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ENCYCLOPÉDIE
THÈOLOGIQUE,
ov
SÉRIE DE DICTIONNAIKES SUK TOUTES LES PARTIES UE LA SCIENCE RELIGIEUSE ,
OFFRANT EH FRANÇAIS
LA l'LlJS CLAIIii;, LA PLUS KACILK, LA PLUS COMMODL, LA PLUS VARIÉE
ET LA l'LUS COMPLÈTE DES THÉOLOGIES.
CES me nONNAIRES SONT :
o'RCRITrRR SAINTE, DR PHlI.OI.dGI R SACUÉF. , DE IlTURfîIK, OR DROIT CANON, d'h^RÉsIBS KT
DR SCIUSMKS, DKS IIVRKS .1 ANS F.!N lïTKS. MIS A LINDRX ET CONDAMNES, DES PROPOSITIONS
CONDAMNÉES, DE CONCILES. DE CÉBÉM'»MBS ET DE RITES, DE CAS DE CONSCIENCE,
d'ordres RELIGIEUX (HOMMES ET KEMMKs), DES DIVERSES RELIRIONS, DR HÉOORAPHIE
SACRÉE KT ECCLÉSIASTIQUE, DE THÉOI.<lflIE DOGMATIQUE ET UORAIR, HE
Jl R|SPItl)|)E>'CE RELIfl'EUSE, DES PASSIONS, DES VERTUS ET DES VICES,
d'|1Ai;|0GHAPII:E, n'ASTUONO^lrE, DE PIIVSIOI'K l'T DE MÉTÉ(.R0LO<;ll:,
DES PliLERINAC.RS It;- LIGIEUX , D'iCONOfat A PII I K RÎM.K; lEtlSI" . DK
CUIAIIE i T DE MINÉRAI.OCIE, DE DIPLOMATIQUE. DK SCIENCES
OCCDLTES , DE r.ÉoLor.IE, DE CHRONOLOGIE, DE j
lilOGnAfHlE, ETC., ETC.
PUBLIÉE
PAU M. L'ABBÉ MlGNl^ ,
ÊDITE0R DE LA BIBLIOTHÈQOE U N IVE R SELLE DU CLERGÉ,
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DES COWRB COMPtSTS SUR CHAQUE BRANCHE DE LA SCIENCE ECCLÉSIASTIQUE.
PmX i (j FR. Lt VOL. PUUfi LK. SOUSCilIPTEUR A LA COLLECTKI.N ENrlt.nE, "7 KK., S FR., KT Mf.MK 10 fK. Pin;i< LE
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DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE DOGMATIQUE.
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BARRIÈRE d'bNKEII OS PARIS.
1851
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in 2010 witii funding from
University of Ottawa
littp://www.archive.org/details/p1dictionnairede35berg
DICTIONNAIRE
DE
THEOLOGIE
DOGMATIQUE,
LITURGIQUE, CANONIQUE ET DISCIPLI?^AIRE,
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MISE EN RAPPORT AVEC LES PROGRÈS DES SCIENCES ACTUELLES;
REMFERMAM TOUT CE QUI SF, TROUVE DANS LES ÉDITIONS PltltCÉDENTES,
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ANNOTATIONS ht ARTICLES
Om RENDENT LA PRÉSENTE ÉDITION d'uN TIERS PUIS ÉTENDUE QUE TOUTES CELLES DU CÉLÈBRE
APOLOGISTE, CONNUES JUSQU'A CE JOUR, SANS AUCUNE EXCEPTION;
PAR M. PIERROT,
AUCIEK PROFESSEUR DE PHILOSOnillE ET DR THÉOLOGIE AD GRAND SÉMINAIRE DE VERDITR,
iVTEv». Dv Dictionnaire de Théologie morale;
FUIiLIÉ
PAR M. L'AIÎBÊ MIGNE,
ÉOITEOR DE LA BIBLIOTHÈQUE UNIVERSELLE DU CLEROil,
ou
DES COURS COUFI.ETS SUR CHAQUE BRANCHE DE LA SCIENCE ECCLÉSIASTIQUE.
k VOLUMES. PRIX : 26 FRANCS.
TOME TROISIEME.
»<>•.
CHEZ L'ÉDITEUR,
AUX ATELIliRS CATHOLIQUES DU PETIT-MONTROUGE,
BARIIIÈRE D ENFER DE PARIS.
1851
- ■ ■ •*^'-^-'~-- 11, -
Inijirimerie de MIGNE, an i'eiii-Mwitreiif»
DICTIONNAIRE
DE
THlOLOfili DOGiiTIÛUl.
JACOB , fils d'Isaac et petit-fils d'Abra-
ham, fut le père des douze chefs des tribus
d'Israël. Nous n'avons pas dessein de rappor-
ter en détail toutes les actions de ce patriar-
che, mais d'examiner celles que les incré-
dules ont censurées avec trop de rigueur,
et contre lesquelles ils ont fait des objec-
tions.
1° Jacob profite de la faim et de la lassi-
tude de son frère Esaii, pour lui enlever le
droit d'aînesse, qui était inaliénable. Si, par
le droit d'aînesse, on entend les biens tlo
la succession paternelle , ce reproche est
faux. Esaii eut pour partage, aussi bien que
son frère, la rosée du ciel, et la graisse de la
terre , l'abondance de toutes choses (Gen.,
c. xxvii, v.39). Lorsque Jacob, revenant de
la Mésopotamie où il s'était enrichi, voulut
lui faire des présents, il répondit : Je suis
assez riche, mon frère: gardez pour vous ce
que vous avez, c. xxxiii, v. 9. Or, ce que Ju-
cob possédait pour lors était le fruit de sou
travail ; il dit lui-même : J'ai passé le Jour-
dain avec mon bâton, et je reviens avec deux
troupes nombreuses d'hommes et d'animaux,
c. XXXII, V. 10. Isaac vivait encore ; et à sa
mort il n'y eut point de dispute entre les
deux frères pour le partage de sa succession,
0. 35, V. 29.
Qu'était-ce donc que le droit d'aînesse
vendu par Esaû et acheté par Jacob ? Le pri-
vilège d'avoir dans la suite des siècles une
postérité plus nombreuse et plus puissante,
d'y conserver le culte du vrai Dieu, d'entier
dans la ligne des ancêtres du Messie. Telles
étaient les bénédictions promises aux patriar-
ches Abraham et Isaac. Esaii n'y avait au-
cun droit, c'était un bienfait de Dieu pure-
ment gratuit ; Dieu l'avait destiné et promis
à Jacob, lorsqu'il était encore dans le sein
de sa mère. Gen., c. xv, v. 23. Esaii méritait
d'en être privé, k cause du peu de cas qu'il
en fit, et de la facilité avec laquelle il y re-
nonça, c. XXV, V. 3i. Il aggrava sa faute en
épousant deux étrangères, desquelles Isaac
et Rébecca était mécontents, c. xxvi, v. 3o.
Quoique la narration de l'historien sacré soit
très-succincte et détaille peu de circonstan-
ces, elle en dit assez pour nous faire coin-
DlCTIONN. DE TUÉOL. UOGMaTIQLE. III,
prendre qu'Esaii était naturellement violent,
impétueux dans ses désirs, déterminé à b^s
satisfaire, quoi qu'il en pût arriver. Il se fit
unjeu de sonsermentel du droit de primo-
géniture ; quand il vit les suites de son im-
prudence, 11 forma le dessein de tuer son
frère, c. xxvii, v. 4-1. Il n'inspira point à
ses tommes le respect qu'elles auraient dû
avoir pour Isaac et Rébecca, c. xxvii, v. 46.
Cette conduite est beaucoup plus répréhen-
sible que celle de Jacob. Au mot Haine, nous
avons expliqué en quel sens Dieu a dit par
un prophète : J'ai aimé Jacob et j'ai hai Esaii.
2" Jacob, par le conseil de sa mère, trompe
Isaac par un mensonge, pour obtenir la bé-
nédiction destinée à Esaii. Ce fut une faute
de la part de l'un et de l'autre ; mais Dieu,
qui avait annoncé ses desseins, ne voulut
pas y déroger pour punir deux coupables.
Isaac lui-même , instruit du mensonge de
Jacob, ne révoqua point sa bénédiction ; il
la confirma, parce qu'il se souvint de la pro-
messe que Dieu avait faite k Rébecca ; il dit
à Esaû : Ton frère a reçu la bénédiction que
je te destinais ; il sera béni, et tu lui seras sour-
mis. C. XXVII, V. 33. Lorsque Jacob partit
pour la Mésopotamie, Isaac lui renouvela les
bénédictions et les promesses faites à Abra-
ham. C. XXVIII, v. 4. Il ne faut pas en con-
clure que Dieu récompensa la tromperie de
Jacob ; il n'est point ici question de récom-
pense, mais de l'exécution d'une promesse
que Dieu avait faite avant que Jacob lût au
monde; celui-ci fut assez puni par la crainte
que lui inspirèrent, pendant longtemps, les
menaces d'Esaû, c. xxvii, v. 11, etc.
Un incrédule a objecté qu'il n'est pas pos.
sible qu'Isaac ait été trompé par l'artiticè
grossier dont Jacob se servit pour se dégui-
ser. Mais ce vieillard, aveugle et couché sur
son lit, ne se défiait de rien, et il fut étonné
lui-môme de son erreur, lorsqu'il s'aperçut
de la fraude. C. xxvii, V. 33. Ajoutons qu'au-
cun motif n'a pu engager l'historien sacré
à forger cette narration, il aurait eu plutôt
intérêt k la supprimer : elle n'était pas hono-
rable k la postérité de Jacob.
Le même critique ]<rétend que la bénédic-
tion d'Isaac a été fort mal accomplie ; que les
11
JAC
JAC
12
'Idum(5ens, descendants d'Esaû, ont toujours
été plus puissants que les Israélites. Selon
lui, les Iduméens aidèrent Nabuchodonosor
à détruire Jérusalem, ils se joignirent aux
Romains ; Hérode, Iduméen, fut créé roi des
Juifs par ces derniers, et, longtemps après,
ils s'associèrent aux Arabes, sectateurs de
Mahomet, pour prendre Jérusalem et la Ju-
dée, dont ils sont demeurés en possession.
Cette érudition pèche en plusieurs choses.
Il est certain que David fit la conquête de
ridumée (// Reg. c. viii, v. IV) ; que les Idu-
méens ne secouèrent le joug que cent
soixante ans après, sous le règne de Joram,
flls deJosaphat {IV Reg.c.\iu,v.2Q).C'es[ ce
que Jacob avait prédit ^ Esaïi, en lui disant :
Le temps viendra où tu secoueras son joug
(Gen. xivii, 40). Nabuchodonosor ravagea
ridumée aussi bien que la Judée [Jerem. xlix,
20). Dieu déclare par Malachie qu'il ne
permettra pas que les Iduméens se rétablis-
sent dans leur pays, comme il a replacé les
Juifs dans la Palestine après la captivité de
Babylone ; et c'est à ce sujet qu'il dit : J'ai
aimé Jacob, et j'ai haï Êsail. C. i, t. 2 et
suiv. Sous les Asmonéens, Judas Machabée
vainquit encore ce qui restait des descen-
dants d'Esaii (/ Mach.,c. v, v. 3). Pendant le
siège de Jérusalem, ils se rendirent aux Ro-
mains ; mais il no paraît pas qu'il aient eu
aucune part au sac do la Judée. Josèphe,
Guerre des Juifs, 1. iv, c. 15. Depuis cette
époque, il n'est plus question d'eux dans
l'histoire. On ne prouvera jamais que les
Arabes mahométans, qui se sont joints aux
Turcs, aient été la postérité d'Esaii ; ce sont
plutôt des descendants d'Ismaél , comme ils
s'en vantent eux-mêmes.
D'ailleurs, à la venue du Messie, toutes
les promesses faites à la postérité de Jacob
ont été censées accomplies; le règne d'Hé-
rodeestprécisément l'époque à laquelle nous
devons nous fixer pour voir toute puissance
souveraine enlevée aux Juifs, selon la pré-
diction de Jacob {Gen., c. xlix, v. 10).
3' Jacob , arrivé dans la Mésopotamie ,
épouse les deux sœurs, filles d'un père ido-
lâtre, et prend encore leuis servantes; il est
donc coupable d'inceste, do polygamie et de
désobéissance h la loi, q_ui défendait aux pa-
Marches ces sortes d'alhances. Mais il faut
faire attention que les mariages de/acoô ont
été contractés trois cents ans avant que fdt
portée la loi qui défendait à un homme d'é-
pouser les deux sœurs. Ces mariages n'étaient
l)as r<5putés incestueux chez les Chaldéens,
puisque ce fut Laban lui-môme qui donna
ses deux tilles à Jacob. A l'article Polygamie,
i.ous verrons qu'eUe n'était pas défendue
par la loi naturelle avant l'état de société ci-
■file. Les enfgnis d'Adam n'avaient lias pé-
ché en épousant leurs sœurs.
Quoiqu'il soit parlé dans le livre de la Ge~
p^se des théraphims, ou idoles do Laban, nous
Yoyons cependant qu'il adorait le vrai Dieu,
puisque c'est en son nom seul qu'il jure al-
liance avec Jaroh ( Qciies., c. xxxi, v. 49 et
suiv. ). Il ne s'ensuit donc pas que ses lillcs
aient été idolâtres. Jacob aurait été bcaucouji
plus coupable d'épouser des Chananéenncs,
puisque c'est avec celles-ci que les iiatriar-
ches ne devaient point contracter alliance.
k" Les censeurs de l'Ecriture sainte accu-
sent Jacob d'avoir trompé son beau-père, en
changeant la couleur des troupeaux ; ils
ajoutent que l'expédient dont il se servit est
unn absurdité, dont l'effet supposé est con-
traire ^ toutes les expériences. C'est Jacob,
au contraire, qui se plaint h Laban de cequ'il
a mal payé ses services, et a changé dix fois
son salaire. G. xxxi, v. 36,4.i. Laban, con-
fondu, reconnaît qu'il a tort, quo Dieu l'a
copiblé de biens par les services de Jacob ;
il jure alliance avec lui. Ibid., v. W. Rien ne
nous iiblige de supposer que l'expédient
dont Jacob so servit pour clianger la couleur
des troupeaux, produisit cet clfet naturelle-
ment; il reconnaît lui-môme que c'est Dieu
qui a voulu l'enrichir parce moyen. C. xxxi,
V. 9 et 16. Cependant plusieurs naturalistes
anciens et modernes ont cité des exemples
des eti'ets extraordinaires produits sur le fœ-
tus par les objets dont les mères ont été
frappées dans le temps de la conception (1).
(1) L'auteur de la Pltilosophie de 'dUstoire, dans
le chapiue des Préjugés poindaircs, s'exprime ainsi :
I Panai beaucoup d'erreurs auxquelles le geure
humain a élé livré , on croyait qu'on pouvait faire
naître des animaux de la couleur qu'on voulait , en
présentant celle couleur aux mères avant qu'elles
conçussent. L'aulour de la Genèse dit que Jacob eut
des brebis tachetées par cet artifice. »
Réponse. Cet écrivain traite de préjugé l'oiiinion
de la force de l'imagination de la mère s+ir lo iVetus.
Qu'on lise Bochart , et l'on verra si l'on peut quali-
fier ainsi un sentinient que ce savant a prouvé par
une infinité d'exemples anciens et modernes : nous
y en ajouterons un tout récent, rapporté par le Père
Gumila, dans sa curieuse Desciipliun de l'Orénoque.
Voici ses paroles :
« Étant, en 1738, principal du collège de Carlha-
gène, dans le nouveau royaume de Grenade, je fus à
une infirmerie qui n'est séparée du collège que par
une muraille, pour visiter les domestiques m.tlades
qu'on y amène de la campagne. J'y trouvai entre
autres une négresse mariée, qui me lit le détail de
sa maladie, ajoutant qu'il s'en fallait beaucoup qu'elle
eût obtenu sa santé , dont le médecin l'avait Ualtée
lors de son accouchement. Là-dessus je voulus aussi
voir l'enfaijt pour voir s'il se portait bien. La né-
greise le découvrit, et je vis avec un ctonncraent que
je ne puis exprimer, un enfant tel qu'on u'en a ja-
mais vu depuis que le monde est monde. Je vais le
dépeindre pour qu'on ne m'accuse point d'exagérer;
mais je crains de ne pouvoir y réussir avec la plume, ■
piiisque les meilleurs peintres du pays n'ont pu «m
venir à bout avec le pinceau ;
jCetle fille, qui pouvait alors avoir environ six mois,
et qui est entrée aujourd'hui danssa cinquième année,
est tacheièe de blanc et de noir, di puis le sommet
de la tcle jusqu'aux pieds, avec tant de symétrie et
de variété, qu'il semble qw* ce soit l'ouvrage du com-
pas et du pinceau. Sa tète, pour la plus grande parii«,
est couverte de cheveux noirs boucles, d'entre lesquels
s'élève une pyramiile de poil crépu aussi blanc que la
neige , dont la pointe vient aboutir sur le sommet
même de la tète , d'où elle descend, en élargissant
ses deux lignes collatérales, jus(iu'au milieu de l'ua
et de l'autre sourcil, .ivec tant de régularité dans les
couleurs, que les deux moitiés des sourcils, qui ser-
vent de base aux deux angles de la pyramido, sont
de poil blanc et bouclé au lieu ijue les deux autres
13
JAC
JAG
14
6° Nos adversaires disent que le prétendu
coiiihat (le Jacob coiitro un ange ou contre
lui S|iectre, pendant la nuit, ne fut qu'un
rt^ve de son imagination, ou que n'est une
i'ahlo inventc'-e ))ar les Juifs, à l'nnitation des
aiili'i's nations, qui toutes sc sont flattées d'a-
voir di-s oracles (|ui jour ])rêmettaientrcin-
pirc (le l'univers. Mais l'elfet du combat, sou-
tenu par Jacoh, f[ui en demeura boiteux le
reste do sa vie, prouve que ce ne fut pas un
rêve, et l'usage dos Isra(^lites de s'ali'^tenir
de manger lo nerf delà cuisse des animaux
prouve que cet éT(''n(MU(-nt n'i''lait i)as une
fable. A l'époque dont nous parlons, c'esVà-
(liro, vers l'an du monde '22fi0, six cents ans
tout au |ilus apr(^s liMléluge, où étaient les
nations auxquelles di^s oracles avaient pro-
mis l'empire de l'uiùvers? (le trait do vanité
n'a pris naissance que cliez les peuples con-
(fuérants, et il n'y en avait point pour lors.
Le testament de Jacob, par lequel il pré-
dit h ses enfants la destinée de leur postérité,
pourrait foiu'nir matière à beaucoup de ré-
flexions. L'on ne peut pas présumer que
Moïse ni un autre auteur ait osé le forg, r -,
les crimes reprochés à Uuben, à Siméon et ;i
Lévi, étaient des taches que leurs tribus
iétaii'iit intéressées à ne pas souffrir : quel
motif pouvait engagerMoïseîi noircir sa |iro-
pre tribu? La prééminence accordée à celle
de Juda, au préjudice des autres, (Jovait leur
causer de la jalousie: les partages do laTerre
promise, faits en conséquence de ce testa-
ment, en auraient mécontenté plusieurs, si
elles n'avaient f)as su ([ue tout avait été ainsi
réglé par hnu' p(''ro. Quel qu'ait été l'auteur
de ce testament, il a certainement eu l'es-
]irit prophétique, puisqu'il a prédit des évé-
nements qui ne devaient arriver que plu-
sieurs siècles après. Les preuves que nous
av(Uis données de l'authenticité du livre de
la Gen/'senK peuvent laisser aucun 'ioute sur
oe sujet. Quant à la m.mière dont il fant en-
tendre la prophétie que Jacob fait à Juda,
son quatrième lils, Yoy. Juda.
On dit qu'il est bien étonnant que Dieu
moitiés qui sont du eMé (\es oreilles , sont d'un poil
noirci crépu. Pour mi(Mix relever l'cspiue blanc, (|iie
fornu! la pyramide dans le niilicu du Iront, la naUn'c
y a placé une lacln; noire rt'gidi(''ro, qui domine con-
sidi'rahlenienl, et sert ,i relever sa heatUé. Le reste
de son visaye est d'iui noir clair, parscmci de (piel-
(|ucs taches d'une couleur plus vive ; mais ce qui n\-
lève inliniinent ses traits, sa bonne grâce el la viva-
( il('; de ses yeux , est une autre pyramide lilanclie,
(|ui, s'aiipuyanl sur la partie inlérieure du cou, s'é-
lève avc(^ proportion, et qui, partageant le menton,
vient aboulir au-dessous de la Icvie inférieure dans
le creii^ (pfelle forme. F)epuis l'exlréiniié des doigts
des mains jusqu'au-dessus du poignet, et depuis les
pieds jus(|u'à la moiti(: des jambes , elle parait avoir
des gants el des liouincs naturelles d'un noir clair
tirant sur le cendré, ce qui produit une admiration
sans égale , d'autant plus que ces extréunlés sont
paracnuvs d'un grand nombre de mouches aussi noi-
res (pie du jais. De rcxtrémilé inférieure du cou des-
cend connue une esp('(c de pèlerine noire .sur la poi-
trine et sur les épaules, la((iielle se termine en trois
pointes, dont deux sont placées snr les gros nuiscles
des bras ; et la troisième, qui est la plus large , sur
la poitrine, l'on épaule est d'un noir clair et ladieté
comme celui des pieds et des mains. Entin, ce ([u'il
y a de plus singulier dans cette lilliî est le reste du
corps, lequel est tacheté de blanc cl de noir, avec la
mémo variété dont j'ai parlé, avec deux laclies noires
qui occupent les deux genoux. »
< Je reioinuai |)liis d'inie lois à l'infirmerie avec
queb|ues-uns de nos Pères, pour contempler et ad-
mirer ce prodige; et à quehpies jours de la, il y
eiU une afUueuce considérable de citoyens et d'étran-
gers, (lui venaient d'arriver sur les galions, qui s'en
retournaient tout remplis détoimcnient, et donnant
des louanges au Créateur, qui, toujours admirable
dans ses ouvrages, prend quelquefois plaisir à les
varier pour montrer sa puissance. Les dames du
pays attendaient avec impatience la guérison de la
négresse, pour qu'elle pilt porter chez elles cet enfant
extraordinaire. Klles furent enfin satisfaites ; el cet
objet fil in)e telle impression sur leur esprit, qu'elles
accablèrent la mtre cl la fille d'une intiniié de pré-
sents. Elles ne la prenaient point entre leurs bras
qu'elles ne lui missent des colliers el des bracelets
de perles précieuses, et plusiiiurs bijoux semblables.
Il y eut plusieurs personnes qui voulurent l'aclieler
à qnebpie prix (pie ce fût ; mais les égards qu'elles
se devaient les unes et les autres, joints à la crainte
de chagriner le pi?rc et la mère, furent cause qu'elles
ne purent se satisfaire, rependaiit la fille se réveilla
avec quelques sympl(Hnes de fièvre, le visage triste
et abattu, ce ((ni m'obligea, dès que la nuitfntveiiue,
de la rap|)orler h sa mère, dans riiabitatiin où elle
était née. Cependant ce prodige fit du bruit dans le
nouveau royaume et dans la province de (Inracnx,
el l'on m'assura même ([ue les consuls anglais avaient
env()y(; son portrait à la cour de Londres.
< (> phénomène excita parmi les curieux plusieurs
disputes sur l'origine des couleurs; on ne parlait plus
d'autre chose, cbacnn adoptant l'opinion qui favori-
sait son inclination, et ce l'ut alors que j'admis pour
indubitable celle (pic j'ai avancée ci-dessus, louchant
la force de rimaginalion. Ayant pris un'îjour cette
fille entre mes bras, pour mieux observer la variété
des couleurs dont j'ai parlé, je remarquai qu'il sauta
en même tenq» sur les genoux de la négresse, une
chienne noire et blanche. Je comparai ses taches
avec celles de la (ille ; et ayant trouvé beaucoup de
ressemblance entre elles, je me mis h les examiner
en détail, si bien que je trouvai une conformité to-
tale entres les unes et les autres, non-seuleuient pour
la forme, la figure et la couleur, mais encore par
rapport aux endroits où elles étaient placées. Je ne
fis là-dessus aucune question à la négresse, pour ne
point m'écarlerdu système que j'avais adopté. Je lui
demandai seulement depuis quel temps elle avait
cette chienne ; el elle me répondit qu'elle l'avait éle-
vée depuis qn'on l'avait ôlée à sa mère pour la lui
donner. Je lui demandai encore si la cbienne suivait
son mari lorsqu'il allait aux champs. Elle me dit que
non, et que la chienne lui tenait toujours compagnie.
Je crus donc alors, cl je crois encore (|ue la vue con-
tinuelle de cet .mimai, jointe au plaisir qu'elle trou-
vait à jouer avec elle, avait été plus que sullisanle
pour tracer cette variél(! de couleurs liaiis sou ima-
gination, et riniprimer à la fille (pi'elle portait dans
son sein. Je communiquai ma pensée à deux de nos
pères, lesquels ayant comparé, comme j'avais fait,
les taches de la chienne avec celles de la fille, ne
doutèrent plus que ce fût un effet de rimaginalion
de la mère.
< Tout ce que je pourrais ajouter, pour établir la
vérité du fait que je viens de r.ippnrter, serait inutile,
puisqu'il y a dans celte ville plusieurs personnes,
lanl ecelesiasliques que sécvdiers, qui e.i ont été té-
moins ; et qu'il Cadix même il se trouve uu grand
iiomlire Je gens (Çii ont vu la fille dont je parle. >
— liépomcs critiques, par BuUet, tom. 1, p. 205.
15
JAC
JAC
16
ait choisi par préférence une famille dans
laquelle il y avait eu tant de crimes, l'inceste
de Ruben et celui de Juda, le massacre des
Sichimites par Siméon et par Lévi, Joseph
vendu par ses frères, etc. Il s'ensuit seule-
ment que dans tous les siècles, et surtout
dans les premiers âges du monde, les mœurs
ont été très-grossières et les hommes très-
vicieux; que la loi naturelle a été mal con-
nue et mal observée ; que Dieu, toujours
très-indulKenl, a répandu sur ses créatures
des bienfaits très-gratuits, s'est souvent servi
de leurs crimes pour accomplir ses desseins.
Aujourd'hui, comme autrefois, il y a lieu de
dire : Si Dieu ne nous a pas exterminés,
c'est par miséricorde, et parce que sa bonté
est infinie {Thren. m, 22. )
On soutient mal h propos que ces traits de
riiistoire sainte sont de mauvais exemples,
et autorisent les crimes des méchants, puis-
que cette même histoire nous montre la
Providence divine attentive à punir le crime
ou en ce monde ou en l'autre. Ruben est
privé de son droit d'aînesse ; Siméon et Lévi
sont notés dans leur postérité ; nous voyons
les frères de Josejih prosternés et tremblants
k ses pieds, etc. Jacob lui-même, parvenu à
l'âge de cent trente ans, proteste que sa vie
n'a été qu'une suite do soulfrances ( Gènes,
c. xLvii, V. 9). Au lit de la mort, il n'attend
son salut que de Dieu. C. xlix, v. 18.
Nous ne sommes donc pas obligés de jus-
tifier toutes les actions des patriarches, puis-
que les écrivains sacrés qui les rapportent ne
les approuvent point. Il n'est pas nécessaire
non plus de dire que c'étaient des types, des
figures, des mystères qui annonçaient des
événements futurs: cela ne suffirait pas pour
les excuser. Mais les incrédules en condam-
nent plusieurs qui étaient réellement inno-
centes dans les siècles et dans les circonstan-
ces où elles sont arrivées, parce que le droit
naturel ne peut pas être absolument le môme
dans les divers étatsde l'humanité. La rai'^on
en est que le bien commun de la société,
qui est le grand objet du droit naturel, varie
nécessairement selon les différentes situa-
tions dans lesquelles la société se trouve.
Voy. DROIT NATUREL.
JACORINS, est le nom que l'on donfle
en France aux dominicains ou frères-prê-
cheurs, à cause de leur principal couvent qui
est à la rue Saint-Jacques, k Paris. C'était
un hôpital de pèlerins de Saint-Jacques, lors-
que les dominicains vinrent s'y établir en
1218. Voy. Dominicains.
JACOBITES, hérétiques eutychiens ou
monojjhysites, qui n'admettent en Jésus-
Christ qu'une seule nature, composée de la
divinité et de l'humanité. Cette erreur est
commune aux cophtes d'Egypte, aux Abys-
sins ou Ethiopiens, aux Syriens du patriarcat
d'Antioche, et aux chrétiens du Malabar, que
l'on nomme chrétiens de saint Thomas. Nous
avons parlé des jacobites coi>hles et des E-
thioiiiens dans leurs articles , il est à propos
de faire connaître les Syriens. Personne n'a
fait leur histoire avec plus d'exactitude que
le savant Assémani, dans sa Bibliothèque
orientale, tom. ii.
Au mot EuTYCHiANisME, nous avons suivi les
progrès de cette hérésie jusqu'au moment au-
quel ses partisans prirent le nom de jacobites.
Sur latin du j' siècle, les partisans d'Eu-
tychès, condamnés par le concile de Chalcé-
doine, étaient divisés en plusieurs sectes et
prêts à s'anéantir. Sévère, patriarche d'An-
tioche, chef.de la secte des acéphales, et les
autres évèques eutychiens, comprirent la né-
cessité de se rallier. L'an 5il, ils élurent pour
évêque d'Edesse un certain Jacques Raradée
ou Zanzale, moine ignorant, mais rusé, insi-
nuant et actif, et ils lui donnèrent le titre de
métropolitain œcuménique. Il parcourut l'O-
rient, rassembla les différentes sectes d'eu-
tychiens, et en devint le cheft; c'est de là
qu'ils ont été nommésjacoôî'^es. Ces sectaires,
protégés d'abord par les Perses, ennemis des
empereurs de Constantinople, ensuite par les
Sarrasins, rentrèrent peu à peu en posses-
sion des églises de Syrie soumises au pa-
triarcat d'Antioche; ils s'y sont conservés
jusqu'aujourd'hui.
Pendant les croisades , lorsque les princes
d'Occident eurent conquis la Syrie, les papes
nommèrent un patriarche catholique d'An-
tioche, et les catholiques reprirent, dans cette
contrée, l'ascendant sur ]pà jacobites. Alors
ceux-ci témoignèrent quelque en\ie de se
réunir k l'Eglise romaine ; mais ce dessein
n'eut aucune suite. Depuis que les Sarrasins
ou Turcs sont rentrés en possession de la
Syrie , les jacobites ont persévéré dans le
schisme; les catholiques qui se trouvent
dans ce pays-là, surtout au mont Liban, sont
nommés maronites et melchites. Voy. ces mots.
Cependant plusieurs voyageurs modernes
nous assurent que le nombre des jacobites
diminue tous les jours , par les progrès que
font, dans l'Orient, les missionnaires catho-
liques. En 1782 , M. Miroudot , évêque de
Bagdad , est parvenu à faire élire , pour pa-
triarche des jacobites syriens, un évêque ca-
tholique qui s'est réconcilié à l'Eglise ro-
maine avec quatre de ses confrères. Les
conversions de ces sectaires seraient plus
fréquentes , sans les persécutions que les
catholiques essuient continuellement de la
part des Turcs.
Dans plusieurs endroits, les jacobites sy-
riens se sont réunis aux nestoriens, quoique,
dans l'origine , leurs sentiments sur Jésus-
Christ fussent diamétralement opposés ; et
ils se sont séparés des cophtes égyptiens du
patriarcat d'Alexandrie , qui venaient origi-
nairement de la même souche , parce que
les jacobites syriens mettent de l'huile et du
sel dans le pain de l'eucharistie : usage que
lesjacobites égyptiens n'ont jamais voulu tolé-
rer. Ainsi ces sectaires sont aujourd'hui di-
visés en jacobites africains et en jacobites
orientaux ou syriens.
Plusieurs auteurs ont cru que , dans le
fond, \es jacobites en gf^néral n'étaient plus
dans le sentiment d'Eutychès , et qu'ils re-
jetaient le concile de Chalcéduine par pure
prévention. Ils se sont trompés. M. Acque-
a
JAC
JAC
18
til, qui a vu au Malal)ai-, en 1758, des évo-
ques syriens jacobitca , et qui rapporte leur
profession do foi, fait voir qu'ils sont encore
dans la môme erreur qu'Eutycliès. Ils ad-
mettent en Jésus-Ghrist Dieu et iiomme par-
fait , une personne et mmp nature incarnée,
sans séparation et auns mélange; c'est ainsi
qu'ils s'expriment. A la vérité, ces dernières
paroles semblent contradictoires à leur er-
reur, et M. Anquctil le leur tit observer;
mais ils n'en furent pas nmins obstinés à le
soutenir ainsi. Zend-Aresla, tom. 1, 1" part.,
p. 1()3 etsuiv. Quand on leur demande com-
ment il se peut faii'C (pie la divinité et l'ini-
manité soient en Jésus-Christ une seule na-
ture , sans être inélatujées et confondut'S , ils
disent que cela se fait par la toute-puissance
de Dieu; (ju'à la vérité cela ne se conçoit
pas, mais que rien n'est concevable dans un
mystère tel que celui de l'incarnation. Quel-
ques-uns ont cherché, en ditïérents temps,
îi se rapprocher des catholiques, en préten-
dant qu'ils n'en étaient séparés que yiar une
dispute de ruots ; mais, dans le vrai, ils sont
très-opiniiltres dans leur erreur. Ils font pro-
fession de condamner Eutycliès , parce qu'il
a, disent-ils , confondu les deux natures en
Jésus-Christ , en soutenant que la divinité
avait absorbé l'humanité ; |)Our nous, nous
croyons que l'une et l'autre subsistent sans
mélange et sans confusion. Mais ce (jui
prouve , ou qu'ils ne s'entendent pas eux-
mêmes, ou qu'ils déguisent leur senlimont,
c'est qu'ils soutiennentcomme les monothéli-
tes, qu'il n'y a en Jésus-Christ qu'une seule
volonté, savoir, la volonté divine ; ils suppo
sent donc qu'en lui la nature humaine n'est
pas entière, i>uisqu'elle est privée d'une de
ses facultés essentielles , qui est la volonté.
Kn [larlant de l'eutychianisme , nous avons
fait voir que cet entêtement des uionophysi-
les n'est [las une pure dispute de mots, comme
plusieurs ])roteslants ont voulu le persuader.
Suivant le rapport d'Assémani, outro cette
erreur principale, quelques jncoftfïes ont dit
que Jésus-t',[irist est composé de doux per-
sonnes, c'est l'erreur de Nestorius ; mais ils
confondaient le nom do personne avec celui
de nature. D'autres ont nié, Cfimme les (irecs,
que le Saint-Esprit procède du Père et du
Fils ; ce n'est pas néanmoins le sentiment
commun de cette secte. Ils prétendent,
comme les arminiens, que les saints ne joui-
ront de la gloire éternelle, et que les mé-
chants ne seront envoyés au supplice éternel
qu'après la résurrection générale et le juge-
ment dernier. Ainsi ils n'admettent pas le
purgatoire; cependant, en général, ils inient
pour les morts. On les a faussement accusés
de nier la création des ûmes. Us reconnais-
sent sept sacrements , et croient la nrésenco
réelle de Jésus-Christ dans l'eucliaristie ;
mais ils admettent l'impanation , ou une
union hypostalique du pain et du vin avec
le Verbe. Cependant il n'y a aucun vestige
de cette erreur dans leurs liturgies ; on y
trouve même le terme de transmutation , en
ji/uiant de l'eucharistie. Perpétuité de la foi,
tom. I, 1. V, c. 11, loin. IV, p. 65 etsuiv. Us
croient , comme les Grecs , que la consécra-
tion se fait par l'invocation du Saint-Esnrit ;
ils consacrent avec du pain levé, contre l'an-
cien usage de l'Eglise syriaque, et ils y met-
tent du sel et do l'huile. Ces jarobites syriens
ne pratiquent point la circoncision , comme
font les Abyssins ou Ethiopiens, mais don-
nent la confirmation avec le baptême. Us ad-
ministrent l'extrôme-onction , qu'ils nom-
ment la lampe ; ils ont conservé l'usage delà
confession et de l'absolution ; ils croient le
mariage dissoluble en certains cas graves.
On a révoqué en doute mal k propos la va-
lidité de leur ordination ; Morin n'a pas rap-
porté lldèlement et en entier le rite {]u'ils y
observent : Assémani détaille fort au long
les cérémonies de l'élection et de l'ordina-
tion de leur patriarche , de même que Ue-
naudot a décrit exactement celles qui s't)b-
servent à l'égard du patriarche jarohite d'A-
lexandrie. Us ne confondent donc i>oint le
clergé avec le peuple, conmie font les pro-
testants. Us ordonnent des chantres , des
lecteurs, des sous-diacres, des diacres, des
archidiacres , des prêtres , des chorévèqucs,
des périodeutcs ou visiteurs, des évoques,
des métropolitains ou archevêques , un pa-
triarche ; mais ils ne distinguent que six
ordres , trois mineurs et trois majeurs. Us
ont un office divin auquel les clercs sont
obligés ; ils permettent aux ecclésiastiques
mariés de vivre avec les femmes qu'ils ont
prises avant d'être ordonnés, mais non de se
marier après leur ordination ; pour faire des
évêques , ils prennent ordinairement des
moines; c'est le patriarclie qui les élit et les
ordonne. Us ont donc conservé l'état mo-
nastique ; il y a parmi eux des monastères
de l'un et de l'autre sexe , où l'on fait les
vœux de pauvreté , de continence et de clô-
ture, où l'on pratique une abstinence perpé-
tuelle et beaucoup de jeûnes. Outre le ca-
rême et le jeûne des mercredis et vendredis,
ils ont ceux de la sainte Vierge, des apôtres,
de Noël, des Ninivites , et chacun de ces
jeûnes dure plusieurs semaines. Dans l'of-
iiee divin, ils suivent la version syriaque de
l'Ancien et du Nouveau Testament, et ils cé-
lèbrent en syriaque, quoique leur langue
vulgaire soit l'arabe; ils ont môme porté leur
liturgie syriaque dans les Indes. Pour l'u-
sage ordinaire, ils ont une version arabe de
l'Ecriture sainte qui a été faite sur le syria-
que. Voy. Bible.
La principale liturgie des yacoèt'^es syriens
est celle qui porte le nom de saint Jacques,
et les catholiques syriens , nonnnés maro
nites et melrhites, s'en servent aussi. Par con-
séquent elle est plus ancienne que le schisme
di'sjacobiles ou eutychiens, et que le concile
de Chalcédoine, puisque, depuis cette épo-
que, ils ont formé une secte absolument sé-
parée aes catholiques. Cette liturgie n'est pas
la même que celle qui a été faite par Jacques
Baradée ou Zanzale , chef de-s jacobites. Or,
on y retrouve les dogmes que les j)rotestants
ont rejetés, sous prétexte (lue c'étaient des
innovations faites par l'Eglise romaine; l'in-
torcession et l'invocation de la sainte Vierge
fO
JAC
JAC
20
et des saints ; les prières pour les morts, la
croyance des peines expiatoires après la
mort, la notion de sacrifices , etc. Yoy. cette
liturgie dans le Père Lebrun, toui. IV, p. 585.
Les jacobites en oui encore plusieurs autres
sous dilièrents norus, comme de saint Pierre,
de saint Jean l'Evangéliste, des douze apô-
tres, etc. On leur eu connaît près de qua-
rante.
Ces hérétiques, séparés de l'Eglise romaine
depuis douze cents ans, n'ont certainement
emprunté d'elle ni leur croyance ni leurs
l'ites, et ils ne se sont pas avisés, d'un com-
mun consentement, de corrompre leur li-
turgie pour plaire aux catholiques. Il faut
donc que les dogmes professés dans la li-
turgie syriaque de saint Jacques aient été la
croyance commune de l'église universelle
en'tSl, dpoque du concile de Ghalcédoiuc,
qui a donne lieu au schisme des jacobites ;
et il est prouvé d'ailleurs que celte liturgie
ancienne était celle de l'Eglise de Jéiusalcm.
Voij. Saint Jacques le Mineur, et les Litur-
gies orientales publiées par l'abbé Renaudot,
tome 11.
L'étude de l'Ecriture sainte et de la théo-
logie a été cultivée par les jacobites syriens
jusque vers le xv° siècle. Assémani donne le
catalogue do cinquante-deux auteurs de cette
secte, et la notice de leurs ouvrages. Les
deux plus célèbres de cl'S écrivains sont De-
nis Bar-Salibi, évoque d'Amide, qui a vécu
sur la tin duxii' siècle, et Grégoire Bar-Hé-
brœus, surnommé Abulpharage, patriarche
d'Orient, né l'an 122G. Ce dernier a été ac-
cusé mal à propos d'avoir apostasie. 11 ne
faut pas le confondre avec Abulpharagius
Abdalla Benattibus, prêtre et moine nesto-
rien, mort l'an 10i3. Mais, depuis le xiv°
siècle, las jacobites syriens sont tombés dans
l'ignorance ; leur secte, autrefois très-i épan-
due dans la Syrie et dans la Mésopotamie,
est beaucoup dimiuuée par les travaux des
missionnaires catholiques, et l'on prétend
qu'il en reste tout au plus cinquante famil-
les dans la Syrie. Voyages de M. de Paaès,
t. 1, p. 352. ^
C'est donc vainement que Mosheim et
quelques autres protestants triomphent de la
résistance c|ue les jacobites syriens ont op-
posée aux émissaires des papes, et aux mis-
sionnaires qui ont voulu ramener ces sec-
taires dans le sein de l'Eglise romaine ; ces
efforts n'ont ])as été aussi inutiles qu'on le
prétend. D'ailleurs, qu'importe aux protes-
tants la conversion ou la résistance des jaco-
bites? Ceux-ci ne pensent pas comme eux;
ils leur diraient auathèmo, s'ils les connais-
saient. Mais telle est la bizarrerie et l'entê-
tement des protestants : ils louent le zèle et
le courage avec lequel les sectaires orientaux
ont propagé leurs erreurs, et ilsbiamentl'cm-
çressemont des missionnaires catholiques à
lairedes prosélytes. Usattribuent les missions
faites dans le Nord à l'ambition des papes, et
ils ne disent rien de l'ardeur avec laquelle
les patriarches grecs, cophtes, syriens, jaco-
bites, et nestoriens, ont étendu et exercé
leur juridiction sur les évoques et les Eglises
qui les reconnaissent pour pasteurs. Ils dis-
simulent et ils pardonnent aux hérétiques
orientaux toutes leurs erreurs, parce qu'ils
ne sont pas soumis aux papes, et ils pren-
nent dans le sens le plus odieux tous les ar-
ticles de croyance des catholiques qu'il leur
plaît de rejeter. Voy. Eutychianisme.
JACQUES LE MAJEUR (saint), apôtre, fils
de Zé;>édée et frère de saint Jean l'Evangé-
liste, fut, avec lui et avec saint Pierre, té-
moin de la transfiguration de Jésus-Chiist
sur le Thabor. On ue sait pas précisément h
quels peuples il a prêché l'Evangile, ni s'il
est sorti de la Judée. 11 fut mis à mort par
Hérode Agri[)i)a, l'an Vt de Jésus-Christ ;
c'est le premitr apôtre qui ait reçu la cou-
ronne du martyre {Act. c. xii, v. 2). 11 n'a
rien laissé par écrit. Au mot Espagne, nous
avons observé que la tradition des Eglises
de ce royaume, qui porte que saint Jacques
le Moy>Mr y a prêché l'Evangile, est contestée
par plusieurs savants.
Jacques le 3îineur (saint), apôtre, frère
de saint Jude, fils de Cléophas et de Marie,
sœur ou cousine de la sainte Vierge, est
nommé frère du Seigneur , c'est-à-dire son
parent. Il fut aussi nommé le Juste, à cause
do ses vertus, et fut établi premier évoque
de Jérusalem. Il parla le prenner après saint
Pierre, d:ms le concile tenu par les apôtres,
l'an 49 ou 50. Ananus II, grand sacrificateur
des Juifs, le fit condamner à mort pour avoir
rendu témoignage à Jésus-Christ ; le peuple
en fureur le précipita du haut du temple.
C'est ce que rapporte Eusèbe d'après Hégé-
sippe {Hist. EccL, 1. ii, c. 23).
Le Clerc, Hist. ecclés., an 62, § 3, a ras-
semblé, d'après Scaliger,dix ou douze objec-
tions contrôle récit d'Hégésippe, et afaittous
ses eti'orts pour prouver que c'est un amas
de fables. Après les avoir examinées de sang
froid, aucune ne nous paraît solide ; elles ne
prouvent rien, sinon qu'elles viennent d'une
critique pointilleuse, soupçonneuse et ma-
ligne à l'excès. Le principal dessein de Le
Clerc a été de prouver que les auteurs ec-
clésiastiques du second siècle étaient ou
d'une probité très-suspecte, ou d'une cré-
dulité puérile, et que l'on ne peut ajouter
aucune foi à ce qu'ils disent ; il n'est par-
venu à le persuader qu'à ceux qui sont in-
téressés comme lui à mépriser toute espèce
de tradition.
Il nous reste de saint Jacques une lettre
que l'on croit avoir été écrite vers l'an 50,
environ trois ans avant son martyre. Quel-
ques auteurs l'ont attribuée à saint Jacques
le Majeur ; mais il est plus probable qu'elle
est du saint évoque do Jérusalem : elle est
appelée épltrc catholique, parce qu'elle n'est
point adressée à une Eglise jiarticuliôre,
mais aux juifs convertis et dispersés dans la
Judée et ailleurs. Saint Jacques y combat
principalement l'erreur de ceux qui ensei-
gnaient que la foi seule suffisait au salut
sans les bonnes œuvres. Eusèbe et saint Jé-
rôme nous apprennent que quelques anciens
avaient douté de l'autlienlicité et de la cano-
nicité de cette lettre; mais cUo est citée
21
JAC
MC
S2
comme Ecriture sainte, et sous le nom tic
saint Jac(/ucs, par Origùue, pur saint Allia-
nasc, pur saint Hilairc, par saint Clyrille do
Jérusalem, par les conciles de Laodicée et
de Carthage, par saint Aiubroise et saint Au-
gustin, etc. ; et l'on ne peut faire aucune
objeclion solide contre ces témoignages. Il
y a aussi une liturgie qui porte le nom de
saint Jacques, de lanuellose servent les Sy-
riens, soil jacoiiites soit catiioliques. Les sa-
vants qui Tout examinée avec soin sont per-
suadés ((ue c'est la plus ancienne des litur-
gies orientales qui existe, et la môme qui a
été à l'usage de l'Eglise de Jérusalem dès les
temps apostoliques. Les protestants, qui
étaient intéressés à en contester l'authenti-
cité, ont objecté quecette liturgie ne peut jias
avoir été compos^'C par saint Jacques, puis-
qu'il est certain que les liturgies n'ont été
mises ]>ai' écrit qu'au v' siècle. Comment,
disent-ils, peut-on être assuré que celle de
saint Jacques a été conservée pendant quatre
cents ans, telle que cet apôtre l'avait établie
dans son Eglise ? Elle se trouve en grec et
eu syriaque ; ceux ijui ont confronté les
deux testes jugent (pie le syiiaque a été fait
sur le grec : or, le grec ue peut pas ôlre l'o-
riginal, puisiu'à Jérusalem on parlait syria-
f rue et non grec; d'ailleurs on trouve dans
1 un et dans l'autre les termes consubslnnliel
l't mère de Dieu: le premier n'a été en usage
que deijuis le concile de Nicée ; le second,
depuis le concile d'Eplièse, tenu l'an 'i31.
Quand la liturgie de saint Jacques aurait
existé avant cette époque, il est évident
qu'elle a été interpolée.
Au mot LiTiBGiE, nous prouverons que,
de])uis les apôtres, il y a eu dans cliamie
Eglise une formule constante de célébrer les
saints mystères, k laquelle on ne s'est jamais
donné la liberté de toucher quant au fond,
mais à laquelle on a surajouté des prières et
(l",s expressions relatives aux dogmes qu'il
fallait professer expressément, lorsqu'il est
survenu des hérésies.
Nous sommes très-assurés que celle de
saint Jrtr^ucs existait avant le t* siècle, puis-
que saint Cyrille île Jérusalem, mort l'an
38.5, exolique aux nouveaux baptisés la
principale partie de la liturgie nommée
anyiphora, et qui commence à l'oblation;
l'on voit que ce qu'il eu dit est la même
chose que ce qui se trouve dans la liturgie
de saint Jacques.
Au m" et au iv° siècle, lorsque la langue
grecque fut devenue commune dans tout
l'Orient, la liturgie fut célébrée dans cette
langue, surtout dans les villes où le grec
était dominant; mais, dans les campagnes
où le peuple parlait syriaque, on conserva
ce langage dans l'oflice divin; conséquem-
nient, au t° siècle, la liturgie fut écrite
dans l'une et dans l'autre langue. Mais
l'abbé Renaudot, qui a traduit en latin les
deux textes, L(7»r(/. orient. Collect., t. II, et
le père Lebrun, qui les a confrontés , Ex-
plic. de la messe, t. fV, pag. 317 et 580, n'y
ont trouvé aucune dilf('rence essentielle.
L'addition des termes consubstuntiel et iwre
de Dieu, qui y a été faite depuis la naissance
de l'arianisme et du nestorianismo, n'y a rien
changé pour le fond.
Sur la fin du v' siècle, lorsque les Syriens,
partisans d'Eutychès, se séparèrent de l'E-
glise catholique , ils retinrent la liturgie
syriaque de saint Jacques, aussi bien que
les orthodoxes ; les uns ni les autres n'y ont
l)as touché, puisqu'elle se trouve la même
chez les jacobitos et chez les maronites.
L'an 692, le concile in Trutlo 0[)posa l'auto-
rité de cotte liturgie aux arméniens, qui ne
mettaient point d'eau dans le calice.
Il est donc certain qu'au v* sièelo on était
persuadé que cette liturgie était des temps
apostoliques ; on lui donna lo nom de saint
Jacques, évoque de Jérusalem, parce que
c'était l'ancienne liturgie de cette Eglise,
comme on a donné le nom de saint Marc à
celle de l'Eglise d'Alexandrie, et de saint
Pierre à celle d'Antioche, etc. , sans pré-
tendre que ces liturgies ont été écrites par
ces divers apôtres. — Celle dont nous par-
lons était encore en usage k Jérusalem au
ix° siècle, sous Charles le Chauve, qui voulut
voir célébrer les saints mystères selon cette
liturgie de saint Jitcqucs. Epist. ad Cler.
Ruvcnn. — Comme on y trouve les dogmes
et les rites rejetés par les protestants, il
n'est pas étonnant t^u'ils ue veuillent lui at-
tribuer aucune autorité; maison cela même,
elle est conforme à toutes les autres litur-
gies, soit do l'Orient, soit de l'Occident,
conformité qui prouve invinciblement que
la croyance catholique a été la même dans
tous les lieux et dans tous les siècles. Voy.
Liturgie.
Jacques de Nisibe (saint), évoque de cette
ville et docteur do l'Eglise syrienne, a vécu
au IV' siècle ; il était au concile de Nicée
l'an 323. Il reste do lui dix-huit discours
sur divers sujets de dogme et de morale.
Le saint les avait écrits en arménien, pour
l'instruction des peuples qui parlaient cette
langue. Saint Athanase les appelle les mo-
numents de la sim[ilicité et de la candeur
d'une Ame apostolique. Epist. cncyclic. ad
cpisc. Mgypti et LiOyœ. M. Anionelli les a
publiés il Home en 1756, en arménien et en
latin, avec des notes, in-ful. Ce môme saint
avait confessé la foi durant la persécution
de Maximin II; c'est un illustre témoin de
la tradition du iv' siècle. Voyez Vies des Pères
et des Martyrs, t. VI, p. 174 et suiv.
Assémani, dans sa Bibliothèque orientale,
tom. 1, c. 5, 27 et 40, prétend que l'on a
souvent attribué à cet évêquo de Nisibe
les ouvrages d'un autre saint Jacques, moine
de la môme ville, ceux de saini Jacques, évê-
que de Sarug, mort l'an 521, et ceux de Jac-
ques, évoque d'Edesse, mort l'an 710 ; il prou
vo, conlio l'abbé Uenaiidot, que ces deux der
niers étaient catholiques et non jacobiles.
JACULATOIRE. Ou appelle oraisons jo-
culaloires des prières courtes et ferventes
adressées h Dieu du fond du cœur, même
sans prononcer des paroles. La plupart des
versets des psaumes sont des prières de
cette espèce : tel est le verset Deus, in adjur-
25
JAL
JÀL
U
torium, etc., que l'Eglise a placé h la tête
de toutes les heures canoniales. — Les
auteurs ascétiques recommandent l'usage
fréquent de ces prières à tous ceux qui veu-
lent s'élever à la perfection chrétienne. Elles
servent à rappeler le souvenir de la présence
de Dieu, h écarter les tentations, à sanctifier
toutes nos actions.
JAHEL, épouse de Haber le Cinéen, allié
des Israélites, est célèbre dans l'histoire
sainte. Sisara, général de l'armée de Jabin,
roi des Chananéens, vaincu parles Israélites,
et obligé de fuir, se réfugia dans la tente de
cette femme qui lui offrait un asile; elle le
tua pendant qu'il dormait. Voilà, disent les
censeurs de l'histoire sainte, un trait de
jierfidie, et il est loué dans l'Ecriture {Jud.,
c. V, § 24). — Ce serait une perfidie, sans
doute, si, selon les lois de la guerre, suivies
par les nations anciennes, il n'avait pas été
permis de tuer un ennemi vaincu et hors
de défense; mais quel peuple a connu les
lois observées aujourd'hui chez les nations
chrétiennes?
On dira que, suivant le livre des Juges,
c. IV, 17, il y avait paix entre Jabin et la fa-
mille de Jahel, que cette femme abusa donc
de la confiance d'un allié. Mais il n'y a point
de verbe dans le texte; il signifie donc
plutôt qu'(7 y avait eu paix autrefois entre
la famille de Jahel et ce roi des Chananéens;
depuis que cette famille était voisine et
alliée des Israélites, elle ne pouvait être
censée amie d'un roi qui était armé contre
eux ; Sisara eut donc tort de confier sa vie
à une femme qu'il devait regarder comme
ennemie, il n'est pas étonnant que Jahel
soit louée de son courage par les Israélites,
et que le peuple l'ait comblée de bénédic-
tions, parce qu'elle avait consommé la vic-
toire; chez toutes les nations l'on ferait en-
core de même aujourd'hui.
JALOUSIE. Nous lisons dans l'Ecriture
sainte que le Seigneur est un Dieu jaloux ;
qu'il ne souffre pas que l'on rende impu-
nément k d'autres qu à lui le culte qui lui
estdû. (Exod., c.xx,v.5; c. xxxiv, v. 14, etc.)
Il dit par un prophète : J'ai eu contre Sion
une violente jalousie qui m'a causé la plus
grande indignation (Zachar. c. vin, v. 2).
Une passion aussi liasse et aussi odieuse
convient-elle à Dieu? Les marcionites, les
manichéens, Julien et d'autres ennemis du
christianisme, ont été autrefois scandalisés
de ces expressions ; les incrédules moder-
nes les reprochent encore aux auteurs
sacrés. Il semble, disent-ils, que Dieu se
fâche lorsque nous aimons autre chose que
lui : cela est aussi absurde que le préjugé
des païens, qui croyaient que leurs dieux
étaient envieux et jaloux de la prospérité des
hommes.
Déjà, au mot Anthropopathie, nous avons
expliqué pourquoi et en quel sens les écri-
vains sacrés semblent attribuer à Dieu les
passions humaines; ils ont été forcés de
parler de Dieu comme en i)arle des hommes,
parce qu'ils n'ont pas pu créer un langage
exprès pour exprimer les attributs et les ac-
tions de la Divinité.
Sans ressentir la passion de la Jalousie,
Dieu agit comme s'il était jaloux ; il défend
de rendre à d'autres êtres qu'à lui le culte
qui lui est dû, et il menace de punir ceux
qui sont coupables de cette profanation. Ce
n'est pas qu'il ait besoin de ce culte, ni qu'il
perde quelque chose de son bonheur lors-
que les hommes le lui refusent; mais c'est
parce que le polythéisme et l'idolâtrie sont
absurdes, contraires à la raison et au bon
sens, toujours accompagnés de crimes et de
désordres , par conséquent pernicieux k
l'homme. La jalousie de Dieu, à cet égard,
n'est donc autre chose que sa justice sou-
veraine et sa bonté à l'égard de l'homme.
— Il ne s'ensuit pas de là que Dieu nous
défend d'aimer autre chose que lui ; il nous
commande au contraire d'aimer nos père et
mère et notre prochain comme nous-mêmes;
il ne condamne point ceux qui aiment leurs
amis, lorsqu'il leur ordonne d'aimer aussi
leurs ennemis, et de faire du bien à tous
[Matth., c. V, V. kk et 56). Mais il nous défend
de rien aimer autant que lui, de lui rien pré-
férer; il veut que nous soyons prêts k tout
quitter, k sacrifier même notre vie, lorsque
cela est nécessaire pour son service : y a-t-il
en cela de l'injustice ?
Lorsque les païens ignorants et stupides
attribuaient k leurs dieux Xa jalousie, ils se
les représentaient comme semblables aux
petits tyrans envieux et ombrageux dont ils
étaient environnés; mais lorsque les philo-
sophes ont parlé de \a jalousie des dieux, ils
ont entendu par là, comme les auteurs sa-
crés, la justice vengeresse delà Divinité, qui
punit les criminels orgueill&ux et insolents ;
et en cela ils ne sont |ias répréhensibles ni
les uns ni les autres. Notes de Mosheim sur
le Système intellect, de Cudworth, c. 5, § 39.
Quant à la^'a/oMite dont les hommes sont
souvent coupables les uns envers les autres,
elle est formellement condamnée par l'apôtre
saint Jacques, c. m, v. 14 et 16, et c'est l'un
des vices les plus opposés à la charité chré-
tienne si étroitement commandée par Jésus-
Christ. Saint Cyprien a fait un traité exprès
contre cette passion, deZelo et Livore : il en
fait voir les suites funestes; il lui attribue
les schismes et les hérésies, et il n'est que
trop vrai que ]a jalousie contre les chefs de
l'Eglise a toujours eu plus de part que le
zèle aux plaintes, aux déclamations , aux
procédés violents des réformateurs de toute
espèce. Saint Jean Chrysostome dit qu'un
homme jaloux mérite autant d'être retranché
de l'Eglise qu'un fornicateur public ; mais
pour que \a jalousie pût être l'objet des cen-
sures ecclésiastiques, il fallait qu'elle fût
prouvée par quelque action qui partait évi-
demment de ce motif.
Jalousie (Eau de). Il est dit {Num., c. v,
Y. 14) que si un mari a des soupçons tou-
chant la fidélité de sa femme, il la conduira
au prêtre, qui lui fera avaler une eau amère
sur laquelle il aura prononcé des malédic-
tions; que si cette femme est innocente, il
2S
JAN
np lui en arrivera point de mal ; que si elle
est coupable, elle en mourra. Plusieurs in-
crédules ont conclu de là que chez les Juifs
un mari pouvait, par le moyen des prôtros,
«>mpoisonner sa femme lorsqu'il lui en pre-
nait envie.
Ces critiques auraient compris l'absurdité
de leur reproche, s'ils avaient fait attention
que, dans le cas d'infidélité de son épouse,
un juif pouvait faire divorce avec elle et la
renvoyer : cela était plus simple que de la
faire empoisonner par un prêtre. La vérité
est que Veau de jalousie ne pouvait produire
naturellement aucun elfct ; il n'y entrait rien
qu'un peu de poussière prise sur le pavé du
trtbernacle, et les malédictions que le prêtre
avait écrites sur un morceau de papier ou de
vélin. Ces malédictions n'avaient certaine-
ment pas par elles-mêmes la force de faire
mourir une femme cou|)ahle ; il fallait donc
que cet effet, s'il arrivait, lï1t surnaturel, et
alors il ne dépendait plus du prêtre.
D'autres raisonneurs ont imaginé que
l'eoM rfe j'a/ousie était un expédient illusoire
et puéril que Moïse avait prescrit pour cal-
mer les soupçons jaloux et les accusations
téméraires des Juifs contre leurs épouses;
que cette eau ne pouvait faire ni bien ni
mal aux femmes, soit qu'elles fussent cou-
pables ou innocentes, mais que c'était un
épouvantail pour les contenir dans le devoir
par une terreur panique. Cette conjecture
n'a rien de vraisemblable. Indépendamment
de l'inspiration de Dieu qui dirigeait Moise,
la feinte qu'on lui attribue aurait été indigne
d'un législateur aussi sage.
JANSÉNISME, système erroné touchant
la grAce , le libre arbitre, le mérite des
bonnes œuvres, le bienfait de la rédemp-
tion, etc., renfermé dans un ouvrage de
Corneille Jansénius, évêque d'Ypres, qu'il a
intitulé Augustinus, et dans lequel il a pré-
tendu exposer la doctrine de saint Augustin
sur les différents chefs dont nous venons de
parler.
Ce théologien était né de parents catho-
liques, près de Laerdam en Hollande, l'an
1585. Il lit ses études à Utrecht, à Louvain
et à Paris. Il lit connaissance, dans cette
dernière ville, avec le fameux Jean de Hau-
ranne, abbé de Saint-Cyran, qui le condui-
sit avec lui à Bayonne, où il demeura douze
ans en qualité de principal du collège. Ce
fut là qu'il ébaucha l'ouvrage dont nous
parlons; il le composa dans le dessein de
faire revivre la doctrine de Baïus, condam-
née par le saint-siége en 151)7 et 1579. 11
l'avait puisée dans les leçons de Jacques
Janson, disciple et successeur de Baïus, et
ce dernier avait embrassé en plusieurs
choses les sentiments de Luther et de Cal-
vin. Voy. BaïANisME. L'abbé de Saint-Cyran
était dans les mêmes opinions. De retour k
Louvain, Jansénius y prit le bonnet de
docteur; il obtint une chaire de professeur
pour l'Ecriture sainte, et fut nommé à l'évô-
ché d'Ypres par le roi d'Espagne; mais il
ne le posséda p.is longtemps : il mourut
Je la peste en 1638, quelques années après
JAN 26
sa nomination.' Il avait travaillé penaant
vingt ans h son ouvrage; il y mit la dernière
main avant sa mort, et il laissa à quelques
amis le soin de le publier : on y trouve di-
verses protestations de soumission au saint-
siége; mais l'auteur ne pouvait pas ignorer
que la doctrine qu'il établissait avait déjà été
condamnée dans Baïus.
L'A^U|ustin de Jansénius parut pour la
première fois, à Louvain, en 16i0, et le
pape Urbain VIII, en 1642, le condamna
comme renouvelant les erreurs du baïa-
nisme. Cornet, syndic de la faculté de théo-
logie de Paris, en tira quelques propositions
qu'il déféra à la Sorbonne, et la faculté les
condamna. Le docteur Saint-Amour et soi-
xante-dix autres appelèrent de cette censure
au parlement, et la faculté porta l'affaire
devant le clergé. Les jirélats, dit M. (îodeau,
voyant les esprits trop échauffés, craignirent
de prononcer, et renvoyèrent la décision au
pape Innocent X. Cinq cardinaux et treize
consulteurs tinrent, dans l'espace de doux
ans et qucli]ues mois, trente-six congréga-
tions ; le pape présida en personne aux dix
dernières. Les propositions tirées du livre de
Jansénius y furent discutées : le docteur
Saint-Amour, l'abbé deBourzeys, et quelques
autres qui défendaient la cause de cet au-
teur, furent entendus, et l'on vit paraître,
en 1653, le jugement de Rome qui censure
et qualitie les cinq propositions suivantes :
1° « Quelques commandements de Dieu
sont impossibles à des hommes iustes qui
veulent les accomplir et qui font a cet elfet
des elTorts selon les forces présentes qu'ils
ont : la grâce qui les leur rendrait possibles
leur manque. » Cette proposition, qui se
trouve mot pour mot dans Jansénius, fut dé-
clarée téméraire, impie , blasphématoire,
frappée d'analhème, et hérétique. En elfet,
elle avait déjà été jiroscrite parle concile de
Trente, sess. 6, cil, etcan. 18. — 2° k Dans
l'état de nature tombée, on ne résiste jamais
à la grilce intérieure. » Cette proposition
n'est pas mot pour mot dans l'ouvrage de
Jansénius, mais la doctrine qu'elle contient
y est en vingt endroits. Elle fut notée d'hé-
résie, et elle est contraire à plusieurs textes
formels du Nouveau Testament. — k' « Dans
l'état de nature tombée, pour mériter ou
démériter, l'on n'a pas besoin d'une liberté
exempte de nécessité; il suffit d'avoir une
liberté exempte de coaction ou de con-
trainte. » On lit en propres termes dans
Jansénius : « Une œuvre est méritoire ou
déméritoirc lorsqu'on la fait sans contrainte,
quoiqu'on ne la fasse pas sans nécessité. »
L. VI, de Grat. Christi. Cette proposition fut
déclarée hérétique; elle l'est en effet, puis-
que le concile de Trente a décidé que le
mouvement de la grâce, môme efficace, n'im-
pose point de nécessité à la volonté liuinai-
ne. — k" « Les semi-pélagiens admettaient
la nécessité d'une grâce prévenante pour
toutes les bonnes œuvres, même pour le
commencement de la foi; mais ils étaient
hérétiques en ce qu'ils pensaient que la vo-
lonté de l'homme uouvait s'y soumettre ou
27 JAN
y résister. » La première partie de cette
proposition est condamnée comme fausse, et
fa seconde comme hérétique ; c'est une con-
séquence de la seconde proposition. Voy.
SEiii-PÉLAGiAfJisME. — 5° « C'cst unc crreur
senii-pélagienne de [dire que Jésus-Christ
est mort et a répandu son sang pour tous
les hommes. » Jansénius, de Gratta Christi,
1. III, c. 2, dit que les Pères, bien loin do
penser que Jésus-Christ soit mort pour le
salut de tous les hommes, ont regardé celte
opinion comme une erreur contraire à la
foi catholique ; que le sentiment de saint
Augustin est que Jésus-Christ n'est mort
que pour les prédestinés, et qu'il n'a pas
plus prié son Père pour le salut des ré-
prouvés que pour celui des démons. Cette
proposition fut condamnée comme impie,
blaspliématoire et hérétique (1).
11 n'est pas nécessaire d'Être profond théo-
logien pour sentir la justice de la censure
prononcée par Innocent X. Personne, dit
M. Bossuet dans sa Lettre aux religieuses de
Port-Royal, personne ne doute que la con-
damnation de ces propositions né soit cano-
nique. On peut ajouter même qu'il suffit à
un chrétien non prévenu de les entendre
prononcer pour en avoir horreur.
Onvoit encoroquelaseconde estle principe
duquel toutes les autres découlent comme
autant de conséquences inévitables. S'il est
vrai que dans l'état de nature tombée l'on
ne résiste jamais h la grâce intérieure, il
s'ensuit qu'un juste qui a violé un comman-
dement de Dit'U, a manqué de grâce pour ce
moment, qu'il l'a violé par nécessité ou par
impuissance de l'accomplir. Si cependant il
a péché et démérité pour lors, il s'ensuit
que pour pécher il n'est pas besoin d'avoir
(1) Voici les termes do celle condamnation : <Pri-
mam prœilictaruni piopositionum : A/ii/iw Dei prœ-
cepla liotHinilui justu volenlibus, et coiiaulihus, mcun-
riiim prœaentei quas habenl vires, sunl impossibilia, ■
ileesl qu que iltis graiia qua possibilia fiant : temera-
liam, iinpiam, bbsphcniam, anathcmaCe daninatam,
et lutroticam declaraniiis,etuti talim damnamus.
t Secimdam : Interiori yraiiœ, in slaiii iialurn;
tapsip, luinquain resistiiur : hœrelicam declaramiis, et
iHi tak'in dainnanius.
« Tertiani : Ad merendinn et itemerendum, in statu
nnlmœ lapsœ, non reijuirilur in liomine liberlas a ne-
reisilale, serf tu fficit liberlas a coactione: hxr&licum
dcclaïainus, et uli taleni damnamus.
c Quariam : Semipcligumi admitlebant prœvenicn-
tis gratiœ inlerioris necessitalem ad singulos aciiis,
etinm ad initinm fidei, et in hoc erant hœrelici, quod
veilenl eam qraliam tnlem esse, cui pnsset Immana vo-
tunins resistere vel obteinperare : lalsam et hserelicam
(Iccl.aïamus, et uli taleni damnamus.
I Uuintam •.Semipelai:iiiinimest dicere, Cliristum pro
omnibus omnino Iwniiiiibus morluum esse, aut sungiti-
nem fiidisse : falsani, tenieiariam, scandalosam ; et
inlellcflam eo sensu, ut Chrislus pro salule dunlaxat
pr.cdesiinatonini mortnns sir.impiani, blaspliemam,
eontumeliosam, divin:r pielali derogantem, et luerc-
tieam declarannis, et uli lalein damiiaiiius.
« Slandamus igitnr omnibus Christi fidelibiis
uliiuscpie sexos, ne de diclis proposilionibus senlire,
doceic, pra'dicaie aliter praîsnmant, quara in liac
prsescnli nostr» declarationc et delinilione conlinelur,
Bub censuris et pœnis contra hxreiicos et corwu lau-
tores in jure expressis. i
JAN
28
une liberté exempte de nécessité. D'autre
part, si la grâce manque souvent aux justes,
puisqu'ils pèchent, à plus forte raison man-
que-t-elle aux pécheurs ou à ceux qui sont
dans l'habitude de pécher : on ne peut donc
pas dire que Jésus-Christ est mort fiour raé
riter et obtenir à tous les hommes les grâces
dont ils ont besoin pour faire leur salut.
Dans ce cas, les semi-pélagiens qui ont cru
que l'on résiste à la grâce, et que Jésus-
Christ en a ol)tenu pour tous les hommes,
étaient dans l'erreur.
Si donc la seconde proposition de Jansénius
est fausse et hérétique, tout son système
tombe par terre. Or, dans l'article Grâce,
§ 2 et 3, nous avons prouvé par plusieurs
passages de l'Ecriture sainte, par le senti-
ment des Pères de l'Eglise, et surtout de
Saint Augustin, par le témoignage de notre
propre conscience, que l'homme résiste sou-
vent à la grâce intérieure, et que Dieu donne
des grâces à tous les hommes sans excep-
tion, mais avec inégalité. Aux mots Salut,
Sauveur, Rédemption, etc., nous prouve-
rons par les mêmes autorités que Jésus-
Christ a versé son sang pour tous les hom-
mes. Au mot LiBEttTÉ, nous ferons voir que
l'idée qu'en a donnée Jansénius , n'est pas
ditférente, dans le fond , de celle qu'en
ont eue Calvin, Luther et tous les fata-
listes.
En effet, tout le système de Jansénius se
réduit h ce point cqrital, savoir, que depuis
la chute d'Adam le plaisir est l'unique res-
sort qui remue le cœur de l'homme ; que
ce plaisir est inévitable quand il vient, et
invincible quand il est venu. Si ce plaisir
vient liu ciel ou de la grâce, il porte l'homme
à la vertu : s'il vient de la nature ou do la
concupiscence, il détermine l'homme au vice,
et la volonté se trouve nécessairement en-
traînée par celui des deux qui est actuelle-
ment le plus fort. Ces deux délectations, dit
Jansénius , sont comme les deux bassins
d'une balance : l'un ne peut monter sans
cfuc l'autre ne descende. Ainsi l'homme fait
invinciblement, quoique volontairement, le
bien ou le mal, selon qu'il est dominé parla
grâce ou par la cupidité ; il ne résiste donc
jamais ni à l'une ni à l'autre. Ce système
n'est ni philosophique ni consolant ; il fait
do l'homme une machine, et de Dieu un ty-
ran ; il répugne au sentiment intérieur do
tous les hommes ;il n'est fondé que sur un
sens abusif donné au mot délectation, et sur
un axiome de saint Augustin pris de travers.
Yoj. Délectation. Il avait déjà été frappé
danathèmc par le concile de Trente, sess.
6, de Justif., can. 5 et 6.
Mais le désir do former un parti et d'en
écraser un autre, l'inquiétude naturelle à
certains esprits, et l'ambition de briller par
la dispute, suscitèrent des défenseurs à Jan-
sénius contre la censure de Rome. Le doc-
teur Arnauld et d'autres, qui avaient em-
brassé les opinions de ce théologien, et qui
avaient fait les plus grands éloges desonlivre
avant la condamnation, soutinrent que les
propositions censurées n'étaient peint dans
29
JA>
JAN
30
VAugustinus, quelles n'étaient point con-
daiiin(5(
dans le sons de Jansénius, mais
dans un sens faux que Ton avait donné mal
à propos à ses paroles ; que sur ce fait le
souverain pontife avait pu si^ tromper. C'est
ce que l'on nomma la distint-tion du droit et
du /(«'<. Ceux qui s'y retranchaient disaient
que l'on était obligé de se soumettre à la
bulle du pape quant au droit, c'est- à-
du'e do croire que les propositions, telles
qu'elles ét.jicnt d ms la bulle, étaient con-
damnables, mais que l'on n'était pas tenu d'y
àcqu'iviCtiV quant au fait, c'est-à-dire de croire
que ces propositions et dent dans le livre de
Jansénius, el ({u'd les avait soutenues dans
le sens dans lequel le pape les avait con-
danniées.
Il est clair que si cette distinction était
admissible, inutilement l'Eslise condamne-
rait des livres et voudrait les ôterdes mains
des IidèUs;ils pourraient s'obstiner h les
lire, sous piétoxte que les erreurs que l'on
a cru y voir n'y sont pas, et que l'auteur a éti'
mal entendu. Mais on voulait un subterfuge,
et celui-ci fut adopté. En vain l'on prouva,
coutie les partisans de Jansénius, que l'E-
g]i.'^e est infaillible quand il s'agit de pronon-
cer sur un fait dogmatique, ils persévérèrent
à souleuir leur absurde distinction ; ils pro-
diguèrent l'érudition ; ils brouillèrent tous
les faits de l'histoire ecclésiastique ; ils re-
nouvelèrent tous les sophismes des héréti-
ques anciens et modernes pour la faire' va-
loir. Voy. Dogmatique.
Arnauld lit plus : il enseigna formellement
la première proposition condamnée ; il pré-
tendit que la grâce manque au juste dans des
occasions oix l'on ne peut pas dire qu'il ne pè-
che pas ; qu'elle avait manqué à saintPierre en
pareil cas, et que cette doctrine était celle
de l'Ecriture et de la tradition. La faculté
(le théologie de Paris censura, en 1C56, ces
deux propositions ; et comme Arnauld refusa
de se soumettre à cette décision, il fut exclu
du nombre des docteurs ; les candidats si-
gnent encore cette censure.
Cependant les disputes continuaient ; pour
les assoupir, les évoques de France s'adres-
sèrent à Rome. En 1655, Alexandre VII
prescrivit la signature d'un formulaire, par
le(iuel on proteste que l'on condamne les
cinq propositions tirées du livre de Jansé-
nius, dans le sens de l'auteur, comme le
saint siège les a condamnées (1). Louis XIV
donna, dans cette même année, une dé-
claration qui fut enregistrée au parle-
ment, et qui ordonna la signature du formu-
laire sous des peines grièves. Ce formulaire
devint ainsi une loi de l'Eglise et de l'Etat :
(1) Il émit ainsi conçu : < Ego N. consliuitioni
apostoliose Iiinneeniii X dai* die 51 niaii 1G.53 et
conslitutioni Alcxandri VU, ilatsc tS octobris 1656,
sununonim ponlilicuni, nie subjicio, et quinqiiepro-
positioues ex Curuelii Janscnii libro, cui nomen .1k-
yuslinus, excor|)las, et in sensu al) coileni aucl(ire
inlcnlo, prout illas per diclas constiluliones seJes
aposioiicadainnavii,sincero animo rojitio ac damne,
et ita jure : sic me Dcus adjuvet, et liaec saucta Dei
£vaiigelia. >
plusieurs de ceux qui refusaient d'y sous-
crire furent punis.
Malgré la loi, MM. Pavillon, évêque d'A-
leth, Choart de Buzenval, évèi[ue d'Amiens,
Cauli't, évoque de Pamiers, et Arnauld, évo-
que d'Augors, donnèrent, dans leurs diocè-
ses, des mandements dans lesquels ils fai-
saient encore la distinction du fait et du
droit, et autorisèrent ainsi les réfractaires.
Le pape irrité voulut bmr faire leur procès,
et nomma des counnissaires : il s'éleva une
contestation sur le nombre des j Jges. Sous
Clément IX trois prélats proposèrent un ac-
commodement dont les termes étaient que
les quatre évèques donneraient et feraient
donner d ms leurs diocèses une nouvelle si-
gnature du formulaire, par laquelle on ron-
daiiuierait les propositions de Jansénius,
sans aucune restriction, la première ayant
été jugée insufiisante. Les quatre évèques
y con^enlirent et manquèrent de parole ; ils
maintinrent la distinction du fait et du droit.
On ferma les yeux sur cette inlidélité, et
c'est ce qu'on nomma la paix de Clé-
ment IX.
En 1701, l'on vit paraître le fameux Cas
de conscience. Voici en quoi il consistait. On
supposait un ecclésiastique qui condamnait
les cinq propositions dans tous les sens
dans lesquels l'Eglise les avait condam-
nées, même dans le sens de Jansénius, de
la manière qu'Innocent XII l'avait entendu
dans ses brefs aux évoques de Flandre, au-
quel cependant on avait refusé l'absolution,
parce que, quant à la question de fait, c'est-
à-dire à l'attribulion des propositions au livre
de Jansénius, il croyait que le silence respec-
tueux suffisait. L'oncacmandaitàlaSorbonne
ce qu'ell.i pensait do ce refus d'alisolution.
Il parut uno décision signée do quarante
docteurs, dont l'avis était que le sentiment
de l'ecclésiastique n'était ni nouveau ni sin-
gidier, qu'il n'avait jamais été condamné par
l'Eglise, et qu'on ne devait point pour ce
sujet lui refuser l'absolution.
C'était évidemment justifier une fourberie;
car enfin lorsqu'un homme est persuadé que
le pape et l'Eglise ont pu se tromper, en
supposant que Jansénius a véritablement
enseigné telle doctrine dans son livre, com
mf nt peut-'il protest(?r avec s(;rinent qu'il
condamne les propositions de Jansénius
dans le sens que l'auteur avait en vue, el
dans lequel le pape lui-môme les a condani -
nées ? Si ce n'est pas là un parjure, comment
faut-il le nommer? Si une paredle décision
n'a jamais été censurée par l'Eglise, c'est
qu'il ne s'était encore point trouvé d'héré-
tique assez rusé pour imaginer un pareil
subterfuge. Aussi cette pièce ralluma l'in-
cendie. Le cas de conscience donna lieu à
plusieurs mandements des évoques : le car-
dinal de Noailles, arc" i évoque de Paris, exi-
gea et obtint des docteurs qui l'avaient signé
une rétractation. Un seul tint ferme, et fut
exclu de la Sorbonne.
Comme les disputes ne fmissaient point,
Clément XI, qui occupait alors le saint-siége,
après plusieurs brefs, donna la bulle Vineam
SI ÎAN
Domini Sabaoth, lo 15 juillet 1705, dans la-
quelle il déclare que le silence respectueux
sur le fait de Jansénius ne suffit pas pour
rendre à l'Eglise la pleine et entière obéis-
sance qu'elle a droit d'exiger des fidèles (1).
M. l'évêque de Montpellier, qui l'avait
d'abord acceptée, se rétracta dans la suite.
Ce fut alors que l'on fit la distinction du
double sens des propositions de Jansénius,
l'un qui est le sens vrai, naturel et propre
de Jansénius, l'autre qui est un sens faux,
putatif, attribué mal à propos à cet auteur.
On convient que les propositions étaient hé-
rétiques dans ce dernier sens imaginé par
le souverain pontife, mais non dans leur
sens vrai, propre et naturel ; c'était en re-
venir au premier subterfuge imaginé par le
docteur Arnauld et par ses adhérents.
Voilà où la question du Jansénisme et de
sa condamnation en était venue, lorsque le
Père Quesnol de l'Oratoire publia ses Réfle-
xions morales sur le Nouveau Testament ,
dans lesquelles il délaya tout le poison de
la doctrine de Jansénius. On vit alors, plus
évidemment que jamais , que ses partisans
n'avaient jamais cessé d'y être attachés
et de la soutenir , dans le sens môme
condamné par l'Eglise, malgré toutes les pro-
testations qu'ils faisaient du contraire, qu'ds
n'avaient jamais cherclié qu'à en imposer et
k séduire les âmes simples et droites. La
condamnation du livre de Quesnel , que
porta Clément XI par la bulle Unigenitus,
en 1715, a donné lieu à de nouveaux excès
de la part des partisans obstinés de cette
doctrine. Voy. Quesnellisme.
De toutes les hérésies que l'on a vues
éclore dans l'Eglise, il n'en est aucune qui ait
eu des défenseurs plus subtils et plus ha-
biles, pour le soutien de laquelle on ait em-
ployé plus d'érudition, plus d'artifices, plus
d'opiniâtreté, que celle de Jansénius. Mal-
(i) Nous cilons les expressions de cette buile :
« Primo quidera proeinsertas InnocentiiX, et Alexan-
dri Vil praedecessorum constitutiones, oinniaque el
singula in eis contenta, auctoritate aposiolica, tenore
prxseutiuni, conlirmamus, approbamus et ionova-
mus.
« Ac in»uper, ut quaevis in posterum errons occa-
sio penitns praecidatur, atque omnes catholicœ Ec-
clesiae filii Ecclesiam ipsaui audiie, non lacendo so-
luni ^ na.li et impii in lenebris conticescunt ), sed et
intenus obsequendo, quœ vera est ortbodoxi lioniinis
obedientia, condiscant liac nostra perpétue valitura
constiiutione : obedientia!, quœ piuMnseriis aposto-
licis conslitutionibus debelur,obseqnioso illo silenlio
minime satislieri; s«d damnatuni in quinqne praîCa-
lis propositionibus Janseniani libri sensum, quem
illarum verba prse se ferunt, ut pra^fertur, ab omni-
bus Cbristi (idelibus ut h;crelicuin, non ore soluui,
sed et corde rejici ac damnari debere ; nec alia men-
te, animo, aut credulitale supradictce formula; sub-
scribi licite posse ; ita ut qui secus, aut contra quoad
hœc omnia el singula, senserint, icmierint, praedica-
vciint, verbo vel sciipto ducuerinl aut asseriierint,
tanquam prsefalarum aposlolicaium constitutionum
Iransgressores, onuiibus et singidis illaru;n censuris
et pœnis omiiino subjaceant, eadem aucloiiiate apos-
iolica deceruiiuus, declaramus, statuimus et ordi-
nanius. >
JAN
32
gré vingt condamnations prononcées contre
elle depuis plus d'un siècle, il est encore
un bon nombre de personnes instruites qui
y tiennent, soit ]iar les principes, soit par
les conséquences, en supposant toujours
que c'est la doctrine de saint Augustin.
Plusieurs théologiens, sans donner dans les
mêmes excès, se sont rapprochés des opi-
nions rigoureuses des jansénistes, pour ne
pas donner lieu à leurs accusations de péla-
gianisme, de relâchement, de fausse morale,
etc. Ce phénomène serait moins étonnant,
si le système de Jansénius était sage et con-
solant, capable de porter les fidèles à la ver-
tu et aux bonnes œuvres ; mais il n'est
point de doctrine plus propre à désespérer
une âme chrétienne, à étouft'erla confiance,
l'amour de Dieu, le courage dans la pratique
de la vertu, à diminuer notre reconnaissance
envers Jésus-Christ. Si, malgré la rédemp-
tion du monde opérée par ce divin Sauveur,
Dieu est encore irrité de la faute du premier
homme ; s'il refuse encore sa grâce non-
seulement aux pécheurs, mais aux justes ;
s'il leur impute à péché des fautes qu'il leur
était impossible d'éviter sans la grâce, quelle
confiance pouvons-nous donner aux mérites
de notre Rédempteur , aux promesses de
Dieu, à sa miséricorde infinie ? Si, pour dé-
cider du sort éternel de ses créatures. Dieu
préfère d'exercer sa justice et sa puissance
absolue plutôt que sa bonté ; s'il agit en
maître irrité et non en père compatissant,
nous devons le craindre sans doute, mais
pouvons-nous l'aimer ? Les jansénistes ont
condamné la crainte de Dieu comme ua
sentiment servile, et c'est le seul qu'ils nous
aient inspiré ; ils ont affecté de prêcher l'a-
mour de Dieu, et ils ont travaillé de toutes
leurs forces à l'étouffer. Ils ont pris le titre
fastueux de défenseurs de la grâce, et dans
la réalité ils eu étaient les destructeurs ; ils
déclamaient contre les pélaglens, et ils en-
seignaient une doctrine plus odieuse. Dieu,
disaient les pélagiens, ne donne pas la grâce,
parce qu'elle n'est pas nécessaire pour faire
de bonnes œuvres ; les forces naturelles de
l'homme lui suffisent. Selon les semi-péla-
giens, la grâce est nécessaire pour faire le
bien ; mais Dieu ne la donne qu'à ceux qui
la méritent par leurs bons désirs. Jansénius
dit : La grâce est absolument nécessaire ;
mais souvent Dieu la refuse, parce que nous
ne pouvons pas la mériter. Vous avez tous
tort, leur répond un catliolique, la grâce est
absolument nécessaire; aussi Dieu Ta donne
à tous , non parce que nous la méritons,
mais parce que JésiLS-Cljristl'a méritée et l'a
obtenue pour tous; il la donne, et parce qu'il
est juste, et parce qu'il est bon, etparcequ'il
nous a aimés jusqu'à livrer son Fils à la
mort pour la rédemption de tous. Tel est le
langage de l'Ecriture sainte, des Pères de
tous les siècles, de l'Eglise dans toutes ses
prières, de tout chrétien qui croit sincère-
ment en Jésus-Christ, Sauveur du monde.
Lequel de ces divers sentiments est le plus
propre à nous inspirer la reconnaissance, la
confiance, l'amour de Dieu, le courage do
53
JAN
JAP
34
renoncer au péché et do persévérer dans la
vertu ?
• Vainement les jansénistes citent à tout
projws l'autorité de saint Augustin ; Calvin
en fait autant pour soutenir ses erreurs.
Mais il est faux que saint Augustin ait eu
les sentiments que Calvin, Jansénius et leurs
partisans lui prêtent ; personne n"a repré-
senté avec iihis d'énergie que lui la miséri-
corde infinie de Dieu, sa bonté envers tous
les hommes, la charité universelle de Jésus-
Christ, sa compassion pour les pécheurs,
l'immensité des trésors do la grAce divine,
la libéralité avec laquelle Dieu no cesse de
les répandre,
A peine Innocent X eut-il condamné le
système de Jansénius, que cette doctrine fut
victorieusement réfutée, en particulier par
le père Deschamps, jésuite, dans un ouvrage
intitulé : De Uœrcsi Janseniana iib Aposloli-
ca Sede merito proscripta, qui parut eu 165V,
et dont il y a eu plusieurs éditions. Cet ou-
vrage est divisé en trois livres. Dans le
premier, l'auteur démontre que Jansénius a
copié dans les hérétiques , surtout dans
Luther et dans Calvin, tout ce qu'il a en-
seigné touchant le lilire arbitre , la grAce
efficace, la nécessité de pécher, l'ignorance
invincible , l'impossibilité d'accomplir les
commandements de Dieu, la mort de Jésus-
Christ, la volonté de DiiMi de sauver tous les
hommes, et la distribution de la grâce suf-
fisante. Dans lo second, il jjrouve que les
erreurs de Jansénius sur tous ces chefs ont
été déjà condamnées par l'Eglise, surtout
dans le concile de Trente. Dans le troisième,
il fait voir qu'à rexem|)le de tous les sec-
taires, Jansénius a prêté faussement à saint
Augustin dos 0|iinions qu'il n'eut jamais, et
que ce saint docteur a enseigné formellement
le contraire. Aucun des partisans de Jansé-
nius n'a osé eatre])rondre do réfuter cet ou-
vrage ; ils n'en ont presque jamais parlé,
parce qu'ils ont senti qu'il était inattaquable.
Les prostestants, bien convaincus de la
ressemblance qu'il y a entre le système de Jan-
sénius sur la grâce et celui des fondateurs
de la réforme, n'ont pas manqué de soutenir
que c'est réellement le sentiment de saint
Augustin ; mais vingt fois l'on a démontré
le contraire. lis ont vu avec beaucoup de sa-
tisfaction le bruit que le livre de Jansénius
a fait dans l'Eglise catholique, les disputes
et l'espèce de sciiisme qu'il a causés, l'opi-
niâtreté avec laquelle ses défenseurs ont ré-
sisté aux censures de Rome. Ils ont fait de
pompeux éloges des talents, du savoir, de la
piété, du courage de ces prétendus disciples
de saint Augustin ; mais ils n'ont pas osé
justifier les moyens dont ces opiniâtres se
sont servis pour soutenir ce qu'ils appelaient
la bonne cause. Mosheim, qui reconnaît la
conformité de la doctrine des jansénistes
avec celle de Luther, de Àuctorit. Concilii
Dordrac, § 7, avoue, dans son Hist. ecclés.,
xvii* siècle, sect. 2. i" part., c. 1, § kO,
qu'ils ont employé des explications captieu-
ses , des distinctions subtiles, les mêmes
sophisaies et les mômes invectives qu'ils re-
prochaient à ^eurs adversaires, qu'ils ont eu
recours à la superstition, à l'imposture, aux
faux miracles, pour fortifier leur parti; que
sans doute ils ont regardé ces fraudes pieu-
ses comme permises lorsqu'il s'agit d'établir
une doctrine que l'on croit vraie. C'est plus
qu'il n'en faut pour justifier la rigueur avec
laquelle quelques-uns des plus fougueux
jansénites ont été traités. Mosheim voudrait
persuader que l'on a exercé contre eux une
persécution cruelle et sanglante; il est ce-
pendant très-certain que toutes les peines
se sont bornées à l'exil ou h quelques années
do prison, et que l'on punissait en eux,
non leurs opinions, mais leur conduite in-
solente et séditieuse.
Indépendamment des conséquences per-
nicieuses que l'on peut tirer de la doctrine
de Jansénius, la manière dont elle a été dé-
fendue a produit les plus tristes effets ;
elle a ébranlé dans les esprits le fond mô-
me de la religion, et a préparé les voies à
l'incrédulité. Les déclamations et les satires
des jansénistes contre les souverains ponti-
fes, contre les évoques, contre tous les or-
dres de la hiérarchie, ont avili la puissance
ecclésiastique ; leur mépris pour les Pères
qui ont précédé saint Augustin a confirmé
les préventions des protestants et des sod-
niens contre la tradition des premiers siè-
cles ; à les entendre, il semble que saint
Augustin a changé absolument cette tradi-
tion au cinquième : jusqu'alors les Pères
avaient été pour le moins sémi-pélagiens.
Les faux miracles qu'ils ont forgés pour sé-
duire les simples, et qu'ils ont soutenus
avec un front d'airain, ont rendu suspects
aux déistes tous les témoignages rendus en
fait de miracles ; l'audace avec laquelle
plusieurs fanatiques ont bravé les lois ,
les menaces, les châtiments ; et ont paru
disposés à souffrir la mort plutôt que
de démordre de leurs opinions, a jeté un
nuago sur le courage des anciens martyrs.
L'art avec lequel les écrivains du parti ont su
déguiser les faits ou les inventer au gré de
leur intérêt, a autorisé le pyrrhonisme his-
torique des littérateurs modernes. Enfin, le
masque de piété sous lequel on a couvert
mille impostures, et souvent des crimes, a
fait regarder les dévots en général comme
dos hypocrites et dos hommes dangereux.
Il serait donc à souhaiter que l'on pût ef-
facer jusqu'au moindre souvenir des er-
reurs de Jansénius, et des scènes scanda-
leuses auxquelles elles ont donné lieu. C'est
un exemple qui apprend aux théologiens à se
tenir on garde contre le rigorisme en fait
d'ojiinion et de morale, à se borner auy
dogmes de la foi, et à se détacher de tout
système particulier. Si l'on avait employé à
débrouiller des questions utiles tout le
temps et tout le travail que l'on a consumés
k écrire pour et contre le jansénisme, au lieu
de tant d'ouvrages déjà oubliés, nous en au-
rions qui mériteraient d'être conservés à la
postérité.
JAPON. Mission du Japon. Par les travaux
de saint François-Xavier, qui pénétra dans
zs
JM>
JAP
36
ce royaume ]'aa 1519, et par ceux des mis-
siomiaires portugais qui lui succédèrent, le
christianisme fit d'abord au Japon des pro-
grès incroyables : l'on prétend que l'an 1596
fl y avait quatre cent mille chrétiens dans
cet empire. Nous ne nous arrêterons pas à
discuter les raisons que les protestants et
les incrédules qui les ont copiés, ont .don-
nées de ce succès rapide. Les uns disent q_ue
ce fut d'abord J'envie des Japonais de lier
un commerce utile avec les Portugais ; d'au-
tres prétendent que ce fut la conformité qui
se trouva entre plusieurs dogmes et ]Tu-
sieurs rites de la religion catholique ro-
maine et ceux de la religion japonaise ;
quelques-uns néanmoins sont convenus que
cette nation ne put s'empêcher d admirer la
charité que les missionnaires exerçaient en-
vers les pauvres et les malades, au lieu que
les bonzes du Japon rcr^ardaient les mal-
heureuï comme les objets de la colère du ciel.
Bientôt la rivalité de commerce entre les
Hollandais et les Portugais aUuma la guerre
entre ces deux peuples ; les missionnaires
protégés par la oour de Portugal se trouvè-
rent enveloppés dans cette brouillerio. Les
Hollandais, devenus protestants, virent avec
dépit le cathoUcisme faire des conquêtes au
bout de l'univers ; l'intérêt sordide, la ja-
lousie nationale, la rivalité de religion, les
engagèrsHt à faire tous leurs elforts pour
rendre suspects leurs concurrents. Ils disent
que les Portugais s'étaient rendus odieux
aux Japonais par leur avarice, leur orgueil,
teur infidélité dans le commerce, leur zèle
imprudent pour leur religion ; mais les Por-
tugais ont reproché les mêmes vices à leurs
adversaires. On dit que la mésintelligence
entre les missionnaires jésuites et les do-
minicains contiibua encore à décréditer les
uns et les autres. Quoi qu'il en sqit, les pas-
sions humaines ne tardèrent pas à détruire
ce fiue le zèle apostolique avait édilié. La
fatalité des circonstances y contribua. Deux
ou liois usurpateurs envahirent successive-
ment le trône du Japon; les chréliens, fi-
dèles à leur souveiain légitime, prirent les
armes en sa faveur; ils furent traités com-
me rebelles par le parti contraire qui triom-
pha, et les missionnaires furent regardés
comme les auteurs do la résistance des
chrétiens. Les nouveaux monarques, pour
atiermir leur domination , se sont fait un
])oint de politique d'exterminer la religion
chrétienne, et de bannir les Européens de
leur empire. Pendant cinquante ans ils ont
exercé une persécution sanglante et cruelle ;
(les milliers do martyrs ont péri dans les
tourments, et celte barbarie a extirpé tru Jor-
pon jusqu'aux derniers restes de christianis-
me. Les incrédules n'ont pas manqué d'é-
crire que les chréliens ont été ainsi traités,
jiarce qu'ils cabalaient pour se rendre maî-
tres do l'empire. Depuis ce temps-lh, les
Hollandais s.ont les seuls Européens aux-
quels il est permis d'aborder au Japon pour
y commercer, et on no leur permet d'aller à
terre qu'après qu'ils ont foulé aux pieds l'i-
mage de Jlésus-Chriali : c'est ce (jue les Japo-
nais appellent /fl/re le jésumi; et l'on pré-
tend que ce sont les Hollandais eux-mêmes
qui leur ont suggéré cette cérémonie. Pour
en palUer l'impiété, on ilit que les Hollan-
dais, en qualité de protestants, ne rendent
aucun culte aux images. Mais autre chose
est de ne point pratiquer ce culte, et autre
chose de ftiire une action qui est regardée
par les Japonais comme un renoncement
formel au christianisme. Des protestants
mêmes doivent se souvenir que les premiers
chrétiens ont mieux aimé souffrir la mort
que de jurer par le génie des césars, parce
que ce jurement était regardé par les païens
comme un acte de paganisme; que le vieil-
lard Eléazar préfera de marcher au supplice,
plutôt que de manger do la viande de po-ur-
ceau, parce que cette action aurait été prise
pour une abnégation du judaïsme. Jésus-
Christ a menacé de la réprobation, non-seu-
lement ceux qui le renient formellement de-
vant les hommes, mais encore ceux qui rou-
gissent de lui [Luc. c. ix, v. 26). Que penser
de ceux qui foulent son image aux pieds,
afin de persuader qu'ils no sont pas chré-
tiens ?
Dans un ouvrage récent, M. le baron de
Haren a t;lché de disculper la nation hol-
landaise de l'extinction du christianisme au
Japon ; il prétend qu'elle n'y a point contri-
bué; cependant il est certain qu'elle prêta
son artillerie à l'empereur dans une bataille
contre les chrétiens. 11 passe légèrement sur
la cérémonie du iésami ; mais il justifie les
naissionnaires et les chrétiens du Japon con-
tre les reproches des incrédules, qui les ac-
cusent d'avoir excité des séditions dans cet
empire, et d'avoir été les auteurs des révo-
lutions qui y sont arrivées. Il soutient que,
dans les deux guerres civiles qui s'y sont
élevées , les chrétiens ont suivi constam-
ment le parti du souverain légitime contre
les usurpateurs. Ceux-ci, victorieux et de-
venus les maîtres, se sont vengés de la fi-
délité des chrétiens envers leur véritable
empereur. Recherches historiques sur Vétat
de la religion chrétienne au Japon, 1778.
La religion clirétienne n'a point à rougir
de ce malheur; elle se félicitera toujours d'a-
voir des enfants fidèles, jusqu'à la mort, à
Dieu et à César. xMais plusieurs incrédules
modernes ont à se reprocher d'avoir répété
sans prouve, sans connaissance de cause
et par pure prévention, les calomnies que
Kœmpfer et d'autres Hollandais ont publiées
contre les missiomiaires et contre les chré-
tiens du Japon, pour pallier le crime de leur
nation. Ce n'est point à nous de juger si
M. le baron de Haren a réussi à la justifier
pleinement.
Mais, [lendant que ce protestant judicieux
et équitable a fait l'apologie des chrétiens
du Japon, l'on est étonné do voir un écri-
vain né dans le sein du christianisme et qui
vit dans un royaume catholique, attribuer
l'Gxtinction de la religion chrétienne chez les
Japonais aux vices et à la mauvaise conduite
des missionnaires, et lancer h ce sujet ime
invective sanglante contre les prêtres eu gé-
57
JEA
JEA
5S
nfral. C'est ni^anmoins ce qu'a fait le riVlac-
teur du Dictionnaire (jéographir/nr: de l'En-
cydopédie, nu mot Japon. Il n'a cih^ aucun
garant des faits qu'il avance ; il n'aurait pas
pu en allL^sn*^"" d'autres que KœmptVr ou
quelques autres protestants foiijj;ucux. Il a
ignoré sans doute (ju(î leurs iinjiDsturesont
été réfutées, il y a plus d'un siècle, par le
témoignage m(^me d'autres protestants plus
désintéressés et plus eroyaliles. Voyez Àpo-
Inr/ie pour les cnCholif/urs, t. II, c. 16, impri-
mée en 1082. Quant ;\ la bile qu'il a vomie
contre les iirôtres en général, il l'avait sucée
dans les écrits do nos philosoohes antichré-
lietis.
JARDIN d'EDKN. Voy. Paradis.
JEAN-BAPTISTE (saint), précurseur do
Jésus-Clnist. L'historien Josè|ihe a rendu
témoignage, aussi bien que lEvangilo, aux
vertus de ce saint homme. Àntiq. Jud., 1.
svm, c. 7. « C'était, dit-il, un homme de
grande piété, qui exhortait les Juifs à em-
brasser la vertu, à exercer la justice, .'i re-
cevoir le bapt(''ine, J\ joindre la pureté du
corps à celle de l'Ame. Connue il était suivi
d'une grandie midtitudo de |ieuple qui écou-
lait sa doctrine, Hérude, craignant son pou-
voir, l'envoya prisonnier dans la forteresse
de Mâchera, où il le lit mourir. » Josèpho
ajoute que la défaite de l'armée d'Hérode
par Aiétas fut regardée comme une puni-
tion que Dieu tirait de ce meurtre.
Blomlel et quehjues autres ciiliques ont
voulu rendre ce passage suspect d'interpo-
lation, parce qu'il leur a paru trop honora-
ble h ^aint Jcan-Bnptiste. Quelle raison au-
rait donc pu emi>éfher Josèpho do rendre
témoignage à un homme dont la vertu était
reconnue dons tonte la Judée, et que plu-
sip(n-s Juifs avaient été tentés deprendrcpour
le .Messie'? Mais voilà renlêtoment des en-
nemis du christianisme; il sont ftichés de ce
que Jésus-Christ a eu pour précurseur et
pour premier apôtre un homme d'une vertu
aussi éminente, et au témoignage duquel ils
ne peuvent rien o|iposer.
Quelques-uns ont dit qu'il y avait eu un
■complot formé entre Jésus et Jemi-Baptisle
pour en iniposer au peu|ile, pour llatter
l'espérance que les Juifs avaient d'un libé-
rateur, et que Jean-Baptiste était convenu
de céder le premier rôle h Jésus. Mais il
aurait fallu du moins nous apprendre quoi
intérêt, quel motif, ces deux ipersonnages
ont pu avoir do former ce complot, de s'ex-
pos\T tous deux à la mort, et de la subir en
t'ITct pour flatter les espératïces de leur na-
tion.
Dans l'Evangile de saint Jean, c. i, 33,
Jean-Baptiste proteste qu'il ne connaissait
pas Jésus, mais qu'il l'a reconnu pour le Fils
de Dieu, en voyant le Saint-Esprit descendre
sur lui èi son baptême. Il parait donc que
Jésus-'Christ et sou précurseur ne s'étaient
jamais vus ; le preiiiier avait vécu à Naza-
reth dans la plus grande obscurité, le second
avait habité les déserts des montagnes de la
Juiée, et 'l'on ne voit pas en qiel 'temps ils
auraient '^^ju convenir ensemble du rôle qu'ils
devaient jouer. Ce n'est pas assez d'ima-
giner des soupçons, lorsqu'ils ne sont ffuidés
sur rien. Ces calomniateurs téméraires ont
dit ensuite que Jésus paya d'ingratitude le
témoignage que Jenn-Baptiste lui /ivait
rendu; qu'il ne (il rien pour le lirei' de sa
prison, et qu'après sa mort Jésus n'en parla
presque |>lus. Si Jésus avait fait quelque
tentative pour délivrer son précurseur des
mains d'Hérode, on l'accuserait d'avoir at-
tenté à l'autorité légitime, et on citerait cette
circonstance comme une nouvelle [ireuvo
du complot formé entre eux. Mais il fallait
que hnir témoignage mutuel l\1t confirmé
par leur mort : c'est la destinée do ceux que
I)ii;u envoie pour instruire et pour corriger
les hommes. Jésus a rappelé plus d'un(! fois
au^ Juifs les leçons, les ext'nqiles, les vertus
de Jean Baptiste. (Matth. c. xi, v. 18; c.
xvjr, v. 12; Marc. c. ix, v. 12; Luc. c. vu,
y. 33; c. xx, v. k ; Jnan. c. xx, v. iO.)
Animé du môme esjirit que les incrédules,
Beau.sobre, Ilist. du Munich., 1. i, c. k, § 9,
pr('tend que l'faérésian^ue Manès a pu blA-
mei' avec justice la faiblesse de Jean-Baptiste,
qui, voyant que Je Sauveur ne le délivrait
pas d(^ sa prison, entra dans quelcpie doute
qu'il fut le Christ. Qù. sont donc les preuves
do ce doute prétendu? Matth., c. xi, v. 2 et
suiv., il est dit que Jean-Baptiste, informé
dans sa prison des miracles opérés par Jé-
sus, lui envoya demander par denx de ses
disciples, Eles-vous celui qui doit venir, ou
dcvons'-nous en attendre un atUref qu'en leur
Srésence Jésus guérit plusieurs malades, et
it aux deux disciples : Allez dire à Jean ce
que vous avez vu. Lorsqu'ils furent partis,
Jésus loua devant tout le peuj)le la cons-
tance, la fermeté, la vie austère et les autres
vertus de Jean-Baptiste ; il ne le soupçonna
donc pas d'être dans le doute touchant la
qualité du Messie. Il est clair que Jean-
Baptiste avait envoyé ses deux disciples,
non ]>our dissiper son propre doute, mais
pour confirmer dans l'esprit de tous ses
disciples le témoignage qu'il avait rendu à
Jésus. Aussi, après sa mort, plusieurs s'at-
tachèrent à Jésus {Joan. c. i, v. 37).
Ces réflexions ont été faites par les Pères
de l'Eglise et par les commentateurs; Manès
ou son apologiste ont-ils été en état d'en
prouver la ftiusselé?
Jean (chrétiens de saint). Voy. Man.p^i-
TES.
Jean Chrysostome (saint). Voy. Chrysos-
TO.ME.
Jean Damascène (saint). Voy. Damascène.
Jean l'Evangéliste (saint), apôtre de Jé-
sus-Christ. Outre son Evangile, il a écrit
trois lettres et l'Apocalypse. On croit com-
munément qu'il a vécu et gouverné l'Eglise
d'Ephèse jusqu'à l'an 1,00 ou lOi de Jésus-
Christ, qu'il était presque centenaire, et
qu'il a écrit son Evangile peu de temps ayant
sa mort. Quelques auteurs se sont persuadé
que ce saint apAtre n!est pas mort; jpais ils
ne se fondaient que sur un passage de son
"Evangile, duquel ils no iirenaicnt pas le vrai
sens. 'Bible d'Avignon, Ioûû. ?i.lll, p. 525.
S9
JEA
JEA
40
Il est du moins indubitable que son Evan-
gile a été écrit le dernier de tous. Saint Jean
s'y est proposé de rapporter plusieurs ac-
tions du Sauveur dont les autres évangélistes
n'avaient pas parlé ; de nous transmettre
ses discours, dont les autres n'avaient écrit
qu'une petite partie ; enfin de réfuter les hé-
rétiques, dont les uns niaient la divinité de
Jésus-Christ, les autres la réalité de sa chair :
il les réfute encore plus directement dans
ses lettres. Or, ces sectaires n'ont commencé
h faire du bruit que dans les dernières an-
nées du i" siècle.
Il est même probable que saint Clément
de Rome a écrit ses deux épîtres aux Co-
rinthiens avant que l'Evanj^ile de saint Jean
eût été publié ; ce pape cite des passages
des trois autres Evangiles, mais il n'en
cite aucun de celui de saint Jean. L'Apôtre
n'a point fait mention de la prophétie de
Jésus-Christ touchant la ruine de Jérusalem,
parce qu'alors elle était accomplie ; on au-
rait pu l'accuser de l'avoir forgée après l'é-
vénement ; mais elle était consignée dans les
autres Evangiles, qui avaient été écrits avant
cette révolution : c'est la remarque de
saint Jean Chrysostome, Hom. 76, al. 77,
in Matth., n. 2.
Les incrédules qui ont dit que le premier
chajntre de l'Evangile de saint Jean, dans
lequel il est parlé de la génération éter-
nelle du Verbe, a été composé par un pla-
tonicien, ou qu'il a été emprunté de Philon,
qui était platonicien lui-môme, ont montré
moins de sagacité que d'envie de favoriser
les sociniens. Il y a loin des idées de Pla-
ton au mystère de l'incarnation révélé à
saint Jean par Jésus-Christ; le style de cet
évangéliste est celui d'un homme inspiré,
et non celui d'un philosophe. Les anciens
hérétiques qui niaient la divinité de Jésus-
Christ, comme les aloges et les cérinthiens,
rejetaient l'Evangile de saint Jean; mais
c'est celui dont l'authenticité est la plus in-
dubitable. Pierre, évoque d'Alexandrie,
nous apprend qu'au vi" siècle on gardait
encore à Eplièse l'autographe de saint Jean,
To i3io/£i/50ï, Chron. Alex, a Radero editum.
'' Touchant l'authenticité de ses trois lettres,
voyez la Bible d'Avignon, tome XVI, page
W7 ; sur celle de l'Apocalypse, voyez ce
mot.
Dans la première de ces trois lettres, il
y a un passage qui est devenu célèbre par
les contestations qu'il a fait naître, et par
l'importance du sujet. Nous y lisons, c. v,
v, 7 : Il y en a trois qui rendent témoignage
dans le ciel, le Père, le Verbe et le Saint-
Esprit ; et ces trois sont une même chose : v. 8,
et il y en a trois qui rendent témoignage
sur la terre, l'esprit, l'eau et le sang; et ces trois
sont une même chose. Les sociniens , em-
barrassés par le v. 7, soutiennent qu'il n'é-
tait pas originairement dans le texte de
saint Jean, mais qu'il y a été ajouté dans
la suite des siècles: 1° parce qu'il manque
dans la plupart des manuscrits anciens, soit
grecs, soit latins ; 2° parce qu'il n'a pas été
cité par les Pères qui ont disputé contre
les ariens, et qui n'auraient pas manqué de
s'en servir, s'il leur avait été connu ; 3°
parce que plusieurs critiques catholiques
sont convenus que c'est une interpolation.
On leur répond, 1° que si ce passage
manque dans un grand nombre de manus-
crits, on le trouve dans plusieurs autres
très-anciens, et les critiques ne peuvent
pas prouver que les plus anciens sont ceux
dans lesquels il manque. Il y en a quelques-
uns dans lesquels les deux versets sont
transposés. 2° Comme ces deux versets
commencent et finissent par les mêmes
mots, les copistes ont pu confondre fort
aisément les derniers mots du septième
avec ceux du huitième, et sauter ainsi de
l'un à l'autre : l'erreur une fois commise a
passé d'un manuscrit dans un autre ; ainsi,
les exemplaires fautifs se sont multipliés.
Cela est plus aisé à concevoir que de sup-
poser que le V. 7 a été ajouté au texte ave^
réflexion, de mauvaise foi, et a dans la
suite été adopté sans examen. 3" Au m'
siècle, avant la naissance de l'arianisme,
saint Cyprien a cité le v. 7, L. de Unit.,
Eccles., et Epist. ad Jubatan. Tertullien
semble y faire allusion, L. ad Praxeam, c.
25. 4° L'on affirme mal k propos que ce ver-
set n'a pas été allégué par les Pères contre
les ariens ; il le fut l'an kS'*, dans une pro-
fession de foi présentée k Hunéric, roi des
Vandales, qui était arien, par quatre cents
évoques d'Afrique. Victor Vit. L. m, de
Persec. Vandal. S'il n'a pas été cité par les
Pères grecs du iv° siècle, c'est qu'ils avaient
des exemplaires fautifs. Depuis plus de
cinq cents ans , ce passage est regardé
comme authentique chez les Grecs et chez
les Latins, et les protestants l'admettent de
même que les catholiques. Bible d'Avignon,
t. XVI, p. 461. 11 y a encore une disserta-
tion sur ce sujet à la fin du Commentaire
du père Hardouin sur les Evangiles.
Tertullien, dans son livre des Prescriptions,
c. 36, rapporte que saint Jean l' Evangéliste,
avant d'être relégué par Domitien dans
l'île de Patmos, fut jeté dans une chau-
dière d'huile bouillante, d'où il sortit sain
et sauf. On présume que ce fait arriva l'an
95 à Rome, où l'apôtre avait été conduit par
l'ordre du proconsul d'Asie. Quelques pro-
testants ont traité de fable cette narration
de Tertullien, en particulier Heumann, dans
une dissertation imprimée à Brème en 1719.
11 dit que Tertullien est le seul qui ait
parlé de ce miracle ; que si quelques autres
Pères en ont fait mention, c'est uniquement
d'après lui ; que cet auteur croyait légère-
ment des fables, etc. Mosheim, dans une
dissertation sur ce même sujet, a montré la
faiblesse de ces raisons ; il allègue l'autorité
de saint Jérôme, qui se fonde, non sur Ter-
tullien, mais sur les historiens ecclésiasti-
ques.Comment. mMaff/t.l.iii,p.92.Contre ces
deux témoignages positifs, les preuves né-
gatives, les reproches de crédulité, etc., ne
concluent rien. Moshemii dissert, ad Jlist.
eccles., tom. I, pag. 504 et suiv.
Al
JEA
JEP
iï
JEAN (saint). Il y a un grand nombre
de communautés ecclésiastiques et religieu-
ses qui ont été instituées sous les noms de
saint Jean-Baptiste et de saint Jean l'Evan-
géliste ; les unes subsistent encore, les au-
tres sont éteintes. L'histoire ecclésiastique
d'Angleterre l'ait mention des chanoines
iiospitaliers et des hospitalières de saint
Jean-Baptiste de Convenlry, approuvés jiar
Honoré 111 ; ils portaient une croix noire
sur leur rohe l)lanche et sur leur manteau,
ce i]iii les lit nommer porte-croix ; il y est
aussi parlé des hospitaliers et des hospita-
lières de saint Jean-Baptiste de Nottingham :
il est à présumer que c'était le mémo ordre.
11 y a eu des ermites de saint Jean-Baptisto
de la Pénitence étalilis dans la Navarre,
sous l'obéissance de l'évoque de Pampeiune
et confirmés par Grégoire XllI. On a vu
d'autres ermites de saint Jean-Baptiste, fon-
dés en France en 1G30, par le frère Michel
de Stiinte-Sabine , pour la réformation des
ermites. On connaît en Portugal des cha-
noines réguliers sous le titre de saint Jean
i'Kvangéliste. L'ordre militaire de saint Jean
de Jérusalem et celui de saint Jean de La-
tran sont célèbres.
■ Jean de Poilli. Ce docteur de I« Faculté de
théologie de Paris voulait séparer absoluuieut les
religieux de tout conlacl avec le monde. Il prélen-
daii que les prêtres religieux nCpouvaient mènie
recevoir de juridiction pour le tribunal de la péni-
tence. Cette doctrine l'ut condamnée avec justice.
JEHOVAH, nom propre de Dieu en hébreu:
11 signifie celui qui est, J'Ltrc par excellence,
l'Eternel ; ainsi l'ont rendu toutes les an-
ciennes versions. Parmi les hébraïsants, les
uns prononcent Jéhovah, les autres Javoh,
les autres Jéhvéh ; quelques auteurs grecs
ont écrit Jao et Jcvo. Comme les juifs ont
la superstition de ne jamais le ]}rononcer,
ils l'appellent le nom iuelj'uble; lorsqu'ils le
rencontrent dans le texte hébreu, ils pro-
noncent à sa place le nom Adonai, mon Sei-
gneur ; et ils ont placé sous les lettres du
nom Jéhovah les jioinls voyelles du mot
Eloha, autre nom de Dieu.
Ils prétendent qu'il ne l'ut jamais permis
à personne de le prononcer, si ce n'est au
^rand prêtre, dans lo sanctuaire, une seule
lois l'année, savoir, le grand jour des expia-
tions ; mais cette imagination est sans fon-
dement. 11 aurait du moins fallu que le grand
prêtre transmît cette prononciation à son
successeur, autrement celui-ci n'aurait pu
la deviner. Une preuve que -les Juifs ont
quelquefois prononcé ou écrit ce nom,
mciae dans les derniers siècles de la synago-
gue, c'est que les auteurs profanes en ont
eu connaissance, i)uisque eux-mêmes l'ont
écrit bien ou mal. Les Juifs modernes sont
encore persuadés que quiconque saurait la
véritable prononciation de ce nom inetfable
pourrait opérer par sa vertu les plus gi-ands
prodiges. Pour expliquer comment Jésus-
Christ a pu f»ire tMiit de miracles, ils disent
qu'il avait dérobé dans le temple la pronon-
ciation du nom inefl'able. Toutes ces rêve-
ries ne méritent aucune attention.
DlCTlOSN. DE TnÉOL. DOGMATIQUE. IlL
La circonstance dans laquelle Dieu a dai-
gné révéler son nom projire et cpii ne eon-
vir-nl (}u'à lui, est remaripinblc. LoiSiiii'il
voulut envoyer .Moïse en Egyi)te jjour tirer
do la servitude les Israélites, Mose lui de-
manda : Lorsque je dirai aux enfants d'h-
rai'l : Le Dieu de vos pères m'envoie vers vous,.
s'ils me demandent votre nom, que leur ré-
pondrai-je ? Je suis, dit le Sejuiieur, celui
qui est ; tu leur diras : Celui qui est m'a
envoyé vers cous [Exod. c. m, v. 13 et \k)..
Les Septante ont très-bien traduit : Je suis
l'Etre; l'Etre m'a envoyé vers vous.
Mais ce qui est dit, c. vi, v. 2 et 3, forme
une diflicullé. Dieu dit à Moïse : Je suis Jé-
hovah .jemesuis bien fdit connaître ù Abraham^
à Isaac, à Jacob, comme Dieu tout-puissant
( Scliaddaï ); mais je n'en ai pas été connu par
mon nom de Jéhovah. Cependant nous vo-
yons dans plusieurs passages de la Genèse ,
Noé, Abraham, Isaac et Jacob, donner à Dieu
le nom de Jéhovah.
La plupart des commentateurs répondent
que Moïse fait ainsi parler les patriarches
par anticipation ; mais il y a une manière
plus satisfaisante d'entendre ce jiassage. 11.
faut se souvenir que, dans le style de l'E-
criture sainte, être appelé de tel nom signifie
être véritablement ce qui est exprimé par ce
nom. Ainsi, lorsqu'Isaie a dit, c. vu, v. 14,
que l'enfant dont il parle sera nommé Emma-
nuel, cela signifie qu'il sera véritablement
Emmanuel, Dieu avec nous. Or, Jéhovah ne
signifie pas seulement celui qui est, ou l'E-
ternel ; il exprime encore celui qui est tou-'
jours le môme, celui qui ne change poini,,
celui dont les desseins sont immuables. Dieu:
semble l'expliquer ainsi lui-même dans le'
jirophète Malachie, chap. m, v. 6 : Moi ^
Jéhovah, je ne change point.
Jusqu'au moment où Dieu daigna se révé-
ler à Moïse, il s'était assez fait connaître aux
patriarches comme Dieu tout-puissant, par
les divers prodiges qu'il avait opérés sous
leurs yeux; mais il n'avait pas encore dé-
montré par les événements la certitude im-
muable de ses promesses. Or, c'est ce que-
Dieu allait faire, en délivrant son peuple <]c
TEgypte, comme il l'avait promis à Abraham
quatre cents ans auparavant. Ce qu'il dit à.
Moïse, /ia:od.,c. vi, v. 2, peut doncsignilier :
Tai assez convaincu Abraham, Isaac et Jacob,,
que je suis le Dieu tout-puissant ; mais je n'ai
])as encore démontré, comme je vais le fairCy
que je suis le Dieu immuable, qui ne manque-
point à mes promesses. La suite du passage-
paraît indiquer ce sens, comme l'a très-bien,
vu le cardinal Cajetan, qui donne cette ex-
plication.
JEPTHÉ, chef et juge des Israélites, célè-
bre par la victoire qu'il remporta sur les.
Ammonites, et par le vœu qu'il fit avant dé-
marcher contre eux (Jud. c. XI, v. 30 et
suiv ). 11 dit, suivant le texte hébreu : « Si
le Seigneur livre les Ammonites entre mes
mains, ce qui sortira le premier de ma mai-
son, à ma rencontre, sera au Seigneur, et jC'
l'offrirai en holocauste A son retour, ce
qu'il rencontra le premier l'ut sa fille uuiqua
«3
JEP
JEP
U
H déchira ses yêtements et déplora soh
malheur. Sa fille lui demanda deux mois de
délai, pour aller pleurer sa virginité avec
ses compagnes... Après ce temps expiré, Je-
phté accomplit son vœu, et sa tille^ était
vierge ( ou demeura vierge ). De là l'usage
s'établit, parmi les filles d'Israël, de pleurer
tous les ans pendant quatre jours la fille
de Jephté. »
Quel fut l'objet du vœu de ce père in-
fortuné ? Sa fille fut-elle immoîée en sacrifice
ou seulement condamnée au service du ta-
bernacle, et à une virginité perpétuelle ? Sur
cette question les commentateurs sont par-
tagés : les uns pensent que cette fille fut
véritablement offerte en sacrifice, et les in-
crédules ont allégué ce fait pour prouver que
jes Juifs offraient à Dieu des victimes hu-
maines ; d'autres jugent qu'il n'en est point
ici question, mais qu'il s'agit seulement d'un
dévouement de cette fille au service du ta-
bernacle.
En effet, le texte hébreu peut avoir deux
sens très-dilïérents ; au lieu de dire : « Ce
qui sortira le premier de ma maison, et sera
au Seigneur, et je l'olfrirai en liolocauste, »
on peut traduire : « Ou sera au Seigneur,
' ou je l'offrirai en holocauste. » La prépo-
sition t'aM,qui est ici répétée, est souvent dis-
jonctive.
D'ailleurs holah, qui signifie holocauste,
exprime aussi une simple oblation ; il est
dérivé de liai, hol, élévation, parce que l'on
élevait sur ses mains ce que l'on offrait à
l)ieu.
Voici les raisons par lesquelles on prouve
que la fille de Jepthé ne fut point immolée (1).
(1) Le sentiment de ceux, dil Bntlet, qui croient
que te vœu de Jeplité n'eut pour objet que la consé-
cralion de sa fifle a» service du tiibernacie, est au-
jourd'liui le plus suivi. On eût ajouté bien de la force
à la preuve que l'on lire de l'hébreu en faveur de
celte explication, si l'on eût fait attention à une des
signilications de la particule vau, qui est celle de
quamobraiti, qiiapropier, en lalin ; et (te cesl pourquoi,
en français. Car en traduisant le dernier vau de cette
sorte, il parait si clairement que Jephté a seulement
voulu consacrer sa liHe au culie du Seigneur, qu'on
ne peut penser le contraire. On s'en convaincra par
la loclure du texte, traduit sur l'original, conlornié-
nicnl à foliservation que nous venons de faire. Je-
phté fit ce vmu au Seigneur : Si vous livrez entre mes
mains les enfants d'Aunnon, ce qui sortira de la
porte de ma maison, au-devant de moi, lorsque je
reviendrai en paix, vicloiieux des enfants d'Ammon,
sera consacré au Seigneur, ou je l'olfrirai en holo-
causte. Jephio passa donc dans le pays des enfants
. d'Aimuon pour les combattre, et Uieii les livra en-
tre ses mains... Jephlé revint à Masplia dans sa
maison, et voici sa (ille venant au-devanl de lui, au
son des tambours et au milieu des danses : or elle
était sa lille unique, et il n'avait point d'autre en-
fant qu'elle. Dès que Jeplité l'apeiçul, il déchira ses
vêtements et s'écria : Ah ma lille ! vous m'accablez
de la plus vive alUiction, et vous êtes devenue un su-
jet qui me remplit de trouble, car j'ai prononcé de
ma propre bouche un vœu au Seigneur, et je ne
pourrai le changer. Elle lui dit : Mon pi'ie, puisque
vous avez fait un vœu au Seigneur, aeeomplisscï! sur
moi ce que vous lui avez promis, après que le Sei-
gneur vous a fait tirer vengeance des enfants d Am-
won, vos ennemis ; et elle dit à sm père : Accoideï-
1° Les sacrifices de sang humain sont ab
solument défenihis aux Juifs (Deuter. c. xii,
V. 30 ) : « (lardez-vous, leur dit Moïse, d'i-
miter les nations qui vous environnent , de
pratiquer leurs cérémonies, de dire : J'ho-
norerai mon Dieu comme ces nations ont
honoré leurs dieux. N'en faites rien; car elles
ont fait pour leurs dieux des abominations,
que le Seigneur a en horreur ; elles leur ont
oli'ert leurs fils et leurs filles, et les ont con-
sumés par le feu. Faites seulement pour le
Seigneur ce que je vous ordonne, n'y ajou-
tez et n'en retranchez rien. »
Offrirai-je à Dieu, dit un prophète, fflon
fils aîné pour expier mon crime, et le fruit
de mes entrailles pour expier mon péché ? O
homme I je t'apprendrai ce qui est bon, et ce
que le Seigneur exige de toi : c'est de prati-
quer la justice et la miséricorde, et de penser
à la présence de ton Dieu. (Mie. c. vi,v. 7 et
8 ). Dieu, pour témoigner aux Juifs que
leurs sacrifices lui déplaisent, leur dit : Ce-
lui qui immole un bœuf fa^t comme s'il tuait
un homme, etc. {Isai c. lxvi, v. 3.)
Quand Jepthé aurait pu ignorer cette dé-
fense, les prêtres chargés d'immoler toutes
les victimes ne pouvaient pas l'oubher ; il
n'y avait point encore eu- d'exemple d'un
pareil sacrifice.
2° Dans le Lévitique, c. xxvn, v. 2, il est or-
donné de rachètera prix d'argent les per-
sonnes vouées au Seigneur. A la vérité, il y
est dit, ibid, v. 28 el 2'J, que ce (jui aura été
consacré au Seigneur par Yanathème (cherem),
ne pourra pas être racheté ; mais l'auathème
ne pouvait être prononcé que contre les en-
nemis de l'état : un homme ne s'est jamais
moi ce que je vais vous demander : donnez-moi un
délai de deux mois, et j'irai vers les montagnes, et
je pleurerai avec mes amies ma virginité. Son père
lui dit : Allez ; et il la laissa libre pendant deux mois,
el elle alla elle et ses amies, el elle pleura sur les
montagnes sa virginité : et au bout de deux mois elle
revint trouver son père, qui accomplit à son égard
le vœu qu'il avait fait : c'est pourquoi elle n'avait
commerce avec aucun homme.
Si la fille de Jephlé avait élé immolée, corament
fécrivain sacré aurait-il pu .ajouter : c'est pourquoi
elle n'avait commerce avec aucun homme ? Une telle
réflexion serait-elle sensée '?
Il faut à présent montrer par dos exemples, que
la particule vau se prend dans le sens que nous lui
a\ons donné.
Gfiièse, chapi vu, vers. 21. Vau, c'est pourquoi
toute chair qui se mouvait sur la terre expira.
Chap. XII, vers. 10. ta famine survint dans ce
pays; vau, c'est 'ponrquoi, Abraham descendit en
Egypte.
(iiiap. XX, vers. 6. Je sais que vous l'avez fait avec
uni cœur simple : vau, c'est pourquoi je vous ai pré-
servé de pécher.
Chap. XLViii, vers. 1. On vint dire à Joseph que
son père était malade ; v.vu, c'est pourquoi il prit
avec lui ses deux fils el l'alla voir.
Lévitique, c. X, vers. l,i. Nailab et Abiu offrirent
devant le Seigneur un feu étranger ; vad, c'est pour-
quoi il sortit de devant le Seigneur un feu qui les fit
périr, et ils moururent.
Oeutér.iuome, chap. xxxi. vers. 16, 17. Ce peu-
ple violera l'alliance que j'ai faite avec lui ; vau, <•'<;»•
poiiiqioi ma colère s'allumera contre lui, — iiéi
ponses critiques., etc., par Bullel, lom. I,
4S
JER
JEH
46
avisé dn lo prononcer contre ce qui lui ap-
|);irtenait. Autre circonstance que Jepthû no
pouvait pas ignorer.
3° Ceux qui veulent que la fille de Jeptliô
ait éti immolée, traduisent à leur gré les
paroles du texte; ils lisent : La première
personne qui sortira de ma maison : et le texte
porte : Ce qui sortira le premier : ce pou-
vait être un animal : ils ajoutent : Je l'offri-
rai en holocauste : et le terme hébreu i>cut
signifier simplement : J'en ferai une offrande.
Les trente-deux personnes qui, après la dé-
faite des Jîadianites, lurent réservées pour
lu part du Seiqneur ( Num. c. xxxi, v. 40 )
ne furent certainement pas immolées en sa-
crifice.
h° La fille de Jcpthé demande la liberté
tl'aller pleurer, non sa mort, mais sa virgi-
nité, ou la nécessité de demeurer vii-rge ;
après avoir dit que le vœu fut accompli,
rhistorien ajoute : Et elle fat vierge, ou elle
demeura vierge: elle ne fut donc pas immo-
lée. On demande pourquoi donc Jeplbé fut-
il si affligé? pourquoi les fdles d'Israël pleu-
raient-elles la fille de Jepthé ? Parce (ju'il
était filcheux h un père victorieux, devenu
chef de sa nation, de ne pas établir une tille
qui était son unique enfant. Le terme lié-
breu qui signifie pleurer, peut signifier sim-
plement célébrer, rappelerla mémoire. Il y
avait certainement clie/ les Israélites des
femmes attachées au service du tabernacle,
puisque l'histoire sainte accuse les enfants
d'HélL d'avoir eu un commerce criminel
avec elles ( / Reg. c. n, v. 22). Ces femmes
étaient regardées comme des esclaves, juiis-
que c'était le sort des prisonnières de guerre :
Jepthé ne pouvait voir, sans être affligé, que
sa fille fût condamnée à un pareil sort.
5° Si l'on envisage autrement le vœu de
Jepthé, l'on est forcé de dire que ce vœu fut
téméraire, et que l'exéciition en fut crimi-
nelle ; cependant il n'est point bl.'imé dans
l'Ecriture, il est môme loué jiar saint Paul
(Hebr. c. XI, v. 3-2). Il n'est donc pas pro-
bable qu'il ait fiit cette double faute. Syna-
pse desCrit. Jud., e. 11. Dans la Bible d'Avi-
gnon, tome m, page 580, dom Calmet a
soutenu le contraire ; mais il n'a pas détruit
les raisons que nous venons d'alléguer.
Elles sont très-bien exposées dans la Bible
de Chais, tom. IV, pag. 118, quoique l'auteur
finisse par adopter la mèmeopinion que dom
Calmet. Mais il est aisé de voir que les pro-
testants ne la préfèrent à la première qu'à
cause de leur aversion contre le vœu de vir-
ginité. Reland, Antiquit. sacr. vet. heb., 3'
part., ch. 10, n' G, nous paraît avoir solide-
ment prouvé que la tille de Jepthé ne fut
point immolée.
JÉRÉMIE, l'un des quatre grands prophè-
tes, était de race sacerdotale ; il prophétisa
principalement sous le règne de Sédécias ,
pendant que Jérusalem était assiégée par
l'armée de Nabuchodonosor. Il ne cessa
d'exhorter les Juifs h se fendre aux Assy-
riens, et de leur protesf r que s'ils conti-
Jiuaient à se défendre, la ville serait prise
d'assaut, mise à feu et à sang : c'est ce qui
arriva.
L'accomplissement des prédictions de co
prophète a donné lieu aux incrédules de le
jieindr^' comme un traître vendu aux Assy-
riens. 11 travailla , disent-ils , k décourager
ses concitoyens et à les soulever contre leur
roi : il ne leur annonça que des malheurs.
Cependant il ne laissa pas d'aclieter des ter-
res dans le pays dont il prédisait la désola-
tion. Lorsque Jérusalem fut prise, le monar-
que ass^Tien le recommanda fortement h
son général Nabusardan, et Jérémie conser-
va toujours du crédit à la cour de Raliylone.
Il en fut quitte pour faire des lamentations
sur les ruines de son pays , et pour conso-
ler ses concitoyens , en leur prédisant la fin
de la captivité.
Si ce porirait est véritable, voilà un traî-
tre d'une singulière espèce. Jérémie, iirètrc
et prophète, trahit sa i-alrie contre son propre
intérêt ; il consent « perdre son état, sa li-
berté, sa vie même, pour livrer aux Assy-
riens Jérusalem, le temple, la Judée entière ;
il refuse ensuite les offres du général assy-
rien ; il veut demeurer dans sa patiie dé-
vastée pour consoler les malheureux, pour
y faire observer la loi du Seigneur : il ac-
compagne les Juifs fugitifs iusqu'en Egypte.
Pendant le siège, il achète un champ afin
d'attester que la Judée sera repeuplée et
cultivée de nouveau, mais il ne le paye pas
avec de l'argent reçu des Assyriens. Après
le siège , il n'accepte d'eux que des vivres
et de légers secours pour subsister. S'il con-
serve du crédit à la cour de Babylono, il
n'en fait usage que pour adoucir le sort de
ses frères captifs. Il iaul donc que ce traître
prétendu ait été tout à la fois impie et re-
ligieux, perfide et charitable, vendu aux As-
syriens et désintéressé , ennemi de ses frè-
res et victime de son affection pour eux.
Quand on veut peindre un homme tel qu'il
est, il ne faut pas affecter de choisir, dans
sa vie, les traits qui peuvent recevoir une
iuterprét.ition odieuse , en laissant de côté
ce qui les justifie. Jérémie savait, par une
révélation divine et par les prédictions des
prophètes qui l'avaient précédé, que Jérusa-
lem serait prise , que les Juifs seraient con-
duits en captivité, que plus ils feraient dé"
' r.'sistance aux Assyriens, plus leur sort se-
rait fàclieux : il le leur représente, où est le
crime ? Pendant le siège , les Juifs ne veu-
lent suivre aucun de ses conseils, ni écouter
aucune de ses remontrances ; ils le mettent
en prison, parce qu'il ne veut pas flatter
leurs folles espérances; ils le plongent dans
une fosse remplie de boue ; il y aurait péri
saus le secours d'un Ethiopien : il était en-
core dans les fers lorsque la ville fut prise ;
il en fût tiré par les Ass.) riens, et l'on sup-
pose qu'il fut cause de la prisa de la ville ?
Le roi Sédécias , subjugué par des furieux,
n'osait consulter Jérémrie qu'en secret : il
n'osa pas le tirer de leurs mains , et l'on
sup;îose qiie ce prophète soulevait le peu[)le
contre son roi, etc. Ces calottfnies sont ré-
futées par l'histoire même,
;- ^V**M^*i.>
il
JER
JER
të
On ne peut pas mer que les prédictions
de Jérémie sur Jénisalein , sur les nations
voisines, surl'Egypte. n'aient été accomplies:
il était donc inspiré Ju ciel. Dieu n aurait
pas accordé l'esprit prophétique à un four-
be, à un traître, à un méchant homme ; les
Juifs , devenus plus sages, n'auraient pas
conservé itour lui et pour ses écrits le res-
pect dont ils ont toujours été pénétrés. Yoy.
Prophète.
Un de nos philosophes a osé dire que Je-
rémie était non-seulement un traître, mais
un insensé, parce qu'il se chargea d'un joug
et se garrotta de chaînes, pour mettre sous
les yeux des Juifs les signes de l'esclavage
auquel ils seraient réduits par les Assyriens
(Jerem. c. xxvn, 2). Si c'était là un trait de
folie, il faut conclure que tous les Orien-
taux étaient des insensés, puisque c'était leur
coutume de peindre par leurs actions les
objets dont ils voulaient ffapper l'imagina-
tion de leurs auditeurs. Voy. Allégorie ,
Hiéroglyphe.
JERICHO. Le siège et la prise de cette
ville par Josué ont fourni aux incrédules
plusieurs sujets de déclamation. Ils disent :
1° Que pour faire passer aux Israélites le
Jourdain près de Jéricho , il n'était pas né-
cessaire de suspendre les eaux par miracle ;
que, dans cet endroit, le fleuve n'a pas qua-
rante pieds de largeur ; qu'il était aisé d'y
jeter un pont de planches, encore plus aisé
de le passer îi gué. Mais, selon le témoigna-
ge des voyageurs, le Jourdain a dans cet
endroit plus de soixante-quinze pieds de lar-
geur ; il est très-profond et très-rapide. Au
temps du passage de Josué, ou vers la mois-
son, ce fleuve avait rempli ses bords, et le
texte porte qu'il regorgeait. Il n'était donc
pas possible d'y jeter un pont de planches,
encore moins de le passer à gué [Josue,
c. III, 15). — 2° Qu'il n'était pas nécessaire
d'envoyer des espions à Jéricho , puisque
les murs de cette ville devaient tomber au
son des trompettes. Mais lorsque Josué en-
voya ses esiùons, il était encore à Sétim,
assez loin du Jourdain ; il ne savait pas en-
core que Dieu ferait tomber les murs de Jé-
richo par miracle : il n'en fut averti que
plusieurs semaines après [Josue , c. ii , m ,
vj. __ 3" Selon les censeurs de l'histoire
satinte, tous les habitants de Jéricho et tous
les animaux furent immolés à Die%i, excepté
une femme prostituée qui avait reçu chez
elle les espions des Juifs, il est étrange, di-
sent-ils, que cette femme ait été sauvée pour
avoir trahi sa patrie ; qu'une prostituée soit
devenue l'aïeule de David et même du Sau-
veur du monde. Il est vrai qu'à la prise de
Jéricho tout fut tué et la ville rasée, parce
que tout avait été voué à Vanathème ou à la
vengeance divine ; il ne s'ensuit pus que
tout ait été immolé h Dieu : le sac des villes,
le luas^acre des ennemis , ne furent jamais
regardés, chez aucun peuple, comme des sa-
crifices offerts à Dieu. Il n'est pas certain que
Rahah ail été une prostituée ; l'hébreu sanah
ne signifie souvent qu'une cabaretière, une
femme qui reçoit les étrangers. Pour qu'elle
fût la même que l'aïeule de David, il faudrait
qu'elle eût vécu au moins deux cents ans.
Elle ne fut pas sauvée seule, mais avec toute
sa parenté , non pour avoir trahi sa p;itrie ,
la visite îles espions ne fit à Jéricho ni bien
ni mal, mais pour avoir rendu hommage au
Dieu d'Israël et protégé ses envoyés. « Je
sais, leur dit-elle, que Dieu vous a livré no-
tre pays , il y a répandu la terreur. Nous
avons appris les miracles qu'il a opérés pour
vous tirer de l'Egypte , et la manière dont
vous avez traité les rois des Amorrhéens.
Le Seigneur votre Dieu est le Dieu du ciel
et de la terre ; jurez-moi donc, en son nom,
que vous épargnerez ma famille comme je
vous ai épargnés (Josue, c. ii, 9). Il ne te-
nait qu'aux habitants de Jéricho d'imitor
cette conduite. — k° Le sac de Jéricho, con-
tinuent nos censeurs , est un exemple de
cruauté détestable. Mais ce qu'Alexandre fit
k Tyr, Paul-Emile en Epire, Julien à Daci-
res et à Majoza-Malcha , Scipion à Carthage
et cl Numance, Mummius à Corinthe, César
à Alexie et à Gergovie , n'est pas moins
cruel : toi a été le droit de la guerre chez
les peuples anciens. En quoi les Israélites
sont-ils plus coupables que les autres? Yoy.
Chananéens.
JÉRÔME DE PRAGUE. Voy. Hussites.
JEROME (saint), prêtre, l'un des plus sa-
vants Pères de l'Eglise , mourut l'an 420.
L'édition de ses ouvrages , donnée à Paris
par D. Martianay, en 5 vol. in-folio, fut
commencée en 1693, et finie en 1704. Elle a
été renouvelée à Véronne en 1738 , par le
Père Villarsi, de l'Oratoire, en dix volumes
in-folio.
Le premier volume de D. Martianay ren-
ferme la traduction latine des livres saints,
faite par saint Jérôme sur les textes origi-
naux ; le deuxième renferme plusieurs
traités pour servir à l'intelligence de l'E-
criture sainte ; le troisième, un savant com-
mentaire sur les prophètes ; le quatrième,
un commentaire sur saint Matthieu et sur
plusieurs épîtres de saint Paul, les lettres
du saint docteur et des traités contre divers
hérétiques. On a mis dans le cinquième les
ouvrages supposés à saint Jérôme, et plu -
sieurs pièces qui servent à l'histoire de sa
vie.
Les critiques protestants, comme Daillé,
Barbeyrac et leurs copistes, ont fait diffé-
rents reproches à ce Père de l'Eglise. Ils di-
sent d'abord qu'il a écrit avec trop de préci-
pitation; mais il faut juger du mérite de ses
ouvrages par ce qu'ils renferment, et non
par le temps qu'il a mis à les l'aire. Un
homme aussi laborieux que saint Jérôme,
et aussi instruit , est capable de faire de
bons livres et en peu de temps.
On dit qu'il a eu trop d'estime pour la vie
solilaire , pour la virginité , pour le célibat ;
qu'il a parlé trop désavantageusement des
secondes noces. La question est de savoir
si, sur ces différents chefs, il n'a pas mieux
pensé que les protestants et que les incré-
dules ; il eu jugeait d'après les livres saints
qu'il avait beaucoup lus et qu'il possédait
49
JER
JER
KO
très-bion : ses accusateurs en parlent d'après
louis préjugésetleurs préventions. 11 est accu-
sé d'avoir manqué de modération envers ses
adversaires, d'avoirécritc-ontre cuxd'uiistyle
vif, enijiorté, et souvent indécent. On ne peut
pas disconvenir de la vivacité excessive de
saint Jérôme ; mais (piaud l'opiniâtreté des
liérétii}ui's à l'attaquer ne pourrait pas lui
servir d'excuse, il laudrait encore l'aire plus
d'attention aux choses qu'au style, laisser
de côté les expressions trop vives, et ai»-
prouver la doctrine. 11 y a de l'injustice à
exiger qu'un saint soit exempt des moin-
dres défauts de l'humanité. Il a changé, dit-
on do sentiment suivant les circonstances.
11 en a plutôt changé selon le progrès de ses
coiuiaissances : preuve qu'il cherchait sincè-
rement la vérité, et qu'il n'hésitait pas de
se corriger lorsqu'il reconnaissait qu'il s'é-
tait trompé.
Daillé a fait grand bruit sur un passage de
ce saint docteur, Epist. 50 ud Pammacli., où
il dit ([ue, quand on disiiute, on ne dit ])as
toujours ce que l'on pense, que l'on cherciie
<i vaincre l'adveisaire | lar la ruse autant que |)ar
la force. 11 est clair (pie sai)U Jérôme veut par-
ler de l'usage que l'on fait, dans la dispute,
des arguments personnels tirés des prin-
cipes de l'adversaire qu'on réfute. Ces argu-
ments ne sont [las toujours conformes au sen-
ment de celui qui s'en sert ; mais ils. sont
légitimes et solides, puis(pi'ils démontrent
que l'adversaire n'est pas d'accord avec lui-
même. 11 en est de même lorsqu'un adver-
saire prouve mal un fait ou une opinion qui
peuvent être vrais ; on attacpie ses arguments,
quoique, sur le fond, l'on jiense comme lui.
Ce sont des ruses, sans doute, mais ruses
lrès-}»ermises, dont on n'a jamais fait un
crime à personne. Les censeurs mêmes de
saint Jérôme en ont souvent employé qui sont
moins honnêtes; ce n'eu est[ias une fortloua-
lile de donner un sens ciimuiel à un passage,
lorsqu'il peut avoir un sens trè>.-iniioceut.
Le saint docteur, en commentant les jia-
roles de Jésus-Christ [Matth. c. v, v. 34),
défend, comme le Sauveur lui-même, de ju-
rer dans le discours ordinaire ; de là 15ar-
beyrac conclut qu'il condamne le serment en
général et sans distinction.
Sur saint Matthieu, c. xvii, v. 26, saint
Jérôme fait rem.irquei' que Jésus-Christ a
[)ayé le triLmt îi César, ahn d'accomplir toute
justice. Il ajoute : Malheureux que nous
sommes I nous iioi tons le nom du Christ,
et nous ne payons aucun trilnit. Barbeyrac
soutient que saint Jérôme défend aux chré-
tiens de payer les tr'ibuts.
Dans Sun Commentaire sur Jouas, saint Jé-
rôme n'a pas voulu condamnei' les femmes
ciircliennes qui se sont donné la mort plu-
tôt (jue do laisser violer leur cliasteté; son
censeur on conclut que ce Père approuve
le suicide en pareil cas.
Comme saint Jérôme a écrit avec beau-
coup i.e chaleur contre Jovinien (jui ne fai-
sait aucun cas de la virginité, et contre Vi-
gdance qui condamnait le culte des reliques,
011 sent bleu qu'un protestant no peut pas
pardonner ces deux traits à un Père de l'E-
glise ; aussi Barbeyrac s'emporte contre lui,
et déclame de toutes ses forces. Traité de la
Morale des Pères, c 15. Tel est le génie des
protestants. Saint Jérômc\es a condamnés et
réfutés d'avance : donc ils ont droit eux-
mêmes de le condannier; mais l'Eglise a
suivi la doctrine de saint Jérôme, et elle a
réprouvé la leur.
Ce n'est pas la peine do répondre en dé-
tad aux reproches de Barbeyrac : les uns
consistent à ilonner pour des erreurs, des
vérités (|ue nous professions encore ; les au-
tres ne sont ffue de fausses conséquences et
de fausses interprétations de la doctrine de
ce saint prêtre. Un autre critique protestant,
beaucoup plus instruit , a poussé encore
plus loin la fureur. Le Clerc, en colère contre
D. Martianay, éditeur des ouvrages de saint
Jérôme, et déterminé à le contredire eu
toutes choses, a fait retomber son ressenti-
ment sur le saint docteur. Il a publié, en 1700,
un livre intitulé : Quœstiones hicronymianœ,
oh, sous prétexte de relever les fautes de
l'éditeur, il cherche à ruiner toute l'estime
que l'on peut avoir pour saint Jérôme ; il
soutient, Quœst., p. 7, que tout son mérite se
réduit au talent de déclamer ; qu'il n'a eu
qu'une connaissance très-médiocre de l'hé-
breu et du grec ; qu'il n'avait fait qu'effleu-
rer la théologie et les autres sciences, qu'il
n'avait rien d'original dans l'invention, ni
d'exact dans la méthode; que pour peu que l'on
connaisse la dialectique, on ne trouve dans ses
raisonnements qu'une vaine enllure et des
exagérations de rliélorique, sans aucune force
et sans jugement. 11 pense que si Erasme lui a
donnédes louanges sur ce point, ç'aétéatin de
faire valou" sou édition, et pour se réconci-
lier avec les moines. Tout le livre de Le
Clerc est employé à prouver les différentes
accusations; et il faut convenir que si la
malignité, les interprétations fausses, les
principes hasardés en fait de grammaire et
d'étymologies hébraïques, les intérêts de
sectes et de parti, peuvent tenir lieu de
preuves. Le Clerc est venu parfaitement à
bout de son dessein.
Richard Simon, autre censeur très-témé-
raire, a do même attaqué D. Martianay avec
beaucoup d'aigreur, et s'est répandu en in-
vectives contre les moines, dans des lettres
critiques imprimées en 1699; mais il a parlé
do saint Jérôme avec beaucoup plus de res-
pect que Le Clerc. Nous ignorons si le père
Villarsi, dans son édition de 1738, a suivi un
meilleur ordre que D. Martianay, et s'il a sa-
tisfait aux 1 eproches des deux critiques dont
nous venons de parler.
JERONYMITES, nom de divers ordres
ou congrégations de religieux, autreiuent
appelés ermites de saint Jérôme, parce qu'ils
ont cherché à rendre leur manière de vivre
conforme aux inslructims de ce saint doc-
teur. Ceux d'Espagne doivent leur naissance
au liers ordre do saint François, dont les
premiers jéronymites étaient membres. Gré-
goire Xlajjprouva leur congrégation l'an 1374;
il leur donna les constitutions du couvent
SI
JER
JER
Bi
de Sàinte-Marie-du-Sépulcre , avec la règle
de saint Augustin ; pour Iwbit une tunique
de drap blanc, un scapulaire de couleur
tannée, un petit capuce et un manteau de
pareille couleur, le tout sans teinture, et de
vil prix.
Ces religieux sont en possession du cou-
vent de Saint-Laurent de i'Escurial, où les
rois d'Espagne ont leur sépulture, de celui
de Saint-Isidore de Séville, et de celui de
Saint-Just, dans lequel Charles-Quint se re-
tira lorsqu'il eut abdiqué la couronne im-
périale et celle d'Espagne. Il y a encore
dans ce royaume d'autres religieux jérony-
mites, qui furent fondés sur la tin du xv° siè-
cle ; Sixte IV les mit sous la juridiction des
anciens jér ony mit es, et leur donna les con-
stitutions du monastère de Sainte-Marthe de
Cordoue ; mais Léon X leur ordonna de
prendre les premières, dont nous venons de
parler. Ainsi ces deux congrégations furent
réunies.
Les ermites de saint Jérôme de l'obser-
vance de Lombardie ont pour fondateur
Loup d'Olmédo, qui les établit, en 1424,
dans les montagnes de Cazalla, au diocèse
de Séville ; il leur donna une règle composée
des instructions de saint Jérôme, et qui fut
apiirouvée parle pape Martin V. Ces jérony-
mitcs furent dispensés de garder la règle de
saint Augustin.
Pierre Gambacorti, de Pise, fonda la troi-
sième congrég-'îtion des jéronymites, vers
l'an 1377. Ils ne Ihcnt qu^ des vœux simples
jusqu'en 1568; alors Pie V leur onionna de
faire des vœux solennels. Ils ont des mai-
sons en Italie, dans le Tyrol et d«ns la
Bavière, et ils sont au nombre des ordres
mendiants.
La quatrième congrégation âe jéronymites,
dite de Fiésoli, commença l'an lâGO. Charles
de Monte Granelli, de la maison des comtes
de ce nom, se retira dans la solitude, et
s'établit d'abord à Véronne, avec quelques
compagnons qu'il rassembla. Cettu congré-
gation fut mise, par Innocent VII, sous la
rè,j;le et les constitutions de saint Jérôme;
mais en 1441, Eugène IV leur donna la règle
de saint AugUiliii. Comme le fondateur
était du tiers ordre de saint François, il en
garda l'habit; en 14C0, Pie II permit à ceux
qui voudraient de le quitter, ce qui occa-
sionna une division parmi eux ; mais en
1668 Clément IX supprima entièrement cet
ordre, en l'unissant à la congrégation du C.
Pierre Gambacorti.
JÉRUSALEM (Eglise de). Il est dit dans
les Actes des apôtres, que cinquante jours
après la résurrection de Jésus-Christ, les
apôtres reçurent le Saint-Esprit ; que saint
Pierre, en deux prédications, convertit à la
toi chrétienne huit mille hommes, et que ce
nombre augmenta de jour en jour. Quel-
<jucs années ai)rôs , les anciens de cette
Église dirent à saint Paul : '< Vous voyez,
mon frère, combien de milliers de Juifs
croient eu Jésus-Christ. » Ce fait est con-
firmé par Hégésippe, auteur du ii* siècle ;
par Gelsc, qui reproche aux Juifs convertis
de s'être attachés à un homme mis à mort
depuis peu de temps ; dans Origène, 1. ii,
n. 1, 4, 46; et par Tacite, qui dit que le
christianisme se répandit d'abord dans la
Judée, où il avait pris naissance, Annal., 1,
XV, n. 44.
L'on commença de bonne heure à dis-
puter dass cette Eglise; les apôtres s'y as-
semblèrent vers Fan 51, pour décider que '
les gentils convertis n'étaient pas tenus à
garder la loi do Moïse. Les ébionites pré-
tendireiit que Jésus était né de Joseph;
Céiinlhe nia sa divinité ; d'autres la réalité
de sa chair ;'saint Paul et saint Jean réfu-
tent ces erreurs dans leurs lettres. L'exis-
tence d'une Eglise nombreuse à Jérusa-
lem, avant la destruction de cette ville, ou
avant l'an 70, est donc incontestable.
Mais si la résurrection de Jésus-Christ,
ses miracles H les autres faits publiés par
les apôtres, n'avaient pas été indubitables,
ces prédicateurs auiaient-ils ju faire un si
grand nombre de prosélytes sur le lieu
même où tout s'était passé, dans un temps
où ils étaient environnés de témoins ocu-
laires, et de sectaires qui étaient intéressés
aies contredire.
Pour expliquer naturellement la naissance
et les progrès du christianisme, les incré-
dules modernes sup|)osent que les apôtres
ne prêchèrent d'abord qu'en secret et dans
les ténèbres; qu'ils ne comn:encèient à se
montrer au grand jour que quand ilï furent
assez foi ts pour intimider les Juifs, et qu'a-
lors on ne pouvait plus les convaincre d'im-
posture, parce que les témoins ne subsis-
taient plus. C'est une supposition fausse.
Le meurtre de saint Etienne et de saint
Jacques, l'emprisonnement de saint Pierre,
le tumulte excité par les Juifs contre saint
Paul, les disputes qui régnèrent parmi les
Juifs convertis, et qui donnèrent lieu au
concile de Jérusalem, etc., prouvent que la
prédication des apôtres lit d'abord be.iucoup
de bruit, et fut connue de tout Jérusalem ;
que la rapidité de leur succès étonna les
chefs de la nation juive ; que ceux-ci-n'o-
sèrent traiter les apôtres comme ils avaient
trait ' Jésus-Christ lui-même. — Il est donc
incontestable que les faits sur lesquels les
apôtres fondaient leurs prédications, et qui
sont la base du christianisme, ont été haute-
ment publiés d'abord, et poussés au plus
haut point de notoriété, sur le lieu même
où ils se sont passés, et sous les yeux des
témoins occulaires; que ceux même qui
avaient le ])lus d'intérêt de les contester
n'ont pu y rien opposer; que ceux qui les
ont crus étaient invinciblement persuadés de
la vérité de ces faits.
Dès l'origine, la communauté des biens s'é-
tablit parmi les fidèles de Jérusalem ; mais au
mot CoMMuwuTÉ DE BIENS, iious avousfait
voir (]u'e]le consistait seulement dans la libé-
ralité avec laquelle c!iacun d'eux poiu-voynit
aux besoins des autres ; nous savons que la
même charité mutuelle a régné dai's \cs
autres Eglises : (juant à la coruiuu'.iauté do
bieus prise en rigueur, ^a ne peut uas m'oa
«5 iER
vi;r qu'elle ait été établie nulle part. C'est
tlouc mal à propos quo les incrédules ont
écfit que c'était là une des princi|)ales causes
de la propagation rapide du cliristianisme.
Quand elle aurait eu lieu à Jérusalem, en
quoi aurait-elle influé sur la conversion des
peuples de l'Asie mineure, de la Grèce ou
ds l'Italie? La charité héroïque qui a été
pratiquée par tous les chrétiens dans tous
les lieux, môme envers les païens, a fait des
prosélytes sans doute, les Pères de l'Eglise
en déposent ; nous ne pensons pas que ce
motif de conversion fusse déshonneur à
notre religion. Voy. Christianisme.
II y a plusieurs contestations entre les
théologiens catholiques et les protestants,
au sujet de l'assemblée tenue à Jérusalem
par les apôtres vers l'an 51, de laquelle il
est parlé, Act., c. xv. Il s'agit de savoir si
ce fut un vrai concile, si les prôtres et le
peuple y eurent voix délibérative, quel fut
l'objet de la décision, si ce fut une loi per-
pétuelle et qui devait durer toujours.
Déjà, au mot Concile, nous avons prouvé
que rien ne manquait à cette assemblée
pour mériter ce nom, puisqu'il s'y trouvait
au moins trois apôtres, dont l'un était évo-
que titulaire de Jérusalem, jilusicurs disci-
ples qui participaient à leurs travaux, et que
saint Pierre y présidait. Il n'était pas né-
cessaire que tous les apôtres et tous les
pasteurs qu'ils avaient établis, fussent ap-
pelés : chacun îles apôtres avait reçu de
Jésus-Christ et du Sauit-Esprit le droit de
faire des lois pour le gouvernement de l'E-
glise [Matth., c. XIX, v. 28); à plus forte
raison avaient-ils ce droit, lorsque plusieurs
étaient réunis 5 leur chef. Mosheim, qui a
discuté cette question, convient que c'est
ua« dispute de mots. Insl. llUt. christ., p.
2G1. Le décret de ce concile fut donc une
véritable loi qui obligeait tous les lldèles ;
non-seulement il concernait la disciplini^
mais il décidait un dogme ; savoir, quo les
gentils convertis n'étaient |)as obligés, pour
6tro sauvés, à observer la circoncision ni
les autres lois cérémonielles des Juifs; qu'il
leur suflisait d'avoir la fui ; et l'on sait que,
par /o /oi, les apôtres entrudaient la sou-
mission à la morale de Jésns-Christ, aussi
bien qu'au reste de sa doctrine. Qtioique
ci'tte décision ne fût adressée qu'aux gen-
tils convertis d'Antioche , de Syrie et de
Cilicie, elle ne regardait pas moins les autres
Eglises , puisque saint Paul enseigna la
même doctrine aux Galales. D'oii il s'ensui-
vait que, s'il était encore permis aux juifs
d'observer leur loi cérémouielle, ce n'était
plus comme une loi religieuse, mais commo
une simple police.
lui second lieu, il est dit [Act. c. xv , v. 6
et 7) que les apôtres et les prêtres ou an-
ciens s'assemblèrent pour examiner la ques-
tion, que l'examen se ht avec soin; v. 22,
qu'il plut aux aiiôtres, aux anciens ou prê-
tres, et à toute l'Eglise, d'envoyer des dé-
nutés porter cette décision à Àntioche : do
îà les protestants ont conclu que les prêtres
et le peuple eurent voix délibérative dans
JER
hk
ce concile, qu'ils auraient drt l'avoir de même
dans tous les autres; que c'a été dans la
suite une usurjiationde la part des évôipjes,
de s'attribuer ce droit exclusivement; qu'en
cela ils ont perverti l'ordre établi par les
ajiôtres, qu'ils ont changé en aristocratie un
uouverncment qui, dans son origine, était
uénmcratique.
Aux mots EviîiQUE, Hiérarchie, etc., nous
avons prouvé le contraire, et le chapitre
même que l'on nous objecte, le conlirnie.
Les ])rêtres ni le peuple ne parlent point
dans cette assemblée, on no demande point
leur suiïrage : il est'dil au contraire, v. 12,
que la mullilude se lut. Leur présence ne
prouve donc point qu'ils y assistaient en
qualité de juges ou d'arbitres, mais seule-
ment comme intéressés à savoir ce qui
serait décidé. Lorsque tes magistrats pro-
noncent un arrêt à l'audience, on ne s'avise
pas de dire que c'est l'ouvrage des avocats et
des auditeurs.
Basnago a cependant soutenu quo le con-
cile de Jérusalem est le seul œcuméiiiipie (]ue
l'on ait pu tenir; ipie si on le preuail pour
règle et jjour modèle des autres, il faudrait
quo les apôtres y présidassent, (|u'ils fussent
composés de tous les évê(pies de l'Kgliso
chrétienne, quo les prêtres et le peuple
eussent iiart aux décisions. Histoire de l'E-
glise, 1. X, c. 1, § 3. 11 aurait été bien em-
barrassé de faire voir en ([Uni consistait la
part que les prêtres et le peuple eurent
à la décision du concile do Jérusalem. Les
évê(jues sont les successeurs des apôtres;
ils ont donc hérité du droit de tenir des
conciles; il n'est pas plus nécessaire que
tous y assistent, qu'il ne l'a été que tous les
apôtres fussent présents au concile de Jéru-
salem. Fo y. Concile. Les protestants veulent
persuader que les ajtôtres n'avaient le droit
de juger et de faire des lois, que parce
qu'ils avaient reçu ■ le Sainl-Esprli; mais
longtemps aujiaravant Jésus-Christ leur avait
dit : Vous serez assis sur douze sièges pour
juger les trihus d'Israël {Mullh. c. xi\,v. 28).
En troisième lieu, le concile enjoint aux
fidèles de s'abstenir de /c(soM(7/i<re(/M ù/o/cs-,
ou des viandes immolées aux idoles, du
sang, des viandessull'oquées et de hxfornica-
tion (Act. c. XV, v. 20 et 29). Il n'est aucun
de ces termes sur le sens duquel les com-
mentateurs n'aient disputé. Spencer a fait ii
ce sujet une assez longue dissertation, de
Legib. Hebr. rituatib., 1. ii, p. 'i-3a. Après
avoir rapporté les divers sentiments, il est
d'avis qu'il faut prendre les termes dans le
sens le plus naturel et le plus ordinaire ;
que par la souillure des îrfo/f.<;, il faut enten-
dre tous les actes d'idolâtrie : or, c'en était
un de manger des viandes immolées aux
idoles, soit dans leur temple, soit ailleurs,
soit a'iirès un sacritice, soit dans un autre
temps; d'invoquer les dieux au commence-
ment ou à la tin du repas, de faire des liba-
tions k leur lionneur , etc. Ces pratiques
étaient familières aux païens ; c'est pour cela
que les Juifs évitaient de manger avec eux.
S'abstenir du sang n'est point s'abstenir du
SB
1ER
JEP.
S6
raeurtre, mais éviter de manger le sang des ^
animaux, par conséquent les viandes suffo-
quées dont le sang n'a pas été versé. La
fornication est le commerce avec une pros-
tituée, commerce que les païens ne mettaient
pas au rang des crimes.
Quoique le décret du concile de Jérusa-
lem semble mettre toutes ces actions sur la
même ligne, il ne s'ensuit pas, dit Spencer,
que l'idolâtrie et la fornication soient en
elles mêmes aussi indifférentes que l'usage
du sang et des viandes suffoquées ; les deux.
premières sont défendues par la loi naturelle,
le reste ne l'était que par une loi positive,
relative à la police et aux circonstances.
Mais tout cela est joint ensemble, parce que
c'étaient autant de signes, de causes et d'ac-
compagnements de l'idolâtrie ; cet auteur le
prouve par des témoignages positifs. Telle
est, selon lui, la principale raison de la dé-
fense portée par les apôtres ; la seconde
était l'horreur gue les Juifs avaient pour
toutes ces pratiques, et qui les détournait
de fraterniser avec les gentils; la troisième
était la nécessité d'écarter de ceux-ci toute
occasion de retourner à leurs anciennes
mœurs.
En quatrième lieu, cette loi a été souvent
renouvelée dans la suite ; elle se trouve dans
ies Constitutions apostoliques, 1. vi, c. 12;
dans le deuxième canon du concile de Gan-
gres, dans le concile in Trullo, dans une loi
de l'empereur Léon, dans un concile de
Worms, sous Louis le Débonnaire : dans
une Lettre du pape Zacharie à Varcherêque
de Mayence, et dans plusieurs Pénitentiaux.
€ette. discipline est encore observée chez les
Ethiopiens ; elle l'a été en Angleterre jus-
qu'au temps de Bède. C'est ce qui a déter-
miné plusieurs savants protestants à soute-
nir qu'elle n'aurait jamais dû être abrogée,
puisqu'elle est fondée sur l'Ecriture sainte et
sur une tradition constante : Notre coutume,
disent-ils, de manger du sang scandalise
non-seulement les Juifs et les Grecs schis-
matiques, mais encore un grand nombre
d'hommes pieux et instruits. Mais il est évi-
dent que les deux raisons principales pour
lesquelles cette loi était établie ne subsistant
plus, elle no doit plus avoir lieu, et que
ceux qui se scandalisent de l'usage contraire
ont tort. Si les Juifs et les Grecs se faisaient
catholiques, ils seraient les maîtres de s'abs-
tenir du sang et des viandes suffoquées,
î)ourvu qu'ils ne le fissent pas par un motif
superstitieux. La tradition que l'on nous
oppose n'a pas été aussi constante qu'on le
prétond, puisqu'au iV siècle, du temps de
saint Augustin, cette abstinence n'était déjà
plus observée dans l'Eglise d'Afrique. Saint
Augustin, contra Faust., 1. xxxJl, cap 1.3.
Des raisons locales l'ont tenue en vigueur
plus longtemps dans le Nord de l'Europe,
parce que le christianisme n'y a pénétré
qu'au vii° siècle et dans les suivants, et que
les mœurs grossières des païens convertis
exigeaient cette précaution. Tout cela |)rouvc
que c'est h l'Eghsc qu'il appartient déjuger
do la discipline qui convient dans les temps
et les lieux différents. Quant aux protestants,
qui veulent décider de tout par l'Ecriture
sainte, c'est leur affaire de dire pourquoi
ils ne' gardent pas une loi qu'ils y voient en
termes formels.
'Jérusalem (Destruction de). La ville de Jérusa-
lem, l'objet de la prédilection de Dieu, se montra
ingrate et mérita d'être punie. Jamais punition ne
fut plus éclatanie; aucune preuve en faveur de la vé-
rité de notre religion n'est plus visible que celle-ci.
Nous empruntons à Keith cette preuve inattaquable
qui déposera dans tous les siècles en faveur de notre
foi.
I Les instruments ne manquent jamais pour l'exé-
éûtion des desseins de Dieu ; de même, quand cela est
nécessaire pour la conlirmation de sa parole, il ne
manque point de témoignage pour attester que ses
desseins déclarés ont reçu leur pleine exécution.
L'histoire n'offre rien de pareil au siège et à la des-
truction de Jérusalem, et aux malheurs que ses habi-
tants se sont infligés et ont attirés sur eux par leur
sauvage barbarie et leur résistance obstinée. 11 n'est
point de ville ni de pays dont la destruction, la dé-
vastation et les malheurs soient conservés dans un
détail aussi clair et aussi authentique. Josèphe, qui
était juif lui-même et témoin oculaire des faiits qu'il
rapporte, donne un récit circonstancié de toute la
guerre ; d'où il résulte une preuve complète et évi-
dente de la vérité de ce qui a été prédit par Moisf et
les prophètes, et aussi de tout ce que le Christ, dans
une vision plus claire, et jusqu'à jeter ses disciples
dans l'étonnementetle trouble, a révélé explicitement
par rapport au sort qui attendait prochainement cette
coupable cité. Les écrivains païens aussi mentionnent
une multitude de faits.
i Les prophéties de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment relatives au siège et à la destruction de Jéru-
salem, sont si nombreuses, que pour les insérer ici
tout au long, il faudrait plus d'espace que nous n'en
pouvons consacrer à la considération même du sujet.
Le lecteur peut les voir telles qu'on les trouve dans
la parole écrite, les Ecritures (Lev. xxvi, 14, etc. ;
Deul. xxviii, 15, etc. ; Is. xxix, 1, etc.; Eiech. vi,
vu; Jer. xxvi, 18; Mich. m, 12; Mallh. xxi, 55,
etc.; xxu, l-7;xxiv; Marc, xni; Luc. xx, 9-19 ;
XXI, xxiii, 27-51 ). Leur signification ne demande
pas d'autre exposition. Oulre les prédictions littéra-
les, on trouve encore dispersées çà cl là dans l'Evan-
gile de fréquentes allusibns à l'aboliiion de la loi de
Moïse et au dernier bouleversement de la république
des Juifs.
€ Un peuple d'une altitudemenaçante, d'une langue
inconnue, et aussi rapide que le vol de l'aigle, devait
s'avancer d'une terre lointaine contre les Juifs, pour
les dépouiller de tous leurs biens, pour les assiéger
dans toutes leurs villes et renverser leurs murailles
hautes et fortiliées. Il ne devait reiîter de tout le peu-
ple qu'un petit nombre d'hommes ; ils devaient être
massacrés sous les yeux de leurs ennemis ; l'orgueil
de leur puissance devait être brisé, leurs villes de-
vaient être dévastées ; eux-inènics ils devaient être
détruits, réduits à rien, arrachés de leur patrie, ven-
dus comme esclaves, et tomber dans un tel iiK'pris
que personne n'en voudrait acheter. Leurs hauts
lieux devaient être frappés de désolation, et leurs
ossements dispersés autour de leurs autels. Jérusalem
devait être environnée de toutes parts, et entourée
de lignes de circonvallation ; on devait élever des
forts contre elle ; elle devait être labourée comme un
champ de terre, devenir un monceau de décsmbres,
et être frappée d'une ruine totale. Le glaive, la fa-
mine et la peste devaient concourir à leur destruc-
tion.
« Les Juifs vécurent sans crainte de ces terribles
jugements de Dieu tant qu'ils furent en paix, et ne
voulurent point écouter la voix de Jésus. Ils ne vou-
67
JER
1ER
88
laient point avoir d'autre roi que César, et ils se rfr-
posaient sur reiupirc romain de la sécurité de leur
pairie. Mais celui qu'ils avaient rejeté lit voir que
Dieu les avait aussi rejelés eux-niènies, qu'ils com-
blaient la mesure de leurs pures, et que tous les ar-
rêts de la justice divine qui avaient autrefois été
prouoncés contre eux, et d'autres encore que leurs
pères n'avaient point eulendus, se feraient sentir à
plusieurs d'entre eux, et ([ue quelques-uns de ceux qui
vivaient alors en seraient les témoins. Et l'homme de
douleurs donl Icvisaye était endurci comme une pierre
très-dure contre les souflVances inouïes qu'il eut à
endurer, et qui ne versa pas une larme pour son pro-
pre conque, lut louché de compassion, sou cunu' s'a-
mollit et fut saisi d'altendrissenient, coiniue le serait
un enfant, à la vue des grands crimes de sa nation el
des malheurs qui étaient près de fondre sur cette cité
criminelle, inq)énitente et maudite : Et voyant Jéru-
salem, il pleura sur elle.
< Trente-six ans expirés entre la mort du Christ et
la ruine de Jérusalem; la mort, antérieure à cet évé-
nemeiU, de deux au luoius des évangélistes (pii rap-
portent les prophéties qui y sont relatives; la manière
dont les prédictions et les allusions (pii concernent
les destinées de Jérusalem sont mêlées au récit évau-
géliquc; l'avertissemenl donné aux disciples du Christ
de se soustraire aux malheurs ipii étaient près de
fondre sur leur patrie, et l'annonce qui leur est l'aile
des signes (jui leur eu feront connaiticî l'approche ; la
frayeur qu'inspirait à quehines-uns des premiers con-
vertis à la foi chrétienne la persuasion que le jour du
jugement était proche, et qui avait pour source la
coimexiou intime ([ui existe euli<^ les prophéties con-
cernant la ruine de Jérusalem et celles qui sont rela-
tives au second avènement du Christ et à la. lin du
monde (tontes choses dont ses disciples lui avaient
demandé la révélation); rassenlimcnl unanime de
l'antiiiuité à la première prédication de l'Evangile;
et la vérité constante des prophéties, coutinuani en-
core à se manifester dans l'état présent de Jérusalem,
qui est foulée par les pieds des gciitils, fournissent
Une preuve aussi complète qu'on peut l'imaginer, que
toutes ces prédictions ont été faites avant l'événe-
ment.
« Il ne saurait y avoir de coïncidence plus étroite,
par rapport aux faits, (|iie celle qui existe entie les
rédi<Jtions de Jésus et le récit de l'historien juif. Eh
ien! connue le lecteur le verra dans la suite, cette
coïncidence n'eslpasplusclaireiiue cellequi se trouve
entre le témoignage des incrédides modernes et les
prophéties qui ont rapport à la désolation passée et
présente de la Judée.
I Des guerres, des bruits de guerre, des commo-
tions, les nations se souh'vant contre les nations, et les
royaumes contre les royaumes, des famines, des pes-
tes et des tremblements de terre en divers lieux : tels
sont les plus graiuls de tous les malheurs temporels
que redoutent les humains. Ce n'était cependant là
que le commencement des afiliclions et les avant-
coureurs de maux plus 'affreux encore. Il apparaîtra
beaucoup de faux christs qui séduiront beaucoup de
monde. Les disciples de Jésus seront persécutés, af-
fligés, euq)risoimés, haïs de toutes les nations, et
conduits, pour l'anioiir de son nom, devant les gou-
verneurs ot les rois, et beaucoup d'entre eux seront
mis à mort. L'iniquité abondera, et la charité se re-
froidira dans le cœur de beaucoup; toutefois l'Evan-
gile du royaume sera prêché dans tout l'univers.
L'abomination de la désolalion sera vue dans le lieu
où elle ne doit pas être. Jérusalem sera de toutes
parts environnée par les armées, elle sera entourée
d'une tranehee et les habitants enveloppés de tons
Côtes. Il y aura aussi d'horribles fantômes et de grands
signes dans le ciel; et à ces signes on recoiinailra
que la ruine de Jérusalem est pioche. La tene sera
frappée d'une grande détresse, et le peuple sentira
les coups d'une grande colère : la Iribulation sera
l
telle qu'il n'y en eut et qu'il n'y en aura jamais de
semblable. Les Juifs tondicront sous les coups du
glaive ; ce qu'il en restera sera mené en captivité chez
toutes les nations; du tenqile et de Jérusalem' îUe-
mème il ne restera pas picne sur pierre, et elle sera
foulée par les pieds des gentils jus(iu'à ce que le temps
des gentils soit accompli.
« Ces prophéties ont été faites dans un temps depar-
faile paix, et cependant elles ont été accomplies avant
qu'il se ftit écoulé une génération. Les séductions qui
furent mises en œuvre par de faux christs, on pré-
tendus prophètes, occasionnèrent quelques-unes des
premières commotions, qui bientôt s'éteiulirent sur
toute la Judée. Chaque ville, en Syrie, devint le théâ-
tre d'une guerre civile. Les Juifs furent excités ii la
révolte par les iiulignités et les oppressions auxquelles
ils furent en butte sous l'Iorus, gouverneur romain.
Enlin ils se révoltèrent ouvertement contre les Ko-
mains. Ces guerres el ces bruits de guerre et ces coni-
nu)tions ne furent pas restreinlesi» la Syrie. A Ali xan-
drie, cin(puuUe mille Juifs furent massacrés d'une
seule fo'is. L'Italie éprouva de si fortes convulsions,
que, dans le court espace de deux ans, quatre enqie-
reurs souffrirent la mort. Il y eut des pestes et des fa-
mines, une grande uu)rtalité à Babylonc et à Rome et
en divers lieux, d(^ grands Ireinbleunuits de terre (pii
renversèrent différentes villes. L'oidede ta nature,
dit Josèpho,t'7ni(()ui(/«Dcrs(!; et il y ai ail des prépayes
de vialheurs non ordinaires. Il y avait des signes et
d'horribles fantômes capables d'ell'raycr les pins har-
dis. L'iniquité abondait, el nuime la foi et la charité
chrétienne s'aflaiblissaient. Le nom de chrélien de-
vint im signal de persécution el une marque de haine.
Les chrétiens étaient conduits devant les gouverneurs
et les rois. Paul, abandonne par de faux licres, com-
parut seul devant Néron. Les corps des chrétiens,
couverts de matières cond)ustibles, éclair rent les
rues de Rome. Mais, ([uoiipie les disciples de Jésus
fussent haïs, persécutés, emprisonnés, allligés, battns
de verges, et un grand nombre d'entre eux massa-
crés, brùléi ou cruciliés, l'Evangile du royaniue n'en
était pas moins prêché de l'Espagne jusqu'à l'Inde, et
publie dans tout le monde. Ils portaient à la mort le
triomphe de leur foi, mais dans les jugements de Dieu
contre Jérusalem, il ue périt pas un cheveu de leurs
tètes. Le dernier signal avait élé donné : les ensei-
gnes idolâtres des Uomains couvraient la Judée : Jé-
rusalem était toute environnée d'armées. Ces armées
se retirèrent enciu'c pour un temps. Beaucoup de
personnes alors s'enfuirent de la ciié. Les chrétiens
avertis d'avance, comme le lapporte Eusèbe, se ré-
filgièrent à Pella, dans les montagnes; mais une mul-
titude d'autres personnes qui étaient montées à Jé-
rusalem pour la fête de Pinpies, ou qni s'y réfugiaient
pour nuHlre en sûreté, au moins pour im tenqts, leurs
vies et leurs propriétés, se réunit dans l'euceinle des
murs de la ville. Quand donc le peuple du prince fut
venu (Vespasien qui lut (du empereur de Rome pen-
dant (ju'il était dans la Judée), il n'y eut plus aucim
moyen d'évasion. La ville et le sanctuaire étaient sur
le point d'être détruits, et le jour du la colère du
Seigneur était venu sur Jérusalem.
« Jésus ayant été crucifié. César renié, et le sceplre
étant échappé de leurs mains, les Juifs se trouvaient
sans chef et sans roi, quand les conquérants du
monde vinrent aussi conquérir celle nation <|ui s'é-
tait nmntrée rebelle contre Dieu et contre le> hom-
mes. Les brigamls qui s'étaient réunis pai' bandes au
milieu des troubles précédents, et restaient cantiui-
nés dans les montagnes de Judée, ne trouvant point
d'abri contre la puissance des Romains, acconrureut
eu foule à Jérusalem, et conjointement avec les zé-
lateurs el une populace anarchique, y eiercèrent
leur domination. Le pillage, le massacre et la des-
truction furent aussi leur ujnvre. Les provisions
connuuncs, amassées pour soutenir le siège, furent
pillées et brûlées. Les factions étaient aux prises
69
JËR
JER
CO
Tune avec Tautre, et le sang de milliers de Juifs était
versé par leurs propres frères. Les coinbals n'étaient
ni moins fi cqnenis ni moins rigoureux avec les en-
nemis du dehors qu'avec ceux du dedans. Les prêtres
ciaieni massacrés à l'autel, et leurs os dispersés aux
.ilcntours. Enfin le pouvoir resta entre les mains des
brigands, ou zélateurs, sans leur être désormais con-
testé. Mais la famine bientôt exerça ses ravages sur
tout le monde sans distinction. On fouilla dans les
égoùts pour y chercher des alijnents; on rongea les
ceintures, les souliers et le cuir des boucliers. Les
imniomlices les plus dégoûtantes étaient dévorées
avec avidité. Les corps des faméliiiucs londjaient
morts dans les rues. Mais le fait le plus épouvanta-
ble, qui bientôt devint notoire, et dont la découverte
frappa d'norreur toute la ville en proie ii la souf-
france, et les assaillants même d'élonnement et de
rage, c'est une lemine autrefois riche et noble, qui
tue, rôtit et mange son propre enfant encore à la
mamelle. Ceci montre avec quelle vérité i)rophétique
et quelle juste compassion Jésus avait déploré te mal-
heur des mères qui ullaileraient dans Ctis jours , fait
dont Moïse, quinze cents ans auparavant , avait dé-
crit toutes les circonstances {Deut., xxiii, SC, etc.),
et dispense le cœur le plus insensible de chercher
d'autres lémoiguages d'une tribulation si grande,
qu"il ne saurait y en avoir de pareille. Cependant les
Juifs , transportés de fureur, quoiqu'ils perdissent
tout espoir d'un secours divin, à la nouvelle d'une
action si monstrueuse et si contraire à la nature, ne
voulurent pas se rendre. Ils ne voulaient entendre
parler d'aucun accouimodement. Afl'aiblis par leurs
assauts désespérés, les Romains élevèrent un nmr et
envii onnèrent la ville de tous côtés. Crucifiez-le, cru-
cifiez le! tel avait été autrefois leur cri et celui de
leurs pères, qui appelaient ainsi avec iniprécaiion le
sang de Jésus sur cux-nnnies et sur leurs enlanls ;
et assurément il était retombé sur eux. Ceux qui
fuyaient la famine étaient arrêtés comme prison-
niers, et chaque jour on en crucifiait cinq cents en
dehors des murs de Jérusalem, jusqu'il ce qu'on ne
put plus trouver de place pour planter les croix, ou
que l'on man(iuàt de croix pour y attacher les cor^js.
Le but que l'on se proposait par une telle cruauté fut
complètement manqué : un spectacle si trisle et si
révoltant ne put intimider et amener ii se soumettre
les furieux qui dominaient dans celle malheureuse
cité. Dans les entradles déchirées de quelques-uns
des captifs massaci-és on trouva de l'or : comme en
ellet ils l'aimaient aiUaiit que leur vie, ils l'avaient
avalé dans l'espoir de le sauver. Alors les Arabes et
les Syriens qui étaient alliés aux Uomains, et les
harpies préposées à la garde de leurs camps, cher-
chèrent dans le corps des déserteurs des trésors qu'ils
supposaient y être cachés; et c'est ainsi que, dans
l'espace d'une seule nuit, deux mille hommes furent
mis en pièces.
< 11 est déchirant d'arrêter son attention au récit de
tant d'horreurs accumulées ; et l'exemple de Jésus ne
défend pas aux chrétiens de verser des larmes. Qu'il
suffise de le dire : cent quinze mille cadavres furent
iranspoités hors de la ville par une seule des portes,
durant le siège ; il en passa six cent mille par toutes
3es portes; et c'étaient seulement les pauvres, qui
n'avaient pas d'autre sépulture (jue d'être jetés hors
de l'enceinte de la cité. Beaucoup de maiions, en
outre, étaient remplies de cadavies; il yen avait aussi
d'entassés en monceaux dans toutes les places libres,
jusqu'à ce qu'on ne vît plus aucun endroit et qu'il n'y
eût plus de place dans la ville qui n'en fût couverte.
Ihie foule de gens de toute classe, six mille environ,
périrent au milieu des flammes, dans les parvis du
temple, ou se précipitèreat et se donnèrent la mort;
dix mille autres y furent égorgés ; les égoùts de la
ville furent remplis et comblés avec des corps morts :
onze cent mille Juifs périrent ilans le siège et le sac
de celte ville et daus les attaques des assassins ; et
ail moment où Jérusalem fut livrée aux flammes dé-
vorantes, le sang ruisselait dans toutes les rues.
Jérusalem fut dévouée ii une ruine complète. Ses
remparts furent détruits, ses créneaux abattus ;
car ils n'étaient pas au Seigneur. La cité et le
sanctuaire furent rasés jusqu'anx fondements. Les
Komains tirent passer la charrue sur la place o':
elle avait été, et ce fut là le dernier acte de leur
vengeance, vouant ainsi Jénisalem à une désolation
perpétuelle ; et c'est ainsi qu'ils mirent la dernière
main à l'œuvTe dont ils avaient élé charges, faisant
disparaître jusqu'aux traces de cette ville criminelle,
et ne laissant pas du temple pierre sur pierre qui
n'eût été renversée.
< Les Juifs furent passés au fil de l'épée. Sans
parler de ceux qui périrent dans les séditions et pen-
dant le siège, deux cent quarante mille furent égor-
gés dans les villes de Juda et dans les contrées voi-
sines : ce calcul est de Josèphe, qui spécifie le nom-
bre de ceux qui périrent dans chaque lieu en parti-
culier. Quatre-vingt-dix-sept mille prisonniers fu-
rent menés en captivité. Beaucoup furent emmenés
en Egypte et vendus comme esclaves {Ueui. xxvi»,
68). Les places où se tenaient les foires des escla-
ves en èlaiCEit encombrées, au point que personne
n'en voulait plus acheter ; et môme dans une occa-
sion, plus de onze mille captifs, soit par malice, soit
par incurie, furent laissés sans nourriture et mou-
rurent de faim.
« Les jugements du Seigneur s'attachèrent aux
Juifs d'une manière si rigoureuse et tombèrent sur
eux et les accablèrent si complètement, qu'en ce qui
concerne la destruclion de Jérusalem et la dévasta-
tion de leurs villes et de leur patrie, il n'en est p?is
un seul qui n'ait été exécuté à la lettre.
• •« Jérusalem était appelée la cité du Seigneur, et
Sion sa sainte montagne, et c'était le seul lieu delà
terre où gloire lui était rendue. Cependant les crimes
de Jérusalem ne pouvaient se dérober à sa vue. La
patience avec laquelle il les .avait supportés si long-
temps et par laquelle il avait essayé en vain de les
gagner, ne devait pas lutter toujours, même avec la
cité qu'il avait choisie pour y placer la gloire de son
nom. Quand donc ses iniquités furent montées à leur
comble , que, dans le jour de sa visiie, elle n'eut pas
voulu s'instruire, ou se purifier, on se laver des
souillures de ses péchés, quoique Dieu eût envoyé
son Fils aux brebis perdues de la maison d'Israël, et
qu'une piscine eût été ouverte pour le péché et pour
l'impureté ; que les Juifs eurent rejeté le Sauveur,
et voulurent avoir d'autres mailrcs pour régner sur
eux, Dieu ne voulut plus avoir pour elle de com-
passion ni d'indulgence; son cœur déchargea sa ven-
geance contre celte nation, et cependant sa colère
ne fut pas encore assouvie, et sa main demeurait
toujours levée sur elle, et il livra Jacob à la malé-
diction et Israël à l'ignominie. Mais si Dieu n'a pas
épargné les branches naturelles, prenez garde qu'il
ne vous épargne pas non plus. Si le prix de leurs
iniquités, en attendant qu'il les récompensât au dou-
ble, a été versé dans lej^ein des enfants d'Abraham,
son ami, qui ètes-vous, ou quelle est la maison do
votre père, pour qu'aucun de vos crimes passe im-
puni, si vous continuez de vivre dans l'impenitence ;
et si encore au temps de sa miséricordieuse visite,
le Sauveur est rejeté et crucifié de notiveau '!
I Ce n'est pas sur la force de leurs remparts que
repose la sécurité des nations; car il n'y en eut
point de plus forts que ceux de Jérusalem : ni dans
l'ahomlance de leur richesses; car telles étaient les
richesses accumulées dans cette ville, qu'après sa dé-
molition, le prix de l'or, daus la Syrie, lut réduit de
moitié : si le Seigneur ne garde pas lui-même la
cité, c'est en vain que veille celui qui la garde ; et le
péché doit ;i la lin être la ruine de tout peuple. Les
crimes combinés des individus en particulier for-
ment la masse des iniquités de la nation ; et aprèg
M
JES
ÎES
C2
qu'elle» so sont accrnesde |)lus en plus, le (emps vient
hicn vile où elles nionfeul justiirau ciel, et alors la
fo'.ùlre ne saïuiiil être leteiiin- plus longtemps. Il est
d'iititres ivn^iies que ceiiic d'Iùphrani contre lesquels
le Soigneur lit entendre les arrêts de sa justice, et
(jui ne sont pas moins coupables que ceux-ci ; et
ci.'ltc avarice, qui est une idol.itrie, et en punition de
laquelle l<:s Juils ont élé frappjs, alionik; encore.
Oar, en pratique, où voil-0[i l'aniiiurde Dieu exercer
une iniluence pareille à celle ijue <icploi(! ranu)ur du
«ion:1e '.' Où voit-on racconiplisscniont de la loi du
•tilirist dans le support nniluel des fardeaux les uns
(les aulies, si on li; comiiaïc aux traces (pie laisse lu
loi (les richesses, quand eliacun cherche ses propres
inii-nHs ? Mais, deniauilera le lecteur, (|ne peut faire
nu tionnne pour di-tourner les calaioilés nationales
et diuiiiiuer la masse des inirpiilis d'un peuple ? Que
tout lionitue fasse p(*iiiionce, ( omnic aulrelois à Ni-
nive, et tous seront sauvi's, ipiand bien même l'arn";!
dont ils sont menacés ne serait plus qu'à quarante
jours de stui exécution. Mais quel est celui qui, con-
(iiuiaul de vivre dans le p(kiié, et rtjllécliissant sur
la ruine tolalc de J(!riisalon), peut se llatter, si les
jut;einenls du Scigncru- éclatent contre sa patrie,
qu'il n'aura poiul de part à la niasse d'iniquités qui
les ont attires? J'ai chcrch' un homme l'onni eux,
dil CKi.iii :> (p\i (ont jugement appartient , qui se pré-
seiilAl comms une Itite entre moi el eur, qui s'opiwsnt
H :iioi pour la défense de cclU li'ire, afin que je ne
lu détruisisse fioinl, et j'i n'en ai point trouvé {hzecli.
XIII, 30).
« Toutefois, ce ne sont pas les jugenicnts que Dieu,
dans le temps, exerce sur les nations, lussent-ils
aussi terribles que ceux de Jérusalem, que tout
liounne doit principalement considérer ; mais bien
sa propre éternelle destinée, alin de se soustraire à
la colère qui doit éclater, et d'arriver à la possession
de la vie élenielle : Tout liomme se soutient ou ton,be
pour so:i propre muiire. De même donc qu'un roi,
sur la terre, en faisant un exemple terrible dans le
cbàtiment d'un criminel , vient Irapper d'épou-
vante le cii'ur (le ses sujets rebelles, ainsi Jcù-nsalcni
nous est proposée comme un exemple (pii nous mon-
tre que riniipiilé ne passera pas inqnniie, et (|ue les
terreurs du Seigneur et ses menaces contre les pé-
cheurs impénitents seront toutes exccuiées, auisi
que sa parole a élé vraie et sa colère terrible à l'é-
gard de Jérusalem. >
JESUATES, iioui d'uiio sorte de religieux,
que l'on appelait aiiticiuent clercs apostoli-
ques, ou Jesuales de saint Jérôme. Leur
fuiulateur est Jean Colombin, de Sienne en
Halle. Urbain V aj)[)roiiva cet institut à Vi-
terbe, l'an J367, c't donna lui-iutjme, à ceux
ijui étaient présents, l'Iiabit qu'ils devaient
jiorlçf; il leur pr>'scrivit la règle de saint
Anguslin, et Paul V li'S luit au nombre des
ordre^ mendiants. Ils pratiquèrent d'abord
la pauvreté la plus austère et une vie trcs-
utortifiée : on leur donnale niini de Jci'ua^M,
parce ipic leurs premiers fontlateuis avaient
toujours le nom do Jésus à la bouche; ils y
ajo-itèrciit celui de saint Jér(juie, jKirce qu'ils
prirent ce saint pour leur pro'ecteur.
Pendant plus de deux siècles, ces reli-
gieux n'ont été que frères lais. En I61I6,
l^Hil V leur permit de recevoir les ordres.
Dans la jilupartde leurs maisons, ils s'occu-
paient de la pliariïiarcic ; d'autres fais.:iient le
métier de distillateurs , et vendaient de
l'eau-de-vic; ce qui les fit nommer en (jnel-
ques endroits tes pcres de l'eau-dc-vie. Comme
ils étaient devenus riches dans l'état do Ve -
i'
nise, et qu'ils s'étaient beaucoup relAclu's
de Ifiiir ancienne régularité, la ré|)ubli(pio
demmda leur suppression à Clément IX,
pour employ^^r leurs biens aux Irais de la
guerre de Candie : ce pape l'accorda en 1C68.
H y a encore en Italie qu(dqiies religieuses
du même ordre; on les a conservées, parce
qn elles ont persévéré dans la ferveur de
leur iireniier établissement. Cet nxemiile et
une infinité d'auties ne [irouvenl (iiie trop
le daiig(M' ((it'il y a pour tout ordre reli-
gieux iinc'lconque d'acguérir des richesses.
JÉSUITES, ordre de religieux fondé par
saint Ignace de Loyola, geitlilhomme espa-
gnol, ])our instruire les ignorants, convertir
les infidèles , défendre la foi catholique
contre les hérétiques, et qui a été connu
sous le nom de compaynir ou société de Jésus.
Il fut approuvé par Paul III, eu Ib'iO, et
conlirmé par plusieurs papes postérieurs;
l'institut en fut déclaré pieux par le ci>ncile
de Trente, sess. 25, de Jicform., c. IG. Il a
été supprimé jiar un bref de Clément XIV,
du 31 juUlet 1773.
Pendant deux cent trente ans qu'a sub-
sisté cette société, elle a rendu à l'Eglise et
h l'humanité les j)lus grands services, par
les missions, par la prédication, parla di-
rection des âmes, par l'éducation de la jeu-
nesse, par les bons ouvrages que ses mem-
bres ont puliliés dans tous les genres de
sciences. On peut consulter la bibliothèque
de Icuis écrivains, donnée par Alégambe, et
ensuite par Sotuel, en 1G7G, in-folio; et de-
puis, quel supplément n'aurait-on pas à y
ajouter?
Cette société n'existe plus (1). Nous sou-
haitons sincèrement (ju'il se forme dans les
autres corps sécuHers ou réguliers, des mis-
sionnaires tels que ceux qui ©nt porté le
christianisme au Japon, îi la Chine, à Siam,
au Tonkiu, aux Indes, au Alcxique, au Pé-
rou, au Paraguay, à la Californie, etc.; des
thé(jlogiens tels que Suarès, Petau, Siruiond,
Garnier; des oiateuis tels que Hourd doue,
Larue, Segaud, Critret, Neuville; des histo-
riens qui égalent d'Orléans, Longueval, Da-
niel; des littérateurs qui eiraccnt Ra|iin, Va-
nières, Comire, Jouvencv, etc., etc. Nous
souhaitons surtout que bientôt on ne s'a-
per(;oive plus du vide immense qu'ils ont
laissé pour l'éducation de la jeunesse, et que
les générations ftltures soient, à cet égard,
plus licureuscs que celle qui suit immédiate-
meiit leur destruction.
JÉSUITESSE, congrégation de religieuses
qui avaient des étalilissements en Italie et
en Flandre : elles suivaient la règle et imi-
taient le régime des jésuites. Quoique leur
institut n'eiit point été ajiprouvé parle saint-
siége, elles avaient plusieurs maisons aux-
quelles elles donnaient le nom de collèges,
d'autres qui portaient le nom do noviciats.
Elles faisaient entre les mains de leurs supé-
rieures les trois vœux de pauvreté, de chas-
(U Elle a été rétablie par noire saint-père le pape
Pie Vil. Elle souffre pcrscculiou, cnuiiue tous l«s
vrais et ardents défenseurs de l'Eglise. .
63
JES
ES
Ci
teté et d'obéissance ; mais elles ne gardaient
point la clôture, et se mêlaient de prêcher.
Ce furent deux filles anglaises venues en
Flandre, nommées Warda et Tuitia, qui for-
mèrent cet institut, selon les avis et sous la
direction du Père Gérard, recteur du collège
d'Anvers, et de ciuelques autres jésuites. Le
dessein de ces derniers était d'envoyer ces
fdies en Angleterre, pour instruire les per-
sonnes de leur sexe. Warda devint bientôt
sii(iérieure générale de plus de deux cents
religieuses.
Le pape Urbain VIII, par une bulle du 13
janvier 16.30, adressée à son nonce de la
Basse-Allemagne, et impriuiée à Rome en
1030, supprima cet ordre institué avec plus
de zèle que de prudence.
JÉSUS-CHRIST. Quand on n'envisagerait
JcsHs-Christ que comme l'auteur .d'une
grand révolution survenue dans le monde,
comme un législateur qui a enseigné la mo-
rale la plus pure et établi la religion la plus
sage et la plus sainte qu'il y ait sur la terre,
il mériterait encore d'occuper la première
place dans l'histoire, et d'être représenté
comme le plus grand des hommes. Mais aux
yeux d'un chrétien Jésus-Christ n'est pas
seulement un envoyé de Dieu, c'est le Fils
de Dieu fait homme, le Rédempteur et le
Sauveur du genre humain. Il est du devoir
d'un théologien de prouver que cette
croyance est bien fondée, que ce divin per-
sonnage s'est fait voir sous les traits les
plus capables de démontrer sa divinité, et
de convaincre les hommes qu'il était en-
voyé pour opérer le grand ouvrage de leur
salut.
Nous avons donc à examiner, 1° le carac-
tère personnel de Jésus-Christ, et la manière
dont il a vécu parmi les hommes; 2° la
jircuve principale do sa mission divine, qui
sont ses miracles. On trouvera les autres
preuves ou motifs de crédibilité, à l'ariiclc
Chiustiamsme, et nous établissons directe
ment sa divinité au loot Fils de Dieu.
I. Annoncé par une suite de [prophéties
pendant quarante siècles, attendu chez les
Juifs et dans tout l'Orient, prévenu par un
saiiit précurseur, précédé par des prodiges,
Jésus paraît dans la Judée etprêc'ie l'avéne-
ment du royaume des cieux. Sa naissance a
été marquée par dus miracles; mais son en-
fance a été obscure et cachée : il est issu du
sang des rois ; mais il ne tire aucun avan-
tage de cette ori,^ine ; il déclare que son
royaume n'est pas de ce monde. Il prouve
sa mission et conûrme sa doctrine [lar une
multitude de miracles : il multiplie les pains,
guérit les malades, ressuscite les morts,
cahne les tempêtes, marche sur les eaux,
donne à ses disciples le pouvoir d'opérei
de semblables prodiges : il les fait sans in-
térêt, sans vanité, sans alfectation; il refuse
d'en faire iiour contenter la curiosité ou
pour}iunir les incrédules; on les obtient de
lui par des prières, jiar la confiance, j^ar la
docilité. Les miracles des imposteurs ont
pour but d'étouner et de séduire les hom-
mes; ceux de Jésus-Christ sont tous des-
tinés à les secourir, et à les eonsolor, à les
instruire et à les sanctifier. Yoy. Prophéties,
Miracles.
Sa doctrine est sublime. Ce sont des mys-
tères qu'il faut croire ; mais un Dieu qui en-
seigne les hommes ne doit-il leur apprendre
que ce qu'ils peuvent concevoir? Il n'argu-
mente point, il ne dispute point comme les
])hilosophes; il ordonne de croire sur sa pa-
role, parce qu'il est Dieu. « 11 ne convenait
point, dit Lactanee, que Dieu, parlant aux
hommes, employât des raisonnements pour
confirmer ses oracles, comme si l'on pouvait
douter de ce qu'il dit; mais il a enseigné
comme il ap|jartient au souverain arbitre
de toutes choses, auquel il ne convient point
d'argumenter, mais de dire la vérité. « Lact.,
divin. Jnstit., 1. iii% c. 2. Les mystères qu'il
annonce ne sont point destinés à étonner
la raison, mais à toucher le cœur : un Dieu
en trois personnes, dont chacune est occu-
pée de notre sanctification ; un Dieu fait
liomme [jour nous racheter et nous sauver,
qui se donne à nous pour victime et pour
nourriture de nos ûmes; un Dieu qui ne
permet le péché que pour mieux éprouver
la vertu, qui n'attache ses grâces qu'à ce
qui réprime les passions; qui punit en ce.
monde, non pour se faire craindre , mais
pour sauver ceux qu'il châtie. Est-il surpre-
nant que cette doctrine forme des saints ?
La morale de Jésus-Christ est pure et sé-
vère, îuais simple et populaire; il n'en fait
pns une science profonde et raisonnée ; il la
réduit en maximes, la met à portée des plus
ignorants, la confirme par ses exemples.
Doux et affable, indulgent, miséricordieux,
charitable, ami des pauvres et des faibles,
il. n'aiïecte ni une éloquence fastueuse, ni
un rigorisme outré, ni des mœurs austères,
ni un air réservé et mystérieux; il promet
la paix et le bonheur à ceux qui pratique-
ront ses préceptes; il n'a eu vue que la
gloire de Dieu son Père, la sanctification
des hommes, le salut et le bonheur du
monde.
Patient jusqu'à l'héroïsme, modeste et
tranquille dans les opprobres et les souf-
frances, il les supj)orte sans faiblesse et
sans ostentation; il ne cherche point à bra-
ver ses ennemis, mais à les toucher et à les
convertir. Couvert d'outrages, crucifié entre
deux malfaiteurs, il meurt en demandant
grâce pour ses accusateurs, ses juges et ses
bourreaux; il laisse au ciel le soin de faire
éclater son innocence par des prodiges. Si
un Dieu a pu se faire homme, c'est ainsi
qu'il devait mourir, et puisque Jésus-Christ
est mort en Dieu, il devait ressusciter.
Mais sorti du tombeau, il ne va point se
montrer à ses ennemis : il avait assez fait
pour les convertir; il n'entreprend point de
les forcer ; il veut que la foi .soit rai.^onna-
ble, mais libre; ce n'est point |)ar des opi-
niâtres qu'il avait résolu de rélormer l'uni-
vers. Quand il se serait montré, ces furieux
n'en auraient pas été plus dociles ; ils au-
raient attribué à la magie ses apparitions,
65 JES
comme ils avaient fait à l'égard de ses autres
miracles.
M avait promis d'envoyer son esprit h ses
apùties; leur conduite et Irurs succès prou-
vent que cet Esprit-Saint leur a été donné.
11 avait prédit que la nation juive serait
punie; le cliAtiment a été terrible, et dure
encore : que l'Evangile serait prêché par
toute la terre ; il a été porté en eflet aux
extrémités du monde : (pie les Juifs et les
Eaicns qui se détestaient, deviendraient les
rebis d'un même troupeau, et le prodige
s'est opéré; que son Eglise durerait jusqu'à
la consommation dos siècles, et déjà nous
lui comptons dix-sept cents ans de durée;
que cependant sa doctiine serait toujours
contredite et toujours attaquée, elle l'a tou-
jours été et l'est encore : les philosoplies
môme se chargent aujourd'hui de vérilier la
prophétie.
Grands génies, savants dissertateurs, mon-
trez-nous dans l'iiistoire du monde quelque
chdse qui ressemble à la personne, à la con-
duite, au ministère tleJA»s-C/*r(s<. Des his-
toriens (pii ont su peindre un Homme-Dieu
sous des traits aussi singuliers et aussi ma-
jestueux, n'ont été ni des imbéciles ni des
imposteors ; ils n'avaient jKiint de modèle,
et ils n'étaient [)as assez habiles pour le for-
ger. Un envoyé de Dieu, qui a rempli si
parfaitement tous les caractères d'une mis-
sion divine, n'est lui-môme ni un fourbe ni
un fanatique. Puisqu'il a dit qu'il était le
Fils de Dieu, il l'est véritablement.
Si nous comparons ce divin .Maître aux
autres fondateurs de religions, quelle dill'é-
rence. La plupart de ceux-ci ont confirmé
le polythéisme et l'idolâtrie, parce qu'ils les
ont trouvés généralement établis. Quelques-
uns ont peul-ôtre adouci la férocité des
mœurs ; mais ils n'en ont pas diminué la
corruption. Plusieurs étaient ou des conqué-
rants qui inspiraient la crainte, ou des sou-
verains respectés ; ils ont employé la force,
l'autorité ou la séduction pour se faire obéir.
Jésus-Christ n'a eu de l'ascendant sur les
lionuues (jue par sa sagesse, par ses vertus,
par ses miracles ; son ouvrage ne s'est ac-
comiili que lorsqu'il n'était jilus sur la terre.
Confucius a pu, sans prodige, rassembler les
préceptes de morale des sages qui l'avaient
précédé, et se faire un grand nom chez un
peuple encore très-ignorant ; mais il n'a pas
corrigé la religion des Cliinois, déjà intèc-
tée de [lolythéisme par le culte qu'ils ren-
daient aux esprits et aux ancêtres : sa doc-
trine n'a pas empêché l'idolAtrie du Dieu Fo
de s'introduire à la Chine et d'y devenir la
religion [jopulaire. Les philosophes indiens,
quoique partagés en divers systèmes, se
sont réunis pour plonger le peuple dans l'i-
dolAtrie la plus grossière, ont mis une iné-
galité odieuse et une haine irréconciliable
entre les ditlérentes conditions des hommes.
Les prétendus sages de l'Egypte y ont laissé
établir un culte et des superstitions qui ont
rendu cette nation ridicule aux yeux de tou-
tes les autres. Zoroastre, pour réformer l'i-
dolàtrie des Ghaldéeus et des Perses, v a
JES
CG
substitué un système absurde, a multiplié à
l'infini les pratiques minutieuses, a inondé
de sang la Perse et les Indes, pour affermir
ce qu'il ajipelait l'arbre de sa loi. Les philo
soplies et les législateurs do la Grèce n'ont
pas osé toucher aux fables ni aux sujjérsti-
tions déjà anciennes dans cette contrée ; ils
ont été plus occupés de leurs disputes que
de la rélorme des erreurs et de la correction
des mœurs.
Mahomet, imposteur, \olupiueux et per-
fide, a favorisé les passions des Arabes, pour
parvenir à réunir dans sa tribu l'autorité re-
ligieuse et le pouvoir politique. Toute la sa-
gesse de CCS h(mimes si vantés n'a consisté
qu'à faire servir à leurs desseins ambitieux
les préjugés, les erreurs, les vices qui domi-
naient dans leur pays et dans leur siècle. La
plupart n'ont subjugué que des nations igno-
rantes et barbares, Jcstts-Clirist a fondé le
christianisme au milieu de la philosophie
des Grecs et de l'urbanité romaine ; il n'a
épargné aucun vice, n'a fomenté aucune er-
reur : il a refusé le titre de roi lorsqu'un
p(mple nourri par sa puissance voulait le lui
donner.
Pour savoir s'il a contribué au bonheur
de l'humanilé, nous invitons les détracteurs
du christianisme à comparer l'état des na-
tions qui adorent Jésus-Christ avec celui des
j)aiens anciens et des infidèles d'aujourd'hui.
Qu'ils nous disent s'ils auraient mieux aimé
vivre à la Chine, aux Indes, chez les Perses,
parmi les Egyptiens, dans les républiques
de la Grèce ou de l'Italie, que chez les peu-
ples policés par l'Evangile. Jamais ils n'ont
wit ce parallèle, jamais ils n'oseront le tenter.
Auraient-ils reçu l'éducation, les connais-
sances, les mœurs douces et polies dont ils
s'applaudissent, s'ils étaient nés ailleurs"?
Partout où la foi chrétienne s'est établie, elle
y a jiorté plus ou moins promptement les
mômes avantages ; partout où elle a cessé
de régner, la barbarie a pris sa place : telle
est la triste révolution qui s'est faite sur le:?
côtes de l'Afrique et dans toute l'Asie, de-
puis que le mahométisme s'y est élevé sur
les ruines du christianisme.
Le plus lé^er sentiment do reconnaissance
doit donc sultire pour nous faire tomber aux
pieds de Jésus-Christ, et rendre hommage à
sa divinité. Vrai soleil de justice, il a ré-
pandu la lumière do la vérité et allumé lo
feu de la vertu ; aucun peuple, aucun homme
n'est demeuré dans les ténèbres de l'erreur
et dans la corruption du péelié, que ceux qui
ont refusé de s'instruire et de se convertir.
Avec toutes leurs disputes, les philosophes
n'ont pas corrigé h^s mœurs d'une seule
bourgade ; par la voix de douze pêcheurs,
notre divin Maître a changé la face de la
meilleure partie do l'univers.
Que des nations corrompues par l'excès de
la ])rospérité, amollies par le luxe et par les
plaisirs, se dégoûtent de sa doctrine, et prê-
tent l'oreille aux sophismes des incrédules,
ce n'est pas un prodige. « La lumière, dit-il,
a beau luire dans le monde, les hommes lui
yréfèrent les ténèbres, parce que leiu-s œu-
67
JES
ÎES
68
vres sont mauvaises. » [Joan. c. m, v. 19).
Lorsque les iacrédules ont été obligés de
s'exi'liquer sufFooinion qu'ils avaient con-
çue'de ce divin législateur, ils n'ont pas été
peu embarrassés. Tant qu'ils ont professé le
déisme, ils ont affecté d'en parler avec res-
pect ; ils ont rendu justice à la sainteté de
sadoclrine et de sa conduite, îi l'importance
du service qu'il a rendu à l'bumanité ; quel-
ques-uns en ont fait un éloge pompeux :
s'ils ne l'ont pas reconnu comme Dieu, ils
l'ont peint du moins comme le meilleur et le
plus grand des hommes.
Mais comment concilier cotte idée, avec
la doctrine qu'il a prècliée ? Il s'est attribué
coustammenf le titre et les honneurs de la
divinité ; il veut que l'on honore le Fils com-
me on lionore le Père [Joan. c- vi, v. 23).
Lorsque les Juifs ont voulu le lapider, parce
qu'il se faisait Dieu, loin de dissiper le scan-
dale, il l'a confirmé (C. x, v. 33). Il a mieux
aimé se laisser condamner k la mort que de
renoncer à cette prétention [Malth. c. xsvi,
V. 63). Après sa résurrection, il a souffert
qu'un de ses apôtres le nommât mon Sei-
gneur et mon Dieu {Joan. c. xx, v. 28). Sui-
vant l'expression de saint Paul, il n'a point
regardé comme une usurpation de s'égaler à
Dieu {Philip, c. ii, v. 6).
Si Jésus-Christ n'est pas véritablement
Dieu dans toute la rigueur du terme, voilà
une conduite abominable, plus criminelle
que celle de tous les imposteurs de l'uni-
vers. Non-seulement Jésus a usurpé les at-
tributs de la divinité, mais il a voulu que
ses disci|)les fussent comme lui victimes do
SCS blasplièmes ; il n'a daigné prévenir ni
l'erreur dans laijuelle son Eglise est encore
aujourd'hui, ni les disputes que ses discours
devaient nécessairement causer. Il n'y a
donc pas de milieu : ou Jésus-Christ est Dieu,
ou c'est un malfaiteur qui a mérité le su[i-
1)1 ice auquel il a été condamné par les
Juifs.
Dans le désespoir de sortir jamais de cet
embarras, les incrédules, devenus athées,
ont pris le parti extrême de blasphémer con-
tre Jésus-Christ, de le peindre tout à la fois
comme un imbécile fanatique et comme un
imposteur ambitieux. Ils se sont appliqués
h noircir sa doctrine, sa morale, sa conduite,
les prétUcateurs dont il s'est servi, et la re-
ligion qu'il a établie. Mais le fanatisme n'in-
spira jamais des vertus aussi douces, aussi
patientes, aussi sages que celles de Jésus-
Christ. Un ambitieux ne commande point
l'humilité, le détachement de toutes choses,
le seul désir des biens éternels, ne se résouÉ
]:ùint à la mort pour soutenir une imposture.
