  Cet  évêque  n'allègue 
que  l'usage  qu'il  avait  trouvé  établi.  Saint 
Jean  et  saint  Philippe,  dont  il  cite  l'exemple, 
pouvaient  avoir  toléré  cette  coutume  sans 
l'approuver  positivement;  toutes  les  autres 
Eglises  alléguaient  une  tradition  contraire. 
Il  est  donc  faux  que  jusqu'alors  ou  eût  jugé 


1265 


PAR 


VAR 


1206 


que  celle  (li,sei|iliue  devait  tMre  Mibitraire, 
comme  le  veulent  les  ijroleslaiits.  V"  Une 
preuve  que  Victor  n'avait  pas' tort,  c'est  que 
sa  manière  de  penser  lut  contiruiée  par  le 
concile  général  de  Nicée. 

En  cll'et,  l'an  325 ,   ce  concile  décida  que 
désormais  toutes    les  Eglises  célébreraient 
uniformément  la  fête  de  Pâques,  le  dimanclie 
après  le  quatorzième  de  la  lune  de  uuu's,  et 
non  le  même  jour  que  les  Juifs.  Kusèbe  nous 
a  conservé  le  discours  que  Constantin  lit  au 
concile  îi  ce  sujet,  de  Yila  Const.,  1.  m,  c.  18; 
et  cet  usage  est  devenu  général.  Ceux  cpii 
ne  voulurent  pas  s'y  conforuu  r  furent  dès 
lors  regardés  eomraeschismalii[ues  et  comme 
révoltés  contre  l'Rglisc.  On  les  U'inma  quar- 
toclecimans  ,    telradecalites  ,    prolopaschiles  , 
uudiens  ,  etc.   Depuis  cette  épo(iue  ,  il  n'y  a 
eu  entre  les  (lillerentes  Eglises  d'autre  varia- 
tion que  celle  cpii  a  été  quelquefois  causée 
par  un  faux  calcid  des  phases  de  la  lune,  et 
par  l'usagi-   d'un  cycle  fautif.  Comme  il  y 
avait  dans  Alexandrie  une  école  célèbrt^  d'as- 
trononne  et  de  matbéuiatiques,  le  patriarche 
de  cette   ville   était   chargé   de  notilier  d'a- 
vance aux  aulns  Eglises  le  jo  u' au(|uel    la 
lêle  de  Pâques  devair  tomber;  il  en  écrivait 
au  pajjc  qui  l'indiquait  à  toutes  les  Eglises 
de  l'Occident.  Aujoui-d'hui  les   jirotestants 
ju,-ent  qu'il  n'y  a  rien  de   si  beau  ni  de  si 
salutaire  au  christianisme    que    l'indépen- 
dance ;  dans  les  premiers  siècles ,  au  con- 
traire ,  on  voulait  l'ordre    et    l'uniformité , 
môme  dans  la  discipline,  parce  que  les  varia- 
tions et  les  insiitutions  arbitraires  ne  man- 
quent jamais  d'engendier  dos  erreurs.  On 
sait  que  dans  ces  temps-là  les  (idèles  jias- 
saient  à  l'église,  et  en  prières,  la  plus  grande 
paitic  de  la  nuit  de  Pâques;  on  l'appol.iit  la 
grande  vigile  ,  pervigilium  pascliw  ,  et  on  ne 
se  séparait  qu'au  chant  du  coq,  pour  se  li- 
vrer à  une  joie  innocente.  Nous  ne  traite- 
rons  f>oint   de  superstition  la  coutume  de 
manger  un  agneau  pascal  dans  cette  solen- 
nité; cet  usage  n'avait  rien  de  coumiun  avec 
celui  des  ju  fs,  puisque  l'on  ne  s'y  pro{)Osait 
rien  autre  chose  que  d'imiter  le  repas  que 
Jésus-Christ  fit  avec  ses  apôtres  la  veille  de 
sa  mort. 

Le  véritable  agneau  pascal  des  chrétiens 
est  Jésus -Christ  :  «  Il  a  été  iinumlé  ,  dit 
saint  Paul,  puur  notre  pdque;  mangeons-le, 
non  avec  le  vieux  levain  de  malice  et  il'ini- 
quité,  mais  avec  les  azymes  de  la  candeur  et 
de  la  vérité  [  I  Cor.  v,  7).  C'est  pour  cela 
même  que  ,  dans  la  suite  des  siècles  ,  lors- 
que la  piété  s'est  refroidie  parmi  les  fidèles, 
l'Eglise  leur  a  imposé  un  précepte  rigoureux 
de  la  communion  pascale  :  faire  ses  pâques  , 
signifie  participer  à  la  sainte  eucharistie. 
J'oy.  Communion  PASCALE.  Bingham  ,  Oriqin. 
ecclésiast-,  1.  xx,  c.  5. 

PAR.\1J0LE.  Ce  terme  grec,  qui  est  reçu 
dans  notre  langue  ,  signifie  communément 
dans  l'Ecriture  sainte  un  discours  qui  pré- 
sente un  sens  et  qui  en  a  un  autre,  mais 
que  l'on  peut  saisir  avec  un  peu  d'intclli- 
gi'nceet  d'attention.  Les  paraboles  des  livres 
saints  sont  doue  des  instructions  indirectes 


e1  détournées  ,  des  com[)araisons ,  des   em- 
l)lèuu's   qui  cachent  une;  leçon  de  morale , 
afin  d'exciter  la  curiosité  et  l'attention  des 
auditeiu's.  Cette  manière  d'enseigner  [)ar  des 
discours  figurés  était  fort  du  goilt  des  Orien- 
taux; leurs  philosophes  et  leurs  sages  en  ont 
toujours  fait  grand  usage  ;  les  prophètes  s'en 
servaient  de  même  pour  rendre  plus  sensi- 
bles aux  princes  et  aux  peujiles  les  répri- 
mandes, les  i)romess(;s et  les  menaces  qu'ils 
leur  faisaient  de  la  part  de  Dieu.  .Vinsi  ils  re- 
prochent souvent  à  la  nation  juive  son  infi- 
délité à  l'égard  tie  Dieu,  sous  la /j«/v//>o/e d'une 
femme  adultère ,  d'um;  vigne  qui  ne   rap- 
]iorte  que  de  mauvais  fruits  ,  etc.  Ils  décri- 
vent les  violences  des  ])eui)los  ennenns  des 
Juifs ,  sous  l'image   de  ([iielque  animal   fé- 
roce; Nathan  reproche  ii  David  son  adultère 
sous  la  parabole  d'un  honmic  riche  qui  a  en- 
levé la  brebis  d'un  pauvre ,  et  par  cet  inno- 
cent artifice  il  réduit  ce  roi  k  se  condamner 
lui-même  ;  Ezéchiel  représente  le  rétablisse- 
ment de  la  nation  juive  dans  In  Pales  ine  , 
après  la  captivité,  sous  l'iiuage  des  os  de  plu- 
sieurs  cadavres    dispersés ,  ([ui  se  rapjiro- 
chent ,  se  revêtent  tle  chair  et  de   peau  ,  et 
reprennent    uni^  nouvelle  vie  ,  etc.  Jésus- 
Christ  usa  fréquemment  de  ce  genre  d'in- 
struction, ])arce  que  c  est  celui  qui  est  le  plus 
proportionné  îi  la  capacité  du  peuple  ,  et  le 
plus  propre  à  exciter  son  attention.  Voy.  Al- 
légorie. Le  nom  de  parabole  désigne  quel- 
quefois une  simple  comparaison:  1"  lorsque 
Jésus-Christ  dt  :  Comme  il  arriva  du  temps 
de  Noé  à  l'égard  du  déluge,  autant  en  sera- 
t-il  au  jour  de  la  venue  du  Fils  de  VHomme 
[Matth.  XXIV,  87);  cela  signilie  que  quand 
Jésus  -  Christ  viendra  |)our  punir  la  naiion 
juive,   cet  événement  sera  aussi    imprévu 
pour  elle  que  le  fut  le  déluge  pour  les  con- 
temporains de  Noé. — 2"  Ainsi  Balaam,  ap- 
pelé pour  maudire  les  Hébreux  et  pour  leur 
annoncer  des  malheurs,  pr 'dit,  au  contraire, 
leur  prospérité  sous  ditférentes  images  qui 
sontnommées  paraboles [Num.^wu  et  xxiv). 

—  3°  Ce  terme  signifie  quelquefois  une  sen- 
tence,  une  maxime  de  morale  et  de  con- 
duite ;  dans  ce  sens,  il  est  dit  (///  Reg.iy,  32), 
que  Salomon  composa  trois  mille  paraboles. 

—  h-'  11  désigne  ce  qui  est  digne  de  mépris  ; 
dans  ce  sens,  Dieu  menace  son  peu|ilede  le 
rendre  la  parabole  ou  la  fable  des  autres  na- 
tions ;  David  se  plaint  d'être  devenu  la  para- 
bole ou  le  sujet  du  mépiis  de  ses  ennemis. 
Les  Juifs,  irrités  des  prédictions  d'Ezéchiel, 
demandent  :  «  Cet  homme  no  nous  débite- 
t-il  pas  des/jora^o/es?  »  c.  xx,  v.  W,  c'est-k- 
dire  des  fables  et  des  discours  frivoles. 

Selon  la  sage  observation  de  saint  Clémen' 
d'Alexandrie,  lorsqu'il  est  question  de  para- 
boles,  il  ne  faut  pas  presser  tous  les  termes, 
ni  exiger  que  l'allégorie  soit  toujours  soute- 
nue; il  faut  seulement  considérer  l'objet 
princi|ial ,  lo  but ,  l'intention  de  celui  qui 
parle.  Ainsi  dans  la  parabole  des  talents 
{Maith.  XXV,  24i,  le  mauvais  serviteur  dit  k 
son  maître  :  «Je  sais  que  vous  êtes  un  homme 
dur,  qui  moissonnez  où  vous  n'avez  pas  se- 
mé ,   et  qui  recue'llez  où  vous  n'avez  rien 


1267 


PAR 


PAR 


1^268 


mis.  »  Non-seulemeut  ce  discours  n'est  pas 
décent  dans  la  bouche  d'un  serviteur  à  l'é- 
gard de  son  maître,  mais  il  ne  peut  dans  au- 
cun sens  être  appliqui^  à  Dieu;  le  but  de  la 
parabole  est  donc  seulomcnt  de  peindre,  par 
ces  expressionsoutr('es,les  mauvaises  excuses 
d'un  serviteur  paresseux  et  infidèle.  Dans 
celle  du  fermier  dissipateur  {Luc.  xvi,  8),  il 
est  loué  pour  avoir  remis  aux  débiteurs  de 
son  maître  une  partie  de  leurs  dettes ,  atin 
de  trouver  auprès  d'eux  une  ressource  dans 
ses  b  soins  ;  cette  conduite  n'est  pas  approu- 
vée comme  juste,  mais  comme  un  irait  de 
prévoyance  et  de  prudence  ,  qui  doit  nous 
servir  de  modèle  dans  l'usiige  de  nos  pro- 
pres biens.  C'est  mal  à  propos  que  quelques 
incrédules  on  ont  été  scandalisés.  Us  le  sont 
encore  plus  de  la  manière  dont  Jésus-Christ 
a  parlé  de  ses  propres  paraboles;  loin  de  s'en 

■  servir,  disent-ils,  afin  d'ôlre  mieux  entendu, 
il  déclare  lui-nièrae  qu'il  en  fait  usage  ,  afin 
que  les  Jiâls  ne  l'entendent  point  :  cela  est 
formel  dans  le  texte  des  quatre  évangé- 
listes. 

Comparons-les  et  voyons  ce  qu'ils  disent. 
Mdtih.,  c.  xiii,  V.  10,  les  disciples  de  Jésus 
lui  disent  :  «  Pourquoi  parlez-vous  en  para- 
boles à  ces  geDS-lc\?  Jésus  réiond  :  Paire 
qu'il  vous  est  donné  de  connaître  les  mystères 
du  royaume  des  deux ,  et  cela  ne  leur  est  pas 

donné Je  leur  parlerai  en  paraboles,  parce 

qu'ils  regardent  et  ne  voient  point  ;  ils  écou- 
tent, et  ils  n'entendent  ni  ne  comprennent. 
Ainsi  s'accomplit  à  leur  égard  cette  prophé- 
tie d'Isaïe  :  Vous  écouterez  et  vous  n'enten- 
drez pas,  vous  regarderez  et  vous  ne  verrez 
pas.  En  effet,  le  cœur  de  ce  peuple  est  appe- 
santi, ils  écoutent  malgré  eux,  et  ils  ferment 
les  yeux,  de  peur  de  voir,  d'entendre,  de 
comprendre  dans  leur  cœur,  de  se  convertir, 
et  d'être  guéris  par  mes  leçons.  »  Il  est  donc 
clair  que  c'était  la  faute  des  Juifs  et  non  celle 
du  Siuveur,  s'ils  ne  comprenaient  pas  ses 
discours.  11  leur  parlait  en  paraboles,  afin  de 
réveiller  leur  attention  et  leur  curiosité  ,  et 
afin  de  les  exciter  à  l'interroger  ,  comme 
faisaient  ses  disciples  ;  mais  ces  endurcis 
n'en  faisaient  rien,  ils  sembl.iient  craindre 
d'entendre  et  de  voir  trop  clairement  la  vé- 
rité :  de  là  Jésus-Christ  conclut  qu'il  était 
donné  à  ses  discinles  de  connaître  les  mys- 

^tères  du  royaume  de  Dieu,  puisqu'ils  cher- 
chaient à  s'instruire,  et  que  cela  n'était  ])as 
donné  aux  Juifs,  puisqu'ils  avaient  ])eur  d'ê- 
tre instruits.  11  faut  s'aveugler  comme  eux, 
pour  ne  pas  voir  ce  sens.  Même  langage  dans 
saint  Marc,  c.  iv,  v.  11,  et  Luc,  c.  viii,  v.  10, 
lorsqu'on  leur  fait  dire  :  «  Tout  est  proposé 
en  paraboles  à  ces  gens-là,  afin  qu'ils  regar- 
dent et  ne  voient  pas,  etc.  »  On  fait  une 
fausse  traduction  ;  le  texte  signifie  simple- 
ment :  «  Tout  leur  est  dit  en  paraboles,  de 
manière  qu'ils  regardent  et  ne  voient  pas, 
etc.  »  Puisqu'entin,  (|uand  on  examine  en 
elle-même  la  parabole  dont  il  est  question 
dans  cet  endroit,  qui  est  celle  de  la  semence, 
il  est  évident  qu'elle  n'est  ni  obscure,  ni 
captieuse,  ni  faite  exprès  pour  tromper,  et 
qu'avec  une  attention  médiocre  il  est  aisé 


d'en  prendre  le  sens  ;  mais  comme  c'était  un 
reproche  que  Jésus-Christ  faisait  aux  Juifs 
des  mauvaises  dispositions  dans  lesquelles 
ils  écoutaient  sa  parole,  ces  opiniâtres  n'a- 
v.;ient  garde  de  lui  en  demander  une  expli- 
cation plus  claire,  connue  le  firent  les  apô- 
tres. Ce  que  dit  saint  Jean,  c.  xii,  v.  37,  a  le 
même  sens  :  «  Quoique  Jésus,  dit-il,  eût  fait 
de  si  grands  miracles  devant  eux,  ils  ne 
croyaient  pas  en  lui;  de  manière  que  (et  non 
apn  que)  l'on  vit  l'accomplissement  de  ce 
que  dit  Isaïe  :  Seigneur,  qui  a  gru  à  ce  que 
nous  avons  annoncé?  Ils  ne  pouvaient  jias 
croire,  parce  que  Isaïe  a  encore  dit  :  //  a  bou- 
ché leurs  yeux  et  il  a  endurci  leur  cœur  de 
peur  qu'ils  ne  voient,  n'entendent ,  ne  se  con- 
vertissent et  ne  soient  guéris.  Le  prophète  a 
ainsi  jiarlé  quand  il  a  vu  la  gloire  du  Messie 
et  a  parlé  de  lui .  « 

11  est  évident,  1"  que  les  miracles  do  Jé- 
sus-Christ étaient  très-capaltles  iiar  eux-mê- 
mes d'éclairer  et  de  touclierles  Juifs,  et  non 
de  les  aveugler  ou  de  les  endurcir  ;  2°  qu'il 
serait  absurde  de  dire  que  les  Juifs  ne 
croyaient  pas,  afin  de  vérifier  la  prophétie 
d'Isaïe  ;  ce  ne  fut  jamais  là  l'intention  des 
Juifs,  et  cette  propliétie  ne  pouvait  influer  en 
rien  sur  leur  incrédulité  ;  au  contraire,  s'ils 
y  avaient  fait  attention,  elle  aurait  dû  leur 
dessiller  les  yeux.  .3»  Il  est  dit  qu'ils  ne  pou- 
vaient pas  croire  dans  le  même  sens  que  nous 
disons  d'un  opiniâtre  :  Cet  homme  ne  peut  se 
résoudre  à  faire  telle  chose,  et  cela  signifie 
seulement  qu'il  ne  le  veut  pas,  qu'il  y  a 
beaucoup  de  répugnance  ;  ainsi  l'a  entendu 
saint  Augusiin  en  expliquant  cet  endroit  de 
l'Evangile,  Tract.  53  in  Joan.,  n.  6.  Aux  mots 

AVEIGLEMENT      et      ENDURCISSEMENT,      nOUS 

avons  fait  voir  que  ces  termes  signifient  seu- 
lement que  Dieu  laisse  endurcir  ceux  qui  le 
veulent,  qu'il  le  permet  et  ne  les  empêche 
point  ;  que,  loin  d'y  contribuer  positivement, 
il  leur  donne  des  grAces,  mais  non  des  grâ- 
ces aussi  fortes  et  aussi  puissantes  qu'il  les 
faudrait  pour  vaincre  leur  obstination.  Il  y 
aurait  de  la  démence  à  soutenir  que  les  le- 
çons, les  miracles,  les  vertus,  les  bienfaits 
de  Jésus-Christ,  contribuaient  positivement 
à  l'endurcissement  des  Juifs.  Nous  avons 
encore  fait  voir  que  les  mêmes  façons  de 
parler  ont  lieu  dans  notre  langue,  et  que  ce- 
pendant ]iersonne  n'y  est  trompé. 

PAKABOLANS  ou  PARABOLAINS,  nom 
que  les  auteurs  ecclésiastiques  donnent  à 
une  espèce  de  clercs  qui  se  dévouaient  au  ser- 
vice des  malades,  et  surtout  des  pestiférés. 
Il  est  probable  que  ce  nom  leur  fut  donné 
à  cause  de  la  fonction  périlleuse  qu'ils  exer- 
çaient ;  les  (irecs  appelaient  napaSolovt,  et  les 
Latins  parabolos  et  parabolarios,  ceux  qui, 
dans  les  jeux  de  l'amphithéâtre,  s'exposaient 
à  combattre  contre  les  bêtes  féroces.  Les 
païens  donnèrent  aux  chiétiens  ce  même 
nom  par  dérision,  soit  parce  qu'on  les  con- 
damnait souvent  aux  bêtes,  soit  parce  qu'ils 
s'exposaiei.t  eux-mêmes  à  une  mort  presque 
certaine  en  embrassant  le  christianisme.  Il 
y  a  beaucoup  d'apparence  que  ]esparabo- 
lains  furent  institués,  vers  ie  temps  de  Cous- 


i269 


PAB 


PAR 


1870 


tantin ,  et  ((iril  v  en  out  dans  toutes  les 
grandes  églises  d'Orioiit.  Mais  ils  n'étaient 
nulle  yiarl  en  aussi  grand  nouibro  que  dans 
celle  d'Alexandrie  où  ils  formaient  un  cor|is 
de  eini(  cents  honnnes  ;  Théodose  le  Jeune 
l'auguienta  cm-ore  et  le  porta  jusqu'à  six 
cents,  parce  (pie  la  peste  et  les  maladies 
coulagieuses  étaient  plus  communes  eu 
Egypte  que  partait  ailleurs;  cet  euipereur 
lessoumit  à  la  jui'idiction  du  [tréfet  augus- 
tal,  qui  était  le  premier  magistrat  de  cette 
grande  ville.  Cep(Midant  ils  devaient  être 
choisis  jiar  Té-véque  et  lui  obéir  en  tout  ce 
ipii  concernait  le  ministère  de  charité  auquel 
ils  s'étaient  dévoués.  Comme  c'étaient,  [lour 
l'ordinaire,  des  hommes  courageux  et  fami- 
liarisés avec  l'image  de  la  mrirt,  les  empe- 
reurs avaient  fait  des  lois  extrôniement  sé- 
vères pour  les  Cdulenir  dans  le  devoir,  pour 
empêcher  (ju'ils  n'excitassent  des  séditions 
et  ne  prissent  jiart  aux  émeutes  qui  étaient 
fréquentes  [larmi  le  |euple  d'Alexandrie.  On 
voit  par  leCo  e  théodosien  que  leur  nombre 
était  tixé,  ipi'il  leur  était  défendu  d'assister 
aux  spectacles  et  aux  assemblées  publiques; 
même  au  barreau,  h  moins  (|u'ilsn'v  eussent 
quelqui'  allaire  pei'soiinelle,  ou  cpi'ils  ne  fus- 
sent procureurs  de  leur  société;  encore  no 
leur  était-il  pas  permis  de  s'y  trouver  deux 
ensemble,  Ijeaucouj)  moins  de  s'y  attrouper. 
Les  princes  et  les  magistrats  les  regardaient 
comme  une  espèce  d'hommes  formidables, 
accoutumés  à  braver  la  mort  et  capables  des 
dernières  violences,  si  sortant  de  leui  s  fonc- 
tions, ils  osaient  se  mêler  des  atfaires  du 
gouvernement.  Ou  en  avait  vu  des  exemples 
dans  le  coucilial)ule  d'E|ilièse,  en  44-9,  où  un 
moine  syrien,  nonuiié  Barsumas,  suivi  d'une 
troupe  de  porn6o/a/Hs  armi^s,  avaient  commis 
les  derniers  excès  et  obtenu  par  la  terreur 
tout  ce  qu'il  avait  voulu.  La  crainte  de  pa- 
reils désordres  avait  donné  lieu  sans  doute 
h  la  sévérité  des  loisdonl  on  vient  de  i-arler. 
Bingham,  Orig.  crrU's.,  tom.   Il,  l.iii,  c.   1). 

De  tous  ces  faits  il  résidte  qu'aucune  ri  li- 
gion  n'a  inspiré  une  chariié  aussi  héroïque  ii 
ses  sectateurs  que  le  chistianisme.  Dans  une 
peste  nui  survint  en  Afriijue  au  milieu  du 
111"  siècle,  on  vit  les  chiétiens  se  consacrer 
au  service  i:cs  pesti'.éi'és  ,  soigner  également 
1  s  chriHiens  et  les  païens,  pendant  que  ceux- 
ci  abandonnaient  leurs  malades.  Sanct.  Cyp., 
L.  de  Morlal.  Julien  convenait  dans  une  de 
ses  lettres  que  noti'c  religion  devait  une  par- 
tie lie  ses  pr  ig;ès  aux  actes  de  charité  exer- 
cés envers  les  pauvres,  les  malades  et  même 
envers  les  morts.  On  en  a  vu  les  exemples 
se  renouveler  par  saint  Charles  pendant  la 
peste  de  Milan,  et  par  M.  de  Belzunce  pen- 
dant celle  de  M  ;rseille.  C'est  ce  même 
esprit  qui  a  donné  naissance  aux  ordres 
religieux  hospitaliers  des  deux  sexes.  Yoy. 
Hospitaliers. 

PAKACLKT,  nom  formé  du  grec  Tràpax^rjTo,-, 
qui  bignilie  à  !a  lettre  un  avocat,  celui  qui 
est  appelé  par  un  coupable  ou  par  un  client 
pour  lui  servir  de  conseil,  d'intercesseur,  de 
consolateur.  Jésus-Clirist  a  donné  ce  nom  au 
Saint-Esprit.  Joan.,  c.  xiv,  v.  16  et  26,  il  dit 


î\  ses  a|>Atres  :  Je  prierai  mon  Père,  et  il  vous 
duiDuru  an  autre  consolateur I.e  Saint- 
Esprit  consi  laleur,  (/«e  mon  Père  vous  enverra 
en  mon  nom,  vous  enseif/nera  toutes  choses. 
Kt  saint  Paul,  Rom.,  c.  viii,  v.  26,  dit  que 
l'Ks  rit  prie  ou  intercède  )>our  nous  par  «les 
gémissements  inell'ables.  Ce  même  titi'e  est 
donné  h  Jésus-Christ  lui-même.  Saint  Jean, 
L'p.  1,  cap.  II,  v.  1,  dit  :  Si  ipiclqu'un  |)èche, 
nous  avons  [lOur  avocat  auprès  du  Père,  Jé- 
sus-Christ juste;  il  est  la  victime  de  profii- 
tiation  pour  nos  péchés,  non-seulement  pour 
les  iiôtriis,  mais  ()our  ceux  du  monde  entier.  » 
Saint  Paul  dit  dé  même,  Rom.,  c.  viii,  v..'i'i., 
et  Ilébr.,  c.  vu,  v.  25,  que  Jésus-Christ 
est  à  la  droite  de  Dieu  et  inteiTède  pour 
nous. 

Les  hérétiques,  qui  ont  attaqué  le  mystère 
lie  la  sainte  Trinité  et  la  coégalté  des  trois 
Per-sonnes  divines,  ont  voulu  se  piévaloir 
de  ces  passages  ;  ils  luit  dit  c[ue  les  titres 
^Wivocat,  de  mMiateur,  d'intercesseur ,  de 
suppliant,  tlrnnés  dans  ri'lciiture  sainte  au 
Fils  et  au  Saint-Esjirit,  prouvent  évidemment 
leur  inégalité  et  leur  infér'ior'ité  à  l'égai'il  du 
Père  ;  les  sociniens  i  eriouvellent  eni'ore  cette 
objection.  Mais  les  Pères  de  l'Egli-se  ont  ré- 
pondu aux  anciens  h.'réliques,  1°  qu'un  per- 
sonnage constitué  en  dignité  peut  ti'ès-bien 
faire  les  fonctions  d'intercesseur  et  de  nié- 
iliateur  pour  un  cou|iable  airprès  de  son  égal, 
qu'il  le  peut  même  faire  |  rès  d'un  inférieur 
sans  se  dégrader  ;  qu'ainsi  il  n'est  pas  vrai 
que  cette  foncticui,  par  elle-même,  soit  une 
fii'euve  d'inégalité  ;  2»  que  les  titres,  les  qua- 
lités, les  fonctions  des  créatures,  ne  peuvent 
être  attribués  aux  Persoruies  divim  s  ipre 
par  métaphore  ;  qu'il  est  ridicule  d'exiger 
tjue  la  comparaison  soit  absolument  exacte  ; 
(juainsi  l'ou  doit  entendre  les  noms  d'avocat, 
d'intercesseur,  etc.,  donnés  au  Fils  et  au 
Saint-lîsjrit,  avec  les  mêmes  correctifs  dont 
nous  usons  à  ré;;ard  des  qualités  humaines 
attril)uées  à  Dieu  le  Pèr-e  ;  îi°  qu'en  ce  qui  re- 
gai'de  Jésus-Christ,  les  actions  et  les  fonctions 
humaines  neformiirit  aucune  diflicullé,  puis- 
qu'il est  Dieu  et  homme  ;  qu'ainsi  il  peut 
faire,  en  tant  qu'homme,  ce  qu'il  ne  convien- 
drait pas  de  lui  attribuer  en  tant  que  Dieu. 
S;ins  imaginer  des  jir  ères  ni  des  si;]iplira- 
tions  telles  que  les  font  les  autres  hommes, 
son  humanité  sainte  toujours  présente  à  Dieu 
avec  ses  soulTrauces  et  ses  mérites,  est  une 
prière  équivalente,  Irès-énetgique,  toujours 
capable  d'apaiser  la  justice  divine  et  d'oi  te- 
nir toutes  les  grâces  dont  les  hommes  ont 
besoin.  Ces  réponses  nous  paraissent  solides 
et  sans  réplique.  De  là  même  nous  concluons 
que  rpielqiies  thé  dogiens  ont  traité  Origène 
avec  trop  de  rigueur,  lorsqu'ils  lui  ont  re- 
pr'oché  d'avoir  dit,  Uom.  7.  in  Levil.,  n.  2, 
que  Jésus-Christ ,  notre  pontife  auprès  de 
s(jn  Père,  est  atiligé,  gémit  et  jileure  de  nos 
péchés,  lors(|ue  nous  ne  faisons  pas  péni- 
tence. Il  dit  lui-même,  n.  1,  qu'il  l'entend 
dans  un  sens  mystique  ou  tiguré.  On  n'est 
pas  scandalisé  de  trouver  encore  aujourd'hui 
le  même  langage  dans  les  auteurs  ascétiques, 
parce  qu'on  sait  bien  que  tout  cela  ne  doit 


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PAR 


PAR 


1272 


pas  être  pris  à  la  lettre.  >'o//.  Médiateur.  Les 
protestants  ont  été  un  pou  embarrassés  de 
concilier  avec  leurs  préjugés  ce  qu'a  dit  saint 
Irénée,  orfr.  Uœrct.,  1.  v,  c.  19,  que  la  Vierge 
Marie  a  été  Ym-ocate  d'Eve  ;  expression  qui 
prouve  l'intercession  de  la  sainte  Vierge  et 
des  sainis.  Les  savants  éditeurs  de  ce  Père, 
Dissert.  3,  art.  6,  n.  G5  et  suiv.,  ont  réfuté 
solidement  les  explications  forcées  que 
Gralie  et  d'autres  protestants  ont  voulu  don- 
ner de  ce  passage.  Voy.  Marie,  §  5. 

PARACLETIQUE,  nom  que  les  Grecs  don- 
|Uent  à  un  de  leurs  livres  d'office,  et  que  l'on 
ipeut  traduire  par  invocatoire,  parce  que  ce 
i livre  contient  plusieurs  prières  ou  invoca- 
ti  ns  adressées  aux  saints.  Ils  s'en  servent 
pendant  toute  l'année,  parce  qu'ils  ne  font 
presque  aucun  office  qui  ne  renferme  queltfue 
prièretiréedece livre.  Voy. Léon  Allatius,  Z»/*-- 
sert.  I ,  sur  les  lii^res  ecclésiastiques  des  Grecs. 

PARADIS.  Ce  mot  vient  de  l'hébreu  ou  du 
chaldéen  jîorrfé's;  les  Grecs  l'ont  rendu  par 
TTafiâ^Eiaoç  ;  il  signifie  non  un  jardin  de  fleurs 
ou  de  légumes,  mais  un  verger  planté  d'ar- 
bres fruitiers  et  autres.  Il  est  probable  que 
les  Grecs  avaient  emprunté  ce  terme  des 
Perses,  puisqu'il  se  triiu-  e  dans  Xénophon. 
Dans  le  second  livre  tïEsdras,  c.  ii,  v.  8, 
Néhémie  prie  le  roi  Artaxerxès  de  lui  don- 
ner des  lettres  a  Iressées  à  Asapli,  gardien 
du  paradis  du  roi,  afin  qu'il  lui  fasse  doiiner 
les  bois  nécessaires  pour  les  bàtnnents  qu'il 
allait  entreprendre;  c'était  donc  un  pari' rem- 
pli d'arlires  propres  à  b;itir.  Salomon  dit  dans 
VEcclésiaste,  c.  ii,  v.  5,  qu'il  s'est  fait  des 
jardins  et  des  paradis,  c'est-à-dire  des  ver- 
gers. Dans  le  Cantique  des  cantiques,  c.  iv, 
V.  13,  il  est  dit  que  les  p.lants  de  l'épouse 
sont  comme  un  paradis  rempli  de  grenadiers. 
Gen.,  c.  xui,  v.  10,  nous  lisons  que  la  vallée 
des  bois,  dans  laquelle  étaient  situées  les  vil- 
les de  Sodome  et  de  Gomorre,  était  semblable 
au  paradis  du  Seigneur.  Dans  les  pro[ihètes 
ce  terme  signifie  toujours  un  lieu  agréable 
et  délicieux.  L'on  comprend  (pie,  dans  un 
climit  tel  que  la  Palestine,  l'ombre  et  lafrai- 
<heur  des  bois  étaient  un  agrément  et  un 
avantage  très-précieux.  Dans  le  livre  de  l'i^c- 
clésiastique,  c.  xliv,  v.  1(5,  il  est  dit  que  Hé- 
noch  fut  agréable  à  Dieu  et  fut  trans|)orté 
ilans  le  paradis.  Jésus-Christ,  Luc,  c.  xxiii, 
V.  4.3,  dit  au  bon  larron  :  Aujourd'hui  vous 
serez  avec  moi  dans  le  paradis.  Et  saint  Paul, 
II  Cor.,  c.  xn,  v.  k,  dit  qu'il  a  été  transporté 
lui-même  dans  le  paradis.  De  là  quelques 
incrédules  ont  conclu  que  les  auteurs  sacrés 
ont  conçu  le  séjour  des  bienheureux  comme 
les  païens,  qui  nommaient  ce  séjour  les 
Champs  élysées  ,  et  qui  se  figuraient  que  les 
i1mes  des  héros  y  vivaient  à  l'ombre  des  bois, 
comme  les  vivants  faisaient  sur  la  ferre. 
Quand  cela  serait  vrai,  il  s'ensuivrait  seule- 
ment que  les  anciens,  qui  vivaient  sous  un 
ciel  plus  chaud  que  le  nôtre,  et  qui  ne  con- 
cevaient point  de  séjour  plus  délicieux  que 
des  bosquets  plantés  d'arbres  fruitier.'-,  n'a- 
vaient [)0int  trouvé  non  jikis  de  terme  plus 
l>ropre  que  celui  de  paradis,  pour  ex)irimer 
la  denicure  des  i>ienheureux.  Mais  ce  n'est 


pas  sur  la  signification  littérale  d'un  terme 
qu'il  faut  juger  des  idées  que  l'on  y  attache  ; 
nous  nous  servons  nous-mêmes  de  co  mot 
pour  exprimer  le  séjour  du  f)onheur  éternel, 
sans  imaginer,  comme  les  païens,  que  ce  bon- 
heur consiste  à  vivre  à  l'ombre  des  arbres  et  à 
manger  des  fruits.  De  quelques  termes  que 
nous  puissions  nous  servir  j>our  le  désigner, 
ils  ne  nous  en  donneront  jamais  une  idée 
exacte,  puisque  ce  bonheur  est  infiniment 
au-dessus  de  toutes  nos  conceptions  et  de 
toutes  nos  pensées  {Isai.  lxiv,  h  ;  1  Cor.  11,  9). 
Voy.  Ciel. 

Parabis  terrestre  ,  jardin  ou  séjour  dé- 
licieux dans  lequel  Dieu  avait  placé  Adam  et 
Eve  après  leur  création.  Ils  y  demeurèrent 
tant  que  dura  leur  innocence  ;  mais  ils 
en  furent  chassés  dès  (pi  ils  eurent  dé- 
sobéi à  Dieu ,  en  mangeant  du  fruit  dé- 
fendu. 

Voici  la  description  qu'en  fait  Moïse 
{Gen.  II,  8)  :  «  Dieu  avait  planté  un  jardin 
en  Eden,  du  côté  de  l'orient ,  et  il  y  plaça 
l'homme  qu'il  avait  formé.  Il  y  avait  fait  naître 
tous  les  arbres  les  plus  agréables  à  la  vue, 
et  dont  les  fruits  sont  les  meilleurs  ;  l'arbre 
dévie  était  au  milieu  du  jardin,  aussi  bien 
que  l'arbre  de  la  science  du  bien  et  du  mal. 
Un  fleuve  sortait  d'Eden  pour  arroser  le  jar- 
din, et  de  là  il  se  divise  en  quatre  chefs.  Le 
nom  du  premier  est  Phison ,  c'est  celui  qui 
coule  en  toui  noyant  par  le  pays  d'Havilath, 
où  il  se  trouve  de  l'or...  ;  le  nom  du  second 
est  Géhon,  c'est  celui  qui  coule  en  tournoyant 
par  le  pays  de  Chus  ;  le  troisième  est  le  Ti- 
gre [Hiddékel),  qui  coule  vers  l'Assyrie  ;  le 
quatrième  est  VEuphrate.  » 

Avec  cette  topogiaphie  ,  il  n'est  pas  fort 
aisé  de  découvrir  en  quel  endroit  précisément 
était  situé  le  paradis  terrestre.  Tous  les  sa- 
vants convirnnent  que  dans  les  langues  orien- 
tales Eden  signifie  en  général  un  lieu  agréable 
et  fertile,  un  pays  abondant  et  délicieux;  que 
c'est  un  nom  appellatif  qui  a  été  donné  à  plu- 
sieurs contrées  de  l'Asie.  Le  Tigre  et  l'Eu- 
phrate  sont  deux  fleuves  célèbres  et  très-con- 
nus ;  mais  il  n'est  pas  aisé  de  savoir  en 
quel  endroit  ils  se  sont  autrefois  réunis  dans 
un  seul  lit ,  et  se  sont  séparés  ensuite  en 
quatre  chefs  ou  quatre  branches  ;  cela  ne  se 
fait  plus  aujourd'hui,  et  le  pays  dans  lequel 
ils  se  rapprochent  le  plus  paraît  absolument 
changé. 

Il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'il  y  ail  eu 
une  multitude  de  sentiments  divers  sur  ce 
sujet.  Quelques  anciens,  comme  Philon, 
Origène,  les  séleuciens  et  les  hermianiens, 
anciens  hérétiques,  pensaient  que  le  paradis 
terrestre  n'a  jamais  existé,  qu'il  faut  entendre 
dans  un  seiis  allégorique  tout  ce  qu'en  dit 
l'Ecriture  sainte  ;  d'autres  l'ont  placé  hors  du 
inonde  et  dans  un  lieu  inconnu  :  mais,  dans 
ces  deux  suppositions,  l'on  ne  voit  pas  pour- 
quoi Moïse  aurait  pris  la  peine  de  le  décrire 
et  d'y  placer  des  fleuves  dont  le  lit  et  le  nom 
subsistent  encore.  Quelques-uns  plus  sensés 
jugent  qu'il  est  inutile  d'en  chercher  au- 
jourd'hui la  situation  précise,  parce  que  la 
face  du  sol  sur  leijuel  il  était  a  été  boulever- 


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1274 


sée  et  changée  par  le  déluge.  On  sait  d'ail- 
leurs que  la  conti'(5o  dans  laquelle  le  Tigre 
et  l'Euphrale  se  rapi)i'(iclienl  est  le  pavs  du 
monde  qui,  depuis  le  déluge,  et  mOme  de-. 
puis  le  siècle  de  Moïse,  a  essuyé  les  plus 
terribles  révolutions. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  systèmes  adoptés 
|)nr  les  modernes,  loucliant  la  situation  du 
paradis  terrestre,  se  ri'duisent  à  trois  prin- 
cipaux. Le  premier,  qui  a  eu  pour  défen- 
seurs Heidegger,  Le  Clerc,  le  P.  Abram, 
place  le  paradis  dans  la  Syrie,  aux  environs 
de  Damas,  près  d  s  sources  tlu  Chrysoi'rhoas, 
de  rOront(»  et  du  .lourilain;  mais  ce  pays  ne 
j)orte  point  les  caractères  de  celui  d'/if/m 
assignés  par  Aloise.  On  doit  dire  la  même 
chose  de  l'opinion  du  P.  Hardouin,  qui  a 
pensé  que  le  paradis  terrestre  était  dans  la 
Palestine,  sur  les  bords  du  Jourdain,  près  du 
lac  de  Génésareth.  Selon  le  second  système 
le  pays  û'Eden  était  dans  l'Arménie,  entre 
les  sources  du  Tigre ,  de  l'Kuphrate,  de 
l'Araxe  et  du  Pliase;  c'est  le  senliment  du 
géographe  Samson,  de  HeluKl  et  de  dom 
(.almet.  Mais  .Moïse  ne  ili(  point  que  le  pa- 
radis était  h  la  source  de  ((ualre  lleuves;  il 
dit  qu'un  llcuve  sortait  du  lieu  nonnné  Eden 
pour  arroser  lo  paradis,  qu'ensuite  il  se  di- 
visait en  quatre  chefs  ou  quatre  branches; 
dom  Cilmet  est  forcé  de  convenir  que  cela 
ne  s'accorde  jioint  avec  la  lo|iograf)hie  qu'il 
fait  du  paradis.  I,a  troisième  opinion,  qui 
parait  la  plus  probable,  sup|iose  que  ce  lieu 
délicieux  était  pl.icé  s"r  les  deux  rives  d'un 
(Icuve  formé  par  la  réunion  du  Tigre  et  do 
l'Euphrate  ,  que  l'on  nomme  le  fleuve  des 
Arabes,  et  qui  se  divisait  ensuite  en  quatre 
branches  pour  aller  se  jeter  dans  le  golfe 
Persique.  A  la  vérité,  de  ces  quatre  canaux 
ou  rivières,  il  n'y  en  a  que  deux  qui  subsi- 
stent et  qui  sont  encore  aujourd'hui  recon- 
naissables;  mais  on  i)rouve  par  le  témoi- 
gnage des  anciens  (pic  toutes  les  quatre  ont 
existé  autrefois.  C'est  le  sentiment  qu'ont 
suivi  les  auteurs  anglais  de  VUlstoire  univer- 
selle, tom.  Il,  et  les  commentateurs  de  la 
Bible  de  Chais.  M.  l'abbé  Clémence  s'en  est 
servi  |>our  réfuter  les  ini'pties  rassemblées 
dans  le  livre  im[)ie  intitulé  la  Bible  enjiii  ex- 
pliquée, et  dans  les  autres  ouvrages  du  même 
auteur.  Il  faudrait  entrer  dans  un  trop  long 
détail  pour  rapporter  les  preuves  de  ce  sen- 
timent, qui  a  déjà  été  celui  de  lîochard, 
d'Etienne  Morin  et  du  savant  Huet;  ils  dif- 
fèrent seulement  les  uns  des  autres  dans 
l'explication  de  (quelques  circonstances  de  la 
narration  de  Moïse.  C'en  est  assez  [lour  ré- 
pondre à  toutes  les  folles  objections  des  in- 
crédules; ils  no  |)euvent  rien  trouver  dans 
la  description  du  paradis  terrestre  cpii  ne 
puisse  se  concilier  avec  la  topographie  des 
lieux,  avec  les  noms  des  jiays  dont  parle 
Moïse,  avec  le  témoignage  de>  auteurs  pro- 
fanes. Quant  aux  objections  tpiils  font  contre 
les  circiinstances  de  la  chute  d'Adam,  etc., 
roy.  Adam. 

Les  questions  qui  embarrassent  les  com- 
mentateurs sont  donc  assez  déplacées.  </  Où 
est  ce  fleuve  qui  se  divise  en  quatre  autres? 


Comment  cela  s'accorde-t-il  avec  l'Assyrie 
et  l'Eiiphrale?  Quels  fleuves  ,  quels  pays 
sont  désignés  sous  ces  autres  noms  qui  no 
subsistiMil  plus,  etc.?  »  .Moïse  avait  prévenu 
ces  cpiestions,  non  pour  le  géographe,  mais 
pour  le  naturaliste,  en  nous  disant  que,  par 
le  déluge,  Di"U  détruisit  les  hommes  avec  la 
terre.  Ne  cherchons  donc  f)lus  le  jardin  d'E- 
den:  ce  séjour  de  la  parfaite  innocence  est 
perdu  ici-bas  pliysi(piemi'tit  et  moralement. 
De  Luc.  Lettre  l'il  sur  l' Histoire  delà  terre, 
etc.,  tom.  V,  p.  077.  li  iiaiait  ipie  c'est  la  rai- 
son ])our  laquelle  les  Pères  do  l'Eglise,  qui 
ont  vécu  dans  la  Syrie,  sur  les  bords  de 
rEuphrate  ou  dans  le  voisinage,  ne  se  sont 
pas  donné  la  peine  d'expliquer  les  circon- 
stances de  la  narration  de  Moïse,  et  de  les 
concilier  avec  l'aspect  que  les  lieux  présen- 
taient de  leur  temps. 

Paradis  céleste,  séjour  du  bonheur  éter- 
nel, dans  lequel  Dieu  récompense  les  justes. 
Comme  on  ne  connaiss.iit  point  de  lieux 
l)lus  délicieux  sur  la  terre  qu'un  jardin  jon- 
ché de  ileurs  et  de  fruits,  l'on  a  nonmié  pa- 
radis le  lieu  dans  le(]uelDieu  rend  les  saints 
heureux  pour  to  jours.  De  même  que  l'on 
disjiute  pour  savoir  où  était  situé  le  paradis 
terrestre  duquel  Adam  fut  chassé  après  son 
péché,  l'on  sait  encore  moins  où  est  \e  para- 
discélesle,  dans  lequel  nous  es[)érons  d'aller. 
Lorsque  Jésus-Christ,  surla croix,  dit  au  bon 
larron  :  Aujourd'hui  vous  serez  avec  moi  en 
paradis  (Lue.  xxui,  43),  saint  Augustin  avoue 
qu'il  n'est  [las  aisé  de  savoir  où  était  ce  lieu 
délicieux  duquel  parle  leSauvear:  \ti  paradis, 
contiiuie  ce  Père,  est  partout  où  l'on  est 
heureux,  Epist.  187  ad  Dardan.,  n.  G.  On  ne 
conçoit  pas  mieux  quel  endroit  saint  Paul  a 
voulu  désigner,  lorsqu'il  a  dit  :  «  Je  connais 
un  homme  qui  a  été  ravi  en  esprit  jusque 
dans  le  paradis,  où  il  a  entendu  des  paroles 
qu'il  n'est  pas  permis  à  l'homme  de  publier 
(//  Cor.  xii,  4). 

Jésus-Christ  nous  a  dit,  à  la  vérité,  que 
notre  récompense  est  dans  le  ciel;  mais  le 
ciel  n'est  point  une  voùle  solide,  nous  ne  le 
concevons  que  comme  un  espace  vide  et 
immense  dans  lequel  roulent  une  infunté  de 
globes,  ou  lumimux  ou  0|>a([ues.  Puisque 
r.lme  de  Jésus-Christ  jouissait  de  la  gloire 
céleste  siu-  la  terre,  ce  n'est  [las  le  lieu  qui 
fait  le  paradis;  et  puisque  Dii  u  est  partout, 
il  peut  aussi  se  montrer  partout  aux  âmes 
saintes,  et  les  rendre  heureuses  [lar  la  vue 
de  sa  proiue  gloire.  Il  parait  donc  que  le 
paradis  est  moins  un  lieu  particulier  qu'un 
changement  d'état,  et  qu'il  ne  faut  iioint  s'ar- 
lèter  aux  illusions  de  l'imagination  cjui  se 
figure  le  séjour  des  esprits  bienheureux 
connue  un  lieu  habité  par  les  corps.  Dans  le 
fond  peu  nous  importe  de  savoir  si  c'est  un 
séjour  particulier  et  déterminé  par  des  li- 
mites, ou  si  c'est  l'univers  entier  dans  lequel 
Dieu  se  découvre  aux  saints  et  fait  leur  bon- 
heur éternel.  La  foi  nous  enseigne  qu'après 
la  résurrection  générale  les  Ames  des  bien- 
heureux seront  réunies  à  leurs  corps;  mais 
saint  Paul  nous  apprend  que  les  corps  res- 
suscites et  glorieux  participeront  à  la  nature 


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des  esprits  11  Coi-,  xv,  44);  ils  seront  par 
conséquent  dans  un  état  duquel  nous  ne  po\i- 
vons  avoir  aucune  idée.  Ce  serait  donc  une 
nouvelle  témérité  de  vouloir  savoir  si  les 
bienheureux,  icvètus  de  leurs  corps,  exer- 
ceront e  coie  les  facultés  corporelles  et  les 
fonctions  des  sens;  Jésus-Christ  nous  dit 
qu'après  la  résurrection  ils  seront  sembla- 
bles aux  anges  de  Dieu  dans  le  ciel  {Matth. 
XXII,  30),  ce  qui  excl;it  les  plaisirs  charnels. 
Saint  Paul  nous  avertit  que  Fœil  n"a  point 
vu,  que  l'oreille  n'a  point  entendu,  et  que  le 
cœur  de  l'iiomme  n'a  point  éprouvé  ce  (jue 
Dieu  réserve  à  ceux  qui  l'aiment  (I  Cor.  n, 
9).  11  faut  donc  nous  résoudre  à  ignorer  ce 
que  Dieu  n'a  pas  voulu  nous  ajjpreiidre;  ce 
qu'en  ont  dit  queUprs  auteurs  plus  ingé- 
nieux que  solidement  instruits,  ne  proMve 
rien  et  ne  mais  n[iprend  rien.  L'état  des 
bienheureureux  est  fait  pour  être  un  objet  de 
foi  et  non  de  curiosité,  [lour  exciter  nos  es- 
pérances et  nos  désirs,  et  non  poMr  nourrir 
des  disputes.  Les  idées  grossières  des  païens, 
des  Chinois,  des  Indiens,  des  mahométans, 
touchant  l'élat  des  justes  après  la  mort,  ont 
donné  lieu  à  des  erreuis  et  à  des  alius  énor- 
mes; la  religion  chrétienne,  en  les  condam- 
nant, a  retranché  la  source  du  mal,  a  inspiré 
à  ses  sectateurs  des  vertus  dont  le  monde 
n'avait  jamais  eu  d'exemple.  Yoy.  Bonheur 

ÉTERNEL. 

PARAGUAY.  Yo\j.  Missions  étrangères. 

PARALIPOMÈNËS,  terme  dérivé  du  grec, 
qui  signifie  choses  omises.  On  a  donné  ce  nom 
à  deux  livres  historiques  de  l'Ancien  Testa- 
ment, qui  sont  un^'  espèce  de  su|ipléraent 
aux  quatre  livres  des  Rois,  et  dans  lesquels 
on  trouve  plusieurs  faits  ou  plusieurs  cir- 
constances que  l'on  ne  lit  pas  ailleurs.  Les 
anciens  Hibreux  n'i  n  faisaient  qu'un  seul 
livre  qu'ils  nommaient  les  Paroles  des  jours 
ou  les  Annales,  parce  que  cet  ouvrage  com- 
mence ainsi;  saint  Jérôme  l'a  nommé  les 
Chroniques,  parce  que  c'est  une  histoire 
sommaire  rangée  selon  l'ordre  chronologi- 
que. On  ne  sait  pas  certainement  qui  est 
l'auteur  île  ces  deux  livres;  on  pense  com- 
munément qu'ils  furent  écrits  par  Esdras, 
aidé  du  secours  des  prophôti's  Aggée  et  Za- 
charic.  après  la  captivité  do  Babylone;  ce 
sentiment  est  assez  probable,  mais  il  n'est 
pas  sans  difficulté.  On  trouve  dans  ces  deux 
livres  des  choses  qui  n'ont  eu  lieu  que  dans 
les  temps  postérieurs  à  Esdras,  d'autres  qui 
n'ont  pu  être  dites  q  le  par  des  éciivains  an- 
térieurs. Mais  les  premières  ont  pu  être 
ajoutées  comme  supplément  dans  la  suite 
des  temps,  de  même  queEsdras  sup|)léait  à  ce 
que  d'autres  avaient  dit  avant  lui;  pour  les 
secondes,  il  les  a  copiées  dans  des  'oémoires 
plus  anciens  que  lui,  et  auxquels  il  n'a  rien 
voulu  changer. 

L'auteur  des  Paraiipomèncs  n'est  donc  ni 
contemporain  des  événements  ni  historien 
original;  il  n'a  fait  que  rédiger  et  abréger 
'es  mémoires  écrits  par  des  témoins  plus  an- 
ciens que  lui,  et  il  cite  souvent  ces  mémoires 
sous  le  nom  d'Annales  ou  de  journaux  de 
Juda  et  d'Israël.  Il  paraît  que  son  dessein  n'a 


pas  été  de  suppléer  à  tout  ce  qui  pouvait 
avoir  été  omis  par  les  auteurs  précédents, 
et  qui  aurait  pu  rendre  l'histoire  sainte  plus 
claire  et  plus  comiilète;  il  semble  avoir  eu 
principalement  pour  but  de  montrer,  par  les 
généalogies,  quel  devait  être  le  partage  des 
familles  revenues  de  la  captivité,  afin  que 
chacun  rentrât,  autant  qu'il  était  possible, 
dans  l'héritage  de  ses  pères.  Mais  il  s'est  at- 
taché surtout  à  tracer  la  généalogie  des 
prêtres  et  des  lévites,  afin  qu'ils  pussent  être 
rétablis  dans  lelir  ancien  rang,  dans  leurs 
premières  fonctions,  et  dans  les  possessions 
de  leurs  ancêtres  coiiforméuient  aux  anciens 
registres.  Ce  même  aut'ur  ne  s'est  pas 
donné  la  peine  de  concilier  les  mémoires 
qu'il  copiait  avec  c?itains  endroits  des  au- 
tres livres  saints  qui  pouvaient  y  paraître 
opposés  au  premier  coup  d'œil,  parce  que, 
de  son  temps,  l'on  connaissait  assez  les  l.iils 
elles  circonstances,  pour  que  l'on  jjût  aisé- 
ment voir  qu'il  n'y  avait  réellement  aucune 
opposition.  Dans  la  Bible  d'Avirjnon,  tom.  V, 
pag.  l'i-7,  il  y  a  une  comparaison  très-  iétail- 
léa  des  ti^'Xles  des  Paraliponiènes  parallèles  à 
ceux  des  autres  livres  de  l'Ecriture  sainte, 
où  r(jn  voit  en  quoi  ils  sont  conformes,  en 
quoi  ils  sont  quelquefois  dilTérents,  et  com- 
ment ils  servent  à  s'éclaircir  les  uns  les  au- 
tres. Les  Juifs  n'ont  jamais  dimté  de  l'au- 
thenticité des  livres  des  Paraliponiènes,  et  il 
n'y  a  aucune  raison  solide  d'en  c  aitester  la 
c:inonicité. 

PARAiNYMPHE.  C'était  chez  les  Hébreux 
un  des  amis  de  l'éiioux,  celui  qui  conduisait 
l'épouse  pendant  la  cérémonie  nuiitiale,  et 
qui  faisait  les  honneurs  de  la  noce;  il  est 
appelé  dans  l'Evangile  Vami  de  l'époux 
[Joan.  III,  9).  Quelques  commenlateurs  ont 
cru  que  celui  qui  est  apjielé  architriclinus, 
dans  l'histoire  des  noces  de  Cana,  n'était 
autre  que  le  Paranymphe;  mais  il  est  plus 
probable  que  c'était  un  voisin  ou  un  pirent 
d  s  époux  ,  qui  était  chargé  de  veiller  à 
l'ordre  du  festin  nui  tial  el  de  fjire  les  fonc- 
tions d'un  maître  dhûtel.  Saint  Gaudence  de 
Bresse  assure,  sur  la  tradition  des  anciens, 
que  cet  ordonnateur  du  festin  était  ordinai- 
lement  pris  du  nombre  des  prêtres  ,  alin 
qu'd  eût  soin  qu'il  ne  se  commît  rien  de 
contraire  aux  règles  de  la  religion  et  de  la 
bienséance.  Dans  bs  écoles  de  théologie  de 
Paris,  on  donnait  autrefois  le  nom  de  Para- 
nymphe  à  une  cérémonie  qui  se  faisait  h  :a 
lio  de  chaque  cours  de  licence.  Un  orateur, 
appelé  paranymphe,  choisi  parmi  les  bache- 
liers, après  avoir  fait  une  harangue,  apos- 
trophait chacun  de  ses  confrères,  quelquefois 
jiar  des  compliments,  plus  souvent  par  des 
épigrammes  satiriques,  auxquelles  ceux-ci 
répondaient  de  même.  La  faculté  de  Ihéo- 
b.igie  a  sagement  supprimé  cet  abus,  et  a 
réduit  les  paronymphes  à  de  simples  ha- 
ran-îues. 

PARAPHRASES  LHALDAIQUES.  Ou  a 
ainsi  nommé  les  versions  du  texte  hébreu  ('e 
l'Ecriture  sainte,  faites  en  langue  c'  aldaïque. 
Les  Juifs  les  appellent  largum,  interprétation 
ou  traduction,  et  ils  ont  uutant  de  respect 


1477 


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i278 


pour  ces  versions  que  pour  le  texte  même. 
En  voici  l'origine. 

Pendant  les  soixante-dix  ans  de  captivité 
que  les  Juifs  ('■prouvèrent  ^  Bal),ylone,  les 
princiiiaux  d'entre  eux,  surtout  les  prtHres 
et  les  lévites,  conservèrent  la  lant^uo  M- 
hrai((ue  telle  qu'ils  la  parlaient  dans  la  Jndée 
avant  leur  transmigration,  et  ils  eurent  soin 
de  l'enseigner  à  leurs  enfants.  De  là  le  pro- 
phète Daniel  qiii  a  écrit  pendant  la  cajUivité, 
Esdras,  Aggée,  Zacharie  et  Malachie,  qui  ont 
écrit  après  le  retour,  se  sont  encore  servis 
de  rtiélireu  pur;  il  y  a  seulement  dans  le 
livre  de  Daniel  et  dans  ceux  d'Esdras  tpiel- 
ques  chapitres  ou  quelques  endroits  écrits 
en  chaldeen.  Mais  le  commun  du  peuple, 
mêlé  avec  les  Chaldéensk  Bahylone,  prit  in- 
sensiblement leur  langage,  l'hélireu  pur  lui 
devint  moins  familier  qu'il  n'était  aupara- 
vant. Aussi ,  lorsqu'après  le  retour  de  la 
captivité  Esdras  lut  au  peuple  assemblé  la 
loi  de  .Moïse,  il  est  dit  ([ue  les  lévites  et  Es- 
dras lui-même  int(^rpr(^taicnt  au  peu|ile  ce 
qui  avait  été  hi  {Nehem.  viii,  9  et  10).  Dans 
les  siècles  suivants,  les  rois  do  Syrie  eurent 
souvent  tles  armées  dans  la  Judée,  et  les 
Juifs  se  trouvèrent  environnés  de  Syriens; 
il  est  probable  (pi'il  se  mêla  encore  l)eaucoup 
de  syriaque  à  leur  langue  vulgiire;  c'est  ce 
qui  détermina  dans  la  suite  les  docteurs  juifs 
à  faire  les  targums,  à  traduire  le  texte  hébreu 
en  chaldeen;  mais  cet  ouvrage  ne  parait 
avoir  été  exécuté  qu;'  quatre  ou  cinq  cents  ans 
après  Esdras.  Ainsi,  lorsque  ces  traductions 
furent  faites,  la  langue  chaldéenne  était  divi- 
sée en  li'ois  dialectes.  Le  premier  et  le  plus 
pur  était  celui  de  Babylone;  il  s'écrivait  en 
caractères  carrés,  que  nous  nommons  au- 
jourd'hui ciiraclères  hébreux,  et  qui  furent 
adoptés  jiar  les  Juifs,  comme  plus  commodes 
que  les  anciennes  lettres  hébraïques  (jue 
nous  aj^pelons  samaritaines.  Le  sicond  dia- 
lecte était  celui  que  l'on  parlait  à  Aniioche, 
dans  la  Comagène  et  dans  la  ha'ite  S.rie; 
mais  celui-ci  doit  être  plutôt  apnelé  inngne 
syriaque  que  langue  clialdaïque;  elle  s'écri- 
vait et  s'écrit  encore  en  caractères  très-iliilé- 
reuts  des  lettres  chaldaiques.  dette  langue 
et  ces  caractères  ont  toujours  été  et  sont  en- 
core en  usage  dans  les  Eglises  syriennes, 
chez  les  maronites,  lesjacobites  et  les  nes- 
loriens.  Toy.  Syriaque.  Le  troisième  dia- 
lecte était  celui  qi.e  l'on  parlait  k  Jérusalem 
et  dans  la  Judée  :  c'était  i;n  mélange  de 
chaldeen,  de  syriaque  et  d'hébreu;  c'e>t 
piiuri[iioi  on  Ta  noimné  syro-elmldaique  et 
syro- hébraïque.  Alors  le  texte  hébreu  de 
lEcriture  sainte  était  devenu  moins  intelli- 
ble  |>our  le  jieuple  qie  du  temps  d'Esdi-as. 
Les  targums  ou  paraphrases  chalaaïqurs  n'orrt 
pas  éti-  faites  en  mérne  t  nipsni  pa.  1  .jôiuo 
auteur;  aucun  docteur  juif  n'a  >  ntrepris  de 
traduiieen chaldéeutout  rAncicriTestamerU, 
mais  l'un  a  tradu  t  certains  livres,  l'autre  a 
travaillé  sur-  d'autres  livres,  et  l'or;  ne  sait 
pas  les  noms  de  tous  ;  on  voit  seulement  que 
ces  traductions  ne  sont  pas  de  la  même  main, 
parce  que  le  langage,  le  style  et  la  métoode 
ne  sont  oas  exactement  les  mêmes. 


Ces  traductions,  ou  parties  de  traductions, 
sont  au  nombi'e  de  huit;  nous  ne  donnerons 
qu'une  courte  notice  de  chacune.  La  pre- 
mière et  la  plus  ancit^nne  est  celle  d'Onké- 
los,  qui  a  seulement  traduit  la  loi.  ou  les 
cinq  livres  de  Morse;  c'est  aussi  celle  qui 
est  en  style  le  plus  |)ur',  et  q\ii  approche  le 
plus  du  chaldeen  de  Daniel  et  d'Esdras.  (^e 
targani  d'Onkélos  est  plutôt  une  simple  vei-- 
sion  qu'une  paraphrase;  l'auteur  sirit  mol  à 
mot  le  texte  hébreu,  et  le  rend  poiu*  l'ordi- 
naire assez  exactement.  Aussi  les  Juifs  l'ont- 
ils  toujous  préféré  à  tous  les  auti-es,  et  ils 
en  ont  fiit  le  plus  d'usage  dans  leurs  syna- 
gogues. 

La  seconde  est  la  ti-aduction  des  prophètes 
par  Jonathan  Ben-lJzziel  ;  elle  appi-oche  assez 
de  celle  tl'Onkélos  pour  la  pur-eté  du  style, 
mais  elle  n'est  pas  aussi  littérale  ;  Jonathan 
prend  la  liberté  de /jn/vz/j/t/Yiser  .-d'ajouter  au 
texte  tantôt  une  histoire  et  tantôt  une  glose, 
qui  souvent  ne  sont  |ias  fort  justes  ;  ce  (ju'il 
a  fait  sur  les  derniers  prophètes  est  encor-e 
moins  clair  et  plus  négligé  quecequ'ila  fait 
sur  les  premiers,  c'est-à-dire  sur  les  livi-es 
de  Josué,  des  Juges  et  les  Rois,  que  les  Juifs 
metti'Ut  au  rang  des  livres  iirophétiqucs. 
On  CDUvient  assez  parmi  les  juifs  et  parmi 
les  chréti^'ns  que  le  targnm  d'Onkélos  sur- 
la  loi,  et  celui  de  Jonallian  sm-  les  prophètes, 
sont  pour  le  moins  du  siècle  de  Jésus-Christ. 
Selon  la  tr-aditinn  des  juifs,  Jonathan  était 
discii)le  d'Hiilel  :  or  celui-ci  mourut  à  peu 
près  dans  le  temps  île  la  laissance  deNotre- 
Seigueur  :  Ookélos  était  couleruporaiii  de 
Gainaliel  le  Vieux,  sous  leipiel  saint  Paul  fit 
ses  études.  Ce  témoignage  est  soutenu  par 
la  pureté  du  style  des  deux  ouvi'ages  dont 
nous  parlons,  dans  lesquels  on  ne  trouve 
aucun  des  termes  étrangers  que  les  juifs 
adojitèient  dans  la  suite.  Il  est  très-probable 
que  Jonathan  n'a  point  traduit  la  loi  ,  mais 
seuleruent  les  livres  suivants,  ptrce  que  la 
traduction  de  la  loi  par-  Orikrios  lui  était 
connue.  Ln  seu'a  objruiion  que  l'on  puisse 
faire  co'iîr.'  l'antiqu  té  de  ces  deux  targums 
est  que  Oiigène,  saint  Epiphane,  saint  Jér-ô- 
rae  ni  aucun  des  anciens  Pères  de  l'Eglise 
n'en  ont  par-lé  ;  mais  cet  argument  négatif 
ne  prouve  rit  u  ;  on  sait  que  pour  loi's  les 
juifs  cacnaieiU  soigneusement  leurs  livres; 
a  peine  y  a-t-il  trois  cents  ans  que  ces  an- 
ciennes versions  sont  connues  et  publiées 
parmi  les  chrétiens.  Quelques  auteurs  ont 
cru  que  le  paraphiaste  Oukélos  était  le 
même  que  le  juif  pr-osél.»te  Akila  ou  Aquila, 
auteur  d'une  version  grec([ue  de  l'Ancien 
Testament,  version  que  Or-igène  avait  mise 
dans  ses  Octaples  ;  mais  Prideaux,  dans  son 
Histoire  des  Juifs  ,  \.  XM,  tom.  H,  p.  281, 
prouve  que  ce  sont  deux  personnages  tr-ès- 
dilférents,  dont  le  second  n'a  écrit  ipi'envi- 
ron  130  ans  ajirès  Jésus-Christ.  —  Le  troi- 
sième targum  est  aussi  une  traduction  clial- 
daïque de  la  loi  ou  des  cinq  livres  de  .Moïse, 
et  quelque-^  auteurs  l'ont  attribué  au  même 
Joiiiilhau  Ben-Uzziel,  dont  nous  venons  de 
parler.  Mais  le  style  de  cet  ouvrage  est  très- 
différent  de  celui  du  <ar(/um  sur  les  prophètes, 


1279 


PAR 


PAR 


1S84 


il  est  encore  plus  rempli  de  gloses  et  de 
fables  ;  on  y  trouve  des  choses  et  des  noms 
qui  n'étaient  pas  encore  connus  du  temps  de 
Jonathan  ;  on  n'en  avait  jamais  ouï  parler 
avant  qu'il  parût  imprimé  à  Venise,  il  y  a 
environ  deux  cents  ans.  —  Le  quatrième  est 
encore  sur  la  loi,  et  se  nomme  le  targum  ou 
la  paraphrase  de  Jérusalem,  parce  qu'il  est 
écrit  dans  le  dialecte  syro-chaldaïque  qui 
était  eu  usage  à  Jérusalem  ;  on  n'en  connaît 
ni  la  date  ni  l'auteur.  Ce  n'est  point  une  tra- 
duction suivie,  mais  une  espèce  de  commen- 
taire sur  des  passages  détachés.  Comme  l'on 
y  en  trouve  plusieurs  qui  sont  conformes  à 
ceux  du  Nouveau  Tcstiment,  l'on  a  cru  que 
cet  ouvrage  devait  être  fort  ancien  ;  cepen- 
dant il  est  encore  plus  moderne  que  le  pré- 
cédent, puisque  souvent  il  le  copie  mot  à 
mot.  — Le  cinquième  est  une  paraphrase  sur 
les  cinq  petits  livres  que  les  Juifs  a|)pelleiit 
mégilloth,  rouleauxou  vo'umcs ;  savoir,  Ruth, 
Esiher,  l'Ecclésiaste,  le  Cantique,  les  Lamen- 
tations de  Jérémie.  —  Le  sixième  est  une 
seconde  paraphrase  sur  Esther  ;  le  septième 
est  sur  Job,  les  Psaumes  et  les  Proverbps  ; 
ces  trois  tarç/ums  sont  d'un  style  plus  corrom- 
pu ,  du  dialecte  de  Jérusalem,  et  l'on  ne 
connaît  point  les  auteurs  des  ileux  premiers. 
Quant  au  troisième,  sur  Job,  les  Psaumes  et 
les  Proverbes,  on  l'attribue  à  un  certain 
Joseph-le-Borgne,  sans  que  l'on  sache  qui  il 
était  ni  en  quel  temps  il  a  vécu.  —  Le  hui- 
tième targum  est  sur  les  deux  livres  des 
Paralipomènes  ;  il  n'avait  pas  été  connu 
avant  l'an  1680,  temps  auquel  Bechius  le 
publia  à  Aiigsbourg  sur  un  vieux  manuscrit. 
Aussi,  à  la  réserve  de  la  paraphrase  d'On 
kélos  sur  la  loi,  et  celle  de  Jonathan  sur  les 
prophètes,  toutes  les  autres  sont  évidemment 
jjostéiieiu'cs  de  beaucoup  au  siècle  de  Jésus- 
Christ.  Le  style  barbare  de  ces  ouvrages  et 
les  failles  lalmudiques  dont  ils  sont  remplis 
prouvent  qu'ils  n'ont  paru  qu'après  le  Tal- 
mud  de  Jérusalem,  ou  même  après  le  Tal- 
mud  de  Babylune,  c'est-à-dire  depuis  le 
commencement  du  iv'  ou  du  \i°  siècle. 
Cependant  ces  targums  ,ou  paraphrases  en 
général  sont  fort  utiles.  Non-seulement  elles 
servent  à  expliquer  un  grand  nombre  d'ex- 
pressions hébraïques  qui  sans  cela  seraient 
plus  obscures,  mais  nous  y  trouvons  plu- 
sieurs anciens  usages  des  Juifs  (pii  servent  à 
éclaircir  les  livres  saints;  mais  le  principal 
avantage  que  nous  en  tirons,  c'est  que  la 
plupartdes  |irophéties  quiregardent  le  Messie 
sont  prises  par  h  sauteurs  decesparap/irasw, 
dans  le  môme  sens  que  nous  leur  donnons. 
Cette  autorité  foit  contre  les  Juifs  une  preuve 
invincible,  puisqu'ils  attribuent  aux  targums 
la  même  autorité  qu'au  texte  hébreu.  Les 
rabbins  se  sont  avisés  de  faire  croire  au 
commun  des  Juifs  que  ces  ouvrages  sont 
partis  delà  même  source  que  les  livres  sa- 
crés ;  que  quand  Dieu  donna  la  loi  à  Moïse 
sur  le  mont  Sinaï,  il  lui  donna  aussi  la  para- 
phrase d'Onkélos  avec  la  loi  orale  ;  que  quand 
son  Saint-Esprit  dicta  aux  aLitres  écrivains 
les  livres  sacrés,  il  leur  donna  aussi  le  tar- 
gum de  Jonathan. C'est  pour  cela  môme  qu'ils 


ont  caché  avec  tant  de  soin  ces  paraphrases 
aux  chrétiens,  et  que  l'on  est  parvenu  si 
tard  à  en  avoir  communication.  Maisil  n'est 
pas  prouvé  que  du  temps  de  Jésus-Christ 
il  y  eût  déjà  des  paraphrases  chaldaïqaes  ou 
sgro-chaldaiques  entre  les  mains  des  peuples 
de  la  Judée.  Les  prolestants  n'ont  adopté  cette 
opinion  que  pour  étaver  leur  prévention 
sur  la  prétendue  obligation  imposée  au 
peuple  de  lire  l'Ecriture  sainte  et  de  l'avoir 
dois  une  langue  qu'il  entende.  Depuis  Esdras 
jusqu'à  Jésus-Christ,  il  s'est  écoulé  au  moins 
quatre  cents  ans,  ]iendant  lesquels  il  n'a  pas  été 
question  de  version  des  livres  saints  en  lan- 
gue vulgaire  ;  le  peuiile  s'en  tenait  aux  in- 
structions et  aux  explications  de  vive  voix 
que  lui  en  donnaientles  prêtres  et  les  lévites, 
et  il  n'y  a  aucune  preuve  du  contraire 

Selon  l'opinion  de  Prideaux,  «  Quand  on  fit 
lire  à  Jésus-Christ  la  seconde  leçon  dans  la 
synagogue  de  Nazareth  {Luc.  iv,  16),  il  y  a 
beaucoup  d'a)iparence  que  ce  fut  un  targum 
qu'il  lut  :  car  le  passage  d'Isaïe,  c.  lxi,  v,  1, 
tel  qu'il  se  trouve  dans  saint  Luc  n'est  exac- 
tement niThébreu  ni  la  version  des  Septante; 
d'où  l'on  peut  fort  bien  conclure  que  cette 
ditrérence  venait  de  la  version  chaldaïque 
dont  on  se  servait  dans  cette  synagogue.  Et 
quand  sur  la  croix  il  prononça  le  psaume 
XXI,  V.  1,  Eli,  Eli,  lamma  subaclhani  ;  mon 
Dieu,  mon  Dieu,  pourquoi  m'arez-vous  dé- 
laisse'? ce  n'est  pas  l'Iiéljreu  qu'il  prononça, 
mais  le  chalde'en  ;  il  y  a  dans  l'hébreu,  Eli, 
Eli,  lamaazahtani.  »  Prideaux  et  ses  copistes 
pouvaient  se  dispenser  de  faire  cette  obser- 
vation, puis(iue  plusieurs  prophéties  citées 
par  saint  Matthieu  ne  se  trouvent  pas  mot 
pour  mot  liaiis  le  texte  hébreu  ;  il  ne  s'ensuit 
pas  de  là  qu'il  les  a  prises  dans  une  para- 
phrase chaldaïque.  Jésus-Clirist  sans  doute 
entendait  l'hébreu;  il  aurait  donc  pu  citer 
le  texte  avec  la  plus  grande  exactitude,  sans 
y  rien  ajouter;  mais  cela  était-il  nécessaire. 
A  supposer  même  que  ce  soit  saint  Luc  qui 
ait  fait  un  léger  changement  dans  les  paroles 
du  Si^uveur,  sans  altérer  le  sens  de  la  pro- 
phétie, ce  n'est  pas  un  sujet  de  reproche.  11 
a  pu  faire  sans  crime  ce  que  nous  faisons 
tous  les  jours  ;  nous  citons  l'Ecriture  sainte 
en  français,  sans  nous  informer  s'il  y  a  des  ,_ 
traductions  Irançaises  imprimées  :  quelque-  ' 
fois  même  nous  prenons  la  liberté  de  nous 
écarter  do  nos  versions  vulgaires,  lorsque 
nous  croyons  être  bien  fondés. 

Vainement  l'on  allègue  le  commandement 
fait  aux  Juifs  de  méditer  coiilinucllement  la 
loi  du  Seigneur.  Au  mot  Version  vulgaire, 
nous  ferons  voir  que  le  peuple  a  pu  exécu- 
ter ponctuellement  ce  précepte  ,  sans  savoir 
lire  ni  écrire.  Prideaux  dit  qu'il  y  avait 
un  règlement  très-ancien,  qui  obligeait  cha- 
que particulier  à  avoir  chez,  lui  un  exem- 
plaire de  la  loi  ;  et  il  cite  pour  toute  preuve 
de  ce  fait  le  témoignage  de  Maimonide  qui  a 
vécu  dans  lexii'  siècle.  Ainsi  les  protestants, 
qui  tournent  en  ridicule  les  traditions  de  l'E- 
glise romaine,  nous  ojiposent  gravement  les 
traditions  des  rabbins  comme  beaucoup  plus 
respectables.  La  meilleure  édition  dos  tar-- 


I 


1-281 


PAR 


PAR 


«282 


gums  ou  paraphrases  rhaUUiujucs  est  colle 
que  Buxtoff  le  \)vvc  t\  (Ioiiik'hï  à  |{;llc  eu  1620, 
dans  la  seconde  gcande  Riiile  héluviique  ; 
mais  on  les  trouve  dans  la  l'oly^çlotli^  d'An- 
gleterre, à  la  résci  vo  du  lurguin  sur  les  Pa- 
raliponiènes,  qui  n'avait  pas  encor.'  été  [)u- 
blié  lors([ue  Wallon  a  donné  cette  Poly- 
glotte. \oyez-in\  Icii  ])rolc';/(iiiinu>s,  sect.  7, 
c.  12;  Prideaux,  Hist.  des'Jidfs,  1.  xvi,  t.  II, 
p.  279. 

PARASCÈVE,  mot  grec  qui  signifie /»■<'- 
paratioii.  Les  juifs  nomment  ainsi  le  \m- 
dredi  de  chaque  semauie  ,  parce  qu'ils  sont 
obligés  do  [)r(''i)arer  ce  jour-là  leur  boire  et 
leur  manger  pour  h;  lendemain  ,  qui  est  le 
jour  du  sahhat  ou  du  lepos.  Il  no  [jarait  pas 
cependant  que  riutention  ilo  la  loi  ait  élé  de; 
leur  interdire,  le  jour  du  sabbat,  le  iravail 
nécessaire  pour  pourvoir  à  la  nourriture; 
.  mais  c'était  une  des  oliservances  supersti- 
tieuses que  .lésus-Clu'ist  leiu"  a  reprochées 
dans  l'Evangile^  {Matlli.  xii,  5,  etc.).  11  est  dit 
dans  saint  Jean ,  c.  xix  ,  v.  14 ,  q.ie  h^  jour 
auquel  Jésus-Christ  l'ut  mis  en  croix  était  la 
paruscvvc  de  Pâques  ou  de  la  |);\que  ;  cela  ne 
signille  [las  que  l'on  |>réparait  alors  l'agneau 
pascal  pour  le  manger,  jiuisqu'il  avait  été 
mangé  la  veille;  mais  que  c'était  la  jtrépara- 
tion  au  sabbat  qui  tombait  dans  la  fête  de 
Pâques,  et  (|ui  était  appelé  le  grand  sabbat , 
h  cause  de  la  solennité.  Dans  nos  autours  li- 
turgiques, le  vendredi  saint  est  a()polé  feria 
sexta  in  parasceve  ,  et  c'est  la  préparation  a 
célébrer,  dans  la  nuit  du  lendemain,  le  grand 
mystère  de  la  résurrection  de  Jésus-Christ. 
PAKASCHE.  Les  juifs  nomment  ainsi  les 
dillérentes  sections  ou  leçons  dans  lesquelles 
ils  ont  coupé  le  texte  de  l'Ecriture  sainle 
pour  le  l.ro  dans  leurs  synagogues. 

PARATHÈ8E,  imposition.  Clioz  les  Grecs, 
c'est  la  [irière  que  l'évèquo  récite  sur  les  ca- 
téchumènes, en  étendant  les  mains  sur  eux 
pour  leur  donner  la  bénédiction,  et  ils  la  re- 
çoivent en  inclinant  la  lètc.  Dans  l'Eglise 
roiuaine ,  le  préire  qui  administre  le  Imp- 
tème  étend  la  main  sur  le  baptisé ,  en  réci- 
tant les  exorcismes  qui  précèdent  ce  sacre- 
ment, et  il  a  la  lèle  couverte  ;  c'est  un  signe 
de  l'autorité  avec  laquelle  il  commanue  à 
l'esprit  immonde  de  s'éloigner  du  baptisé. 

PARDON.  La  raison  a  persuadé  à  tous  les 
hommes  que  Dieu  est  miséricordieux  et 
porté  à  la  clémence  ;  que  quand  nous  avons 
eu  le  malheur  de  l'ollenser ,  c'est-à-dire 
d'enfreindre  sa  loi,  nous  pouvons  obtenir  de 
lui  le  pardon  par  la  pénitence.  Sans  cette 
croyance  salutaire,  un  pécheur  n'aurait  point 
d'autre  i)arti  à  prendre  qu'un  sombre  déses- 
poir; vingt  criuu'sde  plus  ne  lui  coûteraient 
f ien ,  dès  qu'il  pourrait  espérer  d'échaf)- 
per  h  la  vengeance  des  hommes.  La  révéla- 
tion a  pleinement  confirmé  cette  persuasion 
générale  du  genre  humain.  Dieu  ,  dès  le 
commencement  du  monde,  fit  un  acte  de  mi- 
séricorde à  l'égard  du  premier  pécheur  ;  il 
ne  punit  que  par  une  peine  temporelle  le 
péché  d'Adau) ,  qui  méritait  une  peine  éter- 
nelle ,  et  il  daigna  y  ajouter  la  promesse 
d'un  rédempteur.  M  remit  de  même  à  Gain , 


meuririer  de  son  frère,  une  partie  de  la 
peine  ([u'il  méritait,  et  il  le  rassura  contre  la 
crainte  dont  il  était  saisi ,  d'être  tué  par  un 
vengeur.  Lors  même  que  Dieu  menace  les 
Israélites  de  |iunir  leurs  crimes  jusi|u'à  la 
troisième  et  quatrième  génération,  il  promet 
aussi  de  faire  miséi'icorde  jusqu'il  la  mil- 
lième, c'est-à-dire  sans  bornes  et  sans  me- 
sure [Exod.  XX  ,  6).  Le  Psalmiste  nous  ap- 
prend (pie  Dieu  a  pitié  th^  nous  ,  comme  un 
père  a  pitié  de  ses  enfants,  parce  qu'il  connaît 
le  limon  fragile  dont  il  nous  a  formés  (Ps.  en, 
V.  13).  Cette  doctrine  est  la  base  du  christia- 
nisme, puisque  c'est  là-dessus  qu'est  fondée 
la  foi  do  la  réilomption.  Jésus-Christ  no  se 
conleiito  point  di;  dire  :  Soijez  mise'rieor- 
dieu.i-  comme  votre  Père  céleste;  heureux  les 
miséricordieux  ,  parce  guils  recevront  misé- 
ricorde ;  mais  il  ajoute  que  «  ceux  qui  ne 
pardonnent  point  à  leurs  frères  ne  doivent 
espérer  pour  eux-mêmes  aucun  pardon  ;  et  il 
nous  a  enseigné  à  dire  tous  les  jours  à  Dieu  : 
Notre  Père...  pardonnez-nous  nos  o/fenses, 
comme  7WUS  les  pardonnons  à  ceux  qui  nous 
ont  o/l'ensés.  Lors([ue  saint  Pierre  lui  de- 
manda :  «  Seigneur,  combien  de  fois  faut-il 
que  je  pardonne  à  mon  frère  qui  m'a  of- 
fensé :  est-ce  assez  de  sept  fois?  lo  Sauveur 
lui  répondit  :  Je  ne  vous  dis  point  jusqu'à 
sept  l'ois  ,  mais  jusqu'à  soixante  et  dix  fois 
sept  fois.  Par  conséquent ,  sans  bornes  et 
sans  mesure  [Matth.  xvni,  21).  Il  en  a  donné 
lui-même  l'exemple,  puisqu'il  n'a  refusé  le 
pardon  à  aucun  |)écheur.  La  dernière  prière 
qu'il  a  faite  à  son  Père  sur  la  croix  a  été 
pour  lui  demander  pardon  pour  ceux  qui 
l'avaient  crucifié. 

On  est  indigné  avec  raison  lorsqu'on  en- 
tend les  incrédules  blAiner  la  facilité  avecla- 
(luolle  on  accorde  dans  ioutes  les  religions, 
et  particulièrement  dans  le  christianisme,  le 
pardon  à  tous  les  pécheurs  ,  surtout  à  l'ar- 
ticle de  la  mort.  Sans  doute  ces  censeurs 
sans  pitié  se  croient  eux-mêmes  impecca- 
bles. Où  en  seraient-ils,  s'il  n'y  avait  lieu 
d'espérer  que  Dieu  leur  pardonnera  leurs 
blasphèmes,  et  si  notre  religion  no  nous  en- 
seignait pas  qu'il  faut  pardonner  aux  insen- 
sés aussi  bien  qu'aux  hommes  raisonnables? 
Entre  des  êtres  aussi  faibles  et  aussi  vi- 
cieux que  le  sont  les  hommes  en  général,  la 
société  ne  peut  être  qu'un  commerce  conti- 
nuel de  fautes  et  do  pardons  ,  et  il  en  est  de 
même  de  la  société  religieuse  entre  Dieu  et 
riiomme.  Voy.  Expiation  ,  Miskricoiide  de 
Dieu. 

Pardon,  chez  les  juifs,  c'est  la  fête  des  Ex- 
piations dont  nous  avons  parlé  ailleurs.  Ils 
la  célèbrent  encore.  Léon  de  Modène  ob- 
serve qu'autrefois,  la  veille  de  cette  fête,  les 
juifs  modernes  faisaient  une  cérémonie  très- 
ridicule  :  ils  frappaient  trois  fois  sur  la  tête 
d'un  coq  ,  en  disant  à  chaque  fois  qu'il  soit 
immolé  pour  moi,  et  ils  appelaient  ctte  mo- 
merie  chappara,  expiation  ;  mais  ils  y  ont 
renoncé  ,  parce  qu'ils  ont  compris  que  c'é- 
tait une  superstition.  Nous  no  voyons  pas 
dans  la  loi  de  Moise  que  le  coq  soit  au  nom 
bre  des  animaux  qu'il  leur  était  ordonné 


4283 


PAn 


Î>AR 


1284 


d'offrir  en  sacrifice;  mais  cette  victime  était 
commune  chez  les  païens.  Le  soir  ils  man- 
gent beaucoup  ,  parce  qu'Us  observent  un 
jeûne  rigoureux  le  lendemain.  Plusieurs  se 
baignent  et  se  font  donner  les  trente-deux 
coups  de  fouet  proscrits  par  la  loi  ;  ceux  qui 
retiennent  le  bien  d'aulrui  font  alors  des  res- 
titutions, quand  ils  ont  de  la  conscience.  Ils 
demandent  pardon  a.  ceux  qu'ils  ont  olfcn- 
sés,  ils  font  des  aumônes  et  donnent  tous  les 
signes  extrrieui's  de  pénitence.  Ajirès  sou- 
per, plusieurs  i)reniient  des  habits  blancs,  et 
sans  souliers  vont  à  la  synagogue ,  qui  est 
fort  éclairée  ce  jour-ià  :  ils  y  font  plusieurs 
prières  et  plusieurs  confessions  de  leurs  fau- 
tes. Cet  exercice  dure  au  moins  trois  heu- 
res, après  quoi  ils  vont  se  coucher.  Quel- 
ques-uns passent  la  nuit  dans  la  synagogue 
en  priant  Dieu  et  en  récitant  des  psaumes. 
Le  lendemain ,  dès  le  point  du  jour ,  ils  re- 
tournent à  la  synagogue,  et  y  demeurent  jus- 
qu'à la  nuit,  en  disant  des  psaumes,  des 
prières,  des  confessions ,  et  en  demandant 
pardon  à  Dieu.  Lorsque  la  nuit  est  venue 
et  que  les  étoiles  paraissent ,  on  sonne  du 
cor  jiour  avertir  (|ue  le  jeûne  est  fini.  Alors 
ils  sortent  de  la  synagogue  ,  se  saluent  les 
uns  les  autres  ,  en  se  souhaitant  une  longue 
vi\  Ils  bénissent  la  nouvelle  lune,  et  retour- 
nent chez  tux  prendre  leurs  repas.  Léon  de 
Modène,' Cérém.  des  Juifs,  m"  part.  ,  c  G. 
Toutes  ces  démonstrations  extérieures  ne 
sont  certainement  pas  un  préseivatif  infail- 
lible contre  le  péché;  plusieurs  hypocrites 
en  abusent  sans  doute;  d'autres  l'ont  répé- 
tée vingt  fois  sans  restituer  le  bien  d'au- 
lrui, et  sans  en  devenir  plus  scrupuleux  sur 
l'art  cle  de  la  probité.  Mais  il  y  aurait  de 
l'entêtement  à  soutenir  qu'elle  ne  sert  à  rien 
du  tout ,  qu'elle  n'a  jamais  contribué  à  faire 
lépare.'  ni  à  prévenir  aucun  crime  :  quand 
elle  n'en  empêcherait  qu'un  seul  par  an  , 
ce  serait  toujours  autant  de  gagné.  Une 
expéiience  constante  prouve  que  des  pra- 
tiquas générales  et  publiques,  auxquelles 
toute  Uiie  nation  ou  toute  une  ville  inend 
jjart ,  funt  plus  d'impression  que  ce  que  l'on 
fait  en  particulier.  Les  honnu  s  toujours 
pris  par  les  sens  contractent,  sans  s'en  aper- 
cevoir ,  les  sentiments  et  les  aO'ections  dont 
ils  sont  témoins  ;  tel  qui  a  commencé  la  cé- 
rémonie avec  un  cœur  endurci ,  se  trouve 
quelquefois  ému  avant  qu'elle  Unisse  ,  et  se 
convertit  entièrement. 

Pardox,  dans  l'Eglise  catholique ,  est  la 
même  chose  qu'indulgence.  Voij.  ce  mot.  On 
appelait  aussi  autrefois  pardon  la  prière  que 
nous  nommons  VAngelus,  parce  que  les  sou- 
verains poiitifes  y  ont  attaché  une  indul- 
gence. Voy.  Angells.  Dans  les  anciens  au- 
teurs anglais,  pardon,  venia,  signifie  l'action 
de  se  prosterner  pour  demander  pardon  h 
Dieu  ;  prostralus  in  longa  venia  ,  prosterné 
pendant  longtemps  par  pénitence. 

PABÉNÈSE,  discours  par énûique,  exhor- 
tation à  la  piété.  Tant  que  la  parole  aura  du 
pouvoir  sur  les  hommes,  il  sera  utile  de  leur 
faire  dos  exhortations  et  des  discoL'rs  de 
piété.  La  plupart  d'entre  eux  pèchent  par  dé- 


faut de  réflexion  ;  ils  ont  donc  besoin  d'être 
rappelés  à  eux-mêmes  et  à  leurs  devoirs  par 
des  discours  qui  les  instruisent  et  les  exci- 
tent à  la  vertu.  Plusieurs  ne  savent  pas  lire 
ou  sont  incapables  de  le  faire  avec  assez 
d'attention  ;  un  discours  sensé,  solide,  ani- 
mé, fait  sur  eux  beaucoup  plus  d'imiiression 
qu'une  lecture.  Le  peuple  même  le  plus 
grossier  sent  très-lùen  la  différence  qu'il  y  a 
entre  une  exhortation  bien  faite ,  adaptée  à 
sa  capacité  et  à  ses  besoins ,  et  un  discours 
vague,  qui  ne  lui  apprend  rien,  ne  lui  laisse 
rien  dans  l'esprit  et  n'excite  aucun  senti- 
ment dans  son  cœur.  Voy.  Sermon. 

PARENTS.  Dans  l'Ecriture  sainte  ce  terme 
se  prend  non-seulement  pour  le  père,  la 
mère  et  les  aïeux  ,  mais  pour  tout  degré  de 
consanguinité.  Les  Hélireux  confondaient  le 
mot  de  frère  avec  celui  de  parent.  11  est  dit 
de  Melcnisédech  qu'il  était  sans  père ,  sans 
mère  et  sans  généalogie ,  ou  sans  parents  , 
parce  qu'il  n'en  est  pas  fait  mention  dans 
l'histoire  sainte.  Chez  les  anciens,  et  parmi 
le  peu[ile  qui  conserve  encore  la  simplicité 
des  anciennes  mœurs  ,  les  affections  de  pa- 
renté étaient  plus  vives  que  parmi  nous ,  et 
il  en  résultait  un  très-grand  avantage  jiour 
la  société.  Une  famille  se  soutient  par  l'at- 
tachement et  l'intérêt  mutuel  de  ceux  qui  la 
composent,  par  le  point  d'honneur  qui  leur 
fait  craindre  toute  espèce  de  tache.  Si  l'un 
d'entre  eux  est  vicieux ,  tous  se  réunissent 
pour  le  réprimer.  Une  fausse  pliilosojihie  a 
ins[)iré  un  égoïsme  destructeur.  A  peine  les 
pères  et  les  enfants  ,  les  frères  et  les  sœurs 
conservent-ils  ensemble  quelque  Fiaison ,  et 
la  so.:iété  se  trouve  com|iosée  de  membres 
tiès-inditïérents  les  uns  aux  autres.  Lorsque 
l'Ecriture  sainte  condamne  les  affections  de 
la  chair  et  du  Hing  ,  elle  ne  réprouve  les  at- 
t.ichemonts  de  parenté  que  quand  ils  sont 
cxces^ifs  ,  et  qu'ils  peuvent' nous  faire  man- 
quer à  ce  que  nous  devons  à  Dieu  et  à  la  so- 
ciété. Jésus-Christ  voulut  que  ses  disci]ilcs 
renonç.issent  à  leurs  parents  et  à  leurs  l<i- 
milles  ,  parce  qu'il  fallait  qu'ils  se  livrassent 
tout  entiers  à  la  prédication  de  l'Evangile  et 
qu'ils  allassent  porter  la  foi  à  toutes  les  na- 
tions. Les  incrédules  l'ont  accusé  fausse- 
ment d'avoir  méconnu  lui-même  si-s  parents 
et  d'avoir  manqué  d'affection  pour  eux.  il 
était  obligé  de  donner  à  ses  disciples  l'exem- 
ple d'un  détachement  parfait;  mais  il  ne  dé- 
daigna pas  de  mettre  au  rang  de  ses  apôtres 
les  deux  saint  Jacques  ,  saint  Jude  et  saint 
Jean  l'Evangéliste  ,  qui  étaient  ses  parents. 
il  y  a  cependant  dans  l'Evangile  quelques 
passages  dont  les  incrédules  abusent  pour 
étayer  lou!'  accusation.  Dans  saint  Marc,  c. 
m,  V.  31 ,  il  est  dit  que  la  mère  de  Jésus  et 
ses  frères,  c'ost-h-dire  ses  parents,  vinrent 
pour  lui  parler  pend-nt  qu'il  enseignait  le 
peuple;  que  les  assistants  lui  dirent  :  «  Voilà 
votre  mère  et  vos  frères  qui  sont  hors  de  la 
maison  et  qui  vous  demandent.  Jésus  répon- 
pondit  :  Qui  sont  ma  mère  et  mes  fièics? 
En  montrant  ceux  qui  étaient  autour  de  lui, 
il  lit  :  Voilh  ma  mère  et  mes  frères  ;  celui 
qui  fait  la  volonté  de  Dieu  est  mon  frère, 


1285  PAU 

ma  sœur  el  ma  miTC.  »  Dans  ce  iiK^iio  cna- 
pilre,  V.  21  ,  on  Ut  que  ses  iirochcs  allèrent 
|iour  le  ))roiuire  ou  jwur  l'onriruicr ,  on  di- 
sant il  est  tombé  en  démence.  D'ailleurs  saint 
Jean,  c.  vu,  v.  5,  nous  aitjircnd  (jue  ses  pa- 
rents ne  croyaient  pas  en  lui.  De  là  un  in- 
crédule,  qui  a  donné  une  histoire  critique 
âc  Jésus-Christ ,  soutient  qu'il  était  en  dis- 
sension avec  sa  f.auille  ,  qu'il  la  méconnais- 
sait et  la  méprisait  ;  que  ses  parents,  de  leur 
côté,  éiaient  scandalisés  et  fâchés  de  sa  con- 
duite; qu'ils  le  regardaient  comme  un  in- 
sensé qui  méritait  d'être  renfermé.  Si  cette 
calomnie  avait  la  moindre  lueur  de  vraisem- 
blance, il  sérail  étonnant  que  les  Juifs,  très- 
instrtrils  des  dilférentes  cu'constances  de  la 
vie  dii  Sauveur,  (]ue  Cclse,  Porphyre  et  Ju- 
lien, qui  avaient  lu  nos  Evanj:,iles  avec  beau- 
coup d'attention,  n'y  eussent  pas  remarqué 
ce  fait  importani  ;  mais  c'est  un  trait  de  pure 
malignité  de  la  part  îles  incrédules  moder- 
nes. Que  prouve  le  premier  passage?  11 
prouve  que  Jésus-Christ  regardait  la  fonction 
d'instruire  le  ;  cuple  connue  \ûi:s  impurlanle 
que  l'obligation  de  recevoir  la  visite  de  ses 
parents;  (}ue  cette  visite  arrivait  dans  un 
moment  peu  favorable  ;  que  Jésus  fais  lit  en- 
core plus  de  cas  de  la  vertu  et  des  dons  de 
la  giûce,  que  des  liens  du  sang  et  des  affec- 
tions de  parenté.  Il  ne  s'cnsu  t  rien  de  plus. 
Nous  soutenons  que  le  second  est  mal  tra- 
duit ;  si  l'on  veut  examiner  de  près  le  lexte 
grec,  il  porlc  à  la  letire  :  «  Jésus  et  ses  apô- 
tres vinrent  h  la  maison,  et  la  foule  s'assem- 
bla de  nouveau  ,  de  manière  qa'ds  ne  pou- 
vaient pas  seulement  prendre  leurs  repas. 
Ceux  qui  étai>  nt  autour  de  Jésus,  ayant  en- 
tendu le  biuit  de  cette  troupe  de  peuple, 
sortirent  pour  fermer  la  porte ,  et  dirent  à 
ceux  qui  voulaient  enirer  :  Jésus  n'en  peut 
plus,  il  est  en  défaillance,  ou  il  est  sorti 
(Marc,  m,  20).)  »  il  n'est  donc  point  ici  ques- 
tion des  proches  ou  des  jjarents  de  Jésus  ,  il 
n'en  est  parlé  qu'au  v.  31.  L'évangélisle  n'a 
pas  pu  tlire  qu'ils  sortirent  de  la  maison, 
puisqu'ils  n'y  éiaient  pas  entrés.  Le  dessein 
des  apAtrcs  était  d'enfermer  Jésus ,  non 
par  violence ,  mais  pour  le  délivrer  de  la 
l'oulc  qui  ^  enait  l'accabler ,  et  pour  lui  lais- 
ser au  moins  le  temps  de  prendre  de  la 
nourriture.  Ce  qu'ils  disent  à  cette  foule 
pour  l'écarter  sigirilie  également  //  est  sorti 
ou  il  est  hors  de  lui ,  il  est  tombé  en  défail- 
lance. 

A  la  vérité,  si  l'on  excepte  saint  Jean- 
lîapliste,  parent  du  Sauveur ,  et  qui  lui  ren- 
dit témoignage  avant  même  qu'd  commençât 
de  prêcher ,  ses  autres  parents  ne  crure'nt 
pas  d'abord  en  lui ,  et  cela  n'est  pas  éton- 
nant. Une  famille  pauvre  et  otiscure,  telle 
qu'é  ait  celle  de  Jésus,  est  naturellement  ti- 
mide. En  voyant  les  contradictions  aux- 
quelli  s  Jésus  ét.dt  exposé  ,  ses  parents  ciai- 
gnirent  que  la  haine  des  Juifs  ne  retombât 
sur  eux  ;  l'intérêt  de  leur  repos  se  joignit  au 
préjugé  général ,  que  le  fils  d'un  artisan,  né 
dans  l'obscunté  ,  ne  pouvait  être  le  Messie 
ou  Rédempteur  promis  h  Israël.  Mais  a|ïrès 
li'S  tùirades,  la  inoit,  la  résûrreclion  el l'as- 


PÂft 


<28(i 


cension  de  Jésus-Christ,  ses  parents  crurent 
certainement  en  lui ,  ]iuisque  saint  Siméon  , 
son  cousin  germain,  âgé  ue  cent  xiw^i  ans, 
les  d -ux  saint  Jacques  et  plusieurs  autres 
de  ses  proches  soulî'rirent  le  martyre  poui 
lui.  lùtsèbe,  Uist.  eccles.  ,  1.  ni,  C.  20  et  32. 
Alors  leur  foi  ne  [louvail  pkr  être  suspecte  ; 
si  elle  avait  paiu  plus  t*>t,  les  incrédules  di- 
laicnt  (jue  la  vanité  et  l'espérance  de  quel- 
que avantage  temporel  avaient  été  les  mo- 
tifs de  leur  conduite. 

PARFAIT ,  PERFECTION.  Ces  deux  ter- 
mes ne  peuvent  être  attribués  dans  le  même 
sens  à  Dieu  et  aux  créatures.  Lorsque  nous 
disons  que  Dieu  est  parfait,  nous  entendons 
qu'il  est  l'Etre  jiar  excellence,  qui  existe  de 
soi-même,  qui  est  sans  défaut,  dont  les  at- 
tributs ne  peuvent  augmenter  ni  diminuer, 
puisqu'ils  sont  infinis  ;  i)ar  conséquent  tous 
ces  attributs  sont  des  perfections  absolues. 
Parmi  les  êtres  créés,  au  contraire,  aucun 
n'est  absolument  parf.dt  ;  il  n'en  est  aucun 
dont  les  attributs  ne  soient  susceptibles 
d'augmentation  et  de  diminution,  puisqu'ils 
sont  bornés.  Un  être  créé  est  censé  parfait 
]orsqu'<in  le  compare  à  un  autre  être  moins 
parfait  que  lui ,  et  il  est  censé  imparfait ,  si 
on  le  compai'e  à  un  être  meilleur  ou  qui  a 
moins  de  défauts;  ses  attributs  ne  sont  donc 
que  des  perfections  ou  des  imperfections  re- 
latives. Ouand  on  demande  pounjuoi  Dieu, 
qui  est  tout-puissant,  a  fait  des  créatures  si 
im[)arfaites  ,  c'est  comme  si  l'on  demandait 
pouiquoi  il  a  fait  des  êtres  bornés  :  il  ne 
|iouvait  pas  créer  des  êtres  infinis  ou  égaux 
à  lui-môme.  11  n'est  aucune  créature  à  la- 
quelle Dieu  n'ait  pu  donner  un  plus  haut 
degré  de  perfection ,  et  il  n'en  est  aucune  à 
laquelle  il  n'ait  pu  aussi  en  donner  moins. 
Toutes  lui  sont  donc  redevables  de  l'être 
cju'il  leur  a  donné  et  du  degré  de  perfection 
qu'il  a  daigné  leur  accorder.  Si  l'on  s'ob.stine 
à  1)1  endre  les  termes  de  perfection  ou  d'im- 
perfection des  créatures  dans  im  sens  ab- 
solu, on  peut  fonder  sur  cet  abus  des  termes, 
des  sophismes  à  l'infini  :  nous  l'avons  fait 
voir  ailleurs., Fo!/.  Bien  et  Mal.  Ctsux  qui  di- 
sent que  c'est  un  trait  d'injustice  et  de  par- 
tialité de  la  part  de  pieu ,  d'avoir  donné  à 
certaines  créatures  plus  de  perfections  qu'aux 
autres,  ne  s'entendent  jias  eux-mêmes.  Dans 
la  distribution  des  dons  dépure  grâce,  peut- 
il  y  avoir  de  l'injustice  ou  de  la  partialité? 
Dieu  sans  doute  ne  doit  rien  à  des  créatu- 
res qui  n'existent  pas  encore;  l'être  qu'il 
leur  donne  et  chaque  degré  de  perfection 
qu'il  y  ajoute  sont  autant  de  bienfaits  pure- 
ment gratuits.  D'ailleurs,  la  société  des  créa- 
tures sensibles  et  intelligentes  n'est  fondée 
que  sur  leurs  besoins  mutuels  et  sur  les  se- 
cours qu'elles  i)euvent  mutuellement  se  prê- 
ter. Si  l'égalité  des  dons  naturels  et  surna- 
turels était  [larfaite  entre  elles,  toute  société 
serait  impossible.  Yoy.  Inégalité. 

Le  terme  de  pei-fection  ,  dans  le  Nouveau 
Testament ,  signifie  ordinairement  l'assem- 
blage des  vertus  morales  et  chrétiemies;  les 
parfaits  sont  ceux  qui  évitent  toute  espèce 
lie  crime  et  pratiquent  la  \ertu,  autant  que 


1287 


PAR 


PAR 


1283 


]a  faiblesse  humaine  en  est  capable.  Lorsque 
Jésus-Christ  nous  dit  :  «Soi/ez  paifaits comme 
votre  Père  céleste  est  parfait  {Mattli.  v,  48), 
on  conçoit  aisément  que  cette  comparaison 
ne  doit  pas  être  prise  à  la  rigueur;  Jésus- 
Christ  nous  commande  seuleroent  de  faire 
tous  nos  efforts  pour  imiter  les  perfections 
de  Dieu,  surtout  sa  bonté  bienfaisante  à  l'é- 
gard de  tous  les  hommes  ;  c'est  principale- 
ment de  cet  attribut  divin  qu'il  est  question 
dans  cet  endroit.  11  en  éiait  de  même  lors- 
que Dieu  disait  aux  Juifs  :  Soyez  saints  , 
parce  que  je  suis  saint.  Un  jeune  homme 
étant  venu  demander  au  Sauveur  ce  qu'il  de- 
vait faire  pour  obtenir  la  vie  éternelle,  et 
ayant  assuré  qu'il  avait  gardé  tous  les  com- 
mandements de  Dieu ,  notre  divin  Maître 
répliqua  :  Si  vous  voulez  être  parfait,  allez 
vendre  ce  que  vous  possédez  ,  dunnez-le  aux 
pauvres  ,  vous  aurez  un  trésor  dans  le  ciel ,  et 
venez  me  suivre  [Matth.  xix,  21).  11  y  a  donc 
un  degré  de  perfection  qui  n'est  pas  com- 
mandé en  rigueur  et  sous  peine  de  damna- 
tion,  mais  par  lequel  on  peut  mériter  une 
plus  grande  récom|)ensedans  le  ciel;  et  cette 
perfection  consiste  principalement  dans  la 
pratique  des  conseils  évangéliques.  Voy. 
Conseils. 

PARFU.M.  Voy.  Encens. 

PARHERMEN EUTES,  faux  interprètes.  On 
nomma  ainsi  d.ms  le  vu"  siècle  certains  hé- 
rétiques qui  interprétaient  l'Ecriture  sainte 
selon  leur  sens  particuli  -r,  et  qui  ne  fai- 
saient aucun  cas  des  explications  de  l'Eglise 
et  des  docteurs  orthoiloxes.  C'est  probable- 
ment ce  qui  donna  lieu  au  dix-neuvième 
canon  du  concile  inTrullo,  tenu  l'an  692, 
qui  défend  d'expliquer  l'Ecriture  sainte  d'une 
autre  manière  que  les  saints  Pères  et  les 
docteurs  de  l'Eghse.  Mais  cet  abus  a  été 
commun  à  toutes  les  sectes  d'hérétiques. 

PARJURE.  Ce  crime  se  commet  en  deux 
manières  :  1°  lorsque  l'on  jure  ou  que  l'on 
atteste  par  serment  une  chose  que  l'on  sait 
ou  que  l'on  croit  être  fausse;  2°  lorsque  l'on 
n'exécute  point  ce  que  l'on  avait  promis  avec 
serinent;  dans  l'un  et  l'autre  cas,  c'est  pren- 
dre le  nom  de  Dieu  en  vain,  et  manquer  de 
respect  à  Dieu,  dont  on  a  osé  attester  le  saint 
nom.  Barbeyrac,  dans  son  Traité  de  la  morale 
des  Pères,  c.  xi,  §  14,  a  trouvé  bon  d'accuser 
saint  Basile  d'avoir  eu  des  idées  trop  peu 
justes  sur  le  parjure,  et  d'avoir  supposé  que 
c'en  est  un,  lorsqu'en  jurant  l'on  s'est  trompé 
do  bonne  foi.  Il  cite  l'homélie  sur  le  Ps.xiv, 
n.  5;  et  les  nouveaux  éditeurs  de  saint 
Basile  ont  fait  voir  que  cette  homélie  n'est 
pas  de  lui.  Mais,  quel  ({u'en  soit  l'auteur,  on 
le  censure  mal  à  propos.  11  dit  que  celui  qui 
a  juré  de  faire  une  chose,  en  la  croyant  pos- 
sible lorsqu'elle  ne  l'était  pas,  s'est  exposé  à 
commettre  une  espèce  de  parjure ,  jiuisqu'il 
ne  peut  |ias  accomjilir  ce  qu'il  avait  promis 
avec  serment.  Nous  no  voyons  pas  en  quoi 
cet  auteur  s'est  trompé.  Quant  à  saint  Basile 
qui  décide,  ep.  19i),  ad  Amphiloch.,  can.  29, 
que  le  jurement  est  absolument  défendu  ,  il 
parle  comme  l'Evangile  ,  et  il  l'explique  ,  en 
disant  qu'il  faut  apprendre  à  ceux  qui  sont 


ccfli'stitués  en  autorité  à  ne  pas  jurer  aisé- 
ment. Ensuite  il  remarque  avec  raison  que 
celui  qui  a  juré  imi)rudemment  de  faire  une 
mauvaise  action  augmente  son  crime  en  exé- 
cutant son  mauvais  dessein  ,  sous  prétexte 
qu'il  ne  veut  pas  se  parjurer;  il  donne  pour 
exemple  HéroJe,  qui  ôta  la  vie  à  saint  Jeaii- 
Baptiste  ,  parce  qu'il  l'avait  ainsi  juré.  Oîi 
est  ici  l'erreur?  En  conséquence  Beausobre, 
autre  protestant  calomniateur  des  Pères ,  a 
exciisé  les  parjures  que  se  permettaient  les 
manichéens  et  les  priscillianistes  pour  ca- 
cher leurs  erreurs.  Ces  critiques  ne  sont  ca« 
suistes  sévères  que  quand  il  s'agit  d'accuser 
les  Pères  de  l'Eglise.  Voy.  Jurement. 

PAROISSE,  terme  formé  du  grec,  ■Kapoiy.ia, 
demeure  voisine.  On  nomme  ainsi  la  réuni  iii 
de  plusieurs  maisons  ou  de  |)lusieurs  ha- 
meaux, sous  un  seul  pasteur  qui  les  dessert 
in  divinis  dans  une  église  particulière,  que 
l'on  appelle  pour  ce  sujet  église  paroissiale; 
et  le  ()asteui'  en  titre  se  nomme  curé.  Ce 
qui  regarile  l'érection,  les  droits,  les  reve- 
nus ,  l'administration  des  paroisses  ,  appar- 
tient à  la  discipline,  par  conséquent  à  la  ju- 
risprudence canonique;  nous  ne  ferons 
qu'en  rapporter  historiquement  l'origine 
comme  elle  se  trouve  dans  les  écrivains  ec- 
clésiastiques. 

Selon  les  observations  du  P.  Thomassin, 
il  ne  paraît  pas  que  iiendant  les  quatre  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise  ,  il  y  ait  eu  des  pa- 
roisses ni  des  curés  en  titie;  on  ne  voit 
point  alors  de  vestiges  d'aucune  église  sub- 
sistante, à  laquelle  l'évèque  ne  présidAt  pas. 
Ce  ne  fut  que  vers  la  lin  du  iV  siècle  que  l'on 
commença  d'ériger  des  paroisses  en  It  lie. 
Ce|>endant,  dès  le  temps  de  Constantin,  il  y 
ava;t,  dans  la  ville  d'Alexmdrie  et  dans  les 
campagnes  des  environs ,  des  paroisses  éta- 
blies; saint  Epipliane  nous  l'apprend;  saint 
Athanase  ajoute  que  dans  les  villages  il  y 
avait  des  églises  et  des  |iiélres  pour  les  gou- 
verner; il  en  compte  dix  dans  le  pays  appelé 
la  Maréotc.  Il  dit  qu'aux  jours  de  fêles  so- 
lennelles les  curés  d'Alexandrie  ne  célé- 
braient point  la  messe,  mais  que  tout  le  peu- 
ple s'assemlilait  dans  une  église  pour  assis- 
ter aux  prières  et  au  sacrifice  oll'ert  par  l'é- 
vèque. Thomassin,  Discipline  de  l'Eglise ,  i'° 
part.  ,1.  I ,  c.  21  et  22.  En  effet,  comme  l'a 
remarqué  Bingham,  à  mesure  que  le  nombre 
des  fidèles  s'est  augmenté  ,11  a  fallu  multi- 
plier les  églises  et  les  ministres  pour  célé- 
brer l'oftlce  divin  et  administrer  les  sacre- 
ments, surtout  dans  les  grandes  villes.  Les 
mêmes  raisons,  qui  ont  engagé  à  augmenter 
le  nombre  des  diocèses  et  des  évêques,  ont 
également  porté  ceux-ci  à  ériger  des  parois- 
ses,  à  en  confier  le  gouvernement  à  des 
prêtres  éprouvés,  parce  qu'ils  ne  jiouvaieiit 
plus  suffire  seuls  aux  besoins  des  fidèles.  De 
là  on  peut  conclure  que  ,  dès  les  premiers 
siècles,  il  y  avait  dans  les  grandes  villes, 
telles  que  Rome  et  Alexandrie ,  sinon  des 
paroisses,  du  moins  l'équivalent,  c'est-ii-dire 
des  églises  particulières  où  l'on  célébrait 
l'office  divin  aussi  bien  que  dans  l'égtlse  ca- 
thédrale  ou   épiscopale.    Optât   de   Milève 


1289 


PAR 


PAR 


1290 


nous  apprend  qu'à  Rome  il  y  avait  déjà  qua- 
rante églises  ou  basiliques ,  avant  la  persé- 
cution de  Dioclétien,  parconsé(|uent  à  la  fin 
du  m"  siècle.  De  là  Bingliam  conclut  que  les 
moindres  villes  avaient  aussi  nu  moins  une 
église  desservie  par  des  prôtres  et  des  dia- 
cres ;  qu'il  y  en  avait  môme  à  la  campagne, 
dans  les  villages  el  les  hameaux  où  les  fi- 
dèles pouvaient  s'assemldor,  dans  les  temps 
de  persécution  ,  avec  moins  de  danger  que 
dans  les  villes,  coimm-  il  jinraît  par  les  con- 
cUes  d'Elvire  et  de  Néocésnrée  tenus  dans 
ce  temps-là.  L'an  5V2 ,  le  concile  de  Vaisons 
fait  aussi  expressément  mention  des  parois- 
ses de  la  campagne  ,  et  accorde  aux  prôtres 
qui  les  gouvernent  le  pouvoir  de  prêcher, 
qui  avait  été  d'abord  réservé  aux  évécjues. 
On  en  étal)lit  de  môme  successivement  dans 
les  Gaules  et  dans  les  pays  du  Nord  ;  cepen- 
dant, en  Angleterre,  cet  établissement  parait 
n'avoir  eu  lieu  que  vers  la  fin  du  vu'  siècle. 
Bingham  avoue  encore  que,  dans  les  grandes 
villes  ,  les  paroisses  ne  furent  pas  d'abord 
desservies  par  des  curés  en  titre ,  mais  |)ar 
des  prêtres  que  les  évoques  choisissaient 
dans  leur  clergé,  et  qu'ils  changeaient  ou  ré- 
voquaient à  volonté.  C'est  aussi  le  sentiment 
de  M.  de  Valois  dans  ses  Notes  sur  le  premier 
livre  de  Sozomène,  c.  15.  On  ne  sait  pas  pré- 
cisément s'il  en  était  de  môme  des  paroisses 
de  la  campagne,  surtout  de  celles  i|ui  étaient 
un  peu  éloignées  de  la  ville  épiscopale.  Orig. 
ecclés.,  t.  m,  I.  XIX,  c.  8,  §  1  et  suiv. 

Paroisse  (1)  est  le  nom  par  lequel  on 
désigne  un  certain  territoire  ,  dont  les  habi- 
tants sont  soumis,  pour  le  spirituel,  à  la  con- 
duite d'un  curé.  On  donne  aussi  le  nom  de 
paroisse  à  l'église  paroissiale,  et  quelquefois 
ce  mot  se  prend  encore  pour  tous  les  habi- 
tants d'une  paroisse,  pris  collectivement.  Les 
marques  ijui  distinguent  les  paroisses  des 
autres  églises  sont  les  fonts  baptismaux,  le 
cimetière,  la  desserte  de  l'église  faite  par  un 
curé ,  et  la  perception  des  dîmes.  Il  y  a 
néanmoins  quelques-unes  de  ces  marques 
qui  sont  aussi  comnmnes  à  d'autres  églises; 
mais  il  n'y  a  que  les  paroisses  qui  soient  ré- 
gies par  un  curé.  Les  droits  des  paroisses 
sont  que  les  fidèles  doivent  y  assister  aux 
ofiices  et  instructions;  que,  [lendant  la  grand' 
messe  paroissiale,  on  ne  devrait  point  célé- 
brer de  messes  particulières;  que  chacun 
doit  rendre  le  pain  bénit  à  son  tour,  s'acquit- 
ter du  devoir  pascal  dans  sa  paroisse;  que 
le  curé  de  la  paroisse,  ou  celui  qui  est  com- 
mis par  lui,  peut  seul  administrer  les  sacre- 
ments aux  malades;  enfin,  que  chacun  doit 
être  baptisé ,  marié  et  inhumé  ilans  la  pa- 
roisse où  il  demeure  actuellement.  Les  re- 
gistres que  les  curés  sont  obligés  de  tenir 
des  baptêmes  ,  mariages  et  sépultures  ,  sont 
ce  que  l'on  appelle  vulgairement  les  registres 
des  paroisses.  Autrefois  les  curés  ,  avant  de 
dire  la  messe ,  interrogeaient  les  assistants 
pour  savoir  s'ils  étaient  tous  de  la  paroisse; 
s'il  s'en  trouvait  d'étrangers,  ils  les  ren- 
voyaient dans  leur  Eglise. 

(1)  Reproduit  d'après  l'édition  de  Liège  (Droit  ci- 
vil et  canon.). 

DiCTIOMN.    DE  ThKOL.  DOGMATIQUE.    III 


■^  Trois  choses  peuvent  donner  lieu  à  l'é- 
rection des  nouvelles  paroisses  .  1°  La  né- 
cessité et  l'utilité  (pi'il  y  a  do  le  fa'ire,  par 
rapport  à  la  distance  des  lieux,  l'incommo- 
dité que  le  public  souffre  pour  aller  à  l'an- 
cienne ;)aro(ssc  et  la  commodité  qu'il  trou- 
vera à  aller  à  la  nouvelle;  2°  la  ré(]uisiliou 
des  personnes  de  considération ,  à  la  eliarge 
par  ces  personnes  de  doter  la  nouvelle  église  ; 
3°  la  réquisition  des  peuples ,  auxquels  on 
doit  procurer  tous  les  secours  spirituels  au- 
tant qu'il  est  possilile.  Avant  de  jirocéder  à 
uni!  nouvelli'  érection,  il  est  d'usage  de  taire 
une  information  decommodo  et  incommoda  (1). 
Dix  maisons  sont  suffisantes  pour  former 
une  paroisse:  1(!  concile  d'Orléans,  tenu  dans 
le  VI'  siècle  ,  et  celui  de  Tolède  ,  l'ont  ainsi 
décidé.  (Test  à  l'évoque  à  procéder  à  la  divi 
sion  et  érection  des  paroisses.  La  direction 
des  paroisses  dé|iendantes  des  monastères, 
exem|)ts  ou  non  exempts,  apj)arti(nt  à  l'évo- 
que diocésain  privativement  aux  relij;ieux. 
Les  anciennes  ;;aro!ssfs  qui  ont  été  démem- 
brées pour  en  former  de  nouvelles,  sont 
considérées,  à  l'égard  de  celles-ci,  comme 
mère-églises,  ou  églises  matrices;  et  les 
nouvelles  paroisses  sont  quelquefois  quali- 
fiées de  filles  ou  fillettes  à  l'égard  de  l'église 
matrice.  Quelques  paroisses  otit  aussi  des 
annexes  et  succursales. 

Quoique  en  général  les  paroisses  aient  un 
territoire  circonscrit,  il  y  en  a  plusieurs  où 
il  se  trouve  des  fermes  en  terres  qi,i  sont, 
pendant  un  an  d'une  paroisse,  et  l'année 
suivante  d'une  autre.  C'est  surtout  ce  (ju'on 
remarque  pour  dilférentes  terres  et  fermes 
de  la  Beauce  et  de  la  Sologne,  il  y  avait 
aussi  autrefois  des  paroisses  personnelles, 
et  non  territoriales,  c'est-à-diie  (pie  la  (]ua- 
lité  des  personnes  les  attachait  ù  ur,e  pa- 
roisse, el  le  curé  avait  droit  de  suite  sur  ses 
paroissiens.  L'exemple  le  plus  singulier  que 
l'on  trouve  de  ces  paroisses  personnelles  est 
celui  des  églises  de  Sainte-Croix  et  de  Saint- 
Maclou  ,  de  la  ville  de  Manies.  Suivant  une- 
transaction  passée  entre  les  deux  curés,  l'é- 
glise de  Sainte-Croix  était  la  paroisse  des 
nobles  et  des  clercs;  dès  qu'un  homme  avait, 
été  tonsuré  ,  il  devenait  dépendant  de  cette 
paroisse ,  et  quand  même  il  venait  à  se  ma- 
rier, lui  et  toute  sa  famille  demeuraient  tou- 
jours al  tachés  à  la  môme  paroisse:  mais  cette 
transaction  fut,  avec  juste  raison,  déclarée 
abusive  par  arrêt  du  grand  conseil  de  l'an- 
née 1677,  qui  ordonna  que  ces  deux  parois- 
ses seraient  divisées  par  territoire  ,  et  l'exé- 
cution en  fut  ordonnée  par  un  autre  arrêt  du 
31  mai  1715.  A  Amboise  ,  la  paroisse  île  l,:> 
cliapelle  ne  s'étend  que  sur  le  bailli,  le  lieu- 
tenant général,  l'avocat  et  le  pro<  ureur  du 
roi,  le  lieutenant  de  police  ,  les  officiers  des 
eaux  et  forêts  ,  les  verdiers  des  bois  ,  la  no- 
blesse, les  possesseurs  de  fiefs,  les  gardes  du 
gouverneur,  les  nouveaux  habitants  de  Li 

(1)  Pour  l'érection  d'une  nouvelle  paroisse  sous  le 
rapport  temporel,  févéque  présente  les  deniaudes  au 
gouvernement,  qui  érige,  de  concert  avec  lui,  uiia 
église  en  cure  ou  succursale. 

ki 


129! 


PAtt 


PAR 


4f9e 


ville  pendant  la  jiremièi'ê  àftnéë  de  leiibiéta- 
blisseraent ,  les  voya!,'eiti-s  ,  les  oftMers  du 
roi  et  de  la  reine.  Ùni^  maison  bAtie  sur  les 
contins  de  deux  paroisses,  est  de  celle  en  la- 
quelle se  trouve  la  principale  poîte  let  entrée 
de  la  maison. 

L'union  de  plusieurs  paroisses  ehsemhle 
ne  peut  être  faite  que  par  l'évôipie  ;  il  faut 
qu'il  y  ait  nécessité  ou  utilité,  et  ouïr  les  pa- 
roissiens. On  fait  au  prône  des  pa'roisses  là 
puijlication  de  certains  actes,  tels  que  les 
mandements  et  lettres  pastorales  des  évê- 
ques. 

Les  criées  dés  biens  saisis  se  font  à  la 
porte  de  l'église  paroi=;siale.  On  appelle  sei- 
gneur de  paroisse  belui  qui  a  la  haute  justice 
sur  le  terrain  où  l'Eglise  [taroissiale  se  trouve 
bâtie,  quoiqu'il  ne  soit  pas  seigneur  de  tout 
le  territoire  de  la  paroisse.  Le  gouvernement 
spirituel  des  j^oi^oisses  consiste  dans  tout  ce 
qui  concerne  la  célébration  du  service  divin, 
1  administration  des  sacrements ,  les  instruc- 
tions, les  catéchismes  ,  les  cérémonies  de  la 
sépulture ,  etc.  Le  gouvernement  temporel 
comprend  l'entretien  de  l'église  paroissiale 
et  des  chapelles  qui  en  déjiendent ,  la  répa- 
ration ou  la  nouvelle  construction  du  clo- 
cher, des  cloches,  des  murs  du  cimetière,  du 
presbytère;  la  fournilure  des  choses  néces- 
saires pour  célébrer  le  service  divin;  l'admi- 
nistration des  biens  et  des  revenus  de  la  fa- 
brique; l'élection  et  la  nomination  des  mar- 
guilliers  et  des  fabriciens;  les  fonctions  des 
uns  et  des  autres,  etc.  Le  curé  est  seul  eh 
droit  de  régler  ce  qui  regarde  le  spirituel  de 
la  paroisse;  mais  il  est  obligé  de  se  confor- 
mer aux  statuts  du  diocèse  et  à  l'usage  des 
lieux.  Quant  au  temporel,  c'est  au  corps  des 
paroissiens  à  faire  les  règlements  qui  y  sont 
relatifs;  mais  il  faut  que  ces  règlements 
soient  conformes  aux  lois  de  l'Etat  et  aux 
statuts  et  usages  du  diocèse  (1).  Le  patro- 
nage d'une  paroisse  est  dû  a  celui  qui  a 
fondé  l'église  paroissiale  ,  ou  qui  a  fourni  à 
son  entretien  (Extrait  du  Diction,  de  Juris- 
prudence). 

PAIIOLE.  Ce  mot  en  Hébreu  a  une  signi- 
fication aussi  étendue  que  res  en  latin  ,  qui 
vient  évidemment  du  grec  fér»,  je  parle,  et 
que  notre  mot  français  chose,  qui  est  le  causa 
des  Latins  :  nous  disons  encore  causer  pour 
parler.  Comme  presque  tout  se  fait  ))ar  la 
parole  |)armi  les  nommes,  dans  nos  versions 
iaiines  de  l'Ecriture  sainte  ,  le  mot  verbutn, 
qui  est  la  traduction  de  l'Hébreu  dabar,  si- 
gnifle  non-seulement  parole  ,  promesse  ,  vo- 
lonté déclarée,  révélation,  mais  chose,  action, 
événement,  etc.  Il  serait  aisé  d'en  api.orter 
vingt  exemples 

Parole  de  Dieu.  Lorsque  i)ieU  a  fait  con- 
naître sa  volonté  aUx  hommes,  soit  par  lui- 
même, soit  par  d'autres  hommes  auxquels  il  a 
donné  ues  signes  certains  d'une  mission 
surnaturelle,  ce  (jui  nous  a  été  ainsi  révélé 
est  censé  être  \a  parole  de  Dieu.  Consé- 
quemmenl  nous  donnons  ce  nom  à  l'Ecrilure 

(1)  Nous  avons  donné  dans  notre  Dict.  dé  Tliénlo- 
gie  morale  les  règlements  acluellemenl  en  vigueur 
pour  le  gouvernement  temporel  des  paroisses. 


sainte  ,' parce  qu'elle  a  été  'originairement 
écrite  par  des  hommes  auxquels  Dieu  avait 
donné  commission  exp/esse  de  noUs  parler 
de  sa  part.  Il  n'est  pas  nécessaire  que  Dieu 
ait  révélé  ou  inspiré  immédiatement  aux 
écrivains  sacrés  toutes  les  expressions  et 
tous  les  termes  dont  ils  se  sont  servis  ;  il 
sudit  que  Dieu  leur  ait  révélé  ce  qu'ils  ne 
pouvaient  pas  savoir  naturellement,  qu'il  les 
ait  excités,  par  un  mouvement  de  sa  grâce,  à 
écrire,  et  qu'il  ait  veillé,  par  une  assistance 
particulière,  h  ce  qu'ils  n'enseignassent  au- 
cune erreur.  Que  cette  paro/c  ait  été  pronon- 
cée de  vive  vfdx,  ou  qu'elle  ait  été  mise  par 
écrit,  c'est  une  circonstance  accidentelle  qui 
n'en  change  point  la  nature.  Les  apôtres  ont 
commencé  par  prêcher  avant  d'écrire  ;  la  foi 
de  ceux  qui  les  ont  ^entendus  n'était  pas  dif- 
férente de  la  foi  de  ceux  qui  ont  lu  leurs 
écrits  :  Dieu,  sans  doute,  ))eut  veiller  à  la 
conservation  d'une  doctrine  prêchée  de  vive 
voix,  comme  h  la  sûreté  et  à  l'intégrité  du 
l'Ecriture  :  c'est  ainsi  qu'il  a  conservé  la  ré- 
vélation primitive,  pendant  deux  mille  cinq 
cents  ans,  parmi  les  patriarches. 

Lorsque  les  hommes  qui  avaient  reçu  de 
Dieu  une  mission  extraordinaire  et  suiîiatu- 
relle,  ont  déclaré  qu'ils  avaient  lé  pouvoir 
de  donner  à  d'autres  cette  même  mission,  et 
qu'ils  la  leur  ont  donnée  en  effet  pour  conti- 
nuer le  même  ministère,  nous  ne  voyons  pas 
pourquoi  l'on  refuserait  de  regarder  comme 
parole  de  Dieu  la  doctrine  de  ces  nouveaux 
envoyés,  aussi  bien  que  celle  des  premiers, 
surtout  lorsqu'ils  déclarent  tous  qu'il  ne 
leur  est  pas  permis  de  rien  ajouter  ni  de 
rien  changer  à  ce  qui  a  été  i)rêché  d'abord, 
et  que  tous  enseignent  uniforinément  la 
même  doctrine.  -Saint  Paul  nous  dit  que  Jé- 
sus-Christ a  donné  non-seulement  des  apô- 
tres, des  prophètes  et  des  évangélistes,  mais 
encore  des  pasteurs  et  des  docteurs ,  «  afm 
que  nous  nous  rencontrions  tous  dans  l'u- 
nité de  la  foi....,  et  que  nous  ne  soyons  pas 
comme  des  enfants,  flottants  et  emportés  à 
tout  vent  de  doctrine  [Ephes.  iv  ,  II).  »  La 
mission  des  pasteurs  et  des  docteurs  (jui  ont 
snccédé  aux  apôtres  et  aux  évangélistes  est 
donc  la  même  que  la  leur  ;  elle  vient  do  la 
même  source,  elle  a  le  même  objet;  elle  mé- 
rite donc  la  môme  docilité  et  le  môme  respect 
de  notre  part.  Le  même  apôtre  dit  à  son 
disciple  Timoihée ,  qu'il  sera  bon  ministre 
de  J.'sus-Christ,  en  proposant  aux  fidèles  la 
foi  d;uis  laquelle  il  a  été  nourri,  et  la  bonne 
doctrine  qu'il  a  reçue  ;  il  lui  ordonne  de 
l'enseigner,  de  la  commander  (  /  Tim.  iv,  6 
et  llj;  de  la  garder  comme  un  dépôt  (vi,  20); 
de  la  conlier  à  des  hommes  ûdèles  qui  se- 
ront capables  d'enseigner  les  autres  {IITim. 
II,  2).  Après  lui  avoir  dit  :  «  Et,  comine  vous 
connaissez  dès  l'enfance  les  saintes  lettres 
qui  peuvent  vous  instruire  pour  le  salut  par 

la  foi  qui  est  en  Jésus-Christ »  il  ajoute  : 

«  Je  vous  en  conjure  en  présence  de  Dieu  et 
de  Jésus-Christ,  prêchez  la  parole,  etc.  (m, 
15  ;  IV,  1).  »  Voilà  donc  une  continuation  de 
mission  et  de  ministère  apostolique.  Si  la 
lecture  de  l'Ecrituri!  sainte  était  afiaolumeût 


1295 


PAH 


PAR 


mi 


ni'cessaire  et  suffisait  à  tous  les  fidèles  pour 
leur  donner  la  loi  et  la  science  du  salut, 
qa"f5tail-ii  encore  besoin  do  leur  (irùcher  la 
parole?  Mais  c'est  parce  que  'riinothée  con- 
naissait cns  saints  livres,  que  Paul  le  juge 
capable  de  prêcher  el  d'enseigner.  L'apôtre 
pensait  donc  que  la  prédication  ou  l'ensei- 
gnement dos  pasteurs  était  ptiur  les  simples 
lidèles  la  parole  (h;  I>ieit,  et  leur  tenait  lieu 
des  saintes  leltres  (pie  la  plupart  ne  connais- 
saient pas  et  ne  pouvaient  jias   coniiaiti'e. 
Vuy.  EcRiTL  RE  SAINTE.  Aiusi,  nous  disons  que 
les  pasteurs  et  les  prédicateurs  u  >us  prêchent 
la  parole  de  Dieu,   parce  qu'ils  ont  reçu  la 
mission  ordinaire  des  évè(jues,  et  nous  som- 
mes certains  qu'ils  ne  nous  enseignent  rien 
de  contraire  à  la  parole  de  Dieu  écrite,  tant 
qu'ils  ne  sont  pas  désavoués  par  ceux  qui 
leur  ont  donné  cette  mission.  Vot/.  Mission. 
PAKKALN,  c'est  celui  qui  présente  unén- 
l'ant  au  baptême,  qui  le  lient  sur  les  fonts, 
qui  répond  de  sa  croyance  et  lui  impose  un 
nom.  bans  les  |)remiers  siècles  du  Christia- 
nisme, il  était  à  craindre  que  l'on   ne   fût 
trompé  par  quelques-uns    tie   ceux   qui  se 
présentaient  pour  recevoir  le  baptême;  on 
voulut,   pour  si'ii'cté,   avoir   le  témoignage 
d'un  chrétien  bien  connu,  qui  put  répondi'C 
de  la  cioyance  et  des  m  l'urs  du  nouveau 

fi'osélvle,  qui  se  chargeât   de    continuer    à 
instruire  et  à    le  surveiller.  Ce  répôniant 
I       fut  noiUiué  pater  lustralis,  lasiricus  parenss 
&ponsor,  patrinus,  susceplor;  gestator,  offe- 
rens.  Et  il  en  fut  de  même  des  marraines  par 
ra[)port   anx   personnes  di;  sexe.  Cet  usage 
que  1,1  prudence  avait  suggéré  à  l'égard  des 
aduiteSi  fut  jugé  utile  et  convenable  à    l'é- 
gard des  enfants,  lorsque  ce  n'('taient  point 
leurs  pères  et,  mères  qui  hvs  présentaient  au 
baptême,  il    fallait  que   quelqu'un  ré,  ondit 
pour  eux  aux  interr  )gatioiis  qu'on  leur  fai- 
sait. Connue  la  fonction  des /;«r/'«(ns  et  mar- 
raines à  l'égal  d  de  leur  jiHeul  était  une  es- 
pèce d'adoption*  l'Kghse  jugea  convenable 
qu'elle  produisît  la  même  àhhiité  ;  elle   de- 
vi)U  uu  empêchement  au   mariage,   et   une 
loi  de  Justinien   conlirma   cette   discipline. 
Pendant  un  temps  la  coutume   s'introduisit 
de  prendre  plusieurs  parrains  et   plusieurs 
marraines  ;  aujourd'hui  l'on  n'en  prend  plus 
qu'un  de  chaque  sexe;  l'on  peut  en  prendre 
un  pijur  la  confirmation,   quoique   cela  ne 
soit  pas  absolument  nécessaire.  Cet  usage  a 
été   sagement    conservé  ;   indépendamment 
ûes  raisons  qui  l'ont  fait  établir  dans  l'ori- 
gine, l'affinité  spirituelle  que  contractent  le 
parrain  et  la  marraine   avec  leur   filleul    et 
avec  ses  père  et  mère,  est  un   lien  de  plus 
entre  les  familles  qui  ne  [leut  produire  que 
de  bons  elfets  ;  souvent  un  enfant  qui  avait 
perdu  ses  parents  a   trouvé  une    ressource 
très-avantageuse  dans  ceux    qui   l'avaient 
présenté  au  baptême.  Saint  Augustin   nous 
ajjprend  que  les  vierges  consacrées  k  Dieu 
rendaient  souvent  ce  service  de  charité  aux 
enfants  qui  avaient  été  exposés  par  la  cruau- 
té de   leurs  parents.  Bingnaui,  Orig.  ecclés., 
tom.  IV,  1.  II,  c.  8. 
PARKICIDË.   Bous  ce   nom  i«s  auteurs 


eccli'siasti(pies  entendent  non  -  seulement 
le  meurtri!  d'un  |)ère  ou  d'une  mère  com- 
mis par  un  enfant ,  mais  celui  d'un  enfant 
commis  par  sm  père  oli  par  sa  mèi-e.  Ce 
crime  a  toujours  été  puni  par  les  lois  de 
l'Eglise  aussi  bien  que  par  l«s  lois  civiles; 
la  peine  ordinaire  était  l'ciconmiiinicatinn 
ou  l'état  de  pénitence  perpétuelle  ;  dans  |)!U- 
sieurs  Eglises  il  était  défendu  d'accordi'r  aux 
coupables  la  communion ,  mêlTie  h  la  mort. 
Lorsque  les  païens  s'avisèrent  d'accuser  les 
chrétiens  d'égurger  un  enfant  dans  leur.^ 
assembl.'es  ,  nos  apologistes  firent  sentir 
l'alisurdité  de  cette  calomnie  par  l'horreur 
que  notre  religion  nous  inspire  pour  riioiui- 
cide  en  général  ;  mais  ils  reprochèrent  aVec 
force  aux  païens  la  multitude  des  meuiii-es 
qui  se  commettaient  parmi  eux,  la  criiaufé 
avec  laquelle  les  pères  et  mères  exposaient 
leurs  enfants  pour  se  décharge!'  de  la  pèiiie 
de  les  nourrir,  le  peu  de  scrupule  qu'avaient 
les  femmes  de  se  faire  avorter.  Dans  la  dis- 
cipline actuelle ,  toutes  les  espèces  d'homi- 
cides sont  encore  un  cas  réservé.  Binghain, 
Orig.  ecclés  ,  t.  VL  1.  xvi^  e.  ID,  §  9. 

PAUSIS  ou  PARSES,  sectateurs  de  VsYi- 
cièniie  religion  des  Perses  dont  ZoroAStre  A 
été  l'auteur  ou  le  restaurateur.  Comme  les 
anciens  docteurs  ou  ministres  de  cette  reli- 
gion se  nommaient  mages ,  elle  est  quelque- 
fois appelée  le  ûiagisme. 

Jusqu'il  nos  jours  elje  avait  été  asèez  niai 
connue,  et  elle  avait  f6brni  aux  savants  une 
ample  matière  de  disputes  ;  leS  auteurs  grecs 
et  latins  ne  nous  en  avaient  donné  que  des 
notions  très -imparfaites.  Dans  le  demiei" 
siècle,  Hyde,  savant  anglais,  dans  son  traité 
de  Kelifjiwne  veterum  Persarum ,  en  avait  fait 
l'éloge  plutôt  que  le  tableau  ;  il  prétendit 
que  les  Grecs ,  et  mômes  les  Pères  de  l'E- 
glise, l'avaient  mal  représentée,  et  avaient 
attribué  aux  mages  des  erreurs  auxquelles 
ciux-ci  n'avaient  jamais  pèûsé  ;  que  la  doc- 
trine de  Zoroastre  était ,  dans  le  fotid  ,  là 
croyance  d'Abraham  et  de  Noé,  la  vraie  re- 
ligion lies  patriarches.  Prideaux  ,  dans  son 
Ilistoirc  des  Juifs ,  tom.  I,  1.  iv,  p.  131 ,  en 
jugea  beaucoup  moins  favorablement  ;  il 
soutint  que  les  parsis  étaiteilt  dualistes  et 
polythéistes  ;  qu'ils  admettaient  deux  pre- 
miers principes  de  toutes  choses,  qu'ils  ado- 
raient le  soleil ,  le  feu  ,  et  plusieurs  autres 
créatures  ;  que  sur  ce  point  essentiel  les 
anciens  auteurs  ne  leur  en  avaient  point 
imposé. 

Pour  savoir  plus  certainement  la  Vérité  , 
M.  Anquetil  entre|)rit,  en  1755,  le  voyage 
des  Indes  ,  oii  il  savait  qu'il  y  a  un  iissêz 
grand  nombre  de  pmsis,  afin  de  se  procurer 
les  ouvrages  originaux  de  Zoroastre ,  tfUi 
étaient  encore  inconnus  eli  Europe  ;  il  ICS 
y  a  trouvés  en  elfet ,  les  a  rapportés  Ctl 
France,  1 1  en  a  donné  la  traduction  en  1771, 
sous  le  i\\.Y&  A'i  Zcnd-Avesta.  Avec  ce  secours 
et  celui  de  plusieurs  mémoires  insérés  dans 
Xa  Collection  de  l'Académie  des  Inscriptions , 
nous  pouvons  jugei- de  la  religion  de  Zo- 
roastre et  des  pnrsis  avec  beaucoup  plus  do 
certitude  qu'autrefois 


1295 


PAR 


PAR 


4296 


Dans  le  lomc  LXX,in-12,dc  ces  mémoires, 
M.  Anquetil  s'est  attaché  à  prouver  que  les 
ouvrages  qu'il  a  publiés  sous  le  nom  de  Zo- 
roastre  sont  véritablement  de  ce  législateur, 
ou  du  moins  qu'ils  sont  aussi  anciens  que 
lui;  il  a  ré|iondu  aux  doutes  et  aux  objec- 
tions (pie  quelques  savants  avaient  proposés 
contre  l'authenticité  de  ces  écrits,  et  nous 
ne  voyons  pas  (jue  l'on  ait  encore  tenté  de 
détruire  les  preuves  qu'il  a  données. 

La  vie  de  Zoroasire  est  tirée  de  ses  pro- 
pres ouvrages  et  de  ceux  de  ses  disciples  , 
des  écrivains  orientaux  rapprochés  des  au- 
teurs grecs  et  latins.  Ce  législateur  a  paru , 
selon  M.  Anquetil ,  cinq  cent  cinquante  ans 
avant  Jésus-Christ.  Hyde  est  de  môme  avis  , 
et  Prideaux  ne  s'en  écarte  pas  beaucoup.  A 
peu  près  dans  le  raéme  temps ,  Confucius 
instruisait  les  Chinois;  Phérécide  le  Syrien  , 
maître  de  Pythagore,  jetait  les  premiers  fon- 
dements de  la  philosophie  grecque  ;  les 
Juifs ,  transportés  à  JJaijylone  par  les  rois 
d'Assyrie  ,  attendaient  la  tin  de  leur  capti- 
vité. Jérémie  ,  E,;échiel  et  Daniel  nous  ont 
représenté  la  religion  des  Babyloniens  comme 
l'idolâtrie  la  plus  grossière  ;  il  est  proba- 
ble que  celle  des  Mèdes  et  des  Perses  n'é- 
tait pas  moins  corrompue  lorsque  Zoroastre 
entreprit  de  la  réformer.  11  se  retira  dans  la 
solitude  pour  arranger  son  système  ;  il  en 
sortit  pour  faire  l'inspiré  et  lé  prophète  ;  il 
publia  d'abord  sa  doctrine  dans  la  Médie , 
sur  les  bords  de  la  mer  Caspienne  ;  il  gagna 
le  roi  des  Mèdes  par  la  persuasion  ;  il  sé- 
duisit le  peuple  par  des  prestiges  ;  il  subju- 
gua ses  adversaires  par  la  crainte  ;  ses  dis- 
ciples lui  ont  attribué  des  milliers  de  mira- 
cles. Enflé  de  ses  succès,  il  lit  mettre  des  armées 
en  campagne  pour  établir  sa  loi  par  la  vio- 
lence,  et  c'est  ainsi  qu'il  l'élendit  jusque 
dans  les  Indes  ;  il  fut  tout  à  la  fois  enthou- 
siaste ,  imposteur ,  orgueilleux  et  sangui- 
naire. Zend-Avesta ,  tom.  I,  ii'  part.,  p. 
Gk  et  65. 

Malgré  les  peines  que  M.  Anquetil  s'est 
données  pour  exposer  le  système  théolo- 
gique de  Zoroastre  et  des  mages  ,  Mém.  de 
TÂcad.  des  Inscrip. ,  t.  LXIX ,  in-12,  p.  8o  , 
il  n'est  pas  encore  fort  aisé  de  prendre  le 
vrai  sens  de  ses  dogmes,  et  il  y  a  sur  ce  su- 
jet une  grande  contestation.  Selon  M.  An- 
quetil ,  Zoroasire  admet  un  Dieu  suprèiue 
qu'il  nomme  V Eternel  ou  le  temps  sans  bornes, 
et  il  professe  le  dogme  important  delà  créa- 
tion. Il  suppose  que  l'Eternel  a  produit  ou 
créé  deux  esprits  ou  génies  supérieurs , 
ilont  l'un  nommé  Ormuzd  est  le  principe  de 
tout  bien;  l'autre,  appelé  Ahriman,  est  na- 
turellement mauvais  et  cause  de  tous  les 
maux  qui  sont  dans  le  monde  ;  que  ces  deux 
esprits  en  ont  produit  une  intinité  d'autres 
qui  animent  et  gouvernent  les  éléments  et 
les  dirférentes  jiarties  de  la  nature.  Consé- 
quemment  les  mages  et  les  parsis  adressent 
un  culte  à  tous  ces  êtres,  ils  invoquent  ceux 
qu'ils  regardent  comme  les  distrUjuteurs  de 
tous  les  biens ,  et  implorent  leur  secours 
contre  les  mauvais  génies  qu'Ahriman  a 
produits.  M.  Anquetil  orétend  que  ce  culte  ^ 


est  secondau-e  et  relatif,  qu'il  se  rapporte 
du  moins  indirectement  à  l'Eternel,  créateur 
d'Ormuzd  et  de  tous  les  bons  génies.  Mais 
les  preuves  qu'il  en  a|)porte  n'ont  pas  per- 
suadé tous  les  savants.  M.  l'abbé  Fouclier, 
qui  trav.dllait  alors  à  un  Traité  historique  de 
la  religion  des  Perses,  dans  le  temps  môme 
que  M.  Anquetil  était  occupé  à  la  recherche 
et  à  la  traduction  des  livres  de  Zoroastre , 
s'était  appliqué  à  prouver  contre  le  docleur 
Hyde,  que  les  Perses  professaient  non -seu- 
lement le  dualisme ,  par  conséquent  une  er- 
reur contraire  au  dogme  de  l'unité  de  Dieu, 
mais  qu'ils  étaient  encore  sabaïtes  ou  ado- 
rateurs des  astres  ,  dans  toute  la  rigueur  du 
terme,  et  que  ce  culte  ne  pouvait  en  aucune 
manière  se  rapportera  un  seul  Dieu  suprême. 
Ce  traité  se  trouve  dans  les  tomes  XLII, 
p.  161;  L,  p.  15;);  LVI,  p.  336,  des  Mémoires 
de  l'Académie  des  Inscript.,  m-12. 

Après  avoir  lu  le  Zend-Avesta  et  les  re- 
marques de  M.  Anquetil ,  M.  l'abbé  Foucher 
est  demeuré  convaincu  de  la  vérité  de  ce 
qu'il  avait  avancé  ;  et  dans  un  supplément  à 
son  traité,  il  prouve,  par  les  ouvrages  même 
de  Zoroastre,  que  ce  fondateur  de  la  religion 
des  Perses  n'admet  point  distinctement  un 
seul  premier  principe  éternel,  agissant,  tout- 
l)uissant  et  créateur  ;  que  selon  sa  doctrine , 
Ormuzd  et  Ahriman  sont  deux  êtres  éternels 
et  incréés  ;  qu'ils  sont  sortis  du  temps  sans 
bornes  ,  non  par  création  ,  mais  par  émana- 
tion; qu'à  proprement  parler,  ces  deux  per- 
sonnages sont  les  deux  seuls  dieux,  puisque 
le  temps  sans  bornes  n'a  point  de  provi- 
dence ,  et  n'a  eu  aucune  part  à  la  formation 
ni  au  gouvernement  du  monde.  Il  fait  voir , 
par  les  prières  mêmes  que  les  parsis  adres- 
sent au  soleil,  au  feu  et  à  l'eau,  qu'ils  envi- 
sagent ces  êtres  non-seulement  comme  intel- 
ligents et  capables  d'entendre  leurs  prières, 
mais  comme  puissants  et  indéjiendants  ; 
qu'ainsi  le  culte  qui  leur  est  rendu  peut  se 
rapporter  tout  au  plus  à  Ormuzd  qui  est 
leur  auteur;  mais  non  à  l'Etre  suprême  et 
éternel ,  créateur  et  gouverneur  du  monde  : 
d'où  il  conclut  que  les  parsis  sont  non-seu- 
lement dualistes  ,  et  sabaïtes  ,  mais  que  leur 
culte  est  une  vraie  matjie  ou  une  théurgie 
absolument  semblable  à  celle  des  platoni- 
ciens du  nr  et  du  iv  siècle  de  lEglise.  A 
proprement  jiarler ,  ils  ne  sont  point  idolâ- 
tres ,  puisqu'ils  ne  représentent  point  par 
des  statues  ou  des  simulacres  les  esprits  ou 
génies  qu'ils  adorent ,  mais  ils  les  honorent 
dans  les  êtres  naturels  avec  lesquels  ils  les 
supposent  identitiés.  Voy.  le  tom.  LXXIV, 
in-12 ,  des  Mémoires  de  l'Acad. ,  pag.  235 
et   suiv. 

De  là  même  il  s'ensuit  que  Zoroastre  a  été 
non-seulement  un  imposteur  et  un  faux  pro- 
phète ,  mais  un  mauvais  [ihilosophe.  Le 
dogme  des  deux  principes,  quand  il  serait 
tel  que  M.  Anquetil  la  conçu,  ne  montre  pas 
un  raisonneur  profond,  il  ne  résout  pointla 
dilliculté  de  l'origine  du  mal  et  ne  satisfait 
à  aucune  objection  ;  que  Dieu  soit  par  lui- 
même  l'auteur  du  mal,  ou  qu'il  ait  créé  un 
mauvais  principe  qui  devait  le  produire   et 


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PAR 


PAR 


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dont  il  pr(''VOvnit  la  malignité,  cola  revient 
/  au  môme  ;1'un  n'est  pas  plus  aisé  à  concevoir 
^,  que  l'autre.  Voi/.  i\[AMciiÉisME.  Si  l'on  snp- 
i  pose  que  ce  princi]ie  ilu  mal  est  éternel  et 
incréé,  l'on  tombe  dans  un  chaos  tl'alisurdi- 
tés.  Dans  les  prières  des  parsis  ,  (l:ins  toutes 
leurs  cérémonies,  Onnuzcl,  être  secondaire, 
est  le  seid  objet  di- leur  confiance  eldeleiu's 
vœux  ;  c'est  lui  qu'ils  adorent  sous  l'em- 
blème du  feu  :  l'Eternel  ou  le  temps  sans 
bornes  n'est  jamais  nommé  ni  invoqué. 
Quand  môme  ils  regarderaient  On/(  M  :rf  comme 
l'Etre  suprême,  éternel  et  incréé,  ils  lui 
feraient  encore  injure,  en  supposant  son 
pouvoir  borné  et  toujours  gêné  par  un  en- 
nemi contre  lequel  il  est  continuellement 
obligé  de  combattre.  Ce  n'c^t  point  lui  qui  a 
créé  Ahriman  ;  si  celui-ci  est  éternel  et  in- 
créé, il  est  absurde  de  le  sup|ioser  essentiel- 
lement mauvais.  La  Cosmof/onie,  ou  l'histoire 
de  (a  formation  du  »!ow(/p,  iorgéi'par  Zoroas- 
tre  ,  est  remplie  de  tables  puériles  et  ridi- 
cules. Selon  lui,  W  ciel,  la  terre,  les  astres, 
les  eaux,  le  feu  et  toutes  les  jiarties  de  la 
nature  sont  animées  par  des  esprits  ou  tles 
génies  ;  lesmoindres  phénomènes  sont  l'opé- 
ration d'un  personnage  bon  ou  mauvais  ; 
c'est  le  môme  préjugé  qui  a  fondé  le  poly- 
théisme de  tous  les  peuples.  L'imagination 
des  parsis,  toujours  frappée  de  la  |)résence  de 
ces  êtres  bizarres,  n'est  jamais  tranquille  ; 
<■>  tout  moment  et  pour  toutes  les  actions  il 
fait  leur  adresser  des  prières  ;  n'est-il  pas  ri- 
dicule d'invoquer  laterre,les  vents,  leseaux, 
les  arbres,  les  Iruits,  les  villes,  les  rues,  les 
maisons,  les  mois,  lesjours,  les  heures,  etc.  ? 
Les  jiaïens  les  plus  superstitieux  n'ont  ja- 
mais poussé  la  stupidité  jus(pic-lii.  Si  un 
par.te  était  exact  à  observer  son  rituel  et 
toutes  les  formules  qui  lui  sont  prescrites, 
il  ne  lui  resteiait  |)as  un  instant  pour  remplir 
les  devoirs  de  la  vie  civile;  sa  religion  l'as- 
sujettit à  un  cérémonial  continuel. 

On  nous  dit  que  la  morale  de  Zoroastre 
renferme  îles  jiréceptes  très-sages,  qu'elle 
commando  tous  les  devoirs  de  justice  et 
d'humanité.  Sa  loi  défend  les  péchés  de 
pensées,  de  paroles  et  d'actions,  l'injustice, 
la  fraude,  la  violence,  l'impudicité  ;  elle  veut 
que  la  plupart  des  crimes  soient  punis  de 
mort;  elle  ne  |)rescrit  point  d'austériti's,  mais 
de  bonnes  onivrcs  :  prêter  sans  intérêt, 
planter  unarbre,  mettre  un  enfant  au  monde, 
nourrirun  animal  utde,  etc.,  sont  des  actions 
méritoires.  Mais  ces  leçons  raisonnables 
sont  éloulfées  par  la  multitude  de  choses 
Inditférentes  qui  sont  l'igoureusement  pres- 
crites par  cette  même  loi ,  ou  défendu  s 
comme  des  crimes.  11  est  absurde  de  repré- 
senter comme  des  péchés  à  peu  près  égaux, 
défaire  tort  ouvinlmire  .^  un  homme  et  de 
blesser  un  animal,  de  C(jmmettro  un  adultère 
et  d'a|.iprocher  d'un  corps  mort,  de  mentir 
pour  trom[ier  son  [irochain  el  do  toucher 
des  ongles  ou  des  chev.ux  coupés.  Si  un 
parse  avait  craché  dans  le  feu  ou  l'avait  souf- 
llé,  ou  y  avait  jeté  de  l'eau,  il  se  croirait 
digne  de  l'enfer.  Cette  multitude  de  péchés 
ou  de  souillures  imaginaires  met  les  parsis 


dans  la  nécessité  de  recourir  a  des  imrifica- 
tions  continuelles  ;  les  plus  ellicaces  se  font 
avec  de  l'urine  de  bœuf,  et  ils  ont  le  courage 
d'en  boire  ;  la  plupart  de  leurs  cérémonir.s 
sont  d'une  malpropreté  qui  fait  soulever  ]n 
cœur.  L'usage  dans  lequel  ils  sont  de  no 
]ioint  enterrer  les  morts,  mais  de  les  laisser 
cori-onipre  au  grand  air  et  dévorer  par  les 
oiseaux  carnassiers, sullirait  pour  infecter  les 
vivants  danstlesclimatsmoinschauds  et  moins 
secs  que  ceux  de  la  Perse  et  des  Indes. 
Nous  sommes  sur[)ris  de  ce  que  le  savant 
académicien  qui,  di|)uis  |ieu ,  a  comparé 
eiisoiiible  Zoroastre,  Confucius  et  Mahomet, 
a  jiarlé  si  avantageusement  de  la  doctrine  de 
Zoroastre  ;  après  l'avoir  bien  examinée  nous 
ne  concevons  pas  en  quel  sens  on  a  pu  le 
nommer  un  rjrand  homme.  Nous  voyons  en- 
core moins  sur  quoi  peut  être  fondé  l'éloge 
l)om|ieux  qu'en  a  fait  l'auleiirde  VEssai  sur 
l'hist.du  Sabi'isme,  c.  11.  Nos  beaux  es[)rits 
modernes  es;)èrent-ils  donc  que  les  louanges 
qu'ils  donnent  aux  fondateurs  des  fausses 
religions  tourneront  au  ilésavantage  de  la 
véritable? 

Les  préceptes  de  charité  et  de  justice  doi- 
vent être  les  mêmes  à  l'égard  de  tous  les 
hommes;  mais  les  parsis  n'en  font  l'appli- 
cation qu'aux  sectateurs  de  leur  religion; 
leurs  observances  minutieusi^s  et  rexemple 
de  leur  législateur  leur  inspiient  le  mépris 
et  l'aversion  pour  tous  ceux  qui  ont  une 
croyance  dilférente  de  la  leur.  La  cruauté 
aveclaquelleils  punissent  les  criminels,  lors- 
qu'ils en  sont  l"s  maîtres,  décèle  en  eux  un 
caractère  atroce  ;  intliger  la  peine  de  moi  t 
inditféremment  pour  descrimestrès-inégaux, 
et  dont  les  conséquences  ne  sont  i)as  égale- 
ment pernicieuses,  est  un  abus  qui  marque 
peu  de  discernement  et  de  sagesse  dans  un 
législateur.  On  a  beau  dire  que  les  parscs 
sont  en  gém'ral  doux,  obligeants,  sociables, 
d'un  coiunerce  sûr  et  paisible;  cela  vient 
moins  de  leur  croyance  et  do  leur  morale, 
que  de  l'vlai  d'esclavage  et  d'impuissance 
dans  1  (piel  ils  sont  réJuits  sous  la  domina- 
tion des  m;diométans  qui  les  haïssent  et  les 
nié|irisent.  Ceux-ci  ne  les  nomment  point 
autrement  que  giaotir ,  gaures  ou  guèbres, 
c'est-à-dire  intldèles.  Aussi  la  religion  de 
Zoroaslias  établie  d'abord  par  la  violence,  a 
été  successivement  persécutante  ou  persé- 
cutée, selon  que  ses  sectateurs  ont  été  les 
])lus forts  ou  les  plus  faibles.  Cambyse,  roi 
de  P.'rse,  vainqueur  des  Egyptiens  ;  se  fit  un 
jeu  d'insulter  a  leur  religion  et  d'égorger 
leurs  animaux  sacrés.  Les  mages ,  ([ui  se 
trouvaient  dans  l'armée  diï  Xerxès,  l'enga- 
gèrent à  bn'der  et  à  détruire  les  temples  de 
la  Grèce  ;  les  Grecs  en  laissèrent  subsister 
les  ruines,  aiin  d'exciter  le  ressentiment  de 
leur  postérité  contre  les  Perses.  AL^xandre, 
leur  vain(]ueiir,  s'en  souvint;  il  persécuta  les 
mages  et  lit  détruire  dans  la  Perse  les  pyrées 
ou  les  temples  du  feu.  Sous  la  nouvelle 
monarchie  des  Perses,  Sapor  et  ses  succès-^ 
seurs  firent  jiérir  par  milliers  les  chré  ' 
qui  se  trouvèrent  dans  ses  états;  on  y  co 
jusqu'à  deux  cent  mille   martyrs.  Cho 


Î299 


CAR 


PAR 


1500 


iuraqu'il  exterminerait  les  Romains,  oi^  qu'il 
ïçs  forcerait  d'adorer  le  soleil.  A  leur  tour 
les  mahomctans,  devenus  maîtres  de  la  Perse, 
opprimèrent  les  sectateurs  du  niagisuie  et 
les  forcèrent  de  se  rélugler  dans  le  KirwaD, 
province  voisine  des  Indes  ;  quelques-uns 
s'enfuirent  jusqu'à  l'extrémité  méritlionale 
de  rinde  où  ils  sont  encore,  et  où  M.  Anque- 
til  les  a  trouvés.  Par  ces  observations,  l'on 
voit  quel  cas  on  doit  faire  des  visions  de 
nos  philosophes  incrédules,  qui  ont  voulu 
nous  représenter  la  religion  de  Zoroastre  et 
des  mages  comme  un  déisme  très-pur,  ca- 
pable de  rendre  un  peuple  sage  et  vertueux. 
Quelques-uns  ont  ailirmé  gravement  que  les 
parses,  sans  avo^r  été  favorisés  d'aucune  ré- 
vélation, ont  des  itlées  plus  saines,  plus 
nobles,  plus  universelles  de  la  Divinité  que 
les  Hébreux  ;  qu'ils  ont  toujours  adoré  un 
Dieu  unique,  un  Dieu  universel,  un.  Dieu 
parfait,  un  Dieu  de  l'univers  entier  ;ciue 
Zoroastre,  sans  se  prétendre  inspiré,  a  en- 
seigné le  dogme  des  peines  et  des  récom- 
penses de  l'autre  vie  et  du  jugement  dernier, 
d'une  manière  aussi  claire  et  aussi  précise 
que  Jésus-Christ  ;  qu'il  n'est  pas  vrai  que 
ses  sectateurs  croient  le  mauvais  principe 
indépendant  du  bon  ;  qu'ils  admettent  seule- 
ment, comme  les  juifs  et  les  clirétiens,  un 
Dieu  tou^-puissant,  et  un  diable  qui  sans 
cesse  rend  ses  projets  inutile.'^.  Il  est  cepen- 
dantdémontré, parlcslivies  mémede  Zoroas- 
tre, que  ce  sont  là  autant  d'iinj^osturis;  que 
ce  législateur  s'est  donné  pour  iiispiré.  a  pré- 
tendu prouver  sa  uiission  divine  par  des 
miracles,  et  ([ue  telle  est  encore  l'opinii/U 
qu'en  ont  ses  sectateurs.  i^o\\]  de  reconnaître 
un  Dieu  unique  ,  créateur  et  gouverneur  de 
l'univers,  il  a  professé  le  dualjsinc,  l'existence 
de  deux  premiers  principes  aussi  anciens 
l'un  que  l'autre  qui,  tous  deux,  ont  contri 
hué  à  la  formatiop  du  mpude,  ft  dont  l'un 
ne  peut  empêcherTautre  ti'agir;  ce  n'estqu'à 
la  ûa  du  monde  qn'Ornuizd  ou  le  bon  prin- 
cipe détruira  enlin  l'empire  d'Aliriinan ,  au- 
teur de  tous  les  maux.  Selon  la  croyance 
des  juifs  et  des  clirétiens,  le  démon  est  une 
créature  dont  Dieu  réprime  la  puissance  et 
la  malice  comme  il  lui  plaît ,  et  qui  ne  peut 
rien  faire  qu'autant  que  Dieu  le  lui  permet; 
il  n'est  pas  vrai  que  cet  esprit,  devenu  mé- 
chant par  sa  faute,  rende  le§  projets  de  Dieu 
inutiles.  Yoy.  Démon. 

Zoroastre  a  enseigné  l'immortalité  de  l'â- 
me, la  résurrection  future,  le  jugement  der- 
nier, les  peines  et  les  récompenses  de  l'autre 
vie;  mais  il  est  faux  qu'il  ait  proposé  ces 
dogmes  d'une  manière  aussi  claire  et  aussi 
ferme  que  la  fait  Jésus-Christ;  on  ne  sait 
pas  en  quoi  Zoroastre  a  fait  consister  la  ré- 
compense des  justes  dans  l'autre  vie  ni  la 
^mnition  des  méchants;  il  a  déhguré  ces  vé- 
rités importantes  par  des  accessoires  lidicu- 
Jcs;il  peut  très-bien  avoir  emprunté  ce  qu'il 
y  a  de  bon  dans  sa  doctrine  des  livres  des 
Juifs,  qui,  de  son  temps,  étaient  répandus 
dans  la  Wédie.  En  ordonnant  à  ses  sectateurs 
de  rendre  un  culte  aux  astres,  aux  éléments, 
«ux  différentes  parties  delà  nature,  il  leur  a 


tendu  un  piège  inévitable  de  polythéisme  et 
de  superstition,  jinisqu'il  a  supposé  que  tous 
ces  objets  sensibles  sont  animés  par  un  es- 
prit intelligent,  puissant,  actif,  capalile  par 
lui-même  de  faire  du  bien  aux  hommes. 
C'est  l'opinion  quia jelé  dans  l'idchUrie  tou- 
tes les  nations  de  l'univers.  Le  culte  rendu 
à  ces  préiendus  gi'nies  ne  peut  en  aucune 
manière  se  rapporter  à  un  Dieu  suprême, 
puisque  les  parses  ne  connaissent  point  ee 
Dieu,  et  qu'ils  attribuent  à  ces  génies  un 
pouvoir  naturel  et  une  action  imméiiiate,  une 
intelligence  et  une  volonté  qui  n'est  subor- 
donnée à  aucun  autre  pouvoir  suprême.  Ce 
préjugé  pe  ressemble  donc  en  rien  à  noire 
croyance  au  sujet  des  anges  et  des  saints; 
nous  faisons  profession  de  croire  que  (  eux- 
ci  ne  connaissent  rien  que  ce  que  Die'uleur  fait 
connaître,  qu'ils  n'ont  point  d'autre  po  ivoir 
que  celui  d'intercéder  pour  nous  auiuès  de 
pieu,  qu'ils  ne  font  rien  que  ce  que  Dieu 
veut  qu'ils  fassent,  que  c'est  Dieu  qui,  par 
bonté  ])our  nous,  veut  bien  cju'ils  le  {triciit 
en  notre  faveur.  Il  est  donc  imjiossible  que 
le  culte  que  nous  leur  rendons  se  termine  à 
eux  et  ne  se  nipiiorte  pas  à  Dieu.  Mais  tel 
est  l'aveuglement  opiniâtre  des  incrédules  et 
(les  protestants;  pendant  qu  ils  ne  cessent 
(le  nous  reprocher  le  culte  et  l'invocation  des 
saints  comme  une  supcrsthion  et  une  idolâ- 
trie, ils  ont  la  charité  d'absoud  e  de  ce  crime 
les  parsis,  adorateurs  du  feu  et  des  astres; 
les  Chinois,  qui  invoquent  les  esprits  mo- 
teurs de  la  nature  et  les  âmes  de  leurs  an- 
cêtres; les  païens  anciens  et  modernes,  qui 
ont  i>eu}ilé  de  dieux  toutes  les  parties  de 
l'univers  ;  les  Egyptiens  mêmes,  qui  hono- 
raient des  animaux  et  des  plantes.  Ils  nous 
font  la  grâce  de  nous  supiioser  plus  slupides 
que  toutes  les  nations  du  monde.  Hyde  avait 
poussé  l'entêtement  jusqu'à  blâmer  non-seu- 
lement les  Pères  de  l'Eglise  qui  ont  rejiroché 
aux  mages  et  aux  Perses  le  cidte  du  feu  et 
du  soleil,  mais  encore  les  chrétiens  qui  ai- 
mèrent mieux  périr  dans  les  sujiplices  que 
de  praticpier  ce  culte  impie  auquel  les  Perses 
voulaient  les  foicer;  il  accuse  les  premiers 
d'ignorance  et  de  mauvaise  foi,  les  seconds 
d'humeur  et  d'opiniâtreté,  de  Religione  vet. 
Pers.,  c.  k,  p.  108.  M.  l'abbé  Foucher  a  vengé 
les  uns  et  les  autres;  il  a  prouvé  (jue  les  Pè- 
res de  l'Eglise  étaidit  très-bien  instruits  de 
la  croyance  des  mages,  cju'ils  ne  h'ur  ont 
attribué  que  les  dogmes  qu'ils  professaient 
en  effet,  qu'ils  ont  (  u  raison  do  regarder  le 
culte  du  feu  et  du  soleil  non-seulement  com- 
me un  culte  civil  et  relatif,  mais  comme  un 
culte  absolu  et  ri'ligieux;  qu'ainsi  les  chré- 
tiens qui  en  ont  ou  horreur  et  qui  l'ont  en- 
visagé comme  une  a|iostasie  forineile,  n'ont 
pas  eu  tort,  Mém.  de  i'Acad.  des  Inscript., 
t.  L,  in-12,  p.  230,  2(j8,  etc.  M.  Anquetil, 
quoique  très-enclin  à  justitier  les  Perses,  est 
convenu  que  ces  chrétiens  ont  raisonné  jus- 
te, parce  que  le  culte  auquel  on  voulait  les 
forc(M'  était  regardé  par  les  Perses  comme 
une  renonciation  fonielle  au  christianisme, 
ibid.,  t.  LXIX,  ]).  319.  C'est  sur  ce  même 
pi'iuciiio  que  l'on  reproche  aux  Hollandais 


iSOl 


PAR 


PAR 


1S02 


comme  une  apostasie,  la  complaisance  qu'ils 
ont  çu  Japon  de  fouler  aux  pieds  une  imagé 
de  Jésus-Cljrist  cnirifié,  parce  que,  selon 
l'opinion  des  Japonais,  cette  d'^Y-monie  est 
une  profession  formelle  (i'>  ne  pas  être  chré- 
tien. Yo)/.  Japon.  M.  l'alibé  Fouclier  a  fait 
plus  :  il  a  montr(^  par  le  témoignage  des  au- 
leurs  sacrés,  que  le  sahaisinc  ou  1  adoration 
dos  astres  était  l'idolAtrie  la  plus  ancienne 
et  la  plus  comiiRine  dans  tout  l'Orient,  qu'elle 
était  formellement  déiendue  aux  Israélites, 
qu'ils  y  sont  cependant  tombés  très-souvent, 
qu'elle  régnait  dans  la  Perse,  et  qiie  les  Per- 
ses, cou|iab!es  de  ce  culte,  sont  accusés  de 
no  pas  connaître  le  vrai  Dieu,  t.  XL!I,  p.  180. 

La  défense  faite  aux  Hébreux  ne  peut  pas 
être  plus  expresse.  Dent.,  c.  iv,  v.  15  :  «  Lors7 
qucHe  Seigneur  vous  a  parlé  ,Mloreb,aumii|eu 
d'un  feu,  voLis  n'avez  vu  aucune  ligure....,  de 
iieun(ii'en  regardapt  le  ciel,  eu  voyantle  so- 
leil, la  lune,  et  tous  les  astres,  séduitspar  leur 
,éc!at,  vous  ne  les  adoriez,  et  que  vous  ne  reu- 
die/.  un  culte  à  des  êtres  (pie  le  Seigneur  votre 
Dieu  a  créés  pour  le  service  de  toutes  los 
nations  qui  sont  sous  le  ciel.  »  Cette  défense 
est  répétée,  c.  xvn,  v.  3.  Job,  iaisant  son 
apologie,  c.  xxxi,  v.  26,  proteste  (j^ii'ij  n'est 
point  coupable  de  cette  impiété  :  '<  Si  j'ai  en- 
visagé, dit-il,  le  soleil  et  la  lune  dans  leur 
marche  brdiantc,  si  j'ai  ressrnti  la  joie  dans 
mon  cœur,  si  j'ai  porté  ma  main  à  fua  bou- 
che (  en  ^igne  d'adoration  ),  c'est  commettre 
un  grand  crime  et  renierle  Très-Haut.  »  L'au- 
teur du  livre  de  la  Sagesse,  c.  xui,  v.  1,  dé- 
plore l'aveugleinint  de  ceux  qui  n'ont  pas 
su  connaître  Dieu  par  ses  ouvrages,  mais 
qui  ont  re,j,;u(lé  le  fou,  l'air,  le  vent,  les 
étoiles,  l'eau,  le  soleil  et  la  lune,  comme  les 
dieux  qui  gouvernent  le  monde.  Nous  avons 
vu  que  c'est  ainsi  qu'ils  sont  représentés 
dans  les  livres  de  Zoroastre,  et  qu'ils  sont 
invoqués  )  ar  les  pnrsts.  La  principale  ido- 
lâtrie'que  les  auteurs  sacrés  re|)rochent  aux 
Juifs  in(i(|èles  est  d'avoir  rendu  un  culte  à 
la  milice  du  ciel,  ou  h  l'armée  du  ciel,  lY 
Reg-,  c.  xvn,  V.  10;  c.  xxi,  y.  3  et  5,  etc. 
Ezéchiel  voit  en  esprit  dans  le  teruple  de 
Jérusalem,  1°  des  Juifs  qui  adoraient  Baal, 
c'est  ridol.Uric  (le*  Phéniciens;  2°  d'autres 
qui  se  j)ro.^lernaienl  devant  des  ligures  pein- 
tes sur  la  muraille,  et  devant  des  imagis  de 
reptiles  et  d'animaux,  c'était  la  superstition 
des  Egyptiens;  3"  des  femmes  qui  plemaient 
Tamnuz  ou  Adonis,  comme  faisaient  les 
Syriens;  'i.°  des  honunes  qui  tournaient  le 
dos  au  temple  du  Seigneur  et  qui  adoraient 
le  soleil  levant,  c'est  évideramrnt  le  culte 
des  Perses.  Le  prophète  l'appelle  une  abo- 
mination comme  les  précédents,  c.  vni. 

On  ne  peut  mieuxsavoir  quelies  élaientles 
eiTCurs  des  Perses  que  par  la  leçon  que  Dieu 
adresse  h  Cyrus,  deux  cents  ans  avant  sa 
naissance,  par  la  bouche  d'isaïe,  c.  xlv,  y.  4  : 
Je  vous  ai  appelé  par  votre  nom,  je  vous  ai 
désigné  par  un  caractère  particulier,  et  vous 
ne  pi'avez  pas  connu.  Je  .<«/.<  le  Seigneur  ;  per- 
sonne n'est  au-dessus  de  moi,  et  il  n'y  a  point 
d'autre  Dieu  que  moi...:  je  iuisle  setd  Seigneur. 
C'tst  moi  qui  fais  la  iHmère  et  qui  crée  les  té- 


nêbrx's,  qui  ^onne,  la  paix  ft  qui  crée  le  mal... 
C'est  moi  qui  ai  fait  la  terre  et  ses  hubitan(s;\ 
mes  mains  ont  étendu  les  cieua-,  et  leur  armée 
exécute  mes  ordres.  Prideaux  s'était  déjà  servi 
cje  ces  passages  pour  montrer  que  les  Perses 
étaient  véritablement  dualistes  et  sabaites, 
que  leur  croyance  et  leur  culte  étaient  inex 
ensables.  Vainement  on  dira  qu'ils  connais- 
saient le  vrai  Dieu,  le  Dieu  suprême,  et  qu'ils 
l'adoraient;  Isaie  déclare  que  Cyrus,  élevé 
dans  la  religion  des  mages,  iiele  connaissait 
pas.  On  dira  que  les  deux  princi[!es  étaient 
des  êtres  créés,  subordonnés  et  dépendants 
du  Dieu  suprême,  qu'ils  n'étaient  que  ses 
ministres,  l'un  pour  faire  le  bien,  l'autre 
pour  faire  le  mal;  mais  Dieu  soutient  que 
c'est  lui  qui  fait  l'un  et  l'autre,  et  qu'il  n'y  a 
point  d'autre  Seigneur  que  lui.  On  aura  beau 
prétendre  que  le  culte  rendu  au  soleil  et  aux 
astres,  aux  prétendus  génies  gouverncirs 
du  monde,  se  rapporte  à  Dieu;  Ezéchiel  dé- 
clare (jue  c'est  une  abomination.  De  là  il 
résulte  que  les  auteurs  sacrés  étaient  très- 
bien  insiruits  des  choses  dont  ils  parlent; 
que  l.s  Pères  de  l'Eglise  et  les  chrétiens  de 
la  Perse  avaient  raison  de  s'en  tenir  aux  no- 
tions que  l'Ecriture  nous  donne  des  fausses 
religions  et  de  la  vraie;  que  toute  ;ipologie 
qu'on  fera  de  celle  de  Zoroastre,  de.;  mages 
et  des  parsis,  sera  mal  fondée  et  absurde. 
Voy.  Armée  du  Ciel,  Idolâtrie,  etc. 

PARTIALITÉ.  C'est  le  défaut  ou  d'un 
juge  qui  favorise  une  partie  au  préjudice  de 
l'autre,  ou  d'un  distributeur  de  récompenses 
qui  ne  les  mesure  point  selon  le  mérite  des 
prétendants,  ou  d'un  homme  préoccupé  par 
line  passion,  qui  ne  juge  point  équitable- 
ment  du  mérite  d'autrui.  Lorsqu'un  homme 
fait  de  plus  grands  dons  à  un  de  ses  amis 
qu'à  l'autre,  c'est  une  prédilection  et  une 
préférence,  mais  ce  n'est  point  une  partia- 
lité ;  celle-ci  ne  peut  avoir  lieu  que  quand 
il  est  question  de  justice. 

Mais  les  incrédules  dont  le  plus  grand 
talent  est  d'abuser  de  tous  les  termes,  sou- 
tiennent qu'en  admellant  une  révélation  qui 
n'a  pas  été  faite  à  tous  les  jieuples,  nous 
supposons  en  Dieudelapari(fl/(^^.  C'enserait 
une,  disent-ils  si  Dieu  avait  choisi  la  postéiité 
d'Abraham  pour  en  faire  son  peuple  parti- 
culier, pour  lui  prodiguer  les  faveurs  de  sa 
providence,  les  attentions  et  les  miracles, 
pendant  qu'il  abuidoniiait  les  autres  peu- 
ples. C'en  serait  une  encore  plus  marquée, 
s'il  avait  envoyé  son  Fils  prêcher,  enseigner, 
faire  des  prodiges  dans  la  Judée,  pendant 
qu'il  laissait  les  Romains,  les  Perses,  les 
Indiens,  les  Chinois,  dans  les  ténèbres  de 
l'infidélité  ;  s'il  avait  fait  porter  ensuite  l'E- 
vangile à  quelques  nations  seulement,  pen- 
dant que  les  autres  n'en  ont  pas  entend u 
parler.  Nous  avons  beau  leur  répondre  que 
Dieu,  maître  de  ses  dons  et  de  ses  grâces, 
ne  les  doit  à  personne,  qu'il  les  accorde  ou 
les  refuse  à  qui  il  lui  plaît  ;  ils  soutiennent 
que  cette  raison  ne  vaut  rien,  que  Dieu  est 
non-seulement  incapable  de  partialité,  mais 
encore  d'une  aveugle  prédilection.  Dieu, 
coniinuent-ils,  auteur  do  la  nature  et  père 


Î305 


PAR 


PAR 


iSOi 


de  tous  les  hommes,  doit  les  aimer  tous 
également,  être  également  leur  bienfaiteur  ; 
celui  qui  donne  l'être,  doit  donner  les  suites 
et  les  conséquences  nécessaires  pour  le  bien- 
être  ;  un  Dieu  infiniment  bon  ne  produit  pas 
des  créatures  exprès  pour  les  rendre  mal- 
heureuses, pendant  qu'il  en  prédestine  seu- 
lement un  petit  nombre  au  bonheur,  et  les 
y  conduit  par  une  suite  de  secours  et  de 
moyens  qu'il  n'accorde  pas  à  tous  ;  c'est  un 
blasphème  absurde  de  le  supposer  bon,  li- 
béral, indulf^ent,  miséricordieux,  seulement 
pour  quelques-uns,  pendant  qu'il  est  dur, 
avare  de  ses  dons,  juge  sévère  et  inflexible 
à  l'égard  de  tous  les  autres. 

Au  mot  Inégalité,  nous  avons  traité  am- 
plement cette  question,  et  nous  avons  dé- 
montré qu'il  est  faux  que  Dieu  doive  aimer 
également  tous  les  hommes,  accorder  à  tous 
une  mesure  égale  de  bienfaits,  soit  dans 
l'ordre  de  la  nature,  soit  dans  l'ordre  de  la 
grâce  ;  que  cette  égalité'  est  absurde  et  im- 
possible. —  1'  Dans  l'ordre  de  la  nature, 
nous  avons  fait  voir  que,  supposé  l'égalité 
des  dons  naturels  dans  tous  les  hommes,  la 
société  seiait  imposs'ble  entre  eux,  que  la 
vertu  serait  sans  exercice,  qu'il  n'y  aurait 
plus  entre  eux  aucune  relation  ni  aucun  de- 
voir mutuel  ;  qu'une  répartition  égale  et 
uniforme  de  facultés  naturelles,  de  talents, 
d'industrie  et  de  ressources,  serait  l'ouvrage 
d'une  nécessté  aveugle,  et  non  la  conduite 
d'une  Providence  intelligente,  sage,  libre 
et  maîtresse  de  ses  dons  ;  qu'elle  ne  pour- 
rait inspirer  ni  reconnaissance,  ni  soumis- 
sion, ni  confiance  en  Dieu  ;  un  tel  plan 
serait  donc  diamétralement  opposé  à  la  sa- 
gesse et  à  la  ijonté  divine  :  nous  osons 
défier  tous  les  incrédules  de  prouver  le  con- 
traire. —  2°  Nous  avons  montré  que  l'ordre 
de  la  gnlce  étant  nécessairement  relatif  à 
Tordre  delà  nature,  la  distribution  égale  des 
moyens  de  salut  et  des  secours  surnaturels 
entraînerait  les  mêmes  inconv.'nients  qu3 
l'égalité  des  dons  naturels  ;  qu'il  ne  pour- 
rait y  avoir  entre  les  hommes  aucune  société 
religieuse,  aucun  besoin  de  vertus  ni  de 
bons  exemples  ;  alors  l'opération  de  la  grâce 
ressemblerait  à  celle  de  nos  facultés  physi- 
ques, et  l'ou  serait  encore  moins  tenté  d'en 
rendre  grâces  à  Dieu  que  de  le  remercier 
des  yeux  qu'il  nous  a  donnés  pour  voir,  et 
des  pieds  que  nous  avons  reçus  pour  mar- 
cher.—  3°  au  mot  Abandon,  nous  avons 
prouvé  qu'il  est  faux  ijue  Dieu  ait  absolu- 
ment abandonné  aucun  peuple  ni  aucun 
homme,  ou  ([u'il  refuse  à  aucun  les  secours 
nécessaires  pour  parvenir  au  salut  :  nos 
livres  saints  nous  enseignent  formellement 
le  contiaire.  -4"Ilest  absurde  d'appeler  ^jrc- 
dilcction  aveugle  un  choix  que  Dieu  fait  avec 
pleine  connaissance  et  pour  des  raisons  qui 
nous  sont  inconnues  ;  mais  les  incrédules 
veulent  que  Dieu  leii/  rende  compte  de  sa 
conduite,  pend.mt  qu'ils  prétendent  qu'ils 
nr-  lui  doivent  aucun  coiu|)le  de  la  leur. — 
5"  Ce  qui  les  troiiipe,  c'est  qu'ils  font  une 
comparaison  fausse  entre  les  grâces,  les 
.bienfaits  de  Dieu,  et  ceux  que  les  hommes 


peuvent  distribuer.  Comme  ces  derniers  sont 
nécessairement  bornés,  ce  qui  est  accordé 
à  un  particulier  est  autant  de  retranché  sur 
ce  qu'un  autre  peut  recevoir  ;  il  est  donc 
impossible  qu'un  seul  soit  favorisé,  sans 
que  cela  ne  porte  préjudice  aux  autres  ;  et 
voilà  justement  en  quoi  consiste  le  vice  de 
la  partialité.  Mais  la  puissance  de  Dieu  est 
infinie,  et  ses  trésors  sont  inépuisables  :  ce 
qu'ildonneàl'un ne  déroge  en  rien  et  neporte 
aucun  préjudice  à  la  portion  qu'il  destine 
aux  autres  :  ce  qu'il  départit  libéralement  à 
un  peuple,  ne  le  met  pas  hors  d'état  de  pour- 
voir aux  besoins  des  autres  peuples.  En  quoi 
les  grâces  accordées  aux  Juifs  ont-elles  di- 
minué la  mesure  des  secours  que  Dieu  vou- 
lait donner  aux  Indiens  et  aux  Chinois  ?  La 
lumière  de  l'Evangile  répandue  chez  les 
nations  de  l'Europe  a-t-elle  augmenté  les 
ténèbres  des  Africains  ou  des  Américains  ? 
Au  contraire,  il  a  plu  à  Dieu  de  se  servir 
des  uns  pour  éclairer  les  autres,  et  nous 
avons  fait  voir  que  les  prodiges  opérés  en 
faveur  des  Juifs  n'auraient  pas  été  moins 
utiles  aux  Egyptiens,  aux  Iduméens,  aux 
Chananéens,  aux  Assyriens,  si  ces  nations 
avaient  voulu  en  profiter.  En  quel  sens 
peut-on  dire  que  Dieu  est  un  maître  dur, 
injuste,  avare,  sans  miséricorde,  envers  quel 
peuple  ou  quel  homme  que  ce  soit?  —  6°  Ce 
n'est  pas  notre  faute  si  les  incrédules  enten- 
dent mal  le  terme  de  prédestination;  il  ne 
signifie  rien  autre  chose  que  le  décret  que 
Dieu  a  formé  de  toute  éternité  de  faire  ce 
qu'il  exécute  en  effet  dans  le  temps  ;  or, 
quand  il  accorde  dans  le  temps  les  moyens 
de  salut  à  telle  personne,  il  ne  les  refuse  pas 
pour  cela  à  une  autre  ;  donc  il  n'a  jamais 
formé  le  décret  de  les  refuser;  donc  la  pré- 
destination des  saints  n'emporte  jamais  avec 
elle  la  réprobation  positive  de  ceux  qui  se 
damnent  par  leur  faute.  Voy.  Prédestina- 
tion. Quand  on  veut  s'exposer  à  lire  les 
écrits  des  incrédules,  il  faut  commencer  par 
avoir  des  idées  nettes  et  précises  des  termes 
dont  ils  abusent  ;  autrement  l'on  s'expose  à 
être  dupe  de  tous  leurs  sophismes.  Le  faux 
reproche  qu'ils  nous  font  d'admettre  un 
Dieu  capable  de  partialité  est  à  peu  près 
l'unique  fondement  du  déisme,  et  fournit 
des  arguments  aux  matérialistes  :  rien  n'est 
plus  commun  que  cette  objection  dans  leurs 
livres. 

PARÏICULARISTES.  Quelques  théolo- 
giens controversistes  ont  donné  ce  nom  à 
ceux  qui  soutiennent  que  Jésus-Christ  n'est 
mort  que  pour  le  salut  des  (irédestinés  seuls, 
et  non  pour  tous  les  hommes,  conséquem- 
ment  que  la  grâce  n'est  pas  donnée  à  tous, 
et  qui  restreignent  à  leur  gré  les  fruits  de  la 
rédemption.  Nous  ne  savons  pas  qui  leur  a 
donné  cette  honorable  commission,  ni  dans 
quelle  source  ils  ont  puisé  cette  sublime 
théologie.  Ce  n'est  certainement  pas  dans 
l'Ecriture  sainte,  qui  nous  assure  que  Jésus- 
Christ  est  la  victunedepropiliationpour  nos 
péchés,  non-seulement  pour  les  nôtres,  niais 
pour  ceux  du  monde  entier  (/  Joan.  ii,  2)  ; 
qu'il  est  le  Sauveur  de  tous  les  hommes,  sur- 


1305 


PAR 


PAS 


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tout  des  fidèles  (/ r/m.  iv,  10]  ;  qu'il'est  lo 
Sauveur  du  mondi'  {Joan.  iv,  i2)  ;  l'agnoau 
de  Dieu  qui  etl'aee  les  péchés  du  monde  (i, 
29);  qu'il  a  jiacilié  par  le  sanj;  de  sa  croix  ce 
qui  est  dans  le  ciel  et  sur  la  terre  (Coloss.  i, 
20,  etc.).  Nous  cherchons  vainement  les  pas- 
sages où  il  est  dit  que  les  |)rédestinés  seuls 
sont  le  monde.  Ce  n'est  pas  non  jilus  dans 
les  Pères  de  l'Eglise,  qui  ont  exjjliqué,  com- 
menté ,  fait  valoir  tous  ces  passages ,  alin 
d'exciter  la  reconnaissance,  la  confiance,  l'a- 
mour de  tous  les  hoinmesonvorsJésus-Christ; 
qui  prétendent  que  la  rédemption  qu'il  a 
ojjérée  a  rendu  au  genre  humain  ])lus  qu'il 
n'avait  periu  par  le  péché  d'Adam,  et  qui 
prouvent  l'universalité  de  la  tache  originelle 
par  l'universalité  de  la  rédemption.  Ce  n'est 
pas  enfin  dans  le  langage  de  l'Eglise,  qui  ré- 
pète continuellement  dans  ses  prièies  les 
ex[)ressions  des  livres  saints  que  nous  avons 
citées,  et  celles  dont  les  Pères  se  sont  ser- 
vis. Cette  sainte  mère  a-t-elle  donc  envie 
de  tromper  ses  enfants ,  en  leur  mettant  h 
la  liouche  des  manières  de  parler  qui  sont 
ahsolumenl  fausses  dans  leur  universalité, 
ou  a-t-elle  chargé  les  théologiens  particu- 
lariste.i  de  corriger  ce  qu'elles  ont  de  défec- 
tueux ?   Voy.    PuÉDESTINATION  ,  RÉUEMPTIO\  , 

S.4LUT,  Sauveur,  etc. 

PARTICULE.  Terme  dont  on  se  sert  dans 
l'Eglise  latine  pour  exprimer  les  miettes  ou 

[)etites  parties  du  jJûin  consacré,  qui  tom- 
)ent  sur  la  patène  ou  sur  le  corporal.  Les 
Grecs  les  nomment  uepiSer,  et  ils  appellent 
de  même  de  petits  morceaux  de  pain  non 
consacré  ,  qu'ils  otfrent  à  l'honneur  de  la 
sainte  Vierge  et  d'autres  saints.  Gabriel,  ar- 
chevêque de  Philadelphie,  a  fait  un  traité 
pour  prouver  que  cette  cér(''monie  des  par- 
ticules est  tiès-ancietme  dans  l'Eglise  grec- 
que, et  qu'il  en  est  f  dt  mention  dans  les  li- 
turgies de  saint  Jean  Chrysostome  et  do 
saint  Basile.  Elle  n'est  point  en  usage  dans 
l'Eglise  latine;  il  est  seulement  recommandé 
au  prêtre  qui  célèbre  la  messe  do  prendre 
garde  qu'aucune  particule  tie  l'eucharistie  ne 
tombe  par  terre  et  m;  suit  profanée. 

Il  y  a  eu  une  dis|)ute  entre  les  controver- 
sistes  protestants  et  les  théologiens  de  Port- 
Roy.il ,  pour  savoir  si,  dans  un  passage  de 
saint  Germain,  ]iatriarche  deConstantinople, 
qui  vivait  au  cummencement  du  vui'  siècle, 
il  était  (]uestion  de  particules  de  pain  con- 
sacré ou  non  consacré  ;  mais  Richard  Simon, 
dans  ses  notes  sur  Gabriel  de  Philadelphie, 
a  soutenu  que  le  passage  sur  lequel  on  con- 
testait n'était  pas  de  saint  tîermain  ;  (}u'ainsi 
la  dispute  était  sans  fondement. 

PAR\  IS,  atrium  en  latin  ,  hader  ou  hazrr 
en  hébreu,  signilie  dans  l'Ecriture  sainte, 
i"  la  cour  d'une  maison;  Matth.,  c.  xvi,  v. 
60,  il  e^t  dit  que  saint  Pierre  était  assis  dans 
la  cour  de  la  maison  du  grand  prêtre,  in  atrio  : 
2'  la  salle  d'entrée  d'un  palais,  Esther,  c.  vr, 
v.  o  ;  3'  l'entri'e  de  tpielque  lieu  que  ce  soit, 
Jerein.,  c.  xxxu,  v.  2  et  1-2  ;  Luc,  c.  xi,  v.  21. 
Jlais  il  désigne  ordinairement  les  trois  gran- 
des cours  ou  enceintes  du  tem|ile  de  Jérusa- 
lem. La  première  était  le  parvis  des  gentils, 


parce  qu'il  leur  était  permis  d'y  entrer  et  d'y 
faire  leurs  prières  ;  la  seconde  était  le  parvis 
d'Jsrail,  qni  était  destiné  aux  seuls  Israéli- 
tes, mais  dans  lequel  ils  ne  devaient  entrer 
qu'après  s'être  ()uriliés  ;  la  troisième  était  le 
parvis  des  pr^res ,  dans  le()uel  était  l'autel 
des  holocausles,  et  où  les  prêtres  et  les  lévi- 
tes exerçaient  leur  ministère.  Un  simple  Is- 
raélite ne  pouvait  y  entrer  que  quand  il  of- 
frait un  sacrifice,  pour  lequel  il  devait  met- 
tre la  main  sur  la  tête  de  la  victime.  Sur  ce 
modèle,  l'entrée  des  anciennes  basili(|ues  ou 
églises  chrétiennes  était  aussi  précédée  d'une 
grande  cour  environnée  de  portique,  dans 
latpielle  se  tenaient  les  pénitents  auxquels 
on  avait  interdit  l'entrée  de  l'Eglise  ;  et  com- 
me ils  y  l'taient  en  plein  air,  on  l'appelait 
locus  hieinantium.  Ringham,  Origine  ecclés., 
1.  vni,  c.  3,  §  5. 

PASCAL,  qui  concerne  la  fêle  de  Pâques. 

Pascal  (l'agneau)  était  l'agneau  que  les 
Juifs  devaient  immoler  à  cette  fête.  Voy.  Pa- 

QUE  JlIVE. 

Pascal  (canon).  C'est  une  table  des  fêtes 
moliiles,  ainsi  appelée,  parce  que  c'est  la  fête 
de  P.iques  ([ui  décide  du  jour  auquel  toutes 
les  autres  doivent  être  célébrées. 

Pascal  (cierge).  Voy.  Cierge. 

Pascales  (lettres),  sont  les  lettres  que  le 
patriarche  tl'Alexandrie  écrivait  aux  autres 
métro|)olitains,  pour  leur  désigner  le  jour 
auquel  on  devait  faire  la  fête  de  PAques  ;  il 
était  chargi'^  de  cette  commission  parce  que 
c'est  dans  l'école  d'Alexandrie  que  se  faisait 
le  calcul  astronomique,  pour  savoir  quel  se 
rait  le  quatorzième  jour  do  la  lune  de  mars. 

Pascal  (leinps),  est  le  tein|)s  qui  s'écoule 
depuis  le  jour  de  P;lques  jusqu'au  dernier 
jour  de  l'octave  de  la  Pentecôte  inclusive- 
ment ;  c'esl  un  temps  d'allégresse  que  l'E- 
glise chrétienne  consacre  ii  célébrer  la  ré- 
surrection de  Jésus-Christ.  Il  est  marqué  par 
un  oOice  plus  court,  par  la  répétition  fré- 
quente du  mot  alléluia;  on  ne  jeûne  point 
pendant  ce  teraps-là,  et  l'on  ne  prie  point  à 
genoux. 

PASCHASE  Radbert  ou  Ratberl,  moine  et 
et  abbé  de  Corbie,  mort  l'an  8(55,  a  été  l'un 
des  plus  savants  et  des  meilleurs  écri- 
vains de  sou  siècle.  Il  possédait  très-bien 
les  langues  grecque  et  hébraïque,  chose  as- 
sez rare  dans  ce  temps-là,  et  il  avait  beau- 
coup lu  les  Pères.  Il  écrivit  contre  les  erreurs 
de  Félix  d'Urgel,  de  Claude  de  Turin  et  de 
Gotescalc,  mais  surtout  contre  Jean  Scot  Eri- 
gène,  qui  niait  la  présence  réelle  de  Jésus- 
Christ  dans  l'eucharistie.  Son  traité  du  Corps 
et  du  Sang  de  Jt'sus-Ciirisl  est  devenu  célèbre 
dans  les  disputes  du  xvi'  et  du  xvii'  siècle 
entre  les  catholiques  et  les  protestants.  Il 
l'écrivit,  à  ce  que  Ton  croit,  l'an  831,  et, 
après  l'avoir  retouché,  l'an  8V6,  il  l'adressa 
au  roi  Charles  le  Chauve. 

11  paraît  (juc  dans  ce  temps-là  il  y  avait 
dans  les  Gaules  jilusieurs  personnes  qui  en- 
tendaient assez  mal  le  dogme  de  la  présence 
de  Jésus-Chiist  dans  reucharistie,  et  que  le 
livre  de  Pasclwse  Kadberl  cau^a  quelques 
disputes.  Charles  le  Chauve  ,  pour  savoir  ce 


iHjtt*,,^ 


iSû7 


PAS 


PAS 


i3oa 


qu'il  dey^it  en  penser ,  chargea  Ratramne, 
ffulre  moine  de  Cbrbie,  et  qui  fut  depuis  abbé 
d'Orbais,  de  lui  en  écrire  son  sonliment  ; 
c'est  ce  que  fit  Ratramne  dans  un  ouvrage 
intitulé  Du  Corps  et  du  Sang  du  Scir/neur. 
Quapd  pn  se  donne  la  peine  de  le  lire,  on 
voit  qu'au  lieu  d'éclaircir  la  question,  Ua- 
framne  ne  fit  que  l'embrouiller  davantage. 
D'un  côté,  il  se  s^rt  des  expressions  les  plus 
fortes  pour  étalilir  que  l'Eucharistie  est  vé- 
ritablement II'  corps  et  le  sang  do  Jésus- 
Christ  ;  de  l'autre,  il  semble  n'y  admettre 
qu'un  changement  mystique  et  une  mandu- 
cation  qui  se  fait  seulement  par  la  foi.  Ainsi, 
selon  lui,  quoique  le  fidèle  ne  mange  et  ne 
boive  réellement  et  substantiellement  que 
du  pain  et  du  vui ,  il  reçoit  cependant  le 
corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ  :  ex|)ression 
très-abusive,  i)uisqu'ellc  signilie  seidemenS 
que  le  tidèle  re(,-oit  la  vertu  ou  refficacité  du 
corps  et  du  sang  dé  Jésus-Christ,  ou  qu'il 
ressent  les  mêmes  effets  que  s'il  recevait 
la  substance  piôme  de  ce  corps  et  de  ce  sang 
divin.  Il  est  absurde  de  dire  qu'un  change- 
ment qui  s'opère  dans  le  fidèle  seulement, 
se  fait  dans  reiicharistie.  Aussi  Mosheiûï 
convient  que  Paschase  Radbert  et  son  adver- 
saire semblent  se  contredire  dans  ijlusieurs 
endroits  et  ne  pas  s'entendre  eux-mêmes,  et 
qu'ils  s'énoncent  d'une  manière  très-ambi- 
guë. Pour  nous,  il  nous  parait  que  Paschase 
est  plus  clair  et  plus  précis  que  Ratramne, 
qu'il  ne  tombe  point  dans  la  même  logoma- 
diie.  et  les  mômes  contradictions.  Quand  ils 
seraient  aussi  peu  exacts  l'un  que  l'autre,  et 
que  tous  les  lljéologiens  de  ce  siècle  seraient 
tombés  il.uis  le  môme  défaut,  comme  le  pré- 
tend Mosheim,  il  serait  encore  ridicule  d'en 
couclure ,  coumiç  il  fait,  qu'au  ix°  siècle  il 
n'y  avait  encoie  dans  l'Eglise  aucune  opinion 
fixe  ou  universellement  reçue  touchant  la 
manière  dont  le  corj)S  de  Jésus-Christ  est 
présent  dans  l'eucharistie. 

L'Eglise  n'avait  pas  attendu  jusqu'au  ix' 
siècle  pour  s  ivoir  ce  qu'elle  devait  croire 
touchant  un  mystère  qin  s'opèi'e  tous  les 
jours,  et  qui  fait  la  plus  essentielle  partie  de 
son  culte.  Sa  croyance  élait  fixée  parles  pa- 
roles de  l'Ecriture  sainte  prises  dans  leur 
sens  naturel,  par  la  manière  dont  les  Pères 
les  avaient  entendues,  par  les  prières  de  la 
liturgie,  par  les  cérémonies  qui  les  accom- 
pagnent. Lorsque  Pascase  Radbert  l'exposa 
dans  les  mêmes  termes  que  les  anciens  doc- 
teurs do  l'Eglise,  s'il  se  trouva  des  contradic- 
teurs, cela  prouve  qu'ils  étaient  fort  mal  ins- 
truits ,  et  c]ue  cet  écrivain  en  savait  plus 
qu'eux  ;  il  no  s'ensuit  rien  de  plus.  Mais  les 
protes'tants,  charmés  de  trouver  au  ix'  siècle 
quelques  écrivains  qui  parlaient  à  [)eu  })rès 
comme  eux  et  qui  avaient  couuue  eux  l'art 
d'embrouiller  la  question,  en  ont  fait  giaïul 
bruit.  Ils  ont  élevé  jusqu'aux  nues  le  mérite 
du  moine  Ratramne,  pour  déprimer  d'autant 
celui  de  Paschase  Radbert;  ils  ont  insisté 
sur  ce  que  le  premier  écrivait  par  ordre  de 
Charles  le  Chauve ,  comme  si  cet  ordre  du 
roi  avait  donné  à  ce  moine  une  mission  sur- 
naturelle poiu"  exposer  la  croyance  catholi- 


que ;  ils  ont  représenté  PqschasQ  ooinBjo  v{\}, 
novateur,  comme  un  téméraire,  un  fanatique, 
dont  malheureusement  la  doctrine  a  pris  ra- 
cine à  la  faveur  des  ténèbres  du  %'  siècle  et 
des  suivants,  comme  si  le  ix'  ayait  été  beau- 
coup plus  lumineux,  et  comme  si  Paschase, 
avec  moins  de  mérite,  avait  pu  avoir  plus 
d'autorité  et  plus  d'empire  sur  les  esprits 
((ue  son  adversaire,  dont  on  veut  cependant 
faire  un  grand  homme;  comme  si  enfin  ui^ 
moiue  des  Gaules  avait  pu  subjugue^  les  es-: 
prils  en  Angleterre,  en  Espagne,  en  It^lje, 
dans  la  Grcèce  e^  dans  l'Asie  entière,  f.'^i^^ 
adopter  ses  idées  pai  les  jacobites  et  les  nes-r 
toriens  séparés  de  l'Eglise  romaine  d^P^if 
trois  cents  ans.  Voilà  les  cliimères  qîie  les 
prolestants  ne  rougissent  point  de  soutcnii, 
avec  toute  la  gravité  et  le  sang-froid  possible. 
Ce  qu'il  y  a  do  plus  singulier,  c'est  que  RaT 
tramne  a  été  l'oracle  sur  la  parole  duqr.el 
l'Eglise  anglicane  a  formé  sa  croyance.  Ur» 
auteur  anglais  a  fait  une  dissertation  dans 
laquelle  il  fait  voir  que  le  verbiage  de  cq 
moine  a  été  copié  mot  à  mot  dans  la  profs-: 
sioa  de  foi  île  l'Eglise  anglicane  toiichant 
l'eucharistie.  Vof/.  le  livrç  intitulé  :  Ratmmiie 
ou  Bertram,  préti'e  ;  du  Corps  et  du  Sang  di^ 
Seigneur,  etc.,  Amsterdam,  1717.  Sublimé  dé- 
couverte, d'avoir  trouvé  dans  un  moine  du 
IX'  siècle  l'organe  que  Dieu  avait  prépare 
pour  endoctriner  les  réformateurs  du  xvi'  l 
Il  nous  paraît  que  les  théologiens  catholi- 
ques pouvaient  se  dispenser  de  contester 
aux  protestants  cette  autorité  irréfragable,  et 
et  qu'on  peut  la  leur  abandonner  sans  au- 
cun regret.  Le  père  Sirmond  fit  imprimer  eu 
1618  les  ouvrages  de  Pasc/jfwe  Radbert,  mais 
-cette  édition  n'est  pas  complète  ;  il  s'en  est 
trouvé  d'autres  en  manuscrit  depuis  ce  temps- 
là.  Voy.  Vies  des  Pères  et  des  J^artyrs,  etc., 
tom.  IJI,  pag.  iilk. 

PASSAGERS,  ou  plutôt  PASSAGIENS  et 
PASSAGINIENS,  nom  qui  signifie  tout  saints. 
C'est  le  nom  que  quelques  auteurs  ont  donné 
à  certains  hérétiques  qui  parurent  dans  la, 
Lombardie  au  \u'  siècle  ;  ils  furent  condam- 
nés avec  les  Vaudois  daqs  le  concile  de  Vé- 
rone, sous  le  pape  Lucius  111,  l'an  US'*,  au- 
quel assista  l'empereur  Frédéric.  Ils  prati- 
quaient la  circoncision  et  soutenaient  la  né- 
cessité des  rites  judaïque^,  à  l'exception  des 
sacrifices  ;  c'est  pourquoi  on  leur  donna  aussi 
le  nom  de  circoncis,-  Us  niaient  le  mystère  de 
la  sainte  Trinité  et  [irétendaient  que  Jésus- 
Christ  était  une  pure  créature.  On  vit  dans 
le  concile  de  Vérone  les  deux  puissances  se 
réunir  pour  l'extirpation  des  hén^.sies.  On  y 
entrevoit  aussi  l'origine  de  l'inquisition,  en 
ce  que  le  pape  ordonne  aux  évoques  de  s'in^ 
former  par  eux-mêmes  ou  par  des  commis- 
saires, des  personnes  suspectes  d'hérésie, 
suivant  le  bruit  public  et  les  dénonciations 
pariiculiôres.  11  distingue  le'=  degrés  de  sus- 
pects, de  convaincus,  du  pénitents  et  <iii  relaps, 
suivant  lesquels  les  peines  sont  di!I'érentes  ; 
et  après  que  l'Eglise  a  employé  contre  les 
coupables  les  peines  spirituelles,  elle  les 
abandonne  au  bras  séculier,  (tour  exercer 
contre  eux  les  châtiments  temporels.  On  vou- 


*309 


PAS 


PAS 


1510 


lait  réprimer  la  fureur  des  hdrétiques  de  co 
temps-l;i  ci  'emiiêdicr  les  cruautés  qu'Us 
excrçaieiil  contre  les  ecclésiastiques.  Ce  ne 
sont  donc  p.is  leurs  opinions  ni  leurs  erreurs 
que  Ton  punissait  par  des  supplices,  mais 
leurs  crimes  et  leurs  excès  contre  l'ordre 

"pASSALORYNCHlTES,  ou  PEïTALORYN- 

CHITKS.  VOIJ    MONTAMSTES. 

PAS;']BI,E,  caiiable  do  souÏÏrir  ;  impassible 
est  le  contraire.  Les  [dus  anciens  hérétiques, 
les  valeiitiniens,  les  gnosti([ues,les  sectateurs 
de  Certkin  et  de  Marcion,  no  jiurent  se  per- 
si'ader  ipie  le  Fils  de   Dieu  se  fût   revêtu 
à'mw.  i]\:nr  passiltir  et   ipi'il  eût   n'ellenient 
soulfert.  Les  uns   distini;uérent   .li'sus  (la- 
vée le  Fils  de  Dieu;  ils  dirent  que  le  Christ, 
Fils  de  Dieu,  était  descen^iu  en  Jésus  au  mo- 
ment de  son  |jai)lôme  ,  mais  qu'il  s'en  était 
retiré  au  moment  dr  sa  passion  ;  les  autres 
prétendirent  que  le  Fils  de  Dieu  n'avait  été 
re vêtu  que  d'une  chair  ap|iarente,  n'avait  souf- 
fert, n'étoil.  mort   et  ressuscité  qu'en  appa- 
rence. L'apôtre  saint  Jean,  dans  ses  lettres, 
a  condanmé   les  uns  et  les   autres;  il  dit  (/ 
Joan.  I,  1)  :  «  Nous  vous  annonçons  ce  que 
nous  avons  vu,  entendu  et  touché  de  nos 
mains,  conceinant  le  Verhe  de  vie  ;  »  ce  n'é- 
tait donc  pas  de  simples  apparences  ;  c.  ii,  v. 
32:  «  (^elui  qui  nie  (pie  Jésus-Cluisl  soit  le 
Christ,  est  un    imposteur;  »  c.  m,  v.  16  : 
«  Nous  connaissons  l'amour  (pie  Dieu  nous 
porte,  çn  ce  (pi'il  a  donné  sa  vie  pour  nous;  » 
Jéïus  et  le   Fils  de  Dieu  ne  sont  pas  deux 
personnes  diU'érentes  ;  c.  iv,  v.  2  :  «  Tout  es- 
prit, (fui  confesse  que  Jésus-Christ  est  venu 
en  chair,  est  de  Dieu  ;  quiconque  divise  Jé- 
sus, ne  vient  pas  de  Dieu,  c'est  un  antechrist.  » 
Les  Pères  de  l'Eglise,  suitout  saint  lrén(''e  et 
Tertullien,  ont  réfuté  ces  liéréti(iues  ;  ils  ont 
fait  \  oir  que  si  le  Fils  de  Dieu  n'avait  pas 
réellement  soull'erl,  il  ne  serait  pas  notre  ré- 
dempteur ni  notre  modèle  ;  il  nous  aurait 
donné  un  très-mauvais  exemple,  en  voulant 
paraître  ce  qu'il  n'était  pas  et  en  faisant  sém- 
illant de  spulfrir  ce  ((u'il   ne  soutirait  ]ias  ; 
nous  ne  serions  ])as  obligés  d'avoir  pour  lui 
aucune  rccnimaissance,  et  toutes  les  prédic- 
tions des  priiiihèti'S  to\ichant  les  soulfiances 
du  Fils  de  Dieu  seraiimt  fausses.  Ouant  à  ce 
que  disaient   ces  liéi  étiqucs  ,  qu'il  est  indi- 
gne de  Du'u  de  snuli'rir,' d'être  couvert  d'op- 
probres, de  mourir  sur  uuv  croix,  Tertullien 
leur  répond  ipie  rien   n'est  plus  digne  de 
Dieu  que  de  sauver  ses  créatuies  et  ijue  de 
leur  insiùrer  l'amour,  la  reconnaissance,  le 
courage   dans  les  peines  de   celte  vie,  par 
l'excès  même  de  ce  (ju'ila  soull'ert  pour  elles. 
Mais  la  tournure  que  prenaient  ces  raison- 
ncLU's,  pour  S(UJtenir  leur  système,  démontre 
qu'ils  n'osaient  pas  contredire  le  témoignage 
des  apôtres  ni  contester  les  faits  rapportes 
parles  évangéiistes.  Dès  que  le  Fils  île  Dieu 
avait  paru  naître  et  vivre  comme  les  autres 
hommes,  endurer  la  faim,  la  soif,  la  lassitude, 
les  outrages  et  le  supplice  de  la  croix;  qu'il 
avait  paru  mourir  à  la  vue  des  Juifs,  et  en- 
suite avait  ri'|iaru  ressuscdé  et  vivant  comme 
auparavant ,  il   s'ensuivait  que  les  apôtres 


n'étaient  point  des  imposteurs,  en  publiant 
tous   ces  faits;  qu'ils  ne  disaient   que   ce 
qu'ils  avaient  vu,  entendu  et  touché  de  leurs 
mains.  Ce  témoignage  était  donc  irrécusable. 
Cependant  ces  premiers  liéréti(iues  étaient  à 
la  source  des  faits,  iiuis(pi'ils  étaient  conleui- 
poi'ains  des  apôtres,  et  en  étaient  connus-  11 
n'y  avaient  donc  alors  dans  la  Judée  ni   ail- 
leurs aucun  témoin  ni  aucune  preuve  de  la 
fausseté  des  faits  que  les  apôtres  indjbaicnt  : 
il  fallait  drmc  (pie  ces  f'iits  fussent  inattacpia- 
bles  et  poussés  au  plus  haut  degré  de  noto- 
riét('.  C'est  une  rôtlexion  que   nous  avons 
déjà  faite  plus  il'une  fois  ,  et  à   hupielle  les 
incrédules  n'ont  jamais  eu  rien  à  ré|ioudro. 
Quelques-uns  d'entre  eux  ont  objecté  froide- 
ment (pie,  selon  i)lusieurs  anciens  héi'élicjues, 
Jésus-Christ  n'est  pas  mort.  Dans  ce  |>eu  do 
paroles,  il  y  a  seulement  deux  supercheries  : 
1°  ceux  d'entre  ces  hérétiques  qui  ont  distin 
gué  Jésus  d'avec  le  Fils  de  Dieu  n'ont  pas 
nié  que  Jésus  ne  fût  mort;  i°  ceux  qui  ne 
distinguaient  pas  convenaient  que  Jésus,  Fils 
de  Dieu,  était  moit,  du  moins  en  aiipareuce, 
et  de   manière  h  persuader  à  tous  hs  hom- 
mes qu'il  était  véritablement  mort.  Qui  avait 
révélé  à  ces  hérétiques  que  tout  cela  n'était 
((lie  des    apparences?  .Mais   les   incrédules 
d'aujourd'hui  ne  sont  pas  de  meilleure  f«i 
que  ceux  des  premiers  siècles. 

PASSION  DE  JÉSL'S-CHUIST.  Ce  sont  les 
soulfrances  que  ce  divin  Sauveur  a  endurées 
depuis  la  dernière  cène  (pi'il  lit  avec  ses 
disciples  jusiju'au  moment  de  sa  mort,  par 
conséquent  pendant  un  espace  d'enviroQ 
vingt-quatre  heures. 

«  Nous  prêchons,  dit  saint  Paul,  Jésus  cru 
cilié,  scandale  pour  les  Juifs,  folie  selon  les 
gentils,  mais  aux  yeux  des  élus  ou  des  fi- 
dèles, soit  juifs,  soit  gentils,  prodige  de  la 
puissance  et  de  la  sagesse  de  Dieu  (  /  Cor.  i, 
23).  On  sait  que  cetl(>  réilexion  de  saint  Paul 
a  été  dévelo|)pée  d'une  uuinière  sublime  dans 
un  sermon  de  Bourdaloiie  sur  la  passion,  du 
Sauveur.  En  etfet  les  Juifs  n'ont  pas  pu  se 
jiersuader  qu'un  homme  (jui  s'est  laissé 
prendre,  tourmenter  et  crucitier  par  eux,  Idt 
le  Messie  ;  cependant  cet  événepient  leisi" 
avait  été  annoncé  par  leurs  pr'iphètes.Celse, 
Julien,  Porph\ro  et  les  autres  philosophes 
païens  ont  reproché  aux  chrétiens,  comme 
un  ti  ail  de  folie,  d'attribuer  la  divinité  à  un 
Juif  puni  du  dernier  supplice  ;  après  dix-sept 
siècles  ce  sarcasme  est  encore  r>nouvelé  (lar 
les  incrédules.  Nous  répondons  à  tous  que 
l'ignominie  de  la  mort  du  Sauveur  a  été 
pleinement  réparée  par  sa  résurrection,  par 
son  ascension  glorieuse  ,  par  le  culte  qui 
lui  est  rendu  d'un  bout  de  l'univçrs  k 
l'autre  ;  que  ses  soulfrances  étaient  né- 
cessaires pour  confirmer  les  autres  signes 
de  sa  mission  :  il  fallait  rjue  ce  divin  légis- 
lateur prouvAt  par  son  exemple  la  sainteté 
et  la  sagesse  des  leçons  de  patience,  d  humi- 
lité, de  soumission';»  Dieu,  de  courage, qu'il 
avait  données  :  ses  disciples ,  destinés  au 
martyre,  avaient  besoin  d'un  modèle  ;  il 
n'était  pas  moins  nécessaire  au  genre  humain 
tout  entier,  destiné  à  souti'rir  :  après  avoir 


13H 


PAS 


PAS 


1312 


enseigné  aux  hommos  comment  ils  doivent 
vivre,  il  restait  encore  à  leur  apprendre  ^,a 
manière  dont  il  faut  mourir.  Jésus-Christ 
l'a  fait  ;  et  nous  soutenons  qu'il  n'a  ja- 
mais paru  plus  grand  que  pendant  sa 
passion. 

11  l'avait  prédite  plus  d'une  fois  ;  il  en 
avait  désigné  le  moment  ;  il  avait  déclaré  d'a- 
vance les  circonstances  et  le  genre  de  son 
supplice  ;  il  voulut  encore  représenter  sa 
mort  par  une  auguste  cérémonie,  en  conser- 
ver le  souvenir  par  un  sacrifice  qui  en  ren- 
ferme l'image  et  la  réalité.  Il  pouvait  se  dé- 
rober à  la  fureur  de  ses  ennemis,  il  les 
attend  ;  après  avoir  médité  sur  la  suite  des 
outrages  et  des  tourments  qui  l'attendent,  il 
se  soumet  à  son  Père,  marche  d'un  pas  ferme 
vers  les  soldats,  se  fait  connaître  à  eux,  leur 
eomnuand(>  tle  laisser  aller  ses  disciples,  et 
opère  un  miracle  pour  montrer  ce  qu'il  est  et 
ce  qu'il  peut.  Présenté  à  ses  juges,  il  leur 
répond  avec  modestie  et  avecfierme;é  ;  il  leur 
déclare  qu'il  est  le  Christ  Fils  de  Dieu  :  ce 
fut  l'uniipie  cause  de  sa  condamnation.  Livré 
aux  soldats,  il  soulfre  les  insultes  et  les  ou- 
trages dans  le  silence,  sans  faiblesse  et  sans 
ostentation  ;  il  ne  dit  rien  pour  fléchir  le 
magistrat  romain  qui  devait  décider  de  son 
sort;  il  ne  fait  rien  pour  contenter  la  curio- 
sité d'un  roi  vicieux  et  d'une  cour  impie. 
En  marchant  au  Calvaire,  il  prédit  la  puni- 
tion de  ses  ennemis  avec  les  expressions  de 
la  pitié.  Attaché  à  la  croix,  il  demande  grAce 
pour  ses  bourreaux,  il  promet  le  bonheur 
éternel  à  un  ciiminel  repentant.  A]irès  trois 
heures  de  soullrances  cruelles,  il  dit  d'une 
voix  forte  et  qui  étonne  les  assistants  :  Tout 
est  consommé  ;  il  recommande  sa  mère  à  son 
disciple,  et  son  âme  à  son  Père  ;  il  rend  le 
dernier  soupir.  Sans  avoir  besoin  des  prodi- 
j^es  de  terreur  qui  se  firent  pour  lors,  nous 
disons  hardiment,  comme  i'olllcier  romain  qui 
en  fut  témoin.  Cet  homme  était  réritablemcnl 
le  Fils  de  Dieu  {  MaUh.  xxvu,  5i).  Aucun 
des  événements  qui  arrivèrent  ensuite  ne 
peut  plus  nous  étonner. 

Tel  est  le  récit  qui  a  été  fuit  par  quatre  de 
ses  disciples,  que  l'on  nous  peint  comme  des 
ignorants.  S'il  n'est  jias  fidèle,  qui  leur  a 
suggéré  une  peinture  aussi  sublime  d'un  Dieu 
mourant  pour  le  salut  des  hommes?  M  lis 
elle  avait  été  tracée  longtemps  au[iaravant. 
Isaie,  sept  cents  ans  avant  l'événement , 
David,  encore  plus  ancien  de  trois  siècles  , 
avaient  peint  le  Messie  souffrant  sous  les 
mêmes  traits  que  les  évangélistes.  Jésus- 
Christ  sur  la  croix  prononça  les  premiè- 
res paroles  du  psaume  xxi ,  et  s'en  lit 
l'application  :  ce  psaume  entier  renferme 
plusieurs  traits  frappants.  V.  2  :  «Mon  Dieu, 
mon  Dieu,  à  quoi  vous  m'avez  délaissé  !  (  à 
quels  tourments  vous  m'avez  abandonné  !  ) 
Malgré  mes  cris,  le  moment  de  ma  délivrance 
est  encore  loin  de  moi...»  V.  5  :  «  Nos  pères  ont 
espéré  en  vous,  et  vous  les  avez  délivrés  ; 
ils  vous  ont  invoqué,  et  vous  les  avez  sau- 
vés.... »  y.  7  :  "  Piiur  moi,  je  suis  un  ver  de 
terre  plutôt  qu'un  homme;  je  suis  l'opprobre 
de  mes  semblables  et  le  rebut  du  peuple....» 


V.  8:  «Ceux  qui  voient  mon  état  m'insultent  et 
m'outragent....»  V.  9  :  «Ils  disent,  Puisqu'il  a 
espéré  au  Seigneur,  que  le  Seigneur  le  dé- 
livre et  le  sauve  s'il  l'aime  véritablement....» 
Y.  12  :  «  Ne  vous  éloignez  pas  de  moi,  puisque 
personne  ne  m'assiste....»  V.  17:  «Mes  enne- 
mis, comme  des  animaux  en  fureur,  m'ont 
environné,  et  se  sont  réunis  contre  moi  ;  ils 
ont  percé  mes  mains  et  mes  pieds....»  V.  18: 
«  Ils  ont  compté  tous  mes  os  ;  ils  m'ont  con- 
sidéré avec  une  joie  cruelle....»  V.  19:  «Ils  ont 
partagé  entre  eux  mes  habits,  et  ils  ont  jeté 
le  sort  sur  ma  robe...  »  V.26  :  «Vous  serez  ce- 
pendant le  sujet  de  mes  louanges;  et  je  vous 
rendrai  mes  vœux  dans  la  nombreuse  as- 
semblée de  ceux  qui  vous  craignent....»  V. 
28  :  «  Toutes  les  nations  de  la  terre  se  tourne- 
ront vers  vous,  et  viendront  vous  adorer; 
vous  serez  leur  roi  et  leur  Seigneur.... >  V.31  : 

« et  ma  postérité  vous  servira;  cette  race 

nouvelle  vous  appartiendra  ;  etil  sera  dit  que 
c'est  le  Seigneur  qui  l'a  formée.  » 

Ceux  qui  entendent  l'hébreu  ne  blAmeront 
point  la  manière  dont  nous  traduisons  le 
v.  2  :  il  nous  paraît  que,  dans  la  bouche  de 
David,  ni  dans  celle  de  Jésus-Christ,  ce  n'é- 
tait point  une  interrogation  ni  un  reproche 
qu'ils  faisaient  à  Dieu,  mais  une  simple  ex- 
clamation sur  la  rigueur  des  tourments  qu'ils 
souffraient.  On  sait  que  les  Juifs,  pour  dé- 
tourner le  sens  du  v.  17,  ont  changé  une  let- 
tre dans  l'hébreu,  et  qu'en  mettant  cari  pour 
cdru,  au  lieu  de  lire  ils  ont  percé  mes  mains 
et  mes  pieds,  ils  lisent  comme  un  lion  mes 
mains  et  mes  pieds,  ce  qui  ne  fait  aucun  sens, 
et  contredit  la  version  des  Septante.  Jamais 
David  n'a  pu  dire  de  lui-même  que  ses  en- 
nemis avaient  compté  ses  os,  avaient  partagé 
ses  vêtements;  et  avaient  jrté  le  sort  sur  sa 
robe;  mais  les  soldats  accomplirent  cette 
j)rophétie  à  l'i'gard  de  Jésus-Christ  (  Matth. 
xxvu,  35  ;  Joan.  xix,  24  ).  La  prédiction  de 
la  conversion  des  nations  par  le  ministère  du 
Messie  s'est  vérifiée  d'une  manière  encore 
plus  éclatante. 

Celle  que  fait  Isaie  mérite  d'être  rapportée 
tout  entière  ;  elle  ressemble  plutôt  à  une 
histoire  qu'à  une  prophétie.  Chap.Lii,  îsaïe, 
aiirès  avoir  prédit  aux  Juifs  leur  délivrance 
de  la  captivité  de  Babylone,  dit,  v.  13  :  «  Mon 
serviteur  aura  le  don  de  sagesse,  il  s'élèvera, 
il  prospérera,  il  sera  grand;  »v.  14:  «De  même 
que  plusieurs  ont  été  frappés  d'étonnement 
sur  votre  sort,  ainsi  il  sera  ignoble  et  défi- 
guré à  la  vue  des  hommes;  »  15  :  «  Il  purifiera 
plusieurs  nations,  les  grands  de  la  terre  se 
tairont  devant  lui,  jiaree  qu'ils  on  vu  celui 
qui  ne  leur  avait  jiomt  été  annoncé;  il  a  paru 
aux  yeux  de  ceux  qui  n'en  avaient  pas  en 
tendu  parler.  »  —  (]hap.  lui,  v.  1  :  «  Qui 
croira  ce  (]ue  nous  annonçons?  A  qui  le  bras 
du  Seigneur  s'est-il  fait  connaître?  2. 11  croî- 
tra comme  un  faible  rejeton  qui  sort  d'une 
terre  aride  ;  il  n'a  ni  éclat  ni  beauté  ;  nous 
l'avons  vu,  à  peine  pouvait-on  l'envisager. 
3.  Il  est  méprisé,  le  dernier  des  hommes, 
l'homme  de  douleurs  ;  il  éprouve  l'infirmit.', 
il  cache  son  visage,  nous  n'avons  pas  osé  le 
regarder,  k.  Il  a  vraiment  souû'ert  nos  maux, 


1513 


PAS 


PAS 


ISli 


H  a  supporté  nos  douleurs  ;  nous  l'avons 
pris  pour  un  iéiiri'ux,  pour  un  hoinine  lV;i[)p(3 
(io  Dieu  et  iiuinilié.  5.  Mais  il  est  blessé  par 
nos  iniquités,  il  est  meurtri  par  nos  crimes, 
le  châtiment  qui  doit  nous  donner  la  paix 
est  tombé  sur  lui,  nous  sommes  guéris  par 
ses  blossin'es.  6.  Nous  nous  sommes  égarés 
tous  comme  un  troupeau  errant,  chacun  s'est 
écarté  de  son  côté,  le  Seigneur  a  rasseuiblé 
sur  lui  l'iniquité  de  nous  tous.  7.  Il  a  été 
opprimé  et  afiligé,  il  n'a  jtoint  ouvert  la  bou- 
che, il  est  conduit  à  la  mort  comme  luie  vic- 
time, il  se  tait  comme  un  agneau  dont  on 
enlève  la  toison.  8.  11  a  été  délivré  des  liens 
et  de  l'arrêt  qui  le  condauuie  ;  qui  pourra 
révéler  son  origine?  Il  a  été  retranché  de  la 
terre  des  vivants  ;  il  est  frappé  pour  les  pé- 
chés de  mon  peu[)lc.  9.  Sa  moi't  sera  parmi 
les  impies,  et  sou  tombeau  parmi  les  riches, 
parce  qu'il  n'a  point  coumiis  il'iiiicpiité  ,  et 
que  le  mensonge  n'est  point  sorti  de  sa  bou- 
clic.  10.  Dieu  a  voulu  le  i'rapper  et  l'accabler. 
S'il  donne  sa  vie  pour  victime  du  péché,  il 
vivra;  il  aura  une  postérité  nombreuse,  il 
accomplira  les  desseins  du  Seigneur,  il. Parce 
qu'il  a  soull'ert,  il  reverra  la  luuiiôre  et  seia 
rassasié  de  bonheur.  Mon  serviteur,  juste 
lui-môme  donnera  aux  autres  la  justice  jiar 
sa  sagesse,  et  il  supportera  leurs  iniquités. 
12.  Voila  pourquoi  je  lui  donnerai  un  par- 
tage parmi  les  grands  de  la  terre  ;  il  enlèvera 
les  dépouilles  des  ravisseurs,  parce  qu'il  s'est 
livré  à  la  mort,  qu'il  a  été  mis  au  nombre  des 
scélérats,  qu'il  a  porté  les  péchés  de  la  mul- 
titude, et  qu'il  a  prié  pour  les  pécheurs.  » 
— Chap.  nv,  V.  1  :  «  Femme  stérile  qui  n'en- 
lantc'Z  pas,  chantez  un  cantique  de  louange, 
réjouissez-vous  de  votre  fécondité  future.... 
V.  5.  Le  Saint  d'Israël  qui  vous  rachète  sera 
reconnu  Dieu  de  toute  la  terre,  etc.  » 

Il  y  a  une  conforiuité  fra[)[)ante  entre  cette 
proiiliétie  et  le  psaume  xxi  ;  dans  l'un  et 
dails  l'autre  nous  voyons  un  juste  réduit  au 
couible  de  l'humiliation  et  de  la  douleur,  qui 
soutfre  avec  patience  et  conliance  en  Dieu, 
est  ensuite  comblé  de  gloire,  et  qui  procure 
h  Dieu  un  nouveau  peuple  formé  de  toutes 
les  nations.  Mais  ce  qu'ajoute  Isaie,  que 
Dieu  a  mis  sur  ce  juste  l'iniquité  de  nous 
tous  ;  ({u'il  est  blessé  par  nos  iniquités, 
meurtri  par  nos  crimes,  et  que  nous  sommes 
guéris  par  ses  blessures  ;  qu'il  est  frappé 
pour  les  péchés  du  peuple,  qu'il  a  [lorté  les 
iiii(]uités  de  la  nmItUude,  etc.,  désigne  trop 
clairement  le  Sauveur  des  hommes,  pour 
(ju'on  puisse  le  mécoiuuùlre.  Il  n'est  don(; 
pas  étonnant  que  les  apôtres  et  les  évangé- 
listes  aient  appliqué  ces  traits  à  Jésus-Christ; 
les  anciens  docteurs  juifs  en  ont  fait  de  même 
l'application  au  Messie  :  ceux  d'aujourd'hui, 
((ui  prétendent  qu'il  n'est  point  question  là 
d'un  homme,  mais  du  peuple  juif,  et  (pii 
soutiennent  que  Dieu  les  punit  actuellement 
des  |)écliés  des  autres  nations,  blasphèment 
contre  la  justice  divine,  font  violence  à  tous 
les  termes,  et  ciuitredisent  la  tradition  cons- 
lautc  de  leurs  docteurs.  On  ne  doit  pas  ètie 
surpris  non  plus  de  ce  que  les  apôlres,  pré- 
sentant d'une  main  David  et  Isaie,  de  l'autre 


la  narration  des  évangélistes,  appuyée  par  la 
notoriété  des  faits,  ont  converti  tous  ceux 
d'entre  les  juifs  et  les  gentils  qui  ont  voulu 
y  faire  attention,  et  qui  ont  cherché  la  vé- 
ritr^  do  bonne  foi.  Il  y  aurait  m^me  lieu  do 
s'étonner  de  ce  (ju'un  si  grand  nombre  sont 
demiHirés  dans  l'incrédulité,  si  les  exemples 
(jue  nous  en  avons  sous  les  yeux  ne  nous 
faisaient  voir  jus((u'où  peuvent  aller  l'opi- 
ni.Ui'cté  et  la  démence  des  hommes,  lors- 
qu'ils ont  bien  résolu  de  ne  rien  croire. 

Jamais  nos  raisonneurs  incrédules  ne  se 
sont  donné  la  peine  de  considérer  attentive- 
ment les  traits  de  conformité  qu'il  y  a  entre 
les  prophéties  et  les  circonstances  de  la  pas- 
sion du  Sauveur  ;  ils  se  sont  contentés  d'ex- 
traire les  commentaires  absurdes  des  Juifs, 
sans  s'emliarrasser  du  ridicule  dont  ils  se 
couvraient  en  suivant  les  leçons  dv.  pareils 
nuiîtres.  Pour  atfaiblir  l'impression  que  doit 
faire  sur  tout  homme  sensé  l'histoire  de  la 
passiun  tracée  par  les  évang(''listes,  ils  so 
sont  attachés  Ji  travestir  quelques  circons- 
tances, à  relever  quekjues  faits  minutieux, 
à  cheicher  de  prétendues  contrailictions  en- 
tre les  diverses  narrations  de  ces  quatre  écri 
vains.  S'ils  avaient  voulu  seuleuunit  ouvrir 
une  Concorde  des  Evangiles,  ils  auraient  vu 
l'inutilité  de  leur  travail.  Us  ont  insisté  sur 
l'agonie  de  Jésus-Christ  au  jardin  des  Olives, 
ils  out  dit  qu'en  cette  occasion  le  Messie 
avait  montré  une  faiblesse  indigne  d'un 
houime  courageux.  Mais  nous  soutenons  qu'il 
y  a  plus  décourage  et  de  vertu  k  se  présen- 
ter aux  souffrances  avec  pleine  connaissance, 
après  y  avoir  réfléchi  et  en  surmontant  la 
répugnance  de  la  nature,  qu'à  y  courir  en 
s'étourdissant  soi-même  et  en  alfectant  de 
les  braver.  Il  ne  tenait  (pi'à  Jésus-Christ  de 
déconcerter  toutes  les  mesures  des  Juifs  et 
de  se  tirer  de  leurs  mains,  comme  il  l'avait 
fait  plus  d'une  fois.  Si  au  lieu  d'aller  au  jardin 
des  Olives,  selon  sa  coutume,  il  était  allé  h 
Bétlianie  ou  ailleurs,  les  Juifs  n'aui  aient  pas 
pu  le  trouver  :  et  s'il  était  allé  prèclier  chez 
les  gentils,  ses  miracles  lui  eussent  bien- 
tôt formé  un  parti  capable  de  faire  trembler 
les    Juifs. 

Les  censeurs  de  l'Evangile  disent  que  Jésus 
l>arla  peu  respectueusement  au  grand  prêtre 
Caïphe  ;  qu'il  ne  déclara  pas  nettement  sa 
divinité  ;  (jue,  frappé  sur  une  joue,  il  ne 
tendit  pas  l'autre,  comme  il  l'avait  ordonné. 
Il  suflit  ce[)eiidant  de.  liie  le  texte  des  évan- 
gélistes, pour  voir  que  la  réiionse  de  Ji'sus- 
Christ  à  Caijihe  n'avait  rien  du  toutdi:  con- 
tiaire  au  respect  ;  iiue  c'était  une  déclaration 
formelle  de  sa  divinité  ;  que  le  conseil  des 
Juifs  l'envisagea  ainsi,  puisque  ce  fut  pour 
cela  même  qu'il  condamna  ii  la  murt  Jésus- 
Christ  comme  blasphémateur.  Ce  n'était  pas 
là  le  lieu  de  tendre  l'autre  joue  pour  rece- 
voir U[i  nouvel  outrage,  puisque  c'était  au 
tribunal  môme  des  magistrats  juifs,  dont  le 
premier  devoir  était  d'empêcher  et  de  venger 
les  outrages.  Ces  mêmes  criticjues  ajoutent  : 
Comment  Dieu  a-t-il  iiermis  que  Pilato,  qui 
voulait  sauver  Jésus,  ait  été  assez  faible  pour 
]o  condamner,  quoique  iuuoceulV  Nous  ré_j 


1315 


PAS 


PAS 


1516 


pondons  que  Dieu  l'a  permis  comme  il  per- 
met tous  les  autres  crimes  qui  se  commettent 
dans  le  monde.  Ils  préti-ndfnt  (|ue  Ji'sus- 
Christ  sur  la  croix  se  plaignait  d  être  aban- 
donné de  son  Père;  Cédvin  a  osé  dire  que 
les  premières  paroles  du  pSaume  xxi,  que 
Jésus -Christ  prononça  pour  lors,  étaient 
l'expression  du  désespoir.  Mais  la  manière 
dont  nous  avons  traduit  ces  paroles  à  la  let- 
tre démontre  que  ce  n'élait  ni  une  plainte 
ni  un  reproche',  mais  une  exclamation  sur 
la  rigueur  du  tourment  que  souffrait  le  Saii- 
veur  :  Mon  Dieu,  mon  Dieu,  à  quoi  vous  m'a- 
vez délaissée,  à  quels  tourments  l'oits  m'avez 
réservé  H}nQ\  signe  y  a-t-il  là  d'impatience,  de 
mécontentement  ou  de  désespoir?  D'ailleurs^ 
Jé^nS-Chiist  en  prononçant  ces  paroles,  se 
faisait  l'applicatioh  de  ce  psaume  ;  il  faisait 
voir  que  ses  douleurs  étaient  l'accomplisse- 
ment de  cette  prophétie.  Aussi,  lorsque  tou- 
tes les  circonstances  furent  véritiées,  Jésus 
s'écria  :  Tout  est  consommé. 

Mais  nos  adversaires  soutiennent  qu'il  y 
a  contradiction  entre  les  évangélisles.  Saint 
Marc  dit  que  Jésus  fut  crucifié  à  la  troisième 
neure,  c'est-à-dire  à  neuf  heures  du  matin  ; 
saint  Jean  écrit  que  ce  fut  à  la  sixième  heure 
ou  à  midi.  Selon  saint  Mathieu  et  saint  Marc, 
les  deux  voleurs  cruciliés  avec  Jésus  lui  in- 
sultaient ;  selon  saint  Luc  >  un  seul  injuria 
le  Sauveur. 

On  n'a  qu'à  comparer  le  texte  des  évangélis- 
les,la  contradiction  disparaîtra.  Lorsque  saint 
Marc  dit,  c.  xv,  v.  25  :  Jt  était  la  troisième 
heure,  et  ils  le  crucifièrent,  on  doit  entendre; 
et  ils  se  disposèrent  à  le  crucifier.  Les  versets 
suivants  témoignent  qu'il  se  passa  encore 
plusieurs  choses  avant  que  Jésus  ftU  con- 
duit au  Calvaire,  et  fût  attaché  à  la  croix. 
Saint  Jean  écrit,  c.  xix,  v.  14-  et  16,  qn'envi- 
ron  la  sixième  heure  Pilate  dit  aux  Juifs, 
voilà  vôtre  Roi,  et  qu'il  le  leur  livra  pour 
être  crucillé.  11  n'était  donc  pas  encore  la 
sixième  heure,  elle  était  seulement  com- 
niencée  ;  or  elle  feorrtmençait  à  neuf  heures 
du  malin.  Quant  à  ce  qui  regarde  les  vo- 
leurs, il  s'ensuit  seulement  que  la  narration 
de  saint  Luc  est  plus  exacte  que  celle  des 
deux  i)remiers  évangélistes  ;  il  rapporte  la 
conversion  du  bon  larron,  de  laquelle  ils 
n'ont  pas  parlé.  Selon  le  jugement  des  in- 
crédules, il  n'a  pas  pu  arriver  une  éclilise 
au  moment  de  la  mort  du  Sauveur  ;  les  Juifs 
n'ont  vu  aucun  des  prodiges  dont  les  évan- 
gélistes font  mention,  puisqu'ils  ne  se  soiit 
as  convertis.  Aussi  les  évangélistes  ne  par- 
ent jioint  d'une  éclij)Se,  mais  de  ténèbres 
qui  couvrirent  toute  la  Judée  ;  et  ces  ténè- 
bres purent  èlre  causées  par  un  nuage  épais. 
Saint  Luc  dit  formellement  que  la  multitude 
de  ceux  qui  furent  témoins  de  la  mort  de 
Jésus  s'en  retburnèrent  en  frappant  leur 
poitrine,  signe  de  lepentir  et  de  conver- 
sion.   Quant   à   l'endurcissement  du  grand 


î 


nombre  des  Juifs,  il  ne  nous  Surprend  pas 

flus  que  celui  des  inci'édules  d'aujourd'hui. 
Is  disent  qu'il  aurait  été  mieux  que  Dieu 
pai'doniiAt  le  péché  d'Adam,  au  lieu  de  le 
punit  'd"uue  mauièi-o  si  terrible  tlans  la  per- 


sonne do  son  propre  Fils.  De  notre  côié, 
nous  soutenons  qu'il  est  mieux  que  Dieu 
l'ait  ainsi  ()uni,  alin  de  donner  aux  hommes 
une  idée  de  sa  justice,  de  leur  inspirer 
l'horreur   du  péché,  et  de  les  en  préserver. 

Quand  les  objections  que  nous  venons 
d'examiner  seraient  plus  solides,  pourraient- 
elles  obscurcir  les  traits  de  la  divinité  que 
Jésus-Christ  a  fait  paraître  pendant  sa  pas- 
sion et  à  sa  mort,  l'éclat  avec  lequel  il  a  vé- 
rifié les  prophéties,  le  triomphe  de  sa  ré- 
surrection, le  prodige  du  monde  converti 
par  la  prédication  d'un  Dieu  crucifié  ?  Ce 
prodige  subsiste  depuis  dix-sept  cents  ans, 
en  dépit  des  eSorts  des  incrédules  de  tous 
les  siècles,  et  il  subsistera  autant  que  l'uni- 
vers. Jésus-Christ  avait  dit  :  Lorsque  j'aurai 
été  élevé  de  terre,  j'attirerai  tout  à  moi  ;  il  a 
rempli  sa  parole,  il  accomplira  de  même 
celle  qu'il  a  donnée  d'être  avec  son  Eglise 
jusqu'à  la  consommation  des  siècles.  La 
meilleure  manière  de  savoir  si  ces  souffran- 
ces ont  été  inutiles,  excessives,  indignes  de 
Dieu,  est  d'en  juger  ])ar  les  etïets;  elles  ont 
inspiré  aux  apôtres  et  aux  premiers  chré- 
tiens le  courage  du  martyre  ;  elles  soutien- 
nent les  âmes  justes  dans  leurs  peines,  con- 
vertissent souvent  les  pécheurs,  adoucissent 
pour  tous  les  angoisses  de  la  mort  :  c'est 
plus  qu'il  n'en  faut  pour  les  jusiifier.  Nos 
profonds  raisonneurs  ont  osé  les  comparer 
aux  souflrances  que  les  païens  attribuent  à 
plusieurs  de  leurs  dieux;  c'est  mal  à  pro- 
pos, disent-ils,  que  les  Pères  de  l'Eglise  en 
ont  fait  le  reproche  aux  païens,  et  ont  voulu 
les  en  faire  rougir,  puisque  ceux-ci  étaient 
en  droit  de  rétorquer  l'argument.  Aussi 
l'ont-ils  fait  ;  Celse  n'y  a  pas  manqué,  mais 
Origène  n'a  pas  eu  beaucoup  de  peine  à  lui 
répondre.  Ce  n'est  pas  de  son  plein  gré  que 
Saturne  a  été  détrôné,  mutilé  et  banni  par 
son  fils  ;  que  Jupiter  a  été  combattu  par  les 
Titans  ;  que  Prométhée  a  été  enchaîné  au 
Caucase,  etc.  Toutes  ces  aventures,  .kiin 
d'inspirer  aux  hommes  l'amour  de  la  vertu 
et  l'horreur  du  crime,  étaient  des  leçons 
très-scandnleùses  ;  loin  de  procurer  quelque 
avantage  au  genre  humain,  elles  n'ont  servi 
qu'à  le  i)ervertir.  Nous  avons  fait  voir  qu'il 
en  est  tout  autrement  des  souffrances  du 
Sauveur.  11  avait  dit  :  J'ai  te  pouvoir  de  don- 
ner ma  vie,  et  j'ai  le  poxivoir  de  la  repren- 
dre ;  il  l'a  reprise  en  elfet  en  se  i  essuscitant 
par  sa  propre  vertu  ;  il  a  converti  et  sancti- 
fié le  monde  par  le  mystère  de  la  croix.  Ori- 
gène, contre  Celse,  liv.  ii,  n.  34  ;  liv.  vu,  n. 
17,  etc. 

Passions  humaines.  Nous  appelons  pas- 
sions les  inclinations  ou  les  penchants  de  là 
nature  ,  lorsqu'ils  sont  poussés  à  l'excès, 
parce  que  leurs  mouvements  ne  sont  pas 
volontaires  ;  l'homme  est  purement  passif 
lorsqu'il  les  éprouve,  il  n'est  actif  que  quand 
il  y  consent  ou  qu'il  les  réprime.  Plusieurs 
philosophes  modernes,  appliqués  à  prendre 
de  travers  là  morale  de  l'Evangile,  ont  jjré- 
tenJu  que  c'est  un  projet  insensé  de  vouloir 
étoulfcr  ou  déraciner  les  passions;  que  si 
l'homme  n'en  avait  plCis,  il  serait  stupidej 


1317 


PAS 


PAS 


1318 


que  celles  qui  forment  le  caractère  particu- 
lier d'un  homme  sont  incurables,  et  que  le 
caractèie  rie  change  jamais.  Quelques-uns 
ont  pouss*  le  scandale  jusqu'à  vouloir  justi- 
fier toutes  les  passions,  et  à  soutenir  qu'il 
est  aussi  impossible  à  l'homme  d'y  résister 
que  de  s'abstenir  d'avoir  la  fièvre,  .\ii1si,  se- 
lon leur  opinion,  toutes  les  maximes  de  l'E- 
vangile, qui  tendent  à  nous  gui^rir  tle  nos 
passions,  sont  absurdes.  Cette  morale  philo- 
sophique, digne  des  étables  d'Epicure,  au- 
rait fait  frémir  de  colère  les  stoïciens  qui 
regardaient  les  passions  comme  des  mala- 
dies de  l'ilme,  et  dont  toute  l'étude  avait 
pour  objet  de  les  réprimer  :  mais  sans  nous 
émouvoir,  il  faut  montrer  k  nos  philosophes 
qu'ils  jouent  sur  un  terme  équivoque  et  que 
leur  morale  est  fausse. 
'  Il  est  certain  d'abord  que  nos  penchants 
naturels  ne  sont  nommés  passions  que  quand 
ils  sont  poussés  à  l'excès.  On  n'accuse  point 
lin  homra.'  de  la  passion  de  la  gourmandise, 
lorsqu'il  ne  boit  et  ne  mange  que  selon  le 
besoin  ;  de  la  passion  de  l'avarice,  lorsi^u'il 
est  seulement  économe,  et  (pi'il  évite  tout 
gain  malhoimète  ;  tle  la  passion  de  la  ven- 
geance, lorsou'il  se  contient  dans  les  bornes 
d'une  juste  défense,  etc.  Il  n'est  pas  moins 
incontestable  que  ces  mêmes  pencliants,  (}ui 
contribuent  à  notre  conservation  quand  ils 
sont  modérés,  tendent  h  notre  destruction 
dès  qu'ils  s(mt  excessifs.  Un  [iliilosophe  suo- 
derne  a  observé  que  l'amour  et  la  haine,  la 
joie  et  la  tristesse,  les  désirs  violents  et  la 
peur,  la  colère  et  la  voluj^té,  altèrent  la  con- 
stitution du  corps,  et  pe.ivent  causer  la  mort 
lorsque  ces  passions  sont  portées  à  l'excès  : 
il  le  démontre  par  la  théorie  des  etlVts  phy- 
si(jues  que  ces  dilférenlos  affections  produi- 
sent sur  les  organes  du  corps.  11  ne  peut 
donc  pas  nous  être  permis  de  nous  y  livrer, 
beaucoup  moins  de  les  fortifier  et  de  les 
augmenter  par  l'habitude  d'eu  suivre  les 
mouvements  ;  lorsque  nous  le  faisons,  nous 
agissons  coiUre  notre  propre  nature.  Enfin, 
nous  savons  par  notre  propre  expérience  et 
par  celle  d'autrui ,  qu'il  dépend  de  nous 
de  modérer  nos  penchants  ,  de  les  ré- 
primer, de  les  atfaiblir  par  des  actes  con- 
traires. Lorsque  nous  y  avons  réussi,  notre 
conscience  nous  applaudit  ;  c'est  dans  cette 
victoire  même  que  consiste  la  vertu  ou  la 
force  de  l'Ame  ;  lorsque  nous  y  avons  suc- 
combé, nous  sommes  punis  par  le  remords. 
L'empire  sur  les  passions  est  sans  doute 
plus  difiicile  à  certaines  personnes  qu'à 
d'autres  ;  mais  il  n'est  aucun  homme  à  qui 
la  résistance  soit  absolument  impossible. 
Quand  il  serait  vrai  que  nous  ne  pouvons 
pas  changer  entièrement  notre  caractère,  il 
ne  s'ensuivrait  pas  encore  que  nous  ne 
pouvons  pas  vaincre  nos  passions.  Autre 
chose  est  de  n'en  pas  sentir  les  mouvements, 
et  autre  chose  d'y  succomber  et  de  les  sui- 
vre. Qu'importe  qu'un  homme  soit  né  avec 
un  penchant  violent  à  la  colère,  si  à  force 
de  se  réprimer  il  e«t  venu  k  bout  do  ne  plus 
s'y  livrer?  11  en  résulte  seulement  que  la  dou- 
ceur et  la  patience  soat  des  vertus  plus  diffi- 


ciles et  plus  méritoires  pour  lui  que  pour 
un  autre  ;  s'il  est  obligé  de  soutenir  ce  com- 
bat |)endant  toute  sa  vie,  il  en  sera  d'autant 
plus  digne  d'éloges  et  de  récouiponsc.  Lors- 
que la  loi  de  Dieu  nous  défond  les  désirs 
déréglés,  elle  entend  les  désirs  volontaires  et 
réfléchis,  et  non  ceux  (pii  sont  indélibérés  et 
involontaires,  puisqu'ils  ne  dépendent  pas  de 
nous  ;  elle  s'explique  assez  en  disant  :  Ne  sui- 
vez point  rosconvoitises. liccli.,  V.  x.vni,  v.  30: 
«  Que  le  péché  ne  régne  point  dans  votre  corps 
mortel,  de  manière  que  vous  obéissiez  à  ses 
convoitises  {^Rom.  vi,  12).  » 

Jésus-t^hrist,  qui  connaissait  mieux  la  na- 
ture humaine  que  les  philosoplies,  nous  a 
prescrit  la  seule  vraie  mt'tliode  de  guérir  les 
passions,  en  nous  commandant  les  àCtes  dé 
vertus  qui  y  sont  opposés.  Ainsi,  il  nous  or- 
donne de  vaincre  l'avarice  en  faisant  des  au- 
mônes, l'orgueil  en  recherchant  les  humilia- 
tions, l'ambition  en  nous  mett.mt  à  la  der- 
nière place ,  la  volupté  en  mortifiant  nos 
sens,  la  colère  en  faisant  du  bien  à  nos  en- 
nemis, la  gourmandise  par  le  jeûne,  la  pa- 
resse par  le  travail,  etc, 

Les  maximes  des  sto'iciens,  touchant  la 
nécessité  de  vaincre  les  passions ,  étaient 
pompeuses  et  sublimes,  mais  cette  morale 
avait  des  défauts  essentiels.  1°  Elle  ne  por- 
tait sur  rien  ;  le  stoïcisme  n'opposait  aux 
passions  point  d'autre  contrepoids  que  l'or- 
gueil ou  la  vaine  satisfaction  de  se  croire 
sage  :  faible  barrière,  bien  peu  caiiable  d'ar- 
rêter la  fougue  d'une  passion  violente.  Jé- 
sus-Christ nous  donne  dos  motifs  plus  soli- 
des, le  d('sir  de  plaire  à  Dieu,  de  mériter  un 
bonheur  éternel,  de  jouir  de  la  paix  de 
l'îhne.  Aussi  cette  morale  a  formé  des  saints 
dans  tous  les  âges,  de  l'un  ou  de  l'autre 
sexe,  dans  toutes  les  conditions  de  la  vie. 
2°  Les  stoïciens  convenaient  eux-mêmes 
que  leurs  maximes  ne  convenaient  qu'à  un 
petit  nombre  d'hommes ,  (jû'il  fallait  des 
âmes  d'iuie  forte  trempe  pour  les  pratiquer; 
celles  de  Jésus-Chi'ist  sont  populaires ,  à 
portée  de  tous  les  hommes  ;  elles  ont  élevé  à 
l'héroïsme  de  la  vertu  les  âmes  les  plus 
communes,  et  qui  en  paraissaient  le  moins 
caiiables.  3°  Ceux  qui  ont  examiné  de  près 
le  stoïcisme,  sont  convaincus  qu'd  ne  pou- 
vait abeutir  qu'à  produire  dans  l'homme 
une  insensibilité  stupide  ;  que  cet  état,  loin 
de  conduire  à  la  vertu,  la  détruit  au  con- 
traire jusque  dans  la  racine.  Aussi  n'est-il 
aucun  des  stoiciens  les  plus  célèbres,  au- 
quel on  ne  puisse  reprocher  quelque  vice 
grossier  ;  mais  on  ne  peut,  sans  calomnie, 
former  la  même  accusation  contre  les  saints 
instruits  k  l'école  de  Jésus-Christ.  Pour  les 
tourner  en  ridicule,  nos  philosophes  ont  dit 
que  le  projet  li'un  dévot  est  de  parvenir  k 
ne  rien  désirer,  à  ne  rien  aimer,  k  ne  rien 
sentir,  et  que,  s'il  réussissait,  ce  serait  un 
vrai  monstre.  Mais  quel  est  l'homme  qui  a 
formé  ce  projet,  h  moins  qu'il  ne  fût  in- 
sensé? Autre  chose  est  de  ne  désirer  aucun 
objet  dangereux,  de  rien  aimer  aveê  trop 
d'ardeur,  de  ne  s'attacher  à  rien  avec  excès, 
et  autre  chose  dé  n'éprouver  aucun  dési^,  àU' 


1519 


PAS 


PAS 


1520 


cune  affection,  aucun  sentiment.  Ce  dernier 
état  estimpossible;  il  étoufferait  toute  vertu,  il 
ferait  violerdes  devoirs  essentiels  :  le  premier 
n'est  rien  moins  que  chimérique,  les  an- 
ciens philosophes  le  conseillaient,  et  les 
saints  y  sont  parvenus.  Nos  nouveaux  maî- 
tres de  morale  disent  que  les  passions  ne 
produisent  jamais  de  mal,  lorsqu'elles  sont 
dans  une  juste  harmonie  et  qu'elles  sont 
contre-balancées  l'une  par  l'autre.  Soit.  La 
question  est  de  savoir  d'abord  si  cet  équili- 
bre dépend  de  nous  ou  n'en  dépend  pas  ;  en 
second  lieu,  de  savoir  lequel  des  deux  est 
le  plus  aisé,  le  plus  sûr  et  le  plus  louable, 
de  réprimer  une  passion  par  une  autre,  ou 
de  les  réprimer  toutes  par  les  motifs  de  re- 
ligion. Il  nous  paraît  que  vouloir  guérir  une 
maladie  de  l'âme  par  un  autre  n'est  pas  un 
moyen  fort  sûr  de  se  bien  porter.  Cette  ma- 
nière de  traiter  les  passio^is  demande  beau- 
coup de  réflexion,  des  méditations  suivies, 
des  calculs  d'intérêt  dont  très-peu  d'hommes 
sont  capables  ;  les  motifs  de  religion  sont  à 
portée  de  tous,  et  n'entraînent  jamais  aucun 
inconvénient.  Pour  justifier  leurs  passions, 
les  païens  les  avaient  attribuées  à  leurs 
dieux  ;  ce  fut  le  comble  du  délire  et  de  l'im- 
piété. Au  mot  Anthropopathie,  nous  avons 
vu  en  quel  sens  l'Ecriture  sainte  semble  at- 
tribuer cl  Dieu  les  passions  humaines. 

*  PASSIONISTES.  Eli  1775,  il  s'est  formé,  en  Ita- 
lie, sous  ce  nom,  une  association  religieuse.  Les 
passionistes  ont  fondé  un  grand  nombre  de  maisons 
en  Italie.  Ils  en  comptent  une  en  Belgique.  Ce  sont 
de  zélés  défenseurs  de  la  religion.  Ils  donnent  des 
missions  qui  ont  eu  beaucoup  de  succès. 

PASTEUR,  homme  qui  a  reçu  de  Dieu 
mission  et  caractère  pour  enseigner  les  fi- 
dèles et  leur  administrer  les  moyens  de  sa- 
lut que  Dieu  a  établis.  Dieu  lui-même  n'a 
pas  dédaigné  de  prendre  ce  titre  à  rég;u-d 
de  son  peuple  ;  les  prophètes  l'ont  donné  au 
Messie  en  prédisant  sa  venue,  Jésus-Christ 
se  l'est  attribué,  et  s'est  proposé  pour  mo- 
dèle des  devoirs  d'un  bon  pasteur  ;  il  a  re- 
vêtu ses  apôtres  et  leurs  successeurs  de  ce 
caractère,  pour  en  continuer  les  fonctions 
jusqu'à  la  lin  des  siècles.  En  les  chargeant 
de  ce  gouvernement  doux,  charitable,  pa- 
ternel, il  a  ordonné  aux  fidèles  d'avoir  pour 
eui  la  docilité,  la  soumission,  la  confiance, 
qui  caractérisent  ses  ouailles. 

Lorsque  les  hérésiarques  des  derniers 
siècles  ont  voulu  former  uu  troupeau  à  part, 
ils  ont  contesté  aux  pasteurs  de  l'Eglise  ca- 
tholique leur  autorité  et  leur  mission  ;  ils 
ont  soutenu  (pie  les  pasteurs  étaient  les  sim- 
ples mandataires  du  corps  des  fidèles,  que 
leur  commission  ne  leur  imprimait  aucun 
caractère,  (ju'elle  était  révocable  lorsqu'on 
était  mécontent  d'eux,  et  qu'alors  ils  n'a- 
vaient rien  de  plus  ijue  les  simples  laïques. 
Mais  sur  ce  point  la  doctrine  des  novateurs 
n'a  pas  été  uniforme.  Pendant  que  les  cal- 
vinistes prétendaient  que  tout  homme  capa- 
ble d'enseigner  peut  être  établi  pasteur  par 
l'assemblée  des  fidèles,  les  anglicans  ont 
continué  à  soutenir  que  l'épiscopat  est  d'in- 
gljtution  divine,  qu'un  évoque  reçoit  le  ca- 


ractère et  la  mission  de  pasteur  par  l'ordi- 
nation ,  mais  qu'il  tient  du  souverain  la  ju- 
ridiction sur  telle  partie  de  l'Eglise.  Cette 
diversité  de  croyance,  dès  l'origine  de  la 
jirétendue  réforme,  a  partagé  l'Angleterre 
entre  les  épiscopaux  et  les  presbytériens. 
Parmi  les  luthériens,  les  uns  ont  été  jaloux 
de  conserver  la  succession  des  évèques  sous 
le  nom  de  surintendants,  les  autres  ont  jugé 
que  cela  n'était  pas  nécessaire.  De  son  côté, 
l'Eglise  catholique  a  continué  de  croire, 
comme  elle  a  fait  de  tout  temps,  que  la  mis- 
sion ,  le  caractère,  l'autorité  des  pasteurs, 
viennent  de  Dieu,  et  non  des  hommes, 
qu'ils  reçoivent  par  l'ordination  des  pouvoirs 
que  n'ont  point  les  simples  laïques,  qu'ils 
forment  par  conséquent  un  ordre  à  part  et 
distingué  du  commun  des  fidèles,  que  ceux- 
ci  sont  obligés  par  l'institution  divine  de 
leur  être  soumis,  de  les  écouter  et  de  leur 
obéir.  Telle  est  en  effet  l'idée  que  nous  en 
donne  l'Ecriture  sainte,  et  telle  a  été  la 
croyance  ;de  tous  les  siècles. 

Ce  n'est  point  aux  fidèles,  mais  aux  pas- 
teurs seuls  que  Jésus-Christ  a  dit,  dans  la 
personne  de  ses  apôtres  :  Vous  serez  assis 
sur  douze  sièges  pour  juger  les  douze  tribus 
d'Israël.  Paissez  mes  agneaux,  paissez  mes 
brebis.  Comme  mon  Père  m'a  envoyé,  je  vous 
envoie.  Ce  que  vous  lierez  ou  délierez  sur  la 
terre  sera  lié  ou  délié  dans  te  ciel.  Celui  qui 
vous  écoute  m'écoute  moi-même,  etc.  Saint 
Paul  dit  aux  évoques  que  c'est  le  Saint-Es- 
prit, et  non  le  corps  des  fidèles,  qui  les  a 
établis  pour  gouverner  l'Eglise  de  Dieu  ,  que 
c'est  Jésus-Christ  qui  a  établi  des  pasteurs 
et  des  docteurs  ;  que  personne  ne  doit  pré- 
tendre à  cet  lionneur,  mais  seulement  celui 
qui  est  appelé  de  Dieu  comme  Aaron  ;  que 
lui-même  a  été  ftiit  apôtre,  non  par  les  hom- 
mes, mais  par  Jésus-CInist;  il  s'attribue  le 
droit  de  punir  et  de  retrancher  de  l'Eglise 
les  membres  indociles.  11  dit  aux  simples 
fidèles  :  «  Obéissez  à  vos  préposés  ou  à  vos 
pasteurs,  et  soyez-leur  soumis,  car  ils  veil- 
lent continuellement,  comme  devant  rendre 
compte  de  vos  Ames.  [Hebr.  xiii ,  17).  »  Ce 
n'est  [loint  aux  fidèles,  mais  à  Tite  et  h  Ti- 
mothée,  qu'il  donne  commission  d'ordon- 
ner des  prêtres  et  d'autres  ministres,  et  d'^ 
les  établir  dans  les  villes  pour  y  exercer  les 
fonctions  de  pasteurs,  etc.  Voy.  Mission.  Le 
premier  de  ces  passages  nous  paraît  mériter 
une  attention  particulière.  Luc,  c.  xxii,  v, 
28,  Jésus-Christ  dit  à  ses  apôtres  :  C'est 
vous  qui  avez  jjersévéré  avec  înoi  dans  mes 
épreuves  ;  aussi  je  vous  laisse  (  par  testa- 
ment ,  S(«TtO=-p«t)  un  royaume ,  comme  mon 
Père  me  l'a  laissé,  afin  que  vous  man- 
giez et  buviez  à  ma  table  dans  mon  royaume, 
et  que  vous  soyez  assis  sur  douze  sièges  pour 
juger  les  douze  tribus  d'Israël.  11  dit  ensuite 
à  saint  Pierre  :  Simon,  Sutan  a  demandé  de 
vous  cribler  (tous)  comme  le  froment  ;  mais 
j'ai  prié  pour  vous  (seul),  afin  que  votre  foi 
ne  manque  pas  ;  ainsi  un  jour  tourné  vers  vos 
fn'res  (tTriarfsyKf ,  conversus],  confirmez  ou  af- 
fermissez-les. s  Un  protestant,  vaincu  par  l'e- 
videuce,  est  convenu  que  le  royaume  laissé 


1321 


PAS 


PAS 


132-2 


par  Jésus-Cnrist  à  ses  apôtres  est  le  sa- 
cerdoce ;  mais  il  contredit  le  texte  ,  en 
ajoutant  que  J(^sus-Ciirist  le  leur  donne 
pour  eux,  et  pour  ceux  qui  croiront  à  leur 
prédication.  Il  s'.igit  évideuiiUL'iil  ici  d'un  pri- 
vilège particulier  pour  les  apôtres,  [)uiscjue 
c'est  une  récomiicnse  de  leur  adarhouient 
constant  pour  leur  maitre  ;  de  même  que  ce 
(jui  suit  est  un  privilège  et  un  devoir  per- 
sonnel pour  saint  Pierre  d'aU'ermir  ses  frè- 
res dans  la  foi,  et  tpii  l'a  rendu  le  pasteur 
des  pasteurs.  Ainsi  s'est  formée  l'Eglise 
chrétienne,  ainsi  elle  a  toujours  été  gou- 
vernée. Dans  le  concile  de  Jèrusaleui,  les 
apùlrcs  et  les  anciens,  ou  les  prêtres,  ne  con- 
sultant pointlcs  lidèl  es  pour  leur  imposer  la  lui 
de  s'abstenir  des  viandes  immolées, du  sanu', 
des  chairs  sutl'oqui'es,  et  de  la  fornication 
{Act.w,  Q,  etc.).  Saint  Paul,  en  parcourant 
les  Eglises,  leurordoimait  d'observer  ce  com- 
mandement des  apôlres  et  des  anciens,  v,  IV. 
Saint  Ignace,  établi  cvèqued'Antiochepar 
les  successeurs  iminédiatsdes  apôlres, recom- 
mande coniinuelh'mi'ut  aux  lidélcs,  dans  ses 
lettres,  d'être  soumis  à  leur  évé(pie,  de  ne 
rien  foire  sans  lui,  de  lui  obéir  en  toutes 
choses;  il  suppose  couniif  un  [irincipe  cons- 
tant ,  et  il  le  prouve  par  l'ordre  de  Jésus- 
Christ  même,  que  c'est  aux  évêiiuesde  gou- 
verner et  de  commander,  et  aux  lidèles  de 
se  laisser  conduire.  Au  m"'  siècle,  saint 
Cyprien  n'a  pas  été  moins  ferme  à  soutenir 
les  droits, les  iirérogalivos, l'autorité  del'épis- 
cop;it.  Aussi  les  hérétique  s  ont-ils  accusé 
ces  deux  saints  martyrs  d'avoir  été  fort  en- 
têtés des  privilèges  de  leur  dignité  ;  mais 
cet  entêtement  prétendu  leiu"  venait  de 
Jèsus-Christ  et  des  apTities.  D'autre  part,  il 
n'est  que  tr0î>  évid(nU  que  les  héréti(pies 
n'ont  soutenu  la  doctrine  contraire  (jue  par 
nécessité  de  système.  Comme  la  |)lupart  des 
prédicants  de  la  réforuie  étaient  des  laïques 
qui  se  croyaient  plus  habiles  que  tous  les 
pasteurs  de  l'Eglise,  (pin  les  autres  étaient 
de  simples  prêtres  ou  des  moines  révoltés 
contre  leurs  évêques,  il  a  bien  fallu  soutenir 
que,  p  ur  établir  une  nouvelle  religion  et 
une  nouvelle  Eglise,  il  n'était  besoin  ni  de 
mission  di  ine,  ni  de  caractère  surnaturel, 
ni  de  (louvors  sacrés;  que  tout  hounue  qui 
croyait  avoir  trouvé  la  vérité  pouvait  la 
prêcher,  si  des  peu|'les  trouvaient  bon  de 
l'écoulei'.  Us  ont  [iul)lié  que  les  pasteurs  de 
l'Eglise  avaient  perdu  leur  mission  et  leur 
ca  actère  ,  parce  (ju'ils  enseignaient  ues  er- 
reurs, et  que  leurs  mœurs  nerè|)ondaient  pas 
à  la  sainteté  de  leurs  fonctions.  Mais  par 
quel  tribunal  légitime  cette  condauniation 
des  ministres  de  l'Eglise  catholique  a-t-elle 
ètéfirononcée?  Selon  l'institution  de  Jésus- 
Christ,  les  apôtres,  leurs  successeurs,  ont 
été  établis  pour  juger  les  fidèles,  et  non  |)Our 
ôlre  jugés  par  eux.  Des  hommes  qui  posaient 
pour  pri:ici[ie  fondamental  de  leur  schisme, 
que  la  seule  Ecriture  sainte  est  la  règle  de 
ce  que  l'on  doit  croire  et  enseigner,  auraient 
dû  commencer  par  prouver  clairement  et 
formellement,  par  le  texte  sacré,  que  des 
pasteurs  ignorants  ou  vicieux   perdent  leurs 

DlCTIONN.  DE  TuÉOL.   DOGMATIQIE.     lll. 


pouvoirs  et  leur  caractère,  et  que  les  peuplcs- 
dès  ce  moment,  sont  en  di"oit  de  se  révolter 
contre  eux  et  d'en  prendre  d'autres.  Les  pré- 
tendus réformateurs  commençaient  |iar  for- 
ger des  impnsturt^s  et  des  calomnies  de 
toute  espèce,  pour  noircir  le  clergé  catho- 
lique et  le  rendre  oïlieux  aux  peuples  ;  ils 
concluaient  ensuite  (]ui^  ces  pasteurs  étaient 
déchus  de  leurs  jjouvoirs  et  de  leur  autorité; 
ils  finissaient  par  se  mettre  à  leur  jilaee  et 
par  usur|>er  leu.s  fonctions.  Ainsi  le  fonde- 
ment lie  toute  cette  belle  écononne  se  bor- 
nait à  l'assertion  et  h  la  parole  des  prédicants  : 
voilii  connue  la  réfirme  s'est  établie. 

Aujourd'hui  de  nouveaux  docteurs,  soit 
théologiens,  soit  canonistes,  ramassent  les 
débris  de  celte  doctrine  des  |irotestants,  con- 
damnée dans  Wiclef,  dans  Jean  Hus,  dans 
les  vaudois,  aussi  bien  que  dans  les  écrits 
de  Luther  et  de  Calvin,  et  veulent  en  faire 
le  fondement  d'une  nouvelle  jurisprudence 
ecclésiastique.  De  nos  jours  on  a  enseigné 
et  répété  que  les  pasteurs  de  l'Eglise  ne 
sont  que  les  mandataires  du  corps  des  fi  iè- 
les  ;  que  c'est  au  corjis  de  l'Eglise,  et  non 
à  ses  pasteurs,  que  l'autorité  d'enseigner 
et  de  gouverner  a  été  doimée  :  que  la  puis- 
sance des  pasteurs,  n'étant  point  d'institu- 
tion divine ,  ne  peut  oliliger  les  fidèles  en 
conscience;  qu'ainsi  les  décisions  des  pas- 
teurs en  matière  de  foi  et  de  discipline,  ne 
peuvent  avoir  force  de  loi  qu'autuit  qu'elles 
sont  acceptées  par  la  société  des  fidèles.  On 
a  posé  pour  maximeque  l'Eglise  a  le  pouvoir 
d'excouununier,  et  cpi'il  doit  élre  exercé  par 
les  premiers  pasteurs  ,  du  consentement  au 
moins  présumé  du  toul  le  coi'ps  ;  on  a  auto- 
risé les  (i  lèles  k  mépriser  ce  pouvoir,  eu 
déci  lant  que  la  crainte  d'une  excommuni- 
cation injuste  ne  doit  pas  nous  empêcher  de 
faire  notre  devoir.  Il  est  aisé  de  voir  si  tout 
cela  s'accorde  avec  la  doctrine  de  l'Ecriture 
sainte,  avec  la  cro. ance  et  la  pratique  de 
l'Eglise  depuis  les  apôtres  jusqu'à  nous.  Les 
ennemis  du  clergé  n'en  sont  pas  d  meures 
Il  ;  ils  ont  enseigné  que  l'Eglise  étant  étran- 
gère h  l'Etat,  les  ministres  ou  les  pasteurs 
de  l'Eglise  ne  peuvent  avoir  aucune  autorité 
iiidé|iendanle  de  celle  du  souverain;  que, 
quoique  la  foi  ne  di'pende  point  de  lui,  ce- 
pendant la  imblicité  de  la  foi  et  du  ministère 
ecclésiastique  en  dé.iend;  qu'avant  qu'il  ait 
accordé  cette  publicité, la  religion  chiétienne 
ne  peut  lier  le  sujet,  parce  ijue  ce,ui-ci  ne 
peut  être  contraint  que  par  l'autorité  de  son 
souverain  ;  ils  en  ont  conclu  que  les  déci- 
sions même  des  conciles  généraux  ne  peu- 
vent avoir  force  de  loi  q  l'autantque  le  sou- 
verain le  permet  et  en  autorise  li  publica- 
tion ;  que  c'est  au  souverain  et  aux  raagis- 
ttals  de  juger  de  la  vilidité  d'une  excommu- 
nic.ilion,  parce  que  celte  peine  prive  un 
sujet  de  ses  droits  de  c.toyen. 

Lorsque  nos  pr  .fonds  ,  olitiques  jugent 
que  Dieu,  sa  parole,  sou  culte,  ses  lois,  les 
ordres  qu'il  a  donnés,  sont  étrangers  à  l'Etat, 
l'on  est  bien  en  droit  de  douter  si  ces  écri- 
vains eux-mêmes  ne  sont  pas  étranger*  à 
l'Eglise,  et  si  jamais    ils  ont  fait  profession 

.  48 


1335 


PAS 


PAS 


1524 


du  christianisme.  A  les  entendre  raisonner, 
on  dirait  que  les  souverains  ont  l'ait  grâce  à 
Jésus-Christ,  en  permettant  que  sa  doctrine 
et  sa  religion  fussent  prêchées  dans  leurs 
Etats  ;  que,  par  reconnaissance,  ses  ministres 
sont  obligés  en  conscience  de  mettre  celte 
religion,  et  l'Evanf^ile  qui  l'enseigne,  sous 
le  joug  de  la  puissance  séculière.  Nous  pen- 
sons au  contraire  que  c'est  Jésus-Christ  qui 
a  fait  une  très-grande  grâce  à  un  souverain 
et  à  ses  sujets,  lorsqu'il  a  daigné  leur  pro- 
curer la  connaissance  de  sa  doctrine  et  de 
ses  lois,  les  captiver  sous  le  joug  de  son 
Evangile,  leur  donner  une  religion  qui  est 
le  fondement  le  plus  sûr  de  leurs  devoirs  mu- 
tuels et  de  leurs  droits  respectifs,  par  consé- 
quent le  plus  ferme  appui  du  repos,  de  la  pros- 
périté et  du  bonheur  des  sociétés  politiques. 
Cette  vérité  est  assez  démontrée  par  le  fait; 
puisque,  de  tous  les  gouvernements  de  l'uni- 
vers il  n'en  est  point  de  plus  stable,  de  plus 
modéré,  de  plus  heureux,  à  tous  égards,  que 
celui  des  nations  chrétiennes. 

Sans  demander  la  permission  des  souve- 
rains, Jésus-Christ  avait  dit  à  ses  apôtres  : 
Prêchez  VEvangile  à  toute  créature  ;  quicon- 
que ne  croira  pas  sera  condamne'.  Vous  serez 
traînés  devant  les  rois  et  les  magistrats  à  cause 

de  moi,  et  pour   leur  rendre  témoignage 

ne  lescraigncz  point...  Ceque  je  vous  ai  ensei- 
gné en  secret,  publiez-le  au  grand  jour,  et  ce 
que  je  vous  dis  à  l'oreille,  prêchez-le  sur  les 
toits.  Ne  craignez  point  ceux  quituent  le  corps 
et  n'ont  point  de  pouvoir  sur  Vâme,  mais 
craignez  celui  qui  peut  envoyer  le  corps  et 
l'âme  au  supplice  éternel  (Matth.  x,  18).  Aussi 
les  apôtres  n'ont  point  demandé  les  lettres 
d'attache  des  empereurs  païens  pour  annon- 
cer l'Evangile  à  leurs  sujets;  ies pasteurs, 
qui  leur  ont  succédé,  ont  même  bravé  leslois 
quileleurdéfendaient,  et,  parleur  constance, 
ils  ont  enfin  forcé  les  maîtres  du  monde  h 
courber  leur  tête  sous  le  joug  de  la  foi. 