Aucun fanatique, aucun imposteur n'a ja-
mais ressemblé à Jésus-Christ. D'ailleurs,
quiconque croit un Dieu et une providence
ne se persuadera iamais que Dieu s'est servi
d'un fourbe insensé pour établir la plus
sainte religion qu'il y ait sur la terre, et ia
plus capable de faire le bonheur de l'huma-
niité. Un fanatique en démence est incapable
de former un plan de religion tout différent
du j^udaïsme dans lequel il avait été élevé ;
un plan dans lequel le dogme, la morale et
le culte extérieur se trouvent indissoluble-
ment unis et tendent au même but ; un plan
qui dévoile la conduite que Dieu a tenue de-
puis le commencement du monde, qui unit
ainsi les siècles passés et les siècles futurs,
qui fait concourir tous les événements h un
seul et môme dessein. Aucune religion fausse
ne ]iorte ces caractères. Enfin un houime do-
miné par des passions vicieuses n'a jamais
montré un désir aussi ardent de sanctifier
les hommes, d'établir sur la terre le règne
de la vertu. Un faux zèle se trahit toujours
par quelque endroit : celui de Jésus-Christ
ne s'est démenti en rien. En deux mots, si
Jésus-Christ est Dieu-Homme, tout est d'ac-
cord dans sa conduite ; s'il n'est pas Dieu,
c'est un chaos où l'on ne peut rien com-
prendre.
Comme les reproches que les incrédules
font à J('sws-C/jm< sont contradictoires, nous
sommes dispensés de les réfuter en détail ;
d'ailleurs nous avons répondu à la plupart
dans plusieurs articles de ce Dictionnaire :
nous nous bornons à en examiner quelques-
uns.
1° Ils disent : Jésus-Christ n'a voulu se
faire connaître qu'à ses disciples ; il a man-
qué de charité à l'égard des docteurs juifs ;
il les traite durement ; il leur refuse des
preuves de sa mission et les miracles qu'ils
lui demandent : en cela il contredît ses pro-
pres maximes.
Le contraire de tout cela est prouvé par
VExari^ile. Jésus-Christ a déclaré sa mission,
sa qualité de Messie et de Fils de Dieu , en
un mot , sa divinité, aux docteurs juifs aussi
bien qu'au peuple et à ses disciples. Yoy.
Fils DE Dieu. Lorsque les docteurs ont mon-
tré de la docilité et de la droiture , il les a
instruits avec la plus grande douceur, té-
moin Nicodème. Quant à ceux dont il con-
naissait l'incrédulité obstinée et la malignité,
il leur a refusé des miracles qui auraient été
inutiles, tels que des signes dans le ciel , et
qui n'auraient servi qu'a les rendre plus cou-
pables. Il a eu le droit de les traiter dure
ment , c'est-à-dire de leur reprocher publi-
quement leurs vices , leur hypocrisie , leur
basse jalousie , leur opiniâtreté ; il ne tenait
qu'à eux de se corriger. Si ce divin Maître
avait fait autrement, les incrédules l'accuse-
raient d'avoir ménagé la faveur et l'appui
des chefs de la synagogue , et d'avoir dissi
mule leurs vices pour parvenir à ses fins. On
voit , par ce qu'en a dit Josëplie , que Jésus-
Christ ne leur a fait aucun reproche mal
fondé.
2° La doctrine de Jésus, disent nos adver-
saires , renferme des myslères o\i l'on ne
conçoit rien; sa morale n'est pas plus par-
faite que celle de Philon le juif, qui était
celle des philosophes.
Mais parce que nous ne concevons pas les
mystères, il ne s'ensuit pas que Dieu n'a pas
pu 1 1 n'a pas dû les révéler; nous les éon-
cevons assez (lour eu tirer des conséquences
essentielles à la pureté des mœurs , et c'est
assez pour démontrer l'utilité de celle rêvé-
69
JE5
JES
70
l.iliou. Yoij. Mystères. Quant à la morale,
l'Irilon avait plutôt pris la sienne dans hîs
.lulein-s sacrés que chez les pliilosophes , et
Jrsus-Christ n'a pas dft en enseigner une
nutre, parce ((ue la morale est essentielle-
iniMit iraiiuiable; mais nous soutenons que
Jrsus-Christ l'a beaucoup mieux liéveloppée
que les docteurs juifs, (pi'il en a retranché
les finisses interprétations des pharisiens,
qu'il y a joint des conseils de perfection
très-sages et très-utiles. Voi/. Mon ile.
3° L'on accuse J^sus-Clirist d'avoir sou-
vent mal raisonné et mal appliimé l'Ecriture
sainttt (Matth. c. xxm , v. âQ.) Il reprend
les pharisiens qui honor.dent les tombeaux
des j)roplièU>s; il dit qu'ils témoit;naient yjar
là même qu'ils sont les eni'ants et les imita-
teurs de ceux qui les ont tués. H applique
au Messie te psaume cix : Dixit Domrnus
Domino mco, qui regarde évidemment Salo-
raon (c. xxir, v. k\]. Il refuse dédire aux
chefs de la nation juive par quelle autorité
il agit, îi moins qu'ils ne décident eux-mômes
)a question de savoir si le baptême de Jean
venait du ciel ou des hommes (c. xxi, v. 2'i.).
Ce n'était 1,\ qu'un subterfuge pour ne pas
répoiuire îi des hommes qui avaient droit do
l'interroger.
Ce sont plutôt les incrédules eux-mêmes
qui raisonnent fort mal, et qui prennent mal
le sens des paroles du Sauveur. Il reproche
aux jibarisiens, non pas les honneurs qu'ils
rendaient aux tombeaux des prophètes, mais
leur hypocrisie, par conséquent le raotit 4iar
lequel ils agissaient ainsi ; il ne leur dit point:
A'ous témoignez par là même, etc., mais vous
témoignez d'ailleurs , par toute votre con-
duite, que vous êtes les enfants et les imita-
teurs de ceux qui les ont mis à mort, et cela
était vrai.
Nous soutenons qu'il est impossible d'ap-
pliquer à Salomon tout ce qui est dit dans le
psaume cix. David ue le déclara son succes-
seur que sur la tin de sa vie ; alors il n'avait
plus d'ennemis k saljjuguer. Ou nu peut pas
dire de l'un ni do l'autre , qu'il a été prêtre
pour toujours selon l'ordre de Melchisé-
dech , etc.
fêsus-Clirist avait [trouvé vingt fois aux
Juifs , par ses miracles , qu'il agissait de la
part le Dieu son Père et par une autorité
divine : ils lui faisaient donc une question
ridicule à tous égards. Ils ne voulurent jias
avouer que Jean-Baptiste était l'envoyé de
Dieu, ]wrce qnaJêsus-Ckrist leur aurait dit :
Pourquoi donc ne croyez-vous pas au té-
moignage (ju'il m'a rendu? L'argujoent qu'il
leur faisait était juste et sans réplique.
'*' Les incrédules prétendent que par un
mouvement de colère il chassa les vendeurs
du temple sans autorité légitime , et qu'il
troubla la police sans nécessité {Juan. c. ii,
V. li). Mais l'évangêliste même nous dit que,
dans cette circonstance, Jésus agit par zèlo
pour l'honneur de la maison de Dieu, et non
par colère ; il avait une autorité légitime, et
ri l'avait prouvé. T.uux qui vendaient des
victimes et les changeurs j^ouvaieut se tenir
hors du temple : c'était une très-mauvaise
police de les laisser faire leur commerce
dans l'iRté^if^ttP.
Au inot Ame nous ftvons fait voir que Jé-
sus-Christ n'a pas mal raisonné, en prouvant
aux Juifs l'immortalité de r,\mc , et au mot
Adultère, qu'il n'a jioiiit péché contre la loi
en renvoyant la femme adultère.
Nous ue croyons pas qu'il soit nécessaire
de rapporter et de réfuter les calomnirs ab-
surdes que les juifs modernes ont forgées
contre Jéius-Christ dans les Sepher Thnktolh
Jesrhu , ou Vies de Jésus , qui ont paru dans
les derniers siècles. Les anachronismes , les
puérilités , les traits de démence dont ces
livres sont remplis, font pitié à tout homme
de bon sens. (Jrobio , juif très-instruit, n'a
pas osé en citer un seul article.
II. Comme nous donnons pour signe prin-
cipal de- la mission de Jésus-Christ \qs mira-
cles qu'il a opérés, nous devons indiquer,
du moins en abrégé , les preuves générales
de ces miracles.
La première est le témoignage des aiiôtres
et des évangélistes. Deux de ceux qui ont
écrit l'histoire se donnent pour témoins ocu-
laires ; les deux autres les ont api.ris de ces
Biêmes témoins. Saint Pierre prend h témoin
de ces miracles les Juifs rassemblés à Jéru-
salem le jour de la Pentecôte {Act.c. II, v. 22;
c. X, V. 37). Ils ont donc été imbliés dans la
Judée même , peu do temps après , et sur la
lieu où ils ont été opérés, en présence do
ceux qui les ont vus ou cpii en ont été in-
formés par la notoriété publiijue , et qui
avaient intérêt de les contester, s'il eût été
possible. Ces miracles sont encore confirmés
par les t'-moignages de l'historien Josè])he,
de Celse , de Julien , des gnosliques, etc. Il
faut se raidir contre l'évidence même pom'
soutenir, comme les incrédules, que les mi •
racles de Jésus n'out été vus que par ses
disciples ; que les Juifs ne les ont pas vus
jiuisqu'ils n'y ont pas cru; que ces faits n'out
été écrits qu'après Is ruine de Jérusalem,,
lorsqu'il n'y avait plus de témoins oculaires.
Ces miracles ont été vus non-seulement \mr
tous les habitants de la Judée qui ont voulu
les voir, mais par tous les Juifs de l'univers
qui se trouvaient à Jérusalem aux princi-
])ales fêtes de l'année. Parce que la plupart
de ces témoins n'ont pas cru la missioti , la
qualité de Messie, la divinité de Jésus-Christ,
il ne s'ensuit pas qu'ils n'ont pas cru les mi-
racles qu'ils avaient vus : il s'ensuit seule-
ment qu'ils n'en ont pas tiré les conséquen-
ces qui s'ensuivaient . Ce sont deux choses
fort ditrérentes. Plusieurs de ceux qui ont
avoué formellement ces miracles, soit parmi
les Juifs, soit parmi les païens, n'ont pas em-
brassé pour cela le christianisme. Ces faits
ont été certainement écrits avant la ruine de
Jérusalem, puisque les trois jiremiers Evan-
giles, les Actes des apôtres et les Epîtres de
saint Paul ont paru avant cette époque.
Seconde preuve. Non-seulement les Juifs
n'ont point contesté ces miracles dans le
temps qu'on les a publiés, mais plusieurs
les ont formellement avoués. Les uns les ont
attribués à la magie et à l'intervention du
71
JES
JB9
72
démon ; les autres k la prononciation du
nom de Dieu que Jésus avait dérobée dans
le temple. Si les Juifs en étaient disconve-
nus, Celse qui les fait parler, Julien, Por-
phyre, Hiéroclès , n'auraient pas manqué
d'alléguer cette réclamation des Juifs; ils ne
le font pas : les disciples des apôtres se se-
raient plaints, dans leurs écrits, de la mau-
vaisetfoi des Juifs ; ils ne les en accusent pas :
les compilateurs du Talmud auraient allé-
gué ce témoignage de leurs ancêtres ; tout
au contraire, ils avouent les miracles de
Jésus-Christ. Galalin, de Arcanis cathol. ve~
rit., 1. VIII, c. 5. Orobio, juif très-instruit,
lidèle à suivre la tradition de sa nation,
n'a pas osé jeter du doute sur ce fait essen-
tiel.
Troisième preuve. Les auteurs païens qui
ont attaqué le christianisme, ont agi de mê-
me ; sans nier les miracles de Jésus-Christ,
ils ont dit qu'il les a faits par magie ; que
d'autres que lui en ont fait de semblables ;
que cette preuve ne suffit pas pour établir
sa divinité et la nécessité de croire en lui.
Il aurait été bien plus simple de les nier
absolument, si cela était possible.
Quatrième. Plusieurs anciens hérétiques
contemporains des apôtres, ou qui ont paru
immédiatement après eux, ont attaqué des
dogmes enseignés dans l'Evangile; mais nous
n'en connaissons aucun qui en ait contre-
dit les faits; les sectes mêmes qui ne con-
venaient pas de la réalité des faits avouaient
qu'ils s'étaient passés, du moins en appa-
rence ; ils ne taxaient point les a-pôtres de
les avoir forgés. Il y a eu des apostats dès
le I" siècle ; saint Jean nous l'apprend : au-
cun n'est accusé d'avoir publié que l'histoire
évangélique était fausse. Il y en avait parmi
ceux que Pline interrogea, pour savoir ce
que c'était que le christianisme, et ils ne lui
découvrirent aucune espèce d'imposture.
Cinquième. Une preuve plus forte de la
vérité des miracles de Jésus-Christ, est le
grand nombre de Juifs et de païens convertis
par les apôtres et par les disciples du Sauveur.
Quel molif a pu les engager à croire en Jésus-
Christ, à se faire baptiser, à professer la foi
chrétienne, à braver la haine publique, les
persécutions et la mort, sinon une persuasion
intime de la vérité des faits évangéliques ?
C'est la preuve principale sur laquelle insis-
tent les apôtres.- Jésus-Christ lui-même avait
dit aux Juifs [Joan. c. x, v. 38): Si vous ne
voulez pas me croire, croyez à mes œuvres.
Saint Pierre leur dit h son tour : Vous savez
que Dieu a prouvé le caraclère de Jésus de
Nazareth par les miracles qu'il a faits au
milieu de vous ; vous l'avez mis à mort, mais
Dieu l'a ressuscité ; faites pénitence, et rece-
vez le baptême {Act. c. ii, v. 22). Saint Paul
dit aux païens : Renoncez à vos dieux, ado-
rez le seul Dieu, Père de l'univers, reconnais-
sez Jésus-Christ son Fils qu'il a ressuscité
iAct. c. XVII, V. 2i). Il a éié [irouvé Fils de
)ieu par le pouvoir dont il a été revêtu, et
par la résurrection des morts (TJow. c. i,
\.k).
Sixième. Comme la résurrection de Jé-
gus-ChrisC est le plus grand de ses miracles,
les apôtres, non contents de la publier, la
mettent dans le symbole : ils en établissent
lin monument en célébrant le dimanche.
Selon saint Paul, elle est représentée par la
manière dont le baptême est administré. On
lisait l'Evangile dans toutes les assemblées
chrétiennes, et l'Evangile en parle comme
d'un fait indubitable. Il était donc impossi-
ble d'être chrétien sans la croire, et personne
ne l'aurait crue, si elle n'avait pas été in-
vinciblement prouvée.
Toutes ces preuves auraient besoin d'être
traitées plus au long ; mais ce n'est pas ici
le lieu. Les incrédules se contentent de
nous objecter que les prétendus miracles de
Zoroaslre , de Mahomet , d'Apollonius do
Thyane, et de quelques autres imposteurs,
ne sont pas moins attestés que ceux de Jé-
sus-Christ, et ne sont pas crus avec moins
de fermeté j)ar leurs sectateurs.
Ils nous en imposent évidemment, i" Ces
prétendus miracles ne sont rapportés par
aucun témoin oculaire ; aucun de ceux qui
les ont écrits n'ont osé dire, comme saint
Jean : « Nous vous annonçons et nous vous
attestons ce que nous avons vu de nos yeux,
ce que nous avons entendu nous-mêmes,
ce que nous avons examiné avec attention,
et ce que nous avons touché de nos mains
(/ Joan. c. I, v. 1). » — 2° La plupart de ces
prodiges sont en eux-mêmes ridicules, indi-
gnes de Dieu, ne pouvaient servir qu'à fa-
voriser l'orgueil du thaumaturge, à étonner
et à effrayer ceux qui les auraient vus : ceux
de Jésus-Christ ont été des actes de charité
destinés à l'avantage temporel et spirituel
des hommes, à soulager leurs maux, à les
éclairer, h les tirer de l'erreur et du désor-
dre, il les mettre dans la voie du salut. — 3°
Ce ne sont point les prétendus miracles des
imposteurs qui ont fait adopter leur doc-
trine ; il est prouvé que la religion de Zo-
roastre et celle de Mahomet se sont établies
par la violence, et il j^ avait longtemps que
le paganisme subsistait, lorsque les faiseurs
de prestiges ont paru dans le monde. Au
contraire, ce sont les miracles de Jésus-
Christ et ceux des apôtres qui ont fondé lo
christianisme. — i" Aucun de ces thauma-
turges supposés n'a été prédit, comme Jé-
sus-Christ, plusieurs siècles auparavant, par
une suite de prophètes qui ont annoncé aux
hommes ses miracles futurs. Aucun des faux
miracles n'a été avoué par les sectateurs
d'une religion différente. Si quelques Pères
de l'Eglise sont convenus des prodiges allé-
gués par les païens, d'autres les ont niés et
réfutés formellement. Aucun imposteur cé-
lèbre n'a pu donner à ses disciples, comme
a fait Jésus-Christ, le nouvoir d'opérer des
miracles semblables aux siens.
Voilà les diffc'rences auxquelles les in-
crédules ne répliqueront jamais. L'on a pu
adopter de fausses raligions par entêtement
pour certaines opinions , par une estime
aveugle pour le fondateur, par docilité pour
les préjugés nationaux, par intérêt, par am-
bition, par libertinage; la religion cJiré-
73
JEU
/EU
U
tionnfi est la seule qui n'a pu Ctre embras-
sée (juc par conviction <lc la vérité (Il's faits,
par la certitude de la mission divine de son
auteur, et ))ac son amour [)Our la vertu.
Uni' (piestion très-importante jiarmi les
théologiens, est de savoir si Jésus-Christ est
mort (lour tous les hommes sans eiccjition ;
s'il est, dans un sens très-réel, le Sauveur
et le Rédempteur de tous, comme l'Ecriture
sainte nous en assure. Yoy, Salut, Sau-
veur.
Chez toutes les nations chrétiennes, la
naissance de Jésus-Christ est l'époque de
laquelle on date les années, et qui sert do
base à la chronologie. La manière la plus
stire et la plus counnode de la lixer, est de
supposer, comme les anciens Pères de l'E-
glise, que JésHs-Christ est né dans l'année
de Rome 7'i-9, la quarantième d'Auguste, la
cin(iuième avant l'ère commune , sous le
consulat d'Auguste et L. Cornélius Sulla. 11
entrait dans sa trentième année lorsi[u"il fut
baptisé ; il lit ensuite ipiatre Pât|ucs, et fut
crucifié le !25 de mars, la trente-troisième
année de son âge, la vingt-neuvième de l'ère
connnune, sous le consulat des deux Gémi-
nés.
Par conséquent, Jésus-Christ mourut la
quinzième année de Tibère, i\ com[)ter du
temps auquel cet empereur commenc^^a do
régner seul, ou la dix - huitième depuis
ipic Auguste l'eut associé à l'empire. Voy.
Vies des Pères et des Martyrs, tome V, note,
pag. 635 et suiv. Dans la Hible d'Avignon,
tome XIII, pag. lOV, il y a une dissertation
dans laquelle l'auteur adopte un calcul dif-
férent (le celui-ci. 11 sujjpose que Jésus-
Christ est né deux ans avant le commence-
ment de l'ère commune, et qu'il est mort la
trente-troisième année de cette ère. Ce n'est
point î» nous d'examiner lequel do ces deux
sentiments est le mieux fondé.
Il est bon de savoir que cet usage de comp-
ter les années depuis la naissance de Jésus-
Christ n'a commencé en Italie qu'au vi* siè-
cle; en France au vn% et même au yni',
sous Pépin et Charlemagne : les Grecs s'en
sont rarement servis dans les actes publics ;
les Syriens n'ont commencé à en user qu'au
x° siècle. Yoy. Curistiai^isme , EvANen.E,
Miracles, HuMAMTÉ de Jésis-Curist, Ixcar-
plATioN, etc., etc.
JEU. 11 est constant que, depuis la nais-
sance du christianisme, les jeux de ha-
sard ont été sévèrement! défendus ])ar les
lois de l'Eglise, non-seulement aux clercs,
mais aux simples tidèles. On le voit par le
canon ki, ol. 35, des apôtres, et par le
canon 76 du concile d'Fllvire, tenu vers l'an
300. Cela était d'autant plus convenable, que
les anciennes lois romaines punissaient déjà,
par l'exil et par d'autres peines, les joueurs
de profession. Les sages mêmes du paga-
nisme ont considéré la passion du;eM. comme
la source d'une inlinité de malheurs et de
crimes. Aussi les Pères de l'Eglise ont re-
gardé le gain fait aux jci/j- de hasard comme
une espèce d'usure ou plutôt le vol défendu
par le huitième comuiandement de Dieu.
DlGTIONN. DE TnÉOL. I)0(JM ATIQUE. 111.
Les empereurs romains ne l'ont pas envi-
sagé dilféremment, puisque Justinien ,é.,i-
da, par une loi fornudle, que celui qui avait
contracté une dette aux jeux de hasard ne
pourrait être |)0ur3uivi en justice; qu'au
contiaire il serait admis à répéter ce qu'il
aurait payé volontairement. Depuis Charle-
magne jusqu'à Loui»- XV, il n'est presque
aucun de nos rois qui n'ait i)0rté des lois sé-
vères contre les joueurs et ceux qui donnent
à jouer. 11 y a au moins vingt arrêts du par-
lement de Paris rendus pour en maintenir
l'exécution. Bingham, Oriy. ecclés., tom. Vil,
liv. XVI, c. 12, § 20 ; Code de la religion et
des mœurs, tit.30, tom. 11, p. 38!i-.
Mais la corrujjtion des mœurs et les abus,
une fois établis, seront toujours [ilus forts
que toutes les lois : comment espérer qu'elles
seront respectées, lorsque la multitude, le
rang, le crédit des coupables, les met à cou-
vert de toute punition, et que les défenses
sont violées car ceux mômesqui les ont faites?
JEUNE. Nous n'avons rien à dire touchant
les jeûnes des i)aïeus, des juifs, des maho-
métans ; mais puisque cette pratique a été
conservée dans le cliristianisme, ([ue les hé-
rétiques et les é|iicuri(;ns modernes lui ont
déclaré la guerre, nous sommes obligés d'en
faire ra{)ologie. Remarquons d'abord que le
jeûne n'était commandé aux Juifs [lar aucune
loi positive; ce n'était donc pas une pratique
purement cérémonielle ; cependantil est ap-
prouvé et loué dans l'Ancien Testament
comme une mortitication méritoire et agréa-
ble à Dieu. David, Achab, Tobie, Judith,
Esther, Daniel, les Ninivites, toute la nation
juive, ont obtenu de Dieu par ce moyen le
pardon de leurs fautes, ou des grâces parti-
culières. Les prophètes n'ont point con-
damné absolument \es jeûnes des Juifs, mais
l'abus qu'ils en faisaient ; ils les ont mémo
exhortés plus d'une fois à jeûner [Joél, c. i,
V. li; c. II, V. 12, etc.).
Dans le Nouveau Testament, les jeûnes de
saint Jean-Bapliste et d'Anne la prophétesse
sont cités avec éloge. Jésus-Christ lui-même
en a donné l'exemple {Matth. c. iv, v. 2j ; il a
seulement blâmé ceux qui jcihiaient par
ostentation atin de paraître mortiliés (c. vi,
v.lGet 17). 11 dit que les démons ne peuvent
être chassés que (lar la prièree t [lar le jeûne
(c. XVII, V. 20). 11 n'y obligea point ses disci-
ples ; mais il prédit que, (juand il ne serait
plus avec eux, ils jeûneraient (c. ix, v. 15).
Ils l'ont fait, en elfet ; nous voyons les ajiô-
très se préparer, par le jeûne et [lar la prière,
aux actions importantes de leur ministère
[Act. c. xni, V.2; c. xiv, v. 22; c. xxvii, v.
21). Saint Paul exhorte les fidèles à s'y exer-
cer (// Cor. c. VI, 5), et il le pratiquait lui-
môme (c. XI, y. 27). C'est donc une action
sainte et louable.
Les ennemis du christianisme en jugent
autrement : C'est, disent-ils, une pratique
superstitieuse, fondée sur une fausse idée
de la Diviuité ; l'on s'est persuadé qu'elle se
plaisait à nous voir souffrir. Les Orientaux
et les platoniciens avaient rêvé que nous
sommes infestés oar des démons qui nous
3
7iï
JEU
JEU
%
portent au vice, et que Icjame sert à les
vaincre ou à les mettre en fuite. Le jeûne peut
nuire à la sant6 : en diminuant nos forces,
il nous rend moins capables de rem[)lir des
devoirs qui exigent de la vigueur.
Cependant les plus habiles naturalistes
conviennent encore aujourd'hui que le re-
mède le plus efiicace contre la luxure est
l'abstinence et le jeûne ( Uis(. nat. , t. 111,
«77-12, c. 'h, p. 105). Croient-ils pour cela
(tue la luxure est un mauvais démon qui
infeste notre àme ? Les Pères de l'Eglise,
qui ont tant recommandé le jeûne, et qui
l'ont pratiqué eux-mêmes , ne le croyaient
])as plus. Les anciens philosophes, les secta-
teurs de Pythagore, de Platon et de Zenon,
plusieurs épicuriens môme, ont aussi loué
et pratiqué l'abstinence et \e jeûne; l'on peut
s'en convaincre en lisant le Traité de l'abs-
tinence de Porphyre. Ils n'avaient certaine-
ment pas rôvé que la Divinité se plaît à nous
voir souffrir, et les épicuriens ne croyaient
pas aux démons. Mais ils savaient par ex-
Eérience que le jeûne est un moyen d'afl.d-
lir et de dompter les passions, que les souf-
frances servent à exercer la vertu ou la force
de l'fime.
Quiconque admet un Dieu et une provi-
dence croit que, quand l'homme a péché,
il lui est utile de s'en repentir et d'en être
allligé ; c'est un préservatif contre la rechute:
or, les censeurs dn jeûne conviennent qu'un
homme affligé ne pense pas à manger. Ce
n'e»t donc pas une superstition de juger que
lejVwHeestun signe et un moyen de péni-
tence, aussi bien qu'un remède contre la
fougue des passions. Et comme nous n'accu-
sons point de cruauté un médecin qui pres-
crit l'abstinence et des remèdes à un ma-
lade. Dieu n'est pas cruel non plus, lors-
qu'il ordonne h un pécheur de s'affliger, de
s'humilier, de soulfrir et de jeûner.
Pour savoir si le jeûne est nuisible à la
santé, ou peut nous rendre incapables de
remplir nos devoirs, il suffit de voir s'il y a
moins de vieillards à la Trapi)e et à Sept-
Fonts que parmi les voluptueux du siècle ;
si les médecins sont plus souvent appelés
pour guérir des inlirmités contractées par
îojeime, que pour traiter des maladies nées
de l'interupérancc ; si enfin les gourmands
sont i)lus exacts h remplir leurs devoirs
que les hon^mes sobres et mortifiés.
Lorsque nous lisons les dissertations des
épicuriens modernes, il nous parait qu'ils
clierchent moins ce qui est utile à la société
en général, qu'ilsnepensenthjustifierlalicen-
ce avec laquelle ils violent les lois de l'absti-
nence et du jeûne. Voij. Carême, Absti-
nence. Us traitent de fables ce qu'on lit
dans la vie de plusieurs saints de l'un ou
de l'autre sexe, qui ont passé trente ou qua-
rante jours sans manger. Mais ces faits sont
trop bien attestés pour que l'on puisse en
douter. Indépendauunont des forces surna-
turelles que Dieu a pu donner à ses servi-
teurs, il est certain qu'il y a des tempéra-
ments qui, fortifiés par l'habitude, peuvent
pousser beaucoup plus loin le jeûne que le
commun des hommes, sans déranger leur
santé, et même sans s'affaiblir beaucoup.
Ce (jue nous lisons dans les relations de
plusieurs voyageurs, qui se snut trouvés
réduits à passer plusieurs jours dans des
fatigues excessives, sans autre nourrituro
qu'une poignée do farine de mais ou quel-
ques fruits sauvages, rend très-croyable ce
que l'on raconte liesjeûnes observés par les
saints. En général, la nature demande peu
de choses pour se soutenir : mais la sensua-
lité passée en habitude est une tyrannie à
peu près invincible. Nous sommes étonnés
delà multitude et de la rigueur des jetki.es
que pratiquent encore aujourd'hui les dif-
lérentes sectes de chrétiens orientaux.
Daillé, Bingham et d'autres écrivains pro-
testants soutiennent que, dans les premiers
siècles, \c jeûne no renfermait point l'absti-
nence de la viande, qu'il consistait seulement
(i différer le repas jusqu'au soir, h en retran-
cher les mels délicats et tout ce qui pouvait
flatter la sensualité. Us 1« prouvent par un
passage de Socrate {Ilist. ccclés., l. v, c. 22),
qui dit que pendant le carême les uns s'abs-
tenaient de manger d'aucun animal, les au-
tres usaient seulement do poisson, quelques-
uns mangeaient de la volaille sans scrupule,
et par l'exemple de l'évêque Spiridion, qui,
dans une jour déjeune, servit du lard à un
voyageur latigué, et l'exhorta à en manger
(^pzoni., 1. I, c. llj.
Mais de tous les mois dont on peut se
nourrir, y en a-t-il de plus succulents et
el qui flattent davantage la sensualité que la
viande ? C'est donc la première chose de la-
quelle il convenait de s'abstenir les jours de
jeûne, selon l'observation môme de nos cri-
tiques. Le passage de Socrate prouve très-
bien que de son temps, comme aujourd'hui,
il y avait des chrétiens très-peu scrupuleux,
et qui observaient fort mal la loi du jeûne ;
mais les abus ne font pas la règle. Plus de
soixante-dix ans avant le temps auquel So-
crate écrivait, le concile de Laodicée, tenu
l'an 3G6 ou 367, avait décidé que l'on devait
observer la xérophagic, ou ne vivre que d'a-
liments secs pendant la quarantaine d\i jeûne,
cnn. 50 ; il ne permettait donc pas l'usage de
lii viande.
L'exemple de saint Spiridion favorise en-
core moins nos adversaires. L'historien ob-
serve qu'il ne se trouva chez lui ni pain, ni
faiine ; le voyageur, auquel il servit du lard,
refusa d"al)ord d'eu manger et reiiréson'a
qu'il était clirélien ; donc rusa,ge des chré-
tiens n'était pas de faire gras en carême. Le
saint évoque vainquit sa répugnance, en lui
disant que, selon 1 "Kcriturc sainte, tout est pur
pour les coeurs purs; le cas de nécessité l'ex-
cusait dans cette circonstance. Cette réponse
nous indique la raison pour laquelle l'.liglise
ne lit pas d'abord une loi générale de l'absti-
nence ; on craignait défavoriser l'erreur des
marcionites, qui s'abstenaient de la viande
et du vin, parce (jue, selon leur opinion, c'é-
taient des jiroductions du mauvais principe.
Di; là les canons des apôtres ordonnent de
déj.'Oser un ecclésiastique qui s'abstient de
77
JOA
jon
78
viande ot do vin par un molif iriiorreur et
non pour se mortilier, qui ouiilie ijue ce
sont des dons du Créateui', et ))lasphèuie
ainsi contre la création, €an. k'S et îi5, ou,
selon d'autres, 51 et 53. Lorsque le danger
a été passé, l'ahstinenco a été généralement
observée, et c'est très-mal à propos que les
prolestants se sont éli^vés contre celte disci-
pline respectable. Yoy. Bévéridge, sur les
Canons de rEglisc primitive, 1. m, c. 9, § 7.
Moslieim, quoiciuc prol(\stanl, a été forcé
(l(! convenir que ]c jrûnc du mercredi et du
vendredi paraît avoir été en usaîi;e dés le
tenais des apôtres, ou inuuédiatement après.
Les apôtres ont-ils donc laissé introduire
luie pratique superstitieuse? Un savant aca-
déiincien a prouvé que les jeûnes religieux
ont été en usai^e chez la plupart des pcniiles
de l'univers ; et en remontant à lori^iue, il
a tiouvé cette pratique fondée sur des mo-
tifs très-sensés, Mém. del'Acad. desJnscript.,
toiii. V, ni-1-2, p. 38. Mosheim avait profon-
dément oublié l'Evangile, lorsqu'il a écrit et
répété que les premiers chrétiens iiuisèrent
dans la philosophie de Plalon leur goût ex-
cessif [our le jeûne el [lour l'abstinence. Les
justes de l'Ancien Testament, Jésus-Christ
et les apOtres avaient-ils étudié dans l'école
di' Platon? Dissert, de lurbuia per récent.
Phttonicos Ecctesia, § 4-9 et 50 ; Hist. eccles.,
deuvième siècle, ii° part., c. 1, S 12; Uisl.
christ., sœc. u, ^ 33. Voy. Abstinence, As-
cii:ri;s, Cahème, Mortii-ication.
JOACHIMITES , disciples de Joachim,
abbé de Flore en Calabre, ordre de Cîleaux,
(uii passa pour prophète pendant sa vie, et
qui aiirès sa mort laissa plusieurs livres de
iirédictions et d'autres ouvrages. Ces écrits
furent condamnés, sans nommer l'auteur,
l'an 1215 par le concile de Latran, et par
celui d'Arles, en 1260.
Los joachimites étaient entêtés du nombre
ternaire, relativement aux trois personnes
de la sainte Trinité. Ils disaient (pie Dieu
le Père avait régné sur les hommes depuis
le commencement du monde jusipi'^ l'avé-
nement de Jésus-Christ ; que i'oi>ération du
Fils a duré depuis cet avènement jusqu'à
leur temps, pendant douze cent soixante
ans; qu'après cela le Saint-Esprit devait
opérer aussi à sou tour. Cette division n était
déjà rien moins que conforme à la saine théo-
logi<>, suivant laquelle toutes les opérations
extéi ieures de la Divinité doivent être attri-
buées conjointement aux trois Personnes
divines. Ils divisaient les hommes, les temps,
la doctrine, la manière de vivre, chacun en
trois ordres ou trois états, ce qui laisait
quatre ternaires. Le premier comprenait trois
états ou ordres d'hommes ; savoir, celui des
gens mariés, qui avait duré sous le rè-
gne du Père éternel, ou sous l'Ancien Tes-
tament ; celui des clercs, qui a eu lieu sous
le règne du Fils, ou sous la loi de grâce;
celui des moines, qui devait dominer du
temps de la plus gr.mdc giAce par le Saint-
Esprit. Le second ternaire était celui de la
doctrine, Savoir, l'Ancien Testament donné
pai- le Père ; le Nouveau, qui est l'ouvrage
(lu Fils ; el l'Evangile éternel qui devait ve-
nir d\i Saint-Espiit. Le ternaire des temps
sont les trois règnes dont nous avons parlé :
celui du Père, ou l'esprit de la loi mosaïque;
celui (lu Fils, ou l'esprit de gr.lce ; celui du
Saint-Esjiril, ou de la très-grande grAce, et
de la vérité cnlin découverte. Sous le pr(^-
mier, disaiiMit ces visionnaires, les hommes
ont vécu selon la chair ; sous le second, ils
ont vécu entre la chair et l'esprit ; sous le
troisième, et jusqu'à la fui du monde, ils
vivront entièrement selon l'esprit. Dans
cette troisième période, selon iQSJonch imites,
les sacrements, les figures et tous les signes
sensibles di^vaient cesser et la vérité se mon-
trer à découvert.
On prétend que l'abbé Joachim était aussi
trilhéislc; q\ï\l n'admettait, entre les trois
personnes divines, qu'une union de volontés
et de desseins.
Malgré l'autorité des deux conciles qui
ont condamné ses visions et son Evanyile
éternel, il s'est trouvé uu abbé de son ordre
nommé Grégoire Laude, (lui a écrit sa vie, a
voulu éclaircir ses prophéties, et a tenté de
le.'^ustilier du crime d'hérési(! ; cet ouvrage
fut imiu'imé à Paris eu IGGO, eu un vol. in-
fi)liu. D. Gervaise, ancien abbé de la Trapi.)e,
a aussi donné au public une histoire de l'abbé
Joachim, el a de nouveau entrepris son apo-
logie ; mais aucun de ces deux écrivains
n'est venu à bout de prouver que l'on ait
imputé faussement à ce moine les erreurs
condamnées dans ses livres. 11 n'est pas cer-
tain qu'il soit l'auteur de l'Evangile éternel ;
quelques-uns prétendent que cet ouvrage
est de Jean de Rome, ou Jean de Parme,
septième général des frères mineurs ; d'au-
tres l'attribuent à Amam-i, ou à quelqu'un
de ses disciples ; selon d'Argentré, quebiues
religieux voulurent en introduire la doctrine
dans l'université de Paris, en 125'i-.
Quoi qu'il en soit, les visions de l'abbé
J(iachim produisirent de très-mauvais elfets.
Elles donnèrent lieu aux rêveries de Séga
rel, de Doucin, et d'aures fanatiques, dont
les sectateurs troublèrent l'Eglise pendant
le reste du treizième siècle. Voy. Aposto-
liques.
JOANNITES. On donna ce nom, dans le
V' siècle, h ceux qui demeurèrent attachés
k saint Jean Chrysostome, et ne voulurent
point rompre communion avec lui. On sait
(pie ce saint fut exilé par les nrlilices de
l'imiiéralrice Eudoxie, et déposé dans un
conciliabule par Théophile d'Alexandrie, en-
suite dans un second tenuàConstantiiiople;
le nom de joannites devint ainsi un titie de
disgrâce à la cour impériale. Voy. Saint
JliAN ClIRVSOSTOME.
JOB, nom d'un des livres de l'Ancien
Testament, ainsi appelé parce qu'il renferme
l'histoire de Job, patriarche célèbre par sa
jiatience , par sa soumission à Dieu , sa
sagesse et ses autres vertus. Ce saint per-
sonnage vivait dans la terre de Hus, que
l'on croit être l'idumée orientale, aux envi-
rons de Bosra. Le sentiment le plus comnnui
n
ioè
JOB
80
est que Job lui-même est l'auteur du livre
qui contient son histoire.
On a formé sur ce livre une infinité de
conjectures. Quelques protestants, suivis par
les incrédules, ont pensé que Job n'est point
un personnage réel qui ait véritablement
existé, que son livre est une allégorie ou
Hne fable morale, et non une histoire. Mais
ce sentiment ne s'accorde point avec le ré-
cit de plusieurs auteurs sacrés (Ezéchiel. c.
xiT, T. ik) met Job, avec Noé et Daniel, au
rang des hommes d'une vertu éminente.
L'auteur du livre do Tobie compare les re-
proches que l'on faisait à ce saint homme,
\ ceux dont Job était accablé par ses amis
{Tob., c. II, T. 11). L'apôtre saint Jacques
Î)ropose Job comme un modèle de patience
c. V, V. 11). Tout cela parait désigner un
personnage réel. Quand on prendrait pour
une allégorie ce qui estditdansle livre de Job
touchant les enfants de Dieu, ou les anges,
parmi lesquels se trouve Satan, etc. (c. i et
iij, cela n empêcherait pas que le reste de
l'nistoire ne dût être regardé comme véri-
table. On n'a pas moins varié sur l'auteur
du livre. Les uns ont cru que Job l'avait
écrit lui-même en syriaque ou en Arabe, et
que c'est le plus ancien de nos livres saints ;
qu'ensuite Moïse ou quelque autre Israélite
la traduit en hébreu ; d'autres l'ont attribué
à Eliu, ou à l'un des deux autres amis de
Job ; plusieurs à Moïse ou h Salomon, à
Isaïe ou h quelque écrivain plus récent ; au-
cune de ces dernières opinions n'est assez
solidement établie.
11 parait que l'auteur du livre de Job a
fait allusion au passage de la mer Rouge,
lorsqu'il a dit en parlant de Dieu (c. xxvi, v.
12] : « Il a fendu la mer par sa puissance, il
a irappé le superbe par son souffle, il a rendu
le ciel serein et a blessé le serpent tortueux. »
Isaïe (c. Li, V. 9) se sert des mêmes expres-
sions en citant ce prodige. Mais, d'un autre
côté, si Job a vécu dans le voisina;Jîe du dé-
sert pendant les quarante ans que les Israé-
lites y ont passé, il est étonnant qu'il n'ait
pas cité leur servitude en Egypte comme un
exemple des calamités par lesquelles Dieu
afflige souvent ceux qu'il aime et qu'il pro-
tège.
La langue originale de ce livre est l'Hé-
breu, mais mêlé d'expressions arabes et
chaldaïques, et de plusieurs tours de p'ira-
ses qui ne se trouvent point dans l'hébreu
pur; c'est ce qui rend cet ouviage oljscur
et difficile à entendre. Aussi la version grec-
que dont les anciens se sont servis est-elle
très-imparfaite. Le texte est écrit en style
poétique, et en vers libres, quant k la me-
sure et à la cadence ; leur l)cauté consiste
principalement dans la force de l'expression,
dans la sublimité des pensées, dans la viva-
cité des mouvements , dans l'énergie des
peintures , dans la variété des caractères ;
tout cela y est réuni dans le plus haut degré.
C'est un monument précieux de l'ancienne
philosophie des Orientaux. Job y discute
avec ses amis une question trèsi-mporlaate ;
savoir, si Dieu, sans injustice, peut affliger
les justes ; Job soutient qu'il le peut, et
en donne les mêmes raisons que nous allé
guons encore aux détracteurs de la Provi-
dence. Il pose pour principe, 1° que les des
seins de Dieu sont impénétrables, qu'il est
le maître absolu de ses bienfaits, qu'il peut
les accorder ou les refuser h qui il lui plaît,
sans qu'on puisse l'accuser d'injustice ; 2"
qu'aucun homme n'est exempt de péché ,
qu'il en est souillé dès sa naissance, les af-
flictions qu'il éprouve peuvent donc être
toujours 1 expiation de ses fautes. 3° Il sou-
tient que Dieu dédommage ordinairement
en ce monde le juste affligé, et il en est lui-
même un illustre exemple. 4-° Job ne borne
point ses espérances à cette vie ; il compte
sur un état à venir dans leijuel le juste sera
récompensé de ses vertus, et le méchant
puni de ses crimes. Lowt, qui, dans son ou
vrage De sacra Poesi Hebrœorum , a éclairci
un grand nombre de passages du livre de
Job, fait voir que ce patriarche iiarle évidem-
ment d'un lieu de félicité pour les justei
après la mort.
11 y a plus, ce saint homme professe clai-
rement le dogme de la résurrection future.
Il dit (c. XIX, V. 25 et suivants) : f Je sais
que mon Rédempteur est vivant, et que jo
ressusciterai de la terre au dernier jour ; que
je serai de nouveau revêtu de ma dépouille
mortelle, et que je verrai mon Dieu dans ma
chair, etc. » Ceux qui ont conclu de là que
le livre de Job est d'un auteur récent, que
les anciens n'avaient pas une idée aussi
claire de la résurrection qu'elle le paraît dans
ce passage, sont partis d'un principe très-
faux , en supposant que ce n'était point là la
croyance primitive des anciens peuples, et
surtout des patriarclies. Voy. Résurrection.
Ce n'est donc pas sans raison que les Juifs
et les chrétiens ont regardé Job comme un
auteur inspiré. Son livre a été leconnupour
canonique par la Synagogue et par l'Eglise,
dès les premiers siècles. Saint Paul l'a cité
{I Cor. c. III, V. 19). « Il est écrit, dit-il, je
surprendrai les sages dans leur fausse sa-
gesse. » Or, ce |)assage ne se trouve que
dans le livre de Job, c. v, v. 11. Ce livre est
renferme dans les plus anciens catalogues
des livres sacrés. Ceux qui ont voulu faire
douter si les Juifs l'avaient reçu comme tel,
n'ont allégué que le silence de Josèphf ; mais
ce silence ne prouve rien, puisque Josèplie
n'a pas nommé en détail les livres de l'E-
criture. Saint Jérôme atteste (]ue Job était
mis par les Juifs au rang des hagiographes ;
aucun docteur juif n'a dit le contraire. Le
jésuite Pinéda a fait un savant commen-
taire sur ce livre , et Spanheim a donné une
Vie de Job très-détaillée. Voy. la Préface du,
livre de Job, Bible d'Avignon, t. VI, p. kkd.
JOËL est le second des douze petits pro-
phètes. Il paraît qu'il prophétisa dans le
royaume de Juda, après la ruine de celui d'Is-
raël, et le transiiort des dix tribus en Assy-
rie. Sa prophétie , qui ne contient que trois
chapitres , annonce quatre grands événe-
ments ; savoir, une nuée d'insectes qui de-
vait ravager les campagnes et iiroduire une
81
JOl
luinine dans le royaume de Juda : Jérémie
parle de cette faûiiiic (c. xiv, v. 1) ; une ar-
mée d'étrangers qui devait venir et achever
de dévasier la Ju It^o : il est h |irésunier que
c'est l'arméo deNaiiuchodonosor, qui détrui-
sit le loyauiue de Juda, et emmena les Juifs
à Bai)ylone; le reldur de cette captivité et les
bienfaits dont Dieu voulait ensuite comjjler
son peuple ; enlin la vengeance qu'il tirerait
des ])euples ennemis des Juifs.
Dans les Actes des Apôtres, cliap. n, v. 16,
saint Pierre ap|)lique h la descente du Saint-
Esprit ce que Joël avait dit des faveurs que
Dieu voulait accorder à son peu|)le, et des
signes qui devaient paraître à cette occ.ision
dans le ciel et sur la terre. De là jilusieurs
Pères de l'Kglise, et plusieurs commenta-
teurs, ont conclu que la prophétie de Joël
n'avait point été accomplie dans toute son
étendue, au retour de la captivité de Baby-
lone ; (lu'il fallait par conséquent lui donner
un double sens. Quelques modernes, qui ont
vu que toutes les circonstances n'avaient
pas été vériliées non plus à la descente du
Saint-Es|)rit et h la prédication de l'Evangile,
ont pensé (jne ce cjui est dit dujtigemcnt que
Dieu devait exercer sur les nations doit s'en-
tendre de la lin du monde et du jugement
dernier; conséquemment qu'il y a dans les
paroi i^s de Joël un troisième sens prophéti-
que. Vny. la préface sur Joël, Bible d'Avignon,
tom. XI, p. 361.
JOIE. Un des reproches les plus communs
que les incrédules font à la religion, c'est
que ses dogmes, sa morale, ses pratiques
semblent faits pour nous attrister, pour nous
interdire toute esiiôce do joie et de plaisirs ;
que la piété ou la dévotion n'est dans le fond
qu'un accès de mélancolie ; qu'un chrétien
régulier et fervent doit être le plus malheu-
reux des hommes.
Cette prévention ne s'accorde guère avec
le langage de nos livres saints. Continuelle-
ment le psalmisto exhorte les adorateurs du
vrai Dieu à se réjouir, à se livrer aux plus
doux transports de la joie ; il invite tous les
hommes à goûter et à éprouver combien le
Seigneur est doux ; il ne regarde comme
heureux que ceux qui servent le Seigneur,
qui connaissent et méditent sa loi, et qui y
contbrment leur conduite. SaintPaul exhorte
de môme les fidèles à se réjouir dans le Sei-
gneur (Philipp., c. III, v. 1 ; c. IV, V. 4) ; à
chanter de tout leur cœur des hymnes et des
cantiques pour louer Dieu [Ephes. c. v, v. 19 ;
Coloss. c. III, V. 16). Il dit que le royaume de
Dieu en ce monde ne consiste point dans les
voluptés sensuelles, mais dans la joie et la
paix du Saint-Esprit (Rom. c. xiv, v. 17J. Il
proteste qu'au milieu des travaux et des pei-
nes de l'apostolat il est comblé et transporté
de joie {IJ Cor. c.vii, v. 4). Les saints, dans
tous les siècles, ont répété la même chose.
Ceux qui avaient mené d'abord une vie peu
chrétienne ont attesté, après leur conversion,
qu'ils jouissaient d'un sort plus heureux,
qu'ils goûtaient une joie plus douce et plus
pure qu'ils n'avaient f;lit lorsqu'ils se livraient
au plaisii'. Tous ces liommes vertueux ont-
JON 82
ils été des imposteurs, ou le christianisme
a-t-ii changé do nature, pour devenir une
religion triste et luguhi e ?
Que Dieu, touché de compassion envers
le genre humain, ait daigné envoyer et livrer
son Fils unique pour nous sauver; que, par
les mérites de ce divin Rédempteur, il clis-
tribue plus ou moins abondamment à tous les
hommes des grâces pour les conduire au
salut ; que nous ayons pour juge un Dieu
qui a voulu être notre frère, alin d'être mi-
séricordieux ( Hebr. c. ii, v. 17 ) ; que les
soull'rances inévitables à la nature humaine
puissent devenir pour nous le principe d'une
éternité de bonheur, etc. : voilà des dogmes
qui no sont certainement pas destinés à nous
elfrayer et à nous attrister, mais à nous ré-
jouir et à nous consoler ; et ce sont précisé-
ment les dogmes fondamentaux du chris-
tianisme.
Nous convenons que, pour en établir la
croyance, il a fallu que les apôtres et les
premiers fidèles fussent exposés aux plus
rudes épreuves, môme à perdre la vie oans
les tourments, ce sont là les sujets de tristesse
et do larmes que Jésus-Christ leur avait an-
noncés ; mais il leur avait prédit aussi que
leur tristesse serait changée en joie { Joan.
c. XVI, v. 20) : il ne les a pas trompés.
Si le sentiment d'un philosophe païen
peut faire plus d'impression sur les incrédu-
les que celui des auteurs sacrés et des saints
de tous les siècles, nous les invitons à lire le
traité de Plutarque contre les épicuriens ,
dans lequel il s'attache à [irouver gue l'on
ne peut vivre heureux en tuivant la doctrim
d'Epicure ; cju'il y a de la folie k se priver
des consolations que donne la religion, soit
pendant la vie, soit à la mort. Ce philosopha
était-il un enthousiaste, un insensé ou un
esprit faible, tel que les incrédules ont cou-
tume de peindre les saints du christianisme ?
Ils devraient essayer du moins de répondre
aux arguments de Plutarque j aucun d'eux
ne l'a encore entrepris.
JONAS est l'un desdouze petits prophètes;
il parut sous le règne de Joas et de Jéroboam
II, roi d'Israël {JY Reg. c. xiv, v. 25 ), et
d'Ozias ou Azarias, roi de Juda, par consé-
quent plus de huit cents ans avant notre ère;
ainsi il paraît être le plus ancien des pro-
phètes.
Sa prophétie, renfermée en quatre chapi-
tres, nous apprend que Dieu lui ordonna
d'aller prêcher à Ninivo ; que Jonas s'embar-
qua pour s'enfuir et éviter cette commission.
Dieu excita une tempête, pendant laquelle les
mariniers jetèrent ce prophète dam la mer;
il y fut englouti par un grand poisson qui,
après trois jours, le vomit sur le sable. Alors
Jonas alla prédire aux Ninivites leur ruine
prochaine ; ils tirent pénitence, et Dieu leur
pardonna.
Jésus-Christ, dans l'Evangile, a proposé
aux Juifs l'exemple de la pénitence des Ni-
nivites, et il ajoute : De même que Jonas di-
meura trois jours et trois nuits dans le ventr»
d'unpoisson, ainsi le Fils de l'homme demeurera
(rois jours et trois muA»- dam k sein de la tern
{ Matth., c. x\\, V. W). Aussi la prophétie de
Smas a toujout-s (lié mise au nombre des li-
. vros canoniques, et reconnue comme au-
thentique, soit par les Juifs, soit par les
chrétiens ; le livre de Tobie paraît y faire
allusion ( c. XIV, V. 6 ).
Mais les incrédules n'ont pas manqué do
^ tourner en ridicule l'histoire do Jonas, et de
\ la regarder comme une fable ; les païens fai-
\ salent de môme autrefois, saint Augustin ,
i Epist., 102, q. 6, n. 30. Comment un homme
a-t-il pu être avalé par un poisson sans être
brisé, vivre pendant trois jours et trois nuits
dans le ventre de cet animal sans être étoulTé?
Ce miracle n'était pas nécessaire; Dieu pou-
vait convertir autrement les Ninivites. Est-il
croyable que ce peuple ait ajouté foi à un
étranger, à un inconnu qui venait lui pré-
dire sa ruine prochaine, qu'il ait fait péni-
tence sur cette menace ? Jonas dut être re-
gardé comme un insensé. Les fables grec-
ques racontaient aussi que Hercule avait été
avalé par un poisson.
Nous répondons que, quand il est question
d'un miracle opéré par la toute-puissance de
Dieu, il est ridicule de demander comment
il a pu se faire. Les naturalistes savent qu'il
y a dans la Méditerranée des poissons assez
gros pour avaler un homme entier, et ils en
citent des exemples. Que celui qui engloutit
Jonas ait été une baleine, ou une laniie/rela
est fort inditîéront. Il n'a pas été plus diftîcile
à Dieu de faire vivre un homme pemiant
trois jours dans le ventre de ce monstre, que
défaire croître un enfant dans le sein de sa
imère. Si nous n'étions pas instruits par expé-
rience de la manière dont Un homme ou un
animal vient au monde, nous ne poun ions
J3as nous persuader que cela est possiljle.
Parce que Dieu pouvait faire autrement,
s'ensuit-il que ce que nous voyons n'est pas
Trai ? L'histoire de Jonas est plus ancienne
quel s fables des Grecs ; celles-ci n'ont dune
pas pu lui servir de modèle.
Le miracle opéré à l'égard de Jonas n'était
pas plus nécessaire à Dieu que tout autre
miracle ; mais il a été très-utile pour donner
aux Juifs, d'avance, un exemple de la résur-
rection do Jésus-Clirist, pour convaincre
l'univers entier du pouvoir de la pénitence,
pour prouver l'étendue des misériconies do
Dieu envers tous les peuples et envers tous
les hommes sans exception. Ce que disent
à Dieu les mariniers, en jetant Jonas dans la
mer ; les réllexions des Ninivites sur la mi-
séricorde de Dieu ; le reiiroche que Dieu
adresse à son prophète, qui se plaignait de
cette miséricorde môme, sont une des plus
touchantes leçons qu'il y ait dans toute l'Ecri-
ture sainte. Elle démontre aux incrédules que
Dieu n'a jamais abandonné entièrement au-
cune nation, qu'il a toujours agréé le culte,
les prières, les hommages de tous les peuples,
lors(]u'ils les lui ont adressés. Von. la disser-
tation sur le miracle de Jonas, Bible d'Ati-
gnon, t. XL p. 516.
JOSAPHAT est le nom d'un roi de Juda ;
il signilie j'i/(/e ou jugement. La vallée de Jo-
saphat était célèbre par une victoire que ce
JOS
et
roi y remporta sur les entiemis de son t)eu-
ple {II Parai, c. 20). ï)ans le prophète Joël
(c. UT, V. 2 et 12), le Seigneur dit : « Je ras-
semblerai tous les peuples dans la valUe de
Josaphat, c'est-à-dire dans la vallée du juge-
ment ; je disputerai contre eux sur ce qu'ils
ont fait à mon peuple, et je les jugerai. Le
prophète ne parle que des peuples voisins et
ennemis des Juifs ; mais sur l'équivoque du
mot Josaphat , plusieurs commentateurs se
sont persuadé qu'il était question la du ju-
gement dernier, et qu'il devait se faire dans
cette vallée de la Palestine. C'est une opi-
nion iiopulaire qui n'a aucun fondement.
Yoy. JjEL.
JOSEPH, fils de Jacob, l'un des douze pa-
triarches ; son histoire, qui est fapportéo
dans le livre de la Genèse, c. 37 et suiv., est
très-touchante : mais elle a fourni matière a
un très-grand nombre de critiques absurdes,
qui ne prouvent autre chose qne l'ignorance
et la malignité des censeurs modernes do
l'histoire sainte.
Comme ils ont cru trouver de la ressem-
blance entre plusieurs événements de la vie
de ce patriarche et des aventures de quelques
héros fabuleux, ils ont tâché de persuader
que l'historien juif avait tiré sa narration des
écrivains grecs ou arabes. Ils n'ont point
fait attention que Moïse, auteur du livre de
la Genèse, a écrit plus de cinq cents ans
avant tous les auteurs profanes dont nous
avons la connaissance. Justin, qui parle de
l'histoire de Joseph, après Trogue-Pompée, 1.
XXXVI, ne parait point la révoquer en doute.
Elle tient d'ailleurs à une multitude de faits
qui en déniontrent la réalité. Le voyage de
Jacob en Egypte, où il estapi^elépar JojfpA ;
le séjour que sa postérité fait dans ce pays-là,
et dont les historiens égyptiens font mention;
les deux enlanls de Joseph adoptés par Ja-
cob, et qui deviennent chefs de deux tribus ;
les os de Joseph, conservés en Egypte pendant
deux siècles, reportés ensuite Oans la Pales-
tine, et enterrés à Sichem : tout Cela forme
Une chaîne indissoluble qui ne peut être un
tissu de fictions.
, La i)lupart des aventures de Joseph, disent
nos critiques, ne sont fondées que sur des
songes prétendus mystérieux. Il en fait
d'abord qui lui présagent sa grandeur future;
ti'ansporlé en Egypte, il explique les rêves
de deux officiers de Pharaon; il donne en-
suite l'interprétation des songes de ce roi,
et, pour lécompense, il est fait prehiii.T
ministre. Tout cela ne peut servir qu'a auto-
riser la folle confiance que les peuples
ignoiants ont donnée à ieurs rêves dans tous
les temps, et donner lieu aux fourberies des
imposteurs.
Nous répondons que si tous les songes
étaient aussi clairs, aussi bien circonstan-
ciés, aussi exactement vérifiés par l'événe-
ment, qu j ceux dont Joseph donna l'etpli-
cation, il serait très-permis d'y ajouter loi.
Dieu, sans doute, a pu se servir de ce moyen
jiour faire comiaître ses volontés et ses
desseins, îorsipiille jugeait à propos : mais
il avait l'ait défondrc par lloïsc île donner
85 JOS
confiancn en gt^néral aux rôves des impos-
teurs ( />^(^ , c. XIII, V. 1 ctsuiv.). Jacob
et ses enfants n'ajoutèrent d'abord nui'uno
foi aiix songes de Joseph; la suite seule
di^uionti'a que ce n'étiiont pas des illusions.
Il est dit [Gen. , c. xi.iv, v. 5) (|Uo Joseph
se servait dn sa eouiie pour tirer des présa-
ges, et il dit il ses frères, v. 15: « No savez-
vous pas que personne n'est au'-si babile
que moi dans l'art de deviner?» Cet art
frivole était donc pratiqué par un lionime
que l'on nous donne pour un modèle do sa-
gesse et de vertu.
Mais le texte hébreu présente un autre
sens, V. 5. Le serviteur de Joseph dit :
« N'est-ce point la coupe dans laquelle boit
mon maître? Devin habile, il a deviné ce
qu'il en était; » il a deviné ce qu'elle était
nevenue et où ellRdevaitse trouver. Les paro-
les de Joseph nesignitientrien de plus; il n'a-
vait pas tort d'alléguer la science que Dieu
lui avilit donnée des choses cachées; mais ce
n'était ni une connaissance naturelle ni un
art duquel il fît profession.
Les censeui-s de l'histoire sainte témoi-
gnent leur étonnemcnt de ce que l'eunutjue
Putiphar avait une feriime ; il avait même
une tille, disent-ils, puisque /osp/)/( eut pour
épouse Asseneth, fille de Putijihar (Gen. c.
TU, V !io]. Ils confondent deux persohnag>s
très-ditîérents, Putiphar auquel Joscjo/i fut
vendu était maître de la milice do Pharaon
{Gen. fc. xxxix, v. t^, et Poutipercu/h, dont il
épousa la fille, était prêtre, ou plutôt gouver-
neur de la Ville d'Héliopolis: ces deux noms
ne àrtnt pmè le même en hébreu.
Seloii la remarque do Favorin, le grec
Ixvouyo? vient de suvijv i'yîiv , (larder h Ht ou
l'inléVieur d'un appartement; c'était, dans
i'ori;jine, le titre de tout ofiicier de la cham-
bre (lu roi, et l'hébreu sariswQ signitie pas
autre chose. Ce n'est que dans la suite, et
chez les nations corrompues, (jue la jalousie
des princes lésa engagés à faire mutiler des
hommes pour le seivice intérieur de leur
iialais. Aiusi, de ce que le maître de la mi-
lice, le pannelier et l'échansun du roi sont
n'onuués sarts de Pharaon, il ne s'ensuit
pas qu'ils aient été eunuques dans le sens
actuellement attaché à ce tonne.
Ces môriies critiques disent que Joseph
commit une imprudence, en déclarant au
roi d'Egypte que ses frères étaient pasteurs
de Iroupcaiit, puisque les Egyptiens avaient
horreur de célté profession. Mais Joseph
avalises raisohs; il no voulut pas que ses
ft-ère^ et ses neveux fussent placés d'al)ord
dans l'intérieur de l'Egypte et môles avec les
Egyptiens; il les mit dans la terre de Gessen,
qui était un pays de pAturages, alin qu'ils y
bonservassenl plus aisément leurs mœurs et
ieilr religiim.
La conduite de Joseph, devenu premier
ministre, n'a pas trouvé^ grAce au tribunal
des incrédules; ils prétondent i[uo, |iour
faire sa cour, d força les Egyptiens, pondant
la famine, de vendre toutes leurs terres au
roi pour avoir des vivres; qu'il les rendit
ainsi tous esclaves ; qu'ensuite il les obligea
ï
JUS 8C
encore à vendre tout leur bétail, mais qu'il
laissa les terres aux prêtres, parce qu'il nvait
épousé la fille d'un prêtre, et qu'il les rendit
intlépendants de la couronne; qu'il eut l'at-
tention de faire doiuier à ses parents les
lostos les plus importants du royaume. —
'.'outes ces accusations sont fausses. L'his-
toire [)orto seulement que Joseph rendit le
roi propriétaire de toutes les terres de son
royaume; ses sujets ne furent plus que ses
fermiers, ils lui rendaient le cin(piième du
jHoJuit net, et avaient le reste pour eux
(Gen., c. xi.vii, v. 21). Dans un pays aussi
fertile que l'Egypte, cet inqxM était très-
léger ; il n'est aucune nation qui ne se crût
fort heureuse d'en être quitte pour un p.Treil
tribut. Quand on dit que Joseph rendit esehi-
ves les Egyptiens, l'on joue sur un mot.
L'hi''breu /ie^^cr/, ci-c^aye, signifie aussi sujet,
vassal , serviteur. Lorsque les frères de
Joseph disent au roi,:, Nous sommes vos
serviteurs [Ibid., v. i'9), cela ne signifie
point, nous sommes vos esclaves. En quel
sens peut-on appeler esclavafje la condition
de fermiers, qui ne rendent que le quint du
produit net à leur maître?
Sur un autre passage mal entendu, l'on
suppose que Joseph lit changer de demeure
à tous les Egyptiens, et les transplanta d'un
bout du royaume à l'àùltro [Ibiil., v. 21).
Vaine imagination. Le terme hébreu, qui
signifie faire passer d'un lieu à un autre,
signifie aussi faire passer d'une coridition à
une autre, changerlo sort d'une i)ersonne, Jo-
seph changea le sort ou l'état des Egyptiens
d'un bout du royaume à l'autre, et lendit
leur condition meilleure. Il ne s'ensuit pas do
là qu'il les ait délogés ou transporlés.LaVul-
gate a rendu très-exactemeiit le sens du texte.
il n'acheta jias les terres des prêtres,
parce qu'idles n'étaient pas à eux; le roi les
leur avait données; ils n'en avaient que l'u-
sufruit : leur état était encore le même du
temps d'Hérodote, 1. xi, c. 37. En quel sens
de simples usufruitiers sont-ils indépendants
de la couronne? Il n'est pas certain cjue
Josej>h ait épousé la fille d'un prêtre : l'hé-
breu cohen signitie non-seulement un prê-
tre, mais un prince, un chef de tribu, un
homme distingué dans sa nation. De là
même il s'ensuit que, chez les Egyptiens, les
lirêtres tenaient un rang considérable ; c'est
encore un fait dont Hérodote a été témoin.
Pharaon, dit h Joseph, en parlant de ses
frères : « S'il y en a parmi eux qui aient do
l'iriihistrie, confiez-leur le soin de mes trou-
peaux {Gen., c. xLvn, v. 6). Cet emploi n'é-
tait pas, sans doute, le plus important de son
royaume.
Enfin, il est impossible, diserik nos criti-
qiies, qu'une famine ait pu durer en Egypte
pendant sept années consécutives : on sait
que ce sont les inondations du Nil qui ferti-
lisent cette contrée, que, par oo moyeu, la
terre n'exige presque aucune culture. Il
n'est pas [irobable que les crues du Nil aient
pu être interrompues pendant sept ans :
d'où aurait pu venir ce phénomène? L'histo-
rien semble ignopèr ce fait iiaportant, l)uis-
87 lOS
qu'il n'en fait aucune mention. — Cela
prouve, selon nous, que l'histoire sainte ne
dit lien pour satisfaire notre curiosité : elle
ne raconte les événements que pour nous
faire aiimirer la conduite de la Providence.
Les censeurs de ce divin livre doivent savoir
que quand les crues du Nil ne sont pas assez
abondantes, ou qu'elles le sont trop, elles
portent un égal préjudice \ la fertilité de
l'Egypte. Dans le premier cas, les eaux ne
déposent pas assez de limon pour engraisser
la terre ; dans le second, elles ne se retirent
Eas assez tôt pour donner le temps de la la-
ourer et de semer : il a donc pu se faire
que, pendant sept années consécutives, l'i-
nondation du Nil fût excessive ou insuffi-
sante.
Nous pourrions ajouter que l'historien fait
assez comprendre de quelle cause devait
partir la famine de l'Egypte , puisque les
sept vaches grasses et les sept vaches mai-
gres, symbole des sept années d'abondance
et des sept années de stérilité, que Pharaon
vit en songe, sortaient du Nil {Gen. cap. xli,
V. 2).
C'est trop nous arrêter à des observations
minutieuses, et qui ne méritent pas une ré-
futation suivie ; mais il est bon de montrer
souvent des exemples de l'imprudence , du
défaut de connaissances et du peu de bonne
foi que les incrédules font paraître.
Joseph (saint), époux de la sainte Vierge,
père nourricier de Jésus-Christ. Comme on
a poussé, de nos jours, la malignité jusqu'à
jeter des soupçons sur la pureté de la nais-
sance de notre Sauveur, on a trouvé bon de
supposer, contre toute vérité, que sainC Jo-
seph n'avait ni estime ni affection pour Ma-
rie son épouse ; qu'il voyait de mauvais œil
l'enfant qu'elle avait mis au monde ; que
Jésus-Christ lui-même avait très -peu dé-
gards pour sainC Joseph.
Pour sentir l'absurdité de toutes ces ca-
lomnies, il sullit de savoir que les évangé-
listes déposent du contraire , et qu'ils ont
écrit dans un temps où ils auraient été con-
tredits par des témoins oculaires, s'ils avaient
avancé des faits faux ou incertains. Selon
leur récit, Joseph, avant d'avoir été instruit
du mystère de l'incarnation par un ange, et
s'apercevant de la grossesse de son épouse,
pensa à la renvoyer, non publiquement,
mais en secret, parce qu'il était juste ; il
était donc très-persuadé de l'innocence de
Marie. S'il avait eu des soupçons contre
elle, ils auraient été promptement dissipés,
soit par l'apparition de deux anges, dont
l'un lui révéla le mystère de l'incarnation,
l'autre lui ordonna de fuir en Egypte ; soit
par l'adoration des mages, soit par les trans-
ports de joie d'Anne et de Siméon lorsque
Jésus fut présenté au temple. En effet, Jo-
seph accompagne ^larie à Bethléem ; il est
témoin de la naissance de Jésus et des hom-
mages que lui rendent les pasteurs et les
mages ; il fuit en Egypte avec la mère et
l'enfant ; il les ramène ; il est présent lors-
que Jésus est otlert dans le temple ; il les
reconduit à Nazareth ; il va tous lea ans,
lOS
88
avec Jésus et Marie, h la fête de Pflques ;
il cherche avec elle Jésus, et le retrouve
dans le temple ; Jésus retrouvé lui adresse
la parole aussi bien qu'à sa mère ; il retour-
ne avec eux à Nazareth ; l'Evangile remar-
que qu'il leur était soumis {Luc. c. ii, v.23 ;
Matlh., c. II). Quelle preuve peut-on dési-
rer d'une union plus intime , d'un attache-
ment mutuel plus constant ?
Depuis que Jésus-Christ eut commencé sa
mission, l'Evangile ne parle plus de Joseph:
probablement il était mort ; mais les évan-
gélistes ont passé sous silence tout le temps
de la vie du Sauveur, qui s'est écoulé de-
puis l'âge de douze ans jusqu'à trente. Lors-
que les habitants de Nazareth , étonnés de
de la doctrine et des miracles de Jésus, de-
mandent : « N'est-ce donc pas là un artisan,
fds de Marie, frère ou parent de Jacques, de
Joseph, de Judas et de Simon ? ses parentes
ne sont-elles pas encore parmi nous {Marc.
c. VI, V. 3)?» ils semblent supposer que saint
Joseph, sou père, n'existait plus.
A l'article Marie , nous verrons que les
autres calomnies, forgées par les incrédules
contre cette sainte Mère de Dieu , ne sont
pas mieux fondées que celles-ci.
La fête de saint Joseph n'a été célébrée
que fort tard dans l'Eglise latine ; mais elle
est plus ancienne chez les Grecs.
JOSÈPHE, historien juif, était de race sa-
cerdotale, et tenait un rang considérable dans
sa nation. Après avoir été témoin du siège
de Jérusalem et de la ruine de sa patrie, il
fiit estimé et comblé de faveurs par plusieurs
empereurs, et écrivit à Rome ïkistoire de la
guerre des Juifs et les Antiquités judciiques :
les Romains mêmes ont fait cas de ces deux
ouvrages. Nous y trouvons trois passages
remarquables. Dans Vun, Josèphe rend témoi-
gnage des vertus de saint Jean-Baptiste et
de sa mort, ordonnée par Hérode {Anliq.
judaïq., I, xviii, c. 7). Dans l'autre , il dit
que le pontife Ananus II tit condamner Jac-
ques, frère de Jésus, nommé Christ, et quel-
ques autres à être lapidés, et que cette ac-
tion déplut à tous les gens de bien de Jéru-
salem. L. XX, c. 8. Dans le troisième, il
parle de Jésus-Christ en ces termes : « En
ce temps-là parut Jésus, homme sage, si ce-
pendant on doit l'appeler un homme ; car il
fit une infinité de prodiges , et enseigna la
vérité à tous ceux qui voulurent l'eutuadrc.
Il eut plusieurs disciples, tant juifs que gen-
tils, qui embrassèrent sa doctrine C'était le
Christ. Pilate, sur l'accusation des premiers
de notre nation , l'ayant fait crucifier, cela
n'empêcha pas ceux qui s'étaient attachés à
lui dès le commencement, de lui demeurer
fidèles. 11 leur apparut vivant, trois jours
après sa mort, selon la prédiction que les
prophètes avaient faite de sa résurrection et
de plusieurs autres choses qui le regardaient ;
et encore aujourd'hui la secte des chrétiens
subsiste et porte son nom. » L. xyiii , c.
4(1).
(1) Frtuves de V authenticité du texte de Josèphe.
1° On ne CDiiiiait pas un seul nianusciit ancien, où
ce passage ne se irouve lel que nous l'avons rappor-
89
JOS
Ce passage était trop favorable au chris-
tianisme, pour ne pas donner de l'humour
aux incrédules. Blondel, Lefèvre, et d'autres
firotestants, dont l'anibition ëlnit do décrier
es Pères de l'Eglise, ont trouvé bon de sou-
tenir que ce passage est une interpolation,
une fraude pieuse de quelque auteur chré-
tien ; ils ont accusé Eusèbe de cette infidé-
lité, parce qu'il est le premier qui ait cité le
passage dont il s'agit. La foule des incrédu-
les n'a pas manqué d'adopter ce soupçon :
plusieurs auteurs chrétiens se sont laissé
émouvoir par leurs clameurs ; la multitude
des écrits (jui ont été faits pour et contre a
Eresque rendu la question problématique,
elui (jui nous paraît l'avoir traitée avec le
plus do soin est Daubuz , écrivain anglais ,
dont Grabt> a publié l'ouvrage sous ce titre :
Cnroli Daubuz, de Testiin. FI. Josephi libri
duo, in-H', Londres, 1700. Dans la première
partie du premier livre, Daubuz l'ait l'énu-
méralion aes auteurs modernes, dont les
uns ont attaqué, les autres défendu l'authen-
ticité du jiassage de Josîphc. Il citi; ensuite
les anciens qui auraient dû en parler, et dont
le silence est un argument négatif; les juifs
qui l'ont rejeté, les chrétiens dont les uns ont
douté, les autres sesont inscrits en faux contre
ce passage. Dans la seconde partie, il réfiond à
uneréflexion deceuxqui ont régardé le témoii
gnage de Josèphe comme une pièce très-in-
ditlérente au christianisme. Dans la troi-
sième, il examine quel a pu être le senti-
ment de Josèphe à l'égard de Jésus-Christ,
et quels motifs il a eus d'en parler avanta-
geusement. Dans le second livre, il montre,
té. Comment rtono se peut-il faire qu'aucun n'ait
écliappc à l'inlerpdlalion?
'i° On Conserve dans la bibliothèque du Vatican un
ancien manuscrit qui appartenait à un juif, lequel,
en traduisant Joscplie du grec en hébreu, y avait
ellaïf le lixlo donl nous parlons. La rature y parait
encore anjourd'liui. Que diront à cela les critiques et
les censeurs.'
5" liust'be de Ccsarée, qui vivait cent cinquante ou
soixaulc années après la nioit de Josèphe, cilc le
même texte dans son grand ouvrage de la Uimon-
ilraiion évangcl que, par lequel il prouve, conUe les
Juils, l'accomplissenient des prophéties dans la per-
sonne de Jèsus-Chiist. Il le cite encore dans son
Uitloire eccléiiasliiiue.
Or, riiistoire de Josèphe étant entre le» mains des
juils et des païens; un homme aussi éclairé que Eu-
sèbe aurait-il ose citer un passage imaginaire ? et
tout le judaïsme et le paganisme ne se seraient-iU
pas récriés contre la supposition ? Cependant il n'y a
pas le moindre vestige daueune réclamation.
4° Saint Jérôme, qui était si exact sur l'aulhenti-
cilé des ouvrages, Ùulin, antagcuiisle de saint Jé-
rôme, Isidore de Pelusium, et (piantité d'autres au-
leiiis grecs, syriens, cjjyptiens, du i\' et du V siè-
cle, rapportent le même passage. Comment des hom-
mes (jui ne sont venus qu'onze ou douze siècles après
eut, qui sont si éloignés des sources et des évéue-
meiils, nous prou\eronl-ils que tous ces anciens
étaient des liommes sans discernement et sans cri-
ti(pie, et que toute la sagacité était réservée à notre
temps '!
5" Le savant Huei, 'N'alois, Vossius, Spencer,
Pagi, et une inlinilo d'autres, critiques très-savauls
et trés-éclairés, recunnaisseul ce texte pour authcn-
tique. Et quels liomuies, vis-a-vis de deux ou trois
JOS 90
par un examen suivi de toutes les phrases
et de tous les mots de ce passage célèbre,
qu'il n'est ni déplacé, ni décousu, ni dilïé-
reiit du style ordniaire de Josèphe ; (pu; non-
seulement il n'est pas inter|iolé, mais qu'il
n'a pas jiu l'être ; qu'un faussaire n'a p )s pu
être assez habile pour le forger. De ces ré-
flexions il est aisé de tirer des réponses so-
lides et satisfaisantes k toutes les objections
de Lefèvre, de Blondel, et de leurs copis-
tes.
Ils disent : 1° que ce passage coupe le fil
de la narration de Josèphe ; qu'il n'a aucune
liaison avec ce qui nrécède ni avec ce qui
suit. Mais Daubuz fait voir, par plusieurs
exemples, que la méthode cle Josèphe n'est
point déménager des transitions ni des liai-
sons ; que souvent il n'y a dans les faits
qu'il raconte point d'autre connexion que la
proximité des temps. Or, ce synchronistne
se trouve dans le passage contesté avec ce
qui précède et ce qui suit.
2° Saint Justin, disent-ils , saint Clément
d'Alexandrie, Tertullieii, dans son ouvrage
contre les Juifs ; Origène, Photius, n'auraient
pas mani|ué de citer le passage de Josèphe,
s'ils l'avaient cru authentique: non-seulement
ils n'en parlent point, mais Origène témoigne
formellement que Josèphe ne croyait pas que
Jésus fiU le Christ.
Mais quand saint Clément, qui écrivait en
Egypte, et Tertullien, qui vivait en Afrique,
n'auraient pas connu les écrits de Josèphe,
cela ne serait pas étonnant. Du temps do
saint Justin , les exem]ilaires de Josèphe
ne pouvaient pas encore ôtre fort multipliés :
qui l'ont suspecte, et qui sont Cappel, Blondel et
Lefèvre ! — Nonnote, Liclionnaire de la Religion,
tom. IL
C" Si l'on rejette le texte dont il s'agit, il faudra
supposer aussi, contre toute raison, (pi'on a égale-
•.ment inséré dans Josèphe deux autres passages qui
tiennent nécessairement au texte, et où l'auteur
parle de la mort de saint Jean-Baptiste dont il l'ait
l'éloge, et de la personne de Jac(|ues qu'il appelle le
frère de Jésus. Qui ne voit en effet que si ces deux
textes sont authentiques, connue ils le sont évidem-
ment, celui (|ui regarde Jésus-Christ ne l'est pas
moins, puisqu'il serait absurde de supposer que Jo-
sèphe a parlé de saint Jacques et de saint Jean, sans
parler de Jésus-Christ même, dont l'histoire et le
caractère avaient fait incomparablement plus de
bruit? Le texte sur saint Jean-Baptiste est cité à son
article. Voici celui sur saint Jacques: « Ananus, qui,
cnimne nous venons de le dire, avait été élevé à la
dignité de grand prêtre, était un esprit audacieux,
féroce, de la secte des sadducéens, les plus sévères de
tous les Juifs dans leurs jugements. Il prit le temps
de la mort de Feslus, et où Albiims n'était pas en-
core arrivé, pour assembler un conseil devant lequel
il fit venir Jacques, frère de Jésus nommé Christ, et
quelques autres, les accusa d'avoir contrevenu à la
loi, et les lit condamner à être lapidés. Cette action
déplut iuliniiuent à tous ceux des habitants de Jéru-
salem qui avaient de la piété et un véritable amour
pour l'observation de nos lois. Ils envoyèrent secrè-
lemenl vers le roi Agrippa, pour le prier de mander
à Ananus de n'entreprendre plus rien de semblable,
ce qu'il avait lait ne pouvant s'excuser. Quelques-
uns d'eux allèrent au-devant d'Albiims ([ui était alors
parti d'Alexandrie, pour l'inlormer de ce qui s'était
passé, etc. i {Ant, juU., 1. xx, c. 8.)
le silence de ces trois Pères ne prouve donc
rien : celui de Photius ne conclut pas davan-
tage, puis(jue, selon l'opinion de plusieurs
savants critiques , nous n'avons pas sa Bi-
bliothèque entière. Origène jiense que José-
phe ne croyait pas que Jésus fût le Christ ou
le Messie attendu par les Juifs. Il ne s'en-
suit pas que, selon Origène, Josêphe n'ait
pu parler comme il l'a fait : nous le verrons
dans un moment.
3° C'est ici, en effet, la grande objection
des critiques. Il ne se jieut pas faire, disent-
ils, que Joscphe, juif pharisien, prêtre atta-
ché à sa religion, ait jm dire de Jésus : Si
cependant on peut l'appeler m« homme, et il
était le Christ ; qu'il ait avoué ses mira-
cles, surtout sa résurrection ; qu'il lui ait appli-
qué les prédictions des jirophètes : c'est
tout ce qu'aurait pu faire un chrétien le mieux
convaincu. Deux nU trois réflexions del'auteur
anglais font sentir le faible de cette ol)jection.
Il observe que du temps de Jésus-Christ, et
immédiatement après, il y eut deux sortes
de Juifs qui pensaient très-différemment.
Des chefs de la nation, par politique, crai-
gnaient la moindre révolution qui pouvait
faire ombrage aux Romains et aggraver le
joug imposé aux juifs : c'est ce qui les ren-
dit ennemis déclarés de Jésus-Christ, de ses
apôtres et du Christianisme. D'autres, plus
modérés, ne refusaient pas de regarder
Jésils comme un prophète , de croire
ses miracles, d'embrasser sa doctrine, mais
sans renoncer pour cela au Judaïsme. Tels
furent les juifs ébionitcs. Cette manière de
penser dut se fortifier encore, lonju'ils vi-
rent la ruine de leur nation et les progrès
du christianisme : circonstances dajis les-
quelles se trouvait Josèphe lorsqu'il fit ses
ouvrages. 11 était d'ailleurs attaché ^ la fa-
mille de Domitien, dans laquelle il y avait
plusieurs chrétiens. On peut présumer mê-
me qU'EpapiirOdite, auquel il adresse ses
écrits, es) le mèmte qu'Epaphras, duquel
saint Paul a parlé dans ses lettres. Josq)he
était donc intéressé h ménager la faveur de
ces chrétiens, en parlant honorablement de
Jésus-Cluùst. Lcfèvre raisonne fort mal,
lorsqu'il dit que si Josèphe ava\l tenu le lan-
gage qu'on lui nrêle, il n'aurait pas assez
ménagé les préjugés des pnïens : ce n'est
pas h eux que /o^f/jfie avait le plus d'intérêt
de plaire. Enfin ne donne-t-on pas un sens
forcé à ses paroles ? En dis.int de Jésus, Si
cependant on peut l'appeler \m homme^ il ne
pn-tend pas le donner pour un Dieu, comme
l.f'fèvre le prétend, mais pour un envoyé de
Pieu, revêtu d'un pouvoir supérieur h l'hu-
îHonité, tels qu'avaient été les autres pro-
J.'hètes. Il ('tait le Christ no signifie jioint
(jii'il était le Messie attendu par les Juifs,
niais que Jésus itait le môme personnage
({ue les Latins nommaient Christus, nom du-
quel les chrétiens avaient tiré le leur. Josè-
phe n'avoue point formellement la résurrec-
tion (Je Jésus-Christ : mais il ilit que Jésus-
Ciirist apparut vivant îi ses disciples, trois
jours après sa mort; et quand Jos-'phe serait
expresôémenl convêiiu de celte résurroctioh
il no s'ensuivrait rien ; les Juifs ébionites
lie la niaient pas. Par la même raison , il a
pu dire que les prophètes avaient prédit ce
qui était arrivé à Jésus, sans cesser pour
cela d'être Juif.
4° Blondel prétend que Josèphe n'a pas pu
dire, avec vérité, que Jésus-Christ s'é-
tait attaché des gentils aussi bien que dos
Juifs; mais il a oublié que, selon l'Evangile,
le centurion de Ca|iharnaûm, dont Jésus-
Christ avait guéri le serviteur, crut en lui
[Matt., c. viii, V. 10) ; qu'un autre crut de
même avec toute sa maison (Joan., c. iv, v.
53) ; que plusieurs gentils désirèrent de voir
Jésus, et qu'il en fut satisfait (c. xu, v. 20).
Les apôtres on convertirent un plus grand
nombre, surtout saint Paul : il n'y a donc
rien que de vrai dans ce que dû Josèphe.
5° Pendant que Lefèvre trouve mauvais
que Josèphe n'ait pas parlé de saint Jean-
Baptiste dans cepassage, Blondel, de son côté,
rejette ce que l'historien juif en dit ailleurs,
parce que, selon lui, le précurseur y est trop
loué. Qui pourrait satisfaire la bizarrerie de
pareils critiques ?
^. 6° il n'est pas nécessaire de réfuter les
accusations que Lefèvre forme contre Eusèbé;
elles ont été dictées par l'humeur et par l'es-
prit de-pàrti. Éusèbe n'a jamais été convaincu
d'avoir falsifié ou interpolé aucun des pas-
sages des anciens auteurs qu'il a cités ; il
n'aurait pu commettre une infidélité, en ci-
tant à faux l'ouvrage de Josèphe, sans s'ex-
poser à l'indignation publique. On ne con-
naît aucun exemiilaire du texte de cet auteur
juif, dans lequel le passage en question ne
se trouve point. Que les juifs modernes ne
veuillent pas le reconniître, on ne doit pas
eu être surpris; ils refusent toute confiance
à l'histoire authentique de cet ancien éci'i-
Tain, et ne la donnent qu'au faux Josèphe, fils
do Gorion, rempli de fables et de puérilités.
Nous présumons que si l'ouvrage de Daubuz
avait été publié avant que Le Clerc eût com-
posé son Art critique, celui-ci n'aurait pas
osé affirmer aussi hardiment (lu'il l'a fait, que
le passage de Josèphe est évidemment une
interpolation faite dans cet historien, par
un chrétien de mauvaise ioi. Art. critique, ui'
part., sect. i", c. ik, n. 8 et suit.
De ce que nous venons de dire il ne s'en-
suit pas que nous regardions le passage tant
contesté comme une preuve fort esseutielle
au christianisme ; le silence de Josèphe nous
serait aussi avantageux que son témoignage.
Cet aute;ir n'a pas pu ignorer ce que Tes
chrétiens publia eut louchant Jésus-Christ,
ses uiiracles, sa résu'Tection , ni l'accusa-
tion qtl'ils forhiaient contre les Juifs d'a-
voir mis à mort le Messie. S'il a eu à cœur
l'honneur de sa nation, il a di1 faire sonapo
logie; et si les faits affirmés par les chrétiens
n'étaient pas vrais, il a dû en démontrer la
fausseté. Le silence gardé en pareil cas équi-
vaut à ini aveu formel et emiiort ' la convic-
tion. C'est donc très-mal à propos que les
incrédules veulent triompher sur la prétendue
falsification du texte de Josèphe, et insulter
îi la simplicité de ceui qui regardent comme
M
JÔS
8Uthôntiq\ic le témoignago qu'il rend h Jé-
sus-Christ.
JOSÉPHITES, cohgrégation des pri^tros
missioniinires de Saint-Joseph, instituée h
Lyon, en 1G56, jmr un nonnné Crotenot, clii-
nirgien, né h (Mianiiilitle en Kourçogne, qui
s'était consnrré nu service de l'iiopilal de
Lyon. La première destination de ces prêtres
a "été de faire des missions dans les paroisses
delà campagne; ils sont aussi chargés del'en-
seignenlent des hmnanités dans plusieurs
collèges. Ils portent l'iinhit ordinaire des
ecclésiastiijues, et sor.t gouvernés par un gé-
néral. (Histoire des ordres monast., toni. yiii,
pag. 191.)
Il y a aussi une côiigrégatioii de filles nom-
mées Sœurs de Saint- Joseph, qui fut instituée
au Puy-en-Velay, par l'évéqucde cette ville,
en 1650, «t qui s'est répandue dans plusieurs
lie nos provnicestiiéridionales. Ces filles em-
brassent toutes les œuvres de cl^ûrilé et de
jniséricorde, comme le soin des hôpitaux, la
direction des maisons de refuge, l'educnlion
des orphelines pauvirs, l'instruction des iie-
tites tilles dans les écoles, la visite des ma-
lades dans les maisons ))articulières , les
assemblées de charité, etc. Elles ne font que
des vœux simjiles, dont elles peuvent être
dispensées ftar les évéques sous l'obéissance
desquels elles vivent. 11 faut que ce soit en-
core lechirurgienCretonet qniait formél'idée
do cet institut, puisque dans plusieurs en-
droits CCS tilles sont nommées Cretenistcs.
{Histoire des 07-dresmnna st., [omeVMl, Y). IBCi.)
JOSl'É, chef du peiqilo hébreu et succes-
seur immédiat de Moïse, a toujours été re-
gardé comme auteur du livre qui porte son
nom, et qui est placé dans nos Bibles après
le Pentateuque. Dans le dernier chapitre de
ce livre, v. 26, il est dit que Josué écrivit
toutes ces choses dans le livre de la loi du
Sei;4neur : preuve qu'il mit sa projire his-
toire h la suite do celle de Moïse, sans aucune
interruption. De môme que Josué a raconté
la mort de Moïse dans le dernier chapitre du
Deutéronome, l'auteur du livre des Juges a
aussi placé celle de Josué dans les derniers
versets du ch. 2'!. On n'a pas fait attention
à ces deux circonstances, lors(pie l'on a di-
visé nos livres saints ; ainsi le ehapiire 3'i-
du Deutéronome devait être le counnenec-
ment du livre de Josué ; et les sept derniers
versets de celui-ci seraient beaucoup mieux
placés à la tête du livre des Juges. Il n'y a
jamais eu de doute chez les Juifs, ni chez les
chrétiens, sur l'authenticité et la canonieité
de ces deux ouvrages : la manière dont ils
sont écrits prouve qu'ils ont été rédigés par
des témoins oculaires. Le livre de Josué est
cité, /// Reg. c. xvi, v. 3V, et dans celui do
VEccIc'siastiquc, c. xlvi, v. 1.
_ On convient cependant qu'il y a dans ce
livre quelques additions, comme des noms
de lieux changés, ou quelques mots d'é-
claircissements, qui y ont été mis par des
écrivains postérieurs : mais , outre que ces
légères corrections no changent rien au
fond de l'histoire, c'est une (ircuve que ce
livre a été lu dans tous les siècles, tàmôiiio
ïàS 04
chose est arrivée Ji l'égard des auteurs profa-
nes, et le texte n'(>n est pas moins pour (-ela
authentii[ue. Le livre de Jo.vur' contient l'his-
toire de la conquête de la Palestuie, faite par
ce chef des Hébreux. Au mot Chananéens,
nous avons montré que cette invasion n'eut
ri(>n en soi d'illégitinu\ et qu'il n'i st pas
vrai (pie Josué ait traité les anciens habi-
tants avec uru! cruauté inouïe jusqu'aloi's :
il en usa selfui les lois de la guerre, telles
qu'elles étaient en usage chez tous les an-
ciens pcujiles.
Les incrédules ont fait d'auti'os objections
contre les miracles de Josué, sur le ))assag(!
du Jourdain, la nrise de Jéricho, la |iluie de
pierres qui tomba sur les Chanauéens, le
retardement du soleil : nous y répondrons
ailleurs. Voy. tous ces mots.
Il y a encore un prétendu livre de Josué,
que conservent les Samaritains, mais qui
est fort différent du nôtre : c'est leur chro-
nique (|ui contient une suite d'événements
assez mal arrangés et mêlés de fables, de-
puis la mort de Moïse jusqu'au tem|)s de
l'empereur Adrien. Joseph Scaligt-r, entre
les mains duquel elle était tombée, la légua
à la bibliotliè(iue de Leyde. Elle est écrite
en arabe, mais en caractères samaritains :
Hottiiiger, qui avait promis de la traduire
en latin, est mort sans avoir tenu [)arole.
Tout ce que l'on iioul conclure de cet ou-
vrage, est que les Samaritains ont eu con-
naissance du livre de Josué, mais qu'ils en
ont défiguré l'histoire par des fables; que
cette compilation est très-moderne, si le
commencement et la lin sont du même au-
teur.
Les Juifs modernes attribuent à Josué
une prière rapportée ]iar Fabricius [Cod.
upocr. vet. Test., tome V). Ils le font aussi
auteur de dix règlements qui doivent, selon
eux, être observés dans !a Terre promise ;
on les trouve dans Seldeu, de Jure mit. et
gent., 1. vi, c. 2. On conçnit ipie ces deux
traditions juives ne méritent aucune cro tance.
JOUR. Dans l'Ecriture sainte, ce mot se
prend en dilférents sens. 1" Il signitie le
temps en général : dons ces jours, c'est-à-
dire en ce temps-là. Jacob (Gcn. c. xlvii, v.
9) appelle le temps de sa vie les jours de
son pèlerinage. 2° Un jour se met pour une
année (ÀVorf. c. xiu, v, lOj; vous observe-
rez cette cérémonie dans le temps fixé, de
jour en jour, c'est-à-dire d'année en année.
3° Il désigne les événements dont l'histoire
fait mention ; les livres des Paralipomènes
sont apiiclés en hébreu Yerba dierum, l'his
toire ûcs jours, ou le journal des événe-
ments. Un grand jowr est un grand événe
ment ; un bon jour, un temps de pros])é-
rit(' ; les jours mauvais, un temps de malheur
cl li'afllietion (l's. xciu, v. 13j, ou un temps
de désordre et de dérèglement [Ephes. c. v,
v. IGJ. h- il signifie le moment favorable
{Jonn. c. IX, V. i). Jésus-Christ dit : Je dois
faire l'ouvrage de celui qui m'a envoyé pen-
dant qu'il est jour. Il dit à la ville de Jéru-
salem (Luc. c. XIX, V. 42) : Si (u avais connu
surtotiï dans ce jour epii l'est donné, ce que
9S
JOU
JOU
96
je fais pour te procurer la paix. 5° 11 ex-
prime quelquefois la connaissance de Dieu
et de sa loi. Rom. c. xiii, v. 12, la nuit est
passée, le jour est arrivé ; l'ignorance et les
ténèbres de l'idolâtrie ont fait place aux lu-
mières de la foi (/ Thess. c. in, v. 5) : Vous
êtes les enfants de la luaiière et du jour, et
non de la nuit et des ténèbres. Saint Pierre
[lipist. II, c. I, V. 29) appelle les prophéties
un flambeau qui luit dans les ténèbres jus-
qu'il ce quelevraijour vienne, jusqu'à ce que
leur accomplissement nous en montre le vrai
sens. 6° Les derniers jowr* signifient quelque-
fois un temps fort éloigné ; le jour du Seigneur
est le moment auquel Dieu doit opérer quel-
que chose d'extraordinaire {haï. c. ii, v. 11 ;
c. XIII, V. 6 et 9 ; Ezech. c. xiii, v. 5 ; c. xxx,
V. 3; Joël, c. ii, v. 11, etc.). Dans les Epîtres
de saint Paul, cette même expression désigne
lemoment auquel Jésus-Chiist doit venir pu-
nir la nation juive de son incrédulité et du
crime qu'elle a commis en le crucifiant (I
Thess. c. i, v. 2; Il Thess. c. ii, v. 2, etc.).
7° Elle désigne aussi le jugement dernier
(Rom. c. II, V. 16; / Cor. c. m, v. 13, etc.).
8° Enfin l'éternité : Dan. c. vii, v. 9, Dieu
est nouimé l'Ancien des jours, ou rEterncl.
Quelques physiciens, pour conciliir leur
système de cosmogonie avec la narration do
Moise, ont supposé que les six jours de la
création étaient six intervalles d'un temps
indéterminé, et que l'on peut les supposer
assez longs pour que Dieu ait opéré, par des
causes physiques, ce que l'Ecriture semble
attribuer à une action immédiate de sa
toute-puissance. Mais cette interprétation
ne s'accorde pas assez avec le sens littéral
du texte ; Moise dit qu'il y eut un soir et
un matin, et que ce fut le premier jour ; il
parle de môme du second et des suivants.
Cela si^nilie littéralement un jour ordinaire
et naturel de vingt-quatre heures ; auti'c-
ment Moise n'aurait pas été entendu par les
lecteurs, et il aurait abusé du langage ; il
n'y a aucun motif de supposer qu'après
avoir désigné six intervalles de temps indé-
terminé, cet historien a changé tout à coup
la signitication du mot jour, en disant que
Dieu bénit le septièuiejo^r et le sanctifia.
Jours d'abstinence, de fkkie, de i'ête, de
JEINE. Voy. ces mots.
JOURDAIN, fleuve de la Palestine. 11 est
dit dans le livre de Josué, c. 3, que, pour
ouvrir aux Israélites le passage du Jourdain
et l'entrée de la Terre promise. Dieu sus-
pendit le cours de ce fleuve, lit remouler
vers leur source les eaux supérieures, qui
s'élevèrent comme une montagne, pendant
(jue les eaux inférieures s'écoulaient dans la
mer Morte.
Quelques incrédules modernes ont atta-
qué cette narration. Josué, disent-ils, fait
passer aux Israélites le Jourdain dans notre
mois d'avril, au temps de la moisson; mais
la moisson ne se fait dans ce pays-là ciu'au
mois di' juin : jamais au mois d'avril le
Jourdain n'esta pleins bords ; ce petit lleuve
ne s'enlle que dans les grandes chaleurs,
par la foute des neiges du mont Liban. Vis-
à-vis de Jéricho, où les Israélites se trou-
vaient ]iour lors, le Jourdain n'a que qua-
rante ou tout au )ilus quarante-cinq pieds de
largeur ; il est aisé d'y jeter un pont de
planches, ou de le passer à gué.
Jamais critique ne fut plus téméraire k
tous égards. 1° Il est prouvé par les livres
de Moïse que les prémices de la moisson
d'orge étaient offertes au Sei,j,neur le len-
demain delà fôte de Pâques, par conséquent
le quinzième de la lune de mars, et celles
de la moisson de froment à la fête de la
Pentecôte, qui tombait très-fréquemment
en mai ; notre mois d'avril était donc le
temps de la pleine moisson.— 2° L'auteur
du premier livre des Paralipomènes, c. xii,
V. 15 ; celui de VEcclésiastique, c. xxiv, v.
36; Josèphe, Antiq. Jud., 1. v, c. 1, attes-
tent, aussi bien que Josué, qu'au temps de
la moisson le Jourdain a csutume de com-
bler ses rives. Les voyageurs modernes,
Doubdan, Thévenot, le Père Nau, Maundrell,
le Père Eugène, un auteur du vu* siècle
cité par Reland, ne donnent pas tous la
même largeur au Joxirdain, parce que tous
ne l'onc pas vu dans le même temps; mais
Doubdan, qui Fa vu le 22 avril, dit qu'il
était fort rapide, prêt à se déborder, et qu'il
avait alors un jet de pierre de largeur.
Maundrell lui donne environ soixante pieils;
Morison, plus de vingt-cinq pas, ou soi-
xante-deux pieds et demi ; Shaw, trente ver-
ges d'Angleterre, ou quatre-vingt-dix pieds;
le père Eugène, environ cinquante pas,
qui font cent vingt-cinq pieds. L'on convient
qLi'il est moins large aujourd'hui qu'autre-
fois, parce qu'il a creuse son lit ; mais ja-
mais il n'a été guéable au mois d'avril, parce
qu'alors les chaleurs sont déjà assez grandes
dans la Syrie pour fondre les neiges du Li-
ban.—3° Les Israélites n'étaient pas accou-
tumés à faire des ponts ; ils n'avaient ni
planches ni madriers ; un pont assez large
pour passer environ deux millions d'hommes
n'aurait pas été aisé à construire, et les
Chananéens auraient attaqué les travailleurs.
Enfin, quand le miracle n'aurait pas été ab-
solument nécessaire. Dieu est le maître d'en
faire quand il lui plaît. Josué, en racontant
celui-ci, parlait à des témoins oculaires;
près de mourir, il leur rappelle les prodiges
que Dieu aoitérés pour eux, et ils avouent
qu'ils les ont vus de leurs yeux (c. xxiv, v.
17). Le psalmiste dit que le Jourdain a re-
monté vers sa source [Ps. cm, v. 3).
JOVINIANISTES, sectateurs de Jovinien,
hérétique qui parut sur la lin du iv' et au
commencement du V siècle. Après avoir
passé plusieurs années sous la conduite de
saint Ambroise, dans un monastère de Mi-
lan, et dans les pratiques d'vme vie très-
austère, Jovinien s'en dégoûta, préféra la li-
berté et les plaisirs de la ville de Rome à la
saintelé du cloître.
Pour justifier son changement, il ensei-
gna que l'abstinence et la sensualité étaient
en elles-mêmes des choses inditférenleis ;
que l'on pouvait sans conséquence user do
toutes les viandes, pourvu qu'où le fit avec
97
JUB
actions de grAcps ; que la virginité n'tHait
I)as un état plus parlait que le mariage, qu'il
était faux (juc la Mère île Notro-Seigneur fût
(IcuuMirée vierge après l'eiifanteuicnt, qu'au-
Irenii'iit il faudrait soutenir, connue les
nianiclii'-ens, que Jésus-Christ n'avait ((u'une
cliaii- fantasti(iue II prétendait que oeux qui
avaient élé régénérés parle baptême ne pou-
vaient plus èti'e vaincus pai- le démon ; que
connue la grâce du baptême est égale dans
tous les hommes, et le principe de tous
leurs mérites, ceux qui la conserveraient
jouiraient dans le ciel d'une récompense
égale. Selon saint Augustin, il soutenait en-
core, comme les stoïciens, que tous les pé-
chés sont égaux.
Jovinien eut à Home beaucoup de secta-
teurs. On vit une nnillilude de |)ersoimes,
qui avaient vécu jusqu'alors dans la conti-
nence et la mortitication, renoncer à un
genre de vie qu'elles ne croyaient bon à
rien, se marier, mener une vie molle et vo-
luptueuse, se persuader qu'elles pouvaient
le faire sans rien jierdre des récompenses
que la religion nous promet. Jovinien fut
condamné par le pajie Sirice et par un con-
cile que saint Ambroise tint h Milan, en .'190.
Saint Jérôme, dans ses écrits contre Jo-
vinien, soutint la [lerfection et le mérite de
la virginité avec la véhémence ordinaire de
son style. Queli|ues-ui]s se jilaignirent de ce
qu'il paraissait condamner l'état du mariage ;
le saiut doeteui' lit voir qu'on l'interiirétait
mal, et s'expliqua plus exactement. Ciunme
les protestants ont adopté une bonne partie
des erreurs de Jovinien, ils ont renouvelé
contre saint Jérôme le môme reproche ; ils
ont prétendu qu'après avoir donné dans un
excès, il s'était contredit : mais se dédire ou
se rétracter, cjuand ou reconnaît que l'on
s'est mal exprimé, ce n'est jias une contra-
diction. Si les hérétiques étaient d'assez
bonne foi pour faire de même, loin de les
bldmer, nous les applaudirions; mais saint
Jérôme n'a pas été dans ce cas. Voij. saint
Jérôme. Fleury, Hist. ecclés., t. IV, 1. xix,
n. 19.
JUBILÉ, chez les Juifs, était le nom de la
cinquantième année, à laquelle les prisonniers
et les esclaves devaient être mis en liberté ;
les héritages vendus devaient retourner à
leurs anciens maîtres, et la terre devait de-
meurer sans culture.
Selon quelques auteurs, le mot hébreu jo-
hel est dérivé du verbe hobit, éconduire,
renvoyer ; il signifie rémission ou renvoi ;
c'est ainsi que l'on entend les Septante. Se-
lon d'autres, il signitie bélier, parce que le
jubilé était annoncé au son des cors faits de
cornes de bélier. Cette étymologie n'est
guère probable.
11 est parlé fort au long du. jubilé dans les
ch. -25 et '2~ du Lévitique. Il y est commandé
aux Juifs de compter sept semaines d'an-
nées, ou se[it fois sept, qui fout quarante-
neuf ans, et de sanctifier la cinquantième
année, en laissant reposer la terre, en don-
nant la liberté aux esclaves, en rendant les
fonds à leurs anciens possesseurs. Ainsi chez
JUB 98
les Juifs les aliénalions des fonds ne se fai-
saient point h perpi'tuité, mais seulement
jus(pi'ti l'année du J((^;//('. Cette loi avait évi ■
demment pour objet de conserver l'ancien
partage qui avait élé fait des teires, do main
tenir parmi les Juifs l'égalité des fortunes, et
d'alléger la servitude. KUe fut observée fort
exactement justprà la captivité de Babylone;
mais il ne lui plus possiblederexéculer ai)rès
le retour. Les docteurs juifs disent dans le
'i'almud qu'il n'y eut plus dt; jubilé sous le se-
cond temple. Voi/. Reland, Ant. sacr., iv*
])art., ch. 8, n. 18; Simon, Suppl. aux cérém.
des Juifs.
Pour comprendre comment ce peuple pou-
vait subsister lorsqu'il ne cultivait pas la
terre, voi/. Sabbatique.
JiBiLÉ, dans l'Eglise catholique, est une
imlulgence plénière et extraordinaire accor-
dée par le souverain pontife à l'Eglise uni-
verselle, ou du moins à tous ceux qui visi-
teront h Rome les églises de saint Pierre et
de saint Paul. Elle est difTérente des indul-
gences ordinaires, en ce que, pendant le ju-
bilé, ]v pape accorde aux confesseurs le pou-
voir d'absoudre de tous les cas réservés, et
de comnmer les vœux simples. Le premier/M
bile fut établi parBoniface VÏII, l'an 1300 (1),
en faveur de ceux qui feraient le voyage
de Rome et visiteraient l'i'glise des saints
apôtres ; cette année apporta tant de riches-
ses h. Rome, que les Allemands l'appelaient
Vannée d'or. 11 avait fixé W jubilé de cent ans
en cent ans; Clément VI voulut qu'il eût
lieu tout les cinquante ans: Urbain ^'I1I avait
réduit cette jiériode à trente-cinq ans ; Sixte
IV l'a fixé à vingt-cinq, afin que chacun
puisse jouir de cette grâce une fois en sa
vie.
Ou appelle k Rome le jubilé, l'année sainte.
Pour en taire l'ouviTture, le pape, ou, pen-
dant la vacance du siège, le doyen des car-
dinaux, va en cérémonie à Saint-Pierre pour
en ouvrir la porte sainte, qui est murée, et
qui ne s'ouvre que dans cette circonstance.
11 prend un marteau d'or et en frappe trois
coups, en disant : Aperite mihi portas justi-
tiœ, etc., et l'on démolit la maçonnerie qui
bouclie la porte. Le pa[ie se met à genoux
devant cette porte, [lendant que les péniien-
ciers de Saint-Pterre la lavent d'eau bénite ;
ensuite il jirend la croix , entonne le Te
Deum, et entre dans l'église avec le clergé.
Trois cartlinaux-légats , que le pape a en-
voyés aux trois autres portes saintes, les
ouvrent avec la même cérémonie ; elles sont
aux églises de Saint -Jean -de- Latran, do
Saint-Paul et de Sainte- .Marie-Majeure. Cela
se fait tous les vingt-rtnq ans, aux premiè-
res vêpres de la fête de Noël; le lendemain
matin le pape donne la bénétiiction au |)eu-
ple en forme de jubilé ou d'indulgence.
Lorsque l'année sainte est expirée, ou re-
ferme la porte sainte la veille de Noël. Le
pape bénit les pierres et le mortier, pose la
(I) Nous avons r.npporté l'iiisloirft de son établis-
sement au mot jLiiiLt Je notre Dict. de Tliéol. mo-
rale.
99
JL'B
JUB
100
première pierre, et 'y met douze cassettes
pleines de médailles d'or et d'argent ; la
Baème cérémonie se fait aui trois autres
portes saintes. Autrefois le jubilé attirait à
Rome une quantité prodigieuse de peuples
de tous les pays de l'Europe ; il n'y en va plus
guère aujourd'hui que des provinces d'Italie,
surtout depuis que les papes étendent l'in-
dulgence du jubilé aux. autres pays, et que
l'on peut la gagner chez soi.
Boniface IX accorda des jubilés en diffé-
rents lieux, à des princes ou à des monastères:
par exemjjle, aux moines de Cantorbéry pour
tous les cinquante ans; alors le peuple ac-
courait de toutes parts visiter le tombeau de
saint Thomas Becket. Aujourd'hui les jubiles
sont plus fréquents; chaque pape en ac-
corde ordinniroraent un l'année de sa con-
sécration, et a l'occasion de quelque besoin
particulier de l'Eglise.
Pour gagner l'indulgence du jubilé, la
bulle du souverain pontife oblige les fidèlca
à des jeûnes, h des aumônes, à des prières
ou stations : pendant toute l'année sainte,
les autres indulgences tlemcurent suspen-
dues. II y a des jubilés particuliers dans cer-
taines villes à la rencontre de quelques fê-
tes : au Puy-en-Velay, lorsque la fête de
l'Annonciation arrive le vendredi saint ; à
Lyon, quand celle de saint Jean-Baptiste cou-
court avec la Fête-Dieu.
Cette pratique de l'Eglise romaine ne pou-
vait manquer d'émouvoir la bile des protes-
tants. A l'occasion du jubilé de 1730, l'un
d'entre eux. a fait un livre en trois volumes
in-8", pour en prouver l'abus ; il y a rassem-
blé tout ce que les réformateurs fanatiques,
les libertins, les incrédules de toutes les na-
tions, ont vomi contre la pratique des indul-
gences et des bonnes œuvres. 11 dit que le
jubilé est une invention humaine, qui doit
son origine à l'avarice et à l'ambition des
papi'S ; son crédit à l'ignorance et à la su|ier-
stition des peuples, et qui n'a pris naissance
que l'an 1300 ; que l'ou a employé mille faux
prétextes pour eu rendre la célébration res-
pectable. C'est, selon lui, une imitation des
jeux séculaires des Romains, un trafic lion-
icux des indulgences, une pompe purement
mondaine, une occasion de débauche et de
désordres pour les pèlerins. Ces reproches
sont assaisonnés d'historiettes scandaleuses,
de sarcasmes sanglants, et de tout le liel du
protestantisme; aussi le traducteur de Mos-
heim a fait un pompeux éloge de cet ou-
vi'age et de son auteur. {Ilist. ecclés., xiii"
siècle, W part., c. i, § 3).
Nous répondrons en peu de mots, 1° qu'il
y a deriuqjosture à nommer invention nou-
velle et purement humaine l'usage des indul-
gences en général ; au mollNDULGUNCE, nous
avons fait voir que cette invention est des
temps apostoliques, qu'elle est fondée sur
l'Ecriture sainte, et que saint Paul en a
donné l'exemple. Nous ne concevons pas eu
quoi ni comment des œuvres de piété, de
cliarité, de mortilication, de pénitence, faites
par le désir d'obtenir le jjardoii de nos pé-
cliés spnt uue superstition ; il y a longtemps
que nous supplions les protestants de dissi-
per notre ignorance sur ce point. Nous avons
beau leur dire que le jubilé n'est autre chose
qu'une indulgence accordée en considération
de certaines bonnes œuvres et afin de nous
engager à les faire ; ils s'obstinent dans leur
prévention et n'en veulent pas sortir. Si
nous leur disions que leurs jeûnes solennels,
annoncés avec emphase, sont une pompe
purement mondaine, que répliqueraient-ils ?
2° C'est uue injustice malicieuse d'attribuer
des motifs vicieux à des papes qui ont pu
en avoir de louables. Une preuve qu'en in-
stituant et en multipliant lesjubih's, ils n'ont
agi ni par ambition ni par avarice, c'est
qu'ils ont étendu l'indulgence à tous les fi-
dèles, sans les obliger tous à faire le voyaga
de Rome, ni à payer une seule obole. Non-
seulement cette indulgence ne coûte rien à
personne, mais on sait que pendant le jubilé
les pèlerins de toutes les nations sont ac-
cueillis, logés, soignés, nourris et servis
dans les hôpitaux do Rome, souvent par les
personnes les plus respectables. L'afÛuence
des pèlerins ne peut donc être un avantage
que pour !e peuple de cette vdle, tout au
plus, et non pour le pape ni pour son tré-
sor. Où est donc ici le tra/ic honteux des in-
dulgences? En rendant les jubilés plus com-
muns, les papes n'ont pas ignoré que cela
diminuerait l'empressement pour le pèleri-
nage de Rome ; ainsi, quand Boniface 'V'III
pourrait être accusé d'avoir agi par ambition
et par avarice, ce reproche ne doit pas re-
tomber sur ses successeurs qui ont étendu
les jubilés h chaque cinquantième et ensuite
à chaque vingt-cinquième année. 3° Pendant
que l'auteur dont nous jiarlons a rêvé que
le jubilé est une imitation des anciens jeux
séculaires, Mosheim prétend que Clément VI
peut avoir eu en vue le jubilé des Juifs, qui
avait lieu tous les cinquante ans. Mais des
motifs d'avarice ou d'ambition n'ont guère
de rapport aux jeux séculnires ; peut-on
prouver que Boniface Vlll y pensait l'an
1300 ? De l'aveu même de Mosheim, ce fut
par condescendance pour la demande des
Romains que Clément VI accorda un jubilé
cini(uante ans a[:r6s celui de Boniface VIII ;
il n'eut donc pas besoin de consulter le ca-
lendrier des Juifs. 11 reste encore à nous ap-
prendre par quelle allusion aux usages du
paganisme ou du judaïsme, Urbain VI et
Sixte VI ont réglé que le jubilé aurait lieu
tous les vingt-cinq ans. 4° Pendant que nos
adversaires ont recueUli toutes les anecdotes
scandaleuses auxquelles les jubilés ont pu
donner occasion depuis près de cinq cents
ans, ont-ils tenu registre des bonnes œuvres
que ce spectacle do religion a fait éclore, des
confessions, des communions, des prières,
des aumônes, des restitutions, des réconci-
liations, des conversions qui se sont faites ?
On a vu ce (|ui est arrivé a Paris au dernier
jubilé; les incrédules en ontfrémi, elles pro-
testants n'y ont rien gagné : honteux de ce
qu'ils avaient vu dans celui do l'an 1751, ils
ont exhalé leur bile en invectives contre cet
usage. 5" Quand il serait vrai qu'il y a eu
^01 lUD
autrefois de l'abus dans les motifs et dans la
manière d'acconlcr les indulgences, et dans
les cllets qu'elles ont produits, à quoi sert-il
d'en rapi)eler le souvenir, lorsqu'il est in-
contestable que CCS abus ne subsistent plus?
Cela démontre (jue les pasteurs de l'Eglise
n'étaient pas incorrigibles, puisqu'ils se sont
corrigés. Il n'en est pas de mùuio des pro-
testants, puisqu'ils sont encore aussi en-
têtés, aussi uialici('ux, aussi aveugles dans
leurs haines qu'ils l'étaient il y a deux cunts
ans.
JU1).\, quatrième fils do Jacob, chef de la
primi^ale tribu de sa nation ; son nom si-
gnilie loitanfje, ou celui qui est loué. La pro-
phétie que sou père, au lit de la mort, lui
adressa, est célèbre, et a donné lieu à. un
grand nombre de disser.'ations. « Jada, lui
dit-il, tes frères te cumbleront de louanges;
l(>s enfants de ton père se prosterneront de-
vant toi ; ta main sera levée sur la tète de
tes ennemis ; tu ressembles h un lion prêt
à se jeter sur sa (iroie, et quiinspiie encore
la frayeur pendant son sommeil. Le sceptre
no sera poml ôlé de Judn; et il y aura tou-
jours un chef de sa ra<e, jusqu'à ce que vienne
l' env 0 i/i! i\m rassemblera les p' uples. O mon
lils I tu allacheras la monttu'c à la vigne, tu
laveras tes vêtements dans le suc du raisin,
tes yeux recevront un nijuvel éclat par le vin,
et le lait to blanchira les dents. » [Gx'ti. c.
XL.X, V. 8).
Les Paraphrases chaldaïqucs et les anciens
docteurs juifs ontaiipliqué unanimement cet
oracle au .Messie ; les plus savants rablùns
l'entendent encore ainsi. Voyez Muninien
/Mc(", part. 1, c. Vt-. Us ne contestuni qu" sur
l'application (jue nous en faisons à Jésus-
Christ. S;iint Jean, dans l'Apocalypse, y fait
allusion, lorsqu'il nomme Jésus-Christ le
Uon de luJa qui n vaincu (c. v, v. 5).
U est ceiiain d'abord (jue le mot sceptre ne
désigne pas toujours la royauté ; dans le
style des patriarches, ce n'est autre chose
que le kUon d'un viedliud ou d'un chef do
lauiillo : il exprime seulement une préémi-
nence, une autorité analogue aux divers états
(lelanation. Cesens est encore déterminé par
le mot suivant, qui signiUo un chef, un ma-
gistrat, uu dépositaire de lois ou irarchives.
Jacob prédit à Juda, i" une supériorité de
force sur ses frères ; il le com|)are à un lion;
ii" une possession meilleure ; il la désigne
par l'abondance du lait et du vin ; 3° l'auto-
rité uiarquée |)ar le bâton de commande-
ment ; V le piivilégo de donner la naissance
au -Ucssie ; 5° des chefs ou magistrats d« sa
tii ibu, jusqu'à ce que cet envoyé de Dieu
vienne rassembler les peuples. Les Juifs ne
couleslenl aucune de ces circonstances, et
toutes ont été exactement accomplies. En
çOet, la tiibu de Juda fut toujours la jilus
çojjibreuse ; on le voit par les dénombre-
ments qui furent faits dans le désert {Num.
c. I, V. 27 ; c. XXVI, v. 22). Elle campait la
première à l'orient du tabernacle (cap. u,
V. 3). iMoJse, jirès dn mourir, fait l'éloge des
gueriiers de cette tribu; il lui annonce
qu'elle marchera à la tète des autres pour
JUD
tô2
conquérir la Palestine {Dcut. c. xx-xin, v, 7).
Les livres de Josué et des Juges nous ap-
prennent qu'il en fut ainsi {Jud. c. », v. i ;
Jos. c. xv).
Dans la distribution de la Terre promise,
elle eut la portion la plus considérable, et fut
placée au centio ; elle renfermait dans son
partage la ville de Jérusalem, capitale du
k nation : les vignobles des environs éiaienl
célèbres. Aju'ès la mort de Saiil, elle prit
David pour son roi, et forma un état sé-
paré pendant que les autres tribus obéis-
saient h Isboseth. David le fait remai-quer
(Ps. Lix, V.8): le Seigneur a dit : JWa
est mon roi. Sous Roboam, lorsque dix tri-
bus se séparèrent, celle-ci garda la lidélilé
aux descendants de David, et continua de
fiiire un royaume séparé sous son propre
nom de Juda ; souvent elle tint tète aux rois
d'Israël et à toutes leurs forces. Après que
les dix tribixs eurent été emmenées eu cap-
tivité et dispersées par les Assyriens, celle
de Juda subsista encore dans la Palestine,
sous ses rois, pcudiint plus d'un siècle.
Au bout de soixante et dix ans de capti-
vité h Babylone, elle revint dans sa patrie,
se maintint en corps de nation, usa de ses
lois ; les restes de Benjamin et de Lévi lui
furent incorporés ; le nom do J(((/a ou de
Juifs a été dès lors commun à toute la race
de Jacob ; Jérémie l'avait prédit (c. xxx, v,
1). Lt-'S livres d'Esdras et des Machabées
nous parlent des princes, des grands, des
anciens, des magistrats de Juda. Lorsque
la nation eut pris pour ses chefs des prêtres
issus de Lévi, ils n'agirent point enleur nom,
mais au nom des aucioiis et du peuple des
Juifs (/ Mark. c. xii, v. 16, etc.).
Cette tribu a ainsi conservé sa consistance,
ses généalogies, ses possessions, sa préémi-
nence sur les autres tribus, jusqu'à la des-
truction de la république juive sous les Ro-
mains, et à la ruine de Jérusalem. Mais alors
le Messie était arrivé ; son Evangile rassem-
blail les peuples dans une seule Eglise : il
avait prédit lui-même que la nation juive
allait être dispersée, son temple et sa capi-
tale rasés. L'oracle de Jacob était accomjdi
dans tous ses points. Pour le prouver, il
n'est pas nécessaire de montrer dans la tri-
bu de Juda un sceptre royal, une autorité
souveraine et monarchique toujours subsi-
stante jusqu'à ce moment, mais une préémi-
nence toujours sensible et remarquable dans
les divers étals dans lesquels la nation juive
s'est trouvée. Or, on ne peut contester ce
privilège à la Irib i de Juda, ni méconnaitrc
le moment auquel elle a cessé d'en jouir.
Depuis que le .Vlessie a rasseml^lé les peuples
sous ses lois, les descendants de Jtida,
chassés de leur terre natale et de leurs pos-
sessions, n'ont eu ni sceptre, ni autorité, ni
gouvernement dans aucun lieu du monde.
ÏlI n'est pas nécessaire non plus que Juda
ait perdu tous ses privilèges au moment
précis de la naissance du Messie ; il^ sullit
qu'on les ait vus s'anéantir lorsque l'Eglise
de Jésus-Christ s'est formée pai' la
des juifs et des gcutUs, puisque
103
JUO
lUD
loi
prophétie, la fonction de cet envoyé était de
rassembler les peuples, ou de réunir à lui
tous les peuples. C'est ce qu'il a fait en en-
voyant ses apôtres prêcher l'Kvangile à tou-
tes les nations et à toute créature, et en dé-
clarant que toutes seraient un même troupeau
sous un même pasteur {Joan. c. x, v. IGj.
Depuis cette époaue, qui est un fait écla-
tant, la tribu de Juua, dispersée dans l'uni-
vers, ne peut plus observer ses anciennes
lois ni son culte religieui ; elle n'a plus de
possessions ni de généalogies. Un Juif ne
peut plus prouver qu'il descend de Juda
plutôt que de Lévi, de Benjamin, ou d'un
étranger prosélyte. Quand il viendrait au-
jourd'hui un Messie toi que les juifs l'atten-
dent, il lui serait impossible de montrer de
quel sang il est descendu ; au lieu que l'on
n'a jamais osé contester à Jésus-Christ sa
naissance dans cette tribu : sa généalogie
en fait foi ; les Juifs mêmes l'ont appelé fils
de David.
Le droit de vie et de mort n'avait été ôté
aux Juifs ni par les rois d'Assyrie, ni par les
Perses, ni par les rois de Syrie, ni par Hé-
rode ; mais ils en furent privés par les Ro-
mains : ils furent obligés d'obtenir de Pilate
la confirmation de l'arrrêt de mort qu'ils
avaient prononcé contre Jésus-Christ dans
leur sanhédrin {Joan. c. xviii, v. 31). Ils
n'étaient donc déjà plus en possession du
sceptre ni de l'autorité politique ; ils ne l'ont
jamais recouvré depuis : donc à cette époque
le Messie est arrivé. Que peuvent opposer
les Juifs à cette démonstration?
Il est bon de remarquer que la prophétie
de Jacob n'a pu être forgée ni par Moise,
qui n'a vu que les premiers traits de son
accomplissement, ni par Esdras, qui a vécu
près de cinq cents ans avant les derniers. A
moins que Esdras n'ait eu l'esprit prophétique,
iln'apas pu deviner qu'àl'arrivée d'un Messie
de la tribu de Juda, cette tribu perdrait toute
son autorité et sa consistance; c'est alors,
au contraire, qu'elle aurait dû naturellement
acquérir un nouveau degré de prospérité et
une prééminence plus marquée. De là nous
concluons encore contre les juifs, qu'il ont
très-grand tort d'attendre pour Messie un
roi, un conquérant qui leur assujettira tous
les [teuples. Si cela pouvaitarriver, non-seule-
ment la tribu de Juda ne perdrait pas le sce-
ptre pour lors; elle le prendrait, au contraire,
et en jouirait avec plus d'éclat que jamais :
la prophétie de Jacob se trouverait absohi-
ment lausse. Quelques incrédules cependant
ont écrit que cette prophétie ne prouve rien
eu faveur de Jésus-Christ, que l'on ne peut
pas lui donner un sens raisonnable ni en ti-
rer aucune conséquence contre les Juifs.
Nouslui donnons un sens très-raisonnable et
avoué do tout temps par les Juifs. Voij. (îa-
latln, 1. IV, c. k. Nous en faisons voir la jus-
tesse par toute la suite de l'Iiistoirc; nous
démontrons qu'elle ne peut être appUquée à
aucun aulre personnage qu'à Jésus-Chi-Jst, et
. nous en concluons invinciblement contre les
/^^J-ttifs., que le Messie est arrivé depuis dix-
/■''/ sept siècles. Vey. Sceptre, Schiloh.
JUDAISANrS. Dans le premier siècle de
l'Eglise, on nomma chrétiens judaisanls ceux
d'entre les Juifs convertis cjui soutenaient
que pour être sauvé ce n'était pas assez de
Croire en Jésus-Christ et de pratiquer sa
doctrine, mais qu'il fallait encore être fidèle
à toutes les observances judaïques ordonnées
par la loi de Moïse, telles que le sabbat, la
circoncision, l'abstinence de certaines vian-
des, etc. ; que même les gentils , devenus
chrétiens, y étaient obligés. Les apôtres dé-
cidèrent le contraire au concile de Jérusa-
lem, l'an 51 [Act. c. xv, v. 5 et suiv.). Ceux
qui persévérèrent dans cette erreur, malgré la
décision, furent regardés comme hérétiques.
Saint Paul écrivit contre eux son éjiître aux
Galates, environ quatre ans après la décision
du concile. Voy. Loi cérémohielle, Observan-
ces LÉGALES. Mais il faut faire attention que
les apôtres n'avaient pas interdit |ces obser-
vancesaux chrétiens Juifs de naissance.
Comme l'Eglise chrétienne conserve en-
core quelques-unes dos pratiques religieuses
qui étaieni observées par les Juifs, les incré-
dules disent que nous continuons de judaï-
ser ; c'est un reproche que leur ont fourni
les jirotestants. Saint Léon leur a répondu,
il y a quatorze cents ans, Scrm. 16, n. 6 :
X Lorsque sous le Nouveau Testament nous
observons quelques-unes des pratiques de
l'Ancien, la loi de Moise semble ajouter un
nouveau poids à celle de l'Evangile et l'on
voit par là que Jésus-Christ est venu, non
pour abolir la loi, mais pour l'accomplir.
Quoique nous n'ayons plus besoin des ima-
ges qui annonçaient la venue du Sauveur,
ni des figures, lorsque nous possédons la
vérité, nous conservons cependant ce qui
peut contribuer au culte de Dieu et à la ré-
gularité des mœurs, parce que ces pratiques
conviennent également à l'une et à l'autre
alliance. » Nous ne les observons donc pas
parce que Moise les a prescrites, et parce que
les Juifs les ont'gardées, mais parce que les
apôtres nous les ont transmises, et nous ont
ordonné de conserver tout ce qui est bon [I
Thess. c. V, I. 21).
Dans le discours familier, on dit qu'un
homme judaise, lorsqu'il est tropscrupuleux
observate-ir des pratiques qui paraissent peu
essentielles à la religion ; mais, avant de blâ-
mer cette exactitude, il faut se souvenir de
la leçon que Jésus-Christ faisait aux pha-
risiens qui négligeaient les devoirs les plus
essentiels de la loi, pendant qu'ils s'atta-
chaient à des minuties : // fallait faire les
uns, leur dit-il, et ne pas omettre les autres.
[Matth., c. xxiii, v. 23).
On pense communément que ce fut seule-
ment sous le règne d'Adrien, après l'an 134,
qu'arriva la division entre les Juifs conver-
tis, dont les uns renoncèrent absolument aux
rites mosaïques, les autres s'obstinèrent à
les conserver, (»t furent nommés j'wdaiisan^*.
Mosheim., Hist. christ., saîc. 2, § 38, a re-
cherché la cause de cet événement ; il juge
()ue le principal motif qui engagea les pre-
miers à ne plus judaïser fut l'envie de ne
pl'is être exposés aux rigui urs (pie Adrien
505 JUD
oxerçait contre les juifs, et de pouvoir 1m-
]}it<'r In nouvelle ville de JéruscdiMU que ce
]iiinco Mvait l'ait bAtir sous le ni\m tWElia-
Cnpitolind. Ajoutons que les juifs incrédules
s'(Haioid rendus odieux h tout rçni|iiro par
les. massacres dont ils s'étaient remlus cou-
]ialjles; il y avait donc beaucou]) de danger
à paraitrejuil'. Moslicim croit encore (pie le
jiarti des jnddisaiits opiniâtres se sous-divisa
en deux sectes, dont l'une fut celle des éhio-
7}itrs, l'autre celle des nazaréens. Voy. ces
deux mois.
JUDAÏSME, religion des Juifs. Dieu l'a
donnée .\ ce jieuple par le minisière de Mijïse,
vers l'an du monde 2313, selon le calcul du
texte hébreu ; elle a duré cnvinin 1330 ans,
jusqu'à la luine de JérusaltMU et la dispersion
des Juifs. Les livres de Moïse contiennent
les dofiçmes, la morale, les cérémonies de
cette religion. A l'article Mo'i'se, nous ferons
Miir que ce législateur avait prouvé sa mis-
sion divine par des signes incontestables. Ici
nous traiterons brièvement des ditïérentcs
parties de la religion qu'il a établie.
I. Les dogmes qu'il a enseignés aux Juifs
étaient les mômes que ceux qui avaient été
révélés aux patriarches leurs aïeux. Ce peu-
ple adorait un seul Dieu, créateur, souverain
Seigneur de l'univers, dont la Providence
gouvern(^ toutes (-hoses, législateur suprême,
rémunérateur de la vertu et vengeur du
crime. Toutes les lois, toutes les pratiques
du judaïsme tendaient h incuhpier ces gran-
des vérités. Au mot Créateur, nous avons
prouvé que Moïse a enseigné clairement le
dogme de la création. Or, dès q.ue l'on est
persuadé que Dieu a tiré du néant l'univers
par un seul acte île sa volonté, on n'a aucune
peine à comprendre qu'illegouvernede mê-
me, et qu'il ne lui en coi'ite pas plus pour
en prendre soin qu'il ne lui en a coûté pour
le faire tel qu'il est. J.es Juifs n'ont jamais
douté que la Providence divine ne s'étendit
à tous les peu|iles et à tous les hommes sans
exception ; mais ils ont cru avec raison que
cette Providence veillait sur eux avec une
attention particulière, que Dieu les avait
choisis pour être son peuple par préférence
aux autres nations, et qu'il leur accordait
Jilus de bienfaits. Si vous tjardez mon alliance,
leur dit le Seigneur, vous serez ma portion
clioisieparmi tous lesautrcs peuples ;car toute
la terre est à moi. {Exod., c. xix, v. 5, etc.)
Aux mots Ame, Immortalité, Enfer, nous
;nvons montré que les Juifs ont cruconstam-
luent l'immortalité de l'âme , les récom-
{n'uses et les peines de l'autre vie ; qu'ils
ji'ont pas eu besoin d'emprunter cette doc-
ti'.Jie d'aucune autre nation, qu'ils l'avaient
recède de leurs aïeux, et qu'elle venait d'une
révélation primitive. Les auteurs païens,
mieux instruits ou plus équitables que les
incrédules modernes, ont rendu justice aux
Juifs sur ce pouit. « Les Juifs, dit Tacite,
conçoivent jw la pensée un seul Dieu, Etre
suprême, éternel, immuable, dont la durée
ne Unira jamais. » Judœi mente sola unumque
Numrn inlelliyunt, summum, illud et œter-
nuni , neque mutabile , neque interiturum.
DlCTIO.^N. DE TuÉOL. DOGMATIQLE. IIL
JUC
106
///s/., lib. V, c. 5. Dion-Cassius, lib. xxxvii,
dit (le même que les Juifs adorent ini Dieu
invisibh- et ineffible : et l'on ose écrire au-
jourd'hui qu'ils adoraient ini Dieu cor|)orel,
local, qui ne pensait qu'à eux, semblable
aux di(Mix des autres nations, etc. Toland a
])0ussé l'audace jusqu'à soutenir cjue le Dieu
de Moïse était le monde, et que sa religion
était le panthéisme.
« I>e,-s Juifs, continue Tacite, ]iensent que
les âmes de ceux qui sont morts dans les
combats ou dansles supplices sont éternelles.
Gomme les lîgyptiens, ils enterrent les morts
et ne les brûlent point ; il ont le même soin
des cadavres et la même opinion sur les en-
fers. » Mais cette croyance était celle des
patriarches, avant que les enfants de Jav.flb
eussent habité l'Egvfite. Lorsque les littéra-
teurs de notre siècle affirment que les Juifs
empruntèrent des Chaldéens et des Perses la
croyance d'une vie future, qu'ils n'en avaient
eu aucune notion avant leur captivité à 13a-
bylone, ds s'exposent au mépris de tous les
hommes instruits.
Mais il ne faut pas oublier un article essen-
tiel'de la foi des Juifs, la chute originelle de
l'homme , la promesse d'un Rédempteur,
d'un JMessie ou d'un envoyé de Dieu, qui
viendrait rassembler tous les peuples sous
SOS lois, conclure une alliance nouvelle entre
Dieu et le genre humain. Ce dogme est con-
signé dans l'histoire môme de la création,
dans le testament de Jacob, dans les prédic-
tions de Moïse et dans toute la suite des pro-
phéties. Voy. Messie.
II. La morale du judaïsme est renfermée
en abrégé dans le Décalogue ; c'est encore
colle des patriarches, puisque c'est la loi na-
turelle écrite. Voy. Décalogue. Mais Moïse
l'avait rendue plus claire, en avait facilité la
connaissance et l'exécution par les différentes
lois qui prescrivaient aux Juifs leurs devoirs
envers Dieu et envers le prochain. Ainsi le
précepte de n'adorer qu'un seul Dieu était
ex[iliqu6 et confirmé non-seulement par
toutes les lois qui défendaient aux Juifs les
pratiques superstitieuses des idolâtres, mais
par celles qui prescrivaient les sacrifices,
les offrandes, les fêtes, les cérémonies du
culte divin, les précautions qu'il fallait ob-
server pour s'en acquitter avec la décence
et le respect convenables. C'est à ce grand
objet que se rapportaient toutes les lois cé-
rémonielles.
La défense de prendre le nom du Seigneur
en vain était appuj'ée par d'autres qui punis-
saient le parjure ou le blas])hème, ou qui
ordonnaient d'exécuter fidèlement les vœux
que l'on avait faits au Seigneur.
Comme le sabbat était principalement or-
donné pour conserver la mémoire de la créa-
tion, nous voyous (ju'un homme fut puni
de mort pour en avoir violé la sainteté {Num.
c. XV, v. xxxii). Dieu voulut encore en as-
surer l'observation par un miracle habituel,
eu ne faisant point tomber la manne le jour
du sabbat.
Au commandement général d'honorer les
pères et mères, Dieu ajouta des lois sétères
4
f07
JUD
JUD
138
qii condamnaientà mort non-seulement celui
qui aurait frappé son père ou sa mère, mais
celui qui les aurait outragés de paroles, et
qui interdisaient toute turpitude, toute mi-
pudicité à leur égard. Conséquemment il était
ordonné de respecter les vieillards et les
hommes constitués en dignité, parce qu'on
doit les regarder, en quelque manière, comme
les pères du peuple.
Les défenses de nuire au prochain dans sa
personne, dans ses biens, dans son honneur,
étaient renfermées dans ce command;'Uient
général : Vous aimerez votre prochain comme
vous-même; c'est moi, votre Seigneur, qui
vous l'ordonne , vous ne conserverez contre
lui dans votre cœur ni haine, ni ressentiment,
ni dessein de vous venger ; vous oublierez les
injures de vos concitoyens [Levit. c. xix,
V. 17 et suiv.). Mais Moïse entra dans le
plus grand détail de toutes les violences que
l'on pouvait commettre à l'égard du pro-
chain, de toutes les manières dont on pou-
vait lui nuire et lui porter du préjudice ;
toutes ces actions furent interdites sous des
peines sévères, souvent sous peine de mort.
Il ne se borna point à ptoscrire l'adultère,
mais il nota d lufainie la prostitution et le
commerce illégitime des deux sexes [Lwit.
c. XIX, V. 29; Deut., c. xxin, v. 17). 11 ne
fit grâce à aucun désordre capable de nuire
à la pureté des mœurs.
Puisque les désirs môme illégitimes étaient
interdits aux Juifs par le Décalogue, com-
ment des actions criminelles auraient-elies
pu leur être permises ?
11 est évident que toutes ces lois positives
tendaient à faire connaître la loi naturelle
dans toute son étendue , et à la faire mieux
observer; qu'un Juif ainsi instruit devait
6tre moins exposé à la violer qu'un païen. 11
y a cependant eu des déistes assez aveugles
pour prétendre que tant de lois positives
nuisaient à lobservation de la loi naturelle.
Le Clerc, critique téméraire, s'il en fut ja-
mais, a osé soutenir ce paradoxe, Uist, ecclcs.,
Proleg., sect. 3 , c. ii , § 20 et suiv. , et il a
voulu le coulirmer par des exemples. 1" 11 y
avait, h la vérité, dit-il, une loi qui obligeait
les enfants à honorer leurs pères et mères ;
mais il y en avait une autre qui permettait
le divorce et la polygamie ; celle-ci rendait à
peu près impossible l'observation de la pré-
cédente : on sait jusqu'à quel point ces deux
abus mettent le desordre, la division, la haine
dans les familles. 2" La loi qui défendait aux
Israélites de souflrir aucun idolâtre parmi
eux n'était pas équitable ; ils auraient été
bien fùchés d'être traités de môme chez leurs
voisins, lorsque des calamités les obligeaient
de s'y réfugier, et lorsqu ils furent répandus
chez toutes les nations après la cajitivité de
Babyloue. 3° Celle qui ordonnait do mettre à
mort tout homme coupable d'idolâtrie, fût-il
parent, ami ou allié était inhumaine; il eût
mieux valu tâcher de les corriger. Qu'au-
raient dit les Israélites, si les peui/los voisins
qui les subjuguèrent plus d'une fois, les
avaient forcés , par des supplices, de renon-
cer à leur rehgion ? k' Comme la loi de Moïse
ne proposait ni récompenses a cspOrerJ ui
puuitions h craindre dans une autre vie , ils
n ont pas pu y être constamment attachés;
do là sont venues , sans doute , leurs fré-
quentes apostasies et leurs rechutes ]>resque\
continuelles dans l'idolâtrie. On ne peut donc
justifier la législation de Moïse, qu'en disant
qu'elle était proportionnée au caractère gros-
sier, dur, intraitable de son peuple , et que
celui-ci n'était pas capable d'en supporter une
plus parfaite.
liéponse. Quand tout cela serait absolument
vrai, il s'ensuivrait déjà que cette législation
n'était indigne ni de la sagesse, ni de la sain-
teté de Dieu. Solon faisait , par cette môme
raison, l'apologie des lois qu'il avait don-
nées aux Athéniens. Mais qu'aurait répondu
Le Clerc à un inciédule qui lui aurait objecté
qu'il ne tenait qu'à Dieu de rendre son peu-
ple plus doux et plus ti attable ? Nous en con-
venons sans djîficulté; mais, parce que Dieu
le pouvait, il ne s'ensuit pas qu'il le devait :
autrement il faudrait soutenir que Dieu n'a
pas dû permettre qu'il y eût dans l'univers
un seul peuple , et môme mi seul hommo
vicieux et insensé. Mais il y a d'autres ré-
flexions à faire.
Nous convenons , en premier lieu, que,
chez les nations corrompues, le divorce et la
polygamie sont des obstacles à peu près in-
viiiciules à l'union des lauiilles et à la ten-
dresse mutuelle entre les enfants et leurs
parents ; mais chez les Hébreux , dont les
mœurs étaient simples, la vie laborieuse , et
les idées assez bornées , ces deux abus ne
pouvaient pas produire d'aussi pernicieux
effets , parce que Moïse avait pris des pré-
cautions pour en prévenir les conséquences,
Voy. Divorce, Polygamie.
lin second lieu , il est vrai que la loi leur
défendait de souffrir chez eux aucun acte
d idolâtrie ; mais il est faux qu'elle leur or-
donnât de bannir tous les idolâtres , lorsque
ceux-ci ne faisaient aucun exercice extérieur
de leur fausse religion : au contraire, il leur
était ordonné de traiter les étiangers avec
douceur et avec humanité, parce qu'ils avaient
été eux-mêmes étiangers en Egypte. {Exod.
c. xxii, V. 21 ; Levit. c. xix, v. 33 ; Deut. c. x,
V. 18, 19, etc.) Or, tout étranger était alors
polythéiste et idolâtre. On ne peut pas prou-
ver que, quand ils étaient réfugiés ciiez leurs
voisins, lis y aient fait aucun exercice de re-
ligion contraire à la croyance de ces peu-
ples.
lin troisième lieu , nous soutenons que la
loi cjui punissait de mort tout acte d'idol,;-
trie n'était ni cruelle ni injuste. Dieu avait
attaché à cette condition la conservation de
la nation juive : en soulfrir l'infraction, c'é-
tait mettre le salut de la république en dan-
ger. Oseia-t-on soutenir que Dieu n'avait pas
cette autorité , qu'il n'a jamais dû jiunir de
mort aucun impie , parce qu'il aurait été
mieux de le corriger ? Mais les mécréants,
non contents d'imposer à tous les hommes
la loi de la tolérance absolue envers leurs
semblables, veulent encore eu iàire une obli-
gation à Dieu. Jamais les Juifs n'ont forcé
109
JUD
personne, par des supplices, à embrasser
leur reli,Lj;ion.
Kiirni,quoiriuelalé,j;islatton de Moïse n'ait
reiilVniK; ni pi-omesses ni menaces expresses
et for;nell('S [Wiir la vie lutine , il n'est pas
moins vrai qno les Hébreiii eroyaient une
vie ?i venir, pane que c'avait été, de tout
leiiips , la loi des patriarches leurs aïeux.
Krt//. Amk, § 2. Mais comme celte législalion
reiitermail ton! à la fois les lois morales, les
lois céri'iiionielles el l(!s lois civiles , il n'au-
rait l'as (Hé convenable de donner h toutes
inditré-remment la snnction des [leines et des
récompenses do l'autre vie. S'il faut en
croire les matéi ialistes de nos jours, celles
(le ce njonde t'ont beaucoup plus d'impres-
sion sur les lionniies que celles de la vie à
venir; ce n'a <lonc pas été Ih une cause des
apostasies des Juifs.
Que l'on envisage la morale juive sous
quelque asjiect que l'on voudra, elle est pure,
sa.^e, irrépréhensible, convenable à tous
égards au temps, au lieu , au génie du peu-
ple pour lequel elle était destinée, plus par-
iai te que celle de tous les législateurs philo-
sophes. Aucune des lois civiles, politiques
ou militaires, portées par Moïse, n'est con-
traire à la loi naturelle; toutes concourent îi
la faire exactement |iratiquer. Lorsque Jé-
sus-Christ est venu donner au genre humain
de nouvelles leçons do morale, il n'a point
contredit celles de Moïse ; mais il a rejeté les
fausses explications qu'en donnaient les doc-
teurs juifs : il a sagement distingué les pré-
ceptes qui regardent la conduite persoiuiello
de 1 homme d'avec les lois civiles et natio-
nales relatives à la situation particulière dans
la(pielle se trouvaient les Hébreux sous
Moïse; il en a relranclié ce qui était devenu
sujet îv des inconvénients, comme la polyga-
mie, le divorce, la peine du talion , etc.; il y
a ajouté des conseils de perfection [)our en
rendre l'observation plus s:\re et plus facile,
mais dont les anciens Juifs n'étaient pas ca-
Itables. Les incrédules , qui ont censuré et
calomnié la morale et les lois de Moïse, n'en
ont pris ni le sens ni l'esprit; ils n'ont fait
attention ni au siècle, ni au climat, ni au
caractère national, ni aux mœurs générales
des anciens peujiles.
IIL Mais pouiquoi tant de lois cérémo-
nielles '.' pourquoi un culte extérieur si mi-
nutieux et si grossier? Les Hébreux n'étaient
pas en état d'en pratiquer un plus parfait, et
il u'y en avait point alors dans le monde.
Quand ou l'examine de près, on en voit la
sagesse et l'utilité. — 1° Il fallait un culte
qui occupât beaucoup les Juiis, paice qu'ils
avaient pris en Egyi.te le goût de la jiompe
et des cérémonies , et parce que c'était un
moyru d'adoucir leurs mœurs, en les obli-
geant de se rapprocher souvent , et d'avoir
Beaucoup d'attention à leur extérieur. —
2° Il fallait que tout fût prescrit dans le plus
grand détail, atin qu'ils ne fussent pas tentés
d'y mettre rien du leur; il était donc abso-
lument nécessaire de leur interdire tous les
usages des Egyptiens et des Chananéeus,
pour lesquels ils n'avaient que trop de pen
JUD !10
chant : un très-grand nombre de lois céré-
monielles y sont relatives. — 3° La i)lupart
des cérémonies ordonnées aux Juifs étaient
des monuments et des preuves des [irodiges
que Dieu avait opérés en leur faveur, et des
bienfaits qu'il leur avait accordés, comme la
PAque, l'od'iaiule des premiers-nés, les fêtes
de la Pentecôte et des Tabernacles , la Cir-
concision, signe des promesses mie Dieu
avait faites à Abraham, etc. — V" Plusieurs
autres, comme les purilications, les ablu-
tions, les abstinences, avaient pour objet la
propreté et la santé du peunlc , la salubrité
de l'air et du régime : c'étaient des précau-
tions relatives au climat. La sagesse do ces
attentions, qui nous |)araisscnt minutieuses,
est prouvée par l'effet qu'elles produisaient ;
puisque , selon le témoignage de Tacite , les
Juifs étaient d'un tempérament robuste et
vigoureux, au lieu (|ue, sous le règne du
mahométisme, l'Egypte et la Palestine sont
devenues le foyer do la peste. Tout était r,r-
donné par motif de religion , parce qu'un
peuple qui n'était pas encore civilisé, était
incapable do se conduire par un autre motif.
Les censeurs anciens et modernes du ju~
daisme ont dit que toutes ces observances
légales étaient superstitieuses ; mais ils
auraient dû expliquer ce qu'ils entendaient
par superstition. Un cul e superstitieux est
celui que Dieu n'a point ordonné ou qu'il
réprouve, qui no peut produire aucun bon
effet, qui peut donner lieu à des erreurs et à
des abus. Celui des Juifs était-il djns ce cas?
Dieu l'avait expressément ordonné, et, par
des promesses positives, il y avait attaché la
prospérité de cette nation; toutes les fois
que les Juifs s'en écartèrent, ils fuient pu-
nis, et se trouvèrent obligés d'y revenir. Ce
culte était destiné k les détourner des su-
perstitions et des crimes des peuples idolâ-
tres dont ils étaient environnés, à conserver
parmi eux le dogme essentiel d'un seul Dieu
créateur, oublié et méconnu chez tous les
peuples, et à nourrir l'attente d'un Messie
Rédempteur et Sauveur du genre humain :
c'est aussi l'effet qui en est résulté; en quel
sens a-t-il pu être superstitieux? Que les
païens, avcu;4és par leurs propres supersti-
tions, aient bl.lmé un culte qu'ils connais-
saient très-mal, dont ils i.;noraient les motifs
et le ciessein, cela n'est pas étonnant; mais
que des philosophes, élevés dans le sein du
christianisme, à portée d'examiner le ju-
daïsme en lui-même, en jugent avec la
môme prévention , cela ne leur lait pas
honneur.
Par un iréjugé contraire, les juifs d'au-
jourd'hui prétendent que le culte extérieur
ou céréuioniel prescrit par leur loi, est beau-
coup plus parfait et plus a.^n'able à Dieu
que la pratique d'>s vertus morales; qu'il
donne une vraie sainteté h ceux qui l'obser-
vent; que Dieu, après l'avoir établi, n'a pas
pu l'abolir. Cette erreur est ancienne parmi
eux; les prophètes l'ont déjà repromiée à
leurs pères; les piiarisiens en étaient imbus
du temps <le Jes» s-Christ : plusieurs mémo
de ceux qui se convertirent a la orédicatioii
m
JUD
JUD
112
des apôtres, persévérèrent dans celte opi-
nion ; ils prétendirent que les gentils qui
embrassaient la foi devaient être assujettis
aux cérémonies légales, et que sans cela ils
ne pouvaient pas être sauvés. Les apôtres
condamnèrent cette doctrine au concile de
Jérusalem : ceux qui s'obstinèrent à la sou-
tenir, furent nommés ébionites. Saint Paul
les a combattus spécialement dans ses Epîtres
aux Romains, aux Galates et aux Hébreux.
Quelques incrédules, attentifs à relever
tout ce qui peut inspirer des préventions
contre le christianisme, ont trouvé bon d'ap-
f)uyer l'opinion des Juifs. Ils ont dit que
'intention de Jésus-Christ avait été de con-
server le judaïsme en entier, avec toutes
ses cérémonies; («je saint Pierre et les
autres apôtres l'avaient ainsi conçu, puis-
qu'ils l'observaient encore exactement; mais
que saint Paul, pour se rendre chef de parti,
avait soutenu le contraire, et que son opi-
nion avait enfin prévalu sur celle de ses
collègues. Cette vaine imagination sera ré-
futée aux articles Paul et Loi cérémonielle.
IV. D'autres écrivains ont prétendu que le
mdaïsme n'était pas une religion, mais seu-
lement une constitution jiolilii^ue. Ou nous
n'entendons plus les termes, ou une loi qui
prescrit une croyance, une morale, un culte
extérieur que Dieu exige et qu'il daigne
agréer, doit être nommée une religion. Pour
donner plus de relief au christianisme, est-il
donc nécessaire do déprimer le judaïsme?
Non, sans doute : celui-ci a été l'ouvrage de
la sagesse divine, et Dieu savait ce qui con-
venait dans les circonstances où il a plu de
l'établir.
Au V' siècle. Pelage s'avisa d'enseigiiei'
que la loi conduisait au royaume de Dieu, de
même que' V Evangile. Saint Aug., L. deGestis
Pelagii, c. 11, n. 24; c. 35, n. 65. C'était la
conséquence d'une autre de ses erreurs,
savoir, que pour faire le bien, l'homme n'a
pas besoin d'une grAce ou d'un secours sur-
naturel de Dieu, mais seulement de connaî-
tre ses devoirs par la loi de Dieu : dôs que
la loi de Moïse les lui montrait, un juif,
selon Pelage, pouvait les accomplir par ses
forces naturelles, et parvenir au salut sans
le secours d'aucune grâce intérieure. Saint
Augustin s'éleva de toutes ses forces contre
cette prétention : il se fonda principalement
sur les passages dans lesquels saint Paul
dit : « Si la justice est donnée par la loi,
donc Jésus-Christ est mort en vain [Galat.
c. II, V. 21). La loi a été établie à cause des
transgressions (c. m, v. 19). La loi est sur-
venue , afin que le péclié s'augmentAt
[Rom. c. V, V. 20).» C'est ainsi que l'entendit
le saint docteur. Il conclut que la loi de Moïse
avait été donnée aux Juifs, non pour prévenir
ou pour détruire le péché, mais seulement
pour le faire apercevoir; non pour diminuer
les forces de la concupiscence, mais plutôt
fiour l'augmenter; atin que les Juifs, humi-
iés par le nombre et par l'éuormité de leuis
transgressions, recourussent à Dieu et implo-
rassent le secours de sa grâce. In expos.
Epist. ad Galat., c. m, n. 21 et 25; Serm. 26,
125, 152, 156, 164; L. de Grat. Christi, c. 8,
n. 9, etc. Mais nous verrons ci-après que
dans d'autres endroits saint Augustin a parlé
de la loi mosaïque avec beaucoup plus
d'exactitude et de précision.
Sur cette dispute célèbre, qu'il nous soit
permis de faire quelques réflexions.
1° L'erreur que saint Paul attaque dans ses
lettres aux Romains et aux Calâtes, était
celle des Juifs, qui prétendaient que le salut
était attaché à l'observation de la loi céré-
monielle, que sans cela on ne pouvait pas
être sauvé par la foi de Jésus-Christ ; lorsque
l'apôtre semble déprimer la loi de Moïse, il
parle évidemment de la loi cérémonielle, et
non de la loi morale. Quand il est question
de celle-ci, saint Paul dit formellement que
les observateurs de la loi seront justifiés {Rom.
c. II, V. 13). Pelage, en soutenant que la loi
conduisait au royaume de Dieu comme l'E-
vangile, entendait-il, comme les Juifs, la
loi cérémonielle? Cela n'est pas probable; il
entendait toute la loi de Moïse, en y compre-
nant les préceptes moraux. Saint Augustin
ne fait point cette distinction, qui aurait été
cependant nécessaire fiour répandre plus de
jour sur la question : mais, comme Pelage
s'obstinait à entendre par la loi, la lettre
seule, sans aucune grâce pour l'accomplir,
saint Augustin avait raison de soutenir que
la loi ainsi envisagée, n'aurait été propre
(fu'à multiplier les transgressions et à irriter
la concupiscence. Et il en serait de même de
la lettre de l'Evangile, si Dieu ne nous don-
nait la grâce nécessaire pour en suivre les
préceptes.
2° 11 paraît dur de dire que Dieu avait
donné exprès la loi aux Juifs pour les rendre
plus grands pécheurs, afin de les humi-
lier, etc. Cela peut-il s'entendre de la loi
morale ou Décalogue, qui était la loi natu-
relle écrite ? Saint Paul assure que la loi
était sainte, juste et bonne {Rom. c. vu,
v. 12) ; elle n'était donc pas une cause de
péché : il pose pour maxime générale, qu'il
ne faut pas faire du mal pour qu'il en arrive
du bien {Rom. c. m, v. 8); et s lint Jacques,
que Dieu ne tente personne, ne [lorte per-
sonne au mal (/or. c. i, v. 13). Dieu ne peut
donc pas nous tendre un piège et nous faire
pécher, pour qu'il en résulte un bien. Les
Pères des quatre premiers siècles, en réfu-
tant les marcionites, les valentiniens, les
carpocratiens, les manichéens, qui dépri-
maient la loi de Moïse et abusaient des pa-
roles de saint Paul, en ont très-bien vu
l'équivoque : ils ont dit que, selon l'apôtre,
la loi est survenue de manière que le péché
s'est augmenté, mais non afin qu'il s'aug-
mentât; que la loi a été l'occasion et non la
cause de l'augmentation du péché. Saint
Paul a dit de môme, que la prédication de
l'Evangile est une odeur de mort pour ceux
qui périssent (// Cor.ç. ii, v, 15). Il ne s'en-
suit point que l'Evangile ait été prêché pour
les faire périr. Saint Augustin l'a remarqué
lui-même, L. 1 ad Simplic. q. 1, n. 17 ;
Contra udvers. leais et prophet., 1. ii. c. 11.
115
JUD
JUD
m
n. 30; e,, 011 rét'utani les maïucliéens, iï a
fait r.ipoloij;!»' do la loi do Mcjïso.
3" Polago otait hiTiJtiiiue, en soutenant que
riiomuio n'a pas iiesoin de gi-Aco pour ob-
server la loi ; mais on iiouvait le confondre,
sans prétendre que la loi avait été donnée
aux Juifs alin de los rendre plus grands pé-
cheurs. David, dans les psaumes, demande
à Dieu rintelligonco pour connaître sa loi,
et la force do l'accoinplir; il SLip|)lio le Sei-
gneur de le conduire dans la voie de ses
couiniandements, etc.; il sentait donc le lio-
soin do la grAce divine. 11 disait : Ayez pitié
de moi selon vos promesses, 'Ps. (;xvm,etc.; il
était donc persuatlé (juo Dieu avait ]iromis
son secours à ceux qui l'iniplororaiont. Le
pape Innocent 1" n'a pas en tort do repré-
senter aux pélagiens (|uo les psaumes de
David sont une invocation continuelle do la
grAce divine. Saint Paul enseigne que Dieu
donnait en olfet la grAce aux Juifs, puisqu'il
(lit que tous ont bu l'eau spirituelle du ro-
cher (]ui los suivait, et que ce rocher était
Jésus-Christ (/ Cor. c. x, v. 3). Non-seule-
ment les Juifs recevaient la grAce, mais sou-
vent ils y résistaient, jinisque saint Etienne
leur dit : « Vous résistez toujours au Saint-
Esprit comme ont ûnt vos pores {Act. c. vu,
V. 51) ; )> et saint Paul cite los paroles d'isaïe :
« J'ai étendu tout le jour les bras vers un
peuple ingrat et rebelle {Rom. c. x, v. 21). »
Nous savons très-bien que sous l'Ancien
Testament la grAce n'était ])as attachée à la
lettre do la loi, mais h la promesse de Dieu;
saint Paul le déclare fonnolleinent ( Galat.
c. m, V, 18); et cette promesse avait été faite
en considération des mérites futurs de Jé-
sus-Christ {Ibid. V, IG). Ceux (jui obser-
vaient la loi par le secours de la grAce étaient
donc justities on vertu des mérites do ce
divin Sauveur, et il ne s'ensuit pas qu'à leur
égard Jésus-Christ soit mort en vain.
4° Le mépris avec lequel certains auteurs
ont parlé de la loi ancienne s'accorde mal
avec les éloges (}u"(Mi font les écrivains sa-
crés. Moïse, en la donnant aux Juifs, les as-
sure que les précejites de cette loi sont la
justice même {Dcut. c. iv, v. G). « Le com-
mandement que je vous fais, leur dit-il, n'est
ni au-dessus de vous, ni éloigné de vous :...
il est à votre portée, dans votre bouche et
dans votre cœur, pour que vous l'accomplis-
siez. Jai mis devant vous le bien et la vie,
le mal et la mort, alin que vous aimiez le
Seigneur votre Dieu, et (|ue vous marchiez
dans ses voies (c. xxx, v. 11). » Cela ne se-
rait pas vrai, si Dieu n'avait point donné aux
Juifs des grAces )iour accomplir sa hji. « La
loi du Seigneur, dit le psalmiste, est sans ta-
che, convertit les dmes, enseigne la vérité,
donne la sagesse aux jikis simples. Ses pré-
ceptes sont l'équité mémo, répandent la jnie
dans les cœurs et la lumière dans les esprits,
etc. {Ps. xvin, V. 8). « 11 est donc laux (juc
cotte loi se borne à montrer le [léché sans le
faire éviter, augmente la concupiscence, etc.
5° Saint Augustin, dans la plupart do ses
ouvrages, s'est expliqué là-dessus avec la
plus grande exactitude. Non-seulement il a
soutenu, contre les manichéens, que la loi
d(i Moïse était utile, que ceux qui ne pou-
vaient pas être détournés du péché par la
raison, avaient besoin d'être réprimés jiar
cette loi, L. de Util, cred., c. 3, n. 9; mais
il a répété aux pélagiens que Dieu donnait
la grâce pour l'accomplir. « Les pélagiens,
dit-il, nous accusent d'enseigner que la loi
de l'Ancien Testament n'a pas été donnée
pour justilier les Juifs obéissants, mais pour
augmenter la grièvoté du péché... Qui osera
dire que ceux (jui obéissent à la loi ne sont
pas justes? S'ils ne l'étaient pas, ils ne pour-
raient pas obéir. Mais nous disons que par
la loi Dieu fait entendre ce qu'il veut que
l'on fasse, que par la grAce l'homme est rendu
obéissant à la loi; car, selon saint Paul, ce
ne sont point ceux qui écoutent la loi, qui
sont justes devant Dieu, mais ceux qui l'ac-
complissent. La loi fait donc connaître la
justice, la grAce la fait accomplir... Ainsi la
lettre seule donne la mort, c'est l'esprit (jui
donne la vie La lettre tue, narce que la
défense augmente le désir du péché, à moins
que la grAce ne vivifie par son secours. L. 3.
contra duas Epist. Peluy., c. 2, il. 2. Qui est
le catholique qui dira que sous l'Ancien
Testament le Saint-Esprit ne donnait pas du
secours et dos forces? Ibid., c. 4, n. 6. Abra-
ham et les justes qui l'ont précédé ou ijui
l'ont suivi jusqu'à Jean-Ba|>tiste, sont enfants
de la promesse et de la grAce. N. 8. Nous di-
sons que, sous l'Ancien Testament, ceux
qui étaient héritiers de la promesse ont reçu
du Saint-Esprit, non-seulement du secours,
mais la force dont ils avaient besoin : voilà
ce que nient les pélagiens, qui aiment mieux
attribuer cette force au libre arbitre. » N. 13,
à la fin.
Si dans d'autres endroits saint Augustin
s'est exprimé avec moins de précision, qu'en
peut-on conclure, dès qu'une fois il s'est
expliqué clairement ? 11 est évident que
quand le saint docteur semble parler désa-
vantageusementde la loi, il la prend dans le
sens des pélagiens, i)Our la lettre seule, sans
grAce, sans le secours du Saiiit-Espiit ; mais
il n'a jamais sujiposé que Dieu l'avait don-
née telle, et qu'il faisait aux Juifs des com-
mandements, sans leur accorder la force né-
cessaire pour les observer.
6' Que penserons-nous d'une secte de
théologiens qui ont affecté de rassembler
continuellement les passages dans lesquels
saint Augustin semble avoir [larlé au dé-
savantage de la loi ancienne, sans citer ja-
mais ceux que nous venons d'alléguer, et
vingt autres dans lesquels il s'est expliqué
de inôine? Il faut placer au même rang les
commentateurs, qui, lisant dans saint Jean,
c. I, v. 16, ({ue nous avons reçu de Jésus-
Christ une grâce pour une autre grâce, s'obs-
tinent à dire que celle qui a été donnée sous
Moise n'était qu'une grâce extérieure;
comme si Jésus-Christ n'était pas auteur de
l'une et de l'autre. Peut-on pardonner ài
Jansénius d'avoir écrit (|ue l'Ancien Testa-
riiont n'était qu'une grande comédie que
Dieu jouait, non pour elle môme, mais ea.
lis
JUD
JUD
\Vi
considération du nouveau. T. III, de Grat.
Christi Sulvat. i. m, c. 6, p. 110. Selon lui,
Dieu faisait semblant de vouloir le salut des
Juiis, mais dans le fond il n'en avait aucune
envie.
A Dieu ne plaise qu'un chrétien souscrive
jamais à ce blasphème 1 Dieu a sincèrement
voulu sauver tous les hommes dans tous les
temps, avant la loi et sous la loi, aussi bien
que sous l'Evangile, toujours par la grAce
du Rédempteur, quoique cette gr.lco n'ait
pas été distribuée, sous les deux premières
époques, aussi abondamment que sous la
troisième. Tout système contraire à cette
grande vérité est une erreur. Les visions
des marcionites, dos manichéens, des pic-
destinatiens, et celles des pélagions, quoi-
que très-opposées, sont également réfutées
par la doctrine des anciens Pères.
« L'un et l'autre Testament, dit saint Iré-
née, ont été faits pai- le même père de famille,
par le Verbe de Dieu Notre-Seigneur Jésus-
Christ, qui a parlé à Abraham et à Moïse,
qui, dans ces derniers temps, nous a mis
en liberté, et a rendu plus abondante la
grAce qui vient de lui... Ils ne sont différents
que par leur étendue, comme l'eau est dif-
férente d'une autre eau, la lumière d'une
autre lumière, la grâce d'une autre grâce.
La loi de liberté est plus étendue que la
loi de servitude; c'est pour cela qu'elle a
été donnée, non pour un seul [leuple, mais
pour le monde entier. Le salut est un,
comme Dieu créateur de l'homme est un ;
les préceptes sont multipliés comme autant
de degrés qui conduisent l'homme à Dieu. »
Adv. hœr., I. iv, c. 21 et 22. « C'est toujours
le même Seigneur qui, par son avènement,
a répandu sur les dernières générations une
grâce plus abondante que celle qui était ac-
cordée sous l'Ancien Testament... Comment
Jésus-Clirist est-il la fin de la loi, s'il n'en
est aussi le commencement? C'est le
Verbe de Dieu, occupé dès la création à
monter et à descendre, pour donner la santé
aux malades... Puisque dans la loi et dans
l'Evangile le premier et le grand précepte
est d'aimer Dieu sur toutes clioses, et le se-
cond d'aimer le prochain comme soi-même,
il est clair que la loi et l'Evangile viennent
du môme auteur. Puisque dans l'un et l'au-
tre Testament les préceptes de perfection
sont les mêmes, ils démontrent le môme
Dieu. » Ibid., c. 24 et 26. Saint Augustin a
répété ce raisonnement contre les mani-
chéens. De Morib. Eccles., 1. i, c. 28.
« La loi, dit saint Clément d'Alexandrie,
est l'ancienne grâce émanée du Verbe di-
vin, par l'organe de Moïse. Quand l'Ecriture
dit que la loi a été donnée par Moïse, elle
entend que la loi vient du Verbe de Dieu,
par Moïse son serviteur : c'est pour cela
qu'elle a été portée seulement pour un
temps ; mais la grAce et la vérité apportées
par Jésus-Christ sont pour l'éternité. » Pœ-
d'ig., 1. 1, c. 7, p. 133. « La loi conduit donc
ù Dieu... Elle a été notre précepteur en Jé-
sus-Christ, alin que nous fussions justifiés
ar la foi... Mais c'est toujours le môme Sei-
gneur, bon pasteur et législateur, qui prend
soin du troupeau et des ouailles qui écoutent
sa voix ; qui, par le secours de la raison et de
la loi, cherche sa brebis perdue et la trouve. »
Strom., 1. 1, c. 26, p. 4-20. « La loi et l'Evan-
gile sont l'ouvrage du même Seigneur, qui
est la puissance et la sagesse de Dieu ; et
la crainte qu'inspire la loi est un trait de mi-
séiicorde relativement au salut... Soit donc
que l'on parle ou de la loi naturelle (]ui
nous est donnée avec la naissance, ou de
celle qui a été publiée dans la suite par Dieu
lui-môme, c'est une seule et môme loi, quant
à la nature et à l'instruction. » Jbid., c. 2",
p. 422; c. 28, p. k2k ; c. 29, p. 427; 1. xi,
c. 6, p. 444 ; c. 7, p. 447. « Ayons donc re-
cours à ce Dieu Sauveur , qui invite au sa-
lut par les prodiges qu'il a faits en Egypte et,
dans le désert, jiar le buisson ardent et par
la nuée lumineuse, image de la grâce divine,
qui suivait les Hébreux dans le besoin. »
Cohort. ad Genl., c. 1, p. 7. Ce n'est pas là du
pélagianisme.
<t Le peuplejuif, dit Tertullicn, est le plus
ancien, et a été favorisé le premier de la
grâce divine, sous la loi ; nous sommes les
puînés selon le cours des temps ; mais Dieu
vérifie à cet égard ce qu'il avait dit de Jacob
et d'Esaii, que l'aîné serait inférieur au ca-
det... Selon qu'il convient à la bonté et à la
justice de Dieu, créateur du genre humain,
il a donné à toutes les nations la môme loi ;
il ordonne qu'elle soit observée selon les
temps, quand il le veut, comme il le veut, et
par qui il lui [ilaît... Déjà dans la loi donnée
à Adam, nous trouvons le germe de tous les
préceptes qui se sont multipliés ensuite sous
la main de Moïse, surtout le grand précepte :
Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout
votre cœur, etc. » Adv. Jud., c. 1 et 2. Après
avoir indiqué ce que dit saint Paul, que la
pierre qui fournissait aux Juifs l'eau spiri-
tuelle était Jésus-Christ, TertuUien fait re-
marquer que ce divin Sauveur est désigné
dans plusieurs endroits de l'Ecriture sous le
nom et la ligure depierre. Ihid., c. 9, p. 194
Dans son premier livre contre Marcion ,
c.22,il prouve que si Dieu est bon parla na-
ture, il a dû exercer sa bonté et sa miséri-
corde envers les hommes, depuis la création
jusqu'à nous ; ne pas différer jusqu'à la ve-
nue de Jésus-Christ, à guérir les plaies de la
nature humaine ; et, dans le quatrième, il dé-
montre qu'il n'y a aucune opi>ositiou ejitre
l'Ancien Testament et le Nouveau.
Saint Athanase, de Incarn. VerbiDei, n. 12,
op. t. 1, p. 57, enseigne que le Verbe divin
avait pourvu à ce que tous les hommes pus-
sent le connaître par le spectacle de la na-
ture, mais que, comme leur méchanceté n'a-
vait fait que s'accroître, il voulut remédier è
ce malheur, en les faisant instruire par d'au-
tres hommes , par Moïse et par les prophè-
tes. « On pouvait donc, dit-il, par la con-
naissance de la loi, réprimer toute perver-
sité et mener une vie vertueuse. Car la loi
n'avait pas été donnée, et les pro[)liètes n'a-
vaient pas été envoyés pour les Juifs seuls. ^
Mais ils étaient poùf le monde entier coauue
117
JUD
JUD
118
une sainte écoie établie pour faire connaître
Dieu, et pour donner des leçons de vertu. »
Nous espérons que l'on n'accusera p;is saint
Alhanase d'avoir exclu par ces paroles le se-
cours do la grAce, ou l'opération intérieure
du Verhc divin dans les esprits et dans les
cœurs, lui qui dit d'ailleurs que sous l'An-
cien Testament la grâce était déjà donnée à
toutes les nations. Expos, in ps. cxiii, v.2et
H; voyez encore in ps. csviii, v. 5, etc.
Tel a été ie lanj^age de tous les l'ères et de
ri'lglise cluélienne dans tous les siècles. Le
coniilc de Trouto y faisait atteulion, lors-
qu'il a décidé que les Juifs ne pouvaient
ôtro justifiés ni délivrés du péché, pur la
lettre de la loi (le Moisc, pur la doctrine de
la lui, sans la grdce de Jésus-Christ. Sess 6,
de Justif.,c. 1 et can. 1. Mais il n'a pas
fijouté que les Juifs ne recevaient pas cette
grAce. Tous les Pères ont très-bien aperçu le
jilan que la divine providence a suivi, que
la révélation nous découvre, et que nous ne
nous lassons jias de répéter. La religion des
jtalriarclu'S était convenable à l'état des fa-
milles et des peuplades s;''parées les unes
des aulres, et qui ne pouvaient encore se
léunir en corps de nidion. Le judaïsme était
li'l qu'il le l'aillait pour un peu|ile naissant,
cpii avait besoin d'élre i>olicé , suunds au
joug d'inio société civile, préservé dos er-
reurs et des vices dis autres peui)les. Le
clnistimisme était réservé poiu' le temps
aucpiel tous seraient capables de former en-
tre eux une société religieuse universelle.
La lurée des deux premières était donc tixée
par leur destination même ; Dieu les a fait
cesser au moment où elles n'étaient plus uti-
les ni convenables. Quant à la tioisième, c'est
la religion du sage, de Ibomme (larvenu à la
maturité parfaite ; elle doit durer jusqu'à la
lin des siècles.
lie môme qu'en établissant le judaïsme,
Dieu n'a pas réprouvé par une loi [lositive la
religion des patriarches, ainsi, par un trait
égal de sagesse, Jésus-Christ, (ui fondant le
christianisme, n'a point porté de loi expresse
et formelle pour coiulamncr où abroger le
iudaismc ; il savait que l'observation de cette
loi deviendrait impossible par la ruine du
tL'm]ile et parla dispersion des Juifs. Lese<-
pirances dont cette nation se (latte, d'être un
jour rétablie, remise en possession de ses
usages et de ses lois, sont évidenmient con-
traires au jilan généial de la Providence et à
l'état actuel du genre humain. Quelque temps
avant la venue de Jésus-Christ , le judaïsme
s'était divisé en deux sectes principales,
celle des Pharisiens et celle des Sadducéens ;
Josèphe y ajoute celle des esséniens : au-
jounl'hui il est partagé entre la secte des
caraites et celle des talmudistes, disciples des
rabldns ; celle-ci est inliniment plus nom-
breuse que l'autre. Yoyez-les chacune sous
son nom.
V.Sousprétevtede mieux fidrc comprendre
combien les leçons de Jésus-Christ cl des ai)ô-
tres étaient nécessaires au genre humain ,
Le Clerc, ûaus son llist. ecclés.,prolég., sect.
i, c. 8, s'est avisé de soutenir qu'un juif
liouvait très-aifficilement prouver aux païen»
la vérité et la divinité de sa religion, et que
nous ne pouvons y réussirnous-iiièmes que
par le témoignage de Jésus-Christ et des
apôtres, dont la mission nous est certaine-
ment connue.
Ayant d'examiner les raisons sur lesquel-
les il a étayé ce paradoxe, nous ne ])Ouvons
nous empêcher de témoigner notre étonne-
nient : comment ce critique , qui montre
souvent tant de sagacité, n'a-t-il pas aueiçu
les conséquences de sa ))rétention ? 11 "s'en-
suivrait, 1° que Dieu a très-mal pourvu à la
foi et au salut des Juifs, |)uisqu'il n'a 4)as re-
vêtu leur religion de jireuves assez fortes
pour fonder la croyance de tout houune rai-
sonnable et instruit ; qu'en cela même Dieu
a ôté aux païens un des moyens les plus pi o-
pres à les délromi)er du polythéisme, et à
les conduire à la connaissance du vrai
Dieu : supposition contraire h ce qu'il a dé-
ckiré formellement lui-même par ses piophè-
tes. Il dit et répète parla bouche d'Ezéchiel,
que s'il a tiré les Israélites de l'Lgypte, s'il
les a conservés dans le désert malgré leurs
infulélilés, s'il les a punis par la captivité de
Babylone, et s'il veut les rétablir dans la
Terre prondse, c'est alln que toutes les na-
tions sachent cju'il est le Seigneur et l'arbi-
tre souverain de l'univers (Ezech. c. xx,
V. 9, 14, 48 ; c. xxvni, v. 2a ; c. xxxvi, v. 22,
30 ; c. xxxvii, V. 28, etc.).
Il s'ensuivrait, en second lieu, que nous
n'avons point d'autre ])reuvo solide de la di-
vinité du judaïsme que la parole de Jésus-
Christ et des apôtres ; que ceux qui la dé-
montrent aujourd'hui par îles raisons tirées
de la nature même de cette religion, de sa
convenance avec les besoins du genre hu-
main dans l'état ou il était pour lors, de la
sainteté de ses dogmes et de sa morale en
comparaisr)n de la croyance des autres na-
tions, etc., raisonnent mal et perdent leur
temps ; qiie nos anciens ajiolosistes, qui ont
voulu prouver aux païens la vérité de l'his-
toire juive, y ont mal réussi. Le Clerc se ré-
fute lui-même en répondant à la plupart des
objections qu'il ])ropose, et en les résolvant
par des raisons tirées, non de l'Evangile ,
mais de la lumière naturelle etdusenscom-
nnui. Nous le verrons ci-après. L'espèce de
dissertation qu'il a faite sur ce sujet ne [lent
donc aboutir qu'à conhrmer les sociniens
dans l'idée désavantageuse qu'ils ont et qu'ils
donnent de la religion juive , et à fourinr
des armes aux incrédules pour attaquer la
révélation. Quoique Le Clerc déclare et pro-
teste que ce n'est point là son dessein, il
n'est pas moins vrai qu'il a produit cet ef-
fet, puisque les objections qu'il prête à un
païen pour embarrasser un juif qui aurait
voulu en faire un prosélyte, ont été la plu-
part copiées par les incrédules de nos jours.
Il prétend d'abord qu'un juif ne [louvait
prouver sans beaucoup de difliculté l'anti-
quité des livres de Moïse , ou leur authen-
ticité , ni la vérité de tout l'Aifcien Testa-
ment, ni la divinité ou l'inspiration ue tous
ces écrits. Cependant les plus habiles écri-
119
JUD
JUD
120
vains ae noire siècle, môme cncz les pro-
testants, ont prouvé que Moïse est vérita-
blement l'auteur du Penlaleuque ; que ce
livre est par conséquent plus ancien que
toutes les histoires profanes : nous l'avons
prouvé nous-raêmo au mot Pentatelque,
et nous ne craignons pas que les incrédules,
endoctrinés par Le Clerc, viennent à bout de
renverser nos preuves. Nous avons démon-
tré de même la vérité de Dùstoire juive au
mot Histoire sainte. Quant à la divinité ou
à l'inspiration des livres de l'Ancien Testa-
ment, en général, nous convenons qu'elle ne
peut être solidement prouvée que par le
témoignage de Jésus-Christ et des apôtres ;
mais nous soutenons aussi, contre Le Clerc
«t contre les protestants, que nous ne pou-
vons être certains de ce témoignage que par
..elui de l'Eglise : car enfin nous les détions
■:iiÈ nous citer dans le Nouveau Testament
'niTi passage dans lequel Jésus-Christ ou les
apôtres aient déclaré que tous les livres de
l'Ancien placés dans le canon, sont inspirés
et parole de Dieu. Voy. Ecriture sainte ,
§ 1 et 2.
Les païens, dit Le Clerc, ne pouvaient pas
croire aisément la création du monde et
celle de l'homme ,.le péché de nos premiers
parents, le déluge universel , l'arche qui
renfermait tous les animaux, etc. Mais nous
avons fait voir que, malgré l'avis de ce cri-
tique et de tous les sociniens, le dogme de
la création est démontré, que l'histoire de la
chute de l'homme ne renferme rien d'in-
croyable, que le déluge universel est encore
attesté par toute la face du globe , que les
miracles de Moïse sont prouvés d'une ma-
nièi'e incontestable, etc. îl en est de mê-
me de tous les autres faits historiques, con-
tre lesquels les incrédules se sont élevés,
et qui, au jugement de notre critique, de-
vaient révolter ou scandaliser les païens. Il
ne convenait guère à un savant qui faisait
profession du chiistianisme, de vouloir nous
persuader que les objections des anciens
auteurs p.-i.ens, tels que Celse, Julien, Por-
phyre, etc., contre ]e judaïsme, étaient très-
redoutables ; que, tout considéré, un juif,
quelque habile qu'il fût, était incapable d'y
répoudre ; qu'ainsi un païen était, îi le bien
prendre, dans une ignorance invincible à
l'égard de la notion et du culte d'un seul
Dieu
Il ne sert à rien de dire que Dieu avait
donné la loi de Moïse pour les Juifs seuls ;
du moins il n'avait pas réservé pour eux
seuls les grandes vérités sur lesquelles ces
lois étaient fondées, et que Dieu avaient ré-
vélées depuis le commencement du monde :
1 unité de Dieu, la création , la providence
divine, générale et particulière, l'immortalité
de l'âme, les peines et les récompenses d'u-
ne autre vie, la future venue d'un Ué(lemp-
teur pour le salut de tout le genre humain,
etc. Or, toutes les nations lont les Juifs
étaient environnés ne pouvaient parvenir à
la connaissance de toutes ces vérités par un
moyen plus facile et plus sûr que par l'his-
toire dont les Juifs étaient dépositaires, et
par la tradition constante qu'il avaient reçue
de leurs pères, dont la chaîne remontait jus-
qu'au premier âge du monde. De l;i, sans
doute, est venue la multitude des prosélytes
qui avaient embrassé le judaïsme dans les
siècles de la prospérité ile cette nation : il
est probable que le nombre en aurait été
plus grand vers le temps de la venue du
Sauveur, sans les persécutions continuelles
que les Juifs essuyèrent de la part des Grecs
et des Romains. On ne nous persuadera ja-
mais que tous ces honnêtes païens avaient
changé de religion sans aucun motif solide
de persuasion.
Notre critique a encore plus de tort d'a-
vancer que la plupart des rites judaïques
étaient empruntés des païens ; que ceux-ci
ne pouvaient pas les juger plus saints ni
plus respectables chez les Juifs que chez eux.
Nous avons prouvé la fausseté de cet em-
prunt au mot Loi cérémonielle. Avant l'a-
bus que les païens avaient fait des cérémo-
nies religieuses pour honorer les fausses di-
vinités , les patriarches , ancêtres des Juifs,
les avaient employées au culte du vrai Dieu.
La plupart de ces rites se sont trouvés les
mêmes chez des nations qui ne pouvaient
avoir eu ensemble aucune relation , jiarce
qu'ils ont été dictés par un instinct naturel
aussi bien que par la révélation [)rimitive ;
ainsi l'emprunt supposé par Le Clerc et par
les incrédules est un soupçon sans fonde-
ment. Ce critique trop h^rdi a eu tort de
dire, ibid., sect. 3, c. 3, § 14 : « Ces rites
ressemblent tellement à ceux des païens ,
que si nous ne savions pas par l'Evangile
que Dieu, en les ordonnant, a voulu se pro-
portionner à la faiblesse d'un peuple gros-
sier , et ne les a institués que pour peu de
temps, nous aurions peine à y reconnaître
les traits de la sagesse divine. » 1° L'on ne
peut pas appeler peu de temps une durée de
quinz(î cents ans. 2° 11 est prouvé par les
prophètes, aussi bien que p,ir l'Evangile,
que l'ancienne alliance en promettait une
nouvelle. 3' Nous serions en état de prouver
que toutes les lois cérémonielles étaient
très-sages , eu égard aux circonstances , que
la plupart étaient directement contraires aux
usages des païens, et tendaient à préserver
les Juifs de l'idolâtrie.
Comme les autres sociniens , il assure
qu'il n'est fait mention de l'immortalité do
l'âme et de la vie future dans les anciens li-
vres des Juifs , que d'une manière très-ob-
scùre et très-équivoque; que si les derniers
écrivains juifs en ont parle plus clairement,
ils avaient reçu cette connaissance des poè-
tes et des philosophes grecs , surtout des
platoniciens. Au mot Ame, § 2, nous avons
fait voir, par de bonnes |)reuves, que ce
dogme essentiel a été cru , non-seulement
par Moïse et par les anciens Juifs, mais par
les patriarciies, leurs aïeux et leurs institu-
teurs. Il est prouvé d'ailleurs que cette
croyance de la vie future s'est retrouvée
chez les sauvages de l'Amérique, chez les
insulaires de la mer du Sud, (liez les nègres
et chai les Lapons ; ce ne son', certainement
1-21
JUD
jias les philosophes platoniciens qui l'ont
portée dcins res divers rlimats.
Entin , ])iiisqiie Le Clerc convient ([u'cn
vertu (les luinières ([ue nous avons reçues
par rEvanj,'iie nous somiiies en 6X:d do ri'fu-
ter victorieusement les objections des païens,
il y a du ridicLd(' à supposer que les Juifs
ne pouvaient pas y satisf.dre avec le secours
de la révélation primitive, faite auv judriar-
ches longtemps avant celle que Dieu doiuia
par Moïse. 11 est certain , au contraire , ciue
celle-ci fut donnée , non-seulement pour les
Juifs, mais afin que les nations qui étaient
à portée d'en j)rendre connaissance, pussent
renouer par ce moyen la chaîne de la tradi-
tion priuntive, que les ancêtres de ces na-
tions avaient laissé rompre pai' une négli-
gence très-blnniAble. 11 est donc évident que
le censeui' du judnisme. en a très-mal connu
l'esprit et la ileslination.
* JuDikisME nEFOBMÉ. Lc judaisiiic semblait une reli-
gion alisohinicnt stalionnaire, que.rien au monde ne
ponnail t'iiianler. Dix-lniit ccnls ans d'existciico au
uiilieii de loulcs les iclii?ions, de tdiitcs les iiislitii-
lioiis inililii|nes el de ions les |ien|iles, paraissiiienl
le nielue à convert de loules les aUeiiUes du pliilo-
sopliismc. 11 s'est ébranle en Allemagne. Il y a com-
mencé nne liansforniatioji qni pourra se eonununi-
quer au loin. D's 1818, on y loima une église Israé-
lite dont voici la (b'seriplion :
< L'iniérieur du leniple esl sintplement, mais élé-
gannuenl onu- ; il s'y trouve un oriiue et une chaire.
L'orgue est placé au-dessus de la porte d'enirce, lu
chaire est élevée en faee. La net est oeeiipée par des
bancs cuire les rangs des(piels on a laissé un espace
libre, pour s'y tenir delioul; ces bancs et cet espace
sont exclusivement réservés aux honnncs , les l'eni-
incs prenant place dans 1 s n ibunes élevées des deux
Cotés de la net. I.cs places des bancs sont numéro-
tées et louées ; près de la chaire se Irouvent deux
rangs de sièges réservés aux étrangers. Le temple
est placé sous l'adminislralicui de (piaire directeurs
et de plusieurs députés dont les fonctions sont gra-
liiiles. Deux prcdira^its soûl chargés de l'exercice du
culte : ce sont les doeleurs Kley el Salomoii. Leur
Irailejuenl, ainsi (pic la solde dcx clercs iitlncliés (iii
lervicii de l'Eglise, sont |)aycs sur la caisse du
temple.
« Chaque samedi et à chaque fêle israélile, un
service public est célébré dans le temple ; un sermon
y est prononcé de neuf à dix heures du matin, eu
laniiue ulUmande. Les prières liiurgiques y sont al-
tcrnalivemenl récitées en liélireu et en allemand.
Les cantiques, au contraire, cpii y sont cxéenlés par
un clio'ur bien composé, avec aeconipagiiement de
l'orgue et sur des mélodies convenables, sont tou-
jours chantés en langue allemande ; il en est de
même des sermons toujairs prêches, comme il a été
dit, en allemand. Plusieurs de ces sermons, qui of-
frent un gland inlérèl, ont éle publics par leurs au-
teurs, les docteius Kley el Salonioii. Quelques volu-
mes en oui déjà pain.
I La dircelion du temple songe à améliorer et
augmenter le livre des canlicpies, atlciulu que parmi
ses thèmes actuels il ne s'en trouve i)as toujours
d'appropriés aux sujets des sermons, et déjà les plus
célèbres poêles di; rAUeniagne ont été invités a con-
courir à cette o'uvre. Le local, trop petit, et sa fré-
quentation ijui va toujours croissant, obligeront sous
peu à songer également à la conslruction d'un édilice
plus vaste, les assemblées élaut souvent trop con-
sidérables pour y trouver i)lace. Les Israélites de
raiicien vite colêbrenl leurs (dlices dans /««rs syna-
goguet, établies dans d'autre parties de la ville. >
JUt IM
JUDAS ISCARIOTE était . un des douze
apôtres que Jésus-Christ avait choisis, mais
il trahit son maître et le livra aux Juifs. Celle
perfidie, qui a rendu exécrable sa mémoire,
loin ilo fonder aticun soupçon contre la sain-
teté de Jésus-Christ, la démontre d'une ma-
nière invincible. Judns ne révèle aux Juifs
aucune imiiosture, aucun mauvais dessein,
aucun crime de Jésus ni de ses discijdes ; il
se borne à indiquer le moyen de se saisir
de Jésus sans liriiit et sans ilangcr. Si Jésus
avait été un imposteur, un si'ducteur, nu
opérateur de faux miracles, Judns aurait fait
une action louable en dévoilant la fourberie
aux chefs de la nation ; il n'aurait dtl en
avoir aucun remords. Cependant, lorsqu il
voit que son ]Maitr(> est condamné, il va se
déclarer coupable d'avoir ^rn/*/ tin juste ; il
jette dans le temple l'argent qu'il avait reçu,
et se pend [)ar désespoir. Le champ nommé
Jlakcldamach, le champ de smuj, attestait
l'innocence do Jésus, le repentir de son dis-
ciple, l'injustice volontaire et réfléchie des
Juifs.
La conduite de ce disciiilo infidèle a fourni
aux Pères de l'Eglise d'autres réflexions
très-iiuportantcs. Saint Jean Chrysostoiuc,
dans deux homélies sur ce sujet, fait remar-
quer les traits de bonté et de miséricortle de
Jésus-Christ à l'égard àc Judas : les paroles
qu'il lui adresse, le baiser qu'il lui donne
pour toucher son cœur et le faire rentrer
en lui-'inôme. « Ce perfide, dit-il, vendit son
Maîlre jiour trente deniers; malgré cet ou-
trage, Ji'sus-Christ n'a pas refusé de donner
pour la rémission des péchés ce môme sang
vendu, et de le donner au vendeur même,
si celui-ci avait voulu. Le Seigneur lui avait
aecor.lé tout ce qui dépendait de lui, mais le
traître persévéra dans son dessein. » Hom.
1, de Prodit. Judœ, n. 3 et 5.
Saint Ambroise, saint Astérius, évé(pie
d'Amasée, saint Amphiloque, saint Cyrille
d'Alexandrie, saint Léon, saint Augustin,
disent de même que le sang de Jésus-Chrisi
a été versé pour Judas, qu'il ne tenait qu'à
luid'en profiter. Origène, Tract. 35, inMatth.,
n. 12", a fait, sur le désespoir de ce disciple,
nne conjecture singulière ; il pense (jue
Judas voulut prévenir par sa mort celle de
son .Maître, espérant de le trouver dans l'an-
tre monde, de lui confesser son péché, et
d'en obtenir le pardon. Il n'excuse point
cette erreur.
JUDE (saint;, apôtre, surnommé Thodre,
Lébce et le Zélé, est aussi appelé quelquefois
frrre du Seir/neur , c'est-à-dire parent de
Ji'sus-Christ : on croit qu'il était flls de Ma-
ii(\ épouse do Cléophas, et sœur ou cousine
de la sainte ^'ierge; qu'il était par consé(picnt
frère de saint Jacques, évèqne de Jérusalem.
Les Américains le révèrent comme leur a])ô-
tre particulier.
Il nous reste de lui une épitre assez courte,
qui ne contient que vingt cinq versets : elle
est adressée aux fidèles en général. On
ignore en quel temps précisément elle a été
('(•rite; mais, comme dans les v. 17 et 18,
saint Jude parle des apôtres comme de per-
123
iUD
JUD
124
sonnages qui n'esislent plus, on présume
qu'elle a été écrtlé après l'an 66 ou 67 de
Jésns-Clirist, peut-être même après la ruine
de Jérusalem, Quelques-uns en reculent la
date jusqu'en l'an 90. L'apôtre y combat de
faux docteurs, que l'on croit être les nico-
laites, le simoniens et les gnostiques, (|ui
troublaient déj;i l'Eglise; il avertit les tidèles
de se précautionner contre eux. Cette
épître n'a pas été d'aliord reçue comme ca-
nonique par le seuliment unanime de tout; s
les Eglises; quelques anciens ont douté de
son authenticité, parce que l'auteur cite une
pro[)Iiétie d'Enoch, qui semljle tirée du livre
ai)ocryphe publii'' sous le nom de ce patriar-
che, et un fait concernant la mort de Moise,
qui ne se trouve point dans les livres cano-
niques de l'Ancien Testament : de là on a
supposé que ce fait est tiré d'un autre ou-
vrage apocryphe intitulé : VAssomption de
Moise. Mais ces deux conjectures n'ont
jamais été assez certaines pour donner droit
de contester l'authenticité de Vépitrcdc saint
Juch; cet apôtre peut avoir cité la iirophétie
d'Enoch et le fait concernant Moïse, sur la
foi de quelque ancienne tradition, sans avoir
eu en vue aucun livre. 11 n'y a aucune
preuve que le livre apocryphe d'Enoch ait
été déjà écrit Tan 67 ou lan 70, ni que la
prophétie dont nous parlons ait été contenue
dans ce livre. Peut-être est-ce le verset l-ï
de l'ép'itre de saint Jude qui a donné lieu à
un faussaire de fabriquer le prétend^ livre
d'Enoch; et celui de l'Assomption de Moise
semble être encore plus moderne.
Eusèbe, Ilist. ecclés., iiv. ii, chap. 25, dit
c(ue Yépitre de saint Jude a été peu citée par
les anciens; elle est en effet" trop conrte
pour que l'on ait lieu de la citer souvent;
mais il témoigne qu'elle était lue publique-
ment dans plusieurs Eglises. Origèue, saint
Clément d'Alexandrie , TertuUi'eu et les
Pères postérieurs l'ont reconruie pour ca-
nonique ; et depuis le iV siècle il n'y a point
eu de contestation sur ce sujet. C'est mal à
propos que Luther, les ceuturiateurs de Mag-
debourg et les anabaptistes ont persisté à la
regarder comme douteuse, et à s'en tenir à
la simple conjecture des anciens. Le Clerc ne
fait aucune ddliculté de l'admettre, llist. ec-
eccli'siast., an 90
Grotius a pensé que cette e'ptirc n'était pas
de saint Jude, a])ôtre, mais de Judas, quin-
zième évoque de Jérusalem, duquel on ne
connaît que le nom , et qui vivait sous
Adrien ; il croit que ces mots fratcr autcin
Jacobi, qu'on lit ilans le verset 1, ont été
ajoutés par les copistes, parce que saint Jude
ne prend pas la tpialilé d'apôtre, et que si
cette lettre eût été véritablement de lui, elle
auraii été reçue d'abord par toutes les Egli-
ses. Vaines imaginations. Saint Pierre, saint
Paul, saint Jean, n'ont pas pris la qualité
d'apôtres à la télé de toutes leurs lettres, et
quel |ues Eglises ont douté d'abord de l'au-
thenticilé d'autres écrits qui ont été recon-
nus univers.dleiuent dans la suite pour au-
tlienli([ues et canoniques.
On a encore attribué à saint Jude un faux
livangtle, qui a été déclaré apocryphe par le
pape (iélase, au v° siècle.
JUDITH, nom duu livre historique de
l'Ancien Testament, ainsi appelé, parce iju'il
contient l'histoire de Judith, héroïne juive,
qui délivra la ville de HcHliulic, assiégée |)ar
Holopherne, général de Nabuchodonosor, et
mit à mort ce général. On ne sait pas |iréci-
sémcnt qui est l'auteur de cette histoire;
mais il ne paraît pas avoir vécu longicmps
après l'événement. Ou a disputé beaucoup
sur la canonicité de ce livre. Du temi)S d'O-
rigène, les Juifs l'avaient en hébreu ou
plutôt en chaldéen, et, selon saint Jérôme,
ils plaçaient ce livre au rang des hagiivgra-
phes : c'est sur le chaldéen que ce Père a fait
sa version latine ; elle est très-diU'érente de
la traduction grecque, qui n'est pas exacte;
mais la version syria<pie que nous en avons
a été ])rise sur un grec plus correct que
celui (pi'on lit aujourd'luii. Les Juifs ne met-
tent plus ce livre dans leui'panon des saintes
E>ritures; mais l'Eglise chrétienne a eu de
bonnes raisons pour l'y placer.
Saint Clémeat, pape, a cité l'histoii'e de
Judith dans sa Première lettre axix Corin-
thiens, de même que l'aule ir des Constilu
lions apostoliques. Saint Clément d'Alexan-
drie, Strom., lib. iv; Origène, flom. 19, m
JcroH., et tnm. 111, in Joann.; Tertullien,
L. de Monogum., c. 17; saint Amlirois^,
L. iii, de Officiis, et /-. de Vidait.; saint Jé-
rôme, Episi. ad Euriam, ou font mention.
L'auteur de la Synopse attribuée à saint
Allianase en a donné le |irécis, comme des
autres livres sacrés. Saint Augustin, L. de
Doctr. Christ., cap. 8; le fiape <nnoceiit l",
dans sa Lettre à Exupcrc; le pape (îélase,
dans le concile de Uuiue; saint Fulgence et
deux auteurs anciens, dont les sermons soin
dans l'appendix du cinquième louie de saint
Augustin, reçoivent ce livre comme canoni-
que : il a été déclaré tel par le concile de
Trente. Saint Jérôme ilit que le concile
de Nicée le comptait déjà eniro les Kcri-
tiires divines : il avait sans doute des preu-
ves de ce fait. Origène atteste que de sou
temps on le lisait aux caléclmmcnos.
Qnehpies incrédules modernes ont fait sur
l'histoire de Judith des coiinnentaires faux
et très-indécents. Ils disent que l'on ignore
si l'événement dont elle ])arle est arrivé
avant ou après la captivité; mais ils de-
vraient savoir qu'à compter du règne do
Manassès les Juifs ont soull'ert quatre dé-
portations de la part des monarques assy-
riens, et que jilusieurs de ceux-ci ont jiorté
le nom de Nabuchodonosor. Celui dont
parle le livre de Judith est évidemment le
môme qui avait vaincu et fait prisonnier
Manassès (// Parai., c. xxxni, v. 21) ; qui
avait remporté une victoire sur Arphaxad,
roi des Mèdes (Judith, c. i, v. 5) : or, celui-
ci est le Pliraorlcs dont parle Hérodote,
Iiv. I. En plaçant l'histoire de Judith, à la
dixième année du règne de Manassès, il ne
reste aucune diflicultè. Us disent que l'on
ignore également où était située ISéthulie,
si c'était au Nord ou au midi da Jérusalem
125 JUD
Quand cela serait, il ne s'ensuivrait rien :
il y a bien d'autres villes andciines dunt on
ne coiuiait plus aujourd'hui la vraie posi-
tion. Selon le livre de Judith, Béthulie était
voi.sine de la plaine d'Esdrelon : or, cette
plaine élait certainement dans la Galilée,
entre Betlisam ou Sc.thopolis et le mont
Carmel ; cette ville était donc situ(''e à trente
lieues ou environ au n(jrd de Jérusalem.
Surtout il ne fallait pas calomnier Judilfi,
en disant (pie cette Icmmo joi^jnit au
meurtre la trahison et la prostitution. Son
histoire assure positivement nue Dieu veilla
sur elle et que sa pureté ne reçut aucune
atteinte [Judith, c. xiii, v. 20). On n'a ja-
mais nommé iraldson ni perfidie les l'uses,
les mensonges, les iaux avis dont on se sert
à la guerre, jioor tromper l'ennemi et le
l'aire tomber dans un pié^e; le meurtre a
toujours été censé permis en pareil cas, du
moins chez; les anciens pcujles. Judith est
louée de cette action par les prêtres juifs et
|>ar le peuple; ils rendent grAces Jl Dieu de
la délaite d'un ennemi qui les avait dévoués
à la moi't : i)eut-on les condauuier?
Ces mêmes critiques olijectent qnQ Judith,
selon son histoire, a vécu cent cinq ans
après la (lélivraïKC de Bélhulie; il faudrait
donc qu'elle mit été Agée au moins de cent
trente cinq ans lors({u"elle mourut, ce qui
n'est pas probable. Mais c'est une fausse \\\-
lerprétation; le texte porte seulement (pi'clle
demeura dans la maison de son mari jus-
qu'à l'àt^'o de cent cinq ans ( Judith, c. xvi,
V. 28 ). 11 s'ensuit seulement qu'elle vécut
assez longtemps pour taire conserver jus-
qu'à la tioisième génération le souvenir
tiés-distinct de son histoire.
L'historien n'a point altéré la vérité, lors-
qu'il a dit que, pendant toute la vie de
cette femme , et mèuie |)lusieurs années
après, Israël jouit d'une paix que l'ennemi
ne troubla point (Ihid., v. 30). lin elfet, de-
puis la dixième année du règne de Mauassès
.iusi[u'àla vingt-troisième de celui de Josias,
dans laquelle Judith mourut, les Israélites
ne furent troubles par aucune guerre étran-
gère ; Josias ne fut tué qu'à la trentième
année de son règne, en combattant conti e
les Egyptiens.
Nus censeurs de l'histoire de Judith ont
fait une observation très-fausse , lorsqu'ils
on dit que la fête célébrée par le- Juifs, en
mémoire di' la délivrance de Hélhidic, no
prouvait rien; qu'il y avait chez les tirées et
chc/ les Romains une infinité de lèles qui
n'attestaient que des fables. On a souvent
défié aux inerédules de citer lui seul exem-
ple d'une fôte instituée à la date même d'un
événement, ou peu de temps après, et jien-
dant la vie des témoins oculaires, qui n'at-
testât qu'une fable. Les fêtes grec(iues et ro-
maines n'avaient été ^tabhes que plusieurs
siècU^s après les événements de leur his-
toire fabuleuse; on ignorait même dans la
Grèce et à Rome quel était l'objet d;^ la
plupart des fêtes qu'on y célébrait. Mais
l'historien de Judith atteste que le jour de
la victoire de cette héroiiie fut mis au rang
JUG 126
des jours saints, et que, depuis ce temps-là
jusqu'à ce jour, il est célébré connue une
fête poi- les Juifs ; il a donc été institué et
célébré par les témoins oculaires de l'événe-
ruent [Judith, c. xvi, v. 21). Ainsi portait
rexonq)laire chaldéen sur lequel saint Jé-
rôme a fait sa tr (ludion.
JUtiEMLNl'. Ce (erme, dans l'Ecriture
sainte, se prend en divers sens. 11 signitie,
1" t(3ut acte (le justice exercé même par un
particulier, l'aire jugement en justice [Gen.
c. xvcn, V. 19), c'est rendre à chacun ce qui
lui est dt'i. 2" L'assemblée des juges : ;).s-. i,
V. 5; il est dit que les impies n'oseront pa-
raître ou se montrer en juqemrnt, ni dans
l'assemblée des justes. Alu'tth. c. v, v. 22,
celui qui se met en colère contre son frère
seracondaiimahle l'1\ jugement, ou au Iriliu-
nal des juges. 3° La sentence ou la condam-
nation prononcée par les juges. Jerem.,
c. XXVI, V. 11, un jugement de mort est
une condamnalidU à la mort, .'i" La peine ou
le châtiment d'un ciinie : Dieu dit [t'xod.,
c. XII, V. 12) : J'c.rerceroi îxp.s jugements sur
les dieux de l'Kggpte, c'est-à-dire je frapperai
et je détruirai les objets du culte des h'gijp-
tiens. 5" Une loi (Exod., e. i, v. 1) : \o\c'\
\os jugements, c'est-h-dire les lois (juc vous
él blirez. Dans le psaume cxvni, les lois do
Dieu sont souvent appelées ses jugements.
6' Les jugements de Dieu signifient assez
coiuuKinémcnt la conduite ordinaire de la
Providence; c'est dans ce sens (pi'il est dit
que \tis jugements ile Bien sont incomoréhen-
sibles, sont un alu'me, etc.
Ji(;e.ment de z^le. C'est ainsi que ics
docteurs juifs ont ajipelé un ]iréten',iu droit
établi chez leurs aieux, selon le(pul tout
particulier avait droit de mettre à mort sur-
le-champ, et sans aucune forme de procès,
quiconque renonf;ait au culte de Dieu, prê-
chait l'idolâtrie et voulait y engager ses con-
citoyens. On a voulu prouver ce droit par le
ch. XIII du Deidéronomc,\.^ô;mn\fi cet endroit
même supjiose qu'il y aura un jugement ]iro-
noncé dans l'assemblée du peuphî; la loi veut
seulement que chacun se porte pour accusa-
teur. On cite encore l'exemple de Phniées
{Num. c. XXV, v. 7) ; mais il était moins ques-
tii^in là d'un acte d'idolltrie que d'un scan-
dale public donné à la face du tabeinarle et
de tiiut le i)euple assemblé. Phinées se crut
autorisé par la présence de Moise et du gros
de la nation, et Dieu a|)iirouva sa conihiite :
il ne s'ensuit pas que tout Israélite ait eu
droit de l'imiter.
Jlcement dekmer. L'Eglise chrétienne,
fondée sur les paroles de Jésus-Christ
[Matth., c. xxy, V. 31), croit qu'à la fin du
monde tous les hommes ressusciteront, pa-
raîtront au tribunal de ce divin Sauveur ,
pour être jugés en corps et en Ame; ([ue les
justes leccvront pour récompense le bonheur
éternel, et que les méchants seront condam-
nés au feu de l'éternité. Cette sentence gé-
nérale sera la confirmation de celle qui a été
portée contre chaque homme en particulier
immédiateiuent après sa mort. <( Il faut, dit
saint Paul, que uous soyous tous présentés
Fa
m JUG
à découvertaevantletiibunal de Jésus-Christ,
flfin que chacun remporte ce qui appartient
k son corps, selon qu'il a fait le bien ou le
mal {II Cor., c. v, v. 10). Ne jugez point
votre frère; nous paraîtrons tous devant le
tribunal de Jésus-Christ... ainsi chacun de
nous rendra compte à Dieu pour soi-même.
{Rom. c.xiv, V. 10, etc.)»
Cette vérité est terrible, sans doute, et
doit être souvent répétée, surtout aux pé-
cheurs obstinés ; mais saint Paul ranime la
confiance des tidôles, en leur disant qu'il a
fallu que Jésus-Christ « fût semhlalile à ses
frères en toutes choses, alin qu'il fût misé-
ricordieux, fidèle pontife auprès de Dieu, et
propitiateur pour les péchés du |ieuple (Hehr.
c. Il, V. 17).))LorsquePélages'avisa de décider
qu'au jugement de Dieu aucun pécheur ne
seiait pardonné, mais que tous seraient con-
damnés au feu éternel, saint Jérôme lui ré-
oiidit : « Qui peut souffrir que vous borniez
a miséricorde de Dieu, et que vous dictiez
la sentence dujuge avant lejour du jugement ?
Dieu ne pourra-t-il, sans votre aveu, pardon-
ner aux pécheurs, s'il le juge h propos ? Vous
alléguez les menaces de l'Ecriture ; ne savez-
vous pas que les menaces de Dieu sont sou-
vent un etl'et de sa clémence? » Dial. contre
Pélag., c. IX. Saint Augustin le réfuta de môme.
« Que Pelage, dit-il, nomme comme il vou-
dra.celuiqui pense qu'au jugement de Dieu
aucun pécheur ne recevra miséricorde; mais
qu'il saclie que l'Eglise n'adopte point cette
erreur; car quiconque ne fait pas miséricorde,
sera jugé sans miséricorde ... Si Pelage
dit que tous les pécheurs sans exception se-
ront condamnés au feu élenie!, quiconque
aurait approuvé ta jugmnent aurait iirononcé
contre soi-même ; car qui peut se tlilter d'ê-
tre sans péché? » L. de Gestis Pelagii, c. m,
n. 9 et 14.
Chez les Grecs schismatiques, plusieurs
ont enseigné que la récom|)ense éternelle
des saints et la damnation des méchants sont
dilKrés jusqu'au jugement dernier. Cette ojïi-
nion fausse fut condamnée jiar le quator-
zième concile général tenu à Lyon en l'Ilk,
et par celui tle Florence en 14.38, lorsqu'il
fut question de la réunion de l'Eglise grec-
que avec l'E^^lise latine.
il est dit dans le prophète Joël (c. m, v. 2
et 121 : J'assemblerai toutes les nations dans
la vallée de Josaphat, et je me placerai sur un
trône pour les juger. De là est née l'opi-
nion populaire que le jugement dernier doit
se faire dans cette vallée. Mais Josaphat si-
gnifie jugement de Dieu, et il est incertain
s'il y a eu dans la Palestine ou ailleurs une
vallée do ce nom : dans cet endroit le pro-
phète, en disant toutes les nations, ne dési-
gne que les peuples voisins de la Judée, et
il n'est pas aisé de voir quel est l'événement
qu'il prédit par ces paroles.
Les sociniens, fondés sur un passage de
l'Evangile malentendu, soutiennent que Jé-
sus-Christ a ignoré le jour et l'heure du ju-
gement dernier. Voy. Agnoktes.
JUGES. On nomme ainsi les chefs qui ont
gouverné la naliou des Hébreux depuis la
JLl
128
mort de Josué jusqu'au règne de Saùl, qui
fut le premier de leurs rois ; ce qui fait un
espace d'environ quatre cents ans : de là le
livre qui en contient l'histoire est appelé les
Juges.
On ne sait pas certainement qui en est
l'auteur : quelques-uns l'ont attribué à Phi-
nées, grand prêtre des Juifs ; d'autres à Es-
dras ou à Ezéchias ; la plupart à Samuel : ce
dernier sentiment parait le plus probable.
1" L'auteur vivait dans un temps où les Jé-
buséens étaient encore maîtres de Jérusa-
lem, comme on le voit par le ch. i, v. 21,
par conséquent avant le règne de David, qui
chassa ces Jébuséens de la forteresse do
Sion. 2° L'auteur, en parlant de ce qui s'est
|)assé sous \es juges, remarque plus d'une
ibis qu'alors il n'y avait point de roi dans
Israël ; ce qui semble prouver qu'il écrivait
lui-même sous les rois. La seule difficulté
considérable qu'il y ait contre ce sentiment,
c'est qu'il est dit, chap. xviii, v. 30, que les
enfants de Dan établirent Jonathan et ses
fils pour servir de i^rètres dans la tribu de
Dan, jusqu'au jour de la captivité, et que l'i-
dole de iMichas demeura parmi eux pendant
que la maison de Dieu fut à Silo. Il semble
que l'on ne peut entendre cellecaptivitéque
de celle qui arriva sous Theglat-Phalasar, roi
d'Assyrie, plusieurs siècles après Samuel.
Le texte hébreu, au lieu de captivité, porte
jusqu'à la transmigration du pays ; mais l'on
observe que le mot hébreu qui signifie déli-
vrance, a pu être aisément confondu avec un
aulie qui signifie transmigration : ainsi l'on
peut penserqu'il est ici question du moment
au(^uel les Israélites furent délivrés du joug
des Philistins, placèrent l'arche du Seigneur
à Galiaa, et renoncèrent à l'idolâtrie (/ Reg.
c. vu). Il n'est pas probable que Samuel,
Saiil et Daviil aient souffert que pendant leur
gouvernement les Danites continuassent à
être idolâtres.
On n'a jamais douté de l'authenticité du
livre des Juges ; il a toujours été dans le ca-
non des Juits et dans celui des chrétiens.
L'auteur des psaumes en a tiré deux versets,
ps. Lxvii, V. 8 et 9 ; celui du second livre des
Rois en a cité le fait delà mortd'Achimélech;
saint Paul cite les exemples de Jephté, de
Baruch et de Samson.
Les censeurs modernes de l'histoire juive
ont argumenté contre plusieurs des faits qui
y sont rapportés. On trouvera la réponse à
leurs objections dans les articles Aon, Gk-
vÉos, Jephté, Samson, Puêtre.
JUIFS. Nous n'avons dessein de toucher à
l'histoire des Juifs qu'autant que cela est
nécessaire pour faire sentir la vérité de la
narration di^s écrivains sacrés, et pour réfu-
ter les erreurs, les calomnies, les vaines con-
jectures que les incrédules anciens et mo-
dernes ont voulu y opposer.
Nous parlerons 1° de l'origine des Juifs,
2' de leurs mœurs, 3° de leur prospérité,
4° de la haine que les autres nations leur
ont témoignée, 5° du choix que Dieu avait
fait de ce peuple. G" de son état actuel, 7° da
sa conversion future.
129
JL'l
JUl
150
I. Origine du peuple juif. On sait d'abord
que Ips liistoiiens grecs et romains, et en
glanerai tous les autours profanes, ont été
Irès-raal instruits de rorijj;ine, des mœurs,
des lois, de la religion des Juifs ; on en
sera convaincu, si l'on veut lire l'extrait
d'un mémoire fait;» ce sujet dans Yflisloire
de l'Académie des Inscriptions, t. XIV, îrt-12,
p. 357. Ce peupli^ n'a commencé à être coniui
des autres nations que (pianil ses livres ont
été traduits en grec sous Ptolomée Phila-
delphe, et cette traduction n'a pas été d'a-
bord fort répandue. A cette époque, la réjni-
blique juive était sur sa lin, et déjà elle avait
subsisté phis de treize cents ans. Diodore
de Sicile et Tacite, deux liistoriens qui ont
le plus parlé d(!s Juifs, les connaissaient fort
mal. Vouloir s'en rapporter uniquement à
ce qu'ont dit ces étrangers, c'est un entête-
ment aussi absiu'de que si nous voulions
seulement consulter sur les Chinois les pre-
miers voyageurs ou négociants qui ont al)or-
dé à la Chine ; nous n'avons commencé <\
prenilrc des notices exactes de ce dernier
peuple, que quand on nous a fait part de ce
que racontent ses proiires historiens.
C'est donc dans rliistoire juive, et non ail-
leurs, (]ue nous devons apprendre à connaî-
tre les Juifs. Elle nous dit que les descen-
dants d'Abraham et de Jacob furent nommés
d'abord Hébreux ; que, transportés en Egyp-
te, ils s'y multiplièrent ; que c'est là qu'ils
ont commencé à former un corps de nation.
Elle ajoute que sortis de l'Egypte, ils ont
demeuré dans les déserts voisins de l'Ara-
bie ; qu'ils se sont rendus maîtres du pays
des Cliananéens, nommé aujounrhui la Pa-
lestine ; qu'ils y ont formé d'abord une ré-
publi(iue et ensuite deux royaumes ; qu'a-
près plusieurs siècles, ils furent subjugués
et transportés au delà de l'Euphrate par les
rois d'Assyrie. Revenus dans leur pays sous
Cyrus et ses successeurs,' ils y établirent do
nouveau le gouvernement républicain et ils
y ont subsisté ainsi jusqu'à ce que les Ro-
mains ont soumis la Judée, ruiné Jérusalem
et dispersé la nation. Il n'est aucun do ces
faits principaux (|ui ne puisse être prouvé
j)ar le récit des auteurs profanes, même les
plus prévenus contre les Juifs , ils sont d'ail-
leurs tellement liés entre eux, que l'on ne
peut en détruire un seul sans renverser toute
la suite de l'histoire. Nous n'avons donc be-
soin d'aucune discussion pour prouver que
les Juifs ne sont ni une peuplade d'Egyp-
tiens, comme la plupart des anciens l'ont
pensé, ni une horde d'Arabes Bédouins,
comme quelques modernes l'ont avancé : la
ditîérenco du langage de ces trois peuples
démontre qu'ils n'ont pas eu une même ori-
gine. C'est la rétlexion que Origène opposait
déjà au philosophe Celse ; il était en état
d'en juger, puisqu'il était né à Alexandrie,
qvi'il avait fait plusieurs voyages en Arabie,
et qu'il avait appris l'hébreu : il a été à por-
tée de comparer les ti ois langues.
Si les hébreux furent reçus d'abord en
Rgvpte à titre d'hospitalité, comme le dit
leur histoire, l'esclavage auquel ils furent
réduits par les Egyptiens, était une injustire
et une tyrannie. Lorsqu'ils ont été assez
forts, ils ont élé en droit de sortir de l'E-
gyjite malgré les Egyptiens, d'en exiger un
dédommagement de leurs travaux, à plus
forte raison de le recevoir à titre d'emprunt.
La compensation qui est rarement permise
aux particuliers, est très-légitime de nation
à nation. Il n'est donc pas nécessaire d(\ re-
courir à un ordre exprès de Dieu pourfirou-
ver que les Juifs n'étaient point une bande de
voleurs, que l'on a toi t de les peindre comme
tels , sous prétexte ([u'ils ont enlevé aux
Egyjitiens ce qu'ils avaient de plus précieux.
On a mis en doutt^ si soixante et dix ia-
millcs issues de Jacob ont pu produire, clans
un espace de deux cent quinze ans, une po
nulation assez nombreuse pour donner do
l'inquiétude aux Egyptiens, et qui, selon le
calcul ordinaire, devait se monter à deux
millions d'hommes. Mais il est prouvé (jue
l'Anglais Pinôs, jeté dans une île déserte
avec quatre femmes, a produit en soixante
ans une peuplade de sept mille quatre-vingt-
dix-neuf personnes : c'est plus, à proportion,
que n'en avaient produit les enfants de Jacob.
Nous n'examinerons pas ici si la sortie des
Hébreux liors de rEg\pte a été précédée,
accompagnée et suivie de miracles ; cette
discussion est renvoyée à l'article Moike ,
parce que c'est la preuve de sa mission. Les
incrédules, qui ne veulent point de mira-
cles, ne nous ont point encore appris com-
ment et par quel moyen les Hébreux ont pu
se tirer de l'Egypte, et subsister pemlant
quarante ans dans un désert absolument
stérile. Il faut cependant iju'ils y aient vécu
en très-grand nombre, puisiiue en partant
du désert ils se sont emparés de la Pales-
tine, malgré la résistance des Chananéens.
H. Mœurs des Juifs. L'on a souvent de-
mandé comment Dieu avait choisi par préfé-
rence un peuple ingrat, rebelle, intraitable,
tel que les Juifs. Nous répondrons, 1° qu'il
a fait ce choix pour convaincre tous les
hommes que, quand il leur ftiit du bien, c'est
par une bonté purement gratuite, et que s'il
les traitait comme ils le méritent, il les ex-
terminerait tous. Moïse n'a pas laissé igno-
rer aux Juifs cette triste vérité ; il la leur a
répétée plus d'une fois, et nous pouvons
tous tant que nous sommes, nous appliquer
la même leçon. 2° Nous délions les censeurs
de la Providence de prouver qu'au siècle de
Moïse il y avait des peuples beaucoup meil-
leurs que les Juifs, et plus dignes des bien-
faits de Dieu : nous ne les connaissons que
par le tableau que Moïse en a fait, et il n'est
rien moins qu'avantageux. 3° L'on exagère
fort mal à propos les vices des Juifs et le
dérèglement de leurs mœurs. On leur prête
des crimes et des atrocités dont ils ne furent
jamais coupables. En elfet, la conquête de
la Palestine est-elle un brigandage abomi-
nable, comme on la représente de nos jours ?
De tous les peuples conquérants ou usurpa-
teurs, le plus innocent ou le plus excusable
est sans doute celui qui manijue de moyens
naturels de subsistance, qui n'a poitA du
151
JUÏ
JUI
i9k
{!:
terres h cultiver, et qui en cherche ; s'il en
trouve et qu'on les lui refuse, il esf en droit
de s'en emparer [lar la t'orce. Qiiancl les Hé-
breux n'auraient pas eu pour eux une pro-
messe et une concession formelle de la part
de Dieu, il serait encore injuste de les pein-
dre comme des brigands, paice qu'ils ont
dépossédé les Cliananéens. Ceux-ci n'avaient
)as un titre de possession plus sacré et plus
égitime que les Juifs, puisqu'ils avaient ex-
terminé des peujilades entières pour se
mettre k leur place. Voy. Cha^anéens. Mais
il n'est pas vrai (lue les Juifs aient com-
uioncé par fout détruire ; la conquête de la
Terre promise ne fut achevée que sous Da-
vid, quatre cents ans après Josué; et depuis
celte époque ils n'ont entrepris aucune
guerre oflensive.
Pour prouver que les Juifs étaient une
horde d'Arabes Bédouins ou vo!eurs, on a
dit: « Abraham vola les rois d'Egypte et de
Gérare en extorquant d'eux des piéseuts ;
Isaac vola le même roi du Gérare par une
même fraude ; Jacob vola le droit d'aînesse
à son frère Ésaii ; Laban vola Jacob son
gendre, lequel vola son beau-père ; Rachel
vol* à Laban sou père jusqu'à ses dieux ;
les enfants de Jacob volèrent les Sichiraites
après les avoir égorgés ; leurs descendants
volèrent les Egyptiens, et allèrent ensuite
voler les Ghananéens. »
Les Juifs peuvent répondre cju'ils ont éié
volés k leur tour par les Egyptiens sous llo-
bo^m, par 1 s Assyriens sous leurs derniers
rois, par les Grecs et par les Syriens sous
Antiocîms, par les Romains qui ont détruit
Jérusalem ; que ceux-ci , après avoir volé
tous les peuples connus, ont été volés par
les Goths, les Huns, les Bourguignons, les
Vandales et les Francs. Nous avons 1 hon-
neur d'être issus des uns ou des auires,
sans qu'il suive de là que nous sommes des
Arabes Bédouins ; k parcourir l'univers d'un
bout à l'autre, on ne trouvera aucune na-
tion <]ui ait une origine plus noble et plus
honnête que la nôtre.
A l'article Judaïsme, nous avons fait voir
que les Juifs ont eu une croyance plus sen-
sée, une morale plus pure, des lois plus
sages, des mœurs plus décentes que les au-
tres nations; quant à leur destinée, elle a
été à peu près la même. Ils ont éprouvé suc-
cessivement la piospérilé et les revers, des
temps heureux et des malheurs. Si l'histoire
des peuples voisins avait été écrite avec au-
tant d'exactitude que celle des Jîiifs, nous
y verrions plus de crimes et de désastres
que dans l'histoire juive. Celles des Assy-
riens et des Perses, celles des Grecs et des
Romains, quoique très-peu sincères, et mar-
quées au coin de l'orgueil national, ne sont
ni une école de vertu, ni un tableau fort
consolant pour le genre humain. Partout
l'on voit d'abord des peuplades isnlées qui
cherchent às'entre-détruire; celle qui est la
plus nombreuse et la plus forte assujettit
les autres, et forme une nation; pauvre d'a-
bord, laborieuse et frugale, elle s'accroît in-
sensiblement, devient ambitieuse, inquiète
et avide; enrichie par son industrie ou par
ses rapines, elle se corrompt et .se perver-
tit, pour devenir la proie d'une autre qui se
corrtunpra et se perdra 4 son tour.
Quelques incrédules de nos jours ont osé
écrire que \es Juifs offraient des sacrihces de
victimes humaines et mangeaient de la chair
humaine: nous avons réfuté ces deux ca-
lomnies aux mots Anathème et Anthropo-
phages.
Immédiatement avant la venue de Jésus-
Chiist, le gouvernement tyrannique des rois
de Syrie, d'Hérode et de ses tils, ensuite des
Romains, contribua beaucoup k dépraver les
chefs de la synagogue et la ration juive eu
général: le pontilicat était vendu au plus of-
frant; plus unjitî/élait vicieux, plus il était
sûr de p'aire k ces maîtres insensés.
HL De la prospérité des Juifs. Leurs his-
torieris ont écrit, avec une égale sincérité,
les vertus et les crimes de leurs aïeux, les
prospérités et les calamités de leur nation;
m^is ils attestent que ses malheurs furent tou-
jours le châtiment de ses inlidélités à la loi de
Dieu. Il n'est donc pas vrai que Dieu ait man-
qué de fldélité k remplir les promesses qu'il
avait faites k leurs pères. Voy. Promesses.
Attribuerons-nous aux Juifs les funestes
suites de l'ambition dévoratde et insen-
sée des monarques assyriens ? Ils en ont éié
la victime, et non la cause. Celle des rois de
Syrie, successeurs d'Alexandre, n'a été ni
plus raisonnable ni moins meurtrière, et
nous ne voyons pas quel droit plus légitime
ont eu les Romains, vainqueurs des Syriens,
de réduire la Judée en province romaine.
Les Juifs n'ont été agresseurs dans aucune
de ces guerres; si leurs révoltes fréquentes
ont réduit les Romains, k les exterminer, les
Romains les avaient forcés à se révolter par
le brigandage et parla tyrannie de leurs pro-
consuls et de leurs lieutenants. Voy. Tacite,
Jlist., 1. v, c. 9 et 10. Cependant l'on pré-
tend montrer une bizarrerie inconcevable
dans la conduite de la Providence à l'égard
des Juifs. Dieu, disent les censeurs de nos
livres saints, prodigue les miracles, les plaies
et les meurtres, pour tirer son peu})le de
cette Egypte riche et fertile, où il avait des
temples sous le nom d'Iao, ou le grand Etre,
sous le nom de Kneph, l'Etre universel; il
conduit son peuple dans un pays où nous ne
voyons ériger un temple k Dieu que plus de
cinq cents ans après l'établissement des
Juifs ; et quand ils ont bâti ce temple, il est
détruit.
Sans contester sur les prétendus temples
érigés au vrai Dieu en Egypte, et sur les
noms que nos savants critiques veulent inler-
1 réter, nous demandons si Dieu n'a pas pu
avoir d'autres desseins, en conduisant les
Juifs, que de se faire bâtir im temple. Quoi
qu'on en dise, ce temple a subsisté pendant
quatre cent vingt-sept ans. Lorsqu'il a été
détruit, que Jérusalem a été ruinée, et la
nation juive dispersée par Nabuehodonosor,
tout a été rétabli au bout de soixante-tlix
ans, selon les prédictions des prophètes. Les
jieuples voisins, Moabites, Ammonites, Idu-
133
lUl
JUI
iU
tarons, compagnons de l'infortvine îles Juifa,
oui disparu pour toujours ; les Assjrioiis et
les Chaidécns , auteurs de leurs malheurs,
ont cess6 d'ùtrc Juifs, comme renaissant do
leurs |iropres cendres, ont formé (le nou-
veau une société politique et religieuse. Les
l'tises, sous la protection desquels ils ren-
trent dans la terre de leurs pères, l'antiiiue
monarchie d'Egypte qui a été leur b. rceiu,
les rois do Syrie, devenus leurs 0[)presseurs,
se sont évanouis successivement ; pour eux,
ils subsistent en corps do nation dans leur
terre natale, avec leur temple, leur religion,
leuis lois, jusqu'à la venue du .Messie, qui
devait appeler tous les peuples à un culte
plus pariait, mais toujours fondé sur les
dogmes, sur la morale, sur les propiiéties et
sur les es|)érances des Juifs.
Est-il vrai que ce peuple ait été ignorant,
barbare, stupide, sans industrie, sans au-
cune connaissance des lellros, des ai'ts , et
du commerce, comme on alfecte communé-
ment de le peindre ? 11 faut avoir bien peu
lu les livres des Juifs pour s'en tVirmer une
pareille idée. Avant la captivité de Babylone,
chez quel peuple de l'univers citera-t-on des
monuments certains et incontestables de la
culture des lettres ? Alors les Juifs avaient
un corps d'histoire, un code de législation,
une police réglée, des archives et des livres,
depuis près de neuf cents ans. Los premiè-
res notions que nous puissions avoir des
connaissances, de l'indusirie, dos arts
des Egyiiliens , sont celles que Moïse
nous fournit, et qu'il possétiait lui-même.
Nous n'avons rien de plus ancien touchant
les arts, le commerce et la navigation des
Phéniciens , que ce qui est dit dans
l'histoire de David et de Salomon. Le jiro-
mier monument incontestable des connais-
sances astronomiques des Glialdéens est le
livre de Daniel. De nos jours môme, pour
remonter h l'origine des lois, des sciences
et des arts, on n'a pu rien faire de mieux que
de prendre les livres des Juifs pour base de
toutes les conjectures et de toutes les dé-
couvertes.
Ce qui est dit dans VExode de la structure
du tabernacle ; d<ius les livres des Rois, de
la magnilicence du temple de Salomon ; le
plan qui en est tracé dans Ezécliiel ; le por-
trait de la femme forte et de ses travaux, dans
hs Proverbes ; le tableau du luxe des femmes
juives, dans Jsaie, démontrent que les Juifs
connaissaient les arls, et qu'ils n'en ont
jamais négligé la pratique. Un peuple agri-
culteur ne peut pas s'en passer : le plus né-
cessaire de tous conduit' infaillihiciiicnt à la
découverte des autres. Places dans le voisi-
nage des Phéniciens, qui ont été les [iremiers
négociants, et des Egyptiens qui avaient be-
soin d'aromates, les Juifs n'ont pu demeurer
sans commerce, mais la navigation ne leur
était pas nécessaire pour le débit do leurs
marchandises. Leur pays produisait non-
seulement du blé, du vin, des olives, des li-
gues, des dattes en abondance, mais des
métaux, du baume, des gommes et des rési-
lies (le toute espèce. Déjà ce commerce
était établi entre la Palestine et l'Egypte du
temps de Jacob (Gen. c. •il, v. 25; c. W, v.
11 ); et il en est encore fait mention dans
Jérémie ( cbap. xi.vi, v. 11 ). L'asphalte do
Judée était connu de toutes les nations, sur-
tout des Egyptiens; Pausnnias parle delà soie,
ou plut("it du byssusdu pays des Hébreux.
L. V. c. 5. Parl'éiiumi'ration des marchandises
que poi talent les Juifs aux f(jires de Tyr , et
que l'on [)eut voirilans Ezéchiel( c.xxvii, v.
xvii), il est prouvé qu'Us savaient faire autre
chose que l'usure et rogner la monnaie, quoi-
([ue ce soit là le seid talent que leur accordent
nos philosophes incrédules. Il n'est donc pas
nécessaire d'avoir recours aux flottes de Sa-
lomon, ni aux liaisons que David entretenait
avec Hirain, roi de Tyr, pour démontrer que
de tout temps les Juifs ont été occupés du
commerce. Ils n'étaient point retenus chez
eux par les lois absurdes qui défendaient
aux Ivgyptiens, aux Spartiates et à d'autres
peu))les de sortir de leur pays , et qui en
baimissaiciit les étrangers ;ils leur était or-
donné au contraire ae faire accueil aux
étran.^ers, et de les bien tiaitei.Sous le règne
de S.ilomon, il y avait dans la Judée cent
cimpiaiite-trois mille six cents étrangers pro-
sélytes ( // Parai, c. n, v. î").
À la vérité, les Juifs n'ont élevé ni colosses
ni pyninndes , comme les Egyptiens; ils
n'ont point excellé, comme les Grecs, dans
les sciences et dans les arts du dessin,
ni dans l'art militaire , comme les Ro-
mains; mais nous ne voyons [las ce qu'ils
y ont perdu. Ce ne sont ni les édifices, ni les
arls de luxe, ni la discipline militaire, ni les
conquêtes, qui rendent un peuple liourcux :
c'est la paix, l'agriculture, l'abondance, la
raison, la vertu.
IV. D'où sont venus le mépris et la haine
des autres nations contre les Juifs? Un des
principauxreproclies que font les philosophes
contre les Juifs, est qu'ils ont été méprisés
et détestés de toutes les autres nations;
eux-mêmes ne pouvaient en soulfrir aucune ;
dans tous les temjis ils ont été fanatiques,
intolérants, insociables.
Examinons d'abord en quoi consistait leur
intolérance ; nous verrons ensuite si on a
eu raison de les mépriser et de les di'tester.
— 1° Si l'on entend que, par la loi des Juifs,
il leur était ordonné de ne jioint soulfrir
parmi eux l'idolàtiie ni les abominations
dont elle était accompagnée, la proslituliai ,
les sacrifices de sang humain, la diviiiatiun,
la magie, nous convenons (]ue cette loi était
très-intoiéi auto ; mais nous ne voyons pas
en quoi il importait au genre humain que
ces désordres fussent tolérés nulle part : par-
tout oii ils l'étaient, le culte du vrai Dieu ne
pouvait subsister. Peut-on citer une SL'ule
nation idolâtre qui ait souffert chez elle le
culte d'un seul Dieu ? Les autres peuples
faisaient, pour maintenir chez eux l'erreur,
la folie et les crimes, ce que faisaient les Juifi
pour conserver la vérité, la sagesse et 13
vcrti
O"
Ceux-ci u'étaieut intolérants que
parmi eux et pour eux, dans l'enceinte d«
leurterriloire: nulle part il ne leur est orciomi<
135
JUl
Jlll
136
d'îlller exterminer l'idol/Urie chez les Egyp-
ti(!iis, les Iduméens, les Arabes, les Ammo-
nites, les Moabite», à Damas ou à Babjlone ;
la loi, au contraire, leur défend d'inquiéter
leurs voisins. Souvent les autres peuples
sont allés, le fer et le feu à la main, outra-
ger la religion des étrangers : Cambyse alla
tuer les animaux sacrés de l'Egypte ; les
Perses brisèrent les statues et bn-dèrent les
temples des Grecs ; Alexandre ne cessa de
persécuter les mages; les Romains anéan-
tirent le druidisme dans les (laules ; les Sy-
riens répandirent le sang des Juifs pour leur
faire embrasser la religion grecque ; Glios-
roès jura qu'il poursuivrait les Uomains
jusqu'à ce qu'il les eût forcés à renier Jésus-
Christ etàaaorerle soleil; Mahomet a dévasté
l'Asie pour étaJjlir l'Alcoran, etc. : les Juifs
ii'ontrien fait de semblable. — 3° Les Juifs ne
forçaient point les étrangers établis parmi
eux h embrasser le judaïsme : pourvu que
ces païens ne fissent aucun acte d'idolâtrie,
onleslaissaittranquilles.il leur était permis
d'adorer Dieu dans le temple, de prendre
part aux fêtes ; on y recevait leurs offrandes.
Jérémie défend aux Juifs exilés à Babylone
de prendre part au culte des Chadéeiis ; il ne
leur ordonne point de le combattre ni de le
troubler. Baruch, cap. iv. Où est donc l'into-
lérance cruelle, le zèle fanatique des Juifs?
Leui- était-il moins permis qu'aux autres peu-
ples d'avoir une religion publique, nationale
et exclusive ?
Quant aux mépris et à l'aversion que les
étrangers ont eus ])our les Juifs, il y a plu-
sieurs réflexions à faire. En ])iemier lieu, les
préventions nationales ne prouvent pas plus
chez les anciens que chez les modernes. Les
Grecs traitaient de barbares tout ce qui n'é-
tait pas grec ; les Romains n'estimaient
qu'eux-mêmes et les Grecs ; les Anglais, peu
instruits, nous haïssent et nous estiment
très-peu : nous sommes plus équitables à
leur égard. A peine trouvera-t-oii deux
peuples voisins qui n'aient des préventions
l'un contre l'autre ; moins ils se connaissent,
plus ils ont de dispositions à se haïr.
En second lieu, qui sont les auteurs les
moins favorables aux Juifs? Ce sont les his-
toriens, les orateurs, les poètes romains ;
mais il est jirouvé que tous ces beaux es-
prits connaissaient tiès-mal les Juifs. Ils
étaient ou païens zélés, ou épicuriens; ils
devaient délester la religion juive, comme
font encore les incrédules d'aujourd'hui.
Leur mépris n'a éclaté qu'après plusieurs
guerres entre tes Romains et [es Juifs ; ceux-
ci ne purent souffrir l'insolence et la tyran-
nie des officiers et des soldats romains; ils
se révoltèrent : or, selon le préjugé des Ro-
mains, tout peuple qui leur résistait était
abominable : ils n'ont pas mieux traité les
Gaulois que les Juifs. Pendant que les Juifs
luttaient contre les Antiochus, les Rouiaius
trouvèrent bon d'accoider aux Juifs des
manjucs d'estime et d'amitié; lorsque le
royaume de Syrie eut été écrasé, ils tom-
bèrent sur les Juifs, parce que ces derniers
$e prétendaient libres; et pour avoir droit de
les tyranniser, i on affecta pour eux un sou-
verain mépris : c'est l'usage des peuples
conquérants.
En troisième lieu, les philosophes plus
anciens, les hommes d'Etat, les souverains,
les corps do république, n'avaient pas pensé
comme les beaux esprits de Rome. Heriuip
pus et Numénius, sectateurs d^ Pythagore;
Cléarque et Théophraste, disciples d'Aris
tote; Mégasthène, Hécatée d'Abdère, Ono
macrite, Porphyre lui-môme, loin de témoi
gncr aucun mépris pour les Juifs, en ont
jiarlé d'une manière avantageuse. Strabon,
Diodore de Sicile, Trogue-Pompée, Dion
Ca^sius, Varron et d'autres, malgré leurs
préjugés contre les Juifs, leur ont cependant
rendu justice sur plusieurs ciiefs. Alexandre
leur accorda droit de bourgeoisie dans sa
ville d'Alexandrie; le fondateur d'Antioche
fit de même; les Ptolémées les protégèrent
en Egypte; les Spartiates leur écrivirent des
lettres de fraternité. Ces témoignages d'es-
time nous paraissent d'un plus grand poids
que les sarcasmes des auteurs latins.
Enfin, dans quel temps leméjiris pour les
Juifs a-t-if éclaté ? lorsque leur république
était déjà ou détruite, ou sur le perchant de
sa ruine. Tourmentés successivement parles
Assyriens, par les Antiochus, par les Ro-
mains, ils se répandirent de toutes parts;
ainsi dispersés dans l'Egypte, dans la Grèce,
dans l'Italie, ils s'abAtardirent, sans doute.
Toute la nation, livrée à l'esprit de vertige
après la mort de Jésus-Christ, ne fut, plus
connue que par son opiniâtreté stupide;elle
prêta le Unie au ridicule et au mépris : tous
les peuples conçurent de l'aversion contre
elle : cette destinée lui avait été prédite.
Que dans ces derniers temps les Juifs eux-
mêmes aient détesté les païens en général,
cela n'est pas étonnant : ils n'en avaient que
trop acquis le droit par les persécutions
qu'ils en avaient essuyées. Mais ce n'est
point là leur esprit ni leur état primitif :
confondre les derniers siècles de leur his-
toire avec les premiers, les mœurs modernes
avec les anciennes, la vieillesse d'une nation
avec ses belles années, comme font les in-
crédules, c'est tout brouiller, et déraisonner
sous un faux air d'érudition.
V. Du choix que Dieu avait fait des Juifs.
Cent fois l'on a demandé comment Dieu
avait choisi pour son peuple une race aussi
grossière, aussi intraitable, aussi ingrate que
les Juifs ; pourquoi il lésa comblés de bien-
faits et de grâces, pendant qu'il abandonnait
les autres nations. Nous demandons, à notre
tour, quel peuple du monde valait mieux
qi\c\es Juifs, et méritait de leur être préféré.
A l'époque de la vocation d'Abraham et des
promesses faites à sa postérité, nous igno-
rons quel était l'état des autres nations;
nous ne savons [las seulement s'il y avait
])our lors le tiers du globe peuplé et habité.
Où Dieu ])Ouvait-il mieux placer le fiambeau
de la révélation que dans la l'alestine? Cette
partie de l'Asie touchait au berceau du genre
humain, était le centre de l'irnivers habité
pour lors; elle communiquait à toutes les
157
Jlll
IVl
158
nations connues, soit par terre, soit par la
navigation (le la Méditeiianée. Si, à lY'poqiiu
(lo l'établissement des Juifs, ces nations en-
ivrées d'orgueil et de failles, n'unt p,is voulu
faire attent on aux miiacles que Dieu opé-
rait; si, (juinzc cents ans apiès, elles ont
encore résisté, lorsque la vérité leur a été
annoncée directenienl |)ar les a[)ôtres, il
n'y a pas plus de raison de nous en prendre
à Deu, que de lui at(ril)uer l'aveuglement
des incrédules modernes.
Par le choix que Dieu a fait d'un peuple
tel que les Juifs, il a démontré aux hommes
deux grandes vérités. La jiremière , que
quand d leur accorde des grAces particu-
lières, ce n'est ni pour les récompenser de
leurs talents et de leiirsmérites, ni en consi-
d(''ratioii (lu hou usage qu'il pn' voit qu'ils en
fi'roiit, mais par pure bonté cl par une misé-
ricorde très-gratuite; que s'il traitait les
hommes comme ils le méritent, son tonncire
no se reposerait jouais. C'est ce que Moïse
et les prophètes n'ont cessé de répéter aux
Juifs. t,a secoiiile, que les lalenls, les succès,
les avantages dont les hommes funt le plus
de cas, sont de nulle valeur aux yeux de
Dieu. Il a montré sa bonté envers la postérité
d'Aliraliam,nori enluiaccordantplus d'esprit,
plus de conuaissances, de richesses, de pros-
périté temporelle qu'aux autres nations, mais
en lui (loniiant une relgion ])lus pure et des
lois plus sages. De quoi ont servi aux Egyp-
tiens leur intlustrie et leur police; aux
Grecs leur i)hilosophie et leurs arts; aux
Phéniciens leur commerce e; Kurs riches-
ses; aux Romains leurs talents militaires et
leurs conquêtes, s'ils n'en ont été ni plus
éclairés pour la religion, ni mieux disposés
à la veitu? Celse, Julien, Porphyre, Marcion
et ses sectateurs vantaient la destinée bril-
lante de ces nations comme une preuve do
la protection du ciel ; les incrédules modernes
en concluent que Dieu devait plutôt les
choisir que les Juifs pour les rendre déposi-
taires de la révélation. Erreur de part et
d'autre. Les bienfaits temporels n'ont rien
de commun avec les grâces de salut; les
premiers sont plutôt un obstacle qu'un
moyen pour devenir meilleur.
Quand on ajoute que Dieu, uniquement
occupé des Juifs, abandonnait ou négligeait
les autres nations, l'on contredit également
les lumières du bon sens et le témoignage
des livres saints. S'il y a dans ces livres un
dogme clairement et constamment enseigné,
c'est la providence générale de Dieu envers
tous les peu[)les et à l'égard de tous les
hommes, soit dans l'ordre naturel, soit rela-
tivement au salut. Voy. Abandox, Grâce,
§ 3. Les incrédules eux-mêmes soutiennent
qu'en fait de prospérité temporelle. Dieu a
mieux traiié d'autres nations que les Juifs.
Quant aux iiienfaits surnaturels. Moïse dé-
clare aux Juifs que si Dieu leur en accorde
plus qu'aux autres peuples, ce n'est i)as
précisément pour eux, mais afin de faire
éclater la gloire de son nom par toute la terre,
et pour apprendre à toutes les nations qu'il
esl le Seigneur [Dcut., c. vu, v. 7; c. vrii.
Diction. s. de Thk'u.. dogmatique IIL
>. 17; c. IX, v. k et sniv.). David le répète
(i'«.cxiii,v.9).E/.échielle confirm(s (c. xxxvi,
V. 22). Yoi/. encore Tobie, c. xiii, v. 4, etc.,
et l'article Phovidenck.
A la vérité, les écrivains sacrés parlent
jilus souvent aux Juifs des grâces particu-
lières ipie Dieu leur accorde que de celles
qu'il fait aux autres nations, parce que le
dessein de ces auteurs est d'inspirer aux
Juifs la recoimaissance, la conliance, la sou-
mission envers Dieu. Qu'importait-il à un
Juif do savoir de quelle manière Dieu en
agissait envers les Indiens et les Chinois?
VI. l)e l'i'Uit actuel des Juifs. C'est une
grande question, entre les juifs e' les chré-
tiens, de savoir si l'état malheureux dans
lequel ce |)euple est réduit aujourd'hui dans
le monde entier, est une puniliou visible de
Dieu , et pour quel crime ils sont ainsi
traités. Nous soutenons que c'est pour avoir
rejeté et crucilié le Messie, mais que Dieu
les conserve {)Our qu'ils servent de témoins
et de garants des écrits et des faits sur les-
quels le christianisme est fondé.
11 est bon de savoir d'abord que Jésus-
Christ leur a clairement prédit leur destinée
(Maith., c. xxm, v. 32). Après leur avoir
reproché leur cruauté envers les anciens
prophètes et le sang qu'ils ont lépandu, il
leur dit : Vous comblez à présent la mesure
de vos pères. Race de vipères, comment évi-
terez-vous votre condamnation à la géhenne
pour ce sujet ? Je vous envoie des prophètes
et des sages : vous lapiderez les uns, vous cru-
cifierez les autres..., de manière que vous ferez
retomber sur vous tout le sang innocent qui a
été répandu Je vous le répète, tout cela
retombera sur cette génération présente... ;
votre demeure restera déserte.
Rien plus : les anciens rabbins, compila-
teurs du Talmuil, ont reconnu qu'àla venue
du Messie la synagogue serait aveugle et
incrédule. Ils disent : « Au siècle où le Fils
de David viendra, la maison de l'enseigne
nient sera livrée à la fornication , la sa-
gesse des scribes rendra une odeur de mort...
Les premiers sages nous ont donné le pain,
c'est-à-dire la doctrine de l'Ecriture ; mais
nous manqucms de bouche pour le manger.
Nous simjmes aussi stupides que des botes
de somme....; vous n'avez pas pu voir le
Dieu saint et béni, comme il est dit dans
Isaïe, c. VI : Le cœur de ce peuple est endurci,
etc. » Cepenilant plusieurs incrédules, h la
tète desquels est Spiiiosa, prétendent que ce
j/hénomèiie n'a rien (|ue de naturel. Les Juifs
se conservent, disent-ils , par l'attachement
qu'ils ont pour leurs céréuionies, surtout
pour la circoncision, et parla haine qu'ils
inspirent aux autres nations. La crédulité,
l'opiniâtreté, l'ignoran e, les attachent à leur
religion; l'espérance qu'elle leur donne d'un
Messie futur les coi. sole ; la singularité de
leurs usages les concentre et les rallie entre
eux; les \e\ations qu'ils souffrent jiour leur
religion la leur rendent .'lus chère : c'est
l'elfet naturel des persécutions.
Mais ces philosophes nous donnent j)Our
raison le fait même iju'il s'agit d'expliquer.
5
<.>9
Jlll
JUI
MO
Pourquoi , malgré le laps des temps et la
variété des climats, les Juifs conservent-ils
la même ignorance et la même crédulité , le
môme altachement à une religion qui les
rend odieui à toutes les nations? Qu'ils soient
persécutés ou tolérés en Europe, en Asie, en
Amérique, ils sont partout les mêmes. Les
piTsécutions longues, violentes, continuelles,
détruisent les autres religions; elles ne pou-
vent rien sur celle des Juifs. 11 faut donc
que Dieu la conserve dans des vues particu-
lières. 11 ne s'ensuit pas de là que Dieu rende
exprès les Juifs obstinés et aveugles, afin
qu'ils servent de preuve au christianisme,
mais qu'il se sert de leur obstination libre
et volor taire pour nous confirmer dans notre
croyan'-e.
Orobio, savant jwi/, a fait tout son possible
pour esquiver les conséquences que nous ti-
rons contre sa nation ; il dit d'abord que ce
n'est point à nous d'intiMTuger Dieu sur les
raisons de sa conduite. Voyez /'/((/j/ipiaLîm-
borch arnica ColUUio cam erudito judœo, p.
168, 170. Mais en cela il n'est pas d'accord
avec lui-môme ; il soutient que si la captivité
actui^lle des Juifs était la punition de leur
incrédulité au .\Iessie, Dieu l'aurait claire-
ment prédit par les prophètes, quand même
cette prédiction n'aurait pas dû prévenir le
mal ; il suppose donc que Dieu aurait ren-
du raison de sa conduite. Jl aflirme qu'à
cause des péchés des Juifs Dieu retarde
l'eiécution des promesses qu'il a faites d'en-
voyer le Messie, quoiqu'il n'ait jamais prédit
ce retard, et qu'il ne soit pas obligé de rendre
raison de sa conduite. Tout cela ne s'accorde
pas.
Dieu avait solennellement promis de pro-
téger les Juifs, tant qu'ils seraient fidèles à
son culte ; il avait menacé de les disperser,
de les humilier, de les allliger, 'orsqu'ils se
livreraient à l'idolâtrie ; mais il avait ajouté
que, s'ils revenaient à lui, il les rétaiilirait
dans leur prospérité : telle est la sanction
qu'il avait donnée à laloi de Moïse. Z>eu^, c.
XXX. Avant Ja venue de Jésus-Christ, Dieu a
fidèlement accompli toutes ces promesses et
toutes ces menaces ; nous le voyons par l'his-
toire juive. Pourquoi n ■ fait-il pas d^' même
aujourd'hui? Lef. juifs ne sont point actuel-
lement idolâtres, ils sont môme très-att'tchés
à leur loi, ils la suivent autant qu'ils peuvent :
pour quel crime plus grief que l'idolâtrie
Dieu les punil-d plus rigouieusement et
plus longtemps qu'il n'a jamais fait? Daniel
prédit qu après la mort du Uessie la désola-
tion s'-raporlée à son comble et durera jus-
qu'à la fin {Dan., c. ix, v. 26 et 29] ; cela
nous paraît clair.
Les rabbins disent que leur misère pré-
sente est une extension et une continuation
de la ca|)tivité de Babylone ; que Dieu la
prolonge pour les mêmes raisons, à cause
(les infidélités de la nation.
Mais c'est encore ici une fausseté et une
coniradiction. 1° Ils soutiennent que leur
état présent ne peut pas être le châtiment
d'un prétendu déicide commis depuis près
de dix-huit cents ans, et ils veulent que ce
soit une continuation du chAtiment de l'ido-
lâtrie dans laquelle leurs pères sont tombés
il y a trois mille ans. 2° Ce crime n'a pas
continué, puisque les Juifs ne sont plus
idolâtres; donc la peine ne prut pas durer si
longtemps. 3° Les mômes prophètes, qui ont
prédit la captivité de Babylone, en ont aussi
prédit la fin au bout de soixante-dix ?ns
[Jerein. c. xxv et xxix ; Dan., c. ix, v. 2).
L'édit de Cyrus, donné après ce terme, était
ox[irès etillimitépour toutela nation {I Esâr.
c. 1, V. 3). L'auteur des Paralipomènes, h la
fin du second livre, reconnaît que C( t é'Jit
mit fin à la captivité. Daniel {ibid. , v. 11 et
13) et Néhémie (// Esdr. c. i , v. 8) attesleiU
que, pendant ce temps d'aiiliction, Dieu avait
exécuté contre son peuple toutes les menaies
qu'il avait faites par la bouche de Aîoïse ;
tout a doue été terminé au retour. Ezéchiel,
c. XVIII, etJéréffiie, c. xxxi, v. 29, décla-
rent que les enfants ne porteront point Vini-
quité de leurs pères, dès qu'ils n'y ont point
de part. Dieu promet, par Isaïe, qu'après la
captivité de Babylone il ne se souviendra plus
des iniquités de son peuple (c. xliii, v. 25);
les Juifs blasphèment, quand ils soutiennent
le contraire.
11 n'est pas aisé de compter les contrcidic -
lions dans lesquelles Orobio a été forcé de
se jeter : tan'.ôt il soutient que les Juifs, de-
puis la captivité de Babylone, ont toujours
eu horreur de l'idolâtrie, et ont été très-at-
tachés à leur loi. Arnica collât., p. 167, 211 ;
tantôt il dit qu'actu 'llement même ils ne
sont pas tout à fait exempts d'idolâtrie, et
se rendent encore coupraliles d'autres crimes.
Quelquefois il prétend que l'idolâtrie et l'in-
fidélité à la loi de Moïse sont les forfaits que
Dieu a menacé de punir le plus rigoureuse-
ment, etqu'ilne prescntaux/Mi/'spoint d'autre
pénitence que de renoncer au culte des dieux
étrangers, et de retourner à l'observation de
laloi. Ibid., p. 137, 162. D'autres fois il s'ef-
force d'excuser l'idolâtrie, et démontrer qu'il
y a d'autres crimes qui méritent une ven-
geance plus sévère. P. 173. Souvent il dit
que les malédictions prononcées dans le
ùcutéronome regardent plutôt la captivité
présente que celle de Baljyloiie, parce que
les Juifs sont à présent plus malheureux
qu'ils ne le furent alors ; ensuite il veut
persuader que l'état de plusieurs Juifs est
assez heureux pour exciter la jalousie des
autres nations, que l'opproiire tombe plutôt
surle corps de la nation juive que sur les
particuliers. Selon lui, le meurtredu Messie ne
peutpas être un crime national, et il veut quo l'a-
postasie de plusieurs particuliers, qui se font
chrétiens oumahométans, soit un crime natio-
nal. Mais lui-même nous fait toucher au doigt la
preuve du contraire. Jésus-Christ, seul vrai
Messie, a été rejeté par le conseil de la na-
tion juive dans le temps qu'elle faisait encore
un corps politique ; le peuple a demandé sa
mort, a consenti que son sang retombât sur
touslesJMj/setsurlcurs enfants.Ceux qui sont
dispersés partout, et qui n'ont pas voulu
se convertir, y ont applaudi ; ils l'aiiprouvent
encore aujourd'hui ; ils regardent Jésus-Chris
J41
JIII
JUI
U3
ooBime un fam propÏHHc, qui a luéiité la
mort sflon la loi; sur ce point, leur opiniâ-
treté est invincible. Nous délions les rabbins
d'assigner [larnii eux aucun forfait (]ui porio
mieux les caractères d'un crime national que
celui-là. Lorsqu'un /«(/■ se fait chrétien, à
Rome ou h Paris, qu'un autre prend le turban
îi Constantinople, (piclle part peuvent avoir
h cette action les jiti fa de Pologne, d'Angle-
terre ou d'Amérique ?
Si l'anathème de la nation juive, continue
Orobio, était une punition de sa révolte con-
tre le Messie, il ne pourrait ôtro effacé que
par une amende honorable faite au Messie,
et par la profession du christianisme; cepen-
dant un Juif s'y soustrait aussi bien en em-
brassant le manoraétisme qu'en adorant Jé-
sus-(]hrist.
Nous répliquons : Si l'opprobre actuel des
Juifs était un châtiment de leur infidélité à
la loi de Moïse, il ne pourrait Être expié que
par une amende honorable faite à celte loi :
or, quand un juif se fait mahométan, il no
devient certainement pas plus soumis à la
loi de Moïse, et cepeu.Ianl il cesse d'être
odieux comme juif. Selon ce rabbin, el se-
lon la vérité, l'état de réprobation des Juifs
tombe plutôt sur la nation que sur les parti-
culiers; il est donc tout simple qu'un jwî/,
en se dépouillant du caractère national, soit
à couvert de l'opprobre attaché à sa nation ;
mais cela ne décide rien pour ou contre son
salut éternel. S'il embrasse le christianisme,
il sera jugé de Dieu comme chrétien, selon
qu'il aura rempli ou violé les devoirs de sa
religion ; s'il se fait turc ou païen, il sera
jugé comme ces nalions infidèles. Puisqu'il
est démontré jusqu'à l'évidence que l'état
actuel des Juifs est une punition de leur in-
crédulité au Mesbie, et de la mort qu'ils lui
ont fait subir, ils ne peuvent espérer de ren-
trer en grûce avec Dieu , qu'en adorant ce
môme Messie qu'ils ont attaché à la croix.
■yil. De la conversion future des Juifs. Une
dernière question est de savoir s'il est jiré-
dit par les auteurs sacrés que tous les Juifs
doivent se convertira la fin du monde ; c'est
une opinion assez commune parmi les com-
mentateurs modernes, et les Juifs n'ont pas
manqué de s'en prévaloir. Ce sentiment des
docteurs chrétiens, disent-ils, vient évidem-
ment d<! ce qu'ils ont senii que les anciennes
projihéties quiannoncent que, quand le Mes-
sie paraîtra, tous les Juifs se réuniront à lui,
n'ont pas été accomplies à l'avènement do
Jésus-Christ; c'est donc un subterfuge qu'ils
ont trouvé pour attaquer les espérances des
Juifs, et pour écai ter les conséquences qui
s'ensuivent évidemment de ces mêmes pro-
phétij'S. Arnica coUatio, \-. 133.
Il est vrai que saint Paul, dans VEpître
aux Romains, ch. xi, v. 2o et suiv., témoi-
Sne (j^u'il esjière la conversion des Juifs ;
se londe sur une prédiction d'isaïe, qui
annonce qu'il viendra un rédempteur pour
Sion, et pour ceux de Jacob qui retournent
de leurs prévarications, c. ux, v. 20. Ces der-
nières paroles mettent une restriction à la
promesse de Dieu ; on ne peut retendre à
tous h s Juifs.
Saint Paul ne donne pas plus d'extension
à sa prophétie. 1° Il dit que si les Juifs ne
persévèrent point dans l'incrédulité , ils se-
ront replantés sur leur ancien tronc, que
Dieu est assez puissant pour les y grett'ir de
nouveau ; donc, lorsqu'il ajoute qu'alors tout
Israi'l sera sauvé , il faut toujours soi.s-en-
tendre, s'ils ne persévèrent point daus l'incré-
dulité. 2° Il avertit lesgeniilsde ne point s'en-
orgueillir de leur vocation, mais de craindre
que si Dieu a réprouvé une partie des Jmi/s,
malgré ces promesses, il peut aus.si laisser
retomber les gentils dans l'incrédulité, mal-
gré leur vocation ; la conversion future des
Juifs est donc conditionnelle tout comme la
persévérance dei gentils. 3° Saini Paul fonde
son espirance sur ce que Dieu ne se rcpent
jamais de ses dons ni de sa vocation ; mais
lorsque les hommes rendent ses dons inuti-
les |iar leur résistance et leur infidélité, il ne
s'ensuit pas que Dieu se soit repenti. Il pa-
rait donc que saint Paul ne parle point d'une
conversion gt'nérale des Jiiifs a la fin du
monde, mais d'une conversion successive et
tiès-lenle, comme on l'a vu par l'événement.
L'Apôtre écrivait aux Romains vers l'an B8
de notre ère, douze ans avant la ruine de
Jérusalem ; à cett^' l'poque, un grand nom-
bre de Juifs se convertira ni on etl'et.
Vainement l'on veut adapter à une con-
version généraiecles Juifs, à la lin du monde,
d'autres prophéties de îlichée, d'Osée, de Mala-
chie, qui disent la même chose que celle d'i-
saïe; ces prédictions, qui reg.ir :ent évidem-
ment les Juifs revenus de Eabylone, ne peu-
vent 6tre appliquées à un événement plus re-
culéquedansun sensfiguré e! allégorique, qui
n'est pas une forte preuve . Cette méthode
môme autorise l'entôtement des Juifs , et
leur fait espérer, sous un Messie futur, un
accomplissement plus [)arfait des promesses
de Dieu, que celui qui lut lieu pour lors.
Quand on y ajoute les prédictions d'un se-
cond avènement du prophète Elle sur la terre,
on oublie que Jésus-Christ lui-même a pré
venu cette objection. Lorsque ses disciples
lui représentèrent qu'Elie devait venir sur la
terre, il leur répondit que cette prédiction
regardait Jean-Baptiste [Matth., c. xi, v. li ;
c. XVII, V. 10 ; Luc, c. I, v. 17). Ce (jue l'on
tire de l'Apocalypse, pour éclaircir les évé-
nements qui doivent précéder l.i fin du
monde, loin de dissiper l'obscurité, ne sert
qu'à l'augmenter.
Mais, dit-on, c'a été le sentiment des Pè-
res et des interprètes de rEeriturc sainte ,
c'est, dans le christianisme, une espèce de
tradition de laquelle il n'est pas permis de
s'écarter ; Préf. sur Malachie, Bible d'.lvi-
gnon, t. XI, .p. 766 et suiv. ; t. XVI , p. 7't8
et suiv. Malheureusement on n'a cité que
trois Pères de 1 Eglise et trois ou quatre
commentateurs moderne > ; cela sufii(-il pour
fonder une tradition? On no sait que trop
l'abuï qui ;i été fait de cette prétendue tra-
ilition dans netre siècle
Quand la prédiction delà conversion future
Uâ
JUL
JUL
iU
des Juifs serait plus claire et plus formelle, les
rabbin» ne pourraient encore en tirer aucun
avantage. Lesprophétiesquipromettaieni aux
Juifs leur retour de Babylone, étaient géné-
rales, absolues, sans exception ni limilalion
expresse; cependant un très-grand nombre ne
revinrent point, parce qu'ils nr- voulurent pas
revenir. Une promesse de la rédemption gé-
nérale des Juifs, sous le Messie, prouverait-
elle davantage que la promesse du retour
général des Juifs après la captivité ? Tnute
promesse de Dieu suppose que l'homme ne
mettra ]ias volontairement obstacle à son
entier accomplissement : or, c'est ce qu'ont
fait les Juifs au retour de Babylone et à l'a-
vénement du Messie ; il serait absurde de
supposer que, sous leur jirétendu Messie fu-
tur, aucun juif ne sera libre de demeurer
tel qu'il est ; quT ceux qui sont établis en
Amériquf' abandonneront leurs possessions
et leur état pour aller se réunir au Messie
dans la Terre promise.
Nous finirons cet article, en observant que
l'on s'exprime fort mal, quand on dit qu'en
Espagne et en Portugal l'inquisition ne souf-
fre point de Juifs, qu'elle sévit contre eux
et les envoie au supplice, etc. C'est par les
édits des souverains de ces deux royaumes
que les Juifs en ont été bannis ; ceux qui
veulent y demeurer ne le peuvent fiii'e
qu'en feignant d'être chrétiens, par consé-
quent en piofanant les sacrements qu'ils re-
çoivent ; lorsque l'inquisition les découvre,
elle les punit, non comme Juifs, mais com-
me profanateurs et rebelles aux ordres du
souverain. Si ceux qui ont déclamé contre
cette conduite avaient été mieux instruits ou
plus sincères, ils n'auraient pas déguisé le
vrai motif du châtiment.
■ Juifs chrétiens. Un cordonnier d'Angleterre,
nommé William CornhiU, tenta de réformer le pro-
testantisme en ressuscitant le» pratiques judaïques.
Il prit la Bible et s'interdit tout ce qui était défendu
aux Juifs par la loi cérémonielle. 11 se lit un certain
nombre de partisans, et parvint a former une secte.
C'est une preuve ajoutée à tant d'autres, qu'une fois
séparé du centre de l'Eglise catholique , il ne peut
plus y avoir rien de stable et de déterminé.
JULIEN , empereur romain , surnommé
Y Apostat, l'un des plus ardents persécuteurs
de la religion chrétienne. C'est ainsi qu'il
est représenté par les Pères de l'Eglise et
par les écrivains ecclésiastiques.
Comme les incrédules de notre siècle se
sont fait un plan de contredire les Pères
en toutes choses, et de révoquer en doute
les faits les mieux établis, plusieurs ont
soutenu que Julien ne fut ni apostat ni
persécutrur , que ce fut un héros et un
sage. C'est à nous de justifier les Pères
et de prouver la vérité de leurs accusations.
i" Que Julien ait été élevé dans la religion
chrétienne, qu'il l'ait ensuite abjurée pour
faire profession du paganisme, c'est un fait
non-seulement attesté par ses panégyristes,
Liban., Orat. parent, in Jul. §9, mais dont il
con yieiit lui-même dans une de ses 1 ettres aux
habitants d'Alexandrie, ii^îs^.Si. Dans une au-
tre,sonfrèreGallusIefélicitedcsapiétéenvers
les martyrs. Il est certain que l'an 360, lorsqu'il
fut déclaré auguste, il assista encore à l'église
chrétienne le jour de l'Epiphanie avec la
pompe impériale, afin de plaire aux soldats
et aux peuples des Gaules presque tous chré-
tiens. — 2° Ce sont les païens eux-mêmes
qui l'accusent d'avoir persécuté les chrétiens,
entre autres Eulrope, 1. x, et Ammien Mar-
cellin,l.xxiv, p. 305. S'il ne fit publier aucun
édit pour condamner les chrétiens à la mort,
c'est qu'il savait que les supplices, loin d'en
diminuer le nombre, n'avaient servi qu'à l'aug-
menter. Liban., ibid., n° 53. Il convient lui-
même que les chrétiens allaient à la mort
sans répugnance , parce qu'ils espéraient
l'immortalité. Fragm. Orat., p. 288. Mais il
approuva ou dissimula tous les excès aux-
quels les païens se portèrent contre eux : et
il feignit délaisser à tous la liberté, alin de les
mettre aux prises et debîs rendre par là moins
redoutables. Amm. Marcell., 1. xxn, c. 3. L'é-
ditpar lequel il déf..'ndit aux chrétiens d'é-
tudier et d'enseigner les lettres a été blâmé
par les païens mêmes. Ibid., c. 10. — 3° Si
Julien avait été sage, il ne se serait pas livré,
comme il le fit, à cette troupe de sophistes
et d'imposteurs qui l'environnaient ; il ne
les aurait pas rendus insolents en les com-
blants d'honneurs et de bienfaits : il donna
dans toutes les superstitions de la théurgie
et de la magie, poussa aux derniers excès
l'entêtement pour la divination et l'idolâtrie,
ne rougit point d'en exercer les fonctions les
plus dégoiitantes : les païens lui ont encore re-
proché ce ridicule. Amw.Marce//.,l. XXV, c. 6.
Il y ajouta celui de l'hypocrisie. Eu écrivant
aux juifs, il évite de paraître idolâtre ; il ne
parle que du Dieu très-bon qu'ils adOicnt, et
se propose di^ rebâtir le temple de Jérusalem.
Epist. 25. Il le tenta en ell'et, et fut confondu
par un miracle. Voy. Temple.
On ne peut disconvenir de son courage ;
mais il fut bouillant, téméraire, avide de
gloire à un excès puéril. Maître de conclure
avec les Perses une paix avantageuse, il eut
la folie de vouloir imiter Alexandre ; il se
laissa tromper par un espion, malgré les re-
montrances de ses généraux ; il exposa son
armée à une perte certaine en faisant brûler
sa Hotte. 11 mit l'Assyrie à feu et à sang ; la
manière dont il traita les villes de Diacires,
Ozogardane et Maogamali]ue fait horreur. Il
a écrit contre le christianisme , et son ou-
vrage a été réfuté par saint Cyrille d'Alexan-
drie. De nos jours, bs incrédules ont eu
grand soin d'en recueillir le texte dans saint
Cyrille, de le publier cimime un monument
précieux pour l'incréJulilé. En plusieurs
choses, il est très-favorable à notre religion,
et il renferme des aveux qu'il est important
de faire remarquer.
Julien attaque le judaïsme plus directe-
ment que la religion chrétienne ; il défigure
la doctrine de Moïse, afin delà faire paraître
moins sage que celle de Platon ; il fait contra
l'histoire sainte les mômes objections que les
marcionitcs et les manichéens : il déprima
tant qu'il peut les écrivains hébioux ; et, par
un travers inconcevable, il s'elTorce de cou-
14.1
Jim
Jl)R
ui;
cilifci 11' juilaisiiii: auc li; iJUc;aiiisnie ; il .sou-
tient que les juifs et les païens tuhiront le
môme Dieu , "qu'ils ont les mêmes cérémo-
nies, qu'Aliraham a observé les augures,
que Moïse] a connu les dieux cxpiateurs
et a enseigné le polythéisme. Il convient
que les païens ont imaginé sur les dieux
des fahles indécentes, et il est lui-môme
entêté de toutes ces fables ; il ne [trouve
les dogmes du [taganisme ([ue par les pré-
tendus prodiges tpie les dieux ont opérés,
et par la prospérité des peuples qui les ont
adorés. Mais qu'aurait dit Julirn, s'il avait
prévu la prospérité des Perses (pii n'ado-
raient passes dieux, [lar lesquels c('|)endant
H fut vaincu, et les exploits des Hai hares qui
ont détruit l'empire romain?
Une remarque essentielle, c'est qu'il n'a
pas osé nier l'ormellemiMit les miracles de
Jésus-Christ, ni même ceux des apôtres?; il
les avoue même assez clairement. « Jésus,
pemlant toulo s;i vie, dit-il, n'a rien l'ail de
ménmrable, à moiiLS qu'on ne regarde comme
de grands exploits d'avoir guéri les boiteux
et les aveugles et d'avoir exorcisé les démons
dans les villages i!e Betlisaïdeetde Béthanie.»
Dans saint (lyrille, 1. vi, p. US) : « Lui qui
commandait aux esjirits, qui marchait sur la
mer, qui chassait les déuions, qui a fait, à ce
que vous dites, le ciel et la terre, n'a pas pu
changer les cœiu's de ses proclu s et de ses
amis ])onr leur salut. Ibid., y. 209. .Mais la
résurrection de Jésus-Christ du moins était
un l'ait mémorable ; Jniien n'en parle ])oint ;
s'il pouvait la contester, s'il [louvait prouver
la fausseté des miracles rapportés dans l'E-
vangile, pourquoi cette faiblesse ? 11 devait
sentir de quelle inqiortance était cette dis-
cussion ; il n'y entre point. Il dit que saint
Paul est le plus giand magicien et le plus
odieux imposteurqui tût jamais; en (]uoi con-
siste sa magie, s'il n'a point fait de miracles?
.Non-seulement Julim avoue la constance
des chrétiens à soulfrir le martyre, mais il
reconnaît leur libéralité envers les pauvres.
Misopog. , 363. Il convient que le chris-
tianisme s'est élabli pur les œuvres de cha-
rité et par la sainteté des mœurs que les
chrétiens savent contrefaire ; qu'ils nourris-
sent non-si'ulemeni leurs pauvres, mais en-
core ceux des ]iaïens. Epist. k9. il aurait
voulu introduire parmi les prêtres du paga-
nisme la même régularité de mœurs qu'il
voyait régner parmi les ministres de la reli-
gion chrétienne.
Ces divers témoignages rendus à notre
religion par un de ses plus grands ennemis,
sont la meilleure apologie que l'on puisse
opi-'oser aux calomnies des incrédules mo-
dernes ; et si l'on veut se donner la peine de
lire les réponses que saint Cyrille a données
aux objections, aux reproches , aux calom-
nies de Julien, l'on verra la ditlérence qu'il
y a entre un homme qui sait raisonner et un
vain discoureur.
JUKEMENT ou SERMENT. Jurer, c'est
prendre Dieu à témoin de la vérité d'un dis-
cours, ou de la sincérité d'une promesse, et
faira une imprécation contre soi-même, si
l'on ment ou si l'on n'accomplit pas ce que
l'on piomet ; c'est donc un acte religieux par
lequel on fait profession de craindre Dieu et
sa justice.
Nous en voyons des exemples parmi les
plus sincères adorateurs du vrai Dieu. Abra-
ham {Gen. c. XIV, v. 22) proteste avec ser-
7n(nt qu'il n'acceptera pas les présents du roi
de Sodome. Cap. xxi, v.23, il jure alliance
avec .\bimélecli. Cap. xxiv, v. 2, il fait jurer
son économe qu'il ne donnera pas pour
épouse h Isaac une Cliauanéemie. Cap. xxvi,
V. 31, Isaac renouvelle avec serment l'al-
liance faite par son père avec Ahimélech.
Cap. XXXI, V. 53, Jacob lait de même avec
Laban. Dieu semble av.Tir approuvé cet usa-
ge, en confirmant, par une espèce de serment,
les promesses qu'il faisait à Abraham : J'ai
juré par moi-même, dit le Seigneur, de vous
be'nir et de multiplier votre postérité. (Gen.
c. xxii, V. 16.)
La formule ordinaire du serment était :
Vire le Seigneur (Jud. c. vin, v. 1!)); ou
Que le. Seigneur me punisse si je ne fais telle
chose (I Jteg., c. xxiv, v. 44 et 'i5). Dieu lui-
même dit souvent : Je suis vivant, pour at-
tester ce qu'il fera {Num. c. xiv, v. 28, etc.).
11 était défendu aux Juifs, 1" de jurer par
le nom des dieux étrangers [Exod., c. xxiii,
V. 13). Vous craindrez le Seigneur votre Dieu,
leur dit Moïse; vous le servirez seul, et vous
jurerez par son nom (Deut. c. vi, v. 13). 2" De
prendre en vain ce saint nom et de se par-
jurer {Exod., c. XX, V. 7 ; Levit., c. xix, v. 12).
Ces deux défenses regardaient également les
jurements que l'on faisait par-devant les ju-
ges, ou pour confirmer un contrat mutuel, et
ceux dont on usait dans le discours ordinaire.
Jésus-Christ , oans l'Evang le , ajoute une
nouvelle défense , qui est de jurer sans né-
cessité : Vous savez qu'il a été dit aux an-
ciens : Vous ne vous parjurerez point , mais
vous rendrez au Seiuneur vos jurements;
pour moi, je vous dis de ne pas jurer du tout,
ni par le ciel , qui est le trône de Dieu, ni par
la terre, qui est son marche-pied, ni par Jéru-
salem , qui est la ville du grand Roi, ni par
votre tête, puisque vous ne pouvez changer la
couleur d'un seul de vos cheveux. Que votre
discours se borne à dire oui ou non : tout ce
que l'on y ajoute de plus vient d'un mauvais
fond. (Matth., c. v, v. 33.) Dans un autre en-
droit, il réfute la distinction que faisaient
les pharisiens entre les jurements qui obli- ■
geaient et ceux qui n'obligeaient pas (c. xXiii, ;
V. 16). Saint Jacques répète aux lidèles la '
môme leçon {Jac, c. v, v. 12). Par ces paro-
les, Jésus-Christ a-t-il condamné les serments
môme qui se î»n{ en justice pour confirmer
un témoignage, ou entre des hommes consti-
tués en autoiUé, qui jurent l'exécution d'un
traité ? Les quakers, les anabaptistes et quel-
ques socinieus le prétendent ; mais il est
évident qu'ils se trompent. Le Sauveur parle
du discours ordinaire , et non des actes pu-
blics de justice : lesjurements qu'il condamne
n'étaient cert.iinement pas des formules usi-
tées devant les juges. Saint Paul dit que
parmi les hommes les contestations se ter
147
JUR
JUR
itë
minent par le serment, et il ne lilAme point
cette pratique {Hehr., c. vi, v. 16]. Il observe
que Dieu a daigné jurer par lui-mémo, pour
confirmer ses promesses et rendre notra es-
pérance plus im'branlable.
Les Pères de l'Ej^lise ont répété à la lettre
la défense que Jésus-Christ a laite, et dans
les mêmi'S termes. Barl) yrac leur eu a fait
un crime ; il soutient que ces Pères ont con-
darané toute espèce de serment sans iestric-
tion et sans distinction; que, faute d"ex!)li-
quer l'Evangile dans son vrai sens , ils ont
tendu au£ fidèles un piège d'erreur: il en
conclut que ce sont de m.iuvais interprètes
de l'Ecriture sainte et de mauvais moralistes.
Il fait ce reproche à sa'Ut Justin, à saint Iré-
née, k saint Clément d'Alexandrie, à Tertul-
lion, à saint Basile, à saint Jérôme. Traite! de
la Morale des Pères, c. ii, m, v, vi, xi et xv.
Ce qu'il y a de singulier, c'est que Barbeyrac,
si parfait moralis;e, n'a pas trouvé bon, non
plus que les Pùies, de désigner les cas dans
lesquels \e jurement peut être permis ou dé-
fendu; il s est donc rendu coupable du même
crime qu'eux. ''lais il faut s'aveui^ler nu grand
jour, pour ne ; as voir que les Pères ont parlé
comme l'Evangile, du discours ordinaire et
des conversations, lorsqu'ils ont dit qu'il
n'était pas permis d;- jurer-. 11 no hmr est i as
venu dans l'esprit que l'on pût prendre dans
un autre sens les paroles de J 'sus-Chrisl ni
les leurs, et que l'on pût les appliquer aux
serments faits par autorité publique. Sont-ils
blâmables de n'avoir pas prévu l'entêtement
des quakers et di'S anabaptistes ? On n'en
avait point vu d'exemple avant le xvi° siècle.
Les premiei s chrétiens ne purent consentir
k faire, soit le serment militaire, soit les ser-
ments exigés en justice, lorsqu'on le^ faisait
au nom des faux dieux ou eu présence de
leurs simulacres : ç'aurat été nu acte d'ido-
lâtrie; mais ils ne refusèrent jam lis de faire
des serments qui n'avaient aucun Irait d' pa-
ganisme. «Nous jurons , dit Tertullien , non
{>ar les génies des césars, mais pir la vie ou
a conservation des césars, qui est plus au-
guste que tous les génies. » (ApoL, c. xxxii.)
Di' là môme on a coucIm que cf ux qui furent
mis à mort par ordre de Caligula, parce qu'ils
n'avaient jamais voulu jurer par son génie,
étaient des chrétiens. Sueton. in Calig. c. 27.
Yoy. les Notes de Eavercamps sur le passage
de Tertullien. 11 est donc faut que ce Père
condamne lou'e esjièce de serment; c'est
dans son Traité de l'Idolâtrie qu'il sembln
l'interdire absolument à tout chrétien : cette
circonstance seule aurait dû ouvrir les yeux
à Barbeyrac , et il ne nous serait pas plus
difficile "de jusliti r les autres Pères de l'E-
glise parleurs éciits même et par les cir-
constances daus lesquelles ils ont parlé.
D'autres p!nloso|)iies bizarres ont décidé
que les serments sont inutiles; que celui qui
ne craint pas de mentir n'aura jioint horreur
de se parjurer. Cela n'est pas toujours vrai :
tout homme sent irès-bien (|u'u!i parjure est
un plus grand crime qu'un simple mensonge,
puisqu'il ajoute Fini pi té k la mauvaise foi.
« il n'y a, dit Cicéron, point de lien plus foi t
que le serment , pour empêcher les hommes
de manquera la foi et à la parole qu'ils ont
donnée : témoin la loi des douze tables , té-
moin les sacrées formules ijui sont en usage
par;ui nous pour ceux qui prêtent serment,
témoin les alliances et les traités où nous
nous lions par serment , même ave nos en-
nemis , témoin enfin h s rech;>rches de nos
censeurs, qui ne furent jamais pins sévères
que clans ce qui concerne le serment. » De
Ôfftc. III, c. 31. Le serment, dit un écrivain
très-sensé , n'empêche pas tous les [>arjures,
mais il atteste toujours que le parjure est le
plus grand des crimes. Vôy. Parjurk.
Dans le style populaire, on aiipelle jwre-
ment, non-seulement toutes les formules dans
lesquelles le nom de Dieu est employé direc-
tement ou indirectement f)Our coniirmer ce
que l'on dit, mais encore les blasphèmes, les
im|)récations que l'on fait contre soi-même
ou contre les autres, même les parnles bru-
tales et injurieuses au prochain : tout cela
est évidemment condamné par l'Evangile.
Jésus-Christ réprouve les imprécations que
l'on fait contre soi-mêmi^ en disant : Ne ju-
rez point par votre tête ; en effet, lorsqu'un
homme juie ainsi, c'est comme s'il dirait :
Je consens à perdre la tête ou la vie, si je ne
dis pas la vérité. Or, c'est à Dieu seul de dis-
poser de notre vie; nous n'avons aucun droit
d'y renoncer sans son ordre. Il nous est dé-
fendu de souhaiter du mal au fTochain, k
plus forte raison de fair ■ contre lui des im-
précations qui tendent k intéresser le ciel
dans nos sentiments de h ine et de ven-
geance. Le respect que nous devons k Dieu
et à son saint nom doit nous empêcher «le
l'invoquer par légèreté, k plus forte laison
par colère et par brutalité. L'habitude dos
jurements parmi le peujle est un reste de la
grossièreté des siècles barbares.
Pour jurer, même eu justice, il n'est pas
nécessaire de prononcei des paroles, il suftit
de faire le signe ou le geste usité eu pareil
cas , comme de lever la main , de la jiorter à
sa jjoitrine, de toucuer l'Evangile ou une re-
lique , etc. Dans les siècles d'ignorance, oii
l'on avait établi îa mauvaise coutume de
jurer sur les châsses des saints, quelques
insensés imaginèrent que quand on avait ôté
d'avance les reliques de la chjisse, le serment
n'obligeait plus. Erreur qui va de J>air avec
celle des pharisiens que Jésus-Christ réfute
daus l'Evangile {Matth., c. xxiii,v. i6).Voy.
Pak.itjre , 1mP«ÉCAT!05.
Un écrivain récent déplore avec raison le
peu de r( spect que l'on a painii nous pour
le serment, la facilité avec laquelle on trouve
toujours des témoins jTÔts à attester en jus-
tice la capacité et la probité d'un homme qui
se présente pour remplii' une charge, et que
souvent ils ne connaissent pas. 1! observe
trè.s-bien (jue regarder le serment comaie une
simple formalité , c'est manquer do respect
pour le saint nom de Dieu, et rompre nn.dei
liens les plus forts qu'il y ait dans la so-
ciété.
Ces l'éflexions sages ne justifient point la
proposition dans laquelle yuesnel a lit que :
U9 JtIR
(( Rien n'est [)\\l> coniraire h l'Espril de Dieu
et à la doctrine de Jésiis-Cluist, que de ren-
dr.' communs les serments dans l'Eglise, parce
que c'est multiplier les occasions de se ()ar-
jurer, tendre un |)i(5si' au\ faillies et aus
ignorants, et faire servir le nom et la véracité
d'e Dieu aux desseins dos impies. »(Prop. 101.)
11 en voulait évidemment h la signature du
fornmlairo, par lequel on atleste .jne l'oi»
condamne les proi'dsitions de Janséniusdans
le sens de l'auteur. Suivant cette morale, il
faudrait aussi supprimer les professions de
foi par losqaellrs on atteste que l'un est chré-
tien et cUliolique. Cet autour téméraire
n'hésite po nt di' namnwr impies ccusquine
pensent point comm • lui.
jrRlDIGTION, po'.ivoir de faire des lois et
prononcer des jugements oblii^atoires dans
une certaine étendue de tenitoire. Nous n'a-
vons à [)arler que de ]a juridiction spirituelle
Uespasieurs del'Kglise; leuryM;(<//f<îort tem-
porelle est l'objet du droit canonique (1).
(1) « La (lifféreiicfi ilfs objels, dit M. Doney, éta-
Wii deux espèces ilo juridictions spiviluelles : l'uim
intwieiirc , qui s'exeiTC dans le liiiuin.ll do la pi^ni-
liMici> «1 qui rcinel les pèches; l'auire oxlprioiire,
<\m maiiiiienl ei giuivcrne l'Egiisc, elcpii a poiir sanc-
tion les censures, l/nne cl l'auUe juridiction onl été
confrrées par Jésus-Christ à ses apôlies : la première,
loreqn'il lenr dit : Itecevez le Sninl-Espril ; ceux à
qui vous lemel'rtt les pérhéa , ils leur seraiit re.njs, et
(t X A qui voua la retifitdrez , i/s leur seront leieuns
{Joan., c. XX, V. 2i el 25) : la seconde, quand il leur
a dit: Tout re q':e vous, Ixnet sur la terre sera lié ilous
k ciel, et tout ce que vous l'.élierez sur l • terre ssrn (I •-
lié (tant le liel (Hlaitii., c. xvni, v, IS). Or, celte dou-
ble jurûlieiion a passe des apôtres aux évô(iues,ileurs
snwesseurs, dans toiilc la suite des siècles , et les
évciines l'ont de nicmc couniuniiquée av«c plus ou
moins d'étendue aux pasteurs du second ordre, aux
simples prèiies.
tl.a véritable juridirlion est celle qin vient de Jë-
sus-l'hris!, le fiindaieurei I* chef dti l'Eglise Ciitho-
liiIue:touieanir(' jurididioi», provenant i!cs honnnes,
ne peut avoir aucun eflel. Or, on reconnaît qnc la
juridiction vient de Jésus-€hrist, lorS(iircllc est con-
férée par les successeurs des apôtres, conforniénicnt
aux règles, aux lois de l'Egliss' (|ui est <lépositaire de
tout pouvoir, de loulp juridiction spirituelle. Cette
doctrine est consacrée par le saint concile de Trente.
I Tous ceux qui osent s'ingérer à exercer le saint
niiidstérc, de leur propre témérité, ou n'y étant ap-
pelés que par le penpl» on par la puissance séculière
et par les magisirals, ne sont pas des ministres de
l'Eglise, mais doivent Olrc regardés comme des vo-
leurs et des larrons qui ne sont pas entrés |Mir la
porte. I)ei\rml tancta synodus e"S , ijui lautumtnodo
(1 l'Ojndouitl ucruluri poleitute ne maiistrntu vo i:ti et
in tniitu «ti /i(P. ini isterii cxirci-uda ascendunl, et qui
en pi- rriii temeriii.te sibi tumunt, o:.:ne!, non l:rci siœ
txi.'itsJr.is, icd jutes et littrones p r onium non iiii/rcs-
so. hahcudoi este. Conc. Trid., scss. '25, de Ordine,
c. 4. El le saint concile conlirme encore c^^lle ik'ci-
.sii>n , eu pr(inoni;ant < anadiéuie contre c|uiconque
dir.» q«ô ceux qui n'ont point été légitimement or-
donnés ni ewvoyés par la puissanc* ecclésiasiiqne et
cancmiiiue, sont de légitinies ministres de lu parole
et des ^acreu1Pnts. > Si iyi/i« diturit f»i qu-> nec ah c:-
cltiiailica .1 ciin nii ^ pol-slate rite O'-dinuli, nce missi
luiit, seil aliunie ven uni, tegilimos esse veibi et sana-
t?i'H urtin, mintlros, unailienia »«(.Conc. Trid., .-«css.
xxm, cjin. 7.
« Ùii'on parcoure l'histoire de l'Eglise, on verra
jun
ISO
A l'arlicle Lois ecclésiastiques, nous prou-
vcions que h's pasteurs de l'Ej^lise ont reçu
de Dieu le pouvoir de fnire des lois concer-
nant le culte divin et les mœurs des fidèles,
et (jue ceux-ci sont obligés , en conscience,
de s'y soumettre et de s'y conformer; que,
dans' tous les siècles , l'Eglise a usé de ce
liouvoir et a statué dos peines contre les ré-
i'ractaires. Mais il y a contestation entre les
tliéologieiis, pour savoir si les évè(pies tien
nei.t immi'diateraent de Jésus-Christ leur
juridiction spirituelle sur Ifs lidèles de h-ur
diocèse, ou s'ils la reçoivent du souverain
pontife. Les ultramouîains soutiinnent ce
dernier sentiment; Uellarmin a fait lou.s ses
eiforts pour l'établir. T. I, Conlrov.3, de
SHtnmo Pont. En France , nous pensons le
contraire , nous disons que les évèques ont
reçu de Jésus-Christ leur juridiction aussi
immédiatement que leurs pouvoirs d'ordre
el leur caractère (1).
Pour C'tayer son opinion, Bellarmin, lib. n,
constamment les évèques et les prêtres puiser à la
même source la juridiction nécessaire au ministère
pastoral, l.e ministère n'a jamais été cieicé que sur
des titres poT,ilifs, toujours émanés de la même ori-
gine, toujours conférés conformément aux règles de
l'Eglise. Ces titres n'ont pas toujours été les mêmes :
il y en a eu de perpétuels el de transitoires, d'ordi-
naires et de délégués, de plus ou de moins étendus.
La manière d'être pourvu de ces titres a aussi varié.
On a vu tantôt des élections sous différentes formes,
tantôt des présentations el des noniinati(ms. Mais ce
qui n'a jamais varié, ce qui a toujours été regardé
comme sacré, c'est que l'Eglise seule déîerminaii les
formes ; el l'on n'a jamais regardé comme ayant un
titre légitiuie, celui qui n'en avait pas un conforme
aux règles .ilors en vigueur dans l'Eglise (n). >
(1) La Trudiiion de l'F.qlhe sur rnittiiution des
évcqiiei expose ainsi celle grande controverse :
« Les théologiens gallicans distinguent deux sortes
de juridiction : l'une , qu'ils appellent juridict on
radicale, est inséparable du caraciere, mais demeure
liée et sans exercice jusqu'à ce que le \uinistr8 con-
sacré ail reçu, par rinstiiution ou l'apprebjiion ca-
nonique, l'autre espèce de juridiction , qui dtime
seule un pouvoir conqilet. Dans ce système, l'altri-
buiion du territoire, ou la désignation des sujets, ap-
partient au souverain pontife, el celle désignalion est
une condition nécessair* pour que Jésus-Christ con-
fère la juridiction. Tel ctaii le sentiment des évèques
français qui assistèrent au concile de Tre4ite. Le
Père Alexandre, le Père Juénin, le Père Dunnsnil,
le Père Thoniassin el la Sorbonue, enseignent la
même doctrine, et soutiennent à la fois la collalion
immédiate de la juridiction par Jésns-Chrisl , el le
droit essentiel au siège apostolique d'attribuer à cha-
(]r.e éveiiue le diocèse qu'il doit régir, et hors duquel
cessent tous ses pouvoirs, sans quoi tous les évèques
seraient papts , el le gonvcrnenient de l'Eglise de-
viendrait une anar<;hie de souverains. Hien n'empê-
clie d'adopter cette opinion , aisément conciliable
avec les principes catholiques, pourvu que l'on ne
confonde point ropêralinn interne qui. imprime le
caractère avec l'autorisation effîcace d'exercer une
juridiction extérieure quelconque. La seule exposi-
tion de ce sentiment décide en faveur du pape la
question lie rinstiiution des évèques. Aussi le savant
cardinal Gerdil , Vper. card. Gerdil , l. XI, parlant
{a) Voje? noire Dicl. de Thêol. mor., ^irl. JrHiDicTrw,
ou lÉous avons élalili l'exisience de la inriilulion ecclé-
siastique, el lions avons claircmi.ul expliqué la n»lure el
les (lllTérenles espi ces de juridlcliOD.
iU
Jl)R
JUR
irr2
c. 9, commence par supposer. 1* que le gou-
vernement de l'Eglise est purement monar-
chique; que, comme dans une monarchie,
de la .jnridiction radicale , obscrve-t-il avec raison
q\ie I ions les calholiqiies, étant d'accord qn'ellepeut
être restreinte par les lois de l'Eglise, et qu'elle est
soumise à l'autorité pontificale, on n'en peut rien
conclure contre le pouvoir dont nous savons Ircs-
certaineniw.ll que les papes ont usé dès l'ori^^ine,
pour instiluer des églises et leur imposer une disci-
pline. )
1 Un grand nombre de théologiens ont sur la ju-
ridiction des principes différents. Premièrement, ils
n'admettent point la distinction reçue dans nos éco-
les entre les deu\ juridictions. La juridiction, selon
eux, est originairement distincte du caractère. L'or-
dination rend propre à la recevoir; mais elle ne la
donne pas. On ne saurait, disent-ils, concevoir net-
tement un pouvoir avec lequel on ne peut rien. La
juridiction proprement dite suppose nécessairement
une relation entre deus termes ; l'un d'où elle part,
l'autre où elle aboutit , enlre plusieurs sujets : l'un
qui gouverne, et les autres (|ui sont gouvernés. Ce
sentiment leur semble plus conforme à la doctrine
des conciles et de saint Thomas. Il n'y a donc, selon
ces théologiens, qu'une sorte de juridiction, qu'ils
définissent, une délégation légitime pour exercer un
ministère spirituel. Secondement, ils soutiennent
que, puisque Jésus-Christ évidemment n'assigne point
le territoire, ne désigne point l'Eglise où chaque évè-
que doit présider, ne délègue point un pasteur pour
telles ou telles fonctions, la juridiction n'est point
donnée immédiatement par Jésus-Christ ; qu'elle est
un écoulement de la puissance accordée aux pontifes
romains dans la personne de saint Pierre; qu'ainsi
nul ne peut la recevoir que d'euK ou de ceux à qui ils
ont permis de la conféier en leur nom : conclusion
parfaitement semblable à celle des théologiens galli-
cans, en ce qui tient à la discipline ; mais les prin-
cipes sur lesquels se fondent les auteurs qui ne re-
connaissent qu'une espèce de juridiction paraissent
plus simples, plus naturels, et surtout plus d'accord
avec la tradition.
« Considérons en prenàer lieu le passage de l'E-
vangile où se trouve, de l'aveu de tous les catholi-
ques, l'institution de lépiscopat. Pierre vient de con-
fesser la divinité du Christ, et pour récompenser sa
foi, Jésus lui déclare qu'il sera le fondement de son
Eglise : Tu es heureux, Simon, fils de Jona, car la
chair et le saiiij ne l'ont point révélé ces choses, mais
mon l'ère qui isi dans le ciel ; et m i je le dis : lu es
Pierre, et tur celle pierre je bàtiriii mou Eijlisi' et
je te donnrai les clefs du rotjunme des deux; . l tout
ce que tu lieras sur ta terre sera i.é dans le ciel, et
tout c que lu délieras sur la terre sera déli,- dan~ te
ciel. < Beatus es, Simon Bar-Jona, quia caro et san-
guis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in coelis
est. Et ego dico tibi, quia tu es Pelrus, et super banc
petram aediflcabo Ecclesiam meam.... Et libi dabo
claves regni cœloruni : et qundcumque ligaveris super
terrain, erit ligatum et in cœlis ; et quodcumque
solveris super terram, erit solutumetin cœlis (MaHA.,
c. XVI, V. 17, 18 et 19). i Remarquez la force singu-
lière de ces paroles, et libi dico, je te (iis a loi, à toi
seul, je te donnerai tes clefs du royaume du ciel. Le
Sauveur l'ait nianilestement allusion à un passage
d'isaïe où Dieu parle ainsi du personnage liginalifdc
son Fils : Je mettrai sur son épaule la clef de la mai-
son de David : il ourrira. et nul ne pourra fermer; tl
fermera, et nul ne pourra ouvrir : ( Dabo clavem do-
mus David super humerum ejus ; et aperiet, et non
erit ([ui claudal ; et claudet, et non erit qui aperiat
(isii., c. XXII, V. 22). » Les ciels, dans l'Ecriture,
sont l'image et le symbole de la souveraineté. C'est
donc toute sa puissance <]ue Jésus-Christ remet à
Pierre, sans exception ni limites. Il l'établit à sa
toute autorité civile et politique émane du
souverain; ainsi , dans l'Eglise , toute jw?-;-
diclion lioit partir immédiatement du souve-
place pour lier et délier, il le substitue, si l'on peut
le dire, a tous ses droits ; et celui qui disait de lui-
même : Tout pouioir m'a été donné au ciel et sur la
terre : « Data est milii oinnis potestas ;n codn et in
terra (Mat. h., c. xxviii, v. 18), i conlie an prince des
apôtres ce pouvoir infini, qui doit être jusqu'à la lin
des temps la force et le salut de l'Eglise.
« Or, toute juridiction est une participation des
clefs qui n'ont été données qu'à P. erre seul : il est
donc l'unique source de la juridiction. De la pléni-
tude de sa puissance émane toute autorité spirituelle,
comme nous l'apprenons des Pères, des papes et des
conciles.
« Tertullien, si près de la tradition apostolique, et
avant sa chule si soigneux de la recueillir, écrivait
dès le second siècle : i Le Seigncnr a donn les clefs
à Pierre, et par lui à l'Eglise. > Si adhuc ct> iitum
pillas cœ'um, mémento claves ejus hic Dominum l'être :
et per eum, Ecctesiœ reliiiuisse (S'-vrpiac, cap. x).
Dira-l-on que c'est une exagération dte Tertullien?
Convenez ilonc que toute l'Afriiiue exagère égale-
ment ; car voilà saint Opiat de Milève qui répète :
« Saint Pierre a reçu seul les clefs du royaume des
cietix pour les conmiuniquer aux autres pasteu's. i
Boiio vnilalis, B Pelrus..., pruferri aposlolis omni-
bus merui, et claves reijni cœlo.um, c mmunicandat
cateris, sntus a^cepil ( lib. vu i-o(i;ni Parmenianum,
n. 3. Oper. sancti Opiali). Et saint Cypnen avant
lui, et après lui saint Augustin, ne s'expriment pas
avec moins de force : « .Soirt-Seigneiir, dit le pre-
mier, en établissant l'honneur de l'épiscopat, dit à
saint Pierre dans l'Evangile : Vous ête^ lierre, etc.,
et je vous donn rai les r/t» du royaume des deux, etc.
Cest (;e là que, par la juiiedes temps et des succes-
sions, déeiiulent l'ordinalion des èveques et la l'orine
de l'Eglise, afin qu'elle soit établie sur les évèqiies.
Dom uns nosler, cujus prœcepla metuere el observar^
del'eiiius, épis, opi honur m, el Ecclesiœ suœ raionem
dis onens, in Evanget o I quilur, et d cit Peiro : Ego
tibi uico, ex., et nui dabo claves, etc., el qua; liga-
veris, elc. Inde per lemporiim el snccessiouum vices
episcoporum ordinalio et Ecc esiœ ralio decurrit, ut
Ecclesia super cpiscn, os constiiuaiur, et omiii.s a lus
Ecctesiœ per losdem pro'posiios gvbernelur (Efisl. .53
éd. Pear., 27. Pamel., Op. S. typ., p. 216). Saint
Cyprien ignorait-il la dignité de l'épiscopat? L'éve-
que d'Hippone en trahissait il les droits, lorsquins-
truisani son peuple, et avec lui toute l'Eglise, qui lit
avec tant de vénération ses admirables discours, il
disait : < Le Seigneur nous a confié ses brebis, parce
qu'il les a confiées à Pierre? Commeiidav i nobis Do-
minas oves su. s, quia Petro commendavit (Seim. 296,
n. il, Optr. S. Aug., tom. V, col. 1202) (a).
(n)PieV, bref Super jofidiwie. oper. Gerdil. t. [I,t. XII,
s'appuie sur l'auloiilé de saint Augu.stiii (lO'ir éi^lilir le
point que non» élalilissons. * La véri é de i e qu'enseigne
saint Aii,;ustin, que la jii iiicipaiiié île la chuire aposinluiue
a tiiujoui's été en vigueur dans le siège de Uoiiie, et quu
celle |iriiicipauté d'a|iosinlai élève li- souverain |ioiUile
au-de^.sus lie loiil auire cvéi|ue; celte véiité, apinijée sur
tant de preuves éviilnuies, éclale surtout en ce que le
siiccessi ur de .saiiil Pierre , par cela siul qu'il suceéde à
Pierre, pr^^side de droit divin à tiiul le iroiipe.iu de Jésiis-
Clirisi, en sorte qu'il reçoit avec l'i^iii^eopal la puissance
du gouveriiempnt uiiiversid ; lUlldi^ que les autres évoques
possèdenl cliaruij une portion parliculièie du iroupeaii,
non de dioit divin, mais de droii ecclésiastique, laquelle
leur est as.signée, non par la tiouclii' de Jésiis-Clirisl, mai»
par leur ordiualion biérai chique iiéci'ssaire pour qu'ils
puissent exercer sur celle portion du lroii|eau une puis-
sanre ordinaire de (^ouviini ni.nl. yiiironipie voudra re-
fuser au S'Mivi'raiii pnnidV, la suprême auioriié dans celle
assignation, il est néce.ssaire qu'il altaque la .sucues ion
légitime de tani d'évôqiies qui, dans le monde enlier,
réijisseiii les églises, ou loiidées originairement par l'au-
185
JUR
JUR
154
rain pontife. Mais c'est un pur système qui
ne porte sur rien. Nous sommes beaucoup
mieux fondés à soutenir que le gouv.rne-
c Si tle l'Afrique nous passons en Syrie, nous en-
tendons saint Ephrem louer Iîasil(^ i do ce qu'occu-
pant la place de Pierre, el panicip:iul (^^alemcnt à
sou ;iut<iriléet à sa lilierlé, il reprit avec une saiiile
h.'irdii'sse l'empereur Valeiis. » lidsiliiin, locwn Pctri
ob'iriens. ejusque pnriier anclorilaiem Hherlnleiiique
pcrliiipons.... Valentem rednrguil. Kticouiiuin sancti
Basilii. Oper. S. Eplireni, pag. liH. Ou le voit, l'au-
lorile de cet illustre évc(|ue n'était (|u'uMe |)arlici])a-
lion de celle de Pierre, il le repic^eolait; il lenait
sa place, dit saint Kplirein. Saint r.audencc i!e Bresse
appelle saint Anibroise le successeur de Pierre. Tan-
quaui Pi'lri apostoli successor, ipse eril os universo-
rum clrcumslanliuui sacerdoluiii. 'irai tut. Iiab. m
(lie lUiv ont mit on s. Miiijiia Bibliolh. vet. l'nlriim,
loui. Il, col. .^!l, édil. Paris, Gildas, suruonniic le
Sage, dit que i li'S mauvais cvccpies usurpent le
siège de Pierre avec des pieds immondes : Sedem
Pctri apos oli immundis pcdibiif.... nsurpfiiileti.... Ju-
d::m qiioilnmwodii in l'elri ciitlieilra Domiiii trndio-
rem.... sliiliiiiiil.... {<ildiv Su ienlis pr/'s^gleri in Ec-
ole», ordin. m ris lorreplie. liibliollt. /'/'. Lngd n.,
tome VU), p. 71.5). Les évéquosd'uu concile de Paris
parlent dans le mémo sens. Ils di clarciit n'être que
les vicaiies du prince des apolies, Doininus be<Ho
Pitro, itijiii licpin indig i gerimus. ait : Qnod^umgue
ligaver s, ele. (Conc. Parisiens. V/, t. MI, Cunc,
col. lO'il). Pierre île lilois cciit à un évècpuî : <Peie,
rappele/,-vous <|ue vous êtes le vicaire du bienheu-
reux Pierre : Recolite, Piiter, qniii beati Petri vicaiiiis
ettis {Epist 148, oper Petri lile^ei.sis, p. "233).
« Saint Grégoire de Kyssc, un si s;ranil docteur,
confesse en piéseuci^ de tout l'Oiieui la même doc-
trine, sans ((u'aueiuie réclauiation s'élève : « Jésus-
Clirisl, dil-il, a donné par Pien-e auv évèques les
clefs du roy.iume céleste. > Per Pelrum episcopis
dcdit (Chris U!,) cLves cale tinn bononim. Oper. S.
Greg. .Nyss., lom. III, pag. 51 i, cdii. Paris. El il ik
fait en cela (pie professer la foi du sainl-siége, qui,
par la bouche de saint L('on, prononce que « tout ce
que Jésus-Chrisl a donné aux autres évéïpies, il le
leur a dorme par Pierre. » Et encore : « Le Seigneur
a V(udii que le ministère (de la prédication) appartint
à tous les apôtres, mais il l'a néanmoins principale-
ment conlié à saint Pierre, le premier <les apôtres,
afin que de lui, comme du chef, ses dims se rc pan-
di>senl dans tout le coips. > Si qiiid cum e<< ■ iinniiine
lœlers volait esse pria ipibns, nui quant uisi per
ipsum dedtt qui qiiid ali s non iieg .vit. Seiiu. l in
ann. as r,m. ejusd., r. i. Oper. S. i.eou., éd. Biille-
rini, tom. Il, ol. 6. Ilujiis muneris sarram.ntunt
il.i Dominas ad omninm aposloloram i \fifium perii-
nere voluit, ni in bealissimo Pelro upvstoto iiin uni .ium
sunwio priiicipaliler • olloriirit i et ab ipso, qua i q- o-
dain lapile, doaa sua vêtit in lorpus omne m.nare.
torilé spr.slolique , nu divisées ou réunies par elle, et qui
oui re(;M du punute, romain la niissiun |inurle~ f,"'UvfrniT;
d(! sririe i|u'uu lie pourraii, ^aiia l'iiiilcvi rser l'K^lise el le
réHuiic éiriscii|i:)l nu'ine, | orler aUeiule a re «raud el ad-
niir.ible assi-iiibla^îe de fiuissaiir.e conférée par une i Ispo-
siiioii divine a la clinire, de saiie Pierre, alln, cmniur le
du sailli l.éiiu, (pio sainl Pierre régisse vériubleiiient
leule I Kglise ipie Jésus l'iirjsi régit priiicipab-uienl ; car
si J '•siis-C.lirisl a voulu qu'il y eiH (|ueli|ue chose de coni-
iiiuii à l'iern? el aux autres pasleius, loul re qu'il n'a
pas refusé à ceux-ci, il le leur a donné uuiiiiuuieul par
Pierre. »
Après avoir fait obverier que la tui tique de.; eniumis
de la n liLjiou a lnuioiirs été de jeter l;i Uiiisinii parmi les
pasteurs, le saiii! (iMiiiife em liniie : « H n'y a qu'un seul
DIhii, i|U un seul riirist, qu'une S' ule IlïIish, el une seule
chaire fondée sur Pie re par la voie du S"ij<upur, du saint
(A I rien, (|ui reconuail que la clriire de Pierre esil'ICglise
principale, où l'iiiiilé sacerdouile a pris naissance, et où
la perlîdîe ne peut avoir d'accès, o
ment de l'Eglise n'est ni une monarchie pure,
ni une aristocratie, mais un mélango de l'une
et de l'autre; qu'en cela il est plus parfait et
Epist. 10 ad episc. prov. Viênnens., f. i. Ibid,,
col. (135.
< Avant saint Léon, Innocent I écrivait aux évè-
ques d'Afrique : c Vous n'ignorez pas ce; qui est dil
au siégeapostortiiue,d'oii découlent l'épiscopat et toute
son autorité, j Et un peu plus loin : « Quand on agite
des matières qui inléresscut la foi, je pense ipie nos
frères et eoévèques ni' doivent en réferciqu'à Pierre,
c'est-i-dire à railleur de leur nom et de leur digni-
té. » Scientes qnid ap^islolira' sedi, cnin ornes hoc.
loco positi ipsum sequi desid remiis apostotuni, debea-
tur a qno ipse epis:opatus et tuta auctoritas iiomini*
huJHS emersit. Episl. 3!). Innoc. I ad conc. Garlh.,
". I. lui. Epist. Kiim. pontif., éd. I>. Constant, lol.
888 Qiiolies fiJei ratio rent,latur, arbiiror omues fra-
tres et loi'pis' opos noslrns nonnisi ad Petrurn, id est,
siti nonùnis et lionor s unctorem, referre dibere. Epist.
30 ad conc. Milev., c. "2. l'bid., col. 8'Jli. Et dans une
lettre adressée à Victrice de lîuuen : « Je commen-
cerai avec le secours de l'apôtre saint Pierre, par qui
l'apostolat et l'épiscopat ont pris leur commcnce-
ment eu Ji'sus-Clirisl. > Incipiamm iijilnr, adjuvante
Siinito apostoto Petro, ; er qiiem et apot^tolnlits cl epi-
scopaïus in CU:isto ccpit exordium. Epist. 'i S. In-
née, ad Victric. Rot., c. 2. Inter Epist. U. Pont.,
col. IM.
< De siècle en siècle on entend la même voix sor-
tir de toutes les églises. « Le !-eignenr, en disant
pour la tioisième fois : M'uime:,-vous? raiseï mes
brebis, a donné cette charge ;i vous preuiièremenl, et
ensuite par vous a toutes les Eglises réi>andues dans
l'univers. > Domino dicente tertio : Amas me ? pasce
oves nieas; tradiilit prias vo' is mandatum ostendens,
et per vos deinde omnilnn per uni ers m mundum
suti,:tis eccleiiii tondonuvil. i. I\' , conc. co/. 1002.
Ainsi s'exprime Etietiue de Larisse, dans une requête
il Boniface IL
• Comment oserais-je, écrivait à saint Grégoire
Jean, évèipie de Ravenne, comment oserais-je résis-
ter à ce siège ipii transmet ses droits à toute l'E-
glise ? > Quibus ausibns ego sanctissimw illi sedi, qute
universali Ecclesia; jura sua trunsmillit, prœsunipserim
obvinre.' Epist. Joan is Baveii., inler Episl. S. Greg.,
/. III, ip. 57. Oper. S. Greg., lom. Il, co'. Ii(!8.
« Citons encore saint Césaire d'.\rle>, qui éciivait
au pape Symmaque : « Puisque l'épiscopat prend son
origine dans la personne de l'apôtre saint Pierre, il
faut (|ue Voire Sainteté, par ses sages décisions, ap-
prenne clairement aux églises particulières les règles
quelles doivent observer, i Si ut a penoni li. Peiri
apostiili epiicopatiis sumil inil um, ilii nei esie i st ut,
dis iptinis cnmfjetentibus, Samlilas vrstrn sin.ptUs ec-
cleiiis qnid ob.servare debeanl evidcntei osiendat.
Cies. Aiel. exenip. libel. ad Syiu., tom. IV Conc,
col. 1291.
« Jusiiu'au schisme d'Occident, on ne connut point
irautre doctrine en France; mais pour ne pas nous
étendre ;i rinlini, nous ajouterons seulement aux
l)assages qui précèdent les paroles d'un concile de
Reims contre les assassins de Fouhpies, archevêque
de cette ville, i Au nom de Dieu, et par la vertu du
Saint-Esprit, ainsi que par l'autorité divinenieut con-
férée aux évcques par le bicnlienreux Pierre, prince
des apôires, nous les séparons de la sainte Eglise. »
In nomme Domini, et in virtute sancii Spirit s, nec-
non aucloritate episcopis per li. Pelrum principem
apostolorum diviuilus cunlala, ipsos a saiicUe matiii
Ecclesiœ greinio segregamiis. T. IX, Concil., col.
48!.
< C'en est assez : attendons, pour en dire davan-
tage, ipi'ori ose accuser d'erreur ces illustres soutiens
de l'Eglise, et qu'on aille les appeler à partie dans le
ciel DKïnic oii ils jouissent depuis tant de siècles de
155
JUR
JUR
ISO
moins sujet aux inconvénients. Dans une
monarchie même , le pouvoir du souverain
peut être plus ou moins (''tondu; lorsque,
dans l'origine , il a été restreint |iar des lois
fondamentales , par des formes inviolables,
par des pouvoirs intermédiaires et perpé-
tuels , le souverain ne cesse pas pour < ela
d'être monarcpe; il s'ensuit seulement qu'il
la récompense de leur zèle à défendre la vé-
rité caihnlique , et à nous en conserver le dépôt
dans sa pureté priinilive. Jusque-là, prenant droit
des témoignages allégués , niius l'enianïicrons : Si
saint Pierre a reçu seul les clefs pour les commu-
niquer aux autres pasteurs, de (|ui ceux-ci les re-
cevront - ils , s'ils ni' veulent plus les recevoir de
Pierre? Ser;i-ce de l'Eglise universelle? Mais l'E-
glise universelle, en lant qu'on lui atlribue la jiiri-
diclion, qu'rsl-ce autre chose que le corps de-; pas-
teurs? Ce seront doue les pasteurs qui se doniieronl
eux-nièmcs les clefs; et, puisqu'ils les doinieni, ils
les ont donc, et tout enseuilde ils ne les ont pas,
puisque la question est de savoir de qui ils les rece-
vront. Se peut -il imaginer de contradiction plus ma-
nifeste? car remarquez cet euchainf-ment : Pierre
reçoit seul les ciels, non pour en remettre la
pleine et entière di;po>i;icu, mais p lur en commu-
niquer l'usage aux autres pasteurs. Donc les autres
pasteurs sont privés des ciels jusqu'à ce qu'ils les
aient reçues de Pierre. En ailmettant le principe, on
ne peut nier la conséquence; et no'is venous de voir
le priucifte posé par Terlullieii, saint Cyprien, saint
Optât de Milcve, saint Augustin, saint Epbreui, saint
Grégoire de Nj'sse, saint Innoceiit et saint Léon. On
passe outre cependant, et l'on dit : « L'Eglise don-
nfra les clefs aux p:isteurs; mais qui les donnera à
l'Eglise elle-même? Les mêmes Pères lious l'appren-
nent : Jésus- Christ a donné 1rs cl»f.; à Pierre, et par
lui à l'Eglise. » Ou n'avance donc rien en recoinaut
à l'Eglise, si on ne présuppose le consentement de
Pierre. IN importe , oublions pour lu) mouieut la
maxime de TertuUieu : demandons seulernent (|uelle
est cette Eglise doui'e de juridiction, celte Eglise île
qui les piisleur» recevront les clefr.? Il n'y a point à
hésiter, ce sont les pasieuis mêmes. Ainsi l'on sou-
tient en-eniblc ces deux proposiiions : les pasteurs
n'ont point les clef» ; les pasteurs se donneront les
clefs. t);i met h plénitude de la juridiction là où on
a supposé l'abaCiice de toute juridiction; et, pour ne
pas reconuailre les droils du sainl-sicge, on outrage
sans remords ceux du bon sens. Qu'on y prenne
garde cependant, i:n n'arrête pas où l'on veut un faux
principe, i/erreur est comme ces plantes parasites,
qui montent sans cesse jusqu'à ce qu'elles soient ar-
rivées au sommet île l'arbre qu'elles serrent et étouf-
fent dans leurs mortels embrassemcuts. Qui empê-
chera, par exemple, qu'en étendant un peu le système
dont nous venons de piouver l'absurde inconsé-
quence, les prctres ne se croient point permis d'in-
stituer les prêtres et de leur condrer les pouvoirs?
Pourquoi seraient-ils plus étioitemcnl obliges de les
recevoir des évèqiies, que les évoques ne le sont de
les recevoir du pape? La subordination est-elle moins
ordonnée aux uns qu'aux autres? ou es'.-ce peut-être
que l'Ecriture et la tradition, ayant décidé clairement
que les prélrês doivent recevoir de leur chef la mis-
sion, il soit demeuré incertain de qid les évoques la
doivent tenir? Chose étonnante, que Dieu n'ait pas
su établir avec clarté le pi incipe fondamental du gou-
vernement de l'Eglise ! Mais qui oserait prononcer
co ;tre la sagesse divine un tel blasphème? Qui ose-
rait dire que l'ordre de transmission légitime de
l'autorité qui lie et délie , oiui ouvre et ferme les
portes du ciel, ait été laissé douteux, en sorte que
l'Eglise reposant sur le ministère, comme à son tiuir
le ministère repose sur la nnssioo, on ne sache néan-
n'est pas despote. Or, qu'il en soit ainsi du
gouvernement de l'Eglise , c'a été le senti-
ment de toute l'antiquité, confirmé par la
pratique des quatre premiers siècles. Si
cette vérité a été souvent méconnue dans la
suite , c'a été un malheur causé par l'inon-
dation des barbares et par les révolutions
qui ont succédé (1).
moins avec certitude, ni qui la doit recevoir, ni qui
la peut donner? Certes, c'est là aussi une opinion
trop monstrueuse pour qu'elle trouve jamais des dé-
feiiseurs. Il faut donc avouer qu'aucun point de doc-
trine ne doit être plus certain, ni mieux connu que
celui par lequel on peut s'assurer de la légitimité des
premi'M's pasteurs: plus certain, pour que l'existence
de l'Eglise même soit certaine ; mieux connu, afin
que dans tous les te;i ps, et à tous les moments, cha-
que chrétien puisse dire, avec une pleine conliance
et une inébranlable fermeté : Je crois l'Eglise.
Maintenant qu'on nous réponde. Croit - on qu'un
dogme si essentiel ait été ignoré de l'antiquité? Non,
sans doute, car nous ne pouvons nous-mêmes l'ap-
prenlre que d'elle : son symbi»le est notre symbole,
sa foi est la règle de notre foi. Donc il faut, ou sou-
tenir que Tertullien, saint Cyprien, saint Optât de
Mileve, saint Augustin, saint Ephrem, saint Grégoire
de Nysse, saint Innocent, saint Léon, pour ne parler
ici que de ces Pères, ont non-seulement ignoré un
dogme essentiel de la foi catholique universellement
connu de leur temps, mais qu'ils l'ont entièrement
renversé, sans qu'une seule voix ait pris sa défense,
ou convenir ((ue la juridiction a été donnée par Jé-
sus-Clirist à Pierre seul, pour la commui'iquer aux
autres évéques. D'où il s'ensuivra néccs'^aireinent
qu'à moins que Jésus-Christ ne parle derechef pour
établir un nouvel ordre, tout pasteur non institué par
Pierre, eu de son consentement, est sans mission,
sans autorité, un aveugle qui conduit d'autres aveu-
gles, et tombe avec eux dans la même fosse. >
(1) « Le principe de la constitution de l'Eglise (dit
le livre de la '/'iflrfi/îort de l'h'.glise sur lintiitulion
des fw./iies ; Introduction, p. 9 ) se trouve dans cette
prière du Rédempteur à son P. re : Qu'ils soient un,
comme n us snnnies un .' Or, sans un centre, point
d'unité ; sans une subisrdination graduée, point de
ceutr« ; point de subordination sans un chef.
( Un chef unique, souverain, est donc, par la na*
ture même des choses, la base de tout l'édifice. On a
lieu de s'étonner qu'on ait conU-slé cette vérité,
quand on voit Jésus-Christ la déi tarer si expressé-
ment; quand on le voit se hàier, pour ainsi dire,
ti'éta-blir ce chef, et lui confier le soin d'un troupeau
qui n'existait pas encore.
< Pasteur universel, au-dessous de lui sont tous
les pasteurs qu'il dirige, régit, confirme, selon l'or-
dre de son maitre. Envoyés potir baptiser et ensei-
gner, ils ne baptiseront et n'ouseignerout que sous
la dépendance et par l'autorité de celui qui les doit
pailr,' et affermir, qui peut toujours leur demander
compte de la mission qu'il leur a donnée, et qu'il
est libre de restreindre ou d'dtendre, suivant les né-
cessités l'^s convenances de chaque portion de la
société ou de la société entière...
« La primauté de saint Pierre est donc une pri-
mauté non-seulement d'honneur, luaisde JMii iciion.
Cette proposition est de lot, et elle a été définie
comme telle par les conciles œcuméniques. Ecou-
tons celui de Florence : < Le pape est le vrai t icnire
de Jésiis-Clirisl, le liief de toute l'Eglise, le pèrr, le
docteur de tous les chrétiens, et il a reçu de Jesus-
Christ, dans la personne de saint Pierre, le piei\i
fjouuoicde piiUre, réfjir et g<'Utie:uer l'Eglise univer-
selle, ainsi qu'il est mar(|ué dans les actes dcjj con-
ciles œcuméniques et dans les saints canons... »
Toutes les brebis sont soumibes au premier pasteur,
157
jun
jvh
l'ig
?;
2' BellarniHi suppuse ijue saint Pierre
seul a (Hé ordonné ou sacré évoque par Jé-
sus-Christ , au lieu q>.ie les autres apôtres
ont été ordonnés par saint l>ierre , lib. i,
c. 23. Pure imagination, qu'il a soin do ré-
futer lui-niême. Il prouve, iib. iv, c. 24, que
les autres apôtres ont reçu, non de saint
Pierre, mais de Jésus-Christ, leiu' juridiction
sur toute l'^i^îlise. Il serait 'ort singulier
que ce divin Sauveur leur eût donné par
liii-niôuie ]a juridictioyi et non l'ordinatiiu»,
Ju'il eilt iallu autre chose que la volonté de
éstis-Chr.sl et sa parole pour leur donner
en raôrae temps tous les [louvoirs dont ils
étaient revêtus.
, parce qiio Jésus-Clirist n'en a exceplé aucuno, el que
toutes snnl coiiipi'i'^cs dans cos mots : l'a^ce vves
mens. « C'est :•■ Pierre, lUl Bossiict, qu'il est ordonné
preiiiii remenl d'ainier plus que tous les autr«s apô-
tres ( Jon" ,<'. xxi, v. 15, 16, 17), et ensuite <le
pailrect gouverner tout, et Icsagiieaux elles brebis,
el les petits et les mères, et les pasteurs m Joies :
pasteurs ;i l'cganl des peuples, el brebis à l'éganl (le
Pierre. > Sou troiqieau, ce sont tous les elirélicns,
ministres et siiii|iles (id'les ; le luonile est son dio-
cèse, et rien dans l'Eglise ne se dérobe à sa puis-
sance el à son anioiir. >
Ecoulon . le» docteurs fran(;ais, qu'on n'accusera
pas d'exagérer les droits des jiapes.
« L'Eglise niuiaine, dit Pierre d'Ailly, re; réserle
l'EiiUse I nieereîli', ce qui n'appartient à aucune au-
tre Eglise pailieiilière, niais seulement au concile
général... L'Eglise romaine p ishle Siide lu iilé'iiliide
«Il poiivi'ir dont elle couinuiuique une portion aux
auties Eglises. De là vient quelle peut les juger
toutes, el (|ue toutes doivent garder la discipline
qu'elle leur prescrit : el celui-là est hérétique qui
viole ses privilèges. >
De l'aveu de Gerson, < la plénitude l'e la puissance
«cclésiasti(iue rési '* rorinelleuient et subjectivement
dans le seul puniilé romain, ci elle n'i'si autre chose
que le |niu\oir d'ordre et de juridiction (pii a clé
Ociimé bUiiiatureUemeiil p^r Jcsiis-Clirist à Pierre,
comme a son vicaire et au souiernm iiuiun (fuc, pour
lui «t ses successeurs légitimes jus([u';. la liii .les siè-
cles. > Gerson déclare Injretiqiie el schisniaiique,
quicon(iue nierait que le pape a été insliiuc surnatu-
rcllemeiit et immèiliateiiienl, et qu'il possède une
autorité ir.oiiarJiirjUt: el ruyalii ila;is la liicr.ireliie ec-
clèsiastiipie. > Après avoir signalé les < liaiigenicnls
auxipiels les gouvernements civils sont exposes, i il
n'en est pas aiiibi, dit Gerson, de 1 Eglise (^ui a été
l'ondée parJèsiis-Ciirist sur tcitcitl niviuiniue suprciue.
G'esl la seule police immuablciaenl luoiiarciiique cl
en quelque sorte luyaie que Jésus-Christ ait éla-
blie. ;
« Le pape, dit Almain, seul possède une autorité
primitive qui lui soumet tous les autres, sans qu'il
soit soumis à aucun. La puissance universelle de
faire des canons obligatoires par tout rmiivers a été
donnée » un seul, savoir a Pierre el a ses succes-
seurs, el elle n'a ete donnée à nul autre. Un seul esi
investi de la puissance suprême, el 1 Eglise n'est une
que par lunilé du cbel. Elle forme un corps mysti-
(jee d(uu le pape est le cliel. Le pouvoir du pape,
dans les elioses spirilue les, est un pouvoir souveiaiii,
el ce genre de gouveinement ne peut .ire change, i
Les ambassadeurs de Charles VU disaient a Lu-
gène IV : < Nous ne niettons point en tioule voue
prii.cipaulé , Irèô-saint pne , mais nous disons :
S();,M noue p-nce ( /s., c. Jli, v. G). Mous savons et
nous confessons haiitemeni que la pii)in;i«ij(e ;ho-
ni.rchique a été établie de Dieu ( dans l'Eglise), non-
seulcmeni selon la commuiie Providence du monde,
Diais aussi par l'institutiou lunicuUére dejuiiu»-
Saint Paul , Galat. c. 1 , déclare qu'il est
apôtre , non par le choix et la mission d'au-
cun iionime. mais par l'or Ire de Jésus-Christ
et de Dieu son Père; (|ii'ai)rèsav lir reçu do
Dieu sa vo(;atioii, il n'est point allé trouver
les ap(*tires, mais (|u'il est allé on Arahie. et
n'a Ml saiil Pierre qu'au hotit de trois ans.
11 n'a donc pas cru avoir besoin de recevoir
de cet ap(Mre l'ordin.ition , non plus «[ue la
mission pour jirftcher, et \n juridiction. l!cl-
laiiTiin Cite encore i'eieinpie de saint Ma-
t.'das, qui est élu, non par les apôtres, mais
par le sort et par le choix de Dieu , et qui
est agrégé au corps apostr,l'.i;u(! satts autto
formalité [Act. i, 2Cj (1 .
Christ, et que vous la possédez par une vraie et U'v
gitinie succession. »
Enfin, la l'acuité de théologie de Paris, en censu-
rant le livre de Marc-Antoins de Domin'.s, a con-
aamné celle doctrine connue l.éréiiqne et ichisntuli-
qtie. I Moiiarchia; forma non fuit immédiate in Ee-
clesia a Christoins;iluta.//(B profwiiiio est hr,reticn,
setii.'-mnlica, ordiiiit iieriiTc:iici nulnersiiiu, el piuit
lùclfs le iciiurb. liea.Collect. judicioruiu,elc.ï'om. L
pur!. 11, ;). 105. )
< Hiictrina in arliculis Jnannis îîus contenta, ni-
niiruin .n Certain nuti dici unnm apttl siitiremiim et
moiiarcham practer Christuiu, su.im Ecciesiam pcr
nniltos miiiislros, sine tiiio hlo moniivchu iiicrt :li ve-
gerc pert'eetc et gubernare, «st doeirina christiana a
sanctis Patnbus cgr.-gifi c\pliraiï el eonlirmata.
Uirc propoxil 0 est lia'retica qiiond tinqulus parlct.
Ibid., pag. KM), i
(1) La TradU'nn de l'Eglise sur l'inslUt. lion des évf-
qu s apprécie dilTèrcmmenl le l'ait propose.
< Dans ces premiers iiio ■ ents, où rien ne parais-
sait encore réglé dans le gouvernement de l'Eglise,
où le prince des apôtres ne s'éiait point encore, pour
ainsi dire, placé à leur tète, il semble qu'im devait
s'attendre a les voir concourir également à l'élection
de Malhias. Cependant Dieu ne permit pas «péil en
fut ainsi. Il voulut que le caraetéie et l'autorité du
clief lussent elaireincnt maniués dans le premier acte
sole miel de juridiction ecelésiasliiiue qu'offrent les
fastes du christianisme. En présence de l'Eglise as-
semblée, Hierre, rempli de celle grande iiiee cpie
Jésus-Christ lui avait donnée de lii!-miine, prend
possession de la principauté qu'il doit transmettre à
ses siiccessei;rs. C'e,-.t lui (juiprepose d'élire a la place
de Judas un nouvel apôtre, (Jui ient IWssemhlée où il
doit être elii, qui désigne ceux eiilre lesquels on le
peut choisir ; et saint Cliiysosloiiie assure qu'il avait
le plein pouvoir de le nommer seul, liiebal ei ijuxdem
uur.iiiw. < Pourquoi, se demande le sainl docteur,
Pierre eominuni(pie-t-il .m x disciples son dessein?
Pour prévenir les contentions et les rivalités ; c'est
ce qu'il évite toujours, el ce ipii lui a fait dire d'a-
bord : Ml) 'irères, il faut eliie un d'enirc nom. 11 re-
met le jugement à la luultitude, alin de lui rendre
véneralile celui qu'elle clioisirail, cl pour ne pas ex-
citer sa jalousie... Quoi (hinc? Pierre ne pouvait-il
pas l'élire bii-niviue 'i 11 le pouvait, sans doule ; mais
il s'en abstient, de peur de favoriser queUiu'iin. » Et
encore : i C'est lui qui a dans celte alfaiie la prin-
cipale aulorilé, comme celui sous la main de qui
tous les autres ont été placés 1 car c'est à Pierre que
le Christ a dit: ijuai.d lu teras conveiV, .//fi mis
tes frèie» ( Humil. 5, in .\et. Apost. ). >
1 Ces paroles de saint Clirysoslonie ne semblent
pas susceptibles de recevoir' plusieurs inierprél.a-
tions. Cependant M. Bossuet, répondant ii un anleur
anoiiv me, dans la Défense de lu d, cliiralion du 1 1, rqé,
le blâme < de s'être mis en t^te que saint Clirysos-
lome ait cru que saiiil Pierre était en droit de itéter-
luiuer Mal c«iie ^aii«, mbs taéae (jonsotter tes
159
lUR
JL'R
ICO
Vainement Bellarmin semble distinguer la
juridiction d'avec la mission , et répisco)iat
d'avec l'apostolat; de son propre aveu, les
apôtres ont reçu de Dieu l'un et l'autre.
Pour les leur donner, a-t-il fallu autre chose
que ces paroles de Jésus-Christ : Prêchez
l Evangile à toute créature (Marc, xv, 16). Je
vous envoie comme mon Père m'a envoyé....
Recevez le Saint-Esprit ; les péchés seront re-
mis à ceux auxquels vous les remettrez , etc.
(Jonn., XX, 21'. On ne le prouvera jamais.
3° Plus vainement encore ce théologien
prétend que i.i juridiction universelle, don-
née par Jésus-Cliristaus apôtres, était exlra-
ordiniire, déléguée, et ne devait pas passer
à leurs successeurs , au lieu que celle dont
il avait revêtu saint Pierre était ordinaire,
perpétuelle, et devait être transmise h tous
les souverains pontifes, lib. i, c. 9; lib. iv,
c. 25. Il s'ensuit seulement que la juridic-
tion des autres apôtres ne devait pas se
transmettre k leurs successeurs dans la même
étendue qu'ils l'avaient eux-mêmes reçue;
mais il ne s'ensuit pas qu'ils ne devaient et
ne pouvaient en transmettre aucun degré.
C'est une absurdité de supposer ciuc quand
un apôtre établissait un évêque dans une
autres apôlres, ce qui, cerLiinement, dit-il, est très-
éloigné de la pensée du saint docteur, et tout .t fait
coniraire aux maximes qu'on suivait alors. Saint
Chrysosionie veut simplement dire par ces paroles
que saint Piene qui, comme ciief de l'assejiiblée,
venait d'ouvrir l'avis touchant l'élection, était en
droit de designer et d'élire un des disciples, parce
que sans doute son choix aurait été ralilié par les
autres apôtres ; or, dans ce sens, saint Pierre aurait
été, non le se\i! élecleur, mais le premier d'entre les
électeurs. > Ainsi M. liossuet convient que Pierre
était en droit de désigner et d'élire un des disciples :
cela est trop clair dans saint Chrysoslouie pour qu'on
le puisse nier. Ce qu'ajoute M. Bossuct, < |iaice que
sans dôme son choix aurait él(; ratitié par les autres
apôtres, 1 est une pure glose dont on ne iroiive pas
un mol dans le saint docteur, et qui répugne égale-
ment à l'esprit et a la lettre de son textt. Si saint
Pierre Mbaiidonne l'élection :i l'assemblée, c'est de sa
part une concession : i! iouffre, il pennel, dit saint
Clirysoslome, c'est un droit qui lui apparlenait e.i.i-
nennnenl, et dont il consent à ne point user, de peur
qu'on ne le soupçonnât de favoriser quelqu'un. En
même temps qu'il se montre le premier en autorité,
il veut èlre aussi le premier a mettre en pratique
cette belle maxime de coiulescendaiice et de charité :
jVe duminei point sur l'Ii^rHiuje du Seigneur, iiiait
rendei'Vuuii le modiU' de sou Iruiipeau par une verla
qui nuisse ilti cœur. Que voit-on en tout cela qui in-
dique (|ue l'appiobalion des apôtres était nécessaire?
Il n'est rien qu'on ne puisse faire dire a un auteur,
lorsqu'on croira posséder le privilège de lire dans
son esprit, et d'y découvrir, sans autre secours (|ue
cette espèce d'intuition miraculeuse, ses sentiments
les plus cachés. Encore ne faudrait-il pas mettre les
secrètes idées de cet »uteur en contradiction avec ses
aveux formels. Oi-, saint Chrysostome déclare que
saint Piene pourrait élire seul Mathias ; comment
aurait-il pensé qu'il ne le pouvait faire sans le con-
cours des autres apôtres ? Qu'y a-t-il de plus opposé
que ces deux propositions? et peut-on de bonne foi
prétendre que l'une ne soit que l'explication et le
développement de l'autre? Il pouvait, c'est-à-dire
qu'il ne pouvait pas : conunentaire fort singulier as-
lurcnient, et aussi peu digne de Bossuet (pie de saint
Chrysostome. Ce n'était pas ainsi que l'éveque da
contrée, et qu'il lui donnait, par l'ordination,
les ]>ouvoi(S d'ordre et la mission, il ne lui
donnait pas aussi \a juridiction sur son trou-
peau. Voyons-nous les évêques établis par
saint Paul et par saint Jean, longtemps après
la mort de saint Pierre, (iemander la/(«'i(//c-
tion aux successeurs de ce prince des apô-
tres ?
k" Par une suite de la même hypothèse,
Bellarmin imagine que les évêques rie sont pas
les successeurs des apôtres, dans Iff même. '^ens
que le pape est le successeur de saint Pierre,
])arce qu'ils n'héritent point de \i\ juridiction
des apôtres sur toute ITLgise , au lieu que
les papes la reçoivent avec la même étendue :
que saint Pierre. Mais les bornes, mises par ]
les apôtres mêmes à la juridiction ordinaire
des évêques, ne la rendaient pas nulle. Jésus-
Christ l'avait donnée à ses api'itres telle qu'il
hi leur fallait pour établir l'Evangile; il n'y
avait point mis de bornes , non plus qu'à
leur mission , jiiisqu'il les avait envoyés
prêcher à toutes les nations. Pour la suite, il
n'était pas nécessaire que chaque évoque
ei'it une j(tr/d/fii'on illimitée : il sufiisait qu'il
> e'Jt dans l'Eglise -un chef qui la conservât
sur tout le troupeau. De ce que saint Paul
Meaus expliquait la tradition, et se montrait l'égal
des Pcres en les interprétant dans son imnmrtelle
Hisloiie dfs Vnriiiious, et dans ses Averlissemenls
aur préteni.ns ir/'on)(«s. Pour défendre ce qu'il avance
tinicliant l'éleclion de Mathias, ii se fonde sur Ut
niii.riuies qiCon suivait alors. Mais n'est-ce pas appor-
ter eu preuve la question même ? Car ce sont juste-
ment ces maximes qu'il s'agit de coimaître et d'é-
clairer. Dans tous les cas, on ne délniit pas un texte
précis par de vagues allégations. Et, pour en venir
au fond, ces maximes, quelles qu'elles fussent, saint
Chrysostome ne les entendait certainement pas de la
même manière que l'auteur de la Déjerne, p lisque si
o;i avait demandé à celui-ci : Pierre ne pouvait-il
pas élire lui-même le successeur de .ludas, an Pe-
truin ipsuin elirii're non licebal ? il n'eut pas sans
doute hésité à répondre : Non licebal ; i saint Pierre
pouvait donner son avis le premier, mais il n'avait
que sa voix : » tandis que saint (dirysostome, au
contraire, accorde a Pi«rre ce droit sans restriclion,
sans modilication, i'cebut, el quidem maxime ; et la
raison qu'il en l'eiid est remarquable : c'est que tous
lui étaient sounns, ou, selon la f.)rce de l'original,
éiaieni sous sa luain, comme des instruments dont on
dispose avec une pleine puissance et une entière li-
berté, en vertu de ces paroles de Jésus-Christ :
Conjiruie te< [rères.
I Saint Chrysostome n'est pas le seul qui ait re-
connu cette prérogative du prince des apôlres. L'an-
cien auteur du panégyrique de saint Pierre et de
saint Paul, attribué par quelques savants à saint
Grégoire de Nysse, exaile eu termes magnifiques le
privilège que saint Pierre possédait seul de créer de
nouveaux apôtres : t Cet honneur n'appartenait, dit-
il, qu'a celui que JésusClirisl avait établi chef et
prince à sa place, pour gouverner, comme sou vi-
caire, les autres disciples. »
I C'était au u' siècle une tradition de l'Eglise ro-
maine, que saint Pierre avait imposé les mains à
saint Paul. Il est sûr du moins que saint Paul et saint
Barnabe reçurent l'Esprit-Saint pour l'œuvre à la-
quelle ils étaient destinés par le ministère de l'Egli-
se d'Antioclie, qui, fondée par saint Pierre, était re-
vêtue de cette autorité supérieure qu'y laissa le saint
apôtre, lorsqu'il se rendit h Rome |)our y établir,
avec son siège, sa primauté sur toute l'Eglise. »
161
JUR
JUR
162
n'a pas donn(jàïimothée et h Tite une juri-
diction aussi (^tonilue que la sienne, il ne
s'ensuit pis qu'il ne leur en ait donné au-
cune, ou qu'ils aient été obligés de l'em-
prunter ailleurs, il y aurait du ridicule à
soutenir que l'évècjue d'Ei)lièse n'était ])as le
successeur de saint Jean, parce qu'il n'avait
pas le même degré de juridiction que saint
Jean. Savons-nous, d'ailleurs, si les disciples
(lu Sauveur, ou ceux des apôtres, qui sont
allés prêcher au loin, avaient micjuricliclion
limitée h un territoire particulier.
Les apôtres mêmes, quoiqu ■ revêtus d'une
juriclirtiun générale, se sont souvent abste-
nus d'en faire usage. Saint Paul déclare qu'il
n'a prêché l'Evangile que dans des lieuv où
Jésus-Christ n'avait pas encore été annoncé,
afin de ne pas bâtir sur le fondement d'au-
trui {liom., xv , 20). 11 élait convenu avec
saint Pierre de prêchei' l'Evangile, piim^ipa-
lement aux gentils, pendant que saint Pierre
et ses collègues instruisaient les Juifs par
préférence {Galat., ii, 9); mais, avant cet
arrangement, il avait déjà quatorze ans d'a-
postolat (1).
(I) La Tntililion sur rinxtilutiun des êvi'qucs (t. I",
p. (j'j) ex|irn|Uft ainsi la mission de saint l'aiil et des
autres apolres:
I Qiieii(iics-iiiis lie <eux qui ont traité du gouver-
nement de l'Eylisc n'ont pas assez lait alleution aux
difl'tTences nécessaires qui ont dû exister dans le ré-
gime d'une société qui se loiniait, et de la même so-
ciété déj 1 formel". Eu voyant exercer aux apôtres de
si grands pouvoirs, ils ont presque méconnu le pou-
voir encore pins grand du clii't'. Leurs yeux, éblouis
par l'éclat que ropandaient au loin les Eglises nais-
santes à la l'ois dans toutes les parties de l'univers,
n'ont pas su discerner les privilèges spéciaux qui, à
cette époque comme à toute» les autres, distinguaient
la cliaire principale. Telle est certainement la source
de l'erreur des protestants, (pii ne voient dans l'E-
glise primitive qn'iui assemblage l'orlnit de parties
incohérentes, sur lesquelles les honnues et le temps
ont tiavaillé de conceri, pour les lier les unes aux
antres, et leur domiei' une l'orme régulière. SanU
Cyprien est le premier, à les en croire, ipii ait eoucu
la grande idée de l'unité ; et eux qui font gloiie de
fonder leur foi uniquement sur l'Ecriture, oublient
que Jéses-ChrisI même avaitdit, (lu'ilsboientuncomiite
nous sonwiis un
I Jésus l'.luist a été destine étcruellenieut pour
être le chef de l'Eglise. Toute autorité découle de
la sienne, et n'en est ipi'uue participation ; il est la
source unique et perpeiuellemenl féconde du pouvoir
spirituel. Je vous enroie, dit-il aux apôtres, ro/Hme
mon Père m'a cnvo'ié , sublime mission, qui part de
Dieu pour arriver an ileriiier ministre ! .Mais, pour
la recevoir, il faut qu'elle soit donnée; il faut que Jé-
sus-Christ, qui la reiderme en soi tout eiuière, pro-
nonce ces nuits : je vous envoie; car aul rement com-
ment saurait-on si l'on est envoyé ? Apres que Jésus-
Cljrist eut quille la terre, le cours de la mission se
serait donc arrêté, s'il ne s'était pas substitué un
honmie dont il taisait son organe. Cet huiume, ce
fut Pierre, qu'il chargea de le représenter p»r lui-
même et par ses successeurs jnsipi'a la lin des siè-
cles : l'iisie ovcs :i:eiis. Voilà l'ordre qui doit durer
toujours ; il est établi dès le premier momsnt : aussi
ne changera-t-il jamais peiulaut que l'Eglise subsis-
tera. Mais celle Eglise, il fallait la ionder ou plutôt
retendre, puisqu'elle devait remplir le monde entier.
La sagesse divine, avant de remonter au ciel, avait
pourvu a la prompte diffusion de l'Evangile, par des
moyens prepoftioiinés dans leur durée à l'effet qu'ils
5" Par la même nécessité de système, Bel-
larmin prétend que c'est saint' Pierre qui a
fondé les trois Eglises patriarcales d'Alexan-
drie, d'Antioche et de Home; que c'est par
les évoques de ces trois grands sièges qu'il
a commuiiiqué \a juridiction à tous les au-
tres évêques du luonde. C'est domma.;e que
l'antiquité n'ait eu aucune connaissance de
ce fait iiiiportant. Oulre qu'il est fort dou-
teux si saint Pierre a eu aucune part à la
fondation de l'Eglise d'Alexandrie, si saint
Marc en a été fait évêqiie avant ou après la
mort de saint Pierre, les jiatriaiches de Jé-
rusaletu n'auraient certainement pas avoué
qu'ils tenaient leiu\/((r/(/(c;/oM do ceux d'An-
tioche et d'Alexandrie.
Selon une tradition assez constante, saint
André et saint Philippe ont prêché l'Evan-
gile dans le nord de l'Asie et de l'Europe;
d'autres apôtres dans la Perse et dans les
Indes : croirons-nous que les évôqurs qu'ils
y ont établis ont eu recours aux fialriarchcs
d'Antioche ou d'Alexandrie pour recevoir la
juridiction ép\scopa\e, et ne se sont pas ci us
autorisés à gouverner leur troujieau en vertu
devaient proiluire. L'ordre du ministère réglé pour
tons les leiiqis n'est pas semblahle en tout à celui
(pii devait lavoi-iser l'établissement de l'Eglise. Une
autorité extraordinaire est donnée aux apoties pour
que l'ojuvre de Dieu s'accomplisse avec une rapidité
non moins extiaordinaire. Quoique inférieurs à
Pierre, qui lient au milieu d'eux la place de Jèsus-
Cbrist, ils ont rei^u comme lui la plénitude de la
puissance apostolique ; mais ils ne la transmettront
point à leurs successeurs ; elle n'est pour eux qu'une
comuiission personnelle et temporaire. Us seront
comme des conipiéranis qui , ne devant point avoir
de postérité, laissent toutes leurs conquêtes à un mo-
narque plus heureux , dont la race ne s'éteindra
point. Avec eux cessera l'apostolat , ainsi que les
dons qui y sont attachés. La dignité épiscopale, sé-
parée de ces dons, est la seule qui doive subsister,
parce que c'est la seule ijui entre dans l'économie du
gouvernement stable oii tout se rapporte à un centre
commun, et vient y puiser sa force. < Il laut , dit
Bossuel, que la commission extraordinaire de Paul
expire avec lui a Kome, et que réunie à jamais, pour
ainsi parler, ri la chaire suprême de saint Pierre, a
laquelle elle était subordonnée, elle élève l'Eglise
romaine au comble de l'autorité et de la gloire. >
< Ce tpii est vrai de saint Paul «st également vrai
des autres apôtres. C'est une maxime reçue par tous
les théologiens, que les évèipies succèdent aux apô-
tres dans l'èpiscopat et non dans l'apostolat, c 11 ..^
servirait de rien de répondre , observe le cardinal
Gcrdil, que cette distinction ne se trouve que dans
les écrivains modernes. Cela peut être vrai tout au
plus pour le son des mots, mais la chose est aussi
ancienne que l'Eglise. Qui jamais s'est imaginé que
les sept éveques d'Asie fussent égaux à saint Jean
d:ms la puissance de gouvernement '? ou que Denis
l'Aréopagile et les autres éveques nommés dans les
Epitres de saint Paul, et préposés par lui à diverses
Eglises particulières, possédasoent la même autorité
que cet apôtre'? Pour conliriner ces preuves, j'ajou-
terai, poursuit Gerdil, un argument qui parait dune
grande forcv; , et même décisif. Qu'on rèllechisse
qu'excepte saint Pierre, saint Jacques, frère du Sei-
gneur, est le seul d'entre les apolres ipii ail été tout
ensemble apôtre et eveque d'une Eglise particulière :
or, quoiqu'on puisse très-bien dire que les éveques
qui occupèrent après lui ce siège particulier lui suc-
cédèrent dans l'èpiscopat , on ne peut pas dire éga-
lement qu'ils lui aient succédé dans l'autorité propr
165
JUR
JUR
164
de l'ordination et de la mission qu'ils araient,
roçiios des apôtres? Si cette discipline avait
eu lieu, il serait fort étran^^e qu'il n'en fût
resté aucun ves ige dans les monuments des
troij premiers siècles.
' Lorsqu'on objecte à Bellarmin les paro-
les que saint Paul adresse aux anciens do
l'Eglise d'Ephèse : « Veillez sur vous et sur
tout le troupeau dont le Saint-Esprit vous a
établis évèques pour gouvirner l'Eglise de
Dieu [Act., c. xx, v. 2i), il dit que ces évo-
ques ont reçu le pouvoir rie gouveiner, non
pas immédiatement du Saint-Esprit, mais
de l'apostolat , p\ii»(|ue non-seulement il ne leur
iraiismil point la plénitude de l'autorité apostolique,
en vertu de laquelle auciui apotie ne pouvait être
assujetti aux autres, excepté au chef, mais encore
que ces éveques furent réelleinent subordonm^s au
siège patriarcal irAiilioche, et même à la métropole
de Césarée , subordinatiou à laquelle évidcnmient
saint Jacques n'aurait pu ctre astreint, non plus qne
ceuî qui, en lui succédant sur le siège particulier de
Jérusalem, auraient en mené temps hérité de toule
l'étendue du pouvoir apostolicjue. A pUis forte rai-
ron faut-il dire que les évéq\ie3 {|ui no succèdent
point aux apôtres dans un siège particulier que ceux-
ci lient occupé, ruais qui furent origiuairemcnt éta-
blii par cui pour régir des portions particulières du
troupeau, doivent cerlainementtlre regardés comme
les successeurs des apôtres dans l'épiscopat , titre
qui sudil pour constituer une dignité sublime, mais
non dans la plénitude de laulonlé qui était |>ropre
à l'aposlolai, et de laquelle seule peut dériver ceUe
prééminence iudv^pendanie de lordinaiiou qui élève
certains sièges au-dessus des autres. >
iLe Père Alexandre, si aiteniif à ne rien exagérer
lorsqu'il s'agit des prérogatives des pontifes romains,
n'enseigne point une autre doctrine, c La suprême
puissance dans l'Eglise, dit-il, a été accordée non-
seulement à Pierre, mais encore aux autres apôtres,
pour en user comme d'un pouvoir extraordinaire, et
qui devait expirer avec eux. Us pouvaient do:;i; dire
tous comme saint Paul, le .'.oi-i de /oiw.-s /.s é , iscs
es! mon oecnpiiliun de ciniqne jour ; mais cette auto-
rité souveraine a été donnée u Pierre comme au pas-
leur ordiiiaire, destiné à avoir une suite nou inter-
rompue de successeurs , lorsqu'enlin la puissance
apo.itoUque se sérail concenuée en un seul. De là
vient que , par antonomase , le siège de Pierre est
appelé apostolique par suint Jérôiue, par saint Au-
gustin, par les Pores du concile de Ciialcédoine, et
par les evèfjues des Gaules, dans Uur letre à saint
Léon. » ( Umert. i, ad sœc. i.) Le Père Alexandre
remarque ensuite que ces maximes ont leur fonde-
ment dans l'Ecrilurc même : < Car, pour ce qui est
de la puissance apostolique, Jt'sus-Christ dit aux apô-
tres : A le: dans lo:ii l'univers, prèc/i ; t\ va ijiie à
toute créature, a'dn de montrer qu'ils pouvaient éten-
dre leur soUicilude par toule la terre. Mais on voit
encore clairement par l'Ecriluve (;ue certaines por-
tions de territoires, certains troupeaux particuliers
étaient confiés par les apôtres aux év -ques (lu'ils or-
donnaient. Veil e'^, dit saint Paul, à lo.l -e troupe<M
iitr le juel ri.tprit-Suint vous a é a 'ti. év^q us po^^r
govverner CEgti^e de Oieu ii^'il u a:iiuhe a; prix de
lei sa ig. La suite prouve que saint PaLd parle d'un
troupeau particulier. Je tais ipùipr^'t mo'i dépaii il
entrera parmi vo s de^ toupi raiii:s.in's qui n'epuuine-
rnni pat te troupeau, Et saint Pierre : l'assei, dit-il,
le troupeau de Uieu dunl vous êtes i liar,;és. C'est pour-
quoi les Pères n'ont point pensé que les évoques
eussent reçu, comme les apôlras, une puissance uni-
verselle dans l'Eglise ; mais ils ont limité le pouvoir
qu'ils tenaient des apôtres à certains sièges particu-
liers. > ilHd.)
médiatement par le canal de saint Pierre : il
ne fait \)a$ attention que ces évêques avaient
été ordoiin''S par saint Paul, et que cet apô-
tre n'a jamais cru avoir besoin de la com-
mission d'aucun homme pour exercer les
fonctions de l'apostolat. Ce n'est pas ainsi
non plus que l'entendaient les évéques du
grami concile d'Afrique, tenu sous saint Cy-
prion, qui disaient : « Jésus-Christ seul a le
pouvoir de nous préposer au gouvernement
de son Eglise, et de juger de nos actions. »
On sait qu'ils en voulaient par là au pape
saint Etienne (1).
« Des nombreuses autorités qu'allègue le Père
Alexandre à l'appui de ce sentiment des Pères, nous
ne citerons que le quinzième canon du concile de
Nicés, ((ui défend aux évêques de passer d'une ville
dans une autre, i Comment le concile de Nicée, con-
tinue !• Père Alexandre , aurait-il pu attacher un
évéque a un seul lieu, si, de droit divin et sans ex-
ception ni limitaiion, l'autorité de cet évéque s'éten-
dait à toutes les églises? Le pouvoir des évéques n'a
donc pas une telle étendue : on ne peut donc pas
dire qu'ils aient succédé à la plénitude de la puis-
sance apostolique. »
< Messieurs de Marca, Hallier , le Père Pétau , et
tous les théologiens catholiques , établissent les
mêmes principes ; et la vérité en est si constante,
selon la remarque de Zallinger, quelle a été recon-
nue même par des protestants, entre autres par Mos-
heim. Si .Vnloine de Dominis cherche à répandre des
opinions contraires , il est aussilôt censuré, et les
facultés de théologie de Paris el de Cidogne n'hési-
tent point à déclarer sa doctrine hérétique.
« On convient universellement que la puissance
extraordinaire des apôtres renfermait le droit de
fimder des Eglises et d'instituer des évéques. « Or,
dit le savant cardinal Gerdil, t. XU, si cette pijit-
sance devait finir avec eux, si elle était ordinaire
dans saint Pierre seul , il s'ensuit nécessairement
qu'aux seuls successeurs de saint Pierre appariient
cette suprême autorité, qui consiste à pouvoir exer-
cer par tout le mou le le ministère apostolique, nou-
seulement en annonçant 1 Evangile, en administrant
les sacrements, maisencoreen instituant les Eglises,
en créant des évéques, et en étendant partout leur
paternelle sol.icitule. >
(1) La Trudii on de l'Eglise sur l'institution dt
éiitfues va r>iuler Bergier :
c L'Eglise de Roioe attribue sa grandeur et ses
. prérogatives à la puissante primauté de saint Pierre
qui l'ayant établie par sa previicaiion, l'alfermit par
ses miracles, et légua par son martyre lous ses droits
à ses successeurs, telle d Alexan irie fait dériver ses
privilèges du même apôire , qui la fonda et la gou-
verna par son disciple saint Marc. Enlin l'E-
glise w'Antioche , comme l'atteste saini. Chrysos-
ton.e, rapporte aussi le rang dont elle jouit a saint
Pierre, qui en fut le pre.nier évéque. C'est ain>i que
tout ce (l'ii, dans l'Eglise, otïre un caractère de pné-
minence el de force, vient se rattacher de soi-même
à la piene fundaïueniale.
I Chose remar(piable : quoique les apôtres eussent
établi un grand nauibre déveques, et que les anciens
aient queUpiefois donné a ces sièges primitifs le noiti
d'apostoliques, cependant ce glorieux liirc a toujours
désigné particulièrement ceux qui recomiaissent
saint Pierre pour fondateur. «C'est, dit Thomas-
sin, ce qui a fait couler sur eux ou la plénitude
ou une participalion singulière de celle primauté
dont Jésus-Christ axait honoré saint Pierre, la vigi-
lance amoureuse du divin iôndateur de l'Eglise ayant
ainsi disposé le cours de la prédication de l'Evangile,
alin que toute la suite di'S siècles reconn.il \i.jiir nui-
(pie chef celui qu'il avait lui-iuèiue iionoré de celte
465 JVR
6* Un nouveau trait de prévention de la
p«rt de ce savant tlidologien est de préten-
dre qu'un évoque n'a pas le pouvoir d'en-
auguste qualité lor^nii'il formait son Eglise, et que
daus les premiers cdmiiienceiueiUs il travail limage
et les régies de tous les siècles à venir. lUicipL,
liv, I, c. 7. )
« Pour détruire un fait si constant, inutilement
objccterait-on avec M. Dnpin, que < si on rapportait
à cette cause la dignité des pairimohes, les sièges pa-
Iriarcam eussent dit èlie beaucoup plus norubreui,
puisque saint Pierre a fondé et gouverné d innom-
brables Eglises.» Cette objection serait sans réplique,
si on soutenailqu'uiie Eglise est patriarcale, par cela
seul que saint Pierre ou ses disciples l'ont fondée;
caralors il est clair que toutes les Eglises d'Occiilenl
et les principales Eglises iTOrient devraient porter ce
titre, et qu'il y aurait ainsi prescjue autant de pa-
triarcats que d'évécliés. Mais aussi n'est-ce pss là ce
qn'oii prétend; et .M. Dupin ne I ignor;;il pas. 11 a
créé une absurdité pour se donner le facile plaisir de
la détruire, et peut-être daus l'espoir de fïire prendre
le change au lecteur. Ce (p.i'ou soutient d'après la
tradition, c'est que Rome, Alexandrie et Aniioclie, ne
possédèrent une si liante aulurilé, que parce que
saint Pierre voidut y établir d'une manière spéciale
la prééminence de son mine, comme parle Thomas-
sin. Un auteur, qui sans doute n'était pas nmins in-
struit que .M. Diipin des origines ecclésiastiques, saint
Léon, un pape si docte, et dont l'autorité a toujours
été si grande dans l'Église, le dit formellement : < Que
le siège d'Alexandrie ne perde rien de la dignité qu'il
doit .1 saint Marc, disciple de saint Pierre; et que l'E-
glise d'AniiocIie, où na(iuit le nom de chrétien par
la prédication du nn me apôtre, demeure dans l'ordre
fixé par les règlements de nos pères, et que, placée
au troisième rang, elle ne deseende jamais au-des-
£,ous. » On trouve à la fois dans ces paroles, et un
témoignage qui atteste que les privilèges d'Alexan-
drie et d'Anlioehe découlent du prince des apôtres,
et un acte d'autorité par lecpiel saint Léon, héritier
de la puissance de Pierre, conlirme ces privilèges.
Epiti. 104.
• Richer avoue que saint Léon, dans le passage
qu'on vient de lire, attrilme à saint Pierre l'établis-
sement des sièges patriarcaux, i Mais, ajou;e-t-il,
qu'y a-t-il là d'élonnani? puisque ce pape, flaiié de
l'éclat de sa chaire, ?e plaît à étaler ici, comme en
beaucoup d'autres endroits, les franges de sa robe
pontificale. >
« Quel tangage et quelle réponse ! Sur qnoi fonde-
ra-t-on la tradition, si on rejeite le lémoignage d'uu
pontife aussi ilocle que saint, uniquement parce qu'il
était pape? Y a-l-il un seul < crivain (jui ne puisse of-
frir ;\ la mauvaise foi de sendilables motifs d'exclu-
sion? Il n'en faudra croire, par exenqde, ni les Pères
grecs, ni les Pères latins, sur ce qui intéresse spé-
cialenienl et leur siècle et leurs Eglises, parce qu ils
étaient tous attachés ou à tels honimes, on à telles
opinion», ou à telle discipline; et les rivalit s qui
ont quelquefois existé cntie eux fourniront un nou-
veau prelo.le de récuser leur autorité. Où nir.sit-on
point avec un lei principe ? D'un mot on renverse-
rait toute lliistoire, et dans tout ce ipii repose sur le
témoignage des hommes, la raison ne verrait qu'un
doute éternel et d impénétrables ténèbres. Laissons
aux ennemis de la vérité une méthode qui n'a éi.' in-
ventée que pour l'obscurcir ; et malgré les dédains
affectés de quelques aigres critiques, pour une traili-
tion qui les condamne, ne cessons point de riiarcher,
à la lumière de son (lambeau, dans la route que nous
nous somiiies iracce.
« Le pape saint Gelase et les soiiante-dix évèques
du concile de Rome, célébré en 491, s'expriment
d'une manière encore plus expresse que saint Léon :
« L'Eglise romaine, sans rides et sans taches, est
JUR
ifie
voyer des missionnaires aux peuples inti-
dèles. Mais si un évoque se trouvait tout à
coup transporté au milieu de ces peuples,
donc le premier et le principal siège de saint Pierre.
Le second est le siège d'Aleiandrie, consacré au nom
de Pierre par saint Marc, son disciple et son cvan-
gélisle, qu'il envoya en Egypte, où, après avoir prê-
ché la parole de vérité, il consomma son glorieux
martyre. Le troisième siège établi à Antioclie tient
aussi un rang hono.-able, a cause du nom du même
apôtre qui habita dans cette ville avant de vmir à
Rome, et parce que c'est en ce lieu que prit nais-
sance le nom du nouveau peuple des chrétiens. >
« Innocent 1, écrivant à Bouiface, son ajiocrisiaire
.^ la cour de Consiantiiiople, rend la m nie laisou de
réminence de l'Eglise (l'Autioclie, (juil appelle la
sœur de l Egtite romaine, parce qu'cll;>s reconnais-
sei.t le mèjiie apôtre pour père; et dans irne autre
lettre ii assure i que les privilèges que le concile de
Nicée lui attribua ne lui furent point accordes a cause
de la grandeur et de l'importance de c«lie cité, mais
parce qu'elle a eu l'avantage de posséder le premier
siège du premier apôtre ; » ce qui est confirmé en-
core par le témoignage de saint Chrysostome, et par
celui de Maxime, qui, dans le concile de Clialcé-
doine, dit que le trône d'Antiocheest le trône de saint
Pierre.
< Il ne manquerait, poui compléter les preuves des
droits et de l'autorité de saint Pierre sur < elle grande
Eglise, que de le voir s'y donner lui-mt me un succes-
seur ; mais cela même, nous le voyons. Félix III et
Théodoret nous apprennent que saint Ignace fut or-
donné èvèque d'Anlioehe de la propre main de saint
Pierre, Pitri dextera ephcopus ordinatus est. Nicé-
phore, qui conlirme ce lait, ajoute que le saint apô-
tre avait dèj . confié à Evode le gouvernement de l'E-
glise d'Antioche ; et cet hi-iorien fait clairement en-
tenilre que saint Ignace, qu'il représente comme un
homme inspiré de Dieu , reçut immédiatement sa
mission de saint Pierre
( Nous lisons dans saint Grégoire que « les trois
patriarches sont assis dans une seule et m me chaire
apostolique, parce qu'ils ont tous succédé au siège de
Pierre et à son Eglise, que Jésus-Chri-l a fondée
dans l'unité, et à qui il a donné un chef unique pour
présider aux trois sièges principaux des trois villes
royales, afin que ces trois sièges, indissolublement
unis, liassent étroitement les autres Eglises au chef
diviiiement institué, t Tout le monde sait, écrit ce
grand pontife à Euloge d'Alexandrie, que le bienheu-
reux évangèlisle Marc fut envoyé à Alexandrie par
saint Pierre son malire. Ainsi nous sommes telle-
ment liés par l'unité du maître et du disciple, que
nous paraissons présider, moi an siège du disciple à
cause du maître, et vous au siège du maître ■ cause
du disciple : > ce qu'il répète dans une autre lettre
adressée au même èvèque : < Votre siège, lui dit-il,
est le nôtre, » et encore : < Quoiqu'il y ail eu plu-
sieurs apôtres, il n'y s pourtant <|U'un seul d'entre
eux, placé en trois l.eui différents, qui ait eu auto-
rité sur les autres sièges. Saint Pierre a élevé an pre-
mier rang celui où il daigna se fixer et terminer sa
vie moriclle. C'est lui qui a illustré le siège où il en-
voya l'évangélisle son disciple, c'est encore lui qui
établit le si'gc qu'il devait abandonner, uprès l'avoir
occupé sept ans : ainsi ce n'est qu'un seul et même
siège. » Peut-on dire plus nettement que la préémi-
nence des trois sièges patriarcaux n'était qu'une éma-
nation de cellf de saint Pierre, et, par une consé-
quence immédiate, qu'il faut rapporter à cet apôtre
l'autorité qu'ils exerçaient ?
« Dans sa réponse aux Bulgares, Nicolas I attribue
également à saint Pierre l'origine et les droits de»
Eglises patriarcales, t "Vous désire/, savoir ex«cte-
ment, dit-il, combien il y a de patriarches. Ceux-li
sont véritablement patriarches, qui, par une succès-
16T
JUR
JUR
168
lui serait-il défendu de leur prêcher l'Evan-
gile, de les convertir, de les gouverner comme
pasteur, avant d'en avoir reçu la commis-
sion du saint-sié^'«, comme cela s'est fait du
temps des apôtres ? Nous ne pensons pas que
hellarmin ose le soutenir (1).
7" Si les é vêques, dit-il , avaient reçu de Dieu
leur juridiction, elle serait égale pour tous;
or, celle des uns est plus étendue que celle
des autres : le souverain pontife ne pour-
rait étendre, ni resserrer, ni changer celle
juridiction; il le peut cependant, puisqu'il
le fait, soit yiar le partage d'un évêché en
plusieurs, soit par les exemptions, les ré-
serves, elc.
Nous répondons que la juridiction des
évoques serait égale et immuable, si le bien
de l'Eglise l'exigeait ainsi ; cela est si vrai
que, dans le cas de nécessité, on a vu de
saints évêques faire des actes de juridiction
hors de leur diocèse, donner les ordres sa-
crés, etc., et ils n'en ont point été blâmés.
On cite pour exemple saint Athanase, Eu-
sèbe de Samosate et saint Epiphane, Bin-
gham, Orig. ecclés., 1. ii, c. 5, § 3. En don-
nant aux apôtres la juridiction, Jésus-Christ
a voulu qu'elle fût transmise à leurs suc-
cesseurs di' la manière l;i plus avantageuse
au bien de l'Eglise; qu'elle tût dévolue au
chef dans toute son universalité, à ses col-
lègues dans le degré nécessaire pour exer-
cer utilement leurs fonctions : il ne s'ensuit
sion non interrompue de pontifes, sont assis sur les
sièges apostoliques, c'est-à-dire président aux Eglises
certainement fondées par les apôtres : savoir, l'E-
glise de Rome, que les princes des apôtres Pierre et
Paul fondèrent par leur préilication, et consacrèrent
de leur propre sang pour l'amour du Christ; l'Eglise
d'Alexandrie, que l'ovangélisle saint Marc, disciple
et lils de saint Pierre, qui l'avait enfanté dans le bap-
tême, établit et dédia par le sang de Jésus-Christ,
après en avoir rei.u la mission de saint Pierre ; enfin
l'Eglise d'Antioche, où les fidèles, formant une nom-
breuse assemblée, reçurent pour la première fois le
nom de chrétiens, et que saint Pierre gouverna ])lu-
sieurs années avant de venir à Rome. > Ainsi le pape
ne reconnaît de sièges vériiublemenl apostoliques que
ceux dont l'origine remonte à saint Pierre. S'il dit
que ce titre appartient à tous les sièges fondés par
les apôtres, aussitôt il explique sa yiensèe, et il réduit
à trois le nombre de ces Eglises distinguées de toutes
les autres par la grandeur de leurs prérogatives. Quoi
donc! ignorait-il que saint Jean fonda plusieurs
Eglises en Asie, saint Paul celle de Corinthe, el ainsi
des autres apôtres? 11 le savait sans doute ; mais il
savait encore qu'aucun des apôtres, hors de saint
Pierre, n'avait pu laisser dans les Eglises qu'il en-
fantait cette autorité suréminente, caraclère propre
du chef, et son immortel attribut. A tous ces témoi-
gnages on peut joindre celui des Grecs, lidèles échos
de la tradition sur ce point, même dans les derniers
temps, malgré les préjugés (|ui auraient pu les poiler
à l'altérer ou à l'obscurcir, c De même, dit BarUuun,
que Clément a été l'ait évèque de Rome, ainsi saint
Marc a été établi évèque d'Alexandrie pur saint
Pierre. » Avant Rarlaam, Piocope Cartophylax écri-
vait : « Saint Marc, promu par saint Pierre pasteur
el premier évèque des Egyptiens, honora par ses tra-
vaux apostoliques la province qui lui lut coulièe, et
illustra son ministère par ses sueurs. > Si saint Marc
fut, comme saint Clépient, créé évèque par saint
Pierre, si le premier possédait le siège d'Alexandrie
pas de là que ce soit le chef qui la donne
aux autres. Le souverain pontife ne fait
point des unions, des partages, des exemp-
tions ni des réserves, k son gré, sans con-
sulter personne, et contre le bien de l'E-
glise; autrement elles seraient Uégitimes.
Nous reconnaissons volontiers dans le sou-
verain pontile la qualité de vicaire d.^ Jé-
sus-Christ, de chef visil)le de l'Eglisi^ de
pasteur universel; nous lui attribuons,
comme tous les catholiques, une juridiction
générale, une plénitude de puissance et d'au-
torité sur tout le troupeau : nous le prouve-
rons même autant que nous en sommes ca-
pables. Voy. Pape. Miis nous ne convien-
drons jamais que cette puissance soit ab-
solue, illimitée, indépendante de toute rè-
gle, supérieure à celle de l'Eglise assemblée;
que la juridiction réside en lui seul, et que
les autres évôqu s la reçoivent de lui : un
pouvoir de cette nature ne serait ni utile à
l'Eglise, ni digne de la sagesse de Jésus-
Christ.
11 n'est pas vrai, comme le prétend Bel-
larmin, que sans cela l'Eglise ne puisse être
un seul troupeau, une société bien unie et
bien réglée, conserver l'intégrité de la foi
et de la morale : l'expérience de dix-sept
siècles prouve le contraire. Ce n'est pas dans
les temps oîi l'autorité du chef de l'Eglise
était absolue, que les choses sont allées le
mieux.
au même titre que le aecond possédait le siège de
Rome, l'autorité de saint Marc n'était donc, comme
celle de saint Clément, que l'autorité de saint Pierre.
I Nil, archimandrile, surnommé Donopatrius, dans
son traité des cinq siéget patriarccMX , observe «[ue
saint Pierre, après avoir fondé l'Eglisi- d'Antioche,
et lui avoir donné pour évèque son disciple Evode,
vint à Rome, d'où il envoya l'èvaiigèliste saint Marc
à Alexandrie. < Pierre, le premier des apôtres, après
avoir rempli, tant par lui-même que par ceux qu'il
institua à sa place, les fonctions dévèque dans les
principales vides de deux parties du monde, l'Asia et
l'Europe, résolut aussi d'en crèei' un pour la troisième
partie, j« veux dire pour la Libye. C'est pourquoi il
envoya de Rome en Egypte l'cvangèliste saint Marc,
qui fonda à Alexandrie, capitale de celte contrée, une
Eglis.; qui éclaira toute la Libye. En parcourant l'u-
nivers et en prêchant l'Evangile, les autres apôtres
établissaient des évèques dans toutes les villes où ils
passaient ; mais les trois que nous venons de nommer
possédèrent la primauté sur toutes les autres, savoir
l'évèque d'Antioche en Asie et dans tout l'Orient, ré-
voque de Rome en Europe, c'csi-à-dire en Occident,
et dans la Libye l'évèque d'Alexandrie, qui comman--
dait a toute la Palestine dont Jérusalem taisait
partie. >
« Nous pouvons donc conclure, 1° que tous les
évcqucs, même ceux créés par les apôtres, furent
soumis dés le commencement à la juridiction des
trois grands sièges, à qui saint Pierre communiqua
en tout sa primauté, ou une partie de sa primauté.
2' Que tous les privilèges dont jouissaient les pa-
triarches d'Alexandrie et d'Antioche n'étaient ,
connue le dit Tliomassin, qu'un rejaillissement de
la primauté céleste dont Jésus-Christ honora saint
Pierre. »
(1) Un évèque qui n'est pas canoniquement insti-
tue, dit M. Doney, n'a pas plus de juridiction sur les
infidèles que sur les chrétiens.
160 JUR
La faiblesse des raisonnements de cet au-
teur nitus fournit la preuve du sentiment
opiiosi''. Nous soutenons, en premier heu,
que le gouTernemcnt de l'Eglise n'est point
purement monarchique, mais tempéré par
raristocratie; que ra[)ostolat, l'épiscopal, la
Juissiou et la juridiction des pasteurs vien-
nent de la même source, de Jésus-Christ,
par la succession et l'ordination; que l'au-
torité est solidaire entre tous les évoques,
et (jue tous doivent l'exercer selon les an-
ciens canons et de la manière la plus utile
au bien général ilc l'Eglise. Tel est le sen-
limeiit des Pères, continué par toute la suite
de l'histoire ecclésiastique. Voy. Bingham,
Oriy. ccck's., 1. u, c. 5, § 1 et 2. C'est la
doctrine établie dans les articles 2 et 3 de la
Dédaratioti du cierge de France, en 1GH2, et
qui est fondée sur des preuves sans réplique.
Voy. Florence, Gallican, Infaillibilis-
TES.
En second lieu, nous soutenons que les
évèques sont les successeurs des apôtres
dans un sens aussi propre que le souverain
pontife est successeur de saint Pierre. C'est
le sentiment de saint Cyprien, d'un concile
de Cartilage, de saint Jérôme, de saint Au-
gustin, de Sidoine Apollinaire, de saint
Paulin, etc. Bingtiam, ihid., chap. 2, § 2
et 3.
Ce serait une erreur de croire que cette
succession est attachée au lieu ou au siège
particulier qui a été occupé par tel apôtre,
puisque les apôtres avaient cliacun person-
nellement j'.(rK/(cO'oft sur toute l'Eglise; elle
est attachée à l'ordination, parce que celle-ci
donne la mission et la qualité de pasteur,
))ar conséquent le pouvoir d'enseigner, de
l'aire les fonctions du culte divin, et de gou-
veruer un troupeau. Quoique cette juridic-
tion ait été limitée dans chaque évéque par
les apôtres mêmes, selon l'intention de Jé-
6US-Christ, et pour l'utilité de l'Eglise, elle
n'en est [las moins surnaturelle et divine ;
elle ne peut donc Être ôtée à un évèque que
par la dégradation (1).
11 ne servirait h rien d'objecter qu'il y a
eu autrefois des évoques qui n'étaient atta-
chés k aucun siège, qu'aujourd'hui un évo-
que in partibits n'a point de juridiction,
puisqu'il n'a point de troupeau. Les premiers
étaient destinés. à se former eux-mêmes un
siège en convertissant des païens; il en est
de même des. seconds; dès le moment qu'il
({) Omiiis res i)er quascitiuiue cnusas iiascilur, per
eaidein dissolvilur. Or, c'est Ju pape (ju'uii évcqiic
reçoit le goiivenieiiient de son diocèse. Donc c'est
au pape qu'il appartient de le lui ôlcr, quand le bien
de l'Eglise lui parait réelanier cetUî mesure, i Que
la juridiction des cvèques vienne ininicdialcnient
de Jésus-Christ ou du souverain poniil'e, elle est
iiéannioins de sa nature tellement dépendante de ce
dernier, que, de l'aveu de tous les catlioliiiues, il
peut de son autorité la restreindre ou même l'anéan-
lir pour des raisons légitimes. Benedict. XIV, de sij-
nod. riiofd's., 1. VII, c. 8. Conformément ;i ce princi-
pe, et malgré les réclamations des évcques qui re-
fusaient de donner leur démission, Pie Vil a suppri-
mé en France tous les anciens sièges épiscopaux et
en a crée de nouveaux.
Dictions, pe Théol. dogmatique. IlL
JUR
170
y aurait des chrétiens dans le diocèse oont
un évoque inpartibtis est titulaire, il serait
dans le droit et dans l'obligation d'aller les
gouverner, et il n'aurait pas besoin pour
cela d'une nouvelle commission.
En troisième lieu, nous soutenons qu'il
faut prendre dans toute la rigueur des ter-
mes ce qu'a dit saint Paul, que k Saint-Es--^
prit a établi les évêques pour gouverner l'E-
glise de Dieu, parce que toute l'antiquité l'a
ainsi entendu ; il en résulte que les évêques
ont reçu de Jésus-Christ et du Saint-Esprit
la commission, par conséquent le pouvoir de
gouverner; c'est ce qui constitue ]a juridic-
tion. On n'a méconnu cette vérité que dans
les derniers siècles, lorsque des révolutions
filcheuses ont fait perdre de vue l'ancienne
discipline et ont fait oublier les vrais prin-
cipes. Au lieu de dire, comme les Pères,
qu'il n'y a dans l'Eglise qu'un seul épisco-
pat, duquel les évêques tiennent solidaire-
ment chacun une partie, saint Cyprien, de
Unit. EccL, p. 108, on a voulu concentrer
tout réj)iscopat dans un seul siège, duquel
les évêques ne fussent que les délégués.
Les titres, les pouvoirs, les privilèges de
saint Pierre et de ses successeurs, sont as
sez augustes pour n'avoir pas besoin d'être
exagères; ils sont trop solidement étalilis
pour qu'il faille les étayer sur îles sopliis-
mes et des systèmes arbitraires. C'est mal
servir la religion et l'Eglise, que de vouloir
introduire une jiolice plus parfaite que celle
dont Jésus-Christ est l'auteur. Les sociétés
séparées de l'Eglise rooiaine auraient moins
de répugnance à reconnaître dans son chef
le vicaire de Jésu3-("hrist, si on ne lui avait
jamais attribué d'autres droits que ceux qui
lui appartiennent véritablement (1).
(1) Le Mémorial ratholiiiue, l. VI, p. iÙ, envisage
la question dune manière bien dilTérente :
I Lorsqu'il s'agit de savoir quelle est la doeirine
d« l'Eglise, il importe. peu d'examiner si elle plait à
ses ennemis. Notre adversaire piélend que les opi-
nions gallicanes sont plus propres à diminuer leurs
préventions contre les catholiques et à les rapprocher
de nous. iMais n'est-ce pas un moyen de l'aire aller
l'Eglise à eux, au lieu de les faire venir à l'Eglise ?...
En suivant sa méthode, on sacrilieiait aux répu-
gnances des sectaires tous les points de doctrine ca-
tholitiue qui n'ont pas encore été formellement dé-
linis. Avant que l'Egli.se eut expressément décidé
comme ariicle de foi qu'elle a le pouvoir de mettre
des empêchements dirimants au mariage, oi! aurait
pu dire aussi que les gouvernements séparés d'elle
seraient mieux disposés a son égard si on ne lui at-
tribuait pas ce droit, par lequel elle exerce, au nujins
indirectement, un si grand pouvoir sur le tenporel
des familles. Oii irions-nous, si nous nous laission.s
entraîner sur celte pente? Ce n'est pas ainsi qiio
l'Eglise entend ses intérêts. Lorsque le livre de Fe-
bronius parut en Allemagne, tous les protestants ap-
plaudirent à cet ouvrage, comme ils applaudissent
de nos jours aux libertés gallicanes. Alors les parti-
sans de Febronius se mirent à faire valoir cet heu-
reux résultat de son livre, (jui rendait, suivant eux,
un service inappréciable , en affaiblissant les pré
vendons et les répugnances des sectaires contre la
religion catholique. Connue l'auleur de cet ouvrage
avait pris soin de ne nier, eu ternies exprès, aucune
proposition déûnie par l'Eglise, il leur semblait (pie,
pour des points qui u'étaient pas formellement dé •
6
rt JUS
Par une discipline ancienne et constante,
i^ est établi que les évêques riiit le poiTvoir
de donni-r un degré àa juridiction aux sim-
ples prêtres, pour absoudre les péchés; tous
doivent l'exercer avec subordination à celle
de l'évêque, de même que les évêques doi-
vent exercer la k-ur av c une extrême dé-
férence envers le souverain pontife. En cela
même consiste la force de l'Eglise, et c'est
alors qu'elle est, selon l'expressiim des
Pères, une armée rangée en bataille : Cas-
trorumacies ordinata.
Pour compléter cet article nous devrions
exposer quel est l'objet de la juridiction. '
Nous le faisons aux mots. Pape, Evêque,
Causes majeures. Institution, Empêche-
ment, etc
■JUSTE. Ce mot, pris dans le sens théolo-
gique, ne signifie pas seulement un homme
qui remplit les devoirs de justice à l'égard
du prochain, et rend à chacun ce qui lui est
dû; mais celui qui satisfait entièrement à la
loi de rieu, et remplit toutes ses obligations,
soit à l'égard de Dieu, soit à l'égard du pro-
chain, soit à l'égard de soi-même : c'est ce
qu'on appelle un saint. Mais cette justice est
susceptible de plus et de moins à lintini, et
aucun homme ne la possède dans toute la
perfection. Les théologiens nomment encore
juste celui qui a passé de l'élat du péché à
l'état de grâce.
Chez les écrivains de l'Ancien Testament,
juste n' se prend p;is toujours dans cette si-
gnilication rigoureuse; souvent il désigne
seulement un homme fidèle au culte du viai
ciclés, il ne fallait pas renoncer au grand avantage
de faciliter le retour des prolcslants. Pie VI en a
juge auuement, et l'Eglise s'en est biea trouvée.
« Rien de plus funeste que cette inétliode do icje-
ter les sentiments commuas de l'Eglise par chai ité
pour ses ennemis. Loin de ramener les sectes déjà
formées, qui se moquent de cette condescendancii,
elle prépare la voie à des sectes nouvelles. Comuie
les esprits ne passent pas instantancuienl de l'obéis-
sancc à la révolte formelle, mais par une gradation
quelquefois peu sensible, ks sectes ne débutent pres-
que jamais par une protestation contre les décisions
expresses de l'Eglise. Elles comnicncenl par se faire
une doctrine dilféreute de la doctrine communément
reçue, une docti ine à part ; elles s'isolent, avant de
se séparer; elles sont des partis dans l'Eglise, avant
d'être des sectes.
f Du reste, notre adversaire s'abuse compl'tement
lorsqu'il s'imagine (|ue le gallicanisme est un moyen
de convertir les protestants et les philosophes. A cet
égard, ils lui donnent eux-mêmes un démenti formel;
car ils nous apprennent (|ue les opinions gallicaues
leur paraissent contradictoires aux principes catho-
liques. I Que le concile soit au-dessus du pape, dit
Pulfendorf, c'est une proposition qui doit entraîner
sans peine rassentiiuent de ceux qui s'en tiennent à
la raison et à l'Ecriture (les protestants) ; mais que
ceux qui regardent le siège de Rome comme le cen-
tre de toutes les Eglises, et le Pape comme évoque
xcuménique, adoptent aussi le même seniiment,
c\sl ce qui lie dot /)«s sombLr médiocreiiient absurde ;
car la proposition qui met le concile au-dessus du
pape élablit une véritable aristocratie, et cependant
i'Eglise romaine est une inomudiie. De Imbii. rct.
thrisl. ad vilam civitem, § 58. Que uit de nos jours
juai 1826) la Revue proiesmne an swjet des galli-
cans? « Nous savons que les catholiques dits é tiuris,
JUS
m
Dieu, un homme de bien, ce que nous nom-
mons un honnête homme, quoiqui' sujet d'ail-
leurs à des défauts et è des f li.desses : airsi
il est dit de Noé que c'était de son temps un
homme juste et parfait (Gen. c. vi, v. 9). Satil
dit à David : Vous êtes plus juste que moi. {1.
Rcg. c. XXIV, v. 18). Juda dit d^ sa bru : FAU
est plus juste que moi, quoiqu'elle fût cou-
pable d'un crime {Gen. c. xxxviii, v. 26).
Job soutenait à ses amis qu'il était juste; il
ne se croj'ait pas pour cela exempt de péclié.
Dans les premiers âges du mon le, le droit
naturel et le droit des i^ens n'étaient pas aussi
bi'U connus qu'ils le sont sous FEvangde;
c'était alors un très-grand mérite de n'avoir
commis aucun crime.
Sous la loi de Moise, l'Ecriture nommo
juste tout homme qui demeurait fidèle au
culte du vrai Di<Mi, pjndant que les autres se
livraient à l'idol/itiie et aux superstitions des
païens. Dans le livre d'Esther, c. 9, les Juifs
sont appelés la nation des justes, pàv o\)po-
sition aux infidèles, qui n'adoraient pas le
vrai Dieu
En vertu des promesses que Dieu avait
faites aux Juifs de les protéger et de leur
acc')i'der ses bienfaits, tant qu'ils seraient
fidèles à leur loi, un homme irrépréhensi-
ble sur ce point, quoique sujet d'ailleurs à
des vices, pouvait prétendre à des grâces
temporelles. Lorsque Dieu lui en accordait,
on ne peut pas les regarder comme une ré-
compense ni comme une approbation de ses
fautes, mais seulement comme un effet de
la promesse générale attachée à la loi. Dieu
qui ont recueilli, exploité et enrichi l'héritage des
anciens jansénistes, sont des protestants qui n'ont
fait que la moitié du voyage; nous les attendons, ils
viendront à nous un jo-ir. i Que disent les philoso-
phes'? Le G'ob,-, i, III : « La quesiion va de jour en
jour se précisant davantage, enire la religion ro-
maine d'une part, le protestantisme et la philosophie
de l'autre. En vain quelques politiques à transaclions
et quelques héritiers des opinions parlementaires
s'obstinent à vouloir relever le gallicanisme: ce
devait être son sort de mourir, lorsqu'il y aurait
pleine connaissance, pleine franchise .lans les deux
seules écoles qui peuvent réellement se disputer le
monde. 11 faut aujourd'hui ou rejeter complètement
le principe d'autorité, ou laccepier sans réserve.
L'unilé catholi(|ue se compose du cimcile d'une pari,
et du saint-siège de l'anlre, mais lies d'une indisso-
luble union : stipuler des libertés particuliires à une
Eglise, c'est dissoudre l'unité. Et que le tort vienne
du souverain pontife qui envahit le droit des Egli-
ses, ou des Églises qui se r^ voilent contre le
souverain pouufe , il n'imporle , la séparation
existe; il n'y a plus de cadiùlicisme : c'est recon-
naître le droit d'examen, c'est proclamer la souve-
raineté nationale en matière de religion : c'est un
prolestantisme de dscipUne, qui doit tùt , u lard ame-
ner le pioiisiahtish.e co'Uie le drijue. » Ainsi, pro-
testants et philosophes s'accordent à reconnaître
qu'un gallican ne leste catholique que par inconsé-
quence. Mais alois, qu'on nous explique comment
celte inconséquence serait un moyen de les conver-
tir, et comment la jcligiou catholique leur paraiifa
plus raisonnable, lorsqu'ou la leur présentera d'une
manière qu'il; jugent conlradictcdre. Aussi de tous
les protestants célèbres qui rentrent dans l'Eglise,
il n'eneit pas un seul quis'airèie dans le gallicanis-
me , ainsi que l'explique Irès-hieu M, de llaller
m
JUS
JUS
<74
tenait sa parole, sans pr(^ju(Iirier aux droits
de sa justice, qui punit dans l autre vie tous
les crimes, lorsqu'ils n'ont pas été expiés
jci-b;:s par uh rcfientir .sincère. Faute d'a-
voir fait ces reflexions, les censeurs de l'iiis-
toire sainte se sont échappés en déclama-
tions très-ind«5ccntes contre la plupa.-t des
personnages de l'Ancien Tcsiamcnt; ils en
ont relevé toutes les fautes; ils ont accusé
Dieu d'avoir protégé des hommes très-vi-
cieux. Ils ont .linsi copié les invectives des
iiiarcionites, des manichéens, de Celse et do
Julien, auxquelles les anciens Pères ont ré-
pondu. Saint Irénée disait à ces censeurs
témr'raires, qu'il ne convient point à des en-
fants d'imiter le crime de Cham, et de ré-
véler avec affectation la turpitude de leurs
pères; que nous !ie sommes pas assez in-
struits du détail des faits, pour juger de tou-
tes les circonstjinces qui ont pu les excuser;
que leurs fautes mêmes peuvent servir à
noire instruction, et que Jésus-Christ, par
sa mort, a etl'acé leurs crimes. Advers.
Jlœres., liv. iv. cliap. 49 et suivants. Si Dieu
n'avait répantlu ses bienfaits que sur ceu^c
qui les ont mérités par une vertu sans ta-
cnc, il n'en aurait accordé à [jersonne.
C'est encore une plus grande injustice de
la part des inciédulcs de nchercber avec
malignité les moindres taches qui peuvent
se trouver dans la conduite des saints du
Nouveau Testament. Jamais on n'a prétendu
qin-, sous l'Evangile mènie, un. /«sic ft'it un
liounne exempt du l'Iits léger dfaut; la na-
ture humaine ne comporte point cette iiei--
fcction. En parlant de justice, il faut se sou-
venir qu'un des devoirs qu'tlle nous im-
pose est il'avuir de l'indulgence pour nos
semblables.
Souvent l'Ecriture sainte répète que Dieu
est juste, que ses Jugements, ses desseins,
ses lois, sont l'équité même. Comment, en
elfet, un Etre souverainement heureux, in-
liniment puissant et bon, pourrait-il être
injuste? Les hommes ne le sont que parce
qu'ils sont indigents, faibles et sujeis à des
passions déraisonnables; ils aiment la jusiice
el la lendent avec plaisir, lorsqu'il ne leur
en coOte lien el que cela ne nuit point i\
leur intérêt. Mais Dieu ne peut pas ètve juste
à la manière des hommes. Voy. Justice de
DiKU.
JUSTICp, vertu morale qui consiste non-
senlement .^ ne blesser jamais le droit d'au-
trui, mais <i rendre <v chacun ce qui lui est
d''i. C'est dans le Dictionnaire de philosopliie
morale, et dcins celui de Jurisprudence, qu'il
faut cherclier la notion des dillerentes espè-
ces de justices : on y verra ce (|ue l'on en-
tend par justice commutative, distributire,
lé(/ale, etc. ; mais noas sounnes obligés de
remarquer les inconvénients dans lesquels
on tombe, lorsque Ion veut rendre l'idée de
justice, en général, in lépendante des notions
que nous en donne la religion.
I" Là justice suppose un droit : or, nous
avons ijrouvé ailleurs que si l'on n'adiiiet
point une loi divine, qui nous défend de
imire à nos semblables, et nous ordonne de
de leur faire du bien, il n'y a plus ni drjit
ni tort; rien ne peut plus être juste ou in-
just" ([ue dans un sens Iràs-impropre. Voi/.
DllOIT.
2° Les droits de l'humanité, par consé-
quent les devoirs de justice, cli.mgent de
face selon les divers .ispi^cts sous lesipiels on
considère la nature li>unaine. Si l'on envi-
sageait les hommes conmie autant de pro-
ductions du hasard, ou d'une néces.^ité
aveugle, tels que les supposent les matéria-
listes, (|uels droits réciproques, quels de-
voirs di^ j'i«,s<ice pourrions-nous fonder sur
cette notion? Il n'y en aurait pas plus entre
les hommes qu'entre les animaux. Mais
lorsque nous les considéions couune l'ou-
VI âge d'un Dieu sage et bienfaisant, comme
une famille dont Dieu veut être le père,
cette idée établit entre eux un lien de so-
ciét(^ beaucoup plus étroit et plus sacré que
ne peut faire la simple ressemblance de na-
ture, ou le besoin uuituel ; de là découlent
des devoirs de justice fort «tendus. C'est
sur cette notion même que Ji'sus-Clirist a
fondé l'obligation de faire aux autres ce que
nous voidons qu'ils nous fassent, aussi
bien queles devoiis de charité, afin, dit-il,
uue vous soi/cz les infants de votre Père cé-
leste, qui est bienfaisant à l'égard de tous
{Luc. c. VI, V. 31 et 3'6}.
3° Il semble d'aboi'd que tous les devoirs
de justice soient très-aisés k connaître par
les seules lumières de la raison ; cependant
ils ont ('té très-souvent méconnus par les
anciens moralistes. La plupart ont supposé
de belles maximes ; niais il est rare qu'ils
ne les contiedisent point dans les détails.
En général, tous ont été fiortés à justitier
les di'vo rs autorisés par les lois civiles de
leur patrie, comme nous voyons aujour-
d'hui les philosophes des Incles et de la
Chine approuver toutes les coutumes et les
lois qu'ils ont reçues de leurs aïeux. Si l'on
demandait aux di'ilérents peuples du monde,
dit Héro :ote, quels sont les usages les plus
raisonnables, chacun jugerait que ce sont
ceux de son pays. Lés devoirs de justice et
d'équité naturelle ne sont donc pas, par eux-
mêmes, aussi évidents que le supposent les
ennemis de la révélation, puisqu'il n'est
aucune nation privée de ce ll.uubeau, qui
n'ait eu des lois et des mœurs contraires à
là justice en plusieurs points. Rien n'était
donc [ilus nécessaire que d'enseigner aux
hommes les devoirs d'équité naturelle par
des lois ilivines positives, comme. Dieu a
daigné le faire, et il n'est aucun peuple chez
lequel ces devoirs soient aussi bien connus
que chez les nations chrétiennes.
Justice, dans le langage théologique, et
dans l'Ecriture sainte , a plusieurs autres
sens que celui <lont nous venons de parler.
L'Ecriture appelle souvent justice l'asseiu-
b'age de toutes les vertus: lors pie Jesus-
Christ dit {Matth. c. v, v. 6) : « Heureux
ceux qui ont faim et soif de la justice, parce
qu'ils seront rassasiés, c'est comme s'il avait
dit ; Heureux ceux qui désirent d'être ver-
tueux et i)ari'aits ; ils trouveimil d.uis ma
175
JUS
JUS
176
doctrine ae quoi contenter icur désir. Le
psalmiste dit de môme : Heureux ceux qui
pratiquent ]a justice en tout temps (Ps. 105,
V. 3). Quelquefois ce mot désigne les bon-
nes œuvres en général ; ainsi le Sauveur dit :
Prenez garde de faire votre justice, c'est-à-dire
vos bonnes œuvres, devant les hommes, pour
en être vus (Matth., c. yi, v. 1). Il est dit du
juste qu'il a distribué ses biens, et les a
donnés aux pauvres ; que sa justice demeure
pour toujours {Ps. 111, v.9). Abraham crut à
fa promesse de Dieu, et sa foi lui fut réputée
^justice (Gen. c. xv, v. 6), c'est-à-dire que
Dieu lui tint compte de sa foi comme d'une
action méritoire et digne de récompense.
Saint Paul appelle justices de la loi les actes
de vertu commandés par la loi {Rom. c. ii,
V. 26) ; justices de la chair les œuvres cérémo-
nielles {Uebr. c, ix, v. 10) ; et injustice tou-
te espèce de vice et de péché {Rom., c. i,
v. 18).
Les commandements de Dieu sont sou-
vent nommés les justices de Dieu: ainsi {Ps.
xvin, V. 9), il est dit que ]es justices du Sei-
gneur sont droites et réjouissent les cœurs
{Ps. Lxxxviii, V. 32) ; s'ils profanent mes jus-
tices et ne gardent pas mes commande-
ments, etc.
Dans les Epitres de saint Paul, Injustice
signifie presque toujours l'état de grâce, l'é-
tat d'un homme non-seulement exempt de
péché, mais revêtu de la grâce sanctifiante,
agréable à Dieu, et digne de la récompense
éternelle. Dans les Epîtres aux Romains et
aux Galates, l'apôtre prouve que non-seule-
ment sous l'Evangile l'homme ne peut ac-
uénr celie. justice que par la foi en Jésus-
hrist ; mais qu'avant la loi de Moise, aussi
bien que sous la loi, les patriarches et les
'■'uil's ont élé rendus jusles, non par les œu-
/res de la loi cérémonielle, mais par la foi.
En nommant ceUe justice \a justice de Dieu,
il n'entend pas celle par laquelle Dieu est
juste, mais celle qui vient de la grAce de
Dieu, et par laquelle l'homme devient juste,
passe de l'état du péché à l'état de la grâce.
Ainsi il dit {Rom. c. i, v. 17) que dans l'E-
vangile la justice de Dieu est révélée d'une foi
à une autre foi; c'est-à-dire que l'Evangile
nous a fait connaître que laj^istice qui vient
de Dieu est donnée à l'homme , soit par la
foi que Dieu exigeait sous l'Ancien Testa-
ment, soit par celle (ju'il commande sous le
Nouveau. 11 ajoute (c. m, v. 20), « que per-
sonne n'est justifié par les œuvres de la loi ;
que la loi se bornait à faire connaîtr,' le pé-
ché, mais qu'à présent \ajiostice de Dieu est
manifestée par le témoignage que lui ren-
dent la loi et les jtrophètes ; que cMe justice
de Z>îeu vient de la foi en Jésus-Christ, ù tous
ceux et ])0ur tous ceux qui croient eu lui.,
sans distinction, soit juifs, soit gentils, etc. »
Saint Augustin, dans ses ouvrages contre
les pélagiens , a beaucoup insisté sur cette
distinction; il apiie]]^ justice de l'homme celle
qu'un juif croyait avoir, parce qu'il avait ac-
compli la loi cérémonielle de Moïse, et celle
dont un [laiense flattait, parce qu'il avait fait
des œuvres moralement bonnes ; il nomme,
i
comme saint Payû, justice de Dieu, celle que
Dieu donne à l'homme par la foi en Jésus-
Christ. L. m , contra duas epist. Pelag., c. 7,
n. 20 ; L. de Grat. Christi, c. 13, n. ik , etc.
Mais il ne faut pas oublier que quand saint
Paul décide que la loi ne donnait pas la jus-
tice, que l'homme n'est point justifié par les
œuvres de la loi, etc., il entend la loi céré-
monielle, et non la loi morale. Il réfutait les
Juifs, qui se prétendaient justes et dignes des
bienfaits de Dieu, pour avoir observé la cir-
concision , le sabbat et les autres cérémo-
nies prescrites par la loi ; qui soutenaient
que les païens convertis ne pouvaient être
censés justes, ni être sauvés, à moins qu'à
la foi en Jésus-Christ ils n'ajoutassent l'ob-
servation des cérémonies prescrites p;ir Moï-
se. Lorsque saint Paul parle de la loi morale
contenue dans le Décalogue, il dit que ceux
qui l'accomplissent seront justifiés, ou ren-
dus justes {Rom. cap. n, v. 13). Il ajoute :
« Détruisons-nous donc la loi par la loi ? A
Dieu ne plaise ; au contraire, nous l'établis-
sons » dans sa partie la plus essentielle, qui
est la loi morale (C. m, v. 31).
En etfet, par la foi, saint Paul n'entend
pas seulement la croyance des vérités que
Dieu a révélées, mais la confiance à ses pro-
messes, et l'obéissance à ses ordres ; cela
est évident par le tableau qu'il trace de la foi
des anciens justes {Hebr. , cap. xi) , et sur-
tout de la foi d'Abraham ( Rom. cap. iv ,
V. 11). Ainsi, selon l'apôtre, la foi en Jésus-
Christ n'est pas seulement l'acquiescement
de l'esprit aux dogmes que ce divin Maître
a enseignés, mais la confiance aux promes-
ses qu'il a faites, et l'obéissance aux lois qu'il
a portées ; autrement la foi des chrétiens sous
l'Evangile n'aurait pas le même mérite quo
celle des anciens justes dont il leur propose
l'exemple. Il dit {Galat. cap. m, v. 12), que
la loi n'est pas de la foi, ou n'exige pas la foi ;
qu'elle se borne à dire : Celui qui accomplira
ces préceptes y trouvera la vie. Un juif, en
etfet, pouvait accomplir les cérémonies de
la loi par la crainte des peines temporelles
portées contre les infracteurs, sans avoir au-
cune foi aux promesses que Dieu avait fai-
tes aux Juifs.
Quant aux lois morales, c'est autre chose :
jamais saint Paul n'a enseigné , comme les
pélagiens , qu'un juif pouvait les observer
sans avoir besoin d'aucune grâce, ni que
cette grâce était accordée sous l'Ancien Tes-
tament, en vertu de la loi de Moïse, ou en
vertu d'une promesse attachée à cette loi.
lia pensé que toute grâce, accordée aux
hommes depuis le commencement du mon-
de, venait de Jésus-Christ, et de la promesse
que Dieu avait foite à Adam d'une rédemp-
tion ; puiscju'il dit que Jésus-Christ était hier
aussi bien qu'aujourd'hui ( Hebr. c. xiii ,
V. 8); qu'en lui toutes les promesses de
Dieu ont leur vérité et leur accomplissement
(// Cor. c. I , V. 20) ; que les Juifs buvaient
l'eau spirituelle de la pierre qui les suivait,
et que cette pierre était Jésus-Cluist {ICor.
c. X, V. 4).
Faute d'avoir pris le sens des expressions
177
JUS
JUS
m
de saint Paul, plusieurs théologiens ont sou-
tenu des opinions très-répréhcnsibles ; les
pnMcnihis réformateurs ont enseigm'^ des er-
reurs absurdes, et les incrédules ont calom-
nié grossièrement la doctrine de cet apôtre.
Voy. JisTincATioN.
Justice de Dieu, perfection par la(iuello
Dieu aceom|)lit les promesses qu'il a laites à
se's créatures, récompense la vertu et jiunit
le crime. La justice de l'homme consiste à
rendre à chacun ce ([ui lui est dL\ ; elle sup-
pose des droits et des devoirs mutuels enlro
les hommes, une lui suprême (|ui leur dé-
fend de se nuire réeiprO(]uement, et qui
leur ordonne de se secourir au besoin les
uns les autres. Cette notion ne peut conve-
nir à \a justice divine. Lorsque Dieu nous a
créés, il ne nous devait rien, pas môme l'e-
xistence ; tout ce qu'il nous a donné est une
pure libéralité de sa part, nous n'avons droit
d'attendre de lui que ce qu'il a daigné nous
jiromettre ; la seule loi qui puisse l'obliger
sont ses perfections inlinies. La justice de
Dieu ne consiste donc point à nous ai.corder
telle ou telle mesure de dons naturels, ou do
grAce de salut, ni <\ les distriliuer également
à tous les hommes; quand on y regarde do
près, cette égalité est impossible, et ne pour-
l'ait tdurner au bien géiu'ral du genre hu-
main : mais cette justice consiste à ne de-
mander compte à cliacun de nous que de ce
qu'il a reçu, et h tenir fidèlement les pro-
messes que Dieu nous a faites. Voij. Inéga-
lité.
Jésus-Christ nous donne dans rEvaogile
la véritable idée de la justice divine , par la
parabole des talents (alatlh. c. xxv ; Luc.
c. xix). Le père de famille confie à chacun
de ses serviteurs telle portion de ses biens
qu'il lui plaît; lorsqu'il leur fait rendre com-
pte, il récompense chacun d'eux à propor-
tion du profit qu'il a lait ; il punit le servi-
teur paresseux et inlidèle , qui a enfoui son
talent, et n'en a fait aucun usage. Ainsi ,
Dieu distribue à son gré les dons de la na-
ture et do la grâce ; la portion qu'il en donne
à tel homme ou à tel peuple ne porto aucun
préjudice à celle qu'il a destinée aux autres ;
il ne s'est engagé par aucune promesse à
mettre entre eux une égalité parfaite, et ils
n'ont aucun droit d'exiger plus ou moins :
au jour du jugement, il doit rendre à chacun
selon ses œuvres, récompenser ou punir du
bon ou du mauvais usage que l'on aura fait
de ses dons ; il l'a promis , et il ne peut
manquer à sa parole {Num. c. xxiii, v. 19 ;
// Petr. c. ni, v. 4 et 9, etc.). Dieu, dit saint
Augustin , n'exige point ce qu'il n'a pas
donné ; il a donné à tous ce qu'il exige d'eux
{In Ps. 49, n. 15). Dieu a fait non-seule-
ment des promesses, mais des menaces, pour
nous apprendre qu'il est le vengeur du cri-
me, aussi bien que le rémunérateur de la
vertu; mais rien ne l'oblige à exécuter tou-
tes sis menaces, parce qu'il peut pardonner
quand il lui plait. 11 dit : J'aurai pitié de
qui je voudrai, et je ferai miséricorde à qui il
me plaira {Exod. c. xxxiii, v. 19). Saint Paul
a répété ces paroles {Rom. c. ix , v. 15) , et
les Pères de l'Eglise les ont développées.
« Dieu est bon, dit saint Augustin, Dieu est
juste : i)arce qu'il est bon, il peut sauver une
âme sans mérites ; parce qu'il est juste, il
n'en peut damner aucune sans qu'elle l'ait
mérité » {Contra Jul., 1. m, c. 18, n. 35).
« Lorsqu'il punit, c'est qu'il le doit, parce
qu'il est incapable d'injustice ; quand il fait
miséricorde, ce n'est jias qu'il le doive, mais
alors il ne fait tort à personne » {Contra
duastpist. Pelag., 1. iv, c. 6, n. 16). « Dieu
est miséricordieux quand il juge, et juste
quand il pardonne; quelle espérance nous"
resterait si la miséricorde ne l'emportait sur
la jusiice» {Epis t 167 ad Uieron., c. vi,
n. 20j? « Lorsque Dieu fait miséricorde, dit
saint Jean Chrysostome, il accorde le salut
sans discussion; il fait trêve de justice, et
no demande compte de rien » {Ilom. in Ps.
50, V. 1). Pelage osa décider qu'au jour du
jugement les pécheurs ne seront pas pardon-
nés, mais condamnés au feu éternel. Saint
Jérôme et saint Augustin s'élevè.''ent contro
cette témérité, et ia taxèrent d'eneur. On
trouvera leurs paroles au mot Juuement
DEUMER
Quand on dit : h justice de Dieu exige que
le ciime soit puni, l'on entend qu'il le soit
ou en ce monde ou en l'autre, par des pei-
nes passagères, ou par un sujipiice éternel :
et ce n'est point à nous déjuger en quel cas
Dieu ne peut et ne doit plus pardonner. 11
ne faut pas en conclure que les menaces do
Dieu ne sont ni sincères ni redoutables ; que
les pécheurs peuvent les braver impuné-
ment, et compter toujours sur une miséri-
corde infinie : Dieu, quoique toujours le
maitre de faire grâce, a déclaré cependant
qu'il punirait ; Jésus-Christ nous assuie que
les mécliants iront au feu éternel, et les jus-
tes à la vie éternelle {Mattli. c. xxv, v. kii) ;
mais il n'a pas décidé quel doit être le degré
de méchanceté de l'homme [lour que la mi-
séricorde divine ne puisse plus avoir lieu.
A le bien prendre, ia justice de Dieu fait par-
tie de sa bonté ; s'il ne punissait jamais, ce
monde ne serait (il us habitable ; les gens de
bien seraient les victimes de l'impunité ac-
cordée aux méchanls. C'est ce que les Pères
de i'Eglise ont répondu aux marcionites et
aux manichéens, qui appelaient cruauté la
sévérité avec laquelle Dieu a souvent puni
les pécheurs dans les premiers Ages du
monde.
En parlant de cette divine perfection, il
est à [iropos de penser toujours à cette ré-
llexiou du sage (Sapient. c. xii, v. 19) : « Lors-
que vous jugez, vous donnez lieu au pé-
cheur de faire pénitence. Sien punissant les
ennemis mêmes de votre peuple, qui avaient
mérité la mort, vous les avez affiigés avec
tant de circonspection qu'ils ont eu le temps
et les moyens de se corriger de leur malice,
avec combien plus do ménagements jugez-
vous vos enfants, après avoir lait à leurs pè-
res tant de promesses, de protestations et de
serments ? »
La justice de Dieu n'exige point que le
crime soit puni en ce moBde, encore moins
179
IDS
que la vertu y soit toujours récompensée ; il
est selon l'ordre, au .contraire, que la vie
présente soit un état de liberté et d'épreuve ;
que le mériti' ait lieu avant la récompense,
et que le crime précède le châtiment : une
conduite contraire serait absurde, et incom-
patible avec la nature de l'homme.
1° Si Dieu récompensait la vertu sur-le-
champ dans cette vie, il ôterait aux justes le
mérite île la persévérance, du courage, de la
conliance en lui ; il bannirait du monde les
exemples de vertu héroïque et de patience ;
il rendrait l'homme esclave et mercenaire ;
irl étoufferait en lui toute énergie. S'il punis-
sait le crime dès qu'il est commis, il retran-
cherait aux ]iécheurs le temps et les moyens
(le faire pénitence; cette conduite serait
trop rigoureuse à l'égard d'un être aussi fai-
ble, aussi inconstant, aussi variable que
riiomme : il est de la bonté et de la sagesse
divine de l'attendre à péniten(;e jusqu'au
dernier soupir. Ainsi Dieu en agit ordinai-
rement IJl Petr. C. ni, v. 9).
2° Souvent une action que les hommes
jugent louable est réellement digne de pu-
nition, parce qu'elle .i ét''^ faite par un motif
criminel ; souvent un délit qui semble mé-
riter des châtiments est pardonnable, parce
qu'il a été commis par surprise et par erreur:
Dieu serait donc obligé de récompenser de
fausses vertus et de [tunir des fautes excu-
sables, )iour se conformfT aux idées trom-
peuses des hommes. Est-il expédient à la
société que, par la conduite de la justice di-
vine, tous les crimes secrets, les pensées,
les désirs, les intentions vicieuses, soient
publiquement coiinus? Y a-t il quelqu'un
lie nous qui soit intéressé à le désirer ? Alors
il n'y aurait plus de conscience ni de re-
mords, le vice ne serait plus censé qu'une
maladie, et nous n'en serions plus honteux,
dès que personne n'en serait exempt.
3° Pour que lepécheui- fût puni et le juste
récompensé sur la terre autant qu'ils le mé-
ritent, il fau irait (|ua leur vie fût éternelle
ie;.-oas. Quand les }ieines de ce moiide pour-
raient snlhe pour punir tous les crimes, la
félicité dont l'homme peut y jouir n'est cer-
tainement pas assez parfaite pour être un
digne salaire de la vertu.
k' Les souti'rances des justes sont souvent
l'effet d'un fle-au général dans lequel ils se
trouvent enveloppés, la prospérité des pé-
cheurs une conséquence de leurs talents na-
turels et des circonstances dans lesquelles
ils sont placés ; il faiidi;iit donc que Dieu fit
continuellement des miracles, pour exemp-
ter les premiers d'un malheur généial, et
pour frustrer les seconds du fruit de leurs
ialenls. Ce plan de providence ne serait ni
Juste ni sage.
Les incrédules raisonnent donc très-mal,
lorsqu'ils prétendent que le cours des cho-
ses de ce monde ne prouve ni la justice de
Dieu, ni l'existence d'une autre vie ; que
puisque Dieu peut être injuste ici-bas, et y
souUïir le désordre qui y règne, il n'est pas
fort sûr que tout sera réparé dans une vie à
veiiir. Des qu'il est démontré que Dieu, Llro
JUS 180
nécessaire, est souverainement heureux et
puissant, il est nécessairement bon et juste;
il ne peut avoir aucun motif d'être injuste et
méchant. 11 le serait, .«i les choses demeu-
raient éternellement telles qu'eiïes sont ici-
bas ; il ne l'est point s'il y a des peines et
des récompenses futures. Alors les épreuves
temporelles des justes et la prospérité passa-
gère des pécheurs ne sont plus une injustice
ni un désordre qui demandent réparation ; il
est dans l'ordre, au contraire, tiue les pre-
miers méritent par la patirnce la récompense
ét{ ruelle qui leur est promise, et que les se-
conds aient du temps pour éviter par la pé-
nitence le supplice éternel dont ils sont me-
nacés. La/Msfice rf/rme n'est iJonc poinl blesr
sée, lorsq e dans un tléau général Dieu en-
veloppe les innocents avec les coupables,
les enfants avec les adultes ; parce qu'd peut
toujours dédommager dans l'autre vie ses
créatures des peines temporelles qu'elles
ont souû'ert'S dans colle-ci. Lorsque les ma-
nichéens objectèrent cette conduite de Dieu,
saint Augustin leur demanda : '< Savez-vous
quelle récompense Dieu a donnée à ceux
par la mort desquels il a corrigé ou effrayé
les vivants ? I. 22 contra Faustiim, c. 78 et
79. i. 2 contra Adv. legis et prophet., c. 11,
n. 35.
Une autre accusation de ces hérétiques,
répétée par iesincréduli^s, est la menace que
Dieu fait aux Juifs de punir les enfants du
péché de leur père [Exod. c. xx, v. 5 ; Levit.
ç. XXVI, V. xxxix; Dcut.c. v, v. 9). Saint Au-
gustin fait remarquer qu'il est cmestion là
de punition temporelle, et non d'un chilti-
ment éternel : « ^'ous voyons dans l'Ecri-
ture, dit-il, des liummes frappés de mort
pour les péchés d'autrui; mais personne n'est
(i;imné pour un ùutre. » Ibid., 1. i, c. 16,
n. 30. Au mot Enfant, nous avons fait voir
qu'il n'y a point d'injustice dans cette con-
duite de la Providence.
Dieu, législateur sujirême, souverain
maître du siècle futur aussi bien que du
siècle présent, ne peut donc être assujetti à
toutes les rè-des Je justice auxquelles les
hommes doivent se confoimer, parce qu'il
est doué d'une prévoyance et d'une puis-
sance que les hommes n'ont point.
Vainement on dira qu'il n'y a donc aucune
ressemblance , aucune analogie entre la
justice divine et la justice humaine; que
nous abusons des termes en nommant jus-
tice en Dieu ce que nous afipelons injustice
de la part des h'uumes. Un roi n'est point
astreint à toutes les lois de justice qui obli-
gent les particuliers; il a droit de venger les
crimes; ses droits sont inaliénables; la pres-
cription n'a pas lieu contre lui, souvent il se
trouve juge dans sa propre cause, etc. : il
n'en est pas de même (le ses sijets; cun-
clura-t-on qu'un roi est injuste dans ces
différents cas ?
Entre la justice de Dieu et celle des hom-
mes, il y a, lion une ressemblance parfaite,
mais une analogie sensible. De même que
par la hd divine les hommes sont obrgés à
feuir lidèlement leur parole et leurs engage-
ïft JUS
"monts, h respecter leurs droits mutuels :
ainsi Dieu, en v(>rtii de ses perfections infi-
nies, accomplit lidi'^leinenl ses promesses et
inninlient conblamment l'ordre moral qu'il a
établi. Il ne peut doni^ mentir, se contredire,
n'ius tromper, punir un innocent ou l'ailli.t^er
sans le il(*domma,i,'!M- ; laisser un coupable
impuni pour toujours, priver pour jamais la
vertu de sa récom|)enst'. Il est la vérité
même, tidèle h si's promesses, juste dans ses
vengeances, saint et irrépréhensible dans
toute sa conduite : les méchants dnivont le
craindre, les bons espérer en lui et l'aimer.
Soit qu'il récompense, qu'il punissi? ou qu'il
pardonne, il le l'ait pour le bien général de
l'univers. Quand même il nous serait im-
possible de concilier certains événements
avec les idées qu'il nous a données de sa
justice, nous aurions encore toit d'eu con-
clure qu'il est injuste, puisqu'il est démon-
tré qu'il ne peut pas l'être; il s'ensuivrait
seulement que nous ignorons les circon-
stances, les raisons et les motifs de sa con-
duite. Voy. PUOVIDENCE.
* Justice originclle. Voti. Adam, Nature (Etat
de).
JUSTIFICATION, action par laquelle
l'homme i>a>se du péché à l'étal de la grâce,
devient agiéable h Dieu et digne de la vie
élernelle. En quoi consiste cette action?
comn\entse fait-elle'? c'est une question qui a
causé la jilus grande dispute entre les pro-
tosla;;ts et les catlioliques (i).
(1) Voici les canons du concile de Trente sur la
juslilication :
Si (jiieliiu'imdil qu'un liomnie est absous de ses
IK'cht'S el juslilii; de ce qu'il (,ou aussilol iiu'il) croit
avec ccrliuide i ne absous cl justifié, ou que person-
ne n'csl vérilaldcuienl juslilié que celui qui se croit
(Mi'C justidé, cl cjne c'est par ccue s^ulc foi que l'ab-
soliilion et la juslincalion s'acco.iiplisscnt, (ju'il soit
analliènie. C. 14. — Si quelqu'un dit qn'iui liomnic,
nt; de nouveau (par le baptême) el jusiilié, est oblige',
selon la loi, de croire qu'il est certaineuient du nom-
bre des prédestinés, qu'il soit anatliènie. C. 15. —
Si quelpi'un dit que la gr.îce de la jnsiificalion ii'est
que pour ccu.x cpii sont prédealinés à la vie, et que
tous les autres qui sont appelés, sont à la vérité
appelés, mais qu'ils ne reçoivent point la grâce
coinnie étant prédestines an mal par la puissance de
Dieu, qu'il soit anathème. C. 17. — Si quelqu'un dit
que Jésus-Clirist a été donné de Dieu aux boinnies
en qualité seulement de Uédempteur, dans lequel ils
doivent mettre leur confiance, et non pas aussi com-
me législateur, auquel ils doivent obéir, qu'il soit
analbcme. C. 21. —Si quelqu'un dit qu'nn homme
jusiilié peut persévérer dans la justice qu'il a reçue
sans im secours parliculii-r de Dieu, ou, au contraire,
qu'avec ce secours même, il ne le ptMit pas, qu'il soit
anathème. C. tî. — Si quelqu'un dit qu'un homme,
une lois justilié, ne peut plus pécher ni perdre la grâ-
ce, et qu'ainsi celui qui tombe dans le péché n'a ja-
mais été vraiment justilié; ou, au contraire, qu'un
liomme justilié peut, pendant toute sa vie, éviter
toute sorte de péchés, même véniels, si ce n'est par
un privilège particulier de Dieu comme c'est le senti-
ment de l'Eglise à l'égard de la sainte Vierge, qu'il
soit anathème. C, 23. — Si quelqu'un dit que la jus-
tice qui a été reçue n'est pas conservée et même aug-
mentée devant Dieu par les bonnes œuvres, mais que
ces bannes oeuvres sont le fruit seulement de la jus-
tification et des marques qu ou la reçue, mais non
JUS
482
Luther, qui voulait prouver que les sa-
crements ne produisent rien en nous par
leur projire vertu, que ce soiit seulement des
signes piopres K exciter la foi en nous, et
par lesquels nous témoignons notre foi, fut
obligé de changor toute la doctrine de l'Eglise
sur la justification. 11 soutient que l'Iioinme
est justilié par la foi, non par la foi générale
par laquelle nous croyons ù la parole de
Dieu, î» ses promesses, à ses men&ces, mais
par une foi spéciale par laquelle le pécinur
croit fermement que la justice de Jéu.s-
Clirist e* ses mérites lui sont imputés. Voy.
Imputation. Selon lui, le p('cheur est jusii-
lié dés qu'il croit l'être avec une certitude
entière, quelles que soient d'ailleurs ses dis-
positions. De là s'ensuivraient plusieurs
erreurs, noti-seulement surla cAuse formelle
de \;i justification, mais sur ce qui la précède
et ce qui la suit.
Il fallait en conclure, 1° que \a justification
ne produit (m nous aucun ciiangeiuent réel;
que la /«siice de l'homme n'est qu'une dé-
nomination purement extérieure; que (juand
il est dit que Dieu justifie Vimpie, cela si-
gnilie seulement ipie Dieu daigne le réputer
et le déclarer tel, dan.s le même sens qu'un
arrêt des magistrats justifie un accusé, c'est-
à-dire le déclare et le fait paraître innocetit,
et le met à couvert de la punition, soit que
d'à Heurs son crime soit vrai ou faux;
qu'ainsi nos péchés sont effacés, seulement
en ce sens (]u'ils ne nous sont pas imputés. —
11 s'ensuivait, 2° que le baptême reçu par un
une cause qui l'augmente , qu'il soit anathème.
C 24. — Si quelqu'un dit qu'en quelque bonne ou-
vre (pie ce soit, le juste pèche au inoius véiiiellcment,
ou, ce qui est encore plus insupportable, qu'il pèche
mortellement, et qu'ainsi il mérite les peines éter-
nelles, et que la seule raison par laquelle il n'est pas
damné, c'est parce que Dieu ne lui impute pas ses
ouvres à damnation, qu'il soit anathème. C. 25. —
Si quelqu'un dit que les justes ne doivent, pour leurs
bonnes œuvres faites en Dieu, alleiidic ni espérer
de lui la récompense éternelle par sa miséricorde et
le mérite de Jésus-Christ, pourvu qu'ils peisévèrent
jusqu'à la fin, en faisant le bien et en gardant ses
couiuianJements, qu'il soit anathème. C. 26. — Si
quelqu'un dit que la grâce étant perdue par le péché,
la foi se perd toujours en même temps, ou que la foi
qui reste n'est pas une vérit :ble foi, quoiqu'elle ne
soit pas vive, ou que celui qui a la loi sans la chariié
n'est pas chrétien, iiu'il soit anathème. C. 28. — Si
(iuel(|u'un dit qu'à tout pécheur pénitent, (ju'a reçu
la grâce de la justification, l'caènse est tellement re-
mise et l'obligation à la peine telleuient effacée et
abolie, qu'il ne lui reste aucune peine ie;iiporellé à
payer, soit en cette vie, soit en l'autre dans le purga-
toire, avant que l'entrée au royaume du ciel puisse
lui être ouverte, qu'il soit analh 'me. C. 30. — Si
quel(|u'un dit qu'un homme justifié pèche lorsqu'il
fait de bonnes œuvres en vue de la récompense > ter-
nelle, qu'il soit anathème. C. 31. — Si quelqu'un dit
que les bonnes œuvres d'un homme justitié sont tel-
lement les dous de Dieu, qu'elles ne soient p::s aussi
les mérite» des hommes justifiés, ou que par ces
bonnes œuvres qu'il fait par les secours de la grâce
de Dieu, et les mérites de Jésus-Christ dont il esi
un membre vivant, il ne mérite pas véritablement
uneaugmeutaiion de grâce, decette même vie, pourvu
qu'il meure en grâce, et même l'auginentaliun de la
gloire, qu'il soit anathème. C. 32.
185
JUS
JUS
484
adulte, ni la pénitence ne contribue en rien
à le rendre juste; que c'est tout au plus un
signe extérieur, capable d'exciter en lui la
foi spéciale imaginée par Luther, ou une
profession de foi par laquelle il témoigne
qu'il croit fermement que la justice de Jésus-
Christ lui est imputée. — 3° il s'ensuivait
T[ue les actes de foi générale, de crainte des
jugements de Dieu, de confiance anses pro-
messes, de charité même et de repentir, loin
de contribuer en rien à \a justification, sont
plutôt des péchés qui rendent l'homme plus
coupable, jusqu A ce qu'il ait fait enfin l'acte
de foi spéciale, et qu'il croie avec une en-
tière certitude, que la justice et les mérites
<ie Jésus-Christ lui sont imputés. — k" Qu'il
en est de même des bonnes œuvres posté-
rieures à \a justification; que, loin de mériter
à l'homme une augmentation de grâce et un
nouveau degré de gloire éternelle, ce sont
des péchés au moins véniels, mais que Dieu
n'impute pas.
A ces différentes erreurs, Calvin ajouta
l'inamissibililé de la justice; il enseigna que
l'homme, une fois justifié par l'acte de foi
spéciale dont nous parlons, ne peut jilus
déchoir de cet état, perdre totalement et
finalement cette 'foi justifiante, quelle que
soit l'énormité des crimes qu'il commet
d'ailleurs. Voy. Inamissible.
On demandera, sans doute, sur quoi ces
deux réformateurs pouvaient fonder une
doctrine aussi absurde et aussi pernicieuse;
ils ne l'appuyaient que sur quelques pas-
sages de l'Ecriture dont ils tordaient le sens,
€t sur les calomnies par lesquelles ils dé-
guisaient la doctrine catholique pour la faire
paraître odieuse.
Lorsque saint Paul dit que la foi d'Abra-
ham lui fut réputée à justice {Rom. c. iv, v. 3),
€i)tend-il qu'Abraham crut que la justice de
Jésus-Christ lui était imputée? Rien moins.
L'apôtre lui-môme fait consister la foi d'A-
braham en ce qu'il crut aux promesses que
Dieu lui faisait, malgré les obstacles qui
semblaient s'opposer à leur accomplissement,
et obéit aux ordres que Dieu lui donnait,
quelque rigoureux qu'ils parussent. Hebr.,
cap. 11. Ainsi, quand saint Paul ajoute
qu'Abraham ne fut pas jus'jfjé par les œuvres
{Rom., c. IV, V. 2), il entenu, par la circon-
cision et par les œuvres cérémonielles de la
^oi mosaïque : cela est évident par le texte
^ême. il est absurde d'en conclure, comme
faisait Luther, qu'Abraham ne fut pas justi-
fié par les actes d'obéissance qu'il lit ,
puisque c'est dans ces mêmes actes que saint
Paul fait consister sa foi. Voy. Foi, § 5.
C'est encore une plus grande absurdité de
prétendre que si des actes de foi générale,
de crainte de Dieu, de confiance en sa misé-
ricorde, de repentir, d'amour de Dieu, etc.,
contribuaient à \a. justification, ce serait une
justice humaine, piiarisaïque, purement na-
turelle, qui ne viendrait j>as de Dieu ni de
Jésûs-Christ ; puisque, selon la doctrine ca-
tholique, aucun de ces actes ne peut être
fait comme il le faut que par la grâce de
Jésus-Christ. L'erreur contraire a été con-
damnée dans les pélagiens.
Le concile de Trente a enseigné dans la
yilus grande exactitude la doctrine de l'Eglise
sur la justification; il a décidé, 1° que
l'homme est justifié non-seulement par l'im-
putation de la justice de Jésus-Christ, et la
simple rémission du péché, mais par la
grâce et la charité que le Saint-Esprit répand
dans nos cœurs; qu'ainsi cette justice est
véritablement intérieure et inhérente à notre
âme. — 2° Que l'homme se dispose k \ai jus-
tification par la foi et la confiance aux pro-
messes de Dieu, par le repentir de ses fautes
et par l'amour de Dieu, par la crainte
môme de ses jugements; mais qu'il ne peut
produire aucun de ces actes , tels qu'il
les faut pour devenir juste, sans le secours
de la grâce, oU sans l'inspiration du Saint-
Esprit; qu'il ne s'ensuit cejiendant pas delà
qu'aucun des actes qui précèdent la justifi-
cation puisse la mériter en rigueur. — 3° Que
le pécheur une fois justifié n'est pas dispensé
pour cela d'accomplir les commandements de
Dieu et de l'Eglise, ni de faire de bonnes
œuvres, puisque la grâce sanctifiante peut se
perdre par un seul péché mortel ; que les
bonnes œuvres sont nécessaires pour mé-
riter une augmentation de grâce et un nou-
veau degré de récompense éternelle, et pour
persévérer dans la justice, quoique la per-
sévérance finale soit un don spécial de la
bonté de Dieu.