Mais  on  se  tromperait  grossièrement  si 
l'on  croyait  que  ces  publicistes  antichrétiens 
soutiennent  leur  doctrine  par  zèle  pour  l'au- 
torité légitime  des  souverains  ;  ils  sont  dans 
le  fond  aussi  ennemis  de  cette  autorité  que  de 
celle  des  pasteurs  de  l'Eglise.  De  même  qu'ils 
ont  décidé  que  ceux-ci  ne  sont  que  les  man- 
dataires des  tidèles,  que  leurs  décisions  n'ont 
force  de  lii  qu'autant  que  l'on  veut  s'y  sou- 
mettre, ils  ont  enseigné  aussi  que  les  sou- 
verains eux-mêmes  ne  sont  que  les  manda- 
taires de  leurs  sujets,  que  les  sujets  sont 
les  vrais  propiiétaires  de  l'autorité  suprême, 
qu'ils  ne  peuvent  s'en  dessaisir  d'une  manière 
iriévocable,  que,  quand  les  souverains  en 
abusent,  les  sujets  sont  en  droit  de  la  leur 
ôter.  Ainsi  ces  zélateurs  hypocrites  n'ont 
voulu  mettre  l'Eglise  sous  le  joug  des  sou- 
verains que  pour  remettre  les  souverains 
eux-mêmes  sous  le  joug  des  peuples.  Voy. 
Autorité  politique.  Par  une  contradiction 
grossière,  ils  soutiennent,  d'un  côté,  que  le 
souverain  a  droit  d'examiner  et  de  voir  si 
une  religion  convient  ou  ne  convient  \ms  à 
la  prospérilé  et  à  la  tranquillité  de  ses  Etats 
et  au  bien  de  ses  sujets,  par  consécjuont  d'en 


3' 


permettre  o^i  d'en  défendre  la  prédication, 
la  profession  et  l'exercice  ;  de  l'autre,  que  le 
souverain  n'a  aucun  droit  de  gêner  la  cons- 
cience de  ses  sujets,  que  c'est  h  eux  seuls 
de  juger  quelle  est  la  rehgion  qu'ils^ doivent 
suivre  ;  que  sur  ce  point  la  tolérance  abso- 
lue est  de  droit  naturel  et  de  droit  divin. 
Lorsqu'il  s'agit  de  gêner  les  pasteurs  dans 
l'exercice  de  leur  ministère,  le  pouvoir  des 
souverains  est  despotique  et  absolu  ;  s'agit- 
il  de  réprimer  la  licence  des  prédicants,  des 
athées,  des  incrédules,  les  prétentions  des 
hérétiques,  le  souverain  a  les  mains  enchaî- 
nées par  les  lois  sacrées  de  la  tolérance.  C'est 
selon  les  règles  de  cette  merveilleuse  logi- 
que qu'ont  été  faits  les  écrits  intituli's  :  L'Es- 
prit ou  les  principes  du  droit  canonique  ;  de 
l'Autorité  du  Clergé  ;  l'Esprit  du  Clergé,  etc. 
Le/ protestants  avaient  suivi  la  même  mar- 
che et  avaient  usé  du  même  stratagème  ; 
Bayle  le  leur  a  reproché  dans  son  Avis  aux 
réfugiés  ;  il  est  k  présumer  que  personne  n'en 
sera  dupe  une  seconde  fdis.  Tantôt  les  en- 
nemis du  clergé  ont  peint  les  pasteurs  com- 
me des  hommes  dont  les*  souverains  doivent 
se  défier,  à  cause  de  l'empire  que  le  minis 
tère  des  premiers  leur  donne  sur  l'esprit  des 
peuples  ;  tantôt  comme  les  esclaves  des  sou" 
verains,  qui  ont  fait  avec  eux  une  conjura- 
tion pour  asservir  les  peuples.  Ces  écrivains 
fougueux  ne  se  sont  pas  contentés  de  calom- 
nier et  de  noircir  les  pasiewrs  d'aujourd'hui, 
ils  ont  vomi  leur  tiel  jusque  sur  les  apôtres  ; 
ils  ont  dit  que  ceux-ci  et  leurs  successeurs 
commencèrent  par  prêcher  une  foi  aveugle, 
qu'ils  se  donnèrent  pour  des  espèces  de  dieux 
sur  terre,  qu'ils  se  vantèrent  de  donner  le 
Saint-Esprit,  afin  d'allumer  l'imagination  de 
leurs  prosélytes.  Us  recommandèrent  beau- 
coup la  chanté,  parce  qu'ils  étaient  les  dis- 
tributeurs des  aumônes  et  qu'ils  en  subsis- 
taient eux  -  mêmes  ;  ils  eurent  le  zèle  du 
prosélytisme,  parce  qu'eu  répandant  la  foi 
ils  étendaient  leur  empire  sur  les  âmes  et 
sur  les  Ijourses  de  leurs  sectateurs  ;  c'est 
pour  cela  que  l'épiscopat  devint  un  objet 
d'ambition  ;  les  évoques  furent  les  juges  et 
les  magistrats  des  fidèles.  Saint  Paul  l'avait 
ainsi  ordonné.  Us  avaient  le  pouvoir  d'ex- 
communier, par  conséquent  d'ôter  à  ceux 
qu'ils  proscrivaient  les  moyens  de  subsister. 
Ils  régnèrent  de  cette  manière  avec  un  des- 
potisme absolu  sur  les  esprits  et  sur  les 
cœurs,  et  ils  en  usèrent  pour  allumer  parmi 
leurs  prosélytes  le  fanatisme  du  martyre  : 
ainsi,  sous  le  nom  de  pasteurs,  ils  avaient  le 
privilège  de  tondi  e  le  troupeau  et  de  le  con- 
duire à  la  boucherie  pour  leur  propre  iuté- 
i'êt.  Ce  tableau,  sans  doute,  aurait  fait  plus 
d'impression  s'il  avait  été  moins  chargé  ;  la 
passion  y  est  trop  marquée  ;  il  a  fait  plus 
de  tort  à  ceux  qui  l'ont  forgé  qu'à  ceux  qui 
en  sont  l'objet  ;  mais  examinons-en  tous  les 
traits. 

Jl  n'est  pas  vrai  que  les  fondateurs  du 
christianisme  aient  commandé  une  foi  aveu- 
gle ,  puisqu'ils  ont  commencé  |)ar  prouver 
leur  mission  divine  ])ar  des  signes  incontes- 
tables ;  une  foi  fondée  sur  de  pareilles  jjreu- 


132S 


PAS 


PAS 


im, 


ves  n'est  point  aveugle,  mais  sn'^o,  et  pru- 
dente. Voi/.  CuiîDimi.iTÉ.  Nous  ferons  voir 
dans  un  inoiaent  qu'il  en  est  de  nièine  de 
celle  dos  (.■hn'tiens  d'aujourd'hui.  Non-seu- 
leuient  les  apôtres  se  sont  vantés  de  donner 
le  Saint-Ksprit,  mais  ils  ont  démontré  qu'ils 
le  doimaieut  f)ar  les  dons  miraculeux  qu'ils 
communiquaient  par  ruij;)osition  de  leurs 
m.iius  ;  il  n'était  donc  pas  (juestiondans  tout 
cela  de  chaleur  d'imagination,  mais  d'une 
persuasion  l'ondée  sur  des  preuves  palpables, 
et  auxquelles  l'esjjrit  le  [il us  l'roid  ne  pou- 
vait se  refuser  ;  et  il  est  prouvé,  par  des  té- 
moignages incontestables,  que  les  dons  mi- 
raculeux ont  duré  dans  l'Eglise  chrélienn»; 
pendant  plus  d'un  .siècle.  Ces  prédicateurs  d(! 
l'Evangile  ontijeaucoup  recommandé  la  cha- 
rité, parce  (],ue  Jésus-Christ  l'avait  comman- 
dée sur  toutes  choses,  et  c'est  pour  cela 
qu'on  la  prêche  encore  ;  Jésus-Christ  n'en 
avait  pas  besoin  pour  lui-même,  puis([u'il 
commandait  ii  la  nature.  Nou-seulement  ses 
disciples  l'ont  prescrite,  mais  ils  l'ont  jiraii- 
quée,  et  cette  vertu  si  nécessaire  au  monde 
est  ce  qui  a  le  plus  contribué  à  convertir  les 
païens  ;  l'empereur  Julien  eu  est  témoin,  et 
il  en  a  fait  l'aveu.  Les  apôtres  ni  leurs  suc- 
cesseurs n'ont  point  voulu  être  les  distribu- 
teurs des  aumônes,  puisqu'ils  avaient  élabli 
des  diacres  exprès  pour  les  charger  de  ce 
soni.  Si  l'on  conuai.s.sait  les  désagréments  et 
les  avanies  auxquelles  les  pasteurs  sont  ex- 
posés par  rapport  à  la  distribution  des  au- 
mônes, l'on  ni!  serait  pas  tenté  de  regarder 
ce  soin  comme  un  objet  d'ambition. 

A-t-on  comparé  les  travaux,  les  fatigues, 
les  dangers  de  l'apostolat  et  du  prosélytisme 
pendant  les  trois  premiers  siècles,  avec  les 
avantages  temporels  que  ce  zèle  pouvait  pi'o- 
curor?  Nous  voudrions  savoir  quelle  récom- 
pense mondaine  a  pu  dédommager  les  pas- 
teurs de  ce  temps-là  des  travaux,  des  fati- 
gues, de  la  vie  pauvre  et  ausièie  à  1  iquelle 
ils  étaient  condanmés,  et  du  danger  du  mar- 
tyre auquel  ils  étaient  continuellement 
exposés.  Nous  ne  connaissons  auc.inévèque 
(le  ces  |)remiers  siècles  qui  ait  fait  une  gran- 
de fiirtune  ;  nous  voyons,  au  coniraire,  que, 
pour  parvenir  à  l'épiscopat,  il  fallait  renon- 
cer il  la  i'ortuue,  et  que  la  plupart  ont  fait 
pi'ofession  de  la  pauvreté  la  plus  austère.  On 
a  beau  dire  qu'ils  en  étaient  dédommagés 
par  le  respect,  par  la  confiante,  par  la  véné- 
ration des  tidôles  ;  nous  ne  voyons  ;  as  que 
l'on  soit  fort  empressé  aujourd'hui  d'obte- 
nir ce  dédommagement  au  même  prix. 

Saint  Paul  n'avait  point  ordonné  ,  mais  il 
avait  exhorté  les  (idèles  à  terminer  leurs  dif- 
fi'rends  jiar  l'arbitrage  des  pasteurs,  plutôt 
«pie  d'aller  plaider  au  u-ibuual  des  magisti  ats 
païens,  auquel  un  c'u-élien  ne  pouvait  com- 
Ijaraitre  sans  danger.  Cette  morale,  quoiq  e 
l'on  en  dise,  était  très-bonne  ;  ceux  qui  l'ont 
suivie  ne  s'en  sont  Jamais  repentis  ;  mais 
nous  ne  voyons  pas  (luel  avantage  temporel 
peuvent  trouve;  les  pasteurs  h  être  (pielque- 
fois  les  arbitres  et  les  conciliateurs  des  pro- 
<  es  de  leurs  ouailles.  Pourquoi  nos  philoso- 
plies  si  ambitieux  n'out-ils  pas  mis  en  usage 


les  moyens  de  se  concilier,  coumie  les  pas- 
teurs, l'estime,  les  respects,  la  conliance,  la 
vénération  de   leurs  concitoyens,   l'empiie 
despotique  sur  les  esprits  et  sur  les  cœurs  ! 
Nous  concevons  encore  moins  quel  intéiêt 
les  pasteurs  de  l'Eglise   pouvaient  avoir  à 
souiller  aux  fidèles  le  fanatisme  du  martyre  ; 
c'élait  s'imposer  à  eux-mêmes  l'obligation 
<le  le  subir,  et  ils  y  étaient  plus  expose,s  que 
les   laïques,  puisque  c'était  principaleunait 
contre   les  pasteurs  que   le   gouvernement 
avait  coutume  de  sévir.  Nous  savons  que  des 
prédicants  hérétiques  ont  souvent  bravé  le 
danger  du  supplice ,  jiour  .iller  exercer  en 
secret  leur  ministère  dans  des  lieux  où   ils 
étaient  proscrits  ;  mais  nous  sommes  moins 
tentés  d'attribuer  cette  conduite  à  leur  am- 
bition qu'à  l'entêtement  qui  leur  avait  per- 
suadé la  vérité  de  la  doctrine  qu'ils  profes- 
saient. Les  incrédules,  commeles  hérétiques, 
ont  souvent  reproché  aux  pasteurs  de  l'E- 
glise catholique  de  vouloir  dominer  sur  la 
foi  de  leur  troupeau  par  le  don    d'infailli- 
bilité i|u'ils  s'attribuent,  de  prétendre  ainsi 
être  les  maîtres  d'ériger  en  dogme  d  :  foi  telle 
opinion  qu'il  leur  [ilait.  S'ils  y  avaient  ruieux 
rélléchi,  ils  auraient  vu  que  la  foi  des  peu- 
ples domine  pour  le  moins  autant  sur  celle 
des  pasteurs,  que  celle-ci  sur  la  croyance  des 
peuples.  Car  enfin,  en  quoi  consiste  l'ensei- 
gnement de  chaque  pasteur?  A  prêcher  et  à 
professer  la  dociiine  universellement  crue 
et  enseignée  dans  toute  l'Eglise  catholique  ; 
rien  de  plus.  Chaipie  pasteur,  en  entrant  en 
exercice  de  sa  charge,  trouve  cotte  doctrine 
tout  établie  dans  le  symbole,  dans  les  caté- 
chismes, dans  la  liturgie,  dans  tous  les  li- 
vres dont  il  lui  est  permis  de  s  >  servir,  aus- 
si bien  que  dans   l'Ecriture  sainte  ;  il  a  fait 
serment  de  n'en  jamais  enseigner  d'autre, 
de  n'y  rien  ajouter  ni  rien  retrancher.  S'il  le 
faisait,    ses  auditeurs  auraient  droit  de  le 
dénoncer   et  de  l'accuser  ;  la  plupart  sont 
aussi  instruits  que  lui-même  ;  il  serait  con- 
damné et  dépossédé. 

Ce  qu'un  particulier  ne  peut  pas  faire  sans 
causer  du  scandale,  peut-il  être  exécuté  par 
l'universalité  des  pasteurs,  soit  dispersés 
dans  leuis  Eglises,  soit  rassemblés  dans  un 
Cwncile?  11  est  a.surde  de  supposer  que  des 
évoques  dispersés  dans  les  quatre  parties 
du  monde,  qui  ne  se  sont  jamais  vus,  et  qui 
ne  so  connaissent  point,  conspirent  néan- 
moins dans  le  projet  d'alti'rer  quoiqu'un  des 
dogmes  de  foi,  ou  d'en  établir  un  nouveau 
-<iont  ou  n'avait  jamais  entendu  parler.  Quel 
motif,  quel  intérêt,  quel  ressort  pourrait  mou- 
voir ainsi  uniformément  la  volonté  de  plii- 
.'•ieursmilliers  d'hommes,  tous  persuadés  que 
le  projet  dont  nous  parlons  serait  un  attentai. 
Si  nous  les  supposons  rassemblés,  le  cas  est 
absolum  Mit  le  même.  Quand  on  pouirait  ima- 
giner qu  '  trois  cent  dix-huit  évoques  des  dif- 
férentes parties  du  monde,  qui  n'avaient 
jws  seulement  le  même  langage,  puisqu'il  y 
avait  des  (irocs  et  des  Latins  ,  des  Syriens, 
d  'S  Arabes,  des  Perses,  ont  unanimement 
résolu,  au  concile  de  Nicée ,  d'élablu'  en 
dogme  de  loi  la  divinité  de  Jésus-Christ,  qui 


1327 


PAS 


PAT 


1338 


n'était  pas  crue  auparavant ,  pourrait-on  se 
figurer  encore  que,  quand  ils  ont  reporté 
cette  nouveauté  dans  leurs  diocèses,  elle  y  a 
été  reçue  sans  réclamation  par  l'universalité 
des  fidèles?  Ledogme,  en  lui-même,  n'éprou- 
va aucune  di.ticuité  ;  on  n'argumenta  d'abord 
que  sur  le  terme  de  cotisubstantiel,  ei  il  n'y 
eut  d'opposition  que  de  la  part  de  quelques 
évoques  qui  s'étaient  laissé  se, luire  par  les 
so|iliismt'S  d'Arius.  Il  en  fut  de  même  des 
autres  aticles  de  doctrine,  décidés  dans  les 
conciles  postérieurs.  Nos  adversaires  se  sont 
imaginé  qu'un  dogme  n'avait  pas  encore  été 
cru,  lorsqu  il  n'avait  pas  encore  été  mis  en 
question  ;  ma  s  un  dogme  révélé  tie  Dieu, 
et  enseigné  par  les  apôtres,  n'a  commencé  à 
être  mis  en  question  que  quand  il  s'est  trou- 
vé des  novateurs  qui,  par  ignorance  ou  ])ar 
opiniAtreté,  se  sont  avisés  de  le  révoquer  en 
doute  et  de  le  contester.  Voy.  Dépôt  de  la 
FOI.  On  distingue  les  pasteurs  du  premier 
ordre,  qui  sont  les  évèques,  et  ceux  du  se- 
cond ordre,  qui  sont  les  curés  ou  recteurs 
des  paroisses  ;  leurs  droits  respectifs  et  la 
différence  de  leur  juridiction  sont  l'objet  de 
la  jurisprudence  canonique. 

Pasteur  d'Hermas.  Voy.  Hermas. 

PASTOPHORION,  mot  grec  qui  se  trouve 
fréquemment  dans  la  version  des  Septante, 
et  sur  le  sens  duquel  les  critiques  ne  sont 
pas  d'accord.  Souvent  il  est  parlé  du  temple 
de  Jérusalem,  et  des  pastophoria  ou  appar- 
tements qui  y  étaient  contigus.  Ce  teime, 
dit-on,  vient  de  TraoT»?  ou  Tt-ao-roî ,  portique, 
vestibule,  chambre,  et  il  a  la  môme  signilica- 
tion  ;  fopsïav  signitie  aussi  ce  que  l'on  porte, 
et  le  lieu  où  l'on  porte  quelque  chose  ;  d'od 
l'on  doit  conclure  que  nx(T:a-fop-!»v  est  à  la 
lettre  un  magasin,  le  lieu  où  l'on  mettait 
les  offrandes  et  les  provisions  du  temple. 
Les  appartements  des  prêtres  étaient  nom- 
més de  même  ,  parce  que  tout  cela  était 
contigu  et  sous  un  même  toit.  Dans  les 
Constitutions  apostoliques,  écrites  au  iv'  ou 
au  V'  siècle,  il  est  aussi  parlé  des  pastopho- 
ria des  anciennes  églises,  par  analogie  à 
ceux  du  temple,  1.  ii,  c.  57  ;  l'auteui-  veut 
que  l'église  soit  un  édifice  plus  long  que 
large,  tourné  à  l'Orient  ;  qu'il  ait  de  ce  côté- 
là,  de  part  et  d'autre,  des  pastophoria ,  et 
qu'il  ressemble  à  un  vaisseau;  que  le  siège 
de  l'évoque  soit  dans  le  fond,  etc.  L.  viii. 
c.  13,  il  est  dit  qu'après  la  communion  des 
hommes  et  des  femiïies,  les  diacres  porteront 
les  restes  dans  \es pastophoria;  c'étaient,  dit- 
on  ,  les  appartements  des  prêtres  iJingham, 
Orig.  ecclés  ,  1.  vni,  c.  7,  §  11.  Pour  nous, 
qui  pensons  qu'au  iv'  et  au  V  siècle  on  trai- 
tait l.s  restes  de  l'eucharisUe  avec  plus  de 
respectqu'unalimeni  ordinaire, nous  sommes 
persuadés  que  pastophoria ,  dans  ces  deux 
];assages,  sont  les  armoires  ou  tabernacles 
qui  furent  appelés  par  les  Latins  ciboria,  et 
qui  étaient  placés  à  côté  de  l'autel ,  dans 
lesquels  on  réservait  l'eucliaristio  pour  les 
malades  :  1°  parce  que,  dans  l'origine,  ce 
terme  signifie  un  lieu  dans  lequel  on  porte, 
l'on  dépose  et  l'on  conserve  <iuelque  chose  ; 
2°  parce  que,  dans  le  premier  passage,  l'au- 


teur des  Constitutions  apostoliques  parle  de 
l'intérieur  de  l'église  et  non  des  bâtiments 
extérieurs  ;  il  décrit  le  sanctuaire  et  non  les 
autres  parties  de  l'édifice  ;  3"  si  les  apparte- 
ments des  prêtres  ont  été  aussi  appelés  pas- 
tophoria, ce  n'est  qu'une  signification  déri- 
vée, et  qui  est  venue  de  ce  que  ces  appar- 
tements étaient  contigus  de  ceux  dans  les- 
quels on  mettait  les  offrandes.  Nous  ne  fai- 
sons ces  observations  que  parce  que  les  pro- 
testants ont  voulu  insinuer  par  le  second 
passage  des  Constitutions  apostoliques,  que 
les  restes  de  l'eucharistie  étaient  portés  dans 
l'appartement  des  prêtres  pour  faire  leur 
nourriture  ordinaire,  et  qu'on  ne  les  traitait 
pas  avec  plus  de  respect  que  les  autres  ali- 
ments. 

PASTORICIDES,  nom  qui  fut  donné,  dans 
le  xvr  siècle,  aux  anabaptistes  d'Angleterre, 
jiarce  qu'ils  exerçaient  principalement  leurs 
fureurs  contre  fes  pasteurs,  et  qu'ils  les 
tuaient  partout  où  ils  les  trouvaient.  Voy. 
Anabapti-tes. 

PASTOUREAUX,  secte  fanatique,  formée 
au  milieu  du  xiii"  siècle  par  un  nommé  Ja- 
cob, Hongrois,  apostat  de  l'ordre  de  Citeaux. 
Dans  sa  jeunesse,  il  commença  par  assem- 
bler une  troupe  d'enfants  en  Allemagne  et 
en  France,  et  en  fit  une  croisade  pour  la 
terre  sainte  :  ils  périrent  promplement  de 
faim  et  de  fatigue.  Saint  Louis  ayant  été  fait 
prisonnier  par  les  Sarrasins  l'an  liSO,  Jacob, 
sur  une  prétendue  révélation,  prêcha  que 
les  bergers  et  les  laboureurs  étaient  destinés 
du  ciel  à  délivrer  le  roi  ;  ceux-ci  le  crurent, 
le  suivirent  en  foule,  et  se  croisèrent  dans 
cette  persuasion,  sous  le  nom  de  pastoureaux. 
Des  vagabonds,  des  voleurs,  des  bannis,  des 
excommuniés,  et  tous  ceux  que  l'on  appelait 
ribaux,  se  joignirent  k  eux.  La  reine  Hlan- 
che,  gouvernante  du  royaume  dans  l'absence 
de  son  fils,  n'osa  d'abord  sévir  contre  eux  ; 
mais  lorsqu'elle  sut  qu'ils  prêchaient  contre 
le  pajie,  contre  le  clergé,  contre  la  foi  ;  qu'ils 
commettaient  des  meurtres  et  des  pill.iges, 
elle  résolut  de  les  exterminer,  et  elle  en  vint 
promptementà  bout.  Le  bruit  s'étant  répan- 
du que  les  pastoureaux  venaient  d'être  ex- 
communiés, un  bouchertua  Jacob,  leur  chef, 
d'un  coup  de  haclie,  pendant  qu  il  prêchait  ; 
on  les  poursuivit  partout,  et  on  les  assomma 
comme  des  bêtes  féroces.  Hist.  de  l'Egl. 
gallic,  t.  XI,  1.  xxxii,  an.  1250.  Il  en  repa- 
rut encore  de  nouveaux  l'an  1320,  qui  s'at- 
troupèrent sous  prétexte  d'aller  conqu^'rirla 
terre  sainte,  et  qui  commirent  les  mêmes 
désordres.  11  fallut  les  exterminer  de  la  mê- 
me manière  que  les  premiers.  Jbid. ,  tom. 
XllI,  1.  xxxvii,  an  1320. 

PATARINS,  PATERINS,  ou  PATRINS  , 
nom  donné,  dans  le  xp  siècle,  aux  pauliciens 
ou  manichéens  qui  avaient  quitté  la  Bulga- 
rie, et  étaient  venus  s'établir  en  Italie,  prin- 
cipalement à  Milan  et  dans  la  Lombardie. 
Alosbeim  prouve,  d'après  le  savant  Muiatori, 
que  ce  nom  leur  fut  donné  jiarce  qu'ils  s'as- 
semblaient dans  le  quartier  de  la  ville  de 
Milan,  nommé  pour  fors  Cataria,  et  aujour- 
d'hui Contradn  de  Catarri.   On  les  appelait 


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PAT 


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encore  cathari  ou  purs,  et  ils  affectaient  eux- 
mêmes  ce  nom  pour  se  distinguer  des  ca- 
tholiques. Au  mot  Manichéens,  nous  avons 
vu  que  leurs  princinales  erreurs  étaient  d'at- 
tribuer la  création  ues  choses  cor|iorelles  au 
mauvais  principe,  de  rejeter  l'Ancien  Testa- 
ment, et  de  condamner  le  mariage  comme 
une  impureté. 

Dans  le  xu'  et  le  xiii"  siècle,  le  nom  depa- 
tarins  fut  donné  à  tous  les  hérétiques  en  gé- 
néral ;  c'est  pour  cela  que  l'on  a  souvent 
confondu  ces  cathares  ou  manicMens  dont 
nous  parlons  avecles  rrtwr/oj.s-,  quoiijue  leurs 
opinions  fussent  très-ililîérentes.  Le  concile 
général  de  I.atran ,  tenu  l'an  1179,  s;  us 
Alexan  Ire  111,  dit  an.ithénie  aux  hér(''tiques 
nouHués  cathares,  patarins  ou  pubUcains, 
albigeois  et  autios  ;  il  avait  principalement 
en  vue  les  iManiciiétns  désignés  p.ir  ces  dif- 
féients  noms  ;  ni.iis  le  concile  général  sui- 
vant, célébré  au  mémo  lieu  l'an  1215,  sous 
Innocent  111,  dirigea  aussi  ses  canons  contre 
les  vaiidois. 

Dès  l'an  1074,  lorsque  Grégoire  VII,  dans 
un  concile  de  Rome,  eut  condamné  lincon- 
tinence  des  clercs,  soit  de  ceux  qui  vivaient 
dans  le  concubinage,  soit  de  ceux  qui  pré- 
tendaient avoir  contracté  un  mariai;e  légi- 
time, ces  derniers,  qui  ne  voulaient  pas 
quitter  leurs  femmes,  donnèrent  aux  parti- 
sans du  concile  de  Rome  le  nom  de  paturini 
ou  paterini,  pour  donner  à  entemire  qu'ils 
réprouvaient  le  mariage  comme  les  mani- 
chéens ;  mais  autre  chose  était  d'interdire  le 
mariage  aux  ecclésiasti(jues,  et  autre  chose 
de  condaunier  le  mariage  en  lui-même. 
Les  protestants  ont  souvent  all'ecté  de  re- 
nouveler ce  reproche  très-mal  à  |)ropos. 

PA'l'ELIEKS.  On  nomma  ;  insi  au  xvi"  siè- 
cle quelques  luthériens  qui  disaient  fort  i  idi- 
culeiuent  que  .lésus-Christ  est  dans  l'eLiciia- 
ristic  comme    un  lièvre  dans  un  |)iUé.  Voy. 

LLTHÉRIE^S. 

l'A  TÈNE.  C'est,  dans  l'Eglise  romaine,  un 
vase  .-aéré,  d'or  ou  d'argent,  fait  eu  forme 
de  petit  plat,  qui  sert  à  la  messe  à  mettre 
l'iiost  e,  et  que  l'tm  donne  à  baiser  à  ceux 
qui  vont  h  l'olfrande.  Son  nom  vient  du  latin 
patina,  qui  signihe  un  plat.  Autrefois  les 
patènes  étai  ni  beaucoup  plus  grandesqu'elles 
ne  sont  aujourd'hui,  parce  qu'elles  servaient 
à  contenu"  les  hoslies  pour  tous  ceux  qui 
devaient  communier.  Anastase  le  Bibliothé- 
caire ra[i|;oite  d'après  d'anciens  monuments, 
que  Constanlin  le  (jrand,  à  l'occasion  des 
obsèqm  s  di;  sa  mère  sainte  Hélèn  •,  fit  pré- 
sent a  l'Eglise  des  saints  martyrs  Pierre  el 
Marcelin,  d  uiu-patcne  d'ur  pur|)esant  ti'cnle- 
cinq  livres.  Comme  elle  pouvait  embarrasser 
le  prêtre  à  l'autel ,  le  sous-diacre  tenait  ce 
]ilat  dans  ses  mains,  jusqu'au  moment  au- 
iiuol  on  s'en  servait.  Vh'ury ,  Mœurs  des  chré- 
tiens, n.  33. 

PATENOTRE.  Voy.  Cuapelet. 

PATEK.  Voy.  Oraison  uominicale. 

PATERNIENS.  Saint  Augustin,  dans  son 
livre  des  Hérésies,  n.  83,  dit  que  les  puler- 
niens,  que  qurhjues-uns  nommaient  aussi 
venustiens,  enseignaient   que  la  chair  était 


l'ouvrage  du  démon  ;  ils  n'étaient  pas  pour 
cela  plus  mortifiés  ni  plus  chastes;  au 
contraire ,  ils  se  plongeaient  dans  toutes 
sortes  de  voluptés.  On  dit  qu'ils  parurent  au 
iv  siècle,  et  qu'ils  étaient  disciples  de  Sym- 
maque  le  Samaritain.il  ne  paraît  pas  que  cette 
secte  ait  été  fort  nombreuse  ni  qu'elle 
ait  été  fort  connue  des  écrivains  ecclésias- 
tiques. 

PATERNITÉ,  relation  d'un  père  à  l'égard 
de  son  lils.  Dans  le  mystèie  de  la  sainte 
Trinité,  la  paternité  est  la  propriété  particu- 
lière de  la  première  Personne,  et  qui  la  dis- 
tingue lies  deux  autres. 

Les  Pères  de  l'Eglise,  (]ui  ont  défendu  ce 
mystère  contre  les  ariens,  les  eunomiens  el 
auires  hérétiques ,  ont  beaucoup  raisonné 
sur  cette  qualité  de  Père  que  Dieu  lui-même 
s'est  attribuée  dans  l'Ecriture  sainte  ;  ils  ont 
fait  voir  que  ce  terme,  pur  sa  propre  énergie, 
désigne  en  Dieu  un  attribut  plus  auguste 
que  la  qualité  de  créateur.  Dieu  est  Père  de 
toute  éternité,  puisqu'il  est  nommé  le  Père 
éternel  ;  il  n'a  été  créateur  que  dans  le  temps. 
Comme  Dieu  ne  peut  pas  être  sans  se  con- 
naître soi-même,  il  n'a  jamais  pu  être  sans 
engendrer  le  Fils;  d'où  il  s'ensuit  que  le 
Fils  est  coéternel  et  consubstantiel  au  Père; 
qu'ainsi  le  nom  de  Père  ne  se  lire  point  de 
la  création,  comme  le  prétendaient  les  ariens 
et  comme  le  veulent  encore  les  sociniens, 
mais  de  la  génération  éternelle  du  Verlje. 

Les  Juifs  mêmes  lecomitrirent,  puisqu'ils 
voulurent  mettre  à  moi  t  Jcsus-Christ,  parce 
qu'il  appelait  Dieu,  son  Père,  se  faisant  ainsi 
égal  à  Dieu  {Joan.  \,  18).  Cette  conséquence 
aurait  été  trôs-fausse,  si  Jésus-Christ,  en 
nonnnant  Dieu  son  Père,  avait  entendu  son 
créateur  ;  les  Juifs  n'auraient  pas  pu  en  être 
scandalisés  ;  Jésus  cependant,  loin  de  les 
détromiier,  a  t(jujouis  continué  iJe  parler  de 
môme  ;  d'où  il  s'ensuit  qu'en  se  nommant 
Fils  de  Dieu,  il  n'entendait  p.ir  là  ni  la  créa- 
tion ni  une  simple  aiioplion,  mis  une  lilia- 
tion  naturelle  et  qui  emporte  l'égalité  ou 
j)lut(jt  l'identité  de  nature.  De  Vu  hs  Pères 
ont  encore  conclu  que  quand  Jésus-Christ 
dit  à  Dieu  son  Père,  j'ai  fuit  connaître  votre 
nom  aux  hommes  {Joan.  xvii,  6),  il  n'est 
question  là  ni  du  nom  de  Dieu  ni  de  celui 
de  créateur,  puisque  ces  deux  noms  étaient 
très-connus  des  Juifs  avant  Jésus-Christ , 
mais  qu'il  s'agit  du  nom  de  Père  dans  le  sens 
rigoureux,  nom  que  les  Juifs  ne  connais- 
saient pas,  et  qui  ne  leur  avait  pas  encore  été 
révélé.  Ils  ont  dit  eulin  que,  quand  saint 
Pierre  dit  {Epites.  m,  14)  :  «  Je  fléchis  les 
genoux  devant  le  Père  de  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ,  duquel  ioute  paternité  esl  nom- 
mée  dans  le  ciel  et  sur  la  terre,  »  il  nous 
donne  h  entendre  que  la  qualité  de/'rre,  qui 
appartient  à  Dieu  essentiellement  et  par  na- 
ture, n'a  été  donnée  aux  créatures  que  par 
communication  et  par  grâce,  et  ijue  ce  nom 
ne  conserve  toute  son  énergie  que  quand  il 
est  donné  à  Dieu.  Conséquemment  les  Pères 
ont  fait  voir  qu'il  y  a  entre  la  paternité  divine 
et  la  paternité  humaine  dos  dil-1'érences  es- 
sentielles. Aussi  les  anciens  hérétiques  ne 


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donnaient  à  Dieu  que  malgré  eux  le  titre  de 
Père  ;  ils  aCfectaient  de  le  nommer  ingenitus, 
le  non  engendré ,  atin  de  donner  à  enten- 
dre que  le  Fils  étant  engendré  n'était 
pas  Dieu.  Pétau,  Dogm.  théoL,  t.  11,1.  v. 
c.  h. 

Comme  il  eSt  très-aisé  de  tomber  dans 
l'erreur,  en  parlant  du  mystère  de  la  sainte 
Trinité,  il  faut  se  conformer  exactement  au 
langage  des  Pères  et  des  théologiens  catho- 
liques. Or,  ils  enseignent  que  la  paternité 
est  un  attribut  relatif,  à  la  Personne  du  Père, 
et  non  à  la  nature  divine  ;  que  c'est  une  qua- 
lité réelle,  tant  à  raison  de  son  sujet  qui  est 
le  Père  qu'à  raison  de  son  terme  qui  est  le 
Fils;  que  quoiqu'elle  soit  incommunicable  au 
Fils,  il  ne  s'ensuit  pas  que  lePère  soit  un  Dieu 
différent  de  Dieu  le  Fils,  parce  qu'elle  ne 
tombe  pas  sur  la  nature  divine  ;  conséquem- 
ment  onnepeut  pas  en  conclure  le  tritliéisme. 
Du  même  principe  il  s'ensuit  que  \a  pater- 
nité n'étant  pas  un  simple  mode  de  subordi- 
nation, mais  une  relation  réelle,  qui  a  un 
terme  a  quo,  et  un  terme  ad  quem,  on  ne  peut 
pas  confondre  ces  deux  termes  ni  établir  le 
sabelliaaisme,  puisque  le  Père,  en  tant  quo 
Personne,  est  par  sa  paternité  réellement 
distingué  du  Fils  en  tant  que  celui-ci  est 
aussi  Personne  divine  11  a  fallu  néc''ssaire- 
ment  établir  cette  précision  dans  le  langage 
théologique,  afln  do  firévenir  et  de  résoudre 
les  sophismes  et  les  explications  erronées 
des  hérétiques.  Voy.  Trinité. 

PATIENCE.  Dans  l'Ecriture  sainte,  ce  ter- 
me signifie  quelquefois  la  tranquillité  avec 
laquelle  Dieu  laisse  persévérer  les  hommes 
dans  le  crime,  sans  les  punir,  alin  de  leur 
laisser  lo  temps  de  faire  pénitence  et  de  ren- 
trer en  eux-mêmes  [Exod.  xxxiv,  6  ;  Ps.  tu, 
12,  etc).  Lorsqu'il  est  apjihquéaux  hommes, 
il  se  prend  pour  la  consîance  dans  les  travaux 
et  dans  les  peines  [Luc.  xxi,  10);  pour  la 
persévérance  dans  les  bonnes  oeuvres  (Vin, 
15  ;  Rom.  ii,  7);  pour  une  conduite  régulière 
oui  ne  se  dément  point  {Prov.  xix,  11,  etc.). 
Il  n'est  joint  de  vertu  que  Jésus-Christ  ait 
plus  recommandée  à  ses  disciples  ;  c'est  une 
des  premières  leçons  qu'il  leur  a  données 
{Matth.  V,  10),  et  il  eu  a  été  lui-même  un 
parfait  modèle.  SaintPaul  répète  continuelle- 
ment la  même  morale  ;  tous  les  apôt-es  l'ont 
suivie  à  la  lettre,  puis(ju'il.s  Ont  sonflfert  les 
persécutions  et  la  mort  pour  la  cause  de  l'E- 
vangile. On  accuse  môme  les  Pères  d'  l'iî- 
glise  de  l'avoir  poussée  trop  loin,  et  d'avoir 
interdit  aux  chrétiens  la  ju.'ite  défense  de  soi- 
même  ;  les  incrédules  font  les  mêmes  repro- 
ches à  Jésus-Christ  avecaussi  peu  de  fonde- 
ment.  Voy.  DÉFENSE  DE  SOI-MÊME. 

Nos  anciens  apidogisles,  saint  Justin,  Ori- 
gène,  Méliton,  Tert  llien,  attestent  que  les 
premiers  clrétiens  se  sont  laissé  insulter, 
maltraiter,  dépouiller,  conduire  au  supplice 
comme  des  agneaux  à  la  boucherie  ;  que, 
malgr;''  leur  nombre,  ils  n'ont  jamais  pensé 
à  se  défendre  ni  à  rendre  aux  persécuteurs 
le  mal  pour  le  mal.  Leurs  ennemis  en  sont 
convenus;  ils  leur  ont  même  reproché  la 
frénésie  du  martyre  ;  c'est  lo  terme  dont  ils 


se  sont  servis.  Colse,  Julien,  Porphjre,  n'ont 
reproché  aux  chrétiens  ni  conjurations,  ni 
séditions,  ni  violences,  ni  attentats  contre 
l'ordre  public.  Lorsque  Celse  appelle  leur 
société  une  sédition,  il  entend  une  sé[)ara- 
tion  d'avec  les  pa'iens,  dans  la  manière  de 
penser  et  d'agir,  mais  qui  ne  causait  aucun 
trouble  et  qui  n'annonçait  aucun  dessein  ca- 
pable d'alarmer  le  gouvernement.  M.  Fleury, 
dans  son  Tableau  des  mœurs  des  Chrétiens, 
n.  .3.3,  a  fait  le  détail  des  motifs  odieux  qui 
engageaient  les  païens  à  persécuter  les  secta- 
teurs du  christianisme  ;  il  a  prouvé,  par  le 
témoignage  des  auteurs  contemporains ,  le 
soin  avec  lequel  les  chrétiens  évitaient  tout 
ce  qui  aurait  pu  irriter  leurs  ennemis  et 
augmenter  leur  haine.  Cette  cimduite  n'a  été 
imilée  par  aucune  des  sectes  hérétiques  qui 
ont  paru  depuis  le  commencement  de  l'Eglise, 
moins  encore  par  les  proteslants  que  i)ar 
leurs  prédécesseurs.  Mais  les  incrédules  mo- 
dernes, plus  injustes  et  plus  téméraires  que 
les  anciens,  prétendent  que  la  patience  des 
chrétiens  n'a  pas  duré  ;  que  lorsqu'ils  sont 
devenus  les  maîtres,  après  la  conversion  des 
empereurs,  ils  ont  rendu  aux  païens  avec 
usure  les  violences  qu'ils  en  avaient  éprou- 
vées. »  Ils  j  'tèrent,  dit-on,  la  femme  de  Maxi- 
min  dans  l'Oronte  ;  ils  égorgèrent  tous  ses 
parent*;  ;  ils  massacrèrent,  dans  l'Egypte  et 
dans  la  Palestine,  les  magistrats  qui  s'étaient 
le  plus  déclirés  contre  le  christianisme.  La 
veuve  et  la  fille  de  Dioclétien  s'étant  cachées 
dans  Thessaloniiiue,  furent  recomiues,  mises 
à  mort,  et  leurs  corps  furent  jetés  à  la  mer. 
Ainsi  les  mains  des  chrétiens  furent  teintes 
du  sang  de  leurs  perséiuteurs  dès  qu'ils  fu- 
rent en  liberté  d'agir.  »  Ceux  qui  ont  forgé 
cette  calomnie  ont  espéré  sans  doute  que 
jiersoune  neprendiait  la  peine  delà  vérilier, 
et  ne  les  ferait  rougir  de  leur  malignité.  La 
vi>rité  est  que  toutes  ces  iiarbaries  ont  eu 
pour  auteur  Licinius,  -le  plus  mortel  ennemi 
des  chrétiens;  elles  ont  été  commises  dans 
l'Orient  oi'i  Constantin  n'avait  aucune  auto- 
rité ;  elles  sont  arrivées  l'an  3! 3,  immédia- 
tement après  la  victoire  de'  Licinius  sur 
Maximin  ;  alors  il  n'y  avait  encore  eu  qu'un 
simple  édit  de  tolérance  p:irt<^  en  faveur  du 
christianisme ,  avec  défense  expresse  aux 
chrétiens  detroubl  r  l'onir  '  public; Constan- 
t  n  n'a  été  seul  maître  de  l'empii'e  que  l'an 
32t.  Lactaiice,  de  Mort,  pers.,  n.  3'i.  ;  Eusèbè, 
ffist.  ecclés.,  1.  vni,  c.  17.  En  quel  sens  peut- 
on  (lire  que  l'an  313  les  chrétiens  étaient  en 
liucrté  d'agir? 

Le  seul  écriv;iin  qui  ait  fait  mention  des 
actes  de  cruauté  que  l'on  vient  eie  ciler,  est 
l'auteur  du  traité  de  la  Mort  des  persécuteurs  ; 
il  les  attribue  formellement  à  Licinius,  et  de 
jiareilles  atrocités  ne  pouvaient  venir  d'une 
autre  main.  Quel  motif  les  chrétiens  auraient- 
ils  pu  avoir  do  sévir  contre  Pii-^ca,  veuve  de 
Dioclétien,  et  coitre  Valéria,  sa  fille?  Plu- 
sieurs auteurs  ecclésiastiques  ont  pensé  qui; 
ces  deux  princesses  étaient  chrétieniies,  du 
moins  on  ne  peut  pas  doute  qu'elles  n'aient 
été  favorables  au  christianisme.  Le  mémo 
historien   que  nous   citons  dit  que  Licinius 


1353 


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1334 


t'toit  irrité  contre  ellos,  paroo  qu'il  n'avait  pas 
pu  obtenir  on  mariage  Valéria,  vouve  de 
Maximicn-rialère  ;  il  ajoute  que  la  cliasteté 
et  le  rang  de  cesdeux  femmes  causèrent  leur 
perte;  (le  Morte  pcrsec,  n.  51,  voyez  \os  no- 
tes. Pour  quelle  raison  même  les  (•hr(''tiens 
auraient-ils  usé  de  vengeance  contre  les  pa- 
rents de  Maximin,  qui  avait  ordonné  comme 
ses  collègues,  |iar  des  rescrits  particuliers,  la 
tolérance  du  ctirisiianisme  ?  Eusèhp,  \.  i\, 
c.  1  et  9.  Mais  Liiiiiius,  eiuiemi  im|ilacablo 
lie  Maximin,  almsa  de  sa  victoire  ;  il  lit  jeter 
dans  rOronte  la  femme  de  cet  empereur,  fit 
égorger  ses  enfants,  fit  massacrer  les  magis- 
trats qui  avaient  suivi  le  fmrti  du  vaincu; 
c'est  lui  qui  fil  mourir  le  césar  Valérins  ou 
Valeas,  qu'il  avait  créé  lui-même,  ot  le  jeune 
Cnndidien,  lils  de  Maximien-Galère  ;  c'est  lui 
qui,  après  avoir  jiublié  avec  ses  collègues  un 
édit  en  faveur  des  clirétiens,  recommença 
contre  eux  la  i)erséeutioii ,  liés  qu'il  fut 
brouillé  avec  Conslanlin.  Est-il  étonnant 
qu'un  tel  raonslre  n'ait  pu  soutfrir  aucun 
égal,  lui  (fuo  Julien  apjiellc  un  tyran  détesté 
des  (lieux  et  des  honmies'/  Sous  Julien  même, 
l'an  301,  les  clirétiens,  nudtipliés  pendant 
cinquante  ans  de  paix,  aurait  nt  pu  faire 
trendjler  l'empereur  et  l'empire  :  ils  ne  se 
révoltèrent  pas  plus  que  sous  Dioclétien  ; 
Julien,  en  écrivant  contre  eux, nelesena  point 
accusés  ;  il  leur  reproche  seulement,  dans 
une  de  ses  lettres,  de  s'être  dévorés  les  uns 
les  autres  pendant  les  li'oubles  de  l'aria- 
nisme.  Mais  ce  sont  les  ariens  ([ui,  fi<;rs  de 
la  protection  que  leur  accordait  l'empereur 
Constance,  avaient  commencé  les  violences 
contre  les  catlioli(iues.  Nous  clierclions  vai- 
nement dans  l'histoire  une  circonstance  dans 
la(]uellc  les  mains  des  chréliens  aient  été 
teintes  du  sang  de  leurs  persécuteurs.  Au- 
jourd'hui ils  ont  besoin  de  patience  pour 
supporter  la  calomnie,  les  invwtives,  les 
sai'casmes,  les  traits  de  malignité  des  incré- 
dules ;  jamais  le  christianisme  ne  l'ut  attaqué 
dans  les  écrits  de  ces  derniers  avec  autant 
de  fureur  que  de  nos  jours  ;  cet  orage  |ias- 
sera  comme  les  précédents,  bientôt  il  n'en 
restera  plus  qu'un  faible  souvenir  et  un 
fiuids  d'indignation  contre  la  mémoire  de 
ceux  qui  l'ont  excité.  En  attendant,  nous  d<^- 
vtuis  nous  en  tenir  à  la  leçon  de  notre  divin 
Maître  :  J'uisquils  m'ont  perseciUé,  ilit  vous 
prrsécuteronl.  Vous  serez  odietioc  à  lov-s  â 
cause  de  mon  nom,  mais  il  ne  périra  pas  un 
chereu  de  votre  tête.  Par  la  ])atience  vous 
posséderez  vos  âmes  en  paix  (Joan.  \v,  20  ; 
Luc.  x\i,  17,  18). 

PATKl.-MtCHE.  Les  auteurs  sacrés  donii  nt 
ce  nom  aux  premiers  chels  de  faiiiille  qui 
ont  vécu,  soit  avant,  soit  après  le  déluge,  et 
ipii  ont  précédé  Moise  :  tels  sont  .\dam, 
Enoch,  Noé,  .Miraham,  Jacoli  et  ses  d(mze 
lils,  chefs  des  tril)us  des  Hébreux.  Ceux-ci 
les  nomment  princes  des  tribus  ou  princes  des 
pèrrs  ;  c'est  ce  ([ue  signifie  le  nom  de  pa- 
triarche. 

Nous  n'entrerons  ])as  dans  la  question  que 
Brucker  a  traitée  fort  au  limg,  et  qui  est  de 
savoir  si  les  patriarches  étaient  pinlosophes, 


et  SI  1  on  doit  nommer  philosophie  les  con- 
naissances dont  ils  étaient  doués.  Il  n'y  au- 
rait aucun  lieu  à  la  dispute,  si  l'on  commen- 
çait par  convenir  des  termes.  Doit-on  en- 
tendre par  philosophe  un  homme  qui  est 
redevable  de  toutes  ses  connaissances  k  l'é- 
tude, à  la  méditation,  aux  observations,  aux 
réilexions,  aux  ex|iériences  qu'il  a  faites  ? 
Les  patriarches  n'étaient  jioint  philosophes 
en  ce  sens,  puisque  le  premier  fonds  de  leurs 
connaissances  leur  était  venu  par  révélation 
et  par  tradition.  Veut-on  désigner  par  lîicfes 
honunes  qui  en  savaient  plus  que  les  autres 
touchant  les  oiijets  qu'il  nous  imjiorte  le  plus 
(le  savoir,  conune  Dieu  et  ses  ouvrages,  le 
culte  qui  lui  est  di^,  la  nature  et  la  d(  slinée 
de  l'homme,  les  préceptes  de  la  morale,  et 
qui  d'ailleurs  se  sont  rendus  vénérables  par 
leur  conduite'?  Nous  soutenons  que  les  pa- 
triarches étaient  des  sages,  et  (|u'ils  méritaient 
mieux  ce  nom  (lue  la  i)luiiart  de  ceux  aux- 
cjuels  on  l'a  donné  dans  la  suite.  Les  pre- 
miers que  les  Crées  ont  honorés  du  nom  de 
philosophes  étaient  des  législateurs  (jui  ont 
policé  les  sociétés  jiar  la  religion,  mais  dont 
les  notions  n'ét-dent  ni  aussi  justes  ,  ni 
aussi  certaines  que  celles  dt^^  pair iar cites. 

11  est  d'ailleurs  impcssible  que  des  chefs 
de  famille,  qui  vivaient  jiendant  plijsieurs 
siècles,  n'aient  pas  ac(iuis  |iar  réfiexion  un 
trés-giand  nombre  de  connaissances  en  fait 
d'histoire  naturelle,  de  physique,  d'astrono- 
mie, de  géographie,  etc.,  et  sans  doute  ils 
avaient  grand  soin  de  les  transmettre  à  leurs 
descendants.  Nous  nous  tiompons,  loisque 
nous  nous  persuadons  qu'avant  l'invention 
de  l'écriture  et  d-  s  livres,  tous  les  hommes 
sans  exception  étaient  ignorants  ou  stu- 
jiides;  aujourd'hui  même  il  n'est  pas  rare 
de  tiouveidans  les  campagnes  des  vieillards 
non  lettrés,  mais  remplis  de  bon  sens  et 
d'intelligence,  qui  ont  amassé  beaucoup  de 
connaissances  usuelles,  et  avec  lesquels  on 
peut  converser  avec  fruit  :  on  en  a  trouvé 
même  parmi  les  sauvages.  Job  et  ses  amis 
n'avaient  été  instruits  dans  aucune  acadé- 
mie ;  cependant  ils  raisonnent  et  disputent 
sur  les  ouvrages  de  Dieu  et  sur  le  gouver- 
nement du  monde,  comme  ont  fait  dans  la 
suite  les  pliilosojihes  de  toutes  les  nations. 
Le  livre  de  la  nature  est  bien  éloquent  pour 
ceux  qui  ont  des  yeux  cap.ibles  d'y  lire  avec 
•réthxion.  L'essentiel  est  de  savoir  ([uelle 
était  la  croyance  des  patriarches  touchant  la 
Divinité  et  ses  ouvrages,  le  culte  qu'il  faut 
lui  rendre,  la  nature  et  la  destinée  de 
l'homme,  les  règles  (!e  la  morale.  11  est  très- 
peu  question  dans  l'Ecriture  sainte  des  C(jn- 
naissances  philoso  ihiques  des  p<itriarches, 
mais  elle  ne  nous  a  pas  laissé  ignorer  leur 
religion. 

En  ctmiparant  ce  qui  en  est  dit  dans  la 
Genèse  et  dans  le  livre  de  Job.  nous  voyons 
évidemuK  nt  que  ces  anciens  sages  ont  adoré 
un  seul  Dieu  créateur  et  gouv(Tneur  du 
monde,  présent  partout,  qui  connaît  tout,  et 
qui  dispose  de  tous  les  événements,  à  qui 
seul  I  ar  conséquent  les  honunes  doivent 
adresser  leur  culte  ;  ils  ue  lui  supposent  ni 


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égaux,  ni  lieutenants,  ni  coopérateurs;  Dieu 
a  tout  l'ait  d'une  parole,  il  gouverne  tout  par 
un  seul  acte  de  volonté.  Vérité  capitale  et 
sublime,  h  laquelle  la  philosophie  des  siè- 
cles suivants  n'a  pas  su  atteindre.  Comme 
les  eiif  ints  d'Adam,  ils  font  à  Dieu  des  of- 
frandes, lies  sacriiices  de  victimes  choisii^s; 
ils  lui  adressent  leurs  prières,  ils  consacrent 
le  septième  jour  à  son  culte,  ils  se  recon- 
naissent péclieurs,  ils  /mt  recours  à  des  pu- 
rifications et  des  expiations,  ils  reg-irdent  le 
vœu  et  le  serment  comme  des  actes  de  reli- 
gion, ils  veuleid  que  Dieu  préside  à  leurs 
traités  et  h  leurs  alliances.  Jamais  ils  n'ont 
confondu  la  nature  de  l'homme  avec  celle 
des  animaux.  Selon  1'  istoire  de  la  création, 
Dieu  a  pétri  de  ses  mains  le  corps  de  l'hom- 
me, mais  l'ihne  est  le  snuftle  de  la  bouche 
de  Dieu;  au  contraire.  Dieu  a  tiré  les  ani- 
maux du  sein  de  la  terre,  et  il  les  a  soumis 
à  l'empire  de  l'homme,  il  ne  les  a  créés  que 
pour  son  usige,  de  même  que  les  plantes, 
les  arbres  et  leurs  fruits.  A  l'article  Ame, 
nous  avons  prouvé  que  les  patriarches  ont 
cru  à  Vimmortalité  et  à  la  vie  future,  et  que 
cette  foi,  qui  est  celle  du  genre  humain,  a 
persévéré  constaaiment  parudles  adorateurs 
du  vrai  Dieu.  Une  monde  fondée  sur  de  pa- 
reils principes  ne  pouvait  pas  être  fausse; 
aussi  voyons-nous  par  la  condute  aussi 
bien  que  par  les  leçons  des  patriarches,  que 
la  leur  était  très-pu,e.  ils  connaissaient  très- 
bien  les  devoirs  mutuels  des  époux,  des 
pères  et  des  enfants,  des  maîtres  et  des  ser- 
viteurs, et  hs  liens  de  fraternité  qui  unis- 
sent lous  les  hoimnes;  ils  regarilaient  l'nn- 
pudicité,  l'injustice,  la  fraude,  la  perfidie,  la 
violence,  le  vul,  le  meurtre,  l'adultère,  r<ip- 
pression,  l'orgueil,  la  jalousie,  etc.,  comme 
des  crimes;  l'équité,  la  douceur,  la  comjias- 
sion,  la  chasteté,  la  tempérance,  l'humanité, 
la  bienfaisance,  la  patience,  comme  des  ver- 
tus. Ce  qui  distingue  particulièrement  ces 
anciens  justes,  c'est  un  respect  pour  la  Di- 
vinité, un  sentiment  vif  de  sa  pré.'^ence, 
une  confiance  en  son  pouvoir  et  en  sa  bonté, 
qui  animent  tontes  leurs  actions.  Jamais  on 
n'a  rien  vu  de  pareil  parmi  les  sectateurs 
des  fausses  religions.  Aussi  celle  des  pa- 
triarches n'était  ])as  leur  ouvrage;  Dieu  lui- 
même  l'avait  enseignée  à  Adam,  à  ses  en- 
fants, à  Enoch,  à  Noé;  Abraham,  Isaac  et 
Jacob  la  reçurent  par  tradition,  indépen- 
damment des  nouvelles  instructions  ([ue 
Dieu  daigna  leur  donner:  c'est  parce  même 
canal  que  l'histoire  des  origines  du  monde 
parvint  jusqu'à  Moïse.  La  mémoire  des  faits 
principaux  ne  pouvait  s'éteindre  parmi  des 
témoins  auxquels  Dieu  accordait  plusieurs 
siècles  de  vie;  c'est  sur  ces  faits  qu'étaient 
fondées  la  croyance,  les  mœurs,  les  espé- 
rances, les  prétentions  des  familles,  la  dis- 
tinction des  races  privilégiées  d'avec  les  au- 
tres. 

Lamech,  père  de  Noé,  avait  vu  Adam; 
Noé  lui-même  vécut  pendant  six  cents  ans 
avec  Mathusalem  son  aïeul,  qui  était  âgé  de 
trois  cent  quarante-trois  ans  lo:'squ'Adam 
mourut.  Les    vieilli^rds,  contemporains    d« 


Noé,  avaient  eu  la  même  facilité  de  s'ins- 
truire, et  la  même  chaîne  de  tradition  sub- 
sista après  le  déluge.  Tharé,  père  d'Abra- 
ham, avait  vécu  plus  d'un  siècle  avec  Ar- 
phaxad  et  Phaleg,  qui  avaient  conversé  avec 
Noé  penrlant  deux  cents  ans.  Abraham  vivait 
encore  lorsque  Jacob  vint  au  momie,  et 
Caath,  a  eul  de  Mo  se,  avait  passé  sa  vie  avec 
les  cnfaids  de  Jacob.  Il  n'y  a  que  cinq  per- 
sonnes tout  au  plus  eiitre  Noé  et  Moïse.  On 
peut  môme  n'en  supposer  que  quatre,  puis- 
f[ue  Abraham  avait  déjà  quinze  ans,  lorsque 
Noé  mourut;  et  il  faut  rema  quer  que  .  us- 
qu'alors  Abraham  et  ses  pères  avaient  ha- 
bité la  Mésopotamie,  séjour  de  Noé  et  de  ses 
enfants.  Si  l'on  considère  le  respect  que  les 
jeunes  gens  devaient  avoir  pour  ces  vieil- 
lards vénérables,  l'empressement  de  ceux-ci 
à  raconter  à  leur  postérité  les  grands  évé- 
nements dont  ils  avaient  été  témoins  ou 
qu'ils  avaient  appiis  de  leurs  pères,  on  com- 
prendra que  Moïse  devait  en  être  parfaite- 
ment instruit,  et  qu'en  écrivant  la  Genèse, 
il  parlait  à  des  hommis  qui  n'en  étaient  pas 
moins  informés  que  lui.  L'opinion  de  la 
longue  vie  des  premiers  hommes  s'est  con- 
servée même  chez  les  historiens  profanes. 
Josèphe,  Antiq.  jud.,  1.  i,  c.  3,  à  la  fin.  Si 
donc  il  y  eut  jamais  une  Instoire  authenti- 
que, certaine  et  digne  de  croyance,  c'est 
incontestablement  celle  des  patriarches.  Voy. 

HlSTOIKE   SAINTE. 

Mais  la  sincérité  même  de  l'historien  est 
un  sujet  de  scandale  pour  les  incrétlules. 
Bien  dilférent  des  écrivains  profanes,  qui, 
pour  donner  du  relief  à  leur  nation,  n'ont 
montré  que  les  vertus  et  les  belli;s  actions 
de  ses  liéros,  Moïse  raconte  avec  ingénuité 
toutes  les  fautes  que  l'on  pouirait  repro- 
cher sxux  patriarches.  On  ne  doit  peut-être 
pas  bijimer  les  premiers,  parce  qu'il  est 
plus  nécessaire  de  proposer  aux  hommes  de 
bons  exemples  (|ue  de  mauvais;  mais  Moïse 
était  conduit  par  des  vues  jdus  sublimes  ;  il 
fallait  faire  voir  aux  Hébreux  et  à  toutes  les 
ndons  que  si  Dieu  avait  choisi  la  postérité 
d'Abraham  pour  en  faire  son  peuple  parti- 
culier, ce  n'était  pas  pour  récompenser  ses 
mérites  ni  ceux  de  ses  aïeux,  mais  pour  un 
bienfait  purement  gratuit  (Dcul.  iv,  32;  vu, 
7;  IX,  5,  etc.).  Il  fallait  démoidrer  à  tous 
les  hommes  que,  depuis  la  création,  Dieu  a 
exercé  bien  plus  souvent  et  plus  volontiers  sa 
miséricorde  que  sa  justice,  alin  de  ne  pas 
désespérer  les  pécheurs;  et  b'S  incrédules 
ont  encore  plus  besoin  de  cette  leçon  que 
les  autres  hommes.  Il  fallait  enfin  nous  con- 
vaincre de  celte  grande  vérité,  que,  depuis 
la  chute  de  notre  |irenner  père,  le  salut  du 
genre  Inuuain  n'est  plus  une  affaire  de  jus- 
lice  riiiioureuse,  mais  une  grâce  accordée 
par  les  mérites  du  Rédempteur.  C'est  ce  que 
les  anciens  Pères  de  l'Eglise  ré[)ondaii  ni 
déjà  aux  marcioniles  el  aux  maidchéens, 
qui  l'ai-aient  contre  la  conduite  des  patriar- 
ches les  mémos  reproches  que  les  incrédules 
renouvellent  aujourd'hui.  Saint  Irénée  cite 
à  ce  sujet  les  réflexions  d'un  ancien  disciple 
des  apôtres»  el  il  dit  d'après  lui  :  «  Nous  ue 


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devons  point  reprocher  aux  patriarches  et 
aux  prophèles  les  fautes  dont  ils  sont  l)lâ- 
m(5s  dans  l'Ecriture  sainte;  ce  serait  imiter 
le  crime  de  Cham  qui  tourna  en  dérision  la 
nudilé  de  son  père  et  encourut  sa  malt''dic- 
tion  ;  mais  nous  devons  rendre  gnlces  à  Dieu 
pour  eiiv.  i)aice  que  les  péchés  leur  ont  été 
remis  h  l'avènement  de  Notre-Seigneur;  et 
i'Is  rendent  grAces  eux-niémcs  et  se  réjouis- 
sent de  notre  salut.  Quant  aux  fautes  (jue 
l'Ecriture  sainte  rapporte  simplement  sans 
les  blAmer,  ce  n'est  j)oint  il  nous  de  nous 
rendre  leurs  accusateurs,  comme  si  nous 
étions  plus  sévères  ((ue  Dieu,  et  suiiéricurs 
à  notre  maître;  mais  il  faut  y  chercher  un 
ti/pe,  »  c'est-à-iiire  un  sujet  d'instruction. 
Contra  hœr.,  1.  iv,  c.  31.  Ensuite  il  tAcho 
d'excuser  le  crime  de  Lot  et  de  ses  tilles. 

De  ces  réilexions  mômes  Barheyrac  et 
d'antres  ont  pris  occasion  de  censurer  les 
Pères,  conunc  si  les  Pères  avaient  prétendu 
(ju'iin  ti/pr  bien  ou  ni;d  supi)0sé  dans  une 
aciion  criminelle  suflit  [)Our  excuser.  Nous 
avons  déjà  réfuté  cette  accusation  à  l'arti- 
cle Saint  Irénéiî;  ce  Père  excuse  Lot,  parce 
qu'il  pécha  dans  l'ivresse,  sans  le  vouloir  et 
sans  le  sentir;  mais  saint  Irénée  n'excuse 
point  cet  état  d'ivresse.  11  excuse  les  deux 
tilles  sur  leur  simplicité,  et  parce  qu'elles 
croyaient  que  le  genre  humain  tout  entier 
avait  péri  dans  l'embrasement  de  Sodome. 
Le  type  que  saint  Irénée  trouve  dans  toute 
cette  action  est  une  très-bonne  leçon.  Tout 
cela,  dit-il  signilie  que  le  Verbe  de  Dieu, 
Père  du  genre  humain,  est  seul  capal:>le  de 
donner  îi  Dieu  des  enfants  dans  rancienne 
et  dans  la  nouvelle  Eglise;  ijne  c'est  lui  (pii 
a  réjiandu  l'e.spnt  de  Dieu  et  la  l'émission 
des  péchés,  qui  nous  rend  la  vie;  qu'il  l'a 
comnniniqué  à  la  chair  qui  est  sa  créature, 
lorsqu'il  s'est  uni  à  elle;  qu'il  a  ainsi  donné 
à  l'une  et  à  l'autie  Eglise  la  fécondité  ou  le 
{louvoir  d'engendier  à  Dieu  des  enfants 
jileins  de  vie.  Ainsi,  selon  saint  Irénée,  Jé- 
sus-Christ a  pardonné  Lot  et  ses  tilles,  sous 
l'Ancien  Testament,  comme  il  pardonne  en- 
core nos  péchés  sous  le  Nouveau.  Est-ce  là 
excuser  un  crime,  sous  prétexte  d'un  type 
imaginaire?  Voy.  Figure.  Mais  comme  dans 
ce  passage  saint  Irénée  enseigne  que  les  pa- 
triarches, pardonnes  et  sauvés  par  Jésu.s- 
Christ,  s'intéressent  à  notre  salut,  s'en  ré- 
jouissent et  en  rendent  grâces  à  Dieu,  il 
n'en  a  pas  fallu  davantage  pour  émouvoir  la 
bile  des  prolestanls,  piévenus  contre  l'in- 
tercession des  saints,  et  toujours  prêts  à  en- 
doctriner les  incrétlules. 

Puisque  c'est  ;i  ravéneinent  do  .Jésus- 
Christ  que  les  patriarches  ont  reçu  le  pai- 
"ion  de  leurs  péchés  et  ont  été  sauvi's,  on 
,icut  demander  en  quel  état  et  dent  K  urs 
Ames  avant  cet  avènement.  Abel  el  d'autres 
étaient  morts  [.rès  de  quatre  mille  ans  avant 
la  venue  du  Sauveur.  Saint  Paul,  dans  l'E- 
pitre  aux  Hébreux,  c.  xi,  v.  39,  semble  dire 
que  ces  anciens  justes  n'avaient  pas  encore 
reçu  la  récompense  de  leurs  vertus  :  «  Tous, 
dit-il,  éprouvés  par  le  témoignage  de  leur 
foi,  n'ont  point  reçu  l'elfet  des  promesses; 


Dieu  réservait  quchpio  chose  de  mieux  pour 
nous,  afin  qu'ils  no  fussent  pas  sans  nous 
dans  l'état  do  perfection.  »  Mais  les  com- 
mentateurs observent  que  cet  état  de  per 
fection  doit  s'entendre  ou  do  la  béatitude 
consommée,  qui  n'aura  lieu  qu'après  la  ré- 
surrection des  corps  et  après  le  jugement 
dernier,  ou  de  la  consolation  et  de  la  joie 
particulière  que  tous  les  justes  d  ivent  res- 
sentir de  la  rédemption  du  inonde  entier  par 
Jésus-Christ.  Selon  cette  o|)inion,  les  justes 
de  l'Ancien  Testament  n'ont  |)as  reçu  avant 
Jésus-Christ  tout  l'elfet  des  promi'sses  de 
Dieu,  ils  n'ont  pas  eu  la  consolation  de  voir 
le  monde  racheté  et  sauvé  par  le  Messie; 
Dieu  nous  réservait  ce  privilège;  mais  cela 
no  prouve  pas  qu'avant  celte  heureuse  épo- 
que ils  n'eussent  déjà  reçu  une  partie  des 
récompenses  promises  à  la  vertu.  En  clfet, 
dans  le  style  îies  patriarches,  mourir,  c'était 
dormir  avec  ses  pères,  ou  Cire  réuni  à  son 
peuple,  à  sa  famille  ;  cette  idée  était  conso- 
lante. Jacob  mourant  attendait  sa  délivrance 
ou  son  salut  ((tcnes.  xlix,  18).  L'Ame  de  Sa- 
muel, évoquée  par  Saiil,  lui  dit:  «  Pourquoi 

avez-vous  troublé   mon  repos? Demain 

vous  et  vos  enfants  serez  avec  mrd  (/  Reg. 
xxviii,  15  et  19).  11  est  dit  dans  VEcclésias- 
tique,  c.  XLiv,  v.  16,  qu'Enoch  fut  agréable 
à  Dieu,  et  fut  trans))orté  dans  le  paradis;  or 
le  paradis  était  un  lieu  de  félicité,  puisque 
Jésus-Christ  le  promit  sur  la  croix  au  bon 
larron.  Dans  le  second  livre  des  Machubées, 
c.  XV,  V.  13,  on  lit  que  Julas  Machabée  eut 
une  vision  dans  laquelle  le  grand  prêtre 
Onias  lui  montra  le  prophète  Jérémie  cou- 
vert de  gloire  et  d'un  éclat  majestueux,  qui 
priait  poiu-  le  peuple  et  pour  la  ville  saude; 
ce  prophète  était  donc  dans  un  état  de  bon- 
heur et  de  crédit  auprès  de  Dieu.  Jésus- 
Clu'ist  confirme  cette  ancienne  croyance  de 
l'Eglise  juive,  dans  la  parabole  du  mauvais 
riche  (Lmc.  xvi,  22  et  2i).  Il  dit  que  Lazare 
mourut,  et  fut  porté  par  les  anges  dans  le 
sein  d  Abraham;  que  le  riche  voluptueux 
fut  après  sa  mort  enseveli  dans  l'enfer  et 
tourmenté  dans  les  flammes  ;  et  cet  élat  de 
La-arc  est  représenté  comme  luie  récom- 
pense des  maux  q^u'il  avait  endurés  pendant 
sa  vie,  V.  23.  La  félicité  des  justes,  après  la 
mort,  avait  donc  lieu  aussi  prompteiuent  que 
le  cliAtiraent  des  méchants.  Il  ne  s'ensuit  pas 
de  la  que  les  saints  de  l'Ancien  Testament 
aient  été  sauvés  indépendamment  des  mé- 
rites de  Jésus-Christ.  Au  mot  Uèuemption, 
nous  prouverons  que  la  mort  de  ce  divin 
Sauveur  a  eu  un  etfet  anticipé,  et  que  l'effet 
qu'elle  a  produit  est  aussi  ancien  que  le  pé- 
ché d'Adam. 

Peu  importe  de  savoir  quel  est  le  lieu 
dans  lequel  les  liremiers  justes  jouissaient 
du  repos  et  du  bonheur,  en  attendant  la 
venue  du  Messie  qui  devait  augmenter  leur 
consolation  et  le  degré  de  leur  félicité;  il 
serait  inutile  de  disserter,  pour  savoir  si 
l'on  doit  appeler  ce  séjour  le  ciel  ou  l'enfer, 
\e  paradis  ou  les  limbes:  l'Ecriture  sainte  ne 
le  décide  pas  assez  clairement  pour  nous 
autoriser  à  prendre  aucun  parti  sur  ce  point. 


:559 


PAT 


PAT 


iSM 


A  l'article  Enfer,  nous  avons  fait  voir  que 
la  dosoentc  de  Jésus-Christ  aux  enfers  est  un 
article  de  la  croyance  chrétienne,  renfermé 
dans  le  symbole,  et  que,  sous  le  nom  d'en- 
fer, les  Pères  de  l'Eglise  ont  entendu  non- 
seulement  le  lieu  où  les  réprouvés  étaient 
tourmentés,  mais  encore  celui  dans  lequel 
les  patriarches  et  les  saints  de  l'Ancien  Tes- 
tament jouissaient  du  repos  et  d'un  certain 
degré  de  bonheur.  Nous  avons  remarqué 
que,  selon  l'opinion  des  Pères,  Jésus-Christ 
a  non-seulement  visité  les  anciens  justes 
pour  les  consoler  et  leur  causer  une  aug- 
mentation de  félicité,  mais  qu'il  s'est  fait 
voir  aux  réprouvés,  ou  du  moins  à  ceux  dont 
Dieu  n'avait  pas  encore  décidé  le  sort  pour 
l'éternité;  et  que  le  sentiment  des  Pères 
n'est  pas  unanime  sur  le  plus  ou  le  moins 
de  fruit  qu'a  produit  cette  visite  miséricor- 
dieuse de  notre  divin  Sauveur.  Voy.  Enfer, 
§  4. 

Nous  ne  parlerons  pas  des  personnages 
que  les  Juifs  modernes  nomment  leurs  pa- 
triarches, parce  que  cet  arlicie  tient  plus  à 
leur  histoire  civile  qu'à  leur  religion.  Siu' 
la  fin  du  i"  siècle,  ou  pendant  le  cours  du  n% 
il  a  paru  un  livre  apocry[the,  intitulé  Testa- 
ment des  douze  patriarches,  dans  lequel  l'au- 
teur fait  parler  chacun  des  enfants  de  Jacob 
en  faveur  de  Jésus-Christ  et  de  la  religiou 
chrétienne  ;  tout  le  monde  convient  que 
c'est  un  livre  supposé,  et  il  ne  paraît  pas 
qu'aucun  des  anciens  Pères  de  l'Eglise  en 
ait  fait  cas.  Mais  quand  on  compare  les  di- 
vers jugements  que  les  critiques  protestants 
ont  portés  sur  cette  production,  sur  le  temps 
auquel  elle  a  paru,  sur  la  religion  et  sur  le 
dessein  de  l'auteur,  sur  le  plus  ou  le  moins 
de  mépris  que  l'on  doit  en  avoir,  on  voit 
que  chacun  en  a  parlé  uniquement  par  in- 
térêt de  système,  et  selon  qu'il  convenait 
au  dessein  dont  il  était  occupé.  Le  docteur 
Lanlner,  qui  convient  de  la  ifausseté  de  cet 
ouvrage,  n'a  pas  laissé  d'en  tirer  des  con- 
séquences avantageuses  au  christianisme. 
Credibitity  of  the  Gospel  history,  tom.  IV,  1. 1, 
c.  19,  §  3. 

Patriarche  ecclésiastiqi  e.  Dans  l'his- 
toire de  l'Rglise  on  a  donné  le  titre  de  pa- 
triarche aux  évè(|ues  de  Rome,  d'Antioche, 
de  Jérusalem,  d'Alexandrie  et  de  Constanti- 
nople.  Mais  ce  qui  concerne  leur  juridic- 
tion patriarcale  et  son  étendue  appartient 
plutôt  à  la  jurisi)rudence  qu'à  la  théologie; 
nous  ne  sommes  chargés  que  de  justilier 
cette  institution  contre  les  accusations  des 
protestants. 

Ils  disent  que  ce  titre  fut  un  effet  de  l'am- 
bition desévè(jues(|ui  occupaient  les  grands 
sièges;  qu'après  avoir  dépouillé  le  ji  'uj)le  el 
les  prêtres,  ou  les  anciens,  de  l'autorité 
qu'ils  avaient  dans  le  gouvernement  de  l'E- 
glise, ils  disputèrent  entre  eux  ;i  qui  aurait 
le  plus  de  pouvoir  et  une  juridiction  plus 
étendue;  que  leurs  contestations  à  ce  sujet 
produisirent  les  plus  grands  maux  dans  \'\i- 
glise.  Us  ajoutent  ([Ui-  Constantin,  ([ui  avait 
changé  la  forme  de  l'administration  civile, 
souhaita  que  le  gouveruemeai  ecclésiastique 


fût  réglé  sur  le  même  modèie;  que  les  trois 
patriarches  d'Orient  et  celui  de  Rome  cor- 
resi)ondaient  aux  quatre  préfets  du  prétoire 
que  Constantin  avait  établis.  Mosheim,  Hist. 
eccle's.,  IV'  et  \°  siècles. 

Fausses  suppositions,  fausses  conjectures. 
1°  Au  mot  Hiérarchie,  nous  avons  fait  voir 
qu'il  n'est  pas  vrai  qu'à  la  naissance  de  l'E- 
glise le  peuple  et  les  anciens  aient  eu  part 
au  gouvernement.  2°  Mosheim  avoue  qu'a- 
vant Constantin  les  évêques  des  grands  sièges 
avaient  déjà  un  degré  de  prééjminence  sur 
les  autres;  ce  serait  donc  le  gouvernement 
ecclésiastif[ue  qui  a  servi  de  modèle  à  l'ad- 
ministration civile,  et  non  au  contraire. 
D'ailleurs  l'établissement  qui  se  lit  au  y°  siè- 
cle, dun  patriarcat ,  pour  l'évoque  de  Jéru-" 
salern,  aurait  dérangé  la  ressemblance  entre 
l'un  et  l'autre.  3"  Au  mot  Pape,  §  l,nous 
avons  prouvé  que  bien  avant  le  iv"  et  le  v* 
siècle,  les  pontifes  de  Rome  ont  exercé  une 
juridiction ,  non-seulement  sur  tout  l'Occi- 
dent, mais  encore  dans  tout  l'Orient.  Quant 
aux  motifs  de  l'institution  des  patriarches, 
qu'auriiit  répondu  Mosheim,  si  ou  lui  avait 
soutenu  que  les  luthériens  qui  ont  établi 
des  surintei/dants  au  lieu  d'évèques,  pour 
veiller  sur  les  pasteurs  inférieurs  ,  ont  agi 
par  ambition  ?  Est-ce  encore  par  ce  motif  que 
les  anglicans  ont  conservé  chez  eux  des  évo- 
ques ,  deux  archevêques  et  un  primat  ?  La 
vérité  est  que  l'Eglise  se  trouvant  déjà  éla 
blie  au  iv°  siècle  chez  ditlérentes  nations  qui 
n'avaient  ni  la  même  langue  ni  les  mêmes 
usages,  l'on  jugea  convenable  que  les  La- 
tins, les  Grecs,  les  Syriens,  les  Cophtes  ou 
Egyptiens,  eussent  chacun  chez  eux  un  su- 
périeur ecclésiasti([ue ,  pour  y  maintenir 
l'ordre  et  l'uniformité  dans  la  discipline,  et 
pour  y  terminer  lesdilférends  entre  les  évê- 
ques, lorsqu'il  n'était  pas  ]30ssib!e  d'assem- 
bler un  concile  général.  Aujourd'hui  encore, 
sans  que  l'ambition  s'en  mêle ,  un  évêque 
dont  le  diocèse  s'étend  à  plusieurs  [irovinces 
est  obligé  d'avoir  dans  chacune  un  oflicial. 
pour  y  exercer  la  juridiction  contcntieuse, 
et  quelquefois  d'y  avoir  un  vicaire  général. 

Entin  ,  sup|iosons  [tour  un  moment  que 
l'amlntion  ait  été  le  seul  mobile  des  patriar- 
ches orientaux  ,  et  la  cause  de  leurs  brouil- 
leries  fréquentes,  de  là  s'enseiviait  déjà  la 
nécessité  d'un  chef  dans  l'Eglise  ,  d'un  tri- 
bunal supérieur,  qui  pût  être,  sinon  juge, 
du  moins  arbitre  et  conciliateur,  pour  réta- 
blir l'iirdre  et  la  paix;  autrement  le  gouver- 
nement aristocratique  de  ce  grand  corps 
aurait  été  une  anarchie  continuelle.  Aussi 
Leibnitz ,  plus  modéré  et  mieux  instruit 
que  les  autres  protestants,  est  convenu  que 
le  corjis  de  l'Eglise  étant  un,  il  y  a  de 
droit  divin  dans  ce  corps  un  souverain  ma 
gistrat  --pirituel;  que  la  vigilance  des  papes, 
pour  l'observation  des  canons  U  le  maintien 
de  la  discijjhne,  a  produit  de  temps  en  temps 
de  très-bons  effets,  et  a  réprimé  beaucoup 
de  désordres.  Esprit  de  Leibnitz,  t.  IL  p.  3 
et  6.  D'autns  écrivains,  ijui  ne  cherchaient  ^ 
à  llatter  ni  les  papes  ni  le  clergé,  ont  re-  ' 
connu  que  la  subordination  des  pasteurs  in 


iUi 


PAT 


PAT 


1549 


(érieurs  à  un  seul  évoque,  de  plusieurs  évo- 
ques à  un  métropolitain,  de  tous  à  un  seul 
souverain  pontile,  est  le  modèle  d'un  parfoit 
gouveincnient. 

PATKIE,  lieu  dans  lequel  nous  sommes 
nés  et  où  nous  avons  été  élevés.  Dieu,  dans 
l'aDcienuo  loi,  a  consacré  en  quelque  manière 
IVmiour  de  la  patrie  ;  sans  cesse  Moïse  exhorte 
les  Juil's  à  estiruer  leurs  lois  ,  k  chérir  leur 
nation  ,  à  s'attacher  au  sol  de  la  terre  pro- 
mise, et  Ton  sait  jusqu'à  quel  point  ce  peuple 
porta  dans  la  suite  le  patriotisme.  L'auteur 
du  livre  de  l'Ecclésiastique ,  c.  44-  et  suiv., 
fait  l'éloge  de  tous  les  personnages  qui  ont 
contribué  à  la  force  et  à  la  prospérité  do  la 
nation  juive.  Si  Jésus-Christ  n'a  pas  com- 
mandé i'amiiur  de  la  patrie  dans  l'Evangile, 
c'est  qu'd  était  vonu  pour  former  entre  tous 
les  [)eu|)lesunesociété  religieuse  universelle, 
par  consé([uent  pour  inspirer  à  tous  les  hom- 
mes une  ciiarité  générale;  il  savait  d'ailleurs 
que  le  patriotisme  mal  réglé  chez  les  païens 
les  avait  rendus  ennemis,  injustes  et  sou- 
vent cruels  les  uns  envers  les  autres.  Mais 
le  Sauveur  lui-même  versa  des  larmes  en 
annonçant  les  malheurs  qui  ail.iient  bientôt 
foiiilre  sur  sa  nation.  En  Jésus-Christ ,  dit 
saint  Paul ,  il  n'y  a  plus  ni  Juif,  ni  Gentil, 
ni  Scj  tlie,  ni  Bai'bare  ;  tous  sont  un  même 
peuple  et  une  .seule  famille  {Coloss.  ni,  11; 
Galat.  m,  28).  Le  patriotisme  des  Grecs  leur 
faisait  regarder  comme  barbare  et  comme 
ennemi  tout  ce  qui  n'était  pas  Gioc;  l'or- 
gueil national  des  Homains  leur  persuada 
que  leur  capitale  devait  être  celle  du  monde 
entier;  ils  furent  les  opjiresscurs  et  les  ty- 
rans de  l'univtNs.  ilais  une  preuve  que  dans 
la  gloire  de  leur  patrit  ils  n'envisageaient 
que  leur  mlérèt  jtorsoiinel ,  c'est  que  dès 
Qu'ils  cessèrent  d'y  être  les  maîtres  et  qu'il 
fallut  obéir  à  uh  dictateur  peii  étuel,  ils  ne 
purent  plus  supporter  la  vie. 

L'amour  de  la  patrie  ,  lorsqu'il  n'est  pas 
réglé  par  la  justice  ,  peut  donc  devenir  un 
très-grand  vice;  mais  c'en  est  un  autre  de 
n'avoir  pour  elle  aucune  espèce  d'attache- 
ment,  d'en  décrier  le  gouvernement  et  les 
lois,  d'en  mépriser  les  us  .os,  de  vanter  sans 
cesse  les  autres  nations  ,  de  peindre  le  pa- 
triotisme comme  un  aveugle  préjugé;  «'est 
néanmoins  ce  qu'ont  fait  la  plupart  de  nos 
philosophes  atrabilaires,  ils  prétendent  que, 
loin  de  devoii-  (juel(iu<'  chose  k  \ii\xr  patrie, 
c'est  elle,  au  contraire,  qui  leur  est  redeva- 
ble. Ils  [layent ,  disent-ils  ,  le  g'Uivernement 
qui  souvent  b's  opprime  ,  les  grands  qui  les 
écrasent,  le  militahe  qui  les  foule,  le  magis- 
trat qui  les  juge,  le  linancier  qui  les  dévore; 
pendant  que  tous  ces  gens-là  se  font  payer 
pour  coiuiiiandi  r.  le  peai>le  paye  pour  obéir 
et  soutl'rir;  il  n'est  pas  une  Si  ule  de  nos  .vo- 
tions qui  ne  soit  gênée  p.'u- une  loi,  pas  un 
seul  bienfait  de  la  nature  qui  ne  soit  absoi  bé 
ou  diminué  par  un  impôt,  etc.,  etc.  Pour  dé- 
montrer l'absurdité  de  toutes  ces  pinintes,  il 
sufiit  de  demander  k  ceux  qui  les  font  s'ils 
aimeraient  mieux  vivre  sous  une  anarchie 
absolue,  dans  un  état  où  chaque  p;.rticulier 
serait  affranchi  de  toute  loi  et  maître  absolu 


de  ses  actions;  il  est  clair  que  le  plus  fort 
ne  ma:ii:uerait  pas  d'opprimer  le  plus  faible, 
que  dans  c«  t  état  la  société  serait  impossi- 
ble. Touie  la  question  est  donc  réduite  à  sa- 
voir si  l'éLcit  ssuvage  est  préférable  à  l'état 
de  société  ,  aves  toutes  ses  entraves  et  ses 
inconvénients;  si  nos  philosophes  le  jugent 
préférable,  qui  les  empoche  d'en  aller  goû- 
ter les  douceurs?  Malgré  leurs  déclamations, 
c'est  au.x  lois,  à  la  jiohce,  au  gouvernement 
de  leur  patrie  qu'ils  sont  redevables  de  la 
conservation  de  leur  vie,  des  droits  qu'ils 
tiennent  de  leur  naissance,  de  leur  édu- 
cation, de  leur  sécurité  et  de  leur  repos, 
de  la  stabilité  de  leur  fortune  ,  des  connais- 
sances dont  ils  se  savent  si  bon  gré,  de  l'in- 
dulgence même  avec  laquelle  on  a  supporté 
leurs  égarements  :  tout  cela  mériterait  un 
peu  de  reconnaissance.  Au  reste,  leur  patrie 
pourrait  se  réconcilier  aisément  avec  ces 
enfants  ingrats;  elle  n'a  qu'à  les  élever  aux 
dignités,  aux  honneurs,  partager  avec  eux  le 
pouvoir  et  l'opulence;  alors  ifs  jugeront  que 
tous  ces  avantages  et  ces  prééminences  dont 
ils  se  plaigi'ent  aujourd'hui ,  sont  la  chose 
du  monJe  la  plus  juste,  la  plus  raisonnable, 
la  plus  naturelle.  0>'<»iques-uns  ont  dit  que 
la  religion  clirétienne,  en  nous  représentant 
le  ciel  comme  notre  vraie  patrie,  nous  dé- 
tache absolument  de  celle  que  nous  avons 
sur  la  terre,  et  nous  fait  négliger  les  devoirs 
de  la  société  civile.  Ce  reproche  est  évidem- 
ment faux,  puisque  notre  religion  nous  ap- 
prend en  même  temps  que  nous  ne  pouvons 
gagner  le  ciel  qu'en  remplissant  tous  nos 
devoirs  à  l'égard  de  noire  patrie  et  de  la  so- 
ciété. L'expérience  nous  apjirend  assez  qui 
sont  les  meilleurs  patriotes,  ceux  qui  croient 
un  Dieu  et  une  autre  vie ,  ou  les  matéria- 
listes, qui  ne  croient  ni  ciel  ni  enfer. 

PATKIPASSIENS  ou  PATROPASSIENS , 
nom  qui  a  été  donné  à  [jUisieui  s  hérétiques  : 
en  [iremier  lieu  aux  sectateurs  de  Praxéas, 
qui,  sur  la  lin  du  ir  siècle  et  sous  le  ponti- 
licat  du  pape  Victor,  vint  à  Rome;  il  ensei- 
gna qu'il  n'y  a  qu'une  seule  Personne  divine, 
savoir,  le  Père;  que  le  Père  est  descendu 
dans  Marie, qu'il  est  né  de  celte  sainte  Vierge, 
qu  il  a  soullert  et  qu'il  est  Jésus-Christ  même; 
c'est  du  moins  la  croyance  çpje  lui  attribue 
Tertullien  dans  le  livre  qu'il  a  écrit  contre 
cet  héréti(iue;  2"  à  Noét  et  aux  Noétiens  ses 
disciples ,  qui  enseignaient  la  même  erreur 
en  Asie ,  à  peu  près  dans  le  même  tem|)s, 
comme  nous  l'apprenons  de  saint  Hippolyte 
de  Porto  qui  les  réfuta,  et  de  saint  l';pii)hane; 
3"  à  S.ibellius  et  à  ses  partisans,  au  iv'  siècle. 
Il  est  dit  dans  le  concile  d'Antioche ,  tenu 
par  les  eusébiens  l'an  343,  que  les  Orien- 
taux appelaient  salwlliens  ceux  (|ui  étaient 
appelé)  pfUripassiens  par  les  Romains,  et 
qu'ils  furent  condamnés  parce  qu'ils  supi>o- 
saienl  que  Dieu  le  Père  était  passible.  IJeau- 
sobre,  déterminé  à  justiliei'  tous  les  hcréti 
(pies  ai:\.  dépens  des  Pi  res  de  l'Kglise,  pré 
tend  que  cette  dénomination  est  injuste,  (|ue 
les  sectaires  dont  nous  venons  de  parler 
étaient  unitaires ,  et  n'admiltaient  qu'une 
seule  Personne  divine;  qu'ils  n'ont  jamais 


1343 


PAU 


PAU 


1544 


enseigné  que  cette  Personne  s'est  unie  sub- 
stantiellement à  l'humanité  dans  Jésus- 
Christ,  ni  qu'elle  a  souffert  en  lui;  que  c'é- 
tait seulement  une  conséquence  que  les 
Pères  ont  tirée  mal  à  propos  de  leur  doc- 
trine. Uist.  du  Manichéisme ,  1.  m  ,   c.  6, 

Mais  il  nous  paraît  singulier  qu'un  criti- 
que du  xviii'  siècle  se  flatte  de  iiiieui  con- 
naître le  sentiment  des  anciens  hérétiques 
que  les  Pères  contemporains  qui  ont  con- 
versé avec  eux  ou  avec  leurs  disciples,  qui 
ont  lu  leurs  ouvrages  et  examiné  leur  doc- 
trine. Il  ne  sert  à  rien  de  dire  que  si  ces 
sectaires  avaient  enseigné  toutes  les  erreurs 
qu'on  leur  attribue,  il  aurait  fallu  qu'ils  fus- 
sent insensés,  qu'ils  tomb;issent  en  contra- 
diction, qu'ils  ne  s'entendissent  pas  eux- 
mêmes,  etc.  C'est  justement  ce  que  les  Pères 
leur  ont  reproché  cent  fois,  et  nous  en  avons 
vu  cent  exemples  parmi  les  novateurs  des 
derniers  siècles.  Si  les  Pères  de  l'Eglise  ont 
péché  en  faisant  voir  aux  hérétiques  les  con- 
séquences de  leur  doctrine ,  comment  se 
justifiera  Beausobre  lui-même,  qui  ne  cesse 
d'attribuer  aux  Pères  de  l'Eglise  et  aux  théo- 
logiens catholiques,  par  voie  de  conséquente, 
des  erreurs  auxquelles  ils  iilontjaniais  pensé, 
et  qu'ils  auraient  formellement  rejetées ,  si 
on  les  l«ur  avait  mises  sous  les  yeux  ?  Mos- 
hfiim,  plus  équitable  et  plus  judicieux  sur 
ce  point  que  Beausobre ,  a  fait  voir  que  les 
Pères  n'ont  jioint  accusé  faussement  les  hé- 
rétiques dont  nous  parlons  ,  et  que  le  nom 
de  palripassiens  qu'ils  leur  ont  donné  est 
assez  juste  dans  un  sens.  Ces  sectaires  di- 
saient que  Dieu  le  Père  ,  considéré  précisé- 
ment selon  la  nature  divine ,  était  impassi- 
ble; mais  qu'il  s'était  rendu  passible  par  son 
union  intime  avec  la  nature  humaine  de  son 
Fils;  c'est  ainsi  que  l'explique  Théodoret. 
Nous  disons  dans  un  sens  très-orthodoxe,  que 
Dieu  le  Père,  ou  considéré  comme  Père,  est 
impassible;  mais  que  Dieu  le  Fils,  ou  consi- 
déré comme  Fils,  est  passible,  parce  que  ce 
sont  deux  Personnes  distinctes.  L'erreur  des 
patripassiens  était  de  prendre  le  nom  de  Pcre 
dans  le  môme  sens  que  nous  prenons  le  nom 
de  Dieu;  par  là  ils  détruisaient  la  distinction 
des  Personnes  de  la  sainte  Trinité.  Mosheim, 
Hisl.  christ.,  sœc.  3,  §  32,  notes.  Voy.  Noé- 
TiExs,  Praxéens,  Sabelliens. 

PAUL  (saint),  apôtre.  On  sait  qu'il  était  né 
Juif,  élevé  à  l'école  des  pharisiens;  il  était 
très-entêté  des  opinions  de  sa  secte ,  et  il 
avoue  iui-mème  qu'il  fut  d'abord  un  des  plus 
ardents  persécuteur^  du  christianisme.  1!  al- 
lait de  Jérusalem  à  Damas,  bien  accompagné, 
pour  fdire  emprisonner  et  punir  tous  les 
chrétiens  qu'il  y  trouverait;  sur  le  chomm, 
Jésus-Christ  lui  apparut ,  lui  ])arla,  le  ren- 
versa par  terre,  e  rendit  aveugle;  conduit 
à  Damas,  il  se  fit  instruire  et  baptiser;  il  l'C- 
couvrala  vue,  et  dcint  apôre;  telle  fut  la 
cause  de  sa  ciinversioii(,lc(.iv;G«/n^i,ete.). 
Les  incrédules  n'ont  rien  onris  puur  la  rendio 
suspecte;  ils  en  f)nt  forgé  d'autres  motifs  et 
ont  n,éle  miiacle;  ils  ont  noirci  la  conduite 
de  saint  Paul,  contesté  ses  miracles,  travesti 


sa  doctrine  ;  nous  devons  au  lecteur  quel- 
ques réflexions  sur  chacun  de  ces  chefs. 

L  Mylord  Littleton,  célèbre  déiste  anglais, 
revenu  au  christianisme  ,  a  fait  un  ouvrage 
exprès  sur  ce  sujet,  intitulé  :  La  religion 
chrétienne  démontrée  par  la  conversion  et 
l'apostolat  de  saint  Paul.  Après  avoir  exposé 
la  manière  simple  et  naive  dont  cet  apôtre 
rend  comjile  de  cet  événement ,  il  fait  voir 
que  saint  Paul  n'a  pu  se  tromper  lui-même, 
ni  en  imposer  aux  autres ,  ni  avoir  aucun 
motif  pour  forger  un  mensonge;  s'il  l'avait 
fait,  il  n'était  pas  seul ,  ses  compagnons  de 
voyage  auraient  pu  dévoiler  l'imposture;  ils 
n'ont  pas  pu  avoir  les  mémos  motifs ,  les 
mômes  passions,  le  même  iniérôt  que  lui  de 
•  déguiser  la  vérité.  Saint  Paul  n'était  ni  un 
esprit  faible  ni  un  visionnaire;  ses  écrits, 
ses  raisonnements,  sa  conduite,  prouvent  le 
contraire;  ses  calomi\iateurs  même  n'osent 
lui  refuser  de  l'esprit,  de  l'étude,  des  talents; 
cjuelque  parti  que  l'on  prenne ,  il  faut  ad- 
mettre en  lui  un  changement  miraculeux; 
car  enfin  Paul  converti  n'est  plus  juif  dans 
ses  préjugés,  dans  ses  inclinations,  dans  ses 
sentimeflts  ni  dans  ses  actions.  Nous  lais- 
sons le  choix  aux  incrédules  entre  le  mi- 
racle que  cet  apôtre  raconte  et  celui  qu'ils 
veulent  nous  persuader.  Voir  une  lumière 
éclatante  en  plein  jour,  en  perdre  la  vue, 
converser  avec  Jésus-Christ ,  être  conduit  à 
Damas  par  la  main,  être  instruit,  baptisé,  et 
recouvrer  la  vue,  sont  des  circonstances  que 
l'on  ne  peut  ni  rêver  ni  forger  impunément. 
Quel  motif  humain  pouvait  engager  Paul  à 
les  inventer?  L'intérêt?  Le  christianisme 
était  persécuté;  vu  l'acharnement  des  juifs, 
ce  parti  encore  faible  et  sans  défense  devait, 
selon  toutes  les  apparences,  être  bientôt 
écrasé;  il  y  avait  plus  à  gagner  k  demeurer 
juif  qu'à  se  faire  chrétien;  il  y  avait  môme 
beaucoup  de  danger  à  changer  de  parti, 
puisque  les  juifs  voulurent  tuer  Paul,  et 
qu'il  fut  obligé  de  s'enfuir  en  Arabie  {Act.  ix, 
23).  Paul  converti  prend  à  témoin  les  fidèles 
deCor'inthe,de  Thessalonique,d'Ephèse,etc., 
de  son  désintéressement.  Est-ce  l'ambition? 
11  aurait  voulu  dominer  sur  les  autres  apô- 
tres ,  se  faire  chef  de  secte,  avoir  une  doc- 
trine et  un  parti  à  lui;  il  fait  profession  du 
contraire  :  «  Nous  sommes  le  rebut  du  monde, 
dit-il ,  mais  nous  ne  rougissons  pas  de  l'E- 
vangile   Si  nous  n'avons  rien  à  espérer 

qu'en  ce  monde,  nous  sommes  les  plus  mal- 
heureux de  tous  les  hommes  (/  Cor.  iv,  13  ; 
XV,  19).  Serait-ce  mécontentement  ou  res- 
sentiment contre  les  Juifs  ?  11  ne  se  plaint 
pas  d'eux;  poursuivi  à  mort  par  eux,  il  les 
plaint,  il  les  excuse,  il  ne  cherche  point  à  ai- 
grir contre  eux  les  magistrats  romains.  Ce 
n'est  pas  non  plus  l'esprit  d'indépendance, 
puisque  personne  n'a  commandé  plus  étroi- 
tement que  lui  la  soumission  et  l'obéissance 
envers  toutes  les  puissances  établies  de  Dieu, 
les  incrédules  mômes  lui  en  font  un  crime. 
Il  prend  à  témoin  les  fidèles  qu'il  leur  a 
donné  l'exemide  de  tout.es  les  vertus  qu'il 
leur  prêche ,  que  sa  conduite  a  toujours  été 
juslCj  sainte,  irrépréhensible  ij[  Thess,  u;  2) 


154S  PAÏ 

II  Cor.  vu,  8,  etc.).  On  dit  qu'il  a  fait  un 
complot  avec  les  autres  apôtres.  Dans  ce  cas, 
il  n'étaù  pas  besoin  de  forger  un  miracle,  les 
apôtres  avaient  droit  de  prendre  des  coliè- 
gljes ,  et  déjà  ils  avaient  adopté  saint  ATa- 
thias.  11  suttisait  de  dire  que,  par  une  étude 
profonde  des  Ecritures,  Paul  avait  di'cou- 
vert  que  Jésus  était  le  .Messie ,  qu'en  consé- 
quence il  s'était  réuni  aux  a|)ôties  j)our  prê- 
cher cette  vérité;  supposer  un  faux  miracle, 
c'était  s'exposer  à  être  cnfondu  par  les 
juifs  et  méprisé  par  les  païens. 

Il  y  a,  disent  nos  adversaires,  des  con- 
tradictions dans  le  récit  que  Paul  fait  de  sa 
conversion  :  dans  un  endioit  il  dit  auo  s  s 
compagnons  do  voyage  entendirent  la  voix 
qui  lui  parlait;  dans  UN  autre,  qu'ils  ne  l'en- 
tcndii'ont  pas.  11  dit,  dans  les  Actes,  qu'après 
sa  conversion  il  retourna  dc  Dauxas  à  Jéru- 
salem, et  dans  VEpUrc  aux  Galatcs,  qu'en 
sortaut  de  Damas  il  alla  en  Aialiie,  et  ne 
vint  h  Jérusalem  que  trois  ans  après.  Dans 
cette  môme  Epitrc  il  ajoute  qu'il  n'a  vu  que 
Pierre  et  Jacques,  et  dans  les  Actes  nous  li- 
sons qu'il  a  vécu  h  Jérusalem  avec  les  apô- 
tres. Nous  soutenons  que  ces  narrations  ne 
se  contredisent  point.  Act.,  c.  ix,  v.  7,  il  est 
dit  que  ceux  qui  accompagnaient  saint  Paul 
furent  étonnés  d'entendre  une  voix  et  de  ne 
voir  personne;  c.  xxii,  v.  9,  il  dit  lui-même  : 
«  Ceux  qui  étaient  avec  moi  virent  luie  lu- 
mière, mais  ils  n'entendirent  point  la  voix 
de  celui  qui  me  parlait.  »  Voilà  le  double  sens 
du  mot  entendre  expliqué.  Ils  virent  une  lu- 
mière et  entendirent  une  voix  ;  mais  ils  n'en- 
tendirent ni  ce  que  disait  cette  voix  ni  cjui 
était  la  personne  qui  parlait,  parce  qu'ils 
étaient  îi  quoique  dislance  de  Paul.  Cliap.  ix, 
V.  20,  l'histoi'ien,  après  avoir  pailé  du  séjour 
de  saint  Paul  à  Damas,  et  de  ce  qui  s'y  pas- 
sa, fait  mention  de  son  voyage  h  Jérusalem, 
mais  il  ne  dit  pas  que  Paul  y  alla  immédia- 
tement en  sortant  de  Damas  ;  il  passe  sous 
silence  le  voyage  de  Paul  en  Arabie,  mais  il 
ne  le  contredit  pas.  C'est  dans  VEpitre  aux 
Gâtâtes,  c.  i,  v.  17,  que  saint  Paul  nous  a|)- 
prend  qu'inmiédiatement  après  sa  conversion 
il  ne  vint  point  de  Damas  à  Jérusalem,  mais 
qu'il  alla  en  Arabie,  qu'il  retourna  à  Damas 
au  lioutde  trois  ans,  qu'il  vint  ensuite  à  Jé- 
rusalem. Supprimer  ce  qui  s'est  passé  entre 
ces  deux  sorties  do  Damas,  ce  n'est  pas  le 
nier.  L'apôtre  ajoute  (ju'd  ne  vit  point  h  Jé- 
rusalem d'autres  aiwtres  que  Pierre,  et 
Jacq  ,es  frère  du  Seigneur.  Lors  dune  que 
l'auteur  dos  Actes  dit,  c.  ix,  v.  27,  que  Paul 
fut  conduit  aux  apôtres  parB  irnabé,  et  qu'il 
vécut  avec  eux,  cela  ne  s'entend  que  des  doux 
a,  ôlres  qui  y  étaient  pour  lors,  savoir  saint 
Piene  et  saint  Jacques.- 

IL  A-l-on  mieux  réussi  à  noircir  la  con- 
duite de  saint  Paul?  Il  a  voulu,  dis'  nt  ses 
accusateurs,  être  chef  de  parti,  il  a  divisé  le 
christianisme  en  deux  sectes  :  1  intention  de 
Jésus-Cliiist  et  des  apôtres  n'était  point  de 
détruire  le  judaïsme,  mais  de  le  réformer; 
aussi  les  premiers  chrétiens  joignirent  la 
pratique  des  lois  de  Moïse  à  la  foi  en  Jésus- 
Christ.  Paul  voulut  détruire  le  judaïsme  et 


PAU 


1346 


aliolir  les  lois  de  Moïse,  et  il  en  est  venu  à 
bout;  SOS  ['artisans  firent  nommer  ébionites 
et  nazaréens  ceux  qui  tenaient  encore  pour 
le  judaïsme;  ces  premiers  disciples  des  apô- 
tres avaioni  un  Evangile  différent  de  celui 
de  saint  Paul;  ils  le  regardaient  lui-même 
comme  un  hérétique  et  un  apostat,  ils  en- 
visageaient Jésus- Clirist  comme  un  pur 
homme,  c'est  Paul  qui  l'a  déitié;  ainsi  le 
christianisme,  tel  que  nous  l'avons,  est  la 
religion  de  Paul  et  non  celle  do  Jésus-Christ. 
Les  premiers  auteurs  de  ce  rêve  des  incré- 
dules sont  les  juifs,  les  manichéens,  Por- 
phyre et  Julien;  Toland  l'a  embrassé  dans 
son  Nazarerius  et  dans  d'autres  ouvrages; 
c'est  lui  qui  a  endoctriné  nos  ilissert.iteurs 
modernes.  Aux  mots  Loi  cÉftKMOMKLLE  et 
NiZiBÉE.NS,  nous  les  avons  déjà  réfutés;  il 
sulht  d'ajouter  ici  deux  ou  trois  preuves  ir- 
récusables. Joan.,  c.  IV,  V.  21,  Jésus-Christ 
dit  à  la  Samaritaine  :  L'heure  vient  à  laciuelle 
on  n'adorera  plus  le  Père  sur  la  montagne  de 
Samarie  ni  à  Jérusalem.  Or,  de  l'aveu  des 
juifs,  leur  culte  tenait  essentiellement  au 
temple  de  Jérusalem.  Malth.  c.  xv,  v.  11,  il 
décide  que  rhniume  n'est  point  souillé  par 
ce  qu'il  mange;  ainsi  il  abolit  la  distinction 
des  vian  les.  Cap.  xii,  v.  8,  il  dit  qu'il  est  le 
maître  du  sabbat,  et  les  juifs  ne  le  lui  ont 
jamais  pardonné.  Il  ap|ielie  le  sacrement  de 
son  cor,is  et  de  son  sang  une  nouvelle  al- 
liance ;  l'ancienne  ne  devait  donc  plus  sub- 
sister. Ce  qu'il  appelait  le  royaume  des  deux 
n'était  pas  le  règne  de  la  loi  de  Moïse,  mais 
le  règne  d'un  nouveau  culte  et  d'une  loi 
nouvelle. 

Saint  Jean,  chap.  i,  v.  17,  dit  que  la  loi  a 
été  donnée  par  Moïse,  que  la  gi-iU'o  et  la  vé- 
rité ont  été  données  par  Jésus-Christ;  ainsi 
Pierre,  en  baptisant  Corneille  et  toute  sa 
maison,  ne  lui  ordonne  jioint  de  se  faire  cir- 
concire; dans  le  concile  de  Jérusalem  il  ap- 
pelle la  loi  de  Moïse  un  joug  que  ni  nous  ni 
nos  pères  n'avons  pu  porter,  et  il  ne  veut  pas 
qu'on  l'impose  aux  gentils  convertis;  saint 
Jacques  opine  de  même  :  ce  sont  eux  et  non 
saint  Paul  qui  dictent  la  décision.  D.ins  sa 
seconde  lettre,  cm,  v.  15,  saint  Pierre  loue 
la  sagesse  et  les  écrits  de  Paul,  son  très-cher 
frère.  Saint  Barnabe,  dans  sa  lettre,  n.  2, 
enseigne  que  Jésus-Christ  a  rendu  inutile  la 
loi  judaïque.  Saint  Clément,  disciple  de  saint 
Pierre,  et  saint  Ignace,  instruit  par  saint 
Jean,  tiennent  la  mémo  doctrine,  ad  Magnes., 
11.  8,  9,  lu  :  ad  Philad.  n.  (5.  Où  est  donc 
l'opposition  de  doctrine  entre  saint  Paul  et 
les  autres  apôtres?  Il  dit  lui-même  qu'il  a 
com()aré  sou  Evangile  ou  sa  docirine  avec 
celle  dos  apôtres  qui  étaient  à  Jérusalem,  de 
peur  d'avoir  travaillé  en  vain;  cju'ils  sont 
convoi. us  avec  lui  qu'il  prêcherait,  jiarti- 
culièremcnt  aux  gentils ,  pendant  qu'eux 
instruiraient  les  Juifs  :  Dextras  dederunt 
mihi  et  Barnabœ  societatis  {Gai.  n,  '1  et  9). 
Loin  de  vouloir  faire  secte  à  part,  il  répri- 
manda les  Corinthiens  qui  disaient  :  «  Je 
suis  disciiile  de  Paul,  moi  d'ApolIo,  moi  de 
Céphas ,  moi  de  Jésus-Christ.  Jésus-Christ 
est-il  donc  divisé  '/  Paul  a-t-il  été   crucilié 


13i7 


PAU 


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1348 


pour  vous,  avez-vous  été  baptisés  en  son 
nom?  »  Mais,  dit-on,  sa  conduite  se  contie- 
dil  :  après  avoir  prêclié  contre  Ja  loi  de 
Moïse,  après  avoir  reproché  à  saint  Pierre 
qu'il  judaisait,  il  judaise  lui-même  pour  se 
réconcilier  avec  les  juifs;  il  accomplit  le 
vœu  de  nazaréat  ;  il  fait  circoncire  son  dis- 
ciple Timolhée  qui  était  le  ûls  d'un  païen; 
tantôt  il  enseigne  que  la  circoncision  no  sert 
de  rien,  tantôt  qu'elle  est  utile  si  l'on  ac- 
complit la  loi.  11  dit  qu'il  a  vécu  comme  juif 
avec  les  juifs,  pour  les  gagner  à  Jésus- 
Christ,  et  il  trouve  mauvais  que  saint  Pierre 
fasse  de  même.  Tout  cela  peut-il  s'ac- 
corder? 

Fort  aisément.  Saint  Paul  ne  prêche  point 
contre  la  loi  de  Moïse;  il  enseigne  qu'elle 
ne  sert  de  rien  aux  gentils  convertis,  qu'ils 
sont  jusliflés  parla  foi  en  Jésus-Christ;  c'était 
la  décision  du  concile  de  Jérusalem.  11  dit 
qu'elle  est  utile  aux  juifs,  s'ils  observent  la 
loi  {Rom.  II,  25),  parce  qu'en  efl'et  elle  les 
faisait  souvenir  qu'ils  étaient  débiteurs  de 
toute  la  loi  [Galat.,  v,  2  et  3).  Or  la  loi  était 
encore  utile  aux  juifs,  non  pour  le  salut, 
mais  comme  police  extérieure  et  locale.  Con- 
séquemment,  né  juif  lui-même,  ilacozitinué 
d'observer  les  cérémonies  juives,  surtout  à 
Jérusalem,  pour  no  pas  scandaliser  ses  frè- 
res. Il  fit  circoncire  Timothée,  afin  qu'il  pûl 
prêcher  aux  juifs  qui  n'auraient  pas  voulu 
écouter  un  incirconcis.  Mais  hors  de  Jéru- 
salem et  delà  Judée,  il  a  vécu  avec  les  païens 
sans  scrupule,  afin  de  les  gagner  de  même. 
Voilà  ce  qu'il  voulait  que  lit  saint  Pierre  ou 
Céphas,  à  Antioche,  et  il  avait  raison.  Celui- 
ci,  après  avoir  fraternisé  d'abord  avec  les 
gentils  convertis,  se  séparait  d'eux  pour  ne 
pas  déplaire  à  quelques  juifs  qui  arrivaient 
de  Jérusalem  :  c'était  vouloir  forcer  ces  gen- 
tils è  judaïser,  autoriser  les  juifs  à  les  re- 
garder comme  impurs,  et  contredire  en 
quelque  manière  la  décision  du  concile 
(Galat.  II,  12).  11  n'y  a  donc  ici  ni  contra- 
diction, ni  inconstance,  ni  dissimulation,  et 
les  Juifs  avaient  tort  d'accuser  saint  Paul 
d'être  déserteur  de  la  loi. 

Pendant  que  la  foule  des  incrédules  sou- 
tient que  le  parti  de  saint  Paul  a  prévalu  et 
a  introduit  un  christianisme  nouveau,  un 
déiste  anglais  prétend  que  ce  ]iarti  a  suc- 
combé, que  les  judaïsants  ont  été  les  plus 
forts,  quils  ont  introduit  dans  l'Eglise  l'es- 
])rit  judaïque,  la  hiérarchie,  les  dons  du 
Saint-Esprit,  les  cérémonies  superstitieuses, 
etc.;  il  a  emprunté  cette  imagination  des 
protestants.  C'est  ainsi  que  s'accordent  nos 
adversaires,  en  reprochant  aux  apôtres  de  ne 
s'être  pas  accordés.  Une  autre  inculpation 
très-grave,  c'est  que  saint  Paul,  accusé  par 
les  juifs ,  se  défend  par  des  mensonges. 
Frappé  par  ordre  du  grand  prêtre,  il  ne  tend 
])Oint  l'autre  joue,  suivant  le  conseil  de  Jésus- 
Christ;  il  outrage  môme  le  pontife,  en  l'ap- 
pelant muraille  blanchie  ;  repris  de  sa  faute, 
il  s'excuse,  en  disant  qu'il  ne  connaissait 
pas  le  grand  prêtre  :  pouvait-il  le  mécon- 
naître? Il  ajoute  qu'il  est  accusé  parce  qu'il 
est  |)harisien,  et  (ju'il  prêche  la  résurrection 


des  morts;  cela  était  faux;  il  était  accusé  de 
prêcher  contre  la  loi.  11  n'était  plus  phari- 
sien, mais  chrétien.  La  justification  de  saint 
Pcml  est  fort  simple.  Le  conseil  de  Jésus- 
Christ  de  tendre  l'autre  joue  quand  on  est 
frappé  ne  doit  point  avoir  lieu  en  justice  et 
devant  les  magistrats  ;  un  accusé  y  est  con- 
duit non  pour  y  souffrir  violence,  mais  pour 
y  être  condamné  ou  absous.  S.  Aug.,  l.  xxii, 
contra  Faust.,  c.  79.  Depuis  sa  conver- 
sion, ou  depuis  plus  de  vingt  ans,  l'apôtre 
n'avait  fait  que  deux  voyages  à  Jérusalem, 
et  il  y  avait  demeuré  peu  de  temps  ;  pen- 
dant cet  intervalle,  les  pontifes  avaient  chan 
gé  sept  à  huit  fois,  Josè)ihe  en  est  témoin  ; 
ils  étaient  destitués  à  volonté  i^ar  les  Ro- 
mains, ils  n'étaient  distingués  hors  du  temple 
par  aucune  marque  de  dignité  ;  saint  Paul 
pouvait  donc  ne  pas  connaître  le  grand 
prêtre.  Pour  prendre  le  sens  de  son  apolo- 
gie, il  faut  se  rappeler  celle  qu'il  fit  devant 
Félix  et  devant  Festus,  Act.,  c.xxiy  elxxvi; 
en  voici  le  fond  :  «  Je  suis  né  Juif  de  la 
secte  des  pharisiens ,  en  cette  qualité  j'ai 
toujours  cru  la  vie  future  et  la  résurrection 
des  morts;  conséquemment  je  crois  que 
Jésus  est  ressuscité,  parce  qu'il  m'est  apparu 
et  m'a  parlé  sur  le  chemin  de  Damas  ;  je  crois 
qu'il  est  le  Messie,  parce  que  les  prophètes 
ont  prédit  que  le  .Messie  souffrirait  la  mort 
et  ressusciterait  ;  je  le  prêche  ainsi,  parce 
que  j'en  suis  convaincu.  Au  reste,  je  n'ai 
péché  en  rien  contre  ma  nation  ni  contre  la 
loi  de  Moïse.  »  Cette  apologie  n'est  ni  équi- 
voque ni  hors  de  propos.  Saint  Paul  la  com- 
mençait de  môme  devant  le  conseil  des  juifs, 
il  taisait  sa  profession  de  foi  avant  de  parler 
de  sa  conduite.  iUais  à  peine  eut-il  dit  qu'il 
était  pharisien  et  qu'il  s'agissait  de  le  juger 
sur  la  résurrection  des  morts,  que  la  dissen- 
sion se  mit  parmi  les  juges  et  le  tumulte 
dans  l'assemblée;  on  ne  l'écouta  plus.  Ce 
n'est  pas  par  sa  faute.  Ceux  qui  le  jugent  au 
jourd'hui  font  tout  comme  les  juifs.  Us  lui 
attribuent  un  caractère  orgueilleux,  altier, 
emporté,  turbulent.  11  se  vante,  disent-ils,  de 
ses  travaux,  de  ses  succès,  de  la  préémi- 
nence de  son  apostolat;  il  ne  peut  point 
souffrir  de  contradiction  ;  il  livre  à  Satan 
ceux  qui  lui  résistent.  11  menace,  il  déclare 
qu'il  ne  fera  grâce  ni  à  ceux  qui  ont  péché 
ni  aux  autres.  11  parle  continuellement  du 
droit  qu'il  a  de  vivre  de  l'Evangile,  d'exiger 
des  fidèles  sa  subsistance,  etc.  ;  aussi  ne  fit- 
il  que  rebuter  les  juifs;  il  causa  du  tumulte 
dans  plusieurs  villes,  et  s'attira  de  mauvais 
traitements  par  son  inii)rudence.  Souvenons- 
nous  que  les  incrédules  ont  osé  faire  les 
mêmes  reproches  contie  Jésus-Christ  lui- 
même;  ceux  que  l'on  fait  contre  son  apùtre 
ne  nous  surprendront  plus  :  mais  il  faut  y 
répondre. 

Saint  Paul,  contredit  par  du  faux  apôtres 
qui  voulaient  détruire  sa  doctrine  et  dépri- 
maient son  apostolat,  était  forcé  de  prouver 
l'authenticité  do  sa  mission;  il  n'alléguait 
pourpreuve  quedes  faits  dont  l'AsicMineure, 
la  Grèce,  la  Macédoine,  étaient  témoins.  «  Ce 
n'est   pas    moi,  dit-il,  qui  ai  fait  tOul  cela, 


15tô 


PAt 


PAU 


Î350 


mais  la  grâce  de  Dieu  qui  est  en  moi  (/  Cor. 
X.V,  10).  Je  suis  le  dernier  des  apôtres,  indi- 
gne de  porter  ce  nom,  puisque  j'ai  persécuté 
l'Eglise  de  Dieu  {Ibid.,  9).  »  Lorsifu'il  se  |>ré- 
fôre  aux  grands  apôtres,  aux  ajtôtres  par  ex- 
cellence, il  entend  les  faux  apôtres  et  il  le 
dit  clairement  {II  Cor.  xi,  13).  Kn  cilant 
ses  travaux  il  fait  aussi  mention  de  ses  ten- 
tations et  de  ses  faiblesses  (Ibid.,  xi  et  xii). 
Ce  n'est  pas  là  de  l'orguc-ii.  Livrer  un  pé- 
cheur h  Satan,  c'est  l'exclure  de  la  société 
des  fidèles  ;  et  saint  Paul  déclare  qu'il  veut 
le  faire  pour  faire  mourir  en  eux  la  chair  et 
sauver  leur  àme  (/  Cor.  xn,  21;  /  Tim.  i,  20). 
11  craint  de  trouver  parmi  les  Corinthiens 
des  disputes  et  des  séditions,  et  des  hommes 
qui  n'ont  point  fait  pénitence  de  leur  impu- 
ciicité  ;  il  déclare  qu'il  ne  fera  grâce  ni  aux 
uns  ni  aux  autres,  c'est-îi-dire  ni  aux  sédi- 
tieux ni  aux  impénitents;  mais  cela  ne  si- 
gnilic  pas  qu'il  no  veut  faire  grAce  ni  aux 
coupables  m  aux  innocents  (//  Cor.  xii,  21  ; 
liii,  2).  En  soutenant  qu'un  ministre  de  l'E- 
vangile doit  recevoir  des  fidèles  du  moins  la 
nourriture  et  le  nécessaire,  il  déclare  ([u'il 
n'a  jamais  usé  de  ce  droit,  qu'il  a  travaillé 
de  ses  mains,  afin  de  n'ôtre  à  charge  fi  per- 
sonne; il  repioclie  même  aux  Corinthiens 
leur  facilité  à  se  laisser  dépouiller  et  maîtri- 
ser par  de  faux  apôtres  (Ibid.).  Ch?z  un 
peuple  léger,  curieux,  disputeur,  pétulant, 
tel  que  les  Grecs  ,  il  était  impossible  d'éta- 
blir sans  bruit  une  nouvelle  doctrine;  ce 
caractère  avait  brouillé  les  philosophes  et 
leurs  disciples;  sous  l'Evangile  il  enfanta  les 
hérésies,  mais  ce  n'est  pas  la  faute  des  apô- 
tres. 11  n'a  pas  tenu  aux  philosophes  in- 
crédules de  troubler  le  repos  de  l'Europe 
entière. 

111.  Par  la  manière  dont  ils  s'y  prennent 
pour  noircir  la  conduite  de  saint  Paul,  on 
voit  d'avance  comment  ils  viennent  à  bout 
de  défigurer  ses  écrits.  Saint  Pierre  conve- 
nait déjà  qu'il  y  a  dans  les  lettres  de  saint 
Paul  des  choses  difticiles  à  entendre;  il  se 
plaignait  de  ce  que  des  hommes  ignorants  et 
légers  en  abusaient  comme  des  autres  Ecri- 
tures {II  Petr.  m,  16).  C'est  encore  de  même 
aujourd'hui;  la  plui>art  de  ceux  qui  les  cen- 
surent ne  les  ont  jamais  lues,  et  peu  sont  en 
état  de  les  comprendre.  C'est  un  style  mêlé 
d'hébraismes  et  d'héllénismes,  mais  qui  était 
très-bien  entendu  i>ar  ceux  auxquels  saint 
Paul  écrivait.  La  profondeur  des  questions 
qu'il  traite  demande  des  lecteurs  déjà  ins- 
truits, et  qui  ne  soient  préoccupés  d'aucun 
système;  ils  sont  rares.  La  multitude  des 
commentaires  auxquels  ces  écrits  ont  donné 
lieu  ne  prouve  rien  autre  chose  que  le  grand 
nombre  de  ceux  qui  ont  la  démangeaison 
d'écrire  et  de  répéter  ce  que  d'autres  ont  dit. 
S'il  nous  fallait  expliquer  tous  les  t)assagcs 
dont  les  incrédules,  les  hérétiques,  les  théo- 
logiens entêtés  ont  abusé,  ce  serait  la  ma- 
tière d'un  gros  vulume  ;  nous  nous  borne- 
rons à  ceux  que  l'on  objecte  le  plus  souvent; 
nous  avons  occasion  d'en  édaircir  plusieurs 
autres  dans  ditl'érents  articles. 

Saint  Paul  dit  qu'il  va  enlui  l'homme  spiri- 


tuel et  l'homme  charnel,  l'homme  juste  et 
l'Iiomme  de  péché  {Rom.  vu)  ;  et  il  dit  ailleurs 
qu'il  est  délivréldelaloidu  péché,  que  Jésus- 
(^lirist  vit  en  lui  {Galnt.  ii).  Tantôt  il  enseigne 
(|ue  l'homme  est  justifié  par  les  œuvres,  et 
tantôt  qu'il  l'est  par  la  foi  sans  les  œuvres.  1. 
assure  que  Dieu  veut  sauver  tous  les  hommes, 
et  en  môme  temps  il  allirme  que  ceux  qui 
n'ont  point  été  choisis  ont  été  aveuglés;  que 
Dieu  fait  miséricorde  à  qui  il  veut,  et  endurcit 
qui  il  lui  iilait.  Dodwel  et  d'autres  soutien- 
nent que  cet  apôlre  admettait  le  fatum  des 
pharisiens  et  des  essénions  suus  le  nom  de 
j)rédestination.  11  est  vrai  que  si  l'on  s'en  te- 
nait à  l'écorce  des  termes,  sans  en  rechercher 
le  vrai  sens,  il  serait  aisé  de  conclure  que  la 
doctrine  de  saint  Paul  se  contredit;  mais  en 
agit-on  ainsi  quand  on  cherche  sincèrement 
la  vérité  î  saint  Paul  enseigne  (jue  par  na- 
tiu'e,  par  naissance,  en  (jualilé  d'enfant 
d'.Vdam,  il  est  homme  de  péché,  sous  la  loi 
du  péché,  sous  le  joug  d'une  concupiscence 
impérieuse  qui  l'entraîne  au  péché,  mais 
que,  par  la  grâce  de  Jésus-Christ,  il  est 
allianchi  de  cette  loi  du  péché,  que  Jésus- 
Christ  vit  en  lui,  qu'il  en  est  de  même  de 
tous  ceux  qui  ont  été  baptisés  et  régénérés 
en  Jésus-Christ,  et  qui  ne  vivent  plus  selon 
la  chair,  etc.  {Rom.  vu,  24  et  25;  vin,  1  et  2). 
Il  n'y  a  point  Ih  de  contradiction. 

Ibid.,  c.  11,  V.  13,  il  dit  que  ce  ne  sont 
pas  ceux  qui  écoutent  la  loi  (|ui  sont  justes 
devant  Dieu,  mais  ceux  qui  l'accomplissent; 
or  il  est  question  lii  de  la  loi  morale,  puis- 
que l'apôtre  parle  des  gentils  qui  la  con- 
naissent naturellement  et  qui  en  ont  les  pré- 
ceptes gravés  dans  leur  cœur.  Au  contraire, 
c.  m,  V.  28,  il  dit  :  «  Nous  pensons  crue 
l'homme  est  justifié  par  la  loi,  sans  les 
œuvres  de  la  loi.  »  Mais  il  entend  la  loi  cé- 
rénionielle  des  juifs,  puisqu'il  parle  de  la 
justification  d'Abraham  qui  a  précédé  de 
longtemps  la  puldication  de  la  loi  cérémo- 
nielle.  L'obstination  des  protestants  à  fonder 
sur  ce  passage  leur  prétendue  foi  justifiante 
ne  leur  fuit  pas  hoimeur;  il  est  évident  que 
saint  Paul  par  la  foi  d'Abraham,  ch.  iv,  en- 
tend non-seulement  la  croyance  de  ce  pa- 
ti  iarclie,  mais  sa  confiance  aux  iiromesses  de 
Dieu,  et  sa  fidélité  à  exécuter  les  ordres  de 
Dieu  :  fidélité  qui  emporte  nécessairement 
l'obéissance  à  la  loi  morale,  par  conséquent 
les  œuvres.  Rien  de  plus  juste  ni  de  mieux 
suivi  que  cette  doctrine. 

Non-seulement  saint  Paul  (\\i  [I  Tim.  ii,k)  : 
«  Dieu  veut  que  tous  les  hoinmos  soient  sau- 
vés, »  mais  il  le  prouve,  parce  que  Jésus- 
Christ  s'est  hvré  pour  la  rédemi)lionde  tous, 
et  c'est  pour  cela  qu'il  veut  que  l'on  prie  pour 
tous  sans  exception.  Le  mystère  d"  la  pré- 
destination est-ii  contra  ire  à  cette  vérité?  Eu 
aucune  manière.  Quoique  Dieu  veuille  sau- 
ver tous  les  hommes,  il  naccorde  cependant 
pas  h  tous  la  même  mesure  de  grâces;  il  ap- 
pelle les  uns  à  la  connaissance  de  Jésus- 
Christ  et  de  son  EvaugUe,  il  laisseles  autres 
dans  l'ignorance  et  dans  l'erreur  ;  c'est  dans 
ce  sens  qu'il  fait  miséricorde  aux  uns  et  qu'il 
endurcitlQS autres, c'est-à-dire  qu'il leslaisse 


135t 


PAL 


PAU 


155Î 


B  endurcir  eux-mômes  (Tîom.  ix,  18  ).  Voî/. 
Endurcissement.  Quand  lapôtre  ajoute  que 
quelques  juifs  ont  été  élus,  que  d'autres  ont 
été  aveuglés,  c.  xi,  v.  7,  il  entend  qu'ils  se 
sont  aveuglés  eux-mêmes,  puisqu'il  dit,  v.  23, 
que  s'ils  ne  persévèrent  pas  dans  l'incrédu- 
lité, ils  seront  entés  de  nouveau  sur  l'arbre 
qui  les  a  portés,  et  il  ajoute,  v.  32,  que  Dieu 
a  laissé  d'abord  les  gentils,  aussi  bien  que 
les  juifs,  dans  l'incrédulité,  afin  d'avoir  pi- 
tié de  tous  :  Dieu  ne  veut  donc  ni  les  aveu- 
gler, ni  les  endurcir,  ni,  les  réprouver.  Voy. 
Prédestination,  Salut.  Nous  parlons  de  cha- 
cune des  Epîtres  desaint  Paui  sous  son  titre 
parliculier. 

IV^.  Les  miracles  de  cet  apôtre  ont  élé  trop 
publics,  trop  évidents  et  trop  multipliés,  pour 
que  l'on  puisse  y  soupçonner  de  rillusion 
ou  de  la  fourberie.  Il  ne  les  a  point  opérés 
en  faveur  de  gens  déjà  jirévenus,  ni  en  pré- 
sence de  témoins  disposés  à  se  laisser  trom- 
per :  c'étaient  des  juifs  ou  des  païens  qu'il 
fallait  convertir  ;  ni  sous  la  protection  d'un 

Farti  déjà  puissant  et  déterminé  à  favoriser 
imposture  :  deux  circonstances  toujours  né- 
cessaires pour  accréditer  de  faux  miracles. 
Uû  magicien  rendu  subitement  aveugle  en 
présence  d'un  proconsul  romain  qui  se  con- 
vertit; un  jeune  homme,  qui  était  tombé  du 
faîte  d'une  maison,  ressuscité  à  Troade  ;  un 
boiteux  de  naissance  guéri  à  Lyslres,  à  la 
vue  de  tout  un  peuple  qui  prend  Paul  pour 
un  dieu  ;  un  nombre  de  prisonniers  dont  les 
chaînes  se  brisent  à  Phili[)pes,  sans  qu'aucun 
soit  tenté  de  s'enfuir  ;  des  malades  guéris  à 
Ephèse  par  le  seul  attouchement  des  suaires 
de  l'apôtre.  Il  n'est  point  blessé  par  la  mor- 
sure d'une  vipère,  et  il  guérit  tous  les  mala- 
des qui  lui  sont  présentés  dans  l'île  de  Malte 
ou  de  Méléda,  etc.  Dans  tout  cela  il  n'y  a  ni 
préparatifs  ni  collusion  avec  personne,  et  la 
force  de  l'imagination  ne  produit  point  de 
semblaliles  etfets.  Qu'ont  objecté  les  incré- 
dules contre  ces  faits  ?  Rien  de  positif,  mais 
un  simple  préjugé  ;  si  ces  miracles  avaient 
été  réels,  disent-ils,  Paul  aurait  sûrement 
converti  l'univers  entier  ;  cependant  nous  ne 
voyons  pas  que  les  juifs  y  aient  cru  ni  que 
les  païens  en  aient  été  fort  touchés  ;  souvent 
ces  préti  ndus  miracles  n'ont  abouti  qu'à  ex- 
citer du  tumulte  et  des  séditions,  à  faire 
emprisonner,  fustiger  ou  chasser  le  thauma- 
turge. Ce  préjUgé  pourrait  faire  impression 
sur  nous,  si  les  incrédules  eux-uiômes  n'a- 
va  enl  pas  eu  soin  de  nous  en  guérir  ;  la  plu- 
])art  ont  déclaré  que  quand  ils  verraient  des 
miracles,  ils  ne  croiraient  pas  sous  prétexte 
qu'  Is  sont  plus  sûrs  de  leut  jugement  que 
lie  leurs  yeux.  S'il  y  a  eu  parmi  les  juifs  et 
parmi  les  païens  beaucoup  d'opini.'dres  qui 
pensaient  comme  eux,  il  n'est  pas  fort  éton- 
nant que  les  miracles  n'aient  pas  suUi  pour 
leur  ouvrir  les  yeux. 

D'ailleurs,  autre  chose  est  de  croire  la  réa- 
lité d'un  miracle,  et  autre  chose  do  renoncer 
aux  erreurs,  aux  pialiques,  aux  habitudes 
dans  lesquelles  on  a  éténourri  dès  l'enfance. 
La  plupart  des  juifs  croyaient  qu'un  faux 
prophète  pouvait  faire  des  miracles,  et  les 


païens  étaient  persuadés  que  les  magiciens  en 
0[)éraient  ;  les  uns  et  les  autres  ont  attribué 
à  la  magie  ceux  de  Jésus-Christ  et  des  apô- 
tres. Avec  celte  tausse  croyance,  les  miracles 
ne  suffisaient  pas  pour  les  convertir.  Voy. 
Miracle.  Mais  il  est  faux  que  ceux  de  saint 
Paul  n'aient  pas  produit  une  infinité  de  con- 
versions ;  le  même  autrur  des  Actes,  qui  les 
rap|iorte,  nous  instruit  aussi  des  effets  qui 
s'en  sont  ensuivis,  et  les  Eglises  nombreuses 
auxquelles  cet  ipôtre  a  écrit  ses  lettres  en 
sont  une  preuve  démonstrative.  11  y  a  des 
circonstances  dans  la  vie  de  saint  Paul  sur- 
lesquelles  les  critiques  ont  fait  des  conjectu- 
res de  toute  espèce,  il  est  dit  [Acl.  xvii,  23),.' 
que  saint  Paul,  passant  dans  la  ville  d'Athè-'- 
nes,  vit  un  autel  avec  celte  inscription  :  Au 
Dieu  inconnu,  et  qu'il  en  pritoccasion  de  prê- 
cluT  aux  Athéniens  le  vrai  Dieu.  Saint  Jé- 
rôme, Comment,  in  Epist.  ad  Tit.,  c.  i,  et 
d'autres,  ont  cru  que  l'inscription  portait  : 
Aux  dieux  étrangers  et  inconnus,  et  que  c'a- 
vait été  un  tour  d'adresse  de  l'apôtre  de  chan- 
ger le  sens  pour  avoir  lieu  d'annoncer  le 
vrai  Dieu.  Sans  entrer  dans  des  discussions 
inutiles,  nous  observons  seuhment,  1°  qu'un 
Athénien  a  pu  faire  dresser  un  autel  et  une 
inscription,  au  Dieu  unique  et  souverain  que 
les  philosophes  soutenaient  être  incompré- 
hensible, et  par  conséquent  inconnu;  qu'ainsi 
saint  Paul  n'aurait  rien  changé,  ni  rien  sup- 
posé ;  2°  que,  quand  l'inscription  aurait  été 
telle  qu'on  le  [iréteiid,  le  discours  de  saint 
Paul  aurait  encore  été  très-juste  ;  il  aurait 
dit  aux  Athéniens  :  «  Puisque  vous  poussez 
la  siq^erstiiion  jusqu'à  honorer  les  dieux 
môme  que  vous  ne  connaisse'-  pas,  je  vais 
vous  faire  connaître  le  seul  vrai  Dieu  qui 
vous  a  élé  jusqu'ici  inconnu.  »  L'apô  re  écrit 
à  Timothée,  Jîp.  II.  c.  iv.  v.  17  :  J'ai  été  dé- 
livré de  la  gueule  du  lion;  quelques  interprè- 
tes ont  pen^é  que  saint  Paul  avait  été  réel- 
lement condamné  aux  bêtes,  et  qu'il  avait 
été  délivré  d'une  manière  miraculeuse;  le 
plus  grand  nombre  croient  que,  parla  gueule 
du  lion,  l'apôtre  a  seulemeni  entendu  ïa  per- 
sécution de  Néron,  par  l'ordre  duquel  il  lut 
mis  à  mort  l'année  suivante. 

Paul  (  saint),  premier  ermite;  ordre  établi 
sous  son  nom.  Voy.  Ermites. 

PAULIANlSTEs.  Voy.  Samosatiens. 

PAULICIENS.  Voy.  Manichéens. 

PAUi.IN  (sanit),  évêq  le  de  Noie  dans  la 
Campanie,  a  été  fort  estimé  de  -aint  Augus- 
tin, et  ne  lui  a  survécu  que  d'un  an;  il  est 
mort  l'an  431,  âgé  de  soixant-iiix-hu.it  ans. 
Ou  a  de  lui  des  poëmes  1 1  des  lettres  o\i  bril- 
lent la  foi  la  i)lus  pure  et  une  tendie  piété. 
Mosheim  dii  i[ue  ses  écrits  no  méritent  ni 
louange  niblime;  c'est  déjà  beaucoup  qu'un 
protestant  ne  iiouve  lieii  à  blâmer  dans  un 
Père  de  l'Eglise.  Basnage  prétend  qu'il  était 
mauvais  théologien,  p.vrce  qu'il  croyait  l'in- 
tercession des  saints.  Les  OEuvres  de  saint 
Paulin  ont  été  imijrimées  à  Paris  en  1658, 
in-8",  et  réimprimées  à  Vérone  en  173G.  Il 
ne  faut  pas  le  confondre  avec  saint  Paulin, 
p  triarclie  d'Aquilée,  qui  n'a  vécu  qu'au  viu* 
siècle,  sous  le  règne  de  Cliarlemagne  ;  ce- 


1553 


PAU 


PAU 


1354 


lui-ci  écrivit  contre  les  erreurs  d'Elipan  et 
de  Félix  d'Urgel.  On  a  réimprimé  ses  ouvra- 
ges à  Venise  en  1737,  in-folio. 

PAUVRE.  Dans  tous  les  temps  Dieu  a  or- 
donné d'assister  les  pauvres.  Sous  la  loi  de 
nature,  le  saint  homme  Job  se  félicitait  d'a- 
voir été  le  père  des  pauvres,  le  consolateur, 
le  soutien,  le  défenseur  de  tous  ceux  qui 
souffraient  ;  son  livre  est  rempli  de  senten- 
ces et  de  maximes  qui  inculquent  ce  devoir 
d'humanité.  Dans  la  loi  de  Moïse,  Dieu  l'a- 
vait commandé  rigoureusement  ;  il  voulut 
que  les  pauvres  fussent  appelés  aux  repas 
que  l'on  faisait  par  religion,  après  les  sacri- 
fices et  dans  les  fêtes  ;  qu'en  recueillant  les 
fruits  de  la  terre  on  laissât  quelque  chose 
pour  eux  ( Ieri7.  XIX,  9,  etc.);  que,  d;ms 
l'année  sabbatique  et  au  jubilé,  on  eût  soin 
de  pourvoir  à  leur  subsistance.  Le  saint 
homme  Tobie  était,  parmi  les  Juifs,  ce  que 
Job  avait  été  parmi  les  patriarches.  Daniel 
exhortait  Nabuchodonosor  à  racheter  ses  pé- 
chés par  des  aumônes;  les  autres  prophètes 
reprochent  aux  Juifs  de  n'avoir  pas  été  as- 
sez fidèles  à  remplir  ce  devoir.  Jésus-Christ, 
dans  l'Evangile,  a  répété  les  mômes  leçons  ; 
il  dit  :  Bienheureux  ceux  qui  font  miséricor- 
de, parce  qu'ils  lu  recevront  eux-mêmes  [Malth. 
V,  7)  ;  et  l'on  sait  que,  dans  l'Ecriture  sainte, 
la  7WiS('ricorrfe  signifie  ordinairement  la  com- 
passion envers  ceux  qui  souffrent.  L'aumône 
est  celle  des  bonnes  œuvres  que  les  apôtres 
recommandent  le  plus  souvent,  et  il  est  cons- 
tant que  la  charité  des  premiers  chrétiens 
contribua  plus  que  toute  autre  chose  h  la 
propagation  du  christianisme.  Chez  la  plu- 
part des  païens,  les  paiirres  étaient  regardés 
comme  les, objets  delà  colère  du  ciel.  Jé- 
sus-Christ commença  son  Evangile  par  cette 
sentence  remarqualjle,  bienheureux  les  pau- 
vres d'esprit,  c'est-à-dire  \es pauvres  contents 
de  leur  état,  qui  n'en  rougissent  ni  n'en 
murmurent,  qui  ne  désirent  pas  plus  de  ri- 
chesses que  Dieu  n'a  voulu  leur  en  donner; 
c^est  à  eux  et  pour  eux  au' est  le  royaume  des 
deux,  ce  sont  de  tous  les  hommes  les  plus 
propres  à  composer  mon  Eglise  qui  est  la 
voie  du  bonheur  éternel.  11  est  im|)0ssible 
que  dans  les  sociétés  les  mieux  policées  il 
n'y  ait  un  grand  nombre  de  pauvres  ;  tous 
les  hommes  ne  sont  pas  également  propres 
au  travail,  tous  n'ont  jias  reçu  de  la  nature 
le  même  degré  de  santé,  de  force,  de  cou- 
rage, d'industrie,  de  prévoyance,  d'économie; 
la  plupart  ne  sont  capables  que  de  travaux 
peu  lucratifs  ;  les  maladies,  les  accidents, 
une  nombreuse  famille,  la  fatigue,  la  vieil- 
lesse, ne  peuvent  donc  manquer  de  les  ré- 
duire à  la  mendicité  et  de  les  rendre  k  charge 
au  public.  Lorsque  nos  i)hilosophes  écono- 
mistes et  politiques  se  sont  vantés  de  créer 
des  plans  qui  banniraient  des  villes  et  des 
campagnes  la  pauvreté  et  ses  conséquences, 
ou  ils  se  sont  fait  illusion  à  eux-mêmes,  ou 
ils  ont  voulu  éblouir  les  ignorants. Lorsqu'ils 
ont  décrié  l'aumône  et  les  hôpitaux,  ils  ont 
montré  autant  d'ineptie  que  d'inhumanité. 
Yoy.  Aumône,  Hôpital. 

Pauvres  catholiques,  nom  de  certains  rc- 
DicTioNs,  PB  Théol.  dogmatique.   IIL 


ligieux.  C'était  une  branche  des  vaudois  ou 
pauvres  de  Lyon,  qui  se  convertirent  l'an 
1207  ;  ils  formèrent  une  congrégation  qui  se 
répandit  dans  les  provinces  méridionales  de 
la  France,  qui  s'accrut  par  la  conversion  de 
quelques  autres  vaudois,  et  qui  se  fondit, 
l'an  1-236,  dans  celle  des  ermites  de  saint 
Augustin.  Uélyot, Histoire  des  Ordres  monast. 
(édit.  Migne). 

Pauvres  de  la  Mère  de  Dieu,  autre  con- 
grégation fondée  en  155C,parungentilhonime 
espagnol,  nommé  Jose|)li  Cazalan/a.  L;'ur 
première  occupation  fut  de  tenir  les  petites 
écoles  dans  les  campagnes  ;  dans  la  suite  ils 
s'établirent  dans  les  villes  ;  ils  y  enseignè- 
rent les  humanités,  les  langues  anciennes, 
la  théologie,  la  philosophie  et  les  mathéma- 
tiques, ils  ont  été  protégi's  jusqu'à  nos  jours 
par  les  souverains  pontifes;  ils  portent  le 
mômehabit  que  les  jésuites,  qui  est  celui  des 
prêtres  espagnols,  excepté  que  leur  manteau 
ne  descend  que  jusqu'aux  genoux. Ils  sont  au 
nombre  des  mendiants.  Hélyot,  ibid. 

Pauvres  volontaires,  ordre  religieux  qui 
parut  vers  la  fin  du  xiV  siècle  ;  ceux  qui  y 
étaient  eng.igés  prirent  la  règle  de  saint  Au- 
gustin en  1470.  Ils  étaient  tous  laïciues  et  ne 
recevaient  point  de  prêtres  ;  la  plupart  ne 
savaient  pas  lire;  ils  travaillaient  de  did'é- 
rents  métiers,  servaient  les  malades,  enter- 
raient les  morts,  ne  possédaient  rien  et  vi- 
vaient d'aumônes  ;  ils  se  relevaient  la  nuit 
pour  prier,  etc.  Cet  ordre  ne  subsiste  plus. 
Hélyot,  ibid. 

PAUVRETÉ  RELIGIEUSE  ET  VOLON- 
TAIRE. La  maxime  de  Jésus-Chiist,  bien- 
heureux les  pauvres,  l'exemple  de  ce  divin 
Maître  et  des  apôtres,  qui  ont  renoncé  à  tout 
pour  prêcher  l'Evangile,  ont  engagé  une  in- 
finité de  chrétiens  fervents  à  embrasser  le 
même  genre  de  vie,  et  le  vœu  de  pauvreté 
est  devenu  partie  essentielle  de  la  profes- 
sion religieuse.  L'Eglise  y  a  donné  son  ap 
probalion  ;  Dieu  lui-même  semble  l'avoir  au- 
torisé par  le  don  des  miracles  qu'il  a  daigné 
accorder  à  plusieurs  de  ces  pauvres  volon- 
taires, et  par  les  conversions  qu'ils  ont  opé- 
rées; il  s'est  trouvé  des  circonstances  dans 
lesquelles  la  pratiqued'uney^awrrc^^  absolue 
était  nécessaire  pour  exercer  avec  fruit  les 
fonctions  apostoliques.  Sans  faire  attention 
au  temps,  aux  événements,  aux  besoins  de 
l'Eglise,  les  protestants  ont  condamné  ce 
vœu  et  l'ont  tourné  en  ridicule  ;  le  vœu  de 
pauvreté,  disent-ils,  est  /e  vœu  d'oisiveté  et 
de  subsister  aux  dépens  d'autrui  ;  ils  ont 
rappelé  le  souvenir  des  disputes  auxquelles 
ils  ont  donné  lieu  parmi  les  franciscains,  et 
dont  le  bruit  retentit  dans  toute  l'Europe  au 
xiv'  siècle.  Sans  doute  les  protestants  ne 
prévoyaient  pas  que  les  incrédules  tourne- 
raient contre  If's  apôtres  mêmes  les  sarcas- 
mes qu'ils  lançaient  contre  le  vœu  de  pauvreté 
des  moines;  voilà  cependant  ce  qui  est  arrivé, 
et  cela  prouve  qu'il  ne  faut  pas  blâmer  une 
chose  louable  en  elle-même,  parce  qu'il  en 
peut  résulter  des  abus.  Lorsque  les  anciens 
moines  ont  embrassé  une  vie  pauvre,  loin  de 
se  livrer  à  l'oisiveté  et  à  la  mendicité,  ils  ont 

^3 


ISSS 


PEC 


PEC 


1356 


trouvé  dans  le  travail  de  leurs  mains,  non- 
seulement  leur  subsistance,  mais  encore  de 
quoi  faire  l'aumône.  Après  la  dévastation  de 
lEuroiie  par  les  barbares,  les  moines  ont 
défriché  des  lieux  incultes;  la  continuité  de 
ce  travail  ne  pouvait  manquer  de  les  enri- 
chir ;  mais  alors  les  monastères  furent  la 
seule  ressource  des  peU[iles  dépouillés,  es- 
claves et  malheureux.  Après  la  chute  du 
clergé  séculier,  ils  ont  été  obligés  de  renon- 
cer au  travail  manuel,  pour  prendre  le  soin 
des  paroisses  abandonnées  et  le  gouverne- 
ment des  Ames  ;  ce  n'était  pas  là  se  dévouer 
à  l'oisiveté  ni  k  la  mendicité.  Au  xii*  siècle, 
lorsqu'il  fallut  travailler  à  la  conversion  des 
albigeois,  des  vaudois,  des  pétrobrusiens, 
des  beggards,  des  apostoliques,  etc.,  les  hé- 
rétiques entêtés  ne  voulaient  écouler  que  des 
prédicateurs  aussi  pauvres  que  les  apôtres; 
pour  les  contenter,  il  se  forma  des  ordres 
mendiants.  Aujourd'hui  encore  les  mission- 
naires qui  veulent  se  faire  écouter  des  Sia- 
mois sont  forcés  d'imiter  la  pauvreté  absolue 
de  leurs  talapoins.  Jusqu'ici  nous  ne  voyons 
ni  désordres  ni  abus.  Voy.  Mendiants. 

Pour  prêcher  avec  fruit,  il  fallait  avoir  fait 
des  études;  les  mendiants  furent  donc  obli- 
gés de  fréquenter  les  écoles  :  s'ils  y  ont  con- 
tracté les  défauts  qui  y  régnaient  pour  lors  ; 
si,  dans  les  contestations  qu'ils  ont  eues  en- 
tre eux  touchant  la  pauvreté  religieuse,  ils 
ont  mis  la  même  chaleur  et  la  même  opiniâ- 
treté que  l'on  a  remarquées  dans  toutes  les 
disputes  scolastiques,  il  y  a  de  l'injustice  à 
leur  en  faire  un  crime  personnel.  Il  s'agis- 
sait de  savoir  si  un  religieux,  qui  à  fait  vœu 
de  pauvreté,  a  encore  la  propriété  des  choses 
qui  sont  à  son  usage,  si  cette  propriété  ap- 
)artient  îi  l'ordre  entier,  ou  si  elle  est  dévo- 
ue à  l'Eglise  romaine.  Question  frivole  et 
qui  ne  méritait  pas  de  causer  un  schisme 
parmi  les  franciscains.  Mais  on  â  vu  chez  les 
protestants  des  schismes  pour  des  questions 
tpii  n'étaient  guère  plus  graves  :  pour  savoir 
si  la  philosophie  est  utile  ou  nuisible  à  la 
théologie;  si  les  bonnes  œuvres  sont  un 
moyen  de  salut  ou  seulement  un  signe  et  un 
effet  de  la  foi  ;  si  le  péché  originel  est  la 
substance  môme  de  l'homme  ou  un  accident 
de  cette  substance,  etc.  Ce  n'est  donc  pas 
aux  protestants  qu'il  convient  de  reprocher 
des  schismes  et  des  disputes  aux  autres. 
Histoire  de  VEglise  GalL,  t.  XIII,  1.  37, 
an  132-2. 

PAÏEN.  Voy.  Paganisme. 

PÉCHÉ.  Ce  mot  dans  l'Ecriture  sainte  a 
divers  sens  :  1°  il  signilie  une  transgression 
de  la  loi  divine,  soit  en  matière  grave  soit  en 
matière  légère.  C'est  dans  ce  sens  que  nous 
en  parlerons  ci-après.  2"  Il  désigne  la  peine 
du;)^(7i^(  Gen.  iv,  7  )  :  «  Si  tu  fais  mal,  ton 
péché  s'ensuivra,  »  c'est-à-dire,  tu  en  porte- 
ras la  jieine  ;  c.  xx,  v.  9,  Abimélech  dit  à 
Abraham  :  «  Vous  avez  attiré  sur  nous  un 
grand  péché,  »  c'est-ù-ilire  un  grand  châti- 
ment. 3°  11  signilie  un  vice,  un  défaut  :  la 
concuniscence  est  appelle  un  péché,  parce 
que  c'est  un  eUet  du  péché  d'Adam,  un  vice 
de  la  nature,  qui  nous  porte  au  péché  ;  ainsi 


l 


l'explique  saint  Augustin.  Lmt.,c.w\,\.  6 
et  8  ;  c.  XIV,  v.  19,  les  impuretés  légales  sont 
appelées  des  péchés.  h°  11  exprime  la  victime 
offerte  pour    l'expiation  du  péché  :  II  Cor.^ 
c.  V,  V.  21,  il   est  dit  que  Dieu  a  fait  péché 
pour  nous,  c'est-à-dire  victime  du  pèche,  ce- 
lui qui  ne  connaissait  pas   le  péché.  Osée,  c. 
IV,  V.  8,  «  Ils  mangeront  les  péchés  du  peu- 
ple, »   c'est-à-dire  les  victimes.  Saint  Jean, 
dans    sa  première  épUre,  c.  v,  v.  16,  parle 
d'un   péché  qui  est  à  la  mort  ;   il  paraît  que 
c'est  l'idol/îtrie,  parce  que  la   loi  do  Moïse 
condamnait  à  la  mort  l'homme  coupable   de 
ce  crime,  et  l'apôtre  finit  sa  lettre  en  exhor- 
tant les  fidèles  à  s'en  préserver.  Le  péché,  ou 
le  blasplième  contre  le  Saint-Esprit,  est  l'ou- 
trage que  fait  au  Saint-Espritunhommequi, 
contre  sa  conscience,  attribue  à  l'opération 
du  démon  des  miracles  qui  sont  évidemment 
les   effets  de  la  puissance  divine  :  c'est  le 
comble  de  l'impiété.  Jésus-Christ  dit  que  ce 
crime   ne   sera  remis  ni  en  ce  monde  ni  en 
l'autre  [Mallh.  xii,  31  )  ;  saint  Augustin   dit 
que  c'est  l'impénitence  finale  ou  la  persévé- 
rance obstinée  dans  le  pecA^  jusqu'à  la  mort. 
Retract. ,\\h.  i,  c.  xix,  etc.  Saint  Fulgence  a 
pensé  de  même,  1.  de  Fide  ad  Petr.,   c.  m. 
Le  péché,  pour  l'expiation  duquel  saint  Paul 
dit  qu'il  ne  reste  plus  de  victime,  est  l'apo- 
stasie {Ilebr.  X,  26  ).  Voyez  la  Bible  d'Avi- 
(jnon,\..  XllI,  p.  350. 

Avant  de  parler  des  différentes  espèces  de 
péché,  il  y  a  une  ou  deux  questions  à  résou- 
dre touchant  le  péché  en  général.  Les  incré- 
dules demandent  d'abord  en  quel  sens  nos 
péchés  peuvent  offenser  Dieu  :  nous  leur 
avons  répondu  au  mot  Offense.  Une  diffi- 
culté plus  considérable  est  de  savoir  si  Dieu 
peut  être  dans  aucun  sens  la  cause  du  péché; 
s'il  peut  faire  tomber  un  homme  dans  le  pé' 
ché,  afin  de  le  punir  de  quelques  autres 
péchés  qu'il  a  commis.  Plusieurs  passages  de 
l'Ecriture  sainte  semblent  le  supposer  ainsi. 
II  Reg.,  c.  XII,  11,  Nathan  dit  à  David  de  la 
part  de  Dieu  :  «  Je  vous  punirai  par  votre 
propre  famille,  »  et  bienlôl  après  arriva  la 
révolte  d'Absalon  son  fils,  c.  xvi,  v.  10. 
David ,  insulté  [lar  Sémei  dit  :  «  Laissez-le 
faire.  Dieu  lui  a  ordonné  de  m'injurier.  » 
m  Rcg.,  c.  XII,  v.  15,  nous  lisons  que  Dieu 
avait  [iris  en  aversion  Roboam,  afin  d'accom- 
plir les  malheurs  que  le  prophète  Ahias  avait 
prédits. i?)td.,c.xxn,v. 21,  un  esprit  malin  dit 
au  Seigneur  :  Je  serai  un  esprit  menteur  dans 
la  bouche  des  prophètes  ;  Dieu  lui  répond: 
Va  et  fais.  Job,  c.  xii,  v.  2k,  dit  que  Dieu 
ciiange  le  cœur  des  princes  et  les  trompe; 
qu'il  les  jette  dans  l'erreur.  P».  civ,  v.  25, 
le  Psalmisle  prétend  que  Dieu  changea  le 
cœur  des  Egyptiens,  pour  qu'ils  eussent  de 
la  haine  contre  son  peuple.  Dans  Isaïe,  c. 
Lxiii,  v.  17,  les  Israélites  disent  au  Seigneur  : 
«  Pourquoi  nous  avez-vous  égarés  hors  de 
vos  voies  ?  Vous  avez  endurci  notre  cœur, 
aliu  qup.  nous  no  vous  craignissions  plus.  » 
Dans  Ezéchiel,  c.  xiv,  v.  9,  le  Seigneur  uit 
lui-même  :  «  Lorsqu'un  prophèie  se  trom- 
peia,  c'est  moi  qui  lai  trompé.  »  On  voit  la 
môme    chose  dans  plusieurs    endroits  du 


1357 


PEC 


PEC 


1558 


Nouveau  Testament.  Matth.,  c.  vi,  v.  13, 
Jésus-Christ  appreml  à  ses  disciples  î»  dire  à 
Dieu  :  Ne.  nous  induisez  point  en  tentation  ; 
cette  prière  suppose  que  Dieu  peut  nous  y 
induire  et  nous  porter  au  mal.  Saint  Mat- 
thieu dans  tout  son  Evangile  suppose  que 
plusieurs  crimes  sont  arrivés,  atîn  d'accom- 
I)li;  ce  que  les  prophètes  avaient  pr(5dit  ; 
eonjme  le  mcurtredes  innocents,  l'incrédulité 
des  Juifs,  les  outrages  faits  ^t  Jésus-Christ,, 
etc.  Rom.,  c.  i,  v.  2(),  saint  Paul  prétend  que 
Dieu  a  livré  les  philosophes  î»  oes  passions 
honteuses  et  à  un  sens  réprouvé  ;  ibid.,  c.  v, 
V.  20,  il  dit  i]uv  la  loi  .incienne  est  survenue 
afin  que  le  p('ch(!  filt  abondant.  //  Thess.,  c. 
u,  V.  10,  il  prédit  qu(>  Dieu  enverra  aux:  pé- 
cheurs une  opération  d'erreur,  alin  qu'ils 
croient  au  mensonge,  etc. 

Saint  Augustin  a  cité  tous  ces  passages, 
et  il  s'en  est  servi  pour  prouver  aux  péla- 
giens  qu'un  uiéuie  vice  peut  être  tout  à 
la  fois  un  péché,  et  la  pfine  d'un  autre 
péché,  1.  V,  contra  Jnlinn.,  c.  3  ,  n.  8;  il 
donne  pour  exemple  l'aveuglement  des  Juifs 
et  la  concupiscence  qui  est  en  nous  :  n.  11, 
«  Autre  chose  est,  dit-il,  d'avoir  do  mauvais 
désirs  dans  le  cœur,  et  autre  chose  d'y  être 
livré  afin  d'en  ^'tre  posséda'- en  y  consentant  ; 
c'est  ce  qui  arrive  à  un  homme,  lorsqu'il  y 
est  livré  par  un  jugement  de  Dieu.  N.  12, 
lorsqu'il  est  dit  qu'un  homme  est  livré  à  ses 
désirs,  il  devient  coupable,  parce  qu'aban- 
donné de  Dieu,  il  y  cède  et  y  consent 

D'ofi  il  est  clair  que  la  perversité  du  cœur 
vient  d'un  secret  jugement  di'  Dieu.  »  N.  13, 
Julien  soutenait  que  ceux  dont  parle  saint 
Paul  ont  été  laissés  à  eux-rnémcs  par  la  pa- 
tience de  Dieu,  et  non  poussés  au  mal  par 
sa  puissance  ;  saint  Augustin  lui  répond  : 
«  L  apOtre  a   a:is  l'un  et  l'autre,  la  patience 

et  la  puissance Entendez-le   comme    il 

vous  plaira.»  L.  deGrat.  et  lib.  Arb.,  c.  20  , 
n.  43,  il  dit  que  Dieu  incHna  la  mauvaise  vo- 
lonté de  Sémei  au  péché  qu'il  commit ,  qu'il 
jeta  ou  y  lais,^a  touibi-r  son  mauvais  cœur  : 
cor  eJHs  malum  in  hoc  peccatum  misit  vel  dimi- 
sit.  il  (lit  que  Dieu  opéra  sur  b^  cœur  d'Ab- 
salon,  [lour  qu'il  rejetât  le  bon  conseil  d'A- 
chitophel  ;  n.  Vi,  que  le  changement  du  cœur 
de  Roboam  vient  du  Seigneur  ;  que  Dieu 
opéra  siu'  le  cœvir  d'Amasia:>,  pour  qu'il 
n'écoutjVt  point  un  conseil  salutaire.  N.  43, 
saint  Augustin  en  tire  cette  conclusion  :  «  De 
là  il  est  clair  que  Dieu  opère  sur  le  cœur  des 
hommes  pour  incliner  leur  volonté  soit  au 
bien,  par  sa  miséricorde,  soit  au  mal,  sui- 
vant leur  mérite.  »  Lorsque  Julien  lui  repré- 
sente que  cette  conduite  de  Dieu  est  injuste, 
le  saint  doctenr  lui  ferme  la  bouche  par 
cette  maxime  :  «  11  ne  faut  pas  douter  que 
Dieu  ne  soit  juste,  lors  môme  qu'il  fait  ce 
qui  nous  parait  injuste,  et  ce  qu'un  homme 
ne  pourrau  faire  sans  injustice.  Op.  impcrf., 
1.  ni,  n.  34.  C'est  ce  qui  a  déterminé  Luther, 
Calvin,  MélauclUon,  à  soutenir  (pie  Dieu  al 
la  cause  des  péchés  aussi  bien  que  des  bon- 
nes œuvres,  et  Jjnsénius,  à  i>rctendre  que 
l'homme  pèche  même  en  f)!saut  ce  qu'il  ne 
j>eut  pas  éviter.  Les  manichéens  et  les  mar- 


cionites  abusaient  de  ces  notions  jioui  rendre 
méprisables  les  écrivains  de  l'Anri.'u  Tesîa- 
mont,  et  les  incrédules  s'en  prévalent  encore 
pour  rendre  la  religion  ridicule  et  odieuse. 

Aux  mots  Cause  et  Emduucissement,  nous 
avons  déjà  expliqué  uue  partie  des  passages 
que  nous  venons  de  citer;  mais  snr  une 
matière  aussi  importante,  nous  ne  devons 
pas  craindre  de  répéter,  puisque  nous  avons 
tant  d'adversaires  qui  renouvellent  les  mèmef 
objections. 

I""  Nous  avons  fait  voir  que  souvent  l'Ecri- 
ture sainte  représente  coieime  cause  ce  qui 
n'est  qu'occflsfo;),,  et  semble  attribuer  îi  un 
dessein  formel  ce  qui  arrive  contre  l'inten- 
tion même  de  celui  qui  agit  ;  nous  avons 
montré  en  même  temps  que  ce  n'est  point 
là  un  hébraisme  ou  une  façon  de  parler  par- 
ticulière auxécrivains  sacrés,  mais  un  usage 
commun  à  toutes  les  langues,  même  à  la 
nôtre.  Ainsi,  lorsque  nou.s  lisons  que  Dieu 
aveugle  et  endurcit  les  pécheurs,  qu'il  agit 
sur  h'ur  cœur  pour  les  rendre  méchants, 
cela  signifie  seulement  que  sa  patience  et 
ses  bienfaits  sont  pour  eux  une  occasion 
d'ingratitude,  d'aveuglement  et  d'endurcis- 
sement ;  ainsi  la  prospérité  que  Dieu  accorda 
aux  Israélites  en  Egypte  servit  à  exciter  la 
jalousie  des  Egyptiens,  et  à  leur  inspirer  de 
la  haine  contre  son  peuple  ;  c'est  dans  ce 
sens  que  Dieu  tourna  leur  cœur,  pour  y  met- 
tre ce  sentiment  ;  ainsi  l'a  expliqué  saint 
Augustin  lui-même,  Enarr.  in  Ps.  civ,  25. 
Une  preuve  que  c'est  là  le  sens,  c'est  que 
Dieu  se  plaint  en  jiareil  cas  de  la  malice  et 
de  l'ingratitude  des  hommes.  Isaï.,  c.  xliii, 
v.  24,  il  dit  aux  Juifs  :  «  Vous  m'avez  fait 
servir  à  vos  iniquités,  »  c'est-à-dire,  vous 
vous  êtes  servis  de  mes  propres  bienfaits 
pour  m'offenser.  Dieu  pourrait-il  s'en  plain- 
dre, si  c'avait  élé  son  dessein  ?  Lorsque 
nous  disons  qu'un  bienfaiteur  fait  des  ingrats, 
nous  n'entendons  pas  qu'il  leur  inspire  l'in- 
gratitude de  propos  délibéré. 

Dans  ces  sortes  de  cas,  le  mot  ul  que  nos 
versions  rendent  par  afin  de  ou  afin  que, 
qui  semble  marquer  l'intention,  serait  beau- 
coup mieux  ren  lu  par  de  manière  que  :  ainsi, 
///  Reg.,  c.  XII,  v.  15,  Dieu  laissa  Roboam 
se  conduire  de  naniêre  qu'i\  fit  arriver  les 
malheurs  qui  avaient  été  prédits  par  Ahias. 
Matth.  c.  XXVI,  V.  56,  Jésus-Christ  repro- 
chant aux  Juifs  la  manière  indigne  dont  ils 
se  saisissent  de  lui,  leur  dit:  «  Tout  cela  se 
fait  de  manière  que  les  prédictions  des  pro- 
phètes sont  accomplies,  »  et  non  afin  de  les 
accomplir  onpour  les  accomplir  ;  ce  n'était 
certainement  pas  l'intention  des  Juifs.  Nous 
faisons  le  même  usage  du  moi  pour,  lorsque 
nous  disons  d'un  militaire  tué,  qu'il  s'était 
enrôlé  pour  se  Taire  tuer,  ou  d'un  auteur, 
qu'il  a  beaucoup  travaillé  po«r  faire  de  mau- 
vais ouvrages.  Les  tia^lucteu  s  français  des 
épîtres  de  saint  Patd  font  cette  équivoque, 
lorsi|u'ils  diicnt  que  la  loi  anci.'une  est  st:v- 
venue  pour  donner  lieu  à  l'abondance  du 
péché  {Rom.  v,  20).  Saint  Augustin  les  e 
avait  sufilîamment  avertis,  1.  xix,  contra 
Faust,,  C.7;  Tract.  3  iaJoan.,  ci,  n.ll,  etCi' 


1359 


PEC 


PEC 


1560 


ils  devraient  s'en  corriger.  On  pourrait  dire 
dans  le  môme  sens  que  la  connaissance  de  l'E- 
vangile semble  n'avoir  été  donnée  à  certains 
hommes  que  pour  les  rendre  plus  coupables. 
2°  Nous  avons  observé  que,  dans  toutes  les 
langues,  on  dit  qu'un  homme  fait  tout  le 
mal  qu'il  laisse  faire  lorsqu'il  pourrait  l'em- 
pêcher, et  que  l'Ecriture  sainte  s'exprime  de 
môme  à  l'égard  de  Dieu  ;  ainsi,  il  est  dit  que 
Dieu  aveugle,  endurcit,  trompe,  égare  les 
hommes  lorsqu'il  les  laisse  se  tromper,  s'é- 
garer, s'aveugler,  s'endurcir;  et  cela  signifie 
seulement  qu'il  ne  les  en  empoche  point, 
lorsqu'il  pourraitle  faire,  enleur  donnant  des 
grâces  plus  fortes  et  plus  abondantes.  Par 
conséquent  au  lieu  de  lire  dans  Isaie,  c.  lxiii, 

V.  17,  vous  nous  avez  égarés,  etc.,  il  faut 
lire  :  «  Vous  nous  avez  laissés  nous  égarer 
et  endurcir  notre  cœur,  de  manière  que  nous 
ne  vous  craignons  plus.  »  La  preuve  de  ce 
sens  est  dans  l'Ecriture  même  [Deut.  x,  16, 
et  XV,  7)  ;  Moïse  dit  aux  Israélites  :  «  Vous 
n'endurcirez  point  vos  cœurs  ;  »  et  le  Psal- 
miste,  Ps.  xciv,  v.  8  :  «  N'endurcissez  point 
vos  cœurs ,  comme  ont  fait  vos  pères.  » 
Après  avoir  dit  que  Dieu  endurcissait  Pha- 
raon, l'historien  sacré  ajoute  que  Pharaon 
aggravait  ou  appesantissait  son  propre  cœur 
(Exod.  vui,  15).  C'est  ainsi  que  l'entend 
saint  Augustio;  nous  avons  cité  ce  qu'il  en 
a  dit  au  mol  Endurcissement.  «  Dieu  aveu- 
gle.et  endurcit,  dit-il,  non  en  donnant  de  la 
malice  au  pécheur,  mais  en  ne  lui  faisant 
pas  miséricorde...,  non  en  l'excitant  au  mal, 
ou  en  le  lui  suggérant,  mais  en  l'abandon- 
nant, ou  en  ne  le  secourant  pas.  »  Epis. 
cxciv,  ad  Sixtum,  c.  iv,  n.  2k;  Enarr.  in 
Ps.  Lxvii,  n.  30;  Tract.  53  in  Joan.,  n.  vi, 
1.  i;  adSimptic,  q.  2,  n.  15;  L.  de  Nat.  cl 
Grat.,  c.Ti\ni,n.  23,  etc.  Dieu  trompe  les  faux 
prophètes  [Ezech.  xiv,  v.  9),  lorsiju'il  accom- 
plit ses  desseins  d'une  manière  tout  oppo- 
sée à  leurs  espérances  et  à  leurs  prédictions, 
mais  c'est  leur  faute  et  non  la  sienne.  Il 
permet  à  l'esprit  de  mensonge  de  se  placer 
dans  leur  bouche  ;  il  leur  permet  à  eux- 
mômes  de  tromper  ceux  qui  veulent  les 
écouter;  mais  une  simple  permission  n'est 
pas  un  ordre  positif,  quoique  l'un  s'expri- 
me comme  l'autre.  Voy.  Permission.  Dieu 
n'est  pas  obligé  de  donner  des  lumières  sur- 
naturelles et  l'esprit  de  prophétie  à  ceux  qui 
ne  1  s  lui  demandent  pas,  et  môme  qui  les 
rejettent  et  y  résistent.  C'est  en  cela  que 
consiste  l'opération  d'erreur  que  Dieu  en- 
voie à  ceux  qui  veulent  se  tromper  eux- 
mêmes,  de  manière  qu'ils  ajoutent  foi  au 
mensonge  qui  les  flatte  et  non  aux  vérités 
qui  leur  déplaisent  (//  Thessal.  u,  10).  Après 
avoir  cité  les  paroles  de  saint  Paul,  Dieu  les 
a  livrés  à  un  sens  réprouvé,  saint  Augustin 
ajoute  :  «  Tel  est  l'aveuglement  de  l'esprit  ; 
quiconque  y  est  livré  est  privé  de  la  lumière 
intérieure  de  Dieu ,  mais  non  entièrement, 
tant  qu'il  est  en   cette  vie  ;  »  Enarr.  in  Ps. 

VI,  n.  8.  Cette  restriction  est  remarquable; 
elle  |)rouve  que  saint  Augustin  n'a  pas  pen- 
sé ([u'un  pécheur  fiU  jamais  entièrement 
privé  de  la  grâce. 


3°  Nous  avons  encore  remarqué  que,  dans 
le  langage  des  livres  saints,  comme  dans  le 
nôtre,  délaisser,  négliger,  oublier,  abandon 
ner,  ne  se  disent  pas  toujours  dans  un  sens 
absolu,  mais  par  comparaison  ;  Dieu  est 
censé  abandonner  quelqu'un  lorsqu'il  ne  lui 
accorde  pas  autant  de  grâces  qu'il  le  faisait 
autrefois,  ou  qu'il  ne  lui  en  donne  pas  au- 
tant qu'il  en  distribue  à  d'autres,  ou  qu'il  ne 
lui  en  donne  pas  d'aussi  puissantes  qu'il  le 
faudrait  pour  vaincre  sa  résistance  ;  et  l'E- 
criture dit  que  Dieu  hait,  rejette,  réprouve 
ceux  qu'il  punit  ainsi.  Dans  ce  sens.  Dieu, 
parlant  de  la  postérité  de  Jacob  et  de  celle 
d'Esaù,  dit  {Malach.  i,  3):  J'ai  aimé  Jacob, 
et  j'ai  haï  Esaii,  Voy.  Haine,  Haïr.  De  même 
lorsqu'un  père  témoigne  beaucoup  plus  de 
tendresse  à  son  fils  aîné  qu'au  cadet,  nous 
disons  que  celui-ci  est  délaissé,  négligé, 
abandonné,  pris  en  aversion,  etc.  Les  incré- 
dules ont  donc  tort  de  se  scandaliser  ,  lors- 
qu'il est  dit  dans  l'Ecriture  sainte,  que  Dieu 
aime  les  justes  et  qu'il  hait  les  pécheurs  ; 
qu'il  a  choisi  les  Juiîs  et  qu'il  a  réprouvé  les 
autres  nations  :  cela  signifie  seulement  qu'il 
fait  moins  de  grâces  aux  pécheurs  qu  aux 
justes,  et  qu'il  en  a  plus  accordé  aux  Juifs 
qu'aux  autres  peuples.  C'est  dans  ce  même 
sens  que  Dieu  avait  pris  en  aversion  Ro- 
boam,  Salomon  lui-môme,  lorsqu'il  devint 
idolâtre,  Achab,  etc.,  et  toute  la  nation  jui- 
ve, lorsqu'il  la  punissait. 

i°  S'il  restait  quelque  doute  sur  le  vrai 
sens  de  toutes  ces  façons  de  parler,  il  serait 
levé  par  les  passages  clairs  et  formels  de 
l'Ecriture  sainte,  qui  déclarent  que  Dieu  ne 
hait  aucune  de  ses  créatures,  qu'il  est  bon, 
miséricordieux,  indulgent  pour  tous  les  hom- 
mes ;  qu'il  fait  du  bien  à  tous ,  qu'il  en  a 
itié  comme  un  père  pour  ses  entants,  etc. 

e  saint  livre  répète  cent  fois  que  Dieu  n'est 
point  cause  du  péché,  qu'il  le  déteste  au  con- 
traire, qu'il  le  défend  et  le  punit,  qu'il  ne 
donne  heu  de  pécher  à  personne,  qu'il  n'é- 
gare et  n'induit  en  erreur  qui  que  ce  soit  ; 
qu'il  est  saint,  juste,  irrépréhensible  dans 
ses  jugements,  incapable  par  conséquent  de 
condamner  et  de  punir  des  péchés  dont  il 
serait  lui-môme  l'auteur.  Nous  avons  cité 
ailleurs  la  plupart  de  ces  passages.  Vaine- 
ment les  incrédules  répliquent  que  nos  livres 
saints  sont  donc  un  tissu  de  contradictions  ; 
ils  ne  le  sont  pas  plus  que  nos  discours  com- 
muns et  ordinaires.  S'il  fallait  retrancher  du 
langage  toutes  les  équivoques,les  métaphores, 
les  exfiressions  figurées,  les  idées  sous-en- 
tendues, les  termes  impropres,  etc.,  nous  se- 
rions condamnés  à  un  silence  absolu.  Souvent 
c'est  le  ton,  l'inflexion  de  la  voix,  le  geste, 
l'air  du  visage  qui  détermine  le  sens  de  ce 
que  nous  disons  ;  ce  secours  manque  dans 
les  livres.  Mais  si  nous  étions  aussi  fami- 
liarisés avec  le  style  des  écrivains  sacrés 
qu'avec  celui  de  nos  concitoyens ,  et  surtout 
avec  le  langage  populaire,  nous  ne  trouve- 
rions ]ias  plus  de  difficulté  à  entendre  les 
uns  que  les  autres. 

5°  Nous  avons  aussi  disculpé  plus   d'une 
fois  saint  .\ugu3tin  des  erreurs  que  les  hé- 


g 


1561 


PEC 


PEC 


1302 


rétiques  se  sont  obstinés  de  tout  temps  h.  lui 
attribuer  ;  et  nous  venons  de  voir  qu'il  a 
expliqué  dans  le  même  sens  que  nous  les 
passages  de  l'Ecriture  sainte  qui  semblent 
faire  le  plus  de  difficulté.  Il  est  donc  juste  de 
faire  K  son  égard  ce  qu'il  a  fait  à  l'égard  des 
écrivains  sacrés.  Dès  qu'il  s'est  une  fois 
expliqué  clairement  lorsqu'il  instruisait  de 
sang-froid,  pourquoi  insister  sur  quelques 
expressions  moins  exactes  qui  lui  sont 
échappées  dans  la  chaleur  delà  dispute  ?  Pour 
prendre  le  vrai  sens  des  passages  de  ce  saint 
docteur,  dont  nos  adversaires  se  prévalent , 
il  faut  savoir  quel  était  l'objet  de  la  dis- 
pute entre  lui  et  les  pélagiens.  Julien  soute- 
nait que  la  concupiscence  n'est  point  mau- 
vaise en  elle-même,  mais  un  don  naturel, 
utile  à  l'homme,  et  qui  vient  de  Dieu  ;  saint 
Augustin  prétendait  que  c'est  un  vice,  un 
effet  du  péché  d'Adam,  qu'elle  vient  de  Dieu 
comme  chAtiment  et  punition,  et  non  comme 
un  don  utile  ou  avantageux  à  l'homme.  Il 
l'appelle  constamment  un  péché,  parce  que 
saint  Paul  la  nomme  ainsi  ;  mais  puisqu'il 
est  évident  que  par  péché  saint  Paul  entend 
un  vice,  un  défaut,  une  dépravation  de  la 
nature,  et  non  une  faute  imputable  et  pu- 
nissable, il  est  absurde  de  vouloir  que  saint 
Augustin  l'ait  entendu  autrement ,  malgré 
une  déclaration  formelle  de  sa  part.  Yoy. 
Concupiscence. 

Julien  insistait  et  disait  :  Quand  la  concu- 
piscence serait  une  punition  et  un  châti- 
ment, il  ne  s'ensuivrait  pas  encore  qu'elle 
est  mauvaise  en  elle-même,  parce  que,  quand 
Dieu  punit  en  ce  monde,  il  le  fait  pour  le 
bien  de  l'homme,  et  non  pour  son  mal  ;  Dieu 
ne  peut  pas  être  cause  du  péché  :  il  n'a  donc 
pu  infliger  à  l'homme  une  peine  qui  soit 
péché  ni  cause  du  péché.  Saint  Augustin  ré- 
pond que  Dieu  a  pu  le  faire  et  qu'il  l'a  fait, 
et  il  le  prouve  par  les  passages  de  l'Ecriture 
sainte,  dans  lesquels  il  est  dit  que  Dieu 
aveugle,  égare,  endurcit  les  pécheurs  ;  or, 
dit  le  saint  docteur ,  cet  état  est  certaine- 
ment un  péché,  puisque  Dieu  en  reprend  les 
pécheurs  et  les  en  punit,  et  c'est  une  cause 
qui  les  entraine  à  de  nouveaux  péchés.  Ju- 
lien n'en  demeurait  pas  là;  il  répliquait  que 
s'il  est  dit  que  Dieu  a  rendu  les  pécheurs 
aveujiles  et  endurcis,  cela  signifie  seulement 
que  Dieu  a  usé  de  patience  à  leur  égard  et 
les  a  laissés  faire,  et  non  qu'il  les  a  poussés 
au  mal  par  sa  puissance.  Saint  Augustin  dit 
de  son  côté  que  l'apAtre  attribue  leur  état 
non-seulement  à  la  patience,  mais  à  la  puis- 
sance de  Dieu,  et  il  conclut  que  Dieu  agit  sur 
les  coeurs  et  sur  les  volontés,  et  qu'il  les 
tourne  soit  au  bien  par  sa  grâce,  soit  au  mal 
pour  les  punir  suivant  leur  mérite.  Mais 
nous  avons  vu  en  quel  sens  saint  Augustin 
l'explique  lui-même,  et  en  quoi  consiste  cet 
acte  de  puissance  sur  la  volonté  des  pé- 
cheurs ;  c'est  que  Dieu  leur  refuse  son  se- 
cours ou  la  grice ,  qui  seule  peut  clianger 
leur  volonté;  loin  de  supposer  une  action 
positive,  et  une  influence  formelle  de  Dieu 
sur  la  volonté  des  pécheurs  pour  les  pous- 
ser au  mal,  saint  Augustin  la  rejette  expres- 


sément ;  nous  avons  cité  ses  paroles  :  il  n'ad- 
met autre  chose  que  la  soustraction  de  la 
grâce,  et  non   encore  de  toute  grâce,  mais 
d'une  grâce  assez  forte  pour  vaincre  l'obsti- 
nation des  pécheurs  endurcis.  Voilà  juste- 
ment ce  que  Julien  ne  voulait  pas  avouer; 
en  pélagien  décidé,  il  ne  reconnaissait  ni  la 
nécessité  de  la  grâce  pour  faire  le  bien,  ni 
son   influence  sur  la  volonté   de   l'honinio 
pour  la  mouvoir;  selon  lui.  Dieu  ne  contri- 
Due  pas  |)lus  îi  une  bonne  action  de  l'homme 
qu'à  une  mauvaise;  il  le  laisse  user,  comme 
il  lui  plaît,  des  forces  de  son  libre  arbitre. 
Saint  Augustin,  qui  voulait  forcer  Julien  h. 
reconnaître  l'action  positive  de  la  grâce,  par 
conséquent  de  la  puissance  de  Dieu  sur  la 
volonté  de  l'homme,  appelait  aussi  acte  de 
puissance,  opération  de  Dieu  sur  le  cœur  de 
l'homme ,   le   refus  de  cet  acte  ou  de  celte 
opération;   mais,  encore  une  fois,  cette  ex- 
pression impropre  et  inexacte  était  expliquée 
ailleurs.  Le  saint  docteur  était  si  éloigné  de 
penser  autrement ,   qu'il   dit,  L.  de  spir.  et 
Lit. ,  c.   21 ,  n.  5'*  :  «  S'il   n'y   avait    dans 
l'homme  point  de  volonté  qui  ne  vînt  de 
Dieu,  il  s'ensuivrait  que  Dieu  serait  l'auteur 
des  péchés;  à  Dieu  ne  plaise  1  »  Etiam  pec- 
catorum  (quod  absit)  auctor  est  Deus,  si  non 
est  voluntas  nisi  ab  illo.  La  maxime  que  le 
.saint  docteur  oppose  à  Julien  touchant  la 
justice  de  Dieu,  pourrait  être  dangereuse; 
les   impies   pourraient  en   abuser  ;  mais  il 
s'est  mieux  exprimé  ailleurs,  Epist.  19i  ad 
Sixtum,  c.  VI,  n.  30:  «  Dans  les  réprouvés, 
dit-il.  Dieu  sait  condamner  l'iniquité,  et  non 
la  faire.  »  In  ps.  xlix,  n.  15  :  «  Dieu  n'exige 
de  personne  ce  qu'il  ne  lui  a  pas  donné;  et 
il  a  donné  à  tous  ce  qu'il  exige  d'eux  :  »  Non 
exigit  Deus  quod  non  dédit,  et  omnibus  dédit 
quod  exigit.    La  justice  de  Dii'U  est  donc  à 
couvert  de  reproche,  dès  qu'il  donne  toujours 
à  l'homme  un  pouvoir  et  un  secours  suiïisant 
pour  faire  ce  qu'il   exige  de  lui.  Dieu  n'est 
certainement  pas  obligé,  par  justice,  d'aug- 
menter les  secours  et  les  grâces  à  mesure 
que  le  pécheur  devient  plus   ingrat  et  plus 
obstiné  dans  le  mal.  Voy.  Grâce,  §  3.  Pour 
éclaircir  les  passages  de  l'Ecriture  sainte  que 
l'on  nous  a  opposés ,  nous  aurions  pu  citer 
saint  Irénée,  Origène,  Tertullien,  saint  Ba- 
sile, saint  Grégoire  de  Nazianze  ,  saint  Jean 
Chrysostome,  etc.  ;  nous  avons  mieux  aimé 
nous  en  tenir  à  saint  Augustin,  et  nous  avons 
consulté  par  préférence  les  ouvrages  qu'il  n 
écrits  contre  les  pélagiens ,  afin  de  prévenir 
les  subterfurges  auxquels  recourent  ordinai- 
rement les  faux  disciples  de  ce  saint  docteur. 
Les  théologiens  définissent  ordinairement 
le  péché,   en  général,  une  désobéissance  à 
Dieu  ou  une  transgression  de  la  loi  de  Dieu, 
soit  naturelle,  soit  positive.  Ils  distinguent 
le  péché  actuel  et  le  péché  habituel  ;  le  pre- 
mier est  celui  que  nous  commettons  par  notre 
propre  volonté,  en  faisant  ce  que  Dieu  nous 
défend  ou  en  omettant  de  faire  ce  qu'il  nous 
commande  (1);  le  second  est  la  privation  de 

(l)  Il  est  constant  qu'il  n'y  a  pas  un  seul  péché 
actuel  que  l'homme  ne  \f\i<%sé  éviter.  On  demande  si 


1S63 


PEC 


PED 


1364 


la.grâce  sanctifiante,  de  laquelle  nnpéché  grief 
nous  dépouille;  et  alors  nous  sommes  en 
état  de  péché,  qui  est  l'opposé  de  ïétat  de 
grâce.  De  cette  espèce  est  le  péché  originel, 
avec  lequel  nous  naissons,  à  cause  du  péché 
d'Adam,  par  lequel  lui  et  sa  postérité  ont  été 
privés  de  la  grâce  sanctifiante  et  du  droit  à 
la  béatitude  éternelle.  Yoy.  Originel.  Parmi 
les  péchés  actuels  on  distingue  les  péchés  de 
commission,  qui  consistent  ii  faire  ce  que  la 
loi  défend,  et  les  péchés  d'oujission  qui  con- 
sistent à  ne  pas  faii  e  ce  qu'elle  ordonne.  Les 
péchés  de  pensée ,  de  parole  ,  d'action  ;  les 
péchés  contre  Dieu,  contre  le  prochain,  con- 
tre nous-mêmes;  les  ^xfc/ii^i- d'ignorance,  de 
faiblesse,  de  malice,  d'habitude,  etc.;  tous 
ces  termes  sont  faciles  à  comprendre.  Un  pé- 
ché actuel  peut  être  ou  mortel  ou  véniel;  le 
premier  est  celui  qui  nous  prive  de  la  'grâce 
sanctifiante,  grâce  qui  est  censée  être  la  vie 
de  notre  âme,  et  sans  laquelle  nous  sommes 
dans  un  état  di^  mort  spnituelle  ;  on  dit  de 
l'homme  dans  cet  état  qu'il  est  ennemi  de 
Dieu,  esclave  du  démon,  sujet  h.  la  damna- 
tion éternelle  ;  ainsi  s'exprime  l'Ecriture 
sainte.  Le  péché  véniel  est  une  faute  moins 
griève,  qui  ne  détruit  pas  en  nous  la  grâce 
sanctifiante,  mais  qui  l'airaiblit;  qui  ne  mé- 
rite point  une  peine  éternelle,  mais  un  châ- 
timent temporel.  Cette  distinction  est  fondée 
sur  l'Ecriture  sainte,  qui  met  une  diff'érence 
entre  les  pécheurs  et  les  justes,  et  qui  dit  ce- 
pendant qu'aucun  bomn.e  n'est  sans  péché; 
il  faut  donc  qu'il  y  ait  des  péchés  qui  ne  nous 
dépouillent  point  de  la  justice  habituelle  ou 
de  la  grâce  sauclifiante,  et  que  Dieu  par- 
doEuie  aisément  à  notre  faiblesse,  il  n'est 
pas  toujoui-s  aisé  de  juger  si  un  p^c/ie  est 
mortel  ou  s'il  n'est  que  véniel  ;  il  faut  faire 
attention  à  l'importance  du  précepte  violé, 
à  la  tentation  plus  ou  moins  forte,  à  la  fai- 
blesse plus  ou  moins  grande  de  celui  qui  l'a 
commis,  au  scandale  et  au  préjudice  qui  peut 
en  résulter  pour  le  prochain  ou  pour  la  so- 
ciété, etc.  Ordinairement  nous  sommes  in- 
capables d'en  juger  pour  nos  propres  fautes, 
à  pi  us.  forte  raison  pour  celles  d'autrui.  Les 
stoïciens  prétendaient  que  tous  les  péchés 
étaient  égaux;  Cicéron,  dans  ses  Paradoxes, 
a  démontré  l'absurdité  de  cette  opinion. 

Quelques  protestants  ont  pensé  que  tous 
les  péchés  d'un  juste  sont  véniels,  que  tous 
ceux,  d'un  pécheur  ,  quelque  légers  qu'ils 
soient  en  eux-mêmes,  sont  mortels;  d'autres 
ont  dit  que,  .quoique  tous  les  péchés  soient 
mortels  eo  eux-mêmes.  Dieu  ne  les  impute 
pas  aux  just«!S ,  mais  qu'il  les  impute  aux 

rhoiHine  pourrait  les  éviter  tous  avec  les  grâces  or- 
dinaires. Nous  avouis  dit  au  mot  Grâce,  1°  que  l'hom- 
me peut,  avuc  les  secours  ordinaires  de  la  grâce, 
éviter  tous  les  péchés  uioriels  ;  2°  qu'il  peut  éviter 
aussi  les  pocliés  véniels  pris  séparénicnl  ;  3°  qu'ii  ne 
pom,  «ans  wi  seoours  spécial  de  la  grâce,  éviter 
|ieiid!.iit  iftule  xa  vie,  tous  les  pécbrs  véniels.  Selon 
le  niDoii  4ii  coaieilc  de  Tieute  :  <  Si  quelqu'un  dit 
qu'un  lioninie,  une  lois  jublilié,  peui,  pendant  toute 
sa  vie,  evilcr  tou:s  les  pédiés,  iiièiue  véuiels,  si  ce 
Il  est  par  un  piiviléye  spécial...,  qu'il  soit  aualiièine.  > 
ûess.  VI,  eau.  23. 


pécheurs.  €'est  sur  ce  sentiment  absurde  que 
les  calvinistes  ont  fondé  leur  dogme  de  l'ina- 
missibilité  de  la  justice  ;  suivant  leur  opi- 
nion, dès  qu'un  homme  est  véritablement 
justifié,  il  ne  peut  plus  déchoir  de  cet  état, 
les  crimes  les  plus  énormes  ne  peuvent  lui 
faire  perdre  entièrement  la  grâce  de  l'adop- 
tioii  ;  d'où  il  s'ensuit  qu'un  enfant  qui  a  reçu 
cette  grâce  par  le  baptême  ne  peut  plus  en 
être  privé  par  aucun  des  péchés  qu'il  com- 
mettr.a  dans  la  suite.  Doctrine  impie  et  abo- 
minable ,  qui  a  été  né<jnmoins  adoptée  et 
confirmée  par  le  synode  de  Dordrecht,  can.  8 
et  suiv.,  et  professée  par  toutes  les  Eglises 
calvinistes  ;  les  arminiens,  qui  soutenaient 
le  contraire,  ont  ^'té  condamnés.  Le  savant 
Bossuet,  Histoire  des  Variât.,  liv.  xiv,  §  5  et 
suiv.,  a  liait  voir  l'absurdité  de  cette  opinion, 
de  môme  que  le  docteur  Arnaud,  dans  l'ou- 
vrage intitulé  :  Renversement  de  la  morale  de 
Je'sus- Christ  par  les  erreurs  d-es  calvinis- 
tes, etc.  Voy.  IsAMissiBLE.  La  première  pro- 
position condamnée  dans  Quesnel  est  conçue 
eu  ces  termes  :  Que  reste-t-il  à  une  âme  qui 
a  perdu  Dieu  et  sa  grâce ,  sinon  U  péché  et 
ses  suites,....  une  impuissance  générale  au 
travail,  à  la  prire  et  à' toute  bonne  ceuvre? 
Suivant  cette  doctiine,  l'homme  dans  l'état  du 
péché  mortel  ne  peut  plus  rien  faire  qui  ne 
soit  un  nouveau  péché;  c'est  mal  à  propos 
que  l'Ecriture  sainte  exhorte  les  ])écheurs  à 
prier,  à  faire  des  aumônes  et  d'autres  bonnes 
œuvres  ,  afin  d'obtenir  de  Dieu  leur  conver- 
sion. Jamais  doctrine  n'a  été  plus  fausse  et 
n'a  mieux  mérité  d'être  prosciile.  Au  mot 
Pénitence  nous  prouverons  qu'il  n'est  au- 
cun péché,  si  grief  qu'il  jiuisse  être,  qui  ne 
puisse  être  effacé  et  remis  par  le  sacrement 
de  pénitence. 

PÉCHEUR.  Ce  terme  se  prend  dans  plu- 
sieurs sens;  il  signifie  :  1°  celui  qui  est  ca- 
pable de  pécher;  dans  ce  sens  il  est  dit  que 
tout  homme  est  pécheur  [Ps.  cxv,  etc.);  2° 
celui  qui  est  enclin  au  péché  ;  ainsi  nous 
naissons  tous  pécheurs,  ou  portés  au  péché 
par  la  concupiscence  qui  nous  y  entraine  ; 
3*  celui  qui  est  souillé  par  le  péché;  c'est 
l'aveu  du  publicain  :  Seigneur,  soyez  propice 
à  moi,  pécheur  ;  k"  celui  qui  est  dans  l'habi- 
tude du  péché  et  qui  persévère  dans  l'im- 
pénitence  ;  David  a  dit  des  hommes  de  cette 
espèce  :  Dieu  perdra  tous  les  pécheurs  [Ps. 
cxLiv,  20,  etc.)  ;  5°  les  Juifs  appelaient  ainsi 
les  idolâtres  :  'Nous  sommes  nés  Juifs,  dit 
saint  Paul,  et  non  pécheurs,  gentils  [Galat.  n, 
IS)  ;  6°  un  homme  engagé  dans  un  état  qui 
est  une  occasion  de  péché;  il  est  écrit  [Luc. 
VI,  3i)  :  Les  pécheurs,  c'est-à-dire  les  publi- 
cains,  jirétent  à  intérêt  à  d'autres  pécheurs. 

PECTORAL.  Yoy.  Oracle. 

PÉDAGOGUE.  Le  grec  ■nKtSayoyl;  signifie 
un  conducteur  ou  un  instituteur  d'enfants. 
Saint  P;^ul  [Galat.  m,  2ï)  dit  que  la  loi  de 
Moïse  a  été  notre  pédagogue  en  Jésus-Christ, 
parce  qu'elle  a  conduit  les  Juifs  à  ce  divin 
Maître;  il  dit  (/.  Cor.  iv,  25)  :  Quand  vous 
auriez  dix  mille  pédagogues  en  .lésus-Christ, 
vous  n'avez  pas  néanmoins  plusieurs  pères. 
En   ellot,  saint  Paul  était  le  iière  des  Goriu- 


iSCS 


ML 


PEL 


1366 


thiens;  i\  les  avait  instruits  le  premier,  et  ij 
continuait  de  le  faire  avec  une  afl'ection  pa- 
ternelle', il  avait  pour  eux  un  altacliement 
plus  désintéressé  que  les  autres  docteurs 
gui  étalent  venus  enseigner  les  Corinlliiens 
après  lui. 

PEINE  ÉTERNELI.E.  Voy.  Enfeu. 

Peine»  purifiantes.  Voy.  Purgatoire. 

♦  Peines  cAMomouES.  L'Eglise,  ayant  une  véritable 
juridiction  au  for  extérieur,  doit  avoir  un  pouvoir 
coércilif;  elle  Texerre  \r.\v  les  peines  eaiioui(jiies 
coiunies  sous  le  nom  de  Censures.  iVoij.  ce  mot,  et 
surtout  notre  Dict.  <je  Théologie  mor.,  art.  Censures 
ecdésiasii^jues.) 

PÉLAGIANISME,  PÉLAGIENS.  Pour  avoir 
une  idée  juste  du  pélar/innismc,  il  faut,  1°  en 
connaître  l'histoire;  2°  savoir  en  quoi  consis- 
tait la  doctrine  de  Pelage  et  de  ses  disciples  ; 
3°  considérer  coioment  elle  a  été  attaquée  et 
coiument  elle  a  été  défendue. 

I.  Au  couimencemeiit  du  v*  siècle,  Pélago, 
moine  de  Bangor,  dans  le  pays  de  Galles, 
voyagea  en  Italie,  et  deiueura  quelque  tcuij)s 
h  Ùome  ;  il  y  lit  connaissance  avec  Rulin  le 
Syrien,  disciple  de  Théodore  de  Mopsueste, 
et  reçut  de  lui  les  proniiéres  semences  de 
sou  hérésie,  qui  consistait  h  nier  la  propaga- 
tion du  péché  originel  dans  les  enfants  d'A- 
dam, et  ses  suites.  11  se  lia  d'amitié  avec  Cé- 
lostius,  autre  moine ,  qui  était  Ecossais  de 
nation.  L'an  W^,  avant  la  prise  de  Rome  par 
les  Goths,  ils  allèrent  ensemble  en  Afrique. 
Pelage,  partant  ]iour  l'Orient,  laissa  Célcs- 
tius  à  Carthagc.  Celui-ci  lit  sou  oossible  pour 
s'y  faire  ordonner  prêtre  ;  mais,  en  412,  il 
fut  accusé  d'hérésie  ]iar  Paulin,  diacre  de 
Milan,  et  condamné  dans  lui  concile  tenu  par 
Aurélius,  évêque  de  Carlhage  ;  obligé  de  s'é- 
loigner, il  se  retira  à  Eplièse.  Pelage,  de  son 
côté,  fut  accusé  d'hérésie  par-devant  quel- 
ques évéques  assemblés  îi  Jérusalem,  et  eu- 
suite  dans  un  concile  com;  osé  de  quatorze 
évoques,  tenu  h  Lydda  ou  Diosimlis,  en  P/i- 
lestine  ;  il  avait  pour  accusateurs  deux  évo- 
ques gaulois,  Héros  d'Arles  et  Lazare  d'Aix. 
l'élagCj  en  désavouant  quelques-unes  de  ses 
erreurs,  en  palliant  les  autres,  se  lit  aljso'i- 
dre,  et  continua  de  dogmatiser  avec  plus  de 
I  ardiessc  qu'aupaiavjuit.  Les  évéques  d'A- 
friijue,  instruits  de  ces  faits,  et  assemblés  îi 
IMilcve  en  VJ6,  en  écrivirent  au  pape  Inno- 
cent i",  (jui,  l'année  suivante,  déclara  Pelage 
et  Célestms  privés  de  la  comiuuniou  de  l'E- 
{^lise.  Pelage  écrivit  au  pape  pour  sejusti- 
lier;  il  lui  envoya  une  profession  de  foi  qui 
existe  encore,  et  dans  laquelle  il  glissait  lé- 
gèrement sur  les  erreurs  qui  lui  étaient  im- 
putées. Céloslius  alla  à  Rome  en  persiinue, 
et  présenta  au  pape  Zozime,  successeur  d'in- 
nocent I",  une  professioti  de  foi  dans  laquelle 
l'erreur  parait  un  peu  plus  à  découvei-t.  Tous 
deux  linissaient  par  une  protestation  de  sou- 
mission au  souverain  pontife.  Zozime,  trom- 
né  par  cette  docilit'  apparente ,  écrivit  eu 
leur  faveur  aux  évèqucs  d'Afrique. 

En  il8,  Aurélius  lit  assembler  à  Carthage 
un  concile  de  deux  cent  quatorze  évèques, 
qui  renouvelèrent  la  sentence  d'excommu- 
nication portée  contre  Célestius,  et  déclarè- 


rent qu'ils  s'en  tenaient  au  décret  d'Inno- 
cent I".  Zozime,  mieux  informé,  fit  de  même, 
et  cita  Céleslius  à  comparaître;  celui-ci, 
au  lieu  d'obéir,  s'enfuit  en  Orient  ;  alors 
Zozime  excouimunia  solennellement  Pelage 
et  Célestius,  et  lit  parvenir  celte  sentence 
en  Afrique  et  dans  l'Orient;  les  empereurs 
Honorius  et  Théodose  condamnèrent  ces 
deux  hériHiques  à  l'exil,  et  leurs  disciples  k 
la  confiscation  de  leurs  biens;  Pelage  et  Ci;- 
lestius  se  tinrent  cachés  dans  l'Orient.  Dix- 
huit  évéques  d'Italie,  ayant  refusé  de  sous- 
ciire  au  décret  de  Zozime,  furent  privés  de 
leurs  sièges;  l'un  d'entre  eux  était  Julien, 
évêquo  d'Eclaiie,  aujourd'hui  Avelliiio,  dans 
la  Campanie,  qui  écrivit  iilnsieurs  ouvrages 
pom*  la  défense  du /)t'^/a|/t«n(s»ie;  chassé  de 
son  siège,  il  fut  réduit  à  se  faire  maître  d'é- 
cole en  Sicile,  oi"!  il  mourut.  On  ne  sait  pas 
de  quelle  manière  Pelage  ni  Célestius  ont 
lini  ;  mais  leur  hérésie,  quoique  iiroscrite 
par  l'autorité  de  l'Eglise  et  par  les  lois 
des  empereurs,  ne  laissa  pas  de  se  ré[)andrc 
en  Italie  et  en  Angleterre,  puisque,  l'an  V29, 
le  pape  saint  Célestin  VII  y  envoya  saint 
(iermain,  évoque  d'Auxerre,  et  saint  Louj), 
évéque  <ie  Troyes,  pour  faire  revenir  do 
ocUte  erreur  les  Bretons  qui  en  étaient  infec- 
tés. Le  pclaijiamsme  fut  condamné  de  nou- 
veau dans  le  concile  général  d'Ephèse,  l'an 
431.  Personne  ne  l'a  coiubattu  avec  plus  de 
force  et  de  succès  que  saint  Augustin;  dès 
l'an  ill,  lorsque  Célestius  était  à  Carthage, 
le  saint  docteur  n'eut  pas  i)lutôt  coiniu  ses 
sentiments,  qu'il  les  attaqua  dans  ses  lettres 
et  dans  ses  sermons,  et  il  composa  ses  pre- 
miers traités  contre  le  jjélagianisme,  a  la 
prière  du  tribun  Marcellin.  Vers  l'an  415, 
saint  Jérôme  écrivit  sa  quarante-troisième 
lettre  à  Ctésiphon,  et  ensuite  trois  dialogues 
contre  les  pîllagiens  ;  mais  hjrsqu'il  eut  vu 
ce  que  saint  Augustin  avait  fait,  et  qu'il  ap- 
prit avec  quel  zèle  ce  nouvel  athlète  combat- 
tait jiour  la  foi  calholi(pie,  il  lui  céda  volon- 
tiers la  place.  Dès  ce  moment,  saint  Augus- 
tin se  regarda  comme  personnellement  c 'argé 
de  la  cause  de  1  Eglise  :  pendant  vingt  ans 
consécutifs  il  poursuivit  le  pélagianisme  dans 
tous  .ses  détours;  il  répondit  à  tous  les  livres 
de  Julien  ;  il  écrivait  encore  pour  les  réfuter 
lorsqu'il  mourut,  et  il  n'eut  pas  le  temps 
d'achever  son  ouvrage.  Il  fut  l'âme  île  tous 
les  conciles  (jui  se  tinrent  en  Afrique  contre 
cette  héi  ésie  ;  il  est  très-probable  que  c'est 
lui  qui  en  dres^a  les  décrets  et  qui  les  adressa 
aux  souverains  pontifes.  Nous  verrons  ci- 
après  les  suites  de  celle  dispute  célèbre.  Les 
socinieiiis  et  les  arminiens,  qui  fout  revivre 
aujourd'hui  le  piH^tgianisme,  disent  que  les 
auleiu-s  de  cette  doctiiue  ont  été  condamnés 
sans  avoir  été  entendus  ;  c'est  une  calomnie. 
Pelage  lui-même  fut  entendu  au  concile  de 
Diospolis,  et  il  n'y  évita  sa  condamnation 
qu'eu  rétractant  ou  en  déguisant  ses  seuli- 
nients.  Célestius  coiuparut  plusieurs  fois  de- 
vant le  pape  Zozime,  et  lorsqu'il  y  fut  cité 
jiour  la  dernière  fois,  il  s'enfuit,  parce  qu'il 
vit  que,  malgré  ses  déguisements,  ses  vrais 
sentiments  étaient  découverts.  Saint  Jérôme 


i8«7 


PEL 


et  saint  Augustin  avaient  sous  les  yeux  les 
écrits  de  Pelage,  sa  Lettre  à  Démétriade,  ses 
quatre  livres  touchant  le  libre  arbitre,  sa  pro- 
fession de  foi  adressée  au  pape  Innocent  ; 
et  nous  avons  encore  son  Commentaire  sur 
les  épUres  de  saint  Paul,  dans  lequel  on  re- 
connaît aisément  ses  véritables  sentiments. 
C'est  donc  avec  pleine  connaissance  de  cause 
que  les  pafies  et  les  conciles  d'Afrique  ont 
censuré  cette  doctrine.  Julien  lui-même  n'en 
a  désavoué  aucun  article  dans  ses  ouvrages. 

II.  Nous  ne  pouvons  mieux  connaître  les 
erreurs  des  pélagiens  que  par  les  écrits  que 
saint  Augustin  a  faits  pour  les  réfuter ,  et 
dans  lesquels  il  cite  les  propres  paroles  de 
ses  adversaires.  Dans  son  livre  des  Hérésies, 
qui  est  l'un  des  derniers  ,  il  réduit  le  pélu' 
gianisme  à  cinq  chefs  ;  savoir,  1°  que  la  grAce 
de  Dieu,  sans  laquelle  on  ne  peut  pas  obser- 
ver ses  commandements ,  n'est  point  diffé- 
rente de  la  nature  et  de  la  loi  ;  2°  que  celle 
que  Dieu  ajoute  de  surplus  est  accordée  à 
nos  mérites  et  pour  nous  faire  agir  avec  plus 
de  facilité;  3°  que  l'homme  peut,  dans  celte 
vie,  s'élever  h  un  tel  degré  de  perfection , 
qu'il  n'a  plus  besoin  de  dire  à  Dieu,  pardon- 
nez-nous nos  ofj'enses  ;  4°  que  l'on  ne  baptise 
point  les  enfants  pour  effacer  en  eux  le  pé- 
ché originel  ;  5°  qu'Adam  serait  mort,  quand 
même  il  n'aurait  pas  péché.  On  voit,  par  cet 
exposé  et  [lar  les  autres  ouvrages  écrits  de 
part  et  d'autre ,  que  l'erreur  fondamentale 
de  Pelage ,  de  laquelle  toutes  les  autres  ne 
sont  que  des  conséquences,  était  de  soute- 
nir que  le  péché  d'Adam  n'a  pas  passé  à  sa 
postérité ,  et  qu'il  n'a  porté  préjudice  qu'à 
lui  seul.  De  là  il  s'ensuivait  que  les  enfants 
naissent  exempts  de  péché  ,  que  le  baptême 
ne  leur  est  pas  donné  pour  effacer  en  eux 
aucune  tache ,  mais  pour  leur  assurer  la 
grâce  de  l'adoption  ;  que,  s'ils  meurent  sans 
baptême ,  ils  sont  sauvés  en  vertu  de  leur 
innocence.  S.  Aug.  lib.  i ,  de  Pecc.  merit.  et 
remiss.,  n.  55;  Serm.  294,  cap.  1,  n.  2  ; 
Epist.  156  Hilarii  ad  August.  Il  s'ensuivait 
que  la  mort  et  les  souffrances  auxquelles 
nous  sommes  sujets  ne  sont  point  la  peine 
du  jiéché,  mais  la  condition  naturelle  de 
l'homme.  Une  troisième  conséquence  était 
que  la  nature  humaine  est  aussi  saine  et 
aussi  capable  de  faire  le  bien  qu'elle  l'était 
dan;  Adam  ;  qu'il  suffit  à  l'homme  de  con- 
naître ses  devoirs  par  la  raison  ,  pour  être 
capable  de  les  accomplir  ;  que ,  quand  un 
païen  fait  bon  usage  de  ses  forces  naturelles. 
Dieu  l'en  récompense  en  l'amenant  à  la  con- 
naissance plus  parfaite  de  la  loi  divine,  des 
leçons  et  des  exemples  de  Jésus-Christ.  De 
là  Pelage  concluait  que  les  juifs  et  les  païens 
ont  le  libre  arbitre  ;  mais  que  dans  les  chré- 
tiens seuls  il  est  aidé  par  la  grâce.  S.  Aug., 
L.  de  Grat.  Christi,  c.  31,  n.  33.  Par  consé- 
quent ,  selon  lui ,  cette  grâce  était  donnée  à 
1  homme,  non  pour  lui  rendre  possible  la 
pratique  du  bien  ,  mais  pour  la  lui  rendre 
plus  facile,  Ihid. ,  c.  29  ,  n.  30.  Cette  grâce 
n'était  jamais  gratuite  ni  prévenante  ,  mais 
toujours  prévenue  par  les  mérites  naturels 
de  l'homme,  c.  31 ,  n.  33  ;  et  l'on  voit  que 


PEl  1568 

Pelage  n'admettait  aucune  grâce  actuelle  in- 
térieure. Nous  le  prouverons  ci-après.  11 
s'ensuivait  qu'il  n'est  aucun  degré  de  vertu 
et  de  perfection  auquel  l'homme  ne  puisse 
s'élever  par  les  forces  de  la  nature  ;  que  tous 
ceux  qui  font  bon  usage  de  ces  forces  sont 
prédestinés  ;  qu'un  païen  peut  pratiquer  les 
mêmes  vertus  qu'un  chrétien,  quoique  avec 
plus  de  difficulté  ;  que  la  loi  de  Moïse  pou- 
vait conduire  l'homme  au  salut  éternel  tout 
comme  l'Evangile  ;  enfin ,  que  le  salut  de 
l'homme  n'est  point  une  affaire  de  miséri- 
corde, mais  de  justice  rigoureuse  ;  qu'ainsi, 
au  jugement  de  Dieu,  tous  les  pécheurs  sans 
exception  seront  condamnés  au  feu  éternel , 
parce  qu'il  a  dépendu  d'eux  seuls  de  se  sau- 
ver. S.  Aug.,  l.  de  Gestis  Pelag.,  c.  11,  n.  23; 
c.  35,  n.  65.  Mais  il  s'ensuivait  aussi ,  en 
dernière  analyse ,  que  la  rédemption  du 
monde  par  Jésus-Christ  n'était  pas  fort  né- 
cessaire ,  et  que  ses  effets  sont  très-bornés. 
Suivant  Pelage  ,  elle  consiste  seulement  en 
ce  que  Jésus-Christ  nous  a  donné  des  le- 
çons et  des  exemples  de  vertu ,  et  nous  a 
fait  de  grandes  promesses;  d'oii  il  concluait 
que  tous  ceux  qui  n'ont  pas  connu  ce  divin 
Sauveur  n'ont  eu  aucune  part  au  bienfait  de 
la  rédemption.  S.  Aug. ,  1.  n  ;  Op.  Imperf. , 
n.  146,  188. 

Pour  réfuter  Pelage  ,  saint  Augustin  atta- 
qua non-seulement  le  principe  sur  lequel  il 
se  fondait ,  mais  encore  toutes  les  consé- 
quences qu'il  en  tirait.  Le  saint  docteur 
prouva  par  l'Ecriture  sainte,  par  la  tradition 
constante  des  Pères  de  l'Eglise  ,  par  les  cé- 
rémonies du  baptême  ,  que  nous  naissons 
tous  souillés  du  péché  originel ,  par  consé- 
quent dépouillés  de  la  grâce  sanctifiante  et 
de  tout  droit  au  bonheur  éternel ,  et  que  ce 
droit  ne  peut  nous  être  rendu  que  par  le 
baptême.  Il  fit  voir  que  la  nature  numaine , 
afTaiblie  et  corrompue  par  ce  péché  ,  a  be- 
soin d'une  grâce  actuelle  et  intérieure  pour 
commencer  et  pour  finir  toute  bonne  action 
méritoire  ,  même  pour  former  de  bons  dé- 
sirs ;  que  par  conséquent  cette  grâce  est  pu- 
rement gratuite  ,  prévenante  ,  et  non  préve- 
nue ni  méritée  par  les  efforts  naturels  ou 
par  les  bonnes  dispositions  de  l'homme  ; 
que  c'est  le  fruit  des  mérites  de  Jésus-Christ 
et  non  des  nôtres  ;  qu'autrement  Jésus- 
Christ  serait  mort  en  vain.  Tels  sont  les  trois 
dogmes  de  foi  que  l'Eglise  a  décidés  con- 
tre les  pélagiens  ,  et  desquels  aucun  fidèle 
ne  peut  s'écarter  sans  tomber  dans  l'hérésie. 

Quand  on  fit  observer  à  Pelage  que  ,  sui- 
vant l'Evangile  {Joan.  m,  5) ,  «  Quiconque 
n'est  point  régénéré  par  l'eau  et  par  le  Saint- 
Esprit  ne  peut  pas  entrer  dans  le  royaume 
de  Dieu  ;  »  qu'ainsi  les  enfants  morts  sans 
baptême  ne  peuvent  pas  être  sauvés  ,  il  ré- 
pondit d'abord  :  Je  sais  bien  où  ils  ne  vont 
pas,  mais  je  ne  sais  pas  où  ils  vont,  Quo  non 
eant  scio  ,  quo  eant  nescio.  Ensuite  il  ensei- 
gna qu'à  la  vérité  ces  enfants  ne  peuvent 
entrer  dans  le  royaume  de  Dieu  ou  dans  lo 
ciel ,  mais  qu'ils  auront  la  vie  éternelle  ; 
qu'ils  ne  peuvent  pas  être  damnés  avec  jus- 
tice, puisqu'ils  sont  sans  péchés.  S.  Aug. , 


1369 


PEL 


PEL 


1370 


Serm.  294.,  c.  1,  n.  2;  Epist.  156,  etc.  Saint 
Augustin  rejette  avec  raison  cette  prétendue 
vie  éternelle  différente  du  royaume  de  Dieu  ; 
il  soutient  que  les  enfants,  dans  lesquels  le 
péché  originel  n'est  pas  effacé  par  le  bap- 
tême, sont  damnés.  Cependant  il  convient 
qu'il  ne  lui  est  pas  possible  de  concilier  cette 
uamnation  avec  l'idée  naturelle  que  nous 
avons  de  la  justice  divine,  que  Pelage  lui- 
mémo  ne  viendrait  pas  mieux  à  bout  d'ac- 
corder avec  cette  idée  l'aveu  qu'il  fait  que 
ces  enfants  sont  exclus  du  royaume  de  Dieu. 
Serm.  29V,  n.  6  et  7  ;  Epist.  1C6,  ad  Hieron., 
c.  6,  n.  16.  11  ne  nous  parait  pas  plus  aisé  de 
concilier  cette  damnation  avec  ce  qu'ensei- 
gne constamment  saint  Augustin  lui-môme  , 
savoir,  que  Jésus-Christ  est  le  sauveur  des 
enfants  ,  1.  m  ,  de  Peccat.  meritis  et  remiss., 
c.  4,  n.  8  ;  1.  i,  contra  JuL,  c.  2 ,  n.  4  ;  c.  4, 
n.  14  ;  1.  III,  c.  12,  n.  24  et  25  ;  1.  ii,  Op.  im- 
perf.,  n.  170,  etc.  ;  et  Pelage  n'osait  pas  en 
disconvenir.  L.  de  Pecc.  orig.,  c.  19,  n.  20  et 
21.  Si  saint  Augustin  a  seulement  entendu 
que  Jésus-Christ  est  le  sauveur  des  enfants 
baptisés  ,  et  non  des  autres  ,  on  no  conçoit 
pas  pourquoi  il  ne  s'est  pas  mieux  expliqué. 
Si  l'on  s'ari-était  à  la  lettre  des  écrits  de 
Pelage,  on  croirait  qu'il  admettait  le  secours 
de  la  grAce  intérieure  accordé  à  l'homme 
pour  faire  le  bien  ,  du  moins  avec  plus  do 
l'iicililé.  «  Nous  ne  faisons  pas,  disait-il, 
consister  la  grâce  seulement  dans  la  loi , 
comme  on  nous  en  accuse,  mais  dans  le  se- 
cours de  Dieu.  En  ell'et.  Dieu  nous  aide  par 
sa  doctrine  et  par  la  révélation ,  lorsqu'il 
ouvre  les  yeux  de  notre  cœur,  lorsqu'il  nous 
montre  les  biens  futurs  pour  nous  détacher 
des  biens  présents ,  lorsqu'il  nous  découvre 
les  embûches  du  démon ,  lorsqu'il  nous 
éciaire  par  le  don  ineffable  de  sa  grAco  ,  va- 
rié A  l'mlini...  Dieu  opère  donc  en  nous, 
comme  le  dit  l'apôtre,  le  vouloir  de  ce  qui 
est  bon  et  saint ,  lorsqu'il  nous  enflamme 
par  les  promesses  de  la  gloire  et  de  la  ré- 
compense éternelle,  lorsqu'on  nous  mon- 
trant la  vraie  sagesse ,  il  excite  notre  vo- 
lonté engourdie  à  désirer  Dieu ,  lorsqu'il 
nous  conseille  [suadet)  tout  ce  qui  est  bon.  » 
S.  Aug.,  /.  de  Grat.  Chrisli,  c.  7,  n.  8  ;  c.  9, 
n.  11.  Julien  disait  à  son  tour  :  «  Dieu  nous 
témoigne  sa  bonté  en  mille  manières ,  par 
des  commandements,  des  bénédictions  ,  des 
moyens  de  sanctification ,  en  nous  répri- 
mant, en  nous  excitant,  en  nous  éclairant, 
atin  que  nous  soyons  libres  d'exécuter  sa  vo- 
lonté ou  de  la  négliger.  »  Op.  imperf.,  I.  m, 
c.  106  et  114;  I.  v,  c.  48 ,  etc.  De  là  plu- 
sieurs théologiens,  par  dilférents  motifs,  ont 
prétendu  que  les  pélagiens  admettaient  vé- 
.ritablcment  des  grâces  actuelles  intérieures; 
les  uns  ont  soutenu  ce  fait  pour  en  prendre 
occasion  de  déclamer  contre  saint  Augus- 
tin ;  les  autres,  afin  de  persuader  que  la 
question  entre  ce  saint  docteur  et  les  péla- 
giens n'était  point  la  nécessité  de  la  grâce, 
mais  la  liberté  d'y  résister  ;  d'autres  enfin, 
parce  qu'ils  ont  été  frappés  de  l'énergie  des 
paroles  de  Pelage  ,  ont  cru  qu'il  admettait 
du  moins  une  lumière  intérieure  accordée  à 


l'entendement,  quoiqu'il  ne  voulût  point  re- 
connaître de  motion  imprimée  à  la  volonté 
Que  faut-il  en  penser? 

En  premier  lieu,  saint  Augustin,  dans  les 
divers  endroits  que  nous  venons  de  citer,  a 
toujours  soutenu  aux  pélagiens  que  leur 
pompeux  verbiage  no  signifiait  rien  autre 
chose  que  des  secours  extérieurs ,  la  loi  de 
Dieu,  la  doctrine,  les  leçons,  les  exemples, 
les  promesses,  les  menaces  de  Jésus-Christ; 
que  jamais  ils  n'ont  voulu  reconnaître  l'inef- 
ficacité de  ces  secours ,  lorsiju'ils  no  sont 
pas  accompagnés  d'une  grâce  intérieure, 
d'une  illumination  dans  l'enteniloment ,  et 
d'un  mouvement  dans  la  volonté.  Aujour- 
d'hui les  sociniens  et  les  arminiens  ,  héri- 
tiers du  pélagianisme  ,  sont  encore  dans  lo 
môme  sentiment;  ils  soulienuont  que  l'on 
no  jiout  pas  [irouver  par  l'Ecriture  sainte  la 
nécessité  de  l'une  ni  de  l'autre.  Le  Clerc  l'a 
répété  au  moins  dix  fois  dans  ses  remar- 
ques sur  les  ouvrages  de  saint  Augustin. 
Après  tant  de  disputes  entre  ce  saint  doc- 
teur et  Julien,  qui  empêchait  ce  dernier  de 
s'exprimer  plus  clairement  et  d'avouer  dis- 
tinctement au  moins  la  nécessité  d'une  illu 
mination  surnaturelle  dans  l'entendement  de 
l'homme,  pour  l'aider  à  faire  une  bonne  œu- 
vre? En  écrivant  son  dernier  ouvra.5e,  saint 
Augustin  proteste  encore  qu'il  n'a  vu  dans 
les  livres  do  cet  hérétique  aucun  vestige  de 
grâce  intérieure. 

En  second  lieu.  Pelage  a  dit  positivement 
que  dans  les  chrétiens  seuls  le  libre  arbitre 
est  aidé  parla  grâce, S.  August.,  lib.  de  Grat. 
Christi,  c.  31.  Gela  est  vrai  ;  s'il  n'y  a  point 
d'autre  grâce  que  les  secours  extérieurs  dont 
nous  venons  (le  parler,  les  chrétiens  seuls  en 
ont  connaissance  :  mais  s'il  y  a  des  grâces 
intérieures,  pourquoi  Dieu  n'en  accorderait- 
il  pas  aux  païens  privés  de  la  connaissance 
des  lois  divines  positives  et  des  leçons  de 
Jésus-Christ  ?  Aussi,  lorsque  Pelage,  pour 
prouver  que  l'homme  peut  faire  le  bien  sans 
le  secours  de  la  grâce,  allégua  les  vertus  et 
les  bonnes  œuvres  des  païens,  saint  Augus- 
tin répondit,  1°  que  ces  vertus  étaient  ordi- 
nairement infectées  par  le  motif  de  la  vaine 
gloire,  et  ne  se  rapportaient  pas  à  Dieu  ; 
2°  que  ce  qu'il  y  avait  de  bon  dans  les  actions 
des  païens  ne  venait  ]ias  d'eux,  mais  de  Dieu 
et  de  sa  grâce.  11  prouva  par  l'exemple  d'As- 
suérus  et  d'autres  infidèles,  que  Dieu  pro- 
duit dans  le  cœur  des  hommes  non-seule- 
ment do  vraies  lumières,  mais  encore  de 
bonnes  volontés;  L.  de  Grat.  Chrisli,  c.  24, 
n.  25  ;  L.  iv,  contra  duas  Epist.  Petag.,  c.  6, 
n.  13;  L.  iv,  contra  JuL,  cap.  3,  n.  16,  iT,  32; 
/..  m.  Op.  imperf.,  n.  114,  163;  Epist.  144, 
n.  2,  etc.  —  En  troisième  lieu,  les  pélagien» 
soutenaient  qu'un  mouvement  intérieur,  im- 
primé à.  la  volonté  pour  la  porter  au  bien 
détruirait  le  libre  arbitre.  En  effet,  ils  en- 
tendaient, par  libre  arbitre  dans  l'homme,  un 
pouvoir  égal  de  se  porter  au  bien  ou  au  mal, 
une  inditférence  ou  un  équilibre  de  la  vo- 
lonté entre  l'un  et  l'autre.  L.  i,  Op.  imperf., 
n.  79  et  suiv.  ;  L.  m,  n.  109,  114,  117  ;  L.  y, 
n.  48,  etc.;  saint  Jérôme,  Dial.  1  et  3,  contra 


mi 


PEL 


net. 


1572 


Pclug.  Les  semi-pélagiens  en  avaient  la 
même  notion,  Epist.  S.  Prosperi  ad  Aug.  , 
n°  k.  Ils  en  concluaient  qu'un  mouvement  in- 
térieur de  la  grâce  détruirait  cet  équilibre. 
Saint  Augustin  soutient  avec  raison  que  le 
libre  arbitre,  ainsi  entendu,  a  été  pei  du  par 
le  péché  d'Adam,  puisque  l'homme  naît  avec 
la  concupiscence  qui  le  porte  au  mal  et  non 
au  bien;  qu'il  a  besoin  de  la  grâce  pour 
contrebalancer  cette  mauvaise  inclination; 
qu'ainsi  la  grâce,  loin  de  détruire  le  libre 
arbitre,  le  rétablit.  —En  quatrième  lieu,  le 
saint  docteur  assure  formellement  ce  que 
nous  soutenons  ,  L.  de  Grat.  et  Lib.  arb.,  c. 
13,  n.  26.  Ils  disent  (les  pélagicns  )  «  que  la 
grâce  qui  est  donnée  par  la  foi  en  Jésus- 
Christ,  et  qui  n'est  ni  la  loi  ni  la  nature, 
sert  seulement  à  remottre  les  péchés  passés, 
et  non  à  éviter  les  péchés  futurs  ou  à  vain- 
cre les  tentations.  »  Cela  est  clair. 

On  ne  peut  donc  trop  blâmer  la  témérité 
des  hérétiques,  qui  osent  accuser  saint  Au- 
gustin de  prévention  et  d'injustice,  parce 
qu'il  a  reproché  nux})élagiens  d'être  ennemis 
de  la  grâce,  et  qui  souliennent  que  ces  no- 
vateurs n'ont  pas  nié  toute  espèce  de  grâce. 
Il  est  certain  qu'ils  ont  rejeté  toute  espèce 
de  grâce  actuelle  intérieure;  mais,  pour  faire 
illusion,  ils  appelaient  grâce,  1°  la  faculté 
naturelle  que  nous  avons  de  faire  le  bien, 
parce  que  c'est  un  don  de  Dieu  ;  2°  la  conser- 
vation de  cette  faculté  «n  nous,  malgré  les 
mauvaises  habitudes  que  nous  contractons; 
3°  les  secours  extérieurs  dont  nous  avons 
parlé,  la  connaissance  de  la  loi  de  Dieu,  de 
ses  promesses  et  de  ses  menaces,  des  maxi- 
mes et  des  exemples  de  Jésus-Christ;  4°  la 
rémission  des  péchés  par  les  sacrements. 
Rien  de  tout  cela  n'est  la  grâce  actuelle  in- 
térieure. Il  n'y  a  pas  eu  moins  d'entêtement 
de  la  part  de  certains  théologiens,  qui  pré- 
tendent que  deux  des  principaux  points  de 
la  dispute  entre  saint  Augustin  et  les  péla- 
giens,  étaient  de  savoir  si  Dieu  accorde  ounou 
la  grâce  intérieure  à  tous  les  hommes  , 
et  s'ils  peuvent  ou  ne  peuvent  pas  y  résis- 
ter. Loin  d'admettre  que  Dieu  donne  la 
grâce  intérieure  à  tous  les  hommes ,  les 
pélagiens  soutenaient  que  Dieu  ne  la  donne 
à  personne,  parce  qu'elle  détruirait  le  libre 
arbitre;  nous  venons  de  le  prouver.  11  n'é- 
tait donc  pas  question  de  savoir  si  l'on  peut 
ou  si  l'on  ne  peut  pas  résister  à  la  grâce  ac- 
tuelle intérieure,  puisqu'ils  n'en  admettaient 
aucune.  Saint  Augustin  a  répété  plus  d'une 
fois  que  consentir  ou  résister  à  la  vocation 
de  Dieu  est  le  fait  do  notre  propre  volonté, 
Lib.  de  Spir.ei  Lit.,£.3k,  n.  60,  etc.  Si  par 
la  vocation  de  Dieu  il  n'a  pas  entendu  la 
grâce  intérieure,  il  a  joué  sur  la  môme  équi- 
voque que  les  pélagiens.  Ces  hérétiques  di- 
saient :  Dieu  veut  sauver  tous  les  hommes, 
et  Jésus-Clu'ist  est  mort  pour  tous,  donc  la 
grâce  est  donnée  à  tous.  Le  venin  -de  l'erreur 
était  encore  caché  sous  ces  expressions.  1" 
Ils  entendaient  [larla  grâce  la  connaissance 
•le  Jésus-Christ,  de  ses  leçons,  de  ses  exeni- 

fli's,  de  ses  promesses;  rien  de  plus  :  nous 
avons  prouvé.  2°  Us  prétendaient  que  celle 


grâce  est  donnée  à  tous  ceux  qui  la  méritent 
et  qui  s'y  disposent  par  leurs  désirs,  ]iar  le 
bon  usage  de  leurs  facultés  naturelles  ;  d'oiî 
il  s'ensuivait  que  cette  grâce  n'est  pas  gra- 
tuite, que  Dieu  n'est  pas  le  maître  de  la  don  ■ 
ner  aux  uns  plus  qu'aux  autres,  selon  son 
bon  plaisir;  que  celte  distribution  est  un 
acte  de  justice.  3°  Us  entendaient  que  Jésus- 
Christ  est  mort  pour  tous  les  hommes,  et 
que  Dieu  veut  les  sauver  tous  également  et 
indilféremment,  sans  aucune  prédilection 
jiour  les  uns  plutôt  que  pour  les  autres,  œ- 
qiialiter,  indiscrète,  indiffer enter. Conséquem- 
ment  ils  rejetaient  toute  prédestination  gra- 
tuite. Pelage  s'en  est  expliqué  clairement 
sur  ces  paroles  de  saint  Paul,  Rom.  c.  ix, 
V.  15  :  J'aurai  pitié  de  qui  je  voudrai,  et  je 
ferai  miséricorde  à  celui  dont  j'aurai  pi- 
tié. «  Voici ,  dit  Pelage ,  le  vrai  sens  : 
J'aurai  pitié  de  celui  que  j'ai  prévu  pouvoir 
mériter  miséricorde,  de  manière  que  j'en  ai 
eu  pitié  dès  lors.  »  Les  semi-pélagiens  pen- 
saient de  même;  ils  se  fondaient  sur  ces  au- 
tres paroles  de  saint  Paul  :  En  Dieu  il  n'y  a 
point  d'acception  de  personnes,  Rom.,  c.  ii, 
V.  11  ;  Il  n'y  a  point  d'iniquité  en  Dieu,  c.  ix, 
V.  14;  comme  si  c'était  une  iniquité  de  la 
part  de  Dieu  de  distribuer  inégalement  ses 
bienfaits.  Ainsi  la  manière  dont  ils  enten- 
daient que  Dieu  veut  sauver  tous  les  hom- 
■  mes,  et  que  Jésus-Christ  est  mort  pour  tous, 
renfermait  deux  erreurs  grossières.  Dieu  ne 
veut  point  également  et  indifféremment  .  le 
salut  de  tous,  puisqu'il  donne  aux  uns  des 
grâces  plus  abondantes,  plus  iannédiates, 
plus  puissantes  qu'aux  autres.  Ji'^sus-Christ 
n'est  pas  mort  également  et  inditl'éremment 
pour  tous,  puisque  tous  ne  participent  i)as 
également  aux  fruits  de  sa  mort,  quoique 
tous  y  aient  part  plus  ou  moins. 

Saint  Augustin  n'y  fut  pas  trompé;  par 
l'exemple  des  enfants  dont  les  uns  reçoivent 
la  grâce  du  baptême,  pendant  que  les  autres 
en  sont  privés  ,  sans  y  avoir  contribué  en 
rien,  il  démontra  la  fausseté  du  sentiment 
des  pélagiens.  U  prouva  par  la  doctrine  de 
saint  Paul,  que  la  vocation  à  la  foi,  seule 
grâce  admise  par  ces  hérétiques,  n'a  pas  été 
la  récompense  du  mérite  des  Juifs,  ni  de  ce- 
lui dos  gentils,  mais  un  effet  do  la  piédesti- 
nalion  gratuite  do  Dieu,  et  que  tel  est  lésons 
de  CCS  paroles  de  l'apôtre  :  J'aurai  pitié 
de  qui  je  voudrai,  etc.  Couséquemmont  le 
saint  docteur  donna  différentes  explications 
des  passages  dans  lesquels  il  est  dit  que  Dieu 
veut  sauver  tous  les  hommes,  que  le  Verbe 
divin  éclaire  tout  homme  qui  vient  en  ce 
monde;  que  Jésus -Christ  est  mort  pour 
tous,  etc.  Mais  il  faut  se  souvenir  que  le  but 
de  saint  Augustin  était  uniquement  de  réfu- 
ter le  sens  laux  que  les  pélagiens  donnaient 
à  ces  mêmes  passages.  De  là  certains  rai- 
sonneurs ont  conclu  que  le  saint  docteur 
n'a  pas  cru  l'universalité  de  la  rédemption 
ni  de  la  distribution  des  grâces  actuelles  in- 
térieures, faite  à  tous  les  hommes.  La  l'ausr- 
soté  de  cette  argumentation  saute  aux  yeux. 
1"  Saint,' Augustin  n'a  jamais  mis  aucune  res- 
triclion  à  ces  paroles  de  saint  Paul  (//  Cor. 


1575 


PEL 


PEL 


1374 


V,  l'i-)  :  «  Un  seul  est  mort  pour  tous ,  donc 
tous  sont  morts  ,  »  {iar  lesquelles  il  juouve 
runivpi\-alit6  du  péché  orijuiel  par  l'univer- 
salité de  la  rédemption.  Jl  n'eu  a  mis  au- 
cune h  ce  c[ue  dit  le  môuio  apôlie  (7  Tim. 
IV,  10  )  :  «  Jésus -Clirist  est  le  Sauveur  de 
tous  les  hommes,  principalement  des  lidèles;» 
ni  h  ce  que  dit  saint  Jean  (  Episl.  l,  2)  :  «  Il 
est  la  victime  de  propitiation  imur  nos  pé- 
chés, non-seulement  pour  les  nôtres,  mais 
pour  ceux  du  monde  entier.  »  Eu  effet ,  ces 
passages  ne  souffrent  aucune  exception. 
Voy.  Salit.  Sauvelh.  2°  Puisque  saint  Au- 
gustin soiiti''nt  que  Dieu  dnuiie  des  grAces 
actuelles  intérieures  aux  |iau'ns,  k  qui  peut- 
on  supposer  que  Dieu  les  refuse?  Voij.  In- 
fidi\li!s.  3°  Il  n'y  a  rien  de  connnun  entre  la 
grâce  pélagienne  et  la  grâce  aciuclle  inlr- 
rieure  donnée  à  l'homme  pour  faire  le  bien; 
la  priniièi'e  est  toujours  très-gi-atuite,  qu(ji 
qu'on  aient  dit  ces  hérétiques;  la  seconde  l'est 
aussi  à  l'égard  des  pécheurs  ;  mais  saint  Au- 
gustin a  l'oconnu  cent  fois  que ,  dans  les 
justes,  une  secomle  grâce  est  souvent  la  ré- 
compense du  bon  usage  d'une  première 
grâce.  Voy.  Grâce,  §  2. 

Lorsque  le  saint  docteur  enseigne  que  la 
prédestination  est  purement  gratuite  et  in- 
dépendante des  mérites  de  Ihomme,  on  voit 
de  quelle  prédestination  et  de  quels  mi'rites 
il  parle  ;  iJ  s'agit  uniquement  de  la  j)rédesti- 
nation  à  la  grâce  ou  à  la  fui,  il  s'agit  de  mé- 
rites acquis  jiar  les  forces  naturelles  de 
l'homme.  Entre  saint  Augustin  et  les  pela- 
giens,  il  n'a  jamais  été  question  de  savoir  si, 
dans  la  prédestination  des  saints  à  la  gloire 
éternelle.  Dieu  n'a  aucun  égard  aux  mérites, 
jiroduits  en  eux  par  la  grâce  actuelle  inté- 
rieure,  puisque  les  pclagiens  nea  admet- 
taient [loiut  de  cette  espèce.  Pelage  pai'tait 
évidemment  du  même  principe  dout  les  déis- 
tes se  servent  [)Our  nier  tonte  révélation  ; 
il  ne  voulait  jias  que  Dieu  eOt  de  la  pré- 
dilection pour  aucune  de  ses  créatures  ,  ni 
qu  il  accordât  plus  d"  bienfaits  surnaturels  à 
un  houuue  qu'à  un  autre  ,  à  mouis  que  cet 
homme  ne  les  eût  mérités.  Mais  on  pouvait 
le  réfuter  par  sa  |iropre  doctrine  :  il  appe- 
lait grâce  lu  pouvoir  naturel  de  faire  le  bien  ; 
or  ce  pouvoir  n'est  certainement  pas  égal 
dans  tous  les  hommes  ;  plusieurs  sont  nés 
avec  plus  d'esprit,  avec  un  meilleur  carac- 
tère,  avec  plus  d'inclination  à  la  verlu, 
avec  des  passious  moins  violentes  que  les 
autres.  Dieu  a  donc  eu  de  la  i)rédilection 
pour  eux;  c'est  une  grâce  où  un  bienfait  pu- 
rement gratuit  qu'il  a  daigné  leur  accorder; 
ils  ne  l'avaient  pas  méi-ité  avant  de  naître. 
Dieu  sans  doute  l'a  ainsi  voulu  et  résolu  de 
toute  éternité  ;  cette  volonté,  ce  décret,  ne 
sont-ils  pas  une  prédestination?  Pelage  ne 
s'apercevait  pas  qu'il  déraisonnait  ;  les  semi- 
péfagieus  qui  l'imitèreut  ne  fui'ent  pas  plus 
sa^es  ,  et  les  déistes  qui  les  ont  copiés  sans 
le  savoir  sont  réfutés  par  les  mêmes  ré- 
flexions. Vuy.  1^ÉGAL1TÉ,  Paktialité,  Révé- 

LATiON,  U.NIVEKSALISTES,  CtC. 

Quant  à  la  rigueur  avec  laquelle  Pelage 
décidait  qu'au  jugement  de  Dieu  tous  les  pé- 


cheurs sans  exception  doivent  Cire  condam- 
nés au  l'eu  éternel ,  saint  Augustin  l'a  vive- 
ment censurée  :  «  Qu'il  sache  ,  dit- il ,  que 
l'Kglise  n'adoi)le  point  celte  erreur;  quicon- 
que ne  fait  [las  miséricorde,  sera  jugé  sans 
miséricoide.  »  L.  de  Gestis  Pelagii,  e.  '.i,  n°9 
et  11.  Il  dit  ailleujs  :  «  Celui  <pii  sait  ce  que 
c'est  que  la  bonté  d<'  Dieu  peut  juger  quels 
sont  lesjtéchés  qu'il  doit  punir  certainement 
eu  ce  monde  et  en  l'autre,  »  L.  &i,  quœst. 
q.  27.  «  Dieu  damnerait  tous  les  hommes  , 
s'il  était  juste  sans  miséricorde ,  et  s'il  ne  la 
faisait  pas  éclater  davantage,  en  sauvant  des 
âmes  qui  en  sont  indignes,  »  Enchir.  ad 
Ldurcnl.,  c.  27.  «  Dieu,  pour  ne  pas  être  in- 
juste, ne  punit  que  ceux  ([ui  l'uni  mérité; 
mais  lorsqu'il  fait  miséricorde  sans  qu'on 
l'ait  mérité ,  il  ne  fait  pas  une  injustice ,  » 
L.  h,  cuntra  duas  Epist.  Pclag.,  c.  G,  n*  16. 
Saint  Jérôme  avait  rejeté  avec  la  niênje  in- 
dignation le  sentiment  de  Pelage  :  «  Qui  peut 
soulliir,  dit-il ,  que  vous  boiniez  la  miséri- 
corde de  Dieu,  et  que  vous  dictiez  la  sen- 
tence du  juge  avant  le  jugement?  Dieu  ne 
l)ourra-t-il  pas,  sans  votre  aveu  ,  pardonner 
aux  péeheurs  ,  s'il  le  juge  à  propos  ?  Vous 
alléguez  les  menaces  de  l'Ecriture  ,  ne  con- 
cevez-vous pas  que  les  menaces  de  Dieu  sont 
souvent  un  effet  de  sa  clémence?  »  Dial.  1 
conlra  Pelag.,  c.  9;  Op.,  t.  IV,  col.  501. 

IJI.  Si  l'on  veut  voir  la  suite  et  l'enchaîne- 
ment de  la  dispute  entre  \e&pélagieiis  et  l'E- 
glise catholique,  il  faut  lire  les  dissertations 
du  P.  Garnier,  jésuite,  qui  sont  jointes  à 
r/'-dition  qu'il  a  donnée  des  ouvrages  de  Ma- 
rins Wercator,  et  que  Le  Clerc  a  rassemblées 
dans  son  Appendix  migustiniaim.  Il  remonte 
à  l'or-igine  du  pélagmnisme ,  et  fait  voir  que 
cette  erreur  est  plus  ancienne  que  Pelage  ; 
il  fait  l'éuumération  des  conciles  qui  l'ont 
proscrite,  soit  en  Afrique,  soit  dans  l'Orient, 
en  Italie  et  dans  les  Gaules.  Il  rapporte  les 
lois  que  les  empereurs  portèrent  pour  l'ex- 
tirper et  les  souscriptions  que  l'on  exigeait 
de  ceux  qui  voulaient  y  renoncer.  Il  fait  le 
délaU  des  professions  de  foi  et  des  livres 
('■crits  par  les  pdlagiens  ,  pour  la  défense  de 
leurs  sentiruents,  et  des  ouvrages  comjiosés 
jiar  les  docteu's  catholiques  pour  les  réfu- 
ter; il  ex|)Ose  les  arguments  proposés  pour 
et  contre. Il  montre  lesprogrèsde  cette  hérésie 
dep  ils  sa    naissance  jusqu'à  son  extinction. 

La  manière  dont  Julien  travestissait  la  doc- 
triiu;  catholique  pour  en  inspirer  de  l'hor- 
reur est  curieuse  :  «  On  veut ,  dit-il ,  nous 
forcer  de  nier  que  toute  créature  do  Dieu 
soit  bonne,  et  d'admettre  des  substances  que 

Dieu  n'a  pas  faites On  a  décidé  contre 

nous  que  la  nature  humaine  est  mauvaise. 
Nos  adversaires  enseignent  que  le  libre  ar- 
bitre a  été  détruit  par  le  péché  d'Adam;  que 
Dieu  n'est  pas  le  créateur  des  enfants  ;  que 
le  mariage  a  été  institué  par  le  diable.  Sous 
le  nom  de  grâce ,  ils  établissent  tellement  la 
fatalité,  qu'ils  disent  que  si  Dieu  n'inspire 
pas  à  l'homme  malgré  lui  le  désir  du  bien  , 
même  impaifait,  l'homme  ne  peut  ni  éviter 
le  mal  ni  faire  le  bien.  Ils  disent  que  la  loi 
de  l'Ancien  Testament  n'a  pas  été   douuée 


ms 


PEL 


PEL 


157« 


pour  rendre  justesceux  qui  la  pratiqueraient, 
mais  pour  faire  commettre  de  plus  grands 
péchés  ;  que  le  baptême  ne  renouvelle  pas 
entièrement  les  hommes ,  et  n'opère  pas  la 
rémission  entière  des  péchés ,  mais  que 
ceux  qui  l'ont  reçu  sont  en  partie  enfants  de 
Dieu  et  en  partie  enfants  du  démon.  Ils  pré- 
tendent que,  sous  l'Ancien  Testament ,  le 
Saint-Esprit  n'a  point  aidé  les  hommes  à 
être  vertueux,  que  les  apôtres  mêmes  et  les 
prophètes  n'ont  pas  été  parfaitement  saints, 
mais  seulement  moins  mauvais  que  les  au- 
tres. Ils  poussent  le  blasphème  jusqu'à  dire 
que  Jésus-Christ  a  failli  par  l'infirmité  de  la 
cliair  :  c'est  ainsi  qu'ils  pensent  avec  les  ma- 
nichéens. »  Garnier,  cinquième  Dissertât., 
p.  232.  L'injustice  de  toutes  ces  imputations 
est  palpable,  mais  tel  a  été  dans  tous  les  siè- 
cles l'artifice  des  hérétiques,  de  déguiser  leur 
doctrine  et  celle  de  leurs  adversaires,  afin  de 
pallier  la  fausseté  de  l'une  et  d'obscurcir  la 
vérité  de  l'autre.  Vainement  saint  Augustin 
démontra  la  malignité  de  Julien,  et  la  lui  re- 

f)rocha;  cet  hérétique  obstiné  persévéra  dans 
'erreur  jusqu'à  la  mort.  Il  paraît  que  Pelage 
y  fut  entraîné  moins  par  le  désir  d  éviter  les 
excès  des  manichéens  aue  par  l'envie  d'ôter 
aux  pécheurs  et  aux  cnrétiens  lâches  tout 
prétexte  de  se  dispenser  de  la  perfection 
chrétienne  :  mais  en  évitant  un  excès  ,  il 
n'aurait  pas  fallu  donner  dans  un  autre. 
Pendant  la  vie  même  de  saint  Augustin  , 
quelques  théologiens  crurent  aussi  trouver 
de  l'excès  dans  la  doctrine  de  ce  saint  doc- 
teur; ils  cherchèrent  un  milieu  entre  ses  sen- 
timents et  ceux  des  pélagiens,  et  ils  donnè- 
rent naissance  au  Semi-Pélagianismk.  Voy. 
ce  mot.  D'autre  part,  après  sa  mort,  d'autres 
prirent  dans  la  plus  grande  rigueur  tout  ce 
qu'il  a  dit  touchant  la  prédestination  ,  sans 
faire  attention  à  l'état  de  la  question  qu'il 
traitait,  et  ils  furent  nommés  prédestinatiens; 
nous  en  parlerons  en  son  lieu.  Au  xvr  siè- 
cle, Luther  et  Calvin  ont  fait  la  même  chose; 
sous  prétexte  de  suivre  la  doctrine  de  saint 
Paul  et  de  saint  Augustin,  ils  ont  admis  un 
décret  absolu  de  prédestination,  en  vertu 
duquel  les  élus  sont  nécessairement  con- 
duits au  bonheur  éternel ,  et  les  réprouvés 
entraînés  dans  les  abîmes  de  l'enfer  ;  con- 
duite qui  serait  contraire  à  la  justice  et  à  la 
sainteté  de  Dieu,  et  qui  ferait  de  l'homme  un 
pur  jouet  de  la  fatalité.  Ils  n'ont  cessé  de 
reprocher  le  pélagianisme  à  l'Eglise  catholi- 
que et  à  ses  docteurs  ;  mais  leur  aveugle- 
ment a  lait  effectivement  renaître  le  pur  pé- 
lagianisme parmi  les  arminiens  et  les  soci- 
niens ,  et  pendant  que  les  premiers  font 
profession  de  canoniser  la  doctrine  de  saint 
Augustin,  les  seconds  la  rejettent  hautement, 
iiarce  que  les  uns  et  les  autres  s'obstinent  à 
lui  prêter  des  sentiments  qu'il  n'eut  jamais. 
La  force  avec  laquelle  ce  grand  homme  a 
soutenu  le  dogme  catholique  lui  a  mérité  à 
juste  titre  le  nom  du  docteur  de  la  grâce  ; 
mais  il  ne  faut  pas  croire,  comme  le  voulaient 
certains  théologiens,  que  l'Eglise,  en  confir- 
Miant  ces  dogmes  par  les  décrets  des  papes 
et  des  conciles,  a  consacré  de  même  toutes 


les  preuves  dont  saint  Augustin  s'est  servi 
pour  les  établir,  toutes  les  explications  qu'il 
a  données  des  passages  de  l'Ecriture  sainte, 
toutes  les  réponses  qu'il  oppose  aux  objec- 
tions, toutes  les  opinions  accessoires  qu'il 
peut  avoir  suivies  dans  le  cours  de  la  dis- 
pute. Nous  avons  fait  voir  ailleurs  que  le 
pape  Célestin  I  en  a  fait  la  distinction,  et  que 
saint  Augustin  lui-même  a  blAmé  ceux  qui 
juraient  sur  sa  parole.  Les  théologiens  ,  qui 
accusent  de  pélagianisme  ceux  qui  usent  de 
la  liberté  que  l'Eglise  leur  laisse ,  sont  des 
téméraires  ;  le  saint  docteur  ne  les  aurait 
pas  reconnus  pour  ses  vrais  disciples.  Voy. 
Saint  Augustin. 

PÈLERINAGE,  voyage  fait  par  dévotion  à 
un  lieu  consacré  par  quelque  monument  de 
notre  religion.  Dès  la  naissance  de  l'Eglise, 
les  fidèles  ont  été  curieux  de  visiter  les  lieux 
sur  lesquels  se  sont  passés  les  mystères  de 
notre  rédemption,  Jérusalem  et  les  autres 
lieux  de  la  Judée,  afin  de  se  convaincre  par 
leurs  propres  yeux  de  la  vérité  de  l'histoire 
évangélique,  et  ils  n'ont  pas  pu  le  faire  sans 
sentir  une  émotion  douce  et  religieuse.  On 
en  voit  des  exemples  dès  le  m*  siècle.  Lors- 
que saint  Alexandre  fut  fait  évêque  de  Jéru- 
salem avec  saint  Narcisse,  il  était  venu  de 
Cappadoce  visiter  les  saints  lieux.  Eusèbe, 
Hist.  eccl.,  1.  VI,  c.  10.  Par  le  môme  motif, 
saint  Jérôme  et  les  dames  romaines  qu'il 
avait  instruites,  ont  voulu  y  passer  leur  vie. 
L'usage  de  faire  la  fête  des  martyrs  sur  leur 
tombeau  est  de  même  date;  nous  en  sommes 
convaincus  par  les  actes  du  martyre  de  saint 
Ignace  et  de  saint  Polycarpe  ;  on  y  accourait 
des  environs  pour  célébrer  leur  mémoire,  et 
souvent  plusieurs  évoques  s'y  rencontraient. 
L'empereur  Julien  avoue  qu'avant  la  mort  de 
saint  Jean,  les  tombeaux  des  apôtres  saint 
Pierre  et  saint  Paul  étaient  déjà  fréquentés; 
saint  Cyrille,  contra  Jul.,  1.  x,  pag.  327.  Ce 
concours  augmenta  lorsque  la  liberté  fut  ac- 
cordée à  l'Eglise.  Saint  Paulin  atteste  l'em- 
pressement qu'avaient  les  habitants  de  l'Ita- 
lie à  visiter  le  tombeau  de  saint  Félix  de 
Noie,  le  jour  de  sa  fête.  Ce  n'est  donc  pas 
une  dévotion  née  dans  les  siècles  d'igno- 
rance. 

Plus  on  est  instruit,  mieux  on  sent  que  la 
piété  a  besoin  d'être  aidée  par  les  sens;  la 
vue  des  reliques  d'un  saint ,  de  son  sépul- 
cre, de  sa  prison,  de  ses  chaînes,  des  instru- 
ments de  son  martyre ,  fait  une  toute  autre 
impression  que  d'en  entendre  parler  de  loin. 
Les  miracles  que  Dieu  y  a  souvent  opérés 
excitaient  la  curiosité  des  infidèles  mêmes, 
et  furent  plus  d'une  fois  la  cause'  de  leur 
conversion.  Tels  furent  les  motifs  qui  por- 
tèrent, au  iv*  siècle,  l'impératrice  Hélène  à 
honorer  et  à  rendre  célèbres  les  saints  lieux 
de  Jérusalem  et  de  toute  la  terre  sainte. 
Saint  Jérôme,  Epist.  ad  Marcell.,  est  témoin 
du  concours  qui  s'y  faisait  de  toutes  les  par- 
ties de  l'empire  romain.  Ainsi  cette  dévotion 
s'est  introduite  naturellement,  et  sans  qu'il 
ait  été  besoin  de  la  suggérer  au  peuple.  Un 
motif  d'intérêt  s'est  joint  à  la  piété  dans  la 
suite  ;  i'aftluence   des  pèlerins  enrichissait 


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les  villes;  le  respect  pour  les  «aints  dont  les 
os  y  reposaient  porta  les  princes  à  y  accor- 
der des  droits  d'asile  et  de  franchise,  comme 
fit  Constantin  en  faveur  d'Hélénople  en  Bi- 
thynie.  Rien  de  plus  célèbre  en  France  que 
la  franchise  de  saint  Martin  de  Tours,  et  on 
sait  le  respect  que  les  Goths ,  tout  barbares 
qu'ils  étaient,  témoignèrent  (lour  l'Eglise  de 
Saint-Pierre,  lorsqu'ils  prirent  Rome.  Fleury, 
Mœurs  des  chrét.,  n.  44. 

Dans  les  bas  siècles,  entre  les  œuvres  pé- 
nales ,  qui  tenaient  lieu  de  la  pénitence  ca- 
nonique ,  une  des  plus  usitées  était  le  pèle- 
rinage aux  lieux  célèbres  de  dévotion  , 
comme  à  Jérusalem  ,  à  Rome  ,  à  Tours  ,  à 
Compostelle.  Une  raison  politique  y  con- 
courait encore  ;  pendant  toute  la  durée  du 
gouvernement  féodal ,  les  peuples  de  l'Eu- 
rope ne  pouvaient  avoir  entre  eux  presque 
aucune  communication  que  parle  moyen  de 
la  religion  :  les  pèlerinages  étaient  la  seule 
manière  de  voyager  en  sûreté  ;  au  milieu 
môme  des  hostilités,  les  pèlerins  étaient  re- 
gardés comme  des  personnes  sacrées.  11  n'est 
donc  pas  étonnant  que  l'on  ait  vu  voyager 
ainsi  les  évoques  et  les  moines ,  les  princes 
et  les  rois  ;  le  goût  du  roi  Robert  pour  ces 
courses  pieuses  est  connu.  Dans  le  xi'  siècle, 
le  pèlerinage  de  Jérusalem  flit  très-commun; 
c'est  ce  qui  donna  naissance  aux  croisades. 
Aujourd'nui  encore  dans  l'Orient,  les  pèlerins 
seuls  de  la  Mecque  ont  le  privilège  de  traver- 
ser librement  l'Arabie,  et  la  plupart  des  pèle- 
rinages des  mahométans  sont  des  foires.  C'est 
pour  cela,  dit  un  voyageur  sensé  ,  que  tous 
•es  pèlerinages  que  l'on  n'entreprend  qu'à  un 
temps  fixe  se  sont  soutenus  pendant  des 
milliers  d'années,  plutôt  parle  commerce 
nue  par  dévotion.  En  France ,  la  première 
foire  franche  a  commencé  à  Saint -Denis. 
Nous  ne  dissimulons  pas  qu'il  s'y  mêla  des 
abus;  dès  le  ix'  siècle,  un  concile  de  Châ- 
ions  voulut  y  remédier.  Les  pécheurs  cou- 
pables des  plus  grands  crimes  se  croyaient 
puriliés  et  absous  par  un  pèlerinage  ;  les  sei- 
gneurs en  jironaient  occasion  de  faire  des 
exactions  sur  leurs  sujets,  pour  fournir  aux 
frais  du  voyage  ,  et  c'était  un  prétexte  anx 

gauvres  pour  mendier  et  vivre  en  vagabonds, 
le  là  les  protestants,  prévenus  contre  toutes 
les  pratiques  religieuses  do  l'Eglise  catholi- 
que, sont  partis  pour  réprouver  les  pèlerinor- 
ges.  C'est  une  su[)erstition ,  disent-ils,  d'at- 
tribuer une  prétendue  sainteté  à  un  lieu 
quelconque;  ce  i)réjugé  a  été  introduit  par 

I  intérêt  des  prêtres  et  par  les  fraudes  pieu- 
ses des  moines  ;  c'est  un  prétexte  pour  en- 
tretenir la  fainéantise  et  le  libertinage.  Mais 
ces  censeurs  hardis  ont  oublié  que  l'Ecriture 
sainte  à  laquelle  ils  nous  renvoient  toujours, 
attribue  la  sainteté  aux  lieux  dans  lesquels 
Dieu  a  daigné  faire  éclater  sa  présence.  Dieu 
dit  à  Moïse  [Exod.  m,  5]  :  «  Ote  tes  souliers, 
la  terre  où  tu  es  est  une  terre  sainte.  »  Le 
tabernacle  et  le  temple  sont  appelés  le  lieu 
saint  ;  Jérusalem  et  le  mont  de  Sion  sont 
nommés  la  ville  et  la  montagne  sainte ,  etc. 

II  n"a  pas  été  besoin  que  les  prêtres  ni  les 
moines  s'en  môlassent  pour  inspirer  aux 


chrétiens  une  dévotion  qui  vient  naturelle- 
ment à  l'esprit  de  tous  les  peuples,  et  qui 
a  lieu  dans  les  fausses  religions  aussi  bien 
que  dans  la  vraie.  Il  passe  pour  constant 
que  le  pèlerinage  des  Arabes  à  la  Meccjue  ou 
à  la  Caoaa,  qu'ils  croient  être  l'ancienne  de- 
meure d'Abraham,  est  de  la  plus  haute  anti- 
quité. 

11  est  résulté  des  abus  de  cet  usage  :  qui 
en  doute  ?  11  s'en  est  glissé  partout,  et 
l'esprit  destructeur  des  prolestants  ne  les  a 
pas  tous  bannis  ;  il  fallait  les  retrancher  et 
laisser  subsister  une  pratique  utile  en  elle- 
même.  Parce  qu'elle  n'est  plus  nécessaire 
aux  vues  de  la  politique,  il  ne  s'ensuit  pas 
qu'elle  est  devenue  criminelle  ou  dangereuse. 
Des  protestants  modérés,  qui  sesont  trouvés 
dans  de  grandes  solennités  de  l'Eglise  ro- 
maine, sont  convenus  qu'ils  n'avaient  pu 
s'empêcher  d'en  être  touchés  ;  d'autres  ont 
avoué  que  les  prétendus  réformateurs  ont 
mal  connu  la  nature  humaine,  et  ont  péché 
contre  la  prudence,  lorsqu'ils  ont  réduit  le 
culte  à  une  nudité  qui  le  rend  incapable  d'ex- 
citer la  piété.  Voy.  Culte. 

PÉNITENCE,  regret  d'avoir  péché,  joint 
à  la  volonté  d'expier  ses  fautes  et  de  s'en 
corriger  (1).  Celte  définition  est  déjà  un  sujet 

(1)  Canons  de  doctrine  sur  le  sacrement  de  péni- 
tence. 

Si  quelqu'un  dil  que  la  pénitence  n'est  pas  vérita- 
blement et  proprement  un  sacrement  institué  par 
Noire-Seigneur  Jésus-Chrisl  pour  réconcilier  à  Dieu 
les  (idoles,  toutes  les  fois  qu'ils  tombent  en  péché  de- 
puis le  baptême,  qu'il  soit  analhéme.  Conc.  de  Trente, 
XIV*  sess.,c.  1. — Si  quelqu'un,  confondant  les  sacre- 
ments, dit  que  c'est  le  baptême  même  qui  est  le  sa- 
crement de  pénitence,  commesi  ces  deux  sacrements 
n'élaianl  pas  distingués,  et  qu'ainsi  c'est  mal  à  propos 
qu'on  appelle  la  pénitence  la  seconde  table  après  le 
naufrage,  qu'il  soit  analhéme.  G.  2.  —  Si  quelqu'un 
dil  que  ces  paroles  de  Notre  Seigneur  Jésus-Christ  et 
Sauveur;  Recevez  le  Saint-Esprit  :  Les  péchés  $eront 
T,mis  à  ceux  à  qui  vous  tes  remetlrez,  ri  seront  retenus 
à  ceux  à  qui  vous  les  retiendrez,  ne  doivent  pas  être 
entendues  de  la  puissance  de  remettre  et  de  retenir 
les  péchés  dans  le  sacrement  de  pénitence,  comme 
l'Eglise  calholii|ue  les  a  toujours  enlenihies  dés  le 
commencement  ;  mais  que,  contre  l'institution  de  ce 
sacTement,  il  détourne  le  sens  de  ces  paroles  pour  les 
appliquer  au  pouvoir  de  prêcher  l'Evangile;  qu'il  soit 
analhéme.  C.  i.  —  Si  quelqu'un  dit  que  la  contri- 
tion à  laquelle  on  parvient  par  la  discussion,  la  revue 
et  la  détestaiion  de  ses  péchés,  quand,  repassant  en 
son  esprit  les  années  de  sa  vie  dans  l'amertume  de 
son  cœur,  on  vient  à  peser  la  griéveté,  la  multitude 
et  la  difformité  de  ses  péchés,  et  avec  cela  le  hasard 
où  l'on  a  été  de  perdre  le  bonheur  éternel,  et  d'en- 
courir la  damiiaiion  éternelle  avec  résolution  de  me- 
ner une  meilleure  vie  ;  qu'une  lelle  contrition  donc 
n'est  pas  une  douleur  véritable  et  utile,  et  ne  prépare 
point  à  la  grâce,  mais  qu'elle  rend  l'homme  hypo- 
crite et  plus  grand  pécheur;  enfin,  que  c'est  une  dou- 
leur lorcue  et  non  pas  libre  ni  volontaire  ;  qu'il  soit 
anathème.  C.  o.  {Voy.  Confession  pour  les  canons  6, 
7  et  8.)  —  Si  quelqu'un  dit  que  l'absolution  sacra- 
mentelle du  prêlre  n'est  pas  un  acte  judiciaire,  mais 
un  simple  ministère,  qui  ne  va  qu'à  prononcer  et 
déclarer  à  celui  qui  se  confesse  que  ses  péchés  lui 
seront  remis,  pourvu  seulement  qu'il  croie  qu'il  est 
absous  encore  que  le  prêtre  ne  l'absolve  pas  sérieu- 
sement, mais  par  manière  de  jeu  ;  ou  dit  que  la  con- 
fession dtt  piiaiieat  n'est  pat  requi&e,  aiia  qu«  U 


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de  disputes  entre  les  catholiques  et  les 
hétérodoxes.  Luther  a  prétendu  que  la  pcni- 
tence  consiste  seulement  dans  le  changement 
du  cœur  et  de  la  conduite,  et  que  le  grec 
fiSTavota  ne  signilie  rien  autre  chose  ;  le  re- 
gret du  passé,  dit-il,  serait  absurde;  la  con- 
trition ou  la  douleur  d'avoir  péché,  loin  do 
purifier  l'homme,  -ne  sert  qu'à  le  rendre 
hypocrite  et  plus  coupable.  Le  concile  de 
Trente  a  condamné  cette  erreur,  et  a  décidé 
le  contraire,  Sess.  \i\,  c.  iv,  et  can.  5  (1). 
La  prétention  de  Luther  est  fausse  h  tous 
égards.  Sans  insister  ici  sur  l'étymologie  du 
latin  pœnilenlia,  il  est  faux  que  le  grec  ne 
signitie  rien  autre  chose  que  résipiscence, 
changement  d'idées,  d'afl'ections,  de  conduite  ; 
selon  la  force  du  terme,  il  signifie  considé- 
ration ou  connaissance  du  passé,  et  il  est 
impossible  qu'un  homme  se  croie  obligé  do 
changer  de  vie,  sans  reconnaitre  qu'il  a  eu 

prèlre  le  puisse  absoudre;  qu'il  soit  analhèniie.  C.  9. 
—  Si  quelqu'un  dit  que  les  prêtres,  qui  sont  en  clat 
de  pétlié  mortel,  cessent  d'avoir  la  puissance  île  lier 
et  de  délier,  ou  ([iie  les  prêtres  ne  sont  pas  les  seuls 
minisires  de  l'ahsolution,  maisqne  c'a  été  à  tous  et  à 
ciiacun  des  fidèles  chrétiens  que  ces  paroles  ont  été 
adressées:  Tout  ce  que  vous  aurez  lié  sur  la  terre  sera 
autii  lié  dans  le  .  iel,  el  tout  (e  que  rous  uurei  délié  sur 
la  terre  sera  au  si  délié  daiu  le  ciel  ;  et  celles-ci  :  Les 
péchés  seront  )eiiùs  à  ceu.t  a  qui  vous  les  remeHrei,  et 
seront  retenus  U  ceux  à  qui  vous  les  retietidrez;  de  sorte 
qu'en  vertu  du  ces  paroles,  chacun  puisse  ahsoudre 
des  péchés;  drs  publics,  par  la  répréhension  seule- 
ment, si  celui  qui  est  repris  y  défère;  et  des  secrets, 
par  la  conlossion  volontaire,  qu'il  soit  anathéme.  C. 
10.  —  Si  quelqu'un  dit  que  les  évèques  n'ont  pas 
droit  de  se  réserver  des  cas,  si  ce  n'est  quant  à  la 
police  extérieuie,  et  qu'ainsi  celte  réserve  n'empêche 
pas  qu'un  prêtre  n'absolve  véritablement  des  cas  ré- 
serves ;  qu  il  soit  analhenie.  C.  11.  —  Si  quelqu'un 
dit  que  Dieu  remet  toujours  toute  la  peine  avec  la 
coulpe,  et  que  la  salisi'action  des  pénitents  n'est  au- 
tre chose  que  la  loi  par  laquelle  ils  conçoivent  que 
Jésus-Christ  a  salisfait  poumons;  qu'il  soit  analhéuie. 
C.  12.  —  Si  quelqu'un  dit  qu'on  ne  satisfait  nulle- 
ment à  Dieu  pour  ses  péchés  quant  à  la  psine  tempo- 
relle, en  vertu  des  mérites  de  Jésus-Christ,  par  les 
châtiments  que  Dieu  même  envoie  et  qu'on  supporte 
patiemment,  ou  par  ceux  que  le  prêtre  enjoint,  ni 
même  par  ceux  qu'on  s'impose  à  soi-même  volontai- 
rement, connue  sont  les  jeûnes,  les  prières,  les  au- 
mônes, ni  par  aucunes  autres  œuvres  de  piété,  mais 
que  la  véritable  et  bonne  pénitence  est  seulement  la 
nouvelle  vie;  qu'il  soit  analhèuie.  C.  13.  —  Si  quel- 
qu'un dit  que  les  satislactions  par  lesquelles  les  p'iii- 
tents  rachètent  leurs  péchés  par  Jésus-Christ,  ne  l'ont 
pas  partie  du  culte  de  Dieu,  mais  ne  sont  que  des 
traditions  humaines  qui  obscurcissent  la  oloctrine 
de  la  grâce,  le  vrai  culte  de  Dieu,  et  même  le  bienfait 
de  la  mort  de  Jesus-Christ  ;  qu'il  soit  anathéme.  C. 
14.  —  Si  quelqu'un  dit  que  les  clefs  n'ont  été  don- 
nées à  l'Eglise  que  pour  délier  et  non  pas  aussi  pour 
lier,  et  que  pour  cela  les  prêtres  agissent  contre  la  fin 
pour  laquelle  ils  ont  reçu  les  clefs  et  contre  l'insti- 
tulion  de  Jésus-Christ,  lorsqu'ils  imposent  des  peines 
à  ceux  qui  se  confessent,  et  que  ce  n'est  i|u'une  fic- 
tion de  dire  qu'après  que  la  peine  éternelle  a  elc  re- 
mise en  vertu  des  clefs,  la  peine  temporelle  reste  en- 
core le  plus  souvent  à  expier  ;  qu'il  soit  auatbènie. 
C.  f.j. 

(Ij  Nous  avons  développé  longuement  dans  notre 
Dict.  de  ïhéol.  nmr.,  tout  ce  qui  concerne  l'existence, 
les  efiets,  la  matière  et  la  forme,  le  swjel  el  le  minis- 
tre du  sacrenieal  de  pénitence. 


tort,  qu'il  est  coupable  et  digne  de  punition. 
Dans  le  texte  hébreu  des  livres  saints,  le 
mot  qui  exprime  ]a pénitence  n'est  pas  moins 
énergique,  et  il  est  souvent  accompagnd 
d'autres  termes  qui  en  di'terminent  le  sens. 
Gen.,  c.  VI,  v.  6  et  7,  Il  se  repentit  et  il  eut 
la  douleur  dans  son  cœur  ;  IFl  Reg.,  c.  viir, 
V.  47,  //  retourna  à  son  cœur;  Job,  c.  XLir, 
V.  G,  «  J'ai  parlé  comme  un  insensé  ;  je  me 
conilamuerai  donc,  et  je  ferai  pénitence  sur 
la  cendre.  »  Jerem.,  c.  xxxi,  v.  18  :  «Tous 
m'avez  châtié,  et  j'ai  été  instruit...  après 
(pje  vous  m'avez  converti,  j'ai  fait  péni- 
tence; et  quand  vous  m'avez  fait  connaître 
mon  crime,  je  me  suis  frappé,  j'ai  été  con- 
fus et  j'ai  rougi.  »  Un  cœur  pén-itent  est 
appelé  un  cœur  contrit,  brisé,  humilié,  etc. 
Dans  Je  Nouveau  Testament,  nous  lisons, 
Matth.,  c.  ni,  v.  2  et  8  :  «  Faites  pénitence^ 
le  royaume  des  cieux  est  proche...  faites  de- 
dignes  fruits  de  pénitence.  »  Il  Cor.,  c.  vfi, 
V.  10  :  «  La  tristesse,  qui  est  selon  Dieu, 
Ojièrelap^/ii'ienceet  la  santé  stable  de  l'àme.» 
11  est  donc  faux  que  la  tristesse,  la  douleur, 
le  regret  d'avoir  péché,  soient  un  sentiment 
insensé  ou  blâmable  ;  que  la  pénitence  ainsi 
conçue  ne  soit  pas  un  acte  de  vertu.  H 
serait  inutile  de  prouver  que  le  sens  de  ces 
passages  de  l'Ecriture  sainte  est  co^nfirmé 
par  la  tradition,  par  le  sentimeni  constant 
des  Pères  de  l'Eglise.  Luther  n'avait  aucun 
é^ard  à  la  tradition  ;  il  ne  tondait  son  opinion 
que  sur  des  raisonnements  frivoles  ;  nous 
ne  savons  pas  si  ses  sectateurs  y  ont  per 
sévéré. 

11  est  évident  que  Luther  ne  soutenait  c» 
paradoxe  cju'alin  d'en  conclure  que  \Sl péni- 
tence ne  peut  être  ni  une  vertu  ni  un  sacre- 
ment ;  la  doctrine  catholique  est  au  con- 
traire cpje  la  pénitence  est  non-seulement 
une  vertu,  mais  un  sacrement  qui  efface  les 
péchés  commis  après  le  baptême,  et  qui 
donne  au  pécheur  la  grâce  de  changer  de 
vie  ;  ainsi  l'a  décidé  le  concile  de  Trente, 
ibid.  Cette  décision  renferme  quatre  choses  : 
1°  que  Jésus-Christ  a  donné  à  son  Eglise  le 
pouvoir  de  remettre  les  péchés  commis 
après  le  baplème;  2°  que  ce  pouvoir  doit 
s'exercer  par  manière  de  jugement  ;  que  ce 
n'est  pas  seulement  l'autorilé  de  déclarer 
que  les  péchés  sont  remis,  mais  de  les  re- 
mettre en  elfet  de  la  part  de  Dieu  ;  3°  que 
ce  jugement  exige  l'accusation  ou  la  con- 
fession du  coupable  ;  k"  que  la  confession 
doit  être  accompïognée  d'un  regret  sincère 
et  de  La  volonté  de  satisfaire  k  la  justice  de 
Dieu  pour  le  péché.  Difl'érentes  sectes  d'hé- 
rétiques ont  refusé  de  reconnaître  ces  divers 
points  de  doctrine.  Au  n"  siècle,  les  monta- 
nistes  nièrent  absolument  que  l'Eglise  p(^t 
absoudre  aucun  pénitent  ;  au  nr,  les  nova- 
tiens  ne  voulurent  admettre  la  rémission 
des  péchés  que  dans  le  baptême  ;  au  vi", 
quelques  eutychiens  soutinrent  qu'il  fallait 
se  confesser  à  Dieu  et  non  aux  ]irètrps  ;  les 
albanais  tirent  de  môme  au  vin'  ;  dans  io 
xn',  les  vaudois  prétendirent  qu'un  laïque, 
honinie  de  bien,  avait  plutôt  le  pouvoir  dd 
remettre  les  péchés  qu'un  raauvais  prêtre  j 


13S1 


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1382 


au  XIV",  Wiclef  enseigna  que  la  confession 
est  sii[)ertluc  ;  au  xvi%  les  luthériens  décla- 
rèrent, dans  la  confession  d'Augsbourg, 
qu'ils  conserv;iient  le  sacrement  do  pcni- 
tencc;  mais  la  jilupart  en  ont  retranclié  l'a- 
sage  :  Calvin  ni  ses  disciples  n'ont  jamais 
voulu  l'admettre. 

L'essentiel  est  donc  de  prouver  que  Jésus- 
Christ  a  donné  à  son  Eglise  le  pouvoir  d'ab- 
soudre les  pécheurs  ou  de  remettre  _  les 
péchés,  les  autres  points  de  doctrine  s'en- 
suivront comme  autant  de  conséiiuences. 
Matth.,  c.  XVI,  V.  lu,  Jésus-Christ  dit  à 
saint  Pierre  :  Je  voua  donnerai  les  clefs  du 
royaume  des  deux,  tout  ce  que  vous  lierez 
ou  délierez  sur  la  terre  sera  lié  ou  délié  dans 
le  ciel.  C.  xviti,  v.  18,  le  Sauveur  adresse 
les  mômes  parules  à  tous  ses  apôtres.  Joan. 
c.  XX,  v.  21,  il  leur  dit  :  Comme  mou  Père 
m'a  envoyé,  je  vous  envoie...  Recevez  le  Suint- 
Esprit  ;  tes  péchés  sont  remis  à  ceux  auxquels 
vous  les  remettreZy  et  ils  sont  retenus  à  ceux 
auxquels  vous  les  retiendrez.  Los  protestants, 
incommodés  par  une  promesse  aussi  for- 
melle, en  ont  tourné  et  retourné  le  sens  à 
leur  gré.  Us  disent  (fue  les  apôtres  et  leurs 
successeurs  ont  exercé  en  elfet  le  pouvoir 
de  remettre  les  péchés,  1°  par  le  baptême 
qui  est  souvent  appelé  par  les  anciens  le 
sacrement  de  la  rémission  des  péchés  ;  2°  par 
l'eucharistie  qui,  en  excitant  la  foi,  ellace 
les  péchés;  3°  parla  prédication  de  la  parole 
de  Dieu,  que  saint  Paul  appelle  la  parole  de 
réconciliation,  11.  Cor.,  c.  v,  v.  19;  i°  par 
les  prières  et  par  l'imposition  des  mains, 
par  lesquelles  on  rétablissait  dans  la  com- 
munion de  l'Eglise  et  dans  la  participation 
aux  saints  mystères,  les  pécheurs  qui 
avaient  fait  la  pénitence  publique.  Toutes 
ces  explications  sont-elles  justes? 

En  premier  lieu,  uu  païen  même  peut 
baptiser  validement,  par  conséquent  remet- 
tre ainsi  les  péchés  ;  les  paroles  de  Ji'sus- 
Chrisl,  adressées  aux  seuls  ai)ôtres,  doivent 
donc  signitier  quelque  chose  de  plus.  — En 
second  lieu,  il  est  iauxque  jamais  l'Ecriture 
sainte  ait  attribué  à  l'eucharistie  le  pouvoir 
de  remettre  les  péchés  ;  ou  a  toujours  cru 
au  contraire  qu'il  fallait  èlre  purilié  du  pé- 
ché pour  recevoir  ce  sacrement  avec  fruit, 
et  que,  suivant  le  mot  de  saint  Paul,  celui 
qui  le  reçoit  indignement  mange  et  boit  sa 
condamnation.  L'on  nous  cite  un  concile 
d'Orange  et  uu  de  Cailhugo,  qui  ordonnent 
d'accorder  la  communion  aux  mourants, 
mais  ils  exigent  que  ces  malades  aient  reçu 
la  pénitence,  ou  qu'ils  l'aient  demandée,  "et 
qu  ils  n'en  aient  pas  été  privés  par  leur 
faute.  Si,  après  avoir  reçu  la  comiuuiiiou 
dans  cet  état,  ils  reviennent  en  santé,  ces 
conciles  veulent  qu'on  les  réconcilie  à  l'E- 
glise par  l'imposition  des  mains,  qui  était 
l'absolution  solennelle.  —  En  troisième  lieu, 
après  avoir  écouté  la  parole  de  Dieu,  et 
après  y  avoir  cru,  il  f  illait  encore  recevoir 
le  baptême  ;  cette  divine  parole  ne  remet 
donc  pas  les  péchés.  Saint  Jérôme  et  saint 
Ambroise  disent  (jue  les  [)échés  sont  remis 
par  la  parole  de  T):eu  ;  mais  l'absolution  sa- 


cramentelle, aussi  bien  que  la  forme  du 
baptême,  sont  la  parole  de  Dieu  ;  saint  Ma- 
xime de  Turin  dit  que  cette  divine  parole 
est  la  clef  qui  ouvre  la  conscience  de 
l'homme,  et  lui  fait  confesser  ses  péchés  ; 
mais  il  ne  dit  pas  que  c'est  par  là  qu'ils  lui 
sont  remis. — En  quatrième  lieu,  nous  con- 
venons que  Vin\  réconciliait  les  pénitents  à 
l'Eglise  ()ar  des  prières  et  par  l'imposition 
des  mains  ;  mais  nous  soutenons  que  ces 
prières  renfermaient  une  formule;  d'absoliH 
tion  ;  i]ue  pour  les  péehéa  même  qui  n'é- 
taient [)oint  soumis  k  li\  péiiitfnce  publique, 
les  lidèles  cro.vaient  avoir  bi^soin  d'absolu- 
tion, et  qu'on  la  leur  donn.nt. 

Bien  ne  peut  mieux  démontrer  le  vrai  sens 
des  paroles  de  l'Ecriture  que  la  croyance  et 
la  pratique  de  l'Eglise  -.or  la  croyance  con- 
traire à  celle  des  protestants  est  prouvée  par 
la  condamnation  que  l'Eglise  a  faite  des  mon- 
tanistes,  des  novatiens  el  de  tous  ceux  qui 
n'ont  pas  voulu  leconnaftre  le  [louvoir  qu'elle 
a  reçu  de  Jésus-Glirist  de  rcmi;!tre  les  pé- 
ch's  commis  après  le  baptême,  d'imposer 
une  pénitence  aux  pécheurs  et  de  les  absou- 
dre ensuite,  avant  que  de  les  admettre  à  la 
communion  de  l'eucliarislie.  Ceile  croyance 
générale  et  constante  est  encore  attestée  par 
le  sentiment  et  jiar  l'usage  des  chrétiens 
orientaux,  dont  plusieurs  sont  s<^[iarés  de 
l'Eglise  romaine  depuis  plus  de  douze  cents 
ans.  Ni  les  Grecs  schismatiques,  ni  les  jaco- 
bitcs  syriens  ou  cophtes,  ni  les  nestoriens, 
ni  les  arméniens,  n'ont  jamais  pensé  sur  ce 
sujet  comme  les  protestants  ;  leurs  livres  té- 
moignent le  contraire.  Perpétuité  de  la  Foi, 
toin.  V,  I.  III  et  IV. 