Conséquemment le concile frappe d'anathè-
me ceux qui enseignent que toutes les œu-
vres qui se font avant la justification sont
autant de péchés, et que plus un pécheur
s'efforce de se disposer à la justification,
plus il pèche ; ceux qui prétendent que la
justification se fait par la foi seule, ou par
la seule confiance dans laquelle nous sommes
que nos péchés nous sont remis à cause îles
mérites de Jésus-Christ ; ceux qui disent que
nous sommes formellement justes parla jus-
tice de Jésus-Christ. Il condamne ceux qui
osent avancer que l'homme est pardonné, ab-
sous, justifié, dès qu'il se croit tel, et qu'il
est obligé de le croire ainsi de foi divine,
même de croire qu'il est du nombre des
prédestinés ; ou qui soutiennent que les pré-
destinés seuls sont justifiés. H réprouve la
témérité des faux docteurs qui enseignent
que l'homme justifié par la foi n'est plus obli-
gé à l'accomplissement des commandements
de Dieu et de l'Eglise, qu'il ne peut plus
pécher ni perdre la justice ; que les bonnes
œuvres ne sont d'aucun mérite, ne contri-
buent en rien à conserver ni à augmenter
la grâce de la justification ; que ce sont plu-
tôt des péchés, au moins véniels, mais que
Dieu n'impute pas. Il rejette de môme toutes
les autres conséquences que les- novateurs
tiraient de leur doctrine. Scss. 6, de Justif.
Un fait certain, c'est que la doctrine des
protestants n'a pas servi à multiplier parmi
eux les bonnes œuvres . mais plutôt à les
étouffer; et c'est une a 'o.i bonne preuve
pour conclure qu'elle est ..usse. M. Bossuet
185 JUS
a Iraiti^ savammont toute cette question. TTt'st.
des Yariat., 1. i, n. 7 et suiv. ; 1. m, n. 18 et
suiv.;l. XV, n. Ul et suiv.
JUSTIN (saint), philosophe, né îi Naplouse
dans la Palestine, a vécu et s'est converti au
christianisme dansle second siècle ; il a souf-
fert le martyre l'an 167. Il adressa une apo-
logie de notre religion à l'empereur Antonin,
et une h Marc-Aurèle : ce ne fut pas sans
fruits, puisque ces deux princes tirent cesser,
ou du moins diminuer la persécution que les
magistrats exerçaient contre les chrétiens.
Saint Justin avait déj;i écrit une Exhortation
aux gentils, dans laquelle il leur prouve que
les poètes et les philosophes ne leur ont
enseigné que des tables et des erreurs en
fait de religion, et il les exhorte à chercher
la connaissance de Dieu dans nos livres saints.
11 s'attacha ensuite à démontrer aux juifs,
j)ar les [irophéties, la vérité du christianis-
me, dans son Dialogue avec Trt/phon. Nous
avons encore de lui un Traité de la Monar-
chie, ou do l'unité do Dieu ; une Lettre à
Diognète, qui désirait de connaître la religion
ciu'étienne. Il avait fait d'autres ouvrages
(pii ne subsistent plus, et on lui en avait ,it-
tribué plusieurs dont il n'est pas l'auteur.
D. Prudent Marand a donné une édition
des ouvrages de ce Père en grec et en latin,
à Paris, en 1742, in-folio. Il y a joint les apo-
logies d'Athénagoro, de Tatien, d'Hermias,
et les trois livres de saint Théophilo d'An-
tioche à Autolyeus : tous ces écrits sont du
second siècle.
Commelelémoignago d'un auteuraussi an-
cien et aussi respectable que saint Justin est
du ])lus grand poids en matière de doctrine,
les critiques i)rotestants ont fait tous leurs
elforts pour l'allaiblir ; ils prétendent qu'il y
a dans ses ouvrages des erreurs de toute es-
pèce, et les inciédules ont été lidèles à les
cojiier.
En premier lieu, Le Clerc, Hist. eccle's.,
an. 101, § 3, observe que, faute d'avoir su
l'hébreu, ce Père est tombé dans plusieurs
méprises. Il accuse mal à propos les juifs
d'avoir eÛ'acé dans la version des Septante
plusieurs prophéties qui annonçaient Jésus-
Cln-ist comme Dieu et homme crucifié, Dial.
cum Trijph., n. 71 et 72. S'il avait pu con-
sulter le texte hébreu, il aurait vu que des
quatrepassagesqu'ilciteenpreuve,ilyen a un
qui se trouve parfaitement conforme dans
le texte et dans la version, mais qui ne re-
garde pas Jésus-Christ. Les trois autres n'y
sont point : d'où nous devons conclure que
(■'est une interpolation faite dans les exem-
plaires des Septante dont se servait saint
Justin, et qui partait de la main d'un chré-
^ tien plutôt que d'un juif. En second lieu, si
t ce Père avait été en état de confronter laver-
r sien des Sejitante avec le texte hébreu, il
I aurait vu combien cette version est fautive,
' il n'aurait pas été tenté de la croire inspirée,
non plus que les autres Pères do l'Eglise ; il
aurait ajouté moins de foi à la fj^ile qu'on
lui avait racontée sur les 72 cellules dans les-
gaolics les 72 interprètes avaient été ren-
fermés, etc. En troisième lieu, il aurait cité
JUS
186
plus fidèlement l'Ecriture sainte, il on aurait
mieux l'endu lésons, il nesoseraitpoint atta-
ché à (les explications allégoriquesdesquclles
les juifs sont en droit de no faire aucun ca.s,
et en général il aurait mieux raisonné ([u'il
n'a fait ; Jhid., an. 139, S 3 et sui. ; an. liO,
§ 2 et suiv.
Tous ces reproches sont-ils justes ? Au
mot Hébreu, § k, nous avons montré le ri-
dicule de la prévention dans laquelle sont
tous les protestants, que sans la connaissance
de la langue hébraïque, les Pères ont été in-
capables d'entendre suflisamment l'Ecriture
sainte, pendant qu'ils soutiennent d autre
part que les simples fidèles, avec le secours
ii'uno version, sont cajiables de fonder leur
/{A sur ce livre divin. Il eût été absurde que
saint Justin argumenlAt sur le texte hébreu
contre Tryphon, juif helléniste, qui ne savait
pas plus d'hébrouquecePère,et (juise servait
comme lui do laversiondes Sejilanto. Quand
saint Justin aurait été habile hébraïsant, et
qu.nid il aurait confronté la version avec lo
texte, il n'aurait pas été moins tenté d'accuser
les juifs d'avoir corrompu lo texte que d'avoir
faL-.ilié la version, puisque plusieurs hébrai-
sants modernes ont soupçonné les juifs de
ce mémo crime. 11 est certain d'ailleurs que
du temps de saint Justin il y avait une inli-
nité de variantes et des différences considé-
rables entre les divers exemplaires delà ver-
sion des Se])tante ; c'est ce qui occasionna le
travail que Origène entreprit sur cette version
dans le siècle suivant, et la confrontation
qu'il en fit avec le texte et avec les autr£s
versions. Il n'est donc pas étonnant que
saint Justin ait attribué à l'infidélité des juifs
la dilférence qu'il voyait entre les diverses
copies qu'il avait confrontées. Il reprochait
aux juifs tant il'autres crimes en ce genre,
qu'il ne pouvait les croire incapables do
celui-là. Suivant son opinion, détourner le
sens d'une prophétie par une interprétation
fausse, ou la supprimer dans un livre, c'était
à peu près la même infidélité : les juifs
étaient notoirement convaincus de la [tre-
mière, saint Justin n'hésitait pas do leur
attribuer la seconde. Nous ne pouvons pas
douter que ce Père n'ait lu, dans l'exem-
plaire dont il se servait, les passages qui no
s'y trouvent plus aujourd'hui, puisque l'un
a été cité do même par saint Irénéc, et l'autre
par Lactanco. Il n'est pas absolument cer-
tain que ces interpolations avaient été faites
do mauvaise foi par des chrétiens, puisqu'elles
ont pu venir de quelques citations peu
exactes faites par défaut de mémoire.
On doit se souvenir (]ue ces sortes de ci-
tations ne sont pas un crime. Les auteurs
même sacres ne se sont jamais piqués d'une
exactitude littérale aussi scrupuleuse qu'on
l'exige aujourd'hui ; les adversaires contre
lesquels les Pères écrivaient, n'étaient pas des
critiques aussi pointilleux que les hérétiques
de nos jours ; les juifs ni les païens ne con-
naissaientpas plus les subtilités de grammaire
que les Pères do rE'.:lise. l-es premiers ad-
mettaient les explications allégoriques '
l'Ecriture sainte ; on croyait pour lorsy
^X'^X
s»
.-^"^
fâ7
JUS
JUS
18S
faits sur lesquels saint Justin et les autres
Pères arguniontent ; des raisonnements qui
nous semblent auj lurd'liui très-peu solides
avaient du moins alors une force relative, eu
égard aux opinions universellement répan-
dues. 11 y a de l'injustice de la part des pro-
testants à blâmer les Pères de s'en être pré-
valus.
Le respect de saint Justin et des autres
Pères pour la version des Septante ne venait
pas de ce qu'il la croyaient exactement con-
forme au texte, mais de ce qu'ils la voyaient
citée par les apôtres ; ils ne pensaient pas que
ces auteurs inspirés eussent voulu se sei'vir
d'une version fautive, sans avertir les fidèles
qu'il fallait s'en défier. Cette conduite des
Pères nous p irait f)lus louable que l'aU'ecta-
tion des hérétiques do décrier cette version.
Foy Septante. — Nous ne ferons pas non
plus un crime à saint Justin d'avoir ajouté
foi à ce que les juifs d'Alexandrie publiaient
touchant les cellules des 72 interprètes ; c'est
une preuve de la vénération religieuse que
les juifs hellénistes avaient pour leur version;
ni de ce qu'il a répété ce qu'on lui avait dit tou-
chant la sib} lie de Cumes ; ni de s'être trompé
peut-être en preiiant le dieu Semosancus
pour Simon le Magicien. Une crédulité facile
sur des faits peu importants n'est point une
marque d'ignorance ni d'esprit borné, mais de
candeur et de bonne foi. Il n'y a jkis du pru-
dence de la part des prolestants à insister sur
la crédulité des anciens ; jamais secte n'a été
plus crédule que la leur à l'égard de toutes
les fables et de toutes les inijiostures qu'on
leur débitait contre l'église catholique.
Barbeyrac, dans son Traite de là morale
des Pères, c. 2, 4, 11, a reproché d'autres
erreurs h saint Justin. Selon lui, dit-il. Dieu,
en créant le monde, en a confié le gouver-
nement aux anges ; ainsi ce Père n'attribue
à Dieu qu'une providence générale. Apol. 2,
c. 5. C'était confirmer l'erreur des païens
touchant les dieux secondaires. Mais dans
cet endroit même, c. 6, saint Justin dit que
les noms Dieu, Père, Créateur, Seigneur, Maî-
tre, ne sont pas des noms de lanature divine,
mais des titres d'honneur tirés des bienfaits
et des opérations de Dieu : or, ces titres ne
lui conviendraient pas, s'il n'avait qu'une
providence générale. Dans le Dial. avec
Tryphon, n. 1, il condamne les philosophes
qui prétendaient que Dieit ne prenait aucun
soin des hommes en particulier, aiin de n'a-
voir rien à redouter de sa justice. 11 pensait
donc que Dieu se sert des anges comme de
ministres pour exécuter ses volontés, mais
qu'ils ne font rien que par ses ordres ; les
païens regardaient leurs dieux comme des
êtres indépendants, à la discrétion desquels
le gouvernement du monde était abandonné.
Ces deux opinions sont fort ilitféreiites. —
Une seconde erreur de saint Justin, est d'a-
voir cru que les anges ont eu commerce avec
les filles des hommes ; nous avons examiné
ce fait au mot Ange.
; ) v|'.e même critique tourne en ridicule saint
"*Jw5/m, parce qu'il a fait r marquer partout
fa tjpure de la croix, dans les oiûls des vais-
seaux, dans les enseignes des empereurs,
dans les instruments de labourage, etc. Cela
valait-il la peine de lui faire un reproche
anuT ? Sa pensée se réduit h dire aux païens :
Puisque vous avez tant d'horreur de la croix,
à laquelle les clnétiens rendent un culte,
ôtez-en la figure des m;Us de vos vaisseaux,
de vos enseignes militaires et des instru-
ments du labourage.
Il a trop loué la continence, dit Barbeyrac;
il semble regarder comme ilk'gitime rMsai:;e
du mariage. Mais dans quel cas ? lorsqu'on
se le permet pour satisfaire les désirs de la
chair, et non pour avoir des enfants; il s'en
exiilique assez clairemimt- D'ailleurs le pas-
sage que cite no're censeur est tiré d'un
fragment du Traité sur la Résurrection, qui
n'est pas universellement reconnu pour être
de saint Justin. Si, dans la suite, Tatien son
disciple a poussé l'entêtement jusqu'à con-
damner absolument le mariage, il n'est pas
juste d'en rendre responsable saint Justin,
qui n'a point enseigné cette erreur. Nous
convenons que, comme tous les Pères, il a
fait de grands éloges de la chasteté et de la
continence ; mais nous prouvons contre les
])rotestants que ce n'est point là une erreur,
puisque c'est la pure doctrine de Jésus-Christ
et des apôtres. Voy. Chasteté, Célibat. — 11
a rapporté sans restriction la défense que
Jésus-Christ a faite de prononcer aucun ju-
rement. Nous soutenons encore qu'en cela
il n'est point répréhensible, non plus que les
autres Pères. Voy. Jurement. Il n'a pas ex-
pressément désapprouvé l'action d'un jeune
chrétien, qui, pour convaincre les païens de
l'horreur que les chrétiens avaient de l'impu-
dicité, alla demander au juge la permission
de se faire mutiler, qui cejiendant ne le fit
point, parce que cette permission lui fut
refusée. Apol. 1, n. 9. Mais ce Père ne l'ap-
prouve pas formellement non plus ; il ne cite
ce fait que pour montrer combien les chré-
tiens étaient incapables des désordres dont
les païens osaient les accuser. De même il n'a
pas expressément blâmé ceux qui allaient se
dénoncer eux-mêmes comme chrétiens, et
s'offrir au m^irtyro, Apol. 2, n. k et 12 ; con-
duite que d'autres ont condamnée. Aussi
soutenons-nous que cette démarche ne doit
être ni apjirouvée ni condamnée absolument
et sans restriction, parce qu'elle a pu être
louable ou blâmable, selon les motifs et les
circonstances. Ceux cfui allaient se présent r
d'eux-mêmes aux magistrats j^our les dé-
tromper di la fausse opinion qu'ils avaient
conçue du christianisme, pour leur prouver
la vérité de cette religion et l'innocence des
chrétiens, pour leur montrer l'injustice et
l'inutilité des persécutions, etc., ne doivent
point être taxés d'un faux zèle : leur mohf
n'était pas de se dévouer h la mort, mais d'en
préserver leurs frères. Autrement il faudrait
condamner saint Justin lui-même : personnu
n'a encore eu cette témérité.
Ce Père a dit que Socrate et les autres
)aïeiis qui ont vécu d'une manière conforme
la raison étaient chrétien^, parce que Jé-
sus-Christ, Fils uuiqae de Dieu, est la raisoB
ï
189
JUS
JUS
100
E
souveraine î> Inquelle tout homme participe.
De lîi oncoiirlut ((uo, selon ^nint Justin, les
jtiïensont pu ftrc sauvés par la raison ou par
_;i luiiiif're naturelle seule : ce qui est l'erreur
des ixMaiiens. Un incrédule de nos jours a
trouvé bon d'agi^raver ce reproche, en falsi-
tianl le passade : selon saint Justin, dit-il,
celui-lîi est chrétien qui est vertueux, fiU-il
d'ailleurs athée./^rr/tommf ,t. 1, sect. 2, c.l6.
Voici les propres paroles de ce Père, Apol.
1, n. 46 : « On nous a enseigné que Jésus-
Christ est le premier-né de Dieu, et la rai-
son souveraine, à la(iuelle tout le genre humain
participe, comme nous l'avons déj;\ dit. Ceux
qui ont vécu selon la raison sont chrétiens ,
quoiqu'ils aient été réputés athées : tels ont
été, chez les Grecs, Socrate, Heraclite, etc.»
Or, Socrate ni Heraclite n'étaient pas athées ,
quoiqu'on en ait accusé le premier. Apol. 2,
n. 20. Il Tout ce que les philosophes et les lé-
gislateurs ont jamais pensé ou dit de bon ou
de vrai, ils l'ont trouvé en considérant et en
consultant m quch/ue chose le Verbe ; mais
comme ils n'ont pas connu tout ce c}ui vient
du \'erbe, c'est-k-dire de Jésus-Christ, ils se
sont contredits , et ils ont été traduits en
justice comme des impies et des hommes
trop curieux. Socrate, l'un des plus décidés
de tous, a été accusé du même crime que
nous. » Nous savons très-bien qu'il n'est pas
exactement vrai que les philoso[)hes aient été
chr('tiens, en prenant ce terme à la rijjueur ;
mais ils l'ont été en quelque chose, en tant
qu'ils ont consulté et suivi la droite raison ,
comme fout les chrétiens, et qu'ils ont été
accusés d'athéisme aussi bien qu'eux, préci-
sément parce qu'ils étaient plus raisonnables
que les autres hommes. Dans le môme sens,
Tertullien a dit, Apolog., c. 21, que Pilate
était déjà chrétien, dans sa conscience, lors-
qu'il lit savoir à l'empereur Tibùrc ce qiii s'é-
tait passé dans la Judée au sîi_;et de Jésus-
Christ. — S'ensuit-il de là que saint Justin a
cru le salut des païens dont il [larlc '? Si l'on
veut con-ulter son Dialogue avec Tiyphon ,
I). 13 et ()'i, on verra qu'il n'admet point de
salut que par Jésus-Chrisl et par sa grâce ;
maisen pa.lant à des païens, ce n'était i)as
le lieu de faire une distinction entre les se-
cours natui'o s que Dieu donne, et lesgnkes
surnaturelles. Yoy. la Préface de don Marand,
2' part., c. 7, '
Brucker soutient que saint Justin n'attri-
bue pas seulement à Socrate et a^ix autres
sages païeis une lumière purement natu-
relle, mais une révélation semblable h celle
qu'ont eue .Vbraham et les autres patriar-
ches, et qu'd a cru que celte lumière éma-
née du Verl)e divin sulilsait pour leur salut,
lorsqu'ils t'ont suivie. Quand cela serait vrai,
il n'y aurait pas encore heu (ielui repi'ocher
uue erreur contre la foi. Saint Justin n'q, â-
ujais penS'' que Socrate, en adorant les du ux
d'Athènes, avait suivi la lumière lUi Vorbo
divin, Hist. crit. philas., t. Hl, |i. 375. Jl est
exactement vrai qa<', si les païens avaient
correspondu aux gr;lce< que Diei'i leur a fai-
tes, ils serai.Jiil pa, venus au salut ; parce
quo Dieu leur eu aurait accordé eucoie de
plus abondantes, et ensuite le don de la foi.
D'autres lui ont attribué l'erreur des millé-
naires : ils se trompent ; saint Justin eu
p;trle comme d'une opinion que plusieurs
chrétiens pieux et d'une foi pure ne suiv 'iif
point. Viai. cum Trijph., n. 80. Il n'y é' ai|
donc pas attaché lui-même.
Un déiste a dit que saint Justin n'a pas ad
mis la création, et qu'il a cru, comme l'I»
ton, l'éternité de la matière; un autre a ré-
pété cette accusation ; tous deux co[)iaieiit
Le Clerc elles socinions : ainsi seformentles
traditions calomnicus.s parmi nos advers.ii-
res. Cependant samfJi«<m dit formellement,
Coliort. ad Gent., n. 22 : « Platon n'a pas
appelé Dieu créateur, mais ouvrier des dieux:
or, selon Platon lui-même, il y a beaucoup
de différence entre l'un et l'autre. Le créa-
teur n'ayant besoin de rien qui soit hors de
lui, fait toutes choses [)ar sa propre force et
par son pouvoir, au lieu que l'ouvrier a be-
soin de matière jioui' construire son ouvia-
p. N. 23, puisque Platon admet uni' matière
incréée, égale et coéternelle à l'ouvrier, ell(3
doit, par sa propre firce, résister;! la volonté
de l'ouvrier. Car enlin, celui qui n'a pas
créé n'a aucun pouvoir sur ce qui est incréé;
il ne peut donc pas faire violence à la ma-
tière, puisqu'elle est exempte de tonte néces-
sité extérieure. Platon l'a senti lui-même,
en ajoutant : Nous sommes forcés de dire que
rien ne peut faire violence à Dieu. » Saint Jus-
tin a donc ti ès-b en comjiris que la notion
d'être incréé ou éternel emporte la n'cessité
d'être et l'immutabilité ; et puisqu'il sup-
pose que Dieu a disp se de la matière
comme 11 lui a plu, il a jugé conséquem-
ment que la mat, ère n'est ni éteindie,
ni incréée. N. 21, il fiit sentir toute l'éner-
gie du nom que Dieu s'est donné, en di-
sant : Je suis celui qui est, ou l'Etre par ex-
cellence. Ainsi, lorsqui' dans sa première
Apol., n. 10, il dit que Dieu, étant bon, a dès
le commencement lait toutes choses d'une
matière informe, il n'a pas prélendu insinuer
que. Dieu n'avait pas créé la matière avant
de lui donner une forme : il avait démontré
le contraire. Un autre déiste prétend que ce
même Père a cité un faux Evangile, et cela
n'est pas vrai. Scultet, zélé prutestaul, lui
fait un crime de ce qu'il a suLtenu le libre
aibitre de 1 homme, comme si c'était là une
erreur. Medulla iheol. PP., I. i, c. 17.
Si des accusations aussi vagues, aussi té-
méraires et au-si injustes, ont sulii pour
poiter ;es protestants à ne faire aucun cas
des ouvraj^es de saint Justin, nous ne pou-
vons que les plaindre de leur prévention.
Maislessociniens et leurs partisans, comme
Le Cleic, Musheim, etc., ont fait à ce Père
un reproche beaucoup plus grave ; ils pié-
tendent qu'il a emprunté de Platon ce qu'il
a dit du Verbe diiin et des trois personnes
de !a sainte Trinité, et qu'il a fait tous ses
elioits pour accommoder les dogmes du
christianisme aux idées de ce philosophe.
Kruc -cr, en faisant profession de ne ;ias ap-
prouver cette ace saîion, l'a cepen,;ant cou-
lirmée, en attribuaiit à saint Justin uo atta .
191
KAl,
KAL
192
cliement excessif aus opinions de Platon.
JHst. crit, philos., t. m, p. 33.
Dom Marand, dans sa Préface, 2" part.,
c. 1, a complélement réfuté cette imagina-
tion ; il a rapporté tous les passages de Pla-
ton, dont nos critiques téméraires se sont
prévalus ; ri a fait voir que jamais ce philo-
sophe n'a eu aucune idée d'un Verbe person-
nellement distingué de Dieu; que par Verbe
ou raison, on a entendu rintelligcnce divi-
ne ; que par le Fils de Dieu, il a désigné le
monde, et rien de plus ; que saint Justin,
loin d'avoir donné dans les visions de Platon,
les a souvent combattues. Voy. Platomisme.
Quant h ceux qui ont avancé que saint
Justin n'était pas orthodoxe sur la divinité,
la consubstantialité et l'éternité du Verbe,
on peut consulter Bullus, Defensio fidei Ni-
cœnœ, et M. Bossuet, sixième Avertissement
aux protestants, qui ont pleinement justilié
ce saint martyr. Nous avons suivi leur exem-
ple au mot 'ruiNiTÉ PLATONIQUE, § 3, ct au
mot Verbe, § 3 et 'i-.
L'opini.ltrPté avec laquelle les protestants
ont voulu trouver des erreurs dans ses ou-
vrages, nous paraît encore moins étonnante
que les efforts qu'ils ont faits pour obscur-
cir ce qu'il a dit de Teucharistie. Apot. I,
n. 06. Après avoir exposé la manière dont
se fait la consécration du pain et du vin dans
les assemblées chrétiennes, il ajoute : « Cet
aliment est appelé parmi nous eucharistie...,
et nous ne le recevons point comme un pain
et une boisson ordinaire. Mais de même que
Jésus-Christ, notre Sauveur, incarné par la
parole de Dieu, a eu un corps et du sang
pour notre salut, ainsi l'on nous enseigne
que ces aliments, sur lesquels on a rendu
grâces par la prière qui contient ses propres
paroles, et par lesquels notre chair et notre
sang sont nourris, sont la chair et le sang de
ce même Jésus. »
« Quelques-uns, dit Le Clerc,' Hist. cc-
clesiast., an. 139, § 30, ont conclu de ces
paroles ct de quelques autres passages sem-
blables des anciens, que Jésus-Christ unit
des symboles eucharistiques à son corps et
à son sang par une union hypostatique, de
môme que le Verbe éternel à uni à sa per-
sonne l'humanité entière de Jésus-Christ ;
mais c'est bAtir sans fondement, que vouloir
ap])uyer un dogme sur une comparaison faite
par saint Justin, écrivain très-peu exact. Il
a seulement voulu dire que le pain et le vin
de l'eucharistie deviennent le corps et le
sang de Jésus-Christ, parce que le Sauveur a
voulu que, danscettecérémonie,cosalimcnts
nous tinssent lieu de son corps et fie son sang.»
On nepeutpas mieux s'y prendre pour trom-
per les lecteurs. A la vérité, ceux d'entre les
luthériens qui ont admis dans l'eucharistie
Vimpanation ou la consubstantiation, ont pu
imaginer une union hypostatique ou sub-
stantielle entre Jésus-Christ et le pain et le
vin ; mais elle ne peut pas être supposée par
les catholiques qui croient la transsubstan--
tiation, qui sont persuadés que par la consé-
cration la substance du pain et du vin est
détruite, qu'il n'en reste que les apparences
ou les qualités sensibles ; qu'ainsi la seule
substance qu'il y ait dans l'eucharistie es.\
Jésus-Christ lui-même. Parce que saint Jm
tin compare l'action par laquelle le Verbfi
divin s'est fait homme, h celle par laquelle
le pain et le vin deviennent son corps et son
sang, il ne s'ensuit pas que l'effet de l'une
et de l'autre action est parfaitement le même;
il s'ensuit seulement que l'une .et l'autre
opèrent ce changement réel et miraculeux.
Cela ne serait pas, et la comparaison serait
absurde, si les paroles de Jésus-Christ si-
gnifiaient seulement que le pain et le vin
doivent nous tenir lieu de son corps et de
son sang. Or, il n'a pas dit : Prenez et man-
gez, comme si c'était mon corps ct mon sanrj ;
il a dit : Prenez et mamjez, ceci est mon corps
ct mon sang. Mais puisque les protestants se
donnent la liberté de tordre à leur gré le sens
des paroles de l'Ecriture, ils peuvent bien
faire de même k l'égard de celles des Pères
de l'Eglise. Ils ont cependant beau s'aveu-
gler, la description que fait saint Justin,
dans cet endroit, de ce qui était pratiqué
dans les assemblées religieuses des chrétiens,
sera toujours la condamnation de la croyance
et de la conduite des protestants. Ce tableau
est très-conforme à celui que saint Jean a
tracé de la liturgie chrétienne, ApocaL, cap.
4 et suiv. ; l'un sert à expliquer l'autre. Nous
y voyons, n.66 et 67, 1° que la consécration
de l'eucharistie se faisait tous les dimanches;
au lieu que la plupart des protestants ne
font leur cène que trois ou quatre fois par
an. 2° Cette cérémonie est nommée par saint
Justin, eucharistie et oblation : les protes-
tants ont supprimé ces deux mots, pour y sub-
stituer celui de cène ou de souper. 3° L'on
croyait que le changement qui se fait dans
les dons offerts, était opéré en vertu des pa-
roles que Jésus-Christ prononça lui-même
en instituant cette cérémonie : selon les pro-
testants, au contraire, tout l'effet de la cène
vient de la manducation ou de la commu-
nion, k' L'eucharistie était portée aux ab-
sents par les diacres : cet usage a encore dé-
plu aux protestants. 5° La consécration était
précédée de la lecture des écrits des apôtres
et des prophètes, et de plusieurs prières :
les protestants y mettent beaucoup moins
d'appareil ; et après cette belle réforme ils
se vantent d'avoir réduit la cérémonie à sa
simplicité primitive. Voy. Liturgie.
K
* KALMOUKS. C'«st une tribu errnnte, qui pro-
fesse la religion île Dalaî-Sania. C'esi un peuple ex-
trêmement superslitieux. Ce qu'il y a de pluscxtraor-
dinairo dans son culte sont des moulins à prircs. Il
ap\(aiticni au Dictionnaire des Ueligions de les faire
connaître. Voy. Dict. des Religions.
495
KAN
» KANTISME. M. Jéhaii a (iotinc sur ce sujet une
suite d'artick's fort reuiarquablos dans la Voix de la
Vérité. Nous nous coiileiilons de les rapporler.
I Lîiie fois la raison luinraine proclamée jui;e ab-
k solu do Dieu, de l'Iioinuie et du monde, de leur na-
f Inre et de leurs rapports, la philosophie s'en alla de
système eu SYslèuie, d'une ])ait, alioulir, par Locke,
(loridillac, llcivélius, (rilolljacli, etc., au (ilns gros-
sii'r matérialisme; de l'autre, se perdre, jiar lluinc,
Kant, Fiehte, Schellin;,', lléi;el, dans le panthéisme
de Spinosa, (|ui n'avait éli' lui-même, suivant l'e.x-
£rcssiou de Leilinitz, qu'un cnriésidiiisme exagéré.
e résultat brutal des doctrines philosophiques, par-
liculicremenl en France, sur la lin du dix-huitième
siècle, est géuéralcmcnl couim ; ce qui l'est moins
chez nous, c'est la marche et le développement d'un
rationalisme infiniment plus subtil et |ilus spécieux
en Allemagne, depuis Kanijusiju'à nos jouis. Ce ra-
tionalisme, (pli n'a pas laissé pierre sur pierre dans
l'édifice des ronnaissanccs humaines, a été introduit
en France par l'éclectisme uinvcisilaire; il nous en-
vahit de toutes parts et menace de ruinei' paiini nous
toute foi, toute morale, toute croyance et toute vé-
rité. Connueuçous donc par exposer la doctrine
de Kant, le plus profond analyste des temps mo-
dernes
I Kant ( ^mmanuel), ne en 1721, à Kœnigsberg,
était lils d'un M'Iiier. Il resta huiglemps obscur et
pauvre, et fut pondant (piin/.e ans simple répéliteur.
il obtint, en 1770, la cliaiie de logique el île niéla-
plivsique à l'Université de Kn'uigsberg, devint, en
i'il , recteur de <etle Université, et mourut eu I80i,
dans sa ville natale , dont il n'était, dit-on, jamais
sorti. Il est l'auteur d'un système (|ui a opéré eu
pîiilosophie une véritable révolution. Quel est ce
système '?
< Ici nous allons nous ed'orcer de nous donner
un mérite impossible peut-ètie à obtenir dans
rexposiliou de la philosophie kantienne, celui de la
clarté.
I La connaissance suppose une faculté de connaî-
tre ; mais, pour que celle-ci soit en action, il faut
que les objets alfectenl nos sens. Ainsi, dans le
temps, aucune connaissance ne précède eu nous Icx-
périence : toute comiaissance commence avec elle.
Mais de ce que la coniuiissance commence avec l'ex-
périence, il ne s'ensuit pas qu'elle en provienne tout
entière. Y a-t-il doue des connaissances, ou dans la
connaissance y a-t-il des éléments qui ne viennent
ni de rexpérience, ni d'aucune impression sen-
sible? C'est là la question que Kant se propose de
résoudre.
« De telles connaissances ou de tels éléments de
connaissance sont dits a priori, pour les distinguer
des connaissances qui ont leur origine a posteriori,
c'est-à-dire dans l'expérience. On ne doit donner le
nom de connaissances a priori qu'aux connaissances
qui sont indépendantes non-seulement de telle ou
telle expérience particulière, mais <le tonte expé-
rience (|uelconque. Ces connaissances sont dites pures
lorsqu'il ne s'y mêle absolument rien d'empirique.
t Tout changement a sa cause » est une connais-
sance u priori, mais elle n'est pas pure, parce que
nous n'aurions pas l'idée de changement si nous n'a-
vions rien vu changer. Les connaissances pures, les
jugements a priori, se conçoivent sur-le-champ, en
vertu de conditions nécessaires et d'une rigoureuse
universalité que l'expérience ne peut leur conférer.
Les jugements gi-néraux fondés sur l'expérience peu-
vent tous au contraire se traduire ainsi : < Autant
que nous l'avons observé jusqu'à présent, il ne se
rencontre aucune exception à cette règle.) Exemple :
< Tous les corps ^out pesants. > Ce jugement d'ex-
périence n'est ni absolument ni rigoureusement uni-
versel, car on conçoit que les corps pourraient u'élrc
pas pesants :
I Ou peut citer d'abord comme des jugements al>-
KAN 194
solument nécessaires, rigoureusement universels ou
a priori, les propositions niatliémaliques, par exem-
ple, celle-ci : < Trois angles d'un triangle sont égaux
à deux droits. > A une telle proposilicui il n'y a pas
d'exception connue, possible, concevable. D'ailleurs
les connaissances empiriques seraient-elles possibles,
s'il n'y avait pas de connaissances a priori ? L'expé-
rienc« exitlerait-elle si (die n'avait pas des règles qui
lui donnent sa liunie et sa valeur? Mais ces r(>gles
de l'expérience ne viennent pas, ne peuvent pas venir
de l'expérience uu'ine. Les conditions du jugement
d'expérience ou les règles en vertu desquelles le ju-
gement est bon ou mauvais, sont évidemment « priori
dans l'esprit. U y a donc des connaissances a
priori.
I Soit cet axiome: « Tout changement a sa cause.»
L'idée de cause est unie a celle d'effii, eu vertu d'une
combinaison nécessaire et universelle. La di'river (le
l'expérience ou de la sensalion, ce serait rannider.
car rexp(':rience ne peut nous donner (|ue des phé-
nomènes (lui se succèdent, une conjonction fortuit*
d'aeeideiits, ainsi que Hume l'a pi'onvé. Cependant
l'idée de c«Hsa/i(^ existe dans l'esprit, elle y est in ';-
branlable, elle doiiue naissance à des jugements ut -
cessaires, universels; elle n'est doue pas d'(u'igii'i
empiri(|ue, c'est une connaissance a priori ipii s »
traduit en jugements a priori. Et la metaphysieiue,
qu'est-ce, sinon une science construite de jugements
tout spéculatifs et n'atteignant (|ue des connaissances
qui portent dans une sphère où nulle expérience ne
pénètre ?
c Mais comment la métaphysique prend-elle sur
elle d'aborder l'examen de tous ces sublimes pro-
blèmes. Dieu, la liberté, etc., sans avoir seulement
regardé si elle en a le droit et les moyens? Avant la
métaphysique il y aurait donc une science. C'est
celle ([ui chercherait comment ou peut ainsi sortir
du domaine de l'expérience, sur la foi de quelles
idées primitives on peut s'élever à ces hautes recher-
ches, quelle est l'origine et la portée de ces axiomes
sur les([uels on s'appuie pour ériger le brillant édi-
fice des spéculations métaphysiques. Cetle science
serait celle des foudeinents de la connaissance hu-
maine. La philosophie de Kant est précisément cette
science première de toul(; métaphysique. Il se pro-
pose de résoudre la (jnestion de la valeur originelle
des éléments de la connaissance humaine. L'ex-
posé suiva:il le fera mieux comprendre encore.
« Tout acte de counaissance peut se formuler en
un jugement; tout jugement renferme un sujet et un
attribut el exprime la pensée d'un rapport entre tous
deux. .Mais ce rapport est possible de deux manières :
ou l'attribut appartient au sujet, comme (pielquc
chose (|ui est contenu dans l'idée du sujet, qui est
pensé avec lui et n'eu peut être séparé; c'est alors
un jugement analytique; ou bien l'attribut n'esi; pas
compris dans le sujet, (luniqu'il lui soit légitimement
réuni, et alors le jugement est synlhelnpie. Dans
le premier cas il y a identité de l'attribut au sujet,
dans le second cas il y a combinaison sans iiien-
tité.
« Exemple : « Tous les corps sont étendus ; »
voilà un jugement analytique, car l'idée lïélcndue
n'ajoute rien à l'idée de corps, elle y est nécessaire-
ment comprise ; ipii pense le corps pense reten-
due. Mais si je dis : Tous les corps sont pesants ; c'est
un jugement syntliélitiue, car on peut concevoir le
corps sans la pesanteur. Le corps n'est pas nécessai-
rement pesant. Ce dernier jugement est fondé sur
l'expérience.
< Dans le jugement synthétique qui vient de nous
servir d'exemple, à la connaissance que j'ai du C(Jips
j'ajoute une autre connaissance; j'apprends de l'ex-
périence (pie la pesanteur est constamment unie aux
autres caractères du sujet et je l'ajoute : il n'y a pas
identité entre les deu:* termes du jugement, il y a
union synthétique. L'expérience n'est qu'une syu-
I
195
RAK
KAN
im
thèse d'intuitions diverses, qui s'appartiennent l'une
à l'autre, mais d'une manière contingente et non par
un lien nécessaire. Au contraire, le jugement analy-
li(|ue : 7'()!is tes corps aonl éteiuhn, n'a besoin d'au-
cun", expérience. Aucune expérience n'est nécessaire
pour tirer d'une idée ce qui y est nécessairement com-
pris. Tout jugement analytique est donc nécessaire-
ment un jugement a priori et ne donne aucune con-
naissance réelle. Les jugements synthétiques ajoutent
au contraire à nos connaissances, ils sont donc en
général a posleriori.
« Mais puisqu'il y a des connaissances a priori, des
connaissances vures, c'est-à-dire des connaissances
qui ne sont pas puisées dans 1 exiiéiienue, il lautqu'il
y ait des jugei enis synthétiques « pr,ori. Comment
sont-ils possibles ? L'examen de ce problème esi
toute une science dont l'oi'jet est la raison pure. La
raison est éminemment le pouvoir de connaiire ; c'est
la connaissance en puissance. Rechi relier, déteriui-
Dcr, ordonner ce qui est pur ou a priori dans la con-
naissance, ou consiilérer la raison danss;s éléments,
dans ses In s, dans ses procédés, indépendamment de
l'objet même de ses connaissances, c'est criiiquér la
raison pure, c'est construire la science transciMidan-
tale. Cette science est critique, car elle a pour but
moins de donner la connaissance que de l'expliquer,
moins d'agrandir la raison que d'y porter la lumière.
Elle laisse de côté la nature des choses pour ne s'oc-
cuper que de l'intelligence qui juge de la nature des
choses, et encore de l'intelligence seulement en tant
qu'elle connaît a priori. C'est ce qu'indique le titre
même de l'ouvrage capilal de Kant : Critique de la
raison pure, c'est-à-dire jugement, examen de la
raison ou de la connaissance humaine étudiée en
elle-même. La science ainsi comprise donne sur la
raison une certitude absolue et le doute absolu sur
tout le reste.
La critique de la raison pure n'est au lond
qu'une analyse de l'esprit humain. Cette ana-
lyse ne diffère de la psycologie qu'en ce que
celle-ci nmntre ce que fait l'esprit humain , et que
celle-là recherche comment il est possible qu'il le
fasse. La psychologie ordinaire nous dit que le moi a
des sensations, puis des perceptions, puis des notions,
puis qu'il forme des jugements et parvient ainsi à
connaître. La psychologie critique se demande com
nient il se peut qu'il connaisse, comment des seusa-
tioiis, perceptions, notions, jugements, qui appar-
tiennent à un être individuel, peuvent être un lien
avec un ou plusieurs autres êtres individuels exter-
nes, et constituer de ceux-ci à celui-là le rapport du
connu au connaissant; en un mot, comment 11 se fait
que les phénomcnesde l'un soient pris comme la tra-
duction des phénomènes de l'autre.
< Avant d'aller plus loin, il est nécessaire de reve-
nir sur l'exposé que nous avons donné de la philoso-
phie kaniienne pour cnn-^tater trois choses d'une
haute imporlani e dans l'appréciation du criiicisme,
et que dès le dibut Kant prend pour convenues et ac-
cepte de ses prédécesseurs.
t La première, c'est qu'en fait, toute connaissance
commence par 1 expérience, c'est-à-dire que nous ne
connaissons rien qu'autant que notre sensibiliié a
été all'eclée par quelque chose (pii parait ne pas venir
d'elle, en sorte que l'activiié intérieure par laquelle
nous connaissons est originairement passivité. — La
seconde chose, qui n'est qn'un second point de vue
de la preiniére.c'est que toute modilication intérieure
réductible en connaissance est aperçue de celui qui
l'éprouve; il en a conscience. Certainement il y a
lieu d'être f(Ul éloiiné de voir Kant adopter au début
ces deux points sans les examiner, sans nnuiie les
définir Lui qui se pique de tout relaiie, comment
peut-il ainsi emprunter de conliauce, t" le principe
du sensualisme ou de l'empirisme; 'i" le principe de
î<i psychologie comme science d'observation'? C'est
la, il en laul p.invoivr, un singulier début pour une
doctrine qui se dit transcendantale. — La troisième
chose que Kant suppose sans en examiner la valeur,
c'est la théorie logique du ju^eiiient, el par consé-
quent la logique dont celle théorie est la base. Il
considère celle-ci comme un principe coiivenu,
comme un savoir accepté aniérieurement à toute
science. C'est donc encore là un prcalable à joindre
aux deux autres, rexperieuce sensible et la con-
science.
« Et d'abord, pour ce qui concerne l'expérience,
admettre qu'elle est le commencement de toute notre
connaissance, n'est-ce pas pl.icer la vérité en dehors
de l'inlelligence, et tomber par conséquent dans le
scepticisme? car c'est se condamner à rechercher si
la iacullé de connaître est légitime, c'e-t-à-dire est
la faciilié delà vérilé ; or, pour savoir si elle esl la fa-
culié de la vérité, il faut qu'elle le soit, la faculté de
ccmnailre ne pouvant être connue que par la faculté
de connaître. En second lieu, si toute connaissance
commence par l'expérience, il s'ensuit que Tidée est
plus ou moins directement produite par l'impression
des objets sur l'esprit. C'est le principe même du
sensualisme. Partant de ce principe, Kant distingue
dans la connaissance deux éléments . un élément né-
ce>saiie, le subjectif (o), la forme iuielligible ou pure;
et un élément contingent, l'objectif, la matière four-
nie par l'expérience ; el il admet enire ces deux élé-
ments une dillérence d'origine. Cette différence,
Kaut l'allirme gratuitement. S'il n'y a peint d' con-
naissance sans l'expérience, ce que l'intelligence
ajoute à l'expérience n'est donc pas de la connais-
sance ; c'est une addition sans videiir, qui ne mani-
feste que la nature et peut-être rinfirniité du sujet
qui l'ii faite.
Nous insistons pour faire remarquer cette contra-
diction delà doctrine kantienne. Selon Kant, toute
la science humaine commence avec les sensations ;
mais elle ne dérive pas toute des sensations. Mais si
la science humaine tout entière commence par les
sensations, il n'existe donc rien avant les sensations;
les prétendues formes pures qu'on pose dans le sujet
connaissant, sont donc un néant; et par conséquent,
le sujet dontcesformes constituent la nature nexisie
cas avant les sensations. L'existence de ce sujet est
rtonc une pure hypothèse dans le système de Kant
et de son école. On connaît maintenant l'objet de la
philosophie critique, et l'on voit que les principes
surlesqiiels elle repose sont loin d'être satisfaisants.
Il nous reste à signaler dans ce système des erreurs
bien plus graves encore.
€ Quand vous regardez au dedans de vous, vous y
découvrez des facultés, des qtialiiés, une force qui
sent, pense, comparé, juge, raisonne, veut, agit ;
mais ces facultés, ces qualités, celte force, sont bor-
nées en vous, limitées, linies : Vous êtes irrésistible-
ment convaincu qii.' vous connaissez, mais que vous
ne connaissez pas tout, que vous pouvez, mais que
vous ne pouvez pas tout, etc. !^i vous envisagez le
monde exiérienr, le momie delà nature, vous y trou-
vez d'autres hommes dans les mêmes conditions que
vous et une multitude indéfinie d'êlres que la boine
environne, presse aussi do toutes parts : limiies dans
l'être, limites dans la force, limites dans la durée ;
ainsi, vous ne voyez que limiies partout, dans
l'homine, dans la nature, dans les êtres innombra-
bles qui la composent ; seulemem la limite ou Tini-
perféction est à divers degrés : riiomine est moins
imparfait que l'animal, l'aiiiinal moins que le végétai,
celui-ci moins que le minéral; mais tous sont impar-
faits et finis. Tout est-il donc au dedans de moi et
(n) On a ilonoé le nom de subjectifs aux faits saisis par
la conscieucH ou fails Iméi-ieuis, aux manières d'être et
d\igir du moi, qui eu est le sujet, a le nom iVobjectifs,
aux objets ou fiiiis extérieurs, quelle qu'eu soli U na-
ture, nv.lériels ou inmiaiêrieîs, pbjsiqui'S ou iiiélaphv^i-
qups; Dieu, le moi lui-uiènir, eu iknt aue siilislauce.iuiit
objectifs
407 KAN
au dehors de moi, fini, borné, limilé, relatif, multi-
ple, Variable, coniiiigeiil, temporel, car tous ces
mois sont synonymes» Oui, si je ne consulte que le
rapport des sens et les faits de conseiiiice ; mais si
j'inlerroi,'e la raison, elle m'élève irrésislihiemcnt de
la perception du (iiii à la conci'pliou intuitive de
l'inlini, du relatif à l'absolu, du contingent au néces-
saire, du variable à l'imnmable, du temporel à l'é-
lernel, de l'imperfection à la souveraine perfection,
de mèmi' que je passe de l'idée d'un corps et de ses
bornes ou de celle d une succession et de ses limites,
à l'idée de l'espace et du temps sans bornes.
< Il m'est impossible de concevoir rationnellement
le lini sans l'idée de l'infini. En eliet, qu'est-ce que
le lini sinon la privation de l'inlini '! Peut-on con-
nailie le lini sans lui allribuer une bcu'iie, et une
borne, qu'est-ce, sinon sine pure négation d'une plus
giande cti'iidue '/ Pourrail-on jamais se repri'seiiler
la privalion de l'inlini si Ton ne concevait l'inlini
lui-même '/ Le fini ne se snllil pis à lui-même ; il ne
peut se concevoir et par conséquent s'e\pli(pier que
l>ar l'inlini. Ces deux conci'|.ts s'exigent muluellc-
menl. Il est tellement impossible de les isoler, que,
lorsqu'on l'essaie, le concept exclu se transforme
aussitôt en ce concept dont on voulait le séparer.
Isole/, l'inlini du lini, l'infini ne renferme plus alors
le lini en soi, le lini demeure bois de lui ; l'inlini
n'est dimc pas loul, il devient limilé, il devient fini.
Isolez le lini de l'inlini, le lini peut alors se conce-
voir par liii-inéme, il se siillit donc ; mais ce qui se
sullit est iucoiulilionnel, absolu : voib'i le lini qui de-
vient infini. Il n'cstdoncpas donné à l'esprit humain
de séparer ces deux termes ; les deux idées qu'ils
expriment nous accompagnent sans cesse, nous les
retrouvons dans touies lios perceptions ; elles font
partie intégranie <le toutes nos pensées, elles sont le
fondement de notre laison, nous ne saurions nous en
défaire. Prenez garde que l'indrfini n'est pas l'infini.
L'indéfini n'est ([u'uiie existence dont nous ne con-
naissons p.ns les liornes; ce n'est ((u'uii fini plus ou
moins étendu ; il recule, il suspend la borne : l'infini
seul la supprime absolument.
« Ne dites p.is (|ue l'inlini n'est que du fini ajouté
à du lini. Evidennnent celte addition ne vous donne-
rait jranais que du fini. Reculez la limite tant que
vmis voudrez, l'exiension de l'objet fini ne suppri-
mera pas sa bcu'ue, et à quelque point que vous la
portiez, vous ne serez pas plus près de l'inlini que
vous ne l'étiez au point de départ, car la différence de
l'inlini au fini est une dillëreiice de nature cl non
point d'étendue.
< Constatons bien les rapports qui existent entre
le fini et l'ititini. Nous animions donc qu'il existe des
rapports, et des rapports nécessaires entre le fini cl
I iiiiini. En effet, pouvez-vous concevoir le fini tout
scid ? Jamais. Le lini a sa raison d'ôtie dans l'infini ,
ou bien il se suffit i lui-même, et par conséquent il
est lui-même l'infini. Le fini devient alors l'inlini ; la
contradiction peut-elle cire plus formelle ? votre rai-
son se révolte, et vous êtes forcé, par la constitution
même de votre nature, .à rapporter le fini à l'infini, à
considérer l'infini comme la cause du fini, à recon-
naitre entre l'un et l'autre le rapport de la cause à
l'efiel. Alors les existences sont doimées ; tout s'ex-
plique, tout s'arrange et s'ordonne ; rinilexible logi-
que, l'esprit, h laison, sont satisfaits. Si nous conti-
nuons du nous élever vers cet infini qui vient de se
révéler à nous, si nous en étudions de plus en plus la
nature, nous trouvons qu'il i enferme en lui, à un de-
gri' sans limiles, toutes les perfections répandues
dans le monde. En effet, dans le fini, dans la créature
nous remarquons (juil y a force, beauté, bonté, in-
lelligenee, sagesse, liberté, justice; iious alîirmons
donc ((ne l'inlini, cause suprême du monde, possè .e
dans leur souveraine perfection ces mêmes attributs
-qui se maniiestent, qui se reproduisent comme de pa-
ies reUeis des traits affaiblis dans Us êtres émanes de
KAN
lOS
sa puissance. Et puisqu'il posr.ède toute perfection,'
nous pouvons affirmer encore qu'il se suffit pleife-
ment a lui-même, que par conséquent il est un i.iHni
personnel, une personnalité infinie, un Dieu person
nel, cause libre du monde et par conséquent distiiiclo
du monde.
« Pinir arriver à cette conclusion, nous n'avons fait
que déTeloi)pcr l'idée même de l'inlini ; nous avons
tiré le même du même : ce procédé est rigoureux.
Celle preuve de l'existence de Dieu est snppo.>,ée
dans toutes les autres, elle leur sert de base et leur
donne tonte leur valeur. Ainsi la preuve par l'idée de
l'être nécessaiie se réduit à dire : Il faut admettre
l'être infini. Dieu, ou le néant; la preuve cosmologi-
que ou tirée des <auses finales et du speelacle de l'u-
nivers, n'a de force que par l'idée de l'infini, car,
tout seul, cet argument ne nous condniiait qu'a un
ordonnaleur du nmnde dans le sens de Platon ci des
anciens pllilo^opbes, et nullement au Dieu créateur.
« On comprend donc rimportance, pour la tli('odi-
cée ehiélieime, de cette preuve de l'existence de
Dieu par l'idée de l'infini. iVl.iis pourquoi l'avons-nous
présent/e ici '? C'est (praujourd'lmi le débat entre 1»
vérité et l'erreur, entre la religion el le rationalisme,
et parliculièrenient le rationalisme des écoles ger-
maniques, vient se résumer dans cette question : Le
fini exisle-t-il, ou aulreinent le fini et l'infini sont-ils
ideiili(pies'?
4 Occuiions-nous d'abord des points de contact
du criticisinc avec la preuve que nous avons ex-
posée.
« Les objets peuvent être considérés de deux ma-
nières. Pris comme intuitions, c'est-a-dire lorsque
nous distinguons le mode dans lequel nous les con-
templons de leur consiitiition en eux-mêmes, notis
les appelons êtres sensibles. Et lorsque nous consi-
dérons celte constitution même, ipmiiiue nous ne
puissions la percevoir intuitivement, ou bien lors(|ue
nous contemplons les choses purement possibles
qui ne sont pas les objets de nos sens, mais des ob-
jets pensés par l'intelligence, nous les nommons êtres
intelligibles. Les êtres sensibles et les êtres insensi-
bles, liant les appelle en giec, les premiers, phcno-
inènes ( chose manifestée ) , les seconds, twumènes
(chose pensée). Le pliénoméne, c'est l'objet en tant
que perçu ; le iioumene, c'est l'objel en lui-unnie,
ou l'objet possible qui n'est point sensible. L'être
ainsi considéré ne peut être en effet que pensé. Le
plK'nomène est l'apparu, le noumène esl te pensé.
Dans le langage ordinaire, le pliénoméne ce sont les
qualités ; le noumène c'est la substance.
1 Eh bien! Kant nie toute réalité objective ; il
méconnaît la valeur de ce jugement naturel qui ac-
compagne nos sensations et qui nous persuaile de la
vérité de leur objet. Il soutient que nous ne connais-
sons des objets que les phénomènes, c'est-à-dire les
apparences, puisque seuls les phénomènes sont don-
nes. Suivant lui, les choses en soi nous échappent et
ne sont (jue conçues par l'intelligence, ne sont que
des nouménes. Toui ce que l'iulelligence conçoit au
delà des phénomènes, elle le prend sur elle. Ainsi, les
corps ne sont qu'une collection d'apparences ; le
moi de la conscience est aussi, comme tous les au-
tres objets de la nature, une ap|iareiice. Toute la
science humaine tourne dans un cercle d'apparences
sans pouvoir CH sortir jamais. Suivant le même phi-
losophe, la faculté qui ramène les notions à un petil
nombre de principes d'une forme absolue, la raison
pas plus que l'cnieudement n'est intuitive, elle est
purement régulatrice. L'intuition de la raison n'est
que le mirage de la •'aison pour elle-même.
Ainsi le résultat définitif du criticisme, c'est lim-
possihilité pour 1 homme d'une connaissance réelle et
la réduction de loute notre science .i un rêve i;é-
guber. Disons-le, c'est le scepticisme pur, le scepti-
cisme universel.
t Nous avons à répondre à une difficulté grave
199
KAN
KER
209
soulevée par le criticisme, et qui fait tout le fond de
ce système. Kant prétend avoir démontré l'impossi-
bilité pour l'homme d'une connaissance réelle, et
avoir réduit toute notre science à un rêve régulier.
Disons-le, c'est le scepticisme pur, le scepticisme
universel. Il n'y a, eu elfet, ancune connaissance s'il
n'y a pas des objets connus : la connaissance n'est
qu'un vain mot si elle n'est pas la connaissance de
quelque chose de réel. Si toute notre science n'est
composée que d'apparences, toute notre science est
chimérique. Si parce que la raison est subjective,
c'est-à-dire se manifeste par la conscience, elle n'a
aucune valeur hors des limites du sujet et ne peut
aflirmer ni Dieu, ni l'àme, ni le temps, ni l'espace,
ni le moi, ni le monde, en un mot aucune réalité
substantielle, que nous reste-t-il ? Des phénomènes ;
les [ihénomènes extérieurs du monde, les phénomè-
nes intérieurs du moi. Mais si vous dépouillez de
toute réalité le moi et le monde, si la substance du
monde et du moi n'est pas réelle, comment les phé-
nomènes, les modes qu'ils prosentent à mes sens ou
à ma raison seront-ils plus réels ? Admettre la réa-
lité des phénomènes et nier la réalité de la substan-
ce, n'est-ce pas une eontradicliou? Peut-on allirmer
la réalité des phénomènes quand on nie la réalité de
la substance ? Evidemment avec la substance nous
échappent les phénomènes, et nous nous trouvons
plongés dans la nuit du scepticisme
« Kant demande à la connaissance objective ses
preuves. Pourquoi donc n'en deraande-t-il pas autant
à la connaissance subjective? Elle ne serait pas
moins embarrassée de les fournir : c'est exiger trop
ou trop pou. Veut-on argumenter, il n'y a pas plus
d'argument en faveur de la compétence du moi à l'é-
gard du moi, que de sa juridiction sur le non-moi.
Observe-t-on, il y a ici de chaque côté des faits d"é-
gale valeur; la conscience, la perception, la sensation
en elle-même, et la sensation vue dans sa cause, le
consenlemeut de la raison à ses propres principes et
la sécurité avec laquelle elle les tient pour vrais d'une
manière absolue, sont des faits pareillement, et l'on
ne voit pas pourquoi tel de ces faits aurait le privi-
lège de n'être pas contrôlé par la dialectique, tandis
que tel autre lui serait entièrement abandonné.
- « Une pétition de principe est le point de départ
de toutes nos connaissances. L'esprit humain est
une pétition de principe; c'est un point indéniable ;
il a fait toute la fortune du scepticisme. 11 faut le sa-
voir et passer outre. Le pyrrhonisme, ce dernier
terme du scepticisme, articule son peut-éire, formule
sa pensée, et sacrilie à la raison au moment qu'il la
blasphème. Toute science, tout système impli(iue la
logique et lui reconnaît ainsi une valeur absolue.
Celui qui place en regard l'une de l'autre deux séries
d'arguments contraires et en conclut l'incertitude,
celui-là allirme le principe de contradiction et donne
cette affirmation pour base au doute qu'il établit.
« La nature est plus puissante que tous les systè-
mes. Vous voulez que je doute de la réalité du moi,
de la réalité du monde, de la réalité du Uni et de
l'infini; mais y a-t-il en moi rien de plus personnel
que ces idées et leurs rapports ? Puis-je m'en dé-
pouiller? Ne sont-ce pas des lois qui dominent ma
raison et la raison de tous les hommes ? Vous pré-
tendez qu'aucune des affirmations de l'esprit humain
ne répond à la vérité ; vous savez donc discerner le
certain de l'incertain, vous connaissez donc les ca-
ractères de l'un et de l'autre ? Vous soutenez que
nous n'atteignons que des apparences et jamais des
réalités, vous savez donc établir une différence entre
ks réalités et les simples apparences ? Vous savez
donc ce que c'est que le certain, le réel ; il s'est donc
manifesté à votre intelligence ? Autrement de quel
droit prononceriez-vous que l'esprit humain est inca-
pable de ]{• connaître? Sur quoi vous fonderiez-vous
jwur iiffiriMer que nous ne sommes en rapport qu'a-
vec des apparences, si vous n'aviez aucune idée des
réalités et si vous ne saviez pas distinguer ces réali-
tés des apparences ? 11 serait plaisant que vous nous
refusassiez le droit de rien aflirmer comme vrai, si
vous ïie saviez pas même ce (|ue c'est que le vrai.
I Mais abordant plus directement le kantisme,
nous dirons à l'auteur de la Critique de ta raison
pure : Vous admettez comme point de départ que
toute connaissance commence par l'expérience, c'est-
à-dire que nous ne connaissons rien qu'autant que
notre sensibilité a été affectée par quelque chose qui
ne parait pas venir d'elle ; en sorte que l'activité in-
térieure, par laquelle nous connaissons, est originai-
rement passivité. Le subjectif n'est donc pas tout,
puisque dans le subjectif on trouve l'objectif, par
exemple, la non-conscience de l'origine de l'expé-
rience : nous ne sentons pas ce qui fait que nous
sentons. Le moi subjectif lui-même est quelque
chose, par conséquent il existe objectivement, et le
subjectif est un objectif. Il y a conscience d'un réel
absolu, car la conscience n'est pas rien.
I Vous admettez la raison : or, la raison est con-
forme à la vérité ou elle n'est pas la raison; la
connaissance donne la vérité ou l'on ne connaît pas.
Puisque le subjectif existe, la raison qui 1« connaît,
connaît la vérité en tant qu'elle connaît cette vérité-
là. Il y a donc une connaissance objective légitime et
certaine. Il n'y a pas jusqu'au titre de votre livre qui
ne soit contre vous : La crilicfue de la raison pure,
que signifie ce titre ? Une critique suppose un criti-
que, un juge de la raison pure, c'est donc la raison
jugeant la pensée humaine et faisant, avec une auto-
rité que vous nous donnez pour démonstrative, la
part du subjectif et de l'ohjectif, c'est-à-dire établis-
sant la vérité absolue. Votre raison criti(pie, en tant
qu'elle critique ou juge la raison pure, est évidem-
ment distincte de celle-ci. Elle la prend pour objectif
en tant qu'objet d'observation, c'est-à-dire d'expé-
rience ; elle s'en donne donc par la conscience une
certaine intuition, et, en la jugeant, elle la soumet à
une loi, elle la rapporte à un type qu'elle prend en
elle-même et qu'elle lui impose', c'est-à-dire encore à
un absolu, En tant qu'elle juge, il faut bien, qu'elle
se prenne autrement qu'en tant qu'elle est jugée.
« La sensibilité, l'entendemont, la raison, c'est !e
moi sentant, comparant, ruiseniiaul; l'intelligence, en
un mot, c'est le mai connaitsanl. Les lois ne peuvent
être plus vraies et plus réelles que les fonctions dont
elles sont dérivées ; ces (onctions ne peuvent être
plus vraies, plus réelles que le sujet, le moi qui les
remplit et les propriétés qui l'en rendent capable.
Mais si le moi, le sujet, son existence, ses propriétés
ne sont que des apparences, le monde subjectif n'est
donc qu'un monde d'apparences, les lois qui le régis-
sent ne sont donc point des lois réelles, mais des lois
apparentes aussi, qui serviront, si l'on veut, pour
appliquer des apparences (les formes intellectuelles)
à d'autres apparences (la matière) ; et nous sero's
promenés ainsi dans un cercle d'apparences, cher-
chant un point d'appui qui nous permette de les
fixer, et ne trouvant ce point d'appui nulle part, ni
au dedans de nous, ai an dehors.
« En présence de ce ré>ultat final du criticisme, il
n'y a plus que l'arme du ridicule qui puisse faire jus-
tice de semblables doctrines, et involontaireinent on
se rappelle ces vers du Virgile truvesii de Scarron
qui avait ainsi donné, plus d'un siècle avant liant, le
rçsumé de la phénoménologie universelle •
Je vis l'ombre d'un cocher
iToltoni l'onilire il'un carrosse
Avec l'ombre d'une brosse.
KARAIÏE. Yoy. Caraïte.
KEIROTONIE. Yoy. Imposition des mains.
KERI et KETIB, mots liébrcux qui signi-
fient lecture et écriture. Souvent les ruasso-
rètes, au lieu du mot écrit dans le texte hé-
breu , et qu'ils nomment kétib , eu out mis
SOI
JIS
KYR
203
un autre ^ la marge, et le nomment keri, ce
qu'il faut lire; ou il ont écrit le mot mis à
h margi! avec des points et des accents dif-
f6renis de ceux qu'il porte dans le texte.
Mais les critiques les plus habiles convien-
nent que ces corrections des massorètes ne
sont ni fort sûres ni fort importantes, et que
l'on est en droit de n'y faire aucune atten-
tion. Il est plus utile de consulter les va-
riantes qui peuvent se trouver entre les ma-
nuscrits et les meilleures éditions du texte.
On doit cependant savoir gré aux massorètes
d'avoir toujours respecté le text", et de n'a-
voir mis qu'à la marge lurs prétendues cor-
rections. Voy. les Prolég. de laPolyg. de Wal-
lon, sect. 18, n. 8.
KÉSITAH , mot hébreu qui désigne une
brebis. Il est dit dans la Gen., xxxiii, v. 19,
que Jacob acheta des tils d'Hémor un champ
pour cent késitah ou brebis, et dans le livre
de Job, c. xLii, V. il, que ce patriarche reçut
de chacun de ses parents et de ses amis une
késitah, une brebis, et un pendant d'oreille
d'or. Quelques interprètes ont cru que c'é-
tait une monnaie empreinte de la ligure d'un
agneau. Mais il serait diflicile île prouver que
du temps de Jacob et de Job il y eût déjà de
l'argent ruonnayé et fr.ippé au coin ; il est
plus probable que c'étaient des agneaux ou
des brebis en nature. On sait assez que le
commerce a commencé par deséchanges dans
les premiers âges du monde.
A la vérité, nous lisons, Gen. c. xx, v. 16,
qu'Abimélech, roi de Gérare, donna à Abra-
ham mille pièces d'argent, et c. \xiii, v. 16,
qu'Abr<iham acheta un tombeau quatre cents
Sicles d'argent de bonne monnaie; mais le
texte pOi te, d'argenl qui a cours chez le mar
chand. 11 paraît que la valeur du sicle se vé-
rifiait au poids et non à la marque. 11 n'y
avait pas alors assez do commerce et de re-
lation entre les peuples pour qu'ils eussent
pu convenir d'une monnaie commune. Nous
savons que des écrivains très-instruits ont
soutenu que l'usage de la monnaie frappée
au coin est bien plus ancien qu'on ne pense ;
mais il n'est pas nécessaire de recourir à
cette sui)position jiour donn- r un sens très-
vrai à ce qui est dit d'Abraham. Les ifjcré-
dules qui ont voulu argumenter contre cette
narration, [larce que l'usage de la monnaie
ne remonte pas jusqu'au temps d'Abraham,
ont très-mal raisonné. Dans plusieurs con-
trées de l'Orient, la valeur de For et de l'ar-
gent s'estime encore aujourd'hui au poids,
et non à la marque.
KIJOUN, noiu d'une idole ou d'une fausse
divinité honorée par les Israélites dans le
désert. Le proiihète Amos leur d,t, c. v, v. 26 :
« Vous avez porté le tabernacle de votre
Molocli et Kijoun, vos images et l'étoile de
vos dieux (jue vous vous êtes faits. » (lomme
en arabe A'cù'aH est Saturne, ou plutôtle soleil
nommé Saturne pai- les Occideuiaux , il |ia-
rait que c'est le Kijoun des Hébreux, et que
MolochKijoun est le soleil-roi. Saint Etienne,
■Act., c. vil, V. k'-i, cite le passage d'Amos,
et traduit Kijoun [)ar Remphan, les Septante
ont écrit Rephan ; or, selon le P. Kircher,
Diction, de Tuéol dogmatiqce. lil.
Jfryj/ia/i en égyptien était Saturne, même per-
sonnage que le soleil. La planète d.-" Saturne
n'est pas assez visible pour qu'elle ait été
connue et adorée dès les premiers temps ;
chez tous les peuples, l'adoration du soleil
et de la hnie a été la plus ancienne idoUtrie.
Voy. Astres.
KORBAN. Voy. Corban
KYRIE ELEISON, mots grecs qui signiQent
Seigneur, ayez pitié. Cette courte prière,
souvent répétée dans l'Ecriture sainte , et
qui convient très-bien aux hommes tous pé-
cheurs , a commencé dans l'Orient à faire
partie de la liturgie ; on la trouve dans les
plus anciennes , et dans les Constitutions
apostoliques, qui contiennent les rites des
Eglises grecques des quatre premiers siècles.
L. VIII, c. 8. C'était une espèce d'acclamation
par laquelle le jieuple répondait aux prières
que le prêtre ou le diacre faisait pour les
besoins de l'Eglise, pour les catéchumènes,
pour les pénitents, etc. Elle n'est guère
moins ancienne dans l'Eglise latine. Vigile
de ïapse, qui vivait sur la fin du v' siècle,
et qui est probablement l'auteur d'une pré-
tendue conférence entre Paxentius , arien,
et saint Augustin, dit que les Eglises latines
gardaient ces mots grecs, afin que Dieu fût
invoqué dans les langues étrangères , aussi
bien qu'en latin. Saint Augustin, Append.,
t. II, p. kk. Le concile de Vâisons, tenu l'an
5i9, ordonna , can. 3, que le Kyrie eleison,
déjà en usage dans tout l'Orient et l'Italie,
fût désormais récité dans les Eglises des
Gaules, non-seulement à la messe, mais à
matines et à vêpres. Ceux qui ont écrit que
cet usage n'était introduit dans toute l'Eglise
que depuis saint Grégoire se sont évidem-
ment trompés, puisque ce saint pape n'a oc-
cupé le siège de Rome que plus de soixante
ans après le concile de Valsons. Lorsque
quelques Siciliens se plaignirent de ce qu'il
voulait introduire dans l'Eglise de Home la
langue, les rites et les usages des Grecs, il
réponilit, Epist. 64, 1. 7, que ceux dont on
parlait y étaient établis avant lui.
On répète trois fois Kyrie à l'honneur de
Dieu le Père, trois fois Christe en parlant au
Fils, et autant de fois Kyrie en s'atlressant
au Saint-Esprit, pour marquer l'égaliti' par-
faite (les trois personnes divines : c'est une
profession de foi abrégée du mystère de la
sainte Trinité. Les critiques protestants, qui
ont dit que cette atfectation du nombre de
neuf était une espèce de superstition, n'ont
pas montré l'eaucoup de discernement ; dl
n'y a pas plus ici de superstition que dans
la triple immersion du baptême et dans
le trois fois saint qui est tiré de l'Apocaly-
pse. Voy. le P. Lebrun, tom. I, p. 16i.
Un savant auteur an-,lais a écrit que cette
prière était connue des païens, qu'ils l'adres-
saient souvent à leurs dieux, et qu'elle se
trouve dans Epictète , Cudworth, Syst. In-
tell., c. Il, §27; et le cardinal Bona a été
dans cette opinion, Rer. Lilurg., 1. ii, c. 4.
Mosheim, dans ses Notes sur Cudworth, , ne
l'approuve point; il soupçonne que ce sont
plutôt les païens qui avaient emprunté ces
203 LAB
deux mots des cnréticus. Il blAme en géné-
ral ceux qui attribuent trop légèrement aux
premiers fidèles ces sortes d'emprunts. Mal-
heureusement il est tomb('' lui-même dans
cette faute plus souvent qu'aucun autre.
Vingt fois il a répété dans ses ouvrages que
lespremierschrétiensempruntèrentplusieurs
usages des juifs et des pa'ens , afin de leur
inspirer moins d'aversion pour le christia-
nisme.; que la plupart de ces usages n'étaient
fondés que sur les principes de In oliiloso-
pliie de Platon, à laquelle les Pères de l'Eglise
étaient attachas. Or, celte philoso ihie était
un des principaux aiipuis du paganisme. Nous
avons eu soin de réfuter cotte iînagination
toutes les fois queFoecasion s'en est présenti'e.
Quant k la prière A'î/'te eleison, quand il
sei'ait vrai que les païens s'en sont servis
quelquefois , ils n'ont pas pu y attacher le
LAC
204
même sens que les chrétiens. 1» Par le mot
Kyrie, Seigneur, un chrétien : ntendait Je
.'ciil vrai Dieu, créateur et seul souveraiu
maître de l'univers ; un païen ne pouvait en-
tendre qu'un dieu particulier, tel que Jupi-
ter ou autre. D'ailleurs , l'usage des pa:ens
ne fut jamais de donner à aucun de leurs
dieux le titre de Seiqneur , mais jilutôt celui
de jpèreou de bienfaiteur. 2° ils n'avaient au-
cune idée du besoin continuel que nous
avons tous, comme pécheurs, Se la miséri-
corde de Dieu, et, en général, ils ne croyaient
pas leurs dieux fort miséricordieux. Cette
ITièro ne pouvait donc avoir lieu que dans
la bouche de quelque malade souffrant, qui
aurait imploré la pitii' d'Esculape , dieu de
la santé. Ainsi la remarque du critique an-
glais, réfutée par Mosheim, n'a aucune vrai-
semblance.
LABADISTES, hérétiques, disciples de
Jean Lai^adie , fanatique du xvii' siècle.
Cet homme, après avoir été jésuite, ensuite
carme , entui ministre j)rotestant à Montau-
banet en Hollande, fut chef de secte, et mou-
rut dans le Holst.in en 167i.
Voici les principales erreurs que soule-
naient Labadie t ses partisans : 1° Ils
croyaient que Dieu peut et veut tromperies
hommes, et les trompe eifectivement quel-
quefois ; ils all'guaienl en faveur d^ cette
opinion monstiueuse divers exemples tirés
de l'Ecriture sainte qu'ils entendaient mal :
comme celui d'Âchab, de qui il est dit que
Dieu lui envoya un esprit de mensonge pour
le séduire. 2° Selon eux, le Saint-Esprit agit
immédiatement sur les âmes, et leur donne
divers degrés de révélation tels qu'il les faut
pour qu'elles puissent se décider et se con-
duire elle-mômes dans la voie du salut.
3° Ils convenaient que le Ijaptême est un
sceau de l'alliance de Dieu avec les hommes,
et ils trouvaient bon qu'on le donnât aux
enfants naissants ; mais ils conseillaient de
le dilférer jusqu'il un âge avancé, parce que,
disaient-ils, c'est une marque qu'on est
mort au monde et ressuscité eu Dieu, ^i." Us
prétendaient que la nouvelle alliance n'ad-
met que des hommes spirituels , et qu'elle
les met dans une liberté si parfaite, qu'ils
n'ont plus besoin de loi ni de cérémonies,
que c'est un joug duquel Jésus-Ciaist a dé-
livré les vrais fidèles. 5° Ils soutenaient que
Dieu n'a pas préféré un jour à 1 autre; que
l'observation du jour du rejiOS est une pra-
tique indilTérente ; que Jésus-Christ n'a pas
défendu de travailler ce jour-là comme pen-
dant le reste de la semaine ; qu'il est per-
mis de le faire, pourvu <]ue l'on travaille
dévotement. 6° Us distingaient deux Eglises,
l'une dans laqueile le christianisme a dégé-
néré et s'esl corrompu, l'autre qui n'est
composée que de fidèles régénérés et déia-
chés du monde. Ils admettaient aussi le rè-
gne de œilleans, pendant lequel Jes s-Christ
doit venir dominer sur la terre, convertir
les iuifs, les païens elles mauvais chrétiens.
7° Ils ne croyaient point à la présence réelle
de Jésus-Christ dans l'eucharisiie ; selon
eux, ce sacr 'ment n'est que la commémo-
ration de la mort de Jésus-Christ; on l'y re-
çoit seulement spiriiuellement, quand Ton
communie avec les dis;;osi(ions nécessaires.
8° La vie contemplative, selon leur idée, est
un état de grâce et d'i'nion divine, le parfoit
bonheur de celte vie, et le comble de la
perfection. Ils avaient sur ce point un jar-
gon de spiritualité que la tradition n'a point
enseigné, et que les meilleurs maîtres de la
vie spirituelle ont ignoré.
ilya eu pendant lonj,temps des labadistes
dans le pays de Clèves ; mais il est incer-
tain s'il s'en trouve encore aujourd'hui.
Cette secte n'avait fait que joindre quelques
principes des anabaptistes à ceux des calvi-
nistes, et la préteiMue spu'itualité dont elle
faisait profession, étdt la môme que celle
des piétiiles et des hernhutes. Le langage de
la piété, si énergique et si touchant dans
les principes de l'Eglise catholique, n'aplus
de sens et paraît absurde, lorsqu'il est trans-
planté c :ez les sectes hérétiques ; il res-
semble aux arbustes, qui ne peuvent pros-
pérer dans une terre étrangère.
LABARUM, élendari militaire que fit faire
Constantin lorsqu'il eut vu dans le ciel la
figure de la croix. Voyez Constantin. On
ignorait l'étymulogie dumot /(i&arwm; M. de
Gébelindit, avec beaucoup de vraisemblance,
qu'il vient île lab, main, d'dù est venu >«§'j
prendre, tenir ; et do âpu, élever ; c'est à la
lettre, ce que l'on tient élevé.
LACTANCE, orateur latin et apologiste
de la religion chrétienne. Selon l'ojiiniou du
père Frauceschini, dernier éditeur des ou-
vrages de Lactance, cet écrivain était né à
Formo en Italie. Il étudia sous Arnobe, à
Sicca en Afrique, fut appelé à Nicomédie
pour enseigner la rhétori(iue, devint précep-
teur de Cris; us, fils de Constantin, et se re-
m
LM
tira à Trêves après la mort funeste de son
élève; il nioiiriit l'an 325. Son principal ou-
vrage est ec.'lui (les Institutions divines, où il
s'atlaclie .'i déiiiontrer l'absurdité du pa^a-
liisine et des opinions des pliilosophes, et
leur oppose la vérité et sagesse de la doc-
trine elirétienuo. 0n ne dout'.; plus aiijour-
d'iiui que le livre de la Murt des Persécuteurs
ne soit de lui. U a l'ait aussi un livre de
l'Ouvrage de Dieu, dans lecpiel il prouve la
providence, et un autre do la Colère de Dieu,
où il fait voir ({ue Dieu est Viiigeur du
crime, aussi bien (jue rémunérateur de la
vertu. Son style n'est |)as moins élégant que
celui de Cicéron. Lactance avait encore écrit
plusii'urs autres ouvrages (jui ne sont pas
venus jusqu'à nous. Ceux qui nous restent
ne soni pas sans défaut; [dusieurs censeurs
un peu trop rigides y ont noté un assez
gran<l nombre d'erreurs tliéologiqucs ; mais
la plu; art sont seulement des façons de par-
ler peu exactes, et qui sont susceptibles
d'un sens orthodoxe lorS(pi'on ne les pr^nd
l>as à la rij,ueur. H faut se souvenir que cet
auteur n'était pas théologien, mais orateur ;
qu'il n'avait pas l'ail une l.mgue étude de la
doctrine cbrétienne, mais qu'd -ossédait
très-bien l'aucenue philosophie. Qu(dqu'il
ne fût |tas assi'^ instruit pour ex|)liquer
avec précision tous les dogmes du christia-
Disme, il a cependant rendu à la religion un
service essentiel, en mettant au grand jour
les erreurs, les absurdités et les contradic-
tions des philosophes. Sou ouvrage de la
Mort des Persécuteurs contient plusieurs faits
essentiels dont Lactance était très-bien in-
formé, et qui ne se trouvent point ailleurs.
On n'a pas tort de le mettre au nombre des
Pères de l'Eglise. L'abbé Lenglet Dufresnoi
a donné à Paris, en ITiS, une très-belle édi-
tion de Lactance, en deux vol. in-W. Le père
Franceschini l'a fait réimprimer à Rome en
175i et 1700, en dix volumes j')i-8% avec de
savantes dissertations.
LAI. On nomme ainsi celui qui n'est point
engagé dans les ordres ecclésiastiL^ues ; c'est
une abréviation du mot laïque, et ce terme
est principalement en usage parmi les moi-
nes; ils eidendont par frère lai, un homme
pieux et non lettré, qui se donne à un mo-
nastère pour servir les religieux.
Le frère lai porte un habit un peu différent
de celui des religieux ; il n'a point de [dace
au chœur, ni de voix en chapitre, il n'est
pas dans les ordres ni même souvent ton-
suré ; il ne fait vœu que de stabilité et d'o-
béissance. Cet état est souvent embrassé par
des hommes u'uu caraetère paisible et ver-
tueux, qui fu ant la dissipation du monde,
et désirent de mieux servir Dieu dans un
eloitre. 11 y a aussi des frères lais qui font
les trois v eux de religion, qui sont destinés
au service intérieur et extérieur du couvent,
qui exercent les ofQces de jardinier, de eui-
siuier, de portier, etc. On les nomme aussi
ftères convcrs.
Cette institution a commencé dans le
XI' siècle ; ceux à qui l'on donnait ce titre
étaient des hommes trop peu lettrés pour
Iki 206
devenir clercs, et qui, en se faisant reli-
gieux, se destinaient entièrement au travail
des mains et au service temporel des mo-
nastères. On sait que dans ce temps là la
pliqjarl dos laïques n'avaient aucune tein-
ture des lettres, et que l'on nomma clercs
tous ceux qui avaient im pou étudié et qui
savaient lire. Cependant il n'aurait jias été
juste d'exclure les premiers de la profes-
sion religieuse, parce qu'ils n'étaieiit pas
lettrés. 11 ne faut donc point attribuer cette
distinction au dégoût que prirent les reli-
gieux pour lo travail des mains, àl'ambition
d'être servis pai- des frères lais, au relâche-
ment de la discipline, ni ;\ d'autres motifs
condamnables. Dans un temps où le clergé
séculier était à peu près anéanti, oii les
fidèles étaient réduits à recevoir des reli-
gieux tous les secours spirituels, il était
naturel que ceux qui pouvaient les leur ren-
dre s'y livrassent tout entiers, pendant que
ceux des religieux (juien étaient incapables
s'occupaient du travail des mains et du tem-
por<d. 11 est sans doute résulté dans la suite
un inconvénient de cette différence d'occu-
I allons, en ce que les religieux-clercs n'ont
plus regardé les frères lais que comme des
tuanœuvres et des domestiques ; mais dans
l'origine la distinction entre les uns et les
autres est vrnue de la nécessité et non du
désir ou du projet d'introduire un change-
ment dans la discipline monasiique.
De même, dans les monastères des filles,
outre li's religi uses du chœur, il y a des
sœurs converses, uniquement reçues pour
le service du couvent, et ((ui font" les trois
vœux de religion. Mais dans quelques or-
dres très-austères, comme chez les Clarissos,
il n'y a joint de sœurs converses ; toutes
les religieuses font tour à tour tout le ser-
vice et le travail intérieur de la maison.
LAICOCEPHALES. Ce nom signifie umj
secte d'hommes quionti)our chef unlaïquc :
il f d donné par qu Iques catholiques aux
schismali(jues anglais, lorsque, sous la disci-
pline de Samson et de Morison, ces derniers
furent obligés, sous peine de prison et do
confiscation d' biens, de reconnaitie le sou-
verain pour chef de l'Eglise. C'est par ces
moyens violents que la prétendue réforme
s'est introduite en Angleterre. Le pouvoir
pontifical, contre lequel on a tant déclamé,
ne s'est jamais porté h de pareils excès Mais
l'absurdité de la réforme anglicane pa.ul
dans tout son jour, lorsque la couronne ^
d'Angleterre se trouva [dacée sur la tète [
d'une femme : on ne vit pas sans élonne-
meiit les évoques anglais recevoir leur juri-
diction spirituelle de la reine Elisabeth.
LAÏQUE, se dit des personnes etdesch;i..
ses distinguées de l'état ecclésiastique, eu
de ce qui appartient à l'Eglise ; ce nom vient
du grec y.ào;, peuple. Ainsi l'on appiUe per-
sonnes laïques, toutes Celles qui ne sord point
engagées dans les ordres ni dans la clérica-
ture; biens laïques, ceiw ijui naiipartiennent
pas à l'Eglise ; puissatice laïque, 1 autorité
civile des magistrats , par opposition à la
puissance spirituelle ou ecclésiastiiiue.
à07
LAi
LAM
SOt(
La plupart des auteurs protestants ont
prétendu que la distinction entre les clercs
et les laïques était inconnue dans l'Eglise
primitive ; qu'elle n'a commencé qu'au
III* siècle, que ça été un effet de l'ambition
du clergé. Ainsi le soutiennent encore les
calvinistes, que l'on nomme en Angleterre
presbytériens et puritains. Mais les anglicans
ou épiscopaux ont soutenu, comme les ca-
tholiques, que cette distinction a été faite
par Jesus-Christ lui-même, et qu'elle a été
établie par les apôtres. C'est à eux seuls, et
uon aux simples fidèles, que Jésus-Christ a
dit : Vous n'êtes pas de ce monde, je vous
ai tirés du monde , vous êtes la lumière du
monde, etc. C'est à eux seuls qu'il a donné
la commission d'enseigner toutes les nations,
le pouvoir de remettre les péchés et de
donner le Saint-Esprit ; qu'il a promis de
les placer sur douze sièges pour juger les
douze tribus d'Israël, etc. Ils ont donc une
mission, un caractère, des pouvoirs, des
fonctions , que n'ont point les simples
fidèles.
Saint Paul, dans ses lettres à Tite et à Ti-
mothée, leur prescrit des devoirs qu'il n'exige
point des simples fidèles ; il charge les pre-
miers d'enseigner, de conduire, de gouver-
ner; les seconds, d'écouter la voix de leurs
pasteurs et d'obéir. Saint Clém -nt de Rome,
disciple et successeur immédiat des apôlres,
Epist. i ad Cor., n° 40, veut que l'on observe
dans l'Eglise le même ordre q i était gardé
parmi les Juifs, chez lesquels les laïques n'a-
vaient ni les mêmes devoirs, ni les mêmes
fonctions que les lévites et les pnitres. Saint
Ignace, dans ses lettres , nous montre cette
même discipline déjà établie, et saint Clé-
ment d'Alexandrie la suppose évidemment.
Quis dives salvetur, p. 959. Il n'est donc pas
Trai que Tertullicn et saint Cyprien soient
les premiers qui en ont fait mention ; elle
existait avant eux, et elle est aussi ancienne
que l'Eglise.
Vainement on objecte que saint Pierre,
Epist. 1, c. II, V. 9, attribue le sacerdoce à
tous les fidèles ; et que, chap. v, v. 3, il les
nomme clercs ou clergé, c'est-à-dire l'héri-
tage du Seigneur. Dans ces mêmes endroits
l'apôtre leur attribue la royauté ; on n'r-n con-
clura pas que tous sont rois ; il explique ce
qu'il entend par sacerdoce, en disant que
c'est pour ofl'rir à Dieu des victimes spiri-
tuelles, des vœux, des louanges, des prières;
ri charge les anciens ou les prêtres de paître
et de gouverner le troupeau du Seigneur ;
il ordonne aux jeunes gens d'être soumis
aux anciens. De même, dans l'Ancien Testa-
ment, le peuple juif est appelé un royaume
de prêtres, Exod., cap. xix, v. 6 ; et l'héri-
tage du Seigneur, Deul., c. iv, v. 20, et
c. IX, v. 29. Saint Pierre n'a fait que répéter
ces expressions ; il ne s'ensuit pas que chez
les Juifs il n'y ait eu aucune distinction en-
tre les prêtres et le peuple : si un simple
juif avait osé faire les fonctions des prêtres,
il aurait été puni de mort ; Saiil, quoique
revêtu de la royauté, fut puni pour avoir ou
cetta témérité. Bingham, Orig. ecclés,,]\\.i.
c. 5; Bellarm., tom. II, Controv. 2, etc.
Voy. Clergé.
LAMENTATION, poëme lugubre. Jérémie
en composa un touchant la mort du saint roi
Josias, et dont il est fait mention, // Parai.,
c. XXXV, V. 25. Ce poëme est perdu : mais
il en reste un autre du même prophète tou-
chant les malheurs de Jérusalem ruinée {)ar
Nabuchodonosor. Ces lamentations contien-
nent cinq chapitres, dont les quatre pie-
miers sont en vers acrostiches, et abécédai-
res ; chaque verset ou chaque strophe com-
mence par une des lettres de l'alphabet
hébreu, rangées selon l'ordre qu'elles y gar-
dent ; le cinquième est une prière par la-
quelle le prophète implore les miséricordes
du Seigneur. Les Hébreux nomment ce livre
Echa, c'est le premier mot du texte, ou
kinnoth, lamentations; les Grecs, S/jàvo , qui
signifie la même chose. Le style de Jérémie
est tendre , vif, pathétique ; son talent était
d'écrire des choses touchantes.
Les Hébreux avaient coutume de faire des
lamentations ou des cantiques lugubres à la
mort des grands hommes, des rois ou des
guerriers, et à l'occasion des calamités pu-
bliques ; ils avaient des recueils de ces la-
mentations; l'auteur des Paralipomènes eu
parle dans l'endroit que nous avons cité.
Nous avons encore celle que David composa
sur la mort de Saiil et de Jonathas. 11 Reg.,
c. I, v. 18. Il paraît même que les Ju.fs
avaient des pleureuses à gage, comme celles
que les Romains appelaient prœficœ : Faites
venir les pleureuses, dit Jérémie , quelles ac-
courent et qu elles se lamentent sur notre sort.
Cap. IX, v. 17,18.
On chante les lamentations de Jérémie pen-
dant la semaine sainte à l'ofQce des ténèbres,
aûn d'inspirer aux fidèles les sentiments de
componction convenab es aux mystèn s que
l'on célèbre dans ces saints jours. J'rusalem,
désolée de la perte de ses habitants, est la
figure de l'Eglise chrétienne aflhgée des
souffrance? etde la mort de son divm Epoux ;
c'est aussi l'image d'une cime qui a eu le
malheur de jierdre la grâce de Dieu par le
péché, et qui désire de la récupérer par la
pénitence.
Dans le ch. iv, v. 20, on lit ce passage re-
marquable : Le Christ ou l'oint au Seigneur
a été pris pour nos pr'chés ; lui à qui nous di-
sions, sous votre ombre ou sous votre protec-
tion nous vivrons parmi les nations. Les Pè-
res do l'Eglise ont appliqué avec raison ces
paroles à Jésus-Christ ; on ne conçoit pas
de quel autre personnage que du Messie le
prophète a voulu parler. C'est aussi à lui
que les anciens docteurs juifs en ont fait
l'application. Foî/. Galatin, 1. viii, eap. 10.
LAMPADAIRE, nom d'un ollicierde l'Eglise
de Constantinople, qui avait soin du lumi-
naire et portait un bougeoir élevé devant
l'empereur et l'impératrice, pendant qu'ils
assistaient au service divin. La bougie qu'il
tenait devant l'empereur était entourée da
deux cercles d'or en forme de couronne, et
celle qu'il tenait devant l'impératrice n'eu
avait qu'un.
MO
LAM
LAN
51 a
Un critique moderne, qui n'est pas ordinai-
reuQei.tlu.'ureuxdans sescoiijectures, dit que
les patriarches de ConstantinoiUe imitèrent
cette pratique.et s'arrogèrent le même droit ;
quede \h vraisemblablement est venu l'usage
de porter des bougeoirs devant les ('■vèques
lors(ju'ils officient : il pense que celte cou-
tume, quelque interprcHation favorable qu'on
puisse lui donner, n'est pas le fruit des
préceptes du christianisme.
Il se trompe; Jésus-Christ, dans l'Evan-
ile, a dit à ses disciples : Ayez toujours des
nmpes ardentes à la main; imitez les servi-
teurs vigilants , qui attendent le moment
auquel leur maître viendra frapper à la porte,
afin de la lui ouvrir promptement. Luc,
C. XII, v. 35. Vous êlcs la lumiire du mon-
de...; faites-la toujours briller devant les
hommes, de manière qu'ils voient vos bonnes
œuvres, etc. Matth., c. v, v. ik. La bougie
allumée devant les évoques est évidemment
destinée Ji les faire souvenir de cette leçon
de Jésus-Clirist; il n'y a pas lîi de quoi
flatter l'amour-propre. 11 était très-conve-
nable d'inculquer la même vérité aux
maîtres du monde, surtout lorsqu'ils étaient
au pied des autels : ils ne sont pas moins
obligés que li'S pasteurs h donner bon
exemple aux hommes. C'est dans le même
dessein que l'on mettait un cierge allumé
à la main de ceux qui venaient de recevoir
le baptême.
Mais h quoi bon ces couronnes d'or au-
tour d'une bougie ? C'étaient les signes de
la dignité impériale. Si l'on imagine qu'il
est bon de faire |ierdre de vue aux sou-
verains les signes de leur dignité, l'on se
trompe encore ; ces signes ont été établis,
non-seulement pour leur concilier le res-
pect, mais pour les faire souvenir de leur
devoii'. Lorsqu'ils écartent ces symboles trop
énergiques, et qu'ils affectent de se con-
fondre avec le peuple, ce n'est pas ordinai-
rement dans le dessein de l'édifier. Défions-
nous d'une fausse philosophie (pii tourne en
ridicule tout ce que l'on appelle éti([uette,
bienséance du rang, marque de dignité ;
parce qu'elle ne veut [lorter aucun joug : les
mœurs, la vertu, la pqlice, le bien public,
n'y gagnent certainement rien.
LAMPÉÏIENS, secte d'hérétiques qui s'é-
leva, non dans le vu' siècle, comme le disent
plusieurs critiques, mais sur la fin du iv'.
Pratéole les a confondus mal à pmpos avec
les sectateurs de Wiclef, qui n'ont paru
qu'environ mille ans plus tard. Les lampé-
tiens adoptèrent en plusieurs points la doc-
trine des ariens ; mais il est fort incertain
s'ils y ajoutèrent ([uelques-unes des erreurs
des marcionites. Ce que l'on sait de plus
précis, sur le témoignage de saint Jean Da-
mascène, c'est qu'ils condamnaient les vœux
monastiques, particulièrement celui d'o-
béissance, qui étiit, disaient-ils, contraire h
la liberté des enfants de Dieu. Ils permet-
taient aux religieux de porter tel habit (pi'il
leur plaisait, prétendant qu'il était ridicule
d'en fixer la couleur et la forme, pour une
pro^jision plutôt que pour une autre, et ils
affectaient de jertner le samedi.
Selon quelques auteurs, ces lampétiens
étaient encore appelés marcianistes, massa-
liens , euchites, enthuusiastes, choreutes,
adal[)hiens et eust.dhiens. Saint Cyrille
d'Alexandrie, saint Flavien d'Antioche.'saint
Amjihiloque d'Icone, avaient écrit contre
eux; ils étaient donc bien antérieurs au
vu' siècle. Voy. In note de Cotelier sur les
Const. Apost., 1. V, c. 15, n. 5. M paraît que
l'on a conf ndu le num des marcianistes
avec celui des marci'mites, qiiand on a dit
que les lampétiens avaient ado|ité les erreurs
de ces derniers. ( e que l'on peut dire de
plus probable, c'est que les ditf rentes sec-
tes dont nous venons de j arler ne faisaient
point cor|)s, et n'avaiiuit aucune croyance
fixe ; voilà pourquoi les anciens n'ont pas
pu nous en donner une notice plus exacte.
Il n'est pas étonnant que les vœux mo-
nastiques aient trouvé des adversaires et
des censeurs , ne fût-ce que parmi les
moines dégoûtés de leur état ; mais ils ont
été défendus et justifiés par les Pères de
rE,;;lise les plus respectables. Il y a du
moins un grand préjugé en leur faveur,
c'est qu'ordinairement ceux qui se sont dé-
goûtés de la vie monastique et l'ont quittée
pour rentrer dans le monde, n'étaient pas
d'excellents sujets.
LAMPROPHORES, surnom que l'on don-
nait aux néophytes pendant les sept jours
qui suivaient leur baptême, parce qu'ils
portaient un habit blanc dont on les avait
revêtus au sortir des fonts baptismaux.
C'était le symbole de l'innocence et de la
pureté de l'Ame qu'ils avaient reçues par ce
sacrement. Lamprophore est formé de >«n-
npiç, éclatant, et de <fipo>, je porte. Quand on
baptise des adultes, l'on observe encore
aujourd'hui l'usage de les revêtir d'un habit
blanc ; mais l'on se contente de mettre sur
la tête des enfants baptisés un bonnet de
toile blanche que l'on nomme crémeau. Yoy.
ce mot.
Les Grecs donnaient encore le nom de
lamprophore au jour de P;lques, tant à cause
que la résurrection de Jésus-Christ est une
source de lumière pour les chrétiens, que
parce qu'en ce jour les maisons étaient
éclairées par un grand nombre de cierges.
La lumière est le symbole de la vie, comme
les ténèbres désignent souvent la mort; de
là on regarde le cierge pascal comme l'image
de Jésus-Christ ressuscité.
LANFRANG, né en Lombardie, se fit
moine à l'abbaye du Bec en Normandie,
devint abbé de Saint-Etienne de Caén, et
mourut archevêque de Canîorbéry, l'an
1089. Il a laissé jilusieurs ouvrages qui ont
été publiés par D. Luc d'Achery, en 1648, à
Paris, in-fol. Le plus connu de tous est son
Traité du corps et du sang du Seigneur, dans
lequel il établit la foi de l'Eglise sur l'eu-
charistie, et combat les erreurs de Réren-
ger. Cet auteur se sent moins que ses
contemporains de la rudesse du siècle dans
lequel il écrivait; il montre une grande con
S11
LAN
LAN
21t
naissance de rEcriliire sainte, de la tradition
e!, du droit canonique : on trouve dans ses
écrits plus de naturel, d'ordre et de préci-
sion que dans les autres productions du
XI' siècle. Les protestants, qui ont témoigné
en faire peu de cas, parce qu'il était moine,
avaient oublié que son mérite seul le fit
placer sur le premier siège d'Angleterre,
qu'il gagna la confiance de Guillaume le
Conquérant; que, pendant l'absence de ce
prince, Lanfranc gouverna plusieurs fois le
royaume avec toute la sagesse possible. Il
ne faut donc juger des hommes ni par l'ha-
bit qu'ils ont porté, ni par le siècle dans
lequel ils ont vécu ; le cloître fut et sera
toujours le séjour le plus propre pour se
livrer à l'étude, pour acquérir tout à la fois
beaucoup de connaissances et do vertus. On
n'a qu'à confronter ce qu'a écrit Lanfranc
pour établir le dogme de l'eucharistie, avec
ce que les plus habiles ministres protestants
ont fait pour l'attaquer; on verra de quel
côté il y a le plus de justesse et de solidité.
Yorj. Bére?(Ger.
LANGAGE, LANGUE. — Il est dit dans
l'Ecclésiastique, c. xvii, v. 5, que Dieu a
donné à nos premiers parents la raison,
une langue ou un langage, des yeux, des
oreilles, le sentiment et l'inteUigonce. Dans
l'histoire de la création, Dieu parle à Adam
et lui présente les animaux pour leur don-
ner un nom ; Adam et Eve conversent en-
semble; Dieu est donc l'auteur du langage.
Les spéculations des philosophes modernes,
sur la manière dont les hommes ont pu le
former, sont non-seulement contraires au
respect dû à la révélation, mais un tissu de
visions que Lactance réfutait déjà au iv°
siè 'le. Divin. Instit., I. vi, c. 10. Il suffit
d'avoir du bon sens, dit-il, pour concevoir
qu'il n'y eut jamais d'hommes sortis de
l'enfance, et qui fussent rassemblés sans
avoir l'usage de la parole; Dieu, qui ne
voulait pas que l'homme fût une brute,
a daigné lui parler et l'instruire en le
créant (1).
(1) Convaincu, dit J.-J. Rousseau, de l'impossibi-
lité pre: qneiiémonlrée que les langues aient pu naître
et s'établir par de,-- moyens piueiiieni liiiniains, je
laisse à qui voudra l'entreprendre la discussion de
ce difficile problème... La paiole me parait avoir
été fort nécessaire pour inventer la parole. (iJisc. sur
l'Ithqatilé.)
i 11 aurait fallu, dit M. de Bonald, pour celte in-
vention, louie la force, toute lélendiie, toule la sa-
gacité (le réflexion et il'observaiion ilont l'esprit de
riionime peut ( ire capable, et les pluspnifondes com-
binaisons de la pensée. Aussi les pariisaob de lin-
vcnlion du langage ne manquent pas de diie que les
boinmes s'observèrent, réfléchirent, comparèrent,
jugèrent, etc.; car il fal:ait tout cela pour iiivcuter
l'art de parler. Mais je le demande : de quelle na-
ture, je dirais presque de (pielle couleur étaient les
observations, les réflexions, les comparaisons, lei
jugiMuents de ces esprils qui n'avaient encore, en
cherchant le langage, aucune expiession qui piil leur
donner la conscience de leurs propres pensées ? Pbi-
losriplies, cssayiz de réUécliir, de comparer, de juger,
San- avoir présents et scubiblesà l'esprit aucun Jiiot,
aucune parole... Que se passe-t-il dans votre esprit,
et qu'y voyez-vous? Rien, absolument rien ; et vous
Il n'est pas besoin d'une dissertation pour
prouver que la connaissance des langues an-
ciennes est très-utile et môme nécessaire à
un théologien. L'hébreu est la langue origi-
nale dans laquelle ont été écrits les livres
de l'Ancien Testament; aucune version ne
peut en rendre parfaitement et partout le
sens et l'énergie. Quelques-uns de ces livres
ne nous restent plus que dans la version
grecque; c'est la langue de laquelle se sont
servis les évangélistos, les apûtres et leurs
disciples , les Pères de l'Eglise les plus
anciens el les plus respectables. Le latin
est la langue ecclésiastique de tout l'Occi-
dent. Mais les protestants se trompent,
lorsqu'ils imagineut que la connaissance des
langues les rend beaucoup plus capables
d'entendre l'Ecriture sainte que n'étaiciit
les anciens Pèros , et lorsqu'ils iirétendeul
que ceux-ci en général sont de mauvais in-
terprètes, parce qu'ils ne savaient pas l'hé-
hriu. Origène et saint Jérôme l'avaient
appris; cependant ils n'ont pas vu dans
l'Ecriture sainte d'autres dogmes ni une
autre morale que leurs contemporains, qui
étaient bornés h consulter la version grecque.
Sans avoir besoin d'un grand appareil
d'érudition, les Pères ont été instruits et
guidi''S par la tradition des Eglises fondées
Itar les apôtres, par l'enseignement com-
mun des différentes sociétés orthodoxes;
et cet enseignement est beaucoup plus
infaillible que les savantes conjectures des
modernes. Si ces derniers nous ont satisfait
sur plusieurs articles de peu d'importance,
ils ont aussi fait naître des doutes sur
d'autres choses plus nécessaires. Les nou-
veaux commentaires, loin de terminer les
anciennes disputes, en ont souvent excité
de nouvelles : parmi les explicati ins dos
Pères, il y a beaucoup moins d'opposition
qu'entre celles des critiques de nos derniers
siècles.
Nous sommes bien éloignés de bl.lmer ou
do déorimer l'étude di-s langues ; nous en
reconnaissons volontiers la nécessité : mais
ne pouvez pas plus percevoir vos propres pensées,
lorsqu'elles s'appliquent à des objets incorporels ,
comparer les unes avec les autres, et juger enlie
elles, sans des e-vp>.essious qui vous les reprcseutent,
que vous «touvez voir vos projjres yeux, el prononcer
sur leur lorme et leur couleur, sans un corps qui en
réiléiliisse 1 image.
I Kt, en ellei, ce ne s»nt pas ici des objets physi-
ques, des objets particuliers ou composés de parties
qu'on peut voir et toucher, el dont il snlfit de se re-
tracer la ligure, opération de la faculté d'imaginer
qui s'exécute dans la brûle comme dans l'homme ;
ce sont des relations de convenance, d'utilité, de né-
cessilé ; ce sont des idées morales, sociales ou géné-
rales, des iiiées de rapports de choses el de person-
nes, d'où dériveront bienlôtdes lois et des devoirs.
Ce sont même des rapports intellectuels entre des
êtres pliysi(|ue6 ou entre ces êtres et l'homme, rap-
ports qui deviennent l'objet de tous les arts et même
(les pluN buiues sciences. Ci; soni, en un mot, des
vérités, el non simplement des i'ails qu'il fautexpri-
mir ; c'e>it-;.-dire des objets incorporels qui ne font
point iiiiage, el ne peuvent, qu'à l'aiie du discours,
être la matière et la forme du raisonnement. .Mais de
toutes les combinaisons ou compoiitions d'idées et
»5
LAN
LA
m
si à ce secours, queiqiie utile mi'il soit, l'on
n'ajoute pas la sonnii'sion h l'Eglise et la
fidélité h suivre la tradition, l'Ecriture sainte,
de rapports, la plus vaste, la plii<; compliquée, lapins
inlelli'Cliirllfl et, si l'on pciil le (lire, la plus déliée,
est précisément le langage qui renfiTiiie toutes les
idées et Ions leurs rap|)orts, et qui est l'inslriinient
nécessaire de tuiite ri'llexioii, de tonte compaiaison,
de (oui jiigctiieni. Celait donc le moyen de tonte iti-
venlion qn'il fallait coniinciicer par inventer ; et
comme la pensée n'est qn'nne parole intérienre, el la
parole nne pensée rendne extérienrc et sensible, il
fallait, de lonle nécessilé, qne l'inveiitenr du langage
pen-àt, inventai l'expression de sa pensée, lors(iue,
faille d'expres-ion, il no pouvait avoir même la pen-
sée lie l'iiivenlion.
t Familiarisés, di's le bercean, avec le langage,
(|uc nous entendons avant de pouvoir l'éfoiiter, que
nous répétons avant île pouvoir le compiendre, que
nous parlons sans ccssi' ou avec nous-mcnies ou avec
les autres, nous no faisons pas plus d'attention à cet
art ujerveilleiix, devenu pour l'homme sa propre na-
ture, qu'au jeu de nos poumons ou à la circulation
de notre sang. La parole est pour nous comme la vie,
dont nous jouissons sans connailie ce (pi'elle est et
sans rélléciiir j c^' qui l'oulielieu!. El copendani l'e-
Ire, la société, le lomps, l'univers, tout entre dans
colle iHagni/i(|uo comiiosilion : l'être, avec toutes ses
niodificalions et louies ses (|ualilés; la société, avec
ses persoimes, leur rang, leur nombre el leur sexe ;
.e temps, avec le passé, le prissent et le futur ; l'u-
nivers, enfin, avec tout ce (pi'il renferme. Tout ce
(pie la langue nomme est ou petit être ; seuls, le
néant et l'impossilile iront pas de nom. Lumière du
inonde moral ipii éctnire loW hi^mme. venant en Ci;
tnmidp, lien de la sociiHé, vie des intelligences, dépôt
de toutes les vé!ii(''s, de louies les lois, de tous les
événements, la parole r.gle riiiunme, ordonne la so-
ciété, eTpli(|iie l'univers. Tous les jours elle lire l'es-
prit de 1 homme du néant, comir.e aux premiers
JOUIS du monde nue parole féconde lira l'univers du
chaos; elle est le plus proton 1 mystère denotre être ;
et loin d'avoir pu riuventer, l'iiomuie ne peut pas
même la compiendre. » (lUchcrclies p/ii/oso;)ftii;«ei,
tom. I, chap. 2).
M. I.auieniie a donné à cette th^se des déve-
loppemenis que nous rapportons : i Voyez, dit M.
Laurenlic, cet hoiuiiio vivant au milieu d'une société,
sans avoir aucune des notions ipii coustitiieui la so-
ciété des intelligences. Nul dnule que l'aspect de
l'ordre moral qui se inanifesle dans les dehors de la
société humaine ne fasse sur son esprit une certaine
impression d'étonnenient, el ne le porte, par une
sorle d'instinct iiatuicl, jusqu'à une imitation impar-
faite des actes, même moraux, des autres honnies.
Cependant cet homme reste sans notion de ce qui
esl bien ou de ce qui est mal. Il a des sentiments,
sans doute, parce qu'il a des sensations ; mais il ne
compare pas, il ne di-duil pas, il ne irisonne pas, il
n'a pas d'idées. 11 y a des liommes d'une philosophie
religieuse, mais peu rédéchie, dont l'imagination se
refuse à concevoir des inlelligonces vides ainsi de
loule notion. Ils ne peuvent pas surtout supposer
qu'il y ait des cn'aïuies assez cruelleiiieiit trait' es
par la nature pour ipie la pensée de Dieu soit absente
de leur esprit. .Mais eu supposant ipie le spectacle
merveilleux du monde et l'aspect mniie de lous les
h Miimcs, accoutumés à proclamer par leurs adora-
lions silencieuses l'existence d'un être mystérieux,
puissent jeter dans l'àme d'un sourd-niuel la pensée
de cet ( Ire el le sentiaieni de sa puissance, quelle
dislance infinie de cette pensée vague et indéfinie,
sorle de teneur inexplicable, à la notion claire et
positive de la Diviniié, telle (pi'ellc existe dans une
intelligence développée par la parole ! Cette inipres-
sioa coufuse n'a rien qui lui donne le plus léger rap-
loin dr: concilier les esprits, sera toujours
uiKi jiommo de discorde jetée parmi eux ;
chaque nouveau docteur y trouvera ses
port avec l'iilée, entendue dans sa perfection com-
pl'''le. Et cependant je parle du sourd-muet qui vit
parmi les hommes dont les actes extérieurs penvent
faire pénétrer, à son insn, dans son esprit (!•< im-
pressions morales, et lui tenir lieu, jusqu'à un cer-
tain point, de propres réflexions. .Mais qoe seraii-ce
si le sourd-muet vivait dans une société d'hoiniiies
dont les habitudes seraient pmeuient animales ? L'in- *
telligence du sourd-muet resterait alors inanimée ;
el quelque idée que l'on se fasse de ses nerceptiims
intimes, jamais on ne pourrait compremire que ces
perceptions pussent ressembler h des notions claires
et pri'cises ; il sciait enfin, si j'ose le dire, une brute
véritable, douée seulement du don, mais du don en-
foui de la pensée, et dont la destinée intclleclnclle
se révélerait tout au plus par sou imitation parfaite
des actes extérieurs de la vie de rhoinme iulel-
' ligent.
< Dans le dernier sii'cle, des hommes bien inten-
tionnés, voulant répondre à la philosophie téméraire
qui osait penser que Dieu était une invention des
prêtres, ou qui répétait, après d'anciens athiîes, que
sa croyance était le résultat de la peur, allèrent con-
sulter aussi la conscienœ du sonrd-nuiei, pour y
trouver, si c'etaii possible, celle pensée empieinle,
et iinur veiijer ainsi l'CNisieiice de la Divinité et la
conscience du reste des hommes. Cette expérience
était inutile ; aujoiirdhui il sullit dédire qu'elle cAt
été désespérante pour la cause de la vérité, si la vé
rite eîit eu besoin, pour éclater à tous les regards,
des révélations arrachées à la conscience de ces
êtres incomplets. En effet, ceux qui, après avo:r été
instruils par les méthodes récemment pratiquées,
furent interrogés sur leurs anciennes notions, ne ti-
rent jamais ipie témoigner une leurs notions étaient
vagues et confuses, et leurs serilimenis iiidétiuissa-
blcs. Celle expérience peut éire ré(»élée à chaque mo-
ment depuis (pie les métholcs, devenues d'une ap-
pHciiiion plus universelle cl plus facile, nous mon-
trent des Sdnrds-muets parvenus à une instruclion
assez développée pour pouvoir rendre compte de
leurs perceptions présentes et de leurs anciens sou-
venirs. Or, chaque expérience nouvelle monlrera qne
le sourd-muet, c'est-à-dire l'homme sans parole,
l'homme sans communication avec les intelligences,
vit sans idées ou sans notions, même sans l'idée ou
la notion de Dieu, bien qu'il y ait dans son âme une
singulière dispo.-ition à soiipcnuiier, à deviner, peut-
être :: chercher el à vouloir l'existence d'un Etre su-
périeur à tous les autres, leur auteur el leur coii-
servaieur. 11 ne faut pas imaginer ([ue nos observa-
tions ne soient qu'une opiniiui particulière el capri-
cieuse de notre esprit ; elles sont le résultat de l'ex-
périence des hommes qui se sont le plus étuiliés
a connaître l'existence intellectuelle du sourd-
muet.
« Les Mémoirea (te l' Académie des Scinces font
mention d'un sourd de Chartres ipii, ayant été guéri
de sa surdilé, déclara, lorsipi'il fut inslruii, (pi'il
avait mené jusque-l 1 une vie piiremeiil animale. Les
théologiens et les physiologistes s'em)Messàrenl d'in-
terroger cet être à ipii la parole venait de rendre
rinlciligerrre ; el toujours il di^scspéra ceux qui
s'attendaient à trouver en lui des idées innées, ou des
idées produites par la sensation. Il est curieux de
voir comment le cardinal Gerdil, grand partisan des
id<'es innées, s'ellorce de nieUre ce fait en liarinoiiie
avec son système : Le sourd, dit-il, «i.ti; riilltmeni
(/es iiiécs ; "seulement ilii\ii nvnit pas ( it usaiff.
Yo;1j, il faut en convenir, un moyen commode de
tout expliiiucr, el il n'est pas rie système qu'on
ne piil juslilicravec des dislinclicns aussi rallinées.
« Un ouvi-age assez rare, intitulé : Antilogies plii-
31S
LAN
LAN
216
rêveries, elles appuiera sur vingt passages
entendus à sa manière : l'expérience de
dix-sept siècles n'en est qu'une trop bonne
preuve. Depuis que les novateurs en ont
tous appelé à l'Ecriture sainte , sont-ils
mieux d'accord entre eux qu'avec l'Eglise
catholique? Aucune secte n'a autant tra-
vaillé sur l'Ecriture que les sociniens, et
aucune n'en a fait un abus plus intolérable.
Au m' siècle., Tertullien s'élevait d''jà
contre cette licence des hérétiques ; il leur
reprochait leur témérité de vouloir prendre
d'eux-mêmes le sens de l'Ecriture, sans
consulter l'Eglise, à laquelle .seule Dieu en
a confié la lettre et en a donné l'intelli-
gence.
Langues (confusion des). Voy. Babel.
Langage typique. Voy. Type.
Langue vulgaire. 11 y a une grande dis-
pute entre les catholiques et les protestants,
pour savoir si c'est un usage louable, ou un
abus, de célébrer l'office divin et la liturgie
dans une langue qui n'est pas entendue du
peuple. C'est un des principaux reproches
que les controversistes hétérodoxes ont faits
à l'Eglise romaine; ils l'accusent d'avoir
changé en cela l'usage de l'Eglise primitive,
losophiques, renferme un dialogue entre un sourd-
mnei inslruil par les mélhodes nouvelles et un de
ses amis. On voit clairement que le sourd-niuel, M.
le chevalier d'Elavigni, dont la première vie avait
pu être moins matérielle que celle des sourds-muets
ordinaires, à cause ries habiuides distinguées dont il
avait dû puiser l'imitation dans sa famille, l'ait des
eflorl5 pour retrouver dans ses souvenirs quelque
trace de notions intellectuelles. Mais on voit aussi
que ses efforts sont vains, et qu'il n'y retrouve que
des images vagues et confuses qui ne durent jamais
ressembler le moins du monde à des idées.
< Moi-même, dit M. Laiirenlie , j'ai interrogé
des sourds-mnels instruits et désintéressés dans
leurs explications. Tous m'ont assuré qu'avant le
moment de leur instruction ils n'avaient aucune idée,
même de Dieu. Le docte M. Jamet, recteur de l'Ac?-
déraie de Caen, et fondateur d'une école illustre de
sourds-muets, m'a fait part de sa longue expérience
et m'a confirmé dans mes convictions. En d'autres
lieux, et principalement à Angers, j'ai pu voir les
diflicnllés qu'on éprouve pour l'aire entrer une idée
bien nette de Dieu dans la tele d'un sourd-muet. On
m'a cité un élève de la maison de la Chartreuse, au-
près de Vannes, qui disait qu'il n'avait pas peur dè-
tre frappé par le bras de Dieu, parce (|ue Dieu n'a-
vait pas de bras, et qu'il était rond. Il croyait que
c'était le soleil qui était Dieu, parce que ** signe de
l'ailoration de Dieu consiste à lever les mains et les
yeux au ciel ; et il y en a qui croient longtemps, pour
cela même, qu'il y a deux dieux, le dici du jour et
le dieu de la nuit. Mais j'ai à citer des autorités
qui sont plus imposantes (pi« mes faibles observa-
tions.
I J'ai sous les ycnx un mémoire rempli de faits
curieux, et composé par un homme qui a vu de très-
près les élèves de l'école des sourds-nmets de Paris.
Ce mémoire établit clairement que le sourd-muet,
seul dans l'univers, rivrait dans une éternelle en-
fance, sans le bienfait de l'instruction... Il est cer-
tain, d'après les observations d'expérience dont je
parle, que le sourd-muet, tel qu'il vit, et grandit, et
végète parmi les hommes, estim être purement ani-
mal, sans idées, Fans notions de ce qui est bien ou
mal, macliine vivante, et se mouvant par tous les
!fe5so!ls organiques qui servent d'instrument à l'in-
de cacher au peuple les choses qu'il a le
plus grand intérêt de connaître, de le forcer
à louer Dieu sans rien comprendre à ce
qu'il dit.
Nous convenons que, du temps des apôtres
et dans les premiers siècles, le service divin
se fit en langue vulgaire dans la plupart des
Eglises ; savoir, en syriaque dans toute
l'étendue de la Palestine et de la Syrie, en
grec dans les autres provinces de l'Asie et
de l'Europe où l'on parlait cette langue, en
latin dans l'Italie et dans les autres pariies
occidentales de l'empire. 11 y a même lieu
de présumer qu'en Egypte, pendant que
l'on se servait du grec dans la ville d'Ale-
xandrie, on célébrait en cophte dans les
autres églises de cette contrée; mais on ne
sait pas précisément en quel temps cette
diversité a commencé. C'est inutilement que
Bingham a pris beaucoup de peine pour
prouver le fait général , puisqu'il n'est
contesté par personne. Orig. eccles., 1. xiii,
c. 4..
Mais il y a aussi des exceptions qu'il ne
fallait ]ias dissimuler. Lorsque saint Paul
alla prêcher en Arabie, est-il certain qu'il y
ait célébré la liturgie en arabe? Quoique le
telligence humaine, mais incapable de donner un
motif moral à ses actions; simplement imitateur
enfin des actes des autres hommes, dont il était
destiné, sans une disgrâce cruelle de la nature,
à partager les destinées intellectuelles, et toutelois
placé à une distance irdinie au-dessus de l'animal,
par le don tout divin de l'inteiligence dont l'usage
lui est interdit, et qu'il doit retrouver un jour libre
des imperfections des sens et des vices grossiers de
la matière. C'est ainsi que les plus savants institu-
teurs des sourds-muets ont considéré ces êtres mal-
heureux. « Les sourds-muets, dit M. l'abbé de l'E-
pée, sont réduits en quelque sorte à la condition des
bêtes. » Il parle ici des sourJs-nuicis par rapport à
la connaissance de la religion ; mais M. Sicard est
plus absolu, et ce qu'il dit parait encore plus déso-
lant, puisqu'il l'applique à toutes sortes de notions
morales. < C'est une grande erreur, dit-il, de con-
fondre le sourd-uiuet avec un enfant ordinaire...
Borné aux seuls mouvements physiques, il n'a pas
même, avant qu'on ait dcchiré l'enveloppe sous la-
quelle sa raison dctueure ensevelie, cet instinct sûr
qui dirige les animaux. Le sounl-muet est seul dans
la nature, tans uncun exercice potisible de ses (acitlléi
intellfclnellca, qui demeurent sans action, sans vie...
à moins qu'une main bienfaisante ne parvienne à le
tirer de ce sommeil de mort... Quant au moral, il
n'en soupçonne pas même l'eiistence. Rapporter tout
à lui, obé'r avec impétuosité à tous les besoins natu-
rels, satisfaire tous ses appétits... s'irriter contre les
obstacles... renverser tout ce qui s'oppose à ses
jouissances... voilà toute la nKU'ale de cet infortuné.
Il n'a des yeux que pour le monde physique ; et en-
core quels yeux 't II voit tout sans intérêt... Le mon-
de moral n'exiite pas i our lui, et tt's vertus comme les
vices sont sans rénliU'. Tel est le sourd-muet dans son
état naturel ; le voilà tel que l'habitude de l'obser-
vation, en vivant avec lui, m'a mis à même de le
dépeindre, i En un mot, et pour nous résumer, le
sourd-inuet n'a pas d'idées, puisqu'il ne parle pas ;
donc, sans la parole, l'homme ne pouvait inventer la
parole ; donc rinvenlion de la parole était impossi-
ble ; iluiie la parole on le langage est \ui don ("*
Dieu, t Voyez Vlnlruduclion de lu pliit .soplne, etc j
par M. Laiirentie, ch. u, art. "2.
217 LAN
christianisme ait subsisté au moins pendant
quatre eents ans dans cette partie du monde,
il n'y a dans toute l'antiquito aucun vestige
d'une liturgie arabe. 11 a duré au moins
aussi longtemps dans la Perse, et l'on n'a
jamais cnteniJu parler d'un service divin
fait en langue persane. Du temps de saint
Augustin, la langue punique était encore la
seule qui filt entemlue [)ar une bonne par-
tie des chrétiens (l'Afrique; il nous l'apprend
dans SCS écrits ; mais il n'a jamais été
(juestion de traduire dans cette langue les
prières de la liturgie. Lorsque le ctiristia-
nisme pénétra dans les Gaules, le latin
n'était pas plus la langue vulgaire du peuple
(jue le français ne l'est aujourd'hui dans nos
]irovinces éloignées de la capilale; il l'était
encore moins chez les Espagnols, chez les
Anglais et chez les autres peiqdes du Nord:
cependant l'on a constamment céléijré la
liturgie en latin dans tout l'Occident. Il
n'est donc pas universellement vrai que
dans les premiers siècles le service divin
ait été fAit en langue vulgaire, puisque les
trois langues dans lesquelles il a été célébré
d'abortl n'étaient jioint vulgaires dans une
grande partie du monde chrétien.
Dans la suiie des temps, lorsque le mé-
lange des peuples a changé les langues et a
multiplié les jargons ^ l'intini, soit dans
l'Orient, soit dans l'Occident , l'Eglise no
s'est point assujettie k toutes ces variations;
elle a conservé constamment dans l'otTice
divin les mêmes langues dans lesquelles il
avait été célébré d'abord : nous prouverons
dans un moment que cette conduite a été
très-sage.
Parce que les protestants ont lu que les
Grecs font leur odico en grec, les Syriens
en syriaque, et les Egyptiens en cophie, ils
se sont imaginés que ces langues sont
encore populaires, comme elles l'étaient
autrefois dans ces contrées. C'est une erreur
grossière. Le grec vulgaire d'aujourd'hui
est un langage corrompu, très-dillVrenl du
grec littéraire; la /o/iyi/r vulgairt des Syriens
n'est plus le syriaque, mais l'arabe qui est
aussi parlé par les chrétiens d'Egypte. L'é-
thiopien a été presque entièrement etfacé
chez les Abyssins pcâr une langue nouvelle
qn'un roi li'extractinn étrangère y a intro-
duite; l'arménien nuiderne n'est plus celui
dans lequel la liturgie arménienn- a été
écrite : la liturgie syriaque a été portée
chez les Indiens de la côte de Malabar, qui
n'ont jamais eu l'usage de cette langue : elle
est en usage chez les nestoriens qui ne
l'entendent plus. Assémani, Biblioth. Orient.,
tom. IV, c. 7, § i2. Tous ces peujiles sont
donc obligés de faire des études puir en-
tendre le langage de leur liturgie, tout
comme nous sommes forcés d'apprendre le
latin. C'est, de la part des protestants, une
injustice de reprocher à l'Eglise romaine
seule une conduite qui est la môme que
colle de toutes les autres sociétés chrétien-
nes ; mais les jirétendus réformateurs n'é-
taient pas assez instruits jwur juger de ce
qui est bien ou mal. Yoy. Liturgie.
LAN
91S
Ils auraient eu quelque raison de se
plaindre, si l'Eglise avait décidé qu'il faut
absolument célébrer l'oflice divin clans une
langue inonnue au peu|)le; mais loin de le
faire, elle n'a donné l'exclusion à auc me
langue; elle a mi'^me permis l'introduction
d'une langue nouvelle dans le service, toutes
les fois que cela s'est trouvé nécessaire
pour faciliter la conversion d'un peuple
entier : ainsi, outre le grec, le latin et le
syriaijue, (jui datent du temps des apôtres,
la liturgie a été célébrée en cophte de très-
bonne heure. Au iv siècle , lorsque les
Ethiopiens et les Arméniens se converti-
rent, elle fut traduite en éthiopien et en
arménien; au v% elle fut mise par écrit
dans ces six langues. Au ix' et au x', on
la traduisit en esclavon pour les Moraves
et pour les Russes, et il leur fut permis de
la célébrer dans cette langue. Mais lorsque
tous ces langages ont changé, on a conservé
la liturgie telle qu'elle était, et nous sou-
tenons que l'on a bien fait.
1» L'unité de langage est nécessaire pour
entretenir une liaison plus étroite et une
communication de doctrine plus facile entre
les différentes Eglises du monde, et pour
les rendre jilus lidôlement attachées au
centre de l'unité catholique. Que les dilfé-
rentes sociétés protestantes, qui n'ont en-
tre elles rien de commun, ne se soient pas
mises en peine de conserver un même lan-
gage dans le service divin, cela n'est pas
étonnant; c'est autre chose pour l'Eglise
catholique, dont le cai'actère est l'unité et
l'uniformité. Si les Grecs et les Latins n'a-
vaient eu qu'une même langue, il n'aurait
pas été aussi aisé à Photius et k ses adhé-
rents d'entraîner toute l'Eglise grecque dans
le schisme, eu attribuant à l'Eglise romaine
des erreurs et des abus dont elle ne fut ja
mais coupable. Dès qu'un protestant est
hors de sa patrie, il ne peut plus participer
au culte public; un catholique n'est dépaysé
dans aucune des contrées de l'Eglise latine.
On a dit que l'empressement des papes k
introduire partout la liturgie romaine était
un effet de leur ambition et de l'envie de
dominer ; dans la vérité, c'a été un effet
de leur zèle pour la catholicité, qui est le
caractère de la véritable Eglise. — 2" Une
langue savante, qui n'est entendue que des
hommes instruits, insfiire plus de respect
que le jargon poimlaire. La plupart de nos
mystères paraîtraient ridicules, s'ils étaient
esprimés dans un langage trop familier.
Nous le voyons par la traduction des psau-
mes en vieux français, qui avait été faite
par iMarot pour les calvinistes : le style n'en
est plus supportable. Les Bretons, les Pi-
cards, les Auvergnats, les Gascons, avaient
autant de droit de faire l'oftice divin dans
leur patois, que les calvinistes de Paris eu
avaient de le faire en français : pourquoi
les réformateurs, si zélés pour rinstrurtiou
du bas peuple, n'ont-ils pas traduit la litur-
gie et l'Ecriture sainte dans tous ces jar-
gons? Cela aurait-il contribué beaucoup à
rendre la religion resnectable ? — 3° L'insta-
S19
LAUf
LAO
223
bilité fies langues vivantes entraînerait
nécessaireuiont du changement dans les
formules du culte divin et de l'administra-
tion des sacrements; ces altérations fréquen-
tes eu produiraient infailliblement dans la
doctrine, puisque ces formules sont une
profession de foi. On en a vu la preuve chez
les protestanis, dont la croyance est au-
jourd'hui très-ditTérente de celle qui a été
prêctiée par les premiers réformateurs. Sans
cesse ils sont obligés de retoucher leurs
versions de la Bible, et chaque nouveau
traducteur y met du sien ; il est en droit de
traduire selon ses idées et ses sentiments
particuliers. Les Bibles luthériennes, calvi-
nistes, sociniennes, anglicanes, ne sont pas
exactement les mêmes, et les liturgies de
ces différentes sectes ne se ressemblent pas
davantage. Yoij. Versiox. — 4° La nécessité
d'apprendre la langue de l'Eghse a conservé
dans tout l'Occident la connaissance du latin,
nous a donné la facilité de consulter et <le
perpétuer les monuments de notre foi. Sans
cela, l'irruption des Barbares aurait étoulfé
dans nos chmats toutes les connaissances
humaines. Si parmi nous il suffisait d'en-
tendre le français pour être en étit di; célé-
brer l'office d vin, toute la science des m'-
nistres de l'Eglise se réduirait bientôt à
savoir lire. Il ne sied point aux protestants,
qui se sont flattés d'être plus savants que
les catholiques, île blâmer une méthode (jui
mot les ecclésiastiques dans la nécessité de
faire des études, et qui tend à prévenir le
règne de l'ignorance. Sans la rivalité qui
règne entre les catholiques et les protes-
tants, ces derniers avec leur zèle pour les
langues vulgaires, seraient déjà plongés dans
la même ignorance que les cophtes d'Egypte,
les jacobites de Syrie et les nestoriens des
frontières de la Perse.
Il n'est pas vrai que, par l'usage d'une
langue morte, les fidèles se trouvent privés
de la connaissance de ce qui est contenu
dans la liturgie ; loin de leur interdire
cette connaissance , l'Eglise recommande à
ses ministres d'expliq:ier au peuple les dif-
férentes parties du saint sacrifice et le siuis
des prières publiques : elli> l'a ainsi ordonné
dans le décret même du concile de Trente,
contre lequel les protestants ont tant dé-
clamé. « Quoique la messe, dit ce concile,
contienne un grand sujet d'instruction pour
le commun des fidèles, les Pères n'ont ce-
pendant pas jugé expédient qu'elle fût
célébrée en langue vulgaire. C'est pourquoi,
sans s'écarter de l'usage ancien de chaque
Eglise, approuvé par colle de Rome, qui est
la mère et la maîtresse de tout 's les Ej,lises,
et pour que le pain de la parole de Dieu ne
manque jioint aux ouailles de Jésus-Christ,
le saint concile ordonne h tous les pasteurs
et à tous ceux qui ont charge d'il mes, d'ex-
pliquer souvent, ou par eux-mêmes ou par
d'autres, une partie de la messe pendant
qu'on la célèbre, et de développer K'S mys-
tères de ce saint sacrifice surtout les jours
de dimanche et de fête. » Sess 22, c. b.
D'autres conciles particuliers ont ordonné
la nîSine chose, et il n'est aucun pasteur
qui ne se croie obligé do satisfaire à ce de-
voir. — D'ailleurs, l'Eglise n'a pas absolu-
ment défendu les traductions des prières de
la liturgie, par lesquelles le peuple peut
voir d ms sa langue ce que les prêtres disi'nt
à l'autel ; elle n'a désapprouvé ces traduc-
tions que quand on a voulu s'en servir pour
introduire des erreurs. Sur ce sujet, les
moyens d'instruction sont multipliés à l'in-
fini ; quoi qu'en disent les jirotestants, il
n'est pas vrai qu'en général le peuple sache
mieux sa religion chez eux que chez nous;
leur symbole est plus court que le nôtre et
plus aisé à retenir, et leur rituel n'est pas
fort long. Ils sont plus disputeurs et moins
dociles que nous; leurs femmes se croient
théologiennes, parce qu'elles lisent la Bible;
ce n'est pas là un grand bien ; la plupart no
savent pas seulement ce que nous croyons
et ce que nous enseignons, puisqu'ils ne
cessent de travestir et de calomnier notre
croyance.
Énlin, il n'est pas vrai que quand le peuple
unit sa voix à celle des ministres de l'Eglise
dans une langue qui n ■ lui est pas fainilièie,
il ignore absolument ce qu'il dit; il sait, du
moins en gros, le sens des prières qu'il fait,
et c'en est assez pour noiirrir sa foi et sa
piété. En général, il y a plus de vraie piété
parmi le peuple catholique que parmi les
protestants.
Leurs controversistes ont fait grand bruit
du passage dans lequel saint Paul dit : S?j'e
prie dans une langue que je n'entends pas,
mon cœur, à In vérité, prie; mais mon esprit
et mon intelligence sont sans fruit... J'aime
mieux ne dire dans l'église que cinq paroles
dont j'aie l'intelligence, pour en instruire aussi
les autres, que d'en dire dix mille dans une
langue inconnue. (/ Cor. c. iiv, v. Ik et 19.)
Mais la langue dont l'Eglise se sert dans ses
prières , n'est pas absolument inconnue ,
môme au peuple, puisque, par les leçons
des pasteurs et par les traductions de la' li-
turgie, le simple filèle est sufiisamment ins-
truit de ce qu'il dit. Il n'en était pas de même
lorsqu'un chrétien, doué surnaturellement
du don di'S langues, parlait dans l'église,
sans pouvoir être entendu de personne :
c'est l'abus que saint Paul voulait réformer.
Nous ne vojons pas que lui-même ait donné
aux Arabes qu'il convertit, une liturgie dans
leur langue. Vog. la Dissertation sur les li-
turgies orientales, par l'abbé Kouiuilot, p. l'î.
Le Brun, Explication de la messe, tom. VJI,
14* dissertation; Traité sur l'usage de célé-
brer le service divin dans une langue non
vulgaire, par le P. d'Antecourt, etc.
LAOSYNACTE, ofiicier de l'Eglise grec-
que, dont la charge était do convoquer le
peuple pourles assemblées, comme faisaii'iit
aussi les diacres dans les occasions néics-
saires. Ce mot vient deiàof, peuple, et Tuvàyu,
j'assemble.
La multitude d'officiers attachés au service
de l'Eglise chez les Grecs démontre le soin
que l'on avait surtout dans les premii-rs siè-
cles à maintenir l'ordre, la décence, la ino-
tti
lAP
LàT
222
destie, la sfireté dans les assemliléos chré-
tiennes. 011 vrillait exactement h ee qu'il ne
s'y glissM anrun païen, aucun ('trnnger in-
coriliu ou suspect, aucun p(''cheur retranché
fle la communion. Lt\ cert lude d'y cMre sur-
ve Hé inspirait la retenue aux jeunes gen^ et
J» ceux (jui n'avaii'nt pas beaucoup de piété :
personne n'y Jouiss.dt du privilège de bra-
ver impunément la sainicté des temples et la
majesté du service divin. Les princes, les
prrnnds , les empereurs même, se confor-
ma ent h la disci line ét.ihlio par les pas-
teius, donnaient les preuiicrs rexem|)le du
respect drt au lieu .saint et aux m3"stèrcs i(!ie
l'on y c.éléhr.tit ; personne n'y exerçait la
police t|ue les ministres de rr<';^]iso. On au-
rait ét(' bien étormé , si l'on y avait vu en-
trer des militairc's arnu's et dans l'éipiipage
de soldats qui si mt en présence de l'ennemi:
celte indécence ne s'est introdeito en Occi-
dent que depuis l'irruption des harbares.
Yoy. Diacre.
LAPIDATION, est l'action de .tuer quel-
qu'un i\ coups de [lierres : mot formé du la-
tin, lapis, pierre.
Sans entrer dans le détail des différents
crimes pour lesquels la loi do Moise ordon-
nait de laiàder les coupaiilcs , il [laraît, jiar
plusieurs passages de rKcrituro sainte, que
Souvent les .luifsse croyaient en droit d'em-
ployer ce supplice sans aucune forme do
procès, et c'est ce qu'ils a[)pelaient le Juge-
ment de zèle : ils en agissaient ainsi à i'é-
§aid di s l)las,:hémateiirs, des adultères et
es idol;1tves ; mais un ne voit pas qu'i's y
aient été formell ment autorisés par la loi.
Le chapitre XIII du Deuléronome, dont quel-
ques iiicrédides v'i lent se iirévaloir, n'éta-
blissait point c tt" police ; et le prêt ndu ju-
gement de zèle fut souvent, de la part des
Juifs, l'elfet d'une aveuj^le pa-siou et d'un
fanatisuie insensé, ]iuisqu'ils avaient ainsi
mis h mort plusieurs propliètes. Jésus-Christ
et saint Paul le leur reprochent {Mallh.
c. xxni, V. 37 ; IJvhr. c. xi, v. 37).
Lorsqu'un coupable avait été condamné
par le ( onseil des Juifs h être lapidé, ou le
traînait hors de la ville pour lui fai;e subir
son supplice : ainsi fut traité saint Etienne,
par sentence de ce conseil présidé par le
grand prôtre [Act. c. vu, v. 57) ; mais lors-
que les Juifs agissaient i^ar la fureur d'un
faux zèle, ils lapidaient partout où ils se
trouvaieut, môme dans le temple: tel est
l'excès auquel ils s'étaient portés contre le
l)rétre Zacharie [Matlh. c. xxv, v. 33). De
inéme, lorsqu'ils amenèrent h Jésus-Christ
une feuinie surpiise en adultère, il dit aux
accusateurs , dans le temple môme : Que celui
d'entre rous qui est innocent lui jette la pre-
mière pierre (Joan. c. viii, v. 7). Une autre
l'ois, les Juifs ayant prétendu qu'il hlasphé-
Biail, ramassèrent des pierres dans ce môme
lieu pour le lapider. Ils en usèrent de mémo
lorsqu'il leur dit : Mon père et moi ne sommes
qu'un. Il ne s'ensuit pis de là que la loi de
Âloïse ait inspiré le fanatisme, la fureur, la
cruauté aux Juifs.
LAPSES. C'étaient , dans les premiers
teuips du chris'ianisme, ceux qui, après l'a-
voir embrassé, retournaient au paganisme.
On distinguait cinq espèces de ces apostats,
que l'on noiumait libellntici, mittentes, thu-
rijlrati , sarrifirali, blasphémât i Par Ubellor-
tici, l'on enli'udait ceux qui avaient obtenu
du magistrat un billet qui attestait qu'ils
avaient sacrifié aux idoles, quoique cela ne
fiVt pas vrai. Mittentes étaient ceux qui
avaient dépuié quelqu'un pour .';.icritier k
leur placp ; thurijicali, ceux qui avaient of-
fert de l'encens aux idoles ; sacrificati, ceux
qui avaient pris paît aux sacrilices des ido-
l.'^lcis; blnsphenuili, ceux qui avaient renié ^
formellement Jésus-Christ , ou juré par les
faux dieux ; on nommait stantes ceux qui
avaient persévéré dans la foi. Le nom ilo
lapsi fut encore donné dans la suite à ceux
qui livraient les livres saints aux païi-ns
pour les brûler. Ceux qui étaient coupables
de l'un ou de l'autre de ces crimes ne pou-
vaient être élevés h la cléricature ; et ceux
qui y étaient tombés , étant déjà dans le
clergé, étaient punis par la dégradation :
on les admettait ^ la pénitence: mais après
l'avoir faite, ils étaient réduits à la commu-
nion la'ique. Bingham, Oriq. ecclés., 1. iv,
c. 3, § 7 ; et I. vi, c. 2, § i.
11 y eut deux schismes au sujet de la ina-
nièie dont les lap'^es devaient être traités :
à Rome, Novatien soutint qu'il ne fallait
leur donner aucune espérance de réconci-
liation ; à Cartilage Félicissime voulait qu'on
les reçût sans pénitence et sans épreuve :
l'Eglise tarda un sage milieu entre ces deux
excès.
Saint Cyprien, dans son Traité de Lapsis,
met luie grande dilTérence entre ceux qui
s'étaient otferts d'eux-mêmes à sacrifier clés
que la persécution avait été déclarée, et ceux
qui avaient été forcés, ou qui avaient suc-
combé h la violence des tourments ; entre
ceux qui avaient engagé leurs femmes ,
leurs enfants, leurs <iome3tiL)ues, à sacrifier
avec eux, et ceux qn n'avaient cédé qu'a-
fin de iTuttre leurs proches , leurs liôtes ou
Icuis amis à couvert de danger. Les pre-
miers étaient beaucoup plus coiipables que
les seconds, et méritaient moins de grâce;
aussi les conciles avaient prescrit po'.r eux
une péniieuce plus longue et plus rigou-
reuse : mais saint Cyprien s'élève avec une
fermeté vraiment épiscopale contre la témé-
rité de ceux qui demandaient d'être réconciliés
à l'Eglise et admis à la communion sans avoir
fait une pénitence proportionnée à leur laule,
qui employaient l'intei cession des martyrs et
des confesseurs pour s'en exempter. Le
saint évoque déclare que , quelque respect
que l'Eglise doive avoir pour cette interces-
sion, l'jibsolution extorquée jiar ce moyen
ne peut réconcilier les coupables avec Dieu.
Voy. Indulgence.
LATIN. L'Eglise latine est la même chose
que l'Eglise romaine ou l'Eglise d'Occident,
par 0|)iibsition à l'Eglise grecque ou à l'E-
glise d'Orient.
Depuis le sehisme des Grées, eommeueé
dans le ix* siècle et eousommé dans
; -. LAT
le xr, les catholiques romains répan-
dus dans tout l'Occident , ont été nommés
Latins , parce qu'ils ont retenu dans l'office
divin l'usage de la langue latne, de même
que ceux d'Orient ont conservé l'usage de
l'ancien grec.
M. Bossuet, dans sa Df'fense de la tradition
et des saints Pères, observe très-bien que,
depuis ce schisme fatal , l'Eglise latine a été
l'Eglise catholique ou universelle ; qu'ainsi,
en fait de doctrine , ce serait un abus de
vouloir opposer le sentiment de l'Eglise
grecque à celui de l'Eglise latine. Il ne s'en-
suit pas néanmoins qu'il soit inutile de sa-
voir ce que l'on a pensé dans l'Eglise grec-
que dans les huit premiers siècles, puisqu'a-
lors elle faisait partie de l'Eglise universelle.
Il fait nécessairement joindre les Pères grecs
aux Pères latins , pour former la chaîne de
la tradition, et la faire remonter jusqu'aux
apôlres. C'a donc été un malheur que, de-
puis l'inondation des Barbares en Occident,
l'on n'ait plus été on état de cultiver la lan-
gue grecque, et de lire les Pères qui avaient
écrit dans cette langue ; ce n'est que depuis
la renaissance des lettres parmi nous, que
l'on a recommencé à étudier la doctrine
chrétienne dans les ouvrages de ces écri-
vains vénérables.
Comme, au vir siècle , les mahométans
ont fait dans l'Orient les mêmes ravages que
les Barbares du Nord avaient faits en Occi
dent pendant le v' et les suivants, les let-
tres ont été encore moins cultivées , depuis
ce temps-là, chez les Grecs que chez les la-
tins ; et il y a eu moins de personnages cé-
lèbres parmi les premiers que parmi les se
conds. Depuis plus de deux cents ans, l'étude
de l'antiquité s'est renouvelée parmi nous,
elle ne s'est point réveillée chez les Grecs:
il n'y a parmi eux ni écoles célèbres, ni ri-
ches bibliothèques ; ceux d'entre eux qui
veulent faire de bonnes études, sont obligés
de venir en Italie. On a travaillé à la réu-
nion des Grecs et des Latins dans les conci-
les de Lyon et Je Florence, mais avec peu de
succès. Pendant les croisades , les Latins
s'emparèrent de Constantinople, el y domi-
nèrent plus de soixante ans, sous des euipe-
reurs de leur communion ; ces expéditions
militaires ont encore augmenté l'aversion
et l'antipathie entre les deux peuples. Aussi
les Grecs détestent plus les Latins qu'ils ne
haïssent les mahométans, sous la tyrannie
des([ucls ils sont 0|iprimés, et les mission-
naires qui vont en Orient trouvent très-peu
de fruit à faire chez les Giecs. Voy. Grecs.
LATITUDINAIUES, nom tiré du latin la-
titudo, largeur. Los théologiens désignent
sous ce nom certains tolérants, qui sou-
tiennent l'indillérence des sentiments en
matière de religion, et ([ui accordent le salut
éternel aux sectes même les plus ennemies
du christianisme : c'est ainsi qu'ils se
flattent d'avoir élargi la voie qui conduit au
ciel, le ministre Jurieu était de ce nombre,
ou du moins il autorisait cette doctrine par
ia manière de raisonner; Bayle le lui a
prouvé dans un ouvrage intitulé : Janua
LAT
224
cœlorum omnibus reserata, la Porte du cit^
ouverte à tous. Ce livre est divisé eu trois
traités. Dans le premier, Bayle fait voir que,
suivant les principes de Jurieu, l'on peut
très-bien faire son salut dans la religion
catholique, malgré tous les reproches d'er-
reurs fondamentales et d'idolUne que ce
ministre fait à l'Eglise romaine. D'oîi il s'en-
suit que les prétendus réformés ont eu très-
grand tort de rompre avec cette Eglise, sous
prétexte que l'on ne pouvait pas y faire son
salut. Dans le seconil, Bayle prouve que,
selon les mômes principes, l'on peut aussi
Être sauvé dans toutes les communions
chrétiennes, quelles que soient les erreurs
qu'elles professent, par conséquent [larmi
les ariens, les nestoriens, les eutychiens ou
jacobites, et les sociniens. C'est donc mal k
propos que les protestants on refusé la to-
lérance à ces derniers. Dans le troisième,
qu'en raisonnant toujours de même , on ne
peut exclure du salut ni les juifs, ni les ma-
hométans , ni les païens. OEuvres de Bayle,
tom. II.
M. Bossuet, dans son sixième Avertisse-
ment aux protestants, 3* pai tie, a traité cette
même question plus profondément, et il a
remonté plus haut. Il a démontré, '° que le
sentiment des latitudinaires , ou l'inditfé-
rence en fait de dogmes , est une con-
séquence inévitable du principe duquel est
partie la jirétendue réforme; savoir, que
l'Eghse n'est point infaillible dans ses dé-
cisions, que personne n'est obligé de s'y
soumettre sans examen, que la seule règle
de foi est l'Ecriture sainte. C'est aussi le
principe sur lequel les sociniens se sont
tondes, pour engager les protestants à les
tolérer; ils ont posé pour maxime qu'il ne
faut point regarder un homme comme un
hérétique ou mécréant, dès qu'il fait pro-
fession de s'en tenir h l'Ecriture sainte.
Jurieu lui-même est convenu que tel était
le sentiment dii très-grand nombre des cal-
vinistes de France, qu'ils l'ont porté en
Angleterre et en Hollande lorsqu'ils s'y sont
réfugiés ; que dès ce moment cette opinion
y fait chaque jour de nouveaux progrès.
D'oii il résulte évidemment que la ])rétendue
réforme , jiar sa {)ropre constitution , en-
traîne dans l'indifférence des religions ; la
plu|iart des protestants n'ont point d'autre
motif de persévérer dans la leur. Jurieu est
encore convenu que la tolérance civile,
c'est-à-dire l'impunité accordée à toutes les
sectes par le «lagistrat, est liée nécessaire-
ment avec la tolérance ecclésiastique ou
avec l'indiU'érence, et que ceux qui deman-
dent la première n'ont d'autre aessein tpie
d'obtenir la seconde. — 2° 11 fait voir que
les latitudinaires, ou indilïérents, se fondent
sur trois rèj;les, dont aucune ne peut être
contestée parles protestants ; savoir: 1° qu'il
ne faut reconnaître nulle autorité que celle de
l'Ecriture ; 2" que l'Ecriture, pour nous im-
poser l'obligation de la foi, doit être claire :
en effet, ce qui est obscui' ne décide rien
et ne fait fjue donner lieu à la dispute;
3° qu'o)'< l'Ecriture paraît enseigner des chosei
2ia
LAT
LAT
826
inintelligibles, et auxquelles tû. raison ne peut
atteindre, comme les }nyst<'res de la Trinité,
de r Incarnation, cic, il faut la tourner au
sens qui parait le plus conforme à la raison,
quoiqu'il semble faire violence au texte. De la
preiuière do ces règles, il s'ensuit que les
décisions des synodes et les confessions
d(i foi des protestants ne méritent pas jjIus
de déférence qu'ils n'en ont eu cux-inriues
[lour les décisions des conciles de rEy,lise
ronjaine ; que quand ils ont forcé leurs
théologiens de souscrire au synode de
Dordrecht, sous peine d'être privés de leurs
chaires, etc., ils ont exercé une odieuse
tyrannie. La seconde règle est universelle-
ment avoui'e parmi eux ; c'est pour cela
qu'ils ont répété sans cesse que, sur tous
les articles nécessaires au salut l'Ecriture
est claire, expresse, A portée des plus igno-
rants. Or, peut-on sup])Oser qu'elle le soit
sur tous les articles contestés entre les so-
ciniens, les arminiens, les luthériens et les
calvinistes? Non, sans doute; tous sont donc
très-bien fondés à persister dans leurs opi-
nions. La troisième règle ne peut pas être
contestée non [ilus |jai' aucun d'eux, c'est
sur cette base qu'ils se sont fondés pour
expliquer dans un sens tiguré ces paroles do
Jésus-Christ : Ceci est mon corps ; si vous ne
mangez ma chair et ne buvez mon sang, etc.,
parce que, selon leur avis, le sens littéral
lait violence à la raison. Un socinien n'a
donc pas moins de droit de prendre dans un
sens liguré ces autres parok'S, le Verbe était
Dieu, le Verbe s'est fait chair, dès que le sens
littéral lui p;iraît lilesser la raison. 11 n'est
pas un des prétextes dont les calvinistes se
sont servis pour éluder le sens littéral dans
le premier cas, qui ne serve aussi aux so-
ciniens pour l'esquiver dans le second. Vai-
nement les protestants ont eu recours à la
distinction des articles fondamentaux et non
fondamentaux : de leur pro[ire aveu, cette
distinction ne se trouve pas dans l'Ecriture
sainte, l'eut-on d'ailleurs regarder comme
fondamental, selon leurs principes, un ar-
ticle sur lequel on ne peut citer que des
passages qui sont sujets à contestation, et
susceptibles de plusieurs sens? Au juge-
ment d'un socinien, les dogmes de la Tri-
nité et de l'Incarnation ne sont pas j)lus
fondamentauv que celui de la iirésence
réelle aux yeux d'un calviniste. Vog. Fon-
damental. — 3° M. Bossuet montre que,
pour réprimer les latitudinaires, les protes-
tants ne peuvent employer aucune autorité
que celle des magistrats. Mais ils se sont
ôté d'avance celte ressource, en déclamant
non-seulement contre les souverains catho-
liques qui n'ont pas voulu tolérer le protes-
tantisme dans leurs Etals, mais encore
contre les Pères de l'Eglise qui ont imploré,
pour maintenir la foi, le secours du bras
séculier, surtout contre saint Augustin,
parce qu'il a trouvé bon que les donatistes
lussent ainsi répi'imés. A la vérité, Jurieu
et d'autres ont été forcés d'avouer que leur
(rétendue réforme n'a été établie nulle pjart
par un autre moyeu : à Genève, elle s'est
faite par le sénat; en Suisse, par Je conseil
souverain de chaque canton; en Allemagne,
]iar les j)rinces de l'emiiire; dans les Pro-
vinces-Dnies, par les états; en Danemark,
en Suède, en Angleterre, par les rois et les
parlements : l'autorité civile ne s'est pas
Ijornée à donner pleine liberté aux jirotes-
tants; mais elle est allée jusqu'à ôter les
églises aux [lai'istes, à défendre l'exercice
public de leur culte, à punir de mort ceux
qui y persistaient. En France môme, si les
rois de Navarre et les princes du sang ne
s'en étaient pas mêlés, on convient que le
protestantisme aurait succombé. Ainsi ses
sectateurs ont prêché successivement la to-
lérance et l'intolérance, selon l'intérêt du
moment; les ()atients et les persécuteurs ont
eu raison tour à tour, lorsqu'ils se sont
trouvés les plus forts. — i" 11 observe qu'en
Angleterre la secte des brownistes, ou in-
dépendants, est née de la même source.
Ces sectaires rejettent toutes les formules,
les catéchismes, les symboles, même cel li
des apôtres, comme des pièces sans autorité;
ils s'en tiennent, disent-ds, à la seule parole
de Dieu. D'autres enthousiastes ont été
d'avis de supprimer tous les livres de reli-
gion , et de ne réserver que l'Iicriture
sainte. — 5" 11 prouve, comme a fait Bayle,
que, selon les principes de Jurieu, qui sont
ceux de la réforme, on ne peut exclure du
salut ni les Juifs, ni les païens, ni les sec-
tateurs d'aucune religion quelconque. L'E-
glise catholi(|ue, plus sage et mieux d'accord
avec elle-même, pose pour maxime que ce
n'est point à nous, mais à Dieu, de décider
qui sont ceux qui parviendront au salut, et
qui sont ceux qui en seront exclus. Dès
qu'il nous a commandé la foi à sa parole
comme un moyen nécessaire et indispensa-
ble au salut, il no nous appartient pas de
dispenser personne de l'obligation de croire;
et il est absurde d'imaginer que Dieu nous
a donné la révélation, en nous laissant la
liberté de l'entendre comme il nous plaira;
ce serait comme s'il n'avait rien révélé du
tout. Aussi a-t-il contié à son Eglise le
dépôt de la révélation; et si, en la char-
geant du soin d'enseigner toutes les nations,
il n'avait pas imposé à celle-ci l'obligation
de se soumettre à cet enseignement, Jésus-
Christ aurait été le plus imiirudent de tous
les législateurs. Depuis dix-huit siècles,
cette Eglise n'a changé ni de principes ni de
conduite; elle a frdp|)é d'anathème et a re-
jeté de son sein tous les sectaires ([ui ont
voulu s'arroger l'indépendance. Les absur-
dités, les contradictions, les impiétés dans
lesquelles ils sont tomués tous, dès qu'ils
ont rompu avec l'Eglise, achèvent de dé-
montrer la nécessité de lui être soumis. En
prêchant l'indépendance, les latitudinaires,
loin de faciliter le chemin du ciel, n'ont lait
qu'élargir la voie de l'enler. Voy. Indiffé-
rence.
LATRAN, était dans l'histoire romaine le
nom d'un homme, de Plautius Latéranus,
consul désigné, qui fut mis à mort par Né-
ron ; il fut donné ensuite à un ancien palais
M7
LAI
LAT
221}
de Rome et aux Dâdments que l'on a faits h
sa place ; enfui à l'ô;j,lise de Saint-Jean-de-
Latrnn, qui passe pour être la pliis ancienne
de Rome, et qui est le siéj^e de la papauté ;
ruais il est probable que son nom lui vient
plutôt de Mer, brique, que du consul Lalé-
Faniis.
On appelle conciles de Latran c^ uï qui ont
été lenus à Rome dans la basilique de ce
nom, et il y en a eu onze, dont quatre gé-
néraux ou œcuméniques; nous ne [ arlerons
que de ces derniers. — L'un est celui de
Tan 1123, sous le pape Calixte II, dans le-
quel on fit plusieurs canons touchant la dis-
cipline , surtou' contre la simonie, contre le
pillage des biens de l'Eglise, contre l'ambi-
tion des moines qui usurp dent la juridiction
et les fonct.ons ecclésiastiques. C'est le
neuvième concile général. On y voit que les
mœurs de rEuro,)e étaient alors très-cor-
FOffliues, que la licence des séculieiS, por-
tée à son comble, s'était communiquée au
clergé. — Le dixième fut tenu en ll;j9, sous
le jiape Innocent II, immédiatement après le
schisme formé pa^' Pierre de Léon, ou l'an-
tipai)e Anaclet. Comme Innocent II n'avait
pas encore été reconnu par les rois de Si-
cile et d'Ecosse, un des premiers objets du
concile fut d'éteinire enfin toit reste de
schisme, et de réformer les abus qui s'é-
taient introduils à celte occasion. Il con-
damna ensi;ite les erreurs de Pierre de
Bruis et d'Arnaud de Bresse, l'un des disci-
ples d'Abailard. Voy. Arnaldistes et Pétro-
BROsiENS. On fut obligé de renouveler la
plupart des canons de discipline qui avaient
été faits dans le concile précédent, et qui
avaient produit très-peu d'effet. — Le onzième,
l'an 1179, fut présidé par Alexandre 111, et
il fut encore destiné à éteindre un nouveau
schisme formé par un antipape Calixte, snu-
tenu par l'empereur Frédéric. Ce concile
prit des mesures et ût des règlements pour
prévenir, dans la suite, les schismes à l'oc-
casion de l'élection des papes. 11 condamna
les vaudois , les catha. es, appelés aussi jia-
tarins ou po[)lieains, et les ali)igeois. Il re-
nouvela les canons des conciles précédents
touchant la discipline, et fit de nouveaux
efforts pour réprimer le brigandage des sei-
gneurs, le luxe des prélats , le dérèglement
des ordres , soit militaires soit religieux .
Mais que pouvaient produire les lois ecclé-
siastiques au milieu des désordres et de
l'anarchie qui régnaient dans l'Europe en-
tière ? — Le douzième fut convoqué l'an
1215 par Innocent 111. Ce pape y fit recevoir
soixante-dix canons de discipline, à la tète
desquels est une exj>osition de la foi catho-
lique contre les albigeois et les vaudois. La
présence réelle de Jésus-Christ dans l'eu-
charistie y est établie ; c'était la confirmation
des conciles précédents, qui avaient con-
damné l'hérésie de Bérenger. Ou y trouve,
pour la première fois , le terme de trans-
substantiation , pour ex[irimer le change-
ment du pain et du vin au corps et au sang
de Jésus-Christ. Le concile condamna eu-
«uite le traité que l'abbé Joachim avait tiiit
contre Pierre Lombard sûr la Trinité, et
dans lequel il avait enseigné des erreurs. On
y trouve enfin la condamnation de la doc-
trine d'Amauri. — Le onzième canon re-
nouvelle l'ordonnance qui avait été portée
dans le concile précédent, d'établir des maî-
tres de grammaire dans les églises cathédra-
les et collégiales ; il veut que l'on établisse
aussi des théologaux dans les églises métro-
politaines : règlement sage, mais triste mo-
nument de l'ignorance dans laquelle l'on
était plongé, et que les pasteurs s'efforçaient
en vain de dissiper. — Le vin.^t-unième est
le célèbre canon Omnis ulriusqae sexus, qui
ordonne à tous les fidèles de se confesser
au moins une fois l'an, à leur propre prê-
tre, et de recevoir la sainte eucharistie au
moins à Pâques. Il fut fait à l'occasion des
albigeois et des vaudois, qui méprisaient la
confession et la [lénitence administrée par
les prêtres, et prétendaient recevoir l'abso-
lution de leurs péchés par la seule imposi-
tion des mains de leurs chefs. La plupart
des lois portées dans ce concile ont été re-
nouvelées par celui de Trente, et sont au-
jourd'hui assez généralement observées.
Voi/. l'Histoire de VEglise gallicane, tome X,
1. 30, an. 1215.
Latran (chanoines de) ou de Saint-Sau-
veur. C'est une congrégation de chanoines
réguliers, dont le chef-lieu est l'église de
Saint-Jean-de-Lafrart. Quelques auteurs ont
prétendu qu'il y avait eu à Rome, depuis
les apôtres, une succession continuelle de
clercs vivant en commun, et attachés à cette
église ; mais ce ne fut que sous Léon III,
vers le milieu du vui" siècle, qu'il se forma
des congrégations de chanoines réguliers
vivant en commun. On ne peut donc pas
prouver qtie les clercs de Saint-Jean-de-
Latran aient possédé cette église pendant
huit cents ans, et jusqu'à Boniface VIII c[ui
la leur ôta, pour mettre à lejir place des
ci anoines réguliers. Eugène IV, cent cin-
quante ans après, y rétablit les anciens pos-
sesseurs. Aujourd'hui une partie de ces
chanoines sont des cardinaux.
LATRIE, mot gprc dérivé de >àT/>t,-, servi-
teur. Dans l'ori^îoe, la-cpUa désignait le res-
pect, les services et tous les devoirs qu'un
esclave rend h son maître : de là l'on s'est
servi de ce terme pour signifier le culte q ;e
nous rendons à Dieu. Comme nous houo-
ronsaussi les saints par respect pour Dieu lui-
même, l'on a nommé daiie le culte rendu aux
saints, afin de témidgner que ce culte n'est
point égal à celui que l'on rend à Dieu, qu'il lui
est inférieur et subordonné. Cette distinction
n'a lias satisfait les protestants ; ils disent qu-e
chez les Grecs làrpiç et Jtniii; signititnt éga-
lement un serviteu/r ; qu'ainsi dnlie et latrie
expriment l'un et l'autre le service ; d'où ils
concluent que nous servons indilféremment
Dieu, les saints, les relic^ues, les images,
puisque nous rendons un culte à ces divers
objets : qu'entre idolâtrie, service des ido-
les, et iconoldtrie, service des images, il n'y
a évidemment aucune différence. Mais ar-
gumenter sur un mot équivoque n'est pas
229
LAT
LAV
330
le moyen d'édaircir une question. Un mili-
taire in-t le roi, un magistral sert le public :
nous rcnddiis service y nos amis; nous di-
sons uaèuie à un inférieur, je suis votte
serviteur. Si un disnuteur soutenait que,
dans tous ces exemples, le mot servir a le
même sens, il se rendrait très-ridicide.
Servir IHeu, ce n'est pas seuleuient lui
rendre des honneurs et du res|ie(t, mais
c'est lui témoigner lauiour, la reconnais ■
saticc, la conlinnce, la souanssion et l'obéis-
sance que nous lui devons comme au sou-
verain maître do toutes choses ; peut-on
dire, dans le même sens, (|ue nous servons
les saints et les images, parce que nous les
honorons, et (jue nous leur doiuions des si-
gnes de respect ? Nous honorons les saints,
parce qu'ils sont eLix-mémos les serviteurs
de Dieu; en cela nous n'obéissons pas aux
saints, mais à Dioit. Il est dit qu'ils r^r/wr--
ron/ avec Dieu (A^joP., c. xxn, v. 5); leur
récompense est ai)pelée un royaume (Mut th.,
0. XXV, V. ;îi) : en quel sens, s'il n est pas
l)ermis de leur adresser des respects ni des
jirières ? Nous honorons les nuages, parce
qu'elles nous représentent des objets res-
pectables, et c'est à ces objets mômes que
s'adressent nos respects ; mais ce rest)ect
n'est ni égal, ni inspiré par le môme motif
que celui iiue nous rendons à Dieu.
Quelques ordres religieux, plusieurs dé-
vols k la sainte Vierge, se sont nommés
serviteur de Marie ; cela ne signiiie point
quils voulaient obéir à la sainte Vierge
conunc à Di('u : nous ajiiielons l.'s prières
pour les morts un service pour eux, et il ne
s'ensuit rien.
Posons donc pour principe que les mots
latrie, ilulie, culte, service, elc, changent de
àignilication, selon les divers objets aux-
quels ils sont appliquées ; que de même le
culte cliange de nature, selon la diversité
des objets auxquels il est adressé, et des
motifs par lesqmls il e>t inspiré ; que c'est
l'intention seule qui décide si tin culte est re-
ligieux ou sU|ierstitieux,légitimeoucriiijinel.
VidoliUrie, c'esl-ii-dire le culte ou le res-
pect rendu au simulacre d'un dieu du pa-
ganisme , était un crime, non-seulement
parce que Dieu l'avait défend'i par une loi
positive, mais parce qu'il était al)surde et
impie en lui-même, il était aiu-essé à un
être imaginaire et fantastique, à un pré-
tendu génie ou démon, que l'on su, posait
présent et logé dans une statue, en vertu de
sa consécration ; à un jiersoiniage auquel
on attribuait tout à la l'ois les vices de Hiu-
manité et un pouvoir absolu sur lous les
hommes, auquel on voulait témoigner par
là un respect, une soumission, une con-
iiaoce qui ne sont dus qu'au Créateur et au
souverain Maître de l'univers. Viconoldtrie,
ou le culte rendu à un image de Jésus-
Christ ou d'un saint, porte-t-elle aucun de
cos caractères ? Y a-t-il aucune ressem-
blance entre ces deux cultes?
Daillé, qui a tant écrit contre le culte jtré-
tendu supeistitieux de l'Eulise romaine, est
forcé de convenir que, dès le iv' siècle, les
Pères de l'Eglise ont mis une différence eui*
Ire latrie et dulie ; que par le premier de ces
termes ils ont dési,.né le culte ren.lu à
Dieu, et par le second le culte adressé aux
saints; juiisque l'Eglise a trouvé bon d'a-
dopter celte distinction, il est de notre de-
voir de nous y conformer : c'est à elle de
fixer le langage de la religion et de la théo-
logie, comme c'est h la société civile de dé-
terminer le sens du langage ordinaire. Mais
il ne faut pas croire que le culte des sa nts,
des images et des reliques, n'ait commencé
qu'au IV* siècle, coiiinie Daillé et les autres
Itroiestants le [retendent: nous prouverons
en son lieu (ju'il dale du temps des apôtres.
Voij. CiLTi:, Di LIE, Saints, etc.
LAUDES. Voy. Heures canoiviales
LAUKE , demeure des anciens moines.
Ce mot vient du grec îieOpa, place, rue, vil-
lage, hameau. Les auteurs ne conviennent
point de la diflérence qu'il y avait entra
laure et monast're. Quelques-uns prétendent
que laure signiliait un vaste édifice, qui
pouvait contenir jusqu'à mille moines et
jilus ; mais il paraît par l'histoire ecclésias-
tique, que les anciens monastères de la
Thébai !e n'ont jamais été de cette étendue.
L'opinion la plus | robable est que les mo-
nastères étaient, comme ceux d'aujourd'hui,
de grands bAtiments divisés en salles, clia-
l>elles, cloître, dortoirs et cellules pour cha-
que moine; au lieu que les laurcs étaient
des espèces de villages ou hameaux dont
chaque maison était occupée parmi ou deux
moines au plus. Ainsi les couvents des
chai'treux d'aujourd'hui paraissent repré-
senter les laures, au lieu que les maisons
des autres moines répondent aux monastè-
res proprement dits.
Les dilférenls quartiers d'Alexandrie fu-
rent d'abord apjelés laures ; mais après
l'institut on de la vie monastique, ce terme
fut borné à signilier les esjèces do ha-
meaux habités ] ar des moines. Ceux-ci ne
se rassemblaient qu'une fois la semaine
pour assister au si rvice divin, et s'édifier
mutuellement. Ce que l'on avait d'abord ap-
pelé laure dans les villes fut nommé pa-
ToisSB.
LAVABO, ou LAVEMENT DES DOIGTS,
cérémonie qui se fait par le prêtre à la
messe ; il lave ses doigts du côté de l'épî-
tre, en récitant plusieurs versets du psaume
XXV, qui commence par ces mots : Lavabo inr-
1er innocentes nmnus meas. Au iv° siècle,
saint Cyrille de Jérusalem, Catech. Mystag,
5, et l'auteur des Constitutions apostoliques,
1. H, c. 8, n. 11, observent que cette action
de se laver les mains est un symbole de la
pureté d'iime que les prêtres doivent appor-
ter à la célébration du saint sacrifice.
On peut voir dans le P. Lebrun , Ex-
plicat. des cérémonies de la sainte messe,
tome H, pag. 343, qu'il y a des variétés dans
la manière do placer cette ac ion. Selon l'or-
die romain, elle se fait immédiatement avant
l'oblation; dans les Eglises de France et
d'Allemagne, elle se fait immédiatement
après; dans quelques-unes, l'usage «st d«
23!
LAV
LAZ
iSi
la faire avam et après. Voij. les Notes du
Père Ménard sur le Sacrum, de saint Gré-
noire, p. 370 et 371.
LAVEMENT DES PIEDS, coutume que
les anciens pratiquaient à l'égard de leurs
hôtes, et qui est devenue dans le christia-
nisme une cérémonie pieuse. — Les Orien-
taux lavaient les pieds aux étrangers qui
arrivaient d'un voyage, parce (lue, pour
l'ordinaire, on marchait les Jambes nues et
les pieds garnis seulement de sandales.
Ainsi Abraham fil laver les pieds aux trois
anges qu'il reçut chez lui {Gen., c. xvin,
V. k). On fit la même chose à Eliézer et à
ceux qui l'accompagnaient, lorsqu'ils arri-
vèrent chez Laban, et aux frères de Joseph
en Egypte {Gènes., cap. xxiv, v. 32, c. xliii,
V. 2i). Cet oflice s'exerçait ordinairement
par des serviteurs et des esclaves. Abigail
témoigne à David qu'elle s'estimerait heu-
reuse de laver les pieds aux serviteurs du
roi {I Reg., c. xxv, v. kl). Jésus, invité k
manger chez Simon le pharisien, lui repro-
che d'avoir manqué à ce devoir de politesse
{Luc, c. vu, V. l*k).
Jésus lui-même, après la dernière cène
qu'il fit avec ses apôtres, voulut leur donner
une leçon d'.iumilité en leur lavant les
pieds ; et cette action est devenue depuis
un acte de piété. Ce que le Sauveur dit à
saint Pierre diins cette occasion : 5î; je ne
vous lave, vous n'aurez point de part avec
moi, a fait croire à plusieurs anciens que le
lavement des pieds avait des elTets spiri-
tuels, et pouvait elfacer les péchés. Saint
Ambi Oise {L. de Mysl. c. vi) t-moigne que,
de son temps, on lavait les pieds aux nou-
veaux baptisés, au sortir du bain sacré, et
il semble croire que, comme le baptême
etface les péchés actuek-, le lavement des
pieds, qui se fait ensuite, ôte le péché ori-
ginel, ou du moins diminue la concupis-
cence. Ce sentiment lui est particulier.
Cet usage n'avait pas s. ulement li> u dans
l'église de Milan, mais encore dans d'autres
églises d'Italie, des Gaules, de l'Espagne et
de l'Afrique. Le concile d'Elvire le suppriuia
en Espagne, à cause de la contiance supers-
titieuse que le peuple y mettait; il paraît
que dans les autres églises il a été aboli,
à mesure que la coutume de donner le
baptême par immersion a cessé. Quelques
anciens lui ont d(jnné le nom de sacrement,
et lui ont attribué le pouvoir d'etlacer les
péchés véniels ; c'est le sentiment de saint
Bernard, et saint Augustin a pensé de même.
Il observe cependant, [Epist. 119 ad Januar],
que plusieurs s'abstenaient de cette prati-
que, de ])eur qu'elle ne semblât faire partie
du baptême. Un ancien auteur , dont les
sermons sont dans l'appendix du V tome
des ouvrages de ce Père, soutient (jue le la-
vement des pieds peut remettre les péchés
mortels. Celte dernière opinion n'a nul fon-
dement dans l'Ecriture sainte ni dans la
tradition. Quant au nom de sacrement, du-
quel quelques-uns se sont servis, il parait
qu'ils ont seulement entendu par lii le signe
d'une chose sainte, c'est-à-dire de l'humi-
lité chrétienne , mais auquci Jésus-Christ
n'a point attaché la grAce sanctifiante comme
aux autres sacrements.
Il faut avouer cependant que la tradition
et la croyance de l'Eglise sont ici la seule
règle qui puisse nous faire distinguer cette
cérémonie d'avec un sacrement ; nous ne
voyons pas pourquoi les protestants, qui
s'en tiennent à l'Ecriture seule, réf.. sent de
mettre le lavement des pieds au nombre des
saciemenls. Rien n'y manque des conditions
qu'ils exigent ; c'est un signe irès pr ipre à
représenter la grâce qui nous purifie de
nos péchés; Jésus-Christ semble y avoir
attaché cette grâce, en disant à saint Pie.re.
si je ne vous lave, vous n'aurez point de part
avec moi; il ordonne à ses disciples de la.re
celle cérémonie ii son exemple {Joan., cap.
XIII, V. 14). Que faut-il de plus?
Cette cérémonie se fait le Jeudi saint chfz
les Syriens et chez les Grecs, aussi bien
que dans l'Eghse latine. A Rome, le pape, a
la tête du sacré collège, se rend dans une
s.ille de son palais destinée à cette action ;
il prend une étole violette, une chape rouge,
une mitre simple; les cardinaux sont en
chape violette. 11 met de l'encens dans l'en-
censoir, et donne la bénédiction au cardinal-
diacre qui doit chanter l'évangile, Ante
dicm festum Paschœ, etc. {Joan., c. xiii);
c'est l'hisloire de celle action même laite
par Jésus-Christ. Après l'évangde, on lui
présente le livre à baiser, et le cardinal-
diacre lui donne l'encens. Alors un chœur
de musiciens entonne l'antienne ou le répons
Mandalum novum do vobis, etc. Le pape ôte
sa chape, prend un tablier, lave les pieds à
douze pauvres prêtres étrangers, qui sont
assis sur une estrade, et vêtus d'un habit
de camelot blanc, avec une espèce de capu-
chon fort ample. 11 leur fait distribuer à
chacun par son trésorier, une médaille d'or
et une d'argent, du poids d'une once. Le
m.ijordome leur donne à chacun une ser-
viette, avec laquelle le do^en des cardi-
naux, ou le plus ancien, leur essuie les
pieds. Le pape retourne à sa chaire, lave
ses mains, reprend la chape et la mitre, dit
l'oraison dominicale et d'autres prièies. II
ôte ensuite ses habits pontificaux, et rentre
dans son appartement suivi du même col-
lège. Les douze pauvres sont conduits dans
une autre salle du Vatican, oiî on leur sert
h diner; le pape vient leur i)résenter à cha-
cun le premier plat, et leur verse le premier
verre do vin, leur parle avec bonté, leur
accorde des indulgences, et se retire. Pen-
dant le reste du repas, le prédicateur ordi-
naire du pape fait un .sermon. La cérémonie
finit par le dîner que le saint-père donne
aux cardinaux. Les empereurs de Conslan-
tinople faisaient la même cérémonie dans
leur palais avant la messe. Yoy. lus Notes du
père Ménard sur le Sacrum, de saint Gré-
goire, p. 97. Au mot Cène, nous avons rap-
porté la manière dont le roi la fait en France.
LAZARE. Un des miracles les plus écla-
tants que Jésus-Christ ait opérés est la ré-
surrection de Lazare ; les incrédules Oût
835
LAZ
LAZ
254
fait tous leurs efforts pour le rendre dou-
teux, mais la narration de l'évangéliste qui
le rapporte nous présente des caractères do
vérité si frappants, qu'il n'est pas. possible
de les obscurcir : quiconque les examinera
sans prévention sera convaincu (]ue la
fraude, l'imposture, l'erreur, le hasard,
n'ont pu y avoir aucune part [Joan., c. xi et
xii).
1» Lazare était un homme riche et consi-
déré chez les Juifs : cela est prouvé par la
manière dont l'Evangile en parle, ])ar la
quantité do parfums que sa sœur répandit
pour faire honneur 5 Jésus, par la manière
dont il fut embaumé après sa mort ; par l'at-
tention des principaux Juifs de Jéiusalem,
qui vinrent consoler Marlhe et Marie do la
mort de leur frère, etc. Un liommo do cette
condition aurait-il voulu se déshonorer et se
rendre odieux h sa nation par une fraude
concertée avec Jésus? Que pouvait-il en es-
fiérer, et que n'avait-il pas h craindre?
1 aurait fallu que les deux sœurs et les
domestiques de Lazare fussent du complot.
Comment feindre la maladie, la mort, les
funérailles, l'embaumement d'un liomme do
considération h une demi-lieue de Jérusalem,
sans danger d'être découvert ? — 2° Lacrainto
du ressentiment des Juifs devait en détour-
ner les complices : il y avait une excom-
munication j)rononcée par le conseil des
Juifs contre tous ceux (lui reconntdtraient
Jésus pour le Messie; ses ennemis avaient
déjà tenté plus d'une fois de l'arrêter : es-
sayer une fourberie dans ces circonstances,
c'était accélérer la perte de Jésus et s'y en-
velopper avec lui. Jésus lui-même aurait-
il osé la proposer à une famille qui lui té-
moignait de l'affection et de l'estim:^, et
dont l'aïuiiié pouvait lui être utile? Il no
faut pas s'oi)stint'r, comme font les incrédu-
les, il peindre Jésus, tantôt comme un fana-
tique imbécile et imprudent, tantôt commo
un fourbe assez adroit pour en imposer à
toute la Judée : ces deux caractères ne s'ac-
eordent pas, et ni l'un ni l'autre ne peuvent
être attribués h Lazare. — 3° Jésus n'était
pas à Béthanie lorsque Lazare tomba malade,
mourut et fut enterré ; il éiait à Bétharaba,
au delà du Jourdain, à plus de douze lieues
de distance de Béthanie : on lui envoya un
messager pour l'avertir. 11 se passa au moins
cinq jours depuis le départ de cet envoyé
juscju'à l'arrivée de Jésus, qui alfccta de ne
pas se presser. S'il y avait eu de la fraude,
il faudrait supposer <[ue Lazare et ses com-
plices avaient pris sur eux tout l'odieux du
complot, et avaient ménagé à Jésus \in pré-
texte très-apparent pour se disculper, en
disant cpi'il était absent, et qu'il avait été
trompé lui-même, —k- La douleur des deux
sœurs, après la mort de Lazare, avait toutes
les marques possibles de sincérité ; les Juifs
venus de Jérusalem croient que Marie, qui
sort pour aller au-devant de Jésus, va pleu-
rer au tembeau de son fi ère. Le discours
qu'elles adressent successivement h Jésus,
les larmes que répand Marie, celles que
Jésus verse lui-même, la réponse qu'il lait
DiCTIONN. DB TnÂOL. DOCUATIQUE. III.
aux deux sœurs, l'étonnement des assistants,
qui disent : Cet homme, qui a guéri un
aveugle-né, ne pouvait-il donc pas empêcher
son ami de mourir? tout annonce la sincé-
rité et la bonne foi. - 5° C'est en présence
des deux sœurs, des Juifs de Jérusalem, de
ses disciples, que Jésus se fait conduire à la
caverne dans laquelle est inhumé Lazare :
on ne prend jias tant do témoins pour jouer
une imposture. Il ordonne d'ôter la pierre
qui fermait le tt uibeau : Seigneur, lui dit
Marthe, // sent déjà mauvais, il y a quatre
jours qu'il est enseveli : cette circonstance
est répétée deux fois. Jésus lève les veux
au ciel, invoque son Père, appelle Lazare,
et lui commande de sortir dehors ; le mort
se lève, on lui ôte les bandes sépulcrales ;
il est plein de vie. Plusieurs Juifs, témoins
de co prodige, crurent en Jésus-Christ. Une
narration si naturelle et si bien circonstan-
ciée ne peut pas être un ouvrage d'imagina-
tion.— 6° L'usage des Juifs d'enterrer les
morts dans des cavernes est certain ; il ve-
nait des patriarches : on voit encore dans
la Judée plusieurs de ces tombeaux anciens,
et l'on sait que les Juifs avaient changé peu
de chose à la manière /d'embaumer des
Egyptiens. Ils enduisaient d'aromates les
corps. Nicodème apporta environ cent livres
de myrrhe et d'aloès pour embaumer lo
corps de Jésus, selon la coutume des Juifs.
I^orS(pie Mario répandit des parfums sur
Jésus : Elle me rend déjà, dit-il, les honneurs
de la sépulture. Après avoir saupoudré do
ces drogues desséchantes les membres du
mort, ils les liaient de bandelettes qui en
étaient imbibées ; ils environnaient de même
la tête et le couvraient d'un suaire. C'est
ainsi que Lazare avait été enseveli; l'évan-
géliste le fait remarquer en parlant des ban-
delettes dont ses mains et ses pieds étaient
liés, etdusuairo quiétaitsursa tôte.Siio^are
n'avait pas été mort, il lui aurait été impos-
sible de demeurer pondant plusieurs heures
ainsi emmaillolté, le visage couvert de dro-
gues, dans un tombeau couvert par uno
pierre, sans être sutfoqué ; et s'il n'avait
pas été ainsi enseveli comme l'étaient les
morts de sa condition, les Juifs présents à
la résurrection n'auraient pas été dupes
d'une sépulture simulée : ils auraient accusé
Jésus, Lazare et ses sœurs d'iiuposture. —
7° Tout au contraire, il est dit que plusieurs
crurent en Jésu^-Christ, que les autres allè-
rent avertir les Juifs de ce qui s'était passé.
Là-dessus ils délibèrent : «Que ferons-
nous, disent-ils ? Cet homme fait beaucoup
de miracles ; si nous le laissons continuer,
tout le monde croira en lui ; les Romains
viendront détruire notre ville et notre na-
tion. » ils prennent la résolution de faire
mourir Jésus. Plusieurs vinrent exprès à
Béthanie pour voir Lazare ressuscité. Le
bruit que ce miracle lit à Jérusalem valut à
Jésus l'entrée triomphante qu'il y fit quel-
ques jours avant la pàque. Les Juifs, furieux
de cet éclat, résolurent de se défaire aussi
de Lazare, parce que sa résurrection aug-
mentait lo nombre des partisans de Jésus
8
235 LAZ
Ainsi les circonstances dont ce miracle
fut précédé , la manière dont il fut opéré,
les elfets qu'il produisit, concourent à en
démontrer la réalité : les incrédules auraient
dû y faire quelque attention avant d'argu-
menter pour le taiie paraître douteux.
Dira-t-on, commequelques-uns, que toute
cette histoire est fausse, que saint Jean l'a
forgée dans un lem|is où il n'y avait plus de
témoins oculaires ni contemporains qui pus-
sent le contredire ? Nous n'insisterons point
sur le caractère personnel de saint Jean, sur
son âge vénérable , sur le ton do candeur
qui rè^^ne dansions ses écrits, sur l'inulililé
de cotte fable pour établir l'Evan.^ile. Mais
comment un vieillard centenaire, un écrivain
juif, auquel les incrédules n'ont jamais at-
tribué des talents sublimes, a-t-il pu forger
une narration si naturelle et si bien circon-
stanciée, où rien ne se dément, oii tout con-
tribue à i)ersuader, s'il n'a pas été lui-même
témoin oculaire du lait et de la manière dont
il s'est passé ? Avec la critique la plus sub-
tile et la plus maligne, les incrédules n'ont
Îu y découvrir aucune marque d'imposture.
1 est faux c|u'alors il n'y eût plus de té-
moins octilaires. Quadratus, disciple des
apôtres , atteste que plusieurs personnes,
guéries ou ressuscitées par Jésus-Christ ,
avaient vécu jusqu'au temps auquel il écri-
vait ; c'était sous Adrien, vers l'an 120, par
conséquent assez longtemps après la mort
de saint Jean (Eusèbe, Hist., I. iv, cap. 3).
Cet évangéliste était donc environné ,, soit
de témoins oculaires ou contemporains, soit
de gens qui avaient pu apprendre la vérité
de leur bouche.
La résuirection de Lazare n'était point
un fait obscur que saint Jean put forger sans
ieonséquence : il fait remarquer que ce pro-
dige avait fait du biuit dans. la Judée ; que,
d'un côté , il augmenta le nombre des par-
tisans de Jésus ; que, de l'autre, il aigrit ses
ennemis , et leur fit prendre la résolution
de le metire à mort. 11 n'était donc pas pos-
sible de le publier à faux, sans s'exposer à
être contredit, et cette imprudence aurait
été d'autant plus grossière que les autres
évangélistes n'en avaient pas pai-lé. 11 fau-
drait donc toujours supposer que saint Jean
a été, d'un côté, un fourbe très-adroit, ca-
pable de forger la narration la plus propre
à en imposer ; de l'autre, un imposteur stu-
pide , qui n'a pas vu le danger auquel il
s'exposait de nuire à la cause en voulant la
servir. Mais le silence des autres évangélis-
tes est justement ce qui inspire des soup-
çons à d'autres critiques. Il est évident, di-
sent-ils, qu'en fait de résurrections, ces his-
toriens sont allés en augmentant , et ont
voulu enchérir les uns sur les autres : saint
Matthieu et saint Marc n'avaient [larlé que
de la résurrection de la liUe de Jaïro , qui
venait seulement d'expirer ; saint Luc y
ajoute le tils de la veuve de Naim que l'on
portait en terre ; cela était plus admirable :
saint Jean, pour amplifier, raconte la; résur-
rection ûe Lazare, mort depuis quatre jours,
enterré et déjà infect. Cette progression do
LAZ QSO
merveilleux sent la fable et le dessein d'en
imposer. Aucun écrivain juif n'a parlé de
ce miracle, et il n'en est fait mention dans
aucun monument publir.
Nous soutenons qu'il n'est pas vrai que
saint Jean cherche à augmenter le merveil-
leux des miracles de Jésus-Christ, puisqu'il
a passé sous silence non-seulement les deux
premières résurrections rapportées par les
autres évangélistes , mais encore la transfi-
guration de Jésus-Christ, de laquelle il avait
été témoin oculaire. Ce prodige était pour
le moins aussi capable d'exciter l'admiration
que la résurrection de Lazare. En lisant son
Evangde , on voit que son dessein était
Ijrincipalement de raiT)orter les discours et
les actions de Jésus-Christ dont il n'était
pas fait mention dans les autres évangélis-
tes ; c'est pour cela qu'il est le seul qui ra-
conte le miracle des noces de Cana. Mais
il déclare a la fin de son Evangile que Jésus
a fait beaucoup d'autres miracles qu'il ne
rapporte point ; et le récit de Quadratus
prouve qu'en effet Jésus avait encore res-
suscité d'autres morts que ceux dont par-
lent les évangélistes. 11 est évident qu'au-
cun des quatre ne s'est proposé de faire
une histoire complète des miracles, des dis-
cours, des actions de Jésus-Christ ; les trois
premiers n'ont presque rien dit de ce qu'il
a fait depuis la fête des Tabernacles, au
mois d'octobre , jusqu'à la pAque suivante,
et c'est dans cet intervalle de temps qu'il
ressuscita Lazare.
Dans les Sepher Tholdoth Jesti, les Juifs
ont avoué qu'il a ressuscité des morts ;
n'est-ce pas assez que cet aveu général do
leur part. C'est une absurdité d'exiger
qu'ils aient écrit ces miracles en détail ; par
là ils auraient rendu leur incrédulité plus
inexcusable, et se seraient couverts d'ignomi-
nie. Mais les ennemis du christianisme ne
craignent jioint de se rendre aussi ridicules
que les Juifs ; parce que l'historien Josèphe
leur semble avoir parlé trop clairement des
miracles et de la résurrection de Jésus-
Christ , ils rejettent son témoignage comme
supposé ; cet aveu, disent-ils, est trop for-
mel pour un Juif: lorsqu'on leur en allègue
d'auti es qui ne sont pas aussi exprès , ils
n'eii font point de cas ; ils disent : Cela n'est
pas assez formol. Comment fau'!rait-il donc
que les aveux des Juifs fussent conçus pour
les convaincre ? 11 aurait fallu , disenl-ds ,
que ks Juifs, prétendus témoins de la ré-
surrection, eussent vu Lazare malade, mort,
embaumé, qu'ils eussent senti l'odeur de 'sa
corruption , enfin qu'ils eussent conversé
avec lui depuis sa sortie du tombeau. Qui
leur a dit que cela n'est pas arrivé ? L'Evan-
gile nous donne lieu de présumer tout ce
qu'ils exigent. En effet, les Juifs, venus de
Jérusalem à Béthanie i)Our consoler Aiarthe
et Marie, étaient les amis de Lazare ; ils l'a-
vaient donc vu malade, et Us avaient assisté
à ses funérailles , puisque Béthanie n'était
qu'à une demi-heue do Jérusalem. Lorsque
Jésus fit ouvrir le tombeau eu leur présence,
ils virent Lazare mort et embaumé ; ils pu
, . i..y. . ■..,- ., .,, ,, V.;,.. t 1JI; -;.:<).>; iîi
rnil donc feS|iiror 1 odeur de sa cnrntption.
Jls le virent siJiiir (!u tombeau à l;i voix do
Jésus, et ils l'urcnt converser avec lui à ce
moment môme : quelques-uns d'entre eux
allèrent raconter aux chefs de la nation ces
faits dont ils avaient étft témoins.
Quand nous aurions leur propre témoi-
gnage (lar écrit , de quoi nous servirait-il
contre les incrédules ? Ou ces témoins ont
cru en Jésus-Christ, ou ils n'y ont pas cru :
s'ils y ont cru , leur témoiu'nage devient
suspect connue celui des apôtre'; , qui sont
eux-mêmes des juifs convertis; s'ils n'y
ont pas cru, l'ar-ument ordinaire des in-
crédules reviendra sur la scène : il est ira-
fiossible , diront nos adversaires , que des
lommes raisonnables aient vu un pai'cil mi-
racle sans croire en Jésus-Christ. Déjà ils
nous opposent ce raisonnement : si ce mi-
racle , disent-ils, eût été incontestable, il
n'est pas possible que les Juifs eussent pous-
sé la rage jusifu'à vouloir mettre à mort La-
zare aussi bien que Jésus, afin d'arrêter les
suites de ce prodige ; il est plus naturel do
troire qu'ils les reconnurent tous deux cou-
pables d'imposture.
Tel est l'entêtement de nos adversaires ;
ils aiment mieux penser que Jésus, ses dis-
ciples, Lazare, ses sœurs, ses domestiques,
ses ami- , ont été tous h la fois des fourbes
et des insensés , qui trompaient sans motif
fet au péril de leur vie, que d'avouer que les
Juifs étaient des for'cenés. Mais ils sont peints
fcomme tels par Josùphe lui-même ; la con-
duite qu'ils ont tenue après la résurrection
de Jésus-Christ le démontre, et depuis dix-
sei)t cents ans leur postérité jiorte encore
ce caractère. La conduite de Jésus et de
ses disciples est-elle marquée au même
coin ? L'opini;\treté même des incrédules
nous fait voir jusqu'oii les Juifs ont pu la
fiousser, et ce que ]iroduit la (lassion sur
es esprits qui s'y sont une fois livrés.
LAZARISTES. C'est le nom que l'on donne
YUlKairement aut prêtres de la congr.gation
de la Mission, parce qu'ils occupent à Paris
la maison de Saint-Lazare. Cette congréga-
tion a été instituée par saint Vincent de
Paul , en 1617 , et confirmée par les jiajies
Alexandre VII et Clément X. Leur destina-
lion est de travailler à l'instruction des peu-
ples de la campagne et à l'administration des
jiaroisses, de former les jeunes ecclésiasti-
ques aux fonctions de leur état , de faire
des missions dans h's pays infidèles, de s'em-
plover au secours et au rachat des esclaves
sur les côtes de Barbarie. L'utdilé de leurs
travaux a fait proraptement multiplier cet
institut dans les divers états de l'Europe ;
ils sont actuellement chargés des missions
que les jésuites avaient établies dans les
écheiles du Levant , ainsi qu'à Pékin et à
Goa.
LEÇON, manière de lire. Dans la Bible,
dans les écrits des Pères et des auteurs ec-
clésiastiques, les diîTérentes leçons ou va-
riantes sont les termes différents dans les-
3uels le texte d'un même auteur est rendu
aas les dili'érouts manuscrits anciens : cette
uivcfsite vîeiil poiïr ï'oraînâî'fe do l'altéra-
tion que le temps y a causée , ou do l'inat-
tention des copistes.
Les versions de l'Etrilure portent souvent
des Irçons différente-; du texte hébreu, et
les divers njanuscrits de ce^? versions pré-
sentent souvent des leçons dilTérentes entré
elles. La grande affaire des critiques et des
éditeurs est de déterminer laquelle de plu-
sieurs leçons est la meilleure; ce qui se fait
en confrontant les dilférentes leçons de plu-
sieurs manuscrits ou imjjrimés, et en préfé-
rant celle qui fait un sens plus conforme à
ce qu'il paraît que l'auleur a vowlu dire, ou
qui se trouve dans les manuscrits ou les
imprimés les plus corrects. Vuy. Varian-
tes.
Li;çoN, ce qui doit être lu. En termes de
bréviaire, ce sont des morceaux détachés,
soit de l'Ecriture sainte, soitdes Pères, oudes
auteurs ecclésiastiques, qu'on iit h. matines.
Il y a des matines à neuf leço7is, d'.iutres à
trois leçons : les capitules S'tnt des leçons
abrégées. On ap;.'elle aussi leçons de théolo-
gie, ce qu'un professeur de cette science en-;
soigne à ses écoliers, et chaque séance qu'il
emploie à cette fonction. Knlin, leçon signi-
fie quelquefois instruction ; dans ce sens ,
nous disons qued'Evangile nous donne d'ex-
cellentes leçons.
LECTEUR , clerc revêtu de l'un des qiia-
tre ordres mineurs. Les lecteurs étaient an-
ciennement de jeunes enfants que l'on éle-
vait pour les faire entrer dans le clergé ; ils
servaient de secrétaires aux évoques et aux
prêtres , et s'instruisaient ainsi en lisant et
en écrivant sous eux ; conséquemment on
choisissait ceux qui paraissaient les [)lus pro-
pres à l'étude, et qui pouvaient être dans la
suite élevés au sacerdoce : plusieurs ce]»en-
dant demeuraient lecteurs toute leur vie. La
plupart des savants pensent que la functicni
des lecteurs n'a été établie qu'au ni' siècle,
et que Tertullien est le premier qui en ait
parlé. Pour prouver que cet ordre est plus
ancien, le père Ménard a cité la lettre de
saint Ignace aux fidèles d'Antioc'ie, c. 12.
Mais cette lettre est supposée. La fonction
des lecteurs a toujours été nécessaire dans
l'Eglise , puisque l'on y a toujours lu les
Ecritures de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment, Suit à la messe, soit à l'oftice de la
nuit. On y lisait aussi les actes des martyrs,
les lettres des autres évoques , ensuite les
homélies des Pères , comme on le fait en-
core ; il était naturel de préférer pour cette
fonction des hommes qui avaient une voix
]ilus sonore , un organe [ilus agréable, -une
prononciation plus nette que les autres.
Bingham, Orig. ecclés. , 1. m, c. b, tom. I! ,
pag. 29, observe q_iie dans l'Eglise d'Alexan-
drie l'on permettait aux laïques, même aux
catéchumènes , de lire l'Ecriture sainte eu
public, mais qu'il no parait pus que cette
permission ait eu lieu dans les autres égli-
ses ; il pense que tantôt les diacres, tantôt
les prêtres , et quelquefois les évêques ,
s'acquittaient de cette fonction : cela peut
être ; mais il n'est pas prouvé qu'elle ait été
259
LEC
LEC
2M
interdite à ceux des laïques qui en étaient
capables.
Les lecteurs étaient chargés de la garde
des livres sacrés , ce qui les exposait beau-
coup à être inquiétés pendant les persécu-
tions. La formule de leur ordination mar-
que qu'ils doivent lire pour celui qui prê-
clie, chanter les leçons, bénir le pain et les
fruits nouveaux. L'évêque les exhoite à lire
fidèlement et à pratiquer ce qu'ils lisent, et
les met au rang de ceux qui administrent la
parole de Dieu. Comme il leur appartenait
de lire l'épitre et l'évangile, saint Cyprien
jugeait que cette Ibiîclion ne convenait
mieux à personne qu'aux confesseurs qui
avaient souffert pour la foi (Epist. 33 et 3i),
puisqu'ils avaient conlirmé par leur exem-
ple les vérités qu'ils lisaient au peuple.
Dans l'Eglise grecque, les lecteurs étaient
ordonnés par l'imposition des mains, mais
cette cérémonien'avait pas lieu pour euxdans
l'Eglise latine. Le quatrième concile de Car-
thage ordonne que l'évêque mettra la Bible
entre les mains du lecteur en présence du
peuple , en lui disant : Recevez ce livre, et
soyez lecteur de la parole de Dieu ; si vous
remplissez fidèlement votre emploi, vous au-
rez part avec ceux qui administrent la parole
de Dieu. Voy. le Sacram. de S. Grég., p. 233,
et les Notes^du P. Ménard, pag. 274 et suiv.
Les personnes de la plus haute considé-
ration se faisaient honneur de remplir cette
fonction, témoin l'empereur Julieu et son
frère Galius, qui pendant leur jeunesse, fu-
rent ordoimés lecteurs dans l'église de Nico-
médie. Par la novelle 123 de Jusîinien,
il fut défendu de prendre pour lecteurs des
jeunes gens au-dessous de dix-huit ans; mais
avant ce règlement l'on avait vu cet emploi
rempli par des enfanls do sept à huit ans,
que leur i^aients destinaient de bonne heure
à l'Eglise, afin que par une étude continuelle
ils se rendissent capables des fonctions les
plus difiiciles du saint ministère.
Il paraît, par le concile de Chalcédoine,
qu'il y avait dans quelques églises un arclii-
lecteur, comme il y a eu un archiacolyte, un
archidiacre, un archiprètre, etc. Le septième
concile général permet aux al)bés qui sont
prêtres et qui ont été bénis par l'évêque ,
d'imposer les mains à quelques-uns do leurs
religieux pour les faire lecteurs.
LECTICAIRES, clercs qui dans l'Eglise
grecque élaient chargés de porter les corps
morls sur un brancard nommé lectum ou lec-
tica, et de les enterrer; on les nommait
aussi copiâtes et doyens. Voy. Funérailles.
* LECTURE DE L'ÉCRITURE SAINTE. Il s'est
élevé entre les cailioliques el les proicslanis une
gvanJe controverse sur la nécessité el l'utilité de
la lecture de l'Ecriiure sainte.
Observons , avant d'entrer en matière , que nous
ne prétendons pas mettre en iiuestion s'il est utile
aux pasteurs de lire et d'étudier profondément lE-
criture sainte; personne ne peut en dontcr, surtout
que niaiiilenant nos livres saints sont l'objet de tant
de violentes attaques. Il ne s'agit donc que des sim-
ples fidèles, et c'est d'eux seuls que l'on demande si
la lecture de l'Ecriture sainte leur est nécessaire ou
«i l'on peut même dire qu'elle leur soit toujours utile.
Les prolestants prétendent que celle lecture est
nécessaire à tous les fidèles, et celle doctrine est
étroitement liée à leur principe de l'examen privé,
puisque si l'on refuse de former sa foi sur celle de
rEjjlise , il devient nécessaire à chaque particulier
de la former par le témoignage de l'Esprit saint
qui réclaire dans la lecture des livres saints , et
lui donne l'intelligence au moins des articles fon-
damentaux. Une conséquence nécessaire de celle
opinion est qu'aucune autorité ne peut interdire à
qui que ce soit la lecture des livres saints ; mais que
l'on doit au contraire faciliter à chacun les moyens
de les lire en les traduisant en langue vulgaire, et
en les répandant parmi le peuple. Les protestants
d'aujourd'hui mettent ce système en pratique pour
l'éialilissement des sociétés bibliques destinées a ré-
pandre avec profusion l'Ecriture sainte eu langue
vulgaire. Nous dirons un mot de ces sociétés qui se
sont introduites même chez les catholiques.
Cette doctrine des protestants a été adoptée par
le Père Quesnel el par les jansénistes, qui ont ensei-
gné que la lecture de l'Ecriture sainte était néces-
saire en tout temps et en tout lieu et à toute sorte
de personnes, et que l'interdire à quelqu'un, c'était
lui faire souffrir une sorte d'excommunication. Ce
sentiment du Père Quesnel a été condamné dans la
constitution Unigcntius ( Voy. les propositions 79,
80, 81, 82, 83, 84, 8.5). Voici deux de ces proposi-
tions condamnées dans le Père Quesnel : Lcciio sa-
crœ Hcnplurœ est pro omnibus Utile et necessa-
riiim et omni tempure, omiii loco, est omtii personnnim
generi sludere el coçinoscere spiriluin, pietatem et mijs-
leiia Scriplarœ sacrœ.
Les théologiens catholiques enseignent que la lec-
ture de l'Ecriture sainte, quelque utile qu'elle soit en
elle-même, ne doit être ni conseillée, ni interdite in-
distinctement à tout le monde , et qu'on ne peut
prescrire à ce sujet sans avoir égard aux personnes,
aux temps et aux lieux ; parce que celle lecture utile
à ceux qui sont bien disposés , devient dangereuse
pour certaines personnes , dans certaines circon-
stances, etc.
Nous établissons les assertions suivantes :
La lecture de l'Ecriture sainte n'est pas néces-
saire à tous les fidèles, ni toujours utile ; car
celte lecture ne pourrait être nécessaire, ou qu'au-
tant qu'elle serait un moyen sans lequel on ne pour-
rait remplir les conditions essentielles au salut , ou
qu'autant qu'il existerait une loi qui en fit un pré-
ccple ; necessilale metlii aiit necessitale pracepli ,
comme disent les théologiens. Or la lecture de l'E-
criture sainte n'est nécessaire aux simples lidèles
d'aucune de ces deux manières.
1° 11 est certain qu'elle n'est pas nécessaire d'une
nécessité de moyen ; en effet , si elle l'était , ce se-
rait, comme l'ont dit les proiestanls, pour acquérir
les connaissances des articles de foi nécessaires au
salut; ou celte lecture est nulle, car les fidèles peu-
vent, sans celle lecture , acquérir les connaissances
nécessaires au salut, en écoutant les instructions de
leurs pasteurs ; donc, etc. De plus , on peut citer,
même dans la primitive Eglise , plusieurs exemples
qui prouvent invinciblement que la lecture de l'E-
criture sainte n'est pas nécessaire aux lidèles, neces-
sitale medii. C'est ainsi que saint Jean l'Evaugélisie
forma, selon Eusébe, un grand nombre de disciples
sans le secours de l'Ecriture sainte. Saint Irénée
nous apprend que de son temps il y avait plusieurs
nations qui avaient embrassé le christianisme sans
le secours de l'Ecriture : qui sine atruiiieiilo el title-
ris Clmsliiin projilehaïuur. Saint Augustin nous re-
présente de même les solitaires de son temps. Il se-
rait facile de citer un grand nombre de textes qui
prouveraient que l'antiquité était loin de penser
comme les protestants ; .car si les apôtres eussent
pensé que la lecture de l'Ecriture sainte eût été né-
cessaire de nécessité de moyen, comment ne l'au.
241 LEC
raiftnt-ils pas fait traduire dans les langues vul-
gaires ?
2° la lecture de l'Ecriture sainte n>st pas néces-
saire, ueceiiila(e prœcepti. En ellet, 1" on ne prou-
veia jamais ([n'il y ail un précopie divin ou ecclé-
siastique, obligeant les sini|des lidèles à lire l'Ecri-
ture sainte. 2° H est absurde de croiio qu'il y ait un
précepte de faire une chose qui peut devenir nnisi-
ide ; or, ce précepte supposé pur les advers;iires se-
rait miisil)le. Des les temps aposliiliques, saint l'icrie
nous apprend qu'il y avait des esprits li'gers et igno-
rants, qui abusaient de rt'|)tlre di- saint l'aul et de
l'Ecrituic pour la perte de leuis âmes : qui iidocti
el ii'slal'ih's di'\nnvi.nl sinii et iwlerus siriiiltirns ad
suam i}isonim penii.icm{l l l^clr. m, 1(1).
Dins les siècles postéiieurs , les peuples n'ayant
pas conservé le respect envers les pasteurs, la lecture
des livres saints devint fort dangeieuse.
Une décrétale d'Innocent III, donnée en 1199, nous
apprend que la lei ture ipie les iaiqiu's Taisaient de
l'Ecriture sainte pioduisait le plus grand abu^ d:ins
le diocèse de Metz, et donnait (iccasion de mépriser
le clergé et de coni redire les décisions de l'Eglise ,
sous jnélexte qu'elles n'ctaiiul p \s conrormes a l'E-
criture. C'est aussi ce que faisaient les Vandois qui
parurent vers la même époque. Mais la nfiirme du
xvi* siècle mit le comble à ces abus, en ripandaut
i^vec prolusioii des versions en l;:ngue vulgaiie des
livres sainis ; ce (pii causa la perversion d uu nom-
bre infini de gens ignorants, qui, incapables de coin-
piendre par eux-mêmes l'Ecriture , s'imaginaient y
trouver tout ce que les réloiinaleurs voulaient leur
faire voir. Tous ces faits prouvent que la lecture de
lEcriture sainte ne doit pas cire permise indifférem-
ment à toutes sortes de persmuies , et qu'elle peut
être très-dangereuse. Quels bons effets , par exem-
ple, peut pi'oiluire sur les gens simples la lecture du
Cantique des caulii|nes, etc. Ne peut-on p.is craindre
qu'on abuse de quebpies textes obscurs pour tomber
dans riiérésie '/ 11 est donc absurde de supposer que
tous les fidèles soient obligés de lire l'Ecriture
sainte; ainsi, c'est avec raison que la doctrine do
nos adversaires a été coudanniée dans la 4' règle de
Viiulex et dans la bidle Dnniiitui yri'gh.
La principale objection qu'on propose contre l'as-
sertion précédente, se tire de plusieins textes des
SS. PP. que M. Dupin rassemble avec tant de com-
plaisance, (pi'on pourrait croire qu'il partage l'errenr
des jansénistes.
Pour l'épcuulre à tous ces textes, il suffit de remar-
quer la ddlérence immense qui se trouve entre le
temps où vivaient ces Pires et le nôtre. Les saints
Pères parlaient à des personnes instruites, dociles,
qui recounaiSBaient la voix des pasteurs. La lecture
de l'Ecriture sainte leur pouvait cire fort utile, tan-
dis qu'elle serait fort nuisible à ceux auxquels le
Pcre Quesnel a appris que les premiers pasteurs per-
sécutent la vérité. Au reste, il faut remarquer que
l'Eglise n'a jamais défendu aux laïques la lecture des
textes originaux et des anciennes versions. Si l'on
demande pourquoi la même écriinre peut être lue
dans une langue et non dans une autre, nous répon-
drons que la leclure des textes et des anciennes vtr-
sions suppose uu lecteur instruit et par consé(|ueut
moins exposé à la pei version ; tandis que celle des
versions en langue vulgaire peut être faite par le pre-
mier ignorant venu. En France, il n'y a aucune dé-
fense de lire les versions en langue vulgaire faites par
des auteurs catlioliques, et qui ont l'approbation de
l'ordinaiie. Dans le pays où la i' régie de Vliidct est
reçue, il faut de plus la permission de son confes-
seur ; et il est certain qu'en France, el mêiue les
personnes peu instruites ne doivent pas faire cette
lecture sans la permission de leur cnnicsseur, non en
■vertu de la i' règle de Vlhdex qui n'est jias reçue
chez nous, mais parce que le droit naturel défend lîne
lectnre qui peut être nuisible.
LEC
2i'2
D'après tout ce que nous venons de dire, il est fa-
cile de voir ce qu'on doit penser des sociétés bibli-
ques. Os sociétés ont pour effet de répandre chez
les (iifféienls peuples des versions de l'Ecriture en
langue vulgaire, et elles ont travaillé avec tant d'ar-
deur à remplir ce but, que celle de Londres, la prin-
cipale de toutes, a distribué, depuis 1801, époque de
son établisseuient, jusqu'en 1817, l,.')ti7,973 exem-
pbiircs de l'Ecriture en différentes langues vulgaires.
Un grand nond>rc d'autres sociétés se sont fcuniées
à l'instar de la société' anglaise, cl il y en a mainte-
nant en Hollande, en Prusse, en Allemagne, en Po-
logne, en Suisse, et même à Paris. Il est facile de
juger de ces entreprises d'après les principes que
nous venons d'établir : puisque l'Ecriture sainte
n'est pas utile à lous, et (pi'elle demande certaines
conditions pour être profitable, il s'ensuit qu'on ne
doit pas la mettre indistinctement entre les mains de
tous. Ce livre étant obscur demande de la foi et de
la soumission ; autrement il oc( asiomiera bien des
erreurs et des extravagances : d'ailleurs, il doit être
interprété d'après la tradition et non d'après le sens
particulier de chacun, el par conséquent, il doit éga-
rer la plupart de ceux entre les mains desquels la so-
ciété biblique le met, puisipic la plupart d'entre eux
n'ont d'autre secours que leur sens piivé pour inter-
préter l'Ecriture. C'est diuic ax'cc raison que Pie Vil
a désapprouvé ces établissements dans son bref
adressé à l'arelievêquc de (inesnes, priu)al de Polo-
gne, ainsi que Léon XII, dans sa lettre encyclique
rapportée dansl'.lmi de ,a Heliffion. du 2 juillet 1825.
Plusieurs membres de l'Eglise anglicane se sont
même élevés contre ces sociétés. On peut voir leur
témoignage dans l'ouvrage de M. Weix, ministre an-
glican, qui les regarde comme tout à fait contraires
aux vrais intérêts de l'Evangile.
LECTURES DE BOYLE. Suite de discours
pulilics l'omlés en Anj^leterre par Robert
Boyle, eu 1691, dans le dessein de prouver
la religion chrétieiuie contre les infidèles et
les incrédules, et de répondre aux objections
de ces derniers, sans entrer dans aucune des
controverses et des disputes qui divisent les
chrétiens. Ces discours ont ('id recueillis pb
anglais jiar extraits en 3 \o\.in-fot., et tra
duits en fiançais sous le titre de Défense de
la religion, tant naturelle que révélée, etc., en
6 vol. ?7î-l"2.
11 est l'Achcux, sans doute, qu'une pareille
fondation ait été nécessaire en Angleterre,
et que noire nation môtne ait eu besoin de
recevoir des remèdes contre la vapeur pes-
tilentielle de l'incrédulité qui nous a été
communiquée par les An;^lais. ]^îais nous ne
devons pas être moins reconnaissants envers
ceux qui ont Iravaillé à guérir cette lualadie
et à en arrêter les progrès. Si les incrédules
français avaient été aussi exacts k lire ce
qui a été écrit en faveur de la religion
chez nos voisins , que ce qui a été fait
contre elle, ils auraient peut-ôtre rougi de
copier des impostures et des sophismes qui
avaient élé complètement réfutés dans la
langue môme dans laquelle ils avaient paru
d'abord , et ils auraient été moins hardis à
nous donner coiiuue nouvelles des objections
très-connuesde tous les théologiens instruits.
Pour coni'.aître les écrivains anglais qui
ont attaqué la religion et ceux qui l'ont dé-^
fendue, il faut coDSidt^r l'ouvrage de Jean
Leland, intituli; : Views of the Dcistical Wri-
ters, etc., ou Tableau des Ecrivains qui ont
s^
LEG
LEG
m
professa le déisme en Angleterre, on 3 vol.
in-8*. Cet auteur donne une notice exacte de
leurs livres, et de ceux que l'on a composés
contre eux ; il en fait l'extrait ; il expose les
firincipes et les paradoxes des incrédules, et
es réfute sommaii emcnt. La plupart des ré-
fufations qu'il nous fait connaître ont été
iraduites en français ; Fouvraçe même dont
nous parlons l'aurait été , s'il y avait plus
d'ordre et de méthode ; mais il aurait besoin
d'être entièrement refondu. 11 faut que dans
ce combat l'avantage soit demeuré aux apo-
logistes du christianisme, puisque ses en-
'pemis ont été réduits au silence et n'ont pas
osé répliquer ; ce n'est pas par crainte, puis-
que la liberté de la presse est très-observée
en Angleterre ; c'est donc par impuissance.
11 en sera de môme de ceux qui ont parlé
si haut parmi nous, et qui se sont fait une
réputation en copiant servilement les An-
glais ; leurs plagiais, mis au grand jour, suf-
fisent déjà pour les couvrir d'opprobre. Yoy.
Incrédules.
LÉGENDAIRE, écrivain des légendes ou
des vies des saints. Le premier légendaire
grec que l'on connaît est Siméon Aléta-
phraste, qui vivait au x' siècle, et le pre-
mier légendaire latin est Jacques de Varase,
plus connu sous le nom de Jacques de Vo-
ragine, qui mourut archevêque de Gènes,
en 1298, âgé de 96 ans.
La vie des saints par Métaphraste, pour
chaque jour du mois et de l'année, n'est
point une fiction de son cerveau, comme le
prétendent quelques critiques mal instruits ;
cet auteur avait sous les yeux des monu-
ments qui ne subsistent plus; mais il ne
s'est pas borné à en rapporter iidèloment les
faits, il a voulu ks broder et les embellir.
On peut s'en convaincre, en comparant les
actes originaux du martyre de saint Ignace
el quelques autres avec la paraphrase que
Métaphraste en a faite.
Jacques de Vanse est auteur de la fa-
meuse Légende dorée, qui fut reçue avec
tant d'applaudissement dans les siècles d'i-
gnorance, et que la renaissance des lettres
fit s :uverainement dédaigner. Voy. ce qu'on
pensent Melchior Cano, dans se? Lieux théo-
logiques, Wicélius et Eaillet.
Les ouvrages de Métaphraste et de Varase
ne pèchent pas seulement du côté de l'in-
vention, de la critique et du discernemeijt,
mais ils sont remplis de contes puérils et
ridicules; quelques autres écrivains les ont
imités dans les oas siècles, et n'ont pas été
plus judicieux. Quels qu'aient été leurs
motifs, on ne peut pas les excuser; la reli-
gion n'approuve aucune espèce de, men-
songe; une piété fondée sur des fîbles ne
peut pas être solide. Les Pères de l'Eglise
ont formellement réprouvé toutes les fi-au-
des pieuses, toutes les Actions forgées pour
80 conformer au mauvais goût des lecteurs.
Mais dans les siècles de ténèbres l'on ne
lisait plus les Pères de l'Eglise, et l'on n'a-
iVait que trop oublié leurs leçons.
I Quoique le mépris que l'on a. eu pour les
[l^endairu dont nous parlons ait été très-
bien ^fondé, il a eu cependant des suites
fâcheuses. A force de rejeter de fausses
pièces, on a contracté le goût d'une critique
chagrine et pointilleuse, hrrdie, mais sou-
vent téméraire, qui a refusé toute croyance
à des actes dont l'authenticité et la vérité
ont été ensuite reconnues et prouvées. Les
protestants surtout ont donné clans cet excès,
et quelques-uns même de nos écrivains ne
s'en sont pas assez préservés. Voy. Criti-
que.
LÉGENDE, vie du martyr ou du saint
dont on faisait l'oflice, ainsi nommée, parce
qu'on devait la lire, legendn erat, dans les
leçons de matines et dans le réfectoire d'une
communauté.
Augustin Valério, évêque de Vérone et
cardinal, qui florissait dans le siècle passé,
a découvert l'une des sources d'où sont ve-
nues les fausses légendes. Dans son ouvrage
intitulé, de Rhetorica christinna, traduit on
français, et imprimé à Paris en 1758, in-12,
il a remarqué que l'on avait contume dans
les- monastères d'exercer les jeunes reli-
gieux par des ampli'dcations latines qu'on
leur donnait à composer sur le martyre d'un
saint; ce travail leur laissait la liberté de
faire agir et parler les tyrans et les saints
persécutés, dans le goût et de la manière
qui leur paraissait vraisemblable, et leur
donnait lieu de composer sur ce sujet une
espèce d'histoire remplie d'ornements de
pure invention. Quoique ces sortes de
pièces ne fussent pas d'un grand mérite,
celles qui paraissaient les plus ingénieuses
et les mieux faites furent mises à part.
Longtemps après, elles se sont trouvées
avec les manuscrits dans les bibliothèques
des monastères ; et comme il était difticile
de distinguer ces jeux d'esprit d'avec de
véritables histoires, on les a pris pour des
actes autiientiques, dignes de la croyance
des fidèles. Cette source d'erreur, dans soa
origine, a été très-innocente. Il n'en est pas
de môme de l'infidélité réfléclne de Siméon
Métaiihraste, qui, de propos délibéré, a rem-
pli les vies des saints de plusieurs faits ima-
ginaires et de circonstances romanesques;
il ne peut avoir eu d'autres motifs que dg
se conformer au goût des grecs, pour le
merveilleux vrai ou faux. Bellarmin dit net-
tement que Métaphraste a écrit quelques-
unes do ses vies, non de la manière dont
les choses ont été, mais telles qu'elles ont
pu être.
Cette liberté d'embellir les faits s'était
autrefois glissée jusque dans la traduction
de quelques livres de l'Ecriture. Saint Jé-
rôme, dans sa préface sur le livre d'Esther,
nous apprend que la version vulgate de ce
livre qui se lisait de son temps était remplie
de ces sortes d'additions.
Mais l'Kglise n'oblige personne à croire
tout ce qui est contenu dans les légendes;
on retranche aujourd'hui- des bréviaires
tout ce qui peut paraître douteux ou sus-
pect ; l'on a recherché avec le plus grand
soin les titres et les monuments originaux
et authentiques, alla do suiiprimer tout ce
l
us LEG
qu'un zèle mal entendu et une crédulité im-
prudente avaiiMit r.iit adopter ti'op légère-
ment. Le travail immense et éclairé des bol-
landist s a c.intiiliiié beaucoup à cette sage
réforme. Voi/. Boi.i.ANnisTES.
LÉC.ION FULMINANTE. On lit dans Eu-
sèbc, Ûist. ecck's., 1. v, c. 5, et dans d'au-
tres écrivains ecclésiastiques, que Slarc-
Aurèle, dans un guerre contre les Quades
qui habitaient au delà du Dai.ube, se trouva
tout h coup environné avec son armée par
ces Barbares; que ses soldats, tourmentés
de la soif, allaient succomber et auraient
éri, s'il n'était survenu un orage qui
'ournit aux Romains de quoi se désaltérer,
et lança la foudre sur l'année ennemie. Ces
mêmes autours ajoutent que ce prodige fut
l'etfet des prières des soldats ciu'étiens; que
Marc-Aurèle l'attcjsta ainsi lui-môme dans
une lettre qu'il écrivit au sénat; qu'en té-
moignage du fait il donna ?v la légion méli-
tine, composée de soldats chrétiens, le nota
de légion fulminante ou fouilro^ante. Le
raéme fait est rapporté, quant à la sub-
stance, non-seulement par saint Apollinaire,
auteur contemporain, |:ar Tertullien, par
Eusèbe, par saint Jérôme et par saint Oré-
goire de N,vsse, écrivains chrétit-ns, mais
par Dion Cassius, par Jules Capitolin, parle
])0('te Claudien, et [lar 'l'hémisli is, auteurs
jiaiens. 11 est attesté d'ailleurs par le bas-re-
lief de la colonne d'Ant^nin qui sulisiste
encore, où l'on voit la figure de Jujtiter
1 luvieux, ((ui d'un côté fait tomber la [jluio
SLU' les soldcds romains, et de l'autre lance
la foudre sur leurs ennemis. Cet événement
fut constamment regardé comme un miracle;
mais au lieu que les c'urétiens l'attribuèrent
au\ prières des soMats de leur religion, les
païens en Urent honneur, les uns h queKjues
magiciens qui étaient dans l'armée de Marc-
Aurèle, les autres à ce prince lui-môme, et
à la protection que les dieux lui accor-
daient.
La question est de savoir ce qu'en a pensé
cet empereur, et s'il a véritablement re-
connu que c'était un (ilfet de la prière des
chrétiens qui étaic t dans son arméi>. Or,
Tertullien cite la lettre que Marc-Aurùle en
écrivit au sénat, et la manière dont il en
parle témoigne qu'il l'avait vue. 8;unt Ji;-
rôme, traduisant la chronique d'Eusèbe, dit
positivement que cette lettre existait encore.
Tertullien ajoute pour preuve la défense que
fit ce prince, sous peine de mort, d'accuser
les chrétiens, et de les tourmenter pour leur
religion. 11 faut donc que dans cette lettre
Marc-Aurèle ici r ait attribué le prodige en
question, autrement elle n'aurait servi de
rien pour prouver que c'avait été un elTet
de leurs prièi'cs. Nous convenons que la
lettre authentique et originale de celte em-
pereur ne subsiste plus ; celle que l'on trouve
a la suite do la première apologie do saint
Justin, n. 7», est une pièce supposée; elle
n'a et • faite qu'après le règne de Justinien;
mais, loin de rien prouver contre l'exis-
tence de la vraie lettre, elle lasupposc plutôt :
l'auluur qui l'a forgea a cru pouvoir suppléer
LEG
iU
de génie à celle qui était perdue ; il a eu tort,
et il a mal réussi : elle est évidemment dif-
férente de celle dont parlent Tertullien et
saint Jérôme.
On objecte que le nom de légion fulminante
avait été déj^ donné, avant le règne de Marc-
Aurèle, à la légion niélitine, ou du moins à
une autre; cela peut être, quoique ce fait no
soit pas trop bien i)rouvé : il s'ensuivrait
seulement que l'empereur confirma ce nom
à la légion niélitine, en témoignage du pro-
dige dont nous parlons. C'est un événement
certain, puis((u'il estra;iporté par plusieurs
auteurs contemporains qui avaient des in-
térêts et des opinions très-opposés, et qu'il
est attesté par un monument érigé dans le
temps même. On ne peut pas soupçonner
un empereur philosophe, tel que Marc-Au-
rèle, de l'avoir forgé, ou d'y avoir supposé
un faux merveilleux ; toute son armée en
avait été témoin et pouvait en juger. Est-ce
le hasard qui a servi si à propos l'année
romaine? Personne ne l'a imaginé pour lors.
Attribuer ce prodige à des magiciens ou aux
dieux du paganisme, c'est une absurdité. 11
faut donc que les chrétiens aient été bien
fondés à s'en l'aire honneur. Voy. Tillomont,
Uist. (les Emp., tom. IL p. 309 et suiv.
Plusieurs ^avants critiques, surtout parmi
les protestants, ont disputé pour savoir si
cet événement a été miraculeux, ou si on
doit l'attribuer aux causes naturelles. Da-
niel de Larroque, protestant converti, a fait
une dissertation pour soutenir ce dernier
sentiment; Herman 'W'^itsius en a fait une
autre pour le réfuter. Moyle, savant an-
glais, a été dans la môme op nion que Lar-
roque ; Pierre King, chancelier d'Angle-
terre, a écrit contre lui. Mosheiin a traduit
en latin et comparé les lettres de ces deux
auteurs, dans son ouvrage intitulé : Syn-
tagma Dissert, ad sanctiorcs disciplinas per-
tincntium, p. G39, et il a donné le précis de
cette dispute, Hist. christ., sfcc. 2, § 17. II
embrasse le parti de Larroque et do Moyle,
il conclut que la pluie mêlée de foudres, à la-
quelle l'armée de Marc-Aurèle dut son salut,
fut un phénomène naturel , et il réfute les
raisons pour lesquelles on a voulu prouver
que c'avait été l'eirct de la prière des sol-
dats chrétiens. Il n'a fait que suivre la route
que Le Clerc lui avait tracée, Hist. ecclés.,
an. 174, § 1 et suivants.
1° 11 soutient, malgré le récit d'Apollinaire
rapporté par Eusèbe, Hist. ecclés., 1. v, c. 5,
qu'il n'y eut jamais dans l'armée romaine
une légion composée tout entière de chré-
tiens. Mais Apollinaire ne dit jioint que la
légion fulminante ait été ainsi composée;
son récit supj)ose seulement qu'elle était
remarquable }'ar le grand nombre de chré-
tiens qui s'y trouvaient; il n'en a pas fallu
davantage pour lui attribuer princii-alement
le prodige dont nous parlons, quoiqu'il y
ait eu dans l'armée d'autres chrétiens que
ceux-là. — 2° Il est faux, dit-il, que Marc-
Aurèle ait attribué aux prières des chré-
tiens le prodige do sa délivrance, et qu'en
témoignage de ce bienfait il ait donné à la
247
IS.G
LEG
248
légion mélitine le nom de légion fulminante ;
elle portait ce nom lon^tem[)s avant le rè-
gne de Marc-Aurèle; et ce prince, ])ar la co-
lonne antonine, a témoigné qu'il en était re-
devable à Jupiter pluvieux : une de ses mé-
dailles attribue ce prodige h Mercure. On
peut répondre qu'en érigeant un monument
public, cet empereur n'a pas pu se dispenser
de le rendre conforme au préjugé du paga-
nisme, quoiqu'il fût intérieurement con
vaincu que les prières des chrétiens étaient
la véritable cause de ce qui était arrivé, et
qu'il l'eût ainsi déclaré dans un rescrit.
Quand il serait vrai que la religion mélitine
était (iéjci nommée fulminante longtemps au-
paravant, il ne s'ensuivrait pas encore que
c'est ce surnom qui a donné lieu de lui at-
tribuer le prodige arrivé sous Marc-Aurèle.
— S" Il est probable, continue Mosheim, que
Tertullien, en parlant des lettres de Marc-
Aurèle, a voulu parler du rescrit d'AntoniD
le Pieux, père du précédent, aux commu-
nautés d'Asie, par lequel il défend de per-
sécuter davantage les chrétiens. Nous sou-
tenons, au contraire, qu'une bévue aussi
grossière de la part de Tertullien n'est pas
probable, puisqu'il nomme très-distincte-
ment ..iarc-Aurèle, et que le rescrit de son
père ne faisait aucune mention du prodige
en question. — 4° L'on dit que ces préten-
dues lettres de Marc-Aurèle, pour faire ces-
ser la persécution, ne s'accordent pas avec
l'événement, puisque les chrétiens soutTri-
rent beaucoup sous son règne, et que trois
ans après le prodige prétendu, les fidèles de
Lyon et de Vienne furent horriblement tour-
mentés. 11 s'ensuit seulement que les ordres
des empereurs à ce sujet étaient fort mal
exécutés, que la plupart des orages excités
contre les clirétiens venaient delà fureur du
peuple et de la connivence des magistrats,
plutôt que des ordres du prince; c'est de
quoi saint Justin se plaignait dans sa se-
conde Apologie. On sait d'ailleurs que les
Antonins manquèrent souvent de fermeté
pour réprimer les désordres. — 5° Enfin,
Mosheim observe qu'une pluie orageuse mê-
lée de foudres, survenue à propos, n'est pas
un miracle, mais que les orateurs, les poètes,
les écrivains chrétiens, par enthousiasme,
ont ajouté à l'événement naturel des cir-
constances fabuleuses. 11 nous paraît que des
foudres 'ancées contre les Barbares, et qui
épargnent les Romains, ne sont pas un plié-
nomène naturel. En prêtant l'enthousiasme,
l'amour du merveilleux, le goût romanesque,
à tous les écrivains, on peut introduire fort
aisément le pyrrhonisme historique. Par
celte méthode, les protestants ont appris
aux incrédules à révoquer en doute et h nier
tous les miracles rapportés par les auteurs
sacrés.
LÉGION THÉBAINE OU THÉBÉENNE, UOm
donné à une légion des armées lomaines,
qui refusa de sacrifier aux idoles, et soutint
le martyre sous les empereurs Dioclétien et
Maximien, l'an de Jésus-Christ 302.
Maximien se trouvant à Oclodurum, bourg
des Alpes Cottiennes, dans le Bas-Vaiais,
aujourd'hui nommé Martinach, voulut obli'
ger son armée de sacrifier aux fausses di"
vinités. Les soldats de la légion thébéenne,
tous chrétiens, refusèrent de le faire : ils
étaient pour lors à huit milles de là, dans le
lieu nommé Agaunum, et que l'on appelle à
présent Saint-Maurice, du nom du chef de
cette légion. L'empereur ordonna de les dé-
cimer, sans qu'ils fissent aucune résistance.
Un seconil ordre aussi rigoureux essuya de
leur part le même refus; ainsi, ils se Lus-,
sèrent massacrer sans se prévaloir de leur
nombre et delà facilité qu'ils avaient de dé-
fendre leur vie à la pointe de leur épée. In-
capables de trahir la fidélité qu'ds devaient
à Dieu, ni celle qu'ils devaient à l'empereur,
ils remportèrent tous la couronne du mar-
tyre, au nombre de six mille six cents.
La plupart de nos littérateurs modernes
ont décidé que cette histoire est une fable,
et c'a été l'opinion du plus célèbre incrédule
de notre siècle. 11 a copié les raisons par les-
quelles Dubourdieu a combattu ce-fait dans
une dissertation à ce sujet, et celui-ci a ré-
pété ce qu'avait dit Dodwol dans sa disser-
tation de Paucitate Martyrum : on peut y
joindre Spanheim, Lesueur, Hottinger,
Moyle, Burnet, Mosheim, Basnage, de Bo-
chat, Spreng et d'autres critiques protes-
tants.
Hickes, savant anglais, a réfuté Burnet.
Dom Joseph de Dsle, bénédictin, abbé de
Saint-Léopold de Nancy, a écrit contre Du-
bourdieu, et a soutenu la vérité du martyre
de la légion thébéenne, en 1737 et 17il. Mos-
heim, un peu moins prévenu que les autres
protestants, convient de la bonté de l'ou-
vrage de ce religieux, et avoue que la plu-
part des arguments de ses adversaires ne
sont pas sans réplique, Hist. Christ., sœc.
3, § 22, 564; il se borne à douter de la vé-
rité de cette histoire, pour deux raisons.
La première est le silence de Lactance dans
son livre de la Mort des Persécuteurs, où il
rapporte les cruautés de Maximien, sans
faire mention du massacre de la légion thé-
béenne. Mais si l'on examine avec soin la
narration de Lactance, on verra qu'il ne
s'est occupé que de ce qui s'est passé dans
l'Orient, et de la grande persécution qui
commença l'an 303. La seconde raison de
Mosheim est qu'il y eut, dans ce même temps,
un Maurice, tribun militaire, martyrisé dans
la ville d'Apamée en Syrie, avec "70 soldats,
par ordre de Maximien : Théodoret en fait
mention dans sa Thérap.,\. 8. Il n'est pas
possible, dit-il, de supposer que les Grecs
ont emprunté les maityrsd'Agaune pour les
trans|orter dans l'Orient; il est plus pro-
bable qu'un prêtre ou un moine d'Agauno
aura voulu adaptca- à son église ou à son
monastère la légende des martyrs d'Apamée.
Mais nous allons voir ce soupçon pleine-
ment rc'futé par des fdts et des monuments
incontestables.
En eflet, M. de Rivaz, savant né dans le
Valais, a (léjnontré que tous C(,'s écrivains
protestants étaient fort mal instruits. Dans
un ouvrage intitulé : Eclaircissement sur It
Î49
LEG
LEC
250
martyre de. la légion théhévnne, imprim(^ à
Paris en 1779, il a prouvé la ydv'iU'i do co
martyre avec une érudition et une solidité
qui peuvent servir de modèle dans ces sor
tes de discussions. Son travail fermerait
désormais la bouche à nos critiques plagiai-
res des protestants, s'ils cherchaient de '
bonne foi les lumières dont ils ont besoin.
— Jl démontre 1° l'authenticité des actes
de ce martyre, écrits par saint Eucher, évo-
que de Lyon, l'an 432, et fait voir que ce
saint évéque, dont les talents sont connus
par ses écrits, était très-bien informé. 11
prouve que le culte des martyrs thébéens a
commencé dans l'églisr^ d'Àgaune ou de
Saint-Maurice, qui est l'ancien Tarnadc, dès
l'an 351, par conséquent sous les yeux des
témoins oculaires, 'i-9 ans après l'évi'uement.
Alors les saints martyrs étaient encore
amoncelés sur le lieu môme oii ils avaient
été massacrés. — 2° .M. de Riva^ montre
l'harmonie parfaite qui règne entre ces mê-
mes actes et les monuments do l'histoire
profane. Ce travail, qu'aucun critique n'a-
vait encore entrepris, fait tomber la plupart
des objections. 11 répond à toutes celles que
l'on a faites, et prévient même celles que
l'on pourrait faire. — 3° 11 donne les fastes
exacts du règne des empereurs Diocléticn
et Ma\imien, conciliés avec tous les monu-
ments, surtout avec la date de leurs lois :
il éclaircit ainsi la géographie et la .chrono-
logie, et cette exactitude répand un jour in-
fini sur l'histoire de ce temps-là.
Contre ces preuves positives et incontes-
tables, qui se prêtent un appui mutuel, de
quel poids peuvent être les conjectures fri-
voles et toujours fausses des protestants et
de leurs copistes ? Ceux-ci ont tous alfecté
de confondre les actes authentiques écrits par
saint Kucher, l'an 432 au plus tard, avec la
légende composée par un moine d'Agaune,
l'an 52'i-. (]elui-ci a copié en partie l'écrit
de saint Eucher, mais d l'a aniplilié, selon
la coutume des anciens légendaires ; les
objections qui [lortent contre sa narration
n'ont aucune force contre les actes compo-
sés par saint Eucher. C'est ce moine, et
•non l'évéque de Lyon, qui parle de saint
Sigismond, mort l'an 523 ; ainsi les pré-
tendues fautes de chronologie quo l'on
croyait voir dans ces actes sont absolu-
ment nulles.
11 est donc faux que les premiers
auteurs qui ont parlé des martyrs thébéens,
soient Grégoire de Tours et Venance For-
tunat, sur la tin du vi' siècle. Il est prouvé,
par des faits incontestables, que le culte de
ces saints mart\ rs était répandu dans toutes
les Gaules avant la tin du iv" siècle, par
« conséquent avant qu'il se fût écoulé cent
j! ans i;epuis leur martyre, et il avait com-
mencé sur le lieu môiuo près de cinquante
ans ]>ius tôt. 11 est encore plus faux qu'il n'}'
ait eu dans les armées de l'empire aucune
i. légion tlu'bi'cnnc, comme a osé l'avancer le
j célèbre incrédule dont nous avons pailé :
il y en avait cinq de ce nom, selon la notice
de l'empire; et M. de Rivaz distingue très-
clairement celle dont il est ici question. Il
pousse l'exactitude jusqu'à suivre, jour par
jour, la marche de l'armée de Maximien, et
montre que le massacre a dû se faire le 22
septembre do l'an 302.
Cet ouvrage qui satisfait pleinement la eu-
'riosité de tout lecteur non prévenu, fait voir
la dill'érence qu'il y a entre une critique sage,
animée par le désir de connaître la vérité,
et celle qui n'a pour guide qu'une aveugle
prévention contre les dogmes et les pratiques
de l'Eglise romaine. Le culte des mart\rs
d'Agaune, établi quarante-neuf ans après
leur mort, et bientôt réi)andu partout, est
un monument contre lequel l'hérésie ni l'in-
crédulité ne peuvent rien opposer de raison-
nable. Le IV" siècle a-t-il été un temps d'i-
gnorance, de ténèbres, de susjierstitions et
d'erreurs? C'est celui dans lequel ont brillé
les plus grandes lumières de l'Eglise. Avait-
on conjuré dès lors d'altérer la foi, la doc-
trine, le culte, les pratiques enseignées par
les apôlres? En Orient comme en Occident,
l'on avait pour maxime qu'il ne faut rien
innover, mais suivre exactement la tradition :
7ii7<(7 innoiH'tur, nisi quod tradilum est. Il se-
rait singulier qu'avec cette règle enseignée
parles pasteurs, et suivie par les fidèles, la
croyance de l'Eglise primitive eût pu changer.
Voy. -MARTYns.
LÉGISLATEUR. La religion, en généra],
ost-elle un elfet do la politique des législor-
tcurs? est-ce un frein qu'ils ont imaginé
pour retenir les peuples sous le joug des
lois, et qui n'existerait pas sans eux ? C'est
ro|»inion que soutiennent quelques incré-
dules ; il n'est pas besoin de réllexions pro-
fondes |)0ur démontrer la fausseté de cette
supiiosition.
L'on a trouvé des vestiges de religion et
un culte plus ou moins grossier chez des
nations sauvages (jui navaient jamais eu de
législateurs, et (jui ne connaissaient aucune
loi civile. Les premières idées de la Divinité '
ne viennent donc pas de ceux qui ont fondé
les Etats et les ri'inibliques, mais de l'ins-
tinct de la nature ; or, tout homme ipii con-
naît un Dieu, sent la nécessité de lui rendre
un culte; jamais une peuplade ou une fa-
mille n'a eu la notion d'un Dieu, sans en ti-
rer cette conséquence : les premières idées
do la religion sont donc antérieures à toutes
les lois.
Tous les peuples qui ont reçu des lois ont
conservé le souvenir de celui qui les leur
a données : les Chinois citent Fo-Hi; les In-
diens, liramah; les Egyptiens, Menés; les
Perses, Zoroaslre ; les Grecs, jMinos et Ce
crops; les Romains, Numa; les Scandinaves,
Odin; les Pitu viens, .Manco-Capac, etc. Y a-
t-il un seul de ces peuples qui atteste quo
celui qui a réuni les premières familles en
corps de nation et de société civile, leur a
donné aussi les premières notions de la Di-
vinité, et qu'avant cette époque, elles n'ado-
raient ni ne connaissaient aucun Dieu ? Une
peuplade d'athées stupides serait un vrai
troufieau d'animaux à deux l'.ieds : nous
voudrions savoir comment s'y preadrait un
231
LEG
LBQ
251
législateur pour lui donner , dans cet état ,
des lois et une forme de religion.
Les législateurs ont fondé les lois, non-
seulement sur la notion d'un Dieu et d'une
providenee, mais encore sur les sentiments
de bienveillance rauiuclle que la nature a
donnés aui Ijommes, sur l'attachement qu'ils
contractent dès l'enfance pour leur famille
et pour le sol sur lequel ils sont nés, sur le
désir de la louange et la crainle du blâme,
sur l'amour du bonheur; mais ces senti-
ments existaient avant eux, ils n'en sont
pas les créateurs, et s'ils n'avaient pas
trouvé les hommes ainsi disposés par la na-
ture, jamais ils n'auraient pu réussir à les
tirer de la barbarie. On ne peut j as plus at-
tribuer aux législateurs les premiers principes
de religion, que les autres penchants natu-
rels dont nous venons de parler. Pour se
fiire écouter, la plunart ont été obligés de
feindre qu'ils étaient inspirés, instruits et
envoyés par la Divinité ; un peuple , qui no
connaîtrait point de Dieu ,| ajoutera, t-il foi
à une mission divine? Nous ne voyons pas,
d'ailleurs, quel avantage les incrédules peu-
Ycnt tirer de leur fausse supposition. Tous
les législateurs, dans les différentes entrées
de l'univers, ont unanimement jugé que la
religion est non-seulement utile, mais né-
cessaire aux hommes ; que, sans elle, il
n'est pas possible d'établir ni de faire ob-
server des lois : donc c'est la nature, la
raison, le bon sens, qui leur ont donné à
tous cette persuasion. A-t-il été plus difficile
à la nature de mettre cette opinion dans
l'esprit de tous les hommes, que de linspi-
rér à tous les législateurs?
' ÎVJais ce n'est pas sur des spéculations
qu'il faut se fonder pour savoir quelle a été
la première origine de la religion ; l'histisire
sainte, plus croyable que les philosophes,
nous atteste que Dieu n'a pas laissé aux
hommes le soin de se faire une religion ; il
l'a enseignée lui-même à notre premier père,
pour que celui-ci la transmît h ses enfants.
Dieu a été le premier instituteur aussi bien
que le premier législateur du genre hu-
main; il a gravé dans les cœurs les sentiments
religieux, en même temps que lesprinc.pcs
d'équité, de reconnaissance et d'humanilé,
et il a daigné y ajouter une révélation posi-
tive de ce que l'homme ' devait croire et
pratiquer. Une preuve démonstrative de ce
fait est la comparaison que nous faisons en-
tre la religion des patriarches et toutes celles
qui ont été établies ]m les législateurs des
nations. La première montre la divinité de
son origine par la vérité de ses dogmes, par
la sainteté do sa morale, par la pureté de
son culte ; au lieu que nous voyons dans
toutes les autres l'empreinte des erreurs et
des passio'.is humaines. Foy. Religion isa-
Si, dans l'origine, la religion était 1 ou-
vrage des réflexions, de l'étude, de la poli-
tique des législateurs, elle aurait suivi, sans
doute, la marche des autres connaissances
humaines ; elle serait devenue mnllcure et
plus pure, à mesure que les peuples ont lait
des progrès dans les sciences, dans les arts,
dans la législation; le contraire est arrivé :
les nations qui ont paru les mieux civilisées,
les Egyptiens, les Indiens, les Chinois, les
Chaldféens, les Grecs et les Romains , n'ont
pas eu une religion plus sensée ni plus par-
faite que les Sauvages ; tous ont donné dans
le polythéisme et dans l'idolâtrie la plus
grossière. Leurs législateurs n'ont pas osé y
toucher ; s'ils en ont réglé la forme exté-
rieure, ils ont laissé le fond tel qu'il était ;
et lorsque les philoso|ihes sont survenus,
ils n'ont eu ni assez de capacité ni assez
de pouvoir pour réformer des erreurs déjà
invétérées ; ils ont été d'avis t[u'il fallait
suivre la rehgion établie par les lois, quel-
que absurde qu'elle pût être.
Entin, nuand on adopterait pour un mo-
ment la fausse spéculation des incrédules,
il n'y aut-ait encore rien à gagner pour eux.
Les législateurs ont été incontestablement les
plus sages de tous les hommes, les bienfai-
teurs et les amis de l'humanité ; tous ont
jugé que la religion est d'une nécessité in-
dispensable pour fonder les lois et la société
civile. Aujourd'hui quelques dissertateurs,
qui n'ont rien fait, rien établi, rieu observé
d'après nature, prétendent mieux voir et
mieux penser que tous les sages de l'univers ;
ils soutiennent que la religion est une ins-
titution peruicieuse, et le plus funeste pré-
sent que l'on ait pu faire aux hommes. Qu'ils
commencent par fonder un Etat, une répu-
blique , un gouvernement sans religion,
nous pourrons croire alors que celle-ci ne
sert à rien. 11 y a plus de seize cents ans
que Plutarque, dans son traité contre Colotès,
se moquait déjà de cet entêtement des épi-
curiens.
L'absurdité de la supposition que nous
venons de détruire a rijrcé la plupart des
incrédules de recourir à une hypothèse di-
rectement opposée, à prétendre que les pre-
mières notions de religion sont nées de
l'ignorance et de la stupidité des peuples
encore barbares. C'est avouer clairement la
vérité que nous soutenons, savoir, que la
religion est un sentiment naturel Si l'homme,
puisqu'il se trouve dans ceux même qui
sont les moins capables de réHexi' n. S'ensuit-
il de là que c'est un sentiment faux et mal
fondé? 11 s'ensuit plutôt que les incrédules,
qui voudraient le détruire, luttent contre la
nature et contre les premières notions du
bon sens. Voy. Religion.
A l'article Loi, nous prouverons qu'il est
impossible de s'en former une idée juste, ni
de lui donner aucune force, à moins que l'ou
ne commence par supposer un Dieu souve-
rain législateur.
LÉON (saint), pape et docteur de l'Eglise,
mort l'an 461, a mérité le surnom de grand
par ses talents et par ses vertus. 11 nous
reste de lui quatre-vingt-seize sermons et
cent quarante et une lettres ; on ne doute
plus qu'il ne soit aussi l'auteur des deux livres
De la vocation des gentils. La meilleure édi-
tion de ses ouvrages est celle qu'a donnée
le père Quesuel , eu 2 vol. in-k% imprimée
2.';3
LEO
LET
iU
11
d'abord à Paris en 1G75, ensuite à I-yon,
iit-fol., en 1700, enlin à Rome, en 3 vol.
in-ful. Celle-ci est la plus complote. Comme
ce saint paiic a vécu précisément dans le
temps aULjuel la dureté des expressions
desnuelles l'Eglise dAfriijuc s'était servie
en condamnant les j)éla!J,iens, faisait de la
peine à plusieurs personnes, il s'est appliqué
principalement à relever le prix, l'étendue,
reflicacité dt- la grdce de la rédemption; au-
cun dos Pères n'en a parlé avec plus de
force et de dignité, et n'a mieux réussi à
nous inspirer une tendre reconnaissance en-
vers Jésus-Christ, Sauveur du genre humain.
Uarbe.\ rac. Traité de la morale des Pères ,
c. 17, § 2, dit quo saint Léon n'est pas fertile
en leçons de morale, qu'il l'a traitée assez
sèchement et d'inio manière qui divertit
plutôt qu'elle ne touche. 11 lui reproche d'a-
voir approuvé la violonco envers les héré-
tiques et mémo l'ed'usion de leur sang; il
cite pour prouve la lettre quinzième de ce
Père à Turibius, évè (ue d'Èsiuagne, au sujet
des priscillianistes. 11 est cependant certain
que lu Irès-gr.nnde partie des sermons de
saint Léon, et de ses lettres, roulo sur des
lioints de nio:a'e, et qu'il en donne des le-
çons très-judicieuses. Quant à la manière
dont il les traite, nous disons aussi bien quo
les censeurs de ce Père : Qu'on lise ses ou-
trages, et que l'on juge. Si quelqu'un n'est
pas touché de l'éloquence de ce grand pape,
que l'on a souvent nommé le Cicéron chrétien,
il est d'un goût bien dépravé. Mais Rarbeyrac
avait très-peu lu les ouvrages des Pères qu'd
ose censurer ; il copie Daillé, ScuUet, Rajle,
le Clerc, sans s'embarrasser si leur ciilique
est juste ou absurde. A l'article Pères ue
l'Eglise, nous ferons voir l'ineptie des re-
proches que l'on fait engouerai à ces grands
homnjes.
Avant de savoir si saint Léon csl blAmablo
d'avoir approuvé le sujiplice des priscillia-
nistes, il faudrait commencer à examiner
leur doptrine et les ell'ets qu'elle pouvait
produite. Ils soutenaient que l'homme n'est
pas libre, mais dominé par l'influence des
astres ; que le mariage et la conception de
l'iiomme sont l'ouvrage du démon; ils i)ra-
tiijuaient la magie et des turpitudes infâmes
dans leurs assemblées ; ils prétendaient que
le mensonge el le parjure leur étaient ]ier-
mis. C'était la même doctrine que celle des
manichéens. Saint Léon en était instruit et
convaincu par l'aveu des coupab'es ; on le
voit par la lettre môme à Turibius. Y eut-il
jamais une hérésie plus propre à dépoupler
les l'itats, à justifier lous les crimes, à trou-
bler l'ordre et la paix de la société ? Un sou-
verain sage ne pouvait se dispenser de sévir
contre ses partisans, et un moraliste ne
pouvait blâmer cette rigueur sans se couvrir
de nuicule. Nous savons très-bien que saint
Martin et d'autres saints [lersonnages dé-
sapprouvèrent hautement les deux évoques
Idace et llhac(.', qui se rendaient accusateurs
et persécuteurs des priscillianistes : ce pcr-
soimage ne cunvenait pas à des évoques,
c'était l'alTaire des magistrats et des officiers
de l'empereur. Il no s'ensuit pas de Ih que
cos derniers aient été injustes, lorsqu'ils
poursuivaient et punissaient ces héi'étiqnes,
ni que saint Li'on ail dû blAnier celte rigueur :
le bien public exigeait que celte seot(ï abo-
minablefùtexlerniinée. C'est pour cela mémo
^que l'on poursuivit en France, au xii'siècb',
les Albigeois, qui enseignai(mt à peu[.rèsla
môme doctiine. Un peut tolérer des erreurs
qui n'ont aucun rapjiort à l'ordre jiublic ni à
la pureté des mœurs ; mais l'i-ôcher la tolé-
rance générale et absolue pour toute doc-
trine quelconque, c'est une morale absurde
et détestable. Voy. Priscillianistes.
Beausolire, dans sou Hist. du Manieh., 1.
IX, c. 9, t. 11, p. 756, a forgé contre saint
Léon une calomnie plus atroce ; il l'accuse
d'avoir imputé faussement aux manichéens
et aux priscillianistes des turpitudes dont ils
n'étaient pas coupables; d'avoir suborné
des témoins pour a'tester ces iails, alin de
décrier ces hérétiques à Rome. Pour toute
preuve, il dit que de tout temps les Pères
ont usé sansscruple de fraudes pieuses pour
le salut des hommes ; par exemple, délivres
faux et supposés : que, si l'on en croit saint
Grégroiro, pape, L. 3, Epist. .'iO, saint Léon
joua une comédie en faisant sortir du sang
des linges qui avaient touché les corps des
saints, alin de prouver que ces linges fai-
saient autant de miracles (jue les corps
mômes. Nous pourrions nous borner à ré-
pondre que ceux qui ne croient pas à la ver-
tu des Pères sont incapables d'en avoir ;
personne n'est aussi soupçonneux que les
malhonnêtes gens. La preluièrc preuve de
Beausobre est une nouvelle imposture. Nous
prouverons ailleurs que quand les Pères
ont cité des ouvrages supposés, ils les
croyaient authentiques ; c'était, de leur part,
une erreur et non une fraude. La seconde
preuve est détruite par Beausoi)re lui-même ;
il juge que la lettre trentième de saint Gré-
goire, 1. 3, est un tissu de fables ; donc, selon
lui , la prétendue comédie attribuée à saint
Léon est fabuleuse ; donc elle n'a pas été jouée
Itar saint /.c'on. L'on nepeut pas prouver que
c'est saint Grégoire qui l'a forgée; on ne peut
l'accuser, tout au plus, que d'avoir été trop
crédule. Voy. Saint Grégoikc, pape.
LETTRES (belles). Plusieurs ennemis du
christianisme ont osé soutenir que l'établis-
sement de cette religion a nui à la culture
et au progrès des lettres : la plus légère tein-
ture de l'histoire suflit pour démontrer l'in-
justice et la fausseté de ce reproche. Nous
soutenons, au contraire, que, sans le chris-
tianisme, l'Europe entière serait aujourd'hui
jilongée dans l<i même barbarie que l'Asie
et l'Afftque. Avant d'exposer les faits qui le
prouvent, il est bon de voir l'idée que les
livres saints nous donnent de l'étude et des
connaissances humaines. Les auteurs sacrés,
aussi bien que les profanes, ont compris
sous le nom de sagesse, toutes les connais-
sances utdes et agréables. « Heureux l'hom-
me, dit Salomon,qui s'est procuré la sagesse
et qui a multii)lié ses connaissances ; il a
fait une acquisition plus précieuse que toutes
25S LET
les richesses de l'univers ; aucun des objets
qui excitent la cupidité des hommes ne mé-
rite de lui être comparé. Ce trésor prolonge
la vie, rend l'homme véritablement riclie et
le couvre de gloire, lui fait couler ses jours de 1
dans l'innocence et dans la paix. C'est l'ar-
bre de vie pour ceux qui le possèdent, et la
source du vrai bonheur. » (Prov., c. m, v.
13.) Nous doutons qu'aucun auteur profane
ait fait de la philosophie un éloge plus pom-
peux. Il est répété cent fois dans le livre de
la Sagesse et dans l'Ecclésiastique ; c'est une
exhoriation continuelle h l'étude.
Mais ces écrivains sacrés ont grand soin
de nous avertir que la sagesse est aussi un
don du ciel. Sil'Ecclésiaste, c. i et ii, semble
faire peu de cas de l'étude et des connais-
sances humaines, c'est qu'il ne considérait
que l'abus qu'en l'ont la plupart de ceux qui
les ont acquises. «Les savantsqui enseignent
la vertu aux hommes, dit le prophète Daniel,
brilleront comme la lumière du ciel, leur
gloire sera éternelle comme l'éclat des
astres. » (Cap. xn, v. 3.) Lui-même, par ses
connaissances, mérita la faveur et la confiance
des rois de Babylone, et servit utilement sa
nation.
Jésus-Christ dit que, dans le royaume
des cieux ou dans son Eglise , un docteur
savant ressemble h un père de famille qui
distribue à ses enfants les trésors qu'il a eu
soin d'amasser [Matth. , c. xni, 52). Lors-
qu'il a choisi des ignorants pour prêcher sa
doctrine, il a voulu démontrer qu'il n'avait
besoin d'aucun secours humain ; il leur
a promis une lumière surnaturelle et les
dons du Saint-Esprit. Lui-môme étonnait
les Juifs par la sagesse de ses leçons, quoi-
qu'il n'eût fait aucune étude IJoan., cap. vu,
J5).
Lorsque saint Paul a déprimé la philoso-
phie et les sciences des Grecs, il a montré
l'abus qu'en avaient fait leurs philosophes;
il a révélé le dessein qu'avait la Providence
en se servant de quelques hommes sans
lettres pour confondre les faux sages : mais
lorsque quelques-uns voulurent déprimer
le mérite de ses discours, il leur lit obser-
ver que, s'il dédaignait les agréments du
langage, il n'était pas pour cela un ignorant
(// Cor., c. XI, 6). Il exige qu'un évêque
aille talent d'enseigner, et il exhorte Timo-
thée, son disciple, à lire et à étudier, aussi
bien qu'à instruire [ITim., c. v, v. 2, 13, 16).
Ainsi, le christianisme, loin de détourner
ses sectateurs de la culture des lettres et des
sciences, leur fournissait un nouveau motif
de s'y appliquer, savoir, la nécessité de ré-
futer les philosophes et le désir de les con-
venir. Dès le II' siècle, saint Justin, Talien,
Atliénagore, Hermias, et d'autres écrivains
chrétiens , dont plusieurs ouvrages sont
perdus ; au iii% sauit Clément d'Alexandrie,
Origène et ses disciples montrèrent dans
leurs écrits les connaissances les plus éten-
dues en fait de philosophie et d'histuire ;ils
remplacèrent dans l'école d'AhixandricPan-
tœnus et Ammonius Saccas, et la rendirent
célèbre par l'éclat de leurs leçons. Au iv°,
LET
258
saint Athanase , saint Basile, saint Grégoire
de Nazianze, saint Grégoire de Nyssc, Arnobe
et Lactance, furent regardés comme les plus
grands orateurs et les meilleurs écrivains
de leur temps ; le v' fut encore plus fertile
en grands hommes : aucun auteur profane
de ce temps-lh ne les a égalés. L'empereur
Julien, jaloux de la gloire que répandait sur
le christianisme les talents de ses docteurs,
défendit aux chrétiens de fréquenter les
écoles et d'enseigner les lettres. « Ces gens-
là, disait-il, nous égorgent par nos propres
armes ; ils se servent de nos auteurs pour
nous faire la guerre. » Mais la mort de cet
empereur rendit bientôt inutile cet acte
de tyrannie. Saint Clément d'Alexandrie,
Stroni., 1. 1, c. 2, p. 327 ; saint Basile, Epist.
175, ad Magtien. ; saint Jérôme, Epist. ad
Nepotianum, recommandent l'étude des let-
tres aussi bien que celle de l'Ecriture sainte.
Les lumières répandues en Europe au v*
siècle seraient allées, sans doute, en croissant
toujours, si une révolution subite n'en avait
changé la face. Des essaiiiis de Barbares ,
sortis des forêts du Nord, dévastèrent suc-
cessivement l'Europe et l'Asie , détruisirent
les monuments des sciences et des arts, ré-
pandirent partout la désolation ; leurs rava-
ges ont continué pendant plusieurs siècles,
et n'ont cessé que quand le christianisme
a été établi dans le Nord. Celte religion
sainte aurait certainement succombé sous
des coups aussi terriljles, si Dieu ne l'avait
soutenue. C'est dans son sein que se sont
formées les ressources par lesquelles laPro-
vidence voulait réparer le mal dans la suite
des temps. Voy. Barbares.
Pour échapper au brigandage, un grand
nombre d'hommes embrassèrent la vie mo-
nastique ; ils partagèrent leur temps entre
le travail des mains , l'étude et la prière
ils gardèrent et transcrivirent les livres qui
subsistaient encore. D'autre côté, les ecclé-
siastiques , obligés à l'étude par leur état,
conservèrent une faible teinture des sciences;
le nom de clerc devint synonyme de celui de
lettré. La langue latine, quoique bien déchue
de sa pureté, se conserva dans l'office divin
et dans les livres ecclésiastiques; il y eut
toujours des écoles dans l'enceinte des
églises et des monastères.
Que penserons-nous de certains critiques
modernes qui ont écrit cpiele latin avait été
ab;Uardi par la religion, comme si c'était
elle qui fit venir les Barbares, et leur con-
seilla de mêler leur jargon avec le langage
des Bomains ? D'autres se sont plaints de ce
que nos études et la plupart de nos institu-
tions, dans les bas siècles, ont pris un air
monastique. C'est la preuve du fait que nous
soutenons, savoir, que les clercs et les moi-
nes ont véritablement sauvé du naufrage les
lettres et les sciences. Les clercs furent obli
gés d'étudier le droit romain et laraédccino ;
ils se trouvèient seuls capables de les ensei-
gner, ])arce que les nobles, livrés à la pro-
fession des armes , poussaient la stupidité
jusqu'à regarder l'étude comme une marque
de roture , et que les esclaves n'avaient pas
S57
LET
LEÎ
SS8
la liberté de s'y ap[)liqucr. Telle est , parmi
nous, la première source des privili'ges, do
la juridiction temporelle et des prdro^'atives
necordées au cler^'é ; il était devenu la seule
j ressource des peuples dans les temps mal-
heureux ; doit-il en rougir? A la fondation
des universit('^s , toutes les places furent
remplies par des clercs ; ces établissements
furent envisagés comme des actes de reli-
gion qui doivent se faire sous l'autorité du
chef de l'Eglise. Quand on voit un Gerson,
chancelier de l'église do Paris, prendre, par
charité, le soin des petites écoles, on com-
prend que la religion seule peut inspirer ce
zèle pour l'instruction des ignorants. Les
anciens Pères en avaient donné l'exemple,
mais il n'a pas de modèles parmi les philoso-
phes, et il n'aura jjoint d'imitateurs parmi
nos adversaires modernes.
La poésie, dans son origine, avait été con-
sacrée à célébrer la Divinité ; dans les siè-
cles barbares, elle revint à sa première des-
tination ; les hymnes et le chant (irent tou-
jours partie du service divin. Dans les as-
semblées de noire nation, en présence du
souverain et des vassaux, les évèques et les
abbés étaient les seuls hommes capables do
porter la parole, parce qu'ils étaient obligés
par état de faire au peuple des discours de
religion. Les sermons de Fulbert et d'Yves
de Chartre'S, ceux de saint Anselme et de
saint Bernard, ne sont [las aussi éloquents
que ceux de saint Basile et île saint Jean
Chrysostome ; mais on y voit encore des
traits de génie et un grand usaf,'e de l'Ecri-
ture sainte, source divine qui fournit tou-
jours l'élévation des pensées, la vivacité des
sentiments , la noblesse des expressions. A
Rome surtout, les études se soutinrent et
se ranimèrent par le soin des souverains
pontifes. C'est de Uome que Charlemagne lit
venir des maîtres pour rétablir la culture des
lettres dans son empire ; Alcuin, dont il prit
des leçons, avait étudié à Rome. Or, la reli-
gion entretenait une liaison nécessaire entre
le siège apostolique et toutes les églises de
la chrétienté. Les jalousies, l'ambition, le gé-
nie oppresseur des petits souverains qui te-
naient l'Europe en esclavage, auraient rompu
tout commerce entre ses habitants, si la re-
ligion n'avait conservé parmi eux la commu-
nication et les rapports de société.
Aujourd'hui l'ignorance présomptueuse ,
décorée du nom de philosophie, déclame
contre la domination des papes ; elle ne
voit pas que c'a été non-seulement un effet
nécessaire des circonstances , mais un des
moyens qui nous ont sauvés de la barbarie.
On se récrie sur la multitude des fondations
pieuses, et l'on oubUe que pendant longtemps
ce fut le seul moyen possible de soulager
les malheureux. On est scandalisé de la ri-
chesse des monastères, parce que l'on ignore
qu'ils ont été, pendant plusieurs siècles, le
seul asile des pauvres. On exagère les suites
lunesles des croisades ; c'est néanmoins do
celte épo [ue qu'il faut dater le commence-
ment de la liberté civile, du commerce et de
la police de nos contrées, et dès lors la puis-
sance des mahométans a cessé d'être redou-
table. On tourne en ridicule les disputes qui
ont régné entre l'empire et le sacerdoce,
mais elles nous ont forcés de consulter l'an
tiquilé, et de l'cprendre un goût d'érudition.
L'on a mémo cherché à décrier le zèle des
missionnaires qui vont prêcher l'Evangile
aux infidèles ; cependant ils ont contribué
plus que personne h nous faire connaître les
nations éloignées de nous. Aiiisi, par un en
tètcment stupide, les incrédules reprochent
au christianisme les secours qu'il leur a
fournis pour étendre leurs connaissances, ils
disent qu'au lieu de porter les hommes à
l'étude de la nature, de la morale, de la lé-
gislation, de lapoUtique, le christianisme no
les occupe que de (lis|)utes frivoles de reli-
gion. Nous leur l'épondons que, sans ces dis-
putes , les hommes seraient incapables do
se porter ^ aucune espèce d'étude, et entiè-
rement abrutis. La philoso[)hie, dans son
berceau, a commencé par desreclierches sur
la cause première, sur la conduite delà Pro-
vidence , sur la nature et la destinée de
l'homme : qu'ils nous citent un seul peuiile
sans religion qui ait fait des études .Les na-
tiins qui ne sont pas chrétiennes ont-elles
fait de plus i^rands progrès que nous dans les
connaissances qua nous vantent nos adver-
saires ? Depuis qu'ils ont cessé eux-mêmes
d'être chrétiens, ont-ils perfectionné beau-
coup la morale et la législation ? Voici des
faits contre lesquels échoueront toujours
leurs conjectures et leurs raisonnements
frivoles. Les peuples qui n'ont jamais été
chrétiens sont encore à peu près barbares ;
ils sont tous devenus policés dès qu'ils ont
embrassé le christianisme, et tous ceux qui
l'ont abandonné sont retombés dans leur
l)remière ignorance. Nous nous en tenons à
cette exp^'-rience. Voy. Art, Sc^E^cE, Philo-
sophie, etc.
Lettres. Il est parlé, dans l'histoire ecclé-
siastique, de dilïérentes espèces de lettres,
comme lettres formées ou canoniques ; let-
tres de communion, de paix, de recomman-
dation ; lettres d'ordre, lettres apostoliques,
etc. Au mot Formées, nous avons parle des
premières, et à l'article Indulgence, nous
avons fait mention des lettres que les mar-
tyrs et les confesseurs donnaient à ceux qui
étaient réduits à la pénitence canonique, et
par lesquelles ils demandaient que le temps
de cette pénitence fût abrégé. Nous ajoutons
que l'on appelait lettres formées ou canoni-
ques, les attestati^ms que l'on donnait aux
evêques , aux prêtres et aux clercs , lors-
qu'ils étaient obligés de vuyager,au lieu que
l'on appelait lettres de communion, de paix ou
de recommandation, celles que l'on donnait
aux laïques lorsqu'ils étaient dans le même
cas. Le concile ue Laodicée de l'an 360, ce-
lui de Milève de l'an i()2, celui de Meaux de
l'an 8i3, ordonnent aux prêtres et aux clercs
obligés de voyager, de demander à leur évê-
que dos lettres canoniques, et défendent
d'admettre à la communion et aux fonctions
ecclésiastiques ceux qui n'ont pas pris cette
précaution. Un concile d« Caithage de l'an
2S0
LEV
LËV
260
397 défend aussi aux év(^ques de passer la
mer sans avoir reçu du primat ou du métro-
politain des lettres semblables. Cette précau-
tion était nécessaire, surtout dans les [tre-
miers siècles, soit pendant le temps des per-
sécutions, lorsqu'il était dangereux de se
ûer à des étrangers qui auraient pu se don-
ner pour chrétiens, sans l'être en effet, soit
pour ne pas communiquer avec des héréti-
ques, soit enfin pour ne pas Être trompé par
des hommes qui se seraient attribué fausse-
ment les privilèges de la cléricature. Au-
jourd'hui encore il est d'usage dans les di-
vers diocèses, de ne laisser exercer aucune
fonction à un prêtre étranger, s'il n'est pas
muni d'un eoceat ou d'une attestation de son
évoque , à moins qu'il ne soit suftisamment
connu d'ailleurs.
On appelle lettre d'ordre, l'attestation d'un
évoque par laquelle il conste que tel clerc
a reçu tel ordre, soit mineur, soit sacré, et
qu'il lui est permis d'en exercer les fonctions.
L'on nomme lettres apostoliques les rescrip-
tions du souverain pontife, soit pour la con-
damnation de quelque erreur, soit pour la
collaîion d'un b'neàce, soit pour accorder
une dispense, soit pour absoudre d'une cen-
sure. Voy. Bref.
LÉ"\'1ÀTHAN, mot hébreu qui signifie le
monstre des eaux : il paraît que c'est le nom
de la baleine dans le livre de Job, c, xli. Les
rabbins ont forgé des fables au sujet de cet
animal ; ils disent qu'il lut créé dès le com-
mencement du monde, au cinquième jour ;
que Dieu le lua et le sala pour le conserver
jusqu'à lavenue du Messie, qui en sera régalé
avec les Juifs dans un festin qui leur sera
donné. Les plus sages d'entre eux, qui sen-
tent le ridicule de cette fiction, tâchent de
la tourner en allégorie, et disent que leurs
anciens docteurs ont voulu désigner le dé-
mon sous le nom de Le'viathan. Samuel Bo-
chart, dans son Hiérocoicon, a montré que
c'est le nom hébreu du crocodile ; et celui-ci
peut très-bien être appelé le monstre des
eaux. Yoy. la dissertation de doui Calmet sur
ce sujet, Bible d'Avignon, tom. VI, p. 505.
LÉVITE, Juif delà tribu de Lévi , à la-
quelle Dieu avait attribué la sacerdoce et
l-^s fonctions du culte divin. Le nom de Lévi
fut donné par Lia, femme de Jacob, à un de
ses tils, par allusion au verbe hébreu, lavah,
être lié, être uni, parce qu'elle espéra que la
naissance de ce tllslui attacherait plus élroi-
lement son époux. Les simples lévites étaient
inférieurs aux prêtres : ils répondaient à peu
près à nos diacres, ils n'avaient point de
ttrres en propre ; ils vivaient delà dîme et
di"'s otfraudi'S que l'on faisait à Dieu dans le
temple. Ils étaient répandus dans toutes les
tribus, qui, chacune, avaient donné quelques-
unes de leurs villes aux lévites, avec quel-
ques campagnes aux euvirons, pour l'ano
pailre leurs troupeaux.
Par le dénombrement que Salomon fit des
lévites depuis l'Age de vingt ans, il eu trouva
trente-huit mille capables de servir. 11 en
destina "vingt-quatre mille au ministère
journalier sous les prêtres; six mille pour
être juges inférieurs dans les villes, et pour
décider les choses qui touchaient à la reli-
gion, mais c[ui n'étaient pas d(! grande co sé-
quence ; quatre mille pour être portiers, et
avoir soin des ornements du temple ; et le
reste pour faire l'ollice de chantres. Mais
tous ne servaient pas ensemble; ils étaient
distribués en différentes classes, qui se ret
layaient et servaient tour à tour.
Comme Moise était de la tribu de Lévi,
les incrédules l'ont accusé d'avoir eu pour
elle un • prédilection marquée , de lui avoir
attriiiué le sacerdoce et l'autorité, au préju-
dice des autres tribus. C'est un injuste soup-
çon; il est aisé de le dissiper. — 1° Si Moise
avait agi par intérêt ou par prédilection, il
aurait assuré le souverain sacerdoce à ses
propres enfants, et non à ceux de son frère
Aaron. 11 atteste que Dieu lui-môme est
l'auteur de ce choix; c'est ce qui fut confirmé
par le miracle de la verge d'Aaron, qui fleu-
rit dans L' tabernacle, et par la punition
miraculeuse de Coré et de ses partisans qui
voulaient s'arroger le sacerdoce. Si tous ces
faits n'étaient pas vrais, les onze tribus inté-
ressées à la chose ne les auraient pas laissé
subsister dans les livres de Moïse; sous Jo-
sué ou sous les juges, ils auraient demandé
que cet arrangement fût changé. — 2" Moïse,
dans son histoire, ne ménage en aucune
manière sa tribu ni sa propre famille, il rap-
porte, non-seulement ses propres fautes,
celles d'Aaron son frère, celle de Nadab et
d'Abiu ses neveux, et leur punition, mais
l'ancienne faute de Lévi son aïeul et de Si-
méon ; il rapporte le reproche que Jacob
leur père leur en fil au lit de la mort, la pré-
diction qu'il leur adressa, en disant qu'ils
seraient dispersés dans Israël; et les lévites
le furent en effet. {Gen., c. xlix, v. 7). Moïse
pouvait très-bien se dispenser de rappeler ce
lait désavantageux à sa tribu; et si les lévites
avaient été de mauvaise foi, comme les in-
crédules affectent de le supposer , ils n'au-
raient pas laissé subsister dans les livres de
Moise, dont ils étaient dépositaires, cette
circonstance fâcheuse. — 3° L'on se trompe
quand on imagine que le sort des lévites était
meilleur que celui des autres Israélites.
Cette tribu fut toujours la moins nombreuse;
on le voit par les dénombrements qui se
firent dans le désert {Num., c. ui, v. 13 et
39). La subsi^ance des lévites était précaire,
puisqu'ils vivaient des dîmes et des obla-
tions ; elle était donc très-mal assurée,
lorsque le peuple se livrait à l'idôlatrie. Ils
n'avaient aucune autorité civile dans la ré-
publique; elle était dévolue aux anciens
de chaque tribu; dans la liste des juges qui
le gouvernèrent avant qu'il y eût des rois,
le seul Héli était de la tiiiju de Lévi.
Quand Moïse n'aurait pas été guidé par
les ordres de Dieu, il aurait évidemment
compris que la nature du sacerdoce lévi
tique exigeait des hommes qui en fussent
uniquement occupés, et qui formassent un
ordre particulier de citoyens : il en a étô
ainsi chez tous les peuples policés. En
Egypte, le sort des prêtres était plus avaa-
sr.i
LEV
LIB
SC2
tagcux que celui des lévites chez les Jaifs,
et le sacerdoce chez les Romains donnait en-l
core plus do préro^'atives à ceux qui en
étaient revtHus.
Lus incrédules ont fait grand bruit au su-
jet, d'une j^uerre que s'attirèrent les Bcnja-
niites, pour n'avoir pas voulu punir i'outraye
fait chez eux à la femme d'un lévite ; nous
en uarlonsau mot PnÉrnEDEs Jnis. Roland,
Antiq. IM.. p. 115.
LÉVITIQUE. C'est le troisième des cinq
livres de Moise. 11 est ainsi appelé, parce
qu'il traite principalement des cérémonies
du culte divin qui devaient être faites par
les lévites : c'est comme le rituel de la reli-
gion juive.
On demande, et cette question a été faite
par plusieurs incrédules, comment et pour-
quoi Dieu avait commandé avec tant de soin
et dans un aussi i^rand détail des cérémonies
ininutieuses, ind.Uérentesh son culte, et qui
paraissent superstitieuses. Nous répondons,
1° que toute cérémonie est inditférenle en
elle-même, (juc c'est l'intention qui en fait
toute la valeur; mais elle cesse d'être indif-
férente dès que Dieu l'a comman.lée ; elle
sert h son culte dès qu'elle est observée i)ar
un motif de religion ou d'obéissance à la
loi de Dieu; elle ne peut donc alors être su-
perstitieuse dans aucun sens. 2° Pour que
Dieu commande une pratique, il n'est pas
nécessaire qu'elle soit par elle-même un
acte d'adoration, d'amour, de reconnais-
sance, etc. ; il a pu ordonner ce qui contri-
buait ^ la propreté, h la santé, à la décence,
ce qui servait à détourner les Israélites de
l'idolAtrio et des mœurs corrompues de leurs
voisins, ou qui avait une autre utilité quel-
conque. On ne prouvera jamais que, parmi
les choses commandées aux Juifs, il y en
ait aucune absolument inutile. De même il
était à projios de leur défendre, non-seule-
luent toute pratique mauvaise et criuiiuelle
en elle môme, mais tout us.ige dangereux
relativement aux circonstances. 3" Un peuple
tel que les Juifs, qui n'était |)as encore po-
licé, qui avait eu en Egy[)te de très-mau-
vais exemples, qui allait être cnviroimé
d'idoLUres, ne pouvait être contenu et civi-
lisé que par les motifs de religion : nous
délions les incrédules d'en assi^çner aucun
autre capable de faire impression sur les
Juifs. 11 fallait dimc que tout leur fût pres-
crit ou défendu dans le plus grand détail,
alin de leur ôter la liberté de mêler dans
leur culte et dans leurs mœurs les usages
absurdes ou pernicieux de leurs voisins.
Cette nécessité n'a été que tiop [trouvée par
le penchant invincible que ce peuple a mon-
tré ."i suivre l'exemple des nations idol.ltres.
11 n'est donc aucune des lois portées dans
le Lévitique qui n'ait eu une utilité relative
aux circonsiances et au caractère national
des Juifs. Voy. Loi cérémomelle.
LÈviTiQUKs, branche des nicolaitcs et des
gnosiiques , (pii parut au second siècle de
riiolise. Saint Epiphaue en a fait mention,
sans nous appienuie s'ils avaient quelque
dogme particulier.
LIBATION. Yoy. Eau.
LIBELLATIQUES. Dans la persécution de
Dèce, il y eut des cbréticns qui, pour n'être
Eoint obligés de sacrifier aux dieux en pu-
lic, selon les édits de l'empereur, allaient
trouver li'S magistrats, et obtenaient d'eux,
par giilce ou par argent, des certitirats par
lesquels on attestait qu'ils avaient obéi aux
ordres de l'empereur, et on défendait de les
inquiéter davantage sur le fait de la religion.
Ces ceitificals se nommaient en latin libelli,
d'où l'on lit le nom de libellaliques.
Les centuriateurs de Magdebourg, et Til-
lemont, tom. IH, p. 318 et 702, pensent que
ces r.clies chrétiens n'avaient pas réellement
renoncé à la foi, ni sacrifié aux idoles, et
que le certilicat qu'ils obtenaient était faux.
hos iibetlatiques, dit ce dernier, étaient ceux
qui allaient trouver les magistrats, ou leur
envoyaient quelqu'un, pour leur témoignet-
qu'ils étaient chrétiens, qu'il ne leur était
pas permis de sacritier aux dieux de l'em-
pire ; qu'ils les priaient de recevoir d'eux de
l'argent, et de les exempter de faire ce qui
leur était défendu. Ils recevaient ensuite du
magistrat, ou lui donnaient un billet qiii
portait qu'ils avaient renoncé à Jésus-Christ,
et qu'ils avaient sacritié aux idoles, quoique
cela ne fût pas vrai : ces billets se lisaient
publiquement. Baronius, au contraire, pense
que Irs libellaliques étaient ceux qui avaient
réellement apostasie et commis le trimo
dont on leur donnait une attestation : pro-
bablement il y en avait des uns et des au ■
très, comme le pense Bingliam, Orig. ecclés.,
1. XVI, c. k, § G. Mais, suit que leur apos-
tasie fût réelle ou seulement simulée , ce
crime était très-grave ; aussi l'Eglise d'Afri-
que ne recevait à la communion ceux qui y
étaient tombés, qu'après une longue péni-
tence. Cette rigueur engagea les libnllatiques
à s'adresser aux confesseurs et aux martyrs
qui étaient en prison ou qui allaient à la
mort, pour obtenir, par leur intercession, la
relaxation des peines canoniques qui leur
restaient h subir ; c'est ce qui s'appelait de-
mander la paix. L'abus que l'on lit de ces
dons de paix causa un schisme dans l'Eglise
deCartlinge, du temps de saint Cyprien : ce
saint évêque s'éleva avec force contre cette
facilité à remettre de telles prévarications,
comme on peut le voir dans ses lettres 31,
52 et 68, et dans son (railé de Lapsis. Le on-
zième canon du concile de Nicée, qui règle
la pénitence de ceux qui ont renonce à la foi
sans avoir souiîcrt de violence, peut regar-
der les libellaliques. Voy. Lasses.
LIBELLE DIFFAMATOIRE, écrit par le-
quel on noircit la réputation de quelqu'un.
Le concile d'Elvire, tenu vers l'an 300, pro-
nonça la peine d'excommunication contre
ceux qui auraient la témérité de publier des
libelles diffainatoircs, et l'empereur Valenti-
iiien voulut qu'ils fussent punis de mort.
Saint Paul accuse les anciens philosophes
d'avoir été détracteurs et insolents {Rom.,
c. I , v. 30) ; mais il ne leur reproche pas
d'avoir été auteurs de libelles diffamatoires.
Celse, Julien, Porphyre, ont attaqué les chré
ses
LIB
LiB
204
tiens on général, mais ils n'ont calomnié per-
sonne en particulier. Les incrédules de notre
siècle ont été moins modérés ; ils ont noirci,
dans leurs écrits, les vivants et les morts ; ils
n'ont épargné personne : jamais la licence des
libelles dij}'amatoires n'a été poussée aussi
loin qu'elle l'est aujourd'hui, signe trop évi-
dent de la perversité des mœurs. Bayle accuse
les calvinistes d'avoir été les premiers au-
teurs de cet affreux désordre : quelle peste
plus pernicieuse pouvaient-ils introduire
dans la société. Avis aux réfugiés, I" point.
LIBÉRATEUR. Voy. Médiateur.
LIBÈRE, pape, élevé sur la chaire de saint
Pierre l'an 352, mort l'an 366. 11 est devenu
célèbre par la faiblesse qu'il eut pour les
ariens, après leur avoir résisté d'abord avec
fermeté, et par l'affectation avec laquelle
filusieurs théologiens ont exagéré sa faute.
Is ont prétendu que ce pape avait signé l'a-
rianisme : cela n'est pas prouvé. Libère,
exilé pour la foi catholique par l'empereur
Constance, vaincu par les rigueurs qu'on lui
faisait souffrir, affligé de ce que l'on avait
mis un anti-pape ti sa place, crut devoir cé-
der au temps. 11 souscrivit à la condamna-
tion de saint Athanase et h la formule du
concile de Sirmich, de l'an 338, dans la-
quelle le terme de consubstantiel était su[)-
primé, sous prétexte que l'on en abusait pour
établir le sabellianisme ; mais il dit en même
temps anathème à tous ceux qui ensei-
fnaient que le Fils n'est jias semblable au
ère, en substance cl en toutes choses. Ainsi,
loin de signer l'arianisrae, il lecoudamnait(l).
Nous convenons crue supprimer le ternie
de consubstantiel, c'était (ionner aux ariens
sujet de triompher ; mais ce n'était pas en-
seigner ni embrasser formellement leur er-
reur. Saint Athanase n'était point condamné
(1) Il y a eu trois assemblées à Sirmich. Les profes-
sions (Je foi de la première et de la deuxième, sans
être assez eiplicites, ne contenaient rien de contraire
i la foi. Celle de la deuxième était hérétique. 11 est
certain que Libère ne siana pas celle-ci. Voici com-
ment Cellier s'exprime a cet égard :
< Quelques critiques prétendent que le pape Libère
souscrivit à la seconde formule de Sirniium, com-
posée par les ariens en 357. Cette formule était si
mauvaise qu'ils se repentirent dans la suite de l'a-
voir faite, et qu'ils firent leur possible pour en reti-
rer tous leo exemplaires. Mais il nous paraît comme
hors de doute, que ce fut à la première profession de
foi de Sirmium, dressée eu 351, contre Pliotin, que
Libère souscrivit. Car il est cerlain par saint tlilaiie,
que celle que ce pape signa avait été faite par vingt-
deux évèques, du nombre desquels était Démophile.
Or, il ne parait par aucun endroit qu'un si grand
nombre d'évêques se soient mêlés de la seconde for-
mule de Sirniium. Valens, Urîace et Gerniinius y
sont dénommés seuls ; et le texte latin de cette for-
mule, tel qu'il est rapporté parsaint ililaiie, ne donne
pas lieu de conjecturer qu'il y en ait eu d'autres, à
moins qu'on y ajoute Osius et Potamius, dont les
noms se trouvent à la tête de cette formule. Libère
lui-uiiine, dans sa Lellre aux évêques d'Orient, leur
dit qu'il a souscrit à leur profession de foi, qui lui a
été présentée par Démophile, et qu'il l'a approuvée
comme catholique. Ou ne peut donc douter que la
profession qu'il signa et qu'il approuva, n'ait été de
la façon des Orientaux ; autrement Libère n'aurait
pu la leur attribuer. Or, il est certain qu'ils n'eurent
parles ariens comme hérétique, inais comme
perturbateur de la paix ; abandonner sa
cause, c'était trahir le parti de la vérité, mais
ce n'était pas professer expressément l'hé-
résie. La laute de Libère fut très-grave, sans
doute ; aussi lorsqu'il fut de retour à Rome,
et qu'il vit l'avantage que les ariens tiraient
de sa condescendance, il la désavoua, recon-
nutsafaiblesseetlapleura. 11 estfort singulier
que de prétendus zélateurs d<; l'orthodoxie
aient moins d'indulgence pourla faute de Li-
bère que saintAthanase, plus intéressé qu'eux
dans cette affaire et mieux instruit des faits.
11 excuse ce pape'et Osius d'avoir enfin cédé
à la violence, et soutient que leur conduite
fait son apologie. Histor. Arianor., n. ki,
Ap. 1. 1, p. 368, n. ii.5,p. 372, n. 46 , p. 378.
Cet exemple prouve qu'avec les héréti-
ques il n'y a point de ménagements à gar-
der ; que les prédicateurs de la tolérance,
en pareil cas, sont les ennemis les [ilus dan-
gereux de la vérité et de la religion. Voy.
Sozomène, Hist. ecclés., t. IV, c. 15 ; Petau,
Dogm. Théol., t. Il, p. 45; Tillemont , tom.
VI, p. 420.
* Liberté. Dans notre Dictionnaire de Théo!, mor.
nous avons donné une notion complète de la liberté.
Nous allons consacrer ici une suite d'articles à la li-
berté des anges, des bienheureux, des damnés , de
Dieu, de Jésus-Christ et de l'homme.
* Liberté des A.nges. On appelle anges, les créatu-
res intelligentes supérieures à l'homine, desquelles
il est fait mention dans les saintes Ecritures. A la
différence de l'âme humaine, les anges n'ont aucun
union bypnslalique avec la matière ; ce sont de purs
esprits : telle est du moins la croyance commune,
surtout depuis le quatrième concile général de La-
Iran, qui paraît l'avoir adoptée. Parmi les anges, les
uns demeurèrent fidèles a Dieu, les autres lui déso-
béirent. Les premiers méritèrent la béatitude, telle
est la tradition générale ; ce qui est encore plus cer-
aucune part à la seconde de Sirmium. Les Occiden-
taux seuls la composèrent : encore étaient-ils en
très-petit nombre, au plus cinq ou six ; au lieu que
celle que Libère approuva avait été dressée par plu-
sieurs évèques, savoir, par vingt-deux, ainsi que le
dit saint llilaiie. Le titre de catholique que Libère
donne à la formule qu'il souscrivit, marque encore
que ce n'a pu être la seconde de Sirmium, qui eut à
peine vu le jour, que ceux qui l'avaient composée
tachèrent de l'ensevelir dans les ténèbres, tant elle
avait causé de scandale, même parmi les ennemis de
la vérité. Au contraire la première de Sirmium, en
551, pouvait passer pour orthodoxe ; car, excepté le
terme de consubstantiel qui ne s'y trouvait pas, elle
n'avait rien qui fût répi'èliensible. Saint llilaire la
trouvait uelle, exacte et précise, propre à éloigner
toutes les anibiguités ; et si dans la suite il la traita
de perfidie, c'est qu'elle en avait fourni l'occasion,
les évèques ariens s'en étant servis, soit pour faire
tomber la foi du coiisitbslwitiel, qui n'y était pas ex-
primé, soit pour détacher les évèques orthodoxes de
la communion de saint Athanase. Enfin, selon Sozo-
mène, Libère étant venu à Sirmium en 358, y signa
la condamnation de tous ceux qui ne reconnaissaient
pas le Fils semblable au Père en essence et en tou-
tes choses. Est-il à présumer qu'il en aurait agi
ainsi, s'il avait signé quelque temps auparavant la
seconde formule de Sirmium, dans laquelle il est dé-
fendu de parler de l'unité ni de la ressemblance de
substance, sous prétexte qu'il ne nous est pas pos
sible de connaîire la génération du Verbe. > (Dom
CeUier, iiU'. gin. di'$ auteurs tacr. el eccUi., t. V.)
265
LIB
LIB
26f>
tain, c'est que les mauvais anges méritèrenl leur
daninalidii. El romine des cires dépourvus de lilierlé
uc peuvenl mcrilcr ni récompense ni punition, les
bons cl les mauvais anges ont docc reçu de Dieu \m
libre arbitre l'X nirnie un libre arbitre nioralcineul
flc\ible au bien et au mal. Si les bons anges n'eus-
sent pas clé soumis à la tentation, s'ils eussent tou-
jours été plus enclins au bien qu'au mal, où serait
le mérite de leur persévérance. Quant aux anges qui
oui péché, leur chute démontre qu'ils éprouvèrent
dans leur for inici leur une sollicitation à faire ce
qu'ils devaient oinclire ou à omettre ce qu'ils de-
vaient faire : sans cela ils eussent persévéré daiis
le devoir, leur chute n'eût pas eu lieu, car jamais
lélre intelligent ne s'écarlc sciemment du devoir
que par la dillicullé ((u'il trouve à le suivre. Plus
sollicité iulérienrement à considérer sa propre ex-
cellence (juc Dieu dont il la lenail, l'auge a pu con-
ccnlrer ses regards en lui-même, cesser de voir cl de
sentir Dieu connue auparavant : dès lors, épris de
l'amour de lui-iurmc, l'ange a pu s'oublier justpi'à
vouloir vivre indépendant de son créateur. On doit
appli<iuer à nos premiers parents ce ((ue nous disons
ici de la liberté el de la cbule des anges. l'nisiiue nos
premiers parents ont péché, ils étaient libres et ils
furent tentés. Jamais Eve n'eût écouté le serpent, ja-
mais Adam n'eiU cédé à son cp(mse, si Inn el l'au-
tre n'eussent clé sollicités à celte fatale condescen-
dance par une lentalion véiitablemenl inlérieurc.
Sans doute la concupiscence n'existait pas dans l'é-
tat d'irniocencc. L'iiomme el l'ange innocent ne
|>ortaii'nl pas comme nous en cux-rncmes une source
licrnianente de lenlations ; mais il pouvait arriver
que par l'ellél de certaines circonstances ils fussent
niomentanément plus inclinés vers les créatures que
vers le créateur, el sentissent (pielque dillicullé à
garder la loi divine : cela sullil et même, seh)i\ nous,
est nécessaire pour bien expliquer comme:il les uns
s6nl tombés dans le péché, et comment les autres ont
vraiment mérité de devenir inqieccahlcs. Nous dirons
plus bas ce (ju'est devenue la liberté dans les anges
conlirmés eu grâce el dans les anges prévaricateurs.
(V oy. Lib. des bienh. et lib. des damnés.) Une seule
(piestion demande à être traitée ici brièvement.
L'ange adhère-t-il iuMunablcmenl à ce qu'il a choisi
une fois? Oui, rcponilcnt saint Thomas et ses dis-
ciples : < Comme donc, conclut le docteur angfli(pie,
comme les bons ajiges en adhérant une fois à la jus-
lice ont été conlirmés en grâce, ainsi les mauvais en
péchant ont été obstines dans le péché. » (Sitm. , 1"
part., q. 71, a. 2.) Saint Thomas entend ([ue l'im-
peccabililé suive de l'acte bon connue robslination
suit de l'acte mauvais, naturellemenl et sans une
inlcrvenlion particulière de Dieu, il s'écarte de la
tradition qui nous présente l'inipeccabililé des saints
anges comme un don spécial de Dieu el accordé en
vue de leurs mérites. Et cependant n"esl-il pas vrai-
semblable que les bons anges ont pris au moins une
fois la r» solution d'obéir en tout à Dieu : or, s'ils
l'ont prise el (|ue de leur nature ils y persévèrent
iminuablemenl, comme cette résolution est essentiel-
lement opposée à tout péché, ils sont devemis inq)ec-
cables naturellement el non par l'action surnaturelh!
de Dieu (pii voulait les récompenser. Celle objection
contre le syslcme des thomistes nous |)arail plus for-
te que les preuves dont ils l'élayeni. En conséquence,
nous rejetons ce système el préférons croire, avec
la plupart des théologiens , que l'ange de sa nature
n'adhère pas immuablement à un parti pris et peut
revenir sur um^ première résolution.
*LiBt;iiTi';i>i:s 1!if.nuei;uki;x.Nous appelonsbienlieii-
reux les anges el les âmes humaines qui voient Dieu
et jouisseul de la béatitude surnaturelle. Toute la
théologie est d'accord, avec saint Augustin, pour pro-
clamer la liberté des bienheureux et la dire plus par-
faite que celle des voyafscurs, des créatures encore
sur la voie et nonau tenue dubonheur. « La première
DicTioN'>. Dr, Théol. dogmatique. 111.
liberté, dit saint Augustin, a été de pouvoir ne pas
pécher ; la dernière, beaucoup plus grande, sera de ne
potivoir pas pécher > {De Correp. et lirat. cap., ii);
mais la liberté des bienheureux est-elle exemple de
n .cessité; consiste-l-ellc dans le pouvoir d'agir el de
n'agir pas. Sauf un très-petit nondtre de docteurs qui
paraissent le nier, tous s'accordent à l'aflirmer. Il
est de foi que les bienheureux ne commeUronl ja-
mais de péché qui les exclut du ciel. Mais sonl-ils
dans une impuissance absolue de pécher? Oui, selon
un grand nombre de théologiens. Plusieurs même
restreignent aux choses indifférentes ou d'égale bonté
le libre arbitre des bienheureux qui, selon eux, font
nécessairement tout ce qu'ils savent être le plus
agréable a Dieu. Pour nous, nous préférons le senti-
ment des scotisles : nous croyons avec eux que les
bienheureux peuvent, rigonreusement parlant, s'abs-
tenir de ce qu'ils font, même d'aimer Dicii, encore
peut-être qu'ils soient dans une impossibilité absolue
de faire le contraire. Car si les bienheureux sont né-
cessités à faire le meilleur ou à accomplir les ordres
de-Dieu, dès lors ils les accomplissent sans dignité
morale, comme sinq)les instruments de Dieu, connue
le soleil les accomplit, el la béatitude a rétréci la
sphère de leur liberté, bien loin de l'agrandir. Il est
bien plus digne des bieidieureux, el conséquemment
de la bonté divine, que Dieu les détermine infailli-
blement au bien, mais non pas nécessairement. Pour
que les saints obéissent toujours à Dieu, il n'est pas
nécessaire de leurôlcr le pouvoir absolu de désobéir,
il sullit que l'obéissance leur soit rendue toujours
plus facile et plus agréable que la désobéissance :
ou, si l'on aime mieux, il sullit que Dieu leur accorde
la grâce eflicace pour chacune de leurs actions.
Connnenl, dira-t-on, supposer qu'en voyant le sou-
verain bien, les saints ne rcsscnienl pas invincible-
ment de l'amour pour lui ? Sans doute la vue de Dieu
cause inévitablement aux bienheureux une joie inef-
fable et un désir véhément de s'unir à lui; et jusque-
là le bienheureux n'a pas à exercer sa liberté; mais il
peut consentir librement à cette joie et à ce désir pro-
duit en lui ; il peut se porter librement vers Dieu, non
en tant que béaliliant actuellement, mais en tant (|ue
parlait et de soi aimable. Ainsi les bienheureux ai-
ment Dieu librement par un motif rationnel et desin-
téressé, ils exécutent librement les orarcs de Dieu,
et cependant ils sont impeccables.
* LiiuiiiTÉ DES Damnés. Nous entendons par damnés
seulement les anges et les âmes humaines qui sont
condamnés aux châtiments éternels à cause de leurs
propres péchés. Nous n'avons pas à nous occuper de
l'état où se trouvent les âmes privées pour toujours
de la vision béatifique pour le seul péché originel :
nous dirons cependant qu'elles n'ont pas la liberté
de gagner le ciel, que probablement elles jouissent de
la liberté, au moins dans la sphère du bien naturel,
el qu'on irait contre toute vraisemblance si l'on sup-
posait qu'elles blasphèment Dieu sans cesse Quant
aux damnés proprement dits, il est de fait qu'ils iio
feront jamais une pénitence qui les délivre de l'enfer,
et tous les théologiens s'accordent à dire qu'ils sont
privés de tout secours surnaturel, et par la dans
rimpiiissance absolue de faire aucune bonne action
de l'ordre surnaturel. Kelalivcraeiit aux bonnes ac-
tions de l'ordre naturel, ils ne peuvent pas non plus
en faire selon le sentiment le plus commun, et ils
pèchent en toutes leurs actions, soit parce qu'ils sont
seulement dans l'iuipuissancc morale d'éviter le pé-
ché, soit aussi parce qu'ils sont libres dans la sphère
du mal, conmie les bienbcureu.x le sont dans celle du
bien : pouvant s'abstenir de l'acte individuel et mau-
vais (juils font, ils pèchent véritablement, mais ne
méritent pas un accroissement de peines parce qu'ils
le sont jdus à l'état d'épreuve. ( Voy. Suarès, de
Angelis; Bellarmin, de Gral. et lib.arbit., etc., qui
adoptent cette opinion). Nous admettons volontiers
que les damnés pèchent librement et qu'ils pèch-înt
9
26T
LIB
LIB
m
souvent. Ces continuelles rechutes expliquent très-
bien le continuel abandon de Dieu et la continuité
des tourmens qu'ils endurent. Scol et Durand ne re-
gardent pas comme prouvé que les damnés pèchent
en toutes leurs actions : nous sommes de leur avis.
Il est peu vraisemblable qu'une âme naturellement
honnête et religieuse, damnée pour quelque laute
grave sans doute, mais impliquant plus de faiblesse
que de malice, soit au premier instant de sa damna-
tion changée au point de ne savoir plus que mar.dire
Dieu et vouloir le mal. Eh bien! il est à présumer,
chose terrible à penser, que probablement, si Dieu
n'y met obstacle, la corruption et la malice des dam-
nés, et conséquemment leurs peines, iront éternelle-
ment s'accroissant.
* LiBEHTÉ DE Dieu. 1. C'est une ffttestiOTi grave et
difficile que nous ne pouvons qu'effleurer ici. La li-
berté de Dieu a élé fort souvent dénaturée ou même
niée formellement. Les stoïciens paraissent n'avoir
admis en Dieu qu'une liberté exemple de contrainte :
et cela devait être, puisque leur Jupiter ou Dieu su-
prême, c'est le grand tout, l'àme universelle qui in-
forme le monde. Les panthéistes modernes croient
aussi, avec Spinosa, que Dieu agit en tout par néces-
sité de natuie. En plusieurs endroits de ses ouvra-
ges, M. Cousin a enseigné que la création est néces-
saire, quoique plus tard il ait expliqué cette néces-
sité d'une souveraine convenance qui peut-être en dif-
fère peu. Mais, avec tous les catholiques, nous allons
prouver que vis-à-vis de la création et dos créatures
Dieu jouit d'une liberic exempte de nécessité. Nous
disons vis-à-vis de la création et des créatures; car
nous convenons que Dieu n'est pas libre de se con-
naître et de ne se connaître pas, d'être en une seule
ou en trois personnes, etc.
2. La liberté de Dieu est une vérité sinon de fait,
du moins théologiquement certaine ; car l'Ecriture
sainte nous représente sans cesse Dieu agissant com-
me il veut, proui vuU (I Ci.r. viii), faisant toutes cho-
ses selon le dessein de sa volonté, iecnndum consJium
volunlatissuœ {Eph. i ). Or ces expressions dénotent
évidemment un agent libre , une action libre ,
car elles ne désignent que cela dans le langage or-
dinaire, et l'Ecriture emploie toujours le langage or-
dinaire ; piout vutl, c'est-à-dire, explique trcs-bien
saint Ambroise, selon l'arbitre de sa libre volonté,
et non pour obéir à la nécessité, pro liberœvoluiiiaiis
arbiliiii non pro necessitaiis obsequio {L. u de Fide,
c. 3). Les saints Pères sont unanimes à professer que
Dieu n'a pas créé le monde nécessairement et qu'il
a pu faire autre chose que ce qu'il a fait. Abélard et
Wiclef, qui niaient la liberté divine, ont été condam-
nés, le premier par le concile de Sens, et le second
par celui de Constance. Enfin, la plupart des théolo-
giens déclarent non-seulement certaine, mais même
de fait l'existence en Dieu de la liberté de contin-
gence.— Certes le pouvoir d'agir et de n'agir pas est
une perfection véritable. Réaliser le bien toujours et
librement est plus parfait que de le réaliser par né-
cessité de nature. Disons mieux : il n'y a aucun mé-
rite, aucune dignité morale à faire le bien nécessai-
rement : on n'est pas plus digne d'éloges pour cela,
que le soleil qui nous éclaire et nous échauffe. Ainsi
nier la liberté de Dieu, supposer qu'il agit nécessai-
rement, c'est refuser à Dieu une perfection qu'il a
donnée à sa créature, c'est ôter à Dieu toute dignité
morale, le dépouiller de sa justice, de sa sainteté, de
sa bonté, et par suite c'est rendre la reconnaissance
à l'égard de Dieu et la religion en général ridicules
ou impossibles. — Si Dieu est nécessité à créer, tout ce
qui existe est nécessaire, il ne peut y avoir une étoile
ni un vermisseau de plus ou de moins ; Dieu ne peut
faire que ce qu'il fait, il ne peut pas remuer le fétu
de paille qui est en repos. — Si Dieu est nécessité
ou mû invinciblement à créer, c'est qu'il n'a pas tout
te qu'il lui faut, c'est qu'il lui manque quelque chose
ou que son être n'est pas complet ; car s'il était com-
pletj il serait infini, se suffirait à lui-même et n'as- '
{tirerait pas invinciblement a quelque autre chose.
Donc, à moins d'admettre le panthéisme qui suppose
les créatures parties intégrantes de l'essence divine
et qui divinise les Crimes comme les vertus, puisqu'il
suppose que tout est Dieu ou œuvre nécessaire et
immanent de l'essence divine, nous devons reconnaî-
tre que les créatures ne sont point nécessaires à la
perfection divine, que Dieu peut être et se maintenir
parfait, heureux sans elles, qu'ainsi il peut se passer
de toute créature, et que s'il a créé, ce n'est pas par
besoin, par nécessité, mais par un choix (ntièremëut
libre.
3. Une objection contre la liberté de Dieu, c'est
que la substance divine étant nécessaire n'est pas
susceptible d'une modification contingente, d'un acte
libre par conséquent. Mais la réponse est facile. La
substance divine est nécessaire, en ce qu'elle ne
peut être anéantie ni même altérée. Or, encore qu'elle
veuille créer ou ne pas créer, qu'elle fasse ceci ou
cela, elle ne subit aucune altération. Ainsi notre
âme demeure immuable dans sa substance malgré la
variété de ses pensées et de ses sentiments. La sim-
plicité absolue de Dieu s'oppose, direz-vous, à toute
distinction réelle entre l'action créatrice et la sub-
stance divine; eonséquemraent l'action créatrice étant
idendique à la substance est nécessaire comme elle.
H est vrai que les saints Pères et la plupart des théo-
logiens n'admettent pas que l'action créatrice soit
distincte réellement de la substance divine ; et l'on
ne doit pas s'en étonner, puisque beaucoup de phi-
losophes regardent la tristesse et la joie, l'aflirma-
tion et la négation comme indistinctes réellement
entre elles et de notre âme. Ce qu'il y a de certain,
c'est que la force, malgré sa simplicité, peut agir di-
versement; qu'on suppose distincte ou non réellement
d'elle son action et ses produits immanents : ce qu'il
y a de certain, c'est qu'on ne doit point toujours af-
firmer de la force ce qu'on peut alHrmer de ses opé-
rations. Notre force, notre moi est un et permanent ;
et ses opérations ne sont-elles pas multiples et pas-
sagères. Donc, encore que la substance divine soit
nécessaire, l'action créatrice peut être contingente
ou libre. Dieu est incapable de changements qui sup-
posent une altération dans sa substance, une compo-
sition de parties, une imperfection ; et nous avons
vu que l'acte créateur, pour être libre, n'introduit eu
Dieu ni altération ni composition de parties.
4. Mais la contingence de l'acte créateur ne suppo-
se-t-elle pas une imperfection, la possibilité pour
Dieu de manquer à sa sagesse ? Car si Dieu a créé,
c'est sans doute qu'il a jugé meilleur de créer que de
ne pas créer, autrement il eût agi ;i l'aventure ou con-
tre sa sagesse : Dieu a donc été déterminé invinci-
blement à créerpar la raison du meilleur, et il n'a pu
s'en abstenir sans cesser d'être infiniment sage. Voi-
ci notre réponse : 1° Supposé que Dieu ait jugé meil-
leur de créer ce monde que de ne le pas créer, il
ne suit pas évidemment qu'il ait été nécessité à le
créer; 2° Si cela suivait évidemment, il faudrait rejeter
sansbalancerl'hypothèsedu meilleur, laquelleest loin
d'être démontrée. Premièrement, supposons que Dieu
ait jugé plus digne de lui, meilleur de créer, la création
en devient-elle nécessaire ? Non, car ce jugement di-
vin n'a pu nécessiter Dieu à créer, qu'autant qu'il
est cause efficiente de l'acte créateur : or il n'est pas
prouvé qu'il en soit cause efficiente. L'eniendemcnt
divin, pas plus que le nôtre , n'est opératif par
lui'niême, il ne suffit ni à Dieu ni à nous de conce-
voir les choses pour les produire : autrement Dieu
qui connaît une multitude de mondes qui ne peuvent
coexister les eût produits en les concevant et par là
eût réalisé l'impossible. Nos pensées, il est vrai, en-
gendrent des sentiments plus puissants qu'elles sur
notre volonté ; mais notre volonté demeure ordinai*
rement maîtresse de suivre ou de ne pas suivre ces
sentiments, lesquels ne nécessitent pas la volonté, à
2(Î0
LIB
Llîî
270
moins qu'ils ne soient plus forts qu'elle. Donc, en-
core (pie Diciijiige meilleur de créer le irinn(l(! que de
ne le pas créer, et que, par suile de ce jugeuienl, il
soit incliné à créer le monde, il n'y est pas nécessite
pour cela : celte inclination n* pourrait nécessiter sa
volonté divine, qu'autant qu'elle serait plus foric
que cette volonté, plus que toute-pnis-ante. Donc
Dieu pouvait n'être pas nécessité à la création, encore
qu'elle lui apparut le parti le plus digne de ses divins
attributs. Secondement, si vous ne conceve/. pas que
Dieu ait fait librement ce ((u'iljugeait meilleur de faiie
que d'omellre, diies alors, vous le pouvez sans absur-
dité, dites (ju'il a jugé également digne de lui de
créer et de ne pas créer, de créer ce monde et d'en
créer un autre. 11 n'est peut-être aucun monde
qui n'eiU une infinité d'égaux. Ne pouvez-vous pas
supposer dans le monde aciuel une intiniié de clian-
geniculs partiels qui, sans nuire à la perl'ccliou du
tout, feraient des mondes dilTi'rents de celui-ci;
car vous n'afllrniez pas sans doute (pie Dieu ne peut,
sans rendre le monde moins parlait, cr. er un seul
individu, un seul atome difl'ércnt de ceux (pii e.vis-
lent, donner une grâce de plus, enipfclier un seul
des péchés qu'il laisse eommettie, etc. Ainsi le mon-
de actuel, ii'eClt-il pas de supiM-ieurs, piurrait avoir
des égaux : ainsi ne méiilaut pas la préférence sur
cenx-ci, il n'a pu obliger Dieu a le choisir pré'erablc-
mcnt aux autres. II pouvait être indifférent à Dieu
de créer et de ne pas créer, parce qu'il ne pouvait
rien faire qui ne fût inliniinent distant de lui, parce
qu'en ne créant pas il se prouvait magnilicpiement à
lui-même sa supieme indépendance, sa souveraine
suffisance. Il pouvait rire indilTerenl a créer ce mon-
de ou à en créer un antre; car il n'est pas prouvé
que ce monde n'ait pas d'égaux, et même de supé-
rieurs ; car un monde qui n'a pas de supérieur dans
tous les possibles devrait être infini absolument, égal
à Dieu. Mais un monde si parfait ((u'on le suppose
est toujours inlinimcnt distant de Dieu ; donc on peut
concevoir un monde plus ressemblant à Di(!U, mani-
festant davantage les perfections divines, et meilleur
par conséquent. Selon celte manière de raisonner
qui n'est pas à mépriser, puisqu'elle a plu à Bossuel,
à Fénélon, etc.. Dieu n'est pas tenu au et meilleur
absolu, parce que le meilleur est impossible. Donc il
ne répugne pas que Dieu agisse librement, fasse autre
chose (|u'il fait, puis(pi'il peut laire aillremenl et
aussi bien.
♦ LiBEiiTÉ DE jÉsus-CiiKiST. Coiiime Jésns-Christ est
à la fois Dieu et homme, il possède la liberté divine
et la liberté humaine. Pour la liberté divine, voyez
LiBKKiÉ i)E DiF.ii. Pour la liberté humaine qui Vst
semblable à celle des bienheureux, il. nous sulliiait
de renvoyer ii la Libluté mes Bieniieureux. Ajoutons
cependant quelciuesmols. La liberté de Jésus-Christ,
en tant que liomnie, a beaucoup exerce les théologiens,
qui n'ont pu s'accorder. On est d'accord que l'huma-
nilé du Sauveur jouissait de la vision héatilique et
était impeccable au premier instant même de sa con-
cepiioii. On convient encore (pi'elle pouvait libre-
ment et indilléremmenl choisir l'un quelconque de
plusieurs biens égaux sous tous les rapports. Mais
clail-elle libre vis-à-vis des commandements de Dieu ?
Non, disent un grand nombre de théologiens. Alors
comment Jésus-Chi isl a-t-il pu mériter par sa pas-
sion, par sa mon, comme il est certain ipi'il a mérité
par là ? Quelques-uns, avec Gihieuf et Thomassin,
oiatorieiis, veulent que Jésus-Christ ait mérité par
cela seul qu'il a agi volontairement , la liberté
exemple de nécessiié : la lilierlé de contingence n'é-
tant pas requise pour le niériie dans Ttiai d'imio-
cCHce. -Mais cette manière de résoudre la difUculté
est généralement inipiouvée. Le jésuite lloltzclan,
citant pour son semiinent saint Anselme, le Père
Pétau et d'autres, prétend ([ne Jésus-Christ, n'ayant
point re(,u un précepte rigoureux de mourir, a clioisi
librement la mon, putequ'il pouvait la lefuser sans
péché. La plupart admettent que le Sauveur rei^iit de
son Père un précepte rigoureux d'acceiiter la mort ;
mais il pouvait, selon les uns, en demander dispen-
se, et, selon les autres, il était libre (piant aux cir-
conslances et non quant à la substance du précepte.
Pour nous, avec Sylvain, Contenson, etc., nous
croyons qu'il accomplissait librement, sans nécessité,
les ordres de son Père : n(ms pensons même qu'il
produisait librement des actes d'amour de Dieu : la
raison en est ([lU! ni les ordres de son Père, ni la vue
du meilleur, ni la motion du Verbe, ne nécessitaient
l'huinanité du Sauveur à vouloir, mais seulement
l'inclinaient, sollicitaient, mais ne produisaient point
son assentiment qui dès lors était exempt de néces-
sité et méiiloirc; car le Vcibe n'avait nul besoin de
nécessiter riinmaniti' pour la déterminer infaillible-
ment an bien et au meilleur.
♦LiBÉiiTÉ DE l'homme. L'homiue agit sans avoIr pu
s'empêcher d'agir, et alors il n'agit pas librement ;
d'antres fois il agit ayant pu ne pas agir, il veut ayant
pu ne pas V(mloir, il prend un parti ayant pu en pren-
dre un autre; il se montre libre. La liberié est im
fait présent à nous-mêmes comme notre pensée, se
faisant sentir à tous tellement, que le commun des
hommes y croit comme il croit à sa propre existence,
et que nul fataliste n'a jamais pu se soustraire com-
plètement à cette croyance, mettre sa con.luiie habi-
tuelle en opposition avec cette croyance. La liberié
est une vérité d'intiiilion plulèt que de raisonnement;
la prouver par le raisonneineni, c'est s'éclairer avec
un (lambeau en plein midi. Maintenant que j'écris ces
lignes, je sens, à n'en pouvoir douter, que je puis
cesser d'écrire ; maintenant que je m'occupe de la
question delà liberié, je me sens le maître de pensera
antre chose, à un problèmede gi'oinétric, parexemple.
Incliné fortement vers le malje tiens ferineet demeure
attaché à la vertu; la passion étant calmée, je m'ap-
plaudis intérieurement, j'éprouve lapins douce satis-
faction. Mais si j'ai la fjiblesse de céder à la tenta-
tion, j'en suis puni par un sentiment pénible, (pii a
son nom dans toutes les langues, et (pii, enfon(^ant
dans mon cœur sa poinle acérée, m'oblige malgré
moi de me reconnaitre coupable. Si je tombe dans un
mal inévitable, j'en sonOie, il est vrai; je désirerais
avoir pu l'éviter; niais je ne suis pas déchiré par cette
pensée désolante : tu es l'auteur de tes souûrances,
c'est à toi-même qu'il te faut les imputer. Tous les
hommes avec qui je vis parlent, agissent, comme s'ils
étaient libres, aflirment qu'ils se sentent libres. J'ai
donc lieu de conclure que le sentiment invincible de
la liberté existe chez eux comme chez moi, fait par-
tie de la nature immaine el, par conséquent, est com-
mun à tous les hommes. Si quelqu'un avait de la
peine à admettre cttc conclusion, il lui serait facile
de la vérifier. Les langues, les institutions civiles ou
religieuses de tous les peuples, déposent de leur
croyance à la liberté. Toutes les langues ont des
expressions pour marquer ce (jui dépend de nous el
ce qui n'en dépend point, ce qui est actif, libre, el ce
qui est passif, nécessaire. Ces expressions si commu-
nes dans notre langue, il est maître de soi, il sait se
commander, etc., expriment très-bien la liberté
exempte de nécessité, de servitude. Or, elles se re-
trouvent non moins fréquemment chez les Grecs et
chez les Latins qui disent, siù compus. T. Liy. ; ski"
po/i'Hs, lior. ; sifci iiiperatis, Cic. ; l«uToi â/>;^£(v,
ÉyxpaTn (xÙTov éauTôO, Plat. etc. Les h(uninei de tous
les temps et de tous les pays n'ont-ils pas délibéré,
formé des projets, fait des promesses? Or, met-on
en délilKM-ation ce ((ui ne dépend pas de soi, si l'on
mourra par exemple; formera-t-on le projet de voya-
ger dans la lune , promettra-t-on de ressusciter
les morts? Ainsi, l'on ne projette, l'on ne promet se-
sérieusement que ce qu'on croit pouvoir faire ou
omettre. Et c'est ce pouvoir de faire ou d omettre,
en un mot le libre arbitre qui constitue le caractère
moral, obligatoire d'une promesse, d'un engagement
271 ^^
quelconque. Otez la liberté, il "'y ;' P'A^ ^^ f è'esl
Sial moral, la vertu n'est qu'un nom. La vertu es
l^ï^iîSlI^rX^è'^^elnaf'Sine.
Tous les sages veulent qu'on soumette les passions a
la ai on. Or de semblables préceptes sont ridicules,
à YhZme n'est pas libre, car la raison par ellç-
mènîemoTtreseul^ent le f -ir .;.-, beu que 1
uassion par elle-même pousse a agir . si rtonc ii y
Ivai pas dans l'homme une force maîtresse d aiç.r
suWan^t les lumières de la raison et contre les nn-
Sons de la passion, il serait ridicule de voulm
que celles-ci, naturellement plus puissantes, soient
^ssuieities à celles-là. Si nous ne sommes pas hbies
fouine sommes pas obligés, nous .n'avons doit a
rien- car on ne saurait être oblige ou avo rUioit a
nmpo'sible : or, dans le système de a fatalité nous
pouvons uniquement ce que nous faisons , a chaque
Knl donne avec ses circonstances il nous es in-
Dossible d'agir autrement <iue nous agissons . si je ne
vous paye pas, c'est que je ne le puis, comme s, v.m
ne me volez point, c'est que vous ne le pouvez pas.
faisant ce qu'il peut, chacun est irrépréhensible,
quoiqu'il fasse aussi,' est-ce un adage d" dimt ro-
main comme du droit canonique que, nul nés enu
à l'impossible. Aussi devant tous les tribunaux et dans
tous les temps , les mêmes crimes ont ele punis
plus ou moins, selon qu'ils apparaissaient commis
avec plus ou moins de liberté : et,)amais on n a dé-
claré coupable l'accusé, d'avoir fait une action qu e-
videmment il n'avait aucunement dépendu de lui d e-
viter, et cela doit être : « Car, dit saint Augus-
tin, avancer qu'un homme est coupable pour n a-
voir pas fait ce qu'il ne pouvait pas laire cest e
comble de l'injustice et de la folie . {L,b. de duab.
Anim c 12 ). Les fatalistes eux-mêmes en convien-
nent. Ecoutons l'un d'eux, Helvélius : « L'homme
d'esprit, dit ce philosophe, sait que les homnies sont
ce qu'ils doivent être ; que toute haine contre eux
est iniuste; qu'un sot porte des sottises comme le
sauvaMon des fruits amers ; que l'insulter, c est re-
procher au chêne de porter le gland plutôt que 1 o-
live . {Heiv., de l'Esprit, dise, i, c. 10). Un autre
fataliste, M. Owen, déclare aussi que « si un hoimne
fait mal, ce n'est pas à lui qu'il faut s en prendre,
mais bien aux circonstances fatales dont il a ete en-
touré > ( VUnivers caihol., t. V, p. 538-9 ). Ainsi
conclurons-nous avec Diderot : « Il est évident que,
si l'homme n'est pas libre, il n'y aura m bien m
mal moral, ni juste ni injuste, m obligation ni droit »
( Enruclop., art. droit natur. ). Or, des conséquen-
ces si monstrueuses, si réprouvées par le sens com-
mun de l'humanité, sufliraient pour laire rejeler le
fatalisme, quand même il ne serait pas en opposi-
tion avec le sens intime de chacun, du lataliste lui-
même ; car le lataliste croit malgré lui a la liberté,
il se reproche une imprudence volontaire , les crimes
qu'il peut commettre. Si sa femme lui devient inli-
I dèle, et qu'elle prétende avoir été nécessitée par un
■ amour involontaire ; si la personne qui le vole allè-
gue son impuissance de résister à la tentation, notre
fataliste se paiera-t-il d'une pareille excuse ? Puis-
que le fatalisme est en opposition avec le sens intime
de tous les hommes, puisqu'il sape la morale par sa
base, il devient inutile de prouver son oppositon avec
les enseignements de la religion. Toute religion re-
connaît une distinction entre le vice et la vertu, la
responsabilité des hommes devant la Divinité qui
les punit et les récompense selon leurs mérites.
Donc tout» religion implique la liberté sans la-
quelle l'homme n'est pas plus responsable de ses ac-
' tes que l'arbre ne l'est de ses fruits, puisque tous les
deux agissent avec une égale nécessité. Aussi est-ce
un dogme de foi pour tous les catholiques que
l'homme est libre, exempt de toute nécessité, même
sous l'action de la grâce ou sous celle de la concu-
piscence : Luther, Calvin , Jansénius. ipii faisaient
LIB
Î72
de l'homme déchu un automate détermine irrésisti-
blement en tout parla grâce ou par » concupiscence,
c'est-à-dire pour chaque cas par ce le des deux qui
se trouve la plus forte, ont ete solemiellement de-
sapprouvés par l'Eglise. Certes, le catholicisme , et
même le grLnd Augustin , dont les novateurs invo-
"^aienl vainement' rautorité,.sefussen bien gar-
dés d'admettre la doctrine impie, ""niorale di la a-
tisme. .Avais-je besoin de scruter ces livres obscuis,
dit îe docteur de la grâce , pour savoir que personne
n'est digne de blâme ou de supplice . P^H^c q" '' " 'J
pas fait ce qu'il ne pouvait pas laire ? . N est- c« pas
là ce que chantent les bergers sur les montagnes, et
les poètes sur les théâtres, et les ignorants dans les
carrefours, et les savants dans les bibliothèques et
ks (fvoques dans la chaire , et le genre humain dans
tout l'univers. ( Lib de Anim. n )• . , . ,
Ne dites pas que Augustin a changédc doctrine lors-
qu'il lui fallut combattre non plus les manichéens, mais
Pélat-e et ses disciples. Car, il vous repondra : . C est
pour imposer aux autres et à vous-même que vou»
Jarle ainsi ; si quelqu'un dit Mue les homnies on «
libre arbitre ou que Dieu est le créateur des homines
qui naissent, on le nomme Pebgien «t Celestien La
foi établit ces deux vérités . (Ue Nu^i. et Loncup.,
1 ne 5) Vous voyez qu'en combattant les adver-
saires (ie la grâce, Augustin >•«««""«» «pressement
aue la foi élabiit la vérité du libre arbitre. La libei e
ainsi démontrée par le sens intime et par la conduite
même des fatalistes, par la croyance de tous les peu-
ples à la responsabilité de l'homme devant ses sem-
blables et devant Dieu, et par suite à la justice des
peines et des récompenses de cette vie et de la vie
future il nous faudrait repondre aux difhcultes aes
fatalistes contre le libre arbitre, puis déduire les con-
séquences morales de ce principe, qu'un acte humain
n'est imputable qu'autant qu'il est libre. Mais ces
conséquences se trouvent exposées dans divers arti-
cles de ce Dictionnaire. Voy. Acte humain, Advlk-
TANCE VOLONTAIRE, ctc; ct pour Ics dilûcultes contre
la liberté, T. y. Fatalisme, Nécessité. (Voy. le Uict.
de Théol. raor., art. Liberlé.)
I IBERTÉ NATURELLE, ou LIBRE AR-
BITRE, ou LIBERTÉ DE L'HOMME ; puis-
sance d'agir par réflexion, ])ar choix, et non
par contrainte ou par nécessité. Comme la
liberté de l'homme est une vérité de con-
science, elle se conçoit mieux par le senti-
ment intérieur que par aucune déhni-
lioii. , , , , ■
Lorsque les philosoplies et les theolog-iens
nomment cette faculté liberté d'indifférence,
ils n'entendentpointque nous sommes insen-
sibles aux motifs par lesquels nous nous dé-
terminons à agir ; mais que ces motifs ne
nous imposent aucune nécessité, et que,
sous leur impulsion, nous demeurons maî-
tres de notre choix. Quand on dit que
l'homme est libre, on entend non-seulement
que, dans toutes ses actions réfléchies, il est
le maître d'agir ou de ne pas agir, mais qu i
est libre de choisir entre le bien et le mal
moral, de faire une bonne œuvre ou de
pécher, d'accomplir un devoir ou de le
violer. .
Quelques fatalistes, qui ne voulaient pas
avouer que l'homme est libre, ont soulenti
que Dieu lui-môme ne l'est pas : mais qui
peut gêner la liberté d'un Être dont la puis-
sance est infinie, dont le bonheur est par-
fait, et qui agit par le seid vouloir ? En Dieu,
cette liberté ne consiste point dans le pou-
voir de choisir entre le bien et le mal, mais
273
1,1 B
LIB
m
,le dioisii l'iitre les divers (iegrés de hien.
Quel imtlil' pourrait [Hirler au mal un Être
souveraiuement heureux et qui iva besoin
(le rien? La liberté: (.le Dieu est attest('-e par
la variété de ses ouvrages, par l'inégalité qui
se trouve entre les créatures. Une cause,
qui agit nécessairement, agit de toute sa
force ; une cause libre modère et dirige son
action comme il lui plaît. Dieu, dit le Psal-
niistp, o fait tout ce qu'il a voulu dans le ciel et
sur la terre {Ps. cxiii, cxxxiv, etc.). 11 n'y a
point d'autre raison à chercher de ce qu'il a
t'ait, que sa volonté même : quant aux motifs,
nous les i,;;norons, îi moins qu'il n'ait daigné
nous les faire connaître. Lepère Pétau [Dogm.
, ThéoL, t(im. I, 1. v, c h] prouve, par TEcri-
ture sainte et par la tradition constante des
Pères de l'Eglise, que la liberté souveraine
de Dieu a toujours été un des dogmes de la
foi chrétienne. La grande question est de
savoir si l'homme est libre ; si, lorsqu'il agit,
il agit par néces'^ité ou par choix ; si sa con-
science le trompe, lors((u"elle lui fait sentir
qu'il est le maître de choisir entre le bien et
le mal. C'est aux philosophes de prouver la
liberté pav les arguments que fournit la rai-
son, et de répondre aux sophismes des fata-
listes ; notre devoir est de consulter, sur ce
point, les monuments de la révélation, l'E-
criture sainte et la tradition.
Il n'est aucune vérité plus clairement ré-
vélée, ni plus souvent répétée dans les livres
saints, que le libre arbitre de l'honnne ; c'est
une des premières leçons que Dieu lui a don-
nées. 11 est dit [Gencs., c. i, v.2G et 27) que
Dieu a créé l'homme à son image et à sa
ressemblance : si l'homme était dominé par
l'appétit comme les brutes, ressemblerait-il
à Dieu ? Le Seigneur lui parle et lui imjiose
des lois, il n'en prescrit point aux lirutes ;
la seule loi pour elles est la nécessité qui les
entraîne. Dieu punit l'homme lorsqu'il a pé-
ché ; les animaux ne sont jias susceptibles de
punition. Après la chute d'Adam, Dieu dit à
Caïn, qui méditait un crime : Si ta fais bien,
rassure-toi : si tu fais mal, ton péché demeu-
rera, mais tes penchants te seront soumis, et
tu en seras le maître [Gen., c. iv, v. 3). Tl n'est
donc pas vrai que, ])ar le péché d'Adam, ses
descendants aient perdu leur liberté. 11 est
dit encore d'Adam, après son péché, qu'il est
créé à l'image de Dieu, et que lui-même a
engendré un fils <\ son image et h sa ressem-
blance (c. V, V. 1 et5). Ce serait une fausseté,
si Adam créé libre ne l'avait plus été après
son péché.
Lorsque Dieu veut punir par le déluge
les hommes corrompus k l'excès, il dit,
selon It^ texte hébreu : Je ne condamnerai
point ces hommes à un supplice éternel,
parce qu'ils sont charnels, mais je les laisse-
rai vivre encore six vingts ans (c. vi, v. 3) ;
c'est la remarque de saint Jérôme. Dieu a
donc pitié de lafaiblesse de l'homme: punirait-
il d'un supplice éternel des péchés qui ne
seraient pas /(6/Ys l** Après le déluge, Dieu
défend le meurtre sous peine de la vie,
parce que l'homme est fait h l'image de Dieu
(C. IX, V. G) : cette image n'a donc pas été
entièrement effacée par le péché. Dieu par-
donne h Abimélech l'enlèvement de Sara,
parce qu'il avait péché par ignorance (c. xx,
V. '► et fi) : un péché commis par nécessité
ne serait plus punissable. Dieu met à une
épreuve teirible l'obéissance d'Abraham; il
s'agissait de vaincre la plus forte de toutes
les all'ections humaines, la tendresse pater-
nelle; parce qu'Abraham la surmonte pour
obéira l'ordre do Diiui, il est récompensé et
proposé pour modèle ;» tous les hommes
(c xxn, v. IG). S'il a été conduit par un
mouvement de la grAce, plus invincible que
celui de la nature, où est le mérite de cette
action ?
Après que Dieu eut donné des lois aux
Hébreux, il leur dit par la bouche de Moïse :
La loi quc.je vous impose n'est ni au-dessus
de vous, ni loin de vous ; elle est près de
vous, dans voire bouche et dans votre cœur,
afin que vous t'accomplissiez J'atteste le
ciel et la terre que je vous ai proposé le bien et
le mal, les bénédictions et les malédictions, la
vie et la mort ; choisissez donc la vie, afin
que vous en jouissiez, vous et vos descend
dants, et que vous aimiez le Seigneur votre
Dieu (Deut., c. xxx, v. il et suiv.). Josué,
près de mourir, leur répète la même leçon
(c. xxiy, V. 14- et suiv.). Que pouvait-elle
signifier, si les Hébreux n'étaient pas libres
et maîtres absolus de leur choix? Les pro-
phètes su]iposent cette môme liberté, lors-
qu'ils reprochent à ce peuple ses infidéli-
tés, qu'ils l'exhortent îi se repentir et à
rentrer dans l'obéissance. Les Juifs, punis
par des châtiments éclatants, n'ont jamais
osé dire qu'ils n'avaient pas été libres d'évi-
ter les crimes dont ils étaient coujiablcs :
quelquefois ils ont prétendu qu'ils étaient
punis des péchés de leurs pères, et Dieu
leur a témoigné le contraire [Ezech., cap.
xvm, V. 2; Jerem., ca]i. xxxi, v. 29).
Le chAtiment n'aurait pas été ])lus juste, si
leurs projires fautes n'avaient pas été libres.
L'auteur du livre de l'Ecclésiastique le fait
très-bien sentir (c. xv, v. 11 et suiv.) : « Ne
dites point. Dieu me manque ; ne faites point
ce qui lui déplaît : n'ajoutez point, c'est lui
qui m'a égaré ; il n'a auciui besoin des im-
pies ; il déteste l'erreur et le blasphème. Dès
le commencement, il a créé l'homme et lui
a remis sa conduite entre les mains ; il lui a
donné des lois et des ccnnmandements : si
vous voulez les garder et lui être toujours
lîdèles, vous serez en sûreté. 11 a mis devant
vous l'eau et le feu, prenez celui qu'il vous
plaira. L'homme a devant lui le bien et le
mal, la vie et la mort, ce qu'il choisira lui
sera donné.... Dieu n'a commandé à per-
sonne de mal faire, et n'a donné à personne
lieu de pécher ; il ne désire point cîe multi-
plier ses enfants ingrats et infidèles. » Cet
auteur avait évidemment dans l'esimt les
paroles de Moïse ; il ne fait que les confir-
mer. Jésus-Christ semble y avoir aussi fait
allusion, lorsqu'il a dit : Si vous voulez
trouver la vie, gardez les commandements
{Matt., c. XIX, v. 17). Ses auditeurs, étonnés
des conseils de perfection qu'il leur donnait,
27i
i/B
LIB
27C
lui demandèrent : Qui pourra donc être
sauvé? Il leur répondit : Cela est impossible
aux hommes, mais tout est possible à Dieu
(Ibid., V. 20). Il suitpose donc que Dieu
rend possibles par sa grAce, non-seulement
les commandements, mais encore les con-
seils de perfection. A. quoi pensaient les in-
crédules, qui ont dit que ce divin Maître
n'a pas enseigné clairement la liberté- de
l'homme ? En parlant île sa morale, il dit que
c'est un joug agréable et un fardeau léger
[Matth., c. XI, V. 29) ; le serait-il, si Dieu ne
l'allégr-ait par sa grAce, et si la concupis-
cence était un joug invincible?
Saint Paul nous assure que Dieu, fidèle à
ses promesses, ne permettra pas que nous
soyons tentés au-dessus de nos forces (/
Cor., c. X, V. 13). Il en imposerait aux tidè-
les, si l'homme, dominé par la concupis-
cence, n'était pas le maître d'y résister. On
aura beau tordre par des subtilités le sens
de tous ces passages : ou les écrivains sa-
crés sont des sophistes qui ont violé toutes
les règles du langage, ou il faut avouer
qu'ils ont enseigné clairement et sans au-
cune équivoque la liberté de l'homme. Bayie,
qui a fait tous ses etforts pour renverser ce
dogme, est forcé de convenir que, s'il est
faux, tous les systèmes de religion tombent
par terre.
Dans l'ouvrage que nous avons déjà cité,
le père Pétm fait voir que tous les Pères de
l'Eglise ont toujours entendu par liberté
l'indiiTérence ou le pouvoir de choisir ; et
tom. III, de Opif. sex dier., 1. ui, k et 5, il
prouve que tous, sans excepter saint Au-
gustin, ont attribué ce pouvoir à l'homme
dans ses actions morales ; il répond aux pas-
sages que les hérétiques ont cherché dans
les ouvrages des Pères, pour obscurcir celte
vérité. Il traite encore la même question,
tom. IV, I. IX, cap. 2 et suiv. On ne peut
apporter plus d'exactitude dans une discus-
sion théologique ; mais il ne nous est pas
possible d'entrer dans le môme détail. Ce-
pendant les théologiens hétérodoxes pré-
tendent que les Pères qui ont combattu les
péla^iens, et en imrticulier saint Augustin,
ont soutenu contre ces hérétiques que, i^ar
le péché d'Adam l'homme a été dépouillé de
sa liberté.
11 y a ici une grossière équivoque dont il
est aisé de démontrer l'illusion. Qu'enten-
dait Pelage par liberté ou libre arbitre? Il
entendait une égale facilité de faire le bien
ou le mal, une espèce d'équihbre de la vo-
lonté humaine entre l'un et l'autre ; c'est en
cela qu'il faisait consister Vindijjérence ;
saint Augustin nous en avertit, et c'est en-
core ainsi que les calvinistes définissent la
liberté d'indijférence {Ilist. du Manich., liv.
vu, ch. 2, § *) ; notion fausse s'il en fut ja-
m.iis. Voici, dit le saint docteur, coumient
Pelage s'est exprimé dans son ])remier livre
du Libre arbitre : « Dieu nous a donné le
pouvoir d'embrasser l'un ou l'autre parti
le bien ou le mal) L'homme peut k son
ré produire des vertus ou des vices
"çius naissons capables et non remplis de
r>
l'un ou de l'autre ; nous sommes créés
sans vertus et sans vices. » (Saint Augustin,
L. de Grat. Christi, c. xviii, n. 19 ; L. de Pec.
orig., cap.xni, n. lY). Julien soutenait en-
core cet équilibre prétendu [L. 3, Op. imperf.,
n. 109 et 117) ; et les semi-pélagicns avaient
retenu la môme notion du libre arbitre
(Saint Prosper, Epist. ad August., n. 4).
Delà les pélagiens concluaient que la néces-
sité de la grâce détruirait la liberté, parce
qu'elle inclinerait la volonté au bien et non
au mal. Voy. saint Jérôme, Dial. 3 contra
Pclag., etc. Si l'on perd de vue cette notion
pélagienne do la liberté, on ne comprendra
rien à la doctrine de saint Augustin, et on
ne réussira jamais à concilier ce saint
docteur avec lui-même. 11 soutient avec rai-
son que la liberté, ainsi conçue, ne s'est
trouvée que dans Adam avant son péché ;
que, par sa chute, l'homme a perdu cette
grande et heureuse liberté ; que, par la con-
cupiscence, il est beaucoup plus porté au
mal qu'au bien ; qu'il a besoin du secours
de la grâce pour rétablir en lui l'indifï'érenco
telle (pie Pelage la concevait (L. de Spir. et
Litt., c. XXX, n. 52 ; L. 3, contra duasEpist.
Pelag., c. viii, n. 24 ; Epist. 217 ad Vital.,
c. III, n. 8; c. vi, n. 23, etc.); qu'ainsi la
grâce, loin de détruire le libre arbitre, le
répare et le guérit de sa blessure (L. de
Grat. Christi, cap. xlvii, n. 52; L. de Grat.
et Lib. arb., c. i, n. 1, etc.). « Qid de nous,
dit-il, prétend que le genre humain a perdu
sa liberté jiar le i)éf hé du premier homme?
Ce péché a détruit une liberté, savoir, celle
que l'homme avait dans le paradis de con-
server une parfaite justice avec l'immorta-
lité Mais le libre arbitre est si bien de-
meuré dans les pécheurs, que c'est par là
même qu'ils pèchent, puisqu'en péchant ils
font ce qui leur plaît, «(i. i contra duas Ep.
Pelag. , cap. ii , n. 5). « Comment Dieu nous
donne-t-il dis lois, s'il n'y a plus de libre
arbitre» (L.de Grat. et Lib. arb., c. ii, n. 4).
« Sans libre arbitre, l'obéissance serait nulle »
{Epist. 214 ad Valent., n. 7, etc.).
11 est donc constant, selon la doctrine de
saint Augustin, que quand l'homme se porte
au mal, il n'y est point entraîné invinci-
blement par la concupiscence; que quand
il lait le bien, il n'y est point déterm né ir-
résistiblement par la grâce; que, dans l'un
et l'autre cas, il a un vrai pouvoir de choisir,
et qu'il agit avec une pleine liberté. Jamais
on n'a nommé choix ce qui se fait par né-
cessité (1)
Lorsque l'évêque d'Ypres, en suivant Cal-
(1) Si qiioli(ii'uii dil qii(>, depuis te péché d'Adam,
le liljie arl)iuc de l'hoiurne est perdu el éleinl ; (pie
ce n'est (pi'iin iioiii sauà réalité, ou eiilin une licdoii
et une vaine injagination que le démon a iniroduilc
dans l'Eglise, qu'il soil anallicine! (C. de Treriti', vi'
Sesi., Ilccr. de In jiislif., c. 5.) — Si (pielqn'un dil
qu'il n'est pas au pouvc'r de l'homme de prendre des
voicîs mauvaises, mais que Dieu opère les mauvaises
œuvies aussi hieii que les honnes , non-seulement en
tant ipi'il tes permet, mais proprement et par lui-
nii me; en sorie (pie la Iraliison de Jud is n'est pas
moins son propre ouvrage que ta vocai'on de saint
Paul, qu'il soit analhèwe ! (C. vi, V. Justijicalioii-)
277
un
LIB
278
vin, a posé pour maxime que, aans l'état de
nature tombée, il n'est pas nécessaire, poiii
mériter ou démériter, d'étro exemi)t do
ïiécessité, qu'il suffit de n'être pas contraint
ou foi'cé, il contredit tout à la fois l'Ecriture
sainte, le sentiment do saint Augustin, le té-
moignage de la conscience et le sens com-
mun de liius les hoipmes. — 1° L'Eciiture
sainte dit et su()i)osa que l'homme est maî-
tre de choisir le Lien ou le mal ; s'avisa-t-on
jamais de regarder comme un choix ce que
l'homme fait ou éi)rouve par nécessiié ,
comme la faim, la soif, la lassitude, le som-
meil, la duuleur ; et de lui faire un mérile
ou un crime de ces dilférents états? L'Ecri-
ture nous assure que l'I omme est maître de
ses actions : que la loi de Dieu n'est point
au-dessus de nous; que Dieu ne permettra
point que nous soyons ttntés au-dessus
de nos forces ; elle ne veut point que, poiu"
excuser ses fautes, le péciieur allègue son
impuissance, etc. Tout cela serait faux si
l'honmie , invinciblement entraîné tantôt
jiar la ci ncupisc(mce, et tantôt parla grâce,
cédait nécessairement à l'une ou à l'autre,
n'avait pas un vrai pouvoir de résister à
l'une et à l'autre. — 2° Si saint Augustin avait
penséque ce pouvoir n'était pas nécessaire,
il ne se serait pas donné la peine de ré-
futer ni les i)élagiens qui disaient que la
grâce détruirait le libre arbitre; ni les ma-
. nichéens qui supjiosaient l'homme invinci-
blement entraîné au mal. 11 avait dit à ces
derniers [L. m de Lib arb., cap. xviii, n. 50,
et c. XIX, n. 53): « Si l'on no peut pas résis-
ter ^ la mauvaise volonté, on lui cède sans
péché Car qui pèche en ce qu'il ne peut
pas éviter? L'ignorance, ni l'impuissance, ne
vous sont pas imputées à péclio, mais la
négligence à vous instruire et la résistance
à celui qui veut vous guérir. » 11 répète et
contirme la même chose dans ses ouvrages
contre les péla,.^iens {L. de Nat. et Grat.,
cap. Lxvu, n. 80 ; L. i lictract., cap. ix). 11 a
retenu constamment la délinition qu'il avait
donnée du péché, en disant que c'est la vo-
lonté défaire ce que la justice défend, et ce
dont il nous est libre de nous abstenir (L.i
Retract., cap ix, 15, 26). Il avoue cependant
que cette définition ne convient point au
péché originel, qui est la suite et la peine
du péché de notre premier père ; mais il no
s'ensuit rien. Ce serait une absurdité de
comparer le péché originel de la nature hu-
maine tout entière avec les péchés person-
nels et libres que commet chaque particu-
lier. — 3" Le sentiment intérieur, ouïe té-
moignage de la conscience, est pour nous
le souverain degré de l'évidence : saint Au-
gustin lui-même y rappelait les manichéens
I)ourles forcer do reconnaître le libre arbitre :
et selon saint Paul, c'est par ce témoignage
que Dieu jugera tous les hommes {Rom., cap.
II, V. 15]. Aussi saint Augustin dit que, pour
justifier lejugement de Dieu, il faut alfran-
cliir le libi-e arbitre de tout lieu de nécessité
(Contra Faust., 1. ii, c, vj. Or, quand nous
sitivons le mouvement de la grâce qui nous
porte à une bonne œuvre, ou quand nous
nous laissons dominer par la coucupiscenre
qui nous entraine au mal, la lonscionce nous
atteste ([ue nous sommes maîtres de résister;
c'est pour cela que, dans le premier cas,
nous nous savons bon gré de notre action,
et que, dans le second, nous avons des re-
mords, et nous nous repentons. 11 n'en est
pas de même lorsqucnous senlous (pic nous
avons agi par nécessité. Donc la conscience
nous convainc que, pour niéiiler ou démé-
riter, il est nécessaire d'être exempt non-seu-
lement de violence et de conction , mais
emore de nécessité. Dieu prend-il plaisir à
tromper en nouslesenliuionl intérieur, pen-
dant qu'il renvoie continuellemeni les pé-
cheurs au jugement de leur [iropre c i ur, et
qu'il en appelle à ce jugement pour justifier
sa conduile à leur égard ? — k" Ainsi jugent
fous les hommes, non-seulemenl de leurs
)roj>res actions, mais encore des actions de
eurs semblal)les. Chez aucune natiftn policée
l'on n'a établi des peines puur les délits que
l'homme n'a jias été le maître d'éviter; on
ne punit point les enfants, les iripensés ni
les imbéciles, parce que l'on pense qu'ils
agissent jiar nécessité comme lesbrutes : on
ne jirétend|)as pour cela ipi'ils sont violentés
ou forcés. Quelque préjudice que la société
reçoive d'une action qui n'a pas été libi-e,
on la regarde couime un malheur et non
comme un crime. Croirons-nous la justice
de Dieu moins équitable ou moins compa-
tiss.inte que celle des hommes, ou nomme-
rons-nous justice en Dieu ce que nous appel-
lerions tjjrannie de la [lart des hommes ?
Dieu lui-même ne dédaigne pas d'en apiieler
à leur tribunal : Jugez, dit-il, en parlant du
peuple iuiî, jugez entre moi et ma vigne, etc.
{]saï, c. v, v. 3).
Nous savons que saint Paul a nommé la
concupiscence pi'clie' et toi de péché, quoique
les mouvements de la concupiscence ne
soient pas libres; mais, dans le style de l'Ecri-
ture sainte, péché signifie souvent défaut,
imperfection, vice involontaire, et non faute
imputable et punissable. «La concupiscence,
dit saint Augustin, est ap})elée péché, parce
qu'elle vient du péché, et qu'elle nous porte
au péché malgré nous.» {L. de Pcrfec.justi-
tiœ, c. XXI, n. k% ; L. de Continenttâ, c. m,
n. 8; L. i, contra dtias Epist.Pelag.,c. xiii,
n. 27; L. i, Retract., c. xv, n. 2; L. n Op.
imper f., n. 71 ; Epist. 196, ad Ascii., c. ii,
n. 0!. 11 n'est donc pas ici question de dé-
mérite ni d'action punissable. A ce même
sujet, saint Augustin dit qu'il y a des choses
faites par nécessité que l'on doit désapprou-
ver : Sunt ctiamnecessilatc fada improbanda
[L. m, de Lib. arb., c. xviii, n. 51); mais
autre chose est de les désapprouver comme
un défaut, et autre chose ae les punir; on
n'approuve jioint les mauvaises actions des
insensés là des imbéciles; il ne s'ensuit pas
qu'il faille les j)unir, et que ce sont des pé-
chés imj)Utablcs. A la vérité, le saint docteur
ne s'est pas toujours exprimé avec la même
exactitude que les théologiens obsuij
aujourd'hui ; souvent il a confondu le "
de volonté avec celui de liberté, ei il '"
279
LIB
LIB
330
/f
à celui de nécessité; il dit que ce qui se fait
par nécessité se fait par nature, et non par
volonté ; il appelle volontaire ce qui est en
notre pouvoir , et par conséquent libre :
« Nous devenons vieux, dit-il, et nous mou-
rons, non par volonté, mais par nécessité,
etc. ( L. m de Lib. arb., c. i, n. 1 et 2 ; c. m,
B. 7 et 8 ; L. de Diiab. animab., c. xii, n. 17 ;
L. i Retract., c. xv,n.6; EpistA&&,n. 5, etc.)
Dans le premier livre de ses Rétractations,
c. XIV, n. 27, il dit que le péché originel des
enfants peut, sans absurdité, être appelé îjo-
lontaire, parce qu'il vient de la volonté du
j)! emier homme ; mais si ce n'est pas là une
absurdité, c'est du moins un abus de terme
absolument contraire aux passages que nous
venons de citer, et qui détruit les réponses
que saint Augustin avait données aux mani-
cliéens. Peut-on dire du péché originel des
enfants qu'il leur est libre, qu'il est en leur
pouvoir, qu'ils sont souillés du péché par
volonté, et non par nature et par nécessité ?
On a fait grand bruit de la maxime établie
par ce saint docteur, que nous agissons né-
cessairement selon ce qui nous plaît davan-
tage; comment n'y a-t-on pas vu une nou-
velle équivoque? L'homme qui, aidé de la
grâce, résiste à l'attr.iit d'un plaisir défendu,
ne fait certainement pas ce qui lui plaît le
plus, puisqu'il se fait violence; il agit par
raison, et non par délectation ou par plaisir;
la prétendue nécessité à laquelle il obéit,
vient de son choix et de l'exercice de sa li-
berté : la grâce ne peut être appelée délecta-
tion que parce qu'elle agit sur notre volonté
même, qu'elle ne nous fait point violence,
et ne nous impose aucune nécessité. Ce
n'est pas sur des expressions captieuses qu'il
faut fonder des systèmes théologiques, ou
juger de la doctrine de saint Augustin.
Personne n'a mieux réussi à embrouiller
cette question que Beausobre {Hist. du Ma-
nich., 1. vu, c. ii, § i). H s'agissait de savoir
si les manichéens admettaient ou niaient la
liberté de l'homme. On peut, dit-il, entendre
par liberté, \r la spontanéité ; celle-ci n'ex-
clut que la violence ou la contrainte, et non
la nécessité ; 2° le pouvoir de faire le bien
et de s'abstenir du mal ; 3° l'indifférence ou
le parfait équilibre de la volonté entre l'un
et l'autre. Selon lui, avant la naissance
du pélagianisme , les Pères de l'Eglise
et saint Augustin lui-même ont attribué
à l'homme la liberté dans ce troisième
sens ; ils l'ont ainsi soutenue contre les
marcionites et les manichéens ; mais en
combattant contre les pélagiens, saint Au-
gustin changea de système, et nia ce libre
arbitre qu'il avait autrefois défendu. Depuis
celte époque, l'on a disputé pour savoir si
1 homme a perdu par le péché le pouvoir de
faire le bien, et n'a conservé que celui de
faire le mal ; le pour et le contre ont été
soutenus, du moins dans rEgliselatino(7&!f/.,
§ 7 et IV). De Ik Beausobre conclut que les
-l)ianichéens n'ont pas plus nié le libre arbi-
. jh-e que saint Augustin, et tous ceux qui l'ont
suivi.
Tout cela «st faux et captieux. 1° l'I est
faux qu'avant la naissance du pélagianisme
les Pères aient attribué aux enfants d'Adam
la liberté pélagienne, l'équilibre de la vo-
lonté entre le bien et le mal, le pouvoir égal
de faire l'un ou l'autre. Ils l'ont .ittribué à
Adam innocent, mais non à l'homme souillé
du péché ; ils ont cru, comme l'Eglise le
croit encore, que par le péché d'Adam le li-
bre arbitre a été non détruit, mais affaibli ;
que la volonté hunoaine a été dès lors plus
inclinée au mal qu'au bien, qu'ainsi l'équi-
libre a cessé d'avoir lieu. Mais le libre arbi-
tre ne consiste point dans cet équilibre,
comme le voulaient les pélagiens ; il consiste
dans le pouvoir de choisir entre le bien et le
mal : or, malgré l'inclination au mal, que
nous appelons la concupiscence, l'homme a
conservé le pouvoir du choix, puisque cette
inclination n'est pas invincible. "Tous les
jours nous nous déterminons par raison îi
choisir le parti pour lequel nous nous sen-
tons le moins d'inclination, pour lequel
même nous avons de la répugnance. C'est
alors que nous sentons le mieux que nous
sommes libres, c'est-à-dire maîtres de nous-
mêmes, maîtres de nos inclinations et de
nos actions. Ce pouvoir a été nommé par les
théologiens liberté d'indifférence ; mais ils
n'ont jamais entendu (lar là l'équilibre pré-
tendu de Beausobre et des pélagiens. — 2° Il
n'y a que di s hérétiques qui aient osé sou-
tenir que, par le péché d'Adam, l'homme a
perdu absolument le pouvoir de faire le
bien, et qu'il n'a plus que celui de faire le
mal ; jamais l'Eglise n'a autorisé cette er-
reur des manichéens ; jamais saint Augus-
tin, ni aucun autre Pèie, ne l'a soutenue.
On a seulement enseigné que l'homme n'est
plus capable de faire une bonne œuvre sur-
naturi lie et méritoire pour le salut, qu'il lui
faut pour cela le secours de la grice. Mais
l'on peut soutenir sans erreur qu'il a le pou-
voir de faire, par un motif naturel et par ses
forces naturelles, une action moralement
bonne qui n'est point un péché, quoiqu'elle
ne soit d'aucune valeur pour le salut. —
3° Il est faux que les manichéens aient ac-
cordé à l'homme la même liberté que les
Pères de l'Eglise ; qu'ils n'aient point imposé
à sa volonté d'autre nécessité que celle dont
parle saint Paul. Les preuves que Beausobre
apporte du contiaire témoignent seulement
ou que ces hérétiques enl affirmé fausse-
ment qu'ils admettaient le libre arbitre ,
pendant qu'ils posaient des principes con-
traires, ou que souvent, dans la dispute, ils
y ont été réduits par leurs adversaires. C'est
le cas dans lequel se trouvent la plupart des
sectaires , parce qu'ils sont ordinairement
aussi peu sincères que mauvais raisonneurs.
Mais Beausobre a trouvé bon de justifier les
manichéens, pour rejeter tout le blâme sur
les Pères de l'Eglise.
Il faut donc distinguer soigneusement l'ao-
tion volontaire d'avec un acte libre, et ne
point les confondre, comme l'on fait souvent,
dans les discours ordinaires. Un acte volon-
taire est celui qui se fait avec connaissance,'
mais souvent sans réflexion, en vertu d'un
381
LIB
LIB
28*
pcHchant qui nous y porte, et non d'un mo-
lif qui nous y déterinine. Si ce pent'liant est
tellement violent que nous no soyons jias
maîtres d'y résister, l'acte n'est ni contraint
ni forcé, puisqu'il ne vient point d'une vio-
lence extérieure : il est volontaire, mais il
n'est pas libi-e ; il vient de la nature et de la
nécessité. Ainsi, un liomme pressé par la
faim désire nécessairement de manger ; un
homme accablé par le sommeil s'endort né-
cessairement ; un iiorame etl'rayé par un
danger subit tremble et fuit par nécessité :
la cause de ces actes n'est point un motif ré-
fléchi et délibéré, mais une disposition mé-
canique di's organes qui vient de la nature
ou de l'haliitudf ; dans ces dilTérents cas
l'homme n'agit point par choix ni avec /«'-
herté ; aucun de ces actes n'est punissable ni
imputable à péché en lui-même, mais seule-
ment dans sa cause, lorsqu'elle vient de
quelques actes libres. Un acte libre est celui
qui se fait avec attention et réflexion, par
choix et par un motif, avec un vrai pouvoir
de résister k ce motif et de faire le con-
traire ; riiomme pressé par la faim ne dira
point : Je suis libre de désirer ou de ne pas
désirer de manger, ce désir est de mon
choix ; mais il dira : Quoique j'aie un désir
violent de manger, je suis encore libre de
résister et de m'en abstenir, ou de différer.
Si le besoin et le désir étaient parvenus à
un degré de violence qui ne laissM plus
à l'homme le pouvoir de résister, alors la
volonté efficace de manger et l'action qui
s'ensuivrait, ne seraient plus libres. Dans
un sens, plus la volonté est entraînée vers
un objet, plus l'acte est volontaire, moins
il est libre: c'est le cas des pécheurs d'ha-
bitude ; mais comme cette habitude a été
contractée librement, elle ne diminue point
la grièveté des crimes qu'elle fait com-
mettre; au contraire, une action est parfai-
tement libre, lorsque, par un motif réfléchi
et par un mouvement de la grâce , nous
résistons à une inclination violente ou à une
habitude invétérée : jamais l'homme n'est
plus évidemment maître de lui-même et
de ses actions , que quand il commande
cl une passion et réussit à la dompter ; alors
il fait, non ce qui lui plaît davantage , mais
ce qu'il doit ; il suit sa conscience et non
son penchant : c'est en cela môme que con-
siste la vertu, qui est la force de l'âme.
Telles sont les notions que le bon sens
dicte à tous les hommes : vouloir les com-
battre par les abstractions métaphysiques,
par des passages de l'Ecriture sainte ou des
Pères, mal entendus et mal expliqués, c'est
autoriser, non-seulement les sophismes des
fatalistes, mais encore l'entêtement des pyr-
rhoniens.
On a toujours remarqué que les sectes de
nhilosophes ou de théologiens qui attaquaient
le libre arbitre. aÛ'ectaient d'enseigner la
morale la plus rigide ; ainsi les stoïciens,
paitisans de la fitalité, se distinguaient par
le rigorisme de leurs maximes. N'en soyons
pas surpris. Si au tlogme de la nécessité, qui
ne tend à rieu moins qu'à justifier tous les
crimes, ils avaient encore ajouté une morale
relAcliée, ils se seraient rendus trop odieux ;
il fallut tlonc, pour en imposer au vulgaire,
se parer d'une morale austère. Mais les an-
ciens n'ont pas été dupes de cet artifice ;
Aulu-Gelle et d'autres regirdèrent les stoï-
ciens comme une secte de fourbes et d'hypo-
crites : il est difficile d'avoir meilleure opinion
de leurs imitateurs. Dans le système de la fata-
lité ou de la nécessité de nos actions, ce
n'est plus l'homme, mais c'est Dii'u qui est
l'auteur du péché; Calvin, qui l'a senli, n'a
pas hésité de proférer ce blasplième : vai-
nement ceux qui suivent la môme opinion
veulent-ils esquiver cetti^ horrible consé-
quence; elle saute aux yeux do tous les
hommes non prévenus. Voy. Grâce, Péché,
Volonté de Dieu , etc.
* Liberté des Eglises. Dans une vaste monarchie,
dont les provinces s'étendent au loin et sons des cli-
mats divers, il s'établit des coutumes que le prince
tolère; parce ([u'il comprend que les habitudes, le
pays, le climat, ne permettent pas de plier tous les
sujets d'un empire aux mêmes lois; il y a uiie tolé-
rance sur les points secondaires. [^'Eglise forme le
plus vaste gouvernement qui existe sur la terre, puis-
(|u'elle ne connaît d'autres limites (|ue celles de l'u-
nivers. 11 était de sa sagesse de tolérer certains usa-
ges en matière de discipline, de respecler des coutu-
mes qui ont pris naissance dans les habitudes d'un
peuple ou dans la nécessité de sa position. Ces usa-
ges, ces coulumes, que l'Eglise respecte, sont une
dérogation aux lois générales de l'Eglise. On le»
nomme liberi^s d'une Eijlise. Il est peu d'Eglises qui
n'aient les leurs, parce qu'il y en a peu qui n'aient
des usages particuliers. Pour être légitimes elles
doivent être revêtues de quelques conditions.
Les libertés d'une Eglise ne doivent nuire en rien
aux droits du souverain pontife eldu concile général.
Il est bon de remarquer que toute espèce de coutume
ou de liberté est l'ondée sur le consentement au
moins tacite du souverain pontife; car le pape jouit
sur l'Eglise universelle d'une juridiction absolue,
qu'aucune Eglise particulière ne peut liniiler a son
gré. De là suivent plusieurs conséquences extrême-
ment importantes. i°Que le pape et le concile général
ont le droit d'abroger toutes les libertés de toutes les
églises particulières. Ce pouvoir découle de la puis-
sance législative qui leur appartient; 2" Que toutes
les Eglises particulières, nonobstant leurs liberiés,
sont tenues d'obéir aux décrets des souverains pon-
tifes et des ccnciies généraux, nicme concernant la
discipline, à moins qu'il ne soit constant qu'ils n'aient
pas voulu déroger aux coutumes légitimement elablies.
il arrive quelquefois que les papes ne veulent pas
porter alleinte aux coutumes légitimement elablies,
d'autres fois ils veulent ramener l'Eglise ;i l'unil'ormité
sur certains points. Dans ce dernier cas, la liberté et les
usages doivent céder ; c'est ce qui arriva relativement
il l'usage des églises de l'Asie-.Mineure de célébrer la
fête de Pâques le 14' delà lunede mars. Le concile de
Vienne condamna celte coutume et les contreignit à
se conformer à la discipline générale.
D'après la notion que nous venons de donner des
libertés d'une Eglise, on voit qu'elles sont très-légi-
times en elles-mêmes, conformes à l'esprit de cha-
rité de l'Eglise. Les esprits qui les condamnent ab-
solument, qui voudraient faire passer un Jiiveau ab-
solu sur tous les fidèles, sont aussi condamnables que
ceux qui leur donnent une étendue exagérée, qui,
par une pensée schismalique, prétendent abuser des
libertés de leur Eglise pour se soustraire aux décrets
légiiiuies des souverains pontifes et des conciles. gé-
néraux.
^LiEERTÉs ii£ l'Eglise cailicane, Il est peu ds
285
UB
LIP
iU
questions qui aient plus remué l'Eglise de France que
celle-ci; elle mérile d'être exposée avec une certaine
étendue. Nous ferons d'abord connaître les princi-
paux recueils où sont renfermés nos prétendues li-
bertiS, ensuite nous en donnerons un expose suc-
cinct; enlin, nous les apprécierons au point de vue
de l'intérêt de l'Eglise et de la conscience.
I. {'rmiipaiix recueils de nos Uheii'S. Pierre Pi-
Ihou, jurisconsulte et éruiiit célèbre, né à Troyes en
1559, élevé dans le calvinisme, est le premier, que
nous sachions, qui ait rédigé en série d'articles et
comme en formules ce qu'il est convenu de nommer
le$ libertés de l'Eglise gnliicane. Jamais, du reste,
l'épiscopat français ne voulut reconnaître ni approu-
ver cette réilaclion du légiste. Pitliou s'était converti
à la Ici catholique ; mais il est permis de croire, d'a-
près sa conduite et ses ouvrages, qu'il lui était resté
quelque chose de l'esprit de schisme et d'héiésie. Sa
doctrine sur la pui^sance spirituelle et temporelle,
son opposjtion contre le saint-siége, ne sont pas d'un
enfant dévoué de l'Eglise.
Ce fut Pierre Du Pny, né en 1382, qui publia l'é-
norme traité des Pre<'i<e» des libertés de CEcjlisf galli-
cane. Ce traité lut censuré avec beaucoup de force
et de raison par l'assemblée du clergé de 1G51). Elle
qualifiait les pri tendues libertés par ces paroles ex-
pressives : Servantes potins giium tiberlales ; ce sont
des servitudes plutôt que des libertés. Dn Puy ,
comme Pithou, s'esi attaché dans ses ouvrages à dé-
primer Tau toii té ecclésiastique, en laveur de laquelle
cependant la force de la vérité lui arracha de pré-
cieux lémoignages. On peut, en gramle partie, faire
remonter à ces deux bomntes la chaîne des magis-
trats et desj\irisconsultes qui voulurent plus on moins,
et à peu pri s à toules les époques, soumettre l'Eglise
au pouvoir temporel. Le cours de leurs idées prit sa
source dans les doctrines mêmes protestâmes. Le
XVI "^ siècle les voyait déborder de toutes parts. Ri-
cher ne sut pas se soustraire à ces funestes influen-
ces. Syndic de la Faculté de théologie de Paris en
1608, il soutint dans son livre De lu l'iii-iance icclé-
tiusnqne el inililique, que tout droit de gouvernement
soit spirituel, soit temporel, résidait dans la com-
niiinaulé, i:'esl-à-dire dans le peuple; que les évo-
ques leuaieut leur juridiction du peuple non moins
que les magistrats. Richer rétracta ses erreurs; mais
le r,cliéris:ne lui survicut ; el, sous un nom ou sous
un autre, il cnfanla bien des maux.
Marc Antoine de Dominis, archevêque de Spalatro,
apostasia en Angleterre vers l'aniiic 101(5; il soutint
dans ses ouvrages les principes de Richer. Revenu
en Italie, il condamna solennellement l'hérésie qu'il
avait piofessée ; mais ou ne l'ut jamais bien assuré de
la sincérité de son retour. Le jansénisme avait be-
soin du richérisme el l'embrassa ; le trop fameux
P. Quesnel l'enseigna dans la quatre-vingt-dixième
proposition extraite des Réflejtiuns morales : le cano-
niste Van Espen, ardent promoteur du schisme d'U-
trechl, voulut aussi remettre aux mains du magistrat
ou du peuple les droits de la juriiiiciion spirituelle.
Louis Ellies du Pin, partisan trop avoué des jansé-
nistes, de Richer et même de l'auglicanisme, s'at-
tira, au milieu de ses volumineux travaux, les plainles
sévères de Bossuei, (jui le dénonça à M. De Marlay,
archevêque de Paris. Ce prélat condamna du Pin, et
supprima les premiers volumes de sa biblioihèquc
ecclésiastique. D'Iiéricourt, avocat au parlement,
dans ses Lois ecclésiusiiijues, laissa trop percer aussi
le penchant à abaisser la puissance spirituelle ; et
les jansénistes ne manquèrent pas, dans leur infati-
gable lôle d'éditeurs, de donner une édition de cet
ouvrage, où ils insérèrent des notes que leur esprit
bien connu avait dictées. Au nom des liberiés de l'E-
glise, ils appelaient sur l'Eglise l'oppression du ma-
gistrat.
La philosophie du xviii' siècle, qui s'alliait, au be-
soin, avec le jansénisme, adopta volontiers ses idées
sur l'asservissement de l'autorité spirituelle. Vol-
taire, «luand il souffre ou permet une religion el un
sacerdoce, entend bien qu'il n'y ait dans l'Eiat qu'un
seul et même pouvoir réglant les choses religieuses
et politiques. Cela devait être : philosophes, apôtres
de la liberté, sectaires, tous voulaient pour eux-
mêmes, la licence, et à l'égard de l'Eglise catholique
seule la plus cruelle intolérance, le despotisme le
moins déguisé.
Enûn parut Febronius ou plutôt Jean-Nicolas de
Honlheim , évoque de îlyriophile in parlibus, suffra-
gant de Trêves, qui, sous le pseudonyme de Febro-
nius, publia à la (in du xYiir siècle une compilaiion
indigeste, où les droits de l'Eglise, ceux de la pri-
mauté romaine, ceux des évèipies, sont onlrageuse-
ment trahis et asservis au pouvoir civil. Joseph U,
nous l'avons déjà rappelé, n'avait que trop profité de
ces leçons du schisme. Mais Febronius, du moins,
abandonna ses erreurs, et Pie VI se félicita de son
relour dans une allnculion adressée au sacré collège.
Le même poiuife, dans divers brefs et surtout dans
la bulle Auctorem fidei, fulminée contre l'évêque jan-
séniste Ricci et contre son synode lenu à Pisloie,
condamna ces téméraires et iiernicicuses doctrines.
La constitution civile du clergé, qui en était le triste
fruit, fut réprouvée comme elle le mcrilait par l'una-
nimité, moins quatre, des évêques de France, et
condamnée aussi par Pie VL On retrouve malheureu-
sement encore, dans la loi de germinal au X, dans
les prélentions de quelques légistes de nos jours, trop
de traces de cel esprit d'inquiétude et d oppression
à l'égard de l'Eglise.
Nous avons vu, de nos jours, M. Dupin donner un
recueil de nos libertés dans son Manuel , ouvrage
écrit entièrement dans des idées parlementaires. Il
a été condamné par l'épiscopat français.
IL Les canonistes ne sont point d'accord sur le
nombre des libertés de l'Eglise gallicane. Les uns
les foui nionler au nombre de quatre-vingt-trois, les
autres, à treize seulement. Mgr de Frayssinous, dans
son livre des l'r«is principes de rtùjlise gallicane,
les ramène à quatre ou cinq. Nous nous conten-
tons de citer celles-ci :
1" Le tribunal de l'inquisition n'est point admis
en France.
2» Les bulles des papes qui concernent le for exté-
rieur n'ont pas ordinairement force en France , et
ne peuvent être exécutées , à moins qu'elles n'aient
été enregistrées par le conseil d'Eial. Cette libeité,
ou plutôt celle servitude a été inscrite dans les arti-
cles organiques. Nous la croyons peu compatible avec
notre nouvelle constitution. Il est constant que dans
les circonstances telles que des troubles longs et
prolongés, on ne lient aucun compte de l'enregistre-
Hient.
On a dû remarquer que nous ne parlons ici que
des bulles qui concernent le for extérieur. Tel serait
l'établissemenl d'une fête, etc. Mais lorsque la
bulle est purement dogmatique , qu'elle concerne
les mœurs, ou qu'elle accorde des faveurs qui n'ont
aucune action publique au for extérieur, l'en-
registrenient n'est nullement nécessaire pour y être
soumis ou pour profiter des grâces qui sont accor-
dées.
5° Les sujets du roi de France ne peuvent être ci-
tés ou contraints à paraître devant un tribunal étran-
ger sous prétexte d'appellation ou de jugement.
4° Le nonce du pape n'a aucune juridiction en
France ; il est traité comme l'ambassadeuir d'une
puissance étrangère. Le légal a /«(m-, qui jouit d'une
véritable juridiction, ne peut y être reçu que du con-
sentement du pouvoir temporel.
5° Les décisions des congrégations des cardinaux
n'ont chez nous d'autre force <|ue l'autorité de doc-
teurs instruits ; mais leurs décisions disciplinaires
ne sont point obligatoires.
III. U est très-lacile de juger, d'après ce que nous
S8S
LIB
LIB
266
avons dit dans notre article Liberté des Eglises,
que les liberlés de l'Eglise gallicane peuvent être
suivies en conscience. Nous devons observer que le
calholic|iie ne doit pas les inlerpréler dans le sens
scliisiiiatique des parlements. Ce (|ui laisait dire à
Fleiirv : i Qiiel(iues mauvais Français réfugiés hors
du royaume pouriaienl l'aire un traité des sermtitdes
de l'Eglise gallicane, coninie ou en a fait de ses li-
bertés, et ils ne nianqui'raienl pas de preuves" {Dis-
cours sur les liberlés de riùflise ijallirane). i 11 avait
dit encore : < La grande serviluile de l'Eglise galli-
cane, s'il est permis de parler ainsi, c'est l'étendue
excessive de la juridiction séculière. > Bussuct ne
parlait pas dilléreumu'iit dans sa lettre au cardinal
d'EsIrée : i Je fus indispensahlemoiit obligé ( dans
mon sermon sur l'Unili) à parler des liberlés de l'E-
glise g illicane, et je me proposais deux choses : l'une
de le faire sans auciuie diminution de la vraie gran-
deur du sainl-sii'ge ; l'autre , de les expliquer de la
nuini. re que les enlenclcnl les évoques el non pas de
la manière que les entendent les magistrats. >
Liberté ciiuktii;nne. Ltitlier, Calvin et
quelques-uns de leurs disciples, ont iiréteiniii
que, par le bapliMiio, un ehrélien ne contracte
point d'aulre ( hligalion (jue d'avoir la loi;
qu'en veitii de la lihi'tti^ (pi'il acquiert par
ce sacrement, son salut no di'-pend plus do
l'obéissance h la loi de Dieu, unis seulement
de la foi ; qu'il est allianclii de toute loi ec-
clésiastique, de tous les vœu\ qu'il a faits
ou qu'il peut faire dans la suite. Pour étayer
ces oireurs, ils ont abusé de quelques pas-
sages dans lesquels saint Paul déclare (ju'uu
baiitisé n'est plus assujetti à la loi de IMoïse ;
mais jouit do la libcrlé i\cs enfants de Dieu.
Il est étoiHiant que les scctairi'S n'en aient
pas encore conclu qu'un chrétien est (illran-
clii de toute loi civile, qu'aucune puissance
liuinaiiie n'a droit d'imposer des lois à un
homme baptisé.
Le concile de Trente a proscrit cette mo-
rale absurde et séditieuse, sess. 7, de Bapl.,
can. 7, 8 et 9. !1 dit anathème à ceux ([ui
soutiennent qùc. par le baplt^-me un lidèle n'est
oblijjé (ju'à croire, et non à observer toute
la loi de Jésus-Ciiiist ; à ceux qui disent
qu'il eslaU'ranclii de toulc loi crclé>iastique,
écrite ou insinuée par la tradition, qu'il n'y
est assujetti qu'autant qu'il veut Ijien s'y
soumettre ; à ceux qui enseignent que tous
les vœux faits après le baptême sont absolu-
ment nuls, dérogent à la dignité de ce sa-
cieiuent et à la foi que l'on y a promise à
Dieu.
Comiuent de prétendus réformateurs, qui
faisaient profession de s'en tenir à la lettre
de l'Ecrilure sainte, ont-ils osé la contre-
dire aussi ouvertement "? Lorsqu'un homme
demande à Jésus-Christ ce qu'il faut faire
pour avoir la vie éternelle, ce divin Maître
ne lui lépond pas, croyez, mais (jardcz 1rs
commandnnents [Malth., c. m\, v. 17). Il dit
qu'au jour du jugement les méchants seront
coudaiiinés au feu éternel, non pour avoir
manqué de foi, mais pour n'avoir pas exercé
la charité et fiit de bonnes œuvres (c. -sxv,
V. 41). Saint Paul répète, d'après le Sauveur,
que Dieu rendra à chacun, non selon la me-
sure de sa foi, mais selon ses œuvres {Maltlt.,
c. s\i, \. 'Il ; Jluin., c. II, v. 6; // Cor.,
c. i\, V. 10). Saint Jac(pies enseigne que
l'homme est justifié par ses œuvres (c. ii,
V. IV). L'Apôtre ne cesse d'exhorter les fidè-
les à faire du bien : il dit que l'homme ne
moissonnera que ce qu'il aura semé, etc.
(Galut., c. 6, V. 7). 11 ordonne aux lidèles
d'obéir à leurs pasteurs, et à ceux-ci de re-
Itreniiic et de corriger ceux qui se condui-
sent mal (Ilehr., c. xiii, v. 17; // Tim., c.
iv,v. 2). Ce n'est encore qu'une répétition
lies leçons de Jésus-Christ , qui veut que
l'on regarde comme un paieu et ui\ publi-
cain celui (lui n'écoute jias l'Eglise (^/««/(.,
c. sviii, V. 17). Nous chercherions vainement
dans riicriture la dispense accordée aux lidè-
les d'observer les counnaiidemenls de l'Eglise.
La loi qui ordonne à tout homme d'ac-
complir les vieux qu'il a faits, ne peut pas
étrt! plus foiiuelle : Si quelqu'un a fuit un
vœu au Seiqneur, ou s'est obliç/i! par nermcnl,
il ne iiianquçra point à sa parole, mais il ac-
complira exacteinent ce qu'il a jiromis (Num.,
c. xxx, v. 3). Nous ne voyons nulle i)arl
dans le Nouveau Testament luie défetise de
faire des vœux, ni une permission de violer
ceux que l'on a faits: un point de morale
aussi essentiel aurait bien mérité d'être
couché |iar écrit. Le comiuaudement d'ac-
compli- les vœux n'était point une loi céré-
moiiielle , puisque les pati iarches ont fait
des vœux longtemps avant la publication de
la loi de Moise {Gen., c. xxvui, v. iO). Plus
de douze ans après la décision du concile de
Jérusalem, qui exemptait les fidèles d'obser-
ver la loi cérémonielle, nous voyons encore
saint Paul accomplir un vœu dans le temple
(.-if^, c. sxiv, v. 17). Si la liberté, telle que
la veulent les hérétiques et les incrédules,
était un fruit du christianisme, cette religion
sainte aurait porté un coup mortel au repos
et au bon ordre de la société. ]'o(/. OEcvkks,
Lois fxclksi astiques, Voei', etc.
LUÎEUTÉ BE CONSCIENCE (i), C'CSt Ic IcrmC
duquel se sont servis les calvinistes, lors-
qu'ils ont demandé en France le privdége
d'exercer pubtiqi^ieinriii leur religion, d'avoir
des îeuii les, des ministres, des assemblées.
On voit (l'abord l'éciuivoque de cette expies
sion, et l'abus que les sectjiires en ont fait.
11 y a bien de la dilférence entre ia liberté
que se donnent quelques citoyens < e servir
Dieu en particulier comme ils reiitendent,
et la liberté que demande un parti nombreux
d'établir dans le royaume une religion nou-
velle, de l'exercer publiquement, d'élever
ainsi autel contre autel. La première ne
gêne point la religion dominante, et ne lui
porte aucun préjudice ; la seconde est une
rivalité qu'on lui op|iose, une apostasie pu-
bli'jue que l'on aulorise, un piège que l'on
tend à la curiosité des ignorants, un ajipât
pour l'indépendance des libertins. La reli-
(1) Nous avons déjà observé qu'une véritable li-
berté de conscience est plus utile a la religion qu'une
protection qu'on peut faire tourner a son détriment.
Le devoir d'un sage gouvernement est de proléger
la véritable liberté el de réprimer les écarts de celle
qui trouble l'ordre public ou porte atteinte à la con-
science ou à la considération de quelque classe de
citoyens.
Î87
LIB
LIB
288
gion catholique exige non-seulement des
temples et des nssemblées, mais un céré-
monial pompeux et éclatant, des fêtes, des
processions , l'administration pu'J.ique des
sacrements, des jeûnes, des abstinences, un
clergé qui soit respecté ; le calvinisme ne
veut rien de tout cela, condamne et rejette
ces pratiques comme des ahus, dos supersti-
tions, des restes de paganisme : c'est ainsi
que ses partisans se sont expliqués dès l'o-
rigine. S'il y eut jamais deux religions in-
compatibles, ce sont ces deux-là ; il n'était
pas possible oe présumer que les sectateurs
de l'une et de l'autre pussent vivre en paix :
l'antipathie mutuelle n'est que trop prouvée
jiar plus de deux cents ans d'expérience.
La question est de savoir si la demande
des calvinistes était légitime, si le gouver-
nement était obligé, de droit naturel, à l'ac-
corder ;■ s'il le pouvait en bonne politique :
nous prions qu'on pèse sans partialité les
réflexions suivantes.
1° L'on sait quels furent les premiers pré-
dicants du calvinisme, et quelle était leur
doctrine; ils enseignaient que le catholi-
cisme est une religion abominable, dans la-
quelle il n'est pas possible de faire son sa-
lut ; que le sacrifice de la messe, l'adoration
de l'eucharistie, le culte des saints, des re-
liques, des images, sont une idolâtrie ; que
les fêles, les jeûnes, les abstinences, les
cérémonies, sont des superstitions, la con-
fession une tyrannie, que l'Eglise romaine
est la prostituée do Babylone, et le pape
l'antechrist ; qu'il fallait abjurer, proscrire,
exterminer cette religion par toutes les
voies possibles. Ces excès sont aujourd'hui
enseignés dans leurs livres, et jamais les
calvinistes n'ont eu assez de bon sens pour
les désavouer. David Hume convient qu'en
Ecosse, l'an 15i2, la tolérance des nouveaux
prédicants, et le dessin formé de détruiie la
religion nationale, auraient eu à peu près le
même effet ; il le prouve par la conduite fa-
natique de ces sectaires, Histoire de la Maison
de Tudor, toin. III, pag. 9; tom. IV pag. 59 et
104 ; fom. V, pag. 213, etc. 11 en était de
même en France. Partout où les calvinistes
ont pu se rendre les maîtres, ils n'ont souf-
fert aucun exercice de la religion catholique:
de quel droit voulaient-ils que l'on permît
la leur? Un principe qui leur est commun
avec tous les incrédules, est qu'il ne faut
])as soutfrir une religion intolérante : en
fut-il jamais de plus intolérante que le cal-
vinisme ? — 2° Il y avait douze cents ans
que le catholicisme était en France la reli-
gion dominante, et môme la seule religion ;
la législation, les mœurs, la constitution du
gouvernement, y étaient analogues et fon-
dées sur cette base : qui avait donné mis-
sion aux calvinistes po'ir venir l'attaquer?
C'étaient des séditieux ; leur ton, leur lan-
gage, leurs principes, leur conduite, annon-
çaient la révolte. Dans tout gouvernement
la sédition est punissable. Une expérience
constante i)rouve que les apostats ne respec-
tent plus aucun engagement ; qu'infidèles k
Dieu, ils sont incapables de fidélité envers
le souverain : nos rois devaient donc se
croire intéressés personnellement à répri-
mer les attentats des sectaires. Lorsque
ceux-ci parurent en France, Luther avait
déjîi mis r\llemagne en feu, mie partie de
la Suisse était en proie au même incendie.
François I" voyait très-bien que le calvi-
nisme ne pouvait s'établir sans causer une
révolution qui mettrait sa couronne en dan-
ger ; que les principes républicains des cal-
vinistes étaient une peste dans un Etat mo-
narchique. Lui-même fomentait les trou-
bles d'Allemagne afin de susciter des affaires
et des embarras à Charles-Quint : il ne pou-
vait, sans contradiction, se croire obligé à
permettre la propagation de l'hérésie. —
3° L'événement ne tarda pas à vérilier l'i-
dée que ce prince avait conçue des calvi-
nistes. A peine eurent-ils entraîné dans leur
parti quelques-uns des grands du royaume,
qu'ils cabaîèrent contre l'Etat, et voulurent se
rendre maîtres du gouvernement. Dès qu'ils
se sentirent assez forts, ils prirent les ar-
mes, et ils obtinrent enhn liberté de con-
science l'épée à la main. Nous n'avons aucun
dessein de retracer les scènes sanglantes
auxquelles ces guerres civiles ont donné
lieu pendant près d'un siècle. Il en résulte
qu'en 1598, lorsque Henri IV accorda aux
calvinistes l'édit de Nantes, il y fui forcé
pour pacifier son royaume, et qu'en cela il
ne pécha ni contre la religion, ni contre la
saine politique, parce que la nécessité est
au-dessus d:' toutes les lois. Autant Fran-
çois I" et Charles IX auraient été impru-
dents en tolérant le calvinisme , autant
Henri IV fui sage en cédant aux circonstan-
ci'S. C'est la raison qu'il donna lui-même de
sa conduite à l'égard des huguenots, en ré-
pondant aux députés de la ville de Beauvais,
l'an 159i. Mais en 1685, lorsque Lonis XIV
se sentit assez puissant pour n'avoir plus
rien à redouter des calvinistes , sur quoi
s'appuiera-t-on pour soutenir qu'il n'a pas
été en droit de révoquer un édit accordé à
regret par ses prédécesseurs, et que les cal-
vinistes n'ont jamais observé? Nous le prou-
verons dans d'autres articles, et nous ferons
voir que cette révocation fut pour le moins
aussi sage que l'avait été 1 1 concession. —
k" On ne s'est pas donné la peine de compa-
rer la conduite des calvinistes avec celle des
premiers chrétiens ; on y aurait vu une
énorme diiîérence. Jamais les tidèles persé-
cutés n'ont déclamé contre le paganisme
avec autant de fureur que les protestants
contre le papisme ; jamais ils n'ont dit qu'il
fallait exterminer l'idolâtrie par tous les
moyens possibles ; qu'il fallait courir sus à
tous ceux qui l'exerçaienl et la protégeaient :
jamais ils n'ont pris les armes contre les
empereurs, ils n'ont point élevé de clameur
contre leur despotisme, ils ne sont entrés
dans aucune des conjurations qui ont éclaté
pendant les trois jiremiers siècles. L'édit de
tolérance, eu de liberté' de conscience, leur
fut accordé par Constantin, sans qu'ils eus-
sent osé le demander, sans que ce prince y
fût forcé par aucun motif de crainte : nos
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a|.'ulogisies s'èlaieiit bornés à représenter
([lie c'étiiit une injustice de vouloir contrain-
dre i^ar les supplices des sujets innocents
et paisibles à ollVir de l'enccus aux idoles.
Lorsque, malf^ré la teneur des édits, l'om-
perinir Julien entreprit de rétaljlir lo i)aga-
nisiiie, et autorisa les païens h vexer les
chrétiens, ceux-ci n'excitèrent ni tumulte,
ni sédition ; les soldats chrétiens lui furent
aussi lidèles que les autres. Ils no tentèrent
ni de s'assurer de sa jiersonne, ni de chan-
ger le gouvernement, ni d'obtenir des villes
de silruté, ni ilc repousser la violence, ni de
se liguer avec des souverains étrangers ,
comme ont fait les calvinistes; ils se lais-
sèrent égorger avec autant de |)atience (jue
sous Néron. Ils suivaient en cela les leçons
de Jésus-Christ, la morale des apôtres, les
instructions des pasteurs ; mais ces leçons
divines ont été étrangement oubliées par
des prédicants qui avaient toujours la Bible
à la main.
Puisqu'un gouvernement ne ]ieut subsis-
ter sans religion, lorscju'un peuple est assez
heureux pour avoir reçu du ciel une reli-
gion pure et vraie, il doit la chérir comme
le plus précieux de tous les l)iens, punir et
réprimer les fanatiques qui veulent la lui
ôter et la changer. Depuis douze cents ans,
la nionarchii' française subsiste sous les lois
du catholicisme ; aucun gouvernement connu
n'a duré aussi longtemps, et n'a subi moins
de révolutions : cette expérience est assez
longue pour nous faire désirer de demeurer
comme nous sommes.
Personne n"a fait autant de sophismes que
Ba.yle sur la lihertc de conscience ; ils ont été
lidôlement coi>iés par Barbeyrac et par la
plupart des incrédules. Bayle part du prin-
cipe que la conscience erronée a les mêmes
droits que la conscience droite, que nous
sommes aussi obligés d'obéir à l'une qu'à
l'autie, que celte obligation est naturelle,
essentielle et absolue. C'est luie fausseté ;
nou.'y l'avons réfutée au mot Co\science.
Une fausse conscience ne peut nous discul-
per d'une mauvaise action que quand l'er-
reur est invincible, qu'elle ne vient ni de
négligence de s'instruire, ni d'aucune pas-
sion, ni d'opiniâtreté ; dans tout autre cas,
elle ne diminue point la grièveté du j)éché.
Or a-t-on jamais pu penser que l'erreur des
premiers sectateurs du calvinisme était in-
vincible, et que la passion n'y avait aucune
part ? La légèreté avec laquelle ils avaient
prêté l'oreille aux prédicants, la mauvaise
foi avec laquelle ils travestissaient les dog-
mes catholiques, les fureurs auxquelles ils
se livraient contre le clergé, le piliage et les
violences au'ils exerçaient, étaient des si-
gnes trop évidents d'une passion aveugle.
Les déclamations et les sophismes, qui tour-
nèrent les tètes dans ce temps de vertige,
n'ameuteraient peut-être [las aujourd'hui vingt
personnes. Si les sectaires étaient absolu-
ment obligés de suivre une conscience si
mal formée, tout séditieux est dans la même
obligation, dès qu'il s'est persuadé que le
gouvernement contre lequel il se révolte est
injuste, oppresseur, tyrannique, qu'il est do
la justice et du bien public de le détruire.
Le [)rincipe de Bayle ne tend à rien moins
qu'à justilier tous les insensés et tous les
scélérats de l'univers. C'est tout au plus aux
descendants des premiers caltînistes, éle-
vés dès l'enfance dans l'hérésie, écartés de
tous h's moyens d'instruction, que l'on peut
opposer une erreur moralement invin-
cible.
Bayle, pour prouver que toute contrainte'
est injuste à l'égard des errants, dit que tous
les partis en jugent ainsi lorsqu'ils s'y trou-
vent exposés, et qu'ils changent de princi-
pes selon les circonstances. Cela peut être ;
mais cela ne prouve ni que tous ont égale-
ment raison, ni que tous se trom]icnt. Il est
naturel que tout homme croie injuste une
loi, un arrêt, une conduite (pii le con larane
et le fait soulïrir; mais souvent c'est lui qui
est injuste et aveuglé jjar son intérêt. En fait
de religion, comme en matière de poliiiqLie,
il y a des circonstances dans lesquelles la
contrainte serait inique et absurde ; il en
est d'autres où elle est juste et sage. En gé-
néral, une secte paisible, dont la conduite
est innocente aussi bien que la doctruie,
mérite la tolérance : un parti fanatique et
turbulent s'en rond indigne, et la sage poli-
tique défend de la lui accorder. C'est le cas
dans lequel ont été les calvinistes ; Bayle
lui-iuême leur a reproché leur fureur ddus
la Lettre aux Réfugiés et dans d'autçes
écrits. Il se trompe encore quand il ne veut
pas que l'on mette une dilférence entre les
juifs, les mahométans , les inUdèles en gé-
néral, et les hérétiques : les i)remiers n'ont
été ni élevés, ni instruits dans le sein de
l'Eglise, leur ignorance peut donc être plus
excusable que celle des hérétiques. 11 est
d'ailleurs prouvé |iar l'expérience que les
apostats sont beaucoup plus furieux contre
la religion qu'ils ont quittée, que les i., lidè-
les qui ne l'ont jamais connue; comme ils
ont déserté par passion ou par libertinage,
ils cherchent à couvrir la honte de leur
a|>ostasie par une haine déclarée contre l'E-
glise ; ils font comme les rebelles, qui di-
sent que quand l'on a une fois tiré l'épée
contre le gouvernement, il faut jeter le four-
reau dans la rivière.
Les catholiques ont usé de contrainte à
l'égard des protestants; ceux-ci, à leur tour,
l'ont employée contre les catholiques : la
question est toujours de savoir lequel des
deax parus avait le meilleur droit, les pos-
sesseurs légitimes enfants de la i-iaison, ou
les usurpateurs. Voy. Tolérance, Intolé-
rance, \'ioLE>CE, etc.
Liberté de pensek, expression aussi cap-
tieuse que la précédente. Qu'un homme
pense intérieurement ce qu'il voudra, au-
cune puissance sur la terre n'a intérêt de
s'en inlormer, et n'a aucun moyen de le
connaître ; les pensées d'un homme, renfer-
mées en lui-même, ne peuvent faire ni bien
ni mal à personne. Mais par liberté de penser,
les incrédules entendent non-seulement la
liberté de ne rien croire et de n'avoir aucune
291
LIB
LIÉ
292
religion, mais encore le droit de prôclier
l'incrédulité, de parler, d'écrire, d'invectiver
contre la religion; quelques-uns y ajoutent
le privilège de di''clauier contre les lois et
contre le gouvernement : ils prétendent que
cette liberté est de droit naturel, qu'on ne
peut la leur ôter sans absurdité et sans in-
justice; par conséquent ils ont trouvé bon
do s'en metire en possession. Comme les
prêtres et les magistrats s'opposent k cette
licence, les incrédules disent qu'il y a entre
les magistrats et les prêtres une conspira-
tion et un dessein formé de mettre les peu-
ples à la chaîne, d'étoulfer toutes les lumiè-
res et tous les talents, afin de dominer plus
despotiquement.
Mais des philosophes, qui croient avoir
toutes les lumières possibles et tous les
talents, devraient commencer par s'accorder
avec eux-mêmes, et ne pas fournir des ar-
mes contre eux. Déjà nous avons réfuté
leurs prétentions au mot Incrédules; mais
on ne peut trop insister sur l'absurdité de
leurs raisonnements. 1° Tous ne pensent pas
de même; plusieurs sont convenus que les
magistrats ont droit de ré|irimer ceux qui
osent professer l'athéisme, et de les faire
péiir même, si l'on ne peut pas autrement
en délivrer la société, parce que l'athéisme
renverse tous les fondements sur lesquels la
conservation et la félicilé des hoiïHnes sont
principalement établies. D'autres ont dit qu'il
faut punir les libertins, qui n'attaquent la
religion que parce qu'ils sont révoltés contre
louie espèce de joug, et qu'ils ne respectent
ni les lois, ni les mœurs; parce qu'ils désho-
norent et la religion dans laquelle ils sont
nés, et la philosophie de laquelle ils font
profession. Un déiste célèbre a écrit que les
ridicules outrageants , les impiétés gros-
sières, les blasphèmes contre la religion,
sont punissables, parce qu'ils n'attaquent pas
seulement la religion, mais ceux qui la iiro-
fessent; que c'est une insulte qu'on leur
fait, et qu'ils ont droit de s'en ressentir. Un
autre a soutenu que quand on annonce au
peuple un dogme qui contredit la religion
dominante, et qui peut troubler la tranquil-
lité publique, le gouveinement a droit de
sévir, et le peuple de crier, crucifige. Un
philosophe anglais condamne les esprits
forts, qui se persuadent que, parce qu'un
homme a droit de penser et de juger par
lui-même, il a aussi droit de parler comme
il pense. La liberté^ dit-il, lui appartient en
tant qu'il est raisonnable ; mais il est gêné
par les lois, comme membre de la société.
Un autre ne veut reconnaîire ni pour bons
citoyens, ni pour bons politiques, cimx qni
travaillent à détruire la religion, parce qu'en
affranchissant les hommes d'un des freins de
leurs passions, ils rendent l'infraction des
lois de l'équité et de la société plus aisée et
plus sûre à cet égard. Enfin, un de nos écri-
vains pense que l'on doit laisser à la pru-
dence du gouvernement et des magistrats à
déterminer en ce genre ce qu'il vaut mieux
ignorer que punir. Ainsi, voilà la lihcrlv dr.
penser, de parler et d'écrire, condamnée par
ceux même qui en ont fait usage. — 2° Ses
partisans les plus outrés sont convenus que
les systèmes d'irréligion ne sont pas faits
pour le peuple, qu'il a besoin d'un frein pour
le contenir et réprimer ses passions, qu'à
tout prf^ndre il vaut encore mieux qu'il ait
une religion fausse que de n'en point avoir
du tout. Quelle est donc la tém 'rite et la
démence de ceux qui publient des recueils
d'objections contre la religion, qui s'att.ichent
à les mettre à portée du peu[)le, et à le
plonger ainsi dans l'irréligion? — 3° Un des
principaux refiroches qu'ils font à la religion
est de faire naître des disputes et des divi-
sions parmi les hommes; mais en écrivant
contre elle, ils fournissent matière à des dis-
putes nouvelles, plus capables qu'aucune
autre à mettre les hommes aux prises. 11
s'agit de savoir si le christianisme est vrai
ou faux, utile ou pernicieux à la société,
s'il y a un Dieu ou s'il n'y en a point, une
vie à venir ou un anéantissement éter-
nel, etc. Qui peut leur répondre que, si
leurs principes venaient à former une secte
nombreuse, on ne verrait pas renaître les
séditions, les guerres, les massacres, dont
ils ne cessent pas de renouveler le souve-
nir?— 4-° Ils ont applaudi aux souverains
qui n'ont pas voulu permettre l'établisse-
ment du christianisme dans leurs Etats, qui
ont même employé les supplices pour le
bannir, parce qu'il leur a semblé propre à
troubler la tranquillité de leurs sujets. Mais
si les souverains de l'Europe sont bien
convaincus de la vérité, de la sainti té, de
l'utilité du chiistianisme, et des pernicieux
effets que ])eut produire la liberté de penser,
ont-ih moins de droit de sévir contre cette
liberté, que les souverains infidèles n'en ont
de [iroscrire le christianisme? — 5° L'on a
cité cent fois la /«fterf^ que laissaient les Ro-
mains de parler et d'écrire contre leur reli-
gion, de la jouer sur le théâtre, de lancer
des sarcasmes contre les dieux, de professer
l'athéisme en plein sénat, etc. D'autre i)art,
on sait avec quelle rigueur ils ont défendu
l'introduction do toute religion nouvelle,
avec quelle cruauté ils ont persécuté les
prédicateurs et les sectateurs du christia-
nisme; ils ont poussé le fanatisme jusqu'à
croire qu'ils étaient redevables de leurs vic-
toires et de leur prospérité à la protection
des dieux, que le salut de l'empire dépendait
de la cunseivalion du paganisme. Voy. VHist.
de l'Àcnd. des Inseript., t. XVI,in-li2, p. 202.
Mais on sait aussi l'eflet qu'a produit cette
contradiction ridicule. Polybe et d'autres
ont observé que l'irréligion des particuliers,
et sui tout des grands, étouffa peu à peu les
vertus patriotiques, causa la décadence et
enfin la ruine totale de l'empire. Cet exemple
môme doit servir de leçon à tout gouvi'rne-
ment cjui serait tenté d'imiter une conduite
aussi aljsurde. Vainement l'on a encore in-
sisté sur la liberté de la presse qui règne en
Angleterre; la conduite des Anglais n'a été
ni plus conséquente, ni plus sensée que
telle des Romains. Dans le temps que je
gouvernement laissait publier impunément
2w
LIB
Lt6
204
des iivres d'alht^isme et d'irréligion, si un
écrivain avait fait un livro pour prouver
qu'il fallait rétablir en Anglotene le catlio-
jlcisme et l'aiirienne autorité des rois, il
aurait expié cette liberté de penser sur un
échafaud. Enfin, à force de tolérer la licence,
le gouvernement s'est trouvé obligé de la
réprimer, et de punir les auteurs de livres
impies. — 0" Pendant [ilus de cinquante ans
les incrédules français ont joui h peu près
de la môme liberté que les Anglais; il n'est
aucune de leurs productions qui n'ait vu le
jour : il y a de (juoi former une bibliothèque
entière dirréligi m. Ils ont proche successi-
Temcnl le déisme, ratliéisoie, le matérialis-
me; ils se sont enijiortés avec une fureur
égaie contre les ])rètres, contre les magis-
trats, coiitre les lois, contre les souverains :
que diront-ils de plus, et quel eiïet ont-ils
produit? Ils ont enh^vé à la religion quel-
ques esprits faux que le libertinage lui
avait déjà débauchés; ils ont augmenté la
corruption des mœurs dans tous les états,
ils ont niulli|ilié les suicid .s autrefois
inouïs; ils ont donné lieu à des crimes dont
les magistrats ont été forcés de punir les
coiqiabb'S. Tels sout leurs exidoits et les
grands avantages cjuo produit la liberté de
penser, d'écrire et (ie (iéraisonner. Voij. To-
lérance, iNTOLÉnAî^CK, etc.
Liberté i-oi.itiqok. Cet article ne lient que
très -indirectement à la théologie; mais,
comme il a ]ilu aux incrédules de soutenir
que le christianisme est de toutes les reli-
gion la moins favorable ^ la liberté des peu-
ples , il est de notre devoir de prouver le
contraire. Après avoir montré, au mol Des-
potisme, que ce vice du gouvernement ne
vient point de la religion, il nous reste en-
core à faire voir qu'd n'est point de vraie
liberté que celle qui est fondée sur la loi di-
vine et sur la religion, qu'aucune religion
ne tend plus difectemenl ([uc la nôtre à con-
tenir dans de justes bornes l'autorité du
Souvciaiii. La Politique tirée de l'Ecriture
sainte, par M. Bossuct, nous fournit des
preuves sara!)ondantes ; mais nous ne pren-
drons que les princijiales, et les réllexions
de nus adversaires mêmes achèveront de
mettre en évidence le fait que nous soute-
nons.
Dans l'Ancien et le Nouveau Testament,
nous apprenons que tous les hommes sont
frères, nés du même sang , destinés tous à
jouir des bienfaits du Créateur {Gen.. c. i, v.
28 ; c. XIX, v. 7 ; Mntth. c. xxiii, v. 8, etc.).
Comme la société leur est nécessaire pour
leur bien, Dieu les a formés pour vivre en-
semble et s'aider mutuellement ; la société
ne pouvant subsister sans subordination, il
a fallu des lois et un pouvoir souviiain pour
les faire exécuter. C'est Dieu lui-même (jui
a donné des lois aux premiers hommes, et
qui a fondé la société civile par la société
domestique ; atin de rendre les lois civiles
plus respectables. Dieu lit placer dans un
tnèrue code celles des Juifs avec les lois mo-
rales et les lois religieuses. L'Ecriture nous
enseigne encore que toute puissance hu-
maine vient de Dieu, que c'est lui qui ea a
fixé l'étendue et les bornes {Rom., c. xiii, v.
1 et suiv.). Les rois ne sont donc p?s les
prO|)riétaires du pouvoir souverain , mais
seulement les dépositaires : c'est h Dieu (ju'ils
doivent en rendre conqito. Dieu les nomme
y;fl.s/:pi(/-.'i de sua peujile : comme le troupeau
n'est point fait pour h^ |)asteur, mais le pas-
teur |)our lu troupeau, ce n'est point pour
l'avantage personnel des rois que Dieu les a
placés sur le trùne, mais pour le bien du
jieuple ; le peuple est à Dieu, et non au roi ;
celui-ci doit être l'image de la bonté de Dieu
et le ministre de sa providence toujours
juste et bienfaisante.
Dieu n'a point dispensé les rois de la loi
générale qui ordonne à tout lionnne de
faire aux autres ce qu'il veut qu'on lui fasse
(Matlh., c. vu, V. I2j, il leur commande, au
contraire, d'avoir continuellement sa loi sous
les yeux, cette loi éternelle , juste et sainte,
qui ne fait point acception des personnes,
et qui pourvoit également aux droits de tous
[Deut., c. xviii, V. 16 et suiv.). 11 les avertit
que, quand ils jugent, ce n'est pas leur pro-
pre jugement qu'ils exercent, mais c: lui do
Dieu ; qu'il les jugera lui-même, et que s'ils
abusent do leur fiouvoir, il les punu'a plus
sévèrement que les particuliers {Sap.,c. vi, v.
2,3, 9, etc.). En effet, l'histoire sainte nous
montre les rois toujours |)unis de leurs fau-
tes parla révolte de leurs sujets, par des en-
nemis étrangers, [lar hs désoidres de leur
pro[)re famille, par les tléaux que Dieu leur
envoie. Si à ces grandes leçons nous ajou-
tons toutes les vertus que Dieu commande
aux souverains, la justice, la sagesse, la
douceur , la modération , la clémence , la
constance et la fermeté, la piété, la chasteté,
l'assiduité aux all'aires, la prudence dans le
choix des ministres , le soin de soulager les
pauvres et de protéger les faibles, de renon-
cer à toute conquête injuste , d'éviter la
guerre, source féconde de désastres et de
malheurs : quel prétexte un roi Irouvera-t-il
dans sa religion pour opprimer les peujiles,
pour leur ravir le degré de liberté que Dieu
leur a laissée , et qui est nécessaire k leur
Lonheur, pour établir le despotisme sur la
ruine des lois? Lors pi'un philosophe a écrit
que la superstition a fait croire aux hommes
que les dépositaires de l'autorité publique
avaient reçu des dieux le droit de les asser-
vir et de les rendre malheureux, Po/i'f. nat.,
tom. n, dise. 5, § 7, il devait du moins
avouer que cette superstition n'est pas née
du christianisme. Quel système nos pro
fonds j)olitiques ont-ils imaginé qui soit plus
favorable à la liberté des peuples ? ils sont
forcés d'observer eux-mêmes qu'être libre ce
n'est pas avoir le pouvoir de faire tout ce
qu'on veut, mais tout ce (ju'on doit vouloir;
que l'homme étant destiné par la nature i>
vivre en société, il est i)ar là même assujetti
à tous les devoirs qu'exige le bien com-
mun de la société dans laquelle sa naissance
l'a placé. Ibid.
Le degré de liberté légitime est donc rela-
tif au caractère de chaiiue nation, à la me
295
LIB
LIB
296
sure d'intelligence et de sagesse qu'elle a
pour se conduire, de vertu à laquelle elle est
parvenue , ou de corruption dans laquelle
elle est tombée. Un peuple léger, frivole,
inconstant, perverti par le luxe et par un
goût effréné pour le plaisir, auquel il ne
reste ni mœurs, ni patriotisme, ni respect
pour les lois, est-il capable d'une grande li-
berté? Plus il la désire, moins il la mérite ;
plus il semble redouter l'esclavage, plus il
fait de pas pour y tomber; ses clameurs.con-
tre le despotisme avertissent le gouverne-
ment de bander tout ses ressorts et de ren-
forcer son pouvoir : c'est parle despotisme
même que Dieu menace de punir une nation
vicieuse (/soi., XIX, 4).
Nos politiques incrédules , qui ne veulent
ni Dieu ni loi divine, commencent par sup-
poser que l'homme est libre par nature, af-
franchi de toute loi , maître absolu de lui-
môme et de ses actions ; que sa liberté ne
peut être gênée qu'autant qu'il y consent
pour son bien ; que la société civile est fon-
dée sur un contrat par lequel l'homme s'est
soumis aux lois et au souverain, afin d'en
être protégé ; que, quand il sent qu'il est mal
gouverné, il peut romi)re son engagement
et rentrer dans l'indépendance.
Au mot Société nous réfuterons ce sys-
tème absurde ; il est bien étrange que des
philosophes, qui nous refusent la liberté na-
turelle ou le libre arbitre, veuillent pousser
si loin la liberté politique. C'est une contra-
diction d'affirmer que l'homme est destiné à
la société par la nature, que cependant il est
libie par nature et affranchi de toute loi. La
société peut-elle donc subsister sans loi, et
y a-t-il des lois lorsque personne n'est tenu
de les observer ? La nature ne signifie rien,
si par ce terme l'on entend autre chose que
la volonté du Créateur; la nature, prise
pour la matière, ne veut rien , n'ordonne
rien, ne dispose de rien ; mais Dieu, créateur
de 1 homme, est aussi l'auteur de ses besoins
et de sa destinée, par conséquent de la so-
ciété et des lois sociales ; c'est lui qui , sans
consulter l'homme , lui a imposé pour son
bien les devoirs de société. C'est donc une
absurdité de supposer que l'homme , qui a
Dieu pour maître , est cependant son propre
maître, qu'il peut disposer de lui-même con-
tre la volonté de Dieu , qu'il faut un contrat
pour limiter sa liberté, lorsque Dieu y a mis
des bornes. La liberté du citoyen est-elle
donc mieux en sûreté sous sa propre garde
que sous celle de Dieu? S'il peut h son gré
rompre ses engagements, la force seule peut
lassujettir; un souverain qui compte sur
un autre moyen pour retenir ses sujets
sous le joug "des lois, est un insensé ; dès
qu'il n'est pas despote , il n'est plus rien.
Ainsi, en voulant outrer la liberté politique,
on t'anéantit.
Mais la religion y a mieux pourvu : en
rapportant h Dieu la société civile, aussi
bien que la société naturelle, elle a fondé
sur une base inébranlable l'autorité des rois,
r<'béissauce des peuples et les bornes légi-
times de l'un et de l'autre. La loi divine.
source de toute justice, le bien général de
la société dont Dieu est le père, voilà les
deux règles desquelles il n'est jamais per-
mis de s'écarter. Ce bien général exige que
le peuple ne soit 'jamais blessé dans les
droits qui lui sont attribués parles lois; mais
il exige aussi que le souverain ne soit pas
gêné dans l'exercice de son autorité par un
pouvoir plus grand que le sien : le bien gé-
néral ne demande point que le peuple soit le
juge et l'arbitre de l'étendue de sa liberté,
ni des bornes du pouvoir du souverain :
l'expérience ne prouve que trop les abus qui
résulteraient de celte constitution.
Nos adversaires n'ont pu les méconnaître ;
plusieurs ont avoué qu'en général le peuple
est incapable de se former une vraie notion
de la liberté. « Pour peu, dit l'un d'entre
eux, que l'on consulte l'histoire des démo-
craties, tant anciennes que modernes, on
voit que le délire et la fougue président com-
munément aux conseils du peuple Une
multitude jalouse et ombrageuse croit avoir
à se venger de tous les citoyens que le mé-
rite, les talents ou les richesses lui rendent
odieux ; c'est l'envie et non la vertu qui est le
mobile ordinaire des républiques. » 11 le
prouve par l'exemple des Athéniens, des au
très peuples de la Grèce et des Romains ; il
montre le ridicule des Anglais, qui, par une
crainte iiuérile de l'esclavage, ne font régner
aucune police chez eux. « Est-ce donc jouir
d'une vraie liberté, dit-il, que d'être exposé
sans cesse aux insultes, aux boutades, aux
excès d'une populace effrénée, qui croit par
ses désordres exercer sa liberté ? » Polit, nal.,
tome II, dise. 7, § il ; dise. 9, § 6, etc. Un
autre a pensé de même : « Dans la démocra-
tie, dit-il, bientôt le peui)le, qui ne raisonne
guère, qui ne distingue nullement la liberté
de la licence, se vit déchiré par des factions;
étourdi , inconstant , impétueux dans ses
passions, sujet à des accès d'enthousiasme,
il devint l'instrument de l'ambition de quel-
que harangueur, qui s'en rendit le maître et
bientôt le tyran Ainsi la démocratie , en
proie aux cabales, à la licence, à l'anarchie ,
ne procure aucun bonheur à ses citoyens, et
les rend souvent plus inquiets de leur sort
crue les sujets d'un despote ou d'un tyran. »
Système social, w part. c. 2, pag. 24, 31, etc.
Un troisième n'a pas conçu une idée plus
avantageuse de la liberté yivélendue des Grecs
et des Romains sous le gouvernement repu- '
blicain ; il pense qu'il y a plus de liberté
populaire aujourd'hui même dans les mo-
narchies, qu'il n'y en avait dans les anciennes
républiques. De la félicité publique, tom. Il ,
c. k. David Hume avait déjà fait cette obser-
vation ; et l'auteur, qui a recherché l'origine
du despotisme oriental, semble l'avoir adop-
tée. Mais ces divers auteurs ne nous ont pas
instruits des causes de cette heureuse révo-
lution ; nous soutenons que l'Europe en est
redevable au christianisme , puisqu'elle ne
s'est faite que chez les nations chrétiennes.
On a fait un crime à M. Bossuet d'avoir
prouvé que le pouvoir des rois doit être ab-
solu, Polit, tirée de l'Ecriture iainte, tom. I,
297 LIB
liv. IV, art. 1". L'on n, pour ron<lro rotic
doctrine odionso , aU'ectc de conlondrc lo
pouvoir absolu avec le pouvoir iliiiniti'^ et
arbitraire. Mais Bossuet lui-uiôme s'est ré-
criiW-nntrc cette injustice ; il a soigneuse-
ment distingué ces deux choses. Par le pou-
voir absolu, il eulend, 1° que le prince n'est
lias obligi'^ <le l'cndre coni|ito à personne do
il: qu'ilordonne ; 2" que quan(l il a jugé, il
n'y a j)i)iul de tribunal supérieur auquel on
])Uisse en appeler; 3° ([u'il n'y a point d(i
lorce coaclive ciintre lui. Sans cela, dit-il, le
jirince ne pourrait faire le bien, ni l'épriiner
le mal ; il faulijue sa|>uissance soil telle ([uo
])ersonnc ne puisse espérer de lui éciiappcr :
la seule défense des particuliers contre la
])inssance publique doit être leur innocence!.
Jbid. Mais il faut observer que les rois ne
sont pas all'ranchis pour cela des lois, en-
core moins d'écouter les représentations et
les remontrances; il prouve que les luis
fondamentales de la monarchie doivent (Hre
sacrées et inviolables; qu'il est même très-
dangereux de changer sans nécessité celles
qui no le sont pas, tom. I, liv. i, art. 'i-.
Après avoir fait voir en quoi consiste le
jjouvcrncment arbitraire, il dit (|ue celte
lorme est odieuse et barl)are, qu'elle ne
peut avoir lieu chez un |ieu|ile bien [lolicé ;
que sous un Dieu juste il n'y a point de
pouvoir purement arbitraire, tom. H, liv.
vnr, art. 1, prop. 4; art. 2, prop. 1. C'est
donc très-mal à propos qu'on l'accuse d'a-
voir favorisé le des|)otisme. — Ce sont plu-
tôt nos adversaires (|ui travaillent hl'élablir,
en ilé'livrant les rois du fi-ein de la religion.
Un souverain, qui envisageiait les hommes
connue un vil troupeau de brutes sorties par
hasard du sein delà matière, serait-il plus
porté à res|)ectei' leur liberlé et à s'occiq)er
de leur bien-être, ipie celui qui les regarde
comme les créatures d'un Dieu juste et sa..,'e,
comnuî une grande famille dont Dieu est le
père, comme des âmes rachetées [)arles,ing
d'un Dieu, connue les héritiers futurs d'uii
royaume éteiiicl, etc. — Ils disent que la
religion ne fait point d'impression sur les
rois; que s'ils étaient athées, ils ne pour-
raient pas être pires; que le seul moyen do
les forcera être justes, est la raison : décla-
mationfougueuse et absurde. La crainte agit-
elle plus |)uissamment sur les des|>otes que
la religion? Un sultan ne peut ignorer qu'à
tout moment il peut être détrôné, em|iri-
sonné et étranglé : il ne faut pour cela
(ju'une sentence du mufti, ou une ré\()lte
(les soldats : on en connaît plusieurs exem-
ples; ont - ils produit beaucoup d'ell'et ?
La Chine a essuyé vingt-deux révolutions
générales; elles n'y ont pas allégé le joug
du despotisme. Rome n'a été opprimée par
un plus grand nombre de mauvais empe-
reurs, que dans le teuips qu'ils étaient mas-
sacrés impunément : on en compte trente-
deux en moins d'un siècle. Nous cherchons
vainement dans l'histoire ce que les peuples
y ont gagné.
Nous convenons qu'un roi athée, s'il
était né bon, ferait moins de mal que s'il
DiCTIONN. DE ThÉOL. DOGMàTIQUE. IIL
LIB S9S
était né méchant; mais comme "nous n'ea
connaissons aucun qui ait fait profession
d'atihdsme, nous ne savons pas jusqu'à ([uel
point un tel monstre serait cajiable de [)orter
la (wuauté. Peut-on prouver (juo [)armi les
princes chrétiens, ceux qui ont été les plus
religieux et les plus pieux, ont été les plus
mauvais? La plus grande gr;\ce que l'on
puisse faire aux incrédules est d'oublier les
invectives séditieuses auxquelles ils se sont
livrés. Voij. Autorité, Gouyeb.nement ,
Uoi.
LIBERTINL Voij. Affranchis.
HHI'.il'l'LNS, fanatiques qui s'élevèrent en
Flandre vers l'an 13i7. Ils se répandirent
en France : il y en eut à Genève, à Paris,
mais surtout à Uouen , où un l'ordelier
infe.lé du calvinis ne enseigna leur doc-
trine. Ils soutenaient qu'il n'y a qu'un seul
espi'it do Dieu répandu [lartout, qui est et ipii
vit dans toutes les créatures; qur notre
;lme n'est autre chose que cet esp'-it de Dieu,
ct(iu'elle nuurt avec le corps : que le pé-
c!ié n'est rien, et qu'il ne consiste; que dans
l'opinion, puisque c'est Dieu qui faU tout le
bien et tout le mal; que le paradis est une
illusion et l'enfer un fantôme inventé par
les théologiens. Ils soutenaient que les po-
litiques ont f irgé la religion pour c )ntenir
les peufiles dans l'obéissance, que li régé-
nération spirituelle ne consiste qu'à étoulTer
les remords de la conscience; la pénitence,
qu'à souleiiirquel'on n'a fait aucuf. mal; qu'il
est permis et même expédient de feindre en
matière de religion et de s'accommoder à
touies les sectes. ^Ils ajoutaient a tout cola
des blisphèmes contre Jésus-Cluist, en di-
sant que ce personnage éttiit un je ne sais
quoi, composé de l'esprit de Dieu et de l'o-
pinion des hommes. Ces principes impies
leur lirent donner le nom de libertins que
l'on a toujours pris depuis dans un mauvais
sens. Ils se ri'pandirent aussi eu Hollande
et dans le Brabant. Leurs chefs furent ua
tailleur de Picardie, nommé Quintin, et un
nommé Coppiii ou Choppin, qui s'associa à
lui et se lit son disciple.
On voit que leur doctrine est en plusieurs
articles la même que celle des incrédules
d'aujourd'hui; le libertinage d'esprit, qui se
répindit à la naissance du prole>tantisme,
devait naturellement con luire à ci'S excès
tous c 'ux dont les manirs étaient corrom-
pues. — Quel pies historiens ont rapporté
autremenîles articles de croyance d's /;-
bcrtins dont nous parlons, et cela n'est pas
étonnant ; une secte, qui professe le liberti-
nage d'esprit et de cœur, ne peut pas avoir
une croyance uniforme.
On dit qu'un des plus grands obstacles
que Calvin trouva, lorsqu'il voulut ét;iblir à
denève sa réformation, fut un nombreux
parti de libertins, qui ne ])Ouvaient soulfrir la
sévérité de sa discipline; et l'on conclut
de là que le libertinage était le caractère
dominant de l'Eglise lomaine. Mais ne s'est-
il plus trouvé de libertins dans aucun d?s
lieux où la prétendue* réforme était Lien
établie et le papisme profondément oublié'/
10
299 te, LtB
Jamais le nombre criiomines pervers, perdus
de mœurs et de réputation n"a été plus
grand que depuis rétablissement du protes-
tantisme; on pourrait le prouver par l'aveu
même de ses plus zélés défenseurs. 11 est
évident que les principes des libertins n'é-
taient qu'une extension de ceux de Calvin.
Ce réformateur le comprit très-bien, lors-
qu'il écrivit contre ces fanatiques; mais il
ne put réparer le mal dont il était le pre-
mier auteur. (Hist. de VEglise galiicane;
t. XVllI, an. 15i9.)
LIBRE. Dans le xvr siècle on donna ce
nom à quelques hérétiques qui suivaient
les erreurs des anabaptistes, et qui se-
couaient le joug de tout gouvernement, soit
ecclésiastique, soit séculier. Ils avaient des
femmes en commun , et ils appelaient
union spirituelle les mariages conti'actés
entre frère et sœur; ils défendaient ou>c
femmes d'obéir à leurs maris lorsqu'ils
n'étaient pas de leur secte. Ils se préten-
daient impeccables après le baptême, parce
que , selon eux , il n'y avait que la chair
qui péchftt ; et dans ce sens, ils se nom-
maient des hommes ditDiises. Ce n'est pas
ici ia seule secte dans laquelle le fanatisme
se jouit à la corruption des mœurs ; plu-
sieurs autres ont eu recours au môme expé-
dient jiour étouffer les remords et satisfaire
])lus librement les passions. Gauthier, Chro-
nique, sect. 10, c. 70.
* Libres pENSEuns. Il y a eu de tout temps des li-
bres penseurs, des esprits forts, qui ont dédaigné les
routes Iv'illues et. se sont l'rayé des sentiers incon-
nus du vulgaire. La maladie d'innover est aussi an-
cienne qiic riiomnie ; elle a son londement dans l'or-
gueil de notre nature. Quoi de plus agréable que de
se dire : « Le monde avant moi marcbait dans les
ténèbres, j'ai l'ait luire la lumière '? > Il s en faut ce-
pendant que lus elfets répondent à de telles préten-
tions. Que sont toutes les inventions religieuses,
philosophiques, politiques, sociales, qui s'étalent
chaque malin sous nos yeux, sinon de vieilles idées
condamnées par l'expérience et Uétries par l'histoire'?
Nous avons vu le mal que les libres penseurs du w
et ilu xvui° siècle ont lait à la religion. Nous voyous
le tort que les libres penseurs font à la société et aux
gouvernements établis. Lcuis belles théories amon-
cellent des ruines et rien que des ruines.
Il y a eu en Angleterre une société religieuse con-
nue sous le nom de Libres penseurs. Ils ne reconnais-
saient ni divinité de Jésus-Christ, ni péché originel,
ni baptême, ni cène, ni chant. Leurs réunions con-
sistaient en banquets fraternels qui rappelaient ceux
des premiers chrétiens. Ils n'avaient d'autres livres
sacrés que l'Evangile qu'ils expli(iuaieut d'une ma-
nière tout humaine. Ou voit (|ue ce n'étaient des
chrétiens que de nom, et en réalité, de ces prétendus
philosophes qui se sont multipliés pour le malheur
du monde. Les libres penseurs existent encore en
Angleterre comme association religieuse.
LICENCE, LICENCIÉ. Dans la faculté de
théologie, on nommi licence]^ cours d'études
de deux ans qui se fait depuis qu'un étu-
diant a reçu le degré de bachelier, jusqu'à
ce qu'il obtienne celui de licencié. Un bâche- '■■
lier en licence est celui qui fut ce cours d'é- l
ludes ; il est obligé d'assister à toutes les ■
thèses qui se soutiennent, d'y argumenter, '
de subir pluiyeurs examens et de soutenir
m
âoo
des thèses. Le degré de licencié est ainsi
nommé, parce que celui cjui l'obtient reçoit
non-seulement la licence ou la permission
de se retirer, mais le privilège de lire et
d'enseigner publiquement la théologie. Voy.
Degré.
Comme le goût dominant de noire siècle
est de changer tout ce qui s'est fait autre-
fois, il s'est trouvé des censeurs qui ont
bl;1mé cette manière d'exercer les jeunes
gens h la théologie. Ils ont dit que les étu-
des de licence n'étaient bonnes qu'à faire
des disputeurs, « perpétuer les subtilités de
la scolastique, à dégoûter du travail paisible
du cabinet ; que de fréquents examens à
subir, et la lecture assidue des bons auteurs
seraient plus capables de donner aux ecclé-
siastiques les connaissances dont ils ont
besoin pour servir utilement l'Eglise.
On nous permettra de prendre la défense
de
usage établi.
1° Il faut un aiguillon
puissant pour exciter à l'étude des jeunes
gens souvent paresseux, dissipés, trop con-
fiants à leur capacité naturelle. Le plus
puissant de tous est certainement l'émula-
tion ou le désir de se distinguer parmi des
compagnotis d'étude ; un jeune théologien
ne connaît bien ses forces ni sa faiblesse
que quand il s'est mesuré avec ceux qui
courent la même carrière. Le désir de mé-
riter l'approbation et les suffrages des
examinati urs ne sera jamais aussi vif cfue
l'ambition de l'emporter sur des concurrents.
Une preuve de celte vérité, c'est que plu-
sieurs négligent l'étude après leur licence,
parce qu'ils n'ont plus le'* même motif d'é-
mulation.— i° Quoi qu'on en dise, la mé-
thode scolastique est nécessaire : nous le
prouverons en son lieu. Les hérétiques l'ont
décriée, parce qu'elle aguerrit contre eux les
tliéologiens catholiques, et il est fort aisé
d'en corriger les défauts, s'il s'y en trouve
encore. Se flaltcra-t-on de créer aujour-
d'iiui, par une méthode nouvelle, des théo-
logiens plus habiles que Bossuet, Fénelun,
ïournély, etc., qui avaient fait leur licence?
— 3° Rien n'empêche les évoques d'établir
pour les ecclésiastiques, après leur licence,
des examens sur les questions de morale et
de pratique, sur l'explication de l'Ecriture
sainte, sur la discipline de l'Eglise, etc. Au-
trefois la maison épiscopale était le sémi-
naire des clercs, et l'évêque lui-même leur
premier maitre ; aucun ecclésiastique ne
refuserait de se soumettre à ce nouveau
cours d'études en sortant de dessus les
bancs ; l'émulation y serait entretenue par
l'espérance d'être plus prom[)tement et plus
avantageusement placé qu'un autre. Il fau-
drait donc commencer par essayer quelque
part la méthode que l'on juge Être la meil-
leure ; si elle réussissait mieux que l'an-
cienne, il serait permis alors de raisonner
d'ajjrès ce succès : jusqu'à ce que l'épreuve
soit faite, il faut se défier beaucoup du juge-
ment des réformateurs.
♦ LIEUXSAINTS. Rien au monde n'est plus digne
de fixer l'altenlion de l'homme que tout ce qui lient
au culte de la Uiviniié. Il puise de profonds enseigne
501
LIE
LIE
302
tuftnls ilans l'ôliide des dogmes qui sont le fondement
(!e tonte religion, dans l:i connaissance dos céiouio-
nics qui doivent en inanifeslcr l'es(irlt, dans l'idée de
ses ministres qin doivent rbunorer. Il n'y a pas même
jn^qn'anx lienx consacrés par les peuples pnur lio-
noier la Divinité, qui ne doivent parler au cœur de
riionime. Ces lieux méritent de devenir l'objet de
notre étude.
Les hommes ont-ils eu, dés l'origine, des lii'ux pins
spécialement consacrés an service divin ? L'homme
■A besoin d'un culte pnblic ; notre nature et 1 histoire
du genre humain en attestent la nécessité. Il est
donc aussi ancien que leuKMnlc. Mais, dans iws idées,
nu culte public et dos lieux plus spécialement consa-
< lés à la Divinité sont corélatifs. Nous croyons donc
que, dés l'origine, les lionwnes ont eu des lieux plus
spécialement consacrés au culte de la Divinité.
Le Penlaieuque nous révèle (]uc les premiers en-
fant!, de la terre, aussi sim|i!es dans leurs rites (|ue
dans leurs mœurs, rendaient jiartont, sans distinc-
limi de lieux, leurs hommages au (.'.réatcnr de toutes
choses. Un autel de pierre élevé an fond de la vallée,
des fruits offerts an pied do l'arbro (pii les avait por-
tées, par la main peut- cire qui les avait détachés, des
aidmauï immolés dans le clianq) ijui les avait nour-
ris, la prière sur la montagne, on il était permis de
sacrifier, voilà quels furent les lieux sacrés à l'ori-
gine.
Abraham, afin sans doute d'environner de plus de
respect l'autel qu'il avait die>sé à Bersahée, planta
tout autour un bois, où il se rendait lui et ses enfants
avec l'assiduité la plus louable. Cet usage se répan-
dit rapidement, et toutes les hauteurs furent à la
fois plantées de bocages. — Les païens consacrèrent
des arbres à leurs divinités. Us plac 'rent au milieu
de» sombres forêts les (oniples des divinités farou-
ches. Un buis de myrte environnait la demeure des
dieux des plaisirs. Leurs adorateurs pouvaient s'éga-
rer dans les sentiers tortueux et se livrer à la volupté
sous la garde du dieu tutélaire. l'eut-on s'étonner,
après cela, que le Seigneur ailordonné aux Israililes
d'abattre les foivls desChananéens, de détruire leurs
statues ? C'était un devoir prescrit par la morale ;
c'était une nécessité pour un peuple qui éprouvait un
si vi(denl penchant pour les divinités étrangères. Il
leur fallait un culte sévère qui leur rappeliit sans
cesse l'unité de Dieu. C'est ce que faisait très-bien le
labernacle, le seul qu'il fût permis d'élever an Sei-
gneur.
Lieux théologiques. Ce sont les sources
dans lesquelles les théologiens puisent des
prouves pour appuyer les vt^iités qu'ils veii-
ieiil établir. Dans le même sens, Cicéron a
noiniué lieux oratoires les sources qui four-
nissent des preuves aux orateurs.
Melchior Cano, dominicain, évêque des
Canaries, qui avait assisté au concile do
Trente, a lait un très-bou traité dos Lieux
théulogiques. Il serait à souhaiter que la
forme en lût aussi agréable que le fond on
est solide ; mais il s'est trop attaché à la mé-
thode scolastique ; c'est ce qui rend la
lecture de cet ouvrage peu attrayante. L'au-
teur est mort au milieu du xvi" siècle, dans
un temps auquel les études de théologie
n'avaient pas encore pris la bonne route
qu'elles suivent aujimrd'hui. Après avoir re-
marqué que la théologie est une science de
tradition, et non d'invention, d'autorité et
non do raisonnements, il distingue dix es-
pèces de preuves ou de lieux tliéolof/iques :
.1" l'Ecriture sainte, qui est la parole de
Dieu ; 2' la tradition conservéede vivo voix de-
puis les apùtresjusqu'à nous; 3M"autorilé de
rRglisecatholique;?i-°Iesdécisionsdes conciles
généraux qui la représentent; 5° l'autorité
ilo l'Kglise romaine on dos souverains pon-
tifes; 6" le ténioignag(^ des Pères de l'E-
glise; 7° le sentiment des théologiens qui
ont succédé aux Pères dans la fonction
d'enstMgner, et auxquels on peut joindre les
canonisies; 8° les raisonnements par los({ue]s
on tir.' des conséquences de ces dillorentes
|)rouves ; 9° l'opinion des philosophes et des
jurisconsultes; 10" le témoignage dos his-
toriens touchant les matières de fait. On
trouvera dans ce Dictionnaire des articles
particuliers sur chacun de ces chefs.