2°  Dans  ces  difl'érentes  sociétés  chrétien- 
nes, aussi  bien  que  dans  l'Eglise  romaine, 
l'absolution  se  donne  par  manière  de  sen- 
tence ou  do  jugement,  et  par  des  formules 
aiia'ogues  à  celle  dont  on  se  sert  parmi  nous. 
Les  [iiolestants  en  im]wseut  lorsqu'ils  disent 
que  cette  forme  ju>liciatre  ou  indicative  n'a 
pas  été  en  usage  avant  le  xii'  siècle  :  il  y  a 
des  preuves  positives  du  contraire.  Au  m", 
Tert  illien,  devenu  montaniste,  blâmait  un 
évoque  cathoUque  pour  avoir  prononcé  dans 
l'Eglise  ces  paroles  :  «  Je  remets  les  péchés 
d'adultère  et  de  fornication  à  ceux  qui  en  ont 
fait  pénitence.  »  L.  de  Pudieitia,  c.  1.  Voilà 
une  absolution  conçue  en,  forme  judiciaire. 
Dans  les  Constitutions  apostoliques,  I.  u,  C. 
18,  lorsqu'un  pénitent  dit,  comme  David  : 
J'ai  péché  contre  le  Seigneur,  l'on  exhoite  les 
évêques  à  répondre,  comme  le  prophète  Na- 
than :  Le  Sciyneur  cous  a  remis  votre  péché. 
C'est  encore  un  jugement.  Bingham,  anglican 
très-instruit,  convient  qne  chez  les  Grecs  le 
pénitencier  dit  quelquefois  :  «  Selon  le  pou- 
voir ([ue  j'ai  reçu  de  mon  évoque,  vous  serez 
pardonné;  ou  soyez  pardonné,  |iar  le  Père, 
lo  Elis  et  le  Saint-Esprit,  amen.  »  D'autres 
fois  :  «  Que  Dieu  vous  pardonne  par  moi 
péchfv.r;  »  ou  simplement  :  «  So, cz  i^ar- 
doiiné.»  Arcadius  dit  (jue  leur  forunde  ordi- 
naire est  :  «  Je  vous  tiens  |  our  pardonné,  » 
et  que  c'est  le  même  sens  que  s'ils  disa'cnt 
comme  nous  :  Je  vous  o6*om,«.  Notes  du  P= 


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1384 


Ménard  sur  ïe  Sacram.  de  saint  Grégoire,  p. 
235.  Aussi  Bingham  est  forcé  de  convenir 
qae,  comme  le  ministre  du  baptême  dit  :  Je 
vous  baptise,  celui  de  la  pénitence  peut  dire 
aussi  :  Je  vous  absous.  Orig.  eccl.,  1.  xix,  c  2, 
§  6.  Or  puisque  je  vous  baptise  ne  signifie 
pas  seulement  je  vous  déclare  baptisé  ou  lavé, 
par  quelle  bizarrerie  veut-il  que  je  vous  ab- 
sous signiQe  seulement  je  vous  déclare  ab- 
sous? 

Lorsque  Jésus-Christ  a  dit  à  ses  apôtres  : 
Guérissez  les  malades,  ressuscitez  les  morts,  il 
n'a  pas  prétendu  leur  dire  seulement  :  Dé- 
clarez-les guéris  ou  ressuscites.  Suivant  l'ex- 
pression de  saint  Pierre,  Epist.  1,  c.  ni,  v.  21, 
le  baptême  nous  sauve,  cola  ne  signifie  pas 
qu'il  nous  déclare  sauvés;  suivant  celle  de 
saint  Paul,  Ephes.,  c.  v,  v.  26  :  Jésus-Christ  a 
purifié  son  Eglise  par  l'eau  du  baptême  et  par 
la  parole  de  vie.  Dirons-nous  qu'il  l'a  seule- 
ment déclarée  purifiée  ?  De  même  que  ce  di- 
vin Sauveur  a  dit  à  ses  apôtres  :  Celui  qui 
croira  et  sera  baptisé  sera  sauvé,  il  leur  a  dit 
aussi  :  Les  péchés  seront  remis  à  celui  auquel 
vous  les  remettrez.  Donc,  lorsque  le  ministre 
de  la  pénitence  dit  :  Je  vous  absous  au  nom 
du  Père,  etc.,  ces  paroles  opèrent  ce  qu'elles 
signifient  comme  lorsque  celui  du  baptême 
dit  :  Je  vous  baptise  au  nom  du  Père,  etc.  En 
effet,  Jésus-Christ  leur  avait  dit  encore, 
Matth.,  c.  XIX,  V.  28,  et  Luc,  c.  xxii,  v.  30  : 
Vous  serez  assis  sur  douze  sièges,  pour  juger 
les  douze  tribus  d'Israël.  Or,  dans  le  style  de 
l'Ecriture  sainte,  la  qualité  de  juge  emporte 
l'autorité  de  faire  des  lois,  d'absoudre  ou  de 
condamner,  et  de  punir.  Aussi  saint  Paul, 
parlant  de  l'incestueux  de  Corinthe  (/  Cor. 
y,  3),  dit  :  «  J'ai  déjà  jugé  ce  coupable  comme 
si  j'étais  présent.  »  Sur  quoi  fondés  les  pro- 
testants reprochent-ils  aux  pasteurs  de  l'Eglise 
d'avoir  usurpé  la  qualité  de  juges  contre  la 
défense  de  Jésus-Christ? 

3°  Un  jugement  ne  serait  pas  sa§;e  s'il  n'é- 
tait pas  exercé  avec  pleine  connaissance  de 
cause;  puisque  Jésus-Christ  a  donné  à  ses 
apôtres  non-seulement  le  pouvoir  de  remet- 
tre les  péchés,  mais  encore  celui  de  les  rete- 
nir, il  est  évident  que  les  péchés  doivent  leur 
être  connus;  et  s'ils  sont  secrets,  le  coupable 
doit  2es  leur  révéler  par  la  confession.  Au 
mot  Confession,  nous  avons  fait  voir  que 
cet  acte  d'humilité  est  expressément  com- 
mandé aux  pécheurs  dans  l'Ecriture  sainte  ; 
que  cette  pratique  a  été  en  usage  dans  l'E- 
glise dans  tous  les  siècles,  et  depuis  les  apô- 
tres jusqu'à  nous.  Les  protestants  l'ont  atta- 
3uée  par  prévention  et  par  esprit  d'indépcn- 
ance,  on  pourrait  dire  par  libertinage  ;  ils 
n'y  ont  opposé  que  des  sophismes,  des  allé- 
gations fausses  et  des  calomnies.  Voy.  Con- 
fession. 

4°  La  confession  des  péchés  serait  une  hy- 
pocrisie si  elle  n'était  pas  accompagnée  de  la 
contrition,  c'est-à-dire  d'un  regret  sincère 
d'avoir  olfensé  Dieu,  d'une  ferme  résolution 
de  ne  plus  pécher.  De  quel  front  le  pécheur 
oserait-il  demander  à  Dieu  le  pardon  de  ses 
crimes  s'il  n'en  avait  aucun  regret ,  s'il  était 
résolu  de  les  continuer  et  d'y  persévérer,  s'il 


ne  voulait  rien  faire  pour  se  punir  et  pour 
réprimer  les  passions  qui  ont  été  la  cause  de 
ses  fautes?  Aussi,  à  l'article  Contrition, 
nous  avons  prouvé  que  Dieu  l'exige  absolu- 
ment des  pécheurs,  et  qu'il  n'a  prorais  de 
leur  pardonner  que  sous  cette  condition. 
Nous  avons  examiné  quels  doivent  être  la 
nature  et  les  motifs  de  la  contrition,  pour 
obtenir  de  Dieu  le  pardon  du  péché.  Au  mot 
Satisfaction,  nous  ferons  voir  que  Dieu,  en 
nous  accordant  ce  pardon  et  en  nous  exemp- 
tant de  la  peine  éternelle  due  au  péché,  ne 
nous  dispense  point  de  satisfaire  à  sa  justice 
par  des  peines  temporelles.  Ces  trois  dispo- 
sitions que  Dieu  exige  des  pécheurs  sont 
appelées  par  les  théologiens  les  actes  du  péni- 
tent. Et  nous  demandons  aux  protestants  si 
ce  ne  sont  pas  là  des  actes  de  vertu?  Il  faut 
certainement  de  la  force  d'âme  et  du  courage 
pour  s'avouer  coupable,  pour  en  avoir  du 
regret,  jiour  se  punir  soi-même  et  se  corri- 
ger :  ce  sont  là  autant  d'actes  d'humilité,  de 
soumission  à  Dieu,  de  religion  et  de  justice, 
de  confiance  en  la  miséricorde  de  Dieu,  etc. 
Lorsque  l'absolution  est  accordée  à  un  cou- 
pable qui  a  toutes  ces  dispositions,  nous 
prions  les  protestants  de  nous  dire  ce  qu'il  y 
manque* pour  être  un  sacrement,  et  quelle 
dilférence  il  y  a  entre  ce  rite  et  celui  du 
baptême?  Jésus-Christ  est  également  insti- 
tuteur de  l'un  et  de  l'autre;  nous  avons  cité 
ses  paroles  à  l'égard  de  l'un  et  de  l'autre,  et 
nous  les  avons  comparées.  Les  apôtres  ont 
administré  l'un  et  l'autre,  et  ils  exigeaient 
pour  le  baptême  des  dispositions  aussi  bien 
que  pour  la  pénitence.  «  Faites  pénitence,  di- 
sait saint  Pierre,  et  que  chacun  de  vous  re 
çoive  le  baptême  pour  la  rémission  des  pé- 
chés {Act.  II,  38).  »  Simon  le  Magicien  avait 
été  baptisé;  lorsqu'il  voulut  acheter  des  apô- 
tres le  pouvoir  de  donner  le  Saint-Esprit, 
l'apôtre  lui  répondit  :  «  Fais  pénitence  do  ta 
méchanceté,  et  prie  Dieu  de  te  pardonner 
cette  pensée  de  ton  cœur,  »  c.  viii,  v.  22. 
Puisque  le  baptême  ne  rend  pas  l'homme 
impeccable,  il  n'est  pas  moins  besoin  d'un 
sacrement  qui  efface  les  péchés  des  fidèles 
baptisés  que  do  celui  qui  leur  a  remis  le  pé- 
ché originel  et  les  péchés  volontaires  com- 
mis dans  l'état  d'infidélité  ;  et  puisque  la  foi 
n'a  pas  la  vertu  de  prévenir  le  péché ,  elle  a 
encore  moins  la  vertu  de  l'effacer. 

Le  sentiment  commun  des  théologiens  est 
que  les  actes  du  pénitent  sont  la  matière  du 
sacrement  de  pénitence,  et  que  l'absolution 
du  prêtre  en  est  la  forme.  Quelques-uns 
tiennent  que  la  matière  est  l'imposition  des 
mains  ;  mais  ils  n'ont  embrassé  cette  opinion 
que  par  une  raison  d'analogie  qui  n'est  rien 
moins  qu'une  démonstration.  Il  suffit  de  sa- 
voir que ,  sans  les  trois  actes  du  pénitent  et 
l'absolution  réunis  ensemble,  le  sacrement 
est  nul  et  n'opère  point  la  rémission  des  pé- 
chés. A  la  vérité.  Dieu  en  a  prorais  le  par- 
don à  la  contrition  parfaite  ;  mais  depuis 
l'institution  du  sacrement  de  baptême  et  de 
celui  de  la  pénitence ,  la  contrition  ne  peut 
pas  être  censée  |)arfaite  ni  sincère,  à  moins 
qu'elle  ne  renferme  la  volonté  de  recevoir 


1S8S  PEN 

l'un  ou  l'autre  de  ces  sacrements,  suivant  le 
besoin  et  conformément  à  l'institution  do 
Jt^sus-Christ.  Il  est  encore  décidé  par  le  con- 
cile de  Trente,  sess.  14,  de  Pœnit.,  can.  10, 
que  les  évèques  et  les  pnHres  sont  les  mi- 
nistres du  sacrement  de  pt'niCcncc ,  qu'eux 
seuls  ont  le  pouvoir  d'absoudre  les  pécheurs. 
Mais  outre  la  puissance  de  l'ordre,  que  les 
prôtrcs  reçoivent  par  l'ordination,  ils  ont  en- 
core besoin  d'un  pouvoir  de  juriiiiclion. Cette 
juridiction  est  censée  ordinaire  lorsqu'elle 
est  attachée  à  un  titre,  iiar  exemple,  .\  celui 
de  curé;  elle  est  seulement  déléguée  lors- 
qu'elle vient  de  la  sim[)le  approbation  do 
l'évoque.  Sans  l'une  ou  l'autre,  un  prêtre  no 
peut  absoudre,  ni  légitimement  ni  valide- 
ment,  excepté  dans  le  cas  de  nécessité.  Voy. 
Approbation. 

PÉMTENCE  se  dit  aussi  des  bonnes  oeuvres 
et  des  peines  que  le  confesseur  impose  au 
pénitent  pour  la  satisfaction  des  péchés  dont 
il  l'absout.  Voy.  Satisfaction.  Une  question 
importante  est  de  sivoir  s"il  y  a  des  péchés 
tellement  griefs,  qu'ils  ne  peuvent  être  remis 
par  le  sacrement  de  pénitence.  Deux  sectes 
d'hérétiques  ont  soutenu  autrefois  ce  para- 
doxe :  les  montani-tes  et  les  novatiens.  Voy. 
ces  deux  mots.  L'Eglise  a  décidé  le  contraire 
par  ses  décrets  et  par  sa  pratique  :  elle  s'est 
fondée  sur  des  passages  formels  de  l'Ecriture 
sainte. 

Dieu  dit  aux  Juifs  par  Isaïe,  c.  i,  v.  16  : 
Purifiez-voux,  cessez  de  faire  le  mal,  et  venez  ; 
quand  vospcche's  seraient  rouges  comme  Vérar- 
late,  ils  deviendront  blancs  comme  la  neige... 
C.  LV,  v.  6  :  Que  Hmpie  change  de  conduite  et 
qu'il  revienne  au  Seigneur;  le  Seigneur  aura 
pitié  de  lui,  parce  qu'il  pardonne  à  l'infini.  Et 
par  Ezéchi..!,  c.  xviii,  v.  21  :  Si  l'impie  fait 
pénitence,  il  vivra  et  ne  mourra  point  ;  je  ne 
me  souviendrai  point  de  ses  iniquités.  Ma  vo- 
lonté est-elle  donc  la  mort  du  pécheur,  et  non 
sa  conversion  et  sa  vie?  Or,  on  sa.t  ijue  les  Juifs 
étaient  coupables  de  crimes  énormes,  d'i  io- 
làtrie,  de  blas|ihèmc,  d'injustice,  d'oppres- 
sion des  pauvres,  etc.;  les  prophètes  hs  leur 
ont  reprochés  :  c'est  pour  cela  qu'ils  les 
nomment  non-seulement  des  pécheurs,  mais 
des  impies.  Cependant  Dieu  leur  i)romet  le 
pardon  s'ils  se  convertissent.  Oserait-on  sou- 
tenir que  Dieu  est  moins  miséricordieux  en- 
vers les  chrétiens  qu'envers  les  Juifs?  Aussi 
Jésus-Christ  n'a  pas  seulement  donné  à  ses 
apôtres  le  pouvoir  de  remettre  les  fautes  lé- 
gères, mais  de  remettre  tous  les  péchés  sans 
exception  :  Quœcunque  solveritis,  etc.  Saint 
Pierre,  Epist.IJ,  c.  m,  v.  9,  dit  ([uoDieu  use 
de  patience,  parce  qu'il  ne  veut  pas  que  j>er- 
sonne  périsse,  mais  que  tous  recourent  à  la 
pénitence;  il  n'en  exclut  aucun  pécheur.  Jésus- 
Christ  ne  menace  de  la  perte  éternelle  que 
ceux  qui  refusent  de  faire  pénitence  (Luc. 
xiii,  3).  Lorsque  les  pharisiens  se  scandali- 
ièreul  de  ce  qu'il  faisait  accueil  à  tous  les 
pécheurs  et  pardonnait  à  tous ,  il  confondit 
ces  téméraires  censeurs  jiar  les  paraboles  do 
l'enfant  prodigue ,  de  la  brebis  et  de  la 
drachme  perdues,  çlc.  Il  demanda  grâce  à 
son   Père ,  môme  pour  ceux  qui  l'avaient 

DiCTIOMN.  DE  TbÉOL.  DOGUATIQUK.  III. 


PEU  13fi6 

crucifié.  Y  eut-il  jamais  au  monde  un  forfait 
plus  énorme  ?  Aussi  saint  Pierre  leur  promit 
le  f)ardon  s'ils  voulaient  croire  en  Jésus- 
Christ  et  faire  pénitence  (Act.  m,  19). 

Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  l'Eglise  ait 
dit  anathème  aux  montanistcs  et  aux  nova- 
tiens  lorsqu'ils  ont  voulu  mettie  des  bornes 
h  la  nnséricorde  de  Dieu  et  blâmer  l'indul- 
gence des  pasteurs  envers  les  pécheurs  péni- 
tents. Ils  prétendaient  que  l'on  devait  refuser 
la  grflce  de  la  réconciliation  à  ceux  qui 
avaient  apostasie  pendant  les  persécutions, 
à  ceux  qui  avaient  conuiiis  de  grands  cri- 
mes après  leur  baptême,  à  ceux  qui  avaient 
abusé  déjà  de  la  pénitence  en  retombant  dans 
le  di'sordre.  Personnes  ne  leur  résista  d'abord 
avec  plus  de  force  que  Tertullien  :  heureux 
s'il  ertt  toujours  persévéré  dans  les  mômes 
sentiments  1  «  Dieu,  dit-il,  qui  dans  sa  jus- 
tice a  destiné  un  ch.itiment  à  tous  les  péchés 
de  la  chair,  de  l'esprit  ou  de  la  volonté,  leur 
a  aussi  promis  le  pardon  par  la  pénitence.... 
Il  ne  faut  pas  désespérer  une  âme.  Si  ipiel- 
qu'un  doit  faire  une  seconde  pénitence,  qu'il 
craigne  de  pécher  do  nouveau,  et  non  de  se 
re|ientir...Que  personne  n(^  rougisse  de  gué- 
rir de  nouveau  en  réitérant  le  même  remède. 
Le  moyen  de  témoigner  notre  reconnais- 
sance à  Dieu  est  de  ne  [las  dédaigner  ce  qu'il 
nous  ofl're.  Vous  avez  péché,  mais  vous  sa- 
ve^  à  qui  vous  devez  satisfaire  pour  vous  ré- 
concilier avec  lui.  Si  vous  en  doutez,  voyez 
ce  que  son  Esprit  dit  aux  Eglises.  Il  leur  re- 
nroche  des  désordres ,  mais  il  les  exhorte  à 
la  pénitence;  il  menace,  mais  il  ne  menace- 
rait pas  les  impénitents  s'il  ne  voulait  pas 
jjardouuer  au  repentir,  etc.  »  Terlullien  cite 
à  l'apiiui  de  ces  paroles  les  paraboles  de 
l'Evangile  que  nous  avons  alléguées  ci-des- 
sus, de  Pœnit.,  c.  iv,  vu,  viii,  etc. 

Saint  Cyprien,  quoique  rigide  observateur 
de  la  discipline,  lit  décider  dans  un  concile 
de  Caitiiage  auquel  il  présidait,  que  l'on  re- 
cevrait h  pénitence  ceux  qui  ét.ii;>nt  tombés 
dans  la  |iersécution  ;  et  le  concile  de  Nicée  , 
tenu  au  iv'  siècle,  coml.imna  unanimement  la 
rigueur  imprudente  des  novatiens.  Déjà  elle 
avait  été  proscrite  par  le  cinquante-unième 
canon  des  ai)ôtr(^s  :  «  Si  un  évoque  ou  un 
prêtre  ne  veut  pas  recevoir  celui  qui  revient 
après  avoir  péché,  et  s'il  le  rebute,  qu'il  soit 
déposé;  il  centriste  Jésus -Cluist  qui  a  dit 

Sue  la  conversion  d'un  pécheur  cause  plus 
e  joie  dans  le  ciel  que  la  i)er.~évérance  de 
quatre-vingt-dix-neuf  justes.  »  C'est  la  doc- 
trine et  la  pratique  qu'ont  suivies  les  Pères 
et  les  conciles  des  siècles  suivants.  Nous  con- 
venons qu'il  y  a  eu  quelques  Eglises  dans 
lesijuellcs  on  a  poussé  la  rigueur  jusqu'à  re- 
fuser la  pénitence,  même  àl'artiile  de  la 
mort,  aux  pécheurs  connus  pour  coupables 
de  grands  crimes,  comme  d'apostasie  et  d'i- 
dolâtrie, de  meurtre,  d'adultère;  mais  cette 
sévérité  ne  fut  jamais  imitée  ni  approuvée 
par  l'Eglise  universelle.  On  a  senti  de  même 
la  nécessité  d'admettre  une  seconde  fois  à  la 
pénitence  les  relaps  ,  ou  ceu#  qui  étaient  re- 
tombés dans  le  crime  après  eu  avoir  déjà 
reçu  le  pardon ,  et  l'on  y  était  autorisé  par 


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PEN 


PEN 


im 


l'Evangile.  En  effet,  J.^sus-Christ  avait  dit  : 
Soyez  miséricordieux  comme  votre  Père  cé- 
leste ;  pardonnez  ,  et  vous  serez  pardonnes. 
Lorsque  saint  Pierre  lui  demanda  comljion 
de  fois  il  faut  panionner,  il  répondit  :  Je  ne 
vous  dis  point  jusqu'à  sept  fois,  inais  jusqu'à 
septante  fois  sept  fois.  11  dit  ailleurs,  jusqu'à 
sept  fois  par  jour  {Luc.  vi,  36;  xvii,  i;  Matth. 
xvHi,  21).  C'est  dire  assez  claireuieni  que  la 
misf^ricorde  de  Dieu  qu'il  nous  propose  pour 
modèle  ne  refusa  jamais  le  pa.don. 

Les  montauistes  et  les  ii  vatiens  ,  comme 
tous  les  hérétiques,  citaient  en  leur  faveur 
des  passages  de  l'Ecriture.  Il  est  dit  {I  Reg.n, 
25)  :  «  Si  quelqu'un  pèche  contre  le  Sei- 
gneur, qui  priera  jiour  lui?  »  Matth.,  c.  xii, 
V.  31,  Jésus-Christ  nous  assure  que  le  blas- 
phème contre  le  Saint-Esprit  ne  sera  remis 
ni  en  ce  monde  ni  en  l'autre;  saint  Paul, 
Hebr-,  c.  VI,  V.  h,  dit  qu'il  est  impossible  que 
Ci  ux  ([ui  ont  été  une  fois  éclairés,  qui  ont 
reçu  le  Saint-Esprit  et  sont  retombés,  s  ient 
renouvelés  par  la  pénitence.  Il  ajoute,  c.  x, 
V.  16,  que  quand  nous  péchons  volontaire- 
ment, api  es  avoir  reçu  la  connaissmce  de  la 
vérité,  il  ne  nous  reste  plus  de  victime  pour  le 
péché,  mais  une  attente  terrible  du  jugement 
di'  Dieu.  Saint  Jean,  Epist.  1,  c.  v,  v.   16, 

tiarle  d'un  péché  qui  est  à  la  mort,  et  pour 
equi  il  n'invite  personne  à  prier.  Voilà 
des  arrêts  terribles  prononcés  contre  les  pé- 
cheuis. 

Ils  sont  terribles,  sans  doute,  mais  ils  n'ont 
pas  le  sens  que  les  montanistes  et  les  nova- 
tiens  y  donnaient.  Dans  le  passaj^e  cité  du 
livre  des  Rois,  le  vieillard  Héli  ré[)rimandait 
ses  enfants  qui  étaient  prêtres  et  dont  la 
conduite  était  très-scandaleuse;  il  leur  re- 
présente q  le  quand  un  prêtre  donne  l'exem- 
ple de  l'impiété,  peu  de  personnes  sont  ten- 
tées de  prier  pour  lui,  parce  qu'on  le  re- 
garde comme  un  réiirouvé  incorrigible;  mais 
cela  ne  prouve  pas  ^lU'd  ne  puisse  [las  faire 
pénitence.  Le  blasphèihe  contre  le  Saint-Es- 
prii,  duquel  parle  le  Sauveur,  e^t  l'opinuitreté 
avec  laque  le  les  Juils  attribuaient  ses  mira- 
cles à  risjirt  unp'.r;  il  leur  <iéclare  que  leur 
perte  éternelle  est  assurée,  s'ils  persévèrent 
dans  ctttf  disposition  juscju'à  la  mort.  Nous 
sonmiis  f  ,rcés  de  mettre  celle  restriction  à 
la  menace  de  Jésus-îilirist,  puisqu'il  pria 
pour  eux  sur  la  ciox,  et  que  plus  eu:  s  se 
convertirent.  Il  en  est  de  même  des  apostats 
du  christianisme  que  saint  Paul  désigne  j^ar 
ces  mots  qui  sont  retombés  ;  il  est  impossible, 
c'est-à-dire  très-diflicile  qii'ils  se  renouvel- 
lent par  une  pénitence  sincère,  et  l'on  en  a 
vu  rarement  des  ex.  mples.  Sui^. ant  l'apûtre, 
ces  i^ens-là  crucifient  Jésus-Ctirist  de  nou- 
veau, autant  qu'd  est  en  eux,  tt  en  le  reniant 
ils  semblent  témoigner  que  l'on  a  bien  fait 
de  le  crucitier.  Dans  le  second  passade  de 
saint  Paul,  il  est  encore  question  «les  juifs 
apostats,  qui  renoncent  au  christiamsine 
pour  relourner  au  judaïsme;  il  les  avertit 
qu  il  ne  leur  r^te  d  ns  Ja  loi  juive  auci;ne 
Victime  ca^iable  d'exjiier  leur  forfait ,  mais 
ils  pouvaient  encoriî  revenir  au  christianis- 
me, quoique  les  exemples  de  ce  retour  axent 


été  fort  rares.  Le  péché  à  la  mort,  duquel 
parle  saint  Jean,  est  celui  avec  lequel  un 
homme  meurt  s.ms  avoir  fait  pénitence,  et 
il  est  vrai  que  les  prières  faites  po  .r  un  pé- 
cheur mort  impénitent  seraient  fort  inutiles. 
C'est  ainsi  que  les  Pères  de  l'Eglise  ont  en- 
tendu les  passages  de  l'Ecriture  sainte  des- 
quels les  hérétiques  abusaient,  et  c'est  ce 
qui  a  démontré,  dès  les  premiers  siècles,  la 
nécessité  de  cons  dte  ■  la  tradition  et  l'ensei- 
gnement de  rE.;lise,  pour  prendre  le  vrai 
sens  lie  l'Ecriture  sainti;.  Coamieid  prouver 
autrement  aux  novatiens  qu'ii  fallait  expli- 
quer les  textes  qu'ils  alléguaient  par  ceux 
que  nous  avons  cités  en  preuve,  et  que  ceux 
qui  expriment  la  miséricorde  de  Dieu  doi- 
vent prévaloir  à  ceux  qui  peignent  sa  just  ce? 
Les  clameurs  et  les  plaintes  d  ■  ces  sectaires 
donnèrent  cependant  lieu  d'augmenter  la 
sévérité  (je  la  pénitence  publique,  de  laquelle 
nous  allons  parler. 

PÉNITENCE  PUBLIQUE.  Dans  Ic  II'  siègle  de 
l'Eglise  et  les  suivants,  les  évêques  jugèrent 
que,  pour  l'édification  des  fidèles  et  pour 
maintenir  parmi  eux  la  sainteté  des  mœurs, 
il  était  à  propos  d'exiger  que  ceux  qui  avaient 
commis  de  grands  crimes  après  leur  baptême 
fussent  [irivés  de  la  participation  aux  saints 
mystères,  retenus  dans  l'état  d'excommuni- 
cation, et  fissent  publiquement  pénitence. 
Voici  en  quoi  elle  consis  ait.  Ceux  a  qui  elle 
était  prescrite  s'adressaient  au  pénitencier 
qui  prenait  leurs  noms  par  écrit;  le  jiremier 
jour  du  carême  ils  se  prés  ntaient  à  la  porte 
de  l'église  en  habits  de  deuil,  tels  que  les 
portaient  les  pauvres;  entres  dans  l'église, 
ils  recevaient,  des  mains  de  l'évêque,  des 
cendres  sur  la  tète  et  des  ciliccs  pour  se 
couvrir  :  ensuite  on  les  méfiait  hors  de  l'é- 
glise, et  l'on  fermait  les  portes  sur  eux.  Chez 
eux  ils  passaient  le  temps  de  leur  pénitence 
dans  la  solituiie,  le  jeûne  et  la  prière;  les 
jours  de  fêtes  ils  se  présentaient  à  la  porte 
de  l'église, mais  sans  y  entrer;  quelque  teiups 
après  on  les  y  admettait  pour  eetendre  les 
lectures  et  les  sermons,  mais  ils  étaient  obli- 
gés d'en  sortir  avant  les  prières;  au  bout 
d'un  certain  temps,  ils  étaient  admis  à  prier 
avec  les  fidèles,  mais  prosternés;  enfin  on  leur 
permettait  de  prier  debout  jusqu'à  l'offer- 
toire, et  alors  ils  soi  talent.  Ainsi  il  y  avait 
quatre  degrés  dans  la  pénitence  publique,  ou 
quatre  ordres  de  pénitents.  Celui  qui  avait 
commis  un  homicide ,  par  exemiile,  était 
quatre  ans  au  rang  des  pleurants  ;  aux  heures 
de  la  ;  rière,  il  se  trouvait  à  la  porte  de  l'église 
reyètu  d'un  cilii  e,  avec  de  la  cendre  sur  la 
têfe,  sans  être  rasé;  il  se  recommandait  aux 
prières  des  fidèles  qui  entraient  dans  l'église. 
Les  cinq  années  suivantes  il  était  au  rang  des 
auditeurs,  et  il  entrait  dans  l'église  pour  y 
entend. e  les  instructions;  après  ce  temps,  il 
était  au  nombre  des  prosternés  pendant  sept 
ans  ;  enfin  il  passait  au  rang  que  l'on  appelait 
des  connisants,  connitvntesou  stantcs;  il  priait 
debout  jusqu'à  ce  que  les  vingt  ans  de  péni 
tencc  étant  accomplis,  il  recevait  l'absolution 
par  l'imposition  des  mains,  et  U  était  admis 
à  la  participation  de  l'eticharistie.  Le  temps 


m<i 


f>EN 


<1p  cette  pénitence  ('■tait  plus  ou  moins  long, 
suivant  les  divers  usa  ;es  dos  églises  ;  et  il  y 
a  eniore  une  i^irando  iliversité  eiitre  les  ca- 
nons j)énitciitiaux  qui  nous  restent;  les  plus 
anciens  sait  ordinaireriient  les  ;.his  sévères. 
Saint  U.i'ili;  inar(jue  deux  ans  pour  le  larcin, 
se|it  pour  la  f  iruication,  onze  pour  le  parjure, 
quinze  pour  l' Jilultère,  vin:;t  pour  l'honii- 
cide.  et  la  vie  entière  pour  l'apostasie.  Ce 
temps  était  souvent  nbrgé  par  les  évèqm'S, 
en  considération  de  la  ferveur  des  pe'n(7r«/,s; 
on  l'abrégeait  encore  h  la  recorumandaiion 
des  martyrs  ou  des  confesseurs,  et  cette  gr.îce 
se  nonuiiait  Imx  ioexciî.  Voy.  ce  mot.  Si  un 
fidèle  mourait  pen  'anl  le  cours  de  sa  péni- 
tence, et  avant  de  l'avriir  accoui:  lie,  ou  pré- 
sumait son  saliu,  et  l'on  olfrait  [)our  lui  le 
saint  saciilice.  Plusieurs  f.dsaicnt  la  pénitence 
publique  sans  que  l'on  siK  pour  quels  pé-- 
chés;  d'à  très  la  i'd.saient  en  secret,  même 
pour  de  grands  crimi's,  lorsque  la  pénitence 
publique  aurait  causé  du  scandale  ou  les  au- 
rait exposés  Jt  quelque  danger  Enfin,  l'on  a 
vu  quelquef  is  des  personnes  très-vertueuses 
et  du  plus  haut  rang,  jtrendre  par  humilité 
rhai)it  des  pénitents,  et  en  remplir  to  ites 
les  pratiques  avec  la  plus  gr.uide  édification. 
Lorviiue  les  pén  tents  étaienladmis  à  la 
réconcilialion,  ils  se  présentaient  à  la  porte 
de  l'église,  Icvéqiie  les  y  faisait  entrer  et 
leur  donnait  l'absolution  so'enni'lle.  Alors  ils 
quittaient  le.irs  habits  de  pénitence,  et  le- 
coramençaient  à  vivre  conmie  l  s  autres  fi- 
dèles. Cette  rigueur,  dit  sa  nt  Augustin,  était 
sagement  établie;  si  Ihomme  récupérait 
proniptemi.'nt  les  privilèges  de  l'état  de  .r<1ce, 
il  se  ferait  un  jeu  de  tomber  dans  le  péché. 
Dans  les  deux  jjremiers  siècbs  de  l'Eglise, 
le  temps  de  cett  pénitence  ni  la  m.nère 
n'éiaient  pas  réglés;  l'on  comprend  assez 
qu'elle  n'était  guère  praticable  lorsque  les 
clirétiens  n'avaient  pas  l'exercice  libre  de 
leur  religion;  mais  au  troisirme  l'on  lit  des 
règlements  h  ce  sujet.  Ce  fut  eu  partie  pour 
feriuer  la  liouciie  aux  luoiiianistes  et  aux 
novatiens,  qui  reprochaient  à  l'Eglise  citho- 
lique  de  recevo  r  trop  aisément  les  péoheurs 
à  la  réconciliation.  Dans  quel^ques  églises  la 
rigueur  de  celle  pénitence  ■■  tait  si  grande, 
qui-  pour  1  s  crimes  d'idolitric,  d'homicide 
et  d'adultère,  ou  laissait  les  pécheurs  en 
pénitence  [lendaht  le  reste  de  ieur  vie,  et 
qu'on  ne  leur  accordait  pas  l'absolution, 
même  à  la  mo:t.  A  l'égard  d  s  deux  d 'rniers 
criiU' s,  on  se  rel.cha  dans  la  suie;  mais 
pour  les  apostats  cette  sévérité  a  duré  ]ilus 
longtemps.  Cela  fut  ainsi  résolu  à  Kome  et 
àCarthage  du  temps  de  .'^aint  Cyprien,  et  l'on 
n'accontait  l'absolution,  à  la  mort,  qu'à  ceux 
qui  l'avaient  demain lée  eu  santé  ;  si  par  ha- 
sard ils  revenaient  de  leur  maladie,  ils  étaient 
obi  gés  d'accom.'lirla  pénitence.  Jusqu'au  vi' 
siècle,  quand  h's  péciieurs,  .ppiès  avoir  fait 
pénitence,  retombaient  dans  le  crime,  on  uo 
les  recevait  plus  au  bienfait  de  l'absoiu- 
tion,  ils  di  meuraient  séparés  de  la  commu- 
nion de  r^îglise,  oa  laissait  leur  salut  en- 
tre les  ma.ns  de  Dieu,  '  non  qu  ■  l'on  en 
désespérât,  dit   saint   .\Ujjustin,  mais  aiin 


do  maintenir  la   rigueur  do  la  discioline. 

Ce  ne  fut  i]u'au  iv'  siècle  que  bs  diyers 
degrés  de  ]n pénitence  furent  ei)tièrement  ré- 
glés, et  ces  règles  furent  nonmiées  Canons 
pénitentiaux  ;  ils  ne  furent  observés  rigou- 
reusement que  dans  l'Eglise  grecque  ;  ce 
n'était  pas  une  institution  îles  jijiôtres.  Pen- 
dant les  quatre  premiers  siècles,  les  clercs 
étaient  soumis,  comme  les  autres,  à  la  pé- 
nitence :  dans  les  suivants,  on  les  défiosait 
de  leur  or^ire  et  on  les  réduisait  au  rang  des 
laïques,  lorsqu'ils  avaient  commis  un  crime 
pour  leipiel  ces  derniers  étaient  rais  en  pé- 
nitence. Vers  la  fin  du  v",  on  introduisit  une 
pénitence  mitoyenne  entre  la  publique  et  Ijj 
secrète  ;  elle  se  faisait  en  présence  de  quel- 
ques personnes  pieuses,  pour  des  crimes 
commis  dans  les  mon.istères  ou  ailleurs. 
Enfin,  vers  le  vn%  la  pénitence  publique,  pour 
les  péch.''s  occultes,  ces-a  tout  à  fait.  Théo- 
dore, archevêque  de  Cantorbéry,  est  regardé 
comme  le  premier  auteur  de  la  pénitence 
secrète  en  Occident.  Sur  la  fin  du  vm',  on 
introduisit  la  commutation  de  la  pénitence 
en  d'autres  bonnes  œuvres,  comme  aumô- 
nes, prières,  pèlerinages.  Dans  le  xn%  on 
s'avisa  de  racheter  le  temps  de  la  pénitence 
canonique  pour  une  somme  d'argent  qui 
était  employée  au  bâtiment  d'une  église  ou 
h  un  ouvra  e  d'utilité  publique  ;  cette  jira- 
tiqiie  fut  d'abord  apj)elée  relâchement  et  en- 
suite indulgence.  Dans  le  xni"  siècle,  la  pra- 
tiq  le  de  la  pénitence  publique  étant  absolu- 
ment perdue,  les  pasteurs  furent  contraints 
à  exhorter  les  fidèles  l'i  une  pénitence  secrète 
pour  les  p.  chés  secrets  et  ordinaires  ;  quant 
aux  péchés  énormes  et  publics,  on  imposait 
encore  des  pénitence.s  rigoureuses.  Le  relâ- 
chement augmenla  dans  le  xiv°  et  le  xv' ; 
on  n'ordonnait  jtlus  que  des  pénitences  lé- 
gèes  pour  des  oéchés  griefs  ;  le  concile  de 
Trente  a  travaillé  h  réformer  cet  abus  ;  il 
enjoint  aux  confesseurs  de  proportionner  la 
rigue  ir  des  pénitences  à  l'énormiié  des  cas, 
et  il  veut  que  la  pénitence  publique  soit  ré- 
tablie à  l'égard  des  j)échés  publics.  Observ, 
de  Laubespine;  Morin ,  de  Pœnit  ;  Ficury, 
Mœurs  des  chrétiens,  n.  25  ;  Drouin,  de  re 
Sacrament.,  etc. 

PÉNITENCERIE,  PÉNITENCIER.  Ces  deux 
articles  ont  moins  de  rapport  au  dogme  qu'à 
la  discipline  de  l'Eglise;  comme  il  y  a  des 
cas  réservés  au  souvera.n  pontife,  et  d'au- 
tres qui  sont  réservés  aux  évèques,  le  pape 
a  étaljli  un  grand-pénitencier  qui  est  onfi- 
naireraent  un  caidinal,  auquel  il  faut  s's- 
dri'sser  pour  obtenir  le  pouvoir  d'aosoudre 
des  cas  et  des  censures  réservés  au  saint- 
siége,  et  la  dispense  des  empêchements  qà 
ont  pu  ren  ire  un  mariage  nul.  De  même  les 
évèques  ont  établi  dans  le:jr  cathédrale  un 
pénitencier,  auquel  ils  Ont  donné  1-  pouvoir 
d'absoudre  des  cas  qui  leur  sont  réservés. 
Nous  d.wons  obs  Tver  en  passant,  qu-  l':'S 
prétendues  taxes  dr?  la  pénitencerie  romaine, 
publiées  parles  protestants  pour  faire  croire 
aux  ignorants  que  tous  les  crimes  sont  remis 
à  Koine  pour  de  l'argent,  sont  une  calomnie 
grossière  ou  un  ai)us  retranché  depuis  long- 


mt 


PEN 


PEN 


1593 


temps  ;  que  tous  les  brefs  de  la  pénîtencerie 
sont  absolument  gratuits  et  portent  ces 
mots  :  pro  Deo.  Au  mot  Pénitence  ,  nous 
avons  observé  que,  pendant  le  xii'  siècle, 
l'abus  s'introduisit  de  racheter  à  prix  d'ar- 
gent ou  par  une  aumône  les  pénitences  im- 
posées pour  l'expiation  des  crimes,  et  nous 
ne  doutons  pas  que  dans  ce  temps-là  l'on 
n'ait  dressé  des  taxes  pour  ce  rachat  ;  mais 
racheter  des  pénitences  et  acheter  l'absolution 
sont  deux  choses  fort  différentes  ;  il  y  a  dé- 
jà de  la  malice  à  les  confondre.  D'ailleurs, 
l'an  1215,  le  concile  de  Latran  avait  déjà 
proscrit  tout  espèce  de  trafic  en  fait  d'indul- 
gences ou  de  rachat  de  pénitences,  et  1«^  con- 
cile de  Trente  en  a  renouvelé  les  décrets, 
sess.  21,  de  Reform.,  c.  ix,  et  sess.  25,  con- 
tin.  A  quoi  sert-il  de  reprocher  à  l'Église 
romaine  des  abus  qu'elle  a  retranchés? 

PÉNITENTS,  nom  de  quelques  dévots 
réunis  en  confrérie,  qui  font  profession  de 
pratiquer  la  i)énitence  publique,  en  allant  en 
procession  dans  les  rues ,  couverts  d'une 
espèce  de  sac,  et  se  donnant  la  discipline. 
Cette  coutume  fut  établie  à  Péronne  en 
1620,  par  les  prédications  patliétiqucs  d'un 
ermite  qui  excitait  les  peuples  h  la  jjéni- 
tence.  Elle  se  répandit  ailleurs,  surtout  en 
Hongrie,  oCi  elle  dégénéra  en  abus,  et  pro- 
duisit la  secte  des  flagellants.  Voi/.  ce  mot. 
En  retranchant  les  superstitions  qui  s'étaient 
mêlées  à  cet  usage,  on  a  permis  d'établir  des 
confréries  de  pénitents  en  divers  lieux  d'Ita- 
lie et  ailleurs.  On  y  voit  des  pénitents  blancs, 
aussi  bien  qu'à  Lyon  et  à  Avignon;  tians 
quelques  villes  du  Languedoc  et  du  Dauphi- 
né,  il  y  a  des  pénitents  bleus;  dans  d'autres 
provinces,  des  pénitents  noirs.  Ceux-ci  assis- 
tent les  criminels  à  la  mort,  leur  donnent  la 
sépulture  et  font  d'autres  bonnes  œuvres. 
Le  roi  Henri  III,  ayant  vu  la  procession  des 
pénitents  blancs  d'Avignon,  voulut  être  agrégé 
a  cette  confrérie,  et  il  en  établit  une  sembla- 
ble à  Paiis  dans  l'église  des  Augustins,  sous 
le  titre  de  l'Annonciation  de  Notre-Dame. 
Ce  prince  assistait  aux  processions  de  cette 
confrérie  sans  gardes,  velu  d'un  long  habit 
de  toile  blanch',  en  forme  de  sac,  avec  deux 
trous  à  l'endroit  des  yeux,  deux  longues 
manches,  et  un  capuchon  fort  pointu.  A  cet 
habit  était  attachée  une  discipUne  de  lin  et 
une  croix  de  satin  blanc  sur  un  fond  de 
velours  tanné.  11  fut  imité  par  la  plupart  des 
princes  et  des  grands  de  sa  cour.  On  peut 
voir,  dans  les  Mémoires  de  l'Etoile,  l'elTet  que 
produisirent  ces  dévotions. 

PÉNITENTS  est  aussi  le  nom  de  plusieurs 
congrégations  ou  conununautés  de  personnes 
de  l'un  ou  de  l'autre  sexe,  qui,  a|>rès  avoir 
vécu  dans  le  libertinage,  se  sont  retirées  dans 
ces  asiles,  pour  y  expier  par  la  pénitence  les 
désordres  dejeur  vie  passée.  On  a  aussi  donné 
ce  nom  aux  personnes  qui  se  dévouent  à  la 
conversion  des  lilles  et  des  femmes  débau- 
chées. Tel  est  l'ordre  de  la  pénitence  do 
Sainte-Madeleine,  établi  vers  l'an  1272,  par 
un  bourgeois  de  Marseille  nommé  Bernard, 
qui  travailla  par  zèle  à  la  conversion  des 
courtisanes  de  cette  ville.  Il  fut  secondé  dans 


cette  bonne  œuvre  par  plusieurs  autres  per- 
sonnes, et  leur  société  fut  érigée  en  ordre 
religieux  par  le  pape  Nicolas  III,  sous  la  rè- 
gle de  saint  Augustin.  Ils  formèrent  aussi  un 
ordre  religieux  de  femmes  converties,  aux- 
quelles ils  donnèrent  la  même  règle.  La  con- 
grégation des  pénitentes  de  la  Madeleine,  à 
Paris,  doit  son  origine  aux  prédications  du 
Père  Jean  Tisserand,  cordelier,  qui,  ayant 
convei  ti  par  ses  sermons  plusieurs  femmes 
publiques,  établit  cet  institut  pour  retirer 
celles  qui  voudraient  mener  à  l'avenir  une 
vie  exemplaire.  Vers  l'an  1294,  Charles  VIII 
leur  donna  l'hôtel  de  Bohaines,  et,  en  1500, 
Louis,  duc  d'Orléans,  qui  régna  sous  le  nom 
de  Louis  XII,  leur  donna  le  sien,  où  elles 
demeurèrent  jusqu'en  1572;  et  alors  la  reine 
Catherine  de  Médicis  les  plaça  ailleurs.  Dès 
l'an  14-97,  Simon,  évoque  de  Paris,  leur  avait 
dressé  des  statuts  et  donné  la  règle  de  saint 
Augustin.  Une  des  conditions  pour  entrer 
dans  cette  communauté  était  autrefois  d'avoir 
vécu  dans  le  désordre,  et  l'on  n'y  recevait 
point  de  femmes  au-dessus  de  trente-cinq 
ans  :  depuis  la  réforme  qui  y  a  élé  faite  en 
1616,  ou  n'y  reçoit  plus  que  d'S  lilles,  et  elles 
portent  toujours  le  nom  de  pénitentes.  Voy. 
Magdelonnettes.  11  y  a  aussi  en  Espagne,  à 
Séville,  une  congrégation  de  pénitentes  du 
nom  de  Jésus;  ce  sont  des  femmes  qui  ont 
mené  une  vie  licencieuse;  elles  furent  fon- 
dées, en  1550,  sous  la  règle  de  saint  Augustin. 
Les  pénitentes  d'Orviète,  en  Italie,  sont  une 
congrégation  de  religieuses,  instituée  par 
Antoine  Simonelli,  gentilhomme  de  cette 
ville.  Le  monastère  qu'il  fit  bâtir  fut  d'abord 
destiné  à  recevoir  de  pauvres  filles  aban- 
données par  leurs  parents,  et  en  danger  de 
perdre  leur  veitu.  En  1660,  on  fit  une  maison 
propre  à  recevoir  des  tilles  qui,  après  avoir 
mené  une  vie  scandaleuse,  auraient  formé 
la  résolution  de  renoncer  au  monde  et  de  se 
consacrer  à  Dieu  par  les  vœux  de  religion  ; 
leur  règle  est  celle  des  carmélites. 

Pénitents  (religieux)  de  Nazareth  et  de 
Picpus.  Voy.  Picpus. 

PÉNITENTIEL.  Livre  qui  renferme  les 
canons  pénitentiaux  ou  les  règles  que  l'on 
devait  observer  touchant  la  durée  et  la  ri- 
gueur des  pénitences  publiques,  les  prières 
que  l'on  devait  faire  pour  les  pénitents  au 
commencement  et  à  la  fin  de  leur  carrière, 
l'absolution  qu'il  fallait  leur  donner.  Les 
jirincipaux  ouvrages  de  ce  genre  sont  le 
])énitcntiel  de  Théodore,  archevêque  de  Can- 
torbéry,  celui  du  vénérable  Bède,  pi  être 
anglais,  que  quelques-uns  attribuent  à  Ec- 
berf,  archevêque  d'York,  contemporain  de 
Bède  ;  celui  de  Uaban  Maur,  archevêque  de 
ftlayence,  et  le  pénitentiel  romain.  Ces  livres, 
introduits  depuis  le  vu'  siècle  pour  mainte- 
nir en  vigueur  la  discipline  de  la  ]>énitence, 
devinrent  très-communs;  et  comme  plusieurs 
particuliers  se  donnèrent  la  liberté  d'y  insé- 
rer des  pénitences  arbitraires,  cet  abus  con- 
tribua à  faire  naître  le  relâchement;  aussi 
plusieurs  de  ces  pénilentiels  furent  condam- 
nés par  un  concile  do  Paris,  sous  Louis  le 
Débonnaire,  et  par  d'autres  conciles.  Morin, 


1395 


PEN 


PEN 


1394 


de  Pœnit.  Preuve  que  les  évoques  ont  veillé, 
dans  tous  les  temps,  à  prévenir  le  relâche- 
ment (le  la  dis(;i])liiie  ecclésiastique. 

PENSÉE.  Ce  mot,  dans  TEcrilure  sainte, 
ne  sii^nifio  pas  toujours  la  simple  opération 
de  l'esprit  qui  ixusc,  souvent  il  exprime  un 
dessein,  un  projet,  une  eiilre[)rise.  Ps.  cxlv, 
V.  4,  il  est  dit  qu'au  jour  de  la  mort,  les 
pensées  des  grands  de  la  terre  périront.  Job, 
c.  xxui,  V.  13,  personne  ne  peut  empêcher 
les  pensées,  e'est-h-dire  les  desseins  de  Dieu. 
Sap.,  c.  Y,  V.  10,  il  est  employé  pour  dési- 
gner le  soin  que  Dieu  prend  des  justes.  Il 
signide  encore  doute,  scruimle,  soupçon. 
Luc,  cap.  XXIV,  V.  28,  poiu'quoi  les  pensées 
s'élèvent-elles  dans  votre  eceur?  Enfin  il  se 
mef  pour  raisonncmint.  Saint  Paul.  Boni., 
c.  I,  V.  21,  dit  que  les  philosophes  païens  se 
sont  égarés  d  ins  leurs  pensées,  |)arce  qu'ils 
ont  été  induits  en  erreur  par  de  faux  rai- 
sonnemenls. 

Nous  ne  devons  pas  être  étonnés  de  ce  que 
notre  religion  nous  a[>)ireiid  à  regarder  de 
simples  pensées  comme  des  péchés;  il  ne 
dépend  pas  de  nous,  à  la  vérité,  de  ne  pas 
les  avoir,  puis(|ue  souvent  elles  nous  vien- 
nent ujalgré  nous  et  nous  alHigent;  mais  il 
est  en  noti'e  pouvoir  de  nous  y  arrêter  ou 
de  les  rejetei',  d'y  acquiescer  ou  d'y  résister; 
elles  ne  sont  péché  que  quand  elles  sont 
délil)érées  et  que  nous  nous  y  arrêtons  vo- 
lontairement. 

PENTATEUQUE,  mot  grec  composé  de 
jrivre  cinq,  et  (icTsix";,  volume.  L'on  nomme 
ainsi  les  cin((  livres  de  .Moise  qui  sont  à  la 
tête  de  r.\ncien  Tcstameid,  savoir,  la  (ie- 
nèse,  l'Exode,  leLéviticiue,  lesNoudires  et  le 
Deutéronome  ;  nous  parlons  do  chacun  de  ces 
livres  dans  un  article  iiarticuliei .  Tous  ensem- 
ble sont  appelés  p  ii'  les  juifs  (a  loi,  parce 
que  la  partie;  la  [dus  essentielle  de  ce  qu'ils 
renferment  est  la  loi  qiw  Dieu  donna  au 
peuple  juif  par  le  ministère  de  Moise.  Un 
des  principaux  objets  que  se  sont  proposés 
les  incrédules  de  noire  siècle,  a  été  de  vou- 
loir que  le  Pentateuque  n'est  |)as  l'ouvrage 
de  ce  législateur,  mais  de  quelque  autre  au- 
teur inconnu;  aucun  d'eux  n'a  daigné  exa- 
miner les  jircuves  qui  établissent  l'authenli- 
cilc  do  cet  ouvrage,  ni  les  réfuter.  Nous 
sommes  donc  obligés  de  les  exposer,  du 
moins  sommairement, avantde  répondre  aux 
objections  que  l'on  a  cru  pouvoir  y  opposer. 

La  première  de  ces  preuves  est  le  témoi- 
gnage des  livres  mêmes  du  Pentateuque;  par- 
tout, excepté  dans  la  Genèse,  Moïse  y  parle 
comme  acteur  princijial.  11  dit  ijue  Dieu  lui 
a  ordonné  d'écrire  les  événements  (ju'il  rap- 
porle  et  les  lois  qu'il  prescrit;  il  ordonne 
de  placer  son  ouvrage  dans  le  tabernacle,  à 
côté  de  l'arche.  Dans  l'exode ,  où  .Moïse 
connuence  à  (aire  sa  propre  histoire,  il  sup- 
pose les  événements  dorit  il  avait  parlé 
dans  la  Genèse,  et  ceux-ci  ont  uno  liaison 
essentielle  avec  les  faits  qui  sont  racontés 
dans  l'Exode.  Un  autre  que  .Moise  n'aurait 
jias  eu  la  même  sagac  lé,  n'aurait  pas  senti 
comme  lui  la  nécessité  de  montrer  !a  légis- 
lation juive  préparée  et  résolue  dans  les 


desseins  de  Dieu  depuis  le  commencement 
du  monde.  Voy.  Genèse.  — La  seconde  est 
l'attestntion  des  écrivains  juifs,  postérieurs 
h  Moïse,  (le  Josué,  de  ceux  qui  ont  rédigé 
les  livres  des  Juges,  ceux  des  Rois  et  ceux 
des  Parali|)omènes,  de  David  dans  ses  psau- 
mes, d'Esdras  et  des  prophètes.  Tous  par- 
lent des  ordonnances  'de  Moïse,  des  livre? 
de  Moïse,  du  livre  de  la  loi  :  ils  rapiiorteiit 
les  événements  dont  il  est  fait  mention  dans 
le  Pentateuque,  ou  ils  y  font  allusion; 
(^et  ouvrage  est  donc  plus  ancien  qu'eux 
tous.  Le  psaume  104  et  les  suivants  sont  un 
abrégé  de  l'histoire  juive ,  à  commencer 
depuis  la  vocation  d'Ahraham  jusqu'à  l'éta- 
blissement des  Juifs  dans  la  Palestine;  le 
ciuatre-vingt-neuvième  est  intitulé  :  Prière 
(le  Moïse,  serviteur  de  Dieu  ;  le  dernier  des 
prophètes  finit  par  exhorter  les  Juifs  à  l'ob- 
servation de  la  loi  que  Dieu  a  donnée  à 
Moise  ;  le  même  langage  règne  encore  dans 
les  livres  des  Machabées  et  dans  celui  de 
l'Ecclésiastique.  Il  n'a  donc  été  aucun  temps, 
dans  lequel  les  Juifs  n'aient  été  persuadés 
de  l'authenticité  du  Pentateuque.  —  3"  11  a 
fallu  ces  livres  pour  établir  et  perpétuer  la 
religion,  le  cérémonial,  b-s  lois  civiles,  po- 
litiques et  militaires  des  Juifs;  il  est  incon- 
testable que  ce  peuple  a  été  réuni  en  corps 
de  nation  depuis  le  temps  de  .Moise,  que  la 
constitution  de  leur  république  a  été  la 
même  jusqu'à  l'élection  des  rois,  que  ceux- 
ci  n'ont  rien  ciiangé  au  fond  de  la  lé:;isla- 
tion  ;  les  Juifs  mêmes  ont  continué  à  observer 
leurs  lois  pendant  la  captivité  de  Babylone, 
et  ils  les  ont  remises  en  vigueur  dans  la 
Judée  après  leur  rclour.  11  est  impossible 
que  ce  détail  immense  d'onlonnances,  d'u- 
sages, d'ob-ervances,  ait  pu  se  conserver 
par  la  tradition  et  sans  aucune  écriture,  et 
cette  nation  n'y  aurait  pas  été  aussi  cons- 
tamment attacihée,  si  elle  n'avait  pas  cru 
que  le  tout  était  fiarli  de  la  main  d'un  lé- 
gislateur inspiré  de  Dieu.  —  4"  La  forme  de 
ces  livies  dépose  de  leur  authenticité.  De- 
puis le  commencement  de  l'Exode,  ils  sont 
écrits  en  forme  de  journal;  le  Deutéronume, 
qui  est  le  dernier,  est  la  réca|)itulation  des 
précédents.  Un  auleur  plus  ancien  que  Moïse 
aurait  pu  écrire  la  Genèse,  mais  il  n'a  pas 
pu  faire  l'Exode  ni  les  livres  suivants.  A 
moins  d'avoir  été  en  Egypte  et  dans  le  dé- 
sert, d'avoir  été  témoin  des  événements  qui 
s'y  sont  passés,  des  marches,  des  canq^e- 
ments,  des  faits  et  des  circonstances  minu- 
tieuses arrivées  |)endant  (juarante  ans,  un 
hi>torien  n'a  pas  pu  les  écrire  dans  un  si 
grand  détail  et  avec  autant  d'exactitude. 
D'autre  part,  un  écrivain  posti'rieur  à  Moïse 
n'aurait  pas  pu  composer  la  Genèse;  il  au- 
rait été  trop  éloigné  de  la  tradition  des  pa- 
triarches :  Moïse  seul  s'est  trouvé  au  point 
où  il  fallait  être  pour  lier  la  chaîne  des 
événements,  et  les  faire  correspondre  les 
uns  aux  autres.  —  5*  11  y  a  un"  ditJ'i'renre 
infinie  entre  le  stvle  de  Moïse  ei  celui  des 
é(;rivains  postérieurs  :  aucun  de  ceux-ci  ne 
lui  ressemble;  pour  [leu  qu'on  les  compare, 
on  voit  que    Moise  est  plus   ancien,  mieu> 


I5»K 


PEN 


PEN 


1596 


instruit,  plus  grand,  et  revêtu  d'une,  auto- 
rité supérieure  h  la  leur.  11  parle  en  législa- 
teur; les  autres  sont  des  historiens  et  des 
prophètes;  tous  parlent  de  lui  avec  respect. 
—  6°  Quel  autre  quo  lui  a  pu  avoir  assez 
d'ascendant  pour  îaire  recevoir  nuï  Juifs, 
peu:ile  njutiu,  rebelle  rt  opiniillre,  des  luis 
et  des  usages  Irès-dliféronts  de  ceux  des  au- 
tres nations,  desquels  ils  ne  supjiortaient  le 
poids  qu'avec  répugnance,  dont  i!s  avaient 
secoué  vingt  fois  le  joug,  et  auxquels  ils  ont 
toujours  été  forcés  de  revenir?  Moïse  leur 
fait  les  reproches  les  plus  sanglants  :  il  le  ir 
prédit  leurs  fautes  et  leurs  malheiîrs,  son 
histoire  les  couvrait  d'opprobre,  et  de  siècle 
en  siècle  ils  ont  transmis  à  leurs  descen- 
dants ce  témoignage  irrécusable  de  la  mis- 
sion divine  de  leur  législateiîr.  Unaut;e  (jue 
Moïse  n'aurait  pas  o-é  faire  à  sa  nation  des 
réprimandes  aussi  sévères,  ni  placer  dans  son 
histoirede.s  faits  aussittéslionuraiits^ioiu'elle. 

Plus  on  vomira  reculer  l'époque  de  la 
supposition  du  Pcntateuquc,  plus  on  rendra 
ce  fait  impos...il)le  (t  abiurde.  Plaçons-le 
sous  quelle  date  on  voudra.  Sous  Josué,  il  est 
question  du  partage  de  la  Palestine  entre 
les  ti'ibus,  et  ce  partage  ne  fut  pas  égal;  mais 
la  distribution  (ies  pàits  et  remplacement  de 
cil  que  tribu  avaient  éié  r'glés  par  oïso, 
et  annonc  s  d'ava.ue  par  le  testament  de 
Jai.ob  .  il  n'y  eut  ni  révolte  ni  murmure  à 
ce  sujet;  chacune  de  ces  i)eup'aJes  prit  sans 
coutestcr  la  [lortiun  qui  lui  revenait.  Sous 
tes  juges,  toï!t  se  trouve  arrangé  suivant  ce 
plan  :  Jeplité  argumente  coiitrè  les  Ammo- 
nites sur  le  xxi°  chapitre  du  livre  isQi  Nom- 
bres, Jud.,  c.  XI,  et  juslifie  par  l'histoire  de 
Moise  que  depuis  trois  cents  ans  les  Isra''li- 
tes  sont  en  possession  légitime  du  terrain 
qu'ils  occupent.  Ci  tte  hisloire  était  donc  re- 
connue pour  très- .':uthei, tique.  Sous  le  gou- 
ve.nemèni  de  Samuel,  la  nation  mécontente 
demande  un  roi  :  M:  use  rava;t  prédit,  et 
avait  fait  o'cs  règlements  à  ce  sujet  [Deut. 
XVH,  15);  il  fallui  s'y  conformer.  Après  lo 
règne  de  Saiil,  dix  tribus  cohlestc:.t  ?i  David 
la  royauté  :  so'js  Pioboam  b  se' isme  recoru- 
me:  Ce,  et  dure  jusiju'à  la  captivité  de  îîaby- 
lone.  Voilà  deux  royaumes  et  deux  peuples 
divisés  d'intérêts.  Pour  préveiiir  îeur  réu- 
nion ,  Jéroboam  entr.iîne  ses  sujets  dans 
l'idolâlrio  :  ccpePùant  les  lois  civiles  et  poli- 
ti']u<>s  imposées  par  Aioise  continuent  à  être 
suivies  dans  l'un  et  l'autre  royaume.  Etait- 
ce  dans  ces  cire  ilstances  qu'un  imposteur 
pouvait  être  ten'é  de  les  lurg'r,  ou  avoir 
assez  d'autorité  pour  tes  faire  recevoir  par 
deux  peuples  ennemis  l'un  de  l'autre? 
Tous  deuî  se  sont  trouvés  intéressés  à 
lés  conserver,  pour  connaître  et  maintenir 
les  limites  de  leurs  possessions  respeciives. 

Pendant  la  captivné  de  Babylone,  nous 
voyons  par  les  livres  de  Tobie,  d'Esther,  de 
Baruch,  d'Kzécliiel  et  de  Daniel,  que  les 
Juifs  dispersés  dans  la  Ghaluée  et  dans  !a 
Médie  ont  continué  de  vivre  selon  leurs  lois  ; 
Ce  n'était  pas  pendant  cette  dispersion  cju'un 
particulier  quelconque  pouvait  introduire 
(chez  cette  nation  des  livres,  une  législation, 


une  histoire  supposée  sous  le  nom  de  Moïse. 
Aussi  la  plupart  des  incré  mies  ont  imaginé 
que  cette  supposition  n'a  été  faite  qu  après 
je  retour  de  la  captivité;  c'est  F.sd'as,  disent 
ils,  qui  rst  l'auteur  du  Penlateuque.  De  toutes 
les  hypothèses  possililes,  ils  ne  pouvaient 
pas  en  choisir  Une  plus  absurde.  H  faut  sa- 
voir d'aliord  qu'Esdi  as,  né  à  Uabylone,  ne 
vint  da)is  la  Judée  que  so  xante-trcize  ans 
après  le  retour  qui  s'était  fa^t  sous  Zoroba- 
bel,  Esdr.,  c.  vu.  Or,  Esdras  lui-môme  nous 
aoprend  que  Zorobabel,  Josué,  fils  de  José 
dech,  qui  était  grand  ])rêtre,  avec  l.s  autres 
chefs  de  la  nation,  avait  déjà  rétabli  TTutel 
des  holocaustes,  les  sacrifices,  les  têtes,  le 
chant  des  psaumes  de  David,  comme  il  est 
écrit  dans  la  loi  de  Moïse,  serviteur  de  Dieu, 
c.  III,  V.  2.  Ce  n'est  donc  ;.as  lui  qui  en  était 
lauteur.  Il  n'était  ]>as  au  monde  lorsque 
Tobie,  Raguel,  Esther,  Mardochée,  Ezéchiel, 
Daniel,  etc.,  faisaient  profession  d'obseiver 
la  religion  et  les  lois  prescrites  pa:  Moïse. 
Si  les  Joifs  n'avaient  pas  déjà  l'esprit  imbu 
des  lois,  des  prédictions,  des  promesses  et 
des  menaces  de  Moïse,  comment  et  parquet 
motif  S' s.mt-ds  résolus  à  quitter  la  Chaldée 
soixante-treize  ans  avant  Ësd.as,  à  revenir 
habiter  la  Palestine,  pays  dévasté  depuis 
soixanîe-dix  ans,  pour  y  subir  le  joug  d'une 
loi  qui  devait  ieur  être  inconnue  et  qui  les 
ren  ait  ennemis  de  leu  s  voisins?  Esdras, 
simple  prôtr.',  n'avait  aucun  moyen  de  les  y 
forcei-  lorsqu'il  vint  dans  la  Judée;  aussi 
fit-il  profession  de  ne  rien  prescrire,  de  ne 
ricn  établir  que  ce  qui  était  ordonné  par  la 
loi  de  Moïse,  Èsdr.,  1.  1,  c.  m,  v.  3;  c.  vi, 
v.  18;  c.  VII,  is,  X,  etc.  Si  déjà  les  Juifs  n'é- 
taient pas  convaincus  de  l'authenticité  de  ce 
liv/e  et  de  ces  lois,  il  a  fallu  qu'Esdras  fas- 
cinât tous  les  esprits,  pour  leur  persuader 
faussement  que  tout  cela  existait  déjà  de- 
puis jilus  de  mille  ans. 

Pour  forg  r  à  cette  époque  les  livres  de 
Mo;se,  il  fallait  fabriquer  encore  ou  altérer 
tous  les  livres  postérieurs  de  l'Ecriture  qui 
en  font  mention  ;  il  f^dl.iit  faire  parier  vingt 
au(>  urs  différents  sur  le  ton  et  suivant  lo 
génie  (jui  convenait  à  chacun  d'eux;  c'est 
prêter  trop  d'habileté  à  un  écrivain  juif,  h.^- 
dras  a  écrit  ses  propres  livres,  partie  en  hé- 
breu et  partie  en  chakléen  ;  ceux  de  Moïse  et 
des  auteurs  postérieurs  sont  en  hél)reu  pur. 
Quelle  différence  en^rc  le  style  de  .Moïse  et 
Celui  d'Esdrasl  II  aurait  fallu  encore  que  ce 
dernier  inventât  les  prophéties  d'isaïe  et  de 
Jérémie  touciiant  la  ruine  de  B.ibylone , 
Celles  (le  Daniel  sur  la  succession  des  quatre 
grandes  mon  rchies,  celles  de  tous  les  pro- 
phètes qui  annonçaient  la  venue  du  Messie 
et  fi  vocation  future  des  gentils;  ces  divers 
événements  n'étaient  |ias  encore  accomplis; 
les  incrédules,  sans  doute,  ne  sont  pas  ten- 
tés d'accorder  à  Esdras  le  don  de  prophétie. 

Mais  une  preuve  plus  furie  et  plus  invin- 
cible de  l'authenticité  des  écrits  de  Moïse 
est  le  témoignage  de  Jésus-Christ  que  nous 
ont  transmis  les  apùtres  et  les  évangéli.stes; 
dans  une  iniinité  de  jiassages  des  Evangiles, 
ce  divin  Maître  a  cite  aux  Juifs  les  lois,  les 


1397  PEN 

pr(^cepie$,  les  prédictions,  les  livres  de 
Moïse  :  il  était  donc  persuadé,  comme  toute 
la  nation  juive,  qiié  ces  livres  étaii-nl  l'ou- 
wa^e  de  IMuise  et  noii  d'un  autre.  Pourcon- 
trediie  la  croyance  commune  de  toute  une 
na'ion  sur  un  article  aussi  important, 
il  faudrait  des  raisons  démonstratives;  les 
incrédules  n'y  opp  is^nt  que  des  objci  lions 
frivoles.  Dans  les  ai-ticles  Genèse  et  Decté- 
bO.nome,  nous  avons  répondu  à  ce'les  que 
l'on  l'ait  contre  ces  deuv  livi'es  vu  particu- 
Jiei'.  Qi.ehpies  discoureurs  modernes  ont 
avancé  uue  du  temps  de  Moise  l'art  d  é- 
crire  n'était  jias  encore  coimu;  le  contraire 
ost  prouvé  par  les  monuments  lis  plus  cer- 
tains de  l'histoire  proiane.  Voyez  l'Origine 
du  langage  el  de  l'écriture  ,  par  M.  de. 
Gébelin.  D'autres  ont  dit  qu  ■  dans  le  dés  rt 
Moise  mampiait  de  maûères  propres  à  l'aire 
un  livre;  ils  ont  oiiblié  que  les  isra  dites,  l'U 
arrivant  daiis  K-  d<''s.ert,  é;aient  chargés  des 
dépwuill  s  des  Egyptiens  ;  1  on  empioya  des 
métaux,  des  étoiles  et  des  pe  ux  appiété»  s 
pour  construire  le  lahernacle.  Moïse  a  donc 
pu  avoir  îles  bandelettes  de  lin,  des  jieaux 
d'animaux,  iJu  papyrus,  des  tablettes  île  cire 
et  di'  bois,  sur  lesquelles  les  Egptiens  ont 
écrit  de  tout  temps,  connue  nous  le  voyons  [).  r 
Icsflgiircsdonl  ilsontchargéleursuiomies  (1). 
On  ol)jectc  ipic  .Moïse  pa  le  de  lui-même 
h  la  troisième  per-oinie;  d  ne  s'ensuit  rien, 
puisque  Xéno[)lmn,  Cé^ar,  Josèphe,  Esdras 
et  d'autres  ont  fait  de  même.  On  ajoute  que 

(1)  Pour  (lélniire  [".mtorilé  à\\  Pentnt  iiq'ie,  les 
încrùiliiles  ont  toiiill  les  enlniilles  de  la  terre,  inier- 
rogé  riiisloire,  consulté  les  asires,  deinanilé  des 
preuves  ,iux  arts.  —  l/arl  d'écrire  a  élé  sur  tons  les 
autres  l'djjjet  d'nrie  ïllention  pailiculiérc.  Ils  ont 
conl«slé  son  exisicnce  du  temps  de  Moïse.  Si  dans 
la  siiile  ils  ont  aecoido  (jne  l'éeiilure  liiérogl}p!iiinie 
était  connue,  c  lilâil  pour  établir  linipossibilité  d'é- 
crire en  Iiiéroglyplies  le  l'eMtaleuque  qui  est  rempli  de 
généalogies,  de  noms  piopres  ei  de  déiaiis  tres-cir- 
constaneiés.  Pa^.sant  ensuite  à  la  matière,  ils  ont  pid- 
tendu  que  (  l'art  de  graver  ses  pensées  si:r  la  pierre 
polie,  sur  la  brique  ou  sur  le  plomb  était  la  seule 
nianiére  d'écrire.  >  Il  aurait  fallu  graver  cinq  volu- 
mes .  sur  des  pierres  iiolies,  te  qui  demaiulail  des 
ell'orls  el  un  lenqis  prodigieux.  Conimeni,  dans  un 
désert,  occui)é  Je  marches  et  de  contre- marches, 
obligé  d'apaiser  les  séditions,  d'organiser  un  peuple 
en  corps  de  iiilion,  de  régler  luiit  le  détail  d'une 
administration  ditlicile,  comment  .Moïse  aurait-il  pu 
écrire  son  livre'?  On  voit  que  tout  concourt  à  dé- 
montrer que  Mo  >c  a  été  dans  une  iinpossibililé  ab- 
solue d'écrire  le  Pentatenipie. 

Avant  de  rcpondic  directement,  nous  allons  re- 
chercher, 1°  quelle  était  anciennement  la  matière 
qui  servait  à  la  couipositioii  d'un  livre  ?  "2°  quelles 
étaient  les  dirtéreides  espèces  d'écriture  connues  dans 
l'aiiliquiié? 

1"  Quelle  était  la  matière  qui  servait  anciennement 
h  la  composition  d'un  livre?  —  Tous  les  auteurs  de 
l'anliquilé  disent  que  la  pierre,  la  bri(|ue,  le  marbre 
et  le  bols  reçurent  d'abord  les  pens  es  des  mortels. 
Jusqu'à  une  époque  très-avancée  on  s'en  servit  pres- 
que toujours  pour  graver  le  souvenir  de  quelque  grand 
événement,  ou  pour  exposer  sous  les  yeux  du  peu- 
ple les  lois  qui  devaient  le  diriger  (  Voir  Porphyre, 
Euhémère  dans  Lactance,  Sanchoniathon  dansTliéo- 
doret,  Hérodote,  Diodoie  He  Sicile,  Pline,  Pluiar- 
que,  Aulu^elle,  Diogene-Laérce,  etc.).  Ensuite  ou 


PEN  1398 

l'auteur  du  Pentatcuque  untrcy  sur  les  lieux 
voisins  de  rEuphra'e,  dans  des  détails  i|ui 
n'ont  pu  être  connus  que  d'un  homme  qui 

employa  des  tablettes  recouvertes  de  cire.  Pline  ob- 
serve que  leur  usage  remonte  au  delà  de  la  guerre 
de  Troie.  Les  autres  m»lières  dont  on  se  servit  à 
difTé'renles  époques  sont  la  l'euille  de  palmier,  lé- 
corce  de  certains  arbres,  une  composilion  faite  avec 
le  papyrus,  la  peau  de  qiielqui's  animaux.  Dn  roi  de 
Pcrgame  en  perfectionna laprcparation;  deliilui  vient 
leiiomdi'parclieMiin.OnamèmcvuàConstanlinopleun 
Houièieécriten  lettres  d'or  sur  les  intestins  d'un  ser- 
pent. (Pline,  Virgile,  Syriis,  Mabilloii,  Caltnel,  etc.) 
Nous  ne  pouvons  préciser  l'épciqne  où  chacune  d« 
ces  matières  lïit  employée.  Nous  nous  contenterons 
de  rapporter  ici  l'observation  du  savant  comte  de 
Caylu-  (lltem.  de  l'Acad.  de!,  bflle^-lenres  l  :  «  Il  n'est 
pas  douteux  que  l'écriture  une  fois  inventée  n'ait  élé 
enqdoyée  sur  tout  ce  qui  pouvait  la  recevoir.  Les 
inati  l'cs  ont  varié  selon  les  temps  et  les  circonstan- 
ces. On  peut  dire  cependant  (|u'(ui  aura  préféré  pour 
une  chos(!  si  nécessaire  ce  qu'il  y  avait  déplus  com- 
mun et  de  plus  facile  à  transporter.  > 

2°  Quelles  étaient  les  di/îerenles  espèces  d'écritu- 
res connues  dans  lanli(piité  ?  —  L'art  de  conserver 
le  souvenir  de  la  pensi'c  fut,  sans  aucun  doute,  un 
des  preioiers  besoins  de  l'hounne.  Aussi  un  philoso- 
pli(!  distingué  en  lait  il  remonter  l'origine  à  Dieu  lui- 
ni 'Uie.  Il  pense  que  le  souverain  de  tous  les  êtres 
donna  l'écriture  au  premier  des  mortels  aussi  bien 
que  le  langage.  Comme  c(dui-ci,  elle  dut  prendre 
des  formes  bien  multipliées.  Les  caractères  éprouvè- 
renl  beaucoup  de  la  mobilité  du  tenq)s  et  des  cir- 
constances. Nous  trouvons  deux  espèces  décriiures, 
dillérentcs  entre  elles,  non-seulement  quant  à  la 
coolormation  des  caractères,  mais  m;nie  quant  à  la 
signilication.  L'une  est  hieros^lyphique  et  Pautreeu- 
plioniipie.  —  L'écriture  hiéroglyphique  représente 
la  pens('e  par  des  symboles  et  des  images.  D'apiés 
cela  on  conçoit  que  celte  espèce  d'écriture  devrait 
avoir  pour  ainsi  dire  autant  d'images  (pie nous  avons 
de  pensées,  et  (ju'il  doit  être  Irès-dillicile  de  l'em- 
ployer pour  les  idées  abstraites  et  de  détails.  Elle 
dut  conveinr  >  l'enfance  des  peuples  dont  les  idées 
ne  sont  point  multipliées  el  qui  se  représentent  tout 
eu  images  :  c'était  l'rcriture  des  peuples  du  nouveau 
monde.  A  son  aide  les  Mexicains  avaient  retracé 
leur  histoire  et  leur  législation.  Elle  fut  beaucoupen 
usage  chez  les  Egypl  eus.  L'éi'riiure  ordinaire  eut 
sans  doute  tenu  mi  langage  trop  froid  sur  ces  monu- 
ments qui  étonnent  l'imagination.  L'écriture  mysté- 
rieuse était  beaucoup  plus  en  rapport  avec  eux.  Se- 
rait-il inipossibli"  d'écrire  en  hiéroglyphes  un  livre  tel 
que  le  l'entateu(pie?  Nous  avouons  que  ce  serait  une 
tentative  trcs-diUkile.  Mais  rim|)ossil)ilité  ne  nous 
parait  pas  bien  démoutrée  d'après  ce  que  nons  ve- 
nons de  dire  de  Ibistoiie  des  .Mexicains.  —  L'i  cri- 
lure  euphonique  est  celle  qui  nous  rappelle  les  sons 
auxquels  nos  idées  sont  attachées.  Avic  elle  il  n'y  a 
aucune  parole  dont  on  ne  puisse  conserver  le  souve- 
nii-.  Lncain  attribue  aux  Phéniciens  ceue  merveil- 
leuse invention.  Supposant  qu'elle  soit  t'ouvre  de 
riiomme,  nous  ne  pouvons  déterminer  son  origine, 
seulement  lunis  savons  que  T.adnms  importa  l'écri- 
ture euphonique  lorsqu'il  vint  se  fixer  à  Tlic  bes.  Il 
vivait  un  siècle  avant  Moïse  suivant  les  tables  de 
bons  cbionologisies.  11  paraît  assez  bien  déuioniré 
qu'avant  lui  Cecrops,  fondateur  d'Athènes,  en  avait 
doté  la  Grèce.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  recher- 
cher la  dillëience  des  caractères.  Celte  rccberclieest 
inutile  au  but  que  nous  nous  proposons.  Nous  obser- 
verims  seulement  qu'il  est  indubitable  qu'outre  l'é- 
criture biéioglyphi(|i;e,  les  Egypleiis  avaient  aussi 
des  caractères  eitphoniques  :  on  s'en  sei  vail  po'i 
alfaires  privées.  (Voir  Hérodote,  l'Iuiarquc,  Ca" 
Ciiampollion,  Huinboldt,  Paravoy,  etc.) 


7-\<3i 


^K 


1399 


PEN 


PEN 


iiOO 


avait  voyagé.  L'on  se  trompe;  non-seulement 
Moïse  a  pu  apprendre  ces  détails  par  le  récit 
de  quelques  voyageurs,  mais  son  aïeul  avait 
vécu  avec  les  enfants  de  Jacob,  qui  étaient 
nés  dans  la  Mésopotamie  :  il  a  donc  été  ins- 
truit des  détails  g>'0graphiques  par  la  même 
tradition  qui  lui  a  transmis  les  événements 
rapportés  dans  la  Genèse  (1). 

Enfin  nos  adversaires  disent  que  si  Moïse 
a  écrit  le  Pcntateuque,  cet  ouvrage  avait  été 
entièrement  oublié  des  Juifs,  puisque,  sous 
Josias,  l'on  en  trouva  dans  le  temple  un 
exemplaire,  dont  la  lecture  étonna  beaucoup 
ce  roi.  Cet  étonneinent  prouve  seulement 
que  Josias,  dans  son  enfance,  avait  été  très- 
mal  instruit  par  un  père  idolâtre.  Est-il 
certain  d'ailleurs  que  le  livre  trouvé  dans 
le  temple,  sous  le  règne  de  Josias,  était  tout 
le  Pcntatniquf?  Il  est  beaucoup  plus  proba- 
ble rjue  c'étaient  seulement  les  buit  der- 
niers chapitres  du  Deutéronome,  qui  renfer- 
ment les  promesses  et  les  bénédictions  pro- 
noncées par  Moïse  en  faveur  de  ceux  qui 
accompliraient  la  loi,  les  menaces  et  les 
malédictions  lancées  contre  ceux  qui  la 
violeraient.   Yoy.  IV  Reg.,  c.  xxii,  v.  8  et 

D'après  cet  exposé,  la  solution  des  difficultés  nous 
parnît  bien  facile.  Il  est  incontestable  que  l'art  d'é- 
crire existait  du  temps  de  Moise.  Les  caractères  de 
son  livre  ont-ils  été  peints  ou  gravés  ?  il  ne  nous 
est  point  donné  de  résoudre  celte  question.  Quelques 
savants  très-distingués,  appuyés  sur  des  passages  de 
Job,  des  Proverbes,  etc.,  pensent  que  l'usage  ancien 
des  écrivains  sacrés  était  de  graver  sur  le  bois,  sur 
la  pierre,  sur  le  plomb;  d'où  ils  concluent  que  proba- 
bieuitnt  Moise  lit  graver  son  livre  sur  le  bois.  Nous 
ne  nous  arrêterons  pas  à  réfuter  la  prétendue  impos- 
sibilité de  le  faire.  Dans  plus  de  600,000  hommes 
Moise  put,  sans  aucun  doute,  trouver  un  assez  grand 
nombre  de  graveurs  pour  terminer  sou  ouvrage  dans 
l'espace  de  quarante  ans. 

(1)  IniéirHé  du  Peutateuquc.  Le  Pentateuque  a  un 
peu  éprouvé  le  sort  des  livres  anciens  :  il  a  ses  va- 
riantes aussi  bien  que  les  livres  de  Virgile  et  de  Ci- 
céron.  Elles  ont  été  causées  par  la  négligence  des 
copistes  et  sont  peu  importâmes.  Mais  a-t-mi  ajouté 
ou  soustrait  au  Pentateuque  une  narration  d'une  cer- 
taine étendue,  ayant  quelque  importance  doctrinale 
ou  historique  ?  Voila  le  véritable  point  de  la  question. 
Nous  affirmons  que  le  Pentateuque  a  cetie  espèce 
d'intégrité.  On  n'en  doutera  pas,  1°  si  l'on  examine  le 
soin  que  les  Juifs  avaient  de  leurs  livres  sacrés  ; 
2"  si  on  compare  les  divers  Pentateuques  entre  eux 
et  avec  les  autres  livres  de  l'Ancien  Testament. 

1°  Le  Pentateuque  était  le  code  religieux,  civil, 
politique  et  militaire  des  Juifs.  Tous  les  ordres  de  la 
nation  étaient  intéressés  à  sa  parfaite  conservation. 
Ne  nous  étonnons  donc  point  <|u'ils  en  aient  compté 
les  lettres,  et  le  nombre  de  fois  que  chaque  leitre 
s'y  trouve  ;  ne  soyons  point  surpris  que  plusieurs  se 
soient  exposés  aux  supplices  plutôt  que  de  livrer 
leurs  livres  sacrés  aux  profanateurs.  Quelle  garantie 
aiua-t-on  de  l'intégrité  d'un  livre  si  celle  que  nous 
venons  de  donner  ne  suffit  point  ? 

2°  La  comparaison  des  divers  Pentaleuqnes,  et 
celle  de  ceu.v-ci  avec  les  autres  livres  de  l'Ancien 
Testament.  Les  Pentateuques  grec,  hébreu  et  sa- 
maritain ont  entre  eux  une  conforn'.ilé  substantielle. 
Voilà  une  preuve  complète  qu'il  n'y  a  pas  eu  d'inler- 
polalicn  essentielle  depuis  la  séparation  des  dix  tri- 
bus ;  .  "•;  h  aurait  jiu  passer  inaperçue,  et  des  peu- 
ples rivaux,  dont  Ici  intérêts  étaient  si  dilh  lents 
£nr  le  sujet  en  question,  n'auraient  point  souffert  que 


suiv.  ;  II  Par.,  c.  txiiv,  v.  14.  Sous  les  rois 
impies ,  qui  avaient  entretenu  le  peuple 
dans  l'idolâtrie,  les  prêtres  trop  timides  n'a- 
vaient pas  osé  lire  publiquement  cette  par- 
tie de  la  loi.  Sous  Josias,  dont  la  piété  était 
déjà  prouvée  par  dix  ans  d'un  règne  très- 
sage,  le  pontife  Helcias  jugea  qu'il  était 
temps  de  rétablir  cette  lecture,  et  il  en  eut 
le  courage;  de  là  l'étonncment  du  roi  et  du 
peuple.  Mjiis  cela  ne  (irouve  pas  que  le  reste 
du  Pentateuque,  qui  renfermait  l'histoire, 
les  lois  civiles  de  la  nation,  L's  généalogies 
et  les  partages  des  tribus,  avait  été  oublié  de 
même;  cet  oubli  était  impossible.  Il  paraît 
d'ailleurs  évident  que  le  livre  Irouvé  par  Hel- 
cias dans  le  temple  était  l'autographe  même 
de  Moïse,  ou  l'original  écrit  de  h  main  de  ce 
législateur  ;  il  était  naturel  que  J!.;sias  fût  plus 
touché  de  cette  lectur(!  (jucLiecelb' des  copies. 
Nous  ne  concevons  pas  comment  Prideaux 
et  d'autres  ont  pu  supposer  que  sous  Josias 
il  ne  restait  qu'un  seul  exemplaire  du  Pen- 
tateuque ;  que  ce  roi  et  le  pontife  Helcias  ne 
l'avaient  jamais  vu  ,  mais  que  Josias  en  fit 
faire  des  copies;  qu'il  fit  rechercher  toutes 
les  autres  parties  de   la  sainte  Ecriture,  et 

l'un  l'introduisit  sans  que  l'autre  élevât  la  voix  pour 
réclamer.  Aussi  les  Juifs  se  soiu-ils  fortement  élevés 
contre  la  fable  de  Garizim,  mise  dans  le  Pentateuque 
des  Samaritains. 

De  plus,  les  livres  de  l'Ancien  Testament  renferment 
la  substance  du  Pentateuque.  Il  aurait  donc  fallu  les 
falsifier  tous.  Mais  quel  est  l'homme  qui  aurait  pu 
le  tenter'?  Comment  aurait-il  pu  en  retirer  tous 
les  exemplaires  '?  Un  seul  aurait  suffi  pour  faire  dé- 
couvrir la  supercherie.  Comment  aurait-il  pu  imiter 
tous  les  styles  '.'  La  critique  est  si  habile,  qu'elle  re- 
connaît une  petite  phrase,  un  mot  introduit  dans  un 
écrit;  et  elle  aurait  été  aveugle  pour  une  interpola- 
tion d'une  certaine  étendue  ! 

Les  prédictions  et  les  miracles,  dit  Bossuet,  sont 
tellement  répandus  dans  lous  ces  livres,  sont  telle- 
ment inculqués  et  répéli's  si  souvent,  avec  tant  de 
tours  divers,  et  une  si  grande  variété  de  fortes  figu- 
res, en  un  mot,  en  font  tellement  tout  le  corps, 
qu'il  faut  n'avoir  jamais  seulement  ouvert  ces  livres 
saints,  pour  ne  pas  voir  qu'il  est  encore  plus  aisé  de 
les  refondre,  pour  ainsi  dire  tout  à  lait,  que  d'y  in- 
sérer les  choses  que  les  incrétiules  sont  si  fâchés  d'y 
trouver,  et  ipiand  même  on  leur  accorderait  tout  ce 
qu'ils  deinandeni,  le  miraculeux  ei  le  divin  est  telle- 
ment le  fond  de  ces  livres,  qu'il  s'y  trouverait  encore 
malgré  qu'on  en  eut.  En  quoi  nuisent  après  cela 
les  diversités  des  textes  '!  Que  nous  fallait-il  davan- 
tage que  ce  fonds  inaltérable  des  livres  sacres,  et 
que  pouvions-nous  demander  de  plus  à  la  divine 
providence'?  Et  pour  ce  qui  est  des  versions,  est-ce 
une  mar(|ue  de  supposition  ou  de  nouveauté,  que  la 
langue  de  l'écriuire  soit  si  ancienne  qu'on  en  ait 
perdu  les  délicaiesses,  et  qu'on  se  trouve  empêché 
a  en  rendre  toute  l'élégance  ou  toute  la  force  dans 
la  dernière  rigueur  ?  N'est-ce  pas  plutôt  une  preuve 
de  la  plus  grande  antiquité'?  Et  si  on  veut  s'attacher 
aux  petites  choses,  qu'on  nie  dise  si  de  tant  d'en- 
droiis  où  il  y  a  de  l'embarras  on  en  a  jamais  rétabli 
un  seul  par  raisonnement  ou  par  conjecture.  On  a 
suivi  la  foi  des  exemplaires  ;  et  comme  la  tradition 
n'a  jamais  permis  que  la  saine  doctrine  put  être  al- 
térée, on  a  cru  que  les  autres  fautes,  s'il  y  en  restait, 
ne  serviraieni  (|u';i  prouver  qu'on  n"a  rien  innové  par 
son  propre  es] 


(|U  a  p 
)iit  [uj. 


(a)  Discours  sur  l'histoire  uniTerselle,u»  partie. 


1401  PEN 

Tes  fit  copier  de  même,  Hist.  des  Juiff,  liv.  v, 
t.  I,  p.  203.  S'il  y  avait  dans  toute  rKcriture 
sainte  un  livre  que  les  Juifs  fussent  intéres- 
sés à  conserver,  c'était  certainement  le  Pen- 
taleuque;  il  est  absurde  d'imaginer  i|ue  l'on 
avait  0  blié  et  laissé  jierdre  celui-là,  pen- 
dant ([ue  l'on  avait  conservé  les  autres.  Qua- 
tre-vingts ans  avant  le  régne  de  Josias,  les 
Juifs  du  royaume  de  Saniarie  avaient  été  em- 
menés en  captivité  par  Sairaanazar.  Do  ce 
nombre  étaient  Tobie,  Rajçuel,  Gabélus  et 
d'autres  Israélites  craignant  Dieu  ;  peut-on 
se  persuader  qu'ils  n'avaient  pas  emporté 
avec  eux  ties  copies  de  la  loi?  Il  y  a  deux 
copies  anciennes  et  authentiques  du  l'enta- 
tcuque  :  l'une  écrite  en  caractères  samari- 
tains ou  phéniciens  ,  qui  sont  les  anciennes 
lettres  hébraïques  ;  l'autre  écrite  en  caractè- 
res ch  Idéens,  que  les  Juifs,  revenus  delà 
captivité  de  Babylone,  préférèrent  aux  let- 
tres anciennes  ;  mais  il  n'y  a  pas  de  diffé- 
rence essentielle  entre  le  texte  samaritain  et 
le  texte  iiébreu.  Cependant  plusieurs  savants 
se  sont  partagés  dans  le  jugement  qu'ils  ont 
porté  de  ces  deux  textes;  les  uns  ont  élevé 
ji!S(pi'aux  nues  la  pureté  de  l'hébreu,  et  ont 
exagéré  les  défauts  du  samaritain  ;  les  autres 
ont  fait  le  coniraire.  Prévention  de  part  et 
d'autre.  Il  paraît  certain  que  ces  deux  textes 
étaient  très-conf  irmes  dans  leur  origine  ; 
mais  outre  les  fautes  des  copistes  ,  dont  au- 
cun des  deux  n'est  exempt,  il  est  probable 
que  les  Juifs  de  Samarie  ont  fait  dans  leur 
exemplaire  quelques  additions  et  quelques 
changements  coniormes  (Meurs  préjugés  et  à 
leurs  prétentions.  Fot/.  Samaritain,  Pro/e^.rfe 
la  Polyglotte  de  Wallon,  Proleg.  7  et  11  (1). 

(1)  De  la  véracilé  du  Penlattuque.  — Ayant  fait  uti 
examen  approfondi  du  livre  de  la  Genèse  à  l'art.  Ge- 
^ÈSE,  nous  nous  contenlerons  de  traiter  ici  la  ques- 
tion par  rapport  aux  quatre  derniers  livres  du  Pen- 
taleuque. 

Moïse  a-l-il  dit  la  vérité  dans  son  récit? 

Il  faut  tomber  dans  le  pynhoiiisme  historique  ou 
admollro  comme  vraie  une  histoire,  1°  écrile  par  un 
historien  impartial  et  bien  instruit  des  événements; 
2°  qui  contient  des  faits  manifestes,  de  nature  à  être 
contredits,  et  qui  ont  été  crus  par  un  peuple  témoin 
oculaire,  intéressé  à  en  contester  la  réalité  ;  5°  qui 
est  en  rapport  de  conforniiié  complète  avec  tous  les 
monuments  qui  remontent  aux  faits.  —  L'histoire 
de  Moïse  renferme  tous  ces  caractères.  1°  Moïse  était 
impari iaJ  et  bien  instruit  des  événements.  Témoin 
oculaire  et  acteur  principal  dans  le  grand  drame 
qu'il  rapporte,  il  n'a  pu  être  trompé.  11  raconte  sans 
dcgiiisemcnt  ses  fautes,  celles  de  ses  parents,  celles 
des  lamilles  et  de  la  nation  tout  entière.  Il  ne  cher- 
chi^  que  la  gloire  de  Dieu,  confie  le  commandement 
du  peuple  au  pins  digne  et  laisse  ses  enfants  au  der- 
nier ning  des  lévites.  Est-il  un  historien  qui  donne 
plus  di'  preuves  de  sa  vertu  et  de  sa  sincérité? 
2°  L'histoire  de  Moïse  contient  des  faits  manifestes 
et  de  nature  .i  être  contredits.  Les  prodiges  dont  il  a 
transmis  le  souvenir  à  la  postérité  n'étaient  pas, 
connue  les  mythes  du  paganisme,  perdus  dans  la 
nuit  des  temps  ou  opérés  dans  l'ombre.  Ils  avaient 
eu  pour  témsin  le  peuple  tout  entier.  Us  étaient  la 
sanciion  première  d'une  loi  dure  et  sévère.  C'étaient 
eii\  qui  creusaient  le  tombeau  du  peuple  dans  les 
sables  dn  d"^ei-t.  Si  ces  prodiges  n'avaient  pas  été 
■vrais,  le  peuple  aurait-il  voulu  porter  le  joug  de  fer 
doutou  le  chargeait?  N'aurait-il  pas  imposé  silence  à 


PEN 


440* 


PENTECOTE,  fôte  qui  se  célèbre  le  cin- 
quantième jour  at-rès  PAques ,  et  c'est  ce 
que  signifie  le  grec  wEVTDxoirrxi,  cinquantième. 
L'Eglise  Juive  observait  cette  fête  en  mé- 
moire do  ce  que,  cinquante  jours  après  la 
sortie  d'Egvpte,  Dieu  donna  aux  Israélites  sa 
loi  sur  le  mont  Sinaï  par  le  ministère  de 
Moïse.  Les  Juifs  la  célèbrent  encore  aujour- 
d'hui par  le  même  motif;  ils  la  nomment  la 
fête  des  Semaines,  parce  qu'elle  termine  la 
septième  semaine  après  PAques,  et  la  file 
des  Prémices,  jiarce  que  l'on  y  offrait  les  pré- 
mices de  la  moisson  du  froment.  On  présen- 
tait à  Dieu  deux  pains  levés  de  trois  pintes 
de  farine  chacun,  cette  offrande  se  faisait  non 
par  chaque  famille,  mais  au  nom  de  toute  la 
nation;  ainsi  le  témoigne  Josèpho,  ^Infù/.,  1. 
III,  c.  X.  On  immolait  aussi  différentes  victi 
mes,  comme  il  est  prescrit,  Num.,  c.  xxxiii, 
T.  27.  Puisque  cette  fête  fut  instituée  immé- 
diatement aprèsla  pulilication  delà  ]o\,Exod., 
c.  xxiii,  V.  16;  c  ixxiv,  v.  22,  elle  a  été, 
dans  tous  les  siècles  suivants,  une  attesta- 
tion publique  de  ce  grand  événement.  Dans 
l'Eglise  chrétienne  la  Pentecôte  se  célèbre  en 
mémoire  de  la  descente  du  Saint-Esprit  sur 
les  apôtres,  qui  arriva  le  cinquantième  jour 
après  la  résurrection  de  Jésus-Christ  ;  et 
c'est  à  ce  moment  que  commença  la  pu- 
blication de  la  loi  nouvelle  ou  la  prédication 
de  l'Evangile.  Nous  ne  pouvons  pas  douter 
que  cette  fôte  n'ait  eu  lieu  dès  le  temps  des 
apôtres.  L'auteur  ancien  d'un  ouvrage  autre- 
fois attribué  à  saint  Justin ,  nous  ap[)rend 
que  saint  Irénée  eu  parlait  déjà  dans  son  li- 
vre de  la  Pdque,  quœst.  et  respons.  ad  Ortho- 
dox.,  q.  115;  Tertullien  en  fait   mention,  /. 

Moïse,  lorsqu'il  en  appelait  ^  son  témoignage?  Il  a 
proclamé  sa  croyance,  non-seulement  par  ses  paroles, 
mais  encore  par  le  langage  le  plus  énergi(|ue  (juVin 
peuple  puisse  parler.  5"  Par  celui  des  uionumcnls. 
Les  fêles  de  Pâcpies,  de  la  Pentecôte,  des  Taber- 
nacles, TArche  d'alliance,  le  serpent  d'airain,  les 
cantiques  qui  se  répétaient  de  bouche  en  bouche 
et  d'âge  en  âge,  etc.,  etc.,  faisaient  passer  toute 
l'hisioire  du  Pentatcuque  dans  l'esprit  et  dans 
les  mœurs  de  tous  les  Israélites.  Une  histoire  a-t-elle 
jamais  eu  une  attestation  plus  solennelle? 

On  a  opposé  plusieurs  difficultés  contre  la  viTacilé 
de  Moïse.  Nous  allons  examiner  les  principales  : 

1"  Objection.  Les  événements  qui  frappent  le  plus 
l'esprit,  dont  le  souveidr  se  conserve  le  uiieuv,  que 
transcrivent  avec  le  plus  de  soin  les  historiens,  sont, 
sans  aucun  doute,  ceux  qui  produisent  de  grands 
changements  dans  les  empires,  ou  qui  semblent 
changer  les  lois  de  la  nature.  Tel  est  le  caractéiedes 
événements  racontes  par  Moïse.  S'ils  sont  vrais, 
nous  disent  les  sages  du  siècle  avec  le  ton  de  l'iro- 
nie, comment  se  fait-il  que  nous  n'en  trouvions  au- 
cun vestige  dans  les  histoires  profanes?  L'Egypte 
avait  le  collège  de  ses  prêtres  cliargés  de  recueillir 
les  faits  qui  concernaient  la  nation  égyptienne.  Rien 
ne  fait  soupeiuiner  qu'ils  aient  jamais  tracé  le  moin- 
dre souvenir  d'événements  qui  intéressaient  les 
Egyptiens  à  un  aussi  haut  degré  que  les  Hébreux 
eux-mêmes.  Manéthon  fut  le  compilateur  de  leurs 
mémoires;  Hérodote  les  consulta;  il  y  puisa  cette 
multitude  de  fables  dont  son  histoire  est  remplie. 
Vainement  ehen  herait-on  dans  ses  écrits  un  luol 
sur  les  prodiges  de  Moïse.  Les  historiens  de  l'antiquité 
qui  nous  ont  donné  des  histoires  uiverselle.s,  les  au- 
teurs qui  ont  traité  plus  spccialemen»  des  phéno- 


1403 


PEN 


de  fdololatr.,  c.  xiv,  et  l.  de  Bapt.,  c.  tix  ;  et 
Origène,  /.  viii ,  contra  Cels.,  n.  22.  Or,  il 
est  inijossible  que  sous  les  yeux  des  témoins 

niènes,  gardrnt  un  silence  profond  sur  ce  sujet.  Ce 
Biience  esl  inexplicable,  à  moins  (radmetlie  que 
Moïse  a  grandi  aux  yeux  d'un  peuple  faiialisé  des 
ëvéneuif  nis  qui  ue  sortaient  point  de  l'ordre  ordi- 
naire. Ainsi  raisonnent  nos  adversaires.  Ce  raison- 
nement, quoique  négatif,  pourrait  faire  de  l'impres- 
sion sur  des  esprits  mii  ne  sont  iioint  habitués  i>  une 
discussion  sérieuse.  Pour  donner  une  réponse  com- 
plète nous  .-«lions  exartiiner,  1°  si  en  le  supposant 
absolu,  le  silence  des  auteurs  profanes  serait  une 
preuve  de  la  fausseté  du  récit  de  Moïse;  2"  s'il  y  a 
des  raisons  qui  l'expliquent  ;  3"  s'il  esl  aussi  complet 
qu'on  le  prétend. 

I.  Le  supposant  absolu,  le  silence  des  auteurs  pro- 
fanes serait-il  une  preuve  Je  la  fausseté  du  récit  de 
Moïse?  —  Le  silence  ne  servit  jamais  h  détruire  la 
f(Ji  qu'on  doit  a  un  écrivain  impartial,  et  qui  est  bien 
instiuit  des  événements.  Tous  les  jours  no'is  lisons 
dans  riiistoire,  et  nous  les  accueillons  sans  les  con- 
tester, des  actions  de  la  plus  haute  importance,  que 
nous  tenons  du  seul  écrivain  (|ui  nous  les  leJit.  Cé- 
sar est  le  seul  aateir  de  l'antiquit'  qui  rapporte  en 
détail  ses  expéditions  dans  les  Gaules;  et  cependant 
on  n'élève  pas  le  moindre  doute  sur  la  vérité  des 
faits  qu'il  raconte.  C'est  qu'il  est  dans  la  nature  hu- 
maine de  croire  à  Une  histoire  qui  a  pour  elle  tous 
les  caractères  de  crédibilité.  Ceux  du  Pentateuqne 
sont  portés  au  plus  haut  degré.  Moise  connaissait  les 
événeuietits;  il  donne  des  preuves  d'impartialité;  les 
faits  qu'il  raconte,  quoique  de  nature  à  être  contre- 
dits, ont  été  crus  par  un  peuple  tout  entier,  témoin 
oculaire,  intéressé  à  en  conlesler  la  réalité.  Son  li- 
vre est  en  rapport  de  conlormilé  conqdéle  avec  tous 
les  monuments  qui  remontent  aux  évéiiemenls.  Un 
raisonnement  purement  négatif  ne  détruira  jamais 
l'autorité  d'un  livre  dont  la  vérité  est  appuyée  sur 
des  fottdenienls  aussi  solides.  Ce  n'est  point  la  raison 
qui  se  montre  si  sévcre,  c'est  la  passion.  Si  nos  en- 
nemis avaient  voulu  les  peser,  ilsanraienl  trouvé  des 
motifs  (lu  plus  grand  poids  du  silence  des  auteurs 
profanes. 

II.  î  a-t-il  des  raisfttis  (jui  expliquent  lé  silence  des 
auteurs  profanes?  — Pour  comprendre  le  silence  des 
auteurs  profanes,  il  faut  d'abord  rechercher  quels 
sont  les  ecrr\ains  étrangers  à  la  nation  juive,  qui 
ont  dû  rapporter  avec  quelqtie  étendue  les  principaux 
événements  du  Pentateiique.  Ce  ne  sont  point  les 
grands  historiens  de  la  Grèce  et  de  l'Italie  qu'il  faut 
consulter.  L'histoire  de  leur  pays  et  celle  des  grands 
empires  de  l'Orient  les  occupent  pour  ainsi  dire  ex- 
clusivement. S'ils  parlent  des  nations  moins  impor- 
tantes, ce  n'est  qu'autant  que  leur  histoire  esl  liée 
nétessàirèuient  à  celle  des  grands  çeuples.  Ils  n'en- 
trent daiis  des  détails  circonstanciés  que  dans  les 
événements  rapprochés  du  temps  où  ils  écrivent. 
Elles  sont  bien  inconiplèies  les  notions  qu'ils  nous 
donnent  sur  rorigiiic,  les  développements  de  ces  vas- 
tes Etats  de  l'Asie,  qui  occupaient  pour  ainsi  dire  Une 
partie  du  momlè.  Ce  n'est  donc  point  dans  leurs 
écrits  qu'il  faut  aller  chercher  l'origine,  les  dévelop- 
pements d'un  petjple  qui  tenait  un  rang  si  peu  élevé 
au  inilieu  des  autres  nations.  On  ne  peut  attendre  des 
lumières  que  des  auteurs  contemporains  ou  des  an- 
nales des  peuples  dont  l'histoire  est  liée  avec  celle  de 
la  sortie  des  Hébreux  de  l'Egypte.  Mais  des  auteurs 
contemporains,  nous  n'en  connaissons  pas.  L'histoire 
ne  nous  offre  pas  hit  me  une  sèche  analyse  des  pre- 
miers temps  de  l'Egypte.  Les  rois,  qui  exercèrent 
une  si  dure  tyrannie  sur  la  nation  Israélite,  nous  se- 
raient a  p,:ine  connus  sans  la  liible.  On  parle  du  col- 
lège des  pri'tres  chargés  de  rédigi-r  les  annales  de  la 
nation.  Ce  collège  exislaii.-il  du  leuips  de  Moïse?  .a 
Vihité  ne  lui  lit-elle  pa»  taire  des  taltg  qui  compro- 


PEN  14iU 

oculaires  on  ait  osé  instituer  une  fête  en  mé- 
moire d'un  événement,  faux,  et  fabuleux,  et 
que  les  premiers  chrélions  se  soient  dét(  r- 

mettaicnt  si  fort  l'honneur  des  rois  d'Egypte?  Et 
d'ailleurs,  que  sont  devemis  ces  monuments  histo- 
riques si  fameux?  Chacun  le  sait;  ils  périrent  avec 
to;iles  les  richesses  littéraires  de  l'Orient  dans  cet 
incendie  qui  dévora  la  bibliothèiiue  d'Alexandrie. 
C'est  à  peine  s'il  nous  est  parvenu  quelques  frag- 
menls  de  la  littérature  oricniale  dans  les  écrits  des 
SS.  PP.  INe  serait-ce  pas  folie  île  demander  à  des 
peuples  qui  n'ont  pu  conserver  leur  liistoire,  de  nous 
donyer  celle  d'une  nation  étrangère? 

111.  fjc  silence  des  auteurs  profanes  est-il  aussi 
complet  qu'on  le  prétend?  —  Comme  nous  l'avons 
dit,  les  auteurs  profanes  dont  les  écrits  sont  parve- 
nus jusqu'à  nous,  n'ayant  pas  été  dans  la  nécessité 
ou  l'occasion  de  parler  des  écrits  de  Moïse,  on  ne 
do't  p  lint  atien.ire  des  citations  nniliipliées  et  éten- 
dues. Tel  est  le  caractère  de  celles  que  nous  allons 
rapporter.  Arlapan,  cité  par  Eusèbe,  dit  que  les  pré- 
Ires  d'tieliopolis  conservaient  le  souvenii'  du  passage 
de  la  mer  Rouge.  Les  Ichthyophages,  assure  Déodore, 
racontent  que  la  mer  Rouge  s'ouvrit  entièremeiit  et 
laissa  son  lit  à  sec.  Justin  rapporte  que  les  Egyp- 
tiens, poursuivant  les  Hébreux,  lurent  contraints 
par  la  tempête  de  retourner  dans  leurs  foyers.  Tacite 
mentioime  les  prodiges  de  Moïse  dans  le  désert. 
Pline,  Apulée,  etc.,  parient  de  Moïse  comme  d'un  ma- 
gicien fameux.  Minièrius,  philosophe  pythagoricien, 
a  écrit  qu'on  diassa  les  Hébreux  de  ÎEgypte  pour 
faire  cesser  les  fléaux  dont  .\Iusée  accablait  ce  pays. 
Nous  pourrions  multiplier  nos  citations.  Tout  esprit 
non  prévenu  verra  dans  celles  quC  nous  venons  de 
rapporter  des  traces  de  la  vérité  et  les  sources  de 
l'Ecriture.  Nous  l'avons  déclaté  plus  haut  :  on  ne  doit 
point  attendre  davantage  d'auteurs  étrangers  au  peu- 
ple de  Dieu,  qui  n'écrivaient  point  son  histoire,  qui 
probablement  avaient  des  préjugés  défavorables  à 
une  nation  dont  la  religion  et  la  constitution  n'a- 
vaient rien  de  commun  avec  celle  des  autres  peuples. 

2'  Objection.  Le  récit  de  Muise  n'est  (\uc  la  compi- 
lation des  fables  des  autres  peuples.  —  Loin  que  le 
récit  de  Moïse  ait  été  emprunté  aux  traditions  des 
païens,  celles-ci  ne  sont,  au  contraire,  pour  le  plus 
grand  nombre,  que  des  altérations  de  l'histoire  sainte. 

Quand  on  prèle  quelque  attention  aux  fables  du 
paganisme,  et  qu'on  les  rapproche  des  faits  que  nous 
lisons  dans  le  Pentateuque  ,  on  est  tout  d'abord 
étonné  de  trouver  tant  de  ressemblance.  La  narration 
de  Moise  ne  se  trouve  pas  seulement  d'accord  avec 
la  tradition  générale  pour  les  vérités  de  la  religion, 
mais  encore  pour  les  principaux  faits  qui  sont  rap- 
portés dans  la  Genèse.  Tels  sont  la  création  et  la 
formation  du  monde,  la  création  de  l'homme,  l'inno- 
cence et  la  félicité  d'Adam  dans  le  paradis  terrestre, 
la  chute  et  la  dégradatior.  du  genre  humain,  l'obser- 
vation du  septième  jour  consacré  au  service  de  Dieu, 
la  longue  vie  des  patriarches,  le  déluge  avec  ses 
principales  circonstances,  la  renaissance  du  monde 
par  les  trois  enfants  de  Noé,  la  tour  de  Babel,  la  con- 
fusion des  langues  et  la  dispersion  des  hommes.  Nous 
trouvons  ces  laits,  quoique  altères,  dans  les  auteurs 
profanes.  Sanchouiathon  parle  du  cahos,  d'une  es- 
sence spirituelle,  existant  de  toute  éternité  et  donnant 
la  forme  et  l'action  à  la  matière.  Macrobe,  Linus, 
Orphée,  Anaxagore,  Hésiode,  Euripide,  Epycharme, 
Aristophane,  nous  donnent  le  même  emblème  de  l'o- 
rigine du  monde.  Toutes  les  nations  septentrionales 
de  l'Europe  avaient  des  notions  plus  ou  moins  par- 
faites de  la  création.  Selon  l  Edua  :  Un  être  éternel 
a  créé  le  ciel  et  la  terre,  animant  par  un  souille  de 
chaleur  la  matière  qui  dans  le  commencement  n'était 
qu'un  vâ'te  abîme.  Thaïes,  Hésiode,  etc.,  enseignent 
q  lO  la  nuit  est  plus  a.^.cieimi;  qi.e  le  jour.  Les  paxus 
mettaient  TErebe  (nuit  en  Hébreu  )  au  uonibre  de» 


ims  PEN 

minés  h  célébrer  ainsi  un  événement  écln- 
taut  et  public,  duquel  ils  n'avaient  aucune 

plus  îincifnnes  diviiiitt's.  Une  niiillitudfi  de  peuples 
altaciies  ;i  l'aiiciciiiie  couliiiiie  tjiiiiiiieiu.'.'iiciil  la  iiie- 
Siini  (In  jour  par  la  iiuil.  An  rapport  de  DimloiB  de 
Sicile  el  de  Mairobe,  le  Egyptiens  tioy;iicnl  (pio  les 
aiiiiiiaiix  ofil  élé  formés  de  la  terre  el  de  l'eau.  Ilé- 
sjiido,  Homère,  CaUinia(|ue,  Euripide,  Uéiiiocritc, 
Cieéron,  Juvénal,  llarlial,  ibtil  meiilioii  de  la  boue 
qui  a  servi  an  corps  dn  piemier  lioiiimc.  Ilurace  ap- 
ptdle  Tàine  hnmaine  une  portion  de  l'esprit  livin, 
Vivime  particiilam  (lunv.  Joséplie  et  l'iiilon  ont 
avancé  que  le  sepiicnie  jour  était  un  jonr  de  l'ele  iion- 
soulenienl  poiir  ini  seid  pays,  mais  pour  tous  les  pen- 
plcs.  Tons  les  païens  ont  admis  l';ige  d'or.  C'était  une 
espèce  de  parailis.  llésio.le,Manétlion,elc.,  rapportent 
que  dans  l'ancien  temps  les  lioimnes  vivaient  ."lOO  et 
■400  ans.  On  sait  que  tontes  les  naiions  ont  eu  con- 
naissance d'un  déluge.  Les  Chinois,  les  Mexicains, 
les  nations  scptcnliionales  de  l'Europe,  ont  transmis 
qu'après  le  déluge,  le  mon. !e  lui  repe.i|)le  par  les  lils 
d'un  Seul  bonifie,  .josépbe  cite  les  paroles  d'une  Si- 
bylle, qui  iiienlioime  une  hauie  tour,  la  coid'.ision  des 
lângitcs  et  la  dlpersion  des  lionnnes.  (Extrait  d'une 
noie  lie  Jean  Leclerc.  Voir  l}er2;ier,  article  Genhe.) 

On  a  bâte  de  se  deinan.ier  d  o;i  vient  une  telle  res- 
semblance entre  l'histoire  sacrée  et  la  profane.  Les  in- 
crédules, pour  inlirmer  l'aiitorile  des  livres  de  .Moise, 
Dtélendent  qu'il  a  puisé  dans  la  lahle  sa  cosmogonie. 
Nous  avons  déiUMUi  le  ailleurs  que  Moise  est  plus  ancien 
que  tons  les  h  gi^laleurs  cl  que  tous  les  écrivains  du 
paganisme.  S'il  y  a  eu  (dagiat,  on  ne  doit  point  1  at- 
tribuer à  celui  ((ni  a  écrit  le  pieinier,  mais  bien  à 
cen\  (pii  ont  p:(ru  ensuite.  D 'S  s.ivants  du  premier 
ordie  (mt  essaye  de  démontrer  (pie  la  fable  n'est  (pie 
]a  IJible  (Itérée  et  corrompue.  Le  savant  Kn(H  voyait 
dans  Moïse  le  type  des  dieii.t  el  des  héros  du  paga- 
nisme. Bocliari,"(pii  ne  le  cédait  à  personne  dans  la 
connaissance  des  langues  orientales,  voulut  prouver 
par  l'otymologie  des  mots  que  toute  la  théologie 
païenne  est  fondée  sur  celle  di!S  Hébreux  et  des  Phé- 
niciens. Nous  ne  les  suivions  pas  dans  leurs  savantes 
recherches.  Nous  dirons  seulement  avec  Bergier  que 
des  coiijeclnres,  (piel(|ue  ngénienscs  (pielles  soient, 
ne  porteront  jamais  la  conviction.  La  traditi(Ui  nous 
parait  pl(il(jt  la  vérit;d)le  cause  de  la  ressenddance 
(lui  se  trouve  Cnlre  la  Bible  cl  la  fable.  Qui  pouriail 
se  peisuader  (|ue  le  PenlaleuqiK^  fut  assez  loi  connu 
de  tous  les  pecples  pour  leur  donnei  la  connaissance 
uiiifornic  des  premiers  p  iucipes  de  la  religion  cl  de 
la  forinatibn  du  monde?  Avec  là  tradition  tout  s'e.v- 
pliipic  nalurellenient.  Enfants  d'iui  meine  perc,  tous 
les  peuples  ont  appris  de  lui  les  priMuicres  vérités. 
Les  passions  du  ci  iir  purent  jeler  des  nuages  sur  ces 
premiers  (  nseignemenis.  La  Lble  se  mêla  peu  à  peu 
à  la  vériié;  mais  il  resta  toujours  des  vestiges  de  la 
saine  doctrine  (lu'ils  av.iienl. 

5'  Ohji'fiiuii.l.i'  n'cit  de  Moïse  est  un  mythe. — Les 
livres  de  Mo:se  forment  la  première  cliaine  de  ces 
preuves  invincibles  en  f.iveur  d'une  religion  surnatu- 
relle ((u'aiicune  puissance  humaine  ne  peut  rompre. 
Aussi  ce  sont  le^  livres  de  Moise  (|ui  ont  éli^  1  objet 
46  l'ailaipie  la  plus  vive.  Les  eflorts  de  1  incrédulité 
d(-'C0Uveris  oui  elé  vain.-.,  elle  a  résolu  de  se  masquer 
d'un  yo.le:n>n(  en  profes^anl  un  respect   profond 

E'  oiir  .\Ioisi-,  elle  a  présente  ses  écrits  comme  sembla- 
les  à  ceux  des  preiniers  écrivains  de  tous  les  peu- 
ples, c'esi-à-dire  Corinne  un  mélange  de  vrai  el 
d'exagéré.  Le  fond  e^t  vrai,  mais  il  est  masqué  sotis 
une  enveloppe  qui  le  d(,'gnise  ;  pour  avoir  la  vérité  il 
faut  le  d  pnuiller  lic  cette  enveloppe.  Quelle  est  celle 
enveloppe?  Ce  sjui  les  miracles,  en  un  mol,  toutes 
les  ciicoiiclaices  du  récit,  qui  le  placent  au-dessus 
de  l'or.lre ordinaire.  Spen-er,  dans  son  ouvrage  Ue 
Le:iilms  iLHira'iirn.n  riliri'ihus,  avait  ouverl  la  voie. 
Leclerc,  que  Bcigicr   aiiaipie  si  souvent,  l'y  avait 


certitude ,    dont 
leur  être  connue. 


TEN 

la  fausseté 


110(5 
môme    devait 


suivi.  David  Michaêtis  développa  le  naturalisme  de 
Leclerc.  (îéné^ius,  malgré  les  irnporianls  services 
qu'il  a  lendus  à  la  laiisue  hébraïque,  est  loin  d'cire 
irréprocbable  sur  ce  point.  Ileern  entra  à  pleine  vode 
dans  la  vaste  mer.  J.  Mnller  fut  l'un  des  plus  hardis 
champions  de  la  nouvelle  école.  La  loi  rituelle  lui 
parait  parfaileiiient  digne  d'un  envoyé  de  Dieu,  en- 
tièrement conforme  au  génie  de  .Moïse  el  au  carac- 
tère de  son  siècle.  Ce  b'gislaleiir,  dit-il,  y  consacrait 
une  grande  all.'gorie  en  action.  Tandis  que  la  sin  pie 
loi  fondanienlale  ne  comprenait  ipie  le  renouvelle- 
nieiit  de  la  foi  des  ancêtres,  avec  addition  de  (piel- 
ques  avertissements,  la  loi  rituelle  occupait  conslain- 
inent  le  peuple  en  iiappant  vivement  tous  ses  sens. 
Qi:e  Mo.se  ait  éclairci,  par  des  conimeiitaircs,  la  si- 
gnilicalion  de  ces  pratiques;  que  celle  signilicalion 
ail  éié  transmise  par  les  ancêtres,  cela  e>I  vraiseai- 
blable,  et  on  en  apcr(,dit  des  traces.  Ton  efois,  il  y 
avait  lieu  de  penser  que,  dans  les  choses  essentielles, 
cette  signilicalion  n'écbappail  point  aux  hommes  de 
quelque  perlée  Mais  celui  (pii  entre  le  plus  ouverte- 
ment dans  le  grand  chemin  du  naluralisme  pur  et  sans 
déguisement,  c'est  Slran^s.  11  prétend  ipie  la  narrât. on 
de  MoïsC  est  un  véritable  mythe  Nous  avons  l'ail  re- 
marquer plus  haut  l'iniMicnse  différence  qui  existe 
entre  Moïse  el  les  h  siorieiis  mythiques  des  antres 
pays.  Moise  donne  de<  preuves  diiiio  véracité  sans  au- 
cun reproche,  1  parle  à  un  peuple  témoin  roinnic  lui 
de  ce  (|u'(l  écrit,  ipii  n'aurait  pas  manqué  de  le  con- 
tredire s'il  avait  osé  inventer;  tand:-(pie  le-  hislori  ns 
du  paganisme  (■crivaieiilce  qu'ils  avaient  appris  d'une 
vague  renommée  qui  avait  grossi  et  déligure  les  laits. 
Voidoir  appliipier  a  Moise  le  système  tnythique,  c'est 
queli(n(!  chose  d'incroyable.  <  Quelle étraiigè  chimère! 
Quoi!  (\cux  millions  l'honimes  se  seront  accordés  à 
tracer  le  plan  d'une  imp^istnic  i(ui  dev;iil  iluicr  (pia- 
rante  aus  !  Ils  auront  dit  à  Moïse  :  Vous  inventerez 
les  pioiliges  les  pins  éclalanls  ;  vous  composerez  la 
fable  la  plus  absurde,  el  nous  el  nos  enfants  nous 
feindrons  de  croire  tout  ce  qu'il  vous  aura  plu  d'ima- 
giner; nous  nous  obligerons  soleniielleiiient  à  vous 
révéler  connue  l'envoyé  du  ciel  ;  vous  nous  imposerez 
ww.  loi  sévère,  ui»;  religion  péuihle,  chargée  d'obser- 
vances ininiitiiuses;  la  moindre  coutradiclion  sera 
punie  de  mort.  Nous  vous  suivrons  dans  les  déserts 
les  plus  arid'S;  ei  s'il  nous  échappe  (piebpies  inurimi- 
res,  vous  nous  décimerez,  et  vous  cimenterez  votre 
pouvoir  du  sang  de  (piarautc  à  ciuquaiile  mille  vic- 
tiiiies.  N'est-ce  pas  insulter  à  la  raison  humaine  que 
de  supposer  un  semblable  pacte  entre  un  fourbe  el 
toute  (me  nation?  Et  pourquoi  encore?  pour  laiss(*r 
à  la  postérité  une  religion  fondée  sur  l'imposture,  une 
religion  qui  devait  faire  le  inalbeiiriles  enfants,  comme 
elle  devail  faire  c  lui  des  pères  !  l.c  beau  projet!  qu'il 
est  conforme  aux  senliinenls  de  la  nature  !  cl  (]ue 
ceux  qui  k  prèlcnt  à  tout  un  peuple  connaissent  bien 
le  ciïMir  huniain  !  Si  on  veuupn;  ce  soit  la  vanité  qui 
ait  piésidé  à  la  conlèclion  de  ( e  roman,  pourquoi  les 
Juifs  se  sont-ils  interdit  tout  commerce  avec  les  étran- 
gers, et  leur  ont-ils  dérobé  si  longtemps  la  connais- 
sance de  leurs  livres  elde  leur  religion?  Pouripioi  a-l- 
011  mêle  à  cette  histoire  un  si  grand  nombre  de  faits 
capables  de  déshonorer  la  nation  juivecl  ses  ancêtres? 
Quelle  gloire  la  famille  d'Aaron  et  la  tribu  de  Rubeii 
poiiYaient-clles  se  promeltre  des  crimes  eidu  supplice 
de  Na.label  d'Abin,  de  Dathan  et  d'Abiron?  Et  l'ado- 
ration du  veau  d'or,  el  les  murmures  continuels  des 
Israélites,  et  les  reproches  amers  du  législateur,  et 
l'arri'i  (|ui  conlamiie  toute  celle  génération  à  errer, 
pendant  quarante  ans,  dans  le  désert,  sans  pouvoir  en- 
trer dans  la  terre  promise,  sonlTCe  la  des  traits  desli- 
iK's  a  concilier  aux  Hébreux  l'estime  (ies  autres  peu- 
plas? >  Oi!  ne  peut  éclupiier  .-.  aucune  de  ces  absur- 
dités en  proieiiijanl  que  le  Penlaieuque  est  un  uythe. 


1407 


PER 


PER 


U08 


La  manière  dont  les  Actes  des  apôtres  vap- 
poi'tent  la  descente  du  Saint-Esprit  sur  eux, 
la  prédication  de  saint  Perre,  la  conversion 
de  huit  mille  hommes  à  sa  parole,  la  forma- 
tion d'une  église  nombreuse  à  Jérusalem, 
porte  avec  soi  la  conviction.  Le  nombre  pro- 
digieux do  Juifs  qui  se  rassemblaient  dans 
cette  ville  aux  fêtes  de  Pâques  et  de  la  Pen- 
tecôte est  un  fait  allesté  par  la  loi  qui  les  y 
ubiige.iit,  Exod.,  c.  xxiii,  v.  17,  etc.;  et  par 
Josèphfl,  Antiq.  jud.,  I.  iv,  c.  8.  Il  est  donc 
impossible  que  l'on  ait  ignoré,  dans  les  dif- 
férentes contrées  do  l'empire  romain,  ce  qui 
s'était  passé  à  Jérusalem  l'année  do  la  mort 
du  Sauveur.  L'auteur  des  Actes  des  apôtres  n'a 
pu  en  imposer  sur  ces  faits,  sans  s'exposer  h 
trouver  partout  des  témoins  oculaires  prêts 
à  le  contredire  et  à  le  réfuter;  il  faut  donc 
que  sa  narration  soit  vraie,  puisqu'elle  a 
trouvé  croyance  dans  tous  les  Heux  oii  il 
s'est  formé  des  Eglises  chrétiennes.  Peut-on 
en  imposer  à  des  nations  entières  sur  des 
événements  qui  ont  dû  se  passer  sous  les 
yeux  de  douze  ou  de  quinze  cent  mille  per- 
sonnes? Or,  s'il  est  vrai  que  cinquante  jours 
après  la  mort  de  Jésus-Christ  les  apôtres  ont 
publié  hautement  à  Jérusalem  sa  résurrec- 
tioii.  qu'ils  ont  été  crus  d'abord  par  huit  mille 
Juifs,  que  bientôt  ce  nombre  a  augmenté  au 
point  de  former  une  Eglise  ou  une  grande 
société  qui  a  subsisté  dès  lors,  il  est  impos- 
sible que  les  faits  publiés  par  ces  disciples  de 
Jésus-Christ  n'aient  pas  été  vérifiés  sur  le 
lieu  même  d'une  manière  indubitable.  Les 
deux  disciples  qui  allaient  à  Emmaiis  le  jour 
do  la  résurrection  du  Sauveur,  témoignèrent 
leur  étonnement  de  ce  qu'un  étranger  qu'ils 
rencontrèrent,  et  qui  était  Jésus  lui-même 
ressuscité,  semblait  ignorer  ce  qui  était  ar- 
rivé à  Jérusalem  les  jours  précédents  (Ltic. 
XXIV,  28).  Il  fallait  donc  que  ces  événements 
y  eussent  été  très-publics,  et  y  eussent  fait  le 
plus  grand  bruit;  la  prédication  des  apôtres 
le  jour  de  la  Pentecôte  excita  de  nouveau  la 
curiosité,  et  en  rafraîchit  la  mémoire.  Voij. 
JÉRUSALEM.  Puisque  l'on  convient  d'ailleurs 
que  les  apôtres,  lorsqu'ils  se  sont  mis  h  la 
suite  de  Jésus-Christ,  étaient  des  hommes 
ignorants,  faibles,  timides,  prôis  à  s'enfuir 
au  moindre  péril ,  il  faut  qu'ils  se  soient 
trouvés  miraculeusement  changés,  et  que  le 
Saint-Es|)rit  soit  descendu  sur  eux,  comme 
Jésus-Christ  le  leur  avait  promis.  Ainsi  la 
fête  de  la  Pentecôte  est  un  monument  perpé- 
tuel de  la  divinité  de  notre  religion. 

PENTHÈSE.Foi/.  Purification  DELA  SAINTE 

VlERI.L. 

PÏ'.PUSIENS.  Voy.  Momtamstes. 

PÈHE.  Dans  l'Ecriture  et  dans  le  langage 
de  tous  les  anciens  peuples,  ce  nom  ne  dé- 
signe pas  seulement  celui  dont  on  a  reçu  la 
vie ,  il  signifie  encore  maître,  seigneur,  doc- 
teur, protecteur,  bienfaiteur;  quelquefois  il 
marque  l'aieul,  le  bisaïeul,  la  tige  d'un^  fa- 
niillo,  quoique  éloignée  qu'elle  soit  :  ainsi 
.\biaham  est  appelé  le  père  de  plusieurs  na- 
tions ;  d'autrrs  lois  il  signi'ie  ciompl''  et  mo- 
dèle :  dans  ce  sens  Abraham  est  le  père  des 
croyants.  On  a  donné  ce  nom  aux  rois,  aux 


magistrats  aux  supérieurs  ;  il  signifie  aussi 
les  vieillards,  scribo  vobis,  patres  {I  Joan.,  ii, 
13).  11  dénote  aussi  l'auteur,  l'inventeur  de 
quoique  chose  ;  ainsi  Jubal  est  proilamé  le 
père  des  joueurs  d'instruments,  et  Satan  est 
appelé  le  père  du  mensonge.  L'énergie  de 
ce  terme  est  une  conséouence  évidente  des 
anciennes  mœurs.  Dans  les  premiers  tiges  du 
monde,  lorsqu'il  n'y  avait  point  encure  d'au- 
tre société  que  colle  des  familles  ,  un  père 
était  souverain  chez  lui,  seul  maître  de  ses 
enfants  et  de  ses  domestiques  ;  son  autorité 
n'était  bornée  par  aucune  loi  civile,  mais  elle 
l'élait  par  la  loi  naturelle  dont  Dieu  est  l'au- 
teur, par  les  sentiments  de  tendresse  que  la 
nature  inspire  au  père  pour  ses  enfants,  et 
par  l'intérêt  qu'il  avait  de  les  conserver,  dans 
l'espérance  des  services  qu'il  en  tirerait  dans 
la  suite,  et  de  la  reconnaissance  qu'il  éprou- 
verait de  leur  part.  Ainsi  le  nom  Aa  père 
donné  à  Dieu  emporte  non-seulement  la  no- 
tion de  créateur,  d'auteur  de  la  vie,  de  sou- 
verain maître  des  hommes,  mais  encore  l'i- 
dée de  bienfaiteur,  de  protecteur  attentif  à 
leurs  besoins  et  occupé  à  y  pourvoir.  Il  ins- 
pire tout  à  la  fois  la  soumission,  l'obéissance, 
la  reconnaissance,  la  confiance  et  l'amour,  par 
conséquent  le  cultelepluspur;  c'est  pourcela 
i[ue  Jésus-Christ  nous  a  commandé  d'appe- 
ler Dieu  notre  père.  Chez  les  païens  qui 
avaient  multiplié  les  dieux,  ce  nom  était  dé- 
gradé :  la  pluralité  causait  dans  la  religion  le 
même  désordre  qui  aurait  régné  dans  une 
lamille,  si  au  lieu  d'un  seul  maître  il  y  en 
avait  eu  plusieurs.  Comme  les  docteurs  juifs 
s'attribuaient  par  orgueil  le  nom  de  père,  Jé- 
sus-Christ dit  à  ses  disciples  :  N'appelez  per- 
sonne sur  la  terre  votre,  père;  vous  n'en  avez 
qu'un  qui  est  dans  le  ciel  [Matth.  xxiii,  9).  Cela 
n'a  pas  empêché  les  fidèles  de  donner  par 
respect  le  nom  de  père  à  leurs  pasteurs  :  au- 
trefois les  évêques  n'avaient  d'autre  titre 
d'iionnpur  que  celui  de  révérendpère  en  Dieu. 
De  nos  jours  les  incrédules  se  sont  appli- 
qués à  dégrader  et  à  saper  par  le  fondement 
le  pouvoir  paternel  ;  ils  ont  soutenu  que  les 
droits  d'Ain  père  ne  viennent  point  de  la  na- 
ture, mais  d'une  espèce  de  contrat  qui  ne 
dure  qu'autant  que  les  enfants  en  ont  be- 
soin, que  ceux-ci  en  sont  affranchis  dès  qu'ils 
sont  capables  de  se  conduire ,  etc.  Nous 
avons  réfuté  cette  morale  absurde  et  meur- 
trière au  mot  Autorité  conjugale  et  pater- 
nelle. 

PÈRE  ÉTERNEL,  DiEU  LE  PÈRE.  Voy.  TRI- 
NITÉ. 

PÈRES  DE  l'Eglise.  On  nomme  ainsi  les 
auteurs  chrétiens,  soit  grecs,  soient  latins, 
qui  ont  traité  les  matières  de  religion  pen- 
dant les  six  premiers  siècles  de  l'Eglise  ; 
ceux  qui  ont  vécu  depuis  le  septième  sont 
simplement  noinuii  s  écrivains  ecclésiastiques. 
[Saint  Bernard  est  aussi  compté  au  nombre 
des  Pères  de  l'Eglise.  Il  est  le  dernier  de 
cette  illustre  suite  de  savants  doiteurs.] 

C'est  une  grande  question  entre  loscdho- 
liqifcs  ot  les  protestants  de  savoir  quelle 
déférence  l'on  doit  avoir  pour  le  sentiment 
des  Pères   de  l'Eglise,    Comme   suivant  la 


U09  •     ,     ,         PER  ,  J 

croyance  des  premiers,  Dieu  n'a  pas  voulu 
que  la  vraie  doctrine  de  Jésus-Ciirist  et  des 
apôtres  nous  fût  transmise  par  l'Ecriture 
seule  sans  le  secours  de  la  tradition,  ils  ont 
lo  plus  grand  respect  pour  les  docteurs  qui, 
de  siècle  en  siècle,  ont  été  chargés  d'ensei- 
gner cette  doctrine  aux  tidèles  ;  ils  les  re- 
gardent comme  des  témoins  non  suspects 
(le  ce  qui  a  toujours  été  cru  et  professé  dans 
l'Kglise  de  Jésus-Ciirist.  Les  protestants,  au 
contraire,  qui  soutiennent  qu'en  matière  de 
foi  nous  ne  devons  point  avoir  d'autre  guide 
que  le  texte  des  livres  saints,  se  sont  trouvés 
intéressés  à  décréditer ,  autant  qu'ils  l'ont 
pu ,  les  dépositaires  de  la  tradition  :  aussi 
n'wnt-ils  rien  omis  pour  déprimer  et  pour 
noircir  les  Pères  de  l'Eglise;  ils  en  ont  censuré 
les  talents,  la  conduite,  la  doctrine,  soit  en 
fait  de  dogme,  soit  en  fait  de  morale.  A  com- 
mencer par  les  centuriateurs  de  Magdebourg, 
li'urs  plus  célèbres  écrivains,  Scultet,Daillé, 
Le  Clerc,  Basnage  ,  Beausobre,  Mosheim  , 
Brucker,  'Wliitby,  etc..  se  sont  donné  car- 
rière sur  ce  sujet,  et  ont  dévoilé  toute  leur 
malignité  ;  et  ils  ont  eu  la  satisfaction  de  voir 
tous  leurs  reproches  fidèlement  répétés  par 
les  incrédules.  Avant  d'entrer  dans  aucun 
détail,  il  est  essentiel  d'exposer  en  quoi 
consiste  l'autorité  que  nous  attribuons  aux 
Pères  de  l'Eglise  ;  cela  est  d'autant  plus  né- 
cessaire, que  jamais  nos  adversaires  n'ont 
voulu  le  concevoir,  et  qu'ils  s'obstinent  tou- 
jours à  détigurer  notre  croyance  sur  ce 
point. 

En  matière  de  dogme  ou  de  morale,  le 
sentiment  de  quelques  Pères,  en  petit  nom- 
bre, ne  fait  pas  lè^le  ;  on  n'est  pas  obligé  de 
le  suivre,  et  jamais  aucun  catholique  ne  s'y 
est  astreint.  Mais  lorsque  ce  sentiment  est 
unanime,  ou  du  moins  soutenu  par  le  très- 
grand  noiiii)re  des  Pères,  non-seulement  pen- 
dant un  temps,  mais  pendant  plusieurs  siècles, 
non-seulement  dans  une  contrée  de  la  chré- 
tienté, mais  dans  les  Eglises  les  plus  éloi- 
gnées les  unes  des  autres  ;  alors  ce  sentiment 
fait  tradition,  il  est  censé  la  croyance  com- 
mune (le  l'Eglise  universelle,  par  conséquent 
dogme  (le  foi.  Ainsi  l'a  entendu  le  concile 
de  Trente,  lorsqu'd  a  défendu  de  donner  à 
l'Ecriture  sainte  un  sens  coutiaire  au  sen- 
timent unanime  des  Pères,  sess.  4.  L'an  691,  le 
concile  in  Trullo  avait  d('j<i  [)orté  le  même 
décret,  (l'est  la  règle  que  piescrivait,  au  \' 
siècle,  Vincent  de  Lérins ,  lor>qu'il  donnait 
pour  tradition  ce  qui  a  été  cru  (lartout,  tou- 
jours, et  |iar  tous  les  fidèles,  quod  ubique, 
quod  semper,  quod  ab  omnibus  creditum  est, 
Coujmonit.  cap.  2.  Avant  lui  saint  Augustin 
regardait  comme  irréfragable  le  sentiment 
unanime  des  docteurs  de  l'Eglise,  Op.  iin- 
perf.  contra  Julian.,  I.  iv,  n.  112.  C'est  le 
sentiment  sur  lequel  TertuUien,  au  m'  siè- 
cle, établissait  la  prescri|)tion  contre  les  hé- 
rétiques ;  il  ne  faisait  que  suivre  ce  qu'avait 
enseigné  au  ii*  siècle  saint  Irénée  touchant 
la  nécessité  de  suivre  \n  Iradiùoii.  adv.  Uœr., 
l.  III,  c.  3,  n.  1,  etc.  Et  l'on  peut  déjà  mon- 
trer le  germe  de  dtte  croyance  dans  les  ex- 
hortations que   samt  Ignace  faisait  aux  fî- 


PER 


litO 


dèles  dans  toutes  ses  lettres,  d'être  dociles, 
obéissants  à  leurs  pasteurs.  Voy.  Tradition. 
En  effet,  le  très-grand  nombre  des  docteurs 
de  l'Eglise  ont  été  des  évèciues  ou  des  prê- 
tres qu  ils  avaient  chargés  (renseigner  :  c'est 
par  leur  organe  que  les  fidèles, dans  tous  les 
lieux,  ont  rei;u  la  doctrine  chrétienne  et  l'in- 
telligence des  saintes  Ecritures  ;  il  est  donc 
impossibl(>  que  la  doctrine  des  fiasteurs  n'ait 
pas  été  celle  des  Eglises  auxquelles  ils  prési- 
daient. Puisque,  dès  l'origine,  l'on  a  cru  qu'il 
n'était  peruiis  à  personne  de  suivre  ni  d  en- 
seigner un  dogme  nouveau,  ])artirulier,  Oif- 
férent  de  la  croyance  commune,  s'est-U  pu 
faire  que   les    docteurs  qui  enseignaient  en 
Egypte  et  dans  la  Palestine,  dans  l'Asie  mi- 
neure et  dans  la  Grèce,  en  Italie  et  sur  les 
côtes   de  l'Afrique,  en  Esp.igne  et  dans  les 
Gaules,  aient  professé,  comme  de  concert  et 
par  un  com[i]ot ,  une  foi  contraire  à  la  doc- 
trine  de  Jésus-Christ   et  des   apôtres,  soit 
écrite,  soit  transmise  de  vive  voix  ?  Les  pro- 
testants le  prétendent,  mais  l'absurdité  de 
celte  sup|iosition  est  palpable.  Ils  ne  cessen' 
de   nous  répéter  qu'en  nous  fiant  aux  Pères 
ou  aux  docteurs  de  l'Eglise,  lorsqu'ils  pro- 
fessent la  même  doctrine,  nous   nous  repo- 
sons sur  la   jiarole    des   hommes,  sur    une 
autorité  humaine,  sur  le  jugement  humain  ; 
que  c'est  une  foi  purement  humaine,  etc.; 
ce  reproche  est  évidemment  faux,  puisque 
les  Pères  eux-mêmes  ont  fait  pnfession  de 
ne  pas  suivre   leurs   {uoprcs    lumières    ni 
leur  propre  jugement,  mais  l'enseignement 
de  Jésus-Christ  et  des  ai)ùtres,  transmis  suc- 
cessivement de  siècle  en  siècle  par  la  tradi- 
tion ou  par  l'enseignement  commun,  cons- 
tant et   uniforme  des  Eglises  chrétiennes  et 
do  leurs  i)asteurs.  Chez  les  [)rotestants,  com- 
me chez  iums,  le  tiès-grand  nombre  des  sim- 
ples tidèles  est  incapable  de  lire  et  d  enten- 
dre l'Ecriture  sainte  ;   mais   ils   disent  que 
chez  eux  la  foi  du  peuple  est  divine,  parce 
que  leurs  pasteurs  fondent  leurs  leçons  uni- 
quement sur  l'Ecriture  sainte  ;  ils   confon- 
dent ainsi  la  parole   de  leurs  pasteurs  avec 
cette  Ecriture  môme.  Ensuite,  par  une   con- 
trailiclion  révoltante,  ils  nient  que   les  sim- 
ples fidèles  catholiques  aient  une  foi  divine, 
(juoiqu'elle  soit  fondée  sur  la  mission  divino 
(Je  leurs  [tasteurs,  sur  la  conformité  de  leur 
croyance  avec  celle  de  l'Eglise  universelle, 
sur  l'impossibilité  qu'il  y  a   toujours   eu  de 
changer  dans  cette  Eglise  la  doctrine  que  les 
a|)ijtres  avaient  prêchée.  En  un  mot,  les  Pè- 
\  res  ont  toujours    cru   et  protesté    qu'il   ne 
leur  était  jias  permis  de  rien   changer  h  la 
doctrine  établie  par  les  apôtres,  soit  écrite, 
soit  non  écrite,  mais   toujours  conservée  et 
transmise   par  tradition    dans  l'Eglise  ;   que 
tout  sentiment  nouveau,  particulier,  inou'i 
dans  les  tern(is  ]irécédents.  ne  pouvait   tenir 
à  la  foi  chrétienne,  était  erroné  ou  suspect; 
donc  il  était  impossible   (ju'un  grand   nom- 
bre de  ces  Pères  aient  introduit,  de  concert 
ou  par  liasard,  un  sentiment  de  cette  espèce, 
se  soient  accordés  en  diÛ'érents  lieux,  et  en 
ditl'érents  temps,  à  enseigner  une  erreur.  Ils 
l'ont  fait,  disent  les  protestants,  donc  ils  out 


im 


PER 


PER 


im 


pu  le  faire.  Pour  le  prouver,  ces  grands  cri- 
tiques ont  fouillé  dans  tous  l-s  (^xrits  des 
Fêrcs;  ils  ont  rassemb  <■  tous  les  termes,  tou- 
tes les  expressions  qui  leur  ont  paru  sus- 
ceptibles d'un  sens  erroné  ;  tout  ce  q^ii  a  pu 
échapper  à  ces  saints  docteurs  dans  une  ins- 
truction fai'e  sur-le-champ  ou  dans  la  chaleur 
de  la  iiisput>  ;  toutes  les  conséqu>'iiC(S  que 
l'on  en  peut  tirer  bien  ou  mal  ;  souvent  ces 
censeurs  ti^né  aires  ne  te  sont  pas  fait  scru- 
pule d';dtérer  ou  de  tronquer  les  pa-^sa^es  : 
ensnitf  ils  ont  conclu  victori  usemcnt  que 
les  Pères  en  gén-'ral  ont  été  mauvais  théolo- 
giens, mauvais  raorilist<'S,  m.iuvais  raison- 
neurs; que  leurs  0  ivragessont  rem(ilis  d'er- 
reurs, que  leur  sentiment  ne  mérite  aucune 
attention. 

L'injustice  de  ce  procédé  saute  aux  yeux. 
1°  Ce  n'était  pas  assez  de  faire  voir  que  tel 
Père  de  l'Eglise  a  enseig^jné  une  opinion 
fausso,  qu'un  autre  Père  eu  a  soutenu  une 
autre  qui  n'est  pas  plus  vraie,  (]u'aucun  des 
Pères  n'est  absolument  sans  taclie  et  sans 
défaut  :  l'es-enliel  était  de  prouver  qu'un 
grand  nombre  de  es  docteurs  se  sont  ac- 
cordés h  et  iblir  la  même  erreur,  soit  en 
même  temps  et  au  même  lieu,  soit  en  divers 
temps  et  en  (iitférenls  lieux  ;  qu'ils  l'ont 
soutenue  dogmatiquement  comme  une  vérité 
de  foi,  qu'ils  l'ont  ainsi  introduite  dans  la 
croyance  commune  de  l'Eglise.  Car  entin,si 
deux  ou  trois  Pèns  seul  ment  ont  pensé  de 
même,  s'ils  n'ont  proposé  leur  avis  que 
comme  une  simple  opinion  que  l'on  pou- 
vait embrasser  ou  rejelei-  sans  ronséquence, 
si  leur  sentiment  n'a  pas  été  communt'ment 
suivi,  qu'importe  le;<r  méprise?  qU'l  avan- 
tage en  peul-on  tirer?  —  2°  En  maltraitant 
a  nsi  les  Pères  de  l'Eglise,  les  protestants 
ont  appris  aux  incrédules  à  ne  pas  ménager 
davantage  les  écrivains  sacrés;  il  a  f.dlu 
que  ces  censeurs  injustes  répondissent  à 
leurs  propres  arguaienls  tournés  par  les  in- 
crédules contre  les  auteurs  inspirés.  C'est 
ainsi  que  leur  critique  téméraiiC  a  servi  la 
religion.  Ils  ont  fait  plus.  La  plujiart  se 
sont  attachés  à  justilier  non-seulement  les 
anciens  philosophes,  mais  encore  les  héré- 
tiques, de  toutes  les  erreurs  qui  leur  ont 
été  imputées  ;  par  des  interprétations  favo- 
rables ils  ont  tout  ])allié  et  tout  excusé  ; 
leir  cliarité  ing'uiieuse  a  brillé  surtout  à 
l'égard  des  fondateurs  de  la  réforme,  elle  a 
trouvé  le  secret  de  ciianger  leurs  vices  en 
vertus  ;  et  ils  s'élèvent  contre  les  théologiens 
cat  !(diques,  lorsque  ceux-ci  usent  de  la 
moindre  indulgence  envers  les  Pères;  ces 
dernirs  sont -ils  donc  des  personnages 
moins  respectables  que  les  hérétiques  ?  Mos- 
heim,  en  particulier,  a  donné  un  exemple 
frappant  de  cette  conduite  inconséquente. 
Dans  ses  notes  sur  1  '  Système  intellectuel  de 
Cudworlh,  chap.  iv,  §  36,  tom.  1,  p.  856,  il 
s'est  proposé  de  ji-stifier  Platon  a'une  er- 
reur grossière  (jui  lui  a  été  altiibuée  jor 
des  P  res  de  l'Eglise  et  par  uu  grand  nombre 
de  critiques  ujouemes.  11  ne  peut  se  [  er- 
suader,  dii-il,  qu'un  aussi  beau  génie  que 
Platon  ait  donué  dans  une  pareille  absur- 


dité ;  il  veut  que,  pour  prendre  le  sens  d'un 
auteur,  on  ne  se  fie  poii.t  à  ses  commenta- 
teurs, ruais  que   l'on  consulte  sis  p.opres 
écrits,  et  que  l'on  envisage  la  tntalité  «e  sa 
doctrine,  que  l'on   examine  avec  aitention 
la  quesiion  qu'il  traite,  qne  l'on   ne  prenne 
point  à  1,1  lettre  des  expressions  qui   sont 
souvent    figurées    et    miHaphjriqucs ,    etc. 
Ndus  applaudissons  volo  tiers  à   la  sa.'esse 
de  ces  préciuti.ms ,  mais  nous  dem':ndons 
pourquoi  l'on  n'rn  observe  aucune  à  l'égard 
des  P'res  de  l'Eglise?  —  3"  Après  avoir  bien 
déclamé   contre  les  Pires,  la  honte  ou  un 
reste  de  sincérité  a  cejiendant  arraihé  aux 
p  olestants  des  aveux  remarquables  ;  ils  ont 
dit   que,   malgré  tous  les   défauts  q.  c  l'on 
peut  reprocher  aux  Pères,  ce  s  ■ut  cependant 
des  écrivains  très -estimables    à  cause  de 
leurs  talents,  de  leurs  vertus,  et  des  seri- 
ces  qu'ils  ont  rendus    au  cliris  ianisme.  Si 
cet    hommage  n'est  pas   sincère,    c'est  un 
trait  d'hyi'ocrisie  détestable;   s'il  l'est,  c'est 
une  rétractation  formelle  et  une  réfutation 
des  repioclies  que  l'on  a  faits  aux   docteurs 
de  l'Eglise.  Car  enfin,  en  quoi  consisteraient 
leurs  tilenls,  s'il  était  vrai  qu'ils  ont  man- 
qué de  critique,  île  justesse,  de  force  dans 
le  raisonnement,  et   des  connaissances  né- 
cessaires pour  réfut  r  solid-ment  les  juifs, 
les  I  aiens    et  les   hérétiques?  Où  seraient 
leurs  vertus,  s'ils  avaient  usé  de  superche- 
ries,  de  mensonges,    de  fraudes  |  ieuses  ; 
s'ils  avaient  agi  par  un  faux  zèle  cont'  e  les 
mécrrants  ;   s'ds  avaient  scandalisé  l'Eglise 
par  leur  ambition,  par  leurs  jalousies  mu- 
tuelles et  par  leurs  disputes?  quels  services 
auraient-ils  rendus  h  la  religion,  s'ils  avaient 
mal   expliqué   l'Ecriture   saiiite,  mal  déve- 
loppé la  doctrine  ch.étiiuine,  m.d  enseigné  la 
morale;  s'ils  avaient  contribué  à  introduite 
dans  le  christianisme  toutes  les  superstitions 
des  juifseï  des  [laiens?  Tels  sont  les  reproches 
des  protestants  coiUre  lis  Pères;  e-t-ce  par 
quelques  pi  otestations  vagues  de  respect  que 
1  on   eutemiiminuerl'atiocitéîMaisonadroit 
d'exigir  de  nous  ries  preuves  de  la  conduiie 
que  nous  rej>rochons  à  n:is  adversaires,  il 
faut  en  donner  :  i)lus  leur  haine  et  leur  ma- 
lignité contre  les  Pères  sont  excessives  et 
injustes,  plus  nous  devons  nous  attaciier  à 
justifier   ces  saints   [lersonnages,  qui  sont 
nos  maîtres  dans  la  f(ji. 

Mosheim,  dans  son  Histoire  ecclésiastique, 
commence  son  introduction  par  déplorer  les 
maux  qu'ont  fais  à  l'Eglise  l'ignorance,  la 
fainéantise,  le  luxe,  l'ambition,  le  faux  zèle, 
les  animosités  et  les  disputes  de  s-s  chefs 
et  de  ses  onctcurs.  Souvent,  d)t-il,  ils  ont 
interprété  les  vérités  et  les  préceptes  de  la 
religion  d'une  manière  conforme  à  leurs 
systèmes  partieuliers  et  à  leurs  intérêts 
personnels.  Us  ont  emp  été  sur  les  droits 
du  peuple,  ils  se  sont  arrogé  une  autorité 
absolue  dans  le  gouvernement  de  l'Ej^ilise. 


Ce  ne  sont  pas  la  de  légers  reproches.  En 
faisant  l'histoire  du  r'  sièile,  il  sape  l'auto- 
rité des  Pères  apostoliques  jiar  les  doutes 
u'il  ré[:and  sur  l'autheniicité  et  rin;i^g.rité 
Q  leurs  ouvraj^es;  il  regarde  comme,  &up 


î 


1H3  VÈK 

\)os6e  la  seconde  lettre  de  saint  Clément,  et 
fa  premièie  conimi'  corrompu.'.  Au  sujet  des 
sei't  épîtres  de  samt  Ijjnace,  il  doute  do  la 
vérité  de  celle  qui  est  écrite  à  saint  Polv- 
carpe,  et  il  prétend  ({ue  la  contestation  lou- 
ciiaiit  les  sis  autres  n'est  pas  encore  termi- 
née; elle  ne  le  sera  jamais  pour  ceux  qui 
unt  intérêt  de  la  prol(jntf;er.  11  n'oserait  né- 
cider  si  la  lettre  de  saint  Polycarpe  aux  Phi- 
lippieris  est  véritable  ;  il  jufie  que  celle  de 
saint  Barnabe  est  l'ouvrage  d'un  juif  igno- 
rant et  superstiticuix ,  et  ijue  le  Pasteur 
d'Hrrmaa  est  la  production  d'un  vision- 
naire. Cela  prouve,  dit-il,  que  le  christia- 
nisme ne  doit  pas  ses  progrès  aux  taleuls  de 
ceux  qui  l'on  prêché,  puisqu'ils  n'étaient  ni 
savants  ni  éloquents.  N  us  verrous  ci-.-iprôs 
si  cette  réll'xion  est  capable  de  faire  beau- 
coup d'honneur  au  christianisme.  En  parlant 
du  livre  impie  de  Toland,  intitulé  Amyntor, 
Mosheim  avait  relevé  la  téméiilé  avec  la- 
cjuelle  cet  auteur  suspectait  l'authenticité 
des  écrits  dont  nou<  parlons  ;  il  aurait  été  à 
propos  de  s'en  souvenir  et  do  ne  pas  tom- 
ner  dans  le  môme  défaut  après  l'avoir  blû- 
mé.  Vie  de  Toland,  %  18,  p.  %.  En  trailant 
de  chacun  des  Pères  apostoliques  en  parti- 
culier, nous  réjiondons  à  ce  que  l'on  ob- 
jecte, soit  C(intrfi  leurs  personnes,  soit  con- 
tre leurs  écrits.  Le  Clerc  en  a  jugé  plus 
favorabl.  ment. 

Au  u'  siéi  le,  Mosheim  soutient  que  les 
Pères  ne  furent  ni  de  savants  m  de  judicieux 
interprètes  de  l'Ecriture  sainte,  iju'ils  né- 
gligèrent le  sens  litlôial  pour  de  frivoles  al- 
légories, qu'ils  firent  souvent  violence  aux 
expressions  pour  appuyer   le. us    systèmes 

[)hdosophiques.  Ils  n'ont  point  trait.'',  dit-il, 
a  docirine  chrétienne  avec  assez  d'exacti- 
tude pour  que  l'on  puisse  savoir  ce  au'ils  m 
pensaient.  Ils  ont  mal  réfuté  les  Juifs,  parce 
qu'ils  ignoraient  leur  langue  et  leur  his- 
toire, et  qu'ils  écrivaient  avec  une  légèreté 
et  une  négligence  que  l'on  ne  peut  pas  ex- 
cuser. Ils  ont  mieux  réussi  à  combattre  les 
Cireurs  des  païens  qu'à  développer  la  na- 
ture et  le  génie  du  christianisme,  l.a  plupart 
ont  maniiué  de  pénétration  ,  d'érudition , 
d'ordre,  de  justesse  et  de  force  ;  ils  em- 
ploient souvent  des  .irguments  futiles,  plus 
propres  à  éblouir  l'imagination,  qu'a  con- 
vaincre l'esprit,  Hist.  ecclés.,  ii'=  siècle,  ii° 
part.,  c.  3.  Cependant  Mosheim,  dans  le 
chapitre  précédent,  a  donné  de  grands  élo- 
ges aux  ouvrages  de  saint  Justin,  do  saint 
Irénée,  d'Athénagore ,  de  saint  Tliéophile 
d'Antioche,  de  Clément  d'Alexandrie  ;  il  a 
loué  leur  piété,  leur  génie,  leur  érudition, 
Jours  vastes  connaissances  :  ou  ces  éloges 
sont  un  langage  hypocrite,  ou  le  jugement 
général  q'i'il  en  a  porté  est  faux.  Ce  môme 
critique  u'ose  pas  condamner  le  jugement  dé- 
savantageux (pie  Barbeyrac  a  porté  de  la 
morale  des  Pères  de  ce  siècle  :  il  avoue  que 
ces  docteors  chrétiens  sont  remplis  de  pré- 
ceptes trop  austères,  de  maximes  stoiques, 
de  notions  vaguas,  de  décisions  fausses.  Ils 
ont  altéré,  dit-il,  la  simplicité  de  la  morale 
évaugélique ,   en   distinguant    le»    conseils 


PEU 


Uli 


d'a^vec  les  préceîitcs,  et  en  supposant  qu'il  y 
a  des  ch  étions  qui  doivont  èt'o  plus  [larfaits 
que  les  (intres.  D'où  il  s  ensuit  que    Bar 
boyrac  n'a  pas  eu  tort  de  peindre  ces  Pè 
res    comme    de   mnivais   moialistos.   Nous 
avons   soin  de  les  v^'Uger  do  ces  reproclics. 

Au  ni°  siècle,  Mosheim  a  vu  le  mal  en- 
core plus  grand.  Los  docteurs  chrétiens, 
dit-il,  élevés  dans  h's  écol.  s  des  rhéteu.'S 
et  dos  sophi-ites,  eni[)loyèrent  l'art  des  sub- 
terfuges et  de  la  dissimuation  pour  vain- 
cre leuis  adviTsaires,  et  ils  a  [lelèrent  cette 
méthode  économique;  ils  crurent,  comme 
les  platoniciens,  (pi'il  était  permis  d'em- 
ployer le  moiison^o  pour  défi  utire  la  vérité. 
Mosheim  a  insist''  [irincipaleiuent  sur  ce  re- 
proche dans  ia  dissertation  Ue  turbata  per 
recentiores  phitonicos  t'cclesia.  Il  aurait  fallu 
l'ajipuyer  ()ar  des  («rouves  démonstratives; 
ce  critique  n'en  allègue  point  d'autres  que 
les  arguments  d'Origène  contre  Celse,  et  la 
métliode  de  proscription  employée  par  Ter- 
tullien  contre  l>s  héréli((ucs.  D'autres  ont 
allé,j;ué  la  multitude  des  livres  apociyplies 
supposés  dans  ce  siècle  et  dans  le  précé- 
dent, connue  s'il  était  certain  q.'o  les  Pères 
ont  eu  queUpie  part  à  toutes  ces  impostures. 

Etait-ce  doni-  assez  do  ces  soupçons  pour 
prouver  une  acciisatioii  aussi  f^rave?  Quand 
il  serait  vrai  que  les  ar.^umoiUs  d'Origène 
contre  Ceîse  sont  faux,  si  ce  Père  les  a  crus 
solides  ;  quand  il  serait  démontré  que  la 
méthode  cie  prescription  no  vaut  rien  ,  si 
Tertrdiien  l'a  ju^ée  bonne  et  légitime  :  à 
quel  titre  pout-mi  taxer  ce?  deux  docteurs 
<ir>  dissimulation,  de  fraude,  de  défaut  de 
sincérité?  Si  une  erieur  on  fait  de  rai.sonne- 
moiu  est  une  preuve  de  mauvaise  foi , 
Mosheim  lui-même  en  demeure  ici  pleine- 
ment convaincu.  Nous  avons  justilié  ailleurs 
les  Pères  sur  tous  ces  chefs.  Voy.  Eco'vo- 
MiE,  Fraude  pielse,  Platonisme,  Prescrip- 

TIO.V,    etc. 

Notre  censeur  reproche  aux  Pères  du  iv* 
siècle  d'avoir  expliqué  et  défendu  les  dog- 
mes fondamentaux  de  la  doctrine  chré- 
tienne avec  une  profonde  ignorance  et  avec 
la  plus  grande  confusion  d'idées  ;  il  dit  <jue 
les  part. sans  du  concile  de  Nicée  et  de  la 
consubstanliali  é  du  Verbe  semblaient  ad- 
mettre trois  liieux  ;  il  en  avait  parlé  avec 
plus  de  modération  dans  ses  Notes  sur  Cud- 
worth.,  t.  1,  p.  920.  Il  prétend  que,  pindant 
ce  siècle,  la  suj  erstilion  et  les  abus  dans  le 
culte  furent  poussés  aux  derniers  excès,  que 
le  mal  ne  fit  qu'empirer  dans  les  siècles 
suivants  ;  c'est  aux  Pères  de  l'Eglise  qu'il  en 
attribue  la  laute,  parce  que,  loin  d<'  s'ojiposer 
à  ce  désordre,  ils  l'ont  autorisé  et  fomenté 
par  intérêt  personnel.  Sous  ci  aque  siècle  il 
réjiète  à  peu  près  les  mêmes  invectves; 
toute  son  histoire  e.st,  à  proprement  jiarler, 
un  lil)elle  diffamatoire,  destiné  à  noircir  les 
docteurs  et  les  past  .urs  de  l'Ej^lise.  lîaibey- 
rac,  dans  son  Traité  de  la  Morale  des  Pères, 
n'a  pas  eu  un  autre  dessein,  non  [lus  que 
Le  Clerc  dans  son  tfist.  eeclés.,  et  dans  ses 
autres  ouvrages.  Bruckor,  d  ais  son  Histoire 
critique  de  to  fkUiisopfiie,  all'ecte  partout 


1415 


PER 


PER 


U16 


d'encenser  et  de  copier  Mosheira  ;  ainsi 
passent  de  main  en  main  les  reproches  que 
Daillé  a  faits  aux  Pères,  dans  son  traité  de 
vero  Usu  Patrutn  ;  mais  cette  tradition  scan- 
daleuse ne  fait  pas  beaucoup  d'honneur  aux 
protestants. 

1°  Si  les  docteurs  de  l'Eglise  avaient  été 
tels  qu'on  les  représente  dans  les  différents 
siècles,  il  faudrait  convenir  que  Jésus-Christ 
a  fort  mal  exécuté  la  promesse  qu'il  avait  faite 
à  ceux  qu'il  envoyait  prêcher  l'Evangile,  d'ô- 
tre  avec  eux  jusqu'à  la  consommation  des  siè- 
cles, de  leur  envoyer  l'Esprit  de  vérité,  afin 
qu'il  demeurât  toujoursavcc  eux  (jWa«.  XXVIII, 
20  ;  Joan.,  xiv,  16),  puisiju'il  a  permis  qu'im- 
médiatement après  la  mort  des  apôtres  l'E- 
glise ne  fût  i)lus  enseignée  que  par  des  hom- 
mes, les  uns  sans  talents,  les  autres  sans 
probité,  et  absolument  déchus  d'esprit  apos- 
tolique. Si  nous  écoutons  saint  Paul,  c'est 
Dieu  qui  a  donné  des  apôtres,  des  prophè- 
tes, des  évangélistes,  des  pasteurs  et  des 
docteurs ,  jiour  perfectionner  les  saints  , 
pour  édifier  le  corps  de  Jésus-Christ,  pour 
établir  l'unité  de  la  foi,  etc.  {Ephes.,  c.  iv, 
V.  11).  Si  nous  en  croyons  les  protestants, 
les  apôtres,  les  prophètes,  les  évangélisies 
ont  été  à  la  vérité  suscités  de  Dieu  pour 
cette  fin;  quant  aux  pasteurs  et  aux  docteurs 
qui  leur  ont  succédé,  loin  d'édifier,  ils  n'ont 
lait  que  détruire  ;  au  lieu  d'établir  l'unité  de 
la  foi,  ils  ont  divisé  les  esprits  par  des  dis- 
putes philosophiques  ;  au  lieu  de  perfec- 
tionner l'ouvrage  commencé  par  les  apôtres, 
ils  l'ont  dégradé  et  dénaturé  ;  et  Dieu  a 
trouvé  bon  d'attendre  quinze  cents  ans  avant 
d'y  apporter  du  remède.  Nos  adversaires 
voudront  bien  nous  dispenser  de  digérer  de 
pareilles  impiétés  ;  les  déistes  et  les  athét'S 
n'ont  rien  dit  de  plus  injurieux  contre  le 
christianisme. 

2*  Ils  disent  que,  puisque  les  apôtres  mê- 
mes n'ont  pas  été  exempts  de  préjugés, 
d'erreurs,  de  faiblesses,  il  n'est  pas  éton- 
nant que  leurs  disciples  les  plus  zélés  en 
aient  été  aussi  susceptibles  ;  Barbeyrac , 
Traité  de  la  Morale  des  Pères,  c.  viii,  §  39, 
p.  125;  Encyclop.,  art.  Pères  de  l'Eglise; 
conséquemment  les  incrédules  n'ont  jias 
manqué  de  faire  contre  les  apôtres  les  mê- 
mes reproches  que  les  protestants  font  con- 
tre les  Pères.  Mais  nous  demandons  de  quel 
front  l'on  ose  attribuer  des  er-reurs  et  des 
faiblesses  aux  apôtres,  quand  on  fait  profiS- 
sion  de  croire  qu'ils  avaient  reçu  le  Saint- 
Esprit,  et  que,  suivant  la  promesse  du  Sau- 
veur, cet  Esprit  divin  devait  leur  enseigner 
toute  vérité  (Joan.  xvi ,  13),  et  les  re- 
vêtir d'une  force  divine  {Luc.  xxiv ,  49  ; 
Act.  I,  8). 

3"  11  a  fallu  être  possédé  d'un  esprit  de 
vertige  pour  supposer ,  d'un  côté,  que  les 
Pères  apostoliques  n'ont  été  ni  savants,  ni 
éloquents,  ni  critiques  éclairés,  ni  précau- 
tionnés contre  la  fraude  ;  que  c'étaient  des 
hommes  simples ,  crédules ,  ignorants  et 
quelquefois  visionnaires;  de  l'autre,  que 
ce  sont  eux  qui  ont  fait  la  distinction  des 
écrits  authentiques   et   vraiment  apostoli- 


ques, d'avec  les  livres  forgés  el  apocryphes  ; 
Mosheim,  Hist.  ecclés.,  i"  siècle,  u'part.,  c. 
2,  §  17.  Voilà,  en  vérité,  diront  les  déistes, 
d'excellents  juges  pour  faire  un  pareil  dis- 
cernement ;  c'est  une  foi  bien  éclairée  et 
bien  sage  que  celle  qui  est  dirigée  par  de 
tels  arbitres.  Croirons -nous  ces  docteurs 
incapables  de  fraude,  pendant  que  leurs 
successeurs  immédiats  ne  se  sont  fait  aucun 
scrupule  de  forger  des  livres,  etc.?  Mais 
les  protestants  semblent  ne  compter  pour 
rien  l'avantage  qu'ils  donnent  aux  ennemis 
du  christianisme ,  pourvu  qu'ils  puissent 
exhaler  leur  bile  contre  les  Pères.  Ce  qu'il  y 
a  de  singulier,  c'est  que  Mosheim  a  con- 
damné lui-même  cette  méthode  de  laquelle 
il  s'est  constamment  servi.  Il  observe  que 
si  l'on  récuse  absolument  le  témoignage  des 
Pères,  il  ne  restera  plus  rien  de  certain  dans 
l'histoire  de  l'Eglise  ;  il  blâme  la  témérité  do 
ceux  qui,  pour  se  débarrasser  de  ce  témoi- 
gnage, s'attachent  à  le  décréditer,  en  allé- 
guant l'ignorance,  les  erreurs,  la  mauvaise 
foi  des  Pères,  etc.  Tel  est  cependant  le  ciime 
dont  lui  et  ses  pareils  sont  coupables.  Voy. 
Vindiciœ  antiquœ  Christianoruin  disciplina;, 
adv.  Tolandi  Nazarenum,  sect.  1,  c.  5,  §  3  et 
4,  p.  92  et  suiv. 

k'  Les  trois  principales  sectes  protestan- 
tes s'accordent  très-mal  sur  ce  point.  Com- 
me les  anglicans  se  sont  moins  éloignés  que 
les  autres  de  la  croyance  catholique,  ils  ont 
aussi  conservé  plus  de  respect  pour  les  té- 
moins de  la  tradition  ;  Cave,  Grabe,  Réeves, 
Blacwal,  Péarson,  Bévéridge  et  d'autres  sa- 
vants anglais,  ont  justifié  les  Pères  contre 
les  reproches  de  Daillé  et  de  ses  copistes; 
ils  ont  soutenu  contre  les  sociniens  que  l'on 
doit  entendre  l'Ecriture  sainte  conformé- 
ment aux  explications  des  anciens  docteurs 
de  l'Eglise;  ils  ont  travaillé  avec  succès  à 
rassembler,  à  éclaircir  plusieurs  monuments, 
et  à  les  défendre  contre  les  attaques  d'une 
critique  trop  hardie.  Les  luthériens  ont  été 
moins  équitables,  parce  qu'ils  se  sont  écar- 
tés davantage  de  la  doctrine  de  l'Eglise  an- 
cienne ;  [ilusieurs  d'entre  eux  n'ont  pas  hé- 
sité d'imiter  l'emportement  des  calvinistes. 
Quant  à  ces  derniers,  ils  n'ont  point  gardé 
de  mesures  ;  plus  ils  penchent  au  socinia- 
nisme,  plus  ils  témoignent  de  prévention  et 
de  haine  contre  les  Pères,  et  pour  comble 
d'hy|)OCiisie,  ils  protestent  que  c'est  la  pure 
vérité  qui  les  force  à  penser  ainsi.  Le  môme 
personnage  pour  lequel  les  uns  témoignent 
beaucoup  d'estime,  est  traité  par  les  autres 
avec  le  dernier  mépris  ;  souvent  un  critique 
protestant  en  dit  du  bien  ou  du  mal,  suivant 
qu'il  le  trouve  plus  favorable  ou  plus  op- 

Eosé  à  son  opinion.  Le  traducteur  de  Mos- 
eim  avoue  que  l'autorité  des  Pères  diminue 
de  jour  en  jour  chez  les  protestants,  Hist. 
ecclés.,  tom.  1,  pag.  5,  note.  Nous  n'en  som- 
mes pas  surpris  ;  nous  y  voyons  diminuer  la 
foi  en  même  proportion,  et  le  protestan- 
tisme se  rapprocher  de  jour  en  jour  du 
déisme  :  cette  progression  était  inévitable. 
Ce  même  écrivain  convient  que  le  livre 
composa  par  un  calviniste  anglais  nommé 


mi 


PER 


i'i;;R 


1418 


Whitby,  contre  l'autorité  des  Pères,  ne  peut 
manquer  do  produire  un  très-mauvais  effet, 
et  de  |>révenir  les  jeunes  étudiants  contre 
ce  qu'il  y  a  de  bon  dans  les  écrits  de  ces 
anciens,  Ilist.  ecclés.,  tom.  V,  p.  368.  Ce 
qu'il  en  dit  lui-môme  dans  ses  notes  fera-l-il 
moins  de  mal  ? 

5"  lln'estpas  possiblede  méconnaître  Inpas- 
sion  qui  fait  parler  nos  adversaires,  quand  on 
considère  les  contr.Mlietions  et  la  bizarrerie 
des  reproclie^  iju'ils  font  aux  jRrres  de  l'E- 
glise, ils  se  [ilaignont  de  ce  que  ceux  du  i'"' 
siècle  n'étaient  ni  savants  m  éloquents,  de 
ce  que  ceux  du  ii'  n'étaient  pas  instruits 
de  la  pliilosopliie  des  Orientaux  ;  ils  bklment 
dans  ceux  du  m'  la  cimnaissance  qu'ils 
avaient  de  la  pbiloso[)hie  et  l'usage  qu'ils  en 
ont  fait  ;  ils  disent  que  l'éloquence  des  Pères 
en  général  est  trop  enllée,  remplie  de  figures 
et  d'hyperboles.  Ils  les  accusent  d'avoir 
souvent  mal  raisonné,  de  n'avoir  pas  vu  les 
conséquences  de  ce  qu'ils  enseignaient  ;  ce- 
pendant ils  supposent  que  les  Pères  ont  été 
tons  raisonneurs,  jinisqu'ils  leur  attribuent, 
l)ar  voie  de  conséquence,  toutes  les  erreurs 

f)0ssibles;  ensuite  ils  se  fAchent  de  ce  que 
es  Pères  en  ont  ainsi  agi  àlégai'd  des  héré- 
tiques. Il  ne  faut  [las,  disent-ils,  attribuer 
les  actions  des  hommes  à  des  principes  qu'ils 
n'ont  jamais  avoués,  nia  de  mauvais  motifs, 
lors(iu'ils  ont  pu  en  avoir  de  louables;  et 
continuellement  ils  se  rendent  coupables  de 
cette  injustice  envers  les  Pères.  Ils  se  plai- 
gnent de  ce  que  ceux-ci  manquent  de  mé- 
thode, et  de  ce  que  les  scolastiques  en  ont 
tro[),  etc.  Les  calvinistes  surtout  ont  poussé 
l'inconséquence  jusqu'au  ridicule.  Ils  ont 
peint  saint  Jérôme  en  particulier  comme  un 
imposteur  de  profession  qui  ne  se  faisait 
aucun  scrupule  de  mentir  et  d'affirmer  le 
contraire  de  ce  qu'il  pensait,  et  parce  qi'il  a. 
dit  dans  un  endroit ,  qu'au  connnencement 
de  l'Kglise  les  évéques  ne  se  croyaient  [las 
supérieurs  aux  [)rètres,  ces  mêmes  calvinistes 
ont  triomphé  ;  ils  ont  cité  ce  passage  comme 
une  autorité  irréfragable,  qui  doit  prévaloir 
à  tous  les  monuments  de  l'histoire  ecclésias- 
tique, ils  nous  reprochent  une  aveugle  pré- 
vention en  faveur  des  Pères,  une  obstination 
marquée  k  les  justifier  contre  toute  apparence 
de  vérité.  De  notre  côté,  nous  leur  repro- 
chons une  aveugle  prévention  contre  ces 
écrivains  respectables ,  et  un  entêtement 
malicieux  k  interpréter  dans  le  plus  mauvais 
sens  ce  qu'ils  ont  dit.  Ils  travaillent  ainsi  à 
confirmer  les  erreurs  en  leur  cherchant  des 
garants  et  des  complices  ;  au  lieu  que  nous 
tâchons  d'établir  des  vérités,  en  faisant  voir 
qu'elles  no  sont  jjoint  contraires  au  senti- 
ment des  docteurs  de  l'Eglise  :  lequel  de  ces 
deux  procédés  est  le  plus  louable  ? 

6°  Enfin  les  plus  opini;Ures  ont  été  forcés 
de  se  dédire  et  de  se  rétracter.  Daillé,  à  la 
'  fin  de  son  livre  de  vero  Usu  Patrum,  1.  ii, 
G.  6,  semble  avoir  voulu  faire  aux  Pères  la 
réparation  des  outrages  dont  il  les  avait 
chargés.  «  Leurs  écrits,  dit-il,  renferment  des 
leçons  de  morale  et  de  veitu  capables  de 
produire  les   plus  grands   effets,   plusieurs 

DiCTIONN.    DE  TbÉOL.  DOUUàTIQUE.  UI. 


choses  qui  .servent  à  confirmer  les  londe- 
nients  du  christianisme  plusieurs  observa- 
tions très-utiles  pour  entendre  l'Ecriture 
sainte  et  les  mystères  qu'elle  contient  ;  leur 
autorit(''  sert  beaucoup  k  prouver  la  vérité  de 
la  ri  ligion  chrétienne.  N'est-ce  pas  un  i)hé- 
nomènea  imirable  ciue  tant  de  grands  hom- 
mes, doués  de  tous  les  talents  et  de  toute  la 
capacité  possible,  nés  en  dillércnts  temps  et 
en  divers  climats,  pendant  quinze  cents  ans, 
avec  des  inclinations,  des  mœurs,  des  idée» 
si  dili'érentes,  se  soient  néanmoins  accordés 
îi  croire  les  |)reuves  du  christianisme,  à  ren- 
dre leui'S  adorations  à  Jésus-C.hrist,  k  [irô- 
chi'r  les  mômes  vertus,  à  espérer  la  môme 
récompense,  à  recevoir  les  mômes  Evangiles, 

k  y  découvrir   les    mômes    mystères? M 

n'est  pas  vraisemblable  que  tant  d'hommes 
célèbres  par  la  beauté  de  leur  génie,  par  l'é- 
tendue et  la  pénétration  de  leurs  lumières, 
dont  le  mérite  est  prouvé  par  leursouvrages, 
aient  été  assez  imbéciles  i)our  fonder  leur 
foi  et  leurs  espér-ances  sur  la  doctrine  de 
Jésus-Chi'ist,  pour  lui  sacrifier  leursintérôts,, 
leur  repos  et  leur  vie,  sans  en  avoirévidem- 
inent  senti  le  pouvoir  divin.  Préférerons- 
nous  au  suffrage  unanime  de  ces  grands 
hoiumes  les  préventions  et  les  clameurs  d'une 
poignée  d'incrédules  et  d'athées,  qui  calom- 
nient TEvaiigile  sans  l'entendre,  .qui  blasphè- 
ment ce  qu'ils  ignorent,  et  qui  se  rendent 
encore  plus  suspects  par  le  dér'églement  da 
leurs  mœurs  que  par  les  bornes  étroites  de 
leurs  connaissances?  »  Ces  réflexions  sont 
très-sages  ;  mais  de  quel  front  peui-on  les 
adresser  aux  incrédules,  quand  on  a  fait 
tout  ce  que  l'on  a  pu  jiour  leur  inspirer  de 
la  prévention  conti'e  les  Pères? 

Le  Clerc,  dans  son  Art  erUique.,  t.  IV,  lettre 
k,  fait  un  gr-and  éloge  du  livre   de  Daillé  ;  il 
blAme  la  i-éfutation    qu'un  Anglais   en  avait 
faite;  celle  de  Guillaume  Réeves  n'avait  \ms 
encore  paru  ;  toute  cette  lettre  est  un  mélange 
de  bien  et  de  mal,  de   blAme  et  de  louanges 
donnés  aux  Pères  de  l'Eglise,    dui|uel    on  ne 
sait  quel  résultat   on   doit  tirer.  Mais    dans 
son  Hist.  ecelés.,  an.  101,  §  1  et    suiv.,    i!  a 
exhalé  toute  sa  bile  contre  les   Pères  du  ir 
siècle.  «  Ils  étaient  incapables,  dit-il,  de  bien 
entendre  l'Ecritui'e  sainte,  faute  de    savoir 
l'hébreu  ;  c'est  |)0ur  cela  qu'ils  s'étaient  per- 
suadé faussement  (juc  la  version  des  Septante 
était  ins()irée.  Ils  étaient  excessivement  cré- 
dules k  régar-d  de  plusieurs  traditions  préten- 
dues apostoliques;  c'étaient  de  mauvais  rai- 
sonneur's,  ignorants  dans  l'art  de  la  critique, 
entêtés  de  platonisme,  et  qui  cherchaient  k  se. 
rapprocher  lies  païens.  »  On  doit  donc  regar- 
der comme  un  miracle  de  la  Providenie,  la 
conservation  du  christianisme  entre  les  mains 
de  ilocteurs  si  capables  de  le  corrompre.  Aux. 
mots  HÉBRiii ,  Septa.vti:  ,    TuADiTrox,    Pla- 
tonisme, etc.,  nous  réfutons  tous  ces  repro- 
ches téméraires,  dictés  par  le  seul  intérêt  de- 
système,  et  désavoués  par  les  proleslants  les 
plus  sensés.  Beausobre,  encore  moins  équi- 
table, semble  n'avoir   écrit  son  Histoire  dic 
Mflnù/ie75mf  que  pour  justifier  tous  les  an- 
ciens hérétiques  aux  dépens  des  Pères  dt 

45 


1419 


PEB 


PER 


im 


l'Eglise  ;  il  excuse  tout  rlaas  les  premiers, 
tout  lui  paraît  suspect  et  répréhensibie  dans 
les  seconds;  il  ne  veut  pas  que,  pai'voie  de 
conséquence,  on  impute  aux  hérétiques  des 
erreurs  qu'ils  nont  |)aS  forinellomentavouées 
et  lui-même  n'emploie  point  d'autre  moyen 
pour  taxer  d'erreur  les  Pères.  Il  soutient 
qu'en  rapportant  les  opinionsdes  hérétiques, 
ils  ont  l'ait  des  relations  visiblement  fausses 
et  pleines  d'exagérations,  qu'ils  ont  mal  rai- 
sonné, c|u'ils  ont  ciu  aveuglément  tous  les 
faits  qui  pouvaient  déshonorer  leurs  adver- 
saires, et  qu'ils  ont  eu  la  passion  de  rendre 
leurs  personnes  odieuses.  Il  reproche  aux 
catholiques  d';djuser  du  nom  et  du  témoi- 
gnage des  anciens,  pour  défendre  des  opi- 
nions fausses  etdes  pratiques  superstitieuses; 
c'est  ce  qu'il  appelle  lesophisme  àe  l'autorité, 
par  lequel  on  jirétend,  tlit-il,  enchaîner  ce 
qu'il  y  a  de  plus  libre  en  nous,  qui  est  la 
raison  et  la  foi.  Hist.  du  Manich.,  préf.,  pag. 
22.  Mosheim,  Instit.  Hist.  christ.,  sœc.  i , 
W  part.,  c.  5,  §  2,  fait  les  mômes  reproches 
aux  Pères  touchant  les  hérésies,  et  emploie 
toute  son  érudition  pour  les  appuyer. 

Pour  nous,  qui  pensons  que  la  raison  eui- 
brasse  nécessairement  ce  qui  lui  paraît  vrai, 
et  que  Dieu  nous  or-Jonne  de  croire  tout  ce 
qu'il  a  révélé,  nous  ne  concevons  point  en 
quel  sens  la  raison  et  la  foi  sont  ce  qu'il  y  a 
de  plus  libre  en  nous;  mids  il  s'agit  de  jus- 
tifier les  Pères.  Ceux-ci,  sans  doute,  n'ont 
pas  vécu  familièrement  avec  tous  les  héré- 
siarques ni  avec  les  iirincipaux  docteurs  de 
cliaque  secte,  ils  n'ont  donc  pu  connaître  les 
vrais  sentiments  de  ces  personnages  que  par 
leurs  écrits,  ])ar  le  récit  de  1  urs  disciples. 

Far  la  confession  de  ceux  qui  revenaient  à 
Eglise,  par  la  renommée  publique.  Beauso- 
bre  a-t-il  eu  de  meilleurs  mémoires  que  les 
contemporains,  pour  mieux  savoir  qu'eux 
ce  que  les  hérétiques  ont  pensé  et  enseigné, 
et  pour  convaincre  les  Pères  de  passion  ou 
df  crédulité  ?  On  nous  dit  que  souvent  les 
Pères  ne  s'accordent  point  en  exposant  la 
doctrine  d'une  secte  hérétique.  Cela. n'est 
pas  fort  étonnant  ;  il  n'y  en  eut  jamais  au- 
cune dont  les  divers  docteurs  aient  enseigné 
la  môme  chose,  ou  aient  conservé  en  entier 
la  doctrine  du  fondateur.  Où  en  serions- 
nous,  s'il  nous  fallait  juger  aujourd'hui  de 
la  doctrine  de  Luther  et  de  Calvin  par  celle 
de  leurs  sectateurs,  ou  ranger  sous  un  seul 
système  toutes  les  erreurs  des  protestants? 
Mosheim  avoue  qu'il  n"y  avait  rien  de  con- 
stant ni  d'uniforme  entre  les  différentes 
sectes  de  gnostiques,  Hist.  christ.,  sœc.  ii, 
§  42.  Vainement  il  prétend  que  les  Pères 
n'ont  |ias  bien  compris  le  système  de  ces 
hérétiques,  parce  qu'ils  n'ont  pas  connu  la 
philosophie  orientale  dans  laquelle  ces  sec- 
taires avaient  puisé  leurs  erreurs;  nous 
avons  fait  voir  la  témérité  de  ce  reproche  au 
mot  gnostiques. 

Dès  qu'il  plaît  à  un  critique  de  forger  le 
système  des  hérétiques  à  sa  manière,  il  n'est 
pas  étonnant  que  les  jPèresluisemblent  avoir 
mal  raisonné  ;  mais  les  Pères  n'argumentent 
pas  contre  les  idées  de  nos  dissertateurs 


modernes  ;  ils  attaquaient  les  écrits  qu'ils 
ava'ent  sous  Ips  yeux,  les  adversaires  aux- 
quels ils  parlaient,  les  erreurs  dont  ils  avaient 
la  notion  ;  et  nous  convenons  que  les  an- 
ciens hérétiques  n'ont  pas  toujours  autant 
d'adresse  que  les  modernes  pour  revêtir 
une  erreur  de  toutes  les  apparences  de  la 
vérité. 

11  est  fort  singulier  que  Beausobre  prétende 
avoir  mieux  connu  et  mieux  compris  le  sys- 
tème des  manichéens,  être  mieux  informé 
de  leurs  mœurs  et  de  leur  conduite,  que  saint 
Augustin,  qui  avait  vécu  parmi  eux,  qui 
avait  été  séduit  parleurs  sophismes,qui  avait 
consulté  leurs  plus  habiles  docteurs,  qui 
avait  été  un  des  apôtres  de  leur  secte,  et  qui 
vint  à  bout  de  les  confondre  dans  plusieurs 
conférences  publiques.  Il  faut  être  étrange- 
ment prévenu  pour  faire  i)lus  de  cas  des  rai- 
sonnements et  di's  conjectures  d'un  discou- 
reur du  xviii"  siècle ,  que  du  témoignagG 
formel  d'un  auteur  contemporain  ,  instruit 
dans  la  secte  même  qu'il  réfute.  11  n'est  pas 
croyable,  dit  Beausobre,  que  les  hérétiques 
aient  été  cou]iables  de  toutes  les  absurdités 
et  de  toutes  les  abominations  qu'on  leur 
prête  ;  ce  n'étaient  que  des  bruits  vagues  et 
des  accusations  sans  fondement  ;  cela  n'était 
prouvé  tout  au  plus  que  par  le  témoignage 
de  quelques  déserteurs  de  la  secte  :  or,  c 'ux- 
ci  ne  manquent  jamais  de  calomnier  le  parti 
qu'ils  ont  abandonné.  Nous  soutenons  que 
ces  accusations  sont  très-croyables  ;  les  mê- 
mes désordres  dont  les  hérétiques  du  xir  siè- 
cle et  des  deux  suivants  ont  été  atteints  et 
pleinement  convaincus,  démontrent  que  ce 
qui  est  arrivé  pour  lors  a  pu  arriver  autre- 
fois. S'il  y  a  quelquefois  des  transfuges  men- 
teurs, il  y  en  a  aussi  de  véiidiques.  Lors- 
qu'il s'est  agi  de  calomnier  des  cathohques, 
Beausobre  ni  les  autres  protestants  n'ont  pas 
été  aussi  scrupuleux  et  n'ont  pas  pris  autant 
de  soin  de  véritier  les  faits,  que  les  Pères 
l'ont  été  à  l'égard  des  anciens  hérétiques. 
Mosheim,  quoique  assez  enclin  d'ailleurs  à  . 
penser  comme  Beausobre,  a  cependant  senti 
le  faillie  et  le  ridicule  des  préventions  de  ce 
critique,  et  il  nous  i)arait  avoir  eu  en  vue 
de  le  réfuter  dans  sa  troisième  Dissertation 
sur  l'Histoire  ecclésiastique,  t.  I,  §  9,  p.  238. 
«  J'ai  peine  à  pardonner,  dit-il,  à  ceux  qui 
ne  cessent  de  nous  étourdir  par  leurs  cla- 
meurs contre  les  Pères,  qui  les  taxent  d'igno- 
rance, de  malice,  d'intérêt,  d'ambition  et 
d'autres  crimes,  comme  si  ces  anciens  n'a- 
vaient jamais  été  de  bonne  foi,  comme  s'ils 
avaient  toujours  parlé  et  agi  par  des  motifs 
criminels,  sans  honte  et  onntre  leur  con- 
srience,  afin  de  rendre  les  hérétiques  odieux. 
Que  diraient  leurs  accusateurs  si  on  les  trai- 
tait ainsi  ?  »  Voilà  comme  il  s'est  fait  le  pro- 
cès à  lui-même. 

Ce  n'est  poiut  nous  qui  faisons  un  sojihis- 
me  en  alléguant  l'autorité  des  Pères;  c'est 
Beausobre  qui  subtilise  sur  l'ambiguïté  oie 
ce  terme.  Lorsqu'il  s'agit  de  constater  un 
fait  ancien,  par  exemple  de  savoir  ce  qu'ont 
enseigné  tels  ou  tels  hérétiques,  ce  n'est 
point  un  sophisme  d'alléguer  Cautorité,  c'est- 


im 


PER 


PER 


un 


à-iire  le  témoignage  de  ceux  qui  ont  été  h 
p'.^rtéo  do  s'en  instruire,  et  qui  aviiicnt  intérêt 
(le  s'en  iufoiiuer.  11  n'est  encore  venu  à  l'idée 
de  peisonne  d"a[)]ieler  sopliisiin' d'aulorilé  ]à 
certitude  morale  fondée  sur  r.jdcstation  de 
témoins  coiU|iétcuts  et  en  état  do  <lé|inser 
d'un  fait.  Beausobre  eu  iui[X)se  (|uaud  il  dit 
que  nous  croyons  à  la  parole  des  Pêrcii,  parce 
que  nous  les  regardons  comme  des  saints  ; 
c'est  une  fauss  té  :  nous  n'y  croyons  que 
parceque  nous  savons  d'ailleurs  qu'ilsétaient 
instruits,  sensés  et  judicieux  ;  et  nous  le 
voyons  par  leurs  écrits.  Quand  il  s'agit  d'un 
dogme,  c'est-à-dire  de  savoir  si  tel  dogme  a 
été  cru  professé  et  ()réché  dans  l'Eglise  en 
tel  temps  et  en  tel  lieu,  nous  soutenons  que 
le  témoignage  des  Pères  est  une  i)reuve  ir- 
récusable, jjuisque  la  plupai'l  ont  été  char- 
gés par  étal  de  prêcher  et  d'enseigner  la  doc- 
trine chrétienne  ;  personne  n'e^l  plus  cipable 
3u'euK  de  nous  appreuilre  ([uelle  était  cette 
oclrine  dans  le  temps  auquel  ils  ont  vécu  : 
sur  ce  point  leui'  aiUorité  se  rédiàt  encore 
au  simple  témoignage.  Lorsqu'un  grand 
nombre  de  Pères,  placés  en  dillérents  lieux 
et  en  ditl'éreuts  temps,  s'accordent  à  ensei- 
gner le  même  dogme  comme  partie  de  la 
doctrine  chrétienne,  nous  soutenons  que  ce 
dogme  y  appartient  véritablement,  et  que 
c'a  été  la  croyance  commune  de  l'Kglise, 
parce  que  les  Pères,  dans  tous  les  temps  et 
dans  tous  les  lieux,  out  prolesté  qu'il  ne  h'ur 
était  p'is  pei'mis  d'euseigner  aucune  chose 
contraire  à  cette  croyance  ;  ils  ont  même 
condamné  comme  novateurs  et  comme  hé- 
rétiques tous  ceux  qui  ont  eu  cette  témérité. 
Nous  persuadera-t-on que  f  s  /'«résout  atta- 
qué et  alli'ré  la  <Joclrine  counuune  de  l'E- 
glise étcil)lic  avaut  eux,  sans  le  savoir  et  sans 
le  voulo;r,  ou  (]u'iLs  ont  commis  ce  crime 
de  [)iopos  délibéré,  en  faisant  profession  de 
le  condamner  et  de  le  détester  ?  Pour  qu'ils 
en  vinssent  à  bout,  ilaurat  encore  fallu  que 
la  société  entière  des  hdèles  se  rendit  leur 
complice.  En  suivant  leur  docirine  comme 
orthodoxe,  nous  ne  déférons  point  à  leur 
autorité  pers muelle,  mais  à  l'autorité  de  l'E- 
glise. Or,  nous  avons  prouvé  cette  autorit'' 
contre  les  protestants.  Voy.  Eglise,  §  5. 

Si  d'un  côté  Beausobre  ne  veut  .-.jouter  au- 
cune foi  au  témoignage  des  Pères,  de  l'autre 
il  jure  sur  la  paiole  de  tous  les  écrivains 
orientaux,  arabes,  chaldéens,  syriens,  égyp- 
tiens, juifs  cabalistes,  etc.  ;  tout  mécréant 
quelconque  lui  parait  plus  croyable  que  vingt 
Pères  de  l'Eglise.  11  croit  avoir  suffisamment 
disculjié  une  secte  hérétique,  lorsqu'il  peut 
faire  voir  que  quelques-uns  des  Pères  ont 
eu  des  opinions  à  peu  près  sembhibles,  ou 
qui  entraînaient  les  mêmes  inconvénients  ;  il 
ferme  les  yeux  sm-  deux  dilférences  esseu- 
tiellos.  1°  Ces  Pères  ne  dogm..fisaient  pas, 
aucun  u'a  jamais  {)rétendu  ériger  en  dogme 
de  foi  son  opinion  [particulière  ;  les  héréti- 
ques au  contraire  oat  toujours  soutenu  que 
leur  doctrine  était  la  seule  vraie,  et  quiconque 
n'a  pas  voulu  s'y  confoimer  n'a  poiût  été 
admis  dans  leur  secte.  2°  Les  Pères  ont  tou- 
jours été  soumis  à  l'enseiguemeat   de  l'E- 


glise, ils  ont  écouté  sa  voix  comme  celle  do 
Jésus-Christ  et  des  apôtres  :  les  sectaires  se 
sont  crus  plus  éclairés  que  l'Eglise,  et  ont 
voulu  que  leur  autorité  l'emportât  sur  la 
sienne. 

Ces  deux  réflexions  suffisent  déjà  pour  dé- 
montrer la  fausseté  des  motifs  par  lesijuels 
les  critiques  protestants  veul-  nt  justitier  leur 
conduite.  Ils  assurent  qu'ils  rapportent  les 
erreurs  des  Pères,  non  pour  les  déprimer, 
mais  pour  faire  voir  que  tous  les  hommes 
sont  faillibles,  qu'il  faut  avoir  de  l'indulgence 
pour  tous  ceux  qui  se  trompent ,  qu'il  ne 
faut  pas  juger  les  anciens  hérétii[ues  avec 
plus  de  rigueur  que  nous  n'i  n  avons  pour 
les  docteurs  de  l'Eglise.  Où  est  donc  la  jus- 
tesse de  cet  odieux  parallèle  ?  Quand  il  serait 
aussi  vrai  qu'il  est  faux  que  les  Pères  ont 
été  coupables  de  toutes  les  erreurs  dont  ils 
sont  accusés  par  les  protestants,  il  y  aurait 
toujours  de  fortes  raisons  pour  les  excuser. 
1"  11  serait  toujours  évident  qu'ils  se  sont 
trompés  de  bonne  foi,  ([uils  ont  cru  suivre 
la  doctrine  enseignée  par  les  apôtres,  qu'ils 
n'ont  eu  aucun  dessein  d'innover,  de  se  faire 
un  parti,  d'élever  autel  coiitreautel.  Les  an- 
ciens hérétiques  ont  eu  des  motifs  tout  dif- 
férents ;  plu>ieurs  se  vantaient  d'en  savir 
plus  que  les  apôtres,  ils  se  donnaient  le  nom 
laslueux  rie  gnostiques  ou  d'illuminés  ;  leur 
ambition  était  de  devenir  chefs  de  sectes,  et 
ils  y  sont  parvenus  ;  ils  ont  divisé  l'Eglise, 
ils  lui  ont  déiiauché  ses  enfants  p(jur  se  les 
attacher  ;  ils  ne  prétendaient  pas  à  moins 
qu'à  renverser  le  christianisme,  en  établis- 
sant une  doctrine  différente  de  celle  de  Jé- 
sus-Christ. 2°  Les  Pères  étaient  les  pasteurs 
légitimes,  ils  avaient  reçu  leur  mission  des 
apôtres,  ils  avaient  donc  le  droit  d'enseigner. 
Mais  qui  avait  donné  ce  droit  à  Cérinthe,  à 
Vaientui,  à  Cerdon,  à  Marcion,  etc.  ?  Ils  n'é- 
taient pas  entrés  dans  le  bercail  de  Jésus- 
Christ  par  la  porte,  mais  en  perçant  le  mur  ; 
c'étaient  donc  des  larrons  et  des  voleurs 
(Joan.  \,  8).  A  quel  titre  ont-ils  mérité  de 
l'ir.dulgence  ?  3°  Dans  le  ii'  et  le  iir  siècle  les 
pasteurs  n'avaient  pas  pu  s'assembl.r  aisé- 
ment pour  confronter  la  doctrine  des  diffé- 
rentes Eghses,  pour  voir  si  elle  était  uni- 
forme, et  si  la  traihtion  était  la  môme  par- 
tout, ils  se  son:  soumis  à  ceite  épreuve  dès 
qu'ils  l'ont  pu.  Jamais  les  hérétiques  n'ont 
voulu  subir  ce  joug  ;  quoique  condamnés 
par  des  conciles  gêné,  aux,  ils  ont  persisté 
opiniâtrement  dans  leurs  erreurs,  ils  ont  af- 
fecté de  les  répandre  avec  encore  plus  d'é- 
clat. C'<st  donc  faire  une  injure  sanglante 
aux  Pères  de  VEglise,  que  de  les  mettre  de 
pair  avec  des  sectaires. 

Pour  comble  d'inconséquence,  Beausobre 
qui  a  dit  tant  de  mal  des  Pères  dans  son 
Histoire  du  Manichéisme,  a  trouvé  bon  dans 
ses  Remarques  sur  le  Nouveau  Testament,  de 
recourir  à  eux  pour  découvrir  la  vraie  signi- 
fication d'une  infinité  de  termes  ou  d'expres- 
sions du  texte  grec,  pendant  que  les  protes- 
tants en  général  nous  blâment,  parce  que 
nous  faisons  de  même.  Barbeyrac,  dans  sou 
Traité  de  la  Morale  des  Pères  de   l'Eglise,  a 


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PER 


PER 


liU 


poussé  la  malignité  et  la  prévention  contre 
ces  auteurs  respectables  encore  plus  loin  que 
les    autres  protestants;  il  a  répété  tous  les 
reiiroches  qu'on  leur  avait  faits  avant  lui,  et 
il  en  a  surajouté  île  nouveaux.  Son  dessein 
était  de  prouver  que  les  Pères,  en  général, 
ont  été  de  mauvais  moralistes  ;  nous  avons 
déjà  observé  que  Mosheim  en  a  jugé  de  mê- 
me ;  cependant  le  traducteur  de  ce  dernier 
convient  qie  Barbeyracafait  con'reles  Pères 
plusieurs  imputations  dont  il  est  aisé  de  les 
laver.  Il  renouvelle  d'abor.l  le  sophisme  ré- 
pété   cent   l'ois  par  les  protestants  :  savoir, 
que  les  Pères  ne  sont  pas  infaillibles.  Aucun 
d'eux  ne  l'est  en  particulier  ;  mais   lors(iue 
tous,  ou  du  moins  un  très-^rand  nombre,  s'ac- 
cordent à  déposer  d'un  fait  public,  sensible, 
pali>able,  sur  lequel  il  ne  lui  a  pas  été  possible 
de  se  méprendre,  nous  soutenons  que  leur  té- 
moignage est  infaillible  ;  qu'il  o,:ère  une  cer- 
titude morale  poussée  au  plus  liaut  degré,  et 
qu'il  y  a  di'  la  folie  à  s'y  refuser.  De  nos  jours 
on  a  démontré  contre  les  déistes  l'évidence 
des  principes  de  la  certitude  morale,  et  il  est 
incontestable  que  les  déistes,   en  argumen- 
tant contre   cette  ceititude,  ne  faisaient  que 
copier  les  soi)hi<mes  des  protestants.  Ceux- 
ci  reprochent  aux  Pères  d'avoir  traité  la  mo- 
rale sans  suite,  sans  liaison,  sans  méthode, 
et  de  n'en  avoir  donné  aucun  traité  complet. 
Si  c'est  là   un  crime,  les  Pères  le  partagent 
avec  Jésus-Christ  et  avec  les  apôtres;  aussi 
les  incrédules  à  leur  tour  n'ont  pas   manqué 
d'objecter  qvie  ces  divins   auteurs  ont  traité 
la  morale  sans  ordre  et  sans  méthode,  que 
l'Evangile  n'en  est  point  un  traité  comiilet, 
qu'elle  n'y  est  pas  prouvée  comme  elle  l'est 
dms   les  anciens  philosophes.  Lorsque  les 
protestants  auiont  donné  une  bonne  réponse 
aux  incrédules,  elle  nous  servira  pour  jus- 
tifier les  Pères.  Depuis  que  les  plus  habiles 
auteurs  protest.ints,Grotius,Puffendorr,Cura- 
berland,   Hutchinson,  etc.,  ont  analysé,  dé- 
montré, quinlessencié  la  morale,  et  en  ont 
donné  des   traités  exprès,   nous  voudrions 
savoir    quelles   vertus    nouvelles   on  a  vu 
éclore,  surtout  parmi  les  protestants,   quel 
effet    ces  brillantes  productions   ont    opéré 
surleurs  mœurs  ;  combien  de  mécréants  ou  de 
pécheurs  ont  été  convertis  parles  leçons  su- 
blimes de  nos  moralistes  modernes.  Quand 
on  supposerait   que  ceux-ci  sont  plus  mé- 
thodiques,  jiKis  exarts,  plus  profonds,  plus 
éloquents  que  les  Pères,  ce  qui  n'est  pas,  il 
y  aurait   toujours  cette   grande   différence, 
que  les  Pères  prêchaient  par  leur  exemple 
plus  puissamment  que  par  leurs   discours; 
de  là  est  venu"  la  dilféi'cnce  de  leurs  succès. 
I^actance,  au  iv°  siècle,  faisait  déjà  cette  ob- 
servation, et  nous  ne  connaissons  personne 
qui  ait  entrepris  d'y  répondre. 

Mais  en  quoi  la  morale  des  Pères  est-elle 
donc  erronée  et  fautive?  Ils  ont  condamné, 
disent  nos  adversaires,  la  défense  de  soi- 
même  et  de  ses  biens,  le  commerce,  le  prêt 
à  usure,  les  secondes  noces,  le  si  rment  ; 
ils  ont  loué  à  l'excès  la  continence,  le  céli- 
bat, la  virginité,  la  vie  austère  et  morliliée  ; 
ils  ont  inspiré  aux  fidèles  le  fanatisme  du 


martyre  ;  ils  ont  approuvé  le  suicide  des 
femmes  qui  ont  mieux  aimé  se  tuer  que  de 
perdre  leur  chasieté,  et  plusieurs  actions 
criminelles  des  patriarches,  .sous  prétexte 
que  c'étaient  des  types,  etc.  11  ne  faut  p.is 
oublier  que  les  incrédules  ont  fait  tous  ces 
mêmes  reproches  contre  les  auteurs  sacrés. 
Comme  nous  parlons  en  particulier  de  cha- 
cun des  Pères  de  l'Eglise,  nous  n'oublions 
pas  de  les  disculper,  de  faire  voir  ou  (|u'on 
leur  attribue  mal  à  propos  des  décisions 
fausses,  ou  que  les  prétendues  erreurs  qu'on 
leur  impute  sont  des  vérités  fondées  sur  l'E- 
criture sainte.  On  peut  voir  encore  chacun 
dos  articles  de  morale  dont  il  est  ici  ipies- 
tion,  connue  Bigamie,  Célibat,  Défense  de 
SOI-MÊME,  Sebment,  etc.  Nos  censeurs  accu- 
sent les  Pères  d'avoir  forgé  de  nouveaux 
dogmes  desquels  les  apôtres  n'avaient  pas 
parlé,  cette  calomnie  est  réfutée  à  l'article 
Dogme.  Voy.  encore  Tradition,  etc. 

Dans  les  préfaces  que  l'on  a  mises  à  la 
tête  des  nouvelles  éditions  des  Pères,  les 
savants  éditeurs  se  sont  attachés  à  les  dé- 
fendre contre  les  critiques  qui  les  ont  accusés 
d'être  tombés  dans  plusieurs  erreurs  sur  le 
dogme  ;  nous  avons  souvent  fait  usage  de 
ces  apologies,  et  nous  avons  démontré  l'in- 
justice des  accusateurs.  Voy.  les  mots  Dieu, 
Ange,  Ame  humaine,  Esprit,  etc.  Vainement 
encore  nos  adversaires  ont  repioché  aux 
Pères  les  explications  allégoriques  de  l'Ecri- 
ture, l'ignorance  delà  langue  hébraïque,  l'u- 
sage de  la  philosopliie  :  nous  avons  soin  de 
justifier  les  Pères  sur  tous  ces  chefs.  Voyez 
Allégorie,  Commentateurs,  Hébreu,  Philo- 
sophie, Platonisme,  etc.  Nous  ne  croyons 
avoir  laissé  sans  réponse  aucune  des  plaintes 
des  protestants.  Afin  de  ne  rien  laisser  sans 
y  avoir  donné  un  coup  de  dent,  Mosheim  a 
dit  beaucoup  de  mal  des  dernières  éditions 
des  Pères  qui  ont  été  publiées,  soit  en  France, 
soit  en  Angleterre  ;  il  prophétise  que  per- 
sonne ne  les  donnera  telles  que  les  savants 
le  désirent.  Hist.  christ.,  saec.  ii,  §  37,  notes. 
Mais  |)uisque  ce  critique  avait  conçu  dans  sa 
tête  un  plan  de  perfection  auquel  il  était 
seul  capable  d'atteindre,  il  aurait  dû,  par  zèle 
pour  le  bien  général,  en  donner  au  moins  un 
modèle.  C'est  ici  le  cas  de  dire  qu'il  est  plus 
aisé  de  demander  mieux  que  de  faire  aussi 
bien.  Comme  les  écrivains  catholiques  ont 
fait  voir  l'oiiposition  qu'il  y  a  entre  la  doc- 
trine des  Pères  et  celle  des  protestants,  il 
n'est  i)as  étonnant  qu'ils  aient  déplu  à  ces 
derniers. 

*  PERFECTIBILITÉ  CHRÉTIENNE.  Le  christia- 
nisme est  la  source  du  vtritable  progrès.  Tous  les 
siècles  pourront  toujours  y  puiser  sans  crainte  de  l'é- 
puiser. Les  protestants  ont  abusé  de  la  perfectibilité 
chrétienne  pour  la  faire  passer  des  actes  des  lidcles  à 
la  doctrine  elle-même.  La  perl'ectibilité,  entendue 
dans  ce  sons,  a  besoin  d'être  bien  comprise.  Voici 
conunenl  M.  l'abbé  Barran  la  présente  dans  son  Ex- 
position raisonnce des  dogmes  et  delà  morale  du  chris- 
tianisme, t.  1,  p.  234  : 

<  Supposons  un  instant  que  la  religion  de  Jésus- 
Clirisl  puisse  être  perfeclionnée  d'une  manièi*  pro- 
gressive :  les  protestants  se  trouvent-ils  dans  les  con- 
ditions de  cette  perfectibilité?  Je  ne  le  pense  pas. 


iiiS 


PErt 


PER 


1426 


Qu'est-ce,  en  effet,  que  le  porfertionuement  dans  les 
arts,  dans  les  sciences,  et,  si  vous  voulez,  danS  la  re- 
ligion?  Dans   les  ans,  la  sciilpluie,  par  exemple,  ce 
sera  île  mieux  harmoniser,  de   remire  pins   iialnrcl- 
les,  plus  gracieuses,  les  formes  d'une  statue.  Perl'ec- 
tioniier  une  science,  comme  la  gcomélrie,  c'est  em- 
ployer des  inétliodes  [ilns  claiics,  plus  précises,  plus 
propres  à  en  tiicililcr  les  démonslralioiis.  Il  y  a  sans 
donle  un  aulrc  pcilectioiincmciil  plu>  large  appliqué 
aux  aris  el  aux  sciences  ;  mais  on  devrait   plutôt  lui 
donner  le  noui  de  di'converle,  d'invention  ;  cai',  à  la 
rigueur,  perfe(ii(Miuer   ne   signifie  autre   chose  que 
rendre  plu>  parlait,  dans  la  forme  et  le  mode,  ce  qui 
est  d('ia  pour-  le  lond.  I.a  religion,  si  l'on  veut,  pourra 
aussi  ali^olunienl  élre  susceiilihle   de  perfectionne- 
iiieni,  en  ce  sens  qu'à    une  époipie  il  sera  possilde 
d'exposer  sa  doctrine  avec  plus  de  clarté,  d'augmen- 
ter les  s  ilennili's  de  son  culte,  de  détruire  les  super- 
stitions de  l'ignorance  au  milieu  des  populations.  La 
morale   sera   perfectionnée  dans  la  pratique,  si  l'on 
est  plus  lid'le  à  l'ohserver,  si  l'on  Irouve  les  moyens 
d'en  lendre  l'applicalion  plus   utile,  plus  prolitahle  à 
l'Immanile,  et,  sous  ce  rappori,  le  moile  d'exercer  la 
bienfaisance  chrétienne  pourra  vraiment   être   amé- 
lioré. Est-ce   ainsi  (|ue  les  proleslanls  ont   rélormi', 
perfeclionné  la  religion  et  la  nmrale ?  Se  sont-ilsbor- 
nés  à  ipielque  modilicalioti  dans  la  forme?  Leur  pré- 
lemlii  perléctionnemeni,    c'est  la  nuililalion   dans  la 
foi,  les  sacremenis  et  une  foule  d'autres  points  qu'ils 
rejeilenl,  sous  prétexte  de  réforme.  (;'est  le  perfec- 
liiinnement  du  harbai'e,  qui,  pour  eud)ellir  une  statue, 
lui    hriseiait  des    membres,  lui  déformerait  les  au- 
tres, et  lui  déprimerait  le  front.  Ils  ont  aussi  fait  des 
additions  à  la   religion    de  Jésus-Christ,  ce  qui  sort 
encore  des  limites  d'un  perléctionnemeni.  D'où  oïd- 
ils  lii(',  par  exemple,  l'inamissibilité  d«  la  justice,  la 
tolérance  de  la  pidygamie,   la    terrible  réprobation 
abM)lue,  la  rénussiondu  péché  par  la  croyance  même 
qu'il  est  rends  ?  Y  a-t-il  dans  la  doctrine   de  .lésus- 
(Mirist  qiielipie  chose  qui  conduise  à  ces  principes  ? 
Non,  le  christianisme  réformé,  comme  ils  le  prélen- 
deiit,   n'est   plus    celui  du  divin  Sauveur,    celui  des 
apôtres  :  ils  l'ont  altéré,  défiguré  par  les  retranche- 
ments arbilraires  qu'ils  lui  ont  fait  subii-  et   par  les 
additions  monstrueuses    (pi'ils   lui   ont  imposées.    Il 
est  donc    manifeste   qu'ils  sont  sortis  des  conditions 
d'un  véritable  perfecliouncmeiit. 

I  Au  reste,  examinons  en  peu  de  mots  si  la  reli- 
gion clirélienne  est  susceptible  de  perfcclibililé  pour 
le  dogme,  la  doctrine,  les  sacremenis  et  le  ministère 
sacré.  Jésus-Clirist  disait  à  ses  apôtres  :  Je  vous  ai 
fait  connaître  tout  ce  que  j'ai  appris  de  mon  Père 
Uoan.  ,  xv),  c'est-à  ilire,  tout  ce  que  j'avais  mission 
devons  manifester  pour  l'élablissemerd  de  ma  reli- 
gmn.  Le  Paracict,  ijue  mon  Père  vous  enverra  en  mon 
nom,  vous  ensciqneru  toutes  choses  (  Ibid.,  xiv  ).  Mlez 
donc,  instruisez  les  nations,  ot  (c'dtes  observer  ce  que  je 
vous  ni  ordonné  (Mttttli.  xxviii).  Selon  le  sens  naturel 
de  ces  paroles,  le  Sauveur  a  instruit  les  apôtres  de 
ce  qu'ils  devaient  communiipier  aux  hommes  ;  son 
Espiit  devail,  le  jour  de  la  Pentecôte,  confirmer,  dé- 
velopper ces  enseignemenls,  et  surtout  opérer  de 
ineiveilleux  changements  dans  les  dispositions  des 
disciples  ;  dans  la  suite,  le  même  Esprit  n'a  jamais 
fait  défaut  aux  hommes  apostoliques.  Le  divin  Fon- 
dateur ne  s'cstdonc  pas  arrêté  à  une  ébauche  pour  sa 
religion  :  il  l'a  donnée  compléle,  achevée,  parfaile, 
telle  qu'il  ord(uinail  de  la  prêcher  et  de  la  l'aire  ob- 
server jusqu'à  la  fin  des  siècles.  Les  apôlres  nnl-ils 
été  infidèles  à  leur  mission,  en  altérant  la  doctrine 
sainte  que  Jésus  leur  avait  enseignée  ?  On  ne  peut  le 
penser,  sans  les  accuser  d'imposture,  sans  y  associer 
D!(?u  Ini-ms'uie,  puisqu'ils  opéraient  les  plus  grands 
miracles  par  son  autorité.  Dans  leurs  prédicaiions, 
ils  n'ont  jamais  prétendu  perfectionner  en  augmen- 
tant ou  en  diminuant  le  dépôl  qui  leur  avait  été  con- 
fié :  ils  se  faisaient  gloire   d'euseigner    ce    qu'ils 


avaient  reçu  du  Christ.  Et  un  ange  du  ciel  viendrait- 
il,  disaient-ils  avec  confiance,  vous  annoncer  un 
Evangile  différent  de  celui  que  nous  vous  prêchons, 
qu'il  soit  anathème  (Cal.  I  )  !  Donc,  elle  ne  peut  être 
de  Jésus-Christ  cette  doctrine  qui  enseigne  des  dog- 
mes qu'il  n'a  pas  ordonné  d'enseigner,  (pie  les  apô- 
tres n'ont  point  transmis.  Donc,  elle  ne.  sera  pas  de 
Jésus-ChrisI  cette  religion  où  l'on  retranche  des  dog- 
mes, des  sacrements  (pie  le  divin  Sauveur  a  prescrit 
à  ses  apôlres  de  prêcher,  de  faire  observer,  el  ipie 
ceux-ci  ont  enseignés  fidèlement.  Voyez  l'idée  (|ue 
donnent  de  la  sagesse  du  Fils  de  Dieu,  ces  partisans 
de  la  perfectibililé  chrétienne.  Il  aurait  d'abord  fait 
coiiiiailre  des  vérités  qui,  dans  la  sutle,  auraient 
changé  de  nature  ;  un  sacrifice,  dsns  le  principe 
agréable  à  Dieu,  et  puis  devenu  un  acte  d'idolâtrie. 
Des  le  berceau  du  chrislianisine,  on  auia  eu  des 
moyens  nombreux  de  sanctification  par  plusieurs 
sacrements  :  plus  tard,  bien  que  les  hommes  ne 
soient  pas  deveims  meilleurs,  ces  sources  de  sainteté 
devaient  presque  loules  larir.  El  ainsi  disparaîtront 
les  dogmes  que  le  divin 'Maître  nous  a  révélés,  et  les 
institutions  saintes  iiu'il  est  venu  fonder.  La  moral(i 
devra  apparemment  aussi  subir  ces  changements 
progressifs.  A  l'époque  du  Sauveur  et  des  apôtres, 
on  ne  pouvait  être  marié  à  deux  femmes  h  la  fois  ; 
mais,  au  temps  de  Luther,  la  loi  est  abrogée,  on  ne 
sera  plus  adultère  ;  c'est  le  privilège  du  progrès.  Les 
bonnes  u'uvres  pouvaient  être  utiles  pour  le  saliitdans 
les  premiers  siècles  du  christianisme  :  un  jour,  elles 
seront  imiillèrentes,  ou  plutôt  l'homme  se  tnruvera 
dans  l'imiiossibililé  n'en  opérer,  et  ne  devra  son  sa- 
lut (pià  l'impulalion  de  la  justice  du  Christ,  liienlôt 
on  sera  conduit  à  la  négation  de  la  divinité  même  du 
Rédempleur,  (pie  les  protestants  rationalistes  dé- 
pouilleront de  tout  caraclère  surnatuiel,  pour  ne  re- 
connaitre  eu  lui  (pi'un  simple  maître  de  morale. Vien- 
dra enfin  un  système  hardi,  fondé  sur  les  mêmes 
principes,  qui  transformera  le  Christ  en  un  être  fa- 
buleux et  symboli(pie. 

<  Au  reste,  qui  fera  ces  changements  progressifs? 
Qui  sera  chargé  déjuger  ropportuiiité  des  temps,  la 
maturité  des  esprits  ?  11  y  aura  sans  doute  qiiehpio 
société  ou  synode  en  rapport  avec  le  Rédempteur 
pour  décider  (pie  tel  dogme,  telle  pratique  sont  su- 
rannés, et  que  d'aulres  pratiques,  des  dogmes  diffé- 
renls  sont  obligatoires  jusqu'à  nouvelle  décision.  Non, 
le  Christ  aurait  été  plus  large  dans  ses  concessions  : 
chacun  dans  sa  religion  aura  le  droit  d'examiner,  de 
juger,  de  prononcir,  de  modifier,  de  réprimer,  d'a- 
dopter, selon  ses  illuminalions,  ses  goùls,  son  senli- 
menl,  sa  déleclation  intérieure,  sa  raison.  H  faut 
avoir  lu  de  ses  yeux  ces  théories  religieuses  de  la 
perlèclibilité,  pour  croire  que  des  hommes,  instruils 
d'ailleurs,  aient  pu  les  écrire  et  les  donner  comme  les 
principes  el  la  nature  du  christianisme.  Chez  les  ca- 
th(ili(pie8,  au  contraire,  tout  dogme  nouveau  est  par 
là  même  proscrit. Poinl  de  retranchement, point  d'au- 
gnientation  dans  la  doctrine  de  notre  Sauveur  et 
Maître.  Point  d'innovation,  disait  saint  Etienne  à  son 
célèbre  adversaire.  Chez  nous,  l'Eglise  ne  fait  point 
de  nouveaux  articles  de  foi  :  elle  se  borne  à  définir 
ceux  que  nous  tenons  de  Jésus-Clirist.  Nous  ne 
croyons  pour  la  foi,  nous  ne  prali(iuijns  pour  les  sa- 
crements, que  ce  qui  a  été  cru,  ce  (|ui  a  été  praliquiî 
toujours  el  |)artout  depuis  les  temps  apostoliques. 
Non,  la  religion  de  Jésus-Christ  n'est  pas  perfectible 
dans  le  sens  on  renlendenl  aujourd'hui  plusieurs  sec- 
tes protestantes  ;  et  ainsi  disparait,  comme  réprou- 
vée, comme  criminelle,  celte  faculté  de  modifications 
incessantes,  qui  est  cependant  ia  suite  nécessaire, 
visible,  du  système  de  l'examen  privé  et  de  l'inspi- 
ralion  individuelle.  » 

PERFECTION.  Voij.  Parfait. 
PKR.METTRE,    PERMISSION.    Ces  deux 
termes  out  uu  sens  équivoque  dont  les  in- 


Un  PER 

crédules  ont  souvent  abusé,  et  il  est  im- 
portant de  distinguer.  Permettre  signifie 
quelquefois  consentir,  ne  point  défenlre, 
ne  point  désapprouver  ;  dans  ce  sens  nous 
appelons  permis  ce  qui  n'est  défendu  par 
aucune  loi  :  personne  ne  peut  être  juste- 
ment puni  pour  avoir  fait  une  chose  ainsi 
permise;  un  maître  <\ni  a  donné  à  son  do- 
mestique la  permission  de  sortir  serait  in- 
juste s'il  le  punissait  de  ce  qu'il  est  sorti. 
Permettre  signifie  aussi  ne  point  ôter  à  quel- 
qu'un le  })oiivoir  ni  la  liberté  physique  de 
faire  une  chose  qu'on  lui  a  défendue  :  dans 
ce  sens  Dieu  permet  le  péché  ;  il  n'ôte  point 
à  l'homme  le  pouvoir  de  transgresser  les 
.ois  qu'il  lui  a  imposées,  et  il  ne  lui  donne 
pas  toujours  la  grâce  efficace  qui  le  préser- 
verait du  péché  ;  il  ne  s'ensuit  pas  de  là 
que  Dieu  veut  positivement  le  péché,  et 
qu'il  ne  peut  pas  punir  le  péc'ieur  avec 
justice.  Les  incrédules,  qui  ont  dit  qu'à 
l'égard  de  Dieu  permettre  le  péché  et  vouloir 
positivement  le  péché  c'est  la  môme  chose, 
en  ont  imposé  grossièrement  à  ceux  qui 
p'entendcnt  pas  les  termes.  S.  dans  le  dis- 
cours ordinaire  on  dit  quelquefois  Dieu  Va 
voulu,  au  lieu  de  dire  Dieu  Va  permis,  cet 
abus  du  langage  ne  prouve  rien.  Dieu  sans 
doute  peut  toujours  empêcher  l'homme  de 
pécher,  il  peut  l'en  préserver  pnr  des  grâces 
puissantes  qui  produisent  leur  effet  sans 
nuire  à  la  liberté  de  l'homme  ;  il  ne  faut 
pas  en  conclure  que,  quand  Dieu  ne  donne 

f)oint  ses  grâces,  il  veut  positivement  que 
'homme  pèche.  Raisonner  ainsi,  c'est  sup- 
poser, 1°  que  la  loi  ou  la  défense  de  pécher 
est  fort  inutile,  puisque  Dieu  doit  toujours 
empêcher  qu'elle  ne  soit  violée;  2°  que  plus 
l'homme  se  porte  au  péché,  plus  Dieu  doit 
lui  accorder  de  grâces;  3°  qu'un  être  doué 
de  raison  et  de  liberté  doit  être  conduit 
d'une  manière  aussi  uniforme  que  les  ani- 
maux guid '-s  par  l'instinct  :  car  enfin  si  tous 
les  hommes  étaient  portés  au  bien  dans 
toutes  leurs  act  ons  morales  par  une  suite 
non  interrompue  de  grâces  efîicaces,  quelle 
ditférence  y  aurait-il  entre  cette  marche  de 
l'homme  et  celle  des  animaux  entraînés  con- 
stamment par  l'impulsion  de  la  nature,  sans 
pouvoir  y  résister?  Quand  on  soutient  qu'un 
Dieu  sage  et  bon  ne  peut  pas  permettre 
le  péché,  cela  revient  au  même  que  si  l'on 
disait  que  Dieu  n'a  pu  créer  un  être  ca- 
pable de  bien  et  de  mal  moral,  doué  de 
^'aisoDide  réflexion  et  de  liberté,  on  qu'après 
l'avoir  ainsi  créé  il  ne  peut  pas  le  laisser 
maîte  de  son  choix.  Bayle,  pour  étayer  ce 
paradoxe ,  objecte  l'état  des  bienheureux 
d.ins  le  ciel  :  «  Ils  sont  (dit-il)  d;ins  l'heu- 
reuse impuissance  de  pécher;  et  cet  état, 
loin  de  dégrailer  aucune  de  leurs  facultés, 
les  rend  plus  par'aites;  Dieu,  sans  doute, 
pouvait  sans  aucun  inconvénient  placer 
l'homme  dans  le  même  état  sur  la  terre.  » 
Soit  ;  dans  ce  cas  l'homme  serait  plus  par- 
fait et  plus  heureux  qu'il  n'est,  son  état  serait 
infiniment  meilleur.  Mais  Bayle  oublie  tou- 
jours qu'en  exigeant  de  Dieu  un  bienfait, 
parce  que  c'est  le  mieux,  le  plus  parfait,  le 


PER 


1429 


meilleur,  il  va  droit  à  l'infini,  et  qn'il  sup- 
pose Dieu  dans  l'impuissance  d'accorder  ja- 
mais aux  créatures  un  bienfait  borné.  L'état 
physique  et  moral  de  l'homme  sur  la  terre 
est  à  la  vérité  moins  parfait,  moins  heureux, 
moins  avantageux  que  celui  des  saints  dans 
le  ciel  ;  s'ensuit-il  que  c'est  un  état  absolu- 
ment mauvais  et  malheureux,  un  mal  posi- 
tif a  tous  éj^ards  ?  il  est  certainfinent  meil- 
leur que  celui  des  animaux;  donc  c'est  un 
bien,  mais  un  bien  limité  et  borné,  et  c'est 
pour  cela  môme  qu'il  semble  mauvais  par 
comparaison  à  un  état  meilleur.  Comment 
Bayle  et  tous  les  incrédules  prouveront-ils 
qu'un  Dieu  tout-puissant ,  sage  et  bon,  ne 
peut  pas  faire  un  bien  limité  et  borné? 
C'est  justement  parce  qu'il  est  tout-puissant 
qu'il  ne  ])eut  pas  en  faire  d'autre. 

On  objecte  qu'un  sa^e  législateur  doit  pré- 
venir et  empèchir,  autant  qu'il  le  peut,  la 
violation  de  ses  lois,  qu'il  serait  coupable  s'il 
permettait  à  quoiqu'un  de  les  vinler.  D'accord. 
Un  législateur  humain  doit  empocher  le  mal 
autant  qu'il  le  peut,  parce  que  son  pouvoir 
est  borné;  ce  n'est  donc  pas  exiger  de  lui 
l'imposs  ble,  que  de  l'obliger  à  faire  tout  ce 
qu'il  peut.  A  l'égard  de  Dieu,  dont  la  puis- 
sance est  infinie,  c'est  une  absurdité  de  vou- 
l' ir  qu'il  fasse  tout  ce  qu'il  peut,  qu'il  pro- 
cure le  iiien,  et  qu'il  euipêche  le  mal  autant 
qiiil  le  peut,  puisque  son  pouvoir  n'a  point 
de  bornes.  Et  voilà  les  deux  sophismes  sur 
lesquels  sont  fondées  touf^s  les  objections 
des  incrédules  contre  la  Providence  divine, 
contre  la  permission  du  mal  physique  et  mo- 
ral. 1°  Ils  envisagent  le  mal  comme  un  terme 
absolu  et  positif,  au  lieu  que,  dans  les  ou- 
vra,y;es  du  Créateur  et  dans  l'ordre  de  ce 
monde,  rien  n'est  bien  ou  mal  que  par  com- 
paraison ;  2°ils  comparent  la  conduite  de  Dieu 
h  celle  drs  hommes;  ils  lui  prescrivent  les 
mômes  règles  et  les  mômes  devoirs,  sans 
faire  attention  qu'il  n'y  a  aucune  ressem- 
blance ni  aucune  proportion  entre  un  être 
dont  tous  les  attributs  sont  infinis,  et  les  êtres 
bornés.  Yoy.  Bonté  de  Dieu,  Mal,  etc.  Ils 
se  scandalisent  encore  de  ce  que  Dieu  a  per- 
mis ou  toléré,  chez  les  patriarches  et  dans 
l'ancienne  loi,  des  usages  qui  sont  formelle- 
meut  condamnés  comme  des  désordres  par 
la  loi  de  l'Evangile  :parexemp!e, la  polygamie 
et  le  divorce.  En  parlant  de  ces  deux  usages, 
nous  avons  fait  voir  qu'il  n'y  a  aucune  incon- 
séquence ni  aucun  défaut  de  sagesse  dans 
cette  conduite  de  Dieu,  parce  que  dans  l'état 
des  patriarches  et  dans  celui  des  Juifs,  le 
divorce  et  la  polygamie  ne  pouvaient  pas 
produire  d'aussi  pernicieux  effets  que  dans 
l'é  at  de  société  civile  dans  lequel  sont  au- 
jourd'hui presque  toutes  les  nations.  Ces 
deux  usages  n'étaient  donc  contraires  ni  au 
bien  public  ni  au  droit  naturel,  comme  ils  le 
sont  aujourd'hui. 

*  PERPÉTUITÉ  DE  L'ÉGLISE.  C'est  un  dogme 
que  l'Eglise  doit  exister  ius(|u'à  l.i  fin  du  monde,  «s- 
quead  cotisummationem  sœculi,  selon  l'énergique  ex- 
pression de  l'Ecriture.  La  perpétuité  se  m.iniresie  par 
la  visibililé.  C'est  pourquoi  les  Ihéolosiens  IratUMil 
en  minue  temps  ces  deux  notes  de  l'Eglise.  Voy.  Vi 

SIBILITÉ. 


im 


PER 


PER 


\m 


PERSE.  Nous  p  avons  h  jinrler  île  ce 
royaume  et  de  ses  haljitants  que  pour  expo- 
ser ce  que  nous  savons  de  l'établissement 
et  de  la  durée  du  christianisme  jiarnii  ces 
peuples.  C'est  une  tradition  constante  chez 
les  Orientaux,  que  saintP/rrrr-,  saint  T/fomas, 
saint  BnrtMlemi,  saint  Matthieu  et  suint  Jude, 
japôtres,  ont  |ir(^chi'  l'Evanyile  dans  les  [lar- 
ities  orientales  ije  l'Asie,  dans  la  Chalilée,  la 
Méso[)otamie  et  la  Per.so  ;  cpie  saint  lliomas 
est  allé  uK^me  jusqu'aux  Indes  ;  ijug  dans  la 
suite,  leurs  disciples  ont  porté  le  christia- 
nisme dans  la  Tartario  et  jusqu'à  la  Chine. 
Le  savant  Assémani  a  donné  les  jireuves  de 
cette  tradition  dans  une  dissertation  sur  les 
nestorjens  ou  Chaldéens,  qu'il  a  mise  au 
commencement  du  IV'  volume  de  sa  Biblio- 
thèque orientale  :  Ion  ne  peut  y  opposer  au- 
cune raison  solide. 

Parmi  les  protestants,  Bcausobre  et  Mos- 
heim,  critiques  très-pointilleux  d'ailleurs , 
ont  suivi  ce  sentiment  :  le  premier  semble 
ne  l'avoir  embrassé  que  pour  contredire 
les  autours  catholiques  qui  ont  pensé  que 
quand  saiijt  Pierre  a  écrit  dans  sa  I"  épître  , 
c.  V,  V.  13,  «  l'Eglise  élue  comme  vous  à 
Babylone,  et  mon  tils  Marc,  vous  saluent,  » 
il  a  entendu  sous  le  nom  de  Babylone  la 
ville  de  U(mie  où  il  était  pour  lors.  Beauso- 
bre  soutient  que  cela  est  faux,  qu'il  est  ques- 
tion là  de  Baltylone  d'Assyrie,  d'où  il  s'ensuit 
que  saint  Pierre  y  a  prêché,  mit.  du  Ma- 
riich.,  §  2,  c.  3.  Ce  n'est  point  ici  le  lieu  de 
traiter  cette  question  ;  mais  il  demeure  cer- 
tain que  depuis  le  i"  siècle  de  l'iïglise.il  y  a 
eu  des  chrétiens  dans  la  Perse,  et  que  dès 
le  siècle  suivant  ils  étaient  sous  lajuridictiop 
des  évoques  de  Séleucie.  Us  y  furent  assez 
tranquilles  jusqu'au  iV  :  pendant  que  les 
empereurs  Romains  persécutaient  les  fidèles 
dans  les  province^  de  l'Asie  qui  leur  étaient 
soumises,  les  rois  de  Perse  ont  protégé,  ou 
du  moins  toléré  le  cliristianismo  dans  leurs 
BlJts.  L'an  325,  un  archevêque  de  Séleucie, 
nommé  Papas,  envoya  deux  députés  au  con- 
cile de  Nicée  ;  l'évêque  d'Edesse  et  un  évo- 
que de  Perse  y  assistèrent.  Assémani  observe 
que  l'état  monastique  s'introduisit  dans  la 
Perse  très-peu  de  temps  après  sa  naissance 
en  Egypte,  qu'il  lit  de  grands  progrès,  que 
la  plupart  des  moines  persan*  furent  mission- 
cau'es  et  souvent  élevés  à  l'épiscopat. 

Mais  dès  que  les  empereurs  romains  eu- 
rent embrassé  le  christianisme  et  l'eurent 
rendu  dominant  dans  l'empire,  celte  religion 
devint  suspecte  aux.  rois  dePer^e;  par  un 
effet  (le  la  naine  natiouale,  ils  commencèrent 
à  se  défier  des  chrétiens,  aies  regarder  com- 
me des  ennemis  de  leur  domination ,  et 
comme  des  sujets  toujours  prêts  à  se  livrer 
aux  Romains.  Conséquemment,  dès  l'an  330, 
Sapor  II  exerça  contre  eux  une  persécution 
sanglante,  dans  laquelle  les  Orientaux  comp- 
tent 160  mille  martyrs  .■  ce  carnage  fut  re- 
nouvelé dans  le  siècle  suivant,  sous  le  règne 
de  Varanes  et  d'Isdegerde.  Au  commence- 
ment du  V' ,  les  partisans  de  Nostorius , 
proscrits  dj^n^  l'empire  romain ,  se  réfu^- 
gièrent  dans  la  Perse  et  y  répandirent  leur 


erreur.  Un  certain  Barsumas  ,  divenu  évo- 
que di!  Nisibo  en  435,  abusa  de  sa  faveur  au- 
près du  roi  Pliéroès  ,  pour  pervertir  et  per- 
si'cuter  les  catholiques,  en  les  peignant 
comme  des  amis  et  des  esi  ions  des  Ro- 
mains. Plus  les  hérc'ti([i!es  furent  poursuivis 
jiar  les  empereurs,  jilus  ils  lurent  f«vori>és 
par  les  Perses ,  ]iarce  qu'on  ne  pouvait  plus 
les  soupçonner  d'intelligence  avec  les  enne- 
mis du  iinin  persan.  Il  n'est  donc  pas  éton- 
nant que  dans  ce  royaume  les  neslorieiis 
aient  {iris  l'ascendant  sur  les  catholiques , 
et  s'y  soient  maintenus  pendant  longtem{)s; 
plusieurs  fois  cependant  ils  furent  euveloi)- 
pés  d.ins  les  persécutions  excitées  contre  liS 
chrétiens.  En  général  les  Perses  les  traitaient 
bien  ou  mal,  selon  qu'ils  étaient  en  paix  ou 
en  guerre  avec  les  Romaius;  et  quand  il 
était  question  de  faire  des  traités  ,  c'étaient 
ordinairement  des  évoques,  ou  catholiques, 
ou  nestoriens,  qui  en  étaient  les  médiateurs. 
Ces  derniers,  pendant  le  \i'  et  le  vir  siècle, 
profitèrent  des  moments  de  calme  dont  ils 
jouissaient  pour  envoyer  des  missionnaires 
dans  la  Tartarie  et  jusqu'à  la  Chine.  Voij. 
Nestohiens.  L'an  632,  les  mahométans ,  de- 
venus maîtres  de  la  Perse,  acci  nièrent  d'a- 
bord aux  nestoriens  l'exercice  libre  de  leur 
religion  ;  mais  ([uoiqu'ils  aient  toujours  eu 
moins  d'aversion  pour  les  hérétiques  que 
pour  les  catholiques,  ils  n'ont  jamais  cessé 
d'exercer  contre  les  uns  et  les  autres  leur 
caractère  oppresseur.  De  siècle  en  siècle  le 
nombre  des  chrétiens  a  diminué  dans  la 
Perse ,  les  nestoriens  y  soiit  réduits  presque 
à  rien ,  et  les  catholiques  qui  s'y  trouvent 
ont  été  convertis  dans  les  derniers  temps 
par  les  missionnaires  de  l'Eglise  romaine. 
Malgré  rûpinii^reté  avec  laquelle  les  protes- 
tants soutiennent  que  l'on  ne  peut  pas  être 
chrétien  sans  lire  l'Ecriture  sainte  ,  il  n'y  a 
aucune  preuve  que  les  livres  saints  aient  été 
traduits  en  persan  dans  les  premiers  siècles. 
On  convient  aujourd'hui  que  la  version  per- 
sanne  que  nous  avons  de  (juelques  parties  de 
la  Bil)le  n'est  ])as  ancienne.  Voy.  Bible.  La  li- 
turgie fut  toujour-  célébrée  en  syriaque  chez 
les  chrétiens  de  la  Perse,  parmi  les  nestoriens 
comme  parmi  les  catholiques,  quoique  ce  ne 
fût  pas  la  langue  vulgaire.  Voy.  Liturgie. 

*  PERSES.  Les  Perses  conservèrent  une  religion 
plus  conforme  au  cnlie  priniiiif  que  celles  des  aunes 
païens;  —  d'ailleurs  l'idolànie  égara,  généralemeiU, 
plus  lard  et  d'une  manière  moins  déplorable ,  les  tils 
de  Sem  que  ceux  de  Japhel,  tes  tils  de  Japliet  que 
ceux  de  Chani.  Dans  le  principe ,  les  Perses  hono- 
raienl  Dieu  dans  le  feu  et  dans  le  soleil  levant.  Zer- 
duchl,  que  les  Grecs  nommaient  Zoroaslre,  premier 
fondateur  de  leur  religion,  se  perd  dans  la  plus  haute 
antiquité  et  dans  les  lém  bres  de  la  fable.  On  compte 
plusieuis  Zerducht  ou  Zoroa!.trc.  L'incertitude  à  lei 
égard  vient  de  ce  que  les  Grecs,  qui  oiU  tait  menlioii 
<run  Zoroaslre,  ne  s'accordent  point  sur  l'cpoque  de 
son  existence.  Plusieurs  le  placent  sous  le  rcgne  de 
Dariiis,  tils  d'Hystaspe;  d'autres,  au  contraire,  et 
Platon  lui-mciiie  qui  nomme  Zoroastre,  en  parlent 
connue  d'un  sage  beaucoup  plus  ancien  ,  et  qui  re- 
monte au  moins  à  une  époque  anléricui'e  à  la  dy- 
nastie des  l-er>es.  Pour  concilier  les  témoignages 
que  nous   iiansmireni  les  Grecs ,  divers  auteurs 


U5l 


PER 


PER 


li52 


comptent  deux  Zoroaslre  :  l'un  qui  précéda  ,  Vautra 
qui  suivit  l'établissement  de  cette  dynastie.  Je  me 
range  volontiers  à  l'opinion  la  plus  probable,  attri- 
buant au  preniier  Zoroastre  la  fondation  de  la  reli- 
gion, au  second  son  reiiouvoUement. 

Le  dogme  capital  des  mages  (prêtres  de  la  Perse  ), 
c'est  qu'il  existe  dmx  principes  ;  l'un  bon  ,  l'autre 
mauvais.  La  lumière  était  le  symbole  du  premier; 
les  ténèbres,  le  symbole  du  second.  Suivant  leur 
■opinion,  le  monde  résultait  du  mélange  de  ces  deux 
principes  { Zend-Avesta,  livre  canonique  des  Perses). 
fis  donnaient  à  la  divinité  bienfaisante  le  nom  de 
Vazdan,  plus  souvent  celui  d'Ormuzd,  d'où  les  Grecs 
ont  fait  Oromaze  ;  à  l'élrc  malfaisant,  le  nom  d'Ahri- 
nian  :  leur  borreur  pour  ce  dernier  était  si  grande 
qu'ils  n'écrivaient  son  nom  qu';i  rebours.  Quelques- 
uns  accordaient  l'éternité  auv  deux  principes  ;  d'au- 
tres la  regardaient  comme  l'apanage  exclusif  d'Ar- 
«nuzd,  crevant  que  Aliriman  n'était  qu'une  simple 
«réalure.  Tous  pensaient  que ,  jusqu'à  la  fin  du 
inonde,  les  deux  divinités  seraient  dans  une  lutte 
contimtelle  ;  mais  qu'à  cette  époque  l'être  bienfai- 
sant obtiendrait  la  victoire  sur  le  mauvais,  et  que,  dès 
lors,  cbacnn  d'eux  gouvernerait  son  propre  empire  : 
celui-ci,  l'empire  des  ténèbres,  avec  tous  les  honnnes 
méchants;  celui-là,  l'empire  de  lalumière,  avec  tous 
Jes  hommes  vertueux.  Yoilà  les  points  principaux  du 
système  théologique  des  Perses.  Toutelois  'Aoroaslre 
lie  s'arrêta  point  à  ces  idées  religieuses  uidverselle- 
inent  répandues,  il  chercha  à  en  étendre  l'empire 
sur  les  individus,  s'en  servant  pour  expliquer  les 
fondements  de  la  morale.  Ainsi  tout  ce  qui  existe  se 
rattache  au  règne  d'Armuzd  ou  d'Ahrinian  :  êtres 
<Ioués  ou  privés  de  raison,  vivants  ou  inanimés.  11  y  a 
des  hommes  purs ,  des  animaux  purs,  des  végétaux 

Ïmrs,  tous  créatures,  d'Ormuzd. — Il  est  aussi  des 
lomnies  impurs,  des  animaux  impurs,  des  végétaux 
Impurs,  sous  l'empire  du  Dews,  qui  appartiennent 
au  règne  d'Ahrinian.  On  regarde  comme  impurs  les 
îiommes  qui,  par  pensées,  par  paroles  ou  par  actions, 
"violent  la  loi  de  Zoroaslre;  les  bctes  et  les  insectes 
■venimeux  et  nuisibles  ,  les  plantes  et  les  végétaux  de 
■cetieespèce.  Dansle  règne,  au  contraire,  où  prédomine 
cette  loi,  tout  est  pur,  tout  est  sacré  ;  la  puissance 
tie  la  loi  ne  s'exerce  point  uniquement  sur  les  bom- 
Jiies,  mais  encore  sur  les  animaux  et  les  créatures 
inanimées.  Le  ilevoir  des  adorateurs  d'Ormuzd  con- 
siste à  entretenir  et  à  séparer  tout  ce  qui  est  pur  et 
sacré  dans  la  nature,  parce  que  Ormuzd  en  est  le 
eri'aieur;  de  même  que  la  haine  qu'ils  ont  jurée  à 
Ahriman  et  à  son  empire  leur  impose  l'obligation  de 
poursuivre  et  d'extirper  les  animaux  impurs.  Les  ré- 
gnes d'Ormuzd  et  dAhriman  sont,  l'un  avec  l'autre, 
«lans  une  guerre  perpétuelle  ;  mais  un  jour  Ahriman 
sera  vaincu,  le  règne  des  ténèbres  cessera,  la  domi- 
nation d'Ormuzd  s'étendra  sur  l'univers,  il  n'y  aura 
plus  qu'un  règne  de  lumière  qui  embrassera  tout. 
Quelle  admirable  concordance  ne  trouvons-nous 
point  entre  cette  dernière  opinion  et  celle  du  Sau- 
veur, qui  vint  au  monde  pour  propager  le  règne  de 
la  lumière  et  pour  détruire  celui  des  ténèbres  !  C'est 
sur  celle  base  que  Zoroastre  éleva  ses  lois,  destinées 
à  accélérer  le  développemeni  moral  et  physique  des 
Perses,  ainsi  que  la  prospérité  du  sol. 

La  religion  de  Zoroastre  admet  un  état  d'innocence 
où  se  trouva  l'homme  primitif.  L'époque  à  laquelle 
exista  le  premier  souverain  d'Iran  (a),  le  grand 
Dschemschid  est,  selon  Zoroastre,  l'âge  d'or  de  sa 
nation.  <  Dschemschid,  le  père  des  peuples,  le  plus 
<  éclatant  des  mortels  que  vil  paraître  le  soleil. 
«  Sous  son  règne,  les  animaux  ne  périssaient  point  ; 
«  l'eau,  les  arbres  à  fruit,  les  créatures  se  multi- 
«  pliaient.  Sous  son  empire  glorieux,  on  ne  connais- 
«  sait  pas  le  froid,  la  chaleur,  la  mort,  i'emporte- 

(«)  Iran,  nom  qu'on  (innne  en  Orlenl  aux  coniréps  de 
ia  liMii'R  Asie  jusqu'à  l'Iodus,  esleocore  celui  du  roïaume 
oU  véuui.  Zoroastre. 


f  ment  des  passions,  ouvrage  du  Dews.  L'iiomran 
«  sembla  toujours  être  à  sa  dix-neuvième  année  (  tJ 
f  jouissait  d'une  jeunesse  éternelle),  les  enfants  pri  - 
I  rent  de  l'accroissement,  tant  que  régna  Dschem- 
«  schid  (a),    le  père    des   peuples,  i  Le   règne  de 
Dschemschid  correspond,  en   Perse,  à  l'époque  du 
satya-yug  (âge  de  justice)  dans  l'Inde.  —  Partout  se 
reproduit  l'idée  d'un  état  de  perfection  où  se  trouya 
d'abord  le  genre  humain,  élat  que  les  peuples  païens 
appellent  âge  d'or,  que  nous  nommons  paradis.  De 
même  qu'elle  admet  une  primitive  innocence,  la  re- 
ligion de  Zoroastre  admet  aussi  une  chute.  «  Un  jour 
f  Ormuzd  se  dit  à  lui-même  :  Comment  ma  puissance 
I  sera-t-elle  visible,  si  rien  ne  lui  résiste  ?  De  cette 
c  pensée   naquit   Ahriman,  principe  du  mal.  ^  On 
s'aperçoit  aisément  que  l'idée  première,  la  tradition 
du  péché  originel ,  n'est   ici   que  défigurée.  Notre 
sainte  religion   nous   apprend   que  chez    l'homme 
comme  chez  les  anges,  le  mal  naquit  de  l'abus  d'une 
libre  volonté  ;  elle  ne  dissimule  pas  non  plus  l'in- 
fluence du  mauvais  esprit  sur  la  chute  du  premier 
homme. 

Il  est  probable  que  le  culte  des  Perses  dont  Zo- 
roastre fonda  la  religion  s'adressa  d'abord  à  une  di- 
vinité qu'ils  honoraient  dans  le  soleil,  son  image, 
mais  qu'ensuile  ils  adorèrent  le  soleil;  qu'ils  hono 
raient  celui-ci  sons  l'emblème  du  feu,  et  qu'enlin  le 
feu  lui-même  devint  l'objet  de  leur  adoration.  Ils  vé- 
néraient encore  le  soleil  sous  le  nom  de  Miihra.  Mi- 
thra,  au  témoignage  dePlularque,  était  nommé  in- 
termédiaire (P/wîcnr/i.,  rie  Iside  et  Osivide).  Plutarque 
se  sert  du  même  mot  (ftso-iTnf)  que  saint  Paul, en  par- 
lant du  Sauveur,  quand  il  le  nomme  «  Intermédiaire 
«  entre  Dieu  et  les  hommes.  >  Les  Perses  donnèrent 
ce  surnom  à  Miihra,  parce  qu'il  tient,  sans  doute,  le 
milieu  entre  Oromaze  (Ormuzd),  le  bon,  el  Ahri- 
man, le  mauvais  principe,  c'est-à-dire  qu'il  ajoute  à 
l'éclat  de  la  lumière  el  qu'il  combat  les  ténèbres. 
Saint  Jean,  l'évangéliste,  dit  du  Sauveur  :  <  Le  Fils 
t  de  Dieu  a  paru  pour  détruire  les  œuvres  du  dé- 
«  mon.  >  L'idée  d'un  semblal)le  intermédiaire  se  re- 
trouve, dès  les  premiers  âges,  dans  tout  l'Orient,  où 
la  tradition  des  patriarches  se  répandit  déjà  avant 
Abraham,  où  elle  se  conserva  ensuite  plus  pure  qu'en 
Occident,  quoique  cette  dernière  région  en  présente 
aussi  des  traces  visibles,  comme  le  prouvera  la  suite 
de  nos  recherches.  Le  second  Zerduclit  ou  Zoroastre 
vécut  du  temps  de  Darius,  lils  d'Hystaspe,  passa  pour 
avoir  reçu  l'inspiration  divine,  écrivit  le  Zend-Avesta, 
livre  sacré  des  .Mages,  changea  diverses  institutions, 
fonda  les  temples  du  feu. 

Si  le  Miihra  des  Perses  n'est  qu'un  emblème  obs- 
cur du  Fils  de  Dieu,  du  moins,  comme  l'atteste  le 
docte  Abulfarage  {h)  que  les  musulmans  vénèrent  à 
l'égal  des  chrétiens  d'Orient,  le  célèbre  restaurateur 
du  culte  des  Mages,  le  second  Zoroastre  prédit,  en 
termes  beaucoup  plus  clairs,  qu'à  une  époque  peu 
éloignée,  une  vierge  sans  lâche  enfanterait  un  saint, 
dont  l'apparition  serait  annoncée  par  une  étoile  qui 
accompagnerait  ses  adorateurs  jusqu'au  lieu  de  sa 
naissance.  Combien  s'accorde  ce  témoignage  avec  la 
présence  des  trois  sages  de  l'Orient  à  la  crèche  du 
Sauveur  !  Je  n'ignore  pas,  d'ailleurs,  ce  que  l'on 
pwirrait  opposer  à  celte  prophétie.  Il  est  possible,  en 
effet,  que  Zoroastre  l'ail  empruntée  à  Ezéchiel  et  à 
Daniel,  qui  se  trouvaient,  ainsi  que  lui,  à  Babylone. 
Mais  alors  la  sagesse  de  Zoroastre  découlerait  de  celle 
des  Juifs,  chose  encore  fort  remarquable.  Que,  du 
reste,  l'Orient  connût  la  prédiction  de  la  venue  pro- 
chaine d'un  roi  des  Juifs  et  d'une  étoile  qui  guiderait 


(3)  Dschemschid  est  dépeint  généralement  comme  le 
fondateur  de  la  sociélé.  Son  nom  est  iinaf,'inalfe. 

Ih)  Né  en  1226,  a  Malatla,  dans  l'Asie  Mjnpure,  mort 
en  1281),  primut  des  Jacobil«s  d  Orient;  auteur  d'une 
Chronique  ou  Histoire  universelle  depuis  la  création  du 
monde.  {Note  du  traducteur.) 


*435  PER 

vers  lui  ses  adoraiciirs;  l'Ecriture  sainte  ne  laisse 

aucun  doute  à  cet  cgaiil. 

Ce  qui  précède  nous  indique  à  quelle  idée  première 
se  rapporte  le  système  religieux  de  Zoroastre.  Sui- 
vant llceren,  il  avait  imaginé  un  royaume  dont  le 
souverain,  malgré  sa  puissance  sans  bornes,  n'était 
point  le  tyran,  mais  le  père  di?  ses  sujets;  où  rliaqiie 
(•tal,  chaque  individu  se  trouvait  circonscrit  dans 
mie  splière  d'aclivilé  qu'il  ne  clierdiail  point  à  l'rau- 
cliir;  où  prospéraient  les  arts  de  la  paix,  l'agricul- 
ture, le  soin  des  troupeaux,  le  commerce;  où  se  ré- 
pandaient la  richesse  et  l'ahondaiice,  s'épancliant  des 
mains  du  prince,  comme  de  celli's  d'une  hienfajsnnle 
divinité.  L'image  d'un  semlilahle  rovannie  et  d'un 
prince  semhUihle  existe  dans  la  CijropMic.  La 
croyance  qu'ils  se  réaliseraient  un  jour  se  mainte- 
nait inaltérable  en  Asie,  à  travers  la  suite  des  siè- 
cles ;  c'est  probahlemeut  le  point  ccniral  auquel  se 
ralliaient  les  opinions  d(!  l'Orient  :  on  la  découvre 
dans  les  lois  de  Zoroasire.  Ce  docte  observateur  de 
l'antiquité  a  reconnu,  avec  lieaucoup  de  sagacité,  la 
base  sur  laquelle  repose  la  lliéogonie  de  Zoroastre, 
c'est-à-dire  l'opinicMi  généralement  répandue  en 
Orient,  que  le  règne  de  la  paix,  de;  la  vérité  et  de  la 
iustice  y  devait  refleurir.  Tous  les  préceptes  et  les 
lois  de  Zoroastre  étaient,  sous  le  rapport  physique 
et  nujral,  calculés  <le  manière  à  frayer  la  ronle  n  celte 
grande  restauration.  Or  celte  idée  fondamentale  de 
tout  système  est,  assurément,  et  ne  peut  être  aune 
que  l'idée  du  Messie,  i  Le  règne  de  Dschemscliid 
«  reviendra,  dit  Zoroastre,  et  la  paix  et  la  justice 
t  refleuriront.  »  Traduisons  nons  cette  allégorie  dans 
la  langue  du  christianisme,  elle  équivaut  à  ces  mots  : 
«  La  condition  primitive  de  l'hoiunu',  l'état  d'inno- 
«  cence,  de  justice,  de  sainteté,  lui  seront  rendus.  > 
Nous  devons  d'autant  moins  hésiter  à  voir  ici  l'an- 
nonce précise  delà  rédemplion,  que  celte  opinion 
était  universelle  en  Orient  (chost;  incompréhensible, 
si  nous  ne  supposions  pas  (|ue  celte  opinion  découle 
de  la  révélali(m);  nous  le  devons  d'aulant  moins  en- 
core, que  l'idée  de  la  r('demption  se  trouve  pareille- 
ment reproduite  dans  les  psaumes  et  dans  les  pro- 
phètes, avec  des  images  semblables.  Ce  concours  ne 
déinnntre-t-il  pas  rideniilé  d'origine?  Un  œil  pur, 
que  ne  fascine  aucun  préjugé,  lecounaitra  aisément 
ici  les  traces  de  la  tradition  sacrée. 

Du  système  faussement  interprété  des  deux  prin- 
cipes, l'un  source  du  bien,  l'auire  source  du  mal, 
naquit  le  municlii'hmc  qui,  reconnaissant  l'existence 
indépendante  de  ces  deux  causes  primordiales,  assi- 
gne l'origine  du  vice,  et  regarde  les  imperfections  et 
les  souillures  du  monde  physique  et  moral  comme 
l'œuvre  du  prince  des  ténèbres  :  par  une  consé- 
quence de  celte  conviction,  il  poursuit  de  sa  haine 
les  créatures  du  mauvais  principe,  dédaignant  jus- 
qu'au corps  humain ,  qu'il  s'impose  la  tâche  de 
dompter  el  de  réiluire  par  l'abstinence  de  la  chair, 
du  vin,  du  mariage.  Je  crois  aussi  que  le  chitiasme, 
ou  ridée  d'un  règiu'  millénaire,  dérive,  sinon  en  en- 
tier, du  moins  eu  partie,  de  ce  système  religieux.  En 
somme,  celte  opinion  consiste  à  croire  qu'après  la 
venue  de  r.\nlechrisl,  et  (juand  celui-ci  aura  été 
donqité  avec  ses  sectateurs,  une  résurrection  des 
justes  aura  lieu,  et  que  tous  les  hommes  vivants  à 
celle  époque  conserveront  la  vie  :  les  bons,  pour 
obéir,  connue  à  leurs  princes,  aux  justes  ressuscites; 
les  méchants,  pour  en  être  domptés  et  leur  deuunirer 
soumis.  Suivant  celte  opinion,  le  Christ  lui-même 
régnera  à  J('nisalem,  entouré  des  apôtres,  des  pro- 
phètes de  l'ancieime  alliance,  des  martyrs.  Les  mille 
ans  accomplis,  les  méchants  s'élèveront  en  ennemis 
contre  les  saints,  mais  seront  consumés  par  le  feu  du 
ciel;  cnsuile  amont  lieu  la  résurrection  générale  et 
le  jugement  dernier.  On  s'accorde  à  altribuer  l'ori- 
gaïc  (le  celle  croyance  a  l'inlerprélation  du  vingtième 
cliapilre  de  VAiioinlijpse  de  saint  Jean,  à  la  vérité, 
l'un  des  plus  dilliciles  du  livre.  Quelques  anciens 


PER 


1431 


r.ipporlent,  cependant,  la  naissance  dé  celle  opinion 
d'un  rejne  n-iillénaire  ii  Cérinihiis,  Juif  qui  s'était 
prolablement  eoiiverti  au  christianisme,  mais  héré- 
ti(pu'  prononcé  qui,  dès  le  temps  des  apôtres,  pro- 
fessait nne  doctrine  erronée.  Il  esl  vrai  (pi'on  ren- 
contre chez  les  rabbins  des  idées  sur  un  règne  millé- 
naire du  Messie,  (|ui  Ont  une  frappante  similitude 
avec  le  règne  millénaire  du  Christ. 

Ouoi  (pi'ilen  siiitsursonorigiue,  toujoursest-il  que 
celle  dernière  opinion  présente  des  traits  de  ressem- 
blance irrécusables  avec  la  doctrine  du  Zend-Avesta 
sur  le  dernier  combal  entre  le  bon  el  le  mauvais  prin- 
cipe, et  sur  le  glorieux  triomphe  d'Oroma/e.  C'est  ce 
(pii  me  porte  à  croire  qu'elle  n'est  (lu'unc  fausse  appli- 
caliiMi  des  iraililions  relatives  au  Messie;  je  suis  d'au- 
tanl  plus  confirmé  dans  mon  sentiment,  (]ue  celle 
opinion  trouva  un  facile  accès  chez  plusienrs  sectes 
des  gnosticpics,  qui  cherchaient  à  concilier  les  idées 
païennes  avec  la  doctrine  du  chrislianisiue.  Les  ca- 
tholiques eux-mêmes  ne  demeurèrent  point  à  l'abri 
de  (elle  opinion  :  elle  fut  embrassée  par  saint  Justin, 
maiiyr;  par  saint  Vicloriii,  qui  mourut  lors  des  per- 
sécutions de  Dioclélien;  par  Népos,  évêque  en  Egyp- 
te; par  Tertidlien,  seulement,  à  ce  (pi'il  parait, 
quand  il  fut  tombé  dans  l'hérésie  des  monlauisles; 
par  LachMK  e,  qui  y  ajouta  il  sa  manière,  et  par  (piel- 
(pies  (uitres  catholiques.  Toutefois,  comme  les  ca- 
tludiipies  (pii  croyaient  ;\  la  luUire  existence  d'un 
règne  millénaire  visible,  ne  le  regardaient  pas  comme 
article  de  foi,  ainsi  (pie  rannonce  expressément  saint 
Justin,  jamais  l'Eglise  ne  marqua  du  sceau  de  l'hé- 
résie celle  opinion  innocente,  mais  jamais  non  plus 
elle  ne  la  favorisa.  Différents  Pères  do  l'Eglise  la 
comballirent  :  Origène,  saiiU  Caiiis,  disciple  d'iré- 
née;  les  saints  Basile,  Grégoire  de  ISazianze,  Ephrem, 
Jérôme  et  Augustin.  (Schmitt.,  dans  les  Démontt. 
évuiig.,  ('dit.  Migne.) 

PKRSÉCUTIÎUR.  On  a  ainsi  nommé  les 
empereurs  et  les  autres  souverains  qui  ont 
usé  (le  violence  contre  les  chrétiens  pour 
leur  l'aire  abjurer  leur  religion,  ou  contre 
les  catholifjues  jiour  leur  l'aire  embrasser 
riiérésie.  Mais  on  abuse  dn  terme  lorsque 
Ton  nomme  persécuteur.'!  les  princes  qui  ont 
employé  les  lois  pénales  pour  ré|irinier  des 
liérétiqucs  séditieux  et  turbulents  qui  vou- 
laient se  rendre  les  maîtres,  détruire  les  lois 
et  la  religion  établie.  Les  empereurs  romains 
n'auraient  pas  mérité  ce  titre  odieux,  s'ils 
avaient  envoyé  au  supplice  les  chrétiens , 
non  h  cause  de  leur  religion ,  mais  pour 
quelque  crime  ou  pour  quelque  sédition 
dont  ils  eussent  été  coupables.  Or ,  i'I  est 
incontestable  que  les  chrétiens  mis  au  nom- 
bre des  inartyrs  ont  été  livrés  au  supplice  h. 
cause  de  leur  religion  seule ,  et  non  pour 
avoir  commis  aucun  crime.  Déjà ,  au  mot 
AL4RTYR  ,  §  3  ,  nous  avons  apporté  les  preuves 
de  ce  fait  important  ;  mais  il  est  bon  de  les 
répéler  en  deux  mots,  afin  de  fermer,  s'il  est 
possible,  la  bouche  aux  calomniateurs. 

1°  Les  apologistes  du  christianisme  ,  saint 
Justin  ,  Athénagorc  ,  Tertullien  ,  etc. ,  dans 
les  mémoires  qu'ils  ont  présentés  aux  empe- 
reurs et  aux  magistrats ,  ont  toujours  posé 
en  fait  que  l'on  ne  pouvait  reiirocher  aux 
chrétiens  aucun  crime  ,  aucune  sédition , 
aucune  infraction  des  lois  civiles  et  de  l'or- 
dre public  ;  2°  leurs  propres  ennemis  leur 
ont  tendu  ce  témoignage.  Pline,  dans  sa 
b'ttrc  à  Tr.ijan ,  proteste  qu'a]  rès  les  infor- 
mations les  filus  exactes  ,  il  ne  les  a  trouvés 
coupables  d'aucun  délit ,  qu'il  a  cependant 


li 


PER 


PEH 


im 


envoyé  au  supplice  ceux  qui  n'ont  pas  voulu 
apostasi.r.  Tiajan,  par  sa  réponse,  approuve 
cette  contluite.  3° Tacite,  Celse,  Julien,  Li- 
banius,  ne  leur  reprochent  que  leur  super- 
stition, leur  aversion  pourle  culte  des  dieux  , 
le  refus  de  sacrifier  et  de  jurer  par  le  gé- 
nie des  césars  ?  k°  Les  édits  portés  pour 
ordonner  la  persécution  ou  pour  la  faire 
cesser,  et  dont  plusieurs  subsistent  encore, 
ne  leur  imputent  point  d'autre  forfait.  5'  Il 
est  certain  que  tout  chn'tien  qui  apostasiait 
par  un  acte  d'idolAtrie  était  renvoyé  absous; 
que  pour  tenter  les  martyrs  on  leur  pro- 
mettait non-seulement  l'impunité ,  mais  des 
honneurs  et  des  récompenses.  G"  Le  premier 
édit  donné  par  Constantin  et  par  Licinius 
])our  établir  la  tolérance  du  christianisme , 
ne  portait  amnistie  pour  aucun  délit  :  les 
chrétiens  n'étaient  donc  pas  dans  le  cas  d'en 
avoir  besoin.  Aucun  incrédule  n'a  été  assez 
hardi  pour  attaquer  de  front  une  seule  de 
ces  preuves. 

De  môme ,  lorsque  les  princes  ariens , 
bourguignons  ,  vi.sigoths  ou  vandales  ,  ont 
massacré  les  catholiqies  et  leur  ont  fait 
subir  des  supplices  ;  ils  n'avaient  à  leur  re- 
procher ni  désobéissance  ,  ni  révolte ,  ni 
trahison  ;  ils  ne  punissaient  en  eux  que  leur 
croyance  et  le  culte  suprême  qu'ils  ren- 
daient à  Jésus-Christ.  Mais  lorsque  les  ariens, 
favorisés  par  qu'lques  empereurs  ,  enyaliis- 
saient  le^  égl  ses  des  catholiques,  maltrai- 
taient les  évoques  ou  les  faisaient  exiler, 
troublaient  les  élections,  tenaient  des  assem- 
blées tumultueuses,  ce  n'était  plus  le  même 
cas;  les  empereurs  catholiques,  qui  répri- 
mèrent ces  attentats  par  des  lois  jiénales , 
n'étaient  rien  moins  que  des  persécuteurs. 
De  même ,  lorsque  les  donatistes  armés 
remplirent  de  tumulte  les  côtes  de  l'Afri- 
que,  et  répandirent  l'alarme  partout,  ils 
méritaient  le§  iieiues  que  Constantin ,  Ho- 
norius  et  Théodose  prononcèrent  contre 
eux.  Le  Clerc  et  les  autres  protestants  qui 
ont  aiji'elé  jien^éeution  celte  juste  sévérité, 
et  qui  ont  osé  comparer  les  donatistes  aux 
remiers  chrétiens ,  ont  trop  com|ité  sur 
ignorance  de  leurs  lecteurs.  Ainsi  encore  , 
lorsque  Bucer  et  d'autres  prédicunts  vinrent 
enseigner  en  France  les  principes  séditieux 
de  Luther,  lorsqu'ils  voulurent  y  allumer 
Je  môme  feu  dont  l'Allemagne  était  embra- 
sée, qu  ils  affichèrent  des  placards  injurieux 
jusqu'aiix  portes  du  Louvre  ;  qu'ils  brisè- 
rent les  images,  insultèrent  les  prêtres,  etc., 
fallait-il  tolérer  tous  ces  traits  d'insolence  ? 
Les  édits  par  lesquels  François  1"  (lorta  des 
peines  contre  eux  étaient-ils  une  persécu- 
tion? Enco'G  une  fois,  il  ne  faut  pas  abuser 
des  termes  ni  leur  donner  un  sens  aroi- 
traire  ;  comme  c'est  la  cause  et  non  la  peine 
qui  lait  le  martyr,  c'est  elle  aussi  qui  carac- 
téfise  le  persécuteur  :  un  séditieux  fanatique 
mis  h  mort  pour  avoir  troublé  l'ordre  public 
par  un  faux  zèle,  n'est  iioint  un  vrai  martyr; 
le  souverain  qui  le  fait  punir  n'est  ]ias  non 
■jlus  un  persécuteur,  il  est  le  juste  vengeur 
4.'?  l<Jis  de  h  ioci'Ié.  Enseiguef  en  génér;}! 
que  l'on  ne  doit  jamais  employer  les  peines 


1^ 


afflictives  pour  In  cause  de  la  religion ,  est 
une  très-fausse  maxime  ;  on  le  doit,  lorsque 
la  religion  est  attaquée  par  des  moyens  con- 
traires à  la  loi  naturelle  et  au  repos  public. 
Lorsqu'un  insensé  est  paisible ,  il  faut  le 
plaindre  et  non  le  maltraiter  ;  s'il  est  sujet  à 
des  accès  de  fureur  et  de  frénésie ,  il  faut 
l'enchaîner  :  de  môme  lorsqu'un  mécréant 
n'inquiète,  n'insulte,  n'attaque,  ne  veut  sé- 
duire personne ,  on  a  pas  droit  de  lui  faire 
violence  ;  s'il  est  séditieux  ,  calomniateur , 
insolent ,  il  mérite  le  châtiment. 

Il  y  a  sans  doute  en  fait  de  religion  des 
erreurs  innocentes  ;  mais  lorsqu'elles  ont 
pour  cause  l'orgueil,  li  jalousie,  l'ambition, 
la  haine  et  les  autres  passions  qui  se  con- 
naissent aisément  par  leurs  symptômes, 
elles  sont  criminelles  et  punissables.  Il  n'est 
donc  pas  vrai,  quoi  qu'en  disent  les  mécréants, 
que  les  droits  de  la  conscience  erronée  sont 
les  mêmes  que  ceux  de  la  conscience  droite  ; 
cela  n'est  vrai  que  quand  l'erreur  est  inno- 
cente et  involontaire.  Voy.  Conscience.  Il  est 
encore  faux  que  personne  ne  puisse  être 
jugé  de  ses  semblables  en  cette  matièrp  ; 
c'est  comme  si  l'on  soutenait  que  les  magis- 
trats ne  peuvent  plus  être  juges,  lorsque  des 
si'ditieux  leur  contestent  l'autorité.  Celle  de 
l'Eglise  est  solidement  prouvée ,  et  qui- 
conque refuse  de  s'y  soumettre  est  coupa- 
ble ;  ainsi  les  souverains  et  les  magistrats 
sont  juges  légitimes  pour  discerner  si  la 
conduite  des  mécréants  est  innocente  ou 
nuisible  à  la  société,  et  s'ils  doivent  être  to- 
lérés ou  punis.  Voy.  Tolérance.  Par  l'ex- 
périence de  tous  les  siècles  il  est  prouvé 
que  les  hérétiques  et  les  incrédules,  après 
avoir  contesté  à  l'Eglise  le  droit  de  juger 
leur  doctrine,  ne  manquent  jamais  de  dispu- 
ter ensuite  au  gouvernement  le  droit  de  ré- 
primer leur  conduite  ;  dès  qu'ils  se  sentent 
assez  forts,  ils  secouent  le  joug  des  lois  ci- 
viles avec  autant  de  hardiesse  qu'ils  ont  mé- 
prisé les  lois  et  les  censures  de  l'Eglise. 
Après  avoir  déclamé  contre  la  persécution 
lorsi^u'ils  étaient  faibles,  ils  finissent  pap 
(lersécuter  eux  -  mêmes  leurs  adversaires 
lorsqu'ils  ont  acquis  des  forces.  Aujourd'hui 
ceux  d'entre  les  protestants  qui  sont  deve- 
nus incrédules ,  reprochent  à  leur  clergé  le 
môme  caractère  persécuteur  contre  lequel 
leurs  pères  ont  formé  des  plaintes  si  amères  ; 
on  sait  d'ailleurs  que  partout  où  il  se  sont 
rendus  les  plus  forts,  ils  ont  opprimé  tant 
qu'ils  ont  pu  les  catholiques.  Il  en  aurait  été 
de  même  parmi  nous,  si  1  s  incrédules  l'.e 
notre  siècle  avaient  pu  former  un  parti  assez 
nombreux  et  assez  redoi:tablc  pour  faire 
trembler  les  croyants  :  quelques-uns  d'entrp 
eux  ont  eu  la  bonne  foi  d'en  convenir. 

Il  y  a,  dit  un  écrivain  très-sensé ,  une 
sorte  de  persécution  ejfercée  par  la  satire, 
qui  n'est  guère  moins  douloureuse  jiour 
ceux  qui  l'éprouvent  que  celle  dont  on  vou- 
drait délivrer  le  monde  ;  il  est  très-probable 
que  ceux  (jui  l'exercent  deviendraient  op- 
presseurs et  même  sanguinaires,  s'ils  avaient 
le  glaive  à  |a  main.  Jl  faut  que  celui  qui 
prêche  la  tolérance  soit  lui-même  tolérant. 


U57 


PER 


PER 


1433 


sans  quoi  il  no  montre  que  le  di^sir  de  pro- 
pager son  opinion.  Le  principe  fondamental 
je  la  loli'ranee  philosnphicpie  est  la  eon- 
naissanee  de  la  faiblesse  de  riiomme  d.tns  la 
rcclierohe  de  la  v<^rité  :  relui  drme  (pii  veut 
l'inspirer  doit  montrer  qu  il  sait  se  di'fier  de 
ses  propres  id(''('S,  et  voir  celles  des  autres 
sans  mi''])ris  et  sans  ai;j;reui-.  Lactince  a  fait 
un  taité  de  la  Mort  (feu  pr7-s(<futeuni,  dans 
lequel  il  s'csl  allachi''  à  faire  voir  que  (ous 
ont  pi'ri  d'vnie  uianiAre  funeste  et  ([ni  mar- 
quait la  veni^eance  divine.  Cet  ouvraiçe  a  ét^ 
longtemps  iinonnu  ;  Kaluze  est  le  [iremier 
qui  l'ait  d(innt^  au  public.  Plusieuis  criti- 
ques ont  douti'*  d'abord  s'il  (''tait  vi'^rifahle- 
ment  de  Lactance,  mais  d'autres  ont  prouvé 
qu'on  le  lui  doit  attribuei'. 
PERSECUTION,  violence   exercée   contre 

2uel(pi'un  poiu-  cause  de  religion.  Jésus- 
hrist  a^ait  [)ré(lit  à  ses  disciples  qu'ils  se- 
raient liais  et  persécutés  pour  son  nom 
{Matlh.  XI,  21  ;  x\iii,  .3'i)  ;  que  ceux  qui  les 
mettraient  h  mort  croiraient  l'aire  une  œuvre 
agréable  à  Dieu  {Joan.  xvi,2,  etc.).  En  effet, 
les  persérnlinns  qu'ils  essuyèrent  de  la  part 
des  Juifs  sont  rap'ortées  dans  les  Act  s  des 
apùtres.  Le  motif  de  celte  conduite  était  la 
jalousie  des  chefs  de  la  syna.^oguc ,  qui 
voyaient  le  peuiilc  abandomicr  leu's  leçons 
pour  écouter  celles  îles  apôtres,  cl  rindi;j;na- 
lion  de  voir  donner  pour  Messie  un  Juif  cru- 
cifié. La  jinnition  de  cet  entêtement  des 
Juifs  incrédules  fut  la  ruine  de  Jérusalem  et 
la  dis:ersii)n  de  la  nation  entière.  Les  em- 
pereurs et  b's  magistrats  païens  à  leur  tour 
imitèrent  les  Juifs  ;  Néron,  Domilicn,  Sé- 
vère, furent  persécuteurs.  Les  écrivains,  qui 
on!  soulenu  qu'avant  le  règr:e  de  'J'rajan  il 
ii'y  eut  point  li'édit  jiorlé  centre  les  chré- 
tiens, ont  eu  tort;  le  confraiie  est  prouvé 
par  la  lettre  de  Pline  et  par  1"  récit  de  Ta- 
cite. H  paraît  que  la  persécution  de  Néron 
ne  fut  pas  bornée  aux  chrétiens  qui  se  trou- 
vaient à  Home,  mais  qu'elle  s'étendit  dans 
tout  l'empire.  On  alh'-uail;  pour  motif  que 
]es  chrétiens  étaient  les  ennemis  du  genre 
humain,  parce  qu'ils  attaquaient  des  erreurs 
quei'on  regardait  commet  i religion  du  monde 
entier;  on  attribua  toutes  les  calamités  pu- 
bliques il  la  haine  que  les  dieux  leur  por- 
taient ;  on  les  accusa  d'athéisme,  parce  q'ie 
l'on  ne  voyait  parmi  eux  aucun  appareil 
extérieur  de  religion,  et  que  l'on  ne  connais- 
sait point  d'autre  Dieu  ([ue  ceux  du  paga- 
nisme. On  les  accusa  de  toutes  sortes  de 
crimes;  ((ue  risquait-on  à  calomnier  des 
hommes  regardés  comme  des  ennemis  pu- 
blics ?  On  recherchait  principalement  les 
évCques  et  les  personnes  riches  ou  consti- 
tuées en  dignité  ;  Celse  reproche  aux  chré- 
tiens avec  toute  l'aigreur  possible  le  dé- 
chaînement général  qui  régnait  contre  eux  : 
mais  il  ne  leur  impute  aucun  autre  crime 
que  de  s'assembler  eu  secret,  de  ne  vouloir 
pas  adorer  lo.s  dieux  de  rem[)ire,  et  de  cher- 
cher à  faire  des  prosélytes. 

L'on  c;?mpte  ordinairement  vingt-quatre 
peneculions  exercées  contre  le  christianisme 
depuis  Jésus-Christ  jusqu'à  nous  :  le   P. 