1" Pour établir l'aulorité de l'Ecriture
sainte, l'évoque des Canaries observe que
Dieu, dont elle est la parole, ne peut nous
induire en erreur, ni |)ar hii-mèiue, ni par
l'iirgane de ceux qu'il a insfiirés, et auxquels
il a donné mission pour déi^larer ses volon-
tés aux hommes. Il prouve que le dis-
cornoraont des livres que l'on doit recevoir
coiiiine parole de Dieu ne jieiit s(> faire que
par le jugement (le l'Eglise. Il n'-pon I aux
raisons des hérétiques qui ont prétendu que
l'on peut discerner ces livres par eux-mèim'S,
et découvrir sans autres secours s'ils so^t
inspirés ou non. Quant aux livres dont la
canonicité a été révoquée en doute pendant
qui'lque toiups, il montre que l'on ne doit
pas les rejeter. Il établit l'autorité de la ver-
sion Vulgate, sans contester l'utilité des
textes originaux, ni de l'étude des anciennes
langues; il fait voir que cette version fait
preuve et doit être reçue pour authentique
dans le sons que l'a déclaré le concile de
Trente. Il traite ensuite la question de
savoir jusqu'à quel point l'on doit étendre
l'inspiration et rassistynco que Dieu a don-
née aux autours sacrés ; il soutient que ces
écrivains n'ont pu se tromper en rien, qu'il
n'y a aucune erreur dans leurs écrits, qu'il
n'a co{)ondant pas été nécessaire que Dieu
leur dictiU jusqu'aux mots et aux syllabes.
Voy. Canon, Ecritcre sainte. Inspiration,
Ole. — 2° Sur le second chef, Melchior Cano
s'attache à prouver que les apôtres, outre
les vérités ciuils ont mises pir écrit, en
ont enseigne d'autres que l'Eglise a soi-
gneusement conservées, et que l'on doit
y croire comme à celles qui sont consignées
ilans l'Ecriture sainte. 11 observe que l'Eglise
de Jésus-Christ était formée avant que le
Nouveau Testament eilt été écrit, à plus
forte raison avant que l'on eût pu le tra-
duire dans les diti'érentes langues dos pen-
ph.'S convertis. Il fait voir que la virginité
perpétuelle de Marie, la descente de Jésus-
Christ aux enfers, la validité du baptême
des enfants, etc., qui sont des dogmes de la
foi chrétienne, ne se trouvent pas clairement
et formellement révélées dans les Ecritures;
qu'il en est de même de plusieurs usages
qui viennent certainement des apôtres. Il
n'y a d'ailleurs aucune raison de croire que
les apôtres ont mis par écrit tout ce qu ils
ont enseigné de vive voix; celles que les
protestants ont alléguées pour le prouver ne
sont pas plus solides : notre auteur y répond;
305 LIE
il donne des règles pour discerner les tradi-
tions que Ton doit regarder comme apostoli-
ques. Vfii/. TRAniïioN. — S-En troisième lieu,
touchant ri'.^/Jsc après avoir lixé le sens de
ce terme, et'après avoir montré qui sont les
membres de cette société sainte, Cano
prouve qu'elle ne peut ni tomber dans Ter-
reur, ni y entraîner les iidèles, conséquem-
raent que le corps des pasteurs chargé d'en-
seigner ne peut ni se tromper, ni égarer le
troupeau : il discute les autorités, les faits,
les raisonnements que les hérétiques ont
opposés à celte vérité. Voy. Ec.lise, Infail-
MiiiLiTÉ. — 4° Ce qui est vrai à l'égard de
l'Eglise universelle s'applique naturellement
aux conciles généraux qui la représentent ;
l'Eglise môme ne peut pr.ofesser et déclarer
sa foi d'une manière plus authentique ni
])lus éclatante que dans une assemblée géné-
rale de ses pasteurs. Conséquemment Cano
soutient que dans les matières qui concer-
nent la foi et les mœurs, un concile général
est infa«-<llible ; mais, comme tous les théolo-
giens ultramontains, il fait dépendre cette
infaillibilité de la convocation, de la prési-
dence et de la coniirmation qu'en fait le
souverain pontife, tellement que si une de
ces choses manque, le concile n'a plus aucune
autorité : doctrine à laquelle nous ne sous-
crivons point, et qui est contraire à celle du
clergé de France. Voy. Concile, Infaillibi-
lité. — 5° De môme , en traitant de l'autorité
du souverain pontife en matière de foi, l'é-
voque des Canaries fait son possib'e pour
la rendre égale à celle d'un concile général;
il allègue les passages d ■ l'Ecriture sainte,
des conciles, d 'S Pères de l'E j,lise, surtout
des papes, qui semblent favorables K ceite
opinion. Mais M. Bossue!, dans sà Défense de
la Dédaralion du clergé de France de 1682,
a solidi'miMit réiionilu à toutes ces autoriiés ;
il a fait voir qu^j les ultramontains en pous-
sent trop loin les conséquences, et il leur
oppose des preuves auxquelles Cano ne sa-
tisfait point. Voy. Pape, Infaillibilité (1).
— G" A 1 égard de l'autorité des Pères de
lEglse, il observe que leur sentiment,
lorsq l'il n'est pas unanime, ou du moins
suivi par le très-grand nombre, ne fait
qu'un argument prob.ible. A celte occasion,
il s'élève contre les théologiens qui ont voulu
faire du seul saint Augustin un cinquième
évangile, et donner à ses ouvrages une au-
torité égale il celle des livres canoniques.
Voy. Saint Augustin. Alais il soutient qu'en
fait de matières dogmatiques, lorsque le très-
grand nombre des Pères enseignent une
môme doctrine, on doit regarder ce consen-
teruent comme une marque certaine de
vérité. En ell'et, si presque tous avaient
adopté une même erreur, il s'ensuivrait
qu'ils y ont entraîné l'Eglise entière, puis-
qu'on général les fidèles ont toujours suivi
avec docilité la doctrine des Pères, et les
ont regardés comme leurs maîtres et leurs
(I) Nous avons combattu l'opinion gallicane dans
nos art. Déclaration du clergé de Fr4nce, de 1682,
ei Infaillibilité nu papr.
LIE
301
guides. D'ailleurs, comment un grand nom-
lire d'hommes rccommandables par leurs
lumières et par leurs vertus, qui ont vcu
en dilférents temps et en différents lieux,
entre lesquels il ne peut y avoir eu de col-
lusion, auraient-ils embrassé tous la môme
o|iinion sans fondement, sans intérêt contre
toute apparence de vérité ? L'unanimité ou
la presque unanimité do leurs sentiments sur
une question dogmatique n'a lias pu se for-
mer par hasard: on ne peut en imaginer une
autre cause que la solidité des preuves.
Voy. PÈRBS DE l'Eglise. — 7° Après avoir
allégué les reproches et les invectives que
les hérésiarques et leurs jiartisans ont vomis
contre les tliéologiens, l'auteur, sans dissi-
muliT les défauts dans lesquels plusieurs
scolastiques sont tombés, fait voir qu'on ne
doit pas les attribuer à la théologie, de môme
que l'on ne rend point la philosophie res-
ponsable des défauts des philosophes. 11
convient que, quand les théologiens dispu-
tent et ne sont [loint d'accord sur une ques-
tion, leur avis ne lait pas preuve; mais lors-
que le très-grand nombre sont de môme
sentiment, il y a de la témérité à le contre-
dire et ai le taxer d'erreur. En effet, non-
seulement le commun des fidèles se trouve
dans la nécessité de s'en rapporter h ceux
qui sont chargés d'ens-igner, mais les
pasteurs môme de l'Eglise, assemblés en
concile, n'onl jamais manqué de consulter
les théologiens et de prendre leur avis. 11
en est de môme des canonist 'S en maiière de
lois et de discipline. On voit aisément que
les calomnies des hérétiques contre les
théologiens leur ont été dictées par la pas-
sion; il leur était naturel de haïr et de
décrier des adversaires qu'ils redoutaii'nt,
et qui souvent les couvraient de confusion.
Voy. Théologie, Scolastique. — 8° Sur l'u-
sage que l'on doit faire du raisonnement
dans les matières théologiques, Cano con-
vi nt iju ■ les scolastiques des derniers
siècles en ont abusé, lorsqu'au lieu de fon-
der les dogmes de la loi sur l'Ecriture
sainte et sur la tradition, ils se sont attachés
à lys prouver principalement ]iar des rai-
sonnements philosophiques. Mais il n'ap-
])rouve pas non plus ceux qui auraient
voulu bannir de la théologie l'usage de la
dialectique et des autres sciences humaines.
Puisque les hérétiques et les incrédules s'en
servent pour attaquer les vérités de la foi,
un théologien, pour les défendre, est obligé
de recourir aux mêmes armes; et cela n'a
jamais été plus nécessaire que dans notre
siècle, puisque l'on y a fait usage de toutes
les sciences pour attaquer l'Ecriture sainte
et les preuves de notre religion. Une étude
indispensable est celle de la critique pour
ajiprendre à distinguer les monumenls au-
theiitiijues d'avec ceux qui ne le sont pas.
Voy. CuiTiy! K, MÉTAPHYSIQUE. — 9° Eu jiar-
lant des philosophes, notre autour ne dissi-
mule pas (jue, dans l'origine du christia-
nisme. Us en ont été les plus mortels enne-
mis, et que, selon les oliservations des
Pères de I Eglise, les hérésies ont dié enfau-
m LIE
li'es par des hommes qui ont voulu assujet-
tir les d()ji;uics révélés de, Dieu ;\n\ (ipiniiuis
])liilosoi)liiques. Ls Pères out doui; été obJi-
{;és de ennuaître ces (i|)itiions, et ils s'en
sont servis avec avantage, soit pûur réfuter
les erreurs, soii pour défendre les véiilés
chrétiennes. Aujour.riun on leur eu fait un
crime, sans vouloir consi<ii'n'i' les circons-
laiices dans lesquelles ils étaient, le carac-
tère et le génie de leurs adversaires. Nous
nous trouvons encore dans le nièine cas
tjue les Pères, et nous sonnnes forcés de les
imiter. Mais, li in de fonder les vérités révé-
lées sur les opin ons philosophiriues, nous
nous servons des |)rei-nières poiu' discerner
ce qu'il y a de vrni ou de faux d.ins les se-
condes. Celles-ci méritent d'autant moins
de croyance, qu'elles chan(i'eiit de siècle en
siècle.' Il n'en est peut-être aucune qui
n'ait déjà été successivement suivie et
abandonnée, défendue et l'éfutée deux ou
tnds fois depuis la naissance de la iihiioso-
phie. A la première apparition d'un système
(jui est ou (lui paraît nouveau, les esprits
superficiels l'euibriissentavec enthousiasnu';
mais bientôt d se trouve des raisonneurs
([ui le détruisent de fond en C(jmble. Nous
pourrions en citer plusieurs exemples. Yoy.
PUII.OSOPIIIE.
Selon la remarque judicieuse de notre
auteur, c'est un alms de vouloir que les au-
teurs sacrés, qui parlaient pour tout le
monde, se soient servis du langage philoso-
phi(iue plutôt que du style populaire : leurs
expressions ne peuvent donc servir ni à prouver
m .*» eondialtre les opinions sjiéculatives des
philosophes; mais on doit rejeter celles-ci,
lorsi]u'cllespar.dssentima;^inées exprès pour
attaquer nos livres saints. L'évèque des
Canaiies dit deux mots des juiisconsultes,
et montre jusqu'à quel point un théologien
doit avoir connaissance du droit civil, dans
quel cas l'Eglise a dû conformer ses lois à
cèdes des souverains. Yoy. Lois ixclésias-
TIQUES.
Le dixième, et le dernier des lieux théolo-
giques, est le témoignage des historiens.
Comme la plupart des preuves de la révéla-
tion sont des faits, la connaissance de l'his-
toire est absolument nécessaire à un théolo-
gien; il en a besoin pour concilier l'histoire
sainte avec l'histoire profane : ilnedoil donc
négliger ni l'étude île la chionologie, ni celle
de la géographie, qui sont les deux yeux de
l'histoire, et ces deux sciences sont portées
aujourd'hui à un grand degré de perfection.
Mais ce serait une erreur do [jrétcndre ,
connue font les incrédules, que la narration
d'un .lutcur profane, souvei.t mal instruit,
peut faire preuve contre un fait articulé dis-
tinctement p;ir les écrivains sacrés. Plus on
consulte les anciens monuments, plus on
est convaincu que ces derniers méritent
mieux notre ( onliance que tous les nutn^s.
Jusqu'à présent les incrédules, nifdriré toutes
leurs recherches, n'ont encore pu iiiuntier
dans nos livres saints aucune erreur en fait
d'histoire. Voy. Histoiuc sainte.
Caiio exauiiuo, en détail, qui sont, parmi
LIG SOC •
les historiens profanes ceux qui méritent le
plus de ci'o\ance; et ce point de critique
n'est pas facile à décider. 11 y a tant de va-
riété entre eux sur les faits de l'histoire an-
cienne, que l'on ne sait souvent auquel on
doit plutôt s'en rapporter. Il fait la même
chose à l'égard des historiens ecclésiasti-
ques; il ne dissimule a cun des ripri cites
qu'on leiu- a fidts; il déplore surtout l'im-
jiru lente crédulité de ceux qui ont dressé
les légendes ou les vies des saints, qui ont
adoiité, sans examen et sans critique, les fa-
bles jjopulaires; qui ont nqipoité une imdti-
tude (le [irodiges dénués de preuves ; m.iis
inulileinent les incrédules ont voulu en tirer
avantage pour rendre douteux tous les faits
favorables à not:e religion. Voy. Légende.
C'est de leur paît un préjugé très-injuste de
préférer toujours le témo gnage des écri-
vains enneiuis du christianisme! à celui des
Pères de l'Eglise et des apologistes i.e notre
religion, de supposer qu'un auteui- est indi-
gne'de foi liés qu'il croit en Uieu. Vuy. His-
toire ecclésiasthjle.
L'ouvrage dont nous faisons l'extrait est
terudné par quelques discussions relatives
aux objets qui y sont traités. Après avoir
expliqué ce que c'est que la théologie, quel
est son objet, sa fin, le degré de certitude
fju'on doit lui attribuer, l'auteur distingue
deux sortes de véiités de foi; les unes sont
celles que Dieu a expressément enseignées
à son Eglise par une rêvé ation écrite ou
non écrite; les autres en sont une consé-
quence évidente : les unes ni les autres ne
peuvent être niées ni révoquées en doute
sans errer contre la foi. Sur cette matière, il
est bon de considter Holden, de ResoliUione
fidci. — Il examine ensuite les divers degrés
d'erreur; il donne la notion d'une hérésie
pro])remcnt dite; il montre en quoi elle est
différente d'une simple erreur; quelles rè-
gles l'on doit suivre pour imprimer à une
proposition la note d'hérésie; ce que l'on
entend par une proposition erronée, qui sent
l'hérésie, qui otfense les oreilles pieuses,
qui est téuiéraire ou scandaleuse, etc. Voy.
Censlue. Enfin, il expose les précautions
que l'on doit prendre, en faisant usage des
divers Lieux théologiques dont \\ a pailé : en
quels cas les arguments que l'on en tire
peuvent être plus ou moins certains. 11 donne
lui-môme l'exemple, en traitant trois ques-
tions théologiques selon la méthode qu'il a
prescrite, savoir, le sacrifice de l'eucharis-
tie, le degré do connaissance dont l'Ame de
Jésus-Christ a été douée dès l'instant de sa
création,' l'immortalité de l'âme.
LIGATUUE. On donne c^uelquefois ce nom
aux amulettes ou préservatifs, parce qu'on
les porte suspendus au cou, ou attachés à
quelque [lartie du corps. Voy. Amulette.
Chez les théologiens mystiques^ ligature
siginfie une suspension totale des facultés
supérieures ondes puissances intellectuelles
de l'àme ; ils prétendent que quand l'Ame est
livrée aune parfaite contemplation, elle leste
privée do toutes ses opérat'ons, et cesse
d'agir, afin d'être mieux disposée il recevoir
307
I.IM
LIT
508
les impressions et les communicalioiis de la
grâce divine. Cet état, selon eux, est pure-
ment [)assif ; mais comme il peut venir d'une
cause physique et d'une certaine constitu-
tion de tempérauient, il est dangereux de
s'y tromper, et l'on ne peut prendre trop de
précautions avant de décider si cet état dans
telle personne est naturel ou surnaturel.
Voy. Extase.
LIMBES. Dans l'origine, limbus, en latin,
est le bord ou la bordure d'im vêtement ; au-
jourd'hui, Uinbcs est un mot consacré parmi
les théologiens, pour signifier le lieu où les
âmes des saints patriarches étaient détenues,
avant que Jésus-Christ y fût descendu après
sa ni' rt et avant sa résurrection, pour les
délivnr et les faire jouir de la béatitude. Le
n' m de limbes ne so lit ni dans l'Ecriture
sainte, ni dans les anciens Pères, mais seu-
lement celui d'enfers, infcri, les lieux bas.
Il est dit de Jésus-Christ, dans le symbole,
descendit ad inferos, et saint Paul {Ephes.,
c. IV, v 9), dit que Jésus-Christ est descendu
aux |)arties inférieures de la terre; tous les
Pères se sont exprimés de même. Dans ce
sens, il est vrai de dire que les bons et les
méchants étaient dans les enfers, lorsque
Jésus-Christ y est descendu ; mais il ne s'en-
suii pas que tous aient été dans le même lieu
encîjre moins que tous aient enduré les
mêmes tourments. Dans la parabole du mau-
vais riche, Luc., c. nvi, v. 2G, il est dit
qu'entre le lieu où étaient Abraliam et le
Lazare, et elui dans lequel soutfrait le
mauvais riche, il y a un vide immense qui
empêche que l'on ne puisse passer de l'un
dans l'aulre. Ainsi les Pères ont eu soin de
distinguer expressément ces deux parties
des enfers. Voy. Petaii, Dogm. Théol., tome
IV, n' part. 1. xni, e. 18, § 5.
Quelques théologiens pensent que les
enfants morts sans ba|itôme sont dans les
limbes, ou dans le même lieu dans lequel
les âmes des patriarciies attendaient la venue
de Jésus-Clirist; mais cette conjecture ne
peut jws s'accorder avec le sentiment do
saint Augustin et des autres Pères, qui ont
soutenu, contre les pélagiens, qu'entre le
séjour des bienheureux et celui des damnés,
il n'y a point de lieu mitoyen pour les en-
fants. Au reste, peu importe dans quel lieu
soient ces enfants, pourvu qu'ils n'endu-
rent pas les sujiplices des réprouvés. — On
ne sait pas quel est le premier qui a em-
ployé \i'. mot limbus, pour désigner un sé-
jour particulier des âmes; on ne le trouve
pas en ce sens dans le Maitre des Sentences;
mais ses commentateurs s'en sont servis.
Comme le termed'oi/er semblait emporter l'i-
dée de la damnation et d'un supjilice éternel,
ils en ont employé un autre plus doux. Voy.
Durand, in quart. Sent., dist. -21, q. 1, art. 1;
D. Bonaveut. ibid., dist. 15, art. 1, q. 1, etc.
LINC.ES SACHES. L'Eglise a jugé conve-
nable que les linges sur lesquels on dépose
l'eucharistie pendant le saint saciilice fus-
sent consacrés k cet usage par une bénédic-
tion particulière. Tels sont les najipes d'au-
tel, les oorporaux, k palle. Dans l'ancienne
loi. Dieu avait ordonné de consacrer tous
les ornements du tabernacle et du temple;
à plus forte raison convient-il que la même
chose soit observés à l'égard des autels du
christianisme, sur lesquels le Fils de Dieu
daigne se rendre réellement présent, et re-
nouveler sou sacrifice. On ne peut apporter
troj) de soin pour inspirer un profond res-
pect pour tout ce qui sert à cet auguste
mystère; une trop grande familiarité avec
le culte divin diminue insensiblement la foi
et ne manque pas de conduire aux profana-
tions. — Cette bénédiction des linges d'autel
est ancienne, puisiju'clle se trouve dans le
Sacraiiicntaire de saint Grégoire; et Optât
de Milève, au v° siècJe, parle de ces linges.
Voy. les notes du père Ménard, p. 197. C'est
ainsi que l'Eglise atteste sa croyance par
tous ses rites exiérieurs. Si elle ne croyait
pas la présence réelle de Jésus-Christ dans
'eucharistie, elle n'aurait pas autant de res-
pect pour tout ce qui sert à ce mystère. En
renonçant à cette foi , les protestants ont
supprimé toutes les cérémonies qui l'expri-
ment : chez eux, la cène se fait avec aussi
peu d'appareil qu'un repas ordinaire. Ils
traitent nos cérémonies de superstition, et
les incrédules répètent aveuglément les
mêmes reproches, ils ne comprennent pas
le," sens de ces professions de foi qui parlent
aux yeux des plus ignorants. Il faudrait donc
commencer par prouver que l'Eglise est
fausse, avant de conclure que ses rites sont
superstitieux. Voy. Autel, Vases sacrés.
♦ LINGUISTIQUE. Voy. Ethnographie.
LITANIES. Ce terme, dans l'oiigine, est
le grecXiTMisia, prière, supplication, rogalion;
dans la suite il a désigné certaines prières
liubliques accompagnées de jeûnes ou d'ab-
stinence et de processions, que l'on a faites
pour apaiser In colère de Dieu, pour dé-
tourner quelque fléau dont on était menacé,
pour demander à Dieu queli[ue bienfait, ou
le remercier de ceux que l'on avait reçus.
Les auteurs ecclésiastiques et l'ordre romain
nomment aussi litanies les personnes qui
composent la procession et qui y assistent ;
mais ce terme signifie proprement les prières
que l'on y fait et qui se disent k deux ou
plusieurs chœurs qui se répondent.
Vers l'an 470, saint Mamert évêquc de
Vienne, k l'occision des tremblements de
terre , des incendies et des autres fléaux
dont son diocèse était affligé, institua les
processions dos Rogations qui se font les trois
jours avant l'Ascension ; elles furent nom-
mées les grandes litanies, et devinrent bien-
tôt un usage général dans toutes les Gaules.
On sait assez que le v* et le vi° siècle fuient
marqués par de fréquentes calamités publi-
ques. Voy. Rogations.
L'an 590, k l'occasion d'une peste qui rava-
geait la ville de Rome, saint Grégoire, pajio,
indiqua une litanie ou procession k sept
bandes, qui devaient marcher au ppintdu jour
le mercredi suivant, et sortir de diverses
églises pour se rendre toutes à Sainte-Marie-
Majeure. La première troupe était comjiosée
du clergé, la seconde des abbés avec leurs
509 LIT
moines, la froisi(''m(> des abbesses avec leurs
religieuses, la tiuatrièuie des eul'anls.la rin-
qui(^nie îles hommes laïqn(>s, la sixième des
veuves, la sejitiôiue desl'ciimies mariées. On
croit que de cette procession générale est
venue celle qui se fait le jour de saint
Mare. Elle fut aussi appelée h Rome la grandi-
lifanic, h cause de sa gran le solennité ; mais
elle n'a été mise en usage dans les églises
(les Gaules que lon;i;lemps après ; et le nom
(le grandes litnuirs est demeuré aux prières
(les'llogations. Saint Charles Borromée mon-
tra un grand zèle à rétablir dans l'église de
Niilan ces dill'érentes litanirs : il ranuna par
ses discours et par ses exemples la i)iété du
peuple. Dans plusieurs églises, les litanies
(li^s Uogations et de saint .>Iarc étaient ac-
compignées d'abstinence et de jeilne; aujour-
d'hui Ion se borne à l'abstinence, parce que
Cl' n'est pas la coutume de jeûner dans le
temps pascal.
Les courtes formules des prières, dont les
lilaniesson[ composées, ont été fntes afin (juo
le clergé et le peuiilo pussent prier iilus
commodément sans interrompre la marche
des processions. Dans les notes du jière Mt'~
nnrd sur le Snernmentaire de saint Grégoire,
p. 130, (in trouve la formule des litanies qui
se chantaient dans les églises des (îaules aux
IX* et \' siècles; il les a tirées d'un ancien
manuscrit de l'abbaye de Corbie. A l'exem-
ple de ces litanies des Saints, l'on a composé
d'autres litanies particulières, comme celles
du saint Nom de Jésus, du saint Sacrement,
do la sainte Vierge, etc.; mais elles sont
moins anciennes. Voy. Bingham, t. V, 1. xnt,
c. 1, § 10.; Thûmassiu, Traite' dv.jeihie, p. 175,
Ma, Ole.
Basnage, disseitant sur les litanies et les
rogations, Jlist. de l'Egl. liv. xxi, c. 3, pré-
tend i[ue, dans l'origine, il n'était point ques-
li'in des saints dans les litanies; ([ue l'un s'y
adressait à Dieu seul; il n'en ajiporle aucune
preuve positive ; il se contente de citer les
auteurs qui ont écrit que l'on y priait Dieu,
que l'on implorait sa miséricorde et son
secours, etc. Qui en douta jamais"? 11 ob-
serve lui-même (pie nous disons seulement
aux sinnls, priez pour nous, au lieu que nous
disons à Dieu, ayez pitié de nous, secourez-
nous, pardonnez-nous ; donc toutes ces priè-
res se rapportent à Dieu, les unes immédia-
tement et directement, les autres indirecte-
ment et par l'intercession des saints. Ainsi
l'ont entendu les anciens; ainsi l'Eglise ca-
tholique l'entend encore; la remarque de
Basnage ne (trouve donc rien.
LlTUlUllE (1). Le mot grec V.iToupyia, sui-
vant les grammairiens, signifie ourrage, fonc-
tion, ministère public ; il est com[)Osé (JeXeiTÔ,-,
public, etde Ép/ov, ouvrage, action. Mais jtuis-
c^uece terme est principalement consacré à dé-
signer le culte (Jivin et les cérémonies qui en
(1) Nous avons consacré \iii long articles à la litur-
gie (ians notre Dict. de Tliéol. luoi-. Il servira de
Compl(>inent à celui de Bergier. Voyez, aiissi le Dic-
tionnaire de Liturgie par M. l'alibé Pascal, et relui
dei Cérémonies et des liitcs sucrés, par .M. l'ubbé
Buissonnel, publiés tous deux par M. l'abbé Migiie.
LIT
510
font partie, i. est plus naturel de le dériver de
Xc-iTat, qui se trouve dans Hésycliius, an liou
de >i7ai, prières, supplications, vo'ux adi es-
ses à la Divinité, d'où est venu le latin titare,
prier, sacrilier.
A iiriipi'enient parler, la liturgie n'est an-
tre chose que le culte rendu publiquement
h la Divinité ; il est donc aussi ancien que
la religion, puisque c'est une des iiremières
leçons (pie Dieu a données îv l'homme en le
créant. Dans l'histoire même de la création,
il est dit (pm Dieu bénit le septième j(Uir et
h sanctipn {Gen., ii, 2 et 3) ; il destina donc
ce jour ^ son celte, et silrement il ne laissa
)ias ignorer h nos premiers parents la manièr(!
dont il voulait être honoré. Mais nous avons
assez p.irlé ailleurs du culte rendu ^ Dieu
par les patriarches et par les Juifs. Voy.
CiLTiî, JcD'.ïsMr:, Lois céhémomelles , etc.
Nous devons donc nous occuper seulement
ici de la liturgie chrétienne ou du culte di-
vin, tel quil à été institué par Jésus-Christ
et par les a]i(Mres.
Jésus-Christ, ([ui est venu au monde pour
apprendreaux hommes hadorerDieuc» esprit
et en vérité, a di^ faire cesser le culte gros-
sier pratiqué par les Juifs ; mais il n'a jias
supprimé pour cela toutes les cérémonies,
comme certains dissertateurs ont voulu le
persuader. 11 en a même institué plusieurs,
et après son ascension, il a envoyé le Saint-
Esprit à ses aiu^tres pour leur enseigner toute
vérité, et leur faiie comprendre parfaitement
tout ce que leur divin Maître leur avait dit
{Joan. xiv, 26; xvi, 13). Ils ont donc exac-
tement suivi ses intentions, en réglant le
culte divin ; saint Paul, assure les Corinthiens
(ju'il a re(;u du Seigneur tout ce (ju'il leur a
(lit touchant la consécration de l'eucharistie
(/ Cor. XI, 23). C'est cette consécration mô-
me que l'on nomme proprement liturgie,
parce (]ue c'est la partie la plus auguste du
service divin. Nous traitons des autres parties
de l'oflice de l'Eglise sous leur nom parti-
culier.
Déjà, dans l'Apocalypse de saint Jean,
nous trouvons le tableau d'une ?i<î«/Y/!>pom-
]ieuse. 11 rapporte une vision qu'il eut le
dimanche, jour duquel les fidèles s'.issem-
l)laient pour célébrer les saints mystères
[Apoc. I, 10). L'apilitre peint en elfet une as-
semblée à laquelle préside un pontife véné-
rable , assis sur un tr(^ine, et environné do
vingt-quatre vieillards ou prêtres (iv, 2, 3, 'i-).
Nous y voyons des habits sacerdotaux, des
robes Blanches, des ceintures des couronnes,
des iiistiuments du culte divin, un autel,
des chandeliers, des encensoirs , un livre
scellé {ibid., et v, 1) ; il y est parlé d'hymnes,
de cantiques, d'une source (l'eau qui donne
la vie (v, 11 et 12; vn, 17). Devant le trl^ne,
et au milieu des prêtres, est un agneau en
état de victime, auquel sont rendus les hon-
neurs de la divinité. C'est donc un sacrifice
auquel Jésus-Chiist est présent ; s'il y est
en état de victime, il faut aussi qu'il en soit
le pontife principal (v, 6, 11 et 12j. Sous
l'autel suiit b'S martyrs qui demandent que
leur sang soit vengé (vi, 9 et 10). On sait
SH
LIT
LIT
512
que l'usage de l'Eglise primitive a été d'of-
fiir les saints mysières sur le tombeau et
sur les reliques des martyrs Un ange ]iré-
sente k Dieu de l'encens, et il est dit que c'est
l'emblème des prières des saints ou des fidè-
les (vm, 2; l'ieary, Mœurs dcschrél., n" 39).
Comme il est de l'intérêt des protestants
de persuader que, dans les trois premiers
siècles de l'Eglise, on n'a rendu aucun cmlie
religieux à l'eucharistie, aux anges, aux
saints, ni aux reliques des martyrs, ils ont
senli les conséquences que l'on peut tirer
contre eux de ce tabl au, et ils ont cherché
à les détourner. Ils ont dit que l'Apocalypse
est une vismn et non une histoire; que i'au-
tel, le trône, etc., vus par saint Jean, étaient
dans le ciil et non sur la terre. Mais si l'on
rapproche de ce tableau ce que dit saint
Ignace dans ses lettns, touchant la manière
dont l'eucharistie doit se faire par l'évèque
au milie.idi's prêtres et des diacres ; c qui
est rapporté dans les actes de son mai tyre
et de celui de sdnt Polycarpe , concernant
l'usage des fidèles de s'assembler sur le tom-
beau et sur les reliques des martyrs ; le récit
que fait saint Justin de ce qui se passait dans
les asseuibl.'^es des chrétiens [Apol. i, n° 63
et si.iv.j, on verra qu'au u" siècle, et tiès-peu
de teuqjs après la mort de saint Jean, l'on
faisait exactement sur la (erre ce que cet
aiiotie avait vu dans le ciel. Bingliani, Oriy.
ecclés., I. xm, c. 2, § 1, est convenu que dans
le chapitre 8 de l'Apocalypse, l'Eglise chré
tienne est représentée dans le ciel et sur la
terre ; en cela il a été de meilleure foi que
les autres protestants. Ainsi, de deux choses
l'une : ou saint Jean a représenté la gloire
éternell e sous l'image de la ^(^wr(/ie chrétienne,
ou ceite liturgie a été dressée selon le plan
tracé par saint Jean : dans l'un et l'autre cas
elle vient de la tradition apostolique. Saint
Irénée, adv. Bœr., Vib. iv, c. 17, n" 5, et
c. 18, n°6, le suppose ainsi ; et cela n'a pas
pu être autrement. Quel personnage aurait
pu avoir assez d'autorité pour faire rece-
voir par toutes les églises une liturgie uni-
forme, si le modèle n'en avait pas été tracé
par les apôtres ? Or, lorsque nous comparons
cette liturgie apostolique avec l'explication
Su'en a donnée saint Cyrille de Jérusalem
ans -es Catéchèses, l'an 34-7 ou 348, avec la
liturgie placée dans les Constitutions aposto-
liques avunl l'an 390, avec les a'jives liturgies
écrites au commencement du v* siècle, nous
y trouvons unejconformité si|)arfaite,queron
ne peut y méconnaître une môme origine.
Quoi qu'en disent les protestants et leurs
copistes, cette liturgie apostolique n'est point
telle qu'ils le prétendent ; on n'y voit point
cette extrême simplicité qu'ils se flattent
d'avoir imitée ; on y trouve môme une doc-
trine très-dillérente dj la leur : nous le
prouvemns en détail. Us se sont imaginé
que, dans les premiers siècles, chaque évo-
que était le maître d'arranger comme il lui
plaisait la liturgie de san église : c'est une
fausse supposition. Après l'ascension du
Sauveur , les apôtres sont restés réunis à
Jérusalem pendant quatorze aas, avaut do
se disperser pour aller prêcher l'Evangile.
Eusèbe, //(.st. ecclés., 1. v, c. 18, à la fin. Ils
ont ilonc célébré ensemble l'office divin, ou
la liturgie, pendant tout ce temps-là {Act.,
XIII, 2). Ils ont eu par conséquent une
formule fixe et uniforme ; et il n'y a aucune
raison de croire qu'ils l'ont changée lors-
qu'ils ont été séparés. On a donc tout lieu
de penser que la liturgie de saint Jacques ,
suivie dans l'Eglise de Jérusalem, était civile
que les apôtres y avaient établie. Qui aurait
osé réformer ce que ces saints fondateurs
du christianisme avaient réglé?
Ce n'est donc pas des- protestHUts que nous
devons ajiprendre ce qu'il faut (>ens r des li-
turgies suivies par les ditl'crenti^s Eglises de
l'Orient et de l'Occid ni ; si elL'S sont au-
thentiques ou supposées; quel degré d'au-
torité on doit leur alîr.buer; quelles con-
séquences on peut m tuer : nous sommes
forcés de chercher ues lumières ailleurs.
Jusqu'au xvii' sièele l'on s'était fort peu
occupé de ces liturgies ; les théologiens en
avaient rarement fait usage pour prouver la
doctiine chrétienne : mais lorsque les pro-
testaiits eurent la témciité d'assurer que les
sectes des chrétiens orientaux , séjiarés de
l'Eglise romaine depuis douze cents ans,
avaient la même croyance qu'eux sur l'eu-
charistie, sur l'invocation des saints, sur la
prière pour les morts , etc., il fallut exami-
ner las monuments de la foi de toutes ces
sectes , et iiarticulièremi nt leurs liturgies.
C'est ce qu'ont fait les auteurs de la Perpé-
tuité de la foi, surtout dans le quatrième et
le cinquième volume : ensuite l'abbé Renau-
dot a donné une ample Collection des litur~
gies orientales, en 2 vol. in-4°, avec des no
tes et une savante préface. En 1680 , le car-
dinalTliomasius a publié à Rome les anciens
Sacramentaires de l'Eglise romaine , c'est de
là que dom Mabillon a tiré , en 1685, la li-
turgie gallicane , qu'il a fait imprimer après
l'avoir confrontée avec un manuscrit du vi'
siècle, et avec deux autres missels anciens.
Déjà le père Ménard avait publié, en 1640,
le Sacramentaire de saint Grégoire avec de
savantes notes ; et l'on a réimprimé depuis
peu le missel mozarabique. Le P. Lebrun
a rassemblé toutes ces liturgies, et celles
que l'abbé Renaudot n'avait pas pu se pro-
curer ; il les a comparées entre elles et avec
celles des protestants : il ne nous manque
plus rien pour juger de ces divers monu-
ments avec conna ssance de cause. Voy. Ex-
plic. des céréin. delà messe, t. III et suiv. (1).
Pour mettre un peu d'ordre dans cette
discussion, nous examinerons, 1° quelle est
l'antiquité et l'autorité des liturgies en gé-
néral ; 2° nous iiarlerons en particulier de
celles des cophtes ou chrétiens d'Egypte ,
auxquelles on doit rapporter celles des Abys-
sins ou chr, tiens d'Ethiopie; 3" des liturgies
syriaques, suivies, tant par les Syriens ca-
(1) L'ouvrage du P. Lebrun que cite souvent Ber-
gior clans ccl arlicle, a été reproduit in exiemo dans
le Diiivjn itire îles Céri'tnotiies et dea lities sucrée, par
11. l'aLiix' Bji»:oiinel, 3 vol. griuul iii-S", éUil. Migne.
313
LIT
LIT
ÇU
tholi'pes nommés maronites , que par les
jacobiles ou eutychiens ; k" de celles des nes-
toriens et des armi-niens ; 5" des lilurgies
grecques; 6° de celles des l,;itius, suivies par
les E^Alises de Home, de Milan, des (jaules,
de l'Espagne ; 7° nous verrons les consé-
quences (pii résu'tcnt de la c(im])nraison de
tous ces monuments; 8° nous jcllei'ons un
coup (l'œil .sur les litarç/ics des protestants.
1 1. De l'antiquité cl de l'autorité des li-
turgies. Le P. Lebrun a trùs-bieii prouvé
qu'aucune liturgie n'a été mise [lar écrit
avant le v' siècle, excepté celle qui se trouve
dans les Constitutions apostoliques . et qui
date au moins de l'an 'S'âO. Il ne iaut cepen-
dant pas en conclure , counyie ont fait les
protestants et d'autres, que les liturgies qui
Î orient les noms de saint Jiarc, ne saint
acques, (le saint Pierre, etc., sont des pièces
apocryphes et sans autorité. Les mêmes rai-
sons qui 1 rouveiit (|ue la liturgie n'a pas été
d'abord mise jiar écrit, pronveiu aussi-qu'elle
a é é soij;neusement conservée par trailiiion
dans chaque glise, et lidè'eine't transmise
par les évoques à ceux qu'ils élevaient au
sacerdoce. C'é ail un mystère, ou un secret
que l'on voulait cacher aux |iaiens, mais que
les pasteurs se coidiaient mutuellement; ils
ap renaient i)ar mémoire les piières et les
cérémonies; cela était u'aut int plus aisé ,
que c'étaient des pralitjues d'un usage jour-
nalier; mais ils étaient persuadés qu'il ne
leur était pas permis d'y rien c' anger. Les
Pères de l'Eglise nous l'ont remarquer cette
instruction traditionnell' : leur tidélité à
garder ce dépôt est attestée par la confor-
mité (|ui s'est trouvée, pour le fond, entre les
liturgies des ditférentes églises du monde ,
lorsqu'elles ont été mises par écrit. Le style
des prières est souvent dill'érent, le sens "est
partout le même, et il y a peu de variété
dans l'ordre des cérémonies. Dans toutes
l'on retrouve les mêmes parties, la lecture
des Ecritures de l'Ancien et du Nouveau Tes-
tament, l'instruction dont elle éiait suivie,
l'oblationdes dons sacrés laite par le prêtre,
la préface ou exhortation, le sanclus, la prière
pour les vivants et |.our les morts, la consé-
cration faite parles paroles de Jésus-Christ,
l'invocation sur les dons consacrés, l'adoration
et la fraction de l'hostie , le baiser de paix ,
l'oraison dominicale. 1 4 comnuniion, l'aclion
de grâces, la bénédiction du prêtre, 'i'elle
est la marclie à pi u près uniforme des litur-
gies, tant en Oi icnt qu'en Occident; cette res-
semblance pourrait-elle s'y trouver, si cha-
cun de ceux qui les ont rt'digées avait suivi
son goiU dans la mainèro de les arranger?
Eu r.issemblant ce(pi'enont dit les Pères des
quatre premiers siècles, on voit que de leur
temps les //(«ri/ffi étaient déjà tedes qu'elles
étaient mises paréciit au cimiuième.
Plusieurs sectes d'héi étiques, en se sépa-
lant de l'Eglise catholique, ont conseivé la
liturgie telle qu'ede était avant leur schisme,
cl n ont pas osé y toucher, tant on était per-
suadé que cette altération était un attentat :
pendant les quatre premiers siècles, aucun
n'a eu cette témérité ; Nestorius est le pre-
mier auquel on l'ait reprochée. Leont. Byzant.
contra Nest. et Euti/ch. , I. ni. C'est , sans
doute, une des raisons qui firent sentir la
nécessité d'écrire les liturgies. Depuis ce
moment, il ne fut plus possible de les altérer
sans exciter la réclamation des fidèles, puis-
qu'alors elles étaient en langue vulgaire.
Kinghain a voulu en iiii|)oser, lorsqu'il a
soutenu (jue, dans les jn'cmiers siècles, cha-
(pie évèqne avait la lilierti'' décomposer une
liturgie pour son église, Orig. erel., I. ii, c. (i,
S 2, et d'y arrang r le culte divin comme il
lu trouvait bon, 1. xmi, c. 5, § 1. Pour prouver
cette pr(''lendue libei-té, ce n'était pas assez
d'allé,.;uer quelque légèr(! diversité entre les
liturgies, puisqu'il recoiinait lui-même (pie
de temps en temps l'on y a fait (luelques ad-
ditions; la variété aurait été beaucoup pins
grande, si chaque évêque s'était cru (U droit
de l'arranger selon son goût. Croit-on q :e
les fidèles , accoutumés ii eidendre la même
liturgie pendant tout l'épiscopat d'un saint
évêque, auraient soulïert aisément que son
successeur la changeât ? Souvent ils ont été
prêts à se mutiner pour des si jets moins
graves. Les protest .nts ont donc très-mal
raisonné , lorsqu'ils ont dit que les liturgies
connues sous les noms de saint Marc, de
saint Jacques ou d'un autre ap('itre, sont des
pièces sup|)osées, qui n'ont été écrites C[ue
plusieurs siècles après la mort de ceux dont
elles portent les noms. Qu"iin|)orte la date de
leur rédaction par écrit , si , depuis les apiS-
tres , elles ont été conservées et journelle-
ment mises en usage |)ar des Eglises entiè-
res ? 11 a été naturel de nommer liturgie de
saint Pierre , celle dont on se servait dans
l'Eglise d'Antioche; liturgie de saint Marc,
celle qui était suivie dans l'Eglise li'Alexan-
drie; liturgie de saint Jaegucs , celle de Jé-
rusalem; liturgie de saint Jeun Clirysostoine ,
celle de Constantinoiile , et ainsi des autres.
On ne prétendait pas pour cela que c s di-
vers personnages les eussent écrites, mais
qu'elles venaient d'eux par tradition , et il
nous paraît que, dans cette question , la tra-
dition d'une Eglise entière mérite croyance.
On a pu , sans doute , ajouter de temps en
temps h ces liturgies quelques termes desti-
nés à professer nettement la fui de l'Eglise
contre les hérétiques, comme le mot consub-
stantiel, après le concile de Nicée, et le titre
de Mère de Dieu donné à la sainte A'ierge,
après le concile d'Ephèse. Cela prouve que
la liturgie a toujours été une profession de
foi; mais l'on sait à tiuelle occasion et par
quel motif ces additions ont été faites, et on
ne les trouve pas dans toutes les liturgies;
au lieu que l'on trouve dans toutes, sans
exception, les prières et les cérémonies qui
expriment les dogmes rcjctés par les pro-
testants. 11 ne faut donc pas raisonner sur
l'authenticité de ces monuments comme sur
l'ouvrage particulier d'un Père de l'Eglise;
aucun écrit de cette dernière espèce n'a été
appris jiar cœur et récité journellemeit dans
les églises, comme les liturgies. L'authenti-
cité de celle-ci est prouvée par leur uiinor-
mité; ce n'est point dans des manuscrits
àlK
LIT
Û^
516
épars qu'il a fallu les chercher , mais dafis
les archives des églises qui les suivaient. 11
est fôcheux que des savants , respectables
d'ailleurs, n'aient pas fait cette réflexion, et
soient tombés dans la même méprise que
les protestants. Voy. VHist. de VAcad. det
Jnscript., tom. XIII, in-12, p. 163.
Le degré d'autorité des liturgies est encore
très-différent de celle de tout autre écrit :
quel que soit le nom qu'elles portent, c'est
moins l'ouvrage de tel auteur, que le monu-
ment de la croyance et de la pratique d'une
Eglise entière: il a l'autorité non-seulement
d'un saint personnage, quel qu'il soit, mais
la sanction publique d'une société nombreuse
de pasteurs et de fidèles qui s'en est constam-
ment servie. Ainsi, les liturgies grecques de
saint Basile et de saint Jean Chrysostome
ont non-seulement tout le poids que méri-
tent ces deux saints doctenrs, mais le suflrage
des Eglises grecques qui les ont suivies et
qui s'en servent encore. Jamais les Eglises
ne s'y seraient attachées si elles n'y avaient
pas reconnu l'expression fiiôle de leur
croyance. Par une raison contraire, la litur-
gie insérée dans les Constitutions apostoli-
ques n'est presque d'aucune autorité , quoi-
qu'elle ait été écrite la première, parce qu'on
ne connaît aucune Eglise qui s'en soit servi.
Quand les objections que Daillé a faites
contre les écrits des Pèr.'S seraient soUdes,
elles n'auraient aucune force contre les li-
turgies. Ici, c'est la voix du troupeau jointe
à celle du pasteur : c'est tout un peuple qui,
par la forme lie son culte et par tes expres-
sions de sa piété , rend témoignage de sa
croyance. Or, la plupart des anciennes Egli-
ses avaient reçu leur croyance des apôtres
mômes. Aucune n'a jamais été sans liturgie,
et aucune n'a été assez insensée pour expri-
mer, par ses paroles et par ses actions, une
doctrine qu'elle ne croyait pas ou qu'elle re-
gardait comme une erreur. Les liturgies des
Orientyux prouvent aussi évidenmient leur
foi, que celles des protestants expriment leur
doctrine.
S'il se trouve quelque ambiguïté dans le
langage des jirières, le sens en est expliqué
par les cérémonies, et ces deux signes réu-
nis ont une toute autre énergie que de sim-
ples paroles. Quand celles de la consécration,
ceci est mon corps, seraient éqviivo(fues, l'in-
vocation du Saint-Esprit, par laquelle on le
prie de changer Ijs dons eucharistiques, et
d'en faire le corps et le sang de Jésus-Christ,
l'élévation et l'adoration de l'hostie, l'usage
de porter l'eucharistie aux absents , atteste-
raient la présence réelle d'une manière in-
vincible. Les protestants l'ont si bien com-
pris, qu'en changeant de dogme, ils ont été
iorcés de supprimer les cérémonies : c'était
une condamnation trop sensible de leur doc-
trine. Aussi, dès les premiers siècles , on a
opposé aux hérétiques ces monuments de la
foi de l'Eglise. Selon le témoignage d'Eusèbe,
Histoire ecclés., liv. v, c. îi8, un auteur du
11' siècle, pour réfuter Artémoii, qui préten-
dait que Jésus-Christ était un pur honuue, lui
citait les cantiques composés par les tidèles
dès le f ommmc POTcn?, par lesquels ils louaient
Jésus-Christ comme I)ieu. Paul de Samosate,
qui pensait comme Artémon, tit supprimer
ces cantiques dans son église, ihid., hv. vu,
c. 30. Nous apprenons de Théodoret, qu'A-
rius changea la doxologie que l'on chante à
la fin des psaumes, parce qu'elle réfutait son
erreur : il aurait voulu changer aussi les [la-
roles de la forme du baptême, mais il n'osa
pas y toucher. Théodoret, Hœret. Fab., ,. iv,
c. 1.
Au V siècle, saint Augustin prouvait aux
pélagiens le péché originel par les exorcis-
mes du baptême; la nécessité de la grilce et
la prédestination, par les prières de l'Eglise,
Epist. 95 , 217 , etc. Le pape saint Célestin
Iiroposait cette règle aux évêques des Gaules,
lorsqu'il leur écrivait : « Faisons attention au
sens des prières sacerdotales, qui, reçues par
tradition des apôtres dans tout le monde, sont
d'un usage uniforme dans toute l'Eglise ca-
tholique; et par la manière dont nous devons
prier, apprenons ce que nous devons croire. »
Ainsi ce pontife attestait l'authenticité et
l'autorité des liturgies; elle n'est pas dimi-
nuée depuis douze cents ans : jusqu'à la lin
des siècles elle sera la même.
II. Des liturgies cophtes. On sait, par une
tradition constante, que l'Eglise d'Alexan-
drie, capitale de l'Egypte, fut fondée par saint
Marc ; et l'on ne peut pas dout(>r que ce saint
évangéliste n'y ait établi une forme de litur
gie. Elle s'y conserva , comme ailleurs , par
tradition, jusqu'au v* siècle , et , selon l'opi-
nion commune, ce fut saint Cyrille d'Alexan-
drie qui rédigea pour lors et mit par écrit la
liturgie de son Eglise. 11 l'écrivit en grec,
qui était alors parlé en Egypte; delà cotte /('-
turgic a été nommée indifféremment liturgie
de saint Marc et liturgie de saint Cyrille.
Mais comme une bonne partie du peuple do
l'Egj'pte n'entendait jias le grec, et ne par-
lait que la langue cophte,il paraît qu'au V siè-
cle l'usage était déjà établi, dans ce royaume,
de céfébrer l'office divin en cnphte aussi bien
qu'en grec, et que la liturgie grecque de saint
Cyrille fut aussi écrite en cophte pour l'u-
sage des naturels du pays.
Lorsque Dioscore, son successeur, partisan
d'Eutycliès, et condamné par le concile de
Chalcédoine, en 'j5I, se sépara de l'Eglise
catholique, il entraîna dans son schisme la
plus grande partie des Egyptiens natifs. Ces
schismatiques continuèrent à célébrer en
cophte, pendant que les Grecs d'Egypte, at-
tachés à la foi catholique et au concile de
Chalcédoine, conservèrent de leur côté l'u-
sage du grec dans le service divin. Cette di-
versité a duré pendant deux cents ans, et
jusque vers l'an 660, tomjjs auquel les ma-
hométans se rendirent maîtres de l'Egypte.
Alors les Grecs d'Egypte, lidèlos aux empe-
reurs do Constantinople, furent opprimés ;
les coiihtos schismatiques, qui avaumt favo-
risé la conquête des maliouiétans, obtinrent
d'eux l'exercice libre de leur religion, et
l'ont conservé jusqu'aujourd'hui. Voy.
COPHTE^S.
Ils ont trois liturgies : l'une, qu'ils nom
517
LIT
LIT
518
ïïieiit (le saint Cyrillo; c'est la niAme, pour
le fond, (|iie (H'Ile dont nous venons de |ini-
ler; la seconde csl celle do saint Basile ; la
troisième, de saint (ir('';j;oire de Nazianzc, sur-
uomm(' le Théologien. Dans ces deux der-
nières, les cophtes eutychiens, ou jaeobites,
ont placé avant la coinniuiiion une confession
de loi eontbrnie à leur erreur, mais ils n'ont
pas touché à celle de saint Cyrille, nommée
aussi (Je saint Marc. L'ahbé Uenaudot l'a tra-
duite non-seulement du coplite, mais l'a
confrontée avec le texte grec, ducjuel elle
est oiiginairemcnt firéu. L'on ne peut pas
douter (juece ne soit la Uturqic qui était en
usage dans l'Eglise d'.Mexandrie, au V siè-
cle, avant le schisme de Dioscore. puisque
les catholiques avaient continué de s'en ser-
vir encore depuis cette époque. Le P. Le-
brun l'a aussi rapportée. On n'y trouve au-
cune erreur, mais une conformité parfaite
avec la croyance catholique sur tous les
points contestés entre les piotestants et. nous.
De quel droit dira-t-on ([ue cette liturgie de.
saint Marc est une pièce apoeryiihe et sup-
posée, qui n'a aucune autoriti.î ? Dans les
deux autres lilun/ics des coplites, on no
trouve rien de changé ni d'ajouté, que la
rol'ession de l'eutycliianisme. Depuis q\w
r;
'arabe est deveim 1m langue vulgaire de l'ii-
gypte, les cophtes n'ont pas laissé de célé-
brer en copiile, quoiqu'ils n'entendissent
plus celte langue.
Comme les Abyssins ou chrétiens d'Ethio-
pie ont été convertis îi la foi chrétienne par
les patriaiclies d'Alexandrie, et sont demeu-
rés sous leur, juridiction, ils ont aussi adlK'ré
à leur schisme, et ils y persévèrent, (hilre
les trois liturgies dont nous venons de par-
ler, ils en ont encore neuf autres ; ce qui
semble prouver qu'autrefois elles étaient an
nombre de douze en Egypte: mais le fond
et le plan sont les mômes : toutes ont été
traduites en éthiopien. A la réserve de l'eu-
tychianisme, qui se trouve profossé dans
])lusieui's, elles ne renfei'menf rien de con-
traire (i la foi c.atholi(pu'. C'est contre toute
vérité que Ludolf, La C.roze et quehpies au-
tres ont voulu peisuailei' que la croyance
des Abyssins étail plus conforme îi celle ùl'.<
protestants qu'à celle de l'Eglise romaine ;
le contraire est évidemment jirouvé, soit jiar
leur liturgie, ([ue l'abbé Renaudot a doiniTo
sous le nom de (Umon nniversus /Elhiopwn,
soit par celle (jui porte le nom de Dioscore,
et que l'on trouve dans le P. Lebrun, t. IV,
pag. 5114. Yoij. Érnmi'iKNS.
111. Liturgie des Sgriens. Après la con-
daumation ti'Eutychès au concile de Chalc('-
doine, on vit en Syrie à peu près la même
chose qu'eu Egypte : cet hérétique y trou-
va un grand nombre de partisans ; il y eut
mômedillérentsschismesparmi eux, et beau-
coup de disputes entre eux et les catholi-
ques. Ceux-ci furent nommés melehites par
leurs adversaires, c'cst-îi-dirc royalistes,
parce qu'ils suivaient la croyance de l'empe-
reur. Mais les uns et les autres conservèrent
en syriaque la même liturgie qu'ils avaient
eu\; auparavant. Elle était comuiuuément ap-
pelée liturgie de saint Jacques, parce qu'on
la suivait à .lérusalem, de même ((U(^ dans
toutes les l''glises syriaques du patriarcat
d'Antinche. On ne i)eut pas douter de l'anti-
quité de ci>tte ///K/Y/Zc, lorsqu'on la confronte
avec la cin(]uièmc Catéchèse mysiagngigae du
saint Cyrille de .lérusalem. L'an ;IW ou3'iiS,
ce saint évêque en exjiliiinait aux nouveaux
baptisés la partie principale qui connuence
i» l'oblation, et il en suit exactement la mar-
che. Probablement au V siècle elle fut d'a-
bord écrite en grec, puisque. dans le syriaque,
l'on a conservé plusieurs fermes grecs. On
y ajouta le mot consubstantiel, adojité par le
concile de Nicée, et Marie y est nommée
Mère de Dieu, connue l'avait ordonné le con-
cile d'Ephèse : il ne s'ensuit pas de là que
celte liturgie ait été inconnue avant cette
ad.lilion. L'an 692, les Pères du concile m
Trullo la citèrent sous le nom de saint Jac-
ques, i)our réfuter l'erreur des ai'méniens
qui ne mettaient point d'eau dans le calice.
Au IX' siècle, Charles le Chauve voulut voir
célébrer la messe selon cette liturgie de saint
Jacques usitée à Ji'rusalem, Epist. ad Clerc.
Raveiiunt. Jamais les Orientaux n'ont i.'onté
qu'elle nefilt etl'ectivement de saint Jacques.
Dans la suite, lorsque les patriarches do
Constantinopk» ont euassez de crédit pour
faire supprimer, dans l'étendue de leur juri-
diction, toutes les liturgies, h l'exception de
celles (le saint Basile et de saint Jean Chry-
sostome, ils ont cependant soutTert que dans
les églises de Syrie l'on se servît de celle de
saint Jacques, au moins le jour de sa fête.
Elle a donc toute l'authenticité que donne h
un monunient l'autorité des églises. \'aine-
mcnt Uivet et d'autres protestants ont voulu
l'attaquer, à cause de 1 addition dont nous
venons de parler, et du trisaginn qui n'a
commencé, disent-ils, qu'à la lin du v siècle.
Mais ces critiques ont confomlu le trisagion
tir(' de l'Ecriture sainte, et la formule Agios,
ô Theos, etc., qui a conunemé ii êli-e chantée
à Conslantinople l'an 446, avec vnie addition
que Pierre le Foulon, chef des lliéopaschiles,
lit à cette formule après l'an V6.'t. Olle audi-
tion est de la lin du v" siècle ; mais le sanc-
lus ou trisaginn de hi liturgie est tiré de l'.V-
pocalypse. 11 est ridicule, d'ailleurs, de sup-
poser (pu' les Eglises n'ont pas M ajouter à
leurs prières les formules nécessaires pour
attester leur foi confie les hérétiques, lors-
cpie ceux-ci voulaient y en faire eux-mêmes
])Our piofesser leurs erreurs, ou que ces ad-
ditions, toujours remarquées, dérogent <i
l'authenticité des liturgies.
Celle de saint Jacques fournit un argument
invincible contre les protestants, iniisijueron
y trouve la profession claire et lormelle des
dogmes (ju'ils ont osé taxer de nouveauté,
et les céiémonies qu'ils reprocl;ent h l'Eglise
romaine comme des pratiques superstitieu-
ses ; la présence 'réelle et la transsubstantia-
tion, le mot de sacrifice, la fraction de l'hos-
tie, les encensements, la jirière pour les
moits, l'invocation des saints, etc. Les Sy-
riens eutychiens ou jaeobites n'y ont point
ins'ré leur erreur; les orthodoxes et les hé-
SI 9
LIT
LIT
520
rétiques ont conservé un égal respect pour
ce monument apostolique.
La liturgie de saint Hasile a été aussi tra-
duite en syriaque pour les Ejilises de Syrie,
et Ton compte pi'ès de quarante liturgies à
leur usagn ; mais elles ne varient que dans
les prières, comme chez nous les collectes
et les autres oraisons de la messe relative-
ment aux ditiërenles fôtes : la liturgie de
saint Jacques, qui contient tout Tordre de la
messe, est la plus commune paiini les Si-
riens, et elle a servi de modèle à toutes les
autres : on peut s'en convaincre par la con-
frontation.
IV. De la liturgie des nestoriens et de celle
des arméniens. Lorsque Nestorius eut été
condamné par le concile d'Ephèse, Fan 431,
ses partisans se répandirent dans la Méso-
potamie et dans la Perse, et y formèrent un
granl nombre d'Eglises : souvent on les a
uommés chalde'ens. Us continuèrent de se
servir de la liturgie syriaque, et ils l'ont por-
tée dans toutes les contrées où ils se sont
établis, même dans bs Indes, à la côte du
Malabar, où ils subsistent encore sous le
nom de chrétiens de saint Thomas. Leur
missel contient trois /(ïwrg'ie* ; la pri'mière
intitulée des apôtres, la seconde de Théodore
VInterprète,\à troisième de Nestorius. L'ahhé
Renaudot, qui les a traduites, observe que
la première est l'ancienne liturgie des Egli-
ses de Syrie, avant Nestorius, et qu'elle est
comme le canon universel auquel les deux
autres renvoient. Le P. Lebrun l'a com-
parée avec celle dont se servaient les nesto-
riens du Malabar, avant que leur missel eût
été corrigé par les Portugais qui travaillèrent
à leur conversion. Ainsi, l'on ne piut douter
de l'antiquité de cette liturgie: elle n'est
diirérente de celle des Syriens dans aucune
chose essentielle.
LaCroze, dans son Histoire du christia-
nisme des Indes, avail osé avancer que les
nestoriens ne croyaient ni la présence
réelle, ni la tianssubslantialion, qu'ils igno-
raient la doctrine du purg toiie, etc. Le
P. Lebrun prouve le contraire , non-seu-
lement par leur liturgie, mais jiar d'autres
monuments de leur croyance, tom. VI,
pag. U7 et suiv. Ci uï qui se sont laissé
séduire par le ton de conliance de La Croze
alliaient bien fait d'y regarder de plus près.
Yoy. NiîSTOiuENS, Saint Thomas. Quant aux
arméniens, ils furent entiainés, l'an 525,
dans l'erreur d'Eutychès par Jacques Bara-
dée ou Zanzale, d'où esl venu le nom de
jacobites, et ils se séiiarèrent de l'Eglise ca-
ti'iolique. Plusieuis d'entre eux s'y sont
léunisi en dillerents temps, mais leur schisme
n'est pas encore enlièremeid éteint. Comme
saint Grégoire l'iliuminaleur, (jui les con-
vertit à la foi clirétienne au iv' siècle, avait
été instruit à ("ésarée en Cappadoce, et que
saint Bas le, évèque île cette ville, pni. soin
des Eglises d'Aniiénie, en pense qu'ils le-
çurent d'abord la liturgie grecque de saint
Basile, de même que Ir-s moims arméniens
se rangèrent sous sa règle. On ne leur a
point reproché d'y avoir fait des change-
ments depuis leur schisme, si ce n'est qu'ils
adoptèrent l'add'tion que Pierre le Foulon
avait faite au trisagion, en 463, et qu'ils
cessèrent de mettre de l'eau dans le calice.
Cette omission leur fut reprochée par le con-
cile m Trullo, l'an (J92.
L'abijé Renaudot n'avait pas pu avoir la
liturgie originale des arméniens schisma-
tiques; mais le P. Lebrun s'en procura
une traduction latine authentique : il l'a
donnée dans son cinquième tome, pag. 52 et
suiv., avec d'amples remarques. On y voit
la présence réelle, la transsubstantiation,
l'élévation et l'adoration de l'hostie, l'inro-
cation des saints , la prière pour les
morts, etc. Il est prouvé, d'ailleurs, par des
titres incontestal)les , que les arméniens
n'ont jamais pensé sur nos dogmes comme
les seclaiies du xvi* siècle. Jbid., p. 26 et
suiv. Yoy. Arméniens.
V. Liturgies grecques. Les deux principales
liturgies dont se servent les Grecs soumis
au patriarcat de Constantinopie, sont celle
de saint B isile et celle de saint Jean Chry-
sostome. On ne doute pas que saint Basile
ne soit véritablement auteur ou rédacteur de
la première ; pour la seconde, elle n'a été
attribuée à saint Jean Clirysostome que
300 ans après sa mort. Il parait que c'i st
l'ancienne liturgie de l'Eglise de Constanti-
nopie, qui lut nommée liturgie des apôtres
jusqu'au vi" siècle. Celle-ci sert toute l'année,
et contient tout l'ordre de la messe ; l'autre,
dont les piièr. s sont plus longues, n'a lieu
qu'à certains jours marqués. Il y en a une
troisième que l'on nomme messe des pré-
sanctifiés , parce que l'on n'y consacre
point, et que l'on se sert des espèces con-
sacrées le dimanclie précédent; de même
que dans l'Eglise romaine, le jour du ven-
dredi saint , le prêtre ne consacre point,
mais communie avec les espèces consacrées
la veille. Voy. Puésanctifiés. Les prières de
cette messe paraissent être moins anciennes
que celles des précédentes.
Le Père Lebrun, tom. IV, pag. 384 et
suiv., a rapporté les prières et l'ordre des
cérémonies de la liturgie de saint Jean
Cln-ysostome. Elle est suivie dans toutes les
Eglises grecques de l'empire ottoman qui
dépondent du patriyrcat de Constantinopie,
et dans celle de Pologne et de Russie. Quant
aux Grecs qui ont des églises en Italie, ils y
ont fait quelques changements. Les pa-
triarches de Constantinopie sont môme
venus à bout de la fairi' adopter tlan's les pa-
triarcats d'Antioche, de Jérusalem et d'A-
lexandrie, par les chrétiens melchites, qui,
dans le y' siècle, se préservèrent de l'erreur
des eutychiens. Quoique dans tous ces pa » s
l'on n'entende plus le grec, on y suit ce-
pendant la liturgie grecque ; mais à cause
du petit nombre de ceux qui sont capables
de la lire, on est souvent obligé de célébrer
en langue arabe. Depuis que toutes ces
liturgies coplites, éthiopiennes, syriaques,
grecques, ont été publiées, confrontées et
examinées par les savants de toutes les na-
tions, munies de toutes les attestations possi
:^2l
LIT
LIT
523
,'iles, personne n'o?.ernil])liis soutenir, comme
faisait le ministre Claude, que les Grecs
scliism itiques ont sur reucharislie et suc les
autres dogmes contestL^s par les protestants,
des sentiments différents de ceux de l'Eglise
romaine.
~ Mais à l'éganl de la croyance des pre-
miers sif-cies, l'entêtement des prntest;Hnts
est inconcevable. Bingluim, dans ses Ori-
gines eccléaiaalifjiies , ouvrage très-savant,
liv. XV, c. 3, expose l'ordre elles [irièros de
la liturgie grecqui^ inséri'ie dans les Consti-
tutions npostoliqurs, avant l'an ;il)0, 1. vin,
C. 12. Il rapporte les iiai'.nles do l'oblatiduet
de la cons('cr.ition, l'invocation du Saint-
Esprit, aiupicl on tlemande qu'il descende
sur ce snrrifirr, ipi'il tasse ilu piinle corps,
et du calic ' le sang de Jésus-Christ, la l'or-
mule sanctn sanctis, la ré|)onse du peuple :
Le seul Sriint est le Seigneur Jesas-Christ :
béni snit celui qui vient au nom (la Seigneur,
c'est Dieu lui-même, notre souverain Maître,
qui s'est montré à nous, etc. Toutes ces pa-
roles n'ont pas pu lui dessiller les yeux. Il
dit que l'on su[)|ilie le Saint-Esprit de
changi'r les dons eucharistiques, non quant
à la substance, mais (juant à la vertu et à l'ef-
ficai-iti'. Que signilieut donc ces pa o\cs,béni
soit, etc., .>-i Jésus-Christ n'est pas r cllement
présent? Lorsque le pi'cMrc [irésenlc la com-
munion, il ne dit [)oint : C'est ici la vertu et
Vefjicacité du corps de Jésus-Christ, mais
c'est le corps de Jésus-Christ, et le (idèle ré-
pond amen, j(^ le crois. Le lidéle, sans doute,
prend les paroles du prêtre dans h ur sens
naturel, il ne vient à l'esjirit de personne de
croire que du pain et du vin ont l-i même
vertu et la môme eflicacité quele corps et le
sang d(! Jésus-Christ.
Le prêtre dit à Dieu : Nous xwus ofj'rons
pour tous les saints qui ont été agréables à
vos yeux, pour tout ce peuple, etc.; eu
quel sens, si ce n'est que du pain et du
vin? Si c'est le corps et le sang de Jésus-
Christ, nous concevons qu'ils sont olTerts à
Dieu pour lui rendre gr;\ces du bonheur des
saints, pour le salut du peuple et de l'Eglise,
etc. ; c'est alors un vrai sacrilice. Le prêtre
ajoute : Faisons mémoire des saints martyrs,
afin démériter de participer à leur triomphe ;
pounjuoi cette mémoire, sinon jiour les ho-
norer et obtenir leur iiderression? Il dit :
Prions pour ceux qui sont morts dans la foi.
Tout cela se trouve dans la liturgie <le saint
Jacques, de laquelle I5iugliam semble re-
coiuiaitre l'antiquité , et dans toutes les
liturgies du monde. L'Eglise romaine ne fait
donc que répéter dans la sienne des ex-
pressions des((uelles on se servait déjà il y
a treize cents ans. Une |)reuve qu't lies si-
gnilieut la i)résence réelle , la transsubstan-
tiation, la nature du sacrifice, le culte des
saints, la prière pour les morts, c'est que
quand les anglicans ont cessé de croire ces
dogmes, ils ont cessé aussi do tenir ce lan-
gage : donc l'ancienne Eglise ne s'en serait
pas servie, si elle avait pensé comme les
anglicans.
VI. Des liturgie» dt l'Occident. L'Eglise la-
tine no connaît que quatre liturgies an-
ciennes : savoir, celles de Home, de .Milan,
des Gaules, de l'Espigne. On n'a jamais
douté' à Kume que la liturgie de cette Eghso
ne vînt, par tradition, de saint Pierre; ainsi
le pens lieuf, au iv' siècle, saint Irniucent I",
L'pist« ad Décent., et au vi' le pape Vigile,
Epist.ad l'rofnl. Mais il ne faut pas la c m-
fonlre avec uut; prétendue liturgie de saint
Pierre, qui n'est connue (pie depuis deux
cents ans; celle-ci n'est qu'iui mélange des
liturgies grecques avec celle de Rome : elle
n'a été à l'usage d'aucune Kglise.
On ne connaît point de /i'ï«rr//e latine écrite
avcUit le sacranientaire cpie dressa le pape (ié-
lase, vers l'an 4-06. Le cardinal Thomasin^le
fit imprimer à Home, en KiSO, sous le titre
lie Liber Sacramentorum romanœ Ecclesiœ :
ce savant cardmal pense que saint Léon y
avait eu beaucoup de part, mais que le fond
est des premiers s ècles. Envn-on cent ans
après Gélase, saint Grégoire le (irand y re-
ti'ancha quelques prières, en changea d'sv-
très, y ajouta peu de chose. Le canon de .a
messe, (pii se trouve à la page 19G de Tho-
masius, est le môme que celui dont nous
nous servons encore ; il ne renferme aucun
des sainls postérieurs au IV' siècle, preuve de
son anticpiité. C'est ce que nous appelons la
liturgie grégorienne, et c'est la plus courte de
toutes; elle est trop connue pour qu'il soit
nécessaire d'en parler |)lus au long. L'exac-
titude avec laquelle on la suit depuis plus
de douze cents ans, doit faire présumer qu'on
no l'observa t pas moins scrupuleusement
avant qu'elle fût écrite. Cette réflexion au-
rait dû engager les prolestants à la respecter
davantage ; on les d 'fie de montrer aucune
dill'érence, pour la doctrine, entre cette li-
turgie et celles des liglises orientales.
Une preuve frajipante de l'attachement des
Eglises à leur ancienne liturgie, est la fer-
meté avec laquelle celle de Milan a conservé
la sienne, malgré les tentatives que l'on a
faites en différents tenqis pour \ introduire
celle de Rome. Les Milanais croient en être
redevables à saint Ambroise, e! ce saint doc-
teur avait composé en ellet des hymnes et
des prières pour l'ofiice divin ; mais on ne
peui |)as prouver qu'il ait Imiché au fond de
la liturgie qui était suivie avant lui. Cela pa-
raît évidemment par la comparaison qu'a
faite le P. Lebrun de la messe ambrosienne
avec la messe romaine ou grégorienne, 1. 111,
p. i08 ; il n'y a que des différences légères
entre le canon de l'une et celui de l'autre,
ma's aucune dans la doctrine. Voy. Am-
BnOSIEN'.
La messe gallicane, qui a été en usage
dans les Kglises des Gaules jusqu'à l'an 7o8,
a beaucoup plus de ressemttlance avec les
liturgies orientales qu'avec l'ordre romain.
On pense, avec assez de probabilité, que cela
est venu de ce que les premiers évêques qui
ont prêi'hé la foi dans les Gaules, comme saint
Potiiin de Lyon, saint Trophime d'Arles,
saint Saturnin de Toulouse, etc., étaient
Orientaux. Ils ont établi, sans doute, dans
les Eglises ({u'ils ont fondées, une liturgie
5?3
LIT
LIT
52i
semblable à celle à laquelle ils étaient ac-
coutumés. Dans les uionuinents qui nous
ront conservée, nous retrouvons les mômes
expressions et les mômes cérémonies , par
conséquent la môme doctrine que dans toutes
les autres liturgies dont nous avons parlé
jusqu'à présent. Voy. Gallican ; Lebrun ,
t. m, pag. 241. Cette conformité est encore
})lus sensible par l'examen de la messe go-
thique ou mozarabique , qui était en usage
eu Espagne au v" siècle et dans les suivants,
et qui est, dans le fond, la même que la
messe gallicane. Le P. Le Brun les a,, com-
parées et a noté tout ce qui était commun
a l'une ou à l'autre, t. III , p. 334. Le P.
Leslée, jésuite, qui a fait réimprimer à Rome,
en 1753, le missel mozarabique, a fait la
môme comparaison ; il |)rétend que c'est le
ujozarabique qui a servi de modèle au galli-
can, mais il ne paraît pas avoir eu connais-
sance des raisons par lesquelles le P.
Lebrun a prouvé le contraire, du moins il
ne les réfute pas. D. Mabillon pense aussi
que l'ordre gallican est plus ancien que le
muzarabique, de Lilurgia (jallicana.
En etl'et, le P. Lebrun a montré que, pen-
dant les quatre premiers siècles, l'ordre ro-
main fut suivi en Espagne; au v% les Goths
s'y établirent. Or , avant de tomber dans
rarianisme,lcs llolhs avaient reçu de l'Orient,
et surtout de Cousiantinople, la foi chré-
tienne, par conséquent la liturgie grecque.
Martin, archevêque de Brague ; Jean, évoque
de Gironne ; sanit Léaudre, archevêque de
Séville, qui tous contribuèrent à la conver-
sion des uoths sur la Un du vr siècle, avaient
été instruits dans l'Orient. Ils étaient donc
portés à conserver la liturgie gothique qui en
était venue, et qui se trouvait conforme à la
liturgie gallicane suivie dans la Gaule uar-
bonaise, où les Goihs dominaient aussi bien
qu'en Espagne.
De là même il s'ensuit que saint Léandre et
saint Isidore de Séville, son frère, eu dres-
sant la liturgie d'Espagne, n'ont point touché
au fond c^ui existait avant eux ; ils n'ont fait
([u'ajoutei- des prières, des collectes, des pré-
faces relatives aux évangiles et aux thlférents
jours de l'année. Mais le sens des |)rières,
les rites essentiels, l'oblatiou, la consécration,
l'adoration de l'eucharistie, la communion,
etc., sont les mômes; les conséquences qui
en résultent ne sont pas diiférentes.
Cette liturgie gothique a été conservée en
Espagne par les chrétiens, qui s'y maintin-
i-ent après l'invasion des Maures ou Arabes,
jusqu'à l'an 1080, et c'est ce mélange des
chrétiens avec les Maures qui fil nommer les
premiers mozarabes. Il a fallu que les papes
travaillassent pendant plus de trente ans
consécutifs pour établir en Espagne l'usage
de la liturgie romaine. Yoij. Mozarabes. Tous
ces faits démontrent qu"il n'a été aisé dans
aucun siècle, ni dans aucun lieu du monde,
(l'introduire des changements dans la li-
turgie.
VU. Conséquences qui résultent de la com-
■jiaraison des liturgies, l'ar le d(:'tail abrégé que
nous venons de faire, ou voit (jue le sens, la
marche, l'esprit de toutes les liturgies con
nues sont d'une uniformité frappante, malgr*^
la diversité des langues et du style, la dis- ^
tance des lieux, et les révolutions des siècles- fj
En Egypte et dans la Syrie, dans la Perse et
dans la Grèce, en Italie et dms les Gaules, la
liturgie îal toujours célébrée par des prêtres,
et non jiar des laïques, avec des cérémonies
augustes, et non comme un repas ordinaire.
Partout nous voyons des autels consacrés et
des babils sacerdotaux, le pain et le vin of-
ferts à Dieu comme destinés à devenir le
cor()s et le sang de Jésus-Christ, l'invocatioa
par laquelle on demande à Dieu ce change-
ment, la consécration faite par les paroles
du Sauveur, l'adoration rendue au sacrement,
exprimée par des prières, par des gestes, par
des encensements, la communion envisagée
comme la réception du corps et du sang de
Jésus-Christ, les noms de victime, de sacrifice,
d'immolation, etc. Ce phénomène serait-il
arrivé, si, lorsqu'on a écrit des liturgies au
v' siècle, il n'y avait pas eu un modèle ancien
et respectable auquel toutes lesEglises se sont
crues obligées de se conformer? Ce moilèie
peut-il avoir été fait par d'autres que parles
apôtres ? D'autre part, dans les dilfvirentes
parties du monde, les rédacteurs des liturgies
ont-ils pu s'accorder à se servir tous d'un
langage équivoque et abusif, à prendre les
termes autel, sacrifice, immolation, victime,
changement, etc., dans un seus impropre et
captieux? Ou il faut supposer que dans au-
cun lieu de l'univers on n'a pas pris le vrai
sens du langage le plus ordinaire, ou il faut
soutenir que tous les écrivains, sans s'ôti>!
concertés, ont cependant conçu le projet
uniforme de changer la doctrine des apôties
et de tromper les lidèles. Une illusion géné-
rale est aussi impossible iju'une mauvaise
foi universelle. Il y a eu des schismes , des
disputes, des jalousies entre les évoques et
les Eglises, ce malheur a été commun à tous
les siècles : les intérêts, les préjugés, 1; s
affections, les mœurs, le langage, n'étaient
pas les mêmes ; ces caiises n'ont donc pu
produire ni une erreur semblable, ni un pro-
jet uniforme.
Les hérétiques, en se séparant de l'Eglise,
ont encore respecté la liturgie à laquelle lys
peuples étaient accoutumés ; ils n'y ont glissé
leurs erreurs que quand ils ont été sûrs que
leur troupeau, imbude leur doctrine, la verrait
paraître sans étonnement dans les prières
publiques. Ils n'ont altéré qu'un petit nom-
bre de liturgies, et le modèle original, con-
servé par les catholiques, a toujours servi de
témoignage contre les novateurs. Chez les
catholitiues môuie les diiférentes Eglises ont
été jalouses de conserver leur ancienne li-
turgie ; celle de Milan garde la sienne depuis
son origine ; les Eglises d'Espagne n'ont
quitté la leur qu'à l'occasion de l'irruption
des Goths, et sont demeurées attachées à la
messe gothique jusque dans le xi° siècle;
il a làllu toute l'autorité de Gharlemagne
pour introduire' dans les Gaules l'ofliee ro-
main au lieu du gallican, quoique l'un ne
renferme rien de contraire à l'autre.
S2S LIT
Saint Augustin voulu! établir dans son
Eglise l'usage de réciter, pendant la semaine
sainte, la passion de Jésus-Christ selon les
quatre évangélistes, comme 1 un fait aujour-
d'hui, au lieu qu'avant lui on no lisait que
celle (lui est dans saint Matthieu; cette nou-
veauté excita un miu-nuu-e : lui-môme nous
l'apprend. Scrm. ikk de Temp. Il est certain
que depuis douze cents ans la liturgie ro-
maine n'a pas changé; y a-t-il des preuves
pour faire voir <[ue l'on y était moins atta-
ché pcnilant les ciii([ f)remii'rs siècles?
Malgré ces faits incoiiteslaiiles , les pro-
lestants ont soutenu ([ue la croyance de l'E-
glise avait changé touchant l'eucharistie;
nous leur opiiosons un raisonnement fort
simple : la croyance ne peut changer sans
que le langage et les cérémonies do la litur-
f/ie ne changent ; vous l'avez piuuvé par
votre exemple : or ce dernier changement ne
s'était pas fait avant vous; la confidntalion
des lituryies en dé{)ose : donc avant vous la
croyance touchant l'eucharistie n'a jamais
changé.
Dans pres([ue tous les siècles, on a vu
naître des erreurs sur ce point essentiel do
doctrine ; nous les rapportons au mot Eu-
OHAuisTiE : ce mystère a donc toujours tenu
les esfirits attentifs, parce qu'il est étroite-
ment lié à celui de l'incarnation et au dogme
de la divinité de Jésus-Christ. 11 a donc tou-
jours été question du sens (pi'il fallait don-
ner aux paroles lio la liturgie; il n'était pas
possible aux Kdèles de l'oublier, ni aux pas-
feu i s de le changer.
'VIII. Liturgie (les protestants. Ce que nous
soutenons touchant l'innnutabilité (le la foi
de l'Eglise a été rais en évidence par la con-
duite des protestants. Dès cju'ils ont nié la
présence réelle, et n'ont plus voulu que la
messe fût un sacrifice, il leur a fallu suj>pri-
ni(M' les paroles et les cérémonies de la messe
qui attestaient la croyance contraire : ils
ont ainsi reconnu malgré eux l'énergie de
ces signes usités dans toutes les Eglises du
monde, et ont fait profession derouqjre avec
elles.
La première chose que fit Luther, fut d'a-
bolir, h Wirtemberg, le canon de la messe ;
il n'en conserva que les paroles de la con-
sécration. Quoiqu'il continuât de soutenir
la présence réelle, il supprima tout ce qui
pouvait donner l'idée de sacritice. 11 con-
serva cependant l'élévation do l'hostie, en
laissant la liberté de la faire ou de la re-
trancher; cet article causa du trouble dans sou
parti; enfin il trouva bon de lasupi»rimer.
Zwingle et Calvin, qui niaient la [irésenco
réelle, ne retinrent [)Our la cène que l'orai-
son dominicale et la lecture des paroles de
l'institution de l'eucharistie; ils abolirent
toutes les paroles et les cérémonies que Lu-
ther avait conservées avant et a[)rùs la con-
sécration.
En Angleterre, Henri VIII n'avait pas tou-
ché k la liturgie ; mais en lai'J , sous
Edouard VI, l'oii en fit une nouvelle, dans
lai|uelle on relranciia les prières du canon
et l'élévation de l'hostie; l'on y représenta
Ut 320
encore la communion comme l'action de
manger la cliair et de boire le sang de Jé-
sus Christ, (!t l'on y permit de faire la cène
dans les maisons particulières. On y con-
serva les habits sacertiotaux, les noms de
messe et d'autel, le f)aiu azyme; mais on y
changea plusieurs prières, et l'on y déclara
que le cor|)s de Jésus-Christ n'est que dans
le ciel. Eu 1533, sous la reine .Marie, qui
était catholique, la messe romaine fut réta-
blie. En llioV» , la reine Elisabeth. <iui était
protestante, lit remettre en usage la liturgie
d'Edouartl M ; elle voulut que le dogme do
la pr(''sence l'éeile n'y fiU ni enseigné ni com-
battu, mais laissé en sus])ens. On n'y tou-
cha presque pas sous Jaciiues 1", mais les
troubles survenus sous Charles I"', au sujet
de la liturgie, servirent de prétexte pour le
l'aii-e périr sur un échafaud, et des troubles
continuèrent sous Crumwell.En l(Jt):2, Cliar-
Ics il fit retouciier cette même liturgie d'E-
douard; l'on y déclara que le corps tie Jésus-
Christ n'est que dans le ciel; on y mit la
prière pour les morts eu termes ambigus :
plusieurs savants anglais écrivirent contre
cette liturgie.
Les dispides ne furent pas moins vives en
Ecosse ; mais comme les puritains ou calvi-
nistes rigides y ont prévaai, ils ont retran-
ché les cérémonies; ils observent à peu
jirès la même manière de cél'brer la cène
que ("al vin établit k Genève; c'est aussi celle
que suivirent les calvinistes de Erance. En
Suède, le luthéranisme s'établit d'abord sous
Gustave 1", et la messe y fut abolie; a|uès
bien des uis|iutes et des incertitudes, l'on y
publia, en lo7G, une liturgie qui se rappro-
chait beaucou]) de la messe romaine ; on y
prescrivait l'élévation de l'hostie, et l'on y
déclarait (jue l'on reçoit le corps et le sang
de Jésus-Chiist dans l'usage. Le P. Le-
brun a donné cette liturgie, toin. Vil, page
162 et suiv. Dans la suite, le luthéranisme a
re[iris le dessus en Suède ; mais les luLhé-
liensdes divers pays du Nord n'ont entre eux
aucune forme de /(ii/n/ie»' fixe et imumable.
Depuis que les es|)rits se sont calmés, et
que l'on a comparé les liturgies des protes-
tants avec celles dé toutes les autres Eglises
du monde, plusieurs d'entre eux sont con-
venus que les prétendus réformateurs se
sont trop écartés de l'ancien mo'ièlo ; mais
comment en conserverie langage et la forme,
lorsqu'on en avait abandonné l'esprit et la
doctrine? Ceux qui ont voulu s'en r.ippro-
cher, comme on a fait k Neuchùlel, n'ont
réussi qu'à se donner un ridicule de plus.
Cette bizarrerie même démontre que, si les
anciennes Eglises avaient pensé comme les
]iroleslants, leurs liturgies n'auraient jamais
pu être telles que nous les voyons.
Pour faire adopter les liturgies des héré-
tiques, ila fallu, dans plusieurs pays, des lois,
des menaces, des peines, des supplices ; on
n'avait rien vu de semblable autrefois : la
messe romaine, contie laquelle, les protes-
tants ont tant déclamé, n'a point fait répandre
de sang Dès q-ii'un peuple a été chrétien,
il a regu sans résistance une liturgie qui
327
LIV
LIT
328
était l'expression fidèle de la doctrine des
spùtres ; jamais il n'a touché à la liturgie
sans avoir changé de croyance, et l'époque
de ce cliangement a toujours été remarquée.
C'est donc aujourd'hui un très-graml avan-
tage poar les théologiens de pouvoir consul-
ter et comparer les liturgies de toutes les
communions chrétiennes ; il n'est aucune
preuve plus convaincante de l'antiquité, de
la peipétuité, de l'immulabilité de la foi ca-
tholique, non-seulement touchant les dog-
mes conieslés par les protestants, mais k
l'égard de tout autre point de croyance. Voy.
MEsSR.
LIVRE. Un sentiment de vanité a pu per-
suaJer aux littérateurs du xvi' siècle que
toute vérité se trouve dans les livres ; qu'il
n'est aucun autre monument certain des
connaissances humaines, aucune autre règle
de croyance ni de conduite à laquelle on
puisse se lier. Cett3 piétention, qui aurait
paru absuide dans toute autre matière, a été
cependant soutenue avec beaucoup de cha-
leur en fait de religion, et l'est encore par
des secies nombreuses. On pourrait leur de-
mander d'abord comment ont pu laire les
preiuii-rs philosophes, qui n'avaient pas de
livres; ils (int cependant acquis des connais-
sances, puiqu'ils ont formé des écoles nom-
breuses, et que leur doctrine s'est perpétuée
parmi leurs disciples.
Pour nous, qui pensons que Dieu a établi
la religion pour les ignorants aussi bien que
pour les savants, et qu'il n'est ordunné à
personne de savoii' lire, sous peine de dam-
nation, nous piésumons qu'il y a d'autres
moyens d'instruction; que quand il n'y au-
rait jamais eu de livres, la vraie religion au-
rait cependant ]tu s'établir et se pei'pétuer
sur la terre. C'est ainsi qu'elle y a duré pen-
dant près de deux mille ans; c'est ainsi que
les fausses religions subsistent encore chez
plusieurs nations ignorantes, depuis un grand
nombre de siècles ; c'est ainsi enfin que lus
hérétiques même transmettent leui' doctrine
au très-grand nombre de leurs sectateurs
qui n'ont aucun usage des lettres. De même
qu'un ignorant n'a pas besoin de livres pour
être convaincu de la vérité et de la divinilé
de la religion chrétienne , nous concluons
qu'il n'en a pas besoin non plus pour savoir
certainement ce qu'enseigne cette religion et
quelle en est la uoctrine.
Le christianisme était professé, et il y
avait des Eglises fondées avant que la plu-
part des livres du Nouveau Testament fus-
sent écrits, et qu'ils fussent connus des sim-
ples lidèles. « Quand les apôtres, dit saint
Jrénée, ne nous auraient rien laissé par
écrit, ne faudrait-il pas toujours suivre la
tradition que nous ont laissée les pasteurs
auxquels ils ont confié le soin des Eglises ?
C'est la méthode que suivent plusieurs na-
tions barbares qui croient en Jésus-Christ
sans écritures et sans livres, mais qui ont
la doctrine du salut gravée dans leur cœur
par le Saint-Esprit, et qui gardent avec soin
l'ancienne tradition Ceux qui ont ainsi
reçu la foi sans écritures nous paraissent
barbares; mais, dans le fond, leur foi est très-
sage, leur conduite très-louable, leurs ver-
tus sont très-agr.^ables à Dieu. » Adv. Ilœr.,
1. ni, cap. k, n. 1 et 2.
Parmi les sujets d'un grand royaume, il
n'y en a pas un millième qui aient lu le texte îles
liiis,la|)lupartnesontpas seulement ca|;iables
délire leurs titres ; aucun cependant n'ignore
ses droits et n'est inquiet sur ses posses-
sions. Les usa;ies civils, les devoirs de la
société, les mœurs, en un mot, ne sont cou-
chés dans aucun code ; est-on pour cela
moins instruit de ce que l'on doit faire?
Avant notre siècle, il en était de môme du
procédé des arts les plus comjiliqués, et qui
exigent le plus d'industrie ; y avait-, 1 pour
cela moins d'artistes habiles ? Vainement l'on
se bornerait à donner des livres à ceux qui
étudient les sciences et les arts ; s'ils n'ont
pas un maître pour leurexpliquer les termes,
])0ur leur montrer l'ordre des procédés,
pour leur faire éviter les méprises, ils ne
seront jamais fort instruits.
Par le laps des siècles, par le changement
des langues, par la différence des mœurs,
par les disputes des savants, etc., les anciens
//rres deviennent néce>saireiijenttrès-(ibscurs
et souvent inintelligibles ; il faut donc que
la tradition vivante, l'usage journalier et les
pratiques, les maîtres cliargés d'enseigner,
viennent à notre secours pour nous en donner
l'intelligence. De là nous concluons cjue
Jésus-Christ aurait très-mal pourvu à la
perpétuité et à l'immutabilité de sa doc-
trine s'il n'avait donné à son Eglise que
des livres pour tout moyen d'enseigne-
ment. Ce n'est pas la lettre d'un livre qui
nous guide , c'est le sens : or, comment
pouvons-nous être sûrs que nous en prenons
le vrai sens, lorsqu'une multitude d'hommes,
qui paraissent sages et instruits, soutiennent
qu'il faut entendre autrement le texte ? Si
nous nous flattons que Dieu nous donne
une inspiration qu'il leur refuse, nous toin-
hons dans le fanatisme. Si nous pensons
qu'alors l'erreur ne peut être ni imputable,
ni dangereuse, c'estavouerque, dans lelbnd,
il n'y a ni foi certaine, ni doctrine constante
k laquelle nous soyons obligés de nous
fixer, et qu'après avoir consulté un livre que
nous jjrenions pour règle de notre foi, nous
ne sommes pas plus avancés qu'auparavant.
Inutilement on nous dit que l'Ecriture
est claire sur tous les articles de foi néces-
sair.s au salut ; que quand un dogme n'est
pas révéléclairement, il n'est pas nécessaire,
])uis([u'il n'en est aucun qui n'ait été cuntes-
té, et sur lequel on n'ait cité l'iicritiire pour
et contre. Osera-t-on dire que, pour être
chrétien et dans la voie du salut, il n'est pas
nécessaire do savoir si Jésus-Christ est
Dieu, ou s'il ne l'est pas ; si on doit l'adorer
comme un Dieu, ou seulement le respecter
comrue un homme? C'est comme si l'on di-
sait qu'il n'importeen rien au salut de croire
un seul Dieu, ou d'en admettre plusieurs,
d'être chrétien ou idol;)tre. Or, la divinité
de Jésus-Christ a été contestée depuis la
naissance duchi-istianisme; elle l'est encore,
529 LIV
et il n'est aucun article sur lequel on ait au-
tant all(^gu6 les passages de l'Ecriture sainte
de part ot d'autre. Chez les sectes niûme
les plus tibstiiiées à rejeter toute autre règle
de foi que l'Ecriture sainte, est-ce véritable-
ment le texte du livre qui règle la foi des
])articuliers? Avant de lire l'Ecriture sainte,
un protestant est déjà prévenu par son ca-
téchisme, parles sermons des ministres, par
la croyance de sa famille. Delà un luthérien
ne manque jamais de voir dans l'J'lcriture les
sentiments de Luther, un calviniste ceux de
Calvin, un anabaptiste ou un socinien ceux
de sa secte, tout comme un catholique y
trouve ceux de l'Eglise romaine. 11 est donc
évident que tous sont également guidés par
la tradition, ou par la croyance de la société
dans laquelle ils ont été élevés.
Sur cette importante question, les protes-
tants d'un côté, les déistes do l'autre, ont
donné dans les excès les plus opposés, et
se sont réfutés mutuellement. Les premiers
persistent à soutenir qu'il faut chercher les
vérités de la foi dans les IJirrs saints, et
non ailleurs ; que tout ce (ju'il faut croire
y est clairement révélé; que s'en rajiporter
à la tradition et k l'enseigneuuMit île l'Eglise,
c'est soumettre la parole de Dieu h l'auto-
rité des hommes, etc. Les déistes ont dit :
Il ne faut point de livres ; tous sont obscurs,
et sont entendus ditféremment par les di-
vers partis; c'est une source intarissable de
disputes; les peuples qui n'ont point de
livres ne disputent point. Entre ces deux
excès, l'Eglise catholique garde un sage
milieu ; elle dit aux protestants : Depuis
dix-sept siècles, toutes les contestations sur-
venues entre les sociétés chrétiennes ont
eu pour objet de savoir comment il faut
entendre certains passages àesLivres saints ;
toutes en ont allégué en faveiu- de leurs
opinions. Non-seulement c'est le sujet des
disputes entre vous et les catholiques, mais
entre vous et les différentes sectes nées par-
mi vous. Dans vos contestations avec les
sociniens, vous avez éprouvé qu'il était im-
possible de les convaincre par l'Ecriture
sainte, et, contre vos principes, vous avez
été forcés de recourir à la tradition pour
leur faire voir qu'ils abusaient du texte sacré.
Vous êtes donc convaincus, par votre expé-
rience, quelesLi'rrcs saints ne suflisent pas
pour terminer les disputes en matière de
loi. Elle dit aux déistes : Il n'est jias vrai
que les/i'iTes soient inutiles ou pernicieux
jiar eux-mêmes ; l'abus que l'on en fait ne
jirouve rien. Quelque obscurs qu'on les
suppose, on peut en découvrir le sens par
la manière dont ils ont été entendus dès l'o-
I igiue ; par la croyance d'une grande société,
(lui les a toujours respectés comme parole
de Dieu ; par le s;'ntiment des docteurs, qui
ont eu pour maîtres les auteurs mômes de
ces livres ; par les usages religieux qui en
représentent la doctrine ; par la condamna-
tion de ceux qui ont voulu en pervertir le
sens. Ainsi l'on cherche le sens des ancien-
nes lois dans les écrits des jurisconsultes
et dans les arrêts des tribunaux, et les senti-
DlCTIONN. ^1F, Ti;j:oL. hosmatique. 111.
LIV
530
ments d'ini ancien philosophe dans les ou-
vrages soit de ses disciples, soit de ceux qui
ont fait j)rofession de les réfuter.
Entre deux méthodes d'enseigner, il est à
présumer que Jésus-Christ a choisi celle qui
est non-seulement la plus solide et la jilus
sûre, mais encore la plus à portée des igno-
rants, {)uisque ceux-ci forment la plus grande
j)artie du genre humain. Or, il est évident
([u'un ignorant n'est pas capable de juger
par lui-même si tel livre est inspiré de Dieu
ou non, s'il est authentique et s'il a été li-
dèlement conservé, s'il est bien ti'aduit dans
sa langue, s'il faut entendre tel passage dans
le sens littéral ou dans le sens Uguré, etc.
Mais il ne lui est pas plus diflicilede se con-
vaincre que les pasteurs de l'Eglise catholi-
que sont les successeurs des apôtres, quede
s'assurer que Louis XVI est le successeur
légitime du fondateur de la monarchie fran-
çaise. Les mômes preuves qui établissent '
la mission des apôtres , établissent aussi la
mission de leurs successeurs.
On ne doit pas être surpris de ce que nous
répétons ces mêmes vérités dans plusieurs
articles de ce Dictionnaire; c'est ici la con-
testation fondamentale et décisive entre l'E-
glise catholique et les différentes sectes hété-
rodoxes qui sont sorties de son sein, et ont
levé l'étendard contre elle. Voy. Autorité,
Examen, Foi, Trauition, etc.
Livres saints ou sacrés. Tous les peuples
lettrés ont nommé livres sacrés les livres qui
contenaient les objets et les titres de leur
croyance ; il est naturel d'avoir un grand
respect pour des livres que l'on croit éma-
nés de la Divinité. Quand une nation est per-
suadée que certains hommes ont été en-
voyés de Dieu pour annoncer ses volontés et
pour prescrire la manière dont il veut être
adoré, elle doit conclure que Dieu n'a pas
permis que ces hommes enseignassent des
erreurs ; autrement il aurait tendu à ce peu-
ple un piège inévitable : elle doit donc re-
garder les livres de ces envoyés comme la
parole de Dieu même, comme la règle de
loi et de conduite qu'elle doit suivre. Toute
la question se réduit à savoir si les divers
personnages, qui ont été regardés comme
cnvo\és de Dieu, ont eu véritablement les
signes qui peuvent caractériser une mission
divine. Or, nous prouvons que Moïse, les
prophètes, Jésus-Christ et ses apôtres, en
ont été certainement revêtus : c'est donc à
juste titre que nous regardons leurs livres
comme saints et sacrés. Voy. Mission ,
MoiSE, etc.
D'autre part, nous prouvons qu'aucun fon-
dateur des fausses religions n'a montré les
mêmes caractères, mais plutôt des signes
tout opposés; conséquemment c'est mal à
propos, et sans aucune preuve, que \e> Chi-
nois, les liiiiiens, les parsis, les mahométans,
nomment sacrés les livres qui contiennent
leur croyance. Nous ne craignons pas que les
docteurs de ces fausses religions entrepren-
nent de tourner contre nos Livres sainte les
arguments que nous faisons contre les leurs;
aucun d'entre eux ne l'a jamais entrepris.
11
331 LIV
C'est donc, île la part dos incrédules, une in-
justice lie dire que le respect que nous por-
tons à nos Livres saints n'est pas mieux
fondé que celui que les autres peuples té-
moignent 1 our les leurs. Aucun incrédule
n'est encore venu à bout de faire voir que
les preuves sont les mêmes de part et d'au-
tre. Voy. CmNOis, Indiens, etc.
Déjà nous avons parlé de nos Livres saints
dans' les articles Bible, Canon, Ecriture
SAINTE, etc., et nous en donnerons une courte
notice au mot Testament.
Jamais ces divins écrits n'avaient été atta-
qués avec autant de fureur que de nos jours;
non-seulement les incrédules modernes ont
répété tout ce qu'avaient dit autrefois les
marcionites, les manichéens, Celse, Julien,
Porphyre, pour rendre ces livres mi''prisa-
bles, surtout l'Ancien Testament; mais ils ont
enchéri sur tous ces anciens ennemis du
christianisme; ils ont mis, pour ainsi dire, à
contribution toutes les sciences, pour trou-
ver des reproches h faire contre les écrivains
sacrés. Ils ont voulu prouver que ces livras
prétendus inspirés sont des écrits apocryphes,
faussement attribués aux auteurs dont ils por-
tent les noms, et d'une date très-postérieure;
que les livres de religion des autres nations
portent des marques plus apparentes d'au-
thenticité et de vérité que les nôtres. On a
cru y trouver des erreurs contre la chrono-
logie, la géographie, l'astronomie, la physi-
que et l'histoire naturelle ; des faits contre-
dits par des auteurs profanes très-dignes de
loi, des exemples même pernicieux aux
mœurs. On a censuré le langage, les expres-
sions, le style de l'Ecriture sainte, aussi bien
que la doctrine ; il n'est presque pas un ver-
set qui n'ait donné matière aux invectives et
aux sarcasmes de nos prétendus philosophes.
Une critique plus décente et plus modérée
aurait sans doute fait plus d'impression, et
en aurait imposé plus aisément aux lecteurs;
mais on a vu que les libelles de nos adver-
saires étaient marqués au coin de l'impiété et
du libertinage, on y a remarqué tant de
traits d'ignorance, de mauvaise foi et de ma-
lignité, que la plupart ont été méprisés dès
leurnaissance.
Pour juger sensément de nos Livres saints,
il fallait un degré de lumière et de capacité
que n'avaient pas nos adversaires, une
grande connaissance des langues, des opi-
nions, des mœurs, des usages civils et reli-
gieux des nations anciennes, du sol et de la
température dps différentes contrées de l'O-
rient, des révolutions qui y sont arrivées,
des circonstances dans lescfuelles se trou-
vaient les auteurs sacrés. Les vrais savants,
loin de mépriser ces anciens monuments, en
ont fait l'objet de leurs recherches et la base
de leurénidition; nous voyons tous les jours
le récit des historiens de l'Ancien Testament
confirmé par le témoignage des voyageurs
les plus sensés; plus on avance dans la con-
naissance de la nature, plus on est convaincu
que Moïse et ceux qui l'ont suivi ont été in-
truits et sincères. Aussi la critique témé-
saire des incrédules a fait éclorc de nos jours
LIV
332
plusieurs ouvrages estimables, dans lesquels
leurs vaines imaginations ont été pleinement
réfutées. On leur a fait voir que nos Livres
saints n'ont pas été aussi inconnus qu'ils le
prétendent aux nations voisines des Juifs ;
que les auteurs égyptiens, phéniciens, chal-
déens, assyriens, en ont jtarlé avec estime;
qu'il en a été de même des Grecs, lors-
que ces livres ont été traduits dans leur
langue.
Que prouve, d'ailleurs, l'ignorance des na-
tions anciennes les unes à l'égard des autres;
le peu de curiosité qu'elles ont eu de se con-
naitre, le peu de commerce cpii régnait en-
tre elles ? Jusqu'à nos jours, les livres des
Chinois, des Indiens, des parsis, étaient
presque inconnus aux savants européens.
Mais depuis que l'on a pris la peine de
les aller chercher et do les traduire, nous
ne redoutons plus la comparaison que l'on
en peut faire avec les nôtres. Soit que l'on
examine les preuves île leur authenticité,
soit que l'on en considère la doctrine, les
lois, la morale, tout l'avantage nous reste ;
on voit la vanité des conjectures de nos ad-
versaires qui en avaient parlé au hasard et
sans en avoir la moindre notion.
Quand il y aurait des diliicultés insolubles
dans la chronologie, cela ne serait pas éton-
nant à l'égard de livres si anciens ; mais il .
est aujourd'hui démontré qu'en comparant
les chronologies des Egyptiens, des Ghal-
déens, des Chinois, des Indiens, avec celle
du texte sacré, elles ne sont rien moins
qu'opposées ; qu'elles se concilient aisément
à l'égard des principales époques, quand on
connaît la manière dont chacune de ces na-
tions supputait les temps. Voi/. YHisloirc de
V Astronomie ancienne, par M. Uailly. Les con-
jectures de quelques modernes touchant
l'antiquité du monde, fondées sur des systè-
mes de physique, aussi aisés à détruire qu'à
édifier, ne prévaudront jamais sur des preu-
ves de fait et sur le témoignage réuni de tous
les peuples lettrés.
Comment a-t-on trouvé des fautes de géo-
graphie dans nos Livres saints? En confon-
dant un peuple avec un autre, en prenant de
travers des noms hébreux dont on ignorait
le sens, ou qui étaient mal traduits dans les
versions. Mais ces critiques hasardées feront-
elles oublier les travaux du savant Bochart
sur la géographie sacrée, et les lumières qu'il
y a répandues? De nos jours, en montrant
la vraie signification d'un mot hébreu, qui
n'avait pas été aperçue jiar les commenta-
teurs, M. de Gébelin a fait voir la justesse
d'un passage d'Ezéchiel, qui nous apprend
que Nabuchodonosor avait conquis l'Espagne.
11 concilie heureusement la chronologie et la
géographie sur une partie considérable de
l'Iiistoire sainte, qui, jusqu'à présent, avait
été regardée comme un cliaos. Monde pri-
mit., t. VI ; Essai d'Iiist. orient.
A l'égard de l'astronomie, un autre savant,
qui a examiné de près le livre de Daniel, fait
voir que ce prophète s'est servi du cycle
astronomitiue le plus parfait que l'on ait en-
core pu imaginer, et que, par le moyen de
535
LIV
LIV
S54
ce Cjcle, on peut résoudre plusieurs problè-
Hjes lrès-(lili]o'iles. Rem. astronom. sur la
prophétie de Daniel, |)ar M. de Clieseaux.
Au.jourdliui c'est prinoi|ialemeiil sur la
physique des Livres minla que les censeurs
s(! limitent de triouipher. Mais, avant de s'at-
Iriljuer la victoire, il faudrait qu'ils fussent
(.•ouvcnus euseujble d'un système généraJ
de physique et qu'ils l'eussent démontré
dans toutes ses |iarties: l'out-ils fait? Jusqu'à
|)résent ils n'ont l'ait que passer d'un .système
h un autre, rajeunir les vii ilh's opinions pour
les abandonner ensuite, disputer et se réfu-
ter mutuellement. Les nouvelles cosmogo-
nies, dont on nous amuse, auront-elles un
l'ègne plus long qu(! les anciennes ? Déjà
AI. de Luc vient de les détruire dans ses Let-
tres sur l'histoire de la terre et de l homme;
il prouve que la cosmogonie tracée par
Moïse est la seule conforme k la structure
du globe, et que toutes les autres sont ré-
futées par les observations. L'uniijue des-
sein des physiciens modernes semble avoir
été de nous faire oublier Dieu, et d'établir le
matérialisme ; les auteurs sacre's, au con-
traire, n'ont écrit ipiii pour nous montrer la
liuissance, la sagesse, la bouté de Dieu dans
ses ouvrages.
On a fait de .savantes (hsscrtations pour
dc'œuvrir ce que c'est que Béliémolh et Lévia-
than dans le livre de Joli, pour savoir si l'a-
nimal dont parle Salomon dans les Prover-
bes est la fourmi ou un autre insecte, s'il y
a une espèce de [)oisson qui ait pu engloutir
Jouas et le laisser vivre dans ses entrailles ;
si les coquillages (jui se trou vent dans le sein de
laterreviennentdelamer ou d'ailleurs; com-
bien il a fallu de siècles pour former les cou-
ches de lave qu'ont vomies les volcans, etc.
Nous attendrons que tous les dissertateurs
.soient d'accord, avant de convenir que les
auteurs sacrés étaient des ignorants en lait
d'histoire naturelle. Lorsque nous aurons
comparé ensemble Hérodote, Ctésias, Xéno-
piion, Strabon, Diodore do Sicile, les frag-
ments de Bérose, d'Abydône, de Manétlion,
d'Eratosthène, de Sanchoniathon , etc., for-
merons-nous une histoire ancienne aussi
complète, aussi exacte , aussi suivie que
celle que nous fournissent nos LîtTcs saints?
Sans eux, il ne nous reste plus de til pour
nous coniiuiro dans ce labyrinthe ; nous ne
trouvons plus que des ténèbres. Yoy. Mis-
TOIBE SAINTE.
Des littérateurs superficiels , qui ne con-
naissent que leur siècle et leur ) ation, qui
sont persuadés que nos mœurs sont la règle
de l'univers entiei' , sont étonnés des usa.^es
qui ont régné dans les premiers âges du
monde ; tout leur y parait absurde, grossier,
détestable ; ils ne peuvent concevoir com-
ment Dieu a daigne instruire et gouverner
des hommes si différents de ceux d'aujour-
d'hui. Mais le genre humain, dans son en-
fance, a-t-il donc dû être le môme que dans
sa maturité? 'J'rouverons-nous mauvais
qu'il y ait encore aujourd'hui des Arabes scé-
nites, dos Tartares errants et des Sauvages ?
Ce sont cepeudant des honiiuos, quoiqu'ils
ne nous ressemblent pcnt. Quand on veut
■que Dieu ait fait régner dans tous les temps
les mémos idées, les mômes lois, les mômes
vertus, c'est comme si l'on se plaignait de
ce qu'il n'a pas établi la môme tempéraliu>e,
le Hiôme degré de fertilité et d'agrément dans
tous les climats.
Loin de nous scandaliser des anus que
Dieu a soufferts, des désordres qu'il a fier-
mis, des crimes qu'il a pardonnes, des bien-
faits qu'il a répandus sur des hommes tou-
jours ingrats et rebeHes, insensés et vicieux,
nous devons bénir sa miséricorde infinie,
nous féliciter de pouvoii' espérer pour nous
la même indulgence, et d'avoir reçu par Jé-
sus-Christ des leçons capables de nous ren-
dre meilleurs. C'est ce que les auteurs sa-
crés veulent nous faire comprendre, lors-
qu'ils font !e tableau des uKEurs primitives
du monde ; cette réflexion vaut mieux que
les spéculations creuses des incrédules : cel-
les-ci tendent h nous ôter non-seulement
toute notion de la Divinité, mais encore à
étouffer toute espèce d'érudition. Si Dieu
n'avait pas conservé l'étude des Livres saints
au milieu de la barbarie, nous serions peut-
être aussi stupides et aussi abrutis que les
Sauvages. Yoi/. Lettres (1).
Livres défenhus. Dès les premiers siècles
de l'Eglise, le zèle des pasteurs pour la pu-
reté de la foi et des mœurs leur fit sentir la
nécessité d'interdire aux fidèles les lectures
capables d'altérer l'une ou l'autre ; consé-
quemment il fut défendu de lire les livres
obscènes, ceux des hérétiques et ceux des
pa'iens. Cette attention était une consé-
quence nécessaire de la fonction d'ensei-
gner, de laquelle les pasteurs étaient char-
gés. Il n'est jias besoin de longues réflexions
pour comprendre qu'à l'égard des livres obs-
cènes rien ne peut excuser ni la licence des
écrivains, ni la curiosité des lecteurs. Saint
Paul ne voulait pas que les fidèles pronon-
çassent une seule obscénité ; il leur aurait
encore moins permis d'en lire ou d'en
dciire (Ephes . v, k; Coloss., m, 8). La mul-
titude de ces sortes d'ouvrages sera toujours un
(1) Parmi les livres sacrés iics nations, disent les
ailleurs de l'édiiion Lcforl, on ne peut ranger VEilda,
ni le livre de Lao-tscu, encore moins le toi an. Delà
comparaison du Pentateuipie avec le ZeiiU-ÀvesIn,
les \ édtis, les Kings, ressort sa supériorité sons le
triple rapport de raulhenlicitc, de l'ancienneté, du
fond : aussi y a-t il lieu de s'élonner de l'engoue-
njcnt de ipjelcpies .savants pour rerlaiues produelions
exotiques, noiaiiuuent pour les livres de l'Inde. Ce-
pendant, la science, à foice de traiter ces matières,
a mis en rcfief quelques faits généraux. Le plus mar-
quant, c'est le déluge. Au-delà du déluge, le nuage
s'épaissit. On euirevoit néanmoins quelques trajts
saillants de l'histoire primitive : le monde sortant du
cbaos, le genre humain issu d'un soûl couple, infrac-
tion et malheurs à la suite, luUe des deux principes,
bons et mauvais génies en opposition, idée vague du
rélablissemenl de l'ordre un jour! mais tout cela est
noyé dans des fables absurues. Qui n'aurait pas
l'exemplaire original, en altération (lu(jucl toutes cts
fables furent fabriquées, ou qui l'aurait, niais io
dédaignerait , ne sortirait pas de ces labyrin-
thes.
355 LIV
triste monument de la corruption du siècle
qui les a vus naître; la défense générale d'en
lire aucun, portée par les prélats délégués
du concile de Trente, est juste et sage. Reg.
7. On ne serait pas surpris de voir cette li-
cence poussée à l'excès chez les païens; mais
les poètes môme de l'ancienne Rome, Ovide,
Juvénal et d'autres, en ont reconnu les per-
nicieux effets , et la nécessité d'eu préserver
surtout la jeunesse. Qu'auraient dit les Pè-
xes de l'Eglise qui ont déclamé contre celte
turpitude , s'ils avaient pu prévoir qu'elle
renaîtrait chez les nations chrétiennes ?
Bayle, qui ne passera jamais pour un mo-
raliste sévère, est convenu du danger attaché
à la lecture des livres contraires à la pudeur ;
il a môme répondu aux mauvaises r;iisons
que certains auteurs de ces livres allégunent
pour pallier leur crime {Dict. crit. Guarini,
Rem. C. et D. Nouv. lettres crit. sur Vhist.
du Calvin., OEuv. tom. Il, lettre 19). Quand
il a voulu justifier les obscénités qu'il avait
mises danslapremière édition de son Diction-
naire, il n'a rien trouvé de mieux h faire que
de promettre qu'il les corrigerait dans la se-
conde édition {OEuv. tom. iV, Réflex. sur un
imprimé, n. 33 et 34). Il s'est donc formelle-
ment condamné lui-même.
Une fatale expérience ne prouve que trop
les pernicieux effets des mauvaises lectures;
c'est par IK que se sont corrompus la plupart
de ceux qui se sont livrés au libertinage, et
qu'ils ont augmenté le penchant vicieux qui
les y portait. Plus les auteurs des livres oIjs-
cènes y ont mis d'esprit et d'agrément, plus
ils sont coupables ; ils ont imité la scéléra-
tesse d'un chimiste qui aurait étudié l'art
d'assaisonner les poisons pour les rendre
plus dangereux. Pour s'excuser, ils disent
que ces lectures font moins d'effet que les
tableaux obscènes, les spectacles, les con-
versations trop libres des deux sexes : cela
peut être ; mais parce qu'elles font moins de
mal, il ne s'ensuit pas qu'elles soient inno-
centes : il n'est pas permis de commettre un
crime, parce que d'autres en commettent un
plus grand. Ils disent que la plupart des lec-
teurs savent déjà ou apprendraient d'ailleurs
ce qu'ils trouvent dans un ouvrage trop libre ;
cela est faux, en général. Ce livre peut tom-
ber entre les mains de jeunes gens qui n'ont
pas encore le cœur gûté et jeter en eux les
premières semences du vice : mais quand
même le mal serait déjà commencé, ce se-
rait encore un crime de l'augmenter. Ils al-
lèguent enfin la multitude de ceux qui ont
écrit, publié ou commenté de ces sortes d'ou-
vrages, et auxquels on n'en a fait aucun re-
proclie. C'est justement parce que l'on a
souffert souvent trop de licence sur ce point,
qu'il est plus nécessaire de la réprimer ; la
multitude des cou|)ables est un motif de plus
fie sévir contre les principaux , alin d'épou-
vanter et de corriger les autres- Voy. Obscé-
nité, Roman.
Quant aux livres des hérétiques qui don-
nent atteinte à la pureté de la foi, l'Eglise les
a également proscrits, parce que le danger
est Te même ; souvent, pour les supprimer,
LIV
536
les empereurs ont appuyé par leurs lois les
censures de l'Eglise. Après la condamnation
d'Arins par le concile de Nicée , Constantin
ordonna que les livres de cet hérésiarque
fussent brûlés ; il défendit à toutes person-
nes de les cacher, sous peine de mort. So-
crate, Hist. ecclés.,\. i, c. 9. Arcadius etHo-
norius portèrent la même loi contre ceux des
eunomiens, Cod. Théod., 1. xvi, tit. 5, leg.
34. Théodose le Jeune la renouvela contre
ceux de Nestorius, tbid., leg. 66. Le qua-
trième concile de Carthage ne permit, même
aux évêques, la lecture des /itères hérétiques,
qu'autant que cela .serait nécessaire pour les
réfuter ; les prélats délégués par le concile
de Trente ont prononcé la peine d'excommu-
nication contre tous ceux qui retiennent ou
qui lisent les livres condamnés par l'Eglise ,
oumisàl'Vndea;.
Saint Paul défend aux fidèles d'écouter les
discours artificieux des hérétiques, et même
de les fréquenter (i?om., c. xvi, v. 17; Tit.,
c. m, V. 10, etc.). 11 n'y avait pas un moindre
danger à lire leurs livres. Voy. Bellarm.,
tome II, Controv. 2, 1. 3, c. 20. Quiconque
fait cas de la foi, et la regarde comme un
don de Dieu, ne s'expose pas témérairement
à la perdre.
La sévérité de l'Eglise sur ce point a été
blâmée par les auteurs, qui sentaient que
leurs propres livres méritaient d'être pros-
crits ; mais que prouvent les clameurs des
coupables contre la loi qui les condamne?
La défense de lire les livres hérétiques ne
regarde point les docteurs chargés d'ensei-
gner, capables de montrer le faible des so-
phismcs des ennemis de l'Eglise et de les
réfuler. Quant aux simples fidèles, nous ne
voyons pas pourquoi il leur serait permis de
clierclierdes doutes, des tentations, des piè-
ges d'erreur, ni en quoi consiste l'avantage
de satisfaire une vaine curiosité. Le nombre
de ceux qui ont fait naufrage dans la foi par
cette imprudence, devrait retenir tous ceux
qui sont tentés de s'exposer au môme dan-
ger.
Dans tous les temps, les artifices des héré-
tiques ont été les mêmes ; Tertullien les dé-
voilait déjà au III* siècle. « Pour gagner,
dit-il, des sectateurs, ils exhortent tout le
monde à lire, à examiner, à peser les rai
sons pour et contre ; ils répètent continuel
lementle mot de l'Evangile, cherchez et vous
trouverez. Mais nous n'avons plus besoin de
curiosité après Jésus-Christ, ni de recherche
après l'Evangile ; un des points de notre
croyance est d'être persuadé qu'il n'y a rien
à trouver au delà. Ceux qui cherchent la
vérité ne la tiennent pas encore, ou ils l'ont
déjà ]ierdue ; celui qui cherche la foi n'est
])as (-'ncore chrétien, ou il a cessé de l'être.
Cherchons, à la bonne heure, mais dans
l'Eglise, et non chez les hérétiques; selon
les règles de la foi, et non contre ce qu'elle
nous prescrit. Ces hommes qui nous invi-
tent à chercher la vérité ne veulent que nous
attirer à leur parti; lorsqu'ils y ont réussi,
ils soutiennent d'un ton d'autorité ce qu ils
avaient fait semblant d'abandonner à nos re-
557
LIV
i.rv
558
cherches. » De Prœsc. adv. hœret., c. 8. Les
sectaires dos dorniers siècles n'ont pas agi
autrement (juo ceux des premiers; pour sé-
duire les enfants de l'Eglise, ils les ont invi-
tés à lire leurs livres, h raisonner sur la loi,
h disputer; mais ils déclamai(Mit avec fu-
reur contre quiconque n'embrassait |ias leur
avis h la fin de l'examen, l.orsipi'ils ont eu
un grand nombre de sectateurs, ils leur ont
défomlu de lire les livres des controver-
si'stes catholiques; c'était, selon eux. un
piège dangereux : après avoir reiiroché à
l'Kglise de vouloir domim^r sur la foi de ses
enfants, ilsont priseux-mémesunempirodes-
notique sur la cioyame de leurs sectateurs.
On dit que la prohibition dos livres hété-
rodoxes n'aboutit qa'h leur donner plus de
célébrité et h piquer la curiosité dos lec-
teurs ; cela fait sou]içonner que ces livres
renferment des objections insolubles. Mais
quand une loi produirait ce mauvais elfot
par ro|)iniatroté des intracteurs, il no s'en-
suivrait pas encore qu'elle est injuste et
pernicieuse par elle-même. Toute défense
irrite les passions par le frein qu'elle leur
0|(|iose; faut-il supprimer toutes les lois
prohibitives, ]iaree que les insensés se font
un plaisir de les braver? Si, en défomlaut
d(^ lire les livres des liérétiques, l'Eglise n'a-
vait pas soin d'instruire les iidèles, de faire
réfuter les premiers par ses docteurs, de
mettre au grand jour la fausseté des repro-
ches qu'on lui fait, sa conduite serait bl;lma-
ble, sans doute. Mais il n'a jamais paru un
livre hétérodoxe digne d'attention qui n'ait
été réfuté par les théologiens catholiques,
et ceux-ci n'ont jamais dissimulé les objec-
tions de leurs adversaires. Nous avons toutes
celles do Marcion dans Tertullion, celles
d'Arius dons saint Athanase, celles des ma-
nichéens, des doiiatistes, des pélagiens dans
saint Augustin, etc. Une preuve que ces ar-
guments sont rapportés dans toute leur
force, c'est que les incrédules et les sec-
taires (jui les ont renouvelés n'y ont rien
ajouté et ne les ont jias rendus meilleurs.
Ceux qui accusent les Pères de l'Eglise et
les théologiens, de supprimer, d'alfaiblir, de
déguiser les objections des mécréants, sont
des calomniateurs, puisque ordinairement
les premiers ont la bonne foi de rap[iorler
les propres termes de leurs antagonistes. Où
sont les difficultés auxquelles on n'ait jamais
répondu 1 Si un argument paraît plus fort
dans le livre d'un hérétique, c'est que la ré-
ponse n'y est ]ias : il paraîtra faible, dès
qu'un réfutateur instruit on fera sentir la fai-
blesse. C'est donc très-mal ii propos que des
esprits légers, curieux, soupçonneux, se
persuadent que les livres sup])rniiés ou <lé-
fendus renferment des objections insohililes.
Si ces livres ne contenaient que des raison-
nements, ils ne feraient pas grandeimpression;
mais les impostuies, les calomnies, lesanec-
dotesscandaleusos,lesaccusationsatioccs, les
déclamations, les sarcasuies, on senties prin-
cipaux matériaux; c'est de quoi la malignité
aiuje à se rejiaîtro: ost-il fort nécoss:di(! de
voir toutes ees infamies dans les originaux?
On (lit que pour être solidement instruit
de la religion, il faut savoir le pour et lo
contre. Soit; d'abord, lo pour et lo contre se
trouvent dans les théologiens catholiques.
Mais la maxime est fausse. Un fidèle con-
vaincu do sa religion par de bonnes jireuves
n'a pas plus besoin de connaître les so-
})hismes par lesquels on peut l'attaquer, que
d'être au l'ait de toutes les fourberies [lar
lesquollos on jieut éluder les lois. Celte se-
conde science est bonne pour les juriscon-
sultes; la première est faite pour h's théolo-
giens. Ne peut-on pas croire solidement un
])ieu, sans avoir lu les objections des athées ?
N'avons -nous droit de inius fier au senti-
ment intérieur, au témoignage de nos sens,
aux preuves de fait, c|u'après avoir discuté
les sophismes dos sceptiques et des pyri'ho-
nions"? Si sur chaque question il faut exami-
ner le pour et le contre avant d'agir, notre
vie se jiassera connue celle des sophistes, à
disserter, à disputer, à déraisonner, et <l
ne rien croire. Nos adversaires suivent-ils
eux-mêmes leur propre maxime? Ils n'en
font rien; jamais ils n'ont lu ni (Hudié les
livres des orthodoxes qui les ont ri'futés.
lîoaiisobro, llist du Munich., toiii. I, jiag.
218, lililme liautoment les papes saint Léon,
(iélase, Symmaque, Hormisdas, d'avoir fait
brûler les livres des manichéens, et les lois
des empereurs qui l'ordonnaient ainsi. 11
fait observer que les chrétiens se [)laignirent
lorsque les onifiereurs païens ordonnèrent de
liriller nos livres, et lorsqu'ils défendirent
la lecture des livres des sybilles et de ceux
d'Hystaspes, parce que ces ouvrages favori-
saient le christianisme. Les écrits des mani-
chéens, dit-il, ne pouvaient inspirer que du
mépris, s'ils contenaient toutes les absur-
dités qu'on leur attribue. Cependant JJeau-
sobre convient qu'il y a des livres qui sont
dignes du feu, tels que sont ceux qui cor-
rompent les mœurs, qui sapent les fonde-
ments de la rehgion, de la morale et de la so-
ciété. Voilà déjà une décision de laquelle les
incrédules ne lui sauront pas bon gré et sur
lai]uelle ils auront droit d'argumenter. Si la
loi fait partie essontiello de la religion, les
livres qui en attaquent la iiuroté s mt-ils
moins (lignes ilu fou que ceux qui en sapent
les fondements? La question est do savoir si
les livres des manichéens n'étaient pasdo cette
dernière espèce ; or, nous soutenons (juils
en étaient. Malgré les absurdités qu'ils ren-
fermaient, ils n'étaient pas univeiselloment
méprisés, puisque les manichéens faisaient
des ])rosélytes. Mais il ne convient guère aux
descendants des calvinistes incendiaires de
bibliothèques, de se plaindre de ce que h'S
[laiics ont fait brûler les livres des mani-
chéens. On ne peut alléguer contre cotte
conduite aucune raison de laquelle les in-
crédules no |)uissent se servir jiour mettre à
couvert du feu leurs propres livres.
Ce que nous disons à l'égard des livres hé-
rétiques est encore plus vrai à l'égard de
ceux des incrédules. Dans les premiers siè-
cles, nous ne voyons point de lois qui inter-
disent la lecture (le ces derniers, parce qua
339
LIV
LIV
S40
les philosophes ne firent pas un grand nom-
bre d'ouvrages pour attaquer le cliristia-
nisme. A la'réserve de ceux de Celse, de
Porphyre, de Julien, d'Hii'rodès, nous n'en
connaissons aucun qui ait eu quelque céli'-
brité. Mais l'avis gi-uiÎTal que saint Paul avait
donné aux (idoles : « Prenez garde de vous
laisser séduire par la philosophie et par de
vaines subtilités {Cotoss.,u,8),» sufiisait pour
les détourner de toute lecture capable d'é-
branler leur foi. Le seizièrue canon du qua-
trième concile de Carthage, qui défend aux
évêques de lire les livres des païens sans
nécessité, semble désigner plutôt les fables
des poètes, les livres d'astrologie, de magie,
de divination, etc., que les livres de contro-
verse. Lorsque Origène a écrit contre Celse,
et saint Cyrille contre Julien, ils ont copié
les propres termes de ces deuxphilosoplics;
nous présumons que les Pères qui avaient
réfuté Porphyre avaient fait de même. Rien
n'e.Nt donc [dus injuste que le reproche sou-
vent répété par les incréiiules contre les Pè-
res de l'Eglise, d'avoir supprimé tant qu'ils
ont jiu les ouvrages de leurs ennemis ; les
Pères, au contraire, se sont plaints de l'in-
justice des païens à cet égard, parce que la
lecture de nos livres ne pouvait produire que
de bons effets pour les mœurs et pour le bon
ordre de la société. Dioclétien fit rechercher
et bri^ller tant qu'il put les livres des chré-
tiens. « J'entends avec indignation, dit Ar-
nobe, murmurer et répéter que, par ordre
du sénat, il faut abolir tous les livres desti-
nés à prouver la religion chrétienne et à
combattre l'ancienne religion.... Faites donc
le procès à Cicéron, pour avoir rapporté les
objections des épicuriens contre l'existence
des dieux. Supprimer les livres, ce n'est pas
défendre les dieux, mais craindre le témoi-
gnage de la vérité (Adv. Gent., 1. m, p. 46).
Aussi Julien remerciait les dieux de ce que la
plupart des livres des épicuriens et des pyr-
rhoniens étaient perdus, Frag., p. 301, et il
souhaitait que tous ceux qiii traitaient de la
religion des galiléens ou ûes chrétiens fus-
sent détruits, Epist. 9, ad Ecdicium, p. 378.
Ce n'est pas ainsi qu'en ont agi les Pères:
loin de supprimer les écrits de Celse, de Ju-
lien, d'Hiéroclès contre le christianisme, ils
en ont conservé les propres paroles ; si ceux
de Porphyre sont perdus, c'est que ceux de
saint Méthodius et d'autres Pères qui l'a-
vaient réfuté ne subsistent plus. On n'a pas
détruit ce que Lucien, Tacite, Libanius, Zo-
zyme, Rutilius, Numatianus, etc., ont dit au
désavantage de notre religion, puisqu'on le
retrouve encore dans leurs ouvrages. Plu-
sieurs livres très-avantageux au christianisme
ont péri ; il n'est pas étonnant que ceux de
ses ennemis aient eu le même sort. Si l'on a
livré aux flammes des livres de divination,
d'astrologie judiciaire, de magie, ou des li-
vres obscènes, il n'y a aucun sujet d'en regret-
ter la perte. Or lesmanichéens avaient des li-
vres de magie. Lorsque Anastase le Bdiliothé-
caire dit que le pape Si/mmaque pt brûler leurs
simulacres, Beausol)re répond qu'il ne sait ce
que c'est que ces simulacres: c'étaient évidem-
ment des caractères et des figures magiques.
La question est de savoir si ce que les Pè-
res ont dit au sujet de la fureur des païens
contre nos livres, peu! autoriser les incré-
dules à écrire impunément conire li re-
ligion : c'est ce que nous allons examiner (1).
Livres contre la Religion. La licence de
publier de ces sortes d'ouvrages n'a été dans
aucun siècle poussée aussi loin que dans le
nr.iro ; aucune nation n'en a vuéclore autant
qu'il s'en e:~t fait en France ; ce crime est sé-
vèrement défendu par nos lois : plusieurs
portent la peine de mort. Yoij. Code de la
religion et des mœurs, tom. I, tit. 8. 11 est
bon de voir si ces lois sont injustes ou im-
prudentes, et si les incréiiules ont des rai-
sons solides à leur opposeï ,
La maxime qu'Arnobe opposait aux païens,
savoir, que supprimer les livres ce n'est pas
défendre les dieux, mais craindre le témoi-
gnage de la vérité, n'est point applicable au
cas préstnt. i° Les païens ne connaissaient
pas les preuves du christianisme ; ils le pros-
crivaient sans examen ; nous connaissons
depuis fort longtemps les objections des in-
crédules, ils n'ont ffdt que les répéter. 2° Les
païens n'ont jamais pris la peine de répondre
aux apologistes du christianisme, au lieu que
les arguments des incrédules ont été réfutés
cent lois. 3° En proscrivant le christianisme,
on rejetait une religion dont on n'osait pas
attaquer la morale, puisque ses ennemis
même prétendaient qu'elle était la même
que celle des philosophes ; nos incrédules
nous prêchent celle de l'athéisme et du ma-
térialisme, la morale des brutes et non celle
des hommes. 4° L'on ne pouvait montrer, dans
les livres des chrétiens, aucun principe sédi-
tieux capable de troubler l'ordre public ou de
révolter le peuple contre les lois; les livres des
incrédules, au contraire, sont aussi injurieux
au gouvernement que furieux contre la reli-
gion : c'est pour cela même que les magistrats
ont sévi contre plusieurs. Iln'y a donc aucune
comparaison à faire entre les uns et les aulres.
Les incrédules disent qu'il doit être per-
mis à tout homme de proposer des doutes ;
que c'est le seul moyen de s'instruire. Prin-
cipe faux. Sous prétexte de proposer di^s
doutes, est-il permis à tout homme de soute-
nir publiquement que notre gouvernement
est illégitmie et tyrannique, nos lois injus-
tes et aijsurdes, nos possessions des vols et
des usurpations? Tout écrivain coupable de
cette démence serait punissable comme sé-
ditieux ; il ne l'est pas moins lorsqu'il atta-
que une religion protégée par le gouverne-
ment, autorisée par les lois, à laquelle tout
bon citoyen attache son repos et sa tranquil-
lité. Pour s'instruire, ce n'est pas au public,
aux ignorants, aux jeunes gens, aux hommes
vicieux, qu'il faut proposer des doutes; c'est
aux théologiens et aux hommes capabl(»s de
les résoudre. Professer le déisme, le maté-
rialisme, le pyrrhonisme en fuit de religion,
ce n'est pas proposer des doutes, c'est vou-
(1) Voy. le Dict. de Théol. inor.. art. lÀiires, où
nous avons précisé ce qui est permis et iltlcudu.
51 1
LIV
LOI
342
loir en donner îi ceux qui n'en ont point.
Selon la loi naturelle, tout hoiiinio dont les
incrédules ont (ébranlé la foi, troublé le rc-
])os, empoisonné les mœurs, serait en droit
de les attaquer personnellement, do les tra-
duire au pied des tribunaux, delour deman-
der réparation du dommage qu'ils lui ont
causé ; h plus" forte raison tous ceux qu'ils
ont insultés, tournés en ridicule et calom-
niés. Ils disent que leurs livres ne peuvent
produire du mal ; que, s'ils sont mauvais,
i-ls toraberopl dans le mépris ; que, s'ils sont
bons, ce serait une injustice ue punir les
auteurs. Autre principe taux. Dans ce ^enro
de livres, la plupart des lecteurs sont inca-
pables de discerner le bon du mauvais ; il
est toujours un grand nonduc d'esprits per-
vers et de cœurs g.Ués qui vont au-devant
de la séduction, qui cherchent h se tranquil-
liser dans le crime par les principes d'uT:-
ligion ; leur fournir d(>s sopbismes, c'est les
armer contre la société. Les incrédules ont
saisi le moviieut dans lequel ils ont vu la
contagion prête ^ se répindro, pour divul-
guer le venin qui devait l'augmenter : ils
méritent d'étr ■ traités comme des empoison-
neurs publics. Noiis espérons, ;i la vérité,
que leurs livres tomberont dans le mépris,
et déjà nous en avons un grand nombre
d'exemples; leurs derniers écrits ont fait
(irofondémeiit ouldier les premiers. Tous ont
été annoncés d .ns le temps comme des ou-
vrages victoîieux, tcrribh s, décisifs, aux-
quels les théologiens n'auraient rien à ré-
pliquer ; et il n'en est pas un seul dont on
n'ait fait voir le faux et l'absurdité. Mais la
chute et le mépris de ces ouvrages do ténè-
bres ne réparera pas le mal qu'ils ont fut.
S'il n'était pas permis d'attaquer toutes les
ndigions, continuent nos philosophes, les
missionnaires qui vont prêcher chez lesinli-
dèles seraientpunissables. llslcspraient,sans
doute, s'ils voulaient étalili: l'athéisme, parce
([u'il vaut encore mieux pour un peu]ile avoir
une fausse religion que de n'en avoir point
du tout. Ils le seraient, s'ils allaient prêcher
pour corrom[)re les mœurs, pour soulever
les peuples contre les prêtres et contre le
gouvernement, comme font les incrédules :
mais est-ce là le dessein des missionnaires?
Convaincus de la vérité, de la sainteté, de
l'utilité du christianisme, revêtus d'une mis-
sion divine qui dure depuis dix-sept siècles,
ils bravent tout danger pour aller instruire
des hommes qui en ont réellement besoin :
loi'squ'ils ont du succès, ils parviennent à les
civiliser et à les rendre plus heureux. Ce ue
sont là ni les desseins, ui la morale, ni le
talent des incrédules; ils so cachent et désa-
vouent leurs livres ; ils ne se montrent que
quand ils sont sûrs de l'impunité : plusieurs
ont fait fortune et ont acquis de la réputa-
tion ; dès que cette espérance cesse, ils n'é-
crivent plus. Quelques-uns ont poussé l'i-
neptie jusqu'à dire que de droit naturel nos
pensées et nos opinions sont à nous, et sont
la plus sacrée de -nos propriétés ; que c'est
une injustice et une absurdité de vouloir
empêcher un homme de penser comme il lui
plaît et de le punir pour ses opinions. Et qui
les t'm|)êclio do penser et de rêver comme il
leur }ilait'? Des écrits rendus publics, des
invectives, des impostures, des calomnies, ne
sont plus do simples pensées, ce sont des
délits soumis à l'inspection delà police; s'ils
attaquent un particulier, il a droit de s'en
plaindre ; s'ils troublent la société, elle a rai-
son de sévir. Lorsque les théologiens ont
avancé des opinions douleusi\s, on les a ré-
jmmés, et les philoso|ilies ont applaudi à la
punition : par quelle loi sont-ils plus privi-
légiés que les théologiens? Quand on leur
demande de quil droit ils se mêlent du gou-
vernement, (le la religion, de la législation,
ils répondent : Par le même droit (pi'un pas-
sager éveillé donne des avis au pilote endor-
mi qui tient le gouvernail du navire dans le-
quel il so trouve lui-même. Mais si ce passa-
ger est un somnambule qui rêvo et qui trou-
ble sans sujet le repos de tout réf|uipagc, il
nous paraît que l'on fait bien de le garrotter,
afin qu'il ne donne plus l'alarme mal à propos.
Tout écrivain de génie, discut-ds encore, est
magistrat-né de sa nalion : son droit est son ta-
lent. Pourquoino pas ajouter qu'ilen est le lé-
gislateur et le souverain. Ainsi la fatuitôd'un
discoureur qui lui persuade qu'il est écrivain,
de génie suflit, selon nos nouveaux politiques,
pour lui donnerl'autorité derendredesarrêts.
L'absurdité de toutes ces prétentions suf-
lit pour démontrer quel serait le sort dos na-
tions, si elles avaient l'imprudence de se li-
vrer à l'indiscrétion de pareils docteurs. S'ils
étaient les maîtres, ils proscriraient cette li-
berté d'écrire qu'ils demandent; ils no souf-
friraient pas que personne osât combattre
leurs principes ; ils feraient brûler tous les
livres de religion ; ils détruiraient les biblio-
t'ièques, comme ont fait les fanatiques d'An-
gleterre au xvi" siècle, alin d'établir despoti-
quemout le règne de leurs o[)inions. De tout
temps l'onavu que ceux qui réclamaient le plus
liautementlaliberté poureux-mêmes, étaient
lesplus ardents à en dé]iouiller les autres.
On ne peut les méconnaître au portrait
que saint Paul a tracé des faux docteurs :
« 11 y aura, dit-il, des hommes remplis d'eux-
mêmes , ambitieux , orgueilleux et vains ,
blasiiliémuteurs, ingrats et impies, ennemis
Ue la société et de la paix, calomniateurs, vo-
luptueux et durs , sans affection pour per-
sonne, etc. : il faut les éviter. Ces hommes
dangereux s'introduisent dans les sociétés ,
cherchent à captiver les femmes légères et
déréglées , sous prétexte de leur enseigner
la vérité. » {Il Tim. m, 2.)
LOL Selon les théologiens , la loi est la
volonté de Dieu intimée aux créatures intel-
ligentes , par laquelle il leur impose une
obligation , c'est-à-dire les met dans la né-
cessité de faire ou d'éviter telle action , si-
non d'être punies. Ainsi, selon cette déûni-
tion, il est évident que , sans la notion d'un
Dieu et d'une providence, il n'y a point de
loi ni d'obligation morale iiroprement dite.
C'est par analogie que nous appelons lois
les volontés des hommes qui ont l'autorité
de nous récuinpcuscr et de nous punir; mais
343
LOI
LOI
514
si cette autorité ne venait pas de Dieu , si
elle n'était pas un effet de sa volonté suprême,
elle serait nulle et illégitime ; elle se rédui-
rait h la force ; elle pourrait nous imposer
une nécessitéphysique, et non uneobligation
morale. Telle est l'équivoque sur laquelle se
sont fondés les matérialistes , lorsqu'ils ont
voulu établir une morale indépendante de
toute notion de la Divinité ; ils ont dit que la
loi estla nécessité dans laquelle nous sommes
de faire ou d'éviter telle action, sinon d'être
blâmés, haïs et méprisés de nos semblables,
et de nous condamner nous-mêmes.
Cette définition est évidemment fausse ;
elle suppose, 1' que tout homme assez puis-
sant ou assez fourbe pour se faire louer, es-
timer et servir par ses semblables, sans faire
aucune bonne action , n'est pas obligé d'en
faire ; que s'il y réussit par des crimes , il
n'est pas coupable. Combien n'y a-t-il pas
d'hommes qui ont obtenu les éloges , l'es-
time, l'admiration de leur nalion , par des
actions contraires à la loi naturelle et au
droit des gens ? Ces actions sont-elles deve-
nues des actes de vertu, parce qu'elles ont
été louées et approuvées par une nation stu-
pide et barbare? Celui qui les faisait n'était
certainement pas obligé d'aller consulter les
autres peuples pour savoir s'ils en pensaient
de même. D'autre sont été blâmés, condamnés
et punis pour avoir fait des actes de vertu.
Rien n'est plus absurde que de faire déjien-
die les notions du bien et du mal moral de
l'opinion des hommes. 2° Il s'ensuit que
quand un homme est assez puissant ou en-
durci dans le crime pour braver la haine et
le mépris des autres, et pour étouffer les re-
mords, il est affranchi de toute loi, et qu'il
ne peut plus être coupable. L'absurdité de
toutes ces conséquences démontre la faus-
seté du système de morale des matéria-
listes.
Plusieurs anciens philosophes et quel([ues
littérateurs modernes ont dit que la loi en
général est la raison humaine, en tant qu'elle
gou veine tous les peuples de la terre. Cette
délinition n'est pas juste. La raison, ou la fa-
culté de raisonner, peut nous indiquer ce
qu'il nous est avantageux de faire ou d'évi-
ter, mais elle ne nous impose aucune né-
cessité de faire ce qu'elle nous dicte ; elle
peut nous intimer la loi, mais elle n'a point
par elle-même force de loi. Si Dieu ne nous
avait pas ordonné de la suivre, nous pour-
rions y résister sans être coupables. Le llam-
beau qui nous guide et la loi mi nous oblige
ne sont pas la môme chose. D ailleurs la rai-
son ne nous guide avec sïireté que quand
elle est droite : or, dans combien d'hommes
n'est-elle pas obscurcie et dépravée par les
passions , par une mauvaise éducation , par
« les lois et les coutumes de la nation dans le
sein de laquelle ils sont nés? Supposer qu'elle
est encore la loi de l'homme, c'est toujours
faire dépendre le crime et la vertu de l'opi-
nion des peuples.
Il faut donc nécessairement remonter plus
haut. Puisqui; Dieu, en créant l'homme, lui
a donné tout à la fois la raison et l'intelli-
gence, une inclination violente à rechercher
son propre bien, et le besoin de vivre en
société avec ses semblables, sans doute il a
voulu que l'homme fit ce qui lui est avanta-
geux, sans nuire au bien des autres ; il lui
a défendu de chercher ses intérêts aux dé-
pens des leurs : autrement Dieu aurait voulu
l'impossible ; il aurait voulu que l'homme
vécût en société, sans vouloir qu'il fit ce qui
est absolument nécessaire pour former la
société; il serait tombé en contradiction.
Cette volonté ou cette loi de Dieu est donc
prouvée parla constitutionmème de l'homme.
D'autre part, Dieu n'a pas pu consentir que
l'homme fût le maître de braver impuné-
ment cette volonté suprême, aussi bien que
celle de ses semblables ; autrement cette
volonté serait en Dieu une simple velléité ;
il n'aurait pas sulûsamment pourvu au bien
de la société dont il est l'auteur. 11 a donc
établi des récompenses pour ceux qui ac-
complissent la loi, et des châtiments pour
ceux qui la violent. De là viennent le dicta-
men de la conscience , les remords causés
par le crime, la satisfaction secrète attachée
aux actes de vertu. Ce sont là les signes qui
nous avertissent de la loi ou de la volonté
de notre souverain Maître, mais qui ne sont
pas cette loi.
Les anciens i)hilosophes, plus sensés que
les modernes, avaient sur ce point la même
idée que les théologiens. Selon Cicéron, qui
copiait Platon, la vraie loi, la loi primitive,
source de tous les autres, est, non la raison
humaine, mais la raison éternelle de Dieu,
la sagesse suprême qui régit f'univers ; tel
est, dit-il, le sentiment de tous les sages, de
Lcgib., ]. II, n. 14 ; Platon, de Legih. hb. iv ;
c'était celui de Socrate ; Brucker, Hist. Phi-
los., tom. I, pag. 561. Les pythagoriciens
posaient de môme pour fondement de toutes
les lois la croyance d'une divinité qui punit
et récompense. Prologue des lois de Zaleu-
chus, Ocellus Lucan., c. k, etc. — Leland,
Demonstr. étang., t. III, p. 3i2 et suiv.,a cité
d'autres passages des anciens. Mais nous
avons une meilleure preuve de cette théorie
dans nos livres saints. Immédiatement après
la création de l'homme. Dieu exerça l'au-
guste fonction de législateur ; il impo'sa une
loi il notre premier père, et le punit ensuite
pour l'avoir violée. Après avoir averti Caïn
que sa conscience serait le juge de ses ac-
tions et le vengeur de ses crimes, il le punit
d'y avoir résisté en commettant un homicide
( Gcn. IV, 7 et 11 ). 11 exerça lamême justice
envers le genre humain, en le faisant périr
par le déluge. Toute l'histoire sainte est le
tableau de cette Providence juste et sage,
qui récompense la vertu par des bienfaits,
et punit le crime, même en ce monde, sans
préjudice de ce qui lui est réservé pour une
autre vie.
Les incrédules, qui ne veulent point qu'un
Dieu gouverne le monde, disent que nous ne
connaissons pas assez la nature divine, ni
les volontés de Dieu, pour deviner ce qu'il
ordiinne et ce qu'il défend ; que, pour s'être
l'ait une fausse idée de laDivuiité, tous les
345
LOI
1-01
546
peuples lui ont attribué des lois absurdes ;
-qu'il faut fonder les lois sur la nature de
i liomme, sur ses besoins sensibles, sur l'in-
térêt général de la société, choses qui nous
sont beaucoup mieux connues. Sophisme
grossier. Ces mêmes raisonneurs, qui pré-
tendent si bien connaître la nature de
l'homme, commencent par la défigurer, en
supposant que l'homme n'est qu'un corps et
un pur animal ; avec une pareille notion,
]ieut-on le supfioser soumis à d'autres lois
qnl\ celles des brutes?
C'est par la nature même de l'homme, non
telle qu'ils la conçoivent, mais telle qu'elle
est, que nous voyons ce que Dieu a ordonné
et ce qu'il a défc^ndu. 11 y aurait contradi-
ction à supposer que Dieu, en donnant à
l'homme tel besoin, telle inclination, tel dé-
féré de raison et d'intelligence, ne lui a pas
prescrit des lois analogues à cette constitu-
tion. Mais si l'homme était l'ouvrage du ha-
sard, ou d'une nécessité aveugle, quelles
lois morales pourrait-on fonder sur sa na-
ture ?
Les peuples ignorants et stupides n'ont
argumenté ni sur la nature de Dieu, ni sur
la nature de l'homme, pour attribuer à Dieu
ou pour établir eux-mêmes des lois absurdes.
Ils ont cru faussement les fonder sur les in-
térêts de la société ou des particuliers, qu'ils
entendaient très-mal. Que l'on interroge tous
les peuples qui ont de pareilles /oîs, ou ils
diront qu'ils les suivent, parce qu'elles ont
été faites par leurs pères, ou ils les justifie-
ront |)ar des raisons d'utilité apparente et
d'intérêt mal entendu, ou ils argumenteront
sur de prétendus principes de justice qui
n'ont aucun rapport à la Divinité. A la vé-
rité, la plupart des anciens législateurs se
sont donnés pour inspirés, afin de soumettre
plus aisément les peuples aux Puisqu'ils leur
proposaient. Ils sentaient qu'aucun homme
ne peut avoir par lui-même l'autorité d'im-
jjoser des lois à ses semblables. Les erreurs
dans lesquelles ils sont tombés ne sont ce-
pendant pas venues de ce qu'ils concevaient
mal la nature de Dieu, mais de ce qu'ils en-
tendaient mal les intérêts des hommes, ou
de ce qu'ils cherchaient leur intérêt particu-
lier plutôt que celui des peuples.
Jamais on n"a tant parlé qu'aujourd'hui de
l'esprit des lois, de l'esprit des coutumes et
des usages des dilïérents peuples; pour sai-
sir cet esprit, il faudrait se mettre à la place
du législateur, voir les circonstances dans
lesquelles il se trouvait, le caractère, les be-
soins, les idées, ;os habitudes de ceux pour
lesquels telle loi a été faite ; par conséquent
il faudrait savoir parfaitement l'histoire de
chaque nation dans son origine. Cela n'est
pas aisé, puisque, chez la plupart des peu-
ples, la législation est plus ancienne que
l'histoire. Il est donc très-permis de douter
si les philosophes, qui ont cru prendre l'es-
prit des lois et des coutumes, y ont parfai-
tement réussi. Le peuple juif est le seul dont
les lois soient incorporées ?i son histoire, et
dont le législateur ait montré le véritable
esprit de ses lois ; et la plupart des moder-
nes qui en ont parlé n'ont pas pris la peine
de consulter cette histoire, avant de raison-
ner sur les lois qu'elle renferme.
Selon notre manière de concevoir, toute
loi vient de Dieu, comme premier et souve-
rain législateur : mais on n'appelle lois di-
vines que celles que Dieu a portées ou im-
médiatement par lui-môme, oui)ar des liom-
mes spécialement envoyés di> sa part. Ainsi
la loi divine se divise en loi naturelle et en
/oi positive; celle-ci se sous-divise en /oi an-
cienne et loi nouvelle. Dans la loi ancieniu)
ou mosaïque, on distingue les lois morales
d'avec les lois cén^moniclles et les lois poli
tiques. Sous la loi nouvelle, il y a des lois
divines et des lois ecclésiastiques. Ces der-
nières sont censées lois humaines aussi bien
que les lois civiles. Nous sommes obligés
de parler de ces différentes espèces de lois,
parce qu'il n'en est aucune qui ne donne lieu
à (les questions théologiques.
Loi naturelle ou Lui de nature. On
nomme ainsi la loi que Dieu a imposée à
tous les hommes, et qu'il a dû leur imposer
en conséquence de la nature qu'il leur a
donnée, c'est-à-dire de leurs besoins, de
leurs inclinations, de leurs qualités bonnes
ou mauvaises. Pour {irouver l'existence do
cette loi et les devoirs qu'elle nous prescrit,
il nous suffit de nous examiner nous-mêmes,
et de voir la manière dont nous sommes
constitués. — 1° Le sentiment d'une loi na-
turelle est aussi général dans tous les hom-
mes que la notion d'une Divinité. Si l'on
excepte un petit nombre d'épicuriens, qui se
parent du nom de déistes, quiconque admet un
Dieu, fût-il sauvage et presque stupide, l'en-
visage non-seulement comme l'auteur de son
être, mais comme un maître qui lui impose des
devoirs, qui peut le récompenser et le punir.
C'est ce qui rend tout homme religieux, qui
le porte à tAcher, par des respects et des of-
frandes, de se concilier les faveurs de son
Dieu, et lui fait craindre de provoauer sa co-
lère. Une persuasion aussi générale ne peut
pas venir du hasard; c'est donc un instinct
de la nature, par conséquent l'ouvrage de
Dieu. Or, un Créateur infiniment sage n'a
pas pu faire d'un sentiment faux l'instinct
général de \a nature (1). — 2° L'Iiomme est
(1) ( Loin de nous, dit M. Frayssinous (Conft;-
reiice sur la loi naturelle), loin de nous la puérile
pensée qu'il fut un temps où le genre humain vivait
sans Dieu, sans aucun sentiment religieux, sans au-
cun principe de morale ; comme s'il avait commencé
par être athée et entièrement brute, et que, par des
progrès insensibles, il fût passé de cet état complut
d'athéisme et d'abrutissement à celui de quelque
croyance religieuse, et qu'il eût enfin découvert Dieu,
la providence, la vie future, la morale, ainsi qu'a-
près bien des efforts et des expériences multiplicfs
on a découvert l'algèbre ou la chimie. L'homme est
un être naturellement raisonnable, moral, religieux :
vous le trouveriez plutôt dépouillé de toute intelli-
gence, que dépourvu de toute notion de justice et
de vertu. Si haut que vous remontiez dans l'anti-
quité, vous verrez toujours les honnnes en posses-
sion de croire à quelques maximes de religion et de
nioiale. lii la nature a devancé l'industrie : tandis
que la faible raison s'est égarée S'.ir tout cela eu de
sil
LOI
LOI
348
nié avec un fonds de pitié pour son sembln-
ble; il n'aime point fi le voir souffrir ; sans
réflexion même, il tend le bras h celui qu'il
voit près de tombor. A moins qu'il ne soit do-
miné par un mouvement de colère ou de
vengeance, il est porté h secourir un mal-
heureux, et il gortte un contentement inté-
rieur lorsqu'il lui a fait du bien. D'autre
part, rhouHuo s'aime lui-même, recherche
son bien-être, craint de soulfrir, désire ilo se
conserver : ce sentiment domine en lui sur
tous les autres, est le mobile de la plup irt
de ses actions. Ainsi, respect envers Dieu,
bienfaisance envers les hommes, amour de
soi-même, voilî» trois penchants certaine-
ment innés dans l'humanité. Mais l'homme
éprouve des passions capables d'étouffer ces
penchants ou de les pervertir, de le rendre
irréligieux, méchant et malfaisant, crue'
même envers soi. Dieu lui permet-il é;^ah'-
ment de céder aux uns ou aux autres? L" : ■
t-il rendu susceptibhi de religion, de bie ■ -
faisance, d'amour bien réglé de soi, sansliù
en faire utidevnir? Dans ce cas, Dieu n'au-
rait voulu ni le bien général de l'humani- ',
ni l'avantage de chacfue particulier ; il aurait
destiné l'homme à la société, et il aurait
rendu la société impossible. Ces suppositions
répugnent à l'idée d'un Etre souverainement
bon. Puisque Dieu a fait l'homme capable tle
discerner entre le bien et le mal moral, de choi-
sir l'un ou l'autre avec une ])leinc liberté, il
lui a certainement imposé l'obligation de pra-
tiquer l'un et d'éviter l'autre ; il n'a pu créer
un être susceptible de lois, sans lui donner
aucune loi. — L'homme est convaincu de
l'existence d'une obligation morale par le
sentiment intérieur que nous appelons la
conscience. Le malfaiteur se cache pour com-
mettre un crime, lors même qu'il n'a rien à
vaines recherches, ou. que même elle n'a enfante que
des .systèmes irès-ridicnles, nos livres saints nous
font assister en queli|iie sorte à l'œuvre de la cro.i-
lion, et nous apprennent commeut les choses se sont
passées. Ce que les sages de l'antiquité avaient ign/j-
r('s les enfants le savent painii nous. Lu premii:r
hoiunie sortit des mains de son ciéaleur dans l'état
tle jnalurité : il ne naqnit pas enfant, <lans la fai-
Wesse et l'ignorance du premier âge ; il parut sui' la
terre lionnne fait, jouissant, dès le moment de S'iii
exislence, de tontes les facultés du corps et de l'es-
l>rit vil' arriva à la vie avec des connaissances toutes
i'ortnées dans son esprit, avec des sentiments reli-
s^'ieiix dans son cœur, avec une langue tout(! faite
pour exprimer ses idées : il trouva en lui la conn:iis-
Kance ite Dieu son créateur, tles notions d'ordre cl
de vertu, l'amour du bien, une intelligence qui s'c-
Itivait jusqu'à l'atiteni' de son être, une volonté ani-
mée'du Uiésir de lui plaire; et sans doute son pre-
mier sentiment fut celui de la reconnaissance et
de l'-amour. Ce qu'il avait reçu de Dieu mcme, ce
^ju'il savait, il le transmit à ses enfants, qui, à leur
,onr, le laissi'rent connue tm héritage .aux gcm'ra-
lions suivantes : la tradilion se conserva, s'è!i'n<lit
avec l'espèce humaine ; et voilà comme, de famille en
famille, d'âge eu âge, de contrée en coutrt'c, les no-
tions primitives se sont conservées plus ou moins
pures dans le genre humain. Ainsi toutes les
(•royances religieuses et morales ont une source
commune ; mais ce sont des ruisseaux dont les uns
vnl conservé la pureté de leurs eaux, et dont les
redouter de la part de ses semblables ; lors-
(}u'il l'a commis, il éprouve de la honte et des
remords : ainsi, il est averti par la nature
qu'il y a un souverain vengeur dont il doit
craindre la justice. On dit que, par l'habitude
du crime, le méchant vient à bout d'éloufïer
les remords et la honte : quand le fait serait
vrai, il ne prouverait encore rien ; à force do
s'endurcir aux souffrances, l'homme peut
émousser la sensibilité physiijue; il ne s'en-
suit pas delàqu'elle no lui est pas naturelle.
Un inalfait(Hir, pris pour juge des actions d'un
autre, blâme sans hésiter ce ([ui est mal, et
approuve ce qui est bien ; il prononce ainsi
contre lui-même, et rend hommage h la loi,
lors môme qu'il ne veut pas la suivre. — 4*
Les philosophes païens, Ocellus Lucaïujs, Pla-
ton, Théopliraste, Cicéron et d'autres, ont
très bien aperçu toutes ces vérités, et ils en
ont conclu comme nous l'existence d'une loi
■iiaturelle. Ils disent que toute loi est émanée
de l'intelligence divine ; que la loi suprême,
fondement de toutes lesautresi est la raison
et la sagesse du Dieu souverain. Plat., deLe-
' (jib., 1. IV, In Cril. et Polit.; Cic, de Legib-,
1. Il, n. 14 et sui.; Lact , 1. vi, c. 8, etc.
Vainement les matérialistes ont voulu fon-
der la morale et les devoirs de l'homme sur
son intérêt temporel ; ils ont confondu le
sentiment moral avec la sensibilité physi-
que : al)Siirdité révoltante. Est-il donc be-
soin de vertu ou de force d'dme pour agir
par un motif d'intérêt? Quel est le motif in-
téressé d'un homme qui meurt pour sa pa-
trie ? Sans une loi naturelle, émanée de la
volonté de Dieu, il n'y a pins ni bien ni mal
moral, ni vice ui vertu. Voy. Bien et Mal
MORAL, Devoir, etc.
Mais ce n'est pas assez pour un théologien
de prouver l'existence de la loi naturelle par
autres se sont plus ou moins altérés à travers la cor-
ruption des siècles. C'est de là que sont venus ces
principes communs à tous les hommes, que l'igno-
rance ou les passions alfaiblissent, mais n'anéantis-
sent pas; cette lumière qui, pour bien des peuples, a
été obscurcie des nuages du mensonge, mais qui
laissa toujours échapper quelques rayons. Or, ces
règles univers(dles, invariables, dont le sentiment se
trouve partout, ces notions couununes de bien et de
mal, qui gouvernent l'csp ce huuiaine , et sont
connue la législation secrète du monde nmral, voilà
ce qu'on appelle loi naturelle : dérmmination très-
légitime. Elle est naturelle, parce qu'elle est fondée
sur la nature des choses, sur des rapports primitifs
entre l'homme et Dieu, entre l'homme et ses sem-
blables; naturelle, parce qnc les principes en sont
tellement conlormes à notre nature raisonnable.,
qu'il sullit de les exposer pour en faire sentir la vé-
rité ; naturelle, parce qu'on en trouve des vestiges
partout où se trouve la nature humaine, ce qui a fait
dire qu'elle est gravée dans le cœui' ; naturelle enfin,
parce qu'il fallait la distinguer de toute autre loi
donnée à l'homme depuis la création, et qu'on ap-
pelle positive. Aussi la dénomination de loi naturelle
est-elle autorisée par les livres saints, et notamment
par saint Paul, par tous les docteurs de l'Eglise, par
tous les moralistes de toutes les nations et de tous
les siècles, par le langage univeisellement reçu de
tous les hommes ; en sorte que proscrire le mot
de lo' naturelle, ce serait se nicllre en révolte contre
le genre humain, i
349
LOI
LOI
550
la constitution mômo de l'humanité; il doit
encore montrer que Dieu a conlirmé, par la
révélation, les leçons do la nature.
Dans le temps "que Caïu, tils aîné d'Adam,
était rongé d^ jalousie, Dieu lui dit : Si tu
fais bien, n'en rccevras-lu pas le salaire? Si tu
fais mal, ton péché est à la porte, est toujours
arec toi (Gen., c. iv, v. 7). Dieu le renvoie
au témoignage de sa conscience. Co repro-
che suppose (juo Caïn sentait ce qui est mal,
ce qu'il voulait faire et ce (|u'il devait éviter.
Job, après avoir dit que Dieu est le souve-
rain législateur, ajfjute que tout homme le
voit et l'euvisage ( onime de loin (Job, c.
xvxvi, V. 22 et 25). Il avait dit ailleurs :
Interrogez qui vous voudrez parmi les étran-
gers, vous verrez qu'il sait que les méchants
sont réservés à un cruel avenir, et marchent
continuellement à leur perte (c. ixi, v. 29).
Le psaimisto compare la loi du Seigneur à
la lumière du soleil, delaciuelle aucun hom-
me n'est entièrement privé {Ps. xvin, v. 7
et 8). Saint Paul dit que, quand les nations
qui n'ont point de loi (positive ou écrite),
font naturellement ce que la loi commande,
elles sont à elles-mêmes leur propre loi; elles
montrent que les préceptes de la loi sont gra-
vés dans leur cœur, et que leur conscience leur
en rend témoignage {Rom., c. ii, v. 14-j. Kien
de plus formel que ce passage (1).
Mais, pour intimer la loi naturelle k tous
les hommes. Dieu n"a pas attendu qu'ils par-
vinssent à la connaître par leurs propres ré-
flexions ; il l'a enseignée do vive voix, et par
une révélation expresse, à nos premiers pa-
rents. Nous lisons dans l'Ecclésiast., c. xvu,
V. 5, que non-seulement Dieu leur a donné
l'esprit, l'intelligence, le sentiment, pour
connaître le bien et le mal, mais qu'il y a
ajouté des instructions ; qu'il les a rendus
dépositaires delà loiûe vie ; qu'il a fait avec
eux une alliance éternelle ; qu'il leur a mon-
tré les arrêts de sa justice ; qu'ils ont tu
l'honneur d'entendre sa voix ; qu'il leur a dit,
gardez-vous de toute iniquité, et a donné à
chacun d'eux des préceptes à l'égard du pro-
chain, v. 9 et suiv. En effet, nous voyons
dans l'histoire môme de la création que Dieu
a commandé expressément aux premiers
hommes la fidéhté mutuelle des époux, le
respect envers les pères, l'amitié entre les
frères ; qu'il a défendu le meurtre, etc.; c'é-
taient là autant de devoirs de la loi naturelle.
Il leur a enseigné la manière de l'.îdorer,
puis(ju'il a sanctifié le septième jour, et
que les enfants d'Adam lui ont oflert des sa-
crifices.
Ainsi, quand on dit que, depuis la créa-
tion jusiiu'à Moïse, les hommes ont vécu
sous la loi de nature, cela ne signifie pas
qu'ils n'ont reçu de Dieu aucune loi posi-
tive ou révélée ; l'histoire sainte nous ap-
prend le contraire : la sanctification du sep-
(I) Nons n'adoptons pas coniplétenieiit les notes
des diverses éditions do Besançon sur ce passage.
Nous avons suffisamment indiqué notre pensée sur
la promulgation de la loi naturelle dans notre Dict.
"ià Tliéol. luor.
tième jour, la défense de manger du ft-uitdo
l'arbre de vie, la défense do manger du
sang, étaient des lois positives. Voy. Kévéla-
TICN l'IUMITIVE.
Pour nous convaincre que Dieu a daigné
instruire h^s premiers hommes par des le-
çons |>ositives, il suffit de comfiarer la mo-
rale suivie |)ar les patriarches à celle qu'ont
enseignée, dans la suite des siècles, les phi-
losophes les plus célèbres. Les premiers, nés
dans l'enfance du monde, avant que l'onci'it
fait des études et des réflexions sur les de-
voirs de la loi naturelle, auraient dii avoir
uiv- morale plus imparfaite que celle des
philosophes qui ont pu profiter de l'expé-
J'ience des siècles précédents, qui ont fiiit
une étude particulière de la morale et (h\ la
législation. C'est néanmoins tout le contraire.
Dans le seul livre de Job, on peut puiser
des maximes de morale plus claires et plus
saines que dans les écrits de Socrate et de
Platon. Les patriarches ont donc eu de meil-
leures leçons de morale que les philosophes,
savoir : les instructions de Dieu môme. Aussi
la connaissance des préceptes de la loi na-
txirelle ne s'est bien conservée que dans les
ftunilles et les peuplades qui ont fidèlement
gardé le souvenir delà révi'lation primitive :
partout ailleurs, les législateurs, les philo-
sophes, les nations entières ont méconnu
plusieurs vérités de morale qui nous parais-
sent delà dernière évidence ; elles ont éta-
bli des lois et des usages injustes, cruels,
absurdes. Les Chaldéens, les égyptiens, les
Grecs, les Romains, qui ont passé pour les
peuples les plus éclairés et les plus sages,
ont été jilongés dans le même aveuglement.
Les Chinois et les Indiens, qui ont cultivé,
dit-on, la morale, depuis quatre mille ans,
ne l'ont pas rendue plus pirfaite qu'elle était
parmi eux il y a vingt siècles. Aujourd'hui
encore, dès que les philosoplies modernes
ferment les yeux à la lumière de la révéla-
tion, ils enseigtient une inorale aussi fausse
et aussi corrompue que celle des païens. Voy.
Nouv. Démonst. Evang.,\>s.v Leland,tom. III,
c. r, etc.
Lorsqu'ils disent que la loinaturelleQ%{cè\\(i
que l'homme peut connaître par les seules
lumières de la raison et par la voie do la
conscience, ils jouent sur des équivoques,
et ils s'accordent bien mal avec les faits. Il
faudrait dire, du moins, par les lumières d'une
raison éclairée et cultivée, et par la voie d'une
conscience droite. Car enfin, lorsque la raison
est obscurcie par les passions, par des erreurs
reçues dès l'enfance, ]iar la stupidité, par des
usages et des coutumes absur>ies, par des
lois vicieuses, h quoi se réduisent alors ses
lumières, et quel peut être le dictamen de la
conscience ? Comment n'ont-clles pas dit à
tous les peuples et à leurs législateurs, qu'il
ne faut adorer qu'un seiil Dieu; que l'idul.-l-
trie est un crime; que l'usage d'exposer ou
de tuer les enfants outrage la nature ; que le
droit de vie et de mort sur les esclaves est
barbare. On dira, sans doute, que sur tous
ces I oints les hommes n'ont consulté ni la
raisiin ni la conscience; nous en convien-
551
LOI
LOI
3S2
drons sans peine : mais il en résultera tou-
jours que, pour savoir en quoi les hommes
ont écouté ou n'ont pas écouté la raison, nous
n'avons point d'autre guide certain que la
révélation. Que l'on d(Mnan(le à quel peuple
on voudra, quelles sont les lois elles mœurs
les plus sages et les plus raisonnables, il ju-
gera toujours que ce sont les siennes; c'est
la réflexion d'Hérodote, et l'on ne peut pas
en douter.
La loi naturelle est gravée dans le cœur
de tous les hommes, nous le reconnaissons
après saint Paul ; mais il faut en lire les ca-
ractères, et cela n'est pas toujours aisé : les
passions, les préjugés de naissance, les ha-
bitudes invétérées, troublent la vue, et alors
on ne voit plus rien : l'exemple de toutes les
nations en est une preuve palpable. La loi
naturelle est évidente dans l(>s premiers prin-
cipes; mais il est facile de se Iromper dans
les conséquences, cela est arrivé aux hom-
mes les plus clairvoyants d'ailleurs. Un
moyen de connaître ce que cette loi ordonne
ou défend, est, sans doute, d'examiner ce
qui est conforme ou contraire au bien géné-
ral de la société ; mais où est le peu|ile, oii
est le sage qui ait su connaître ce bien géné-
ral, qui ne l'ait pas souvent confondu avec
un intérêt momentané et mal entendu? Si
nous en croyons nos politiques modernes,
ce bien général est encore très-peu connu :
et de là viennent, selon eux, la législation
imparfaite, la politique aveugle, la mauvaise
conduite de toutes les nations. L'intérêt gé-
néral, ou bien commun, a certainement va-
rié dans les divers états du genre humain;
il n'était p;is absolument le même dans l'état
de société domestique que dans l'état de so-
ciété civile et nationale. Lorsque les peu-
ples, encore peu policés, se croyaient tou-
jours en état de guerre l'un contre l'autre,
ils ne faisaient aucune attention au bien gé-
néral de l'humanité ; conséquemment le droit
des gens était très-mal connu : il ne l'a été
mieux que depuis que l'Evangile est venu
apprendre aux hommes qu'ils sont tous frè-
res, et les a réunis dans une société reli-
gieuse universelle. Dieu, dont la sagesse
ne se dément jamais, a révélé successive-
ment aux hommes ce que la loi naturelle exi-
geait d'eux dans ces états divers. 11 a toléré
chez les patriarches des usages qui ne pou-
vaient produire du mal dans l'état de société
domestique, mais qui devaient devenir per-
nicieux dans l'état de société civile ; telle
était la polygamie : il n'a pas condamné l'es-
clavage , parce qu'il était inévitable. Yoy.
Polygamie, Esclavage. Pour disculper les
patriarches sur ces deux chefs, plusieurs au-
teurs ont pensé que Dieu les avait dispensés
db \à loi naturelle ; W ïio\xs paraît que cette
loi n'admet point de dispense, et qu'd n'en
est pas besoin lorsque la loi n'oblige pas.
On ne peut donc ])as raisonner plus mal
que le font les déistes, lorsqu'ils soutien-
nent que la loi naturelle suffit à l'homme
pour régler ses actions; qu'il n'a besoin que
de consulter sa raison et sa conscience, pour
savoir ce qu'il doit faire ou éviter. Cela oour-
rait être vrai, si la raison de tous les hom-
mes était toujours éclairée, et leur conscience
toujours droite ; mais le contraire n'est que
trop prouvé par une expérience générale et
constante. Quand un homme, né avec un
esprit très-pénétrant, avec un cœur sensible
et généreux, avec des talents cultivés par
une excellente éducation, serait capable de
discerner sûrement ce qui est conforme ou
contraire k la loi naturelle, il n'en serait pas
ainsi de l'homme sauvage, k peu près stupide
ou dé|iravé par de mauvaises leçons et de
mauvais exemples. Un homme aiïra-t-il ja-
mais plus d'esprit, de sagacité, de droiture,
que Platon, Socrate , Aristote et Cicéron ?
Tous se sont trompés sur des devoirs natu-
rels, parce que les mœurs publiques avaient
corrompu la morale.
Si l'on dit, comme quelques déistes, que
quand l'homme est incapable de connaître
jiar lui-même ses devoirs naturels, il est dis
pensé de les remplir, il faudra soutenir aussi
qu'il n'est pas obligé de prêter l'oreille aux
leçons de l'éducatiou, aux conseils des sages,
k la voix des lois humaines. Puisque, selon
les déistes, il est en droit de se refuser aux
lumières de la révélation et aux instructions
positives de Dieu, k plus forte raison est-il
bien fondé k résister à celles des hommes.
De ces réflexions il résulte que la loi natu-
relle n'est pas ainsi nommée, parce qu'elle
peut être parfaitement connue de tous les
hommes, par les seules lumières naturelles
de la raison, mais jiarce qu'elle est fondée
sur la constitution de la nature humaine, telle
que Dieu l'a faite. Lorsque l'homme, instruit
par la révélation, connaît sa propre nature
et les relations que Dieu lui a données avec
ses semblables, il en déduira très-bien ses
devoirs par des raisonnements évidents ;
mais s'il méconnaît sa propre nature et son
auteur, comme ont fait tous les païens, il rai-
sonnera fort mal sur les obligations que la
nature lui impose.
Aujourd'hui, avec le secours des lumières
que l'Evangile a répandues dans le monde
sur les vérités de la morale, nos philosophes
sont en état de distinguer ce que les anciens
ont écrit de bien uu de mal touchant les de-
voirs de la loi naturelle; fiers de leur capa-
cité, ils en font honneur k la nature ; ils dé-
cident que tout homme peut en faire autant ;
que la révélation n'est pas nécessaire. Ils
n'ont qu'à jeter un coup d'œil sur la morale
qui règne chez les nations qui ne connais-
sent pas l'Evangile, ils verront de quoi la
nature est capable, et à quoi ont servi vingt
siècles de dissertations sur la loi naturelle, il
ne s'ensuit pas de là que les infidèles soient
i absolument excusables, ni qu'ils l'aient été
autrefois, lorsqu'ils ont méconnu et violé la
loi naturelle. Saint Paul a décidé que du moins
les philosophes ont été inexcusables {Rom. c.
I, V. 20). De S'ivoir jusqu'à quel point la stu-
pidité, l'ignorance, le défaut d'éducation, le
vice des mœurs jinbliques, ont pu excuser le
commun des païens, c'est une question que
Dieu seul peut résoudre, et sur laquell* nous
n'avons pas besoin d'être fort instruits : il
5S5
LOI
LOI
3S4
nous suffit de savoir (iiic Dieu, souveralne-
mfiit juste, ne commande l'impossible à per-
sonne, et ne demande compte à chacun que
jlo ce qu'il lui a donné ; que celui qui a reçu
davantage sera jugé plus sévèrement que
celui qui a moins reçu (Iaic. c. xii, v. 48).
Nous ne voyons pas pourquoi il est néces-
saire de su]iposer dans tous les hommes un
si haut degré de capacité naturelle pour con-
naître et remplir leurs devoirs, pendant que
nous ignorons quels sont les secours surna-
turels que Dieu daigne y ajouter. Si, en re-
connaissant toute la faiblesse des lumières
de la raison, l'on ciaint de foiu-nir une ex-
cuse aux crimes des iiitidèles, ou se trompe.
L'Ecriture sainte nous assure que Dieu n'a-
bandonne auciuie de ses créatures ; que ses
miséricordes éclatcnit sur tousses ouvrages;
que le Verbe divin est la lumière qui éclaire
tout homme venant en ce monde, etc. Les
Pères de l'Eglise, et en particulier saint Au-
gustin, entendent ce passage de la lumière
de la grAce; ils appliquent à Jésus-Christ ce
qui est dit du soleil, ([ue personne n'est pri-
vé de sa chaleur : ils enseignent que les ac-
tions vertueuses, faites par les païens, étaient
un effet delà grrtce de Dieu. Voy. Gbace,
§ ."J. Qu'impoile à la théologie que tout inti-
dèle soit coupable pour avoir résisté aux lu-
mières de la raison, ou h la lumière surna-
turelle de la grâce ? Ne voir ici que la nature,
c'est donner dans l'erreur des déistes. Voy.
Religion naturelle.
Si l'on demande en quoi consistent les de-
voirs prescrits par la loi naturelle à l'égard
de Dieu, de nos semblables et de nous-mê-
mes, on en trouvera l'abrégé dans le Décalo-
gue. Voy. ce mot.
Loi divine positive. On entend sous ce
nom une loi que Dieu a intimée aux hom-
mes par des signes extérieurs, et par un acte
libre de sa volonté. Souvent par des lois po-
sitives, Dieu a commandé ou défendu ce qui
l'était déjh par la loi naturelle, comme lors
(pi'il imposa aux Juifs leDécalogueavec tout
l'aiipareil de la majesté divine : souvent aussi
il a, par ces sortes de lois, imposé aux hom-
mes lies devoirs qui ne leur étaient pas pres-
crits par la loi naturelle ; ainsi il voulut
(pi'Abraham reçilt la circoncision : il ordonna
aux Juifs d'offrir au Seigneur les prémices
des fruits de la terre, etc. Une loi divine po-
sitive ne peut d 'uc être connue que par la
révélation, ou plutôt cette loi môme est une
révélation de la volonté de Dieu. Dans l'arti-
cle précédent, nous avons fait voir que Dieu
a imposé aux hommes des lois positives dès
le commencement du raondi'-, il en porta de
nouvelles i)our les Juifs par le ministère de
Moïse; eiilin, il en a fait publier de plus
l)arfaites ]iour tous les hommes par Jésus-
Christ : ce sont là les trois époques de la
révélation.
nous
Il est évident que, jiar la loi naturelle ,
lUS sommes obligés d'obéir à Dieu , lors-
qu'il commande, quelle que soit la manière
dont il lui plaît de nous faire connaître ses
volontés ; dès qn'd a porté des lois positi-
ves, c'est [lOLir nous un devoir naturel de
nous y soumettre et de les accomplir ; ce
n'est point k nous de lui demander raison
do ce qu'il juge à propos d'ordonner et de
défendre.
Telle est cependant la prétention des déis-
tes : ils soutiennent que Dieu ne peut impo-
ser à l'homme des lois positiiies ; que ces lois
seraient inutiles, injustes, pernicieuses, con-
traires îi la loi naturelle ; que, ciuand il se-
rait vrai que Dieu en a porté, l'iioinme est
toujours en droit do ne pas s'en iid'ormer.
Si leurs arguments étaient solides, ils i)rou-
veraient, à plus forte raison, que toute loi
humaine quelconque est inutile , injuste ,
pernicieuse, contraire à la liberté naturelle
de l'homme : car entin, si les hommes peu-
vent avoir droit de nous imposer des lois
positives , nous voudrions savoir pourquoi
Dieu n'a pas le même privilège. — 1° Ils di-
sent que Dieu, souverainement bon, ne i)eut
donner aux hommes que des lois qui con-
tribuent au bien de tous; or, tels sont, se-
lon eux, les seuls principes de la loi natu-
relle ; ceux mêmes qui les violent, désirent
qu'ils soient observés par les autres hom-
mes : il n'en est pas ainsi des préceptes po-
sitifs. Qu'importe au bien général du genre
humain , que le dimanche soit fôté plutôt
que le sabbat ? 11 ne servirait à rien de dire
que les préceptes positifs contribuent à la
gloire de Dieu ; sa principale gloire est de
l'aire du bien aux hommes. La fausseté de
ce principe des déistes saute aux yeux. De
môme que Dieu peut accorder à un seul
homme un bienfait naturel ou surnaturel
({u'il n'accorde pas aux autres, il peut aussi
lui imposer un précepte positif qui ne lèra
ni bien ni mal aux autres , et qui ne leur
sera pas connu. Ainsi, Dieu ordonna au pa-
triarche Abraham de quitter son pays, de
recevoir la circoncision , d'offrir son tils en
liolocauste, etc. Ces préceptes étaient un
bienfait pour Abrahaoi, puisque c'était pour
lui l'occasion de mériter une grande récom-
pense, et que Dieu lui donna les grâces dont
il avait besoin pour les accomplir. C'est une
absurdité de soutenir que ces préceptes
étaient inutiles ou injustes, parce qu'ils ne
procuraient aucun bien aux Chaldéens, aux
Egyptiens, aux Ghananéens. (]e que Dieu
peut faire à un seul homme, il peut le faire
à un peuple entiei', jiour la même raison ;
ainsi, pour que les lois positives, imposées
à la seule nation juive, aient été utiles et
justes , il n'est pas nécessaire que Dieu en
ait fait autant aux Chinois et aux Indiens ;
il suflit que cette faveur, accordée au peu-
jile juif, n'ait porté aucun préjudice aux au-
ti'es nations, n'ait diminué en rien la me-
sure des bienfaits naturels ou surnaturels
que Dieu voulait leur accorder. Dieu n'est
pas plus obligé de faire à tous les mêmes
grâces surnaturelles, que de départir à tous
les mêmes dons naturels. 11 est encore faux
que les préceptes positifs ne tournent pas
au bien de tous ; ils contribuent à faire
mieux observer la loi nalundle, et ceux qui
les accomplissent donnent à leurs semblables
un grand exemple de vertu. La défense
5SS
LOI
LOI
m
sitive de manger du sang tendait à inspirer
de l'horreur pour le meurtre ; le sabbat était
destiné à procurer du repos aux esclaves et
aux animaux; c'était une leçon d'humani-
té, etc. Nous ne prendrons pas pour juges
de l'importance des lois positives les déistes
qui les violent ; mais leur conduite même
prouve contre eux. Quoiqu'ils ne veuillent
se soumettre à aucune des lois positives de
la religion, ils ne'sont cependant pas fâchés
que leurs femmes , leurs enfants , leurs do-
mestiques y soient fidèles ; ils savent bien
que la désobéissance aux lois positives n'a
jamais contribué à rendre un homme plus
exact observateur de la loi naturelle, mais
au contraire. Sans recourir à la gloire de
Dieu, l'utilité des préceptes positifs est as-
sez prouvée par l'intérêt de la société. —
2° Les déistes objectent que ceux à qui
Dieu imposerait des loispositives seraient do
pire condition que ceux qui connaissent les
seules lois naturelles ; après avoir observé
celles-ci, ils pourraient encore être damnés
pour avoir violé celles-là. Dieu n'a pas be-
soin de mettre notre obéissance à l'épreu-
ve, et il n'y a point de meilleure épreuve
que la loi naturelle ; gêner notre liberté sans
raison, ce serait nous tenter et nous porter
au mal.
Nouveau tissu d'absurdités. Dieu n'a pas
plus besoin do nous éprouver par la loi na-
turelle que par des lois positives , puisqu'il
s;ut ce que nous ferons dans toutes les cir-
constances possibles; mais nous avons be-
soin nous-mêmes d'être mis à cette double
épreuve, alin de réprimer nos passions par
l'obéissance, de nous juger par le témoi-
gnage de notre conscience, de nous élever
ti des actes héroïques de vertu que la loi
naturelle n'exige point, mais dont la prati-
que nous est très - avantageuse , et dont
l'exemide est très-utile à la société.
11 faut avoir le cœur dépravé pour envi-
sager les lois de Dieu comme un joug qui
nous est désavantageux : il s'ensuit de ce
faux préjugé que cc'lui qui connaît tous les
devoirs naturels est de pire condition que ce-
lai qui les ignore par stupidité ; que toute
loi qui gêne noire liberté est une tentation
3ui nous porte au mal ; comme si la liberté
e mal faire était un privilège fort précieux.
Le plus grand bonheur pour l'homme est
d'avoir une parfaite connaissance de tout
ce que Dieu exige de lui, des vertus qu'il
peut pratiquer , des vices qu'il doit éviter ;
d'avoir des motifs et des secours puissants
" pour faire le bien ; de trouver de fortes bar-
rières contre l'abus de sa liberté. Tel est le
sort du chrétien en comparaison de celui
d'un païen ou d'un sauvage. Les déistes
, semblent craindre que l'homme ne soit ti op
instruit et trop vertueux , ou que Dieu ne
soit pas assez puissant pour le récompenser
' du bien qu'il lui ordonne de faire ; mais
ceux qui ont tant de peur de pratiquer des
œuvres de surérogatiou , sont très-sujets à
manquer aux plus nécessaires. — 3° Us disent
que Dieu ne peut pas commander poiu' tou-
••/ 'v^ jours des rites, des usages, des pratiques qui
( '^' . VI
■ ;
peuvent devenir nuisibles avec le temps ; or,
telles sont, continuent-ils. Unîtes les choses
ordonnées par des lois positives. Vu la va-
riété des climats, des luceurs, des événement.s,
rien ne peut être constamment utile que les
devoirs prescrits par la loi naturelle. C'est
donc toujours la raison qui doit nous servir
de règle pour sivoir ce qu'il faut faire ou
éviter. Un précopte positif peut avoir été
abrogé ou changé ; ce n'est point à nous de
le savoir. Les /ois imposées aux Juifs sont
conçues en termes aussi absolus que celles de
l'Evangile; cependant elles ont été abrogées :
celles du christianisme peuvent donc l'être è
leur tour. Pour donner quelque apparence
de solidité à cette objection, il aurait fallu
citer au moins un rite, une pratique, un acte
de vertu commandé par l'Evangile, quipuisse
devenir nuisible avec le temps ou dans cer-
tains climats ; aucun déiste n'a pu le faire.
Il en résulte seulement que, dans certains
cas, il y a des lois positives qui sont suscep
til)les de dispense , et nous en convenons ;
hors de ces cas, l'on est obligé d'y obéir jus-
qu'à ce que l'on soit sur que Dieu a trouvé
Jiou de les abroger, et c'est ce qu'il ne fora
jamais.
11 est faux que les lois mosaïques aient
été conçues en termes aussi généraux et
aussi ;»}jsolus que celles de l'Evangile ; les
premières n'étaient imposées qu'à la nation
juive, étaient relatives au climat et à l'intérêt
exclusif de cette nation ; les secondes sont
prescrites à toutes les nations, pour tous les
lieux, et jusqu'à la consommation des siè-
cles. En faisant profession de consulter tou-
jours la raison pour voir ce qui est utile ou
nuisible , les déistes ont donné atteinte à
plusieurs articles essentiels de la loi natu-
relle. Us ont jugé que la polygamie, le di-
vorce , la prostitution , l'exposition et le
meurtre des enfants n'étaient pas des usages
absolument mauvais; que l'on pourrait en-
core les permettre aujourd'hui : ils ont sou-
tenu que la morale des philosophes, qui ap-
prouvaient tous ces désordres , était meil-
leure que celle de l'Evangile. En prétendant
toujours suivre le même guide, tous les peu-
ples jugent que leurs lois et leurs coutumes
sont très-raisonnables , quoique la plupart
soient réellement absurdes pt injustes: où
est donc rinfailliliilitô de la raison, pour
juger de ce que Dieu a di> commander, dé-
fendre ou permettre ? L'exemple des qua-
kers, qui prennent à la lettre plusieurs pré-
ceptes de l'Evangile susceptibles d'explica-
tion, ne prouve pas qu'il faut s'en tenir au
dictamen de la raison pour prendre le vrai
sens des lois positives, puisque ces sectaires
font profession de la consulter ; il est beau-
coup plus sûr de s'en rapporter au jugement
de l'Eglise, à laquelle Jésus-Christ a promis
son assistance pour enseigner lldèlement sa
doctrine. — 4-" Toutes les nations, poursui-
vent les déistes , se flattent d'avoir reçu do
Dieu des lois positives ; elles ne sont cepen-
dant pas moins vicieuses les unes que les
autres. Occupées d'observances superflues,
elles sont moins attachées aux devoirs es-
557,. LOI
sonliols do la morale ; plus elles sont cor-
rompues , plus elles mettent leur oonliance
îjans les prali(|ues exti'rieurcs pour câliner
AHU-s remords. Tel qui vole sans scrupule
ne voudrait manquer ni à l'abstinence , ni
h la célébratiiin d une fôte. On se llatte d'ex-
pier tous les crimes par le zùle pour l'or-
thodoxie. Païens, juifs, mahométans, chré-
tiens, tous sont coupables de ce défaut;
mais il domine surtout dans l'Ki^lisc romai-
ne: partout où il y a plus de sïipcrstition, il
y a moins de religion et de vertu. Si cette
salire est vraie, les sectes qui ont fait pro-
fession de renoncer aux superstitions de l'E-
ylise romaine, sont devenues beaucoup plus
vertueuses ; cependant leurs écrivains se
plaignent de la corruption qui y régne. Les
sauvages , qui n'ont jamais ouï iwrlcr do
loh positives, doivent observer la loi natu-
relle beaucoup mieux que nous ; on sait ce
(pii en, est. Les déistes surtout, guéris de
loulc superstition, tloivcnt être les plus re-
ligieux de tous les hommes; allVanchis du
jiiug des lois positives, ils ne doivent ôtro
occupés que des devoirs de la loi naturelle.
Mais cette loi défend de calomnier, et l'ob-
jection des déistes est une calomnie. Où ré-
gnent, parmi les chrétiens, la corruption et
les désordres que l'on nous reproche ? Dans
les grandes villes , à Rome , à Londres, à
Paris ; mais de tout temps ces capitales ont
été le clo;iquo des vices de l'humanité : ce
n'est pas par là ((u'il faut juger des mœurs
d'une nation, D'ailleurs, malgré l'énorme
corruption qui y règne, les préceptes <le
l'Evangile y inspirent encore , h un très-
grand nombre de personnes, des veitus dont
on ne trouve point d'exemples chez les
païens ni chez les, mahométans, et dont les
déistes ne seront jamais capables.
Ounnd un homme coupaule de vol viole-
rait encore toutes les lois religieuses, en se-
rait-il mieux disposé à se repentir et h ré-
(larer son injustice? Tant qu'il lui reste de
la leligioi; , il n'est pas vrai qu'il vole saus
srruputc, [luisqne l'on suppose qu'il a des
remords et qu'il cherche à les calmer par
des ])ratiques de piété : or, les remords jhhi-
vent le conduire à résipiscence, et les pra-
li(|ues de religion, loin de les calmer, tloi-
vcnt plutôt les augmenter, il y a donc lieu
d'espérer sa conversion plutôt que celle d'un
homme qui ajoute l'irréligion aux autres
crimes dont il est coupable, alin d'étoulfer
ainsi les remords. Les observances religieu-
ses ne sont donc pas superlltics, puisqu'elles
sont coûunandées par des lois positives , et
qu'elles peuvent servir directement ou indi-
rectement à rendre un homme ]>lus lidèle
aux devoirs de la loi naturelle. Lors([ue les
athées et les déistes se vantent d'être plus
vertueux que les autres hommes , ils sont
aussi hypocrites (pie les superstitieux ; ceux-
ci voudraient cacher leurs injuslicis sou?
le voile de la piété ; ceux-là s'elforcenl , j^
pallier leur impiété sous un masque d-^. ^^jg
pour la loi nalureUc; nous ne som'^^
plus dupes des uns que des autrp ^ ' ^
Par une expérience aussi a^jciénue que
LOI
3SS
le monde, il est prouvé que les peuples qui
ont reçu de Dieu des lois positives, ont ',
njieux connu et mieux observé la loi na(u~
relie que les aulres ; tels ont été les [lalrùar-
chos et les Juifs à l'égard des nations idol.'i-
tres, et tris sont encore les chrétiens en
comparaison des peuples infidèles. Quoi
ipi'en disent les incrédules, les lois cirilcs,
la police , les mœurs sont meilleures chez
nous que chez tous les peuples qui ne sont
pas chrétiens. C'est donc une absurdité de
soutenir que les lois divines positives ne ser-
vent à rien , et ne contribuent en rien au
bien de l'humanité. Si un i)hilosopho faisait
sérieusement, contre les lois civiles, les niè- ■
mes arguments que les déistes font contre
les lois divines positives ; s'il disait que
les lois civiles de telle nation sont injustes,
p.irce qu'elles ne peuvent pas tourner à l'a-
vantage des autres nations, ni contribuer à
l'observation du droit des gens ; s'il soute-
nait que tout peuple soumis à des lois civi-
les est de pire condition que les sauvages,
jiaice que sa liberté est plus gôiiée ; s'il pré-
teniiait que ces lois sont inutiles, puisqu'il
faut souvent les abroger et les changer, et
(pii' ce qui était utile dans un temps devient
nu'sible dans un autre ; s'il voulait persua-
<lcr que ces lois sont pernicieuses, parce
(] oie peuple, plus occupé des devoirs civils
(jne des devoirs naturels, croit avoir rempli
toiie justice lorsqu'il a satisfait aux pre-
miers, etc., on ne daignerait pas lui répoiiilro.
En un mot, Dieu a donné des lois positi-
ves anx patriarches, aux juifs, aux chrétiens ;
ce fait est invinciblement prouvé: donc elles
ne sont ni inutiles, ni injustes, ni jierni-
cieuscs : à un fait incontestable , il est ab-
surde d'oi)poser des raisonnements spécu-
latifs. Ce n'est point là le seul article sur le-
(luol nos philosophes modernes, ont mal rai-
sonné au sujet des lois divines positives. Us
disent que les lois humaines .statuent sur le
bien, et les lois divines sur lo nieilleur; ce-
la n'est pas exactement vra-, -. la loi positive^.
Iiar laquelle Dieu a défe^^du le meurtre, a^
pour objet le bien , et 'jgn le mieujc ; il en
est de môme de tou'.e ^ les lois du Décalo-
gue. 11 n'est donc pa'-j vrai non plus (lue ce
(pii doit être réglé r^gj. jes lois humaines peut
rarement l'être y aV les lois de la reliijion :
Dieu, pour de l\,onnes raisons, avait ordon-
né aux Juifs , pa,. principe de religion, ce
qui semblait jevoir être plutôt réglé par des
lois humaiw .5 q^ civiles. Enlin, il n'est pas
absolument i vrai que les lois de la rclir/ion
aient |)lus pour objet la bonté de chaque ]mr-
ticuher ( jue ^.Q\]Q (j,. la société; tout particu-
lier, tid^è]e a^x lois de la religion, en est
m'^'n^ . (Usposé à être bon citoyen ; l'homme,
'■'^ ^""jutraire, qui méprise les ,'ois religieuse.^,
^' j sera pas pour cela plus sou mi^ -^^^ '["*
civiles: tous ceux qui disserten''. contr.^ les
premières ne manquent presque j amais a in-
vectiver contre les secondes.
Quand on dit qu'il ne faut pas opposer
les lois religieuses à la loi naturelle, ,ce prin-
cipe est équivoque et captieux, Si Wx'^ *-"''^~
tend que Dieu ne peut pas défendre, P'^''
4. - .>
359
LOI
LOI
360
une loi religieuse , ce qu'il a commandé par
la loi naturelle, on au contraire, cela est vrai.
Si l'on veut dire qu'il ne peut pas défendre
par l'une ce qui 6tait permis ou n'était pas
défendu par l'autre, cela est faux. Il n'était
pas défendu à l'homme, par la loi naturelle,
de manger du sang; mais Dieu l'avait défendu
kNoé par une loi positive, etc.
Loi ancienne ou mosaïque. C'est le recueil
des lois que Dieu donna aux Hébreux par le
ministère-de Moïse, après qu'il les eut tirés
de l'Egypte, et pendant les quarante ans qu'ils
passèrent dans le désert; selon le texte hé-
breu , ce fut après l'an du monde 2513. Ce
code de lois en renferme de plusieurs espè-
ces ; on y distingue les lois morales ou natu-
relles, dont l'abrégé est nommé le Décalogue ;
les lois cérémonielles , qui réglaient le culte
que les Juifs devaient observer ; les lois ju-
aiciaires , c'est-à-dire civiles et politiques ,
par lesquelles Dieu pourvoyait aux intérêts
temporels de la nation juive. Ces dernières
ne sont point proprement l'objet de la théo-
logie ; mais nous sonuues obligés de les dé-
fendre contre plusieurs reproches injustes
que les incrédules ont faits contre ces lois.
Dans l'article Judaïsme, § 2, nous avons mon-
tré que les lois morales de Moïse étaient très-
bonnes et irrépréhensibles à tous égards, et
nous justiûerons de même les lois cérémo-
nielles dans un article séparé ; il s'agit ici
d'envisager la totalité de cette législation.
Nous examinerons , 1° pourquoi Moïse
avait réuni, et, pour ainsi dire, confondu les
ditférentes espèces de lois; 2" quelle sanction
il leur avait donnée ; 3° par qui;! motif les
Juifs devaient les observer ; k" l'elTet qui en
résulte ; 5° en quel sens saint Paul oppose
la loi à l'Evangile, et semble déprimer la
première ; 6° quelle différence il y a entre
ces deux lois ; '7° en quel sens et jusqu'à quel
point la loi ancienne était figurative ; 8° si
elle a dû toujours durer, comme les Juifs le
prétendent. 11 n'est presque aucune de ces
questions qui n'ait .donné lieu à des erreurs ;
nous ne pouvons 1,'îs traiter que fort en
abrégé (1).
(i) Mais auparavant nous devons examiner si Moïse
a enipi'uiitésa législation à un pi'uple élranger, et s'il
pnuvail tirer de son propie foiids un code de lois
aussi parfait.
1° Pour peu que l'on compare l'a législation de
Moïse avec celle des nations ancieni.'es, il est facile
d'apercevoir qu'ellos sont loin d'être semblables et
identiques. Le parallèle ne tarde pas à .nioiurer en-
lie elles une ditréreuce telle que l'on .ist bientôt
convaincu que le chef des Hébreux n'a pas puisé .ses
lois dans les codes étrangers. Comparons d'abord
lus lois religieuses de Moïse avec celles des i.\ations
même les plus célèbres.
Moïse reconnaît un. Dieu uni(iue, source nécessaire
de tous les êtres, esprit pur, immense, inlini.ll a cro^é
l'univers parsa puissance, il le gouverne paisa sagesse
il en règle tous ks événements par sa providence, et
connue il est \e principe de tout, c'est aussi à lui
qu'il faut tout rapporter. Un cidtc pompeux est éta-
bli en son bo'.meur ; un talieniacle magnilique est
érigé; des autels sont dressés; des prcircs consa-
crés ; de 'iioiubreux sacrilices sont prescrits. Mais
toute celle pompe, tout cet éclat, ne sont rien à ses
yeux, si. les sentiments du cœur n'en forment la partie
I. O^ielques censeurs de Moïse trouvent
fort mauvais que ce législateur n'ait pas mis
plus d'ordre dans sos lois, qu'il les ait mêlées
ensemble et avec les faits qu'il rapporte.
Cette critique est-elle sensée ?
Nous pourrions remarquer d'abord que les
anciens écrivains n'ont jamais observé la
méthode dont nous sommes aujourd'hui si
jaloux ; mais il y a des réflexions plus im-
portantes à faire. Dans les livres de Moïse,
c'est la liaison infime des lois avec les faits
qui donne à ces derniers un degré de certi-
tude qui ne se trouve point dans les autres
histoires, et qui démontre la sagesse et la
nécessité de ces lois. Une preuve qu'il n'a-
gissait point par son propre génie, mais par
ordre du ciel et par zèle pour le bien de son
peuple, c'est qu'il n'a point formé de plan
comme fait un auteur qui est maître de sa
matière; il a écrit les faits à mesure qu'ils
se sont |)assés, les lois à mesure qu'elles se
sont trouvées nécessaires, et que les faits y
ont donné occasion. Tout se tient et forme
une chaîne indissoluble. Les Juifs ne pou-
vaient lire leurs lois sans apprendre leur
histoire, et ils ne pouvaient se rappeler celle-
ci sans concevoir du respect pour leurs lois ;
aucune ne ven.nit de la volonté arbitraire du
législateur; toutes avaient été amenées par
les circonstances. Les deux premières qui
leur furent imposées furent la cérémonie de
la pâque et l'oblation des premiers-nés; ils
étaient encore en Egypte, et ces deux rites
devaient servir d'attestation de la mort mi-
raculeuse des premiers-nés des Egyptiens et
de la délivrance des Israélites {Exode, c. xii
et XIII.) La loi du sabbat leur fut intimée à
l'occasion du miracle de la manne (xvi, 23),
pour leur rappeler que le monde avait été
créé i)ar le Seigneur ; la publication du Dé-
calogue ne se fit que quelque temps après ,
c. XX.
Jusqu'alors les Hébreux avaient connu les
lois morales, tant parles lumières de la rai-
son que par la tradition de leurs pères, qui
remontait jusqu'à la création; mais après les
mauvais exemples que ce peuple avait eus en
principale. Dieu demande avant tout aux Israélites la
crainte et l'amour, la reconnaissance de ses bienfaits,
un aveu de leur dépendance absolue. Toutes les pu-
rilicaiions extérieures rappellent la sainteté qu'il
exige ; la miséricorde est une bostie qui lui est plus
agréable que le sacrilice. Tel est le code religieux
que Moïse, au nom de Dieu, imposa au peuple dont
il était le guide. Que voyons-nous dans les législa-
tions religieuses des autres peuples? Ignorance de la
nature et des perfections de l'Etre suprême, culte
indigne de la Divinité, i Les nations les plus éclai-
rées et les plus sages, dit Bossuel, les Cbaldéens, les
Phéniciens, les Egyptiens, les Grecs et les Koraains,
étaient dans la plus affreuse ignorance et le plus com-
plet aveuglement sur la religion. » Qui oserait ra-
conter les cérémonies des dieux immortels et leurs
jnystères impurs ? Leurs amours, leur cruauté, leur
jalousie et tous les autres excès élaient le sujet de
leurs fêtes, d« leurs sacrilices, des hymnes, des ta-
bleaux qu'on leur consacrait. Le crime était adoré et
reconnu propre au culte des dieux. PJous allons es-
sayer d'apprécier dans quelques-uns de ses traits la
diiléreiice qui existe entre les lois civiles de Moïse et
celles des autres pspples.
Mi
LOI
LOI
ses
Egypte, après la captivité à laquelle il avait
él6 réduit, il était très-nécessaire de lui in-
timer les lois morales d'une manière posi-
La plupart des législations anciennes abandon-
naient les enfants anx caprices de leurs parents. Le
père était niaitre d'en disposer à son gre : .; leur
naissance, il était libre de les tUever mi de les expo-
ser. Dans le cours de leur vie, il pouvait impunément
les châtier, les maltraiter, les vendre, les tuer même.
Moisc restreint ce pouvciir illimité, que, chez les
nations païennes, les pères avaient sur leurs entants.
H ne leur accorde pas sur eux un droit absolu de vie
et de mort. Tout ce (pi'il permet aux pmeiits, lors
même qu'ils ont le plus jusie sujet de se plaindre,
c'est de s'adresser aux juges pour les faire punir. Il
songea aussi à assuier la vie de ceux qui n'avaient
pas encore reçu le jour. La Grèce n'était pas aussi
humai[ie. Deuxdeses lét;islaieurs philosophes, crai-
gnant nue trop grande populalion, conseillaient de
Taire périr les enfants des le sein de leur mère. La
législation de Moise est toute paternelle pour les es-
claves. Elle leur assure des jours de repos et de dé-
lassement; elle condamne à mort ceux (pii leur ote-
raient la vie. Chez les aunes peuples, on regardait
les esclaves comme des bêles de somme, et les maî-
tres avaient sur eux droit de vie et de mort.
La moilération envers les ennemis était encore un
oaractcre des lois de Moise. Qu'on eu lise les disposi-
tions et on verra qu'elles lendentà prévenir la guerre
ou à la rendre moins terrible et moins atroce, lors-
qu'elle était nécessaire. Ainsi elle difendait les dé-
gâts et les ravages; les arbres même devaient être
respectés. Dans aucun cas on ne devait tuer les fem-
mes et les eid'ants. (Ihi/ Ic^ autres nations, point de
grâce aux vaincus : biens, liberté, vie, tout deve-
nait la proie du vaincpieur. Saccager, égorger tout,
n'épargner ni le sexe ni l'âge, était une chose toute
naturelle. C'est le sort (pi'opnuivèrent Tyr et Sidon.
Tous les étrangers étaient ennemis pour les nations
infidèles ; Moïse ordonne de les traiter avec bienfai-
sance et générosité.
D'après ce court exposé, on voit que la législation
de Moïse diû'ère essentiellement de celles des plus
anciennes nations dont l'histoire nous ait conservé
le souvenir. On voit que les mœurs, les coutumes,
les usages, la religion de ces peuples, sont contraires
aux prescriptions du chef des Hébreux. Il est donc
indubitable que celui-ci ne leur a pas emprunté sa
législation. Âloise, il est vrai, fut instruit chez, les
Egyptiens; mais les Egyptiens étaient-ils assez avan-
cés en jurisprudence dans ces temps reculés pour
lui donner tant de lumières ! Héroflote alla s'ins-
truire en Egypte. Eu rapporta-t-il de si grandes ri-
chesses en fait de religion et de morale ? Quoique les
prêtres lui eussent ouvert les trésors de leur science,
\\ n'en rapporta que des fables.
Apres avoir vengé Moise du reproche de plagiat,
montrons que :
5° Le législateur des Hébreux, livré à lui-même,
ne pouvait créer un code de lois aussi parfait. Qu'on
examine le> diverses parties de la législation nmsaï-
qtie, on voit que toutes accusent une intelligence su-
périeure ii celle de l'homme. Le culte et les homma-
ges dus au Créateur sont tracés avec assurance et
sans aucun mélange d'impiété ou de superstition.
Dans les institutions figuratives le présent est lié à
l'avenir. Quelques prescriptions rituelles paraissent,
au premier coiip-d'œil, minutieuses et inutiles; mais
examinées plus attentivement et par rapport aux cir-
constances des tenqis et des lieux, et au caractère
des Israélites, on voit qu'elles concourent toutes à
faire accomplira ce peuple ses glorieuses destinées.
Un ensemble de règlements et d'ordoimances ci-
viles brille par la sagesse, l'équité et la justice.
Elles assurent par les nio\ens le-, plus efficaces la
vie de tout individu libre ou esclave, pauvre ou riche,
DlCTlONN. DE ThÉOL. DOGMATIQUE. 111
livi', avec tout l'appareil de la tnajesté di-
vine, de les faire mettre par écrit, et d'y
ajouter la sanction des peines et des récom-
contre la violence et l'oppression ; elles protègent
les étrangers, donnent appui aux faibles, secours
aux malheureux, inspirent partout les plus tendres
sentiments d'amour et d'humanité. La possession
tranquille des propriétés, la jouissance paisible des
avantages légitimement acquis, ont aussi des garan-
ties suffisantes. Rien n'est oublié, rien n'est omis. On
trouve dans le code de Moise, et des lois d'hygiène
propres à conserver la santé des Hébreux, et des rc-
glemenls sur l'agriculture, source de richesses et d'a-
bondance, et des ordonnances qui tendent à accroi-
tre la population; en un mot, tous les moyens de
renilr(^ une nation heureuse et llorissante. Moise les
indique et les prescrit. Son code ne laisse rien à dé-
sirer ; il est même si complet, qu'on ne sait c«
qu'on pourrait y ajouter pour le perfectionner. Est-il
possible qu'un code aussi parfait soit la création
d'ini homiiie livré à lui-même '.' la faiblesse de l'in-
telligence des plus grands génies s'est toujours déce-
lée par quelque endroit; leurs œuvres portent le ca-
chet de limperfeclion. Nous pouvons donc affirmer
sans aucun doute (pie la législation des Hébreux,
considérée comme le résultat des méditations et
comme le fruit des labeurs de leur chef, serait une
dérogation aux lois qui régissent l'humanité.
.">" L'immutabilité de la legislalimi de Moise pen-
dant quinze siècles prouve qu'il était inspiré.
En jetant un coup d'œil sur les législations des
divers peuples, on voit que quelques années suffisent
pour y apporter de notables changements. Des cir-
constances imprévues surviennent et réclament des
modifications. Des dispositions établies comme
avantageuses, nécessaires, deviennent inutiles, dégé-
nèrent même en abus. On les supprime pour leur en
substituer d'autres qui souvent n'ont pas plus de du-
rée. Tel fut le sort des lois de Dracon, de Lyeurgue,
de Selon. Et sans remonter à ces âges reculs, en
France le code civil n'at-il pas subi d'importantes
modifications ? et cependant il a été composé par un
grand nombre de savants, à l'aide des lumières des
nations anciennes et modernes ! Chaque année on
en letraiiche ou on y ajoute quelques articles. Que
la législation de Moïse ait subsisté pendant quinze
siècles dans toute son intégrité, telle qu'elle est sor-
tie des mains de son auteur, c'est un fait en dehors
de ce qui arrive chez tous les peuples. Si le temps,
qui met tout à l'épreuve, n'y a fait découvrir aucun
vice, n'y a apporte aucun changement, malgré l'in-
constance et l'indocilité du peuple hébreu, c'est
une preuve d'une perfection surhumaine.
4° 1 La nature de la sanction de la loi de Moïse
conduit aussi a la même conclusion, i Dans plusieurs
chapitres du Deutéronome, Moïse annonce aux Israé-
lites le bonheur, la paix, l'abondance, la prospérité
en récompense de l'observation fidèle de la loi. Il
prédit en même temps les malheurs, les calamités,
les Iléaux en punition de sa violation. Jamais un
homme sage, s'il n'eûteté inspiré du ciel, n'eût donné
a ses lois une telle sanction, puisque les éléments,
la guerre, la peste, ne sont pas à sa disposition. Et,
chose étonnante ! Les peines et les récompenses an-
noncées par Moïse arrivent comme il l'avait prédit !
Qu'on parcoure l'histoire du peuple de Dieu, et on
verra qu'il fut tour ;a tour glorieux et humilié, libre
sous le ciel de sa patrie, et c:iptil' sur des rives étran-
gères, selon qu'il était lidele à la loi, ou qu'un esprit
d'erreur l'emportait en des voies trompeubCs. Ou -
bliait-il sou Dieu et ses glorieuses destinées ? Aussi-
tôt l'invisible vertu qui émanait du Saint des saints,
pour conserver la nation el la lemlre prospère, sem-
blait se retirer et ne laisser ;i sa place qu'une puis
sauce destructive. Mais lorsque touché de repentir il
gi missail sur ses égarements, cherchait a rentrer
12
365
bor
LOI
SQi
?penses. La plupart des loù civiles, qui vio-
■ rent à la suite, n'étaient qu'une t'xtensiin et
une application des lois du Dé.calogue ; et le
très-grand nomlire des lois cérémonielles ne
furent portées q l'après l'adoration du veau
d'or. Ici rien ne se fait au hasard, et n'est
écrit sans raison.
II. Mais M -ïse, disent les incrédules, n'a
donné à ses lois point d'autre sanction que
celle des peines et des récompenses tempo-
reîles ; il ne parlr' point de celles de l'autre
vie; ou il ne les connaissait pas, ou il a eu
tort de n'en pas faire mention. Il y a long-
temps que cette objection a été faite par les
marcionites et par les manichéens ; mais
quinze cents ans d'antiquité ne l'ont pas
rendue plus juste.
Dans les articles Ame, Immortalité, En-
fer, nous avons prouvé que les patriarches,
Moïse et les Israélites, ont connu et ont cru
les récompenses et les peines do l'aulro vie;
mais il n'i tait ni nécessaire, ni convenable
que ce législateur en parlât dans ses lois.
Puisqu'il avait réuni ensemble les lois mo-
rales, les lois cérémonielles, les lois civiles
et politiques, il ne devait pas donner à ce
recueil de lois la sanction des récompenses
et des peines de la vie future ; il aurait
donné lieu aux Juifs de conclure qu'ils pou-
vaient mériter une récompense éternelle, en
faisant des ablutions , en discernant les
viandes, etc., tout comme en pratiquant les
vertus morales. Malgré la sage précaution de
Mois ', malgré les leçons des jirophètes, les
pharisiens et leurs discij les sont tombés
dans cette erreui; les rabbins l; soutiennent
encore aujourd'hui ; ils prétendent que la
loi cérémonielle donnait aux Juifs [ilus de
sainteté et de mérite , et les rendait plus
agréables à Dieu qu ■ la loi morale. Voy. la
Conférence tlu juif Oi'obio avec Limborch.