Riccioli  en  ajoute  deux,  savoir  la  première 
et  la  dernière,  dans  l'ordre  que  nous  allons 
exposer.  1"  Celle  de  Jérusalem  excitée  par 
les  Juifs  contre  saint  Etienne,  et  continuée 
par  Hérode  Agrippa,  contre  saint  Jacques, 
saint  Pierre  et  les  antres  disciples  du  Sau- 
veur {Art.  vu,  VIII,  xii).  Elle  ne  se  borna 
point  d'abord  à  l'Eglise  de  Jérusalem,  puis- 
(pm  saint  Paul,  avant  sa  conversion,  avait 
obtenu  des  ordres  du  grand  prêtre  pour  aller 
l'exercer  jusiiu'à  Damas ,  h  l'extrémité  de  la 
Syrie.  —  La  seconde  h  Rome,  sous  Néron, 
commença  l'an  64  de  Jésus-Christ,  et  dura 
jusqu'à  lan  08,  Ji  l'occasion  de  l'incendie  do 
!<ome,  dont  on  accusa  faussement  les  chré- 
tiens, et  duquel  Néron  lui-même  était  véri- 
tablement l'aut  Mir  ;  Juvénal,  Sénèque, Tacite, 
en  ont  parli''.  Saint  Pierre  et  saint  Paul  y 
soutfrirent  le  martyre.  —  La  troisième  sous 
Domilieii,  dejiuis  l'an  90  jusqu'à  l'an  96.  Saint 
Jean  l'ICvaugéliste  fut  plongé  à  Rome  dans 
de  l'huile  bouillante,  et  relégué  dans  l'île 
de  Patmos  ;  Nerva,  successeur  de  Domitien, 
lit  cesser  l'orage  et  ra|i[)ela  les  exilés.  —  La 
quatrième  sousTrajan  commença  l'an  97,  et 
tinit  l'an  116.  A  cette  occasion,  Pline  le  Jeune, 
gouverneur  de  Bithynie,  écrivit  à  Trajan  la 
lettre  dont  nous  avons  parlé  dans  l'article 
précédent  :  saint  Ignace,  évêque  d'Antio 
che,  condamné  jiar  cet  empereur  et  envoyé 
à  Rouic,  y  fut  mis  à  mort  l'an  107.  —  La 
cinquième  eut  lieu  sous  Adrien,  depuis  l'an- 
née 118  jusqu'en  129.  Il  y  eut  quelques  in- 
terruptions, et  l'on  crut  en  être  redevable 
aux  a,  ologies  que  Quadrate  et  Aristide  pré- 
sentèrent à  cet  empereur  en  faveur  des  chré- 
tiens ;  il  y  eut  cependant  encore  des  martyrs 
sous  son  règne,  l'an  136.  —  La  sixième 
sous  Antoine  1(!  Pieux,  l'an  138;  elle  dura 
jusqu'en  153.  Ce  fut  en  150  que  saint  Justin 
adressa  sa  pr'jinière  a|iologio  à  ce  prince  et  à 
ses  fils;  et  il  paraît  qu'elle  ne  demeura  |ias 
sans  effet,  puisqu'il  y  eut  des  rescrits  adres- 
sés aux  gouverneurs  de  province,  qui  oi  don- 
naient de  cesser  la  persécution  ;  mais  sou- 
vent ces  ordres  furent  mal  exécutés.  En  etfet, 
la  septième  commença  sous  Marc-Aurèle, 
l'an  1(51,  et  ne  Unit  qu'en  l'an  n\.  Saint  Jus- 
tin fit  à  ce  sujet  une  seconde  apologie,  et 
bientôt  il  répandit  lui-même  son  sang  en 
témoignage  de  sa  foi  ;  il  souH'rit  le  martyre 
l'an  107,  et  saint  Polyca:  |)e  l'an  169.  —  La 
huitième  éclata  sous  Sévère,  depuis  l'an  199 
jusqu'à  la  mort  de  ce  piince,  en  211.  —  La 
neuvième  sous  Maximieu  l'an  235;  elle  ne 
dura  que  trois  ans.  —  La  dixième  sous  Dèce, 
en  2i9,  fut  très-sanglante,  mais  elle  fut  courte, 
parce  que  Dèce  mourut  en  251.  C'est  dans 
cet  intervalle  que  Origène  fut  mis  en  prison 
et  tourmenté  pour  la  foi  ;  aussi  ne  put-il 
survivre  que  trois  ans  à  ses  soufl'rances  ;  il 
mourut  à  Tyr  l'an  253.  Gallus  et  Volusien 
recommencèrent  bientôt  à  vexerles  chrétiens. 
—  On  compte  la  onzième  persécution  sous 
les  règnes  de  Volusien  et  de  Gallien,  elle 
duia  trois  ans  et  demi  ;  la  douzième  sous 
Aurélieu,  depuis  l'an  273  jusqu'en  273.  — 
La  tri  iziènie  et  la  plus  cruelle  de  toutes  fui 
déclarée  par  Dioclélieuet  Maximien,l'an  303, 


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PER 


PER 


IWO 


et  conlinu(5e  jusqu'en  310,  même  après  l'ab- 
dication que  le  premier  fit  de  l'empire  ;  son 
collè»;ae  l,i  renouvela  en  312,  et  Licinius, 
autre  empereur,  la  lit  durer  dans  les  provin- 
ces où  il  était  le  maître  jusqu'à  l'an  315. 
Cependant  l'an  313  il  avait  donné,  conjointe- 
ment avec  Constantin,  un  édit  de  tolérance 
en  faveur  du  christianisme.  Après  sa  mort, 
Constantin,  devenu  seul  empereur,  donna  la 
paix  El  l'Et^lise.  Mosheim,  dans  son  Histoire 
chrétienne,  a  discuté  dans  un  grand  détail  les 
causes,  les  circonstances,  les  suites  de  ces 
différentes  persécutions.  —  La  quatorzième 
eut  lieu  dans  la  Perse  sous  le  règne  de  Sapor 
II,  à  l'instigation  des  mages  et  des  juifs,  l'an 
3'i-3;  ils  persuadèrent  à  ce  |)rince  que  les  chré- 
tiens étaient  ennemis  de  sa  domination,  et  tous 
attac'iés  aux  intérêts  des  Romains.  Suivant 
Sozomène,  il  y  périt  seize  mille  chrétiens 
dont  on  connaissait  les  noms,  et  une  multi- 
tude innombrable  d'autres  ;  les  Orientaux 
l'estiment,  les  uns  à  cent  soixante  mille,  les 
autres  à  deux  cent  mille.  —  Une  quinzième 
persécution,  mêlée  d'artifice  et  de  cruauté, 
lut  celle  que  Julien  exerça  contre  les  chré- 
tiens l'an  362  ;  heureusement  elle  ne  dura 
qu'un  an  ;  mais  si  cet  empereur  n'avait  pas 
péri  l'année  suivante  dans  la  guerre  contre 
les  Perses,  il  avait  résolu  d'abolir  entière- 
ment le  christianisme.  Kortholdt,  de  Perse- 
cîU.  Ecclesiœ primitivœ.  —  La  seizième,  l'an 
366.  Valons,  empereur  infecté  de  l'arianisme, 
persécuta  les  cathnliques  jusqu'en  378. 

En  42J,  Isdegerde,  roi  de  Perse,  poursui- 
vit à  feu  et  à  sang  les  chrétiens  de  ses  Etats  : 
cette  dix-septième  persécution  ne  linit  que 
trente  ans  après,  sous  le  règne  de  V.iranes  V. 
On  a  dit  et  répété  plus  d'une  fois  qu'elle  eut 
pour  causo  le  faux  zèle  d'un  évèque  (!e  Suze, 
nommé  Abdas  ou  Abdaa,  qui  avait  détruit  un 
temple  du  feu;  cela  n'est  pas  exactemfnt 
vrai  :  nous  discuterons  ce  fait  au  mol  Zèle 
DE  Religion.  —  Depuis  l'an  433  jusqu'en 
476,  Genséric,  roi  des  Vandales,  prince  arien 
et  très-cruel,  tourmenta  les  catholiques;  Hu- 
néric,  son  successeur,  til  de  même  aussi  bien 
que  Gondebaud  et  Trasimond,  le  premier  en 
483,  le  second  en  W*,  le  troisième  en  504. 
En  Espagne,  les  ariens  excitèrent  un  nouvel 
orage  S'ius  Leowigilde,  ou  Leuvigilde,  roi 
des  Goths,  l'an  584,  mais  il  finit  deux  ans 
après,  sous  Récarède.  —  La  vingt-troisième 
persécution  fut  l'ouvrage  de  Chosroès  II, 
roi  de  Perse;  il  avait  juré  de  poursuivre  les 
Romains  k  feu  et  à  sang,  jusqu'à  ce  qu'il  les 
eût  forcés  de  renoncer  à  Jésus-Christ  et  d'a- 
dorer le  soleil  ;  ctte  fureur  dura  pendant 
vingt  ans,  mais  enfin  il  fut  vaincu  par  l'em- 
pereur Héraclius  en  627,  et  réduit  à  mourir 
de  faim  par  Siroôs  son  fils.  —  La  vingt- 
quatrième  persécution  eut  pour  auteurs  les 
iconoclastes,  sous  le  règne  de  Léon  l'Isauri- 
que,  et  ensuite  sous  Constantin-Copronyme; 
les  catholiques  ressentirent  les  effets  de  leur 
haine  depuis  l'an  726  jusqu'en  775.  Ils  ne 
furent  pas  mieux  traités  en  Angleterre  en 
1534,  sous  les  règnes  de  Henri  Vlll  et  de  la 
reine  Elisabeth  sa  fille,  lorsque  l'un  et  l'au- 
tre eurent  fait  schisme  avec  l'Eglise  romaine. 


—  Enfin  la  vingt-sixième  persécution  contre 
la  religion  chrétienne  commença  dans  le  Ja- 
pon, l'an  1587,  sous  le  règne  de  Taico-Sama, 
à  l'instigation  des  bonzes.  Elle  fut  renou- 
velée en  1616  par  le  roi  Xongusama,  et  con- 
tinuée avec  tantde cruauté  sous  Tosconguno 
son  successeur,  en  1631,  que  le  christianisme 
fut  entièrement  exterminé  dans  cet  empire. 
Voy.  Japon.  Il  y  a  eu  de  même  plusieurs 
persécutions  déclarées  contre  les  chrétiens 
dans  rem])ire  de  la  Chine,  où  il  en  reste  ce- 
pendant encore  un  grand  nombre. 

Pour  ne  parler  ici  que  de  celles  qui  ont 
eu  lieu  sous  les  empereurs  romains,  il  est 
constant  qu'aucune  n'a  eu  d'autre  motif  que 
la  haine  dont  ces  princes  paiens  étaient  ani- 
més contre  le  christianisme.  On  ne  peut  ci- 
ter aucun  fait  positif  par  lequel  les  chrétiens 
aient  mérité  que  le  gouvernement  sévît  con- 
tre eux;  les  incrédules  ont  vainement  fouillé 
dans  tous  les  monuments  de  l'histoire  pour 
en  trouver.  Cependant  filusieurs  d'entre  eux 
ont  entrepris  de  justifier  les  persécutions,  et 
de  prouver  que  le  gouvernement  romain  n'a 
vait  pas  tort;  ce  qui  étonne  davantage,  c'est 
que  des  écrivains  protestants  leur  ont  fourni 
une  partie  de  leurs  matériaux.  Voy.  Barbey- 
rac,  Traité  de  la  morale  des  Pères,  c.  12, 
§  49.  Cette  apologie  mérite  un  moment  d'exa- 
men. 

1°  Les  Romains,  disent  ces  dissertations, 
confondaient  les  chrétiens  avec  les  juifs; 
comme  ceux-ci  fatiguaient  le  gouvernement 
par  leurs  fréquentes  révoltes  dans  la  Judée, 
on  jugea  que  les  chrétiens  n'étaient  pas  des 
sujets  plus  soumis.  11  paraît  qu'on  ne  fit 
mourir  Siméon,  parent  de  Jésus-Christ,  que 
parce  qu'il  était  de  la  race  de  David,  et  par 
conséquent  soupçonné  de  vouloir  exciterdes 
troubles. 

Réponse.  Tacite  et  Suétone  distinguent  for 
mellement  les  chrétiens  d'avec  les  juifs; 
Pline  et  Trajan  n'ont  pas  pu  les  confondre  ; 
le  premier  était  convaincu  par  des  informa- 
tions juridiques  que  le  grand  nombre  des 
chrétiens  étaient  non  des  juifs,  mais  des 
païens  convertis.  Les  juifs,  loin  d'être  enve- 
loppés dans  les  supplices  des  chrétiens, 
étaient  leurs  principaux  accusateurs.  Quels 
troubles  pouvait  exciter  Siméon,  vieillard 
âgé  de  six- vingts  ans?  Il  fut  accusé  d'être 
chrétien  et  parent  du  Seigneur  par  des  hé- 
rétiques qui  furent  aussi  convaincus  d'être 
du  sang  de  David;  ils  ne  furent  point  mis  à 
mort.  Hégésippe  dans  Eusèbe,  Hist.  eccl., 
1.  III,  c.  32. 

2°  La  secte  des  chrétiens  dut  paraître  aux 
Romains  une  association  dangereuse,  parce 
qu'ils  étaient  fort  unis  entre  eux,  presque 
totalement  séparés  du  reste  de  la  société, 
uniquement  soumis  à  la  domination  des  évo- 
ques, seuls  juges  et  seuls  magistrats  qu'ils 
reconnussent. 

Réponse.  Sous  Dioclétien,  au  commence- 
ment du  iv"  siècle,  comment  pouvait-on 
croire  que  la  secte  des  chrétiens  et  il  une 
association  dangereuse,  après  uni'  ex|iérience 
de  doux  cents  ans,  pendant  lesqm^ls  elle 
n'avait  donné  aucun  sujet  de  plainte  au  gou- 


im 


PEfl 


PER 


mi 


vfrnement?  Ici  l'on  nous  dit  que  los  chré- 
tiens étaient  très-unis  entre  eux;  ailleurs  on 
nous  reproche  iju'ils  étaient  tlivisés  en  })lu- 
sieurs  sectes  qui  se  délestaient.  Ils  n'étaient 
sé|)arés  du  reste  de  la  société  que  dans  les 
(^xercicf's  de  la  relij,'ion  ;  pour  tout  le  reste 
ils  rivaient  coinuiolcs  autres  citoyens  ;  Tcr- 
lullien  le  fait  renianiucr  aux  nia;iislrats  ro- 
main-. 11  est  donc  faux  cju'ils  ne  fussent  point 
souuns  à  l'auldriié  civile  ;  Jésus-Christ  et 
saint  Paul  l'avaient  formellement  ordonné, 
et  Tertullien  en  prend  encore  à  témoin  les 
magistrats  eux-mêmes.  Pline  ne  rejirésento 
point  à  Trajan  cette  association  comme  dan- 
gereuse, mais  comme  une  supersliliun  exces- 
sive et  grossière  ;  ce  sont  ses  termes. 

3"  Le  pouvoir  excessif  des  évèques  sur 
l'esprit  de  leurs  sectateurs  parut  dangereux 
aux  empereurs  ;  on  en  voit  un  exemple  à 
l'occasion  du  martyre  de  Fabien,  évêque  de 
Rome,  dans  la  cinquante-deuxième  lettre  de 
suint  Cyprii'ii. 

Réponse.  Lv.  jtouvoir  prétendu  des  évoques 
sous  le  règne  des  empereurs  païens  est  une 
chimère;  c'est  Constantin  qui  leur  attribua 
un  degré  d'autorité  dans  les  alfaires  civiles, 
et  les  incrédules  lui  en  font  un  crime.  Ils 
ont  faisilié  la  lettre  de  saint  Cyprien  pour 
élayer  une  calomnie  ;  il  dit  que  le  tyran 
(Dèce)  aurait  été  moins  alarmé  île  voir  s'é- 
lever contre  lui  un  compétiteur  de  l'empire, 
(jue  de  voir  établir  h  Rome  un  rival  de  son 
sacerdoce  :  nos  adversaires  traduisent,  un  ri- 
val de  son  pouvoir,  et  font  déraisonner  saint 
Cyprion.  Or  la  rivalité  du  sacerdoce  regar- 
dait uniquement  la  religion;  d'ailleurs  il  est 
question  là  de  saint  Corneille,  et  non  de  saint 
Fabien. 

V°  Les  chrétiens  refusaient  de  prier  les 
dieux  cl  de  li'ur  sacritier  pour  la  prospérité 
des  empereurs,  de  rendre  à  leurs  images  les 
honneurs  que  leur  décernaient  l'usage  et  la 
llallerie;  saint  Polycarjie  ne  voulut  jamais 
donner  à  l'empereur  le  nom  de  seigneur. 
Kusèbe  nous  l'apprend,  Hist.  ceci.,  \.  iv, 
c.  15. 

Itéponse.  Nouvelle  fausseté.  On  disait  à 
saint  Poly  carpe  :  «Quel  mal  y  a-l-il  de  dire,.«ci- 
gneur  Cc'sar,  cl  de  sacrifier  |)Our  être  mis  en  li- 
berté?» Il  ne  suilisaitdonc  pas  de  donner  à  Cé- 
sarlenomdeseiiyncKr,  il  fallait  sacritier.  Saint 
Polycarpe  devant  le  juge  refusa  de  jurer  par 
le  génie  de  Cc'sar,  pai  ce  que  ce  i)rétendu  gé- 
nie était  une  fausse  divinité.  Il  ajouta  :  «  Il 
nous  est  ordonné  de  rendre  aux  magistrats 
et  aux  puissanci'S  établies  de  Dieu  l'honneur 
qui  leur  est  dit,  mais  sans  nous  rendre  cou- 
pables. »  En  faisant  cette  ordonnance,  saint 
Paul  a  aussi  recommandé  de  prier  jiour  les 
princes  et  les  souverains,  et  Tertullien  pro- 
teste que  les  chrétiens  ne  manquaient  jamais 
à  ce  devoir,  ^'ouloir  qu'ils  rendissent  aux 
images  des  césars  les  honneurs  que  la  tlatte- 
rie  et  la  superstition  leur  avaient  attribués, 
c'était  exiger  qu'ils  fussent  idolâtres. 

5°  Le  peuple,  irrité  par  les  prêtres  du  pa- 
ganisme, regardait  les  chrétiens  comme  des 
impies,  comme  des  ennemis  des  dieux;  il 
leur  attribuait  toutes  les  calamités  publi- 


ques ;  continuellement  on  criait  dans  l'amphi- 
théâtre :  Faites  périr  tes  impies.  Les  magis- 
trats durent  être  disposés  à  châtier  des  hom- 
mes qui  refusaient  de  plaider  devant  eux. 

Réponse.  Mais  pourquoi  regardait-on  les 
chrétiens  comme  des  impies,  des  athées,  des 
méchants?  parce  qu'ils  ne  voulaient  pas  ado- 
ler  les  dieux;  donc  c'est  la  religion  seule 
que  l'on  persécutait  en  eux.  Il  est  faut  ciiie 
les  chrétiens  attaqués  en  justice  jiar  des 
païens  aient  refusé  de  plaider  devant  les  ma- 
gistrats; ijuant  aux  contestations  qu'ils  pou 
valent  avoir  entre  eux,  saint  Paul  les  avait 
exhortés  à  les  terminer  par  des  arbitres  : 
cela  n'était  défendu  par  aucune  loi  romaine. 

G"  Comme  les  chrétiens  tenaient  leurs  as- 
semblées de  nuit,  on  crut  qu'ils  cabalaient 
contre  l'Etat  ;  on  les  accusa  de  manger  un 
enfant  et  de  se  souiller  par  d'horribles  im- 
jiiétés.  Cette  accusation  était  jieut-ètre  fon- 
dée à  l'égard  de  quelques  sectes  d'hérétiques 
que  les  païens  ne  savaient  pas  distinguer  des 
orthodoxes. 

Réponse.  Toutes  ces  accusations  étaient 
démontrées  fausses  par  les  informations  que 
Pline  avait  faites;  cependant  Trajan  ordonna 
que  les  chrétiens  accusés  et  convaincus  fus- 
sent punis;  donc  cette  punition  ne  leur  était 
pas  inlligée  pour  des  crimes,  mais  |)our  leur 
religion.  11  est  constant  que  la  haine  reli- 
gieuse des  païens  était  le  seul  fondement  do 
toutes  leurs  calomnies.  Cependant  tous  n'é- 
taient pas  également  furieux;  saint  Atha- 
nase  rap|)orte  que,  pendant  la  persécLition 
de  Dioclélien  et  iVIaximien,  plusieurs  païens 
cachèrent  des  chrétiens,  payèrent  des  amen- 
des et  se  laissèrent  emprisonner  plutôt  que 
de  les  déceler,  Hist.  arian.,  n.  Ci-,  op.  t.  I, 
p.  382.  On  rendait  donc  ouelquefois  justice 
à  leur  innocence. 

7"  L'o|iinion  des  chrétiens  sur  la  fin  pro- 
chaine du  monde  et  sur  la  vie  future  lit 
croire  que  ces  misanthropes  se  réjouissaient 
des  malheurs  publics,  et  les  fil  regarder 
comme  ennemis  de  la  société.  Tacite  dit 
qu'ils  furent  convaincus  de  hair  le  genre  hu- 
main. 

Réponse.  La  phrase  de  Tacite  nous  paraît 
plutôt  signifier  qu'ils  furent  convaincus  d'^- 
tre  hais  du  genre  humain.  Mais  qu'importe? 
Le  cri  toile  impios,  dont  retentissait  l'am- 
phitliéiUre,  ne  signifie  point,  faites  périr  ceux 
qui  haïssent  le  genre  humain.  Pline,  Trajan, 
les  édits  des  em|)ereurs,  Celse,  Julien,  Li- 
banius,  Poiphyre,  etc.,  n'ont  point  condam- 
né les  chrétiens  par  ce  motif,  mais  [larce 
qu'ils  détestaient  l'idoliltrie;  les  actes  des 
martyrs  en  sont  encore  une  jtreuve.  D'ail- 
leurs, quel  prétexte  pouvaient  avoir  les 
païens  d  accuser  les  chrétiens  de  haïr  le  genre 
humain?  c'est  sans  doute  parce  qu'ils  en- 
seignaient que  les  adorateurs  des  idoles 
étaient  dévoués  à  la  damnation  éternelle. 
Cette  croyance,  qui  devait  ]taraître  odieuse 
aux  païens  n'était  cependant  pas  un  crime 
contre  l'ordre  de  la  société  ni  contre  les  lois. 

b°  Voici  une   accusation  plus   grave.  Les 
chrétiens,  par  leur  zèle  faiiatiiiue    et  turbu 
lent,  ont  souvent  attiré  la  ncisécution  suj 


14'43 


PER 


I>ER 


un 


eus  5  ils  allaient  braver  les  dieux  dans  leurs 
temple»,  renverser  les  autels,  briser  les  ido- 
les, troubler  les  cérémonies  païennes  :  ces 
sorles  d'avanies  ne  sont  jamais  permises. 

Réponse.  Si  cela  est  arrivé  souvent,  pour- 
quoi n'en  voyons-nous  aucun  vestige  dans 
les  écrits  de  nos  anciens  ennemis  ?  par  lîi  ils 
auraient  excusé  leur  cruauté.  Dans  toute 
retendue  de  l'empire  romain,  pondant  trois 
cents  ans  de  persécution,  à  peine  peut-on 
citer  deux  ou  trois  exemples  do  zèle  impru- 
dent de  la  part  d'un  chrétien,  et  ce  sont  des 
écrivains  ecclésiastiques  qui  nous  les  ont 
transmis.  On  parle  d'un  certain  Théodore, 
sold.it,  qui  brûla  un  temple  de  Cybèle  dans 
la  ville  d'Amasée,  et  ce  fait  très-apocryphe 
n'est  rapporté  que  par  Métaphraste.  On  al- 
lègue Polyeucle,  qui  insulta  les  idoles  dans 
un  temple,  et  il  n'y  en  a  point  de  preuv.j 
que  l'imagination  de  Corneille;  les  actes  du 
martyre  de  saint  Polyeucte  n'en  disent  pas 
un  mot.  Tillem.,  Mém.,  t.  111,  p.  424- ;  Jos. 
Assémani,  Calend.,  tom.  VI,  ad  9  jaituar. 
On  nous  fait  souvenir  d'un  chrétien  qui, 
dans  Nicomédie,  arracha  l'édit  porté  contre 
le  christianisme  par  Dioclétien  :  il,  ne  fut 
donc  pas  la  cause  de  la  persécution,  puis- 
qu'elle était  déjà  ordonnée.  Ceux  qui  ont 
examiné  avec  le  plus  d'attention  ce  trait 
d'histoire,  sont  convaincus  que  la  véritable 
cause  de  cet  orage  fut  la  jalousie  et  le  dé- 
pit des  prêtres  païens,  qui  voyaient  leur  cré- 
dit, leur  auiorité,  leur  pouvoir  sur  le  peuple 
déchoir  et  s'anéantir  à  mesure  que  le  chris- 
tianisme faisait  des  progrès  ;  ils  vinrent  à 
bout  d'aigrir  Dioclétien,  prince  timide,  in- 
constant, superstitieux,  et  de  lui  arracher 
l'édit  qu'il  porta  contre  le  christianisme. 
Voilà  toutes  les  preuves  que  nos  déclama- 
teurs  opposent  à  vingt  monuments  qui  at- 
testent la  patience  invincible  des  chrétiens 
en  général.  C'est  avec  aussi  peu  de  fonde- 
ment qu'ils  accusent  les  chrétiens  d'avoir 
souvent  insulté  les  magistrats  sur  leur  tri- 
bunal, et  d'avoir  provoqué  leur  cruauté  ;  ils 
ne  peuvent  pas  le  prouver,  et  saint  Clément 
d'Alexandrie  a  formellement  blâmé  cette  con- 
duite. Le  concile  d'Elvire,  tenu  vers  l'an  3iJ0, 
défendit  de  mettre  au  nombre  des  martyrs 
celui  qui  aurait  été  tué  pour  avoir  brisé  des 
idoles. 

Enfin,  nos  adversaires  nous  représentent 
que  les  chrétiens  durent  avoir  pour  enne- 
mis les  prêtres  du  paganisme,  les  aruspices, 
les  devins,  les  magiciens,  dont  ils  dévoi- 
laient la  fourberie  :  tous  ces  hommes,  in- 
téiessés  à  la  conservation  de  l'idol  itrie,  ir- 
ritaient le  peuple  contre  les  clirétiens  qui 
voulaient  la  détruire.  D'aideurs  les  écrits  des 
premiers  apologistes  du  chrislianisiuo  sont 
remplis  de  fiel,  d'invectives,  de  railleries 
sanglantes  contre  le  paganisme,  contre  les 
dieux,  et  contre  leurs  adorateurs. 

Répons'e.  Les  chrétiens  eurent  aussi  pour 
ennemis  les  piulosojjhes  protecteurs  des  er- 
reurs pojiulaires,  et  ceux-ci  exeicèrent  plus 
à'uu/3  fois  contre  eux  la  noble  fonction  d'ac- 
cusateurs :  mais  quel  fut  le  prétexte  de  tous 
ces^ens-là?  l'impiété.  Les   apolo^-istes   du 


christianisme  n'ont  jamais  fait  contre  les 
dieux  des  païens  des  railleries  aussi  sanglan- 
tes que  Aristophane,  Sénèque  et  Juvénal  ;  ils 
n'ont  pas  ridiculisé  les  devins  et  les  arus- 
pices d'une  manière  plus  offensante  que  Ci- 
céron;  ils  n'ont  pas  nièiiie  déclamé  avec  au- 
tant d'amertume  contre  l'idolâtrie  que  les 
incrédules  modernes  le  font  contre  notre  re- 
ligion :  ces  derniers  se  croient-ils  pour  cela 
dignes  d'être  persécutés  et  mis  à  mort?  En- 
core une  fois,  il  est  scandaleux  de  voir  les 
protestants  suggérer  aux  incrédules  des  rai- 
sons |)Our  prouver  que  les  chrétiens  avaient 
mérité  les  cruautés  qu'ils  ont  souffertes  de 
la  part  des  empereurs  pnïens.  Mosheim  est 
de  ce  nombre;  il  cite  Eusèbe,  Hist.  ecclés., 
1.  vni,  c.  1,  qui,  avant  de  raconter  la  persé- 
cution de  Dioclétien  et  de  Maximien,  expose 
l'état  florissant  dans  lequel  était  le  christia- 
nisme ;  qui  peint  ensuite  les  désordres  nés 
parmi  les  chréiiens  pendant  la  paix  dont  ils 
avaient  joui,  l'ambition,  les  animosités  mu- 
tuelles, les  disputes  des  évêques,  les  haines, 
les  injustices,  les  fourberies  des  particuliers. 
«  Tous  ces  crimes  (ajoute  cet  liistorien)  avaient 
irrité  le  Seigneur,'  c'est  pour  les  punir  qu'il 
enflamma  la  colère  des  persécuteurs,  »  Mos- 
heim en  conclut  que  les  chrétiens  fournirent 
eux-mêmes  des  armes  à  leurs  ennemis,  qu'ils 
donnèrent  lieu  aux  païens  de  représenter 
aux  empereurs  qu'il  était  do  l'intérêt  public 
d'exterminer  une  secte  aus.si  turbulente, 
aussi  ennemie  du  repos,  et  aussi  capable 
d'abuser  de  l'indulgence  du  gouvernement. 
Hist.  christ.,  3'  sect.,  §  22,  n.  3,  p.  5"5. 

Le  passage  d'Eusèbe  emporte-t-il  cette  con- 
séquence? Parce  que  Dieu  fut  juste  en  punis 
sant  les  vices  des  chrétiens,  .s'ensuit-il  que 
les  empereurs  furent  équitables  en  les  pour- 
suivant à  feu  et  à  sang?  Ce  n'est  pas  ici  la 
seule  occasion  dans  laquelle  Dieu  s'est  servi 
de  la  démence  et  de  la  frénésie  des  tyrans 
pour  châtier  dans  son  peuple  des  fautes  qui 
ne  semblaient  pas  mériter  un  traitement  aussi 
rigoureux.  Mais  c'est  sur  des  preuves  posi- 
tives qu'il  faut  juger  du  vrai  sens  de  la  nar- 
ration d'Eusèbe.  1°  Il  y  a  folie  à  prétendre 
que  les  mœurs  des  clirétiens  du  m'  siècle 
étaient  plus  mauvaises  que  celles  des  païens; 
que  de  tous  les  sujets  de  remjiire  c'étaient 
les  moins  soumis  aux  lois,  les  plus  ennemis 
du  I  e[)Os  public,  les  plus  capables  de  donner 
de  l'inquiétude  au  gouvernement  ;  qu'ainsi 
l'on  devait  sévir  uniquement  contre  eux.  11 
faudra  donc  supposer  qu'à  commencer  jiar 
Néron,  tous  les  empereurs  qui  ont  persécuté 
les  chrétiens  <^laienl  aussi  animés  par  les 
motifs  du  bien  j)ul)lic,  quoique  plusieurs  de 
ces  princes  aient  rendu  un  témoignage  for- 
mel au  caractère  paisible  et  à  l'innocence 
des  mœurs  des  chrétiens.  Il  faudra  supposer 
encore  que  Dioclétien,  penuant  les  dij-huit 
premières  années  de  son  règne,  fut  un  très- 
mauvais  politique,  non-seulement  en  les 
tolérant,  mais  en  leur  donnant  sa  conliauce  , 
en  les  souffrant  dans  son  palais,  et  en  les 
revêtant  de  divers  emplois,  et  qu'il  ne  com- 
menya  d'être  sage  que  qui»iid  son  esprit  eut 
baissé.  — 2"  Une  autre  aljsurdité  plus  forte 


9i4S 


PER 


PER 


fi  16 


est  de  prétondre  qu'un  monstre  de  cruauté, 
Ici  que  Maxiniien-Gaièrc,  qui,  pour  son  ;imu- 
sement,  faisait  dévorer  les  liomnies  par  drs 
ours,  et  jeter  les  pauvres  dans  la  uicr,  lors- 
(]u'ils  ne  pouvaient  pas  payer  les  impôts; 
(|Lii  lit  tue  ses  médecins  parce  qu'ils  ne  |>ou- 
vaientpaslc  guérir,  etc.,  était  caiiabU!  d'agir 
par  un  motif  de  bien  public.  On  sait  que 
Diorlétion,  son  collègue  ,  hii  résista  long- 
temfis  avant  de  consentir  à  \a  persécution,  ci 
qu'il  ne  lui  C(''da  eiitin  que  par  faiblesse.  Lac- 
tance,  de  Mort,  perscc,  c.  11.  il  n'est  i>hs 
moins  certain  que  le  m^tildo  sa  h.iine  con- 
tre les  chrétiens  était  la  superstition  stupide 
?i  laquelle  il  était  livré,  et  dans  laquelle  d 
était  cntieteiui  par  sa  mère,  temme  aussi 
Hiécliante  que  lui.  Ibid.  —3"  Quand  il  ,y  au- 
rait eu  des  coupables  parmi  les  chrétiens,  ce 
n'était  pas  une  raisoiul'enveloiiper  les  inno- 
cents dans  la  même  proscription,  de  sévir 
contre  Prisca,  lemme  de  Dioclélieii,  et  contre 
Val-'ria  sa  lille,  épouse  de  Maxiinien-Cialère; 
de  faire  périr  par  les  supplices  to.is  les  of- 
liciers  du  palais  qui  étaient  chrétiens  ou 
seulement  soupçonnés  de  l'être.  Les  désor- 
dres dont  Eusèbe  a  parlé  n'étaient  pas  de 
nature  f>  mériter  de  si  cruels  tourments. 
L'on  n'avait  jfjmais  traité  avec  autant  de 
barbarie  les  païens  (}ui  avaient  excité  des  sé- 
ditions, atlenté  à  la  vie  des  empereurs,  ou 
trempé  les  mains  tlaiis  leur  sang.  Si  Eusèbc 
avait  [leint  sous  les  mêmes  couleurs  les 
mœurs  d'une  secte  d'hérétiques,  nos  adver- 
saires diraient  qu'il  a  exagéré.  Cinquante 
ans  auparavant,  saint  Cyprien  avait  fait  aux 
chrétiens  les  mêmes  reproches  à  l'occasion 
de  la  7;frs«'?(?/ow  de  Dèce,  Liù.  deLapsis; 
il  ne  s'ensuit  pas  de  là  qr.c  l'an  2i9,  c'étaient 
déjà  des  sujets  turbulents  et  les  plus  mau- 
vais citoyens  de  l'empire.  —  k"  Une  preuve 
que  leur  conduite  était  irréprochable  dans 
l'ordre  civil ,  c'est  que  l'on  fut  obligé  de 
leur  supposer  des  crimes  faux.  Maximien 
lit  mettre  le  feu  au  palais  par  ses  émis- 
saires, et  cliarjjea  les  chrétiens  de  cet  in- 
cendie, comme  avait  fait  Néron  à  l'égard 
do  celui  do  Rome,  duquel  il  était  lui-môino 
l'auteur  ;  Lactance  ,  ibid. ,  cap.  ik.  Qui- 
conque consentait  à  sacrifier  était  renvoyé 
absous,  cap.  15.  L'apostasie  avait-elle  donc 
la  vcftud'eft'acer  tous  les  crimes  et  de  guérir 
tous  les  vices"?  —  5°  Les  chrétiens  furent 
justifiés  par  le  tjnan  même  qui  avait  i ésolu 
de  les  exlermincr.  Masimien-tialère,  près  de 
mourir  et  tourmenté  par  ses  remords,  donna, 
l'an  311,  un  édit  pour  faire  cesser  la  persé- 
cution; i\  y  déclara  qu'il  avait  sévi  contre 
les  chrétiens,  non  pour  les  punir  d'aucun 
attentat  contre  Tordre  public ,  mais  parce 
quils  avaient  eu  la  folie  de  renoncer  à  In  reli- 
gion et  aux  usages  de  leurs  aicujr,  de  se  faire  des 
lois  conformes  à  leur  goût  et  de  tenir  des  as- 
semblées particulières.  Voilà  donc  tout  leur 
crime.  11  ajoute  que  comme  plusieurs  per- 
sévèrent toujours  dans  leur  sontimont,  et  ne 
rendent  plus  de  culte  ni  aux  dieux  de  l'em- 
pire ni  à  celui  des  chrétiens,  il  cons^^nt  à 
leur  faire  grâce,  à  leur  permettre  de  vivre 
dans  le  christianisme  et  do  recoinmeucer 


leurs  assemblées,  pourvu  qu'ils  ne  fassent 
rien  contre  l'ordre  public,  li  les  invite  à 
priûricur  Dieu  pour  lui,  et  (>oiir  la  |)ruspéri- 
té  de  l'Etat.  Lactance,  de  Mort,  pas.,  c.  3i; 
lùisèbe,  1.  vm.  c.  17.  Maxiaiien,  dans  le 
rescrit  qu'il  donna  l'année  suivanlo  jiour  le 
même  sujet,  no  leur  lit  pas  d'autres  re,  ro- 
ches que  Maximien-tJalère,  Evsèbe,  I.  ix, 
c.  y.  Il  est  triste  de  voir  dfs  protestants  cjui 
se  (lisent  chrélions  ,  pousser  contre  leurs 
frères  du  nr  siècle  l'injustice  et  la  uialignit<5 
plus  loin  qu  •  les  jTers.'Cuteurs  mômes.  — 
G"  L'on  ne  peut  pas  récuser,  sur  les  faits 
dont  nous  parlons,  le  témoignage  de  Lac- 
tmce,  il  en  était  témoin  oculaiie;  il  avait 
et  ■  appelé  à  Nicomédic  pai-  Diociétien  et  lo- 
g'^  dans  le  j)alais  :  les  scènes  les  plus  san- 
glantes se  passèrent  sous  ses  yeux  ;  il  coii- 
naiss  lit  par  lui-même  les  pcrsonnagos  dont 
il  a  f-,it  le  portrait.  Ensèhe  n'a  écrit  son 
histoire  que  pendant  les  troubles  de  l'aria- 
nisuii)  ;  il  peut  très-bien  avoir  prêté  au  clergé 
et  aux  lidèles  de  l'an  30iJ,  la  conduite  et  lo 
caractère  de  ceux  de  l'an  330,  et  les  d<^sor- 
dros  que  les  ariens  tirent  naître  dans  l'E- 
glise. Mais  nous  n'avons  pas  besoin  de  ce 
soupçon  pour  peser  la  valeur  de  et'  qu'il  a 
dit.  —  7°  Eniin,  Mosheim  a  été  plus  judicieux 
et  plus  équitable  ilans  un  autre  endroit  du 
même  ouvrage,  Hist.  christ.,  sect.  '^,  §  1, 
notes;  il  s'attache  à  jirouver  que  les  causes 
de  la  persécution  de  Diociétien  et  Maximien 
furent,  1°  les  impostures  des  prêtres  paiens 
et  des  arus|iiccs,  qui  assurèrent  à  ces  deux 
empereurs  que  la  présence  <les  chrétiens 
empêchait  les  dieux  d'agréer  les  sacrilices, 
et  de  rendre  comme  autrefois  des  oracles; 
2"  les  artilices  des  philosophes,  qui  leur 
persuadèrent  que  les  chrétiens  avaient  chan- 
gé la  doctrine  de  leur  maître,  que  Jésus- 
Christ  n'avait  jamais  défendu  de  rendre  un 
culte  aux  Dieux;  3i'ambition de  Maximien, 
qui,  possédé  du  projet  de  se  rendre  seul  maî- 
tre de  l'empire,  craignait  que  les  chrétiens 
ne  se  rangeassent  du  côté  de  Constance- 
Chlore  et  de  Constantin  son  fils,  (pii  leur 
avaient  toujours  été  favorables.  Que  ces 
causes  soient  réelles  ou  imaginaires,  aucune 
ne  peut  faire  déshonneur  aux  chrétiens,  ni 
former  aucun  préjugé  contre  leur  conduite. 
11  ne  serait  pas  plus  difticile  de  mon- 
trer l'innocence  des  chrétiens  suppliciés 
par  milliers  dans  la  Perse,  que  celle  des 
victimes  de  la  barbarie  des  empereurs  ro- 
mains. On  ne  peut  pas  former  contre  les 
premiers  des  accusations  mieux  prouvées 
que  contre  les  seconds.  Déjà  ceux  qui  les 
calomnient  se  réfutent  mutuellement  ;  les 
uns  disent  que  les  chrétiens  ont  été  turbu- 
lents et  séditieux  dès  leur  origine,  les  a'itres 
prétendent  que  le  christianisme  s'éiablit 
d'abord  dans  le  silence,  à  l'insn  des  empe- 
reurs et  du  gouvernement  î  mais  que,  quand 
il  eut  acquis  des  forces,  les  souverains  se 
trouvèrent  réduits  à  l'embrasser.  Cela  peat 
nous  faire  conclure  que  si  nos  adversaires 
étaient  eux-mêmes  assez  forts,  il  emploie- 
raient la  violence  pour  nous  rendre  iocré- 
dules. 


un 


PER 


PER 


lii3 


Que  penser  encore  lorsque  les  protestants 
veulent  nous  faire  envisager  les  cruautés 
exercées  contre  les  catholiques  par  les  Van- 
dales en  Afrique,  comme  une  représaille  de 
celles  que  les  empereurs  avaient  mises  en 
usage  contre  les  donatistes,  les  ariens  et 
d'autres  sectes  hérétiques?  A  la  vérité  le  roi 
Hunéric  allégua  ce  prétexte  dans  un  de  ses 
édits  rapporté  par  Victor  de  Vite,  de  Perscc. 
Yandal.,  1.  iv,  c.  11;  mais  y  avait-il  la  moin- 
dre apparence  de  justice?  Les  sectes  pour- 
suivies par  les  empereurs  avaient  excité 
l'indignation  publique  par  les  séditions,  les 
violences,  les  voies  de  faits  dont  elles  s'é- 
taient servies  pour  répandre  leurs  erreurs  ; 
nous  l'avons  fait  voir  en  parlant  de  chacun 
en  particulier.  Mais  par  quels  attentats  les 
catholiques  africains  avaient-ils  allumé  la 
fureur  des  Vandales?  Jamais  les  empereurs 
n'avaient  exercé  contre  aucune  secte  héré- 
tique les  meurtres,  les  massacres,  les  tor- 
tures, par  lesquels  les  Vandales  signalèrent 
leur  barbarie.  On  ne  peut  lire  sans  frémir  la 
relation  qu'en  a  fôite  Victor  de  Vite,  témoin 
oculaire.  Ils  tourmentaient  les  catholiques 
uniquement  à  cause  de  leur  croyance,  et 
pour  les  forcer  à  professer  l'arianisme;  les 
empereurs  avaient  sévi  contre  les  héré.iques 
à  cause  de  leur  conduite  turbulente  et  sédi- 
tieuse. Comme  les  protestants  ont  imité  les 
procédés  de  ces  sectaires  pour  s'établir,  et 
qu'd  a  souvent  fallu  les  réprimer  les  armes 
à  la  main,  ils  se  croient  toujours  en  droit, 
comme  les  Vandales,  de  nous  exterminer, 
s'ils  le  pouvaient,  sous  prétexte  de  repré- 
sailles. 

PERSÉVÉRANCE,  courage  et  constance 
d'une  âme  qui  persiste  dans  la  pratique  de 
la  vertu,  malgré  toutes  les  tentations  et  les 
obstacles  qui  s'y  ojjposent.  On  nomme  per- 
sévérance finale  le  bonheur  d'un  homme  qui 
meurt  dans  l'état  de  grâce  sanctiliante.  On 
peut  donc  envisager  la  persévérance  de  deux 
manières,  l'une  purement  [lassive,  et  c'est 
la  mort  de  l'homme  en  état  de  grâce.  Ainsi 
les  enfants  qui  meurent  après  avoir  reçu  le 
baptême  et  avant  l'usage  de  raison,  les  adul- 
tes, qui  sont  tirés  de  ce  monde  immédiate- 
ment apr-ès  avoir  reçu  la  gr-âce  de  lajustili- 
cation,  reçoivent  de  Dieu  cette  persévérance 
passive.  L'autre  que  l'on  peut  nommer  per- 
sévérance active ,  est  la  corres|)ondance  de 
l'homme  aux  grâces  que  Dieu  lui  doiuie  [lour 
continuer  à  fciire  le  bien  et  à  s'abstenir  du 

Eéché.  Celle-ci  dépend  de  l'homme  aussi 
ien  que  de  Dieu  ;  mais  il  ne  dépend  pas 
de  lui  d'être  tiré  de  ce  monde  au  moment 
qu'il  est  en  éiat  de  grâce.  Pelage  pensait  que 
1  homme  peut  persévérer  jusqu'à  la  tin  dans 
la  pratique  de  la  vertu,  par'  les  seules  forces 
de  la  nature,  ou  du  morns  avec  le  secours 
des  lumières  que  la  fui  lui  fournit  :  les  seiui- 
pélagiens  étaient  dans  le  mémo  sentiment. 
Sarnt  Augustin  soutint  contre  eux,  avec  l'E- 
glise catholique,  que  rhomme  a  besoin  pour 
cela  d'une  grâce  particulière  et  spéciale, 
distinguée  de  la  grâce  sanctiliante,  et  que 
cette  grâce  ne  manque  jamais  aux  justes 
que  par  leur  faute.   11  le  prouva  dans  sou  - 


traité  du  Don  de  la  persévérance,  qui  est  un 
de  ses  derniers  ouvrages,  et  il  l'avait  déjà 
fait  dans  son  livre  de  Corrept.  et  Gratin, 
c.  16.  C'est  aussi  la  doctrine  confirmée  par 
le  deuxième  concile  d'Orange,  can.  25,  et 
par  le  concile  de  Trente,  scss.  G,  can.  11. 
Dans  ce  même  livre  de  Corrept.  et  Gratia, 
c.  12,  n.  3i,  saint  Augustin  met  une  diffé- 
rence entre  la  grâce  de  persévérance  accordée 
aux  anges  et  à  l'homme  innocent,  et  celle 
que  Dieu  donne  actuellement  aux  prédesti- 
nés; la  première,  dit-il,  donnait  à  Adam  le 
pouvoir  de  persévérer  s'il  le  voulait,  et  il  la 
nomme  adjutorium  sine  quo;  la  seconde 
rend  l'homme  formellement  persévérant,  et 
il  l'appelle  adjutorium  quo.  En  effet,  dès 
que  le  don  de  la  persévérance  finale  renferme 
la  mort  en  état  de  grâce,  avec  ce  secours  il 
est  impossible  que  le  juste  ne  persévère  pas, 
puisque  par  la  mort  il  est  irrévocablement 
tixé  dans  l'état  de  justice.  «  Ainsi  (dit  le  saint 
docteur)  Dieu  a  pourvu  à  la  faiblesse  de  la 
volonté  humaine,  en  la  tournant  au  bien  ir- 
résistiblement et  invinciblement,  ibid.,  n. 
38.  Mais  tant  que  l'homme  est  dans  cette 
vie,  on  ne  sait  pas  s'il  a  reçu  le  don  de  la 
persévérance,  puisqu'il  peut  toujours  tomber; 
celui  qui  ne  persévère  point  jusqu'à  la  fin 
ne  l'a  certainement  pas  reçu.  »  De  Dono  per~ 
sev.,  c.  1. 

Lorsque  certains  théologiens  ont  voulu 
apiiliquer  à  toute  grâce  actuelle  intérieure 
ce  que  saint  Augustin  a  dit  de  la  persévé- 
rance finale,  et  donner  la  distinction  entre 
adjutorium  quo  et  adjutorium  sine  quo,  com- 
me la  clef  de  toute  la  doctrine  de  ce  Père 
touchant  la  grâce,  ils  ont  abusé  grossière- 
ment de  la  crédulité  de  leurs  prosélytes;  ils 
ont  voulu  persuader  iiue  la  volonté  humaine, 
sous  l'impalsion  de  la  grâce  actuelle,  n'agit 
pas  plus  q  le  le  juste  mourant  avec  la  grâcu 
sanctihante,  et  qu'elle  est  dans  un  étal  pu- 
rement passif;  jamais  saint  Augustin  n'a 
enseigné  cette  absurdité.  De  sa  doctrine  on 
conclut  avec  raison  que  le  don  ue  la  per- 
sévérance finale  renferme,  1°  une  providence 
et  une  protection  spéciale  de  Dieu,  qui  écarte 
des  justes  tout  danger  et  toute  occasion  de 
chute,  particulièrement  à  l'heure  de  la  mort; 
2°  une  suite  de  grâces  actuelles  efticaces 
auxquelles  l'homme  ne  résiste  jamais,  et 
suituut  une  grâce  eflicace  au  dernier  mo- 
ment de  la  vie;  cette  double  faveur  est  cer- 
tainerueut  un  don  très-précieux.  Les  théo- 
logiens sont  donc  bien  fondés  à  soutenir, 
coiuiue  saint  Augustin,  que  le  juste  ne  peut 
pas  mériter  ce  don  en  rigueur,  decondigno; 
mais  qu'il  peut  s'en  rendre  digne  en  ([iiel- 
que  manière,  de  congruo,  et  l'obtenir  de 
Dieu  par  ses  jirières,  par  ses  bonnes  œu- 
vr(!S,  par  sa  soumission  et  sa  confiance.  Sur 
cette  question  de  la  persévérance  finale,  les 
protestants  sont  partagés.  Les  arminiens 
soutiennent  que  le  juste  le  mieux  affermi 
dans  la  foi  et  dans  la  piété  peut  toujours 
tomber;  cet  article  de  leur  doctrine  a  été 
condamné  par  le  synode  de  Dordrecht.  Con  • 
séquemment  les  gomaristes,  attachés  à  ce 
synode,  prétendent  que  la  grâce  du  juste  est 


Ui9 


PER 


PER 


US» 


maraissible,  qu'il  ne  peut  jamais  la  pcrdro 
totalement  et  finalement;  d"où  il  suit  que  sa 
persévérance  est  non-seulement  inf;iillible, 
mais  n(''cessaire.  Bossuet,  Histoire  des  Varia- 
tions, 1.  XXIV,  a  démontré  l'iuipiété  de  cette 
docliine;  le  docteur  Arnaud  en  a  fait  voir  les 
funestes  conséquences,  dans  l'ouvrage  inti- 
tulé :  le  Renversement  de  la  morale  de  Jésus- 
Christ  par  les  erreurs  des  calvinistes,  touchant 
/ayMS/f/îco^Jon.Vainonient  Basnagea  fa  t  t  ut 
ses  etlorts  pour  en  pallier  l'absiu-dité.  His- 
toire de  rEglise,  1.  xxvi,  c.  5,  ^'.i;  il  n'a  lait 
que  la  déguiser  sous  un  verbiage  inintelli- 
gible, qui  ne  sauve  aucun  des  inconvénients; 
et  il  abuse  de  quelques  passa^^es  des  Pères, 
auxquels  il  donne  un  sens  faux  et  contraire 
à  leur  intention.  Voy.  Inamis^ible. 

PKRSONNE,  substance  in(hviduelle  d'une 
nature  raisonnable  ou  intelligente.  C'est  la 
définition  (ju'en  a  donnée  Boèce,  et  qui  a  été 
adoptée  par  les  théologiens. 

On  préiend  que  le  I -tin  persona,  dans  l'o- 
rigi  e,  a  signifié  le  mascj  e  des  ai  leurs  dra- 
matiques; ceux-ci  sont  ([uelqucfois  appelés 
personali,  parce  qu(^  leur  masque  était  l'i- 
mage (lu  (lersoima^e  qu'ils  représentaient 
sur  la  scène.  Les  tirées  se  se  valent  du  mot 
Booa'jffov,  q  i  désigne  h  la  lettre  ce  qui  est 
sous  nos  y  ux.  Les  éti  es  purement  cori)0- 
rel-,  tels  qu'une  pierre,  une  planl(^  un  ani- 
mai, ne  sont  point  nounués  personnes,  mais 
substances  ou  suppôts,  hi/postascs,  supposita; 
de  luéme  le  mot  personne  ne  se  dit  po  nt  des 
universels,  des  genres,  des  espèces,  mais 
seulement  des  natures  sing  dièr  s,  des  in- 
diviuus;  or,  la  not  on  u'individu  ou  de  per- 
sonne se  con(;o.t  de  deux  manières  :  [)os  ti- 
vemenl,  connue  quand  on  d.t  que  \n personne 
doit  ôtre  le  [ii'iue  j  e  toial  ne  J'uction,  paice 
que  les  [iliilosophes  ajipe  lent  une  personne 
tou;e  suhs.anct'  h  laquelle  on  atiribue  quel- 
que action  ;  et  négativement,  ()uand  on  dit 
avec  les  thomistes  qu'une  personne  consi^te 
on  ce  qu'elle  n'existe  pas  tlans  ua  autre  être 
plus  parfait.  .4insi  un  homme,  quoique  com- 
posé de  deux  substances  dill'éreutes,  de 
corps  et  d'esj  rit,  ne  fait  jiourtant  pas  deux 
personnes,  puisque  qu'aucune  de  ses  deux 
parties  ou  substances,  prise  séparément, 
n'est  le  principe  total  d'une  action;  lorsque 
nous  agissons,  c'est  le  corj)s  et  l'Ame  réunis 
([ui  agissent,  et  l'homine  enti;  rn'exist.'  [)uint 
dans  un  autre  ôtre  [ilus  parfait  (jue  lui. 

Eu  parlant  de  Dieu,  nous  sommes  forcés 
de  nous  serv.r  des  mômes  termes  qu'en  jiar- 
lant  des  hoinuuvs,  paice  que  les  langues  ne 
nous  en  fouinisseiit  point  d'autres.  Comme 
la  révélatiiiii  nous  fait  d  stiiiguer  en  Dieu  le 
Père,  le  Fils  et  le  Saint-iisp/ii,  il  a  fallu  les 
ap|);ler  trois  personnes,  puisque  ce  sont  tiois 
èties  subsistants  et  intelligents,  dont  l'un  ne 
fait  pas  partie  de  l'autre,  et  qui  sont  chaeiui 
un  princi[)e  d'action.  Les  Crées  ont  donc  dis- 
tingué en  Di  U  trois  hljpostases,  rpef;  vTroor  - 
est:,  et  enStlite   trois  personnes,  rpi»    T-pairu-nm.. 

Mais  il  est  clair  qu'à  l'i^gard  de  Dieu,  le  mot 
de  personne  no  présente  pas  exactement  la 
môme  notion  qu'y  ré,;ard  de  l'homme;  trois 
fiersonncs  humaines  sont  trois  hommes    ou 

DlCTlONN.    DE  ThÉOL.   DOGMATIQUE,    111. 


trois  natures  humaines  individuelles;  en  Dieu 
hîs  trois  personnes  sont  une  seule  nature  di- 
vine, un  seul  Dieu.  S.  Aug.,  £pist  109,  ad 
Kvod.  Vainement  les  soc.niens  disent  q;ie 
l'on  a  eu  tort  d'introduire  ce  langage,  de  se 
servir,  eu  parlant  di;  Dieu,  du  terme  de  per- 
sonne, qui  n'est  point  dans  l'Ecriture  sainte; 
oc  v(Julo  r  ainsi  e.vpliquer  un  mystère  essen- 
liellemeut  inexplicable.  On  y  a  été  forcé 
pourrc'priiiier  la  témérité  divs  hérétiques  qui 
se  servaient  J)  ce  sujet  (i'un  langage  erroné 
et  conlraii'eà  l'Keriiure  sainte.  Los  sociniens 
eux-mômes  nous  réduisent  à  cette  nécessité, 
en  soutenant  que  le  l'ère,  le  Fils  et  leSauit- 
Fsfirit  sont  seulement  trois  dénominations 
ou  trois  aspecis  diiïérents  d'une  seule  et 
môme  n;ituredivi:.e  individuelle;  non-si.uile- 
meiit  cette  expliia^ion  ne  se  trouve  point 
dans  l'Ecriture  sainte,  mais  cile  y  est  foi  mol- 
lement contraire.  Yoij.  Trinité. 

Voici  un  passage  de  saint  Augustin  que  les 
socin  eus  et  hs  inciédides  ontalfecté  de  re- 
marciuer,  lib.  v,  de  Trinit.,  c.  ix  :  «  Nous 
disons  une  essence  et  trois  personnes,  comme 
ont  la  t  plusieurs  auteurs  lalius  respect  lidés 
qui  n'ont  jioint  trouvé  da  die  minière  plus 

propre  à  exprimr  ce  qu'ils  entendaieni 

Mais  ici  le  langage  humain  se  trouve  tiès- 
défectucux;  on  a  dit  trois  pcrsonms,  non  pas 
pour  exprimer  quelque  chose,  mais  pour  iv\ 
pas  demeurer  muet.  »  Donc,  repreunent  nos 
adversaires,  tout  ce  que  l'on  dit  des  per- 
sonnes divines  n'est  qu'un  vrrbiago  vide  de 
sens.  Nous  convenons  que  ces  expressions 
ne  nous  donhent  pis  uiienution  claire;  mais 
elles  nous  donnent  du  moins  une  idée  con- 
fuse, puisqu'elles  signilient  trois  ôtres  sub- 
sistants et  principes  des  opérations  divines. 
Saint  Augusiiu  n'a  pas  voulu  dire  autre 
chose,  puisqu'il  n'est  aucun  des  Pères  qui 
a.t  padé  île  la  sainte  Trinité  d'une  manière 
plus  nette  et  [lus  exacte  que  lui.  Nous  som- 
mes dans  le  môme  eml.arras  à  l'é.ard  de 
tous  les  attributs  de  la  Divinité,  et  c'est  une 
des  objections  que  font  les  athées  contre  la 
notion  de  Dieu  :  ils  d  sent  (j  :e  nous  avons 
tort  d'aflirmer  que  Dieu  c  t  bon,  ju-te.  sage, 
puisque  ces  termes  expriment  des  qualités 
liumaines  qui  ne  conviennent  point  à  Dieu. 
Les  sociniens  sont-ils  de  môme  avis  que  les 
athées'?  Voy.  Attributs. 

En  |iarlant  du  mystère  de  l'incarnation, 
nous  disons  qu'en  Jésus-Christ  il  y  a  deux 
natures  très-dis'.inctes,  la  nature  divine  et 
la  nature  humaine;  que  ce  ne  sont  pas  néan- 
moins deux  personnes,  mais  une  seule  pei'- 
sonne  divine;  parce  qu'en  Jésus-Christ  la 
Hiiture  humaine  n'est  point  un  principe  total 
d'action,  mais  qu'elle  existe  avec  une  autre 
nature  plus  parfaite.  Aiii>i,  de  lunion  de  la 
nature  humaine  avec  la  nature  divine  il  ré- 
sulte un  seul  individu  ou  un  tout  qui  est  un 
))rincipe  u'action  :  tout  ce  que  l'nt  l'huma- 
nité en  Jésus-Christ,  c'est  la  personne  divine 
(pii  l'opère;  et  c'est  pour  cela  que  ces  opé- 
rations sont  appelées  théandriques  ou  déivi~ 
riles.  Voy.  Théandhiquks. 

PETILIENS.  Voy.  Donatistks. 

PETITS-PÈRES.  Voy.  Avciyr.xs. 

iii 


1451 


PET 


PEU 


1492 


PÉTROBRUSIENS,  disciples  de  Pierre  de 
Bruy»,  !iéri''iiqLiiMi!^  en  Dau|iliiné,  qui  en- 
seigna ses  erreuis  vers  Tan  1 110;  sa  secio  se 
réitandit  dans  les  provin<^es  méridionales  de 
France.  Pieire  le  Vénérable,  alibé  de  Cliiny, 
qui  vivait  dans  le  même  lomps,  a  fait  contre 
les  pétrobrusiens  un  ouvrage  dans  la  pridace 
duquel  il  rtîduit  leurs  erreurs  à  cinq  chefs 
principaux  :  1°  Ils  niaient  que  le  baptême 
soit  nécessaire  ni  môme  utile  aux  entants 
avant  l'Age  de  raison,  parce  que,  disaient-ils, 
c'est  notre  propr^' foi  actuelle  qui  nous  sauve 
par  le  liaptème;  2-"  qu'on  ne  devait  point  bâ- 
tir d'églises,  mais  au  contraire  les  détruire; 
que  les  prières  sont  aussi  bonnes  dans  une 
hôtellerie  que  dai^s  une  église,  et  dans  une 
élable  que  sur  un  autel  ;  3°  qu'il  fallait  brûl-r 
toutes  les  croix,  parce  qie  les  chrétiens  doi- 
vent avoir  en  horreur  tous  les  instruments 
\io  la  passion  de  Jésus-Christ  leur  chef; 
,'  que  Jésus-Cln-ist  n'est  pas  réellement 
présent  dans  l'eucharisie;  5°  que  les  sacii- 
lices,  les  aumônes  et  les  prières  ne  servent 
de  rien  aux  morts.  Plusieurs  auteurs  les  ont 
aussi  accusés  de  manichéisme,  et  il  paraît 
que  ce  n'est  pas  à  tori,  puisqu'il  est  prouvé 
qu'ils  admettaient  deux  primipes,  comme  les 
anciens  manichéens.  Roger  de  Hoveden , 
dans  ses  Annales  d'Angleterre ,  dit  qu'à 
l'exemple  des  disciples  de  Manès,  les  pétro- 
brusiens ne  recevaient  ni  la  loi  de  Moïse,  ni 
les  prophètes,  ni  les  psaumes,  ni  l'Ancien 
Te>tament.  Radulphe  Ardens,  auteur  du  xi' 
siècle,  rapporte  que  les  héréti'.iues  d'Agénois 
se  vantent  de  mener  la  vie  des  apôt  es,  de 
ne  point  mentir  et  de  ne  point  jurer;  qu'ils 
condanment  l'usage  des  viandes  i-t  du  ma- 
riage ;  qu'ils  rejettent  l'Ancien  Testament  et 
une  partie  du  Nouveau;  et,  ce  qui  est  de  plus 
terrible,  qu'ils  admetteiit  de.ix  créateurs,; 
qu'ils  disent  que  le  saiTi'ment  de  l'a  ,tel  n'est 
que  du  pain  toul  pur;  qu  ils  méprisent  le  bap- 
tême ;  qu'ils  rejelti-ut  le  dogme  de  la  résurrec- 
tion des  morts.  Or,  ces  héréti(iues  d'Agénois, 
qui  furent  ensuite  nommés  Albigeois,  étaient 
de  vrais  m  michéens,  comme  la  prouvé  Bos- 
suet,  7f(s«.  des  Variât.,  l.xi,  n.  17 et  suiv.  Bas- 
nage  a  fait  inît.lement  tous  ses  etforts  pour 
persuader  le  contraire  :  on  peut  leréf  ;ter  |var 
ses  propres  principes.  Hist.  de  l'Eglise ,  1. 
XXIV,  c.  4,  etc.  Pierre  de  Bruys  n'était  pas  un 
assi'z  habile  docteur  pour  avoir  fofgé  une 
hérésie  de  son  chef;  il  ne  fit  (|ue  proi)ager 
une  partie  des  erreurs  que  les  albigeois,  suc- 
cesseurs des  pauUciens,  avaient  répan  lues 
avant  lid  :  mais  on  sait  le  motif  qui  a  porté 
les  protestants  h  justilier  l,;s  héiél.ques  du 
xi°  et  du  xu'  siècle,  c'est  qu'ils  ont  voulu 
se  les  donner  p  nir  pré  lécsseurs.  Us  disent 
i[ue  l'on  ne  doit  point  ranger  ces  sectaires 
[larmi  les  manichéens,  k  moins  que  l'on  ne 
prouve  qu'ils  soutenaient  le  dogme  c-iracté- 
ristique  et  fondiaiental  du  m  uiichéisme, 
qui  est  le  dogme  d.'S  deux  princq:es,  l'un 
])on,  l'autre  m  tuva. s  :  or,  ajoutent-ils,  on  n'a 
au-une  preuve  positive  (pie  tes  alnige.jis,  les 
pétrobrusiens,  les  henricio.is,  etc.,  aient  ad- 
mis deux  princij)BS.  A  cette  objection  nous 
répjiiJoas,  1°  qu'il  y  a  des  preuves  positives  ; 


savoir,  le  témoignage  des  auteurs  contempo- 
rains, Bossuet  les  a  ciiés;  vainement  les  pre- 
les'.ants  récusent  ces  témoins,  ou  cherchent 
à  élmlerUs  conséquences  de  ce  ((u'ils  disent; 
2"  cjuele  dogme  des  deux  principes  n'est  pas 
plus  caractérisliqiie  du  nianich'isrtie   qu'un 
autre,  puiscju'il    avait    été    soutenu   avant 
Manès  par  les  marcionites  et  par  plusieurs 
sectes  de  gnostiipies  :  les  autres  erreur-;  des 
manichéens  ne  sont  point  une  conséiiuence 
de  celle-là;  il  n'y  aurut  rien  de  lié,  rien  de 
suivi  diiis  leur  système  ;  3°  que  conmie  ce 
dogme  est  le  plus  odieux  de  tous,  et  le  plus 
capable  d'inspirer  de  l'horreur,  les  a'bigeois 
et  leurs  prosélytes  avaient  plus  d'intérêt  à 
le  cacher  que  toutes  leurs  autres  rêveries  : 
jamais  les  chefs  de  sectes  n'ont  été  fnrt  sin- 
cères,  ils  se  sont  contentés  de  montrer,  à 
ceux  qui  voulaient  les  séduire,  le  côté  le 
]ilus  apparent  de  leur  doctrii.e;  4°  ([ue  si, 
pimr  tenir  à  une  secte,  il  faut   en   adopter 
tous  les  dogmes,  les  |)rntestants  ont  tort  de 
se  donner  pour  successeurs  des  hérétiques 
ilont  dont  nous  jiarloiis,  puisciu'ils  n'en  ont 
]ias  embrassé  toutes  les  opinions.  Il  est  ab- 
surde de  nous  représenter  ces  divers  sec- 
taires comme  des  témoins  de  la  vérité,  péti- 
llant que  l'on  est  forcé  d'avouer  qu'ils  pro  ■ 
fessaient  des  erreurs.  Aussi  Mosheim,  plus 
prudent  que  Basnage,  s'est  contenté  d'excu- 
ser tant  qu'il  a  pu  Pierre  de  Bruys  et  ses 
partisans;  il  dit  que  cet  homme  lit  les  efforts 
l(»s  plus  louables  pour  réformer  les  abus  et 
1rs  superstitions  de  son  siècle,  mais  que  son 
zèle  n'était    pas    sans  fanatisme;  qu'il  fut 
br.'ilé  à  Saint-Gilles,  l'an  1130,  par  une  po- 
[lulace  furieuse,  à  linstigatioii  du  clergé,  dont 
ce  réformateur  mettait  le  Iratic  endangT; 
mais  que  l'on  ne  connaît  pas  tout  le  système 
de  doctrine  que  cet  infortuné  martyr  ensei- 
gna à  ces  sectateurs.  Cepeiidani  il  n'a  pas 
osé  nie:',  non  jtlus  que  Basnage,  les  cinq  er- 
reurs r[ue  leur  a  imputées   Pierre  le  \"éné- 
rable.  Hist.  ecclésiastique,  xii"  siècle,  ii'  par- 
lie,  c.  5,  §  7.    Or,  il  est  prouvé   par  ce  té- 
moignage et  par  d'autres  que  P;erre  de  Bruys 
et  ses  [)rosélytes  br  daient  les  crucdix  et  les 
croix,  déiruisaient  les  églises,  insultaient  le 
clergé,  etc.  I.a  l'anatisme  contraire  a  l'ordre 
public  était  certainement  punissabl  •  ;  le  pré- 
tendu réformateur  qui  al  uî.ait  ce  feu  méri- 
t.it  le  bi^cher  dans  lequel  il  a  péri  ;  d  a  été 
martyr,  non  de  ses  opniions,  mais  des  dé- 
sordres et  des  violences  dont  il  a  été  l'au- 
te  ir.  Hist.  de  l'Eglise  gallic,  tom.  IX,  1.  xïv, 
an.  Î1V7. 

PElTALORYNCHITES.Fof/.MoiVTAMSTES. 

PEUPLE  DE  DiEU.  Ce  titre,  souvent  d  aîné 
aux  Israélites  dai;s  l'Ecrit, ,re  sainte,  scanda- 
lise les  incrédules  ;  c'est,  disent-ils,  ini  •  ab- 
surdité de  croire  que  le  Créateur  de  tous  les 
hommes  était  le  Bien  des  Israélites  plutôt 
que  1  •  D:eu  des  Chinois,  des  Indiens,  des 
tirées  et  des  Romains;  qu'Israël  était  son  liis 
aîné,  s;jn  bien-.iimé  ,  son  héritage,  pendant 
(j  i'il  .ibandonnait  les  autres  nations.  Ces  fa- 
çons de  parler,  injurieuses  à  la  providence  cie 
i)ieu,  ont  rendu  les  Juifs  orgueilleux  et  in- 
soc'ablcs  ;  elles  leur  ont  inspiré  du  mépris 


liSS 


PEl] 


p;iA 


4454 


et  dp  l'aversion  pour  les  autres  peuples,  elles 
ont  ronlribué  à  les  rendre  incrédules  à  la 
pri'dication  de  l'Evangile;  ils  n'ont  pas  pu 
soullVinpie  les  gentils  soient  apiu'lrs  eniinue 
(>ux  à  la  gnlce  de  la  foi.  Quolipii  s  rt'llexions 
d:ssi()prnnt  ais^'uicnt  ce  scandale.  1"  S  il  y  a 
une  vos  té  clairement  enseignée,  répétée  et 
incuhpiée  dans  les  livres  saints,  c'est  la  pro- 
yi.iCiice  générale  de  Dieu  à  l'égard  de  Icius 
les  lionuues  etde  t  ulcs  Its  nations,  li  est  dit 
cî'iit  fuis  que  le  Dieu  d'isi-aël  e.-t  le  souve- 
lam  Seigneur  de  toute  la  terre,  qu'il  réunie 
^ur  tous  les  peupes,  que  ses  nù-^é-ricordes 
éclalenl  sur  tous  ses  ouvrages, qu'il  conserve, 
nourrit  ol  protège  toutes  ses  créatures,  tpi'il 
a  établi  des  chefs  sur  toutes  les  nations,  que 
ses  anges  sont  les  pr.  lecteurs  des  luonar- 
clnes,  etc.  —  2°  ^ioise  ne  pouvait  pas  pren- 
dre plus  de  précautions  qu'il  n'a  fait  pour 
étouffer  l'orgueil  chez  les  Israélites;  il  leur 
dit  que  Dieu  les  a  chois's  pour  sou  peuple, 
non  parce  qu'  Is  sont  m  ilieurs  et  pi  is  esti- 
mables qu  ■  lesautios,  puisqu'au  contraiie 
ils  .sont  plus  faibles,  plus  uigrats ,  puis  en- 
clins à  ,-e  révolter  et  à  se  dépraver,  mais 
parce  qu'il  lui  a  plu,  et  parce  qu'il  l'ava  t 
promis  à  1  urs  pères.  11  les  avertit  que  le 
seul  moyen  d.^  conserver  la  protection  et  l-.'s 
bienfaits  de  Dieu,  c'est  de  lui  être  constam- 
ment soumis  et  lidèles;  quautrement  il  les 
punira  de  manière  à  faire  trembler  tous  les 
autres  p('iq)les  {DeuC.  vu,  etc.).  Lorsque  les 
prophètes  ont  annon  é  un  Mes.sie ,  ils  l'ont 
promis,  non  pour  1  s  .luiis  seuls,  mais  |)our 
toutes  les  nations;  les  prophéties  de  Jacob, 
d'Isaie,  de  Malachie,  etc.,  sont  formelles  sur 
ce  point.  C'a  donc  été  de  l.i  part  des  .luifs 
uue  oi)ini;itreté  inexcusable  de  vouloir  que  la 
gr.lco  de  l'EvangilH  fût  pour  eux  seuls.  — 
3"  Quoi  qu'en  disent  les  incrédules,  il  rstdé- 
montri'  par  le  fait  que  Dieu  avait  ai^conlé  aux 
Israélites  des  bienfaits  qu'il  n'avait  point  dé- 
partis aux  autres  nations.  Les  promesses  faites 
a  Abraham,  la  uuiitip  ic  tion  étomianle  de  ^a 
postérité  en  Lgviite ,  l.i  manière  do..t  Dieu 
avait  tiré  les  Israéliies  de  l'esclavage,  dont 
il  les  avait  nourris ,  inslruts  et  conservés 
dans  le  désert ,  les  prodiges  qu'il  avait  opé'- 
rés  en  leur  faveur,  la  possession  de  la  Pa- 
lestine qu'il  leur  avail  accordée,  etc.,  étaient 
certainement  des  bienfaits  partieuliers  des- 
quels aucun  aut  e  leuplene  pouvait  se  glo- 
rilier.  Moise  n'avait  doue  pas  tort  il(>  leur  dire 
qu'ils  étaient  s|)écialement  le  peuple,  l'iuri- 
tag(ï,  la  possession  chérie  du  Seigneur,  etc. 
11  voulait  les  rendre  reconnaissants,  r(li- 
gieux,  lidèles  il  Dieu  ;  il  de\ait  dune  leur 
parler  de  ce  que  si  bonté  avait  fait  pour  eux, 
et  non  de  ce  qu'elle  faisait  ou  voulait  faire 
pour  les  autres  nttîons.  — i'  Il  est  encore 
incontestable  que,  pendant  toute  la  durée  de 
la  r('pul)lii|u<'  juive,  tous  les  peu[iles  connus 
ont  été  I  oiythéistes  et  i  iol  Ures  ,  qu'ils  ado- 
raient les  astres,  les  diir'reides  parties  de  la 
nature  et  les  héros,  pendant  que  les  lsr;i('- 
lites  rendaient  leur  cul.e  a.i  seul  vrai  D^eu, 
créateur  du  ciel  et  de  la  terre,  il  était  donc  k 
la  lettre  le  Dieu  d'Israël,  pendant  que  les  au- 
tres peuples  lui  refusaient  leur  encens,  et 


dans  ce  même  sens  il  avait  été  le  Dieu  d'A- 
bra'uuu,  d'isaac  et  de  Jacob  :  ou  celte  diffé- 
rence était  l'effet  d'une  révélation  surnatu- 
relle accoidée  aux  Israéliies,  ou  elle  veuail 
d'un  de.;ré  sufiérieur  d'intelligence  et  de  b^u 
sens  naturel  qu  il  leur  avait  départi;  il  n'y  a 
pasdeunli  u.  Que  les  incrédules  choisissent 
celle  de  ces  deux  hypot'ièscs  (|u'  1  bur  i  laira, 
il  en  résuit  ra  toujours  que  Dieu  avait  fait 
aux  Israélites  ou  une  fîivenr  iialur:lle ,  ou 
une  gr;1ce  surnaturelle,  que  les  autres  peuples 
ne  part  igeaient  [loint  avec  eux.  Les  incré- 
dules auront  beau  dire  que  cette  t  rédilec- 
tioii  était  un  trait  de  |)artialité  ,  d'  njustice, 
de  biz.rrerie  de  la  put  de  Dieu;  il  est  dé- 
montré par  le  fait  et  |)ar  bs  \  riueipes  que 
Dieu,  sans  jjartialité  et  sans  injus  ice ,  peut 
partager  inégalement  les  dons  naturels  entre 
les  peuples  et  entre  les  honuues  ;  donc  il  peut 
aussi,  sans  partialité  et  sans  inj  stn-e  ,  h'ur 
distribuer  inégalement  ses  bien.aits  surna- 
turels, dès  qu'il  ne  leur  demande  compte  que 
de  ce  qu'il  leur  a  dimtié.  J  iuiais  les  incré- 
dules ne  viendront  à  bout  de  renverser  cette 
démoiisiration,  ijui  sape  jiar  le  prim  ipe  tous 
les  systèmes  d'incrédulité.  Yoy.  Abandon, 
Justice  de  Dieu,  Inégalité,  etc. 

*  P  iALANSTÉUlENS.  Xuij.  FouiuiiuisMr. 

*  PilAKAO.N.  Xotj.  Egypte.  Pi.aiks  DEcvrrE. 

PHARISIENS,  secte  de  Juifs  qui  était  la 
plus  noudireuse  et  la  plus  estimée  ,  lorsque 
Jés  is-Christ  parut  sur  la  terie;  non-seule- 
ment les  docteurs  de  la  loi,  que  l'on  nom- 
ma t  les  scribes,  et  tous  ceux  ipii  pa.-saient 
pour  sav.mts,  mais  le  gros  du  |)e  .pie  suivait 
les  sentiments  des  pharisiens,  ils  diff  raient 
des  Sinnaritaiiis  en  ce  qi'ils  recevaient,  non- 
seulement  la  loi  de  Moise,  mais  encore  les 
pio|)hètes,  les  hagiographe.s  et  les  traditions 
des  anciens.  Ils  élaieni  d'ailleurs  oo|)osés  aux 
sadducéens,  en  ce  ipi'ils  ci-oyaieut  la  vie  à 
venir  et  la  résurrection  des  morts,  la  pré- 
destination et  le  libre  iubitre.  11  est  dit  dans 
l'Eerdure  {Ad.  \xiii,  8)  que  les  sadducéens 
assurent  qu'il  n'y  a  point  de  r6siu'reclu)n,  ni 
d'anges,  ni  d'<'sprits,  m.  is  que  Igu  pharisiens 
croient  l'un  et  l'au'ic  A  la  véiité,  selon  Jo- 
sèphe,  cette  lésurrection  n'était  que  le  pas- 
sage de  l'-jlnje  dans  lui  autre  coi-ps;  il  ajoute 
qu'ils  croyaient  la  pr/tlestinaiion  absolue, 
au.ssi  bien  que  les  esséniens;  qu'ils  a  .met- 
taient cependant  le  libre  arbitre  de  l'homme, 
connue  les  sadducéens.  Connuent  conci- 
haient-ils  ensendile  ces  deux  opi, dons?  C'est 
ce  t[ue  l'on  ne  peut  pas  expliquer.  Une  autre 
l)i/.arrerie  de  leur  jiart,  suivant  le  même  his- 
torien .  était  d'enseigner,  d'un  côté  ,  q  '.c  les 
jimes  des  méi'.l.ants  sont  éternellement  pu- 
nies dans  l'enfer;  de  l'autre,  que  les  âmes 
des  justes  seuls  peuve'd  revenir  h  la  vie  et 
anim  r  d'autres  corps.  11  edt  été  plus  naturel 
de  croire  l'éternité  d  ■  la  récompense  des 
bons  que  l'éternité  du  châtiment  des  mé- 
chants. Quoi  qu  il  en  soit ,  le  caractère  dis 
linclif  des  pharisiens  étad  leur  attacheme 
aux  traditions  des  anciens;  ils  prétendai/ 
que  ces  traditions  avaient  été  donné 
Moïse  sur  le  mont  Sinai ,  en  même  tel 


li'oo 


P!II 


PHI 


US6 


que  la  leltre  de  la  loi  ;  aussi  leur  attribuaient  • 
iJs  la  même  autorité  qu'à  la  loi  écrite.  C'est 
ce  que  les  Juifs  appellent  enrore  aujour- 
d'hui la  Lo!  oRAi.i:.  Voy.  ce  mot.  En  vertu 
de  l'observation  ri^^ide  de  la  loi  ainsi  expli- 
quée, et  souvent  défi^uiée  par  leurs  tradi- 
tions, les  pharisiens  se  croyaient  beaucoup 
plus  saints  et  plus  parfa  ts  que  les  autres 
Juifs;  ilslesrei;ardaient  comme  lies  pécheurs 
et  des  profanes;  ils  s'en  séparaient,  ils  Tie 
voulaient  ni  boire  ni  manger  avec  eux.  De 
là  li'ur  était  venu  le  nom  de  pharisiens ,  du 
mot  pharas ,  qui  en  hébreu  signilie  séparer. 
Celte  alfectation  liypocrite  d'une  sainteti'' au- 
dessus  du  commun  en  imposait  au  peuple 
et  lui  inspirait  de  la  vénération.  Notre-Sei- 
gneur  le  ir  a  souvent  rejiroché  cette  hypo- 
crisie; il  les  accuse  d'anéantir  la  loi  de  Dieu 
par  leurs  traditions;  nous  voyons  en  elfet 
dans  l'Evangde  qu'ils  pervertissaient  le  sens 
de  [)lusieuis  préceptes  par  les  fausses  expli- 
cations quils  en  donnaient.  Dans  la  suite, 
les  dricteurs  juifs  ont  recueilli  le  fatr.is  des 
traditions  pharisaïques;  ils  en  ont  fait  une 
énorme  compi  ation  en  12  volumes  in-fol., 
qu'ils  ont  nommée  le  Talmud.  Voy.  ce  mot. 
La  plupart  sont  im|)ertinentes  et  ridicules, 
et  toutes  sont  très-onéreuses.  Cela  n'a  pas 
empêché  que  la  secte  des  pharisiens,  qui  est 
aujoird'hui  celle  d  >s  rabbanites  ou  rabbi- 
nistes ,  n'ait  en,.jlouti  toutes  les  autres.  De- 
puis plusieurs  siùrles  elle  n'a  eud'o|)posants 
qu'un  ;r>'S-petit  nombre  de  caraites  ou  de 
juifs  attachés  à  la  lettre  seule  de  la  loi;  tout 
le  reste  de  ctte  nation  et  servilement  sou- 
mis à  la  doctrine  du  talmud,  et  a  pour  ce 
livre  plus  de  respect  que  pour  le  texte  même 
de  Moise.  Voy.  Tai.mud. 

Les  pharisiens  étaient  du  nombre  de  ceux 
qui  ne  voulaient  point  d'étranger  pour  roi. 
De  là  vint  qu'ils  proposèrent,  par  malignité, 
à  notre  Sauveur,  la  question  s'il  était  [lermis 
ou  non  de  payer  le  tribut  à  César  ;  quoiqu'ils 
fussent  forcés  comme  les  autres  à  le  pa>  or,  ils 
préteniiaient  toujours  que  la  loi  de  Dieu  le 
défendait.  Tant  qu'ils  eurent  du  pouvoir,  ils 
perjécutèrent  à  outrance  tous  ceux  qui  n'é- 
taient pas  de  l.ur  parti  ;  mais  enfin  leur  ty- 
raimie,  qui  avait  commencé  après  la  mort 
d'Alexandre  Jannée,  tinit  avec  le  règne  d'A- 
ristobuie.  Prideaux,  ilisl.  des  Juifs,  1.  xiii, 
§  k;  Dissert,  sur  les  sectes  des  Juifs,  Bible 
d'Ainnnon,  t.  XUl ,  p.  218.  ilosheim  ,  dans 
son  Histoire  chrétienne ,  avait  prétendu  que 
Josèphe  a  dit,  touchant  la  doctrine  dvs pha- 
risiens ,  plusieurs  choses  qui  ne  s'accoi  dent 
point  avec  ce  qui  en  est  rapporté  avec  le 
Nouveau  Testament;  mais  le  docteur  Lardner 
a  prouvé  le  contraire  ;  il  a  fait  valoir  que  le 
rént  des  évangélisles  est  Irès-conlbrme  à  ce- 
lui de  Josèphe.  Credibility  of  Ihe  Gospel  his- 
tory,  1.  I,  c.  k,  §  1. 

PH.VSE.  Voy.  Paque. 

PHÉLÉTHL  Voy.  Céréthi 

»  PillLALÉTHES.  On  vit,  il  y  a  quelques  années, 
iihe  socioie  religieuse  se  former  à  Kicl.  Elle  prii  le 
iiDin  lie  l'hiUdcihcs  ou  d'amis  de  la  vérilé.  Elle  pro- 
:'s>sê  un  p'ir  (1 -isuie.  Elle  voulut  avoir  un  culte.  Un 
(liscoui»,  lies  canliijues.  sur  l(?sprm<  ipales  voruis  iia- 


turellos  et  sur  les  principales  phases  de  la  vie,  en 
sont  le  fond  ;  elle  garda  le  septième  jour  el  qucli|iies 
fcics,  tels  que  le  jour  de  l'an  et  le  premier  jour  des 
quatre  saisons. 

PHILASTRE  (saint),  évêque  de  Brescia  en 
Italie,  mort  l'an  388,  eut  pour  amis  saint 
Ambroise  et  saint  Augustin,  pour  disciple 
et  pour  successeur  saint  Gaudence.  Il  com- 
posa un  Catalogue  des  Hérésies,  dans  lequel 
il  met  au  nombre  des  erreurs  plusieurs  opi- 
nions qui  lui  paraissaient  peu  probables,  mais 
qu'il  est  très-permis  de  soutenir  :  les  deux 
meilleures  éditions  de  cet  ouvrage  sont  celle 
de  Hambourg,  donnée  en  1721  parle  savant 
Fabricius,  avnc  des  notes,  et  celle  de  Brescia, 
publiée  en  1738  par  le  célèbre  cardinal 
Quirini,  avec  les  Œuvres  de  saint  Gaudence. 

PHILÉ.MON  ,  homme  riche  de  la  ville  de 
Colosses  en  Phrygie,  qui  avait  été  converti 
à  la  foi,  ou  par  saint  Paul,  ou  par  Epaphras, 
disciple  de  cet  apôtre.  Sa  maison  était  u,ie 
espèce  d'église  par  la  piété  qui  y  régnait,  tt 
par  les  bonnes  œuvrts  qui  s'y  prati  juaicut. 
Onésime  ,  son  esclave  ,  peu  sensible  à  ces 
bons  exemples  ,  vola  ce  bon  maître  et  s'en 
fuit  à  Koiue.  Heureusement  il  y  rencontra 
saint  Paul,  qui  le  reçut  avec  charité,  l'instrui- 
sit, le  convertit  à  la  foi  et  le  baptisa.  Pour 
obtenir  son  pardon,  il  le  renvoya  à  son  maî- 
tre avec  une  lettre  fort  courte  ,  mais  qui , 
dans  sa  brièveté,  est  un  chef-d œuvre  d'élo- 
quence ;  il  n'y  a  pas  un  mot  qui  ne  resjiire 
la  charité,  le  zèle,  la  tendresse  pour  un  es- 
clave fugitif  devenu  chrétien,  et  pour  le  maî- 
tre avec  lequel  l'apôtre  veut  le  réconcdier  ; 
pas  un  mot  qui  ne  soit  capable  de  touciier 
et  d'attendrir  un  bon  cœur.  11  sullit  de  la  lire 
(jour  voir  s'il  est  vrai,  comme  certains  inc['é- 
dule.'>  l'ont  écrit ,  que  le  christianisme  n'a 
contribué  en  rien  à  l'abolition  de  l'escUvage, 
ni  à  rendre  plus  douce  la  condition  des  es- 
claves. Cette  religion  divine  a  fait  plus,  elle 
a  changé  les  mœurs  de  ceux-ci  et  celles  de 
leurs  maîtres. 

PHILIPPE  (saint),  apôtre  de  Jésus-Christ, 
n'a  rien  laissé  par  écrit  ;  nous  ne  savons,  de 
ses  actions  et  de  ses  travaux  que  ce  qui  en 
est  rapporté  dans  l'Evangile.  Les  auteurs  ec- 
clésiastiques ajoutent  qu'il  alla  [irècher  la  foi 
en  Phrygie  ,  et  qu'il  y  mourut  dans  la  ville 
d'Hiérajiles.  Quelques  savants  ont  été  per- 
suadés que  saint  fhilippe  avait  prêché  dans 
le»  Gaules  ;  Tillemont  a  combattu  cette  Ojd- 
uion,  Mém.,  t.  I,  pag.  639;  feu  M.  Bullct , 
professeur  de  théologie  à  Besançon  ,  s'est 
apjiliqué  à  l'établir,  dans  une  dissertation  sur 
ce  sujet.  11  ne  faut  pas  confondre  cet  auètre 
avec  Piiilippe,  un  des  sept  di.icres  de  Jéru- 
salem, duquel  il  est  parlé  [Act.  vi ,  5;  viii , 
5  et  2G  ;  xxi,  8,  etc.).  C'est  celui-ci  qui  con- 
vertit les  Samaritains,  qui  baptisa  l'eunuque 
de  la  reine  Candace,  etc. 

PHILIPPIENS  ,  habitants  de  la  ville  de 
Philiiipes  en  Macédoine.  Tout  le  monde  con- 
vient que  saint  Paul  leur  écrivit  la  lettre  qui 
poiteleur  nom  ,  lorsqu'il  était  empnsoniié 
))0ur  la  première  fois,  vers  l'an  ()2.  L'apôtre 
témoigne  à  ces  fidèles  la  |)lus  tendre  recon- 
naissance pour  les  secours  iju'ils  lui  avaient 


iiSI 


PHI 


PHI 


415« 


j)rocurés,  et  le  zèle  le  plus  ardent  pour  leur 
salut  ;  il  les  félicite  de  leur  courage  à  souf- 
frir pour  Jésus-Christ ,  et  de  leurs  bonnes 
œuvres  ;  il  les  excite  à  la  confinnce  et  à  la 
joie.  Le  dess'  in  de  cotte  letlre  entière  peut 
donc  nous  fa  re  douter  si  dans  nos  versions 
françaises  l'on  a  pris  le  vrai  sens  du  ch.  ii , 
V.  12  et  13,  lorsiiu'on  a  ainsi  traduit  :  «  Opé- 
rez votre  salut  avec  crainte  et  treiublcniont; 
car  c"est  Dieu  qui  opère  en  vous  le  vouloir 
et  l'action,  selon  qu'il  lui  plait.  »  Le  grec 
porte  :  <nzep  ta?  cùSo/ia,-;  le  latin,  pro  bona  vo- 
luntate.  Or,  eùî-zi»  signifie  constamnicut  \'of- 
fection  que  l'on  a  pourquebju'un,  ou  ValJ'ec- 
lion  qu'd  a  lui-niènie  pour  les  horuies  oni- 
vres.  Dans  quelque  sens  qu'on  le  preniie  , 
comment  cette  disjiosition  peut-elle  être  un 
motif  de  crainte  et  de  tremblement,  et  com- 
ment celui-ci  peut-il  s'accorder  avec  la  con- 
fiance et  la  joie?  Par  la  crainte  et  le  tremble- 
ment, saint  Paul  entend  ailleuis  la  déliance 
de  sni-mème,  et  non  la  déliance  du  secouis 
de  Dieu  (y  Cor.  11,3).  On  peut  donc  tra  !uire, 
sans  faire  violence  au  texie  :  «  Travailhîz  à 
votre  salut,  non-seulement  comme  vous  fai- 
siez lorsque  j'étais  présent,  mais  encore  plus 
iorS(iuejesuis  absent,  au  milieu  de  la  crainte 
et  du  tremblement  dont  vous  êtes  saisi  :  car 
c'est  Dieu  qui  opère  en  vous  le  vouloir  et 
l'action  par  ratl'e(tion  qu'il  a  pour  vous.  » 
Loin  de  vouloir  elfrayer  les  Philippiens,  saint 
Paul  cherche  à  les  rassurer  et  à  les  encoura- 
ger. Ce  sens  paraît  le  plus  conforme  au  but 
général  de  la  lettre.   Vay.  Crainte. 

PHILIPPISTES  ou  MÉLANCHTHONIENS. 
y'oy.  Luthériens. 

PHILOLOtjlE  sacrée.  On  nomme  ainsi  la 
nar  ie  de  la  critique  qui  s'attache  princiiia- 
lement  à  examiner  les  mois  et  les  expres- 
sions du  texte  sacré  ei  des  versions ,  h  en 
i'uger  suivant  les  règles  de  la  grammaire,  de 
a  rhétorique  ,  de  la  poétii[ue  et  de  la  logi- 
que. Les  protestants  ont  beaucoup  travaillé 
en  ce  g.nre  ,  ils  en  iont  gloire  ,  et  nous  ne 
leur  en  savons  pas  mauvais  gré;  \a philologie 
sacrée  de  Glassms,  savant  luthérien  ,  passe 
pour  être  un  des  meilleurs  ouvrages  de  cutte 
espèce.  Cette  manière  d'étudier  l'Ecriture 
sauite  est  utile, s:uisdoute,àquelques  égards, 
mais  est  sujette  K  de  grands  inconvénients. 
1°  Quand  on  pousse  cette  critique  trop 
loin,  elle  devient  minutieuse  et  ridicuh^.  A 
quoi  servent  de  lon.;ues  dissertations,  pour 
expliquer  des  choses  que  tout  le  monde  en- 
tend d'aliord?  11  semble  que  les  écrivains  sa- 
crés parlent  un  langage  si  extraordinaire, 
qu'il  est  besoin  d'un  commentaire  sur  cha- 
que mot.  Les  incrédules  en  |ireinu^nt  occa- 
sien  de  dire  que  l'Ecriture  sainte  est  un  re- 
cueil d'énigmes  inintelligibles,  auxquelles 
on  fait  dire  tout  ce  qu'on  veut;  que  ces  li- 
vres, loin  d'instruire  les  hommes,  ne  sont 
propres  qu'ii  les  tromper,  à  faire  naître  des 
erreurs  et  des  disputes  intc:  minables.  — 
2°  Cette  manière  d'envisager  l'Ecriture  sainte 
sembl'  la  nii-llre  au  niveju  des  livres  écrits 
par  les  auteurs  profanes  ,  dont  le  sens  ne 
peut  être  connu  que  par  la  linesse  de  la  cri 
tique;   mais  cet  art   n'était  pas  né  lorsipie 


les  anciens  Pères  de  l'Eglise  se  sont  servis 
des  livres  saints  pour  instruire  les  fidèles; 
s'ils  ont  |)u  s'en  passer,  nous  pourrions  l'i- 
gnorer encore  s/ms  courir  aiu'un  risque  à 
l'égard  lie  notre  salut.  La  tradition  constante, 
l'enseignement  commun  et  universel  de  l'E- 
glise, nous  paraissent  un  fondement  plus 
sûr  pour  appuyer  not.e  foi  q  le  to  .te  1 1  sa- 
gacité des  ()liilologues.  Dieu,  sans  doute,  n'a 
pas  attendu  jusqu'au  xvi'  sii^cle,  jiour  donn  r 
a  son  Eglise  une  intellignice  snf.isant>'  des 
Fcritui'es,  et  pour  llxcr  sa  crowmce.  Saint 
Paul  condamne  la  manie  de  ceux  qui  s'amu- 
S"nt  à  des  questions  et  à  des  dis|)ules  de 
mots  ;  elles  ne  servent,  dit-il,  qu  à  faire  naî- 
tre des  haines  ,  d  'S  dissensions,  des  blas- 
phèmes et  des  imaginations  absurdes  (7  r/m. 
VI,  4)  :  l'expérience  de  loî.s  les  siècles  ne  l'a 
([ue  trop  [)rouvé.  —  3°  De  là  est  venue  la 
hanliesse  de  ceux  qui  ont  souvent  voulu  ex- 
jiUquer  et  même  cor.  iger  le  t.'Xle  sacré  d'a- 
près le  style  et  les  idi''es  des  auteurs  pro- 
wnes.  Les  protestants  eux-mêmes  ont  déploi  é 
i:et  abus;  Erasme  l'avait  condamné,  et  on  le 
lui  a  reproché  à  son  tour,  de  même  qu'à 
Grolius  et  îi  d'autres.  Mosheiin  a  fait  une 
longue  dissertation  pour  en  montrer  les  fu- 
nestes conséquciices;  il  reproche  au  moins 
vingt  défauts  dilférents  à  la  plupart  des  cri- 
tiques et  des  philologues,  tnt  par  rapport 
aux  faits  qu'aux  expressions  de  l'Eiriture 
sainte.  Co(jilationes  de  interpretattunc  et  enien- 
clatione  sacrarum  Litleraruin.  —  4"  A  force  de 
sublilités  de  grammaire,  de  ligures  de  rhé- 
torique, de  comparaisons  et  et  de  conjec- 
tures, il  n'est  aucun  jiassage  de  l'Ecriture 
sainte  du([nel  on  ne  puisse  détourner  et  per- 
vertir le  sens.  Les  protestants,  après  s'être 
servis  de  cet  art  pertide  contre  les  théolo- 
giens catholiques,  en  ont  ressenti  le  crmlre- 
coup  d.ins  leurs  disputes  avec  les  sociniens  ; 
toutes  les  fois  qu'ils  ont  voulu  argumenter 
par  rE(  riture  seule  ,  leurs  adversaiics  leur 
ont  fait  voir  qu'ils  ne  retluutaient  pas  ce 
genre  de  combat;  qu'avec  les  armes  défen- 
sives des  critiques  protestants,  ils  étaient 
sûrs  de  triompher.  Preuve  évi. tente  que  tout 
commentaire,  toute  observation  qui  nous 
con  uisent  à  donner  à  l'Ecriture  un  sens 
opposé  à  la  croyance  de  l'Eglise,  jjartent 
certainement  d'une  critique  fausse,  et  ne 
méiiteni  aucune  attention  (Ij.  Foy. CurriycE. 
PHILOSOPHE,  PHILOSOPHIE.  Les  an 
ciens  disaient  que  la  philosophie  est  la  seienee 
des  choses  divines  et  humaines  ;  c'était  lui 
faire  trop  d'honneur  ;  jamais  les  philosophes, 
privés  du    secours  de   la  révélation ,  n'ont 

(I)  La  piiilologie  sacrée  a  fait  de  grands  progrès 
de  notre  leiiips.  <  Les  dill'érenles  braiicho  de  leHo 
étude,  dit  .Mgr  Wiseman,  quelqui;  éiraiige  que  «da 
puisse  paraître,  se  sonl développées  pvogiessiveiiu'iil  ; 
et  leurs  progrés  ont  conslaninicnt  tendu  à  justifier 
l'Lcriture,  et  a  conlirnier  nos  preuves.  La  grammaire 
est  ncccjsairement  la  base  de  toute  étude  ipii  a  les 
mots  pour  objet,  el  je  coainience  aussi  par  elle.  Vous 
serez  peut-être  tentés  de  sourije,  quand  je  dirai  de 
la  graiMMiaiie  d'une  langue  uiorle  depuis  20'J0  ans, 
quelle  est  en  voie  de  progrès  et  de  perlei  tioniieuient. 
El  vous  serez  sans  doule  non  moins  portes  à  être  in- 
crédules quand  j'assurerai  que  ses  progrès  ont  même 


145» 


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HH 


U6d 


connu  Hi  la  nature  divine ,  ni  la  nature  hu- 
maine ;  aucun  de  leurs  systèmes  n'a  été 
exem:  t  d'erreur:  toute  leur  science  s'est  ri'^- 

ajoiilé  i|U"lqii(^  chose  à  notre  sécurité  sur  desdpclri- 
iies  esseiitielle":.  Et  répondant  ces  deux    assertions 
sont    ptirlMilenent  exacles.  Po!;r  le  plaisir  de  cei|x 
qui  (>eiiv(  tu  s'intéresser  à  des  reclierciie-;  de  ce  g('nre, 
je  vous  en  esquisserai  l'hiloire,  puis  je  montrerai 
tes  applications  utiles  et  impuriauies  nténie  qui  en 
peuvent   elre  laites.  La  granimaTe  de  la  langue  hé- 
braiqiie  vient  naliirelleutcnt  des  Juifs;  et  aucun  chré- 
tien, dans  les   temps   u)0;lernes,  u'cii   a  coinuieiicé 
r(Hii  le  avant  qu'ils  lui  eussent  jo:iné  toute  la   p'r- 
fcclion  que  leurs   méthodes  délcctueuses   pouvaii'iit 
coMiporlcr.  Toutefois,  on  peut  dire  que  cette  élude  a 
été  dirigée  che/.  nou-i  d'une   manière  in  lépendaiite. 
EliasLevita  Iraviillaitàdunner  aux  recherches  gram- 
nialicales    des    Kiinchi    lout    le    perfectionnement 
qu'elles  pouvaient  recevoir  de-;  écrivains   de  sa    na- 
tion, lorsque   Conrad  Pellicanus,  en   laU3,  et  Reu- 
cldin,  Crois   ans  plus  laid,  pulili  reiit  les   premiers 
ruiliinculs  d'une  grainniaire  héhraiqiie  à  l'usage  des 
cliiétiens.  Le  preiiiier,  moine  de  Tiihingcn,  avait  ap- 
pris   seul  ir.'tle  langue,  à  l'âge  de   vingt-deux   ans, 
sans  aiilre   secours  qu'une  Bible  latine,  et  par  con- 
séqueiil  il  n'avait  mis  dans  sa   giammaire   que    les 
éléiiienl''  i.iipaiiaits  qu'il  avait  pu  glaner  ainsi.  Reu- 
cliliii  prit,    à   Rome,  des  leçons  d'un  Juif,  au    prix 
éiiorine  d'une  couronne  d'or  par  heure;  c'est  a  lui 
que  nous  devons  la  plupart  des  termes  de  grammaire 
employés  mainieiiani  dans  l'éUnle  de   la  langue  sa- 
crée. Sébastian  Munster,  élève  d'Elias,  éclipsa  bien- 
tôt ses  prédécesseurs;  mais  ses  travaux,  qui  étaient 
copiés  presque   cnlièreaieiit  sur  ceux   des    r.dihins, 
furent  dépassés     leur  loiirparla  méthode  plus  large 
et   plus  luci  c  de  Buxtorf  l'ainé.  Et   ces    recherches 
grammaticales   n'occupèrent  p as  seulement  l'Alle- 
niagne,   mais  encore  toules  les  autres   parties   de 
rpijrope.  Siinles  Pagniiii,  eu  Italie,  et  Chevalier  en 
France,  publièrent  des  iniroduciioiis  à  l'élude  de  la 
languç   sacrée.  C'est  ce  qu'on  peut  appeler   la  pre- 
mière période  de  la  grauuuaire  hébraïque  parmi  les 
chrélieiis,  p  riode  qui  huit  avec  la  première  moitié 
du  xvu'  siècle  (ii).  Ses  caractères  sont  ceux  de  l'é- 
cole juive,   (ie  lai|uclle  elle  sortait  :  une  atteniion 
ruinulicuse  aux  eiiaiigeinenls  compliqués  des  leltics 
et  des  poinls-voyelle-,  puis  a  la  dérivation  et  à  la  lor- 
niaiion  des  nom -.^  avec  up  oubli  pres((uc  complet  de 
la  sli'ucnire  générale  du   langage.  Toulefois  Buxtorf 
et  un  autri'  savant  mériient  une  honorable  excepiion  ; 
SaloiiKin  Chiss,  don!  la  Philologie  sucrée,  surtout  l'é- 
dilioii  ci)ir;gée  de   Dath,  devrait   être   constamment 
sur  la  t.djle  de  ipiiconque  se  livre  aux  éludes  bibli- 
ques, Salouion  i;iass  amassa  nu  trésor  de  remar(|iies 
sur   la  syiila\e  .  remarques   qui,  oiilic  leur    uliLté 
pour  la  giamiiiaire   holiraique,  avaient  le  niérile  ue 
nieilie  pour  la  première  fois  la  langue  du  iSoiiveau 
Tesiamcnt  en  rappiul  a\ee  celle  de  i'Ancien.  Taudis 
que   l'élude   de    la    grammaire   hébraïque   avançait 
ainsi  leiilenienl,  les  aiures  dialectes  sémitiques,  con- 
nus abus  sous  le  nom  général  de  langues   orieuiales, 
élaient  culiivé's  avec  le  plus  grand  soin.  Vers  l'epo- 
ipie  que,  d'après   Gesénius,  j  ai   assignée   comme  le 
terme  île  la   pre.nière  école   cliÈ'éiieniie,  l'ciude  de 
ces  langues  commença  à  exercer  Je  rinlluence  sur  la 
grammaire  hrbra  que,  el  marqua  ainsi  le  coinmen- 
cement   d'une   seconde  époipie.  Louis   de   Dieu,  en 
l(i'2S,  publia  le  premier  la   grammaire  comparée  de 
l'iiebreu,  du  ehaldéen  el  du  ; ytiaipie.  Il  fut  suivi  par 
lioltiuger  (l(Hi>)  et  par  Sennert  (lO.'iS),  qui   ajouta 
l'arabe  aux  langues  c  ui.paieesp.irses  prédécesseurs; 
Ca~lell,  dans  lés  prnlegomèncs  de   son  cel.  bre  Dic- 
tioiinnire  pulijijlalte,  y  ajoiila   retliiopicu  ou  l'abyssi- 
nien. C'éialt  un  nouvel  et  importanl  instriimeiit  pour 

(n)  Ccbiiiiiiis,  Geiclùchlc  der  Itubràkchen  iprache  wid 
«f/iii/i.  l.oi|)4ig,  tSii,  p.  107-lOL 


diiite  à  disputer  et  à  douter.  Ce  n'est  point 
à  nous  d'exposer  la  doctrine  des  difliiTentes 
sottes  de  philosophie,  nous  ne  devons  l'en- 

rétude  du  la  gran'Hiaire  hébraïque;  ni.tis  la  syiilaxe 
de  ces  langues  congémres  élail  elle-même  ipiparlai- 
lenient  dévehppée,  et,  par  suite,  l'applicalinn  qu'on 
en  faisait  se  renfermait  snrlont  dans  jes  déclinai- 
sons et  les  conjugaisons.  Au  commencemeit  du  <ler- 
nier  siècle,  une  application  plus  étendue  d'une  lirau- 
che  au  moins  de  cetle  philologie  comparée  fut  intro- 
diiile  par  le  savant  el  habile  .\lbert  Scliulleiis.  Pro- 
fondcineiit  versé  dans  la  liili'ratiire  arabe,  et  ayant 
sous  sa  iiiaiii  un  trésor  de  manuscrils  (u'ienlaux  dai.s 
la  liibliollièipie  de  l.eyde,  il  ciuisacra  la  plus  grande 
partie  de  ;a  vie  à  éclaircir  les  difliciillés  (te  la  philo- 
logie liébraïiiiie  à  l'ai  !e  de  ces  nouvelles  sources. 
Quelque  grand  ipie  soit  son  mérite,  son  atlacliemenl 
aux  systèmes  qu'il  introduisit  le  premier  renlraîna 
nécessairement  trop  loin.  Il  sacrilia  ii  sa  prédilection 
pour  une  langue  les  avantages  qu'une  comparaison 
avec  tous  les  dialectes  de  la  même  famille  aurait 
pu  lui  fournir.  Il  alla  même  encore  plus  loin  ;  car  il 
négligea  souvent  la  slrucluie  particulière  à  la  langue 
hcbraïipie  el  les  idiolismes  qui  lui  son!  propres,  pour 
les  paralli  lismes  les  plus  impercepLbIes  avec  lara- 
lie.  (ti).  Il  fonda  ce  qn'mi  appelle  I  école  hollandaise 
dans  la  philologie  hebraï  ,ue.  Comme  on  pouvait  s'y 
aileiidre,  plusieurs  de  ces  disciples  copièrent  les 
failles  du  maiire;  cependant  un  peiil  nombre,  plus 
judicieux,  eut  soin  de  les  éviter.  Tandis  que  des  ara- 
hisiiifs  hasurdés  et  des  élynioiogics  forcées  déligurenl 
les  ouvrages  de  Vénéma,  de  Letie  el  de  Schei  1,  d'au- 
tres écrivains,  tels  que  Schroder,  onl  porté  un  juge- 
inenl  plus  sain  dans  l'élude  de  la  grammaire.  Les 
7i(.s.'//»(io».v,  elc,  de  ce  jnd;cieux  aiileur,  fuient,  iien- 
danl  pliisiinrs  années,  consicéiées  en  Allemagne 
coiiinie  l'ouvrage  inoilele,  el  elles  sont  encore,  je 
crois,  trés-repanducs  et  juslemeul  estimées  en  An- 
gleterre. La  syntaxe  y  est  exacte  el  développée,  el 
c'est  peul-eire  le  livre  qui  remplace  le  mieux  les 
ouvrages  allemands  plus  élendus  de  Gesénius  et 
d'Ewald,  quand  on  ne  peut  les  coiisuller  (c). 

<  Taui.is  que  lécole  hollandaise  élaila  son  apogée, 
les  Alleinamls  posaient  les  bases  du  sysicme  qui, 
quoique  plus  lent  a  ijuïrir,  était  cep  Mulant  la  seule 
méthode  véritable  et  solide.  Ce  syst  'inQ  consistait, 
non  pas  à  tenter  de  créer  d'uii  seul  jel  un  sysiènio 
grainiualical  large  cl  complet,  mais  à  cclaircjr  les 
points  pariieuliers,  soit  à  l'aide  des  dialectes  coil- 
genères,  soii  en  comparant  de  nombreux  passages 
delà  Bible  idle-iu  me.  Chrislian-nenédict  .Micliai  lis 
e  saya  ces  deux  méthodes  d'une  manière  Irèsloua- 
ble;  Simoiiis,  Sliirr  el  beaucoup  d'autres  contri- 
buerenl  par  des  observalioiis  précieuses  à  rendre 
nicihiKliipies  la  syntaxe  hébraïque  ç(  ses  analogies. 
Au  commenieineiil  dcce  siicle,  Icï  matériaux  elaient 
recueillis  el  iratlendaienl  plus  qu'un  invesligaleur 
ériidil,  judicieux  el  palieiit,  qui  sut  les  disposer,  les 
discuter  el  les  compbiter.  L'école  moderne  dilfère 
aulanl  de  la  première  que  la  tactique  de  nos  jours 
dilfére  de  celle  des  temps  anciens.  Ue  même  ([ue 
celle-ci  obligeait  la  phalange  ou  la  li''gion  a  une  com- 
binaison de  niauicuvres  qui  dépendait  surloul  de 
l'cxacliludc  des  uiouveuieiils  el  de  la  position  des 
individus,  a.nsi  loui  le  système  de  l'auciemie  jjiaïu- 
niaire  dépenilail  des  changements  iniiuilit;iiX  qiiisin'- 
venaient  dans  chaque  mot  en  particulier,  e^  dés  évii- 
liiiions  couipliquees  de  chaque  poinl ,  soit  qu'un 
l'avançât,  soil  qu'on  le  reculai,  soit  qu'onfajoniàl. 
Le  giamii.airien  moderne  ne  ueglig.- pas  si'iis  doule 
ces  petits  mo;;vemenls;  mais  il  oljsi'ive  snilo'il  Icn- 
cliaiiieiueui  des   pallies  du  discours,  la   l'uruc  des 

Ib)  Ibid.  |..  128. 

((•)  InslUuliones  ad  [inidaiiwiiln  linqAiœ  liebraica'. — La 
dernière  éjliumi  alleniaiiJe  |iiiiiii  à  Llm  eu  17y9.— Cet 
ou\rage  a'été  réiniprimé  il  Oluscow,  ca  lH2i. 


UGl 


PHI 


NU 


tm 


vis.iger  en  ^(''ni'ral  que  relativement  h  la  re- 
lig-iou,  et  sous  ce  ra[)port  nous  avons  à  exa- 
miner :  1°  si  les  loyons  ties  phllasoiihes  ont 
beatieoiip  sei'vi  à  (5(- airer  les  homines;  2"  .'•i 
saint  Paul  les  a  condaiiniés  avee  trop  de  ri- 
gueur; 8"  conunenl  lisse  sont  conclu  ts  ;\ 
ré,jaid  du  chrislianisnio,   et  quels  sout  les 

parliciiles  dans  l(i<  circoiistanfes  diverses.,  la  valeur 
«lldëreiile  de.';  foriiu's  paiticiilicres  des  tiiols,  et  la 
dé[)eii(laiiee  iniliiclle  (|iii  unit  los  iiioiid)res  secdii- 
daiivs  lie  la  iihrasc  aux  iiiciiibrrs  pi  ineipaiix.  Il  eoii- 
sidère  siirlmil  les  eoiidilMaisoiis  \f,.i  [)liis  laij;i's  et  les 
ed'cl^  les  |iliis  iinpoiiaiils.  La  piiMiiiére  ('enle  ccpeii- 
daiil  avait  un  a\aiilage  iiiie  l'aiilrc  a  iié;;liKé  ou  mé- 
prisi'.jr  veux  dire  le  sfCdiiis  des  ^Maiiiiiiaircs  lalilii- 
iiii|ii('S.  An  c'iiiiiiieiiieMieiil  lout  <Mail  .juil',  suit  en 
grainniaiie,  soit  en  l('xiciii;raplili-,  tandis  ipiu  dans 
Isi  |iériQ:le  suivante  les  rabliins  lni'i-ii(  mis  :i  l'éeart 
sous  ecs  deux  rap|i(U'ts.  Forsler  (l.'iST)  pnlilia  son 
LexiroH,  non  ex  nibbinuntm  commcnlis,  iii'c  nnslrii- 
tiini  (locloniiii  slitllii  iniiimioitc  ;  cl  .MasrIcI  rcMilut  de 
pnigei'  la  graïuuiaire  lielM'a.(iue  des  points,  ali  sijiic 
iHi'CH/is  mnsoit'di'is.  Je  ne  sais  si  ses  pailisans  eon- 
siderent  Texislenri;  de  la  syntaxe  et  de  la  constrni- 
tiun  li(:bra](|ues  eonnne  une  invention  ral)bini(pu;; 
niais,  eu  génùrai,  ces  Kianuiiairiens,  (pn  reM'aiielient 
les  points,  allVaiieliisx'jil  aussi  la  langue  des  liens  de 
la  gi annuaire ,  et  de  la  sorte  represenli  ni  le  lan- 
gag(^  inspir  ■  eoninie  un  discours  oa  presiine  tons  les 
mois  soiil  vagues  et  iudélerininés,  oii  cliaipie  phrase 
est(lcpourvue  de  règle  et  sans  euiistrue  ion  jixc. 
Mais,  quoi  (|n'il  en  soil,  les  modernes  se  foui  un  de- 
V<dr  de  ne  u('gliger  aucun  moyen  de  sMuslruiro,  et 
c'est  :i  une  eluiie  plus  approfondie  dessouices  juives 
qu'il  faut  altriliner  une  grande  partie  de  ce  ipiil  y  a 
de  bon  dans  la  grannuaire  et  dans  la  lexicographie 
de  nos  jours.  La  grammaire  aussi  des  divers  dialeeles 
de  même  famille  s'e.il  perfeetiouiiée  de  la  même  ma- 
nière. Le  baion  de  Saey  a  lolahiuent  changé  la  for- 
i-.ie  de  la  gramuuiiri^  arabe,  liolïman  a  laissé  peu 
d'espoir  à  ceux  (jui  cultivent  le.  eliainp  de  la  philolo- 
gie syriaque  («).  t^e  fut  U  I  aide  de  ce.^  principes  el  de 
tes  avantages  que  Gcsénius  s'iui|i(isa  la  lâche  de  pu- 
blier une  grammaire  ln-biaique  eonqilele,  (pii  parut 
en  1817  (6).  Cri  ouvrage,  avec,  le  lexiqui;  du  mi'uie 
auteur,  lurme  um^  ère,  <laiis  la  littérature  bihlupie  ; 
Cl,  qn()i(|u"il  ait  v.W.  d'abord  l'objet  de  plusieurs  cii- 
titpies  sévères,  il  a  ni:aimioins  obtenu  une  apprpba- 
lioii  générale  et  bien  méritée,  i 

La  pliibilogii!  sacrée  a  encore  inarclié  depi|is  Gé- 
sènius.  En  lUiô,  .M.  l'abbé  Glaire  publiait  uii  Muiitu'l 
lexique  hcbru-quc  et  clta!di.tujue,  ouviage  de  beaucoup 
de  mi'iilc.  iSous  avons  sur  ce  sujet  un  ouvrage  beau- 
coup plus  im|)ortanl.  M.  l'abbé  Migne  vient  de  mettre 
au  joue  nu  nouveau  volume  renlerni.ini,  eu  îtOli  pagi's 
petit  iu-folio,  tout  ce  ipii  est  nécessaire  pour  coni- 
priMidre  à  fond  la  laiigue  de  l'Ancien  Testament. 

Fa  sims   (l'abord    couiiailrc    les   dillérents  trailés 

?ue  eoulient  ce  volume  :  —  1"  Le  Manuel  lexique 
u'brniqne  latin),  rangé  par  ordre  alphabéti(|ue,  et 
composé  part!.  Césciiius  (le  plus  savant  hcbraisaiit 
de  r.Mleeiagne  moderne),  mais  <iue  .\L  le  chwvalier 
Dr.icli  .1  p'irgé  de  tontes  les  iii.piétés  rationalistes 
U  aaiiine>siani(nies,  et  cpi'il  a  corrigé,  en  en  faisant 
ilisparailre  le-,  sens  nouveaux  cl  jnscpi'alirs  ineoii- 
nu.s,  inventés  et  iiilro.iuils  par  rauteir  protestant, 
pour  y  rétablir  et  pruuver  les  sens  de  I  aucienne  tra- 
dition des  saillis- l'ères,  et  auquel  il  a  fait,  déplus, 

(n)  Il  faut  cependant  considérer  l'ouvrage  de  HoUinau 
moins  comuio  un  p' ifecii'imenieni  de  ce  genre,  cpie 
coimn.'  une  eoii^é  |uenoe  des  deiiiiers  (in'^iè.s  falis  liaus 
la  graininaii-i-  liélinî  [ue,  et  arabe.  Graniiuali€a;  Sijr.  libii 
1res    Mate    \-<i~.  |i.  8 

(lij  ALifûi  tielies  <iramm(it!sh-ki ilischis  Lelirifebœude 
(lir  liebruiselun  siiruche,  mil  verqteiclmnif  lier  vemandlen 
dmlelie.  Lcii>s.,  1817,  in-8",  p.  t)08. 


effets  qui  en  ont  résulti^;  W'  si  les  Pères  de 
rKi^liseont  eu  tort  de  Gulliver  la  philosophie, 
et  si  |-ar  là  ils  onl  nui  à  la  religion;  5"  si  les 
incrédules  tuoderncs  méiilent  le  nom  de 
philosophes,  il  y  aurait  ici  de  quoi  faire  un 
gros  volume  ,  mais  nous  abrégerons  toutes 
ces  questions  (1) 

un  grand  nombre  d'additions  philologiques  (fiGO  pq- 
ges).  . —  2'^  C.r.inimnire  hébruique,  composi'^e  en  aj- 
leiiiand,  par  le  même  Gésénins,  ira  Inite  en  latin, 
et  enrichie  d'appemliees  et  de  notes  ihéidosiques, 
philologiques  et  critiiines,  par  F.  Tempeslini  (p. 
Glil-814).  —  3"  Lex  que  de  lu  lauque  hébrcique,  se- 
lon la  luéiliodc  libre  de  tous  points  luassoreliques, 
an(|nel  on  a  joiiil  un  ',;i;ieHrfn'  renteiinaiit  liaites 
les  expressions  chaldaupies  qui  se  trouvent  dans 
l'Ancien  Teslauient,  par  J.  Du  Venlier,  du  cleigii 
de  Paris  (p.  8l.')-88-i).  —  i"  i\'uueetle  méthode  hé- 
brnique,  deliviée  des  points  inass  retiques,  à  la- 
qjielle  on  a  jo  ni  des  exercices  pour  une  reclieicbe 
plus  facile  des  racines,  par  lo  même  (885-yU))  — 
5"  C.uurl  el  clair  enseiijiieinent  de  la  langue  elial- 
daiqne,  pour  l'intelljgence  des  parties  de  l'Ancen 
Testament  qui  ont  clé  écrites  en  langue  chaldai(|ue, 
d'aptes  les  auteurs  les  plus  renommes,  par  M.  le  che- 
valier IJraeh  (!)l7-UGi).  —  ti"  Index  des  mois  tulins, 
avec  indicalimi  des  |iages  où  ils  ont  leur  expression 
hébraïque,  de  manière  à  former  nu  Dictionnaire  la- 
tin-liébreu,  d  après  Gésenius  ('Jb.'j  S(87). 

(  1  )  Nous  l'ercues  précéder  ces  (|nestions  d'une  Irès- 
iiuporlante.  Qind  est  biplan  d'une  philosophie  chré- 
lieime'?  .M.  Glan.sid  de  Montais  l'a  ainsi  tracé. 

«  C.onsiilérons  un  iusiant  un  giaiid  spectacle, c'est- 
à-dire  l'ensemble  el  le  cercle  iiumeuse  des  vérités  si 
nobles,  si  utiles,  si  eonsulantes,  eu  un  mot  si  variées, 
(pie  Dieu  mnis  lail  coanailie  par  les  simples  luiuièios 
de  la  raison  ;  jetons  les  yeux  sur  la  philosophie  chré- 
tienne. J'en  indiquerai  ra|iideinent  le  plan,  et  l'evaclu 
proportion  avec  les  C(Miviclious  esseulielles  à  l'hom- 
ine  cl  avec  les  principes  de  son  vrai  bonheur.  Vous 
jugerez  s'il  y  a  rien  de  mieux  lie,  de  plus  clair,  do 
plus  inébianlable.  Cette  doctrine,  je  l'appelle  chré- 
lieniie,  parce  ipie  la  substance  et  le  buid  eu  ont  été 
religieusement  conservés  dans  lEglise  du  Sauveur 
depuis  son  origine.  Elle  se  coiiqio,~e  esbenliellement 
des  grandes  vérités  sur  Dieu  cl  sur  l'homme.  Or, 
malgré  toutes  les  subtilités  du  moyen  âge,  ces  vé- 
r  lis  se  sont  toujours  maintenues  sans  atleinle,  à  l'a- 
bri de  la  foi.  Le  novateur  assez  téméraire  pour  oser 
y  toucher  aurait  été  exclu  aussitôt  de  la  société 
sainte,  el  on  ne  rainait  plus  écoule.  Il  est  visible  ipie 
celui  (jui  veut  pénea(!r  dans  la  science  philosophique 
doit  chercher  avanl  lout  où  est  la  certitude,  ce  qui 
constitue  la  certiluJe,  ou,  si  l'on  veut,  les  moyens 
de  s'assurer  de  sa  présence.  On  batiiait  un  edilice  en 
l'air,  si  liîti  lie  posait  ce  fondcniont.  Il  ne  l;iut  pas 
aller  bien  loin  pour  trouver  ces  édiliies  frappants 
(pii  disliiigiieul  les  choses  dont  on  ne  saiiiait  iloater. 
Ges  traits  et  >  es  caracli  res  sont  gravi  s  profondément 
au  fond  de  notre  nature.  Je  m'explique  ;  ut  pour  ne 
laisser  aucun  nuage  sur  une  aussi  grande  ipieslimi, 
je  veux  employer  les  termes  les  plus  clairs  et  les 
exem|iles  les  plus  sensibles. 

«  Oiiaiid  on  dit  en  ma  présence  :  Un  cercle  n^est 
pas  un  triangle  ;  le  soleil  se  lève  n  l'orient  et  finit  sa 
course  à  l'occident  ;  Home,  ou  bien  Constantniople, 
existe;  quand  on  énonce  devant  moi  ces  propositions,  ju 
sens  dans  mon  àiue  une  impression  profonde  et  iiivin- 
ciide  qui  exclut  tout  doute  dans  iiiim  esprit.  Je  ne  dis 
pas  ([ne  ma  nature  me  dispo-e,  m'incline  à  enure.  Non, 
non,  elle  me  donne  une  impression  tout  anlrement 
vive  el  forte;  elle  me  leiid  impossible  toiiic  hi'sila- 
tioii  ;  elle  emporte  maigri!  moi  cl  coiunie  sans  moi 
mon  ccuiseniement.  Vod  i  sans  doute  \in  leotif  légi- 
time de  mon  acquiescrmenl  ferme  el  absolu.  On  a 
vu,  dans  les  exemples  que  je  viens  de  citer,  la  puis- 


nos 


PHI 


PHI 


UU 


I.  De  quelle  utilité  ont  été  aux  hommes  les 
connaissances  et  les  travaux  des  philosophes? 
Nous  n'avons  nuciin  inl('!'êi  ni  aucun  dessein 
de  méconnaître  leurs  servicL-s,  nous  avouons 
que  ceux  d'entre  eux  qui  ont  été  législa- 
teurs sont  des  personnages  très-re'i|>ecta- 
bles.  Quelqiie  ira|iaif;.ites,  quelque  fautives 
qu'aient  été  leurs  lois,  ils  ne  pouvaient  pas 
laire  mieux,  leurs  lumières  ne  s'étendaient 
pas  plus  loin  ;  et  les  liounnes,  encore  <i  demi- 
sauvayes,  n'étaient  pas  capables  de  rerevoir 
d'abord  une  législation  parfaite.  Solon  l'en- 
tendait ainsi,  lors  [u'il  disait  qu'il  avait  donné 
aux  Athéniens,  non  les  meilleures  lois  pos- 

sance  irrésistible  de  l'évidence,  du  rapport  des  sens, 
et,  dans  niille  circonstances,  du  lémoignagedeslKini- 
mes.  Les  autres  principes  de  certitude,  au  iioiiibre  de 
deux  ou  trois ,  se  découvrent  aisément  par  une 
épreuve  sembl ible.  Qui  oserait  demander  une  ba.e 
plus  terme  pour  asseoir  ses  jugemeiits  ?  Quel  aveii- 
glenienl  de  se  métier  de  ces  ajp'iis?  il  nous  serait 
plus  aisé  de  nous  dépouiller  de  poire  être,  !•,»•'  de  ne 
pas  croire  sur  de  tels  garants,  ptiisiprils  r.  glenl  les 
vues  et  \i-<  délerHhiralioiis  des  savarits  et  du  peuple, 
et  qu'e.ii  lionime  (jui  les  luéciiru.ailrait  serait  regardé 
uiiaiMuiemeiit  coiiinie  ayant  plulôt  besoin  des  soins 
d'un  iiiédi  cin  ([ue  des  raisoniienenls  d'un  pl.iloso- 
plu.  Non,  la  certitude  ne  va  pas  plus  loin  ici-bas,  et 
cette  lumière  nous  suifit.  Ne  pas  s'en  cmilenter,  l'esl 
prendre  e:i  dégiiùt  le  soleil,  et  prtcndrc  i|uV)n  ne 
voit  rien,  parce  que  d'anîre-  rayons,  part. s  de  je  ne 
sais  quel  monde  cliimirique,  ne  viennent  point  frap- 
per nos  yeux.  C'est  ce  que  l'école  allemande,  qu'on 
suit  beaiiconp  trop  parmi  nous,  n'a  point  tcmsidoré. 
Co'nn;enl  ne  voit  elle  pas  (pie  celle  S"paralion  du 
moi  et  (in  iwn  moi,  d(uil  on  fait  tant  de  bruit,  est 
comidée  par  la  nature,  la<iui  lie  rend  inutile  le  pont 
iniaginaiie  (;uils  ont  inventé,  et  ijui  n'est  qu'un  vain 
et  ridicule  tiavad?  Ali  !  on  pi'ul  bien  appliquer  ici 
ces  paioles  delEcritnre,  au  sujet  de  certani  e  piits  : 
Ils  enfantent  lutwrieusemenl  des  inventions  que  le  iwnt 
emporte,  Ecc!.,  15;  et  encore  :  Ils  se  sont  évanouis 
dans  leurs  pensées.  Rom.,  c.  i,  v.  21. 

«  J'ai  donc  d  incontesiaLles  mnyens  de  m'assurer 
de  la  vérité.  Mais  quel  est  le  premier  usage  que  je 
dois  faire  de  ces  lumières  et  de  ces  tesson rce.>.' 
Quicouipu'  a  un  cœur,  et  sent  qu'il  ne  s'est  pas  donné 
l'être  à  lui-même,  peut  il  balancer?  Entraîné  par  le 
sentiment  de  sa  dépendance  et  de  sa  gratitude,  ne 
s'él.ve-t-il  pas  d'abud  vers  son  Créateur  pour  se  pé- 
nétrer de  la  réalité  de  son  existence,  de  ses  gran- 
deurs, de  ses  bienfaits,  de  ses  perfections  inlinies? 
La  connaissance  de  Dieu,  quel  trésor,  quelle  inetlable 
conqu'te!  On  puise  aisément  celte  connaissance 
dans  la  coiisiJératiini  de  la  cause  première  de  1  Etre 
exisianl  par  lui-même. Que  voi!-on,  en  ell'el,dans  cet 
abiiiie  de  vie  et  de  gloire?  On  voit  l'être  qui  se  dé- 
ploie, qui  s'étend  de  toutes  parts,  sans  rencontrer  ja- 
mais aucune  borne.  La  plénitude  de  l'existence  est 
son  partage;  il  trouve  en  sou  fonds,  sans  mesure  et 
sans  lin,  tout  ce  qui  agrandit  l'être,  l'embellit  et  le 
perfeclioiine,  c'est-à-dire  Si'S  attributs  infinis  et  ado- 
rables. L'Iiarmonie  de  la  nature,  les  merveilles  du 
monde  visible,  proclament  à  leur  tour  ces  vérités. 
Efdin,  la  foi  du  genre  buinain  et  ses  cantiques  d'ado- 
ration les  consacrent  et  les  perpétuent.  Des  (|iie  je 
tiens  ce  premier  anneau,  je  parcours  aisémenl  tous 
les  autres;  j'avance  de  clarté  en  clarté  [Il  Cor.  ut, 
18);  les  vérités  en  foule  se  développent  à  mes  yeux, 
et  je  n'ai  ]ilus  à  craindre  que  mon  aveugleuieni  vo  - 
loniaiie.  Arrivé  à  ce  point  de  vue  immense  et  '.na- 
je»tneux,  je  m'.:ri6;e  un  instant  pour  touiner  mes 
regards  sur  le  cbeniin  que  j'ai  dijà  lui!.  Je  savais  (|ue 
ma  nature  avait  été  pour  moi  un  giiidiî  lideie  et  sur; 
mais  enfin  j'admire  la  richesse  des  dons  départis  a 


sibles,  mais  les  moins  mauvaises  qu'ils  fus 
sent  en  état  de  recevoir.  Nous  nous  abstien- 
drons donc  de  relever  les  défauts  de  ces  lois, 
le  docteur  Leland  les  a  fait  voir  dans  sa 
Notir.  Démonst.  évang.,  t.  fil ,  c.  3,  etc.  Un 
vice  essentiel  et  commun  h  tous  tes  anciens 
lé;.^isl  iteurs  a  été  d'approuver  et  de  rerom- 
mander  l'idolâtrie  avec  tous  les  désordres 
qu'elles  traînait  k  sa  suite,  parce  que  c'était 
alors  la  seule  religion  connue.  Platon  dit,  à 
ce  sujet,  qu'un  sage  législateur  se  gardera 
bien  de  tom  lier  à  la  religion  établie,  de  peur 
d'en  donner  une  encore  plus  mauvaise.  Mais 
lorsque   la   philosophie  fut  devenue  la  seule 

l'homme,  quind  je  reconnais  que  la  véracité  divine 
donne  une  nouvelle  autorité  à  l'évidence  et  aux  au- 
tres motifs  légiiimes  de  croire;  puisque  ces  inipres- 
sicns,  qu'un  Dieu  souverainement  vrai  a  mises  en 
moi,  ne  sauraient  èlie  un  pii  ge  ni  un  instrument 
d'erreur. 

«  Dieu  nous  est  connu,  il  est  la  source  de  toutes 
les  vérités;  il  n  en  est  aucune  de  nécessaire,  qui  nu 
vienne  p  uu'  ain-i  dire  d'elle-même  s'oH'rirà  nous. 
Le  chrisiianisiie  est-il  divin?  Oui,  parce  que  si  des 
prophéties  nondjreu-es  accomplies,  des  miracle  avé- 
rés, d'auires  raisons  qui  ont  conveili  le  monde,  el 
qui  ont  par  conseipient  tant  de  proportion  avec  mes 
lumi  >res  naturelles,  me  trompuieul,  j'aurais  le  droit 
d'imputer  .à   Dieu   mon  erreur;  ce  .pii  ne  peut  être. 

«  Enfin  l'antique  religion  de  notre  patrie  nérile- 
t-elle  le  respect  et  l'amour  d'un  si  grand  peuple?  Il 
n'est  pas  permis  d'en  douter.  C.ir,  que  nous  dit-on? 
Q  10  lu  véritable  Egli  e  du  Sauveur  est  tombée  peu 
de  siècles  après  sa  nais-.ame,  et  ipie  depuis  buigtemps 
la  calboliciti'  n'est  qu'un  cliris'iani^me  déchu,  cor- 
rompu et  dénaturé.  Mais,  je  le  deaiaude,  comment 
coiicevoi-  qu'un  Dieu  ait  été  un  architucle  assez  mal- 
habile pour  bàiir  un  éililice  ruineux,  qui  devait  crou- 
ler peu  de  temps  après  s'être  élevé  sous  sa  main 
adorable?  D'ailleurs  mille  ind.ces  atlesleut  que  riea 
d'es'-eiiliel  n'a  été  changé;  el  la  suite  des  successeurs 
de  Pierre,  qui  remonleul  sans  contestation  jusqu'à 
l'ongiiie,  ne  sulïit-elle  pas  pour  nous  garantir  que 
tout  nous  a  été  transmis  par  ce  canal,  et  r.uitorité  de 
la  parole,  et  la  rémission  des  pecliés,  et  la  grâce  des 
sacrements,  et  en  général  tous  les  biens  siiiritiiels 
apportés  au  monde  par  l'Ilomme-Dieu?  Ou  comprend 
aisément  que  je  ne  prétends  pas  entrer  dans  le  fond 
des  preuves,  et  que  tout  mon  dessein  est  ici  démon- 
trer d'une  mardère  très-rapide  l'enchuinement  des 
idées  qui  composent  la  philosophie  des  vrais  chrétiens 
et  ensuite  tout  l'ensemble  de  leur  croyance. 

«  Concluons.  La  raison  esl  un  magnifique  vesti- 
bule, mais  où  l'on  désirerait  [dus  de  majesté,  d'élé- 
vation et  d'étendue.  Quand  je  cmisidère  l'élan  de 
notre  nature  vers  l'infini,  je  trouve  (|ue  l'homme  est 
trop  grand  pour  être  retenu  dans  cette  première  en- 
ceiuie.  En  ellet,  s'il  use  bien  de  ses  lumières,  il  en 
franchit  le  seuil,  et  ce  portique  oii  il  a  d'abord  arrêté 
ses  pas  l'introduit  dans  un  sanctuaire  révéré,  qui  est 
la  religion.  Dès  qu'il  y  esl  entré,  sa  vue  s'étend  nulle 
fois  plus  loin;  de  ses  regards  il  pénètre  le  ciel,  il  y 
aperçoit  son  trône.  Ce  sera  le  terme  de  sa  course  et 
le  prix  de  ses  vertus.  O.ii.la  religu)ne3t  cette  maison 
(le  Dieu,  cette  porte  du  ciel  {Cen.  xxvit,  v.  17),  qui 
nous  conduit  à  notre  fin,  c'est-:*  dire  au  repos  après 
les  fatigues,  ;i  la  joie  après  la  tristesse,  à  l'imniorta- 
lilé  et  au  vrai  bonheur.  Heureux,  j'ose  le  dire,  celui 
qui  sait  se  pénétrer  de  la  doctrine  (|ue  je  viens  d'ex- 
poser! Elle  a  toiij  .urs  été  celle  de  l'Eglise;  e:  j'ajoule, 
en  me  servant  des  termes  de  suint  P.inl,  quelle  a  les 
promesses  de  la  \ie  présente  et  celle  de  la  vie  future: 
proail^.siiinem  liabe)is  vita'  qu(r  nntic  est,  et  j'nlurœ 
(1  Tim.  i:  IV,  V.  8).  i 


lies 


PHI 


PHI 


liCâ 


occupation  de  quelques  hommes  oisifs,  il  se 
forma  hicntôt  dfifri'rontes  écoles  rivales  et  ja- 
louses les  unes  des  autres;  I  esprit  de  con- 
tradiction el  la  vanité  eurent  plus  de  part  aux 
méditations  des  philosojihes  que  l'iimour  de 
la  vérité.  Quand  l'un  d'entre  eux  l'aurait 
trouvée  par  hasard,  comment  la  démêler 
dans  le  chaos  de  leurs  disfiutes?  Toutes  ces 
conleslations  devinrent  trés-indilTérentes  au 
commun  des  hommes;  et  comme  les  combat- 
tants s'estimaient  fort  peu  les  uns  les  autres, 
ils  nnpiirenl  au  peuple  à  les  mépriser  tous  : 
Platon,  Cicéron,  Sénéque,  etc.,  en  font  l'aveu. 
Ce  n'était  pas  assez  de  trouver  le  vrai ,  il 
fallait  encore  le  faiie  embrasser  au\  autres; 
des  I  ommes  sans  autorité  ne  pouvaient  en 
venir  à  bout  (jue  par  des  démonstrations. 
Or,  les  philosophes  convenaient  qu'ils  n'en 
avaient  point,  que  l'esprit  de  l'homme  est 
trop  borné  pour  voir  clair  dons  les  questions 
même  qui  le  touchent  de  ,  lus  p  es;  que  le 
sage  doit  se  contenter  de  pr  babilit,  s,  puis- 
qu'il ne  ])cut  avoir  une  cerlitud(;  entière.  Ils 
reconnui-jsaicnt  ainsi  la  nécessité  d'uncMnis- 
sion  et  d'une  autorité  divines  pour  instruire 
eflicacemont  les  honmics.  Leland,  ibid.,  t.  II, 
C.  10,  11,  12,  etc.  Au-si  combien  d'erreurs 
dans  kurs  écrits,  tai.t  sur  le  do;;me  que  sur 
la  morale  !  Les  Pères  de  l'Eglise  les  ont  re- 
levées et  oi:t  fait  rougir  les  païens.  Sans  par- 
ler des  pyrrhoniens,  des  académiciens,  des 
sceptiques  qui  se  retranchaient  dans  un  doutu 
universel,  iJes  épicuriens  qui  n'admettaient 
des  dieux  et  une  religion  que  pour  écarter 
l'accusation  d'atliéisme,  que  trouvons-no  s 
chez  ]es  philosophes  môme  les  pju^  estimés? 
Quelques  ell'orts  que  l'on  ait  faits  jiour  jus- 
titierh's  stoïciens,  il  parait  démontri-  nue 
leur  Dieu  su|irème  était  \'i\mc  du  mnnue; 
dans  cette  hypothèse,  ni  Dieu  ni  l'homme 
n'étaient  libres  ;  il   ne  pouvait  ■  avoir  une 

f)rovidence,  les  stoïciens  abusaient  du  terme 
orsqu'ils  en  parlaient.  Il  n'est  pas  vrai  que, 
suivant  leur  idée,  le  destin  ne  fût  rien  autre 
chose  que  la  volonté  suprême  du  Dieu  sou- 
verain; nous  avons  prouvé  le  contraire,  au 
mot  Fatalisme.  Dans  le  système  de  Platon, 
la  puissance  de  Diiu  était  gênée  et  bornée 
par  les  défauts  de  la  matière;  celle-ci,  co- 
éternelle  à  Dieu  et  nécessaire  comme  lui, 
était  essentiellement  irréformable.  Comment 
l'homme,  coui[)osé  d'esprit  el  de  matière, 
aurait-il  été  libre?  Dieu  ne  se  mêlait  jioint 
du  gouvernement  du  nmnde  ;  il  l'avait  aban- 
donné <\  des  esprits  inférieurs  qui  n'étaient 
ni  iustes,  ni  sages,  ni  fo.t  amis  de  l'huma- 
nité :  cafiricieux  et  bizarres,  ils  voulaient 
être  honorés  par  des  rites  absuides  et  par 
des  crimes;  ils  distribuaient  les  biens  et  les 
maux  de  ce  monde  sans  avoir  égird  au  mé- 
rite ni  à  la  vertu.  Platon  admettait  l'immor- 
talité de  l'ihne,  mais  il  ne  pouvait  pas  dire 
i|uel  et  .il  le  sort  des  justes  ni  des  méchants 
après  la  mort.  Autant  que  l'on  peut  percer 
dans  les  lénèlires  d'Arislote  ,  il  parait  qu'il 
admettait  l'éternité  du  monde  ;  mais  ou  He 
sait  pas  s'il  croyait  un  Diei,  ou  s'il  était 
athée;  il  substitue  à  la  Divinité  une  na((/rc 
agissante  par  elle-même,  sans  dire  si  elle  est 


intelligente  ou  aveugle.  On  ne  sait  ce  ([u'il 
enlen  l  par  l'Ame  humaine,  qu'il  appelle  une 
en'Jléchie,  et  ne  la  croit  point  inuuoi telle. 
BrucliOr,  Ilist.  rrit.  Philos.,  tom.  1,  de  secta 
Peripat.,  §  li,  15,  16. 

\o\\l\  cependant  les  trois  sectes  ae  philo- 
sophie qui  ont  eu  le  plus  de  réputation  :  leur 
morale  n'est  pas  plus  saine  que  leur  doc- 
trine spéculative.  A  mniu';  ijue  l'on  n'admette 
un  Dieu  tout-puissant  et  libre,  juste,  sage 
et  attentif  h  la  conduite  «les  houmies,  h  moins 
que  l'on  nesup|iose  le  libre  arbitre  de  l'flme 
humaine,  son  inuuortalilé,  les  peines  et  les 
récomiienses  dans  uiu>  antre  vie,  il  est  im- 
possible d'établir  une  morale  raisonn.ible. 
Aussi  n'est-il  nui:un philosophe  qui , ut  doimô 
un  code  moral  complet,  qui  renferme  tous 
les  devoirs  de  l'homme,  qui  soit  exempt 
d'crrouis  grossières,  et  à  l'abri  de  la  contra- 
diction des  autres  sectes.  La  moral'  philo- 
sophiqu  n'était  point  à  portée  du  peujile, 
et  il  n'avait  aucun  motif  d'm  su'vre  les  rré- 
ceptcs  :  les  philosophes  eux-mêmes  ne  les 
observaient  pas  :  stuivent  ils  dé^créd  talent 
leurs  le(;ons  par  leur  conduite  :  Cicéron  , 
Qiiintilien,  Lucien,  Âulu-Gcile.  etc.,  en  sont 
témoins,  it  n'est  donc  |ias  étonnant  que,  mal- 
gré les  maximes  pomi  euses  de  morale  de 
quelipies  philosophes,  les  mœurs  aient  été 
très-corrompues  chez  toutes  les  nations  à  la 
venui'  de  Jésus-Christ.  11  lalldt  les  leçons, 
les  exemples,  les  jiroraesses  et  les  menaces 
d'un  Dieu,  pour  montrer  distinctement  aux 
honnnes  la  t'crtu  <t  le  vice,  ce  qu'ils  dé- 
viaient faire  ou  év  ter,  el  pour  les  ■  déter- 
miner parle  poids  de  l'autoiité  divine.  Quel- 
ques in'i'édules  ont  eu  riiii])udence  de  dire 
que  la  morale  des  philosophes  devait  être 
plus  puissante  que  celle  de  l'Evangile,  parce 
(pie  la  première  est  prouvée  et  que  la  se- 
conde ne  l'est  pas.  Prouvée,  mais  comment? 
par  des  arguments  auxquels  le  commun  des 
hommes  n'entendait  rien,  et  que  le  moindre 
souffle  de  sce|  ticisme  pouvait  renverser  ; 
Cicéron  en  conv  eut  dans  son  traité  de  Offi- 
dis.  Mais  q  .and  Dieu  commande,  a-t-il  b:- 
soin  de  preuves  ?  «  La  loi  divine,  dit  Lac- 
tance,  est  réduite  en  maximes  courtes  et 
simples  ;  il  ne  convenait  pas  que  Dieu  par 
lant  aux  hommes  employât  des  raisons  et 
des  preuves  pour  contirmer  ses  oracles  , 
comme  si  l'on  pouvait  douter  de  ce  qu'il  dit  ; 
il  s'est  exprimé  comme  il  appartient  au  sou- 
verain arbitre  île  toutes  choses,  auquel  il  ne 
convient  pas  d'argumenter,  mais  de  dire  la 
vériti'.  11  a  parlé  en  Dieu.  »  Divin.  Instit., 
I.  m,  c.  1  (Ij. 

(I)  Voici  le  jugement  porté  sur  la  ptiilosnpliie  par 
quelques  écrivains  renommés.  <  Ce  serait  un  doiail 
bien  flétrissant  pour  la  pliiloiophie,  dit  J.-J.  Uous- 
seau,  que  l'exposition  des  maximes  pernicieuses  cl 
des  diiguies  impies  de  ces  diverses  sectes.  A  entendre 
les  phitosiiplies,  ne  les  prendrail-on  pas  pour  une 
troupe  de  cliaiLitans  qui  crieiU,  chacun  de  leur  cote, 
sur  une  place  juiLdique  :  \'enc~  à  moi;  c'est  nioi  seul 
qui  )te  se  trompe  point!  L'un  prétend  qu'il  n'y  a  point 
de  corps,  cl  que  tout  est  représentation  ;  l'autre,  qu'il 
n'y  a  d'anlie  substance  que  la  niati  le;  celui-ci 
ava.nce  qu'il  n'y  a  ni  vice  ni  vertu,  el  que  le  bien  et 
le  mal  sont  ciiimères;  celui-là,  que  les  hommes  sont 


iMV 


PHI 


PHI 


4i6S 


II.  Saint  Paul  n-l-il  condamné  les  anciens 
phiinsophesavcc  trop  de  rigueur?  A  la  vi'Tité 
Tarrêt  qu'il  a  prononcé  cotitie  eux  est  fort 
sévère.    «  Du  haut  du  ciel,  dit-il,  la  colère 
de  Dieu  éclate  contre  riiupiètè  et  l'injustice 
de  tous  ceux  qui  relicnn.  nt  in.justemeht  la 
vérité  divine  ;  car  c-  ([ui  peut  être  connu  de 
la  Divinité  leur  a  été  manifesté,  et  c'est  Dieu 
qui  le  leur  a  fait  connaître.  En  effet,  depuis 
la  création  du  monde,  l-s  attributs  invis.bles 
de  Dieu,   sa  puissance  éternelle,   sa  provi- 
dence, sont  devenus  sensibles  par  ses  ou- 
vrages, de  manière  que  l'on  doit  juger  inex- 
cusables tous  ceux  qui  ayant   connu  Dieu 
ne  lui  ont  point  rendu  de  culte  ni  <r.ictions 
de  grAces,  mais  se  sont  livrés  ii  de  vaines 
pensées  et  aux  ténèbres  de  leur  cœur.  En  se 
donnant  jiour  sai;es,  ils  sont  devenus  insen- 
sés, ils  ont  transformé  la  majesl  '•  d'un  Dii  u 
incorruptible  en  statues  et  en  images  d'hom- 
mes mortels  et  de  vils  animaux  ;  c'est  pour 
cela  q;ie  Dieu  les  a  livrés  aux  désirs  de  U  ur 
cœur,  à  des  passions  impures  pir  lesquelles 
ils  ont  déshonoré  leur  propre  cori'S...   Ils 
ont  été  rem|)ls  de  malignité,  de  jalou?ie  ; 
querelleurs,  trompeurs....  superbes,  al  tiers... 
sans  prudence,  sans  modération,  sans  affec- 
tion, sans  foi,  sans  miséricorde.  »  Rom.,  c.  i, 
V.  20  et  suivants.  Leurs  successeurs,  à  qui 
ce  tableau  déplaît,  sont-ils  en  état  de  prou- 
ver qu'il  est  trop  chargé  ?  Il  nous  serait  aisé 
de  nuintrcr  qu'il  est  fidèle,  par  le  témoigna- 
ge môme  des  auteurs  profanes.  Les  philoso- 
phes  ont  été  assez  éclaiiés  pour  connaître 
Dieu  par  l'inspection  des  ouvrages  de  la  na- 
ture; mais  ils  ont  déliguré  les  attributs  di- 
vin-;, eu   sujjposant,  contre  toute  évidence, 
que  Dieu  ne  se  mêle  point  des  choses  de  ce 
monde,  qu'il  en  a  laissé  le  soin  h  des  esprits 
inférieurs,  que  c'est  à  eux,  et  non  a  lui,  que 
le  culte  doit  s'adresser.  Premier  crime.  Ils 

lies  loiips,  cl  qu'ils  peiiveiU  se  manger  e(i  sùvolé  de 
coiisçiejice  («).  »  Et  dans  un  anlie  eiidro  i  :  i  Je  con- 
snliai  li's  [iliilosophes;  jelenillolai  leurs  livres,  ,j'e\a- 
niinai  les  diveiscs  opinions;  jo  les  tioiivai  Ions  fiers, 
alliini;ilif-i,  dogniali(pies  même  dans  k'iir  scepiicisnie 
prcU'n  in;  n  igiioianl  rien,  ne  prouvanl  lien,  se  nio- 
(piani  les  uns  des  auU'fs;  cl  ce  puinl  toiniiuin  à  tons 
me  paraît  le  seid  sur  ic(|nel  ils  ont  raison.  Tii(nn- 
pliants  i|aand  ils  aiUKjUL'ol,  ils  sont  sans  vigik'nr  en 
se  (lélendani;  si  vous  pesez  leurs  raisons,  ils  n'en  oui 
que  poiii'  ditrniie;  si  vous  tonipte/.  les  voi\,  cliacnn 
se  réduit  à  la  sienpe;  i|s  ^e  s'accordent  que  pour 
di  puii'î-  (()).» 

La  pliilosopliie  se  vante  de  ses  progrès.  —  «  Mais 
eu  (pioi?  demande  M.  de  C(n-uieiiin.  lîsl-ce  en  nié- 
lapliysKpie?  Mais  il  n'y  a  pas  un  seul  llieorenie  de 
Kanl  011  de  ses  pareils  qui  ne  soit  plus  lénéluen.v  que 
iGu.s  les  n!ysi('res  du  clui^tianisiue.  Eal-ce  en  législa- 
lion?  .Mais  ci-  u  est  pas  la  pldlosopliie,  e'est  le  <  liris- 
tiaidsiie  qui  a  dit  cpie  la  le. unie  est  rega)e  de  riioni- 
me,  qu'il  n'y  av.;il  plus  d'e-cl.ives  ci  que  le  pauvre 
valait  le  iithe.  C"est  là,  j  iaiagiqe,  trois  assez.  Itelles 
lois.  Est-ce  loliiicpie?  ïîai^  c'e.il  .|gsus  ipii  a  leliabi- 
lite  le  iieiiple.  Le  pr.  tie  est  du  peuph',  léveiiue  est 
du  pe.ple,  le  pap;  est  du  peuple,  le  Cliri:-.t  isl  du 
peuple.  Il  n'y  a  i  ieu  de  plus  peuple  que  le  Chris- 
lianisine.  C  est  l'Evangile  iiui,  sous  les  auspices  de 


n'ont  point  fait  connaître  Dieu  an  peuple, 
par.;o  qu'ils  craignaient  de  l'irriter  en  atta- 
quant le  pol.vthéisme  et  l'idolAtrie  ;  ils  ont 
même  confirmé  l'i  rreur  publii|ue  parleur 
suffrage,  ipioique  ]ilusieurs  soient  convenus 
que  c'était  une  absurdité  et  une  insulte  fa  te 
à  la  majesté  divine.  Second  trait  d'impiété. 
Le  di'ré'glemont  de  leurs  mœurs  est  incon- 
testable ;  nous  avons  nommé  les  auteurs  qui 
le  leur  reprorlien*  aussi  bien  que  les  Pères 
de  l'Eglise.  Où  est  doncTinjustiee  de  la  cen- 
sure de  saint  Paul?  Mais  cet  apôtre,  disent 
nos  adversau-es,  a  décrié  la  philosophie  mê- 
me ;  il  la  nomme  la  sagesse  de  oe  monde,  et  jl 
prétend  que  Dieu  l'a  réprouvée  ;  il  l'envisa- 
gi-  comme  un  obstacle  h  la  foi  et  au  sdut  ; 
il  canonise  ainsi  l'ignorance  et  le  mépris  des 
connaissances  utiles.  C'est  une  fausseti'.  Ce 
que  saint  Paul  apjielle  la  saç/esse  de  ee  monde 
n'est  point  la  vraie  philosophie,  mais  l'abus 
que  les  philosophes  en  ont  fuit.  Pu  squ'il  dit 
que  l'étude  de  la  nature  fait  connaître  les 
attributs  de  Dieu,   il  ne  la  condamne  donc 
pas  ;  et  puisqu'il  traite  les  philosophes  d'in- 
sensés, il  ne   les   aurait   pas  blâmés,    s'ils 
avaient  été  véritablement  sages.  Mais  il  les 
voyait  déjà  fermer  les  yei  x  à  la  véiité  que 
Dieu  leur  montrait,  et  s'élever  contre  elle; 
dernier   Irait    de  méchanceté  de    leur  part  : 
nous  allons  encore  en  donner  les  preuves. 
III.   De  quelle  mani're  les  philosophes  se 
sont-ils  conduits  à  l'égard  du  christianisme? 
Dès  l'origine  leurs  sentiments  furent  parta- 
gés sur  ce  sujet  comme  sur  tous  les  autres. 
Les  uns,  frappés  île  la  sainieté  de  la  morale 
chrétienne,  des  vertus  qu'elle  faisait  prati- 
quer, des  faits  miraculeux  sur  lesquels  elle 
était  l'ondée,  reconnurent  la  divinité  de  cette 
religion,    l'embrassèrent  sincèrement  et  en 
devinrent  zélés  défmiseurs  :  tels  furent  saint 
Justin,  Talieii,  Hermias,  Athénagore.  saint 

Dieu,  a  scellé  l'éiernelle  et  magnifique  alliance  de 
l'auioiité  et  de  la  lilierlé.  Quels  sont  ces  lennes 
courages,  quels  sont  ces  g'^iiies  politiques  ,  quels 
sont  ces  desintéiesseinenls  si  purs,  quels  sont  ces 
lioiuines  si  cliarilaliles,  quels  sonl  ces  penseurs  su- 
blimes, quels  s(Uit  res  diali'Clieiciis  Irauscendanls 
que  l'école  <le  la  pliilosopliie  aelnelle  ait  formes'? 
Qu'on  m'en  donne  un,  un  seul,  et  je jille  au  feu  Ions 
mes  argimienis.  La  pliilosopliie  éclectique  a  produit 
ce  (pTelle  avait  seine:  le  luanl;  c'est  que  d'ordinaire 
loiit  liomiue  sans  croyance,  ne  saillant  où  s'appuyer, 
cliancelle  et  se  IrouLÎe  a\ec  la  licence  et  le  despo- 
tisme. C'est  que  presque  toules  les  niéiapliysiques 
iniuent  a  la  négation  de  Dieu,  et  de  la  négation  de 
Dieu  a  l'aiiarcliii'.  Il  n'est  ceilcs  liesoin,  en  \crilc,  de 
se  tant  vanter  qu'on  possède  la  raison  souveraine, 
(ju'on  est  un  phifisopiie  indepeiidaul  et  qu'iui  lait 
uiéiier  de  libre  iienseur,  ni  de  se  laiit  creuser  l'a 
biniede  l'einendemenl,  ni  d'éelialaiulcr  penibli'meut 
de  si  giganlcsipu's  systèmes  pour  aboutir,  coniiiie  un 
livs-siurple  uiorlel,  ans;  deux  levmes  les  plus  vul- 
gaires de  la  ipiesiuin  :  croire,  ou  ne  pas  cro.re.  Il  y  a 
cepeiulaut  un  troisième  terme,  c  e^i  de  croiie  aux 
plus  grosses  absurdités  des  luélaphysiques  les  plus 
ineomprcliensibles  et  les  plus  oppi.ses,  et  c'est 
en  ipioi  excelle  particuli^reiuent  la  pliilosopliie  éclce- 
liipie  («).  I 


(«)  Ui'|ioiise  Mi  roi  de  Pologne. 

(/')  Discours  sur  lessvieuces  cl  les  arts. 


(a)  L'Education  el  l'eiisPignamenlen  maiière  d'Ioiitruo- 

lidii  setiuiidcuiu,  (ia?  !Ven,:u. 


U09 


PHI 


PHI 


M70 


Théophile  d'Antioche,  Quatrains,  Aristide, 

Méliton  de  Sardes,  Apiuilliiiairu  d'Hiôiaiilcs, 
Miltiade,  Aiiolloiiius,  sriuntcLir  romain,  Paa- 
taMius,  saint  CL'uiiuiU  d'Alexandrie  ,  etc.  ; 
quelques-uns  sii^nèi  ent  leur  foi  de  leur  sang. 
D'autres,  moins  sincères  et  moins  eouragiHi'ï, 
ne  se  convertirent  (]u'à  moilii'  ;  iIn  recon- 
nurent l'excellence  de  la  doctrine  chrétienne, 
mais  ils  voulurent  l'entendre  à  leur  manière 
et  la  faire  cadier  avec  leurs  oj. inions  philo- 
sopliiiiues;  ils  enfantèrent  ainsi  les  premiè- 
res hérésies  nui  onl  troublé  i'ivglise  ;  c'est 
ce  que  lirent  Cérin  lie,  ilénandre,  Saturnin, 
Marcion.  lia^ilide,  elc  Plusieurs  prirent  je 
nom  fastueux  de  (/no^ilifiues  ou  d'honunes 
iitlvlligçnts,  et  se  vantèrent  île  voir  mieux 
la  nature  des  choses  (|ue  lesaprtlres  mêmes. 
Un  bon  nombre,  encore  plus  pervers,  pré- 
férèrent les  cireurs  et  la  c  rru|)li(in  du  pa- 
j^auisme  à  la  sainteti'  de  Flivangile  ;  ils  se 
(léclaièrent  ennemis <ln  notre  religion  ;  non- 
seulement  ils  ratta(iuèrenl  par  Uuirs  ('crils, 
connue  Celse,  Lucien,  Porphyre,  Julien, 
Hiéroclès,  mais  ils  enllammèreut  la  haine 
des  uersécuteurs.  Sont  .lustin  fut  livré  au 
supplice  siu'  l'accusUion  d'un  certain  Cres- 
cent ,  philosopha  c  ni(jue  ,  qui  en  voulût 
aussi  à  Talien.  Laclance  se  plaint  de  l'ani- 
mosité  de  d(mx  philosophes  de  son  temp.-', 
que  l'on  croit  ôlre  Porphyre  et  Hiéroclès, 


Dii'in.  liistit.,  lib. 


y,  c. 


Leux  qui   obsé- 


daient ]'emi>oreur  Jidien,  loin  de  diminuer 
sa  haine  contre  le  chiistianisme,  tiavaillè- 
rent  ^  l'augmenter.  D'antres  employèrent 
l'asiuce  et  la  [)erlidie  pour  nuire  plus  ef'lici- 
cinuuil  au  christianisme  ;  ils  rapprochèrent 
leurs  dogmes  des  nôtres  ;  ils  rectilièrent  une 
partie  de  leurs  opinions ,  ils  prétendirent 
que  la  doctrine  de  Jésns-Chiist  n'était  pas 
fort  diir.'reute  de  celle  des  anciens  philoso- 
phes :  ()ue  le  paganisme  l'puré,  tel  que  ceux- 
ci  l'enseigna  eut ,  pouvait  très-bien  s'accor- 
der avec  la  docirin.'  de  rKvaiiri,ile  ;  mais  que 
les  (-hi'étiens  entendaien!  mal  l'un  et  l'antre. 
Tel  fut  l'artilice  de  la  secle  des  éclectiques 
ou  nouveaux  platonicii'ns  ,  di  sifuels  nous 
avons  parlé  ailleurs.  Yoif,  Eci.fotiolf.s.  C'est 
d'ajirès  ce  td)leau  periido  que  les  déisl  s  de 
notre  siècle  ont  voulu  nous  faire  ju-;er  de 
l'ancien  paganisme  :  nous  l-s  avons  réfutés 
au  mot  Paganisme,  ^  k.  Sur  cet  exposé  sim- 
ple, nous  demandons  si  saint  Paul  n'a  pas 
eu  raison  d'inspirer  aux  lidôles  de  la  dé- 
tiance  cmlre  les  philosophes. 

IV.  Les  Pères  de  l'Ef/lisr  ont-ils  eu  torl  de 
iïiéler  Ifs  notions  et  les  si/stèmrs  de  philoso- 
,$ltic  avec  les  dogmes  (lu  ehrislianisme?  Nous 
!-»uienons  qu'ils  y  ont  été  forcés,  et  qu'il 
«  a  d.!  l'injustice  a  leur  en  faire  un  crime. 
l  l'est  cependant  h  quoi  s'obslinent  les  [)ro- 
t  Plants.  iMoslieim  ,  Uisl.,  ec.cles.,  u'  siècle, 
I  •  part.,  c  1,  §  12  ;  llist.  christ.,  sœc.  ii,  S  '23 
eJsuiv.,  alfecte  de  douto:-  si  lu  conversion, 
rcème  sincère,  d'un  bon  londjre  de  philoso- 
phes ,  a  élé  plus  avantaoCUbe  que  nuisible 
au  christianisme  ;  si  notre  religion  a  QL^'.\é 
ou  (ter  iu  par  les  écri  s  des  savants  et  par  les 
Sjiéiulations  û^s  philosophes  qui  ont  pis  sa 
défijuâu.  «  U  est  incontestable,  dit-il,  que  sa 


simplicité  et  sa  dignité  ont  été  altérées,  dès 
que  les  docteurs  chrétiens  luit  voulu  mêler 
leurs  opinions  avec  la  doctrine  de  Ji'sus- 
Chrisl,  et  régler  la  foi  et  la  piété  pai'  lesf-ii- 
bles  lumières  de  leuriai^on.  »  Le  Iraduiteur 
de  Mosheim  n'a  pas  manqué  d'augmentiu' ii'i 
l'aigreur  des  expicssions  et  d'(  nchérir  sur 
som  modèle.  Le  l^lerc  soutient  (pue  l'attache- 
ment des  Pères  h  la  philosophie  leur  a  f  dt  in- 
venter de  nouveaux  do  ;nu^s,  Uis(.  ercL,  sect. 
a,  an.  101,§  21.  Déjà  l'on  voit  ipie  celle  calom- 
niea  été  suggéréeaux  pr  testants  par  l'intérêt 
de  système,  et  parce  (ju'il  leur  importe  di^ 
ruiner  la  tradition  dès  le  u'  siècle  ;  mus  nous 
ne  sommes  pas  duues  de  leur  artiti(^".  Aux 
mots  PÈivES  DE  l'Kglise,  nous  aviuis  montré 
les  conséquences  impies  (pii  s'ensuivent  <le 
cette  hyfiothèse.  Nous  persistons  à  hur  dc- 
niandrr  des  preuves  positives  de  l'altération 
faite  à  la  doctrine  chrétieiuio  par  les  disci- 
j)les  nu'imes  des  apôtres;  ils  ne  nous  en  don- 
nent |ioint.  Leur  entêtement  n'est  fondé! 
que  sur  la  fausse  idée  qu'ils  se  sont  faite  du 
christianisme  apostolique  :  ils  s'imaginent, 
qu'il  était  tel  que  les  réformateurs  l'ont  bâti 
au  XVI'  siècle  ;  il  n'en  est  lien.  Car  enfin, 
qui  sont  les  témoins  les  plus  en  état  de  nous 
en  lendre  compte,  ceux  qui  ont  vécu  immé- 
diatement après  les  apôtres,  et  qui  huit  pro- 
fession de  suivre  le  u'  doctrine,  ou  des  dis- 
siirtati'urs  survenus  quinze  cents  ans  a|irès? 
Une  auti  e  supposition  des  protestants  est  que 
toute  11  doctrine  de  J  'Sus-Clirist  et  des  apô- 
tres doit  se  trouver  expressément  et  formel- 
lement enseignée  dms  leurs  écrits  ;  ([uetout 
ce  qui  n'y  est  p  tint  mot  pour  mot  est  étran- 
ger au  christiaidsme.  Où  sont  encore  les 
l>reuves  de  ce  principe  '? 

Mais  c'est  toujours  h  nous  de  prouver  : 
nos  adversanes  s'en  dispensent  ;  prouvons 
donc  que  les  Pères  sont  croyables,  et  que 
leurs  accusateurs  sont  indignes  de  foi.  1°  Les 
premiers  protestent  dans  leurs  écrits  qu'ils 
suivent  exactement  la  doctrine  des  apôtres; 
ilsrecommandentauxlidèlcsdene  s'en  écarter 
jamais  :  ds  disent  que  c'est  le  crime  des  hé- 
rétiques ;  s'ils  l'ont  conuïiis  eux-mêmes, s'ils 
ont  été  plus  attachés  aux  1  çons  des  philoso- 
phes qii  à  celles  des  apùtie<,  s'ils  ont  voulu 
expli(pier  celhs-ci  par  les  premières,  et  non 
au  contraire,  ce  s  mt  les  fourljes  1rs  |)iu3  im- 
pudents qu'il  y  eilt  jamais.  Saint  Ignace  ne 
proche  autr  >  chose  aux  fiJêles  que  l'altache- 
meut  à  la  doctrine  dis  a[  ôtres  ;"  il  ne  leur 
ordonne  la  soumission  aux  pa-teurs  que 
]iarce  ((U  ils  tieiment  lieu  des  apôtres.  J&pî'.sY. 
ad  t'phes.,  n.  1 1  ;  ad  Mnr/ties.,  n.  li;  ad  Trol- 
lian.,  n.  3  et  7  ;  ad  Philadrlph.,  n.  5,  e  c. 
Saint  ï'o\\ cai'pe,  Epist.  ad  Philippen&es,  n.ti, 
les  exhorte  à  servir  Dieu  connue  il  a  été  or- 
donné par  Jésus-Christ,  par  ses  apôtres  qui 
ont  annoncé  i'Evatigile,  e  paries  prophètes, 
et  à  s'éloigner  desftix  frères  qui  répain.enl 
des  erreurs.  Saint  Justin  décl/u-e  qu'a.rrès 
avoir  essa  ;  é  d  •  toutes  les  écoles  de  philoso- 
phie, il  n'y  a  rien  i)u  apprendre  de  vrai,  el 
et  qu'il  y  a  renoncé  pour  se  hvrer  à  l'étude 
des  livres  saints,  Cohorl.ad  Grœc,  n.  3;  Dial 
cuiii  Tryh.,  n.  8,  etc.    Tatien ,  Athén.iijore 


1471 


PHI 


PHI 


U73 


Hermias.  saint  Irénée,  saint  Théophile  d'An- 
tioche,  parlent  de  même;  les  accuserons- 
nous  d'imposture?  nous  oit  rons  leurs  pa- 
roles, au  mot  Platonisme. — 2°  Les  protestants 
ne  suivent  point  eux-mêmes  leur  propre 
princ  pe,  puisquils  tiennent  pour  doctrine 
chiétienne  des  choses  qui  ne  sont  poii;t  ex- 
pressément enseignées  dans  les  écrits  des 
apôtres  :  la  parfaite  spiritualité  des  anges,  la 
création  des  âmes,  et  non  leur  préexis  ence 
à  la  formation  des  corps,  la  nécessité  ou  du 
moins  la  validité  du  baptême  dos  enfants  et 
de  celui  qu'ont  administré  les  hérétiques, 
l'obligtion  de  célébrer  le  dimanche;  ils  ne 
pratiquent  point  le  lavement  des  pieds  ni 
l'abstinence  du  sang  et  des  chaii  s  sulToquées, 
quoiqu'!  l'un  et  l'autre  soient  f  irmellement 
commandés  dans  le  Noicveau  Testament.  Les 
sunicions  et  les  d  tl'érentes  sectes  protestan- 
tes dis,-)  'tent  p  lur  savoir  si  tel  point  de  doc- 
trine est  ou  n'est  pas  ensfij^né  dans  ce  li- 
vre divin;  les  |  rtmiers  réforniiiteurs  y 
voyaient  clairement  des  dogmes  que  leurs 
discipb's  n'y  voient  pbis.  A  qui  devons-nous 
croire  par  i'ri''f(''rence? 

Ils  se  réfutent  donc  eux-mêmes:  h  présent 
il  faut  justiiier  les  Pères  sui  l'usage  qu'ils 
ont  faii  de  la  philosophie.  En  premier  lieu, 
aucune  loi  de  Jé.sus-Christ  ni  des  apôtres 
n'ordunne  à  tout  philosophe  qui  se  fera  bap- 
tiser de  rei.oucerà  toutes  les  opinions  plii- 
lo.'Op'iiques,  même  à  celle  qui  n'ont  rien  de 
contra  re  à  la  doctrine  chiétienne  ;  donc  les 
Pères  ont  pu  conserver  ces  dernières  sans 
blesser  la  délicatesse  de  leu.-  foi.  En  second 
lieu,  pour  défendre  efiicacement  la  doctrine 
chrétienne  contre  les  païens  et  contre  les 
hérétiques  qui  l'altaquaii'nt  par  des  argu- 
ments plnlosophiquos, il  fallaitleuren  opposer 
déplus  solides,  et  leur  prouver  qu"ils étaient 
dans  l'erreur.  Sans  cela  l'on  aurait  autorisé 
le  reproche  u'ignorance  et  de  crédulité  stu- 
p:de  que  les  païens  ne  cessai  nt  de  faire  aux 
chrétiens  ;  et  ceux  qui  faisaient  profession 
de  philosophie  et  d'érudition  pa  nu  les  |>aïens 
aurau^nt  eu  beaucoup  plus  de  répugnance  à 
embras.-er  notre  r.licion.  Telles  sont  les  rai- 
sons ([ui  eng-igèrent'Clément  d'Alexandrie  à 
cultiver  cette  étude  ,  et  à  la  défendre  contre 
ceux  qui  la  blâmaient;  Strom.,  1.  i,  c.  ii,  m 
et  V,  p.  226  et  suiv.  Mosheim,  tout  prévenu 
qu'il  était  contre  les  Pères,  n'a  pas  pu  dé- 
sapprouver cet  e  apol.)gie;  Hist.  christ.,  sœc. 
II,  §  26,  not.>,  p.  2"!8.  Origène  protestait  qu'il 
avait  eu  les  mêmes  motifs  en  s'appliquant  à 
l'étude  de  la  philosophie,  et  il  alléguait 
l'exemple  de  Pantieims  et  d'Héraclas  ,  qui 
avaient  f^it  de  même  ;  apud  Euseb.,  Hist.  ec- 
cles.,  1.  VI,  c.  XIX.  En  troisième  lieu.  Mos- 
heim a  été  forcé  d'avouer  que  cette  érudition 
des  Pères  fut  très-utile,  1"  pour  expliquer 
plus  clairement  quelques  dogmes  qui  avaent 
été  enseignés  jusqu'alors  d'une  manière 
obscure;  2°  pour  réfuter  les  g.ostiques  et 
pour  arrêter  les  progrès  de  leurs  erreui-s  ; 
3*  jiour  bsnnir  de  l'Eglise  chrétienne  ))lu- 
sieurs  opini  ms  qui  venaient  des  Juifs.  Ilisl. 
christ.,  siec.  m,  §  37,  p.  119.  Il  était  liéjà  con- 
venu ailleurs  qu'elle   servit  à  faciliter  et  à 


multiplier  les   conversions.  Comment  a-t-il 
pu  soutenir  ensuite  qu'elle  produisit  plus  de 
mal  (|ue  de  bien  ?  En  quatrième  lieu,  1rs  Pè- 
res ne  se  sont  pas  bornés  là  ;   ils  ont  fon  lé 
les    dogmes    du  christianisme,  non  sur  des 
principes  philoso  'hiques,  mais  sur  la  révéla- 
tion, sur  des  passages  de  l'Ecriture   sainte  ; 
et  si  quelquefois  ils  se  sont  trompés  sur  des 
questions  qui  n'étaient  pis  fort  importantes, 
c'est  qu'ils  ne  prenaient  pas  le  vrai  sens  des 
expressions  de  nos   livres  saints.  Ceux  qui 
les  accusent   de  n'avoir  pas  exposé  la  doc- 
trine clirétienne  avec  assez  d'exactitude,  de 
clarté   et  de  méthode,  ne  voient  pas  qu'ils 
font  retomber  ce  reproche  sur  les  auteurs 
sacrés.  En  cinquième  lieu  ,  les  Pères  n'ont 
fait  grAce  à  aucune  opinion  fausse  des  philo- 
sophes; ils  ont  mis  au  grand  jour  les  erreurs, 
les  absurdités,  'es  contradctions  de  chaque 
secte;  ils  ont  fait  voir  combien  li  doclrino 
de  nos  Ecritures  est  plus  juste,  plus  raison 
nable,  plus  vraie  et  ()liis  suitlime  que  celle 
des  philosophes   les   plus  vantés.  Leibnitz, 
plus  modéré  que  les   autr^  s  prot'  stants,  a 
rendu  cette  justice  aux  Pères,  a  Ils  ont  re- 
jeté, dit-il,  tdut  ce  qu'il  y  avait  de  mauvais 
dans  la  philosophie   des  Grecs.  »  Esprit  de 
Lcibnilz,  t.  11,  p.  kS.  Or  ils  n'auraient  pas  pu 
Je  faire  sans  avoir  une  très-grande  connais- 
sance de  la   doctrine  des  différentes  écoles. 
Enfin,  aujoui-d'liui  les  critiques  protr'stants 
di-ent  que,  faute  d'avoir  connu  laphitosophie 
orientale,  les  Pères  n'ont  pas  bien  compris 
le   système  des  gnostiques,   que   par  celte 
raison  ils  ne  l'ont  pas  complètement  réfuté  ; 
ils  reprochent  donc  tout  à  la  fois  aux  Pères 
l'ignorance  et  la  connaissance  de  l'ancienne 
philosophie.  Mais  nous  avons  satisfait  à  leurs 
plaintes  au  mot  Gnostiques,  nous  y  revien- 
drons encore  hl'article  Platonisme,  §  3.  Les 
théologiens  protestants  ne  se  servent-ils  pas 
encore  à  présent  d'arguments  philosophiques 
pour  ataquei-  le  mystère  de  l'Eucharistie  et 
d"autr«  s  articles  de   notre   croyance  ?   Nous 
sommes  donc  forcés  de  faire  contre  eux  ce  que 
les  Pères  ont  fait  contre  les  anciens  hén  fi- 
nes. Avant  de  bblnipr  en  général  le  mélange 
e  h  philosophie  avoclà  théologie  chrétienne, 
il  faut  commencer  par  établir  trois  ou  quatre 
thèses  absurdes  :  1°  que  l'on  ne  devait  ad- 
mettre à  la  profession  du  christianisme   au- 
cun p/ii7o5o;j/(e  converti,  ou  qu'il  fallait   lui 
faire  abjurer  toute  connaissance  philoso[)hi- 
que,  vraie  ou  fausse;  2°  que  l'on  ne  devait 
rien  répon  Ire  aux  païens  ni  aux  hérétiques 
qui  attaquaient  notre  religion  par  des   argu- 
ments de  cette  espèce.  Cependant  saint  Paul 
voulait  qu'un  pasteur  fût  en  état  d'enseigner 
une  saine  doctrine  et  de  réfuter  les  contredi- 
sants ;  Til.,  c.  I,  V.  9.  3°  Que  l'ignorance  aurait 
été  plus  utile  que  la  science  à  la  propagation 
et  à  la  conservation  de  la  vraie  foi  ;   que   la 
science  même  la  plus  humltle  est  un  obsta- 
cle aux  lumières  du  Saint-lisprit,  etc. 

V.  Lfs  incrédules  modernes  méritent-ils  le 
nom  de  philosophes?  Pas  plus  que  les  anciens 
héréti  pies,  et  beaucoup  moins  que  les  pré- 
tendus sages  de  l'Orient  et  de  la  Grèce.  Ils 
ont  tous  les  vices  que  saint  Paul  a  reprochés 


1473 


PHI 


PHI 


l-Hi 


à  ceux  de  son  tomps,  et  aucune  des  vertus 
par  lesquelles  plusieurs  des  anciens  se  sont 
rendus  reooniaiandables.  En  peignant  ceux 
qui  valaient  le  moins,  l'apôtre  a  fait  d'avance 
le  tableau  de  ceux  de  nos  jours.  Ils  sont  cer- 
taineuient|)lus  coupables  queceux  qui  étaient 
nés  iliins  les  ténèbres  et  au  milieu  d  s  dé- 
sordres de  lidolAtrie.  Non-seulement  ils  ont 
pu  connaître  Dieu  par  la  lumière  natuie.le, 
qui  a  fait  de  grands  progiès,  mais  ils  ont  été 
éclairés  dès  l'enfance  par  la  révélation  ;  ils 
ont  volon  au-ement  fermé  les  yeux  à  l'une  et 
à  l'autre.  Ceux  même  d'autrefois  qui  ne  cro- 
yaient [loint  deDieu,  ont  cependant  respectj 
la  religion  publque,  ils  n'ont  |)as  cherché  à 
rendre  les  jieuples  allumes  ;  les  nôtres  auraient 
voulu  faire  apuslasirr  les  nations  entières  et 
bannir  (lel'iuiivers  la  notion  de  Dieu;  plu- 
sieurs ont  avoué  ce  dess  in,  et  plusieurs  do 
leurs  livres  ont  été  faits  ex()rès  pour  le 
peuple.  Dans  1  impuissance  de  réuî.sir,  ils 
n'ont  pas  rougi  de  donner  aux  religions  les 
plus  fausses  la  préf  renc  •  sur  le.  christianis- 
me. Nous  leur  avons  vu  faire  success  veinent 
l'apolo^^ie  du  paganisme,  du  maliométisme, 
de  la  religion  de  Zoioasti'c  ,  de  celle  des  Chi- 
nois, de  cell.'  d(  s  Indiens,  des  infamies  de 
cert  uns  idolâtres,  de  la  |)lupart  des  sectes 
d'iiéntiques  et  (le  mécréants.  Ils  avaient 
avoué,  lorsqu'ils  étaient  déistes,  que  le  chris- 
tianisme était  la  plus  sainte  et  la  meilleure 
de  toutes  les  religions  ;  lor^qu  ils  sont  deve- 
nus athées,  ils  ont  s.;uienu  que  c'est  la  plus 
mauvaise.  Afirès  avoir  fa  t  semblant  de  rendre 
hommage  à  la  sagesse,  aux  vertus,  aux  bien- 
faits de  Jésus-Chiist,ils  ont  fini  par  vomir  con- 
tre lui  des  torrents  de  blasphèmes  ;  ils  l'ont  re- 
présenté, les  unscomme  un  tourbeambilieux, 
les  autres  comme  un  visionnaiie  fanatique. 

En  punition  de  l'infidélité  des  anciens. 
Dieu,  dit  saint  Pai.l,  les  a  livrés  à  îles  pas- 
sions impures  et  honteuses.  Ce  sont  encore 
ces  mêmes  passions  qui  ont  fait  naître  l'in- 
crédulité parmi  nous  ;  c'est  au  milieu  du 
luxe ,  des  [ilaisirs,  de  la  corruption  des 
grandes  villes,  qu'elle  s'est  montrée  plus  à 
découvert.  La  pluj  art  du  ses  défenseurs  ont 
souillé  leur  plume  par  des  écrits  licencieux; 
ils  ont  parlé  de  l'impudicité  avec  une  indif- 
férence et  une  lib  rté  capables  d'étoulfer 
toute  honte  chez  les  hommes  les  plus  déré- 
glés. L'apôtre  dit  que  les  philosoplus  d'à  tre- 
fo;s  ont  dié  pleins  de  jalousie  et  de  malignité  ; 
mais  ces  deux  vices  percent  de  toiites  parts 
dans  les  écrits  de  leur»  successeurs.  Ceux- 
ci  n'ont  |ias  cessé  de  déclamer  contre  les 
biens  ,  les  honneurs,  les  jiriviléges  accordés 
au  clergé  ;  leur  «mbition  aiirait  été  de  le 
supplanter.  Dans  l'impuissance  d'en  venir 
à  bout,  ils  ont  soulagé  leur  humeur  par 
des  invectives,  des  railleries  sanglantes,  d  -s 
calomnies  de  toute  esiièce  contre  les  jirè- 
tres  ;  quehjues-uns  ont  poussé  la  fureur 
jusqu'à  écrire  qu'il  fallait  les  exterminer  et 
en  purger  la  société  ;  ils  n'ont  é|iargné  ni  les 
vivants  ni  les  morts;  ils  ont  trouvé  le  moyen 
d'empoisonner  les  actions  les  plus  innocent  'S 
et  de  noircir  les  vertus  les  plus  pures.  Ce 
sont,  ajoute  saint  Paul,  des  hommes   querel- 


leurs rt  trompeurs.   En  effet,    sur  quoi  n-s 
Incrédules  n'ont-ils  f)as  excité  des  disputes? 
Il  n'est  pas  Uiie  soide  institution  divine  ou 
humaine  qu'ils  n'aient  attaquée,  et  ils  n'.  nt 
pas  été  mieux  d'accord  entre  eux  qu'avec  les 
croyants.  Lorsqu'ils  ne  firofessaient    que  le 
d/'isme,  ils  censuraient    les   athées  ;  timibés 
dans  l'athéisme  à  leur  tour,    ils  oi.t  tourné 
en   ridicule   les  déistes.   Au  jugement    des 
matérialistes,  tous  hs  autres  philosophes  sont 
des  ra  sonneurs  pusillanimes  qui  ne  j  ons- 
sent   pas  les   conséquences  jusqu'oii    elles 
peuvent  al  er,  et  qui  respectent   encore    les 
préjugés.  Du  haut  de  leur   indilféronce   or- 
gueilleuse, les  sceptii]ues  regardent  en  jiitié 
tous  les  dogmatiques.    Mais    lequel    d'cntio 
eux  s'est  jamais  fait  scrupule  de   mentir  et 
de  tromper,  pour  étayer  ses  sentiments   (m 
satisfaire  sa  passion '/Tous  moyens  leur  oi,t 
paru  légitimes  :  fausses  histoires,  livres  sup- 
posés, citât  ons  de  passage  s  tronqués  ou   al- 
térés ,    tiaduclioi.s    infidèles,    témoignages 
d'auteurs  JUS. ement  décriés,  calomnies  cent 
fois  réfutéi  s,  etc.  Ils  ont  accusé  leurs  adver- 
saires de  tous  ces  délits,  s.ms   pouvoir   les 
en  convaincre  ;  e.x-inôines  n'ont  pas  hésité 
de  s'en  rendre  coujiables.  Quel  a  été  le  vice 
général  de    tou>?   Saint    Paul    l'a   indiqué: 
l'orgueil;  ce  Sont  des   hommes    superbes    et 
vains,  enflés  de  leur  prétendu  mérite.  On  sait 
avec  quelle  inuéceiice  nos  écrivains  se   sont 
encensés  eux-mèiijes.  Ils  ont  représenté  un 
philosophe  comme  l'homme  le  plus  grand  et 
leiilus.mp  rtani  de  l'univers,  et  chacun  d'eux: 
cro„ia  t  se  voi.  lui-même  ua  s  ce  tableau.  Ils 
se  sont  donnés  pour  illumina  eu  s,  m.àtres, 
bienfaiteurs,  réformateurs   des  nations  ;  du 
fond  de  leur  cabinet  iis  croyaient    régenter 
le  monde  ei.tier  ;  quelques-uns  ont  eu  la  fa- 
tuité i.e  demander  des  statues,  et  ils  se  flat- 
taient d'éciaser  leurs  adveisanes  [)ar  un  ton 
de  mép  is;  et,  contre  leur  attente,  c'est   [lar 
le  mépris  que  le  public  commence  à  les  pu- 
nir :  une  bonne  partie  de  leurs  ouvrages  sont 
iéjh  livrés  à  la  (loussière  et  à  l'oubli.  Ils  ont 
Hé,  ajoute  l'Apôtre,  sans  prudence  et   sans 
tiiode'ration.  C'était  en  manquer  absolument 
que   d'attaquer  sans   distinction  loutcs    les 
puissances  de  la  terre,  les  rois  et  le  r  auto- 
rité, les  ministres  et  le  gouvernement,    les 
magistrats  et  les  lois,  le  sacré  et  le  jnofane  : 
les  anciens  ne  poussaient   pas   la    témériti; 
jusque-là;    chez    un    peuple    moins    coux, 
l'iuuécence  des  modernes   aurait   été    j)uiii(; 
par  des  supplices.  Enfin,  sans  ajj'ection,  sans 
foi,  sans  miséricorde,  nos  prétenuus  sages  ont 
travaillé  à  lompre  tous  les  liens  de  la  société, 
toutes  11  s  atfections  naturelles  de  l'humanité, 
les  devoirs   mutuels  des    époux,    ceux    des, 
enfants  envers  leurs  pères  et  mères,    l'atta- 
chement des  citoyens  envers  leur   patiii-, 
la  fidélité  des  sujets  au   souverain  ;    ils  out 
avili  et  pour  ainsi  dire  matérialisé  les  motifs 
de  la  tendresse  des  pères  pour  leurs  enfants, 
des  mères  pour  le  fruit   ue  ieurs  entraides, 
de  la  reconnaissaucc  à  l'égard  des  bienfai- 
teurs, des  amitiés  les  plus  généreuses  entre 
des  ùmes  honnêtes.  Pour  nous  perfectionner, 
ils  voulaient   nous   mettre   au-dessuu»   di  s 


1475 


PHI 


nÀ 


Î87C 


brutes.  Sans  compassion  pour  les  mallicu- 
reiix,ils  ont  décrié  l'aiiniôae,  li's  hôpitaux, 
les  f  militions  de  cliaiité,  l'iiistruct  ou  des 
ignorants,  l'état  et  les  fonctions  de  ceux  qui 
se  consacrent  au  service  du  prochain  ;  toute 
vertu  quilcouipie  a  essuyé  leur  ceiisure.  Il 
n'était  pas  possible  de  mieux  vérifier  ce  que 
saint  Paul  a  conclu,  qn  ils  sont  devetius  fous 
en  s'attribuanl  le  dire  de  sayes.  Si  l'on  nous 
accusait  d'exagérer  leurs  toits,  nous  avons 
leurs  livres  entre  nos  mains  ;  nous  en  avons 
ciié  les  paroles  dans  d'autres  ouviages,  et 
dans  plusieurs  articles  de  ce  Dictionnaire 
nous  avons  réfuté  L^urs  folles  objections  (1). 

(I)  Voici  un  coup  d'œil  jeté  sur  la  ptiilosophie  con- 
teiii|iora.iic,  p;ir  M.  Jélian. 

«  l'ii  liuiiiiiic  il'iiii  profond  génie  clinilien,  el  qui 
avait  liingienips  iiiéiiile  sur  la  niarthe  îles  rliosos  liii- 
niaines  dans  ces  Uois  derniors  siècles, a  écrit  ces  pa- 
roles :  «  Il  tiy  a  pins  de  religion  sur  la  terre,  le 
genre  Inimain  ne  peutresleren  cet  état,  j  (J.  de  Mai- 
slre,  Soirées  de  Sanit-Pétcrshourg,  t.  Il,  p.  ::i71)  ).  A 
part  ce  que  la  précision  d.'  la  forme  peut  laisser  pa- 
raître d'exagéré  dans  la  pensée,  on  ne  pent  s'e  upé- 
clier  de  reconnaître  (ju'il  faut  bien  qu'il  se  passedans 
le  monde,  à  notre  ép(i<[ue,  quelque  chose  d'anornial 
et  (l'élraiige,  pour  qu'il  se  soit  échappé  de  celle 
grand  ■  àuie  un  pareil  cri  de  détresse.  H  taudrail  etie 
en  elTel  bien  (  iranger  au  inouve  i.eiil  des  espriis  pour 
n'élre  pas  frappe  du  désordre  moral  qui  régne  au  soin 
des  sociétés  mo  ernes.  Quel  homme  aticntif  n'é- 
prouve une  secrète  anxiet  ■  et  ne  se  sent  troublé  en 
lui-meiue  lorsqu  il  arrête  ses  regards  sur  le  speclacle 
de  cette  profonde  anarchie  intellectuelle  produite  par 
rébranlenieut  de  toutes  les  croyances  ?  11  n'esi  plus 
rien  de  si  sacié,  rien  de  si  vénéré  par  les  siècles,  qui 
n'ait  clé  mis  en  question  ;  tout  est  devemi  pl-écaiie, 
problématique,  incertain  ;  loule  foi,  toute  conviction 
eslallée  s'éteindre  dans  la  friiide  nuit  du  scepiicisme. 
Ce  scepiicisme  qui  nous  dévore  n'est  point  raisonné, 
mais  pratique,  il  n'est  point  un  systèuie,  mais  le  ré- 
sultat de  tous  les  systèmes;  ce  n'est  point  la  doctrine 
d'une  secte,  cesl  lepiit  d'une  époque.  Aussi  le  voit- 
on  se  jouer  de  tous  les  efforts,  sur\ivre  à  toutes  les 
aUatiues.  Jainais  avec  une  liiierté  aussi  ellrénèe  le 
donie  ne  proniena  sur  tous  les  points  de  la  croyaiice 
liuniaiiie  el  dans  lous  les  ilegiés  de  la  liicrai-chie  des 
espriis.  Ou  ne  sait  plus,  on  ne.\eul  plus  croire  :  on 
craint  louie  couviciion  cornu. e  un  mécompte.  L'hôte 
funesie  nous  suit  jusqu'auprès  du  foyer  domesliqir/, 
et  11  il  argumente  contre  la  famille  et  la  pr<ipriété. 
L'esprit  d'incrédulité  nous  obsèoe,  il  nous  presse  de 
toutes  paris,  il  circule  pour  ainsi  dire  dans  l'air,  et 
loule»  les  inlelligences  du  siècl  en  se  développant  le 
respirent.  Quel  Uicn  invoquer?  la  Ir.iditiou  :  elle 
n'existe  plus,  lout  est  nouveau.  La  religion  ?  les  ha- 
biles laveuKul  en  gros  comme  un  nmycn  d  nrdi'e,  de 
concert  avec  la  pobce,  mais  en  détail,  dug-.m^s  ei  j.ra- 
li(pies,(ui  en  sourit.  De  la  une  morielle  inddference, 
une  elfroyable  sécurité  dans  le  mal.  Ou  ne  ciuinail 
d  autre  culie  (jiie  celui  de  la  matière;  hmoiis  les  ré- 
siillals  matériels,  rien  n'altiie  lin.  cll. genre  ;  hormis 
riniéièt  el  les  plaisirs,  neii  ne  captive  le  Cieur. 

j  Le  point  de  vue  pratique  de  la  science,  car  la 
'béorie  même  est  en  ilélavenr,  l'appLcaiion  indii- 
».rielle  des  facnliés,  voilà  ce  qui  toilclie  uidipiemeni. 
Le  génie  militaire,  tel  est  le  seul  dieu  de  l'époque, 
telle  est  l'idole  sans  enlr.iilles  que  le  siècle  préconise 
et  encense:  nouvel  Hercule  aux  proiioiliims  gigaiilcs- 
ques,  iiont  le  bras  neivoux  soulèv'  la  ma^se  sociale; 
d'un  souflie  aident  il  allume  nos  loiiine.iux  et  cisien  I 
la  vapeur,  celte  aaie  île  la  mécanique  ;  ii  parcoUrl  le 
moiiae  avec  une  vitesse  irré.^isiible  &;f  le  ddnhlfe  rail 
d'un  cheulin  de  fer  ;  mais  à  son  Iront  ne  eliCichez 
pas  l'étoile  radieuse  et  lie  lui  demandez  pas  de  vous 


PHILOSOPHiE    orientale.    {Voy.   Plato. 

NIS.VIE,  §  3.  ) 

[  La  philosophie  de  l'Orient  peut  être  consi-^érée 
sous  des  poiiiis  de  vue  liés-divers;  et  sous  chacun 
d'eux  elle  fait  jaillir  des  clartés  dillërentes  sur  les  vé- 
rités sacrées.  Ou  peut  simplement  considérer  la  phi- 
losophie des  dilTéreiils  peuples  comme  la  manifesla- 
lioii  caractéristique  de  leur  esprit,  comme  ces  traits 
distinclifs  qui  sont  aux  opérations  de  leur  intelligence 
ce  que  leur  physionomie  maiérielh^  est  à  leurs  pas- 
sions dominantes.  Toute  philosophie  na;ioiiale  doit 
fiécessairement  pnrier  l'enipreinte  du  syslèmepariic;- 
lier  di'  pensées  que  la  nature,  les  inslitulions  socia- 
les, ou  d'aulres  causes,  ont  donné  ii  l'esprit  du  piil- 
ple  où  elle  se  développe  ;  elle  sera  mystique  ou  pure- 

montrer  ses  ailes.  Celle  crise  alarmante  qui  travaille 
le  monde,  cette  profonde  déviation  morale,  suppose 
le  trioiiipiie  lie  quelqu'une  de  ces  grandes  en eiiis  de 
la  pensée  qui  lance  les  peuples  hors  de  leur  voie  et 
les  entraîne  infailliblenient  vers  un  abiiuc.  Une  doc- 
tiiiie  qui  préciiùla  la  chule  des  sociétés  antiques,  qui 
fui  iifonlee,  dominée  par  le  christianisme,  peu  iant 
de  longs  âges  l'e  foi,  a  éié  renouvelée  dans  ces  dci- 
niers  siècles,  proclamée  avec  un  nouvel  éclat,  avec 
un  inimeiise  leienlissemenl,  nous  voulons  parler  du 
principe  de  la  souveraineté  de  la  raison  humaine 
dans  la  recherche  de  la  vérité.  Il  n'est  plus  pei mis  de 
se  le  dissimuler,  (el  est  le  pHi  cipe  désastreux  qui  a 
frappé  au  c>ur  cette  Eurojie  jadis  si  palpitante  d'a- 
mour, de  foi  vive  et  de  saintes  espérances,  inainte- 
naiil  alfaissée,  chancelante,  comme  une  vierge  folle 
qui  s'est  enivrée  lie  lous  les  vins  eiiipoisomiés  de 
l'erreur.  Le  nouveau  mouvement  imprime  a  la  philo- 
sophie reu.onte  ;.  Descaries,  maison  peut  dire  que 
celle  rovoli.tion  avait  élé  pré|iarée  par  la  réforme, 
d'i)ù  l'on  doit  vériiabl  ment  datei  celte  aberration  de 
l'espril  hiimahi  dans  nos  temps  modernes.  Descaries 
ne  lit  (pi'.'ippliquer  aux  recherches  philosophiques  un 
principe  que  1  hérésie  avait  consacré  depuis  un  sicde 
dans  le  ilooiaine  de  la  ihéologie.  Nous  eu  coavenons, 
rien  n'était  plus  éloigné  de  la  pensée  de  Descaries 
que  le  dessein  de  coustiuier  la  plnlosopliie  en  hosti 
lilé  avec  la  leligin;  et  louielois  la  philosophie  ne 
tailla  pas  a  faire  acie  dindéiiemiance  absolue,  et  à  ne 
vouloir  pieudre  pour  règle  que  la  raison,  les  sens,  en 
un  mol  l'homme  individuel,  affranchi  de  louîe  auto- 
rité divine.  D  ns  1  espace  de  iieux  cents  ans,  lou-  les 
anciens  systèmes  ont  été  renouvelés  ;  tomes  les  so- 
lutions essayées,  puis  abanuoiinecs,  puis  reprises, 
puis  délaissées  encore;  amer  labeur,  peregrin;:tions 
lanienlahles  de  l'esprit  Iniinaiii  livré  a  ses  seiiles  for- 
ces, s'épuisanl  dans  ses  ardentes  inves'igalions,  sans 
pouvoir  renconirer  nulle  pari,  en  d  hors  de  la  révé- 
lalioii,  un  point  d'appui  pour  y  asseoir  léditlce  de  ses 
songis. 

«"Qu'on  ne  se  hâte  pas  de  nous  accuser  de  blas- 
ph oiiic  contre  la  philosophie.  Ecoutez  pinioi  ses  plus 
iervenis  adciiles.  Le  chef  del'ecleelicisine  en  Fraoce, 
abordant  la  i;ueslion  de  l'existence  d'un  mon. ie  eue- 
rieur  disliiicl  de  LOIS  et  de  nos  pensées,  s'exprime 
ainsi  dans  un  de  ses  priiiciiiaiix  ouvrages  :  «  Je  sup- 
pose (in'il  y  eût  parmi  nous  un  boniiue  encore  étran- 
ger aux  uispuli'S  philosophiques  etipii  u'apiioriàl  ici 
que  du  bon  sens  et  de  la  raison,  ne  seiait-il  pas 
tenté  de  noils  inlerroiiipre  en  ce  moment  et  de  nous 
deniimler  s'il  est  vrai  i|n'niie  pareille  question  occu- 
pe iU:^  pcisonnages  aussi  gravi-s  que  des  philosophes; 
qu'ehe  urr  le  ei  tie:L.eeii  ech.c  les  plus  puissants 
esprits,  taïuiis  que  reniant  la  lésout,  ce  semble,  as- 
sez bien  des  les  premiers  jours  de  son  eiistence? 
Que  deviendrait  donc  cet  lionmie  sens  ,  qui  ne  veut 
pas  même  que  la  pliiiosopliie  prouve  l'exisloiice  du 
mou  .e  exierieiir,  si  oa  lui  disait  qu'elle  l'a-lniet 
loui  r.u  plus,  la  combat  souvent  et  n'y  croit  jamais 
legihincment,  cl  que  ce  n'est  point  là  le  délire  ou  le 
mensonge  d'une  secte  particulière,  mais  le  résultat 


1477 


piii 


pm 


1178 


ment  logiqup,  profonilc  ou  populaire,  abstraîlë  ttU 
praliiiue,  selim  la  loiiniiiii'  d'cspiil  nui  prévamlra 
parmi  vc  pinipli'.  La  pliild-iopliie  l'vpi'iiiiiPiiiali',  ipie 
nous  (levons  à  Haoon,  csl  le  type  cvai-t  (Iin  lialiiliiik's 
lie  pensée  qui  domiiioiil  ilailS  le  (  araclèie  anglais, 
depuis  les  iiiedilalion';  les  plus  élcv(;es  de  nos  sages 
justpi'au  raisoniieiiienl  pralii|ne  de  nos  paysans.  Le 
inysllcisine  abslrail,  euiili'niplalir  el  à  demi  rêveur 
de  rilindoii,  est  aussi  l'iApressiun  [laliirelle  de  son 
calme  et  de  sa  no.iclialaiicc  ordinaires;  c'est  I  écou- 
lement des  lu'illaoïes  el  prolbiidcs pensées  (pii  doivent 
jaillir  dans  l'àMiede  iiuicomiec  s'assied  sur  les  hords 
des  ilenvcs  majeslueuv  tie  l'Inde,  el  s'y  i)rend  à  rê- 
ver. Parl(>nt  où  il  y  a  un  grand  nondire  de  seeles, 
nous  pouvons  être  silrs  d'en  renconlrci'  plusieurs  (pii 
professcnl  des  doctrines  étrangères  el  discordantes. 
De  là  vieiuieiU  cesappaicuies  conlrailictioiis  (pii  clio- 
quent  (]uelipi(d'ois  dans    h^s    meilleurs    pliilosoplies 

fjrecs,  et  celte  admission  des  plus  liaules  vérités  sur 
es  preuves  les  plus  l'aihles,  (pii  élo:me  dans  le  plus 
Sublime  de  leurs  écrivains.  Mais  il  suit  de  là  ([ue,  si 
nous  trouvons  tous  les  systèmes  philosophiques  de 
ces  nalioMS,  si  disliucts  d;'ns  leurs  earacleres,  si  dis- 
semlilahles  dans  leurs  procédés  liigi(pies,  arrivant 
aux  mêmes  consé(piem'es  sni'  Ions  les  points  l'onda- 
ineutaux  d'un  intérêt  moral  pour  l'imijuuiilé,  nous 
sommes  l'oicés  de  choisir  l'uiu'  de  ces  deu>.  conclu- 
sions :  Uu  une  trudilion  primitive,  une  doctrine 
connuuiu;  à  toule  respèce.  humaine,  el  par  consé- 
quent donnée   dès  le  conuuoncenieni,  est  descendue 

conimuu  de  toute  la  philosophie  européeujie.  Vou- 
dr,iil-il  nous  croire,  nuîssieurs,  et  no  nous  accuse- 
l-ail-d  pas  nous-mêmes  de  l'olii^  ou  d'inlidélilé  ?  N(mi, 
hiessieurs,  je  ne  cherche  point  à  déiruire  la  philoso- 
phie, en  lui  iin|iiilaiit  des  absurdités  imaginaires.  Il 
a  été  démonire  avec  la  dernière  rigueur  (jiic  les  Ihéo- 
ries  élevées  depuis  deux  cents  ans  sur  la  ([liesiioii 
qui  nous  occupe  sont  loiitcs  ossenlicllcinenl  scepli- 
ques  ;  ipie  la  diversili;  (pie  l'on  rencontre  dans  les 
Opinions  des  philosoplies  tombe  seulement  sur  les 
formes  du  sceplicisiue,  mais  ([ne  toutes  le  renl'er- 
tiieiil  pinson  moins  e\plicileiueiil,  eti|u"enlin  la  phi- 
losophie moileriie,  lille  de  Descaries  cl  mère  de 
Hume,  ne  croit  pas  tU  n'a  pas  le  droit  de  croire  à 
l'esislence  du  mondi' exléiieiir.  >  (  Cours  sur  l'Iiisl. 
de  la  l'iiilosophie  moderiie,  par  M.  Y.  Cousin  ;  p.  9- 
11.  )  1  11  0^1  bien  élraiige,  dil-il  uu  peu  pliiN  loin, 
qu'on  accuse  l;i  philosojdiie  luodciiie  de  se  perdre 
dans  uii  dédale  de  sysl.'ines  :  c  est  viaiiuent  bien  de 
la  sévérité  enveis  uu  pareil  eulàiil....  Elle  est  encore 
du  maillol,  pour  ainsi  dire.  >  (Ihid.  2"  le(;on,  p.  3j.  ) 
«Après  le  luaitre,  v<iici  le  di>cii>lc.  < — Assure- 
hieiit,  dit  Joiillroy,  le  cercle  des  iucerlitUilos  s'est 
agran.li,  des  ipie.iiiims  nouvelles  ont  été  ajoutées  à 
Celles  (|UR  la  phiKi.-.opliie  agitait  à  sou  berceau  ; 
inais  les  nouvelles  venues  n'ont  pas  eu  meilleure  for- 
tune (pie  les  anciennes.  Prenez  une  ipiesliwn  philoso- 
p'iiipie  ipielcoiiipie  ;  noie/,  le  jour  oii  les  pre.iiiers 
systèmes  paur  la  résoudre  s'éleverenl  ;  comparez  ces 
sys'ème.^  a  ceux  ipii  se  disp.;lent  aujoird  Inii  l'hon- 
iieur  de  la  ilecidcr  :  vous  trouverez  sans  doute  plus 
de  peiieclion  el  de  devcloppeiiieiil  dans  ces  derniers, 
m. lis  vous  verrez  ipie  leui'  probabilité  relative  n'a  p.is 
varié.  Si  chacun  d'eux  piis  ;.  part  esl  plus  lorl,  I  é- 
ipiilibre  cuire  eux  esl  le  même;  et  leur  progrès, 
loin  d'aboiilir  à  léso  i.lre  la  quesliou,  n'a  laiL  que 
tonsacrer  d'une  m.oiiere  plus  précise  et  plus  scieii'i- 
fiipie  son  iuceriilude.  Lu  sorte  que,  si  Pou  denian  le, 
coiuple  1  la  phdosophie  de  ce  qu'elle  a  t'ait  depuis 
qu'elle  existe,  elle  poui'ia  bien  répondre  qu'elle  .i  mis 
eu  lumière  un  nombre  loajoiiis  |dus  grand  de  ques- 
tions ;  eile  pourra  bien  ajouler  quelle  a  eidaïue  et 
porté  à  une  peil'eclion  de  plus  en  plus  giau  .e  le^  dil- 
■  î'oreiils  systeaiCs  ipii  peuveul  aspiic;r  a  1  Jionneur  de 
les  r.îsoudre  ;  mais  ipielle  ait  ri'solii  une  seule  de  ces 
questions,  voila  ce  que  la  philo^oiiliie  ue  peut  pas 


jUsqu'h  noiis  par  ces  nombreux  canaux  ;  ou  bien,  ces 
docirines  sont  si  esscnliclleiiieul,  si  nan-relleim-nt 
vraies,  que  l'espiil  bu  ■.  am,  sous  tout  >  lc^  lornms 
possibles,  les  découvre  pi  les  eiubrass...  Le  anciens 
philosophes  coiulnniénl  de  l'accord  général  de  l'Iul- 
Inanilédaus  nue  croyance  commune,  q  ,e  cette  croyan- 
ce devait  être  vraie  ;  et  ils  prouvauuil  ainsi  pbisicurs 
docirines  iiuporlanles  cl  sain  aires.  Par  l'i'inde  ap- 
prol'ondie  de  la  philosophie  d'un  grand  noudue  de 
iienples,  nous  avons  foililié  ce  raisonuemeiil,  et  nous 
lui  avons  lait  faire  uu  pas  immense;  car  nous  pou- 
vons dire  inainlenant  sur  iiuelle  base  ont  été  roijufes 
ces  docirines.  Si  nous  eussions  reiieooiré  uu  système 
(pii  niât  la  vie  fuliire  et  perpétuelle  de  l'àine  humaine 
et  aiipnyàt  sa  négation  sur  dss  |irocédi''s  logiipies,  sur 
des  niélho  les  de  raisminenient  complélement  indé- 
pendantes de  tout  enseiiïnemenl  étranger,  c'eùi  clé 
assiiréniPul  une  ditTiculié  de  qu'lque  v:deur.  i>hiis 
qile.iid  noils  voyons  le  inyslicisme  des  Indiens  ariiver 
à  la  même  conclusion  (pie  le  raisounement  synlhéti- 
qiie  (les  Grecs,  nous  devons  nous  tenir  pour  assurés- 
(|ne  In  coiii  Insiou  est  exacte.  Dans  les  lingmtiits  de 
VAUiliik-c-Musini,  ouvrage  persan  sur  r.iine,  ipie  le 
cohuiel  Wilks  a  traduit,  toiite<  les  ipieslions  relati- 
ves a  celle  portion  de  la  iialure  humaine  sont  discu- 
tées avec  une  péni'tralion  merveilleuse  ;  et  quoique 
d'après  certaines  ressemblances  avec  les  philosophes 
grecs,  le  traducteur  pense  que  ces  raisonncmeuls 
leur  sonl  eniiuuntés  («),  il  me  semble  que  le  tour  do 
la  pensée  el  la  l'orme  de  l'argumeulalion  ont  un   ca- 

dire,  parce  que,  si  elle  le  disait,  elle  serait  forcée  de 
trouver  des  exoiiiplcs,  un  tout  au  moins,  c'est-à-dire 
de  déti'rrer  une  question  philosoidiiipie  ipii  suit  réso- 
lue di'Miiiilivemenl,  comine  le  sonl  une  foule  de  que- 
stions physiques  et  chimiques,  et  que  cet  exemple, 
elle  ne  le  Ironverail  point,  parce  qu'il  n'existe  pas. 
Et  eependalit  ces  questions,  Pytliagore  et  Dé.iiOcrite, 
Aristote  cl  Platon,  'iénou  et  Epicure,  Bacon  el  Des- 
caries, Leibnilz,  M.ilebranche,  Locke  et  Kalit  les  ont 
agiti'cs.  Ce  n'esl  donc  point  faute  de  génie  (prdles 
ii'onl  point  élé  résolies.  Qu'y  a -l-il  donc  dans  ces 
(pieslioiis.  Qu'y  a-l-il  dans  la  philosophie  qui  a;t  rendu 
tout  ce  génie  impuissant'?  D  où  vient  qu'une  science 
remuée  par  de  si  puissantes  mains  demeure  élernel- 
leiuent  inféconde'/  La  est  le  prolilèiue  dans  Iciiuel 
loiil  l'avenir  de  la  philosophie  est  placé  ;  et  tant  qu'il 
n'esl  pas  résolu,  on  est  confondu  (|ue  des  cspiits  di- 
stingués osent  eiicore  culliver  une  science  si  culiivée, 
agiter  ces  queslions  si  agitées,  comme  si,  ajirês  le 
naufrage  de  tant  de  grands  hoinnies,  aucune  inleili- 
gence,  avant  d'avoir  découvert  l'écueil  où  ils  ont 
échoué,  pouvait  se  flatter  d'i  Ire  plus  habile  ou  plus 
h  ureux,  et  de  rencontrer  le  port  (pii  leur  a  échap- 
pé!.... (  Nouveaux  Jlélaiiges  philosophiques,  p.  90, 
95). 

1  Après  cela,  vous  sciiez  tente  pent-ilre  de  repé- 
ter avec  Pascal  que  i  toute  la  philo^opliie  ne  vaut 
pas  un  (piarl  d'heure  de  peine.  >  Eh  bien  !  pas  du 
toiil.  La  m  me  bnuclie,  qui  tout  à  l'iiciire  humiliait 
jusqu'au  neaiil  la  philosophie,  va  faire  euKMidie  nu 
diihyiambe  ponrexaller sa  puissance  :  La  phibiMiphie 
est  i.i  dernière  vicioiie  de  la  pensée  sur  lo  île  forme 
et  tout  cleiiiciit  éiranger;  elle  esl  le  plus  liàiil  ilegré 
de  la  libellé  de  rmleliigence...;  elle  c:,!  li.-derniér al- 

fiMnchisseiiienl  cl  le  dernier  progrès  de  la  pensée 

Elle  est  la  liini  ère  de  toutes  les  luniicies,  l'aiiloiile 
des  aulorllés...  Il  es!  temps  que,  aii  lieu  de  former 
uu  p.irli  dans  l'esiièca  humaine,  elle  domine  l»iis  les 
partis.  Jeunes  gens,  arrivés  an  faite  de  vos  él.ides 
aiiterieiiie.,  vous  Iroiivere.'.  dans  la  ph  lo'.Ojdiië,  avec 
rinlelligence  el  lexplicalioli  de  10  .les  ch  i  es,  une 
paix  supérieure  el  iu.illerable.  >  (Litrod  cium  a  l'ili- 
sioire  Je  la  pliiliJsophie,  oar  M.  "V.  Cousin,  1"  lu.on, 
p.  il  cl  suiv.) 

(«)  Tiniisactioiis  of  Ihe  ruijal  Society  isiixùc  of  greal  Bri- 
Iwiii  and  Irelaiid.  LonU.  1S27,  t.-l,  pi  Dli. 


1479 


PHI 


PHI 


U80 


ractère  décidément  oiiginnl.  C'est  ainsi  que  nos  con- 
victions ont  acquis  une  lortp  toute  nouvelle  sur  des 
points  de  croyance  es^eiiliellenient  nécessaires,  qui 
sont  la    ba^e'dii   christianisme  et  qui  ont  été  plus 
largement  développés  par  ces  enseignemenls.  Mais  il 
y  a  plusieurs  sysicnies  de  philosophie    asia.ique  qui 
sont  en  contact  plus  intime  avec  les  Ecriluies  qui  y 
font  allusion  et  qui  peul-eirc  les  attaquent;  une  lois 
connus,  ils  peuvent  répandre  une  grande  lumière  sur 
ceriains  passage>.  Le  principal  de  ces  systèmes  est 
cHui  <|ue  l'on  tonnait  générulcment   sous  le  nom  de 
Philosophie  orientale.  11  se  compose    surlout  de  ces 
doctrines  mystéiieuscs  q\ii  formaient  la  hase  de  l'an- 
cienne religion  persane,  et  d'où  jaillirent  les  piemiè- 
rcî  secles  du  chrisliani^me  :  la  croyance  •  une  lulte 
enire  deux  puissances  opposées,  l'une  bonne,  l'autre 
mauvaise  ;  à   lexislence   des   émanations,  principes 
inlermédiaircs  entre  la  nainredivine  et  la  nature  ler- 
restie  ;  et,  par  suiie,  l'adoption  de  termes  mystiques 
et  secrels,  exprimant  les  rapports  cachés  qui  existent 
entre   ces    dillërenls  ordres  d'êtres  créés  et  inciéés. 
Celle- philoMiphie  s'inliiira  dans  tout  rOrienl.   On   ne 
peut  douter  (pie  son  inllueiiie  n'eût  péiiélre  pirmi  les 
Juifs  au  temps  de  noire  Sauveur,  el  que  la  secte  des 
Pharisiens,  en  particulier,  n'eût  adopté   une  giamle 
partie  de  ces   doctrines    oiyslerieiises.    Elle  pénétra 
dans  la  Grèce,  exerça  une  "profonde  influence  sur  les 
philosophies  pylh.  g  uiciinneet  pbloniciennc,  et  agit 
sur  le  peuple  a"  travers  le\oile  des  mys  ères  religieux. 
Dans  plusieurs  de  ses  doctrines  elle  approchait  de  si 
près  de  la  vérité,  que  les  écrivains   inspires  adoplé- 
reiit  quelques  unes  de  ses  expiessions    pour  exposer 
leur  propre  docH  iiic.  La  c<mnaissance  que  nous  avons 
niainlenant  d^'  ce  système  philosophique,  grâce  a  l'é- 
tude sérieuse  d(mt  "il  a  été  l'objet,  a  seivi  a  confirmer 
et  à  éclaircir  bon  nombre  de  phrases  et  île  passages 
autrefois  obscurs.  Par  exeiuple,  lorsijue  Nicolème  ne 
comprit  pas  ou  feignit   de   ne  pas  comprendre  l'ex- 
pression de  Noire-Seigneur,  qu'il   fallait  niiitre  de 
nouveau,  nous  serions  peut-être  portés  à  penser  que 
cette  expression  n'était  pas,  dans  le  fait,  aisée  à  com- 
prendre, et  nous  pourrions  trouver  te  reproche  sé- 
vère :  Vous  êtes  docteur  en  Israël,  et  vous  ne  compre- 
nez pas  ces  choies  (Joan.  m,  10  )  ?  .Mais  ipiand  nous 
découvrons  que  ce-  paroles  étaient  la  ligure  ordinaire 
par  laquelle  les  l'hsrisiciis  eux-mêmes  exprimaient, 
dans    leur   langiige   mystique,   l'action    de    devenir 
prosélyte  ;  que  celle  locution  appartient  à  la  philoso- 
phie orientale,  et  qu'elle  est  employée  par  les  Brah- 
manes pour  indiquer  ceux  qui  embrassent  leur  reli- 
gion (h);  nous  voyons   sur-le-champ  commeni  une 
favon  de  parler  si  obscure  aurait  dii  être  bien  com- 
prise par  la  personne  à  laquelle   elle  était  adressée. 
Bendsten  a  recueilli  soigneusement  beaucoup    d'ins- 
criptions antiques  qui  contiennent  des  allusions  my- 
stiques à  celle  philosoidne  occulte;  et  il  a  fourni  par 
là  plusieurs  éclaircissements  sur  des  phrases  du  Nou- 
veau Testament  (6;.  Il  me  snUit  de  vous  dire  que  les 
expressions  de  lumière  el  i\e  ténèbres,  de  la   chair  et 
de  ['esprit,  les  métaphores  qui  représentent    le  corps 
comme   le  vase  ou   la  tente  de  l'àme,  locutions  qui 
dans  la  langue  de  celle  époque  étaieni   les  plus  pio- 
pres  à  exprimer  les  doctrines  si  pures  du  clnisiia- 
nisme,  ont  toutes  été  retrouvées  dans  celle  philoso- 
phie, el  ont  ainsi  perdu  l'obscurité  qu'on  avail  cou- 
tume de  leur  reprocher.  ] 

i     PHOTINIENS  ,  hérétiques  du  iV  siècle, 

^qni  avaient  i  mbrassé  les  erreurs  de  Pliotiii , 

évêque  de  Sirmmm  ou  Sirmich,  en  Hongrie. 

Celui-ci,  disci|ile  de  Marcel  U'Ancyre,  et  qui 

passe  pour  avoir  eu  du  savoir  et  de  l'élo- 

(fl)  V.  tes  Discours  de  l'auteur  sur  la  présence  réelle  ; 
el  Windiscliinann,  Philosophie,  elc,  p.  53S. 

(b)  Dans  tes  Miacelianea  Uafncnsia,  1. 1,  p.  20.  Coiien- 
liague,  1816. 


quence,  poussa  l'impiété  envers  .Tésus-Christ 
phn  loin  que  les  ariens.  Il  soutint  que  c'é- 
tait un  pur  homme,  né  du  Saint-Esprit  et  de 
la  vierge  Marie  ;  qu'une  ci  rlaine  émanation 
divine,  que  nous  appelons  le  Verbe,  était 
descendue  sur  lui,  et  qu'en  conséquence  de 
l'union  de  ce  Verhe  divin  avec  la  nature 
humaine,  Jésus  était  a[)pelé  Fils  de  Dieu, 
Fils  imique ,  parce  qu'aucun  autre  homme 
n'a  été  ainsi  lormé ,  et  Dieu,  à  cause  des 
dons,  du  pouvoir  et  des  privilèges  que  Dieu 
lui  avait  accordés.  Par  le  Saint-Esprit ,  Pno- 
tin  n'entendait  pas  une  personne  distincte 
de  Dieu  le  Père,  mais  une  vertu  céleste 
émanée  de  la  Divinité.  Ainsi  cet  hérétique 
n'admeltait,  comme  Sabell.us ,  qu'une  seule 
personne  en  Dieu.  11  lut  condamné,  non- 
seulement  par  les  orthodoxes  ,  mais  encore 
par  les  arions  ;  jiar  les  évoques  u'Orient, 
dans  un  concile  d'Antioche ,  tenu  en  3'i5; 
jiai-  ceux  d'Occident ,  au  concile  de  Jliian 
en  346  ou  3i7  ;  entin,  il  fut  déposé  dans  i.ne 
autre  assemblée,  à  Siriinch  ,  l'an  o51  ,  et  il 
mourut  en  exd  l'an  371  ou  375.  Son  liérésie 
a  été  r  nouvel  e  dans  ces  dertiicrs  L-mps 
par  Socin  ;  et  quoique  les  socitiiens  y  aient 
aiiponé  quel  jues  palliatifs  ,  le  fond  de  leur 
s^^'Stème  revient  au  même. 

*  PiiRÉNOLOGlE,  ou  Crânologie,  Cri'inioscopief 
prétendue  science  qui  par  la  conforinalion  du  crâ- 
ne préiend  connaître  le  caractère,  les  passions,  les 
penchants  de  riioniiie.  Nous  n'avons  pas  à  envisager 
elle  pjètendue  science  sous  le  point  de  vue  de  sa 
valeur  scientifique  :  tous  les  hommes  sages  ne  lui  en 
reconnaissent  aucune.  Elle  inléiesse  le  ihéolog.en, 
parce  qu'elle  comluii  droit  au  maleriaiisme.  Elle  fut 
inlerdile  à  Vienne,  lorsqu'elle  pariil,  comme  étant  la 
source  du  fatalisu.e.  Gall  a  cherche  à  se  justifier  de 
ce  grave  reproche.  €  Chaque  faculté,  disaii-il,  a  sa 
perception,  sa  mémoire,  son  jugemint,  sa  vcdonté, 
c'esl-i--dire  tous  les  atiribuis  de  l'inlelligeiice  pro- 
prement diie.  Toutes  les  facultés  sont  douces  de  la 
faculté  perceptive,  d'attention,  de  souvenir,  de  mé- 
moire, de  jugement,  d'imagination Chaque  fa- 
culté est  donc  une  intelligence.  Il  y  a  autant  de  dif- 
férentes espèces  d'inlelleci  ou  d'enteiidemenl  qu'il  y 
a  de  facultés  distinctes.  Toute  faculté  particulière, 
dil-il  encore  ,  est  intellect  ou  intelligence  :  chaque 
inlelligence  individuelle  a  son  organe  propre.  .M.  Flou- 
rens  (Examen  de  la  phrcnologic)  :  i  Mais,  avec  tou- 
tes ces  espèces  é'mtellects,  avec  loiiles  ces  intelUijcn- 
ics  individuelles,  que  sera  l'intelligence  générale  et 
proprement  dite?...  Ce  ne  sera  plus  celte  faculté 
positive  el  une,  ([ue  nous  entendons,  que  nous  con- 
cevons, que  nous  sentons  en  nous-mêmes,  quand 
nous  prononçons  le  mot  ùme  ou  intelligence,  et  c'est 
là  loul  l'esprit  de  la  psychologie  de  Gall.  A  l'inlelli- 
geiice, faculté  esseniiellemeni  une,  il  subsiitue  une 
foule  de  petites  intelligence  ou  de  lacultès  dislincles 

el  isolées Mais  l'unité  de  rinlelligence,  l'unité  du 

moi,  est  un  fail  du  sens  iniinie,  el  le  sens  intime  est  plus 
fort  que  toutes  les  philosophies.  >  C'est  la  destruction 
du  moi,  dit  la  Revue  médicale.  «  S'ils  ne  veulent  pas 
accepter  celle  multiplicité  d'individualités  spirituelles, 
indépendantes,  en  prétendant  les  unir  par  des  liens 
mystérieux,  ils  n'expliipieront  pas  d'une  manisre  plus 
salisfaisanle  l^miléllu  »!oi,ni  la  possibilité  du  ingé- 
nient. Car,  commeni  le  moi,  cel  cire  un,  indivisible, 
inelemlu,  poinl  convergent  de  toutes  les  faculiès, 
partie  essentielle  de  tout  acte  menlal,  logique,  peut- 
il  exister  avec  cette  pluralité  indéfinie  des  organes  ? 
Il  y  a  ici  la  plus  notoire  des  conlradiclions;  disons 
mieux,  la   plus  formelle  absurdité.  Faut-il  donc   le 


1181 


PHY 


redire  ?  On  np  pont  diviser  le  moi,  qui  n'est  que  lui, 
qui  «'Si  lui  ni  pins  ni  moins,  cl  diie  en  le  divisant  : 
Voil  1  qni  vit  ponr  tel  organe,  voiei  (|iii  vil  pour  tel 
antre.  La  poisiiniialilé  ne  se  pr.te  pis  à  ùlrc  ainsi 
fractionnée  :  il  faut  la  nier  on  la  recoimailre  dans  sa 
complète  intégrité.  L'unité  niatérielli',  l'unité  orga- 
nique en  particulier,  est  un  conqiosé,  une  agrégation 
de  parties  :  mais  l'unité  spirituelle  n'est  rien  de 
semblable;  elle  est  l'unité  tout  siniplenu'iit;  bien 
plus,  c'est  la  deslruclioii  de  tout  jugement.  Il  est 
certain,  dit  la  Ht'vue  mcdiciili-,  (pu^  j(^  puis  éprouver 
à  la  lois  plusieurs  sensations.  Quelquefois,  c'est  le 
même  objet  qui  me  les  procure  :  je  vois,  je  goitle  et 
je  sens  in\  ragoitt  ;  j'cnleuils  et  je  toucbe  un  instru- 
ment. D'autres  fois.cesontdili'érents  objets  qui  fiap- 
penl  mes  divers  sens  :  j'entends  une  musique,  en 
même  temps  <pie  je  vois  des  bommes,  (pie  j'('prouve 
la  chaleur  ilu  léu,  <[ne  je  sens  inie  odeur,  ipie  je 
mange  un  Irnit  ;  je  discin-ne  parfaitement  ces  sensa- 
tions diverses,  je  les  compare,  je  juge  laquelle  m'af- 
fecte le  plus  agreablemeul,  je  piifeie  l'une  à  l'antre, 
je  la  choisis.  Oi-,  ce  moi,  qui  compare  les  diverses 
sensations,  est  ini'Vitablement  un  être  simple  ;  car, 
s'il  est  composé,  il  recevra  par  ses  diversi  s  parties 
les  diverses  iuq)ressions  que  cliaipie  sens  lui  trans- 
mettra :  les  nerfs  de  l'o'il  pnrteio'it  à  une  partie  les 
impressions  de  la  vue,  les  nerfs  de  l'oreille  feiout 
passer  à  une  autre  partie  les  inqiressions  de  l'ouie, 
ainsi  du  reste.  Mais,  si  ce  sont  les  diverses  parties 
de  l'organe  pliysi(iuc,  (!u  cerveau,  par  exemple,  (pii 
reçoivent,  chacune  de  son  coté,  la  sensation,  com- 
ment s'en  feia  le  ripprochement,  la  comparaison? 
La  comparaison  sup()(ise  un  comparateur;  le  jugc- 
mejil  suppose  un  juge  unique.  Ces  opérations  ne 
peuvent  se  faire,  sans  que  les  sensations  dilférentes 
aboutissent  toutes  ;<  un  être  simple,  t 

D'après  les  phicnologisles  lonl  se  réduit  au  physi- 
que. 11  n'y  a  donc  (pie  matière  et  destruction  de  la  li- 
berté; caria  matière  n'est  pas  bbre.  C'est  ce  qu'avoue 
Rronssais  :  t  L'boiiiuie  a  la  liberté,  si  les  organes  du 
moi  et  de  la  voliiiilé,  au\(piels  tient  cette' l'acuité, 
sont  vig(Miren\  ;  mais,  s'ils  son!  faibles,  il  iic  l'a  pas. 
Examinons  d'aburd  celui  ipii  les  a  faillies.  Kli  bien  ! 
il  ne  sera  vrai laenl  libre  ipie  pour  les  actions  indif- 
férentes, mais  il  ne  le  sera  pas  pour  les  actes  inipor- 
lanfs;  il  obéira  successiveiuenl  à  toutes  ses  passions, 

h  mesure   qu'elles    deviendront    dominantes Je 

suis  libre  détie  sage,  lidele,  économe,  s'écriera  le 
prodigue,  le  lilicriin,  a  i|ui  Ion  reproche  ses  écarts, 
et  je  serai  cela  ipiaiidje  le  voudrai.  Mais,  s'il  n'a  pas 
(l'oigane  qui  puisse  l'aiiieiier  à  eliauger  de  conduite, 
il  lie  changera  pas.  >  Le  théologien  "ne  peut  donc  se 
dispenser  .le  co.nlamncr  la  plirencdogie  comme  dé- 
truisant les  principes  foniiamentauv  de  la  morale  et 
de  la  religion.  Voij.  Physiologie  psvcuologkjue. 

PHRONTISTES.  Quelques  auteurs  ont  ainsi 
iioiniiié  les  chrétiens  conlcmplatifs  ,  et  ont 
apiiolé  phrontistcres  les  motiasiùres ,  pai-ce 
que  ce  sont  des  lieux  consacrés  en  partie  à 
la  contemplation.  Ces  deux  termes  sont  dé- 
rivés du  i^rec  y^ov:i?w,  je  pense,  je  médite. 

PHRYGIENS.  Yo,,.  Montamsïi=s. 

PHUKl.M  ou  PUKLM.  Yoy.  Estuer. 

PH\  L.VCTÈRES  ,  terme  grec  qui  signiile 
gardes  ou  préservai  ifs.  Ce  sont  des  bami.  s  de 
parchemin  sur  lesquelles  les  Juifs  écriv.nit 
certains  p  ssages  do  l'i->rilure  sainte,  qu'ils 
portent  sur  leur  front  et  sur  leurs  bras,  alin 
de  s  exciter  à  garder  soigneusement  la  loi  de 
Dieu,  et  à  se  préserver  de  renfreindre. Voici 
l'origine  de  cet  usage  :  Dieu  leur  avait  dit, 
dans  le  Deutéronome,  c.  vi ,  v.  8  :  Les  pré- 
ceptes que  je  vous  donne  seront  dans  votre 
cœur.  Vous  les   enseignerez  à  vos  enfants , 

DiCTIOXN.     DE  ThÉOL.    DOGilATIQlE.    III. 


PHY  14S2 

vous  vous  en  entretiendrez  chex  vous  et  dons 
vos  royttf/es  ,  vous  i/  penserez  en  vous  cou- 
clinnt  et  en  vous  levitnt.  Vous  les  lierez  comme 
%m  signe  sur  vos  mains,  et  comme  un  fron- 
teau  entre  vos  yeux.  Vous  les  écrirez  sur  les 
poteaux  cl  sur  les  portes  de  vos  maisons.  H 
avait  dit  la  même  chose  au  sujet  de  la  céré- 
monie des  azvmes  et  de  l'olViaiide  des  pre- 
miers-nés (Exod.  xiii,  9  et  16).  C'éiait  une 
exhortation  Ji  n'oublier  jamais  la  loi  du  Sei- 
gneur, et  à  la  garder  exactement  en  toutes 
choses.  .Mais  sur  la  lin  de  la  .synagogue,  les 
Juifs,  très-enclins  à  la  superstition,  pritent 
ces  |)aroles  à  la  lettre  ;  ils  crurent  tpi'il  fal- 
lait les  écrire  sur  des  bandes  de  parcliemin, 
les  porter  sur  leur  front  et  sur  leurs  bras. 
Dans  saint  .Matthieu  ,  c.  xxiii ,  v.  5,  Jésus- 
Christ  reproche  aux  pharisiens  de  porter  ces 
bandes  fort  larges,  afin  de  se  faire  remar- 
quer par  le  peuple.  Il  aurait  été  mieux  de 
prendre  le  vrai  sens  du  texte,  et  de  porter 
la  loi  de  Dieu  dans  leur  cœur.  Le  mot  lié- 
bnu  qui  répond  au  gvoc  phylactères  est  llio- 
taphoth;  cclui-c-i,  suivant  pl'usieuts  auteurs, 
désignait  un  ornement  de  tète  ,  ou  des  peii- 
danls  que  les  femmes  juives  portaient  sur 
leur  froni  :  et  il  signilie  en  génér.d  ligature 
ou  couronne;  mats  dans  ÏExode  c.  xni  , 
V.  0,  il  est  rendu  ['ar  zicaron,  mémorial.  Oii- 
kélos  l'exiiritne  par  téphilin ,  préservatifs. 
Quoi  qu'il  en  soit ,  la  plupart  des  juifs  mo- 
dernes portent  encore  de  ces  phylaclrrcs 
qu'ils  nomment  zisis;  et,  en  aim-ant  de  la 
signilicalion  du  terme,  ils  se  ))ersuadent  que 
ce  sont  des  amulettes  ou  préservatifs  c  n.re 
tout  danger,  surtout  contre  les  esjints  ma- 
lins :  de  là  l'on  a  souvent  donné  aux  amu- 
lettes le  nom  de  phylactères.  Celte  supcisti^ 
tion  des  jui;s  a  souvent  été  renouvelée  dai  s 
le  sein  même  du  christianisme  par  ceux  q-iii 
ont  imaginé  que  certaines  paroles  éciiies 
sur  du  vélin,  gravées  sur  des  médailles  (,u 
sur  des  morceaux  de  métal ,  pouvaient  être 
un  préservatif  ou  un  remède  contre  les  ma- 
ladies. Les  Pères  de  l'Eglise,  et  les  évèques 
dans  les  conciles ,  ont  souvent  proscrit  cet 
abus;  mais  la  crainte  de  maux  imaginaires, 
1  impatience  elle  désir  de  se  déivrer  d'un 
mal  à  queliyuc  prix  que  ce  soi!,  sont  d.'S 
passions  contre  lesquelles  aucune  loi  ni 
auctine  censure  ne  peut  prévaloir.  Thiers  , 
Traité  des  superstitions,  i"  partie.  1.  v, 
c.  1  et  suiv.mts.  Toy  .Vmui.ette. 

»  PHYSIOLOGIE  PSYCOLOGIQUE.  Il  existe  en- 
tre I  aine  et  le  corps  des  comuimiicatioiis-  mais 
coiiime;il  sVtablisseni  ces  rapports'/  C'est  une  grande 
question  philosophique.  C'est  au  Dictionnaire  de 
philo,-,ophie  .1  exposer  la  multitude  des  svstémes  in- 
ventes pour  résoudre  le  mvsiére.  Il  v  a  une  école 
nouvelle  qui  ramène  au  cervelet  le  "principe  et  la 
source  de  toutes  nos  sensations  et  de  t^mtes  nos 
pensées.  ,  Il  existe,  dit  le  docteur  Fovillc,  entre  le 
cervelet  et  ses  deux  nerfs,  qui  si>  détachent  de  la  base 
de  sou  pédoncule,  une  continuité  de  tissu  que  per- 
sonne, a  ma  connaissance,  n'a  soupçonnée  depuis 
(jalien  ;  quant  a  ce  grand  bdninie,  il  a  liit  :  Ccrcbium 
vero  est  omnium  7iervorum  motlium  origo  pensée 
susceptible  d'iiilerprelations  diverses.  Voici,  d'ail- 
leurs, comment  est  établie  la  continuité  des  nerfs 
auditif  et  trijumeau  avec  la  substance  du  cervelet  • 
Du  tronc  des  nerfs  auditif  et  trijumeau,  au  lieu  dâ 

•  47 


14S3 


PII  Y 


PllY 


i:8l 


(mv  insiirlion  aux  côtés  de  Ki  piolubcrance,  se  déla- 
che  uiiô  iiMv.ribi'.Tno  de  nraiori;  nerveuse  hlaiulie, 
qu!oii  peut  co'uparer  à  (-elle  (pii,  sons  l-  nom  de  ré- 
tine, existe  à  rextiémité  |)ciip!iéi-iqiie  du  nerf  opiicpic 
et  tapisse  l'inlérieiir  de  l'iiil.  I/BNpansion  nieinljia- 
niforme  de  niiitière  nerveuse  iilanche,  qui  se  délaclic 
du  nerf  auditif  et  du  trijumeau,  au  lien  de  leur  in- 
sertion à  la  base  du  pcduncule  cérébelleux,  est  beau- 
coup plus  forte  (|uc  la  rétine  du  nerf  optique;  elle 
tapisse  d'ahoid  le  côté  externe  du  péddncule.  céré- 
belleux, et  lui  donne  'in  aspect  lisse  diflérent  de 
l'aspeel  fascicule  de  la  protnlxrance,  de  laquelle 
procède  le  faisceau  pédonculaire  externe  du  cervelet. 
Celte  membrane  liCrveuso  se  prolon  e  ensuite  sous 
les  bases  des  lobes  cérél-.elleux  qui  se  trouvent  sou- 
dés à  sa  face  excentrique.  Tous  les  lobes  de  la  face 
supérieure  du  cervelet  naissent  par  une  extrémité 
simple  d'une  petite  bonlnre  fibreuse  située  sous  la 
marge  coinniune  de  tous  ces  lobes,  à  la  partie  su- 
périeure de  la  f  ice  externe  du  pédoncule  crébellcux. 
Cette  petite  bordure  fibreu>e  se  prolonge  dans  la 
substance  même  du  nerf  trijumeau  ;  toutes  les  ex- 
trémités des  loiies  cérébelleux  allacîiées  sur  cette 
bordure  convergent  avec  elle  dans  la  direcîion  du 
nerf  trijumeau,  qui  semble  ainsi  leur  centre  d'ori- 
gine. De  ce  lieu  d'origine,  tous  les  lobes  de  la  face 
supérieure  de  riicmispiiére  cérébelleux  se  poricnt  eu 
divergeant  l 'ans  l'éminence  veriniforme  supérieure. 
La  doublure  fibreuse  imi.iédiate  de  tous  ces  lobes, 
faisant  suite  à  la  bor.lnre  (ibreuse  émanée  du  triju- 
meau, rayonne  de  celte  bordure  dans  la  direclion  de 
l'éndiience  virmiforine,  -épétanl  ait-dessoui  de  ces 
lobes,  dont  elle  e>l  la  base,  la  direction  qu'ils  pré- 
sentent eux-mêmes  à  la  péri|diirie  cérébelleuse. 
Voici  pour  les  lobes  de  la  partie  supérieure  de  l'iié- 
m'spli'Jre  cérébelleux,  Ceux  Je  la  partie  inférieure  de 
ce  même  licmisphère  se  coiiiportcnt  exactemeni  de 
ni;i«e,  par  rapport  au  nerf  auiiiiif;  tous  ils  conver- 
gent par  leur  exlrémiié  externe  daiis  la  direction  de 
ce  nerf,  et  sont  allacbés  à  la  surface  excenlriquc  de 
la  tneinbrane  iierven  e  ipii  ci:  émane,  et  produit  une 
petite  bordure  (ibiens"  au  point  de  conconi-s  Je  tous 
ces  lobes  dans  la  direction  du  nerf  auditif.  La  di- 
reclion des  libres  de  ceiift  meiobrane  nerveuse, 
éniaiiée  du  nerf  auditif,  est  parallèle  à  celle  des  ba- 
Sis  des  i'ibes  rérébe'leu'c  fixés  à  sa  face  externe. 
Ainsi  les  lobes  de  la  lace  supérieure  de  rbcinispbere 
cérébelleux  sont  fixés  sur  une  membrane  nerveuse 
émanée  du  nerf  trijumeau.  Les  lobes  de  la  face  in- 
férieure de  ritémispbere  cérébelleux  sont  égalCinout 
sou. lés  il  la  surface  externe  d'une  membrane  nerveuse 
émanée  du  nerf  auditif,  de  sorte  qiie  les  rcjdii  :;e  la 
couclie  cortiialc  qui  c iiislituenl  la  partie  principale 
des  lobes  cérébelleux  pourraient  cire  compares  aux 
gaiiiil.ons  développés  sur  les  racines  postérieuies  lies 
nerfs  spinaux  ;  surtout,  si  l'on  reniari|uail  (pic,  par 
un  pr  longe, i:enl  ultérieur  de  maliére  libr/use  q:ie 
ce  n'est  p.as  le  lieu  de  décrire  ici,  ces  mi:ines  replis 
de  la  concbe  corticale  liu  cervelet  se  lattaclieul  au 
faisceau  poslérieur  de  la  meélle. 

«  Voici  maiuieuanl  d'autres  faits  remarquables. 
Dos  replis  imernes,  que  présc.ite  1 1  me/iibrane  ner- 
veuse blanche,  émanée  des  nerfs  auditif  et  tiiji.i.eau 
et  combinée  avec  la  couche  corticale  du  cervelet,  se 
déiaclient  des  cloisons  fibreuses  dont  les  libres,  par 
1.  iirs  leroiinaisoiis  piT-phériques,  péiiétreiit  la  cou- 
ci).!  corticale,  tandis  que,  par  leur  proiongenient 
ceiiiripèie,  ces  mêmes  cloisons  se  rendent  à  l.i  sur- 
face d'un  noyau  fiiireux  (jne  revotait  la  meiiibraue 
nerveuse  ém.uucde  l'au  liiif  et  <h]  trijumeau.  La 
coeche  la  plus  superficielle  de  ce  noyau  fibreux  l'st 
celle  dan^  la. |uellc  concouicut  to-.ncs  ces  cloisons 
(ibr-uses  qui  procèdent  de  l'intérieur  i.es  lobes  céié- 
beiieux.  Cette  couche  fibreuse  supaficielle  du  tioyatî 
cérébelleux  se  lend  enfin  dans  la  p.irtie  faociculée  du 
pédoncnle  cérébelleux  ';ui  vieoi  de  la  pioniberaiicj-. 
De  sono  que  par  sa  lonbliirc  ;ibreu^e  luiniedia  c,  la 
couche  coriicule  du  cervelet  couimunique  directe- 


racnt  avec  les  nerfs  au  '.iiif  et  trijumeau  et  avec  les 
organes  sensoriaux  auxiptels  se  rendent  les  exiié- 
milés  périphériques  .!e  ces  nerfs,  tandis  que,  pai'  les 
cloisons  fibreuses  coiitenue.s  dans  les  replis  internes 
de  l'espèce  de  rétine  cérébelleuse  de  l'auditif  et  du 
trijumeau,  celte  même -couche  corticale  communi- 
que avec  les  fibres  transversales  di^  la  protubérance 
et  par  suite  avec  les  faisceaux  antérieurs  delà  moelle. 
Ces  données  sont  loin  de  contenir  toute  ranatomie 
du  cervelet,  elle  lévelent  simplement  dans  l'état  nor- 
mal de  cet  organe  des  dispositions  inconnues  que  je 
crois  importantes.  L'inspection,  poslmortem,  du  cer- 
velet chez,  les  alién  s,  m'a  perniis  de  constater,  un 
assez  grand  nombre  de  fois  depuis  ileux  ans,  un  éiat 
pathologique  de  cet  orgatie,  eonsistanl  ea  adhérences 
intimes  de  sa  couche  corilc.de  avec  les  parties  cor- 
respondantes de  la  pie-mère  et  de  rarachnoïde.  Cet 
étal  pathologique  est  surtout  iiéquenl  chez  hs  hallii- 
ciniis.  C'est  (luelquefois  la  seule  altération  q:i'on 
rencontre  dans  l'eucé'phale  de  ceux  dont  le  délire 
avait  pour  base  unique  des  balliiciuations.  Un  sem- 
blable, résultat  rapproché  des  données  auatoiiiiques 
préiédentes  me  seudile  liautiMuent  si^^nificalif.  J'a- 
jouterai que  dans  bien  des  cas  la  maladie  du  cervelet 
à  laquelle  je  fais  allusion,  a  succédé  i\  l'altération 
préalable  de  parties  péripbériiiucs  des  neifs  auditif 
et  trijumeau.  Uans  i!es  cas  d(!  ce  geiiie,  la  maladie 
du  Cervelet  poarrait  être  comparée,  par  iap:iorl  à  sa 
cause  preiiiii  re,  à  la  mala  iie  d'un  ganglion  lympha- 
tique, déterminée  par  la  phlcg.iiasie  de  quelipi'un 
des  vaisseaux  qui  se  rendent  a  ce  g.uiglion.  il  existe 
en'.re  la  couche  curlicale  du  cerveau  et  les  nerfs  ol- 
factif et  optique  des  co.iiiexiiins  du  m. une  genre  ijue 
celles  qu.' j'ai  signalées  entre  la  couche  corticale  du 
cervelet  et  les  nerfs  au'iilifel  trijumeau i 

Il  y  a  quelque  cîiose  de  myslérieux,  d'inexplicable, 
dans  les  phénomènes  de  la  sensibilité.  «  Les  organes 
des  sens  mécaniques,  dit  iM.  de  Ulainville,  sont  des 
orgaiiesq!iiaper<;oiventinécaniquement  les  vibrations 
des  corp-  plongés  dans  le  même  milieu  et  en  repro- 
duisent limage.  L'image  est  la  représentation  senso- 
riale  d'un  cire,  d'un  pii,  iiomcne  on  d'un  acte,  dans 
un  plus  ou  moins  grand  noinbie  de  ses  ([ualilés  dis- 
tinctes et  pro])res,  par  les  organes  des  sens  a|ipro- 
priés  et  aperçus  par  l'inielligfnce.  Une  vibration 
est  un  pliinumejie  dans  lequel  chacun  des  poiiils 
d"u:i  corps  enire  en  iiKUivemcnt,  qui  se  transmet  à 
travers  un  milieu  convenable,  lic  manière  à  donner 
une  image.  Une  image  de  vibration  e:.!  celle  dans  la- 
quelle il  se  repro.hiii,  sur  quelque.,  parties  de  notre 
organisation  sensoriale,  une  représentation  diminuée 
ou  augmentée  de  ce  phénomène.  Si  ces  vibrations 
se  font  a  la  surface  du  corps,  on  aura  une  image  de 
suiface;  si  c'v.'Slà  l'intérieur,  on  aura  une  image  de 
vibialion  dans  le  temps.  L'iiilensilé  du  mouvement 
d.uiiie  le  senlimenl  de  la  lumière  dans  la  vision  et 
du  son  dans  l'audition.  La  vitesse  doiii.eles  couleurs 
et  les  tous.  De  la  sort  la  définition  d'un  organe  de 
vision  cl  d'un  organe  d'audition,  et  celle  d'une  ima- 
ge opilipieet  dune  image  acoustique.  L'image  opti- 
que, par  exemple,  est  celle  dans  laquelle  un  pheno- 
niuie  lie  vibration  est  repiiié,  réduit  et  au;,menté 
dans  un  degré  plus  ou  moins  g  and  d'intensité  et  de 
rapidité  de  niouvemcnl  dans  un  organe  sensorial  ap- 
proprié. 1  Cours  d'aiiuluinie  comparce  au  tnuséum 
d'histoire  naturelle.  IS-W. 

Tout  cela  doit  être  pour  nous  un  grand  sujet  d'ad- 
miration, mais  ne  doit  point  nous  persuader  que  la 
matière  peut  être  le  principe  de  la  [lensoe,  qu'il  ne 
faut  pis  recourir  à  la  spiritualité  de  l'ame  pour  ex- 
pliquer tous  les  phénomènes  intellectuels  qui  se  pas- 
sent en  nous.  Nous  avons  louguenieiil  dévehippé  cette 
rerile  au  mot  Asie;  nous  nous  conlentons  n'y  ren- 
vover.  ;Nous  avons  d'ailleurs  démontre  au  mot  Puué- 
Noi.ooiK  que  la  doctrine  qui  fait  reposer  le  principe 
de  nos  actions  sur  les  sens,  détruit  le  principe  même 
de  la  morale  ea  anéantissant  la  liberté. 


im 


PIC 


PIE 


liSG 


l' 


PHYSIQUE  DU  MONDE,  f'oy.  Monde. 

PICARDS,  hôrétiqiics  qui  parmi'iit  on  Bd- 
jbêrae  nu  counuencein  nt  du  \v  sii'clc,  dnut 
il  n'est  pas  aisé  de  découvrir  lavi'ritald  'ori- 
gine ni  d'exposer  les  opinions.  Il  .yadaiisl'.ui- 
cienno  Encj/clopé^Hc  une  asso^  lougui)  dis- 
sertation dans  laipiellc  on  .s'est  ellbrcc^'  de 
prouver  que  les  picurds  de  Boiiènie  étaient 
des  vaudois,  qu'ils  n'avaient  point  d'autre 
croyance  que  ('elle  qui  aélé  oni!>iassr'e  deux 
cents  ans  après  par  les  proteslant<,  que  ces 
sectaiies  ont  étéaccus''s  injusteinent  d'avor 
les  mêmes  err(  urs  et  d  ■  pratiquer  les  mêmes 
jntamii'S  que  les  adamitos.  L'auteur  a  copié 
Beausol):  e,  qui  a  suivi  ce  sentiment  dans  une 
diss-riation  sur  les  adamites  de  Bohème, la- 
quelle a  été  jointe  h  .'Histoire  de  la  gwrre 
«c.v  hussilcs ,  par  Lent'ant.  Mosheim,  mieux 
instruit,  et  qui  semble  avoir  exaininé  la 
question  de  plus  près,  |)ense  que  les  picards 
de  Bdlième  étairnt  une  branrhe  des  bcggnrds, 
que  quelques-uns  nnuuuaient  binf/ard.i,  et 
)ar  ciirruption  picards,  secte  i'é,iandue  en 
t'ilie,  en  France,  dans  les  Pays-Bas,  en  Alle- 
magne et  en  Bulième,  et  ."i  laquelle  on  don- 
nait liiirérents  noms  dans  ces  diverses  con- 
tiées.  Voj/.  Be(;gari)S.  Connue  le  Irùs-grand 
nombre  ne  ceux  qui  la  composaient  étaient 
des  ignorants  fanatiques,  il  est  impossible 
que  tous  aient  eu  la  même  croyance  et  les 
mêmes  mœurs.  C'est  donc  une  très-vaine  en- 
trejirisede  leur  attribuer  la  même  (irofession 
de  foi  et  la  mêru-!  con  luite.  Les  prot  stants 
ont  voulu  en  imposer  an  monde,  lorsquiis 
ont  soutenu  que  les  vaudois  n'avaient  |)oint 
d'aulic  doctruie  lue  la  1  ur;  Bossneta  prou- 
vé le  contraire.  Hisl.  des  Variât.,  1.  xr.il  st 
encor.'  plus  l'idicule  de  vouloir  absoudre  les 
picards  de.^  désor.lres  qui  leur  ont  éié  im));!- 
tés  |)ar  plusieurs  histm'ieas  ;  mais  la  manie 
'  deBeausobre  était  de  justi  iei' les  hérétiques 
de  tous  les  siècles,  malgré  les  témoign  iges 
les  plus  authentiques  ;  il  n'a  lègue  (pie  des 
conjectures  et  des  pi'cuves  négatives  qui  ne 
coni  luent  rien.  «  C'était,  dit  Mosheim,  vou- 
loir blanchir  la  tète  d'ini  nègre;  je  |)uis  pro'ii- 
ver,par  des  [lièees  auiiientiques,  que  je  n'a- 
vance l'ieu  que  de  v  ai.  L.s  recherches  que 
j'ai  faites  et  la  connaissance  que  j'ai  de  l'h.s- 
toire  civile  et  religieuse  de  ce  siècle  me 
rendent  plus  croyable  que  le  laborieux 
autecr  dont  je  refuse  d'adopter  le  sen- 
timent, qui  ne  connaissait  qu'impa.  faite- 
raent  l'hisloiie  du  mo„>e;i  .'ge,  et  qui  d'ail- 
leurs n'était  point  exemjit  de  préjugé  et  de 
pa.tialilé.  »0n  ne  doit  pas  confomire  les  pi- 
cards de  Boliôme,  avec  \es  frères  bohémiens  ou 
frtrcs  de  Bohême  ;  ceux-ci  étiieut  une  bran- 
che des  hussiles  qui,  en  li67,  se  séparèrent 
des  calixtins.  Voy.  IIussites. 

PICPUS,  leligieux  du  tiers  ordre  de  saint 
Frangois,  autrement  dits  pénitents,  fondés 
eu  IGOl  à  Picpus,  prtit  '.  illago  qui  touche 
au  faubourg  î-aint-Aiitoiiie  de  l'aris.  Ce  vd- 
lage  a  donné  son  nom  à  la  maison  des  reli- 
gieux, et  cette  maison,  qui  uest  que  la  se- 
couvie  de  l'ordre,  a  donné  le  sien  à  l'on  ire 
entier.  Ces  fianciscains  se  nonimeiit  i\  Paris 
feliijiiux  pénitents  de  Nazareth,  et  dans  quel- 


ques provinces  on  les  appelle  tierretins. 
Jeainie  de  Saulf,  veuve  de  Kené  de  Rocho- 
chouai't,  comte  de  iMortemait,  e=;t  reconnue 
pour  fondatrice  du  couvent  de  Picpus;  Hen- 
ri IV  accorda  des  lettres  jiatentesà.ce  nouvel 
établisseiuent;  !  ouis  XUl  posa  la  première 
pierre  de  r/'glise,  et  dans  les  lettres  patentes 
])ar  Ii'Sipielles  il  coniirme  l'érection  de  ce 
monastère  en  16"2'i-,  il  rrit  la  qualité  de  fon- 
dateur. C'est  le  désir  d'ubs.irver  strictement 
la  règ'e  de  saint  Fian(,'ois,  qui  a  donné 
naissance  à  ce  nouvel  institut.  Voy.  Francis- 
cAns. 

PIED.  Dans  l'Ecriture  sainte  les  pieds  se 
prennent  en  (htférents  si'ns,  au  |)rnpre  et  au 
figuré.  Il  est  dit  d  lis  l'Evangile  qu'à  ra.'rpect 
de  Jésus  ressuscité  les  saiiites  lèannes  lui 
touchèrent  les  pieds,  tenuerant  pedes  ejus, 
c'est-h-dire  qu'elles  se  prosternèrent  devant 
lui  par  respect.  Dans  le  Douter  tnome,  c.  vin, 
V.  \,  .Moïse  dit  aux  Ssraélites  que  dans  ie 
désert  le  rs  pieds  n'ont  point  été  blessés; 
cela  veut  dire  que  leurs  souliers  nes'étai  nt 
point  usés.  Se  couvrir  les  pieds  est  une  pé- 
riphrase qui  signilie  satisfaire  aux  nécessi- 
tés do  la  nature,  et  souvent  les  pieds  se 
mettent  au  lieu  des  parties  do  corps  que  la 
pudeur  cache  et  ne  permet  pas  de  no.uraep 
(Isai.wi,  20;  ISzech.  xiv,  2o).  Parler  du  pied, 
•c'est  gesticuler  des  pieds;  Salornon  le  d;t  d'un 
insens.'  (Prov.  vi,  13].  Ap 'rcevoir  hs  pieds 
de  quelqu'un,  c'est  le  voir  arriver;  Isai., 
c.  LU,  V.  7,  qaam  speciosi  pedes  evangelizan- 
tium  paceni!  qu'il  fait  beali  voir  arriver 
Ceux  [ui  annoncent  la  paix!  Da;:s  le  sens 
figuré,  les  pieds  sont  la  conduite;  Ps.  xv, 
V.  i-2,  pes  meus  sletil  in  directo,  mes  pieds 
sont  demeurés  fermes  da.is  le  dioit  clieniin. 
Dans  un  autre  sens,  ce  terme  signiiie  un 
appui,  un  soûl  en  ;  Job,  c.  \xix,  v.  15,  dit 
qu'il  a  é:é  l'œil  de  rav(  ugle  ei  le  pied  du 
boiteux.  Mais  lorsque  Jésus  dit  dans  l'Evan- 
gile :  Si  votre  pied  vous  scandalise  ou  vous 
fait  tomber,  cou[)ez-le;  c'est  une  métajihore 
pour  nous  apprendre  que  nous  devons  re- 
noncer à  ce  que  nous  avons  de  plus  cher, 
s'il  esi  pour  nous  une  occasion  de  péché. 
Melire  quel  u'un  sou<  les  p/crf*- d'un  autre, 
c'est  le  mettre  sous  sa  pui-.sance  :  Dn'id 
demande  à  Dieu  d'être  préservé  du  pied  de 
l'ornHeil,  c'est-à-dire  de  la  puissance  des 
orgueilleux,  et  de  ne  pas  être  secoué  pir  le 
bras  (iU  pécheur  [Ps.  xxxvi,  12).  Mettre  le 
pied  dans  un  lieu,  signihe  (  n  prendre  pos- 
session :  fouler  un  ennemi  aux  p/rf/s,  c'est 
lui  insuiter  :  trébucher  ou  clocher  du  pied, 
chanceler  sur  ses  pieds,  c'est  déchoir  de  l'état 
de  prospérité  et  tomber  dans  f^  m.ilhenr,  etc,  : 
une  bonne  partie  de  ces  manières  de  p  irlet 
se  retrouvent  dans  notie  langue.  GlassiiPhi- 
lolog.  sacra,  col.  1800. 

PiERRli.  Nous  hsons  dans  le  livre  de 
Josué,  c.  X,  v.  Il,  que  Ce  chef  des  Isr;:élite.'=, 
étant  v<  n  i  attaquer  les  rois  des  Chana- 
néens  qui  assiégeaient  Gabaon,  les  mit  en 
fuite  ;  qu'à  la  descente  de  Béthoron,  Dieu 
lit  pleuvoir  sur  eux  de  grosses  pierres  jus- 
qu'il Azé:a;  de  sorte  qu'il  en  m  mrut  un  plus 
grand  nombre  par  celle  srC4e  de  pierres  que 


U87 


Pffi 


PIE 


liSS 


par  l'épéedes  Israflites.  Les  commentateurs 
disputent  pour  savoir  si  ces  paroles  doivent 
être  prises  à  la  lettre,  et  si  Dieu  fit   réelle- 
ment tomber  du  ciel  des  pierres  sur  les  Cha- 
nanéens,  oit   si  l'on  doit    entendre  qu'il  fit 
tomber  sur  eux  une  g' 61e  d'une  dureté  et 
d'une  grosseur  extraordinaire,  poussée   par 
un  vent  violent.   Dom  Calmet  a  placé  à   la 
tête  du  livre  de  Josué  une  dissertation  dans 
laquelle  il  s'est  attaché  à  établir  le  sens  lit- 
téral :  ses-preuves  sont  1°  qu'il  n'y  a  aucune 
nécessité  do  recourir  au  sens  ligure  quand 
il  est  question  d'un  miracle  ;  il    n'en  a  pas 
plus  coûté  à  Dieu  de  faire  pleuvoir  des /?î>r- 
res  sur  les  Chananéens,   que   de   les   faire 
périr  pir  une  grêle  très-grosse  et  très-dure. 
2°    L'histoire   fait    mention    de    ditlV-rentes 
pluies  de  pierres  tombées  en  dliférents  lieux 
dans  le  cours  des  siècles,    et  ces  faits  sont 
si  bien  attestés,  qu'il    n'est  pas  possible  de 
les  révoquer  en   doute.  Ce  phénomène  ar- 
rive naluiellement  par  l'éruption  subite  d'un 
volcan.  3"   L'on  ne   peut  pas  nier  qu'il   ne 
puisse  se  former  des  pierres  en  l'air,  lors- 
qu'un tourbillon  de  vent  y   a   transporté  à 
une  hauteur  considérable    de    la  terre,  du 
sable    et  d'autres  matériaux;   alors  ces  ma- 
tières mêlées   avec    des  exhalaisons  sulfu- 
reuses ou  bitumineuses,  et  avec  l'humidité 
des  nuées,  peuvent  se   durcir  dans  un  mo- 
ment I  ar  leur   propre  jiesanteur   et   par  la 
pression   de    l'air,  et   rrtomber  incontinent 
sur  la  terre.  Bible  d'Avignon,  t.  111,  p.  29". 
D'autres  commentateurs,  qui  préfèrent  le 
sens   figuré,   répondent,   en   [iremier   lieu, 
qu'il  n'y  a   point   de  nécessité   non  plus  de 
s'en  tenir  au    sens  littéral,   puisque   Dieu  a 
pu  opérer  par   de  la   grêle   le   même  elfet 
qu'auraient  produit  des   pierres.  Ils  citent  à 
leur  tour    une  multitude  d'exemples  bien 
attestés   d'orages   pendant   lesquels    il    est 
tombé  des   morceaux  de    grêle  d'une  gros- 
seur énorme,  dont  quelques-uns    pesaient 
une  livre,  les   autres  trois,  les  autres  huit, 
et  qui  ont  tué  une  quantité  d'hommes  et  de 
bestiaux.  En  second  lieu,  que  les    Septante, 
l'auteur   de   V Ecclésiastique,    c.   xlvi,   v.  6, 
et  l'historien  Josèphe,  Antiq.Jud.,  1.  v,  c.  1, 
ont  entendu  la  narration  de  Josué,  de  jjier- 
res  de  grêle,   et  non  d'une   grêle   de  pierres. 
En  troisième  lieu,   qu'une  grêle  arrivée  h 
point  nommé  pour  procurer  aux  Israélites 
une  victoire  com|)lèle,   qui  tue  leurs  enne- 
mis sans   les    blesser   eux-mêmes,    qui  en 
fait  périr   ])\us    que  ne    pouvait  faire   leur 
épée,  est  certainement  un  événement  mira- 
culeux. Or,  pour  opérer  des  miracles.  Dieu 
s'est   souvent  servi   des  causes  naturelles, 
mais  en  les    employant   d'une   manière  ex- 
traordinaire et  impossible  à  tout  autre  qu'à 
lui;  et   c'est   ce  qu'd  a  fait  dans  l'occasion 
dont  nous  parlons.  Bible  de  Chais,  Jos.,  c.  x. 
Il  serait  difficile  de  trouver  de  fortes  raisons 
pour  préférer  l'un  de  ces  seniiments  à  l'au- 
tre; dès  que  l'on  avoue  que  dans  cette  cir- 
constance Dieu  a  opéré  un  mir.icle,  peu  im- 
porte de  savoir  précisément    de  quelle  ma- 
nière il  l'a  exécuté.  A  la  vérité  les  incrédules, 
attentifs  à  embrasser  le  second,  ne  manque- 


ront pas  de  dire  que  cette  grêle  est  arrivée 
par  hasard,  connue  toutes  les  autres  dont 
l'histoire  fait  me n lion;  mais  lorsqu'une  cause 
quelconque  a^it  avec  autant  de  justesse  et 
aussi  à  propos  que  le  jiourrait  faire  l'être  le 
plus  puissant  et  le  plus  intelligent,  il  est  ab- 
surde de  recourir  au  hasard,  ce  n'est  plus 
qu'un  terme  abusif,  destiné  à  cacher  l'igno- 
rance de  celui  qui  s'en  sert. 

L'histoire  sainte  fait  mention  de  plusieurs 
pierres  ou  rochers  de  la  Palesiine  devenus 
fameux  par  les  événements  qui  s'y  étaient 
jiassés:  ell(!  nomme  \a.  pierre  d'Ethun,  celle 
iïEzel,  la  pierre  du  secours,  etc.  Il  est  pio- 
Lable  que  la  pierre  du  désert  est  la  ville  de 
Pelra  dans  l'Arabie.  Un  de  ces  rochers,  le 
plus  reraarcpi.ible,  est  celui  d'IIoreb,  duquel 
iMoise  fit  jaillir  vme  fontaine  en  le  frappant 
de  sa  baguette  (£'.rof/.  xvii,  6).  Ce  miraelofut 
renouvelé  environ  quarante  ans  afirès,  et  il  en 
est  parlé  {Num.  xx,  11).  Ceux  qui  ont  cru 
que  c'était  le  môme  prodige  raconté  deux 
fois,  se  sont  trompés.  Le  premier  se  fit  à 
Raphidim,  onzième  statimi  des  Israélites,  la 
première  année  après  la  sortie  d'Egyjite;  le 
second,  au  désert  de  5m,  trente-troisième 
station,  à  la  (juarantième  année,  iaunéi  ia- 
tement  avant  la  mort  d'Aaron.  La  première 
fois  .Moïse  fra|)pa  le  rocher  avec  la  verge  de 
laquelle  il  s'était  servi  en  Egypte  pour  opé- 
rer des  miracles;  la  seconde  fois  il  le  frappa 
avec  la  verge  d'Aaron,  qui  était  gardée  dans 
l'arche.  A  Raphidim,  Moïse  ne  frappa  le  ro- 
cher qu'une  fois  et  en  présence  des  anciens 
d'Israël;  à  Sin,  il  le  frappa  deux  fois  en  pré- 
sence de  tout  le  peuple  ra-semblé,  et  cette 
action  déplut  à  Dieu;  Moïse  en  fut  puni 
bientôt  après. 

Un  déiste  anglais  a  cru  détruire  ce  mira- 
racle,  en  disant  que  la  fontaine  d'Horeb 
existait  déjà  et  coulait  naturellement;  mais 
que  comme  les  Israélites,  au  sortir  de  l'E- 
gypte, n'avaient  jamais  vu  de  fontaine,  ils 
prirent  celle-là  jjour  un  prodige,  et  que 
Moïse,  de  concert  avec  les  anciens  qu'il 
avait  apostés,  le  publia  ainsi.  Quand  les  Hé- 
breux auraient  été  assez  stupidcs  pour  don- 
ner dans  cette  erreur  la  première  année 
après  leur  sortie  de  l'Egypte,  du  moins  ils 
ne  pouvaient  plus  y  être  trompés  à  la  qua 
rantième;  ils  avaient  vu  des  fontaines  avant 
de  sortir  de  l'Egypte,  puisque  leur  sixième 
station  s'était  faite  à  Elim,  où  il  y  avait  douze 
fntaines,  et  qu'ils  avaient  cam|ié  auprès 
{Exod.  XV,  27;  Num.  xxxni,  9j.  Nous  fai- 
sons ces  remarques,  afin  de  montrer  com- 
bien les  incrédules  sont  imprudents.  Dans 
le  psaume  lxxx,  v.  17,  il  est  dit  que  los 
Israélites  ont  été  ra^sasii'S  du  miel  qoi  sor- 
tait de  la  pierre,  c'est-à-dire  du  miel  que 
les  abeilles  avaient  fait  dans  les  trous  des 
rochers. 

PIERRE  (saint),  chef  des  apôtres.  Au  mot 
Céphas  nous  avons  donné  l'étymologie  de 
son  nom,  et  nous  avons  fait  voir  la  raison 
pour  laquelle  Jésas-Christ  le  lui  donna.  Au 
mot  Pape  nous  avons  prouvé  que  ce  divin 
Sauveur  a  établi  saint  Pierre  chef  et  pre- 
mi'ir  pasteur  de  son  Eglise,  qu'il  lui  a  donné 


1489 


PIE 


PIE 


1490 


sur  sps  collègues  une  primauté  non-sculc- 
nioul  d'Iionnt'ur,  mais  de  juridiction,  et  ([uc 
ce  privilège  a  ])assé  à  ses  successeurs.  La 
dignité  h  laquelle  cet  apôtre  avait  été  élevé 
ne  l'empêcha  point  de  faire  une  chute  énor- 
i.ie  en  reniant  son  maître  pendant  sa  pas- 
sion; mais  la  promptitude  et  l'aïuertume  di; 
son  repentir,  le  ciiMra;,'e  dont  il  lut  animé 
après  avoir  reçu  le  Sainl-Esprit,  la  constance 
de  son  martyre,  ont  pleinement  réparé  cette 
faute.  Par  cet  exemple,  disent  les  Pères  de 
l'Eglise,  Dieu  a  vnulu  faire  voir  i|ue  les  jus- 
tes doivent  toujours  craindre  leur  propre 
faiblesse,  et  que  les  pécheurs  pénitents  peu- 
vent tout  espérer  de  la  lïiisériconie  divine.  » 
Jésus-Christ,  après  sa  résurrection,  loin  de 
repiocher  à  saiiil  Pierre  son  peu  de  tidélité, 
le  trait  i  toujours  avec  la  même  bonté  qu'au- 
paravant. 

Le  premier  des  miracles   opérés    par  cet 
apôtre,  et  rajiporté  dans  les  Actes,  cii.  m  et 
IV,  mérite  beaucoup  d'attenti(in.  Saint  Pierre 
et  saint  Jean  allai  nt  au  temple,  au  moment 
oii  les  Juifs  avaient  coutume  de  s'y  rassem- 
bler pour  prier;  ils  voient  à  l'une  des  jiortes 
un  boiteux  de  naissance,  connu  pour  tel  de 
tout  Jérusalem;   saint  Pierre  le  guéiit    par 
luie   parole,  au   nom  de  Jésus-Christ  :  cet 
homme  suit  son  libérateur,   tressaillant   do 
joie  et  béiissant  Dieu;  la  multitude  étonnée 
se   rassemble  jiour  contempler  le  prodige. 
Alors  l'apôtre  élè.e  la  voix,  il  reproche   à 
ces  Juifs,  i|ui  |ieu  de  temps  au|iaiavant  ont 
demandé  la  mort  do  Jésus,    le  crime  qu'ils 
ont  connnis  ;  il  atteste  que  ce  Jésus  crucifié 
et  mort  à  leurs  yeux  est  ressuscité,    que 
c'est  en  son  nom  et  |iar  sa  puissance  que  le 
boiteux  vient  d'ètr<'  guéri,  qu'il  est  le  Aies- 
sie  prédit  parles  [irophètes  :  [lersonue  n'ose 
accuser  saint  Pierre  d'imposture;  cinq  mille 
Juifs  se  rendent  à  l'évidence  et  croient  en 
Jésus-Christ.   Au   biuit   de   cet   événement, 
les  chefs  île  la  nation  se  rassemblent  et  dé- 
libèrent;  ils   interrogent   suint  Pierre,    ipii 
leur  répète  ce  qu'il  a  dit  au  peuple,  et  leur 
soutient  h'  même  fait,  la  résurrection  de  son 
maître.  Le  résultat  de  1  assemblée   est  de 
iléfendre  aux  apùlres  de  piocher  davantage 
au  nom  de  Jésus-Clirist;    (juoiqu'ils  protes- 
tent qu'ils   obéiront  à  Dieu  plutôt   qu'aux 
hommes,  on  les  laisse  aller,  de  peur  de  sou^ 
lever  le  peuple.  Voilà  un  fait   public,   nu- 
loire,  aisé  à  vérilier;   un  disciple  du  Sau- 
veur a-t-il  osé  l'inventer,  le  publier  dans  le 
temps   même,  et  citer  cinq   mille  témoins 
oculaires"?  Si  les  apôtres  sont  des  im|)03teurs, 
qui  empêche  les  cliefs  de  la  nation  juive  de 
sévir  contre  eux?  Les  apôtres  n'ont  encore 
fait  qu'un  miracle,  Jésus  en  avait  fait  des 
milliers  lorsqu'ils  l'ont  mis  à  mort.  La  crain- 
te de  soulever  le  iieuple  ne  les  euipêcbe  [)as 
dé  laisser  lapider  saint  Etienne,  et  d'envoyer 
Saul  à  Damas,   avec  commission  de  mettre 
les  croyants  dans  bs  chaînes  et  de  les  ame- 
ner à  Jérusalem.  Pouniuoi  cette  tranquillité 
avec  laquede  ils  soullrenl  la  résistance  de 
saint  Pierre  et  de  saint  Jean  ?  On  dira  peut- 
être  qu'ils  ont  méprisé  le  prétendu  miracle 
et  les  suites  qu'il  poujrrait  avoir  ;  mais  toute 


leur  conduite  démontre  qu'ils  étaient  alar- 
mé'S  des  progrès  que  faisaient  les  apôtres, 
qulls  auraient  voulu  leur  fermer  la  bouche, 
qu'ils  n'osaient  pas  néanmoins  entreprendre 
de  les  convaincre  d'imiiosture.  Donc  c'est  la 
vérité  des  faits  qui  les  a  retenus  ilans  l'inac- 
tion. Quelques  incré<lules  ont  reproché  à 
saint  Pierre  la  punition  d'Ananie  et  de  Sa- 
jiliire  comme  un  trait  de  cruauté  ;  nous  avons 
disi'uté  ce  fait  au  mot  Anamk.  A  l'article  CÉ- 
ruAs  nous  avons  parlé  de  la  dispute  qu'il  y  ; 
eut  entri'  saint  Pierre  et  saint  Paul  à  Antio- 
che,  au  sujet  des  cérémonies  légales. 

Pendant  longtemps  les  protesiants  se  sont 
obstinés  à  Sdutenir  (juc  saint  Pierre  n'était 
jamais  venu  à  Rome,  qu'il  n'y  a  donc  jamais 
établi  son  siège;  maislefaitconlraireest  prou- 
vé par  bs  témoignages  de  s  dut  Clément,  de 
saint  Ignace  et  de  Papias,  tous  trois  disciples 
des  apôtres  ;  Caïus,  prêtre  de  Rome,  saint  De- 
nis de  Corintlie,  saint  Clément  d'Alexan  .rie, 
saint  Irénée,  Origène,  ont  attesté  la  même 
chose  au  u°  et  au  ni"  siècle;  aucun  des  Pè- 
res n'en  a  douté  dans  les  siècles  suivants. 
Au  IV",  l'empereur  Julien  disait  qu'avant  la 
mort  de  saint  Jean,  les  tombeauv  de  saint 
Pierre  et  saint  Paul  étaient  déjà  honorés  en 
secret;  dans  saint  Cyrille,  I.  x,  ])ag.  32'7  : 
or  ces  tombeaux  étaient  certainement  à  Ro- 
me, puisqu'ils  y  sont  encore.  Dom  Calmet  à 
rassemblé  ces  preuves  dans  une  dissertation 
sur  ce  sujet,  Bible  d'Avignon,  tom.  XVI, 
p.  173. 

Aussi  Basnage,  Hist.  de  l'Eqlise,  1.  vu,  c. 
3,  §  3,  et  Le  Clerc,  an.  168,  ij  1,  convien- 
nent qu'il  n'est  pas  possible  de  récuser  tous 
ces  témoins  ;  qu'on  ne  peut   leur  opposer 
que  des  difficultés  de  chronologie,  que  le 
martyre  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul  à 
Rome,  sous  l'empire  de  Néron,  est  un  fait 
incontestable,  ils  se  bornent  à  soutenir  que 
saint  Pierre  n'a  pas  été  évêque  de  Rome, 
jil  s  que  d'une  autre  ville  ;  qu'il   y  aurait 
plus  (le  raison  de  regarder  saint  Paul  com- 
me fondateur  du  siège  de  Rome,  que  d'at- 
tribuer cet  honneur  à  saint  Pierre.  Mais  la 
})lupart  des  t'^moins,  qui  attestent  le  voyage 
et  la  mort  de  cet  apôtre  à  Rome,  le  regar- 
dent  aussi  comme  fondateur  de  ce  siège  ; 
sont-ils  moins  croyables  sur  un  de  ces  faits 
c|ue  sur  l'autre  ?  Aussi  les  jirotestants  les 
mieux  instruits  commencent  à  être  plus  ré- 
servés   touchant    cette    contestation.    Ceux 
d'entre  eux  qui  nient  encore  que  saint  Pierre 
ail  été  évêque  de  Rome,  et  ([u'il  y  ait  placé 
son    siège  ne  raisonnent    pas   conséquem- 
nient  ;  ils  avouent  que  l'on  ne  sait  pas  pré- 
cisément en  quelle  aimée  saint  Pierre  vint  à 
Antioche  ni  combien  d'années  il  -y  demeura, 
{[ue  cependant  il  est  incontestable  qu'il  y 
établit  une  espèce  de  résidence  ;  qu'on  l'a 
toujours  regardé  comm.:  le  iiremier  évêque 
d'Antioche,  quoique   saint  Paul  y  eût  été 
avant  lui.  Et  quand  il  est  qui  stion  de  Rome, 
ils  ne  veulent  pas  que  saint  Pierre  en  ail  été 
évêiiue,  parce  que  l'i  n  ne  sait  pas  en  quelle 
année  il  y  est  venu  ni  combien  de  temps  il 
y  a  demeuré,  et  parce  que  saint  Paul  y  a  été 
avant  lui  ;  que  les  apôtres  étant  évèques  da 


im 


PIE 


PIE 


li92 


toïite  l'Fglise,  n'ont  eu  probablement  aucun 
siège  parliculifT,  etc.  lis  nieront  peul-être 
que  saint  Jean  l'Evangéliste  ait  été  évoque 
d'Ephèse. 

Il  est  constant  que  quand  saint  Paul  a 
écrit  sa  lettre  aux  Romains,  il  n'avait  pas 
encore  été  h  Ilonie  ;  il  le  dit  formellement, 
c.  I,  V.  13,  et  cepeniJant  il  leur  écit  que 
leur  foi  est  annoncée  par  tout  le  monde,  v. 
8  ;  il  le  répèle,  c.  xv,  v.  22.  Donc  l'Eglise 
de  Rome  était  fondée  avant  que  saint  Paul  y 
eût  paru.  Qui  en  était  le  fondateur,  sinon 
saint  Pierre,  comme  l'ont  attesté  tous  les  an- 
ciens. 

Il  nous  reste  deux  lettres  de  ce  saint  apôti 
et  l'on  n*a  aucune  preuve  qu'il  ait  compc 
d'autres  écrfts;  la  première  a  toujours  'tg^ 
reçue  comme  autlientique  d'un  consenle- 
meiit  unanime,  mais  on  a  loastem|is  douté 
de  la  seconde;  un  passage  de  saint  Isidore 
de  Sévilie  nous  appi'cnd  qu'au  vu"  siècle  il  y 
avait  encore  en  Espagne  des  églises  qui  fai- 
saient difliiullé  de  la  recevoir.  Enfui  tnus 
les  doutes  se  sont  dissipés,  on  n'en  con- 
teste plus  aujourd'hui  l'autorité  ;  les  protes- 
tants mêmes  l'admettent  comme  canonique, 
parce  ipi'elle  ne  renferme  aucun  pas?age  dé- 
cisif contre  leurs  o;iini'ins.  iUais  en  cela 
môme  ils  ne  sont  pas  fidèles  à  leur  prin- 
cipe, qui  es!  de  ne  recevoir  pour  ouvra.,es 
canoniques  que  ceux  qui  ont  été  admis 
comme  tels  de  tout  lemns  ,  et  de  contester  à 
l'Eglise  le  droit  de  mètre  dans  le  canon  c(!r- 
tains  livres  qui  n'y  étiient  pas  encore  dans 
les  premiers  siècles.  Slierlock,  dans  son  ou- 
vrage sur  l'imw"  et  les  fins  de  la  prophétie, 
t.  Il,  p.  63,  a  fait  une  dissertation  suv  l'au- 
torité ou  la  cononicité  de  cette  seconde  épî- 
tro;  il  montre  que  la  seule  raison  pour  ia- 
cjuelle  quc'qu  'S  anciens  et  quelques  Eglses 
en  ont  douté,  était  la  différence  que  l'on 
trouvait  entre  le  st)le  de  cette  lettre  et  et  lui 
de  la  premièic  ;  il  apiiorte  des  raisons  très- 
proijabljs  de  cetic  dillérmce.  Il  compare  le 
u'  chapitre,  dont  on  était  le  plus  irappé, 
avec  la  lettre  de  suint  Jude ,  et  il  conjec- 
ture que  ces  deux  apôtres  ont  co;'ié  tous 
deux,  dans  un  ancien  livre,  la  description 
qu'ils  font  des  faux  pro|jhètes  ;  qu'ainsi  il 
n'y  a  aucune  raison  de  douter  de  la  cauoni- 
cité  de  la  seconde  épilre  de  saint  Pierre. 
Les  anciens  hérotiques  ont  altribué  à  ce  saint 
apôtre  quelques  ouvrages  apocryphes;  mais 
ces  faux  écrits  n'ont  jamais  eu  aucun  crédit 
dans  l'Eglise 

PIERRE  CHRÎSOLOGUE  (saint;,  arche- 
vêque de  Ravennc,  a  vécu  au  v°  siècle;  il 
est  mort  l'an  450  ;  c'est  son  éloquence  qui 
lui  a  fait  donner  le  surnom  de  Clirysologue. 
W  reste  de  lui  176  sermons  sui'  divers  s  ijets, 
lous  fort  courts,  et  dont  il  y  a  plusieurs 
éditions.  Comme  ce  saint  archevêque  ét.iit 
très-instruit,  c'est  un  témoin  irréprochable 
i'd  la  tradition  de  son  siècle;  les  protestants 
Mêmes  sont  convenus  de  ses  talents. 

PIERRE  DAMIEN  (  le  bienheureux),  car- 
dinal, était  évoque  d'Oslie  dans  le  xr  siècle; 
il  est  mort  l'an  1072  :  il  a  laissé  des  sermons, 
des  lettres  et  d'autres  ouvrages  qui  ont  été 


imprimés  à  Paris  en  166.^,  en  5  vol.  in-fol.  ; 
mais  ils  peuvent  être  reliés  en  un  seul. 
L'exemple  de  ce  vertueux  cardinal  prouva 
que  ,  dans  les  siècles  même  les  plus  t('né- 
breux,  Dii  u  a  suscité  dans  son  Eglise  des 
hommes  très-caiKtldes  d'instruire  et  de  s'é- 
lever contre  les  e  reurs  et  les  vices.  «  Pierre 
Dninien,  dit  ?,losheim,  mérite  d'avoir  placî 
parmi  les  écrivains  les  plus  savants  et  le5 
plus  estimables  de  si>n  siècle ,  h  cause  dn 
son  esprit,  de  sa  candeur,  de  sa  probité  e'; 
de  son  éruiiition,  quoiqu'il  ne  soit  pas  tout 
à  fait  exempt  des  préjugés  et  des  défauts  de 
son  temps.  »  Par  préjugés,  Mosheim  entend 
probablement  l'estune  s  n.;,ulière  que  le 
bienheureux  Damien  avait  pour  les  austérités, 
li'f  pénitencis  (ît  les  autres  exercices  de  la 
vie^  monasiique.  En  général,  les  protestants 
ont  souvent  cité  les  ouvrages  de  ce  pieux 
cardin.tl ,  pour  prouver  le  dérèglement  des 
mieurs  qui  régnait  de  son  temps  parmi  les 
ecch'siastiqwes  et  les  moines;  mais  en  lisant 
atientivement  ses  écrits,  on  voit  que  le  mal 
n'('tait  pas,  à  beaucoup  près,  aussi  grand 
que  les  ennemis  du  clergé  vim  iraient  le 
persuader;  si  les  évêques,  les  prêtres  et  les 
moines  avaierit  été  aussi  pervers  qu'on  le 
su|)[iose,  le  bienheureux  Damien  n'aurait 
jias  travaillé  avec  tant  de  succès  qu'il  l'a 
fait  à  les  réformer. 

PIKRRE  I  OMBARD.  Yoij.  Scolastique. 

PIÉ'l'É,  affection  et  respect  i)our  les  pra- 
tiques de  religion,  assiduité  à  les  remplir. 
Au  mot  DÉvonoN,  teime  synonyme  de 
piété,  nous  avons  fait  voir  que  c  est  une 
vertu  ;  nous  avons  répondu  h.  la  plui>art  des 
lejiroches  cjue  lu!  fout  ordinairement  ceux 
q  i  ne  la  connaissent  pas  ;  il  est  bon  d'ajou- 
ter à  ce  que  nous  avons  dit  une  ou  deux 
réllexions.  Un  déiste  a  dit  :  «  S'il  faut  un 
cuite  qui  entretienne  p  irmi  les  liommes  l'i- 
dée d'un  Dieu  inlinimeni  bon  et  sage,  il 
est  évident  que  h  s  seules  cérémonies  de  ce 
culte  sont  toule  action  bienfaisante,  géné- 
rale ou  parliculière,  et  que  le  plus  digne 
hommage  que  l'on  puisse  rendre  à  la  divi- 
nité consiste  à  l'imiter,  et  non  ii  faire  un 
éloge  stérile  de  ses  grandeurs.  »  Cette  nio- 
rale  a  besoin  de  correctif.  On  peut  pratiquer 
des  actions  bienfaisantes  sans  penser  à  Dieu  ; 
quand  on  les  fait  par  un  motif  de  vaine 
gloire,  est-ce  un  liommage  rendu  àlaDivinité? 
Si  l'auteur  s'était  borné  à  dire  qu'une  des 
manières  d'honorer  Dieu,  qui  lui  est  la  plus 
agréable,  est  de  faire  du  lj:en  aux  hommes 
pour  l'amour  de  lui,  il  n'.mrait  fait  que  ré- 
péter ce  qu'enseigne  l'Evangile.  Jésus-Christ 
nous  ordonne  d'être  parfaiis  comme  notre 
Père  céleste,  qui  répand  ses  bienfaits  sur 
les  justes  et  sur  les  pécheurs.  Il  nous  aver- 
tit que  si  un  de  nos  fc  ères  a  lieu  de  se  plain- 
dre lie  nous,  il  faut  aller  nous  réconcilier 
avec  lui  avant  d'apporter  notre  offrande  à 
l'autel.  11  dit  que  Dieu  veut  la  miséricorde 
plutôt  (|ue  le  sacrifice,  et  c'e^l  une  leçon  qtie 
les  proplièles  faisaient  déjà  aux  Juifs.  iVIais 
d  ne  faut  pas  conclure  de  la  que  les  œuvres 
de  charité,  de  miséricorde,  de  bienfaisance, 
d'humauilé,   nous   dispensent  de  faire  des 


1493 


PIE 


PIE 


14fli 


actes  de  religion  et  de  pu'lé,  puisque  îé>ns- 
Christ  dit  exprcssi^uiont  qu'il  faut  l'aire  les 
uns  el  ne  pas  o'.nettre  les  autres.  LuinuMiie, 
après  avoir  employé  les  joiu'S  entiers  î\  faire 
du  jjien,  passjit  encore  les  nuits  à  prier 
Dieu.  Dans  la  conciu'rence  de  deux  devoir*, 
l'un  de  charité,  l'autre  de  pieté,  il  faut  sans 
doute  donner  la  pnMérenee  au  premier; 
mais  si  l'on  peut  les  aceoiui>lir  tous  les  deux, 
il  ne  faut  pas  omettre  le  second.  L'élo,^e  des 
grandeurs  de  Dieu  et  de  ses  p  rfections,  de 
sa  bonté,  de  sa  libéralité,  de  sa  miséricor  !e, 
de  sa  justice,  nous  l'iit  souvenir  de  nos  de- 
voirs envers  lui  et  h  l'égard  de  nos  frères. 
Défions-nous  d'une  m  raie  hypocrite  qui 
tend  h  nous  détourne!'  d'  quelqu'iuie  de 
nos  obligations ,  sous  prétexte  d'une  p!us 
grande  iie.fi'Ction. 

Saint  Paul  a  dit  (7  Tiin.  iv,  8),  que  la  pi<'té 
a  les  promesses  de  la  vie  ;)résenle  et  do  la 
future  :  p.ir  ce'les  de  la  vie  présente  il  n'en- 
ten  I  certainement  pas  les  grandeurs,  les  ri- 
chesses el  les  autres  biens  de  ce  monde.  Dieu 
ne  les  a  jamais  prouds  h]a  piété:  mais  il  a 
promis  de  [JroiV'ger  les  lidèles,  de  pourvoir  à 
leurs  besoins,  de  les  soutenir  et  de  1  s  con- 
soler dans  les  peines  de  c  'tte  vie.  «  Soyez 
sans  avarice,  dit-il  aux  Héircux,  c.  xui, 
V.  5,  el  contents  de  ce  que  vous  possi'iez  à 
prési  m  ;  car  Dieu  lui-même  a  dii  :  Je  ne  te 
déliiissenti  point  ni  ne  t' abandonnerai  jamnis. 
Ainsi  nous  pouvons  d:re  avec  assurance  :  Le 
Seigneur  est  mon  aide,  je  ne  craindrai  point 
ce  q  .e  riioiinue  peut  vue  faire.  »  Le  Sauveur 
lui-mèmt!  {Matth.  vi,  2.5  et  3'i-j  veut  que  ses 
disciples  n'attendent  'ie  Dieu  que  sa  protec- 
tion et  les  choses  nécessaires  a  la  vie;  il  ne 
leur  promet  rien  au  del.'i.  Que  l'on  ne  dise 
donc  plus  que  souvent  les  gens  de  bien  sont 
malheureux;  le  bonheur  ne  consiste  point 
dans  la  possession  des  honn(mrs ,  d.  s  ri- 
chesses, ni  dans  la  prospérité  temporelle; 
souvent  ce  prétendu  bonheur  est  trompeur, 
et  n'est  rien  moins  nue  durable;  il  ne  peut 
satisfaire  le  cœur  de  Vhonune;  mais  un  juste 
est  protégé  de  Dieu  à  proporùon  du  besoin 
qu'il  a  de  son  secours  ;  sa  coniiance  en  Dieu 
et  la  paix  intérieure  dont  il  jouit,  le  conso- 
lent dans  les  traverses  qu'il  éprouve;  l'es- 
pérance d'en  être  récompensé  lui  donne  une 
véritable  joie;  il  dit  avec  saint  Paul  :  Je  res- 
sens une  joie  surabondante  dans  toutes  mes 
trilmlations  (//  Cor.  vu,  4);  au  lieu  que  l'on 
ent(>nd  dire  aux  prétendus  heureux  de  ce 
monde,  je  suis  malheureux. 

PIÉTISTES.  On  a  donné  ce  nom  à  plu- 
sieurs secies  de  dévots  fanatiipies  qui  se 
sont  élevées  parmi  les  protestants  d'Alle- 
magne, siirlout  parmi  les  luthériens,  pen- 
dant le  siècle  dernier;  il  y  en  a  aussi  en 
Suisse  parmi  les  calvinistes.  Quelques 
hommes  frappés  de  voir  !a  piété  déchoir  de 
jour  en  joui-,  et  le  vice  faire  des  progrès 
rapides  parmi  ceux  qui  se  vantent  d'avoir 
réformé  l'Eglise  de  Jesus-Ghrist,  formèrent 
le  projet  de  remédier  à  ce  malheur;  ils  prê- 
chèrent et  ils  écrivirent  contre  le  relâche- 
ment des  mœurs,  ils  1'  m;:u:ôrent.  pri'  ci;)a- 
lement  a.^  c.ergé  protestant;  ils   firent  des 


disciples  et  formèrent  îles  assemhlées  par- 
ticulières. Ainsi  en  ag  r  nt  Philippe-Jacqu  'S 
Spéncr  Ji  Francfort,  Scinvenfld  d  Jacques 
Boiun  eu  Silésie,  Théophile  Broscldiandt  et 
Ilenii  Mullrr  en  Saxe  et  en  Prusse,  Wigler 
(Imiis  le  canton  do  Berne,  etc.  Le  mô.iie  mo- 
tif a  lait  naître  en  Angleti-rre  1  ■■  secte  d  -s 
(]uak .rs  ou  treadjleurs;  celle  des  hernulos 
ou  frère^  moraves,  et  celle  d'es  méthodistes. 
No  s  avons  parlé  de  chacune  en  particulier. 
Moslunm,  qui  a  faitass  ■/,  au  long  l'Iii  toire 
des  piétistr.i,  eonvie.it  qu'il  y  eut  parmi  les 
partisans  de  cette  niuv, die  réforme  plusieurs 
fanatiques  insensés,  coudnits  plutôt  par  une 
luimeui-  chagrir:e  et  caustiqu  •  que  iiar  un 
vrai  zèle  ;  q  :e,  par  la  chaleur  et  l'im;  ru- 
dence  de  leiu's  iTocédés,  ils  excitèrent  des 
disfiutes  violentes,  des  dissensions  et  des 
haines  miiluelles,  et  causèrent  beaucoup  de 
scandale.  Gc  aveu  nous  donne  lieu  de  faire 
plusieurs  réflexions  qui  ne  sont  pas  favora- 
bles au  pro'esiant  snie.  —  1°  Les  re  roches 
que  \eii  piétistes  ont  faits  contre  le  clergé  lu- 
th'rien,  sont  précisément  les  mômes  que  les 
au  eurs  du  luthéranisme  avaient  élevés  dans 
le  siècb^  précédent  contre  les  pasteurs  de. 
l'Eglise  romaiiu!  ;  ils  en  ont  censiué  non- 
seulement  lesmn-urs  et  la  cou  iuite,  mais  la 
doctrine,  le  culte  extérieur  et  la  discipline  ; 
I  hi'<iears  piétistes  voulaient  lout  réformer  et 
tout  ciianger,  ou  ils  ont  eu  raison,  ou  Luther 
et  ses  partisans  oui  eu  tort.  De  là  il  résulte 
déjà  (jue  la  prétendue  réfo  me  établie  par 
Lntlier  elles  autres  n' i  pas  op^''ré  des  etf  ts 
fort  salnlaires,  pu  sque  des  hommes  dont 
Mosh  im  loue  d'ailleurs  les  mœurs,  les  ta- 
lents et  les  intentions,  en  ont  été  fort  mé- 
contents, ei  se  sont  crus  obligés  de  faire 
bande  îi  [)art  pour  trav.iiller  sérieusement  à 
leur  salut.  —  "2°  Le  résultat  de  l'une  et  de 
l'aure  de  cesp  étenau'S  iéTormes  a  été  pré- 
cisément le  môme;  le  faux  zèle,  l'numeur 
caustiijue,  le  style  em|)orté  de  plusieuis  p/^- 
tistes,  ont  fait  naître  des  querelles  théologi- 
ques, des  dissensions  ;  armi  le^  pasteurs  et 
parmi  les  peuples;  souvent  il  a  iaduque  les 
in:gislr.ds  et  le  gouvernement  s'en  mêlas- 
sent pour  arrêter  les  eil'eis  du  fanatisme. 
Puisque  la  môme  chose  est  arrivéeàla  nais- 
sance du  protestantisiue,  il  s'ensuit  que  ses 
fondateurs  n'ont  eu  ni  un  zèle  plus  pui,  ni 
une  conduite  plus  sage,  ni  des  motifs  plus 
louables  que  les  piétistes  les  i)lus  emjiortés; 
que  les  uns  comme  les  autres  ont  été  des 
ianatiques  insensés,  et  non  des  hommes  sus- 
cités de  Dieu  pour  réformer  l'Eglise.  Mos- 
heim  parlant  d'un  piétiste  fougueux,  nommé 
Dippélius,  dit  :  «  Si  jamais  les  écrits  infor- 
mes, bizarres  et  satiriques  de  ce  réformaleur 
fanatique  parviennent  à  la  |>os  érité,  on  sera 
surpris  que  nos  ancêtres  aient  et''  assez  aveu- 
g'es  pour  regarder  comme  un  apôtre  un 
homme  qui  a  eu  l'audace  de  violer  les  priu- 
cipes  les  [i!us  essentiels  de  la  religion  et  du 
lion  sens.  ><  N'avons-nous  pas  droit  de  dire 
la  même  chose  de  Luther?  —  3°  Nous  n'a- 
vons pas  tort  de  repro:  her  aux  protest  nts 
qu'ils  enseignent  une  doctiine  scandaleuse 
et  pernicieuse  aux  mœurs,  lorsqu'ils  sou- 


1495, 


V 


PIL 


PIL 


1490 


tiennent  que  les  bonnes  œuvres  ne  sont  pas 
nécessaires  au  srjut,  que  la  foi  nous  justifie 
indépendamment  des  bonnes  œuvres,  puisque 
plusieurs  piétistes,  quoique  nés  protestants, 
en  ont  été  révoltés  aussi  bien  que  nous,  et 
ont  opiné  k  bannir  ces  maximes  de  la  chaire 
et  de  l'enseignement  public.  D'autres  théo- 
logiens ont  pensé  h  peu  près  de  môme.  — 
h°  Comme  il  n'y  a  ni  autorité  ni  règles  pour 
maintenir  l'ordre  et  la  décence  dans  les  so- 
ciétés de  piétistes,  et  que  chacun  croit  être 
en  droit  d'y  faire  valoir  ses  visions,  il  est  im- 
possible que  plusieurs  ne  donnent  dans  des 
travers  dont  le  ridicule  retombe  sur  la  socié- 
té entière,  avilit  ce  qu'il  peut  y  avoir  de  bon 
d'ailleurs,  et  no  cause  bientôt  la  dissolution 
des  membres  dans  un  corps  si  mal  construit. 
Ainsi  la  piété  ])eut  prendre  difficilement  ra- 
cine pirmi  les  protestants,  elL'  s'y  trouve 
trans,  lantée  comme  dans  une  terre  étran- 
gère ;  comment  pourrait-elle  se  conserver 
parmi  des  hommes  qui  ont  retranché  la  plu- 
part des  pratiques  capables  de  l'exciter  et  de 
la  nourrir?  Mosheim,  Hist.  ccclés.,  vvii'  siè- 
cle, section  2,  ii'  part.,  c.  1,  §  26  et  suiv 

PILATE  (  actes  de  ).  Saint  Justin,  dans  sa 
première  apologie,  n.  35,  dit  aux  empereurs 
et  au  sénat  romain  :  «  Que  Jésus  ait  été  cru- 
cifié, et  que  l'on  ait  partagé  ses  habits,  vous 
pouvez  l'apprendre  par  les  actes  di'cssés  sous 
Ponce-Pilate;  n.  h%,  que  leChrist  aitopéré  des 
miracles,  vous  pouvez  en  être  informés  par 
les  actes  dressés  sous  Ponce-Pilate.  »  Tertul- 
lien,  dans  son  Apologétique,  c.  5,  parle  de 
ces  mêmes  actes.  «  Un  personnage,  dit-il,  ne 
peut  être  dieu  à  Rome,  s'il  ne  plaît  au  sénat... 
Til)ère,  sous  le  règne  duquel  le  nom  de  chré- 
tien est  entré  dans  le  monde,  informé  de  la 
Palestine  môme  des  faits  qui  caractérisaient 
un  personnage  divin,  en  lit  le  rapport  au  sé- 
nat, et  rap,)uya  de  son  suffrage.  Le  sénat  le 
rejeta,  parce  qu'il  n'avait  pas  vériûé  lui-môme 
la  chose.  Tibère  demeura  dans  son  sentiment 
et  menaça  de  punir  ceuxqui  accuseraient  les 
chrétiens.  »  Ch.  21,  après  avoir  parlé  des  mi- 
racles, de  la  mort,  de  la  résurrection  et  de 
l'a-cension  de  Jésus-Christ,  il  ajoute  :  « /*«- 
late,  partisan  de  Jésus-Christ  dans  sa  con- 
science, m  inda  les  faits  qui  concernaient  ce 
personnage  à  l'empereur  Tibère.  Les  césars 
même  auraient  cru  en  Jésus-Christ,  s'ils  n'é- 
taient pas  nécessaires  au  siècle,  ou  si  des 
chrétiens  pouvaient  être  césars.  »  Eusèbe, 
Hist.  ecclés.,  ].  Il,  c.  2,  conlirme  l'existence 
de  la  relation  ùc Pilote,  parle  récit  de  Ter- 
tullien;  mais  il  ne  dit  pas  qu'il  l'a  vue,  non 
plus  que  les  deux  témoins. 

Plusieurs  critiques  protestants,  après  Ta- 
negui  Lefèvre,  ont  regardé  ce  fait  comme  fa- 
buleux, en  particulier  Le  Clerc,  Hist.  ecclés., 
an.  29,  p.  Slk.  Ils  disent,  1°  qu'il  n'est  pas 
croyable  que  Pilote,  écrivant  à  l'empereur, 
ait  voulu  faire  l'éloge  d'un  homme  qu'il  ve- 
nait de  condamner  à  mort.  2°  11  l'est  encore 
moins  que  Tibère,  prince  sans  religion,  ait 
voulu  luire  mettre  Jésus-Christ  au  nombre 
des  dieux  ;  3°  il  ne  l'est  pas  que  le  sénat,  as- 
servi comme  il  Tétait  aux  caprices  de  Tibère, 
ait  osé  rejeter  une  proposition  appuyée  de 


son  suffrage;  k"  Tibère  haïssait  les  Juifs;  il  ne 
lui  est  donc  pas  venu  dans  l'esprit  de  vou-. 
loir  faire  ren  Ire  les  honneurs  divins  h  un 
Juif.  Enfin,  sous  Tibère,  le  nom  de  chrétien 
ne  p'Hit  lias  encore  avoir  été  connu  à  Rome, 
et  il  ne  pouvait  pas  encore  y  avoir  eu  des 
accus;;tions  formées  contre  eux.  Vingt  au- 
teurs ont  copié  ces  objections,  et  les  incré- 
dules en  ont  conclu  que  saint  Justin  avait 
forgé  les  actes  de  Pilote.  Pour  savoir  si  ces 
arguments  sont  fort  solides,  il  faut  se  sou- 
venir que  Tibère  mourut  l'an  37  de  notre 
ère,  qu'i  Pilote  fut  rappelé  à  Rome  et  en- 
voyé en  exil  la  même  année,  par  conséquent 
quatre  ans  après  la  mort  de  notre  Sauveur. 
Pendant  cet  intervalle,  il  fut  témoin  des 
progrès  que  faisait  l'Evangile,  du  nombre  de 
ceux  qui  se  convertissaient,  de  l'inquiétude 
que  cela  causait  aux  Juifs,  du  meurtre  de 
saint  Elienne,  etc.  Il  se  peut  très-bien  faire 
quo  le  bruit  de  ces  mouvements  ait  pénétré 
jusqu'à  Rome,  et  que  Pilote  ait  été  obligé  de 
rendre  compte  k  l'empereur  de  la  conduite 
qu'il  avait  tenue  k  l'égard  de  Jésus  et  de 
ceux  cjui  croyaient  en  lui  ;  rien  ne  nous  oblige 
de  sup[)Oser  que  sa  relation  fut  envoyée 
longtemps  avant  son  rappel.  Dans  cette  sup- 
position, qui  est  très-probable,  nous  ne  voyons 
pas  pourquoi  Pilote  aurait  hésité  de  ra[)por^ 
ter  ce  que  la  renommée  avait  publié  dans  la 
Judée,  touchant  les  miracles  et  la  résurrec- 
tion de  Jésus,  et  sur  l'effet  que  ces  faits  pro- 
duisaient. Ce  n'est  pas  lui  qui  avait  con- 
damné Jésus  k  la  mort,  il  n'avait  fait  que  le 
livrer  k  la  fureur  des  Juifs,  par  la  crainte 
d'exciter  une  émotion  populaire.  En  second 
lieu,  Tibère,  quoique  très-peu  religieux,  a 
pu  vouloir,  par  caprice  ou  par  quelque  autre 
motif,  feindre  d'avoir  de  la  religion  pour  ce 
moment-là;  puisqu'il  haïssait  les  Juifs,  il  ne 
pouvait  les  mortifier  davantage  qu'en  faisant 
rendre  les  honneurs  divins  k  un  personnage 
qu'ils  avaient  fait  crucifier,  et  qu'ils  pour- 
suivaient encore  après  sa  mort,  dans  la  per- 
sonne de  ceux  qui  croyaient  en  lui.  Le  sénat, 
quoique  asservi  aux  volontés  de  Tibère,  a 
pu  lui  re|)résenter  des  inconvénients  et  des 
motifs  de  ne  pas  faire  ce  qu'il  proposait. 
L'on  a  tort  de  supposer  que  ce  prince  mit 
beaucoup  de  chaleur  et  d'intérêt  k  faire 
exécuter  le  projet  qu'il  avait  formé.  On  sait 
qu'il  y  avait  une  ancienne  loi  romaine 
qui  était  aux  empereurs  le  pouvoir  de  créer 
de  nouveaux  dieux  sans  l'approbation  du 
sénat.  Tertull.,  Apologét.,  c.  5. 

Puisque  les  miracles,  la  mort  et  la  résur- 
rection de  Jésus  faisaient  du  bruit  dans  la 
Judée,  lui  attiraient  tous  les  jours  de  nou- 
veaux sectateurs,  donnaient  de  l'omlirage  et 
de  l'inquiétude  aux  Juifs,  il  ne  serait  pas 
fort  étonnant  que  déjk  sous  Tibère  ils  eus- 
sent poité  k  Rome  des  plaintes  contre  cette 
nouvelle  religion  naissante,  et  contre  ceux 
qui  l'embrassaient,  et  qu'en  conséquence 
Pilote  eût  été  obligé  d'en  écrire  à  l'empe- 
reur ;  dans  ce  cas,  il  est  vrai  de  dire  que  le 
nom  de  chrétien  était  déjk  connu  k  Rome, 
et  que  les  chrétiens  y  avaieit  déjk  des 
accusateurs.  Puisque  les  incréduM_;  ne  nous 


im 


PIS 


PLA 


1^93 


opposent  que  des  impossibilités  prétendues, 
il  nous  suHît  do  leur  fiiire  voir  que  ce  qu'ils 
iugDiit   iiii|io.ssil)le    ne   Test   pas.    Quant    à 
raecusation  formée  contre  saint  Justin    par 
les  incrédules,  elle  est  nhsurtle,   puisqu'elle 
suppose  qu'il  a  été   iiii|)0sleur  et  Taussairo 
sans  moiif.  Qu'avait-il  besoin  de  citer  une 
relation  ou  des  Actes  de  Pilatc,  pour  prouver 
que  Jésus  avait  fait   des    unracles,  et  qu'il 
avait  été  crucillé  ?  C'étaient  tles  faits  iiuhlics 
el  des(|ucls  toute  la  Judée  était  en  étal  de 
déposer.  11  était  plus  simple  d'en  appeler  au 
témoigi.atîe  de  toute   une  |)rovince   qu'aux 
Actes  de  Pilule,  s'ils  n'existaient  pas.  S'il  y 
a  eu  des  critiques  assez    prévenus    contre 
le  ténioignai^e   des  l'éres,    pour  traiter    do 
fable  la  relation  de  Pilate,  il  s'en   est  trouvé 
aussi,  même  iiarmi  les  protestants,   qui  ont 
vengé  Jes  Pè  es,  et  qui  ont  fait  voir  qu'il  n'y 
a  rien  d'incroyable  dans  leur  nai  ration.  Tels 
sont  Fabricius,  Ho;sœus,  Hâve. camps,  Mos- 
h('in\,  Jnstit.   Hist.   christ.,  i"   paît.,   c.  4, 
§  9.  Mais,  pour  faire  illusion,  les  incrédules 
confondent  les  Actes  dont  parle  saint  Justin 
avi'c  de  faux  Actes  de  Pilate,  (|ue  les  qiiar- 
todéciaians  forgèrent  au  n°   siècle.  Au  iir, 
les   (laiens   en  composèrent  d'autres,   dans 
les(jucls  Jésus-Christ  et  les  chrétiens  étaient 
repiésentés  sous  des  traits  odieux;   l'empe- 
reur  Maxiujin   les    fit  aflicher  et  répandre 
dans  tout  l'empire  :  quelques   auteurs  ont 
cru  que  les  Actes  de  Pilate  étaient  l'Evangile 
de  Nicodème,  etc.  Que  |)rouvent  toutes   ces 
fausses  pièces,  postérieures  à   saint  Justin, 
contre  le  fait  qu'il  rapporte  ?  Loin  de  le  dé- 
truire,  elles  servent  plutôt  à  le  confirmer  ; 
c'est  la    notoriété  de   ce  même  fait  qui  a 
donné  lieu    à    des   faussaires   de  forger  de 
faux  actes  au  lieu  de  vrais. 

Enfin,  les  actions  de  Jésus-Christ  sont 
assez  prouvées  d'ailleurs  sans  le  témoignage 
de  Pilate  ;  on  n'en  a  fait  usage  pour 
appuyer  aucun  dogme  ;  mais  saint  Justin  et 
Tertidlien  ont  eu  raison  de  les  citer  aux 
emiiereurs  et  aux  magistrats  ;  c'était  pour 
eux  une  pièce  irrécusable,  il  y  a  une  dis- 
sertation sur  ce  sujet  dans  la  Bible  d'Avignon, 
t.  Xlll,  p.  513. 

PISCINE  PUOBAÏIQUE,  ou  Piscine  des 
BKiims,  réservoir  d'eau  placé  dans  le  voisi- 
nage du  temple  de  Jérusalem,  qui  servait 
probablement  à  laver  les  entrailles  des  victi- 
mes. Saint  Jean,  c.  v,  v.  2,  nous  apprend 
ciue  de  temps  en  temps  un  ange  du  Seigneur 
(tesccndait  dans  cette  piscine,  en  faisait 
mouvoir  l'eau,  et  que  le  premier  malade 
qui  y  était  plongé  après  ce  mouvement 
eta  t  guéri,  quelle  que  fût  sa  maladie,  il 
ajouta  que  Jésus-Christ  ayant  trouvé  là  un 
homme  paralytique  depuis  trente-huit  ans, 
le  guv'rit  d'une  seule  parole. 

Cet  évangéliste,  dit  un  incrédule,  est  le 
seul  qui  ait  parlé  de  ce  réservoir  d'eau  et  de 
sa  VI  rtu,  c'est  donc  une  fab'le  ;  le  prétendu 
))aralyt:que  guéri  par  Jésus  était  sans  doute 
un  mendiant  valide  qui,  de  concert  avec 
Jésus,  feignit  d'être  guéri,  après  avoir  feint 
d'être  malade. 

Réponse.  Quau  I  saint  Jean  serait  le   seul 


qui  eilt  parlé  de  la  piscine  prohalique,  cela 
ne  serait  pas  étonnant  ;  aucun  ancien  écri- 
vain ne  nous  a  donné  une  descriplion 
exacte  de  1 1  vdie  de  Jérusalem.  Mais  il  est 
très-probable  que  Josèphe  a  voulu  désigner 
cette  piscine  sous  le  nom  de  piscine  de  Sulo- 
mon.  Delà  Guerre  des  Juifs,  Uv.  v,  c.  13.  Le 
Père  Hardouin  pense  que  probatica  piscina 
signifie  piscine  dont  les  eaux  vont  dans  une 
auire;  que  celle-ci  est  la  môme  qu'lsaïe 
appelle  piscine  supérieure,  c.  vu,  v.  3  ; 
c.  xxxvi,  V.  2,  et  qui  avait  été  faite  par 
Ezéchias  (/F /feg'.  XX,  20).  La  piscine  infé- 
rieure était  celle  de  Siloé,  piscine  qui  vient 
d'ailleurs  [Joan.  ix,  7).  Quant  à  la  vertu 
miraculeuse  de  la  première,  si  c'était  une 
fable, quelle  raison  pouvait  avoirsaintJean  de 
l'inventer?  Cette  circonstance  n'ajoutait  rien 
à  la  réalité  ni  à  l'éclat  du  miracle  opéré  par 
Jésus-Christ,  il  aurait  décrédilé  sa  narration 
dans  l'esprit  de  tous  ceux  qui  avaient  connu 
la  ville  de  Jérusalem.  11  observe  que  lès 
Juifs  furent  olfensés  de  ce  qi:e  Jésus-Christ 
avait  gu('ri  le  paralytiipie  un  jour  de  sabbat  ; 
s'ils  avaient  pu  soupçonner  qu'il  y  avait  de 
la  collusion  et  de  la  fraude,  ils  en  auraient 
fait  un  bien  plus  grand  crime  au  Sauveur. 
Mais  les  incrédules  se  Uatlent  de  déiruire 
tous  les  miracles  de  l'Evangile  par  une  accu- 
sation d'imposture  inlentéc  au  hasard. 

PITIE,  conqiassion  pour  les  malheureux, 
inclination  à  les  soulager.  Un  ancien  poète 
dit  que  la  nature  nous  a  rendus  sociables 
en  nous  donnant  des  larmes  pour  les  maux 
d'autrui,  que  c'est  le  i)lus  exquis  de  nos 
sentiments.  Aussi  l'Evangile  est  une  leçon 
continuelle  de  cette  vertu  :  Jésus-Christ 
exhorte  sans  cesse  l'homme  à  compatir  aux 
afflictions  de  ses  semblables,  à  les  consoler, 
à  les  secourir,  et  il  a  confirmé  cette  morale 
par  les  exemples  les  plus  touchants  ;  tous 
ses  miracles  ont  été  destinés  à  soulager  des 
personnes  souifrantes,  et  souvent  la  vue  des 
malheurs  d'autrui  lui  a  tiré  des  larmes.  Mais 
sur  ce  (loint  la  morale  de  plusieurs  anciens 
philosophes  était  inhumaine  et  scandaleuse: 
noii-.veulement  ils  ne  recommandaient  pas 
la  /;//((■',  mais  ils  la  regardaient  comme  une 
faiblesse.  «  Zenon,  avec  tout  son  esprit,  dit 
Lactance,  et  les  stoïciens,  ses  sectateurs, 
disent  cjue  le  sage  est  inaccebsible  à  toute 
aOeclion,  qu'il  ne  fait  grâce  h  aucune  faute, 
que  la  com|)assion  est  une  marque  de  légè- 
reté et  de  folie,  qu'une  ûiue  forte  ne  se 
laisse  ni  toucher  ni  fléchir.  »  Divin.  Instit., 
1.  VI,  c.  10.  Cicéron  leur  a  fait  le  même 
reproche,  Orat.  pro  Murœna,  et  sain!  Au- 
gustin, de  Morib.  Eccles.,  1.  i,  c.  27.  La 
plupart  de  nos  épicuriens  modernes  sont  très- 
stoïciens  sur  ce  point. 

PLAIES  DE  L'EGYPTE.  Ce  sont  ks 
fléaux  par  lesquels  Dieu,  à  la  parole  de 
Moïse,  punit  le  refus  obstiné  de  Pharaon  et 
de  ses  sujets,  qui  ne  voulaient  \,as  mettre 
les  Israélites  en  liberté.  Ces  plaies  sont  au 
nombre  do  dix  :  la  1'"  fut  le  changement  des 
eaux  du  Nil  en  sang  ;  la  2%  fut  la  quantité 
innombrable  de  grenouilles  dont  l'Egypte 
fut  remplie  ;  la  3%  les  moucherons  qui  tour-; 


I49f  PLA 

méritèrent  cruellement  les  hommes  et  les 
bêtes  ;  la  k',  les  mounhcs  qui  infestèrent 
tout  ce  r(!.y.iume  ;  la  5%  une  peste  subit<) 
qui  tua  la  plus  grande  pantin  des  animaux; 
la  6',  des  ulcères  pestilentiels  qui  attaquè- 
rent les  Egyptiens  ;  la  1%  une  grêle  épou- 
vantable qui  ravagea  les  caïupa-jnes,  exci'ptô 
la  terre  de  Gessen,  habitée  par  les  Israélites  ; 
la  8°,  uue  nue  de  sauterelles  qu  achevè- 
rent de  détruire  les  fruits  de  la  terre  ;  la 
9%  les  ténèlires  épaisses  qui  couvrirent 
l'Egypte  peiidiint  trois  jours  ;  la  10°  et  la 
piiis  terrible  fui  la  mort  des  premiers-nés 
frappés  par  i'an^e  exierminateur.  Cc.tl  ■  plaie 
vainquit  enlln  la  résistance  d.vs  Egyptiens 
et  de  leur  r^i  ;  ils  laissèrent  partir  les  Israé- 
lites. Pour  retenir  plus  aisément  ces  dis 
plaies,  on  les  a  renfermées  dans  les  cinq 
vers  suivants  : 

Prima  rntieiis  uiida  esl,  rananim  pl:iga  sei;imda; 
iiiile  culex  leins,  |)0^t  iiuisoa  nournliur  isiis, 
Quinta  I  eciis  stravil,  aiilhiaces  spsU  nri'avit, 
Post  sequiiur  graiiiln,  posl  tiriii'lms  iL'iiU!  iipfatido, 
Noua  legii  solrm,  iniiiKiin  uecal  ulliina  |iroleiii. 

Une  grande  question  entre  les  incrédules 
et  nous  est  de  savoir  si  ces  châti'Ments  ont 
été  des  fléaux  miraculeux  ou  des  événements 
naturels  dont  Moïse  sut  profiter  liabilem'Uit 
pour  venir  à  ses  fins  ;  quelques-uns  l'ont 
prétendu.  Nous  soutenons  au  contraire  que 
ce  furent  des  fléaux  miraculeux  ;  déjà  nous 
l'avons  fait  voir  ailleurs,  en  comparant  les 
opérations  de  i:oïse  avec  celles  des  magi- 
ciens d'Egypte  :  Voy.  Magie,  §  2  ;  mais  il  y 
a  encore  li'autrcs  preuves.  1°  Ciiacun  de  ces 
événements  consid'ré  en  particulier,  sans 
faire  attention  aux  circonstances,  à  la  ma- 
nière dont  ils  ont  été  produits,  à  la  lin  à  la- 
quelle ils  étaient  destinés,  etc.,  pourrait  peut- 
être  sembler  naiurel  ;  une  nuée  d'-  mouches 
ou  de  sauterelles,  un  orage  violent  et  inipré- 
vu,  une  contagion  sur  le  bétail  ou  sur  les 
hommes  ,  ne  sont  pas  des  miracles  ;  mais 
rapprochons  ces  faits  de  leurs  circonstances, 
tout  change  de  face.  En  cifet,  qu'un  ou  <ieux 
de  (es  fléaux  fussent  anivés en  Egypte  pres- 
que en  même  tem-is,  cela  ne  prouverait  rien; 
mais  que  tant  de  malheurs  divers,  qui  n'ont 
ensemble  aucune  connexion,  se  soient  ras- 
semblés sur  ce  royaume  dans  l'espace  d'un 
mois  onde  six  semaines,  il  n'y  en  a  point 
eu  d'exemple  dans  le  reste  de  l'univers  ; 
cela  n'est  point  selon  l'ordre  de  la  nature,  — 
%"  Tous  ces  fléaux  ont  été  prédits  d'avance  ; 
ils  soni  arrivés  |iréciséme::t  au  jour  et  à 
l'heure  |jour  lesquels  Moiscles  avait  annon- 
cés ;  il  les  produisait  en  élevant  sa  baguette  ; 
il  les  faisait  cesser  par  ses  prières;  il  les  faisait 
durer  à  volonté.  11  exerçait  donc  un  pouvoir 
absolu  sur  la  nature,  sans  employer  aucune 
cause  physique.  —  i°  Les  Israélites  étaient 
exempis  desp/a«Mdont  les  Egyi)tiens  étaient 
frappés,  aucune  ne  se  fit  sentir  dans  la  par- 
tie di.'  j'Egy|ito  habitée  par  les  premiers  : 
cette  exception  n'est  point  naturelle.  —  k' 
Ces  événements  avaient  été  prédits,  du  moins 
eii  gros,  à  Abraham ,  430  ans  auparavant  ; 
Dieu  lui  avait  dit  :  J'exercerai  mes  jiigtmi'nts 
sur  h  peuple  qui  retiendra   vos  descendants 


PLA 


ISOO 


caplifa .  ils  sortiront  du  lieu  de  leur  exil 
combles  derichesses(Gen.  c.  xiv,  ik).  Jacob  et 
Joseph  en  mourant  avaient  promis  a  ces 
mêmes  descendants  que  Dieu  les  visiterait 
et  les  tirer  lit  de  l'Egypt;'  ;  les  Hé'breux  s'y 
attendiient  ;  aux  premiers  miracles  que  Moise 
fit  en  leur  présence,  ils  reconnurent  (pie  le 
moment  de  leur  délivrance  était  arrivé  {Ëxod, 
IV,  .31).  La  suite  des  événements  démontre 
donc  que  les  pro  liges  opérés  par  Moïse  ne 
sont  l'elfet  ni  du  hasard  nide  l'imlustrivi  hu- 
maine, mais  d'un'  dessein  prémé  iité,  kuivi 
et  iiaiurel  de  la  Providence. 

Des  miracles  isolés ,  qui  ne  tiennent  à 
rien,  des  lueis  on  ne  voit  ni  le  but  ni  la  né- 
cessité, peuvent  iiarnîtro  suspects  :  ceux  de 
Moise  sont  le  fondement  de  la  religion  et  de 
la  législation  jui.e,  et  sans  ce  secours  ce 
grana  ouu-age  étjit  impossiblo.  Moïse  n'o- 
père pas  des  [)rod'ges  pour  fiiire  ostentation 
de  son  pou.oir,  comme  font  les  imposteurs, 
mais  pour  rassembler  les  Israélites  en  i.'orps 
de  nation,  pour  L'S  ren  ire  soumis  ii  Dieu  et 
aux  lois.  Cette  révolution  a])réparéles  voies 
à  une  autre  plus  importante,  à  la  mission 
deJésusC  ;rist,  et  à  l'éîablisseraent  du  chris- 
tianisme. Ce  plan  de  Providence,  conçu  dès 
le  commencement  du  monde,  embrasse  toute 
la  durée  des  siècles,  et  nous  le  voyons  ae- 
coin,ili.  S'il  y  a  Uii  cas  où  les  miracles  soent 
utiles,  nécessaires,  conformes  à  la  sagesse 
et  à  la  bonté  divine,  c'est  cei  tainement  celui- 
là.  On  nous  dit  ijue  les  H.breux,  peuple 
ignorant  et  grossii^r,  ont  ais.^ment  pris  pour 
dus  miracles  les  événements  les  plusnaturels, 
que  la  vanité  nationale  a  suiiî  pourlcir  per- 
suader que  Dieu  les  avait  toujours  favorisés 
par  des  prodiges  ;  Moïse  ne  risquait  donc 
rien  en  accumulant  les  miracles  dans  son 
histoire.  Mal'ieureusement  pour  les  incré- 
dules, ilsfontdeuxoUjectionscontradictoires; 
ils  disent  d'un  côté  que  Moïse  a  pu  fort  aisé- 
ment faire  croire  aux  Israélites  tout  ce  qu'il 
a  voulu  ;  de  l'autre,  ils  nous  allèguent  les 
murmures,  les  révoltes,  les  séditions  fré- 
quentes auxquelles  ils  se  sont  livrés  contre 
Moïse.  Ces  révoltes  prouvent-elles  que  c'était 
un  peuple  fort  docile  ?  Cependant  Moïse  les  a 
forcés  de  pher  sous  ses  lois,  ou  [ilutôt  sous 
les  lois  que  Dieu  lui-môme  leur  imposait  : 
par  quel  moyen,  sinon  par  des  miracles  ? 
Moïse  n'est  pas  le  seul  qui  les  rapporte  ; 
nous  avons  vu  ailleurs  que  les  auteurs  pro- 
fanes, égyptiens,  phéniciens,  grecs  et  ro- 
mains, ont  supposé  que  Mo  se  avait  iait  dos 
mii-acles  en  Egy|)te,  puisqu'ils  l'ont  regardé 
co  ;:me  un  magicien  fameux;  voy.  ftsoïSE, 
§  1  ;  s'il  n'y  en  a  pas  lait,  jiar  quel  moyen  a-i-il 
tiré  son  peuple  de  l'Egypte  et  l'a-t-il  fait  sui)- 
sister  pendant  quarante  ans  dans  le  désert  ? 
Voilà  des  dilficultés  auxquelles  les  incrédules 
n'ontjamais  satisfait  (Ij. 

(I)  Pharaon  s'obstinait  à  conserver  les  kraélilcs 
sous  le  joug  de  la  servitude.  Pour  vaincre  son  obsti- 
nation, le  Seigneur  frappa  son  peuple  de  coups  si 
terribles,  qu'après  plus  de  trente  siècles,  notre  es- 
prit est  encore  épouvanté  du  récit  de  ces  grands 
l!é:iiix.  L'hi:,tuire  en  csi  trop  couiiue  pour  avoir  be- 
soin de  la  retracer  ici.  Continuant  notre  rôle  de  dé- 


1501  PL  A 

PLAISIR.  Cfi  tormo  n"a  pas  besoin  d'expli- 
cation, il  n'osi  personne  qui  n'en  comprenne 
le  sens  par  expérience.  Un  des  reproches  les 

fenseiirs  des  saints  livres,  nous  nous  occnperons  seii- 
ïciuent  (les  didiculK^s  <]ue.  les  pl.iies  (i'Egypt>'  soulè- 
vonl.  Les  iiiios  proviciincntilii  ivcil  luciiie  de  Moïse; 
les  ;(iilrt's,  (le  l'Iiisteiio  pi'(>r:iiu;.  On  (iciniinde,  1° 
coiiimciil  evpli'|i?ci-  les  iniispi-iiicipah's  dillicidlcsqiic 
|)i(!seiue  le  liiit  des  plaies  dlCgypIe,  savoir  :  l'eiuliir- 
cissenieii!  de  Pliaraoïi,  les  piodiges  de  ses  magiciens 
et  les  appareilles  conhadietioiis  <!e  Moïse  {F.xod.  vn, 
19,  20,  22,  et  i\,  fl,  0).  2°  Comineiu  concilier  avec 
CCS  (léaiix  et  les  dcisaslres  de  la  mer  Uoiige,  la  puis- 
sance et  les  conqiii'ies  de  Séso-(ri^,  dont  le  ivgiie 
commence  22  ans  api  es  la  sortie  d'Egypte  ? 

I.  Ce  ipii  livppe  le  plus  dans  les  plaies  d'Egypte 
c'est  peut-(^'li('  iiKiins  ce  ([n'elles  ont  de  prodigieux 
que  rélonnaiite  opiniàlrelt' (h; Pharaon.  Coniincni  un 
roi,  pour  conserver  un  pciiplo  indocile  et  avili  par 
l'e-iclavage,  piil-il  consentir  a  viiir  ses  sujets  et  ses 
Etats  accaliU's  par  une  siiccessimi  de  nniiix  tels  (pie 
la  lamentable  hisloiie  de<  calamild's  luimaines  n'en 
pri'soiiie  pas  de  scmlilablir?  Dien  se  serait-il  plu, 
comme  le  dit  l'Eer.liire,  ;i  emlnrcir  le  cœur  de  Pha- 
raon pour  le  prnir  cnsniie  plus  si'V()reinenl?  Loin  de 
nous  une  si  criminelle  peiis(;e.  Dieu  permet  qiiehpie- 
fois  à  l'esprit  cl  au  co'iirde  rhumnie  de  suivre  leurs 
peiK'liants  mauvais  jnsipie  dans  leurs  dcrnii'res  li- 
mites; ei  picrce  ipie  l'aliinie  (pi'ils  creusent  est  si 
profond  qn'd  semide  surpasser  les  forces  de  l'Iionimc, 
Dieu  paraît  s'allrilmcr  à  liii-nriiie  une  si  grande  inl- 
qui(('.  Mais  un  peu  d'atlcntion,  riiabitiide  de  lire  l'E- 
criture sainte,  l'explicaliiiii  d'une  page  par  une  autre, 
persuadent  hieni(Jt  (pie  nos  livres  saciés  ne  se  ser- 
vent d'expiessions  aussi  Ijardies,  (lu'aiin  de  pcMiidre 
fortement  ce  qui  ne  pouvait  se  rendre  avec  (les  cou- 
leurs ordinaires,  (les  rélle\ions  expliquent  sullisam- 
ineiit  le  sens  de  ces  paroles  :  linlnrnbo  cor  Plia- 
raoïijs.  Et  sans  recourir 'i  une  intervention  spt-cialedo 
la  Diviiiitc',  croit  on  qu'il  serait  iiiipo-.-ible  de  rendre 
raison  de  reii(lurci>senient  de  Pharaon?  Niii,  l'im- 
possibililé  n'existe  point  ;  car  la  page  de  l'histoire 
saillie  que  nous  soimues  appelés  à  x-cnger  dos  alta- 
qiics  des  enne'iils  de  noire  foi,  no. .s  donne  le  secret 
d'une  telle  opiniàiietii.  Elle  nous  inonire  les  passions 
les  plus  forles  poussant  Pharaon  dans  la  vole  qu'il  a 
suivie.  Lintt'n;!,  l'orgueil,  la  sniierslilion,  s  ;ut  de 
puissants  mobiles  :  ils  agi-saiem  sur  reprit  de  Pha- 
raon. Les  ld(;es  ipic  nous  nous  sommes  failes  des  de- 
voirs de  la  royaiili!  ne  lui  inipiiscnl-elles  pas  la  nii- 
cessitc  de  snpporler  de  giamles  calamités  piuir  coii- 
sc!rver  sons  sa  do".iiiialion  2,000,000  de  cilovens? 
C'est  là  pivcisémenl  le  nombre  des  Israélites  (jui  de- 
vaient ipilller  la  terre  d'Egypte.  Esclaves,  ils  élaient 
une  des  principilcs  richesses  du  roi;  ils  servaient  à 
élever  ces  momiii.ents  destinés  à  perpétuer  pen  tant 
tant  de  siècles,  le  ndin  des  Pharaons.  C'est  ainsi  que 
les  deux  passions  les  plus  forics,  l'orgueil  eirinlérèl, 
agissaient  sur  le  grand  roi  ù'Egypie.  I^a  superstition 
le  soutenait  contre  les  mirai  les  ël  contre  les  prophé- 
ties de  Moise.  S'il  élail  étonné  des  prodiges  de  l'en- 
voyé de  Dieu,  il  voyait  à  côlé  C(!ux  de  ses  magiciens 
qui  le  rassnraienl.  Si  ceux-là  étaient  plus  éclatants, 
il  les  attribuait  à  une  plus  grande  connaissance  de  la 
magie. 

ÎS'tius  savons  que  les  prodiges  des  magiciens  de 
Pharaon  (si  propres  à  le  coidirmer  dai.s  son  endur- 
cissement) onl  éli'  contestes  par  les  incrédules.  On 
iious  demande  s'il  est  possible  de  croire  que  des 
iiiiuimes  aient  changé  des  baguettes  en  serpents,  de 
i'!':m  en  sang,  cniédes  grenouilles,  etc.  ?  Ces  œuvres 
'urpassent  si  fort  la  puissance  d'une  créature,  qtie 
leur  realilc  ne  peut  être  admise  que  par  la  crédulité 
laplus  stupide.  Nous  savons  que  quelques  conimenta- 
leuis  ont  pen^é  (p.e  les  yeux  des  sp  claie  a.s  avaient 
clé  fascinés  (S.  Jeroin.,  S.  .\ug.,  etc.).  Nous  n'igno- 


FLA  1502 

pi  lis  ordinaires  que  font  les  ennemis  du  cliiis- 
ti.inisine,  c'est  que  rKvanj^ile  no  (U'fend  pas 
scu.eincul  l'excès  dans  les  plaisirs,  mais  qu'il 

rons  pas  que  quelques  autres  ont  ajouté  que  les  ma- 
giciens de  Pharaon  étaient  d'habiles  prestidigilaleurs, 
qu'ils  liront  alors  ce  que  nous  voyons  faire  Ions  les 
jours  sur  nos  pla((\s  pulili'pies,  au  grand  éldiineuicnt 
delà  miillilude;  qu'ils  subsiitu 'rent  avec  habdclé  à 
leurs  bagnelles  des  serp'^its  énervés  (n),  qu'ils  tirent 
paraitie  des  grenouilles  où  il  n'y  en  avait  pas,  qu'ils 
mêlèrent  liab  lemeiit  des  couleurs  à  l'eau  préparée 
dans  un  vase.  Ces  iiilerpriitatiiuis  ne  sont  pas  dénuées 
de  foudeuienl;  elles  sont  admises  par  des  liomnies 
graves;  cependant  elles  nous  semblent  f.iiisscr  le  sens 
(lu  lexte  sacré.  Et  pniinpioi  avoir  licnle  d'avouer 
avec  le  cimimun  des  docteurs  qu'il  y  avait  inlerven- 
li(ui  :lu  démon  ?  L'existence  des  esprits  mauvais,  leur 
puissance  snihum.'iine,  leur  inlbience  maligne  sur  les 
actions  des  lio:^)nies,  sont  trop  manifestement  écrites 
dans  la  doctrine  cliretienne,  dan*  la  croyance  de  tous 
les  peuples,  dans  l'histoin^  des  iialions,  pouc  avoir 
boule  de  recoiiuailre  leur  action  dans  les  actes  ou 
elle  est  évidemment  empreinte.  Ainsi  se  justifie  aisé- 
ment le  rccit  de  Moïse  des  aita(ptes  ipi'on  a  voulu 
lui  livrer  sous  le  ra|ipori  des  pro  dges  des  magiciens. 
Pciii-il  se  justifier  du  reproche  d  '  contradiction  ? 

Nous  lisons  au  cliap.  vu  de  l'Exode,  (pic  le  Sei- 
gneur dit  à  Moise  :  Eleiidez  lu  muin  sur  toutes  les 
etiuxdà  r Egypte,  sur  les  fleuves,  sur  les  foutaim's,  sur 
hs  lues,  sur  tes  marnis;  que  toutes  les  eaux  se  elian- 
gent  eu  siiug ;  que  celles  qu'on  qurde  dans  des  vases  de 
bois  et  de  pierre  devienncul  du  sang.  Moise  exécnle 
cet  ordre;  il  s'ac(M)ni[dit.  Celle  plaie  époiivaiuable 
dura  sept  jours.  Les  luagicien'^  fiieut  si  bien,  qu'ils 
réussirent  aussi  à  changer  de  l'eau  en  sang.  Si  toutes 
les  caî;x  avaient  été  changées  en  sang  pa.r  Moise,  où 
en  liouvèrent-ils  pour  opérer  leur  maléfice?  Où  les 
Egyptiens  en  puiser,  nt  ils  pour  abreuver  leurs  trou- 
peaux? L'Ecrilure  s'est  chargée  de  répondre  à  cette 
question.  Elle  no  's  apprend  ipie  la  terre  de  (jcssea 
fut  pri'servi'e  de  ce  llean  ;  elle  nous  montre  les  mal- 
heureux enfants  de  l'Egypie  creusant  des  pui;s  d'es- 
pico  en  e-pace,  à  qiiel(|ne  dislance  du  fleuve,  afin 
que  i'eau,  se  iiitianl  et  se  purifiant  dans  la  terre,  de- 
vint au  moins  potable,  et  (|u'ou  put  en  boire  sans 
danger. 

Moïse  paraît  devant  Pbaraon  et  lui  dit  :  Si  vous 
retenez,  plus  longtemps  les  enfants  d'I.^racl,  j'étendrai 
ma  main  sur  vos  campagnes,  je  commanderai  à  la 
peste  et  elle  in'obéira,  et  elle  enlèvera  vos  clieva'.ix, 
vos  ânes,  vos  bieufs  et  vos  nionlons.  Le  leudeiuain, 
ces  menaces  lurent  changées  en  événenieiits.  Toutes 
les  beies  de  charge  et  les  troupeaux  des  Egyptiens 
périrent  par  la  peste.  El  voilà  que  de  nouveaux  trou- 
peaux apparaissent  sur  la  terre  d'Egypte  pour  être 
frappés  !iar  de  nouveaux  ileaux.  Nous  les  voyons 
couverls  d'ulcères,  frappés  par  la  grêle,  exiermincs 
par  1  ange,  la  c..v;derie  est  engloutie  sons  les  Ilots  de 
la  mer  Uonge.  Conimcnt  concilier  ces  plaies  avec 
cède  de  la  peste  ?  La  (iiilicullé  icpose  sur  les  mois 
tous  les  animaux  employés  pour  exprimer  les  ravages 
caiisispirla  peste.  Mais  personne  n'ignore  ([ue  le 
mot  tout  signifie  souvent  un  grand  no'sibre,  on  q  lel- 
ques  individus  de  toutes  les  espèces.  Nous  pourrions 
en  donner  la  preuve  par  une  muliitutle  de  citations 
tirées  de  lonles  les  langues.  Contentons-nous  d'indi- 
quer quelques  passages  de  l'Ecriture  où  cette  expres- 
sion est  évidemment  prise  dans  ce  sens  {Soph.  ii, 
H  ;  Act.  X,  12,  etc.).  On  nedouierapas  que  l'expres- 
sion (ie  Moïse  doive  recevoir  ^ette  acception,  si  l'on 
considère  (pi'une  aussi  haute  intelligence  ne  peut  être 
soupçonnée  de  contradiction  dans  la  même  page  de 
ses  écrits. 

II.  Elle  dut  être  bien  malheureuse  la  position  de 

(  l.'oi  saii  qu'oïl  éii(!r\o  les  sorpeiiis  avec  cerlalnes 
diogues,  tilin  qu'il»  ae  puissent  nuire. 


1505  PLA 

nous  interdit  toute   espèce   de  plaisir  quel- 
conque. C'est  une  fausseté  ot  uu  abus  gros- 
si r  des  tenues.  En  effet,  tout  ce  qui  estcon- 
foriiic  à  nos  besoins,  à  notre  goût,   à  notre 
incliiialiou,  est  un  plaisir  pour  nous  ;  ce  qui 
est  un  plaisir  pour   tel    homme,   serait   un 
ennui  mortel  eluu  tourment  pour  un  autre. 
En  vain  proposere/:-vous  à  un  homme  sensé, 
laborieux,  oei;upé  de  choses  utiles,  les  plaisirs 
bruyants,  dispendieux  et  dangereux  que  les 
riclies  oisifs  trouvent  nécessaires  pour  be.cer 
leur  ennui  ;  ils  lui  paraissent  non-seulement 
inspides,  mais  fatigants  et  dégoûtants  ;il  les 
fuit  au  lieu  de  les  rechercher,   il  en  goûte  de 
plus  purs  dans  l'exercice  de  ses  talents.  Une 
Ame  vertueuse  trouve  dans  la  pratique  des 
bonnes  œuvres  une  satisfaction  délicieuse  que 
'les  mondains  ne  connaissent  point  ;  saint  Paul 
nomme  ce  plaisir,  la  joie  et  lapaix  clans  IcSaint- 
Esprit,  lu  paix  de    Dieu  qui  surpasse  toute 
intelligence  et  tout  sentiment.  L'Evangile,  loin 
de    nous  interdire  ce  plaisir  ,  nous  exhorte 
h  nous  le  procurer  souvent.   11  ne  nous  dé- 
fend pas  non  plus  les  délassements  innocents, 
Jésus-Christ  lui-même  ne  s'y  est  point  re- 
fusé :  il  voulut  bien  assister  aux  noces  de 
Cana,  à  la  table  de  Simon  le  Pharisien ,  aux 
repas  que  lui  donnait  Lazaie,  son  ami  ;  il  se 
laissa  [larfumer  par  la  pécheiesse  de  Naïm  et 
par  Mario,  sœur  de  Lazare  ;  il  se  i)romenait 
avec  ses  disciples,  il  conversait  cordialement 
avec  eux.  Les  pliarisiens,  censeurs  austères 
et  hy])ocrites,  lui  tirent  un    crime   de    ces 
plaisirs  honnêtes  ,  qui  étaient  toujours  pour 
le  Sauveur  une  occasion    d'instruire   et  de 
faire  du  bien  ;  il   méprisa   leurs  reproches. 
Quant  aux  plaisirs  mondains  et   dangereux 
puurles  mœurs,  tels  que  le  jeu,  les  spectacles, 
le  bal,  les  assemblées  nocturnes,  les  repas 
som|)tueux,  l'étalage  du  luxe  dans  les  fêtes, 
nous  soutenons  que  l'Evangiie  les  a  défen- 
dus avec  raison  ;  1°  parce  que  chez  les  jjaiens 
tous    ces  plaisirs    étaient    très-licencieux , 
presque  toujours  infictés  d'ido.ûtrie,    et  un 
foyer  d'impudicité  ;   il  n'était  pas    possible 
d'y  prendre  part  sans  être  vicieux.    2°  Pour 
modérer  un  penchant  aussi  impétueux  et  aussi 

TEgypic  après  la  sortie  des  Hébreux.  Ses  campagnes 
étaient  ravagées, ses  animaux  détiuils,  les  premiers- 
nés  de  ses  eiilaiils  mis  à  mort,  son  armée  engloutie 
sous  les  (lots.  Jamais  tant  de  maux  n'accablèrent  à 
la  fois  une  seule  nation  ;  et  cependant  nous  la  voyons 
se  relever  connue  par  encliantement  d'une  si  profon- 
de misère.  Des  historiens  placent  à  quelques  armées 
de  cette  grande  catastrophe  le  règne  d'un  monarque 
(pli  éleva  la  puissance  de  l'Egypte  a  son  apogée. 
Vingt- deux  ajis  après  commença  le  grand  règne  de 
bèsostiis.  Comment,  dans  uu  si  court  espace  de 
temps,  concilier  tant  de  grandeur  avec  tant  d'abais- 
sement? Quoique  nous  puissions  contredire  la  date 
du  règne  de  Sèsoslris,  nonobstant  les  découvertes  des 
Chanjpollion,  nous  l'acceptons  telle  qu'elle  nous  est 
présentée.  Voyons  si  alors  ta  conciliation  est  possible 
entre  deux  étals  si  dillèrents.  Nous  observerons  d'a- 
b(ud  que  rien  ne  prouve  que  toutes  les  provinces  de 
l'Egypte  furent  également  atteintes  par  les  fléaux.  La 
haute  Egypte  put  être  épargnée  aussi  bien  (|ue  la 
terre  de  Ge.'.seu.  .Mais  donnons  aux  plaies  toute  l'é- 
tendue qu'on  leur  suppose;  croit-on  que  22  ans  ne 
purent  suflirc  poui'  relever  de  sim  abaissement  un 
pays  Ici  que  l'Egypte?  Il  était  le  plus  beau  de  l'uui- 


PLA 


ia04 


aveugle  que  l'amour  du  plaisir,    il  faut  des 
maximes  rigoureuses,  la  plupart  deshomines 
n'en  rabattront  toujours  que  trop  ;  tel  est  le 
principe  sur  lequel  les  philosophes  mômes 
ont  dirigé  leur  morale  ;    celle  des  stoïciens 
était  |)0ur   le  moins  aussi  austère  que  celle 
de    l'Evangile.  3°  Jésus-Christ  a   paru  dans 
un  siècle  dtissi  voluptueux  et  aussi  corrompu 
que  le  nôtre  ;  le  sadducéisme  chez  les  Juifs, 
l'épicuréisme  chez  les  païens,  étaient  la  phi- 
loso  hie    régnante  ;  pour    décréditer    cette 
doc'rine  pernicieuse  qui  nourrissait  la  volup- 
té,   en  feignant  de  la  modérer,  il  fallait  poser 
des  maximes  directement  contraires,  et  cou- 
per le  mal  à  la  racine,  k"  Dans    des   circon- 
stances où  les  chrétiens  étaient  exposés  ious 
les  jours  au  martyre,  il  fallait  les  y  préparer 
par  un  stoïcisme  habituel  ;    ce  n'était  pas  là 
le  moment   d'enseigner  une  morale    indul- 
gente. Aussi  TertuUien,  fàclié   contre  ceux 
qui  ne  voulaient  pas  renoncer  aux  spectacles 
du  paganisme  ,   leur  liemandait  si  c'est  au 
théâtre  que  l'on  fait  l'apprentiss^ige  du  mar- 
tyre. Puisque  le  danger  de  l'épicuréisme  so 
renouvelle  dans  tous  les  siècles,  une  morale 
austère  est  la  seule  qui  convienne  fi  tous  les 
temps  ;  il  se  trouvera  toujours  assez  de  volup- 
tueux prêts àla  contredire,  et  de  philosophes 
accommodants  disposés  à  la  mitiger.    Voy. 
Mortification. 

PLATONISME,  doctrine  et  système  philo- 
so])liique  de  Platon.  Ce  ne  devrait  [loint  être 
îi  nous  de  di'veloppercesystème  ctd'ex[)Oser 
les  sentiments  de  ce  philosophe  ;  mais  nous 
avons  h  just  tierlesPèresde  l'Eglise,  accusés 
di}  platonisme  par  les  sociniens  et  par  leurs 
adhérents.  Comme  ces  derniersauraient  voulu 
persuader  que  les  dogmes  de  la  sainte  Trini- 
té, de  l'Incarnation,  de  la  divinité  de  Jésus- 
Christ,  sont  des  opinions  purement  humaines, 
inventées  depuis  les  aiwtres,  ils  ont  ditq.ie 
c'a  été  l'ouvrage  des  Pères  du  ii'  et  du  iii° 
siècle,  entêtés  de  la  doctrine  de  Platon.  Ce 
philosophe,  disent-ils,  a  forgé  en  Dieu  une 
espèce  de  Trinité,  il  a  personnifié  la  raison 
divine  qu'il  appelle  >6yof,  verbe  ou  parole  ; 
il  donne  à  Dieu  le  nom  de  Père,    il  suppose 

vers,  le  plus  abondant  par  la  nature  du  sol,  le 
mieux  cultivé.  On  sait  commeiU  elle  a  fleuri  sous 
le  roi  Amasis  après  le  règne  malheureux  d'Apriès 
et  de  l'haiaon  Epha.  Eu  parcourant  les  annales 
des  nations,  est-il  si  rare  de  trouver  des  révo- 
lutions subites  dans  la  fortune  d'uji  peuple?  Pour 
ne  parler  que  d'événements  dont  nous  avons  élé  les 
témoins,  notre  France  ne  nous  en  oll're-t-elle  pas  uu 
exenqile  frappant?  Qui  pourrait  conqiler  les  milliers 
de  victimes  écrasées  sous  le  char  révoluliouuairej  la 
nmltiuide  de  nos  soldats  enlevés  par  le  fer  des  en- 
nemis? Qui  pouriait  calculer  les  maux  que  causèrent 
il  la  France  l'iiiTasion  euangere,  l'épidémie  (pi'elle 
traîna  il  sa  suite,  et  la  famine  qui  suivit  de  si  près? 
En  moins  <le  quinze  ans  loutes  ses  plaies  sont  cica- 
trisées, la  France  reprend  son  rang  dans  la  grande 
famille  européenne.  Et  l'Egypte,  en  22  ans,  u'aur.iit 
pu  réparer  les  désastres  et  préparer  les  uierveilles  du 
règne  de  Sésostris''  Avouons-le  :  soit  qu'on  cnviNage 
le  fond  même  du  récit  de  Moise  touchant  les  plaies 
d'Egypie,  soit  qu'on  le  considère  dans  ses  rapports 
avec  t'nibtoire  profane,  de  loutes  parts  il  est  hors  il'ul- 
teinte. 


4S05  PLA 

quo  l'esprit  de  Dieu  est  répandu  dans  toute 
la  nature.  Les  Pères  de  l'Eglise,  tous  plato- 
niciens et  imbus  de  ces  notions,  les  ont 
appliquées  à  ce  qui  est  dit  dans  IKvangilo, 
du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  et  du 
Vcrhi' qui  estappeléZ>«c«;coux  qui  s'assemblè- 
rent à  Nicée,  l'an  325,  consacrèrent  ces  mêmes 
idées  en  condamnant  Ariu-;  :  ainsi  se  sont  for- 
mésles  mystères  du  ciiristianisme  auxquels 
Jésus-Christ  ni  1  s  apôlres  n'ont  jamais  pensé. 

Ce  système,  ouplulût  CL>rève  dessociniens, 
a  été  soutenu  dans  un  livre  intitulé  le  Plato- 
nisme dévoilé  ;  il  a  été  embrassé  par  le  Clerc, 
dans  son  Art  critique,  ii"  j)arl.,  sect.  2,  n.  11; 
dans  les  prolégomènes  dcsonHistoirc  cédés., 
sect.  2,  c.  2,  et  dans  le  X'  tome  de  sa  Biblio- 
thèque universelle.  Pour  l'établir,  il  a  prodigué 
l'érudition,  les  conjectures,  les  soplnsmes,  et 
il  s'est  applaudi  plus  d'inic  l'ois  dece  travail. 
Le  P.  Baltus,  jésuite,  l'a  réfuté  dans  sa 
Défense  des  saints  Pères  accusés  de  platonisme, 
publiée  en  1711.  Heausobie  ,  Jurien  et  d'au- 
tres protestants  ont  formé  la  même  accusa- 
tion de platonisnw  coutie  lesanciens  docteurs 
de  l'Eglise;  Hrucker,  {\;\ns  son  Histoire  criti- 
que de  la  Pliilosopitie,  t.L  p.  657,  et  .Mosheim, 
dans  plusieurs  ouvrages  ,  l'ont  renouvelée  ; 
elle  est  devenue  une  espèce  de  dogme  parmi 
les  protestants  ,  et  les  incrédules  en  ont  fait 
un  de  leurs  articles  de  foi.  Pour  savoir  ;i  quoi 
nous  en  tenir  sur  cette  question,  nous  exa- 
minerons, 1"  quel  a  été  le  sentira^  nt  de  Pla- 
ton sur  la  nature  divine  et  sur  l'origine  des 
choses  ;  2°  si  le  P.  Baltus  a  réussi  ou  non 
cV  juslilier  les  Pères  contre  l'accusation  de 
platonisme  ;  3"  si  les  protestants,  et  surtout 
Mosheim,  sont  venus  à  bout  de  le  réfuter  ; 
4°  s'il  est  vrai  que  le  nouveau  w/o<oH/«we  des 
éclectiques  a  causé  dans  l'Eglise  autant  de 
troubles  que  ce  dernier  le  prétend. 

I.  Quelle  a  été  l'opinion  de  Platon,  tou- 
chant la  nature  divine  et  la  formation  du 
monde?  Les  critiques  anciens  et  modernes, 
qui  ont  le  plusétiuUé  la  doctrine d'  cephilo- 
sophe,  conviennent  qu'il  est  dil'licile  de  dé- 
couvrir ses  véritables  sentiments  au  milieu 
des  ténèbres  ilont  il  semble  avoir  all'ecté  de 
s'envelopper;  de  là  leurs  contradictions  fré- 
quentes sur  ce  sujet.  Après  avoir  lu  tout  ce 
que  Brucker  en  dit  dans  son  Hist.  critique 
(le  la  Pliilosophie,  on  n'en  sait  pas  plus  qu'a- 
près avoir  consuhé  Platon  lui-môme.  C'est 
surtout  dans  le  Tiinée  et  dans  le  su[)plément 
à  ce  dialogue  qu'il  a  parlé  de  Dieu  et  du 
monde  :  voici  à  peu  près  tout  ce  que  l'on  en 
peut  tirer.  —  1"  11  admet  un  Dieu  éternel, 
intelligent,  actif  et  puissant,  bon  et  bienfait 
saut  par  nature,  qui  est  l'auteur  du  monde, 
et  qui  l'a  fait  le  mieux  qu'il  a  été  possible. 
Nous  laissons  disputer  les  critiques  pour 
savoir  si  Platon  a  conçu  Dieu  comme  un  être 
purement  spirituel  ou  comme  ui.  esprit  mé- 
langé do  matière;  si,  selon  lui.  Dieu  a  for- 
mé le  monde  de  toute  éternité  ou  avec  le 
temps;  cette  contestation  nous  paraît  consis- 
ter dans  les  mots  plutôt  que  dansleschoses. 
—  2'  11  sujipose  une  matière  éternelle  comme 
Dieu,  douée  d'un  mouvement  confus  et  dé- 
réglé, et  que  Dieu  a  mise  eu  ordre  pourfabrir 


PLA 


loOG 


quer  le  monde;  conséquemment  il  n'admet 
point  de  création,  quoi([ue  ()lnsieuis  de  ses 
disciples  aient  soutenu  qu'il  attribuait  à 
Dieu  le  ])ouvoir  créateur.  ^  3°  11  a[i|(elle 
logos,  verbe  ou  parole,  l'intelligence,  la  rai- 
son, la  connaissance  avec  laquelle  Dieu  a 
fait  son  ouvrage;  mais  il  ne  regarde  |)oint 
cette  parole  mentale  conune  im  être  subsis- 
tant, connue  une  persoime;  il  n'y  a  rien  dans 
ses  ouvrages  qui  prouve  qu'il  en  a  eu  cette 
notion;  les  sociniens  en  imposent  quand  ils 
disent  le  contraire.  —  V  11  prétend  qu'en 
formant  le  monde.  Dieu  a  suivi  un  modèle, 
un  jilan,  une  idée  archétype  (pnluire])résen- 
tait  les  qualités,  les  proportions,  les  perfec- 
tions qu  il  a  mises  dans  son  ouvrage  et  dans 
chacune  de  ses  parties.  11  a  conçu  le  mudèle 
commcun  être  subsislant,  éternel,  immuab!o, 
il  l'appelie  nn  animal  ou  un  être  animé  éter- 
nel, scmpiternum  animal  ;  il  dit  que  Dieu  y 
a  rentlu  le  monde  conforme,  autant  qu'il  a 
pu.  Telles  sont  ces  idées  éternelles  de  Pla- 
ton, desquelles  on  a  tant  parlé  ;  il  concevait 
Dieu  agissant  à  la  manière  d'un  homme; 
mais  il  n'a  jamais  confondu  ce  modèle  avec 
le  logos.  —  5'  11  nomme  Dieu  le  Père  du 
monde,  elle  monde  le  Fils  unique  ou  pUd'it 
l'ouvrage  unique,  le  Dieu  engendré,  l'image  du 
Dieu  intelligible,  mais  il  n'a  jamais  donné  ces 
noms  ni  au  logos  ni  au  modèle  archétype 
du  monde.  Kemarque  essentielle  quo  la 
plupart  des  commentateurs  do  Pliton  n'ont 
|)as  faite  ;  ils  ont  confondu  le  logos  avec  co 
modèle,  quoique  Platon  les  distingue  très- 
clairement.  Ils  en  ont  conclu  que  ce  philo- 
sophe regardait  le  logos  comme  une  person- 
ne ;  qu'il  rai)pelait  Dieu  el  Fils  de  Dieu: 
double  erreur  (lui  n'a  aucun  fondement  dans 
les  écrits  de  Platon,  et  de  laquelle  les  soci- 
niens abusent  de  mauvaise  foi.  —  C  llsu[)- 
pose  que  Dieu  a  donné  au  monde  uneàme, 
et  qu'il  l'a  placée  dans  le  milieu  de  l'univers; 
consé((iiemment  il  appelle  le  monde  un 
animal  intelligent  ou  un  ét.'e  animé,  doué  (ie 
connaissance,  mais  il  ne  dit  jias  précisément 
où  Dieu  a  i)ris  cette  âme,  si  elle  est  sortie  de 
lui  par  émanation,  ou  s'il  l'a  tirée  du  sein  de 
la  matière  :  il  y  a  dans  le  l'imée  des  expri'S- 
sions  qui  lavorisent  l'un  et  l'autre  de  ces 
deux  sentiments  ;  mais  il  n'est  pas  vrai  que 
dans  aucun  endroit  il  ait  nommé  cette  ame 
VFsprit  de  Dieu,  il  l'envisageait  au  contraire 
comme  une  substance  mélangée  d'esprit 
i  et  lie  matière.  .\près  avoir  disiingué  la 
I  substance  indivisible  et  immuable  d'avec 
'celle  t[ui  se  divise  et  change  ,  il  ditquô 
'  Dieu  a  fait  par  un  mélange  une  trfiisiènie 
nature,  qui  est  moyenne  entre  les  deux,  et 
qui  pirticipe  à  la  nature  de  l'une  et  de  l'autre. 
—  7"  En  elfet,  il  faut  qu'd  l'ait  rej,ardée  com- 
me une  substance  divisible,  puisqu'il  prétend 
que  les  astres  et  tous  les  globes ,  sans  en 
excepter  la  terre,  sont  autant  d'êtres  animés, 
vivants  et  intelligents,  dont  les;'.mes  sont  des 
parties  détachées  de  la  grande  ;\me  du  monde. 
Conséquement  il  api)elle  tous  ces  grands 
corps  tes  animaux  divins,  les  dieux  célestes, 
les'dieux  visibles;  il  dit  que  la  terre  est  le 
premier  et  le  plus    ancim  des  dieux  qui  sont 


1S07 


PLà 


dans  l'enceinte  du  ciel,  que  Dieu  est  l'artisan 
et  le  père  de  tous  ces  dieux.  —  8°  Ces  dieux 
visiiiles,  dit-il,  eu  ont  eugenJré  d'autres  qui 
sont  invisibles,  mais  qui  peuvent  se  faire  voir 
quand  il  leur  plaît;  ces  derniers,  phts/cwnes 
que  les  [)reaners,  soni  la  troupe  îles  déuions 
eu  d  -s  génies  que  les  peuples  a  loraient  sous 
les  noms  de  Saturne,  de  Juplt-  r,  de  Vénus, 
etc.  Quoique  nous  ne  puissions,  continue- 
t-il,  ni  concevoir  ni  expliquer  leur  n;iissanee, 
et  quoiqu  ce  que  l'on  en  rap.uorte  no  soit 
fondé  sur  aucune  raison  certaine  ni  probaijle, 
il  faut  cependant  en  croire  les  auciens  (]ui 
se  sont  dits  enfants  des  dieux,  et  qui  devaient 
connaître  leurs  parents,  et  nous  devons  y 
ajouter  foi,  selon  les  lois.  Ainsi,  par  respect 
pour  les  lois,  Platon  donne  la  sanction  à  la 
théogonie  d'Hésiode  et  des  autres  mytholo- 
gues, quoique  dans  d'autres  endroits  il  fisse 
profession  do  méitriser  les  fables.  — 9"  C'est 
a  ces  dieux  de  nouvelle  date,  que  Dieu,  pt-re 
de  l'univers,  a  donné  la  commission  de  fa- 
briquer les  hommes  et  les  animaux.  Platon 
rapporte  gravement  le  discours  que  Dieu 
leur  adresse  à  ce  sujet,  et  remi)ereur  Julien 
l'a  répété  comme  un  oiacle  ;  mais  ces  ou- 
vriers étant  mcapables  de  forger  des  âmes. 
Dieu  a  i)ris  le  soin  de  leur  en  fournir,  en 
détachant  des  parcelles  de  l'àme  des  astres, 
6t  de  là  sont  ven.ies  les  cimes  des  hommes 
et  des  animaux.  Néanmoins  dans  un  endroit 
du  Timée,  Platon  dit  (jne  Dieu,  pour  former 
les  âmes  h juiaiiies,  a  pétri  les  restes  de  la 
grandeâme  du  monde,  dansle  môme  vase  dans 
lequel  il  avaitformécelle-ci.  C'est  une  allégo- 
rie, disent  ses  commentateurs  ;  il  ne  faut  pas 
la  prendre  à  l;i  lettre  :  nous  y  consentons. 

il  se' ait  inutile 'le  pousser  jilus  loni  le  dé- 
tail des  visions  de  Platon;  ce  qu'il  ajoute  sur 
la  préexistence  des  âmes  humaines,  sur  leur 
fransmigiation  après  la  mort  des  corps,  sur 
le  sort  éternel  des  justes  et  des  méchants, 
est  aussi  absurde  que  tout  ce  qui  a  précédé. 
Ce  n'est  pas  sans  raison  qu'en  commençant 
son  dialogue,  Platon  avait  exhorté  ses  .ludi- 
teurs  à  invoquer  avec  lui  l'existence  divine, 
afin  de  [louvoir  parler  de  Dieu  et  du  inonde, 
et  à  se  souvenir  qu'il  ne  lui  était  pas  possi- 
ble d'en  rien  dire  de  plus  certain  que  ce 
qu'en  avaient  débité  les  autres  [)hilosoi)lies. 
Cet  aveu  modeste  est  remarquable,  mais  le 
succès  de  son  travail  prouve  que  sa  prière 
ne  fut  pas  ex.iucée.  Nous  ne  serons  donc  fias 
surp  is  de  voir  les  Pères  de  l'Eglise  mépriser 
et  tourner  en  ridicule  les  rêves  de  ce  grand 
génie,  que  Cicéron  n'hésitait  pas  d'apjieler 
le  dieu  des  philosophes.  Mais  nous  ne  j)0u- 
vons  as>ez  nous  étonner  de  l'obstiuatiou  des 
sociniens  et  des  protestants  h  soutenir  que 
les  Pères  de  l'Eglise  ont  puisé  dans  ce  chaos 
les  notions  quils  ont  eues  du  Verbe  div.n 
et  des  trois  Personnes  de  la  sainte  Trinité. 
On  n'a  q.'à  jeter  un  moment  les  yeux  sur 
nos  Evangiles,  sur  ce  que  saint  Jean  dans 
son  premier  cliaj)itre,  et  saint  Paul  dans  ses 
lettres,  ont  enseigné  touchant  ce  mystère  ; 
on  verra  si  les  Pères,  après  avoir  reçu  ces 
divines  leçons,  ont  encore  pu  être  tentés 
de  conserver  aucun  reste  de  vlatonisme;  mais 


PÏk  1S03 

nous  allons  apporter  aes  preuves  positives 
du  contraire. 

II.  La  défense  des  saints  Pères  accusés  de 
platonisme,  composée  par  le  P.  Bnltus,  est- 
elle  solide  ou  insuffisante?  On  conçoit  que 
cet  ouvra,j,cne  pouvait  être  ap[)rouvé  par  les 
protestants,  ennemis  déclarés  des  Pères;  il 
est  écri  ,  dit  Mosh-im,  avec  plus  d'érudition 
que  d'exactitude.  H  fallait  donc  montrer  en 
quoi  l'auteur  n'a  pas  été  exact.  Nous  soute- 
nons qu'il  l'a  été  plus  que  ses  advrrsaires  ; 
ceux-ci  n'ont  allégué  que  des  con  ectures, 
et  il  leur  oppose  des  prfuves  positives  :  les 
voici  en  abrégé.  —  1°  Les  Pères,  loin  d'avoir 
et'  prévenus  en  faveur  de  la  (ihilosojdiie 
paiemie  en  général,  l'ont  regirdée  connue 
fausse  et  trompeuse,  parce  qu'elle  a  é'é  le 
fondement  du  polythéisme  et  de  l'idolutrie, 
et  (|ue  les  philosophes,  au  lieu  de  corriger 
les  hommes  de  cette  erreur,  ont  tr.ivailié  à 
la  perpétuer;  nous  venons  de  voir  que  c'a 
été  le  crime  de  Platon  en  [larticidler.  Les 
Pères  ont  protesté  qu'en  se  faisant  chrétiens 
ils  avaient  renoncé  à  la  philosophie  des 
Grecs,  pour  embrasser  celle  des  écrivains 
sacrés  q'ie  les  Grecs  ont  nommés  barbares. 
—  2°  Loin  d'avoir  été  plus  attachés  à  la  doc- 
trine de  Platon  qu'à  C'  lie  des  autres  écoles, 
les  Pères  l'ont  atia  piée  et  combattue  par  pré- 
férence, à  cause  de  la  haute  Ojiinion  que  les 
païens  avaient  des  lumières  et  de  la  sag  'Sse 
de  cephiloso;die.  Il  n'en  est  aucun  cluquel 
les  Pèns  aiiuit  dit  plus  de  m  :1,  et  auquel  ils 
aient  repioché  autant  d'erreurs.  Ils  ont  re- 
gardé ses  écrits  comme  la  source  des  égare- 
ments de  tous  les  anci"ns  hérétiques.  —  3° 
Au  lieu  d'avoir  emprunté  de  lui  aucun  dog- 
me théulo.-ique,  ils  ont  altiqué  même  ses 
opinions  purement  philosophiqui'S  touchant 
l'éternité  de  la  matière,  la  f  irmaiion  du  mon- 
de, la  nature  et  la  destinée  de  l'âme,  etc.,  et 
ils  en  ont  démontré  la  fausseté.  —  i°  C'est 
principalement  sur  la  nature,  les  attributs, 
tes  opérations  de  Dieu,  que  les  Pères  ont 
reproché  à  Platon  les  erreurs  les  plus  gros- 
sières; comment  donc  auraient-ils  pu  em- 
prunter de  lui  les  notions  de  la  Trinité  ?  Nous 
verrons  ailleurs  que  la  prétendue  Trinité 
platonique  n'a  rien  de  commun  avec  celle 
que  nous  croyons  ;  que  la  première  est  l'ou- 
vrage non  de  Platon,  mais  des  nouveaux 
platoniciens.  Voy.  Tbimté.  —  5"  Les  Pères 
ont  accusé  Platon  d'avoir  pris  dans  Moise 
ou  chez  les  Juifs  ce  qu'il  a  dit  de  raisonnable 
touchinit  la  Divinité,  mais  de  l'avoir  gâté  et 
corrompu  par  ses  propres  imaginations  ;  il 
est  donc  absurde  de  [lenser  qu'à  leur  tour 
ils  en  ont  fait  un  mélange  ave^;  la  doctrine 
des  livres  samts.  —  6°  L'un  des  articles  fon- 
damentaux d  ■  la  philosopliie  de  Platon  était, 
suivant  ses  propres  disciples,  que  les  êtres 
spirituels  et  intelligents  svA  sortis  de  Dieu 
par  émanation,  quoiqu  il  ne  le  dis"  pas  posi- 
tivement ;  les  Pères,  au  contraire,  ont  sou- 
tenu que  tous  les  êtres  distingués  de  Dieu 
ont  reçu  l'existence  par  création,  d^gme  qui 
sape  par  le  iondemcnt  tout  1  •  s,>stèiue  P'dlo- 
sophiqic.  Voy.^  EM,4.>Anoîi._  Le  P.  ISaltus 
a  prouvé  tous  eps  faits  pair  les  pàsïogr s  les 


1S09  PLÀ 

plus  formels  des  Pères  qui  ont  v(''cu  dans  les 
cinq  premiers  siècles.  —  7°  Dans  un  mo- 
ment nous  verrons  d'Iinbilos  protestants  sou- 
tenir que  les  Pères  de  rEi,lise  ont  éié  éclecti- 
ques, c'es!-à->iire  qu'ils  ont  i'ait  pi'oftvssionde 
n'être  attach(^s  àaucur.e  secte  narticulièn'  de 
philosop'iie;  donc  il  n'est  fias  vrai  qu'ils 
aient  616  platoniciens  pluti'itque  stoïc  cnsou 
pytlia^iorieiens. 

Ces  raisons  nous  naraissent  plus  que  suf- 
fisantes pour  éi-aiter  de  fous  les  Pères  en 
général  raecusalioa  de  platonisme  ;  mais  il 
en  est  d'autres  qui  regardent  parliculière- 
nioiit  les  Pères  îles  ti'ois  preui'ers  sièeles. 
D'aijord  il  faut  eil'aecr  du  nombre  des  plato- 
niciens les  Pères  a|)0st!ili(pjes,  puisque,  sid- 
vant  nos  adversaires  mêmes,  ces  saints  hom- 
mes n'ont  été  ni  éliquent>,  ni  savanls,  ni 
philosophes,  non  plus  ([ue  les  apôtres  leurs 
niaitrcs  :  cependant  ils  ont  distingué  trois 
Personnes  en  Dieu.  Pour  1  urs  successeurs, 
on  est  forcé  de  convenir  qu'ils  é. aient  let;rés 
et  instruits.  Or,  en  premier  lieu,  h-s  Pères 
disputant  contre  le.->  paiens,  pour  leur  prou- 
ver l'unité  do  Dieu,  ont  .djégu'  l'opinion  de 
Platon,  qui  n'admettait  qu'un  seul  Dieu, 
mais  lis  ont  ajouté  que  ce  pliilosop\e  s'est 
contredit  et  a  méconnu  la  vé  ilé,  en  adnjet- 
tant  des  dieux  secondaires.  Si  quel(ju;s-uns 
disent  qu'il  a  [larlé  du  Verbe  divin,  i  s  ajou- 
tent (pi'il  n'a  pas  i)u  le  bien  coni.aitre,  parce 
que  cete  connaissance  ne  peut  ètie  acquise 
que  par  la  révélation  ;  nous  cite  0:'s  ci- 
après  leui's  propres  parties.  Kn  secon  lieu, 
plusieurs  des  Pères  ont  soutenu  qu'Arii.s  et 
ses  jjartisans  avaient  pris  dans  Phdou  leur 
erreur  opposée  à  la  (ii^initédu  Verl.e  ;  c(jiu- 
innit  nous  persuatler  que  c'a  été  au  contraire 
le  crime  de  ccu\  qui  ont  condamné  ces  hé- 
rétiques ?  En  troisième  liiu.  Le  (Jlerc  dit  que 
les  Pères  se  sont  trompés  en  cro.tant  voir 
dans  Platon  la  Trinité  telle  (jue  nous  l'admet- 
tons, que  sur  ce  point  la  doctrine  du  philo- 
so(iiie  est  très-uilVérente  de  celle  de  J'Jicri- 
ture  sainte  ;  nous  avouons  qu'elle  est  très- 
dill'érenle,  mais  il  est  faux  i;ue  les  Pères  y 
aient  été  trompés;  nous  ferons  vi  ir  le  con- 
traire. En  quairiinie  lieu,  (pioi  qu'en  disent 
les  sociniens,  !a  foi  chrétienne  toucliant  la 
Personne  du  Verbe,  sa  coéternilé  avec  le 
Père,  et  sa  divinité,  est  enseignée  plus  clai- 
remrnt  dans  rEvangile  de  saint  Jean  que 
dans  Platon;  doi.c  les  Pères  ont  pris  cette 
doi.lrine  dans    l'évangélistc  et  non  dan>    le 

rlulosopiie.  11  esi  absurde  de  supijoser  qu'ils 
ont  puisée  daris  une  source  très- trou- 
Lie  plutôt  que  dans  une  eau  très-clair.,'.  Le 
Clerc,  dans  son  commentaire  sur  h;  piemiT 
chaiiitre  de  saint  Jean,  avait  avancé  que  et 
ai)àtre  avait  dans  1'.  sprit  lesidées  platoniques 
de  Piiilon.  Les  incrcdiles,  qui  enchérissent 
toujours  sur  ks  protestants,  ont  dit  que  le 
commencement  de  l'Evangile  de  saii.t  Jean 
a  été  évidemment  écrit  j  ar  un  [)]alonici(u  ; 
ainsi  les  accusations  des  iirote;tanls  con;re 
les  Pères  retombent  toujours  sur  les  écii- 
vains  saciés. 

Pour  justilier  pleinement  les  Pères  du  W 
et  du  ni'   siècle,  le   P.  Battus  ne  s'est  pas 


PLA 


is:o 


'  borné  h  des  raisons  générales  ;  il  prouve  la 
fausseté  do  l'accusation  à  l'égard  de  c'iacun 
en  ])arti;  u'ier.  Ces  Pères  sont  saint  Justin, 
Tatien,  Athénagor^,  Hermias,  saint  Théo- 
plule  d'Anlioche,  saint  Irénéi',  Clément  d'A- 
lexandrie, Ti'rtullien  et  Origène. 

Or,  saint  Justiu,  ijui  avait  été  platonicien 
avant  sa  conversion,  ne  l'était  iilus  après 
son  baptême;  il  ne  connaissait  plus  d'autre 
philosophie  ciue  celle  des  livres  sa  nts  :  il  In 
déclare,  Diulog.  cum  Triph.,  n.  7  et  8.  11 
soutient  que  Platon  ni  Arislote  n'ont  pas 
été  capables  de  nous  ex[>liquer  les  choses 
du  ciel,  puisqu'ils  ne  connaissaient  pas  seu- 
1  nient  celles  d'ici-bas,  qu'ils  ne  se  sont  ja- 
mais accordés  sur  l'origine  et  sur  les  prin- 
cipes des  ciiosis;  Cohort.  ad  (rrœros,  n.  6, 
7  et  8.  il  p'.'nse  quePl.iton  a  pris  dans  Mo'ise 
ceiiu'il  a  dit  d.i  Dieu  suprême,  du  Verbe  et 
de  l'Esprit  de  Dieu,  mais  qu'il  l'a  mal  en- 
tendu. «  Nous  ne  pensons  donc  pas  comme 
les  pliiloso[)!ies,  ajoute  saint  Ji;stin  ;  ce  sont 
eux  qui  copient  ce  que  nous  disons.  Chez 
no.is  les  ignorants  mèm 'S  connaissent  la 
vérité,  preuve  qu'elle  ne  vient  pas  de  la  sa- 
g  sse  humaine ,  mais  de  la  n  lissance  de 
Dieu.  »  Apol.  1,  n.  60.  Est-ce  là  faire  beau- 
00  -p  de  cas  des  idées  de  Platon?  —  Tatien 
commince  son  discours  contre  les  Grecs  par 
tourner  en  ridicule  h  s  philosophes,  leur 
doctrine,  leurs  contradict.ons ,  leur  igno- 
rance ;  il  n'éj  argne  ;  as  plus  Platon  que  les 
autres;  en  parlant  du  Verbe  div:n,  de  sa 
généiaiion  élornelle,  de  la  création  tlu  inonde 
qu'il  n  opérée,  Tatien  ne  montre  |ias  le 
moindre  soupçon  qu'il  y  eu  ait  rien  dans 
Platon.  Contra  Grœc.  Orat.,  n.  2,  5.  11  dé- 
clare qu'il  a  renoncé  h  toute  la  philosophie 
des  Grecs  et  des  Romains  et  à  toutes  leurs 
opinions,  pour  embrasser  celle  do  christia- 
nisme, n.  3o.  —  Athénagore,  Légat,  pro 
Christ.,  n  6  et  7,  reconhail  que  Platon  a 
cru  l'existence  d'un  seul  Dieu  formatijur  du 
monde,  mais  d  ne  lui  attribue  jioint  la  con- 
naissance du  Verbe  créateur.  11  .It  que  les 
{philosophes  n'ont  pas  eu  assez  de  lumières 
pour  trouver  la  vérité  touchant  la  nature  di- 
vine, parce  qu'ils  n'étaient  pas  éclairés  par 
l'esprit  de  Dieu.  Le  discours  d'Hermias 
n'est  qu'une  dénsion  des  philosophes  païens, 
et  Pliton  n'y  est  pas  plus  éjiargné  que  les 
aidres;  Hermiœ  irrisio  (jcntilium  pUiloso- 
pltorunt.  Saint  T  éOidiile  d'Ant  ocîie,  1.  ii, 
ad  Autotijc,  n.  It-,  9  et  10,  leur  rcjiroche 
l'oppusit  on  qui  se  t. cuve  entre  leurs  divei'S 
seniimen's,  les  erreurs  qu'ils  ont  mêlées 
avec  les  vérités  ;  il  soutient  que  les  prophè- 
tes seuls  ont  connu  le  Verbe  divin,  créateur 
et  gouverneur  du  monde. — Saint  Irénée, 
adv.  Uœr.,  1.  ii,  c.  14-,  n.  1  et  3,  dit  que  les 
valentiniens  ont  pris  de  coté  et  d'autre  chez 
les  philosophes  qui  ne  connais-aieut  pas 
Dieu,  et  nommément  dans  Plal^ni,  trmtes 
leurs  erreurs.  Aucun  des  Pères  n'a  iiroft-ssé 
p!u3  clairement  la  cocternité  et  la  coégjjité 
des  trois  Peisonnes  eivines  ;  mais  il  avertit 
qu'aucun  homme  ne  peut  connaître  Dieu  le 
Père  ni  son  Veriie  que  par  une  révélation 
formelle,  1.  n,  c.  20,  u.  'i^  et  3.  11  était  dong 


ISH 


PLA 


PLA 


1512 


bien  éloigné  d'attribuer  cette  connaissance 
à  Platon.  —  Clément  ii'Alexand:ie  est  celui 
des  anciens  que  Le  Clerc  a  calomnié  avec 
le  plus  de  hardiesse  ;  il  dit  que  ce  Père  était, 
non  pas  platonicien,  mais  éclectique  ;  qu'il 
prenait  de  tontes  les  sectes  ce  qu'il  jugeait 
a  propos,  qu'il  transcrivait  tous  les  dogmes 
des  pliilosoplies  qui  lui  paraissaient  avoir 
quelque  raj^porl  avec  la  doctrine  chrétienne. 
De  là  il  prend  occasion  pour  accuser  Clé- 
ment d'avoir  mêlé  à  la  théologie  toutes  les 
opinions  de  la  philosophie  païenne  ;  mais 
transcrire  des  dogmes  ou  des  opinions,  ce 
n'est  pas  les  adopter  ;  autrement  il  faudrait 
encore  attribuer  à  ce  même  Père  toutes 
les  contradictions  des  anciens  philosophes, 
puisqu'il  les  rapporte.  La  seule  raison  sur 
Ia(iuclle  Le  Clerc  fonde  son  accusition,  c'est 
que  Clément  cite  les  dogmes  des  différentes 
sectes  sans  les  réfuter  et  sans  les  blAmer  ; 
il  croit  même  que  la  plupart  ne  sont  fondés" 
que  sur  des  passages  de  l'Ecriture  sainte 
mal  entendus.  Donc  ce  Père  a  jugé  fausses 
toutes  ces  opinions,  puisqu'il  ne  les  a  crues 
fondées  que  sur  un  malentendu.  Il  les  a 
suOisamraeut  réfutées  d'ailleurs,  lorsqu'il  a 
fait  profession  de  ne  reconnaître  pour  vraie 
philosophie  que  celle  qui  a  été  enseignée 
par  Jésus-Christ,  ni  pour  philosophes  sensés 
que  ceux  qui  ont  été  inspirés  de  Dieu, 
Strom.,  1.  VI,  c.  7,  etc.  ;  1.  v,  c.  14,  pro.  730, 
il  dit  que  les  Grecs  ne  connaissent  ni  com- 
ment Dieu  est  Seigneur,  ni  comment  il  est 
Père  et  Créateur,  ni  l'économie  des  autres  vé- 
rités, à  moins  qu'il 3  ne  les  aient  apprises 
de  la  vérité  môme.  Si  l'on  veut  savoir  ce 
que  pensait  TertuUien  touchant  les  philoso- 

f)hes  païens  et  leur  ductrine,  on  n'a  qu'à 
ire  les  premiers  chapitres  de  ses  Prescri- 
plions  contre  les  hérétiques;  il  y  soutient 
que  toutes  les  hérésies  viennent  des  diffé- 
rentes sectes  de  philosophie,  et  en  particu- 
lier de  Platon  ;  il  se  moque  de  ceux  qui  ont 
forgé  un  christianisme  stoïque  ou  platoni- 
que ;  il  ne  veut  pas  qu'il  y  ait  rien  de  com- 
mun entre  l'Eglise  et  l'académie,  etc.  — 
Origène ,  moins  circonspect ,  a  donné  lieu 
à  des  plaintes  mieux  tVin  'ées,  puisque  les 
autres  Pères  de  l'Eglise  lui  ont  reproché  son 
goût  excessif  pour  l'étude  de  la  philosophie;  / 
il  en  est  convenu  lui-même,  et  il  en  a  donné  de' 
bonnes  raisons.  Op.  tom.  1,  pag.  k  ;  aussi  l'on  est 
déjà  obligé  de  reconnaitre  qu'il  fut  éclectique 
et  non  platonicien,  qu'il  recommandait  à  ses 
élèves  de  ne  s'attacher  à  aucune  secte  de 
philosophie,  mais  de  chercher  parmi  toutes 
les  0|)inions  celles  qui  ])araissaient  les  plus 
vraies  ;  Origenian.  2,  cap.  1,  n.  k.  On  no 
doit  donc  [las  s'en  rapporter  au  sentiment 
du  savant  Hu(>t,  qui  accuse  Origène  d'avoir 
voulu  assujettir  les  dogmes  du  christianisrao 
aux  opinions  de  Platon,  au  lieu  de  fiiire  le 
contraire,  ihid.  A  la  vérité,  en  i  crivant  con- 
tre Celse,  1.  VI,  n.  8,  il  dit  que  Platon  a 
parlé  du  Fils  de  Dieu  dans  le  premier  livre 
des  Principes,  ch.  3  ;  il  dit  que  les  philoso- 
phes ont  eu  quelque  notion  du  Verbe  de 
Dieu  ;  mais  en  môme  temps  il  ajoute  que 
personne  ne  peut  en  discourir  d'une  ma- 


nière conforme  à  la  vérité,  que  ceux  qui  ont 
été  instruits  par  la  révélation,  par  les  pru- 
'jihètes,  pai-  les  apôtres  et  les  évangélistes  : 
or  il  n'a  certainement  pas  accordé  ce  privi- 
lège à  Platon.  En  expliquant  les  premiers 
versets  de  l'Evangile  de  saint  Jean,  où  il  est 
question  du  Verbe  divin,  il  ne  s'est  pas  avisé 
de  citer  en  rien  le  sentiment  dt^  ce  philoso- 
p!ie.  Uieii  n'est  donc  plus  mal  fondé  ni  plus 
injuste  que  l'accusation  de  platonisme  forgé 
au  hasard  contre  les  Pèi  es  des  trois  premiers 
siècles  ;  elle  est  encore  absurde  qumd  elle 
tombe  sur  les  Pères  postérieurs  au  concile 
de  Nicée,  tels  que  Lactance,  Eusèbe,  saint 
Augustin;  le  P.  B;iltus  en  a  pleinement  jus- 
tifié ce  saint  docteur  en  particulier  :  quel- 
ques louanges  données  à  PJaton  par  les  Pè- 
res ne  suffisent  pas  pour  les 'placer  au  rang 
de  ses  disciples. 

in.  Les  protestants  ont-ils  opposé  quelques 
raisons  solides  aux  preuves  du  P.  Daltus  ? 
Mosheim,  non  moins  prévenu  contre  les  Pères 
que  Le  Clerc,  a  changé  l'état  de  la  question. 
11  ne  s'agit  pas,  dit-il,  de  savoir  si  les  Pères 
ont  embrassé  toute  la  philosophie  de  Platon, 
jamais  personne  ne  l'a  prétendu,  mais  de 
savoir  s'ils  n'en  ont  pas  emprunté  plu- 
sieurs choses  :  or  on  ne  peut  pas  le  nier,  puis- 
que les  Pères  ont  suivi  les  opinions  des 
éclectiques ,  et  que  ceux-ci  avaient  adopté 
une  partie  de  la  doctrine  de  Platon  ;  c'est 
pour  cela  même  çju'ils  ont  été  appelés  les 
nouveaux  platoniciens.  Mais  il  ne  sert  à  rien 
de  dire  au  iiasard  que  les  Pères  ont  pris  de 
Platon  plusieurs  choses,  si  1  on  ne  nous  mon- 
tre précisément  ce  qu'ils  ont  pris  ;  en  atten- 
dant qu'on  nous  le  fasse  voir,  nous  nions 
cet  emprunt,  pour  les  raisons  que  nous 
avons  apportées  ci-dessus.  Lorsqu'un  dog- 
me quelconque  est  enseigné  dans  i  Ecriture 
sainte,  il  est  absurde  de  prétendre  que  les 
Pères  l'ont  reçu  de  Platon,  et  non  des  écri- 
vains sacrés,  pendant  que  ces  saints  doc- 
teurs |irotesient  le  contraire.  11  est  évident 
que  la  question  entre  Le  Clerc  et  le  P. 
Daltus  était  de  savoir  si  les  Pères  ont  em- 
prunté de  Platon  les  notions  qu'ils  ont  eues 
di  s  trois  Personnes  divines  et  du  mystère 
de  la  sainte  Trinité  ;  nous  avons  fait  voir 
qu'il  n'en  est  rien  :  donc  l'accusateur  des 
Pères  est  pleinement  confondu.  Alosheim 
devait  faire  attention  qu'en  persistant  à  sou- 
tenir que  les  Pères  ont  emprunté  de  Platon 
plusieurs  choses,  il  uoniie  toujours  lieu  aux 
sociniens  de  dire  que  lesPèrcsoiit  pris  dans  ce 
philosophe  ce  qu'il  ont  dit  du  Verbe  divin  et 
du  myslèro  de  la  sainte  Trinité  ;  mais  ce 
critique  |)araît  plus  ami  des  sociniens  que 
des  Pères.  Drucker  a  poussé  l'entêtement 
encore  plus  loin  que  lui,  il  a  traité  le  P. 
Baltiis  avec  une  hauteur  et  un  mépris  into- 
lérables ,  Ilist.  crit.  philos.,  tom.  III,  pag. 
272,  396,  etc.  Il  reste  à  savoir  si  les  Pères 
ont  véritablement  embrassé  le  système  des 
éclec.iques,  en  quel  sens  et  jusqu'à  quel 
point  ils  l'ont  suivi  :  cette  discussion  sera 
plus  longue  que  nous  ne  voudrions. 

I>'éclei:tisme,  dit  Mosheim,  eut  pour  auteur 
Ammonius  Saccas,  qui  enseignait  dans  l'é- 


1515  PLÀ. 

Cille  d'A-loxandrie  sur  I.t  fin  du  ii"  sièclo.  Por- 
phyre l'accuse  d'avoir  aposlasio  ,  Eusôbe 
soùtii'iit  qu'il  vécut  et  mourut  clirélien.  Pour 
concilier  ces  deux  sentiments,  d'autres  ont 
distingué  deux  Ammonius,  l'un  païen  et 
î'aulre  chrétien  :  nous  verrons  dans  un  mo- 
ment si  Mosheim  a  eu  raison  de  préférer 
l'opinion  de  Porphre,  apostat  lui-môme,  à 
celUi  d.'Kusèhe.  11  nous  paraît  que  Celse  fai- 
sait di'jh  profession  de  l'éclectisme  lonp,- 
temjts  avant  Aunnonius.  Quoi  qu'il  en  soil, 
le  système  des  éclectiques  était  (pi'il  ne  faut 
s'ntiaclier  à  aucune  secte  particulière  de 
philosophie,  ma^s  choisir  dans  les  ddVéren- 
tes  éc(3les  les  O|iiiiions  qui  paraissent  les 
plus  viviies.  Leur  dessein  était  iion-^CLde- 
mcnt  de  concilier  les  dogmes  de  la  iihiloso- 
phi(;  avec  ceux  du  christianisme,  i^ii  les  rap- 
prochant et  en  les  corrigeant  l'iui  par  l'antre, 
mais  encore  de  persuader  que  hs  christia- 
nisme n'enseignait  rien  de  plus  que  les  iihi- 
loso|ilies  ;  (jue  ceux-ci  avaient  découvert  les 
mêmes  vérités  que  Jésus-Christ,  mais  ([ue 
ses  disciples  les  avaient  mal  entendues  et 
mal  cxpliciuées.  Ce  projet  [lerfide  ne  temlait 
pas  à  m(jins  qu'à  mettre  les  dogmes  révélés 
dans  l'Kvangilo  au  niveau  des  oninions  l.u- 
iiiaines,  et  h  laisser  aux  hommes  la  liiierté 
d'en  prendre  ou  d'en  rejeter  ce  qu'ils  ju- 
geraient à  propos.  11  est  aisé  de  concevoir 
les  suites  funestes  que  dut  avoir  une  doc- 
trine aussi  insidieuse;  Aîoshcim  a  eu  grand 
soin  de  les  développi'r  et  de  les  exagérer, 
("est  ce  qu'il  a  fait  non-seulement  dans  son 
Hist.  crclés.  (la  u'  siècle,  u'  \  ait.,  cap.  1, 
§  \  et  suivants,  mais  surtout  dais  une  dis- 
sertation sur  le  trouble  ipie  les  nouveaux 
lilatoniciens  ont  causé  dans  l'Eglisi'  ;  De  tiir- 
batn  j)cr  rrcentiures  Platoniros  l'JccIrsin.  C'est 
une  de  celles  qu'il  aie  plus  travaillées,  et  où 
il  a  étalé  le  plus  d'érudiiion  ;  d  serait  à  sou- 
haiter qu'il  y  ei'it  nus  autant  de  bonne  foi. 
Brucker,  dans  son  Hist.  crit.  de  la  Philoso- 
phie, t.  Il,  pag<'  .'i87,  n'a  pas  man((ué  d'adop- 
ter presijue  toutes  les  idées  de  Mosheim  ;  il 
a  été  réfuté  en  détail  par  l'auteur  de  Vllis- 
toirc.  (le  récleclisme,  en  2  vol.,  cjui  a  paru  en 
1766.  Voy.  Eclectisme. 

Mosheim  nous  jiaraît  d'abord  injuste  à 
l'égard  d'Aramonius,  en  l'accusant,  sur  la 
parole  de  Porphyre ,  d'avoir  renoncé  au 
chrisliainsme,  et  d'avoir  été  l'auteur  du  Sys- 
tem ■  malicieux  des  éclecti(pies.  «  Porphyre 
(dit-il)  devait  mieux  connaître  Ammonius 
qu(!  Eusébe.  »  Mais  Eusébe  ne  se  contente 
pas  d'allirmerque  Ammonius  vécut  et  moui'ut 
chrétien,  il  h-  prouve  par  les  ouvrages  (jue 
ce  ]ihilosophe  avait  laissés.  Por[ihyre  a  crr- 
taiiu'menl  calounué  Ori^ène,  en  disant  qu'il 
était  né  et  qu'il  avait  été  élevé  lians  le  p;;- 
ganisme  ;  il  est  constant  que  ses  parents 
étaient  chrétiens,  et  q  e  Léonide  son  père 
fut  martyr  de  la  toi  c  jrétienne;  U  ne  serait 
donc  pas  étonnant  (pie  Porphyre  etit  aussi 
caloiun  é  Ammonius,  en  disant  qu'il  em- 
brassa le  paganisme  dès  cjue  l'âge  l'eut 
rendu  sage;  Eusèbe,  Hist.  eccle's.,  I.  vi,  e. 
19.  «  H  n'est  pas  probaide,  dit  Mosiicini, 
qu'un  chrétien  siiicère  et  constant  ait  fondé 

DlCTl(»>.    DE    TuÉOL.    UOGMATIOl'E.    III. 


RA 


VAi 


une  secte  aussi  ennemie  du  cliristiains!i!<f 
que  l'étaient  les  éclectiques,  ni  que  ceux-ci 
aient  voulu  le  reconnai'tre  j)oui'  maître.  » 
Soit  :  d'autre  part,  si  Aunnonius  avait  été 
apostat  et  ennemi  déclaré  du  christianisme, 
est-il  probable  (|ue  Origène  et  Clé;uent  d'A- 
lexandrie, chrétiens  très-zélés,  eussent  voulu 
être  ses  disciples  ".'  Or,  l'on  suppose  que  ces 
deux  Pères  ont  eu  jiour  maître  Ammonius, 
quoique  cela  ne  soit  prouvé  que  par  la 
narration  de  Porphyre.  Nous  sommes  donc 
forcés  par  l'évidence  de  distinguer  deux  sor- 
tes d'éclectimies,  que  Mosheim  a  mali(  ieu- 
scment  coniondus.  Les  premiers  se  bor- 
naient à  penser  que,  pour  convertir  les 
païens  lettrés  et  entêtés  de  iihilosophie,  et 
pour  combaltre  avec  avanta:-:;e  les  hérétiques 
ipii  se  donnaient  pour  [)hdosophes,  il  était 
utile  de  connaître  les  sentiments  des  dilfé- 
rentes  sectes  de  philosophie,  de  ne  s'atta- 
cher à  aucune,  de  choisir  dans  chacune  les 
opinions  qui  paraissaient  les  plus  vraies,  et 
de  montrer  que  ces  vérités  n'étaient  |:oint 
contraires  aux  dogmes  du  c'nistianisme  ; 
que  par  conséquent  l'on  iiouvait  être  bon 
chrétien  sans  cesser  d'être  philosophe.  Tel 
fut  l'éclectisme  de  Pantène,  de  Clément  d'A- 
loxan  Irie,  d'Origènc  et  d'autres  Pères  ;  nous 
soutenons  que  ce  système  n'a  rien  de  blâ- 
mable; que  loin  d'avoir  éW'.  pernicieux  h  la 
religion,  il  lui  a  été  très-utiliN  et  qu'il  a 
contribué  en  elfet  à  réfuter  les  hérétiques  et 
h  convertir  plusieurs  i  ommes  instruits.  Voy. 
Philosophe  ,  Philosophie.  L'autre  espèce 
d'éclectiques  étaient  ces  philosopiies  mali- 
cieux et  fourbes,  qui,  pour  anèter  les  pro- 
grès du  christianisme,  s'a'tachèrent  à  choi- 
sir dans  les  ditl'érentes  écoles  de  phi'osophie 
les  opinions  ip.ii,  à  force  de  [lalliaiifs,  pou- 
vaient ressemhler  en  ajiparence  aux  dogmes 
du  christianisme,  alin  de  pei'suader  aux  es- 
[irits  superliciels  que  les  [ihilosophes  avaient 
aussi  bien  découvert  la  vérité  que  Jésus- 
Christ  lui-même;  qu'il  n'y  avait  aucune  iié- 
cessi.é  de  renoncer  à  leur  doctrine  pour 
embi-asser  celle  de  l'Evangile.  Y  a-l-il  do 
fortes  preuves  pour  démontrer  que  Ammo- 
nius a  embrassé  cette  seconde  es[ièce  d'é- 
clectisme et  non  !a  |iremière,  qui  était  plus 
ancienne  que  lui?  ASosheiin  lui-même  nous 
fournit  un  f  dt  qui  semble  disculper  ce  phi- 
losophe, Hist.  christ.,  sec.  2,  ^  53,  pag. 
373  ;  il  nous  apprend  que  les  gnostiques 
avaient  puisé  leur  système  chez  les  philoso- 
phes orientaux  ;  que  Valenlin,  en  l'adoptaid, 
s'etl'o  ça  de  le  fonder  sur  (pielques  endroits 
de  l'iivangile  expliqués  dans  un  sens  mys- 
tique :  voilà  donc  déjà  la  foiu'berie  des 
éclectiques  mise  en  usage  jiar  cet  hérésiar- 
que au  commencement  du  u'  siècle  de  l'K- 
glise.  Or,  Valentin  était  mort  avant  que  Am- 
monius ait  pu  tenir  l'école  d'Alexandrie;  il 
sera.t  aisé  de  ie  démontrer  par  un  calcuj 
certain.  Celse,  encore  plus  ancien,  avait  déjà 
eni|iio  é  le  même  manège  pour  attaquer  le 
ciuistianisme  ;  il  n'avait  [ms  eu  besoiu  des 
leçons  de  l'école  d'Alexandrie.  Enlin  .Mos- 
heim nous  apprend  que  c'étuiit  l'arlilit  e  des 
gnostiques  en*  général  ;  In.itit.  Hist.  christ. 

48 


IMK 


MA 


H,k 


ime 


maj.,  Il"  part.,  c.  5,  §  5;  or  les  giiostiques 
dat  'iont  du  temps  des  apôtres.  A  la  vérité 
Ainiuouius  a  ou  pour  disciple  immédiat  Plo- 
tin,  paï.Mizélé;  unis  est-il  prouvé  que  ce- 
lui-ci a  ronservé  fidèlement  In  dortrine  do 
son  maître  ?  Avant  d'écouter  les  Ifçons  d'Am- 
moniiis,  Plotin  avait  entendu  plusieurs  au- 
tres philosophes  ;  après  onze  ans  de  séjogr 
liaiis  l'école'  d'Alexan  irie  ,  il  a  la  dans  la 
Per>c  pour  consulter  les  philo  ophes  orien- 
taux ;  d  est  d  inc  probable  que  Ammonius  ne 
connaissait  point  leur  doctrine,  que  c'est 
Plotin  plu.ôt  que  Ammonius  qu'  a  fait  le  mé- 
lange bizarre  de  la  philosophie  o  ientale 
avec  la  doctrine  de  Platon  et  des  autre,  phi- 
losophes grecs.  Mais,  eiico.e  une  t'ois,  cet 
artilico  est  plus  ancien  que  tous  les  person- 
nftjies  dnnt  nous  parbnis  ;  d'ailleurs  ce  sys- 
tème éclectique  ne  s'est  formé  que  peu  à 
peu,  aucun  do  ceux  (iui  l'ont  embiass'-  ne 
s'est  a^treint  à  suivre  les  sentiments  de  ses 
maîtres;  Plulin,  Porj)'iyre,  Jimbli  ]ue,  ilié- 
roclès,  eîc  ,  l'ont  arrangé  chacun  à  sa  ma- 
nière ;  il  est  i:o!ic  absuivie  de  juger  des  opi- 
nions d'Ammonius  par  celles  de  Jambi  (ue, 
qui  ^  vécu  cent  cinquante  ans  aj^rès  lui,  et 
de  nous  donu  t  le  .sentiment  d'un  scid 
éclectique  comme  celui  de  toute  la  secte  ; 
c'est  cependant  ce  qu'a  fait  Moshcim,  Uist. 
ecclés.,  ioco  cit.,  §  U. 

Au  reste,  peu  nous  importe  que  ce  soit 
Ammoni  s,  Plotin  o  i  un  autre  qui  ait  for- 
mé le  système  des  éjlectiq  les  antichrét  ens  ; 
nous  ne  traions  cette  question   que   pour 
montrer  le  iaiol  '  des  conject  u'.s  ei  lies  rai- 
sonnements de  Mo.slieim.  Nous  avons  une 
jaule  i)ius  grave  h  \  n  reprocher,  c'est  d'a- 
voir donné  à  er.iondre.  que  les  Pères  de  l'E- 
glise ont  adop'é  co    s,sîcme  avec   (ont  ce 
qu'il  avait  de  ma  ivais.  Après  en  avuir  tracé 
le  pla),  tel  q  «'d  le  supjws;  conçu  par  Am- 
monius, il  ninule  :  «  Cette  nouvelle  espèce 
de  phdosoplUe,  que  Origène  et  d'autn  s  ciiré- 
tieîis    ftirènt    ri.uprudeace    d'adopter,    fut 
frès-Dr'judiciaiile  à  la  cause  de  rEvan:;ile  et 
h    l-n   simplicité    de   la   doctrine  di'   Ji^-sus- 
Christ,  ec.  »  Ibid  ,  §  12.  Est-d  vrai  que  ces 
chrétiens    ont   a  ;opté    l'éclectisme    païen  ; 
((uo,  plus  atlichés  au  philosopliisme  qu'à  la 
religion,    ils   ont    entrepris   d'assuji-itir    la 
doctrine  de  l'Evangile  à  ce. le  des  philoso- 
phes, el  non  au  coatrair;;  qu'ils  ont  voulu 
persuader  qu  -  l'une  éta.t  à  peu  près  la  même 
que  l'autre,  etc.  ?  Nous  avons  vu  plus  haut  que 
1  on  a  fait  ce  reproche  h  Origcne,  mais  lui- 
même  a  protesté  le  contraire.  «  Après  m'ètro 
livié  tout  entier,  dit-il,  à  l'éude  de  la  pa- 
ro'e  de  Dieu,  et  voyant  venir  à  mes  leçuus 
tantôt  des  hérétiques,   tantôt  di-s  hommes 
curieux  d'érudition  giecque,  et  surt  >ut  des 
philosophes,  je  résolus  d'examiner  les  dog- 
mes lies  héretiq'ies  et  les  vérités  que   les 
i)hilosophes  se  vantent  de  connaître.  »  Voi/. 
iusèbe,  Uist.  ecclés.,  1.  vi,  c.  19.  Ce  n'était 
donc  pas   par   aniour  pour   la   philosophie 
païenne  que  Origèue  s'y  était  ap. cliqué,  mais 
par  le  (iésir  d'mstruire  les  hérétiques  et  les 
[ihilosophes  ;   sa  pruicifiale  étudj  avait  été 
celle   io   l'Ecriture  sainte;  les  éclectiques 


jiaiens  n'avaient  ni  le  môme  motif  ni  la 
môme  méthode.  Il  commence  ses  livres  des 
Principes,  qui  sont  son  ouvrage  le  plus  phi- 
losophique, en  disant  que  to;is  ceux  qui 
croient  que  Jésus-Christ  est  la  vérité  môme, 
ne  cherchent  point  ailleurs  que  dans  sa  pa- 
role et  dans  sa  doctiine  la  science  dn  la 
vertu  et  du  bon!ieur;  or  cette  science  est 
[irécisément  ce  que  l'on  nomme  philosophie. 
Dans  ce  môme  ouvrage  il  prouve  nos  dog- 
mes, non  par  des  raisonnements  phjloso  dn- 
ques,  mais  par  l'Ecriture  sainte.  Lorsqu'il 
avoue  que  quelques  (ihilosophes  grecs  ont 
connu  Dieu,  d  a'oule  avec  saint  Paulqu'iis  i\) 
l'ont  [las  glorifié  comme  Dieu,  cju  ils  se  sont 
égués  dans  leurs  pensé  s,  etc.  Contra  Ccls., 
1.  IV,  n.  30.  Voilà  ce  que  les  éclectiqu  s  païens 
n'ont  jamais  avoué.  Nous  avons  vu  plus  haut 
ce  qu'en  pensait  Clément  d'Alexandrie. 

Aussi  Mosheim  a   cru  devoir  adoucir  ail- 
leurs l'a^nerlume    du    reproche    qu'il    avait 
fait  aux  Pères.  Dans  sa  liissei't.  de  Ttirbntn, 
etc.,  n.  3,   il  dii  que  les  |)hdosophes  clicé- 
tiens,  troirqiés  par  de  légères  ressendilaii- 
ces,  prirent  pour  autni  île  vérités  ciirvt  en- 
nes  ce  qtii  n'en  avait  que  ra()parence  ;  (pu;  la 
cause  de  leu  ■  errnir  fut  d'une  paît  l'amour 
de  la  philosophie,  de  l'atitie  l'igiioramie  et  la 
faiblesse   d'  sprit  ;   que  faute  d'exanen  ils 
transportèrent  dans  la  doctrine  chrclieuiie 
des  d  igmes  et  des  usages  qui  n'y  avaeut 
aucun  ra,)port.  CDns.'qMeunuent  ils  eminas- 
sèreiit  la   mor.de  des  stoii;iens,  plus  austère 
que  Ci'Ue  de  i'E^angi'e,  les  subdlités  de  la 
logMue  d'Ar  stole,  la  p  upart  des  o|)iai'>n.% 
de  Pkiton  touchant   Dieu,  les  ang -s  et  les 
âmes  h  imain  'S,  et  ils  c.urent  que  ce  phdo- 
,s(jphe  les  avait   prises  dans  les  livres   des 
Jnifs.  Moseim  prouve  ces  laits   imjiorants 
p.u-  I"  téuioignage  de  saint  A  .gusiin,  qu'  dit 
que  si   les  .incie'is  platoniciens  revi'iiai 'Ot 
au  monde,  ils  se  f  raient  chréti  ns  en  chan- 
geant p.'U  de  choses  dans  leurs  expressionâ 
et  leurs  sentiments  :  Puucis  mutatis  verbis 
atqac  sententiis,  lib.   de  vera  Rdir/..  c.  4,  n. 
G.  iUais  dans  c  t  endroit  môme  saint  Augus- 
tin s'est  suiii-amm  nt  expliqué  :   1°  il   met 
une  restriction  à' J'égaid  du  grand  nombre 
des    plaioniciens ,    s'ils   étaient,   dit-il,  tels 
qu'on  le  prétend.  2"  11  parle  de  ceux  qui  en- 
seignaient que  [iour  trouver  le  vrai  b  nheur, 
il  faut  mépriser  ce  monde,  imrilii'r  l'-'ini'  par 
la  veitu,  et  l'assujcttr  au  Dieu  soprôine.  Or 
ces  jihilosophes  auraient  eu  peu  de  choses 
à  changer  dans  leurs  sentimCi.ts  touchnnt  le 
vrai  bonheur  ;  il  ne  s'agi^salt  que  de  cet  ar- 
ticle. 3°  Us  aura  ent   eu  peu   de  ch  ses  à 
changer  en  comparaison  des  philosofihes  r.es 
autres  sectes,  tels  que  les  é|)icuriens,  1  s  stra- 
toniciens  ,  les  ;)ylhagoriciei;s  ,  etc.  .Moslieim 
donne  aux    paroles  de  saint   Augu-tiii    un 
sens  f  rcé,  en  les  séparant  de  ce  qui  précède, 
il  y  a  trop  de  har  des^e  à  traiter  d'igno- 
rants et  d'esprits  faibies  Ori-,ène  ,  admiré 
comme  un  jirudige  par  tous  les  philosophes 
de  son  temps;  Clément  d  Alexandiie,  dont 
les    ouvrages  attestent   encore    l'érudition; 
Alhén.:;gore,  l'un  de  nos  plus  habiles  apolo- 
gistes, etc.  ;  mais  tout  est  permis  aux  oro- 


1517 


MA 


PL4 


tSIt 


testants  pour  (léprimcr  les  Pères.  Quant  à 
l'amour  excessif  do  la  philosophie,  nous 
avons  f.iil  voir  plus  haut  que  les  Pères  en 
ont  (lit  plus  de  mal  (jue  île  bien.  Il  est  faux 
qu'ils  aient  ensfignô  une  morale  plus  sé- 
vère que  celle  de  l'Evan^^iie;  nous  avons 
ré'.uté  ce  reproche  en  traitant  des  diU'èrents 
piiinls  de  morale  sur  Icsqinils  li-s  prolcs- 
tanls  ont  atlaiiuéles  Pères.  Toy.  As!sti>ence, 
BiGAMiK,  CE.  ifiAT,  Mortification,  Vnir.i- 
NiTÉ,  etc.  11  est  encore  faux  (juo  ces  saints 
docteurs  aient  a(]rj|ité  les  opinions  de  Platon 
touchant  la  Divinité,  les  an^^es  et  les  jlnies 
humaines;  il  n'est  au  contraire  aucun  de 
ces  objets  sur  h  squcls  les  Pères  n'aiiMil  re- 
proché à  ce  philosophe  des  erreurs  grossiè- 
res ;  et  lorsqu'ils  ont  dit  ipie  Platon  avait 
puisé  quehpies  vérités  dans  les  livres  saints, 
ilsont  aj  iUté  q  l'il  les  avait  mal  entendues 
et  altJrées  dans  ses  écrits.  î*our  les  subti- 
lités de  logique  les  Pères,  en  disputant 
contre  de>  hérétiques  qui  en  faisaient  un 
usage  continuel,  ont  été  forcés  de  s'en  ser- 
vir à  leur  toi;r;  personne  n'en  a  autant 
abu  é  (]ue  les  prutestants;  ce  sont  1  s  plus 
habdes  sopiiistes  <pri!  y  eut  iamais  :  nous 
allons  en  voir  des  exemples. 

IV.  7,1?  nniiveon  platonisme  dci  éclectiques 
n-l-il  cmiaé  dans  riCf/lise  autant  de  trouble  que 
Moshcini  le  prétend'f  D.  Nfaraiid,  dans  .sa 
Préface  sur  saint  Justin,  ii*  paît.,  c.  1,  §  1, 
avait  (lit  que  Mosheim  a  délulé  ues  sornet- 
tes dans  sa  di-sertaiion.  ffc  Tnrhata,  etc.; 
cekij--ci,  i^iqilé  de  c.>  reproche,  lui  a  repli- 
(jué  iivec  beaucouj)  d'aigreur  dans  la  préface 
du  11'  tome  de  ses  Dissertations  sur  l'His- 
toire ecclésiasli([ue.  11  soutient  qu'il  a  eu 
raison  d'avancer  que  l'Kj^lise  a  été  troublée 
par  les  nouveaux  platoniciens,  et  que  les 
Pères  ont  adopté  h;  nouveau  platonisme,  au- 
tant que  ses  opinions  n'atlaqucnl  et  ne  détrui- 
sent point  les  premiers  éléments  du  christia- 
nisme. Voilà  déjà  une  restriction  {(u'il  n'a- 
vait pas  mise  dans  sa  diss  rtaliou.  Or,  si  les 
Pères  ava  ent  adopté  ce  que  Platon  a  dit  d" 
Deu,  des  an,^es  et  tb  s  Ames,  ils  auraient 
certainement  détruit  les  premières  preuves 
du  christianisme.  Pour  premièi'e  p'cuve  il 
cite  Terlullieu,  qui  aflirme  que  Platon  a  été 
le  précepteur  de  tous  les  hérétiques  ;  il  pou- 
vait ajouter  encore  que  Teriullii-na  cens  u'é 
vivcm  nt  ci  iix  qui  intniduisaieiit  un  chris- 
tianisme sloaiue  (ju  platonique.  Mais  le  re- 
pioclie  ipu'  '1  êctullieu  fait  a  x  hérétiques 
regarde-l-il  aussi  les  Pères?  Mosheim  n'ose 
le  soulenir.  «  Ce[)eiidaiU  il  ne  s'ensuit  pas 
moins,  u  t-il,  que  1  Ej^lise  a  été  tioublée  par 
les  nouveaux  pla  on.c  eus.  »  Fourberie  pure; 
la  seule  qu  stion  est  de  savoir  si  les  Pères 
ont  étécnnplices  du  crâne  desnouveiux 
plaioniciens  liérétiqucs;  le  passade  de  Ter- 
tu.lien  ne  le  prouve  pas,  et  leur  doctrine 
démontre  le  contraire.  La  seconde  preuve 
est  Celui  de  saint  Augusùn,  où  il  dit  que  les 
platoniciens,  pour  se  taire  chrétiens,  n'au- 
raient besoin  que  de  changer  un  petit  nom- 
bre d'expressions  et  de  sentiments.  Nous 
avousfait  voir  que  Mosheim  en  a  mal  rendu  le 
seus.  La  troisième  est  l'exemple  de  Synésius, 


évèque  de  Ptolémaide,  au  V  siècle;  suivant 
l'aveu  (lu  P.  Pelau,  cet  évèque,  dans  ses 
hymnes,  [iirlait  de  la  Trinité  en  vrai  plato- 
nicèn,  il  la  concevait  précisément  ( oinme 
Procb  s  prétend  que  Platon  l'a  entend.ie.  Or 
on  conç'iit,  dit  Mosheim,  que  ce  christia- 
nisme platoniiiue  a  dil  se  répandre  non-seu- 
lement dans  le  diocèse  de  Synésius,  mais 
dans  tonte  l'Kgypte,  et  môme  chez  les  sû- 
tes n  liions.  A  entendre  raisonner  ce  criti- 
que, il  semble  que. Synésius,  évêque  d'une 
petil;^  ville  de  la  Cyrénai(jue,  sur  le  bord  des 
déserts  de  la  Libye,  ait  eu  autant  d'antotilé 
et  do  crédit  dans  rK|;i!ise  (]ue  saint  Jean 
Chrysostonu-,  saint  Augustin  ou  saint  Léon; 
c'est  une  pure  rêverie  de  sa  part.  Il  aurait 
dit  faire  réilexion  (Ju'en  poési  >  il  est  impos- 
sible de  s'exprimer  avec  autant  d'exactitude 
que  dans  un  traité  Ihéologiqae;  que  les 
hvmnes  de  Synésius,  poêle  avant  son  é[)i- 
scopat,  ne  sont  pas  la  profession  de  foi  do 
S)  nésius  évèque  ;  (juo  celui-ci  n'a  sûrement 
])as  été  assez  insensé  |>tiur  donner  à  son 
troujieau  ses  hymnes  au  lieu  de  catéchisme. 
An  v*  siècle,  le  nouveau  platonisme  et  la 
seete  des  éclectiques  étaient  déchus  dans 
l'empire  romain;  Mosheim  Vayonv,  Dissert., 
n.  1 1.  Saint  JeanChrysostome,  saint  Jérôme, 
saint  Isi  lore  de  Damiette,  saint  Cyrille  d'A- 
lexaiidrie,  éclairaient  l'Orient  de  leurs  lumiè- 
res ;  d  est  absjrdc  de  prétendre  que,  préci- 
sément dans  ce  temps-là,  un  évè(]ue  d'E- 
gypte a  établi  le  platonisme  dans  l'Eglise. 
Mais  notre  habile  >o|)histe  confond  les  épo- 
qiic^s,  brouille  les  faits,  jnètcaux  Pères  du 
ir  et  du  m'  siècle  les  idées  et  les  vues  des 
lihiliisophes  païens,  afin  de  faire  i'iusion  à 
ses  lecteurs.  Ce  qu'il  dit  de  saint  Justin  va 
plus  dir.  ctcmcnt  au  but;  il  soutient,  contre 
dom  Ma  and,  que  ce  Père  a  cru  voir  la  Tri- 
nité chrétienne  dans  Platon,  pi^nsqu'il  assure 
que  ce  jih  losophe  parle  du  Père,  du  Verbe 
et  du  Saint-Esprit,  et  (lu'il  pense  que  Platon 
a  tiré  ce  dogme  de  quelques  expressions  de 
.Moïse  qu'il  a  mal  entendues,  Apol.  I,  n.  90. 
Nous  ne  disputerons  point  sur  ce  fait;  il 
s'ensuit  seulement  qu'un  esprit  préoccupé 
d'un  dogme  ou  d'une  opinion,  croit  aisément 
l'apercevoir  partout  où  il  trouve  des  expres- 
sions tant  soit  peu  analogues  à  ses  idées  ; 
mais  nous  soutenons  avec  dom  .Marand,  que 
si  saint  Justin  n'a\ait  jias  été  instruit  du 
dogme  de  la  sainte  Trinité  prtr  l'Evangile  et 
p.ir  la  croyance  chrétienne,  il  n'aurait  cer- 
tainement pas  cru  le  trouver  dans  l'iaton. 
Souvenons-nous  de  ce  que  saint  Justin  a  dit 
ai  leurs,  Cohort.  ad  Grœcos,  n.  8  :  «  Nous 
ne  pensons  pas  comme  les  pliilosophi  s;  ce 
sont  (  ux  qui  copient  ce  que  nousdisons.  Voy. 

TUIMTÉ   l'LATOMQL'E,   §   3. 

Mais  l'essentiel  est  de  voir  ce  que  Mos- 
heim conclut  des  preuves  sur  lesquelles  il 
se  fonde.  Il  s'ensuit,  dil-il,  de  deux  choses 
l'une,  ou  (}ue  les  Pères  ont  été  trompés  par 
une  légère  ressemblance  entre  les  expres- 
sions de  PLiton  et  celles  de  l'Ecriture  sainte, 
ou  qu'ils  ont  feini,  exprès  cette  ressein 
blance,  alin  de  tromi)er  les  païens.  Pour  y 
réussir,  ou  ils  ont  recula  doctrine  de  Jésus 


IS19  PLA 

Christ  suivant  les  idées  de  Platon,  ou  ils  ont 
conformé  les  opinions  de  celui-ci  à  la  croyan- 
ce chrétienne  :  quelque  parti  que  l'on  prenne, 
il  s'ensuivra  toujours  que  les  Pères  ont  été 
platoniciens,  qu'ils  ont  introduit  ]n  plato- 
nisme dans  l'Eglise,  qu'ils  ont  ainsi  corrompu 
la  pureté  de  la  foi  chrétienne.  Fausses  con- 
séquences :  Mosheim  est  le  seul  coupable 
de  la  mauvaise  foi  qu'il  voulait  attribuer  aux 
Pères.  Ces  saints  docteurs  n'ont  eu  envie 
de  tromper  personne,  et  s'ils  se  sont  trom- 
pés eux-mêmes,  leur  erreur  n'a  été  ni  jj;ravc 
ni  pernicieuse.  Que  voulaient  les  Pères? 
montrer  aux  païens  entêtés  de  philosophie 
(]ue  la  doctrine  chrétienne  touchant  la  Tri- 
nité des  Personnes  en  Dieu,  n'est  ni  absurde 
ni  contraire  à  la  lumière  naturelle,  puisque 
Platon  a  dit  quelque  chose  à  peu  près  sem- 
blable. Pour  que  les  Pères  eussent  droit  de 
raisonner  ainsi,  il  n'était  pas  nécessaire  que 
la  ressemblance  entre  les  idées  et  les  expres- 
.sions  de  Platon  et  celles  des  écrivains  sacrés 
fût  complète  et  parfaite,  il  suffisait  qu'elle 
fût  du  moins  ap[iarente  ;  c'était  l'aU'airc  des 
païens  de  voir  s'jI  y  avait  ou  non  beaucoup 
de  dilférence.  Les  Pères  n'avaient  donc  be- 
soin ni  de  corriger  Platon  par  l'Evangile,  ni  de 
réformer  l'Evangile  par  les  ilées  de  Platon  ; 
ils  y  oiit  si  peu  pensé,  qu'ils  ont  dit  que 
ce  j)hilosophe  avait  tnal  entendu  ,  ou  qu'il 
avait  corrom|)u  ce  qu'il  avait  lu  dans  les 
livres  sainis.  Ont-ils  i)u  avoir  le  dessein 
d'introduire  dans  l'Eglise  une  doctrine  qu'ils 
ont  jugée  mal  entendue,  mal  comprise  et  mal 
rendue  |  ar  un  philoso])he  païen?  N'im- 
porte, Mosheiiu  les  en  accuse  formellement, 
Ilisl.  christ.,  sec.  2,  §  3i.  «  Ils  expliquaient, 
dit-il,  ce  que  disent  nos  livres  saints,  du 
Père,  du  Fils  et  du  S;iint-Es|)rit  ;  de  manière 
que  cela  s'accordât  avec  les  tiois  natures  en 
Dieu,  ou  les  trois  liypostases  ailmises  par 
Plalon,  par  Parménide  et  d'autres.  »  La 
fausseté  de  cette  cabimnie  est  déjà  évidente 
par  ce  que  nous  venons  de  dire.  Il  est  faux 
d'ailleurs  que  Platon,  Parménide,  ni  aucun 
autre  ancien  philosophe  ait  admis  en  Dieu 
trois  hyjiostases  ou  trois  Personnes.    Voy. 

TriJSITÉ   PLAÏOMQIE. 

Mais  il  ne  plaît  pas  aux  ennemis  des  Pères 
de  voir  ni  d'avouer  le  vrai  dessein  de  ces 
saints  docteurs ,  qui  était  d'inspirer  aux 
païens  moinsd'éloignement  pour  la  foi  chré- 
tienne. Ils  supposent  que  les  Pères,  par  un 
attachement  aveugle  à  la  philosophie,  ut  en 
])articulier  à  celle  de  Platon,  par  entêtement 
])Our  les  opinions  ((u'ils  avaient  embrassées 
avant  d'être  chrétiens,  par  envie  de  duper 
les  païens,  ont  entrei^ris  d'introduire  \c  pla- 
tonisme dans  l'Eglise;  que  ce  |irojet  les  a 
fascinés  au  point  de  leui-  faire  méconnaître 
la  différence  qu'il  y  avait  entre  la  doctrine 
de  Platon  et  celle  de  Jésus-Christ,  ou  leur  a 
inspiré  la  malice  de  vouloir  les  concilier  en- 
semble. Que  les  écleclique's  païens  aient 
tenu  cette  conduite  pour  nidre  au  christia- 
nisme, cela  se  conçoit  ;  mais  que  les  Pères 
aient  fait  de  même  pour  les  servir  utilement,  ■ 
iju'ils  aient  eu  ainsi  moins  des|irit  et  de  pru- 
uo'KXMjUo  les  éclecti(iu;  s  païens,  cela  est  iroji 


PLA  dîiSO 

fort.  Nous  avons  beau  remontrer  à  nos  adver- 
saires que  l'attachement  pr^itendu  des  Pères 
il  la  philoso[)hio  païenne  est  faux,  puisqu'ils 
l'ont  décriée  tant  qu'ils  ont  pu,  et  qu'ils 
ont  protesté  d'y  avoir  renoncé  en  se  fais  int 
chrétiens;  que  leur  prévention  en  faveur  de 
Platon  est  faussement  sujiposée,  puisqu'ils 
(iiit  relevé  les  erreurs  de  ce  philosophe  aussi 
bien  que  celles  dos  autres,  et  qu'ils  lui  ont 
rejîroché  d'avoir  gilté  ce  qu'il  avait  pris  dans 
nos  livres  saints  :  n'importe ,  les  censeurs 
dos  Pèies  nedémortient  pas. 

Supjiosons  pour  un  moment  ce  que  Mos- 
heim ne  veut  pas  contester,  que  loin  d'alté- 
rer la  doctrine  chréiieune  jtar  le  platonisme, 
les  Pères  ont  corrigé  celui-ci  par  la  croyance 
chrétienne,  nous  demandons  en  quoi  ce  pla- 
tonisme, ainsi  réformé,  a  pu  corroin|iie  la 
pureté  de  la  foi;  voilà  ce  ((ue  Mosheim  n'a 
pis  expliqué.  Saint  Justin,  par  exemple,  a 
dit  (juo  Platon  admettait  Dieu,  qu'il  nomme 
le  Père,  le  Verbe  par  le(]uel  il  a  tout  fait,  et 
l'Esprit  qui  pénètre  toutes  choses  ;  mais  tout 
le  inonde,  excepté  les  sociniens,  convient 
que  Platon  no  donne  point  ces  trois  êtres 
pour  trois  Personnes  subsistantes,  coéter- 
nelles  etconsubs;antielles,  mais  comme  trois 
aspects  ou  trois  opérations  de  la  Divinité; 
c'est  encore  la  manière  dont  renten.lent  les 
sociniens.  Saint  Justin,  au  contraire,  re- 
garde le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  com- 
ine  trois  Personnes  distinctes ,  égales  et 
coéternelles;  il  attribue  à  chacune  des  opé- 
raiions  propres,  et  il  soutient  qu'elles  sont 
un  seul  Dieu.  Nous  demandons  si,  en  expo- 
sant ainsi  sa  foi,  saint  Justin  corrige  riîvun- 
gile  par  les  notions  de  Plalon,  ou  s'il  ré- 
forme celui-ci  (lar  le  langage  de  l'Evangile, 
en  (piel  sens  cette  doctiino,  ainsi  changée, 
est  encore  dvi  platonisme,  et  quel  mal  elle  a 
causé  dans  rË^-lisc.  Pour  nous,  il  nous  pa- 
raît qu'ici  les  vrais  platoniciens  sont  les  so- 
ciniens, et  non  les  Pères. 

Dans  sa  disseï  talion,  n.  13,  Mosheim  dit 
que  les  éclectiques  païens  contribuèrent  à 
réfuter  les  gnostiques;  c'est  un  mensonge 
de  Poriiiiyre  :  on  n'a  jamais  eu  besoin  d'un 
pareil  secours.  Les  nouveaux  (ilatoniciens 
n'ont  écrit  ni  contre  les  marcionites,  ni  con- 
tre les  manichéens  qui  soutenaient,  comme 
les  giiostiqui'S,  que  le  monde  a  été  fait  par 
un  ou  jiar  plusieurs  ôires  inférieurs  à  uieu. 
11  ajoute  que  ce  prétendu  remède  fut  pire 
(pie  le  mal  :  voyons  donc  la  chaîne  des  mal- 
heurs que  l'éclectisme  a  produits.  —  1°  Ce 
système  all'aiblissait  la  preuve  que  nos  apo- 
logistes tiraient  des  erreurs  grossières,  des 
contradictions,  des  disputes  qui  se  trouvaient 
dans  les  écrits  des  divers  [ihilosoplies;  les 
éclectiques  se  tiraient  de  cet  argument,  en 
disant  que  la  vérité  était  éfiarse  dans  les 
dillercntes  sectes,  qu'il  fallait  l'y  chercher, 
et  iju'en  prenant  le  vrai  sens  de  leurs  opi- 
nions il  était  possible  de  les  concilier  ;  mais 
nos  apologistes  étaienl-ils  fort  embarrassés 
de  di'lruire  ce  suljteriuge?  Mosheim  avoua 
que  cetie  conciliation  |irétendue  était  ab 
surJe;  comment  accorder  Ari.sl'ite,  ijui  sou 
lenail  le  monde  éternel,  «vue  Plalon  ([ui  l6 


i^l 


PLA 


Pf.A 


1K22 


supposait  fabrique'  d'iino  matière  infor- 
me, etc.,  f'tc?  D  ailleurs  ipii  avait  a^soz  de 
lumière  jiour  démêler  ([in^hpies  étincelles  do 
vérité  au  milieu  de  ce  chaos?  Fallait-il  que 
l'homme  consumU  sa  vie  Ji  comparer  les 
systèmes  avant  de  savoir  ce  qu'il  devait 
criiire?  Enfin,  c'était  <i  la  lueur  du  cluistia- 
rrisme  que  les  éclectiques  t;klia  eut  de  faire 
cet'c  conciliation,  puisqu'ils  se  rapiirocliaient 
de  nos  do^imes,  de  notre  morale  et  des  le- 
çons de  l'Evangile;  Mosheim  en  convient 
encore.  Dissert.,  n,  14,  15,  16,  18.  Donc 
c'est  à  cette  source  de  lumière  (ju'U  fallait 
avoir  recours,  et  non  ailleurs.  N'état-ce 
pas  là  confirmer  l'argument  de  nos  apolo- 
gistes, au  lieu  de  l'aU'aililir?  —  2°  Ceux-ci 
reprochaient  aux  anciens  [ihilosophes  d'avoir 
raisonné  de  tout,  excepté  de  Dieu,  delà  des- 
tini'o  de  l'houune  et  de  ses  devoirs;  les 
éclectiques  tournèrent  leurs  études  de  ce 
côté-l?i,  ihid.,  n.  17.  Tant  mieux  :  cette  cor- 
rection sup[)osait  la  vérité  de  la  faute,  et 
c'est  encore  une  obligation  (|ue  l'on  avait  à 
rEvanj,ile  de  l'avoir  aperçue.  En  ado|itant 
la  morale  de  Jésus-Christ  en  plusieurs  cho- 
ses, les  éclectiques  lui  rendaient  un  honmiage 
non  suspect,  puisqu'ils  furent  forcés  d'avouer 
que  ce  div.n  Maître  était  un  sage  qui  avait 
enseigné  d"ex(x41enles  choses,  n.  18,  et 
qu'ils  ne  pouvaient  lui  reproc!ier  aucune  er- 
reur, il  s'ensuivait  clairement  qu'il  méritait 
mieux  d'être  écouté  que  tous  les  philoso- 
phes; Celse,  au  ii"  siècle,  n'avait  eu  garde 
de  faire  un  pareil  aveu.  Vainement  les  éclec- 
ti([ues  prétendaient  que  la  doctrine  de  Jésus 
avait  été  mal  rendue  pai'  ses  disciples,  on 
pouvait  leur  demamler  :  L'entendez-vous 
mieux  que  ceux  qui  ont  été  instruits  par 
Jésus  lui-même?  Jusqu'ici  nous  ne  voyons 
pas  en  quoi  l'éclectisme  affaiblissait  les  ar- 
guments de  nos  apologistes.  —  3"  Les  deux 
jireuves  principales  employées  par  ces  der- 
niers étaient  la  sainteté  do  la  morale  chré- 
tienne, les  vertus  et  les  miracles  du  Sauveur; 
les  éclectiques  n'osèrent  contester  ni  l'un  ni 
l'autre,  ihid.,  n.  23;  mais  ils  C0|iiôrcn[  cette 
moiale,  ils  attribuèrent  des  miracles  et  des 
vertus  à  Apollonius  de  Thyane,  à  Pytha- 
gore,  à  Plotin,  etc.;  ils  soutinrent  (pie  parla 
théurgie  on  pouvait  commander  aux  génies 
ou  démons,  et  opérer  des  prodiges  par  leurs 
secours  ;  n.  25,  2t),  27.  Malheureusement  il 
ne  se  trouvait  [loint  de  témoins  oculaires 
qui  [)ussent  attester  les  miracles  ni  les  vertus 
des  philosophes  théurgistes,  au  lieu  que  ceux 
de  Jésus-Christ  étaient  publiés  par  ses  disci- 
ples mêmes,  et  non  contestés  par  ses  enne- 
mis :  Celse  avait  eu  déjà  recuurs  au  même 
c\péilient  avant  les  éclectiques,  et  il  lui  avait 
fort  mal  réussi. 

Faisons  ici  quelques  réflexions.  En  pre- 
mier lieu  ,  Mosheim  nous  parait  coi-tredire 
ici  ce  qu'il  a  souti.mu  adleurs  ;  Hist.  ecclés.. 
Il"  siècle,  11°  part.,  c.  3,  §  7  et  8,  il  dit  que  les 
premiers  défenseurs  du  christianisme  ne  fu- 
rent pas  toujours  heureux  dans  le  choix  de 
leurs  arguments  ,  que  les  raisons  dont  ils  se 
servent,  pour  démontrer  la  vérité  et  la  divi- 
nité de  notre  religion,  ne  sont  pas  aussi  con- 


vaincantes que  celles  (pi'ils  emploient  ])our 
prouver  la  fausseté  et  l'impiété  du  paga- 
nisme. Dans  sa  dissertation,  il  suppose  quo 
tous  ces  arguments  étaient  péremptoires 
avant  que  les  éclectiques  n'eussent  réussi  h 
les  alfaiblir;  en  second  lieu,  il  n'est  pas  ques- 
tion de  savoir  quels  elforts  ,  quelles  ruses, 
quels  so[ihisnu's  les  éclecti(|ues  ont  mis  en 
usage  pour  énerver  les  preuves  du  christia- 
nisuje  et  pour  en  retar  1er  les  progrès,  mais 
de  savoir  s'ils  y  ont  réussi;  car  enfin  si  leurs 
elforts  n'ont  rien  opéré ,  s'ils  n'ont  abouti 
qu'à  mieux  faire  éclater  la  puissance  divine 
qui  soutenait  notre  religion,  où  est  le  mal- 
heur qui  en  est  résulté?  Or,  nous  en  ju- 
geons par  l'événement;  avec  tous  leurs  arti- 
fices ils  n'ont  pu  empêcher  ni  le  chris  ia- 
nisme  de  devenir  la  religion  dominan'e,  ni 
leur  secte  de  déchoir  et  de  s'anéantir  enfin 
avec  le  paganisme.  En  troisième  lieu,  Mosheim 
nous  donne  ici  le  change;  il  avait  à  prouver 
principalement  le  mal  qu'a  fait  à  l'Eglise  l'é- 
clectisme des  Pères,  et  il  emploie  (|uatorze 
ou  (piinze  articles  de  sa  dissertation  à  mon- 
trer le  mal  qu'a  [troduil  l'éclectisme  des  phi- 
losophes païens;  c'est  de  l'érudition  prodi 
guée  à  pure  perte,  uniquement  pour  détourner 
l'attention  du  lecteur  du  vrai  point  do  la 
question.  Brucker  a  fait  de  môme  dans  tout 
son  ouvrage.  Mosheim  prétend,  n.  28  et  29, 
que  les  artifices  des  éclectiques  retinrent 
plusieurs  païens  dans  leur  religion;  cela 
peut  être,  mais  cela  n'est  pas  prouvé  ;  ils  fi- 
rent, dit-il,  aposlasier  plusieurs  chrétiens; 
cependant  il  n'en  cite  qu'un  seul  exemple 
positif,  savoir,  l'empereur  Julien.  Or,  il  est 
certain  que  cet  esprit  vain,  léger,  ambitieux, 
enclin  au  fnnalisme,  fut  entr.iiné  à  1'  Jol.Urie 
par  une  curiosité  effrénée  de  connaitri;  l'a- 
venir et  d'opérer  des  prodiges  j^ar  Li  théur- 
gie; c'est  ce  qui  lui  lit  ajouter  foi  aux  pro- 
messes de  Maxime  et  des  autres  philosophes 
païens  qui  l'obsédaient  :  il  n'y  a  aucuno 
preuve  qu'il  ait  été  séduit  par  des  arguments 
philosopniques.  Saint  Basile  et  saint  Grégoire 
de  Nazianze  ,  qui  avaient  étudié  avec  lui ,  le 
jugèrent  dès  sa  jeunesse  ;  ils  prévirent  quo 
ce  serait  un  fort  mauvais  prince;  S.  (ireg. 
Naz.,  Ora^  4,  n.  122.  D'autres,  dit  Mosheim, 
n.  30,  demeurèrent  comme  neutres  entre  les 
deux  religions;  tels  furent  Am  mien-Marcel  lin, 
Chalcidius  ,  Symmaque  et  Thémistius.  Soit. 
Connaissons-nous  les  motifs  qui  les  retin- 
rent dans  cette  indifférence,  et  sommes-nous 
certains  que  ce  furent  les  arguments  des 
éclectiques?  Puisque,  dans  le  sein  même  du 
christianisme,  il  se  trouve  des  hommes  très- 
inditférents  sur  la  religion,  par  caractère  et 
sans  motifs  raisonnes,  il  n'est  |ias  fort  éton- 
nant qu'il  y  en  ait  eu  aussi  parmi  les  hommes 
élevés  dans  le  paganisme.  Combien  n'en  vit- 
on  pas  de  celte  trempe  à  la  naissance  du  pro- 
testantisme? Enfin  notre  cri  tique,  n.  33,  dé  voile 
les  torts  des  Pères  entichés  du  nouveau  plato- 
nisme. Quelques-uns,  dit-il,  se  firent  une  reli- 
gion mélangée  de  philo^uphie  et  de  christia- 
nisme, comme  Synésius,  qui  niait  la  fin  du 
mondeetla  résurrection  future.  Quand  cela  se- 
rait vrai. ce  serait  encore  une  ridiculitéde  dire 


109K 


PLA 


POK 


K'U 


qu'un  homme,  qui  est  dans  l'erreur  sur  deux 
articles  df  notre  foi ,  s'est  fait  une  religion 
iné'angée.  Synésius  a  pu  être  dans  ces  deux 
opinions  faussos  avant  d'êlre  sufiisamment 
instruit  :  mais  il  n'y  a  point  persôvtTH  p^n- 
dant  son  épiscopat  ;  aucun  ancien  auteur  ne 
l'en  accuse,  et  le  contraire  est  prouvé,  Hist. 
de  l'Eclectisme,  t.  I,  art.  6,  p,  157.  Notre  sa- 
vant critique  fait  un  long  déta  1  des  cireurs 
qu'enseigne  l'auteur  des  Clémentines,  juif 
mal  converti,  et  que  la  plupart  des  écrivains 
ont  regardé  couinie  un  hérétique  ébionite; 
ce  n'est  donc  pas  là  un  Père  de  l'Kglise. 

Une  des  maximes  de  la  morale  de  Pliton 
et  des  nouveaux  platoniciens  était  qu'il  est 
perm  s  de  men  -ir  et  de  tromper  pour  un  bien 
et  pour  l'utdité  commune;  de  la  les  impo- 
stures forgées  par  les  éclectiques,  les  faux 
livres    qu'ils    su,  posèrent   sous    1 -s    noms 
d'Hermès  ,  d'Orphée  ,  (te.  Ces  philosophes 
devenus  chrétiens,  dit  Mo.sheim,  ont  retenu 
celt  '  opinion  et  l'ont  s-uivie  h  la  letlr  ;  Ori- 
gène,  saint  Jérôme,  saint  Jean  Chrysostome, 
Synésius,  l'ont  formcUemeiit  enseignée  ;  on 
courait  la  multitude  de  livres  supposés,  in- 
terpolas, falsifiés  dans  les  premiers  siècles  ; 
de  là  les  fausses  histoires ,  les  fausses  lé- 
gendes, les  'aux  miracles,  les  fausses  reli- 
ques, etc.   Dissert.,  n.  hi  et  suiv.  Au  mot 
Fraude    pieuse,    nous    avois    jusUtié    les 
Pères   contre    cette    accusation    téméraire  ; 
nous  avons  prouvé  qu'en  la  faisant,  Mosheim 
s'est   ren  lu    coupable   du   crime    qu'il    ose 
reprocher  aux  Pères  de  l'Eglise,  pui  qu'on 
ne   [leut  pas  l'excuser  sur  son   ignorance. 
Nous  avons  ajouté  que  les  mensonges ,  les 
impostures  ,   les  faus-es  histoires ,  les  pas- 
sages d  auteurs   tronqués  ou  falsihés  ,  etc., 
sont  les  principaux  moyei  s  dont  les  pré  en- 
dus  réfoi-m^leuis  se  sont  seivis  pour  fonder 
leurs  sectes  et  pour  rendre  le  c-;thoUcisme 
odieux  ;  qu'encore  aujuurJ'hui  plusieurs  mo- 
ralistes protestants  souiiennenl  l'innocence 
du  mensonge  ofticicux;  or,  le  m  U'-ongo  qui 
do;l  leur  paraître  le  plus  ofiicit  ux  et  le  plus 
innocent ,  est  celui   qu'ils   emploient   pour 
persuader    un   prosélyie   de  leur   religion; 
Mosheim  lui-même  attribue  cette  pernicieuse 
doctiineau  célèbre  ministre  Saurai,  tt  ajoute 
que  s'il  n  péché  m  cela,  sa  faute  est  légère; 
IJistoire  ecc(és.,  ivui"  siècle,  §  26.  Les  con- 
troversisies,  continue  Mosheim,  n.  48,  ont 
remirqué  qqc  les  Pères   ont  assujetti  aux 
idées  Ile  Pluion  les  dogmes  du  libre  arbitre 
do  l'état  iulur  des  âmes  ,  de  leur  nature,  de 
la  sainte  Tnpité  et  autres  qui  y  tiennent. 
11  Veut  palier  sans  doute  des  controversstes 
protestants  et  sociniens  ,  ennemis  juré>  des 
Pères  de  l'Eglise;  mais  les  controveisistes 
catholiques  ont  prouvé  le  contrau'e;  et  ils 
auraient  réJu  t  leurs  adversaii'es  au  silence, 
si  ceux-ci  avaient  conservé  quelques  restes 
de  honte  et  de  bonne  foi.  En  n,  n.  4!),  Mo- 
sheim   p:  étend  que  c'est  le  platonisme  des 
Pères  qui  a  cjoiilé  naissance  ù  la  multitude 
des  cérémonies  int  oduiles  dans  hi  culte  re- 
ligieux ,  qui  a  fa  t  c.oire  le  pouvoir  dis  dé- 
mons sur  les  corps  et  s  r  les  âmes,  la  vertu 
des  jeûnes ,  des  abstinences ,  des  morlilica- 


tions,  de  la  continence,  du  Cf*libat,  pour  vain 
cre  des  esprits  malins  et  les  mettre  en  fuite» 
que  tel  a  été  le  sentiment  de  Porphyre  et 
(le  l'auteur  des  Clémentines.  Il  fmil  en  ren- 
dant dévotement  grAc's  h  Dieu  de  .'•e  que  le 
protes'antisme  a  cniin  purgé  la  religion  de 
to'ites  ces  superstitinns. 

En  parlant  des  cérémonies,  do?  démons, 
dos  jeûnes,  des  mortilications,  etc.,  nous 
avons  fa  t  voir  que  la  cioyince  et  les  prati- 
ques de  l'Egliso  catholique  sont  fo  idées, 
non  sur  le  platonisme,  mais  sur  l'Ecriture 
sainte,  sur  l'exemple  de  Jésus-Christ,  des 
apiUres,  des  pophètes  ,  dos  patriarches,  des 
sai  ts  ilo  tous  1-  s  siècles.  En  purgeant  le 
christianisme  de  toutes  ces  prétendues  ma- 
ladies, les  protestants  l'ont  si  bien  exténué, 
qu'il  est  h  l'agonie  parmi  eux.  Ainsi,  après 
un  sérieux  examen,  il  résulte  q;ie  la  d  ssor- 
ta  ion  de  Mosheim  sur  le  nnuve-iu  platonisme, 
chef-d'œuvre  d'éru  lition,  d'esprit,  de  saga- 
cité, n  est  dans  le  fond  qu'un  amas  de  con- 
jectures ,  de  suppositions  fausses  et  de  so- 
phismes;  el'e  est  très-capable  d'éblouir  les 
esprits  superficiels  et  les  lecteurs  jieu  in- 
struits ;  mais  elle  n'est  point  à  l'en  euvô 
d'une  critique  exacte,  judici'euse  et  réfléchie. 
Brucker,  en  adop  ant  toutes  les  idées  de 
Mosheim ,  n'a  pas  montré  beaucoup  de  ju- 
gemoi:t.  Le  docteur  Lardner,  savant  anglais, 
a  très-bien  senti  les  conséquences  impies  et 
absurdes  dos  visions  de  ces  deux  luthériens, 
et  il  les  a  développées;  Crcdibilitij  of  the 
Gospel  History,  t.  JILen  parlant  de  Porphyre. 

Voy.  TlUMTÉ   PLATONIQUE,    VeUBE   DIVIN,  CtÇ. 

PLEURANTS.    Voy.   Pénitence   publique. 

PNEUMATOMAQL'ES.  Voy.  .NUcédo.mens. 

POEslE  DES  HEBREUX.  Plusieiirssavanls 
ont  disputé  pour  savoir  s'il  y  a,  dans  le  texte 
hébreu  de  l'Ecriture  sainte,  des  morceaux  de 
poésie.  Ceux  qui  en  ont  douté  n'ont  jamais 
nié  qu'il  n'y  ait  plusieurs  parties  de  l'Ancien 
Testament  qui  sont  écrites  avec  tout  le  feu 
et  la  vivacité  du  génie  poétique,  comme  les 
psaumes,  les  cantiques,  le  livre  de  Job,  les 
lamentations  de  Jérémie,  etc.  ;  mais  ils  ont 
soutenu  qie  nous  ne  connaissons  pas  assez 
la  prononciation  de  l'hébreu  pour  être  en 
état  de  juger  si  ces  niorcea.x  sont  écrits 
oans  le  style  nombreux  et  cadencé  des  poètes, 
s'il  y  a  dos  vers  de  telle  ou  telle  mesure,  ou 
d  s  rimes,  comme  certains  critiques  l'ont 
prétendu.  Un  savant  académicien  l'ran(;ais  a 
fait  une  dissertaliim  pour  prouver  qu'il  y  a 
des  vers  mesurés  et  des  rimes;  Mém.  de 
l'Acad.  des  Inscript.,  t.  \\ ,  iii-12,  |i.  IGO. 
Mais  personne  n'a  traité  plus  exaciemeiit 
cette  question  que  Lowth,  professeur  dans 
lecolk'îged'Oxfoid  ;  son  (mvrage  est  intitulé  : 
U.  Lowth,  de  sacra  Poeai  Ilebrœonun  Prœ- 
lectiones;  il  a  été  réimprimé  en  1770,  avec 
les  notes  de  M.  Michaëlis,  professeur  dans 
l'universiié  de  Gottingue.  Ces  deux  savants 
soutiennent  qu'il  y  a,  dans  le  texte  hébreu, 
des  vers  irès-reconnaissables  ,  et  ils  en  ap- 
portent un  grand  nombre  d'exemples.  Dans 
la  liiljte  dWrir].,  t.  \ï),  p.  10.5,  on  a  placé  un 
discours  de  l'abbé  b'Ieiiry,  et  p.  11!>,  une  dis- 
sertation de  dom  Ca.mc't.  sur  la  Poi'sie  des 


15S8 


POE 


ML 


le 


Hébreux.  Ci>  dornier,  après  avoir  oxposû  les 
SPiitinionls  divers  des  ôrriviiins,  tint  p-r  ju- 
{î-'r  que  r  11  ne  peut  montrer Hvoe  (■cititiide, 
dans  le  texie  IuMj  eu  ,  ni  vers  ca.ionrés,  ni 
slroplies,  ni  r  mes;  il  n"a  p;;s  pn  avoT  con- 
naissanc  ■  de  rouvrtge  de  l/iwlli  et  de  Mi- 
ch'ii'lis,  (|iii  n'a  j)arii  qu'après  sa  ntort;  pro- 
baiilemenl  il  aurai'   o'augé  ifavis  s'd  l'avait 
lu.  Kn  ■  H'C  ,  r<  s  deux  ciàliques,  Irès-iialnles 
dans  la  laii;ji,e  liébrai(pie  ,  ont  l'ait  vo  r  que 
les  livre^  dont   nous  viMions  dt^  pari  r  simt 
non-seulement  ('n-rils  dans  le  style   le    plus 
poétique,  mais  i-emplis  de  ligures  h  r  Tu  s,  de 
ui.'t  iphor 'S  ,  de  prosnpopé.  s  ,  d'nua^es  ,  de 
compara  sous  et  d'ail t^gorics;  que  I'imi  yticuvc 
le  sidilime  des  pen-ées,  du  sentiment,  de  l'i- 
magination et  des  expre-sions.  A  la  réserve 
du  poëme  ('•pique,  ils  nous  montrent,  dans 
c?s  mêmes   livris,    loules   los  es  èccs   do 
poèmes,  des  idylles,  <lfs  élégies,  des  oies  de 
tous  les  genres,  des  0!ivra;i;es  didactiques  et 
moraux  ,  m!''me  des  espèces  de  diames,  tels 
que  le  cantique  de  SaTomon  et  1-  livre  de 
JuJ).  Enlin,  ils  f((at  ?eut:r  combien  ccV.a poéaie 
est  sup^nieure  à  celle  des  auteurs  pror.mes. 


«Dans  l'oriduo,  dit  un  académicien  1res-      mes  une  belle 


res,  et  plus  encore  par  les  vérités 'qu'e'le 
aimo:ice,  i  Mo  seul  ■  mérite  le  nom  de  langage 
divin.  »  M('m.  de  l'Acail.  des  Inscrip.,  t.  VIM, 
in-i2,  ]).  3!i-2  et  iO'j.  Cet  auteur  en  donne 
pour  CT;emple  le  canliqued'lsa-e,  c.  xiv,  v.  It. 
els.  ivaits,  qu'il  traduit  en  vers  français, 
ibid.,  p.  VIS. 

«  Poui-  U!'  [)oint  nous  flatter,  dit  h  ce  sujet 
l'abb/'  !•']  ury,  toute  ntirc  poésie  inor|erno 
est  fort  mqirsahle  en  comparaison  de  cefle- 
1  \  ;elle  110  vaut  pas  mieux  que  c^e.-;  les  païens. 
Les  principaux  sujets  ,  (jui  occujient  nus 
beaux  <s|irils,  sont  encore  i'amoi;r  profane 
et  la  bonne  chère  :  ton  tes  nos  chansons  ne  respi" 
cent  autre  chose.  Malgrétoute  l'antiquité  que 
l'on  prétend  imiter,  l'on  a  tr  uvé  le  moyeu 
de  fouirer  l'auiiiur  avec  toutes  ses  bassesses 
et  ses  folies  dans  les  tra;,édios  et  les  ))ot>mes 
héroiqu  s,  sans  respecter  la  gravité  de  ces 
ouv.a,^es,  sans  craindre  de  confondre  les 
caracières  de  ces  poraies  divers,  djut  les 
aiciens  ont  si  religieusement  observé  lu 
distuiction.  Pour  moi,  je  ne  puis  me  persua- 
der que  ce  soit  \t\  le  véritable  usage  du  bel 
es|nit,  que  Dieu  ait  donné  à  quelques  hom- 


inslruit ,  le  but  de  la  poésie  lut  d'inspir.T 
aux  hounnes  l'horreur  du  vice  ,  l'aïuoiii'  do 
la  vertu  et  le  di'sir  du  ciel  ;  ce  fut  même  ce  le 
union  et.  oile  qu'elle  eut  d'abo d  avec  la  re- 
ligion ,  qui  la  rendit  ilaiis  la  suite  si  amie 
des  fables,  parce  (ju'alors  cet  amas  de  tables 
ridicules  composait  le  corps  de  la  religion, 
qui ,  dans  tout  l'uni .e  s,  excepté  c]\e/.  los 
Hébreux,  était  entièrement  corromiiue.  La 
»o('s(c  eut  le  mémo  sort,  et  taudis  tpie  chez 
le|ieiiilcdo  Dea  elle  r-(>stait  toujours  pure 
et  lidèle  à  la  vérUé.  parrui  loules  les  autres 
nations  elle  seivil  le  mensonge  avecd  autant 
plus  de  zèle ,  que  ce  mensonge  y  tenait  la 

place  de  la  venté  môme QuA  hounne 

doué  d'un  bon  goût,  quau  I  il  ne  sera;!  pas 
plein  d^  respect  pour  les  livres  saints,  et 
qu'il  lirait  les  canliqu"s  de  Moïse  avec  les 
mêmes  yeux  dont  d  lit  les  odes  de  Pim'are, 
ne  Sera  pas  contraint  d'avouer  que  ce  Moïse, 
que  nous  connaissons  comme  le  premier 
his'ior.en  et  'e  premier  législateur  du  monde, 
est  eu  même-  temps  le  premiir  et  le  plus  su- 
blime des  poètes?  Dans  ses  écr  ts,  la  poésie 
naissante  parait  tout  d'un  co  ip  parfaite,  parce 
que  Dieu  môme  li  lui  inspire,  1 1  que  la  né- 
cessité d'arriver  à  la  jtcrfection  par  degrés 
n'e4  une  condition  attachée  qu'aux  artsin- 
ve  lé>  par  les  hommes.  Cette  poésie,  si  grande 
e:  si  raagniliquc,  règne  encoie  duis  les  pro- 
phètes ei  dans  les  psaumes  :  là  br  lie  dans 
son  é;  lat  majestueux  celte  vr'rita  de  ;jot''s-if, 
qui  n'excite  qic  d'iiouieuses  |>assions  ,  qui 
touc.ie  nos  cu;urs  sans  nous  séduire,  (jui 
nous  |ilait  sa  iS  profiler  de  nos  fublesscs,  (pu 
nous  .'ttarli-  sans  nous  amuser  par  des  conles 
ridicules ,  qui  nous  instruit  sans  nous  rebu- 
ter, qui  nous  fait  connaî  re  Dieu  sans  le  re- 
présenter sous  des  images  indignes  di  la 
Divinité,  qui  nous  siirjtrend  lou  ours  sans 
nous  promener  parmi  des  mervedleschimé- 
fiques  :  agiéable  et  toujours  utile,  noble  par 
ses  isxpression»;  hardip.^ ,  par  ses  vives  fi^u- 


des  pensées  vi- 


ves et  brillantes,  d(^  l'agrément  ei  de  la  jus- 
tesse dans  l'exi  r  ssioii ,  et  tout  le  leste  de 
ce  qui  faillies  poiies,  a:in  (|u'ds  n'employas- 
sent lousces  avanta;j;es  ([u'à  badiner,  àll.dter 
lenrs  passions  criminelles,  et  à  les  exciter 
(I  u)s  les  autres.  . .  l'ourcfuoi  employer  le  gé- 
nie, l'étude  et  l'art  de  bien  écriic,  à  donner 
los  aux  je;, nés  gens  et  aux  esprits  faib'es  dos 
mets  f-oigneusoraent  assaisoiiiiés,  (|ui  les  cm- 
poisonneid  et  (jui  les  corromiienl,  sous  pré- 
texte de  llatter  leur  goi'it  ?  il  faul  donc  ou 
condamner  tout  à  fai  1 1  poésie,  ou  lui  don- 
ner des  suj(Hs  dignes  d'ell' ,  et  la  réconcilier 
avec  la  v(3iilablo  philosoidiie  ,  c'est-à-dire 
avec  la  IxuMu^  moi  aie  etla  soli  ic  piété.  Je  crois 
bien  (]ue  la  corruption  du  siècle  cl  l'esprit 
qui    lèguent   djiis  le    grand 


de   Lbcrtinagc 


monde,  y  luettent  un  grand  obstacle  ;  mais 
avec  des  talents  d  du  courage,  pourquoi  ne 
viendrail-on  pas  à  bout  d,' lo  vaincre'?  No 
serait-il  donc  pas  posslb  e  de  faire  d'cxcel- 
leids  po  mes  sûr  les  niyslèr  s  de  la  loi  nou- 
velle, sur  son  établissement  et  ses  progrès, 
sur  les  vertus  de  nos  saints,  sur  les  bien- 
faits que  notre  nation,  noire  pa.ts,  notre  vil-^ 
le,  ont  reçus  de  Dieu,  sur  des  Mijeis  géné- 
raux de  morale,  comme  le  bonheur  des  gens 
de  bien,  le  mépris  des  riciiesses,  etc.  "?  Si  ce- 
la est  très-diflicile,  du  moins  Je  dessein  en 
est  beau  ;  et  si  l'on  désespère  de  pouvoir 
l'aci  ouiplir,  il  ne  faut  |)as  diuunuer  la  gloiro 
de  ceux  qui  y  ont  ré  ;ssi.  Il  faut  estimer  et 
admirer  la  poésie  des  fh'breux,  quand  luèmu 
elle  ne  serait  pas  uiiilable.  »  Discours  sur  la 
Poésie,  etc.,  ]).  416. 
POLfC.MIQUE  (  théologie  ).  Voy.   Co.ntro- 

VERSC. 

POLOGNE.  Ce  royaume  n'a  reçu  le<  lu 
mières  de  la  foi  qu'au  x'  sièc'e  ;  jusqu'alors 
les  l^ol mais  n'avaient  été  guère  mieux  poli- 
cés que  ne  le  sont  encore  aujouid'liui  lei 
Tartares.  ils  furent  redevables  de  leux  cop- 
version  nu  rM»  «t  k  la  piéti^  d'uns  l«um«. 


1527 


POL 


POL 


IS-2!Î 


Danibrowka,  fille  de  Boleslas,  duc  de  Bn- 
liôme,  avait  é|JOiis(^  Micislas,  duc  de  Pologne  : 
par  ses  instriictiniis  et  par  ses  exemples  elle 
engagea  d'abord  son  époux  à  renoneer  au 
paganisme  ;  run  et  l'autre  travaillèrent  en- 
suite à  en  (Irtacher  leurs  sujets  ;  on  rapporte 
cet  événomcnt  à  l'an  de  Jésus-Christ  9(jG.  Le 
pape  Jean  Xlll,  qui  en  fut  informé,  envoya 
promptemi'Ut,  en  Pologne  .Egidius,  évèque 
de  Tusculum,  et  un  boa  nombre  d'ecclésias- 
tiques pour  cultiver  cette  mission,  et  les 
fruits  eu  augmentèrent  dejour  en  jour.  Les 
protesta  ni  s,  toujours  fAcliés  des  conquêtes 
qu'a  faites  lEg  ise  romaine  par  le  zèle*  des 
papes,  n'ont  pas  manqué  de  jeter  du  blAme 
sur  celle-ci.  Ils  disent  que  les  instructions 
de  cesjiieux  missionnaires  qui  n'entendaient 

Eas  la  langue  du  pays,  n'auraient  pas  i)roduit. 
eaucoup  d'elTet,  si  elles  n'avaient  pas  été 
accompagnées  des  édits,  des  lois  pénales, 
des  menaces  et  des  promesses  du  souverain  ; 
qu'ainsi  c'est  la  crainte  des  peines  ot  l'espoir 
des  récompenses  qui  ont  jet/^  les  fondements 
du  christianisme  {\;\\\s\i\  Pologne.  Guy  établit 
deux  archevêques  et  sept  é\èqi:es,  dont  le 
zèle  et  1rs  travaux  achevèrent  d'amener  à  la 
foi  chi'étienne  les  peuples  de  ce  vaste 
royaume.  ALa  s,  continuent  les  censeurs  des 
missions,  t'jules  ces  conversions  ne  furent 
qu'extérieures;  dans  ce  siècle  barbare  on  se 
mpttait  ))eu  en  peine  du  changement  d'af- 
fections et  lie  princijies  qu'exige  l'Evangile. 
Mosheim,  Ilist.  eccl.,  x'  siècle,  i"part.,  cl, 
§  k.  Cette  cens\ire  imprudente  et  mali^^ie 
fournit  matière  à  ime  foule  de  réllexions.  1" 
Les  incrédules  parlent  de  môme  de  la  con- 
version de  l'empire  romain  so  is  Constantin  ; 
ils  disent  que  ce  sont  les  édits,  les  lois  pé- 
nales, les  menaces  et  les  récompenses  de  cet 
empereur,  plus  que  Us  instructions  des  mis- 
sionnaires ,  qui  amenèrent  ses  sujets  à  la 
profession  du  christianisme  ;  que  toutes 
ces  conversions  ne  furent  qu'extérieures, 
puisque,  sous  le  règne  de  Julien,  une  bonne 
partie  de  ces  prétendus  chrétiens  retournè- 
rent au  paganisme.  Si  les  critiques  protes- 
tants SI'  donnaient  la  peine  de  réfuter  les 
déistes, leurs  raisons  nous  serviraient  àrésou- 
dre  leurs  proiires  objections. —2"  Ils  com- 
mencent pai'  oublier  que  leur  prétendue 
réforme  n'est  devenue  dans  aucun  lieu  du 
monde  la  religion  dominante  que  par  les 
édits  des  souverains,  par  les  ordonnances 
des  magistrats,  par  les  menaces  et  par  la 
violence  exercée  contre  les  catholiiiues  ;  le 
motif  des  conversions  opérées  par  les  pré- 
dicants  a  été  non-seulement  la  crainte  des 
vexations  et  l'espoir  des  récompenses,  mais 
très-souvent  le  libertmage  d'esprit  et  de 
co)ur.  Pourvu  qu'un  prosélyte  s'abstînt  de 
l'exercice  delà  religion  catholique,  il  acqué- 
rait !a  lilierté  de  croire  et  de  faire  tout  ce 
qu'il  lui  plaisait;  plusieurs  protestants  ont 
;ivôv;é  ce  désordre.— 3°  Il  n'y  a  aucune  preuve 
incontestable  des  lois  pénaies,  des  édits  san- 
gl  lits  ni  des  violences  exercées  par  le  duc 
Micislas  contre  ses  sujets  pour  U-s  fore  t  à 
la  jn-ofessiou  extérieure  du  christia.,isme  ; 
parce  que  les  historiens   disent  eu   géuéral 


que  ce  prince  fit  tous  ses  efforts ,  employa 
tous  les  moyens  possibles,  ne  négligea  rien 
pour  amener  les  Polonais  à  la  foi  chrétienne, 
il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  mit  en  usage  les 
tortures  et  les  supplices  ;  mais  les  protes- 
tants, aveuglés  par  la  prévention  et  dominés 
par  la  haine,  interprètent  toujours  les  expres- 
sions des  historiens  dans  le  plus  mauvais 
sens.  Pour  convertir  des  peuples  ignorants, 
grossiers,  presuue  stupides,  qui  ne  tiennent 
à  leur  fausse  religion  que  machinalement  eL 
]iar  habitu  le,  il  n'est  pas  toujours  besoin  de 
violents  elforts,  ni  de  grands  talents;  la  dou- 
ceur, la  charité,  les  exemples  de  vertu  suf- 
fisent. Dans  les  premiers  siècles  du  christia- 
nisme, n'a-t-on  pas  vu  de  simples  particulier>, 
très-peu  instruits,  réduits  en  esclavage  et 
emmenés  par  des  barbares,  venir  à  bout 
de  les  convertir?  Dieu  attache  les  grâces  do 
conversion  à  quels  moyens  il  lui  plaît.  — 
k°  Par  pure  complaisance  pour  nos  adversai- 
res, supposons  pour  un  moment  des  lois  pé- 
nales et  des  édits  menaçants  portés  par 
Micislas  contre  les  idolâtres  polonais.  Un  sou- 
verain convaincu  de  la  vérité,  de  la  sainteté, 
de  la  divinité  du  christianisme,  de  son  utilité 
au  bien  temporel  et  à  la  prospérité  d'un  et  it, 
de  l'absurdité,  de  rim))iété,  des  elfets  per- 
nicieux del'idoiatrie,  ne  peut-il,  s.uis  blesser 
le  droit  naturel,  défendre  par  des  édils 
l'exercice  de  cetti'  fausse  religion  ?  La  pré- 
tendue liberlé  de  conscience,  tant  réclamée 
par  les  protestants  et  ])ar  les  incrédules,  ne 
peut  jamais  être  le  droit  de  violer  la  loi  na- 
turelle, de  se  faire  du  mal  à  soi-môme  et 
aux  autres.  Si  un  souverain  n'a  pas  droit  de 
réprimer  l'abus  de  la  liberté,  il  ne  peut  sans 
injustice  porter  aucune  loi,  puisque  toute  loi 
([uelconque  gène  la  liberté.  Mais  défendre 
l'exercice  de  l'idolâtrie,  ce  n'est  pas  forcer 
des  sujets  h  professer  le  christianisme  ;  les 
prédicateurs  de  la  tolérance  confondent  ma- 
licieusement ces  deux  choses.  Voy.  Liberté 
DE  Conscience.  Tolérance,  etc. 

La  religion  catholique  était  demeurée  pure 
depuis  son  établissement  en  Pologne  jus 
qu'à  la  naissance  du  protestantisme  au  xvi' 
siècle.  Qjelques  disciples  de  Luther  allèrent 
y  firtkdier  leur  doctrine  et  y  firent  des  pro- 
sélytes; |ieu  de  temps  après,  les  frères  mo- 
raves  ou  bohémiens,  descendants  des  hussi 
tes,  s'y  réfugièrent;  plusieurs  disciples  de 
Calvin,  sortis  de  la  Suisse,  y  répandirent 
aussi  leurs  sentiments;  enfin  des  anabaptis- 
tes et  des  antitrinilaires  ou  sociniens  y  fo,  mô- 
rent  des  sociétés,  et  s'y  sont  maintenus 
pendant  assez  longtemps.  Aujourd'nui  l'on  ,v 
connaît  encore  au  moins  quatre  religions  :  io 
catholicisme  ijui  est  la  dominante,  et  il  y  a 
([uelques  églises  catholiques  du  rite  grec, 
aussi  bien  que  des  Grecs  schismatiques.  Les 
protestants  forment  un  troisième  parti,  et  les 
Juifs  y  sont  tolérés. 

POi.YCAKPE  (  saint),  évèque  de  Smyrne, 
disciple  de  saint  Jean  l'Evangéliste,  est  un 
des  Pères  apo.Uoliques;  il  y  soutfiit  le  mar- 
tyre l'an  169  de  Jésus-Christ,  ou  quel(.|ues 
années  plus  tôt,  suivant  quelques  écrivains 
modernes,  et  il  était  alors  dans  un  âge  très- 


4529 


POL 


avancé.  C'est  saint  Inhiée  qui  nous  auprend 
que  Poh/cfirpe  son  rondisciiile  avait  6l6  in- 
striiit  à  l'école  (le  saint  Jean,  iiu'il  avait  con- 
versé encore  avec  d'antres  apTi'i'cs,  et  (ju'il 
avait  vécuavec  |)Iusienrsdesdisci|iies  témoins 
<les  actions  du  Sauveur.  Il  ne  nous  reste  de 
lui  qu'une  lettre  écrite  aux  l'iiilippiens, 
trôs-respectée  de  tous  les  anciens  auteuis 
C'cclésiasti(|ues,  et  qui  est  dans  la  Collection 
des  Pères  Annstoliinws,  t.  II.  Cependant  quel- 
(jues  prntoiants.  par  intérêt  de  système,  ont 
affecté  d'en  révoquer  en  doute  rautlienticit('\ 
«  lîllo  est  regardée,  dit  Moslieim,  par  quel- 
ques-uns coninie  véritable,  et  jiai'  d'autres 
comme  siq)t)Osée,  et  il  n'est  pas  aisé  de  déci- 
<lcr  la  (jneslion.  »  llist.  ecck's.,  \"  siècle, 
II'  part.,  c.  'i,  §  21.  Mais  la  (|uestion  est 
ti-ès-décidée  |)our  tout  homme  cjui  n'a  au- 
cun intérêt  à  la  prolonger.  Daillé  est  le  seul 
auteur  connu  (pii  ait  entre:  ris  de  jeter  des 
doutes  sur  l'autlienticilé  de  cette  lettre,  parce 
qu'elle  renl'ei'un'  un  lémoi.aiagc  iiiM'tVagable 
en  faveur  des  lellres  de  saint  Ignace,  ((ue 
ce  crilicpie  témi'raire  ne  voulait  |)as  ailniel- 
tre.  .\ussi  a-t-il  été  solidement  réfuté  par 
Péarson  ,  Yindic.  /fjnnl.,  c.  5,  et  Daillé  n'a- 
vait allégué,  suivant  sa  coutume,  fiue  des 
ra'sons  frivoles.  I.e  Clerc  ne  fo.nie  aucun 
dnide  sur  l'antlienliciti''  de  ce  même  écrit. 
Hist.  eciles.,  an  11",  p.  572.  .Mallieureuse- 
ment  j)0ui'  les  pro'estants,  ce  monument  si 
rcspectalije  renfi  rme  deux  passages  très- 
clairs  :  l'un  sur  la  présence  réelle  de  Jésus- 
Christ  dans  l'eucharistie,  l'aulro  sur  la  hié- 
rarchie, ou  sur  les  dilférents  oi'dres  des  mi- 
nistres de  l'Kglise  ;  les  prolestants  en  sont 
l'Achés,  ils  voudraient  s'en  (h'barrasser  en 
rendant  suspecte  la  lettre  entière.  Après 
le  martyre  de  saint  Pniyrarpe,  l'iiglise  dc^ 
Smyrne  en  adressa  une  relation  très-dél  ullée 
ettrès-édiliante  aux  aidres  Eglises;  et  ce  mor- 
ceau, dont  l'authenticité  ne  futjaraais  conies- 
lée,  contient  encore  un  témoignage  lo  inel  du 
culte  reuilu  jtar  les  preuners  tilèles  aux 
reliques  des  martyrs.  Voy.  KRT.iyuics.  Ulcm. 
(le  Tillemont,  I.  I,  p.  1^2"  et  suivantes. 

l'OLYtiA.MIl':,  c'est  le  mariage  d'un  hom- 
me avec  plusieurs  femmes  en  même  lem|>s. 
Tout  le  monde  C(;nvient  que  h'  mariag  ■ 
d'une  femme  à  iil.isieurs  maris  en  même 
temps  serait  contraire  à  la  tin  du  mariage, 
qui  est  la  procréation  des  enfants,  j'ar  con- 
séquent opposé  à  la  loi  naturelle  ;  aussi  ne 
voit-on  pas  que  ce  désordre  ait  jamais  éli' 
autorisé  chez  aucun  ]'.eupl('  poli(^é;  mai^*  il  y 
a  des  auteurs  (|ul  ont  soutenu  qu'il  n'en  est  pas 
de  même  du  mariage  d'un  seul  honnne  avec 
plusieurs  femmes,  que  cet  usage,  qui  règne 
encore  chez  plusieurs  peuples  infidèles  , 
n'est  défendu  chez  les  nations  chrétiennes 
que  |)ar  une  loi  positive.  S'ils  avaient  exami- 
né la  question  avec  |ilus  de  soin,  il  est  pro- 
bable cju'ds  auraient  pensé  ditTérennnont. 
D'abord  Dieu  en  créant  l'homme  ne  lui  donna 
qu'une  seule  épouse;  et  il  ajouta,  lisseront 
deux  dnns  une  seule  chair  :  c'est  au  mariage 
ains-  réduit  à  l'unité  que  Dieu  donna  .sa  le- 
uédictiou  [Gcn.  i,28;  ii,  2'i;.  Telle  et  l'inten- 
tion et  la  première  institution  du  Créateur. 


POL  1530 

Si  la  plinvdité  des  femmes  avait  pu  contri- 
buer .'i  of'u[iler  ]ilus  promiitement  la  terre  et 
h  faire  le  bonheur  de  l'honnue,  il  csi  à  pré- 
sumer qcui  Dieu  la  lui  aurait  accordée.  Dieu 
y  pourvut  d'une  autre  manière  par  la  vie 
très-longue  qu'il  voulut  bien  accorder  au 
liremier  hounm^  et  h  ses  descemianls.  Cest 
l;i-d(\ssus  que  Jésus-Christ  s'est  fondé  pour 
di'uiontrer  aux  Juifs  que  le  divorce  permis 
|iar  la  loi  de  Mo:se  était  un  abus  [Matth.  xix). 
Saint  Paul,  en  parlant  du  mai'iage  ,  sup])ose  do 
mêine  (pi'ildoilêlre  réduit  à  l'unité  (/for.  Vil, 2] 

Ce  endant  plus  eurs  patriarches,  l.amecli. 
Abraham,  .lacob,  Esaii,  ont  eu  ])lusienrs 
fennnes,  et  ils  n'en  sont  point  bl.lmés  daiis 
riiisloire  sainte.  Moise  n'a  point  défendu  la 
poli/!/nmie  par  ses  lr)is,  il  semble  plut  t  la 
|iermet(re;  Klcana,  père  de  Samuel,  David  et 
Salouion,  étaient  polygames;  tous  ont-ils  pé- 
elié  cintre  le  droit  natuiel?  Jésus-Christ,  oi 
rappelant  le  mari  ige  h  son  institution  primi- 
tive, a-t-il  restreint  le  droit  de  la  nature?  !.a 
loi  évangéli(p.ie,  qui  établit  la  monogamie, 
n'est-elle  qu'une  loi  positive  k  laquelle  on 
puisse  dérog'T  en  certains  cas?  Voilà  trois 
questions  auxquelles  un  théologien  est  obli- 
gé de  sati.>faire. 

1.  Il  faut  observer  d'abord  que  le  droit  na- 
turel ne  peut  pas  être  exactement  lo  même 
dans  les  divers  états  de  la  société  ;  l'ob  et  es- 
sentieldela  loinaturellequiétablit  ce  droitesl 
le  liien  général  de  l'humanité  :  or  le  liien  gé- 
néral change  à  mesure  que  l'état  delà  société 
varie.  Il  peut  arriver  qu'un  usage  qui  ne  por- 
tait aucun  préjudice  h  l'intérêt  général  dans 
un  certain  état,  y  nuise  dans  d'autres  cir- 
constances ;  dès  ce  moment  cet  usage  coni- 
nienc:'  à  être  d  fendu  ]iar  la  loi  nature'le. 
Dans  l'état  de  société  domestique  qui  a  précé 
dé  létal  de  société  civile,  lorsque  les  familles 
étaient  encore  isolées,  nomades,  et  formaient 
autant  de  peuplades  différentes,  la  polygamie 
était  à  peu  près  inévitable,  et  elle  n'entraînait 
pas  les  mêmes  inconvénients  qui  en  résul- 
leiH  aujourd'hui.  Une  famille  était  étrangère  k 
une  autre  famille,  une  tille  trouvait  donc  dif- 
licilement  k  s'établir  ;  pour  avoir  un  époux, 
elle  était  presque  toujours  obligée  de  s'expa- 
trier. Les  femmes,  réduites  k  une  condition  à 
peu  près  semblable  k  celle  des  (esclaves,  et 
très-sédentaires,  neconnaissaient  que  la  ten- 
te de  leur  jière  ou  de  leur  époux.  Consé- 
(piennnenl  les  tilles  préféraient  d(>  conservei' 
les  nueui's,  les  h.diituiles,  le  langage  de  leur 
propre  famille ,  en  y  ]irenanl  i  n  seul  mari 
pour  plusieurs,  ([ue  de  jiasser  dans  une  autre 
peuplade,  qui  était  pour  elles  un  pays  étran- 
ger. Il  est  prouvé,  par  une  expérience  con- 
stante, que  plus  une  jeune  [XTSonne  a  été 
retirée  ei  solitaire,  [ilus  il  lui  en  coûte  de 
quitter  la  maison  paternelle.  En  second  lieu, 
l'intérêt  de  chacune  des  familles  nomades 
exigeait  (juc  le  chef  eAt  une  multitude 
d'enfants  et  d'esclaves  pour  garder  les  trou- 
peaux et  se  défendre  contre  les  agresseurs  ; 
le  I  ère  était  souverain  de  celle  petite  répu- 
blique. De  s  m  cùlé  une  mère  de  famille 
était  ilattée  de  régner  sur  toute  cette  i)eupki 
soirs  I  autorité  ({<•   son  éjioux.  De  là  l'^JnbJi 


t551 


POL 


ML 


1532 


tioii  des  femmes  d'avoir  beaucoi/p  d'enfants  ; 
ou  cas  de  sti'Tilité,  des  a;loptsient  ceux  de 
leurs  esclaves,  l'tles  ('■If^vaientavec  l'attention 
d'une  mère.  I.a  poli/çjnmie  n'ét  it  donc  alors 
contraire  i^^  à  l'intérêt  des  l'enimes,  nia  celui 
des  en  ants,  ni  à  celui  de  la  famille  ,  ni  jiar 
consé(jiient  au  jjicii  général.  Comment  aurait- 
elle  i.u'riaraître  opposée  à  la  loi  natun^He? 

Pour  disculper  les  p.  triaiches  i  olvgames, 
il  n'est  donc  pas  nécessaire  i!e  recourir  à 
une  dispens.'  ,  ni-  h  une  permission  parti  u- 
lière  de  Dieu,  id  à  l'ignorance  dans  laq;ielle 
is  ont  pu  i^t  e  du  (indt  natiu-el  :  ils  sont  suf- 
fisamment jiistiliés  ar  1-  s  circonstances.  !1 
n'y  avait  encore  alors  point  de  société  civile 
ni  de  lois  positives  établies,  et  ils  étaent 
chefs  de  peupla  les.  Lorsque  l'Anglais  l'inès 
fut  jeté  par  un  naufiag'^  da::S  une  î  e  déserte 
avec  quatre  femmes,  et  qu'il  en  eut  des  en- 
fants, il  se  trouvai',  dans  un  état  sembla. de 
à  celui  des  patriarches  ;  oserait-on  décider 
qu'il  pécha  contn'  1 1  loi  natui  elle  '!  Quand  il 
au  rail  été  besoin  d'une  dispense  pour  .Miraham 
et  pour  Jacob,  on  devraii  encore  présumer 
que  Dieu  la  leura  doimée.  ]in  vertu  des  pro- 
messes divines  {Gen.  xii,  1),  Abridiam  étad 
destiiréà  être  la  li.^e  d'une  grande  nal  ou,  et 
déjà  il  avait  à  ses  ordres  un  grand  nombre 
de  dom  stioues.  Sara  son  épouse  était  >téile 
et  hors  de  i  ;1ge  d'avoir  des  enfants;  il  avait 
donc  de  fories  raisons  d;;  penser  q  .e  da  ,s 
cette  cire  ustance  la  loi  de  la  raono.^  unie  n'a- 
vait plus  lieu  pour  lui,  et  l'invitation  qiie  lui 
litSaia  de  prendre  Agar  dut  le  conlir'iner 
dans  cette  opinion.  Dans  tous  les  temps  on 
a  jugé  qu^'  le  l)ien  g'néral  dune  nation  é- 
tait  unmotif  l'git.me  de  dis,  enser  un  souve- 
rain de  certaines  lois  civiles  ou  e  clésiasti- 
ques,  et  d  nous  par  lit  que  .\braham  était  un 
personnage  non  moins  important  qu'un  sou- 
vei'aiu.  Aucun  (laiticulier  placé  en  société 
civile  ne  s'et  jamais  trouvé  dans  les  mêmes 
circonstances  que  Abraham,  et  n'a  pu  se 
prévaloir  de  son  exerUjle.  Jacob,  héritier 
des  [iromesses  faites  à  sorr  areul ,  était  irans 
un  cas  moins  favor  .b'e,  pu  sque  !Ja,  s^  pre- 
nrière  ftiuiue,  était  féconde;  mais  elle  l^i 
avait  été  doirnée  jiar  fraude  et  mal^^r  ■  lui  ; 
dirs  11  rigueur  il  aurait  pu  légitimement  la 
renvoyer  d'abord.  L'espéi'ance  b  en  fondée 
de  deve.ii,-  le  père  d'un  peuple  nombreux 
l'ctxcusait  aussi  bien  que  l'usapC  des  C!ial- 
déen;  parmi  lesquels  ilhabitait  pour  lors. 
tl  n'est  donc  pas  étonnant  que  l'K  riture  ne 
hlàme  ni  Abr'aham  ni  Jacoi),  et  que  les  Pères 
de  l'Eglise  aient  conspiré  à  jus, nier  1  un  et 
l'autr  ■. 

II.  Lorsque  Moise  donna  des  lois  aux 
îlébieux,  il  ne  lui  p.'U'ut  pas  possible  d'iri- 
teri.ure  absolument  lu  polygamie;  il  est  très- 
ju'ob.ible  qu'ell.'  éigit  en  usige  chez  les  na- 
tions de-quelles  il  étad  environné,  et  que 
les  Hébreux  s'y  étaient  accoutumés  en 
Egypte.  Mais  Moïse  ne  la  per'mitfias  formel- 
lement, il  la  gêna  même  et  en  prévint  l'abus 
par  plusieurs  de  ses  lois;  par  la  même  rai- 
son il  tulér.  le  divorce  par  la  crainte  d'un 
plus  giarci  mal;  c'est  ainsi  q  e  .iésu-.-Chr  st 
a  iuslUié  la  conduite  de  ce  législateur  (M////^ 


XIX,  8).  Le  principal  objet  de  Moïse  était  do 
pourvoir  h  l'intérêt  national  ;  une  preuve  do 
la  droiture  do  sa  c  uid  ite,  c'est  qu'il  n'usa 
point  lui-même  de  la  liberté  q;i'il  laissait  aux 
aiit.es.  Aus-i  i  e  voyons-nous  prjint  que  la 
poh/f/amie  a'û  été  cùmiiiune  chez  les  Juifs; 
de,  uis  Moï-e  jusqu'à  David,  i'bist  iro  n'en 
fournit  ;  oint  d'autre  exemple  que  celii'i 
d  KIcana,  père  de  Samuel,  qui  avait  deux 
femmes,  et  l'Ecriture  nous  donne  à  entcndrt 
qu'il  avait  [ins  la  seconde  à  civ.se  de  la 
stérilité  d"  la  première;  cep  ndant,  c<imrae 
il  est  dt  de  J-^ïr,  qu'il  ava^t  rrcnte  fUs  tous 
dans  l'r'ige  v  ril,  on  ne  peut  guèie  pr  sumcr 
qu'il  les  avait  eus  d'une  seule  f  mime.  Dieu 
avait  défendu  au\  roisdes  Juifs  de  ;  re,  dreun 
gra-d  nombre  de  femmes  {Deut.  xvn,  7j.  Ln 
polyfi'nhie  de  Salomon  était  donc  inexcusa- 
ble, et  riicri  ure  s  mte  nous  en  fait  remar- 
quer les  funestes  eiïets.  De  tout  t  mes  c'a 
été  une  paiti'  du  luxe  des  souverains  de 
lAsie.  Si  David  ne  t  pas  furmef  emei;t  blâ- 
mé daiisles  livr  s  saii  ts  n'avoir  en  plusieurs 
épouse-,  celte  con  mite  n'y  est  pas  non  plus 
for'mellement  a, (prouvée. 

liL  Jésus-C.':r  si,  en  i  nposant  aux  hommes 
une  loi  souv^  lie  et  jilus  parfaite  q  :e  l'an- 
cienne, ne  s'est  p.as  propo-é  pour  objet  Tin- 
té ôt  d'une  feule  peuj  la  le  ou  d'une  seule 
nation,  mais  1  •  bien  g  neral  de  l'humanité. 
Tous  les  peuples  connus  pour  lors  étaient 
déjti  r  unis  en  aulnt  de  sociétés  civiles  et 
nationales;  le  dessein  du  Sauveur  a  été  de 
les  unir  encore  en  une  seule  société  leli- 
gieuse,  (^t  de  leur  apprendre  à  ft-aterniser 
1  s  uns  avec  les  autr'-s  :  J  en  fcrui,  dil-il, 
u/i  seul  bercail  sous  un  niéinc  pasteur.  Dans 
cet  état  de  cho-e-i.  il  n'est  pas  dillicile  do 
]ii-ouver  crue  la  polygamie  est  coi  tr.  ire  au 
bi.'ii  -énéral,  par'  cons/qm  nt  réprouvée  par 
la  loi  naturelle,  que  c'était  une  nécessité  de 
rame  er  le  m<iriage  à  son  urnté  primitive. 
t'  Dans  cet  état,  la  fréquentation  libre  e  tre 
les  deux  sexes  et  entre  les  peuples  rond  les 
ail  ances  beaucoup  plus  faciles.  Li'S  femuitiS, 
du  t  le  Ira  a  I  est  devenu  nécessaire  à  plu- 
s  eurs  arts  et  au  commerce,  ne  sont  p  us  sé- 
dentaire ,  esclives,  enfermées,  victimes  de 
la  jalousie  de  leurs  maris,  comme  elles  le 
sont  chez  les  iieuples  polygarues.  Les  )ois 
c  viles  OUI  rùjé  le  .rs  droit>  et  ceux  de  tous 
les  citoyens;  f-  de5pot'Siiie  des  pères  de  fa- 
mille ne  peut  plus  avoir  lieu  :  le  nouveau 
de^ré  ne  liberté  qu'acquièrent  les  enfants 
exige  qu'ils  soient  unis  plus  étioitemnt  par 
les  liens  du  .-ang-et  de  la  naissance.  —2"  La 
polygamie,  loin  de  fasre  le  bonheur  des 
époux,  y  met  un  obstacle  invincible;  c'est 
le  témo  gnac,e  que  rendent  les  voyageurs 
qui  ont  le  mieux  examiné  les  moeurs  des 
Asiat  ques.  »  Chez  les  'Turcs,  dit  M.  Tott, 
la  beauté  môme  des  femires  devient  insipide 
aux  maris;  excepté  quelque  nouvelle  es- 
clave qui  peut  pfjuei  Lmic  curios  té,  le  ha- 
rem ne  leur  inspire  que  du  d 'goitt.  Le  dé- 
soi'dre,  né  d-  la  conrainte  et  de  la  réunion 
de  plusieurs  foniiiies,  est  un  ell'et  infaillible 
d''  Il  loi  qui  en  pei-mei  la  plui.  lité.  La  na- 
ture ,  également  coiitrariée  dans  les  deux 


fS3S 


ML 


POL 


1554 


sexes,  doit  aussi  également  les  éy;arer.  Sou- 
vent l'inclination  des  Icininos  les  pousse  à 
s'échappiT  de  leur  prison,  et  alors  elles   en 
sont  ti^ujours  les  vietiines  ;  la  j;dousie  entre- 
lient entre  elles  une  division  tonstiute,  et 
les   maris  sont  eoiitinuellrinent   occuiiés  à 
rétablir  la  paix.  »  Mcin.    sur  tes    Turcs,   les 
Tarlares  et  les  l'Ajf/ptiens,  t.  1,  dsc.  préliin., 
p.  52. —  3"  Quelques  spi'culateuis  supeilie;eis 
se   sont  |ie  suaiié  que  la  polygamie  contri- 
bue à  la  [>opulation  :  c'est  une  erreur;  les 
lioinmes   instruits  attestent   le  contrau-o.  Il 
est  clair  «pie  six  (:  maies,  ([ui  ont  chacune  un 
mari,  doiuier.int  plus  U'eid'.ints  (jue  si  tlles 
n'en  avaient  qu  un  seul  en  commiui;  cela  est 
conlirmé  par  l'état  de  dépii|iuiation  dos  con- 
trées de  l'As  e,  où  la  pulijyumic  est  permise. 
Les  pauvres,   qui  ne  sont    ]ias    en   état  de 
nourrir  plusieurs  lemincs,  i.e  peuvent  user 
de  cc'te  1  berté;  et  les  ncnes,  pour  satislaire 
leur  lubricité,   e.. lèvent   les    lilies  que    les 
pauvres  pourraient  épouser.  Comme  un  dé- 
sordre  ne    manciie  j.nnais    d'en   entrauier 
d'autres,  chez  les  p  ujik-s  polygames  les  ma- 
ris sont  en  possession  de  tuer  l.uis  femmes 
et  leurs  lilies,  .^ans  encourir  aucun   chiUi- 
menl.  —  V"  La  pl.rolité    des  femmes  n'est 
pas  mi3ins  contraire  a  l'éducation  des  enfants 
et  à  l'uidon  des  fauniles.   Il  est   impossdjle 
que  les  enfants  de  plusieurs   nières  sou'Ut 
également  aimés  et  soij^nés    par  ietu-père; 
il  y  a  mcessairement  des  [iréddcciions;  de 
là  les  jalousies  et    les  divisions  entre  les 
mères  et  entre  leurs  en  ants.  Alors  le  ma- 
riage ne  peut  produi  e  entre  les  maris  et  les 
l'emmcs,  >  ntre  le  pè.e  et  les  euianls,   enire 
les  parents  par  alliance,   le  mèuie  attache- 
iiienl  (j'ie  dans  les  contrées  où  il  est  réduit 
à  l'unité.  —  5"   La  polygamie  ne   peut   être 
établie  chez  une  nation  qu'aux.  dé[)ens   des 
autres.  On  connaît  le  commerce  nfaQie  qui, 
dans  les  dilféreiites  coût,  écs  de  l'Asie,  se  lait 
des  jeunes  geiis  iJe  1  un  et  de  l'autre  sexe 
pour  peu|)ler  les  sérails  de  la  Turi|Uie  et  de 
lu  Perse,  ^a  coutume  abominublL' de  faire  des 
t'iiiuq  es  pour  en    èlre   les  gardiens,    les 
cimas  que  produisent  lalubricilc,  la  jalousie, 
le  lineitiiia^i!  chez  les  peuples    asiatiques. 
Ceux  d  '  nos  écrivains,  ipii  ont  imaginé  que 
les  femmes  vX  les  lill  s  é.evées  euns  la  re- 
traite d'un  s.ra  1  devaient  avoir  les  miEnis 
ti'ùs-pu.es,  se  sont  grossièrement  t.ompés; 
plusieurs  \oy.sg  urs  atieslenl  le  contrair,'. 

il  est  donc  certain  que  Jesus-i-ihrist,  en  ré- 
tablissant le  niaiia.;!^  dans  son  uniié  et  sa 
saintel/  primmves,  a  mieux  pourvu  à  1  ob- 
servation du  ilruit  1  aturei  et  au  b.en  général 
que  tous  les  autres  législaleurs.  La  cou  lam- 
nalion  (pi'il  a  f  nte  de  la  potyytinue  ne  jieut 
être  envisa;é  '  coinme  une  simple  loi  jiosi- 
tive,  susceptiide  de  dispense,  ne  dérogation 
ou  d  abro^atim.;  le  bien  cmnmun  de  l'Iin- 
maniié  ex:ge  absolument  celte  loi  dans  l'éiat 
de  société  civile.  Tout  peuple,  chez  lequel 
cette  loi  sainte  est  impuiieiuiiit  violée,  ne 
sera  jamais  |  arfanemenl  jiolicé.  De  là  il  s'en- 
suit que  Calvin,  (jui  a  t  ixé  d'adultère  la  pu- 
lyyamie  des  pairiarches,  était  dans  l'erreur; 
(jue  Luther,  oui  a  prétendu  qu'elle  n'est  pas 


'actuellement  contraire  au  bien  général,  qui 
même  a  eu  la  faiblesse  de  la  [lermcttre  au 
landgrave  d'  liesse,  a  été  encore  [ilus  cou- 
pable. On  ne  (louvad  ullégiicr  en  faveur  do 
ce  prince  l'avantage  de  s.  s  sujets  m  aucun 
motif  d'uilué  p.lditiue;  il  n'ex|  osa  jioiiit 
d'autre  raison,  en  d  man  laiit  dispense,  quo 
la  lubricité  de  son  te.iipéraineni.  Jlisl.  des 
Variât.,  1.  vi,  §  1  et  siiiv.  Aucune  loi  romaine 
ne  |)eriiielUut  la  polyyainie;  il  ne  lut  (.OoC 
pas  diflicde  aux  fiasteurs  de  l'Lg'ise  d'obli- 
ger, (lar  les  pein  s  canooiq.u^s,  les  lijèles  à 
observer  la  loi  de  l'Evangile  qui  la  . (fen- 
dait; les  [loljgames  lurent  donc  condamnés 
à  quatre  ans  de  pénitence  [lubliipi  •.  liin- 
gliam,  Oriy.  cccics.,  1.  xvi,  §  5.  Mais,  lo  S(juo 
les  barbares  eur.  nt  apporté  dans  nos  climats 
toute  la  grossièreté  et  la  licenue  des  mœurs 
de  la  (i'  rman.e,  cette  disciiil.n.'  reçut  sou- 
vent des  aue  nti  s;  nous  vojons  que  plu- 
sieurs de  nos  ro  s  iie  la  première  r.ce  s  ob- 
stinèieiit  à  prendre  [ilusie.u's  épouses,  et 
voulurent  le.s  garde. .  Heureusement  la  ré- 
s.stance  courageuse  des  p  q  es  ut  peu  <i  peu 
cesser  ce  s.an  aie.  Cette  loi  est  suj-  tte  ii  ues 
incoiivé.iie.us,  sans  doute;  elle  peut  i^a- 
laitie  dure  dans  certainej  circoiistan.  es,  et 
plusieurs  disse,  tat.'.d's  inodei ne»  l'omit  f.iit 
renia. (jucr,  mais  ces  inconiéinenis  ne  seront 
jania.s  aussi  grands  q,,e  ceux  qui  resuKe- 
l'.iientde  \ii  putyi/aiitie.  Qain\d\\  est  cjuestion 
de  peser  le»  avaniag  s  et  les  inconvcinents 
d  une  loi,  il  faut  ;.voir  é-,ard  a  l'inlérèt  gè- 
ne, al  p  utol  qu'à  celui  d.s  parliculiers. 

On  pré  en  I  qu  au  xvi'  siècle  n  y  eut  des 
liéréliques  qui  souiiment  que  \i\  polyyatuie 
j)oir.  ait  èlre  permise  en  certains  cas.  Ber- 
iiaidin  Ocnin,  qu,  ava.t  été  général  des  ca- 
pucins, ei  qui  a,  osiasia  pour  emorasser  le 
jirotestantisme,  é.<ul  de  ce  noinore;  n  fut 
banni  de  la  Sui.sse  en  1543,  a  cause  de  ses 
sentiments;  il  se  .etua  en  PuiogU'',  où  il 
embrassa  les  eireurs  et  la  communion  des 
anuinnitaires  et  dos  an.ibapl.stes,  et  il  mou 
rut  daus  la  misère  en  13lj+.  S.'s  seclai.  urs 
furent  nommés  polyytiinistes,  mais  il  pa.ait 
qu'ils  ne  furent  pas  en  g.  and  nombre,  et 
qu'ds  ne  liront  pas  beaucoup  de  Oruit.  C  est 
ceiiendaiit  un  exemiile  du  libe.tinago  u'es- 
pr.t  et  de  cœur  que  la  préteuuue  ré. orme 
inspirait  à  tes  |  artisans. 

l'OLYCLOTl'E,  liild  •  imp  imée  en  plu- 
s:eui's  langues  ;  c'est  la  sign.lical.on  déco 
terme  grec.  La  première  qui  ait  paru  ^st 
celle  du  cardii.al  Ximé.e»,  imiir.uiée  en 
15  5,  a  Alcala  de  Hénares,  en  L-spa^no;  on 
la  nomme  communément  la  litùk  Ue  Com- 
plute;  elle  est  en  G  volumes  in-iolio  et  eu 
quatre  langues.  Elle  c  utient  1  •  texte  hé- 
breu, la  ]i;uaphras,'  chai  .aiquu  d'Onkélos  sur 
lePenialenque  seulc^menl,  la  \ersiong  eeque 
des  Se|)iante  et  1  ancienne  ve.sion  laLiie  ..u 
italique.  On  n'y  a  point  mis  u'aulre  traduc- 
tion latine  uu  texte  hébreu  que  celte  der- 
iiièn;,  mais  on  en  a  joint  une  Intér^de  au 
grec  des  Septante.  Le  exte  grec  du  A'ouveau 
Testament  y  est  imprimé  sans  accents,  afin 
de  re;irésent'. r  plus  exactement  les  anciens 
exemplaires  grecs  où  les    accents   r.e   sont 


15SS 


POL 


POL 


dS56 


point  marqués.  On  a  placd  à  la  fin  un  appa- 
rat (Jps  gramuiairiens,  des  dictionnaires  et 
des  tables.  Cette  BiJjle  est  rare  et  fort  rhère. 
François  Ximéiiès  de  Cisneros,  cardinal  et 
archevêque  de  Tolède,  qui  est  le  principal 
auteur  de  ce  grand  ouvrage,  marque,  dans 
une  lettre  écrite  au  pape  Léon  X,  qu'il  est  à 
propos  de  donner  l'Ecriture  sainte  dans  les 
textes  originaux,  parce  qu'il  n'y  a  aucune 
traduction,  quelque  parfaite  qu'elle  soit,  qui 
les  représente  parfaitement.  —  La  seconde 
polyglotte  est  celle  de  Philippe  H.  im[)rimée 
à  Anvers,  cliez  Plantin  en  IStâ,  parles  soins 
d'Arias  Montanus.  Outre  ce  qui  était  déj.^ 
dans  la  Bible  de  Complute,  on  v  a  mis  les 
paraphrases  chaldaïques  sur  le  reste  de 
l'Ecriture  sainte,  avec  l'interfirétation  latine 
de  ces  paraphrases.il  y  a  aussi  une  version 
laline  littérale  du  texte  hébreu,  jiour  l'uti- 
lité de  ceux  qui  veulent  apprendre  la  langue 
Jiébraïque.  A  l'égard  du  Nouvrau  Teslnment, 
outre  le  grec  et  le  latin  de  la  Bible  dAlcala, 
ou  a  joint  ;i  cette  édition  l'ancienne  Aversion 
syriaque  en  caractères  syriaques  et  en  ca- 
ractères hébreux  avec  des  points-voyelles, 
pour  en  faciliter  la  lecture  à  ceux  qui  sont 
accoutumés  à  lire  l'hébreu.  On  a  aussi  ajouté 
il  cette  version  syriaque  une  interprétation 
latiiiL'  composée  par  Gui  Le  Fèvre,  qui  était 
chargé  de  l'édition  syriaque  du  Nouveau  Tes- 
tawent.  Eutin  l'on  trouve  dans  la  polyglotte 
d'Anvers  un  plus  giand  nombre  de  gram- 
maires et  de  dictionnaires  que  dans  celle  do 
Com,  lute,  et  plusieurs  petits  traités  néces- 
saires pour  éclaircir  les  endroits  les  plus 
dilliciles  du  texte.  —  La  troisième  po/(/(//o//e 
est  celle  de  Le  Jay,  imprimée  k  Paris  eu  ItiVS. 
Elle  a  cet  avantage  sur  la  Bible  royale  de  Phi- 
lippe II,  que  les  versions  syriaque  et  arabe 
de  V Ancien  Testament  y  sont  avec  des  inler- 
j.rétations  latines.  Elle  contient  de  |>lus  sur 
le  Peutaleuque  le  texte  hébreu  samaritain, 
et  la  ve  siou  samaritaine  en  caractères  sa- 
maritains. Le  Nouveau  Testament  y  est  coti- 
forme  à  celui  de  \ixpolyglotte  d'Anvers,  mais 
on  y  a  jo  nt  une  tra; ludion  arabe  avec  une 
inteiprétation  latine.  11  y  manque  un  appa- 
rat, 1  s  g  aaimaires  et  les  dictionnaires  qui 
sont  dans  les  deux  autres  polyglottes,  ce  qui 
rend  imi)ariait  ce  grand  ouvrage,  recom- 
mandable  d'ailleurs  par  la  beauté  des  carac- 
tères. —  La  quatrième  est  la  polyglotte 
d'Angleterre,  imprimée  à  Londres  en  1057, 
et  simvent  appelée  Bible  de  Wallon,  parce 
que  IJiyan  Walton,  depuis  évèque  de  Win- 
tliester,  prit  le  soin  de  la  faire  imprimer. 
Elle  n'est  pas,  à  la  vérité,  aussi  magnifique 
pour  la  beauté  des  caractères  ni  pour  la  gran- 
ileur  du  jjapier  que  celle  de  Le  Jay,  mais  elle 
est  plus  ample  et  plus  commode.  On  y  trouve 
la  vulgate,  selon  l'édition  revue  et  corrigée 
par  Clément  Vlll,  au  lieu  que  dans  celle  do 
Paris  la  vul^iale  i  st  telle  qu'elle  était  dans  la 
Itiule  d'Anvers  avant  la  correction.  11  y  a  de 
plus  une  vc'sion  latine  inlerlinéaire  du  texte 
liébieu,  au  leu  que  dans  l'éditiou  de  Pans 
il  n'y  a  point  d'autre  version  latine  sur  l'h'-- 
breu  ([ue  notre  vidgate.  Dans  la  polyglotte 
d'Angleterre,  io  grec  des  S  >plante  n'est  pas 


celui  de  la  Bible  de  Complute,  que  l'on  a 
gardé  dans  les  éditions  d'Anvers  et  de  Paris, 
mais  le  texte  grec  de  l'édition  de  Kome,  au- 
quel on  a  joint  les  diverses  leçons  d'un  autre 
cxempl.iire  grec  fort  ancien,  appelé  alexan- 
drin, |iarce(|u'il  est  venu  d'Alexandiie.  Voy. 
Ski'ta^te.  La  version  latine  du  grec  des 
Septante  est  celle  que  Flamiuius  Nobilius  fit 
imprimer  à  Kome  par  l'autorité  du  pape 
Sixte  "V.  11  y  a  de  plus,  dans  la  polyglotte 
d'Angleterre,  quelques  parties  de  la  Bible  en 
éthiopien  et  en  persan  qui  ne  se  trouvent 
point  dans  celle  de  Paris,  des  discours  pré- 
liminaires ou  prolégotnènes  touchant  le  texte 
original,  les  versions,  la  chronologie,  etc., 
avec  un  volume  de  diverses  leçons  de  toutes 
ces  diiférentes  éditions.  Enfin  Von  y  a  joint 
un  dictionnaire  en  sept  langues,  composé 
par  Caste!,  en  2  vol.,  ce  qui  fait  un  total  do 
8  vol.  in-folio.  —  Une  cinquième  polyglotte 
est  la  Bible  de  Hutter,  imprimée  i\  Nurem- 
berg en  1599,  en  douze  langues;  savoir, 
l'hébreu,  le  syriaque,  le  grec,  le  latin,  l'alle- 
mand, le  saxon  ou  le  bohémien,  l'italien, 
l'espagnol,  le  français,  l'anglais,  ledanois,le 
polonais  ou  esclavon. —  On  peut  aussi  met- 
tre au  nombre  des  polyglottes  deux  Penta- 
teuques,  que  les  Ju:fs  dé  Constantinople  ont 
fait  imprimer  eu  quatre  langues,  mnis  en 
caractères  hébreux.  L'un,  imprimé  en  155!, 
contient  le  texte  hébreu  en  gros  caractèr  s, 
qui  a  d'un  cùté  la  paraphase  chald  Tique 
d'Onkélosen  caractères  médiocres,  de  l'autio 
une  [)ara|)hrase  en  persan  composée  [)ar  un 
juif  nommé  Jacob,  avec  le  surnom  de  sa 
ville.  Outre  ces  trois  colonnes,  la  paraphrase 
arabe  de  Saadias  est  imiiriuiée  au  haut  des 
pages  en  petits  caractères,  et  au  bas  est  placé 
le  commentaire  de  Uasch.  L'autre  Pentateu- 
que,  imprimé  en  15i7,  a  trois  colonnes 
comiue  le  premier.  Le  texte  hébieu  est  au 
milieu,  ;i  l'un  des  côtés  une  traduction  en 
grec  vulgau'e,  à  l'autre  une  version  en  langue 
espagnole.  Ces  deux  versions  sont  en  carac- 
tères hébreux,  avec  les  points-votcles  qui 
fixent  la  prononciation.  Au  haut  des  pages 
est  la  iiaraphrase  chaldaïque  d'Onkélos,  et 
au  bas  le  commentaire  de  Rasch. 

De  ce  môme  genre  est  le  Psautier  que  Au- 
gustin Justiuiani,  religieux  dominicain  et 
évéïiue  de  Nébio,  fit  imprimer  à  Gènes,  en 
quatre  langues,  l'an  1516;  il  contient  l'hé- 
bi-eu,  lechaldéen,  le  grec  et  l'arabe,  avec  les 
interprétations  latines  et  des  gloses.  On  a 
encore  la  Bible  polyglotte  do  ^'at;iLilc,  en 
hébreu,  grec  et  latin.  Celle  de  Volder,  en  \\(- 
breu,  gr'ec,  latin  et  allemand.  Celle  de  Poi- 
ken,  imprimée  l'an  15't6,  est  en  hébreu,  en 
grec,  en  éthiopien  et  en  latin.  Jean  Draco- 
rdts,  de  Carlostad  en  Franconie,  uonna,  l'an 
15ti5,  les  Psaumes,  les  Proverbes  de  Salomon, 
les  prophètes  Miellée  et  Joël,  en  cinq  langues, 
en  hébr'oir,  l'u  chaldéen,  en  grec,  en  latin  et 
en  allemand.  Le  pi'emier  moiièie  de  toutes 
ces  Bibles  ont  été  les  llexaples  et  les  Octaples 
d'Origèiie,  Voy.  Hexvples.  Le  pèi-e  Lelong 
de  l'uialniie  a  traité  avec  soin  dos  polyglot- 
tes dans  uir  volume  in-12  qu'il  a  publié  sur 
ce  sujet;  il  est  intitulé  :  Discours  historique 


1^37  TON 

sur  les  Bibles  polyglottes  et  leurs    dijférentes 

éditions;  cet    ouvrage  est   curieux    et    in- 

Structii. 

POLYTHÉISME.  Yoy.  Pagamsme. 

P0:>1PK  DU   CULTE  DIVIN.  Yoij.    Culte. 

POMPE  FUNÈBRE.  Yoij.  Funérailles. 

PONCTUATION    DU    TEXTE    ET     DES 
VERSIONS  DE  L'ÉCRITURE  SAINTE.  Yoy. 

COiNCOKDANCE. 

PONTIFK,  clief  des  prôtres  et  des  autres 
ministres  de  la  relij^ion.  Le  latin  pontifex  pa- 
raît ôtre  une  altération  i\ç  potnifex,  mot  for- 
mé du   grec  7707. t-f ,  au.^uste  ,    vénérable;  il 
désigne  un   liomuic  qui  fait  des  choses  au- 
gustes, des  fonrlioiis  sacrées.  Le  souverain 
pontife,  ou   le  grand  prêtre  chez  les  Juifs, 
était  le  chef  de  la  re'igion  ;  les  auUes  sacri- 
ficateurs .et  les  lévites   lui  étaient  .■soumis. 
.\aron,  frère  de  Moïse,  fut  le  jireinier  revêtu 
de  cette  dignité,  et  ses  descend  uits  lui  suc- 
cédèrent; mais,  sur  la  lin  de  la  réituhlique 
juive,  iilusieurs  amiiitieux  qui  n'élaient  ]ias 
de  la  race  d'Aaron  furent   intrus  dans  cette 
place  inijiortante.  La  suite  des  pontifes  a  duré 
pendant  1598  ans  définis  Aaron  jusqu'à  la 
|irise  di'  Jérusalem  et  la  destruction  du  tem- 
ple  par  rem|)erenr   Tite.   Le    grand   prêtre 
était  non-seulement   che/.   les  Juifs  le  chef 
de  la  religion  et  le  juge   des  (HlFicultés   qui 
pouvaient  y  avoir  ra|)|iort ,  mais  il  décidait 
encore  des  alfaires  civiles  et  [)o]iti(pies  lors- 
qu'il n'y  avait  point  déjuge  ou  de  chef  à  la 
tète  de  la  nation.  Nous  le  voyons  j)ar   le 
ch.iviii  dufleu^f'ro/iomp,  etparfiiusieui's  pas- 
sages de  Philonet  de  Josèphe.  Lui  seul  avait 
le  [irivilége  d'enirer  dans  le  sanctuaire  une 
fois  l'année;   savoir   le  jour  de  l'expiatioii 
solennelle.  Dieu  l'avait  d  claré  son  inierprète 
et  l'oraile  de  la  vérité;  lorsqu'il  ('tait  revêtu 
des  ornements  de  sa  digniié,  qu'il  portait  ce 
que  l'Ecriture  a|ipelle  nriin  ei  thummim  ,  il 
répondait  au\  demandes  qu'on  lui  fa  sait,  et 
alors  Dieu  lui  révélait  les  chos.'S  futures  ou 
cachées  qu'il  devait  déclarer  au  peuple.  H 
lui  était  défendu  de  porter  le  deuil  de  ses 
proches  ,  même  de  son  père  et  île  sa  mère  , 
d'enirer  dans  un  lieu  où  il  y  avait  un  cada- 
vre, de  se  souiller  ()ar  aucune  impureté  lé- 
gale. 11   ne  povivait  épouser  ni  une  veuve  , 
ni  une  femme  répudiée,  ni  une  lille  de  mau- 
vaise vie,  mais  seulement  une  vierge  de  sa 
race,  et  il  devait  garder  la  continence  pen- 
dant 'outle  tomiisdesonsei-viceiifj-of/.xxvni, 
30;    Levit.  xxi  ,    10  et   13;  /F  Rey.    xxni, 
9,  etc.).  L'habit  du  grand  pontife  était  beau- 
coup plus  magnitique  que  celui  des  simples 
prêtres.  Il  avait  un  caleçon  et  une  tu;  ique 
de  lin  d'un  tissu  particulier;  sur  la  tunique 
il  portait  une   longue   robe  couleur  d'il  ja- 
cinthe ou  de  bleu  céleste,  au  bas  de  laquelle 
était  une  bordure   compijsée  de  sonnettes 
d'or  et  de   pommes  de  grenades  faites  de 
laines  de  liilférentes  cu\ileurs  ,  et  rangées  ,\ 
quelque  distance  les  unes  des  autres.  (À'tle 
robe  élidt  serrée  par  une  large  ceinture  en 
broderie  ;  c'est  probablement  ce  que  l'Ecri- 
ture nomme  ephod.  11  consistait  dans  une  es- 
pèce d'écharpe  qui  s«  mettait  sur  le  cou ,  wt 


PON 


!  .S53 


dont  les  deux  bouts  ,  passant  sur  les  épau- 
les, venaient  se  croiser  sur  l'estomac,  et  re- 
tournant par  derrière,  servaient  à  ceindre  la 
robe.  .V  cet  ephod  étaient  attachées  sur  les 
é[)aules  deux  grosses  pierres  précieuses,  sur 
chacune  dcsqiiidles  étaient  gravés  six  noms 
des  tribus  d'israél  ;  et  (>ar-devant ,  sur  la 
poitrine,  h  l'endroit  où  l'écharpese  croisait, 
était  att  u^hé  le  peetornl  ou  rational  :  c'était 
une  pièce  d'étotl'e  carrée,  duii  ti.-su  pré- 
cieux et  solide  ,  large  de  dix  jiouces  ,  dans 
lequel  étaient  enchAssées  douze  i)ierres  pié- 
cieuses  de  dilTérentes  espèces  ,  sur  ch  icanc 
desquelles  était  gr^vé  le  nom  de  l'une  îles 
tribus  d'israél.  Quelques  auteurs  croient  que 
le  rational  était  dou.de,  qu'il  formait  une  es- 
pèce di^  |)oche  dans  laquelle  éiaii-nt  lenfer- 
nu'S  urim  et  thummim.  La  t  are  du  pontife 
était  aussi  jilus  |irécieuse  et  plus  oi'néc  que 
celle  des  simples  prêttes;  ce  qui  la  dislni- 
guait  principalement,  était  une  lame  d'or  qui 
descendait  sur  le  front  et  qui  se  liait  par 
derrière  la  tête  avec  deux  rubans  ;  sur  cette 
lam  ■  étaient  écrits  ou  gravés  ces  mots  : 
Vonsaerc  au  Seigneur.  Cet  ha  lit  était  par 
consé([uent  très-majestueux.  La  consécra- 
tion d'Aaron  et  de  ses  lils  se  lit  dans  lo 
désert,  par  ordre  de  Dieu,  avec  beaucou[> 
de  solennité  et  avec  les  cérémonies  écrites 
dans  ÏExode,  c.  xl,  v.  12,  et  dans  le  Lei\, 
c.  VIII,  V.  1,  etc.  On  doute  si  à  chaque  nou- 
veau pontife  l'on  réitérait  toutes  ces  céié- 
monii  s,  l'histoire  sainte  n'en  dit  rien;  il  i  st 
probable  que  l'on  se  contentait  de  revêtir 
le  nouv(  au  grand  prêtre  des  habits  de  son 
prédécesseur.  Quelques-uns  pensent  que 
l'on  y  ajoutait  l'onction   de  l'huile  sainte. 

Dans  l'Eglise  chrétienne,  le  souverain 
pontife  est  le  successeur  de  saint  Pierre, 
vicaire  de  Jésus-Christ  et  pysteur  de  l'Eglise 
universelle.  Quelques  piotestaats  ont  écrit 
que  sa  dignité  a  été  imaginée  sur  le  modèle 
du  souverain  pontiKcat  des  Juifs  ;  c'est  une 
vaine  conjecture  cpii  ne  porte  sur  .•.ucum; 
preuve,  et  qui  est  démontrée  fausse  par  une 
inlimté  de  raisons.  Yoy.  Pape. 

Pontifes,  religieux  ainsi  nommés  [larce 
(ju'ils  s'étaient  dévoués  par  charité  à  la  con- 
struction et  à  la  réparation  des  ponts  et  à  la  sil- 
reté  d -s  grands  chemins.  Dans  le  xii"  siècle, 
l'an  1177,  un  simple  berger  nommé  Béiit'/el 
ou  Rénédct,  né  dans  le  village  d'Alvilar  en 
Vivarais,  ;1gé  de  douze  ans,  se  sentit  insp.ré  ue 
b'iiii  un  [)ont  sur  le  Rhône  h  .\vignon,  pour  pré- 
server du  danger  que  l'on  courait  en  le  |  as- 
saut en  bateau.  Sur  les  pieuves  qu'il  donna 
d'une  inspiration  surnaturelle,  on  lui  Ln.-sa 
exéeuter  son  dessein,  et  il  en  vint  à  bout 
dans  l'esiiace  de  douze  ans.  Comme  il  mou- 
rut avant  cine  l'ouvrage  fût  achevé,  l'oii  b'.tit 
.  une  chapelle  sur  le  pont  même,  et  son  coi'is 
y  fut  déposé.  11  avait  eu  des  coopératcurs 
qui  s'étaient  dévoués  comme  lui  à  cette 
bonne  œuvre  ;  cet  ordre  aurait  iiu-r;té  do 
subsister  plus  longtemps.  On  })réteiid  quo 
les  religieux  de  saint  Magloire  avaient  été 
institués  dans  le  même  dessein  que  les 
religieux  pontifes.  Ainsi,  dans  les  siècles 
mêmes  qu«    nous    nommons   ignorants  et 


1539 


poh 


POR 


lUO 


barbarps,  la  charité  ch  étienne  s'est  S!gn;il<'e 
par  'les  enlre-.ris's  étonnantes  et  qui  pa- 
raissaient sur  asseï-  les  forces  humaines. 
Ilélyot.  Hisl.  (les  Ordres  monast.  [édition  do 
Mi^ne];  llist.  de  l  Eglise  gailic,  t.  X.,1.  xxviil, 
an.  li'^'i.. 

P0NT1FI(].\L,  livre  datis  lequel  sont  con- 
tenues les  firiùros,  les  rites  et  les  cérémo- 
nies qu'observent  le  pape  et  les  évoques 
dans  ladtninistralion  des  sat;reraenls  do 
conriiinaiion  et  d'ordre,  dans  la  consécration 
desévêqucs  et  des  églises,  et  dans  les  autres 
fonctions  q  i  sont  réservées  h  leur  dignité. 
Quelques  auteurs  ont  en  que  le  pontifical 
romain  était  l'ouvrage  de  saint  Grégoire  : 
ils  se  sont  tr  nipés;  ce  saint  pape  jieul  y 
avoir  retouché  ou  ajouté  quelque  cho^e, 
mais  le  pape  (îélase  y  avait  déjà  travaillé 
|iliis  d'un  siècle  aup;irav, ait.  Voy.  Sacra.men- 

TAlnE. 

POPLICAIN,  PUBLICAIN,  nom  qui  fut 
donné  en  France,  et  dans  uw^  pa.tie  de 
l'Europe,  a  \X  mànichéi^ns  ;  en  Orient  ils  se 
nomui  ient  pmliciens.  Voy.  MA^iciiÉisMi:. 

PORPHYKIE.V.  Ce  nom  fat  donné  aux 
ariens  dans  le  iV  siècle,  en  Veitu  d'un  élit 
de  Constantin.  Il  y  est  dit  :  «  Puisque  Arins 
a  imité  Po.piiyr:^  en  composant  oes  écrits 
im[)ies  ronti'e'  la  religion,  il  mérite  d'être 
noté  d'imam  e  c  ninne  lui  ;  et  comm  '  Por- 
phyre est  devenu  i'op,)robre  de  la  postéri  é, 
et  (pie  ses  écrits  ont  été  supprimés,  de 
même  nous  voulons  que  Arius  et  ses  secta- 
teurs ■^o. eut  nonun  s  porphyricns.  Plusieurs 
critiq  les  pensent  cjue  l'einijel-etu'  nota  a:nsi 
les  ariens,  pa  ce  (ju  i.s  sem  daient,  Ji  l'exem- 
ple de  Porphyre,  autoriser  l'i  iol.Urie  en  ap- 
prouva, t  que  Jésus-l'hrist  fui  adoré  comme 
Dieu,  qitoique,  suiv.inl  leur  opinion,  ce  lût 
lUic  créature.  D'autres  jugent  plus  simple- 
ment ([ue  ce  nom  fut  oonné  aux  sectateurs 
d  Arius,  parce  que  celui-ci  avot  imdo  dans 
ses  liv  es  la  ma  igiiité,  le  lie!,  remport"meiit 
de  P  rphyre  contre  la  d  viaité  de  Jésus- 
Chi-isl.  On  sait  q  le  ce  phdo-ophe  paien,  né 
à  Tyr,  l'an  de  J 'SUs-C!n-iSt  231,  z.lé  partisan 
du  nouvea-i  platonisme,  fut  un  des  plus 
fuiieux  ennemis  de  là  religion  chrétienne. 
11  avoue  lui-:iiéau^  que  lia.s  sa  jeunesse  il 
'•Vil  l  regu  u'Origène  les  p.eraières  leçons 
de  i>  plido-opliie,  mais  il  n'avait  pas  bé.ité 
de  ses  sentiments  touchant  le  christianisme. 
Quel  jues  au  eurs  ecclésiastiques  ont  écrit 
que  Porphyre  avait  été  ù'abor  i  chrét  en, 
qu'ensuite  il  avait  ajiosiasié,  mais  plusieurs 
critiques  mo  icrnes  se  sont  attachés  à  |)iou- 
ver  que  cela  ne  pouvait  pas  élre.  Quoi  qu'il 
en  soit,  on  jir  po  it  pas  nier  qu'il  ne  connût 
très-nieii  !u  religion  chrétienne  et  qu'd 
n'eût  Kl  nos  livies  saints  avec  bea  icoup 
d'aliention  ;  ma:s  comme  fo  a  encore  au- 
jourd'hui les  incrédules,  il  ne  les  avait 
examinés  qu'avec  les  yeux  delà  prévention, 
et  dans  le  uessein  form  1  d'y  trou. cr  des 
choses  à  re|ii'cndro.  Eusèbe  nous  api>reiid 
que  l'ouvrage  de  Porphyre  contre  le  chris- 
tianisme était  en  qnnze  livres;  dans  les 
Itiemiers  il  s'clfui'çait  de  montrer  des  con- 
tiaJictions   entre    les    divers   passages   de 


l'Ancien  Testament,  le  douzième  traitait  des 
prophéties  de  Daniel.  Comme  il  vit  en 
comparant  les  histoires  profanes  avec  ces 
])réd:ciions  ,  que  celles-ci  sont  exactement 
conformes  à  ia  vérité  des  événements,  il 
prétendit  que  ces  prophéties  n'avaient  pas 
été  écrites  par  Daniel,  mais  par  un  auteur 
pnsléri'ur  au  règne  d'Antiochus-Epiphane, 
et  qui  avait  pris  le  nom  de  Darriel  ;  (pie  tout 
cequpce  prétendu  prophète  avait  ditdes  cho- 
ses déjà  arrivées  pour  lors  était  exaciement 
Vrai,  mais  q  e  ce  qu'il  avait  voulu  prédire 
des  événements  encore  futurs  était  laïK. 
Saint  Jérôme,  dans  son  Commentaire  sur 
Daniel,  a  réfuté  cette  pr('tention  de  Porphyre  ; 
Eusèb>,  Apollinaire,  .Mélliodius  et  d'autres, 
écriv.'rent  aus-i  contre  lui  ;  malheureuse- 
ment les  ouviages  d  ■  ces  derniers  sont 
perdus  ;  ceux  de  Porphyre  furent  recher- 
chés et  brûlés  par  ordre  de  Constantin; 
ïhéodose  fit  encore  détruhe  ce  que  l'on 
put  en  trouver.  Quelque  animé  que  fût  ce 
philosophe  contre  notre  reLgion  et  contre 
nos  livres  saints,  il  ne  pous  ad  pas  la  har- 
diesse et  l'entêtement  aussi  loin  que  nos 
inc:édul'  s  mode  nés.  Nous  voyons  dans  sou 
Traité  de  l'Abstinence,  qui  subsiste  enco  e, 
et  (jui  a  été  traduit  en  fra^  çais  par  M.  de 
Burigny,  qu'il  lait  en  plU'-ieurs  choses 
l'éloge  des  Juifs,  surtout  des  esséniens  ;  il 
avoue  (lu'il  y  a  eu  chez  eux  des  prophètes 
et  des  martyrs;  il  dit  nue  ce  sont  des 
hommes  naturellement  ()hiloso,ihe3  ;  il  ap- 
piouve  plusieurs  d. -s  lois  de  Moïse;  I.  ii, 
n.  2  >  ;  1.  IV,  n.  4,  11,  13,  etc.  Nous  savoi  s 
a'aideurs  qu'il  rogaidail  Jés  is-C  irist  comme 
un  sage  (fui  avait  enseigné  d'excellentes 
clioscs;  mais  il  ajoutait  que  ses  discijiles  en 
avaient  mal  pris  le  s  ns,  et  que  les  chrétiens 
avaient  tort  de  l'adorer  comms  un  Dieu. 
Aujourd'huide  jiréten.ius  b  aux  es  rdsosent 
écrire  que  Moïse  a  été  un  imiiosteur  et  un 
mauvais  législateur  ;  que  la  religion  ju  ve 
et  lit  absui'de  ;  que  Jésus-Christ  e.^t  un  tourbe 
visioni  aire  et  fanatique  ;  que  les  écrivains 
sacrés  et  les  prophètes  n'o  t  [las  eu  le  sens 
commun,  etc.  Porphyre  cependant  n'élait 
ni  un  peiit  esprd  ni  un  ignoran  ;  au  m' 
siècle  on  était  plus  h  portée  qu'aujourd'hui 
de  savoir  1 1  venté  des  faits  fondamentaux 
du  christianisme  ;  ce  [)liilos  >pho  avait  voya- 
gé pour  s'instruiie;  les  aveux  (juil  a  été 
obhgé  de  faire  fournissent  contre  les  incré- 
dules modernes  des  arguments  dcsiiueis  ils 
ne  se  tireront  jamais. 

POKRÉTAINS.  Sectateurs  de  Gilbert  do 
la  Porrce,  ou  de  la  Poirée,  évèque  de  Poitiers, 
qui  au  milieu  du  xii'  siècle  fut  accusé  et 
convaincu  de  plusieurs  erreurs  to, -.chant  la 
nature  de  Dieu,  ses  attributs  ^l  le  mystère 
de  la  sainte  Trinité.  S  m  i^léfaut,  comme 
celui  d'Abailard,  son  conti^rnjiorain,  fut  de 
vouloir  ex|)li|uer  1  s  dogmes  de  la  ihéologie 
par  les  aiistractions  et  les  précisions  de  la 
dialectique,  il  disad  ((ue  la  divinité  ou  l'es- 
seiice  tliv.ne  est  réellement  ilistinguée  de 
Dieu  ;  qut;;  la  sag  'Sse,  la  justice  et  les  autre? 
atti  ibuts  de  la  Divinité  ne  sont  point  réelle- 
ment Dieu  lui-môme  ;  que  cette  proposition, 


1V<1 


pon 


fOR 


iriw 


Vieil  est  la  boulé,  est  laussi\  h  inoiiis  (|u'on 
ne  la  réduise  à  celle-ci,  Dieu  est  bon.  11 
a  outait  que  la  nature  ou  l'c.'^seiicc  divine 
est  Técllcmeitt  distinguée  de-*  tmis  t'crso'  nés 
divines,  (lue  ce  n'est  point  la  nature  d.vinc, 
mais  »eiàement  la  seconde  l'<.T-onne  qui 
s'est  incarnée,  etc.  Dans  to.ites  ces  iiroposi- 
tion  ,  c'est  le  mol  n'i/Zemcn/ cjui  constitue 
l'oncur.  Si  dilluTt  s'était  borné  à  dire  que 
Dieu,  et  la  Divinilé  ne  sont  pas  la  mAuie 
chosi'  (ormiUvinenl,  ou  in  slula  rationis, 
comme  s'ex[iiinient  1rs  lo^ici  iis,  sans  douie 
il  n'a  jraii  |  as  été  condamné  ;  cela  sij^nilicr.dt 
seulement  (pie  ces  deux  termes.  Dieu  et  la 
Divinité',  n'ont  pas  précisément  le  laémi!  sens 
ou  ne  urésrnt  nt  pas  absolunienl  la  m<Mijc 
idée  h  l'esprit  Mais  co  subtil  méla[>liys,cien 
ne  prenait  pas  la  peiiiC  de  s'eipli(|uer  aif.si. 
Q'iel  jues-uni  l'ont  encore  accusé  d'avoir 
cnseijjné  qu'il  n'y  a  point  de  mérite  q  le 
c  l'.;i  do  Jésus-Christ,  et  qu'il  n'y  a  que 
les  hommes  s  .uvés  (pii  souuit  léellement 
baptisés,  mais  celte  accusation  n'est  pas 
proi;vi''e.  La  doctrine  de  (iilbert  fut  d'à  lord 
eiaminéc  <lans  luie  assemblée  il'év(M[ues 
tenue  S  Auxerre  l'an  H'i-?,  ensuite  dans  une 
aut  e  qui  se  tint  à  Paris  la  même  anné'  ea 
présence  du  pape  lvij;ène  lli,  enli.i  dans  un 
concile  de  lleims  l'année  s.iivanle,  aujucl 
le  môme  i)ai)e  présida  ;  il  interr.ii^ea  lui- 
mémo  (limert.  et  il  le  condamiia  sur  ses  ré- 
ponses entortdléos  et  ses  tergiversât. ons  ; 
îîiLiert  se  snumit  à  la  décision,  mais  il  eut 
Quelques  disciiiles  qui  ne  furent  pas  aussi 
dociles. 
Comme  siint  IJernar  1  fut  un  des  princi- 

fiaux  prom  léufs  de  cette  comlamnalujn, 
es  protestants  foi^t  tout  ce  qu  ils  peuvent 
pour  excuser  (iilbert,  et  faire  retomber  le 
tilAmc  sut-  Sant  Bernard;  ils  disent  que 
l'évoque  d,'  Poitiers  enîendait  sa  docliine 
dans  le  sens  orihodoxe  que  nous  venons 
d'iil  liquer,  et  non  dans  te  sens  erroné  qu'on 
lui  pré  ail  ;  mais  que  ces  notions  subtiles 
passaient  oe  beaucoup  l'inlclligence  du  bon 
saint  B.rnard  qii  n'était  pas  accoutuuu'  à 
CCS  sortes  de  (hscussions  ;  que  dans  toute 
cette  all'airc  il  se  conduis. t  plutôt  par  pas- 
sion que  par  un  véritable  zcle.  iio^heim, 
Hift.  eccL,  xn''  siècle,  n'  part.,  c.  3,  §  11. 
H"Urcuscuieiit  il  est  prouvé  par  I.  s  écrits 
du  saint  abbé  de  Clairvaux,  qu'il  enîendait 
très-bii'n  h  s  sublililés  jimlosojihiqucs  des 
docteurs  de  son  temps,  mais  il  avait  le  bon 
espril  d'en  faire  très-iieii  de  cas,  et 
de  pivférer  l'itudedo  l'ik'rili.re  sainte.  Il 
est  à  présumer  que  dans  les  conciles  d'.-\ii- 
ïerre,  de  Pans  et  de  Reims,  il  y  avait 
d'autres  _  évèques  aussi  bon.-  dialect  cie.s 
que  Cl  lui  de  Poitiers  ;  aucun  ce  enl.intne 
prit  son  parti.  La  doc  riiie  de  G,  bert  esl 
ex|)os6e  lion-seulement  par  sa  nt  IJenari, 
niais  [lar  Geoifroi,  l'un  de  s.  s  moines,  qui 
fut  présent  au  concile  et  en  dressa  les  ai  t.  s, 
et  par  Ullun  de  I  risini^ur,  historien  ron- 
tempoialn  nlus  porté  h  excu.vcr  qu  à  con- 
d.rmricr  (iiluert;  cependant  il  avoue  ip.e  co 
dernier  afl'ectait  de  ne  p  s  na.ler  comme  les 
aut^es  théologiens  :  donc  il  avait  tort.  Pour 


expriiiiei'  les  dogmes  de  la  foi,  il  y  n  un 
lan  a^^e  consacré  par  la  tradition,  d'upiel  il 
n'est  pas  permis  d-  s'icarier;  et  (luicompid 
allcfite  d'en  t-nir  un  autr.',  ne  pi  ui,  (las 
manqier  de  tomber  dans  l'erreur.  Pitai, 
l>()(lin.  tlu'oL,  t.  1,  1.  I,  c.  8,  §  3  et  4  ;  Uisl 
de  l  Jigl.  gallic,  1.  xxv,  ann.  11'|.7. 

POU  l'K-CKOIX.  Vny.  Groisieiis. 

POUTIKK.    Nous   voyons  dans   l'histoird 
sainte  que  les  léviiCs  étaient  char^jés  de  ga  - 
der  soi;-;ueusement  la  porte  du  lal)ernacle,  et 
celte  l'onction  devint  t  es  importante  lo;  <que 
le  temple  de  >alomon  fut  li;1li.    Les  purliers 
pirdai.  nt  les  Iré-ors  du  teuifile  et  ceux  du 
roi  ;  ils  étaient  onli^'S  de  veiller   aux   réj-a- 
rations  de  ce  vaste  édilice;  leur  cm.iloi  \-  ur 
donnait  par  couse. [uent  beaucoup  li'aut.irité. 
Quelquefois  ils  exercèrent  les   fonctions  de 
juj^es    dans    des    cas    qui    concernai  ni    la 
police  du  tem;ile;  ils  devaient  siirto..t  veiller 
soijjneusement  h  ne  laisser  entier    dans    la 
maison  du  Siiyniur  pfnsonn.'  cpii  lui  impur 
(/  Pand.xvi,  4^2;  II  Parai     xxiii,  ti)).  Dans 
l'i<'.,^lise  chrétienne,  loisipie  les  lidides  eurent 
des  éd  lices  consacrés  à  c  I  brer  la    litur^io 
ou  l'ofiice  divin,   il  fallut  aussi  établir   des 
portiers  pour  y  faire  à  [jO  i  près   h's  mômes 
fonctions  q  le  dans  le  temple  de  J'Tusalem. 
Le-!  Gr  es  les  nommaieni  «ùX-op-,»,  1:  s  Latins 
osliarii,  jaiiitores,  œdilui  ;  m.  is  les  prenùers 
no   paraissent  pas   avoir   rCf^ardé  leur  état 
comme  un   ordre  ccclésiasiiqiie.  Dans  lc.:rs 
rituels  on  ne  irouve  poiol  d'ordination  par- 
liciilièi-.'   pour  les  portiers  ;    lo    concile   hi 
Trullo,  qui  fait  mention  de  tons  les  ordres, 
ne  parie  point  de  cekii-fi.  Jean,  évéque  do 
Citre,    cl    Codin,    cités   par    le    P.     Moriii, 
comptcn'  hs  portiers  lanui  les  o'.liciers  de 
l'îî^lise  de  Conslantiuoi)]e,   mais   non  parmi 
les  ordres  du    cier^é.  CoulrliiM',    dans   ses 
reuianpr  s  sur  le  iT  livre  ^les  CunstiC.  apo.H:, 
d  t  (jne  la  ^ivd  ■  des  po  tes  n'éla  l  point  un 
orJr  ,  ma  s  un  oi'tice  que  l'on  coiuiait  qucl- 
qiiefoi-^  h  des  diacres,  à  des  sou--aiacres,  à 
d'au  res  cleics    inférieurs,  et   même  à  des 
lai  jues.  Dans  l'E^li-e  latine,  l'état  <ies   por- 
tiers ato.i)Ouis  clé  re.iard'  comme  un  des 
ordres  mineurs.  Il  en  •  si  faii  m  ntion  datis 
la  1  tire  de  saint  Corneille  à  Sabin  d'Anlio- 
che,  rapportée  par  Eusèb.',  Hist.  ecel.,  1.  vi. 
c.  h'i  ;  dans  saint   Cyprien,  ep.   S'v  ;  dans  lo 
iv' concile  de  Carthai^e,  tenu  en  398;    dans 
le  i"  concile  dj  Tolède,  can.  h  ;  dans  le  Sa- 
cramentaire   de  saint    Grégoire.    Isidore   de 
SéviliOj  A  cuai,  Amala.re,   Uaban-.Maur    et 
tous  1  s  anciens   lilur^istes   en   parlent   de 
môme. 

Les  portiers,  dit  l'abbé  Fleury ,  étaient 
uécs-aires  du  tein,>s  que  les  chrétiens  vi- 
vaient au  milieu  des  lideLs,  pour  emjiècher 
ceux-ci  d'en  rer  dins  les  é;.;i.ses,  de  trou- 
bler l'oitlce,  d"  profaner  les  saii  ts  mystères. 
Ils  avaient  ."^oiii  d-  l'aiio  tenir  chacun  dans 
son  rang ,  le  peuple  séjiaié  du  cle,gé,les 
hommes  des  .emuics  ,  de  faire  oiiserver  le 
silence  et  la  uiodeslic.  Lorscpie  la  m  sse  des 
catéchumènes  tait  linie  ,  c'esl-à-dire  aiTè.s 
le  seriiion  dé  r(Vè{[uc ,  ils  fa.s.dent  sort.r 
non-seulement  les  catéchumènes  et  les  pé- 


ISiô  POR 

nitenls,  mais  encore  les  juifs  et  les  infidèles 
auxquels  on  ]iermellait  d'entei  drc  les  ins- 
tructions ,  et  généralement  tous  ciaix  qui 
n'avaient  pas  droit  d'assister  à  la  célébration 
des  saints  mystères ,  et  alors  ils  fermaient 
les  portes  de  l'église. 

Dans  le  i'oiititical  romain  ,  les  fonctions 
des  portiers,  marquées  dans  l'instruction  (jue 
leur  fait  l'évêque  ,  et  dans  les  pi'ièr  es  (jui 
l'accompagnent  lorsqu'il  les  ordonne,  sont 
de  sonner  les  clochis,  de  distinguer  les  heu- 
res de  la  prière,  de  garder  iidèlement  l'église 
jour  et  nuit,  d'avoir  soin  que  rien  ne  s'y 
per  ;e  ,  d'ouvrir  et  de  f.  riner  à  de  cci-taincs 
heures  l'église  et  la  sacristie,  d'ouvrir  le  li- 
vre k  celui  (jui  prêche.  En  leur  faisant  tnu- 
ciier  les  clefs  do  l'église  ,  il  leur  dit  :  Con- 
duisez-i-ous  comme  devant  rendre  compte  à 
Dieu  des  choses  qui  sont  ouvertes  par  ces 
clefs.  C'est  !a  formule  de  leur  oniination 
prescrite  par  le  iv'  concile  de  Garthago.  Ces 
portiers  enlin  devaient  avoir  soin  de  la  net- 
teté tt  de  la  décoration  des  églises. 

En  rassemblant  toutes  ces  fonctions  ,  l'on 
voit  que  ces  ofiiciers  étaient  très-occupés; 
aussi  étaient-ils  plus  ou  moins  nombreux  , 
suivant  la  grandeur  des  églises  :  l'on  en 
comptait  jusqu'à  cent  dans  Cille  de  Conslan- 
linople.  Cet  oi die  se  donnait  à  des  hommes 
d'un  âge  assez  mûr  [tour  pouvoir  en  rem[ilir 
tous  les  devoirs.  Plusieurs  y  demi  uraient 
toute  leur  vie;  quelques-uns  devenaient  aco- 
lyles  ou  diacres.  Quelquefois  on  donnait 
cette  charge  à  des  laïques  ;  et  c'est  à  pré- 
sent l'usage  ordinaire  de  leur  en  laisser  les 
fonctions.  Bingham  ,  Orig.  ecclés.,  t.  II,  1.  m, 
c.  7  ,  §  1;  Fleury  ,  Insttt.  au  droit  ecclés., 
t.  I,  i)art.  I,  ch.  G  ;  Mœurs  des  chrél.,  §  37. 

Au  mot  OuPHE ,  nous  avons  lait  voir  aux. 
jirotestants  qu'il  n'est  pas  vrai  que  la  cause 
de  l'institution  des  ordres  mineurs  ait  été  la 
mollesse  ou  l'orgueil  des  évèques ,  et  leur 
dédain  pour  les  fonctions  moins  unporlahtes 
du  service  divin;  ça  été  la  nécessité  et  le 
(lésir  d'imprimer  aux  lidèles  le  respect  pour 
le  culte  <iu  Seigneur. 

PORTÎONCLLE,  première  maison  de  l'or- 
dre de  saint  François ,  fondée  par  lui-même 
près  d'Assise,  dans  le  duché  de  Spolette,  en 
Italie  ,  près  d'une  église  de  même  nom.  Ce 
saint,  n'ajant  pas  de  quoi  loger  ceux  qui  ve- 
naient se  joindre  à  lui,  demanda  aux  Béné- 
alctins  l'église  de  Portioncule,  la  plus  pau- 
vre de  ces  quartiers,  la  plus  retirée,  et  dans 
laquelle  il  allait  souvent  prier.  Elle  lui  fut 
accordée  ;  il  s'y  établit ,  et  celte  maison  est 
devenue  le  berceau  et  le  chef-lieu  de  tout 
l'ordre  des  Franciscains.  L'indulgence  de 
Portimcule  C'st  célèbre  dans  toutes  les  l'gli- 
ses  de  ces  religieux.  On  rapporte  que  saint 
François  ,  priant  avec  bi  aucoup  de  ferveur, 
eut  une  vision  dans  laquelle  Jésus-Chnst 
lui  dit  de  s'adresser  au  [lape,  qui  lui  accor- 
derait une  indulgence  plénière  pour  tous 
les  vrais  pénitrnts  qui  visiteraient  cette 
église.  En  ellet,  Honorius  III  lui  accorda  ver- 
balement cette  indulgence  ;  quehiue  temps 
après,  le  saint  eut  une  autre  vision  dans  la- 
quelle il  apprit  qus  Jésus-Christ  lui-mftmi* 


PRÂ 


ISU 


avait  ratilié  cette  fiiènie  gr;5ce.  Quatre  cents 
ans  après,  en  1693,  le  pape  Innocent  IX  la 
confirma  pour  cette  même  église.  Plusieurs 
autres  papes,  Alexandre  IV,  Martin  IV,  Clé- 
ment V  ,  Paul  III ,  Urbain  VIII ,  ont  étendu 
l'indulgence  attachée  à  la  chapelle  de  Por- 
tioncule, à  toutes  les  autres  chapelles  de  l'or- 
dre des  Franciscains.  Vies  des  Pères  et  des 
marli/rs,  t.  IX,  p.  'iW\-. 

POSSÉDÉ,  POSSESSION.  V.  Démoniaque. 

POSTCOiVIMUNION  ,  oraison  ciue  le  prêtre 
dit  à  la  messe  après  la  communion,  pour  re- 
mercier Dieu,  tant  pour  lui-même  que  pour 
ceux  qui  ont  communié,  d'avoir  participé 
aux  divins  mystères  ,  et  pour  lui  demander 
l^a  grâce  d'en  ressentir  et  d'en  conserver  les 
fruits;  elle  est  précédée  d  une  aniienne  ou 
verset  qui  est  appelé  communion,  parce  qu'on 
le  chantait  autrefois  avec  un  psaume  pen- 
dant que  le  peuple  communiait.  La  poslcom- 
munion  est  aussi  appelée,  dans  les  auteurs 
liturgistes  ,  oratio  ad  complendum  ,  l'oraisoa 
pour  Unir ,  parce  que  c'est  la  dernière  orai- 
son de  la  messe.  Dans  les  premiers  siècles , 
la  postcommunion  était  une  action  plus  lon- 
gue et  plus  solennelle.  D'abord  le  diacre, 
par  une  formule  assez  longue,  exhortait  le 
jieuple  à  remercier  Dieu  dos  bienfaits  qu'il 
avait  reçus  dans  la  ]jartici]iation  aux  siinls 
mystères  ;  ensuite  lévêque  recommauilait  à 
Dieu,  par  une  action  de  grâces,  tous  les  be- 
soins spirituels  et  temporels  des  fidèles  ;  on 
le  voit  par  les  Constiiutions  apostoliques , 
liv.  VIII ,  c.  Ik  et  15.  Cela  se  fait  encore, 
mais  plus  en  abrégé  aujourd'hui,  par  l'orai- 
son dont  nous  parlons  et  par  la  prière  Pla- 
ceat,  etc. ,  que  le  prêtre  dit  immédiatement 
avant  de  donner  la  bénédiction.  Bingham, 
Orig.  ecclés.,  t.  VI,  liv.  xv,  chap.  6,  §  1  et  2; 
Lebrun  ,  Explication  des  cérémonies  de  la 
iMcsse,  t.  I,  p.  G37. 

PRAGMATIQUE  SANCTION  {Dr.  eccl.)  (1). 
Ce  terme  est  emprunté  du  Code,  où  les  res- 
crits  impériaux  pour  le  gouvernemerit  des 
])rovinces  sont  appelés  Formules  pragmati- 
ques ou  Pragmatiques  Sanctions.  Il  vient  du 
mot  latin  sanctio,  ordonnance,  et  d'un  mot 
giec  qui  signilie  affaire.  On  l'emploie  pour 
exprimer  les  ordonnances  qui  concernent  les 
olijets  les  plus  impoitants de  l'administration 
civile  ou  ecclésiastique,  surtout  lorsqu'elles 
ont  été  ren;iues  dans  une  assemblée  des 
grands  du  ro.jaume,  et  de  lavis  de  plusieurs 
jurisconsultes.  Il  nous  reste  deux  Pragmati- 
ques célèbres  dans  notre  droit;  lune  est  de 
saint  Louis,  l'autre  de  Charles  \\\. 

De  la  Pragmatique  Sanction  de  saint  Louis. 
Le  plus  saint  de  nos  rois,  se  préparant  à  une 
seconde  expédition  contre  les  Sarrasins,  vou- 
lut assurer  la  tranquillité  de  l'Eglise  galli- 
cane et  prévenir  les  troubles  que  pouvait 
occasionner,  jiendant  son  absence,  le  défaut 
d'une  loi  précise.  L'ordonnance  rendue  à  ce 
sujet  règle  les  droits  des  colJateurs  et  pa- 
trons des  bénéfices;  elle  assure  la  liberté  des 
élections,  jiromotions  et  collations;  elle  con- 
firme nos  libertés,  privilèges  et  franchises; 
elle  modère  les  taxes  et  les  exactions  de  la 

(l)  Arlicl*  reiJi'udiiil  d'aprùs  rC'ttiliou  de  Liéi^e. 


I54S 


PRA 


PRA 


1546 


cour  fie  Rome.  Cotte  Pragmatique  est  clivis(^e 
en  six  articles,  dont  voici  la  teneur.  1.  Les 
églises,  les  prélats,  les  patrons  et  les  colla- 
teurs  ordinaires  des  bénélices,  jouiront  plei- 
nement de  leur  droit,  et  on  conservera  h 
chacun  sa  juridiction.  2.  Les  églises  cathé- 
drales et  autres  auront  la  liherté  des  élec- 
tions, qui  sortiront  leur  plein  et  entier  etïet. 
Un  manuscrit  du  collège  de  Navarre  ajoute 
après  les  mots  elecliones  les  deux  qui  sui- 
vent, promotiones,  coUaCiones.  3.  Nous  vou- 
lons que  la  simonie,  ce  crime  si  pernicieux 
k  l'Kglise,  soit  bannie  de  tout  notre  royaume. 
4.  Les  promotions,  collations,  provisions  et 
dispositions  des  prélatures,  dignités  et  autres 
bénéfices  ou  olîices  ecclésiastiques ,  quels 
qu'ils  soient,  se  feront  suivant  le  droit  com- 
mun, li^s  conciles  et  les  institutions  des  an- 
ciens Pères.  5.  Nous  ne  voulons  aucunement 
qu'on  lève  ou  qu'on  recueille  les  exactions 
pécuniaires  et  les  charges  très-pesantes  que 
la  cour  de  Rome  a  imposées  ou  pourrait  im- 
poser à  l'Eglise  de  noire  royaume,  et  par  les- 
quelles il  est  miséiablemenl  a[i[)auvri,  si  ce 
n'est  pour  une  cause  raisonnable  et  très-ur- 
gente, ou  pour  une  inévitable  nécessité,  et 
du  consentement  libre  et  exprès  de  nous  et 
de  l'Eglise.  6.  Nous  renouvelons  et  approu- 
vons les  libertés,  franchises,  préiogatives  et 
privilèges  accordés  par  les  rois  nos  prédéces- 
seurs et  par  nous,  aux  Eglises,  aux  monastè- 
res et  autres  lieux  de  piété,  aussi  bien  qu'aux 
personnes  ecclésiastiques.  Quelques  exem- 
J)laires  ne  renferment  point  l'article  contre 
les  exactions  de  Rome,  mais  on  croit  avec 
raison  que  des  flatteurs  de  la  cour  romaine 
l'ont  retranché  de  cette  ordonnance,  qui  tend 
jjrincipalcment  à  réprimer  les  entreprises 
des  papes  sur  les  droits  des  ordinaires  pour 
les  élections,  les  collations  des  bénélices  et 
la  juridiction  contentieuse.  Le  célèbre  d'Hé- 
ricourt  et  quelques  autres  ont  révoqué  en 
doute  l'authenticité  de  la  pièce  elle-même; 
mais  ce  doute  nous  paraît  sans  fondement. 
Fontanon,  dans  sa  Collection  des  édits;  Bour- 
chel,  dans  son  Décret;  du  Boulay,  dans  sou 
Histoire  de  l'Université;  les  PP.  Labbe  et 
Cossart,  dans  la  Collection  des  conciles;  Lau- 
rière, dans  son  Recueil  des  ordonnances:  Fleuri, 
dans  son  Institution  au  droit  ecclésiastique  et 
dans  son  Histoire,  attribuent  au  saint  roi  la 
Pragmatique  dont  il  s'agit.  Pinsson  l'a  publiée 
sous  le  même  titre,  avec  des  commentaires; 
du  Tillet  assure  qu'elle  se  trouve  dans  les 
anciens  registres  de  la  cour.  Partout  elle 
porte  le  nom  de  Louis  et  la  date  de  1268. 
Les  partisans  môme  de  Rome  l'ont  reconnue, 
comme  les  défenseurs  de  nos  libertés.  S'il 
n'en  est  pas  mention  dans  l'histoire  des  dé- 
mêlés de  Philippe  le  Bel  avec  B  miface  VIII, 
c'est  qu'elle  est  absolument  étrangère  îi  cette 
dispute.  Si  Charles  A'II,  dans  celle  qu'il  pu- 
blia sur  le  môme  sujet,  ne  s'autorise  point 
de  l'exemple  de  saint  Louis,  c'est  un  argu- 
ment négatif  qui  ne  peut  pas  suppléer  au 
défaut  des  preuves  positives.  Est-ce  une  rai- 
son pour  s  inscrire  en  faux  contre  le  testa- 
ment de  Philippe-Auguste,  parce  qu'il  n'est 
point  rappelé  dans  ce  môme  édit  de  Charles, 

DlCTION>".     DE  ThÉOL.    DOGUATIQt'E.     III. 


quoiqu'il  ordonne  la  même  chose  sur  la  li- 
berté des  chrétiens?  On  trouve  d'ailleurs  la 
Pra(/ni(ilique  de  saint  Louis,  citée  par  Jean- 
Juvénal  des  Ursins,  ilans  sa  remontrance  à 
Charles  \1I.  N'est-ce  donc  jias  vouloir  faire 
illusion  i[ue  do  représenter  le  P.  Aleiandre 
comme  le  chef  des  inudernes  qui  soutien- 
nent la  vérité  et  l'authenticité  de  cette  loi? 
Ignore-t-on  (jue  le  parhïiuent  en  liCl,  que 
les  états  assemblés  à  Tours  en  1483,  que 
l'Université  de  Paris  en  son  acte  d'appel  de 
14-91,  l'ont  consacrée  dans  des  actes  publics 
comme  l'ouvrage  du  pieux  monarque?  Est-il 
croyable  qu'ils  la  lui  ai<'nl  attribuée  solennel- 
lement sans  s'être  bien  assurés  du  fait?  Dès 
l'an  1315,  Guillaume  du  Breuil,  célèbre  avo- 
cat, l'avait  rapportée  sous  le  même  nom  dans 
la  troisième  partie  de  son  recueil ,  connu 
sous  le  titre  d'ancien  Style  du  parlement. 
Alors  elle  n'avait  point  de  contradicteurs  : 
elle  a  ddiic  pour  elle  l'ancienneté  des  suffra- 
ges; les  vrais  modernes  sont  ceux  qui  osent 
la  combattre. 

De  la  Pragmatique  Sanction  de  Charles  VII. 
Le  roi  Charles  VII,  étant  îi  Tours  au  mois  do 
janvier  li38  (nouveau  style), écouta  les  plain- 
tes qu'on  vint  lui  faire,  de  la  part  du  concile 
do  Bàle,  sur  la  conduite  d'Eugène  IV  et  sur 
la  convocation  du  nouveau  concile  de  Fer- 
rare;  peu  de  temps  après,  il  se  rendit  à 
Bourges  avec  un  grand  nombre  de  princes 
du  sang,  de  seigneurs  et  de  prélats,  pour 
délibérer  sur  les  affaires  présentes  de  l'Eglise. 
Il  y  eut  dans  cette  assemblée  l'archevêque 
de  Crète,  nonce  du  pape,  les  archevêques  de 
Reims,  de  Tours,  de  Bourges  et  de  Toulouse. 
On  y  compta  vingt-cinq  évoques,  plusieurs 
abbés,  et  une  multitude  de  députés  des  cha- 
pitres et  des  universités  du  royaume.  Ce  fut 
là  qu'on  dressa  le  règlement  célèbre  appelé 
Pragmatique  Sanction,  décret  très-renommé 
dans  nos  nistoires  et  dans  toute  notre  juris- 
prudence ecclésiastiqu(f,  sans  en  excepter 
même  celle  d'aujourd'hui  :  car,  comme  le 
remarque  M.  de  Marca,  «  Quoique  la  Prag- 
matique Sanction  ait  été  abolie  Sfius  Léon  X 
et  François  I",  cependant  la  plupart  des 
règlements  qu'on  y  avait  insérés  ont  été 
adoptés  dans  le  concordat;  il  n'y  a  que  les 
élections  qui  soient  demeurées  entièrement 
éteintes,  pour  faire  place  aux  nominations 
royales.  »  Les  séances  des  prélats  de  l'Eglise 
gallicane  s'ouvrirent  dans  le  chapitre  de  la 
Sainte-Cliaiieile  de  Bourges,  dès  le  premier 
jour  de  mai  de  l'an  li38;  mais  il  parait  que 
ce  furent  d'abord  de  simples  conférences 
particulières,  et  que  l'assemblée  ne  fut  pu- 
blique, générale  et  solennelle,  que  le  5  juin. 
Alors  le  roi  y  présida  en  personne,  et  les 
envoyés,  tant  du  pape  que  du  concile  de 
Bàle,  se  présentèrent  jiour  soutenir  les  inté- 
rêts de  leurs  maîtres.  Les  premiers  qui  i^ar- 
lèrent  furent  les  nonces  d'Eugène;  ils  priè- 
rent le  roi  de  reconnaître  le  concile  d  •  Fer- 
rare,  d"y  envoyer  ses  ambassadeurs,  d'y  lais- 
ser aller  tous  ceux  (|ui  voudi-aicnt  faire  le 
voyage,  de  rippeler  les  Français  qui  étaient 
h  Bille,  de  révoquer  et  de  mettre  à  néant  le 
décret  de  suspense  porté  contre  le  pape.  La 

V9 


1547 


PRA 


PRA 


1548 


requête  des  dôputés  du  concile  fut  toute  dif- 
férente :  ils  (demandèrent  que  les  décrets 
publiés  pour  la  réforniation  de  l'Eglise,  dans 
soH  chef  et  dans  ses  membres,  fussent  reçus 
et  observés  dans  le  royaume;  qu'il  fût  fait 
défense  à  tous  les  sujets  du  roi  d'aller  au 
concile  de  Ferrare,  attendu  que  celui  de  Bâle 
était  vrai  et  légitime  ;  qu'il  plût  au  roi  d'en- 
Toyer  une  nouvelle  ambassade  aux  Pères  du 
concile  de  Bflle,  pour  achever,  de  concert 
nvec  eux,  ce  qu'il  restait  à  ftiire  pour  le  bien 
et  la  réforfination  de  l'Eglise  ;  qu'enfin  le 
^roit  de  suspense  porté  contre  Eugène  fût 
gardé  et  tais  en  exécution  dans  toutes  les 
terres  de  la  domination  française.  Le  princi- 
pal orateur  de  cette  députation  fut  le  célèbre 
Thomas  de  Courcelles,  alors  chanoine  d'A- 
miens, et  depuis  curé  de  Saint-André-des- 
Arcs,  doyen  de  Notre-Dame  de  Paris  et  pro- 
viseur de  Sorbonne.  Quand  le  roi  et  l'assem- 
blée eurent  entendu  les  propositions  du  pape 
et  celles  du  concile  do  Bâle,  on  fit  retirer  les 
envoyés  ;  et  l'archevêque  de  Reims,  chance- 
lier de  France,  prenant  la  parole,  dit  que  le 
roi  avait  convoqué  tant  de  personnes  de 
considération  pour  prendre  leur  avis  sur  le 
démêlé  qui  troublait  l'Eglise ,  que  son  in- 
tention était  d'empêcher  les  éclats  d'un 
schisme,  et  qu'en  cela  il  suivait  l'exemple  do 
ses  ancêtres,  princes  toujours  remplis  d'a- 
mour et  de  respect  pour  la  religion.  Cette 
courte  harangue  fut  suivie  du  choix  qu''on  fit 
de  deux  prélats,  pour  parler  le  lendemain  sur 
la  matière  présente  :  ce  furent  l'évèque  de 
Castres,  confesseur  du  roi,  et  l'archevêque 
lie  Tours.  Le  premier  s'attacha  beaucoup  à 
relever  le  concile  au-dessus  du  pape,  dans  le 
cas  d'hérésie,  de  schisme  et  de  réformation 
générale.  L'autre  insista  particulièrement  sur 
cette  réformation,  et  il  en  montra  la  néces- 
sité, non-seulement  par  rapport  à  l'Eglise, 
mais  au«si  à  l'égard  de  l'Etat.  Le  chancelier 
demanda  ensuite  à  l'assemblée  si  le  roi  de- 
vait offrir  sa  médiation  au  pape  et  au  concile, 
et  il  ftit  conclu  que  cela  serait  digne  de  sa 
piété  et  de  son  zèle.  Mais  comme  l'oljjet 
principal  était  de  rassembler  les  points  de 
discipline  ecclésiastique  qu'on  jugeait  pro- 
pres au  gouvernement  de  l'Eglise  gallicane, 
on  députa  dix  personnes,  tant  prélats  que 
docteurs,  pour  examiner  les  décrets  du  con- 
cile de  Bâle.  Cette  révision  dura  jusqu'au 
7  juillet,  jour  auquel  le  roi  publia  l'édit  so- 
lennel appelé  Pragmatique  Sanction.  C'est,  à 
proprement  parler,  un  recueil  des  règlements 
dressés  par  les  Pères  de  Bâle,  auxquels  on 
ajouta  quelques  modifications  relatives  aux 
usages  du  royaume  ou  aux  circonstances  ac- 
tuelles. Voici  la  substance  de  cette  pièce,  di- 
visée en  vingt-trois  titres,  dont  Côme  Guy- 
mier  nous  a  donné  un  commentaire  très-sa- 
vant, très-long  et  trop  peu  lu.  Elle  est  pré- 
cédée d'une  préface,  dont  le  commencement 
explique  le  dessein  de  Dieu  dans  l'institu- 
tion de  la  puissance  temporelle.  On  y  établit 
qu'une  des  principales  obligations  des  sou- 
verains est  de  protéger  l'Ei^liso  et  d'employer 
leur  autorité  pour  laire  observer  la  religion 


de  Jésus-Christ  dans  les  pays  soumis  à  leur 
obéissance. 

Titre  P'.  De  auctoritatc  et  potestate  sacro- 
rum  generalium  conciliorum  temporibusque  et 
modis  eadem  convocandi  et  celebrandi.  «  Les 
conciles  généraux  seront  célébrés  tous  les 
dix  ans;  et  le  pape,  de  l'avis  du  concile  finis- 
sant, doit  désigner  le  lieu  de  l'autre  concile, 
lequel  ne  pourra  être  changé  que  pour  de 
grandes  raisons  et  par  le  conseil  des  cardi- 
naux. Quant  à  l'autorité  du  concile  général, 
on  renouvelle  les  décrets  publiés  à  Cons- 
tance, par  lesquels  il  est  dit  que  cette  sainte 
assemblée  tient  sa  puissance  immédiatement 
de  Jésus-Christ;  que  toute  personne,  môme 
de  dignité  papale,  y  est  soumise  en  ce  qui 
regarde  la  foi,  l'extirpation  du  schisme  et  la 
réf5rmation  de  l'Eglise  dans  le  chef  et  dans 
les  membres,  et  que  tous  y  doivent  obéir, 
même  le  pape,  qui  est  punissable  s'il  y  con- 
trevient. En  conséquence,  le  concile  de  Bâle 
définit  qu'il  est  légitimement  assemblé,  et 
que  personne,  jias  même  le  pape,  ne  peut  le 
dissoudre,  le  transférer  ni  le  proroger  sans 
le  consentement  des  Pères  de  ce  concile. 

Titre  IL  De  electionibus.  «  Il  sera  pourvu 
désormais  aux  dignités  des  églises  cathé- 
drales ,  collégiales  et  monastiques ,  par  la 
voie  des  élections  ;  et  le  pape ,  au  jour  de 
son  exaltation  ,  jurera  d'obsei-ver  ce  décret. 
Les  électeurs  se  comporteront  en  tout  selon 
les  vues  de  leur  conscience  ;  ils  n'auront 
égard  ni  aux  prières,  ni  aUx  promesses ,  ni 
aux  menaces  de  personne  ;  ils  recommande- 
ront l'affaire  à  Dieu  ;  ils  se  confesseront  et 
communieront  le  jour  de  l'élection  ;  ils  fe- 
ront le  sei-ment  de  choisir  celui  cpii  leur 
paraîtra  le  plus  digne.  La  confirmation  se 
fera  par  le  supérieur  ;  on  y  évitera  tout 
soupçon  de  simonie ,  et  le  pape  même  ne 
recevra  rien  pour  celles  qui  seront  portées 
à  son  tribunal.  Quand  une  élection  cano- 
nique, mais  sujette  à  des  inconvénients, 
aura  été  cassée  à  Rome  ,  le  pape  renverra 
par-devant  le  chapitre  ou  le  monastère,  pour 
qu'on  y  procède  à  un  autre  choix,  dans  l'es- 
pace de  temps  marqué  par  le  droit.  »  —  La 
pragmatique,  en  adoptant  ce  décret  du  con- 
cile de  Bâle,  y  ajoute  :  1°  que  celui  dont 
l'élection  aura  été  confirmée  par  le  pape , 
sera  renvoyé  à  son  supérieur  immédiat  , 
pour  être  consacré  ou  béni ,  à  moins  qu'il 
ne  veuille  l'être  in  curia ,  et  que  dans  ce 
cas-là  môme  ,  aussitôt  après  sa  consécra- 
tion ,  il  faudra  le  renvoyer  à  son  supérieur 
immédiat  pour  le  serment  d'obéissance  ; 
2°  qu'il  n'est  point  contre  les  règles  canoni- 
ques que  le  roi  ou  les  grands  au  royauma 
recommandent  des  sujets  dignes  de  leur 
protection,  en  quoi  elle  modère  les  défenses 
que  fait  le  concile  de  Bâle  par  rapport  aux 
prières  ou  recommandations  en  faveur  des 
sujets  à  élire  dans  les  chapitres  ou  monas- 
tèies. 

Titre  III.  De  reservalionibus.  «  Toutes 
réserves  du  bénéfices ,  tant  générales  que 
particulières,  sont  et  demeureront  abolies, 
excepté  celles  dont  il  est  parlé  dans  le  corps 


15« 


PRA 


PRA 


1550 


du  droit ,  ou  quand  il  sera  question  dos 
terres  immédiatement  soumises  à  l'Kgliso 
romaine. 