Nous convenons que l'ail ance par laquelle
Dieu avait promis h la nation juive la pos-
session de la Palestine et une prospérité
constante, sous condition que ce peuple ob-
serverait fidèlement ses lois , ne regardait
que ce monde ; mais , sous cet aspect, elle
concernait le corps de la nation, et non les
f»articuliers ; elle ne dérogeait point ii l'al-
iance primitive que Dieu a contractée dès
le commencement uu monde avec toute créa-
ture raisonnable, k laquelle il a donné des
lois, une conscience, une âme immortelle ;
alliance par laquelle il promet à la vertu une
récompense, non dans cette vie, mais dans
.'autre; alliance sul'iisam aient attestée par
la promesse faite à Adam d'un Rédempteur
qui ne devait venir que quatre mille ans
après ; par la mort d'Abel, privé en ce monde
de la récouipenso de sa vertu; par l'enlève-
ment d'Enos, dnnt la piété avait plu à Dieu,
etc. De même que les nouvelles lois posi-
tives, imposées aux Hébreux, ne dérogeaient
dans les voies saintes que son législateur lui avait
tracées, des jours plus sereins cointiieiiçaient à luire,
et Dieu, le reprenant sous sa proiection, lui accor-
dait ses grâces et ses faveurs. Qui pourrait après
cela inéconnaitre la main de Diea dans la législaiioii
de Moïse?
point à la loi morale portée dès la création,
ainsi les nouvelles promesses quileur étaient
faiti!S ne donnaient aucune atteinte à la pre-
mière promesse faite au genre humain. Voilà
ce que n'ont pas voulu voir les premiers hé-
rétiques qui ont calomnié la loi ancienne; les
sociniens, qui ont dit que le judaïsme n'é-
tait pas une religion, mais une constitution
politique; les inc.édules, qui ne savent que
répéter les vieilles erreurs, et quelqu' s théo-
logiens, qui n'y ont pas regardé de plus près.
III. De là même on voit aisément par quels
motifs un Juif devait observer la loi, princi-
palement la loi morale. Il le devait par res-
pect pour le souverain Légis'ateur, qui est
Dieu, par l'espoir de mériter la récompense
éternelle des justes, comme avaient fait les
patriarches, par la confiance d'avoir part à
la prospérité temporelle que Dieu avait pro-
mise à la nation entière. Mais puisque cette
promesse regardait le corps de la nation plu-
tôt que les particuliers, un juif, exact ob-
servateur de la loi, ne pouvait pas se flatter
de jouir du bonheur temporel, s'il airivait
au gros de la nation d'encourir la colère di-
vine pour avoir violé la loi. Dans une puni-
tion générale, les justes étaient enveloppés
avec les coupables, et alors il ne restait aux
premiers que l'espoir de Ig récompense éter-
nelle réservée à la vertu. Tel a été le sort
de Tobie, de Jérémie, de Daniel, de la plu-
part des |irophèles, de Moïse lui-même, dont
la vie fut remplie d'amertume par les infi-
délités de son peuple. Les afflictions aux-
quelles ils furent exposés ne leur firent pas
abandonner la loi de Dieu.
il n'est donc pas vrai, comme le pensent
les détracteurs de la loi, que Dieu, en la
donnant aux Juifs, n'ait voulu leur inspirer
qu'un intérêt sordide, une crainte servile, et
lésait dis|)ensés de l'aimer. Si plusieurs ont
eu ce mauvais caractère, il ne venait ni de la
loi, ni du législateur. Le commamiement
d'aimer Dieu ne ])Ouvait être plus formel
(Deut. VI, 5) : Vous aimerez le Seigneur votre
Dieu de tout votre cœivr, de toute votre âme
et de toutes^vos forces ; les préceptes que je
vous impose seront dans votre cœur, etc.
(Chap. X, V. 12) : « Que vous demande le Sei-
gneur votre Dieu, sinon que vous le craigniez,
que vous lui obéissiez, que vous l'aimiez et
que vous le serviez de tout votre cœur? 11
est bon de se souvenir que, dans le style de
l'Ecriture, craindre signifie respecter. [Ibid.,
V.21, et XI, 1) : Voyez ce que le Seigneur a fait
pour vous....! Aimez-le donc, et observez
constamment ses lois, ses cérémonies, les rè-
gles de justice qu'il vous prescrit, et les pré-
ceptes qu'il vous impose. C'est la leconnais-
sance, l'amour, le re>ipect, la confiance, la
soumission, et non l'intérêt ou la crainte ser-
vile, que Moïse veut ins[)irer à son peuple.
Devait-il pour cela les exempter de crainte ?
Il aurait bien mal connu les hommes, et son
peuple en jiartieulier. Toute législation doit
être menaçante, et toutes le sont, parce qu'en
général les hommes sont plus sensibles aux
menaces qu'aux promesses, et qu'il est plus
aisé aux chefs des nations de punir que do
5C5
LOI
t.OI
5C(i
récompenser. Les rôveiii'.s eu jiolili(}ii(> blâ-
ment op t(in général des lois; ([u'ils refon-
dent riiuiiianité, tivant (le proposer' une autre
manière de la gouverner.
A l'article Jidaïsme , § V , n us avons
prouv(^ par FEiTiturc, par les Pères, suitout
par saint Augustin, par les notions ('évidentes
de la juslice divine , rpie Dieu donnait aux
Juifs des grAces pour acconi|ilir sa loi. Kn
observant môme la loi cMuinniellc, un juif
pratiquait l'ohéissanee; il faisait doue im acte
de vertu. Cet acte, fait |iar un motif louable
et avec le secours de la grâce , pouvait donc
être méritoire; lorsqu'il était fait par crainti'
ou par intérêt temporel, il ne nuTitait rien
pour le salut; ce n'était plus alor's un elfet
ae la i;râce. NoiisaVons encore rcm'irqu;' que
ces grâces accordées aux Juifs n'étaient
point attaclK'es \\ la lettre de la loi, | uis-
qu'elle.s n'étaient pas formelieuient piomises
parla loi; niiis elles venaient de la pro-
messe d'un Hédeuij.leur fa. te à noire premier
père, et renouvelée ;i Abrabain. C'était donc
\ix\ elfet des mérites futurs de Jésu.s-Chrisi,
qui est l'Agneau imm lé depuis le coiinnen-
cement du monde lApoc. xv, 8», mais qui n'a
eu besoin de s'inuuoler qu'une seule fois
pour clfacer le [)é("lié [llcbr. ix, 2(5). On verra
ci-après quecettcdoctrine n'est contraire ni à
celle ilesaint Paul ni à cellede saint Augustin.
IV. Mais pour justilier leurs préventions,
les incrédulcis veulent que l'on juge de la
loi mosaïqnr pai' les effets qui en ont résulté,
soit à l'égard du corps de ia nation juive,
soit à l'égard des particuliers ; nous y con-
sentons encore.
A l'.irlicle Jlifs, § 2 et suiv., nous avons
examiné quels ont été les mœurs, le degré
de [irospérité de ce peuple, le i-ang qu'il a
tenu dans le monde, ro]iinion qu'en ont eue
lesauties nations. Nous avons fait voir qu'il
a loujiiurs été lieureux ou mallieiu'eux, se-
liin qu'il a été plus ou moins fidèle à ses
lois; (jue, tout considéré, son sort a été meil-
leur que celui des autres peuples; qu'en gé-
néral ces derniers , faute de connaître les
Juifs, en ont aussi mal jugé que les incré-
dules modernes. La meilleure manière de
juger du sort des Juifs et de la sagesse de
leurs lois, est sans doute de remonter au
dessein qu'avait la Providence divine en for-
mant cette lég slation : or, ce dessein nous
est révélé non - seulement par l'Ecriture
sainte, mais p;ir la cliaine des événements.
A l'épocpie de la ndssion de Moïse, tous
les peupl s connus, Ass. l'iens , Ciialléens,
Cliananéetis ou Phéniciens, Euypùens, étaient
déjà tombés dans le polytliéisme et dans l'i-
doiàtrie; leurs uiœnrs étaient aussi corrom-
pues que leur croyance, leur gouvernement
sais règle, leur jiolitiijue absurde et meur-
trièie; tous ne pensaient qu'à s'entre-dé-
truire. Dieu pouvait-il leur donner une leçon
plus propre à les corriger, que de i)Iaccr au
milieu d'eux une nation mieux jiolicée, jilus
Eaisihie, et moins m il gouvernée? Les Hé-
reux ont été la première république qui ait
existé dans le Hiomle ; cliez eux, ce n'est
pas l'hemme qui de» ait régner, c'est la loi.
Si les peuples voisins avaient été moins dé-
pravés, tous auraient adopté le fond de celte
législation; ils aLU'aient renoncé au brigan-
dage et à l'ambition des conquêtes ; ils au-
raient cultivé en jiaix la portion de terre
qu'ils possédaient; il y aurait eu moins de
crimes commis et de sang répandu. Mais
non ; le bien-être des Juifs excita leur haine
et leur jalousie ; tous se sont relayés suc-
cessivement pour tourmenter les Jiiifs, sans
vouloir proliter en rien de leur exemple.
Aujourd'hui peut-être il en serait encore de
mèuie, parce que les nations ne sont de-
venues guère plus sages qu'elles n'étaient
a:itrefois. Cependant, malgré leur fureur
destructive, le peuple juif, avec sa religion
et SOS lois, a subsisté pendant quinze cents
ans : quelle autre législation a eu une plus
lou-^ue durée'.' Ce peuple a ainsi continué de
r ndre témoignage au gouvernement de la
Providence, à la certitude de ses |iromessos,
à la sagesse de ses desseins, surtout h la ve-
nue future d'un Rédem))teur. L'intention de
Dieu n'avait donc pas été de créer une nation
célèbre par ses conquêtes , redoutable par
ses forces , fameuse |)ar ses connaissances,
par ses arts, par son commerce. Celse, Ju-
lien et leurs copistes , qui ont toujours ar-
gumenté sur cette folle supposition, se sont
égarés dès le premier pas. La prospérité des
Kom-iins, dont ils étaient enivrés, ne s'est
formée qu'aux dépens de tous les autres
peuples, et par le ravage de l'univers entier.
Dieu n'avait pas destiné les Juifs h être le
fléau des nation--, mais à leur servir d'exem-
ple si elles voulaient être sages, ou de con-
damnation, si elles le refusaient. Pendant
que les lois de celles-ci ont varié sans cesse,
celles de Moïse n'ont souffert aucun chan-
gement ; elles sont encore telles que le lé-
gislateur les a données ; faites d'un seul
coup, dans la durée de quarante ans, elles
ont été observées sans altération, jus(|u'au
montent que la Providence avait marqué
pour les faire cesser. Aucun autre peuple
n'a été aussi opiniâtrement attaché h ses lois
que les Juifs; après plus de trois mille ans,
s'ils étaient les maîtres, ils les feraient re-
vivre dans toute leur étendue, sans en vou-
loir rien retrancher. Si elles étaient aussi
mauvaises que le prétendent nos politiques
incrédules, aui aient-elles produit un atta-
chement aussi singulier?
Depuis peu il a paru un ouvrage intitulé :
Moise considéré comme législateur et comme
moraliste. On s'attendait à y trouver l'apo-
logie des lois mosaïques c nre la censure
téméraire des philosophes incrédules ; mais
à j)eine y a-t-il quelques réflexions qui ten-
dent à faire sentir la sa-;esse et l'utilité de
ces lois, eu égard au temps, au cliruat, au
peuple pour lequel elles ont été faites, et
aux mœurs générales qui régnaient pour
lors. Elles sont présentées, non dans leui-
pureté originale, et telles qu'elles -ont dans
le texte de Moïse, mais avec toutes les rêve-
ries et les puérilités dont les Juifs modernes
les ont surchargées. Les citations du 'lalmud
ou de la Miscnne, les cOmMu-ntaires des
567
LOI
LOI
368
rabliins anciens et modernes, les disseilfi-
tions des critiques hébraisauts, vont de pair,
dans cette compilation, avec le texte de l'E-
criture sainte, comme si tous ces monuments
avaient la môme autorité. Probablement l'au-
teur a voulu travailler pour les Juifs, et non
pour les chrétiens. Heureusement nous avons
été mieux instruits par le judicieux auteur
des Lettres de quelques Juifs, etc., qui a fait
le parallèle des lois de Moïse avec celles
des plus célèbres législateurs |)rofanes, et
qui a démontré la supériorité des premières,
t. III, k° partie.
V. Cependant saint Paul semble s'être ap-
pliqué à déprimer la loi mosaïque; il dit que
cette loi n'a rien amené h. la perfection ; que
si la première alliance avait été sans défaut,
il n'aurait pas été nécessaire d'en faire une
nouvelle, comme Dieu l'a promis par ses
prophètes ; que cette loi n'était bonne (|ue
pour des esclaves; que si elle pouvait rendre
l'homme juste , Jésus-Christ serait mort en
vain; que la loi est survenue afin de faire
abonder le péché, etc.
Mais il dit aussi que la loi est sainte, que
le commandement est saint, juste et bon (fiom.
VII, 12) ; que ce ne sont pas ceux qui écou-
tent la loi, mais ceux qui l'accomplissent qui
sont justes devant Dieu (ii, 13) ; qu'en éta-
blissant la foi, il ne détruit pas la loi, mais
(|u'il la confirme (m, 31). Il cite les paroles
de Moïse, qui dit que celui qui accomplira la
loi y trouvera la vie (x, 5). Comuient tout
cela peut-il s'accorder? Il est évident que
dans ces derniers passages, le mot loi n'est
pas pris dans le même sens ; autrement saint
Paul se contredirait. Dans les premiers, lors-
iju'il parle au désavantage deia/o«, il entend
la loi cérémonielle, civile et politique; dans
les seconds, il est question de la loi morale.
Sans cette distinction, il serait impossible de
rien entendre à la doctrine de saint Paul ;
mais il est aisé d'en démontrer la justesse,
fin effet, saint Paul attaque l'erreur des ju-
daisants, qui soutenaient que pour être sau-
vé il ne suffisait pas de croire en Jésus-Christ,
et d'observer les lois morales renouvelées
dans l'Evangile, mais qu'il fallait encore pra-
tiquer la circoncision et les autres obser-
vances légales.; erreur condamnée par les
apôtres dans le concile de Jérusalem {Acl.
xv). Ainsi, par la loi, les Juifs entendaient
principalement la loi cérémonielle. Consé-
i)uemment, dans ÏEpitre aux Romains, saint
Paul combat le préjugé des juifs, qui se flat-
taient (l'avoir mérité la grâce de l'Evangile
et le salut, parce qu'ils avaient observé la loi
mosaïque. Dans VEpitre aux Galates, l'Apôtre
reproche à ces nouveaux convertis de s'être
laissé séduire par de faux docteurs, qui leur
avaient persuadé que la circoncision et les
observances légales étaient nécessaires pour
être sauvé. Dans li lettre aux Hébreux, il
cembat de nouveau la tiop haute idée
que les Juifs avaient conçue de ia sainteté
ot de l'excellence de leurs cérémonies.
Or, en prenant dans ce sens la loi pour
le cérémonial mosaiiiue, tout ce que dit
Sv'iint Paul de son insuffisance, de son inu-
tilité, de ses défauts, est exactement vrai.
Le sens de saint Paul est encore prouvé
par les expressions dont il se serf. Il dit que
nous ne sommes plus suus la loi, mais sous
la grâce {Rom. vi, 14 et 15) : or, nous som-
mes certainement encore sous la loi morale,
puisque Jésus-Christ, loin de l'abroger, l'a
confirmée dans son s rmon sur la montagne
et ailleurs. Partout il semble opposer la io? àla
foi : or, la foi n'est point opposée à la loi mo-
rale ; un des principaux devoirs imposés par
celle-ci est de croire à la parole de Dieu, à ses
promesses, h ses menaces. 11 dit, la loi est
survenue (Rom. v, 20); peut-on parler
ainsi de la loi morale, imposée h l'homme
dès le commencement du monde ? La loi,
même cérémonielle, n'est pas survenue pour
faire abonder le péché, comme certains com-
mentateurs veulent traduire ; mais de ma-
nière que le péché est devenu plus abondant :
cette loi a été l'occasion et non la cause du
péclié ; ainsi saint Paul s'explique lui-même
iRom. vil, 8 et 11). Saint Augustin a poussé
tort loin cette dispute contre les Pélagiens.
Pelage avait dit : La loi conduisait au royaume
éternel comme l'Evangile, ou aussi bien que
l'Evangile [L. de Geslis Pelag., c. xi, n° 23).
Cette fausse maxime renfermait trois erreurs:
1° elle donnait lieu de penser que, par la loi,
Pél.ige entendait, comme les Juifs, la loi cé-
rémonielle; 2° elle égnlait la loi à l'Evangile,
au lieu que saint Paul la met fort au-des-
sous ; 3° Pelage entendait la loi sans la grâce,
puisqu'il n'admettait point la nécessité de la
gr;ice pour les bonnes œuvres. Saint Augus-
tin, pour réfuter ces erreurs, lui opposa tout
ce que saint Paul a dit au désavantage île la ioj.
A la vérité, il parait que s;iint Augustin a
conslamment entendu le passage de saint
Paul , leoc subintravit ut abundaret delictum,
dans ce sens que Dieu avait donné aux Juifs
la multituue de leurs lois, afin que fatigués
de ce joug, et humiliés par le nombre de
leurs chutes, ils sentissent le besoin qu'ils
avaient de la grâce, et la demandassent à
Dieu ; mais outre que ce sens n'a été donné
aux paroles de l'apôtie par aucun des pères
qui ont précédé saint Augustin, le saint doc-
teur n'a jamais admis que Dieu ait tendu
exprès un çiége aux juifs pour les faire pé-
cher, il a lui-môme reconnu que le texte de
saint Paul peut avoir le sens que nous y avons
donné ci-dessus, L. i, adSimpiic, q. 1, n° 17;
Contra adv. legis etprophet., I. ii, c. 11, n" 36.
11 ne s'ensuit donc, ni de la doctrine de saint
Paul, ni de celle de saint Augustin, que la
loi mosaïque, à la prendre dans sa totalité,
ait été mauvaise, défectueuse, indigne de
Dieu, incapaljle de rendre juste un juif qui
l'observait avec intention d'obéir à Dieu, et
avec le secours de la grâce.
VI. Quelle est donc la différence qu'il y a
entre la loi mosaïque et l'Evangile ? Les théo-
logiens la réduisent à plusieurs chefs, d'a-
près ce qu'en dit saint Paul. Saint Jean l'in-
dique en deux mots, en disant : « La loi a
été donnée par Moïse, la grâce et la vérité
sont venues par Jésus-Christ {Joan. i, 17).
1° Dans la loi de Moïse, les graiids mystères
369
LOI
LOI
870
(ie noire it-ligioii, la sainte Trinité, l'incarna-
tion, la rédemption du mond'^ i)ar Jésus-
Christ, etc., ne sont révélés que d'une uia-
nièro assez obsoure, au lieu qu'ils le sont
beaucoup plus clairement dans l'Evangile.
Dans celui-ci, les promesses d'une ri;com-
pense éternelle pour la vertu, les menaces
d'un chAtiment éternel pour le crime, sont
beaucoup plus formelles que dans l'ancienne
loi : Jésus-Christ, dit saint Paul, a mis en
lumii^'re la vie et l'immortalité par l'Evangile
(// Tim. I, 10). Les lois morales y sont mieux
développées ; il n'y est plus question do la
multitude des cérémonies et d'usages oné-
reux auxquels les Juifs étaient assujettis dans
presque toutes leurs actions. — 2° La loi
montrait aux Juifs ce qu'ils devaient faire ou
éviter ; mais Dieu n'y avait pas ajouté une
promesse formelle de leur accorder la grAce
pourtoutes leurs actions ; cette grAce leur était
donnée en considération di'S mérites futurs
du Rédempteur, mais avec moins d'abondance
que Jésus-Cluist ne l'a répandue. lui-même.
En disant : Celui qui croira et sera baptisé sera
sauvé (Marc, xvi, 16j, il a attaché au baptême
un titre pour obtenir toutes les grAces dont
nous avons besoin ; il les répand en effet
dans nos cœurs par ce sacrement et par tous
les autres qu'il a institués. C'est pour cela
que, selon saint Paul, la loi ne rendait pas
1 homme juste, au liei que l.i justice nous est
donnée par la foi et par les sacrements. —
3° Le principal motif qui engageait un juif à
observer la loi était la crainte des peines
temporelles et des mnlédictions dont Dieu
menaçait les infiattcurs ; un grand nombre
de lois portaient la peine de mort. Au con-
traire, le motif dominant qui excite un chré-
tien à la vertu est la connaissance de la bonté
de Dieu, le souvenir de ses bienfaits, la cer-
titude d'en obtenir encore de plus graiiils,
par conséquent l'amour ; de lii saint Paul dit
que l'anciimie loi était gravée sur la pierre,
au lieu que la nouvelle est gravée dans nos
cœurs par le Saint-Esprit ; il dit que la pre-
mière était faite pour des esclaves, la se-
conde piiur des enfants qui envisagent Dieu,
non comme un maître redoutable , mais
comme un père tendre et miséricordieux.
Aussi la loi ancienne est appelée par les apô-
tres mêmes un joug insupportable {Act. xv,
'10j;au lieu que Jésus-Christ appelle ses
lois un joug rempli de douceur et un fardeau
léger [Matth. xi, 30). — h-" La loi mosaïque
était pour les Juifs seuls ; elle était relative
au climat et à l'état d'une nation séparée de
toutes les autres ; elle ne pouvait durer
qu'autant que les Juifs demeureraient en pos-
session de la Palestine, et y formeraient un
corps de république. L'Evangile est pour
tous les temps et pour toutes les nations ; il
est destiné à réunir tous les hommes en so-
ciété religieuse, universelle. C'est pour cela
même que Jésus-Christ n'a |)oint établi de
lois civiles ni politiques ; son Evangile s'ac-
corde avec toute loi raisonnable et conlorme
au bien commun. On ajoute enlin que la loi
ancienne n'était que la tigure de ce que Dieu
devait faire, accorder et prescrire sous la loi
nouvelle ; ce caraotère sera expliqué dans le
paragraphe suivant.
Nous ne réfuterons point ici une prétendue
ditlerence que Luther et Calvin ont imaginée
entre la loi mosaïque et l'Evangile ; ils ont
dit que, selon saint Paul, la première était la
/oî CM œuvre* , qui attachait le salut aux
bonnes œuvres, qui inspirait à un juif la con-
fiance à ses œuvres : au lieu que l'Evangile
ne commande que la foi, n'attache le salut
3u'à la foi, ne nous parle d'autre justice que
e celle de la foi ; d'oii il s'ensuit que les
bonnes œuvres sont plutôt un obstacle qu'un
moyeu de salut pour un ehrétien. Cette er-
reur, justement proscrite par le concile de
Trente, est une c<uiséquence de la doctrine
des prétendus réformateurs sur la justice
imputative : n )us en avons déjà remarqué
la fausseté aux mots Imputation, Justifica-
tion, LiBERTÉcHRÉTiENNE, nous cu parlcrous
encore dans les articles Loi nouvelle et Bon-
nes OEUVRES. Il suflit de remarquer que les
novateurs ont maiicieusi'ment abusé des ex-
])ressions de saint Paul ; par les œuvres, cet
aiiôlre entend évideiument les cérémonies
et les usages civils de la loi ancienne, dont
les Juifs soutenaient la nécessité pour le sa-
lut. Jamais saint Paul n'a pensé h nier la né-
cessité et l'utilité des œuvres de la loi mo-
rale, telles que sont l'amour de Dieu et du
prochain, les actes de charilé, de justice, de
tempérance, d'obéissance, de reconnaissance,
etc. Il dit au contraire, à cet égard, que ce
ne sont pas les auditeurs de la loi qui seront
justiriés,mais les observateurs, (ii, 13.)
VIL Une autie queslion est de savoir en
quel sens el jusqu'à quel point la loi an-
cienne était figurative, et si c'était là son prin-
cipal mérite.
Dans les articles Ecriture sainte , § 3,
FiGURisME, Figuriste, uous avous remarqué
l'abus (lu système de quelques théologiens,
qui prétendent que tout était figuratif dans
l'ancienne loi ; qui, pour expliquer ce qu'ils
n'entendent pas, et justifier ce dont ils ne
voient |)as l'utilité, ont recours à des allégo-
ries ; nous avons vu que les fondements de
ce système ne sont pas solides, et que les
conséquences en sont dangereuses. D'autre
jiarl, les incrédules s'en sont prévalus jxjur
tourner enridiculeles explications mystiques
de l'Ecriture sainte, données par les apôtres,
par les évangélistes, par les Pères de l'Eglise,
par lus docteurs juifs. N'y a-t-il donc pas un
milieu à garder entre ces deux excès ? —
1° L'on ne peut pas nier qu'il n'y ait des li-
gures dans l'ancienne loi ; saint Paul le dit
expressément , et il savait que c'était la
croyance de la synagogue ; lui-même en re-
marque et en explique plusieurs ; d'autres
sont citées dans l'Evangile, et Jésus-Christ
s'en est fait l'application. Il est certain d'ad-
leurs que le style ûguré et allégorique a été
familier à tous les sages de l'antiquité : cette
manière d'instruire servait à exciter la curio-
sité et l'attention des auditeurs, et à rendre
les vérités plus sensibles ; Jésus-Christ s'en
est servi par cette raison. Il n'est donc pas
étonnant que Dieu l'ait employée par l'organe
371
101
LOI
572
de Moïse et des prophètes. Ces sortes de le-
çons n'avaient rien d'indi'cent ni de captieux ;
ce qui nous paraît obscur ne l'éfaitpas dans
ces lemps-l^, et et' qui n'était pas suflisam-
laont entendu pour ie moment, devenait in-
telligible par la suite. — 2' Les figures re-
Biarquées dans l'ancienne /oj parles écrivains
du Nouveau Testament sont inconteslables,
puisque ces auti'urs sacrés étaient revêtus
d'une mission divine pour expliquer les
sa ntes Ecritures ; celles qui ont été unani-
mement aperçues par les Pères de l'Kglise
font partie de la tradition et doivent être
respectées à ce titre ; toutes les autres n'ont
que le degré d'autorité que mérite un auteur
particulier. Souvent ce sont des conjectures
arbitraires, opposées les unes aux autres,
toujours assez inutiles, et qui exposent quel-
qui'fois nos livres saints à la dérision des
incrédules. — 3" Il est évident que les lois
morales de l'Ancien Testament n'avaient rien
de figuratif. Jésus-Christ les a expliquées,
les a rendues jilus parfaites, les a i-onfnm(''es
de nouveau pnr son autorité divine, en a
rendu l'nb-ervatinn plus silre parles conseils
de perfection. Quant aux lois civiles et poli-
tiques, elles étaient relatives au caractère
des Juifs, à leur besoin, à leur situation;
l'utilité de ces lois est donc incontestable,
indrpendamrùent de toute signification mys-
tique.
Restent donc les lois cérémonieUes qui re-
gardent le culte divin ; c'est principalement
dans celles-ci que saint Paul fait reuiarquer
di's figures : mais les cérémonies légales
n'avaient-elles point d'autre utilité? Sain!
Paul ne l'a pas dit. Il affirme seulement qu(!
c'étaient des éléments vides et sans force,
incapables de donner la grAce, ni la justice,
ni la rémission des péchés : tout cela est vrai ;
mais il ne l'est pas moins qu'elles avaient un
autre but. Les unes étaient des monuments
des prodiges que Dieu avait opérés en faveur
de son peuple, comme la pâque et l'oblation
des premiers-nés ; les autres, une reconnais-
sance du souverain domaine de Dieu et de
sa providence bienfaisante , comme les of-
frandes et les sacrifices. Par les sacrifices
pour le péché, l'homme se reconnaissait cou-
pable ; par les abstinences, il réprimait la
gourmandise ; l'ustge de ne point ramasser
les gianuies pendant la moisson, mettait un
frein à l'avarice ; les purifications et les pré-
cautions de propreté inspiraient le respect pour
le culte du Seigneur, etc. Ces cérémonies
étaient donc des actes de vertu, lorsqu'elles
étaient observées par un motif d'obéissance
et avec une intention pure; elles ne don-
naient pas la grâce, mais elles excitaient
l'homme à la demander : saint Paul n'a pas
en.seigné le contraire. Il n'est donc pas be-
soin de recourir au sens figuratif, pour jus-
tifier la loi cérdmoniclle. Ajoutons que si cette
loi n'avait point eu d'autre utilité que de fi-
gurer des événements futurs, le législateur
aurait été très-répréhensible de ne pas ex-
pliquer aux Juifs ce sens figuratif, sans le-
quel la loi ne leur servait de rien : or, nous
^^ trouvons dans l'Ancien Testament aucune
de ces explications.I! serait ridicule de dire que
Dieu a donné aux Juifs des lois inutiles pour
eux, dont le sens ne devait être connu que
quinze cents ans ajirès, par ceux qui ne se-
raient plus obligés à ces lois. Saint Paul par-
lant de la loi du Deutérononie, Vous ne lierez
point le mufle du bœuf qui foule le grain, dit:
n Dieu prend-il donc soin des bœufs? n'est-
ce pas plutôt iiournous que ces paroles ont
été dites (/ Cor. iv, 9]. » 2\ssurémont, Dieu
n'avait pas porté cette loi pour l'utilité des
b.> u';'s, mais pour réprimer l'avarice des Juifs ;
aucun d'eux ne pouvait deviner que par là
Dieu voulait pourvoir d'avance à la subsis-
tance des ministres de l'Evangile. L'argument
de saint Paul se réduit à dire : Si Dieu n'a
pas voulu que l'on refusât la nourriture à un
animal qui travaille, à plus forte raison ne
veut-il pas qu'elle soit refusée à ceux qui
annoncent rÉv.angile. Il est encore plus évi-
dent que le sens figuratif ne peut pas servir à
justifier une action criminelle ou répréhen-
sible en elle-même : Saint Paul n'en a jamais
fait cet usage. Saint Augustin reconnaît que
ce serait unabus.L.i/, contra Fauslum,c.k2.
foy. FiGURisME. S'il lui est arrivé d'y tomber,
il ne faut pas l'imiter en cela.
On ne doit pas pousser le sens des expres-
sions de saint Paul plus loin que ne l'exige
le dessein de cet apôtre : il voulait di'truire
la folle confiance que les Juifs mettaient dans
leurs observances légales, et leur prouver
qu'elles n'étaient plus nécessaires au salut
depuis la venue du Messie; conséquemment,
il leur en montre le vide et l'inefficacité, en
comparaison des grâces attachées k l'Evan-
gile et à la foi en Jésus-Christ. L'inutilité des
premières était donc comparative et ni in abso-
lue, autrement saint Paul se serait contredit ;
il reconnaît que c'était un très-grand avan-
t.ige pour les Juifs d'avoir entendu les paroles
de Dieu. Or, c'est principalement par leurs
lois que Dieu leur avait parlé {Rom. m, 2j.
Dieu est trop sage pour avoir imposé aux
Juifs des lois inutiles pour eux. Lorsque
Moïse fait l'éloge de ces lois, il n'en excepte
aucune (Deut. ly, 6, etc.)
VIII. Une dernière question est d'exami-
ner si la loi de Moïse a dû toujours durer.
Les Juifs le prétendent, et les incrédules ont
trouvé bon de faire valoir les arguments des
Juifs pour combattre la divinité du christia-
nisme. On comprend d'abord que cette dis-
pute ne peut pas regarder la loi morale; celle-
ci a été portée pour tous les hommes , de-
puis le commencement du monde, et Jésus-
Christ l'a confirmée pour jusqu'à la fin des
siècles : il s'agit donc principalement de la
loi cérém.onielle. Comme cette question de-
mande quelques observations préliminaires,
nous en ferons le sujet de l'article suivant.
Loi cÉKÉMONiELLE. C'cst le rccucil des
lois par lesquelles Moïse avait prescrit aux
Juifs la manière dont ils devaient honorer
Dieu, les rites qu'il fallait observer, les pra-
tiques dont ils devaient s'abstenir; c'était, à
proprement parler, le rituel de la religion
mosaïque. Il est renfermé principalement
dans le Lévitique.
575
LOI
LOI
374
Nous ne connaissons aucune partie de Van-
ciftmeloi, qui ait donné lieu à îles erreurs
})lus opposées. Les incrédules anciens et mo-
dernes ont soutenu que le culte presirit aux
Juifs était non-seuleiuent grossier et dégoû-
tant, mais absurde, indécent, superstitieux,
indigne de la m.ijesté divine. Quelques au-
teurs , qui ont réfuté ce reproche, l'ont ce-
penilant autorisé à ipielqurs égards , en di-
sant qu'une l'arlie des rites judaïques était
empruntée des païens; d'autres ont assez
mal justifié ces rites . en soutenant qu'ils
étaient figuratifs. Les Juifs, au contraire, en-
têtés de leur cérémonial à l'excès, y ont at-
taché une idée de sainteté (>t d'excellence
iju'il n'avait pas; ils nnt prétondu (pie Dieu
l'avait établi pour toujours , qu(^ le Messie
devait être envoyé, non pour abolir la loi cé-
rémonielle, m is jiour la confirmer et y sou-
mettre toutes les nations : un des principaux
griefs qui les indispose cnnire le christia-
nisme, est l'ahdHtion de cette loi. Les incré-
dules, attentifs h saisir toules les occasions
de combatîre notre religion, n'ont pas rnan-
qué de soutenir que la prétention des Juifs
est mieux fondée que la riùtre.sur le texte
des livres saints; que Jésus-t'IuisI et s(!S
apôtres n'avaient aucune inlentinn d'abolir
lis rites mosaïques, mais que saint Paul en
forma le projet ixnir justifier sa désertion du
judaïsme, et gagner plus aisément les païens;
que c'est lui qui est l'auteur du christia-
nisme tel que nous le professons.
Pour terminer cette dispute, nous avons à
prouver, 1" que le culte établi par Moïsi^
élail fondé sur des raisons solides; 2" qu'il
n'était ni intligne de Di* u, ni superstitieux,
ni emprunté des païens; 3° que l'entôteiiient
des Juifs pour leurs cérémonies * loin d'étro
appuyé sur le texte des livres saints, y est
directement contraire; k- que Dieu ne les
avait point établies pour duier toujours;
5° querinlentionde Ji'sus-Ghrist ei des apô-
tres ne fut jamais de les conserver. Nous
abrégerons cette discussion le plus qu'il nous
sera possible.
l. Aux mots Culte et Cérémome, nous
avons prouvi'' la nécessité des rites exlérii'urs,
pour entretenir la religion paimi les hommes,
et en faire un lien de société; nous avons
fait voir que Diiu en a prescrit aux houuues
depuis le commencement du monde; qu'un
très-grand nombre de rites commandes aux
Juifs, comme les offrandes, les saerilices, 1-s
repas communs, les fiHes, les ablutions, les
libations , les purifie itions , les abstinenc s,
les consécraiions, etc., avaient déjii été ob-
servés par les patriarches; qu'ainsi ces rites
n'étaient pas nouveaux pour les Juifs. Vuy.
Liturgie, Offkam»e, etc.
Nous ne jtouvons témoigner à Dieu nos
sentiments de respect, de reconnaissance, de
soumission, etc., par d'autres signes que par
ceux dont nous nous servons pour' les faire
Connaître aux hommes : il est donc évident
que, dans tous les temps, les rites doivent
Être analogues au ton des mœurs; consé-
quemifient, tians les pr.iniers Ages du monde,
lorsque les mœurs étaient encore informes
et gpos-siéres, les eérémonies religieuses ont
dû s'en ressentir; ce ijui nous paraît aujour-
d'hui rebutant et imh'cent, ne l'était pas pour
loi's. Nous avons autant do tort de le conaam-
ner, que de bl.lmer les usages des nations
moins policées que nous, telles que sont les
Arabes , les Tartares et d'auti es peuples no-
mades, chez lesquels on retrouve encore les
nueursdes patriarches. Prouvera-t-on jamais
que, pour donner aux anciees pi'uples une
religion convenable , Dieu a dil rendre leurs
mœurs et leurs usages semblables aux nô-
tres? Notre dégortt pour les rites anciens
n'est qu'un témoignage de notre ignorance.
Les voyageurs qui ont comparé les différen-
tes nations de la tiTre, et (jiii ont eu le bon
esprit de se conformer aux rnœurs des pays
dans lesquels ils se trouvaient, n'ont pas
conservé la morue pri'vention pour les usages
de leur jialrie, que ceux cpii n'en sont jamais
sortis; ils ont jugé que chez nous, comme
airieui'S, l'haliitiiiie, en fait de coutume, l'em-
pfute souvi'ut sur la raison. Si l'on interro-
geait, dit Hérodote, les dilTérents peuples de
la terre, et qu'on leur demandAt quelles sont
les lois , les mo"^urs , les coutumes les meil-
leures, chacun ne manc[ueiait pas de répon-
dre que ce sont les siennes.
Nous avons encore fait voir qu'en géné-
ral les cérémonies sont très-bonnes et très-
utiles, lorsqu'elles sont tout à la fois une
profession de foi des dogmes qu'il faut croire,
une leçon des vertus que l'on doit pratiquer,
et un lien de soeieté (jui réunit les hommes:
toute la question est drinc de savoir si le cé-
ri'nionial ju'iaique renfermait ces trois avan-
tages. Quant au i)reiiiier, il est évident, \v<r
l'histoire sainte, qu'au siècle de Moïse, tou-
tes les nations dont il était environné étaient
tombées dans le polythéisme , dans l'idolA-
Irie et dans tous les désordres qui en sont
inséparables. 11 était donc de son devoir d'in-
cnlqui rpi'ofondémont h son peuple le dogme
capital d'un seul Dieu, créateur, gouverneur
(le l'univers , souverain de tous les pcLiples,
arbitre de tous les événements; de multiplier
les rites qui attestaient cette grande vérité;
de défendre tous ceux qui pouvaient y donner
atteinte; de metire ainsi un mur de sépara-
tion entre les Hébreux et les idol.'Ures. Or,
un très-grand nombre des rites qu'il prescrit,
tendaient évidemment à ce dessein. Si plu-
sieurs nous jiaraissent raiimtieux, c'est que
lious ignorons jusqu'il quel point les ido-
Inti es poussaient la su[ierstition dans les cho-
ses même qui avaient le moins de rap;iort
cl la religion; mais on ]ieut s'en former une
idée l'u lisant le poëme d'Hésiode, intitulé :
Les trnvaiiT et 1rs jours. Il fallait donc pres-
crire aux Israélites, dans le plus grani^l dé-
tail, ce qu'ils devaient faire ou éviter: ils n'é-
taient pas assez instruits pour le discerner
eux-mêmes.
Déj.^, dans l'article précédent, nous avons
fait voir que la plupart des rites mosaïques
n'étaient pas moins destinés h inspirer aux
Juifs les vertus religieuses et sociales, la sou-
mission et la reconnaissance envers Dieu, la
charité et l'humanité envers leurs frères, la
575 LOI
femp(^r.inre, le désintéressement, la modéra-
tion dans les désirs. En olfrant à Dieu la diine
et les prémices, un juif devait se souvenu'
que tout vient de Dieu; qu'il fnut lui rendre
hommage et actions de grâces pour tout; que
l'homme n'a droit d'user des dons du Créa-
teur qu'autant qu'il est fidèle aux devoirs
de religion : il payait aux prêtres , aux lévi-
tes et aux pauvres le tribut de sa reconnais-
sance. La défense d'achetpr les fonds à per-
pétuité lui faisait entendre au'il ne dev.nt
point s'attacher aux biens de ce monde;
qu'ils ne f.iisaient que passer entre ses mains ;
qu'il devait se borner n faire valoir par sou
travail les fonds desquels Dieu était le vrai
propriétaire. Le repos de la terre à chaque
septième année, l'obligation d'en abandonner
les fruits aux pauvres, aux étrangers, aux
veuves, aux orphelins, la dîme établie tous
les trois ans à leur profit, lui apprenaient à
les aimer comme ses frères , à les respecter
comme tenant la place de Dieu et comme re-
vêtus de ses droits. A la vue de la récolte
abondante qtii arrivait à la sixième année,
pour le dédomina.^er du repos de l'année sui-
vante, il devait prendre une entière confiance
à la Providence, et adorer la fidélité avec la-
quelle Dieu remplit ses promesses. Aucun
Hébreu ne devait demeurer esclave à perpé-
tuité , parce que lous appartenaient k Dieu,
qui les avait aflVancliisdala servitude de TE-
gypte pour en l'aire son peuple et, pour ainsi
dire , sa famille particulière. Les attentions
même de propreté, les purifications, les absti-
nences accoutumaient les Juifs à une décence
de miEurs qui ne se trouve point clie/ les
peuples barbares , et qui contribue h répri-
mer les excès violents des passions. Peut-on
nier que toutes ces lois , soit cérémonielle»,
soit politiques, n'aient contribué à rendre les
juifs sociables , à entretenir parmi eux l'u-
nion , la paix , l'humanité , la douceur des
mœurs? Les attentions de propreté et la sa-
lubrité du régime étaient très-nécessaires
dans un climat aussi chaud que la Palestine,
et dans un voisinage aussi dangereux que
celui de l'Egypte. Depuis que ces lois, qui
paraissent minutieuses, ont été négli-çées jiar
les mahoniétans , l'Egypte et l'Asie sont de-
venues le foyer de la peste; et plus d'une
fois ce fléau , propagé de proche en proche,
a ravagé l'Europe entière. Il a fallu des siè-
cles pour extirper, en Occident, la lèpre ap-
portée de l'Asre par les armées des croisés.
Les précautions que Moïse avait prises ne
furent pas infructueuses , puisque Tacite a
remarqué qu'en général les Juifs étaient
sains et vigoureux : Corporahominum salu-
bria (itque fcrcntia laborutn. Ceux qui préten-
dent que parmi ces pratiques il y en a plu-
sieurs qui sont puériles , superflues , indi-
gnes de l'attention d'un sage législateur, en
jugent aussi mal que les mauvais physiciens,
qui, faute de connaître la nature, décident
qu'il y a une infinité de choses inutiles ou
défectueuses parmi les ouvrages du Créa-
teur.
IL Dès que les lois cérémonielles étaient
toutes fondées' sur des raisons solides, pour-
LOl
576
quoi auraient-elles été indignes de Dieu?
Est-il donc indigne de la sagesse et de la
bonté divine de pohcer, par la religion, une
nation qui ne l'est pas encore ; de montrer
qu'il est le père et le proiecteurde la société
civile; de donner aux peuples encore bar-
bares le modèle d'une bonne législation?
Celle des Juifs aurait contribué au bonheur
de tous , s'ils avaient voulu profiter de cette
leçon (1).
Un culte n'est point indigne de la majesté
divine, lorsqu'il lui est rendu par obéissance
et avec une intention pure. 11 est sans doute
fort indifférent à Dieu qu'on lui olfre la chair
des animaux, les fruits de la terre, ou le pain ,
et le vin travaillés par les hommes; que l'on
se découvre la tête ou les pieds pour lui té-
moigner du respect : mais Dieu a pu pres-
crire l'un plutôt que l'autre, selon les temps
(1) Un but sublime occupe toute la pensée de
Moise. Il veut que les descendants d'Abraham ne
prostituent iamais leurs adorations ;i des dieux su-
balternes. Il veut que dans le sein de cette vaste fa-
mille on retrouve, après de longs siècles, sans mé-
lange et sans corruption, les plus précieuses maxi-
mes et pour la religion ei pour la société. Et parce
que les l'Hes païennes, pleines de pompe et de spec-
tacle, pouvaient donner aux Hébreux du dégnùl et
du mépris pour un cuile plus simple et moins biil-
lant, il voulut aussi donner des rites à sa religion et
en revètiide cérémonies les plus augustes mystères.
Il établit donc des solennités et en (ixa le retour, il
commanda des sacrifices et en ordonna les détails; il
presciivii des jeûnes, et à certains jours la cessation
des œuvies serviles. Il lit les règlements les plus mi-
nutieux. I.a plupart rions apparaissent sous l'inspira-
tion du motif qui lei a dictés ; quelques-uns nous
étonnent par leur peu d'importance, frappent par
leur singularité ou choquent par leur indélicatesse ;
et cependant, en somme, ils sont une œuvre admira-
ble et de l'amour le plus éclairé, et de la politique la
plus adroite. Cette législation ne pourrait être dépré-
ciée que par Thomme ignorant et irréfléchi, qui, ne
s'entendant pas a la valeur des temps, mesure le
passé aux exigences du présent, flétrit sottement ce
qu'il ne retrouve pas dans sa vie privée, ou ce qui
ne lui retrace pas ses habitudes ; blessé de quelques
apparentes imperfections, il en rend responsalile le lé-
gislatem-, plutôt que le peuple intraitable auquel
sont destinées ces lois. Si on prenait de tels princi-
pes pour règle de jugement, il n'y aurait pas une
seule législation qui pût en supporter l'épreuve.
Qu'on tienne compte à Moise des honnnes, des temps,
des pays, et sa législation sera l'œuvre d'un sage.
S'il charge son code de pratiques, s'il nudtiplie les
observar.ces, s'il leur imprime un caractère qui nous
étonne, s'il assure l'exécution de ses mesures par la
terreur des châtiments, c'est parce qu'il faut séparer
son peuple des autres peuples, placer des limites in-
franchissables, répi'imer la trop facile inclination
des siens, en gênant et en bornant leurs l'elalions ;
c'est pour en faire un peuple digne de Jéhovah , son
roi et son Dieu. Dès lors, tout acte tdolàtrique n'é-
tait plus seulement une impiété, c'était une révolte
contre le souverain, un crime de lèse-iuajeslé qire
tontes les législations punissent de la peine des par-
ricides, et que la justice divine a aussi pu ne pas
mi'iiager sans crainte de nuire à sa bonté. La preuve
enfin (|ue la législation de Moise était ce qu'elle de-
vait être, c'est qu'elle :i résisté à l'épreuve des temps.
Trenie-tiois siècles de durée, soit pendant l'exis-
tence du peuple Juif en corps de nation, soit depuis
sa dispersion, téntoisnent encore de la bonté de ces
insliluticins, et redisent suffisamment si l'auteur a
bien fait d'en presci'iie la rjgoureuse exécution.
377
LOI
LOI
378
et selon les mœurs d'une nation; et lorsqu'il
a oidonnô un pitequelcoiiciue, ce n'est point
à nous (le le blâmer, parce qu'il ne s'accorde
pas avec nos usages et nos pn'jugés : alors
c'est un abus de terme de le nommer super-
stitieux, puisque ce mot signill' ce que
l'homme ajoute de son chef et par caprice à
ce qui est commandé. Voy. Supeiistition.
Mais, dira-t-OM, Jésus-Christ, parlant du
nouveau culte qu'il voulait établir au lieu du
culte mosaïque, dit : Le temps est venu au-
quel les vrais adorateurs adoreront le Père en
esprit et en vi'rité IJoaii. , iv, 23). Donc il
sujiposeque les Juifs n'adoraient point ainsi,
que le culte était défectueux et purement
matériel.
Nous convenons qu'un grand nombre de
Juifs tombaient dans ce défaut; Jésus-Clirist
le l(^ur a souvent reproché; il a répété la
plainte que Dieu faisait déjà piu- Isaio : Ce
peuple m'honore des lèvres, mais son cœur est
&(>« èloifpiè de moi [Malth. xv, 8). Mais c'é-
tait leur faute, et non celle de la loi, qui leur
ordonnait d'aimer Dieu et de le servir de tnut
leur cœur {Deut. vi, 5; \, 12, etc.). Adorer
Dieu en esprit et en vérité , ce n'est |ias l'a-
dorer sans cérémonie : puisque Jésus-Christ
lui-même a observé le cérémonial judaïque,
il a établi par lui-môaii' le lji|)tème et l'eu-
charistie; il a fait étabhr par ses apôtres les
autres sacrements; il leur a donné le Saint-
Esprit , en soufflant sur eux; il a béni des
enfonts par l'imiiosition des mains, guéri des
malades par sa salive et en prononçant des
paroles : sont-ce là des superstitions? Adu-
rer en esprit et en vérité , c'est avoir dans
l'esprit le sens des cérémonies , et dans le
cœur les alfections qu'elles doivent insjiirer :
voilà ce qui' la ])iu|iarl des Juifs ne faisaient
pas.
Est-on mieux fondé à dire qu'une partie
des rites judaïques était emprunt('e des pai.'iis ?
Spencer, qui l'a ainsi soutenu, de Leijib.
Hebr. ritwdib., 2' [lart., lib. m, 1" dissert.,
n'est pas d'accord avec lui-même , puisiju'il
reconnaît que la jibipait de ces rites étaient
destinés à condanuiei' ceux des païens et à
en détourner les Juiis. Dieu avait défendu à
ces derniers d'imiter les Egyptiens et les
Chananéens [Levit. xvni, 2; Deut. xii, 30).
.Vmau disait au roi Assuérus que la religion
juive était contraire aux autres [Esther. m, 8).
Diodore de Sicile, Manétbon, Slrabon, Tacite,
Celse, en parlent de même. Conserver un(.'
partie des rites des idolAtres eût été un très-
mauvais mo.ven do détourner les Juifs de
l'idolAtrie; c'aurait été [ilutôt un piège pro-
pre à les y faire tomber. Les preuves que
Spencer allègue pour faire voir que plusieurs
cérémonies juives étaient en usage chez les
païens, sont très-faibles i'I tirées d'écrivains
trop modernes; elles donnent ]ilutùt sujet
de penser que les nations voisines des Juifs
avaient malicieusement copié plusieurs de
leurs cérémonies, atiii de débaucher les Juifs
et de les attirer à l'idoh'itrie. Sans recourir à
cett(^ sup|»osition, l'on sait qu'une bonne par-
tie des nies mosaïques avait été pratiquée
par les patriarches, et employée au culte du
vrai Dieu, avant que les païens en eussent
abusé pour honorer des dieux imaginaires :
Moïse , en les ramenant à leur destination
primitive, ne faisait que revendiquer un bien
qui appartenait à la vraie religion. Aussi, le
sentiment de Spencer a été réfuté par le Père
Alexandre, llisl. écoles., tom. 1, p. 40i et
suiv. La plupart des rites que l'on prend
pour des imitations ont été évidemment sug-
gérés à tous les peuples par la nature même
des choses, par le besoin, par la réllexion,
sans qu'il ait été nécessaire de les emiirunter
d'ailleurs. Ainsi , Speneer convient que les
olfrandes, les sacritices, les repas communs,
les fêtes, les purifications, les abstinences,
les temples , les symboles de la présence di-
vine , ont été communs à tous les peuples.
Sont-ce les Egi ptiens ou les Chananéens qui
les ont portés aux Indiens, aux La|)ons, aux
Américains, aux insulaires de la mer du Sud ?
Il a sulli à tous ces peuples d'avoir la plus
légère teinture de bon sens, pour compren-
dre l'énergie et la nécessité de tous ces rites.
Mais Spencer observe très-bien i|ue Moïse
en avait soigneusement écarté toutes les su-
lierslitions par les([uelles les idolâtres les
avaient allérés. Il donne pour exemple des
rites imités par Moïse, les prophéties et les
oracles, le tabernacle et les chérubins, les
cornes des autels, la robe de lin des prêtres,
la cousécraliou de la chevelure des nazaréens,
les eaux de jalousie , la cérémonie du bouc
émissaire; cette imitation est-elle prouvée ?
Avant que !i\s nations païennes eussent de
prétendus prophètes et des oracles , Dieu
avait parlé aux patriarches, leur avait fait des
prédictions et des promesses : il avait in-
struit .Moïse lui-même; ce législateur n'avait
donc pas besoin de rien imiter, ni de rien
inventer. Au mot Or.4cle, en recherchant
l'origine de ceux des païens, nous verrons
qu'ils n'avaient rien de commun avec l'orach;
des Hébreux.
Il est naturel qu'avant d'avoir des maisons,
les peuples nomades aient habité sous des
tentes, et qu'avant de bâtir des temples , ils
aient eu pour leurs assemblées religieuses
des tabernacles portatifs. Or, les Hébreux
furent errants dans le désert pendant qua-
rante ans. Cette circonstance suffisait donc
liour sentir le besoin d'un tabernacle, dans
let(uel le peu|)le pût s'assembler et où les
prêtres pussent faire leurs fonctions. Il en
était de mC'nie d'un cotfre ou d'une arche
destinée à renfermer les symboles de la pré-
sence divine. Des voyageurs disent avoir
trouvé une espèce d'arciie d'alliance dans une
des îles de la mer du Sud; les insulaires
l'appelaient la maison de Dieu; il n'y a pas
d'apparence que cette idée leur soit venue
des Egyptiens. Mais, au lieu que chez les
idolâtres ces sortes de coffres renfermaient
des puérilités ou des obscénités , Moïse ne
mit dans l'arclie d'alliance que les tables de
la loi. Spencer n'a pas prouvé qu'il y eût
des chérubins en Egypte ni ailleurs, et il est
forcé de convenir que l'on ne sait pas trop
quelle forme avaient ces images ou statues.
Ou voit, à la vérité, descomesauxaut/âlsdes
579
LOI
LOI
380
Grecs et des Romains; mais est-ii sûr que
les Egyptiens avaient des autels semblables ?
Ce n'est pas assez de dire que les Grecs
avaient tout emprunté des E.^yptiens; ce a
est faux : rien ne ressemble moins à la
sculpture égyptienne que celle des Grecs.
Pourquoi chercher du mystère dansla robe
de lin des prêtres? Le lin était commun eu
Egypte, ot il n'étaU pas rare dans la Palestine ;
irse blanchit mieux et plus aisémeut que la
laine ; 0 est moins chaud, et par conséquent
plus propre aux pays méridionaux. Les ri-
ches et les grands le préféraient à la laine ;
-de lîi, les robes de lin éluent les habits do
cérémonies : elles convenaient donc aux
prôtri'S. Dieu avait réglé et ordonné tout ce
que faisait Moïse; mais il n'avait commandé
que ce qui coiivenai! lu mieux au temps, au
lieu, aux circonstances, au idées gén raie-
mont reçues. Chez les Grecs, les longs ciie-
veux embarrassaient les jeunes gfus dans la
liitie, à lâchasse, dans l'action de nager;
conséquemment ils les coupaient et les coii-
sacraient aux dieux qui pi ésklaient h ces di-
vers exercices; cela était naturel, mais n'avait
rirn decommun avecleiiazaréatdes Hébreux,
ni avec les mœurs des Egyptiens. S.encer
n'a pas prouvé que les eaux de jalousie,
ni la cérémonie des deux boucs, fussent
en usage chez aucun peuple ; il a remarqué ,
au contraire, que le sacrifice d'un de ces
aniiiiau.v semidait insulter aux Egyptiens qui
adoraient h s boucs à Mendès, et que l'obla- '
tion de tous les deux, faite à Dieu, condam-
nait la dortrine des deux principes, fort
commune dans l'Orient. Julien, de son côté,
avait rêv ■ que cette cérémonie expiatoire des
Juifs était relative au culte des dieux aver-
runci : l'une de ces imaginations n'est pas
mieux fondée que l'autre. D'autres, plus té-
méraires, ont dit que le sacritice de la vache
rousse venait des Egyptiens ; maislesauteuis
anciens, mieux instruits, cou. me Hé;odote,
1. u, c. 4.1 ; Porphyre, de Abstin., sect. 1, 1.
X, cap. 27, nous apprennent que les Egyp-
tiens honoraient les vaches comme consacrées
àlsis; et Manéthou reproche aux Juifs de
contredire les Egyptiens dans le choix des
victimes. Votj. Vache roi;sse.
Nous sommes obligés de réfuter toutes les
vaines conjectures, parce que les incrédules
les ont adopt 'es. Comme il a plu aux pro-
testants de dire que les cérémonies tle l'E-
glise romaine étaient des restes de paganisme,
il n'en a rien CJÙté pour en dire autant
des cérémonies juives; mais en accusai it
Mo se d'avoir tnut copié, ils ne sont eux-mê-
mes que les copistes des manichéens et des
autres anciens héréticjues. Voy. Temple,
Sacrifice, etc.
IlL 11 n'est pas moins important de détruire
le I réjngé des Juifs et la tiop haute idée
qu'ils ont conçue de leur loi cérémonielle. Ils
prétendent que ce culte extérieur donnait
une vraie sainteté à ceux qui le pratiq. aient,
qu'il était plus méritoire, plus parfait, plus
agréalile k Dieu que le culte intérieur : il
n'est pas vrai, disent-ils, que ce culte fût li-
guratif, comme les chrétiens l'ont imaginé ;
il était établi pour lui-même et à cause de
sa propre excellence : ainsi, il n'y a aucune
raison de croire que Dieu ait voulu l'aboiir
]ioiir lui en subsister un autre.
Mais en cela les Juifs contre lisent le texte
sacré, et s'aveuglent eux-mêmes. — 1° Ils
abusent du terme de sainteté qui est très-
équivoque en hébreu ; en g 'néral, il signifie
la destin dion d'une chose ou d'une p' rsonne
au culte du Seigneur : mais souvent il n'ex
prime que l'exemption d'une tache ou d'une
souillure corporelle. Il est dit d'une femme
qui avait conçu par un crime, qu'elle^ fut
sanctifiée de son impureté, c'est-h-dire qu'elle
cessa d'avoir la maladie de son sexe {Il Heg.
c. XI, V. k). L'eau de jalousie, sur laiiuelle
le jirêtre avait prononcé des malédictkjns,
est appelée une eau sainte {Num. c. v, v. 17 ). Il
est dit quola partie delà victime réservée pour
le prC'\V:'esl sanctifiée au prêtre (c. vi, v. 20).
Enfin, tout le peuple juif est appelé /a mM/n'^Mde
des saints { chap. xvi, v. 3 ). Foj/. Saiîjt, Sain-
teté. Dieu répète souv-'nt aux Juifs : Soyez
saints, parce que je suis saint ; mais la sain-
teté de Dieu et celle des Juifs ne sont pas la
môme chose. La sainteté de Dieu consiste
en ce qui! ne voulait souffrir dans son culte
ni le cime, ni l'hypocrisie, ni la négligence,
ni l'indécence ; celle d'un jnif consistait à
éviter tous ces défauts. S'ensuH-il de lîi qu'il
était aussi sainî, aussi estimable, aussi agréa-
ble à Dieu, en faisant des cérémonies, qu'en
])r,itiquant les vertus morales, la justice, la
chant.', le désintéressement, la chasteté, etc.?
— 2° Dieu a témoigné hautement le contraire ;
il déclare aux Juifs, par Isase, que leurs sa-
critices, leur encens, leurs fêtes, leurs assem-
blées religieuses lui déplaisent, parce qu'ils
sont eux-mêmes vicieux. Purifiez-vous, leur
dit-il ; ûtez de mes yeux les pensées crimi-
nelles, cessez de faire le mal, apprenez à faire
le bien, pratiquez la justice, soulagez le mal-
heureux opprimé, soutenez le droit du pupille,
prenez la défense de la vernie : alors venez dis-
puter contre moi, dit le Seigneur ; quand vos
péchés seraient rouges comme de l'écarlate,
vous deviendrez aussi blancs que la neige {haie,
c. i,v. 16 ;c. Lxvi, V. 2). La même morale
est répétée par Jérémie ( c. vu, v. 21; par
Ezéchiel, c. xx, v.5; par Michée, c vi, v.6).
Ezéchiel, parlant des lois cérémonielles, les
nomme des préceptes qui ne sont pas bons, des
lois qui ne peuvent donner la vie { c. xx,v.25).
Dieu a souvent dispensé ses serviteurs d'exé-
cuter des lois cérémonielles, jamais il n'a dis-
pensé personne d'observer les lois morales;
il est donc absolument fjux que les premiè-
res soient meilleures et plus importantes que
les secondes. C'est une absurdité, disent les
Juifs, de penser qu'un homme quelconque
peut être plus saint et plus agréable à Dieu
que Moise, Samuel, David et les autres per-
sonnages desquels Dieua déclaré la sainteté.
Soii. Par la même raison, il est absuide de
soutenir que Moise, Samuel et David ont été
plus saints qu'Hénoch, Noé, Job et d'autres
dont Dieu a déelaié la sainteté : ceux-ci n'é-
taient cependant ni cireoucis, ni sancliliés
581 LOI
par la loi cérémonielU des Juifs qui n'existait
l>as encore La vraie sainteti^ consiste suis
doute à exécuter tout ce que Dieu prescrit,
soit par la loi naturelle, soit par des loisi posi-
tives, et à le faire de la manière et par les
motifs qu'il coiuniaode; mais on ne prou-
vera jamais que tovit le (ju'il oiiloniu' par
UH(,' loi positive est meilleur et plus |»arfait
que ce (ju'il commande par la loi naturelle.
— 3' De .«-avoir si la loi c('rémonielle était ou
n'était pas ligurative, c'est une question qui ne
peut pas être décidée jiar la li'ttie môme de
lâloi. Il il'étail pa*- ciinv; nahie qu'en donnant
ties lois aux Hélueux, Dieu leur révélât
qu'elles figuraienl d'autres lois plus parfaites,
qui seraient établies dau'; la suit»; ; cette pré-
diction auiail diminu.' le respect et rattache-
ment ipie ce pcupC devait a\oir pour ses /o/s,
et n'aurait ité d'aucune utilité d'ailleurs.
Mais le Jlessie était annoncé comme légis-
lateur; c'était donc h lui do révéler aux
Juifs ce que leurs pôns avaient i^^noié, de
leur déveloiiper le vrai sous de la loi ei des
prophètes. Or, Jésus-(3hrist, seul vrai Messie,
a déilaré par ses apôtres que la lui céremo-
nielle était en plusieurs cluis^'S une ligure d';
la loi nouvelle ; et tel a été le sentimi'ut des
anciens docteurs juifs. Voy. Galatin, 1. x, et
I. xr, c. 1. Par 11 nature même de laloicérc-
nionielle, il csl évident que son utilité était
relative et non absilue: elle convenait au
tenq)S, au lieu, ;> la situation, au caractère
particulier des Juifs; mais elle ne peut con-
venir ni à tous les siècles, ni à tous les i)eu-
ples, ni ^ tous les climats. Klle n'était point
iiguiative en toutes choses, et son principal
mérite n'était jias do re|)résenler des événe-
ments futurs ; mais on ne peut jias y mé-
coiinaitre les li,^ures qui' isaint P.ul y a mon-
trées, et (jue les Pères de l'hl^^lise y ont
unanimement aperçues. Voy. ]'a:ticle précé-
dent, § 7.
Le [iréjugé des Juifs, en faveur do leurs
cérémonies, est venu en grande partie de la
haine et du mépris (pi'ils avaient conçus con-
tre les autres nations, lorMpie Ji'sus-Clirist
pirut. Comme ils avaient été tourmentés suc-
cessivement par les Egyptiens, par les Assy-
rimis, par les Perses, par les Cirées et par les
Romains, ils contractèrent une antipathie vio-
lente contre les gentils en général. Ils se
persuadèrent que Dieu, uniquement attentif
Il leur nation, abandonnait toutes les autres,
n'en prenait pas plus de soin que des brutes ;
quelques-uns de leurs rabl)ins l'ont dit en
TirO|ires termes. Ils conclurent qu'aucun
nomme ne pouvait prétendre aux bienfaits
d ' Dieu, h moins (pj'il no se lît juif, ([u'il ne
reçitt la circoncision, et ne se soumît ii toutes
les /o/s juives. Cette préoccupation les aveu-
gla sur le sens des prophélies, leur lit mécon-
naître Jésus-Christ, les indisposa contre l'E-
vangile, parce ipie les gentils étaient admis
îi la foi aussi liien que les Juifs.
IV. La i|uej.tion cejiendant est toujours de
savoir, si, en donnant aux Jidl's la loi c&é-
monielle, le dessein de Dieu était qu'ede du-
rât toujours, qu'elle ne iVH jamais abrogée ni
changée : lui seul a pu uous instruire de sa
LOI
URi
volonté ; nous ne pouvons la connaître que
jiar la révélation.
Or, en premier lieu, dans le Deutéronome,
c. xvni, V. 13, Dieu promet aux Juifs un pro-
phète semblable iiMose, et leur ordonne de
l'écouter : un propbète ne peut pas ressem-
blera Moïse, s'il n'est pas législateur comme
lui. Aussi, en parlant du Messie, Isa;e dit
que les îles ou les peuples maritimes atten-
dront sa loi ( c. xi.n, V. k ). Les docteurs jwifs
aneii ns et modemes en conviei nent. Voi/.
Galatin, 1. x, chap. 1 ; Munimen fidei, 1" par-
tie, c. XX, etc. Comment di ne jieut-on pré-
tendre que le Mess'O n'établira pas une loi
nouvelle? — En second lieu, Dieu dit aux
Juifs par Jérémie : Je ferai avec la maison
d Israël et de Judu une nouvelle alliame diljc-
rcntc de celte que j'ai faite avec leurs pères ,
lorsque je les ai tires de l'Ef/i/pte, par laquelle
fui die leur maître, mais qu'ils ont rompue.
Voici l'alliance que je ferai avec elles : Je met-
trai mu loi dans leur dîne, et je l'écrirai dans
leur cœur : je serai leur Dieu, et elles seront
mon peuple. Un particulier n'enseignera plus
son voisin, en lui disant, connaissez le Sei-
ijneur ; tous me connaîtront, depuis le plus
petit jusqu'au plus yiand; je pardonnerai
leurs pe'clu's et les laisserai dans l'oubli [Jerem.
c. xvxi, V. 31 ). Ces ditrércnces entre l'une
et l'autre alliance sont palpables. En vertu
de la première, Dieu éuait le maitie et le sou-
verain temporel des Juifs ; jiar la seconde,
il sera leur Dieu. Celle-là était écrite sur des
tables de pierre et dans les livres de Moïse ;
celle-ci sera gravée dans le cœur des iiom-
raes. L'ancienne faisait connaître Dieu aux
seuls Juifs, la nouvelle le fra connaître à
tons les hommes. L'une ne donnait point la
rémission des péchés, elle les punissait sévè-
rement; l'autre les eifacera de manière ([ue
Dieu ne s'en souviendia plus. Saint Paul a
relevé avec raison ces divers caractères
( Uebr. c. vni, v. 8, etc.) Les rabbins ]iré-
tendent que cette promesse r-gaidele i éta-
blissement de la république juive après la
captivité de B.ib.v loi. e ; mais alors rien n'est
a; rive de ce (|ue Dieu promet par celte pro-
phétie ; aussi les anciens docteurs juifs con-
venaient qu'elle regarde le règne du Messie :
elle s'est accomplie en effet à l'avènement de
Jésus-Christ. En troisième lieu, Dieu a fait
prédire par ses prophètes un nouveau sacer-
doce, un nouveau sacrifice, un nouveau
culte. Sehm le psaume cix, le sacerdoce du
Messie doit être éternel, non selon l'oidre
d'Aaron, mais selon l'ordre de Melcliisédecli.
Ce sacerdoce ne sera plus attaché à la nais-
sance ; Isaïe dit que Dieu prendra les prêtres
et les lévites parmi les nations { c. lxvi, v.
21 ). Ils n'exerceront plus leurs fonctions ,
comme les anciens, dans le temple de Jéru-
salem, mais en tout lieu selon la prédiction
de Malacliie( c. I, v. 10;. Daniel déclare qu'a-
près la mort du Messie, les victimes, les sa-
crilioes, le temple, seront détruits pour tou-^
jours ( c. IX, V. 27 ). — En quatrième lieu,
la loi cerémonielle était évidemment tiestinée
à séparer les Juifs des autres nations ; c'est
pour cela même qu'elle était imposée aux
.■583
LOI
LOI
384
seuls Juifs : « Vous serez, leur avait dit le
Seigneur, ma possession séparée de tous les
autres peuples ( Exod. c. xix, v. 5 ). Or, Dieu ,
a déclaré (ju'à la venue du :»'essie toutes les
nations seraient appelées à le connaître, à
l'ailorer, à observer sa loi ; les Juifs en con-
viennent. 11 est donc impossible qu'à cette
époque Dieu ait voulu conserver une loi
destinée à séparer les Juifs des autres
nations.
Il n'est pas moins absurde de vouloir as-
sujettir tous les peuples à la loi cérémonielle
do Moïse. Celle-ci, comme nous l'avons déjà
remarqué, n'avait qu'une utilité relative au
temps, au climat, à la situation paiticulière
des Juifs. Le culte mosaïque fut attaché ex-
clusivement au tabernacle, et ensuite au
temple de Jérusalem ; il était défendu de
faire des offrandes et des sacrifices ailleurs.
La loi réglait le droit civil et politiquD des
Juifs aussi bien que le culte relij^ieux. Or,
il est impossible que ce qui convenait à un
peuple renfermé dans la Palestine, convienne
aux habitants de toutes les contrées de l'u-
nivers ; que toutes les nations du monde aient
le même droit civil et volitique, les mêmes
mœurs elles mêmes u:5dges. Il est impossible
que les habitants de la Chine, du Congo, de
l'Aniériqud, des iles du Sud, soient oblifi;és
de venir à Jérusalem otl'rir des sacrifices ,
célébrer des fêtes, observer des cérémonies.
Il est déjà difficile de montrer l'utilité de la
loi cérémonielle pour les Juifs ; comment en
prouverait-on l'utilité [lour le monde entier?
Enfin le ineilleurinterprète des prédictions
et (les desseins de Dieu est l'événement. De-
puis dix- sept cents ans, Dieu a banni les
Juifs de la terre promise ; il a permis que le
temple tùl détruit ; et aucune puissance hu-
maine n'a pu le reconstruire ; il a rendu im-
possible le rétablissement de la république
juive. Sa constitution dépendait essentielle-
ment des généalogies; or, celles des Juifs
sont tellement confondues, leur sang est tel-
lement mêlé, qu'aucun juif ne peut montrer
de quelle tribu il est ; aucun ne peut prou-
ver qu'il descend de Lévi, et qu'il a droit au
sacerdoce ; le Messie même, que les Juifs
sttendent, ne pourrait faire voir qu'il est né
du sang de David. Dieu avait promis de com-
bler la nation juive de prospérités tant qu'elle
serait fidèle à sa loi; telle est la sanction
qu'il lui avait donm-e : or, depuis dix-sept
siècles. Dieu n'exécute plus cette promesse ;
les Juifs en conviennent et en gémissent ;
donc Dieu ne leur impose plus la loi qu'il
avait donnée à leurs pères. Ils ont beau dire
que, selon les livres saints. Dieu a établi la
loi à perpétuité, pour toujours, pour jamais,
pour toute la suite des générations, pour tant
que la nation juive subsistera; qu'il leur a
défendu d'y rien ajouter ni d'en rien letran-
clier : dans le style des écrivains sacrés ,
tous ces termes iw signifient souvent qu'une
durée indéterminée. Ainsi la mère de Samuel
le consacra au service du temple pour jamais,
c'est à-dire pour toute sa vie (/ Reg. c. i, v.
22. ) L'esclave auquel on avait percé l'oi eille
devait demeurer en servitude o perpétuité ,
c'est-à-dire jusqu'au jubilé ( Deut. c. xv, v.
17 ). Dieu avait promis à David que sa posté-
rité durerait éternellement ( Ps. lxxxviii, v.
37); elle est cependant éteinte depuis dix-
sept siècles. Moïse, en disant aux Juifs qu'ils
doivent ohs'rver leur loi dans la terre que
Dieu leur donnera ( Deut. c. xn, v. 1 ), lait
assez entendre qu'ils ne ))Ourront plus l'ob-
server lorsqu'ils n'y seront plus. Mais il
n'était pas à propos de révéler plus clairement
aux Juifs que les lois cérémonielles de-
vaient cesser un jour et faire place à un
culte plus parfait ; ils y auraient été moins
attachés, et ils n'étaient déjà que trop enclins
à les violer, pour se livrer aux susperstitions
de leurs voisins.
V. Est-il vrai que Jésus-Christ n'avait pas
dessein d'abolir la loi cérémonielle, (ju'il ne
l'avait pas témoigné à ses apôtres, que saint
Paul est le seul auteur de ce changement ?
Quelques juifs lui ont fait ce reproche , et
les incrédules l'ont répété avec affectation ;
c'est de Jésus-Christ même que nous devons
apprendre ce qu'il a voulu taire.
il dit : La loi et les prophètes ont duré jus-
qu'à Jean-Baptiste, dès ce moment le royaume
de Dieu est annoncé, et tous lui font violence;
mais le ciel et la terre passeront plutôt qu'il
ne tombera un seul point de la loi {Luc. xvi ,
16). Que signifie le royaume de Dieu, qui suc-
cède à la loi et aux prophètes, sinon le rè-
gne du Messie, et en quel sens est-il roi, s'il
n'est pas législateur ? 11 dit qu'il est venu ,
non pour détruire la loi et les prophètes ,
mais pour les accomplir (il/fi«/(. v, 17). Il
parlait de la loi morale , et il en développait
le vrai sens; il accomplissait en effet tout ce
qui était dit de lui dans la loi et dans les pro-
phètes; puisqu'il est annoncé dans la loi
comme semblable à Moïse, et dans les pro-
[)liètes, comme donnant sa loi aux nations.
Dans ce sens, il n'a donc jias fait tomber un
seul point de la loi. Mais, quand il est ques-
tion des lois cérémonielles , du sabiiat , des
ablutions, des abstinences, etc., il reproche
aux pharisiens d'y attacher plus d'importance
qu'à la loi morale; il déclare qu'il est maître
de dispenser du sabbat [Matth. xii , 8) etc.,
C'est ce qui indisposa le plus contre lui les
chefs de la nation juive.
Comment les apôtres, instruits par ce di-
vin Maître, auraient-ils pu penser à conser-
ver les cérémonies judaïques? Ils les obser-
vaient comme Jésus-Christ les avait obser-
vées lui-même, pour ne jias troubler l'ordie
public ; mais, dans le concile de Jérusalem,
ils décidèrent d'une voix unanime que les
gentils convertis n'y étaient point obligés
(Act. XV, 10 et 28). Ils ne firent pas un dé-
cret positif ])Our abroger la loi cérémonielle,
parce que la république juive subsistait en-
core ; et que eette loi tenait à l'ordre public,
parce que les chefs de la nation n'étaient pas
encore dépouillés de leur autorité à cet éga rd,
parce que les apôtres savaient que Dieu ren-
drait bientôt la pratique de cette loi impos-
sible , par la destruction de Jérusalem que
Jésus-Christ avait prédite , par la ruine du
temple , par la dispersion des Juifs , par la
58:i
LOI
LOI
586
dévastation ck» la Judée. Sur ce point , il n'y
eut aucune dispute entre saint Paul et les
autre- apôtres. Voij. S.unt Paul. C'est donc
très-mal k propos que los incrédules, api es
avoir déprimé tant qu'ils ont pu les lois cé-
rémoniellcs , se sont réunis aux Juifs pour
soutonirque Jésus-Christ n'avait. jamais pensé
h lesdélruire;il en a prédit assez clairement
la destruction , en annonçant celle de Jéru-
salem et du temple ; les apôtres n'ont fait
nue suivre ses instructions , lursqu'ils ont
déclaré que l'observation de ces lois était
devenue très-iimtile au salut. L'obstination
des Juifs à en soutenir la perpétuité , lors
même qu'ils ne peuvent plus les observer,
ne prouve que leur aveuglement et leur opi-
niAtreté. Voy. JimAÏSAMS, Judaïsme.
Lois .iudiciaiues, civh.es et politiques des
Juifs. Cet article tient plus h la jurispru-
dence qu'Ji la théologie ; mais la témérité
avec laquelle les incrédules ont.ittaqué toutes
les lois de Moïse sans les connaître et sans
être en état d'en juger, nous force de faire
une ou deux réflexions h ce sujet. Leur in-
tention a été de rendre suspecte la mission
du législateur; il est de notre devoir d'en
prendre la défense.
Nous n'entreprendrons pas de justifier en
détail les lois civiles (tes Juifs, il faudrait un
volume entier. D'ailleurs cette apologie a été
faiie de nos jours d'une manière capable de
satisfaire tous les esprits non prévenus, et
de lèrmcr la bouche aux censeuis impru-
dents. Voy. Lettres de quelques Juifs, etc.,
5" édit.,4' part., tom. 111, lettr. 2 et suiv. En
comparant les lois ciriles do .Moïse avec celles
des autres peuples, l'auteur de cet ouvrage
montre la sagesse et la supériorité des pre-
mières ; il répond aux objections ]iar les-
(]uelles on a voulu les atta(juer. Tout homme
raisonnable, qui voudra suivre cette compa-
raison, sera étonné de ce que trois mille trois
cents ans avant nous, un seul homme a pu
enfanter d'un seul coup une législation aussi
complète , aussi bien adaptée au temps , au
lieu, aux circonstances , au génie du peuple
auquel elle était destinée. Chez les autres
nations, la législation n'a été ftirmée que par
pièces ; on a fait de nouvelles lois à mesure
que l'on en a senti le besoin; sans cesse il
a fallu y toucher, les modifier, les corriger,
les changer. Celles de Moïse n'ont reçu
aucune altération pendant quinze cents ans;
il était sévèromt'nt délendu d'y rien ajou-
ter ni d'en rien retrancher. Elles n'ont cessé
d'avoir lieu que quand le peuple pouf lequel
elles étaient faites a été dispersé dans le
monde entier. Ce phénnmène suffit jiour dé-
montrer que le législateur était non-seule-
ment l'homme le plus sage et le plus éclairé
de son siècle , mais qu'il était inspiré de
Dieu. Vingt fois les Juifs ont voulu secouer
le joug de leurs lois, autant de fois les mal-
heurs qu'ils ont essuyés les ont forcés de re-
venir à l'obéissance , et Moïse le leur avait
prédit , Deut. , c. xxviii et suiv. Les rois
d'Israël ont pu réussir à faire enfreindre les
lois reliffiemes, en |ilongeant dix tribus dans
l'idolâtrie ; mais ils n'ont pas osé toucher au
droit civil établi par Moïse , ni forger d'au-
tres lois. Vainement ceux d'Assyrie ont
transplanté la nation presque entière h cent
lieues de sa patrie , et l'ont retenue captive
pendant soixante-dix ans ; les Perses n'ont
paru renverser la monarchie assyrienne que
pour rendre aux Juifs la liberté de retourner
chez eux , de faire revivre leur religion et
leurs lois. Les Antiochus ont inutilement
employé toute leur puissance pour les anéan-
tir ; ils y ont échoué : cet édifice, construit
par la main de Dieu, n'a été renversé ([uau
moment ([ue Dieu avait marqué pour sa
ruine, et qu'il avait prédit par ses prophètes,
Ici l'incrédulité a beau s'armer de pyrrlio-
nisme, de sarcasmes, d'un mépris aU'ecté,
ressource ordinaire de l'ignorance , elle ne
détruira jamais l'impression que fait sur lnut
homme sensé ce phénomène unique, auquel
on ne voit rien de semblable dans l'univers
entier.
• Lois POLITIQUES DES JuiFS. — Lcs lois poliliqucs
des Juifs nu'ritent nue altenlion spéciale ; nous pro-
posons deux questions sur ce poinl.
1° CJucltt' oUiil la tonne de la constitution polill-
(pie cialiliepar Moisu?
Moiso avait divisé la nation d(*s Hélirmx en deux
ordres, le léviliqnc et le populaire. La noldcsse n'y
faisait pas nn rang à part ; les armes inùines ne de-
vaient pas faire une profession distinguée. — L'or-
dre populaire fut divisé en dou/.e tribus, à qui la
terre de Chanaan fut distribuée. Ell(!s formèrent
dou/.e provinces dans la l'alesline, qui prirent leur
nom chacune du patriarche dont la posteiilé l'occu-
pait. Chaque tribu eut un conseil particulier ; et
chaque ville trouva, dans ses anciens, ses niagislials
et ses juges. Celait a eux qu'appartenait la décision
des alfaires ; ils décidaient d'après la loi qui avait
prévu les cas de quelque conséquence. — L'ordr.'
tévitique était consacré au ministère des aiilets.
Toutefois les lévites n'étaient pas tellement attachés
aux devoirs de leur état qu'ils n'entrassent dans
tous les emplois de la société et dans les ditférenls
ministères de la république, dont ils faisaient la plus
n(d)lc partie. Les lévites avaient à leur tète un chef
souverain ; seul il portait le litre de grand prêtre,
de grand sacrificateur, de pontife. On devait rappor-
ter à son tribunal toutes les alTaires ecclésiastiques,
les contestations sur les cultes, les doutes ou les
embarras sur la pratique de la loi, et il jugeait en
dernier ressort. Bien plus, la décision des plus gran-
des affaires de l'Etat lui appartenait en quelque
sorte ; car les affaires civiles, les guerres, les traités
de paix, dépendaient de la religion par la nature de
la législation mosaïque. On voit ipie l'autorilé du
pontife était immense.
Telle était l'organisation particulière des dill'e-
rents corps de l'Etat. Ils étaient unis entre eux par
un conseil général ; il était composé des princes des
tribus et des anciens chefs de familles. Le droit de
le convoquer appartenait au chef de la république,
ou à son défaut, au grand sacrillcateur. Il déclarait
la guerre, faisait la paix, formait tes alliances, choi-
sissait les généraux, et quelquefois même élisait les
rois ; il recevait le serment du monarque, et lui jurait
(idi'lité au nom du peuple. Ses décisions étaient or-
dinairement soumises à 1 approbation du peuple. Sous
Josué, il fut obligé de se justifier en piésence de la
multitude. Le gouvernement des Hébreux est peut-être
l'unique dans son espèce. Israël clioisiiDieu pour son
roi ; la nation tout entière, hommes, femmes, enfants,
lui prêta serment. Dieu se réserva le pouvoir légisj-
latif. Il pourvut à l'exécution de ses lois par les deux
grands mobiles qui font marcher le genre humain,
387 LOI
la crainte et respéraiice, les châtiments et les ré-
compenses.
Il n'était pas essentiel à la constitution de lEtat,
hors des casesiraordinaires, iprelle eût un chef po-
litique, qui, au-dessous de Dieu, eut une autorité
générale sur toute la naiion. Il arriva cependant as-
sez, rarenienl qu'elle en fut lotaleuicnl privée ; et
même avaiit l'éiablissement des rois on vil pres(pie
toujours parmi les Hébreux un conducteur qui, sous
le nom déjuge, avait la plus grande part aux affaires
pour le conseil ctpinir l'exécution ; mais ce titre de
juge, qui exigeait de grands soins, n'entraînait
après soi, ni privilège, ni succession. Le juge rece-
vait son pouvoir ou du choix de Dieu dans quelques
circonsianciîsqui le rendaient nécessaire, ou du corps
des tribus qui lui confiaient leur autorité sans s'en
dessaisir. Ainsi le peuple, sous la royauté divine, de-
meurait en po-session de la liberté. Une des grandes
fautes de cette nation inconsidérée, que Dieu voulait
conduire immédiatement par lui-même, fut de for-
cer le Seigneur, après bien des aimées, à lui donner
un roi. En accédant aux di sirs de son peuple. Dieu
n'abdiqua pas pour cela la royauté spéciale ([u'il s'é-
tait réservée ; il marqua sou autorité spéciale, pen-
dant toute la royauié, par l'action qu'il exerça sur
les affaires, soit en suscitant des prophètes qui
maniléstaiont ses volontés aux rois ei aux peu-
ples, soit en iniligeant des chàtimenls rigoureux à
la nation choisie lor^iqu'elle était iulidcle.
2° Quelle fin Dieu se proposait-il en donnantà
son peuple un gouvernement theocrati(|ue'?
Dans le système de gouvernemeiii que nous ve-
nons d'étudier, il y a un point bien digne de iixer
notre attention, c'est la ihéncratie. Quel fut le but
de son institution ? Celui-là même qui engagea le
Seigneur a se choisir un peuple. L'oubli des vérités
éternelles avait forcé le Seigneur à séparer une na-
tion d«S autres nations pour confiei' à sa -sarde un
dépôt précieux. 11 rendit Israël le dépositaire de sa
doctrine ; il lui ordonna de garder la connaissance du
libérateur promis ; il voulut ((u'il lût en spectacle à
l'univers, publiant ses espérances et se faisant gloire
de son attente. Bientôt la barrière devint impuis-
saute. L'idolâtrie rompit ses digues ; Lraèl chauccla
dans sa foi. Le penchant le \ilus violent l'eiitraina
pendant plusieurs siècles a imiter les nations idolâ-
tres. Pour détruire ce penchant, le Uoi céleste fut
obligé d'employer les punitions les plus rigoureuses
et contre les rois et contre les peuples. Si Dieu eût
remis plein pouvoir entre les mains d'un roi, qu'il
se lut réservé une action sur son peuple, semblable
à celle qu'il exerça sur les nations inlidèles, croit-on
qu'Israël eiit accompli sa mission providentielle '?
Croii-on qu'il eut prolesté sans cesse contre l'uni-
verselle dépravation ? Ooit-on qu'il fût demeuré un
flambeau éclalant parmi les ténèbres épaisses où la
venté était eteinie sur les points les plus essentiels?
Non : jamais Israël n'eut exécuté les desseins du
Seigneur, si Dieu ne se fut réservé une action spé-
ciale sur sa conduite. Il n'y a pas une page du Vieux
Testament qui n'en fournisse la preuve.
Loi orale, loi traditionnelle des Juifs. Si
l'on en croit leurs docteurs, lorsque Dieu
donna sa loi à Moïse sur le mont Sinaï , il
ne lui enseigna pas seulement la substance
des iiréceptes , luais il lui en donna l'expli-
c;ition ; il lui commanda de mettre ces pré-
ceptes par écrit, et d'en donner de vive voix
l'explicatioii à son l'rère Aaron et aux an-
ciens du peuple; ceux-ci l'ont transmise de
même à leurs successeurs. Ainsi, disunt-ils,
la loi orale a passé de bouclie en bouche de-
puis Moïse jusqu'à rabbi Juda Uaccudoscli,
ou le Suint, chei' de l'école de Tiljériade,
qui vivait sous l'emper.ur Adrien, et qui la
LOI
388
1
mit par écrit vers l'an 150 de l'ère chrétienne.
Cet ouvrage est ce qu'ils n>!3mment le Mis-
chna, et il y a un ample comMiciitaire qu'ils
appellent la Gémare; l'un et l'autre réunis
sont un recueil énorme appelé le Talmud.
Voy. ces mots.
Les Juifs ont dressé fort sérieusemerit la
liste d- tous les personnages qui, de siècle
en siècle, ont transmis la loi orale, di'puis
Moïse jusqu'à rabbi Juda; on peut la voir
dans Prideaux , t. I, 1. v, p. 220; c'est une
pure imagination. Ils ont moins de respect
pour la loi écrite que pour cette prétendue
loi orale; ils disent que celle-ci supplée tout
ce qui manque à la première , et enlève
toutes les diflicultés , qu'elle vient de Dieu
aussi certainement que la loi écrite. Dans la
r 'alité, c'est un fatras de puérilités, de fa-
blis et d'ineplies ; la secte de juifs , que l'on
nomme caraïtes , rejette ces prétendues tra-
ditions , et n'en fait aucun cas. Ainsi, pen-
dant que les docteurs juifs insistent sur la
défense que Dieu avait faite de rien ajouter
à sa loi et d'en rien retrancher [Deut. xii, 42);
pendant qu'ils soutiennent que le Messie ne
peut pas avoir r;mtorité d'y déroger, ils l'ont
eux-mêmes surchargée et détigurée par leurs
traditions ; Jésus - Christ le leur a reproché
plus <l'une fois [Matth. xv, 3, etc.).
D'abord il n'est fait aucune mention de
cette prétendue loi orale dans les livres
saints ; toutes les fois qu'il y est parlé de la
loi de Dieu, cela s'enten I évidemment de la
loi écrite. Dans les cas de doute et d'incerti-
tude. Moïse lui-même était obligé de con-
sulier le Seigneur; cela n'auiMit pas été né-
cessaire , si Diei! lui avait donné une exiili-
cation aussi détaillée de la loi que celle du
Taluiud, qui remplit douze volumes iti^folio.
Outre l'impossibilité de retenir p ir mémoire
cette énorme compilation , comment se per-
suader que lus iloctcurs juifs , qui , sous le
roi Josias, avaieit tellement laissé oublier la
loi au peuple, qu'il fut tout étonné d'enlen-
dre lire l'exemplaire qui fut retrouvé dans le
temple, aient iidèlemeut conservé le souve-
nir des traditions du Tnimud ( IV lleg. xxii,
10 ; // Parai, xxxiv, li) '.' Dieu, sans doute,
n'auraU pas attendu seize siècles pour les
faire écrire , s'il avait voulu qu'elles fus-
sent observées aussi exactement que la loi
écrite.
Les auteurs protestants, qui ont réfuté les
visions des Juifs touchant la loi orale, n'ont
pas manqué d'y comparer les traditions de
l'Eglise romaine ; de d:rc (\u'h l'exemple des
Juifs les catholiques ont réduit toute la reli-
gion chrétienne à la Ira lition, et si' servent
des mômes raiSiins que les Juifs pour en
prouver la nécessité. 11 aurait fallu , pour
justifier ce paiallèle, citer au moins un exem-
ple d'une tradition catlioli(|ue évidemment
contraire à la loi de Dieu , ou aussi ridicule
en elie-mème que sont la plupart de celles
des Juifs. Limboich, rn réfutant Orobio, lui
reproche qu'eu lîspaguu les Juifs ci oient, en
vertu de leur tradition, qu'il leur est permis
de feindre qu'ils sont chrétiens, de l'ait ster
par serment, de violer tous les préceptes de
^89
Lot
LOI
S90
leur loi, dont l'observation les ferait recori-
naitre pour Juifs. Arnica collatio, p.."}OG. Les
catholiques ont-ils quelque tradition qui au-
torise un crime seinhlable?
Les traditions desJuils ne paraissent dans
aucun des livres (jui ont été écrits f)endant
seize cent quarante ans , depuis Moi.'o jus-
(|u'au rabbin Juda ; les traditions citées par
les catholiques sont couchées dans les écrits
des Pères qui ont succédé iinniédiatem nt
aux apôtres, et dans les livres de ceux, qui
sont venus après. II est incertain si le der-
nier des apùtres était mort lorsque l'épitre
de saint Barnabe et les deux letres de saint
Clément ont été écrites. Celles de saint
Jgnace etdi- saint Polycaq»' sont venues im-
médiatement après. Ce sont les écrivains du
iv° siècle ipii nous ont conservé les extraits
et les fragments des ouvrages des trois pre-
miers, qui ont péri dans la suite. Les rites
et les usages de ces temps-là sont consignés
dans les canons des apôtres, et dans ceux
des conciles tenus pour lors. 11 n'y a donc
l)oint ici de vide commt> cliez les Juifs; tout
a été écrit , sinon par les aiiôtrcs , du moins
par leurs dis(i|iles ou par les successeurs de
ces derniers. Les tiaditions ipi'ils nous ont
laissées ne sont [las en assez grand nombre
pour surcharger la mémoire; en quoi res-
Si'mblent-clles à celles des Juifs? Les pro-
testants eux-mêmes ont beau fronrier les
traditions, ils ont été forcés d'y recourir dans
toutes h'ui's dis: utes contre les sociniens et
contre les anabaiitistes. Ils bap isent les en-
fants, ils obs. rvent le dimanche, ils célèbrent
la Pàipio, ils fout le signe de la croix; les
anglicans ont conservé le carême comme
une tradition apostolique, ils respectent les
canons des apôtres. Peu\ ent-ils montrer dans
l'Hcriture sainte 1 -s lois qui ordonnent ces
usages? Les sociniens leur ont souvent fait
cette question, et les Juifs peuvent la renou-
veler.Pridcaux, bon anglican, no l'ignorait j)as,
non |)lus que Lindjorch ; le repiocho qu'ils
fontauxcatholic^ues ret.imi)e sur eux-mêmes.
Fo//. TUADITION.
Loi CHRÉTIlîWE , Loi DE Gli ACE , Lol NOU-
VELLE. C'est ainsi que 1 on désigne les lois
que Dieu a données aux honmies par Jésus-
Christ, et qui sont renfermées dausJ'Evan-
gile.
Nous avons à examiner si l'Evangile est
véritablement une loi, si nous devons et si
nous pouvons l'observer, si cette /oi divine a
contribué en quelque chose à perfectionner
les lois humaines. Devrions-nous être obli-
gés (.l'entrer dans cette discussion ? Nous ne
savons pas si les calvinistes sont encore au-
jourd'hui dans l'opinion de Caivin, qui a re-
fusé ^ Jésu-;-Christ la qualité de législateur,
et qui a soutenu que ce divm .Maître n'a point
imposé aux hommes des lois nouvelles. Antid.
Synod. Trident., can. 20 et 21. Son dessein
éia:t-il de justilier l'entêtement des Juifs?
Nous avons prouvé contre eux que le
Messie était annoncé sous l'auguste qualité
de législateur. Jésus-Christ lui-même a dit
à ses apôtres : Je vous donne un commande-
ment nouveau, qui est de vous aimer les uns
les autres comme je vous ai aimés (Joan. caj).
XIII, 3'i). Le commandement d'aimer le pro-
chain est aussi ancien que le momie; mais
il n'était formellement ordonné à personne
de donner sa vie pour le salut de ses sem-
blables , comme Jésus -Christ l'a fait, et
comme tout chrétien est obligé de le (aire
lors(|ue cela est néces,saire. 11 leur dit : Vous
serez mes amis, si vous faites ce que je vous
commande (xv, IV). Lorsqu'il a ordonné à
tous les fidèles de recevoir le baptême et
l'eucharistie, n'a-t-il pas fait deux lois nou-
velles, selon la croyance même des protes-
tants? Lorsque les apôtres ont décidé, dans
le concile de Jérusalem, que les gentils n'é-
taient point tenus à observer le cérémonial
judaïque, ds ont porté par \h même une loi
qui défendait d'y assujettir les lidèles ; saint
Paul le suppose ainsi lians son épitre aux
dalales, et il nomme l'Evangile la loi de
Jésus - Christ [ Galat. vi , 2 ; 1 Cor. , ix ,
21, etc.).
Mais les calvinistes n'ont pas encore re-
iioni^ë tous à une autre erreur soutenue |iar
les chefs de la réforme, et dont la précé-
dente n'est qu'une conséquence. Ils préten-
dent que l'homme est justijié ou rendu juste
par la foi, et non par son obéissanci' h la loi
de Dieu; qu'il est impossible à llioinme
d'accomplir parfaitement cette /oî;qu.' toutes
ses œuvres , loin d'être méritoires, sont de
vrais péchés ; mais que Dieu ne les impute
point à ceux qui ont la foi. Ils disent que,
selon saint Paul, la ^0» (l'e.ii /)os imposée au
juste; qu'ainsi, h proprement parler, le chré-
tien n'est pas plus obligé aux lois du Déca-
l.ogue (ju'à toutes les autres lois de Moïse; et
c'est en cela qu'ils font consister la liberté
chrétienne. Sous ce titre, et au mot Justifi-
cation, nous avons déjà réfuté cette er-
reur.
N'est ce pas une imiiiété de soutenir que Dieu
nous impose des lois, ei nous commande des
chosi s qu'il ne nous est pas possible d'ob-
server? .Moïse rejetait déjà celte folle pen
sée, en <lisant aux Juifs : La loi que je vous
impose aujourd'hui n'est ni au-dessus àe vous,
ni loin de vous,... mais près de vous, dans
votre bouche et dans votre cœur, afin que vous
l'accomplissiez (Deut. xxx, llj. Certaine-
ment Dieu n'impose ]ias aux chrétiens un
joug plus insupportable qu'aux Juifs; Jésus-
Christ nous assure que son joug est doux et
son lardeau léger (Matth. xi, 30). Mais celte
douceur ne consiste i)as en ce qu'il nous af-
franchit (!;■ toute loi. A la vérité, il nous est
impossible de le porter par nos forces na-
turelles, comme le voulaient les pélagiens ;
mais il nous est possible de le faire avec le
secours ue la gr.lce : or, à l'article Grâce,
§ 3, nous avons |-rouvé que Dieu l'accorde
par les mérites de Jésus-Christ, atin de nous
l'aire accomplir ce qu'il nous commande. Ce
divin .\>aitie dit : Celui qui m'aime gardera
mes commandements i Joan. xiv, 21 et 23j.
Saint Paul dit dans le même sens : « Celui
qui aime le prochain , a rempli la loi ( Rom.
XIII, 8). Cela est vrai, répondent les protes-
tants, mais nous ne pouvons aimer Dieu au-
391
LOI
LOI
592
tant que nous le devons. Nouvelle absurdité
de supposer que Dieu nous oblige à l'aimer
plus que nous ne pouvons, et qu'il ne nous
donne pas la grâce, afin que nous puissions
l'flimer autant que nous le devons. Saint Paul
enseigne le colitraire, en disant : « Je puis
tout en celui qui me fortifie {Philipp. iv, 13).
« Dieu, fidèle a ses promesses, ne |)ermettra
pas que vous soyez tentés au-dessus de vos
forces » (/ Cor. x, 13).
Que Jésus-Christ n'ait abrogé aucun des
préceptes du Décalogue, que les chrétiens
soient obligés de l'observer, aussi bien que
les Juifs, sous peine de damnation, c'est une
vérité si clairement établie dans l'Evangile,
que l'on ne peut trop s'étonner de la témé-
rité de .ceux qui la contestent. Dans son ser-
mon sur la montagne, le Sauveur rappelle
ces préceptes, les explique, les confirme, y
ajoute des conseils de perfection; il déclare
qu'd n'est pas venu détruire la loi ni les
pro|)hètes, mais les accomplir: que celui
qui en violera un seul commandement, et
l'enseignera ainsi aux hommes, sera le der-
nier dans le royaume des cieux; que, pour
entrer dans ce royaume, ce n'est pas assez
de lui dire, Seigneur, Seigneur, mais qu'il
faut accomplir la volonté de son Père; que
celui qui écoute ses paroles et ne les exé-
cute point, est un insensé dont la perte est
assurée, etc. [Matth. c. v, vi, vn,). Quand on
lui demande ce qu'il faut faire pour avoir la
vie éternelle, il ré|>ond : Gardez mes com-
mandements : cette réponse serait absurde,
s'il était impossible de les garder. En an-
nonçant ce qu'il fera au jugement dernier,
il dit qui appellera au bonheur éternel ceux
(jui auront pratiqué des œuvres de charité,
et qu'il enverra au feu éternel ceux qui au-
ront négligé d'en faire (Matth. c. xxv, v. 34).
Lorsque ses disciples, étonnés de la sévé-
rité ue sa morale, disent : Qui donc pourra
être sauvé? il répond que cela est impossi-
ble aux hommes, mais que tout est [lossible
arec Dieu (c. xis, v. 26). Ainsi il enseigne
tout à la fois la nécessité d'observer la loi
divine et la possibilité de le faire avec la
grâce de Dieu.
11 n'est donc pas vrai que les œuvres ainsi
faites soient des péchés; Jésus-Clirist au
contraire les nomme jwsfj'ce, et leur promet
récompense dans le ciel. Saint Paul (c. vi,
V. 1) les compare au travail du laboureur,
qui est récompensé ou payé par une abon-
dante moisson {II Cor. c. ix, v. 6; Galal.
c. VI, V. 7, etc.).
A la vérité, cet apôtre dit que la loi
n'est pas imposée au juste [I Tim. c. i, v. 7);
mais de quelle loi parle-t-il? De la loi anr-
cienne, de la loi qui menaçait et punissait,
par des peines aîtlictives, les hommes in-
justes, rebelles, impies, etc. [Ibid.). C'est
celle-là que saint Paul enteml ordinaire-
ment, lorsqu'il dit simplement la M. Or,
cette loi pénale étà\t abrogée par l'Ev.ingile.
Mais il n en était pas de même de la loi mo-
rale; sauit Paul, parlant de celte dornièie,
dit : « Détruisons-nous donc la loi pur la foi?
Non, nous l'établissons au contraire {Rom.
c. IH, V. 31).
En effet, qu'entend saint Paul par la foi?
Il entend non-seulement la docilité à la pa-
role de Dieu, mais la confiance en ses pro-
messes et l'obéissance à ses ordres ; c'est
ainsi qu'il caractérise la foi d'Abraham et
des patriarches; c'est en cela qu'il la propose
pour modèle aux fidèles {Hebr. c. xi et xn).
L;i foi prise dans ce sens, loin d'emporter
exemption de la loi divine, renferme au con-
traiie la fidélité à l'exécuter: en quel sens
CL'lui qui a cette foi peut-il être affranchi de
la loi? Saint Paul, loin de concevoir la foi
justifiante à la manière des protestants, réfute
complètement leurs erreurs. Voy. OEuvres.
Le concile de Trente les a donc justement
proscrites, en frappant d'anathème ceux qui
disent qu'il est impossible à l'homme jus-
tifié et secouru par la grâce d'observer les
commandements de Dieu; ceux qui ensei-
gnent que l'Evangile ne commande que la
foi; que le reste est indifférent; que le Dé-
calogue ne concerne en rien les chréliens;
que Jésus-Christ a été donné aux hommes
comme un rédempteur auquel ils doivent se
confier, et non comme un législateur auquil
ils doivent obéir; que, par le baptême, un
chrétien contracte la seule obligation de
croire, et non celle d'observer toute la loi de
Jésus-Christ, etc., sess. 6, de Justif., can.
18, 19, 21; sess. 7, de Bapt., can. 7.
On ne doit pas être surpris de ce qu'à
l'exemple des protestants plusieurs incré-
dules ont soutenu que la loi évangéliquc est,
dans une iniinilé de chosi'S, d'une sévérité
outrée, et au-dessus des forces de l'huma-
nité ; qu'elle ne convient qu'à des moines
ou à quelques misanthropes ennemis d'eux-
mêmes et de la société. Une preuve démon-
strative du contraire, c'est qu'un grand nom-
bre de saints de toiis les états, de tous les
âges et de tous les sexes, en ont parfaite-
ment accompli tous les préceptes , et que,
malgré la corruition du siècle, plusieurs
chrétiens fervents les observent encore, sans
être pour cela ennemis d'eux-mêmes ni de
la société. Voy. Morale chrétienne.
A l'article Loi mosaïoije, § 6, nous avons
montré la ditférence qu'il y a entre cette loi
ancienne et la loi nouvelle, la supériorité et
l'excellence de celle-ci, soit par rapport au
culte qu'elle nous ordonne de rendre à
Dieu, soit relativement aux devoirs qu'elle
nous prescrit envers le prochain, soit à l'é-
gard des vertus que nous devons pratiquer
pour notre propre perfection et notre bon-
îieiu'.
En comparant les Zois de l'Evangile à celles
de Moïse et à celles qui avaient été données
aux patriarches dans le premier âge du
monde, on voit que celles-ci étaient adap-
tées au besoin et à l'état des familles encore
nomades et isolées ; que celles de Moïse
étaient destinées à réunir les Hébreux en
société nationale et civile; au lieu que Jé-
sus-Christ a donné les siennes pour les peu-
ples déjà civilisés et capables de former
entre eux une société religieuse universelle.
S9S
LOI
LOI
S9i
De là même il s'ensuit que Jésus-Chrisl n'a
point dû ajouter de lois civiles ni politiques
aux lois morales et religieuses qu'il a éta-
blies, parce que celles-ci s'accordent très-
bien avec toute législation raisonnable et
conforme au bien de l'humanité. Mais en
ordonnant à tous les hommes d'obéir aux
souverains et à leurs lois, il a enseigné des
maximes capab'es de corriger et do perfec-
tionner les lois civiles de tous les peuples.
Les législateurs indiens sur les bords du
Gange, Zoroastre chez les Perses, Mahomet
chez les Arabes , ont fait des lois civiles
aussi bien que des institutions religieuses;
quand les unes et les autres seraient conve-
nables au sol et au climat pour le(|uel elles
ont été faites, ce qui n'est point, elles se-
raient sujettes aux plus grands inconvé-
nients, si on les transplantait ailleurs. Jé-
sus-Christ, plus sage, et qui voulait que son
Evangile fit le bonheur de toutes les nations,
n'a posé que les grands principes de morale
(pii ont rendu meilleures les lois de toutes
celles qui ont embrassé le christianisme.
Ce fait, vainement contesté par les incré-
dules, est aisé à prouver par la réforme que
fit le premier em[)erour chrétien dans les
lois romaines qui sont devenues celles de
l'Europe entière. Nous puiserons nos preuves
dans le Code théoilosicn, et dansUjs auteurs
païens cités par Tillemont. — 1" Loin d'imi-
ter le despotisme de ses prédécesseurs,
Constantin mit des bornes à son autorité; il
ordonna que les anciennes lois prévau-
draient sur tous lesrescrits de remj.'erour, de
quelque roanière qu'ils eussent été obtenus;
que les juges se conlbruieraient au texte des
lois, et que les rescrits n'auraient aucune
force contre la sentence des juges. 11 ôta aux
esclaves et aux fermiers du prince la liberté
de décliner la juridiction des juyes ordinai-
res. Il donna aux gouverneurs des provinces
le pouvoir de punir les nobles et les officiers
coupables d'usurpation ou d'autres crimes,
sans que ceux-ci pussent demander leur
renvoi par-devant le préfet de Rome, ou
par-devant l'empereur. Les abus contraires
avaient prévalu sous les règnes précédents.
Cod. Theod., 1. i, tit. 2, n. 1; 1. ii, tit. I, n.
I ; 1. IV, tit. 6, n. 1 ; 1. ix, tit. 1, n. 1 . — 2*
II adoucit le sort des esclaves et favorisa les
aIVranchissemeuts. En 31'i-, il donna un édit
(|ui rendait la liberté à tous les citoyens
(jue Maxence avait injustement condamnés
h l'esclavage. En 316, il permit aux maîtres
d'alfranchir leurs esclaves dans l'église, ou
par-ilevant l'évoque, et aux clercs d'affran-
chir les leurs par testament; quelques [ihi-
losophes modernes ont osé blAmer cette
sage conduite. 11 soumit à la peine des ho-
micides tout maître qui serait convaincu
d'avoir tué volontairement son esclave. Cod.
Theod., I. IX, tit, 12, n. 1 et 2; Tillem., Vie
de Const., art 36, 40, 'i-G. — 3° Il modéra les
supplices, il abolit celui de la croix et de la
fraction des jambes; il lit envoyer aux mines
ceux qui étaient condamnés à se battre
comme gladiateurs ; il défendit de les mar-
quer au visage et au front ; il ne voulut pas
DiCTIONX. DE TuÉOL. DOliMATlQUE. 111.
que personne fût condamné à mort sans
preuves suffisantes. En différentes circons-
tances, il fit grâce aux criminels, excepté
aux homicides, aux empoisonneurs et aux
adultères. Cod. Theod., I. ix, tit. 38 et 56;
1. XV, tit. 12, etc. — V II réprima les con-
cussions des magistrats et des ofticiers pu-
blics, qui se faisaient payer )iour leurs fonc-
tions, et qui vexaient les plaideurs par le
délai de la justice. 11 permit à tous ses su-
jets d'accuser les gouverneurs et les officiers
des provinces, pourvu que les plaintes fus-
sent ai)puyées de preuves. Il mit les pupil-
les et les mineurs à couvert des vexât ons
de leurs tuteurs et curateurs; il ne voulut
pas que l'on foiçAt les pupilles, les veuves,
les malades, les impotents, h plaider hors do
leur province. L. i, tit. 6, n. 1 ; tit. 9, n. 2;
1. VI, tit. 4, num. 1. — 5° L'an 331, il fit pour
toujours la remise du quart des impôts, et
fit faire de nouveaux arpentages des terres,
afin de rendre [)lus juste la répartition des
charges. 11 sup|irima toute violence dans
l'exaction des d'niers publics; il défendit de
mettre en prison ou h la torture les débi-
teurs du fisc, de saisir pour ce sujet les es-
claves ou les animaux servant ?i l'agricul -
turo, de retenir les prisonniers dans des
lieux infects et malsains. L. xvi, tit. 2, n.
3 et 6; Tillem., art. 38, 40 et 43. —6° En
ôtant aux hommes mariés la liberté d'avoir
des concubines, il pourvut au sort des en-
fants naturels, et il est le premier empereur
qui se soit occupé de ce soin. 11 ordonna
quG les enfants des pauvres fussent nourris
aux dépens du public, afin d'ôter aux pères
la tentation de les tuer, de les vendre ou de
les exposer, comme c'était l'usage. Il statua
des peines contre l'usure excessive, contre
le rapt, contre la magie noire et malfaisante,
contre la considtation des aruspices. Eu dé-
fendant les sacrifices des païens, il ne voulut
pas que l'on usât de violence contre eux.
Cod. r/(eod.,l.iv, tit.6,num. 1; 1. ix, tit. IG;
Tillem., art. 38,42,44, 53; Libanius, Orat.
14. — Déjà, l'an 312, après sa victoire, il
avait fait grâce à ceux qui avaient suivi le
parti de Maxence, et il avait élevé aux di-
gnités ceux qui avaient du mérite. Liban.,
Orat. 12. A la guerre, il épargna le sang des
ennemis, et ordonna de pardonner aux
vaincus; il promit une somme d'argent pour
chaque homme qui lui serait amené vivant.
11 cassa les soldats prétoriens qui avaient
trempé plus d'une fois leurs mains dans le
sang des empereurs, et avaient mis l'empire
à l'encan. Aurel. Victor, pag. 526; Zozyme,
1. II, p. 677. Il créa deux maîtres de la mi-
lice, et réduisit les jiréfets du prétoire au
rang de simples magistrats ; depuis cette ré-
forme, les empereurs n'ont plus été mas-
sacrés par les soldats. Pour repeupler les
frontières de l'emiàre, il donna retraite à
trois cent mille Sarmates chassés de leur
Eays par d'autres barbares, et leur fit distri-
uer des terres,
Lorsque les calomniateurs du christianis-
me viennent nous demander si, depuis l'é-
tablissement de cette religion, les hommes
13
3'J5
LOI
LOI
596
oui été meilleurs ou plus heureux, les. sou-
verains moins avares et moins sanguinaires,
les crimes plus rares, les supplices moins
cruels, les lois plus sages, nous sommes en
droit de les renvoyer au Code théodosien,
qui a réglé pendant plusieurs années la ju-
risprudence de l'Europe, et qui est le cane-
vas de celui île Jiistinien. C'est depuis Cons-
tantin seulement que les fois romaines ont
eu une forme fixe et constante, et ce prince
est d'autant plus louable, que c'est lui-mêruL!
qui écrivait et rédigeait ses lois. Tel est
néanmoins le personnage contre lequel les
incrédules ont exhaL'; leur bile, parce qu'il
a embrassé le christianisme. Nous avons ré-
pondu à leurs invectives au mot Constantin.
Ce détail abrégé suiïit pour montrer les
effets que l'Evangile a opérés sur la légis-
lation des peuples qui 1 ont embrassé, et
l'on sait que les barbares du Nord n'ont com-
mencé à connaître des lois que quand ils
sont dev.uus chrétiens. Yoy. Christianisme.
Lois ecclésiastiqles. On entend sous ce
nom les règlements sur les mœurs et sur la
discipline de lEglise, qui ont été laits, soit
par les eonciles g^néfaux ou particuliers,
soit par les souverains pontifes : comme la
loi d observer le carême, celle de sanctifier
les fôtes, de communier à Pâques, etc.
Toute société quelconque a besoin de lois,
et ne peut subsister sans cela. Indépendam-
ment des lois qu'elle a reçues dans son ins-
titution, les révolutions du temps et des
mœurs, les abus qui peuvent naître, obli-
gent souvent ceux qui la gouvernent de
fdire d'' nouveaux règlements : ces lois
seraient inutiles , si l'on n'était pas tenu de
les observer. Puisiju'il en faut dans toute as-
sociation, à plus forte raison dans une société
aussi étendue que l'Eglise , qui embrasse
toutes les nations et tous les siècles. Le
pouvoir de faire des lois emporte nécessaire-
ment celui d'établir des peines ; or, la peine
la plus simple dont une société puisse faire
usage pour réprimer ses membres réfiac-
taires est de les priver des avantages qu'elle
procure à ses enfants dociles, de rejeter mô-
me les premiers hors de son sein , lorsqu'ils
y troublent l'ordre et la police qui doivent y
régner. Souvent l'Eglise s'est trouvée dans
cette triste nécessité ; pour prévenir un plus
grand mal , elle a été forcée d'excommunier
ceux qui ne voulaient pas se soumettre à ses
lois. Alors, comme tous les rebelles, ils lui
ont contesté son autorité législative ; ainsi,
dans les derniers siècles, les vaudois, les
wicléfites, les hussites, les disciples de Lu-
ther et de Calvin , ont soutenu que l'Eglise
n'a pas le pouvoir de l'aire des lois générales,
ni de lier la conscience des fidèles ; ils ont
dit que chaque église particulière était en
droit d'établir pour elle la discipline qui lui
paraîtrait la meilleure, et de se gouverner
}iar ses propres lois. Les incrédules, atten-
tifs à recueillir toutes les erreurs, n'ont pas
manqué u adapter cele-lîi ; quelques juris-
consultes, séduits par les sophismes des
hérétiques, ont regardé l'autorité législative
de l'Eglise comme un monstre on l'ail de po-
litique, et comme un attentat contre le droit
des souverains.
Aucun homme instrui,t ne peut être dupe
du zèle de ces derniers ; l'expérience prouve
qu'il n'est pas sincère. Tous ceux qui se
sont montrés les jilus ardents à mettre l'E-
glise dans la dépendance entière et abs'ilue
des souverains, n'ont j.amais mamiué d'em-
ployer les mêmes principes etles mêmes argu-
ments pourréduire ensuite les rois sous la dé-
pendance des peuples. C'est ce qu'ont fait les
cal vinistes, c'est ce que veulent les incrédules,
c'est où tendaient les jurisconsultes dont
nous parlons : nous le ferons voir par la dis-
cu'^sion de leur doctrine. Mais nous devops
alléguer auparavant les preuves directes çlu
pouvoir li''gisJatif <|ue Jésus-Christ a donné
à son Eglise, et que Ton ne peut lui contes-
ter san~ être hérétique. — 1' Jésus-Christ dit
à ses apôtres [Matth., xix, 28) : Au temps de
la régénération ou du renouvellement de tou-
tes choses , lorsque le Fils de l'homme sera
placé sur le trône de sa majesté, vous serez as-
sis vous-mêmes sur douze sièges pour juger les
douze tribus d'Israël. H se représente comme
le chef souverain de son Eglise, et les apô-
tres comme ses magistrats. L'on sait que,
dans le style des Livres saints, le nom de
juge est ordinairement synonyme de celui de
législateur, et que les lois de Dieu sont ap-
pelées ses jugements. Yoy. Régénération. Il
ajoute : Comme mon Père m'a envoyé, je vous
envoie (Joan. xx, 21j. Celui qui vous écoute,
m'écoute moi-même, et celui qui vous méprise,
me méprise {Luc. x, 16). Si quelqu'un n'écoute
pas l'Eglise, regardez-le comme un païen et un
puhlicain. Je vous assure que tout ce que vous
lierez ou délierez sur la terre sera lié ou dé-
lié dans le ciel (Matth. xviii, 17). La seule
question est de savoir si l'autorité dont Jé-
sus-Christ a revêtu ses apôtres a passé à
leurs successeurs ; or, nous prouverons que
ceux-ci l'ont reçue |iar l'ordination : sans
cela l'Eglise n'aurait pas pu se perpétuer ;
saint iMathias , élu par le collège apostoli-
que, n'était pas moins apôtre que ceux aux-
quels Jésus-Christ lui-même avait parlé. Il
n'est pas nécessaire de rappurter les subter-
fuges par lesquels les hétérodoxes ont cher-
ché k pervertir le sens de ces passages ; Bel-
larmin et d'autres les ont réfutés, tom. I,
Controv. 2, liv. iv, c. 16. — 2° Nous ne pou-
vons avoir de meilleurs interprètes des pa-
roles de Jésus-Christ que les apôires mêmes :
or, ils se sont attribué le pouvoir de porter
des lois, et ils en ont fait en effet. Asseuiblés
en concile à Jérusalem, ils disent aux fidè-
les : // a semblé bon au Saint-Esprit et à nous
de ne point vous imposer d'autre charge que
de vous abstenir des chairs immolées aux ido-
les, du sang, des viandes suffoquées et de la
fornication: vous ferez bien de vous en gar
der {Act. xv, 28). Cette loi d'abstinence en
renfermait une autre , qui était la défense
d'assujettir les fidèles aux autres observan-
ces légales. Conséquemmeut saint Paul et
Silas parcoururent les Eglises de Syrie et de
(^ilicie pour les confirmer dans la foi , en
leur ordonnant d'observer les commande
597
LOI
Jl Cl^llV HUA V^UIllitlItV ll.-l . tj
que vous gardez mes comina
]c vous les ai donnés (I Cor.
inonfs des apôtrcïs ot dos anciens, nu des prê-
tres {Ibid., 41, et XVI, k). Saint Paul avertit
les évoques ijue le Saint-Esprit les a étaliiis
pour gouverner i'Kglise de Dieu (xx, 28).
En quoi consisterait leur gouvernement, si
les lidèles n'étaient pas obligi's de leur obéir?
Aussi dit-il il ces deinieis : « Obe'issez à vos
préposés, et soyez-leur soumis [Ileb. xm, 17 .
Jl écrit aux Corintliicns : Je vous loue de ce
nnaïukinents tels que
XI, 2); aux Tlies-
salonicieus : Vous savez '/uels préceptes je
vous ai donnés par l'aulorité de Jésus-
Clirist Celui qui les méprise, ne méprise
pas un homme, mais Dieu , qui nous a donné
son Saint-lîspril J Thess. iv, 2 et 8). Si quel-
qu'un n'obéit point à ce que nous vous écri-
vons, remarquez-le, et ne faites point société
avec lui {II Thess. ai, (V). 11 défend d'ordon-
ner pour évèque ou j> lur diacre un biijame,
de choisir une veuve qui ail moins de soi-
xante ans , et veut quelle n'ait eu qu'un
mari (/ Tim. m, 2, ',), 12). Cette discipline
fut observée dans 1 Eglise primitive ; aucune
société particulière ne s'avisa il'étalilir d'au-
tres lois. Le môiu ' apôtre ordonne à un évô-
3ue de ri'])! imaûi.iei les désobéissants ; il lui
éfend de Iréquenter un hérétique, lorsqu'il
a été re[)ris une oudeu\ fois {'fit. i, 10; m,
lll). Saint Jean rriiouvelle 1 1 môme délcnsi;
(// Joan. lOj; et cetti.' loi subsiste encore.
3° Tendant les trois pr.iuiers siècles, et
avant la conversion des esupereurs, il s'étad.
tenu plus tic vingt conciles, tant en Orient
qu'en Italie, dans Irs (laules et en Espagne,
et la plupart avaient f lit des lois de disci-
pline. Ce sont ces lois qui ont été recueillies
sous le nom de Canons des apôtres. Le con-
cile de Nicée, tenu l'un 825, s'y conforma, et
{)lusieurs sont encore en usage. 11 y a de
ces canons qui regardent non-seidemeiit
l'adminislralion des sacrements, les devoirs
desévèqiies, les mœurs des ecclésiastiques,
l'observation du cirém', la célébration de la
Pàque ; mais encore l'admiiiistralion des
biens ecclésiastiques, la validité des mariages,
les causes d'excommunication, etc.; objets
3ui intéressent l'ordre civil. L'Eglise n'en a
ispensé personne, sous prétexte que ces
décrets n'étaient pas revêtus de l'autorité
des souverains ; elle' a mémo exigé l'obser-
vation de plusieurs, sous peine d'anathème.
Elle a donc cru constamment, depuis les
apôtres , que ses lois obligeaient les fidèles
indépendamment de l'autorité civile. Si c'é-
tait une erreur, elle serait aussi ancienne
que l'Eglise. — 'i-° Plusieurs de ces lois de
discipline ont une liaison essentielle avec le
dogme : il s'agissait de fixer la croyance des
fidèles sur les etfets des saciements , sur
l'iudissolubihté du mariage, sur la sainteté
de l'abstinence, sur le caractère et les |.ou-
voirs des ministres de l'Eglise, dogmes atta-
qués encore aujourd'hui [lar les hérétiques.
Or, l'Eglise ne peut avoir le pouvoir de dé-
cider du dogme sans avoir aussi le liroit de
prescrire les usages j.ropres k l'incidquer,
et les jirécautions nécessaires pour en pré-
venir l'allération. .lauiais une secte de nova-
LOl 398
leurs ne s'est élevée contre la discifdine éta-
blie, sans donner atlcinte à quelque article
de doctrine, sans attaquer du moins l'auto-
rité de l'Eglise, que nous avons prouvé être
de foi divine. — 5° 11 n'est aucune de ces sec-
tes ipii ne se soit attribué îi elle-même le
droit qu ell(^ refusait ii l'Eglise catholique ;
ainsi l'on a vu les pioteslants, soulevés contre
les lois ecclésiastiqurs, m établir de nouvelles
chez eu\, faire dans leurs synodes des ilé-
crets touchant la forme du cuUe, la manière
de prêcher, l'état et la eondition de leuis mi-
nistres, etc., enjoindre à leurs partisans de
s'y conformer, 'Ous peine d'excommunica-
tion. Ils ont eu grand soin de liaire conlir-
nier ce privilège par les édits de tolérance,
et ont toujours soutenu qu'une société
chrétienne ne pouvait s'en passer. Ils ont
cru que c S décrets obligeai nt les mem-
bres de leui- communion, non en vertu de
l'a itorité du souverain, mais par la na-
ture môme di^ toute société religieuse , el ils
se sont atlacliés à le [)rouver [lar les mêmes
passages de l'Ecriture dont nous nous ser-
vons pour établir l'autorité de l'Eglise ca-
tholique. Y e it-il jamais contradiction plus
j)al;iable'? Beausobre convient qu'il n'y a
qu'un esprit de révolte et de scaisme qui
pu sse soulever les chrétiens contre des or-
donnances ecclésiastiques qui n'ont rien de
mauvais ; mais en mèra ■ tem^ s il attribue
à un esprit de domination et d'intolérance
dans les clids de l'Egl se, les lois ri^;oureu-
ses qu'ils ont faites sur d'^s cl i oses indiffé-
rentes. Telle est, dit-il, celle du concile de
(langres, qui anatiiématise ceux qui, ]iar dé-
votion et par mortilication, jeûnent le diman-
che. Il demande qui a donné ;i des évêques
le pouvoir de faire de semblables lois? His-
toire du Munich , 1. ix, c. 0, § 3.
Nous lui lé oudons oue c'est le SiUnt-Es
prit; ainsi l'ont d:'clare les apôtres au con-
cile de Jérusali-m : la loi qu'ils y ont impo-
sée aux ûdôles de s'abstenir du san^; et des
chairs suffoquées était-elle beaucoup' moins
importante que la défense du concile de
Gangres de jeun t le dimanche ? C'est aux
pasteurs, et non a ix simples lilèles, de ju-
ger si une c!ios.e est indiiîérente ou essen-
tielle. Si une fois l'on admet les argumenta-
tions contre l'iiiiporfance des lois, bientôt
il n'y aura plus de loi. — fi" Constanlinne fut
point un ])riuçe peu jaloux de son autorité,
ni incapable d'en connaître l'ét ndue et les
bornes : ou peut en juger par ses lois. Lors-
qu'il embrassa le cliristianisme, il ne put
ignorer le nombre des conciles qui avaient
été tenus dans l'empire, ni les décrets qui y
avaient été faits, ni le pouvoir que s' dtri-
buaient 1 .s évoques. Présent au concile de
Nicée, il ne leur contesta pas plus le droit de
fixer la célébration île la P que, que le pou-
voir de décider le dogme attaqué par Arius.
Il ne réclama contre aucun des décrets de
(Uscipline portés dans les autres conciles
tenii.s sous son règne ; au contraire , il ne
crut pouvoir faire un usage plus utile de
l'autorité souveraine, que de les soutenir çt
de les faire observer. Nous savons bien que
599
LOI
LOI
400
Jes incrédules ne lui pardonnent pas ccHle
conduite ; mais tout hoinoie sage peut juger
si l'on doit s'en rapporter à eux plutôt qu'il
lui. Julien lui-iuônio, quelque emporté (ju'il
fût contre le christianisme, qu'il avait abjuré,
ne s'avisa jamais de regarder les lois erclr-
siastiques comme des attentats contre l'au-
torité impériale ; celles qui avaient été fai-
tes touchant les mœurs des ecclésiasticpns
lui paraissaient si sages, qu'il aurait voulu
introduire la même discipline parmi l'^s pi'ù-
tres païens : il le témoigne dans ses lettres.
Lorsque les princes idolâtres se sont con-
vertis , ils ont fait profession d'ombras>er
tous les dogmes enseignés par l'Eglise ; or
un de ces dogmes est de croire que Jésus-
Christ a donné à l'Eglise le droit, l'autorité
et le pouvoir de faire des lois auxquelles
tout fidèle est obligé d'obéir. Nous ne lisons
pas que Clovis, en se faisant chrétien, ait
rayé cet article dans sa profession de foi. 11
est singulier qu'après plus de douze siècles,
des publicistes, instruits à l'école des iii-ré-
tiques, viennent apiirendreà nos rois, élevés
dans le sein de l'Eglise, qu'ils ne peuvent
obéir à leur mère sans renoncer aux droits
de la souveraineté ; que le pouvoir de régler
la discipline ecclésiastique leur appartient
aussi essentiellement que celui do tixer la
jurisprudence civile, et qu'ils veuillent in-
troduire le système anglican dans l'Eglise
catholique. L examen des principes sur les-
quels est fondé ce système achèvera d'en
démontrer l'absurdité. Ses partisans disent
que Jésus-Christ est le seul chef de l'Eglise ;
que les pasteurs ne sont que les membres et
les mandataires du corps des fidèles ; que
les pouvoirs de Jésus-Christ ont été donnés
au corps de l'Eglise, et non à ses ministres ;
loin, disent-ils, d'accorder à ceux-ci aucune
autorité, Jésus-Christ leur a interdit toute
voie d'autorité , puisqu'il leur a dit : Les
princes des nations dominent sur elles; il n'en
sera pas de même parmi vous; quiconque vou-
dra être le premier entre vous doit être le
serviteur de tous {Matth. xx, 25).
Voilà précisément la doctrine qui a été
condamnée dans Wiclef et dans Jean Hus,
par le concile de Constance ; dans Luther
et dans Calvin, par le ccncde de Trente. Si
ceux qui la renouvellent ignorent ce fait, ils
sont bien mal instruits; s'ils le savent, ils
sont hérétiques. Ce n'est point au corps des
fidèles, mais à ses apôt.es, que Jésus-Christ
a dit: Paissez mes agneaux, paissez )nes brebis ;
vous serez assis sur douze sièges^ etc. 11 est
absurde de confondre les pasteurs avec le
troupeau, de préten re que celui-ci doit se
paître lui-môme, que c'est à lui d'instituer
et de gouverner ses |iasteurs. Ceux-ci, selon
saint Paul , sont établis pour gouverner
l'Eglise, non par les iidèles, mais ^jar le
Saint-Esprit; les pouvoirs de Jésus-Christ
leur sont donnés par la mission et par l'or-
dination, et non par commission des Iidèles.
C'est une autre hérésie d'alTirmerque Jésus-
Christesi seul chef de l'Eglise. 11 est sans iloute
le seul chef souverain duquel émaneut tous
Ws pouvoirs; mais il a établi à sa place un
chef visible, en disant à saint Pierre : Sur
cette pierre je bâtirai mon Eglise, etc. Voy.
P.VPE.
Jésus-Christ a interdit à ses apôtres la do-
mination despotique et absolue, telle que
l'exerçaient alors tous les souverains des na-
tions ; mais on voit, par les passages que nous
avons cités, qu'il leur a certainement donné
une autorité pastorale et paternelle sur les
fidèles. Il ne faut pas -confon Ire l'excès et
l'abus de l'autorité avec l'autorité même. Un
autre principe de nos alversaires est que
l'autorité des ministies de l'Eglise est pure-
ment spirituelle ; ils en concluent qu'elle
peut influer sur les Ames , et non sur les
corps, que les pasteurs peuvent nous com-
mander des actes intérieurs, et non régler
notre conduite extérieure. Ce n'est qu'une
équivoque et un abus du mot spir/^we/. Cette
autorité a sans doute pour objet direct et
principal le salut de nos âmes; mais il ne
s'ensuit pas de là qu'elle ne puisse nous
conuuander ni nous interdire des actions
extérieures, puisque celles-ci peuvent con-
tribuer ou nuire au salut. Lorsque les
apôtres ordonnèrent l'abstinence des viandes
immolées, des chairs sutfoquées, du sang et
de la fornication, il était question d'actions
extérieures et très-sensibles ; le carême et le
dimanche, qui sont de leur irstitution,
tiennent de très-près à l'ordre civil. L'auto-
rité ecclésiastique a donc aussi pour objet
cet ordre extérieur de la société, puisqu'elle
règle les mœurs. Les souverains qui con-
naissent leurs véritables inlérèts n'ont garde
d'en prendre de l'ombrage ; ils sentent
que l'Eglise leur rend eu cela un service
essentiel.
On nous objecte, en troisième lieu, que
le royaume de Jésus-Christ n'est pas de ce
monde. Autre so]ihisme : Jésus-Chiist, à la
vérité, n'a pas reçu des puissances de la
terre sa royauté, et elle n'a pas pour objet
principal la félicité de ce monde; mais elle
s'exerce en ce monde, [luisque par ses lois
Jésus-Christ règne sur son Eglise et sur les
souverains même qui l'adorent. Cette
royauté jiroduit de très-bons eti'els dans ce
monde, puisqu'il n'est point de nations mieux
policées que les nations chrétiennes. Une
quatrième maxime de certains politiques
modernes est que l'Eglise est dans l'Etat,
et non l'Etat dans l'Eghse; que celle-ci est
étrangère à l'Etat et au gouvernement; que
ses ministres n'ont été reçus que sous con-
dition qu'ils se borneraient aux fonctions
purement spirituelles; qu'aucun souverain,
en irofessant le christianisme , n'a pré-
tendu renoncer à aucune portion de son
autorité.
Mais nous ne concevons pas en quel sens
l'Eglise, la religion. Dieu et ses lois, sont
étrangers cliez une nation chrétienne; sans
les luis de Dieu, enseignées par son Eglise,
les lois civiles seraient réduites à leur seule
force coaclive; le souverain ne pourrait se
faire obéir que uar la crainte des supplices,
au lieu que l'Eglise apprend aux sujets à
obéir par motif de conscience, et parce que
401
LOI
LOI
èOH
Dieu rordonni'. Un des principaux devoirs
des pasteurs est (renseigner cette morale, et
d'en donner l'exemple. Comment ce service
qu'ils rendent au gouvernement peut-il lui
ùire étranger? A entendre raisonner quel-
ques publicistes, il semble que les rois aient
lait \iiie grâce à Jésus-Christ en recevant
son Evangile et ses lois; nous soutenons que
c'est lui qui leur a fait une grande grAce en
les recevant dans sou Eglise, puisque, in-
dépendamment de leui' salut, ils y trouvent
un moyen de rendre leur autorité sacrée et
leurs lois inviolables. Constantin, Clovis',
Ethelbert et les autres l'ont très-bien com-
pris : en courbant leur lôle sous le joug de
Jésus-Christ, ils n'ont jias stipulé le degré
d'autorité qu'ils prétendaient acrnrder à ses
ministres; Jésus-Christ l'a lixé lui-môme.
Ils se sont donc soumis aux lois de l'Eglise
sans restriction et sans réserye; mais au-
trement ils n'auraient jias été chrétiens, et
l'on aurait été en droit do leur refuser le
baptême. La i)remière chose que promettent
nus rois à leur sacre est de maintenir de
tout leur pouvoir la religion catholique; un
dogme essentiel de cette religion est que
l'Eglise a le pouvoir de faire des lois, qui
obligent en conscience tous ses membies
sans exception. Loin de renoncer par ce
serment à aucune portion de leur autorité
légitime, ils la rendent plus sacrée, et ils
donnent à leurs lois une force supérieure à
toute puissance humaine. Ils n'ont prétendu
acquérir aucune autorité sur le dogme, sur
la morale, sur les rites, sur les lois de
l'Eglise, parce que Dieu ne la leur a i)as
donnée.
Enlin un nouveau principe imaginé parnos
aavers.iires est quTi la vérité le ministère
des pasteurs un dépend que de Dieu; mais
que la publicité d- ce ministère dspend ab-
solument du souverain, que celte |)ublicité
a été acciird('c aux ministres de l'Eglise sous
condition d'être alisolu nient soumis aux vo-
lontés du gouvernement.
Nous réjondons qu'il est absurde de dis-
tinguer la prédication de l'Evangile, l'admi-
nistration des sacrements, le culte de Dieu,
les f(jnctions des ministres de l'Eglise,
d'avec \euv publicité. Lorsque Jésus-Christ a
dit à ses apôtres : Prêchez l'Evangile à toute
créature; ce que je vous dis à runillc, pu-
bliez-le sur les toits; vous serez mes témoins
jusqu'aux extrémités de la terre, etc., il ne
leur a point ordonné d'attendre la permis-
sion des souverains; il leur a [irédit, au
contraire , que toutes les ])uissances de la
terre s'élèveraient contre eux, mais qu'ils en
triompheraient; c'est ce ijui est arrivé.
Ou le christianisme est une religion di-
vine, ou c'est une religion fausse; si elle
est divine, aucune puissance liumaine ne
peut en empêcher la publication et la publi-
cité sans résister J> Dieu ; si elle est fausse,
aucune permission des souverains n'en peut
rendre la prédication légitime. Un souverain
qui croit qu'elle est divine, et n'eu permet
pas la publicité, est un impie et un ennemi
de Jésus-Christ. Les ministres de l'Eglise
ont reeii de Dieu, et non des souverains,
leur mission et le droit de prêcher; Jésus-
Christ leur a ordonné de le faire malgré
toutes les défenses, et :iu péril de leur vie :
c'est ainsi que le christianisme s'est établi.
Lorsqu'on a défendu aux apôtres de prêcher
h Jérusalem, ils ont répondu : Jugez vous-
mêmes s'il ne faut pas obéir à Dieu plutôt
qu'aux hommes (Act. c. iv, v. 19; c. v, c. 2'J).
Les ministres de l'Eglise doivent, sans doute,
de la reconnaissance aux souverains qui les
protègent; mais ce n'est ]ias à ce titre qu'ils
doivent leur obéir dans l'ordre civil; ils y
sont oliligés par la loi naturelle et par la loi
divine positive, qui ordonne à tout homme
d'èlre soumis aux puissances supérieures
{Rom., c. xui, V. 1), pourvu toutefois que
ce ne soit point contre un ordre positif de
Dieu. Or les ministres de l'Eglise ont reçu
de Dieu un ordre iiositif de prêcher l'Evan-
gile. Jésus-Christ lui-même a mis celte res-
triction il l'obéissance, en disant : Rendez à
César ce qui est à César, et à Dieu ce qui
appartient à Dieu, 'l'elle est la règle prescrite
ti tous les hommes sans exception.
Il n'est donc pas vrai qu'en s'attribuant une
mission divine, les pasteurs de l'Eglise se
rendent indépendants des souverains. Us en
dépendent dans l'ordre civil comme tous les
autres sujets; ils doivent être soumis à
toute loi civile qui n'est point contraire à la
loi de Dieu; ils doivent enseigner aux autres
cette soumission et en donner l'exemple;
mais leur ministèr'e concernant le dogme,
la morale, la discijiline qui règle les mœurs,
n'est point du ressort de la loi civile. Il ne
s'ensuit point de là qu'il y a un empire dans
l'empire, imperium in imperio, ou deux au-
torités (ontr-aires et qui se croisent, puisque
ces deux autorités ont deux objets tout
diirérents. Elles ne se trouveront jamais en
opposition, lorsqu'on s'en tiendr-a à la règle
que Jésus- Christ a prescrite. Les anciennes
contestations entre le sacerdoce et l'empire
n'auraient pas eu lieu, si les deux partis
l'avaient mieux observée, et avaient mieux
connu leurs droits respectifs; mais ces con-
testations mêmes ont servi à les éclaircir; il
n'y a plus aujourd'hui là-dessus de doute ni
d'incertitude; et il est à présumer que nos
adversaires, avec tous leurs sophismes. ne
viendront plus à bout d'obscurcir la question.
L'Eglis ' a donné une preuve éclatante de
son juste respect envers les souverains, h la
suite du concile de Trente. Plusieurs décrets
de cette assemblée, touchant la discipline,
n'ont pas été d'abord reçus en France, parce
qu'il y avait une jurisprudence contraire
établie, et que ces décrets ne regardaient
pas directement les mœurs; ainsi cette oppo-
sition n'a causé aucun scandale. L'Eglise a
espéré que le temps et les circonstances
amèneraient les choses au point oii elle les
désirait; elle ne s'est pas trompée, puisque
la plupart de ces décrets sont aujourdnui
exécutés en France en vertu des ordonnan-
ces de nos rois.
Que veulent donc les ennemis de l'Eglise?
Non-seulement les erreurs dans lesqreUe»
405
LOI
LOI
4M
ils toiij'beiit soiil sensibles, aiais ils se ren-
dent ridicules par leurs contradictions. D'un
c^té, ils drclament contre le despotisme di'S
princes ; de l'autre, ils leur attribuent un
pouvoir despotique sur le spirituel aussi
Lieu que sur le temi)Orel. Montesquieu l'a
remarqué à l'égard des Anglais : ils font
bien, dit-il, d'être très-jaloux de li'urlibf'rté;
s'ils venaient à la perdre, c serait le peuple
le plus esclave de la terre; il serait sous le
joug d'un despote spirituel' et temporel.
Mais nous avons déjài remarqué le vrai
but de cette doctrine; nos pollti(^ues anti-
chrétiens ne veulent mettre l'Eglise dans la
dépendance abaolue des princes, que pour
réduire les princes eux-mêmes sous le joug
de leurs sujets. De même qu'ils disent que
les pasteurs ne sont que les mandaiaires des
fidèles, qu'ils ont n'çu du corps de VEglise
et non de Dieu tous leurs pouvoirs, que
leurs /qîs ne peuvent obliger qu'aulant que
les fidèles vêulenl bien s'y soumettre; ils
enseignent aussi que les rois ne sont que
les mandataires du peuple, que c'est de lui
qu'ils tiennent leur autorité', que la souve-
raineté appartieut (ssentiellement au peuple,
et qu'il ne peut pas s'en dessaisir; qu'il est
en droit de la revendiquer e! d'en dépouiller
ses mandataires lorsqu'ils gouvernent mal.
Tel a été le progrès de la doctrine des cal-
vinistes : M. Bossiel l'a observé, Histoire
des Var., tom. IV, pag. 311; Bayle lui-même
le leur a reproché, Avis aux réfugiés,
2' point. Les princes n'ont donc garde de se
laisser prendre à ce piège; l'expérience leur
a fait voir qu'il n'y a rien k gagner pour
eiix. Voy. AuTOuiTÉ ecclésiastique, Hié-
rarchie, Deux puissances, elc. (')•
Lois CIVILES. Ce sont les lois établies 'par
les souverains, pour maintenir l'ordre, la
police, la tranquillité dans leurs États, et
pour fixer les droits respectifs d leurs sujets.
Un t éologien ne serait pas obli;.;é d'en par-
ler, s'il n'y avait pas eu des hérétiqufs qui
ont enseigné des erreurs à ce sujet. Les
vaudois et les anabaptistes ont prétendu que
toute loi humaine est contraire h la liberté
chrétienne; qu'un fidèle n'est pas obligé
en conscience d'y obéir; et ils se sont fon-
dés s,<r quelques passages de l'Ecriture
sainte mal entendus. Luther avait donné
lieu à cette erreur, par son livre De la liberté
ehrétienne ; M. Hoisiid l'a réfutée, jD^/ense des
Variations, prender discours, § 52; Calvin
l'a Siutenue dans son Institution chrétienne,
lib. IV, c. 10, § 5, quoiqu'il s'élève d'ailleurs
{i) Nous avons traité dans notre Dict. de Tliéol.
iiior. celle importante question : En qni réside le
pouvoir législatif lie l'Eglise? Nous la résumons en
lieux mois. Il est de l'aitque le pouvoir Icgislalit n side
dans les évéques ei principalement dans le pape. Il
est de foi que le ()euple chrétien n'a aucune part au
pouvoir législatif de l'Eglise. 11 approche de la foi
que le^ prêtres n-ont aucune part ;i ce pouvoir. Le
pape comme souverain de l'Eglise a le droit de por-
ter des lois qui obligent tous les chrétiens. L'évéque
peut porler des lois pour son diocèse; son pouvoir
est soumis a l'autorité souveraine du pape, '-\u\ peut
^lodlficr ses lois, en dispenser et niomc les lappor-
téh. Voij. Dict. de Théol- nior., art. Loi.
contre les anabaptistes. Le même principe,
sur lequel ces sectaires ont prétendu qu'un
chrétien n'est pas obligé en conscience de
se soumettre aux lois de l'Eglise, devait néces-
sairement les conduire à enseigner qu'il
n'est pas obligé non plus d'obéir aux lois
civiles. Le contraire est cependant formel-
lement enseigné par saint Paul {Rom. c. xiii,
V. 1) : Que toute personne, dit-il, soit sou-
mise aux puissances supérieures : toute puis-
sance vient de Dieu, c'est lui qui les a établies;
ainsi celui qui leur résiste, résiste à l'ordre
de Dieu, et s'attire la condamnation. Le prince
est le ministre de Dieu pour procurer le
bien; si votis faites le mal, il ne porte pas le
glaive inutilement, mais pour punir les mal- ■
faiteurs. Ainsi, soyez soumis non-seulement
par la crainte du châtiment, mais par motif
de conscience Rendes donc à chacun ce
qui lui est dû, les tributs, les impôts, les res-
pects, les honneurs à qui ils appartiennent.
S unt Pierre fait aux fidèles la même leçon
(/ Pétri, c. Il, V. 13). L'apôtre, comme on le
voit, n'exclut aucune des lois civiles; il y
comiirend même les lois fiscales. 11 n'ac-
corde à piTSonne le droit d'examiner si les
lois sont justes ou injustes, avant de s'y
soumettre. Quelle loi serait juste, si l'on
consultait les séditieux et les malfaiteurs 7
Jésus-Christ avait dé'jïi décidé la question;
lorsque les Juifs lui deman lènnt s'il était
permis de payer le tribut h César, il leur dit :
Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu
ce qui appartient à Dieu [Matth. c. xxii,
V. -21) ; et il en donna lui-même l'exemple,
en faisant payer le cens [)Our lui et pour
saint Pierre (c. xvii, v. 20). Aussi ïertullien
atteste la fidélité des chrétiens à satisfaire
à toutes les charges publiques, pendant que
les païens n'omettaient aucune fraude pour
s'en exempter. Apolog., c. 42.
Pour réunir les Hébreux en corps de
nation. Dieu lui-même avait daigné faire la
fonction de législateur; il avait porté des
lois judiciaires, civiles et politiques, aussi
bien que des lois morales et religieuses :
par là il avait témoigné qu'il est lefundateur
de la société civile, comme il l'est de la so-
ciété naturelle et domestique. Il est donc
vrai, comme l'enseigne saint Paul, que
toute puissance légitime vient de Dieu ; de
lui émane l'autorité des Pères, celle d s ma-
gistrats, celle des princes et des rois, tout
comme celle des pasteurs. Par ces liens
divers. Dieu a voulu léprimer les passions
des hommes, cimenter parmi eux l'ordre,
la si'ireté et la paix. Les hérétiques et les
incrédules, qui ont cherclié ailleurs l'origine
des lois et les fondements de la société,
sont non-seulement des imprudents et des
aveu, des qui ont bâti sur le .^able, mais de
mauvais citoyens, puisqu'ils affaiblissent et
brisent, autant qu'ils le peuvent, les liens
de société.
Dieu avait prononcé la peine de mort con-
tre quiconque résisterait à la sentence du
juge ou du souverain magistrat de la nation
ju ve {Deut. c. xxvu, v. 12); il .ivait détendu
d'en médire et de l'outrager de paroles
405
LOI
LOL
*oc
{Eccotl. c. XXII, V. 28). Ces lois n'étaient
jioint tl(»s ordonnancps arbitraires; l'oljliga-
tion d'y ob 'ir ne venait [las seulement de ce
que le gouvernement des Juifs était théo-
cratique; elle dérivait de la loi naturelle.
En effet, un des premiers principes de jus-
tice est que tout iiomme qui-jouit des avan-
tages de la société, doit aussi en supporter
]cs c' argcs : or, c'est sous l;i protection des
lois civiles qu'un citoyen jouit en sîireté de
ses biens, de ses droits, de son état, de sa
vie iiiême; rien de tout cela ne serait assuré
dans l'anarchie; on le voit dans les dissen-
sions civiles. Il est donc juste qu'il supporte
aussi la gêne, les inconvénients, les priva-
tions que lui imposent ces mômes lois. C'est
une absurdité de prétendre concilier la li-
berté de chaque particulier avec la sûreté
générale. Si chacun avait le droit de décider
de la justice ou de l'injustice des lois, les
gens de bien seraient de pire condition que
les raaKaiteurs; les hommes sages et jpaciti-
3ues seraient î\ la merci des insensés. Tel qui
isserte et déclame contre l'injustice d'une loi
quelconque, juge qu'clc est sage, dès qu'elle
tourne à son avantage; si les circonstances
venaient à changer, il serait casuiste d'au-
tant plus sévèri> h l'égard de son prochain,
qu'il est plus relâché pour lui-même.
Nous n'avons donc pas besoin d'examiner
s'il y a des lois purement pénales, dont l'in-
fraction est censée innocente, pourvu que
l'on puisse se soustraire à la peine. S'il y en
avait, ce serait sans doute les lois fiscales, et
nous voyons que Jésus-Christ el saint Paul
ordonnent d'y satisfaire : celui qui les viole
ts\ toujours coupable. L'exemple qu'il
donne est un piège pour les auti'es, et ordi-
nairement il n'échapi^e à la jieine que par
une suite de fraudes contrai les à la droiture
que Dieu jirescrit à tous les hommes. S'il n'y
avait pas une loi divine, naturelle et positive,
qui Ordonne au citoyen d'être soumis aux
lois civiles, parce que le bien de la société
l'exige ainsi, toute loi civile serait pureaniit
pénale et réduite K la seule force coactive :
mais Dieu, fondateur de la société, veut que
«es membres en observent les lois. Par ce
motif, un chrétien se soumet sans murmure,
soutfre patiemment le préjudice momentané
qu'rl peut ressentir d'une loi quelconque,
en considération des avautagas durables que
la société lui [iroeure.
Les anciens philosophes pensaient donc
très-sensément, lorS(]u'ils rapportaient à la
Divinité l'origine de toutes les lois, et en
legardaient les infracteurs comme des im-
pies. Les modernes, bien moins sages, dé-
clament à l'envi contre notre législation. Si
on les en croit, c'est un amas confus de lois
disparates el absurdes, un mélang ' bizarre
des lois romaines et des institutions barba-
res, des lois qui n'ont point été faites pour
nous, qui n'ont aucune analogie avec notre
caractère national, etc. (1).
M) Les lois de Miiios, deZaleucus, celles des douze
Tables, rcposenl eiiiiéreitient sur la ci;iiiile des
dieux. Cicéron, dans son iraitc des lois, pose la pro-
vidence comme la base de toute législation. Nuroa
Onoique cette discussion ne nous icgaide
uoi Ht, (111 nous permettra d'observer, 1° qu'une
législation en vertu de laquelle notre mo-
narchie subsiste depuis treize siècles, sans
avoir essuyé aucune révolution générale,
ne peut pas être aussi mauvaise qu'on le
prétend : cela n'est arrivé h aucune autre
nation de l'univers. Si nos lois étaient con-
traires au génie national, elles n'auraient
pas duré aussi longtemps cheic un peuple
auquel on a toujours reproché beaucoup
d'inconstance et de légèreté. 2° Lorsque nos
rois ont réuni plusieurs de nos provinces îi
la couronne, le [iremier article Je la capitu-
lation a toujours été que les habitants con-
serveraient leurs lois et leurs coutumes par-
ticulières. C'esi donc sur la parole de nos
rois, (]ui doit toujours être sacrée, qu'est
fimdée la diversité des lois, des coutumes,
des [loids, des mesures, de la monnaie de
eompte, etc. 3° Est-ce dans un siècle cor-
rompu el très-|!eu sage que se trouveront
les hommes les plus propres à refondre la
législation et à faire un nouveau co>le1 Des
p'dlnsophes chargés de ce soin commence-
raient par disputer selon leu coutume; au
bout de dix ans, ils ne seraient peut-être
jias d'ancord sur une seule loi. Les grands
magistrats, les jurisconsultes consommés,
sont timides; ils vrientde loin les inconvé-
nients d'une loi nouvelle, ils ne la projio-
sent qu'en tremblant; les ignorants, qui ne
prévoient rien, se croient ca|)ables de tout
réformer. Au reste, nous ne prétendons
lililmer nue les déclamations indécentes con-
tre les lois; il peut y avoir, sans doute,
dans les nôtres des défauts à réparer : c'est
le sort de tous les ouvrages des hommes,
et nous avons cet inconvénient de commun
avec tous les autres peuples. Le moyen
d'oiilenir une réfoime sage est de l'attendre
avec respect des puissances qui gouvernent.
(Oiicluons que quand un peuple est
fidèle à observer ses anciennes lois, il n'a
jias besoin et il n'est pas tenté d'en faire de
nouvelles; que quand il est indisposé contre
elles, c'est une marque qu'il n'est pas capa-
ble d'ohservei' ni de souiliir aucune loi : il
peut dire de lui-même ce que Tile-Live di-
sait ;ies Romains : Nous sommes parvenus
K une période où nous ne pouvons plus
supporter ni nos vices, ni les remèdes né-
cessaires pour les guérir.
LOLLARDS, nom d'une secte qui s'éleva
en Allemagne au commencement du s.iv'
siècle; elle eut, oit-on, pour auteur un
avait fait de Rome la ville sacrée, ponr en faire la
\\\\e éternelle. Ole/, la religion à la masse des hom-
mes, par quel la reniplacerez-vous ? Si on n'est pas
préoccupé du bien, on le sera du mal : l'esprit el le
cœur ne peuvent demeurer vides. Quand il n'y aura
plus de religion, il n'y aura plus ni patrie, ni société
pour les hommes, qui, en lecouvrani leur indépen-
dance, n'auront que la force pour en abuser. C'est
surtout dans lei Etats libres que la iciipon est né-
cessaire. C'est la, dit Polybe, que, pour n'être pas
obligé de donner un pouvoir dangereux à quelques
hommes, la plus forte crainte doit être celle des
dieux. (Portalis, Discours sur l'organisalion des
ciûteB.)
107
LON
LOT
408
nommé LoIlard-WuUer, ou Gauthier-Lollard,
qui commença de dogmatiser en 1315. 11
emprunta des albigeois la plus grande partie
de ses erreurs; il enseigna que les démons
avaient été chassés du ciel injustement,
qu'ils y seraient un jour rétablis, au lieu
que saint Michel et les autres anges coupa-
bles de cette injustice seraient éternellement
damnés, aussi bien que tous ceux qui n'em-
brasseraient pas la doctrine qu'il prêchait.
II se fit un grand nombre de disciples en
Autriche, en Bohême et ailleurs. Ces sectai-
res rejetaient les cérémonies de l'Eglise,
l'invocation des saints, l'eucharistie et le
sacrifice de la messe, l'extrôme-onction et
les satisfactions pour le péché, disant que
celle de Jésus-Christ suffisait; ils soutenaient
que le baplême ne produit aucun effet; que
la pénitence est inutile; que le mariage n'est
qu'une prostitution jurée. Lollard fut brûlé
vif h Cologne, l'an 1322; on dit qu'il alla au
bilcher sans frayeur et sans repentir.
En Angleterre, les sectateurs de Wiclef
furent nommés lollards, parce que ces deux
sectes se réunirent à cause de la conformité
de leurs sentiments; les uns et les autres
furent condamnés par Thomas Arundel,
archevêque de Cantorbéry, dans le concile
de Londres, en 1396, et dans celui d'Oxford,
en 1408. On a observé, avec raison, que les
wiclélites d'Angleterre disposèrent les es-
prits au schisme de Henri VIII, et que les
lollards de Bohême préparèrent les voies
aux erreurs de Jean Hus.
C'est ainsi que la plupart des écrivains ont
envisagé les lollards: mais Mosheim, Hist.
eccl.,\iv' siècle, n* part., c. 2, § 36, prétend
qu'ils se sont trompés. Il dit que ce nom
signifie gens qui chantent à voix basse; que
dans l'origine il fut donné aux cellites de
Flandre, confrérie d'hommes pieux, qui pen^
dant la peste noire, au commencement du
XIV' siècle, se dévouèrenl à soigner les ma-
lades et à enterrer les morts, et qui les por-
taient à la sépulture en chantant des hymnes
à voix basse et sur un ton lugubre. Voy. Cel-
lites. 11 ajoute qu'il s'en trouva parmi eux
qui, sous un extérieur modeste et dévot,
avaient des mœurs très-corrompues; désor-
dre qui rendit bientôt odieux le nom de
lollard. On le confondit avec celui de beg-
gards, gens qui affectaient de prier i)eaucoup,
et l'on désigna sous ces deux noms les hy-
pocrites qui , sous un masque de itiété , ca-
chaient un libertinage réel. Ainsi, dit-il, le
nom de lollard n'était point celui d'une
secte particulière; mais on le donna indis-
tinctement à toutes les sectes et à toutes les
personnes que l'on crut appliquées à cacher
leur impiété envers Dieu et l'Eglise sous les
dehors de la piété et de la religion, (^'esl
fiour' cela qu'on le donna presque h toutes
es sectes hétérodoxes du xiv" et du xv° siè-
cle. Voy. Beguards.
» LONGANIMITÉ. C'est le nom qu'on iloiine à la
miséricorde de Dieu, qui aUeud le pécheur à repen-
tir. Voy. Miséricorde, Conversion.
* LONGÉVITÉ. L'F>.riuire nous assure que les
patriarches vivaient trés-longlfimps. Les incrédules
ont contesté la vérité de ce récit. Il se trouve conllr-
iné par tous les historiens anciens. Bérosc, Mané-
ihon, Hirarn, Estians, Hécatée, IJellanicus, Hésiode ,
donnent une très-longue vie aux premiers hommes.
Servius, dans ses commentaires sur Virgile, dit que
les Arcadiens vivaient jusqu'à trois cents ans. Ho-
mère, Hésiode, Platon, Lucain, Senèque, parlent
aussi de la longue vie des géants.
LOT , neveu d'Abraham. Les incrédules
de notre siècle, marchant sur les traces des
marcionites, des manichéens , et d'autres
hérétiques, ont fait plusieurs objections sur
la conuuite de ce patriarche, et sur ce qui
en est dit dans l'histoire sainte {Gen. c. xix).
Ils ont dit, 1° que l'excès de la brutalité des
sodomites n'est pas croyable. Mais si l'on
veut comparer ce trait d'histoire avec ceque
plusieurs voyageurs ont écrit touchant les
mœurs de quelques nations idolâtres des
Indes etdes autres partiesdu monde, on verra
qu'en faitde corruption rien n'est incroyable;
et plût à Dieu qu'il n'y eût jamais eu rien
de semblable chez les nations oii l'on pro-
fesse le chiistianisrae 1 — 2° Ils soutiennent
que Lot fut criminel lui-même d'offrir à
ces brutaux Ses deux filles pour assouvir
leur passion. Nous convenons qu'il ne peut
être excusé que parla crante et le trouble
dont il fut saisi, etquiluiôtèrentlaréflexion.
— 3" Que le changement de la femme de
Lot en statue de sel est un phénomène im-
possible. Mais le texte signifie simplement
qu'elle fut statue, c'est-à-dire rendue immo-
bile par le sel, et non changée réellement en
sel. Or, qu'un air infecté de vapeurs de nitre,
de soufre , de bitume , de vitriol , puisse
tuer une femme et la rendre immobile com-
me une statue, ce n'est ni un prodige inouï,
ni un phénomène impossible. Quant à ce qui
a été dit par quelques historiens, que cette
statue subsistait encore plusieurs siècles après
l'événement, etc., nous ne sommes pas obli-
gés de le croire. — 4° L'on ne conçoit pas,
disent-ils, que Lot, plongé dans l'ivresse,
ait commis deux incestes successifs avec ses
deux filles, sans le sentir, comme il est dit
dans le texte. Mais le texte signifie seu-
lement qu'il ne s'en souvint point à son
réveil et lorsque l'ivresse fut dissipée.
— 5° Ils jugent que Moise ou un autre his-
torien juif a forcé cette narration, pour ren-
dre infâme l'origine des Moabites et des Am-
monites, et pour fournir à sa nation un pré-
texte de maltraiter et de dépouiller ces deux
peuples. La vérité est que les Juifs n'ont
dépouillé ni l'un ni l'autre, et n'ont pas en-
vahi un seul pouce de leur terrain. Jephté le
soutient ainsi aux Ammonites (Judic. c. xi,
V. 15) ; et il cite pour preuve les faits rap-
portes dans le livre des Nombres (c. xxii),
faits que les Ammonites ne pouvaient igno-
rer. Les guerres survenues dans la suite
entre les Juifs et ces deux peuples furent
toujours causées par des hostililés commcii-
céespar l'un des deux : on le voit )iar la
suite de l'histoire. — 6" Ils ont souvent répété
que ces traits del'liistoire sainte sont de très-
mauvais exemples. Cela serait vrai, si l'his-
toire les approuvait ; mais on n'y voit aucun
signe d'approbation. Il s'ensuit seulement
409
LUC
LUC
410
que Moïse ot les autres auteurs sacr(''s ont
'•crit avec toute la sincérité ot l'inifiartialité
possibles; qu'ils n'ont dissimulé aucun des
crimes commis par les patriarches et par
leurs descendants ; qu'ils n'ont pas cherché
à nourrir l'orgueil des Juifs, ni à leur inspi-
rer des prétentions injuslos. Par le tableau
qu'ils tracent des anciennes mœurs, ils nous
font couiprendre que, dans tous les temps,
les bieufoits que Dieu a daigné accorder aux
hommes ont été très-gratuits; que s'il avait
traité la race humaine commeelleleméritait,
il n'aurait pas cessé un moment de (onnor et
de frapper. Comme cette vérité est très-im-
portante, il a été nécessaire de l'inculquer
dans tous les temps ; il n'est pas inutile de
la répéter encore aujourd'hui. Voy. la Dis-
sertation de D. Calmet sur la ruineilc Sodome,
Bible d'Avignon, t. I, p. 593.
Barbejrac, dans son Traité de la morale des
Pères, c. S, § 7, a censuré saint Irénée et
les autres Pères de l'Eglise, qui n'ont pas
voulu condamner rigoureusement la conduite
de Lot, et qui ont cherché à atténuer h;
crime qu'il a commis avec ses tilles. Saint
Irénée pose pourmaxime que, ipiand l'Ecri-
ture rapporte une action sans la bl.'lmer,
nous ne devons pas la condamner, quelque
criminellequ'ellenous paraisse, maisy cher-
cher un type ou une tigure. Barbeyr'ac dit à
ce sujet que, quand nous y trouverions un
type, cela ne peut pas effacer le crime ; que
l'e-tcuse dont se servent les Pères donne
lieu à des conséquences très-pernicieuses
aux mœurs.
Nous convenons qu'un type n'efface pas
un crime; mais les Pères ont-ils pensé le
contraire, et n'ont-ils pas donné ^l'autre ex-
cuse ? Saint Irénée dit que Lot accomplit ce
type, ou lit l'action dont nous avons parlé,
non de propos délibéré, ni par une affection
criminelle, mais sans en avoir la pensée ni
le sentiment. Adr. Hœr., I. iv, c. 31 (olim
50 et 51). C'est donc jirincipalement par le
défiut de connaissance et de liberté dans
l'ivresse, et non h cause du type de cette
action, que saint Irénée excuse Lo^ Origène,
saint Jean Chrysostonie, Théodoret, saint
Ambroise, saint Augustin, ont fait de môme;
et ils ont cru que Lot avait été enivré par
surprise, et non par sensualité. Nous ne
voyons pas quelle conséquence il en peut
résulter contre la pureté des mœurs. Grabe,
plus judicieux que Barbeyrac, dit qu'il y a
de la témérité à porter un jugement surtout
cela. Voy. \<^sNotcsdr Feuardentet de Grobe,
sur saint Irénée.
LUC (saint), l'un des quatre évangélistes,
auteur de l'Evangile qui porte son nom (1),
et des Actes des Apôtres. Il était Syrien do na-
tion, natif d'.\ntioche, et médecin de profes-
.sion; il fut compagnon dos voyages et des
travaux de saint Paul, jusqu'à la mort de cet
apôtre ; mais depuis ce moment, on ne sait
plus rien de certain sur les lieux dans les-
(1) L'Evangile (le saint Luc est proto-canonique,
à l'exceptloit de l'iiistoire de la sueur de san£ nui
est deuiero-canoniqne.
quels saint Luc prêcha l'Evangile, ni sur le
genre de sa mort.
Selon l'opinion la plus commune, il écrivit
son Evangile l'an 53 de Jésus-Christ, et les
Actes des Apôtres dix ans après ; il cite l'Ecri-
ture sainte, selon la version des Septante, et
non selon le texte I ébreu ; d'où l'on conclut
qu'il était juif helléniste, et que l'Iié; reu
n'était |ioiiit sa Ingue maternelle. Il parle un
grec plus pur que les autres évangélistes, mais
on y remarque encore plusieurs expressions
jiropres aux juifs hellénistes, et d'autres qui
tiennent de la langue syriaque, usitée à An-
tioche. Ce qu'il dit au commencement do
son Evangile donne lieu à quelques discus-
sions, u CDUime plusieurs, dit-il, ont entre-
j)ris de faire l'histoire des choses qui sont
arrivées parmi nous, de la manière que les
ont rapportées ceux qui en ont été témoins
(lès le commencement, etqui étaient char-
gés de nous les annoncer, j'ai trouvé bon,
moucher Théophile , de vous les écrire par
ordre, après m'en être soigneusement infor-
mé dès l'origine, afin que vous sachiez la
vérité de ce que vous avez appris. »
Il n'est pas fort nécessaire de savoir si ce
Théophile, auquel saint Luc adresseaussi les
Actes des apôtres, était un personnage particu-
lier, ou si c'estlenomappcllatifde'tout homme
qui aime Dieu. Il dit qu'il s'est informé soi
gneusement do tout; de là on conclut qu'il
n'était point du nombre des soixante-douze
disciples qui suivaient Jésus-Christ, mais
qu'il avait été converti au christianisme par
la prédication des apôtres. Cependant ces
mots, des choses qui sont arrivées parmi nous,
semblent insinuer qu'il avait été ténoin
d'un; i)on'io pn-iie des actions du Sau-
veur. Saint Luc ajoute qu'il a remonté h Vo-
rir/ine; en etfet, il prend les faits de plus haut
que les autres évangélistes, puisqu'il rap-
porte la naissance do saint Jean-Baptiste,
l'annonciation laite à la sainte Vierge, et
plusieurs événements de l'enfance du Sau-
veur, dont les autres n'ont point parlé. Ce
qu'd dit de ceux qui avaient p«/rr/)m d'écrire
la môme histoire a fait croire à saint Jérôme
que saint Luc voulait désigner par là les
Evangiles faux et apocryphes, et qu'il avait
pris la plume pour les réfuter. Mais le texte
ne donne aucun lieu à celte conjecture, puis-
qu'il ajoute que ces écrivains avaient fait
l'histoire selon le rapport des témoins. Saint
Luc peut donc avoir eu on vue les Evansiles
de saint Matthieu et de saint Marc, qui exis-
taient déjà, quoique peut-être il ne les eût
pas lus. Il a pu se proposer de suivre leur
exemple, et non de les réfuter, puisqu'il ne les
contredit en rien, ou de faire une narration
plus détaillée que la leur sans pour cela blâ-
mer la leur. C est mal à propos que les in-
crédules ont voulu tirer avantage de la con-
jecture de saint Jérôme, pour concluie que
les Evangiles apocryphes exislaient déjà du
temps de saint Luc, et qu'ils sont plus an-
ciens que nos vrais Evangiles. Le premier
auleurqui ait parlé des Evangilesapocrvphes
est saint Irénée, qui n'a écrit que plus d'un
siècle après taint Luc. D'autres n'ont pas
m
LUC
LUM
413
mieux rencontré, quand ils ont conclu que
cet Evan§élihte n'était pas content des Evan-
giles de saint Matthieu et de saint Marc,
puisque le sien n'est pas opposé aux leurs et
ne les contredit en rien.
Quelques anciens, comme Tertullien et
l'auteur de la S?/nopse attribuée à saint Atha-
nase, pensent que l'Evanu;ile de saint Luc
était proprement l'Evangile de saint Paul;
que cet apôtre l'avait dicté à saint Luc ; que
quand il dit, mon Evnn<iile,i\ entend l'Evan-
gile de saint Luc. Mais saint Irénée, 1. m,
c. 1, dit simplement que saint Luc mit par
écrit ce que saint Paul prêchait aux nations;
et saint Grégoire deNazianze, que cet évan-
géliste écrivit aidé du secours do saint Paul.
Il est vrai que saint Paul cite ordinairement
l'Evangile de la manière la plus conforme au
texte de saint Luc ; on peut en voir des exem-
ples [ICor.c. xi,v.23 et 2'i.; c.xv,v. 5, etc.).
Mais saint Luc ne dit nulle part qu'il ait été
aidé par saint Paul : cette conjecture n'est
fondée que sur la liaison qui a régné con-
stamment entre l'évangéliste et l'apôtre.
Les marcioiiites ne recevaient que le seul
Evangile de saint Luc, encore en retran-
chaient-ils plusieurs choses, en particulierles
deux |)remiers chapitres, comme l'ont remar-
qué Tertuhien, L. v, contra Marcion., et
saint Epiphane, Hœr., h2. Yoy. Tillemont,
t. II, p. 130, etc.
LUCÏANISTES, nom de secte tiré de Lucia-
nus ou Lucanas, hérétique du iT siècle. Il
fut disciple de .Marcion, auquel il suivit les
erreurs, et y en ajouta de nouvelles. Sont
Epiphane dit que Lucianus abandonna Mar-
cion, en enseignant aux hommes à ne point
se m irier, de peur d'enrichir le Créateur. Ce-
pentlant, comme l'a remarqué le père Le
Quien, c'i'tnit là une erreurde Marcion et des
autres gno^tiques. Il niait l'immortalité de
Vâme, qu'il croyait matérielle.
Les ariens furent aussi appelés lucianistes,
et l'origine de ce nom est assez douteuse. 11
parait que ces hérétiques, en se nommant
lucianistes, avaient envie de persuader que
saint Lui ien, prêtre d'Antioche, qui avait
beaucoup travaillé sur l'Ecriture sainte, et
qui soutï'rit le mart.i re l'an 31'2, était dans le
même sentiment qu'eux, et peut-être le per-
snadi'rent-ils à quelques saints évoques de
ce temps-là. Mais, ou il faut distinguer ce
saint martyr d'avec un autre Lucien, disciple
de Paul de Samosato, qui vivait dans le môme
temps, ou il faut supposer que saint Lucien
d'Amioc 'i', après avoir éti' séduit d'abord par
Paul de Saniiisate, reconnut snn erreur, et
revint à la doctrine cathohque touchant la
divinité du Verbe, puisqu'il est certain qu'il
mourut dans le sein et dar;s la communion
de l'Eglise. On peut en voiries preuves. Vies
des Pères et des Martyrs, t. I, p. 124.
LUCIFÉRIENS. Ce nom fut donné à ceux
cpii adhérèrent au schisme de Lucifer, évo-
que de Cag'liari en Sardaigne ; scliisnie qui
arriva an iV siècle de l'Eglise.
Voici quelle en fut l'occasion. Après la
mort de rempereur Constance, fàuteui- des
ariens, Julien, son successeur, rendit aux
évêques exilés la liberté de retourner dans
leurs sièges. Saint Athanase et saint Eusèbe
de Verceil, dans le dessein de rétablir la paix,
assemblèrent, en 362, un concile à Alexan-
drie, ofi il fut résolu de recevoir à la commu-
nion les évêques qui, dans celui de Rimini,
avaient par faiblesse trahi la vérité catholique,
mais qui reconnaissaient leur faute. Cette
assemblée députa Eusèbe pour aller calmer
les divisions qui régnaient dans l'Eglise
d'Antioche, où les uns étaient attachés à
leur évêqueEustathe, qui avait été chassé
de son siège à cause de son attachement à la
foi catiiohque; les autres à Mélèce, qui,
api es avoir été dans le parti des semi-ariens,
était revenu à cette même foi. Lucifer, au
heu d'aller avec Eusèbe auconcile d'Alexan-
drie, était ahé directement à Antioche, et y
avait ordonné pour évoque Paulin, dont il
espérait que les vertus réuniraient les deux
partis. Ce choix déplut à la plupart des évo-
ques d'Orient, et augmenta le trouble, puis-
qu'au lieu de deux évêques et de deux par-
tis, il s'en trouva trois. Lucifer, offensé do
ce qu'Eusèbe et les autres n'approuvaient
p.is ce qu'il avait fait, se sépara de leur com-
munion, ne voulut avoir aucune société avec
les évêques reçus à la pénitence, ni avec
ceux qui leur avaient fait grâce. Cependant
les marques de repentir que les premiers a-
vaient données les rendaient dignes de l'in-
dulgence de leurs collègues. Ainsi ce prélat,
recoiumandable d'ailleurs par ses talents,
par ses vertus, par son attachement à la foi
catholique, par ses travaux, troubla l'Eglise
par un rigorisme outré, et persévéra dans le
schisme jusqu'à la mort. On ne lui a repro-
ché aucune erreur sur le dogme ; mais ses
adhérents furent moins réservés; l'un d'en-
tre eux, nommé Hilaire, diacre de Rome,
soutenait que les ariens, ainsi que les autres
hérétiques et les schismatiques, devaient
être rebaptisés lors [u'ils rentraient dans le
sein de l'Eglise catholique. Saint Jérôme le
réfuta sohdement dans son Dialogue contre
les lucifériens ; il soutint que les Pères de
Rimini n'avaient péché que parsui-prise ; (|ue
hur cœur n'.vait point été complice de leur
favlilcïse, puisque, s'ils n'avaient pas pro-
fessé assez exactement le Jogme catholique,
ils n'avaient pas non plus énoncé l'erreur;
il le i)ronva par les actes mêmes du concile.
Les lucifériens étaient répandus, mais en
petit nombre, dans la Sardaia,ne et en Espa-
gne. Dans une requête qu'ils présenté ent
aux empereurs Théodose, Valentinien et Ar-
c.idi', ils firent profession de ne vouloiF com-
muniquer ni avec ceux qui avaient consenti
à l'hérésie, ni avec ceux qui leur accordaient
la paix ; ils soutenai- ntque le jiape Daraase,
saint Hilaire de Poitiers, saint Athanase et
les autres confesseurs, en recevant à la pé-
nitence les ariens, avaient trahi la vérité. V..
Péiau, t. II, 1. IV, C.4, § 10 et 11; Tillemont,
t. VII, p. 51/...
LUMIÈRE. Dans l'Ecriture sainte,ce mot est
souvent employé dans sa signification pi-opre,
mais il a aussi trcs-fréqueranicnt un sens fi-
guré [Job. c. XXXI, v. 26}, la lumière est
4!"
l.UM
LUM
4U
prise piiui- If sideil ; dans saint Marc(c. xiv,
V. 54), file signitie du feu. Ainsi, lorsquil
est dit (Gmes. c. i, v. 3 ), que D eu rréa la
lumière, cela si,;;nirie évidemment qu'il cr'a
un corps i,An(5 et lumineux. L(^ grec v"? el le
français /eu sont la même racine. Chez tous
les i>('U[ries, la lumirre est la iiiAine diise que
In vie ; voir la lumière, jouir de la lumière,
c'est naître et vivre (Joh. c. iu,v. 16) ; mar-
chera la /wmîpre des vivants, signilie Jouir
de la vie et do la santé. De môme, dans tou-
tes les lany;ues, 1 1 latriière exprime la publi-
cité. Jésus-Christ dit à ses a[ll^tres (.Wrt///*.,
c. X, V. 27) : Ce que je vous dix dans les tM-
bres ou en secret, dites-le à la huuière, ou au
grand jour.
D(ms le «icns figuré, la lumière exprime ce
qu'il y a d jilus parl'ait. Lors(|ue saint J^'au
dit que Dieu est lumière, et qu'il n'y a point
en lui de ténèljres II Joim. c. v, v. 5 ) , il cn-
tenrl que Dieu est la S4)uvernine | ei'fection,
et qu'd n'y a point en lui de déf.iul. A peu
près dans le même sens, saint Jacques (c. i,
V. 17) ap]xdle Dieu le p^re des /i/?n)^rcs, dans
lequel il n'yapoint d'incoustance, ni a^imiie
oiuhre d.- changement. I.e Fils de Dieu, .se-
lon saint l';n\\ {Hebr. c. 1, v. 3), est la s[ilin-
deur de la lumière, ou de la gloire du Pèi'c,
cest-h-dire qu'il lui est égal en perfection.
Lorsrpie le coiciie de Nicée l'a mimmé Dieu
de Dieu, lumière de lumière, il a donné à en-
tendre que le Père éternel a engendré son
Fils égal à lui-même, sans rien perdre de
son être ni de ses perfections, comme un
flambeau en allume un auire sans rien per-
dre de sa luntière, et que l'un est parfaitement
égitl à l'autre. De même {Sap., c. vii, v. 26),
il est dit que la sagesse est la splendeur de
la lumière éternelle, le miroir sans tache de
la majesté de Dieu, et l'image de sa bonté.
La lumière de Dieu exprime souvent eu
général les bienfaits de Dieu, les etlets de
son atfection pour nous {Ps. xxxv, v. 10), le
psalmiste dit à Dieu : « Dans votre lumière
nous verrons la lumière ; » c'est-h-dire lors-
que vous nous rendrez votre affection, nous
vivrons et nous jouirons de vos bienfaits.
(Psnlm. L\yj, v. 2): « Que Dieu nous mon-
tre la lumière de son visage, » ou i)u'il nous
montre un visage serein, signe de bienveil-
lance et de bonté. (>onséquemment, la /«-
m If re désigne souvent la prospériti' et la joie
(Ps. xcvi, V. 11 ': «La lumière s'est levée
pour le juste, et la jiiie pour ceux qui ont
le cœur droit. » .Mais la lumière de Dieu dé-
signe aussi la grâce, parce qu'elle éclaire nos
esprits, et allume dans nos cœurs l'amour de
la vertu. (Ps. i.xxxix, v. 17 ), David dit à
Dicu : « Faites briller, Seigneur, votre /wmu're
sur nous, et dirigez toutes nos œuvres.» Jé-
sus-ChriSt est a]ipclé la vraie lumière i|ui
éclaire tout homme qui vient en ce moniie
IJoan. c. I, V. t) ! ; et il dit lui-même : Je suis
la lumière du monde < c. vin, v. 12; c. ix, v.
5), parce qu'il est l'aiitcur et ie distributeur
de la grâce. Par la même raison, la pamle de
Dieu, la l»i de Dieu, est appelée une lumière
qui nous éclaire, jiarce qu'elle nous fait con-
iMiîlreiiOS devoirs. Jésus-Cbrist dit à ses apô-
tie.s : Vous êtes la lumière du monde (Matth-
c. V, V. U), parce qu'ils devaient éclairer les
hommes par la prédiiation de l'Evangile <'t
pSr l'exemple d(^ leurs vertus. Ainsi, Jésus-
Christ appelle les bons exemples une lumière:
Que votre lumière brille devant les hommes,
afin qu'ils voient vos bonnes œuvres (Ibid. 16'.
Lesfidèlcs sont appelés enfants de lumière ; les
bonnes œuvres, des armes de lumière, etc.Fn-
tin, lebonheuréternel e--t désigné sous le nom
de lumière éternelle {Apoc, c.xxii, v. 5, etc.).
L'ow&rc, les ténèbres, la «u/(, sontl'oppnsé
di' la lumière, et ont h peu près autant de si-
gnilicalions coniraires. Voy. Tévèbuks, etc.
La manière dont Moïse raconte la création
(le la lumière est remarquable par l'énerçie
et 1(' subbme de son expression. Dieu dit :
Que la lumière soit, et la lumière iut. Le rhé-
teur Longin, quoique paien, était frappé de
la noblesse avec laijuelle Moïse exprime le
pouvoir créateur de Dieu, qui opère par le
seul vouloir. Ceise, moins sensé, d.sait que
cette maiiiére de parler semblait suppos.M'
dans Dieu un désinmimissani ou un besoin :
reiiian]ue ab>-urde, pnisquec'estuncommai!-
demeiit qui est imm ilati-ment suivi de sou
etf t. Les manichéins, de leur côté, trou-
vaient mauvais que Moïse etit rapporté li
création delà lumière, avant celle du soleil ;
qu'il eût supposé un jour, un soir et un m-i-
tin, avant qu'il y eût un soleil. Les incrédu-
les modernes, dont toute la s ience consiste
à collier les anciens, ont répété (lu'il n'y a
rien de sublime dans la narration de Moïse,
qu'il y a même du désordre et de la confu-
sion; qu'il a suivi l'opinion populaire, selon
laquelle \àlumiêre ne vient |ws du soleil, et
q'ii suppose que c'est un corps fluidi' distin-
gué de cet astre. Rien n'est moins judicieux
que cette censure. Un peu de bon sens suf-
fit pour sentu' qu Moïse ne pouvaitpas mieux
exprimer qu'il l'a fait la création proprement
dite, et l'on délie tous les philosophes de
mieux rendre cette idée. Poui' qu'il y eût un
jour, un soir et un matin, il suffisait qu'il y
eût un fc'i, un corps lumineux quelconque
qui tourn'.t autour de la terre, ou autour du-
quel la terre tournât. Or .Âloïse nous ap-
prend que Dieu cn'-a ce corps , duquel
probablement le soleil et les étoiles furmt
formés trois jours après. Il n'y a donc point
ici de confusion.
Cr lire que la lumière est un fluide très-
distingué du .soleil, ce n'est p;is une opinion
populaire, mais un système philosophique
soutenupar plusieurs anciens, renouvelé par
Descartes, suivi encore par un bon nomijre
d'hshiles physiciens. Quand on frappe d(ux
cailloui 1 un contre l'autre , dans l'obscurité,
les étincelles de lumière qui en sortent ne
viennent certainement f)as du soleil. Mais
Moïse ne dit rien qui favorise ni qui détruise
cette opinion, puisqu'il paile jimpleinent
d' Mil feu ou d'un corps lumineux, dont l'elfet
fut un soir et un matin, par eonséqueiil uû
jour. Voy. Jour.
Au IV' siècle, il y eut une gr lude dispute
poursav^iirsi la /h/hkVp que certains moines
visionnaires croyaient voir à ieur nombril,
41S
LUT
LUT
416
était la même que celle dont Jésus-Christ fut
environné sur le Thabor; si cette lumière
était créée ou incréée. Otte question très-
absurde donna lieu à une autre qui était de
savoir si les opérations extérieures de Dieu
étaient distinguées ou non de son essence ;
si elles étaient créées ou incréées. La chose
parut assez grave aux Grecs pour assembler
quatre conciles, dans trois desquels ils con-
damnèrent ceux qui soutenaient que les opé-
rations extérieures de Dieu étaient créées et
distmguées de son essence. Nous en avons
parlé au mot Hésichastes.
LUMINAIRE. Voy. Cierge.
LUTHÉRANISME, sentiments de Luther
et de ses sectateurs touchant la religion.
De toutes les hérésies qui ont affligé l'Eglise
depuis sa naissance, il n'en est aucune qui
ait fait des progrès plus rapides, et qui ait
produit d'aussi tristes effets. Celle-ci eut pour
auteur Martin Luther, néàEisleben, ville du
comté de Manstèld en Thuringe, l'an 1483.
Après ses études, il entra dans l'ordre des
Augustins ; en 1508, il alla à Wirtemberg, et
y enseigna la philosophie dans l'université
qui y avait été établie quelque temps aupa-
ravant. En 1512, il prit le bonnet de docteur;
en 1516, il commença de s'élever contre la
théologie scolastique, et la combattit dans
des thèses. En 1517, Léon X ayant fait prê-
cher des indulgences pour ceux qui contri-
bueraient aux dépenses de l'éditice de Saint-
Pierre de Rome, eu donna la commission
aux dominicains. On prétend qu'ils s'en ac-
quittèrent de la maiTière la plus odieuse; que
la plupart de leurs quêteurs menaient une
vie scandaleuse, et faisaient un indigne tra-
lîc des indu'gences ; que ces moines, dans
leurs sermons, avançaimit des erreurs, des
absurdités, et même des impiétés, pour faire
valoir les indulgences. Il peut y avoir de
l'exagération dans ce reproche ; il vient de
la part des protestants. Luther, homme vio-
lent et emporté, d'ailleurs fort vain et plein
de lui-môme, trouva bon de prêcher contre
eux, et il le fit avec plus de clialeurque n'en
inspire le vrai zèle : c'est ce qai a donné des
soupçons contre la pureté de ses motifs. Des
prédicateurs, il passa aux indulgences mê-
mes, et il déclama également contre les uns
et les autres. Il avança d'abord des proposi-
tions ambiguës; engagé ensuite dans la dis-
pute, il les soutint dans un sens erroné, et il
alla si loin, qu'il fut excommunié par b^ pape
l'an 1320. Avant cette condamnation, il avait
ap elé au pape, ets'i'tait soumis à son juge-
ment ; mais quand il se vit flétri et ses ojji-
nions proscrites, il ne garda plus de mesures.
11 fut si flatté de se trouver chef de parti, que
ni l'excommunication de Rome, ni la con-
damnation de |)lusieurs universités célèbres,
en particulier de la faculté de théologie de
Paris, ne tirent aucune impression sur lui.
Ainsi il forma une secte que l'on a nommée
le luthéranisme, et dont ies partisans sont
appelés luthériens.
Pour s'en former une idée juste, il faut
voir comment Luther fut entraîné d'une er-
reur à une autre par les conséquences, avec
quelle rapidité sa doctrine se répandit, quel-
les furent les causes qui y contribuèrent ,
quels sont les effets qui en ont résulté. Dans
l'article suivant, nous veri'ons le nombre des
sectes qui sont nées de celle de Luther.
I. Lorsque ce novateur déclama contre l'a-
bus des indulgences, il ne prévoyait pas à
quels excès il serait conduit par la fougue de
son caractère ; s'il l'avait pressenti, il est à
j)résumer qu'il aurait recula à la vue du
chaos d'erreurs dans lesquelles il allait so
jilonger : rien n'est plus propre que sa con-
duite à effrayer ceux qui seraient tentés d'in-
nover en fait de reli.ion. Comme nous ré-
futons ses opinions dans les divers articles
de ce Dictionnaire qui y ont rapport, nous
nous contenterons d'y renvoyer le lecteur.
Pour savoir si l'usage des indulgences
était légitime en lui-même, il fallait exa-
miner si l'Eglise a le pouvoir d'absoudre le
pécheur de la peine éternelle qu'il a méri-
tée ; si, après la rémission de cette peine,
il est encore obligé de satisfaire à la justice
divine par une peine temporelle; si l'Eglise
peut l'en dispenser, du moins en partie, en
lui ajtpliquant par l'indulgence les mérites
surabondants de Jésus-Christ et des saints.
Luther ne nia pas d'abord l'efficacité de
l'absolution, mais il nia la nécessité do la
satisfaction; il dit qu'à la vérité l'Eglise
avait puimposer, par les canons pénitentiaux,
des peines médicinales, ou de bonnes œu-
vres, capables de préserver le pécheur de
la rechute; que ces peines étaient une pré-
caution contre les péchés futurs, mais non
un remèile pour les péchés passés ; que
toute l'indulgence de l'Eglise cniisislait à
dispenser le pécheur de la rigueur de cette
ancienne discipline purement ecclésiastique
et non à le décharger devant Dieu d'aucune
obligation. Voy. Indulgence, Satisfaction.
— Poussé sur cet article, il prétendit que
l'Eglise n'avait pas même le pouvoir de re-
mettre les péchés par l'absolution, mais
seulement de déclarer que le péché était
remis. Voy. Absolution.
Par quel moyen le péché est-il donc re-
mis, si l'absolution n'a pas cette vertu ? Par
la foi, répondit Luther, non par cette foi
générale par laquelle nous croyons tout ce
que Dieu a révélé, mais par une foi spé-
ciale par laquelle nous croyons fermement
que Jésus-Cnrist est mort pour nous, el
que les mérites de sa mort nous sont ap
[diqués ou imputés. C'est à cette prétemlue
loi que Luther applique ce qu'a dit saint
Paul, que nous sommes justiliés par la foi,
et que le juste vit de la fbi, etc. ; mais il est
évident que saint P;iul n'a jamais entendu
la foi de la manière dont il a plu à Luther de
l'expliquer. Yoy. Foi, § 5; Justification,
Imputation. Tel est néanmoins le fonde-
ment de tout le système de cet hérésiarque,
comme on va le voir.
Si c'est par la foi seulement que les pé-
chés nous sont remis, ce n'est donc pas par la
contrition. Aussi Luther décida que la con-
trition, loin de rendre l'homme moins pé-
cheur, le rend plus hypocrite et plus cou-
AIT
LLT
LUT
il8
pable. Voy. Contrition. Il fut néanmoins
d'avis de conserver la confession, à cause
(les .salutaires effets qu'elle peut produire :
c'est uu des articles (te la confession d'Au^s-
bourj^ ; mais, dans la suite, les IuHk riens
l'ont supprimée. En effet, qui pourrait se
résoudre à une pratique aussi humiliante et
aussi [)énible , dès qu'il serait persuadé
qu'elle ne contribue en rien k la rémission
du péché, et que, sans elle, les péchés nous
sont remis par la foi? Yoy. Confession. —
Consi'quemment tout ce que nous nonuuons
œuvres satisfactoires, le jeûne, la |iéiiileiice,
la continence, les macérations, l'aumône, etc.,
sont très-superllus ; Luther n'hésita ])oint
de l'affirmer et de comlamner ainsi les saints
de tiius les siècles, saint Paul et tous les
apôtres. Les vœux monastiques, par les-
quels on s'oblige h toutes ces pratiques
sont, selon lui, un abus. Il donna l'exemple
d'en secouer le joug, en épousant une re-
ligieuse, et il déclama conlre le célibat des
prêtres.
On doit faire, sans doute, des œuvres de
charité et de religion, des aumônes, des
prières, puisque Jésus-Christ les commande;
mais, selon Luther, elles ne contribuent ni
à effacer les péchés, ni à nous rendre agréa-
bles à Dieu, ni à nous mériter une récom-
Ëense;etron no sait pas trop pourquoi
ieu nous les commande. Luther soutint
même absolument que nous ne pouvons
rien mériter, que tous nos mérites consis-
tent en ce (jue ceux de Jésus-Christ nous
sont imputés par la fni. Il poussa l'ontôte-
ment jusqu'à enseigner, d'un côté, que
l'homme pèche dans toutes ses œuvres, et
de l'autre, que l'homme, justifié par la foi,
ne peut commettre des péchés, parce que
Dieu ne les lui imnuto point. M. Bossuet
fait sentir toute l'absurdité de cette contra-
diction, Uist. des Variât., 1. i, n. 9 et suiv.
Voy. OEuvKES, MÉRITES, Voeux, etc.
Mais si l'homme pèche nécessairement
dans toutes ses œuvres, en quoi consiste
donc le libre arbitre '? Luther prétendit que
le libre arbitre est nul; que Dieu fait tout
dans l'homme, le péché aussi bien que la
vertu; que le libre arbitre, tel que les théo-
logiens l'admettent, est incompatible avec la
corruption de l'homme et avec la certitude
de la prescience divine. Cette doctrines scan-
daleuse fut adoucie dans la confession
d'Augsbourg, et aucun luthérien n'oserait
aujourd'hui la soutenir dans les termes ré-
voltants dont se servait Luliier
Dès que les péchés ne nous sont point
remis par les sacrements, mais jiar la fui, il
s'ensuit que toute l'eiricacité des sacrements
consiste en ce que ce sont des signes capa-
bles d'exciter la foi : telle fut l'opinion de
Lutiier. Comme il jugea que les deux seules
cérémonies capables de produire cet effet
sont le baptême et l'eucharistie ou la cène,
il ne retint que ces deux sacrements; la
confessiond'Augsbourgyajiuit a la pénitence:
mais il ne paraît pas que les luthériens soient
demeurés fermes dans ce dernier article de
leur confession.
Du principe de Luther touchant les sacre-
ments, les anabaptistes et les sociniens ont
conclu que les enfants étant incapables d'a-
voir la loi, il ne faut pas les baptiser après
leur naissance, mais qu'il faut attendre qu'ils
soient jiarvenus à l'Age de raison. Voy. Sa-
crement, etc.
Il y avait dans la doctrine de ce novateur
une ditficult(* par rapport à l'eucharistie. Si
les paroles sacramentelles prononcées par
les prêtres ne produisent rien, quel peut
être l'effet de la consécration? Ici Lutiier,
fieu d'accord avec lui-même , a soutenu
constamment qu'(>n vertu des paroles de la
consécration , Jésus-Ciirist est réellement
présent dans l'eucharistie, mais que la subs-
tance du pain et du vin y demeure; il rejeta
donc la transsubstantiation. Mais Carlostadt,
son collègue dans l'université, soutint contre
lui que la substance du corps de Jésus-Ciirist
ne pouvait pas subsister avec celle du pain
et du vin ; que s'il fallait admeitre la pré-
sence réelle, il fallait admettre aussi la
transsubstantiation comme les catholi(jues.
Carlostadt eut des sectateurs qui furent
nommés sncramentaires ; leur sentuncnt sur
l'eucharistie a été suivi par Zwingle et par
Calvin. Luther no recula point; il persista
jusqu'à la mort à enseigner le dogme de la
présence réelle; mais il le fit plutôt par es-
prit de contradiction contre les sacramcn
taices que par respect pour les paroles de
Jésus-Christ, ou par habitude de raisonner
conséquemment, et l'on ne sait pas trop ce
qu'il entendait par cetlc. présence réelle. Après
lui , lorsqu'il fallut expliquer comment le
corps de Jésus-Christ peut être dans une
hostie avec le iiain , quelques luthériens
dirent que c'était par impanntion, d'autres
par ubiqitité, d'autres par concomitance, ou
par une imion sacramentelle. Voy. Impana-
TioN, Transsubstantiation, Ubiquité.
Si Jésus -Christ est réellement présent
dans l'eucharistie, il doit y être adoré. Lu-
ther hésita sur ce point; il avait d'abord
conservé l'élévation de l'hostie à la messe,
en dépit de Carlostadt qui la désapprouvait ;
ensuite il la supprima, et ne voulut plus que
Jésus-Christ, présent sur l'autel, y fût adoré:
conséquemment il défendit de garder du
pain consacré, et il exigea la communion
sous les deux espèces. — Pouniuoi Jésus-
Christ, présent sur l'autel, ne pourrait-il
pas être offert en sacrifice à son Père ? Lu-
ther y aurait peut-être consenti; mais comme
les mérites de Jésus-Christ pourraient aussi
nous être appliqués par le sacrifice, cet hé-
résiarque , qui ne voulait point admettre
d'autre application de ces mérites que par la
foi, nia que la messe fût un sacrifice. 11
n'avait blAmé d'abord que les messes pri-
vées; mais bientôt après il retrancha l'obla-
tion , l'élévation et l'adoration de l'eucha-
ristie. Voy. Sacrifice, Messe , Elévation,
Communion, etc.
De tout temps cependant ce sacrifice a
été offert pour les vivants et pour les morts;
mais selon la doctrine de Luther, le péché,
une fois remis par la foi, n'a plus besoin
■M9
LUT
LUT
*èli
d'être expié ni en ce monde ni on l'autre :
H n'y a donc point de purgatoire; la prière
pour les morts est superflue. Dans tou-
tes les liturgies chrétiennes on a fait
mémoire des saints ; mais l'invocation des
snints, selon Luther, leur suppose des mé-
rites indépendants de ceux de Jésus-Christ.
En vertu de cette fausse conséquence qu'il
prêtait malicieusement aux théologiens ,
il rejeta l'invocation et l'intercession des
saints. Voy. Morts , Purgatoire , Saints, etc.
Puisque , selon lui , les sacrements et
toutes les cérémonies n'ont point d'autre
effet que d'exciter la foi, l'ordination des
prêtres ne peut leurdonner aucun caractère,
aucun pouvoir surnaturel; il n'y a point do
vrai sacerdoce ni d hiériirchie ; c'est aussi le
sentiment de Luther. Dès qu'il ôtait au ma-
riage la dignité de sncrement, on ne doit
pas être surpris de ce qu'il a donné atteinte
a l'indissolubilité de ce lien, de ce qu'il a
permis la poh gamie au land.^rave de Hesse,
et de ce qu'il a été très-relâché sur l'adul-
tère ; on le lui a reproché plus d'une fois.
Vo}/. OnDiNATioN, HiÉuàRcniE, Mariage, etc.
Furieux d'avoir été condamné et excom-
munié par le pape, il décida que le pajie
était l'antechrist ; il nia que l'E-lise eût le
pouvoir déporter des censures" et de con-
damner dos erreurs ; il soutint que la seule
règle de loi des fidèles est l'Ecriture sainte.
Mais, par une contradiction révoltante, lui-
même condamnait les sacrameutaires et les
anabaptistes , s'attribuait parmi ses secta-
teurs toute l'autorité duu souverain pontife,
ne voulait pas que l'on fît usage d'une
autre version de l'Ecriture sainte que de
la sienne , excommuniait et aurait voulu
exterminer tous ceux qui ne pensaient pas
comme lui. 11 avait rejeté du canon des
Ecritures l'épitre de saint Jac(|ues , parce
qu'elle enseigne trop clairement la néces-
sité des bonnvs œuvres; mais les luthériens
ont adouci sur ce point la docirine de leur
patriarche, et ont remis cette épître dans le
canon, de même que rApoi'a'ypse, qui n'est
pas reçue par les calvinistes.' Voy. Clergé,
Pape, etc.
Le même principe sur lequel il rejetait
toutes les lois et les institutions de l'Eglise,
comme autant d'inventions humaines, le
conduisit à soutenir qu'en vertu de la li-
berté des enfants de Dieu, acquise par le
baptême, un chrétien n'était assujetti à au-
cune loi humaine. Aussi, lorsqu'il eut fait
paraître son livre De la Liberté chrétienne,
les paysans d'une partie de l'Allemagne se
révoltèrent contre les seigneurs, l'an 1525,
jirirent les armes, et se livrèrent aux plus
grands excès. Voy. Liberté chrétiexne.
11 est donc évident que le luthéranisme
ne s'est formé que peu à peu, et par pièces;
(/a été l'ouvrage des circonstanees, du ha-
sard, de l'intérêt du moment, mais surtout
des passions, plutôt que de la force du génie
de son auteur. La multitude (tes disputes
qu'il a causées, des erreurs et des désordres
auxquels il a donné lieu, des sectes qui en
sont sorties du vivant même de Luther, ont
dil convaincre ce novateur de l'énorraité du
crime qu'il avait commis, en levant le pre-
mier l'étendard de la révolte. Il a vécu dans
le trouble, dans la crainte, dans les fureurs
de la haine; à moins qu'il n'ait été frappé
d'un aveuglement stupide , il n'a pas pu
mourir sans remords. — 'Vainement ses
sectateurs font de lui les éloges les plus
outrés, et le peignent comme un apôtre sus-
cité de Dieu pour réformer rEj;lise. Ce n'é-
tait dans le fond qu'un moine brutal et
grossier , qui n'avait d'autre mérite que
d'avoir passé sa vie à disputer dans une
université. Ses panégyristes mêmes sont for-
cés de convenir que, quand il mmpit avec
l'Eglise romaine, en 1520, il n'avait point
encore formé de système théologique, et
qu'il ne savait encore ce qu'il devait ensei-
gner ou rejeter dans la croyance catholique.
Ce n'est point en tâtonnant ainsi, que les
apôtres ont dressé le symbole delà foi chré-
tienne. Les calvinistes et les anglicans ne
conviennent point du mérite éminent que
les luthériens attribuent à leur fondateur.
Voy. les Notes du tradact. de Vhist. ecclés. de
Mosheim, tom. l'V, p. 50, 61, etc.
(1) Voici le jugement que Tailleur des Discussions
wnicaie-i porte des principaux réformateurs. D'abord
Lutljer témoigne qu'étajÉt catholique « il avait passé
sa vie en austérités, en veilles, en jeûnes, en orai-
sons, avec pauvreté, chasteté et obéissance, i Une
fois réformé, c'est un autre homme ; il dit i que
comme il ne dépend pas de lui de n'être point horimie,
il ne dépend pas non plus de lui d'être sans femme,
et qu'il ne peut pas plus s'en passer que de &ubvejûr
;u)\ nécessités naturelles les plus viles. > (Tom. V,
Hi Clip. ] ad Gntal., v. 4, et Serm. de Matiiin.,
M. 119.)
« Je ne m'esmerveille plus, ô Luther, lui écrivait
Henri "VIH, comment lu n'es honteux :i bon escient,
et comme tu oses levei- Us yeux et devant Dieu et
devant les hommes, puisque tu as été si léger cl si
volage de t'etre laisié transporter par l'instigation
du diable à les folios concupiscences. Toi, frère je
l'ordre de Saint-Augustin, as le premier abusé d'une
nonain sacrée, Iccjuel péclié eut été, le temps passé,
si rigoureusement puni, (|u'elle eût été enterrée vive,
et toi fouetté jjisqu'à rendre l'âme. Mais tant s'en faut
que tu ayes corrigé ta faute , qu'encore, chose exé-
crable ! tu l'as publiquement prise pour femme ,
ayant contracté avec elle des uoces incestueuses et
abusé de la pauvre et misérable p,..., fiu grand scan-
dale du monde, reproche et vitupère (le ta nation,
mépris du saint mariage, très-grand déshonneur et
injure des vœux faits à Dieu. Finalement, qui est
encore plus détestable, au lieu que le déplaisir et
honte de ton incestueux mariage le dût abattre et
accabler, ô misérable ! lu en fais gloire ; au lieu de
requérir pardon de ton malheureux forfait, tu provo-
ques tous les religieux débauchés, par tes lettres, par
tes écrits , d'en faire le même. » ( Dans Florim.
p. 299.)
« Dieu, pour chàiier l'orgueil et la superbe de Lu-
ther, qui se découvre dans tous ses écrits, dit un des
premiers sacraraentaires, retira son esprit de lui,
l'abandonnant à l'esprit d'erreur et de mensonge, le-
quel possédera loujouis ceux qui ont suivi ses opi-
nions , jus(|u'à ce qu'ils s'en retirent. > ( Conrad.
Reis., sur la cène du Seiijueur, B. 2.) < J.;Ul,her nous
traite de secte exécrable et damnée ; mais qu'il prenne
garde qu'il ne se déclaie lui-même pour archi-héré-
ti(|ue, par cela même qu'il ne veut et ne peut s'asso-
cier avec ceux (|ui confessent le Christ. Mais que c-'
hoiume se laisse élrangemeni emporter par ses de •
121 LUT
11. Mais ce fougueux réformateur fut
ébloui par un succès auquel il ne s'était pas
attendu. Les premiers qui embrassèrent le
nions! que son langage est sale, Cl (jue ses paroles
sont pleines dos diables d'enfer ! Il dit »|ne lo diable
habile niaiiiteiianl et pour Kuijours dans le corps des
zwiiigliens, que les blasphèmes s'cxlialenl de leur
sein ensatauisé, sursalanisé et pcisataiiisé ; ipie leur
langue n"est «pi'une langue niensongèie, reniuée au
gre de Saian, infusée, peifusée et translusce dans son
venin infernal. Vit-on jamais de lels discourj sortis
d'un démon en fureur? Il a écrit tous ses livres par
l'inipuUion et sous la diclée du déjiiou, avec lequel il
eut alfairc, et qui, dans la luUe, parait l'avoir ter-
rassé |)ar des arguuicuts viciorieux. » ^L'cglise de
Zurich, Ciinlrn lu Coiif. de Lulhet, p. (il.)
« Voyez-vous, s'écriait Zwiugle , comme Satan
s'elTorce d'entrer en possession de cet homme? >
[Hép. à tu Coiif. (le Luther.) i 11 n'est point rare, di-
sait-il encoie, de voir Luther se eouiiediro d'une
page à l'autre... ; el, ;» le voir au milieu des siens,
vous le croiriez obsédé d'une phalange de démons, i
(//< d.) Iniligné de l'accueil (|ue Luther avait l'ail ;i
sa version des Ecritures, il teinprte à son tour contre
celte de Luther, l'appelaiii « un inipos|.ei4r qui change
el rechange la sainte parole. ^
I Vériiableiiieiil Luther est fort vicieux, disait
Calvin ; plût à Dieu qu'il eiU soin de réfieiier davan-
tage rinlempcrancc qui bouillomie eu lui de tout
côté ! plùl à Dieu qu'il eût songé davantage à recon-
naître ses vices ! > ( Schlusseniberg, Tliénl. Cidv.,
liv. Il, fol. 126.) « Calvin disait encore que Luther
n'avait rien fait qui vaille ; q\i'il ne faut point s'a-
muser à suivre ses traces, être iiapisle à dcuii; qu'il
vaut mieux bàlir une cglisi^ tout à neuf... Quelquefois,
il est vrai, Calvin donnait des louanges :> Luther, jus-
?iu'a l'appeler le restaurateur du christiai.isme. »
Fhu-im.)
< Ceux, diseid les disciples de Calvin, qui mettent
Luthcraurang des propbcles, et constituent ses livies
§our règle île l'Eglise, ont Iri'S-mal mérité di' l'Eglise
e Christ, et exposeiil soi el leurs églises ii la risée
el coupe-gorge de leurs adversaires. » (In. Admon.
de lih. Cunciiril., c. G.)
« Ton école, répondait Calvin an hiihérien 'Wes-
phal, n'est qu'une puante étable à pourceaux
ni'enlends-lu, chien ? m enlends-lu, frénétique? in'en-
tends-tu, grosse béte? >
Carhisladl, retiré a Orlamunde avec sa femme, s'y
était tellemeni fail goûter des habitants, qu'ils failli-
rent lapider Luther, a<'Couru pour le goiirmander
sur ses mauvaises opinions timchant leucliaristic ;
Luther nous l'apprend dans sa lettre à ceux de Stras-
bourg : « Ces chrétiens me chargèrent à coups de
pierres, me donnant telle bénédiction: Va-l'en à tous
les mille diables ! te puisses-tu rompre le col avant
d'cire de retour chez toi ! •
Mélnnchivn. Voici le jugement (|u'en ont porté
ceux de sa coiiununion. Les luthériens di'clarent en
plein synode « qu'il avait si souvent changé d'opinion
sur la primauté du pape, sur la justilicatiou par la
foi seule, sur la cène, sur le libre arbitre, que toutes
ses incertitudes avoient l'ail chanceler les faibles dans
ces questions fondamentales , empêché un grand
nombre d'embrasser la confession d'Augsboiirg ;
qu'en changeant el rechangcanl ses écrits, il n'avait
donné que trop de sujet aux pontificaux de relever
ses variations, et aux iiilèles de ne savoir plus à ipioi
s'en tenir sur la véritable doctrine. » Ils ajoutent
I que son fameux ouvrage sur les Lieux tliéologiquis
pourrait plus convcnablemenl s'appeler Tmilé sur les
jeui théotogiqnes. > ( C'jU ij. Alleiil'., M. ."iOâ, .503,
an. 1568.) Schlusseniberg va même jusqu'à déclarer
« ipie, frappé d'en-haut par un esprit d'aveuglement
el de vertige, Mélanchion ne lit plus ensuite que tom-
ber d'erreur en erreur, el finit par ne plus savoir ce
LUT i<ii
luthéranisme furent ceux de Mansfeld et de
Saxe; il fut prêché h Kiaichsaw, en 1521; à
Goslar, îi Rostoch, à Riga en Livonie, h
ipi'il fallait croire lui-même. > Il dit encore c que
maiiifesteuieut Mélanchton avail contredit la vérité
divine, à sa propre honte, et il l'ignominie perpé-
tuelle de son nom. » (Lut. i. p. 91, etc.) Eu efl'el,
peut-on imaginer quelque chose déplus contraire à
la foi, au christianisme, que celle proposition de
Mélanchion : La arliiles. d (ai d ivriil être m uveiit
chniniés cl éire calqué'i sur les leihpn el les lirconslunces.
(l'.nir. philos, du baron de Starck, miiiislre proles-
lanl, etc.)
(E ol imp de. Lrs luthériens oui écrit, dans l' l-
polû lie de le ir cène, qu'OEiolampadi', fauteur de
l'opinion sacramentaiie, parlant un jour au land-
grave, lui dit : « J'aimerais mieux qu'on m'eût coupé
la main, (|ue non pas qu'elle eût rien écrit conli'e
l'opinion de Luther en ce qui regarde la cène, i Ces
paroles, rapportées à Luther par un homme ipii les
avait eiitenilues, parurent adoucir un instant la haine
du patriarche de la reforme ; il s'écria en a|)prenant
sa mort : « Ah ! misérable et infortuné UIÀolanipade,
tuas été leprophèleileton malheur, quand tu appelas
Dieu à prendre vengeance de loi si tu enseignais une
mauvaise doctrine. Dieu te pardonne, si lu es en tel
état qu'il te puisse pardonner, i ('"!/. Floiim., p.
175.) Peudant que les habitants de liàle plaçaient
dans leur cathédrale celte épitaphe sur son tombeau :•
« Jean OEcolampade, théologien , premier au-
teur de la doctiiiie évangilique dans celle ville, et
v.iilable évèqiie de ce temple, i Luther écrivait, de
son côté, (|ue « le diable , duquel (Kcolampade se
servoil, l'étrangla de nuil dans son lit. — C'est ce
bon maitre, dit-il encore, qui lui avait appris qu'en
l'Ecriture il y avait des conlradiclions. Voyez à quoi
Satan réduit les hommes savants, t {De Missa pri-
vai/.)
Cmlnsiudi. En voici le portrait tracé parle modéré
Mélanchton : c C'était, dit-il, un homme brûlai, sans
esprit, sans science et sans aucune lumière du sens
commun ; qui, bien loin d'avoir quelque marque de
l'esprit de Dieu, n'a jamais su ni pratiqué aucun des
devoirs de la civilité humaine. Il paraissait en lui des
marques évidentes d'impiété ; toute sa doctrine était
ou juda (pie ou séditieuse. Il condamnait toutes les
lois faites par les païens ; il voulait que l'on jugeât
selon la loi de Moise, parce qu'il ne connaissait point
la natiiri' de la liberté chrétienne; il embrassa la
doctrine faMatii(ue des anabaptistes, aussitôt que Ni-
colas Siork commença de la répan.lre. Une partie de
l'Allemagne peut rendre témoignage que je ne dis
rien en cela ipie de véritable. > (Florim.) Il fut le
premier prêtre de la réforme (|ui se maria. Dans la
messe de nouvelle fabrique qui fut composée pour
son mariage, ses fanaliques partisans allèrent jus-
qu'au point de qualifier de bienheureux cet homme
qui iiorlait des tiiarijues évidentes d'inipiélé. L'oraison
de celte messe était ainsi conçue : Dens, qui p si tam
lonyain elimxiain facerdoliim tthrmn cœcitalem, bia-
lum Adrœnm CarlosiaHitm ea qratia dunare dignalus
es, ut piimus, niilla hiibila r.t.oiie p ;pis(j. i jiiris, u.ro-
rcm ducere auMs fueril; da, qiiœsiimus, ui umnes sa-
cerdoles, receplit s^anii mente, ejus eestigui sequenles,
ejeciis coticubinii anl eisdtm duclis, ad leijitimi eonsor-
liinit thori ronvertuntur ; Ver Dominum nosirum, etc.
(Citi'e dans Florim.)
€ On ne peut nier, nous disent les luthériens, que
Cirlosladt n'ait clé étranglé du diable, vu tant de té-
moins (|ui le rapportent, tant d'auteurs qui l'ont mis
par écrit, et les lettres mêmes des pasteurs de Uàle. »
( Hist. de Ccen. .Aiigusl., fol. 41.) Il laissa un lils,
Hans Carlostadt, qui, détaché des erreurs de son
pi'rp, se rangeai l'Eglise catliolii|iir.
Tels furent les apôtres de la prêt ndue rérorme :
or, que pouvait-on attendre de pareils hommes? Que
i25
LUT
LUT
m
Reutiinge et à Halle en Souabe, à Augs-
bourg, k Haral)Ourg, en 1522 ; en Prusse et
daps la Poméranie, en 1523 ; à Eimbecli,
flans le duché de Lunebourg, h Nuremberg,
eu 1525; dans la Hcsse, en 1526 ; à Altem-
bourg, à Brunswick et à Strasbourg, en
1528; à Gottingue, h Lemgou, à Lunebourg,
en 1530; à Munster et à Paderborn en West-
phalie, en 1532; à Ktlingue et ;v Ulm, en
t533; dans le duché de Gubenhaguen, à
Hanovre et en Poméranie, en 1531.; dans le
duché de Wirtemberg, en 1535; à Cotbus,
dans la Basse-Lusace, en 153"; dans le comté
de la Lippe, en 1538 ; dans j'électorat de
Brandebourg, à Brème, à Hall en Saxe, à
Leipsick en Misnie, et h Quedlimbourg, en
1539; à Embden dans la Frise orientale, à
Hailbron, à Halberstat, à Magdebourg, en
15ÎI-0; au Palatinat dans le duché de Neu-
bourg, à Ragensbourg, et à Wismar, en 154-1 ;
àBuxtende,ù Hildesheim et à Osnabruck,
en 154-3; dans le Bas-Palatinat, en 154-0 ;
dans le Mecklembourg, en 1552; dans le
marquisat de Dourlach et de Hochberg, en
1556; Jansle comté de Benteheim, en 1564;
pouvail-on espérer de leurs prédications? Quels en
lurent les résultais? Eux-nicnies vont nous rappren-
dre. 1 Le monde, dit Luther, empire tous les jours,
et devient plus méchant. Les hommes sont aujour-
d'hui plus acharnés à la vengeance, plus avares, de-
mies (le toute miséricorde, moins modestes et |)lus
incorrigibles; enfin plus mauvais qu'en la papauté. >
( Luther, i« PoslHla, sa>). l. Doui. Advent.)