TiTRK  IV.  De  coUntionihuH.  11  sera  établi 
dans  chaque  Eglise  des  ministres  savants  et 
'rertueux.  Les  expectatives  faisant  souhaiter 
^n  mort  d'autrui,  et  donnant  lieu  à  une  inli- 
nilé  de  procès ,  les  papes  n'en   ac<;orderont 
plus  dans  la  suite;  seulement  il  sera  |iei'mis 
a  eha(jue  pape  ,  durant  son  iiontilicat ,  de 
pourvoir  à  un  bénélice  sur  un  collateur  qui 
en  aura  dix,  et  à  deux  hénéliccs  sur  un 
collateur  qui  en  auracinquanle  et  au-dessus, 
sans  qu'il  puisse  néanmoins  conférer  deux 
prébendes  dans  la  môme  Eglise  pendant  sa 
vie.  Ou  n'entend  pas  non  |)lus  priver  le  pape 
du  droit  de  jirévention.    »    Mais  le    décret 
touchant  la  réserve  d'un  ou  d(^  deux  béiK'- 
tices,  quoique  rapporté  dans  la  Pragmatique, 
n'a  point  été  approuvé  |)ar  l'E^Jilise  gallicane, 
non  iilus  que  le  décret  touchant  la  [ircveu- 
tiou,  qui  a  été  jugé  contraire  aux  droits  des 
collateurs  et  des  patrons,  itum  cirva  23.  Afin 
d'obliger  les  collateurs  ordinaires  à  donner 
(las  bénélices  aux  gens  de  lettres,  voici  l'or- 
dre de  discipline  qu'on  prescrit  à  cet  égard. 
«  Dans  chaque  cathédiale  ,  il  y  aura  une 
l>iébeude  destinée  pour  un  licencié  ou  un 
bachelier  en   théologie,   lequel  aura  étudié 
dix  ans  dans  une  université.  Cet  ecclésias- 
liijue  sera  tenu  de  faire  des  leçons  au  moins 
une  fois  la  semaine  ;  s'il  y  manque ,  il  sera 
puni  par  la  soustraction  des   distributions 
de  la  semaine  ;   et  s'il  abandonne  la  rési- 
dence ,  on  donnera  son  bénélice  à  un  autre. 
(Cependant,  pour  lui  laisser  le  temps  d'étu- 
dier ,  les  absences  du  chœur  ne  lui  seront 
point  comptées.  Outre  cette  jirébende  triéo- 
logale,  le  tiers  des  béui'lices,  dans  b's  cathé- 
drales et  les  collégiales,  sera  pour  les  gra- 
dués ,  c'est-à-dire  les  docteurs  ,  licenciés  , 
bacheliers, qui  auionl  étudié  dix  ans  en  théo- 
logie ,  ou  les  docteurs  et  licenciés  eu  droit 
ou  en  médecine ,  qui  auront  étudié  se[)t  ans 
dans  ces  facultés  ;  ou  bien  les  maîtres  es 
arts  qui  auront  étudié  cinq  ans  dejiuis  la 
lo,.^ique  ;  tout  i;ela  dans  une  université  pri- 
vilégiée. On  accorde  aux  noljles,  ex  anliquo 
f/enerf ,  queh^ue  diminution  par  rap[)ort  au 
temi)s  de  leurs  études  ;  on  les  réduit  à  six 
ans  pour  la  théologie ,  et  à  trois  pour  les 
autres  facultés  iuféi'ieures  ;  mais  il  faudra 
que   les  preuves  de  noblesse,   du  côté  de 
père  et  de  mère,  soient  constatées.  Les  gra- 
dués  déjà   pourvus   d'un    bénélice  qui   de- 
mande résidence  ,  et  dont  la  valeur  monte 
à  deux  cents  tlorins ,  ou  bieu  qui  [losséde- 
ront  deuv  prébendes  dans  des  églises  cathé- 
drales, ue  pourront  plus  jouir  du  privilège 
de  leurs  grades.  Ou  aui'a  soin  de  ne  don- 
ner les   cures  des  villes  murées  qui  des 
gradués,  ou  du  moins  à  des  maîtres  es  arts. 
Ou  oblige  tous  les  gradués  ii  uotitier  chaque 
année  leurs  noms  aux  collateurs,  ou  à  leurs 
vicaires,  daos  le  temps  du  carême  ;  s'ils  y 
manquent ,  la  collation  faite  à  un  uon  gi-a- 
dué  ue  sera  pas  ceusée  uulle.  »  L'assemblée 
de  Bourges  ajouta  quelques  explications  à  ces 
règleruens.  Par  exemple ,  elle  consentit  à  ce 


qLO  les  expectatives  déjà  accordées  eussent 
leur  exécution  jusqu'à  la  fête  de  PAtpies  de 
l'année  suivante ,  et  que  le  pape  pût  dis- 
poser, pendant  le  reste  de  son  pontilicat, 
des  bénélices  qui  viendraient  à  va([uer  par 
la  (iromolion  des  titulaires  à  d'autres  béné- 
lices incom(iatibles.  A  l'égard  des  grades , 
elle  voulut  que  les  cures  et  les  chapelles 
entrassent  dans  l'ordre  des  bénéfices  affectés 
aux  gradués.  Elle  permit  aux  universid-s  de 
nommer  aux  colhiteins  un  certain  nombre 
de  sujets ,  laissant  toutefois  à  ces  collateurs 
la  lii)erté  de  choisir  dans  ce  nombre  ;  c'est , 
comme  on  voit ,  l'origine  des  gradués  nom- 
més. Enfin,  la  même  .issemblée  recommande 
fort  aux  universités  de  no  conférer  les  béné- 
lices cju'à  des  ecclésiastiques  recommanda- 
bk's  [lar  leur  vertu  et  jiar  leur  science.  Nam, 
ajoute  le  texte,  ut  omnibus  nolum  est  et  ridi- 
culosum,  multi  magistrorum  nomeu  obtincnt, 
quos  udhuc  (liscipulus  magis  esse  drccret. 

TiTKE  V.  De  causis.  «  Toutes  les  causes 
ecclésiastiques  des  provinces  à  quatre  jour- 
nées de  Rome  seront  terminées  dans  le  lieu 
même ,  hors  les  causes  majeures  et  celles 
des  Eglises  qui  dépendent  immédiatement 
du  saint-siége.  Daus  les  appels,  on  gardera 
l'ordre  des  tribunaux  ;  jamais  on  n'appellera 
au  pape,  sans  passer  auparavant  par  le  tri- 
bunal intermédiaire.  Siqueli|u'un,  se  croyant 
lésé  par  un  tribunal  immédiatement  sujet  au 
pape,  [lorte  son  appel  au  saint-siége,  le  papo 
nommera  des  juges  inpartibus  sur  les  lieux 
mèine,  à  ruoins  qu'il  n'y  ait  de  grandes  rai- 
sons d'évoquer  entièrement  les  causes  à  Ro- 
me. Euliu,  on  ne  pourra  ajipeler  d'une  sen- 
tence interlocutoire,  à  moins  que  les  griefs 
ue  soieul  irréparables  eu  délinitive. 

Titre  VI.  De  frivalis  appellationibus. 
«  Celui  qui  a|ipellera  avant  la  délinitive,  sans 
titre  bien  fondé  dans  son  appel,  jiayera  à  la 
[lai  tie  une  amende  de  quinze  florins  d'or, 
outre  les  dépens  ,  dommages  et  intérêts.  » 

TiTUE  VJI.  De  pacifiais  possessoribus. 
«  Ceux  qui  auront  possédé  sans  troubles 
pendant  trois  ans,  avec  un  titre  coloré,  se- 
ront maintenus  dans  leurs  bénélices  ;  les 
ordinaires  seront  tenus  de  s'enquérir  s'il  y 
a  des  intrus,  des  incapables.  » 

TrriiE  VIII.  De  numéro  et  qualitate  cardi- 
nalium.  «  Le  nombre  des  cardinaux  n'excé- 
dera pas  vingt-quatre  ;  ils  auront  trente  ans 
au  moins,  et  seront  docteurs  ou  licenciés.  » 
Les  évêques  de  Franco  jugèrent  (ju'il  fallait 
modifier  le  décret  du  concile  de  Bde,  en  ce 
qu'il  excluait  les  neveux  des  papes  du  car 
dmalat,  et  vouhireiit  qu'on  pCit  décorer  de 
la  pourjire  tous  ceux  qui  en  seraient  dignes 
par  leurs  vertus  et  par  leurs  talents. 

TiTUE  IX.  De  annatis.  n  On  n'exigera  plus 
rien  désormais,  soit  en  cour  de  Rome,  soit 
ailleurs,  pour  la  conQrmalion  des  élections, 
ni  pour  toute  autre  disposition  en  matière 
de  bénélices,  d'ordres,  de  bénédictions,  de 
droits  do  pallium,  et  cela  sous  quelque  pré- 
texte que  ce  soit,  de  bulles,  de  sceau,  d'an- 
nates,  de  menus  services,  de  premiers  fruits  . 
et  de  déports.  On  se  contentera  de  donner 
un  salaire  convenable  aux  scribes,  abrévia- 


153» 


PR\ 


PUA 


1552 


leurs  et  copistes  des  expéditions.  Si  quel- 
qu'un contrevient  k  ce  décret,  il  sera  soumis 
aux  peines  portées  contre  les  siaioniaques  ; 
et  si  le  pnpe  venait  à  scandaliser  l'Eglise  en 
se  permettant  quelque  chose  contre  cette 
ordonnance,  il  faudra  le  déférer  au  concile 
général.  >>  L'assemblée  de  nos  prélats  mo- 
déra ce  décret  en  faveur  du  pape  Eugène  ; 
elle  lui  laissa  pour  tout  le  reste  de  sa  vie  la 
cinquième  partie  de  la  taxe  imposée  avant 
le  concile  de  Constance,  à  condition  que  le 
payement  se  ferait  en  monnaie  de  France  ; 
que  si  le  môme  bénétko  venait  à  vaquer 
plusieurs  fois  dans  une  année,  on  ne  paye- 
rait toujours  que  ce  cinquième,  et  que  toute 
autre  espèce  de  subside  cesserait. 

Titre  X.  Quomodo  divinum  of/icium  sit 
celebrnndum.  «  L'office  divin  sera  célébré 
avec  décence,  gravité,  la  médiante  observée; 
on  se  lèvera  à  chaque  Gloria  Patri  ;  on  incli- 
nera la  tête  au  nom  de  Jésus  ;  on  ne  s'en- 
tretiendra point  avec  son  voisin,  etc.  » 

Titre  XL  Quo  tempore  quisque  dcbeat  esse 
in  choro.  «  Celui  qui,  sans  nécessité  et  per- 
mission demandée  et  obtenue  du  président 
du  chœur,  n'aura  pas  assisté  à  matines  avant 
la  fin  du  Venile  exsultemus,  aux  autres  heu- 
res, avant  la  tin  du  premier  psaume,  et  à  la 
messe  avant  la  lin  du  dernier  Kyrie  eleison, 
et  qui  n'y  aura  pas  demeuré  jusqu'à  la  fin, 
sera  réputé  absent  pour  cette  heure,  sans  dé- 
roger aux  usages  plus  stricts  des  Eglises. 
Celui  qui  n'aura  pas  assisté  aux  processions 
depuis  le  commencementjusqu'àla  tin  éprou- 
vera le  même  traitement  ;  le  pointeur  s'o- 
bligera par  serment  à  être  fidèle  et  à  n'é- 
pargner personne.  Lorsqu'il  n'y  aura  pas  de 
distributions  établies  pour  chacune  des  heu- 
res, elles  seront  })rises  sur  les  gros  fruits  : 
celui  qui  n'aura  assisté  qu'à  une  heure  ne 
gagnera  pas  les  distributions  de  tout  le  jour; 
on  abolira  l'usage  de  donner  au  doyen  et 
aux  ofiiciers  les  distributions  quotidiennes, 
sans  assister  aux  heures,  quoiqu'ils  ne  soient 
pas  actuellement  absents  pour  l'utilité  de 
l'Eglise.  » 

Titre  XIL  Qualiler  horœ  canonicœ  sunt 
dicrndœ  extra  chorum. 

Titre  XIIL  De  his  qui  tempore  divinorum 
ofliciorum  vagantur  per  ecclesiam. 

Titre  XiV.  De  tabula  pendente  in  choro. 
«  Chaque  chanoine ,  ou  autre  bénéficier, 
poLU-ia  voir  sur  ce  tableau  ce  qu'il  y  aura  à 
faire  à  cliaque  heure  pendant  la  semaine  ; 
et  s'il  néç^lige  de  satisfaire  par  lui-môme,  ou 
par  un  autre,  à  ce  qui  lui  sera  prescrit,  il 
perdra  les  distributions  d'un  jour  pour  cha- 
que heure.  » 

Titre  XV.  De  his  qui  in  missa  non  comr- 
plent  Credo,  vel  canlant  cantilenas,  vel  nimis 
basse  missam  legunl,  prœler  sécrétas  oratio- 
nes,  aut  sine  ministro. 

Titre  Wl.  De  pignorantibus  cullum  divi- 
num. «  Les  chanoines  qui  s'obligeront  à  sa- 
tisfaire leurs  créanciers  dans  un  temps  pres- 
crit, sous  peine  de  cessia*  l'oflice  divin,  s'ils 
manquent  à  leur  engagement,  perdront,  ipso 
^to,  trois  mois  de  leur  prébende.  » 
"■  .Titre  XVIL  De  tenenlibus  capitula  tempore 


missa.  'S  II  est  défendu  de  tenir  chapitre  dans 
le  temps  de  la  messe,  particulièrement  aux 
jours  solennels ,  sans  une  urgente  et  évi- 
dente nécessité.  » 

Titre  XVIIL  De  spectaculis  in  ecclesianon 
faciendis.  Cet  article  condamne  la  fête  des 
fous  et  tous  autres  spectacles  dans  l'Eglise. 
Titre  XIX.  De  concubinariis.  «  Tout  con- 
cubinairo  public  sera  suspens  ipso  facto,  et 
privé  pendant  trois  mois  des  fruits  de  ses  bé- 
néfices au  profit  de  l'Eglise  dont  ils  provien- 
nent. Il  perdra  ses  bénéfices  en  entier  après  la 
monilion  du  supérieur;  s'il  reprend  sa  mau- 
vaise habitude  après  avoir  été  puni  par  le 
supérieur  et  rétabli  dans  son  premier  état, 
il  sera  déclaré  inhabile  à  tout  office,  dignité 
ou  bénéfice  ;  si  les  ordinaires  négligent  de 
sévir  contre  les  coupables,  il  y  sera  pourvu 
par  les  supérieurs,  par  les  conciles  provin- 
ciaux, par  le  pape  même,  s'il  est  nécessaire.  » 
Au  reste,  on  appelle  concubinaires  publics, 
non-seulement  ceux  dont  le  délit  est  cons- 
taté par  sentence,  ou  par  l'aveu  des  accusés, 
ou  par  la  notoriété  du  fait,  mais  encore  qui- 
conque retient  dans  sa  maison  une  femme 
suspecte,  et  qui  ne  la  renvoie  pas  après  en 
avoir  élé  averti  par  son  supérieur.  On  ajoute 
que  les  prélats  auront  soin  d'implorer  le  bras 
séculier  ,  pour  séparer  les  personnes  de 
mauvaise  réputation  de  la  compagnie  de 
leurs  ecclésiastiques  ,  et  qu'ils  ne  permet- 
tront pas  que  les  enfants  nés  d'un  commerce 
illicite  habitent  dans  la  maison  de  leur?  pères. 

Le  titre  20,  de  excommunicatis  non  vitan- 
dis,  lève  la  défense  d'éviter  ceux  qui  ont  été 
frappés  de  censures,  à  moins  qu'il  n'y  ait 
une  sentence  publiée  contre  eux,  ou  bien 
que  la  censure  ne  soit  si  notoire,  qu'on  ne 
puisse  ni  la  nier  ni  l'excuser. 

Le  titre  21,  de  interdictis  indifferenter  non 
ponendis,  condamne  les  interdits  jetés  trop 
légèrement  sur  tout  un  canton.  11  est  dit 
qu'on  ne  procédera  de  cette  manière  que 
quand  la  faute  aura  été  commise  par  le  sei- 
gneur, ou  le  gouverneur  du  lieu,  ou  leurs 
officiers,  et  qu'après  avoir  publié  la  sentence 
d'excommunication  contre  eux. 

Le  titre  22,  de  sublatione  Clementinœ  litte- 
ris,  tit.  de  probat.,  sup;irime  une  décrétale 
qui  se  trouve  parmi  les  Clémentines,  et  dit 
que  de  simples  énonciations  dans  les  let- 
tres apostoliques,  portant  qu'un  tel  est  privé 
de  son  bénéfice  ou  autre  droit,  ou  qu'il  y  a 
renoncé,  n'est  pas  suffisante,  et  qu'il  faut  des 
preuves. 

Le  titre  23,  de  conclusione  Ecclesiœ  galli- 
canœ,  contient  la  conclusion  de  l'Eglise  gal- 
licane pour  la  réception  des  décrets  du  con- 
cile de  Bâle,  qui  y  sont  énoncés,  avec  les 
modifications  dont  nous  avons  parlé.  Les 
évèques  prient  le  roi,  en  finissant,  d'agréer 
tout  ce  corps  de  discipline,  de  le  faire  pu- 
blier dans  son  royaume,  et  d'obhger  les  of- 
ficiers de  son  parlement  et  des  autres  tribu- 
naux à  s'y  conformer  ponctuellement.  Le 
roi  entra  dans  ces  vues,  et  envoya  la  Prag- 
matique Sanction  au  parlement  de  Paris , 
qui  l'enregistra  le  13  juillet  de  l'année  sui- 
vante H39.  Mais,  par  une  déclaration  du  7 


l.fSS 


PRA 


PRA 


1581 


août  1441,  il  ordonna  que  les  décrets  du 
concile  de  BA!e ,  rapportes  dans  la  Prwjma- 
tique,  n'auraient  leur  exécution  qu'à  comp- 
ter (lu  jour  de  la  date  de  cette  ordonnance, 
sans  avoir  égard  à  la  date  des  décrets  du 
concile.  On  voit  dans  toute  cette  pièce  une 
grande  attention  è  recueillir  tout  ce  qui  pa- 
raissait utile  dans  les  décrets  du  concile  de 
BAIe,  et  une  déclaration  néanmoins  bien 
positive  de  l'attachement  qu'on  voulait  con- 
server pour  la  personne  du  pape  Eugène  IV  ; 
ce  furent  en  elfet  les  deux  points  fixes 
du  roi  Charles  Vil  et  de  l'Eglise  gallicane, 
durant  tous  les  démêlés  qui  aflligeaient  alors 
l'Eglise. 

La  Pragmatique,  maintenue  dans  son  en- 
tier sous  Charles  \\\,  qui  en  ordonna  do 
nouveau  l'exécution  en  li53,  reçut  dans  la 
suite  de  grandes  atteintes.  On  ne  voulut  ja- 
mais l'apjirouver  à  Rome;  elle  fut  môme  re- 
gardée, (lit  Robert  Gaguin,  comme  une  héré- 
sie pernicieuse,  tant  il  est  vrai  que  cetie  cour 
a,  de  tout  temps,  érigé  ses  |irélentions  en  ar- 
ticles de  foi!  »  C'était,  s'il  en  faut  croire 
Pie  II,  une  tache  qui  défigurait  l'Kglise  de 
France,  un  décret  qu'aucun  concile  géné- 
ral n'avait  porté,  qu'aucun  pape  n'avait  reçu; 
un  principe  de  confusion  dans  la  hiérai'cliio 
ecclésiastique,  puisqu'on  vo^'ait  depuis  ce 
temps-là  cjue  les  laïques  étaient  devenus 
maîtres  et  juges  du  clergé;  que  la  puissance 
du  glaive  spirituel  ne  s'exerçait  plus  (|ue 
sous  le  bon  fdaisir  de  l'autorité  séculière; 
(lue  le  pontife  romain,  nudgré  la  plénitude 
tte  juri(Jiction  attachée  à  sa  dignité,  n'avait 
plus  de  pouvoir  en  France,  (ju'autant  qu'il 
plaisait  au  parlement  de  lui  en  laisser.  » 
Ainsi  parlait  aux  ambassadeurs  de  France, 
dans  l'assemblée  de  Mantoue  en  1V5'J,  un 
pontife  bien  différent  alors  de  ce  qu'il  avait 
été  au  concile  de  BAlo,  où  la  Pramagtique 
passait  pour  une  œuvre  toute  sainte,  pour  un 
plan  admirable  de  réforraation.  La  politique 
de  Louis  XI  osa  abattre  ce  mur  de  division, 
élevé  depuis  plus  de  vingt  ans  entre  les 
cours  de  France  et  de  Rome.  Ce  monarque 
crut  voir  bien  des  avantages  dans  la  des- 
truction de  la  Pragmatique.  C'était  d'abord 
une  des  règles  de  sa  conduite,  de  prendre 
en  tout  le  contre-pied  du  roi  son  père.  La 
Pragmatique  était  l'ouvrage  de  Charles  VII, 
c'en  était  assez  pour  qu'elle  déplût  à  Louis  XL 
D'ailleurs,  la  discipline  établie  par  cette  or- 
donnance, ramenant  tout  au  droit  commun, 
laissant  les  élections  aux  chapitres  et  aux 
abbayes,  déférant  aux  évèques  la  collation 
des  loénéfices,  il  arrivait  que  dans  chaque 
province,  dans  chaque  évéclié,  les  seigneurs 
particuliers  se  renaaieut  maîtres,  par  leur 
crédit  ou  pas  leurs  menaces,  des  principales 
dignités  ecclésiastiques;  ce  qui  augmentait 
l'autorité  des  seigneurs  vassaux  de  la  cou- 
ronne, au  grand  déplaisir  de  Louis.  Ce  prince 
crut  qu'il  n'en  serait  pas  de  même  sur  l'in- 
fluence qu'aurait  le  saint-siége  dans  le  gou- 
vernement de  l'Eglise  gallicane,  après  l'a- 
bolition de  la  Pragmatique  :  car,  comme  le 
roi  serait  toujours  plus  puissant  auprès  des 
papes  que  les  seigneurs  subalternes,  il  de- 


vait aussi  en  être  plus  écouté,  quand  il  de- 
manderait des  grâces  ecclésiasti(iues  :  Louis 
se  flattait  inéme  (jue  peu  à  |)eu  la  cour  ac- 
querrait une  sorte  de  direction  géïK'T.ile 
pour  le  choix  des  sujets,  et  nue  les  sujets 
placés  à  la  recommandation  ae  la  cour  so 
trouveraient  liés  à  elle  par  des  motifs  de  re- 
connaissance; de  plus,  il  esjjéra  qu'en  fai- 
sant le  sacrifice  de  la  Pragmatique,  il  déter- 
minerait le  pape  à  abandmnier  le  parti  des 
princes  aragonais,  pour  favoriser  celui  des 
nrinces  Angevins  :  toutes  ces  consiiléralions 
l'engagèrent  à  écrire  au  pontife  une  lettre  en 
date  du  2"  novembre  IWl,  dans  laquelle  il 
reconnaît  que  «  la  Pragmatique  a  été  faite 
dans  un  temps  do  schisme  et  de  sédition; 
(ju'elle  ne  peut  causer  que  le  renversement 
des  lois  et  du  bon  ordre;  qu'elle  rompt  l'u- 
niformité qui  doit  régner  entre  tous  les 
Etats  chrétiens  ;  qu'il  casse  dès  à  présent 
cette  ordonnance,  et  que  si  quelques  pré- 
lats osent  le  contredire,  il  saui-a  les  réduire 
au  parti  de  la  soumission.  »  L'intrigant  évé- 
cjue  d'Arras,  Jean  Geoffroi  ou  Joufl'roy,  con- 
fident de  Louis  en  tout  ce  qui  concernait 
l'abolition  de  la  Pragmatique,  fut  le  chef  de 
l'ambassade  solennelle  que  le  roi  envoya  au 
pape  peu  de  temps  après,  pour  mettre  le 
dernier  sceau  à  cette  affaire  ;  il  porta  la  pa- 
role dans  la  première  audience  de  Pie,  et 
reçut  le  chapeau  des  mains  du  saint-père, 
jiour  prix  de  sa  flatterie  et  de  ses  artifices. 
Un  autre  ambitieux,  connu  jtar  sa  perfidie, 
l'évoque  d'Angers,  Balue,  obtint  le  même 
honneur  de  Paul  11,  par  les  mêmes  moyens. 
L'abolition  de  \a  Pragmatique  n'était  pas  en- 
core revêtue  des  formes  légales  :  Louis  XI, 
pour  procurer  la  pourpre  à  son  favori,  rendit 
unedéc'aration  à  ce  sujet.  Balue  la  porta  au 
parlement  le  premier  jour  d'octobre  1467, 
et  en  requit  l'enregistrement  ;  mais  il  y 
trouva  des  oppositions  invincibles  de  la  part 
du  piocureur  général  Jean  de  Saint-Romain, 
qui  déclara  que  la  Pragmatique  était  une 
ordonnance  utile  à  l'Eglise  gallicane ,  et 
qu'il  fallait  la  maintenir.  Ce  respectable  ma- 
gistrat protesta  qu'd  aimerait  mieux  perdre 
sa  charge,  et  la  vie  même,  que  de  rien  faire 
contre  sa  conscience,  contre  le  service  du 
roi  et  le  bien  de  l'Etat.  Louis,  informé  des 
oppositions  du  procureur  général,  lit  i)ublier 
sa  déclaration  au  ChAtelet,  et  voulut,  en  ou- 
tre, qu'on  lui  présentât  par  éci'it  les  motifs 
qui  avaient  empêché  le  parlement  d'enregis- 
trer ses  lettres.  Cette  cour  lit  dresser  alors 
les  longues  remontrances  qu'on  nous  a  con- 
servées; on  y  lit  ([ue  la  Pragmatique  Sanction^ 
était  le  résultat  des  conciles  de  Constance  et  de 
Bâle  ;  qu'elle  avait  été  dressée  du  consente- 
ment des  princes  du  sang,  des  évèques,  des 
abbés,  des  communautés  monastiques,  des 
universités  du  royaume  ;  que  l'Etat  et  l'E- 
glise jouissaient  d'une  grande  tranquillité 
depuis  qu'on  l'observait  ;  qu'on  avait  vu  dans 
les  évêchés  des  prélats  recomraandables 
par  leur  sainteté  ;  qu'on  ne  pourrait  la  dé- 
truire saus  tomber  dans  quatre  grands  in- 
convénients, la  confusion  de  l'ordre  ecclé- 
siastique, la  désolation  de  la  France,  l'épui- 


ism 


PRA 


PRA 


4556 


sèment  des  finances  du  royaume,  et  la  ruine 
totale  des  Eglises.  Cet  écrit  détaille  chacune 
de  ces  conséquences,  insistant  toutefois  da- 
vantage sur  le  premier  et  sur  le  troisième 
article,  prétendant  que,  par  la  destruction 
de  la  Pragmatique,  on  va  donner  lieu  au  ré- 
tablissement des  réserves,  des  exjiect.itives, 
des  évocations  de  procès  en  cour  de  Rome  ; 
qu'ensuite  on  verra  le  royaume  surchargé 
d"a!Hiales  et  d'une  multihnlo  d'autres  taxes. 
On  fiiit  sentir  combien  ce  trans|)ort  d'urgent 
hors  du  royaume  est  préjudiciable  à  l'Étal; 
on  rappelle  à  cctle  occasion  les  sommes  qui 
avaient  été  payées  à  la  chambre  apostolique 
dans   l'espace  de  trois  ans,   et  l'on  en  t'ait 
monter  le  total  à  deux  raillions  cinq  cents 
raille    écus  d'or.   L'Université    de  Paris  se 
joignit  au  parlement.  A  peine  la  déclaration 
de  Louis  XI  eut-elle  paru,  que  les  docteurs 
en   a[)pelôient  sur-le-ch,imp  au  concile  gé- 
néral; ils  envoyèrent  même  des  députés  à 
JoulTroy,    appelé   alors  le   caniinal  d'Albi, 
légat  du  paiie,  pour  lui  signifier  l'acte  d'ap- 
pel. Tous  ces  mouvements  pour  la  Prayma- 
tU/ue  empêchèrent  encore  cette  fois  sa  des- 
truction totale.  Louis  XI  s'engagea  encore  à 
l'abolir  entièrement,   dans  l'espérance  que 
Sixte  IV  refuserait  la  dispense  dont  le  duc 
de  Guyenne,  frère  du  monar(iue,  avait  be- 
soin pour  épouser  Mario  de  Bourgogne.  La 
mort  de  ce  jeune  jirincc  fit  cesser  ce  motif; 
Louis  XI  n'en  parut  pas  moins  disposé  à  ter- 
miner les  contestalions    qui  divisaient  les 
cours  de  France  et  de  Rome  :  il  traita  même 
avec  Sixte  en  lkl2,  par  des  envoyés  qui,  de 
concert  avec  le  pape,  arrêtèrent,  entre  autres 
choses,  que  le  saint-siége  aurait  six  mois,  k 
commencer  par  le  mois  de  janvier,  et  les 
ordinaires    six  mois,  à  commencer  par  fé- 
vrier; et  ainsi  de  suite  alternativement,  dans 
lesquels  ils  conféreraient  les  bénéfices  va- 
cants comme  s'il  n'y  avait  aucune  expectati- 
ve. Mais  cet  accord  n'eut  pas  lieu,  et  Louis, 
en  1479,  tenta  de  rétablir  \aPra(/matiquc dans 
une  assemblée  tenue  à  Lyon,  qui  en  rapjjela 
les  dispositions  iiriiicipales.  Louis  XII  con- 
firma ce  décret  dès  son  avènement  à  la  cou- 
ronne, et  jusqu'en  1512,  plusieurs  arrêts  du 
parlement  en  maintinrent  l'autorité^;  ce  qui 
n'empêchait  pas  qu'on  n'y  dérogeât  de  temps 
en  temps,  surtout  quand  la  cour  de  France 
était   en  bonne  inlelligence    avec  celle  de 
Rome;  au  reste,  la  Pragmatique   était  tou- 
jours une  loi  de  discipline  dans  l'Eglise  gal- 
licane. Jules  II  crut  qu'il  était  temps  de  ré- 
tablir pleinement  son  autorité  par  rapport 
aux  bénéfices  et  au  gouvernement  ecclésias- 
tique. H  fit  lire  dans   la  quatrième   session 
du  concile  de  Latran,  tenue  le  10  décembre 
1512,  les  lettres  données  autrefois  par  Louis 
XI  pour  supprimer  la  Pragmatiqtie.  Un  avo- 
cat  consistorial  prononça   ensuite  un  long 
discours,  et  requit  l'abolition  totale  de  cette 
loi.  Un  promoteur  du  concile  deijianda  que 
les  fauteurs  de  la  Pragmatique,  quels    qu'ils 
pussent  être,  rois  ou  autres,  fussent  cités  au 
tribunal  do  cette  assemblée,  dans   le  terme 
de  soixante  jours,  pour  faire  entendre   les 
raisons  qu'ils  auraient  de  soutenir  un  décret 


si  contraire  à  l'autorité  du  saint-siége.  On  fit 
droit  sur  le  réquisitoire,  et  l'on  décida  que 
l'acte  de  monition  serait  affiché  à  Milan,  <i  ' 
Ast  et  il  Paris,  parce  qu'il  n'était  pas  silr  de 
le  publier  en  France.  L'adresse  des  envoyés 
du  roi  et  la  mort  de  Jules  II  ralentirent  la 
vivacité  des  procédures.  Enfin,  Léon  X  et 
François  I",  dans  leur  entrevue  à  Roulo- 
gne,  conçurent  l'idée  du  Concordat,  qui 
règle  encore  aujourd'hui  la  discipline  de 
l'Eglise  gallicane.  Le  saint-père,  non  con- 
tent d'approuver  ce  traité  par  une  bidle  du 
18  août  1516,  abrogea,  par  une  autre  bulle, 
la  Pragmatique,  qu'il  appelle  la  corruption 
française  établie  à  Bourges.  La  vérification 
du  Concordat  excita  des  mouvements  (|ui  en 
suspendirent  l'exécution;  et  lors  même  qu'il 
fut  enregistré,  on  vit  que  la  Pragmatique  oc- 
cupait toujours  le  premier  rang  dans  l'es- 
time des  ecclésiastiques  et  des  magistrats 
français.  Reconnaissons  néanmoins,  avec  M. 
de  j\iarca,  «  que  le  Concordat  a  rétabli  la  paix 
dans  l'Eglise  gallicane,  et  qu'il  a  fait  plus 
de  bien  au  royaume  que  la  Pragmatique 
Samlioj}.  Il  n'est  pas  étonnant  que  ce  décret 
ait  trouvé  dans  sa  naissance  tant  de  contra- 
dicteurs. Le  clergé  ne  put  voir  tranquille- 
ment qu'on  le  privait  d'un  de  ses  plus  beaux 
droits;  il  sentit  vivement  cette  perte;  il  en 
aursela  au  futur  concile  général  ;  le  parlement 
entra  dans  ses  vues.  Un  changement  si  subit 
et  si  considérable  dans  le  gouvernement  des 
Eglises,  étonnait  tous  les  esprits;  il  n'y  avait 
que  le  temps  et  l'habitude  qui  pussent  les 
calmer.  »  Nous  ajouterons,  qu'en  faisant 
[lasser  dans  la  main  du  souverain  le  droit 
d'élire  les  pasteurs,  on  pourvoit  au  gouver- 
nement des  Eglises ,  de  manière  à  n'exciter 
ni  brigues,  ni  violences;  que  d'ailleurs  il 
est  important,  pour  la  sûreté  du  royaume, 
que  nos  rois  placent  dans  les  évêchés  et 
dans  les  grands  bénéfices,  ceux  de  leurs 
sujets  dont  ils  connaissent  la  fidélité,  et  dont 
les  talenls  s'étendent  au  maintien  do  l'or- 
dre public,  comme  aux  choses  delà  religion. 
Avant  de  finir  sur  cette  matière,  nous 
examinerons  quelques  questions.  D'abord, 
on  demande  si  la  Pragmatique  a  été  dressée 
par  toute  l'assemblée  de  Bourges,  comme 
quelques  auteurs  l'ont  avancé,  ou  si  elle  est 
l'ouvrage  du  clergé  convoqué  dans  cette  as- 
semblée. Le  texte  même  lève  les  doutes  qui 
pourraient  s'élever  à  se  sujet.  Il  dit  formel- 
lement qu'il  n'y  a  eu  que  les  prélats  et  au- 
tres ecclésiastiques  représentant  l'Eglise  de 
France,  qui  aient  apporté  des  modifications 
aux  décrets  du  concile,  et  même  que  les  Pè- 
res de  BAle  n'envoyèrent  leurs  décrets  qu'au 
roi  et  à  l'Eglise.  On  en  peut  juger  par  les 
paragraphes  de  la  préface,  quœ  quidem,  qui- 
tus attente,  et  quœ  omnia.  Le  corps  de  la  Pra- 
gmatique en  renferme  autant  de  preuves 
qu'il  y  a  de  titres  :  à  la  suite  de  chaque  titre, 
1  assemblée  accepte  ou  modifie  les  décrets; 
il  est  marqué  à  la  fin  du  premier,  que  par 
l'assemblée  on  n'entend  que  les  évêques  et 
les  autres  ecclésiasti(iues  qui  représentent 
toute  l'Eglise  de  France;  acrrptavit  et  ac- 
ceptât, prout  jacentfjam  doctorum  prœlato- 


15K7 


VRA. 


PRA 


4^.8 


rum,  ca'terorumc/ue  virorum  crrtrismsticorum 
ipsam  Ercksiam reprœsnUantium  coïiqnqntio 
sœpr  dicta.  Presque  tnus  les  mots  du  para- 
graphe Ea  propter,  qui  contient  l'approba- 
tion ou  contirmation  du  roi,  sont  autant  de 
preuves  que  \a.  Pragmatique  n'a  été  faite  que 
par  l'Eglise  de  France. 

Voici  une  autre  question  qui  concerne  l'au- 
torité do  la  Prnr/mati(iue.  On  demande  si  elle 
a  été  faite  dans  le  schisme.  Plusieurs  l'ont 
cru,  fondés  surletémoignagedu  roiLouis  XI, 
qui  le  dit  dans  une  lettre  au  pape  Pie  II, 
■ut  pôle  quw  in  seditione  et  schinmatis  tempore 
nala  sit;  le  pape  Léon  X  le  dit  aussi  dans 
une  lettre  rapportée  dans  le  cinquième  con- 
cile de  Lalran.  Ce  môme  pape  avance  dans 
le  litre  premier  du  concordat,  que  c'est  le 
motif  qui  obligea  Louis  XI  de  l'abroger.  Le 
parlement  de  Paris,  dans  ses  remontrances, 
et  lo  plus  grand  nombre  de  nos  meillfurs 
auteurs,  ont  soutenu  avec  raison  que  la  Prag- 
matique n'a  point  été  faite  dans  le  schisme; 
une  grande  partie  des  décrets  qu'elle  renfer- 
me ont  été  dressés,  il  est  vrai,  après  que  les 
brouilleriesduconcilode  Bûie  avec  Eugène  IV 
eurent  commencé.  Le  pape  voidait  faire  fi- 
nir le  concile,  ou  le  transférer;  les  Pères 
assemblés  s'y  refusèrent  et  firent  plusieurs 
décrets  contre  le  pontife.  Mais  le  schisme  ne 
coumicnça   tju'ii   la  déposition  d'Eugène  en 
1439,  au  mois  de  juin,  et  fut  consommé  par 
l'élection  de  Félix,  au  mois  de  novembre  do 
la  même  année.  Or,  l'assemblée  do  Bourges 
avait  accepté  les  décrets  du  concile  de  BAle 
avant  cette  époque,  et  le  roi  Charles  VII  les 
avait  confirmés  le  7  juillet  ii38.  Il  est  mémo 
à  remarquer  que  le  2-2'  titre  de  la  Pragma- 
tique, qui  précède  immédiatement  la  conclu- 
sion de  l'Ègliso  gallicane,  est  un  décret  du 
mois  de  mars  l'i3G.  D'ailleurs,  le  pape  lui- 
même  a  confirmé  les  seize  premières  sessions 
dans  un  temps  où  il  n'y  avait  pas  de  division 
entre  lui  et  les  Pères  assemblés.  En  un  mot, 
le  titre  De  l'autorité  des  coneiles,  tiré  de  ]a 
première  et  de  la  seconde   session,  suppose 
évidemment  que  le  concile  a  pu  faire  tous 
les  autres,  sans  qu'on  puisse  les  arguer  de 
nullité,   sous  prétexte  que   n'ayant  pas  été 
agréables  au  saint-père,  ils  ont  été  faits  en 
temps  de  schisme.  Il   est  donc  certain  que 
les  décrets  du  concile  de  BAle,  insérés  dans 
la  Pragmatique,  émanèrent  d'une    autorité 
légitime.  Mais,  nous  dira-t-on,  de  quel  droit 
l'Eglise  gallicane  a-t-elle  apposé  des  modifi- 
cations ^  un  règlement  qui  devrait  être  révéré 
comme  celui  de  l'Eglise  universelle  ?  Nous 
répondrons,  avec  l'auteur  des  Mémoires  du 
clergé,  t.  X,  p.  58  et  suivantes,  que  le  roi  et 
l'Eglise  de  Franche  assemblés  h  Bourges  n'ont 
pas  voulu  diminuer  l'autorité  du  concile  de 
B;\le,  mais  que  les  décrets  des  conciles,  sur  ce 
qui  regarde  la  discipline  extérieure  et  le  gou- 
vernement, ne  doivent  être  reçus  qu'autant 
qu'ils  sont  utiles  aux  peuples  qu'on  veut 
conduire,  et  qu'il  en  faut  de  diQi%ents,  sui- 
vant les  circonstances,  les  temps  et  les  mœurs 
4es  Etats  et  des  siècles.  Les  conciles  géné- 
raux ont  fait  leurs  règlements  de  la  manière 
la  plus  convenable  à  la  plus  grande  partie 


des  nations.  Ouoiqu'il  y  eilt  des  pays  qui 
parussent  demander  d'autres  lois  dans  leur 
état  présent,  les  évêques  de  ces  contrées 
n'ont  pas  cru  devoir  s'o^iposer  aux  décrets 
des  conciles  où  ils  se  sont  trouvés  ;  ils  ont 
supposé  que  ces  dispositions  regardaient 
seulement  les  peuples  et  les  îlglises  placés 
dans  certaines  circonstances,  et  qu'ailleurs 
on  y  apposerait  les  modifications  nécessaires 
pour  les  rendpe  utiles.  Tels  sont  les  vrais 
principes  consacrés  dans  la  préface  de  la 
Pragmatique,  §  Quœ  omnia.  Ces  règles  sur  la 
discipline  <le  l'Eglise  sont  bien  expliquées 
dans  le  procès-verbal  de  la  chambre  ecclé- 
siastique des  états  de  IGl'i.,  au  sujet  du  con- 
cile de  Trente,  dont  cinquante-cinq  prélats 
du  clergé  ^eman^laient  la  réception  avec  cer- 
taines modifications.  Cette  manière  de  rece- 
voir les  décrets  des  conciles  généraux  en 
matière  de  discipline  n'est  point  nouvelle  ; 
les  grandes  Eglises  ont  été  iicrsuadées,  dans 
tous  les  temps,  que^  sans  faire  injure  à  ces 
assemblées,  on  pouvait  maiicpienir  les  coutu 
mes  anciennes  dont  les  peuples  étaient  édi- 
fiés, et  qui  convenaient  aux  circonstances. 
On  sait  la  vénération  que  toutes  les  Eglises 
avaient  pour  le  premier  concile  de  Nicée  ; 
c'est  néanmoins  un  sentiment  ordinaire  que 
)e  vingtième  canon  de  ce  concile,  qui  or- 
donne de  prier  debout  aux  jours  de  diman- 
che, et  depuis  PAques  jusqu'à  la  Pentecôte, 
n'a  point  été  suivi  dans  plusieurs  Eglises,  et 
surtout  dans  celles  (Je  l'Occident,  qui  con- 
servèrent toujours  leur  usage  de  prier  à 
genoux.  Chaque  pays  a  eu  ses  règles  çt  ses 
coutumes  particulières,  non-seulement  dans 
ce  qui  concerne  l'ordre  et  les  cérémonies  du 
service  divin,  la  solennité  des  fêtes  et  les 
autres  choses  4e  discipline,  que  l'on  regarde 
comme  moins  considérables,  mais  aussi  dans 
îes  empêchements  qui  peuvent  rendre  nuls 
jes  mariages  des  catholiques,  et  sur  d'autres 
points  dont  les  suites  soijt  considérées  comme 
moins  importantes. 

Alexandre  III,  dans  une  réponse  à  un  éyê- 
que  d'Amiens,  rapportée  dans  la  Collection 
de  Bernard  de  Payie,  la  première  des  ancien- 
nes Collections  des  Décr^ales,  1.  iv,  tit.  IC, 
De  frigidis  et  mahficiatis,  §3,  c  3,  suppose 
qu'un  mariage  reconnuà  Rome  pourlégitime, 
pourrait  être  nul  en  France.  On  croit  devoir 
cg'outer  sur  les  usages  de  l'Eglise  gallicaii,e, 
que  plusieurs,  qui  lui  étaieat  particuliers, 
sont  devenus  la  discipline  générale  de  tout» 
l'Eglise.  — La  coutume  de  l'aire  publier  de> 
bans,  pour  empêcher  les  mariages  clandes- 
tins, a  commeucé  dans  l'Eglise  de  France,  et 
a  été  érigée  ep  loi  générale  par  un  décret 
d'Innocent  III,  rap[)orté  dans  le  cinquante- 
unième  canon,  entre  ceux  qui  sont  attiibués 
au  quatrième  concile  de  Latran,  tenu  en  1215, 
et  par  les  Pères  du  concile  de  Trente,  sess. 
24,  c.  1.  Il  en  est  de  même  de  l'usage  observé 
dans  les  chapitres,  d'affecter  une  prébende 
pour  la  substance  du  théologal,  et  une  autre 
pour  la  préceptoriale  qui  a  passé  du  clergé 
de  France  dans  toute  l'Eglise. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  nous  a  paru 
d'autant  plus  important,  qu'il  justifie  l«s  mo 


ISfîO 


PRA 


PRA 


1S60 


difications  apposées  par  l'assemblée  de  Bour- 
ges aux  décrets  du  concile  de  BAle,  et  qu'il 
nous  fait  voir,  dans  l'ancienneté  des  coutu- 
mes qui  nous  ont  été  propres,  un  des  prin- 
cipaux fondements  de  nos  franchises  et  de 
nos  libertés.  Enfin,  la  question  la  plus  utile 
sur  la  Pragmatique  est  de  savoir  quelle  au- 
torité on  lui  donne  dans  l'usage  de  notre 
siècle  ;  si  uno  partie  de  ses  dispositions  fait 
encore  la  rèsle  de  notre  discipline,  ou  si  elle 
y  est  regardée  comme  abrogée  dans  toutes 
ses  parties.  Quelques  auteurs  ont  avancé  que 
la  Pragmatique  cs\.  entièrement  abrogée  dans 
l'Eglise  de  France.  Ils  sont  fondés  sur  le 
discours  de  Pie  II,  dans  l'assemblée  de  Man- 
toue  ;  sur  la  lettre  de  Louis  XI  au  même 
pontife  ;  sur  plusieurs  bulles  et  actes  de  Ju- 
les II  et  de  Léon  X,  et  spécialement  sur  la 
bulle  de  ce  dernier  pape ,  Pastor  œtenius  ; 
mais  cette  opinion  ne  peut  plaire  qu'à  des 
ultramontains,  pour  qui  tous  les  décrets  de 
Rome  sont  des  onicles.  C'est  la  doctrine 
commune  du  royaume,  que  les  articles  de  la 
Pragmatique  non  contraires  à  ceux  du  con- 
cordat qui  y  sont  suivis,  n'ont  pas  été  abro- 
gés ;  plusieurs  même  ont  été  confirmés  par 
d'autres  ordonnances  et  par  la  jurisprudence 
des  arrêts  :  les  articles  dont  le  concordat  ne 
parle  point  ont  été  conservés.  François  I" 
s'en  ex|)lique  assez  clairement  dans  le  pré- 
ambule, lorsqu'il  expose  les  raisons  qui  l'ont 
déterminé  à  conclure  ce  traité  avec  Léon  X  : 
Ita  confecta  temperataque  sunt  ea  conventa,  ut 
pleraque  Pragmaticœ  Sanctionis  capila,  firma 
nobis  poithac  rataque  futura  sint ,  qualia 
sunt  ea  quœ  de  reservationibus  in  universum 
aut  sigiUatim  factis  statuunt,  de  collationibus, 
de  causii,  de  frustatoriis  apnellationibus,  de 
antiquatione  constilutionis  Clementinœ  quam 
litleris  vacant,  de  libère  quieteque  possiaenti- 
bus,  de  concubinariif,  quœdamque  alia  quibus 
nihil  iis  conventis  derogatum  abrogatumque 
fuit  ;  ni  si  [si  in  quibusdain  capitibus  nonnul- 
la  interpretanda ,  immutandave  censuimus) 
quod  ita  referre  utilitati  publicœ  arbitrare- 
tnur.  Les  gens  du  roi  disent  la  môme  chose 
dans  l'avis  qu'ils  donnèrent,  en  1586,  sur  les 
sommes  que  les  officiers  du  pajie  entrepre- 
naient de  faire  lever  dans  le  royaume.  Le 
concordat  n'a  dérogé  à  la  Pragmatique,  sinon 
es  points  qu'il  a  expressément  corrigés  ou  ré- 
voqués. On  doit  observer  néanmoins  qu'il  y  a 
des  articles  dans  la  Pragmatique  dont  il  n'est 
point  parlé  dans  le  Concordat,  et  qui  ne  sont 
pas  suivis  ;  tel  est  le  titre  8  de  numéro  et  qua- 
Jitate  cardinalium,  qui  n'est  pas  observé  ; 
tel  est  le  titre  9  de  annatis.  Ainsi,  il  peut  y 
avoir  des  articles  de  la  Pragmatique  concer- 
nant le  pape  et  la  cour  de  Rome,  qui  ne 
soient  plus  en  usage,  quoiqu'ils  ne  soient 
point  mentionnés  dans  l'accord  des  restau- 
rateurs des  lettres  ;  mais  ceux  qui  règlent  la 
discipline  intérieure  de  l'Eglise  de  Franco 
ont  toujours  force  de  loi,  s'ils  n'ont  pas  été 
"évoqués  :  on  a  maintenu  d;ms  toute  leur 
▼igueur  les  titres  qui  regardent  la  célébra- 
!ion  de  l'office  divin,  et  ceux  qui  suivent, 
Jusqu'à  la  couclusion  de  l'Eglise  gallicane. 
Plusieurs  arrêts  confirment  cettç  explication.; 


Le  chapitre  d'Orléans  avait  dressé  des  sta- 
tuts contraires  aux  règlements  de  la  Prag- 
matique ;  quomodo  divinum  officium  sit  ccte- 
brandum,  quo  tempore  quisque  dcbeat  esse  in 
choro  ;  qualiter  horœ  canonicœ  sint  dicendce, 
et  de  his  qui  tempore  divinorum  officiorum 
vagantur  per  ecclesiam.  Le  procureur  géné- 
ral du  parlement  de  Paris  se  rendit  appe- 
lant comme  d'abus  de  ces  nouveaux  statuts, 
qui  furent  annulés  par  arrêt  du  5  août  1535. 
11  paraît,  par  un  arrêt  de  la  môme  cour, 
rendu  le  premier  janvier  1551,  que,  peu  do 
temps  après,  le  chapitre  d'Orléans  ayant 
cessé  d'exécuter  ce  règlement,  le  parlement 
réitéra  ce  qu'il  avait  ordonné.  Autres  arrêts 
rendus  contre  le  chajiitre  de  Saint-Etienne 
de  Troyes,  le  12  octobre  1535;  le  chapitre 
de  Saint-Pierre  de  Mâcon,  le  11  juillet  1672  ; 
le  chapitre  de  Meaux,  le  5  août  1703.  Il  est 
ordonné  par  celui-ci,  «  que  les  doyens,  cha- 
noines et  chapelains,  et  autres  du  clergé  de 
ladite  église,  seront  tenus  d'observer  l'arti- 
cle de  la  Pragmatique,  tiré  du  concile  de  Ba- 
ie, au  titre  quo  tempore  quisque  debeat  esse 
in  choro.  Et  en  conséquence,  que  nul  ne 
serait  payé  de  la  rétribution  fixée  pour  les 
heures  de  l'olTice,  s'il  n'y  a  assisté,  à  moins 
d'une  excuse  légitime  en  cas  de  droit.  »  On 
en  rapporte  quelques  autres,  tome  X  des 
Mémoires  du  Clergé,  pages  84,  85  et  86. 
.  Nous  ne  croyons  pas  pouvoir  terminernos 
recherches  sur  la  Pragmatique,  d'une  ma- 
nière plus  intéressante  pour  le  lecteur  , 
qu'en  transcrivant  ce  que  dit  l'auteur  du 
Clergé  de  France,  dans  son  discours  préli- 
minaire, page  38,  tome  I.  «  La  Pragmatique, 
revêtue  de  l'autorité  de  Charles  VII,  éleva 
un  mur  de  séparation  entre  les  cours  de 
France  et  de  Rome.  Louis  XI  osa  l'abattre  ; 
mais,  changeant  au  gré  des  caprices  de  sa 
politique,  il  tenta  de  le  rétablir.  Sixte  IV  sut 
temporiser,  et  le  nuage  se  dissipa.  Bien  dif- 
férents de  ces  deux  hommes,  Louis  XII  et 
Jules  II  firent  éclater  leurs  querelles.  Au 
lieu  de  ménager  son  ennemi  par  des  délais, 
à  l'exemple  de  Sixte,  Jules,  ardent  et  belli- 
queux, se  montra  aussi  prompt  à  prendre 
les  armes  qu'à  lancer  des  anathèmes.  Au 
lieu  de  se  borner  à  des  menaces  comme 
Louis  XI,  Louis  XII  se  vengea  par  des  pro- 
cédures mal  entreprises  et  mal  soutenues. 
Léon  X  et  François  I"  ouvrirent  une  scène 
nouvelle,  les  restaurateurs  des  lettres  le  fu- 
rent de  la  discipline  ecclésiastique.  Fran- 
çois acquit  plus  de  gloire  à  Boulogne  que 
dans  les  champs  de  Marignan.  Quoi  de  plus 
capable  de  signaler  son  règne  que  le  Con- 
cordat, ce  chef-d'œuvre  de  sagesse  et  de 
justice  ?  Préparé  par  les  lumières  d'une  triste 
expérience,  établi  par  le  concours  des  deux 
autorités,  cimenté  par  les  contradictions,  ce 
traité  si  libre  a  fait  cesser  les  brigues,  les 
réserves  et  l'abus  des  expectatives  (1).  » 

(1)  Cet  article  respire  en  plusieurs  points  un  galli- 
canisme exagéré.  La  pragniatique  envahissaii  évi- 
demment les  droits  du  saini-siége.  Le  peu  de  temps 
pendant  lequel  elle  fut  en  vigueur  montra  qu'elle  ren- 
fermait des  principes  anarchiques.  Il  fallut  recourir 
«u  Concord?.*» 


4661 


PRA 


PRA 


iSG« 


PRAGUE  (Jérôme  de).  Voy.  Hussites.       ' 

PRAXÉKNS  ou  PRAXÉIENS,  sectateurs 
',de  Praxéas ,  hérétique  du  ii"  siècle.  Celui-ci 
avait  été  cPabord  disciple  de  Montai!  ;  il  l'a- 
bandonna  ensuite  ,  et  vint  à  Rome  ,  où  il  lit 
connaitre  au  pape  Victor  les  erreurs  de  la 
svcte  qu'il  avait  quittée  ;  mais  il  devint  lui- 
même  chef  de  parti.  11  enseigna  (ju'il  n'y  a 
qu'une  seule  personne  divine,  savoir  le  Père; 
que  c'est  le  Père  qui  est  descendu  dans  la 
sainte  Vierge  et  en  a  pris  naissance;  qu'il  a 
soutl'ert  et  qu'il  est  Jésus-Christ  même.  A 
peu  près  dans  le  môme  temjis ,  un  certain 
Noét,  de  Smyrne  ou  d'Ephèse,  enseignait  la 
même  erreur  en  Asie.  Voy.  Noétiens.  Elle 
fut  embrassée  par  Sabollius.  Voy.  Sabellia- 
NisME.  Ces  divers  hérétiques  et  leurs  secta- 
teurs furent  appelés  monarchiens  ou  monar- 
chiques, parce  qu'ds  ne  reconnaissaient  que 
Dieu  le  Père  comme  Seigneur  de  toutes  cho- 
ses, et  patripassiens  ,  parce  qu'ils  le  su[>po- 
saient  capable  de  soutlrir. 

ïertullien  écrivit  contre  Praxéas  un  livre 
dans  lequel  il  le  réfute  avec  beaucoup  de 
force.  Il  lui  oppose  la  croyance  de  l'Ei^lise 
universelle  ,  qui  est  qu'il  n'y  a  qu'un  seul 
Dieu  ,  mais  que  Dieu  a  un  Fils  ,  qui  est  son 
Veibe,  qui  est  sorti  de  lui,  par  lequel  toutes 
choses  ont  été  créées ,  que  ce  Verbe  a  été 
envoyé  par  le  Père  dans  le  sein  de  la  Vierge 
Marie  ;  que  c'est  ce  Verbe  qui  est  né  d'elle, 
homme  et  Dieu  tout  ensemble  ,  qui  est 
nommé  Jésus-Christ,  qui  est  mort,  qui  a  été 
enseveli,  et  qui  est  ressuscité.  Voilà,  conti- 
nue Tertullien ,  la  règle  de  l'Eglise  et  de  la 
foi  depuis  le  commencement  du  christia- 
nisme ;  or,  ce  qu'il  y  a  de  plus  ancien  est  la 
vérité,  ce  qui  est  nouveau  est  l'erreur  ;  con- 
tra Prax. ,  c.  2.  Ce  Père  prouve  ensuite  le 
dogme  catholique  par  une  foule  de  passages 
de  l'Ecriture  sainte. 

Comme  ,  au  jugement  des  protestants  ,  un 
hérétique  ne  peut  jamais  avoir  tort.  Le  Clerc, 
dans  son  Hisl.  ecclés.,  h  l'an  18G  ,  p.  789 ,  a 
tAché  de  disculper  Praxéas  aux  dépens  de 
ïertullien  ;  il  pense  que  le  premier  ne  niait 
pas  absolument  la  distinction  entre  le  Père 
et  le  Fils,  qu'il  soutenait  seulement  que  ces 
deux  Personnes  n'étaient  pas  deux  substan- 
ces ,  au  lieu  que  Tertullien  admettait  en 
Dieu  distinction  et  pluralité  de  substances. 
C'est  une  pure  calomnie  contre  ce  Père. 
Dans  le  chapitre  même  que  nous  citons ,  il 
répète  deux  fois  que  le  Père  ,  le  Fils  et  le 
Saint-Esprit  sont  une  seule  et  même  subs- 
tance, parce  qu'ils  sont  un  seul  Dieu. 

Beausobro,  dans  son  Bist.  du  Manichéisme, 
1.  ni,  c.  6,  §  7,  a  poussé  plus  loin  la  har- 
diesse; comme  Tertullien  a  dit  à  la  fin  de 
son  livre  des  Prescriptions  que  l'hérésie  de 
Praxéas  a  été  continuée  par  Victorien,  on 
convient,  dit  Beausobre,  que  ce  Victorien 
est  le  pape  Victor  :  1"  c'est  une  imposture, 
aucun  auteur  ancien  n'en  a  eu  le  moindre 
soupçon;  il  était  réservé  aux  protestants  de 
forger  cette  accusation  sans  jireuve;  2"  les 
savants  conviennent  que  les  sept  derniers 
cliai)itres  des  Prescriptions  ne  sont  pas  do 
Tertu.lien:  voy.  les  notes  de  Ltipus  sur  le 


chapitre  4-5.  3°  Oi>an<J  ils  en  seraient,  Beau- 
sobre  observe  lui-même  que  Tertullien  était 
irrité  de  ce  que  le  pape  Victor  avait  retiré 
sa  communion  aux  montanistes;  son  accu- 
sation serait  donc  fort  suspecte.  Ensuite 
Beausobre  entreprend  de  justifier  Praxéas, 
Noët  et  Sabellius  des  erreurs  qui  leur  sont 
imputées  par  les  Pères  de  l'Eglise.  —  1°  11 
dit  que  Tertullien  n'était  pas  à  Rome  où 
Praxéas  enseignait  sa  doctrine,  qu'il  ne  l'a  pas 
connue,  qu'il  était  fiché  de  ce  que  Praxéas 
avait  décrié  les  montanistes,  que  c'est  d'ail- 
leurs un  controversiste  véhément,  sujet  à  des 
exagérations;  mais  il  paraît  certain  que 
Praxéas,  sorti  de  Rome,  porta  ses  erreurs  en 
Afrique;  Tertullien  a  donc  pu  les  connaître. 
Ce  controversiste,  quoique  lAché,  ne  s'est  pas 
exposé  sans  doute  à  passer  pour  calomniateur  : 
s'il  a  mal  rendu  lesopinionsde  son  adversaire, 
pourquoi  Beausobre  ne  les  a-t-il  pas  expo- 
sées telles  qu'elles  étaient"? —  2°  L'homélie, 
dit-il,  de  saint  Hippolyte  contre  Noët.  paraît 
suspecte  à  plusieurs  critiques;  en  la  com- 
parant avec  le  livre  de  Tertullien,  on  voit 
que  l'auteur  de  l'homélie  a  cojiié  celui-ci. 
Point  du  tiiul,  la  conformité  du  récit  des 
deux  auteurs  prouve  que  tous  deux  ont  dit 
la  vérité,  et  non  que  l'un  a  copié  l'autre. 
Si  l'homélie  en  question  n'est  pas  de  saint 
Hippolyte,  elle  est  du  moins  d'un  écrivain 
de  ce  temps-là,  c'est  toujours  un  témoin 
qui  confirme  ce  qu'a  dit  Tertullien.  — 
3"  Saint  iqiiphane,  qui  a  suivi  Hip|)olyte, 
Ilœres.  57,  p.  481,  dit:  «  Les  noétiens  en- 
seignaient que  Dieu  est  unique,  et  qn'il  est 
impassible,  qu'il  est  le  Père,  qu'il  est  le  Fils, 
et  (ju'il  a  souffert  afin  de  nous  sauver.  »  A 
moins  d'être  fou,  l'on  ne  peut  pas  tomber 
dans  une  contradiction  aussi  grossière.  La 
contradiction  n'est  qu'apparente,  les  noé- 
tiens entendaient  que  Dieu  comme  Père  est 
impassible,  mais  que  comme  Fils  incarné  et 
revêtu  d'un  corps,  il  a  souffert  pour  nous 
sauver.  Le  sens  de  saint  Epiphane  est  évi- 
dent, mais  Beausobre  n'a  pas  voulu  le  voir. 
—  k"  Hippolyte  et  Epiphane  accusent  Noët 
de  s'être  vanté  qu'il  était  Moïse,  et  que  son 
ffère  était  Aaron;  c'est  une  extravagance  in- 
croyable. Rien  moins,  il  se  vantait  que  l'âme 
ou  l'esprit  de  Moise  était  en  lui,  et  celle  d' Aaron 
dans  son  frère;  c'était  une  im.posture  et  non 
un  trait  de  démence.  —  5°  Les  anciens  en  gé- 
néral accusent  les  sabelliens  d'avoir  ensei- 
gné que  Dieu  le  père  a  souffert,  ce  qui  leur 
a  fait  donner  le  nom  de  patripassiens  ;  ce- 
pendant saint  Epi|)hane  ne  leur  attribue 
point  cette  erreur,  llœr.  62  :  au  contraire, 
dans  le  sommaire  du  I"  tome  de  son 
u'"  livre ,  il  les  en  absout  :  «  Les  sabel- 
liens, dit-il,  ont  les  mêmes  sentiments  que 
les  noétiens,  si  ce  n'est  qu'ils  nient  contre 
Noét  que  le  Père  ait  souffert.  »  Nous  conve- 
nons que  Sabellius  ne  s'exprimait  pas  comme 
Noët;  il  ne  disait  pas  comme  lui  que  Dieu 
le  Père,  devenu  Fils  et  incarné,  avait  souf- 
fert; il  prétendait  qu'une  certaine  énergie 
émanée  du  Père,  une  certaine  portion  de  la 
nature  divine  s'était  unie  à  Jésus,  que  dans 
ce  sens  Jésus  était  Fils  de  Dieu  ;  de  là  il  ua 


i563 


PRE 


PRE 


1564 


s'ensuivait  pas  que  Dii^u  le  Père  a  souffert  : 
ainsi  Sabellius  ne  méritait  pas  le  nom  de  pa- 
tripassien.  Mais  est-il  bien  sûr  que  ses  secta- 
teurs se  sont  toujours  exprimés  comme  lui, 
qu'aucun  d'eux  n'a  parlé  comme  Noët  et 
comme  Praxéas,  et  que  les  Pères  ont  eu  tort 
de  donner  aux  sabellions  le  nom  de  palri- 
passiens?  Il  n'y  eut  jamais  une  secte  d'héré- 
tiques dont  tous  les  membres  pensassent  et 
parlassent  de  même.  Beausobre  a  donc  tort  à 
tous  égards  de  prétendre  que  les  Pères  en 
général  nous  ont  mal  représenté  les  erreurs 
des  anciens  hérétiques.  Aujourd'hui  les  trois 
principales  sectes  protestantes  ont  si  h\cu 
varié,  riétiguré,  tourné  et  retourné  leur  doc- 
trine, que  nous  ne  savons  plus  ce  que  clui- 
cun  croit  ou  ne  croit  pas. 

Mosheim,  Hist.  christ. ,  sec.  ii,  §  68,  a 
suivi  en  très-grande  partie  les  idées  de  La 
Clerc  et  de  Beausobre;  mais  ces  trois  criti- 
ques ne  nous  paraissent  avoir  réussi  qu'à 
montrer  leur  prévention  contre  les  Pères  de 
l'Eglise  en  général,  et  contre  ïertullien  on 
particulier. 

Soit  que  Praxéas  ait  envisagé  le  Père,  le 
Fils  et  le  Saint-Esfirit  comme  trois  aspects, 
trois  noms  ou  trois  opérations  de  la  môme 
Personne  divine,  et  non  comme  trois  êtres 
subsistants,  soit  qu'il  ail  dit  que  Jésus-Christ 
était  Fils  de  Dieu  par  son  humanité  seule- 
ment, et  que  le  Père  s'était  fait  une  seule  et 
môme  Personne  avec  lui,  il  était  toujours 
également  hérétique;  et  quand  Tertullien 
n'aurait  pas  parfaitement  entendu  des  sec- 
taires qui  ne  s'entendaient  pas  eux-mêmes, 
il  n'y  aurait  pas  encore  lieu  de  s'en  prendre 
à  lui. 

PRÉADAMITES,  habitants  de  la  terre,  que 
quelques  auteurs  ont  supposé  avoir  existé 
avant  Adam.  En  1655,  Isaac  de  la  Perreyre 
lit  imprimer  en  Hollande  un  livre  dans  lequel 
il  prétendait  prouver  qu'il  y  a  eu  des  hom- 
mes avant  Adam,  et  ce  paradoxe  absurde 
trouva  d'abord  des  sectateurs;  mais  la  réfu- 
tation que  Desmarais,  professeur  de  théolo- 
gie à  Groningue,  lit  de  ce  livre  l'année  sui- 
vante, étouffa  cette  rêverie  dès  sa  naissance, 
quoique  la  Perreyre  eût  fait  une  réplique. 

Celui-ci  donne  le  nom  fradamiles  aux  Juifs 
qu'il  su[ipose  descendus  d'Adam,  et  de  prca- 
ac.miles  aux  gentils  qui,  selon  lui,  existaient 
déjJi  longtemps  avant  Adam.  Convaincu  que 
l'Ecriture  sainte  était  contraire  à  son  sys- 
tème, il  eut  recours  aux  histoires  fabuleuses 
des  Egyptiens  et  des  Chaldéens,  que  les  in- 
crédules nous  opposent  encore  aujourd'hui, 
et  aux  imaginations  ridicules  de  quelques 
rabbins  qui  ont  feint  qu'il  y  avait  eu  un  au- 
tre monde  avant  celui  dont  parle  Moïse.  Il 
fut  pris  en  Flandre  [lar  des  ini[uisiteurs  qui 
le  condamnèrent;  mais  il  appela  de  leur  sen- 
tence h  Rome,  où  il  alla  et  où  il  fut  reçu 
avec  bonté  par  le  pajie  Alexandre  VII;  il  y  fit 
imprimer  une  rétractation  de  son  livre,  et  s'é- 
tant  retiré  à  Notre-Dame  des  Vertus,  il  y 
mourut  converti.  —  Les  preuves  et  les  rai- 
sonnements de  cet  auteur  sont  trop  absiu'des 
pour  valoir  la  peine  de  les  rapporter  en  dé- 
tail ;  non-seulement  il  prétend  que  tous  les 


peuples  différents  des  Hébreux  ne  sont  ])as 
descendus  d'Adam,  mais  que  le  péché  d'A  - 
dam  ne  leur  a  pas  été  communiqué,  que  le 
déluge  n'a  pas  été  universel,  qu'il  ne  s'éten- 
dit que  sur  les  pays  habités  par  la  race  d'A- 
dam. 

L'auteur  de  cet  article  de  l'ancienne  En- 
cyclopédie a  eu  tort  d'assurer  que  Clément 
d  Alexandrie,  dans  ses  Hypotijposes ,  a  en- 
seigné le  même  système  que  la  Perreyre, 
qu'il  a  cru  la  matière  éternelle,  la  métem- 
psycose et  l'existence  de  plusieurs  mondes 
avant  celui  d'Adam.  A  la  vérité  Photius  re- 
proche ces  erreurs  et  plusieurs  autres  h  Clé- 
ment d'Alexandrie;  mais  il  est  évident  que 
Photius  était  tombé  sur  un  exemplaire  des 
Hypotyposcs  altéré  par  les  hérétiques.  Rufm 
le  pensait  ainsi,  et  Photius  le  soupçonnait 
lui-même,  puisqu'il  dit  en  parlant  de  ces  er- 
reurs, soit  qu'elles  viennent  de  Vauteur  lui- 
même  ou  de  quelque  autre  qui  a  emprunté  son 
nom.  Il  reconnaît  que  Clément  d'Alexandrie 
enseigne  le  contraire  dans  les  ouvrages  que 
nous  avons,  et  que  le  style  en  est  ddl'érent; 
cod.  109,  110,  111.  En  effet,  ce  Père,  dans 
son  Exhort.  aux  Gentils,  c.  k  et  5,  enseigne 
clairement  la  création  de  la  matière.  Il  y  a 
donc  tout  lieu  de  croire  ([ue  le  prétendu  li- 
vre des  Hypotyposes  a  été  faussement  sup- 
posé sous  le  nom  de  Clément  d'Alexandrie; 
Tillemont,  Mém.,  t.  II,  p.  191  et  suivantes. 

PRÊCHEURS  ou  PRÉDICATEURS  (Fré;- 
REs).  Voif.  Dominicains. 

PRÉDESTINATION.  Ce  terme  signifie  à  la 
lettre  une  destination  antérieure  ;  mais  dans 
le  langage  théologique  il  exprime  le  dessein 
que  Dieu  a  formé  de  toute  éternité  de  con- 
duire par  sa  grâce  certains  hommes  au  salut 
éternel. 

Il  y  a  des  Pères  de  l'Eglise  qui  ont  pris 
quelquefois  le  terme  de  prédestination  en 
général,  tant  pour  la  destination  des  élus  à 
la  grAce  et  à  la  gloire,  que  pour  celle  des 
réprouvés  à  la  damnation  ;  mais  cette  expres- 
sion a  ])aru  trop  dure  :  aujourd'hui  ce  mot 
ne  se  prend  plus  qu'en  bonne  part  pour  l'é- 
lection à  la  grâce  et  à  la  gloire  ;  le  décret 
contraire  se  nonnne  réprobation.  Saint  Au- 
gustin, dans  son  livre  du  Don  de  la  persévé- 
rance, c.  7,  n.  15,  et  ch.  U,  n.  35,  définit  la 
prédestination,  «  la  prescien<'e  et  la  prépara- 
tion des  bienfaits  par  lesquels  sont  certai- 
nement délivrés  ceux  que  Dieu  délivre;  »  et 
c.  17,  n.  41  :  «Dieu dispose  ce  qu'il  fera  lui- 
même  selon  sa  prescience  infaillible  :  voilà 
ce  que  c'est  que  prédestiner,  rien  de  plus.  » 
Selon  saint  Thomas,  i"  part.,q.  23,  art.  1,  la 
prédestination  est  la  manière  dont  Dieu  con- 
duit la  créature  raisonnable  à  sa  fin,  qui  est 
la  vie  éternelle. 

Comme  Dieu  ne  conduit  l'homme  au  salut 
éternel  que  par  la  grAce,  les  théologiens  dis- 
tinguent la  prédestination  k  la  grâce  d'avec  !a 
prédestination  h.  la  gloire;  celle-ci,  disent-ils, 
est  une  volonté  absolue  par  laquelle  Dieu  fait 
choix  de  quelques-unes  de  ses  créatures 
pour  les  faire  régner  éternellement  avec  lui 
dans  le  ciel,  et  leur  accorde  conséquemuieiit 
les  grâces  efficaces  qui  les  conduiront  iuiail^ 


4S6S 


PRE 


PRE 


IKOG 


liblement  h  cette  Cm.  La  préfhs(ination'k\& 
grAce  est  de  lu  part  de  Dieu  une  volonté  al)- 
sohie  et  cfFieace  d'accorder  .'itellivs  doses 
créatures  le  don  do  la  foi,  de  la  justilication, 
et  les  autres  grâces  nécessaires  pour  arriver 
au  snlut,  soit  qu'il  prévoie  qu'elles  y  par- 
viendront en  efl'et,  soit  qu'il  sache  (lu'eiles 
n'y  parviendront  pas.  Tous  ceux  qui  sont 
prédestinés  h  la  grAce  ne  sont  pas  pour  cela 
prédestinés  à  la  gloire,  parce  que  plusieurs 
résistent  à  la  grAce  et  ne  persévèrent  pas 
dans  le  bien.  Au  contraire,  ceux  qui  sont 
prédestinés  h  la  gloire  le  sont  aussi  K  la  grâce; 
Dieu  leur  accorde  le  don  île  la  vocation  à  la 
foi,  Je  la  justilication  et  de  la  jiersévérauce, 
commeFexplique  saint  Paul,  7Jom.,c.vni,v.  30. 
11  est  important  sur  cette  matière  do  dis- 
tinguer les  vérités  dont  tous  les  théologiens 
catholiciues  ci-nvicnneut,  d'avec  les  opinions 
sur  lesquelles  ils  disputent;  or  tous  tombent 
d'accord,  1°  qu'd  y  a  en  Dieu  un  décret  de 
prédestination,  c'est-à-dire  une  volonté  ab- 
solue et  cllicace  de  donner  le  royaume  des 
cieux  à  tous  ceux  qui  y  parviennent  en  ef- 
fet. Epist.  synod.  episcop.  Afric,  caj).  14. 
2°  Que  Dieu,  en  les  prédestinant  à  la  gloire 
éternelle,  leur  a  aussi  destiné  les  moyens  et 
les  grâces  par  lesquelles  il  les  y  conduit  in- 
failliblement. Saint  Fulgence,  àe  Ycrit.  Prœ- 
destin.,  1.  m.  3"  Que  ce  décret  est  en  Dieu 
de  toute  éternité,  et  qu'il  l'a  formé  avant  la 
création  du  monde,  comme  le  dit  saint  Paul, 
Ephes.,  0. 1,  V.  3,  4  et  b.  4°  Que  c'est  un  effet 
do  sa  bonté  pure;  qu'ainsi  ce  décret  est  par- 
faitement libre  de  la  part  de  Dieu,  et  exempt 
de  toute  nécessité. /oïd.,  v.  G  et  11.  5°  Que  ce 
décret  de  prédestination  est  certain  et  infail- 
lible, qu'il  aura  infailliblement  son  exécution, 
qu'aucun  obstacle  n'en  empêchera  l'etfet; 
ainsi  le  déclare  Jésus-Christ,  Joan.,  c.  x, 
V.  27,  28,  29.  6°  Que  sans  une  révélation 
expresse,  personne  ne  peut  être  assuré  qu'il 
est  du  nombre  des  prédestinés  ou  des  élus  ; 
on  le  prouve  par  saint  Paul,  Pliilipp.,  c.  ii, 
V.  12  ;/ Cor.,  c.  IV,  V.  4;  et  le  concile  de 
Trente  l'a  ainsi  décidé,  sess.  6,  c.  9,  12, 16, 
et  can.  15.  7*  Que  le  nombre  des  prédestinés 
est  lixe  et  immuable,  qu'il  ne  peut  être  aug- 
menté ni  diminui',  puisque  Dieu  l'a  tixé  de 
toute  élernité,  et  que  sa  prescience  ne  jieut 
être  trompée.  Joan.,  c  x,  v.  27  ;  S.  Aug., 
1.  de  Correpl.  et  Gratin,  cap.  13.  8"  Que  le 
décret  de  la  prédestination  n'impose,  ni  par 
lui-même  ni  par  les  moyens  dont  Dieu  se 
sert  pour  l'exécuter,  aucune  nécessité  aux 
élus  de  pratiquer  le  bien.  Ils  agissent  tou- 
jours très-librement,  et  conservent  toujours, 
dans  le  moment  même  qu'ils  accomplissent 
la  loi,  le  pouvoir  de  ne  pas  l'observer.  Saint 
Prosper,  Rcspons.  ad  6  abject.  Gailnr.  9"  Que 
la  prédestination  à  la  grAce  est  absolument 
.gratuite  ;  qu'elle  ne  prend  sa  source  que 
dans  la  miséricorde  de  Dieu;  qu'elle  est  an- 
Kirieurehla  prévision  de  tout  mérite  naturel; 
c'est  la  doctrine  de  saint  Paul,  Rom.,  c.  xvi, 
T.  6.  10"  Que  la  prédestination  à  la  gloire 
n'est  pas  fondée  sur  la  prévision  des  mérites 
humains,  acquis  par  les  seules  forces  du  li- 
bre arbitre;  car  enlin,  si  Dieu  trouvait  dans 


le  mérite  de  nos  propres  œuvres  le  motif  de 
notre  élection  à  la  gloire  éternelle,  il  no  se- 
rait plus  vrai  dédire  avec  saint  Pierre,  au'on 
ne  |)eut  être  sauvé  que  par  Jésus-CJirist. 
11°  Que  l'entrée  dans  le  royaume  des  cieux, 
qui  est  le  terme  de  la  prédestination,  est 
tellement  une  grAce,  Grntia  Dei,  vita  œterna, 
Rom.,  c.  vi,  V.  23,  qu'elle  est  en  môme 
temps  un  salaire,  une  couronne  de  justice,  ' 
une  récoin])ense  des  bonnes  couvres  faites 
par  le  secours  de  la  grAce,  puisque  saiat 
Paul  l'appelle  merces,  bravium  corona  jus- 
titiœ,  II  Tim.,c.  iv,  v.8;  Philli|)p.,  c.  m,  v.  14. 

Tels  sont  les  divers  point  de  doctrine  tou- 
chant la  prédestination,  qui  sont  ou  formel- 
lement contenus  dans  l'Kcrituro  sainte,  ou 
décidés  par  l'Eglise  contre  les  pélagiens,  les 
serai-pélagiens  et  les  protestants  ;  pourvu 
qu'une  opinion  quelconque  ne  donne  at- 
teinte à  aucune  de  ces  vérités,  il  est  permis 
à  un  théologien  de  l'embrasser  et  de  la  sou- 
tenir. Or,  on  dispute  vivement  dans  les  éco- 
1-es  catholiques,  pour  savoir  si  le  décret  de 
la  prédestination  à  la  gloire  est  antérieur 
ou  postérieur  h  la  prévision  dos  mérites  sur- 
naturels de  l'homme  aidé  nar  la  grAce.  Il  est 
question  de  savoir  si,  selon  notre  manière 
de  concevoir,  Dieu  veut  en  premier  lieu, 
d'une  volonté  absolue  et  efQcace,  le  salut  de 
quelques-unes  de  ces  créatures  ;  si  c'est  en 
conséquence  de  cette  volonté  ou  de  ce  dé- 
cret qu'il  résout  de  leur  accorder  des  grâces 
qui  leur  fassent  infailliblement  opérer  do 
bonnes  œuvres  ;  ou,  au  contraire,  si  Dieu 
résout  d'abord  d'accorder  à  ses  créatures 
tous  les  secours  de  grAces  nécessaires  au 
salut;  et  si  c'est  seulement  en  conséquence 
de  la  prévision  des  mérites  qui  résulteront 
du  bon  usage  de  ces  grAces,  qu'il  veut  leur 
donner  le  bonheur  éternel. 

Suivant  le  premier  de  ces  deux  sentiments, 
le  décret  de  la  pr^cfesii«afi'on  est  absolu,  anté- 
cédent, gratuit  à  tous  égards;  suivant  le  second, 
ce  décret  est  conditionnel  et  conséquent,  mais 
toujours  gratuit  dans  ce  sens,  qu'il  ne  sup- 
pose que  des  mérites  acquis  par  des  grAces 
gratuites.  Par  le  simple  exposé  de  la  ques- 
tion, il  est  clair  qu'elle  n'est  pas  fort  impor- 
tante, puis((u'il  ne  s'agit  que  de  la  manière 
d'arranger  les  décrets  de  Dieu  suivant  nos 
faibles  idées:  c'est,  dit  Bossue!,  une  préci 
sion  peu  nécessaire  k  la  piété.  En  ellet,  il  es< 
dil'iicile  de  voir  quel  acte  de  vertu  peut 
nous  inspirer  le  zèle  ardent  pour  la  prédes- 
tination absolue. 

Cependant  il  n'est  point  de  question  théolo- 
gique su  r  laquelle  on  ait  écrit  davantage  et  avec 
plus  de  chaleur;  d'un  côté,  les  augustiniens, 
vrais  ou  faux,  et  les  thomistes,  tiennent  pour  la 
prédestination  absolue  et  antécédente;  de 
l'autre,  les  raolinistes  ou  congruistes  sont 
j)0ur  la  prédestination  conditionnelle  et  con- 
séquente. Nous  exposerons  les  raisons  des 
deux  partis,  sans  en  embrasser  aucun.  En 
premier  lieu,  disent  les  augustiniens,  il  est 
inutile  de  distinguer  deux  décrets  delà  part 
de  Dieu,  l'un  de  prédestination  à  la  grAce, 
l'autre  de  prédestination  à  la  gloire;  il  n y 
en   a  qu'un  seul  qui   envisage  la    gloire 


dS67 


PRE 


PRE 


ISÔS 


comme  la  fin,  et  les  grâces  comme  les 
moyens  d'y  parvenir.  En  effet,  tout  agent 
sa^e  se  propose  d'abord  une  fin,  ensuite  il 
voit  les  moyens  d'y  parvenir,  et  il  les  prend. 
Or,  la  gloire  est  la  fin  que  Dieu  se  propose 
d'abord,  la  distribution  des  grâces  et  les 
mérites  qui  s'ensuivront  sont  les  moyens  d'y 
parvenir;  donc  Dieu  a  voulu  et  a  décerné  la 
gloire  éternelle  d'une  créature,  avant  d'en- 
visager ses  mérites.  En  second  lieu,  de  l'a- 
veu de  tous  les  théologiens,  la  volonté  gé- 
nérale de  Dieu  de  donnera  tous  les  hommes 
des  grâces  et  des  moyens  de  salut  suppose 
en  Dieu  un  décret  général  de  les  sauver 
tous;  donc  la  volonté  particulière  de  donner 
à  quelques-uns  des  grâces  de  choix,  des 
grâces  efficaces,  surtout  la  grâce  de  la  per- 
sévérance finale,  suppose  aussi  un  décret 
particulier  de  Dieu  de  les  sauver  par  préfé- 
rence, et  qui  précède  la  prévision  de  l'etlet 
que  produiront  ces  mêmes  grâces.  En  troi- 
sième lieu, la  grâce  delà  persévérance  finale 
est  inséparable  de  la  concession  de  la  gloire 
éternelle,  et  cette  grâce  est  purement  gra- 
tuite; c'est  le  sentiment  de  saint  Augustin  et 
de  toute  l'Eglise,  opposé  à  celui  des  semi- 
pélagiens;  donc  le  décret  de  Dieu  de  donner 
la  gloire  éternelle  est  aussi  gratuit  et  indé- 
pendant de  tout  mérite,  que  le  décret  d'ac- 
corder le  don  de  la  persévérance  finale.  En 
quatrième  lieu,  saint  Augustin  a  envisagé  la 
prédestination  dans  sa  totalité,  comme  un 
seul  et  môme  décret  de  Dieu  purement  gra- 
tuit; il  assure  que  telle  est  la  croyance  de 
l'Eglise,  et  qu'on  ne  peut  l'attaquer  sans 
tomber  dans  l'erreur;  lib.  de  Donc  persev., 
c.  19,  n.  48;  c.  23,  n.  65.  Tous  les  Pères  do 
l'Eglise  postérieurs  à  saint  Augustin,  et  atta- 
chés à  sa  doctrine,  ont  pensé  et  parlé  de 
même.  En  cinquième  lieu,  suivant  cette 
môme  doctrine,  qui  est  celle  de  saint  Paul, 
par  un  funeste  effet  du  péché  d'Adam,  tout 
le  genre  humain  est  une  masse  de  perdition 
et  de  damnation  ;  Dieu  en  tire  ceux  qu'il 
juge  à  propos,  et  y  laisse  qui  il  lui  plaît, 
sans  que  l'on  puisse  en  donner  d'autre  rai- 
son que  sa  volonté;  donc  cette  volonté  ou  ce 
décret  n'a  ni  pour  raison  ni  pour  motif, 
la  prévision  des  mérites  de  l'homme.  En 
sixième  lieu,  saint  Paul,  Rom.,  c.  viii,  v.  SO, 
arrange  les  décrets  de  Dieu  de  la  môme  ma- 
nière que  les  partisans  de  la  prédestination 
absolue.  Ceux  que  Dieu  a  prédestinés,  dit-il, 
il  les  a  appelés  ,  ceux  qu'il  a  appelés,  il  les  a 
justifiés  ;  et  ceux  qu'il  a  justifiés,  il  les  a  glo- 
rifiés. Voilà  le  décret  de  prédestination  placé 
avant  toutes  choses;  il  ay  donc  de  la  témérité 
à  vouloir  le  concevoir  autrement.  Enfin,  mal- 
gré toutes  les  subtilités  mises  en  usage  par 
les  molinistes,  ils  iio  sont  pas  encore  parve- 
nus à  pallier  les  inconvénients  de  leur  opi- 
nion, ni  à  montrer  clairement  en  quoi  elle 
est  différente  de  celle  des  semi-pélagiens 
touchant  la  prédestination.  Saint  Paul  de- 
mande à  tous  les  hommes  :  Quis  te  discernit? 
Or,  dans  le  système  des  congruistes,  c'est 
l'homme  qui,  en  consentant  à  la  grâce,  se 
discerne  d'avec  celui  qui  n'y  obéit  pas.  Si 
nous  connaissions  quelques  arguments  plu3 


forts  des  augustiniens,  nous  les  rapporterions 
avec  la  même  fidélité. 

Mais  leurs  adversaires  ne  les  laissent  pas 
sans  réponse.  Ils  disent ,  pour  détruire  le 
premier,  que  la  gloire  éternelle  doit  être 
moins  envisagée  comme  une  fin  que  Dieu 
se  propose ,  que  comme  une  récompense 
qu'il  veut  accorder.  Dieu,  ajoutent-ils,  a  de 
toute  éternité  prédestiné  les  choses  comme 
il  les  exécute  dans  le  temps  ;  or,  il  donne 
la  gloire  éternelle  à  cause  des  mérites  de 
l'homme,  et  il  inflige  la  peine  éternelle  à 
cause  des  démérites;  Matth.,c.  xxiv,  v.  35  et 
hi;  donc  il  lésa  prédestinés  de  même.  Peut-on 
dire  qu'il  a  regardé  la  peine  éternelle  des  ré- 
prouvés comme  une  fin  qu'il  se  proposait  ? 
La  seule  prédestination  absolue  et  gratuite 
que  l'on  puisse  admettre,  est  celle  des  en- 
fants qui  meurent  immédiatement  après  leur 
baptême  ou  avant  l'âge  de  raison  ;  Dieu  n'a 
prévu  en  eux  aucun  mérite  ;  aussi  le  ciel 
leur  est  accordé,  non  comme  récompense, 
mais  comme  héritage  d'adoption  ;  il  n'y  a 
aucune  comparaison  à  faire  entre  leur  pré- 
destination et  celle  des  adultes. 

A  la  seconde  preuve  des  augustiniens,  ils 
répondent  :  Les  grâces  que  Dieu  accorde 
aux  prédestinés  ne  sont  censées  grâces  par- 
ticulières, grâces  de  choix,  grâces  efficaces, 
que  parce  qu'elles  sont  données  sous  la  di- 
rection de  la  prescience  divine  ;  or  cette 
prescience  ne  suppose  pas  un  décret,  elle  le 
précède.  L'argument  que  l'on  nous  oppose, 
continuent  les  congruistes,  n'est  bon  qu'en 
supposant  la  grâce  efficace  par  elle-même, 
ou  la  grâce  prédéterminante;  or  nous  n'en 
reconnaissons  point  de  cette  espèce. 

A  la  troisième,  ils  disent,  1°  que,  suivant 
saint  Augustin,  1.  de  Dono  persev.,  c.  6,  n. 
10,  l'homme  peut  mériter  ce  don  par  ses 
prières  :  Hoc  ergo  Dei  donum  suppliciter 
emereri  potest.  Epist.  486,  ad  Paulin.,  c.  3, 
n.  7.  Le  saint  docteur  enseigne  que  la  foi 
mérite  la  grâce  de  faire  le  bien  ;  donc  elle 
mérite  aussi  la  grâce  d'y  persévérer.  Lors- 
que les  semi-pélagiens  l'ont  soutenu  ainsi, 
saint  Augustin  ne  les  a  repris  qu'en  ce  qu'ils 
disaient  que  la  foi  vient  de  nous,  1  .de  Dono 
persev. ,c.  17,  n.  43;  c.21,  n.  56.  2° En  avouant 
môme  que  la  grâce  de  la  persévérance  fi- 
nale est  purement  gratuite,  et  que  le  bon- 
heur éternel  en  est  une  suite  nécessaire,  cela 
n'erapôche  pas  néanmoins  que  ce  bonheur 
ne  soit  une  récompense  :  il  n'y  a  donc  point 
de  justesse  à  soutenir  que  le  décret  de  don- 
ner la  persévérance  est  le  même  que  le  dé- 
cret d'accorder  la  récompense  éternelle,  et 
nue  Dieu  veut  gratuitement  accorder  ce  qu'il 
donne  par  justice. 

A  la  quatrième,  les  congruistes  nient  que 
saint  Augustin  dans  ses  livres  de  la  Prédesti- 
nation des  saints  et  du  Don  de  la  persévé- 
irancc,  ait  parlé  de  la  prédestination  à  la 
gloire;  entre  les  pélagiens  ou  les  semi-péla- 
giens et  saint  Augustin ,  il  n'a  jamais  été 
question  que  de  la  prédestination  à  la  grâce, 
à  la  foi,  à  la  justification.  Ces  théologiens 
prétendent  le  prouver,  en  comparant  la  lettre 
de  saint  Prosper  à  saint  Augustin  touchant 


1869 


PRE 


PRE 


1570 


les  sorui-p(''lagiens,  à  la  réponse  que  le  saint 
docteur  y  a  faite  dans  les  deux  livres  dont 
nous  parlons.  Yoy.  Semi-Pélagiens.  Par  les 
saints,  disent-ils,  saint  Augustin  a  entendu, 
comme  saint  Paul,  les  tidèles,  les  hommes 
baptisés,  et  non  les  bienlieureux.  Cela  est 
encore  démontré  parla  comparaison  que  fait 
le  saint  docteur  entre  ce  qu'il  nomme  la 
prédestination  des  saints,  et  la  prhlestinalion 
de  riiumanilé  de  Jésus-Christ  à  l'union  hy- 
poslatique  ;  or  celle-ci  n'a  cerlainement  pas 
élé  une  récompense,  non  plus  que  la  voca- 
tion des  juifs  ou  des  gentils  à  la  foi  ;  au  lieu 
que  le  bonheur  éternel  en  est  une.  Il  en  est  de 
môme  quand  on  compare  la  prédestination 
des  adultes iMagloire,aveccelle desenfauls au 
baptême.  Toutes  ces  com[iaraisons  ne  sont  jus- 
tes que  quand  il  estquestion  de  la  prédestina- 
tion des  adultes  ^  la  grâce  de  la  foi  et  de  la  jus- 
tification ;  donc  c'est  co  que  saint  Augustin 
a  entendu  par  prédestination  des  saints  :  au- 
trement il  aurait  déraisonné  dans  tout  son 
ouvrage.  11  dit  que  la  prédestination  ne  doit 
pas  nous  causer  plus  d'inquiétude  <iue  la  pres- 
cience ;  que  l'on  peut  faire  contre  l'une  les 
mêmes  objections  que  contre  l'autre;  1.  de 
Dono  persev.,  c.  15,  n.  38;  c.  22,  n.  57  et  01. 
Cela  ne  serait  pas  vrai,  si  le  décret  de  la  pré- 
destination à  la  gloire  était  antérieur  h  la 
prescience.  Dans  ses  livres  de  la  prédestina- 
tion des  saints  et  du  Don  de  la  persévérance, 
saint  Augustin  répète  sans  cesse,  ou  qu'il 
faut  admettre  la  prédestination  telle  qu'il  l'a 
prêche ,  ou  qu'il  faut  soutenir  que  la  grâce 
est  donnée  aux  mérites  de  l'homme  :  or,  en 
admettant  la  prédestination  à  la  gloire  non 
gratuite,  il  ne  s'ensuit  pas  pour  cela  que  la 
gtAce  n'est  pas  donnée  gratuitement.  Donc 
la  prédestination  soutenue  par  saint  Augus- 
tin no  regarde  point  la  gloire,  mais  la  grâce. 
Au  sujet  de  la  cinquième  preuve,  les  con- 
gruistes  se  récrient  sur  l'équivoque  de  la- 
quelle les  augustiniens  abusent.  Le  genre 
humain  tout  entier  serait  sans  doute  une 
masse  de  perdition  et  de  damnation,  s'il  n'a- 
vait pas  été  racheté  par  Jésus-Christ  ;  mais 
c'est  manquer  de  respect  à  ce  divin  Sauveur 
que  de  soutenir  que,  malgré  la  rédemption, 
le  genre  humain  tout  entier  est  encore  dé- 
Toué  aux  llammes  éternelles,  et  qu'il  faut  un 
décret  absolu  de  prédestination  pour  tirer  de 
cette  masse  de  danniés  un  petit  nombre 
d'hommes  pour  lesquels  Dieu  daigne  avoir 
de  la  prédilection.  Cela  ne  peut  être  allirmé 
que  contre  les  sociniens  et  les  pélagiens, 
qui  n'admettent  qu'une  rédemption  métapho- 
rique. Lorsqu'un  homme  a  été  liaplisé,  ose- 
ra-t-on  soutenir  qu'il  n'a  pas  été  tiré  de  la 
masse  de  damnation ,  à  moins  qu'il  ne  soit 
prédestiné  au  bonheur  éternel  '!  Les  calvi- 
nistes le  disent,  mais  un  catholique  ne  le 
Ee usera  jamais.  Basnage  ,  Hist.  de  l'Eglise, 
XXVI,  c.  5,  §  19.  Saint  Paul  a  comparé  la 
totalité  du  genre  humain  plongé  dans  l'inli- 
délité,  à  une  masse  d'argile  de  laquelle  le 
potier  tire  des  vases,  les  uns  pour  servie 
d'ornement,  les  autres  pour  de  vils  usages  ; 
il  appelle  vases  d'ornements  préparés  pour  la 
gloire,  ceux  (jue  Dieu  a  appelés  à  la  foi,  soit 


d'entre  les  juifs  ,  soit  d'entre  les  gentils, 
Rom.,  c.  IX,  V.  21  et  2V.  Or,  ces  appelés 
n'étaient  pas  tous  prédestinés  au  bonheur 
éternel.  On  change  donc  le  sens  des  termes 
de  saint  Paul,  quand  on  appelle  masse  de 
perdition  et  de  damnation  tous  ceux  qui  ne 
sont  i)as  prédestinés  à  persévérer  dans  la 
gnlce.  Ce  n'est  point  là  le  sens  de  saint  Au- 
gustin non  plus  que  celui  de  saint  Paul  ; 
Matiei,  Hist.  théol.  dogmat.  et  opin.  de  divina 
Gratin,  1.  xiii,  §  6,  n.  2  et  suiv.,  ])ag.  218. 

Quant  à  la  sixième  preuve,  qui  est  le  pas- 
sage de  saint  Paul,  Jiom.,  c  vni,  v.  29,  les 
congruistes  soutiennent  qu'il  est  pour  eux 
et  contre  leurs  adversaires.  Ceux  que  Dieu  a 
prévus,  (lit  l'Apôtre,  il  les  a  aussi  prédestinés 
à  être  conformes  à  l'image  de  son  Fils...  Or, 
ceux  qu'il  a  prédestinés,  il  les  a  aussi  appelés  ; 
ceux  qu'il  a  appelés  ,  il  les  a  justifiés  ; 
et  ceux  qu'il  a  justifiés,  il  les  a  glorifiés.  » 
Saint  Paul  met  la  prévision  avant  toutce  i[ue 
Dieu  a  fait  pour  ceux  qu'il  nomme  les  saints. 

Mais  SI  Ion  y  fait  bien  attention,  il  ne  s'a- 
git point  ici  de  prédestination  à  la  gloire  ; 
s'il  en  était  question,  saint  Paul  n'aurait  pas 
(lit  des  prédestinés  que  Dieu  les  a  glorifiés  • 
i\anvi\\i(i\l,Dieulesylorifiera;  et  nous  venons 
de  voir  que  l'Apôtre  nomme  vases  d'ornement 
préparés  pour  la  gloire  ,  tous  ceux  auquels 
Dieu  accorde  le  don  de  la  foi  :  ainsi  ce  pas- 
sage ne  prouve  ni  pour  ni  contre  la  prédesti- 
nation gratuite  au  bonheur  éternel.  Cette 
question  était  absolument  étrangère  au  des- 
sein que  saint  Paul  se  j)roposait  dans  l'E- 
pître  aux  Romains.  Saint  Augustin  l'a  très- 
bien  compris,  puisqu'il  dit,  en  citant  ce  pas- 
sage de  l'Apôtre  :  Enarr.  2.  in  Ps.  xvni,  n. 
3  :  Gloria  Dei  qua  salvi  facti  sumus  ,  qua 
creati  in  bonis  operibus  sumu.s.  In  Ps.  xxxix, 
n.  4-,  Deus  quando  nos  glorificut,  facit  nos 
honoratiores.Ce  n'est  donc  point  ici  la  gloire 
éternelle.  L.  ii,  contra  duas  Epist.  Pelag.,c. 
9,  22,  il  explique  le  passage  de  saint  Paul  de 
la  prédestination  à  la  foi,  et  non  de  la  pré- 
destination'&  la  gloire.  Voy.  Vocation. 

Ce  n'est  pas  une  grande  ditliculté  i)Our  les 
congruistes  de  montrer  la  ditléreiice  entre 
leur  système  et  celui  des  semi-pélagiens. 
Ceux-ci  disaient  que  le  commencement  de 
la  foi  ne  vient  point  de  Dieu  ni  de  sa  gnlce, 
mais  de  l'homme  et  de  ses  bonnes  disposi- 
tions naturelles  ;  qu'ainsi  Dieu  |)rédestine  è 
la  foi  tous  ceux  dont  il  prévoit  les  bonnes 
dispositions.  Dans  cette  hypothèse,  la  foi 
n'est  plus  un  don  gratuit ,  une  pure  grâce, 
mais  une  récompense  des  bonnes  disposi- 
tions de  l'homme.  A  Dieu  ne  plaise,  disent 
les  congruistes,  que  nous  pensions  ainsi  1 
nous  croyons  avec  toute  l'Eglise  que  le  don 
de  la  foi  est  de  la  part  de  Dieu  une  pure 
grâce,  un  bienfait  absolument  gratuit,  et  nous 
ne  reconnaissons  dans  l'hounne  aucun  mé- 
rite proprement  dit  avant  qu'il  ait  la  foi.  En- 
tre les  semi-pélagiens  et  les  théologiens  ca- 
tholiques il  était  question  de  la  prédestina- 
tion à  la  foi  ;  entre  les  augustiniens  et  nous 
il  s'agit  (le  \à  prédestination  à  la  gloire;  oU 
est  donc  la  ressemblance  entre  l'opinioa  dsjj 
semi-pélagiens  et  la  nôtre  ? 


1571 


PRE 


pre; 


1S72 


Les  congruistes  n'en  demeurent  pas  là  ;  ils 
aHègiicnt  à  leur  tour,  en  faveur  de  leur  sen- 
timent, des  preuves  diverses  qui  sont  autant 
d'objections  contre  celui  des  augustiiiiens. 
Ils  disent  :  1°  Dans  toute  l'Ecriture  sainte  il 
n'est  jamais  quesiion  de  prédcstiimlion  gra- 
tuite à  la  gloire  éternelle  ;  nous  délions  nos 
adversaires  de  citer  un  seul  passage  qui 
prouve  directement  leur  opinion:  ils  nel'ap- 
IHiient  que  sur  des  conséquences  forcées 
qu'ils  tirent  du  texte  sacré  ;  jamais  question 
n'a  donné  lieu  à  un  plus  grand  abus  de  la 
parole  de  Dieu,  surtout  des  Epîtres  de  saint 
Paul.  Yoij.  R0M4INS.  2°  Cette  prétendue  pré- 
(irstinntion  est  un  sentiment  inouï  parmi  les 
Pères  de  l'Eglise  des  quatre  premiers  siècles  ; 
tous  ont  conçu  la  prédestination  à  la  gloire 
éternelle  comme  fondée  sur  la  prévision  des 
mérites  de  l'homme  acquis  par  la  grAce  :  au- 
cun n'a  conçu  comment  Dieu  pouvait  pré- 
destiner autrement  une  lécompense,  un  prix, 
un  salaire.  Nous  pouvons  citer  à  ce  sujet 
saint  Justin,  saint  Irénée,  Clément  d'Alexan- 
drie, Origène,  saint  Jean  Ciu\ysostome,  saint 
HHaire,  saint  Ambroise,  saint  Jérôme,  saint 
Cyrille  d'Alexandrie,  Théodoret,  etc.  Saint 
Prosper  est  convenu  du  fait,  Epist.  ad  Aug., 
n.  8,  saint  Augustin  ne  l'a  pas  nié  :  il  a  seu- 
lement dit,  1.  de  Prœd.  sanct.,  c.  14,  n.  27, 
que  ces  Pères  n'avaient  pas  eu  besoin  de 
traiter  expressément  cette  quesiion;  niais  il 
a  toujours  fait  profession  de  suivre  leur  doc- 
trine, et  1.  de  Dono  persev.,  cap  19  et  20,  n. 
48,  ël,  il  ajoute  que  les  anciens  Pères  ont 
suffisamment  soutenu  la  prédestination  gra- 
tuite, en  enseignant  que  toute  grince  de  Dieu 
est  gratuite.  3°  En  elfet,  l'on  a  vu  les  détini- 
tioiis  que  ce  saint  docteur  a  données  de  la 
prédestination,  1.  de  Dono  persev.,  c.  7,  n.  13. 
«  C'est,  dit-il,  la  prescience  et  la  prépara- 
tion des  bienfaits  par  lesquels  sont  certaine- 
ment délivrés  ceux  que  Dieu  délivre.  »  11  le 
répète,  c.  44,  n.  35;  c,  17,  n.  41;  de  Pccc. 
merit.,  I.h,  n.  47;  in  Ps.  lxviii,  serm.  %  n. 
13;  de  Spir.  et  Litt.,  n.  7;  ad  Simpiician., 
1.  I,  S  2,  n  6;  1.  de  Prœdest.  sanct.,  n.  19; 
De  Civitate  Dei,  lib.  xi,  19  et  23;  in  Joan., 
Tract.  48,  n.  4,  et  Tract.  83,  n.  1.  Selon  lui, 
la  prescience  marche  toujours  avant  le  décret 
de  Dieu.  Il  parle  de  même  de  la  réprobation, 
1.  de  Perfect.  Jnst.,Q.  13,  n.  31;  Episl.  18G, 
c.  7,  n.  23.  Or  personne^  excepté  les  calvi- 
nistes, ne  s'est  -avisé  d'admettre  un  décret 
de  Téprobati'on  antérieure  à  kprescience  des 
démérit-es  ées  réprouvés.  4°  Kien  de  plus 
irtufile,  continuent  les  congruistes,  qu'un  dé- 
cret at)So!ti  et  particulier  de  prédcstimation, 
indé'p'endant  de  la  prescience.  Dieu  de  toute 
éternité  provoyant  le  péché  d'Adam,  a  résolu 
cie  ractïeter  par  Jésus-Christ,  le  monde,  la 
Tiature  humaine,  le  genre  humain,  par  con- 
'séfjuent  tous  les  hommes  sans  exception.  En 
quoi  consiste  ce  rachat,  sinoa  dans  la  possi- 
bilité 'dans  laquelle  tous  les  h'trmmes  sont  ré- 
tablis par  Jésus-Christ,  de  récupérer  le  bon- 
lieurétemel  et  d'éviter  ila  d-unnation  ?  ^oilà 
donc  une  prédestination  générale  de  tout  le 

fenre  humain  au  bonheur  éternel ,  en  vertu 
e  laquelle  Di^u  veut  donner  à  tous,  par  Jé- 


sus-Christ, des  moyens  de  salut  plus  ou 
moins  prochains ,  puissants  et  abondants 
pour  y  parvenir,  mais  d'i^n  accorder  à  quel- 
ques-uns plus  et  de  plus  puissants  qu'aux 
autres  ;  cette  volonté  est  évidemment  une 
prédestination  particulière  et  Irès-gratuite  en 
faveurde  ceux-ci, etc'est  celleque  saint  Paula 
soutenue  dans  son  épître  aux  Romains.  En 
même  temps  que  Dieu  a  résolu  de  donner 
des  moyens  à  tous,  il  a  prévu  l'usage  qu'en 
ferait  chaque  jiarticulier  :  il  a  donc  résolu 
en  môme  temps  d'accorder  en  eCfet  le  bonheur 
éternel  à  ceux  qui  correspondraient  à  ses  grâ- 
ces, et  de  punir  fiar  un  supplice  éternel  ceux 
qui  en  abuseraient.  Qu'avons-nous  besoin 
d'un  autre  décret  antérieur?  Le  plan  de  pré- 
destination ainsi  conçu  s'accorde  exactement 
avec  les  dix  ou  douze  vérités  que  nous  avons 
établies  au  commencement  de  cet  article  ; 
on  ne  peut  y  faire  voir  aucune  opposition. 
Dans  ce  môme  plan,  la  puissance,  la  bonté, 
la  sagesse,  la  miséricorde  de  Dieu,  éclatent 
également.  Dieu  pouvait  damner  le  monde 
entier,  il  a  voulu  le  sauver;  le  pouvoir  et 
l'espérance  qu'il  lui  donne  de  récupérer  le 
salut  par  Jésus-Christ  est  une  pure  grâce; 
il  laisse  à  l'homme  toute  la  faiblesse  qu'il  a 
contractée  par  le  péché,  mais  il  veut  y  re- 
médier par  ses  grâces,  et  chacune  de  ces 
grâces  est  un  bienfait  purement  gratuit,  mé- 
rité ]iar  Jésus-Christ  et  non  par  l'iiomme. 
Ici  point  de  grâce  prétendue  naturelle,  point 
de  grâce  pélagienne,  jioint  de  mérite  humain  ; 
le  salut  n'est  plus  une  affaire  de  justice  ri- 
goureuse, mais  de  miséricorde  infinie.  Nous 
demandons  si  le  système  de  la  prédestination 
absolue  est  plus  sublime,  plus  digne  de  Dieu, 
plus  consolant,  plus  propre  à  nous  porter  à 
la  vertu  que  celui-ci.  5°  Le  premier  est  su- 
jet à  desdiiricultés  insurmontables  ;  ses  par- 
tisans ont  beau  dire  que  par  son  décret  Dieu 
tire  les  prédestinés  de  la  masse  de  perdi- 
tion, mais  qu'il  y  laisse  les  réprouvés;  que 
le  décret  de  prédestination  est  positif,  mais 
que  le  décret  de  réprobation  n'est  que  néga- 
tif; un  mot  ne  suffit  pas  pour  trancher  la  dif- 
flcidté.  Nous  avons  vu  que  saint  Augustin  a 
parlé  de  l'un  de  ces  deux  décrets  comme  do 
l'autre  ;  en  effet,  on  ne  conçoit  pas  comment 
l'un  est  plus  positif  que  i'autre,  comment 
l'un  est  antérieur  à  la  prescience,  et  l'autre 
postérieur  ;  ces  distinctions  subtiles  n'ont 
été  forgées  que  pour  pallier  l'embarras  dans 
lequel  on  se  trouvait.  A  entendre  raisonner 
les  augustiniens,  il  semble  que  Dieu  soit 
aveugle  à  l'égard  des  réf)rouvés ,  ou  ({u'il 
ferme  les  yeux  pour  ne  pas  les  voir  et  ne 
pas  penser  à  eux.  Mais  ces  malheureux  sont- 
ils  mieux  traités  par  un  décret  négatif  que 
par  u-n  décret  positif?  Dans  le  tableau  du 
jugement  dernier,  Jésus-Christ  fait  pronon- 
cer par  son  Père  contre  les  réprouvés  une 
sentence  aussi  positive  que  celle  qu'il  rend 
en  faveur  des  .prédestinés  ;  il  fdut  donc  que 
l'une  et  l'autre  aient  été  résolues  de  toute 
éternité  jiar  un  décret  également  positif. 
Dans  ce  système  on  ne  conçoit  plus  en  quel 
sens  Dieu  veut  sauver  tous  les  hommes 
et  leur  donner  des  grâces  à  tous,  ui  eu  quel 


I 


1573 


PRE 


sens  J^sus-Chrisf  est  mort  pour  tous.  G"  Pour 
trouver  dans  saint  Augustin  le  système  d'une 
prédestinai iun  indépendante  de  la  prescience, 
)1  faut  absolument  entendre  ce  qu'il  a  dit 
dans  le  même  sens  que  l'entendent  ics  cal- 
vinistes ;  entre  ceux-ci  et  les  augusliniens  il 
n'y  a  de  did'érenco  que  dans  les  consé- 
quences qu'ils  tirent  des  ex|iressions  du 
saint  docteur.  Ces  derniers  l'ont  aux  congruis- 
tes  les  mAmi's  r(>pro(hes  (pie  l'ont  les  pre- 
miers contre  le  concile  de  Ti'cnte  et  contre 
les  théoloj^iens  catlioliques  en  général  ;  on 
peut  voir  dans  Rasnage  (ju'ils  ne  veulent  ad- 
mettru  aucun  milieu  entre  le  {U'édestinalia- 
nisme  rigide  de  Calvin  et  le  seuii-|)('l,;gia- 
nisme  ;  il  est  lilclicux  que  les  augusliniens 
semblent  autoriser  celte  erreur  en  accusant 
toujoiu's  leurs  adversaires -d'être  semi-|)éla- 
giens.  Hasnage,  Hisl.  de  riùjHsr,  1.  xi,  e.  9, 
§  1.  Nous  savons  très-bien,  continuent  les 
C(iiigiuistes,((ue  saint  Augustin,  1.  deCurrept. 
et  Grat.,  o.  7,  n.  i\,  a  dit  c|ue  Judas  a  élo 
prédestiné  ou  élu  pour  verser  le  sang  de  Jé- 
sus-Christ, tout  comme  les  autres  a[iôtres 
l'ont  été  |)Our  obtenir  son  royaume  :  Ulus 
debemus  iiitellif/cre  elcclos  per  misericordkim, 
illiim  pcr  jndivium  ;  illos  ad  oblincndnin  rc' 
gnum  suum,  illum  ad  fandcndam  saïu/uinein, 
suum.  Mais  laut-il  )>rendre  pour  la  profession 
de  foi  de  ce  saint  docteur  une  phrase  échap- 
pée dans  la  dispuic,  et  ipi'il  a  contredito 
daus  ses  autres  ouvrages  "/ 7"  Enfin  le  s\s- 
tème  de  la  prédestination  absolue  no  peut 
aboutir  qu'à  augmenter  l'objection  des  in- 
crédules loui-liant  la  permission  du  mal  mo- 
ral ou  du  péclié  d'Adam,  dui|uel  Dieu  pré- 
voyait les  suites  horribles,  et  qu'il  a  cepen- 
dant laissé  commettre  i)endant  qu'il  pouvait 
l'empêcher  sans  nuue  à  la  liberté  de  l'homme. 
C'est  une  des  objections  sur  lesquelles  Layle 
a  le  plus  insisté  dans  ce  qu'il  a  écrit  à  ce  su- 
jet, et  les  déistes  ne  cessent  de  la  renouve- 
ler pour  attaquer  la  révélation.  On  ne  voit 
pas  où  est  la  nécessité  de  loui  fournir  une 
arme  de  plus. 

Telles  sont  les  principales  objections  des 
congruistes  contre  le  système  de  la  prcdes- 
lination  absolue  et  antécédente  à  la  pres- 
cience de  Dieu  ;  nous  les  exposons  avec  im- 
partialité, sans  les  adopter  pour  cela,  et  sans 
prendre  [larti  pour  ni  contre,  parce  qu'il  n'y 
a  aucune  nécessité.  Celte  question  fut  vive- 
ment débattue  au  concile  de  Trente  entre  les 
franciscains  et  les  dominicains  ;  mais  le 
concile  s'est  abstenu  très-sagement  de  pro- 
noncer sur  cette  contestation  ;  il  s'est  borné 
à  condamner  les  excès  dans  lesquels  étaient 
tombés  les  protestants  sur  cet  article. 

Luther  et  Calvin  avaient  poussé  l'entête- 
ment pour  la  prédestw<ition ubsoiue  iusqn  au 
blasphème.  Suivant  leur  doctrine,  l)ieu,  do 
toute  éternité ,  par  un  décret  immuable ,  a 
partante  le  genre  humain  en  deux  parts,  l'uue 
d'heureux  favoris  auxquels  il  veut  absolu- 
ment donner  le  Itonheur  éternel ,  auxrjuels 
il  accorde  des  grAccs  eliicaces  [)ar  lesiiuelles 
ils  foflt nécessaireiuentle  bien;  l'autre  dob- 
jetsde  sa  colère  qu'il  adestiués  au  feu  éternel, 
el  dont  il  dirige  ^tellement  les  actions,  qu'ils 


PRE  1574 

font  nécessairement  le  mnl,  s'y  endurcissent 
el  meurent  dans  cet  état.  Cette  doctrine  hor- 
rible fut  soutenue  par  Bôze  et  jiar  d'autres 
réformateurs.  iMélanchlhon,  plus  modéré,  en 
eut  horreur  et  tAcha  de  l'adoucir.  Parmi  les 
sectateurs  de  Calvin,  quc](iurs-uns  persi'vé- 
rèrenl  à  soutenir  comme  fui  qu'antérieure- 
ment même  à  la  prévision  du  péché  d'A- 
dam, Dieu  a  prédestiné  la  jjlupart  des  hom- 
mes ta  la  damnation.  Ils  furent  nommés  su- 
pralupsaires;  d'autres  enseignèrent  que  Dieu 
n'a  fait  ce  décret  de  ré()rol)alion  que  consé- 
quemmeiit  à  la  prévision  du  péché  de  notre 
premier  Père  :  on  leur  diuma  le  nom  d'm- 
frahipsaires.  Ils  ne  disaient  pas,  comme  les 
précédents,  que  Dieu  avait  tellement  résolu 
la  chute  du  premier  homme  ,  qu'Adam  no 
pouvait  pas  éviter  tle  pécher;  mais  ils  pré- 
tendaient (|uo  depuis  cette  chute  ceux  qui 
pèchent  n'ont  pas  le  pouvoir  do  s'en  abs- 
tenir. 

Quoi(]ue  toute  cette  doctrine  fasse  hor- 
reur, elle  a  été  dominante  chez  les  calvi- 
nistes presque  jusqu'à  nos  jours.  Ils  ont  per- 
sisté à  soutenir  que  c'est  la  pure  doctrine  do 
riîcrilure  sainte ,  et  que  saint  Augustin  l'a 
défendue  de  toutes  ses  forces  contre  les  pé- 
lagiens.  Sur  la  tin  du  dernier  siècle,  Bayle 
assurait  qu'aucun  ministre  n'osait  enseigner 
le  contraire  ;  que  si  quelques-uns  avaient 
paru  s'en  écarter,  c*.'  n'était  qu'eu  apparence, 
qu'ils  avaient  changé  quelques  expressions 
des  prédestinaliens  rigides ,  atin  de  ne  pas 
etlarouclier  les  esprits  ;  mais  que  le  fond  du 
Bystème  était  toujours  le  même.  Rép.  aux 
qufst.  d'un  Prov. ,  n*  part. ,  c.  170  ,  et  183. 

lin  16ol,  Jacob 'Van  Harmine,  coimu  sous 
le  nom  d'Arnmiius  ,  professeur  en  Hollande, 
attaqua  ouvertement  la  prédestination  abso- 
lue; il  soutint  que  Dieu  veut  sincèrement 
sauver  tous  les  hommes ,  et  qu'il  donne  à 
tous  sans  exception  des  moyens  sullîsanis 
de  salut,  qu'il  ne  réprouve  que  ceux  qui  ont 
abusé  de  ces  moyens  et  qui  ont  résisté.  Ar- 
minius  eut  bientôt  un  grand  nombre  de  sec- 
tateurs. iMais  Cioiuar,  autre  professeur,  sou- 
tint opiniâtrement  la  doctrine  rigide  des  pre- 
miers réformateurs ,  et  conserva  un  parti 
puissant.  Ainsi  le  calvinisme  se  trouva  di- 
visé en  deux  factions  ,  l'une  des  arminiens 
ou  remontrants,  l'autre  des  gomaristes  ou 
contre-remonlrants.  C'est  pour  terminer  cette 
dispute  que  les  états  généraux  de  Hollande 
convoi[uereut,  en  lliI8,  un  synode  national  à 
Dordreoth;  les  gomaristes  y  furent  les  plus 
forts  ;  ils  condamnèrent  les  arminiens,  et  il 
fut  di  fendu  d'enseigner  leur  doctrine.  Mais 
cette  décision,  loin  de  calmer  les  esprits,  ne 
servit  qu'à  les  diviser  davantage  ;  elle  ne 
trouva  aucun  partisan  en  Angleterre  ;  elle 
fut  rejelée  dans  plusieurs  conti  ées  de  la  Hol 
lande  et  de  l'Allemagne  ;  elle  n'a  pas  même 
été  respectée  à  Genève.  Mosheim  nous  as 
sure  que  depuis  ce  moment  la  doctrine  de 
la  prédestination  absolue  déclina  d'un  jour  à 
1  autre,  qu'insensiblement  les  arminiens  ont 
repris  le  dessus.  Hist.  ecclés. ,  xvu'  siècle, 
sect.  2, 11°  part.,  c.  2,  n.  12.  En  effet,  la  plu- 
part des  théologiens  calvinistes ,  loin  d'être 


1575 


PRE 


PRE 


1576 


augustimens ,  sont  devenus  pélagiens  ,  et 
plusieurs  tombent  dans  le  socinianisrne.  Voy. 
Arminiens,  Gomaristes,  Dordrecth,  Infra- 

LAPSAIRES  ,      SUPRALAPSAIRES  ,      UnIVERSALIS- 

TES,  etc. 

Il  est  étonnant  que  des  hommes,  qui  pré- 
tendent toujours  avoir  l'Ecriture  sainte  pour 
seule  règle  de  leur  croyance ,  y  aient  vu 
successivement  des  dogmes  si  opposés  ;  cela 
nous  paraît  démontrer  la  fausseté  du  fait  et 
l'abus  continuel  que  les  protestants  font  de 
la  parole  de  Dieu.  Il  n'est  pas  moins  étrange 
qu'un  bon  nombre  de  théologiens,  qui  se  di- 
sent catholiques  ,  veuillent  faire  de  la  pré- 
destination absolue  et  gratuite  un  dogme 
sacré,  un  point  essentiel  de  la  doctrine  de 
saint  Augustin,  approuvée  par  l'Eglise  ;  qu'ils 
osent  traiter  de  pélagiens  et  d'héréti  |ues 
leurs  adversaires,  et  qu'ils  se  donnent  le  ti- 
tre orgueilleux  de  défenseurs  de  la  grâce  ; 
défenseurs  perfides  qui  livrent  aux  déistes 
les  vérités  les  plus  saintes  de  notre  religion, 
et  qui  persévèrent  dans  leur  fanatisme,  pen- 
dant que  les  calvinistes  rougissent  aujour- 
d'hui de  la  frénésie  des  premiers  réforma- 
teurs. Nous  savons  très-bien  qu'il  y  a  des 
partisans  de  la  prédestination  gratuite  qui 
sont  beaucoup  plus  modérés  ,  et  qui  rejet- 
tent toutes  les  conséquences  erronées  que 
l'on  voudrait  tirer  de  leur  opinion  :  nous 
n'avons  garde  de  les  confondre  avec  les  faux 
augustiniens ,  mais  ils  devraient  démontrer 
que  c'est  à  tort  qu'on  leur  impute  ces  con- 
séquences. 

PRÉDESTINATIENS.  L'on  désigne  quel- 
quefois par  ce  nom  tous  ceux  qui  soutien- 
nent la  prédestination  absolue  et  indépen- 
dante de  la  prescience  de  Dieu  ;  mais  il  faut 
nécessairement  en  distinguer  deux  espèces  , 
savoir,  les  prédestinatiens  mitigés  et  catholi- 
ques, et  \es  prédestirtatiens  rigides  ou  héré- 
tiques. Les  premiers  tiennent  la  doctrine  de 
la  prédestination  absolue  ,  sans  attaquer  et 
sans  nier  aucune  des  vérités  théologiques 
que  nous  avons  posées  sur  ce  sujet  dans 
noire  article  précédent;  ils  enseignent  que 
Dieu  veut  sincèrement  sauver  tous  les  hom- 
mes, et  que  Jésus-Christ  est  mort  pour  tous, 
conséquemment  que  Dieu  donne  à  tous , 
même  aux  réprouvés  ,  des  grâces  sulfisantes 
pour  parvenir  au  salut  ;  qu'en  prédestinant 
les  uns  au  bonheur  éternel ,  et  en  leur  don- 
nant des  grâces  efficaces  pour  faire  le  bien  , 
il  ne  leur  ôte  pas  le  pouvoir  ni  la  liberté  de 
résister  à  ces  grâces  ;  qu'en  réprouvant  les 
autres  négativement,  il  ne  les  détermine  pas 
pour  cela  aux  péchés  qu'ils  commettent; 
qu'au  contraire  il  leur  donne  les  grâces  né- 
cessaires pour  s'en  préserver ,  grâces  aux- 
quelles ils  résis'.ent.  Les  prédestinatiens  ri- 
gides soutiennent ,  au  contraire  ,  que  Dieu 
ne  veut  sincèrement  sauver  que  les  prédes- 
tinés, et  que  Jésus-Christ  n'est  mort  que 
pour  eux  ;  que  les  grâces  efticaces  qui  leur 
sont  accordées  les  mettent  dans  la  néces- 
sité de  faire  le  bien  et  d'y  persévérer,  puis- 
<fue  jamais  l'homme  ne  résiste  à  la  grâce 
intérieure  ;  que  néanmoins  ils  sont  libres, 
parce  (juo  pour  l'àtre  il  sufht  d'agir  volon- 


tairement et  sans  contrainte;  conséquem" 
ment  ,  ils  pensent  que  les  réprouvés  sont 
dans  l'impuissance  de  faire  le  bien ,  parce 
qu'ils  sont  ou  déterminés  positivement  au 
mal  par  la  volonté  de  Dieu ,  ou  privés  des 
grâces  nécessaires  pour  s'en  abstenir;  qu'jls 
sont  néanmoins  punissables,  parce  qu'ils  ne 
sont  ni  contraints  ni  forcés  au  mal,  mais  en- 
traînés invinciblement  par  leur  propre  con- 
cupiscence. 

Tels  sont  les  sentiments  absurdes  et  im- 
pies que  des  esprits  opiniâtres  ont  osé,  dans 
tous  les  temps  ,  attribuer  à  saint  Augustin. 
Au  v'  siècle ,  ceux  que  l'on  nomma  prédes- 
tinatiens ;  au  IX',  Gotescalc  et  ses  partisans  ; 
au  XII',  les  albigeois  et  d'autres  sectaires; 
au  xiv*  et  au  xV  ,  les  wicléfites  et  les  hus- 
sites  ;  au  xvi',  Luther,  Calvin  et  ses  secta- 
teurs ;  au  XVII',  Jansénius  et  ses  défenseurs, 
ont  embrassé  pour  le  fond  le  même  sys- 
tème. Tous  n'ont  pas  professé  clairement  et 
distinctement  toutes  les  erreurs  qui  en  sont 
les  conséquences;  les  premiers  ne  les  ont 
peut-être  pas  aperçues  ;  les  derniers,  aguer- 
ris par  douze  siècles  de  disputes ,  ont  fait 
tous  leurs  efforts  pour  les  pallier  ;  mais  ils 
ont  beau  faire  ,  tous  ces  dogmes  erronés  se 
tiennent  et  forment  une  chaîne  indissolu- 
ble ;  dès  que  l'on  en  soutient  un  seul,  il  faut 
les  admettre  tous  ou  se  contredire  à  chaque 
instant.  Ce  sont  donc  les  écrits  de  saint  Au- 
gustin contre  les  pélagiens  qui  ont  donné 
lieu  à  ces  contestations  toujours  renaissan- 
tes. Cela  nous  paraît  prouver  que  ces  écrits 
ne  sont  pas  fort  clairs  ;  il  faut  avoir  beau- 
coup d'orgueil  pour  se  flatter  de  les  mieux 
entendre  que  l'Eglise  universelle. 

Ceux  qui  ont  traité  de  l'hérésie  des  pré- 
destinatiens du  V  siècle  disent  qu'elle  à  com- 
mencé dès  le  temps  de  saint  Augustin  dans 
le  monastère  d'Adrumet  en  Afrique ,  dont 
les  moines  prirent  de  travers  plusieurs  ex- 
pressions de  ce  saint  docteur.  Peu  de  temps 
après,  la  même  chose  arriva  dans  les  Gau- 
les, oiî  un  prêtre  nommé  Lucidus  enseigna, 
1°  qu'avec  la  grâce  l'homme  n'a  rien  à  faire; 
2°  que  depuis  le  péché  d'Adam  ,  le  libre  ar- 
bitre de  la  volonté  est  entièrement  éteint  ; 
3"  que  Jésus-Christ  n'est  pas  mort  pour  tous 
les  hommes;  k"  que  Dieu  en  force  quelques- 
uns  à  la  mort  ;  5°  que  quiconque  pèche 
après  avoir  reçu  le  baptême  meurt  en  Adam; 
6°  que  les  uns  sont  destinés  à  la  mort ,  les 
autres  pré  lestinés  à  la  vie.  Le  cardinal  No- 
ris,  qui  rapporte  ces  propositions,  Hist.  Pc 
lag. ,  c.  15 ,  p.  182  et  lb3  ,  dit  qu'elles  ont 
besoin  d'explication,  et  il  tâche  de  leur  don- 
ner un  sens  orthodoxe  ;  mais  il  nous  paraît 
y  avoir  assez  mal  réussi ,  et  que  son  com- 
mentaire même  a  grand  besoin  de  correctif. 
11  n'est  donc  jias  étonnant  que  Fauste,  évo- 
que de  Riez  en  Provence  ,  ait  condamné  ces 
propositions  du  prêtre  Lucidus  ;  que  cette 
sentencL'  ait  été  conlirmée  par  deux  conciles, 
l'un  d'Arles  ,  l'autre  de  Lyon  ;  et  qu'en  Un 
de  cause ,  Lucidus  ait  été  obligé  de  se  ré- 
tracter. 

Ces  faits  ont  été  prouvés  par  le  P.  Sir- 
raond.  dans  l'iiistoire  qu'il  a  donnée  du  pré- 


1577 


PRE 


PKE 


1578 


destinatianlsme;  par  Maffei,  Hist.  thcol.  do(/- 
matum  et  opin.  de  diviiui  Gratta,  etc.,  1.  xvi, 
c.  7,  et  par  d'autres  tliéolo^ieiis.  Ils  ont  cité 
en  preuve  un  livre  intitulé  Prœdcslinatus, 
qui  porte  le  nom  de  Primasius ,  disciple  de 
saint  Augustin;  Gennade ,  jn-tHre  de  Mar- 
seille ,  la  Chronique  de  saint  Prosper,  et  Ar- 
nobe  le  Jeune,  tous  auteurs  contemporains , 
qui  affirment  ou  qui  supposent  l'existence 
de  l'hérésie  des  prédestinatiens. 

Mais  Jansénius  et  les  faux  augustiniens, 
qui  enseignent  encore  Ips  mêmes  erreurs 
que  ces  hérétiques  ,  ont  prétendu  que  toute 
cette  histoire  est  une  fable  ;  que  Primasius , 
Gennade,  Arnobe  le  Jeune  et  Faust  de  Riez 
sont  tous  pélagiens  ou  du  moins  semi-péla- 
giens;  qu'ils  ont  osé  nommev  preileslinatiens 
les  vrais  discii>les  de  saint  Augustin,  et  trai- 
ter d'hérésie  la  véritable  doctrine  de  ce 
Père  ;  que  les  jirétendus  conciles  d'Arles  et 
de  Lyon  n'ont  jamais  existé  ;  que  c'est  une 
trame  tissue  par  Fauste  de  Riez  ,  pour  per- 
suader que  la  doctrine  do  saint  Augustin  a 
été  flétrie.  Ils  s'inscrivent  de  même  en  faux 
contre  l'accusation  d'hérésie  intentée  à  Go- 
tescalc  dans  le  i\'  siècle  ;  ils  soutiennent 
que  c'est  Hincmarde  Reims,  elRaban-Maur, 
évêque  de  Mayence  ,  qui  étaient  eux-mêmes 
hérétiques,  et  qui  ont  [)rofessé  le  scmi-péia- 
gianisme  en  condamnant  Gotescalc.  Voyez  ce 
mot. 

Cette  apologie  du  predestinatianisme,  faite 
d'abord  par  Jansénius  ,  a  été  renouvelée  par 
le  président  Mauguin,  dans  une  dissertation 
par  laquelle  il  s'est  proposé  de  réfuter  en 
détail  l'histoire  du  P.  Sirmond.  Mais  le  P. 
Deschamps,  en  écrivant  contre  Jansénius,  a 
fait  voir  que  ce  novateur  a  emprunté  d'un 
calviniste  célèbre  tout  ce  qu'il  a  dit  pour 
justitier  les  prédestinatiens  ;  de  Hœresi  Jun- 
sen.,  disp.  7,  c.  6  et  7.  Comme  il  parait  que 
Mauguin  a  puisé  dans  la  même  .'ource  ,  sou 
livre  s'est  trouvé  réfuté  d'avance.  11  est  fâ- 
cheux que  le  cardinal  Noris  ait  ignoré  ou 
dissimulé  ce  fait,  lorsqu'il  a  dit  que  les  er- 
reurs rétractées  par  le  prêtre  Lucidus ,  et 
attribuées  aux  prédestinatiens  pai-  Gennade 
de  Marseille  ,  sont  les  mêmes  reproches  que 
l'on  faisait  contre  la  doctrine  de  saint  Au- 
gustin, et  auxquels  saint  Prosper  a  répondu; 
Hist.  Pclan.,  c.  15,  p.  182,  183;  Rasnage  , 
Histoire  ae  l'Eglise,  1.  xii ,  c.  2,  pense  do' 
même;  il  avoue  que  lo  concile  d'Arles,  et  cor 
lui  de  Lyon ,  l'an  't75,  ont  condamné  cette 
doctrine  ,  parce  que ,  suivant  lui ,  ces  deux 
conciles  étaient  composés  de  semi-pélagiens. 
Comme  ces  évêques  étaient  les  personnages 
les  plus  respectables  qu'il  y  eût  alors  dans 
le  clergé  des  Gaules ,  s'ils  avaient  été  tous 
imbus  du  semi-pélagianisme  ,  il  serait  fort 
singulier  que  leurs  successeurs  eussent  con- 
damné unanimement  cette  erreur  dans  le 
deuxième  concile  d'Orange,  l'an  529. 

Laissons  donc  de  enté  toutes  ces  imagi- 
nations dont  les  unes  détruisent  les  autios  ; 
tout  homme  sensé  comprend ,  1°  qu'il  est 
impossible  que  Fauste  de  Riez  ait  été  assez 
insensé  pour  vouloir  en  imposer  à  Léonce 
d'Arles,  son  métroiiolilain  ,  auquel  il  adres- 

DlCTION?*.   DE    ruÉOL.   DOGMATIQUE.  IIL 


sait  ses  écrits ,  et  pour  lui  parler  d'un  pré- 
tendu concile  tenu  dans  sa  ville  d'Arles,  au- 
quel il  avait  dû  [jrésider ,  si  ce  concile  était 
imaginaire  ;  2°  qu'il  est  impossible  qu'en 
'i-75,  trente  évêques  assemblés  aient  osé  re- 
nouveler contre  la  doctrine  de  saint  Augus- 
tin des  reproches  aux(]uels  ils  ne  pouvaient 
ignorer  que  saint  Prosper  avait  répondu, 
surtout  après  la  lettre  que  le  pape  saint  Cé- 
lestin  avait  écrite  aux  évêques  des  Gaules 
pour  imposer  silence  aux  détracteurs  de  la 
doctrine  de  saint  Augustin  ;  et  qu'il  no  se 
soit  pas  trouvé  pour  lors  un  seul  évêque 
gaulois  pour  en  prendre  la  défense.  3°  C'est 
une  imposture  de  prétentlre  que  la  doctrine 
de  Lucidus  et  des  prédestinatiens  était  la 
même  que  celle  de  saint  Augustin  ;  elle  n'y 
ressemblait  pas  plus  que  celle  de  Calvin,  de 
Jansénius  et  de  leurs  adhérents.  4°  Sahit  Ful- 
gence  a  écrit  contre  les  ouvrages  de  Fauste 
de  Riez,  mais  on  ne  voit  pas  qu'il  lui  ait  re- 
proché aucune  imposture.  5°  11  y  a  un  aveu- 
glement inconcevable  à  ne  vouloir  recon- 
naître aucun  milieu  entre  le  prédestinutia- 
nisme  rij^ide  et  lo  semi-pélagianisme;  nous 
avons  fait  voir  le  contraire  en  distinguant 
les  prédestinatiens  catholiques  d'avec  les  hé 
réti(jues.  Ces  derniers  auraient  dû  être  nom- 
més réprobatiens,  aussi  bien  que  ceux  d'au- 
jourd'hui, puisque  ,  de  leur  pleine  autorité  , 
ils  (éprouvaient  et  damnaient  le  genre  hu- 
main tout  entier,  à  la  réserve  peut-être  d'un 
homme  sur  mille.  Petau,  de  Incarn.,  1.  xiii, 
c.  7;  Hist.  de  l'Ec/L  gall. ,  t.  1,  1.  iii,  an.  431 
et  434;  t.  11,  1.  iv,  an.  475. 

*  PRÉDESTINÉS.  Voij.  Élus. 

PRÉDÉTERMINATION.  Dans  le  langage 
des  théologiens  scolastiques,  ce  terme  signi 
tie  une  opération  de  Dieu  qui  fait  agir  les 
honmies,  qui  les  détermine  ou  les  fait  se  dé- 
terminer dans  toutes  les  actions  bonnes  ou 
mauvaises.  On  l'appelle  autrement  prémotion 
physiifue  ou  décret  de  Dieu  prédéterminant. 
Tous  les  catholiques  conviennent  que  pour 
faire  une  bonne  œuvre,  une  action  méritoire 
et  utile  au  salut,  l'homme  a  besoin  du  se- 
cours de  la  grâce;  or,  la  grâce  est  une  lu- 
mière surnaturelle  <lonnée  à  l'entendemcuit, 
et  une  motion  que  Dieu  imprime  à  la  volonté 
pour  la  rendre  cajiable  d'agir;  rien  n'empê- 
che donc  d'appeler  la  grâce  une  prémotion 
ou  une  prédétermination,  puisqu'elle  nous 
jiiévient  et  influe  sui-  nos  actions.  Doit-elle 
être  nommée  prémotion  physique  ou  seule- 
ment prédétermination  morale?  Au  mot 
Grâce,  §  5,  nous  avons  fait  voir  que  ni  l'une 
ni  l'autre  de  ces  expressions  n'est  parfaite- 
ment juste,  parce  que  l'intluencf  delà  grâce 
ne  ressemble  à  celle  d'aucune  cause  natu- 
relle. 

On  dispute  dans  les  écoles  pour  savoir  si 
une  prédétermination  physique  est  nécessaire 
à  riiomœe  pour  |)rodiiiro  ses  actions  natu- 
relles. La  [ilupart  des  philosophes  et  des 
théologiens  prétendent  qu'il  n'en  est  pas  be- 
soin. Il  est,  disent-ils,  de  la  nature  d'une 
faculté  active  et  d'une  cause  libre  de  produire 
ses  actes  par  elle-même,  sans  rint(M-vention 

50 


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PRE 


PRE 


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d'aucune  cause  extérieure;  on  ne  conçoit 
■  pas  en  quel  sens  elle  se  détermine  elle-mê- 
me, si  elle  est  déterminée  [lar  un  agent  plus 
puissant  qu'elle.  D'ailleurs,  si  cette  détermi- 
nation est  cause  physique,  il  y  a  une  con- 
nexion nécessaire  entre  cette  cause  et  l'ac- 
tion qui  s'ensuit,  par  conséquent  l'action  de 
la  volonté  n'est  plus  libre  dans  aucun  sens; 
on  ne  conçoit  pas  paême  que  ce  soit  pour 
lors  une  action  humaine  :  puisqu'elle  vient 
de  Dieu  comme  cause,  l'iiomme  n'est  plus 
que  l'instrument. 

D'autre  part,  les  thomistes  soutiennent 
que  la  prédétermination  physique  est  néces- 
saire pour  rendre  l'homme  capable  d'agir; 
telle  est,  disent-ils,  la  subordination  ou  la 
dépendance  nécessaire  de  la  cause  seconde 
à  l'égard  de  la  cause  première.  Puisque  Dieu 
a  sur  ses  créatures  non-seuL'ment  un  do- 
maine moral,  mais  un  domaine  physique,  il 
doit  avoir  sur  toutes  leurs  actions  non-seu- 
Jement  une  influence  morale,  mais  une  in- 
fluence physique.  Cette  action  de  Dieu,  loin 
d'être  un  obstacle  à  la  liberté  humaine,  est 
au  contraire  uu  complément  nécessaire  de 
cette  liberté,  sans  lequel  l'homme  ne  pour- 
rait pas  agir.  Dieu  sans  doute  est  assez  puis- 
sant pour  proportionner  son  action  à  la  nature 
de  l'homme  ;  puisqu'il  a  l'ait  l'homme  libre, 
il  le  fait  agir  librement.  Quand  on  leur  de- 
mande en  quel  sens  Dieu  prédétermine  la 
volonté  humaine  au  péché,  ils  disent  que 
cette  action  de  Dieu  se  borne  à  ce  qu'il  y  a 
de  physique  dans  l'action  de  l'homme,  et 
qu'elle  ne  touche  point  à  ce  qu'il  y  a  de 
mural,  ou,  en  termes  de  l'école,  que  Dii'u 
influe  sur  le  matériel  du  péché,  et  non  sur 
le  formel,  c'est-à-dire  sur  ce  qui  constitue  le 
péché.  Comme  il  paraît  que  les  thomistes 
n'attachent  point  à  la  plupart  des  termes 
dont  ils  se  servent  le  môme  sens  que  les 
autres  théologiens,  et  qu'ils  se  croient  en 
droit  d(!  rejeter  toute  comparaison  que  l'on 
peut  faire  entre  la  cause  première  et  toute 
autre  cause,  il  est  probable  que  la  dispute 
touchant  la  prédélermination  physique  ne  fi- 
nira pas  sitôt. 

PRÉDICATEUR,  PRÉDICATION.  Nous  ap- 
pelons prédication  l'action  d'annoncer  la 
parole  de  Dieu  en  public,  faite  par  un  homme 
revêtu  d'une  mission  légitime.  Dans  les  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise,  les  évoques  seuls 
étaient  chargés  de  cette  fonction;  à  l'exem- 
ple de  Jésus-Christ  et  de  saint  Paul,  Joan., 
c.  ly,  V.  2  ;  /  Cor.,  c.  i,  v.  17,  ils  la  regardaient 
comme  la  plus  importante  de  leur  ministère. 
Les  premiers  exemples  que  nous  connais- 
sions de  prêtres  chargés  de  prêcher,  sont  ceux 
d'Origène  et  de  saint  Jean  Chrysostome  dans 
l'Eglise  d'Orient,  de  saint  Félix  de  Noie  et 
de  saint  Augustin  en  Occident  :  il  n'est  [las 
étonnant  que  l'on  se  soit  écarté  de  l'usage 
ordinaire  en  faveur  d'hommes  aussi  recom- 
mandables  par  leurs  talents.  Pai-  les  dilfé- 
rentes  révolutions  qui  sont  arrivées  dans 
l'Occident,  les  évoques  se  sont  trouvés  obli- 
gés de  se  décharger  de  cette  fonction  sur 
les  prêtres.  La  môme  raison  a  fait  accorder 
aux  religieux  le  pouvoir  de  prêcher  dans 


toutes  les  églises  où  ils  sont  appelés;  au- 
trefois il  n'y  avait  que  les  pasteurs  qui  ins- 
truisissent ie  troupeau  qui  leur  était  conlié. 
Dans  l'Eglise  romaine,  il  faut  être  au  moins 
diacre  pour  avoir  le  pouvoir  de  prêcher. 
On  ap|ielle  pro|)rement  prédications  les  dis- 
cours que  l'on  fait  aux  infidèles  pour  leur 
annoncer  l'Evangile;  et  sermons,  ceux  que 
l'on  adresse  aux  fidèles  pour  nourrir  leur 
piété  et  les  exciter  à  la  vertu. 

Plusieurs  auteurs  ont  écrit  des  traités  sur 
l'éloquence  de  la  chaire,  plusieurs  ont  cen- 
suré avec  assez  d'amertume  les  défauts  dans 
lesquels  tombent  troj)  souvent  les  prédica- 
teurs; nous  n'avons  dessein  de  nous  ériger 
ici  ni  en  censeurs  ni  en  apologistes,  mais 
d'envisager  les  choses  à  charge  et  à  décharge. 
Il  nous  paraît  d'abord  que  le  goût  dépravé 
des  auditeurs  est  la  cause  principale  des 
fautes  dans  lesquelles  tomlienl  ceux  qui  an- 
noncent la  parole  de  Dieu;  ils  y  sont  en- 
traînés par  le  ton  de  leur  siècle  et  par  les 
applaudissements  que  l'on  a  la  faiblesse  de 
leur  donner,  lors  même  qu'ils  prêchent  d'une 
manière  évidemment  vicieuse  ;  nous  en  som- 
mes convaincus  par  des  exemples  récents. 
De  nos  jours  quelques  philosuphes  se  sont 
avisés  de  reprocher  aux  orateurs  chrétiens 
qu'ils  n'enseignaient  pas  une  morale  natu- 
relle. Il  n'en  a  pas  fallu  davantage  pour  sé- 
duire de  jeunes  orateurs;  ils  ont  cessé  de 
citer  l'Evangile,  ils  ont  laissé  de  côté  la  mo- 
rale de  Jésus-Christ,  pour  prêcher  une  mo- 
rale prétendue  philosophique  ;  ils  ont  fait  des 
haraiigues  académiques  au  lieu  de  sermons, 
et  les  éloges  qu'un  certain  public  aniichré- 
tien  leur  a  prodigués,  ont  achevé  de  perver- 
tir leur  giiùt;  et  l'exemple  d'un  seul  suffît 
pour  en  gâter  mille. 

«  C'est  une  chose  déplorable,  dit  un  écri- 
vain très-sensé,  que  certains  orateurs  chré- 
tiens, renonçant  en  quelque  sorte  aux  prin- 
cipes de  leur  religion,  semblent  perdre  de 
vue  l'Evangile ,  et  ne  rougissent  pas  de  lui 
substituer  en  chaire  une  morale  purement 
païenne.  Ce  sont  de  nouveaux  Sénèques,  et 
non  des  disciples  de  saint  Paul  ou  des  minis- 
tres de  Jésus-Christ.  La  philosophie  est  trop 
faible  pour  mettre  un  frein  aux  passions, 
pour  donner  au  cœur  de  l'homme  une  con- 
solation solide,  pour  montrer  la  vraie  source 
des  désordres  et  y  appliquer  des  remèdes 
efficaces.  Ce  privilège  est  celui  de  la  foi,  il 
n'y  a  qu'elle  qui  puisse  nous  éclairer  et  nous 
fortifler,  elle  seule  fournit  ces  grands  motifs 
qui  font  préférer  à  toutes  choses  la  pratique 
de  la  vertu.  Les  Pères  étudiaient  et  prêchaient 
l'Evangile;  jamais  ils  n'ont  cité  les  philoso- 
phes ;  aussi  leurs  discours  avaient-ils  l'au- 
torité et  la  force  de  la  parole  de  Dieu  :  ils 
opéraient  des  conversions  et  faisaient  germer 
la  piété  dans  les  Ames.  » 

Jésus-Christ,  disait  saint  Paul,  m'a  envoyé 
prêcher,  non  sur  le  ton  de  l'éloquence  pro- 
fane, de  peur  d'anéantir  la  force  de  la  croix 

de    Jésus-Christ Je    suis    venu    vous 

annoncer  la  loi  de  Jésus-Christ,  mm  avec  le 
talent  des  orateurs  et  des  sages,  mais  ne 
sachant  rien  que  Jésus  crucifié...  Ma  prédi 


1581 


PRE 


PRE 


mi 


;ation  et  nios  discours  n'ont  iioint  été  dans 
le  style  persuasif  de  réloqueiice  humaine, 
mais  aecompagnés  des  sij^nes  de  l'esprit  et 
de  la  puissance  de  Dieu,  aliu  que  votre  foi 
ne  fût  pas  fondée  sur  la  saj^esse  des  hommes, 
mais  sur  l'autorité  divine,/  Cor.,  c.  i,  v.  17; 
c.  n,  V.  1.  Un  des  jirincipaux  arguments  que 
nos  anciens  apologistes  ont  opposés  aux 
païens,  a  été  l'uiutilité  dos  leçons  de  leurs 

f)hilosophes;  ces  hommes  si  renommés  [lour 
eur  éloquence  n'avaient  pas  corrigé  les  na- 
tions d'un  seul  vice  :  la  morale  de  Jésus- 
Christ,  annoncée  par  des  pécheurs  et  par 
des  ignorants,  convertissait  les  peuples, 
changeait  les  mœurs,  faisait  cesser  les  dé- 
sordres les  plus  anciens.  Entreprendra-t-on 
aujourd'hui  d'arracher  h  notre  religion  ce 
caractère  de  divinité,  ou  de  rétaljlir  le  paga- 
nisme, en  nous  donnant  pour  règle  la  morale 
de  ses  défenseurs?  —  D'autres  ont  reproché 
aux  prédicateurs  une  basse  adulation  à  l'é- 
gard de  ceux  qui  gouvernent,  \\n  silence 
perlide  sur  leurs  vices  et  sur  les  malheurs 
dont  ils  sont  la  cause.  A  l'instant  nos  jeunes 
orateurs  se  sont  jetés  sur  les  matières  d'ad- 
ministration et  (le  politique,  se  sont  crus 
capables  de  régenter  les  rois  et  leurs  minis- 
tres, n'ont  plus  envisagé  dans  les  saints  que 
leurs  talents  pour  le  gouvernement,  ont  parlé 
comme  s'ils  élaient  appelés  pour  présider  aux 
conseils  des  nations.  Jésus-Christ  ni  les  apô- 
tres n'ont  pas  ou  celte  ambition  :  ils  ont 
prêché  la  vertu  et  non  la  politique,  les  devoirs 
du  commun  des  hommes  et  non  les  règles 
de  la  conduite  des  césars,  la  félicité  de  l'au- 
tre vie  et  non  la  prospérité  des  atfairesde  ce 
monde. 

La  fonction  respectable  de  prédicateur  de- 
mande non-seulement  un  talent  naturel  pour 
la  parole,  mais  une  connaissance  très-éten- 
due de  la  morale  chrélienne,  par  conséquent 
une  étuile  assidue  de  l'Ecriture  sainte  et  des 
ouvrages  des  Pères  de  l'Eglise,  une  connais- 
sance sufiisante  des  mœurs  de  la  société , 
des  passiiins  et  des  vices  du  cœur  humain, 
des  moyens  qui  soutiennent  la  vertu  et  la 
piété,  des  dangers  et  des  tentations  auxquel- 
les elles  succombent.  Les  pasteurs  et  les 
missionnaires,  qui  ont  joint  à  de  longues 
études  l'expérience  que  l'on  acquiert  dans 
le  tribunal  de  la  pénitence  et  dans  la  con- 
duite des  Ames,  sont  inûniment  plus  capables 
d'instruire  et  de  toucher  les  auditeurs,  que 
de  jeunes  oiateurs  qui  ne  sont  munis  d'au- 
cun de  ces  secours.  Mais  comme  cette  fonc- 
tion est  en  elle-même  très-diticile,  il  est  né- 
cessaire de  s'y  exercer  de  bonne  heure  ;  on 
ne  doit  donc  pas  blAnier  les  premiers  essais 
de  ceux  qui  entrent  dans  cette  carrière, 
lorsqu'ils  donnent  lieu  d'esp.érer  qu'ils  se 
perfectionneront  dans  la  suite. 

Ceux  qui  ont  dit  que  les  sermons  ne  de- 
vraient être  que  des  leçons  de  morale,  ont 
eu  tort.  L'Evangile  n'a  pas  été  seulement 
destiné  à  nous  [irescrire  ce  que  nous  devons 
faire,  mais  aussi  à  nous  enseigner  ce  que 
nous  devons  croire  ;  et  les  Pères  de  l'Eglise, 
non  plus  que  les  a[iùtres,  n'ont  jamais  séparé 
le  dogme  d'avec  la  inorale.  11  n'est  aucun  des 


articles  do  notre  croyance  du(pio>  il  ne  s'en- 
suive des  conséquences  morales;  et  toutes 
les  fois  qu'il  est  arrivé  des  erreurs  sur  le 
dogme,  la  morale  n'a  jamais  manqué  de  s'en 
ressentir.  L'ignorance  des  vérités  de  la  foi 
est  beaucoup  [ilus  commune  que  l'on  ne 
pense,  même  parmi  ceux  qui  se  croiint  fort 
uistruits,  [Hiisque  les  philosophes  incrédules, 
qui  ont  attaqué  de  nos  jours  le  christianis- 
me, ont  méconnu  et  défiguré  la  doctrine  qu'il 
enseigne.  Qu'ils  l'aient  fait  par  ignorance  ou 
par  malice,  il  ne  s'ensuit  pas  moins  qu'il  faut 
enseigner  en  public  aussi  bien  qu'en  parti- 
culier, aux  adultes  non  moins  qu'aux  enfants, 
les  vérités  chrétiennes  telles  qu'elles  sont. 
—  On  peut  assurer  en  général  qu'un  sermon 
qui  a  pour  base  l'Kcriture  sainte,  qui  en  est 
une  explication  suivie  comme  les  homélies 
des  Pères,  qui  expose  clairement  ie  dogme 
et  en  friit  sentir  les  conséquences  morale^;, 
sera  toujours  solide,  édifiant,  utile,  approuv('? 
par  tous  ceux  qui  n'ont  pas  le  goût  dépravé, 
quand  même  le /;r(frf(ca/e«r  n'aurait  |ias  d'ail- 
leurs les  talents  d'un  orateur  |)rofane,  pour- 
vu qu'il  ait  l'esprit  et  les  vertus  de  son  état, 
et  qu'il  soit  pénétré  lui-môme  des  vérités 
qu'il  enseigne  aux  autres.  On  demandait  au 
bienheureux  Jean  d'Avila,  l'apôtre  de  l'An- 
dalousie, des  règles  sur  l'art  de  prêchei'.  Je 
ne  connais,  répondit-il,  d'autre  art  que  l'a- 
mour de  Dieu  et  le  zèle  pour  sa  gloire. 

Barbeyrac  ennemi  déclaré  des  Pères  de 
l'Eglise,  a  trouvé  très-mauvais  qu'on  les  pro- 
posât pour  mo  lèle  aux  orateurs  chrétiens; 
i^uivant  son  avis,  leurs  sermons  sont  non- 
seulement  remplisd'erreurs  eu  fait  de  morale, 
mais  composés  sans  art  et  sans  méthode  ; 
leur  éloquence  est  affectée  et  vicieuse,  leur 
style  Ijoursoulllé,  orné  de  figures  déplacées 
et  superflues  ;  ce  sont  des  déclamations  de 
rhéteurs  plutôt  que  des  discours  édifiants, 
sensés  et  raisonnables.  Il  faut  avoir  une 
forte  dose  de  présomption  pour  se  tlattei-  de 
pouvoir  détruire  une  réputation  établie  de- 
j3uis  douze  ou  quinze  siècles,  et  consacrée  par 
la  vénération  de  l'Eglise  entière.  Du  moins, 
pour  y  n'ussir,  il  ne  faudrait  pas  commencer 
par  se  contredire  ,  comme  font  les  protes- 
tants. Parmi  les  Pères,  surlo.it  les  plus  an- 
ciens ,  il  y  en  a  dont  les  écrits  ne  sont 
ni  polis  ni  recherchés,  mais  de  la  plus 
grande  simplicité  ;  leurs  censeurs  ont  grand 
soin  do  le  faire  remarquer,  d'en  conclure 
que  c'étaient  dos  idiots  très-peu  propres  à 
nous  instruire  de  la  croyance  et  de  la  mo- 
rale chrétienne.  Quai't  à  ceux  qui  ont  étudié 
les  lettres  humaines  et  l'art  de  l'éloquence, 
qui  ont  fait  l'admiration  de  leur  siècle , 
même  dos  philosophes  païens,  ces  critiques 
atrabilaires  nous  les  donnent  pour  des  rhé- 
teurs et  des  sophistes. 

Nous  lour  demandons:  ces  hommes  célè- 
bres que  vous  déprimez,  ont-ils  été  écoutés, 
suivis,  respectés  et  admirés  de  leur  temps, 
ou  ne  Font-ils  pas  été  ?  Leurs  discours  ont- 
ils  été  inutiles  ou  efficaces,  sans  efl'ot  ou 
suivis  de  conversions  't  S'ils  ont  produit  du 
fruit  comme  toute  l'antiquité  l'atteste,  donc 
les  Pères  ont  eu,  suivant  le  temps,  les  lieux, 


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les  mœurs  et  le  goût  des  peuples,  le  genre 
d'éloquence  qu'il  fallait  pour  remplir  digne- 
ment leur  ministère.  Les  ministres  protes- 
tants voudraient-ils  répéter  aujourd'hui  les 
sermons  de  Luther,  de  Zwingle,  de  Calvin, 
et  des  autres  premiers  prédicants  ?  Que  di- 
raient-ils, si  nous  nous  donnions  la  peine 
de  recueillir  dans  leurs  écrits  toutes  les  er- 
reurs, les  absurdités ,  les  grossièretés,  les 
sottises  dont  ils  sont  remplis,  comme  ils  ra- 
roassent  eux-mêmes  dans  les  Pères  de  l'E- 
glise tout  ce  qui  leur  paraît  un  sujet  de 
blâme?  Ils  regardent  cependant  les  premiers 
comme  des  apôtres  suscités  de  Dieu  pour 
réformer  et  endoctriner  l'Eglise. 

Nous  voudrions  être  en  état  de  faire  un 
parallèle  entre  les  discours  des  orateurs  pro- 
testants les  plus  estimés  et  les  plus  admirés 
parmi  eux,  et  les  sermons  de  saint  Basile, 
de  saint  Grégoire  de  Nazianze,  de  saint  Jran 
Chrysostome,  de  saint  Ambroise,  de  saint  Au- 
gustin, que  Barbeyrac  ose  mépriser;  nous 
verrions  de  quel  côté  nous  trouverions  le 
plus  de  science,  de  pensées  sublimes  et  de 
véritable  éloquence. 

Fleury,  Mœurs  des  chrét.,  §  39,  en  parlant 
de  l'ordre  de  l'ancienne  liturgie,  de  laquelle 
le  sermon  de  l'évêque  faisait  toujours  par- 
tie, a  suffisamment  justifié  la  manière  de 
prêcher  suivie  par  les  Pères  de  l'Eglise. 

PRÉEXISTANT ,  chose  qui  existe  avant 
une  autre.  Comme  les  anciens  philosophes 
n'admettaient  pas  la  création,  ils  croyaient 
que  Dieu  avait  fait  toutes  choses  d'une  ma- 
tière préexistante  et  éternelle  comme  lui. 
Quelques-uns  ont  dit  que  Dieu  a  tout  fait 
de  ce  qui  n'existait  pas,  ex  non  exstantibus  ; 
cette  expression  paraît  d'abord  signifier  qu'il 
a  tout  fait  de  rien,  par  conséquent  qu'il  a 
tout  créé  ;  mais  les  critiques  modernes  sou- 
tiennent que  par  non  exstantia  ils  enten- 
daient la  matière,  et  que  cela  signifiait  seu- 
lement que  Dieu  avait  donné  une  forme  à  ce 
qui  n'en  avait  point.  Au  reste,  une  matière 
préexistante ,  éternelle  et  sans  forme ,  est 
pour  le  moins  aussi  difficile  à  concevoir  que 
la  création  ;  la  matière  a-t-elle  pu  exister 
sans  dimensions  ou  sans  étendue,  et  les  di- 
mensions ne  sont-elles  pas  une  forme?  Voy. 
Créatiox. 

Les  pythagoriciens  et  les  platoniciens  ont 
cru  la  préexistence  des  âmes  humaines,  c'est- 
à-dire  que  les  âmes  avaient  existé  dans  une 
autre  vie  avant  d'être  envoyées  dans  des 
corps  pour  les  animer;  ils  ajoutaient  que 
l'union  de  ces  âmes  à  des  corps  qui  sont 
pour  elles  une  es])èce  de  prison,  était  une 
punition  des  péchés  qu'elles  avaient  commis 
dans  une  vie  précédente.  Ou  accuse  Origène 
d'avoir  eu  la  même  0|)inion,  et  il  semble 
quelquefois  la  soutenir;  mais  le  savant  Huet 
a  observé  qu'Origène,  aussi  bien  que  saint 
Augustin,  est  demeuré  dans  le  doute  tou- 
chant la  véritable  origine  de  l'âme.  Orige- 
nian.,  1.  ii,  c.  6,  n.  1.  D'ailleurs  les  philo- 
sojjhes,  qui  ont  admis  la  préexistence  des 
âmes,  ont  cru  qu'elles  étaient  sorties  de  la 
substance  de  Dieu  par  émanation,  au  lieu 
yu'Origène  a  certainement  admis   la  créa- 


tion des  esprits  aussi  bien  que  celle  des 
corps  ;  nous  l'avons  fait  voir  au  mot  Ema- 
nation. 

PRÉFACE,  partie  de  la  messe  qui  précède 
immédiatement  le  canon,  et  qui  commence 
par  ces  mots,  Sursum  corda.  Les  écrivains 
liturgistes  nous  apprennent  que  celte  prière 
ou  action  de  grâces,  qui  sert  de  préparation 
à  la  consécration,  se  trouve  dans  tous  les 
vieux  sacramentaires  et  dans  les  liturgies  les 
plus  anciennes,  dans  celles  de  saint  Jacques, 
de  saint  Basile,  de  saint  Jean  Chrysostome, 
des  Constitutions  apostoliques,  etc.  Déjà,  au 
ni°  siècle,  saint  Cyprien  en  a  parlé  dans  son 
traité  de  ÏOraison  dominicale,  et  les  Pères 
du  IV'  en  font  souvent  mention.  Dans  le 
Sacramentaire  de  saint  Grégoire,  il  y  a  des 
préfaces  propres,  comme  des  collectes,  pres- 
que pour  toutes  les  messes  :  on  n'en  a  retenu 
que  neuf  dans  le  missel  romain;  mais  dans 
les  nouveaux  missels  des  divers  diocèses, 
on  en  a  placé  de  propres  pour  toutes  les 
grandes  fêtes,  et  qui  ont  été  composées  sur 
le  modèle  des  anciennes.  Dans  le  rite  gotlii- 
que,  la  préface  est  a|)pelée  immolation,  dans 
le  mozarabique  illation,  dans  le  gallican  con- 
testation. Il  est  étonnant  que  les  protestants 
aient  osé  rejeter  comme  superstitieuses  des 
prières  aussi  respectables,  aussi  anciennes, 
et  qui,  suivant  la  croyance  de  tous  le  siè- 
cles, datent  du  temps  des  apôtres.  Lebrun, 
Explic.  des  cérém.  de  la  Messe,  t.  II,  p.  378. 

PRÉJUGÉS  de  religion.  Les  incrédules 
nomment  ainsi  les  notions  religieuses  qu'un 
homme  a  reçues  dans  son  enfance;  on  les 
prend,  disent-ils,  sans  connaissance,  on  les 
conserve  par  habitude,  sans  réflexion  et 
sans  examen;  et  il  en  est  de  même  dans 
toutes  les  religions  du  monde.  Si  donc  un 
croyant  tient  la  vérité,  c'est  par  hasard;  nous 
ne  voyons  pas  en  quoi  sa  foi  peut  être  loua- 
ble et  méritoire.  —  Lorsque  les  incrédules 
voudront  être  de  bonne  foi,  ils  conviendront 
que  c'est  aussi  par  hasard  qu'ils  ont  embrassé 
tel  ou  tel  système  d'incrédulité;  ils  sont  so- 
ciniens,  déistes,  athées,  matérialistes,  scep- 
tiques ou  indilférents,  suivant  l'opinion  des 
maîtres  qui  les  ont  endoctrinés,  et  suivant 
les  livres  qui  leur  sont  tombés  par  hasard 
entre  les  mains.  Déjà  ils  conviennent  qu'un 
très-grand  nombre  de  leurs  prosélytes  sont 
incrédules  sur  parole,  et  sont  très-jieu  en 
état  d'approfondir  une  question.  Lorsque  le 
déisme  était  à  la  mo  le,  tout  incrédule  était 
déiste;  lorsque  l'atiéisme  a  été  prêché,  tous 
sont  devenus  athées,  et  bientôt  après  pyrrho- 
niens.  Ceux  qui  sont  parvenus  à  ce  degré, 
sont  donc  convaincus  qu'ils  se  sont  eiéjà 
trompés  deux  fois;  nous  voudrions  savoir 
par  quel  moyen  ils  sont  certains  de  ne  pas 
être  encore  trompés  pour  la  troisième. 

Il  y  a  une  dillérence  essentielle  entre  eux 
et  les  croyants.  Parmi  ceux-ci,  tous  ceux 
qui  ont  été  en  état  de  faire  un  examen  ré- 
lléchi  des  preuves  de  la  religion,  l'ont  fait 
par  le  désir  de  connaître  la  vérité  et  d'avoir 
un  puissant  motif  d'être  vertueux;  ce  motif 
est  certainement  louable.  Ceux  au  contraire 
qui  se  vantent  d'avoir  fait  cet  examen  sans 


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préjugé,  et  de  ne  pas  avoir  trouvé  des  rai- 
sons suhisantcs  de  croire,  étaient  déjà  pré- 
venus contre  la  religion;  ils  désiraient  de 
pouvoir  en  secouer  le  joug  ])Our  mettre  leurs 
passions  plus  à  l'aise;  la  plupart  étaient  déjà 
libertins  de  cœur,  avant  de  l'être  par  l'es- 
prit. Nous  demandons  laiiuelle  de  ces  deux 
dispositions  est  la  plus  capable  de  nous  con- 
duire à  la  vérité.  S'il  n'y  a  pas  de  mérite  à 
l'avoir  reçue  dés  l'enfance,  il  y  en  a  du 
moins  h  la  conserver  au  milieu  àes  pièges 
que  lui  tendent  les  incrédules,  et  des  eOforts 
fiu'ils  font  pour  la  détruire.  Ce  n'est  pas 
d'aujourd  luii,  c'est  dans  tous  les  siècles  que 
les  uiécréants  se  sont  vantés  d'avoir  mieux 
examiné  la  religion  que  les  croyants,  et  plus 
ils  ont  débité  d'.il^surdités,  plus  ils  se  sont 
flattés  d'être  supérieurs  aux  autres  hommes. 

Nous  savons  très-bien  que  les  idées  et  les 
opinions  (jue  l'on  a  reçues  dès  l'enfance 
ont  une  très-grande  force,  et  ([u'il  est  très- 
diflicile  de  s'en  détacher;  c'est  pour  cela 
même  que  nous  aimons  à  excuser,  autant 
qu'il  est  possible,  l'aveuglement  de  ceux  qui 
ont  été  élevés  dans  une  fausse  religion  ; 
mais  il  ne  nous  n[)[)arlient  pas  de  décider 
jusqu'à  quel  point  ils  sont  innocents  ou  cri- 
minels, excusables  ou  punissables  devant 
Dieu;  lui  seul  est  leur  juge.  C'est  aussi  ce 
qui  doit  nous  inspirer  la  jilus  vive  recon- 
n  lissance  pour  la  gr.lce  que  Dieu  nous  a  faite 
en  nous  faisant  naître  dans  le  sein  de  la 
vraie  religion.  Voij.  Exame\. 

Pbéji'gés  légitimes.  Voij.  Prescription. 

PREMICES.  Ce  sont  les  premiers  fruits  de 
la  récolte  annuelle,  d'une  terre  nouvelle- 
ment défrichée,  d'un  arbre  nouvellement 
planté,  et  les  premières  productions  de  la 
fécondité  des  animaux.  Suivant  l'ancienne 
loi,  tout  cela  devait  être  otfert  au  Seigneur; 
c'est  uncommandement  souvent  répété  dans 
les  livres  de  JNIoise  et  dans  ceux  des  pro- 
phètes. Chaque  Israélite  devait  porter  au 
moins  une  jiartie  de  ces  fruits  au  taberna- 
cle, et  ensuite- au  temple,  y  adorer  le  Sei- 
gneur et  le  remercier,  attester  qu'à  son 
égard  Dieu  avait  accompli  les  promesses 
qu'il  avait  faites  à  son  peuple,  manger  en- 
suite cette  offrande  avec  les  lévites,  les  étran- 
gers et  les  pauvres,  Deut.,  c.  xxvi,  v.  1  et 
suivants. 

Ordinairement  les  païens  offraient  les  pré- 
mices à  leurs  dieux  ;  les  Egyptiens  à  Isis, 
qu'ils  regardaient  comme  la  déesse  de  la 
fécondité;  les  Crées  et  les  Romains  à  Cérès 
ou  à  Diane  qui,  de  même  ([u'isis,  était  la 
lune.  Cette  superstition  vrnait  piobablement 
de  ce  que  tous  les  animaux  portent  pendant 
un  certain  nombre  de  mois  (lu  de  lunes,  et 
que,  selon  l'opinion  iiopulaire,  la  lune  influe 
beaucoup  sur  la  température  de  l'air.  Pour 
préserver  les  Israélites  de  ces  vaincs  obser- 
vances. Dieu  voulut  que  les  7}  rem  if  M  fus- 
sent censées  lui  appartenii-.  Ainsi  cette  loi 
était  établie,  1°  atin  de  les  faire  souvenir 
que  Dieu  seul  est  le  distributeur  des  biens 
de  ce  monde,  et  que  nous  en  sommes  re- 
devables à  sa  bonté  ;  '2"  afin  de  perpétuer  le 
souvenir  des  prodiges  que  Dieu  avait  opé- 


rés en  faveur  de  son  peuple,  et  de  la  ma- 
nière dont  il  l'avait  mis  en  possession  de  la 
terre  promise;  le  témoignage  qu'en  ren- 
daient tous  les  Israélites  à  cette  occasion, 
était  un  monument  de  la  vérité  des  faits  de 
l'histoire  sainte;  ."l"  aliu  d'entretenir  entre 
eux  l'esprit  de  fraternité  et  de  charité  en- 
vers les  pauvres;  k"  pour  modérer  en  eux 
l'esprit  de  proiirièté  et  l'empressement  de 
jouir  des  biens  de  la  terre.  Pour  cette  même 
raison,  il  leur  était  ordonné  de  rejeter  comme 
impurs  les  fruits  que  portait  un  arbre  |)eii- 
dant  les  trois  premières  années;  ceux  de  la 
quatrième  seulement  étaient  censi.''S  les  pré- 
tnicrs  consacrés  au  Seigneur.  Levit.,  c.  xix, 
V.  23  et  24..  L'expérience  sans  doute  avait 
convaincu  Moïse  qu'avant  quatre  ans  un 
arbre  ne  pouvait  porter  des  fruits  sains  et 
d'une  maturité  parfaite. 

Reland,  Antiq.  sncr.  vet,  Hehr.,  m*  part., 
c.  8,  met  une  distinction  entre  les  fruits 
primilifs  et  les  prémices  des  fruits;  mais 
elle  ne  paraît  fondée  que  sur  des  traditions 
rabbiniques,  qui  ne  méritent  aucune  atten- 
tion. 

PREMIER,  dans  l'Ecriture  sainte,  ne  se 
dit  pas  seulement  1°  à  l'égard  du  temps;  il 
signifie  encore  2°  celui  qui  donne  l'exemple 
aux  autres.  /  Esdr.,  c.  ix,  v.  2,  il  est  dit  : 
La  main  des  magistrats  fut  dans  cette  pre- 
mière traitsgression;  c'est-à-dire  que  le  mau- 
vais exemple  vint  principalement  de  leur 
part.  3°  Ce  qu'il  y  a  de  meilleur.  Exod., 
c.  XXX,  V.  33;  myrrha  prima  est  la  myrrhe  la 
plus  pure  et  la  plus  excellente.  k°  Le  pre- 
mier en  dignité  ;  dans  ce  sens  saint  Pierre 
est  appelé  le  premier  des  apôtres;  Jésus- 
Christ  dit  :  Si  quelqu'un  veut  être  le  premier, 
qu'il  commence  par  se  mettre  le  dernier. 
5°  Premièrement  ou  en  premier  lieu.  I  Mai- 
chab.,  c.  I,  V.  1,  il  est  dit  d'Alexandre,  pn- 
mus  regnavit  in  Grœcia,  il  régna  première- 
ment "dans  la  Grèce.  6"  Avant  que;  Luc, 
c.  II,  V.  2,  nous  lisons  que  le  dénombre- 
ment de  la  Judée  fut  fait  premier  que,  ou 
avant  que  Cyrinus  fût  gouverneur  de  Syrie. 
Vainement  les  incrédules  ont  argumenté  sur 
cette  expression  pour  prouver  que  saint  Luc 
avait  contredit  l'histoire. 

PREMIEU-NÉ.  Voy.  Aîné. 

PRÉ.MONTRÉ,  ordre  de  chanoines  régu- 
liers, institué  en  1120,  par  saint  Norbert, 
prêtre,  né  à  Senten,  dans  le  diocèse  de  Co- 
logne, et  ensuite  archevêque  de  Magdebourg. 
Ce  pieux  ecclésiastique,  touché  de  voir  le 
relAchement  qui  s'était  introduit  dans  la  plu- 
part des  chapitres  declianoines,  entreprit  d'y 
mettre  la  réforme  et  d'y  rétablir  toutes  les 
observances  religieuses ,  l'abstinence ,  le 
jeûne,  le  dépouillement  de  toute  propriété, 
l'assiduité  aux  offices  divins  et  à  la  prière, 
le  zèle  pour  le  salut  du  prochain  ;  avec  le 
secours  des  évêques  et  des  souverains  pon- 
tifes, il  en  vint  k  bout  dans  une  bonne  par- 
tie de  l'Allemagne  et  de  la  France,  et  il  vou- 
lut que  les  maisons  de  son  ordre  fussent  des 
espèces  de  séminaires  pour  former  des  ou- 
vriers évangéliques. 

La  première  de  ces  maisons  fut  bâtie  dans 


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le  diocèse  el  au  voisinage  de  Laon,  ville  de 
Picardie,  dans  un  lieu  que  le  saint  l'oudateur 
nommdi  Prémontré,  Prœmonstratum.  Le  nom- 
bre s'en  accrut  tellement  que,  trente  ans 
après,  cet  ordre  nouveau  possédait  plus  de 
cent  abbayes  tant  en  France  qu'en  Alle- 
magne; et  après  avoir  été  d'abord  d'une  pau- 
vreté excessive,  il  devint  opulent  par  la 
multitude  de  donations  qui  lui  furent  faites. 
Il  fut  approuva  par  Honoré  II  l'an  1126,  et 
confirmé  dans  la  suite  par  plusieurs  papes. 
Saint  Norbert  établit  aussi  des  religieuses 
qui  pratiquaient  les  mêmes  observances  que 
les  chanoines  réguliers.  Les  travaux  aposto- 
liques de  cet  homme  zélé  réparèrent  les  ra- 
vages qu'avaient  faits  dans  les  Pays-Bas  les 
:  erreurs  d'un  nommé  Tanquelin,  hérétique 
■  qui  y  avait  répandu  sa  doctrine  et  y  avait 
causé  plusieurs  séditions. 

Si  nous  en  croyons  le  traducteur  de  VHis- 
loire  ecclésiastique  de  Jlosheim,  l'ordre  de 
Prcmonlré,  dans  le  temps  de  sa  prospérité, 
a  possédé  mille  abbayes,  trois  cents  prévôtés, 
un  plus  grand  nombre  de  prieurés,  et  cinq 
cents  couvents  de  religieuses  ;  il  a  eu  trente- 
cinq  maisons  en  Angleterre,  et  soixante- 
cinq  abbayes  en  Italie.  Quoi  qu'il  en  soit,  le 
succès  de  saint  Norbert,  la  rapidité  avec  la- 
quelle son  ordre  s'est  répandu,  la  quantité 
de  chapitres  qu'il  a  réformés,  les  secours 
qu'il  a  reçus  de  la  (lart  des  évêques  et  des 
souverains  pontifes,  nous  paraissent  prou- 
ver qu'au  xn*  siècle  le  clergé  séculier 
n'était  pas  aussi  corrompu  et  aussi  gangrené 
que  les  protestants  le  prétendent.  Des  ec- 
clésiastiques sans  mœurs  et  sans  principes, 
sans  honte  et  sans  religion,  n'eussent  pas 
consenti  aussi  aisément  à  se  réformer;  et 
dans  uu  siècle  perverti  à  tous  égards,  un 
réformateur  n'aurait  pas  (rouvé  autant  d'ap- 
pui. Pour  corriger  les  abus  et  rétablir  la  ré- 
gularité, saint  Norbert  n'employa  ni  les  dé- 
clamations, ni  les  discours  séditieux,  ni  la 
calomnie,  ni  la  violence,  comme  ont  fait  les 
prétendus  réformateurs  du  xvi'^  siècle;  la 
douceur,  la  charité,  les  exhortations  pater- 
nelles, le  bon  exemple,  de  ferventes  prières 
pour  im|)lorer  le  secours  de  Dieu,  la  pa- 
tience, furent  les  seules  armes  ilout  il  se 
servit.  Hist.  de  VEgl.  Gallic,  t.  VIII,  1.  xxiv, 
ann.  1120.  A  la  vérité,  le  bien  qu'il  a  pro- 
duit ne  s'est  pas  soutenu  pendant  plusieurs 
siècles;  l'an  12V5,  le  pape  Innocent  IV  se  plai- 
gnit durelàchemeni  qui  s'était  introduit  dans 
l'ordre  de  Prémontré;  il  en  écrivit  au  cha- 
pitre général,  et  il  y  a  lieu  de  présumer  que 
cette  remontrance  ne  fut  pas  inutile.  En  1288, 
le  g.'n.'ral  Guillaume  demanda  et  obtint  du 
pape  Nicolas  IV  la  i>ermission  de  manger  de 
la  viande  |)Our  les  religieux  de  son  onlre 
qui  seraient  en  voyage;  preuve  que  l'absti- 
nence était  pratiquée  dans  les  maisons.  En 
li60,  à  la  prière  du  général.  Pie  II  accorda 
la  permission  générale  de  manger  de  la 
viande,  excepté  depuis  la  Septuagésime  jus- 
qu'à Pâques.  Cumme  dans  tous  les  pays  de 
l'Euroiie  et  dans  tous  les  temps  les  aliments 
maigres  ont  toujours  été  plus  rares  et  plus 
chers  que  la  viande,  la  pauvreté  des  monas- 


tères a  été  souvent  une  juste  raison  d'user 
d'indulgence  envers  plusieurs  ordres  reli- 
gieux. Mais  si  celui  de  Prémontré  &  été  sujet 
au  relâchement,  il  s'y  est  fait  aussi  plusieurs 
réformes  :  il  y  en  a  eu  une  en  Lorraine  où 
ces  religieux  possèdent  et  desservent  plu- 
sieurs cures;  elle  a  commencé  h  Sainte- 
Marie-aux-Bois  et  à  Verdun;  le  chef-lieu  est 
la  maison  de  Pont-a-Mousson.  Paul  V,  Gré- 
goire XV,  Urbain  VIII,  Innocent  X  et  Inno- 
cent XII  l'ont  ap[irouvée.  Il  s'en  est  fait  une 
en  Espagne  qui  est  beaucoup  plus  ancienne 
et  plus  austère;  Grégoire  IX  et  Eugène  IV 
l'ont  confirmée.  Les  prémontrés  ont  un 
collège  à  Paris,  et  peuvent  prendre  des  de- 
grés dans  la  faculté  de  théologie. 

PRÉMOTION.  Yoy.  Prédétermination. 

PRÉPUCE.  Voy.  Circoncision. 

PRÉSAGE,  signe  par  lequel  on  prétend 
connaître  l'avenir;  c'est  une  des  espèces  de 
divination.  L'on  sait  quelle  a  été  dans  tous 
les  temps  la  curiosité  des  hommes,  surtout 
de  ceux  qu'une  passion  violente  agitait,  com- 
bien de  moyens  absurdes  et  criminels  ils 
ont  employés  pour  pénétrer  dans  un  avenir 
que  la  Providence  divine  a  trouvé  bon  de 
nous  cacher  pour  notre  repos  et  notre  plus 
grand  bien.  Mais,  à  parler  exactement,  toutes 
les  manières  de  prévoir  l'avenir  ne  sont  pas 
comprises  sous  le  nom  de  présage;  il  en  est 
qui  sont  appelées  autrement. — L'on  s'est  flatté 
de  péiiétrer  dans  l'a  venir  par  l'aspect  des  astres 
et  par  les  phénomènes  de  l'air,  c'est  l'a^iro- 
/oj/îf  judiciaire;  par  le  vol,  le  cri,  les  attitu- 
des, l'a,  ipétit  des  oiseaux,  ce  sont  les  aus- 
pices; par  l'inspection  desentrailles  des  ani- 
maux, ce  sont  les  aruspices;  par  les  songes, 
par  les  sorts,  par  les  oracles  ou  par  les  ré- 
ponses de  certaines  personnes  auxquelles 
on  supposait  un  esprit  jrophétique;  par  les 
réponses  des  morts,  c'est  la  nécromancie. 
Nous  parlons  de  ces  diU'érentes  espèces  de 
divination  sous  leur  nom  particulier. 

Ce  que  l'on  appelait  proprement  présage 
était  d'une  autre  espèce.  On  prétendait  pou- 
voir juger  de  l'avenir,  l"  par  les  paroles 
fortuites  que  l'on  entendait  prononcer.  Un 
homme,  qui  sortait  de  chez  lui  le  matin  pour 
commencer  uneatfaire,  écoutait  avec  soin  les 
paroles  de  la  premier.;  personne  qu'il  rencon- 
trait, ou  il  envoyait  un  esclave  écouter  ce  que 
l'on  disait  dai  s  la  rue,  et  sur  des  mots  pro- 
férés ;i  l'aventuré  il  jugeait  du  bon  ou  du 
mauvais  succès  futur  de  son  dessein.  2°  Par 
le  tressaillement  de  quelque  partie  du  corps, 
comme  du  cœur,  des  yeux,  des  sourcils. 
3°  Par  l'engourdissement  subit  de  quelque 
membre ,  par  le  tintement  des  oreilles. 
h°  Par  les  étornuements;  on  les  croyait  de 
bon  ou  de  mauvais  présage,  suivant  l'heure 
à  laqueUe  ils  arrivaient;  de  là  l'usage  de 
faire  un  souhait  heureux  à  ceux  qui  éler- 
nuent.  5°  Une  chute  imprévue  dans  une  en- 
treprise était  censée  présager  un  malheur. 
6°  Il  en  était  de  même  de  la  rencontre 
fortuite  de  certaines  personnes ,  comme 
d'un  nègre,  d'un  eunuque,  d'un  nain,  d'une 
f)ersoniie  contrefaite  ou  de  certains  animaux. 
7°  Parmi  les  différents  noms  que  l'on  duu- 


1589 


PUE 


PRE 


1590 


naît  aux  enfants,  ou  par  lesquels  on  com- 
mençait une  all'aire,  on  préiôrait  ceux  qui 
signifiaient  (juelque  chose  d'agréable  à  ceux 
dont  le  sens  était  Wcheux;  on  évitait  même 
de  prononcer  ces  derniei-s  dans  le  discours 
ordinaire,  et  l'on  usait  d'une  périphrase. 
8"  L'on  firenait  î»  mauvais  augure  certains 
événements  fortuits,  comme  de  se  trouver 
treize  à  table,  de  renverser  une  salière,  etc. 
Mais  il  no  suliisait  pas  d'observer  simple- 
ment les  préscifirs;  il  fallait  de  plus  les  ac- 
cepter lorsqu'ils  paraissaient  favorables,  en 
remercier  les  dieux,  leur  en  demander  la 
conlirmalion  et  l'accomplissement.  Lorsqu'ils 
étaient  frtcheux,  l'on  avait  grand  soin  de  les 
rejetei-,  de  prier  les  dieux  d'en  détourner 
i'ètret,  do  cracher  iiromptcnnent  pour  en  té- 
mf)ignor  do  l'horreur;  W(,«^  de  l'Acad.  des 
Inscript.,  tom.  1,  in-1'2,  p.  (i6. 

Il  n'est  pas  inutile  do  connaître  tontes  ces 
absurdités  :  (>lles  nous  montrent  jusqu'où 
est  allée  la  faiblesse,  ou  plulôl  la  folie  de 
l'esprit  humain,  chez  les  peuples  mômes  qui 
jiassaient  pour  les  plus  éclairés  et  les  rlus 
sages. 

Dieu,  dans  la  loi  de  Moïse,  avait  défendu 
aux  Israélites  toutes  ces  su|iorslitions,  en 
proscrivant  toute  espèce  de  divination  quel- 
conque. Levit.,  c.  XIX,  v.  ,'îl;  Deût.,  c.  xviii, 
v.  20;  Num.,  c.  xxiii,  v.  23;  Jcrern.,  c.  x,  v.  2. 
L'on  a  tort  de  penser  que  la  multitude  de 
lois  cérémonielles  (|ui  leur  étaient  imposées 
devait  être  pour  eux  un  joug  insupportable; 
h  le  bien  prendre,  il  l'était  moins  que  celui 
dont  les  païens  se  chargeaient  par  supersti- 
tion. Une  boinie  partie  de  ces  terreurs  pani- 
ques et  de  ces  vaines  pratiques  subsistent 
encore  chez  les  nations  qui  ne  sont  pas 
éclairées  des  luu«ères  de  la  foi.  —  Elles  au- 
raient dû  sans  doute  cesser  absolument  par- 
mi les  chrétiens,  surtout  après  l'exliiictiou 
du  paganisme;  mais  les  habitudes  et  les  pré- 
jugés |]0|iulaires,  nourris  par  la  peur,  i)ar 
l'intérêt  sordide  et  ))ar  la  crédulité,  no  sont 
pas  aisés  Ji  déraciner.  Les  Pères  de  l'Eglise, 
eu  particulier  saint  Jean  Chrysostome  et 
saint  Augustin  ,  ont  souvent  déclamé  contre 
ces  restes  d'idohUrie,  vn  ont  démonti'é  l'ab- 
surdité et  l'opposition  aux  vérités  de  la  foi  ; 
il  en  est  toujours  demeuré  (juelque  teinture 
dans  les  esprits  timiiles  et  ignorants.  Les 
b:irbares  idohUres,  sortis  des  forêts  du  Nord 
et  répandus  dans  l'Europe  entière,  en  ont 
ramené  une  bonne  fiartie  avec  eux.  Les  cen- 
sures des  conciles,  les  leçons  des  évéques  et 
des  autres  pasteurs  ont  tliminué  le  mal,  sans 
le  déraciner  entièrement;  et,  à  la  honte  de 
l'esprit  humain,  notie  siècle,  qui  se  prétend 
si  ('Claire  ,  n'en  est  pas  encore  parfaitement 
guéri. 

La  philosophie,  disent  les  incrédules,  la 
connaissance  de  la  nature  et  des  causes  pliy- 
siques,  est  le  seul  remède  efficace  contre 
cette  contagion.  Cela  est  faux.  Les  anciens 
philosophes  connaissaient  déjà  suftisamment 
la  nature  pour  sentir  l'absuidité  des  erreurs 
p.'pulaires;  et  loin  de  s'o|iposer  h  la  su|)ers- 
lilioii  des  présages,  ils  l'ont  confirmée  par 
leurs  écrits  et  par  leurs  exemples.  Cic,  1.  ii, 


de  Divhmt.,  in  fine.  Les  épicurieus,  qui  n'ad- 
mettaient point  de  dieux,  étaient  les  plus 
mauvais  |thysiciens  de  tous;  et,  parmi  les 
athées  modernes,  il  s'en  est  trouvé  qui 
croyaient  à  la  magie,  aussi  bien  que  les  épi- 
curi(ms.  La  religion  chrétienne,  bien  ensei- 
gnée et  bien  connue,  est  d'une  toute  autre 
efficacité  que  la  philosophie.  Yoy.  Devin. 
Bingham,  Oriq.  ecclés.,  1.  xvl,  c.  5. 

PKÉSANCT'IFIÉS.  On  a|ipelle  messe  des 
présancti/iés  celle  dans  laquelle  le  prêtre 
olfre  à  l'autel  et  consonnne  à  la  communion 
les  espèces  eucharistiques  consacrées  la 
veille  ou  quelques  jours  auparavant,  dans 
laquelle  par  conséquent  il  ne  se  fuit  point 
de  consécration.  Cette  messe  n'est  en  usage 
dans  l'Eglise  latine  que  le  jour  du  vendredi 
saint;  mais  dans  l'Eglis-  grecque  elle  a  lieu 
j)endant  tout  le  carême.  L'ancienne  coutume 
des  Grecs  est  de  ne  consacrer  l'eucharistie 
en  carême  que  le  samedi  et  le  dimanche, 
jours  auxquels  ils  ne  jeilnent  |)oint,  et  le 
jour  de  l'Annonciation  de  la  sainte  Vierge. 
Cette  discipline  est  établie  par  le  concile  de 
Laodicée,  tenu  vers  l'an  3G3,  can.  Vi);  par  le 
concile  in  Trullo,  tenu  en  692,  et  par  d'au- 
tres monuments.  Lebrun,  Explic.  des  cé~ 
re'm.,  t.  IV,  p.  373;  Bingham,  Orig.  ccclés., 
1.  iv,  c.  4,  §  12;  Ménard,  Notes  sur  le  Su- 
cram.  de  S.  Grégoire,  p.  75. 

Cet  usage  de  conserver  l'eucharistie  pour 
les  jours  suivants  avec  un  profond  res[)ect, 
et  les  prières  que  font  les  Grecs  dans  la 
messe  des  présanctifiés ,  démontrent  qu'ils 
n'ont  point,  touchant  l'eucharistie,  le  même 
sentiment  que  les  protestants.  Ils  ne  pensent 
point,  coujme  ces  derniers,  que  c'est  simple- 
ment une  cérémonie  commémorative  de  la 
cène  que  Jésus-Christ  Ht  avec  ses  apôtres  la 
veille  de  sa  mort  ;  ils  croient  au  contraire, 
comme  les  catholiques,  que  les  espèces  con- 
sacrées sont  véritablement  et  substantielle- 
ment le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ; 
que  ce  divin  Sauveur  y  est  présent,  non- 
seulement  dans  l'action  de  communier,  mais 
d'une  manière  permanente,  et  que  l'action 
de  l'offrir  à  Diei  est  un  véritable  sacrifice. 
PRESBYTÈRE.  Anciennement  l'on  nom- 
mait ainsi  le  chœur  des  églises,  parce  que 
les  prêtres  seuls  avaient  droit  d'y  prendre 
place  ;  la  nef  était  pour  les  laïques.  Dans 
saint  Paul,  /  Tim.,  c.  iv,  v.  ih,  le  presbytère 
signifie  l'assemblée  des  prêtres.  Parmi  les 
catholiques,  l'on  a|)pell"  encore  ainsi  la  mai- 
son du  curé  de  la  paroisse,  parce  qu'il  y  est 
le  seul  j)rêtre  en  titre. 
PRESBYTÉRIEN.  Voy.  Anglican. 
PRESCIENCE,  connaissance  certaine  et 
infaillible  de  l'avenir.  Une  des  vérités  que  la 
révélation  nous  enseigne  est  que  Dieu,  de 
toute  éternité,  a  connu  certainement  tout  ce 
qui  arrivera  dans  toute  la  durée  des  siècles, 
soit  les  événements  qui  dépendent  des  cau- 
ses physiques  et  nécessaires,  soit  les  actions 
libres  des  créatures  intelligentes.  Deut., 
c.  XXXI,  v.  21  :  Je  sais,  dit  le  Seigneur,  tout  ce 
que  feront  les  Israélites  lorsqu'ils  seront  dans 
le  pays  que  je  leur  ai  protnis.  En  etfet,  Dieu 
venait  de  le  prédire  dans  les  versets  précé- 


1591 


PRE 


PRE 


1592 


dents.  /  Reg.,  c.  n,  y.  3  :  Le  Seigneur  est  le 
Dieu  des  connaissances  ;  nos  pensées  lui  sont 
présentes  d'avance.  Ps.  cxxxviii,  v.  3  et  4,  le 
Psaltuiste  dit  à  Dieu  :  Forts  avez  connu  de 
loin  mes  pensées,  et  vous  avez  prévit  toutes 
mes  actions.  Isaie,  c.  x-li,  v.  23,  défie  les  faux 
dieux  des  nations  de  prédire  l'avenir,  parce 
que  cette  connaissance  est  réservée  au  seul 
vrai  Dieu  :  Annoncez-nous  ce  qui  doit  arri- 
ver dans  l'avenir,  et  nous  saurons  que  vous 
êtes  des  dieux.  On  pourrait  citer  vingt  autres 
passages.  —  Sur  cette  connaissance  de  Dieu 
est  fondée  la  certitude  des  prophéties  :  con- 
séquerament,  Tertullien  a  fort  bien  dit  que 
la  prescience  de  Dieu  a  autant  de  témoms 
qu'elle  a  formé  de  prophètes.  Or,  Dieu  a  fait 
aux  hommes  des  prédictions  depuis  le  com- 
mencement du  monde.  En  punissant  Adam 
de  sa  désobéissance,  il  lui  promit  un  Ré- 
dempteur qui  en  réparerait  les  effets  :  ce 
n'était  point  un  événement  qui  dépendît  de 
causes  nécessaires.  Il  instruisit  Abraham  de 
la  destinée  de  sa  postérité,  quatre  cents  ans 
avant  que  les  événements  commençassent  à 
s'accomplir;  il  accorda  le  don  de  ijrophétie  à 
Jacob ,  à  Josopli ,  à  Moise ,  etc.  On  peut  dire 
que  le  peuple  de  Dieu,  depuis  sa  naissance 
jusqu'à  sa  destruction,  a  été  conduit  et  gou- 
verné par  des  prophéties. 

Il  n'est  pas  possible  de  concevoir  en  Dieu 
une  providence,  à  moins  qu'on  ne  lui  sup- 
pose une  connaissance  pariaite  de  l'avenir  et 
des  actions  libres  de  toutes  les  créatures. 
Sans  cela,  cette  providence  se  trouverait  à 
tout  moment  déconcertée  dans  ses  desseins 
et  arrêtée  dans  l'exécution  de  ses  volontés 
par  les  actions  imprévues  des  hommes;  on 
ne  pourrait  [ilus  lui  attribuer  la  toute-puis- 
sance, encore  moins  l'immutabilité  :  conti- 
nuellement Dieu  serait  obligé  de  changer 
ses  décrets,  d'en  former  de  tout  contraires, 
parce  qu'il  se  rencontrerait  des  obstacles 
qu'il  n'aurait  pas  prévus.  Son  gouvernement 
serait  sujet  h  peu  près  aux  mêmes  inconvé- 
nients que  celui  des  hommes. 

Plusieurs  anciens  philosoiihes  ont  refusé  à 
Dieu  la  science  de  l'avenir,  parce  qu'ils  ne 
jjouvaient  pas  en  concilier  la  certitude  avec 
la  liberté  des  actions  humaines.  Si  elles  sont 
infailliblement  prévues,  disaient-ils,  elles  arri- 
veront donc  infailliblement  ;  il  ne  sera  pas  plus 
possible  à  l'homme  de  s'en  abstenir  que  de 
tromper  la  prescience  divine.  Les  marcionites 
renouvelèrent  ce  sophisme.  Aujourd'hui  les 
sociniens  raisonnent  encore  de  même,  plus 
cou]iables  en  cela  que  les  anciens  philoso- 
phes, qui  n'avaient  pas  été  instruits  comme 
eux  par  la  révélation.  Ils  ne  font  pas  atten- 
tion que  Dieu,  f)ar  son  éternité,  est  présent 
à  tous  les  instants  de  la  durée  des  créatures,  , 
comme  par  son  immensité  il  est  présent  à 
tous  les  lieux.  Il  n'y  a  donc  à  son  égard  ni 
passé  ni  avenir;  il  voit  toutes  choses  comme 
présentes  :  c'est  pour  cela  même  que  saint 
Augustin  et  saint  Grégoire,  pape,  ne  vou- 
laient pas  que  cette  connaissance  de  Dieu  fût 
afipelée  prescience,  mais  simplement  science 
ou  connaissance.  Or,  en  quoi  la  connaissance 
d'une  action  présente  nuit-elle  à  la  liberté 


de  celui  qui  la  fait?  Il  est  impossible,  disent 
ces  raisonneurs,  que  ce  que  Dieu  a  prévu 
n'arrive  pas  ;  nous  en  convenons  ;  mais  il 
est  impossilîle  aussi  que  l'action  que  nous 
voyons  présente  ne  se  fasse  pas  actuelle- 
ment. La  certitude  que  nous  en  avons  nuit- 
elle  à  la  liberté  de  celui  qui  agit?  La  con- 
naissance certaine  et  infaillible  que  Dieu  a 
de  ce  qui  arrivera  dans  mille  ans  d'ici  n'in- 
flue pas  plus  sur  la  nature  des  événements 
ni  sur  les  volontés  humaines  que  la  connais- 
sance certaine  et  infaillible  qu'il  a  de  ce  qui 
se  passe  actuellement.  Dieu  voit  les  choses 
présentés  telles  qu'elles  sont,  et  les  futures 
telles  qu'elles  seront;  il  les  voit  nécessaires, 
si  elles  doivent  être  l'effet  nécessaire  des 
causes  physiques;  il  les  voit  libres,  si  ce  sont 
des  actions  qui  dépendent  de  la  volonté 
humaine.  Elles  seront  donc  libres,  puisque 
Dieu  les  voit  ainsi.  C'est  le  raisonnement  de 
saint  Augustin,  1.  ni  de  Lib.  Arb.,  c.  3  et  k. 

Ceux  qui  nous  apprennent  que  les  soci- 
niens refusent  à  Dieu  la  prescience  no  nous 
disent  point  comment  ces  sectaires  conçoi- 
vent la  toute-puissance  de  Dieu  et  son  im- 
mutabilité, ni  ce  qu'ils  pensent  de  la  multi- 
tude (le  prophéties  dont  l'Ecriture  sainte  est 
remplie.  S'ils  admettent  un  Dieu  qui  n'est  ni 
tout-puissant  ni  immuable,  s'ils  ôtent  à  la 
religion  chrétienne  les  prophéties,  qui  sont 
une  des  preuves  principales  de  sa  divinité, 
s'ils  disent  que,  quand  Jésus-Christ  a  prédit 
dos  actions  libres,  il  ne  parlait  que  par  con- 
jecture,nous  ne  voyons  pas  en  quel  sens  on 
peut  encore  les  mettre  au  nombre  des  chré- 
tiens. Mais  on  sait  que,  de  conséquence  en 
conséquence ,  le  socinianisme  conduit  ses 
partisans  jusqu'au  dernier  période  de  l'in- 
crédulité. 

La  prescience  de  Dieu  se  nomme  aussi 
prévision.  Les  théologiens  disputent  pour  sa- 
voir si  cette  prescience  suppose  toujours  un 
décret  de  la  part  de  Dieu,  s'il  n'y  a  rien  de 
fQturque  ce  que  Dieu  a  positivement  résolu. 
En  premier  lieu,  lorsqu'il  est  question  des 
péchés,  l'on  ne  conçoit  pas  en  quel  sens 
Dieu  les  rend  futurs  par  un  décret.  Si  l'on 
dit  que  c'est  par  le  décret  de  les  permettre 
ou  de  ne  pas  les  empêcher,  l'on  joue  sur  les 
mots,  puisqu'une  simple  permission  est  plu- 
tôt la  négation  d'un  décret  qu'un  décret  po- 
sitif. D'ailleurs,  la  volonté  de  permettre  une 
action  que  l'on  prévoit  future  suppose  déjà 
qu'elle  est  future,  et  qu'elle  sera  si  Dieu  n'^ 
met  point  obstacle.  En  second  lieu,  lorsqu'il 
s'agit  d'actions  purement  indifférentes,  on  ne 
voit  pas  la  nécessité  de  pareils  décrets  pour 
chacune  de  ces  actions.  Dès  que  Dieu  a  donné 
à  l'homme  le  pouvoir  d'agir,  l'on  comprend 
que  l'homme  agira  sans  qu'il  soit  besoin  que 
toutes  ses  actions  soient  déterminées  par  un 
décret  particulier. 

Il  y  a  une  différence  quand  on  parle  des 
actes  de  vertu,  des  bonnes  œuvres  utiles  au 
salut,  puisque  l'homme  ne  peut  en  faire  sans 
le  secours  actuel  de  la  grâce  divine;  il  est 
clair  qu'aucune  n'est  future  qu'en  vertu  du 
décret  que  Dieu  a  fait  de  donner  la  grAce. 
Mais  à  moins  que  l'on  ne  suppose  la  srAce 


1S93 


PRE 


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4594 


prédéterminante,  on  ne  peut  pns,  en  bonne 
logique,  prétendre  que  la  bonne  action  est 
future  par  la  nature  même  de  la  grAce.  Puis- 
que le  décret  de  Dieu  n'ôte  point  à  l'homme 
le  pouvoir  de  résister,  on  ne  comprend  pas 
comment  ce  décret  seul  rend  futur  ce  qui 
demeure  toujours  contingent. 

Au  reste,  il  y  a  plus  de  subtilité  dans  cette 
question  que  d'utilité.  Il  nous  sufiit  de  savoir 
qu'aucun  décret  de  Dieu,  non  plus  que  sa 
prescience,  ne  nuit  h  la  liberté  (le  l'homme. 
Dieu  a  voulu  que  l'homme  fût  liiire,  alin 
qu'il  frtt  capalilo  de  mérite  et  de  démérite, 
de  récompense  et  de  châtiment;  Dieu  con- 
tredirait ce  décret  s'il  en  faisait  un  autre  in- 
compatible avec  cette  liberté,  s'il  usait  de 
sa  toute-puissance  pour  détruire  ce  qu'il  a 
sagement  établi.  Voi/.  Préd^.termination, 
Science  de  Dieu. 

_  PRESCRIPTION.  Tertullien  a  fait  au  m' 
siècle  un  ouvrage  qu'il  a  intitulé'  :  Prescrip- 
tions contre  les  hérétiques.  Il  entend  sous  ce 
nom  ce  que  l'on  apiielle  au  barreau  fin  de 
non-rccevoir,  c'est-à-dire  raisons  par  les- 
quelles il  est  prouvé,  sans  entrer  dans  le 
fond  des  questions,  que  l'adversaire  ne  doit 
pas  être  admis  à  ilis|iuter.  C'est  ce  que  les 
controversistes  modernes  ont  nommé  préju- 
gés légitimes  contre  les  hérétiques.  Voici  les 
raisons  alléguées  par  Tertullien.  1"  La  mé- 
thode des  hérétiques  est  de  disputer  contre 
nous  par  les  Ecritures;  or,  je  soutiens  que 
l'on  no  doit  jias  les  y  admettre.  Avant  de 
contester  sur  la  lettre  et  sur  le  sens  d'un 
titre,  il  faut  commencer  par  examiner  à  (jui 
il  appartient.  Or,  c'est  à  l'Eglise  et  non  aux 
hérétiques  que  Dieu  a  donné  les  Ecritures  ; 
elle  seule  peut  savoir  quelles  sont  les  vraies 
Ecritures;  c'est  d'elle  seule  que  les  héréti- 
ques peuvent  l'apprendre  ;  elle  en  a  reçu 
l'intelligence  des  apôtres ,  qui  les  lui  ont 
données.  De  quel  droit  les  hérétiques  pré- 
tendent-ils les  mieux  entendre  qu'elle?  La 
dispute  par  les  Ecritures  ne  peut  lien  termi- 
ner. Telle  secte  d'hérétiques  rejette  certaines 
Ecritures,  ajoute  ou  retranche  h  celles  qu'elle 
reçoit,  en  pervertit  le  sens  à  son  gré.  A  quoi 
peut  aboutir  une  contestation  dans  laquelle 
on  ne  convient  pas  du  titre  sur  lequel  on 
doit  se  fonder?  Il  faut  donc  remonter  plus 
haut,  voir  de  quelle  source,  par  quel  canal, 
à  quelle  société  et  de  quelle  manière  sont 
venues  les  Ecritures  et  la  foi  chrétienne. 
Où  se  trouvera  la  vraie  foi  et  la  vraie 
manière  de  la  recevoir,  là  se  trouvera  aussi 
la  véritable  Ecriture  et  la  vraie  manière  de 
l'entendre.  —  2"  La  doctrine  chrétienne  est 
une  doctrine  révélée;  Jésus-Christ  l'a  re- 
çue de  son  Père  ;  les  apôtres  l'ont  reçue 
de  Jésus-Christ,  et  ils  l'ont  fidèlement  trans- 
mise aux  Eglises  qu'ils  ont  établies.  La  seule 
manière  de  juger  si  une  doctrine  est  chré- 
tienne, c'est  de  voir  si  elle  est  conforme  à  la 
croyance  des  Eglises  fondées  par  les  ajiôtres. 
Toutes  ces  Eglises  sont  une  seule  et  même 
Eglise,  qui  est  la  première  et  la  seule  apos- 
tolique, tant  qu'elles  conservent  l'unité,  la 
paix,  la  fraternité  et  le  sceau  de  l'hospitalité. 
Puisque  les  apôtres  ont  enseigné  les  Egli- 


ses, tant  de  vive  voix  que  par  écrit,  elles 
seules  peuvent  rendre  témoignage  de  ce 
qu'ils  ont  prêché.  Toute  doctrine  qui  ne 
s'accorde  pas  avec  la  leur  est  étrangère  à  la 
foi;  elle  est  fausse  dès  qu'elle  ne  vient  ni 
des  apôtres  ni  de  Jésus-Christ.  Or,  telle  est 
ladortrinedeshéréticjues.  —  3" La  catholicité, 
ou  l'uniformité  de  doctrine  et  de  foi  entre  la 
multitude  dos  Eglises  dispersées  surla  terre,  en 
démontre  clairement  la  vérité.  Comment  tant 
de  sociétés  ditierentes  auraient-elles  pu  alté- 
rer la  foi  d'une  manière  uniforme?  Lorsque 
l>lusieurs  personnes  se  trompent,  chacun  le 
fait  à  sa  manière  :  le  résultat  ne  peut  être  le 
même.  C'est  ce  qui  arrive  aux  dilférentes 
sectes  d'hérétiques  :  il  n'en  est  pas  deux  qui 
s'accordent.  De  même  que  l'unité  de  croyance 
enlr(!  les  Eglises  catholiques  prouve  qu'au- 
cune d'elles  ne  s'est  trom[)ée,  ainsi  la  diver- 
sité de  doctrine  entre  les  sectes  d'hérétiques 
démontre  que  toutes  sont  dans  l'erreur.  ^ 
k"  La  doctrine  chrétienne  est  plus  ancienne 
que  les  hérésies,  puisque  celles-ci  ne  sont 
que  différentes  altérations  de  la  doctrine  en- 
seignée par  les  apôtres;  il  y  avait  des  chré- 
tiens avant  Marcion,  Valentin  et  les  autres 
chefs  de  secte.  Ces  iiremiers  chrétiens  étaient- 
ils  dans  l'erreur?  Ce  serait  donc  en  faveur 
do  l'erreur  ([ue  le  baptême,  la  foi,  les  mira- 
cles, les  dons  du  Saint-Esprit,  la  mission 
divine,  le  sacerdoce,  le  martyre,  ont  été 
accordés  à  l'Eglise.  Dieu  a  développé  toute 
sa  puissance  pour  établir  dans  le  monde  la 
religion  de  Jésus-Christ,  sans  daigner  la  faire 
comiaître  à  ceux  qui  l'embrassaient,  sans 
faire  enseigner  ce  qu'il  voulait  que  l'on 
crût,  et  sans  rien  faire  pour  perpétuer  cette 
croyance.  Viendra-t-on  à  bout  de  nous  le 
persuader?  Non  :  la  doctrine  vraie  est  celle 
qui  a  été  enseignée  la  première;  celle  que 
l'on  a  forgée  depuis  est  étrangère  et  fausse. 
Que  les  hérétiques  commencent  donc  par 
nous  montrer  l'origine  de  leurs  Eglises,  la 
succession  de  leurs  évêques  et  de  leurs  pas- 
teurs depuis  les  apôtres  jusqu'à  nous.  De 
même  que  les  apôtres  n'ont  point  enseigné 
une  doctrine  différente  l'un  de  l'autre,  les 
hommes  apostoliques  ne  se  sont  point  écar- 
tés de  la  doctrine  de  leurs  maîtres  ;  autre- 
ment ils  se  seraient  séparés  du  tronc  apos- 
tolique. Nos  Eglises  les  plus  modernes  ne 
sont  pas  moins  apostoliques  que  les  ancien- 
nes, parce  qu'elles  ont  reçu  la  doctrine  des 
apôtres  par  un  canal  qui  n'a  pas  été  rompu. 
Il  en  est  tout  autrement  des  sectes  héréti- 
ques ;  on  sait  quels  ont  été  leurs  fondateurs; 
ce  n'a  été  ni  des  apôtres,  ni  des  disciples  des 
apôtres,  ni  des  hommes  attachés  au  corps 
apostolique.  Ce  sont  des  étrangers  nouveaux- 
venus  qui  disputent  la  succession  paternelle 
aux  enfants  légitimes.  —  5"  Une  docirine  que 
les  apôtres  ont  condamnée  ne  vient  certai- 
nement pas  d'eux  ;  or  ils  ont  condamné  d'a- 
vance la  doctrine  de  Marcion ,  d'Appellès, 
de  Valentin,  des  gnostiques ,  des  cainites, 
des  ébionites,  des  mcolaites,  etc.  Tertullien 
le  fait  voir  en  détail.  Ces  mêmes  apôtres 
nous  ordonnent  de  nous  défier  des  hér  ' 
ques,  de  ne  point  les  écouter,  de 


1595 


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150(1 


même  toute  société  avec  eux.  6°  La  conduite 
de  ces  derniers  est  évidemment  l'eflet  des 
passions  ;  ils  ne  défèrent  à  aucune  autorité, 
a  aucune  tradition,  ils  ne  suivent  que  leur 
propre  sens  ;  par  là  on  peut  juger  du  mérite 
de   leur  foi.  La  diversilé  d'opinions  parmi 
eux  est  comptée  pour  rien,  pourvu  que  tous 
se  réunissent  à  combattre  contre  la  vérité. 
Tous  élèvent  le  ton ,   promettent  la  vraie 
science,  sont  docteurs  avant  d'être  instruits  ; 
les   femmes     même    chez   eux   disputent , 
décident,  dogmatisent,  usurperaient  volon- 
tiers toutes  les  fonctions  du  sacerdoce.  L'am- 
bition des  hérétiques  n'est  pas  de  convertir 
les  païens,  mais  de  pervertir  les  fidèles.  Pour 
nous,  c'est  la  chaîne  des  témoi'j;riages ,  la 
constance  de  la  tradition  ,  l'uniformité  de 
l'enseignement  dans  toutes  les  églises  cliré- 
tiennes  qui  nous  subjuguent  et  nous  diri- 
gent. Tertullien  répond  ensuite  aux  objec- 
tions des  hérétiques  et  aux  prétextes  sur  les- 
quels ils  fondaient  leur  opposition  à  la  doc- 
trine catholique.  Saint  Cyprien  et  saint  Au- 
gustin ont  répété,  contre  les  schisraatiques 
et  les  hérétiques  plusieurs  des   raisonne- 
ments de  Tertullien. 

Dans  le  siècle  pa?sé,  nos  conti'oversistes  à 
leur  t'iur  se  sont  servis  de  la  môme  métho- 
de contre  les  protestants.  En  particulier,  les 
frères  de  N'  allembourg,  t.  1,  tract.  7,  de 
Prœscriptionibus  catholicis,  ont  fait  voir  qu'il 
n'est  pas  un  seul  des  arguments  de  Tertul- 
lien qui  n'ait  une  égale  f(jrce  tant  contre  les 
protesiants  que  contre  les  hérétiques  des 
premiers  siècles,  et  ils  le  prouvent  en  dé- 
tail. —  Nicole  ,  dans  ses  Préjugés  légitimes 
contre  les  calvinistes,  a  fait  aux  protestants 
en  général  plusieurs  reproches  à  peu  près 
semblables  à  ceux  que  Terlullieu  élevait 
contre  les  j)remiers  hérétiques;  il  démontre 
car  le  caractère  personnel  des  préttuidus  r.  - 
iormateurs,  par  la  manière  dont  ils  ont  éta- 
bli leur  secte,  par  les  moyens  dont  ils  se 
sont  servis,  parles  effets  qui  en  ont  résulté, 
que  cette  révolution  n'a  pas  ;  lé  l'oivragede 
Dieu,  mais  celui  des  passions  humaines. 
Nous  exposerons  ces  raisons  en  abrégé  au 
mot  Protestants.  Le  ministre  Claude  entre- 
p  it  de  réfuter  ce  livre;  Nicole  réphrpia  par 
deux  additions  à  son  ouvrage.  —  Quelques 
autres  théologiens  se  sont  bornés  à  prouver, 
contre  ces  mêmes  sectaires,  l'autorité  ;'.e 
l'Eglise,  seul  moyen  de  terminer  les  iiispu- 
tes  en  matière  de  foi  et  de  dictrine,  seul 
Iriliunal  étaldi  par  JésuN-Cluisl  [)uur  maiu- 
tenii'  l'intégrité  ;ie  sa  doctrine,  et  contre  le- 
quel les  hérétiques  se  soulèvent  sans  aucune 
raison  légitime. 

Le  savant  Bossuel  s'y  est  pris  d'un^  au- 
tre maiiirre  :  il  a  posé  pour  priucijO  (j. l'une 
société  qui  se  prétend  chrétienne ,  et  qui 
varie  dans  sa  doctrine,  qui  suit  tantôt  unr' 
oi)iuion  et  tantôt  une  autre  eu  matière  do 
foi,  n'a  point  la  véritible  ;'oclrine  de  Jésus- 
Christ  ;  il  a  montré  ensuite  que  les  protes- 
laiits  n'ont  pas  cessé  jiendant  |ilus  d'nn  siè- 
cle de  changer  dct  croyance  et  de  réloruu:;!- 
leurs  confessions  de  foi.  Ce  fait  !st  d'ailleurs 
Juuoiilestable,  puisqu'aujourd'hui  la  plupart 


des  luthériens  et  des  calvinistes  ne  suivent 
plus  en  plusieurs  choses  les  opinions  de  Lu- 
ther et  de  Calvin,  pour  lesquelles  cependant 
ces  prétendus  réformateurs  ont  fait  schisme 
avec  l'Eglise.  Voy.  Variation. 

On  conçoit  que  les  protestants  ont  dû  faire 
tous  leurs  efforts  pour  parer  aux  conséquen- 
ces fâcheuses  que  l'on  tire  contre  eux  de 
ces  divers  arguments.  En  parlant  de  l'ouvrage 
de  Tertullien,  ils  ont  dit  que  la  méthode  de 
prescription  pouvait  n'être  pas  blâmable  dans 
son  siècle,  lorsque  la  tradition  était  encore, 
pour  ainsi  dire,  toute  fraîche,  et  que  les  diffé- 
rentes Eglises  fondées  par  les  apôtres  subsis- 
taient encore,  mais  qu'il  n'en  est  plus  de 
même  aujourd'hui.  La  prescription,  ajoutent- 
ils,   ne  peut  être  un  argument  solide  que 
quand  il  s'agit  d'une  doctrine  établie  par  les 
apôtres  ou  par  leur  autorité.  Mosheim,  Hist. 
ecclésieist.,    ui'   siècle,   W  part.  ,  c.   3,  §  10, 
note  du  traducteur,  tome  L  pag.  290.  Mais 
ces  critiques  font  )>eu  de  réQexion  à  ce  qu'ils 
disent.  1"  La  tiadition  descendue  des  apô- 
tres n'était  pas  moins  fraîche  au  iv"  siècle 
qu'au  111%  puisque  tous  ceux  qui  étaient  char- 
gés de  la  transmettre  convenaient  et  protes- 
taient qu'il  ne  leur  était  pas  permis  de  l'al- 
térer ;  s'ils  l'avaient  fait,  les  peuples  ne  l'au- 
raient  |ias  souffert  ;   cela  leur  était  même 
impossible ,  puisqu'ils  étaient  placés  à  cinq 
ou  six  cents  lieues  les  uns  des  autres,  et  qu'il 
ne  pouvait  y  avoir  aucun  concert  entre  eux. 
On  a  démontré  contre  les  incrédules,  que 
la  certitude  morale  ou  historique  qui  est  la 
tradition  des  faits  ne  perd  rien  de  sa  force 
par  le  laps  des  siècles  ;  nous  soutenons  qu'il 
en  est  de  même  de  la  tradition  des  dogmes, 
puisque  celle-ci  porte  sur  un   fait   public, 
éclatant,  facile  à  vérifier  ;  au  iV  siècle,  toute 
la  question  se  réduisait  à  demander:  Qu'en- 
seignait-on dans  l'Eglise  pendant  le  siècle  pas- 
sé? Il  en  a  été  de  môme  de  tous  les  siè- 
cles suivants.  L'on  a  toujours  dit  comme  au 
iir ,   niliil   innovctur ,   nisi    quod    traditum 
est.  2"  Au  iv"  siècle,  toutes  les  Eglises  fon- 
(iées  par  les  apôtres   subsistaient  encore  ; 
peut-on  prouver  qu'alors  elles  éta'ient  moins 
attachées  à   la  doctrine  des  apôtres  qu'au 
m"  ;   qu'elles  avaient  perdu  de  vue  les  le- 
çons des  pasteurs  du  iir,  qui  leur  avaient 
recommandé   de   ne    pas    s'en    écarter ,   et 
le  précepte  de  saint  Paul  qui  l'a  défendu  ? 
//  Thess.,  c.  II,  V.  H,  etc.  C'est  néanmoins  au 
aV  siècle  que  les  protesiants  soutiennent  que 
se  sont  faits  les  prétendus  changements  dans 
ladoclrine  desapôlres  (ju'ils  reiu-ochent  à  l'E- 
glise catholique.  D'ailleurs  ils  oublient  une 
remarque  essentielle  de  Tertullien,  c'est  que 
toutes  les  Eglises  particulières  plus  récentes, 
mais  unies  de  communion  et  de  croyance 
avec  les  Eglises  apostoliques,  étaient  elles- 
mêmes  apostoliques  comme  les  premières, 
puisqu'elles    tenaient   aussi  fermement  les 
unes  que  les  autres  à  la  doctrine  des  apôtres. 
11  n'est  donc  pas  vrai  que  les  Eglises  aposto- 
liques ne  subsistent    plus   aujourd'liui  ;   et 
puisque  l'Eglise  de  Rome,  fondée  immédiate- 
ment par  les  apôtres,  n'a  jamais  cessé  d'exis- 
ter et   d'enseigner,  toute  l'Eglise  unie  de 


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PRE 


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communion  avec  elle  est  véritablement  aussi 
apostolique  que  celles  dont  parlait  Terlul- 
lien.  La  constance  d'une  Eglise  dans  la  doc- 
trine des  apôtres  n'a  p,is  d(''pen(lu  de  la  ques- 
tion de  savoir  si,  dans  l'origine,  elle  avait  été 
fondée  parundesai>ôtresou  par  un  de  leurs 
disciples,  puisque  [ilusiours,  quoi((uu  fon- 
dées par  uli  apôlre,  ont  fait  naufrage  dans 
la  foi  ;  mais  alors  cet  écart  a  été  remarqué, 
a  fait  du  bruit,  a  excité  les  réclamations  et 
les  anallièmes  du  corjis  cniier  de  ri'"glise. 
3°  Entre  les  protestants  et  nous,  il  s'agit  d'u- 
ne doctrine  que  nous  soutenons  avoir  été 
établie  par  les  apôtres  ou  par  leur  autorité; 
c'est  donc  le  cas  do  leur  (apposer  l'argu- 
ment de  la  prescription.  Quand  nous  nt; 
pouri'ions  pas  prouver  par  un  texte  clair, 
formel,  exprès,  tiré  des  écrits  des  apôtres, 
que  tel  article  a  élé  établi  par  eux  ou  jiar 
leur  autorité,  nous  en  serions  encore  certains 
par  un  argument  solide  ;  c'est  ([uo  dans  le 
temps  au{|ucl  nous  voyons  cet  article  for- 
mellement et  publiquement  iirofessé  dans 
l'Eglise,  on  faisait  aussi  profession  de  ne 
point  s'écarter  de  ce  que  1rs  apôtres  avaient 
enseigné  et  établi.  Contre  celle  protestation 
publi(pie,  que  prouve  l'argument  négatifdes 
protestants,  (|ui  consiste  h  dire:  Nous  ne 
voyons  pas  cet  article  couché  clairement  et 
formellement  dans  les  écrits  des  apôtres  ; 
nous  ne  le  trouvons  professé  hautement 
(|u'au  m'  ou  au  iv°  siècle;  donc  ce  no  sont 
pas  les  apôtres  qui  l'ont  établi?  Pour  que 
cet  argument  pôt  ilétruire  le  nôtre,  il  fau- 
drait commencer  par  prouver  que  les  apôtres 
ont  tout  écrit,  qu'ils  ont  défendu  de  prêcher 
ce  qui  n'était  pas  éciit.  Les  protestants,  qui 
veulent  tout  voir  clans  l'Ecriture,  n'y  trou- 
veront certainement  (las  cette  défense,  puis- 
que nous  y  voyons  le  jjrécepte  contraire, 
Il  Thi'ss.,  c.  u,  V.  14.  Ces  mêmes  critiques 
disent,  en  parlant  de  nos  controversisles, 
qu'ils  ne  disputaient  pas  do  bonne  foi  avec 
les  protestants  ;  ils  voulaient  que  ceux-ci 
prouvassent  l 'ur  doctrine  par  des  jiassages 
de  l'Ecriture  sans  se  donner  la  liboité  deles 
expli([uer,  de  les  commenter,  d'en  tirer  des 
consé(iuences  ;  ils  se  bornaient  à  soutenir 
leurs  prétentions,  sans  montrer  les  principes 
sur  lcs(juels  elics  étaient  fondées  ;  ils  imi- 
taient le  procéd/'  d'unhonnne  qui,  étant  de- 
puis longtemps  en  possi-ssion  d'une  terre, 
refuse  de  montrer  ses  titres,  et  exige  que 
ceux  (pii  la  lui  dis|)utent  prouvent  qu'ils 
sont  faux.  Mosheim,  Hisl.  ccvlcs.,  xvir  siè- 
cle, sect.  2,  1"  p.,  c.  1,  S  13,  note  du  trad., 
t.  V,  pag.  133.  .Mais  en  accusant  de  mauvaise 
foi  les  controveisistes  catholiques,  ne  sont- 
ce  pas  nos  adversaires  qui  s'en  rendent  eux- 
mêmes  coupables? Le  principe  fondanvnfal 
des  protestants  est  que  l'Ecriture  sainte  e^i 
la  seule  règle  de  croyance  que  l'on  doit  sui- 
vra- ;  lorsqu'ils  veulent  étaljlir  un  point  de 
doctrine  contraire  à  celle  de  l'Eglise,  avons- 
nous  tort  d'exiger  qu'ils  le  prouvent  ()ar  l'E- 
criture seule,  sans  lui  donner  un  sens  ar- 
bitraire ?  Des  explications,  des  commentai- 
res, des  argumentations,  ne  sont  plus  VEcri- 
ture  seule,  ix&oul  leui'S  propres  iuia^iuations  ; 


lorsque  nous  leur  donnons  des  explications 
fondées  sur  une  tradition  constante,  ils  les 
rejettent,  et  ils  veulent  que  nousadnn-ltions 
les  leurs  qui  ne  sont  fondées  sur  rien. 

Il  est  faux  cpie  nos  controversistes  aient 
jamais  maïKiué  de  montrer  el  de  prouver 
nos  principes.  Ils  ont  d'abord  établi  lo 
princii^o  opposé  à  celui  des  protestants  ; 
savoir,  que  l'Eiriture  sainte  n'est  pas  la 
seule  règle  de  foi ,  mais  qu'il  faut  encore 
consulter  la  tradition,  soit  ])our  su[)pléer  au 
silence  de  l'Ecriture,  soit  |)our  prendre  le 
vrai  sens  de  ce  qu'elle  dit;  et  ils  ont  pn.uvé 
ce  |)rincipe  par  J'Ecriture  sainte  elle-même, 
aussi  bien  que  [lar  l'usage  constant  suivi  dans 
l'Eglise  depuis  sa  naissance  jus(pi'à  nous,  et 
])ar  des  raisonnements  tirés  do  la  nature 
même  des  choses.  Voy.  Eciutcre  saintiî. 

Dans  la  discussion  des  diverses  ([uestions 
particulières,  nos  controversistes  n'ont  ja- 
mais manqué  de  prouver  la  vérité  do  la 
croyance  de  l'Eglise  par  l'Ecriture  sainte, 
aussi  bien  que  par  la  tradition.  U  est  donc 
aljsolument  faux  que  nous  a\ons  jamais  re- 
fusé de  produire  nos  titres;  mais  nous  avons 
toujours  soutenu  et  ir»us  soutenons  encore 
que  les  protestants  n'avaient  aucun  droit 
d'exiger  de  nous  cette  comiilaisance,  [larco 
que  ce  sont  des  agresseurs  injustes,  sans 
caractère  et  sans  mission.  Des  [ilaideurs  con- 
damnés pur  les  lua.^istrats  ont-ils  droit  de 
forcer  leurs  juges  ai  prouver  la  justice  de 
leur  arrêt  par  le  texte  des  lois,  et  îi  répon- 
dre à  tontes  les  objections  que  l'on  peut  leur 
opposer? 

Mosheim  et  son  traducteur  disent  que  Ni- 
cole et  d'autres  établirent  la  dél'enso  du  pa- 
pisme sur  le  seul  principe  de  \a.  prescription. 
Si  par  prescription  l'on  entend  seulement  la 
possession  dans  laquelle  l'Eglise  catholique 
était  de  sa  doctrine  depuis  quinze  siècles,  le 
fait  avancé  par  ces  deux  critiques  est  faux. 
Lorsque  nous  rapporterons,  au  mot  Protes- 
tants, les  arguments  de  Nicole,  on  verra 
qu'il  a  insisté  sur  cinq  ou  six  autres  raisons 
très-solides.  Plusieurs  calvinistes  à  la  vérité 
ont  essayé  de  lui  répondie,  principalement 
le  ministre  Jurieu,  d.iiis  un  livre  intitulé  : 
Préjugés  légitimes  contre  le  papisme,  rpii  n'est 
qu'un  recueil  d'accusations  calomnieuses. 
l,e  ministre  Claude  voulut  prouver  qu'un 
])rotestant,  avec  l'esprit  le  plus  borné,  pou- 
vait iilus  aisément  se  convaincre  do  la  vérité 
de  sa  religion  qu'un  catholi([ue  ;  c'est  un 
paradoxe  dont  la  fausseté  saute  aux  yeux. 

Toucliant  VIJistoire  des  rarialintis ,  com- 
posée par  le  savant  Bossuet,  ils  soutiennent 
que  l'Eglise  romaine,  mais  surtout  ks  pa- 
pes, ont  souvent  varié  daus  leur  doctrine  et 
dan-  'eni-  discipline,  que  c'est  le  sentiment 
des  théologiens  français.  Pure  cahunnie.  ils 
(lisent  que  VExposilion  delà  Foi  catholique. 
composée  par  le  même  autear,  fut  d'aliord 
cou  lamnée  [)ar  un  pape,  et  ensuite  a|i[iroO- 
vée  iiar  ni  autre;  (ju'elle  fut  censurée  pfir 
l'université  de  Louvain,  et  même  jiarla  Sd:- 
bonue  en  1671.  Trois  faits  absolument  faux. 
lîasnage  a  fait  son  Histoire  de  l'Eglise  en 
deux  volumes  iivlylio,  i>our  prouver  que  1  ii 


1599 


PRE 


PRE 


1600 


glise  catholique  a  varié  sur  la  plupart  des 
articles  de  sa  doctrine  ;  il  était  bien  sûr 
qu'aucun  théologien  catholique  ne  ferait 
deux  volumes  in-folio  pour  le  réfuter. 

Cependant  nos  adversaires  sont  forcés  d'a- 
vouer que  les  travaux  des  controversistes 
catholiques  fuient  suivis  de  la  conversion 
de  plusieurs  princes,  et  même  de  plusieurs 
savants  protestants  ;  mais  ils  prétendent  que 
ce  fut  moins  un  effet  des  raisons  théologi- 
ques que  des  motifs  temporels.  Ils  ont  donc 
lu  dans  les  cœurs  de  tous  ces  divers  person- 
nages, pour  connaître  la  vraie  cause  de  leur 
changement  de  religion? 

PRESENCE  RÉELLE.  Voy.  Eucharistie, 
§  1  et  suivants. 

PRÉSENTATION  DE  JÉSUS  -  CHRIST  AU 
TEMPLE.  Voy.  Purification. 

Présentation  de  la  sainte  Vierge  ,  fête 
qui  se  célèbre  dans  l'Eglise  romaine,  le  21 
novembre,  en  mémoire  de  ce  que  la  sainte 
Vierge  fut  dans  son  enfance  présentée  au 
temple,  et  consacrée  à  Dieu  par  ses  parents. 
C'est  une  ancienne  tradition  qu'il  y  avait, 
dans  le  temple  de  Jérusalem,  déjeunes  filles 
qui  y  étaient  élevées  dans  la  piété,  et  qui  y 
vivaient  dans  la  retraite.  Il  est  dit  dans  le 
second  livre  des  Machabécs,  c,  m,  v.  19,  que 
quand  Héliodore  voulut  enlever  par  violence 
les  trésors  du  temple,  les  vierges  renfermées 
couraient  vers  le  grand  prêtre  Onias.  De  ce 
nombre  ont  été  Josabeth,  femme  de  Joiada, 
IV  Reg.,  c.  xi,  v.  "2,  et  Anne  fille  de  Phanuel, 
Luc,  c.  II,  V.  37.  L'on  a  présumé  qu'il  en 
était  de  même  de  la  sainte  Vierge;  c'est  le 
sentiment  de  saint  Grégoire  de  Nysse,  Serm. 
in  Nat.  Christi,  779,  et  c'est  ce  qui  a  fait  ins- 
tituer la  fête  de  la  Présentation  de  la  sainte 
Vierge. 

Elle   était  déjà  célébrée  chez  les  Grecs 
dans  le  xii'  siècle  ;  l'empereur  Emmanuel 
Commène  en  parle  dans  une  de  ses  ordon- 
nances rapportée  par  Balsamon  ;  nous  avons 
sur  cette  fête  plusieurs  discours  de  Germain 
et  de  saint  Turibe,  patriarches  de  Constan- 
tinople.  Le  pape  Grégoire  XI,  informé  de 
cet  usage  des  Grecs,  l'introduisit  en  Occi- 
dent l'an  1372  ;  trois  ans  après,  le  roi  Char- 
les V  la  fit  célébrer  dans  sa  chapelle,  et  en 
1585  Sixte-Quint  ordonna  que  l'on  en  réci- 
tât l'office  dans  toute  l'Eglise.  Vies  des  Pères 
et  des  Martyrs,  tom.  XI,  pag.  363  ;  Thomas- 
sin,  Traité  des  fêtes,  livre  ii,  chap.  20,  n.  7. 
Présentation  de   Notre-Dame  ;    c'est  le 
nom  de  trois  ordres  de  religieuses.  Le  pre- 
mier fut  projeté  en  1618  par  une  fille  pieuse, 
appelée  Jeanne  de  Cambrai;  mais  il  ne  fut 
pas  établi.  Le  second  le  fut  en  France  vers 
l'an  1627,  par  Nicolas  Sanguins,  évoque  de 
Senlis  ;  il  fut  approuvé  par  Urbain  VIII,  mais 
il  ne  fit  pas  de  progrès.  Le  troisième  fut  ins- 
titué en  1664  par  Frédéric  Boi  romée,  visiteur 
apostoli(]ue  de  la  Valteline.  Ayant  obtenu 
des  habitants  de  Morbegno,  bourg  de  cette 
contrée,  un  lieu  retiré  et  solitaire,  ce  prélat  y 
établit  une  congrégation  de  filles,  sous  le  ti- 
tre de  la  Présentation  de  Notre-Dame,  et  il 
leur  donna  la  règle  de  saint  Augustin.  Cel- 
les  aui  ont   une  maison   à  Paris  sous  le 


même  titre  sont  des  bénédictines  mitigées. 
Hélyot,  Histoire  des  Ordres  relig.  [édition  de 
Migne]. 

PRÊTRE.  Ce  nom  signifie  en  général  un 
homme  destiné  à  remplir  les  fonctions  du 
culte  divin;  tel  est  le  sens  du  latin  sacerdos, 
donné  ou  voué  aux  choses  sacrées,  et  du 
grec  lE/oôf ,  homme  sacré.  Upe(T€\iz;poç ,  mot 
duquel  nous  avons  fait  celui  de  prêtre,  si- 
gnifie non-seulement  un  ancien,  un  vieillard, 
mais  un  homme  respeclacle  et  constitué  en 
dignité.  L'état  et  les  fonctions  des  prétre- 
ont  été  différents  dans  les  diverses  religions, 
soit  vraies,  soit  fausses;  nous  sommes  oblis 
gés  de  les  considérer  sous  ces  différents 
aspects. 

I.  Il  n'est  aucune  nation  connue,  soit  dans 
les  premiers  temps ,  soit  dans  les  derniers 
siècles  ,  qui  n'ait  eu  une  religion ,  et  par 
conséquent  des  prêtres;  le  bon  sens  a  suffi 
pour  leur  faire  comprendre  qu'il  ne  conve- 
nait pas  à  toute  personne  de  présider  au 
culte  de  la  Divinité ,  que  par  respect  cette 
fontion  devait  être  réservée  au  personnage 
le  |jlus  éminent  d'une  famille  ou  d'une  so- 
ciété. Ainsi,  dans  les  premiers  âges  du  mon- 
de, les  pères  de  famille  étaient  les  ministres 
du  culte  sacré  ;  nous  voyons  Noé  ,  Job, 
Abraham  ,  Isaac,  Jacob  ,  offrir  des  sacrifices. 
Suivant  cette  coutume  ,  aussi  ancienne  que 
le  monde ,  les  aînés  des  Israélites  étaient 
naturellement  destinés  au  sacerdoce ,  mais 
Dieu  leur  substitua  la  tribu  entière  des  Lé- 
vites ,  parce  que  chez  une  nation  qui  allait 
se  civiliser  et  former  une  société  politique , 
il  était  convenable  que  les  prêtres  fussent 
un  ordre  séparé  du  jieuple.  —  Les  auteurs 
profanes  sont  d'accord  avec  les  écrivains  sa- 
crés pour  nous  apprendre  qu'originairement 
le  chef  de  la  société  était  le  prêtre  de  sa  tribu. 
Melchisédech  ,  Anius  ,  les  rois  d'Egypte  ,  de 
Sparte,  de  Rome,  étaient  souverains  pontifes. 
Danslasuitelesempereursromainsvoulurent 
être  revêtus  de  celte  dignité  :  l'on  a  retrouvé 
le  même  usage  jiarmi  des  peuples  de  l'Amé- 
rique ;  et  à  la  Chine  le  plus  solennel  des 
sacrifices  ne  peut  être  ofl'ert  que  par  l'em- 
pereur. 

On  trouve  dans  YHist.  de  VAcud.  des  Ins- 
cript., t.  XV  ,  in-12  ,  page  143  ,  l'extrait  de 
deux  mémoires  sur  les  honneurs  et  les  pré- 
rogatives accordés  aux  prêtres  dans  toutes  les 
religions  profanes.  Il  y  est  pmuvé  que  les 
Egyptiens,  les  Ethiopiens,  les  Chaldéens, 
les  Perses,  les  peuples  de  l'Asie  mineure, 
les  Grecs,  les  Romains,  les  Gaulois,  les 
Germains,  l'on  peut  y  ajouter  les  Ind;ens  et 
les  Chinois,  ont  pensé  et  agi  de  même  à  cet 
égard,  que  tous  ont  regardé  les  prêtres  com- 
me les  personnages  les  plus  respectables  de 
la  société  ;  que  les  ministres  de  toutes  les 
religions  profanes  ont  eu  plus  de  crédit ,  de 
pouvoir  et  d'autorité  que  ceux  de  la  vraie 
religion. 

Il  ne  faut  cependant  pas  s'élonner  de  ce 
que  les  incrédules,  qui  ne  font  aucun  cas  de 
la  religion,  qui  voudraient  même  l'anéantir, 
ont  fait  tous  leurs  eûbrls  pour  avilir  les 
prêtres  et  le  sacerdoce  :  ils  se  font  gloire  do 


ICOl 


PRE 


PRfi 


1602 


ne  pas  penser  comme  le  reste  des  hommes. 
Ils  disent   (|ii'un  étal  auquel  sont  attachés 
des  honneurs,  de  la  considération,  du  crédit, 
doit  nécessairement  pervertir  l'esprit  et  le 
cœur  de  ceux  qui  s'y  trouvent  élevés ,   et 
doit  en  faire  des  hommes  dangereux.  Cette 
observation  ne  tend  à  rien  moins  qu'à  prou- 
ver que  le  mérite  personnel ,  les  talents,  les 
lumières,  l'expérience  des  atl'aires,  sont  des 
qualités  dangereuses  dans  la  société  ,  parce 
qu'elles  procurent   nécessairement  à    celui 
qui  les  possède  un  degré  de  crédit  et  d'au- 
torité qui  le  rend  capable  de  nuire ,  s'il  est 
méchant  et  vicieux.  Par  la  môme  raison  il 
est  très  à   propos  de  ne  pas  accorder  beau- 
coup de  considération  aux  philoso|>]ies,  parce 
qu'elle  leur  [lervcrtirait  l'esprit  et  le  cœur, 
et  (ju'ils  ne  man(iueraient  pas  d'en'  abuser. 
En  cela  il  nous  donnent   un  très-bon  avis. 
Ce  sont  les  prêtres,  disent-ils,  qui  ont  forgé 
la  religion  pour  leur  intérêt;  mais  y  avait- 
il  diin  prêtres  avant  qu'il  y  eût  une  religion? 
Puisque  dans  l'origine  ce  sont  les  chefs  de 
famille  qui  ont  fait  les  fonctions  du  culte 
divin ,  il  s'ensuit  sans  doute  que  ces  pères 
de  famille  croyaient  un  Dieu,  qu'ils  avaient 
une  religion  ,  qu'il  était  de  leur  intérêt  do 
la  transmettre  à  leurs  enfants,  alin  ([ue  ceux- 
ci  fussent  des  hommes  et  non  des  brutes. 
Supposer  une  époque  dans  laquelle  tous  les 
pères  étaient  des  atliées  hypocrites ,  qui  ont 
prêché  un  Dieu  sans  y  croire,  qui  ont  ensei- 
gné une  religion   sans  en  subir  eux-mêmes 
le  joug,  qui  ont  agi  pour  leur  intérêt  ]ier- 
sonnel,  sans  envisager  celui  de  leurs  des- 
cendants et  de  la  société ,  c'est  pousser  tro[) 
loin  le  ridicule  et  l'absurdité. 

II.  Nous  n'avons  certainement  aucun  in- 
térêt à  disculper  les  prêtres  des  fausses  reli- 
gions ;  nous  croyons  qu'ils  ont  beaucoup 
contribué  à  entretenir  les  peuples  dans  leurs 
erreurs,  mais  il  nous  parait  juste  de  ne  pas 
les  accuser  sans  raison  ;  or ,  il  n'y  en  a  au- 
cune de  leur  attribuer  l'origine  de  toutes 
les  superstitions  et  de  toutes  les  fables  qui 
ont  infecté  le  monde  entier ,  et  les  plaintes 
des  philosophes  incrédules,  à  ce  sujet,  vien- 
nent d'une  pure  prévention.  En  effet,  au  mot 
Paganisme,  §  1",  nous  avons  fait  voir  que 
l'erreur  fondamentale  des  fausses  religions 

3 ni  est  la  pluralité  des  dieux  ,  n'est  venue 
'aucune  imposture  ,  mais  du  pencliant  na- 
turel à  l'esprit  humain  de  supposer  partout 
des  esprits,  des  génies,  des  intelligences ,  et 
de  leur  attribuer  les  qualités  di'  l'humanité; 
beaucoup  d'autres  imaginations  fausses  ne 
sont  que  des  conséquences  de  celle  -  là  ; 
nous  le  prouverons  ailleurs.  Voy.  Supers- 
tition. 

Il  y  apour  le  moins  autant  de  raison  d'im- 
puter les  anciennes  erreurs  religieuses  aux 
philosophes  qu'aux  prêtres.  On  sait  que, 
dans  tous  les  pays  du  monde ,  ceux  que  les 
nations  ap[)elaient  les  sages ,  étaient  tout  à 
la  fuis  leurs  prêtres  et  leurs  philosophes  , 
que  le  culte  divin  était  une  partie  essentielle 
de  la  magie,  c'est-à-dire  de  la  philosophie. 
Suivant  le  témoignage  d'Hérodote,  les  sages 
d'Egypte    étaient   en    même  temps  philo- 


sophes ,  législateurs  et  prêtres  de  leur  na- 
tion. Les  mages  des  Chaldéens  étaient  plus 
occupés  de    philosophie    que   de    religion 
Les  gymnoso|ihistes  des  Indes  ,   prédéces 
seurs  des  brahraes  d'aujourd'hui,  cultivaient 
également  ces  deux  études.  Chez  les  Chi- 
nois, les  lettrés  seuls  peuvent  devenir  man 
darins,  et  [)résider  en  cette  qualité  à  certains 
sacritices.   Dans  la  Grèce  et  à  Rome ,  le  sa- 
cerdoce était  une  magistrature;  les   épicu- 
riens  même   no  faisaient  pas   scrupule   de 
l'exercer ,  et  Cicéron  no  voulait  ])as  que  la 
religion  fût  séparée  de  l'étude  de  la  native  , 
de  Divinat. ,  1.  n,  in  fine.   Les   druides  gau- 
lois ,   les  prêtres  germains  étaient   tes   seuls 
philosophes  du  ces  deux  nations.  Si  tous  ces 
gens-là  ont  forgé  ,  nourri ,  perpétué  les  er- 
reurs ,    est-ce  plutôt  en  qualité  ûq  prêtres 
qu'en   quahté  de   philosophes?  Les   philo- 
sophes plus  que  les  prêtres  ont  été  les  fek-- 
naes  soutiens  do  l'idoh'itrie  contre  les  pré- 
dicateurs de  l'Evangde  ;  ce  sont  eux  et  non 
les  prêtres  ([ui  ont  écrit  contre  le  christia- 
nisme ;  Celse  ,  Julien,  Cécilius  dans  Minu- 
tius- Félix,  Porphyre,  Jamblique,  Maxime 
de  Madaure,  etc.,  n'étaient  pas  prêtres;  mais 
philosophes  de  profession.  C'est  à  eux   que 
nos   apologistes  re|)rochent  d'avoir  allégué 
en  faveur  de  l'idolâtrie  les  prétendus   pro- 
diges opérés  ,  et  les  oracles  rendus  par  les 
dieux;  d'avoir  accusé  les  chrétiens  d'athéisme 
et  d'impiété  ,  et  d'avoir  excité  contre  eux  la 
haine  des  magistrats  et  la  fureur  du  peuple. 
III.  Nos  adversaires  ont  encore  été  moins 
équitables  à  l'égard  du  sacerdoce  judaïque. 
Chc/C  les  Juifs,   les  prêtres  formaient  une 
tribu  particulière ,  mais  leurs  fonctions  se 
bornaient  au  culte  divin  ;  ils  n'avaient  au- 
cune part  au  gouvernement  civil.  Les  juges 
que  Moise,  par  le  conseil  de  Jéthro  ,  établit 
pour  décider  les  contestations  des  Israélites, 
furent  choisis  dans  chaque  tribu  ;  Exod. , 
c.  xviii ,  V.  21  ;  Deut.  ,  c.  i ,  v.   15.  Dans  le 
nombre  de  quinze  chefs  qui  ont  gouverné 
successivement   la  nation  ,   il  n'y  a  eu  de 
prêtres  que  Héli  et  Samuel ,  encore  est  -  il 
douteux   si  ce  dernier  était  de  la  tribu  de 
Lévi.  En  com|)araison  des  autres  tribus ,  le 
sort  des  lévites  n'était  rien  moins  qu'avaii- 
tageux  ;  leur  vie  était  précaire  ,  ils  ne  pos- 
sédaient point  de  terres  labourables  ,  ils  vi- 
vaient des  dîmes  et  des  oblations  ;  lorsque 
le  peuple  se  livrait   à  l'idolâtrie  et  oubliait 
la  loi  de  Dieu  ,  la  subsistance  des  prêtres 
était  fort  mal  assurée.  Il  faut  que  leur  tribu 
ait  été  la  moins  florissante ,  puisque  c'était 
la  moins  nombreuse.  Ils  rendaient  les  mêmes 
services   que    les  prêtres   égyptiens ,    sans 
avoir  les  mêmes  privilèges.  Outre  les  fonc- 
tions qu'ils  avaient  à  remplir  dans  le  tem- 
ple ,  ils  étaient  dépositaires  des  archives  , 
des  lois  ,  de  l'histoire  de  la  nation  ;  Moise 
leur  avait  conhé  ses  livres.  Ils  devaient  ré- 
gler le  temps  et  l'ordre  des  fêtes  ,  par  consé- 
quent le  calendrier  ;  ils  gardaient  les  titres 
du  partage  des  terres   fait  entre  les  tribus, 
et  les  généalogies  sur  lesquelles  ce  partage 
était  fondé.  En  cas  de  doute  sur  le  sens  des 
lois  ,  ils  devaient  les  expliquer  ,  veiller  aux 


1603 


PBE 


prî: 


i60i 


purifications  et  aux  abslinences  ordonnées 
par  la  loi,  vérifier  l'état  des  lépreux  et  des 
lieux  infectés  de  contagion,  etc.  Il  n'est  pas 
étonnant  que  Moïse  les  eût  dispersés  dans 
toutes  les  tribus ,  puisqu'ils  étaient  néces- 
saires partout.  L'histoire  dépose  que  sou- 
vent ils  ont  résisté  aux  entreprises  injustes 
et  téméraires  des  rois  ;  aussi  ceux-ci  devin- 
rent despotes  lorsqu'ils  se  furent  arrogé  le 
droit  de  disposer  du  sacerdoce  ,  et  qu'ils 
curent  dépouillé  les  prêtres  de  toute  espèce 
d'autorité.  Ils  étaient  obligés  de  quitter  leur 
demeure  jiour  aller  remplir  leurs  fonctions 
dans  le  temple  ;  pendant  tout  le  temps  do 
leur  service  il  leur  était  défendu  de  rien 
boire  qui  pût  enivrer,  et  d'habiter  avec  leurs 
épouses  ;  il  y  avait  peine  de  mort  s'ils  étaient 
entrés  dans  le  temple  sans  êlre  purifiés  et 
revêtus  de  leurs  habits  sacerdotaux  ,  s'ils 
avaient  mis  sur  l'autel  un  feu  étranger,  s'ils 
avaient  osé  pénétrer  dans  le  sanctuaire,  etc. 
Suivant  les  traditions  juives  rapportées  par 
Reland,  Antiq.  sacr.  vct.  Hebr.,  pag.  92,  la 
multitude  de  rites ,  d'abstinences ,  de  pré- 
cautions imposées  aux  prêtres,  était  un  vé- 
ritable esclavage.  On  ne  doit  pas  oublier 
qu'après  la  ca|itivité  de  Babylone ,  ce  fut 
une  famille  de  prêtres  qui ,  jiardes  prodiges 
de  valeur,  affranchit  la  nation  du  joug  tyran- 
nique  et  cruel  des  rois  de  Syrie. 

Cela  n'a  pas  empêché  les  incrédules  mo- 
dernes de  représenter  les  prêtres  juifs  com- 
me les  sangsues  et  les  fléaux  de  leur  répu- 
blique ;  ils  se  sont  prévalus  d'un  fait  rap- 
porté dans  le  livre  des  Juges.  Il  est  dit  que 
de  jeunes  débauchés  tle  la  ville  de  Gnbaa, 
dans  la  tribu  de  Benjamin  ,  abusèrent  si 
cruellement  de  la  femme  d'un  lévite,  qu'elle 
en  mourut,  lis  voulurent  outrager  le  lé'ite 
lui-même  d'une  manière  impudique,  malgré 
les  remontrances  d'un  vieillard  qui  lui  avait 
accordé  l'hospitalité,  Jud.,  c.  xix.  Dans  l'ex- 
cès de  sa  douleur,  ce  lévite  coupa  en  mor- 
ceaux le  cadavre  do  sa  femme,  et  les  envoya 
aux  dilférentes  tribus  pour  les  exciter  à  la 
vengeance.  Les  Lsraélites,  indignés  de  voir 
renouveler  jiaruii  eux  les  abominations  de 
Sodome,  s'assemblèrent,  sommèrent  les  Ben- 
jamitos  de  livrer  les  coupables;  et,  sur  leur 
refus,  ils  leur  déclarèrent  la  guerre.  Dans  les 
denx  premiers  combats  les  Benjamites  furent 
vainqueurs  :  Dieu  le  permit  pour  punir  les 
a^'.tres  tribus  d'avoir  agi  par  passion  et  sans 
1  avoir  consulté.  Confus  et  repentants  do  leur 
fau  e,  les  lsraéli;es  le  consultèrent  enfin;  ils 
suivirent  les  avis  du  grand  prêtre;  ils  surpri- 
rent les  Benjamites  et  les  taillèrent  en  pièces, 
à  la  réserve  de  six  cents  hommes  qui  prirent 
la  fuite.  —  Voyez  ,  disent  les  incrédules , 
comme  les  prêtres  et  les  lévites  furent  tou- 
jours prêts  à  faire  répandre  du  sang  pour 
leur  intérêt.  Mais  il  était  moins  question, 
dans  cette  circonstance,  de  venger  un  lévite 
que  d'exécuter  la  loi  do  Dieu,  qui  défendait 
sous  peine  de  mort  les  abominations  dont 
les  habilants  de  Gabaa  étaient  coupables.  Les 
Biinjamites,  de  leur  côté,  étaient  punissables 
pour  avoir  refusé  de  faire  justice  et  pour  avoir 
[iris  les  armes  par  un  esprit  de  révolte. 


Ce  fait  étrange  paraît  être  arrivé  immédia- 
tement après  la  mort  de  Josué,  quoiqu'il  ne 
soit  rapporté  qu'à  la  fin  du  Hvre  des  Juges. 
Alors  le  gouvernement  était  démocratique 
chez  les  Israélites.  Phinées,  petit-fils  d'Aa- 
ron,  qui  était  grand  prêtre,  n'avait  aucune 
autorité  politique  :  la  guerre  contre  les  Ben- 
jamites fut  résolue  par  une  délibération  una- 
nime des  tribus,  et  sans  le  consulter,  Jud., 
c.  XX,  V.  7.  L'historien  remarque  qu'alors  il 
n'y  avait  point  de  roi  ou  de  chef  dans  Israël, 
et  que  chacun  faisait  ce  qui  lui  semblait  bon, 
c.  XXI,  V  14.  Ce  n'est  donc  pas  ici  le  lieu  de 
s'en  prendre  au  mauvais  gouvernement  des 
prêtres.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  ré- 
pondre aux  objections  que  les  incrédules 
ont  faites  contre  les  autres  circonstances  de 
cette  narration;  elles  viennent  uniquement 
do  ce  qu'ils  ignorent  ou  feignent  d'ignorer  la 
grossièreté  des  mœurs  des  anciens  peuples, 
et  qu'ils  ne  veulent  avoir  aucun  égard  à  la 
manière  très-briève  dont  les  écrivains  sacrés 
rapportent  les  événements. 

IV.  Mais  c'est  surtout  aux  prêtres  du 
christianisme  que  les  incrédules,  en  marchant 
sur  les  traces  des  protestants,  ont  déclaré  la 
.guerre.  Ces  derniers  prétendent  que,  dans  le 
commencement  de  l'Eglise, il  n'y  avait  ni  hié- 
rarchie ni  distinction  entre  les  ministres  de 
la  religion  et  les  laïques;  que  les  prêtres 
étaient  simplement  les  anciens,  ou  les  hom- 
mes les  plus  distingués  par  leur  mérite  et 
par  IcLir  rang  dans  la  société  ;  que  le  chan- 
gement de  discipline  sur  ce  point  a  été  l'ou- 
vrage de  l'orgueil  du  clergé.  Aux  mots  EvÈ- 
QUE,  Hiérarchie,  etc.,  nous  avons  réfuté 
cette  imagination  des  protestants;  et  à  l'arti- 
cle Clergé,  nous  avons  fait  voir  que  la  na- 
ture du  sacerdoce  évangélique  exigeait  que 
ceux  cjui  en  sont  revêtus  fussent  un  ordre 
particulier  et  distingué  des  laïques. 

IJasnage,  Histoire  de  V Eglise,  tome  I,  liv.  I, 
chap.  7,  §  3,  soutient  que,  dans  les  premiers 
siècles,  de  simples  prêtres  pouvaient  ordon- 
ner d'autres  prêtres  sans  l'intervention  d'au- 
cun évêque;  il  cite  en  preuve  le  passage  de 
saint  Paul  de  la  première  Epître  à  Timothée, 
c.  IV,  V.  14,  où  il  dit  :  Ne  négligez  pas  la 
grâce  qui  est  en  vous  et  qui  vous  a  été  donnée 
par  r inspiration  divine,  avec  l'imposition  des 
mains  du  presbytère.  Or,  reprend  Basnage,  le 
presbytère  est  l'assemblée  des  prêtres.  Il 
ajoute  que  le  sentiment  de  saint  Jean  Chry- 
sostome,  qui  l'entend  autrement,  ne  fait  pas 
preuve.  Il  ne  tenait  qu'à  lui  d'apprendre  de 
saint  Paul  lui-même  le  vrai  sens  de  ce  pas- 
sage. L'Apùtre  écrit  au  môme  Timothée, 
Epist.  II,  c.  I,  V.  6  :  Je  vous  avertis  de  res- 
susciter la  grâce  de  Dieu  qui  est  en  vous  par 
l'imposition  de  mes  mains.  Saint  Paul,  apô- 
tre, n'étail-il  que  prêtre?  Aucun  des  autres 
exemples  cités  par  Basnage  ne  prouve  ce 
qu'il  veut. 

Un  point  essentiel  est  de  justifier  contre 
les  reproches  des  incrédules  le  degré  d'au- 
torité temporelle  dont  les  prêtres  se  sont 
trouvés  revêtus  dans  certains  siècles;  nous 
sommes  donc  obligés  d'en  examiner  l'ori- 
gine, d'eu  suivre  les  progrès,  d'en  cousidé- 


mB 


vm 


PRE 


1600 


rer  iCS  effets  et  les. conséquences.  Quoique 
nous  qn  ayons  déjà  parlé  ailleurs,  il  est  bon 
(le  ounliinuir  ce  que  nous  en  avons  dit  par 
de  nouvc^ilos  réflexions.  Lorsque  Jésns-Christ, 
a  instilué  le  sacerdoce  de  la  loi  nouvelle,  il 
n'y  a  point  altaclié  de  pouvoir  fuvil  ni  poli- 
fiq(ie,  il  n'a  pas  môuie  voulu  l'exercer  lui- 
uiùpc,  4.<«f..  c.  XIV,  V.  U.  11  a  chargé  ses 
apiitres  d'enseiiiiner  toutes  les  nations,  do 
co^isacrcr  reucliarislie,  de  donner  le  Saint- 
Esprit,  (\e  ri'Uiettre  les  péchés,  de  faire  luôuie 
des  miracles  pour  soulager  les  malheureux, 
.mais  non  d'exercer  aucune  fonction  civile. 
Quand  il  leur  a  prorais  de  les  ])laccr  sur 
dpuzç  sjéges  poqr  .juger  les  douze  tribus 
d'Israël,  il  a  voulu  sans  doute  Iimu-  confier  le 
gquveruemcnt  s[)irituel  de  l'Eglise,  et  non 
le  soin  des  all'aires  lemiiorelles.  Mais  si  les 
fidèles,  convaincus  des  lumières,  de  la  pro- 
•  bité,  de  la  S'igesse  de  leurs  pasleui's,  les  ont 
souvent  i)ris  i)our  yibitrcs  de  leurs  intérêts 
temporels,  ferons-nous  un  crime  à  ceux-ci 
de  s'être  attiré  la  c(mliance  de  leurs  ouailles 
et  d'en  avoir  usé  p'iui'  mainleuir  la  |)aix? 
Lorsque  saint  Paul  exhorte  les  chrétiens  à 
terunner  toutes  leurs  contestations  par  des 
arbitres,  il  ne  les  renvoie  point  au  jugeuient 
des  prêtres  :  il  dit,  au  contraire,  (pie  celui 
qui  est  ennMé  dans  la  milice  du  Seigneur  no 
se  mc^lo  point  des  ailaircs  .séculières,  U  Tim., 
c.  u,  V.  4.  Mais  qu(>li[i;efois  un  prêtre  se 
trouve  forcé  de  s'en  mêler  par  charité,  pour 
prévenir  le  mal  et  procurer  le  bien. 

Lorsque  les  empeieurs  eurent  embrassé lo 
christianisme,  et  qu'ils  connureiit  les  talents, 
Jes  vertus,  le  zèle  charitable  des  évèques, 
ils  les  chargèrent  de  veiller  sur  plusieurs 
objets  d'utilité  publique,  de  la  visite  des 
prisons,  de  la  protection  des  esclaves,  du 
soin  des  enfants  ex[)osés,  du  soulagement 
des  pauvres  et  des  misérables,  de  la  police 
contre  les  jeux  de  hasard  et  les  lieux  de 
prostituliiin,  etc.  On  le  voit  par  les  lois  de 
c(3S  pcinces;  ils  espérèrent  que  tous  ces  de- 
voirs de  ciiarité  seraient  mieux  remplis  |)ar 
les  pasteurs  (juc  par  les  uiagistrals,  surtout 
lorsque  ceux-ci  étaie  t  encore  |)aïens;  ils 
ne  lurent  pas  trom|iés.  Les  prêtres  et  les 
évoques  pouvaient-ils  se  dispenser  de  ré- 
pondre à  cette  marque  de  contiance  du  gou- 
vernement? t)n  les  accuse  deTavoir  fait  par 
ambition,  par  l'emiiressement  de  se  rendre 
importants,  pour  acquérir  ainsi  du  crédit, 
de  l'autorité,  du  pouvoir.  Mais  déjà  ils  s'é- 
taient acquittés  de  la  plus  grande  partie  de 
ces  soins  sous  le  règne  d.'S  empereurs  paicns, 
lorsque  cela  ne  pouvait  leur  procurer  aucune 
espèce  de  considération.  Jésus-Christ  avait 
dit  à  ses  ap(jtres,  Matth.,  c.  x,  v.  8  :  Guéris- 
sez les  malades,  ressuscitez  les  morts,  puri/iez 
les  lépreux,  chassez  les  démons.  Lorsque  les 
pasteurs  n'eurent  plus  ces  pouvoirs  surnatu- 
rels, ils  ne  durent  i)as  pour  cela  se  croire 
dispensés  de  soulager  les  malheureux  par 
des  secours  naturels.  .\près  l'invasion  des 
baibares,  qui  traînaient  à  leur  suite  l'igno- 
rance et  le  désordre,  les  services  des  minis- 
tres cle  la  religion  devinrent  encore  plus  né- 
cessaires; eux  seuls  conservaient  quelques 


notiops  de  Ig  justice  et  des  lois.  Les  rois 
frapcs,  Clovis  et  ses  successeurs,  donnèrent 
leur  conliance  aux  évê([ues  ;  ils  leur  attri- 
buèrent le  jugement  de  plusieurs  alVains,  à 
cause  de  leurs  lumières,  de  leur  |)robité,  de 
IcurdésintéressenuuU,  et  pu'ce  qu'ils  avaient 
contribué  beaucoun  à  soumettre  les  peuples 
à  cette  noiivelle  (lomination.  Les  peuples, 
de  leur  C(.')té,  préféraient  d'être  jugés  suivant 
les  lois  romaines,  commes  des  clercs  seuls, 
plutôt  que  suivant  le  code  brutal  des  bar- 
bares; ainsi  s'établit  la  juridiction  temporelle 
du  clergé.  Peut-on  légitimement  lui  en  faire 
un  crime? 

Pendant  les  siècles  d'anarchie,  de  désor- 
dre, de  brigandage,  qui  suivirent  le  règne 
de  Charlemagne ,  les  peuples    opprimés  et 
malheureux  ne  trouvèrent  de  ressource  que  ■ 
dans  la  charité  de   leurs  pasteurs.  Il   n'est 
jias  étonnant  que  l'on  ait  accordé  de  grands 
biens,  des  honneurs,  des  jirérogatives  à  celui 
des  ordres  de  l'Etat  duquel  on  tirait  le  plus 
de  servi(;es.  Dans  le  tem(is  que  ces  biens 
furent  donnés   au  clergé,  ils  étaient  à  peu 
près  de  nulle  valeur,  puisqu'une  partie  de 
la  France  était  presque  déserte;  il  fallait  les 
remettre  en  culture.  L'ailmiuislration  de  la 
justice  lui  fut  confiée,  parce  que  les  laïiiues 
n'étaient  plus  en  état  de  s'en  acquitter.  On 
a  beau  dire  que  tout  cela  fut  un  efl'et  de 
l'ambition  et  de  la  rapacité  des  prêtres,  ce 
reproche ,    dicté  par  une   ignorance    mali- 
cieuse, est  réfuté  par  l'histoire.  Nous  soute- 
nons que    cette  révolution  fut  l'eifet  delà 
nécessité  et  des  circonstances.  Nous  ne  jiré- 
tenduns    ]ias  ([u'il    n'en   est   résulté    aucun 
abus;  que  l'application  des  pr(?(reA' aux  afï'ai- 
res  tempori'lles  n'a  jamais  nui    aux   soins 
.spirituels  qu'ils  devaient  aux  peuples;  qu'ils 
ont  toujours  eu  raison  de  vouloir  conserver 
ce  qui  leur  était  acquis  par  une  très-longue 
possession  :  la  vertu  la  plus  pure  n'est  pas 
toujours  assez  éclairée  jiour  voir  le    sage 
milieu  qu'il  faudrait  garder,  ]K)ur  apercevoir 
ce  qui  convient  le  mieux,  eu  égard  au  chan- 
gement des  lem|>s,  des  mœurs,  des  circon- 
stances. .Mais  qu'en  résu!te-t-il?  Que  le  ca- 
ractère sacré  des  prêtres  ne  les  met  pas  à 
couvert  des  faiblesses   de  l'humanité;  que 
souvent  ils  sont  entraînés  comme  les  autres 
hommes  par  le  torrent  des   erreurs  et  (Jes 
mœurs  de  leur  siècle.  Mais  il  n'est  pas  moins 
vrai  que  les  nari-ations  scandaleuses,  les  dé- 
clamations outré. 'S,  les  calomnies  que   les 
protestants,  aussi  bien  qne  les  incrédules, 
se  sont  permises  à  ce  sujet  contre  le  clergé, 
sont  aussi  injustes  qu'absurdes.    Nous  ne 
prendrons  donc  pas  la  peine  de  répondre 
en  détail  aux  invectives  de  ces  derniers  con- 
tre les  prêtre*;   si  on  voulait  les  eu  croire, 
tout  ministre  de  la  religion  est  un  mauvais 
citoyen,  un  ennemi  de  sa  patrie   et  de  ses 
semblables,    un  monstre  pétri  de  tous  les 
vices.  Ces  traits  de  fureur  ei  de  démence, 
dont    leurs    écrits    sont    remplis ,   suffiront 
pour  les  rendre  méprisables  aux  yeux  de  la 
postérité.  Voy.  Clergé,  Hiéraucbie,  Presut- 

TÉRAMSME. 

PRÈTKISE,  l'un  des  trois  ordi  es  majeurs, 


1607 


PRE 


PRE 


1608 


le  premier  après  l'épiscopat.  Les  théologiens 
le  dëfinissent,  ordre  sacré  qui  donne  le  pou- 
voir de  consacrer  le  corps  et  le  sang  de  Jé- 
sus-Christ, de  l'offrir  en  sacrifice,  et  de  re- 
mettre les  péchés.  Au  mot  Ordination  nous 
avons  prouvé  que  c'est  un  sacrement,  puis- 
que c'est  une  cérémonie  que  Jésus-Christ  a 
établie,  qui  attache  un  homme  k  un  état 
distingué  de  celui  du  peuple,  qui  lui  im- 
prime par  conséq\ient  un  caractère,  qui  lui 
donne  des  pouvoirs  surnaturels,  qui  lui  im- 
pose des  devoirs  particuliers,  et  lui  donne 
la  gnlce  nécessaire  pour  les  remplir;  nous 
l'avons  fait  voir  par  des  textes  formels  de 
l'Ecriture  sainte,  et  nous  en  avons  encore 
cité  plusieurs  au  mot  Hiérarchie.  Au  mot 
Sacrifice,  nous  prouverons  qu'aucune  reli- 
gion ne  peut  subsister  sans  sacrifice,  ni 
conséquemment  sans  sacrificateurs  ;  que  dans 
toutes  les  religions-  du  monde  les  sacrifica- 
teurs ont  été  des  personnages  distingués  du 
peuple,  et  déjà  dans  l'article  précédent,  nous 
venons  de  montrer  que  c'est  Dieu  lui-môme 
qui  l'a  ainsi  réglé. 

Sur  ce  fondement  le  concile  de  Trente  a 
dit  aiiathème  à  quiconque  ose  enseigner  que, 
dans  le  Nouveau  Testament,  il  n'y  a  point 
de  sacerdoce  extérieur  et  visible  ;  que  l'or- 
dination ne  donne  point  le  Saint-Esprit,  que 
vainement  les  évêques  se  flattent  de  ce 
pouvoir,  que  l'imposition  de  leurs  mains 
n'imprime  aucun  caractère,  que  celui  qui 
est  prêtre  peut  redevenir  simple  laïque,  etc. 
Sess.  3,  can.  1  et  k.  C'était  la  doctrine  des 
protestants,  et  ils  la  soutiennent  encore. 
Mais  dans  le  temps  même  que  les  prétendus 
réformateurs  s'attachaient  ainsi  à  déprimer 
le  sacerdoce  de  l'Eglise  catholique,  ils  se 
créaient  à  eux-mêmes  un  pontificat  et  une 
autorité  bien  supérieure  à  celle  des  prêtres. 
Luther  se  qualifiait  évangéliste  de  Wirtem- 
berg  par  l'autorité  de  Dieu  même;  il  déci- 
dait à  son  gré  du  cuite  religieux;  Calvin  en 
agissait  à  Genève  d'une  manière  encore  plus 
despotique,  et  chaque  prédicant  faisait  de 
même  partout  où  il  trouvait  des  sectateurs 
assez  dociles  pour  se  ranger  sous  sa  con- 
duite. Pendant  que  ces  pasteurs  de  nouvelle 
création  enseignaient  que  les  prêtres  ne  peu 
vent  tenir  leurs  pouvoirs  que  du  peuple,  ils 
auraient  fait  un  beau  bruit,  si  le  peuple  avait 
entrepris  de  leur  ôter  l'autorité  de  laquelle 
Ms  s'étaient  eux-mêmes  revêtus. 

Dans  l'Eglise  catholique,  l'ordination  des 
prêtres  se  fait  avec  beaucoup  de  cérémonies. 
L'évêque,  après  avoir  récité  les  litanies  et 
d'autres  prières,  met  ses  deux,  mains  sur  la 
tôte  de  chacun  des  ordinands,  et  tous  les 
prêtres  qui  sont  présents  en  font  autant, 
sans  prononcer  aucune  formule.  Mais  immé- 
diatement après,  pendant  que  tous  tiennent 
les  mains  étendues  sur  les  ordinands,  l'évê- 
que prononce  sur  eux  une  prière  par  la- 
quelle il  demande  à  Dieu  pour  eux  le  Saint- 
Es[irit  et  la  grâce  du  sacerdoce,  et  il  le  sup- 
jjlie  de  les  consacrer  lui-même  au  ministère 
de  ses  autels.  En  second  lieu,  l'évêque  leur 
fait  aux  mains  l'onction  du  saint  chrême, 
avec  une  prière  relative  à  cetta  action.  En- 


suite il  présente  et  fait  toucher  à  tous  les 
vases  qui  contiennent  le  pain  et  le  vin  des- 
tinés au  saint  sacrifice,  en  leur  disant  : 
«  Recevez  le  pouvoir  d'offrir  le  sacrifice  à 
Dieu,  et  de  célébrer  des  messes  pour  les  vi- 
vants et  pour  les  morts,  au  nom  du  Sei- 
gneur. »  Conséquemment  ces  nouveaux 
prêtres  récitent  avec  l'évêque  les  prières  du 
canon  et  consacrent  avec  lui.  Après  la  messe, 
l'évêque  leur  impose  de  nouveau  les  mains, 
en  leur  disant  :  «  Recevez  le  Saint-Esprit  ; 
les  péchés  seront  remis  à  ceux  auxquels 
vous  les  remettrez,  etc.  » 

C'est  une  question  parmi  les  théologiens 
de  savoir  quelle  est,  dans  ces  différentes 
cérémonies,  celle  qui  constitue  l'essence  de 
l'ordination  sacerdotale;  on  demande  si  c'est 
la  première  imposition  des  mains  faite  par 
l'évêque  et  par  les  prêtres  assistants,  avec 
la  prière  qui  l'accompagne;  si  la  porrection 
des  instruments  du  saint  sacrifice  qui  se  fait 
ensuite,  est  ou  n'est  pas  de  l'essence  de 
cette  ordination.  Le  sentiment  le  plus  com- 
mun est  que  cette  seconde  cérémonie  est 
accessoire  et  non  essentielle  à  la  validité  de 
l'ordination,  et  l'on  en  apporte  plusieurs 
preuves.  On  dit,  1°  saint  Paul  parlant  de  la 
grâce  du  sacerdoce,  dit  à  Timothée,  qu'elle 
lui  a  été  donnée  par  la  prière  avec  l'imposi- 
tion des  mains  du  presbytère  ou  de  l'assem- 
blée des  prêtres;  ii  ne  fait  mention  d'aucune 
autre  cérémonie  ;  2°  dans  tous  les  monu- 
ments de  l'histoire  et  de  la  discipline  ecclé- 
siastique, avant  le  x'  ou  le  xi*  siècle,  il  n'est 
pas  question  de  la  porrection  des  instru- 
ments, mais  seulement  de  l'imposition  des 
mains  pour  l'ordination  des  prêtres;  3°  cette 
porrection  des  instruments  du  sacrifice  n'a 
lieu  ni  chez  les  Grecs,  soit  catholiques,  soit 
schismatiques,  ni  chez  les  jacobites,  ni  chez 
les  nestoriens;  cependant  l'Eglise  catholique 
regarde  comme  valide  la  prêtrise  de  ceux 
qui  ont  été  ordonnés  dans  ces  différentes 
sectes.  Ces  raisons  doivent  paraître  solides. 

Cependant  le  P.  Merlin,  jésuite,  a  fait,  en 
174-5,  un  traité  historique  et  dogmatique  sur 
les  formes  des  sacrements,  dans  lequel  il 
donne  lieu  de  douter  si  la  porrection  des 
instruments  n'est  pas  essentielle  à  l'ordina- 
tion sacerdotale,  et  si  les  preuves  du  con- 
traire sont  aussi  solides  qu'elles  le  parais- 
sent d'abord. 

En  i>remier  lieu,  il  observe  et  il  prouve, 
par  des  passages  formels  des  Pères,  que 
jusiju'au  xii"  siècle  l'on  s'est  abstenu  de 
mettre  par  écrit  dans  le  dernier  détail  les 
rites  et  les  formes  des  sacrements;  que  l'on 
a  scrupuleusement  observé  ce  que  l'on  ap- 
pelait le  secret  des  mystères;  que  (elle  a  été 
la  discipline  de  l'Eglise  dès  les  premiers 
siècles.  C'est  pour  cela  que  la  liturgie  n'a 
été  mise  par  écrit  qu'à  la  fin  du  iv°  siècle, 
et  que  les  aiiôtres  mômes  se  sont  abstenus 
de  prescrire  dans  leurs  lettres  les  rites  et 
les  formes  des  sacrements.  11  n'est  donc  pas 
étonnant  que  saint  Paul  désigne  l'ordination 
sous  le  nom  seul  d'imposition  des  mains 
jointe  à  la  prière;  il  n'était  pas  néce3saire 
d'en  dire  davantage   à  Timothée,  instruit 


4609 


PRE 


PKI 


1610 


d'ailleurs  par  des  leçons  de  vive  voix.  En 
second  lieu,  il  est  constant  que  l'usage  des 
Pères  et  des  conciles  a  été  de  nommer  im- 
position des  mains  le  rit  de  plusieurs  sacre- 
ments, et  même  leur  forme,  puisqu'ils  di- 
sent, manus  impositiones  sunt  vvrlxi  mystica. 
Ce  nom  est  donné  non-seulement  à  la  con- 
firmation, mais  encore  à  la  pénitence  (;t  k 
l'absolution:  en  parlant  de  la  réconciliation 
des  hérétiques  h  l'Eglise,  ils  disent  imlilîé- 
remmenl  manus  cis  imponantur  in  pœniten- 
tiam  ou  m  Spiritum  sanctum.  Le  baptême 
est  ainsi  nommé  par  le  concile  d'Elvire, 
can.  39,  et  par  le  premier  concile  d'Arles, 
can.  6.  Il  n'y  aurait  d.onc  pas  lieu  de  s'éton- 
ner quand  la  porrection  des  instrumrnts 
dans  l'ordination  des  prêtres,  avec  la  l'or- 
mule  qui  l'accompagne,  aurait  été  appelée 
imposition  des  mains  par  les  auteurs  ecclé- 
siastiques antérieurs  au  xii"  siècle.  En  troi- 
sième lieu,  l'on  assure  mal  à  ]iropos  que  les 
Grecs  suppriment  cette  porrection  dans  leur 
ordination;  mais  ils  la  réunissent  k  l'impo- 
sition des  mains.  L'évèque  assis  devant  l'au- 
tel met  la  main  sur  la  tête  de  l'ordinand 
qui  est  à  genoux  près  de  lui,  et  il  lui  appli- 
que le  front  contre  l'autel  chargé  des  instru- 
ments (lu  saint  sacritice,  en  lui  disant  :  La 
grâce  divine  élève  ce  diacre  à  la  dignité  du 
sacerdoce  ;  ainsi  la  porrection  dos  vases 
se  trouvant  réunie  al'imiiosition  des  mains, 
elle  détermine  les  paroles  de  la  forme  à  si- 
gnilier  lo  doubh!  pouvoir  du  sacerdoce. 

Il  faudrait  donc  que  les  théologiens  qui 
soutiennent  que  cette  porrection  n'est  pouit 
de  l'essence  de  l'ordination,  fussent  en  état 
de  prouver  qu'avant  le  \i°  siècle,  dans  l'E- 
glise latine,  les  vases  n'entraient  en  aucune 
manière  dans  la  cérémonie  ;  que  rim[)osition 
des  mains  se  faisait  .sans  que  l'ordinand  fût 
près  de  l'autel  cliargé  clés  vases  pleins , 
comme  il  l'est  chez  les  Grecs.  Il  est  évident 
que  la  présence  et  la  proximité  do  ces 
vases  sullit  pour  que  l'on  puisse  dire  avec 
véi'ité  qu'ils  sont  présentés  à  l'ordinand,  et 
que  cette  présentation  liait  partie  de  l'ordi- 
nation. 

Il  ne  servirait  il  rien  de  répliquer  que  les 
auteurs  qui  ont  parlé  de  l'ordination  des 
Grecs,  qui  nous  ont  donné  leur  rituel  et 
leur  eucologe,  n'ont  fait  mention  ni  de  la 
proximité  ni  de  la  présence  des  vases  sacrés 
dans  cette  cérémonie;  on  sait  que  ces  au- 
teurs ont  souvent  manqué  d'attention  et 
d'exactitude  dans  les  relations  qu'ils  ont 
données  du  cérémonial  et  de  la  croyance  des 
Grecs  et  des  autres  sectes  orientales,  et  que 
ce  défaut  a  induit  en  erreur  plusieurs  théo- 
logiens. En  effet ,  les  Orientaux  croient 
comme  nous  que  l'eucharistie  est  un  vrai 
saciilice,  (}ue  les  jjrètres  seuls  ont  le  |iou- 
voir  de  l'olliir,  que  Jésus-Christ  a  donné  à 
ses  apôtres,  qui  sont  les  premiers  prêtres, 
deux  pouvoii's,  l'un  sur  son  corps  naturel, 
l'autre  sur  son  cor[)s  mystique,  qu'il  a  ex- 
primé l'un  par  ces  paroles.  Faites  ceci  en 
mémoire  de  moi;  l'autre,  eu  leur  disant.  Rece- 
vez le  Saint-Esprit,  etc.  Il  serait  donc  éton- 
nant qu'ils  n'eussent  pas  senti  la  nécessité 
UicTioNN,  w.   Théoi..  dogmatique,    m. 


d'exprimer  l'un  et  l'autre  de  ces  pouvoirs 
dans  l'ordination  de  la  prêtrise.  Ce  (ju'il  y  a 
de  certain,  c'est  que,  dans  le  Sacrumentuire 
de  suint  Grégoire,  il  est  fait  mention  du  pou- 
voir d'offrir  le  saint  sacrifice  dans  les  priè- 
res de  l'ordination  des  prêtres.  Saint  Gré- 
goire, Liber  Sacram.,  p.  238,  et  notes  du  P. 
Ménard,  p.  291. 

Ce  n'est  point  à  nous  de  décider  si  ces 
raisons  du  P.  Merlin  sont  péremptoires; 
mais  elles  nous  paraissent  mériter  toute 
l'attention  des  théologiens.  Si  elles  avaient 
été  mieux  connues,  ceux  qui  ont  traité  des 
ordinations  anglicanes  n'auraient  pas  avancé, 
comme  ils  ont  fait,  que  la  porrection  de 
vases  du  saint  sacrifice  n'est  pas  en  usage 
chez  les  Grecs  pour  l'ordination  des  prê- 
tres. 

PRÉVENANT,  GRACE  PRÉVENANTE. 
Voy.  (jbace. 

PRÉVISION.  Voy.  Prescience. 
PREUVE.  Voy.  Lieux  Théologiques  et  Re- 
ligion. 

PRIÈRE,  demande  que  l'on  fait  h  Dieu. 
Jésus-Christ  dit  qu'il  faut  prier  toujours  et 
ne  jamais  se  lasser  ;  il  en  a  donné  lui-même 
l'exemple.  Les  quarante  jours  qu'il  jiassa 
dans  le  désert  furent  em|)loyés  sans  doute 
à  ce  saint  exercice;  c'est  ainsi  qu'il  se  pré- 
parait à  ri'mplir  son  divin  ministère.  Après 
avoir  consumé  les  jours  à  instruire  et  à  se- 
courir par  des  miracles  les  allligés,  il  passait 
encore  les  nuits  cnprières.  Luc,  c.  vi,  v.  12. 
Les  apôtres  firent  de  môme.  Pendant  les  dix 
jours  qui  s'(''('Oulèreiit  depuis  l'ascension  du 
Sauveur  jusqu'à  la  descente  du  Saint-Esprit, 
ils  persévérèrent  uiianimementdans  laprière, 
Act.,  c.  I,  V.  14.  Ils  allaient  au  temple  aux 
heures  ordinaires  de  la  prière,  c.  m,  v.  1. 
Saint  Pierre  venait  de  prier,  lorsqu'il  reçut 
les  envoyés  du  centenier  Corneille,  c.  x,  v.9. 
Saint  Paul  recommande  souvent  ce  saint 
exercice  aux  fidèles,  et  les  premiers  chré- 
tiens suivirent  exactement  cette  leçon;  leurs 
assemblées  fréquentes  se  passaient  à  s'in- 
struire et  h  i)rier,  parce  qu'ils  étaient  per- 
suatlés  que  la  prière  publicfue  est  la  plus 
agréable  "a  Dieu  ;  de  là  l'institution  des  heu- 
res canoniales.  Voy.  ce  mut,  et  Moeurs  des 
CHRÉTIENS,  c.  6.  Ce  n'est  donc  pas  sans 
rnison  que  l'Eglise  approuve  les  instituls 
monastiques  dans  lesquels  on  consacre  à  la 
prière  une  bonne  partie  du  jour  et  de  la 
nuit. 

Dans  le  paganisme  on  ne  demandait  aux 
(lieux  que  des  biens  temporels;  les  auteurs 
profanes,  aussi  bien  que  les  écrivains  ecclé- 
siasti(pies,  attestent  que  !a  plupart  des  priè- 
res des  [)aiens  étaient  des  crimes,  des  désirs 
et  des  tiemandes  contraires  à  la  justice,  ii  la 
juideur,  à  la  charité,  à  la  bonne  foi,  et  telles 
que  l'on  n'aurait  jias  osé  les  faire  en  public. 
St'iièque  ,  Horace  et  d'autres  conviennent 
que  l'on  ne  s'avisait  pas  de  demander  aux 
Oieux  la  vertu,  la  iirobité,  la  sagesse,  la  ]iru- 
dence  ;  de  pareils  vœux  n'auraient  pas  été 
conrormos  aux  caractères  vicieux  que  l'on 
attribuait  à  ces  fausses  divinités. 

Jésus-Christ  au  contraire  nous  a  recom- 

51 


16H 


PRl 


PRl 


161^ 


mandé  de  chercher,  en  premier  lieu,  le 
royaume  de  Dieu  et  sa  justice  en  nous  pro- 
mettant que  le  reste  nous  sera  donné  par 
surcroît,  Matth.,  c.  vi,  v.  33.  Il  ne  nous  dé- 
fend pas  de  demander  à  Dieu  des  biens  tem- 
porels, mais  il  veut  que  nous  bornions  nos 
désirs  au  simple  nécessaire.  Dans  la  prière 
qu'il  a  daigné  nous  enseigner,  une  seule  de- 
mande a  pour  objet  notre  pain  de  chaque 
jour;  toutes  les  autres  rey,ardenllesdonsde 
la  grAce  et  l'afTaire  du  salut. 

Comme  les  incrédules  ne  voudraient  au- 
cun exercice  de  rehgion,ils  soutiennent  que 
la  prière  est  injurieuse  à  Dieu.  Ce  gr.ind 
Etre,  disent-ils,  qui  sait  tout,  n'a  pas  besoin 
de  nos  demandes  pour  connaître  ce  qu'il 
nous  faut  et  ce  qui  nous  est  le  plus  avanta- 
geux ;  lui  ex;  loser  nos  désirs,  c'est  lui  témoi- 
gner de  la  défiance  et  du  mécontentement. 
Lors(iue  nous  lui  demandons  d'être  délivrés 
des  maux  de  ce  monde,  nous  exigeons  qu'il 
change  pour  nous  par  des  miracles  le  cours 
(le  la  nature.  Cornaient  peut-il  exaucer  deux 
hommes  ou  deux  nations  qui  lui  font  des 
prières  contraires?  Si  nous  le  supplions  de 
nous  guérir  do  nos  vices,  et  de  nous  donner 
les  vertus  que  nous  n'avons  pas,  nous  vou- 
lons qu'il  fasse  notre  propre  ouvrage,  puis- 
qu'il dépend  de  noiis  d'éviter  le  mal  et  de 
pratiquer  le  bien.  Ainsi,  suivant  cette  déci- 
sion, tout  homme  qui  croit  un  Dieu  et  qui 
l'invoque  est  ua  insensé,  et  c'est  la  folie  du 
genre  humain  tout  entier. 

Mais  ce  que  Dieu  peut  faire  de  plus  avan- 
tageux pour  nous,  c'est  de  nous  préserver 
de  la  fausse  sagesse  des  incrédules.  Il  nous 
ordonne  de  lui  ex-.ioser  nos  besoins,  non  ' 
pour  les  lui  faire  connaître,  mais  pour  lui 
témoigner  notre  dépendance,  notre  soumis- 
sion, notre  confiance,  et  reconnaître  aussi 
son  souverain  domyine.  Qui  s'avisa  jamais 
de  penser  qu'un  enf mt  fa:t  injure  à  son  père 
lorsqu'il  lui  demande  une  grâce  ?  Celles  que 
nous  attendons  de  Dieu  sont  sans  doute  a^sez 
précieuses  pour  valoir  la  peine  d'être  deman- 
dées. ^-  Sans  faire  des  miracles.  Dieu  peut 
nous  réserver  ou  nous  délivrer  des  fléaux 
de  la  nature.  La  marche  de  l'univers  n'est 
point  le  jeu  nécessaire  et  purement  méca- 
nique des  causes  physiques  ;  Dieu  le  con- 
serve et  le  dirige  par  son  action  immédiate, 
et  sans  cela  tout  retomberait  dans  le  chaos. 
Nous  ne  connaissons  point  toutes  les  causes 
physiques  ni  tous  leurs  effets  ;  comment 
pourrions-nous  discerner  ce  qui  est  ou  n'est 
pas  le  résultat  d'un  simple  mécanisme  ?  Lors- 
que Dieu  nous  suggère  des  pensées  pour 
notre  bien  spirituel  ou  temporel,  ce  n'est 
pas  un  miracle  mais  le  plan  ordinaire  de 
bonté  et  de  sagesse  suivant  lequel  il  gou- 
verne habituellement  les  esprits;  or,  ces 
pensées  nous  font  iirendre  des  précautions, 
employer  des  remèdes,  crmsulter  d'autres 
hommes,  éviter  des  malheurs,  etc.  Qui  de 
nous  n'eu  a  pas  fait  l'épreuve  ?  Les  insensés 
attribuent  ces  événements  au  hasard ,  un 
homme  sensé  s'en  croit  redevable  à  Dieu. 
Des  vœux  contraires  m  apparence  ne  le  sont 


pas  réellement,  lorsqu'ils  sont  accompagné- 
de  ri'signation  k  la  Providence  (1). 

Acquérir  et  pratiquer  des  vertus  ,  nous 
corriger  de  nos  vices  ,  est  sans  doute  l'ou- 
vrage de  notre  volonté ,  mais  non  de  notre 
volonté  seule  ,  puisque  nous  avons  besoin 
pour  cela  du  secours  surnaturel  de  la  grâce. 
Or,  il  dépend  de  Dieu  de  nous  donner  des 
grâces  plus  ou  moins  fortes  et  abondantes  ; 
il  les  a  promises  à  la  prière ,  c'est  à  nous 
d'obéir  avec  reconnaissance.  Pour  un  cœur 
qui  aime  Dieu,  la  prière  est  un  exercice  doux 
et  consolant;  il  nous  distrait  du  sentiment 
de  nos  maux,  il  ranime  l'espérance  et  le  cou- 
rage, il  tranquillise  l'esprit  et  calme  les  pas- 
sions, il  touche  les  pécheurs  et  soutient  les 
justes.  Cette  expérience ,  attestée  par  tous 
les  saints  ,  est  d'un  tout  autre  poids  que  les 
fausses  réflexions  des  incrédules. 

Quelquefois  ils  ont  dit  que  les  Juifs  ne 
priaient  jias,  qu'il  n'y  a  point  de  prières  dans 
leurs  livres  ;  d'autres  fois,  que  leurs  prières 
étaient  grossières,  ils  ne  demam'aient  que 
des  biens  temporels  ;  souvent  elles  étaient 
injustes  et  cruelles  ,  c'étaient  des  impréca- 
tions contre  leurs  ennemis.  Il  suffit  ce|)en- 
dant  de  lire  les  cantiques  de  Moïse ,  de  Dé- 
bora,  d'Anne,  mère  de  Samuel,  d'Isaïeet  des 
autres  proi)hètes  ;  les  vœux  de  Salomon  dans 
le  temple,  ceux  d'Esther,  de  Judith,  de  To- 
bie,  surtout  les  psaumes  de  David,  pour  être 
convaincu  que  les  Juifs  priaient,  et  qu'ils  de- 
mandaient à  Dieu  autre  chose  que  clés  biens 
temporels;  le  psaume  118  en  particulier  est 
une  invocation  continuelle  de  la  grâce  di- 
vine. Au  mot  Imprécation  ,  nous  avons  fait 
voir  que  dans  les  livres  saints,  ce  qu'on  prend 
pour  des  imprécations  et  des  sentiments  de 
vengeance,  est  seulement  des  prédictions. 

D'autre  part ,  les  protestants  prétendent 
que  l'on  ne  doit  adresser  des  prières   qu'à 

(1)  Les  incrédules  ont  faii  contre  la  prière  une 
diflieullé  qui  est  un  pur  sophisme  pour  celui  qui 
connait  la  nature  de  Dieu.  Ils  diieiit  :  (  Ou  nous  de- 
«  mandons  cequi  est  dans  l'ordre  de  la  nature  el  qui 
«  doit  nous  art  iver,  ou  nous  demandons  ce  qui  est 
«  opposé  aux  lois  de  la  nature.  Dans  le  second  cas 
«  c'est  un  miracle  que  nous  sollicitons  ;  ctiose  bien 

<  téméraire  de  la  part  d'une  créalupp.  Dans  le  pre- 
I  micr  la  prière,  est  inutile,  puisque  la   laveur  solli- 

<  citée  arrivera  indépendamment  de  toute  espace 
«  de  demande,  j  Mais  quand  on  demanderait  .i  Dieu 
un  miracle,  qu'y  aurail-il  de  ciiupable  et  de  témé- 
raire, lorsqu'on  le  demande  dans  les  circonstances 
où  Dieu  a  permis  de  solliciter  une  telle  faveur?  En- 
suile  est-ce  bien  un  miracle  qu'on  demande  dans  les 
prières  ordinaires?  Non,  car  on  demande  que  Dieu, 
souverain  maîlre  de  toute  chose,  qui  gouverne  tout 
par  sa  providence,  dispose  l'ordre  pour  que  lel  mal- 
heur ne  nous  arrive  pas;  et  Dieu,  sans  rien  changer 
aux  dispositions  qu'il  avait  prises,  a  pu  dispo^ei'  lout 
en  conséquence  de  noire  supplication.  C'est  là  une 
réponse  à  ceux  qui  picteiident  que  par  la  prière  on 
ose  demander  ;\  Dieu  de  modifier  ses  dérrels.  Il  y  a 
sans  doute  des  choses  qui  sont  dar.s  l'ordre  ordi- 
naire que  nous  sollicitons,  qui  arriveraient  indéiien- 
dammenl  de  nos  prières,  mais  ces  choses  nous  sont 
inconnues,  et,  dans  l'incertitude,  la  prudence  nous 
commande  de  prier.  D'ailleurs  ii  y  a  un  effet  qui  ne 
manque  jamais  de  suivre  une  bonne  prière,  c'est  la 
grâce,  la  prière  bien  laite  n'est  donc  jamais  inutile. 


1613 


^RI 


PRI 


16tl 


Dieu  sem  ;  qu'invoquer  les  saints  c'est  une 
superstition  et  un  acte  li'idolAtrie  ;  nous 
prouvcions  le  contraire  au  mot  Saint. 

On  distingue  deux  sortes  do  prirres,  l'une 
vncale ,  l'autre  mentale.  La  première  se  fait 
en  iiroiionçant  dos  mots,  la  seconde  est  pu- 
rement inlérieure.sans  proft'^rer  des  |)aroles. 
Voij.  Oraison  mentalk.  Celle-ci  est  la  plus 
parfaite,  sans  doute;  l'autre  n'auiait  aucun 
mérite,  si  elle  n'(Hait  accompagnée  de  l'at- 
tention de  l'esprit  et  de  l'allectioii  du  cœur. 
On  appelle  pr(V;'P  ou  oraison  jaculatoire  celles 
qui  consiste  dans  un  simple  mouvement  du 
cœur  vers  Dieu ,  soit  qu'on  l'exprime  par 
quelques  |)aroles  courtes,  soit  qu'on  ne  l'ex- 
prime pas. 

PKIÈRE  PUBLIQUE.  Voy.  Heches  Cano- 
niales. 

PJUMAT  {Droit  ecclés.)  (1).  Ce  nom,  qui 
emporte  un  titre  de  dignité,  ne  s'est  introduit 
dans  l'Eglise,  ainsi  que  ceux  d'ai'chevôques, 
de  patriarches  et  de  i)apes,  que  quelques  siè- 
cles après  rétai)lissement  du  christianisme. 
Les  évoques  des  plus  grands  sièges  s'ét;iient 
contentés  jusqu'alors  de  la  seule  dénomina- 
tion d'évèqiies,  qui  leur  était  comnuine  avec 
ceux  des  sièges  moins  coiisiiiiTables  :  on  ne 
vit  qu'avec  une  sorte  de  peine  les  prélats  des 
premières  villes  all'ecter  ou  recevoir  ces  ti- 
tres plus  relevés  :  mais  l'usage  jirévahit,  et 
on  appela  archevêque  ou  tiictropolitain ,  l'é- 
vêque  de  la  i)rincipale  ville  de  chaque  dis- 
trict. Ou  d(unia  le  nom  de  primat  ou  d'ar- 
chcvéque  k  ceux  dont  les  sièges  se  trouvaient 
placés  dans  les  villes  qui  tenaient  le  rang  de 
capitales  par  rapport  à  plusieurs  districts. 
Les  évoques  des  villes  qui  étaient  elles- 
mêmes  regardées  comme' capitales  h  l'ég.-ird 
de  plusieurs  grandes  provinces  ou  royaumes, 
furent  appelés  patriarches.  Leur  autoriié  et 
leur  Juridiction  s'étendaient  sur  les  primats 
eux-mêmes,  et  absorba  dans  la  suite  l'auto- 
rité de  ces  derniers.  Ce  fut  particulièrement 
dans  l'Eglise  grecque  ou  d'Orient  que  ces 
dill'érentes  dénominations  furent  d'abord  ad- 
mises. L'Eglise  latine  n'eut  pendant  long- 
temps d'autres  manières  de  désigner  les 
évoques  des  principaux  sièges  qu_'  la  qua- 
lité d'archevêques  ;  si  les  noms  de  patriarche 
ou  de  primat  y  furont  ensuite  reçus  ,  ce  fut 
dans  un  sens  bien  moins  étendu,  et  avec  des 
prérogatives  bien  intérieures  à  celles  dont 
jouissaient  les  prélats  revêtus  des  mêmes 
titres  dans  TEglis?  orientale.  Deux  choses 
surtout  conliibuèrent  à  rendre  plus  dilficilo 
riiitroduclion  de  C(  s  titres,  et  des  jiouvoirs 
et  des  droits  qui  s'y  trouvaient  attachés.  La 
gi'ande  autorité  dont  l'évêque  de  Rom  •  a 
toujours  joui  dans  l'Eglise  latine,  s'o|>posait 
à  l'accroissement  de  l'autorité  des  sièges  in- 
férieurs; et  lorsque  les  évoques  de  Rome 
voulurent  dans  la  s  ;ite  employer  cette 
même  autorité  pour  étendre  celle  de  quel- 
ques-uns des  principaux  métropolitains,  la 
résistance  qu'ils  é[)roiivèrent  de  la  part  des 
métropolitains  voisins,  et  même  de  (pjolques- 
uns  de    leurs   sull'ragants ,    rendit  presque 


toujours  ces  tentatives  inutiles.  Quoique  l'on 
rencontre  quelquefois  le  titre  de  primat  ac- 
cordé à  des  évêqui^s  ou  archevêques  de 
l'Eglise  latine,  ce  titre  n'annonce  point  en 
leur  faveur  les  mêmes  avantages  qu'il  indi- 
quait relativement  aux  évéques  orientaux. 
Ce  n'était  guère  [lendant  les  onze  premiers 
siècles  (  surtout  dans  les  Gaules  )  qu'un 
simple  titre  d'honneur  accordé  quelquefois 
à  l'ancienneté  de  l'ordination  ,  d  autres  fois 
au  mérite  personnel ,  mais  sans  aucune 
prééminence  ni  supériorité  d(;  droit.  Malgré 
tout  le  crédit  que  le  pape  ^^aint  Léon  s'était 
si  justement  acquis  par  ses  vertus  et  sa 
doctrine  ,  il  ne  imt  réussir  à  faire  agréer  à 
l'Eglise  des  Gaules  le  dessein  qu'il  avait  d'y 
établir  différenis  prmw^s  auxquels  des  mé- 
tiopolitains  lussent  subordonnés.  L'attache- 
ment de  l'Eglise  gallicane  h  ses  anciens  usa- 
ges écarta  cette  nouveauté. 

Presijue  tous  les  auteurs  conviennent  que 
jusiju'aiirès  le  milieu  du  xi' siècle,  on  ne 
reconnut  dans  les  (îaules  l'autorité  d'aucun 
primat,  et  que  tous  les  métropolitains  étaient 
iinmédiat'unent  soumis  au  sai::'-siége.  Si 
quelques-uns  avaient  eu  quelque  préémi- 
nence sur  les  autres,  ce  n  avait  été  qu'en 
vertu  di's  vicariits  dont  les  iiajies  av.iient 
voulu  les  honorer,  et  qui  èlaient  unique- 
ment attachés  à  leurs  personnes.  Depuis 
longtemps  ces  vicariats  ont  cessé  d'être  en 
usage,  et  ne  seraient  plus  aujourd  Imi  reçus. 
Le  plus  ancien  primat,  en  vertu  d'un  titre 
]ierpéliiel,  que  l'on  reconnaisse  en  France, 
est  l'archevêque  de  Lyon.  Cette  dignité  lui 
fut  conférée  en  1079  par  Grégoire  VU  ,  qui 
occupait  alors  lesainl-siége,  et  qui,  par  une 
bulle,  accorda  à  l'Eglise  ne  Lyon  le  droit  de 
primatie  sur  les  quatn^  provinces  lyonnai- 
ses, qui  sont  celles  de  Lyon,  de  Sens  de 
Rouen  et  de  Tours.  L'antiquité  de  l'Eglise 
de  Lyon,  que  l'on  ]ieut  regarder  comme  la 
première  des  Eglises  de  France  qui  ait  eu 
un  siège  épiscopal,  semblait  mériter  cette 
distinction.  II  parait  même  que  Grégoire  VII 
crut  moins  accorder  un  droit  nouveau  h  cette 
Eglise  que  la  remettre  en  possession  d'an- 
ciens droits  que  le  défaut  d'usage  avait,  en 
quelque  sorte,  fait  oublier.  Ces  motifs  n'en 
eurent  pas  plus  de  force  sur  d^  ux  des  mé- 
tropolitains que  le  pape  assujettissait  à  la 
primatie  de  Lyon.  L'archevêque  de  Tours 
fut  le  seul  qui  la  reconnut  volontairement  et 
s'y  soumit  de  gré.  Robert,  archevêque  de 
Sens,  y  opposa  la  plus  vive  résistance,  et  lut 
privé,  par  le  pape,  de  l'usage  du  pallium 
dans  sa  province,  en  punition  de  cette 
désobéissance  prétemlui'.  Quel  crime  pou- 
vait-on faire  à  ce  iirélat  de  vouloir  conser- 
vei-  la  liherté  de  son  Eglise  et  les  préroga- 
tives de  son  siège  (1)  .'  D'Himbert,  qui  le 
remplit  après  lui  ne  montra  pas  la  même 
vigueur,  et  se  soumit  à  la  itrimatie  de  Lyon. 
Ses  successeurs  regardèrent  cette  conduite 
comme  une  faiblesse  de  sa  part,  qui  n'avait 
pu  préjudicii  r  à  leurs  droits,  et  ne  s'en  op- 
posèrent pas   moins  fortement   à   l'autorité 


(i)  Article  reproduit  d'après  l'édition  de  Liège.  (1)  Cetiii  de  désoibéir  à  une  autorité  coiniiéienie. 


1615 


PRl 


PRI 


1616 


que  les  archevêques  de  Lyon  voulaient 
prendre  dans  leur  province.  Ils  eurent  l'a- 
vantage d'être  en  cela  soutenus  par  nos  rois, 
qui  ne  voyaient  qu'avec  peine  qu'on  entre- 
prît d'assujetlii'  l'archevêque  de  la  province 
dans  laquelle  ils  résidaient  d'ordinaire  à  une 
puissance  étrangère.  L'archevêque  de  Lyon 
jouissait  en  effet  alors  de  la  souveraineté 
sur  cette  ville. 

Les  disputes  renouvelées  souvent  entre 
ce  petit  souverain  et  ses  sujets,  engagèrent 
ces  derniers  à  recourir  à  la  protection  de  nos 
rois,  et  à  désirer  de  se  soumeltre  à  leur  au- 
torité. Un  des  articles  du  traité  fut  que  les 
droits  de  primatie  seraient  conservés  sur  la 
province  de  Sens.  Le  dédommagement  n'était 
pas  fort  avantageux  pour  les  archevêques. 
Depuis  cette  éjjoque,  ceux  de  Sens  fuient 
oljligés  de  reconnaître  la  primatie.  Lors- 
qu'en  1622  l'évôché  de  Paris  fut  distrait  de 
la  métropole  de  Sens  et  érigé  en  archevê- 
ché, ce  ne  fut  qu'à  condition  que  la  nou- 
velle métrojiole  relèverait  immédiatement 
de  la  primatie-  de  Lyon,  à  laquelle  elle  de- 
meurerait soumise  :  c'est  ce  qui  est  stipulé 
dans  les  bulles  et  lettres  patentes  données  à 
ce  sujet.  Ita  tamen,  porte  la  bulle,  quod  Ec- 
clesia  ipsa  Parisiensis,  Ecclesiœ  primatiaii 
Lugdunensi,  et  illius  archiepiscopo,  adinstar 
dictœ  Ecclesiœ  Senonensis,  subjacere  debeat. 
11  n'est  donc  pas  étonnant  que,  malgré  tous 
les  efforts  de  feu  M.  de  Beaumont,  arche- 
vêque de  Paris,  le  droit  et  l'exercice  de  la 
primatie  de  l'Eglise  de  Lyon  sur  celle  de 
Paris,  aient  été  confirmés  par  un  autre  arrêt 
du  parlement  de  Paris,  prononcé  h  l'occa- 
sion du  jugement  rendu  par  M.  de  Montazet, 
archevêque  de  Lyon,  en  faveur  des  Hospita- 
lières du  faubourg  Saint-.Marceau.  Le  même 
parlement  a  jugé  dans  les  mêmes  principes, 
par  un  autre  arrêt  du  30  avril  17"'J,  par  le- 
quel les  demoiselles  Rallet  et  LelVbvre, 
novices  ursulines  de  la  rue  Sainte-Avoie  à 
Paris,  à  l'examen  desquelles  M.  l'archevê- 
que de  Paris  avait  refusé  de  procéder,  con- 
formément à  la  déclaration  du  10  février 
1742,  ont  été  renvoyées  |iar-devant  M.  l'ar- 
chevêque de  Lyon,  pour  être  examinées, 
quoique  M.  de  Beaumont  eût  subsidian>e- 
ment  conclu  à  ce  qu'il  lui  fût  donné  acte,  de 
ce  que  dans  le  cas  où  la  cour  jugerait  l'exa- 
men des  novices  légitime,  lors  même  que 
"le  temps  de  leur  noviciat  est  passé  depuis 
onze  ans  comme  dans  l'espèce,  il  offrait  de 
le  faire  subir  aux  deux  novices  dont  il  s'a- 
gissait. 

La  province  de  Tours  a  fait  des  tentatives 
au  commencement  de  ce  siècle,  pour  se 
soustraire  à  la  primatie  de  Lyon;  mais  elle 
n'a  pas  réussi. 

Quant  à  la  métropole  de  Rouen,  elle  n'a- 
vait jamais  supporté  que  fort  impatiemment 
les  prétentions  de  celle  de  Lyon.  Drpuis  l'é- 
rection de  la  de.nière  en  primatie,  plusieurs 
contestations  s'étaient  élevées  entre  les  jjré- 
laU  des  deux  sièges  :  elles  se  renouvelèrent 
avec  plus  de  chaleur  vers  la  fin  du  siècle 
dernier.  M.  de  Saint-tleorges  remplissait 
alois  le  .siège  de  Lyon:  celui  de  Rouen  était 


occupé  par  M.  Colbert.  L'affaire  fut  portée 
au  conseil  d'Etat;  elle  fut  instruite  avec  tout 
le  soin  possible;  les  plus  célèbres  juriscon- 
sultes écrivirent  ou  furent  consultés  :  on 
publia  de  part  et  d'autre  les  mémoires  les 
plus  approfondis.  Enfin,  par  arrêt  du  2  mai 
1702,  le  roi,  sans  s'arrêter  aux  requêtes  et 
demandes  de  l'archevêque  de  Lyon,  ten- 
dantes à  être  maintenu  dans  le  droit  de  pri- 
matie sur  la  province  de  Rouen  comme  sur 
celle  de  Lyon,  Tours,  Sens  et  Paris,  ayant 
égard  à  celles  de  l'archevêque  de  Rouen,  et 
à  l'intervention  des  évêques  de  la  province 
de  Normandie,  maintient  l'archevêque  de 
Rouen  et  ses  successeurs  dans  le  droit  et 
possession  où  était,  de  temps  immémorial, 
l'Eglise  de  Rouen,  de  ne  reconnaître  d'au- 
tre supérieur  immédiat  cjue  le  saint-siége  ; 
fait  défenses  à  l'archevêque  de  Lyon,  ses 
grands  vicaires,  olficiaux,  et  à  tous  autres 
de  l'y  troubler  à  l'avenir;  et,  en  conséquence, 
déclare  qu'il  y  avait  abus  dans  les  provi- 
sions et  visa  donnés  par  l'archevêque  de 
Lyon  et  ses  grands  vicaires,  de  bénéfices 
situés  dans  le  diocèse  de  Rouen,  sur  le  re- 
fus de  l'archevêque  de  Rouen  ou  de  ses 
grands  vicaires;  déclare  abusives  les  appel- 
lations de  l'ofticial  de  Rouen,  relevés  à  l'of- 
ficialité  primatiale  de  Lyon,  permission  de 
citer,  citations,  procédures  et  jugements 
rendus  en  conséquence  ;  ordonne  que  les 
appellations  des  ordonnances  et  jugements 
de  l'archevêque  de  Rouen,  ses  grands  vi- 
caires ou  olficiaux,  seront  relevés  immédia- 
tement à  Rome  ;  fait  défenses  à  toutes  per- 
sonnes de  les  relever  à  l'otficialité  prima- 
tiale de  Lyon,  à  peine  de  nullité  ;  en  ce  qui 
concerne  les  appellations  comme  d'abus  in- 
terjetés, tant  par  l'arclievêque  de  Rouen, 
des  deux  bulles  de  Grégoire  VII  de  l'année 
1079,  que  par  larchevèque  de  Lyon,  de  la 
sentence  rendue  par  le  cardinal  de  Sainte- 
Croix,  le  12  novembre  1455,  et  des  bulles  de 
Cahste  lil  des  23  mai  1453  et  12  juillet  1458, 
le  roi  les  déclare  respectivement  non-rece- 
vables  dans  lesdites  appellations  comme  d'a- 
bus ,  sans  amende  ;  ordonne  ijue  l'arrêt 
sera  lu,  publié,  enregistré  partout  où  be- 
soin sera,  et  que  toutes  lettres  patentes  né- 
cessaires seront  sur  ce  expédiées.  En  con- 
séquence de  cet  arrêt,  le  roi  a  donné  ses 
lettres  patentes  le  4  août  1702,  adressées 
aux  i)arlements  de  Paris  et  de  Rouen,  et  à 
tous  autres  officiers  justiciers  qu'il  a]ipar- 
tiendra,  etc.  Les  lettres  paienles  ont  été  en- 
registrées au  parlement  de  Paris  le  13  dé- 
cembre 1702,  et  au  iiarlement  de  Rouen  le 
20  du  môme  mois.  L'auteur  du  Recueil  de 
Jurisprudence  canonique,  après  avuir  rap- 
porté le  disposilif  de  l'arrêt  de  1702,  ob- 
serve que  dans  cette  célèbre  contestation, 
il  a  été  jugé  cju'un  évoque  peut  être  primat 
sans  avoir  sous  lui  de  métropolitain.  On  ne 
voit  cependant  pas  que  l'arrêt  donne  cette 
qualité  à  l'archevêque  de  Rouen.  Il  est  vrai 
qu'il  se  qualifie  do  primai  de  Normandie; 
et  quoi(p(e  ce  nom  ne  convienne  qu'à  un 
prélat  qui  a  juridiction  sur  d'autres  métro- 
poles, il  n'en  jouit  pas  moins  réellement  de 


I«i7 


PRI 


PRI 


1C18 


([irelqLU'>-iiiis  des  droits  priiuatiaux,  dans 
toute  l'étendue  do  sa  province  ecclésiasti- 
que. 

L'archevêque  de  Bourges  jouit  aussi  du 
droit  de  primatie.  Ce  droit,  atlaclié  depuis 
longtemps  à  son  sléj^e,  lui  fut  contirnié  par 
les  papes  Eugène  III  et  Grégoire  IX.  Sa 
primatie  paraît  s'être  autrefois  étendue  sur 
la  province  de  Bordeaux  :  d'anciens  monu- 
ments attestent  que  les  archevêques  de 
Bourges  y  ont  fait  des  visites,  et  que  les  ar- 
chevê(jues  de  Bordeaux  ont  reconnu  cette 
IH'imatie  ;  mais  depuis  longtemps  ces  der- 
niers ont  secoué  le  joug  ;  ils  prennent  même 
la  qualité  de  primat  d'Aquitaine.  Ce  privi- 
lège leur  fut  accordé  en  1301»,  par  le  pape 
Clément  V,  Français  de  nation,  et  (jui,  avant 
sa  promotion  au  souverain  pontificat,  avait 
rempli  le  siège  de  Bordeaux.  Il  exempta  en 
même  temps  cette  province  de  la  juridiction 
de  l'archevêque  de  Bourges;  ce  qui  continue 
que  la  primatie  de  ce  dernier  s  étendait  an- 
ciennement, comme  nous  venons  de  le  dire, 
sur  la  province  ecclésiasli(|ue  de  Bordeaux, 
et  ce  qui  prouve  le  droit,  ou  pour  mieux 
dire,  le  pouvoir  que  s'étaient  arrogé  les 
souverains  pontifes,  de  soumettre  ou  de 
soustraira  les  métropoles  à  la  juridiction  les 
unes  des  autres.  L'attention  cpi'ont  eue  les 
archevêques  de  Bordeaux  de  se  njaintenir 
dans  l'exemption  que  leur  avait  accordée  le 
saint-siége,  a  donné  plus  de  force  à  cette 
exemption,  qu'elle  n'en  tenait  du  rescrit 
pontihcal.  La  |irimatie  de  l'archevêque  de 
Bourges,  qui  par  là  se  trouvait  réduite  à  un 
titre  sans  fondions,  a  repris  la  dignité  et 
l'éclat  qui  paraissent  devoir  l'accompagner, 
lors  deVérection,  faite  eu  1675,  de  l'évêché 
d'AIbi  en  archevêché.  Les  archevêques  de 
Bourges,  dont  les  évoques  d'Alhi  étaient 
.sutfragants,  ne  consentii'ent  à  cette  érection 
que  sous  la  réserve  et  la  condition,  que  le 
nouvel  arciievêché,  ainsi  cpieles  évêchésde 
Rodez,  de  Castries,  de  Caliors,  de  Vabres 
et  de  Mendes,  que  l'on  détachait  aussi  de  la 
Province  de  Bourges,  pour  en  former  la 
nouvelle  province  d'AIbi,  resteraient  soumis 
à  la  juridiction  primatiale  de  l'archevêché  de 
Bourges. 

Ln  qualité  de  primat  est  encore  prise  par 
plusieurs  arciievè(pies  du  royaume  de 
France;  mais  elle  n'est  ipi'un  simple  titre 
pour  eux.  Ainsi,  l'archevêque  de  Bordeaux, 
comme  on  vient  de  le  dire,  s'iniiiule  primat 
d'Aquitaine;  l'archevêque  de  Sens,  quoique 
soumis  h  la  primatie  de  Lyon,  se  qualifie  de 
primat  de  Germanie;  l'archevêque  de  Vienne 
se  donne  le  titre  de  primat  des  primats  ;  ce- 
pendant i!  n'a  de  juridiction  sur  aucun  pri- 
mat,  ni  même  sur  aucun  métro])olitain  : 
l'archevêque  d'Arles  lui  conteste  la  cpialité 
de  primat  de  la  Gaule  narbonnaise,  qui  est 
en  môme  lemps  revendiquée  par  l'archevê- 
que de  Narhonue.  Ces  dilférentes  préten- 
tions on  (lu  tirer  leur  origine  des  vicariats 
que  les  pajies  s'étaient  mis  dans  l'usage  de 
donner  à  ditl'érents  évèques  dans  le  \'  et  le 
\i°  siècle.  Le  pape  Zozinie  revêtit  Patrocle, 
évèque  d'Arles,  du  titre  de  son  vicaire  dans 


les  Gaules.  Hormisdas,  ou,  selon  d'autres, 
Symniai[ue  accorda  la  même  faveur,  à  saint 
Rémi,  évêque  de  Reims.  Vices  7iostras  per 
omne  reqnum  dilecti  et  spiritualis  filii  nostri 
Liidotùri ,  salvis  pririler/iis  quœ  metropoU- 
tanis  decrevit  anliquitas,  tibi  committimus. 
En  vertu  de  ce  rescrit.  les  archevêques  de 
Reims  ont  réclamé  kis  droits  de  primat,  jus- 
qu'il Grégoire  VIL  qui.  sollicité  par  les  mé- 
tropolitains français,  s'opposa  h  ce  que  ja- 
mais celui  do  Reims  exerçAt  sur  eux  aucune 
autorité.  Depuis  cette  époque,  l'archevêque 
de  Reims  s'est  borné  ïi  se  dire  primat  de  la 
Gaule  belgique,  sans  faire  aucun  acte  de  ju- 
ridiction primatiale. 

Les  droits  et  pouvoirs  des  primats  na  ré- 
pondent point  jiarmi  nous,  à  la  magnifi- 
cence du  titre.  Les  |irélats  qui  en  jouissent, 
même  avec  fonctions,  ne  peuvent,  ni  faire 
des  visites  dans  les  métropoles  des  arche- 
vêques qui  relèvent  d'eux,  ni  indiquer  les 
assemblées  des  conciles  provinciaux,  ni  faire 
porter  devant  eux  la  croix,  ni  se  servir  du 
pallium,  ni  oflicier  pontiiicalemenl  dans  les 
mêmes  métropoles.  Fevret  liv.  m  de  son 
Traité  de  l'ahus,  chap.  3,  rapporte  fort  au 
long  les  permissions  et  consentements  que 
M.  de  Marquemont,  archevêque  de  Lyon, 
demanda  et  obtint  |)our  ci'lébrer  pontitica- 
lement  dans  l'église  paroissiale  de  saint 
Eustache,  à  Paris.  Toute  l'autorité  et  juri- 
diction des  ;jr(>Ha(«  se  réduisent,  d'une  part, 
à  juger  par  eux-mêmes  des  appels  interjetés 
devant  eux  des  ordonnances  des  métropo- 
litains qui  leur  sont  soumis,  en  matière  vo- 
lontaire, et  à  pourvoir  sur  les  refus  de  visa 
ou  collations,  lorsqu'ils  sont  collateurs  forcés, 
môme  à  les  suppléer  en  cas  de  déni  de  jus- 
tice; et  d'un  autre  côté,  à  faire  prononcer 
dans  leurs  officialités  primatiales,  sur  les 
appels  des  sentences  des  ofliciaux  métropo- 
litains. Ils  ont  encore  le  droit  de  conférer, 
par  dévolution,  les  bénélices  auxquels  les 
métropolitains  auraient  négligé  de  pourvoir 
dans  le  temps  qui  leur  est  prescrit  par  les 
Lois  canoniques  (1).  Voyez  Archevêque,  Dé- 
voLLTiox ,  Diocèse,  Evèque,  Patriarche, 
Visa. 

PRIMAUTÉ,  droit  d'occuper  la  première 
place.  Au  mot  Pape  nous  avons  prouvé  que 
le  souverain  pontife,  en  qualité  de  succes- 
seur de  saint  Pierre  sur  le  siège  de  Rome, 
a  dans  l'Eglise  universelle  une  primauté, 
non-seulement  d'honneur  et  de  préséance ,  . 
mais  d'autorité  et  de  juridiction.  Voy.  Pape,  • 
S  1  et  2.  'i 

PRIME.  Voy.  Heures  canoniales. 

PRINCE.  Voy.  Roi. 

PRINCE  DES  PRÊTRES.  Foy.  Pontife. 

PRINCIPAUTÉS.  Foy.  AxGES. 

PRISCILLIANISME ,  PRISCILLIANISTES. 
L'an  380  ou  l'année  suivante ,  on  vit  naître 
en  Espagne  une  secte  d'hérétiques  dont  le 
principal  chef  fut  Priscillien ,  homme  sa- 
vant, riche  et  insinuant;  c'est  ce  qui  fit 
donner  à  ses  partisans  le  nom  de  priscillia- 

(I)  Quelques  archevêques  de  France  porleul  en- 
core le  litre  de  piiinat  ;  mais  ce  n'est  plus  ((u'iin  ti- 
Ue  sans  juriiliclion. 


iM9 


PRl 


PRI 


leso 


niâtes.  Sulpiee-Sévèie,  auteur  contemporain, 
dans  son  Histoire  sainte,  1.  ii,  c.  46,  et  saint 
Jérôme,  Epist.  43,  ad  Ctesiph.,  col.  476, 
nous  apprennent  que  ces  sectaires  rt^unis- 
saient  aux  erreurs  des  manichéens  celles  des 
gnostiques. 

Ceux  même  qui  sont  le  plus  portés  à 
les  excuser,  avouent  qu'ils  niaient,  comme 
les  manichéens,  l'a  réalité  de  la  naissance  et 
de  l'incarnation  de  Jésus-Christ  ;  qu'ilssoute- 
naient  que  le  monde  visible  n'était  pas  l'ou- 
vrage de  l'Être  suprême,  mais  celui  de  quel- 
que démon,  ou  du  mauvais  ]irincipe.  Ils 
adoptaient  la  doctrine  des  gnostiques  tou- 
chant les  éons,  prétendus  esprits  émanés  de 
la  nature  divine.  Ils  considéraient  les  corps 
humains  comme  des  prisons  que  l'auteur  du 
mal  avait  construites  pour  y  enfermer  les 
eS;  rits  célestes  ;  ils  condamnaient  le  ma- 
riage et  niaient  la  résurrection  des  corps. 
Mosbeim,  Hist.  ccclés.,  iy°  siècle,  n"  part., 
c.  5,  §  22.  Voilà  certainement  les  principales 
erreurs  des  manichéens  et  des  gnostiques; 
il  n'est  donc  pas  étonnant  que  l'on  ait  attri- 
bué aux  priscillianistcs  les  autres  opinions 
fausses  de  ces  deux  sectes ,  savoir,  qu'il  n'y 
a  pas  trois  Personnes  en  Dieu,  que  les  Ames 
humaines  sont  de  la  même  substance  que 
Dieu,  que  l'homme  n'est  point  libre  dans 
ses  actions,  mais  soumis  à  la  fatal it-,  que 
l'ancien  Testament  n'est  qu'une  allégorie, 
que  l'usage  de  manger  do  la  chair  est  cri- 
minel et  impur.  Nous  pouvons  donc  ajouter 
foi  à  ceux  qui  nous  disent  que  ces  mêmes 
hérétiques  jeûnaient  le  dimanche,  le  jour  de 
Noël  et  le  jour  de  P.'ques,  pour  attester 
qu'ils  ne  croyaient  ni  la  naissance  ni  la  ré- 
surrection du  Sauveur ,  qu'ils  recevaient 
dans  leurs  mains  l'eucharistie ,  mais  (ju'ils 
ne  la  consommaient  pas,  parce  i qu'ils  ne 
croyaient  pas  la  réalité  de  la  chair  de  Jésus- 
Christ.  L'on  ajoute  qu'ils  s'assemblaient  la 
nuit  et  dans  des  lieux  écartés,  qu'ils  priaient 
nus,  hommes  et  femmes,  et  qu'ils  se  livraient 
àl'impudicité,  qu'ils  gardaient  un  secret  in- 
violable sur  ce  qui  se  passait  dans  leui  s  as- 
semblées, et  qu'ils  n'hésitaient  pas  de  se 
parjurer  pour  tromper  ceux  qui  voulaient  le 
savoir.  Pnscillicn  et  ceux  qu'il  avait  séduits 
furent  d'abord  condamnés  dans  un  concile 
de  Sara:40sse  l'an  381,  et  dans  un  autre,  tenu 
à  Bordeaux,  en  385.  Cet  hérésiarque,  ayant 
appelé  de  cette  sentence  à  l'empereur 
Maxime  qui  résidait  à  Trêves,  fut  convaincu 
par  ses  propres  aveux  de  la  jîlupart  des  er- 
reurs et  des  désordres  dont  nous  venons  de 
parler  ;  conséquemment  il  fut  condamné  à 
mort  et  exécuté  avec  plusieurs  de  ses  parti- 
sans. Leur  supplice  n'éteignit  point  le  pris- 
citlianisme  ;  il  en  demeura  des  sectateurs  en 
Espagne,  et  ils  y  causèrent  des  troubles  pen- 
dant près  de  deux  siècles  ;  saint  Léon  tit 
tous  ses  elforts  pour  extirper  en  Italie  et  eu 
Espagne  jusqu'aux  derniers  restes  des  mani- 
chéens et  des  priscillianistes  ;  mais  il  par.tîl 
que  ces  derniers  susbsistaient  encore  au  mi- 
lieu du  vi°  siècle. 

Tillemont,  qui  ;i  peint  ainsi  ces  hérétiques 
et  leurs  erreurs,  cite  poiir  garants  non-seu- 


lement Sulpice-Sévère,  saint  Ambroise  et 
saint  Jérôme,  auteurs  contemporains;  saint 
Augustin  et  saint  Léon,  qui  ont  vécu  immé- 
diatement après  ;  mais  encore  les  actes  des 
conciles  qui  ont  condamné  ces  hérétiques, 
Mém.,  t.  Vin,  p.  491  et  suiv. 

On  a  cependant  entrepris,  dans  l'ancienne 
Enctjclopédic ,  de  les  justifier,  et  défaire  re- 
tomber tout  l'odieux  du  scandale  sur  leurs 
accusateurs  et  sur  leurs  juges.  L'auteur  de 
cet  article  a  copié  Beausobre  dans  son  His- 
toire du  Manichéisme,  et  dans  sa  Dissertation 
sur  les  Adamites  ;  VambUion  de  ce  dernier 
était  de  discidper  tous  les  hérétiques  aux 
dépens  des  Pères  de  l'Eglise.  Mais  Mosheim, 
plus  judicieux,  blâme  ceux  qui  suivent  aveu- 
glément Beausobre,  sans  examiner  ce  qu'il 
y  a  de  vrai  ou  de  faux  dans  ce  qu'il  dit.  Hist. 
ecclés.,  IV'  siècle,  n'  part.,c.  5,  §  22,  note  (0). 

L'encyclopédiste  observe  d'abord  que  Sul- 
pice-Sévère attribue  à  Piiscillien  beaucoup 
de  belles  qualités,  (■:e  l'esprit,  de  l'érudition, 
de  l'éloquence,  l'application  au  travail,  la 
sobriété,  le  désintéress«'ment.  Mais  les  ta- 
lents ni  les  vertus  ne  mettent  point  un  hom- 
me à  couvert  de  l'erreur,  cela  est  prouvé  jiar 
l'exemple  de  plusieurs  antres  hérésiaiques  ; 
plus  leurs  principes  ont  été  corromjius,  plus 
ils  ont  affectéles  dehors  de  la  vertu.  Su! |)ice 
Sévère  reproche  aussi  à  Priscillien  beaucoup 
de  vanité  et  d'orgueil  que  lui  inspirait  s  n 
habileté  dans  les  sciences  profanes  ;  c'était 
assez  de  ce  vice  pour  l'égarer.  11  était  aussi 
accusé  d'avoir  étudié  la  magie,  et  dans  la 
suite  il  le  fut  d'avoir  eu  un  commerce  crimi- 
nel avec  des  femmes.  -  Il  observe  en  second 
lieu  que,  suivant  l'aveu  de  saint  Augustin, 
les  livres  des  priscillianistes  ne  contenaient 
rien  qui  ne  fût  cathol  que  ou  très-peu  diffé- 
rent (le  la  foi  catlohque.  Comment  concilier, 
dit-il,  ce  témoignage  avec  les  erreurs  des 
gnostiques  et  des  manichéens  que  ce  môme 
Père  leur  attribue"?  M.iis  cet  apologiste  chari- 
table en  impose  sur  saint  Augustin.  Ce  Père 
dit  que  les  priscillianistes  prêchent  la  foi  ca- 
tholique àceua;  quils  craignent,  non  pour  la 
suivre,  mais  pour  se  cacher  sous  ce  masque; 
qu'il  n'y  eut  jamais  d'hérétiques  plus  fourbes 
ni  plus  haiiiles  à  déguiser  leurs  vrais  senti- 
ments. Epist.  237,  nd  Ceretium,  n.  3.  —  Plu- 
sieurs Pères,  continue  notre  critique,  ont 
cru  que  l'iime  émanait  de  Dieu,  sans  la  croire 
consubstantielle  à  Dieu  ;  il  a  pu  en  être  de 
même  des  priscillianistes.  Autre  imposture  ; 
on  le  délie  de  citer  un  seul  Père  de  l'Eglise 
qui  ait  enseigné,  comme  les  manichéens,  les 
priscillianistes  et  les  stoïciens,  que  les  âmes 
humaines  sortaient  de  la  substance  de  Dieu 
par  émanation.  Yoy.  Emanation.  —  Il  ne  veut 
pas  que  les  priscillianistes  aient  confondu, 
comme  Sabellius,  les  Personnes  divines  ;  ils 
croyaient,  dit-il,  la  préexistence  du  Verbe, 
mais  ils  ne  le  croyaient  pas  Fils  de  Dieu, 
parce  (jue  ce  titre  ne  lui  est  pas  donné  dans 
l'Ecriture  :  suivant  leur  opinion  ,  Jésus- 
Christ  n'était  Fils  de  Dieu  qu'autant  ipi'il 
était  lié  de  la  Vierge.  Comment  cet  écrivaiB 
n'a-t-il  pas  vu  qu'il  se  réfute  lui-même? 
Puisque  \tis  prisctUianistes  n'admettaient  pas 


1621  PRI 

lu  divinité  du  Verho,  ils  n'admettaient  donc 
pas  trois  Personnes  en  Dieu,  non  plus  (]ue 
Saheilius  et  les  autres  anlilriuitaires.  Puis- 
qu'ils ne  croyaient  point  l'inearnation  d'une 
Personne  divine,  ils  étaient  dune  dans  l'er- 
reur sur  les  deux  prin(i|)au\  dogmes  du 
cliri'tiaiiisMie-  Cependant  leur  apologiste 
peisisie  à  dire  qu'il  est  fort  incertain  si  ces 
sertaires  soutenaient  qiudques  erreurs,  et 
qui'ljcs  étaient  leuis  opinions. 

11  n  '  veut  pas  croire,  nmi  plus  (jue  Mos- 
heiin,  que  ces  hérétiques  montaient  et  se 
paijuraient  sins  scrupule  po'ir  cacher  leurs 
erreurs  et  leursmvs'èi'es,  «(((u'ils  se  livraient 
î>  i'iuipudicité  dans  leurs  asseudjiées  ;  cela 
n'est  ;irouvé, dit-il, que  parle li'Uiois^naged'uu 
norunn''  Fioiitoncpu  avait  ie'ut  d'être  de  leur 
parti,  alin  de  découvrir  ce  qui  se  passait  par- 
mi iMix.  11  se  troi\i;>e  ;  les  preuves  s(jnl,  1°  la 
confession  de  Priscillien  lui-uiéuie,  (pii  se 
reeoinuit  coupable  de  plusieurs  turpitudes; 
2°  l'aveu  de  plusieurs  (h;  ses  sectaleurs  (jui 
se  convertii'ent  ;  S.  Auy;.,  ibiil.;'S'  le  juge- 
ment de  Sulpice-S.'ivère,  qui,  Irès-tlisposé 
d'ailhnn'sà  les  excuser,  lesappelledes  lioin- 
mes  très-indignes  de  vivre,  luce  indiynissinii: 
k°  la  ditlérenco  des  peines  qu'ils  subirent  ; 
])endanl  que  les  jilus  coupables  turent  |iunis 
d;'  iiuirt,  les  autres  furent  seulement  exilés. 
L'apoloi^iste  oppose  à  ces  preuves,  1°  le  si- 
lenre  de  saint  Jérôme,  qui  ne  reproche  |)oint 
de  crimes  i\  Latronien  ni  h  Tibérien,  doux 
des  chefs.  Qu'inq)orte,  dès  qu'il  les  reproche 
à  la  secte  en  général.  Voyez  la  lettre  citée. 
Saint  Ambroise,  dit-il,  témoigne  de  la  com- 
jiassion  pour  le  vieux  évèque  Hygiuus  qui 
fut  envoyé  en  exil;  soit  :  ce  vieillard  pouvait 
n'avoir  eu  aucune  part  aux  crimes  de  la  secte. 
Mais  lorsijue  les  priscillimiistcs  condamnés 
au  concile  de  Saragosse  voulurent  se  justifier 
au[>rès  du  pape  DamKse,  ce  pontife  n(^  vou- 
lut |ias  seuli'uicut  les  voir,  et  saint  Amliroise 
(if  de  même,  Sulpit.  Sever.,  1.  u  ,  c.  '^9.  Il 
n'est  pas  via;  que  8ul|iice-Sévèrc  ail  ditifuo 
l'on  reconnaissait  plutôt  les  priscillianisle.i 
à  la  modestie  de  leurs  habits  et  à  la  [làieur 
de  leur  visage  qu'à  la  différence  de  leurs 
sentiments.  Nos  adversaires  ne  se  corrige- 
ront-ils jamais  de  la  mauvaise  hal)itude  de 
falsilic  r  les  auteurs  ?  Sulpice-Sévère  dit  ([u'il 
est  moins  indigné  cor)tre  les  prisdUianistes 
<jue  contre  leurs  accusateurs;  cependant  il 
appelle  la  c(jnduite  des  premiers  une  perfidie, 
leur  octriiie,  une  peste  pour  l'Espuijne,  leur 
société,  une  secte  pernicieuse,  et  ceux  i[ui 
fuient  supi)liciés,  des  hommes  indignes  de 
vivre.  Il  observe  que  l'riscillien,  Instautius 
et  Salviamis  gagnèrent  rita;io  avec  le  corti'ge 
tiès-indécent  de  leurs  femmes  et  d'autres 
|»e.rs()nnes  du  sexe  de  mauvaise  réputation  ; 
eel/i  ne  ci  invenail  guère  àt.ois  évèqu 'S. 

:^  L'on  cite  en  le  rfaveui  Lalinius  l'acatus, 
oraleui-  païen,  qui,  dans  le  panéqurique  de 
Théodose,  aprèsla  défaite  de  .Maxime,  déplore 
].i  cruauté  avec  laquelle  ce  dernier  av.iil  fait 
supplicier  non-seu  ement  des  hounues,  mais 
des  femniis.  11  dit  que  Euchrocie,  veuve  du 
po  le  Delpliidius,  cpii  eut  la  tète  tranchée, 
u'avait  jwint  d'autre  crime  que  d'èlre  trop 


PRI 


lCi2 


religieuse  et  trop  attachée  au  culte  de  la 
Divinité.  Mais  que  prouve  le  témi>igiiage  d'nn 
païen  trompé  par  l'extérieur  hypocrite  de 
ces  sectaires?  Convenait-il  à  une  femme 
honnête  et  vertueuse  de  suivre  des  évèques 
condamnés  jxjur  hérésie  eu  Italie  et  dans  les 
Gaules,  et  de  mener  avec  elle  sa  lille  Procula, 
que  l'on  accusait  d'avoir  eu  un  conunerce 
impudique  avec  Priscillien  ?  Ce  mépris  des 
bienséances  était  plus  propre  à  conlii  mer  les 
soupgnns  qu'à  les  dissiper.  On  sait  d'ailleurs 
que  les  beggards  et  d'autres,  coupables  des 
mômes  désordres  que  les  priacillianistes,  n'a- 
v.iient  pas  un  air  moins  dévot  ni  moins 
moitilié. 

3°  Sulpice-Sévère  appelle  les  témoins  qui 
déposèrent  contre  Priscillien  et  contre  ses 
adhérents,  des  hommes  vils  ;  mais  ils  ne  fu- 
rent pas  les  seuls,  puisque  ce  chef  de  parti 
avoua  lui-même  les  turpitudes  dont  il  était 
coupable,  et  que  ceux  qui  se  convertirent 
dans  la  suite  conlirmèrent  cet  aveu.  On  dit 
que  la  confession  de  Priscillicui  lui  fut  arra- 
chée par  la  torture.  Cela  est  faux.  Suliàce- 
Sévère  dit  que  les  témoins  s'accusèrent  eux- 
mêmes  et  leurs  compagnons  avant  linterro- 
gat  ire,  antc  quœstionem  ;  c'est  mal  àpro|)OS 
(pie  l'on  veut  entendre  par  là  les  tortures  de 
la  question. 

k"  Les  principaux  accusateurs,  dit  l'apolo- 
giste, furent  Ithace  et  Idace,  évoques  espa- 
gnols, hommes  méchants  et  très-vicieux, 
avec  deux  autres  nommés  Magnus  et  Riifus, 
dont  Suhàce-Sévère  parle  av!'c  horreur  et 
mépris.  Nous  convenons  ({ue  ces  évèques  fi- 
rent un  personnage  odieux  et  indigne  de 
leur  confrère,  en  poursuivant  des  héréti- 
ques au  tribunal  d'un  prince  de  mauvais  ca- 
ractère. Ils  furent  détestés  avec  raison  par 
leuis  confrères,  et  surtout  par  saint  Martin, 
qui' demanda  grâce  pour  les  priscillianistes; 
mais  la  passion  des  accusateurs  ne  prouve 
pas  l'injustice  de  la  sentence. 

5'  L»  juge  fut  un  nommé  Evode,  préfet  du 
prétoire,  homme  dur  et  sévère.  Cependant 
ce  magistrat  si  dur,  après  avoir  convaincu 
les  accusés,  ne  voulut  pas  prononcer  la  si n- 
tence,  il  renvoya  les  pièces  du  procès  à 
l'empereur.  Celui-ci ,  tout  méchant  qu'il 
était,  suivit  encore  les  règles  de  la  justice, 
jmisqu'il  ne  condamna  que  les  plus  coupa- 
bles à  la  mort  ;  il  se  contenta  d'exiler  les 
autres,  ou  pour  toujours,  ou  seulement  i)our 
un  tem[)S.  On  dit  qu'il  en  voulait  principale- 
ment aux  biens  des  priscillianistes,  cela 
}>eut  être;  mais  il  n'était  pas  nécessaire  de 
les  faire  périr  pour  confisquer  leurs  biens. 
Après  la  mort  de  ce  tyran,  l'un  ne  découvrit 
aucune  preuve  de  leur  innocence,  et  lors- 
que saint  Léon,  dans  le  siècle  suivant,  re- 
commença les  informations  contre  les  pris- 
eiliianisles,  il  retrouva  parmi  eux  les  mêmes 
erreurs  et  les  mêmes  désordres  qui  avaient 
régné  |)armi  leurs  prédécesseurs.  S.  Léo,  ep. 
Xi,  ad  Turibium,  c.  1. 

tt"  Dans  le  concile  de  Saragosse,  on  repro- 
cha aux  priscillianistes  des  irrégularités  et 
non  des  crimes.  Ou  voit  par  les  canons  de 
ce  concile  que  parmi  eux  les  laïques  et  le* 


1623 


PRl 


PRI 


1624 


femmes  enseignent  qu'ils  ont  des   assem- 
blées  secrètes  dans  les  lieux  écartés,  qu'ils 
jeûnent  le   dimanche,  qu'ils  marchent  pieds 
nus,  que  quelques-uns  reçoivent  l'eucharis- 
tie sans  la  manger  à  l'église,  que  plusieurs 
de   leurs    prêtres    quittent   leur    ministère 
pour  entrer  dans  l'état  monastique.  Ce  con- 
cile  aurait-il    passé  sous   silence    des    cri- 
mes ca|iitaux,  tels  que  la  proslitutinn,  la  nu- 
dité,   le   parjure,   etc.,   si  les  priscillianistes 
en  avaient  été  réellement  coupables?  A  cela 
nous  répondons,  1°  que  nous  n'avons  qu'une 
.partie  des    actes   du  concile  de  Saragosse, 
qu'ainsi  nous  ne  savons  pas  ce  que  portaient 
les  canons  qui  ne  subsistent  plus;  2"  que  les 
évêques  de  ce  concile  n'ont  pu  juger  que 
des  délits  qui  leur  étaient  connus;  or,  il  est 
probable  qu'à  la  naissance  du  priscitlianisme 
en  Espagne,  les  partisans  de  cette  hérésie 
ne  se  livrèrent  pas  d'abord  aux  crimes  énor- 
mes que  l'on  vit  bientôt  éclore  parmi  eux. 
Elle  aurait  d'abord  révolté   toutes  les  âmes 
honnêtes.  Mais  s'ils  se  sentaient  absolument 
innocents,  pourquoi   ne  voulurent-ils  com- 
paraître ni  au  concile  de  Saragosse  ni  à  celui 
de  Bordeaux  ?  Voyez  Sulpice-Sévkre  à  l'en- 
droit cité. 

7°  Les  évêques  qui  renoncèrent  au  pris- 
cillianisme  n'abjurèrent  que  des  erreurs; 
saint  Ambroise  trouvait  bon  que  l'on  con- 
servât dans  les  bénéfices  et  les  dignités  ceux 
cjui  se  réuniraient  à  rEy;lise.  Dictinnius, 
l'un  d'entre  eux,  est  révéré  comme  un  saint 
en  Espagne.  Aussi  ne  disons-nous  pas  que 
tous  les  priscillianistes  étaient  cou|iables 
des  mêmes  dérèglements;  plusieurs  s'étaient 
laissé  séduire  par  les  apparences  de  vertu 
et  de  piété  qu'affeclaient  les  hérétiques;  ils 
furent  détrompés  lorsqu'ils  apprirent  les 
turpitudes  auxquelles  la  plupart  se  livraient. 
Ils  revinrent  donc  de  bonne  foi  à  l'Eglise  ; 
pourquoi  les  aurait-on  dé|)ouillés  do  leurs 
dignités  ?  Une  eireur  innocente  à  laquelle 
un  homme  a  renoncé  dès  qu'il  l'a  connue, 
ne  peut  pas  l'empêcher  de  devenir  un  saint  : 
tel  a  été  sans   doute  le  cas  de  Dictinnius. 

8*  Enfin,  on  a  condamné  dans  les  priscil- 
lianistes, dit  notre  auteur,  la  doctrine  de 
saint  Augustin  ;  selon  ce  Père  ,  l'homme  est 
déterminé  invinciblement  au  mal  par  la  cor- 
ruption de  sa  nature,  ou  au  bien  par  l'action 
du  Saint-Esprit.  A  la  vérité  cette  doctrine 
ôte  à  l'homme  la  liberté  d'inditférence,  ce- 
pendant elle  a  été  solennellement  approuvée 
par  l'Eglise  ;  ainsi  saint  Léon,  en  réfutant 
les  prisciliianistes,  ne  s'est  pas  aperçu  qu'il 
réfutait  saint  Augustin.  (]ette  calomnie  des 
protestants  et  de  quelques  autres  liérétiques 
a  été  mille  fois  réiutée;  jamais  saint  Augus- 
tin n'a  dit  que  l'Iiomme  était  invinciblement 
déterminé  à  une  bonne  ou  à  une  mauvaise 
action  ;  il  ne  s'est  servi  du  mot  invinciblement 
qu'en  parlant  du  don  do  la  persévérance  fi- 
nale qui  renferme  la  mort  en  état  de  grâce; 
un  lionmie  peut-il  encore  résister  à  la  grâce 
après  sa  mort?  Le  saint  docteur  a  rejeté  la 
liberté  d'indillerence,  prise  dans  le  sens  des 
pélagiens,  pour  un  penchant  égal  au  bien  et 
au  mal,  i)our  une   égale  facilité  de  faire  l'un 


ou  l'autre  par  les  seules  forces  du  libre  ar- 
bitre. Tout  catholique  la  rejette  dans  ce  sens. 
Mais  deux  pouvoirs  réels  et  deux  pouvoirs 
égaux  ne  sont  pas  la  môme  chose,  saint 
Léon  n'était  pas  assez  ignorant  pour  s'y 
tromper. 

Puisque  le  priscillianisme  a  subsisté  en 
Espagne  pendant  près  de  deux  cents  ans, 
qu'il  y  a  causé  des  disputes  et  des  troubles, 
qu'enfin  ceux  qui  y  étaient  tombés  sont  re- 
venus à  l'Eglise,  les  Pères,  tels  cjue  saint  Jé- 
rôme, saint  Ambroise,  saint  Augustin,  saint 
Léon,  Paul  Orose  qui  vivait  en  Espagne,  les 
évêques  du  concile  de  Brague  tenu  l'an  50.3, 
ont  été  ceitainement  très  à  portée  de  le  con- 
naître; il  nous  paraît  que  leur  témoignage 
est  d'un  tout  autre  jjoids  que  les  conjectures 
et  les  visions  des  critiques  protestants.  Ceux- 
ci  d'ailleurs  ne  s'accordent  point  dans  le  ju- 
gement qu'ils  portent  de  ces  anciens  héréti- 
ques. —  On  voit  par  la  lettre  que  nous  avons 
citée  de  saint  Léon  à  Turibius,  que  cet  évê- 
que  espagnol  l'avait  averti  de  la  renaissance 
du  priscillianisme  en  Espagne;  ce  même  évo- 
que en  connaissait  si  l)ien  les  erreurs,  qu'il 
les  avait  exposées  et  rangées  en  dix-sept 
articles,  sur  chacun  desquels  saint  Léon  fait 
des  réflexions.  Aujourd'hui  l'on  vient  nous 
dire  que  nous  ne  savons  pas  certainement 
quelles  étaient  les  erreurs  des  priscillianis- 
tes, parce  que  nous  n'avons  plus  leui  s  livres; 
qu'aucun  ancien  historien  ne  nous  a  fidèle- 
ment exoosé  leur  doctrine.  Que  manquait-il 
donc  à  l'évoque  Turibius  pour  la  connaître, 
et  qnel  motif  pouvait-il  avoir  de  ne  pas 
l'exposer  exactement  à  saint  Léon? 

En  parlant  de  l'horreur  qu'inspire  aux 
évêques  des  Gaules,  et  surtout  à  saint  Mar- 
tin, la  conduite  des  accusateurs  de  Priscil- 
lien,  Mfisheim  dit  (|ue  les  chrétiens  n'avaient 
point  encore  appris  que  ce  fût  un  acte  de 
piété  et  de  justice  de  livrer  les  hérétiques 
aux  magistrats  pour  les  faire  punir  :  cette 
doctrine  abominable,  continue-t-il,  était  ré- 
servée pour  les  temps  auxquels  la  leligion 
devait  devenir  un  instrument  de  despotisme, 
de  haine  et  de  vengeance.  Ce  trait  de  mali- 
gnité porte  à  faux,  manque  de  ju.«tesse  et 
d'équité.  1°  Longtemps  avant  la  procédure 
faite  contre  Priscillien,  il  y  avait  eu  des  lois 
portées  par  les  empereurs  contre  les  héréti- 
ques, en  particulier  contre  les  manichéens 
et  contre  les  donatistes,  et  plusieurs  avaient 
été  punis.  2°  Ce  ne  sont  pas  les  évêques  qui 
avaient  livré  Priscillien  aux  magistrats,  c'est 
lui-même  qui  avait  appelé  dujugement  des 
évoques  à  celui  de  l'empereur;  par  le  pre- 
mier il  aurait  été  condamné  tout  au  plus  à 
être  dégradé  de  l'épiscojiat  et  privé  de  la 
communion  ;  par  le  second  il  fut  condamné 
à  mort.  3"  Il  y  a  de  la  calomnie  à  insinuer 
que  l'on  a  livré  aux  magistrats  toutes  sortes 
d'hérétiques  ;  cela  n'a  été  fait  (ju'à  ceux  dont 
les  erreurs  ou  la  conduite  intéressaient  l'or- 
dre jiulilic  et  le  bien  temporel  do  la  société. 
Or,  telles  étaient  les  erreurs  des  manichéens 
et  des  priscillianistes.  «  Les  princes  ont 
compris,  dit  saint  Léon,  que  laisser  h  ces 
sectaires  la  vie  et  la  liberté  do  dogmatiser, 


162S 


PRO 


PRO 


1C2G 


c'était  dôtniiro  toute  honnêteté  dans  ies 
mœurs,  dissoudre  tous  les  mariages,  l'ouicr 
aux  pieds  toutes  les  lois  divines  et  iiuniai- 
ues.  »  Epist.  cit.  ^i-°Oue  signifie  livrer  les  hé- 
rétiques aux  magistrats  pour  les  punir?  C'est 
laisser  aux  magistrats  le  soin  de  juger  si  les 
hérétiques  méritent  ou  non  d'être  punis  par 
des  peines  afflictives;  mais  |)ar  ectte  expres- 
sion perfide  les  pi'otestanls  veulent  l'aii'e  en- 
tendre (jue  les  évéques  ont  saisi  les  liéréti- 
ques  par  violence,  les  ontcoiulamiiés  à  mort, 
et  les  ont  ensuite  livrés  pieds  et  poings  liés 
aux  magistrats  pour  exécuter  la  sentence; 
c'est  ainsi  qu'ils  en  imposent  aux  ignorants. 
—  A  l'article  saint  LÉoiv,  nous  avons  justillé 
ce  saint  pape  contre  l(!s  calomnies  de  Beau- 
sobre,  qui  l'accuse  d'avoir  attribué  aux  ma- 
nichéens et  aux  priscillianistes  des  erreurs 
qu'ils  ne  soutenaient  jjas,  et  des  désordres 
des(|uels  ils  n'étaient  pas  coupables. 

PUISCILLIENS.  Voy.  Montamstes. 

PKOHABILISME,  PROBABILISTES.  li  y 
a  eu  entre  les  casuites  une  dispute  longue 
et  vive  pour  savoir  quelle  conduite  ou  doit 
tenir  entre  deux  0|>inions  plus  ou  moins 
probables,  dont  l'une  décide  que  telle  chose 
est  permise,  l'autre  qu'elle  ne  l'est  pas.  Sur 
ce  point,  comme  sur  plusieurs  autres,  l'on 
a  donné  dans  les  deux  excès.  Quelipies-uns 
ont  soutenu  qu'il  est  permis  de  suivre  l'opi- 
idon  la  moins  probaiile,  et  ils  entendaient 
par  opinion  probaiile,  toute  opinion  en  fa- 
veur de  laquelle  on  pouvait  citer  au  moins 
le  sentiment  d'un  docteur  de  quelque  répu- 
tation ;  ils  ont  été  ai^pelés  probabilistcs.  il 
est  aisé  de  voir  que  cette  morale  était  ab- 
surde et  condamnable.  D'autres  ont  [irétendu 
que  l'on  ne  peut,  en  sûreté  de  conscience, 
suivre  jamais  une  opinion,  quel([ue  probable 
qu'elle  soit;  qu'il  faut  toujours  prendre  pour 
règle  une  o[)inion  certaine  et  incontestable; 
on  les  a  nommés  antiprobabilistes.  Autre 
excès  qui  nous  mettrait  hors  d'état  d'agir 
dans  une  inlinité  de  circonstances  dans  les- 
quelles il  faut  nécessairement  prendre  un 
parti,  sans  pouvoir  ce|)endant  sortir  du  doute 
dans  lequel  on  est  tnucliant  ce  qu(^  la  loi 
prescrit.  Le  seul  milieu  raisonnable  et  le 
seul  approuvé  par  l'Eglise  est  qu'entre  deux 
o|iinions  en  faveur  (lesquelles  il  y  a  des  rai- 
sons et  des  autorités,  il  faut,  après  un  sé- 
rieux examen,  suivre  celle  qui  ])arait  la 
mieux  fondée,  adn  de  ne  pas  s'exposer  té- 
mérairement au  danger  de  pécher. 

Mais  il  ne  faut  pas  croire  que  tous  les  pro- 
bdbilistes  ont  d<inni''  dans  le  même  excès  de 
relAchement;  plusieurs  ont  entendu  i)ar  opi- 
nion probable,  non  celle  en  faveur  de  la(|uelle 
on  peut  citer  tout  au  plus  une  ou  deux  au- 
torités, mais  celle  qui  est  appuyée  sur  des 
raisons,  et  soutenue  par  un  nombre  de  doc- 
teurs graves  et  non  sus[)ects.  Le  probabilisme 
ainsi  entendu  a  été  le  sentiment  commun  des 
casuites  de  toutes  les  écoles, de  tousles  ordres 
religieux  et  de  toutes  les  nations;  il  y  a  de 
l'entêtement  à  soutenir  que  ce  sentiment 
était  une  corrupion  de  la  morale,  un  prin- 
cipe de  fausses  décisions,  un  mo\  en  d'excu- 
ser et  d'autoriser  tous  les  pécheurs. 


Cependant,  en  confondant  le  probabilisme 
ainsi  conçu  avec  le  pro6«/>(//»-mc  le  plus  re- 
hV'lié,  un  a  trouvé  le  moyen  de  persuader 
aux  ignorants  et  aux  demi-savants  que  ce 
dernier  était  le  sentiment  commun  des  seuls 
casuites  jésuites,  îi  l'exclusion  de  tous 
les  autres.  C'est  ce  que  Pascal  a  soutenu 
avec  tout  l'esprit  et  tnul(^  la  malignité  |)ossi- 
bk's  dans  les  Lettres  provinciales  ;  d'autres 
se  sont  elforcés  de  prouver  tout  ce  qu'il 
avait  dit,  et  l'on  a  écrit  anq)lement  pour  et 
contre  ce  fait,  qui  a  ()aru  l'oit  im[iortant.  Les 
protestants  n'ont  ]ias  manqué  de  venir  à  l'ap- 
pui des  accusateurs;  en  dernier  lieu,  Mos- 
lieim  a  répété  contre  les  jésuites  tous  les  re- 
proches qui  loin-  ont  été  faits  (lar  esprit  de 
cabale  et  de  parti.  Hist.  cccle's.,  xvi'  siècle, 
sect.  3,  i"-'  part.,  c.  1,  «^  35  ;  xvir'  siècle,  sect. 
2,  i"  part.,  c.  1,  §  35.  Le  traducteur  a  encore 
eiicliéri  sur  l'original.  Néanmoins  l'un  et 
l'autre  avouent  que  l'on  aurait  tort  d'impu- 
ter il  tous  les  jésuites  en  général  les  maximes 
erronées  et  les  pratiques  corromi)ues  qu'on 
leur  a  reprochées,  que  plusieiu-s  de  leurs 
casuites  ont  enseigné  le  contraire.  Ils  con- 
viennent que  les  adversaires  de  cette  société 
célèbre  ont  été  plus  loin  (|u'ils  ne  devaient; 
((u'ils  ont  exagéré  les  choses  pour  donner 
carrière  à  leur  zèle  et  à  leur  éloquence  ;  que 
l'on  a  iiujuité  à  ses  membres  des  principes 
que  l'on  tirait  par  induction  de  leur  doctrine, 
et  qu'ils  auraient  désavoués;  que  l'on  n'a 
pas  toujours  interprété  leurs  ex[)ressions 
dans  leur  véritable  sens;  i[ue  l'on  a  re|)ré- 
senté  les  conséquences  de  leur  système 
d'une  manière  partiale  et  qui  ne  s'accorde 
pas  toujours  avec  l'exacte  équité.  Puisque 
tout  cela  est  vrai,  pourquoi  répéter  encore 
des  accusations  dictées  par  la  haine  et  par 
la  malignité,  et  dont  on  est  forcé  d'avouer 
rinjustic(;?  Voi/.  Casiistes. 

PROCÈS.  Jésus-Christ  dit  "a  ses  disciples, 
Matth.,  c.  V,  v.  38  :  Yous  savez  ce  qu'il  est 
dit  :  On  exigera  œil  pour  œil  et  dent  pour 
dent  :  pour  moi  je  vous  dis  de  ne  point  résister 
au  mal  (ou  au  méchant);  tnais  si  quelqu'un 
vous  frappe  sur  une  joue,  tendez-lui  l'autre. 
Si  quelqu'un  veut  plaider  contre  vous  et  vous 
enlever  votre  robe,  abandonnez-lui  encore  vo- 
ire manteau.  Saint  Pavd  a  répété  la  môme 
morale  aux  fidèles.  1  Cor.,  c.  vi,  v.  6.  Parmi 
vous,  dit-il  aux  Corinthiens,  un  frère  plaide 
contre  son  frire,  et  cela  par-devant  les  infidè- 
les. C'est  déjà  un  mal  qu'il  ij  dit  entre  vous 
des  procès  ;  pourquoi  ne  pas  plutôt  soujfrir 
une  injure?  pourquoi  ne  pas  supporter  %me 
fraude?  Les  censeurs  de  l'Evangile  ont 
blâmé  hautement  cette  morale  :  elle  défend, 
disent-ils,  la  juste  défense  de  soi-même;  s'il 
fallait  l'observer,  la  société  ne  pourrait  sub- 
sister. 

Plusieurs  Pères  de  l'Eglise  ont  pris  à  la 
lettre  les  paroles  de  Jésus-Christ  et  de  saint 
Paul;  Athénagore,  Légal,  pro  Christ.,  cl, 
dit  aux  païens  :  «  Non-seulement  nous  ne 
nous  défendons  pas  contre  ceux  qui  nous 
frappent,  et  nous  n'intentons  point  de  pro- 
cès à  ceux  qui  nous  enlèvent  notre  bien, 
mais   nous  avon$  appris  'à  tendre  l'autre 


lfi-27 


PRO 


PRO 


1G28 


joue,  etc.  »  Lactance,  Divin.  Instit.,  1.  vi, 
c.  18,  n.  12;  saint  Basilo,  Epist.  ad  Amphil., 
can  55;  saint  Grt'goirode  Nazianze,  Oral,  à, 
soutiennent  que  c'est  un  précepte  rigoureux 
pour  un  chrétien. 

fia  beviac,  occupé  à  chercher  dê.s  erreurs 
de  morale  dans  les  Pères  de  l'Eglise,  sou- 
tieut  que  c"en  est  ici  une  irès-grave;  il  leur 
reproche  de  n'avoir  p  is  pris  le  sens  des  pn- 
rolr.i  proverbiales  de  Jésus-Christ,  et  d'avoir 
ainsi  condamné  la  juste  défense  de  soi-même. 
Pdui-  justitier  sa  censure,  ce  -rand  moraliste 
a' irait  dû  nous  montrer  d'abord  en  quoi  son 
objection  est  mieux  fondée  que  celles  des 
incrédules,  ensuite  nous  donner  le  vrai  sens 
des  [laroles  piét  -ndues  proverbiales  de  Jé- 
sus-Christ. Puisqu'il  n'a  fait  ni  l'un  ni  l'au- 
tre, nous  sommes  obli^;ïés  d'y  supi)léer,  de 
faire  voir  que  le  Sauveur,  ni  saint  Paul,  ni 
les  Pères,  n'ont  pas  tort. 

Dans  quelles  circonslances  Jésus-Christ 
parlait-il  a  ses  disciples?  il  leur  dit  :  L'heure 
vient  à  laquelle  quiconque  vous  ôtera  la  vie 
croira  faire  une  œuvre  agréable  à  Dieri  [Joan. 
XVI,  2).  Heureux  eeux  qui  souiïrent  persécu- 
tion pour  la  justice,  parce  que  le  royaume  des 
deux  est  à  eux.  Vous  serez  heureux  lorsque 
vous  serez  persécutés  à  cause  de  moi,  etc. 
[Matth.,  v,  18).  De  quoi  aurait-il  servi  aux 
premiers  fidèles,  de  |  oursuivre  la  réparation 
d'un  tort  ou  d'une  injure  par-devant  les  ma- 
gistrats déterminés  à  les  mi  Itre  à  mort  ? 
Leur  patience  poussée  jusqu'à  l'héroïsme 
devait  être  une  des  preuves  de  la  divinité 
du  christianisme,  et  un  des  attraits  les  plus 
propres  à  gagner  les  païens;  c'est  ce  que 
l'événement  a  démontré.  Cette  p;,tieiice  était 
donc  un  devoir  rig  ureux  pour  les  apôtres 
et  pour  les  piemicrs  chrétiens  ;  les  paroles 
de  Jé>.us-<'hi'ist  ne  sont  pas  plus  proverbia- 
les que  celtes  de  saint  Paul.  Alhénagore  n'a 
donc  pas  eu  tort  de  les  prendre  à  la  lettre 
en  faisant  l'apologie  du  christianisme  au  tri- 
bunal des  magistrats. 

La  leçon  que  l'Apôtre  faisait  aux  Corin- 
thiens n'était  |!a>  moins  sage.  S'ils  n'avaient 
lias  le  courage  de  supporter  un  tort  ou  une  ui- 
jurede  lapartde  leurs  frères,  comment  pou- 
vait-on es])ér(r  qu'ils  souffriraient  patiemment 
les  outrages  et  l'injustice  des  persécuteurs? 
Quelle  idée  ceux-ci  pouvaient-ils  concevou- 
du  christianisme,  lorsqu'ils  voyaient  parmi 
les  chrétiens  le  même  défaut  de  charité,  les 
mêmes  fraudes,  les  mêmes  vengeances  que 
parmi  les  païens  ?  A  la  vérité,  lorsque  i.ac- 
tance,  saint  Basile  et  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze ont  écrit,  les  choses  étaient  changées, 
le  christianisme  était  dominant,  mais  il  res- 
tait encore  des  païens  à  convertir  ;  les  ca- 
thol  ques  étaient  exposés  à  la  persécution  des 
ariens;  les  Pères  avaient  donc  encore  de  iiès- 
lionnes  raisons  derépélerauslidtdesles  leçons 
de  l'Evangile,  sans  entrer  dans  le  détail  des 
ditlérents  cas  dans  lesquels  les  procès  peu- 
vent être  excusés  ou  blâmés.  Aujouruliui 
môme  il  est  très-vrai  de  dire  en  générai  (pie 
tout  procès  est  ou  un  crime  ou  un  malheur, 
un  combat  dangereux  pour  la  vertu  ;  qu  il 
est  bifcû  difficile  de  plaider  sans  que  la  pas- 


sion n'y  entre  jjour  quelque  chose  ;  que  tout 
plaideur  d'inclination  est  une  peste  pour  la 
société  ;  qu'ordinairement  il  vaut  beaucoup 
mieux  soutï'rir  un  dommage  ou  une  insulte 
que  d'en  poursuivre  la  ré|taration  par  un 
procès.  Les  magistrats  les  plus  sages,  les  ju- 
risconsultes les  plus  habiles  sont  en  cela  de 
iiiêine  avis  que  les  théologiens  et  les  mora- 
listes. Voyez  Défense  de  soi-même. 

PPiOCESSION,  marche  solennelle  du  cler- 
gé et  du  pe  pie,  qui  se  fait  dans  l'intériiiir 
de  l'église  ou  au  dehors,  en  chantant  des 
hymnes ,  des  psaumes  ou  des  Htanies.  Les 
processions  peuvent  avoir  tiré  leur  origine  de 
l'ancien  usage  dans  lequel  étaient  les  évé- 
ques  de  célébrer  le  service  divin,  nm-seule- 
ment  dans  leur  église  cathédrale,  mais  en- 
c  ;re  dai'S  les  autres  églises  de  la  ville  éjii- 
scopale,  surtout  au  tosdieau  di'S  martyrs  le 
jour  deleurfète  ;  ils  .  allaient  en  procession, 
suivis  du  clergé  et  du  [leuple  ;  c'est  ce  (|ue 
l'on  nommait  aussi  station.  De  même  lors- 
que l'ovêque  devait  célébrei-  dans  l'église 
cathédrale,  le  clergé  des  autres  églises  y 
allait  en  procession  avec  le  peu|ile  pour  assi- 
ster à  la  messe  |iontilicale.  Il  est  donc  hors 
de  proposée  chercher  l'usage  des j^rocessions 
rians  le  paganisme,  comme  ont  voulu  faire 
certains  cfiti([ues  jilus  malicieux  qu'insruits. 
L'histoire  sainte  nous  parle  des  marches  so- 
lennelles qui  se  sont  faites  pour  tiansporter 
l'arche  d'allianced'unlieuà  un  autre;  c'étaient 
de  vraiGS  processions.  Les  chrétiens  hrent  de 
môme  à  la  translation  des  reliques  des  mar- 
tyrs; il  est  parlé  dans  Vllistoire  ecclésiastique 
de  Théodoret,  I.  ui,  c.  10,  d'une  procession 
célèbi e  qui  se  lit  l'an  362,  lorsque  les  it;4iques 
du  martyr  saint  Babilas  furent  transportées 
du  faubourg  de  Daphné  dans  l'église  d'An- 
lioclie,  et  de  laquelle  l'empereur  Julien  fut 
très-irrité.  Dans  la  suite  on  a  fait  des  pro- 
cessions pour  rappeler  aux  lidèlcs  le  souve- 
venir  des  voyages  du  Sauveur  dans  la  Judée, 
pour  implorer  la  miséricorde  divine  daiis  des 
tem|)s  de  calamité,  pour  demander  à  Dieu 
quelque  grâce  particulière  ;  telles  sont  les 
processions  des  rogations,  dujubilé,  etc.  Voy. 
LiTAMES.  Le  P.  Lebrun, /i'.r/;/(c.  des  céréni. 
de  lu  Messe,  t.  J,  p.  85,  a  parlé  fort  au  long 
decelle  qui  se  fait  le  dimanclie  avant  la  messe 
dans  la  plupart  des  églises.  Les  plus  célè- 
bres dans  toute  l'Eglise  catholique  sont  au- 
jourd'hui celles  du  Saint- Sacrement,  le  iour 
et  pendant  l'octave  d.'  la  Fête-Dieu. 

Dans  les  siècles  passés,  lorsque  les  mœurs 
étaient  grossières  et  la  piété  [leu  éclairée, 
il  se  commettait  dans  certaines  processions 
des  indécences  ;  l'on  y  voyait  des  specta- 
cles liès-peu  propres  à  exciter  la  dévotion. 
Cet  abus  avait  tiré  son  origine  de  la  repré- 
suntaliou  trop  naïve  de  nos  mystères,  qui  se 
faisait  souvent  les  jours  ue  fêtes.  Peu  à  peu 
les  évoques  sont  venus  à  bout  de  les  suppri- 
mer jiartuui  ;  mais  ce  n'a  pas  été  sans  éprou- 
ver de  la  résistance  de  la  part  des  peuples. 
Voy.  FÊTE. 

PROCESSION  DU  SAINT-ESPRIT.  Voy. 
Sain  i-i'.si'Kiy. 

PROCHAIN.    Ce    terme   dans  l'Ecritire 


1629 


FBO 


l'IW) 


1030 


sainte  signitic  quelquefois  un  proclio  parent, 
d'antres  fois  un  liojnme  du  niûnie  pays,  de  la 
même  lril)u;  souvent  il  (Ji^si^nt-  un  voisin  ou 
an  ami.  Mais  loi'Si(no  Dieu  nous  coniniande 
d'aimer  \o  prochain  comme  nous-iuèmcs,  il 
veut  quenous  ayons  delabifnveillance  pour 
tous  les  iioinmes  sans  cxfe|ition,  ctiiue  nous 
leur  fussions  du  bien.  C'est  ainsi  q;ie  Jésus- 
Christ  l'a  expliqué  par  la  paroi;'  liu  Samaritain 
charitable,  Luc,  c.  x,  v.  30.  Cela  n'empê- 
che pas  ((u'il  ne  {)iiisse  y  avoir  de  bonnes 
raisons  de  faire  du  bien  par  préférence  h 
ceux  qui  paraissent  le  mériter  le  mieux.  Foj/. 

Awoeil  DU  lUlOCHAIN. 

PUODKilî,  événement  surprenant  dont  on 
ignore  la  cause,  et  que  l'on  est  leiUé  de  re- 
garder lonmie  surnaturel.  Il  y  a  dans  les 
Mémoires  de  l'Avddémir  des  Inscriptions  , 
t.  VI,  in-12,  p.  70,  dos  réllexions  très-sensées 
sur  les  prodiges  rapportés  par  les  écrivains 
du  paganisme.  L'auteur ,  (jui  n'était  rien 
moins  que  crédule,  en  distingue  de  deux 
espèces  :  les  uns  sont  des  faits  qui  ne  peu- 
vent avoir  été  firoduits  par  aucune  cause 
physique,  et  que  l'on  serait  forcé  d'attri- 
buei'  à  ro[)ération  de  Dieu  ou  à  celle  du  dé- 
mon, s'ils  étaient  bien  constatés.  Mais  aucun 
de  ces  faits  n'est  snflisamment  attesté,  aucun 
n'est  rapporté  par  des  témoins  oculaires; 
ce  sont  sim))lement  des  bruits  adoptés  par 
la  crédulité  des  ])euples,  et  que  les  histo- 
riens n'ont  jamais  [irétendu  garantir.  Les 
autres,  qui  sont  mieux  prouvés,  sont  des  phé- 
uomènes  natunds,  mais  qui  ont  été  regardés 
comme  miraculeux,  parce  que  l'on  n'en 
connaissait  pas  la  cause,  et  que  l'on  n'était 
pas  accoutinué  îi  les  voir.  En  effet,  ces  pro- 
d/gr*  prétendus  se  réduisent,  1°  à  des  pluies 
extraordinaires,  comme  des  pluies  de  pier- 
res, (le  briques,  de  torre,  de  cendres,  de 
métaux,  ou  couleur  de  sang  ;  et  ce  sont  des 
faits  naturels  ,  causés  par  l'éruption  de 
quelque  volcan:  l'auteur  le  prouve  par  plu- 
sieurs exemples  anciens  et  modem' s  ;  2°  k 
des  nrw'féores  aperçus  au  ciel  tels  que  les  au- 
rores boréales,  les  feux  noctu: ne^,  itc.  Ces 
phénomènes  n'ont  aujourtl'hui  plus  rien 
d'etîrayaut,  depuis  que.  par  une  savai.te  théo- 
rie, l'on  en  a  découvert  la  cause  ;  mais  autre- 
fois l'on  ne  mam^uaii  jamais  de  les  envisager 
eomme  des  signes  de  la  c(dère  du  ciel,  (jui 
annonçaient  (luelque  malheur  extraordinai- 
re, et  le  peuple  le  croit  encore  ainsi. 

C'est  donc  fort  mal  à  propos  que  1  s  incré- 
dul(!s  veulent  laiie  une  compaïuison  de  ces 
prétendus  prodiges  avec  les  miracles  qui 
sont  ra|)(iortés  dans  ['Histoire  de  l'oiicien  ou 
{ÏMiiouveau  l'fslainent,o\i  pai'  les  écri^'ains  ec- 
clésiasti  -ues.  Ceux-ci  sont  ordinairement  at- 
testés pardes  témoins oeulaires  ou  pnrdes  mo- 
numents authentiques  qui  ne  laissent  aucun 
doute  sur  la  réalité  de  ces  faits,  et  ils  sont  de 
telle  nature  que  l'on  ne  |)eut  les  attribuer  à 
aucune  cause  physique.  Ils  ont  été  opérés 
d'ailleurs  dans  des  circonstances  où  ils  étaient 
nécessaires  pour  intimer  aux  hommes  les 
volontés  de  Dieu,  pour  leur  imposer  de  nou- 
veaux devoirs,  pour  établir  un  nouvel  or  ,ro 
de  choses  ;  et  l'ettet  qui  en  est  résulté  leur 


servira  d'attestation  jusqu'à  la  lin  des  siècles- 
lUen  de  semblable  n'a  eu  lieu  à  l'égard  des 
prodiges  de  l'antiquité  païenne. 

L'auteur  de  ce  lui'uioiro  'e  terruine  par 
une  rétlexion  tiès-sage,  et  iiue  l'on  ne  peut 
remettre  trop  souvent  siuis  le-;  yeux  d(!s  in 
crédules,  a  La  i)hil<isophi(î  mo  crne,  dit-il, 
en  même  temps  qu'elle  a  éclairé  et  perfec- 
tionné les  esprits,  les  a  néanmoins  rendus 
quelquefois  trop  dogmatiques  et  trop  décisifs. 
Sous  prétexte  de  ne  se  rendri-  qu'à  l'évidence, 
ils  ont  cru  pouvoir  nier  l'existence  de  toutes 
les  chuses  qu'ils  avaient  peine  à  concevoir, 
sans  faire  réflexion  qu'ils  ne  devaient  nier 
que  hs  f.iits  dont  l'impos-ibilité  est  évidem- 
ment démontrée,  c'est  à-dire  (lui  impliquent 

contradidion Le  paili  le  plus   sage, 

lorsque  la  vérité  ou  la  fausseté  d'un  fait  qui 
n'a  rien  d'impossible  en  lui-même  n'est  pas 
évidemment  démontrée,  serait  de  se  conten- 
ter de  le  révoquer  en  doute,  sans  le  nier 
absolument.  Mais  la  suspension  et  le  doute 
ont  lou.>Jurs  été  et  seioiit  toujours  un  ét.d 
violent  pour  le  commun  des  lionmK'S,  même 
pour  les  philosophes.  La  même  paresse 
d'esprit  qui  porte  le  vulgaire  h  croire  les  faits 
les  plus  extraordinaii'es  sans  preuves  sudi- 
sanles,  [)roduit  un  cH'et  tout  contraire  dans 
les  philosophes,  llspreniient  /e  parti  de  nier 
les  faits  les  mieu'i  prouvés,  lorsqu'ils  ont 
quelque  iieine  à  les  concevoir,  et  cela  pour 
s'épargner  la  peine  d'une  discussion  et  d'un 
examen  fatigant.  C'est  encore  par  une  suite 
de  la  même  disposition  d'esprit,  qu'ils  all'ec- 
tent  de  l'aire  si  peu  de  cas  de  l'étude  des 
faits  ;  t  de  l'érudition.  Us  trouvent  bien  plus 
conmiode  de  la  mépriser  ((ue  de  travailler  à 
l'ac  pjérir  ,  et  ils  se  conlentent  de  fonder  ce 
méjiris  sur  le  peu  de  certitude  qui  accompa- 
gne ces  connaissances,  sans  penser  que  les 
objets  de  la  plufiai't  de  leurs  recherclus  phi- 
loso|)hiques  ne  sont  nullement  susceptiljles 
de  l'évidence  mathi'matique,  et  ne  donne- 
ront jamais  lieu  qu'à  des  conjectures  plus 
ou  moins  probables,  de  même  genre  (pie 
celles  de  l.i  ciiti(iue  et  de  l'histoir'e,  et  pour 
les(|uelb  s  il  ne  taut  pas  une  plus  grande  sa- 
gacité que  pour  celles  q  i  servent  à  éclaircir 
l'antitiuité.  D'ailleurs  ils  devraient  faire  ré- 
tlexion que,  pour  l'intérêt  même  de  la  ph^- 
si()ue,  et  peut-être  encore  de  la  métapiiv si- 
que,  il  importerait  aux  iihilosophes  d'être 
instruits  de  bien  des  faits  ià|)portés  par-  les 
anciens,  et  des  opinions  qu'ils  ont  suivies. 
Les  hommes  ont  eu  à  peu  près  autant  d'es- 
prit dans  tous  les  temps;  ils  n'ont  dill'éré  que 
par  la  manière  de  rem[)loyer  ;  et  si  no- 
tre' siècle  a  acquis  une  méthode  inconnue  à 
l'antiquité,  comme  le  prétendent  quelqires- 
uns,  nous  ne  devons  pas  nous  flatter  d'avuir 
donné  par  là  une  élendue  assez  grande  à 
notre  esprit,  pour  qu'il  doive  absolument 
mépriser  les  connaissances  et  les  réflexions 
de  ceux  qui  nous  ont  précédés.  »  Voy.  Mi- 

HACLKS. 

PROFANATION  ,    PROFANE.   Ces    deux 

termes  vi,  nneut  de  fanum,  temple  ou  heu 
sacré  ;  profanus  signilie  par  conséquent  ce 
qui  est  h  ^rs  du  lieu:  sacré,  ce  qui  n'est  point 


1651 


PRO 


PRO 


1652 


ï 


destiné  au  culte  de  la  Divinité  :  quand  il  est  dit 
d'un  liomme,  il  désigne  celui  qui  n'est  pas  ini- 
tié aux  mystères,  celui  qui  ne  les  connaît  pas. 
Profaner  une  cliose  sainte,  c'est  en  faire  un 
usage  qui  n'a  plus  de  rapport  au  culte  de  Dieu. 
Ainsi  l'on  profane  une  église  lorsqu'on  y 
commet  un  crime,  ou  que  l'on  s'en  sert  pour 
des  usages  qui  n'ont  rien  de  respectaljle;  on 
profane  les  vases  sacrés  lorsqu'on  les  emploie 
comme  des  vases  communs  ;  c'est  uneprofor- 
nation  d'abuser  des  paroles  de  l'Ecriture 
sainte  pour  exprimer  des  obscénités  ou  pour 
faire  des  opérations  magiques,  etc.  Dans  le 
style  des  écrivains  sacrés,  un  profane  signi- 
fie quelquefois  un  impie,  celui  qui  ne  lait 
aucun  cas  des  choses  saintes  ;  ainsi  il  est  dit 
u'Esaii  fut  un  profane,  parce  qu'il  fit  moins 
e  cas  de  la  bénédiction  attachée  h  son  droit 
d'aînesse  que  d'un  potage  de  lentilles.  On  lit 
dans  le  Lévitique,  chap.  xix,  v.  7,  que  si  quel- 
qu'un mange  de  la  victime  d'un  sacrifice  le 
troisième  jour,  il  sera  profane  et  coupable 
d'impiété.  Dieu  voulait  que  la  chair  des  vic- 
times fût  mangée  promptement,  afin  qu'elle 
ne  fût  pas  exposée  à  se  corrompre.  Voyez 
Sacrilège. 

PROFESSEUR  DE  THÉOLOGIE.  Voy. 
Théologie. 

PROFESSION  DE  FOI,  déclaration  publi- 
que de  ce  que  l'on  croit  :  lorsqu'elle  est  cou- 
chée par  écrit,  on  l'appelle  aussi  symbole  ou 
confession  de  foi.  Voyez  ces  mots.  L'Eglise 
n'admet  personne  à  recevoir  le  baptême  sans 
qu'd  ait  fait  sa  profession  de  foi  ;  lorsqu'on 
bu|itise  les  enfants,  les  parrains  et  les  mar- 
raiu'S  la  font  au  nom  du  baptisé  ;  on  l'exige 
encore  des  hérétiques  qui  veulent  se  ré- 
concilier à  l'Eglise.  La  plus  ancienne  profes- 
sion de  foi  que  nous  connaissions  est  le  sym- 
bole des  apôtres.  Aux  mots  Arianisme,  Ariens, 
nous  avons  remarqué  la  multitude  des  pro- 
fessions ou  confessions  de  foi  dressées  par 
ces  hérétiques,  sans  qu'ils  aient  su  jamais 
se  contenter  d'aucune  et  s'y  fixer  :  il  en  a 
été  de  même  des  protestants  ;  nous  en  avons 
cité  au  moins  tlouze  ou  quinze  :  l'Eglise  ca- 
tholique, plus  constante  dans  sa  croyance, 
conserve  encore  aujourd'hui  le  symbole  de 
Nirée,  qui  n'est  que  le  développement  decelui 
des  apôires. 

PROFESSION  RELIGIEUSE.  Voy.  Voeu. 

*  HiOGRÈS  (DocTRiNF.  Dii).  Au  mot  Cuoïances 
CATHOLIQUES  (progi'ès  dcs)  nous  avons  exposé  coni- 
meul  le  tlirislianisiiie  oiUcnd  le  progrès.  Nous  nous 
contentons  de  rapporter  ici  l'appréciation  que  les 
Conférences  de  Sainl-Fiour  ont  faite  de  la  doctrine 
du  progrès.  >  Le  mot  progrès,  grammaticalement 
pris,  signilie  changement  de  place,  mouvement  en 
avant  ;  ce  mot,  applique  aux  vérités  révélées  elles- 
mêmes,  n'aurait  donc  de  sens  qu'autant  que  ces  vé- 
rités seraient  mobiles,  changeantes.  Or,  le  mot  de 
vérité,  à  lui  seul,  implique  l'uninutabilité,  parce  que 
la  vérité  repose  sur  l'essence  des  choses  qui  e>t  im- 
muable; mais,  déplus,  l'origine  divine  des  vérités 
révélées  leur  imprime  un  caractère  nouveau  d'immu- 
tabilité en  les  marquant  du  sceau  de  rintelligence  et 
de  la  véracité  infinies.  Prétendre  que  ce  qui  est  re- 
connu vrai  par  la  raison  humaine  peut  cesser  de  l'ê- 
tre et  devenir  faux,  c'est  nier  la  réalité  de  l'objet 
méoie  qui  est  reconnu  vrai,  ou  plutôt  l'exisieuce  de 


la  certitude  dans  la  raison  humaine.  El  toutefois,  i" 
faut  bien  admettre  que,  si  ce  qui  est  vrai  ne  peut  ja- 
mais cesser  de  l'être,  il  est  tout  un  ensemble  de  con- 
naissances dans  les  sciences  morales  et  physiques, 
qui,  étant  fondé  sur  l'expérience,  peut  et  doit  gran- 
dir avec  elle;  mais  affirmer  que  les  vérités  reconnues 
révélées  peuvent  changer  ou  même  être  complétées 
par  l'esprit  humain,  c'est  d'abord  leur  ôter  leur  litre 
de  révélées,  puisque,  élaborées  de  nouveau  par  l'in- 
lelligence  de  l'homme,  elles  ne  seraient  plus  l'cruvre 
de  Dieu,  mais  la  siemie  et  le  produit  de  son  esprit; 
c'est  ensuite  assujettir  l'intelligence  divine  au  con- 
trôle de  la  nôtre  ;  c'est  dire  que  le  sob'il  peut  em- 
prunter sa  lumière  aux  rayons  qui  émanent  de  lui. 
Mais,  en  outre,  on  ne  peut  pas  dire  du  christianisme, 
comme  des  sciences  morales  et  surtout  physiques, 
dont  l'expérience  perfectionne  les  théories  en  ajou- 
tant incessamment  aux  données  sur  les(iuelles  elles 
portent,  que  ses  enseignements  peuvent  aussi  être 
plus  étendus  ou  mieux  adaptés  aux  besoins  variables 
do  l'humanité,  à  ses  différents  âges  ;  car,  1"  Il  fau- 
drait montrer  que  quelque  chose  manque  au  chris- 
tianisme, indiquer  les  développements,  les  nioilifica- 
tioiis  que  l'on  voudrait  y  faire,  et  faire  voir  que  ces 
développements  el  ces  modificalions  seraient  un  per- 
fectionnement véritable  ;  or,  c'est  ce  qu'on  n'a  pu 
faire  après  de  bien  longs  et  de  bien  durs  travaux.  Le 
génie  n'a  pas  manqué  à  l'ouvre  ;  des  siècles  lui  ont 
été  donnés  pour  l'accomplir,  et  tout  cela  n'a  servi 
qu'à  démontrer  l'impuissance  absolue  de  l'homme  à 
perfectionner  l'œuvre  de  Dieu.  2°  Cette  impuissance 
résulte  encore,  non-seulement  du  fait  de  l'origine  di- 
vine du  christianisme,  mais  de  sa  perfection  intrin- 
sèque, que  la  publicité  de  sa  doctrine  et  l'application 
qui  en  est  faite  depuis  son  origine  à  toutes  les  scien- 
ces et  à  tous  les  intérêts  pratiques  de  l'humanité, 
rendenl  évidente,  et  pour  ainsi  dire  palpable.  Quel- 
que diflërence  que  puissent  établir  entre  les  divers 
âges  des  sociétés  le  mouvement  des  idées  et  I«s  chan- 
gements qu'il  détermine  dans  les  imeurs,  il  n'y  aura 
rien  à  modifier  dans  les  vérités  révélées  pour  les 
adapter  aux  besoins  respectifs  des  temps  ;  il  suftira 
d'en  modifier  l'application  selon  ces  besoins  mêmes. 
l^e  mol  proyrcs  appliqué  aux  vérités  révélées  elles- 
mêmes  n'a  donc  pas  de  sens;  maiss'agil-il  de  la  con- 
naissance de  ces  vérités,  du  mode  de  les  exposer  et 
de  les  défendre,  il  est  admissible,  il  est  nécessaire. 
I  Pour  résoudre  cette  question,  distinguons  avec 
soin  deux  choses  bien  dilférentes,  et  que  néanmoins 
on  confond  souvent,  savoir,  1°  l'exposé  des  preuves 
qui  établissent  la  divinité  du  christianisme,  et  de  la 
société  ([ui  en  a  le  dépôt,  et  encore  des  différentes 
vérités  qu'il  endjrasse; '2°  la  controverse.  Eb  bien! 
nous  disons  de  la  première  de  ces  deux  choses  qui 
forme  la  partie  positive  et,  pour  ainsi  dire,  consti- 
tuante de  l'enseignement  religieux,  1°  qu'elle  ne  doit 
pas  changer  pour  le  fonds  des  preuves,  dont  la  force 
repose  a  la  lois  sur  les  vérités  mêmes  qu'elles  prou- 
vent et  sur  les  lois  premières  de  notre  esprit,  immua- 
bles comme  ces  vérités.  Il  en  est  de  même,  et  pour 
la  même  raison,  du  mode  de  les  exposer.  Il  en  est 
un  qui,  les  présentant  dans  leur  point  de  vue  le  plus 
lumineux,  le  plus  en  harmonie  avec  les  lois  premiè- 
res el  connnunes  de  notre  esprit,  est  dès  lors  le  plus 
propre  a  y  porter  la  conviction,  et  ce  mode,  on  le 
comprend,  ne  doit  pas  changer.  Sans  examiner  s'il 
a  jamais  été  parfaitement  compris  et  appli(|ué,  il  est 
logique  de  penser  qu'il  a  dû  l'être,  au  moins  dans  ce 
(juil  a  de  plus  essentiel,  pour  cela  seul  qu'il  est  fon- 
dé sur  la  nature.  On  doit  conclure  de  cela  qu'il  est 
sage  de  tenir  à  la  méthode  reçue  généralement  jus- 
qu'à évidence  d'une  amélioration  à  inlroiJuire.  2°  Ce 
que  nous  venons  dédire,  toutefois,  doit  être  entendu 
avec  quchpie  restriction;  en  effet,  si  la  laison  est  la 
même  dans  tous  les  hommes,  dans  ce  (|u'elle  a  de 
fondamental,  il  y  a  d'un  homme  à  un  homme,  d'une 
nation  à  une  nation,   d'un  siècle  enlin  à  un  autre 


1U53  PRO 

siècle,  des  ilifforenccs  accessoires  iiuli'lininient  mul- 
tipliées et  variables.  Il  suit  de  la  que  lelle  preuve  et 
telle  uiauière  de  présenter  cette  preuve,  ex<;ellentes 
pour  un  temps,  pour  un  liuinme,  pour  une  nation, 
sont  moins  bonnes  pour  un  anire  teinps,  poiii'  un 
autre  honune, pour  une  aulre  nalion;  évideiuincnt  il 
faut  tenir  compte  de  ces  ilillcrfuces.  La  seconde  par- 
tic  de  renseignement  religieux  est,  avons-nous  dil, 
la  controverse;  à  elle  se  rattachent  tontes  les  con- 
sidérations nui  ont  pour  but  de  préparer  les  esprits 
à  écouter  la  démonstration  proprement  dite,  et  à  eu 
saisir  la  force  :  elle  consiste  donc  principalement  à 
dissiper  les  préjugé's  et  à  comballre  les  erreurs  qui 
obscurcissent  ou  atla(pieiit  les  vérités  (pi'il  appar- 
tient à  la  démonstration  d'établir.  Or,  évidemment 
c'est  à  des  erreurs  vivantes,  à  des  erreurs  qui  aient 
cours  dans  les  esprits,  et  m)n  à  des  fantômes  inuti- 
lement évoipiés,  qu'elle  doit  s'atlaijuçr,  et  cela  avec 
le  genre  d(î  considérations  et  le  mode  de  les  présen- 
ter (pii  s'adaptent  le  mieux  aux  dispositions  de  ceux 
à  qui  l'on  a  alfaire. 

I  Voici  donc  en  quoi  le  progrès  est  admissible  et 
nécessaire  dans  le  mode  d'exposer  el  de?  (U'Iendre  les 
vérités  révélées  :  1°  la  partie  polémique  de  l'ensei- 
gnement religieux  doit  être  niodiliée  dans  son  objet, 
selon  les  erreurs  et  les  préjugés  essentiellement  va- 
riables qu'on  a  a  détruire  ;  ït"  la  forme,  soit  de  l'ex- 
posé des  vérités,  soit  de  la  polémiiiue  proprement 
dite,  doit  être  mise  en  rapport  avec  les  disposilions 
des  esprits,  dans  le  choix  des  raisonnements,  el  plus 
encore  dans  la  manière  de  les  présenter.  Ces  prin- 
cipes semblent  incontestables  :  pour  prévenir  l'abus 
qu'on  pourrait  en  faiie,  qu'il  sulhse  d'ajouter  que 
Papprecialion  des  erreurs  de  son  temps  et  des  ten- 
dances caractéristiques  d'une  époque  ilemandent  de 
foites  études;  encore  la  prudence  veut-elle  généra- 
lement qu'on  attende,  pour  niaicher  dans  des  routes 
quelque  peu  nouvelles,  qu'on  y  soit  précédé  par  le 
gros  des  hommes  sages  et  compétents.  11  ne  serait 
guère  moins  dangereux  de  s'exposer  trop  facilement 
comme  le  représentant  du  savoir  et  de  lexpérience, 
et  de  rejeter  à  ce  titre  toute  modification  nouvelle, 
que  d'introduire  ces  niodilicalions  avant  que  l'utilité 
en  soit  bien  établie.  Cela  posé,  l'histoire  de  l'ensei- 
gnement chrétien  à  tous  les  âges  vient  confirmer  la 
vérité  de  ces  principes  dont  il  n'a  été  qu'une  exacte 
application.  I"A  mesure  que  des  ericurs  surgissent 
et  se  répandent,  apparaissent  des  réliilations  qui 
prennent  bienlot  place  dans  les  auteurs  clémenlaires, 
pour  disparaître  a  leur  tour  et  faire  place  à  une  con- 
troverse nouvelle.  De  toute  cette  partie  de  la  théologie 
il  n'y  a  el  ne  peut  y  avoir  de  fixe  que  le  lien  de  fa- 
mille (|ui  unit  toutes  les  erreurs.  11  est  bon,  toute- 
fois, de  mettre  toujours  ce  lien  en  évidence  ;  c'est  le 
meilleur  moyi-n  de  bien  entendre  la  nature  des  er- 
reurs nouvcili's,  et  de  donner  à  leur  réfutation  plus 
de  prohindeur  et  de  solidité.  Ce  point  est  trop  clair 
pour  nous  y  arrêter  davantage,  i"  Ce  (|iu;  nous  avons 
à  dire  sur  ia  forme  de  la  polémique  mérite  plus  de 
dévelop|iemeiils. 

«  Pour  se  former  une  idée  des  progrés  que  nous 
présente  l'hisloiie  de  la  polémique  dans  ses  formes, 
il  siiilil  de  prendre  pour  terme  de  comparaison,  d'une 
part,  les  meilleurs  ouvrages  de  l'anti(piiié  chrétienne 
contre  les  liéi'eti<|ues,  ceux  de  Tertiilllen,  par  exem- 
ple, ou  de  S.  Augustin,  et  d'autre  part,  les  écrits  que 
Bossuet  cl  iNicole  ont  putiiiés  contre  les  protestants 
loucliant  l'autorité  de  1  Eglise.  Les  premiers,  supé- 
rieurs, il  qiielipies  égai-ds,  aux  seconds,  leur  sont 
inférieurs  sous  le  rapport  de  la  précision  et  de  la 
clarté  du  langage;  la  pensée  se  reproduit  dans  ceux- 
ci  sou>  des  formes  plus  rigoureusement  déterminées  : 
on  remanpie  le  même  progrès  dans  des  ouvrages 
modernes  ipii  traitent  la  question  de  l'autorité  en 
général.  Cela  doit  paraître  d'autant  plus  naturel  que, 
suivant  l'opinion  commune,  notre  langue  philosophi- 
que, moins  variée  qtie  celle  des  anciens,  la  surpasse 


PRO 


tG34 


par  son  caractère  éminemment  logique  ;  avantage 
qui  vient  en  partie  de  ce  qu'elle  réunit  et  lixe, 
sous  certains  mots  fondamentaux,  des  groupes  d'i- 
dées autrefois  flottantes  dans  les  périphrases  arbi- 
traires, et  aussi  de  l'ordre  des  mots  dans  la  phrase 
ipie  le  christianisme  a  rendu  plus  analogue  it  l'or- 
dre intrinsèque  des  idées,  par  cela  même  qu'il  a  dé- 
truit toute  erreur  et  enseigné  toute  vérité  morale. 
Ce  (pie  nous  disons  de  l'expression  des  id(>es  s'ap- 
plique également  à  la  méthode  qui  les  combine.  Le 
génie  greco-roinaiii  des  Pères  a  une  marche  moins 
régulière  que  le  génie  catholique  des  temps  moder- 
nes, et  semble  avoir  retenu  dans  sa  course  plus  de 
cette  liberté  propre  au  génie  oriental,  source  primi- 
tive du  grand  fleuve  des  conceptions  humaines.  Les 
Pères  apparlenaient  ou  louchaient  à  celle  époque  où 
ranti(|ue  Orient,  apparaissant  avec  toutes  ses  doc- 
trines sur  la  scène  du  monde  occidciital,  y  modifia 
sensiblement  l'état  de  l'esprit  humain.  Le  génie  mo- 
derne au  contraire  s'est  |iréparé  lenlemeiU  dans  le 
gymnase  de  la  scolastiipic  du  moyen  âge.  Si  cette 
première  éducation  lui  n  communiqué  une  disposi- 
tion à  une  sorte  de  rigorisme  logique  qui  giiie  la 
puissance  et  la  liberté  de  ses  inouvemenls,  il  a  con- 
tracté aussi,  sous  celte  rude  discipline,  des  habitu- 
des sévères  de  raison,  un  lad  admirable  pour  l'or- 
donnance et  récoMomie  des  idées,  une  supériorité 
de  méthode  dont  les  trois  derniers  siècles  portent 
pai  ticulièrement  l'empreinte.  C'est  une  époque  bien 
remarquable  de  l'espril  humain  que  celle  qui  produi- 
sit les  Erigéne,  les  Abeilard,  les  S.  .\nseluie,  les 
Guillaume  de  Paris,  les  S-  Tliomas  d'.\quin,  les  S. 
Bonavenlure ;  mais  les  travaux  de  cet  âge  dillèicnt 
essentiellement  de  ceux  des  premiers  siècles.  Les 
grands  esiu'its  du  moyen  âge,  au  lieu  de  s'occuper  à 
prouver  le  christianisme  que  personne  n'atl.iqiiail, 
cherchaient  à  construire  une  science  concordanl  cs- 
senliellement  avec  la  loi  catholique,  en  saisissant 
l'harmonie  de  toutes  les  vérités. 

«  Luther  donne  le  signal  d'une  ère  nouvelle.  15os- 
siiet,  marteau  des  protestants,  les  écrase;  avec  lui 
Nicole  et  Pélisson,  par  la  force  irrésistible  de  leur 
logique,  les  poussent  ;i  leurs  dernières  consé([iieiiees. 
Au  secours  du  protestantisme  accourt  la  philosophie 
du  xviii=  siècle.  J.-J.  Kousseaii  et  Voltaire  renou- 
vellent contre  le  christianisme  les  mêmes  objections 
qu'avaient  faites  les  philosophes  des  premiers  siècles. 
Bergier,  Nonnote,  Bullet  et  Guiinéc  les  réfuient  en 
reproduisant  les  preuves  que  les  Pères  avaient  oppo- 
sées aux  philosophes  de  leur  temps,  mais  conformé- 
iiient  au  caraclère  de  l'esprit  moderne,  sous  des  for- 
mes plus  logiques,  plus  précises  et  plus  rigoureuses. 

«  La  logique  et  l'érudition  de  trois  siècles  ayant 
ainsi  préparé  les  voies,  il  est  impossible  que  de  ce 
grand  travail  il  ne  sorte  pas  un  nouveau  développe- 
ment de  la  vérité.  Tous  les  poiiiis  de  la  doctrine  ré- 
vélée ont  passé  par  le  crible  du  raisoiiueineut  et 
de  l'expérience,  et  le  raisonneinent  el  l'e.xpêrien- 
ce  les  ont  entourés  d'un  éclat  nouveau.  Du  grand 
ouvrage  est  à  la'ire,  qui  résume  tous  ces  tra- 
vaux, qui  fasse  refluer  toutes  les  eaux  des  connais- 
sances humaines  vers  leur  source  divine,  qui  réu- 
nisse les  mille  voix  de  la  science  en  un  concert  im- 
mense de  louanges  à  Dieu  el  à  son  Christ.  Quel  que 
soit  le  lemps  où  celle  œuvre  sera  accomplie,  le 
clergé  a  la  sienne,  el  celte  œuvre  est  belle  et  pres- 
sante à  la  fois.  Autour  de  lui  tout  s'agite  d'une  in- 
croyable ardeur  de  savoir.  Qu'il  s'inspire  de  la  subli- 
mité de  son  caractère  el  de  sa  mission  !  Que  chacun 
de  ses  membres  s'efforce  de  faire  fruclilier  le  talent 
qu'il  a  reçu,  el  alors  d  injustes  reproches  tomberont, 
el  rien  ne  manquera  a  la  milice  sainte  pour  la  con- 
quèle  du  inonde,  lorsque  chacun  sera  prêt  a  y  mar- 
cher avec  la  triple  armure  de  la  foi,  de  la  science  et 
de  la  vertu.  » 

«  Tel  est  lesprit  humain,  ajouterons-nous  avec  M. 
Newmaii,  qu'il  ne  saisit  pas  immedialement  une  idée 


1635 


PRO 


PRO 


d636 


sous  toutes  ses  faces,  et  im-nie  plus  elle  a  d'étendue 
et  de  profondeur,  plus  il  sent  que  sa  débile  inluilion 
a  besoin  des  secours  de  la  réflexion  et  du  temps.  Ce 
qui  est  vrai  d'une  idée  est  bien  autrement  vrai  d'une 
doctrine,  c'est-à-dire  d'un  ensemble  d'idées  dont  il 
faut  voir  les  aspects  divers,  les  applications  variées, 
et  <Ionl  la  valeur  et  la  portée  précises  n'apparaissent 
jamais  si  bien  qu'au  milieu  des  contradictions  et  des 
épreuves  <|uc  le  temps  fait  subir  à  tout.  De  plus,  ce 
qui  est  vrai  d'une  doctrine  humaine  est  bien  autre- 
ment vrai,  sous  le  rapport  qui  nous  occupe,  d'une 
doctrine  divine  et  mystérieuse  :  on  peut  délier  qui 
que  ce  soit  d'arriver  à  l'idée  du  christianisme,  sinon 
par  une  succession  de  concepts,  de  vues,  de  propo- 
sitions qui  se  prêtent  une  lumière  et  une  foice  ré- 
ciproques, se  corrigent  et  s'expliquent  mutnellemcnt, 
et  concourent  ainsi  à  représenter,  d'une  manière 
plus  ou  moins  exacte  et  intégrale,  ce  fait  si  com|)lexe, 
qu'on  nomme  la  religion  chrétienne.  L'humanité, 
prise  en  masse,  n'échappe  pas  ii  cette  loi  d'un  mou- 
vement graduel  dans  la  connaissance  explicite  de  la 
vérité.  Placez-la,  par  supposition,  en  présence  d'une 
doctrine,  elle  ne  peut  tout  de  suite  ni  en  appliquer 
tous  les  principes  ni  en  formuler  toutes  les  consé- 
(piences,  parce  qu'elle  ne  comprend  et  n'agit  qu'avec 
des  forces  collectives,  dont  chacune  s'ébranle  et  ap- 
porte son  concours  en  vertu  d'idées  progressivement 
acquises.  Ce  que  l'humanité  fait  aussitoi,  le  voici  : 
elle  proclame,  avec  une  tranquille  autorité,  soit  l'en- 
semble, soit  quelques  détails  de  la  doctrine  reçue  ; 
vous  en  niez  un  point,  elle  l'aflirme  contradictoire- 
menl  aprcs  s'itre  interrogée  ;  vous  en  faites  des  ap- 
plications, elle  les  condamne  ou  les  ratilie  d'une 
mani  re  expresse,  après  avoir  examiné;  et  ainsi, 
chaque  jour,  elle  applique  à  des  cas  particuliers  sa 
croyance  générale;  elle  arrive  à  une  conscience  plus 
dinstincte  et  plus  précise  des  choses  qu'elle  admet- 
tait réellement,  mais  vaguement;  elle  réduit  en  for- 
mules lises  et  nettes  ce  qui  est  la  substance  et  l'àme 
de  ses  convictions  et  le  résultat  de  ses  expériences. 
L'avènement  du  christianisme  n'a  pas  changé,  en 
ceci,  la  conililion  naturelle  de  l'humanité  :  c'était 
chose  impossible,  à  moins  de  donner  à  l'humanité 
tout  entière  une  existence  simultanée  et  de  la  préci- 
piter iuunédiatemeni  dans  sa  lin.  Il  résulte  de  là  que, 
a  travers  dix-huit  si  clés,  l'idée  du  christianisme  a 
nécessairenieni  reçu  un  développement  quelcomiue, 
si  on  la  considère  dans  sa  plus  minutieuse  exacti- 
tude, et,  s'il  est  permis  de  dire,  dans  les  linéaments 
qui  en  accusent  à  nos  yeux  les  proportions  et  les 
formes. 

c  Que  les  rationalistes  se  calment  ;  il  n'y  a  rien  là 
qui  doive  les  faire  Iriompiier  d'aise,  comme  il  n'y  a 
rien  non  plus  qui  puisse  alarmer  les  catholiques.  Le 
développement  que  nous  admettons  n'est  pas  de  ceux 
qui  transformeul  les  doctrines,  en  les  attaquant  dans 
leur  essence,  mais  bien  de  ceux  qui  annoncent  la 
force  et  la  fécondité  d'un  principe  toujoi'is  identique 
à  lui-même.  Car,  1°  le  dogme  catholique,  considéré 
objectivement,  est  tout  d'une  pièce,  et  il  est  sorti 
des  mains  de  Dieu,  qui  lui  a  donné  pour  mission  de 
conquérir  le  monde.  Il  a  passé  de  la  bouche  de  Jé- 
sus-Christ sous  la  plume  des  apôtres  et  dans  leur 
enseignement  oral,  d'où  il  a  continué  sa  marche,  au 
moyen  de  la  parole  et  des  écrits,  pour  arrive?  pur  et 
intégre,  sans  rien  acquérir  ni  lion  perdre,  jusi|u  à 
nous,  hounnes  du  xix°  siècle.  Quand  donc  on  dit 
qu'il  se  développe,  cela  n'in  liqi.e  pas  qu'd  reçoive  du 
ciel  quehiue  vérité  sUiiple.uenlaire,  baui  moins  en- 
core qu'il  rainasse  quelque  idée,  s'il  y  en  a,  sur  le 
chemin  suivi  par  les  opuiions  buniaini'^  ;  cela  mar- 
que simplement  (|u'd  lue  de  sa  pl^'oiiudc  un  rayon 
de  sa  lumière  originelle,  pour  en  frapper  comme  d'un 
glaive  l'erreur  qui  se  diesse  contre  lui,  ou  bien  pour 
en  répandre  le  salutaire  éclat  sur  les  consciences'qui 
trcnddenl  dans  quelque  obscurité.  Ainsi,  lorsqu'au 
niilieu  du  m'  siècle,  à  la  suite  d'une  ccmtroverse  en- 


tre le  pape  saint  Etienne  et  saint  Cyprien,  la  validité 
du  baptême  régulièrement  conféré  par  les  hérétiques 
fut  proclamée  vérité  de  foi,  il  n'y  eut  ni  conquête 
opi;rée  par  l'esprit  humain,  ni  nouvelle  révélation  de 
Dieu,  il  y  eut  seulement  exposition  nette  et  authen- 
tique d'une  doctrine  certainement  acquise,  mais  que 
l'enseignement  commun  n'avait  pas  mise  en  relief, 
en  un  mot,  l'on  imposa  la  croyance  explicite  d'un 
point  resté  jusque-là  l'objet  d'une  croyance  implicite. 
2°  Le  développement  de  la  doctrine  et  des  pratiques 
du  culte,  de  quelque  façon  qu'il  commence  et  se 
proiluise,  n'est  réellement  accompli  que  sous  le  con- 
Iroie  et  paf  l'autorité  de  l'Eglise.  Nous  pourrions 
établir  ici  la  nécessité  d'un  juge  infaillible  en  matière 
de  foi  ;  nous  pouriions faire  voir  qu'un  livre  ne  s'ex- 
pli(pie  pas  de  lui-même  quand  il  plait  au  premier 
ven\i  d'en  fausser  ou  d'en  nier  le  sens;  qu'il  laui  une 
magistrature  vivante  pour  interpréter  un  code,  sur- 
tout lorsqu'il  est  étendu  et  profond  comme  l'Evan- 
gile, et  qu'eidin  la  nature  même  de  l'acte  de  foi  sup- 
pose l'infaillibilité  dans  l'autorité  qui  le  réclame. 
Mais  ce  serait  un  travail  superflu  ;  nous  défendons 
la  tliéorie  du  développement  doctrinal,  non  pas  telle 
que  h's  rationalistes  voudront  l'imaginer,  mais  telle 
que  les  théologiens  l'admettent  et  que  l'histoire  du 
christanisme  nous  la  montre  appliquée.  Or,  lout  le 
momie  sait  que,  selon  les  princq)es  du  catholicisme, 
l'Eglise  est  la  dépositaire  et  l'inlerprète  infaillible  de 
la  révélation  et  la  gardienne  incoi  ruptible  de  la  pu- 
reté du  culte.  C'est  seulement  sous  le  bénéfice  de 
cette  condition  qu'il  y  a  légitime  et  vrai  développe- 
ment. Ainsi  une  double  assertion  constitue  la  théorie 
catholique  du  développement  ;  c'est  que,  1°  il  se  fait 
graduellement  une  manifestation  plus  expresse  de 
la  vérité  révélée,  et  que,  2°  cette  manifestation  doit 
s'opérer  et  s'opère  en  eflet  au  nom  et  sous  le  contrôle 
souverain  de  l'Eglise. 

j  C'est  l'unanime  enseignement  des  Pères  que  la  ré- 
vélation faite  au  premier  homme,  renouvelée  par  le 
ministère  de  Moïse  et  des  pro|ihètes,  agrandie  et  dé- 
veloppée par  Jésus-Christ,  recevra  dans  le  ciel  un 
suprême  accroissement  ;  que  c'est  toujours  la  même 
vérité,  la  même  lumière  s'épanouissanld'uiie  manière 
progressive,  en  rayons  plus  étendus  et  plus  brillants, 
selon  les  conseils  de  Dieu  et  les  besoins  variables  de 
l'humanité.  On  comprend  aussitôt  que  ces  graves  au- 
torités ne  peuvent  des  lors  regarder  la  loi  du  dévelop- 
pement doctrinal  comme  contradictoire  à  l'esprit  du 
christianisme.  El,  en  effet,  «  le  Vieux  Testament,  dit 
un  docteur,  annonçait  ouvertement  le  Père,  plus  obs- 
curément le  Fils  ;  le  Nouveau  Testament  nous  a 
montré  le  Fils  avec  clarté,  laissant  dans  une  sorte 
de  demi-jour  (subobscnrc  quodummodo)  la  divinité 
du  Saint-Esprit.  Mais  maintenant  le  Suiùt-EsiM'it  i^st 
au  milieu  de  nous,  et  il  se  découvre  plus  nettement 
à  nous.  Car  il  n'était  pas  sage  de  prnmulguer  la  di- 
vinile  du  Fils  avant  que  celle  du  Père  l'ut  admise, 
ni  de  surcharger,  pour  ainsi  dire  notre  foi  par  la 
doctrine  sur  le  Saint-Esprit,  ('e  peur  qu'une  nourri- 
ture trop  abimdante,  une  lumière  trop  vive  ne  dé- 
passât ce  que  nousavioris  de  loice.»  (Greg.  iNazian., 
Oral.li.)  On  connaît  la  docM'ine  analugin!  de  saint 
\incent  de  Lérins  :  «  Gardicune  vigilante  et  lidele 
des  dogmes  qu'elle  a  reçus,  jamais  l'Eglise  du  Ciinst 
n'y  fait  aucun  changement,  aucune  suppression,  au- 
cune ad.lition Qu'a-t-ede  voulu  par  les   décrets 

des  conciles,  sinon  imposer  une  foi  plus  expresse  en 
ce  qui  d'abord  était  cru  d'une  foi  moins  expresse'? 
sinon  consigner  par  écrit  ce  que  les  anciens  avaient 
reçu  de  la  tradition,  présenter  beaucoup  de  choses 
en  peu  de  mots,  et  faire  comprendre  un  sens  antique 
par  la  propriété  d'un  terme  nouveau!  »  (Vincent.  Li- 
rin  ,  lib.  contra  profan.  vomm  novitut.  Vid.  ejusdem 
Commonit.,  c.  27  etseqq.)  Je  pense  qu'on  ne  pour- 
rait guère  s'exprimer  plus  énergiquement  sur  ce  point 
que  ne  l'i  fait  saint  Grégoire  pape  :  «  Le  Saint-Es- 
prit, dit-il,  instruit  peu  à  peu  son  Eglise.»  (Wo»"'-  -'i 


16,>7 


PRO 


in  Ezechiel.  C,(.  Petav.  de  Im-Nnml.,  lih.  xiv,  eh.  2; 
rf«  Tn'Hi»  ,  lib.  Il,  ch.   7.)  Les  j;raiuls    thoologiiins 
(ics  lemps  iiKidoriies,  résimiaiit  l<'s  |>iMis(.'es  des  Pè- 
res et  siiiv;iiil  les  liaces  dti  leur   illiisltc  aïeid,  saint 
Thomas,  oui  Ibriiiulé  avec  pic  eisiim  la  (loclrlno  de 
PEglise  sur  la  (pieslioii  prc^eiiie.  Ils  étahlissent  trois 
choses  :  la  première,  qu'l   :i  y  a  pas  d'autre  source 
des  vérités  de  foi  ealhnliipie  ipiela   Kovélalioii  ;    la 
seconde,  «pi'il   n'apparlieiit  (|u'à   l'Kglise  de  Irans- 
nwltre,  d'inlerprétei',  do  iléleriiiiiierct  de  définir  ces 
vérités;  la  troisième,  que  celte   <leli(Mlii>n  se  produit 
par  un  pio^res  leiit,  au  fur  et  à  luesiire  des  besoins 
du  peuple  lidéle.  <  Il  est  avéré,  dit  l'un    d'eux,  que 
l'on  <roil  niainleiiaut  de  loi  explicili;  des  choses  que 
prèci'deinmeni  on  ne  croyait  pas  ainsi,  bien   qu'elles 
uissenl  iinplicileinent  coulernies  dans  la  doelrine  an- 
tique... Beaucoup  d'exeiiqiles  pourraient  cire  appor- 
tés en  preuves,  el  cerl:iinement  riii;lise  a  le  droit  de 
faire  de  telles  délinilions.  Il  n'est  pas  besoin  en  ce 
cas  d'une  rcvélaiion  nouvelle;  il  sullit  de  ras>is(auco 
iulaillible  du  Saint-Esprit  pour  inlerpréier  et  rendre 
explicite  ce  (jui  était  contenu  dans  la  lévclalion  d'une 
manière  senlenient  implicite.»  (Suarcz,  De  fuie,  dis- 
put.  2,  scct.  H.  ('f.  Bellarin.,  de  rerbu  Iki  iinii  scii- 
plo,  c.  9.)  Puis  l'écrivain  l'ail  voir  qu'il  exisie  une 
distinctiiHi  ciilre  les  articles  du    symbole,  proposés 
des  le  conunenceuieul  a  la  toi  expliciie  de  tous   les 
ckl'élicll^,  el  les  poinis  de  loi  que  les  docteurs  calho- 
liques  doivent  c(uniaitre,   exposo»  el   défendre  en 
raison  des  nécessités  (|ue  le  temps  aiiiènc.  <  Ainsi, 
dil  un  autre  théologien,  ni  les  conciles,  ni  les  souve- 
rains Pouliles,  ni  les  saints  inteiprèies  de  lEcrilure 
ne  produisent   îles  choses  nouvellement   révélées; 
mais  ce  que  l'Eglise  a  leçu  îles  Apoires,  ils  le  trans- 
mettent pur  et  inl;gre,  on  bien  ils  l'inlerprelent  et 
rexpriinent,iui  bien  ils  l'allirnicnt  comme cunsequence 
directe  et  nécessaire.  >  (Melch.  Cano,  de  Lucis  iheoL, 
lib.  XII,  c.  3.  CI'.  Vasques,  de  Locis  tlieol.,  disp.  liJ.) 
t  Au  surplus,  quoique  colle  discussion  soit  bien 
abri''gée,  on  peut  la  resserrer  el  la  clore  en  quelques 
mois  :  1°  l.a  doctrine    chrétienne  admet-elle  un  dé- 
veloppenienl'?  Oui.  Nous  le  prétendons,  comme  on 
vient  de  le  voir;  les  rationalistes  le  penseiil,  puisqu'ils 
le  souliemient  counuela  thèse  contre  le  catbolicisine. 
2°  En  (pu)i    consi.sie  ce  develoiipeuient  '.'   Dans  une 
simple  expansion  du  dogme  revoie,  expansion  qui  se 
fait  sous  le  conirole  iulaillible  et  par   l'autorité  de 
l'Eglise.  Cela  sc^  prouve  par  la  doctrine  unanime  des 
théologiens  et  par  l'idstoiie  exacte  de  nos  docliiae>. 
5°  Y  a-t-il  bien  loin  de  ce  développement  ainsi  entendu 
et  pratiqué  à   un   rationalisme  (|uelcou(|HK?    Il  y  a 
tout  un  monde.  Pour   les  catholiques,  la  réivélaiion 
exclusivement  est  la  source  des  veriiés  religicu-.es, 
l'Ejjlise  en  est  l'organe  ;   pour   les  lalionaiislos,  l'or- 
gain;  et  la  source  des  vérités  leligieu.ses,  c'est  exclu- 
siveiiiCnl  la  raison.  Pour  les  calholinues,  la  révéla- 
tion est  une  manifestation  extéiieuie  et  surnaiurelle 
de  Dieu;  l'Eglise  est  une  autorité  extérieure  et  di- 
vine; la  lui,  le  tribunal,  le  juge,  tout  est  place  hm-s 
des  atteintes 'le  l  homme.  Pour  les  ralioiialisies,  la 
raison  est  bien  une  manilestalion  de  Dieu,  mais  ma- 
nifestation iiilinie  el  naturelle;   par  suile  elle  reste 
auUuile  iMleiieure,  naluielle   el,  en  deiinitive,  hu- 
maine cl  imiividuelle;  caria  loi,  le  tribunal,  le  juge, 
c'est  la  coiiMieiice  de  chaque  homme  qui  joue  a  la 
fois  lous  ces  rôles.  Il  resulle  de  la  que,  pour  les  uns, 
la  vérité  est  objcciive  dans  son  déveloiipenientcoiijnic 
dans  sa  première  apparition,  et  douée  d'un  mouvcniciit 
régulier  «pii  eiiir.une  et   maintient  les  esprits  dans 
le  plan  d  une  incorruptible  uiiilé,  tandis  que  pour  les 
aulros  elle  e  l,  a  lous  égards  el  con^lanimeiit,  siib- 
jeclive  el  soumise  a  une  mobilité  qui  la  rend  person- 
nelle Cl  variable.  D  un  système  a  l'autie  il  y  a  donc 
aussi  li<in  que  du  séjour  lumineux  d'où  lut    renverse 
l'archange  juM|u'aux  profondeurs  incommensurables 
où  il  lomberait  encore,  comme  dit  le  poète,  si  la 
uiaio  de  Dieu  ne  l'avait  retenu  dans  sa  cliutc.  i 


PRO  1658 

PROLÉGOMÈNES  DE  l'ÉCRFTlIHE  SAIN- 
TE. Voyez.  Critiijiie  sackée. 

PROMESSES  DE  DIEU.  Un  des  attributs 
(lo  la  Divinité  que  rRcrituro  saiiitt;  nous  in- 
culque le  plus  souvent  est  la  lidélité  de 
Dieu  à  tenir  ses  promesses,  fidélité  (ju'ello 
expi'inie  par  le  mot  rériti'.  C'est  le  sons  des 
passades  où  il  est  dit  que  la  v&ité  de  Dieu 
denniure  é  ernellement,  qu'il  juge  avec  justi- 
ce et  vérité,  que  la  tuist'M'icorde  et  la  véritti 
se  sont  rencontrées,  etc.  Mais  il  faut  se  sou- 
venir que  les  promesses  de  Dieu  sont  tou- 
jours condilionnellcs,  qu'ollos  supposent  que 
nous  f.'fons  de  notre  part  ce  que  Dieu  exige 
(in  nous;  illc  déclare  Ibniicllemeid,  Ezech., 
c.  xxxm,  V.  i'-i.  Lorsque  f  aurai  dit  au  juste 
quil  vivra,  s'il  vient  à  (aire  le  mal,  je 
ne  me  souviendrai  plus  de  sa  justice,  il  mour- 
ra  dans  son  iniqniié.  Dans  les  écrits  des  pro- 
phètes cl  ailleurs,  Dieu  reproche  souvent  aux 
Juifs  qu'ils  ont  rompu  son  alliance  :  or  celte 
alHanci'  consistait  dans  les  promesses  ipie 
Dieu  leur  avait  faites  et  dans  l'obéissauce 
qu'il  exigeait  d'eux. 

Voilti  ce  que  les  juifs  ne  veulent  pas  rccon- 
naîti'o  depuis  dix-stqjt  cents  ans,  et  c'est  pour 
cela  qu'ils  s'obstinent  h  espérer  un  autre 
Messie  que  Jésus-Christ,  tpi  remplira  dans 
la  plus  grande  exactitude  et  h  la  lettre  les 
promesses  pompeuses  que  Dieu  a  faites  k 
leurs  pères.  Ces  promesses,  disent-ils,  sont 
absolues  ;  elles  ne  renferment  aucune  condi- 
tion ;  elles  n'ont  pas  été  accomplies  après  le 
retour  de  la  captivité  de  Bal», loue,  encore 
moins  à  l'avènement  du  Messie  des  chrétiens  ; 
donc  elles  le  seront  un  jour  par  le  Messie  qui 
nous  est  promis.  En  cela  les  juifs  s'aveu- 
glent volontairement.  1°  Il  est  de  la  nature 
même  des  promesses  divines  de  renfermer 
une  condition,  puisqu'il  est  absurde  de  sup- 
poser que  Dieu  n'  t  aucun  égard  au  mérite 
des  huinmes,  qu'il  destine  bs  mêmes  bien- 
laits  aux  justes  et  aux  impies  :  cent  fois 
Moïse  a  dit  aux  Juifs  tout  le  ctuitrairc  ;  et  en 
leur  faisant  de  la  part  de  Dieu  les  plus  magni- 
fiques promesses,  il  leur  a  fait  aussi  les  me- 
naces les  plus  terribles.  2°  Ce  sont  eux-mê- 
mes qui  ont  mis  obstacle  à  laccora  lisse- 
ment  parfait  des  prédictions  concernant  le 
retour  de  la  captivité  d'  Bab.  lom-.  Un  grand 
nombr  •  de  Juiis  ne  voulurent  pas  proliter 
de  la  lil>erté  que  Cyrus  leur  donn  il  de 
retourner  dans  la  Judé."  ;  la  seule  tribu  de 
Jutla,  avec  un-  parti'  ..e  celles  de  Lévi  ut  de 
Benjamin  revinrent  i-aus  leur  patrie  ;  les  au- 
tres se  fixèrent  sur  les  bords  du  Ti.^re  et  de 
l'Euphrate.  Ceux  même  «pu  se  réuiblirent 
dans  leurs  anciennes  poss'ss.oiis,  iie  firent 
pas  fort  exacts  à  suivre  leur  loi  ;  on  le  voit 
par  les  reproches  d'Aggée,  de  Zacharie  et  de 
Malacliie,  par  les  livres  d'Esdr  is  el  des  .Ma- 
cliubées.  3°  Ils  conviennent  eux-mêmes  que 
l'accompiisseiueat  des  promesses  est  retardé 
<.epuis  tiix-sept  cents  ans,  à  cause  de  leurs 
pé  hés  ;  pourquoi  ne  veulent-ils  pas  croire 
qu'il  a  été  diminué  par  la  même  raison"?  i" 
L'accomplissement  de  ces  promesses,  dans  le 
sens  qu'ils  leur  donnent,  serait  absurde  et 
indigne  de  Dieu  ;  il  exigerait  des   miracles 


1659 


PRO 


PRO 


1610 


sans  nombre,  et  tels  que  l'imagination  la 
plus  folle  peut  à  peine  se  les  représenter. 
La  félicité  qu'ils  attendent  sous  leur  Messie 
est  incompatible  avec  la  constitution  de  la 
nature  iiumaine  et  avec  la  sagesse  divine  : 
loin  de  contribuer  au  salut  des  juifs,  elles  ne 
pourrait  causer  que  Isur  perte  éternelle  ; 
ils  se  flattent  de  l'espérance  de  satisfaire 
leur  sensualité,  de  se  venger  de  tous  leurs 
ennemis,  de  voir  tous  les  peuples,  deve- 
nus leurs  esclaves,  arriver  à  Jérusalem  des 
extrémités  du  monde ,  etc.  Jamais  Dieu 
n'a  promis  toutes  ces  absurdités.  Voy.  Pro- 
phétie. 

Nous  opposons  les  mêmes  raisons  aux  incré- 
dules, lorsqu'ils  nous  objectent  que  Dieu  n'a 
tenu  aucune  des  promesses  qu'il  avait  faites  au 
patriarche  Abraham,  à  David,  à  Salomon  et 
k  leur  postérité.  Nous  soutenons  que  Dieu 
les  a  exécutées  autant  que  la  nature  de  ces 
promesses  le  comportait  ,  et  que  le  méritait 
la  conduite  de  ceux  k  qui  elles  étaient  faites. 
Dieu  prévoyait  sans  doute  les  obstacles  qui 
s'opposeraient  à  un  accomplissement  pluspar- 
fait  ;  il  n'a  pas  laissé  de  faire  de  grandes  pro- 
messes atin  d'engager  les  Juifs  à  être  plus 
fidèles. 

Il  ne  tenait  qu'à  Dieu,  uisent  les  incré- 
dules, de  rendre  les  Juifs  tels  qu'il  les  fallait 
pour  que  ces  promesses  fussent  accomplies 
dans  toute  leur  étendue.  Nous  répondons 
qu'il  tenait  aussi  aux  Juifs,  puisqu'ils  étaient 
doués  de  liberté,  et  que  Dieu  ne  leur  a  re- 
fusé aucun  des  secours  dont  ils  avaient  be- 
soin. Il  est  ridicule  de  prétendre  que,  pour 
nous  rendre  heureux.  Dieu  doit  tout  faire 
seul,  sans  exiger  aucune  correspondance  de 
notre  part. 

On  peut  nous  objecter  le  psaume  lxxxviii  ; 
Dieu  y  fait  à  David  et  à  sa  postérité  de  magni- 
fiques promesses,  et  il  ajoute  :  Si  ces  enfants 
abandonnent  ma  loi  et  violent  mes  préceptes, 
je  les  châtierai  par  des  afflictions;  mais  je  ne 
leur  ôterai  point  ma  miséricorde,  et  je  ne  dé- 
rogerai point  à  ma  vérité,  fi  la  fidélité  de  mes 
promesses.  Je  l'ai  juré  à  David  par  ma  sain- 
teté même,  je  ne  le  tromperaipoint,  sa  posté- 
rité subsistera  éternellement,  etc.  Dans  ce 
psaume  néanmoins  David  se  plaint  que  Dieu 
a  rejeté  son  Christ  et  rompu  son  alliance  ;  il 
demande  :  Où  sont  donc,  Seigneur,  vos  an- 
ciennes miséricordes  que  vous  m'avez  promises 
avec  serment  ?  etc.  Après  la  mort  de  ce  roi, 
à  la  seconde  génération,  les  trois  quarts  du 
royaume  furent  enlevés  à  sa  postérité.  — 
Réponse.  Si  l'on  veut  lire  attentivement  ce 
psaume,  l'on  verra  que  David  fort  alUigé  use 
d'exagération,  soit  pour  étaler  les  promesses 
du  Seigneur,  soit  pour  peindre  ses  peines, 
et  que  toutes  ses  expressions  ne  doivent  pas 
être  prises  à  la  lettre.  Il  sentait  lui-même 
pourquoi  il  était  aflligé,  puisqu'il  linit  ses 
plaintes  eu  bénissant  Dieu  qui  le  châtiait  de 
ses  fautes.  Quant  à  sa  postérité.  Dieu  nous 
fait  remarquer  que,  pour  punir  le  crime  de 
Salomon,  il  l'aurait  entièrement  privé  du 
trône,  lui  et  ses  descendants,  mais  qu'à 
cause  des  promesses  qu'il  a  faites  à  David, 


il  leur  en  conservera  au  moins  une  partie  ; 
///  Reg.,  c.  XI,  v.  13.  Le  mot  éternellement 
ne  peut  pas  être  pris  à  la  rigueur  lorsqu'il 
est  question  des  bienfaits  temporels;  il  si- 
gnifie seulement  une  longue  durée. 

La  témérité  des  incrédules  ne  s'est  pas 
arrêtée  là,  ils  prétendent  que  les  promesses 
faites  dans  le  Nouveau  Testament  ne  sont 
pas  mieux  accomplies  que  celles  de  l'Ancien. 
La  royauté,  disent-ils,  et  lit  promise  au  Mes- 
sie ;  Jésus-Christ,  qui  s'est  appliqué  ces  pré- 
dictions, parle  souvent  de  son  royaume,  ce-' 
pendant  il  n'a  pas  régné.  Il  promettait  à  ses 
disciples  toutes  choses  en  abondance;  il  leur 
dit  que  tout  ce  qu'ils  demanderont  en  son 
nom  leur  sera  accordé,  que  ceux  qui  croiront 
enlui  chasserontlesdémons  et  feront  d'autres 
miracles,  qu'avec  un  grain  de  foi  l'on  pourra 
transporter  les  montagnes;  cependant  nous 
ne  voyons  arriver  aucun  de  ces  prodiges.  Il 
était  venu,  dit-il,  pour  délivrer  le  monde  du 
péché,  et  le  péché  n'a  pas  cessé  de  régner;  il 
était  venu  pour  sauver  tous  les  hommes,  et 
à  peine  y  en  a-t-i!  un  sauvé  sur  mille.  11 
avait  promis  de  préserver  son  Eglise  de  toute 
erreur,  cela  n'a  pas  empêché  qu'elle  ne  tom- 
bât dans  l'idohltrie,  en  adorant  l'eucharistie, 
les  saints,  leurs  images  et  leurs  reliques,  etc. 
On  voit  que  co  dernier  reproche  est  em- 
prunté des  protestants;  ce  serait  donc  à  eux 
d'y  répondre,  et  de  faire  voir  aux  incrédules 
comment  les  erreurs  qu'ils  reprochent  à 
l'Eglise  catholique  peuvent  s'accorder  avec 
les  promesses  que  Jésus-Christ  lui  avait  faites. 
Mais  les  protestants  ne  se  sont  jamais  mis 
en  peine  de  savoir  si  les  reproches  qu'ils 
faisaient  à  l'Eglise  romaine  étaient  autant 
d'armes  qu'ils  mettaient  à  la  main  des  enne- 
mis du  christianisme;  c'est  h  nous  qu'ils 
laissent  le  soin  de  le  défendre  contre  les  mé- 
créants de  toutes  les  sectes. 

Nous  soutenons  que  Jésus-Christ  a  été  et 
qu'il  est  encore  le  roi  et  le  législateur  de 
toutes  les  nations  qui  croient  enlui,  et  qu'il 
exerce  sur  elles  un  pouvoir  souverain,  plus 
visible  et  plus  absolu  que  celui  de  tous  les 
potentats  de  l'univers,  il  a  si  bien  tenu  pa- 
role à  ses  disciples,  que  quand  il  leur  de- 
manda :  Lorsque  je  vous  ai  envoyés  sans  ar- 
gent et  sans  provisions,  uvez-vous  manqué  de 
quelque  chose?  ils  lui  répondirent  :  iVo«,  Sei- 
gneur {Luc,  XXII,  35).  Dans  tous  les  temps 
les  saints  ont  rendu  témoignage  de  l'eflîca- 
cité  de  la  prière,  ils  la  connaissaient  par  ex- 
périence. A  la  vérité  le  Sauveur  a  promis 
que  les  croyants  feraient  des  miracles  en  son 
nom,  mais  il  n'a  pas  dit  que  ce  don  serait 
accordé  à  tous.  Que  les  apôtres  et  les  pre- 
miers fidèles  aient  fait  des  miracles,  c'est  un 
fait  attesté  d'une  manière  incontestable. 
Voy.  Miracle.  Il  ne  s'est  écoulé  aucun  siècle 
pendant  lequel  il  ne  s'en  soit  fait  dans 
l'Eglise  romaine.  La  hardiesse  des  héréti- 
ques et  des  incrédules  à  les  nier  ne  suffit 
pas  pour  prouver  que  Jésus-Christ  a  manqué 
à  sa  promesse.  Quant  au  pouvoir  de  trans- 
porter les  montagnes,  il  suffit  d'avoir  du  bon 
sens  pour  comprendre  que  cette  expression 
populaire  ne  doit  pas  être  prise  à  '*  lettre. 


1G41 


PRO 


PRO 


16i2 


'  Jésus-Christ  a  véritablement  délivré  le 
monde  du  péché ,  puisqu'il  a  donné  et 
donne  encore  à  tous  les  hommes  les  secours 
et  les  grAces  nécessaires  pour  éviter  tout 
péché;  et  il  sauve  tous  les  lionuiies,  puis- 
qu'il fournit  k  tous  les  moyens  de  se  sauver. 
Exiger  qu'il  les  sauve  sans  qu'ils  correspon- 
dent à  la  gnlce,  et  sans  qu'ils  usent  des 
moyens  nécessaires,  c'est  une  absurdité.  Il 
a  promis  d'être  avec  son  Eglise  et  de  la  pré- 
server d'erreur  jusqu'hla  consommation  des 
siècles;  malgré  les  calomnies  de  nos  adver- 
saires, nous  soutenons  (pi'il  l'en  a  jiréservée 
en  effet,  et  qu'il  l'en  jiréservera.  L'accusa- 
tion d'idol;Ur;e  a  été  tant  de  fois  réfutée, 
qu'ils  devraient  rougir  de  la  répéter  encore. 
Voy.  Paganisme,  §  11. 

Quoi(|ue  Dieu,  en  vertu  de  sa  sainteté  et 
de  sa  justice,  ne  puisse  manquer  aux  pro- 
messes ipi'il  a  faites,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il 
doive  exécuter  de  même  toutes  ses  menaces. 
Non-seulement  il  a  promis  de  pardonner  à 
tout  pécheur  qui  se  repentira,  mais  il  dit  : 
je  ferai  miséricorde  à  qui  je  voudrai  (Exod. 
xxxiu,  19).  Lorsqu'il  daigne  pardonner  au 
pécheur  le  ]ilus  indigne,  il  ne  fait  tort  à  per- 
sonne, ses  menaces  mêmes  sont  une  preuve 
de  bonté;  s'il  voulait  toujours  punir,  il  ne 
menacerait  pas,  il  frapperait  sans  en  avertir. 

*  PROMULGATION.  \mj.  Loi,  et  surtout  le  Dic- 
tionnaire (le  Théologie  morale. 

PROPAGANDE.  V.  Missions  étrangères. 
'    PROPAGATION     DU     CHRISTIANISME. 

Voy.  Christianisme. 

*  PnoPàGATioN  DE  LA  FOI  (CEuvrc  de  la).  Sur  ce 
globe  arrosé  du  sang  de  Jésus-Christ,  il  est  encore 
des  niyriades  d'hommes  qui  ne  le  connaissent  pas, 
et  qui,  comme  autrefois  nos  pères,  se  prosternent 
devant  d'ignobles  et  stupides  divinités,  et  se  livrent 
sans  remords  comme  sans  frein,  à  tous  les  mons- 
trueux excès  de  l'état  sauvage.  Voilà  ce  qui  reste  à 
gagner  à  l'empire  de  Jésus-Christ.  Voilà  la  tâche  im- 
mense que  s'est  iuipos  e  et  que  poursuit  sans  relâ- 
che VAssociulion  pour  la  propngulion  de  la  foi.  Trois 
moyens  sont  mis  on  onivre  à  celte  lin  :  les  missions, 
les  prières  et  une  faible  eontribulion  pécuniaire. 
L'association  travaille  à  former  et  à  secourir  ces 
hommes  qui,  favorisés  d'une  vocation  sublime,  s'en 
vont  porter  la  bonne  nouvelle  aux  deux  exlrémilés 
du  monde  ;  qui,  sourds  a  ces  deux  mots  si  puissants 
sur  tout  cœur  d'bomino,  famille  et  pairie,  abandon- 
nent généreusement  le  sol  natal  et  le  toit  palcrnel 
pour  aller,  à  travers  les  périls  des  fleuves  et  les  en- 
nuis de  la  soliuide,  chercher  une  nouvelle  patrie, 
se  créer  une  nouvelle  famille  au  delà  des  mers. 

Tandis  que  ces  hommes  généreux  combattent  au 
loin  les  combats  du  Seigneur,  les  associés  les  sou- 
tiennent par  la  prière.  Il  n'est  pas  un  missionnaire 
qui  ne  réclame  ce  secours.  Le  plus  illustre  de  tous, 
saint  François  Xavier,  écrivait  du  fond  de  l'Asie  à 
ses  frères  de  Rome  :  t  Je  ne  suis  qu'un  pécheur  et  je 
ne  mérite  pas  de  servir  d'mstrument  aux  miséricor- 
des de  Dieu  sur  les  Imliens,  cependant  souvenez- 
vous  de  moi  dans  vos  pii-'ies,  et  je  ne  désespère  pas 
que  Dieu  m'emploie  à  piauler  sa  foi  sur  ces  terres 
idolâtres,  i  Les  associés  à  l'ueuvre  de  ia  Propagation 
de  la  foi  sont  invités  à  dire  tous  les  jours  un  Pater 
et  un  .-li't'.  Qui  oserait  refuser  un  si  faible  tribut  de 
prières?  A  ce  tribut  quotidien  de  la  prière,  l'Eglise 
demande  d'ajouter  le  tribut  non  moins  facile  de  cinq 
centimes  par  semaine.  Autrefois  elle  suffisait  seule  à 
ces  vastes'  entreprises,  parce  que  de  tous  les  points 

DlCTIONN.  DE  ThÉOL,  DOGMATIQUE.    III. 


de  la  terre,  les  nations  venaient  mettre  leurs  tré- 
sors à  ses  pieds,  et  que  les  rois  eux-mêmes  se  fai- 
saient gloire  d'être  ses  nourriciers.  I,a  ridie  ci  nom- 
breuse milice  des  ordres  religieux  fournissait  cha- 
que année  de  précieuses  recrues  à  celte  armée 
d'apôties  et  de  martyrs.  Privée  aujourd'hui  de  ces 
puissants  appuis,  l'iiglise  est  obligi'e  de  deman- 
der l'obole  du  pauvre.  Le  pauvre  a  répondu  à  l'appel 
de  sa  mère,  elle  a  produit  des  sommes  énormes. 
L'association  delà  propagation  de  la  foi  fera  un  éter- 
nel honneur  à  la  noble  et  généreuse  ville  de  Lyon, 
qui  l'a  établie  vers  1818. 

PROPHÈTE,  homme   qui    prédit  l'avenir 
par   rias()iration   de    Dieu.   Dans   l'Ecriture 
sainte,  ce  terme  n'a  pas  toujours  le  même 
sens  ;  quelquefois  il  signilie  :  1"  Un  homme 
doué  de  connaissances  supérieures,  soit  di- 
vines, soit  humaines  :  voilà  pourquoi  l'on 
avait  donné  d'abord  le  nom  de  l'oyanCs,  ou 
d'hommes  éclairés,  à  ceux  qui  dans  la  suite 
furent  nommés  prophètes,  1  Reg.,  c.  ix,  v.  9. 
Dans  ce  sens,  saint  Paul,  Tit.,  c.   i,   v.  12, 
appe  le  prophète  des  Cretois,  un  homme  de 
leur  nation  qui  les  avait  peints  au   naturel, 
et  1  Cor.,  c.  XIV,  v.  6,  il  appelle  don  de  la  pro- 
phétie les  connaissances    supérieures    que 
Dieu  donnait  k  cjuelques-uns  d'entre    les 
lidèles  pour  instruire  et  édifier  les  autres,  et 
il  préfère  ce  don  à  celui  des  langues.  Ce  qu'a 
dit  Notre-Seigneur,  Matth.,  c.  xiii,  v.    57, 
qu'aucun  ;jro;j/(c/f  n'est  privé  d'honneur  que 
dans  sa  patrie,  peut  avoir  le  même   sens, 
2°  Celui  qui  a  une  connaissance   surnatu- 
relle des  choses  cachées,  soit  pour  le    pré- 
sent, soit  [)our  le  passé  :  ainsi  Samuel  pro- 
phétisa,   ou   fit    connaître  à  Saiil    que    les 
ânesses  qu'il  cherchait  étaient  retrouvées.  Les 
soldats  qui  maltraitaient  notre  Sauveur  dans 
le  prétoire  de  Pilate,  lui  disaient  :  Prophétise 
qui  est  celui  qui  t'a  frappé.  3»  Un  homme 
inspiré  que  Dieu  fait  parler,  même  sans  qu'il 
comprenne  tout  le  sens  de  ce  qu'il  dit  :  ainsi 
saint  Jean  observe  dans  son  Evangile  que 
Caïi)he    prophétisa  en  disant,  au  sujet  de 
Jésus-Christ ,    qu'il  était    expédient  qu'un 
homme  mourût  pour  le  peuple,  Joan.,  c.  xi, 
y.  51.  Josèphe  nomme  ;jro7;Ac<cs,  c'est-à-dire 
inspirés,    les  auteurs    des  treize  premiers 
livres  de  l'Ecriture  sainte.  4."  Celui  qui  porte 
la  parole  au  nom  d'un  autre;  Exod.,  c.  vu. 
Dieu  dit  à  xMoïse  :  «  Ton  frère  Aaron  sera 
ton  prophète,  il  parlera  pour  toi.   »  Jésus- 
Christ    et    saint    Etienne    reprochent    aux 
Juifs  d'avoir  persécuté   tous  les  prophètes, 
tous    ceux   qui    leur  parlaient  de    la    part 
de  Dieu.  Nathan   fit   cette  fonction  en  re- 
prochant à  David  l'enlèvement  de  Bethsabée 
et  le  meurtre  d'Urie,  de  même  que  saint 
Jean-Baptiste,  lorsqu'il  reprit  Hérode  d'avoir 
un  commerce  criminel  avec  sa  belle-sœur. 
5°  L'on  a|)pelait  encore  prophètes,  ceux  qui 
composaient  et  chantaient  des   hymnes  ou 
des  cantiques  à  la  louange  de  Dieu,  avec 
un  enthousiasme  qui  paraissait  surnaturel. 
Saiil  ayant  rencontré  une  troupe  de  ces  chan- 
tres se  joignit  à  eux,  et  l'un  fut  étonné  de 
le  voir  parmi  les  prophètes,  I  Reg.,  c.  x,  v. 
6;  et  lorsque,  saisi  d'un  accès  de  mélancolie, 
il  chantait  dans  sa  maison,  l'historien  sacré 
(lit  qu'il  prophétisait,  c.  xviii,  v.  10.  David, 

52 


164S 


PRO 


PRO 


ÎG44 


Asaph  et  d'autres  étaient  prophètes  dans  le 
mûme  sens,  et  les  jeunes  gens  que  l'on 
exerçait  à  ce  talent  sont  appelés  les  enfants 
des  prophètes,  IV  Reg.,  c.  ii.  6°  Ce  nom  dé- 
signait encore  un  homme  doué  d'un  pou- 
voir surnaturel,  du  don  des  miracles  ;  nous 
lisons,  Eceli.,  c.  lxviu,  que  le  corps  d'Elisée 
prophétisa  après  sa  mort,  parce  que  l'attou- 
chement de  ce  corps  ressuscita  un  mort  qui 
avait  été  mis  dans  le  môme  tombeau  :  à  la 
vue  des  miracles  opérés  par  Jésus-Christ, 
les  Juifs  disaient  :  tin  grand  prophète  s'est 
élevé'  parmi  nous,  et  Dieu  a  visité  son  peuple 
[Luc.  XVI,  7).  7"  Enfin,  dans  le  sens  propre, 
un  prophète  est  un  homme  à  qui  Dieu  a  ré- 
vélé l'avenir,  aiquel  il  a  fait  connaître  les 
événements  futurs  que  la  sagesse  humaine 
ne  peut  pas  prévoir,  et  lui  a  donné  ordre  de 
les  annoncer.  Ce  don  sin'uaturel  est  un  signe 
certain  de  mission  divine;  il  prouve  que 
celui  qui  en  est  doué  est  envoyé  de  Dieu. 
C'est  dans  ce  sens  qu'Isaïe,  Jérémie,  Ezé- 
chiel,  etc.,  ont  été  prophètes,  et  leurs  pro- 
phéties sont  une  partie  de  l'Ancien  Testa- 
ment. 

En  confondant  ces  différentes  significa- 
tions, les  incrédules  ont  cherché  k  dégrailer 
les  fonctions  des  prophètes;  ils  ont  dit  qu8 
c'était  un  art  que  l'on  pouvait  apprendre, 
puisqu'il  y  en  avait  des  écoles  chez  les  Juifs. 
Si  par  prophète  l'on  entend  seulement  un 
homme  plus  instruit  que  le  commun  du 
peuple,  un  orateur,  un  poëte  ou  un  musi- 
cien, ce  talent  pouvait  s'acquérir  s  ins  doute, 
et  il  y  avait  des  écoles  pour  y  former  les 
jeunes  gens.  Mais  si  l'on  prend  le  nom  de 
prophète  dans  un  sens  plus  propre,  pour 
un  homme  inspiré  de  Dieu,  doué  du  pou- 
voir de  faire  des  miracles,  de  prévoir  et  de 
prédire  l'avenir,  ce  n'était  plus  un  art,  mais 
un  don  surnaturel  que  Dieu  seul  pouv.iit 
accorder.  Pour  peu  que  l'on  veuille  exami- 
ner les  prédictions  des  prophètes  juifs,  l'on 
verra  évidemment  que  l'art,  les  prestiges  ni 
rimjtosture  n'y  ont  pu  avoir  aucune  part. 
Vainement  ces  mêmes  incrédules  ont  ob- 
servé qu'il  y  a  eu  de  çrélemhis  prophètes  chez 
presque  toutes  les  nalions,  que  les  luis  ne 
sont  pas  pliis  inspirés  ni  plus  respectables 
que  les  autres,  que  tous  ont  été  des  fana- 
tiques visionnaires  dont  le  peuple  a  été  la 
dupe.  La  multitude  des  prophètes  vrais  ou 
faux,  la  conliance  que  tous  les  peuples  ont 
eue  en  eux,  prouvent  seulement  que  toutes 
les  nations  se  sont  accordées  à  croire  que  la 
connaissance  de  l'avenir  est  un  apanage  de 
la  Divinité,  que  Dieu  peut  la  donner  aux 
hommes,  et  qu'en  effet  il  en  a  doué  quelques 
personnages  privilégiés  :  dans  tout  cela  il 
n'y  a  aucune  erreur.  De  savoir  si  tel  ou  tel 
homme  qui  s'attribue  ce  don,  le  possède  en 
effet,  c'est  une  autre  question  qui  demande 
.e  plus  sérieux  examen,  et  sur  laquelle  il  est 
vrai  que  la  phqjart  des  peuples  ont  poussé 
trop  loin  la  créduliié. 

Mais  est-il  vrai  qu'il  n'y  a  aucune  diffé- 
rence entre  les  pro  iîhè  te  s  \u\is  et  les  devins 
ou  les  oracles  des  autres  nations?  Lesincré 
dules  ne  se  sont   pas  donné  la  peine  d'en 


faire  la  comparaison.  1°  Les  prophéties  n'ont 
pas  commencé  à  écloro  chez   les  Juifs  :  ce 
don  que  Dieu  a  fait  aux  hommes  est  aussi 
ancien  que  le  monde;  à  peine  Adam  fut-il 
créé,  qu'en  voyant  la  compagne  que  Dieu  lui 
avait  donnée,  il   prophétisa  l'étroite  union 
qui  régneniit  entre  les  époux  ;  il  n'avait  pas 
encore  eu  le  temps  de  le   sentir  par  expé- 
rience. Dès  qu'il  fut  tombé  dans  le  péché. 
Dieu  lui  annonça  un  Rédempteur  futur,  qui 
cependant  ne  devait  venir  au  monde  qu'après 
quatre  mille  ans.  Dieu  avertit  Noé  du  déluge 
universel  cent  vingt  ans  avant  qu'il  arrivât  ; 
il  instruisit  Abraham   du  sort  futur  de   sa 
postérité;  Jacob,  au  lit  de  la  mort,  dévoila 
distinctement  à  chacun   de  ses  enfants  la 
destinée  réservée  à  sa  famille;  c'est  par  l'es- 
prit prophétique  que  Joseph  devint  premier 
ministre  du  roi  d'Egypte,  etc.  L'on  peut  dire 
en  quelque  manière  que,  dans  les  premiers 
âges   du   monde,    la   Providence  divine  l'a 
gouverné  par  des  prophéties  ;  mais  les  Juifs 
seuls    en   ont   été   dépositaires.  —  2°  Ces 
hommes  doués  de   l'esprit  prophétique  ne 
sont  point  de  simples  particuliers  sans  au- 
torité   et    sans  considération  ;    ce  sont  les 
pcisonnagcs  les  plus  respectables  de  l'uni- 
vers, des  patriarches  chefs  de  familles  oa 
plutôt  de  peuplades  nombreuses  :  Abraham 
père  de  plusieurs  iieuples,  Jacob  tige  des 
douze  tribus   de  sa  nation.  Moïse  fondateur 
d'une  république  et  auteur  d'une  législation 
qui   devait  durer  quinze  cents  ans;  ce  sont 
les  juges  ou  les  chefs  souverains  de  ce  même 
peuple  :  David  qui  en  était  roi,  Isaïe  né  du 
sang  royal,  Ezéchiel  de  race  sacerdotale,  Da- 
niel [iremier  ministre   et   revêtu  de   toute 
l'autorité  du  roi  d'Assyrie,  etc.  Osera-t-on 
comparer  ces  grands  hommes  aux  vils  jon- 
gleurs qui,  chez  les  autres  nations,  faisaient 
le  métier  de  devin  pour  gigner  leur   vie? 
3°  Les  prophètes  dont  l'Histoire   sainte  fait 
mention  étaient  respectables  non-seulement 
par  le  rang  qu'ils   tenaient   dans  le   monde, 
mais  encore  davantage  par  leurs  vertus,  par 
leur  courage,  par  leur  amour  pour  la  vérité, 
par  leur  soumission  aux  ordres  de  Dieu.  Ils 
n'ont  pas  abusé  des  lumières  surnaturelles 
qu'ils  avaient  reçues,  pour  llatter  les  passions 
des  rois,  des  grands   ni  du  peuple;  ils  leur 
ont  reproclié  hautement  leurs  vices;  ils  leur 
ont  annoncé  les  châtiments  de  Dieu  avec  au- 
tant de  fermeté  que  ses  bienfaits.   Plusieurs 
ont  été  victimes  de  leur  zèle,  et  ils  l'avaient 
prévu;  ils  ont  bravé  les  tourments  et  la  mort 
pour  dire  la  vi'rité.    Les    incrédules    eux- 
mêmes  ont  senti  les  conséquences  de  cette 
destinée,  et  ils  l'ont  tournée  en  dérision;  ils 
ont  dit  que  la  profession  de   prophète  était 
un  mauvais  métier  :  mauvais  sans  doute  pour 
ce  monde;  c'est  ce  qui  prouve  que  personne 
n'a  |)u  être  tenté  de   l'usurper.  Si  de   nos 
jours  le  métier  de  philosophe  avait  été  sujet 
aux  mêmes   épreuves,  il   aurait  été   moins 
recherché  par  nos   beaux  esprits.  Il  y  a  eu 
de  faux  prophètes,  la  même  histoire   sainte 
nous  l'apprend  :  mais  ils  prêchaient  l'idolâ- 
trie, ils  n'annonçaient  que  des  prospérités, 
ils  décriaient  les  y  va^is  prophètes  àxi  Seigneur; 


ÎG45  PRO 

c'étaient  des  hommes  sans  conséquence,  et 
toutes  leurs  piY'dictions  se  sont  trouvées 
fausses.  Il  n'est  \>ns  didicilo  d'a|i|ili((U''r  ce 
portrait  à  ceux  qui  ont  iirophétisé  de  nos 
jours  r.inéantisseiiiont  prochain  du  clirislia- 
nisinc.  'i"  Les  |)ro[)hét:es  de  l'Ancien  Testa- 
ment et  du  Nouveau  n'ont  point  pour  objet 
les  vils  intérêts  des  particuliers;  elles  ne 
flattent  les  liassions,  les  goûts,  la  curiosité 
de  persoime,  comuie  les  faux  oracles  des 
païens.  Par  la  houclie  des  prophètes  Dieu 
parle  comme  mnître  et  juge  souverain  des 
nations,  connue  arbitre  do  leiu'  sort  (lour  ce 
monde  et  pour  l'autre.  Elles  annoncent  les 
destinées  non- seulement  du  peuple  juif, 
mais  leur  principal  objet  est  la  venue  du 
Jlédempteur,  la  vocation  générale  de  tous  les 
peuiiles  h  la  connaissance  de  Dieu,  le  salut 
éternel  de  tous  les  hommes.  Ces  grands  évé- 
nements méritaient  sans  doute  d'occuper  la 
Providence  divine  et  d'exciter  l'attention  du 
genre  humain  tout  entier.  Pour  rabaisser 
l'impoitauce  des  |)ropliéties,  les  incrédules 
atrecjtent  de  les  isoler,  de  les  concentrer 
dans  un  coin  de  la  Judée,  de  fermer  les  yeux 
sur  la  relaliiiu  qu'elles  ont  avec  l'intérêt  gé- 
néral du  monde  :  juges  aveugles  et  infidèles, 
ils  ne  nous  empèclieiont  pas  de  voir  ce  que 
contiennent  les  livres  des  prophct''s.  Ce  ne 
sont  point  (pielqucs  ()hras!'saud}igu('S,  quel- 
ques sentences  énigmatiqiies,  connue  les 
oracles  do  Delphes  ;  ce  sont  des  discours 
entiers  et  suivis,  et  les  mémos  objets  y  si  nt 
souvent  tracés  sous  vingt  images  (lill'érentes. 
A  la  vérité,  les  Juifs,  les  manichéens ,  les 
sociniens,  les  incrédules  en  contestent  le 
sens  ;  mais  tous  agissent  par  intérêt  de  sys- 
tème. Depuis  dix-sept  siècles  l'îîglise  chré- 
tienne y  voit  les  mômes  objets,  Jésus-Christ, 
ses  mystères,  la  vocation  des  nalions  ii  la  foi, 
le  plan  de  la  rédemption  et  du  salut  du 
inonde;  et  les  anciens  docteurs  juifs  y  ont 
vu  la  même  chose  que  les  chrétiens.  Que 
prouvent  contre  celte  anli(iue  ti'adition,  con- 
lirmée  par  Jésus-Christ  et  par  ses  aptjtres,  d"S 
objections  dictées  par  l'ignurance  ou  par  le 
désir  de  s'aveugler? — 5"  Ces  prophéties  font 
une  suite  continue  et  une  chaîne  qui  s'étend 
depuis  Adam  jus([u'à  Jésus-Clu-ist  :  la  race 
delà  fennue  qui  doit  écraser  la  tète  du  ser- 

fient  ;  le  cheC  ué  île  Juda,  qui  rassemblera 
es  peuples  ;  le  descendant  d'Abraham,  dans 
lequel  seront  bénies  toutes  les  nations  delà 
terre;  le  prophète  semblable  à  Moise ,  que 
l'on  doit  écouter  sous  pe  ne  d'encourir  la 
vengeance  divine  ;  le  prêtre  éternel  selon 
l'ordre  de  ?»îelchisédech  ,  duquel  David  a 
parlé  ;  l'enfant  né  d'une  vierge,  dont  Isaïe  a 
prédit  la  naissance,  et  l'homme  do  douleur 
duquel  d  a  peint  les  tourments  ;  l'omt  du 
Seigneur,  saisi  pour  les  péchés  du  peuiile, 
qui  excitait  les  gémissements  deiJérémie  ;  le 
Christ,  chef  des  nations,  duquel  Daniel  an- 
nonce l'avénenient  et  en  tlxe  i'époc['ie;  le  dé- 
siré des  nations,  l'ange  de  la  nouvelle  al- 
liance, que  les  derniers  prophètes  Aggée  et 
Malachie  ont  vu  arrivc:r  dans  le  second  tem- 
ple, sont-ils  un  iiersoni.age  dilférent  de  l'A- 
gneau de  Dieu  que  Jeau-Baptisie  a  montré 


PRO 


1646 


au  doigt,  et  auquel  il  avait  préparé  les  voies? 
L'une  de  ces  prophéties  eontirme  l'autre  ; 
elles  deviennent  plus  claires  ,\  mesure  que 
les  événements  sont  plus  prochains,  jusqu'.\ 
c(^  qu'ontin  leur  accomplissement  en  dévoile 
pleinemeni  le  sens.  Ouicoii(iu(>  ne  voit  point 
Ih  un  jilan  rélh'chi  et  dirigi'"  par  la  Providence, 
cherche  à  s'avcugloi'  de  j^ropos  délibéré. 
—  G"  Enlin  les  prophètes  n'ont  point  fait  en 
secret  lei;rs  prédictions,  ils  ne  les  ont  point 
consignées  dans  des  mémoires  cachés  ;  ils 
les  ont  pLd)liécs  au  grand  jour,  h  la  face  des 
rois  et  des  peu}>les,  et  souvent  ils  les  leur  ont 
ilonni'es  par  écrit ,  alin  cpi'ils  jinssent  les 
examiner  h  loisir,  et  que  les  incrédules  eus- 
sent le  temps  do  se  convaincre  de  la  vérité. 
Elles  ont  été  soigneusement  conservées  par 
la  nation  nu'me  qui  y  a  vu  ses  iiropres  cri- 
mes et  la  source  de  tous  ses  malheurs  ;  nous 
les  avons  telles  qu'elles  ont  été  écrites,  et 
plusieurs  le  sont  depuis  plus  de  trois  mille 
ans.  Il  faut  donc  qu'elles  aient  éti''  d'une 
toute  auti'c  impcu'Iance  (pie  les  oracles  men- 
songers et  frivoles  dont  les  seclat-urs  de  l'i- 
dokitriese  sont  jilu  autiefois  îi  repaître  leur 
crédulité. 

A  présent  nous  demandons  h  nos  adver- 
saires s'ils  ont  bonne  grâce  ?i  [ilacer  les  unes 
et  les  autres  au  même  rang,  à  prétendre 
que  les  prophètes  juifs  étaient,  aussi  bien 
que  ceux  des  païens,  de  vils  jongleurs,  des 
hommes  de  néant  et  sans  homieur,  qui  fai- 
saient un  métier  de  la  divination,  des  im- 
posteurs qui  abusaient  le  peuple,  ou  des 
ambitieux  qui  voulaient  se  donner  de  l'im- 
poi  tance  et  du  crédit,  dos  séditieux,  gagés 
par  les  prêtres  pour  inquiéler  les  rois  et 
troubler  la  nation,  des  f.niatiques  ii:sensés 
qui  ont  été  la  cause  de  tous  les  malheurs 
dans  lesquels  elle  est  tond)ée,  parce  qu'ils  les 
lui  avaient  prédits.  C'est  sous  ces  traits 
odieux  que  les  incrédules  de  notre  siècle  ont 
trouvé  bon  de  les  représenter.  Nous  n'en 
sommes  [las  surpris.  Cette  suite  de  prophéties 
est,  .-elon  l'expression  de  saint  Pierre,  Ep. 
Il,  c,  I,  V.  19,  un  trait  do  lumière  qui  dissipe 
toutes  les  ténèbres  ;  elle  démontri^  une  ré- 
vélation divine,  une  religion  que  Dieu  lui- 
même  a  enseignée  aux  hommes  depuis  le 
commencement  du  monde,  qu'il  a  conlirmée 
de  siècle  en  siècle  par  de  nouvelles  preuves, 
et  qu'il  veut  [lerpéluer  jusqu'aux  lieruières 
générations  de  la  race  humaine.  Entrer  dans 
la  discussion  do  ces  divins  oracles,  c'est  une 
tâche  de  laquelle  les  inerédul  s  se  s  ntont 
incaiiablos  ;  il  leur  était  plus  aisé  de  tourner 
en  ridicule  et  d'avilir  les  prophètes.  La  dilFé- 
rence  qu'il  y  a  entre  les  mœurs  des  anciens 
Orientaux  et  les  nôtres,  leur  a  fourni  des 
traits  de  satire  sanglant"  ;  c'est  en  cela  sur- 
tout que  brille  leur  capacité.  Sous  le  nom  de 
chacun  des  prophètes,  nous  répondons  aux 
reiiroches  personnels  que  nos  adversaires 
leur  ont  faits. 

Doilwel,  dans  ses  Dissertations  sur  saint 
Cypricn,  a  employé  la  quatrième  à  prouver 
que  1  esprit  prophoti([ue  a  continué  parmi 
les  chréliens  au  moins  jusqu'au  règne  de 
Constantin ,   ou   jusqu'au    iV  siècle  ;  que 


1647  PRO 

l'on  ne  peut  y  soupçonner  de  l'illusion ,  cl 
que  saint  Paul  avait 'prescrit  aux  lidèles  les 
précautions  b'S  plus  sages,  pour  (listinguer 
avec  certitude  la  véritable  mspiration  d'avec 
le  fanatism>',ct  lavérité  d'avec  l'erreur.  Nous 
donnerons  un  extrait  de  cette  savante  disser- 
tation au  mol  Visiox  prophétique.  Mosheim, 
dans   les  siennes  sur   YHistoirc   ecclésiasti- 
que, t.  II,  p.  132,  eu    a   fait  aussi  une  pour 
prouver  qu'il  y  a  eu  des  prophètes  dans  l'E- 
glise chréiien'ne,  en  prenant  ce  terme  dans 
le  sens  le  plus  rigoureux,  pour  des  honnnes 
qui  avaient  le  don  de  connaître  et  de  prédire 
l'avenir.  En  etl'et,  nous  lisons  dans  les  Actes 
des  apô  res,  c.  xi,  v.  28,  qu'un  prophète  nom- 
mé Agabus  annonça   une   famine  qui  régna 
dans  la  Palestine,"  sous  le  règne  de  l'euipe- 
reur  Claude  ;  etc.  xxi,  v.  10  et  11,  il  assura 
les  fidèles  de  Césarée,  en  présence  de  saint 
Paul,  que  cet  apôtre  serait  enchaîné  ii  Jéru- 
salem et  livré  aux  gentils  par  les  Juifs.  Saint 
Pierre,  Ep.  Il,  c.  n,  v.  1  et  2,  préilit  aux  fidèles 
qu'il  s'élèvera  parmi  euxdcîanxprophètcs, qui 
séduiront  |)lusieurs  personnes  et  formeront 
des  sectes  pernicieuses.  Saint  Paul  fait  do  mê- 
me dans  plusieurs  de  ses  lettres,  et  ses  prophé- 
ties n'uni  été  que  trop  bien  accomplies.  Act., 
c.  xxvn,  V.  22,  il  assure   ceux   qui  étaient 
dans  le    même  vaisseau   que  lui,  qu'aucun 
d'eux  ne  périra,  malgré  la  violence  de  la  tem- 
pête par  laquelle  ce  vaisseau  était  tourmenté  ; 
et  l'événement  justitia  la  prédiction.  L'Apo- 
calypse de  saint  Jean  est  une  prophétie  pres- 
que continueUe.  Ce  critique  n'a  en  dessein 
3ue  de  conlirraer  les  preuves  de  Dodwel.  Mais 
fait  voir  que  dans  le  grand  nombre  de  pas- 
sages du  Nouveau  Testament  où  il  est  parlé 
de  prophètes  et  de  prophéties,  il   n'est  pas 
question   seulement  d'hommes  qui  avaient 
reçu  de  Dieu  le  don  de  prédire  l'avenir,  mais 
d'hommes  suscités  et  inspirés  de  Dieu  pour 
expliquer  parfaitement  la  doctrine  chrétienne, 
pour  annoncer  aux  fidèles  h'S  volontés  divi- 
nes, pour  découvrir  même  les  plus  secrètes 
pensées  des  cœurs,  en  un  mot,  pour  instruire, 
reprendre,  corriger  avec  une  sagesse  surna- 
turelle. Saint  Paul  distingue   cette  fonction 
d'avec  celle  des  simples  docteurs,  Rom.,  c. 
XII,  V.  6;  l  Cor.,  c.  xii,  v.  10;  Ephcs.,  c.  iv, 
V.  il,  etc.  Ainsi   le  nom  de  prophète  y  est 
pris,  comme  dans  l'Ancien  Testament,  dans 
le  sens  le  plus  étendu,  pour  un  homme  ins- 
piré de  Dieu,  et  éclairé  d'une  lumière  surna- 
turelle. 

Plusieurs  critiques  protestants  ont  soutenu 
que  le  don  de  prophétie  dans  ces  passages, 
signifie  seulement  une  capacité  singulière 
pour  entendre  et  pour  expliquer  les  prophé- 
ties de  l'Ancien  Testament.  Mosheim  prouve 
contre  eux  qu'il  s'agit  non  d'une  capacité 
naturelle  ou  acquise,  mais  d'un  don  surna- 
turel de  Dieu,  puisque  saint  Paul  le  met  sur 
la  même  ligne  que  le  don  des  langues  et  ce- 
lui de  guérir  les  maladies  ;  que  ce  don  était 
accordé  à  certaines  personnes,  non-seule- 
ment pour  entendre  les  anciennes  prophé- 
ties, mais  pour  en  faire  de  nouvelles  au  be- 
soin, même  pour  opérer  des  miracles.  Saint 
Irénée  et  Origène  attestent    que   de   leur 


PftO 


1648 


temps  ce  don  subsistait  dans  l'Eglise  ;  Dod- 
wel et  d'autres  auteurs  prétendent  qu'il  y  a 
duré  jusqu'à  la  conversion  de  Constantin, 
par  conséquent  jusqu'au  commencement  du 
iv"  siècle. 

Nous  savons  bon  gré  au  docteur  Mosheim 
d'avoir  soutenu  cette  vérité  ;  mais  nous  ne 
voyons  pas  comment  on  peut  la  concilier 
avec  ce  qu'il  dit  ai  leurs,  que,  dès  le  temps 
des  apôtres  la  doctrine  chrétienne  a  com- 
mencé de  s'altérer  par  le  défaut  de  cafiacité 
et  par  la  témérité  de  plusieurs  docteurs. 
Nous  ne  pouvons  pas  comprendre  comment 
Dieu,  qui  a  daigné  conserver  pemlant  trois 
siècles  les  dons  miraculeux  dans  son  Eglise, 
^  l'inspiration  divine ,  n'a  cependant  rien 
fait  pour  prévenir  et  empêclier  l'altération  de 
la  doctrine  chrétienne  ;  comment  tous  ces 
prophètes  dont  il  est  parlé  dans  le  Nouveau 
Testament,  n'ont  pas  fait  tous  leurs  eiforts 
pour  remédier  à  cette  altération  prétendue  ? 
A  quoi  servait  donc  le  don  de  prophétie  ? 
Les  deux  suppositions  de  Mosheim  nous  pa- 
raissent contradicloircs  ;  il  est  étonnant  que 
ce  docteur,  dont  la  sagacité  est  prouvée, 
ne  s'en  soit  pas  aperçu.  Dodwel  a  raisonné 
plus  conséquemment,  parce  que  les  anglicans 
admettent  l'autorité  do  la  tradition,  au  moins 
pour  les  trois  premiers  siècles  de  l'Eglise. 

PiiOPuÈTiîs  (faux).  Il  esfsouvent  parlé  dans 
l'Ecriture  sainte  de  faux  prophètes  qui  se  di- 
saient envoyés  et  inspirés  de  Dieu  ,  et  qui 
ne  l'étaient  pas;  qui  faisaient  de  fausses  pré- 
dictions pour  plaire  aux  rois  et  aux  peuples, 
qui  contredisaient  et  décriaient  les  \r!\\s pro- 
phètes du  Seigneur.  Moisc,  Dcul.,  c.  xni, 
avait  défendu  aux  Juifs  d'écouter  un  pré- 
tendu prophète  qui  aurait  voulu  les  entraîner 
dans  l'idoR'itrie  ;  il  avait  ordonné  qu'un  tel 
homme  fût  mis  à  mort.  Les  prêtres  de  Baal 
se  donnaient  pour  prophètes  ;  ils  trompaient 
A  chah,  en  ne  lui  annonçant  que  des  pros- 
pérités. Michée,  prophète  du  Seigneur,  dit  à 
ce  roi  que  Dieu  a  envoyé  un  esprit  de  men- 
songe dans  la  bouche  de  tous  ces  faux  pro- 
phètes, m  Iteg.,  c.  XXII,  V.  23.  Dieu  dit  par 
Ezéchiel,  c.  xiv,  v.  9:  Lorsqu'tm  prophète 
s'égare,  c'est  moi  qui  l'ai  trompé.  Les  incré- 
dules font  grand  bruit  de  ces  passages.  Dieu 
peut-il  tromper  un  prophète?  peut-il  envoyer 
un  esprit  de  mensonge  dans  sa  bouche  ? 
Quel  signe  nous  restera-t-il  pour  distinguer 
un  vrai  d'avec  un  faux  prophète,  pour  savoir 
si  nous  devons  croiie  ou  non  à  un  homme 
qui  prétend  nous  parler  de  la  part  de  Dieu? 
—  Réponse.  Dans  cette  circonstance  le  signe 
était  |)alpable  :  les  prophètes  d'Achab  étaient 
des  idolâtres;  Michée  adorait  le  vrai  Dieu 
et  prophétisait  en  son  nom  :  Moïse  avait 
donné  ce  signe  aux  Israélites ,  pour  distin- 
guer un  vrai  d'avec  un  faux  prophète  {Deut. 
xiii).  Quand  au  discours  que  Michée  adresse 
au  roi,  il  est  évident  que  c'est  une  parabole 
allégorique,  et  il  y  aurait  de  la  folie  à  vou- 
loir la  prendre  à  la  lettre.  Dieu  y  est  repré 
sente  assis  sur  un  trône,  qui  tient  conseil 
avec  les  anges,  comme  un  roi  avec  ses  mi 
nistres,  qui  converse  avec  l'esprit  de  men 
songe,  etc.  :  tout  cela  pouvait-il  s'entendre  dans 


I 

I 


1649 


1>R0 


PRO 


1650 


le  sens  littéiMl?  Quoique  Dieu  diso  h  l'es- 
prit uialiii  :  Va  et  f(tis  ce  ([lUi  tu  veux  ;  ce  n'est 
point  un  ordre  posilif,  ou  une  couunission 
expresse  que  Dieu  lui  donne,  tuiiis  une  sim- 
ple permission  qu'il  lui  accorde.  Cela  ne  si- 
gnifie donc  rien,  sinon  que  Dieu  permit  aux 
faux  prophHes  de  s'aveugler  eux-mêmes  et 
de  tromper  le  roi  ;  ces  m(5cliants  hommes 
voulaient  gagner  les  bonnes  grAces  d'Aclial), 
et  ce  prince  voulait  (^'tre  trompé  :  Dieu  ne  les 
enipO'clia  pas  de  le  iaire.  De  môme,  lorsqu'il 
est  dit  ([ue  Dieu  (rompe  les  prophètes,  cela 
signifie  qu'il  ne  les  empoche  pas  de  se  trom- 
per, et  qu'en  certaines  circonstances  il  ne 
leur  donne  pas  h^s  lumières  surnaturelles 
dont  ils  auraient  liesoin  pour  connaître  et 
pour  dire  la  vérité.  Aux  mots  Cacse,  Exduu- 
cissEMicNT,  Permission,  nous  avons  fait  voir 
que  dans  t(jutes  les  langues  l'usage  est  de  re- 
j)i'ésenler  comme  cause  d'un  événement  ce 
qui  n'en  est  que  l'occasion;  d'appeler  égale- 
ment permission  le  consentement  |Kjsitif 
donné  à  une  chose,  et  l'inaction  dans  la- 
quelle on  se  tient  en  la  laissant  Iaire:  équi- 
voque; sur  lesquelles  on  |)eut  nuiKiplier  les 
objections  à  l'inlini.  Dans  Ezéchiel  même,  c. 
XIII,  v.  6  et  7,  Dieu  se  plaint  de  ce  que  les 
faux  prophètes  osent  parler  en  son  nom, 
quoiqu'il  ne  les  ait  pas  envoyés,  et  qu'il  no 
leur  ait  rien  dit.  Dieu  n'avait  donc  aucune 
part  aux  faussetés  qu'ils  débitaient.  C'est 
dans  ce  sens  qu'il  dit,  c.  xiv,  v.  9,  qu'il  les 
a  trompés,  en  envoyant  aux  idolâtres  des 
chiUiments,  au  lieu  des  bienfaits  que  les  im- 
posteurs leur  promettaient,  il  a  permis  qu'il 
y  eiit  de  faux  prophètes,  comme  il  permet 
qu'il  y  ait  de  faux  docteurs,  de  mauvais  [ihi- 
losopnes,iies  prédicants  incrédules,  qui  trom- 
pent leurs  lecteurs  par  de  faux  raisonne- 
ments, connue  les  prophètes  inlidèles  trom- 
paient les  Juifs  par  de  faus-es  promesses. 

Proi'Iii;ïes,  liénHiques  enthousiastes  qui 
ont  paru  en  Hollande,  où  on  les  nommait 
prophetantcs  ;  il  y  a  lieu  de  croire  que  c'é- 
taient des  quakers.  La  pluiiarl  s'appliquaient 
à  l'étude  du  grec  et  de  l'hébreu  ;  tous  les 
premiers  dimanches  de  clnupie  mois  ils  se 
rassemblaient  dans  un  village  près  de  Leyde, 
ils  y  [lassaient  tout  le  jour  à  la  lecture  de 
l'Ecriture  sainte,  à  former  dilférentcs  ques- 
tions et  à  disserter  sur  le  sens  de  divers  pas- 
sages. On  dit  qu'ils  alfectaient  une  exacte 
probité  ,  qu'ils  avaient  horreur  de  la  guerre 
et  du  métier  des  armes,  qu'en  beaucoup  de 
choses  ils  étaient  dans  les  sentiments  «es 
arminiens  ou  remontrants.  On  ne  les  accuse 
pas  cependant  d'avoir  pro])hétisé  ;  probable- 
ment on  les  appelait  prophelanles  ,  parce 
qu'ils  se  croyaient  inspirés  et  illuminés  com- 
me les  quakers. 

Mais  ^losheim  convient  que,  dans  le  cours 
du  siècle  di'rnier,  il  parut  [larmi  les  protes- 
tants une  foule  jirodigieuse  de  fanatiques 
qui  se  donnaient  pour  prophètes  et  se  mê- 
laient de  prédire  l'avenir  ;  quelque  absurdes 
que  fussent  leurs  prédictions,  ils  trouvèrent 
des  partisans  et  des  apologistes.  Il  nomme 
Nicolas  Drabicius,  Christophe  Kotter,  Chris- 
tine Poniatovia   et   plusieurs   autres  moins 


célèbres,  Ilist.  ecclésiost.,  xvir  siècle,  sect. 
2,  part.  Il,  clia[».  1,  §  '•■l.  Cette  maladie  de 
cerveau  est  aussi  ancienne  qu(!  la  réfor- 
me, et  n'a  pas  peu  contribué  à  ses  progrès. 
Luther,  dès  le  commencement  de  ses  prédi- 
cations, i)iophétisa  la  chute  prochaine  de 
l'empire  papal  et  la  ruine  de  Babylone,  c'est- 
à-dire  de  l'Kglise  romaine.  11  voyait  claire- 
ment cette  révolution  dans  le  prophète  Daniel 
et  dans  saint  Paul,  et  il  se  servait  de  cet  ar- 
tilice  [lour  exciter  la  haine  des  peuples  contre 
le  calholicisme  ;  le  désii- d'accom|iliiles  ora- 
cles lie  Luther  a  mis  jibis  d'une  fois  les  ar- 
mes h  la  main  de  ses  sectateurs  :  Ilist.  des 
variât.,  1.  xiii,  §  12;  Défense  de  celte  histoire, 
l"  dise,  §  5.'1  ;  1"  Instruet.  past.  sur  les pro- 
nusses  de  l'I'Jglise,  §  V'i-.  il  en  a  été  de  mémo 
chez  les  calvinistes  :  le  célèbre  Jurieu  crut 
voir  dans  l'Apocalypse  lesmômes  événements 
que  Luther  avait  (lécouverts  dans  Daniel  et 
dans  saint  Paul  ;  il  osa  lixer  l'époque  précise 
de  l'anéantissement  du  papisme.  Malheureu- 
sement pour  lui  et  pour  les  protestants,  rien 
n'arriva  de  ce  qu'il  avait  prédit.  .Mais  s'il 
ne  communiqua  pas  aux  calvinistes  des  Cé- 
vennes  et  du  Vivaiais  l'esprit  prophétique,  il 
leur  inspira  le  fanatisme  furieux  et  sangui- 
naire, il  leur  mit  les  armes  à  la  main.  On  ne 
]H'iil  lire  qu'avec  elfroi  la  multitude  de  meur- 
tres, d'incendies,  de  cruautés,  de  profana- 
tions, de  crimes  de  toute  espèce,  qu'ils  ont 
commis  peu  lant  plus  de  vingt  ans.  11  fallut 
mettre  des  troupes  en  campagne,  employer 
les  supplices  et  les  exécutions  militaires  pour 
mettre  à  la  raison  ces  forcenés,  et  les  réduire 
enlin  à  plier  sous  le  joug  des  lois  et  de  l'o- 
béissance. Le  souvenir  de  ces  désordres  ne 
peut  être  de  longtemps  elfacé  ;  ils  duraient 
encore  en  1710.  Yoi/.  Vllistoire  du  fanatisme 
de  notre  temps,  par  Brucys. 

A  la  honte  d»  notre  siècle,  on  a  vu  renou- 
veler une  partie  de  cette  frénésie  parmi  les 
partisans  des  convulsions  ;  l'exemple  des 
protestants  aurait  dif  corri..;er  les  vi-ionnai- 
res  plus  récents;  mais  l'esprit  de  vertige  sera 
toujours  le  môme  chez  tous  ceux  qui  se  ré- 
voltent contre  l'Eglise.  Dieu,  dit  saint  Paul, 
les  livrera  tellement  â  l'erreur,  quils  ne  croi- 
ront plus  qu'au  mensonge;  et  ainsi  seront  con 
damnés  tous  ceux  qui  re'sistent  à  la  vérité  et 
consentent  à  l'injustice  {Il  Ihess.  ii,  10). 

PHOPHÉTIE  ,  prédiction  des  événements 
futurs,  faite  par  inspiration  divine.  Par  évé- 
nements futurs  l'on  n'entend  point  les  clfets 
naturels  et  nécessaires  des  causes  physiques: 
un  astronome  prédit  les  éclii>ses,  un  pilote 
prévoit  une  tempête,  un  médecin  annonce 
les  crises  d'une  maladie,  sans  être  pour  cela 
prophète.  Un  politique  habile  qui  connaît 
par  expérience  le  jeu  ordinaire  des  passions 
humaines,  le  caractère  et  les  intérêts  de  ceux 
qui  sont  à  la  tète  des  affaires,  peut  présager 
de  loin  certaines  révolutions,  et  en  parler 
avec  une  espèce  de  certitude  sans  être  ins- 
piré de  Dieu.  Une  prophétie  proprement  dite 
est  la  prédiction  des  actions  libres  que  les 
hommes  feront  dans  telle  ou  telle  circons- 
tance. Dieu  seul  peut  les  connaître,  surtout 
lorsqu'il  est  question  d'hommes  qui  n'exis- 


1651 


PRO 


pno 


dC52 


tent  pas  encore  ;  lui  seul  peut  les  révéler  (1). 

Une  prophétie  est  encore  plus  frappante  et 
plus  évidemment  divine,  lorsqu'elle  annonce 
des  événements  surnaturels  et  miraculeux. 
Bleu  seul  sait  ce  qu'il  a  résolu  de  faire  par  sa 
loute-puissancc  dans  les  temps  h  venir  ;  lors- 
qu'un homme  les  a  prédits  de  loin,  et  qu'ils 
sont  arrivés  comme  il  l'avait  dit,  nous  ne 
pouvons  plus  douter  qu'il  n'ait  été  un  vrai 
prophète,  et  qu'il  n'ait  parié  par  inspiration 
divine.  Ainsi,  lorsque  Dieu  fit  connaître  au 
patriarche  Abraham,  que  ses  descendants 
seraient  un  jour  esclaves  en  Egypte,  mais 
qu'ils  seraient  délivrés  par  des  prodiges,  et 
celaquatre  cenls  ansavant  l'événement,  Gen., 
G.  XV,  V.  13  et  suiv.,  cette  prophétie,  exacte- 
ment accomplie  au  tem|)s  marqué,  portait  un 
double  caractère  de  divinité.  Puisque  Dieu 
seul  pouvait  l'aire  ces  miracles,  lui  seul  [lou- 
vait  aussi  les  aimoncer.  11  en  est  de  même  de 
la  promesse  que  Jésus-Christ  fit  à  ses  apôtres 
de  convertir  les  nations  par  les  mir.icles 
qu'ils  opéreraient  en  son  nom  :  il  était  égale- 
ment impossible  à  l'esprit  humain  de  prévoir 
cette  conversion,  et  aux  forces  humaines  de 
l'accomplir.  Or,  tel  est  le  caractère  de  la  plu- 
part des  prophéties  de  l'Ancien  Testament. 

Les  incrédules,  de  concert  avec  les  soci- 
niens,  pensent  que  Dieu  ne  peut  ni  prévoir 
ni  prédire  les  actions  libres  des  hommes  ; 
nous  avons  prouvé  le  contraire  au  mot  Pbes- 
ciENCE  ;  et  au  mot  PuopuiVrE,  nous  avons 
fait  voir  la  différence  infinie  qu'il  y  a  en- 
tre les  propitélies  contenues  dans  l'Ecriture 
sainte,  et  les  prétendues  prédictions  aux- 
quelles les  païens  donnaient  leur  confiance. 

Quelques  déistes  ont  fait  contre  la  preuve 
que  nous  tirons  des /;ro;j/(c7K«  une  olijection 
spécieuse  :  «  Pour  que  ci  tte  preuve,  disent- 
ils,  fût  convaincante,  il  faudrait  trois  choses 
dont  le  concours  est  impossible,  il  faudrait 
que  j'eusse  été  témoin  de  la  prophétie,  que 
je  fusse  aussi  le  témoin  derévéneinent,  et 
qu'il  me  fût  démontré  q  le  cet  événement 
n'a  pu  cadrer  fortuitement  nxecla.  prophétie  ; 
car  (  nfin  la  clai  té  d'une  prédiction  faite  au 
hasard  n'en  rend  pas  l'accomplissement  im- 
possible. «Nous  soutenons  que  cet  argument 
renferme  trois  faussetés  :  il  est  faux  que 
pour  être  certain  qn  une  prophétie  a  i^'lè  faite 
longtemps  avant  l'événement,  il  soit  néces- 
saire (i'enavoir  été  témoin  ;  ilsufiUd'en  être 
assuré  par  l'histoii  e  et  -par  dos  monuments 
incontestables  ;  il  en  est  de  môme  de  la  cer- 
titude de  l'événement  et  de  sa  conformité 
avec  la  itrédiction,  et  il  est  faux  que  l'accom- 
plissement d'une  prophétie  claire  et  chargi'e 
d'un  grand  nombre  de  circonstances  puisse 
.se  faire  par  hasard,  surtout  lorsque  Dieu 
seul  peut  opérer  ce  qui  est  prédit. 

11  est  aisé  du  faire  1  application  des  règles 
contraires.  Dieu  assure  Abraham  que  dans 
(jualre  cenls  ans  il  donnera  la  Palestine  à  sa 
po5lérité,  non  à  celle  qui  desc(_'ndra  d'ismaél, 
mais  aux  descendants  d'isaac.  D;eu  renou- 
velle cette  promesse  à  Isaac  lui-môme,  en 

(t  )  Le  cardinal  de  la  Luzerne  a  traité  ce  sujet  dans  sa 
savanlo  tlissertnlioii  sur  les  propliclics  (dans  lesDe- 
monu.  ri)<mg.,cd.  Miijne).  Nousy  rcnvoyonslelecteur. 


faveur  des  enfants  de  Jacob,  à  l'exclusion  de 
ceux  d'Esaii.  Mais  il  est  dit  que  cette  posté- 
rité sera  réduite  en  esclavage  et  o,iprimée 
par  les  Egyptiens,  mais  qu'elle  sera  mise  en 
liberté  |  ar  une  suite  de  prodigf's.  C'est  sur 
CQUe  prophétie  que  ces  iiatriarches  dirigent 
leur  conduite.  Jacirb,  près  de  mourir  en 
Egypte,  la  laisse  par  testament  àses  enfants, 
il  assigne  d'avance  les  diverses  cnntrées  de 
la  terie[)romise  que  chaque  tribu  doit  occuper; 
il  veut  y  être  enterré  avec  ses])ères  ;  Jose|ih 
mourant  rappelle  ce  souvenir  à  ses  neveux  : 
Dieu  vous  visitera,  il  vous  reconduira  dans  la 
terre  qu'il  a  promise  à  Abraham,  à  Isaac  et 
à  Jacob;  emportez  mes  os  arec  vous  lorsque 
vous  partirez.  Tout  cela  s'exécute.  Les  Israé- 
lites s'en  souviennent  lorsque  Moïse  vient 
leur  annoncer  leur  délivrance  de  la  jiart  du 
Seigneur,  et  ils  l'adorent.  Par  une  suite  de 
prodiges,  les  Egyptiens  sont  forcés  de  les 
mettre  en  liberté  ;  a]très  quarante  ans  de  sé- 
jour dans  le  désert,  ils  se  mettent  en  posses- 
sion de  la  Palestine,  et  ils  se  conforment  aux 
dernières  volontés  tle  Jacob  et  de  Joseph.  Il  est 
impossible  que  iJoise  ait  forgé  cette  pro- 
phétie en  même  temps cjue  to..terhistoire  de 
la  postérité  d'Abraham,  qui  en  est  l'accoiu- 
plissement.  Les  faits  principaux  en  sont  at- 
testés par  l'histoire  iirofane,  aussi  bien  que 
par  les  livres  des  Juifs.  11  est  encore  plus 
impossible  que  cet  accomplissement  se  soit 
fait  par  hasard,  puisqu'il  a  fallu  une  suite  de 
miracles.  L'ordre  dans  une  longue  suite  de 
faits  ne  peut  pas  [ilus  être  l'elfet  du  hasard, 
que  l'ordre  d„ns  les  ouvrages  de  la  nature. 

Nous  jiourrions  fairevoir  la  même  authen- 
ticité et  la  même  vérité  dans  les  prophéties 
ciui  regardent  Jésus-Christ  et  la  conversion 
du  monde  dont  il  est  l'auteur ,  et  dans  les 
prédictions  qu'il  a  faites  lui-même.  Mais 
jamais  les  incrédules  ne  se  sont  donné  ^a 
peine  de  comparer  les  événements  avec  ces 
prédictions,  de  considérer  la  suite  des  pro- 
phéties et  le  rapiiort  iju'elles  ont  aux  circons- 
tances dans  1'  squelles  eles  ont  été  faites. 

11  est  incontestable  que  c'est  cet  examen 
qui  a  contribué,  autant  que  les  miracles  de 
Jésus-l  liri;t  et  des  apôtres  ,  ii  la  conversion 
des  Juifs.  Ce  divin  Maitre  lui-même  ,  après 
leur  avoir  dit  :  Mes  œuvres  rendent  témoignage 
de  moi,  ajoute  aussitôt  :  Approfondissez  les 
Ecritures,  elles  rendent  aussi  témoignage  de 
moi  [Joan.  y,  36j.  11  es-  dit,  Act.,  c.  xvni,  v. 
23,  que  saint  Paul  et  Apollo  convainquaient 
les  Juifs,  en  ne  disant  rien  que  ce  qui  est 
écrit  dans  les  prophéties.  Cap.  xxviii,  v.  23, 
n-ius  lisons  ({u'à  Rome,  les  Juifs  vinrent  trou- 
ver l'Apôtre,  que  pendant  tout  un  jour  il 
leur  prouva  la  foi  en  Jésus-Christ  par  la  loi 
deMoïse  etpar  lesprophèt^s,  elqueplusieurs 
crurent.  Saint  Pierre,  dans  sa  li"'  Epitre,  c.  i, 
v.  13,  après  avoir  cité  le  niir.icledelatrans- 
liguraliiiii,  dit  -.Nous  avons  quelque  chose  de 
plus  ferme  dans  les  paroles  des  prophètes,  que 
vous  faites  bien  de  regarder  comme  un  flambeau 
qui  luit  dans  un  lieu  obscur. 

Rîais  certains  critiques  ,  trop  hardis  et 
suivis  l'iar  les  incrédules,  ont  prétendu  que 
les  prophéties  alléguées  aux  Juifs  par  les 


16SZ 


PRO 


PRO 


1GS4 


apôtres  ei  par  les  docteurs  diréticns,  ne 
l)euvc'nt  [tas  iMre  ajipliqui'os  à  Jésus-Clirist 
dans  le  sens  propre,  littéral  et  naturel,  mais 
seLiU'iiient  dans  un  sens  tigun'',  ty|)ique  et 
allégoriqu !'  ;  iju'elles  ont  été  aecoinplii-s  litté- 
ralement ilans  un  autre  personnage  qui  était 
le  type  oulafigurede  J(''sus-Clii'ist,  et  ensuite 
vérlliées  dans  ee  divin  Sauveur  d'une  manière 
plus  sublime.  Nous  soutenons  au  contraire 
que  le  très-grand  nombre  de  ces  iiruphetics 
regardent  directemcut  el  littéralement  Jèsus- 
Clirist,  et  non  un  autie  objet;  qu'elles  n'(jnt 
été  accomplies  qu'eu  lui  ;  ({u'aiiisi  celte 
preuve  est  très-solide,  non-seulement  coniro 
les  juifs,  mais  contre  les  jiaïens  et  cou  re 
toute  espèce  d'incrédules  ;  et  nous  nous 
sommes  attachés  à  le  démontrer  dans  plu- 
sieurs articles  de  ce  Dictionnaire.  Nous  met- 
tons au  r.ing  de  ces  prophéties  directes  et 
littérales  :  1°  Les  [laroles  que  Dieu  adressa  au 
tentateur  après  la  chute  d'Adam,  par  les- 
quelles il  lui  jiré  lit  que  la  race  de  la  femme 
lui  écraserait  la  tète,  Gch.,  cm,  v.  15.  Voy. 
Puorr.VAMJiLi;.  2'  L.i  promesse  ([ue  Dieu  lit 
au  palriarehe  .Miraham  de  bénir  toutes  les 
naiions  dans  un  de  ses  descendants,  Gcn., 
c.  XXII,  v.  18.  Vuy.  ï\m:e.  3°  La  i  rédiction 
que  Jacob  lit  à  son  lils  Juda ,  que  le  Messie 
na  trait  de  sa  raie.  )'"//.  Jcda.  (^e(pie  Moïse 
(lit  aux  Juifs,  />(■»/.,  c.  sviii,  V.  Jo,  (lue  Dieu 
leur  suscitera  un  [iropliète  semblable  à  lui, 
et  que  s'ils  ne  l'écouteiu  |)as  ,  Dieu  en  sera 
le  vengeiu'.  3"  Le  psaume  cix, où  David  parle 
d'uu  prêtre  selon  l'ordre  de  Melchisédech, 
doiit  le  sacerdoce  sera  éternel.  Fo;/.  Melciii- 
sÉRKciENs.  6°  Le  psaume  xxi,  dans  lequel 
sont  rein-ésentées  les  soulTranccs  du  Messie, 
et  duquel  Jésus-Christ  lui-même  se  fltrap- 
plicalion  sur  la  craix.  Voy.  Psaume.  7"  La 
prophétie  d'isaïe,  c.  vu,  v.  li,  qui  annonce 
(pi'un  enfant  naîtra  d'une  vierge,  et  sera 
iionuné  Eininatiiiel,  Dieu  avec  nous.  Voy. 
Emmamel.  S'  Le  chapitre  lui  du  même  pro- 
phète, qui  peint  les  snulfrances  du  Sauveur. 
Voy.  IsAiE.  9*  Le  passage  de  Daniel,  c.  ix,v. 
i2.V,  où  il  est  prédit  (]ue  le  Christ  sera  mis  à 
mort  soixante-dix  semaines ,  ou  quatre  cent 
quatre-vingt-dix  ans  après  la  reconslruetion 
(le  Jérusalem.  Voy.  D\mel.  10"  Los  prophéties 
d'Aggée,  c.  n,  v.  7,  et  deMalachie,  c.  m,  v.  1, 
})ar  lesquelles  ils  assurent  ([ue  le  Messie 
viendra  dans  le  second  temple  que  les  Juifs 
rebâtissaient  pour  lors.  Voy.  Aggée  cIMala- 

CIIIE. 

Nous  ne  prétendons  point  que  ce  soient 
1^  les  seules  prophéties  de  l'Ancien  Testa- 
ment ,  qui  regardent  Jésus-t^.hrist  dans  le 
sens  propre  ,  chrect  et  littéral  ;  mais  celles- 
ci,  qui  sont  les  principales,  et  sur  lesquelles 
les  juifs  di.-putenl  avec  le  plus  d'opinlAtreté, 
suffisent  |)0ur  réfuter  la  prétention  des  in- 
crédules et  des  ciitiques  téméraires  dont 
nous  avons  parlé.  Nous  convenons  qu'outre 
ces  prédictions  directes  ,  il  est  d'autres  pro- 
phéties que  l'on  a])pelle  typiques  et  allégo- 
riques, qui  regardent  un  autre  personnage, 
mais  qui  n'ont  point  été  accomplies  en  lui 
dans  toute  l'énergie  des  termes  dans  les- 
quels elles  sont  conçues ,  et  que  les  écri- 


vains du  Nouveau  Testament  ont  appliquées 
à  Jésus-Christ.  Ainsi  saint  Matthieu,  c.  ii,  v. 
15,  applique  à  Jésus  enfant,  rapporté  do 
rEg,v|)lo,  ce  (^ue  le  prophète  Osée  avait  dit 
du  peuple  juil  :  J'ai  appelé  mon  Fils  de  l'E- 
gypte ;  el  V.  17 ,  il  reiirésente  le  massaci  o 
des  iiniocents  comme  l'accomplissement  des 
paroles  de  Jérémie ,  louchant  la  désolatiou 
de  k  Judée,  lorsque  ses  habitants  fuient 
emmenés  eu  ca|)tivité  :  Rarlicl  pleure  ses 
enfants  et  ne  veut  j)as  se  consoler,  parce  qu'ils 
ne  sont  plus,  etc. 

Est-ce  mal  à  jjropos  et  sans  raison  que  les 
ap(jtres  et  les  évangélistes  ont  fait  ces  ap- 
plications des  prophéties?  Non,  sans  doute. 
1°  Ils  ont  aussi  fait  usage  des  prophéties  lit- 
térales el  directes  dont  nous  avons  parlé  ;  il 
n'en  est  presque  point  ({ui  ne  s^it  répétée 
dans  le  Nouveau  Testament-,  les  autres  ne 
sont  donc  ajoutées  que  jiar  surcroît,  û,"  C'é- 
tait la  méthode  des  anciens  docteurs  de  la 
synagogue  :  nous  le  voyons  encore  aujour- 
d'hui jiar  les  Paiaphrascs  chaldaiques  et  p;ir 
le  Talmud  ;  c'était  donc  un  argument  per- 
sonnel contre  les  juifs  attachés  à  la  tradition 
de  leurs  docteurs  ;  et  celle  preuve  n'est  pas 
moins  forte  ai'jourd'hui  contre  les  juifs  mo- 
dernes, puisqu'ils  font  encore  profession  de 
s'en  tenir  à  leur  ancienne  tradition.  C'est  ce 
qui  a  autorisé  les  Pères  do  l'Eglise  à  s'en 
servir 

Q.ioique  cette  |)reuve  no  paraisse  pas  au 
premier  coiq)  d'oeil  devoir  faire  la  même 
impression  sur  le  païen  et  sur  l'incrédule , 
elle  est  cependant  encore  suffisante  pour 
les  convaincre ,  parce  qu'il  est  impossible 
qu'il  se  trouve  tant  de  rapport  entre  l'ob- 
jet de  ces  prophéties  et  Jésus-Christ ,  sans 
que  ce  divin  Sauveur  en  soit  la  lin  et  \e 
terme.  Nous  avouons  qu'il  résulte  plus  de 
lumière  des  prophéties  dont  le  sens  direct 
et  littéral  regarde  uniquement  Jésus-Christ 
et  l'établissement  de  son  Eglise  ;  nous  ne 
citons  dans  le  même  sens  que  les  anciens 
docteurs  juifs.  On  peut  en  voir  les  [neu- 
ves dans  Galatin ,  de  Arcanis  cathol.  ve- 
ritatis  ,  1.  y,  etc.  Pour  en  iiervertir  le  sens 
et  en  éluder  les  conséquences,  les  juifs  mo- 
dernes les  entendent  tout  autrement  que 
leurs  anciens  maîtres.  Entêtés  d'un  Messie 
roi,  conquérant,  glorieux,  et  de  la  prospé- 
rité temporelle  qu'ils  espèrent  sous  son  rè- 
gne ,  ils  veulent  que  loules  les  prophéties 
soient  accomplies  à  la  lettre  ,  quehjue  ab- 
surde que  soit  le  sens  qu'ils  y  donnent.  Ils 
attendent  un  fils  de  David,  lorsque  la  race 
de  ce  roi  est  anéantie  ;  un  guerrier,  qui  est 
cependant  appelé  le  prince  de  la  paix;  un 
destructeur  (ies  nations,  pendant  que  le  Mes- 
sie est  annoncé  comme  l'auteur  de  leur  sa- 
lut ;  un  vainqueur,  mais  qui  doit  subir  la 
mort  pour  les  péclnis  de  son  peuple  ;  un  rè- 
gne temporel  et  en  même  temps  éternel  sur 
la  lerre  ;  tous  les  plaisirs  sensuels,  au  lieu 
que  le  libérateur  promis  doit  faire  régner  la 
justice  éternelle  el  la  sainteté  parfaite.  Toutes 
ces  idées  sont  certainement  contradictoi 

Dieu,  disent-ils,  a  promis  par  ses 

tes  que  le  Messie  reconduira  daDS'là^d^"" 

(^ 


iCëS 


PRO 


PRO 


1656 


tes  douze  tribus  d'Israël,  Ezcch. ,  c.  xx-kvii, 
T.  16.  C'est  une  ftuisseté.  A  la  fin  de  la  cap- 
tivité de  B.ibylone  ,  Zorobabel  reconduisit 
dans  la  Judée'fous  les  Juifs  qui  voulurent  y 
retourner  ;  mais  i!  n'est  point  question  là  du 
Messie  ;  le  jiropliète  n'en  a  pas  parlé  ;  et  à 
présent  les  douze  tribus  sont  tellement  con- 
fondues ,  qu'aucun  juif  ne  peut  montrer  de 
quelle  tribu  il  est.  Suivant  le  même  propliète, 
c.  xxxviii  et  xxxix ,  Gog  et  Magog  doivent 
périr  avec  leurs  armées  sur  les  montagnes 
d'Israël.  Les  juifs  ont  rêvé  que  Gog  et  .Ma- 
gog sont  les  chrétiens  et  les  mahométans,  et 
ils  se  promettent  d'en  faire  une  boucherie 
sanglante  ,  lorsqu'ils  auront  le  Messie  à  leur 
ête.  Cependant  Ezéchiel  n'a  pas  dit  un  seul 
inot  du  Messie  dans  ces  deux  chapitres ,  et 
il  paraît  qu'il  a  voulu  désigner,  dans  l'en- 
droit cité ,  la  défaite  des  armées  envoyées 
cou  Ire  les  JLiifs  sous  les  Machabées. 

Ils  disent  que ,  suivant  la  prédiction  de 
Zacharie ,  c.  iv,,les  montagnes  doivent  s'a- 
baisser, les  vallées  s'aplanir,  l'Euphratc  et  le 
Nil  se  dessécher  pour  laisser  passer  les  Juifs  ; 
que  le  mont  dos01ivesserafen(luendeux,etc. 
Mais  Dieu  no  fait  pas  des  miracles  ridicules 
et  superflus,  uniquement  pour  satisfaire  l'or- 
gueil d'une  nation.  Le  sens  de  la  prophétie 
est  évident  :  Quand  il  faudrait  abaisser  les 
montagnes  ,  aplanir  les  vallées  et  boulever- 
ser la  nature  entière,  Dieu  le  feiait  pour  ra- 
mener son  peuple  de  la  captivité  de  Baby- 
lone  ;  sa  promesse  s'accomidira  malgré  tous 
les  obstacles.  Le  (emple  de  Jérusalem,  con- 
tinuent les  juifs  ,  doit  être  rebâti  suivant  la 
forme,  le  plan  et  les  dimensions  tracées  par 
Ezéchiel,  c.  xl  et  suiv.  Aussi  le  temple  a-t- 
11  été  rebâti  après  la  captivité  de  Babylone, 
et  les  juifs  ne  peuvent  pas  prouver  que  l'on 
n'a  pas  suivi  la  forme  et  le  plan  tracés  par 
Ezéchiel. 

Il  est  dit  par  le  même  prophète,  c.  xxxvii, 
et  par  Daniel,  c.  xii,  etc. ,  que  tous  les  peu- 
ples doivent  venir  à  Jérusalem  célébrer  les 
fêtes  juives  ,  que  l'idolâtrie  et  tous  les  cri- 
mes doivent  être  détruits  par  toute  la  terre  , 
que  le  proiihète  Elle  doit  revenir,  que  la  ré- 
surrection des  morfs  doit  se  faire  sous  le 
règne  du  Messie.  Rien  de  tout  cela ,  disent 
les  juifs  ,  n'est  arrivé  ,  ni  après  la  captivité 
de  Babylone  ,  ni  sous  le  règne  du  prétendu 
Messie  adoré  par  les  chrétiens.  Donc  tout 
cela  s'accomplira  dans  les  siècles  futurs , 
lorsque  Dieu  l'aura  résolu.  C'est  ainsi  que 
les  juifs  se  bercent  de  fausses  espérances. 
Quoi  qu'ils  en  disent,  après  la  captivité  de 
Babylone ,  les  Juifs  ,  dispersés  dans  les  dif- 
férentes contrées  de  l'Orient,  sont  revenus 
à  Jérusalem  célébrer  leurs  fêtes;  ils  ne  se  sont 
plus  livrés  à  l'idolâtrie  dans  la  Judée  comme 
auparavant;  et  par  les  différentes  réformes 
que  lit  Esdras ,  leurs  mœurs  furent  moins 
corrompues.  Quand  celte  révolution  serait 
annoncée  en  termes  encore  plus  pompeux  , 
il  ne  s'ensuivrait  pas  que  la  prédiction  n'a 
pas  été  suffisamment  accomplie 

Ezéchiel  ne  prédit  point  la  résurrection 
des  morts,  mais  il  compare  la  délivance  des 
Juifs  captifs  à  Babylone  à  la  résurrection 


des  morts ,  et  il  ne  parle  point  du  Messie. 
Quant  au  retour  d'Elie  ,  ce  prophète  est  re- 
venu au  monde  dans  la  personne  de  Jean- 
Baptiste  ,  et  il  y  a  paru  de  nouveau  à  la 
transfiguration  de  Jésus -Christ.  Les  Juifs 
doutèrent  si  Jean -Baptiste  ou  Jésus  lui- 
même  n'était  pas  Elle  ressuscité.  Matth. , 
c.  XVI,  V.  14;  c.  xvn,  v.  3  et  12,  etc. 

Les  Juifs  ,  en  confondant  les  événements 
qui  devaient  arriver  au  retour  de  la  capti- 
vité de  Babylone,  et  qui  sont  annoncés  avec 
emphase  par  les  prophètes  ,  avec  les  prodi- 
ges spirituels  qui  devaient  être  opérés  par 
le  Messie  ,  ont  fait  des  prophéties  un  chaos 
inintelligible  ;  et  c'est  sur  cette  confusion 
que  les  incrédules  argumentent  :  comme  si 
c'étaient  les  prophètes  eux-mêmes  qui  ont 
fait  ce  mélange  ,  et  qui  ont  induit  les  Juifs 
en  erreur.  Mais  quand  on  cherche  sincère- 
ment le  vrai ,  l'on  distingue  aisément  ce  qui 
doit  être  pris  à  la  lettre  d'avec  ce  qu'il  faut 
entendre  dans  un  sens  figuré  ;  ce  qui  a  dû 
arriver  au  retour  des  Juifs  dans  la  Judée , 
d'avec  ce  qui  s'est  accompli  quatre  ou  cinq 
cents  ans  après. 

Il  est  vrai  qu'il  y  a  encore  aujourd'hui 
dans  le  christianisme  un  nombre  de  figuris- 
tes  dont  le  système  est  très-propre  à  nourrir 
l'entêtement  des  juifs  ,  puisqu'il  est  fondé 
sur  le  même  préjugé.  Lorsqu'une  prophétie 
ne  leur  semble  pas  avoir  été  suffisamment 
accomplie  sous  l'Ancien  Testament  ou  à  la 
venue  de  Jésus-Christ ,  ils  concluent  qu'elle 
le  sera  à  la  fin  du  monde,  au  second  avène- 
ment du  Sauveur,  lorsqu'il  viendra  juger  les 
vivants  et  les  morts.  En  mêlant  ensemble 
toutes  les  jivophéties  qui  leur  semblent  pou- 
voir désigner  le  même  objet,  celles  des  an- 
ciens prophètes  avec  celles  de  l'Evangile, 
celles  de  saint  Paul  et  celles  de  l'Apoca- 
lypse, ils  forment  un  tableau  d'imagination, 
mais  qui  peut  être  détruit  aussi  aisément 
ciu'il  est  composé.  Comment  prouvera-t-on 
aux  juifs  qu'ils  ont  tort  de  transporter  à  l'a- 
vénement  futur  de  leur  Messie  les  prédic- 
tions qui  ne  leur  paraissent  pas  suffisam- 
ment accomplies,  pendant  qu'on  se  donne  la 
liberté  de  les  appliquer  à  lui  second  avène- 
ment du  Sauveur  ?  Le  plus  sûr  est  donc  de 
nous  en  tenir  au  sens  littéral  des  prophéties, 
suffisamment  tixé  par  la  tradition  de  l'Eglise, 
puisque  l'on  ne  peut  tirer  aucune  consé- 
quence des  explications  mystiques,  et  qu'une 
infinité  d'écrivains  de  toutes  les  sectes  en 
ont  abusé  pour  débiter  des  visions.  Voy.  Fi- 

GURISME. 

PROPICE,  PROPITIATION ,  PROPITIA- 
TOIRE. Ces  termes,  dérivés  du  latin  prope, 
proche,  auprès,  sont  une  métaphore.  Comme 
nous  disons  que  le  péché  nous  éloigne  de 
Dieu  ou  éloigne  Dieu  de  nous  ,  nous  disons 
aussi  que  la  pénitence  nous  en  rapproche. 
Ainsi  Dieu  nous  est  propice  lorsqu'il  se  rap- 
proche de  nous  pour  nous  accorder  ses  grâ- 
ces et  ses  bienfaits.  Lorsque  le  publicain  di- 
sait à  Dieu  :  Seigneur ,  soyez  propice  à  moi, 
pauvre  péchetir ,  cela  signifiait ,  Seigneur , 
rapprochez-vous  de  moi ,  et  ])ardonnez-moi 
les  péchés  qui  m'éloignent  de  vous.  Saint 


1057 


PRO 


PRO 


1058 


Jean,  Epist.  I ,  c.  iv  ,  v.  2  ,  dit  que  Jc'sus- 
Christ  est  la  victime  de  propiliatioii  pour  nos 
péchés  ,  non-seulement  pour  les  nôtres  ,  mais 
pour  ceux  (lu  monde  entier ,  parce  que  sa 
mort,  qu'il  a  ofï'erte  à  Dieu  pour  les  péchés 
(ie  tous  les  hommes,  a  satisfait  à  la  justice 
divine ,  les  a  réconciliés  tous  avec  elle ,  a 
mérité  pour  cu\  tous  la  grâce  et  la  gloire 
.  éternelle  dont  le  péché  les  riMidait  indignes. 
Dans  l'ancienne  loi ,  les  saciilices  oll'erts 
pour  les  péchés  sont  appelés  sncri/iccs  pro- 
pitiatoires ,  ]iour  la  même  raison  ;  et  le  jour 
de  l'expiation  générale  est  nommé  le  jour  de 
la  propitiatiou ,  Levit. ,  c.  xxiii,  v.  :iS.  L'K- 
glise  catholique  tient  pour  article  de  foi  que 
la  messe  est  un  saciitice  de  propitiation 
pour  les  vivants  et  pour  les  moi'ts,  parce  ijiie 
c'est  le  sacrilicc  même  de  Jésus-Christ  re- 
nouvelé et  oll'ert  à  Dieu  [lour  ell'acer  les  pé- 
chés des  vivants  et  des  moi'ts  ,  par  consé- 
3uent  pour  leur  appli(juer  les  mérites  de  ce 
ivin  Sauveur.  Voy.  Messk.  —  C'était  une 
espèce  de  serment  parmi  les  juifs  de  dire  : 
Dieu  me  soit  propice  pour  que  je  ne  fasse 
point  telle  action,  c'est-h-dire  Dieu  me  pré- 
serve de  la  faire.  —Le  couvercle  de  l'arche 
d'alliance  était  nonuiié  propitiatoire,  à  cause 
de  sa  forme.  Il  était  jilat  et  surmonté  de 
deux  chérubins  ou  anges,  tournés  l'un  vers 
l'autre,  et  dont  les  ailes  étendues  formaient 
une  espèce  de  trône.  Levit. ,  c.  xvi  ,  v.  2. 
C'est  Ih  que  Dieu  dai^^nait  remlre  sa  pré- 
sence sensible,  sous  la  forme  d'une  nuée  ou 
autrement,  et  (piil  donnait  ses  réponses  au 
grand  prêtre ,  lorsqu'il  était  considté.  Ce 
trône  était  donc  appelé  le  propitiatoire ,  à 
cause  que  Dieu  s'y  rapjirochuit  de  son  jjcu- 
ple  et  daignait  se  rendre  accessible.  Exod. , 
c.  XV  ,  V.  ±2;  Num.,  c.  vu  ,  v.  89.  Cette  pré- 
sence divine  est  nommée  par  les  docteurs 
juifs  schékinah,  demeure,  habitation,  séjour. 
Aussi,  dans  le  grand  jour  des  expiations,  le 
grand  prêtre,  tenant  à  la  main  le  sang  de  la 
victime  immolée  pour  les  péchés  du  peuple, 
se  présentait  devant  le  propitiatoire ,  s'ap- 
prochait ainsi  de  la  Divinité,  intercédait  et 
faisait  propitiation  pour  toute  la  nation.  Par 
cette  môme  raison,  les  Juifs  [lieux  et  fidèles 
à  observer  la  loi,  quelque  éloignés  qu'ils 
fussent  du  tabernacle  ou  du  temple,  se  tour- 
naient de  ce  côté-là  pour  faire  leurs  prières, 
parce  que  c'était  là  que  Dieu  daignait  habi- 
ter et  répandre  ses  grâces.  ///  Reg. ,  c.  vin, 
v.  \S;  Dan.  ,  c.  vi ,  v.  10;  Prideaux,  Uisl. 
des  Juifs,  1.  ni,  §  1.  Par  analogie  à  l'arche 
d'alliance  ,  quelques  auteurs  chrétiens  ont 
nommé  propitiatoires  les  dais  ou  baldaquins 
qui  couvraient  l'autel ,  ou  les  ciboires  sus- 
pendus sous  ces  dais,  dans  lesquels  on  con- 
serve l'eucharistie  :  c'était  un  témoign.igo 
de  la  foi  à  la  présence  réelle  de  Jésus-Christ 
dans  le  saint  sacrement. 

PROPOS.  On  ap|)elle  ((jimiiunément  bon 
propos  la  résolution  formée  par  un  péniti'nt 
de  ne  j  lus  retomber  dans  le  péché ,  et  d'en 
éviter  les  occasions.  Ce  bon  propos  est  né- 
cessairement renferaié  dans  la  contrition , 
sans  cela,  elle  ne  serait  pas  nécessaire.  On 
ne  peut  pas  dire  avec  vérité  que  l'homme  se 


ropent  d'avoir  offensé  Dieu  ,  et  qu'il  déteste 
son  péché ,  à  moins  qu'il  ne  soit  dans  la 
ferme  résolution  de  changer  de  conduite,  et 
d'éviter,  autant  qu'il  le  pourra,  tout  sujet  de 
tentation.  C'est  la  décision  du  concile  de 
Trente,  sess.  IV ,  c.  k.  Elle  est  fondée  sur 
l'Ecriture  sainte;  Dieu  dit  aux  pécheurs, 
Ezech. ,  c.  XVIII,  v.  31  :  Rejetez  loin  de  vous 
toutes  les  prévarications  que  vous  avez  com- 
mises ;  faites-vous  un  esprit  et  un  cœur  noti- 
veau...  Revenez  à  moi,  et  vous  vivrez.  Se  faire 
un  cœur  nouveau  ,  c'est  changer  d'inclina- 
tions, d'attachements  et  d'habitudes,  ne  plus 
aimer,  ne  plus  rechercher  ce  qui  a  été  la 
cause  (lu  |)éché. 

PROPOSITION.  L'on  appelait  pains  de  pro- 
position ou  d'offrande  les  pains  qui  étaient 
présentés  à  Dieu ,  et  renouvelés  diaque  se- 
maine [lar  les  prêtres  dans  le  tabernacle  ,  et 
ensuite  dans  le  temple  de  Jérusalem.  Lo 
prêtre  de  semaine,  tous  les  jours  de  sabbat, 
mettait  ces  pains  sur  une  taljle  d'or  destinée 
à  cet  usage  dans  le  sanctuaire.  Ils  étaient  au 
nombre  île  ddlize  ,  et  désignaient  les  douze 
tribus  d'Israël.  Chaque  pain  était  d'une  gros- 
seur assez  considérable ,  puisqu'on  y  em- 
plojait  deux  atïarons  de  farine,  ou  environ 
six  pintes.  On  les  plaçait  tout  chauds  sur  la 
table  ,  et  l'on  ôtait  les  vieux  qui  avaient  été 
exposés  pendant  toute  la  semaine.  Les  prê- 
tres seuls  pouvaient  en  manger;  et  si  David 
en  mangea  une  fois  avec  ses  gens ,  ce  fut 
par  nécessité.  Cette  olfrande  était  accompa- 
gnée d'encens  et  de  sel,  et  l'on  brûlait  l'en- 
cens sur  la  table  ,  lors(jue  l'on  y  mettait  des 
pains  nouveaux.  Les  rabbins  ont  beaucoup 
disserté  sur  la  forme  de  ces  pains,  sur  la 
manière  dont  ils  étaient  pétris  ,  cuits  et  ar- 
rangés ;  mais  ce  qu'ils  en  disent  n'est  rien 
moins  (pie  certain.  Dès  le  commencement  du 
monde  ,  Dieu  a  voulu  que  les  hommes  lui 
jirésentassent  les  aliments  dont  ils  se  nour- 
rissaient ,  parce  que  ce  sont  les  plus  pré- 
cieux de  tous  les  biens.  Il  voulait  par  là  les 
fMre  souvenir  que  i-'est  lui  seul  qui  les  leur 
fournit,  qu'ils  en  sont  redevables  à  sa  bonté, 
qu'ils  doivent  en  être  reconnaissants ,  en 
user  avec  modération  ,  et  en  faire  part  à 
leurs  frères.  Cette  offrande  était  donc  une  très 
bonne  leçon ,  et  non  une  cérémonie  frivole 
et  ridicule,  comme  le  prétendent  les  incré- 
dules. 

*  PROPIUÉTÉ  (Droit  (te).  Dans  notre  Diction- 
naire (le  Tliéologie  morale,  iiods  avons  examin(;  le 
droit  (le  propriété  dans  son  principe  et  dans  ses  con- 
scHpientes,  nons  nous  contenions  d'ajouler  ici  quel- 
ques considérations  de  M.  l'abbé  Rairan. 

«  Dans  l'iHat  aciuel  de  riioninie,  il  Ini  faut,  pour 
l'exciter  au  travail,  au  développement  de  son  indus- 
trie, ini  autre  mobile  (pie  riiitérèt  gênerai  de  la 
grande  société  dont  il  ferait  partie, dit  M.  l'abbé  Bar- 
ran.  Exposition  niisonnée  des  dogmes  et  de  la  morale 
du  christianisme,  t.  Il,  p.  247.  Aussi  y  verrait-on  né- 
cessairement l'un  ou  fanlre  de  ces  abus,  peut-être 
les  deux  à  la  lois  ;  le  despotisme  des  chefs  pesant  sur 
les  membres  pour  en  obtenir  la  liicbc  journalière,  ou 
l'homme  actif,  laborieux,  s'épuisant  de  fatigue  pour 
le  négligent  et  le  paresseux,  membic  comme  lui  de 
cette  association  dont  son  oisiveté  ne  lempëcherait 
pas  de  recueillir  les  avantages.  Sans  parler  d'une 
foule  d'auties  incouvcnients  qui  en  seraient  la  sails 


1659  PRO 

inévitable,  que  ferail-on  des  enfants?  Puisque  les 
parents  n'auraient  aucune  propriété  à  leur  préparer, 
à  leur  laisser, il  faudrait  que  ces  enfants  leur  devins- 
sent étrangers  dé.,  qu'il  serait  possible  de  les  aggre- 
gi»r  à  la  côinmuiiîinié.  Peut-être  même  les  leur  arra- 
clierait-on  ,  connue  à  Sparte  ,  pour  les  faire  élever 
suivant  le  bon  plaisir  ou  lintérél  des  magistrats  de 
la  république.  Oi'i  serait  alors  la  famille  avec  ses  de- 
voirs et  ses  affeciions  sacrées  ?  Elle  n'existerait  plus: 
on  n'aurait,  comme  chez  les  animaux,  que  des  mères 
et  des  petits,  qui,  une  fois  séparés,  ne  conserveraient 
aucun  rapport  avec  ceux  dont  ils  auraient  reçu  la  vie; 
ils  seraient  pour  eux  des  étrangers.  Voilà  où  abouti- 
raient les  ib.'ories  de  nos  conuuunistes  modernes,  s'il 
était  possible  de  les  réaliser. 

I  Mais,  dira-t-on,  n'avons-nous  pas  aujourd'hui  le 
clirislianisnie  avec  sa  puissante  moralisation  ?  Les 
peuples  modernes  seront  donc  plus  propres  à  ce  ré- 
gime de  conununaulé  sociale  qu'on   ne  l'était  dans 
les  temps   anciens.  On  s'exagère  évidemment  l'iii- 
(luenee  du  christianisme,  si  l'on  va  jusqu'à  lui  altri- 
buer  une  modi!ication  conipléle,  radicale  de  la  na- 
ture humaine  ,  en  pensant  ipi'il   fait  de  l'homme  un 
être  accompli  qui  ne  puisse  plus  faillir.  11  n'en  est 
pas  ainsi,  comme  nous  en  faisons  tous  les  jours  la 
bien  triste  expérience.  Ainsi  les  parijsans  de  ce  sys- 
tème se  jetteraient  dans  une  grande  ericnr,  s'ils  pré- 
tcnd:iii'nt  établir  leurs  théories  sur  la  perfection  es- 
seniielle  des  chrétiens.  Je  conviens  qu'une   commu- 
nauté peu  no.idjreuse  pourra  se  former  parmi  eux 
avec  plus  de  facilité  que  elie/.  les  Spartiates  ,  parce 
qu'ils  s'aimeront  les  uns  les  autres  ;  (ju'ils  se  suppor- 
teront avec  paiience  et  charité;  que,  d'un  autre  cô'.é, 
leurs  chefs   se  montreront   en   tout  des  modèles  , 
comme  des  guides  ;  que  ce  seront  plutôt  des  pères 
occupés  du  bonheur  de  leurs  enfants,  ainsi  qu'on  l'a 
vu  autrefois  dans  le  Paraguay.  Cela  sera  possible,  je 
le  répèle,  dans  une  société  i)eu  nombreuse  ;    mais  , 
tenter  de  rétablir  dans  une  grande  nation,  ce  serait 
une  folie.  Dieu  n'a  pas  imposé  celte  condition  sociale 
comme  une  conséquence  de  sa  religion.   Le  divin  lé- 
gislateur des  chrctiens  n'a  change  nulle  part  l'èlat 
politique  des  peuples  pour  les  astreindre  à  la  com- 
munauté des  biens.  Au  contraire  ,  lious  le  voyons 
sanctionner  de   son  autorité   le  respect  de  la  pro- 
priété :  Rendez  à  César  ce  qui   ajipartieiit  à  César 
{Mattli.  xxii),  disait-il  aux  Pharisiens.  Ailleurs,  Jé- 
sus-Christ parle  de  la  propiiété  de  l'ouvrier  avec  le- 
quel le  père  de  famille  fait  une  convention  ,  conmie 
salaire  du  travail  qu'il  attend  de  lui,  et  le  soir  venu 
ce  père  de  famille  dit  à  l'ouvrier  :  Mon  ami ,  preiie:, 
ce  qui  vous  apiiartieiit  (Mallli.  xx).  Entendez  encore 
Jésus-Christ   plaçant    le  vol   à   coté  de  rhnraicide , 
qu'apparemment  on  n'a  pas  l'iriienlion  de  justilier 
aujourd'hui.  Un  jeune  homme  s'approche  du  Sauveur 
et  lui  dit  :  Don  maître,  que  faul-il  que  je  fasse  pour 
acquérir   ta  vie   éternelle  ?  —  Gardez  les  commande- 
ments ,  lui  répond  Jesus-Christ.  —  Quels  commande- 
ments?—  Ceux  ci  :  Vous  ne  tuerez  point....  vous  ne 
déroberez  point  (Mattli.   xix).  Et  saint  Paul  nous  as- 
sure que  ni  les  voleurs  ni  les  avares  n'entreront  dans 
le  royaume  céleste  (/  Cor.  vi).  Voici  enfin  comment 
saint  Jean  décrit  l'impénilence  de  certains  hommes 
dans  les  derniers  temps  :  Et  ils  ne  firent  point  péni- 
tence, ni  de  leurs  meurtres  ,  ni   de  leurs  empoisonne- 
ments, ni  de  leurs  impudicités,  ni  de  leurs  vols  [Apoc, 
C.  ix). 

<  Qu'on  ne  se  serve  donc  pas  du  christianisme 
comme  d'un  prétexte  ,  qu'on  ne  dénature  point  sa 
charité,  pour  niveler  les  conditions  sociales  et  pro- 
clamer la  loi  agraire.  La  religion  impose  aux  riches 
l'obligation  rigoureuse  de  faire  l'aumône  et  de  prê- 
ter à  celui  qui  est  dans  un  besoin  passager  ;  elle  le 
menace  de  la  colère  divine,  des  châtiments  qui  en 
seront  la  suite ,  s'il  méconnaît  ses  devoirs  sacrés  : 
mais,  en  même  temps,  elle  déiénd  au  pauvre  dépor- 
ter atteinte  à   la  propriété  d'aulrui  ;  il  se  rendrait 


PRO 


16(50 


coupable  d'une  injustice  qui  l'exclurait  ,  lui  aussi , 
du  royaume  du  ciel.  D'ailleurs,  la  plupart  des  com- 
munistes de  nos  jours  ne  peuvent  invoquer  cette  in- 
fluence chrétienne  sur  les  esprits  pour  les  rendre 
plus  propres  à  la  vie  phalanstérienne  (  Voy.  Fourié- 
uisME,  Saint  -  Simonîsme)  ;  eux  qui  repoussent  nos 
principes  pour  se  jeter  dans  le  panthéisme  ou  le  ma- 
térialisme le  plus  aiqect,  voilà  leur  dogme  ;  eux  dont 
la  morale  est  la  plus  obscène  volupté  et  le  cynisme 
le  plus  dégoûtant.  Vous  savez  que  les  saint-simo- 
nicns  ont  aussi  lâché  d'expérimenter  leurs  théories 
d'harmonisation  sociale,  cl  que  bientôt  le  désordre 
s'est  introduit  dans  la  famille  :  les  fils  et  les  lilles 
ont  réclamé  contre  le  Père  commun,  en  lui  repro- 
chant de  ne  pas  conformer  assez  sa  gestion  aux  ca- 
pacités, et  de  s'être  permis  certaines  irrégularités 
contre  la  justice  commutative,  bien  qu'ils  l'eussent 
fait  et  acclamé  Dieu,  t 

Objection  des  communistes  :  i  A  la  bonne  heure, 
qu'il  y  ait  un  droit  de  propriété  :  pour  le  légitimer,  il 
faudrait  que  les  biens  fussent  partagés  également  ; 
sans  cela  ,  vous   ne  protégez  qu'une  injustice  sous 
l'apparence  d'un   droit.  »  M.  l'abbé  Barran  leur  ré- 
pond :f  Je  conviens  qu'à  l'époque  où  les  familles  étaient 
peu  nombreuses,  elles  diirenl  s'établir  avec  une  pos- 
session proportionnée  aux  membres  qui  les  formaient; 
du  moins  chacun  put  satisfaire  ses  goûts  d'extension 
territoriale.  Mais  l'inégalité  de  fortune  ne  tarda  pas 
à  s'introduire,  tantôt  par  des  causes   indépendantes 
de  tonte  volonté  humaine,  comme  des  épidémies,  des 
déraiigeinents  de  saisons  et  autres   accidents  fu- 
nestes; tantôt  par  inconduite,  négligeiicesou  fausses 
spéculations  ,  ce  qui  a  dû  faire  passer  les  fortunes 
(tans  d'autres  familles  plus  heureuses  et  mieux  ré- 
glées. Or,  (]ui  pourra  dire  que  l'injustice  a  amené 
ces  changements,  et  que  la  vi(dence  ou  les  préjugés 
les  ont  sanctionnés  et  mainteinis?  On  aurait  pu  éta- 
blir, comme  chez  les  Juifs,  que  le  premier  posses- 
seur rentrerait  dans  ses  droits  chatpie  cinquantième 
année,  et  qu'ainsi  il  n'existerait  nulle  part  une  alié- 
nation perpétuelle  :  mais  cette  règle  n'a  pas  eu  lieu 
ailleurs,    nous   concevons  combien  elle  aurait  pu 
nuiie  au  zèle  pour  le  travail  et  l'industrie,  qui  n'est 
ellicacement  encouragée  que  par  le  droit  réel  de  pro- 
priété perpétuelle.  D'ailleurs,  tel  est  l'ordre  établi, 
ordre  (|u'oii  ne  peut  déclarer  avec  vérité  injuste  ni 
oppressif ,  que  les  fortunes  accumulées  sont  aussi 
une  propriété  légitime  qui  a  un  droit  sacré  au  res- 
pect ,  à  l'inviolabilité  ;  et  y  porter  atteinte  aujour- 
d'hui ou  à  une  autre  époque,  ce  serait  une  véritable 
i)ijustice,  une  spoliation.  Le  divin    législateur   des 
clirétiens  recommande  aux  riches  d'être  miséricor- 
dieux et  charitables  envers  le  pauvre,  mais  sans  faire 
entendre  une  seule  parole  de  doute  sur  le  droit  de 
leurs  propriétés,  et  sans  leur  imposer  l'obligation  de 
partager  leur  fortune  avec  leurs  fermiers  el  leurs 
voisins.  Et  puis,  a  quoi  aboutirait  cette  répartition 
d'inégalile?  Combien  de  temps  pensez-vous  qu'elle 
pût  se  maintenir  '!  L'homme  est  si  faible,  si  mobile, 
si  passionné,  que,  le  jour  même  du  partage  territo- 
rial el  mobilier,  l'égalité  aurait  disparu  par  les  ven- 
tes, les  dons  ,  le  jeu,  les  prodigalités  ,  et  par  mille 
transactions  qui  se  font  dans  le  commerce  de  la  vie. 
Ce  serait  donc  à  recommencer  tous  les  mois,   ou  au 
moins  à  la  lin  de  chaque  année  ,  comme  un  règle- 
ment de  comptes.  Malgré  tant  de  belles  théories  et  de 
discours  à  grand  effet,  il  faut  se  résigner  à  l'inéga- 
lité de  fortunes  ,  comme  à  une  nécessité  de  notre 
condition  sur  la  terre.  Dès-lors,  une  immense  pos- 
session doit  être  respectée  de  tous,  comme  le  petit 
patrimoine  du  cultivateur  ou  les  épargnes  de  l'arti- 
san :  elle  est  protégée  par  le  même  principe,  le  droit 
sacré  de  la  propriété.  > 

PROSE,  hymne  composée  de  vers  sans 
mesure,  mais  qui  n'ont  qu'un  certain  nom- 
bre de  syllalîes,  avec  des  rimes,  qui  se  chaule 


1661 


PRO 


aux  messes  solennelles  ,  aprôs  le  graduel  et 
YaUchiia,  et  qui  eu  est  censée  la  suite.  C'est 
pour  cela  que,  dans  plusieurs  missels,  les 
proses  sont  nf)nun('es  st'quencrs ,  scqucnlia. 
On  en  altiihvu'  l'invcution  à  Notker,  moine 
(le  S.iinl-i'inll,  qui  ('■crivail  vers  l'an  880;  mais 
il  (lit,  dans  la  i)i(5ia(e  du  livre  où  il  en  |)arle, 
qu'il  en  avait  vu  dans  un  antiplionaire  de 
Falihaye  do  Jumi(''!;es,  qui  fut  brûlée  par  les 
Normands  ranH'il.  D'autres  en  tirent  .'i  son 
e\enq>!e,  et  bientôt  il  y  en  eut  pour  toutes 
les  i'ôtes  et  les  dimanches  de  l'année ,  ex- 
cepté depuis  la  Scpîuagésime  jusqu'à  P;l- 
ques.  Mais  la  plupart  fuient  conqiosées  avec 
tant  de  iiéslii;ence,  que  l'on  a  loué  les  char- 
treux et  les  bernardins  do  ce  qu'ils  n'ont 
point  atbuis  de  proses  dans  leurs  missels.  Il 
y  a  quelques  diocèses  où  l'usage  est  établi 
(le  dire  une  prose,  au  lieu  d'une  hymne, aux 
secondes  vêpres  des  fêtes  doublas. 

L'Eglise  romaine  n'en  admet  que  quatre 
jiriucipales,  celle  tle  Pâques,  VictiiiHc  Pas- 
clinli  ;  celle  de  la  Pentecôte,  Veni,  Snncte 
Spiritus  ;  celle  du  saint  Sacrement,  Landa, 
Sion,  et  celle  qui  se  dit  pour  les  morts,  Dies 
irœ.  La  première  est  d'un  auteur  inconnu  ; 
la  seconde  est  attribuée  par  Durand  au  roi 
Robert,  qui  vivait  au  commencement  du 
XI'  siècle;  mais  il  est  plus  probaltlc  qu'elle 
a  été  laite  |iarHeiinan  le  Raccourci,  licrma- 
tms  contractus,  qui  écrivait  vers  l'an  lOVO, 
et  que  le  roi  Robert  fut  l'auteur  d'une  aulro 
plus  ancienne  qui  ciimmençait  par  Sancli 
Spiritus  ndsii  nabis  gratta,  et  qui  a  été  dite 
dans  l'ordre  de  Cluuy,  dès  le  xr  siècle.  La 
•  troisième  est  de  saint  Thomas  d'Aquin,  au- 
teur de  l'oflicc  du  saint  Sacrement,  t'elc 
qui  se  dit  pour  1  s  morts  a  été  composée 
par  le  cardinal  Fraui^ipani,  appelé  aussi  Ma- 
labrancha,  docteur  de  Paris,  de  l'ordre  des 
dominicains,  qui  mourut  à  Péro;isf,  l'an 
1"2',)V.  Mais  elle  n'a  commencé  à  être  d'un 
usage  commun  qu'au  couimencement  du 
XVII'  siècle.  Depuis  ce  temps-là  l'on  en  a 
composé  qui  sont  d'un  style  plus  poétique 
et  d'un  meilleur  goût  que  les  anciennes. 
I>ebrun ,  ExpHc.  des  Cerem.  de  la  messe, 
tom.  1,  II'  part.,  art.  6,  pag.  209. 

PROSÉLYTK.  Terme  grec,  qui  répond  par- 
faitement au  latin  adrcna,  étranger,  homme 
arrivé  d'ailleurs  :  les  Juifs  d(jiuiaient  ce 
nom  aux  étrangers  qui  s'établissaient  parmi 
eux,  et  qui  embrassaient  leur  religion  ou  en 
tout  ou  en  partie.  Consé(iueminent  ils  en 
distinguaient  do  deux  esjjèces  :  ils  nom- 
maient les  uns  prosélytes  de  la  porte,  les 
autres  proséhjles  de  Injustice.  Les  premiers 
étaient  des  étrangers  qui  avaient  renoncé  à 
l'idolûtrie,  et  faisaient  profession  d'adorer 
le  seul  vrai  Dieu,  article  fondamental  de  la 
religion  judiïque,  sans  la  profession  duquel 
ils  n'auraient  pas  été  soufferts  parmi  les 
Juifs.  Ceux-ci,  persuadés  que  la  loi  de  Moïse 
n'était  imposée  qu'à  leur  nation,  permet- 
taieit  à  un  étranger  d'habiter  parmi  eux, 
pouiv'.i  qu'il  s'abstînt  de  toute  idolâtrie, 
qu'il  ador.'.t  le  vrai  Dieu,  et  qu'il  observât 
les  sei'it  préce])[es  de  la  loi  naturelle  inqw- 
sés  aux  enfants  de  Noé.  Yoij.  ce  mot.  11  lui 


1 


PRÔ  \Mi 

était  permis  de  rendre  ses  hommages  à  Dieu 
dans  le  temide  ;  mais  il  ne  pouvait  y  entrer 
que  j)ar  la  première  jiorte,  et  dans  la  première 
enceinte,  qui  était  appelée  h;  |)arvis  des  gen- 
tils, ntriitm  (jenlium  ;  de  là  vint  le  nom  de 
prosélytes  de  la  porte,  que  l'on  donna  aux 
étrangers  de  cette  espèce.  On  croit  connuu- 
nément  que  Naaman  le  Syrien,  et  Corneille 
le  centcnier  étaient  de  ce  nombre.  Les  se- 
conds étaient  des  pa'ieus  ipii  avaient  em- 
brassé touie  la  religion  juive,  et  s'étaient 
obligés  à  l'observer  aussi  exactement  que  les 
Juifs  de  naissance  ;  ils  étaient  appelés  prosé- 
lytes de  la  justice,  parce  qu'ils  s'étaient  en- 
gagés h  vivre  dans  la  sainti>té  et  la  justice 
prescrites  par  la  loi.  Les  Juifs  recevaient  vo- 
lontiers ces  soiles  d'éti'angers  ;  nous  voyons 
même  dans  l'Evangile,  Matth.,  c.  xmii  , 
V.  15,  que,  du  tem|)S  de  Notre-Seigneur,  ils 
se  donnaient  de  grands  mouvements  pour 
convertir  des  païens,  et  les  attirer  à  la  pro- 
fession du  judaïsme.  Ces  prosélytes  étaient 
initiés  par  la  circoncision  ;  dès  ce  moment 
ils  étaient  a  mis  aux  mêmes  rites  et  aux 
mêmes  privilé:;es  ([uo  les  Juifs  naturels. 
Par  analogie,  l'on  a  aussi  nommé  prosélytes 
les  juifs  et  les  païens  convertis  au  chrisiia- 
mo.  Prideaux.  llist.  des  Juifs,  tome  11,  liv. 
xiiK  pag.  115. 

PIIOSEUCHE.  Yoy.  Oratoire. 

PROSPKR  (saint),  né  en  Aquitaine  vers 
l'an  405,  et  mort  l'an  W3,  a  passé  une  partie 
de  sa  vie  en  Provence  et  à  Rome.  Quoique 
simple  laïque  il  a  mérité  d'être  mis  au  rang 
des  Pères  de  l'Eglise.  C'est  lui  qui  avertit 
saint  Augustin  de  la  naissance  du  semi- 
péla.janisme  dans  les  Gaules.  En  4-28  ou 
^'29,  de  concert  avec  un  nommé  Hilaire,  il 
écri-vait  au  saint  docteur  que  son  livre  de 
Corrcptiune  et  dratia  causait  beaucoup  de 
bruit  à  Marseille  parmi  un  nombre  de  per- 
sonnages respectables  par  leur  dignité  et 
par  leurs  veilus  ;  la  doctrine  qu'ils  y  oppo- 
saient était  le  semi-j)élagianisme.  Pour  ré- 
ponse, saint  Augusiui  adressa  à  tous  les 
deux  ses  livres  de  la  Prédestination  des 
saints  et  du  Don  de  In  Persévérance.  Pour 
connaître  exactement  les  sentiments  des 
semi-pélagiens,  il  faut  comparer  ces  deux 
ouviages  avec  la  lettre  de  saint  Prosper  et 
avec  celle  d'Hilaire,  précaution  que  n'ont 
pas  toujours  piise  ceux  qui  ont  écrit  sur 
celte  matière. 

Saint  Prosper  prit  la  défense  des  écrits 
de  samt  Augustin  contre  les  fausses  inter- 
prétations des  semi-pélagiens  ;  ceux-ci  lui 
attribuaient  les  opinions  des  prédestinatieus, 
qui  sont  les  mêmes  que  celles  de  Calvm  ; 
saint  Prosper  lit  voir  qu'elles  sont  fort  diffé- 
rentes de  celles  du  samt  docteur,  et  il  ré- 
pouuit  à  toutes  les  objections.  Il  écrivit 
encore  plusieurs  autres  ouvrages  c  ntre  ces 
nouveaux  ennemis  de  la  grâce  de  Jésus- 
Christ.  En  1711,  l'on  en  adonné  à  Paris  une 
bonne  édition  in-fol.  Plusieurs  critiques  ont 
attribué  h  saint  Prosper  les  deux  livres  de  la 
Vocation  des  gentils,  d'autres  les  altribuent 
à  saint  Léon  avec  plus  de  vrais,  mblance  ; 
mais  on  convient  que   ni  l'un  ni  l'autj-e  de 


1G65 


PRO 


PRO 


166i 


CCS  sentiments    n'est    absolument   certain. 

Hist.  (1c  l'Eyl.  gallic,  touje  I,  pag.  'i-38,  etc. 

JlUt.  JitU'r.  de  la  France,  tom.  Il,  pag.  369. 

PROSTERNATION     ou    Prosternement. 

L'action  de  se  mettre  à  genoux,  de  frapper 
la  terre  avec  le  front,  ou  de  se  coucher  de 
son  long  aux  pieds  de  queli(u'un,  a  toujours 
été  la  marque  du  plus  profond  respect,  sur- 
tout parmi  les  Orientaux  ;  dans  cette  attitude 
mi  homme  témoigne  qu'il  se  met  à  la  merci 
de  celui  qu'il    salue  ;   les   sauvages  mômes 
ont  compris  l'énergie  de  ce  signe.   C'est  ce 
que  les  écrivains  sacrés  expriment   ordinai- 
rement par  le  terme  d'adorer.  Ainsi  lorsqu'il 
est  dit  qu'Abraham  adora  les   habitants  de 
Heth  et  les  anges  qui  lui  apparurent,  que 
Judith  adora  Holopherne,  qu'Achior  adora 
Judith,  que  les  màs,es  adorèrent  Jésus    en- 
fant, cela  signifie  qu'ils  se  prosternèrent  en 
signe  de  respect.  Nous  nous  prosternons  de 
mÔDie  pour  adorer  Dieu,  pour  lui  témoigner 
notre  respect  et  notre  soumission,  parce  que 
nous  ne  pouvons  témoigner  à  Dieu  nos  sen- 
timents  par  d'autres  signes  que    par  ceux 
dont  nous  nous  servons  à  l'égard  des  hom- 
mes. Il  ne  s'ensuit  pas  de  lii  que  quand  nous 
nous  prosternons  devant  les  liommes,  nous 
leur  témoignsns  le  môme  degré  de  respect 
et  de  soumission  que  nous  avons  pour  Dieu  : 
par    conséquent    le   mot   adorer,   dans  ces 
différentes  circonstances,  ne  peut  ])as  avoir 
le  même  sens.   C'est  néanmoins   sur    cette 
équivoque  que  les  protestants  nous  font  un 
crime  de  ce  que  nous  nous  prosternons  de- 
vant les  saints  et  devant  leurs  images.  Yoy. 
Adoration. 

PROSTERNÉS.  Voy.  Pénitence  publique. 
PROSTITUTION.  Ce  désordre  a  été  toléré 
chez  toutes  les  nations  païennes  ;  il  y  en  a 
même  plusieurs  qui  ont  poussé  l'aveugle- 
ment jusqu'à  en  faire  une  pratique  de  reli- 
gion. Mais  Dieu  l'avait  sévèrement  défendu 
aux  Israéliles,  Deut.,  c.  xxiii,  v.  17.  Aticune 
fille  d'Israël  ne  sera  prostituée,  et  aucun 
Israélite  ne  se  livrera  à  un  commerce  in- 
fâme. Vous  n'offrirez  point  à  Dieu  le  prix  de 
la  prosl'Uution,  (juelque  vœu  que  vous  ayez 
fait  ;  c'est  une  abomination  aux  yeux  du 
Seigneur.  Il  est  évident  que  par  cette  défense 
Dieu  voulait  inspirer  de  l'horreur  pour  la 
dépravation  des  femmes  païennes,  qui  con- 
sacraient à  la  déesse  de  l'impudicité  une 
partie  de  ce  qu'elles  avaient  gagné  par  le 
crime.  Pour  rendre  l'idolâtrie  odieuse,  les 
écrivains  sacrés  la  désignent  souvent  sous 
le  nom  de  prostitution. 

Quelques  philosophes  modernes  ont  vai- 
nement affecté  de  nier  que  chez  les  Babylo- 
niens et  chez  d'autres  peuples,  la  prostitu- 
tion ait  été  pratiquée  iiar  motif  de  religion. 
Non-seulement  Jérémie,  écrivant  aux  Juifs 
captifs  à  liabylone,  les  prévient  contre  ce 
scandale,  Baruch.,  c.  vi,  v.  42;  mais  Héro- 
dote, 1. 1,  §  199,  en  parle  comme  témoin  ocu- 
laire, et  Strabon,  1.  xvi,  p.  1081.  La  môme 
coutume  régnait  en  quelques  endroits  de  la 
Phénicie,  selon  Lucien,  de  Dea  Syria,  et 
iusihi,\.  xxii,  h.  Sieca-Vcneria,  ville  d'Afri- 
que, qui  était  une  colonie   de   Phéniciens  ; 


Valère-Maxime,  l.ii,c.  6,  §15  ;  Saint  August., 
de  Citiit.  Dei,  \.  i\,  c.  10;  et  dans  l'île  de 
Cypre,  Athen.  deipn.,  1.  xii,  p.  516.  Ce  dé- 
sordre infâme  durait  encore  au  commence- 
ment du  iV  sièc'e  de  l'Eglise  dans  quelques 
temples  de  la  Phénicie  ;  Constantin  devenu 
chrétien  les  lit  détruire.  Eusèbe,  de  Vita 
Constantin.,  1.  m,  c.  58,  ))ag.  613;  Socrate, 
Hist.  cédés.,  1.  i,  c.  18.  A  la  honte  de  notre 
siècle,  un  philosophe  incrédule  n'a  pas  rougi 
d'approuver  cette  infamie,  qui  est  en  usage 
au  Japon.  Un  autre  sujet  de  confusion  pour 
nous  est  que  l'un  tolère  dans  le  christianis- 
me un  désordre  jiublic  qui  était  sévèrement 
défendu  chez  les  Juifs. 

PROTESTANTS.  L'on  a  donné  d'abord  ce 
nom  aux  disciplr>s  de  Luther,  parce  que  l'an 
15-29  ils  protestèrent  contre  un  décret  de 
l'empereur  et  de  la  diète  de  Spire,  et  ils  en 
appelèrent  à  un  concile  général.  Ils  avaient 
h  leur  tête  six  jïrinces  de  l'empire,  savoir, 
Jean,  électeur  de  Saxe  ;  Georges,  électeur 
de  Brandebourg,  pour  la  Francoi  ie  ;  Ernest 
et  François,  ducs  de  Lunebourg  ;  Philippe, 
landgrave  de  Hesse,  et  le  prince  d'Anhalt. 
Ils  furent  secondés  par  treize  villes  impé- 
riales. Par  là  on  peut  juger  des  progrès 
qu'avait  faits  le  luthéranisme  douze  ans 
après  sa  naissance.  Mais  c'était  plutôt  l'ou- 
vrage de  la  jiolitique  que  celui  de  la  reli- 
gion ;  cette  ligue  piotestante  était  moins  for- 
mée contre  l'Eglise  catholique  que  contre 
l'autorité  de  l'empereur.  L'on  a  aussi  nom- 
mé protestants  en  France  les  disciples  de 
Calvin,  et  l'usage  s'est  établi  de  comprendi'e 
indifféremment  sous  ce  nom  tous  les  jn-éten  ■ 
dus  réformés,  les  anglicans,  les  luthériens, 
les  calvinistes  et  les  autres  sectes  nées  parmi 
eux.  Nous  avons  parlé  de  chacune  sous  son 
nom  particulier;  mais  au  mot  Réformation 
nous  examinerons  le  protestantisme  en  lui- 
même,  nous  ferons  voir  que  cette  religion 
nouvelle  a  été  l'ouvrage  des  passions  hu- 
maines, et  qu'elle  ne  mérite  à  aucun  égard 
le  nom  de  reforme  que  ses  sectateurs  lui  ont 
donné. 

Lorsqu'on  leur  demande  où  était  leur  re- 
ligion avant  Luther  ou  Calvin,  ils  disent  :  dans 
la  Bible.  Il  fallait  qu'elle  y  fût  bien  cachée, 
puisque  pendant  quinze  cents  ans  personne 
ne  l'y  avait  vue  avant  eux  telle  qu'ils  la  pro- 
fessent. Vous  vous  trompez,  reprennent-ils; 
les  manichéens  ont  vu  comme  nous  dans 
l'Ecriture  sainte  que  c'est  une  idolâtrie  de 
rendre  un  culte  religieux  aux  martyrs  ;  Vi- 
gilance, que  c'est  un  abus  d'honorer  leurs 
reliijues;  Aérius,  que  c'en  est  une  autre  de 
prier  pour  les  morts  ;  Jovinien,  que  le  vœu 
de  virginité  est  une  superstition.  Bérenger 
a  trouvé  aussi  bien  que  nous  dans  l'Evan- 
gile, que  le  dogme  de  la  transsubstantiation 
est  absurde;  les  albigeois,  que  les  prétendus 
sacrements  de  l'Eglise  romaine  sont  de  vai- 
nes cérémonies  ;  les  vaudois  et  d'autres, 
que  les  évoques  ni  1rs  prêtres  n'ont  ni  ca- 
ractère ni  autorité  dans  l'Eglise  de  plus  que 
les  laïques,  etc.  11  est  donc  i)rouvé  que  no- 
tre croyance  a  toujours  été  p;  ofesséo  ou  en 
tout  ou  en  partie,par  auelque  société  de  chré- 


ISUS 


PRO 


PRO 


IfiCG 


tiens,  ec  que  l'on  a  tort  d(i  la  taxer  do  nou- 
veauté. 

Voilà  en  vérité  la  tradition  la  plus  pure  et 
la  plus  respectable  qu'il  y  ait  au  monde  ;  te 
dépôt  en  est  toujours  hors  de  l'E^jHso  et  non 
dans  l'Eglise  ;  elle  a  pour  seuls  |j;arants  des 
sectaires  toujours  frappés  d'anatlième.  Il 
fallait  encore  ajouter  à  cette  liste  honorable 
les  gnostiijues,  les  niarcionites,  les  ariens, 
les  nestoriens,  les  eutychiens,  etc.  Tous  ont 
vu  de  même  dans  l'Ecriture  sainte  leurs  er- 
reurs et  leurs  rêveries  ;  ils  ont  cru,  comme 
les  protestants,  (jue  ce  livre  leur  sullisait 
pour  être  la  règle  de  leur  foi  ;  mais  com- 
ment les  protestants  sont  -  ils  assurés  de 
mieux  voir  que  tous  ces  docteurs,  dans  la 
Bible,  les  articles  de  croyance,  sur  lesquels 
ils  ne  s'accordent  pas  avec  eux?  Citer  do 
jirétendus  lé)noins  de  la  vérité,  et  n'être  ja- 
mais entièrement  de  leur  avis,  adopter  leur 
sentiment  sur  un  point,  et  le  rejeter  sur 
tous  les  autres,  ce  n'est  pas  leur  donner 
beaucou])  de  poids  ni  de  crédit.  Une  croyance 
ainsi  formée  de  pièces  rapportées  et  de 
lambeaux  enqiruntés  des  héréti(]ues  dont 
plusieurs  n'étaient  plus  chrétiens  et  n'ado- 
raienl  jias  Jésus-Christ,  ne  resseudile  guè- 
res  à  la  doctrine  ilo  ce  divin  iMaitro. 

Si  la  Bible  renfermait  toutes  les  erreurs 
que   les   sectaires    do  tous  les    siècles  ont 
prétendu  y  trouver,  ce  serait  le  livre  le  plus 
pernicieux   qu'il  y  eût  dans  le  monde  ;  les 
déistes  n'auraient  pas  tort  de  dire  que  c'est 
une  pomme  de  discorde  destinée  à  mettre 
tous  les  hommes  aux  piiscs  les  uns  avec  les 
autres.  Mais  enfin,  puis(iue  les  protestants 
prétendent  au  privilège  de  renteudre  comme 
il  leur  plaît,  ils  n'ont  aucune  raison  de  dis- 
puter ce  même  droit  aux  autres  sectes  ;  ainsi 
voilà  toutes  les  erreurs  et  toutes  les  héré- 
sies [lossibles  justitiées  par  la  règle  des  pro- 
testants. Mais  nous  voudrions  savoir  pour- 
quoi l'Eglise  catholique  n'a  |ias  aussi  le  droit 
Ue  voir  dans  l'EcritLU'e  sainte  (juc  tous  ceux 
qui  se  séparent  d'elle,  pervertissent  le  sens 
de  ce  livre  divin,  qui  lui  a  été  donné  en  dé- 
pôt par    les   apôtres   ses  fondateurs.   Saint 
Pierre  reprochait  déjà  aux  hérétiques  de  dé- 
jiravcr  le  sens  des  Ecritures  pour  leur  pro- 
pre perte,  £pist.  Il,  cap.  m,  v.   10.   Deux 
cents  ans  après,  TertuUicn  leur   soutenait 
que  l'Ecriture  ne  leur  appartenait  [las,  [luis- 
ijue  ce  n'est  pas  à  eux  ni  pour  eux  qu'elle  a 
été  donnée;  que  c'est  le  titre  de  la  seule  fa- 
mille dos  vrais  lidèles,  auquel  les  étrangers 
n'ont  rien  à  voir,  de  Prœscript.,  c.  37.  C'est 
aux  protestants  de  prouver  ([ue  cette  exclu- 
sion ne  les  regarde  pas.  Si  du  moins  ils  for- 
maient entre  eux  une  seule  et  même  société 
chrétienne ,    le   concert    de   leur    croyance 
pourrait   paraître   im[iosant  ;   mais    l'Eglise 
anglicane ,  l'Eglise  luthérienne  ou   préten- 
due évangélique,  l'Eglise  cahiniste  ou  ré- 
formée,   l'Eglise   socinienne,    ne   sont    pas 
plus   unies  entre   elles   qu'avec  nous.  Les 
calvinistes  ne  haïssent  pas  moins  les  angli- 
cans  qu'ils    ne  détestent   les   catholiques  ; 
quoiqu'ils  aient  tenté  plus  d'une  fois  défaire 
seciété  avec  les  luthériens,   ceux-ci  n'ont 


jamais  voulu  y  consentir;  souvent  ils  ont 
écrit  les  uns  contre  les  autres  avec  autant 
d'animosité  que  contre  l'Eglise  romaine  ; 
certains  docteurs  luthériens  ont  été  maltrai- 
tés à  outrance,  parce  qu'ils  semblaient  [len- 
cher  au  sentiment  des  calvinistes  ;  ni  les 
uns  ni  les  autres  ne  fraternisent  avec  les  so-i 
ciniens. 

Pour  pallier  ce  scandale,  ils  ont  été  ré- 
duits à  dire  que  toutes  les  sectes  qui  s'ao> 
cordent  à  croire  les  articles  princifiaux  ou 
fondamentaux  du  christianisme,  sont  cen- 
sées composer  une  seule  et  même  église 
chrétienne  que  l'on  peut  nommer  catliofii/ue 
ou  universelle.  Mais  quelle  union  forment 
ensemble  des  sociétés  qui  ne  veulent  avoir 
ni  la  même  croyance,  ni  le  même  culte,  ni 
la  même  discipline"?  Ce  n'est  certainement 
pas  là  l'Eglise  que  Jésus-Christ  a  fondée, 
puisqu'il  la  représente  comme  un  seul  royau- 
me, une  seule  famille,  un  seul  troupeau  ras- 
semblé dans  un  même  bercail  et  sous  un 
môme  pasteur.  Voij.  Eumse,  S  2  (1). 

PROTÉ\  ANGILE  DE  SAINT  JACQUES. 
C'est  le  nom  que  porte  un  Evangile  a,'ocry  ■ 
phe  et  rempli  do  fables,  (pie  Guihaume  Pos- 
tel  avait  rapi)orté  de  l'Orient,  et  (|ue  Théo- 
dore Bibliander  lit  imprimer  à  RAlo  l'an 
1do2,  in-8'.  Fabricius  en  a  donné  la  notice. 
Codex  apocryph.  Nov.  Testam.,  pag.  i8  et 
suiv. 

Beausobre,  Hisl.  duManich.,  tuui.  I,  1.  ii, 
c.  2,  §  8  et  suiv.,  fait  voir  que  ce  prétendu 
protévangile  est  la  production  d'un  nommé 
Leucius  ou  Leuce-Curin ,  hérétique  du  ii' 
siècle  et  de  la  secte  des  docètes.  qui  con- 
damnaient le  mariage  et  qui  enseignaient 
que  le  Fils  de  Dieu,  pour  s'incarner,  n'avait 
pris  qu'une  chair  fantastique  et  apparente; 
l'ouvrage  dont  nous  parlons  était  composé 
pour  autoriser  ces  deux  erreurs.  11  était 
nommé  protévangile,  parce  que  l'auteur  y 
raconte  des  événements  qui  ont  précédé  la 
prédication  de  l'Evangile,  savoir  la  naissance 
et  l'éducation  de  la  sainte  Vierge,  et  la  nais- 
sance du  Sauveur  ;  mais  il  ne  mérite  aucune 
croyance. 

L'on  a  aussi  donné  le  nom  de  protévan 
gile  à  la  première  promesse  que  Dieu  a  faite 
de  la  rédemption  future  du  génie  humain, 

(1)  Le  protestantisme  est  arrivé  aujonnl'lnii  à  une 
décomposition  coîiiplile.  Un  tlisi-iple  île  l'cLdle  irilti- 
gcl  divise  les  protestants  d'AUeniai^ne  en  ipiiUrc 
classes  :  1°  Les  vieux  croyants,  ce  sont  les  vieillards 
imbus  de  préjugés ,  (jui  croient  encore  à  la  Trinité  , 
aux.  miracles  et  à  la  satialaction  i>ar  la  mort  de  Jé- 
sus-Clirist.  i"  Les  croyants  éclairés,  (|ui  sont  des 
déistes  et  des  pliilosoplies  de  l'école  de  liant.  Pour 
eux  les  maximes  évangeliques  sont  dignes  de  l'admi- 
ration du  sage.  3"  Les  croyants  modernes,  qui  font  de 
la  religion  une  espèce  de  senlimcntcilité  ,  mais  sans 
fondement  bien  solide;  c'est  le  ihristianisnic  poétisé. 
4°  Le  strausisme,  qui  est  l'incrédulité  eomplete  on, 
pour  nous  servir  d'une  expression  consacrée,  la  non 
croyance  illimitée.  Cette  non  croyance  illimitée  donne 
à  chaque  siccle  d'ajouter  ou  de  retrancher  à  volonté 
aux  dogmes  chrétiens.  —  Cette  courte  exposition  de 
l'elat  du  protestantisme  en  Allemagne  nous  montre 
qu'il  n'y  a  réellemeui  plus  de  cliristianisuie  dans  les 
enfants  des  premiers-nés  de  la  réforme. 


Ifi67 


PRO 


et  qui  est  renfermée  dans  les  paroles  que 
Dieu  prononça  contre  le  serpent  après  la 
chute  d'Adam,  la  race  de  la  femme  t'écrasera 
la  télé  {Gen.,  m,  13).  Par  la  race  de  la  femme 
les  Pères  de  l'Eglise  ont  entendu  Jésus- 
Christ  Fils  de  Dieu,  né  d'uuc  fenune  par  To- 
pératioii  du  Saint-Esprit,  cl  sans  le  concours 
d'aucun  hoiniu;'  ;  conséqucnnnent  idusieurs 
interprètes  ont  dit  que  es  paroles  sont  le 
protévanejile,  c'est-à-dire  la  preudère  nou- 
velle île  la  rédemption.  Cette  croyance  est 
fondée  sur  la  pensée  de  saint  Paul  qui  a  dit, 
Hebr.,  c.  H,  V.  li,  que  le  Fils  de  Dieu  a 
pa  ticipé  à  la  chair  et  au  sang,  afin  de  dé- 
truire par  sa  mort  celui  qui  avait  l'empire 
de  la  mori,  c"est-à-dire  le  démon,  et  sur  ces 
paroles  de  saint  Jean,  Episl.  I,  c.  ni,  v.  8  : 
Dès  le  commencement  le  démon  est  l'auteur  du 
péché,  et  le  Fils  de  Dieu  est  venu  pour  dé- 
truire les  œuvres  du  démon.  Dans  l'Apoca- 
lypse, il  est  dit,  c.  MI,  V.  9,  que  le  grand 
dragon,  l'ancien  serpent  qui  est  le  démon  et 
Satan,  a  été  précipité  sur  la  terre,  etc.  Con- 
séquemment  les  Pères  ont  conclu  que  la  ré- 
demption du  monde  est  aussi  ancienne  que 
le  péché  d'Adam,  et  ([u'il  n'y  a  eu  aucun  in- 
tervalle entre  le  péché  et  le  pardon.  Voy. 
Kédemption. 

PROTHfîSE,  mot  grec  qui  signifie  prépa- 
ration. Les  Grecs  appellent  autel  de  Prothèse 
un  petit  autil  sur  lequel  ils  préparent  tout 
ce  qui  est  nécessaire  pour  le  saint  sacrifice, 
le  |)ain,  le  vin,  les  vases,  etc.  ;  ensuite  ils 
portent  le  tout  on  procession  et  avec  beau- 
coup de  respect,  sur  l'autel  piincipal  sur  le- 
quel on  doit  célébrer.  Ce  resjiect  avec  lequel 
les  (jrecs  pr.'par.nt  et  portent  le  pain  et  le 
vin  destinés  au  sacrifice,  a  paru  excessif  h 
quelques  théologiei.s  latins  ;  ils  en  ont  fait 
un  reproche  aux  Grecs,  connue  si  ces  der- 
niers rendaient  un  culte  religieux  aux  sym- 
boles euchaiistiques  avant  la  consécration  ; 
mais  les  Grecs  n'ont  pas  eu  de  peine  à  jus- 
tilier  leur  pratique.  Elle  i)rouve  qu'ils  ont  la 
même  croyance  que  nous,  touchant  le  sacre- 
ment de  feucharisliiî  et  le  sacrifice  de  la 
messe;  s'ils  pensaient  comme  les  protes- 
tants, ils  n'auraient  aucun  respect  pour  ces 
symboles. 

PROTOCANONIQUES.  Ou  nomme  ainsi 
les  livres  de  l'Ecriture  sainte  qui  ont  été  r,'- 
connus  de  tout  temps  pour  canoniques,  soit 
par  les  Juifs  ]iOur  l'Ancien  Testament,  soit 
par  l'Eglise  chrétienne  pour  le  Nouveau,  et 
sur  la  canonicilé  desquels  il  n'y  a  jamais  eu 
de  doute  ni  de  contestation  ;  et  l'on  ap- 
pelle deutérocanoniques  ceux  desquels  on  a 
douté  pendant  quelque  temps.  Voy.  Canon  et 
Deutérocanomqije. 

PROTOCTISTES.  Hérétiques  nrigénistes 
ciui  soutenaient  que  les  âmes  avaient  été 
créées  avant  le  corps;  c'est  ce  c[ue  leur  nom 
signifie.  Vers  le  mdieu  du  vj°  siècle,  après 
la  mort  du  moine  Nonnus,  chef  des  origé- 
nistes,  ils  se  divisèrent  en  deux  branches, 
l'une  des  protoctistes  dont  nous  parlons, 
l'autre  des  isochristes  dont  nous  avons  fait 
mention  sous  leur  nom.  Les  premiers  fu- 
rent aussi  nommés  tétradites,  et  ils  eurent 


PRO  1666 

pour  chef  un  nommé  Isidore.  Voy.  Oniai'- 

NISTES. 

PROTO:\IARTYR  ,  premier  témoin  ,  titre 
donné  à  saint  Etienne,  parce  qu'il  est  le  pre- 
mier qui  ait  soutferl  la  murt  pour  Jésus- 
Christ  et  pour  l'Evangile.  Quelques  auteurs 
ont  aussi  donné  ce  nom  à  Ab(d,  mais  impro- 
prement; ijuoique  ce  fils  d'Adam  soit  mort 
innocent,  l'Ecriture  ne  dit  point  qu'il  a 
soulfert  pour  la  défense  de  la  religion. 

PKOTOPASCHITES.  Dans  Vllistoire  ecclé- 
siastique ,  ceux  qui  célébraient  la  pAque 
avec  les  juifs,  et  qui  usaient  comme  eux  de 
pain  sans  levain,  sont  appelés  protopaschi- 
Ics,  parce  qu'ils  faisaient  cette  fôte  le  qua- 
torzième jour  de  la  lune  de  mars,  par  con- 
séquent avant  'les  orthodoxes,  qui  ne  la 
faisaient  que  le  dimanche  suivant.  Les  pre- 
miers furent  aussi  nommés  sabbathiens  ou 
quartodécimans.  Voy.  ce  mot. 

PROTOPLASTE,  premier  formé;  c'est  un 
surnom  d'Adam. 

PROTOSYNCELLE.   Voy.  Syncelle. 

PKOTOTHRONE.  On  appelait  ainsi  dans 
l'Eglise  grecque  le  premier  évèque  d'une 
province  ecclésiastique,  ou  celui  qui  tenait 
la  première  place  après  le  patriarche  ou 
après  le  métropolitain.  Ces  sortes  de  dis- 
tinctions n'avaient  pas  été  introduites  par 
ambition  ni  par  orgueil,  mais  pour  établir 
un  ordre  constant  dans  la  discipline,  et  afin 
que  l'on  pût  savoir,  dans  le  cas  de  la  va- 
cance du  siège  patriarcal  ou  métropolitain, 
auquel  des  évoques  la  juridiction  était  dévo- 
lue. 

PROVERBE.  Dans  l'Ecriture  sainte  ce 
mot  signifie,  i°  une  sentence  commune  et 
populaire,  et  môme  une  chanson;  Num.,  c. 
XXI,  V.  27  :  Dicetur  in  proverbio,  renite  in 
Hesebon,  etc.  2°  Une  raillerie,  une  déri- 
sion ;  Dcut.  ,  c.  xxviii,  V.  27  :  Erit  Israël 
in  provcrbium,  Israël  sera  le  jouet  de  tous 
les  peuples.  3°  Une  énigme,  une  sentence 
obscure  ;  il  est  dit  du  sage,  Eccii.,  c  xxix, 
V.  3  :  Occulta  provei'biorum  exquiret,  il  re- 
cherchera le  sens  caché  des  bonnes  maximes. 
Une  parabole,  un  discours  figuré  ;  Joan.,  c.  x, 
V.  0  :  Hoc  proverbiuia  dixit  eis  Jésus. 

PROVERBES  (livre  des).  C'est  un  des  li- 
vres de  l'Ancien  Testament;  il  est  ainsi 
nommé,  parce  que  c'est  un  recueil  de  sen- 
tences morales  et  de  maximes  de  conduite 
pour  tous  les  états  de  la  vie,  que  l'on  attri- 
bue à  Salomon.  En  effet,  son  nom  parait  à 
la  tète  de  l'ouvrage ,  il  est  encore  répété 
dans  le  corps  du  livre,  c.  x,  v.  1,  et  c.  xxv, 
v.  1.  Dans  le  IIP  livre  des  Rois,  il  est  dit  cpie 
ce  prince  avait  composé  trois  mille  parabo- 
les, c.  IV,  V.  32.  Les  anciens  Pè.-es  ont  ap- 
pelé ce  recueil  Panarète,  c'est-à-dire  trésor 
de  toutes  les  vertus.  Les  docteurs  juifs,  aussi 
bien  que  l'Eglise  chrétienne,  en  ont  toujours 
fait  honneur  à  Salomon,  et  l'ont  toujours 
mis  au  rang  des  livres  saints. 

Cependant  quelques  critiques  hardis,  à  la 
tète  desquels  est  Grotius,  ont  douté  si  Salo- 
mon en  est  l'auteur.  Us  ne  nient  [loint  que 
ce  prince  n'ait  fait  fairr'  un  r'ecueil  des  maxi- 
mes de  morale  des  écrivains  de  sa  nation; 


im 


?no 


PRO 


1670 


niais  ils  préteudont  quo  sous  Ezi'chias,  Elia- 
cjni,  Sohna  et  Joaké  y  ajoutèrent  co  qui 
avait  été  écrit  île  meilleur  (le|)uis  Salomon  ; 
qu'ainsi  cotte  compilation  est  |>ai'lie  de 
(lifférentes  mains.  Grotius  en  donne  pour 
jueuve  la  dillerence  de  style  qu'il  a  cru 
y  remarquer.  Les  neuf  premiers  cliajii- 
ircs,  dit-d,  sont  écrits  en  forme  do  discours 
suivis  ;  mais  au  chap.  x  jusqu'au  cliap.  xxii, 
V.  16,  le  style  est  coupé,  senleutieux,  rempli 
d'antithèses.  Au  v.  17  et  suivants,  il  res- 
semble davantai';e  au  commencement  du  li- 
vre ;  mais  au  ch.  xxiv,  v.  23,  il  redevient 
court  et  sans  liaison;  c.  xxv ,  on  lit  ces 
mots  :  Voici  les  paroles  recueillies  par  les 
gens  d'Iizechias,  roi  (le  Juda:  cli.  xxx  :  Dis- 
cours d'Afjitr,  (ils  de  Jou/cé :  enlin  le  c.  xxxi 
a  pour  tilre  :  Discours  du  roi  Lamuel.  Mais 
des  conjectures  aussi  faibles  \w  peuvent  pas 
prévaloir  sur  la  tradition  constante  qui  a 
toujours  attribué  ce  livre  à  Salomon.  La  dif- 
férence de  style  prouve  seuleuient  (]ue  ce 
livre  n'a  pas  été  composé  de  suite,  mais  par 
morceaux  détachés,  comme  sc^  font  ordinai- 
rement les  recueils.  Si  la  variété  du  style 
prouvait  iiuehjue  chose,  il  faudrait  soutenir 
que  les  Proverbes,  l'Ecclésiaste  et  le  Canti- 
qn(!  ne  jieuvent  être  de  la  môme  main, 
puisque  le  style  de  ces  trois  ouvrages  est 
fort  différent.  Le  chapitre  xxv,  v.  1,  porte  : 
Voici  les  paraboles  de  Salomon,  recueillies 
par  les  gens  d'Ezéchias,  roi  de  Juda  ;  mais 
les  recueillir,  ce  n'est  pas  en  être  l'auleur. 
11  n'est  pas  sûr  que,  c.  xxx,  v.  1,  Aç/ur  et 
Joaké  soit  deux  noms  d'hominos  ;  la  Vulgate 
les  prend  poiu'  deux  noms  appellalifs,  dont 
l'un  signilie  celui  qui  amasse,  l'autre  celui 
qui  rend,  ou  qui  vomit.  Enlin.  puisque  l'his- 
toire ne  fit  mention  d'aucun  roi  nommé 
Lamuel,  ce  peut  être  un  surnom  ou  une 
éjiithète  donnée  à  Salomon. 

Parmi  les  anciens  ,  Théodore  do  Mop- 
sueste,  parmi  les  modernes  l'auteur  des  Sen- 
timents de  quelques  théologiens  de  Hollande, 
sont  les  seuls  qui  aient  révoqué  en  doute 
l'inspiration  de  ce  livre,  et  qui  aient  pré- 
tendu qu'il  a  été  composé  par  une  indus- 
trie purement  humaine. 

Les  anciennes  versions,  la  grecque  et  la 
latine  contiennent  quelques  additions  et 
quelques  transpositions  qui  ne  sont  point 
dans  riiébreu,  mais  saint  Jérôme  a  rendu  la 
Vulgate  plus  exacte  qu'elle  n'était  aupara- 
vant. Voi/.  Bible  d'Avignon,  t.  VUI,  p.  1. 

PKOViDENCE,  attention  et  volonté  do 
Dieu  de  conserver  l'ordre  physique  et  moral 
qu'il  a  étaljli  dans  le  monde  en  le  créant. 
Si  Dieu  ne  prenait  aucun  soin  des  choses 
de  ce  monde,  surtout  des  créatm-es  intelli- 
gentes, il  serait  nul  [tour  nous,  et  il  nous 
serait  fort  indifférent  de  savoir  s'il  existe  ou 
n'existe  pas.  La  bonté,  la  sagesse,  la  justice, 
la  sainteté  que  nous  lui  attribuons  seraient 
des  mots  vides  do  sens,  la  morale  w.  serait 
qu'une  vaine  s|iéculation,  et  la  religion  se- 
rait une  absurdité.  C'est  ce  que  l'on  a  dit 
autrefois  aux  épicuriens,  qui  admettaient 
des  dieux  sans  vouloir  leur  attribuer  une 
providence-  on  a  soutenu  avec  raison  qu'E- 


picure  admettait  la  Divinité  en  apparence, 
et  ([u'il  la  détruisait  en  elfct. 

Aussi  la  preudêre  leçon  que  Dieu  a  don- 
née à  l'homme  en  le  mettant  au  monde,  a 
été  de  lui  apitrendre  (juo  son  créateur  ('(ait 
aussi  son  maître,  son  père,  son  législalour 
et  son  bienfaiteur  ;  Dieu  ne  s'est  pas  seule- 
ment fait  connaîtr.i  à  lui  comme  un  être 
d'une  nature  supérieure,  mais  comme  l'au- 
teur et  le  conservateur  de  toutes  choses, 
comme  le  rémunérateur  de  la  vertu  et  le 
vengeur  du  crime.  C'est  par  là  que  Moïse 
commence  son  histoire,  et  cette  histoire 
sainte  n'est  autn;  ([ue  l'histoire  de  la  Provi- 
dence. Suivant  le  tableau  (pi'elle  lait  de  la 
création.  Dieu,  en  tirant  du  néant  le  monde, 
n'a  point  agi  avec  l'impétuosiié  aveu:j,le 
d'une  cause  nécessaire,  mais  avec  l'inteili- 
gence  d'un  être  libre,  avec  n'Oexion,  avec 
prévoyance,  avec  attention  h  la  perpétuité 
de  son  ouvrage  et  au  bien-être  de  ses  créa- 
tures. Il  a  dit,  et  tout  a  été  fait,  mais  il  a  vu 
aussi  que  tout  était  bien.  Après  avoir  formé 
deux  créatures  humaines,  il  leur  ordonne 
de  se  multiplier,  de  peupler  la  terre,  de  la 
soumettre  à  leur  empire;  il  les  bénit,  afin 
qu'elles  i;ros|ièrent.  Bientôt  il  leur  donne 
une  loi,  et  d  les  punit  pour  l'avoir  violée. 
Il  en  agit  de  môme  à  l'égard  de  leurs  en- 
fants ;  il  se  conduit  envers  les  jiremiers 
hommes  comme  un  père  dans  sa  famille  : 
après  avoir  exercé  pour  eux  sa  sagesse  et 
sa  bouté,  il  fait  éclater  sa  justice  en  punis- 
sant le  crime  ;  et  de  siècle  en  siècle  ses  le- 
Ç(ms  deviennent  plus  fra|)pantes.  Les  éga- 
rements dans  lesquels  les  liouuues  ne  tar- 
dèrent pas  de  tomber,  ne  nous  font  que 
trop  Siuitir  combien  elles  étaient  nécessai- 
res; mais  il  est  bon  de  remarquer  la  sagesse 
avec  laquelle  la  divine  Providence  les  a  di- 
rigées. 

Les  événements  arrivés  dans  l'enfance  du 
monde,  que  nous  appelons  l'état  de  nature, 
tendaient  principalement  à  convaincre  les 
hommes  de  l'attention  que  Dieu  donne  à 
l'ordre  physique  de  l'univers;  tels  furent 
le  déluge  universel,  la  confusion  des  lan- 
gues et  la  dispersion  despeu|)les,  l'embrase- 
ment de  Sodome,  les  sept  années  de  famine 
en  Egpte,  etc.  Dieu  savait  (pie  les  hommes 
aveugles  allaient  bientôt  attribuer  à  d'autres 
qu'à  lui  le  gouvernem.nt  de  la  nature,  en 
supposant  que  les  astres,  les  éléments,  les 
phénomènes  du  ciel,  les  productions  de  la 
terre,  étaient  dirigés  [lar  des  génies,  des 
démons  ou  de  prétendus  dieux  inférieurs 
et  secondaires;  que  tede  serait  l'origine  du 
polythéisme  et  de  l'idolàlrie.  11  était  donc 
nécessaire  que  Dieu  frappât  de  grauds  cou)is 
sur  la  nature  pour  appreiiih-e  aux  hommes 
qu'il  en  est  le  seul  maître,  et  qu'il  la  conduit 
seul  par  sa  providence.  Les  instructions 
qu'il  donna  aux  Hébreux  par  Mo  ,h\  les  pro- 
diges qu'il  opéra  en  leur  faveur,  curent 
pour  objet  princi[ial  de  fiiire  voir  non-seule- 
ment à  eux,  mais  à  tous  leurs  voisins,  qu'il 
est  l'arbitre  souverain  du  sort  de  toutes  les 
nations  ;  que  c'est  lui  seul  qui  leur  accorde 
la  prospérité  ou  leur  envoie  des  malheurs, 


1G71 


PRO 


PRO 


1C72 


qui  les  établit  dans  une  contrée  ou  les  trans- 
plaule  ailleurs,  qui  leur  donne  la  paix  ou 
la  guerre,  etc.  Alors  s'introduisait  chez  les 
différents  peuples  le  culte  des  dieux  tutélai- 
res  et  nationaux,  et  le  culte  des  héros;  cha- 
que peuple  voulait  avoir  le  sien  et  en  être 
seul  protégé.  C'était  tout  à  la  fois  un  elïet 
des  ]iréventions  et  des  haines  nationales,  et 
une  cause  propre  à  les  perpétuer.  Dieu  vou- 
lait les  faire  cesser,  et  cela  serait  arrivé  si 
les  hommes  avaient  été  moins  aveugles  et 
moins  obstinés  dans  leur  erreur;  en  adorant 
tous  un  seul  Dieu,  ils  auraient  été  mieux 
disposés  à  fraterniser.  Au  mot  Jldaisme, 
nous  avons  fait  voir  qu'il  n'est  pas  vrai  que 
les  Juifs  aient  pensé  sur  ce  sujet  comme  les 
autres  peuples,  qu'ils  aient  regardé  le  Créa- 
teur du  ciel  et  de  la  terre  comme  un  Dieu 
local  et  particulier.  Quant  aux  leçons  de 
Jésus-Christ  dans  l'Evangile,  elles  ont  un 
objet  encore  jilus  sublime,  c'est  de  nous  ap- 
prendre que  cette  même  Providence  divine 
conduit  seule  et  comme  il  lui  plaît  l'ordre 
surnaturel;  que  de|)uis  le  commencement 
du  monde  elle  a  eu  pour  objet  le  salut  du 
genre  humain;  que  tel  a  été  dans  tous  les 
siècles  le  but  de  sa  conduite;  mais  qu'elle 
exécute  ce  grand  dessein  par  des  moyens 
impénétrables  à  nos  faibles  lumières,  qu'elle 
éclaire  telle  nation  par  le  flambeau  de  la  foi, 
pendant  qu'elle  en  laisse  telle  autre  dans  les 
ténèbres  de  l'infidélité;  sans  c{ue  celle-ci  ait 
droit  de  se  plaindre,  ni  l'autre  de  s'enor- 
gueillir ;  qu'à  chaque  particulier  même  Dieu 
accorde  telle  mesure  de  grâce  et  de  dons 
surnaturels  qu'il  le  juge  à  propos,  sans  que 
personne  ait  droit  de  lui  demander  raison 
de  sa  conduite. 

Ainsi  nous  pouvons  dire  que  dans  tous  les 
siècles  la  providence  de  Dieu  s'est  rendu  té- 
moignage à  elle-même,  parles  leçons  qu'elle 
a  faites  aux  hommes  et  par  la  manière  dont 
elle  les  a  gouvernés,  leçons  et  gouvernement 
toujours  analogues  aux  besoins  de  l'huma- 
nité, qui  ne  peuvent  être  par  conséquent 
l'ouvrage  du  hasard,  mais  le  plan  d'une  sa- 
gesse inlinie.  Les  incrédules  ne  peuvent  l'at- 
taquer qu'en  objectant  qu'il  n'a  pas  réussi  ; 
mais  il  n'a  tenu  qu'aux  hommes  de  le  faire 
réussir,  et  il  ne  tient  encore  qu'aux  incré- 
dules de  contribuer  au  succès,  en  ouvrant 
les  yeux  à  la  lumière,  en  prêchant  la  reli- 
gion et  la  vertu,  au  lieu  de  professer  l'im- 
piélé.  Ils  ne  foiit  aujourd'hui  que  répéter  les 
sophismes  des  anciens  philosophes  contre 
la  Providence,  et  retomber  dans  les  mômes 
préjugés.  En  efl'et,  pourquoi  un  si  grand 
nombre  de  raisonneurs  ont-ils  méconnu 
cette  grande  vérité?  Nous  le  voyons  [lar 
leurs  écrits.  Les  uns  pensaient  (|u'il  était  im- 
possible qu'une  seule  intelligence  pi'it  voir 
toutes  choses  dans  le  dernier  détail  et  y 
donner  s  n  attention  ;  les  autres  jugeaient 
que  ces  soins  minutieux  seraient  indignes 
de  la  majesté  divine,  dégraderaient  sa  sa- 
gesse et  sa  Jouissance;  d'autres  prétendaient 
qu'une  telle  administration  trouble  ait  son 
repos  et  son  bonheur.  Une  preuve,  disaient 
la  plupart,  que  ce  n'est  point  un  Dieu  sou- 


verainement puissant  et  sage  qui  a  fait  le 
monde,  c'est  qu'à  plusieurs  égards  il  y  a  do 
grands  défauts  dans  cet  ouvrage;  et  une 
preuve  que  ce  n'est  pas  lui  qui  le  gouverne, 
c'est  qu'il  y  arrive  contiiuiHlement  du  <lé- 
sordre  ;  en  est-il  un  plus  grand  que  d'y  lais- 
ser la  vertu  sans  récompense  et  le  vice  sans 
châtiment?  Déjà,  quatre  mille  ans  avant  nous, 
les  amis  de  Job  raisonnaient  ainsi,  et  ce 
saint  homme  soutenait  contre  eux  la  cause 
de  la  Providence. 

Conséquemment,  parmi  les  philosophes 
])aïens,  les  uns,  comme  les  épicuriens,  sou- 
tinrent que  dans  le  monde  tout  est  l'effet 
du  hasard;  que  les  dieux,  endormis  dans 
un  profond  repos,  ne  s'en  mêlaient  en  au- 
cune manière.  Les  autres,  surtout  les  stoï 
ciens,  imaginèrent  que  tout  était  décidé  par 
la  loi  du  destin,  loi  à  laqui'lle  la  Divinité 
même  était  soumise.  D'autres  enfin,  dociles 
aux  leçons  de  Platon,  imaguièrcnt  que  le 
monde  avait  été  fait  et  qu  il  était  gouverné 
par  des  esprits,  génies,  dénions  ou  intelli- 
gences inférieures  à  Dieu;  que  ces  ouvriers 
impuissants  et  malhabiles  n'avaient  pas  su 
corriger  les  imperfections  de  la  matière,  et 
ne  pouvaient  pas  empêcher  les  désordres  de 
ce  monde. 

Aucun  de  ces  systèmes  n'était  ni  hono- 
rable à  la  Divinité,  ni  consolant  pour  les 
hommes;  voilà  cependant  tout  ce  que  la  rai- 
son humaine,  cultivée  par  cinij  cents  ans  de 
spéculations  philosophiques,  avait  trouvé 
de  mieux.  Il  est  clair  que  ce  chaos  d'erreurs 
était  fondé  sur  quatre  notions  fausses  :  la 
première,  touchant  la  création,  que  les  phi- 
losojjhes  ne  voulaient  pas  admettre;  la  se- 
conde, touchant  le  bien  et  le  »««/,  qu'ils  pre- 
naient pour  des  termes  absolus,  pendant 
que  ce  sont  seulement  des  termes  de  com- 
paraison; la  troisième,  à  l'égard  de  la  puis- 
sance infinie,  (ju'ils  comparaient  à  la  puis- 
sance bornée  des  hommes;  la  quatrième  en- 
fin, concernant  la  justice  divine,  qu'ils  sup- 
posaient faussement  devoir  s'exercer  en  ce 
monde.  11  est  de  notre  devoir  de  le  démon- 
trer. 1°  Si  les  philosophes  avaient  compris 
que  Dieu  a  le  pouvoir  créateur,  qu'il  opère 
par  le  seul  vouloir,  qu'à  sa  seule  |)arole,  au 
seul  acte  de  sa  volonté,  tout  a  été  fait,  ils 
auraient  conçu  de  même  que  le  gouverne- 
ment de  l'univers  ne  peut  pas  coûter  davan- 
tage à  Dieu,  ni  plus  dégrader  sa  majesté  sou- 
veraine, que  la  création.  Ici  les  philosophes 
comparaient  déjà  l'intelligence  et  la  puis- 
sance divine  à  l'intelligence  et  à  la  puissance 
humaine;  et  parce  qu'un  roi  serait  fat  gué 
et  dégradé  s'il  entrait  dans  les  plus  minces 
détails  du  gouvernement  de  son  empire,  ils 
en  concluaient  qu'il  en  serait  de  même  de 
Dieu.  Conséquence  ridicule  et  fausse.  C'est 
donc  l'idée  du  pouvoir  créateur  qui  a  élevé 
l'esprit  et  l'imagination  des  écrivains  sacrés, 
et  qui  leur  a  inspiré,  en  parlant  de  la  puis- 
sance de  Dieu,  des  expressions  si  supérieu- 
res à  toutes  les  conceptions  philosophiques. 
Dieu,  selon  leur  style,  n'a  fait  cju'apiieler  du 
néant  les  êtres,  et  ils  se  sont  présentés;  il 
tient  les  eaux  des  mers  et  il  pèse  le  globo 


I 


1675 


PRO 


PRO 


4674 


dans  le  creux  de  sa  main;   les  cieux  sont 
l'ouvrage  de  ses  doigts,  c'est  lui  qui   dirige 
les    astres    dans  leur  couiso  majestueuse; 
d'un  mot  il   peut  abîmer  le   ciel  et  la  terre, 
les  l'aire  rentrer  dans    le    iK'-ant,   etc.  Il   lui 
sufllt  lie  connaître   sa  puissance,  jjour  voir 
non-seulement  tout  ce  (jui  est,  mais  tout  ce 
qui  peut  être.  —  2'  Sous  les  mots  Uien  et 
Mal,  nous  avons  fait  voir  qu'il  n'y  a  dans 
le  monde  ni  bien  ni  mal  absolu,  mais  seule- 
ment par  comparaison;  que  quand  on  soutient 
qu'il    y  a  du    mal,   cela   signitie  seulement 
qu'il  y  a  moins  de  bien  qu'il  ne  pourrait  y 
en    avoir.   Nous  avons  observé    qu'il    n'est 
aucune  créature  à  laquelle  Dieu  n'ait  fait  du 
bien,  quoitpi'il  eût   pu   lui  en   faire  davan- 
tage, et  quoiqu'il  lui  en  ait  fait  moins  ([u'à 
d'autres.  Or  c'est   une  absurdité  de  préten- 
dre que   tout    est   mal,  parce  que   tout  est 
moins   bien  qu'il  ne  pourrait  ôtre  ;  c'en  est 
une  autre  do  supposer  qu'un  être  créé,   par 
conséquent  essentiellement  borné,  peut  être 
absolument    bien    et    sans    défauts    à    tous 
égards  ;   il  serait  comme  Dieu  la  perfection 
intinie.  —  3°  L'on  se  fait  une  fausse  notion 
de    l'infini,   quand   on   suppose   que  Dieu, 

fiarce  qu'il  est  tout-puissant,   doit  faire  tout 
e  bien  qu'il  [)eut;  cela  est  impossible,  puis- 
qu'il en  peut  faire  à   l'intini.  Cette  supposi- 
tion  renferme    une   contradiction,  puisque 
c'en  est  une  de  vouloir  que  Dieu  tout-i)uis- 
sant  ne  puisse  pas  faire  mieux.  Ici  revient 
encore  la  comparaison  fausse   entre  la  i)uis- 
sance  de    Dieu    et  la  puissance  humaine  ; 
l'homme  doit  faire  tout  te  bien,  ou  le  mieux 
qu'il  peut,  parce  que  son  pouvoir  est  borné; 
il  n'en  est   pas  de    même  à  l'égard  de  Dieu, 
parce  que  son   pouvoir  est  inlini.  — k"  Les 
philosophes  ne  raisonnaient  pas  mieux  lors- 
qu'ils étaient  scandalisés  de  ce  que  Dieu  ne 
punit  pas  toujours  les  crimes  en  ce  monde  ; 
une  conduite  contraire  serait  trop  rigoureuse 
à  l'égard   d'un  être   aussi  faible  et  aussi  in- 
constant que    l'homme,   elle  lui  ôterait   le 
temps   et  les  moyens   de   faire   pénitence. 
Quelquefois  ce  qui  paraît  un  crime  aux  yeux 
des  hommes  est   une  action  louable   ou  in- 
nocente ;    bien  plus,    souvent  ce  qui   leur 
semble  être  un  acte  de  vertu  vient  d'une  in- 
tention criminelle  ;  \a  Providence  serait  donc 
injuste,  si  elle  se  conformait   au  jugement 
des  hommes.  D'autre  part,  les  récom[)enses 
de  ce  monde  ne   sont  pas  un  prix  sulïisant 
pour  une  Ame  vertueuse,   immortelle  de  sa 
nature  ;  il  faut  que    la  vertu   soit  éjirouvée 
sur  la  terre  pour"  mériter  un  bonheur  étei- 
nel.  Si  les  philosophes  païens  en  avaient  eu 
connaissance,  ils  auraient  raisonné  tout  diffé- 
remment ;  leurs  reproches  contre  la  Provi- 
dence n'étaient  fondés   que  sur  leur  igno- 
rance. Ce  sont  néanmoins  ces   notions  faus- 
ses qui   ont  le   plus   indisposé   les   païens 
contre  le  christianisme,  qui  ont  fait  éclore 
les  premières  hérésies,  qui  servent  encore 
aujourd'hui  de  fondement  aux  divers  systè- 
mes d'incrédulité.  «  Les  chrétiens,  dit  Céci- 
lius  dans  Minulius  Félix,    prétendent   que 
leur  Dieu,  curieux,  inquiet,  ombrageux,  iiu- 
prudent,  se    trouve  partout,  sait  tout,  voit 

DiCTIONN.     DR  ThKOL.  DOGMATiyL'E.  III. 


tout,  même  les  plus  secrètes  pensées  des 
hommes;    se  mêle  de  tout,    même  de  leurs 
crimes;  comme  si  son  attention  pouvait  suf- 
fire, et  au  gouvernement  général  du  monde, 
et  aux    soins  nniuUieux  do  chaque  particu- 
lier. Folle  prétention.  La  nature  suit  sa  mar- 
che éternelle,    sans  (ju'un    Dieu  s'en  luèle; 
les  Idens  et  les  maux  tombent  au  hasaril  sur 
les  bons  et  sur  les   méchants  ;    les  hounues 
religieux  sont   souvent    [dus  m.iKraités  par 
la  fortune  que  les  imjjîes;  si  le  monde   était 
gouverné   par    une  sage    Providence ,    les 
choses  sans  doute  irai(mt  tout  aulreuient.  » 
Voih'i  ce  que  les  athées  et  les  matérialistes 
disent  encore  tous  les  jours.  Celse  et  Julien 
étaient   indignés    de  ce    que    les    Juifs   se 
croyaient  plus  chéris  et  plus  favorisés  de 
Dieu  (jue  les  autres  nations,  de  ce  (jue  les 
chrétiens  à  leur  tour  se  flattaient  d'être  plus 
éclairés  que  les  païens.  Ils  comparaient  l'é- 
tat obscur,  abject,  malheureux,  dans  lequel 
les  Juifs  avaient  toujours  vécu,  à  la  prospé- 
rilé,  aux    victoires,    à  la  célébrité  dont  les 
Grecs  et  les  Romains  pouvaient  se  glorilier; 
ils  regardaient  tout  cet  éclat  extérieur  comme 
la  preuve    d'une  ])rédiloction  i)articulière  do 
la  Providence,  et  comme  une  récomjiense  du 
culte  que  ces  peuples  avaient   rendu   nux 
dieux.  A  présent  les  déistes  souiiennont  que 
la  prédilection  de   Dieu  envers    les  juifs,  si 
elle  était  vraie,  serait  un  trait  de  partialité, 
d'injustice,  de  malignité,  qu'ainsi   les  écri- 
vains sacrés,    qui  la  supposent,  nous    don- 
nent une  fausse  idée  de  la  Divinité  et  de  sa 
providence.  —  Les  marcioniles   et  les  mani- 
chéens argumentaient  à  peu  près  de  même; 
la  différence  qu'ils  trouvaient  entre  la  liji  de 
Moise  et  celle  do  l'Evangile,  entre  la  con- 
duite de  Dieu  envers  les  [iremiers  hommes, 
et  celle  qu'il  a  tenue  dans  la  suit  ■,  K  ur  pa- 
raissait prouver  ijue  ces  deux  plans  de  pro- 
vidence  ne  pouvaient  pas    êtie    du   même 
Dieu;  que  l'auteur   de   l'ancienne  loi  était 
plutôt  un  être  méchant  qu'un  génie  ami  des 
hommes.  Ils  ne  voyaient  {)as  que  le  genre 
humain,  dans  son  enfance,  ne  pouvait  et  ne 
devait  pas  être  conduit  de  la  môme  manière 
que  dans  son  ;ige  mûr.  La  plupart  des  ob- 
jections   des   manichéens    contre    l'Ancien 
Testament  ont  été  renouvelées  de  nos  jours 
par  les  déistes;  ils  ont  poussé  l'aveuglement 
jusqu'à  objecter  contre  la  Profif/cHce  les  faits 
mêmes  qui  la  prouvent,  qui  en  démontrent 
la  sagesse  et  la  bonté. 

La  plupai  t  des  sectes  des  gnostiques  ne 
purent  se  persuader  que  Dieu  eût  voulu  s'a- 
baisser jusipi'ii  s'incarner  dans  le  sein  d'une 
femme,  épiouver  les  misères  et  les  faibles- 
ses de  l'humanité,  soullrir  et  mourir  sur  une 
croix;  ainsi  les  elTusions  de  la  bonté  de  Dieu 
et  les  rigueurs  de  sa  justice,  les  bienfaits  et 
les  châtiments,  ont  servi  tour  h  tour  aux, 
hommes  insensés  et  indociles,  de  prétexte 
pour  blasiihémer  contre  la  Providence.  Leur 
maide  a  toujours  été  dédire  :  Si  j'étais  Dieu, 
j'ayirais  tout  autrement;  Dieu  pouvait  leur 
lépondre;  Et  moi  aussi  j'agirais  différemment 
si  j'étais  homme.  En  examuianl  de  près  i'es- 
nrit  qui  a  dicté  d'un  côté  le  iirédesliuatianis 

53 


1575 


PRL 


PSA 


1676 


me ,  de  l'autre  le  pélagianisme,  nous  verrions 
qu'il  a  été  relatif  au  caractère  personnel  des 
acteurs  :  les  uns  ont  attribué  à  Dieu  le  des- 
potisme des  mauvais  princes,  les  autres  la 
conduite  indulgente  et  douce  des  bons  rois  : 
il  fallait  s'en  tenir  à  ce  que  Dieu  lui-même 
a  daigné  nous  révéler  dans  l'Ecriluie  sainte 
touchant  la  conduite  adorable  de  sa  pro- 
vidence,  toujours  juste  sans  cesser  d'être 
bonne  et  bienfaisante,  et  toujours  bmne 
sans  déroger  à  sa  justice.  Yoy.  Bonté,  Jus- 
tice, etc. 

Un  des  ouvrages  modernes  les  plus  pro- 
pres à  nous  faire  admirer  la  Providenre 
divine  dans  l'ordre  physique  du  monde  est 
inlitulé: Etudes  de  lanature,  et  les  objets  sur 
lesquels  l'auteur  présente  ses  réflexions , 
sont  les  plus  dignes  d'occuper  les  médita- 
tions d'un  philosophe;  mais  un  théologien 
doit  princijialeraent  étudier  la  conduite  de 
cette  même  Providence  dans  l'ordre  moral, 
surtout  dans  l'ordre  surnaturel,  tel  gue  la 
révélation  nous  le  fait  connaître  :  à  l'aide  du 
flambeau  de  la  foi,  nous  voyons  que  cette 
Providence  divine  est  encore  plus  admira- 
ble dans  le  gouvernement  des  esprits  tjue 
dans  la  conduite  des  corps,  dans  l'effusion 
des  dons  de  la  gcAce  que  dans  la  distribu- 
tion des  bienfaits  de  la  nature. 

PRUDENCE  ,  l'une  des  vertus  que  les  mo- 
ralistes nomment  cordmo/e ,  et  qui-,  suivant 
l'Ecriture  sainte,  est  un  don  de  Dieu.  Sous 
le  nom  Ae prudence,  les  anciens  philosophes 
entendaient  principalement  l'habileté  de 
l'homme  à  connaître  ses  véritables  intérê:s 

fiour  ce  monde  ,  à  prévoir  les  dangers  pour 
'avenir,  à  éviter  tout  ce  qui  peut  lui  causer 
du  dommage  ;  l'Evangile  ,  au  contraire  ,  en- 
tend par  la  prudence  l'attention  de  prévoir  et 
de  prévenir  tout  ce  qui  pourrait  nuire  à  notre 
salut  ou  à  celui  des  autres.  Aussi,  Jésus- 
Christ  distingue  la  prudence  des  enfants  du 
siècle  d'avec  celle  des  enfants  de  lumière, 
Luc. ,  c.  XVI ,  V.  8 ,  et  il  nous  ordonne  de 
joindre  à  la  prudence  du  s -rpent ,  la  simpli- 
cité de  la  colombe ,  Matth.,  c.  x,  v.  16.  Saint 
Paul  nous  ajiprf'ni  qu'il  y  a  une  prudence  de 
la  chair  qui  est  ennemie  de  Dieu,  Wom.,  c.viii, 
V.  7.  Telle  était  la  disposition  de  ceux  qui 
ne  voulaient  pas  embrasser  l'Evangile  ,  d.ms 
la  crainte  de  s'exposer  aux  persécutions  :  il 
fait  remarquer  que.ceux  qui  ont  le  plus  de 
prudence  et  de  capacité  pour  les  affaires  de 
ce  monde,  sont  souvent  les  plus  aveugles  et 
Jes  plus  téméraires  à  l'égard  de  l'affaire  du 
saliit,  /  Cor.,  c.  i,  v.  19. 

PRUDENCE,  poète  chrétien,  dont  le  vrai 
nom  était  Aurelius  Prudentius  Clemens,  na- 
quit en  Espagne  l'an  348  ;  il  a  par  conséquent 
écrit  sur  la  lin  du  i\'  siècle  et  au  commen- 
cement du  v°.  11  n'y  a  rien  de  profane  dans 
ses  poésies,  tout  y  respire  la  vertu  et  la  piété. 
Quoique  la  langue  latine  fût  déjà  beaucoup 
déchue  de  son  temps ,  il  y  a  dans  ce  poète 
plusieurs  morceaux  dignes  du  siècle  d'Au- 
guste, et  l'on  chante  encore  dans  l'otrice  di- 
vin quelques-unes  des  hymnes  qu'il  a  com- 
posées. Comme  il  était  très-instruit  de  la 
doctrine  chrétienne,  plusieurs  savants  n'hé- 


sitent point  de  le  ranger  parmi  les  docteurs 
do  l'Eglise  ou  parmi  les  témoins  do  la  tra- 
dition. Le  Clerc,  quoique  protestant,  ou  plu- 
tôt socinien ,  convient  que  ceux  qui  ont 
voulu  soutenir  qu'au  iv'  siècle  l'on  n'invo- 
quait pas  encore  les  saints,  peuvent  être  ré- 
futés par  plusieurs  morceaux  des  poésies  de 
Prudence  ;  en  effet  cet  auteur  atteste  dans 
plusieurs  endroits  l'invocation  des  saints ,  le 
culte  rendu  à  la  croix  et  h  leurs  reliques,  et 
la  coutume  de  placer  leurs  images  sur  l'autel. 
On  trouvera  une  notice  exacte  des  ouvrages 
de  ce  ]ioëte  dans  les  Vies  des  Pères  et  des 
Martyrs,  t.  XII,  p.  117  et  suiv. 

PSALMISTE,  PSALMODIE.  Voy.  Psaume. 

PSAÏYRIENS,  nom  qui  fut  donné,  au 
iv  siècle,  à  une  secte  de  purs  ariens;  on 
n'en  sait  pas  l'origine.  Dans  le  concile  d'An- 
tioche  ,  l'an  .%0 ,  ces  hérétiques  soutinrent 
que  le  Fils  de  Dieu  avait  été  tiré  du  néant  de 
toute  éternité;  qu'il  n'était  pas  Dieu,  mais 
une  créature  ;  qu'en  Dieu  la  génération  ne 
différait  point  de  la  création.  C'était  la  doc- 
trine qu'Arius  avait  enseignée  d'abord  ,  et 
qu'il  avait  prise  dans  Platon.  Théodoret , 
Hœr.  Fab.,  1.  iv,  p.  387. 

PSAU.ME ,  cantique  ou  Wymne  sacré.  Le 
livre  des  psaumes  est  nommé  en  hébreu 
Theilliin  (louange) ,  parce  que  ce  sont  des 
chants  destinés  à  louer  Dieu;  le  grec  -^a-liiol 
vient  de  -^càleiv ,  toucher  légèrement  ou  pin- 
cer un  instrument  de  musique,  paice  que  le 
chant  des  psaumes  était  accompagné  du  son 
des  instruments.  Ils  sont  au  nombre  de  cent 
cinquante;  les  Hébreux  n'en  ont  jamais 
compté  davantage,  quoiqu'ils  ne  les  partagent 
pas  absolument  comme  nous;  mais  cette 
variété  est  légère ,  elle  ne  mérite  pas  atten- 
tion. 11  n'est  aucun  livre  de  l'Ecriture  sainte 
dont  l'authenticité  soit  mieux  établie;  c'est 
un  fait  constant  que  ,  depuis  David  jusqu'à 
nous,  les  Juifs  n'ont  pas  cessé  de  faire  usage 
des  psaumes  dans  leurs  assemblées  religieu- 
ses. Ce  pieux  roi  les  ût  chanter  dans  le  ta- 
bernacle ,  dès  qu'il  l'eût  fait  placer  à  Jérusa- 
lem sur  le  mont  de  Sion;  il  ré,;;la  les  fonctions 
des  lévites  à  cet  égard;  il  établit  quatre  raille 
chantres,  auxquels  il  donna  des  instruments, 
et  il  chantait  lui-même  avec  eux;  /  Par., 
c.  xxiii ,  v.  5.  Salomon  son  fils  conserva  le 
même  ordre  dans  le  temple  lorsqu'il  l'eut 
fait  bâtir,  et  l'on  continua  de  l'observer  jus- 
qu'à ce  que  ce  temiile  fût  détruit  par  Nabu- 
chodonosor.  Pendant  la  captivité  de  Babylone, 
un  des  [ilus  vifs  regrets  des  Juifs  était  de  ne 
plus  entendre  chanter  les  cantiques  de  Sion; 
mais  dès  qu'il  furent  de  retour,  Zorobabel, 
leur  chef,  et  Jésus,  [ils  de  Josédech,  grand 
prêtre  ,  firent  dresseï'  un  autel  pour  y  offrir 
des  sacrifices ,  et  rétablirent  le  chant  des 
psaumes  tel  qu'il  était  auparavant;  I  Esdr., 
c.  m,  v.  2  et  10. 

C'est  une  question  de  savoir  si  David  est 
le  seul  auteur  des  150  psaumes  sans  excep- 
tion, ou  s'il  y  en  a  quelques-uns  qui  ont  été 
composés  par  d'autres  écrivains  liébreux,  tels 
que  Asaph,  Idithun,  Eman ,  les  enfants  de 
Coré,  etc.,  comme  le  titre  de  plusieurs  psau- 
mes semble  l'indiqier.  L'un  et  l'autre  de  ce§ 


1677 


PSA 


sentiments  est  soutenu  par  des  Pères  de  l'E- 
glise et  par  d'habiles  interprètes;  mais  il 
n'est  pas  nécessaire  d'en  embrasser  un,  puis- 
que rE;j;lise  n'a  rien  décidé  sur  ce  point  :  en 
lisant  attentivement  ces  divins  cantiques,  on 
voit  que  tous  ont  été  composés  par  le  même 
esprit,  c'est-à-dire  par  l'esprit  de  Dieu.  Il 
est  certain,  j)ar  une  multitude  do  i)assagi's 
de  l'Ecriture  sainte,  et  par  le  sujet  même  do 
la  plupart  des  psaumes  ,  que  David  est  l'au- 
teur du  très-grand  nombre;  si  d'autres  que 
lui  en  ont  fait,  ils  l'ont  pris  pour  guide  et 
pour  modèle.  Il  n'y  a  pas  lieu  non  plus  d'as- 
surer que  c'est  Esdras  ou  un  autre  qui  en  a 
fait  la  collection  :  cela  n'u  pas  été  nécessaire. 
Probablement  les  prêtres  et  les  lévites  en 
avaient  cliacun  un  recueil  ,  puisque  c'était  à 
eux  de  les  chanter;  ils  l'emportèrent  sans 
doute  à  Babylone ,  afln  de  les  enseigner  et 
d'y  exercer  leurs  enfants  ;  ils  n'avaient  j)as 
moins  besoin  .le  ce  livre  que  du  Lévitique, 
qui  renfermait  le  détail  de  leurs  fonctions, 
et  ils  étaient  assurés  que  leur  famille  revien- 
drait dans  la  Judée  au  bout  de  soixante-dix 
ans.  Ceux  qui  revinrent  en  etl'et  durent  rap- 
porter ce  livre  avec  eux  aussi  bien  que  leur 
généalogie,  alin  de  rentrer  en  possession  du 
sacerdoce;  /  Esdr.,  c.  n ,  v.  62.  Comme 
Esdras  était  prêtre  ,  il  avait  sans  doute  un 
recueil  depsaumrs,  mais  ce  n'était  pas  le  seul, 
puisque  soixante-treize  ans  avant  son  arrivée, 
et  avant  même  la  fondation  du  second  temple, 
Zorohabel  avait  rétabli  les  sacrifices,  le  chant 
des  psaumes  et  les  fêles,  c.  m,  v.  2-10.  Rien 
de  tout  cela  ne  fut  interrompu ,  si  ce  n'est 
pendant  les  trois  années  de  la  persécution 
d'Antiochus  ;  mais  tout  fut  réparé  par  les  Ma- 
chabées.  Josèphe,  Antiq.  Jad.,  1.  \ii,  c.  11. 
Le  même  ordre  continua  jusipi'à  la  destruc- 
tion du  second  temple,  faite  par  les  Romauis, 
et  les  Juifs  l'ont  repris  autant  qu'ils  ont  pu, 
dès  qu'ils  ont  eu  des  synagogues  ou  des 
lieux  d'assemblée  pour  exercer  leur  religiuu. 

11  est  diflicile  d'apercevoir  dans  \e  psautier 
un  ordre  quelconque,  et  d'en  faire  une  di- 
vision relative  ,  soit  à  la  chronologie  ,  soit 
aux  divers  sujets  ,  puisque  le  môme  psaume 
traite  snuvent  de  plusieurs  oitjets  dllerenls. 
La  division  que  les  juifs  en  ont  faite  en  cinq 
parties  est  purement  arbitraire  et  ne  sert  a 
rien. 

La  matière  ou  le  sujet  des  psaumes  en  gé- 
néral a  donné  lieu  à  des  erreurs;  les  nico- 
laïtes  ,  les  gnostiques  ,  les  marcionites ,  les 
nianicliéens ,  qui  rejetaient  l'Ancien  Testa- 
ment ,  eureut  la  témérité  de  regardi'r  ces 
cantiques  sacrés  comme  des  chansons  pure- 
ment profanes.  Saint  Philastre  les  a  réfutés 
dans  son  Calaloyue  des  Hérésies,  c.  120.  «  Ils 
ont  eu,  dit  saint  Léon,  l'audace  et  l'impiété 
de  rejeter  les  psaumes  qui  se  chantent  dans 
l'Eglise  universelle  avec  la  |ilus  grande  dé- 
votion. »  Serm.  8,  col.  'i-,  t.  Il,  p.  117.  Us  en 
composèrent  de  {)lus  analogues  à  leurs  opi- 
nions. Les  anabaptistes  n'avouent  point  que 
ce  soient  des  cantiques  inspirés  de  Dieu. 

L'Eglise  chrétieime,  aussi  bien  que  l'Eglise 
judaïque,  a  toujours  cru  le  contraire;  il  suf- 
lit  d'avoir  du  bon  sens  et  un  peu  de  cou- 


PSA  1673 

naissance  des  saintes  ncntures ,  pour  aper- 
cevoir (lue  dans  les  psaumes  res[irit  do  Dieu 
a  élevé  le  génie  et  conduit  la  plume  de  l'au- 
teur. David  y  célèbre  les  grandeurs  de  Dieu 
et  toutes  les  perfections  divines,  la  vérité  et 
la  sainteté  de  sa  loi,  la  maguilicence  de  ses 
ouvrages,  les  bienfaits  dont  il  comble  les 
hommes  ,  les  vertus  des  anciens  justes  ,  les 
grâces  que  le  Seigneur  accorde  à  ceux  qui 
suivent  leur  exemple  ,  le  bonheur  éternel 
qu'il  leur  préjiare,  les  châtiments  dont  il 
punit  les  méchants.  En  louant  leurs  faux 
dieux,  les  païens  excitaient  et  fomentaient 
les  passions  et  les  vices  qu'ils  leur  attri- 
buaient :  les  cantiques  com[)Osés  à  l'hoimeur 
du  vrai  Dieu  ne  sont  ({ue  des  leçons  de  vertu. 

Où  pouvons-nous  trouver,  dit  le  savant 
Bossuet ,  des  monuments  plus  authentiques 
de  notre  foi,  des  motifs  jilus  solides  d'espé- 
rance, des  moyens  plus  puissants  pimr  allu- 
mer en  nous  le  feu  de  l'amour  divin  ?  Ces 
chants  religieux  rappellent  les  [irincipaux 
faits  de  l'Histoire  sainte  :  on  sait  que  la  cou- 
tume des  anciens  était  de  célébrer  |iar  des 
cantiques  les  événements  intéressants  dont 
ils  voulaient  transmettre  la  mémoire  à  la 
postérité;  l'usage  en  fut  établi  chez  les  Hé- 
breux depuis  Moïse ,  et  continué  constam- 
ment. Al>xemple  de  ce  législateur,  Débora, 
Anne,  mère  de  Simuel,  Ezéchias,  Isaïe,  Ha- 
bacuc,  Jonas  ,  ïobie  ,  Judith,  l'Ecclésiasti- 
que ,  etc.  ;  sous  le  Nouveau  Testament ,  la 
sainte  Vierge  Marie ,  le  prêtre  Zacharie  ,  le 
vieillard  Siméon,  composèrent  des  cantiques 
pour  exalter  les  bienfaits  de  Dieu;  David 
célébra  dans  les  siens  presque  tous  les  faits 
qui  intéressaient  son  peuple.  Ces  monu- 
ments qui  accompagnent  l'histoire,  et  dont 
la  plupart  ont  été  faits  à  la  date  môme  des 
événements,  en  attestent  la  certitude.  Par 
les  récits  de  David,  nous  sommes  convaincus 
qu<!  li'S  écrits  de  .Uoise  et  les  autres  livres 
historiques  existaient  de  son  temps  :  il  n'au- 
rait pas  été  possible  de  conserver  un  sou- 
venir exact  de  tant  de  choses  par  la  seule 
tradition. 

Plusieurs  psaumes  sont  évidemment  pro- 
lihétiques  et  regardent  le  ^M'-ssie.  Jésus-Christ 
lui-même  s'en  lait  l'a; iplication,  il  y  a  ren- 
voyé plus  d'une  fois  les  juifs  incrédules  ;  ses 
apôtres  leur  ont  opposé  la  môme  preuve, 
ils  ont  montré  le  vrai  stus  des  expressions 
du  roi  propiiète.  Plusieurs  en  elfet  ne  peu- 
vent convenir  qu'à  Jésus-Christ  ;  il  faut  faire 
violence  aux  termes,  pour  les  adapter  à  un 
autre  personnage.  L"s  juifs  eux-mêmes  ont 
toujours  cru  y  voir  le  Messie  futur  ;  nous 
avons  encore  les  explications  de  leurs  an- 
ciens docteurs.  Enlin,  c'est  le  sentiment  des 
Pères  de  l'Eglise  qui  ont  succédé  immédia- 
tement aux  apôtres,  aussi  bien  que  de  ceux 
qui  sont  venus  à  la  suite;  c'est  donc  une 
tradition  de  laquelle  il  n'est  pas  permis  de 
s'écarter.  David  annonce  la  génération  éter- 
nelle et  la  naissance  temporelle  du  Fils  de 
Dieu  ,  ses  miracles  ,  ses  humiliations  ,  ses 
souifrances,  sa'  mort,  sa  résurrection ,  sa 
gloire,  son  sacerdoce  éternel,  l'établissement 
de  son  règne,  malgré  les   efforts   de  toutes 


1679 


PS4 


PSA 


1680 


les  puissances  de  la  terre,  la  réprobation  des 
juifs,  la  vocation  des  gentils.  A  li  vue  de 
tant  de  prédictions  si  claires,  pouvons-nous 
douter  que  Dieu  n'ait  voulu  préparer  et 
contirmer  d'avance  notre  foi  aux  mystères 
de  son  Fils?  —  Nous  trouvons  dans  ces 
.  cantiques  do  quoi  affermir  notre  espérance, 
non-seulement  par  la  vavacité  avec  laquelle 
ils  peignent  le  bonlieur  sublime  que  Dieu 
réserve  aux  justes,  mais  en  nous  montrant 
l'exactitude  avec  laquelle  Dieu  exécute  ses 
promesses  h  l'égard  de  ses  serviteurs.  David 
répète  continuellement  que  Dieu  est  bon, 
juste,  saint,  fidèle  à  sa  parole  ;  et  que  sa 
miséricorde  est  éternelle  ;  il  atteste  que  Dieu 
a  fidèlement  gardé  l'alliance  qu'il  avait  faite 
avec  Abraham,  Isaac,  Jacob  et  leur  postérité  ; 
qu'il  a  exécuté  tout  ce  qu'il  leur  avait  pro- 
mis ;  Ps.  civ,  V.  8  et  suiv.  Il  excite  ainsi  n  itre 
confiance  a  ix  nouvelles  promesses  que  Dieu 
nous  a  faites  par  Jésus-Cliri^t,  l'espérance 
d'obtenir  le  bonheur  du  ciel  par  les  mérites, 
de  ce  divin  Sauveur. — Enréi)étant  les  expres- 
sions enflammées  parlesquelles  David  témoi- 
gne à  Dieu  son  amour,  il  est  difficile  de  ne 
pas  sentir  quelques  étincelles  de  ce  lea  divin. 
Il  exalte  les  perfections  infinies  de  Dieu,  sa 
puissance,  sa  sagesse,  sa  justice,  sa  bonté, 
son  amour  pour  les  créatures ,  sa  patience, 
sa  douceur  à  l'égard  des  pécheurs,  et  la  fa- 
cilité avec  laquelle  il  leur  pardonne.  Per- 
sonne n'en  fit  jamais  une  plus  douce  expé- 
rience que  ce  roi  pénitent  :  aussi  en  parle- 
t-il  avec  un  cœur  pénétré.  Après  l'exemple 
de  Jésus-Christ,  il  n'en  est  aucun  plus  ca- 
pable que  le  sien  de  nous  apprendre  à  aimer 
nos  frères,  à  tout  pardonnera  nos  ennemis. 
Pour  obtenir  de  Dieu  un  entier  oubli  de  ses 
fautes,  d  lui  expose  la  patience  avec  laquelle 
il  a  souffert  la  naine,  les  persécutions,  les 
opprobres  des  méchants,  le  silence  profond 
qu'd  a  gardé,  en  considérant  ses  afdictions 
comme  des  châtiments  et  des  épreuves  qui 
lui  venaient  de  la  main  de  son  souverain 
maitre.  Où  puiserailleurs  que  dans  les^j^aw/WM 
les  sentiments  d'une  piété  plus  tendre? 
Tout  ce  qui  tenait  au  culte  du  Seigneur 
affectait  le  cœur  de  David  ;  il  ne  parle  qu'avec 
enthousiasme  de  la  montagne  sainte ,  du 
tabernacle,  de  l'arche  d'alliance,  de  la  loi, 
des  chants  des  lévites ,  des  sacrifices  et  des 
solennités  de  Sion;  il  y  invite  tous  les  peuples, 
il  gémit  dans  son  exil  d'en  être  éloigné.  Le 
respect  pour  la  majesté  de  Dieu,  la  crainte 
de  ses  jugements,  l'admiration,  la  reconnais- 
sance, l'aveu  de  sa  propre  faiblesse  ,  la  con- 
fiance, l'amour,  le  désir  d'être  désormais  fidèle 
au  Seigneur,  animent  toutes  ses  expressions. 
Cela  n'a  pas  empoché  les  uicrédules  do 
chercher  dans  les  psaumes  des  sujets  de  scan- 
dale; ils  disent  que  ce  roi  y  montre  à  tout 
moment  des  sentiments  de  vengeance,  qu'il 
lance  des  malédictions  et  des  imprécations 
contre  ses  ennemis,  qu'il  demande  à  Dieu  de 
les  punir  ,  de  les  faire  périr  avec  toute  leur 
postérité.  Au  mot  Imprécation,  nous  avons 
fait  voir  que  ce  sont  là  des  prédictions  et 
rien  de  })lus  ;  saint  Augustin  l'a  remarqué, 
(le  Sermone    Demini  in  monte,   lib.  i,  n.  72, 


serm.  56,  n.  3  ;  David  proteste  au  contraire 
qu'il  ne  s'est  vengé  d'aucun  ennemi.  D'ail- 
leurs les  Pères  de  l'Eglise  ont  observé  que 
sous  le  nom  de  ses  ennemis  ce  roi  entend 
les  ennemis  de  Dieu  et  de  Jésus-Christ, 
principalement  les  juifs  incrédules  et  ré- 
prouvés, et  qu'il  annonce  les  vengeances  du 
Seigneur  qui  tomberont  sur  eux  ;  cela  paraît 
évidemment  par  le  psaume  xxi,  que  Jésus- 
Christ  s'est  appliqué  sur  la  croix  ,  Matth., 
c.  xxvii,  V.  46  ;  ce  qui  y  est  dit  des  méchants 
nepeut  pas  s'entendre  des  ennemis  de  David. 

Les  imitateurs  de  leur  incrédulité  ajoutent 
que  ce  roi  montre  peu  de  foi  à  la  vie  future  : 
il  demande  si  les  morts  loueront  le  Seigneur, 
s'ils  annonceront  ses  miséricordes  dans  le 
tombeau  ;  i!  appelle  l'état  des  morts,  les  té- 
nèbres, le  séjour  de  l'oubli  et  de  la  perdition, 
etc.  Mais  dans  combien  d'autres  passages 
David  ne  parle-t-il  pas  de  la  vie  future,  du 
bonheur  éternel  de?  justes,  de  la  fin  déplo- 
rable (les  méchants  ?  Il  dit  qu'ébranlé  quel- 
quefois par  la  prospérité  temporelle  de  ces 
derniers,  il  a  été  tenté  de  douter  si  lesjustes 
ne  travaillent  pas  en  vain  ;  mais  qu'il  a  pé- 
nétré dans  ce  mystère  de  la  Providence,  en 
considérant  la  fin  dernière  des  impies:  il  con- 
clut en  disant  :  Dieu  sera  mon  partage  pour 
l'éternité  {Ps.  lxxii,  12  et  suiv.).  11  exhorte 
les  justes  à  ne  pas  envierle  sort  des  pécheurs 
en  ce  monde,  il  les  assure  que  Dieu  sera 
leur  héritage  pour  jamais,  J^*.  xxxvi  ,  v.  7. 
11  espère  que  Dieu  ne  laissera  pas  son  àme 
dans  le  séjour  des  morts,  mais  lui  rendra 
une  nouvelle  vie  qui  ne  finira  plus,  Ps.  xv, 
V.  10,  etc.  Ce  n'est  donc  que  par  comparaison 
avec  ce  que  nous  faisons  sur  la  terre,  qu'il 
demande  si  les  morts  loueront  le  Seigneur 
comme  les  vivants. 

Quant  au  style  des  psawjies  ,  personne  ne 
doute  aujourd'hui  que  ce  ne  soit  une  vraie 
poésie,  c'est-à-uire  des  vers  cadencés  et 
mesurés  ;  mais  comme  nous  ne  connaissons 
plus  la  vraie  prononciation  de  l'hébreu,  nous 
ne  pouvons  pasensentirriiarmonie.  Josèphe, 
Oiigène,  Eusèbe,  saint  Jérôme  parmi  les 
anciens  ;  Le  Clerc,  Bossuet  ,  Fleury,  dom 
Calmet,  et  d'autres  parmi  les  modernes,  ont 
été  de  ce  sentiment.  Mais  personne  ne  l'a 
mieux  prouvé  que  Lowth  dans  son  traité  de 
sacra  Poesi  Hebrœorum,  et  Michaëlis  dans 
ses  notes  sur  cet  ouvrage.  Ils  font  voir  que 
les  psaumes  sont  en  vers  ,  non  de  la  même 
mesure,  mais  les  uns  plus  courts  et  les  autres 
plus  longs.  Le  style  on  est  sententieux,  cou- 
pé en  paraboles  et  en  maximes,  plein  de  fi- 
gures hardies,  relatives  au  génie,  aux  mœurs, 
aux  usages  des  Orientaux.  Les  métaphores 
y  sont  fréquentes,  de  même  que  les  images 
et  les  comparaisons  empruntées  des  choses 
naturelles,  de  la  vie  commune  ,  surtout  de 
l'agriculture,  de  l'histoire  et  de  la  religion 
des  Juifs.  Ce  style  poétique  est  vif,  énergique, 
animé  par  la  passion  et  par  le  sentiment, 
subbme  dans  les  objets,  dans  les  pensées, 
dans  les  mouvements  de  l'àme  et  dans  les 
exjiressions  ;  tout  y  est  personnifié,  tout 
y  vit  et  y  resj-iire,  rien  n'est  plus  capable 
d'émouvoir  ;     les    poésies    prolànes    sont 


1G81 


PSA 


PSA 


1082 


froides  en  comparaison  de  celles  de  David. 

Lowtli  soutiput  qu'il  y  a  souvent  dans  les 
psdunics  un  sens  niysti(iue  et  fit;uré;  que 
plusieurs  désignent  le  Messie  sous  le  nom 
do  David  ou  d'un  autre  personnage.  Mi- 
chaëlis  rejette  ce  double  sens  :  il  prétend 
que  si  un  psaume  regarde  David,  il  ne  sert 
à  rien  do  l'appliquer  au  Messie;  que  si  ce- 
lui-ci en  est  l'ulijet,  ou  U'^  doit  pas  y  en 
chercher  un  autre,  Pnclrct.  11,  p.  2-21.  Mais 
en  cela  il  contredit  non-seulement  les  in- 
terprètes juifs  et  les  chrétiens,  mais  encore 
les  apùtres  et  les  évangélistes,  qui  ont  ap- 
pliqué à  Jésus-Christ,  dans  le  sons  allégori- 
que, plusieurs  passages  lires  des  psaumes  et 
des  autres  livres  saints,  qui  semlilent  dési- 
gner d'autres  personnages  clans  le  sens  lit- 
téral. Voi/.  Ai.i.iic.oiiii:,  FiGiuE,  etc.  Il  no 
nie  pas  ce|)endant  (pie  plusieurs  psaumes  ne 
soient  |)rtipliéti(jues. 

Ces  deu\  criti(|ues  ont  distingué  dans  le 
psautier  des  pooiues  de  presque  toutes  les 
espèces,  des  idylles,  des  élégies,  des  pièces 
didactiques  et  morales,  mais  surtout  des 
odes  de  tous  les  genres  et  de  la  plus  grande 
beauté.  Ils  ajoutent  que,  sans  la  connais- 
sance de  la  poésie  liél>raï(|ue,  il  est  impos- 
sible d'entendre  pail'iMlement  les  jjsaumes 
et  les  autres  livres  saints  écrits  à  peu  près 
dans  le  mémo  style.  Aussi  personne  ne  dis- 
convient que  les  psaumes  ne  soient  souvent 
obscuLS,  soit  à  cause  du  style  tiguré  et  poéti- 
que, soit  à  raison  de  ce  que  le  texte  hé- 
breu n'est  ])as  toujours  correct,  parce  qu'il  a 
été  souvent  copié,  soit  entin  à  cause  de  la 
variété  des  versions,  [larmi  lesquelles  il 
n'est  pas  toujours  aisé  de  distinguer  la  meil- 
leure, quoiqu'elles  soient  en  grand  nom- 
bre. 

La  plus  ancienne  est  celle  des  Septante, 
mais  elle  est  souvent  peu  d'accord  avec  les 
auires  versions  grecques  ([u'Origène  avait 
rassemblées  dans  ses  llexaples.  La  para- 
phrase clialdaïque  passe  pour  être  du  rab- 
bin Josô|)he  l'Aveugle;  elle  est  bo.iucou[i 
jilus  moderne  et  moins  exacte  que  celle  des 
autres  livres  hébreux,  composée  par  Ou- 
kélos  et  par  Jonathan.  La  traduction  syria- 
que est  très-ancienne,  elle  a  été  faite  sur 
l'hébreu.  11  y  a  deux  versions  arabes  des 
psaumes,  dont  l'une  a  été  faite  sur  le  texte 
original,  l'autre  sur  le  syiiaque,  suivant  l'o- 
pinion commune.  Celle  des  Éthiopiens  a 
été  tirée  du  co[)lite  des  Egyptiens,  qui  a  été 
emprunté  des  Septante.  Voy.  Bible,  >'kii- 
sioN.  —  L'ancienne  Vulgate  latine  ou  itali- 
que a  été  prise  sur  les  S'ptante,  avant  (lue 
leur  version  eiU  été  corrigée  par  Origène, 
par  Hésycliius  et  par  le  prêtre  Lucien;  elle 
est  d'une  si  haute  antiquité,  que  l'on  n'en 
connaît  ni  la  date  ni  l'auteur.  On  convient 
que  le  style  n'en  est  pas  élégant;  mais  les 
premiers  clirétiens,  à  l'exemple  des  apùtres, 
laisaient  beaucou[)  plus  de  cas  du  sens  et 
des  choses  que  do  la  |)uroté  du  langage.  Ce- 
pendant. lo"squ('  saint  Jérôme  eut  retouché 
deux  fois  celte  version  en  la  comjiarant  au 
texte  hébreu,  on  ado]>la  hientôt  dans  l'E- 
glise rumaiue  ses  cotreclions,  et  c'est  de 


cette  version  ainsi  corrigée  que  nous  nous 
servons  encore  aujourd'hui.  Lorsque  ce 
Père  eut  fait  dans  la  suite  une  version  la- 
tine entièrement  nouvelle  sui'  le  t(>xto  hé- 
lireu,  il  jugea  lui-même  qu'il  fallait  ronti- 
mier  à  chanter  dans  l'Kglisela  |irécé(lente,  à 
huiuelle  les  fidèles  étaient  accoutumés,  mais 
que,  pour  on  avoir  l'intolligencts  il  faut 
souvent  recourir  au  texte  original  ;  Epi- 
stohi  ad  Suiiiam  et  Freirlam,  Op.  tom.  H, 
col.  Gi7.  Plusieurs  savants  prétendent  que, 
dans  le  x*  et  le  xi'  siècle,  la  plupait  des 
églises  de  l'Italie  et  dos  Caulos  avaient 
adoiité  la  dernière  version  latine  de  saint 
Jérôme  faite  sur  le  texte  hébreu;  mais  au 
xvi%  Pie  V  y  lit  rcHablir  l'usage  du  psau- 
tier romain.  Cependant  il  n'empêcha  ])oiut 
que  l'on  ne  continuât  de  chanter  l'an- 
cienne italique  non  corrigée,  dans  l'é-glise 
du  Vatican,  dans  la  catliédrale  de  Milan,  à 
Saint-Marc  de  Ven'se  et  dans  la  chapelle  de 
Tolède,  où  l'on  suit  le  rite  mozarabi([ue,  parce 
que  cet  usage  n'y  avait  jamais  été  inter- 
romjMi.    ■ 

La  niultitudo  des  commentaires  faits  sur 
les  psaumes  est  infinie;  jiarmi  le  ^l'and  nom- 
bre des  interprètes,  les  uns  se  sont  iirinci- 
Iialement  aUiichés  au  sens  littéral,  les  au- 
tres au  sens  figuré  et  allégorique;  plusieurs 
ont  réuni  l'un  et  l'autre.  Kn  général  on  ne 
doit  pas  bUïnier  ceux  qui  ont  eu  pour  prin- 
cipal objet  d'en  tirer  des  réfioxions  propres 
à  coniirmer  la  foi  et  à  régler  les  mœurs,  qui 
ont  cherché  à  nourrir  la  piété  des  fi  .èles 
plutôt  qu'à  les  rendre  habdes  dans  l'intelli- 
gence du  texte.  Les  protestants  désap]irou-- 
vent  cette  méthode,  mais  leur  goût  ne  fait 
pas  règle;  quelque  estimable  que  soit  la 
science,  la  vertu  nous  paraît  encore  préfé- 
rable. Nous  ne  savons  ])as  comment  ils  peu- 
vent concilier  l'usage  qu'ils  font  des  psau- 
mes avec  l'aversion  qu'ils  témoignent  poui' 
les  explications  allégoriques  et  mystiques 
de  l'Kcrituro  sainte.  Car  enfin  il  est  évident 
quiî  la  plupart  de  ces  cantiques,  entendus 
dans  le  sens  littéral,  seraient  des  prières 
absurdes.  Prenons  seulement  pour  exemple 
le  psaume  i.*,  qui  convient  si  bien  aux  pé- 
cheurs pénitents.  Que  signifient  dans  le  sens 
littéral  les  v.  16,  20  et  21.  Délivrez-moi,  Sei- 
(jiieur,  du  sany....  Répandez  vos  bienfaits  sur 
Sion,  afin  que  les  murs  de   Jérusalem  soient 

rebâtis Alors  les  peuples  chargeront  vos 

autels  de  victimes.  Nous  ne  pensons  pas  que 
les  protestants  s'intéressent  beaucoup  à  la 
reconstruction  des  murs  de  Jérusalem,  ni 
qu'ils  soient  tentés  d'olfrir  au  Seigneur  des 
sacrifices  sanglants.  Que  veulent-ils  donc 
dire  à  Dieu,  si  en  chantant  ces  paroles  ils 
les  entendent  à  la  lettre?  On  pourrait  citer 
cent  autres  exemples. 

Après  ce  que  nous  avons  dit  de  l'excel- 
lence de  ces  divins  cantiques,  on  ne  doit 
pas  être  étonné  de  ce  que  l'Eglise  chrétienne, 
liés  son  origine,  eu  a  introduit  le  chant  dans 
sa  liturgie,  Constit.  apost.,  liv.  ii,  cap.  6fi. 
Saint  Pa'ul  exhorte  les  fidèles  à  s'édifier  .es 
uns  h  s  autres  par  ce  saint  exercice,  EpUes., 
c.  Y;  V.  19;  Coloss.,  c.  ai,  v.  IG.  Les   soli- 


1683 


PUB 


PUI 


1684 


taires  et  les  cénobites  y  employaient  les  mo- 
ments qu'ils  ne  donnaient  pas  au  travail,  et 
lorsqu'ils  se  trouvèrent  rassemblés  dans  un 
monastère  en  nombre  suffisant,  ils  y  établi- 
rent la  psalmodie  continuelle  pour  lejour  et 
pour  la  nuit.  Voy.  Acoemi^tes.  Les  Pères  de 
l'Eglise,  les  saints  de  tous  les  siècles  en  ont 
fait  le  sujet  habituel  de  leur  méditation, 
]tlusieurs  en  avaient  continuellement  les  pa- 
roles à  la  bouche.  11  est  consolant  de  répé- 
ter encore  aujourd'hui  les  mômes  cantiques 
qui  ont  été  consacrés  à  louer  le  Seigneur 
depuis  près  de  trois  mille  ans. 

On  nomme  psaumes  graduels  le  cxix'  et 
les  suivants  jusqu'au  cxxxiV;  les  interprè- 
tes ont  donné  plusieurs  explications  de  ce 
nom  qui  paraissent  pou  probables.  Dom 
Calmet  a  pensé  que  canticum  graduum,csin- 
tique  de  la  montée,  signifie  cantique  du  re- 
tour de  la  captivité  de  Babylone,  parce  que 
ces  psaumes  semblent  composés  pour  de- 
mander à  Dieu  ce  bienfait  ou  pour  l'en  re- 
mercier. Lowth  et  Michaëlis  nous  paraissent 
avoir  mieux  rencontré,  en  disant  que  ces 
psaumes  avaient  été  faits  pour  être  chantés 
pendant  que  le  peuple  montait  au  temple 
pour  célébrer  quelque  solennité.  Le  senti- 
ment de  ceux  (jui  prétonlent  que  le  très- 
grand  nombre  des  psaumes  font  allusion  à  la 
captivité  de  Babylone  ne  paraît  pas  encore 
avoir  acquis  beaucoup  de  partisans.  Voy. 
Poésie  hébraïqde. 

PTOLÉMAITES,  sectateurs  d'un  certain 
Ptolémée,  l'un  des  chefs  des  gnostiques,  qui 
avait  ajouté  de  nouvelles  rêveries  à  leur 
doctrine.  Dans  la  loi  de  Moïse  il  distinguait 
des  choses  de  trois  espèces;  selon  lui,  les 
unes  venaient  de  Dieu,  les  autres  de  Moïse, 
les  autres  étaient  de  pures  traditions  des  an- 
ciens docteurs.  S.  Epiphane,  lib.  i,  t.  II, 
Hœr.  33. 

PDBLICAIN.  C'est  ainsi  que  se  nommaient, 
chez  les  Romains,  les  receveurs  des  impôts. 
Comme  les  Juifs  ne  supportaient  qu'avec 
beaucoup  de  répugnance  le  joug  des  Ko- 
mains  et  ne  leur  payaient  tribut  que  très- 
mH-igré  eux,  ils  avaient  horreur  de  la  jiro- 
fession  des  publicains  ;  nous  en  voyons  des 
exemples  sensibles  dans  l'Evangile.  La  loi 
de  Moïse  leur  avait  défendu  de  prendre  pour 
roi  un  homme  qui  ne  fût  pas  de  leur  nation, 
Deut.,  c.  xvii,  V.  15;  conséquemment  ils  dé- 
testaient la  domination  étrangère  sous  la- 
quelle ils  étaient  forcés  de  vivre  :  Notis  n'a- 
vons, disaient-ils,  jamais  été  asservis  à  per- 
sonne. Ncmini  servivimus  unquam  [Joan  viii, 
33).  En  cela  ils  ne  disaient  pas  la  vérité, 
puisqu'ils  avaient  été  plusieurs  fois  réduits 
en  servituJe  par  des  princes  étrangers;  mais 
les  galiléens,  les  hérodiens,  les  judaïles  ou 
sectateurs  de  Judas  le  Gaulonite,  les  phari- 
siens en  général,  n'en  étaient  pas  moins  in- 
fa  ués  de  leur  ancienne  liberté.  Pour  tendre 
un  piège  ?i  Jésus-Christ,  ils  lui  demandè- 
rent s'il  était  permis  ou  non  de  payer  le 
tribut  à  César,  Matth.,  c.  xxii,  v.  17. 

Après  les  Samaritains,  les  publicains 
él=iient  les  hommes  que  h'  commun  des  Juifs 
délestait   le  plus;  il  les  regardait  en  gé- 


néral comme  des  fripons  et  des  hommes 
sans  honneur  ;  il  les  mettait  dans  le  même 
rang  que  les  païens  :  Sit  tibi  sicut  ethnieus 
et  publivanus  {Matth.  xvni,  17).  Il  y  en  avait 
néanmoins  plusieurs  qui  étaient  Juifs,  té- 
moin Zachée  qui  est  appelé  chef  des  publi- 
cains; et  saint  Matthieu  qui  renonça  h  sa 
profession  pour  s'attacher  à  Jésus-dirist. 
Aussi  les  Juifs  ne  pardonnaient  point  au 
Sauveur  la  société  dans  laquelle  il  vivait 
avec  ces  gens-là;  ils  le  nommaient  l'ami  des 
publicains  et  des  pécheurs,  ils  lui  reprociiaient 
do  boire  et  de  manger  avec  eux.  L'on  sait 
que  Jésus-Christ  leur  réiiondit  :  Je  tic  suis 
point  venu  appeler  les  justes,  mais  les  pé- 
cheurs à  la  pénitence  {Luc.  v,  32).  —  Il  nous 
paraît  néanmoins  que  (irotius  et  d'autres 
ont  trop  exagéré,  lorsqu'ils  ont  dit  que  l'on 
ne  permettait  pas  aux  publicains  d'entrer 
dans  le  temple  ni  dans  les  synagogues,  que 
l'on  ne  recevait  pas  leurs  olïrandes  non  plus 
que  celles  des  prostituées,  et  que  l'on  ne 
voulait  pas  prier  pour  eux.  Dans  saint  Luc, 
c.  xviii,  V.  10,  Jésus-Christ  nous  représente 
un  pharisien  et  un  publicuin  qui  priaient 
tous  deux  dans  le  temple,  l'un  avec  beau- 
coup d'orgueil,  et  l'autre  avec  beaucoup 
d'humilité.  —  Le  nom  de  publicains  ou  po- 
hlicains  fut  aussi  donné  en  France  et  ea 
Angleterre  aux  albigeois.  Voy.  ce  mot. 

PUISSANCE  DE  DIEU,  attribut  de  la  Di- 
vinité que  l'on  exprime  par  le  mot  de  toute- 
puissance,  afin  de  donner  à  entendre  que 
Dieu  peut  non-seulement  tout  ce  qu'il  veut, 
mais  tout  ce  qui  est  possible,  tout  ce  qui  ne 
renferme  point  de  contiadiction,  et  que  sa 
puissance  n'a  point  de  bornes.  Cette  vérité 
peut  se  démontrer  par  la  notion  même  de 
Dieu  :  il  est  l'Etre  nécessaire,  existant  de 
soi-même;  il  n'a  point  de  cause,  et  il  est 
lui-même  la  cause  de  tous  les  èlres;  com- 
ment donc  l'Etre  divin  serait-il  borné?  Rien 
n'est  biirné  sans  cause.  Les  êtres  contin- 
gents et  créés  sont  bornés  parce  qu'ils  ont 
une  cause;  Dieu,  en  les  créant,  leur  a  donné 
tel  degré  d'être  et  de  facultés  qu'il  lui  a  plu; 
mais  Dieu,  qui  n'a  point  de  cause,  ne  peut 
être  borné  par  aucune  raison.  Sa  nécessité 
d'être  est  absolue  :  or  une  nécessité  abso- 
lue et  une  nécessité  bornée  ser.iient  une 
contradiction.  Puisque  l'Etre  divin  n'est  pas 
borné,  aucune  des  facultés,  aucun  des  at- 
tributs qui  lui  conviennent,  n'est  borné  ;  tous 
ces  attributs  tiennent  à  son  essence;  ils  sont 
infinis  comme  cette  essence  même:  ainsi  la 
puissance  divine  est  infinie  comme  toutes 
les  autres  perfections  de  Dieu.  Voy.  Infini. 
Il  faut  cependant  convenir  que  cette  vérité, 
quoique  démontrable,  n'a  été  bien  connue 
que  par  la  révélation.  S'il  y  a  quelques 
anciens  philosophes  qui  aient  attribué  à 
Dieu  la  toute-puissance,  ils  n'ont  pas  com- 
l>ris  toute  l'énergie  de  ce  terme;  ils  ont  réel- 
lement borné  cette  puissance  souveraine, 
en  niant  la  possibilité  de  la  création.  Y  a-t-il 
un  p  iuvoir  jilus  grand  que  celui  de  créer, 
de  produire  des  êtres  par  le  seul  vouloir? 
C'est  donc  l'idée  de  la  création  reçue  par 
révélation   qui   nous  a  donné  la  notion  la 


IG8a 


PO 


plus  claire  do  la  toute-puissance  divino  ;  co 
n'est  pas  sans  raison  que  ces  deux  idées 
sont  réunies  dans  le  symbole  :  Je  crois  en 
Dieu,  le  Père  tout-puissant,  Créateur  du  ciel 
et  de  la  terre. 

Suivant  l'opinion  do  tous  les  anciens  phi- 
losophes, Dieu,  pour  produire  le  monde,  a 
eu  besoin  d'une  matière  préexistante  et  éter- 
nelle comme  lui  ;  et  parce  qu'il  ne  lui  a  pas 
été  possible  d'en  corriger  les  défauts,  de  lîi 
sont  venues  les  imperfections  de  son  ou- 
vrage :  voilà  donc  en  Dieu  une  double  im- 
puissance. Mais  ces  grands  génies  n'ont  pas 
compris  que  si  la  matière  est  éternelle,  né- 
cessaire, incréée,  l'étal  dans  leciuel  elle  était 
avant  la  formation  du  monde  était  aussi 
éternel  et  nécessaire,  par  conséquent  essen- 
tiel et  immuable;  Dieu  n'aurait  donc  pas 
pu  le  changer,  il  n'aurait  eu  aucun  pouvoir 
sur  la  matière.  C'est  l'argument  que  les  Pè- 
res de  l'Eglise  ont  opposé  aux  philosophes, 
et  par  lequel  ils  oiit  démontré  que  la  toute- 
puissance  divine  emporte  nécessairement  le 
jiouvoir  de  créer  la  matière.  Saint  Justin, 
Cohort.  ad geutes,  n.  23;  saint  Tliéuphile,  ad 
Autolic,  liv.  H,  n.  k,  etc.  —  Marcion,  iMa- 
nès  et  leurs  disciples,  égarés  par  les  philo- 
so|)lies  orientaux,  raisonnaient  encore  plus 
mal;  ils  faisaient  k  Dieu  une  injure  plus 
évidente,  en  supposant  un  principe  actif  du 
mal ,  coéternel  k  Dieu,  qui  avait  gôrié  la 
puissance  divine  et  l'avait  empoché  de  pro- 
duire tout  le  bien  que  Dieu  aurait  voulu 
faire.  Les  Pères,  qui  les  ont  réfutés,  ont 
fait  voir  que  c'est  une  absurdité  d'admettre 
deux  principes  actifs ,  coéternels ,  qui  se 
gênent  mutuellement  dans  leurs  volontés  et 
dans  leurs  opérations,  desquels  par  consé- 
quent la  puissance  est  très-bornée,  et  le  sort 
Irès-malheureux,  puisque  rien  n'est  plus 
fâcheux  à  un  être  intelligent  que  de  ne  pas 
j)ouvoir  faire  ce  qu'il  veut.  Tertull.,  1.  i,  con- 
tra Marcion.,  c.  3  ;  saint  Augustin,  1.  de  Nat. 
boni,  0.  43;  adv.  Secundin.,  c.  20,  etc. 

Les  philosophes  se  jetaient  dans  ces  faus- 
ses hy|)Othèses,  parce  qu'ils  ne  voulaient 
pas  attribuer  à  Dieu  les  maux  et  les  imper- 
fections de  ce  monde;  ils  aimaient  mieux 
borner  sa  puissance  que  de  déroger  à  sa 
bouté;  mais  ils  se  faisaient  une  fausse  idée 
de  la  bonté  divine.  Us  supposaient  que  Dieu 
ne  serait  pas  bon,  s'il  ne  faisait  pas  h  ses 
créatures  tout  le  bien  qu'il  peut  leur  faire  : 
or  cela  est  impossible,  puisqu'il  peut  leur 
eu  faire  à  l'inlini.  Quelque  degré  de  bieû 
que  Dieu  leur  accorde,  il  peut  toujours 
l'augmenter  à  l'intini;  et  comme  nous  ap- 
pelons mal  la  privation  d'un  phis  grand  bien, 
dans  toute  supposition  |)ossible,  il  se  trou- 
vera toujours  dans  la  créature  un  mal  d'im- 
perfection, c'esl-à-ilire  la  privation  d'une 
perfection  plus  grande  de  laquelle  elle  était 
susceptible  par  sa  nature.  D'ailleurs  Dieu, 
étant  l'Etre  nécessaire,  existant  de  soi- 
même,  est  essentiellement  libre,  indépen- 
dant, maître  de  distribuer  ses  dons  en  telle 
mesure  qu'il  lui  plaît.  Or  il  n'est  aucune 
créature  à  laquelle  il  n'ait  accordé  quelque 
degré  de  perfection  et   do  bien-être,  à  la- 


PUI  1636 

quelle  par  conséquent  il  n'ait  témoigné  de 
la  l)onlé.  S'il  a  pu  lui  donner  davantage,  il 
a  pu  aussi  lui  doiuuT  nio  ns,  sans  qu'elle 
ait  aucun  sujet  do  mécontentement  ni  do 
plainte!.  Cette  vérit',  applicable  à  chaq\io 
particulier,  ne  l'est  pas  nifiins  h  l'égard  do 
la  totalité  des  êtres  ou  de  l'univers  en  gé- 
néral. 

On  dit  :  Mais  Dieu  les  a  faits  de  manière 
que  h'  péclié  règne  dans  le  monde  :  or  lo 
]iéché  est  non-seulernent  un  mal  relatif  ou 
un  moindre  bien,  mais  un  mal  absolu  et 
positif;  comment  le  concilier  avec  la  bonté 
de  Dieu,  pendant  (pi'il  est  le  rMHrc  de 
rem|iêcher?  Nous  avons  déjà  ré|v -^  lu  ail- 
leurs que  le  péché  vient  de  l'homme  et  non 
de  Dieu;  c'est  l'abus  volontaire  et  libre 
d'une  faculté  bonne  en  ello-inème,  qui  est 
le  pouvoir  de  chosir  entre  le  bien  et  h;  mal. 
L'hounue  rendu  impeccable  [>nr  nature  ou 
par  grAce  serait  sans  doute  jilus  parfait  que 
l'homme  ca;)al)le  de  iiécher;  mais  on  ne 
|)rouvora  jamais  que  le  pouvoir  qu'il  a  d'ê- 
tre vertueux  ou  vicieux  à  son  choix,  et  de 
se  rendre  ainsi  heureux  ou  malheureux,  est 
un  pouvoir  mauvais  et  perniieux  en  lui- 
même,  un  mal  [)Ositif  q^ue  Dieu  a  fait  à 
l'homme.  Ceux  qui  ont  bien  usé  de  leur  li- 
brearbitre  ont-il-:  lieu  d'être  mécontents  d'en 
avoir  été  doués?  ils  en  béniront  Dieu  ]ien- 
dant  toute  l'éternité.  Or,  Dieu  donne  à  tous 
les  hommes  les  secours  dont  ils  ont  besoin 
pour  bien  user  de  cette  faculté;  il  ne  faut 
pas  la  confondre  avec  l'abus  que  l'homme 
en  fait.  Voy.  Bien,  Mal,  Bonheur,  Mal- 
HEiTR,  Optimisme,  etc. 

De  là  même  il  s'ensuit  qu'il  ne  faut  pas 
raisounei'  de  la  bonté  divine  jointe  à  une 
puissance  infinie,  comme  on  raisonne  de  la 
bonté  de  l'homme,  dont  le  pouvoir  est  très- 
borné.  Pour  que  l'homme  soit  censé  bon  il 
doit  faire  tout  le  bien  qu'il  peut,  et  ce  bien 
sera  toujours  borné,  de  même  que  son  pou- 
voir. A  l'égard  de  Dieu,  vouloir  qu'il  fasse  tout 
le  bien  qu'il  peut,  c'est  une  absurdité,  puis- 
que encore  une  f  lis  il  en  peut  faire  à  l'infini, 
cpie  sa  puissance  n'a  point  de  bornes,  et  qu'en 
vertu  de  sa  liberté  souveraine  ilest  le  maitre 
de  choisir  entre  les  divers  degrés  de  bien 
ipi'il  j'eut  faire.  Une  comparaison  fautive  en- 
tre la  bonté  de  Dieu  et  la  bonté  de  l'iiomme 
a  trompé  les  anciens  phif-.sophes  ;  les  mo- 
dernes en  abusent  encore. 

Que  les  premiers,  privés  des  lumières  de 
la  révélaiion,  aient  mal  raisonné  sur  la  na- 
ture et  sur  les  attributs  de  Dieu,  nous  n'en 
sommes  pas  surpris  ;  cela  démontre  la  fai- 
blesse d  '  la  raison  humaine.  Mais  que  les 
incrédules  modernes  ferment  volontairement 
les  yeux  à  la  révélation  qui  les  éclaire,  et  ré- 
jièient  encore  les  sophismes  des  anciens,  c'est 
un  aveuglement  inexcusable.  Si  Dieu,  disent- 
ils,  est  infiniment  puissant,  il  n'a  eu  nulle 
raison  de  ne  pas  rendre  les  êtres  sensibles 
intiniment  heureux  :  or  il  ne  l'a  pas  fait, 
donc  il  ne  l'a  jas  pu.  Ne  lui  fai^'ons-nous  pas 
plus  d  honneiir  en  disant  qu'il  a  tout  fait 
par  la  nécessité  de  sa  nature,  qu'en  suppo- 
sant qu'il  pouvait  faire  mieux  et  qu'il  ne  l'a 


1687 


P13I 


PUR 


1688 


Ïias  voulu  ?  Celle  nécessité  tranche  toutes 
es  difficultés  et  finit  toutes  les  disputes. 
Nous  n'avons  pas  le  front  de  dire,  Tout  est 
bien;  nous  disons,  ToiU  est  moins  mal  qu'il 
sepouvait.  N'en  déplaise  à  ces  raisonneurs, 
la  nécessité  supposée  sans  raison,  ou  plutôt 
contre  toute  raison,  ne  tranche  aucune  dif- 
ficulté et  ne  fait  que  prolonger  les  disputes. 
Il  est  absur  le  de  supposer  qu'un  Etre  exis- 
tant de  soi-m£me  ,  indépendant  de  toute 
cause  et  créateur  de  tous  les  êtres,  est  sous 
le  joug  d'une  nécessité  quelcoiiqLie  ;  d'où 
vii'ndr;ut-e]le  ?  qui  la  lui  aurait  imposée  ?  11 
n'y  a  dans  Dieu  il'aulre  nécessité  que  d'être 
ce  qu'il  est,  par  conséquent  souverainement 
indépendant,  libre,  maître  absolu  de  ses 
volontés  et  de  ses  actions.  A  la  vérité,  il  ne 
peut  agir  contre  ce  qu'exige  la  souveraine 
perfection  ;  il  agirait  contre  sa  nature,  il  no 
serait  plus  ce  qu'il  est.  Mais  comment  prou- 
vera-t-on  que  cette  perfection  exigeait  qu'il 
fit  plus  de  bien  aux  créatures  sensibles,  et 
qu'il  les  rendît  plus  heureuses  et  plus  par- 
laites  qu'elles  ne  sont  ? 

Une  autre  absurdité  est  de  dire  qu'il  les 
aurait  rendues  infiniment  heureuses  ;  un  bon- 
heur infini  est  celui  de  Dieu,  aucune  créa- 
ture n'en  est  capable  ;  celui  des  saints  dans 
le  ciel  n'est  point  actuellement  infini,  puis- 
que les  unsjouissent  d'un  plus  grand  bonheur 
que  les  autres;  il  est  infini  seulement  en 
puissance,  parce  qu'il  ne  finira  jamais.  Nous 
avons  donc  raison  de  dire  dans  un  sens.  Tout 
est  bien,  c'esl-à-dire,  il  y  a  dans  toutes  choses 
un  coriain  degré  de  bien  ;  si  nous  entendions, 
comnii'  les  optimistes,  que  tout  est  absolu- 
ment bien,  nous  aurions  autant  de  tort  que 
ceux  qui  prétendent  que  tout  est  absolument 
mal.  Par  la  même  raison,  nous  soutenons 
que  tout  pourrait  être  moins  mal,  et  que 
l>ieu  pouvait  iaire  mieux,  puisque  enfin  bien 
et  m.al  ne  sont  que  des  termes  de  comparai- 
son dans  ce  que  Dieu  a  fait.  Voyez  Mal, 
Optimisme. 

On  nous  dit  :  Puisqu'il  n'y  a  dans  ce  monde 
qu'un  degré  de  liien  très-borné  ,  h  quel  titre 
ju-,ez-vous  que  Dieu  est  tout-puissant  ?  Vous 
ne  devez  lui  supposer  que  le  degré  de  puis- 
sance qu'il  a  fallu  pour  ce  qu'il  a  fait  ;  un 
ouvrage  fini  et  borné  ne  vous  donne  [las 
droit  de  st\p\)Oser  une  puissance  infinie.  Aussi 
ne  jugeons-nous  pas  de  l'infinité  de  \apuis- 
sance  divine  par  la  perfection  de  son  ouvrage, 
mais  parce  que  Dieu  est  le  créateur  :  or  la 
création  suppose  une  puissance  intinie.  Nous 
tirons  encore  cette  notion  de  celle  de  l'Elre 
existant  de  soi-même,  indépendant  de  toute 
cause,  seul  éternel  et  cause  de  tous  les  êtres  ; 
et,  encore  une  fois,  ces  notions  nous  sont 
venues  de  la  révélation,  puisque  la  raison 
des  anciens  philosophes  ne  s'est  jamais  éle- 
vée jusque-là,  et  que  celle  des  philosophes 
modernes  retombe  dans  les  mômes  ténèbres, 
dès  qu'elle  tourne  le  dos  aux  lumières  de  la 
foi.  Ainsi,  lorsque  nous  disons  que  là  toute- 
puissance  de  Dieu  ou  sa  puissance  infinie  est 
d.'mouiraljle,  nous  entendons  qu'elle  l'est 
avec  le  secours  de  la  nouvelle  luuuère  que 
la  lui  uous  a  duùuéo.  Eu  nous  iiiaut  k  cette 


règle,  nous  ne  sommes  pas  tentés  d'affirmer 
que  Dieu  peut  faire  ce  qui  renferme  contra- 
diction, changer  l'essence  des  choses,  faire 
qu'unechose  soit  ei  ne  soit  pas.  Dieu,  dit  saint 
Augustin,  est  tout-puissant  avec  sagesse, 
Dcus  est  sapienter  07nnipotens.  Var conséquent, 
il  l'est  aussi  avec  bonté  et  avec  justice,  parce 
que  ses  perfections  ne  lui  sont  pas  moins 
essentielles  que  h  puissance.  Par  conséquent, 
l'on  doit  s'abstenir  de  tout  système  qui  tend 
à  exalter  une  de  ses  divines  qualités  au  pré- 
judice de  l'autre  ,  et  de  tout  raisonnement 
qui  ne  s'accorde  point  avec  les  vérités  qu'il 
a  plu  à  Dieu  de  nous  révéler,  soit  dans  l'E- 
criture sainte,  soit  par  l'enseignement  gé- 
néral de  l'Eglise. 

Quelques  Pères  de  l'Eglise  semblent  avoir 
enseigné  que  Dieu  ne  peut  rien  faire  de  plus 
que  ce  qu'il  veut  en  eû'et,  d'où  certains  théo- 
logiens ont  conclu  que  la  puissance  de  Dieu 
ne  s'étend  pas  plus  loin  que  sa  volonté,  et 
que  tout  ce  qu'il  ne  veut  pas  faire  lui  est 
impossible.  Mais  le  P.  Pétau,  Dogm.  theoL, 
t.  1,  1.  V,  c.  6  ,  a  fait  voir  que  ces  Pères  ont 
seulement  entendu  que  Dieu  ne  peut  jamais 
vouloir  malgré  lui,  être  forcé  dans  ses  vo- 
lontés, ni  vouloir  ce  qu'il  ne  peut  pas  faire. 
L'Ecriture  sainte  nous  enseigne  clairement 
que  Dieu  aurait  pu  faire  des  choses  qu'il 
n'a  pas  voulu  faire,  créer  d'autres  mondes 
que  celui-ci,  anéantir  toutes  les  créatures, 
etc. 

PUISSANCES  CÉLESTES.  L'on  appelle 
ainsi  les  anges  en  général,  et  plus  particu- 
lièrement ceux  d'entre  les  esprits  bienheu- 
reux, desquels  Dieu  se  sert  pour  faire  éclater 
sa  puissance  sur  la  terre,  pour  faire  des  mi- 
racles, soit  afin  de  récompenser  les  justes, 
soit  afin  de  punir  les  méchants.  Voy.  Anges. 

PUISSANCE  PATERNELLE,  ECCLÉSIAS- 
TIQUE, POLITIQUE.  Voy.  Autorité. 

PUNITION.  Voy.  Justice  de  dieu. 

PUR,  PURETÉ.  Dans  l'Ancien  Testament, 
cestei'mes  expriment  plus  ordinairement  la 
netteté  du  corps  que  la  sainteté  de  l'âme.  La 
loi  de  Moise  ne  se  bornait  pas  à  prescrire  les 
pratiques  du  culte  de  Dieu  et  les  devoirs  de 
religion.  Comme  les  Juifs  habitaient  un  pays 
assez  borné,  très-peuplé,  et  qui  aurait  été 
malsain  si  l'on  n'avait  pas  pris  des  précau- 
tions poin-  prévt'uir  toute  infection.  Moïse  fit 
des  lois  très-détaillées  sur  la  pitreie  et  l'impu- 
reté du  corps,  sur  la  propreté  à  l'égard  des 
honmies  el  des  animaux  ;  et  il  prescrivit  di'- 
férentes  purifications  pour  remédier  à  toute 
espèce  de  souillure.  C'était  un  plan  très-sage 
que  d'étabhr  comme  une  peine  ce  qui  était 
un  remède  contre  la  transgression  de  la  loi. 
Nous  ne  devons  pas  être  surpris  de  ce  que 
ce  législateur  fonda  toutes  ces  observances 
sur  le  motif  de  la  religion  ;  tout  autre 
motif  aurait  fait  peu  d'impression  sur  les 
Hébreux  ,  peuple  encore  très-peu  policé, 
et  dont  les  mœurs  étaient  devenues  très- 
grossières  pendant  l'espèce  d'esclavage  au- 
quel ils  avaient  été  réduits  en  l^igypte.  La 
sagesse  de  cette  conduite  est  suîiisamment 
prouvée  par  l'cli'et  qui  s'ensuivit  ;  'i'acile 
reconuait  que  les  Juifs  eu  gciuOral  étaient 


iGS9 


PUR 


PUR 


1690 


sains  et  vigoureux,  Corpora  hominum  salii- 
h'ria  et  ffrcntia  lahorum. 

Parmi  les  clirétii'iis  qui  vivent  sous  des 
climats  moins  sujets  hla  eonta^ion  que  celui 
(le  la  Palestine,  il  n'est  plus  question  d'im- 
jiureté  h^gale  ;  la  pureté  consiste  dans  l'inno- 
cence du  cœur,  et  on  ne  regarde  couune 
impur  que  ce  (jui  peut  souiller  l'Ame.  Mais 
on  se  tromperait  heaucouf),  si  l'on  se  per- 
suadait que  la  /ji/rc/cintérieure  n'était  point 
commandée  aux  Juifs  ;  la  loi  leur  détendait 
toute  espèce  de  crime  ;  elle  lem-  ordoiuiait 
d'aimer  Dieu  de  tout  leur  cœur,  d'a('complir 
sa  loi  avec  exactitude,  et  do  ne  s'en  écarter 
en  rien  ;  un  juif  qui  s'en  acquittait  avait  cer- 
tainement l'ilmo  pure,  exempte  île  péché. 
Plusieurs,  à  la  vérité,  se  bornaient  à  l'exté- 
rieur ;  mais  Dieu  leur  a  souvent  repi'oché 
cette  hypocrisie  par  ses  |)i'oplièles  ;  Isai., 
c.  I,  v.  1(5;  c.  Lvni,  v.  5  ;  Jvrem.,  c.  vu,  v.  5  ; 
Ainos.,  C.  V,  V.  l'i-,  etc. 

PURCATOIUE,  lieuouiilutùt  état  dans  le- 
quel les  ilmes  des  justes,  sorties  d(^  ce  monde 
sans  avoir  suflisamment  satisfait  à  la  justice 
divine  pour  leurs  fautes,  achèvent  de  les 
expirr  avant  d'être  admises  à  jouir  du  bon- 
heur éternel.  Voici  quelle  est  sur  ce  point 
la  doctrine  de  l'Eglise  catholique  décidée 
par  le  concile  île  Trente,  scss.  <i,  de  Justif., 
can.  30  :  «  Si  quelqu'un  dit  que,  par  la  gr.lce 
de  la  justilication,  la  coulpe  et  la  peine  étei- 
nelle  sont  tellement  remises  au  pénitent  qu'il 
ne  lui  reste  plus  de  i^eine  temporelle  à  souf- 
frir, ou  en  ce  monde  ou  en  l'autre  dans  le 
purgatoire,  avant  d'entrer  dans  le  royaume 
des  cieux,  qu'il  soit  anathème.  A>'e.<.s-.  22,  can. 
3:  Si  qni^hiu'un  dit  ([ue  le  sacriliei;  de  la 
messe  n'est  pas  propili  itoire,  qu'il  ne  doit 
point  être  otl'ert  jiour  les  vivants  et  pour  les 
morts,  pour  les  péchés,  les  peines,  les  .sa- 
tisfactions et  les  autres  nécessités,  qu'il  soit 
anathème.  »  Sess.  23,  le  concile  ordonne  aux 
docteurs  et  aux  [)iédicateurs  de  n'enseigner 
sur  ce  point  (pie  ladocti'ine  des  Pères  et  des 
conciles, d'éviter  t(jutes  les  questions  de  |)uro 
curiosité,  à  |ilus  forte  raison  tout  ce  qui 
peut  |iaiaiire  incertain  ou  fabuleux,  caiiable 
de  nourrir  la  superstition  et  de  favoriser  un 
gain  sordide  (l). 

U'çn  de  plus  sage  que  ces  décrets.  Le 
concile  ne  décide  point  si  le  purgatoire  est 
UQ  lieu  particulier   dans   lequel  les  âmes 

(1)  <  Nous  déclarons  (](ie  les  àmos  des  véritables 
pi-iiilcnls,  liions  dans  la  cliarilc  de  Dieu  avant  que 
(l'avoir  lait  dtîdignes  frnils  de  pcnilcnre,  |ionr  expier 
leurs  péchés  de  cominission  ou  d'omission,  sont  piiri- 
lié(^s  apros  leur  mort  par  les  peines  du  pmgaloire,  el 
(ju'elles  sont  soulagées  de  ces  peines  par  les  sullrages 
des  lidéles  vivants  connue  sont  :  le  sacrilice  de^  la 
messe,  les  pri('Mes,  les  auniônes  et  les  autres  œuvres 
de  pieU",  (juc  les  lidéles  l'oiu  pour  les  autres  fidèles, 
suivant  les  r  gles  de  l'Eglise  ;  el  que  les  ànies  de  ceux 
qui  n'(uil  point  pt'clic  depuis  leur  baptiinie,  ou  celles 
de  ceux  qui,  étant  loiiibéb  dans  des  pccbés,  eu  ont  éli^ 
purifiés  lîans  leurs  corps,  apri's  en  être  sortis,  connue 
nous  venons  de  dire,  entrent  aussitôt  dans  le  ciel  el 
voient  lu  TrLiiiti;,  les  uns  plus  iiarfailemenl  que  les 
autres,  selon  la  diiférence  lic  leur  mérite;  enfin,  que 
les  ànie^  de  ceux  qui  sout  morts  en  état  de  péché  mor- 
ti;luttluel,  ou  daoi  le  seul  péchc  urigiuel,  descendent 


sont  renfermées ,  de  quelle  manière  elles 
sont  puritiées,  si  c'est  par  un  feu  ou  autre- 
ment, quelle  est  la  rigueur  de  leurs  iieincs  ni 
quelle  en  est  la  durée,  jusi|u'?i  ipiel  i)oint 
elles  sont  soulagées  par  les  prières,  par  les 
bonnes  u'uvres  des  vivants,  ou  jiar  h;  saint 
sacrilice  de  la  messe  ;  si  ce  sacrilice  ojièro 
leur  délivrance  ex  opère  operato  ou  autre- 
ment ;  s'il  profite  h  toutes  en  général,  ou 
seulement  h  celles  pour  lesipielles  il  est  nom- 
mément olfert,  etc.  Les  théologiens  peuvent 
avoir  chacun  hîur  opinion  sur  ces  différen- 
tes questions;  mais  elles  ne  sont  ni  des  dog- 
mes de  foi  ni  d'inu!  certitude  absolue,  et 
jiersomie  n'est  obligé  d'y  souscrire.  Ilohlen, 
de  Resol.  (id.  1.  ii,  c.  G,  §  1  et  2  ;  Véron,  Re- 
gul.  fid.  eatliol.,  c.  2,  §  3,  n.  5,  et  S  5  ;  Bos- 
suet,  Expofi.  de  la  foi  cathoL,  art.  8. 

La  définition  du  concile  do  Trente  sup- 
pose ou  renferme  quatre  vérités  qu'il  ne  faut 
pas  confondre  :  la  première,  qu'après  la  ré- 
mission de  la  coulpe  du  jiéché  et  de  la  peine 
éternelle,  obtenue  de  Dieu  dans  le  sacre- 
ment de  pénitence,  il  reste  encore  au  pécheur 
une  |ieine  temporelle  à  subir;  nous  prouve- 
rons celle  vérité  au  mot  Satisfaction  ;  la 
seconde,  (pie  quand  on  n'y  a  pas  satisfait  en 
ce  montle,  on  [leut  et  on  doit  la  subir  après 
la  mort,  et  c'est  la  (juestiontpie  nous  allons 
traiter  ;  la  troisième  ([ue  les  prières  et  les 
bonnes  œuvres  des  vivants  peuvent  être  uti- 
les aux  morts,  soulager  et  abréger  leurs  pei- 
nes, nous  l'avons  prouvé  dans  l'article  Puiè- 
KES  POUR  CES  Morts  ;  la  quatrième,  (|ue  lo 
sacrilice  de  la  messe  est  propitiatoire,  qu'il 
a  par  conséquent  la  vertu  d'effacer  les  flé- 
chés et  de  satisfaire  à  la  Justice  divine  jiour 
les  vivants  et  |)Our  les  luorts  ;  nous  l'avons 
fait  voir  au  mot  Messe. 

Daillé,  ministre  ]irotestant  de  Charenton, 
dans  son  traité  de  Pœnis  et  Salisfuctionihus 
humants,  a  combattu  de  toutes  ses  forces  con- 
tre ces  (luatre  points  de  la  doctrine  catholi- 
que ;  aucun  autre  iirotestant  n'a  rien  jiu  diriî 
(le  plus  fort.  Si  nous  faisons  voir  qu'il  n'a 
pas  détruit  les  preuves  du  dogme  du  punja- 
toire,  et  que  celles  (pi'il  y  a  ojiposées  sont 
nulles,  nous  ne  cranulrons  pas  de  trouver 
un  adversaire  plus  redoutable.  Or  nous 
prouvons  l'existence  d'un  purgatoire  après 
cette  vie,  1°  par  l'Ecriture  sainte.  Matlh., 
c.  XII,  v.  32,  Jésus-Ciirist  dit  :  Si  quelqu'un 

aussitôt  en  enfer  pour  y  être  toutes  puni  s  ,  quoique 
iuép'aleuient  t  (Coue.  de  l'"lon'iiee,  an.  I  i")9,  sess.  10, 
décret  d'union  des  Grecs  avec  les  l.aiins). 

€  Les  évéïiues  auront  un  soin  parlieiilier  (pie  la  toi 
et  la  créaiKC  des  (idoles  tou(  liant  le  purgatoire  soit 
conlorme  à  la  saine  doclriue  (|ui  nous  en  a  élé 
donnée  par  les  saints  Pères,  et  qu'elle  leur  soit  prè- 
chee  suivant  leur  doeirine  et  celle  des  contiles  pré- 
cédents; (piMs  bannissent  des  pn;dieati()iis  (|ui  se 
font  devant  le  iieiqile  grossier,  les  questions  difficiles 
et  trop  s:ibliles  sur  celle  matière,  qui  ne  servent  à 
rien  pour  rediUealion;  (pi'ils  ne  periiiellenl  point 
non  plus  qu'on  avance  ou  qu'on  agite  sur  ce  sujet 
des  choses  incertaines,  ou  tout  ce  qui  lient  d'une 
certaine  curiiisile  ou  manière  de  superstition,  ou  qui 
ressent  un  profit  sordide  el  mes4i;aat.  »  ^Couc.  do 
Trente,  sess.  23.) 


1691 


PUR 


PUR 


dC92 


hlasphhne  contre  le  Fils  de  Vhomme,  il  pourra 
en  obtenir  le  pardon  ;  mais  s'il  blasphème  con- 
tre le  Saint-Esprit ,  ce  pi'ché  ne  lui  sera  re- 
mis ni  dans  le  siècle  présent  ni  dans  le  siècle 
futur.  De  là  nous  concluons  qu'il  y  a  donc 
des  péchés  qtii  sont  remis  dans  le  siècle  fu- 
tur, autrement  l'expression  du  Sauveur  ne 
signifierait  rien  :  or  comme  le  péché  ne 
peut  être  remis  dans  le  siècle  futur,  quant 
a  la  coulpe  et  à  la  peine  éternelle,  il  peut 
donc  y  être  remis  quant  à  la  peine  tempo- 
relle. 

Pour  détruire  cette  conséquence ,  Daillé 
fait  une  dissertation  de  douze  énormes  pa- 
ges in-4',  et  il  s'efforce  de  tirer  cinq  ou  six 
conséquences  absurdes  du  sens  que  nous 
donnons  à  ce  passage  ;  mais,  comme  sa  lo- 
gique est  fausse  et  sophistique,  elle  ne  vaut 
pas  la  peine  d'une  longue  réfutation;  son 
grand  principe  est  qu'il  est  absurde  que 
Dieu  remette  une  partie  de  la  jieine  du  pé- 
ché, sans  la  remettre  tout  entière;  que  ce 
pardon  serait  illusoire  ;  qu'un  créancier  n'est 
pas  censé  remettre  une  dette,  s'il  n'en  quitle 
réellement  qu'une  partie.  A  cela  nous  ré- 
pondons que  si  le  péché  est  une  dette,  il 
faut  le  comparer  à  celle  qui  porte  intérêt: 
or  un  créancier  peut  très-bien  remettre  à 
son  débiteur  le  capital,  sans  lui  quitter  les 
intérêts.  .Mais  dans  le  fond  cette  comparaison 
arbitraire  ne  prouve  rien.  Nous  convenons 
que  la  peine  temporelle  due  au  péché  ne 
peut  pas  être  remise,  sans  que  la  coulpe  et 
la  peine  éternelle  ne  le  soient  déjà.  Daillé 
au  contraire  nous  accuse  de  croire  que  la 
peine  temporelle  peut  être  remise  dans  le 
siècle  futur,  lorsque  la  peine  éternelle  ne 
l'est  pas  encore  ;  c'est  ainsi  qu'il  donne  le 
change  à  sps  lecteurs.  11  [.retend  cpie,  dans 
le  passage  de  saint  N'althieu,  Jésus-Chrisl, 
par  le  siècle  futur,  entend,  comme  les  juifs, 
le  règne  du  iVlessii',  et,  par  le  siècle  présent, 
le  temps  quia  précédé.  Suivant  ce  commen- 
taire, le  Sauveur  a  voulu  dire  :  Si  quelqu'un 
blasphème  contre  le  S  lint-Esprit,  il  ne  sera 
pardonné  ni  sous  la  loi  de  Moise  qui  est  une 
loi  de  rigueur,  ni  sous  le  règne  de  Jésus- 
Christ  et  de  l'Evangile  qui  est  une  loi  de 
grâce.  Mais  est-il  bien  certain  que  Dieu 
pardonnait  plus  diflicilement  à  un  juif  qui 
avait  moins  de  connaissances  et  de  lumières, 
qu'à  un  chrétien  qui  en  a  davant.ige?  Cela 
parait  formellement  contraire  à  la  doctrine 
de  saint  Paul,  qui  enseigne  qu'un  chrétien 
prévaricateur  est  plus  punissable  qu'un  juif, 
Hebr.,  c.  x,  v.  28  et  29.  Aussi  Daillé,  peu 
content  de  celte  explication,  en  donne  une 
autre  :  il  dit  que,  par  le  siècle  présent,  l'on 
peut  entendre  tout  le  temps  qui  précède  la 
résurrection  générale  et  le  jugement  dernier, 
et  par  le  siècle  futur,  le  temps  qui  doit  sui- 
vre ce  grand  jour.  Mais,  sans  parler  des  di- 
vers inconvénients  de  cette  explication,  il 
est  certain  que,  par  le  siècle  présent,  les 
écrivains  sucrés  entendent  ordinairement  le 
temps  qui  précède  la  mort,  et  par  le  siècle 
futur  le  temps  qui  la  suit  ;  donc  si  un  péché 
grief  qui  n'a  pas  été  entièrement  pardonné 
ou  effacé  dans  cette  vie  peut  l'être  dans  le 


siècle  futur,  ce  ne  peut  être  qu'en  vertu 
d'une  expiation  qui  se  fait  après  la  mort. 
Daillé  a  cité  lui-même  le  passage  dans  lequel 
saint  Paul  dit  d'Onésiphore  :  Que  Dieu  lui 
fasse  trouver  miséricorde  dans  cejour{IITim., 
I,  18),  c'est-à-dire  au  jour  du  jugement  der- 
nier ;  et  par  là  il  prouve  que  Dieu  pardonne 
des  péchés  dans  ce  grand  jour.  Mais  si  un 
péché  grief,  tel  que  le  blasphème  contre  le 
Saint-Esprit,  n'avait  pas  été  remis  avant  la 
mort  quant  à  la  coulpe  et  à  la  peine  éternelle, 
pourrait-il  être  pardonné  après  la  mort  ?  2° 
Act.,  cap.  II,  V.  24,  saint  Pierre  dit  que  Dieu 
a  ressuscité  Jésus-Christ,  en  le  délivrant  des 
douleurs  ou  des  souffrances  de  l'enfer  ou 
du  tombeau,  parce  qu'il  était  impossible  qu'il 
y  fût  retenu.  Quoi  qu'on  disent  Daillé  et  ses 
pareils,  les  douleurs  dont  parle  saint  Pierre 
ne  sont  pas  celles  de  la  mort,  puisque  Jésus- 
Christ  k^s  avait  endurées  dans  toute  la  ri- 
gueur ;  ni  celles  du  tombeau  ,  puisque  le 
corps  de  Jésus-Christ,  pilacé  dans  le  tombeau 
et  séparé  de  son  Ame,  ne  pouvait  pas  souf- 
frir ;  ni  celles  des  damnés,  Jésus-Christ  ne 
les  a  jamais  méritées  ;  il  serait  ridicule  de 
dire  que  Dieu  l'en  a  délivré  ou  préservé. 
Donc  nous  sommes  forcés  d'entendre  les  dou- 
leurs qu'enduraient  les  Ames  qui  n'étaient 
ni  dans  le  ciel  ni  dans  l'enfer.  Jésus-Christ 
ne  les  a  point  ressenties  ;  au  contraire,  i'I  a 
consolé  ces  Ames  souffrantes  et  les  a  assu- 
rées de  leur  délivrance  prochaine  ;  Dieu  l'en 
a  donc  préservé  en  le  ressuscitant,  comme 
le  dit  saint  Pierre.  Il  y  a  donc  après  cette 
vie  des  peines  qui  ne  sont  point  celles  des 
damnés,  et  l'on  ne  peut  en  supposer  d'au- 
tres que  des  peines  expiatoires  ;  c'est  préci- 
sément ce  que  nous  appelons  le  purgatoire. 
Peu  nous  importe  (jue  plusieurs  interprètes 
aient  entendu  autrement  ce  passage  ;  le  sens 
que  nous  lui  donnons  est  littéral,  simple  et 
naturel,  au  lieu  que  nos  adversaires  lui  font 
violence.  3°  /  Cor.,  c.  m,  v.  13,  saint  Paul 
dit  que  le  jour  du  Seigneur  fera  connaître 
l'ouvrage  de  chacun,  et  que  le  feu  éprouvera  ce 
qu'il  est;  que  si  l'ouvrage  de  quelqu'un  demeu- 
re, il  en  recevra  la  récompense  ;  que  si  son  ou~ 
vrage  est  brûlé,  il  en  recevra  du  dommage, 
inais  qu'il  sera  sauvé  comme  par  le  feu.  Daillé 
a  encore  employé  seize  pages  pour  éclaircir 
ou  plutôt  ])our  embrouiller  ce  passage.  11 
soutient  qu'il  est  là  question  du  travail  ou 
de  la  doctrine  des  ouvriers  évangéliques  ; 
soit  :  on  doit  juger  de  môme  de  tout  autre 
ouvrage  relatif  au  salut.  Il  dit  que  le  texte 
grec  ne  porte  point /ejowrdw  Seigneur,  mais 
un  jour  quelconque;  nous  répliquons  qu'il 
serait  ri.iicule  de  dire  qu'un  jour  le  feu  brû- 
lera en  ce  monde  l'ouvrage  des  prédicateurs 
de  l'Evangile,  et  que  l'ouvrier  sera  SMUvé 
comme  par  le  feu.  En  recourant  ainsi  à  des 
métaphores,  à  des  comparaisons  aibitrair.s, 
il  n'est  aucun  passage  du  l'Ecriture  sainte 
duquel  on  ne  puisse  tordre  le  sens  à  son 
gré.  Il  nous  parait  plus  siniple  d'entendre 
celui-ci  de  l'épreuve  que  subissent  dans  l'au- 
tre vie  les  œuvres  de  chaque  hi.mme  en  par- 
ticulier, et  du  feu  expiatoire  dont  il  s'est  sau- 
vé, lorsqu'il  a  travaillé  solidement  pour  le 


1693 


PUR 


PUR 


1094 


ciel.  —  Bollarmin  a  cité  plusieurs  autres  pas- 
sages de  l'Ecriture  en  faveur  du  dogme  du 
purgatoire  ;  Daillé  use  toujours  de  la  uilMuo 
métliode  pour  en  esquiver  les  conséqueuccs  ; 
il  serait  inutile  de  le  suivre  plus  longtemps 
dans  cette  discussion. 

La  seconde  [ireuve  que  nous  alléguons  de 
ce  môme  ilogme  est  la  tradition  de  l'F.glise, 
tradition  attestée  par  l'usage  dans  lequel  elle 
a  toujours  été  de  prier  pour  les  morts,  et 
l'Eglise  s'est  fondée  sur  les  passages  do  l'E- 
criture saillie  dont  les  [irotestants  détdument 
aujourd'hui  le  sens.  La  manière  dont  ils  les 
expliquent  nous  di'nioiitre  la  cause  pour  la- 
quelle ils  ont  posé  pmu'  principe  que  l'Erii- 
ture  sainte  est  la  seule  règle  de  foi;  c'est 
qu'ils  savaient  bien  que  cette  régie  ne  les 
gênerait  jamais.  Au  reste,  c'est  de  leur  part 
une  supercherie  palpalilc,  puisqu'ils  pien- 
nent  pour  règle,  non  le  texte  de  l'Ecriture, 
mais  l'explication  arlutraire  qu'ils  y  donnent. 
Le  catholique,  plus  sincère,  prend  jioor  sa 
règle  le  sens  qui  a  toujours  été  donné  à  cette 
même  Ecriture  par  toutes  les  sociétés  de 
chrétiens  qui  vivent  en  comuuinion  de  foi 
et  qui  font  [irofession  de  s'en  tenir  îi  ce  que 
les  apôtres  ont  cnsrij^né.  Il  en  est  instruit 
par  le  témoignage  di  s  Pères  qui  ont  été  les 
j)asteurs  et  les  docteurs  de  ces  sociétés,  par 
les  di'cisions  que  les  conciles  ont  faites  con- 
tre ceux  qui  attaquaient  l'ancienne  doctrine, 
par  les  usages  et  les  pratiques  qui  ont  tou- 
jours servi  (i'explication  à  cette  même  doc- 
trine ,  ou  écrite  ou  enseignée  de  vive 
voix. 

Or  un  de  ces  usages  a  été  dès  le  com- 
mencement de  prier  pour  les  moi  ts  ;  l'Eglise 
a  donc  supposé  que  les  morts  pouvaient  être 
dans  un  ét.it  de  soulfiance  et  recevoir  du 
soulagement  par  les  prières  des  vivants.  Voij. 
PKiiS;REs  POUR  LES  MORTS.  Déjà  plusieurs 
protestants  sont  convenus  que  cet  usage  a 
commencé  l'an  208  ou  immédiatement  après  ; 
mais  cela  ne  prouve  pas  ,  disent-ils ,  que 
l'on  croyait  déjà  le  dogme  du  purgatoire; 
ou  priait  pour  les  morts,  parce  que  l'oa 
pensait  que  les  âmes  des  justes  n'allaient 
pas  prendre  possession  de  la  gloire  immi'-- 
diatement  a[)rès  la  mort,  mais  qu'elles  étaient 
di'tenues  dins  un  lieu  particulier  que  l'on 
appelait  ie paradis  ou  le  sein  d'Abraham,  jus- 
qu'au jugement  dernier  ;  on  demandait  à 
Dieu  d'accélérer  le  moment  de  leur  bonheur. 
Telle  a  été  l'opinion  des  anciens  Pères.  — 
lie'ponse.  Accordons  pour  un  moment  cette 
supposition.  (",es  âmes  connaissaient  sans 
doute  le  bonheur  qui  leur  était  di'Siiné,  et 
le  temps  ciue  devait  durer  leur  captivité'; 
or  il  leur  était  impossible  de  le  coniiaitre, 
sans  désirer  ardemment  de  le  posséder,  sans 
éprouver  par  conséquent  du  regret  de  ne  pas 
en  jouir  encore.  On  le  supposait  ainsi,  puis- 


que 


l'on  demandait  à  Dieu  d'abréger  le  re- 


tard de  ce  bonheur.  Donc  l'on  jugeait  que 
ces  Ames  étaient  dans  un  ét.it  d'éi^reuve  et 
d'anxiété  ;  elles  ne  pouvaient  y  être  qu'alin 
qu'elles  lussent  jmi  itiées  davant  ige  ;  donc 
on  les  supposait  dans  le  purgatoire. 
Longtemps  avant  l'an  -200,  saint  Justin , 


dans  son  Dialogue  avec  Tryphon ,  n.  105, 
parlant  de  l'Ame  de  Samuel,  évoquée  par  la 
pythouisse,  disait:  «  Il  paraît  que  les  Aines 
des  justes  et  des  prophètes  tombent  sous  le 
pouvoir  des  esprits  tels  que  cette  femme  en 
avait  un.  C'est  pour  cela  que  Dieu  nous  a 
enseigné,  jiar  rexî'mpli'  de  son  Fils,  h  désirer 
et  à  demander,  au  sortir  de  cette  vie,  ijue 
nos  Ames  ne  tombent  point  sous  ce  même 
pouvoir.  Aussi  le  Fils  de  Dieu,  piès  d'expi- 
rer sur  la  croix,  dit  :  «  Mon  Père,  je  remets 
mon  esprit  entre  vos  mains.»  On  a  traité 
d'erreur  grossière  celte  réllexion  do  saint 
Justin,  [larce  que  l'on  a  cru  que,  suivant 
ro|)inion  de  ce  saint  martyr,  les  esprits  dont 
il  |iarle  avaient  sur  les  Ames  des  justes  le 
même  empire  que  les  démons  exercent  sur 
les  damnés  ;  mais  on  lui  attribue  celte  pen- 
sée mal  il  propos.  Autant  qu'il  nous  paraît, 
il  a  seulement  entendu  que  ces  esprits  pou- 
vaient punir  les  Ames  des  fautes  qui  n'é- 
taioi.t  pas  sufiisnmment  expiées,  et  les  retenir 
du  moins  pendant  quchjue  temps  dans  l'é- 
tat que  nous  appe  ons  le  purgatoire.  Saint 
Clément  d'Alexandrie,  .S/>-.,l.  vi,  c.  lV,ii.7!)i, 
dit  qu'un  fidèle  qui  meurt  après  avoir  quitté 
ses  vices,  doit  ell'acer  encore  par  lui  supplice 
les  péchés  qu'il  a  commis  après  le  ba)itème. 
Liv.  VII,  c.  10,  p.  865,  1 1  c.  12,  p.  870,  il 
ajoute  ipi'un  gnosti(iueou  un  chrétien  éclai- 
lé  a  jntié  de  ceux  qui,  chAtiés  après  leur 
mort,  avouent  leurs  fautes  malgré  eux  jiar 
le  supplice  qu'ils  endurent.  Origène,  dans 
dix  ou  douze  jiassages ,  enseigne  la  même 
doctrine  ;  nous  ne  les  citons  pas  :  l'autorité 
de  ce  Père  est  suspecte  aux  protestants,  par- 
ce qu'il  a  été  p:  rté  à  croire  que  toutes  les 
)ieines  de  l'autre  vie,  mêmes  celles  de  l'enfer, 
sont  expiatoires.  Tertullien,  lib.  de  Anima, 
c.  35  et  38,  prouve  par  les  paroles  de  l'iivan- 
gile.  Malt.,  c.  v,  v.  26,  cpi'il  y  a  dans  l'au- 
tre vie  une  prison  de  laquelle  on  ne  sort  point 
que  l'on  n'ait  payé  jusqu'à  la  dernière  obole. 

Saint  Cyprieii,  i/j/.«<.  52,  adAntonian.yp.li. 
«  Autre  chose  est,  dit-il,  d'attendre  le  pardon, 
et  autre  chose  d'entrer  dans  la  gloire  :  l'un, 
mis  en  prison,  n'en  sort  qu'après  avoir  payé 
jusqu'à  la  dernière  obole  ;  l'autre  reçoit  d'a- 
bord la  récompense  de  sa  foi  et  de  son  cou- 
rage :  on  peut,  ouètre  purilié  du  péché  par 
(1rs  soulfrances  et  en  supportant  longtemps 
la  peine  du  feu,  ou  les  elJacer  tous  i)ar  le 
martw'e.  Eniin,  autre  cliose  est  d'attimdre  la 
sentence  du  Seigneur  au  jour  du  jugement, 
et  autre  chose  d'en  recevoir  incontinent  la 
couronne.  »  On  ne  peut  pas  distinguer  av.  c 
l)lus  de  soin  les  divers  étals  dans  lesquels 
j)eut  se  trouver  une  Ame  juste  en  sortant  de 
cette  vie  ;  mais  saint  C.\  prien  n'était  pas  l'in- 
ventr'j.r  de  celte  doctrine,  elle  n'a  excité  la 
réclamation  de  personne.  Il  serait  inutile  de 
citer  les  Pères  du  iv'  siècle. 

Ce  qui  a  fait  croire  aux  protestants  que  le 
doi^ine  que  nous  soutenons  est  nouveau, 
qu'il  est  né  postérieurement  aux  apôtres, 
c'est  qu'ils  n'ont  pas  vu  dans  les  écrits  du 
1"  siècle  le  mot  de  feu  purifiant  ni  de  purga- 
toire. Mais,  encore  une  fois,  l'Eglise  n'a  pas 
défini  que  le  purgatoire  est  un  feu  ;  que  les 


1G95 


PUR 


PUR 


169C 


l 


protestants  professent  le  fond  du  dogme,  on 
leur  permettra,  s'ils  le  veulent,  de  trouver 
un  autre  terme  pour  exprimer  ce  que  nous 
entendons  par  le  jmrgatoire. 

Une  troisième  preuve  de  la  doctrine  catho- 
lique sur  ce  point  est  la  croyance  des  Juifs; 
il  est  constant  que,  cinq  cents  ans  au  moins 
avant  Jésus-Christ,  les  Juifs  croyaient  que  des 
aumônes  faites  jiour  les  morts  leur  étaient 
iirolitables.  C'est  ce  qui  introduisit  parmi  eux 
la  coutume  de  placer  des  aliments  sur  la  sé- 
j)ulture  de  leurs  parents,  aTui  de  nourrir  les 
pauvres.  Tobie  dit  à  son  fils,  c.  iv ,  v.  18  : 
Mettez  votre  pain  et  votre  vin  sur  la  se'pul- 
turc  du  juste,  et  gardez-vous  d'en  manger  ou 
d'en  boire  avec  les  pécheurs.  L'auteur  de  l'iTc- 
clésiastiquc  fait  la  môme  leçon  ,  c.  vu,  v.  37  : 
La  libéralité',  dit-il,  est  agréable  à  tous  ceux 
qui  vivent  ;  n'empêchez  pas  qu'elle  ne  s'étende 
sur  les  morts.  Rien  de  plus  connu  C[ue  la 
léllexion  de  l'auteur  du  second  livre  des 
Machabées,  c.  xii,  v.  'i-6  :  C'est  une  sainte  et 
salutaire  pensée  de  prier  pour  les  niorts,  afin 
(ju'ils  soient  délivrés  de  leurs  péchés.  Les  Juils 
e  croient  encore.  —  Quand  même  les  pro- 
testants seraient  bien  fondés  à  nier  la  cano- 
1  icité  de  ces  livres  des  Juifs,  ils  seraient 
néanmoins  obligés  d'en  admettre  le  témoi- 
gnage ,  du  moins  comme  historique  ,  et 
d'avouer  le  fait  qui  y  est  rap|iorlé  ou  sup- 
]  osé.  Or,  où  les  Juifs  ont-ils  puisé  cette 
croyance  ?  Les  prolestanis  diront  sans  doute 
que  les  Juifs  l'avaient  empruntée  des  Clial- 
(léens,  que  c'est  une  des  rêveries  de  la  ])hi- 
losopliie  orientale.  Pour  le  croire,  il  faudrait 
oublier,  1°  la  haine  que  les  Juifs  devaient 
naturellement  avoir  contre  les  Chaldéensqui 
les  retenaient  en  captivité  ;  2°  la  défense  que 
Jérémio  leur  avait  faite  d'adopter  en  aucune 
manière  les  usages  et  les  opinions  des  Chal- 
déens,  Baruch,  c.  vi  ;  3"  le  t'ait  incontestable 
attesté  par  l'iiistoiie,  savoir  :  que  les  Juifs 
n'ont  jamais  été  plus  en  garde  coulre  tout 
ce  qui  venait  des  païens,  que  tlejiuis  la  cap- 
tivité. S'il  était  ici  question  d'une  erreur,  il 
serait  fort  singulier  que  les  prophètes  posté- 
l'ieurs  à  la  captivité  n'en  eussent  pas  averti 
les  Juifs,  que  Jésus-Christ  et  les  a|iôtres 
n'eussent  rien  dit  pour  en  jirévenir  les 
clirétiens  ;  cela  eût  été  plus  nécessaire  que 
de  les  détourner  des  cérémonies  légales. 

La  quatrième  preuve  que  nous  opjiosons 
aux  protestants  est  l'inconslanco  et  la  variété 
de  leurs  opinions  sur  le  dogme  dont  nous 
parlons,  et  les  aveux  que  plusieurs  d'entre 
eux  ont  été  forcés  de  faire.  Calvin  lui-même 
était  plus  circonspect  que  ses  disciples  ;  dans 
son  Instit.,  \.  m,  c.  25,  §  6,  il  dit  qu'il  ne 
faut  pas  nous  informer  avec  trop  de  curiosité 
do  l'état  des  âmes  après  la  moit  et  avant  la 
résurrection,  puisque  Dieu  ne  nous  l'a  pas 
révélé  ;  qu'il  faut  nous  contenter  de  savoir 
cpe  les  âmes  des  fidèles  sont  dans  un  état 
de  repos,  oïl  elles  attendent  avec  joie  la 
J5l(,>ire  promise,  et  que  tout  demeure  ainsi  en 
suspens  jusqu'à  l'arrivée  de  Jésus-Christ  en 
qualité  de  rédempteur.  Voilà  un  état  mi- 
toyen entre  la  ^^loire  éternelle  et  la  damna- 
tion, qui  ressemble  beaucoup  au i^wr^a^oû-c; 


et  c'est  la  croyance  commune  des  calvi- 
nistes. 

Les  anglicans  ont  conservé  l'office  des 
morts,  ils  en  ont  seulement  retranché  les 
oraisons  par  lesquelles  on  iuiplore  la  misé- 
ricorde de  Dieu  envers  les  défunts  ;  mais  les 
autres  protestants  détestent  cet  office  comme 
lui  reste  de  papisme.  Il  est  dit  dans  VApolo- 
(jic  de  la  confession  d'Augsbourg,  §  33  :  «  Nrnis 
savons  que  les  anciens  ont  parlé  delà  ])rière 
])our  les  morts,  et  nous  ne  l'empèclions  pas.  » 
(jrntius  était  dans  le  mêmesentimenl. Luther 
a  dit  que  ce  n'est  pas  un  crime  de  demander 
à  Dieu  pardon  pour  les  morts.  Wiclef  et 
Jean  Hus  ne  rejetaient  pas  le  purgatoire. 
D'oîi  est  donc  venue  l'horreur  que  les  pro- 
testants plus  modernes  ont  conçue  contre  ce 
dogme  ? 

Beausobre  commence  par  avouer  que  la 
nécessité  de  la  purification  des  âmes  avant 
d'entrer  dans  le  ciel  est  un  sentiment  qui  ne 
fait  point  déshonneur  à  la  raison,  qui  a  paru 
conforme  à  l'Ecriture,  qui  a  été  embrassé 
])ar  plusieurs  Pères,  et  qui  a  fourni  à  la  gu- 
perstition  le  prétexte  d'inventer  le  purga- 
toire ;  ensuite  il  soutient  que  la  transmigra- 
tion des  âmes,  qui  est  le  purgatoire  philoso- 
phique, vaut  mieux  que  le  purgatoire  catho- 
lique; Histoire  du  Munich.,  t.  IL  1-  vu,  c.  5, 
§  G.  Mais  \e  purgatoire  catholique  cs\.-i\  donc 
autre  chose  que  la  purification  des  âmes 
avant  d'entrer  dans  le  ciel  ?  Si  c'est  un  sen- 
timent conforme  à  la  raison  ,  à  l'Ecriture 
sainte,  à  la  croyance  de  |)lusieurs  Pères, 
comment  peut-il  être  une  superstition  ?  Voilà 
ce  que  nous  ne  concevons  pas.  Pour  rendre 
notre  croyance  odieuse  et  ridicule,  il  nous 
renvoie  aux  dialogues  de  saint  Grégoire  le 
Grand,  et  aux  légendes  oii  l'on  a  rapporté 
des  fables  et  de  vaines  imaginations  touchant 
le  purgatoire.  Mais  ces  fables,  s'il  y  en  a, 
sont-elles  notre  croyance  ?  Il  faut  l'atlaquer 
telle  que  le  concile  de  Trente  Fa  exposée, 
et  non  telle  que  des  esprits  crédules  ou  mal 
instruits  l'ont  rêvée. 

Enfin,  une  cinquième  preuve  est  l'idée  que 
l'Ecriture  sainte  nous  donne  de  la  justice  de 
Dieu,  en  nous  disant  que  Dieu  donnera  à  cha- 
cun selon  ses  œuvres.  Nous  demandons  s'il  est 
juste  qu'un  pécheur  qui  a  vécu  dans  le  désor- 
dre jiendant  toute  sa  vie,  qui  est  rétabli  dans 
l'état  de  grâce  par  une  pénitence  sincère,  soit 
aussi  abondamment  récompensé,  et  jouisse 
du  bonheur  éternel  aussi  prompitemcnt  qu'un 
juste  qui  a  persévéré  pendant  toute  sa  vie 
dans  la  pratique  de  la  vertu  ,  et  qui  meurt 
dans  les  sentiments  d'un  parfait  amour  |iour 
Dieu  ?  Jamais  ce  plan  de  justice  divine  n'en- 
trera dans  un  esprit  sensé. 

Suivant  l'opinion  commune  des  protes- 
tants, toutes  1rs  âmes  sorties  de  ce  moncle 
dans  l'état  de  justification  sont,  jusqu'au  jour 
du  jugement  dernier,  dans  l'attente  de  la 
gloire  éternelle,  mais  dans  un  état  de  [laix, 
de  repos,  exemptes  d'inquiétude  et  de  souf- 
france. Si  le  monde,  après  avoir  déjà  duré 
six  mille  ans,  en  dure  encore  autant  ou  da- 
vantage, où  sera  la  uiU'érence  et  l'inégalité 
entre  le  sort  du  juste  Abel  et  celui  de  Gaïc 


<fi07 


PUR 


vvn 


1G93 


mort  pénitent  ?  Nous  ne  connaissons  aucun 
protestant  qui  ait  daignô  faire  rotle  [('llexion. 

La  plupart  dos  oljjections  de  Daillé  cl  dos 
autres  contre  le  purgatoire  ne  sont  ([ue  des 
arguments  négatifs  ,  et  encore  portent-ils 
souvent  sur  une  fausse  sup|)ositioii.  Les  Pè- 
res, disent-ils,  les  conciles  dos  preiniors  siè- 
cles ne  parlent  point  du  pnrf/aloirc  dans  les 
circonstances  mêmes  dans  lescpielles  ils  au- 
raient dû  en  parler;  ils  n'y  croyaient  donc 
pas.  Lorsque  le  sixième  concile  général  con- 
damna Origèno,  qui  soutenait  qu(!  toutes  les 
peines  de  l'autre  vie  sont  expiatoires,  qu'un 
jour  les  damnés  et  les  démons  seront  i)uri(iés 
de  leur  crimes  et  iiardonni's,  c'était  là  le  cas 
de  distinguer  les  peines  de  l'enfer  d'avec  celles 
du  ptirgatoire  ;  le  concile  n'en  a  pas  dit  un 
mot.  Il  n'en  est  pas  question  dans  l'exiiosi- 
tion  de  la  foi  donnée  par  saint  Epiphane,  ni 
dans  la  réfutation  qu'il  a  faite  des  erreurs 
d'Aérius ,  qui  blâmait  la  firièio  pour  les 
morts  ;  le  dugme  du  purgatoire  lui  était  donc 
inconnu.  Les  autres  Pères  de  l'Kglise,  qui 
ont  eu  occasion  d'expliquer  les  jiassages  de 
l'Ecriture  que  nous  alléguons  en  faveur  de 
ce  dogme,  leur  ont  donné  un  autre  sons.  — 
Réponse.  Nous  avons  déjà  dit  que  si,  pour 
contenter  les  protestants,  il  faut  absolument 
leur  montrer  dans  les  Pères  et  les  conciles  le 
nom  de  purgatoire  ,  nous  renonçons  à  la 
gloire  de  lés  convaincre  ;  mais  qu'imi)ortele 
nom,  si  nous  y  trouvons  la  chose  ?  Il  nuporle 
encore  moins  do  savoir  si  les  conciles  et  les 
Pères  ont  parlé  de  ce  dogme  [)réciséinent 
dans  les  endroits  où  il  plaît  aux  protes- 
tants de  vouloir  qu'ils  l'aient  traité  ,  pourvu 
(ju'ils  l'aient  enseigné  ailleiu-s.  Or  on  peut 
voir  dans  les  frères  de  WaUembourg  ,  t.  H, 
tract.  V,  de  Purgat.,  les  passages  de  Ter- 
tullien  ,  de  saint  Cyprien ,  do  saint  Jean 
Chrysostome,  de  saint  Kpiphane,  de  saint 
Ami)roise,  de  saint  Jérôme,  de  saint  Augus- 
tin, de  saint  Fulgenco  ,  qui  parlent  les  uns 
do  l'état  des  ûmes  qui  ont  besoin  d'ox|)iation 
dans  l'autre  vie  ;  les  autres  do  l'ulililé  des 
prières  et  des  aumônes  que  l'on  fait  pour  les 
soulager;'on  y  trouve  môme  un  passage  do 
saint  Augustin,  £'Hf/u';-.,  cap.  6i),  dans  lequel 
le  saint  docteur  doute  si  cette  iiurification 
des  Ames  se  fait  |)ar  un  feu  purgatoire,  per 
ignem  quemdam  purgatorium,  ou  autrement. 
Ces  mômes  controversistes  ont  cité  un  pas- 
sage du  quatrième  concile  généi'al  tenu  à 
Chalcédoino  ,  un  du  troisième  concile  de 
Carthage,  un  du  quatrième  et  un  du  premier 
concile  de  Brague,  où  il  est  question  de 
l'usage  de  faire  dos  offrandes,  des  sacritices, 
des  sulfra^'os  pour  les  morts.  On  est  étonné 
de  vo  r  Daillé,  [ilus  téméraire  que  tous  ses 
confrères,  assurer  gravement  que  saint  iiré- 
goire  pape  a  été  au  vi'  siècle  l'autour  du 
dogme  d\i  purgatoire. 

Moslieim,  mieux  instruit,  convient  qu'il  a 
commencé  dès  le  ii'  siècle,  par  conséquoni 
)iou  de  temps  après  la  niurt  du  dernier  dos 
apôtres;  Hist.  ecclés..  n'  siècle,  ii'  partie, 
c.  3,  S  3. 

Etait-il  donc  nécessaire  que  le  concile  de 
Chalcédoine,  en  condamnant  l'origénismo 


sur  la  fin  du  vu'  siècle,  proscrivît  encore  une 
doctrine  qui  avait  été  réprouvée  par  toute 
l'Eglise,  au  iv  ,  dans  Aérius  et  ses  secta- 
teurs? Il  est  fauK  que  .saint  Epipiiane,  on 
la  réfutant,  ne  dise  vUm  di\  purgatoire  :  W 
dit,  Ifœr.  75,  §  7  :  «  Les  prières  ipio  r(iii 
fait  pour  les  morts  leur  sont  utiles,  (pioi- 
qu'cUos  n'eiracont  ]ias  tous  les  pé'cliés...  Nous 
faisons  mention  des  [lérhours  et  des  justes  : 
des  pécheurs,  alin  d'im|ilorer  pour  eux  la 
misériooi'de  du  Soigneur;  des  justes...,  a'in 
d'honorer  Jésus-Chrisl,  etc.,SS  :  L'Kglise  oh- 
sorve  nécessairement  ci'tte  pratiipiis  qu'elle 
a  reçue  des  anciens.  »  Voilà  donc  dos  morts 
qui  ont  dos  péchés  à  elfacer  et  qui  ont  be- 
soin que  l'on  im|)loro  pour  eux  la  miséri- 
corde do  Dieu;  c'est  ce  (jue  nous  enleiidoiis 
par  des  morts  en  purgatoire. 

Daillé  avance  avec  Iroj)  do  confiance  que 
les  Grecs  et  les  autres  sectes  do  chréti,  ns 
orientaux  no  croient  i>oinl  h;  purf/atoire;  il 
était  fort  mal  instruit,  le  contraire  est  prouvé 
d'une  manière  incontestable,  Perpel.  de  la 
foi,  tom.  V,  p.  610.  Les  Pères,  dit-il,  et  los 
conciles  qui  ont  condamné  et  réfuté  les  pé 
lagiens,  ont  décidé  qu'd  n'y  a  point  de  liv'u 
ni  d'état  mitoyen  entre  le  ciel  cl  l'enfor  ;  tous 
ont  enseigné  qu'après  la  mort  il  n'est  jilus 
question  de  mérites,  de  ])énilences,  ni  de 
purification.  —  Réponse.  Pour  iirondre  le 
sens  des  décisions  portées  contre  les  péla- 
giens,_il  faut  connaître  l'erreur  do  ces  héré- 
tiques; ils  pri'tendaionl  (|ue  los  eni'ants  morts 
sans  baptême n'enlraiont  fiasdans  lo  royaume 
des  cieux,  mais  qu'on  vertu  de  leur  inno- 
cence ils  jouissaient  de  la  vie  éternelle.  Los 
Pères  et  los  conciles,  on  décidant  que  ces 
enfants  sont  morts  avec  le  péché  orij^inel, 
ont  rejeté  avec  raison  ce  lieu  ou  cet  état 
mitoyen  entre  le  ciel  et  l'enfor,  qu'il  plaisait 
aux  i>élagiens  d'appeler  la  vie  éternelle, 
comme  s'il  pouvait  y  avoir  une  vie  étoriiolle 
hors  du  ro.yaumo  des  cieux.  .Mais  co  lieu  ou 
cet  état  prétendu  éternel  n'a  rion  de  commun 
avec  l'état  passager  dos  ;\mos  qui  ont  dos 
péchés  à  expier,  et  qui,  ai)rès  leur  purdi- 
cation,  sont  sûres  de  jouir  de  la  gloire  éter- 
nelle (1). 

Nous  ne  disons  point,  non  plus  que  les 
Pères,  que  ces  âmes  acquièrent  (h;  nouveaux 
mérites:  entre  expier  le  |)éclié  et  mérilor,  il 
y  a  une  ti'ès-grando  ditférenoe  ;  Irurs  souf- 
frances no  sont  pas  non  |)lus  une  |)énitence 
proprement  dite,  colle-ci  consiste  dans  lo 
regret  du  péché  et  dans  la  résolution  do  ne 
jilus  le  commettre  :  or,  los  ;lmes  on  /)»/•(/«- 
«o/re  savent  bien  qu'elles  ne  peuvent  plus 
pécher.  Elles  ne  peuvent  pas  enfin  se  puri- 
fier comme  en  cette  vie,  par  la  jiénilence, 
par  les  bonnes  œuvres,  par  les  sacrements; 
mais  elles  portent  la  peine  temporelle  duo 
aux  péchés  véniels  et  aux  péchés   déjà  etla- 

(I)  11  n'y  a  rien  de  tlcfini  sur  la  nature  des  peines 
du  i(ur!,';iioire.  On  croit  coniniuiiémcnt  qn'on  y  endure 
Li  peine  du  l'eu,  et  beaucoup  de  ihéolo^'iens  pensent, 
avec  saint  Thomas,  (|ue  les  peines  du  purgatoire  sur- 
passent tout  ce  qu'on  peut  souflrir  en  cette  vie  : 
Pœtui  purfialorii,  quantum  ad  pœnam  damni  et  sensus, 
cxccd'U  omncm  pœnam  islius  rilœ. 


16G9 


PIÎR 


t>IlR 


1700 


ces  en  cette  vie  quant  à  la  coulpe  et  à  la 
peine  éternelle.  Nos  adversaires  brouillent 
tout,  ne  veulent  entendre  ni  expliquer  au- 
cun dogme ,  parce  qu'ils  veulent  donner 
à  toute  notre  croyance  une  tournure  con- 
damnable. 

Mosheim,  non  moins  injuste,  dit  que  la 
purification  des  âmes  après  la  mort  est  une 
doctrine  des  païens,  qu'elle  fut  mieux  ex- 
pliquée et  mieux  établie  au  v  siècle  qu'au- 
paravant ,  que  ce  fut  dans  la  suite  une 
source  de  richesses,  intarissable  pour  le 
clergé,  qu'elle  continue  encore  aujourd'hui 
d'enrichir  l'Eglise  romaine.  Hist.  ecclés.,  v" 
.siècle,  II'  partie,  c.  3,  §  2.  Il  ajoute  qu'au 
X'  on  cr.ignait  le  feu  du  purgatoire  beau- 
coup plus  que  le  feu  de  l'enfer,  parce  que 
l'on  espérait  d'être  à  couvert  de  celui-ci  par 
la  médiation  des  saints  et  par  les  prières  du 
clergé,  au  lieu  que  l'on  ne  connaissait  au- 
cun moyen  de  se  soustraire  au  feu  du  pur- 
gatoire Le  clergé  ne  manqua  pas  de  nourrir 
cette  crainte  superstitieuse  pour  augmenter 
ses  richesses  et  son  autorité,  x"  siècle,  ii" 
part.,  c.  3,  §  1. 

Avant  de  lancer  ces  traits  de  satire  fausse 
et  maligne,  lilosheim  aurait  dû  faire  une  ré- 
flexion :  c'est  que  les  socinicns  et  les  déistes 
soutiennent  aussi  que  la  divinité  de  Jésus- 
Christ  est  une  doctrine  des  païens,  qu'elle 
ne  fut  expliquée  et  établie  qu'au  iv  siè- 
cle, el  pour  l'intérêt  du  clergé,  parce  qu'il 
importait  aux  prêtres,  déjà  censés  ministres 
de  Jésus-Christ,  d'êtie  regardés  comme  mi- 
nistres d'un  Dieu.  Mais  Mosheim  est  beau- 
coup plus  ami  des  sociniens  et  des  déistes 
que  des  catholiques.  11  savait  bien  que  l'usage 
de  prier  pour  les  morts  est  bea  -coup  plus 
ancien  que  le  V  siècle,  puisqu'il  est  con- 
venu que  le  dogme  du  purgatoire  a  com- 
mencé dès  le  W;  Tertullien  et  saint  Cyprien 
en  ont  parlé  au  m"  comme  d'un  usage  établi 
avant  eux,  pratiqué  par  conséquent  dans  un 
temps  au(juel  il  ne  pouvait  être  d'aucun  pro- 
fit pour  le  clergé,  puisque  pour  lors  il  ne  re- 
cevait aucune  rétribution  manuelle  pour  ses 
fonctions.  Mosheim  n'ignorait  pas  que,  quand 
saint  Jean  Chrysostome  el  les  autres  Pères 
du  IV'  siècle  exhortaient  les  fidèles  à  faire 
des  aumônes  pour  les  morts,  ils  entendaient 
des  aumônes  faites  aux  pauvres  et  non  au 
clergé.  Il  est  donc  incontestable  que,  dans 
l'origine,  l'intérêt  du  clergé  n'a  pu  entrer 
pour  rien  dans  les  prières  et  les  otTiandes 
laites  pour  les  morts.  11  n'est  pas  moins  cer- 
tain qu'au  X'  siècle,  après  les  ravages  faits 
dans  toute  l'Europe  par  divers  essaims  de 
barbares,  les  principales  richesses  du  clergé 
ne  sont  pas  venues  des  fonuations  faites  pour 
los  morts,  mais  de  l'abandon  qui  lui  a  été 
l'ait  de  terres  incultes  qu'il  a  mises  en  valeur, 
el  (jui  étaient  censées  pour  lors  appartenir  au 
piemier  occupant.  11  l'est  entinque,  dans  ks 
ibndations  mêmes  qui  ont  été  faites  pour  les 
morts,  dans  l'érection  des  abbayes  et  des 
monastères,  la  formule  pro  remcdio  animœ 
mcw  et  cmiinœ patris  mei,  etc.,  sigiiiliait  très- 
souvcut  pour  satisfaire  à  une  restitution  que 
mou  pi're  ou   mes  aieux  auraient   du  fuire, 


puisque  alors  les  grands  s'étaient  enrichis 
par  le  pillage  des  biens  de  l'Eglise  et  de  ceux 
des  particuliers,  qu'ainsi  l'on  pensait  à  évi- 
ter l'enfer  encore  plus  que  le  purgatoire. 

C'est  d'ailleurs  prêter  aux  hommes  du 
X'  siècle  une  absurdité  trop  grossière,  que 
de  supposer  qu'ils  ont  cru  ijue  les  a  imônes, 
les  dotations  d'églises,  les  messes,  les  priè- 
res des  [irôtres  et  des  religieux,  ne  contri- 
buaient en  rien  à  leur  faire  éviter  l'enfer.  Un 
auteur  aussi  instruit  que  iVIoshcira  a  dû  sa- 
voir qu'au  X'  siècle  on  ne  croyait  pas, 
comme  les  protestants,  q-ie  les  bonnes  œu- 
vres en  généra!  ne  contribuent  en  rien  au 
salut;  jamais  cette  doctrine  n'a  régné  dans 
l'Eglise,  jamais  aucun  membre  du  clergé  n'a 
enseigné  ni  rêvé  que  les  mêmes  [iratiques 
qui  peuvent  soulager  les  soulfrances  des 
morts  ne  sont  d'aucun  mérite  pour  les  vi- 
vants. 

Jurieu  n'a  pas  laissé  de  se  permettre  la 
môme  calomnie.  Il  dit  que  chez  les  catho- 
liques l'on  fait  tout  jiour  éviter  le  purgatoire, 
rien  pour  se  sauver  de  l'enfer  :  suivant  eux, 
dit-il,  un  acte  de  contrition  sauve  de  l'enfer, 
mais  toute  la  contrition  de  tous  les  pénitents 
ensemble  ne  ferait  rien  contre  les  ])eines  du 
purgatoire.  Nous  délions  les  protestants  de 
citer  un  seul  écrivain  catholique  qui  ait  sou- 
tenu ou  seulement  proposé  cette  doctrine 
absurde.  D'un  côté,  il  nous  accuse  de  faire 
un  trop  grand  usage  de  la  terreur  pourame- 
nt  r  les  Ames  à  la  sainteté,  d'user  de  cruauté 
en  leur  faisant  envisager  les  peines  du  pur- 
(/afojVecomme inévitables,  lors  mêmequ'elles 
croient  être  sauvées  de  l'enfer  par  une  vraie 
p:'nitence.  De  l'autre,  il  suppose  que  parmi 
nous  la  crainte  de  Fçnfer  est  étoulïée  par 
la  terreur  du  purgatoire.  Mais  la  frayeur 
d'une  peine  éternelle  est-elle  donc  moins 
cruelle  que  celle  d'une  peine  temporelle? 
Il  y  a  là  en  vérité  du  vertige  et  du  délire. 

Entin,  Jurieu  soutient  que  quand  le  dogme 
du  purgatoire  ne  ferait  plus  de  mal  aujour- 
d'hui, il  faudrait  encore  le  bannir  à  cause 
de  celui  qu'il  a  fait  ;  C'a  été  là,  dit-il,  la 
source  de  toutes  les  superstitions  de  l'Eglise 
romaine.  Préservatif  contre  le  changement  de 
religion,  art.  8.  Nous  lui  disons  à  notre  tour 
que  ((uand  ce  dogme  aurait  produit  tout  le 
mal  qu'il  prétend,  il  ne  nous  serait  pas  en- 
core permis  d'en  étoulTer  la  croyance  :  dès 
que  c'est  une  vérité,  il  ne  nous  appartient 
pas  de  vouloir  corriger  par  le  m'usonge  ou 
par  le  silence  les  prétendus  abus  produits 
Jxir  des  dogmes  que  Dieu  a  révélés.  A  la  vé- 
rité les  protestants,  qui  se  sont  cru  plus 
sages  que  Dieu,  ont  fait  main  basse  sur  tous 
les  articles  d'  croyance  et  de  pratique  dans 
lesquels  il  a  plu  à  leur  fanatisme  de  voir  des 
abus  ;  mais  nous  ne  sommes  pas  tentés  d'imi- 
ter leur  témérité  (1). 

(1)  M.  de  Trevern,  Discussion  amicale  sur  fEylise 
anglicane  et  en  yénéral  sur  la  rcjormulion,  t.  II,  leUre 
13,  p.  l'Jii,  s'exprime  ainsi,  sur  le  purgatoire  :  t  Dos 
le  temps  de  la  Synagogue,  rEcriture  nous  appiemi 
qu'on  olirail  des  sacriiices  pour  les  inorls.  A  l'annce 
de  Judas  MacliaLii'e,  plusieurs  soldats  avaient,  contre 
la  défeiisc  de  IMeu,  ejiievé  (iaiis  lus  temples  de  Juniui:« 


mi 


PUR 


PURIFICATION.  Ce  terme  a  un  double 
sens  :  lorsqu'il  est  em])]o)é  tv  l'égard  du 
corps,  il  signifie  l'action  do  se  laver  ou  le 


dos  objets  consacrés  aux  idoles,  et  les  avaient  cachés 
sons  leurs  habits,   au  nioiiieul  d'une  halallle  où  tous 
ces  soldais  perdirent  la  vie.  Leur  faute,  (|u'on  ref;arda 
coiiiinc  la  cause  de  leur  mon,  l'ut  découverle  à  l'ins- 
tant   où  on  allait   les   enterrer.  Judas    Maehahée  , 
croyant  avoir  lieu  de  penser,  ou  qu'ils  n'avaient  pas 
assez  eoiuiu  la    loi  pour  coiniueudre  la  griévelé  de 
leur  trausgiession,  ou  qu'ils  s'en  étaient  repentis  de- 
vant Dieu  avant  d'expirer,  lit  faire  uni!  qui'te  e;  pas- 
ser i'argeul  a  Jérusalem,  aliii   qu'on  y  oll'ril  des  sa- 
crilices  pour  leurs  péchés.  «  Considéraul  aussi,  dit 
l'Ecriture,  (pi'uiie  grande  miséricorde  est  réservée  à 
ceux  (pii  lueurc^Mt  dans  la  piété,  ce  qui  est  une  sainte 
et  salutaire  pensée,    il   onlouiia   inie  expiation  pour 
ces  morts,  alin  qu'ils  fussent  délivrés  de  leurs  pèches. 
Ce  passage  était  trop  direct  et  tiop  clair  pour  ne  pas 
oflusquer  ceux  ([ni,  au   xvi=   siècle,   cntrepriicut  de 
nouveau  contre   le   purgatoire  et  la  prière  pour  les 
morts,  ils  se  peisuadèreut   ipi'il  n'y  aviit,  pour  s'en 
débarrasser,  qu'à  lui  enlever  son  autorité  divine,  et 
ils  dirent  :  «   Cà'  livre  des  Machahées  ne  lut  jamais 
conqiris  dans  le  canon  des  Hébreux.  »  Kt  que  ne  di- 
rent-ils aussi  (pi'il  n'avait  jamais  pu  l'élre,  ce  canon 
ayant  été  clos  sous  E^dras,  beaucoup  avant  les  .Ma- 
cliabècs'?  Ils  dirent  encore  :  Qnelcpics  l'ères  ont  douté 
de  l'autorité  de  ce  livre.  Il  eut  été  de  la  bonne  loi 
d'ajouter  que  le  grand   noudjrc   n'en    avait  jamais 
douté;  que  généralement  il  avait  été  lu  avec  les  au- 
tres Ecritures  divines  dans  les  assemblées  chrétien- 
nes; que  le  troisième  concile  de  Carlhage,  en  consa- 
crant la  tradition  ancienne,  l'avait  rangé  parmi  les 
écrits  inspirés  :  «  Ce  sont  ces  livres,  dit-il,  que  nos 
pères  nous  ont  appris  ;i  lire  dans  l'Eglise,   sous  le 
titre  d'Ecritures  divines  et  canonifiues;  t  que  saint 
Augustin  le   place  dans  le  canon  des  Ecritures  dont 
il  donne  l'ènuméralion,  lib.  de  Docir.  christ,  c.  8,  et 
qu'il  le  cite  en  preuve  contre  les  hérétiques;  qu'il  est 
mis  au  rang  des  saintes  Ecritures  par  Innocent  1", 
dans  sa  réponse  à  saint  Erupèce,  évèque  de  Toulouse, 
en  W6  ;  par  Gélase,  assiste  de  70  évè([ues,  dans  le 
décret  du  concile  romain,  en  194.  Au  reste,  ne  nous 
étendons  par  davantage  sur  la  canonicité  qui  appar- 
tient certainement  à  ce  livre,  et  que  les  réformateurs 
n'auraient  pas  songé  à  lui  conlestei'  sans  révidence 
de  ce  i)assage.  Laissons  de  coté,  pour  un  instant,  sou 
autoi'ilé  divine;  nous  n'en  irons    pas   moins  ,    quoi 
qu'on  lasse,  ii  notre  but.  Car  .Messieurs  de  la  religion 
réformée  admettent  les  livies  des  Machabees  comme 
une  histoire  véridii|uo.   Donc  il  est  de  lait  historii|i.e 
que,  dès  le  temps  des  .Machahées,  les  Juifs,  les  sacif    f 
ticaleurs,  la  synagogue,  pensaient  qu'il  était  pieux  e\  ' 
salutaire  d'offrir  des  sacriliccs  pour  les  morts,   afin 
qu'ils  fussent  délivrés  de  leurs  péchés.  Josèphe  nous 
indique  assez   que  cette  croyance  se  niaiulenail  de 
son  temps,  lorsqu'il  témoigne  que  les  Juifs  ne  priaient 
point  pour  ceux  qui  s'étaient  eux-mêmes  privés  de  la 
vie.  Or,  ils  ne  priaient  pas  sans  doute  pour  ceux  qui 
étaient  déjà  dans  le  sein  d'Abraham,  oii  l'on  n'avait 
nul  besoin  de  prières,  ni  pour  ceux  qui  seraient  en 
enfer,  oii  les  prières  sont  inutiles.  Et  encore,  le  but 
de  leurs  prières  était  d'obtenir  la  romisbion  des  pé- 
chés pour  les  défunts,  que  par  coubuiuent  ils  ne  pla- 
çaient pas  dans  le  sein  d'Abraham,  où  rien  d'impur 
n'était  admis;  encore  moins  dans  l'enfer,  également 
fermé  au  pardon  et  à  l'espérance.  lU  croyaient  donc 
à  un  état  mitoyen,  entre  l'un  et  l'autie;  et  cet  état 
mitoyen  que  vous  désignerez  sous  tel  nom  qu'il  vous 
plaira,   nous  lui  donnons  celui  de   l'unjaloire. 

t  La  pratique  de  prier  pour  les  morts  n'a  pu  s'é- 
lablir  si  universellement  que   par  la  prédication  des 

apôtres Cène  fut  pas  sans  raison,  dii,  saint  Cliry- 

sostome,  que   les  apôtres  ordomicrent  (juc,    dans  la 
celcbration  lieoi  mystères  redoutables,  il  lut  fait  nié- 


PUR  1T03 

corps  entier  ou  une  partie,  pour  en  écarter 
toute  espèce  d'ordure  ;  (piatid  il  est  question 
de  l'âme,  c'est  l'action  de  détester  ses  péchés, 

moire  des  défunts  ;  car  ils  savaient  combien  il  on  re- 
vient aux  morts  d'nlililé  et  de  prolit.  Ilomil.  liii,  ud 
Pop.  Aulioch.  Saint  Augustin,  qui  a  compose  un 
traité'  sur  nos  devoirs  envers  les  morts,  où  les  prières 
pour  eux  reviennent  sans  cesse,  s'exprimait  ainsi 
dans  un  sermon  :  <  les  pompes  funéraires,  la  foule 
qui  les  accoinpagne,  la  reciioiche  sonipluens(!  dans 
la  structure  des  mausolées,  sans  cire  de  la  moindre 
rossourci!  pour  les  défunts,  peuvent  bien  oll'rir  (|uel- 
qnc  sorte  de  consolation  aux  vivants  :  mais  ce  dont 
il  ne  faut  pas  douter,  c'est  (pie  les  prières  de  l'Eglise, 
le  saint  sacrilice,  les  aumônes,  ne  leur  portent  <lii 
soulageuienl,  n'obliennent  pour  eux  d'i^ire  trail('S 
plus  miséricoriiieuseinent  qu'ils  n'avaient  mérite;;  car 
l'Eglise  universelle,  instrnile  par  la  tradition  de  ses 
Pères,  observe  qu'à  l'endroit  du  sacrilice  où  l'on  fa.it 
nienlion  des  morts,  on  prie  et  on  olficpoor  tous  ceux 
qui  sont  décèdes  dans  la  comiiiuiiioii  du  corps  de 
Jesus-Christ.  Scrm.  ili.  >  Dans  son  ouvrage  contre 
les  Hi^n'sieii,  il  range  Ai'rius  entre  les  lieréti(|nes, 
ainsi  qu'avait  l'ait  avant  lui  saiiil  Epipliane,  pour 
avoir  nié,  contre  la  doctrine  et  la  tradition  de  tous 
les  temps,  l'uiilité  de.s  prières  pour  les  morts;  l'un 
et  l'autre  nous  témoignant  ainsi  qu'elle  litait  regardée 
dans  l'Eglise  parmi  les  vérités  révélées  el  connues 
par  traditioi!  apostolique.  » 

.M.  de  Trévcrn  signale  l'accord  de  toutes  les  litur- 
gies sur  la  prière  pour  les  morts  : 

«  Liturgie  des  nestoriens  du  Malabar  :  «  Souve- 
nons-nous de  nos  pères,  de  nos  frères,  des  fidèles 
qui  sont  sortis  de  ce  inonde  dans  la  foi  orthodoxe; 
prions  le  Seigneur  de  les  absoudre,  de  leur  remeiire 
leurs  péchés,  leurs  prévarications,  de  les  rendre  di- 
gues de  partager  la  félicité  éternelle  avec  les  justes 
qui  se  sont  conformés  à  la  volonté  divine.  »  Une  au- 
tre liturgie  neslorienne  du  Malabar  nous  présente 
encore  les  paroles  suivantes,  dans  une  prière  admi- 
rable :  «  Seigneur  Dieu  des  armées,  recevez  aussi 
celte  oblation  pour  toute  l'Eglise  catholique,  pour 
les  prêtres,  pour  les  princes  catholiques,  pour  ceux 
qui  gémissent  dans  la  pauvreté,  l'oppression,  la  mi- 
sère et  les  larmes,  pour  les  fidèles  trépassés,  ctc.i 

Et  ces  autres  paroles  d'une  autre  prière  de  la 
même  liturgie  :  «  Airermissez,  ô  mon  Ùicii,  la  paix 
et  le  repos  des  quatre  parties  du  monde....  Détruisez 
les  guerres,  éloignez  les  batailles  au-delà  des  exiré- 
mités  de  la  terre  ;  dissipez  les  nations  (pii  veulent 
la  guerre....  Relâchez  aussi  les  liens,  les  péchés  et 
toutes  les  dettes  de  ceux  qui  sont  morts  :  nous  vous 
en  supplions  par  votre  miséricorde  et  vos  bontés  in- 
finies. >  La  liturgie  des  nestoriens  clialdéens  :  «  Re- 
cevez cette  oblation,  ô  mon  Dieu!....  pour  tous  ceux 
qui  pleurent,  qui  sont  malades,  qui  soiiflrent  dans 
l'oppression,  les  calamités,  les  inlirmiiés,  et  pour 
tous  les  trépassés  que  la  mort  a  S('parés  de  nous,  i 
Et  dans  une  autre  oraison  de  la  même  liturgie  : 
I  Pardonnez  les  délits  et  les  péchés  de  ceux  (pii  sont 
morts;  nous  vous  le  demandons  par  voire  grâce  et 
vos  miséricordes  éternelles.  »  Dans  les  belles  actions 
de  gràers  que  font  les  nestoriens  après  la  célébralion 
des  loysteies,  Ic^  morts  ne  sont  jamais  oublies  :  t  lié- 
nissez,  o  mon  Dieu,  les  trépasses,  pardonnez  à  leurs 
pèches.  »  Les  nestoriens,  à  la  diiTerenee  des  Uricu- 
laux  eu  gênerai,  ont  une  messe  partieoliôrc  pour  les 
morts  :  j'y  trouve  une  bénédiciion  pour  eux  qu'il 
faudrait  copier  tout  entière;  vous  la  lirez  dans  le  P. 
Lebrun,  t.  III,  p.  557.  Sur  la  fameuse  inscription 
trouvée  eu  Chine,  et  qui  atteste  que  des  prêtres  par- 
lis  de  Syrie  y  prêchèrent  avec  succès  l'Evangile  au 
vil'  siècie,  ou  lit  à  la  huitième  colonne  ces  mots  : 
«  Ils  font  sept  lois  par  jour  des  prières  qui  sont  très- 
utiles  aux  vivants  et  aux  morts.  >  —  Les  Arniéniens, 
ainsi  que  la  plupart  des  Orientaux,  n'ont  point  dii 


!T03 


PUR 


PUR 


im 


do  s'en  purifier  par  la  pénitence,  d'en  obte- 
nir de  Dieu  le  pardon.  Voi/.  Pureté.  Tous 
Jes  hommes,  môme  les   plus   grossiers,  ont 

messe  particulière  pour  les  morts,  comme  notre  ca- 
non ne  change  point  pour  la  me»se  des  défunts.  On 
voit  que  les  Arméniens,  en  célébrant  pour  un  raori, 
disent  :  «  Souvenez-vous,  Seigneur,  soyez  miséricor- 
dieux et  propice  aux  âmes  des  défunts,  et  en  particu- 
lier il  celles  pour  qui  nous  offrons  ce  saint  sacrifice.  > 
Leur  liturgie  offre  de  très-belles  prières  pour  les  vi- 
vaiils  et  pour  les  morts  en  général  :  le  diacre  s'adres- 
sant  il  tous  les  fidèles  s'écrie  :  «  Nous  demandons 
qu'il  soit  fait  mention  dans  ce  sacrifice  de  tous  les  fi- 
dèles en  général,  hommes  et  femmes,  jeunes  et  vieux, 
qui  sont  morts  avec  la  foi  en  Jésus-Christ.  —  Souve- 
nez-vous, Seigneur,  et  ayez  piiié  d'eux,  i  répond  le 
chft'ur.  —  Le  prêtre  seul  :  c  Donnez-leur  le  repos, 
la  lumière,  et  une  place  parmi  vos  saints  dans  votre 
règne  céleste,  et  faites  (lu'ils  soient  dignes  de  votre 
miséricorde.  Souvenez-vous,  Seigneur,  et  ayez  pitié 
de  ràine  de  voire  serviteur  N.,  selon  votre  miséri- 
corde... Souvenez-vous  aussi.  Seigneur,  de  ceux  qui 
se  sont  recommandés  ii  nos  piières,  vivants  ou  morls  ; 
accordez-leur  en  récompense  des  biens  véritables  et 
qui  ne  soient  point  passagers,  i  Les  Grecs  du  patriar- 
cat de  Constaiitinople  se  servent,  il  y  a  plus  de  onze 
cents  ans,  de  deux  liturgies  sous  le  nom  de  saint  Ba- 
sile et  de  saint  Chiysostonie  :  on  y  lit  cette  recom- 
mandation pour  les  morts  :  i  Nous  vous  olfrons  aussi, 
pour  le  repos  et  la  délivrance  de  l'iinie  de  votre  ser- 
viteur N.,  afin  qu'elle  soit  dans  le  lieu  lumineux  où 
il  n'y  a  ni  douleur  ni  gémissemeni,  et  (|ue  vous  la  fas- 
siez reposer,  ô  Seigneur  notre  Dieu,  au  lieu  oii  brille 
la  lumière  de  votre  face.  >  Il  faut  obsfîrver  que  cette 
liturgie  est  suivie,  non-seulement  des  Églises  greccpies 
de  l'empire  ottoman  qui  dépendent  du  patriarche  de 
Constantinople,  mais  encore  de  celles  qui  sont  en  Oc- 
cident, à  Home,  dans  la  Calabre,  dans  la  PouiUe, 
dans  la  Géorgie,  dans  la  Mingrélie,  dans  la  Bulgarie 
et  dans  la  Russie  enlière.  Sur  la  croyance  et  la  pra- 
tique des  Russes  et  de  tous  les  Grecs  en  général, 
nous  avons  un  témoignage  très-éclatant  dans  leur 
grand  catéchisme  nommé  d'abord  la  confession  or- 
tlioJoxe  des  Bussions,  et  auquel  les  patriarches  du 
rit  grec  ont  donné  depuis  le  titre  de  confession  ortho- 
doxe de  l'égliie  orientale.  Or,  sur  le  septième  article 
du  symbole,  on  lit  que  i  les  âmes  ne  peuvent,  après 
la  mort,  obtenir  le  salut  et  la  rémission  de  leurs  pé- 
chés par  leur  repentir  et  par  aucun  acte  de  leur  part, 
mais  par  les  bonnes  œuvres  et  les  prières  des  fidèles, 
et  surtout  par  le  sacrifice  non  sanglant  que  l'Eglise 
offre  tous  les  jours  pour  les  vivants  et  pour  les 
morts.  »  —  La  liturgie  d'Alexandrie,  ou  des  cophies 
jacobiles,  fait  coniiuémoralion  des  morts  ainsi  qu'il 
suit  :  «  Souvenez-vous,  Seigneur,  de  tous  ceux  ([ui 
se  sont  endormis  et  ont  fini  leurs  jours  dans  le  sacer- 
doce, comme  aussi  de  tout  l'ordre  des  laïques.  Dai- 
gnez, Seigneur,  accorder  le  repos  ii  leurs  àmcs,  dans 
le  sein  d'Abraham,  Isaac  et  Jacob;  introduisez-les... 
dans  le  paradis  de  délices,  dans  ce  séjour  d'où  sont 
bannis  la  douleur,  la  tristesse  et  les  soupirs  du  cœur, 
et  où  brille  la  lumière  de  vos  saints.  >  Les  diacres 
récitent  ici  les  noms  des  défunts,  et  le  prêtre  pour- 
suit :  <  Ordonnez,  6  mon  Dieu  !  que  les  âmes  que 
vous  appelez,  reposent  dans  cette  demeure  bienheu- 
reuse... )  11  revient  encore  aux  défunts  dans  une  orai- 
son ultérieure  :  «  Conservez  par  l'ange  de  la  paix 
ceux  qui  sont  vivants,  et  faites,  o  mon  Dieu!  reposer 
les  âmes  des  déhinls  dans  le  sein  de  nos  pères,  Abra- 
ham, Isaoc  et  Jacob,  dans  le  paradis  de  la  félicité,  t 
—  Lilurgie  des  Abyssins  ou  Ethiopiens  :  «  Ayez  pitié, 
ômon  Dieu,  des  àuiesde  vos  serviteurs  et  de  vos  ser- 
vantes, qui  ont  été  nourris  de  votre  cor|is  et  de  votre 
sang.etsesonteiidormisiila  mort  dans  votre  foi.  >  Le 
prêtre,  dans  une  longue  et  belle  prière,  après  la  con- 
sécraiioii,  dit  encore  :  «  Sauvez  éternelleineui  ceux 


compris  que  la  purification  da  corps  était  le 
symbole  naturel  de  celle  de  l'âme;  consé- 
quemment  chez  tous  les  peuples,  dans  la  re 

qui  font  votre  volonté  :  consolez  les  veuves,  soutenez 
les  orphelins,  et  ceux  qui  se  sont  endormis  et  sont 
morts  dans  la  foi,  daignez  les  recevoir.  >  —  Liturgie 
des  Syriens  orthodoxes  et  jacobites  :  Le  diacre  : 
«  Nous  faisons  derechef  cominémoralion  de  tous  les 
trépassés  qui  sont  morts  dans  la  vraie  foi,  soit  qu'ils 
aient  appartenu  à  cette  église,  i»  ce  pays,  ou  à  quelque 
région  que  ce  puisse  être,  et  sont  arrivés  à  vous, 
mon  Dieu,  qui  êtes  le  Seigneur  et  le  maître  de  tous 
les  esprits  et  de  toute  chair.  Nous  prions,  implorons 
et  supplions  le  Christ  notre  Dieu,  qui  a  reçu  leurs 
iimes,  de  les  rendre  ;  par  ses  miséricordes,  dignes  du 
pardon  de  leurs  péchés,  et  de  nous  faire  parvenir  avec 
eux  dans  le  royaume.  C'est  pourquoi  nous  disons  trois 
fois  Kyrie  eleison,  i  Le  prêtre  incliné  prie  pour  les 
morts,  et  ensuite  élevant  la  voix  :  <  0  mon  Dieu  ! 
Seigneur  de  tous  les  esprits  et  de  toute  chair,  souve- 
nez-vous de  ceux  dont  nous  nous  souvenons,  et  qui 
sont  sortis  de  ce  monde  dans  la  vraie  foi  :  donnez  le 
repos  il  leurs  âmes...  les  rendant  dignes  de  la  félicild 
que  l'on  goûte  dans  le  sein  d'Abraham,  disaac,  de 
Jacob,  où  brille  la  lumière  d  '  votre  face,  et  d'où 
sont  bannis  les  chagrins,  les  douleurs,  les  gémisse- 
ments.... N'entrez  pas  en  jugement  avec  vos  servi- 
teurs, parce  qu'aucun  des  hommes  ne  sera  justifié 
devant  vous  ;  comme  n'est  aucun  de  ceux  qui  mar- 
chent sur  la  terre.  Qui  fut  jamais  exempt  de  péchés 
ou  de  toute  souillure,  si  ce  n'est  Notre-Seigneur  Jé- 
sus-Christ votre  Eils  unique,  par  lequel  nous  espérons 
pour  nous  et  pour  eux  miséricorde  et  rémission  des 
péchés,  il  cause  de  lui  et  de  ses  mériies?  >  —  L'an- 
cienne liturgie  connue  sous  le  nom  de  Saint-Jacques, 
citée  par  le  concile  in  Tnillo,  et  expliquée  au  iv°  siè- 
cle par  saint  Cyrille  de  Jérusalem,  met  dans  la  bouche 
du  prêtre  le  prière  suivante  pour  les  morts  :  «  Sei- 
gneur, notre  Dieu,  souvenez-vous  de  toutes  les  âmes 
dont  nous  avons  fait  mémoire  et  dont  nous  n'en  avons 
point  fait,  de  tous  ceux  qui  sont  morts  dans  la  vraie 
foi,  depuis  Abel  le  juste  jusqu'à  présent  :  faites-les 
reposer  dans  la  région  des  vivants,  dans  voire  royau- 
me, dans  les  délices  du  paradis,  dans  le  sein  d'Abra- 
ham, Isaac  et  Jacob,  nos  saints  Pères,  où  il  n'y  a 
plus  de  douleurs,  ui  gémissements,  ni  tristesse,  où  la 
lumière  de  voire  lace,  qui  regarde  lout,  brille  en  toute 
manière,  i  Saint  Cyrille  l'expliquait  ainsi  aux  néo- 
phytes :  «  Célébrant  le  sacrifice,  nous  prions  en  der- 
nier lieu  pour  ceux  qui  sont  décédés  parmi  nous, 
estimant  que  leurs  âmes  reçoivent  beaucoup  de  se- 
cours du  sacrifice  redoutable  de  nos  autels....  Si  les 
proches  de  quelque  pauvre  exilé  présentaient  au 
prince  une  couronne  d'or  pour  apaiser  sa  colère,  ce 
serait  sans  doute  un  bon  moyen  pour  l'engager  d'a- 
bréger le  temps  ou  d'adoucir  la  peine  de  l'exii.  C'est 
ainsi  ([u'en  priant  jiour  les  morts  pendant  le  sacri- 
fice, nous  olfrons  à  Dieu,  non  pas  une  couronne  d'or, 
mais  Jesus-Christ,  son  Eils,  mort  pour  nos  péchés, 
afin  de  rendre  propice  et  à  eux  et  à  nous  celui  qui  de 
sa  nature  est  très-porté  à  la  clémence,  i  —  La  li- 
turgie mozarabe  ou  espagnole  :  t  Nous  vous  olïrons, 
ô  Pore  souverain,  cette  hostie  immaculée  pour  votre 
sainte  Eglise,  pour  la  saiisfacliou  du  siècle  prévari- 
caleur,  pour  la  purification  de  nos  âmes,  pour  la  santé 
des  infirmes,  pour  le  repos  et  l'indulgence  des  fidèles 
trépassés,  aliii  que,  changeant  le  séjour  de  ces  tristes 
demeures,  ils  jouissent  de  l'heureuse  société  des 
justes.  ) — <  Assemblez-vous,  disent  les  Coiistiiutions 
apostoliques,  dans  les  cimetières;  faites -y  la  lecture 
des  Livres  sacrés,  chanlez-y  des  psaumes  pour  les 
martyrs,  pour  tous  les  saints,  et  pnurvos  frères  qui 
sont  nions  dans  le  Seigneur,  et  offrez  ensuite  l'Eu- 
charistie. > 

<  11  serait  superflu  de  citer  les  liturgies  de  l'Eglise 
latine,  dont  personne  ne  doute.  > 


1705 


pm 


PUR 


iM 


I  igion  vraie  comme  dans  les  fausses,  l'usage 
a  été  de  se  laver  avant  de  remplir  les  devoirs 
du  culte  religieux,  non  pas  que  l'on  crût 
qu'une  purification  extérieure  pouvait  opé- 
rer la  pureté  de  l'Ame,  comme  quelques  in- 
crédules ont  affecté  de  le  supposer,  mais 
parce  qu'en  se  lavant  le  cor|is  on  témoignait 
que  l'on  désirait  avoir  la  pureté  intérieure, 
et  étri'  exempt  de  |)éclié.  Or,  ce  désir,  lors- 
qu'il est  sincère,  est  la  pieraière  disposition 
nécessaire  pour  l'acqu('rir. 

Dans  la  Genèse,  c  xxxv,  v.  2,  Jacob,  avant 
d'aller  offrir  un  sacrilice  h  Béthel,  ordotuie  à 
ses  gens  de  se  laver  et  de  changer  d'habits;  il 
ne  se  proposait  certainement  pas  d'imiter 
les  ])aiens  par  cette  jn-atique.  l/idolAtrie  ne 
faisait  encore  que  de  naître  dans  la  Chaldée, 
et  Jacob  ordonne  en  môme  temps  îi  tous  ceux 
qui  doivent  raccompagner  de  lui  apporter 
toutes  les  idoles  qu'ils  avaient  entre  eux,  et 
il  les  enfouit  sous  un  arbre.  Les  purifications 
ont  donc  été  en  usage  parmi  les  patiiarches 
adorateurs  du  vrai  Dieu,  avant  d'être  prati- 
quées et  profanées  par  les  païens.  Nous  con- 
venons que  ces  derniers  en  ont  perverti 
l'usage  et  leur  ont  attribué  une  vertu  qu'elles 
n'ont  certainement  pas.  Nous  voyons  dans 
Virgile  que  Enée,  sortant  du  combat,  se  fait 
scrupule  de  toucher  ses  dieux  pénates,  avant 
d'avoir  lavé  ses  mains  dans  une  eau  vive  ;  il 
n'avait  sûrement  pas  beaucoup  de  regret 
d'avoir  tué  un  grand  nombre  d'ennemis. 
L'action  de  se  laver  en  pareil  cas  était  donc 
une  pure  momcrie.  C'est  avec  raison  qu'un 
autre  poëte  s'écrie  à  ce  sujet  :  «  Hommes 
trop  indulgents  pour  vous-mêmes,  qui  pen- 
sez que  des  meurtres  peuvent  être  effacés 
parl'eau  d'unlleuve  !  «  Mais  l'erreur  des  païens 
ne  prouve  pas  que  l'usage  de  se  purifier  était 
mauvais  en  lui-même,  que  l'on  a  dû  s'en 
abstenir  h  cause  de  l'abus,  approcher  des 
autels  du  Seigneur  avec  un  extérieur  souillé 
et  dégoûtant,  et  avec  moins  de  resfiect  que 
;'on  n'en  a  pour  un  personnage  à  qui  Ion 
craint  de  déplaire.  Aussi  avant  de  donner  la 
loi  à  son  peuple.  Dieu  ordonne  à  tous  les 
Israélites  de  se  purifier  pendant  deux  jours, 
de  laver  leurs  vêtements,  et  de  se  tenir  prêts 
pour  le  troisième;  Exod.,  eux,  v.  10.  Sans 
doute  il  n'exigeait  pas  d'eux  une  cérémonie 
superstitieuse  ou  inut  le,  mais  il  voulait  leur 
imprimer  le  respect  jiour  sa  présence. 

Les  païens,  superstitieux  observateurs  de 
rites  dont  ils  ne  connaissaient  ni  la  raison 
ni  l'utilité,  inventèrent  dei  purifications  de 
toute  espèce;  ils  en  faisaient  non-seulement 
avec  l'eau,  mais  ils  y  ajoutaient  le  sel,  le 
soufre,  la  cendre,  le  sang  des  victimes,  la 
salive,  le  miel,  l'orge,  le  îeu,  les  flambeaux, 
les  plantes  odoiiférantes;  les  Indiens  et  les 
parsis  c. oient  se  purifier  avec  l'urine  de 
vache.  Ces  purifications  étaient  différentes, 
selon  1  s  différents  dieux  auxquels  on  voulait 
plaire,  et  souvent  l'on  en  usait  pour  se  dé- 
livrer de  prétendues  impuretés  absolument 
imaginaires ,  comme  pour  s'être  approché 
d'un  étranger,  pour  avoir  respiré  son  ha- 
leine, ou  pour  avoir  mangé  avec  lui,  etc. 

Moïse  prescrivit  aux  Juifs  plusieurs  ^wn'/î- 

DlCTlONN.   DE  ThÉOL.  DOGMATIQUE.  III. 


cations,  mais  simples  et  naturelles,  puis- 
qu'elles se  faisaient  avec  de  l'eau,  sans  au- 
cun rit  inutile  ou  absurde.  Sous  un  climat 
aussi  chaud  que  la  Palestine,  cette  précau- 
tion était  nécessaire  pour  prévenir  tout  dan- 
ger de  corruption  et  d'infection;  c'est  pour 
fêla  que  l'usage  du  bain  y  est  encore  si 
fré(|uent  aujourd'hui.  Di'  jirétendus  philo- 
soplies  ont  demandé  pourquoi  il  fallait,  s  ■- 
Ion  la  loi  juive,  se  laver  ou  se  purifier 
lors(ju'on  avait  touché  un  cadavre,  une 
femme  incommodée ,  un  reptile  ;  lorsaue 
l'on  avait  eu  un  songe  impur  ou  un  flux  de 
sang,  etc.  Ils  ne  savaient  pas  que  ces  impru- 
dences ou  ces  accidents,  qui  sont  chez  nous 
sans  conséquence,  pouvaient  être  dange- 
reux pour  les  Juifs.  Une  preuve  incontes- 
table, c'est  que  les  Européens  qui,  pendant 
les  Croisades,  négligèrent  les  précautions  de 
j)ropreté  dans  la  Palestine,  ra|  portèrent  la 
lè|)re  en  Euro|>e.  Mais  les  purifications  lé- 
gales n'avaient  pas  seulement  pour  but  d'en- 
tretenir la  [)ro|)reté  du  corps  et  la  s.mté, 
elles  tendaient  principalement  îi  inspirer  aux 
Juifs  le  respect  pour  la  divinité,  l'attention 
la  plus  scrupuleuse  dans  les  pratiques  de 
son  culte,  la  circonspection  dans  toutes  les 
circonstances  de  la  vie.  Encore  une  fois, 
nous  savons  bien  que  ces  cérémonies  ne 
donnaient  pas  la  pureté  de  l'âme;  mais  il 
est  constant  qu  un  Juif,  accoutumé  à  envi- 
sager la  loi  dans  toutes  ses  actions,  en  deve- 
nait plus  attentif  à  éviter  les  crimes  qu'elle 
lui  défendait.  Si  dans  la  suite  cette  attention 
devint  une  pure  hypocrisie,  c'est  qu'alors  les 
Juifs  avaient  été  pervertis  par  le  mauvais 
exemple  des  païens. 

Nous  nous  garderons  donc  bien  de  blâmer 
la  coutume  établie  parmi  le  peuple  même  le 
plus  grossier  et  parmi  les  habitanls  de  la 
campagne,  de  se  laver,  de  se  tenir  plus  pro- 
pres les  jours  de  fêtes  pour  assister  au  ser- 
vice divin,  qu'ils  ne  sont  les  jours  ouvrables 
en  vaquant  à  leurs  travaux.  C'est  une  preuve 
de  respect  pour  les  devoirs  et  les  assemblées 
de  religion  dont  il  est  bon  d'entretenir  l'ha- 
bitude. Des  censeurs  imprudents  disent  que 
l'attention  à  cette  propret;!'  extérieuredétour- 
nede  penser  à  la  pureti-  de  l'âme;  c'est  une 
fausseté.  Le  peuple  serait  moins  en  étit  de 
sentir  la  nécessité  d'êtr.-  pur  intérieurement 
pour  rendre  à  Dieu  un  culte  qui  lui  soit 
agréable,  s'il  était  accoutumé  à  paraître  au 
pied  des  autels  avec  un  extérieur  aussi  né 
gligé  qu'il  l'a  dans  les  travaux  les  plus  vils. 
Les  protestans,  si  portés  d'ailleurs  à  censu- 
rer tous  les  usages  des  catholiques,  ont  con- 
servé celui-ci,  et  ils  portent  plus  loin  que 
nous  l'attention  sur  ce  point. 

PCBlFICATmN     DES    FEMMES    JlIVES.    Il    était 

réglé  par  la  loi  de  Moise,  Lcvit.,  c.  xii, 
que  les  femmes  qui  étaient  accouchées  d'un 
enfant  mâle  seraient  censées  imjuirei  pen- 
dant quarante  jours,  et  celles  qui  avaient 
mis  au  monde  une  tille,  pendant  quatre- 
vingts  jours,  après  lesquels  elles  devaient  se 
présenter  au  temple  pour  rendre  leurs  ho 
mages  au  Seigneur.  Lorsque  les  jours  d/ 
purification  étaient  accomplis,  l'accouèln 

5i 


Rs[7> 


ik 


>>'i--i. 


<Py 


1707 


POR 


PUR 


{■m 


portait  à  i'entTée  du  tabernacle  ou  du  temple 
UQ  agneau  pour  être  offert  en  holocauste, 
et  le  petit  d'un  j-Mgeon  ou  d'une  tourterelle 
pour  victime  dsi  p  ché.  Les  pnuvres  offraient 
deux  tourterelle^  ou  deux  petits  <^e  colombe. 
Par  une  autre  loi  portée  dans  ÏExode,  c.  xin, 
V.  2.  Di(!'i  av^'t  ordonné  qu'on  lui  olfrit 
tous  les  preuiiers-mJs  des  familles,  et  quVju 
les  rachetât  pour  un  certain  prix;  on  payait 
cinq  sides  \h)ut  un  garçon  et  trois  pour  une 
fille.  C'était  en  mémoire  de  ce  que  Dieu  avait 
fait  périr  tous  les  .  remiers-ués  des  Egyn- 
tiens  par  la  main -de  l'ange  exterminateur,  et 
avait  conservé  ceux  des  Israélites.  Ce  mi- 
racle était  assez  important  pour  que  les  Juifs 
fussent  obligés  d'en  conserver  le  souvenir. 
Jbid.,  y.  14. 

Mais  pourquoi  une  femme,  après  ses  cou- 
ches ,  était-elle  censée  impure  ?  pourquoi 
cette  différence  dos  temps  après  la  naissance 
d'un  garçon  et  après  celle  d'une  tîlle  ?  pour- 
quoi ce  sacrifice  poMr/ep^/«<'?  Etait-ce  donc 
un  crime  d'-avoir  mis  un  enfant  au  monde  ? 
Quand  nous  ne  pooiTions  rien  répondre  à 
toutes  ces  questions,  il  ne  s'ensuivrait  pas 
que  la  loi  était  absurde,  mais  que  nous  igno- 
rons les  raisons  physiques  et  morales  sur 
lesquelles  elle  était  fondée.  Quelques  auteurs 
ont  pensé  qu'elle  était  relative  au  climat  et 
aux  incommodités  auxquelles  les  femmes 
asiatiques  sont  sujettes  ajirès  leurs  couches, 
et  ils  ont  cité  en  preuve  lopinion  qui  régnait 
chez  les  Grecs  et  chez  les  autres  Orientaux, 
touchantrimpurcté  des  femmes  dans  cet  état; 
ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que,  môme  parmi 
nous,  l'on  est  persuadé  que,  pendant  les  qua- 
rante jours  qui  suivent  les  couches,  les  fem- 
mes sont  sujettes  à  divers  accidents  ;  c'était 
donc  un  trait  de  sagesse  de  la  part  du  légis- 
lateur des  Hébreux,  de  les  avoir  forcées  à 
garder  la  maison,  et  à  se  séparer  de  toute  so- 
ciété pendant  ce  temps-là.  —Quant  au  sa- 
crifice qu'elles  devaient  offrir  ensuite  powr/e 
péché,  cette  expression  dans  le  texte  hébreu 
ne  signifie  pas  toujours  un  péché  propre- 
ment dit,  mais  un  défaut,  une  imperfection, 
une  impureté  légale  :  or ,  tel  en  est  le  sens 
dans  la  loi  dont  nous  parlons,  puisqu'elle 
ajoute  immédiatement ,  et  cette  (nnine  sera 
ainsi  purifiée  du  flux  de  son  samj  (Levit.  xii, 
7  et  ^.  Ne  peut-on  pas  ajouter,  comme  ont 
fait  plusieurs  commentateurs,  que  ce  sacri- 
fice pour  le  fléché  était  destiné  à  faire  souve- 
niraux  femmes  qu  elles  avaient  mis  au  monde 
un  enfant  souillé  du  péché  originel? 

Comme  les  anghcansont  conservé  la  céré- 
monie de  la  bénédiction  des  femmes  après 
leurs  couches ,  les  commentateurs  anglais 
ont  donné  une  raison  morale  de  la  loi  du 
Lévitique  ,  à  laquelle  nous  applaudissons 
volontiers.  «  Il  était  juste,  disent-ils,  qu'une 
femme,  dans  cette  circonstance,  olfrît  un  ho- 
locauste pour  témoigner  à  Dieu  sa  reconnais- 
sance de  ce  qu'il  avait  conservé  la  vie  à  son 
enfant,  de  ce  qu'il  l'avait  sauvée  elle-même 
du  (langer  de  la  perdre  par  les  douleurs  de 
l'enfantement,  et  de  ce  qu'il  lui  avait  rendu 
les  forces.  Par  là  elle  se  recommandait,  elle 
et  son  fruit,  à  la  Providence  divine,  elle  en 


implorait  l'assistance  ,  atn  de  pouvoir  don- 
ner à  cet  enfant  une  bonne  éducation.  Dans 
le  premier  âge  les  enfants  sont  exposés  à 
tant  d'accidents,  que  si  Dieu  ne  les  prenait 
pas  spécialement  sous  sa  garde,  et  ne  char- 
geait pas  si's  anges  de  veiller  à  leur  conser- 
vation, elle  serait  à  peu  près  im[)iissible  ;  et 
l'on  ne  saurait  trop  inculquer  cette  leçon 
aux  parei'ts  chréiiens.  »  Bible  de  Chais,  sur 
l'endr-iitcité. 

11  ne  faut  donc  pas  blâmrT  la  coutume  que 
les  femmes  observent  dans  l'Eglise  romaine 
de  se  présenter  à  l'église  en  relevant  de  leurs 
couches,  d'y  recevoir  la  bénédiction  du  prê- 
tre, et  d'y  faire  une  légère  offrande.  Ce  n'est 
ni  pour  se  purifier  ni  pour  racheter  leur  en- 
fant, mais  pour  faire  hommage  à  Dieu  de  ee 
di^pôt,  le  remercier  de  ce  qu'il  a  daigné  le 
conserver  et  l'adopter  par  le  baptême,  pour 
lui  demander  la  grâce  de  le  bien  élever. 
Celte  cérémonie  n'a  rien  que  d'édifiant,  quoi- 
qu'elle ne  soit  ordonnée  par  aucun'i  loi.  «  Si 
les  femmes,  dit  le  pape  Innocent  III,  désirent 
d'entrer  dans  l'église  immédiatement  après 
leurs  couches,  elles  ne  pèchent  pas  en  y  en- 
trant, et  on  ne  doit  pas  les  en  empêcher.  Mais 
si  par  respect  elles  aiment  mieux  s'en  éloi- 
gner pour  quelque  temps,  nous  ne  pensons 
pas  que  l'on  doive  blâmer  leur  dévotion.  » 
Cap.  de  Purif.  post  partuin. 

POBIFICATION   DE  LA     SAINTE  ViERGE  ,     fête 

que  l'Eglise  romaine  célèbre  le  second  jour 
de  février,  en  mémoire  de  ce  que  la  sainte 
Vierge,  par  humilité,  se  présenta  au  temple 
quarante  jours  après  la  naissance  de  Jésus- 
Christ,  pour  satisfaire  à  la  loi  de  Moïse  dont 
nous  venons  de  parler  dans  l'article  précé- 
dent. On  la  nomme  encore  la  fête  de  la  Pré- 
sentation de  Jésus-Christ  au  temple,  par  la 
môme  raison ,  et  la  Chandeleur,  h  cause  des 
cierges  dont  on  fait  la  bénédiction,  que  l'on 
alume  et  que  l'on  porte  en  procession  ce 
jour-là.  Les  Grecs  l'appellent  Hypante,  ren- 
contre, parce  que  le  vieillard  Siméon  et  la 
propliétesse  Anne  rencontrèrent  Jésus-Christ 
dans  le  temple  lorsqu'il  y  fut  présenté  au 
Seigneur,  et  le  reconnurent  pour  le  Messie. 
Quelques  auteurs  ont  écrit  que  cette  fête 
fut  instituée  sous  le  règne  de  l'empereur  Jus- 
tin ,  ou  sous  celui  de  Justinien,  l'an  542,  à 
l'occasion  d'une  mortalité  qui  emporta  cette 
année-là  une  très-grande  partie  des  habitants 
de  Ci'ustautinople  ;  mais  il  est  certain  que 
cette  solemiité  est  beaucoup  plus  ancienne, 
puisque  saint  Grégoire  de  Nysse,  mort  l'an 396, 
a  fait  un  sermon  de  Occursu  Domini,  dans  le- 
queJ  il  dit  que  c'est  la  fote  du  jour  auquel 
notre  Sauveur  et  sa  sainte  Mère  allèient  au 
temple  ,  et  y  portèrent  la  victime  prescrite 
par  la  loi  ;  Ménard,  sur  le  Sacram.  de  saint 
Grég.,  p.  iO-  Saint  Cyrille  d'Alexandrie,  mort 
l'an  444.,  et  le  pape  Gélase,  qui  a  vécu  avant 
l'an  496,  en  ont  parlé  de  même.  U  se  [leut 
faire  que  l'an  342  ia  fête  de  la  Chandeleur  ne 
fût  pas  encore  céléJjrée  dans  tout  l'empire 
romain,  ni  môme  à  Constantinople,  que  Jus- 
tin et  Justinien  en  aient  ordonné  la  célébra- 
tion et  l'aient  fixée  au  second  jour  de  février  ; 


i 


1700 


PUS 


PUS 


1710 


mais  il  est  cerlain  que  la  premièreinstitu- 
lion  ost  antérieure  à  c«lte  époque  au  moins 
de  deux  cents  ans  ;  et  il  est  étonnant  que 
Ringham,  si  instruit  d'aillnurs  des  antiqui- 
('■•s  ecclésiastiques,  ait  ignoré  ce  fait.  C'est 
oncore  mal  h  propos  qu'il 'soutient  contre 
îîaronius  ,  que  dans  l'origine  cette  fôte  ne 
re^jardait  pas  la  purifiration  de  la  sainte 
Vierge,  mais  la  remontre  du  Seigneur, comme 
son  nom  le  li'nioigue,  puisque  saint  Grégoire 
de  Nysse  a  réuni  ces  deux  ol)jets  dans  la  cé- 
lébration de  la  fête.  Ouoiqu'on  ne  sache  jms 
précisément  l'époque  h  laquelle  elle  a  été  in- 
troduite dans  l'Occident,  il  paraît  que  l'on 
ne  ()eut  pas  la  reculer  plus  tard  que  le  pon- 
tificat de  Gélase  1". 

Plusieurs  auteurs  ecclésiastiques  ont  pensé 
que  l'inteniiou  de  ce  j)apc  fut  de  substituer 
la  cérémonie  de  la  Chandeleur  aux  lustra- 
tions  ou  purilicalions  que  les  païens  faisaient 
des  villes  et  des  campagnes,  au  mois  de 
février,  en  l'honneur  do  Platon  et  des  dieux 
m;1ncs.Cela  peut  être;  ma's  il  n'est  pas  hors 
de  propos  de  remarquer  avec  quelle  facilité 
les  païens  avaient  changé  en  superstitions 
les  usa-;es  les  pl>s  iiniocents.  Comme  c'est 
au  mois  de  février  que  viennent  les  pre- 
miers bcnux  jours,  c'est  aussi  ilans  ce  mois 
(]ue  les  laboureurs  recommencent  les  tra- 
vatix  de  la  campagne,  et  la  première  chose 
qu'ils  font  est  de  brûler  sur  l.i  tcirele  chaume 
qui  reste  des  moissons,  les  herlies  sèches  et 
les  racines  qui  gêneraient  l'action  de  la  char- 
rue. Des  ignorants  superstitieux  sima,-,inè- 
rent  que  ces  feux  allumés  dans  la  camoagne 
étaient  une  cérémonie  religieuse  lort  utile 
aux  succès  (!e  l'agricitlure  ;  ds  la  dédièrent 
aux  mânes  ipii  sont  censés  demeurer  dans 
la  terre,  et  .^  Pluton  ,  dieu  des  enfers  ;  et  le 
mot  fcbruum,  l'action  d'allumer  du  feu,  si- 
gnifia dès  ce  moment  une  purilication  rei- 
gie.se,  et  donna  son  nom  au  mois  de  février. 
■—  Ceux  qui  ont  imaginé  que  l'usage  d'allu- 
mer des  cierges  et  de  les  porter  en  procession 
le  jour  de  la  Chandeleur  est  un  reste  du  pa- 
ganisme ou  de  superstition  païenne,  ont  très- 
mal  rencontré  ;  c'a  été  au  contraire  uu  pré- 
servatif établi  contre  les  idées  des  païens  ; 
il  en  a  été  de  môme  de  la  plupart  des  an- 
ciennes cérémonies  de  l'Eglise.  V.  Cérémo- 
nie. 

PURÏM,  fêle  des  Sorts.  Voi/.  Esther. 

PURITAINS  ou  Presbytériens.  Voy.  An- 
glicans. 

*  PUSÉYSME.  Il  est  de  la  desiinée  de  toule  con- 
fession cliréficmic  qui  se  sépare  tle  l'Eglise  eatlioli- 
que  d'allérerpi'ofoiidéiiient  le  chiistlaiilsino.  L';iiigli- 
canisiiie,  quoiiiu'il  eût  conservé  une  hiérarcliie  puis- 
sante, quoique  son  cpiscopal  se  trouvât  à  la  tête  de 
renseignement  religieux  pour  le  tliriger,  porta  une 
grave  alteiule  aux  principes  religieux  et  moraux, 
cliangea  et  corrompit  les  formules  des  prières  publi- 
ques pour  leur  eu  substituer  d'aulrespljs  conformes 
à  l'esprit  mondain.  Le  mal  devint  si  giand  vers  1830, 
qu'il  se  forma  au  célèbre  coUige  d'O.vford  une  école 
pour  ramener  rauglicaiiisme  à  sa  vérité  primitive. 
Vers  1835,  commencèrent  à  par.iitre  les  traités  pour 
les  temps  présents,  dans  lesi|uels  on  essayait  de  ra- 
mener le  christianisme  protestant  à  un  meilleur  es- 
prit. Les  docteurs  Fusey  et  Ncwuian  y  déployaient 


bf^aucoup  de  zèle  et  de  talent.  Il  sortit  de  leurs  plu- 
mes une  suite  de  Tracts  qui  atta(|uaieiitavec  vivacité 
le  relâchement  dans  les  croyances  et  dans  la  morale. 
Ils  défendaient  avec  vivacité  le  symbole  de  saint  A- 
thanase  ;  ils  essayaient  de  prouver  cpie  l'épiscopat 
anglican  remontait  aux  apotre-i  sans  inti'rni|iiion. 
Des  ouvrages  écrits  dans  cet  esprit  étaient  de  nature 
à  faire  une  profonde  impression  sur  l'anglicanisme  : 
de  nondjreux  champions  de  celle  Eglise  se  présenl-- 
rent  à  leur  tour  dans  l'arène.  Ils  aua(pièi'ent  vive- 
ment la  nouvelle  ('eole  et  l'accusèrent  ilc  conduire  le 
protestantisme  au  catholicisme.  Les  puséystes  répon- 
dirent par  de  nouveaux  Trncls  dans  les(|nels  ils  mon- 
Iraienl  par  des  ti'nioignages  incontestables  que  l'an- 
glicanisme s'était  profondément  éloigné  de  la  doc- 
trine primitive.  C'était  en  appeler  à  la  tradition  : 
chacun  se  mit  à  la  parcourir.  Les  anciens  missels  et 
les  anciens  bréviaires  romains  furent  feuilletés.  Les 
anglicans,  tout  étonnés  d'y  Irouverunemine  exlrôme- 
ment  liche.y  puisèrent  et  composèrent  plusieurs  ou- 
vrage-i  de  piété  dont  tout  le  l'oml  avait  été  pris  dans 
nos  livres  liturgiques.  Nos  plus  belles  hymnes  furent 
transportées  en  Angleterre  ;  nos  cérémonies  y  furent 
établies  ;  on  revêtit  le  surplis,  la  confession  fut  in- 
troduite dans  l'école  dOxford,  etc.  C'était  se  rappro- 
cher du  catholicisme.  11  y  av.dt  encore  loin  de  là  à  la 
doctrine  calholi.|Ue.  Voici  conmient  l'auteur  des  no- 
tes lie  l'édition  Lefort  expose  les  principales  doctri- 
nes de  l'école  puséyste. 

<  Essentiel  à  l'existence  de  tonte  Eglise,  l'ipiscopat 
est  d'institution  divine,  et  n'est  pas  seulement, 
comme  l'entendent  quelque*  Ihéologiens  anglicans, 
nne  institution  utile,  im  moyeu.  Les  luth''riens,  les 
réforniiis  de  France  et  autres  pareils,  sont  liors 
de  l'Eglise  :  donc,  avec  eux,  point  de  communion. 
On  insiste  avec  force  sur  les  prérogatives  de  l'Eglise, 
l'obéissance  qui  lui  est  due  en  vertu  du  baptême,  la 
présence  mystique  et  perpétuelle  de  Noire-Seigneur 
dans  l'Eglise,  l'insutlisanee  de  l'Ecrilure  siiparée  de 
la  traiiiiion  et  la  nécessité  de  celle-ci,  enfin  surl'im- 
çortance  des  symboles.  Le  principe  du  saint  par  la 
foi  seule,  principe  qui  semble  avoir  été  ratifié  par 
l'Eglise  an«licane,  est  réprouvé  comme  nne  cr'ciir 
pcsliientielle.  Sur  la  justificalioii,  ii  quelque  dill'é- 
rence  dans  hr  langage  près,  on  ne  s'ccarie  guère  du 
concile  de  Trente.  On  est  d'assez,  bonne  composition 
sur  les  sacrements,  et  l'on  serait  disposé  ;;  en  ad- 
mettre pUisde  deux,  nf  fftt-ce  qii'e  i  laveur  de  l'or- 
dination. Mais  ^ur  ce  point,  tes  idées  de  l'école  ne 
paraissent  pas  encore  trte-arr  tées.  li  fani  eu  ilire 
autant,  ce  semble,  de  s»  doctrine  sur  la  sainte  En- 
charistie.  Elle  en  parle,  à  la  vérité,  avec  benucoup 
de  chaleur  et  catholiqueme.Nt,  le  dogme  de  la  Trans- 
snbslaniiaiion  excepté,  leifuel,  ncanumins,  parait 
avoir  des  partisans.  Si,  fauie  de  comprendre  son  sy- 
stème, nous  n'entiepfcnons  pas  d'en  dire  davantage 
sur  cet  important  siijri,  il  nous  faut  déclarer  toute- 
fois que,  sous  un  a. itre  rapport,  elle  a  bien  mérité 
du  christianisme.  S'attacbani  a  démontrer  le  pouvoir 
régénérateur  du  bapième,  elle  demamie  qtie  ce  sa- 
crement soit  admi^i^.tré  avec  soin,  car  beaucoup  (le 
membres  de  l'Eglise  anglicane  n'y  ont  vu  et  n'y 
voient  encore  qu'une  cérémonie,  qu'un  symbole. 
Si)uvenl,  par  suite  de  ce  dé<lain,  on  a  baptisé  avec 
une  extrême  négligence,  on  bien  l'on  n'a  p.is  baptisé 
du  tout.  L'exacie  observance  dca  rituels  est  le:nieen 
grande  estime  par  le  puséysme  ;  il  déplore  les  rudes 
mutilations  qu'ils  ont  subies  au  seizièi'ie  siècle,  et  il 
voudrait  réclamer  ce  que  le  temps  a  enlevé  aux  dé- 
bris conservés  par  la  réforniation.  A  cause  de  cela, 
il  est  radié  par  ses  adversaires  et  quelijnefo's  admo- 
nesté par  les  év  qnes.  Contrairement  aux  idées  d'un 
grand  nombre  d'anglicans,  il  exalte  la  dévotion  litur- 
gique et  la  place  au-dessus  des  réunions  religieuses 
pour  la  prière  sociale  et  de  famille.  Il  désirerait  réu- 
nir les  lideles  deux  fois  par  jour  aux  offices  de  l'E- 
glise. 'Voiis  croyei  peut-être  que  la  liturgie  angli  • 


1711 


PUS 


PUS 


17W 


cane  est  son  idéal  ?  Nullement.  Il  la  préfère  sans 
dcMilB  (le  beaucoup  aux  trenie-neuf  articles,  et  inli- 
iiinient  aux  livres  des  lioinélies  ;  mais  il  gémit  d'y 
voir  la  marque  de  la  rude  main  des  réformateurs, 
surtout  dans  la  liturgie  eucharistique  (  Communion 
senice  ).  Quelques-uns,  cependant,  cherchent  une 
manière  d'adoucissement  à  leurs  regrets,  dans  ce 
tiu'ils  considèrent  comme  une  mystérieuse  disposi- 
lion  de  la  providence  :  ils  estiment  que  leservice  an- 
glican, dont  le  caractère  pénitentiel,  et  en  quelque 
façon  abaissé,  contraste  si  fort  avec  la  masse  jubi- 
lante des  alléluia  du  Bréviaire,  est  après  tout  peut- 
être  plus  en  harmonie  avec  la  condition  de  l'homme 
pécheur. 

«  Les  puséystes  aiment  tellement  l'ascétisme  de  l'E- 
glise catholique,  qu'iris  semblent  disposés  à  admettre 
que  nos  mitigations  ont  énervé  la  discipline.  Ils  ai- 
ment et  les  principes  fondamentaux  de  nos  ordres 
religieux,  et  nos  spirilualistes.  En  effet,  l'anglica- 
iiisine  est  si  pauvre  en  spirilualistes,  que,  quand  on 
en  veut,  il  faulben  les  venir  chercher  parmi  nous. 
L'école  de  Pusey  porle  un  grand  respect  aux  person- 
nages illuslics  (lu  moyen  àgc,  et  elle  ne  manque  or- 
dinairement pas  de  donner  le  titre  de  scânt  à  ceux 
qui  ont  été  canonisés.  La  réaction  qui  s'est  opérée 
sons  ce  rapport  est  digue  de  remarque.  Jusqu'à  ces 
derniers  lemps,  aucun  prolestant  anglais  n'aurait  dit 
saint  Anselme,  ou  saint  Thomas  de  Cantorbéry,  ou 
saint  lîonavenlure,  sans  raccompaguemcnt  obligé 
d'une  nuKiuerie  ou  d'un  ricanement.  Aujourd'hui, 
tomme  pour  faire  pièce  aux  partisans  de  l'ancienne 
mode,  des  hommes  respectables  rendent  hommage  au 
mérite  iiisiilié  et  s'ai tachent  à  le  louer. 
«Avant  (le  clore  cette  iinparfiile  esciuisse,  il  faut 
tcpendanl  ajouter  que  l'école  se  formalise  beaucoup 
des  hoiumai^es  dont  les  saints  sont  l'objet  chez  nous, 
£insi  que  d\i  slyle  des  prières  ([«e  nous  leur  adres- 
sons. €"('.-.1  là  son  cheval  de  bataille.  Elle  cite,  pour 
les  ilisbéqner  avec  une  rigueur  impitoyable,  quel- 
ques-uns (le  nos  livres  de  prières  et  quelques  traits 
ardents  de  nos  prédicateurs.  Sans  examiner  si  les 
passages  critiqués  sont  en  tout  conformes  aux  règles 
de  la  prudence  et  d'une  piété  éclairée,  nous  devons 
dire  que  sous  ce  rapport  les  imaéiistes  ont  souvent 
montré  li  rs-peu  de  candeur  et  de  bonne  foi.  Mais  il 
leur  fallait  un  epouvantail,  alin  d'enq)écher  la  déser- 
tion vers  Rome  c!e  ceux  qui,  comme  eux-mêmes, 
avaient  conçu  certains  doutes  sur  la  validité  de  l'an- 
glicinjsme.  Les  puséystes  disent  :  <  De  fortes  pré- 
somptions semblent  s'élever  contre  l'anglicanisme,  à 
cause  de  son  isolement.  Où  donc  est  alors  la  catholi- 
cité ?  De  fortes  présomptions  semblent  également 
s'élever  contre  l'Eglise  romaine,  à  raison  de  ce  qui 
en  elle  porte  rapvarence  de  l'idolâtrie.  Où  donc  est 
alors  la  sainteté  '!  Dans  ce  dilemme,  le  mieux  pour 
fanglican.  c'est  de  rester  ce  que  la  Providence 
l'a  fait.  » 

Quoique  le  puséysme  n'eût  d'autre  but  que  de  re- 
nouveler l'anglicanisme,  il  se  trouva  amené  à  étu- 
dier le  catholicisme.  Un  grand  nombre  de  docteurs 
comprirent  que  la  vérité  appartenait  à  la  seule  Eglise 
romaine.  Ils  abandonnèrent  tout  ce  qu'ils  avaient  de 
plus  cher  au  monde  pour  rentrer  dans  le  giron  de 
l'Eglise.  Beaucoup  d'autres  docteurs  ont  résisté  à 
l'appel  de  leurs  amis,  à  l'impression  de  la  grâce.  Le 
mouvement  vers  le  catholicisme  est  aujourd'hui  ar- 
rêté, espérons  qu'il  reprendra  son  cours  et  que  le 
docteur  Pusey,  qui  est  le  chef  de  la  nouvelle  école, 
donnera  au  monde  l'exemple  de  ce  courage  religieux 
qui  sacrifie  tout  à  Dieu. 

Nous  croyons  devoir  terminer  cet  article  par  l'ap- 
préciation qu'un  homme  compétent  a  fait  du  pu- 
séysme. 

<  Les  infirmités  sous  lesquelles  succombait  l'E- 
jjlise  anglicane  éiaienl  arrivées  à  leur  maximum, 
lorsque  tout  à  coup  un  esprit  nouveau  s'est  mani- 
festé dans  son  soin,  qui  a  fait  cooeervoir  aux  angli- 


cans l'espoir  d'arracher  leur  Eglise  aux  ruines  <]ui 
menaçaient  de  l'écraser,  et  aux  catholiques  la  con- 
fiance de  voir  un  jour  retourner  au  ^iron  de  l'Eglise 
de  Jésus-Christ  des  frères  dont  ils  déplorent  l'égare- 
ment. Afin  d'entraver  cette  œuvre  de  rénovation,  les 
ennemis  de  l'Eglise  anglicane  ont  eu  recours  à  un 
prenner  stratagème,  celui  de  désigner  par  les  noms 
de  deux  ou  trois  personnages  «e  mouvement  régéné- 
rateur, espérant  déguiser  ainsi  son  uiuversalité  et  lui 
ôter  son  caractère  véritable  pour  le  réduire  aux  pro- 
portions mesquines  d'une  doctrine  individuelle.  La 
conséquence  de  cette  tactique  a  été  de  répandre,  en 
Angleterre  et  sur  le  continent,  l'opinion  que  le  doc- 
leur  Pusey,  M.  Newman  et  quelques  autres  célébri- 
tés de  l'université  d'Oxford,  sont  des  hommes  qui  de- 
vancent leur  église  et  qui  cherchent  à  l'entraîner 
dans  la  voie  où  ils  se  sont  eux-mêmes  engagés  de 
leur  propre  mouvement.  Cette  idée,  qu'un  grand 
noud)re  de  catholiques  paraissent  partager,  est  com- 
plètement erronée  :  le  docteur  Pusey  et  M.  Newman 
sont  loin  d'avoir  de  pareilles  préventions,  et  c'est 
fort  gratuitement  que  leurs  adversaires  les  représen- 
tent comme  des  chefs  de  secte;  ils  ne  cessent  de  pro- 
lester contre  l'abus  qu'on  fait  de  leurs  noms  :  et  d'ail- 
leurs, pour  quiconque  est  témoin  de  l'œuvre  divine 
qui  s'accomplit  en  Angleterre,  il  est  impossible,  dans 
ce  siècle  d'indifférence,  d'attribuer  à  la  seule  in- 
fluence de  quelques  hommes  des  prodiges  qu'une 
puissance  surhumaine  a  seule  pu  opérer.  Le  docteur 
Pusey,  M.  Newman,  etc.,  marchent  avec  leur  église, 
mais  ne  la  devancent  pas  ;  ils  se  bornent  à  féconder 
par  leur  talent  le  merveilleux  travail  de  renaissance 
dont  Oxford  est  aujourd'hui  le  centre.  Les  nouvelles 
doctrines  d'Oxford  n'ont  de  nouveau  que  le  nom  dont 
on  les  pare  ;  et  l'on  représente  à  tort  comme  une  in- 
novation ce  qui  n'est  qu'une  restauration,  dont  l'ob- 
jet est  de  rendre  graduellement  à  l'Eglise  anglicane 
ses  doctrines  et  ses  traditions  oubliées,  ses  pratiques 
laissées  dans  l'abandon.  Les  partisans  de  cette  re- 
naissance sont  tellement  opposés  à  toute  idée  d'in- 
novation, qu'ils  travaillent  activement  à  purger  leur 
église  de  tout  ce  que  les  réformateurs  de  ce  dernier 
siècle  y  ont  successivement  introduit,  afin  de  lui  ren- 
dre son  aspect  primitif.  C'est  en  appelant  l'Evangile 
et  la  tradition  à  leur  aide,  qu'ils  réparent  lesbrèches 
du  passé,  et  l'on  peut  dire  que  l'église  anglicane  se 
déprotestantise  par  chaque  pas  qu'elle  fait  en  avant. 
Aussi  une  pareille  restauration  excite-t-elle  la  colère 
des  puritains,  qui  s'ingénient  à  représenter,  sous  des 
couleurs  odieuses,  le  clergé  engagé  dans  cette  croi- 
sade. Mais,  en  dépit  de  leurs  violences,  te  grand 
changement  se  réalisera  de  la  manière  dont  s'o|iè- 
rent  tous  les  changements  moraux;  c'est-a-dire  gra- 
duellement et  peut-être  d'une  manière  insensible.  La 
persuasion,  l'exemple  de  vies  saintes  agiront  simul- 
lanénieiit  ;  l'iiifluence  du  temps  contribuera  à  adoucir 
les  préventions,  en  accoutumant  les  oreilles  à  enten- 
dre certaines  vérités  ;  et  l'église  prétendue  réiormée 
d'Angleterre  renouera  successivement  les  liens  avec 
le  passé,  en  proclamant  chaque  jour  quelqu'une  des 
doctrines  et  des  pratiques  de  la  religion  catholiiiue. 
Non-seulement,  le  mouvement  n'est  pas  limité  à  Ox- 
ford; mais,  depuis  les  grands  journaux  de  Londres 
jusqu'à  la  plus  obscure  des  publications  de  province, 
hostiles  ou  favorables  à  cette  restauration,  toutes  les 
feuilles  constatent  des  faits  qui,  dans  leur  ensemble, 
en  démontrent  l'universalité.  L'Angleterre,  l'Irlande, 
l'Ecosse,  l'Amérique,  l'Inde,  toutes  les  colonies  sont 
en  proie  au  travail  moral  qui  préoccupe  à  la  fois  le 
clergé  et  les  fidèles.  La  vie  laborieuse  et  évangélique 
des  ecclésiastiques  devient  un  louable  sujet  d'émula- 
tion pour  les  laïques;  le  langage  de  la  chaire  est 
mesuré,  prudent,  très-souvent  orthodoxe,  et  le  prédi- 
cateur insinue  dans  ses  discours  ce  que  les  préjugés 
encore  nombreux  ei  l'instruction  actuelle  de  son  au- 
iditoire  ne  lui  permettent  pas  dédire  ouvertement;  à 
.;^  mesure  que  l'esprit  catholique  se  rallume  dans  l'é- 


1715 


PYT 


PYT 


1714 


glise  anglicane,  l'humilité  et  la  charité  y  remplacent 
les  fausses  vertus  que  le  protestantisme  avait  enfan- 
tées. 11  ne  faut  pas  se  dissimuler  que  ces  manifesta- 
tions cle  la  grâce  (livi:ie  ont  pour  résultat  momentané 
d'attacher  plus  fortement  que  jamais  les  anglicans  à 
leur  église.  Comment,  disent-ils,  irions-nous  cher- 
cher ailleurs  la  vérité,  quand  Dieu  nous  donne  des 
preuves  aussi  éclatantes  de  sa  miséricorde  ?  Pour- 
quoi abandonnerions-nous  une  Eglise  que  sa  grùce 
régénéra,  et  qui  est  en  ce  moment  l'objet  de  si  abon- 
dantes miséricordes? 

c  Une  autre  considération  qui  empêche  le  cierge 
anglican,  même  le  plus  avancé,  de  se  séparer  de  son 
église,  c'est  que,  si,  au  lieu  de  travailler  à  régénérer 
l'Angleterre  et  à  instruire  les  populations  dans  le 
sens  de  la  rénovation,  il  venait  à  se  joindre  aux  ca- 
tholi(|ues,  il  livrerait  par  là  au  parti  protestant  de 
l'Eglise  anglicane  ces  magiiiliques  monuments,  héii- 
lage  d'un  passé  glorieux,  ces  cathédrales,  ces  ab- 
bayes, ces  collèges  où  tant  de  souvenirs  catlioli(iues 
semblent  n'avoir  échappé  au  marteau  puritain  que 
pour  aider  le  clergé  anglican  à  déprotestantiser  l'An- 
gleterre. Ainsi,  pendant  que  nous  assistons,  d'une 
part,  au  retour  vers  des  doctrines  et  des  prati((ues 
dont  tout  cœur  catholique  doit  se  réjouir,  d'ini  autre 
côté  cette  régénération  rend  à  l'Eglise  anglicane  une 
vie  qui  allait  s'éteindre  en  elle  et  retient  dans  son 
sein  les  niend)res  qui  étaient  à  la  veille  de  l'abandon- 
ner. Mais,  si  la  régénération  de  l'Eglise  anglicane 
tend  à  éloigner  les  individus  d'embrasser  notre  foi, 
cette  régénération  rapproche  de  nous  el  entraine 
vers  le  centre  de  l'unité  catholique  l'Eglise  anglicane 
tout  entière  :  car,  à  mesure  que  la  restauration  de 
l'esprit  catholi((ue  augmente  l'attachement  du  clergé 
anglican  pour  son  Eglise,  il  augmente  aussi  dans  son 
cœur  le  désir  de  voir  son  Eglise,  comme  corjis,  ne 
pas  rester  plus  longtemps  isolée,  séparée  de  l'Eglise 
romaine  et  des  autres  Eglisesquisont  en  communion 
avec  elle.  Telle  semble  devoir  étie  la  marche  du 
grand  mouvement  auquel  nous  assistons,  du  travail 
religieux  dont  le  résultat  final  sera  la  conversion  de 
l'Angleterre.  > 

PYGMÉES.  On  sait  que  sous  ce  noui  les 
Grecs  et  les  Latins  désignaient  un  peuple 
fabuleux,  des  liommes  qui  n'avaient  qu'une 
coudée  de  hauteur.  Le  prophète  Ezôchiel,  c. 
XXVII,  V.  11,  parlant  de  la  ville  de  ïyr,  de 
ses  forces,  de  ses  armées,  fait  mention  des 
Gammadim  qui  étaient  sur  ses  tours,  et  qui 
suspendaient  leurs  carquois  contre  ses  mu- 
railles. Comme  l'hébreu  gomed  signilie  une 
coudée,  la  Vuigate  a  traduit  Gammadim  par 
Pigmœi,  et  ce  terme  a  exercé  les  commenta- 
teurs. Le  paraphraste  chaldéen  l'a  rendu  |)ar 
(rappadim,  les  Ca[)padociens  et  les  Septante 
par  <fv\a/.t;,  des  gardes.  La  conjecture  la  plus 
vraisemblable  est  que  le  prophète,  parGaw- 
madim,  a  entendu  des  guerriei  s  de  la  ville  de 
Gammadès  dans  la  Palestine. 

PYKRHONISME  en  lait  de  religion.  Yoy. 
Indifférence,  Scepticisme. 

PYTHON,  terme  grec  duquel  les  Septante 
et  la  Vuigate  se  servent  souvent  pour  ex- 
primer les  devins,  les  magiciens,  les  nécro- 
manciens ;  le  mot  hébreu  qui  y  correspond 
est  ob,  au  pluriel  oboth;  et  par  la  manière 
dont  celui-ci  est  employé,  il  y  a  lieu  de  con- 
clure qu'il  signifie  non-seulement  un  devin, 
un  sorcier,  ou  un  esprit  familier ,  mais  le 
don,  lo  talent  ou  l'ait  de  deviner,  de  décou- 
vrir les  choses  cachées,  de  prédire  l'avenir, 
d'évoquer  les  morts. 

Si  l'on  veut  remonter  à  la  significatioa  ori 


mitive  de  ces  deux  termes,  on  ne  se  trou- 
vera pas  peu  embarrassé.  Ob,  disent  les  hé- 
braïsants,  signilie  une  outre,  une  bouteille, 
unvase  creux  et  profond,  Jnb,c.  xxxii,  v.  19  ; 
de  lit  les  rabbins  concluent  que  oholh  sont 
'.eux  qui  parlaient  du  ventre,  et  en  effet  les 
ioptante  l'ont  traduit  quelquefois  par  eiu/as- 
trimf/thcs,  qui  cxprimo  la  même  chose  ;  mais 
le  talent  de  parler  du  ventre  ne  donne  pas 
celui  de  deviner  ni  de  prédire  l'avenir.  D'ail- 
leurs il  n'est  pas  ])robable  ([ue  les  mgastri- 
mijtltes  aient  été  fort  communs  dans  la  Judée, 
au  lieu  que  les  devins,  les  magiciens ,  les 
sorciers  s'y  multipliaient;  les  rois  idolMres 
les  favorisèrent,  les  rois  pieux  les  punissaient 
et  les  chassaient  ;  Saiil  en  avait  agi  ainsi 
au  commencement  de  son  règne,  ensuite  il 
eut  la  faiblesse  de  vouloir  les  consulter;  il 
alla  trouver,  dit  l'historien  sacré,  une  fem- 
me ^(«î  ai'fii^  un  o&,etlui  dit  :  Devine-moi  par 
l'ob,  ou  évoque-moi  la  personne  (}ue  je  te 
désignerai  ;  I  Reg.,  c.  xxvin,  v.  8.  Vog.  l'art, 
suiv.  De  là  on  peut  conclure  (jue  ob  signilie 
souffle,  esprit,  inspiration,  le  commerce  avec 
les  esprits,  etc.  En  ell'el,  oboth,  en  hébreu, 
exprime  aussi  des  soufllets  ou  des  esprits 
follets.  Abboubn,  mot  chaMéen,  oii  la  racine 
ab,  oub,  est  doublée,  est  une  fMte  ,  instru- 
ment à  vent  ;  l'on  y  reconnaît  aisément  am- 
bubaiœ ,  qui  en  latin  signifie  des  joueurs  de 
Ailles. _  Or,  souffle,  esprit ,  inspiration,  sont 
synonymes  dans  toutes  les  langues  ;  ob  est 
donc  il  la  lettre  un  esprit  ou  une  inspiration. 
—  Quoi  qu'il  en  soit,  par  la  loi  de  .Moïse  il 
était  sévèrement  défendu  de  consulter  les 
oboth,  les  esprits  et  ceux  qui  prétendaient 
en  avoir  :  Levit.,  c.  xix,  v.  31;  c.  xx,  v.  27  ; 
Deut.,  c.  xviii,  v.  11. 

Le  grec  Python,  disent  les  grammairiens, 
est  dans  la  mytholo,.;io  un  serpent  qui  na- 
quit du  limon  de  la  teire  détrempée  par  les 
eaux  du  déluge  ;  il  fut  tué  par  Apollon,  qui 
est  le  soleil  ;  de  ]h  le  surnom  d'Apolton  Py- 
thien,  et  de  la  Pythie  qui  recevait  l'inspira- 
tion sur  un  trépied  jilacé  à  l'ouverture  de  la 
caverne  de  Delphes.  Mais  quelle  relation  y 
a-t-il  entre  un  serpent  et  l'art  de  deviner  ou 
de  prédire  l'avenir  .'Pour  nous,  il  nous  sem- 
ble qu'il  y  a  ici  une  confusion  de  deux  ou 
trois  significations  différentes.  Pu,  Pg,  est  la 
puanteur,  une  vapeur,  une  exhalaison  in- 
fecte et  puante  ;  thon  ou  chton,  est  la  terre  ; 
ainsi  l'on  a  très-bien  aperçu  que  le  prétendu 
serpent  tué  par  Apollon,  ce  sont  les  exhalai- 
sons de  la  terre  détremiiées  par  le  déluge, 
dissipées  par  la  chaleur  ilu  soleil.  Mais  thon, 
qui  signifie  la  terre,  signifie  aussi  bas  et  (iro- 
fond,  un  creux,  une  caverne;  python  (!X[)rime 
donc  littéralement  exhalaison  de  la  caverne. 
Comme  la  vapeur  puante  qui  sortait  de  la 
caverne  de  Delphes  faisait  tourner  la  tête, 
on  imagina  qu'elle  communiquait  le  don  de 
prédire  l'avenir;  ainsi  le  mot  python  exprima 
l'inspiration  prophéti(]ue,  de  là  les  oracles 
de  la  Pythie,  et  toutes  les  folies  qui  s'ensui- 
virent. 

Cette  discussion  étymologique  nous  a 
semblé  nécessaire  pour  démontrer  que  les 
Septante  ni  la  Vuigate   n'ont  pas  eu  tort  do 


1715' 


PYT 


PYT 


4716 


rendre  le  mot  hébreu  oboth  par  le  grec  py- 
tkones;  jusqu'à  présent  les  commentateurs 
ni  les  grammairiens  ne  paraissent  pas  avoir 
vu  pourquoi  ces  deux  mots  sont  synonymes. 

PYTHONISSE,  sorcière,  devineresse,  ma- 
gicienne. Nous  lisons,  1  Reg.,  c.  xxviti,  v.7, 
que  Saùl,  inquiet  touchant  le  succès  de  la 
bataille  qu'il  allait  livrer  aux  Philistins,  et 
ne  recevant  point  de  réponse  du  Seigneur, 
alla  consulter  pendant  la  nuit  une  pijthonisse, 
à  laquelle  il  ordonna  d'évoquer  Samuel,  mort 
depuis  quelque  temps  ;  que  ce  prophète  lui 
apparut  en  effet,  et  lui  prédit  que  le  lende- 
main il  perdrait  la  bataille  et  y  serait  tué  ;  ce 
qui  arriva. 

Ce  fait  a  donné  lieu  à  une  question  im- 
portante qui  partage  les  anciens  et  les  mo- 
dernes :  il  s'agit  de  savoir  si  l'àuie  de  Samuel 
a  véritablement  apparu  et  a  parlé  à  Saiii,  ou 
si  ce  qui  est  racont''  à  ce  sujet  n'est  ju'un 
jeu  et  une  supercherie  de  la  part  de  la  ma- 
gicienne, qui  feignit  de  voir  Sauuicl,  et  parla 
en  son  nom  à  Saûl.  On  demande  si  cela  ar- 
riva par  la  puissance  du  démon  et  par  les 
forces  de  l'art  magique,  ou  si  Dieu  voulut 
que  Samuel  apparût  par  un  effet  miraculeux 
de  la  puissance  divine  ,  et  non  par  aucun 
effet  de  la  magie.  Il  y  a  sur  ce  sujet  une  dis- 
sertation de  dom  Calmet,  Bible  d'Avignon, 
tome  IV,  page  71,  et  une  du  docteur  Sta- 
ckouse  ;  l'une  et  l'aiitrc  S(int  réunies  dans  la 
Bible  de  Chais,  tome  V.  Nous  allons  en  don- 
ner un  court  extrait. 

Ceux  qui  tiennent  pour  la  réalité  de  l'ap- 
parition de  Samuel,  comme  saint  Justin, 
Tyrigène,  Anastase  d'Antioche,  etc.,  ont  cru 
que  les  démons  avaient  quetipies  pouvoirs 
sur  les  âmes  des  saints  avant  que  Jésus- 
Christ  descendît  aux  enfers.  Saint  Augustin, 
lib.  Il,  de  Doctr.  Christ.,  c.  32,  ne  trouve 
aucun  inconvénient  à  dire  que  le  démon  fit 
paraître  l'âme  de  Samuel.  D  ailleurs  le  récit 
de  l'Ecriture  dit  expressément  que  Samuel 
parut,  qu'il  parla,  qu'il  annonça  au  roi  sa 
mort  prochaine  et  la  défaite  de  son  armée. 
La  pythonisse  n'était  pas  en  état  de  faire  une 
semblable  prédiction.  Ceux  qui  prélendcnt 
que  Samuel  n'apparut  point,  sont  partagés 
entre  eux  :  les  uns,  comme  Tertullien,  saint 
Basile,  saint  Grégoire  de  Nysse,  croient  que 
le  démon  prit  la  forme  de  Samuel,  et  parla 
ainsi  à  Saiil.  Les  autres,  tels  qu'  Eustache 
d'Antioche,  saint  Cyiille  d'Alexandrie,  etc., 
pensent  que  la  magicienne  ne  vit  rien,  mais 
qu'elle  feignit  de  voir  Samuel,  qu'elle  parla 
en  son  nom,  qu'elle  trompa  ainsi  Saiil  et 
tous  les  assistants.  Cette  opinion  sem!>!e  con- 
tredite par  la  narration  môme;  elle  dit  que 
la  pythonisse  fut  troublée  en  voyant  Samuel  ; 
que  Saûl  lui-mi^me  connut  que  c'était  véri- 
tablement ce  prophète,  et  qu'il  se  prosterna. 
Le  r;ibbin  Lévi-Ben-Gerson  veut  que  tout 
cela  se  soit  passé  dans  l'imaginai  ion  de  Saiil  : 
Ce  prince,  dit-il,  frappé  des  menaces  que 
Dieu  lui  avait  faites,  et  troublé  par  la  vue  du 
danger  présent,  s'imagina  voir  Samuel  qui 
lui  réitérait  les  mêmes  menaces,  et  lui  an- 
nonçait sa  mort  prochaine.  Slai»  ce  sentiment 


ne  s'accorde  pas  mieux  que  les  précédents 
avec  le  récit  de  l'écrivain  sacré. 

D'autres  enfin,  comme  saint  Ambroise, 
Zenon  de  ■\''érone,  saint  Thomas,  etc.,  sont 
persuadés  que  le  démon  ni  la  fourberie  de 
la  pythonisse  n'eurent  aucune  part  à  cette 
affaire  ;  mais  qu'à  l'occasion  des  évocations 
de  cette  femme.  Dieu  [>ar  sa  puissance,  indé^ 
pendamment  de  l'art  magique,  ht  paraître 
aux  yeux  de  Saïil  une  figure  de  Samuel,  qui 
prononça  à  ce  prince  l'arrêt  de  sa  mort  et  de 
sa  perte  entière,  pour  le  punir  de  sa  vaine 
curiosité  et  de  la  violation  de  la  loi  dont  il 
se  rendait  coupable.  Ce  dernier  sentiment 
paraît  le  mieux  fondé  et  le  plus  conforme  au 
texte  sacré.  Eccli.,  c.  xlvi,  v.  23,  il  est  dit  : 
Après  cela  Samuel  mourut;  il  déclara  et  fit 
connaUre  au  roi  que  la  fin  de  sa  vie  était  pro- 
che. Il  éleva  la  voix  du  fond  de  la  terre,  et 
prophétisa  pour  détruire  l'impiété  de  la  na- 
tion. I  Parai.,  c.  x,  v.  13.  Saiil  mourut  pour 
avoir  consulté  la  pythonisse.  Les  Septante 
ajoutent,  et  le  prophète  Samuel  lui  répondit. 
Par  la  manière  dont  l'auteur  du  premier  li- 
vre des  Rois  a  parlé,  il  donne  lieu  de  croire 
qu'il  était  persuadé  de  la  réalité  de  l'appari- 
tion de  Samuel. 

On  fait  contre  ce  sentiment  quelques  ob- 
jections qui  ne  paraissent  pas  difiiciles  à  ré- 
soudre. On  dit,  1  "  Dieu  n'avait  pas  besoin  de 
faire  un  miracle  ;.our  ap[)rendre  à  Saiil  qu'il 
serait  battu  par  les  Philistins  et  qu'il  périrait 
dans  la  bataille.  Nous  répondons  que  si  Dieu 
ne  faisait  de  miracles  que  quand  d  en  a  be- 
soin, il  n'en  ferait  jamais,  puisqu'il  est  le 
maître  de  faire  agir  l.vs  causes  physiques 
comme  il  lui  plaît,  et  sans  que  le  cours  de 
la  nature  paraisse  dérangé  ou  interrompu. 
L'on  ferait  la  môme  objection  contre  tout 
autre  moyen  duquel  Dieu  se  serait  servi 
pour  faire  connaître  l'avenir  à  Saiil. 

2°  Dieu  avait  refu^^é  de  répondre  à  Saûl, 
on  suppose  donc  qu'il  a  changé  de  dessein 
ef  qu'd  s'est  contredit.  Faire  paraître  Samuel 
en  conséquence  do  l'évocation  de  la  pytho- 
nisse, c'était  convaincre  les  assistants  de  l'ef- 
ficacité de  son  art.  — Réponse.  11  n'y  a  point 
de  contradiction  ni  d'incousiance  à  chinger 
de  conduite  lorsque  les  circonstances  chan- 
gent. A  une  curiosité  que  Dieu  n'avait  pas 
voulu  satisfaire,  Saûl  ajoutait  un  acte  de  su- 
perstition rigoureusement  défendu  par  la  loi  ; 
c'était  donc  un  nouveau  crime  ;  et  c'est  pour 
le  punir  que  Dieu  lui  fit  annoncer  par  Sa- 
muel sa  défaite  et  sa  mort  prochaine.  Le 
trouble  dont  la  pythonisse  fut  saisie  en  aper- 
cevant ce  prophète,  était  jdus  que  sufiisanf 
pour  démontrer  qu'il  n'ap.iaraissait  pas  en 
vertu  du  pouvoir  de  cette  femme,  puisqu'elle 
fut  étonnée  elle-même  du  succès  de  l'évoca- 
tion ;  il  n'y  eut  donc  aucun  danger  d'erreur 
pour  les  assistants. 

3°  Samuel  devait  être  un  jiersonnage  sus- 
pect à  Saûl,  puisque  ce  prophète  ne  lui  avait 
jamais  prédit  que  des  choses  funestes,  et 
qu'il  lui  avait  fait  souvent  des  reproches 
très-vifs.  —  Réponse.  Mais  enfin,  les  prédic- 
tions de  Samuel  avaient  toujours  été  véri- 
fiées Dâf  l'événement  ;  c'était  donc  assez  pour 


1717 


que  Saiil.  inquiet  sur  le  siircès  fie  la  bataille 
qui  allait  se  donner.voulût  riuterrogcr  plu- 
tôt que  tout  autre. 

4°  Saiil  lie  vit  point  Samuel,  puisque,  sur 
le  [lorlrait  que  la  pj/thonisse  lui  fit  (Ju  pcr- 
sonnagi-  (ju  elle  vovait,  il  se  prosterna  1 1  face 
contre  terre. — Réponse.  Le  texte  porte  for- 
nielleinont  que, Saiil  connut  que  c'était  Sa- 
muel ;  il  ne  pouvait  d'ailleurs  méconnaître 
l'air  ni  la  voix  de  ce  proplièle  :  c'est  donc 
parce  qu'il  le  reconnut  Irès-bien  qu'il  se 
prosterna  par  frayeur  et  par  respect. 

5°  La  frayeur  affectée  par  la  pythonisse 
était  feime,  puisqu'elle  répond  aux  questions 
de  Saiil  avec  toute  sa  présence  d'esprit,  et 
qu'elle  conserve  assez  de  sang-froid  pour  lui 
a[)prèler  à  manger.  —  Réponse.  Pour  que 
cette  femme  ait  été  véritablement  otfra.yée  , 
il  n'est  l'as  nécessaire  qu'elh^  soii  tombée  en 
syncope,  ou  qu'elle  ait  absolument  |ierdu  la 
parole  ;  elle  eut  le  temps  de  se  remettre  pen- 
dant la  conversation  de  Saïd  avec  Samuel  ; 
d'ailleurs  en  pareil  cas  la  présence  do  plu- 


TABLE  DES  MATIERES.  1718 

sieurs  personnes   suffit  pour  diminuer   la 


peur. 

6°  Si  Saiil,  ajoute-t-on  encorCj  .avait  été 
persuadé  qu'il  parlait  véritablement  k  Sa- 
muel, et  qu'  ses  prédictions  allaient  t,'ac- 
complir,  il  n'aurait  pas  eu  la  force  de  con- 
verser avec  cette  femme  ni  de  manger  avec 
ses  gens  ;  du  moins  il  n'aurait  pas  livré  ba- 
taille. —  Même  réponse.  SaQl  eut  le  temps  de 
se  (talmer  pendant  que  la  pythonisse  apprê- 
tait h  manger  ;  il  avait  besoin  de  reprendre 
dus  forces  pour  allei-  rejoindre  ses  troupes, 
et  lorsque  deux  armées  sont  en  présence,  il 
n'est  plus  temps  de  reculer.  11  est  clair  quo 
le  comitat  fut  de  la  part  de  Saiil  un  coup  do 
désespoir. 

j(^an(i  on  ferait  vingt  autres  raisonnements 
touchant  la  conduite  de  ce  roi,  ce  ae  seraient 
jamais  que  des  conjectures,  elles  ne  suffi- 
raient jtas  pour  détruire  la  preuve  tirée  de 
la  narration  de  l'^'crivain  sacré.  11  en  résulte 
toujours  que  l'apparition  de  Samuel  fut  réelle 
et  miraculeuse,  et  que  l'on  ne  peut  attaquer 
ce  sentiment  pafaMcune  raison  solide. 


FIN    DU  TOME  TROISIÈME 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


Nota.  Les  arlicles  précédés  d'un  astérisque  *  sout  nouveaux  ;  ceux  où  il  y  a  des  intcrcidalions  ou  des 
notes  sont  précédés  de  cliilfres  qui  indiquent  le  nombre  des  intercalations  ou  des  noies.  Ceux  qui  apjjt  pré- 
cédés de  (a)  sont  reproduits  d'après  l'édition  de  Liège. 


!.ï 
20 
20 
2-2 
22 
23 
23 
23 
?.i 
Pa- 

37 


(1)  Jacob,  col.  9 

iacoliins,  il5 

Jacobiles, 

Jacques  le  Majeur, 

Jacques  le  Mineur, 

Jatqnes  de  Nisilie, 

Jacu'aloire, 

Jaliel, 

Jalousie, 

(3)  .lansènisme, 

Japon, 

Jiirdin  d'Eden.    Voij. 

radis. 
Jean-B.iptisie  (Saint), 
Jean  (clii'élipns  de  Saint-). 

Vûij.  Manilaîles. 
Jean  -  Clirysoslome.     Voij. 

Chrysoslônie. 
Jean    Daniascène     (Sainl). 

Toi/.  Daniascène. 
Jean 'l'Ev.iiiyélisie  (Sainl), 
58 
Jean  (Sainl),  41 

Jean  de  Poilli,  41 

Jéliovali,  il 

(l)Jeplilé,  4-2 

Jérémie,  4'i 

Ji'richo,  47 

Jérôme     de    Prague.     V. 

Hiissiles. 

Jéioiiic  (Saini),  4S 

Jéroiivniites,  50 

Jérusalem  (Kglise  de),     .^1 

Jérusalem     (Uesiruciion 

de),  56 


Jésiiates, 

61 

Juremenl,  serment. 

144 

(I)  Jé'iuiles, 

62 

(10)  Juridiction, 

149 

Je  uilessps, 

62 

Jusie, 

171 

Jèsns-Cliribl, 

63 

Justice, 

173 

Jeu, 

73 

■  Jusiice  orisinelle. 

182 

Jeune, 

-* 

(I)  Juslilicaiion, 

ISi. 

Joacliiaiiles, 

77 

JusUq  (Saint), 

18» 

Joaiinites, 

78 

K 

Job, 

78 

Joi^l, 

80 

*  Kalmoukes, 

101 

Joie, 

81 

*  Kantisme, 

193 

Jon:is, 

82 

Karaïle.  V.  Caraile. 

Josapiiat, 

85 

Keirolouie.    V.    Iraposilion 

Joseph, 

84 

des  mains. 

( 1 ) Josèphe, 

88 

Ki^rio  1  Keiib, 

200 

Josiié, 

9.3 

Késilali, 

201 

Jour, 

94 

Kinuii, 

201 

Jours  il':'.l)sUnence,  de  fcrie. 

Korbaii.  V.  Corban 

de   fêles,  de    jeiine 

.  r. 

Kjrie  eleison. 

202 

ces  mois. 

L 

Jourdain, 

9S 

Joviauis^es, 

96 

Labadisles, 

203 

(l).Tubilé, 

î)7 

Labruui, 

201 

Juda, 

101 

Laclance, 

201 

Jiilaîsanls, 

104 

Lai, 

203 

Juilaïsme, 

10() 

Laicocépliale, 

206 

■  Judaïsme  réformé, 

121 

Lameutalion, 

208 

Judas  Iscariole, 

122 

Lampadaire, 

208 

Jude  (Sailli), 

122 

Lampaliens, 

209 

Judilli, 

12i- 

Lamprupliores, 

210 

JugeniPiil, 

125 

Laniranr, 

210 

Jugcnipuldejèle, 

m 

(!)  L,\ng:i{,'e,  langue, 

211 

Jugemenl  dernii-r. 

126 

Langues    (Confusion 

des). 

Jujjes, 

127 

Voil  Babel. 

Juifs, 

128 

Langage  lypique.  V. 

Type. 

'  Juls  cil  éliens 

143 

Lançrae  vulgaire, 

216 

Julien, 

145 

Laus^nacif, 

219 

Lapidation,  221 

Latin,  222 

Laliludinaire,  223 

Lalran,  226 

Lalran  (Chanoines  de),  228 

Lalrie,  228 
Laudes.    V.  Heures  cano- 
niales. 

Laiire,  856 

Laecéo,  250 

Lazare,  252 

Lazaristes,  2.37 

Leçon,  25'f 

Lecteur,  258 

Lectieaires,  239 
■     Lecture    de    l'Ccrilure 

saillie,  239 

Lectures  de  Bayle,  212 

Légendaire,     '  2l3 

Légende,  244 

Légion  fulminante,  215 

Légion  Tliébaine,  247 

Législateur,  2.^0 

Léon  (-^aint),  282 

Leitrcs  (Belles-),  2Si 

Lettres,  238 

Léviallian,  2S9 

Lévite,  239 

Lévilique,  96i 

Léviliques,  361 
Libation.  V.  Eau. 

Libellaliqiios,  262 

Libelles  dilfamaloires,  262 
Libérateur.   V.   Médiateur. 

(1)  Libère,  2o5 

*  Liboné,  i64 

•  Liberté  des  anges,  264 


1719 

'Liberté des  bienbeurcux, 
2t!.'î 

*  Liberlé  des  damnés,     266 

*  Liberlé  de  Dieu,  267 

*  Liberlé  de  JésusChrisl, 

269 

*  Liberlé  (le  l'Iiomme,  270 
(1)  Libre  arbitre,  272 

*  Liberlé  des  églises,      28-i 
■  Liberlé  de  l'Eglise  galli- 
cane, 282 

(1)  Liberté  chrétienne,  286 
LiDerlé  de  penspr,         290 
Libertius.  V.  Allrancliis. 
Libertins,  298 

Libres,  299 

*  Libres  penseurs,  299 
Licence,  Licencié,         299 

*  Lieui  sainls,  300 

(1)  Lieux  Ihéolcigiques,  ÔOI 
Ligature,  ^06 
Limbes,  •'507 

*  Linguistique.   F.   Ethno- 
graphie. 

Litanies,  31^8 

(2)  Liiurgie,  Ô09 
Livre,  327 
(t)  Livres  saints  ou  sacrés, 

ôôO 
Livres  défendus,  334 

Loi,  3i2 

(2)  Loi  naturelle,  5 16 
Lois  divines  positives,  3.53 
(1)  Loi  niosaïiiue.  o.'iQ 
(1)  Loi  cérémonielle,  372 
Lois  civiles  des  Juifs,  383 
Lois  politiques   des  Juifs  , 

386 

Loi  orale,  387 

Loi  chrétienne,  389 

(1)  Lois  ecclésiastiques,  .393 

jl)  Lois  civil  s,  403 

Lollards,  406 

*  Longanimité,  i07 

*  Longévité,  407 
Lot,  408 

(1)  Luc  (Saint),  409 
Lucianisles,  411 
Lufifériens,  411 
Lumière,  412 
Luminaire.    V.  Cierge. 

(3)  Luthéranisme,  423 
Lulhèri' n,  4.30 
Luxe,  436 
Luxure.  Yûy.  Impudicilé. 

(2)  Lyon,  439 

M 


TABLE   DES  M.MIERES. 


Macariens, 

441 

Macarisme, 

412 

Macédoniens, 

412 

Maccabées, 

444 

Machasar, 

448 

Machicot, 

448 

MaiTostiche, 

448 

Madianites, 

449 

Maforle, 

430 

Madeleine, 

430 

Magdelonnettes, 

4S2 

Mages, 

453 

Magie, 

4»; 

Magistrat, 

469 

'  Magnétisme, 

472 

Magmjical, 

473 

Maiioiuétisme, 

479 

Main, 

489 

Mains(lmpositiondes).  Foi/ 

Impo^iliou. 
Maître  des    Sentences.    Y. 

Scolastique. 
Majeure,  490 

Majoristes,  490 

Mal,  491 

Malabares,  501 

Malabare  (Rite),  .302 

Malachie,  S02 

Malade,  304 


Malédiction.    V.    Tmpréca- 

linn. 

Malélice,  306 

*  Malgaches,  308 

Mambré,  508 

Mamillaires,  509 

Mamnmna,  309 

Mandaites,  310 

Mîmes,  311 

Manichéisme,  313 

Manilesi  aires,  336 

Maoipulp.     V.     llablis  sa- 
cerdotaux. 

(!)  Maime  du  désert,  536 

Maiisiomiaire,  539 

Manleilaltes,  340 

Maoslm,  5i0 

Marau-Alha,  541 

(I)  Marc  (Saint),  542 
Marcelliens,  543 
Marcioniles,  .344 
Marcosiens,  549 

(II)  Mariage,  551 
(u)  Mariage,  577 
(1)  Marie,  630 

■  Manstes,  642 
Maronites,  642 

■  Martiiiistes,  644 
(1)  Martyr,  644 
Mart\re,  672 
Martyrologe,  674 
Masbotliéens,  676 
Mascarade,  677 
Ma-ore,  677 
Massalieiis,  679 
Massiliens,  681 
M  tlérialisme,  681 
Mathiirins.  V.  Trinilaires. 
Matière  sacranieiilelle,  683 
Maiiiies.  V.  Heures  cano- 
niales. 

Matthias  (Saint),  684 

Matthieu,  684 

Ma  viiiie  (Saint),  688 

Maxiiiiiauistes,  688 

Méchants,  688 

'  Méchilaristes,  690 

Médiateur,  690 

Médisance,  692 

Méditation.  Y.  Oraison  meii- 

tali'. 

Medrascliim,  093 

Mélancolie  religieuse,  693 
Mélancliloniens.   Y.  Luthé- 
riens. 

Mebbiséiléciens  694 

Melchitcs,  696 

Méléciens,  697 

Mélote,  698 
Membres  corporels  atlribnés 
a  Dieu.   F.   Anthropolo- 
gie. 
Membres  de    l'Eglise.    F. 

Eglise. 

Menaces,  698 

Méuandiiens,  699 

Mendiants,  701 

Menée,  Mônologe,  704 
Mennijuites.    F.  Anabaptis- 
tes. 

Mensonge,  703 

Mer.  707 

Mer  d'airain,  711 

Mer  Morte,  711 

Mer  llou^e,  713 

Merci,  717 
Mercredi  des  Cendres.   V. 

Cendres. 

Mère  de  Dieu,  717 

Mérite,  719 

(2)  Messe,  724 

Messie,  733 

Métamorpliisles,  751 

Métangisinoniles,  7.j1 

Metanua,  7.")1 

(t)  Métaphysique,  73<. 
Mélem[jsycose.  Y.  Transmi  • 
gralion  des  âmes. 


Méthodistes, 

Méihodisles, 
Métrète, 
Mélrocomie, 
Métropole, 


734 

760 
761 
761 
761 


Meurtre.  V.  Homicide. 

Mezuratli,  761 

Miellée,  762 

Michel,  763 

Miel,  763 

Militante,  763 

Millénaires,  764 

Minéen,  763 

*  Minéralogie.  765 
Mineure,  765 
Mineurs  (Ordres),  703 
Mineurs  (Clercs),  766 
Mineui  s  (Frères),  766 
Mingréiiens,  766 
Minimes,  768 
'  Ministère,  768 
Ministre,  769 
Minisiru  des    sacrements  , 

769 

Minutius  Félix,  771 

(a)  Miracle,  771 

Mirauiiones,  803 

Miséricorde  de  Dieu,  803 
■  Miséricorde  (Oliuvres  de 

la),  803 
Misiia.  Y .  Talmud. 

Missel,  806 

Mission,  808 

Missions  étrangères,  814 

*  Missions  protestantes,  826 
Mitre,  829 
Mitlen  es.  Y.  Lapses. 
Moabiles,  830 
(1;  Mœurs,  831 

(1)  Moine, -Monastère,  837 

(2)  Moïse.  8(i9 
Moisson,  878 
(!)  Molinisme,  878 
Àtolino-isme,  881 
Moloch,  882 

*  Momiers,  883 
Monarchie,  884 
Hoiiasières.  F. Moines. 
Monaslériens.  F.  Anabaptis- 
tes. 

Monastique  (Etat).  F.  Moi- 
nes. 

Mondain,  884 

(1)  Monde,  883 

Monde  (Antiquité  du),  -893 

Monde  (Fin  du),  8'i9 

Monophysites,  905 

(1)  Monolhéliles,  905 

Monliinistes,  910 

(I)  Morale,  914 

Morale  chrétienne,  920 

Moravps  (Frères).  F.  Her- 

nutes 

Mort,  928 

*  Mon  de  Jésus-Christ,  931 
Mort  (le),  934 
Morts  (E'al  des),  9.^5 
Morts   (Prières   pour  les), 

935 

Morts,  9*1 

Mortilicalion,  941 
Moscovites.  F.  Russes. 

Mo?arabes,  SilT 

Murmure,  9*8 

Musa.h,  6i9 

Musii|ue.   F.  Chant  ecclé- 
siastique. 

*  Mutilés  de  Russie,  919 
Myroii.  F.  Clirème. 
Mystère,  949 
Mystères  du  paganisme,  936 
'  Myslicisme,  965 
Mystique,  963 

*  Mythe,  96i 

N 
Naaman,  F.  Elisée. 


1720 

Nabnchodonosor.     V.   Da- 
niel. 
Nahum,  96'J 

Naissance  de   Jésus-Christ 

F.  Marie. 
N'athan,  969 

Nathinéens,  969 

Nations.  F.  Gentils. 
Nativité,  970 

Nativité  de  la  sainte  Vierge 
(Fête  de  la),  971 

Nature,  Naturel,  971 

Nature  divine.  F.  Dieu. 
Nature  liuiuaine.F.Homnie. 
Nature  (Etat  de),  97  4 

Nazaréai,  Nazaréen,  977 
Nazaréens,  979 

*  Nécessariens ,  982 
Naziaiize.  F.  tirégoire  (Si). 
Nécessitant,  982 
Nécessité,                       983 

•  Nécessité  (Docirine  de  la), 

ou  Fatalisme,  984 

Néchiloth,  989 

Nécrologp,  989 

Nécromancie,  990 

Nef  des  églises.  F.  Chœur. 
Néginolh.  Y.  Néchiloth. 
(1)  Nègres,  992 

Néhémie,  998 

Néoménie,  999 

Néophyte,  1000 

Nergal  ou  Nergel,        1000 
Nesiotianisme,  Nesloriens, 
UIOI 
Neuvaine,  1017 

Nicée,  1018 

Niche,  1023 

Nicodème,  1023 

Nicolaites,  1024 

Noachides.  F.  Noé. 
Noces.  1026 

Noces  (Secondes).  F.  Biga- 
mes, 1026 
Nocturne.  F.  Heures  cano- 
.niales,  1026 
Noé,  1026 
Noël,  1029 
Noéliens,  1030 
Nohestan,  1031 
Nom,  1031 
Nom  de  Jésus,  1033 
Nom  de  Marie,  10.34 
N-oni  de  baptême,  1031 
Nombres,  1034 
•Nominaux,  1033 
Non-Conformistes,  1036 
None.  F.  Heures  canonia- 
les. 
Nonnes.  F.  Religieuses. 
Nord,  1036 
•  Notes  de  l'Eglise,  1044 
'  Notes  de  propositions.  F. 
(iensure  des  écrits  eiQua- 
lihcatioii  de  pro,ositions. 
Nouons  de  Dieu,  1044 
Notre-Dame,  1044 
Nouveau,  1045 
Novateur,  104.3 
Novaliens,  1048 
Novice,  Noviciat,  lu3l 
Ntoupi.  F.  Broucolacas. 
Nn-ineds  spirituels,  lObl 
Nuée,  1031 
Nuée  (colonne  de),  10.32 
Nuit,  1033 
Nuptial, Bénédiclion  nuptia- 
le. F.  Mariage. 
Nvctaues  ou  Nyclazoutes , 
■      "  1057 

o 

0  (Les)  de  Noël.  F.  Annon- 
ciation. 

Ob.  T  Pvihon. 

Obéissance,  1037 

Obéissance  (Vœu  d').  Y. 
Vœu. 


1721 

Obieciion,  lOfiS 

(llilat,  1000 

■  oiibis  de  Marie  iiumacu- 
l(''e,  lOGI 

Oi'hitœ,  lUOt 

()l,l:iles,  lOfil 

()l>l:iliuil,  loin 

Oblli/alioii  morale.  V.  De- 
voir-, 
Obscénité,  IU(ij 

Ob^i••l''e.s.   V.    Funérailles. 

Trières  pour  les  nions. 
Obser\unces  légales.  F.  Loi 

cérûmouielle. 
Observance    religieuse   ou 
ecciésiaslique,  1067 

Observer,  1070 

Obsessi'iu,  1070 

Occasion.  V.  Cause. 
Occurrouce,  1071 

Odaples,  1071 

Oclateuque,  1071 

Oclavf.  1071 

Odeur.  107"2 

Odilun  (S.),  1073 

•Odiu,  1075 

Odon  (S  ),  107.5 

(M'icnoiuie,  1073 

Olvcun)éiiii|Ui',  lOTi 

OKcuniJnius,  1070 

OKil,  1076 

Olùivres  (Bonnes),         1077 

■  Olîu\redes  six  jours,  10H3 
'•lieuse,  lOSa 
Ollerle,  OlliTloire,  1080 
Ollice  divin,  1086 
Ollice  (  Saiul-).  V.  Inquisi- 
tion. 

Ollici:.nt,  1089 

Oïl'raiide,  1089 

Oint;ls,  1093 

Oiut.  V.  Onclion. 
Oisif,  Oishelé,  1093 

Olivéïauis,  lOit.j 

Onibie,  ing.'i 

Omission,  109.5 

Ompl]al(i|ilijsiquoS,        lOy.ï 
Oncliun,  109.5 

Ondoyer.  1098 

Oneiriierilie,  109'.) 

Onoujchiie,  1099 

Opéraiile(Grice).  V.  Grâce. 
Opération,  1100 

Ophilcs,  1100 

Opiniouisles,  1102 

Opliiiiisies,  1102 

Opus  vperaumi.    V.  Sacre- 

nieni. 
Oracles,  llli 

Oraison,  Il  "20 

Oraison  dominicale,       1 1 20 
Orale  (Loi).  V.  Loi, 
Oiariuiu.  V.  Klole. 
Oralone,  1123 

Orali  irés     des    Hébreux  , 
1124 
Uraloire  (  Congrégation  de 
V),  112.5 

Orbibarien>i,  1 126 

Ordalie  ou  Ordéal.  T.  Epreu- 
ves siipersiuieusos. 
Ordinal,  1126 

Ordinand,  1127 

Onlinalion,  1128 

Ordinalions  anglicanes.  V. 

.\ii^lii'ans 
Or.lre.  1152 

Ordres  militaires,  1 157 

Ordres  monastiques  ou  re- 
li^eux,  lUO 

Oréliites.  Y,  Hussltes. 
Oreille.  IIU 

■  Organiques    (  Articles  )  , 

11+3 
Orgueil,  114.5 

Orient,  1146 

Oiientaux,  1147 

Orientaux  (l'iiilosoplies).  V. 


TABLE   DES   MATIERES. 


'    Guostiques. 

Ori^'èue,  1 1 19 

Origénisles,  1157 

(■")  Onuinel  (l'éelié),    11.58 
Orneiiients  des  églises.  V. 

Kfilises. 
Onieuii'iils    poiiùlicaux    el 

.vacerdolauv.  7.  Habits. 
Orplielin,  1IG6 

Ortlioduxe  ,     Orthodoxie  , 
1167 
Os,  1107 

Osciilum.  y .  liaiser  de  paix. 
Osée,  lli'S 

(Isiandriens,  1169 

•Osiris,  1170 

l' 

Puciaires.  K.  Trêve  de  Dieu. 
l'aeieii  (Sailli),  1171 

l'aeilique  (Hostie).   V,  llus- 

lie. 
l'aciliqiies,  ou  l'acilicateurs, 
1171 
l'acte,  1171 

Pacte  social.  V.  Société. 
Ta'doba|ilisnie.  Y.  Hapli^nie 

des  enl'.inls. 
(2)  l'aginsme,  1173 

Pain,  1208 

l'ains  (.'ilulliplicatiou  des), 
•      1209 
l'aiii  azyme  on  pain  il  chan- 
ter. V.  A/.vme. 
Pain  bénit,   '  1209 

Pain  ciinjuré.  Y.  Epreuves 

sii|iersiiiieuses. 
Pains  de  proposition  ou  d'of- 
traude,  1211 

Pais,  1212 

Paix  ,  ou  baiser  de   paix  , 
1213 
Pajonistes,  1214 

Palainiies.  V.  Hésicastes. 
Palestine.    Y.   Terre  pro- 

niise. 
Paliiigénésie,  1214 

Palle,  1219 

Palliuni,  1220 

Palmes.  Y.  Rameaux. 
Panacrante.   K.  Conception 

immaculée. 
Panagie,  1220 

l'auaiète,  1221 

l'anopli.-,  1221 

■  Panthéisme,  1221 

Papas,  1226 

(9)  Papauté,  Pape,        1226 
Paiiesse  Jeauue,  125.5 

P^nue.  12.58 

l'àques,  1  Hil 

Parabole,  1205 

Parabolans,  ou  Parabolanis, 
1268 
Paraclel,  1^19 

Paiaclélique,  1271 

Paradis,  1271 

Paradis  terrestre,  1272 

Para,  lis  céleste,  l27t 

Paraguay.  Y.  Mis.>ionsélraii- 

géres. 
Paralipoméues,  1275 

Paraiiymphe,  1276 

Paraphrases     clialdaïques  , 
1276 
Parascève,  1281 

Parasclie,  1281 

Par,.llièse,  1281 

Pardon,  12S1 

Pardon,  chez  les  juifs,  12H2 
Pardon  ,  chez  les  catholi- 
ques, 1283 
Parénése,  1283 
Parents,  1284 
Parlait,  Perfection,  1286 
Parfum.  Y.  Encens. 
Parlierueueuies ,         1287 


Parjure, 

1287 

Paniisse, 

1288 

(«)  P.iroiise, 

1289 

Par.le, 

1291 

Paiole  de  Dieu, 

1291 

Parrain. 

1293 

l'anicide 

1293 

P.lr^is  ou  Parses, 

1-294 

Pariialilf, 

1302 

Pailiciilaristes, 

1501 

Particule, 

1505 

Parvi.s, 

1505 

Pascil, 

15110 

Pascales  (Lettres),         13iili 
Pascal  (Teiiipsj,  1500 

P.ischase  Kadliert,         15110 
Passagers  ou  Passagieiis  et 

Pa.ssaginiens,  1508 

Pas^alorjnchiles   on   Pella- 

lurviichitcs.  Y.  Montauis- 

tes. 
Pas-ible,  1309 

Passion     de     .lésBS-Chrisl  , 

l.iio 

Passions  humaines,       1510 

Passionistes,  1519 

Pasteur,  1319 

Pasteur  d'ilermas.  Y.  Uer- 

inas. 
Pasioph.  lion,  1327 

P.istoricides,  1528 

Pastiiuri'aiix,  I.52S 

Palarins ,   Patcrins  ou  Pa- 
irins,  15JS 

Paleliers,  1529 

Patène,  1329 

Paieiiô;re.  Y.  Cliapelct. 
Pdler.  V.  Oraison  domini- 
cale. 
Paieriiiens,  15i9 

Paternité,  1530 

Patience,  1531 

Patriarciie,  1335 

l'atnarclie     ecclésiastique , 
1359 
Pairie,  1541 

Pairipassiens  ou  Palropas- 
siens,  1312 

Paul  (S.),  a;iùlre,  1313 

Paul  (S.),  ermite.  Y.  Kriiii- 

tes. 
Paulianisles.     Y.    Saiiiosa- 

tiens. 
Paulin  (S.),  1352 

Pauvre,  1555 

Pauvres  eatlioliques,  1553 
Pauvres  de  la  Mère  de  Dieu, 
1.534 
Pauvres  volonlairfls,  1354 
Paiivrelé  religieuse  el  vo- 
lontaire, 1334 
Païen.  Y.  Paganisme. 
(I)  Péché,  1.555 
Pécheur,  I3ij4 
Pectoral.  Y.  Oraile. 
Pédagogue,  1561 
Peine  elernelle.  Y.  Lfifer. 
Peines  puriliaiites.  Y.  l'ur- 

î^at'iire. 

*  Peines  eanoiiii|ues,     1503 

Pélagianisme,    Pélagiens  , 

1 3(i3 

Pèlerinage,  I5T6 

(1)  Pénitence,  1378 

Pénitence   (  OEuvrcs  de)  , 

158,5 

Pénitence  publique,      13S8 

Péuitencerie,  Péiiileneier, 

1390 

Pénitents,  1391 

Pénitents     (  Congrégations 

de),  13  U 

Pénitents  de  Nazareth  el  de 

Picpus.  Y.  Picpus. 
Pénileutiel,  1392 

Pensée,  1.595 

(3)  Peiitaleuquc,  1393 

Pemewie,  1402 


172-2 

entbèse.  Y.  Pnrilicatioii 
de  la  sainle  Vierge. 

Pépusieus.  y.  Montaiiisles. 

Père.  1 107 

Père  éternel.  Dieu  le  l'ère. 
K.  Irinilé. 

Pères  de  l'Eglise,         1408 

•  Perleclibililé  chrétienne, 

1124 
Perfeclion.  Y.  Parfait. 
Permettre  ,     Permission  , 

U26 

■  Perpétuité     de    l'Eglise  , 

•  1 128 

Perse,  11^9 

■  Perses   (Religion    des  )  , 

14.51) 
Persécuteur,  U5t 

Persécution,  1437 

Persévérance,  1  ^i^ 

Personne,  1119 

Pélilieiis.  Y.  Donalistes. 
Peiiis-Péres.  Y.  Augustins. 
Pétrolinsiens,  liol 

Pettalorynchiles.    V.  Mon- 
,  taui-stes. 
Peuple  de  Dieu,  1452 

■  Piialauslérieus.  Y  Eou- 
riéiisnie. 

■  Pharaon.  V.  Egypte,  Plaies 

d'Egypte. 
Pharisiens,  liai 

Pliase.  Y.  Pique. 
Phéléthi.  y.  Céréthi. 

•  Philalèthes,  113^ 
Philastre  (S.),  UoO 
Philéino:!,  1  iSi 
Pliilip(ie  (S.),  apotrc,    I  i-'iti 

PhilipplellS,  1  i'M 

i'iiilil  insies  ou   Mélanclito- 

iiiens.  Y.  l.uihériens, 
(I)  Philologie  sacrée,   1137 
(5)  Pliilusophe,  Philoso|ilii_e, 

1 158 
"    Philosophie    orientale  , 

1476 
Phnliniens,  U79 

■  l'hlélinlogio  OU  Cr^\iiolii- 
gie,  t'.rànioscopie,      1 180 

l'hrontisles,  H'^l 

Phrygiens.  Y.  Montaiiistes. 
Pliurmi  OU  Piirim.    V.   Es- 

ther. 

Phylaclè.res,  Il8l 

"  Physiologie  psycliologiipie, 

'  1482 

Physique   du    monde.     Y. 

Monde. 
Pieards,  1185 

Picpus,  U8a 

Pied,  i486 

Pierre,  14>:6 

Pierre  (S.),  apôtre,       U8i 
Pierre    Cliiys>lo;^ue    (s.)  , 
1191 
Pierre  Damien  (lebieulieu- 

reux),  1191 

Pierre   Lombard.    F.    Sco- 

lastique. 
Piété,  1192 

Piéli.sles,  1195 

Pilale  (Actes  de),  .  1193 
Piscine  Probatique,  1497 
Pillé,  1 1 18 

(1)  Plaies  de  l'Egyple,  1  i98 
Plaisir,  1501 

Platonisme,  L5tii 

Pleurants.     Y.    Pénitence' 

publique. 
Piieumatoinaques.    Y.    Ma- 
cédoniens. 
Poésie  des  Hébreux,     loi* 
Polémique  (  l'Iiéologie).   Y. 

Controverse. 
Pologne,  1526 

Polycarpe  (S.),  132S 

Polygamie,  1.52:' 

foljglolle,  153' 


«723 

Pnlylliéisme.  F.  Pajjanisine. 
Pompe  du  culle  divin.  V. 

l'ulKî. 

PnmpH  lunèlire.    V.  Fiiné- 

railles. 
Poiiclnalioii  du  lextp  p(  des 
versions     df     l'Hciiture 
sainte.  V.  l'oncordance. 
Ponlifp,  lrsô7 

Poiiiile.s  (Relijjieux),     iri.jS 
Ponlilical,  \nôd 

Poplicain,  Publicaiii,     lîiîO 
Porphyrifu,  l."i',9 

Pori-éuins,  15K) 

rorto-Croix.  V.  Croisiers. 
Poilier,  i.st» 

Ponioiii'n!i»,  Ifiiô 

Posséd.',  l'nsses-ioii.r.  Dii- 

inoniai|ni'. 
Postioniniiiiiinn,  \^H 

(a)   (1)  Prayiuaiique  sanc- 
tion. 
Pr.ifîiip   (Jéix'inie    de),     r. 

Hiissites. 
Praxéeiis    on     Piaxéicns , 
Vïfil 
Préadamiios,  |:..63 

Prê.-lieurs  wi    Prédicaleiirs 
(Frères),  v.  Dominicains. 
Prédesllnalinn,  l.'ilii 

l'rédestinatiens,  l;i7o 

•  Préde.siiiiés.  r.  lîins. 
Prédélerniinaiion,         l,=i78 
J'réUicaleup ,   Prédiralion  , 

PréPxislant,  1S8,5 

Préface,  IriSl 

Préjugés,  l?i8i 

Préjugés  de  religion,  1.5S(. 
Préjugés  légitimes.  F.  Pres- 

oription 

Prémices,  issfi 

Premier,  1586 


r.\BLE  DES  MATIERES 


Premicr-né.  K.  Aîné. 
Préninnlré,  (.'JSG 

Piemoiion.  F.  Prédélprini- 

natioii. 
Prépure.  F.  Circoncision. 
Présage,  i,-;8s 

Présanciliés,  1.590 

Preshylére,  l.'jiio 

Prcsliyiérien.  V.  Anglican. 
Prescience,  ifsgo 

Prescfipiion,  159.- 

Présence  réelle.  F.  F.ucUa- 

risiie,  §  1  el  sniv. 
Prrseiii.itiiinde.Iésus-Clirist 
au    le.iple.    F.  Purillca- 
l'on. 
Préseutalion    de   la    sainle 
Vier^-e  {Kète  de  li).  13a 
Préire,  ii;„(» 

l'ri^lri^p,  iiidij 

Prévenant,  Grùce  prévenan- 
te. V.  (Irace. 
Prévision.    F.    Prescience. 
Preuve.    F.  I.ienx    ili'i.l.- 

piqnes  el  lieliyion. 
(1)  Prière,  IGIO 

Prière  puliliq;ie.  F.  Heures 

canoniales. 
(iJ)  Ci)  Primai,  ICI.'i 

Primante,  l(i(8 

Prime.     F.    Heures  cano- 
niales. 
Prince.  F.  i'oi. 
Prin(ip:iu(és.  F.  .4nf»rs. 
IViscillianisme  ,    Pnscillia- 
uisies,  if|8 

Priscilliens.    F.    Monlariis- 

les. 

Probabilisnie,  Probaliilistes, 

1625 

Procession,  1628 

Processi  n  du  Saint-Es(>ril. 

F,  Sainl-Kspril, 


Priirliiin,  iCin 

Proili/e  \\Mj 

l'rolanalinn,  Prorane,    Ifi.'îO 
Proléssei.rs  de     ihéoloçie. 

F.  Théologie. 
Pro'é~sion  de  loi,  16?;l 

Profession    religieuse.     F. 

Vœu. 
•  Progrès    (Doctrine    dul. 

Prolégomènes  de  l'Ecriture 
sainte,    r.   Criiiiju,'    sa- 
crée. 
Promesses  de  Dieu,      1638 
■  Prnmulgaliiin.  V.  I.oi,   el 
snrtoni  le  DicliouDaire  de 
lli.'iild^'ie  morale. 
Prira.ande.     F.    Missions 

éiraiij^'ères. 

Propagation     du     chris'ia- 

nlsme.    F.  Clirisilanisme. 

Propagaion    de    la     foi 

(OHuv-e  de  la),         ItUl 

Proplièlc,  104-2 

Pri.phélie,  I60O 

Piopire,  Propiliation,  Pro- 

pitlaloire,  1636 

Propos,  Ki.-iv 

Proposition,  1638 

Piopriété  (Droit  de),  ll-SS 

Prose,  jf,H,) 

Pro-élyle,  106I 

Prose  nclie.  F.  Oratoire. 
Prosper  (S.),  1662 

Prosternation  onProslerne- 

mfit,  1665 

Prosternés.    F.   Pénitei.ce 

publique. 
Pro.stiluiion,  1665 

(1)  Protestants,  1681 

Proiévangde  de  saint  Jac- 

'l'ife',  1665 

Prothèse,  1667 


Protocanoniqups  le" 

Protoctisles,  16  i7 

Proomartvr.  leG.S 

Prolopasciiiles,  1(568 

Protnpias'ps,  1W8 

Protosvnrelle.  F.  Syncclle. 
Proloihrôue,  lG(i8 

Proveibe,  1668 

Proverbes  (Livre  des),  1668 
Piovidence,  166:1 

Prudence,  KiTs 

Prudi'nce  (le  poète),     l67fi 
Psaliuisti- ,     Psalmodie.    F. 

Psninie. 
Psalyiiens,  1676' 

Psaume.  l(J7(i 

Plolémaïtes,  1685 

Piiblioaiii,  jGs,5 

Puissance  de  Dieu,       1681 
Puis.saoces  célefte»,      lfj8fj 
Puissance  paternelle,  ecclé- 
siastique ,    polnique.    F. 
Aniorité.  ' 

Pniriljnn.      F.     Juslico     de 

Dieu. 
Pur,  Pureté,  1688 

(3)  Purgatoire,  l(3s9 

Punficaiinn,  1701 

l'ufillration  des  for.inies  jni- 
„  ves,  ,7(,f) 

J'uriRraiion     de    la    sainiu 
Vierge  (Fête  de  la),  I70H 
Purini.  F.  Eslher. 
Puritains  nu  Presbytériens. 

F.  Anyli'ans. 
•Puséysme,  I7(i9 

Pygmées,  1715 

Pyrphonisme   F.  Inditréren- 

ce.  Scepticisme. 
Python,  171,7 

Pytbonisse  1713 


FIN  DE  LA  TABLE  DES  MATIÈRES. 


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