« Une chose aussi étonnante que scandaleuse, est
de voir que depuis que la pure doctrine de l'Evan-
gile vient d'ctre remise en lumière , le monde s'en
aille journellement de mal en pis.» (Luther, in Senn.
conv.v. Germuin., fol. 55.)
Luther avait coutume de dire « qu'après la révéla-
tion de son Evangile, la vertu avait été éteinte, la
justice opprimée, la tempérance garrottée, la vérité
déchirée par les chiens, la foi deveime chancelante,
la dévotion perdue. »
I Les nobles et les paysans en sont venus à se van-
ter sans laçon, qu'ils n'ont que faire d'être prêches ;
qu'ils aiment mieux qu'on les débarrasse tout-.i-1'ait
de la parole de Dieu, et qu'ils ne donneraient pas
une obole de tous nos sermons ensemble. Eh ! com-
ment leur en faire un crime, dès qu'ils ne tiennent
nul compte de la vie future? Ils vivent comme ils
croient; ils sont et restent des pourceaux, croient
en pourceaux et meurent en vrais pourceaux. >
(Le même, sur ta 1" Ep. aux. Corintltieus, chap. 15.)
C'était alors un proverbe en Alleiuagne, pour an-
noncer qu'on allait passer joyeusement la journée en
débauche : tlodie lulheranice vi émus; nous nous en
doimerons aujourd'hui a la luthérienne.
I Que si les souverains évangélisants n'interposent
leur autorité pour apaiser toutes ces contestations,
nul doute que les églises de Christ ne soient bientôt
infectées d'hérésies qui les entraîneront ensuite à
leur ruine... Par tant de paradoxes, les fondements de
notre religion sont ébranlés, les principaux articles
mis en doute, les hérésies entrent en ioule dans les
églises de Christ, et le chemin s'ouvre à l'athéisme.
(Sturm., tiulio ineundœ coiicord., p. 2, an. 1579.)
< Nous en sommes venus à un tel degré de barba-
rie, dit Mélanchton, que plusieurs sont persuadés
que s'ils jeûnaient un seul jour, on les trouverait
morts la nuit suivante. > ( i>ur le clmp. 6 de saint
ilalthieii.)
1 L'Elbe, écrivait-il coulidemment à un ami, l'Elbe
avec tous ses flots n'a pu me fournir assez tl'eau
à Haguenau et au bas marquisat de Bade, en
1568, et dans le duché de Magdebourg, en
1570.
Vers l'an 1525, deux disciples de Luther
portèrent en Suède les premières semences
de ses opinions. Gustave Vasa, qui venait
d'y être placé sur le trône, jugea qu'une ré-
volution dans la religion abaisserait la puis-
sance du clergé et airormirait la sienne; il
favorisa le luthéranisme , l'embrassa lui-
même, le rendit bientôt dominant dans ses
Etats, et s'empara des biens ecclésiastiques.
Christiern III, roi de Danemark, entra dans
les mêmes vues, par les mêmes motifs; aidé
par les conseils et parles armes de Gustave,
il se rendit maître absolu en 1536 , et fit
recevoir dans son royaume la confession
d'Augsbourg pour règle de foi. — Mosheim
avait fait son possible pour pallier d ais son
histoire ecclésiastique les violences don'
Christiern usa pour écraser le clergé; mai-i
son traducteur est Cduvenu que ce roi, en
détruisant le corps épiscopal avec une es
pèce de fureur, détruisit l'équilibre du gou-
vernement. — Cette hérésie n'avait encore
pour pleurer les malheurs de la réforme divisée. »—
I Vous voyez les emportements de la multitude e'
ses aveugles désirs, i écrivait-il encore à son ami
Camérarius.
( L'autorité des ministres est entièremeut abolie,
dit Capiton a son ami Farell; tout se perd, tout va
en ruine, il n'y a parmi nous aucune église, pas même
une seule où il y ait de la discipline... Le peuple
nous dit hardiment : Vous voulez faire les tyrans de
l'Eglise (jui est libre, vous voulez établir une nouvelle
papauté. » — < Dieu me fait connaître ce que c'est
qu'être pasteur, et le tort que nous avons fait à l'E-
glise par le jugement précipité et la véhémence incon-
sidérée qui nous a fait rejeter le pape. Carie peuple,
accoutumé et comme nourri à la licence, a rejeté
tout-à-fait le frein... ; il nous crie : Je sais assez
l'Evangile; qu'ai-je besoin de voire secours pour
trouver Jésus-Christ? Allez prêcher ceux qui veu-
lent vous entendre. > Bucer, collègue de Capiton à
Strasbourg, faisait les mêmes aveux en 1549, et
ajoutait qu'on n'avait rien tant recherché, en embras-
sant la réforme, que le plaisir d'y vivre à iu jantanie.
Mycon, successeur d'CEcolainpade dans le ministère
de Baie, fait entendre les mêmes plaintes. « Les
laïques, dit-il, s'attribuent tout, et le magistrat s'est
fait pape. » (luter. E/i. Ca/c.)
Il en était de même parmi les calvinistes. Calvin,
après avoir déclamé contre l'athéisme qui ré-
gnait surtout dans les palais des princes, datis les
tribunaux et les premiers rangs de sa communion :
I 11 est encore, ajoute-t-il, une plaie plus déplorable.
Les pasteurs, oui, les pasteurs eux-mêmes, qui mon-
tent en chaire... sont aujouid'hui les plus honteux
exemples de la perversité et des autres vices. De là
vient que leurs semions n'obtiennent ni plus de cré-
dit ni plus d autorité que les fables débitées sur la
seine par un histrion. Et ces messieurs pourlaui
osent bien encore se plaindre qu'on les méprise et les
montre au doigt pour les tourner en ridicule ! Quanta
moi, je m'étonne de la patience du peuple; je m'étoime
que les femmes et les enfants ne les couvrent pas de
boue et d'ordure, i ( Liv. sur tes Scundales, p. 128.)
11 n'y a nullement a s'étonner, dit Smideliu, qu'en
Pologne, en Transylvanie, en Hongrie et autres lieux,
plusieurs passent à l'arianisme, quelques-uns à Ma-
homet : la doctrine de Calvin mené à ces impiétés.
{l'ré(ace contie l'Apot. de Danœus.) — Voyez Ù Uii-
cussion amicale, etc., t. L
iiï
LUT
en l'OiOgne que des sectateurs cachés sous
le règne de Sigisrnond I", uiort on ISVS;
ruais son (ils Sigisnioud-Augiisle, connu par
sa faiblesse pour les l'eiuaK's, lais>a i)leino
liberté aux seigneurs polonais. l{i(uilôt on
vit dans ce royaume des lutliériens, des
hussites, des sacranicntaires calvinistes, des
anabaptistes, des unitaires ou socinieiis, et
des grecs scliisniatiques.
Le lutln'ranisme a a' ssi péni'lré en Hon-
grie et en Transylvanie , à la laveur drs
ti'oubles qui ont agiié ces deux l'oyauiues :
njais il y est moins puissant dei)uis ipie l'un
et Tautie sont enlrés sous la domination
de la maison d'Autriche. En France, les
émissaires de Lutlier lirent d'abord (juchiues
|)iosélytes, mais ils furent ré()rim(''s; ceux
deCalvin eurent jiiiisde succès, et vinrent à
bout de bouleverser le royaume. 11 eu fut do
môme en Angleterre : Luther ni ses disci-
jiles n'eurent aucune part au schisme de
Henri VIH ; ce prince, encore catholiiiue,
avait fait un livre contre Luther; il persista
jusipi'à la mort dans sa haine contre le lu-
Ihi-'rttnisme; la forme qu'il donna à la religion
jingl cane ne fut pas plus approuvée i)ai- les
]irotestants ((ue i)ar hs catholicpies. Sous
iMJouai'd VI , ce furent Pierre Martyr et
Jh'rnardin Ochin qui furent appelés pour
faire la réforuiation; l'un et l'autre étaient
dans les opinions de Calvin.
Hl. On est moins étonné des progrès ra-
pides du tutiu'raiiisine, lorsqu'on en exa-
mine les causes. Hn IS'il, Cliailes-Quint,
dans la diète de Wt)rms, avait mis Luther au
bande reaq)ire, et avait ordonné de pour-
suivre ses adhérents; mais Frédéric, duc do
Saxe, qui avait goûté les opinions (h^ Lutlier,
le prii sous sa protection, et ce d(''cret n'eut
aucun ell'et. De retouràWittemberg, Luther
attira dans son parti l'université dans la-
quelle il avait déjà enseigné plusieurs de ses
erreLU'S ; il lit abolir les messes privées, prit
le titre d'ecclésiaste de Wittemberg, s'attri-
bua une autorité plus absolue que celle du
pape, et vanta ses succès comme une preuve
uicontt'slable de sa mission. En 1523, il quit-
ta entièrement l'habit religieux. Lorsque le
nonce du pape se plaignit à la diète de Nu-
remberg de l'inq)unité dont jouissait ce no-
vateur aussi bien que ses jiartisans, les
princes laiiiues ré|iondirent par un long mé-
iiioiri^ qu'ils intitulèrent : Centam yrnvninina,
dans leipiel ils se plaignaient des vexations,
des extorsions et des entreprises des ecclé-
siasticjues sur la juridiclion séculière.
En lo'i5, Luther séduisit une religieuse
noiiun(''e (2athi'rine de Bore et l'épousa en-
suite |)ubliqiiement (1). Les deux diètes as-
sembh'es ^ Spire, l'une cette même année,
et l'autre en 1529, ne furent jias moins fa-
voral)les au hUhéranisme, malgré les instan-
(I) Celle coiuluiie de Lullier, iiiiiié en ceci par loiis
les rcroniuUeurs, faisait dire à Erasme : « C'est donc
ainsi qn'ils se erncilient! La idoiination semble n'a-
voir eu d'autre liul (jue tie lianslornier en i pinisenrs
et épouseuses les nuiineset les ntmnes; et ceuegiaiidc
tragédie va liuir comme les comédies, où tout le
monde se marie au dernier acle. » {Epht. 7 et II.)
Diction N. nB Théol. i>oG.MATiytii. 111.
LUT 12«
ces et les décrets de Charles-Ouint. Plusu.u-s
I)rinci'S qui avaient embrassé les seutiuiciil-;
de Luther pi'Olestèrent conire ces décrets :
de là 1(! nom de protestants qui fut donné
aux luthériens. En 1530, h la diète d'Angs-
bourg, ces mêmes princes préscntèriuit leur
confession de foi, cpii, pour cette raison, a
été iionnnée Coiifcssion d'Auysbour;/ ,• ils
prouu'llaicnt de se soumettre ii la di'cisinn
d'un concde temt par le i)apt' ; mais ils no
tinrent [las parole. Voy. Alosboihg. Ils s'as-
semblèrent ensuite à Smalcalde, et y lirrnt
une ligue conire rem|irri;ur. Luther l'ap-
jirouva, et fut d'avis de faire la guerre au
pape et à tous ses adhérents. Li^s lullnhiens
prcdilèi'cnt des guerres aux(pii'll(>s Charles-
Quint fut occupé, de ses dissinisious avec le
|)a|)e et avec François 1", [)Our l'aire do nou-
veaux progrès. En 153i), le lantlgrave de
Hesse obliiit de Luther et des tl:é(dogi(Mis
[)rotestants la permission d'avoir deux lém-
mes h la fois : pour récompense, le land-
grave leur avait promis de leur accorder h s
biens ecclésiastiques.
L'an 15'*2, le pape Paul 111, de concert
avec renq>ereur et le roi de France, couvo-
(jua le concile de Trente pour terminer les
contestations de religion qui divisaient l'Em-
pire et les Etats voisins ; la i»remière session
fut tenue au mois de décembre 15'i-5. L'an-
née suivante, Luther mourut à Eisleben sa
pairie, après avoir attiré à ses opinions mie
grande jiartie de l'Allemagne. A la diète de
Itatisbonne, tenue en ISW, Charles-Ouint
lit composer [lar plusieurs théologiens un
formulaire de religion, pour accorder, s'il
était |)0ssible, les catlioli pies et les protes-
tants, en atten lant (jue le concile eilt décidé
les jioints contestés ; c'est ce ipie l'on a nom-
mé \'lnt(-rim de Cliai'les-Quint : cet ouvrage
ne |ilut ni à l'un ni à l'autn; [larti, et
fut attaipié )iar tous les deux. Voy. Inté-
rim.
Par le traité de [laix conclu à Passaw, en-
tre Charles-Quint et les princes de l'Empire,
et par celui d'Augsliourg, fait trois ans
afirôs, les protestants obtinrent la tolérance
de leur religion, ou la liberté de con-
science.
Le concile de Trente, terminé en 1563, ne
put réconcilier les luthériens avec l'Eglise
romaine ; les dissensions entre eux, avec les
zwingliens ouealvinistes, couimi' avec les ca-
tholiques, ont duré justpi'en lGi8, époque
à laquelle le traité de .Munster, a|)pelé aussi
tiaité d'Osiialiruckou de Westphalie, garanti
par toutes les puissances de l'Europe, a mis
les choses dans l'état où elles sont aujour-
d'hui. On sait d'ailleurs dans iiuelle situa-
tion les esprits se trouvaient au commence-
ment du xvr' siècle. Les tlilférehtes sectes
qui avaient paru depuis le xi" sièele, comme
les henriciens, les albigeois, les vaudois, h'S
lollards, les wiclélites, les hussiles, n'avaient
pas cessé de déclamer contre hs abus; el.es
avaient indisposé les peuples contre les pas-
teurs et contre lout le clergé. On se plai-
gnait diitra.ic des bénétices, de la vente des
indulgences, de ÏAms des excommunica-
li
427 tXt
tions, du payement des absolutions, des en-
treprises sur la juridiction séculière, de la
vie scandaleuse de la plupart des ecclésias-
tiques, des fraudes pieuses comiuises paries
moines : toivs ces désordres s'étaient multi-
pliés pendant le grand schsme d'Occident ;
mais il s'en fallait beaucoup que le mal fût
aussi grand et aussi général que les protes-
tants ati'ectent de le représenter.
Au concile de Constance et à celui de BAle,
on avait demandé en vain la réforme de l'E-
glise dans 1j chef et dans les membres ; on
n'avait rien obtenu. Au lieu de détruira et
de prévenir les erreurs en instruisant les
pfHi[)les, le clergé n'avait procédé contre les
hérétiques que par des censures, par des
sentences de l'inquisition et par des sup-
plices : ce n'était pas là le moyen de calmer
les esprits. Tous ceux qui désirai'nt la ré-
forme étaient persuadés qu'elle ne pouvait
se faire que par des moyens violents.
Wiclef et Jean Hus avaient en Allemagne
beaucoup de disciples cachés ; on y lisait
leurs ouvrages rcm[ilis de déclamations con-
tre l'Ej^lise romaine et d'invectives contra
les ecclésiastiques ; Luther s'était nourri de
cette lecture ; les hommes les plus lettrés
qu'il y eût pour lors étaient précisément
ceux qui désiraient le plus un changement
dans la religion. A peine Luther eut-il [iro-
noncé le nom de réforme et donné le pre-
mier signal de la révolte, qu'il se trouva envi-
ronné de partisans prêts aie soutenir. Ceux
même qui désapprouvaient ses emporte-
ments, soutinrent que l'on ne pouvait exé-
cuter le décret porté contre lui à la diète de
Worms, sans exciler de séditions et sans
mettre l'Allemagne en feu. il ne trouva pas
d'abord dans ce pays-là des adversaires as-
sez instruits pour réfuter solidement ses er-
reurs, et pour distinguer les abus d'avec les
dogmes. Plusieurs écrivains prétendent que
dé)à, en 151C, avant que Luther eût élevé
la voix conti-e l'Eglise, Zwingle, chanoine de
Zurich, avait conçu le plan d'une réiorma-
tion générale ; que loin d'avoir été disciple
de Luther, il était plutôt ca|iable d'être son
maître. Hist, eccl. de Mosheim, noies du tra-
ducteur, t, IV, p. 19. La discipline avait sans
doute besoin do réforme, et elle a été faite
I)ar le concile de Trente ; mais c'élait un at-
tentat de vouloir réformer des d gmes révé-
lés de Dieu et professés par l'Eglise chré-
tienne depuis quinze cents ans.
il est donc évident que les vraies causes
des progrès rapides du luthéranisme ont été
des passions très-condanniables, la jalousie
et la haine (pie l'on avait conçues contre le
clergi', l'ambitiou d'envahir ses biens et de
dominer à sa place, le désir do secouer le
joug des pratiques les plus gênantes du ca-
thohcisme, l'animosiié des princes de l'Em-
pire contre Charles-Quint, l'orgued et la va-
nité des littérateurs qui se llattaient d'enten-
dre la théologie mieux (|ue les théologiens,
.a mauvai.ve loi avec laquelle les prédic.aits
travestissaient les dogmes catlioliques, et les
Ijelles promesses qu'Us faisaient d'une entière
correction dans les mojurs, qu'ils n'ont pas
LUT m
eu le pouvoir d'opérer. C'est très-mal à pro-
pos (|ue Luther donnait ses succès comme
une preuve de sa mission pour réformer
l'Eglise, et que les protestants veulent faire
envisager cette révolution comme un pro-
dige, et son auteur comme un homme extra-
ordinaire; cette prétendue réforme n'a été
ni légitime dans son pr.ncipe, ni louable
dans ses moyens, ni heureuse dans ses effets.
Voy. Mission, Réformation.
iV. Quelles eu ont été les suites? A penie
Luther en eut-il appelé à l'Ecriture sainte
comme à la seule règle de foi, que les aua-
ba|)tistes lui prouvèrent, la Bible k la main,
qu'il ne fallait pas baptiser les ei.faits, que
c'était un crime de prêter serment, d'exer-
cer la magistrature, etc. Ces sectaires, joints
aux paysans révoltés, mirent une paitie de
r.\llemagne à feu et à sang ; ils se préva-
laie.nt du livre de Luther sur la Liberté chré-
tienne. Mosheim, pour l'excuser, dit que ces
séilitieux abusaient de sa doctrine; m^is
cette doctrine même n'était autre chose (ju'un
abus continuel de l'Ecriture sainte et du rai-
sonnement, il vit naître de ses principes l'er-
reur des sacramentaires, la guerre qui en
fut la suite, et le schisme qui subsiste en-
core entre les luthériens et les calvm stes.
Zwingle, Calvin, Muncer, etc., ne tirent que
marcher sur ses traces et tournèrent contie
lui ses propres armes. Bientôt Servet, Geu-
tilis et les autres chefs des sociniens |)0us-
sèrent plu^l in ses arguments, et attiquè-
veut les dogmes mômes qu'il avait resjiec-
tos ; les déistes n'ont fait que suivre jus-
qu'au bout les raisonnements des sociniens.
i>e cet esprit de vertige est née l'incrédu-
lité que nous voyoï.s rég.ier aujourd'liui.
C'est dans le sein du protestantisme que
lîayle et les déistes anglais se sont formés,
et ce sont eux qui ont été les maîtres des
iiicréilules françiis. Cette postérité ne fera
jamais honneur au fondateur de la réfor-
me (1). ^
Les dillérentes sectes sorties de cette sou-
che ne se sniu pas mieux accordées enire
elles qu'avec les catholiijues ; malgré plu-
sieurs tentatives qu'edes ont faites pou. se
rapprocher, elles sont aujourd'hui aussi di-
visées que jamais. Leur tolérance est pure-
ment extérieure et toute politiiue; la pré-
tendue réforme a été un principe de division
auquel rien ne peut rLUiédier. Luther détes-
tait autant les zwin diens que lus papistes, et
lançait également ses anathèmes contre les
uns et les autres. Inutilement le landgrave
de Hesse indiqua, l'an 1529, à Marpourg, une
(!) Si Deigier avait assisté .i la dccoiiiposilion du
proleslantisiiie que nous voyons aujourd'iiui, il iiau-
rait pas maïKiué de dire avec le piolestaiu du Tieai-
blay : « Les piolestanis modernes s'éloignent enti re-
nient (le tout ce qne les chrétieas ont cru depuis le
temps des apùlres, et (|u'iiii musulman, ipii adiait-
trail li's miracles de Jésus-Clirist, serait plus piés
des chrétiens que ne le sont les docteurs nu protes-
tantisme moderne. » ( i''liii piésenl du citii.ti wsiue,
cité par le baron de Suuck, nunistie prolestanl ;
titt,etieiis i>hitusopliiqiies .5i-r la réu.ion des dil]'é:enles
communions cliréticnites.) Voy. RiiFOiuiAiEuiis, Eglisb
ÉV ANGÉLIQUE CURÉTIENM;.
U9 LUT
conférence entre Luther, Mélancnton, OEco-
lanipado etZwiiigle ; ces quatre prétendus
a[H»ircs se trouvèrent inspirés si dillercm-
riient, qu'iis nei urent convenir d(! rien.
On a trouvé dans les pajiiers du cardinal
de ("iranvelle, ministre do Cli.!rles-Ouiiit,une
lettre ori;4inale de Luther, qui [)eiiit au na-
turel son caractère et celui des autres p:é-
(Kcants ; elle est adressée à Guillaume Pra-
w est, son ami, ministre dans le Holsteiu, et
a été traduite de l'allemand. « Je sais, mon
frère en Christ, lui dil-il, qu'il arrive |ilu-
sicuis scandales sous prétexte de l'Evangile,
et que l'on me les impute tous : mais (jue
ferai-je ? 11 n'y a aucun prédicant qui ne se
croie cent fois plus savant (jue moi : ils ne
nj'écoutcut point. J'ai une guerre plus vio-
lente avec eux qu'avec le pape, et ils me sont
plus opposés. Je uo condamne ifue les céré-
monies qui sont contraires à l'EvanjAile, je
ga/ile toutes les autres dans mon église. J'y
conserve les fonts baptismaux, et on y ad-
uunistre le baptême, à la vérité en langue
vulgai-e, mais avec toutes les cérémonies j
qui étaient d'usage aup.nravant. Je soullre
•qu'il y ait des images dans le temiile, quoi-
([ue des furieux en aient brisé quelques-unes
avant mon retour. Je célèbre la messe avec
les ornements et les céréuiouies accoutu-
mées, si ce n'est que j'y mêle quelipies can-
ti ph'sen lang\ic vulgaire, et que je [)ronouco
eu allemand les paroles de la consécration.
Je ne [irétends ]ioint détruire la messe la-
tine, et si on ne m'eût fait violence, je n'au-
rais jamais permis qu'on la célébrât en lan-
gage commun. Eutin,jehais souvei'ainemcnt
ci'ux qui condamnent des C('>rémouies iudii'-
fércnles, et qui cliangent la liberté en néces-
sité. Si vous lisez mes livies, vous verrez
que je n'approuve pas les perturbateurs de
la paix, qui détruisant des choses que l'on
j)cut laisser sans crime. Je n'ai aucune pai t
îi leurs fureurs ni aux troubles qu'ils exci-
tent ; car nous avons, par la grâce de Dieu,
une église fort tranquille et fort pacilique, et
untemjile libre comme auparavant, excepté
les troubles que Carlosladt y a excités avant
moi. Je vous exhorte tous à vous délier de
Jlelchior, et à faire en soite (]ue le magi -
tiat no lui permette point de prêcher, i|uand
même il monti'erait d -s lettres du souverain.
11 nuus a quittés fort en colère, parce que
ni'us n'avons pas voulu approuver ses rêve-
ries ; i n'est propre ni a:i|)elé à enseigner.
Dites cela de ma part à tous nos frères, alin
qu'i s le fui ut et l'obligent à garder le si-
lence. Adieu, priez pour moi, et me recom-
mandez à nos tVères. » ii/ync Martin Lutuer,
sabbato post Rcminiscerc, 1528.
Cette lettre pourait donner lieu à un am-
ple counuen;au"e ; mais tout lect(!ur intelli-
gent le fera de lui-même. C'était de la part
de ces sectaiies une absurdité révoltante de
vouloir (jue l'église catholique appruuvcU
hum r(?i'cri'('s, pendant qu'eux-mêmes ne vou-
laient approuver celles de i)ersonue, et se
croyaient tous infaillibles; d'exiger que les
catholiques les tolérassent, pendant qu'ils ne
pouvaient se tolérer les uns les autres, et
LUT 430
se traitaient mutuellement de rêveurs et de
furicujc.
Si l'on imaginait que la prétendue réforme
de Luther a rendu les mœurs meil eures,
on se tromperait beaucoup; à l'article Réfor-
MATn)N, nous prouverons le contraire par
les téinoi,,'uages formels de Luther lui-mê-
me, de Calvin, d'Erasme, de Bayle, et d'au-
tres auteurs non suspects. Une preuve que
les désiu'dres vrais ou prétendus de l'Eglise
catlioli(iue ne furent pas la véritable cause
du schisme, c'est que, lorsque les abus eu-
rent été corrigés par le concile de Trente,
les protestants ne furent pas pour cela plus
dis[)0sés à se réunir k l'Eglise, et que leurs
liropies dérèglements, destiuels ils no pou-
vaient pas disconvenir, ne leur ont pas fait
changer de sentiment. Di's faits tout récents
démontrent que leur haine et leur entête-
ment sont toujours les mêmes; ils ont con-
servé jusqu'à nos jours les inqirécatious
qu'ils prononçaient tous les dimauches con-
tre le fiape et conlre les Turcs dans les
filières publi pics, principalement dans celles
que Luther avait composées ; le duc de Saxe-
(iolha lésa fait enfin supprimer. Gazelle de
France du 24 mars 1775. On voit encore à
Genève et à Neuchâtef les inscriptions inju-
rieuses au catholicisme, qui furent faites
dans le temps de la prétendue réforma-
tion.
Le schisme leur a-t-il procuré la liberté
f/e coHsc/eHce qu'ils demanîaient? les a-t-il
atfranchis de ce qu'ils appelaient la tyrannie
do l'Eglise romaine? Rien moins. Ils ont vu
leurs chefs usurper parmi eux un emjiire
plus iles;iotiqae que celui des pasteurs ca-
tholiques ; leurs synoiles ont fait des décrets
sur le dogme et la discipline, et ont lancé
des excommunications tout comme les con-
ciles de l'Eglise : parmi eux, les particuliers
sont subjugués, par la croyance et par les
usages de leur société, aussi absolument que
lessiûiplestidèles parmi nous, à moins qu'ils
ne veuillent faire bande à part; en accusant
les catholiques de croire à la parole des
hommes, ils croient eux-mêmes aveuglément
à la parole de leurs ministres. Lorsque nous
coaiparons leur état au nôtre, nous voyons
très-bien qu'ils ont perdu la vraie foi et le
véritable esprit du christianisme, mais nous
chiTchons vainement ce qu'ils ont gagné.
Voi/. HÉIOUMATEUR.
LUTHÉRIEN. On a donné ce nom à ceux
([ui ont suivi les sentiments de Luther; mais,
il proprement parler, ils n'ont entre eus
jiresque rien de commun que le nom;
il ne s'est trouvé parmi eux aucun théo-
logien de réputation qui n'ait embrassé des
sentimt nts particuliers, qui n'ait formé des
disciples et n'ait eu des adversaires: la plu-
jiart des dogmes du luthéranisme ont fourni
matière à la dispute. On compte actuellement
l)lus lie quarante sectes sorties du luthéra-
nisme ; nous ne citerons que les plus con-
nues, et nous pai lerons plus amplement df>
ciiacune dans son article particulier. La plu-
part preuueut le nom i;ommuii d'évanyej'
ques.
M -.d
VI
^
'/
4-| LUT
On a distingué d'ahora les htthérims ri-
gides et les luthériens mitigés ; les premiers
eurent pour chef Matliins Franeowitz, plus
connu sous le nom de Fiaccius lllyricus, l'un
dcscenturinteurs de Magdel^ourg; il ne vou-
lait pas soull'rir iiue l'on cliangoAt rien à la
doctrine iieLuthf'r.QiieU[ues-uns ont nonuni';
Ftacciois ses disciples, à cause de leur chef.
Les luthcriens mitigés sont ceux qui ont
adouci h's sentiments de Luther, et leur ont
]iréféré les opinions plus modérées de Phi-
lippe Mélancliton. Suivant ro[iiniun de ce
dernier. Dieu attire à lui et convertit les pé-
cheurs, (Le manière que l'action toute-puis-
sante de sa grâce estaccompagnéede la coo-
pération de la volonté: expression de la-
([uelle LuthiT et Fhiccius son fidèle disciple
avaient horreur. L'un et l'autre soutenaient
ia servitude absolue de la volonté mue par
la grâce, et l'impuissance entière del'liomme
de'faire une bonne action. Quelques auteurs
ont pensé qu'auiourd'hui"1es iuthériins ne
suivent plus ce sentiment de Luther; mais
il y a lieu d'en douter, puis(iue .Moshcim
taxe de semi-pélagianisine le sentiment de
Mélancliton, dont les sectateurs étaient nom-
més si/ncrgistes et pliiUppistcs. Ilist. rcciés.,
XVI' s'ièrle, sect. 3, n' part., ch. 1, Si 30. .Mé-
lancliton aurait encore voulu que l'on con-
servât les cérémonies de l'Egbse romaine,
et que l'on ne rompit point avec elie pour
des objets (le si peu de conséquence; d'antro
part, il désirait que l'on eût plus de ménage-
ments pour Calvin et j)0ur ses disciples; de
là ses partisans furent appelés luthéro-calvi-
nistcs, et crv|)to-c;ilvinistes, ou calvinistes
cachés. Us furent poursuivis h outrance par
les anti-adiaphoristes ou luthéricna rigides ;
Auguste, électeur de Saxe, employa la vio-
lence et les emprisonnements pour les extir-
per de ses Etats.
L'on nomma luthériens relâchés ceux qui
suivaient l'intérim jiroposé par Charles-
Quint , et l'on distingua parmi eux trois
partis, celui de Mélancliton, celui de Pacius
ou Ptcssinger et de l'université de Leipsik,
celui des théologiens de Franconie. Us furent
encore nommés intérimistes et adiaphoristes,
ou iiuiill'érents. On a|)iiela luthéro-zwingliens
ceux qui mêlaient ensemble les ojunions de
Luther et celles de Zwingle; mais comme
elles sont inconciliables sur l'article de
J'eiiclinrislie, cette secte était une société de
iui.hérivns et de zwinglieiis ([ui se toléraient
mutuellement, et qui étaient convenus en-
semble oe supporter les dogmes les uns des
autres. Us eurent pour c'ief Martin BuCer,
de Schelestadt en Alsace, qui, de dominicain
(pi'il était, se tit, par une double apostasie,
luthérien. Dans le fond, il raisonnait jikis
consé(iuemmenl que les autres réforiiiateui's,
qui, en refusant à l'Eglise romaine l'autorité
de condamner des opinions, se l'attribuaient
à eux-mêmes. Aussi ces luthériens tolérants
nommaient luthéro-papistes ceux qui lan-
çaient des excommunications contre les sa-
cramentaires. On doit encore mettre au
nombre des sectateurs de Mélancliton les
synei'gistc'S, quisoutenaieiit, contre Luther.
Ltilr
m
que l'homme peut contribuer en «fuelque
chose à sa conversion, qu'il est véritablement
aciif et non passif sous l'impression de la
grâce.
Les osiandriens sont les disciples d'André
Osiander, qui prétendait que nous vivons
parla vie substantielle de Dieu; que nous
aimons par l'amour essentiel qu'il a pour
lui-même; que nous sommes justes par sa
justice essentielle qui- nous est communi-
quée; que la substance ilu Verbe incarné
est en nous jiar la foi, par la parole et par les
sacrements. Cette doctrine absurde partagea
l'université de Kœnigsherg; il y eut des
demi-osiandi'iens et des anti-osiandriens ou
des stancariens, parce que Stancar, ])roi'es-
seur dans cette même université, attaqua le
sentiment d'Osiander ; il embrassa lui-même
une opinion singulière, en soutenant que
Jésus-Christ n'est notre médiateur ([u'en tant
qu'homme.
Quelques auteurs ont nommé confession-
nistes ceux des luthériens qui s'en tenaient
à la confession d'Augsbourg ; mais ils
étaient divisés en deux partis, l'un de méri-
cains, l'autre d'opiniâtres et de récalcitrants.
Dans l'académie de Witlemberg, George
Major, en 1536, renouvela l'erreur des semi-
]>élagiens, et trouva des partisans. Huber,
en 1592, pour avoir soutenu l'universalité de
la rédemption, fut chas,sé de l'université.
La doctrine de Luther sur l'eucharistie
forma encore deux sectes, l'une d'impaua-
teurs, l'autre d'ubiquitaires; parmi les pre-
miers, les uns disaient que Jésus-Christ est
dans le pa'n de l'eucharistie, les autres ({u'il
est sous le pain, d'autres qu'il est avec le
liain, in, sub, cum; ceux qui furent nommés
pdteliers, dirent i:{u'il y est comme un lièvre
dans un pâté. Toutes ces absurdités eurent
des défenseurs. Quelques-uns de leurs
plus célèbres écrivains, comme Leihnitz,
Pfair, etc., ne veulent admettre ni l'impa-
nation, ni l'ubiquité, mais la concomitance
du corps de Jésus-Christ avec le pain, et
seulement dans l'usage, parce que, selou
leur opinion, l'essence du sacrement con-
siste dans l'usage. Calvin prétend aussi
que, dans l'usage, le fidèle reçoit le corps de
Jésus-Christ, mais seulement par la foi,
c'est-à-dire Cfue la foi produit en lui le
même elfet que produirait le corps de Jésus-
Christ s'il le recevait réellement.
Parmi ceux qui se nommaient luthériens,
il s'est trouvé des anomiens ou antinomiens,
des origénistes, des millénaires, des infé
rains ou infernaux, des davidiques. On y a
distingué des bissacramentaux, des trisa-
cramentaux et des quadrisacramentaux, des
iiiipositeurs des mains, etc. On sait que les
niennonites ou anabaptistes sont sortis de
l'école de Luther, et l'on ne iieut [las douter
que l'esprit de sa secte n'ait contribué à faire
édore celle des libertins, qui se répandirent
en Hollande et dans le Brabant, vers l'an
1528, puis(prils avaieiit adopté le principe
fondauieiital des erreurs de Luther.
Quelques-uns , honteux des divisions
scandaleuses nées parmi des iiommes .qui
i33
LUT
LUT
434
se disaient (éclaires du ciel, et f.iisaient
tous profession de s'en tenir îi l'ErrKure
sainte, firent leurs etforis pour raiiproclicr
et concilier les ditrérenls partis ; on les
nomma syncrétistes, conciliateurs ou paci-
ficateurs. George Calixlc fut un des princi-
paux; mais ils ne purent réussir : chaque
secte les regarda comme des lâches qui tra-
liissaient la vérité par amour de la paix.
î)'autr(;s, non moins confus du relàciiement
tli's mœurs introduit i)armi les lutltériciis,
soutinrent qu'il était hesoin d'une nouvelle
réforme; ils firent profession d'une piété
exem|ilaire, se crurent ilhuninés, et formè-
rent des assemblées particulières; on lésa
nommés piétistes.
Dès que Carlostadt eut donné naissance
à l'erreur des sacramentaires , il eut des
sectateurs appelés cailostadiens; Zwingle
eut les siens, dont les uns furent nommés
zwingliens s^imples , les autres zwingliens
signilicatifs. Calvin, h son tour, dogmatisa
de son clief, et lit profession lie ne suivre
aucun niaitre. Parmi ces sectaires, on a dis-
tingué des tropisles ou trojiiies, des ém r-
giques, des arrhabonaiies, etc. Les chspules
sur la prédestination et siu- la gr.îce ont tli-
visé les gomaristes et les arminiens, et la
plupart de ces derniers sont devenus jiéla-
gieus.
Lutlier vivait encore lorsque Servet com-
mença d'écrire contre le mystère de la sainte
Trinité; celui-ci avait voyagé en Allemagne,
et avait vu les j)rogrès du luthéranisme.
Blaiidatra, Gentilis et les deux Socin le sui-
virent de près ; ils furent joints en Pologne
par plusieurs anal)a|)tistes. Ou a leproché à
Luther lui-même d'avoir dit, dans un ser-
mon sur le dimanche de la Trinité, i|ue ce
mot ne se trouve pas dans l'Kcriture sainte,
qui est la seule règle de notre foi ; que le
mot consubstanliel a déplu h saint Jén'mie,
et qu'il a de la peine à le supporter. Dans
sa version allemande du Nouveau Teslauient,
il a supiirimé, comme les sociniens, le cé-
lèbre passage de saint Jean : Jl 1/ en a trois
qui rendent lémoigmuje lUins te ciel, eU-.^ et
quatre ans avant sa mort il avait ôté des
litanies la prière : Sainte Trinité', un seul
Dieu, ayez pitié de nous.
Calvin n'a jias été |)lus orthodoxe dans les
livres même ([u'il a faits contre Sei'vet; aussi
les sociniens font prof'essum de reconnaître
ces hérésiarques jiour leurs [iremiers au-
teurs, y^oy. ÏJlist. du socinianisnie, i" part.,
chap. 3. Ce n'est donc p<)s leur faire torique
de les regarder comme les jières du soci-
niaiiisme et de ses diverses branches.
Si nous ajoutons à toutes ces secles la re-
ligion anglicane, formée par deux zwingliens
ou calvinistes, et toutes celles qui divisent
l'Angleterre, on conviendra que jamais héié-
siarque n"a \m se llalter d'avoir une posté-
rité aussi nombreuse qu'est ceile de Luther;
mais il n'a pas eu le talent de faire régner la
paix entre les dillerenles familles dont il est
16 i)ère.
Pour pallier ce scandale, les prolestants
nous reprochejit les disputes qui régnent
entre les théologiens catholiques. Mais {teut-
on com]iarer la div(U'sité d'o[)ini(jns sur
(h^s (picstions qui ne tiennent en rien h .a
foi, avec le.» contestations sur h's d igmes
dont la crovance est nécessaire au salut?
Avu un théoiiigieii catholique n'a la té'iuérité
d'altaipier un point de doctr ne sur leipiel
l'Kglisi' a prononcé; aucun ne rcîgarde
connue excomuuniiés, et h 1rs de la voit! du
salut, ceux qui ont des sentiments dilfiTents
des siens sur des matières problématiques;
aucun ne refuse d'être en société religuMise
avec eux. Leurs disputes ne causent donc
point di\ schisme, puisque tnus ont la même
]>rotession de foi, sont soumis d'esprit et de
cœur à ce que l'Eglise a dét:idé. En est-il de
même des protestants? Dès qu'un vision-
naire croit trouver dans l'Ecriture sainte
une opinion quelconque, il a droit de la
soutenir et de la prêcher, et aucune puis-
sance humaine n'a celui de lui imposer si-
lence. S'il trouve des prosélytes, ils ont droit
de former une société particulière, de suivre
telle ci'oyance et d'établir telle discipline
([u'il leur plait. Toutes les fois que les pro-
testants se conluisent autrement, ils contre-
disent le principe fondamental de la réforme.
Ciinnnent un système si mal conçu, si in-
cons('qiieut, si ô[)posé à l'esprit de 1 Evangile,
a-t-il pu durer (lendant s longtemps, être
suivi et défendu pac des hommes recora-
mandables d'ailleurs par leurs talents et leurs
connaissances? Deux causes y contribuent,
la haine toujours subsistante confie l'Eglise
romaine et un fonds d'indifférence pour les
dogmes de foi. Un homme né dans le pro-
testantisme se fait un point d'honneur d'y
persévérer; il se persuade (jue Dieu n'exige
pas de lui un examen [irofond de sa croyance;
que ce n'est pas à lui de juger si Luther et
Calvin ont eu raison ou tort; (jue s'il se
trompe, son erieur, que la naissance lui à
rendue inévitable, ne lui sera point imjiu-
tée il crime. Les [tremieis réformateurs po-
saient pdur iirincipe que tout homme doit
examiner sa croyance; à présent leurs des-
cendants jugent que cela n'est plus néces-
saire, et qu'à défaut d'autres preuves, une
jirescription de plus de deux siècles doit en
tenii' lieu. Mais rien ne peut prescrire contre
la vérité une fois révélée de Dieu , ni
contre la loi qu'il nous impose de l'em-
brasser.
Le Père Le Brun, Explication des céré-
monies de la Messe, tome VII, page k, rap-
porte la liturgie des luthériens, telle qu'elle
fut arrangée par Luther lui-même. 11 observe
que fouti's les anciennes liturgies de l'Eglise
chrétienne sont uniformes dans le fond et
quant aux parties principales ; foutes ren-
ferment l'oblation ou l'offrande faite à Dieu
du |iaiii et du vin, l'invocation du Saint-
Esprit par la(|uelle on [irie Dieu de changer
ses dons et d'en faiie le corps et le sang de
Jésus-Christ, l'ailoration de ces symlioles.,
ou plutôt de Jésus-Christ présent après la
consécration et avant la communion. Jus-
qu'au XVI' siècle, on ne connaît aucune secie
qui, en se sépai-ant de l'Eglise catholique.
«t osé toucher à cette forme essentielle de
h liturgie; toutes l'ont enipnrtée avec elles
et -l'ont gawléo telle qu'elle était avant leur
séparation. Donatistes, ariens, macédoniens,
nesi.oriens, cutycliiens ou jacobitos, grecs
sf'hismatiques, tous ont regardé la liturgie
comme ce qu'il y a de plus sacré dans la
religion , après l'Evangile. Quelques-uns,
coiiHi) • les nestoriens et les jacobites, y ont
glissé quelques mots conformes à letirs
erreurs, mais ils n'ont pas osé toucher au
fond. A l'artirle Liturgie, n-)WS avons f;iit
voir les conséquences qui s'ensuivent de
cette conduite contre les protestants.
Luther, plus hardi, commença par décider
que les messes privées, dans lesquelles le
prô're seul communie, sont une aiiomina-
tion; dans la nouvelle formule (|u'il dnvssa,
il retrancha l'oU'ertoire et l'oblation. parce
que cette cérémonie atteste que la messe
est un sacrilice; il supprima toutes les pa-
roles du canon qui précèdent celles de la
consécration; il conserva d'abord l'élévation
de l'hostie et du calice, qui est un signe
d'adoration, à", peur, disait-il, de scandaliser
les laihles ; mais dans la suite il la suppri-
ma. 11 coniJauma les signes de croix sur
l'hostie et sur le calice consacrés, la fraction
de l'hostie, le mélange des deux espèces, la
communion sous une seule : il décida que le
sacrement consiste principalement dans la
communion. 11 tit ainsi disparaître tous les
rites anciens et respectables qui démon-
traient la fausseté et l'impiété de ses opi-
nions. 11 est certain que ce novateur n'avait
aucune connaissance des liturj;ies orientales,
non plus que les théologiens de son temps;
mais depuis qu'ell 'S ont été mises au jour,
et que l'on en a démontré la conformité avec
la messe latine, les luthériens n'ont pas
moins continué à déclamer contre la messe
des catliiiliques, et de la regarder comme
une invention nouvelle. On sait qu'au sujet
de la messe, Lutlier prétendit avoir eu une
conférence et une dispute avec le diable; le
Père Le Brun l'a rapportée dans les ))roprps
termes de Luther. Plus d'une fois les luthé-
riens se sont récriés contre les conséquences
G deuS'^s que les controversistes catholiques
en ont tirées contre eux; les zwinghens et
les cdvinistes n'en ont pas été moins scan-
dalisés que les catholiques; et quoi que
l'on en puisse 'Jire, ce trait ne fera jamais
honneur au patriarche de la réforme. Quand
ils Tait vrai que cette conférence a été pos-
térieure aux ouvrages que Luther avait
écrits contre la messe, et à l'abolition qu'il
avait faite des messes privées, il en résulte
toujours, 1° que Luther, de son aveu, avait
célébré des messes privées pendant quinze
ans, c'est-à-dire jusqu'en 1522, puisqu'il
avait été prêtre l'an 1507. Si donc il avait
déjà écrit contre la messe en 1520 et en 1521,
comme le soutiennent les luthériens, il est
clair qu'il a célébré pen lant deux ans contre
sa conscience, et bien persuadé qu'il com-
mettait un^î abomination. 2° 11 est bien éton-
nant, dans cette supposition, que Luther
u'ait pas répondu au démon : Ce que tu me
dis contre la messe n'est pas 'nouveau povr
moi, puisque jcVai combattue et abolie depuis
longtemps. 3* Luther se justifie en disant
qu'il a célébré selon la foi et les intentions de
l'Eglise, foi et intentions qui ne peuvent pas
être ranuvaises : ce'te même raison ue
discuipc-t-elle jias tous les pnHres caiholi-
qu; s, non-seulement à l'égard de la messe,
mais à l'égard de toutes leurs autres fonc-
tions? k' Quand on supposerait ([ue cett^i
prétendue conférence n'a été qu'un rêv,- do
Luther, il est toujours certain qu'un homme
vraimuit apostolique n'aurait jamais rê-é de
cette manière, ou que, s'il l'avait fait,
il n'anriiit pas été assez insensé pour le
publier.
Voilà des réflexions qui n'auraient pas àà
échap[)er à Bayle, lorsqu'il a rendu compte
des réponses que les luthériens ont opposées
aux reproches des controversistes catholiqii es.
Ceux-ci, faute d'avoir vérifié les dates, ont
peut-être poussé trop loin les conséquences
qu'ils ont tirées de la narration de Luther;
mais il en reste encore d'assez fAchenses
pour rendre inexcus^ible la prévention des
luthériens. Yoij. les Nouv. de la République
des Lettres, janvier 1687, art. 3; OEuvres de
Bayle, tom. I, p. 728.
En 1559, Mélanchton et les théologiens
de Wittemberg, en 157'i., ceux de l'univer-
sité de Tul)inge, firent tous leurs efforts
pour engager Jérémie, patriarche grec de
Const.inlinople, à approuver la confession
d'Augsbourg; ils ne purent y réussir. Jéré-
mie désapprouva constamment leur opinion
sur l'eucharistie, et sur 1rs autres points
controversés entre les luthérini^ et l'Eglise
romaine. Voy. la Perpétuité de la foi, tom. I,
liv. IV, chap. h; pig. 358.
LUXE. Il y a eu plusieurs contestations
entre les écrivains de notre siècle, pour
savoir si le hixe est avantageux ou perni-
cieux à la prospérité des Etats; s'il fnut l'en-
courager ou le réprimer; si, dans une mo-
narchie, les lois somptnaires sont utiles ou
dangereuses. Cette question purement poli-
tique ne nous regarde point; mais il suffit
d'avoir une légère teintute de l'histoire pour
savoir que c'est le luxe qui a détruit les
anciennes monarchies; ainsi ont jiéri celle
des Assyriens, celle des Perses, celle des
Uomains : en f lUt-il davantage pour nous
convaincre que la même causé produira
toujours le môme elTet'? Du moins l'on ne
peut pas mettre en question si le luxe est
conforme ou contraire à l'esprit du christia-
nisme. Une religion qui nous prêche la
mortification, l'amour de la croix et des souf-
frances , le n-noncement h nous-mêmes,
comme des vertus absolument nécessaires au
salut, ne peut pas approuver le luxe ou la
recherche des supertUiités. Jésus-Christ a
condamné ce vire par ses leçons et |iar ses
exempU's; il a voulu naître, vivre et mourir
dans la pauvreté, par consi'quent ilsns la
privation desconnnodités de la vie; c'e^t un
sujet de consulation pour les pauvres, mais
c'est aussi un motif de crainte pour les
riciies, qui se permettent tout ce qui peut
KSI tWX
natter la sensnalitc''. J(''Sii.s-Clirist leur adresse
ces paroles toirililcs : Malheur à vous,
riches, parce que vous trouvez votre félicite'
sur la terre (Luc. c. vi. v. 2'tj. La vertu,
c'est-h-dire In force de ITime, peiit-cile se
trouver dans un jiomme énervé par le luoce
et par la inoilosse? Les philosophes, môme
païens, ont jugé ee pliénonK^'ne impossible.
Les Pères de l'Rglise n'ont lien rabattu
de la sévérité des maximes de 1 Kvangile ;
les phis anciens sont ceux dont la morale
est la plus austère, et qui condamnent loiile
espèce de luxe avec le plus de rigueur. Au-
jonri'hui nos iihilosophes épicuriens leur
en font un crime ; ils les accusent d'avoir
ouli'é la morale et de ^'avoir rendue impra-
ticable ; cependant les Pères ont (lé écoulés
et ont fait des disciples, du moins un iictil
nombre de chrétiens fervents ont suivi leurs
leçons; ils savaient sans doute mieux que
les modernes ce qui convenait au siècle
dans lequel ils parlaient. On les accuse de
n'avoir pas su dislinguerle bire d'avec l'u-
sage innocent que l'on peut f.dre des com-
modités de la vie, sm-tout lorsque la cou-
tume y attache une espèce de bienséaiico
par rapport aux personnes d'iuie cei'taine
condition. B.irbeyrac, Traité de In morale
des Pères, cliap. 5, § ik, etc. Mais les cen-
seurs des Pères sont-ils eux-mêmes fort en
état de tracer la ligne qui sépare le luxe in-
nocent d'avec le luxe condamnable? Ce qui
était luxe dans un temps, n'est plus cens(''
l'ôtre dans un autre. Loisqu'une nation est
dans la prospérité et dans l'abondance, soit
par le commerce ou autrement, les comnio-
dilés de la vie se répandent de )>roclie en
jirociie, et se communiquent des grands aux
petits. Parmi nous, les citoyeiis les moins
aisés vivent aujourd'hui, surtout dans les
villes, avec plus de commodité q>ie l'on ne
faisait il y a un siècle; ce qui était alors re-
gardé comme un luxe et une sujieriluité est
censé à présent faire partie du néct ssaire
honnête. La plupart des choses dont l'habi-
tude nous l;\it un besoin seraient un luxe
chez les nations pauvres. Pour savoir si les
Pères ont outré les choses, il faut dolic com-
parer leur siècle avec le nôtre, le degré d'a-
bondance qui régnait pour lors avec celui
dont nous jouissons aujourd'hui; qui s'est
donné la peine de faire celle comparaison ?
Lorsque chez une nation le luxe est poussé
à son comble, on ne peut plus su; porter la
morale c'n élicnne , on se retranche dans
i'éi'icuréisme spéculatif et pratique, {)0ur
justilier l'excès de sensualité auquel on se
livie ; mais alors ce sont les nKrurs i)ubli-
ques cpii pèchent et non l'Evangile. Sans en-
trer dans aucune discussion, il est aisé de
voir que .'-i les grands enqiloyaient h soula-
ger les pauvres ce qu'ils consument en fol-
les déficu'^es, le nombre des malheureux
diminuerait do moitié, mais l'habilnde du
luxe étoulfe la charité et rend les riches im-
pitoyables. Une fortune qui sudirait pour
subvenir à tous les besoins indispensables
de la vie, ne sufiit plus pour satisfaire les
soûls capricieux que le luxe inspire ; les be-
JLffiK
438
•soins factices croissent avec l'abondaivce, il
ne r'este plus de supertlu ;i donner aux pau-
•vres. On ne pense pics h la leçon de saint
Paul : Que votre abondance supplée à l'indi-
gence des autres, afin d'établir l'égalité [H
Cor. c. viii, v. li).
Ceux mêmes qui ont voulu faire l'apologi^e
du luxe, sont forcés de convenir qu'il amir4-
1:1 les hommes, énerve les courages, perver-
tit les idées, éteini les sentiments d'honneur
■et do probité. [1 étoutl'c les firts utiles pour
alimenter les talents frivoles ; il tarit la vrai»!
source des richesses en dépeuplant les cam-
pagnes, en ôtant à l'agiiculiure une intinitv
de i)ras. 11 met dans les fortunes une iné-
galité monstrueuse, rend heun ux un petit
iioaibre d'houmies aux dé|)ens de vingl mil-
lions d'autres. Il rend les mariages trop dis-
penili( ux par le faste des femmes, et nmli-
plie les céliijaiaires roluiitueux et libertiivs :
double source do dépopulation. En donnant
aux rii hesses un prix qu'elles n'ont point,
il Ole touie consi iér.'.ti(m ^ la probité et à la
vertu : il réduit la moitié d'une nation à
servir l'autre, et produit à peu près les mème's
désordres que l'esclavagi' chez les anciens.
Mais c'est surlout aux ecciésiastii|ues qùo
le^■ canons défendent touie eSjièco de lure.
Comme leur conduite doit être plus mo-
deste, plus exemplaire, filus sainte que celte
des laïques, toute supertluili- leur est plus s'é-
vèrenienl iuteniile. Le deuxième concile gé-
néi'al de Nicée, tenu l'an 787, can. Ki, d fend
aux évoques et aux clercs les habits somp-
tueux ( t éclatants, et l'usage des parfums ;
cet usage semblait cept^ndant nécessaire
lorsque le linge était beaucoup moins cjijiv
muu (ju'il ne l'est aujourd'hui. Le concije
d'Aix-la-Chapelle, de l'an 816, can. 1V5, leur
défend la magnilicence et toute supeHluité
dans la table et dans la manière de s'Iiabiller.
En 1213, celui de Montp Hier, can. 1, à, 3, leur
fait la même leçon, leur interdit les habits de
couleur et les orneaients d'or et d'aru;ent. Le
concile général de Latran, tenu la nième an-
née, can. IG, est encore plus sévère ; i! rappelle
les canons du quatrième concile de Cart'iage,
tenu l'an 398, qui veut que la maisortv les
meubles, la table d'un evêque soient pau-
vres. Entin celui de Trente^ sess. 'ii, de tti-
form., c. i, recommande instamment Vtib-
servation de cette discipline, et renouvelle
à ce sujet tous les anciens canons. L'usagi»,
la coutume, le rel chôment des mœurs, les
prétextes tirés de la naissance et de la di-
gnité, ne prescriront jamais contre des rè-
gles'aussi res|)ectables. Le concile de Mont-
pellier, que nous venons de citer, observa
très-bien que le luxe des ecclésiastiques les
rend odieux, élouifo aans les laï(iues le res-
pect et la confiance, fait murmurer les pau-
vres, el tourne au détriment de la religion.
C'est encore aujourd'hui le lieu commun
des incrédules , et le sujet le nlus fré
quent de leurs invectives contre le clergé.
il y aurait donc plus à gagner qu'à perdre
pour cet oi'dre vénérable, si tous ses meni
br(!s étaient assez courageux nour lutter
contre le torrent des mœurs publu^uèS^ êl Se
439 LTO
renfermer dans les bornes du plus étroit né-
cessaire.
Les grands hommes qui ont honoré l'E-
glise par leurs talents et par leurs vertus
étaient tous pauvres ; ceux, mômes qui
étaient riches par leur naissance, renon-
çaient h li'ur patrimoine en embrassant l'é-
tat ecclésiastique, quoique cette oblit;aiion
ne leur fAt imposée par aucune loi. Parmi
des évéques du m' siècle, le seid Paul de
jSanjosate se fit remarquer jiar un luxe scan-
Idaleux ; mais il fut hérétique , méchant
•Ihomme, déposé et excommunié pour ses
■'erreurs et pour ses vices. Ammien Marcel-
lin, auteur païen du iV siècle, atteste que
plusieurs évéques des provinces se rendaient
recommandables devant Dieu et devant les
hommes par leur sobriété et leur aus'.érité,
par la simplicité de leurs haiiits , par un
extérieur humble et mortifié. Hist., 1. xxvii,
pag. 4-58. Voy. JMngham, Oriq. eccle'siast.,
1. VI, c. 2, S 8, tome H, pay,. 326.
LUXUKE. Voy. Impudicité.
LYON. 11 y a eu deux conciles généraux
tenus dans cette vibe; le premier, de l'an
12i5, sous le pape Innocent IV qui y prési-
dait, est com|>té pour le treizième concile
général. 11 fut convoqué, 1° à cause de l'ir-
ruption des Tartarcs dans l'empire; 2° pour
travailler à la réunion des Grecs à l'Eglise
romaine ; 3° poiu- condamner les hérésies qui
se répandaient pour lors; 4" pour procurer
des secours aux fidèles de la terre sainte
contre les Sarrasins ; 5° pour examiner les
crimes dont l'empereur Frédéric II était ac-
cusé. Baudouin, empereur de Constantino-
ple, y assista, et il s'y trouva environ cent
quarante évéques.
Nous ne trouvons rien dans les décrets
de ce concile qui ait rapport à aucune héré-
sie en particulier, ni aux moyens d'éteindre
le schisme des Grecs ; nous y voyons seu-
lement des taxes imjiosées sur les bénéfices
pour secourir la terre sainte, le i)rojet d'une
croisade contre les Sarrasins et confre les
ïar ares.
La grande affaire était les démêlés entre le
saint -siège et l'empereur Frédéric : ce
prince était accusé d'hérésie, de sacrilège et
de félonie. L'empire étant regardé pour
lors comme un fief relevant du saiiit-siége,
la résistance de Frédéric au pape paraissait
être la rév(jlfe d'un vassal contre son sei-
gneur. Cônséquemment Innocent IV pro-
nonça contre lui l'excommunication et une
sentence de déposition. Les évoques apjirou-
Yèrent l'excomumnication et répétèrent l'a-
nathème ; quant à la déjiosition, il est seu-
lement dit qu'elle fut portée en présence du
concile (1). Ce n'est pas ici le lieu de prou-
(1) « Nos itaque super pr.Tcmissis et compluribus
aliis cjus nêfaridis excessibus, cuiii fratribus noslris
et sacro comilio detiberatione prscbabila diligent!,
cuin Jt'sii Chris! i vices licel ininierito leneamus in
terris, nol)is(|«e in beati Pétri apostoli persona sit
dictiini : Qiwdnimqiie lignvrris huper tevram , etc. ;
nieiiioratum i)rincipcin, qui se impeiio et rcgnis om-
Bii|iii' boiiorc acdignitatereddiditlaiiiindigniini, (jui-
que piopier sua^ iiiiquitates à Ueo ne reguei vel tiu-
LYO
440
ver que co*te sentence était nulle, et que le
]japi' excédait son pouvoir. Voy. Souveiiain ,
'J'emporel des rois. Aussi cette démarche
irrégulière eut-elle les suites les ])lus fA-
cheuses ; elle parta:.;ea l'Italie en deux fac-
tions, celle des guelfes qui tenaient |iour
le ]iape, l'autre des gibelins qui étaient du
parti de rem|)ereur, et qui désolèrent l'Ila-
li" pendant trois siècles. S'il est étonnant
que les évéques n'aient pas réclamé contre
cette entreprise du |iape, il l'est bien davan-
tage que l'empereur Baudouin, les comtes de
Provence et de Toulouse, les ambassadeurs
des autres souverains qui étaient présents,
ne s'y soient pas opposés. Voy. l'Histoire de
l'Eglise gallicane, tome XI, 1. xxxii, an. 12'!5.
Le deuxième concile général de L\on, qui
est le quatorzième œcuménique , fut indi-
qué l'an 1274 par Grégoire X. Il avait aussi
])Our objet la réunion de l'Eglise grecque,
le secours de la terre sainte, et la réforme
de la discipline ecclésiastique. Le pajie y
présida encore en personne, à la tête de plus
de cinq cents évoques ; Jacques, roi d'Aragon,
s'y trouva, et l'on y vit les ambassadeurs de
l'eiiipereur Michel Paléologue, ceux des rois
de France, d'Allemagne, d'Angleterre et de
Sicile. C'est la plus nombreuse assemblée
qui se soit furmée dans l'Eglise. Elle eut
aussi un succès plus heureux que la précé-
dente, puisque les Grecs, au nom de leur
empereur et de trenie-huit évoques de leur
Eglise, y signèrent avec les Latins la même
profession de foi, y reconnurent le souve-
rain pontife comme chef de l'Eglise univer-
selle (I), et y chantèrent le symbole avec
l'addition qui a Paire Filioque procedit.
peret est abjectus, suis ligatuni peccatis et abjectum,
omnique lionore et dignilate privatuui a Domino os-
lendinnis, denunliannis, ac nibiloininus sententiaiulo
privanius; omnes, qui ei juiaiiieiito fideiitatis lenen-
tur adstricti , a juraniento liuiiisuiodi perpetuo ab-
solventes ; aucioritate apostolica linniter inhiliendo,
ne qnisqnani de c*lero sibi tan(|uaiii imperatori vel
régi pareat vel inlendat , et deccrnendo qnoslibet,
qui deinceps ei , velut imperatori aut régi, con-
silium vel au.vilium pnt'Sliterint seu l'avoreiri , ipso
fa'cto excommunicaiionis vinculo subjacere. Illi au-
tem ad quos in eodem imperio iniperatcnis spécial
electio,eiigant libère successorem.i — Labb., Coiuil.
cotleci., tom. XI, part. 4, col. 64.').
(1) Les termes de cette réconciliation sont bien
remarquables. Ils montrent l'idée qu'on se iormait
de la primauté du pape, idée bien plus absolue que
ce que supposent nos gallicans. L'Eglise ne s'ar-
rêta pas alors à ces prétendus sages tempéraments
du gallicanisme. Voici les expressions du concile :
I Sancta romana Ecclesia summum et plénum pri-
matum et priucipatuui super uuiversam Ecclesiain
catbolicam oblinet , quem ab ipso I>ondno in bealo
l'etro aposloloruai piincipc sive vertice, cujus ro-
manus ponlilcx est successor, cum potestatis pleiii-
ludine récépissé veraciler et humiliter recognoscil.
Et sicul pi.T caHeris tcnetur (idei veritalein del'en-
dere, sic et si (|ua; de fide suborl;e l'uerinl quaslio-
nes, suo debcnl judicio (leliniri. Ad quain polest gra-
valiis (|uilibet super negotiis-iil eeclcsiaslicum forum
pertmenlibus appellare , et in ouinibus causis ad
examen ccclesiasticum spectaniibus, ad ipsius potesl
judicinm recurri : et eidem omnes Ecclesi;i; sunt sub-
jeehe, ips:iriiiii pr.'elali obedientiau' el leverenHam
»'û)i daut. Ad liunc auleui sic potestatis plcDiludO
441
MAC
MAC
442
Cons(''qiiemment, le premier des décrets
de ce concile regarde le dogme de la pro-
cession du Saiiil-Ks|)rit ; les autres concer-
nant la discipline. Le vingt-troisif'raeest re-
ruarquabli', en ce (ju'il déf 'U 1 de former de
nouveaux ordres religieux et d'en prendre
l'habit, et supprimi' tous les ordres men-
diants nés depuis le concile général de La-
tran, sons Innocent III, en 1215, et non con-
firiués par le sainl-siége.
Cependant la réunion des Tirées ^ l'Eglise
romaine ne fut ni généralr de h uv ]m{, ni
de lon-^ue durée, jiuisqu'il fallut la recom-
mencer h Feirare en 1V38, et à Florence en
1V3!). Cette dernière môme n'a pas été solide,
puis([ue les Grecs persi'vèrent encort; dans
leur schisme, et y sont aussi obstin('S([u'ils
r(''laient |iour loi'S. Voi/. F'i.ohence. Hist. de,
VKillisi- (jallic, tome XII, 1. xxxiv, an. 1272
et i2~G.
m
MACARIENS, nom que les donatistes d'A-
frique donnaient par haine et par mépris
aux catholii|ues. ^'oici quelle en fut l'occa-
sion. L'au 3't-8, l'empereur Constant envoya
en Afi'ique deux |)ersonnages consulaires,
Patd et Macarius ou Macaire, |)our veiller à
l'ordre i^ublic, pour porter des aumônes aux
}>auvres, pour engager les donatistes, par
des voies do douceur, à rentrer dans le sein
de l'Eglise. Macaire eut drs conférences avec
(iuel([ues-uns de leurs évéques, et leur té-
moigna le désir qu'avait l'empereur de les
Voir réunis aux catholiques. Ces schismali-
ques , toujours séditieux, répondirent que
remi)ereur n'avait rien à voir dans les affai-
res ecclésiastiques : ils soulevèrent le peu-
ple ; on fut obligé de leur opposer des sol-
dats ; dans ce tunudte, il y eut du sang ré-
pandu, et Macaire fit jinnir quelques-ims
des donatistes les \)\us furieux. Ces sectaires
s'en prirent aux catholi(|ues, comine si c'a-
vait été ces derniers qui avaient aigri l'em-
pereur, et avaient été cause de la punition
des coupaliles ; ils ne cessaient de leur re|)ro-
cher les loups marnrievs, c'est-à-dire les exé-
cutions faites par Macaii'e, et nommaient les
catholiques macarinis.
Saint Augustin, dans ses ouvrages contre
les donatistes, leur représenta qu'ils ne de-
vaient atirilnier qu'à eux-mêmes les ch;Ui-
ments et les supplices dont ils se plaignaient;
que quand Macaire aurait poussé la sévérité
tro|) l"in, ce qui n'était pas vrai, les catholi-
rjues n'en étaient jioinl responsables ; q\io
les i)rétendues cruautés exercées par cet en-
voyé de l'empereur, n'ai)prochaient pas de
celles qu'avaient commises les circoncel-
lions. 0|)tat de Vlilève nous apjirend, aussi
liien que saint Augustin, (fue celte sévérit(^
de Macaire jiroduisit un bon effet. Un grand
nombre de donatistes, confus de leur révolte
coiisistit , qiiod Ecclosias cœlcras .iil solliritmlinis
piirtemadmillil; quaniin niiillas et paliiarcliales pra'-
clpue diversis privilci^iis cadeiii roiuaiia Ecilosia iio-
noravit, sua laiiien observala pra-roijaliva tiiiii in
geiu'i-alibus coiiciliis, Uim in aliiiuilnis aliis, sciiipor
salva. » — Lab., Concil. collecl., loin. XL part, l ,
coL 966.
Si l'on considère avec attention la manit'iw dont
les Grecs se sont explii[iios au second concile de
Lyon au sujet de la principauté du pape, on recon-
naîtra facileiiieni (|u'il est impossible de concilier les
libi'ilét gallicdius avec la dorliinc de ce concile.
Yey. aussi l'art. Flouence.
et craignant le chAliment, renoncèrent à
leur schistne, et se réconcilièrent à l'Eglise.
Ko//. Donatistes. Tillemont,t.VI, p. 109 et 11'.».
MACARIS.ME. Dans l'office des Grecs, les
macarismes sont des hyiuues ou tropains à
l'honneur des saints ou des bienlr ureux :
ce terme vient de fiazipto,-, beatus. On donne
le môme nom aux psaumes qui commencent
par ce mot, et aux neuf versets du ciinjuiô-
me chapitre de saint Matthieu, depuis le
troisième jusqu'au onzièiue, qui renferment
les huit béatitudes.
MACÉDONIENS, hérétiques du iV siècle
qui niaient la divinité du Saint-Esprit. Ma-
cédonius, auteur de cette hérésie, fut placé
sur le siège de Constantinople en Wa, par
les ariens, dont il suivait les sentiments, et
son élection causa une sédition dans laquelle
il y eut du sang répandu. Les violences
qu'il exerça contre les novatiens et contre
les catholiques le rendirent odieux à l'empe-
reur Constance, quoi(iue ce prince filt pro-
tecteur déclaré de l'arianisme ; con>équem-
ment Macédonius fut déposé par les ariens
mômes , dans un concile ([u'ils tinrent h
Constantinople l'an 359. Egalement irrité
contre eux et contre les catholiques, il sou-
tint, malgré les premiers, la diviiiité du
^'erbe ; et contre les seconds, il soutint (jue
le Saint-Esprit n'est pas une personne di-
vine, mais une créature plus parfaite que
les autivs. Il tourna contrit la diviniti' du
Saint-Esprit la plupart des objections que
les ariens avaient faites contre la divinité du
Verbe ; son hérésie fut l'ouvrage de l'or-
gueil, de la vengeance et de l'esprit de con-
tradiction. Il entraîna dans son parti quel-
ques évoques ariens tpu avaient été déposés
aussi bien que lui; et ils eurent des secta-
teurs qui se répandirent dans la Tlirace,
dans la province de l'Hellespont et dans la
Bithynie.
Ces macédoniens furent nommés par les
Grecs pneumatomaques, c'est-à-dire ennemis
du Saint-Esprit, et marathoniens, à cause de
Marathoiie, 'évèque de Nicomédie, l'un des
plus coniuis d'entre eux. Ils séduisaient le
peuple |)ar un extérieur grave et par des
mœurs austères, artifice oïdinaire des hé-
rétiques; ils imitaient la vie des moines et
semaient particulièrement leurs erreurs dans
les monastères.
Sous le règne do Julien, ils eurent la li
HZ
Mac
MAC
m,
feerté de dogmatiser ; sous Iovi«D, son suc-
cessfiu-r, qui était attaché h la foi de Nicée,
ils demanfièrent la possession de plusiours
églises; ils ne purent rien obtenir : sous
V'aleiis, ils furent poursuivis par les ariens
que cet empereur favorisait; ijg se réuni-
rent en apparence aux cathaliques, mais
cette union simulée de leur part ne dura fias.
En 381, ils furent appelés au concile géné-
ral de Constantinople, que Théodnse avait
convoqué pour rét iblir la paix dans les égli-
ses : ils ne voulurent jamais signer le sym-
bole de Nicée, et lurent condamnés comme
hérétiques : Théodose les bannit de Constan-
tinople et leur défendit de s'assembler. Tille-
mont pense que Macédnnius n'a-sis'a point
à ce concile. Depuis ce temps, Ihistoire ec-
clésiastique ne fitit [.lus mention des macé-
doniens; saint Athanase et saint Basile écri-
virent contre eux.
Le concile de Nicée n'avait pis décidé en
termes expi-èset fomols la divin'tédu Siint-
Esprit, parce qvie b's ariens attaquaient uni-
quement la divinité du Fi's; m.is les Pères
de Nicée tirent assez connaître leur criy.Mice
par leur symbole. Lorsqu'ils disent : « Nous
croyons en un seul Dieu tout-puissant
et en Jésus-t'.lirJst son Fi s unique, Dieu de
Dieu, consubstantiel au Père ; nous
croyons aussi au Saint-Esprit, » ils suppo-
sent évidemment une égalité parfoile entre
les trois Personnes, par conséquent la divi-
nité de toutes les trois. Cela est encore évi-
dent par le symbole plus éteudu que Eusèbe
de Césarée a tressa à son peuple, et qu'il
avait présenté au concile de Nicée; il fonde
l'éj^alité des trois personnes divines sur les
pHroles de Jésus-Christ qui sont la forme du
baptême. Socrate (Hist. ecclés., liv. i, c. 8).
C'est donc sans aucune raison qu'il a plu
aux incrédules de dire que le concile géné-
ral de Constantinople, en déclarant la «Jivi-
nité du Saiiit-F.spril, avait créé un nouvel
article de foi, et l'avait ajouté au symbole de
Nicée; ni l'un ni l'autre de ces conciles n'a
rien créé, rien inventé de nouveau; il n'a
fait qu'attester ce qui avait' toujours été cru.
Eusèbe lui-même, quoique très-suspect d'a-
rianisme, proteste à ses diocésains que le
symbole qu'il leur adresse est la doctrine
qu'il leur a toujours enseignée, qu'il a r^'çue
des évéques ses prédécesseurs, qu'il a ap-
prise dans son enfance, et dans laquelle il a
été baptisé. Il atlese encore que tel a été le
sentiment unan'me des Pères de Nic.ée ; qu'il
ii'y a eu diiiicullé dans ce concile que sur le
ttrmo do consubstantiel, duqurl on pouvait
a.iuscr en le prenant dans un mauvais sens.
Une preuve que les évéques macédoniens se
sentaient déjà condamnés par le concile de
Nicée, c'est que jamais ils ne voulurent en
souscrire le symbole; et Sabinus, l'un d'en-
tre eux, soutenait que ce symbole avait été
composé par des hommes simples et igno-
rants. Sociate, Ibid. Notes de Yalois et de
Bullus sur cet endroit. Sab nus n'en aurait
pas jiarlé sur ce ton de mépris, s'il avait jiu
pei suauer que les Pères deNicée avaient pen-
sé comme lui. «
Au mot Saint-Espbtt, nous avons apporté
les preuves de la divinité d« cette troisièma
personne de la sainte Trinité. 11 est bon de
remarquer que l'erreur des macédoniens n'é-
tait pas la même que celle des sociinens ;
ceux-ci prétendent, comme les sectateurs de
Photin, que le Saint-Esprit n'est pas une
personne; que ce nom désigne seulement
i'o])ération de Dieu dans nos flmcs ; les ma-
cédoniens, au contraire, pensaient que c'est
une personne, un être réel et subsistant,, un
esprit créé semblable aux anges, mais d'une
nature très-su]iéricure à la leur, quoi(jae
fort inférieure à Dieu. Nous ne savons |ias
sur quel fondement Mosheim a confondu
l'erreur de Macédonius avec celle de Pho-
tin. Sozom., 1. IV, c. 27 ; TiiJe-mottt, t. VI,
p. 413 et hik.
. MACHABÉES. Il y a deux livres sous ce
nom dans nos Bibles, qui contiennent l'un
et l'autre l'histoire de Judas , surnomuié
Machahée, et de ses frères, les guerres
qu'ils soutinrent conire les fois de Syrie,
pour la défense de la religion et de la li-
berté des Juifs.
Selon l'opinion la plus probable, le nom
de Machahée est venu de ce cjue Judas avait
fait mettre sur ses étendards ces lettres ini-
tiales M., C, B., jîî., L, qui désignent en
hébreu cette sentence de l'Exode, c. xv, v.
1 : Qui d'entre les dieux, Seigneur, est scm-
Mable à tyous? De là, ce nom a été donné
non-seulement à Judas et à sa famille, mais
encore à tous ceux ijui, dans la persécution
suscitée contre les Juifs par les rois de Sy-
He, souffrirent pour la cause de la religion.
Le premier livre des Machabées avait ét«
écrit en hébreu, ou plutôt en syro-chaldaïqueî
qui était alors la langu;^ vulgaire de la Ju-
dée. Saint Jérôme, in Prologo Galeato, dit
(ju'il l'avait vu en hébreu; mais il n'en reste
que In version grecque, de laquelle on ne
connaît pas l'auteur, et dont Origène, Te-
tuUien et d'autres Pères se sont servis. La
version latine est plus ancienne que saint
Jérôme, qui ne l'a (las retouchée. Ce livre
contient l'histoire de quaiante ans, depuis
le commencement du règne d'Aiitioclius
Epinlianes jusqu'à la mort du grand prêtre
Simon. Soit qu'il ait été écrit par Jean Hir-
can, fils de Simon, qui fut pendant près de
trente ans souverain sacrificateur, ou par un
autre écrivain sous sa direction, l'auteur
peut avoir été témoin de tout ce qu'il ra-
conte; à la fin d'- son livre, il cite pour ga-
rants les mémoires du pontificat de Jean
Hircan
Le second livre des3/nfftn&^esest unabré.;é
de l'histoire des persécutions exercées contre
les Juifs par Epiphanes et par Eiipator, son
fils; histoire composée en cinq livres par in
nommé Jason, et qui est perdue. Quoique
celui-ci raconte les mêmes choses que l'au-
teur du premier livre, il ne parait pas f(u'ils
se soient vus ni copiés l'un l'autre ; le se-
cond a écrit en grec.
Plusieurs anciens auteurs et le concile de
Laodicée, qui ont donné le catalogue des
livres saints, n'y ont pas placé les dcut 'î.
44S
MAC
MAC
4i6
vres lies Machahécs; d'autres, en plus grand
nombre, les ont regardés comme canoniques.
L'cpître aux Hébreux, c. xi,v. 35 et suiy.,
paraît faire albision au supi>lice du saint
vieillard Kléazar et des sept frères, rapporté,
II Macimh., c, vi et vu. Le 8V' ou 85' canon
des apôtres, Tertidlien, saint Cyprien, Luci-
fer de Cngbari, saint Hilain; de Poitiers, saint
Amliroisc, saint Augustin, saint Isidore de
Séville, e'e., les ont cités comme Ecriture
sainte. Origine, après k's avoir exclus du
Cfinoii, les cite ailleurs connue ouvrages ins-
pirés; saint Jérôme et saint Jean Dama<;cène
ont varié de même s r ce sujet. Saint Clé-
ment d'Alexandrie, plus ancien que tous ces
Pères, Strom., 1. v, c. IV, p. 705. cite le se-
cond livre des Machnhées, c. i, v. 10. Le troi-
sième concile de Cartbage, en 397, et en
demi r li u col li de Trente, les ont placés
parmi les livres canoniques. Ces livres sont
rejetés par les protestants, parce que le se-
cond livre, c. xii, v. 43 et suiv., parle de la
prière pour les morts, praliqiie désapprouvée
[lar les réformateurs. Us i!é; laisent aussi aux
incrédules, parce (pi'ils sont fi\cliés d'y voir
une fannlle de prêtres féconde en liéros, et
de ce que la nation juive, qu'ils ont tant dé-
primée, a défendu sa religion et sa liberté
avec un courage dont il y a peu d'exemples.
Us disent que l'Eglise n'a pas droit de placer
dans le canon, des livres (jue plusieurs an-
ciens en ont exclus. Au mot Deutéro-Cano-
ni(ji;e, nous avons prouvé le contraire, et
nous aïons fait voir que, sur ce point, les
protestants ne sont d'accord ni entre eux, ni
avec eux-mêmes. Ils n'ont pas de grandes
objections h faire contre le [remier livre des
Mflc/m6(''fs; plusieurs critiques parmi eux ont
témoigné en faire beaucoup d > stime : mais
ils arg iuienlent surtout contre le second li-
vre ; ils prétendent que les deux lettres des
Juifs de Jérusalem h ceux d'Alexandrie, qui
se trouvent cliaj). i et ii, sont supposées :
voyons les ]ireuves de cetle su|iposilion.
La date de ces lettres païaît fausse, elle ne
s'accorde pas avec la cbroiiologie; la s cou-
de est écrite au nom de Machabéc, et cejuif
était mort depuis trente-six ans. Mais, en
premier lieu, le nom de Mnchaliee n'est \)o\nl
ajouté à celui de Judas; ce peut donc èlre
un autre j'.nf lie même nom. En second lieu,
dans les Mémoires de l'Acadthnie des Inscrip-
tions, tome XLHl, in-13:. p. 'i91, il y a une
<li>seriat on sur la dironologie de l'ïiistore
d:'s M(ivhab('rs, dans laqu(dle l'auteur concilie
parf i.tement loutes les dates qui y sont mai-
quées, soit entre elles, soit avec les monu-
i:ie: ts de l'histoire profane, et répond soli-
dement à toutes les difllcullés. Nous nous
contenions d'y renvoyer le lecteur. Dans la
première 'le ces lettres, la fête de la Purilî-
cation et de la Dédicace du temple est nom-
mée mal à propos fêle des T(d)ernacles, e. i,
V. 9. Mais ce tenue est exidiqué ailleurs ; il
est dit, c. X, V. G, ipie cetle tèie fut célébrée,
comme celle des Tabernacles, pendant huit
joui~s. Nou5 y lisons, c. iv, v. 23, que Méné-
laiis, qui obt'nit la îouvepjine sscriticaliire,
était frère de Simon le Beiija;iù(e; selon Jo
sèplie, il était frère d'Onias et de Jasoii, et
(ilsde Simon II, par conséquent de la race
d'Aaron et de la tribu de Lévi : nous en
convenons : il est clair que, dans le texte, il
y a un mot transposé et un autre omis :
toute cette difticulté se réduit à une faute de
co))iste.
Chap. XI, V. 21, il est parlé d'un mois
dioscorus ou dioscorinthius, mois inconnu,
disent nos critiipies, dans le calendrier syro-
macédonien. lisse trompent; l'auteur de la
dissertation dont nous venons de parler, a
fait voir (|ue SiiTxp-i en grec est la même
chose que gemini en latin ; (ju'ainsi le n)ois
dioscorus est celui qui commence îi l'entrée
du soleil dans le signe des gémeaux, le 2o
déniai, selon notre manière de compter;
c'est le troi-ième mois du jirinlemps, dans
l'année syo-macédonienne. Quant au mol
dioscorinthius, ce peut être encore une faute
de copiste.
Il y a une difficulti^ plus grave, sur la-
quelle plusieurs incrédules onl insisté. Dans
le premier livre des Machabées, c. vi, il est
dit que Antiochus Epiphanes, forcé de lever
le siège d'Elymaïde, retourna dans la Baby-
lonie; qu'éta it encore en Perse, il apprit que
son armée avait été défaite dans la Judée,
qu'il tomba malide de mélancolie, et qu'il y
mourut. On croit (jue ce fut h Tabis, ville de
Perse. Dans le second livre, c. i, v. 13, il est
dit au contraire (ju'ii périt dans le temple de
Nanée qu'il voulait piller; or, ce temple était
dans la ville même d'Elymaïde. Enfin, c. ix,
V. 28 de ce même livre, on lit que Antiochus
mourut dans les montagnes, et loin de son
jiays. Voilà, disent les criliques, une con-
tradiction formelle entre Cts deux livres.
Nrius n'y en apercevons aucune. Il est clair
d'abord qu'il n y en a point entre la manière
dont la mort d'Aniiochus est rapportée, 1. i,
c. 6, et celle dont elle est racontée, I. u, c. 9.
puisqu'il est vrai que ce roi, après avoir été
repoussé par les habitants d'Elymaïde, que
l'on nommait aussi Persépolis, et marchant à
grandes journées pour regagner la. Babylonie,
tomba ni.ilade et mourut à Tabis, dans les
montagnes de Perse.
Sans nous arrêter h la manière dont on
explique ordin tirement le chap. i, v. 3 du
secon 1 livre, il n lUs parait qu'il y a une so-
lution fort simple. Ce n'est pas l'fluleur do
ce livre, mais les Juifs de Jérusab'in, qui
parlent dans la lettre ([u'ils écrivaient à ceux
d'Egyjite. Cette lettre fut écrite imm<'d,ate-
ment après la purilicatioii du tempe, par
conséquent à la première nouvelle q e l'ou
reçut en Judée de la mort d'.Vnt ochus. Or,
par cette jiremière nouvelle, les Juifs de Jé-
rusalem ne furent jias informés lies vraies
circonstances de cette mort; on |iu;ilia d'a-
bord fju'il avait été tué dans le temple de
Nanée, à Elymaïde ; mais, dans la suite, l'on
apprit qu'ilVtait seulement eut é dans celle
ville, qu'il avait été reiioussé par les habi-
tants, et forcé de s'enfuir [Machab. I. I, vi, 3
et 4;l. II,ix,2] ; qu'ilétait tombé malade dans
les montagnes, à Tabis ou aibeurs, et qu'il y
était mort. L'auteur de ce second livre le sa-
Wl
MAC
MAC
448
vait très-bien, puisqu'il le dit ; mais comme
il voulait r-opier tidèlenient Li lettre des Juifs,
telle qu'elle était, il n'a pas voulu toucher à
la manière dont ils racontaient la moit d'An-
tiochus, en se réservant d'en rapporter plus
exactement les circonstances dans la suite
de son histoire. Ce n'est donc [las ici une
méprise de la part de l'historien, mais un té-
moignage de sa fidélité.
Il ne faut pas oublier que la persécution
exercée contre les Juifs par Antiochus Epi-
phanes avait été clairement prédite par le pro-
phète Daniel, c. viii, plus de deux cents ans
auparavant. L'événement a répondu si par-
faitement à la prédiction, que les incrédules
ont été réduits à dire que les proi)hi lies de
Daniel ont été écrites ajirès coup , et dans
des temps postérieurs au règne d'Antiochus ;
mais la date du livre de Daniel est constatée
par des preuves que les incrédutes ne ren-
verseront jamais. On peut voir dans Pri-
deaux, liv. xi, à la lin, l'exactitude avec la-
quelle ses prophéties ont été accomplies, et
les preuves qu'en ont fournies les auteurs
profanes. Voy. Daniel. C'est pour cela même
ijue le plus célèbre de nos professeurs d'in-
crédulité a rassemblé toutes les objections
qu'il a pu imaginer contre l'histoire des
Machabées; elles ont été solidement réfutées
dans un ouvrage récent, intitulé : l'Authen-
ticité (les livres de VAncien et du Noureuu
Testament démontrée, etc., Paris, 1782 ; mais
cette discussion est trop longue pour que
nous puissions y entrer.
On a nommé troisième livre des Machci-
be'es, une histoire de la persécution suscitée
en Fgypte contre les Juifs, iiar Ptolémée
Philopator; et quatrième livre, l'histoire que
Josèphe a écrite du marlyre des sept frères
mis à mort par Antiochus Epiphaues, mar-
tyre rapporté, // Machab., c. vu. Mais ces
deux derniers ouvrages n'ont jamais été mis
au nombre des livres saints. Voyez Bible
d'Avignon, tome XII, p. 489 et 839.
Les protestants, pour justifier leurs ré-
voltes contre les souverains, avaient allégué
rexem|)le des Machabées. Bossuet, 5° Aver-
tissement, § 2'i., a fait voir qu'ils ne peuvent
pas s'en [irévaloir. La révolte des Juifs contre
Antiochus était légitime; il n'était pas leur
roi naturel, mais un conquérant oppresseur;
il voulait les exterminer et les chasser de la
Judée. Or, la religion juive, jiar sa constitu-
tion même, était attachée à la Terre promise
et au tem[)le de Jérusalem; les Juifs ne pou-
vaient y renoncer sans crime. Antiochus les
forçait, sous })eine de la vie, d'abandonner
le culte du vrai Dieu, de sacrifier aux idoles,
de changer de lois et de mœurs. Ils furent
autorisés à la résistance par les miracles que
Dieu lit en leur faveur, par les prophéties
de Daniel et de Zacharie, qui leur avaient
prédit cette persécution, et leur avaient pro-
mis le secours de Dieu.
Aucune circonstance semblable n'a rendu
légitimes les séditions des protestants : ils
n'ont [las pris les armes pour conserver l'an-
cienne religion de leurs pères, mais pour
l'abolir et eu établir une nouvelle ; personne
n'a voulu les forcer de renoncer au culte du
vrai Dieu, ni d'alijurer le christianisme;
ils n'avaient en leur faveur ni prophéties,
ni miracles : leur dessein ca|iitril était moins
d'olitenir l'exercice de leur religion que de
se rendre indépendants et d'écraser le ca-
tholicisme ; c'est ce qu'ils ont fait partout
oiî ils ont été les plus forts. Voy. (îijerues
DK BELIGON.
MACHASOR, mot hébreu , qui signifie
cycle. C'est le nom d'un livre de prières fort
en usage chez les Juifs dans leurs grandes
lètes. Il est très-difficile à entendre, parce que
ces iirières sont en vers et d'un style concis.
Buxlorf remarque qu'il y en a eu un grand
nombre d'éditions, tant en Italie qu'en Alle-
magne et en Pologne, et que l'on a corrigé,
dans ceux qui sont imprimés à Venise ,
beaucoup de choses qui S(jnt contre les
chrétiens. Les exemplaires manuscrits n'en
sont pas communs chez les Juifs, mais il y
en a plusieurs dans la bibliothèque de
Sorbonne à Paris. Buxtorf, in Biblioth.
Rabbiîi.
JL\CHICOT, officier de l'église de Noire-
Dame de Paris, (jui est moins que les bénéli-
ciers, et plus que les chantres à gages ; il
porte clia[ie aux fôtes semi-doubles, et tient
le chœur. Du nom machicot, dont l'origine
n'est pas trop connue, l'on a fait le verbo
7nachicoter, qui signifie orner le chant, eu le
rendant plus léger et plus composé, en y
joignant les notes de l'accord , pour lui
donner de l'harmonie. Ce chant, qui est une
espèce de faux-bourdon, se uoiume autre-
ment chant sur le livre.
iMACKOSTlCHE, écrit à longues lignes.
C'est ainsi que l'on appela la cin((uième Ibr-
mule de foi que composèrent les eusébiens,
l'une des factions des ariens, d;nis un con-
cile qu'ils tinrent h Antioclie, l'an 3i5. Quel-
ques modernes ont dit que celte profession
de foi ne renfermait rien de répréhensible;
mais ce n'est pas ainsi qu'en ont jugé saint
Allianase et Sozomène. Les eusébiens y re-
connaissaient que le Fils de Dieu est sem-
blable auPère en toutes choses, sans parler de
substance. Ils condamnaient ceux qui |>ré-
tendaient que le Fils a été tiré du néant, et
les autres inqiiétés d'Arius, parce que ces
paroles, disaient-ils, ne sont pas de l'Iilcri-
ture. Ils semblaient reconnaître l'unité de la
divinité du Père et du Fils, mais ils suppo-
saient en même temps le Fils inférieur au
Père; c'était une contradiction avec le m>)t
semblable en toutes choses : ils disaient posi-
tivement que le Fils a été fait , quoique
d'une manière différente des autres créa-
tures : en cela ils étaient opposés au sym-
bole de Nicée, qui a dit engendré et non fait.
Ils envoyèrent ce formulaire en Italie par
trois ou quatre évoques ; mais ceux d'Occi-
dent ne furent pas dupes de leur verbiage;
ils leur déclarèrent qu'ils s'en tenaient au
symbole de Nicée et qu'ils n'en voulaient
poii'it d'autre. Voy. Eusébiens.
L'embarras des différentes factions qui
partageaient l'arianisme, la multitude des
confessions de loi qu'ils proposaient, et qui
il9 MAD
ne [Ktuvaienl les saHsftiirc oiix-inAïuo:^, dé-
montreiil assi'z \v fonds de mauvaise loi avec
lequel ils procédaient, et la sagesse de la
conduite des orllioilnxes qui ni; voulaient
pas se (lé|iartir du symbole de Nici';e. Tille-
nionl, llist. (le l'Arian., c. '38, toiu. V'I,
pa.;. .'{31.
MADIANITES. Nous lisons dans le livre
di'-< Nomhrrs, c. 25, que les Israi'lites, [xui-
dant leur séjour dans le désert, se livrèrent
à i'iin|iudicité et à l'idolâtrie avec les filles
des Madidiiilcs et des Moaliites ; que le Sei-
t;neur irrité ordonna à Moïse de faire pen-
ilie les ]irincipaux auteurs de ce désordre;
(pie les ju^es lirent nietlre à mort tous les
coupables, et (lu'il jiérit à celte occasion
vinLjt-quaire mille honunes. Comme les Ma-
dianilcs avaient tendu ce piège aux Israé-
lites, par pure méchdnceté et alin de les
corrompi e, iMoise, pour ven,ij;er son peuple,
ordonna de nietlre h feu et à sang le [)ays
de Madian, d'exlerinmer celle nation, de
n'en réserver (jue les filles vierges. 11 ra-
conte lui-uième que le butin fait dans celte
expédition fut de six cent soixante-ipiinze
mille brebis, soixante-douze mille liieufs,
soixanle-un mille ânes et Irente-deux niillo
lillos vierges: que lrente-dei_ix de ces Jeunes
personnes furent la part du Seigneur \i\uin.,
c. 31). A ce sujet, les censeurs de l'histoire
sainte accusent Moïse de cruauté envers sa
propre nation; de perlidie, d'ingiatitude en-
vers les Madhinites, chez lesquels il avait
trouvé un asile dans sa fuite et avait pris une
6|0use; de barbarie, pour avoir fait égurger
tous les mâles et toutes les femmes mariées :
ils disent que citte quantité énorme de
bétail n'a jamais |)u se trouver dans un pays
aussi peu étendu qu'éiait celui de Madian;
ils peuvent que les trenle-deux lilles réser-
vées pour la paît du Seigneur lurent immo-
lées en sacrilice.
Il n'est pas un si'ul de ces reproches qui
ne soit injuste cl mal fondé. 1" La loi, qui
coiidanuiail à mort tout Israélite coupable
d'idolâtrie, ('lait formelle, le peuple s'y était
S'iumis; ce n'est qu'à cette condition (pie
Dii'u avait i)r'iiuis de le jirotéger : déjà ce
peuple avait vu 1 exemple d'une pareille sé-
vérité, à l'occasion du culle rendu au veau
d'or (lîxud., c. xx\n, v. 27 et 28 j ; il était
donc inexcusable. C'est une fausseté de dire,
comnu' quelqui's incrédulrs, ([iic les cou-
paliles fui'enl mis à mort, sim|)lement [lour
avoir [iris des femmes madianiles ; ils le fu-
rent pour s'être livrés avec elles à l'impudi-
cité et à rid(')latrie [Num. c. xxv, v. 3). Ce
crime suflisait ()our attirer les châtiments de
Dieu sur la nation entière si elle l'avait laissé
impuni. 2" Lorsque les Madianiles exercè-
rent ce trait de perlidie envers les Israélites,
ils n'y avaient été provoqués par aucune in-
jure ; ils craignaient à la vente d'être traités
comme les Amorrhéens : ils avaient tort ;
s'ils avaient envoyé des dé|iutés à Moise, il
leur aurait réi)ondu qu'ils n'avaient rien à
craindre, qu'lsiaël ne devait point s'empiler
de leur lenitoire, parce qu'ils descendaient
(l'Abraham par Céthura. Kn elfet, dans la
MAG 4S0
conquête du pays des Chananéeus, les Is-
raélites u'enlevèient pas un seul pouce de
terrain aux Madianiles, aux Moabites ni
aux Ammonites {Jud. c. xi , v. L'î). Les Ma-
dianiles, chez lesquels Moïse s'était réfugié
dans sa fuite d'Egypte, n'étaient point les
mêmes que ceux dont il lit dévaster le pays
pour les punir. Les premiers habitaient les
Ijords de la mer Kouge, et n'étaient jias
éloignés de l'Egypte; les seconds étaient
placés à l'orient et au nord de la l'alesline,
près de la mer Morte et d "S .Vluabitrs, à
cinquante lieues au moins des autres Madia-
niles. Ce n'était pas la même nation; l'une
descendait de Chus, petit-lils de Noé, l'auire
d'.Vbrahaiu : la première adorait le vrai
Dieu ; cela est prouvé par l'exemple de .)é-
tliro, beau-fière de .Moïse; la seconde hono
rait Béelplié'gor, dieu des Moaliites. La cruauté
avec laquelle celle-ci fut traitée était la ma-
nière ordinaire de faire la guerre chez les
anciens jieuples. Mais il s'en faut b(uiucoup
(pie le pa\s de Madian ait été entièrement
(iépeujilé et dévasté, puisque deux cents ans
après, ces mêmes Madianiles asservirent les
Israélites, el furent vaincus parCédi'on {Jud.
c. vi). 3" Avant de (h'cider ipie ce [)ays ne
pouvait pas nourrir la ([iiantité d'hommes et
de bétail dont parle Moïse , il faudrait
commencer par en lixer les limites; les in-
crédul s les restreignent à leur gré, et il
était au moins du double plus étendu (pi'ils
ne le supposent. On leur a prouvé, par des
calculs et par des exemples incontestables,
que dans un pays médiocremenl fertile et
d'une égale étendue, il ne serait pas difUcile
de trouver le même nombre d'hommes et
d'animaux. Voy. les Lellres de quelques Juifs,
etc., tom. 11, p. 3 et suiv. Le pays habité au
jourd'hiii par les Druses, qui est celui des
Madianiles, n'est ni stérile ni désert, sel m
le recil des voyageurs; il est cultivé et
peujilé. Voy. le Voyage autour du monde,
par M. de Paqis, fait depuis 17(i7 jusqu'en
177(j, tom. 1, p. 373 et suiv., ei 386. — 4-° Le
texte de Moïse nous apprend assez claiie-
menl ce que l'on lit des trenle-deux tilles
réservées pour la part du Seigneur : il est
dit que les prémices du butin destinées au
Seigneur, soit en hommes, soit en bétail,
furent données au grand prêtre Eléazar
(Num., c. Li, V. 20, 29, 40 et 41). Ces lilles
furent donc réduites à l'esclavage comme
les autres, et destinées au servu;e du taljer-
naele. il n'est point ici question de sacrilice
ni d'immolation : jamais les Israélites n'ont
olfert à Dieu des victimes humaines. Voy.
ce mot.
MaFORTE, espèce de manteau qui était à
l'usage des moines d'Egypte; il se mettait
sur la tunique, et couvrait le cou et les
é[iaules : il était de toile de lin comme la
tuni(pie, et il y avait par dessus une melotte
ou peau de mouton.
MAtiDELElNE, l'une des saintes femmes
(jui suivaient Jésus-Christ, qui écoulaient
sa doctrine, et qui pourvoyaient à sa subsi-
stance. Plusieurs incrédules modernes se
sont appliqués à jeter des soupçons sur
iSl
MAC
MAG
452
J'attachement que cette femme pieuse a
laontri^ pour le Sauveur, soit pendant sa
vie, soit ajirès sa mort; ils en ont parlé sur
le ton le jUus indécent. Ils ont confondu
Magdeleine avec Marie, fœur Je Lazare, et
avec la pécheresse de Naim, convertie par
Jésus-Christ; c'est une opinion très-dou-
teuse : il y a longtemps que d'habiles criti-
ciues ont soutenu que ce sont trois personnes
diffère .tes. Voyez Vies drs Pères et des Mar-
tyrs, lom. VI, p. 438; Bible d'Avignon, t. XIH,
p. 3:n.
Quand même le fait serait mieux prouvé,
il y aurait déjà de la témérité à peindre Mag-
deleine connue une femme perJuedg mœurs
et de réputation, dont la conversion n'était
rien moins que sincère. Il est seulement dit
dans ÏEvàngUe que Magdeleine avait été dé-
livrée de sent démons {Luc. c. vin, v. 2).
Sans eî.'iminer si cette expression doit être
prise à la lettre, ou si l'on doit l'entcn<Jre
d'une maladie cruelle, il en résulte que la
reconnaissance a sufli pour attacher au
Sauveur «une personne honnête et bien
née.
Od connaît d'ailleurs la S'^vérité des mœurs
uives, l'attention avec laquelle les scribes,
es pharisiens, les docteurs de la loi exami-
naient la conduite de Jésus-Christ, toutes
ses démarches et toutes ses paroles, pour y
trouver un sujet d'accusition ; l'assiduité
avec laquelle ses disciples l'ont suivi, et ont
été témoins de toutes ses actions. Les Juifs
auraient-ils souffert qu'il enseign^U le peuple,
qu'il se donnât pour le Messie, qu il censu-
rât leur d'iclrine et leuis vices, s'ils avaient
pu lui reprocher des m eurs vicieuses et des
fréquentations susi)Ciios? Ils l'ont accusé
de séduire le [leuple, d'être l'ami des publi-
cains et des pécheurs, de violer le sabbat,
dt; s'attribuer une autorité qui ne lui appar-
tenait pas, de s'entendre avec les démons
qu'il cliassait des corps ; auraient-ils ouolié
ses liaisiojfis avec des femmes jerdues, s'ils
avaient eu là-dessus (juclque soupçon ? Ce
reproelw ne se trouve ni dans les évangé-
Mstes, ni dans le Talmud, ni dans les écrits
des rabbins. Los évangélistes eux-mêmes
n'auraient pas été assez imprudents pour
faire mention de ces femmes, si leurassiduité
à suivre le Sauveur avait donné à ses enne-
mis quelque avantage contre lui.
C'est sui'tout pendant la passion et api'ôs
la mort de Jésus, que Magdeleine tit éclater
son attachement pour lui; elle se tint con-
stamment au pied de la croix avec saint Jean
et avec la Vierge Marie ; cette sainte Mère
de Dieu n'aura, t pas soutl'ert dans sa com-
pagnie u!iei)crsi)nne dont la conluite pouvait
faire toit à la gloire de son Fils. Magdeleine
fut du nombre des femmes (jui vinrent au
tombeau de Jésus , pour embaumer s'in
corps et lui rendre les honneurs delà sépul-
ture : les femmes perdues n'ont (las cou-
tume de so charger du soin d'ensevelir les
morts. Au. mokuent de la résurrei'tion, lors-
que Jésus lui ap, araii, et qu'elle veut se
prosterner à ses pieils, iilui dit : Ne me tou-
chezpas.; aUes-dir-eà mes frères qm je Vi-iis re
monter vers mon Père [Joan. c. xx, v. 17).
Il permet aux autres femmes de lui embras-
ser les pieds et di* l'adorer [Matth. e. xxviii,
v. 0). II n'y a \h aucun vestige d'attachement
suspect. Il est bien ét(;nnant que les incré-
dules de notre sièflc aient j)oussé plus loiu
la pri'vention et la fuieur contre Jésus-Christ,
que ne l'ont fait les Juifs. Yoy. Femme.
MAGDELONNETTES. Il y a plusieurs
sortes de religie ;ses qui portent le nom (!n
Sainte-Magdeleini', et que le peuple appelle
mngdelonnettes. Telles sont celles de >ietx,
étalilies en !4d-2; celles de Paris, qui furent
instiiuées en 1492 ; celles de Naples, fon lées
en 15-2'i-, et dotées par li reine Sanche d'A-
ragon, pour servir de retraite aux pécheres-
ses ; celles de Rouen et de Bordeaux, qui
prirent naissance à Paris on 1618. Il y a or-
dinairement trois sortes de personnes et de
congré,^ations dans ces monastères. La pre-
mière est de celles qui, a|)rès un temps d'é-
jireuve suffisante, sont admises à embrasser
l'état religieux et à faire des vœux ; elles
portent le nom de la Magdeleine. La con-
grégation de Sainte-Marthe, qui est la secon-
de, est composée de celles qui ne peuvent
être adiidses à faire des vœux. La congréga-
tion de Lazare est de celles qui sont dans
ces maisons par force et pour correction.
Les religieuses de la Mag<leleine à Rome,
dites les converties , furent établies par
Léon X. Clément VIII assigna , pour celles
qui y seraient renfermées, cinquante écus
d'aumône par mois; il ordonna que tous les
biens des femmes publiques (\m mourraient
sans tester, appartiendraient à ce monastère,
et que le testament de celles qui en feraient
serait nui, si elles ne lui laissaient au moins
le cinquième de leurs biens. A Pa is, les
filles de la Magdeleine sont actuellement
gouvernées par les religieuses de Not e-
Daiue-de-Chariié, (lu filles de Saint-Michel ;
mais il y a plusieurs autres maisons dans
lesquelles on reçoit les filles ou femmes pé-
nitentes, ou dans lesquelles on enferme par
autorité celles qui ont mérité ce traiteuicnt.
Il n'y a qu'une charité très-pure qui i)uisse
inspirer à des filles pieuses le courage de se
dévouer à la conversion des personnes de
leur sexe qui ont perdu la pudeur. Celles-ci
sont ordinairementdesâmessiavHies, si per-
verses, si intraitables, que l'on peut difiici-
leraent espérer un changement sincère et
constant de leur part. « Mais la charité est
douce, patiente, compatissante.... ; elle souf-
fre tout, espère tout, et ne se rebute jamais »
(/ Cor. c. xin, v. 4j. On doit encore avouer
que, parmi les personnes du sexe qui se
perdent, il en est un gran<l nombre qui y
ont été réduites par la misère, plutôt que
par un goût di'cidé j our le libertina.e.
Il est bon de remarquer que la plupart des
établissements charitables dont nous parlons
ont été formés dans des siècles où l'on ne
se piquait pas de philosophie; mais ils n'ont
jamais été plus nécessaires que dans le nôtre,
depuis que les prétendus philosophes ont
travaillé de leur mieux à augmenter la c jr-
ruption des mœurs, et ont étoatl'é daué les
*S5 MAC
feaiines les pnnciiies de religion, afin dô leur
ôtor |)lus aisément la pudfur.
MAGES, sav.ints ou sages de l'Orient, qui,
avertis par une étoile miraculeuse , vinrent
adorer à Bctlili'ciu Jésus cnl';(i il, quelque temps.
'♦prèssauaissauee.On sait que, clu'z les Orien-
taux, le nomde7««.'/e a désigné un savant, uq
homme app'liqné àTétudedela nature et de
la religion, et qui [lossède des coniiaissani'es
sup''rieures. lout homme qui avait cette re-
pu latii in, jouissiit d'une grande cousid(' ration
et avait beaucoup d'autorité parmi ses con-
irltot dis ; il n'est donc pas étonnant queTon
iiit pensé q\ie les maycs i|ui vinrent adorer
Ji'sus élaii'Ut des rois ; .-dors elie;^ les peuples
voisins de la Judée , les rois n'éla:ent rien
moins que des munarques puissants. Il est
dit dans l'Evangile que ceux-ci vinrent de
l'Orient, et l'on a disserté sav.unmcid pour
découvrir de quelle contrée orientale ils
étaient venus. Nous ne voyons aucune né-
cessité de les laire venir de l'rrt loin ; il es-t
très-priil)ahle ({uils p.u'tirent tki pays situé
à l'orient tle la mer Morte, habité a itrefuis
par les .Madianites, pa;' les Moaijitcs et par
les Ammoid es, et dans lequel SDUt aujour-
d'hui les Druses. Si Ion le témoigna.;e des
voyageurs, l'on retrouve cncori> chez ce
peuple indé[iendant la plupart des anciens
usages des Juifs. Les mafjcs n'cur.'Ut donc
que trois ou ([uatre journées de chemina
l'ail e pour arriver à Bethléem.
On ne peut pas douter (jue, dans cette con-
trée, si voisine de la Judée, \nn n'e'd l'i iée
del'avénement piochaindu Messie, puisque,
sek)M Tacite et Suét me, c'était uue opinion
ancienne, constante e' ié|iandue dans tout
l'Orient, ((u'un con([ui'iant ou des conqué-
rants, sortis delà Judée, seraient les maî-
tres du monde. Il se peut l'aire môme que
Tony eiit conserve le souvenir de la prophé-
tie lie Balaam, qui annonçait le .Messie sous
le nom d'uiic cloUv sortie de Jacob. L'étoile
(jui a|i|'arut aux «JOf/f« n'était l'ointuno étoile
ordinaire, m.ds v-n as're miraculeux, pnis-
(ju'd dirigeait Icur marche et s'arrêta sur
Bethléem. Jusq l'ici nous n'apercevons pas
qu'il y ail lieu à (le grandes dil'iicultts.
Voyez Vies des Pères et des Martyrs, tom. 1,
pag. 107.
Maisles incrédules ont fait des dissertations
pour prouver que l'adoration des mages,
ra()poitée par saint Matt'iicu, ne peut abso-
lument se concilier awc la narration île saint
Luc ; selon leur coutume, ils ont conclu vic-
torieusement qu'aucun docteur ne pourra
jamais mettre les faits rapportés dans l'Evan-
gile hors d'atteinte, lorsque les difiicultés
seront proposéesdanstoutoleur force. Ce Ion
triomphant ne doit pas nous en imposer : la
force de nos adversaires n'est rien moins
qu'invincible. 11 s'agd de comparer le second
chajilre de saint .Mittliieu avec le second de
saint Luc ; toute la diilérence entre ces deux
évan.;élistes consiste en ce que l'un rai;porte
plusieurs faiis de l'enfance uu Sauveur, des-
iiuels l'autre ne parle pas.
Saint Matthieu rapporte de suite la nais-
sance de Jésus , l'adoration des mages, la
WAG «14
fuite de la sainte famille eu Egypte, la
meurtre des innocents , le retour d'Egypte,
le séjoui' de Jésus à Nazareth, la prédication
de suint Jean-Baptiste, le baptême de Jésus,
sans lixer aucune é,ioq,ue, sans déterminer
l'intervalle du temps cjui s'est |)assé entre
ces divers événements , sans parler des
aiilres laits arrivés dins ce même temps.
Saint Luc raconte la naissance de Jésus, sa
circoncision, sa présentation au temple , le
séjour de la sainte famille à Nazareth, les
trois jours d'absence de Jésus, retrouvé dans
le temple h l'âge de dou/.e ans, la prédica-
tion de saint Jean-Baptiste, le baiitéme de
Jésus,' sans expi'imer si tous ces faits se
sont suivis immédinlenuud , ou ont été sé-
parés par quelques délais et par d'autres
événements. Saint .Marc et saint Jean coin-
mcncent leur Evangile à la prédication de
Jean-Ba[)tiste, et passent sous silence tout
ce qui a précédé. De même que saint .Mat-
thieu ne dit rien de la circoncision, de la
présentation au ti'm;:lG, do l'absence de Jé-
sus ; saint Luc omet à son toui- l'adoration
des mages, le meurtre des innocents, la fuite
en Egvple, et le retour-.
Mais, disent nos ciiliquos, saint Lue f a t
profession de lout rapporter; il dit qu'il
s'est informé exactement de tout dès le com-
mencement, et qu'il le rapportera de suite
ou jiar ordre [Luc. c. i, v. 3) ; il n'est donc
pas probaide q l'il ait rien supprimé. V(jUà
la plus fort ■ difiicidté.
Est-elle insoiuble "? A la vérité, saint Luc
dit qu'il s'est informé de tout, mais il ne dit
pas qu'il écrira lout et c[ l'il ne suppiimera
rien ; il dit q l'il rapportera les faits par or-
dre, il n'ajoute i)oint qu'd les rap;:orlera de
suite, sans intervalle, et sans en omettre
aucun. Son dessein était de reprendre les
choses des le commencement ; en ell'et, il re-
monte jusqu'à la naissance de Jean -Bap-
tiste et a l'aimonciation faite à Marie ; aucun
autre évang liste n'est remonté si haut ;
mais il n'est pas vrai qu'il se pique d'être
minutieux , comme nos critiques le suppo-
sent; dans le cours de son Evangile, il a
omis beaucoup d'autres choses dont les au-
it ()arlé.
à présent de savoir comment il
faut arranger les faits, si l'on doit (ilacer la
]irésentaliou de Jésus au temple et la puri-
lication de Marie, avant l'a loraùou des Ma-
ges et ce qui s'est ensuivi, ou s'il faut la
mètre a|)rès le retour d'Egv pie. Rien ne nous
empêche de soutenir i|ue cette présentation
a été (iitl'érée jusqu'après le retom' d'Egypte.
Selon la loi, celte cérémonie devait se faire
(piarante jours après l'enfantement ; mais
loi'sque les couches avaient été f.ich uses,
lorsque la mèie ou l'enfant étaient malades,
lorstiu'ils étaient fort éloignés de Jérusalem,
l'intention de la loi ne fut jamais de mettre
leur vie en danger. Le temps avait été pre-
scrit piincipalemenl pour les Israélites, cam-
pés dans le désert autour du tabernacle
{levit. c. XII, v. (i). Dans la Judée, cette loi
admettait des dispenses et des délais. Il pa
rail que Anne, mère de Samuel, crut être dans
très évangélistes oi
11 s'agit
455 MAG
le cas , pmsqu elle n'alla pr(^sentpr son fils
au Seigneur (ju'après qu'il fut sevré (/. Reg.
c. I, V.' 22). Marie, forci^e de fuir en Egypte
pour siuver les jours de son fils , était en
droit d'user du même privilège. On ne sait
pas combien de temjts dura son absence,
mais elle ne fut pas longue, puisipie Hérode
mourut cinq jours après le meurtre de son
fils Antipatcr, peu de temps après le massa-
cre des innocents (Josèphe , Anliq. 1. xvii,
c. 10).
Saint Luc dit à la vérité : « Après que les
jours de la purification de Marie furent ac-
complis, selon la loi de Mojse , .lésus fut
porté au temiile pour être présenté au Sei-
gneur {Luc. c. Il, V. 22). Il faut nécessaire-
ment sous-entendre, lorsqu'il [ut possible
d'accomplir la loi; la nature des faits ne
permet p.is de l'entiHidre aulrement
Dans cette hypothèse, tout se concilie sans
effort. Jésus, à Bethléem, est circoncis huit
jours après sa naissance, comme le ilit saint
Luc; il est adoré par les mages, transporté
en Egypte ; les innocents sont massacrés ;
Hérode meurt; la sainte famille revient en
Judée, comme le ra|iporte saint Matthieu ;
Jésus est porté à Jérusalem et i)résenté au
Seigneur ; Aiarie se purifie selon la loi, com-
me nous l'apprend saint Luc; elle retourne
à Nazareth avec Jésus et Joseph , ainsi
que le disent les deux évangélistes. Il est
exactement vrai que le retour à Nazareth
suit immédiatement le retour d'Egypte ,
comme le veut saint Matthieu, et qu'il se fait
après que les parents de Jésus eurent ac-
compli tout ce qui était prescrit par la loi
du Seigneur, comme l'a observé saint Luc.
Où sont donc les impossibilités et les con-
tradictions entre les deux évangélistes, que
les incrédules veulent y trouver? Selon leur
préjugé, saint Luc dit que Joseph, Marie et
l'enfant demeurèrent à Bethléem jusqu'à
ce que le temps marqué pour la purification
de Marie fût accompli. Ils se trom|)ent, saint
Luc ne le dit point ; il n'insinue en aucune
manière que le voyage pour présenter Jé>u5
au temple se soit fait de Bethléem à Jérusa-
lem, comme le veulent nos censeurs ; leurs
objections ne portent que sur cette fausse
supposition. Quand on veut mettre deux
historiens en opposition, il ne faut rien ajou-
ter au texte ni de l'un ni de l'autre.
Il semble, disent-ils, que saint .Matthieu,
ait ignoré que Nazareth était le s<^jour or-
dinaire de Joseph et de Marie. Où sont les
preuves de cette ignorance ?
D'autres ont argumenté contre le massa-
cre des innocents. Votj. ce mot. Quelques in-
terprètes ont cru que Jésus était ,lgé de deux
ans lorS(|u'il fut adoré par les mages : celte
supposition n'était pas nécessaire. Voy. Bi-
ble d'Avignon , t. XIII, pag. 185.
MAGICIEN, MAGIE. On appelle magie l'art
d'opérer des choses merveilleuses et qui pa-
raissent surnaturelles, sans l'intervention de
Dieu, et magicien celui qui exerce cet art.
M en est souvent parlé dans l'Ecriture sain-
te ; la magie y est si'vèrement déf ndue ; les
magiciens y sont représentés comme odieux
MAG
450
à Dieu et aux hommes: l'Eglise chrétienne
a [)rononcé contre eux des anathème';, et ils
sont punis par les lois civiles. Quelle idée
devons-nous en avoir? Qu'y a-t-il de réel
ou d'imaginaire, de naturel ou de surnatu-
rel dans leurs opérations ? Sont-ce des four-
beries humaines, ou des prestiges du dé-
mon ?
Si nous consultons les écrits des philoso-
phes modernes sur ce sujet, nous y appren-
drons peu de chose. Pour s'épargner la
peine de discuter la question, ils l'ont sup-
posée décidée selon leurs préjugés ; ils n'ont
pas distingué suffisamment les différenles
espèces de magie, comme les charmes, la di-
vination, les enchantements, les évocations,
la fascination, les maléfices, les sorts ou sor-
tilèges : toutes ces pratifjues sont différen-
tes, et demandent chacune un examen par-
ticulier. Si nous leur en demandons l'origine,
ils disent que tout cela est venu de l'igno-
rance ; mais l'ignorance n'est qu'un défaut
de connaissance : une négation ne produit
rien, ne rend raison de rien, et il nous faut
des causes positives. Us prétendent que de
nosjours la philosophie, ou la connai:>sance
<le la nature, a réduit à rien le pouvoir du
démon et celui des magiciens : ils se trom-
l)ent. Si la magie est très-rare parmi nous,
elle y a été commune autrefois, et on l'exerce
encore ailleurs: pourquoi y a-t-on cru? et
pourquoi ne devons - nous plus y croire ?
Voilà ce que des philosophes auraient dû
nous apprendre. Ils jugent que ce qui est
dit dans l'Ecriture sainte, dans les Pères de
l'Eglise, dans les conciles, dans les exorcis-
mes, a contribué à nourrir le préjugé des
peuples et la croyance aux opérations du
démon : c'est une fausseté que nous avons
à détruire.
Aussi nous devons examiner 1° l'origine
de la magie, et ce qu'en ont pensé les|)hilo-
soplies ; 2" ce qui en est dit dans l'Ecriture
sainte et dans les Pères de l'Eglise ; 3° les
raisons pour lesquelles l'Eglise a dû eni-
jiloyer lesbénédictionset les exorci^mes pour
dissiper les prestiges des magiciens ; k' si
l'accusation de magie, intentée contre plu-
sieurs sectes hérétiques, a été une pure ca •
lomnic.
I. L'origine de cet art funeste est la même
que celle du polythéisme: c'en est une con-
séquence inévitable, plusieurs auteurs l'ont
fait voir; Bayle, Rép. aux quest. d'un prov.
i" part , c. 3C et 37 ; Brucker, Hist. de la
Philos., tom. I, liv. ii, c. 2, S 12; Hist. de
l'Acad. des Inscript., t. IV, in-12, p. 3i, etc.
<"hez les Orientaux l'on a nommé mages ceux
qui iiaraissaient avoir des cnnnaissauces su-
périeures à celles du vulgaire, et magie l'é-
tude de la nature et de la religion ; dans
quelques cantons de la Suisse, le peuple ap-
pelle encore mages les médecins empiriques
auxquels il attribue tles secrets particuliers
p ur guérir les maladies
Chez les païens , dont l'imagination était
frappée d'une multitude d'esprils, de génies,
de d(Mi)ons ou de dieux ri'pandus dans toute
la nature, qui en animaient toutes les parties
437
MAG
M\(;
4K8
elles gouvcrnaiont , on leur attribuait les
i)hénomènos les [jIus ordinaires, les biens et
les maux, les orages, la stérilité des campa-
gnes, les maladies et les guérisons ; à plus
flirte raison devait-on les croire auteurs de
tout ce qui paraissait (extraordinaire, mer-
veilleux et surnaturel : rien ne se faisait sans
eux ; la connaissance la plus importante était
donc de savoir comment on pouvait ol)tenir
leur bienveillance , les apaiser lorsqu'ils
étaient irrités, en obtenir des bienfaits, et
les forcer en (juelque manière de condescen-
dre aux volontés de leurs adorateurs. Votj.
Paganisme. Tout homme (jui semblait avoir
cette connaissance, le talent de faire du mal
ou de le guérir , de deviner les choses ca-
chées , de prédire quelque événement , de
tronqier les yeux par des tours de souples-
se, etc., passait pour avoir à ses gages un es-
prit ou des esprits toujours prêts .'i exécuter
ses volontés. Le nom de mage et de magicien
n'avait donc rien d'odieux dans Torigine :
l'eux qui se servaient de la magie pour faire
du bien aux hommes étaient estimés et ho-
norés; mais ceux qui s'en servaient pour
faire du mal étaient avec raison détestés et
proscrits. L'art des premiers se nomma sim-
plement magie; les jiratiques dos seconds
lurent appelées i/oè/ie, magie noire et malfai-
sante.
Telle était l'opinion non-seulement des
ignorants , mais des philosophes les plus
célèbres; tous soutenaient que les astres,
les éléments, les animaux, étaient mus par
des génies ou démons, que ces intelligences
prétendues disposaient de tous les événe-
ments ; sur ce préjugé était fondé le culte
qu'on leur rendait, et ce culte était approuvé
par toutes les sectes de la philosophie. C'est
Ih-dessus (fue h- stoïcien Baibus établit le
polythéisme et la religion des Romains, dans
le m* livre de Cicéron, sur la Nature des
dieux ; que Celse, Julien, Porphyre et d'au-
tres reprochent aux chrétiens d'être ingrats
et impies , en refusant d'adorer les génies
distributeurs des bienfaits de la nature.
Celse soutient sérieusement que les animaux
sont d'une nature su[)érieure à celle de
l'homme, qu'ils ont un conuneice plus im-
médiat que lui avec la Divinité, et ont des
connaissances jjIus parfaites ; qu'ils sont
doués de la raison; que ce sont eux qui ont
enseigné à l'homme la divination , les au-
gures et la magie. Orig. contre Celse, liv. iv,
n. 78 et suiv. Il passait donc pour constant
dans le paganisme, qu'un homme pouvait
avoir commerce avec les génies ou démons
(lue l'on adorait comme des dieux, obtenir
d'eux des connaissances supérieures , opé-
rer , par leur entremise, des choses prodi-
gieuses et surnaturelles. Les philosophes en
étaient persuadés comme le peuple; Bayle,
ibid., c. 37 ; les stoïciens en particulier,
puisqu'ils avait nt conliance à la divination,
aux augures , aux songes, aux pronostics,
aux prodiges ; Cicéron nous l'apprend, L.
», de Divin., n. Ii9. Lucien, dans son Phi-
lopseudes, reproche ce ridicule à toutes les
sectes de philosophie ; et, encore une fois,
DiCTIOSN. DE TOFOL. DOGMATIQUE. IIL
c'était une conséquence inévitable do la
théologie païenne. I^cs épicuriens mômes
n'en étaient pas exempts ; plusieurs ont été
accusés (le pratiquer la magie, al d'être aussi
superstitieux que le vulgaire le plus ignw-
rant ; mais on no sait pas quelle idéiî ils
avaient du pouvoir magique; on sait seuU;-
ment qu'en général ils étaient très-mauvais
physiciens. La théurgie des éclecticjues ou
des platoniciens du iv siècle était une vraie
magie, dans le sens uu^me le plus odieux ;
ces [)hilos(iphes se tlattaient d'avoir un com-
merce immédiat avec les esprits, et d'oiiérer
des prodiges par leur entremise. De là Celse
et les autres ne manquèrent pas d'attribuer
à la magie, ou h ce conunerce prétendu, les
miracles de Moïse, de Jésus-Christ, des apA-
tres et des premiers chrétiens; mais c'était
une double absurdité de prétendre que les
démons, dont les chrétiens détruisaient le
culte, étaient cependant en commerce avec
eux, et de blâmer dans les chrétiens un art
par leijuel les philosophes prétendaient ses
faire honorer ; nos apologistes n'ont pas eu
de peine à démontrer le ridicule de cette ac-
cusation : l'on ne pouvait pas reprocher aux
chrétiens de s'ôlre jamais servis d'un pou-
voir surnaturel pour faire du mal à per-
sonne.
Voilà donc la première origine des diffé-
rentes espèces de magie, qu'il faut distin-
guer. On a cru que, par certaines formules
d'invocation, pcr carmina, l'on pouvait faire
agir les génies , c'est ce que l'on a nommé
charmes ; les attirer par iJes chants ou par
le son des instruments de musique, ce sont
les enchantements; évoquer les morts et con-
verser avec eux, c'est la nécromancie ; ap-
prendre l'avenir et connaître les choses ca-
chées, de là les différentes espèces de divi-
nation, les augures, les aruspices, etc. ; en-
voyer des maladies, ou causer du dommage
à ceux auxquels on voulait nuire, ce sont
les maléfices ; nouer les enfants et les empê-
cher de croître, c'est la fascination ; diriger
les sorts bons ou mauvais, et les faire tom-
ber sur qui l'on voulait, c'est ce que nous
nommons sortilège ou sorcellerie ; inspirer
des passions criminelles aux personnes de
l'un ou l'autre sexe, ce sont les philtres, etc.
Tout cela dérive de la môme erreur primi-
tive ; mais à chacun de ces articles nous in-
di(|uons les autres causes positives qui ont
pu y contribuer. L'imjiosture , sans doute,
y a toujours eu beaucoup de part ; tout
homme qui se croit plus instruit cjue les
autres veut paraître encore plus habile qu'il
n'est, proliter de la crédulité des ignorants,
se faire admirer et reiiouter, c'est la passion
des philosophes. Tout distributeur de remè-
des a eu grand soin d'y mêler des formules,
des cérémonies , des précautions , (}ui don--
naient un air plus merveilleux à lelfet qui
s'ensuivait, et plus d'importance à son art ;
c'est encore la coutume des charlatans. Pour
qu'une plante eût la vertu de guérir,il fallait
([u'elle fût cueillie dans certains ti'mps, sous
telle constellation; il fallait prononcer cer-
taines paroles inintelligibles, se tenir daus
15
459
MAG
MAG
m
telle attitude, etc. Ainsi, la m(^dccino devint
une magie composée de botanique, d'astro-
logie, de souplesse et de superstition; Pline,
1. XXX , c. 30, c. 1. Puisque la plupart de
ces pratiques ne pouvaient avoir aucune in-
fluence sur la gu6rison, il fôllait donc que
leur ctTet fût surnaturel. Ainsi l'on raison-
nait, et il n'est encore que trop ordinaire
aux philosophes d'argumenter de môme :
lorsqu'ils ne voient pas la cause immédiate
d'une erreur , ils l'altribuent à la religion,
au lieu qu'il faudrait en acciiser une fausse
philosophie.
Si nous remontons plus haut, oii trouve-
rons-nous le premier principe do la plupart
des erreurs ? Bans les passions humaines.
l)'un côté, la vanité, l'ambition et la fourbe-
rie des imposteurs ; de l'autre, la curiosité
des hommes, l'avidité de se procurer un
bien, l'impatience d'écarter un mal, la jalou-
sie, la vengi-ance , l'envie de perdre un en-
nemi, les tiiinsports même d'un amour dé-
réglé, ont fait tout le mal ; une âme furi'Use
a dit: Si je ne puis rien obtenir du ciel, je
ferai agir l'enfor :
Flectere si neqiteo superos, Acheronla movebo :
or la philosoi)hie n'a pas le pouvoir de gué-
rir les passions.
La vraie religion, loin de contribuer en
ricu à cette démence , n'a cessé d'eu détour-
ner les hommes. Dès le commencement du
monde, elle leur a enseigné qu'il n'y a qu'un
seul Dieu , que lui seul a créé et gouverne
l'univers , distribue les biens et les maux,
donne la santé ou la maladie , la vie ou la
mort. Elle condamne toutes les passions,
commande la soumission h. Dieu et la con-
fiance à sa providence, défend de recourir à
aucune pratique superstitieuse, nous apprend
à regarder le démon comme l'ennemi du
S'enre Ifumain. Parmi les premiers adorateurs
U vrai Dieu, nous ne voyons régner aucune
superstition; l'on a cependant osé reprocher
aux patiiarches la conliance aux songea. A
cet article, nous verrons ce que l'on doit en
penser. Les Juifs ne se sont rendus coupa-
bles de magie que quand ils ont ipûité l'ido-
lâtrie de leurs voisins, et ce crime n'est ja-
mais demeuré impuni. Mais il est une troi-
sième cause, de laquelle nos philosophes ne
veulent pas convenir; ce sont les opérations
du démon lui-môme, qui, pour se faire ren-
dre les honneurs divins, a souvent fait des
choses que l'on ne peut attribuer ni à une
cause naturelle, ni à la puissance de Pieu;
et Dieu l'a permis , atln de punie les impies
qui renonçaient à son culte pour satisfaire
ieurs passions. Selon nos adversaires, il n'y
eut jamais rien de réel en ce genre; tout ce
que les ignorants et les philosophes ont cru
voir et ont cru faire de surijature!, ce que les
Pères de l'iiglise ont supposé vrai, ce que
les historiens et les voyageurs ont raconté,
ce qui parait constaté par les procédures des
tribunaux, et par la confession aièiue des
magiciens, est imaginaire; co sont ou des
impostures ou des ell'els purement naturels.
Nous soutenons (juc cela n'est pas possible.
Vainement Bayle et d'autres ont fait des dis-
sertations sur le pouvoir de l'imagination, et
en ont exagéré les effets : lorsque les maléfi-
ces ont opéré sur les animaux, ce n'était cer-
tainement pas l'imagination qui agissait.
En général, s'armer de pyrrhonisme et
nier tous les faits, accuser d'imbécillité onde
fourberie tous les auteurs anciens et mo-
dernes, attribuer tout à d.cs causes naturelles
que l'on ne connaît pas et que l'on ne peut
pas assigner, c'est une méthode trés-peu
philosophique; elle prouve qu'un homme
craint les discussions , et ne se sent en état
de rendre raisop de rien. Rayle lui-môme en
juge ainsi, Dict. crit. iïMws, rem. D. Nous
n'adojitons point tous les iaits rapportrs par
les auteurs qui ont traité i!e la magie; un
très-grand nomijre de ces faits ne sont pas
asse? constatés : nous savons que, par igno-
rance , l'on a souvent attribué à l'opération
du démon des phénomènes purement natu-
rels, que plusieurs personnes ont été fausse-
ment accusées de magie , et punies injuste-
ment; mais il ne s'ensuit pas de làquil n'y
ait jamais eu de magie proprement dite. Nous
raisonnerions aussi mal , si nous disions : Il
y en a certainement eu dans tel cas, donc il
y en a eu dans tous les cas. Sur une matière
aussi obscure, il y a un milieu à garder entre
l'incrédulité absolue et la crédulité aveugle.
IL Trouverons-nous dans l'Ecriture sainte
ou dans les Pères de l'Eghso quelque chose
qui ait contribué à entretenir parmi les fidè-
les le préjugé des païens et la confiance à la
magi^-? Dans tout l'Ancien Testament, nous
ne voyons aucun exemple d'opération ina,si-
que dont nous soyons forcés d'attribuer l'ef-
ibl au démon. Lorsque Moïse lit des miracles
en Egypte, il est dit que les magicims de
Pharaon firent de même par leurs enchante-
ments; ils imitèrent donc les miracles de
Moïse au point d'en imposer aux yeux des
spectateurs; mais y eut-il réellement du sur-
naturel dans leurs opérations ? Rien ne nous
oblige de le supposer; le récit de l'Ecriture
semble prouver le contraire.
En premier lieu, ces magicieiis usèrent do
préparatifs. Ils furent appelés par Pharaon
pour changer leurs verges en ser(,ients ; Pha-
raon lui-môme fut averti d'avance du chan-
gement des eaux du Nil en sang, et de l'arri-
vée des grenouilles (liarorf. vu, 11 et 17; vui,
%). Il est dit qu'ils imitèrent Mo-ise par des
enchantements et des pratiques secrètes. Ces
pratiques pouvaient être des moyens natu-
rels, des tours de main capables d'en impo-
ser aux yeux. — Secondement, la comparai-
son de leurs prestiges avec les. miracles de
Moïse confirme cette opinion. Enchanter les
serpents par les drogues qui leui- ôtent le
pouvoir de mordre, les manier ensuite sans
aucune crainte, est un secret très-commun,
non-seulement en Egypte et dans les Indes,
mais dans les cantons de l'Europe où Ion
fait commerce de vipères. Avec ce talent et
un [leu de souplesse, il était aisé aux magi-
eitiigile faire p.aïaître tout à coup un serpent
au lieu d'un l>âton. M<iis le serpent do Atoise
dévora ceujt des magiciens, ce- qui démontre
(61
MAG
MAC
462
jiie Gfî n'i'Unl point un serpent cncliaiilé ou
affaibli. Donner la couleur de san^ li un
fleuve tel que le Nil , on curroiupro les eaux
par un coup do haguctte, on présence de
Pharaon et de toute sa suite, ('"est ce que fit
Moïse, et c'est un prodige que l'on ne peut
ojiérer par aucune causo nalurtiUo. Imiter ce
changeiuent dans une certaine qu.mtilé d'eau,
dans un vase ou dans une fosse , ce n'est
plus un miracle ; nous ne voyons pas que
les nuiguims aient rien fait davantage. Lors-
t|ue Moïse, en étendant la ma:n, lit sortir du
fleuve une (pianiité de t;renouillos siilïisaute
pour couvrir le sol do rK[,'v|Ho, et qu'il les
lit mourir ensuite par une prière ii liieu, eo
iKifut point mie 0(iéralion naturelle, lîu faire
sortir une petite (luaalité , non pa> en éten-
dant la main, mais par des appâts ou par des
(ils imperceptibles, c'est ce que peut faire
un homme adroit avec un peu de prépara-
tion, et c'est où se borna le pouvoir des ma-
(jirims- Pharaon, convaincu de leur impuis-
sance, ne s'adressa pas à eux, mais à Moïse,
pour être délivré des grenouilles. — Kn troi-
sième lieu , ils furent forcés de s'avouer
vaincus; ils ne i>iirent produire des insectes,
parce que l'art n'y a |)lus de prise; ils s é-
crièrent : Ledohjt de Dieu est ici; ils n(! pu-
rent détruire aucun des miracles de Moïse,
faire cesser aucun des lléaux dont il aruij^ea
l'Egypte, ni s'en mettre à couvert eux-mêmes.
Dira-t-on que Dieu , après avoir permis au
démou de lutter contre lui par trois miracles,
l'arrûta seulement au quatrième ? Mais le
Psalmiste, avant de ()arler des plaies de l'E-
gypte (Ps.cxxxv, i), dit que Dieu seul fait de
grands miracles; et P«.Lxxi,18),que luiseul
fait des choses merveilleuses. Quelques in-
terprètes de l'Ecriture sainte ont pensé dif-
féremment; mais d'autres ont suivi le senti-
ment que nous (iroposons , et il n'y a rien
dans le texte qui y soit contraire.
Quand il serait vrai qu'il y a dans l'Ecri-
ture sainte desfails surnaturels que l'on doit
attribuer au démon, il s'ensuivrait seulement
que Dieu a permis h l'esprit infernal de les
opérer, s.)it pour punir les hommes de leur
curiosité superstitieuse, soit pour faire écla-
ter davantage saimissance, en opposant d'au-
tres prodii^es plus nombreux et plus merveil-
leux; mais, dans tout l'Ancien Testament,
nous ne voyons aucun exemple dont nous
soyons forcés d'attribuer l'eU'et au démon.
L'apparition de Samuel à Saiil , en suite de
l'évocation que fit la pylhouisse d'Eador
(/ lieg. viu, là), ne prouve point que cette
lemme ait eu le pouvoir de faire paraître un
mort; c'est Dieu qui, pour punir Saûl de sa
curiosité criminelle , voulut lui apprendre,
par Sanmel , sa mort prochaine. La pytho-
nisse elle-même en fut effrayée; elle ne s'at-
tendait point à cet évéuemeot. Yoij. Pyïuo-
KISSE.
Dans le livre de Tobie, c. ti, v. 14, nous
lisons que le démon avait fué les sept pre-
miers maiis do S^ira, Lille (Je Ra^uel; mais il
n'est pa5 dit qu'aucun magicien y ait contri-
bué. Tobie mit en fuite le tlémon en brûlant
^e.foie d'uu poisson, c. vin, v. i; Hiai3cefut
un imraclo opéré par l'ange Uajilia I. — Dans
le livre de Job, nous voyons que le di''iup)n
allligoa ce saint homme jiar la [lerte do ses
trou|)eaux, par la mort do ses enfants, i)ar
une maladie cruelle; ce fut par une permis-
sion expresse de Dieu , et [)our éprouver la
vertu de Job, et non par aucune opération
humaine. Aucun de ces exemples ne donne
lieu (le conclure qu'un homme peut avoir le
démon à ses ordres , et le faire agir comme
il lui plaît.
Dieu avait défendu aux Israélites toute es-
pèce de magie, sous peine de mort (Levit. xix,
31; XX, G, 27, etc.). C'est un des crimes (pie
l'Ecriture reproche à Mana'-sès, roi idolAtre
et impie {Il Parai, xxxni , G). Cotte défense
était Juste et sage. En effet, la magie était une
l)rofession de polythéisme, puisiiu'elle sup-
posait la contianco aux prétendus génies ou
démons moteurs de la nature ; c'était la com-
paguû inséparable de l'idolâtrie, et un des
ciimes ([ue Dieu voulait punir dans les Cha-
nanécns. Cet art funeste avait plus souvent
pour objet de faire du mal au prochain que
(hilui faire du bien. Presque toujours il était
joint il l'imposture. Les magiciens avaient
plus d'ambition de se faire craindre que de
se faire aimer; ils profitaient de l'ignorance,
delà (U'édulilé, des terreurs populaires, pour
inspirer aux hommes une fausse contiance ;
leur profession élait donc pernicieuse par
elle-même, et détestable h tous égards. Mais
la loi qui les condamnait sup[iosait-elle qu'ils
avaient en etlet un pouvoir surnaturel , et
pouvait-elle contribuer à entretenir la fausse
opiniim que le peuple en avait ? Rien moins.
Nous ne voyons pas comment les incrédules
peuvent en conclure quil n'y a eu parmi les
auteurs sacrés que peu ou point de philosophie.
Nous soutenons qu'il y en avait plus (jue chez
les (Irecs et chez les Romains. Les lois de
ces deux peuples, qui proscrivaient la magie
goëtique , la magie nuire et malfaisante, ne
statuaient aucune peine contre la magie sim-
ple, qui avait pour but de faire du bien. Nous
avons vu cjue les philosophes y croyaient
comme le peuple; on y avait recours dans
les calamités publiques. Bayle a fait voir que
la plupart des empereurs romains avaient des
magiciens à leurs gages, sans en cxcepler le
sage et philosophe Warc-Aurèle. liép. aux
quest.d'un Prov., T'part., c. 38.
Les auteurs sacrés, mieux instruits, répè-
tent sans cesse que Dieu seul fait des mira-
cles, que lui seul connaît l'avenir et pe'ut le
révéler, que de lui seul viennent les biens et
les maux, les bienfaits et les fléaux de la na-
ture. Si le démon fait quelque chose, ce n'est
jamais parles ordres û'un magicien, mais par
une permission expresse de Dieu. Ces vtM'i-
tés détruisent par la racine le prétendu pou-
voir des magiciens de toute espèce. A la vé-
rité, les incrédules font aujourd'hui consister
la philosopliio à nier roxist(nîce môme du
démon, et par conséquent toutes ses préten-
dues opérations; mais nous leur demandons
sur cfuc41e jM-euve positive ils fondoot ce-
doyne imponant, comment ils démontrent
l'iiiipossiibilité de*' événements dont les au-
4G3
MAG
MAG
Kl
leurs sacrés font mention. Voilà sur quoi ils
ne nous ont pas encore satisfaits. Un igno-
rant peut nipr les faits avec autant d'opiniâ-
treté que le plus habile de tous les philoso-
phes.
Le Nouveau Testament fait mention de plu-
sieurs opérations de l'esprit malin, mais aux-
quelles les magiciens n'avaient aucune pnrt ;
ainsi le démon tenta Jésus-Christ dans le dé-
sert, et lui montra dans un moment tous les
royaumes de la terre {Luc. iv, 5). Jésus-
Christ et ses apôtres, en chassant le démon
du corps des possédés , ne nous insinuent
point qu'aucun magicien ait été cause de cette
possession. Le Sauveur prédit qu'il viendra
de faux prophètes, qui feront de grands pro-
diges capables do séduire même les élus,
s'il était possible; il ne décide point si cos
prodiges seront réels ou apparents {Matth.
XXIV, 24; Marc, xiii, 22). Les Actes des apô-
tres, c. vni, V. 11, rapportent que Simon le
3/a(/(C8Vn avait séduit les Samaritains, et leur
avait tourné l'esprit par son art magique :
mais on sait qu'il n'était pas nécessaire alors
de mettre le démon en action pour venir k
bout de tromper le peuple. Saint Paul (//
Thess. II, 9) dit que l'arrivée de l'antechiist
sera signalée par les opérations de Satan, par
des actes de puissance et par des prodiges
trompeurs; cette expression semble désigner
des prodiges faux et simulés, plutôt que des
choses surnaturelles, des actions suggérées
par Satan, sans être pour cela des merveilles
supérieures aux forces humaines.
Aussi les Pères de l'Eglise ne sont point
d'accord dans le sens qu'ils donnent à ces
passages. Saint Justin, Apol., n. 26, pense
que le démon était l'auteur des prestiges de
Simon le Magicien; mais saint Irénée décide
que les prétendus miracles des hérétiques,
sans excepter ceux de Simon, sont tous taux,
ne sont que des impostures et des illusions,
Adv. Hœr., 1. ii, c. 31; saint Clément d'A-
lexandrie, Cohort. ad Gent., p. 52, dit que
les magiciens se vantint d'être servis par les
démons, parce qu'ils les ont assujettis à leurs
volontés par leurs charmes, carminibus; il
ne montre aucune confiance à cette jactance
des magiciens. Origène contre Celse , 1. ii,
n. 50, pense que les prodiges des magiciens
d'Egypte étaient de purs prestiges; cepen-
dant il < st ailleurs d'un autre sentiment.
Homil. 13, in Num., n- i. «Que ]ienserons-
nous de la magie ? dit Tertullien. Ce que tout
le inonde eu pense, que c'est une tromperie,
mais dont la nature est connue des chrétiens
seuls. » Conséquemment il juge que les ma-
giciens de Pharaon ne firent que tromper les
yeux des spectateurs, L. de Anima, c. 57. Il
paraît avoir la même idée des prodiges de
l'autechrist. L. v, adv. Marcion.,c. 17. Saint
Jean Chrysostome, en expliquant le passage
de saint Paul, doute si ces mêmes prodiges
seront vrais ou faux; saint Augustin est
dans une égale incertitude, Lib. xx, de Civ.
Dei, c. 19; et les Pères ont eu de bonnes rai-
sons pour ne pas penser comme les incré-
dules.
Eu effet, lorsquelechristianismefut prêché,
lamagieétait plus commune que jamais parmi
les païens; nous le voyons par ce qu'en di-
sent Celse, Julien, les historiens romains, et
nos anciens apologistes. Les Pères s'atta-
chèrent avec raison à décrier cet art fu-
neste: sans entrer dans des discussions phi-
losophiques, plusieurs attribuèrent au dé-
mon les prétendus miracles dont les païens
se vantaient; c'était la voie la plus courte
et la plus sage de terminer la contestation.
Le pouvoir des démons estatteslé par l'Ecri-
ture sainte , quoique leur commerce avec
les magiciens ne le soit pas. Toutes les sec-
tes des philosophes croyaient fermement
l'un et l'autre ; les historiens citaient des
faits qui paraissaient incontestables, et que
l'on ne pouvait attribuer h aucune cause na-
turelle : si les Pères avaient embrassé le pyr-
rhonisme des incrédules, ils auraient révolté
l'univers entier. Pour détromper efficace-
ment le monde, il fallait non pas des argu-
ments auxquels le peuple ne comprend rien,
et auxquels il ne cède jamais, mais des faits:
or, les Pères ont opposé aux païens un fait
public et incontestable, le pouvoir des exor-
cismes do l'Eglise, dont les païens eux-mê-
mes furent souvent témoins oculaires, et qui
en a converti un très-grand nombre : donc
il n'est pas vrai que le sentiment et la con-
duite des Pères aient contribué à entretenir
le ]iréjugé populaire toucliant les opérations
du démon et de la magie.
III. Il en est de même de la conduite que
l'Eglise a tenue dans les siècles suivants, et
qu'elle tient encore. Au iv' siècle, les nou-
veaux platoniciens remplirent le monde des
prétendues merveilles de leur théurgie ; c'é-
tait, comme nous l'avons déjà remarqué, une
vraie magie, et l'on sait les abominations
auxquelles elle donna lieu ; nos philosophes
modernes n'ont pas osé les nier : plusieurs
sectes d'hérétiques faisaient profession de
magie ; il fallut donc augmenter alors la sé-
vérité des lois. Constantin, devenu chrétien,
avait rigoureusement proscrit la magie goë-
tique, ou toutes les opérations qui tendaient
à nuire à quelqu'un ; mais il n'avait établi
aucune peine contre les pratiques supersti-
tieuses destinées à faire du bien. Après le
règne de Julien, qui avait été lui-même in-
fatué de la théurgie, les empereurs furent
forcés d'être plus sévères, et de défendre
absolument tout ce qui tenait à lawiaoie.
L'Eglise fit de même. Le concile de Lao-
dicée, tenu l'an 366 ; celui d'Agde, en 506 ;
le concile in Trullo, l'an 692; un concile de
Rome, en 721 ; les capitulaires de Cliarle-
magne, et plusieurs conciles postérieurs, le
Pénitentiel romain , etc. , ont frappé d'ana-
thème et ont soumis à une pénitence rigou-
reuse tous ceux qui auraient recours à la
magie, de quelque espèce qu'elle fût ; il a
souvent fallu renouveler ces lois, parce que
cette peste publique n'a cessé de renaître de
temps en temps. Nous soutenons que toutes
ces lois, soit ecclésiastiques , soit civdes,
sont justes, et qu'il y aurait de la folie à les
blâmer. Baj^le a très-bien prouvé que les
sorciers, soit réels, soit imaginaires, soit si-
46»
MAG
MAC
4CS
iiiulôs, luéiilent les peines aftliclives qu'on
leur i;iit subir, Rép. aux qucst. d'un Prov.,
i" part., chap. 35. Le raisons qu'il ap-
porte sont les mêmes à l'égard des ma-
giciens.
Quand il serait certain que tout commerce,
tout pacte avec le démon est imaginaire et
impossible, il n'en serait pas moins vrai
(lu'.un magicien a le dessein et la volonté
d'avoir ce commerce , et qu'il fait tout ce
qu'il peut pour y réussir; y a-t-il une dis-
position d';\me plus exécrable et une mé-
chanceté plus noire, ou quelque espèce de
crime dont un tel lionmie ne soit pas capa-
ble ? Lps magiciens ne manquent jamais de
mêler des profanations à leur pratiques, et
leur intention est toujours |)lutôt de faire du
mal que de faire du bien ; l'on n'en connaît
aucun qui ait été puni pour avoir voulu se-
couiir les malheureux, ou povu- avoir voulu
rendre des services essentiels ci quekpi'un.
Bayle observe très-bien que, quand un pré-
tendu magicien ne croirait pas lui-méuie à
la magie, c'est assez qu'il ait voulu se donner
la réputation de magicien pour être punis-
sable, jiarce que l'ojiinion seule que l'on a
de lui suffit pour opérer les plus tristes effets
sur les caractères timides et les imaginations
faibles. D'autre part, que le pacte des magi-
ciens avec le démon soit possible ou non,
les exorcismes n'en sont pas moins bons et
utiles ; l'intention de l'Eglise qui les emploie,
étant (le persuader les peuples que les bé-
nédictions et les prières ont la vertu de dé-
truire toutes les opérations du démon, ce
<iui, dans toute hypothèse, est vrai. Et cela
suftit pour rassurer et tranquilliser les es-
prits trop timides, pour écarter leurs souji-
çons, pour les détourner de toute pratique
superstitieuse et impie. Dans ses inquiétudes
et dans ses peines, le peuple donne sa con-
fiance, non K la philosophie, mais <i la re-
ligion, et il n'a pas tort. Inutilement lui al-
léguerait-on des raisonnements pour le dé-
tromper de la magie; sur ce point, les
j)liilosophes n'ont que des preuves néga-
tives : or ces jjreuves, dans l'esprit du peu-
ple, ne prévaudront jamais au récit qu'il a
entendu faire des opérations des jnagicie7is,
ni à la multitude des témoignages vrais nu
faux que l'on peut lui citer. Le seul moyen
de lui faire entendre raison est de lui repré-
senter que toute opération manque est im-
)ie, abominable, sévèrement délendue par
la loi de Dieu, et punie d(! mort par les lois
civiles ; que tous les magiciens de l'univers
ne peuvent rien sur un chrétien qui nu^t sa
conliance eu Dieu et aux jirières de l'Eglise.
Une preuve que ce ne sont ni ces prières, ni
les exorcismes, ni les lois, qui contribuent à
entretenir les ei'reurs du peuple, c'est que
chez les protestants qui ont rejeté toutes
les pratiques de l'Eglise, en Suisse, en An-
j^leterre, dans les jiays du Nord, la divina-
tion, la magie, les sortilèges sont beaucoup
plus communs que chez les catholiques,
parce que ces crimes demeurent im[tunis
parmi les protestants.
Dans le temps môme crue l'Angleterre ne
voulait reconnaître de règle et de loi que ce
qu'elle appelait la pure parole de Dieu, elle
se trouvait remplie d'astrologues, de magi-
ciens, de sorciers. La liberté de penser, intro-
duite depuis dans ce royaume, n'y a point
guéri les meilleurs esprits de cette sotte cré-
dulité. Hobhes, matérialiste décidé, avait
l)eur des es|irits : Charles II disait du célèbre
Isaac ^'l issius : Cet homme croit à tout, excepte
à la Bible. Londres, tom. II, pag. 1 et sui-
vantes.
Lorsque les incrédules prétendent que les
progrès de la iihiloso[)hie, dans notre siècle,
ont réduit à rien le pouvoir du démon et ce-
lui des magiciens, que jtersonne n'y croit
plus , ils se vantent mal à propos d'un
exploit auquel ils n'ont aucune part, et ils
imitent ence'a le caractère jongleur des nta-
giciens. Sont-ce des philosophes qui sont
allés instruire les habitants des Alpes, du
Mont-Jura, des Cévennes et des Pyrénées?
Ce sont les ministres de la religion ; et ceux-
ci n'adopteront jamais les principes des phi-
losophes incrédules.
L'unique moyen d'extirper entièrement la
magie, serait d'étouffer les passions qui l'ont
fait naître ; l'incrédulité n'a jias ce pouvoir.
Déjà nous avons remarqué que les épicu-
riens, quoique très-impies, ne furent cepen-
dant pas exempts de superstition. Il ne serait
pas impossible de citer des athées qui ont
cru à la magie sans croire en Dieu. Bayle a
prouvé que, dans le système d'athéisme de
Spinosa, ce rêveur ne pouvait nier ni les mi-
racles, ni la magie, ni les démons , ni les
enfers. Dicl. crit. Spinosa. Nous ajoutons
que, si les philosophes venaient jamais h
bout de la révolution qu'ils se flattent déjà
d'avoir opérée, ils rendraient un très-grand
service aux théologiens ; ils leur aideraient à
inculquer une grande vérité ; savoir, que le
pouvoir du démon a été détruit par la croix
de Jésus-Christ ; qu'il n'en a plus aucun sur
des chrétiens consacrés à Dieu par le bap-
tôuic, à moins qu'eux-mêmes ne veuillent
le lui accorder. Yoy. .sur ce sujet un pas-
sage de saint Clément d'Alexandrie, au mot
DÉJIO.N
Quelques incrédules ont comparé les cé-
rémonies et les formules sacramentelles usi-
tées dans l'Eglise catholiq^ue à la théurgie
et aux pratiques des magiciens : ce sont les
jM'otestants, et en particulier Beausobre, qui
Ifur ont suggéré cette ineplio ; ils conqjai'cnt
le saint-chrême aux })arfuuis et aux fumiga-
tions dont se servaient les Egyptiens pour
attirer les démons , ou pour l'es mettre en
' en fuite. Ils n'ont pas vu qu'ils donnaient
lieu aux impies de comparer la forme du ■
baptême aux charmes ou aux paroles magi-
ques dos imposteurs. Cette absurdité sera
réfutée au mot ïuélrgie. Yoy. Charme, Di-
vination, Enchantement, etc.
IV. Plusieurs sectes d'hérétiques ont été
accusées de pratiquer la ?/iajie, en particulier
les basilidiens et d'autres sectes de giiosti-
((ues, les manichéens et les priscillianistes
leui-s descendants ; on suj).posait que Manès
avait appris cet art ojieus deb mages do
487
MAC
wag
468
l^erse , disciples de Zoroastré. Beausobre,
protecteur déclaré do tous les hérétiques, a
entrepris de les justifier contre Ce reproche
des Pères de l'Eglise ; il soutient que c'est
nne pure calooinie, qui n'a aucanfondcment
Hist. du Manich., 1. ï, c. 6, § 10 ; 1. iv, c> 3>
§ 19;1. IX, c. 13.
En premier lieu, dît-il, le nom do magie,
dans l'origine, Q'a rien d'odieux ; il signifiait
l'art d'employer des observations naturelles,
des connaissances de physique , de méde-
cine, d'astrologie et de théologie : un mage
était un savant. En second lieu, les païens
ont regardé les premiers chrétiens comme
autant de magiciens, et de tout temps l'nn a
renouvelé cette acciisation, contre les per-
sonnages les plus respectables : elle ne mé-
rite donc aucune attention. Quelques sectes
d'hérétiques ont peut-être employé des pra-
tiques superstitieuses, comme les amulettes,
les talismans, les abraocas des basilidiens ;
mais si c'est là de la magie, il faudra en ac-
cuser plusieurs Pères de l'Eglise. Origène,
par exemple, liv. i, contre Cefse, n" 24 et 23,
soutient qu'il y a une vertu surnaturelle at-
tachée îv certains noms des anges ou des gé-
nies ; que la magie n'est point un art vain et
chimérique. Synésius, de Insomn., était per-
suadé que l'on peut avoir un commerce im-
médiat avec ces êtres invisibles, et opérer
des choses merveilleuses par leur entremise.
On ne doit appeler magie que le commerce
atec les mauvais démons ; quant aux esprits
bienfaisants, il n'est point défendu par la loi
naturelle de s'adresser à eux : cela n'était
interdit par la loi de Moïse que parce que
c'était une source d'idolâtrie. Or, on ne peut
pas prouver que Zoroastie, les basilidiens,
les manichéens, ni les priscillianistes, ont ja-
mais invoqué lesmâuvais démons: c'est donc
injustement qu'ils ont été taxés de magie.
Cette apologie n'est pas solide : elle porte
sur un faux principe. 11 est vrai que les an-
ciens ont nommé magie toute connaissance
supérieure bonne ou mauvaise, ensuite le
commerce avec les esprits ou génies bons
ou mauvais ; mais si le commerce entretenu
avec les mauvais démons , dans l'intention
de nuire à quelqu'un, est l'espèce de magie
la plus abominable, nous soutenons que
l'autre espèce n'est pas innocente ; non-seu-
lement elle conduit à l'idolâtrie, comme le
dit Beausobre, mais c'est une espèce de pro-
fession du polythéisme : nous l'avons fait
voir ; donc elle est défendue par la loi natu-
relle, puisqu'un des premiers préceptes de
cette loi est de n'adorer qu'un seul Dieu.
Les protestants sont forcés d'en convenir ou
de se contredire. Lorsqu'ils argumentent
contre l'usage des catholiques d'invoquer
les anges et les saints, ils posent pour jirin-
cipe que l'invocation est un culte religieux,
et que tout culte rendu à un autre être qu'à
Dieu est une profanation et une impiété.
Pourquoi, lorsqu'il s'agit de disculper des
héréli(}ues raisonnent- ils sur une supposi-
tion contraire ?
Posons donc un principe plus solide et
plus vrai : c'est auo toute invocation d'es-
prits ou de génies supposés indépendants de
Dieu, et non simples exécuteurs des ordres
de Dieu, est un acte de polythéisme, parce
que l'on attribue à ces prétendus génies un
pouvoir qui n'appartient qu'à Dieu, et qu'on
leur accorde une confiance qui n'est due
qu'à Dieu : donc c'est une, impiété défendue
pnr la loi naturelle. Qu'on l'appelle jnagje ou
autrement, n'importe à lagrièvetédu crime.
L'invocation des anges et des saints n'est
permise et louable que parce qu'on les sup-
pose parfaitement soumis à Di' u, et revôtus
du seul pouvoir que Dieu daigne leur accor-
der; qu'ainsi nous ne pouvons avoir en eux
de la confiance qu'autant nue nous en avons
en Dieu. Par conséquent le culte que nous
leur rendons se rapporte immédiatement à
Dieu. La question est de savoir quelle idée
les manichéens avaient des esprits ou génies.
Ils en admettaient tle deux espèces, les uns
bons, les autres mauvais ; mais ils ne les
regardaient point comme des créatures de
Di-u ; ils disaient que les bons sont coéter-
nels à Dieu, et que les mauvais sont sortis
du sein de la ma'ière. Hisl. du Manich.,
1. y, c. 6, § 18 ; 1. vi, c. 1 , § 1. Jamais ils
n'ont représenté les bons génies comme de
simples ministres des volontés de Dieu,
comme nous considérons les anges. Puis-
qu'ils invoquaient ces génies, et désiraient
d'être en commerce avec eus, ils ne pou-
vaient rapporter à ï)ieu les respects, la con-
fiance, la reconnaissance qu'ils témoignaient
aux génies ; c'était donc une imjiiété , et
nous ne voyons pas pourquoi l'on ne devait
pas la taxer d ■ magie. Est-il certain, d'ail-
leurs, qu'aucune de leurs pratiques ne s'a-
dressait aux mauvais démons, du moins
pour les ap.iiser et les empêcher de nuire?
Ils usaient certainement de caractères et de
figures magiques. U est dit du pape Symma-
que qu'il fit brûler, devâi>t le portail de la
basilique Constantine, leurs livres et leurs
simulacres. Anast. in Symiii. Beausobre, qui
semble regretter la perte de ces livres, dit
qu'il ne sait pas ce que c'était que ces si-
mulacres, i6/rf.,irpart. discprél., n. 1. Cela
n'était pas fort difficile à deviner ; les auteurs
ecclésiastiques nous ont assez donPé à
entendre que c'étaient des figures ma-
giques.
Origène et Synésius ont pensé, comme
tous les philosophes de leur temps, qu'il y
avait des paroles efficaces, des noms doués
d'un certaine vertu, des formules et des pra-
tiques parle moyen desquellesonpouvaiten-
trer en commerce avec les démons ou gé-
nies ; que les magiciens en possédaient la
connaissance ; qu'ainsi leur art n'était pas
une pure illusion. Mais ces deux auteurs
ont-ils approuvé ce commerce ? ont-ils dit
que l'on pouvait en user innocemment ? Ils
ont témoigné le contraire. Oiigène , dans
l'ouvrage même cité, I. i, n. 6, a réfuté la
calomnie de Celse, qui accusait les chrétiens
d'opérer des prodiges par des enchantements
et par l'entremise des démons. Homil. 13, in
N'um, n.5;il n'approuve que l'invocation
des s.niiits anges ; il dit que ces esprits ce-
it9
MAG
lestés h obéiront .yaniais auv encliantements
des mnc/iciens, qu'ils lie peuvent f.iirc (juimIu
bien, au lieu cjuc les démons ou prétendus
génies ne peuvent faire que du mal, etc. Sy-
nésius n'en a |)as eu lueilJeure ojànion.
Quelle superstition peut-on donc leur re-
pioeher ? Un superstili' nx n'est pas celui qui
croit qu'une prati(pie abusive peut être efli-
cace, mais celui (pii en use et y met sa con-
(iance. Nous avons montré ei-dessus (]nc 1ns
autres Pérès ilel'F.i^lise n'ont paspeusé comme
Origène et Synésius.
Dés qu'il était avéré que les premiers chré-
tiens faisaif'ut des miracles jwr 1(! nom de
Jésus-Chiist, par le signe de la croix, par la
récitation dos Kvangiles , Origène contre
Celse, ibid., il n'est pas étonnant que les
faïens les aient accusés de maf/ic. Puisque
on a foinié le même reproche contre les
manichéens, il faut donc qu'ils aient fait
queUpies prodii;es apparents, ou qu'ils se
soient vailles d en faire, et qu'ils aient pro-
mis d'en apprendre le secret ; dans ct^ cas, ils
ont mérité le nom de magiciens, le blâme
des Pères de l'K^lise, et les cliAliments dé-
cernés contre ce crime parles lois impériales.
Pour être censé niafjicicn, il n'était pas né-
cessaire d'avoir conversé réellement avec les
démons, ni d'avoir fait des prestiges parleur
secours; il suflisait de l'avoir tenté, d'avoir
invoqué leur assistance, el d'avoir enseigné
aux autres ces [iraliques abominables. Saint
Paul lui-même a décidé ([ue quiconque pre-
nait part aux sacrifices des païens, partici-
pait h la table des démons (/ Cor. c. x,
V. iil). Donc, toute relation avec eux était un
culte qu'on leur rendait. Les Pères de l'E-
glise n'ont donc pas eu tort de taxer de ma-
gie les hérétiques cou[)ables de ce crime, et
Beausobre les a fort mal justifiés. Voy. Sor-
CIliRS.
MAGISTRAT. Les vaudois et les anabap-
tistes ont soutenu qu'il n'est pas permis à
un chrétien d'exercer la magistrature, ]>arce
que cette charge peut le mettre dans la né-
cessité de comlannier (juelqu'un à la mort
ou à des peines alUiiuives , ce qui est con-
traire, disent-ils, à la douceur et h la charité
chrétiennes. Plusieurs sociiiiens ont adopté
celte erreur. Voy. rHistoiredusocianianisnir,
1" part.,chap. 18. Barbeyrac s'est elforcé de
prouver que Tertullien y est tombé. Traité
de lumoralc des Pères, chap. 6, § 21 et suiv.
Les ineré Jules, sur la jiarole des hérétiques,
n'ont pas manque de sup|»oser que c'est lii
elfeilivement un point de la morale chré-
tienne, et ils ont saisi cette occasion de dé
clamer contre l'Evangile.
Mais comment les hérétiques ont-ils prou
vé ce paradoxe ? A leur ordinaire, en prenant
de travers quelques passages de l'Evangile.
Jésus-Christ a dit [Matlh. c. v, v. 38) : Voxts
savez qu'il a été dit aux anciens d'exir/er œil
pour mil et dent pour dent. Pour tnoije rons
dis de ne point résister au mal ou au méchant ;
mais si quelqu'un vous frappe sur une joue,
tendez-hii l'autre ; s'il veut plaider contre
vous et vous enlever votre robe, abandonnez-
lui encore votre manteau, etc. De là l'on a
MAG 470
conclu (pie le Stiuveur â condrtiîùné les ma-
gistrats juifs, qui, selon la loi du talion,
presci'ite par Moïse, inlligeaient aux crimi-
nels des peines affliclives ; que, iniisqu'il
défend h s 'S disriphs do plaider, il détend
aussi aux magistrats de condamner et de
punir.
La conséquence est aussi fausse que le
conuiienlaire. Quand ce serait un crimo de
poursuivre quelqu'un en justice, ce qui n'est
point, ce n'en sirait pas un pour le juge
d(! terminer la contestation. 1! est évidi ni
que Jésus-Christ parle à ses disciples rela-
tivement aux circonstances dans lesquelles
ils allaient bientôt Sf trouver, et h la fonction
dont ils étaient chargtis, qui était de prêcher
i'iiv.ingileà des incrédules. Ils ne pouvaient
l'établir au milieu des pvrsécutions, à moins
de [Huisser la p'itience jusqu'à l'héroïsme ;
il leur aurait été fort inutile de poursuivre
la réparation d'une injure au triluinal des
magistrats juifs ou païens, disposés à leur
ôter môme la vie. Toute la suite du discours
de Jésus-Christ tend au même but et pres-
crit la même morale II ne s'ensuit pas de
là que le Sauveur a int^nlit la juste di'fense
dans toute autre circonstance, ni condamné
la fonction des juges. 11 a seulement ré-
jirouvé la conduite de ceux qui voulaient
abuser de la loi prescrite aux magistrats
touchant la peine du talion, qui concluaient
qu'il est permis aux particuliei s de l'exercer
par eux-mêmes, et de se venger par des re-
présailles.
Nous ne pouvons mieux interpréter les
paroles do Jésus-Christ que par la conduite
des apôtres. « Nous sommes , dit saint Pan),
frappés, maudits, persécutés, regardés comme
le rebut du momie, et nous le souffrons ;
nous bénissons Dieu et nous prions pour nos
ennemis (/ Cor., c. iv, v. 11). C'est par cette
patience même que les apôtres ont converti
le monde. Saint Paul propose pour exemple
celte comluile aux hdèles, parce qu elle leur
était aussi nécessaire qu'aux apôtres. « Je
vous en conju e, dit-il, soyex mes imitateurs,
commejele suis de Jésus-Christ {Ibid., v. 10).
Ensuite, c. vi, v. 1, il les reprend de ce qu'ils
avaient entre eux des contestations, el se
pouisuivaient par-devant les magistrats
païens ; il les exhorte à terminer leurs dif-
férends ]iar arbitres. « C'est déjà une faute
de votre part, leur dit-il, d'avoir des procès
entre vous. Pourquoi ne pas souffrir plutôt
une injure ou une fraude ? Mais c'est vous-
mêmes qui vous en l'cndez coujiables envers
vos frères. » On peut encore prêcher cette
morale à tous les plaideurs, sans condamner
pour cela les fonctions des magistrats.
Loin de donner dans cet excès, l'Apôtre
veut qu'on les respecte et qu'on les honore,
que l'on envisage l'ordre civil comme une
chose que Dieu lui-même a établie (Rom. c.
XIII, V. 4 ). Il enseigne que le prince est le
ministre de Dieu préposé pour venger le
crime et punir ceux qui font le mal. lien est
donc de même des magistrats, puisque
c'est i)ar eux que le prince exerce son
autorité.
*71
MAC
MA G
*7S
Comme Tertullien ne pouvait pas ignorer
cette décision de saint Paul, il est naturel de
penser qu'il n'a interdit à un chrétien les
fonctions de la magistrature, que relati-
vement aux circonstances dans lesquelles on
se trouvait pour lors ; qu'il n'a envisagé dans
les magistrats que la nécessité de condamner
et de punir des hommes /JOM/- cflMse de reli-
gion. De idoloL, c. 17, p. 96. C'est le but
général de tout son traité sur V Idolâtrie; et si
on l'entend autrement, ce qu'il dit de la
fonction de condamner et de punir n'y aura
plus aucun rapport. 11 en est de même de ce
qu'il ajoute au sujet des marques de dignité
et des ornements attachés aux charges ; ces
ornements étaient pour lors une marque de
paganisme, puisque, dans ce temps-là, on
n'aurait pas soulïert dans une charge quel-
conque un chrétien connu pour tel. Il y a de
l'injustice ii supposer que Tertullien con-
damne absolument et en général tout juge-
ment, toute sentence, toute condamnation,
toute marque de dignité pendant que tout ce
qu'il dit d'ailleurs se rapporte évidemment
aux circonstances. Il est fâcheux que ]\I. Ni-
cole n'y ait pas regardé de plus près, et qu'il
ait autorisé Itarbeyrac à condamner Tertul-
lien, Essais de morale, t. II, 1'" partie, c. 4.
]\Iais ce n'est pas ici la seule occasion dans
laquelle on a censuré mal îi propos les Pères
de l'Eglise.
Les lois seraient inutiles, s'il n'y avait pas
des magistrats pour les exécuter ; la société
ne subsisterait plus, si les méchants pouvaient
la troubler impunément. Comment Jésus-
Chiist aurait-il voulu la détruire, lui dont la
doctrine a éclairé tous les législateurs, a con-
sacré tous les liens de société, a introduit la
civilisation chez les barbares, a rendu ]:)lus
sages et plus heureuses toutes les nations
j)OJicées V L'entêtement de quelques héréti-
ques ne prouve rien ; ils n'ont cherché à
lendre les lonctions de la mo^î's^raiftre odieuses
qu'alin de se soustraire à son autorité, après
avoir secoué le joug de celle de l'Eglise.
D'autres ont donné dans l'excès opposé, en
attribuant aux magistrats le droit de pnmon-
cer sur les questions de théologie, et de dé-
cider quelle religion l'on doit suivre. C'est
ce qu'ont lait les protestants, partout oià ils
ont été les maîtres ; c'est par les arrêts des
magistrats que le catholicisme a été pros-
crit, et la prétendue réforme introduite : les
écrivains de ce parti ont été forcés d'en con-
venir. Mais ce n'est pas aux juges séculiers
(jue Jésus-Christ a donné mission pour prê-
cher son Evangile, pour eu expliquer le sens,
pour a])prendre aux tidèles ce qu'ils doivent
croire ; il a prédit au contraire à ses apôtres
(pi'ds seraient condamnés par les tribunaux,
maltraités et persécutés par les magistrats,
counneiiraétélui-môme(itfa«/i.x,17,18,etc.).
Mais telle a été la contradiction et l'arti-
fice des hérétiques de tous les siècles ;
lorsqu'ils ont espéré la faveur des magistrats,
ils leur ont attribué une autorité pleine et
entière de décider de la religion ; lors(iu'ils
ont vu (pie cette autorité ne leur était ]-)as
favorable, ils ont tûché de l'anéantir et de la
saper par le fondement. Ce manège a été re-
nouvelé tant de fois, qu'il ne peut plus en
imposer à personne.
Jésus-Christ a placé lui-même la borne qui
sépare les deux puissances, en disant : Ren-
dez à Ce'sar ce qui est à César, et à Dieu ce qui
appartient à Dieu ; ni l'une ni l'autre no
])euvent rien gagner à la franchir
* Magnétisme. Dans notre Dictionnaire de Théolo-
gie nior.ile, nous avons donné une idée du magné-
limie, tant sous le rapport doctrinal que sous le rap-
port pratique. Nous nous contenterons de rapporter
ici un fragment d'un rapport de M. L.-F. Cuérin ,
sur un ouvrage de M. l'abbé Loubert, ouvrage qui a
jeté du jour sur la question :
< L'homme, dit M. l'abbé Loubert, en dirigeant
sur son semblable le fluide éleclro-iierveux, autrefois
appelé esprits animaux, détermine clie?, celui oui est
soumis il cette action une sëcréiion plus abondante
des esprits animaux , une disposition spéciale du
fluide électro-nerveux , auparavant comme à l'état
talent, et, par son fluide propre qu'il siirajouie, ce-
lui qui agit peut exercer une attraclion physique
comparable à l'action de l'aimant sur le fer doux.
Ces premiers phénomènes, abstraction faite des au-
tres, ont fait donner au principe de cette action de
l'homme sur son semblable le nom de niagnclisme
animal, l'homme appartenant, par certain côte, au
règne animal. Mais l'homme, cette intelligence unie
à des organes, ununa ratioiiuHs et caro unus esl liomo,
formant aussi un règne spécial, à part, ce principe
de l'action magnétique , chez l'homme , a encore été
nommé , d'une manière plus philosophique et plus
chrétienne, magnétisme humain, non parce qu'il ne
peut être dirigé que sur l'homme , mais parce qu'il
est en Vliomme et qu'il vient de Vhomme. »
Après avoir délini le uiagnéiisine , M. Loubert
passe à une question dont la solution est purement
historique; c'est-h-dire que l'étude historique, at-
tentive, exacte, impartiale, est loin de nous montrer
Mesmer comme un jongleur et un charlatan. Nous
passons rapidement sur ces chapitres pour repré-
senter la quintessence d'autres plus importants.
€ Si les ennemis du magnétisme aliirment que le
magnétisme est esseniiellemeni mauvais, hostile à la
loi et aux mœurs ; qu'il n'y a pas de proportions en-
tre les causes connues et les effets; de nombreux
défenseurs intelligents du magnétisme, d'après les
faits et les théories généralement uvoiiés , assurent
que ceUe science , que cet art , comme toutes les
choses humaines , n'est qu'accidentellement nuisi-
ble, et que, bien comprise, sa doctrine est amie de
la foi et de la moralité publique et privée. Ils afflr-
nient en ouire ([ue l'étude physiologique et psycho-
logique de l'homme fournit des données suffisantes
pour expliquer la causalilé des faits aussi bien (ou
aussi mal ) que nous le faisons dans les autres (jues-
tioiis débattues ici-bas. Les magnétiseurs les plus
éclairés, les plus moraux , les plus chrétiens, ne se
constituent les défenseurs et les propagateurs que du
magiiéiisme psycho-physiologique naturel, éclairé
par un spiritualisme modéré et franchement or-
thodoxe. En plus grand nombre que les autres ma-
gnétiseurs , ce n'est que ce magnétisme naturel
qu'ils conseillent, qu'ils approuvent et qu'ils tolèrent
tout à fois ; ce n'est que par ce magnétisme qu'ils
réclament des franchises et des libertés intelli-
gentes et réglées. Ils tolèrent seulement , et à
cause du silence de l'Eglise, et à cause de la bonne
foi d'un grand nombre de personnes sérieusenicnl
chrétiennes , le genre spécial de magnétisme dont
les miignélisettrs spiritualistes exagérés prennent la
doléiisc. Mais ils baissent , ils délestent , il abho-
roiil, ils repoussent le magnétisme évidemment ma-
giipie et diabolique. Ils se réjouissent même, jus<|u'à
un certain point, que plusieurs ne croient pas à cette
473
MAG
MâG
474
puissance inagnélico-maguiuc et iliiiboliqiio : l'im-
piélé et riininorulité des dieux de ré|K)i|iio ;ictiielie
iiiultiplieiaient tiop les avides et iiondireiix initiés.
Les sages partisans du magnétisme et du sninnani-
bulismi! ont donc déjà des raisons assez l'orles pour
se Ibrnier nue conscience pratiquement certaine siii'
la bonté et la moralité de leur science et de le\nart
comparés à un autre genre de magnétisme, illusoire,
dangereux, on même positivement mauvais et con-
damnable. >
Voilà, selon nous, de la francliise : on ne peut po-
ser plus clairement et plus nettement les (piestions.
Mais aux |)rineipes réllexes ([ne l'auteur expose et
qu'il tire du témoignage des bonimes , utteniivenient
examinf, viennent encore se joindre pour le plus
grand nombre des amis du magnélisme, ces Ininié-
res que t'exi}ciience seule donne , celte conviction
queVhabitude seule alleiinit. Oeux qui les condiat-
lent, que peuvent-ils opposiM? Uien de tout cela.
Ils se livrent à perte de vue et a priori, à une soif
mnladivc de causalité qui n'est, sur aucune (piestion,
salisl'aile comme ils le vomiraient ici, et (pii engen-
drerait le plus absolu et le plus déses|iérant scepti-
cisme,si I on l'applicpiait à n'inqiorle (pielle science.
Ils nous leraient douter (jne nous puissi(uis mouvoir
le bras, parce que nous iiiiiorons ubsvtuiiicnl le coiii-
meiil .'... Ils s'obstinent à ne pas vouloir comprendre
que, la question étant a la l'ois pliysiologi(pie et psy-
chologicpie, il ne sullit pas d'être tli<!'ologien pour la
saisir sous toutes ses laces, et pour la résoudre dé-
linilivement et complétCinent. ISous pensons que l'es-
timable auteur a parlaitenuMil raison ici ; et nous
approuvons complélemenl ce (juil ajoute au sujet
des antagonistes du magnétisme Imjuain. Us nous
sont, en outre , dit-il, légilinienicnt suspects , parce
(pi'ils ont toujours dressé des cousnllations igno-
rantes d s premiers éléments du procès en litige, et
qu'aussitôt ([u'une réponse leur est arrivée dcKonie,
sans égard pour riiomieur du saint-siége, sans tenir
compte des paroles condilionnelles, proul expoiiilur,
ils ont fausse la conscience des lidèles en criant par-
tout et bien liant : Le magné tismeestdélinitivemen tel
absolument condamné. Mais la réponse du cardinal
Castracane à Mgr Gousset est venue l'aire jaillir la
lumière dans les ténèbres aux yeux des plus obsti-
nés. M. l'abbé Loubert n'énonce pas seulement ceci :
il le prouve, et voici les points auxquels nous pou-
vons réduire son argnmenlation , et qu'il croit pou-
voir rappeler avec indépendance et liberté aux pas-
leurs et aux (idcles :
i 1" Home ne s'est prononcée que sur des cas par-
ticuliers, et n'a pas entendu juger le magnétisme en
lui-même, ni prononcer sur son opposition à la loi et
aux mœurs ; 2° Mgr Bouvier, évéque du Mans, dit
qu'i/ noserail pas loudmiiiter, par conséquent qu'on
peut tolérer ; 5° Mgr Gousset, archevêque de Reims,
affirme nonseulemenl qu'im confesseur peut , mais
qu'un confe-.sfur doit tolérer ; 4° Mgr Gousset a ob-
servé des fails par lui-incme; 5° plusieurs archevê-
ques , évèques , supérieurs de communautés , plu-
sieurs piètres, plusieurs confesseurs, ont conseillé ou
approuvé , ou toléré l'usage du ma^^nètisme, et ac-
cordé 1 absolution à ceux (|ui s'en occupaient; 6" plu-
sieurs prêtres ou ecclésiastiques s'en sont occupés
plus spécialement et i>lus directement en assistant à
des expériences, on en en faisant eux-mêmes, ou en
consultant des somnambules pour eux ou pourd'au-
t4'es personnes malades, en se soumettant eux-mêmes
ii la magnétisation, etc. i
De tous ces faits, — et considérant encore, et par-
dessus tout, quoi qu'il <n soit au (oud du magnétisme,
qu'un confesseur n'a pas le droit, dans les inalieres
controversées , d'imposer smi opinion particulière à
son pénitent ; que son devoir est de lui donner I ab-
solution, alors même ([uo, dans les clioscs libres et
débattues, It^ péniteni ne vcnl pas se conforiuer ae
jugement de son confesseur et prendre l'opinion ciuv
parait à ce dernier plus piobable et plus sftre ; — M.
rabbèLoubi'rl conclut à /'ofc/iyft/ioii pour le confesseur,
et cela sub qmri, sous peine de faute grave, de tolérer
l'usage du magnélisme, et au dr.iit rigoureux et strict
pour le péniteni de ré<lanier et d'oblenir l'absolution
([ni lui e^t due, posées de part et d'antre les condi-
tions elablii's, dans un antre endroit de son ouvrage,
piiur('vitrr à tous rillusi(m ou la mauvaise volonté.
I Si nous soiiimes assiv. beiireiix, dit M. Loubert,
pour coiic il-, seuleirtent en (pieUpie chose, par ce
travail plus inqiarlait encore (pie le premier, à ob-
tenir ci' qiK- nous demandons en Unissant, une tolé-
rance i'iU'liufente <l cliuritabli-, nous aurons servi suf-
lisamment la cause de la reiigiiui , celle du clergé,
des lideles et de la science. La rel gion verra s'éten-
dre d'autant plus ses paciliqni's conipièles , qu'elle
î.|)parailra, comme elle est , seule amie de. la vérité,
de la science et de la liberté vérilable. Le clergé ré-
clameia pins eflicacemenl sa part li'gilime d'action
dans le moiivenient providenliel du progrès et des
lumières, s'il montre qu'il saisit en maître les har-
monies sublimes de la vérité reli lieuse et de la vérité
scientilique. Les lidèles seront plus sûrement prému-
nis contre l'erreur, le charlalanisme, l'immoralité et
la superstition, s'ils retrouvent les guides éclairés et
purs qui les comluisent et les dirigent dans ces voies
niystériensesoi'iils entrent souvent tèlebaissée, parce
(prune parole trop liumaineinent légère est sortie de
lèvres sacrées et a couipromis la dignité de sa puis-
sance tulélaiie , la sagesse el la prudence de sa pa-
ternelle aulorilé, en disant : Tout n'est qu'illusion,
jonglerie, séduction dangereuse, superstition coupa-
ble, maïKcnvrcs illicites et condamnée-i. Montrer le
mal où il n'est pas, c'est ne pas le faire voir où il est;
le montrer partout et toujours, c'est expo-.er à ne le
faire soupçonner nulle pari et jamais. On m'a assuré
que tout Cit fau.r et criminel dans le ma jnéiisine, dit
le lidele; mais j'ai vu de mes ijeii.t et Itiuclié de mes
mains qielijue clioae d'innocen' et de réel. Là-dessui,
comme sur tout le r ste , un s'est trompé , on vi'a
trompé. Et la conclusion lui est funeste, parce ipi'elle
est trop absolue, trop générale. Un excès amène un
antre excès. L'ennenii de Dieu et des hommes est
l'insligaleur prin'i;ial el l'ami de tous les excès, i
Notre auleur ajoute : « La science enfin, si ce tra-
vail oblient son moilesle but , trouvera des esprits
éclairés par la foi, des cœurs viviliés par la charité,
des volontés fortifiées (lar les vertus chrétiennes ; et
les ténèbres épaisses des théories de rimpiété ter-
restre et grossière se dissiperont à l'instant connue
les vapeurs infectes cl malsaines des marais fangeux
chassées par les rayons bienfaisants delaliimiére du
ciel. El l'empirisme égoisle ou imprudent, la spécu-
lation basse, dévorée de la soif de l'or, fera place à
l'observation giùiéreuse et mesurée , plus soucieuse
de la dignité de l'homme el du chrétien, de sa santé
et de sa vie, que d'un métal tpii dégrade , ou d'une
philanlliropie qui n'est qu'un prétexte pour se passer
de Dieu, de son Eglise el des dons de sa grâce. Et la
faiblesse des volontés humaines el les chutes et les
souillures d'une moralité suspecte, énervée par l'a-
mour-proprc et par son isolement de la vertu d'en
haut, céderont l'empire à la modestie céleste qui
s'elTraie de l'apparence du mal , qui l'évite avec sol-
licitude , qui sait courageusement [itir une lutte où
vouloir combatlie, c'est être déjà vaincu ; qui sait
cependant accepter sans hésitation et sans craiiile
CCS dangers où le devoir nous appelle, où la charité
nous demande , où la grâce d'elat nous attend, où
Dieu nous veut, nous assiste cl nousforlifie, nous en-
richit de la sainteté de ses dons et les couronne eu
nous.... Mais que nous ayons contribué ou non à
(piebpie chose de tout cela , nous olfrirons toujours
à Dieu et ii son Eglise, à Jé.Mis-Christ et à son vi-
caire sur la terre, notre intention à bénir , notre
iruvie à cmidamner ou à absoudre, notre suuniissiou
a accueillir, à saiiciilier. >
m
MAG
M\G
4*76
MAGTSIFÎCAT. Cantique prononcé par la
sainte Vierge, lorsqu'elle visita sa cousine Eli-
sabeth [Luc. 1, 46). L'usage actuel de l'Eglise
est de le chanter ou de le réciter tous les
jours à Vôpres.
Bingham pense, comme le Père Mabillon,
que cet usage n a commencé dans l'Eglise
latine que vers l'an 506, parce que c'est dans
ce temps-là que saint Césaire , évoque
d'Arles, et Aurélion, son successeur, dres-
sant une règle monastique , prescrivirent
aux moines de chanter ce cantique et le
Gloria in excchis, dans l'oftice du malin
{Orig. ecclés., 1. ïiv, c. 2, § 2 et 7). Mais lîin-
gham observe lui-même que l'usage de chan-
ter le Gloria in excehis est beaucouji plus
ancien que ces deux évoques, et qLi'il re-
monte aux premiers siècles de l'Eglise. Puis-
que la règle de saint Césaire et d'Aurélicn
ne prouve pas que le cantique Gloria n'ait
)>as été déjà chanté avant eux, il en peut
être de môme du Magnificat. Il serait éton-
nant que ce raniique si suiilimo et si édi-
tant, tiré de l'Ecriture sainte, et inspiré par
le Saint-Esprit, eût été négligé pendant qno
l'on chantait le Gloria in excelsis , duquel
l'auteur est inconnu. Voy. Doxologie.
Nous faisons ctte remarque, ahn de mon-
trer qu'en fait d'antiquités, soit ecclésiasti-
ques, soit profanes, il y a du danger à s'en
tenir aux preuves négatives , à conclure
qu'une chose n'a commencé que dans tel
temps, parce qu'avant cette époque oli n'en
voit point de ]ireuves positives. C'est un ar-
gument très-faible et trop souvent répété
par les critiqu s protestants. Au sujet du
Magnificat, il y a du moins une preuve gé-
nérale ; c'est l'invitation que fait saint Paul
aux fidèles de s'exciter mutuellement à la
piété par des hymnes et des cantiques spiri-
tuels {E^h.,\, 1; Col., m, 16). Saint Ignace,
qui a suivi de près les apôtres, en établit l'u-
sage dans l'Eglise d'Antioche. Socrate, Ilist.
eccL, 1. XI, c. 8. 11 est à présumer que l'on
clianta jvir préférence ceux que l'on trouvait
dans l'Ecriture sainte, )misque l'on chantait
les psaumes ; or le Magnificat est de ce nom-
bre ; à tous égards il devait être préféré à ceux
do l'Ancien Testament. Voy. Canîiquè.
MAHOMÉTIS.VIE. Système de religion qui
a pour auteur jMahomet , imposteur arabe,
né vers l'an 570, mort en 63£. Quoique la
connaissance des favisses leligions fasse \mv-
tie de l'histoire plutôt que de la théologie,
on a droit d'exiger de nous une notion du
mahortiétisme. Les incrédules de notre siècle,
pour dépriuier là vraie religion, se soïit at-
tachés à justilier les fausses: plusieurs ont
tenté de faire Typologie de Mahomet et de
ses rôverii's; ils ont prétendu que sa religion,
tout absurde qu'elle paraît, est néanuioins
fondée stir le même genre de preuves que
la nôtre ; qu'un mahométan raisonne aussi
sensément qu'un chrétien, lorsqu'il croit sa
feligion divine, et traite d'infidèles ceux qui
ne pensent pas comme lui. Quelques-uns
ont poussé l'entêtement jusqu'à soutenir que
ie mahométismc est une religion moins im-
pure que le christianisme. Nous sommes
donc obligés d'examiner les caractères de
mission divine dont TiJahomet a ]>u paraître
revêtu, et si la leligion qu'il a établie porte
quehjues marques de vérité. Le livre qui la
renferme est nommé Àlcoran, le livre jiar
excellence ; il est attribué à Mahomet ; c'est
la règle de foi de ses sectateurs, et ils on
adorent pour ainsi dire toutes les paroles.
C'est dan^ cette source même que nous exa-
minerons les caractères personnels du lé-
gislateur de l'Arabie, la doctrine qu'il a en-
seignée, les moyens dont il s'est servi pour
l'établir , les effets qu'elle a produits. Nous
rougissons d'être réduits à mettre le christia-
nisme en parallèle avec une religion aussi
absurde ; mais nous ne devons rien négli-
ger pour mettre dans tout son jour l'aveu-
glement et la méchanceté des incrédules.
Prideaus, dans la Vie de Mahomet; Maraeci,
dans sa réfutation de l'Alcoran, et d'autres.
ont déjà fait cette comparaison ; mais nous
sommés forcés de l'abréger et de perdre
ainsi une partie de nos avantages.
Un de nos philosophes, qui a pris le ton de
législateur dans les choses qu'il entendait le
moins, a décidé que l'on ne doit pas dire
VAlcoran, mais le Coran; et la plupart de
nos littérateurs ont humblement adopté cette
correction. Par la même raison il ne nous se-
ra plus permis de dire, fl/n/n6(f,(T?carfe, a/cn/î,
alchimie, algèbre, almanach, etc.; tous ces
termes, empruntés des Araljcs, portent l'ar-
ticle avec eux. Nous ne faisons cette remar-
que que.pour démontrerl'ineptied'un person-
nage auquel on prodigue très-mal à propos
le titre de grand homme.
l. On prétentl d'abord que Mahomet était
né dans une df s plus anciennes tribus ara-
bes, que sa fîimilley avait tenu de tout temps
un rang distingué , qu'elio était chargée cie
la garde et de l'inspeetibn du temple de la
Mecque, édifice également respecté par les
chrétiens, par les juifs et par les idolâtres,
en mémoire d'Abraham, ou plutôt d'Ismaël,
son fils ; que Mahomet avait donc plus qu'un
autre le dtroit de s'ériger en réformateur de
lareli;4ion des Arabes. Quand tous ces faits
seraient vrais, la conséquence serait encore
nulle. La réforme de la religion, à plus forte
raison l'établissement d'une religion nou-
velle, n'est pas un droit de f imille ; il faut,
pour cela, une mission du ciel: or, Mahomet
n'en avait point. 11 s'ensuit seulement de sa
naissance, que les Arabes étaient disposés à
l'écouter plutôt qu'un autre, et qu'il avait
plus d'avantage qu'un autre pour leur en
inij/oser. Durant quinze ans, il s'enferma
tous les ans pendant un mois dans une ca-
verne du mont Héra, pour disposer ainsi les
Arabes à croire à sa mission; il ne s'annonça
d'aljord que comme envoyé pour rétablir
l'ancienne religion d'Abraham, d'Ismaël, de
Jésus et des prophètes. En cela, il trompa
déjà ses compatriotes ; la religion iju'il a éta-
blie n'est ni celle d'Abraham, ni celle des
Juifs, ses descendants, ni celle de Jésus ;
elle ne ressemble à aucune des trois.
Mém. des Inscr., t. LVIII, in-1-2, p. 277, 279;
L'ignorance de Mahomet n'est pas un fait
477 MAH
douteux; u se noniTnait \m-même1c prophète
non-hltré; et quand il ne l'aurait pas avoué,
sou livre en fait foi. Il est renijili ilc fables,
d'absurdités , de fautes grossières en fait
d'histoire, de physique, de géograpliie et do
clironologie. C'est un composé bizarre des
rôverics du Taimud, dô contes tirés des li-
vres ajiocryphes qui avaient cours dans l'O-
rient, et de quelques tradilions arabes, ila-
lioniet mit ensemble ce qu'il avait ouï dire à
des Juifs, à des hérétiques ariens, nesloriens,
outychiens, et à ses compatriotes. Il savait
bien que ceux-ci n'étaient pas assez iusu-uits
pour le contredire. Convaincu que leur igno-
rance lui était ab^i'lument uécessaiie pour
réussir, il di'fondit h ses sectateurs l'étuda
des lettres et de la pliilosoiiliie ; c'est un fait
avoué par les musulmans. Brucker , Zj^/a^
philos., t. III, p. 15. Cette défense fut exacte-
ment exécutée parmi eux pendant plus d'un
siècle, ihid., p. 21 ; et c'est en conséquence
de cette bti funeste que les califes firent
brûler la rirhe biblintlièque d'Alexandrie et
toutes cellesqui tombèrent entreleurs mains.
Aujourd'hui encore les mahomélaus détes-
tent l'imprimerie.
Les ennemis du christianisme peuvent-ils
le couvrir d'un pareil opprobre? Vainement
ils disent que Jésus-Christ lui-môme n'avait
fait aucune étude, qu'il a choisi des igno-
rants jiour ses apôtres , que saint Paul a dé-
crédité la philosophie. Jésus-Christ, éclairé
d'une lumière divine, savait les lettres sans
les avoir amirises (Jean, vu, 13). Souvent il a
confondu tes docteurs Juifs. Il avait promis
le Saint-Esprit à Ses aiiôtres, et il le leur a
dotiné en etfet ; ils ont prêché l'Evangile
dans le siècle le plus éclairé qui fu' jamais,
sous les yeux des sages d'Athènes et de Ho-
me , et en ont converti plusieurs. Jusqu'à
présent les incrédules n'ont pas réussi à
montrer des erreurs dans leurs écrits. Saint
Paul n'a décrédité que la fausse philosophie
qui égarait les hommes, connue elle aveuglo
encore les incrédules. Partout où le christia-
nisme s'est établi, il a banni la barbarie, et
les lettres ne sont encore aujourd'hui culti-
vées que chez les nations chrétiennes, l'oy.
Lettres. Voilà des faits aussi inconti'.stables
que l'igtiorance grossière de Mahomet et do
ses sectateurs. La (-orruption de ses mœurs
n'est pas moins prouvée ; jamais homme n'a
poussé plus loin la luxure. Il ne se contenta
pas d'avoir plusieurs femmes, il s'attribua le
privilège d'enlever celles d'aulrui ; il abusa
do ses esclaves, môme d'une petite fille de huit
ans. Il poussa l'inquidence jusqu'à vouloir
justifier ces tur|dtudes par une permission
f jrmelle de Dieu , et forgea dans ce dessein
les chapitres 33 et 36 de l'Alcoran. U ne res-
pecta ni rage, ni les degrés de parenté, ni
ta décence publique. Il prétendit qu'il lui
était permis de prendre, sur les dépouilles
des ennemis, tout ce qu'il voulait, avant le
partage ; d'enlever encore jiour sa part le
cinquième du tout ; do commettre des meur-
tres dans la ville de la Mecque ; do juger se-
lon sa volonté ; de recevoir des présents de
tes clients, malgré la défense de la loi ; de
MAH
478
partager les terres d'autrui , môme âvnnt
qu'd s'en fût rendu maître; parce que Dieu
lui avait donné, disait-il, la possession Je
toute la terre. Gagnier, F»> de Mahomet, tom.
II, pag. 323, 382, 38V, etc. Il ajouta encore
pour ses sectateurs le piivilége de fousser
leurs serments, parce qu'il était lui-môme
coupable de ce crime. Après avoir défendu
la fornication dans l'Alcoran , il s'y livra, et
fiirgea le OG' chapitre, pour persuader que
Dieu le lui avait permis [lar mie révélation.
Notes de Mnracci sur ce.chapitre. Pour ])eu
que l'on ait lu sou histoire, et (jue l'on ait
consulté son livre , ou voit que cet homme
était naturellement rusé, fourbe, hypocrite,
perlitle, vindicatif, ambitieux, violent ; qu'un
crime ne lui coûtait rien pour satisfaire ses
])assions. Ses sectateurs mêmes n'osent eu
disconvenir; la seule excuse qu'ils donnent
est dédire qu'en tout.cela Mahomet était in-
spiré de Dieu, comme si Dieu pouvait inspirer
des crimes.
Jésus-Christ a dit. hardiment auK Juifs :
Qui de vous me convaincra de péché [Joan.,
vin, 'i6) ? Jamais en effet ils ne lui ont re-
proché autre chose que de faire de bonnes
œuvres le jour du sabbat, de violer les tra-
ditions des pharisiens, de fréquenter les pu-
blicains et les pécheurs, de s'attribuer une
autorité divine, de se faire suivre par des
troupes de peujiles; en quoi tout cela était-il
contraire à la loi de Dieu ? Ils l'ont condamné
à mort, non pour avoir commis des crimes,
m is pour avoir assuré qu'il était le Fils de
Dieu : le juge romain lui-môme attesta pu-
bliq lement son innocence. Dans le Taimud
et d.uis les autres livres des Juifs, il n'est
accusé de môme que de s'être donné fausse-
ment pour le Messie. Malgré la malignité
avec laquelle les incrédul s de tous les siè-
cles ont examiné ses discoui s et toutes ses
aciions, ils n'ont jamais rien pu trouver (jui
fût véritablement digne de censure. Ils ont
échoué de même à l'égard des leçons et de
la conduite des apôtres ; et (juand nous n'au-
rions point d'autres monuments pour justi-
fier les mœurs d s premiers chrétiens, le té-
moignage que Pline le Jeune en rendit à
Trajaii suftlrait pour fermer la bouche à nos
adversaires.
Mais enlin, Maliomet a-t-il eu quelques
signes d'une mission divine? Non-seulement
il n'a point fait de miracles, mais il a déclaré
formellement qu'il n'était jias venu pour en
faire. Lorsque les habitants de la Mecque lui
en demandèrent pour preuve de sa mission,
il répondit que la foi est un don de Dieu, et
que les miracles ne persuadent point par
eux-mêmes; que Moise et Jésus-Christ
avaient fait assez de miracles pour conver-
tir tous les hommes ; que cependant plu-
sieurs n'y avaient pas cru ; que les miracles
ne servaient qu'à rendre les incrédules plus
coupables ; qu'il n'était point envoyé pour
faire des miracles, mais pour annoncer les
promesses et les menaces de la justice di-
vine ; que les miracles dépendent de Dieu
seul, et qu'il donne à qui lui plaît le pou-
voir d'en faire. 11 ne uouvait nas avouer
479
MAH
MAH
489
plus clairement que Dieu ne lui avait pas
donné ce pouvoir. Mariicci, Prodrom., u'
part., chap. 3. A la vérité, cela n'a pas em-
pêché ses sectateurs de lui en attribuer des
milliers ; mais presque tous sont absurdes et
indignes de Dieu ; ])ersonne n'a osé attes-
ter qu'il les avait vus, qu'il en était témoin
oculaire ; ces prétendus prodiges n'ont été
forgés que longtemps après la mort de Ma-
homet ; ils ne sont confirmés par aucun mo-
nument, ne tiennent à aucune pratique, à
aucun dogme, à aucune loi du mahométisme ;
les premiers propagateurs de cette religion
ne les ont point allégués pour engager les
peuples h croire la mission de leur législa-
teur : ils ont dit : Croyez, sinon vous serez
exterminés. Aujourd'hui même , les maho-
métans un peu instruits désavouent les mi-
racles de Mahomet, Mrm. des Inscrip., lom.
LVIII, in-12, p. 283 ; ils ne citent en preuve
de sa mission que ses succès, qui leur pa-
raissent tenir du prodige : nous verrons ce
que l'on doit en penser. Mais le commun
du peuple croit fermement tous les préten-
dus miracles attribués à ce faux prophète.
Pour prouver les miracles de Jésus-Christ,
nous n'alléguons pas seulement le témoi-
gnage de ses disciples , témoins oculaires
des faits, qui disent : « Nous vous annon-
çons ce que nous avons vu, ce que nous
avons examiné, ce que nous avons touché
de nos mains {Joan. i, 1); mais l'aveu forcé
des Juifs, des païens, des premiers héréti-
ques intéressés à les nier, de Celse, qui a
vécu peu de temps après, et qui fait pro-
fession d'avoir tout examiné. Tous ont attri-
bué ces miracles à la magie: mais aucun n'a
osé s'inscrire en faux contre le récit des
apôtres. Ces miracles tiennent tellement à
notre religion, qu'il n'a pas été possible de
l'erubrasser sans les croire. Le ])lus grand de
tous , la résurrection de Jésus-Christ, est
couché dans le symbole ; il est attesté par
un monument érigé par les apôtres mêmes,
par la célébration du dimanche. Aucun de
cl's miracles n'est ridicdle uu indigne de
Dieu ; ce sont des œuvres de charité, des
guérisons subites, des aliments fournis à un
peuple entier, des résurrections de morts,
le don des langues accordé aux apôtres
pour instruire toutes les nations, etc. Les
mêmes prodiges ont continué dans l'Eglise
primitive pendant plusieurs siècles. Lors-
que ceux de Mahomet seront attestés de mê-
me, nous pourrons consentir à les croire.
On ne peut donc en imposer plus grossiè-
rement que l'a fait un incrédule do nos jours,
lorsqu'il a dit que les musulmans allèguent
des miracles de leur prophète les mêmes
preuves que nous donnons des miracles de
Jésus-Christ. Ils croient, dit-il, que l'ange
Gabriel appoitait à Mahomet des feuillets de
l'Alcoran écrits en lettres d'or sur du vélin
bleu, parce que Abubekre, Ali, Aisha, Omar
et Otman, parents ou amis de Mahomet, l'ont
ainsi cerldîé à cinquante mille hommes;
parce que cet Alcoran n"a jamais été contre-
dit par un autre Alcoran, et que ce livre n'a
jamais été falsiQé ; parce que les dogmes et
les préceptes qu'il contient sont la perfec-
tion de la raison, et parce que Mahomet est
venu h bout de soumettre à cette loi la moi-
tié de la terre.
11 est faux d'abord que les Mahométans
un peu instruits croient au prétendu mira-
cle de l'ange Gabriel ; il est encore faux (^ue
les parents et amis de Mahomet se soient
donnés pour témoins du fait et l'aient ainsi
attesté à cinquante mille hommes. Puisque
alcoran signifie le livre, il est faux que celui
de Mahomet n'ait pas été contredit par d'au-
tres livres; et de plus il se contredit lui-
même. Puisqu'il n'a jamais été falsifié, rien
n'est ]jlus authentique que l'aveu fait et ré-
jiété par Mahomet, qu'il n'était pas envoyé
pour faire des miracles : aucune preuve ne
peut prévaloir à celle-là. Nous allons voir
que les dogmes, la morale, les lois, conte-
nus dans ce livre, ne sont rien moins que
raisonnables, et que les succès de son au-
teur n'ont rien de merveilleux. Toutes les
prétendues preuves de ses miracles sont
donc nulles et fausses. Nous ne craignons
jias que l'on renverse de même celles que
nous donnons des miracles de Jésus-Christ.
IL Si nous examinons la doctrine, la mo-
rale, les lois de Mahomet, nous n'y verrons
aucune marque de divinité.
La profession de foi des mahométans se
réduit à treize articles, savoir : l'existence
d'un seul Dieu créateur; la mission de Ma-
homet et la divinité de l'Alcoran; la provi-
dence de Dieu et la prédestination absolue;
l'interrogation du sépulcre, ou le jugement
particulier de l'homme après la mort ; l'a-
néantissement de toutes choses, même des
anges et des hommes, à la fin du monde;
la résurrection future des anges et des hom-
mes; le jugement universel; l'intercession
de Mahomet dans ce jugement, et le salut
exclusif des seuls mahométans; la compen-
sation des torts et des injures que les hom-
mes se sont fails les uns aux autres; un
purgatoire pour ceux dont les bonnes et
les mauvaises actions se trouveront égales
dans la balance; le saut du pont aigu, qui
conduit les justes au paradis, et précipite
les méchants en enfer; les délices du pa-
radis, que les mahométans font consister
principalement dans les voluptés sensuelles;
enfin, 11; feu éternel de l'enfer. Reland.
Confession de foi des mahométans.
11 est évident que Mahomet n'est point
créateur de ces dogmes. 11 avait reçu des
Juifs et des ariens celui de l'unité de* Dieu,
il l'entend comme eux, il nie que Jésus-
Christ soit Fils de Dieu; selon lui, Dieu ne
peut avoir un Fils, puisqu'il n'a point de
femme : telle est sa théologie. La prédesti-
nation absolue est une erreur des Arabes
idolâtres; Maliomet avait été idolâtre lui-
luême : cniogme détruit la liberté de l'hom-
me et fait Dieu auteur du péché. Les idées
grossières du pont aigu, de la balance des
œuvres, de la compensation des torts, des
plaisirs sensuels du paradis, sont des ex-
pressions métaphoriques d'anciens écrivains,
que Mahomet a prises à la lettre. L'aaéau-^
48i
MAH
MAIl
189
tissement des anges et des hommes, et leur
résurrection, n'est qu'une rôverie; c'est le
dogme de la résuirection future mal entendu
et mal rendu par un ignorant. Il no l'aut pas
croire que ces points de doctrine, l^ons ou
mauvais soient claireuicnt ex|)Osés dans l'Al-
coran; ils y sont noyés ilaiis un fatras d'er-
reurs, de failles, de puérilités etd'obscénités,
dont la plupart sont tirées du Talmud des
Juifs, des évangiles apocryphes et des his-
toires romanesques, ijui, de tout temps, ont
été en vcigue tians l'Orient; et tout musul-
man est obligé de croire toutes ces absur-
dités comme autant de révélations sorties
immédiatement de la bouche de Dieu môme.
Lorsque les incrédules (jnt voulu faire en-
visager le mahométisme comme une espèce
de déisme, ils en ont imposé aux personnes
peu instruites; aucun déiste voudrait-il si-
gner la profession de foi d'un mahométan?
•M y a de la mauvaise foi à ne présenter que
ce qu'il y a de moins révoltant dans cette
religion, et de laisser de côté le reste,
couune si Mahomet avait dispensé ses sec-
tateurs de le croire. 11 commence l'Alcoran
par déclarer que ce livre n'admet point do
doute, et qu'une punition terrible attend
tous ceux qui n'y croient pas
La morale de cet imposteur est encore
plus mauvaise que ses dogmes; elle prescrit
avec la plus grande sévérité des rites et des
actions extérieures, et semble dispenser ses
sectateurs de tout»s les vertus. Les puriti-
cations ou ablutions avant la prière, le pèle-
rinage de la Mecque, la circoncision, étaient
des usages anciens dans l'Arabie; Mahomet
les a conservés : il y ajoute l'obligation de
prier cinq fois par jour, do faire l'aumône et
d'observer le jeûne du ramad.in qui est de
vingt-neuf jours. Quant aux vertus inté-
rieures, comme l'amour de Dieu et du pro-
chain , la piété, la mortilication des sens,
l'humilité, la reconnaissance envers Dieu,
la confiance en sa bonté, la pénitence, etc.,
il n'en est pas question dans l'Alcoran; un
musulman croit fermement que, sans l'ob-
servation scrupuleuse et minutieuse du cé-
rémonial, le cœur le plus pur, la foi la plus
sincère, la charité la plus ardente, ne suf-
tiraient pas pour le rendre agréable à Dieu;
mais que le pèlerinage de la Mecque, ou
l'arlion de boire de l'eau dans laquelle a
trempé la vieille robe du [irophète, etlaeent
tous les crimes. Observation sur la religion
et les lois des Turcs, c. "2.
Loin de faire aucun cas de la chasteté,
Mahomet permet tout ce qui lui est le plus
opposé, la polygamie, le commerce des maî-
tres avec leurs esclaves, l'impudicité la [dus
grossière entre les maris et les femmes, la
liberté de faire divorce et de changer de
femmes autant de fois que l'on veut. Il n'a
pourvu, par aucune loi, au traitement des
esclaves, et n'a point condanMié la coutume
barbare de faire des eunuques. 11 permet la
vengeance, la peine du talion, l'apostasie
forcée, le parjure en fait de religion; il dé-
cide que l'idolâtrie est le seul crime qui
puisse exclure un musulman du bonheur
éternel. Il a fallu que les incrédules abju-
rasscMit toute pudeur, pour oser dire (juo le
mahométisme est moins impur ipie le cliris-
tiainsme. Lorsqu'ds ont voulu justifier la
polygamie et le divorce, parce que Moïse les
a permis, ils devaient se souvenir que ce
législateur y avait mis des Dornes, et que
Mahomet n'y en a mis aucune. La loi juive
nepermett.nt point d'épouser des étrangères;
elle n'autorisait le divorce que dans le cas
d'inlidélité d'une femme; elle n'ajiprouvait
pas le commerce des maîtres avec leurs es-
claves. Les autres lois juives n'étaient im-
posées qu'(\ une seule nation : la folie de
Mahomet a été de vouloir (jue les siennes
fussent données à tous les |)euiiles.
Mais que diront nos philoso|ihes tolérants
ce la loi que ce fanatique inqiose à ses sec-
tateurs? (( Combattez contre les infidèles jus-
qu'à ce que toute fausse religion soit exter-
minée; mettez-les à mort, ne les épargnez
point; et lorsque vous les au^e^ affaiblis, à
force de carnage, réduisez le reste en escla-
vage, et écrasez-les par des tributs » [Alco-
ran, c. 8, v. 12 et 39; c. 9, v. 30; c. 47,
v. 4). Il n'est point de loi plus sacrée que
cclle-lîî aux yeux des musulmans; ils se
croient obligés, en conscience, de détester
tous ceux qu'ils regardent comme inlidèles,
les chrétiens, les juifs, les parsis, les In-
diens; toutes les injustices, les extorsions,
les insultes, les avauies, leur sont permises,
leur sont même commandées à cet égard :
c'est une des premièies leçons qu'on leur
donne dans l'enfance; et si I or n'avait pas
la vertu d'apprivoiser ces êtres farouches, il
serait impossible à quiconque n'est pas de
leur religion de demeurer parmi eux. Obser-
vations sur la religion et les lois des Turcs,
cha[). 2, pag. li et suivantes. L'on a cepen-
dant osé écrire de nos jours et répétei' vingt
fois, que les Turcs sont moins intolérants
que les ciirétiens.
Ce serait faire injure à la morale évangé-
lique que de la mettre en parallèle avec un
code aussi abominableque celuide Mahomet,
m. Comment donc a-t-il |iu réussir? par
quels moyens a-t-il gagné des sectateurs?
C'est comme si l'on demandait par quels
moyens un fanatique rusé, fourbe, violent,
armé, a pu subjuguer des hommes ignorants
et vicieux.
11 gagna d'abord ses femmes et ses parents
par l'ambition, par l'espérance d'acquérir la
supériorité sur les autres tribus arabes : re-
connaître sa prétendue qualité de prophète,
c'était l'accepter pour maître souverain.
Forcé do fuir de la Mecque, la cinquante-
troisième année de sa vie, Mahomet ne se
réfugia dans la ville de Médine qu'après
avoir reçu le serment de soixante-quinze des
principaux habitants, qui s'engagèrent à le
défendre, et ({ui lui tinrent parole. Depuis
ce moment jusqu'à sa mort, il ne cessa d'a-
voir les armes a la main; ces dix années ne
furent qu'une suite de combats contre les
Arabes idolâtres et contre les Juifs, ou plu-
tôt ce fut un brigandage continuel, qui ne
fit que S'augmenter après sa mort. Ses suc-
485
MAH
MAH
484
■ cessours oevinrént souverains do l'Arabio,
sous le nom de califes; et l'on sait de quoi
les Arabes sont capables, lorsqu'ils sont ex-
(ittJs par l'amour au pillige, toujours domi-
nant chez cette nation. Voy. la Vie de Maho-
met, par Maracci, et Vnisloire universelle des
Anijlms, t XV, iu-^.
tours Tictoires cessent de nous étonner,
lorsque nous savons en quel état se trouvait
ak): s rOrient. Les empereurs de Constanli-
nojile, très-afTaiblis, ne conservaient plus
d>ns les provinces qu'une ombre d'autorité :
l'Asie n'était presque peuplée que de la lie
des nations; ce n'étaient plus ni des Ro-
mains ni des Grecs, mais un mélange de
toutes sortes de barbares, Thraces, Illyriens,
Isaures, Arméniens, Perses, Scythes, Sar-
mates, Bulj^ares, Russes; aucun de ces peu-
ples ne pouvait être fort attaché au gouver-
nement ni à la religion.
Le chrislianisine était divisé en plusieurs,
sectes qui se détestaient. Les ariens, les,
nestoriens, les eutychiens ou jacobiles, tous
divisés entre eux, se réunissaient pour dé-
sirer la ruine du catholicisme, et les Juifs
avaient moins d'aversion pour les n^ahomé-
tans circoncis que pour les chrétiens.
JMaîtres deP/Vrabie, les califes subjuguè-
rent l'Egypte parla trahison des, copiâtes eu-
tychiens, mécontents des empeicurs : ces
schismatiques espéraient un sort meilleur
sous l'empire des mahométans, que sous la
domination d,.s Gjecs. Mais ils furent étran-
gement trompés, puisaue insensiblement
ils ont été ojiprimés par les Arabes, et ré-
duits presque à rien. Les conquérants de
l'Egypte n'eurent besoin que de faire des
courses pour assujettir les côtes de l'Afri-
que; bientôt ils furent appelés en Espagne
par les tils d'un roi goth, révoltés contre
leur père, et par le comte Julien, mécontent
de son roi. Dès ce moment ils infestèrent la
Méditerranée par des flottes de corsaires;
ils envahirent successivement la Sardaigne,
la Corse, la Sicile, la Calabre; et dans la
plupart de ces expéditions, ils furent aidés
par les Grecs, ennemis jurés des Latms.
Dans toutes les capitulations, ils promirent
de laisser aux peuples l'exercice libre de la
religion chrétienne; mais ils n'ont tenu parole
que dans les lieux oh les anciens habitants
ont conservé assez de force pour les y con-
traindre. Déjà ceux d'Espagne avaient passé
les Pyrénées : ils allaient engloutir U Fraiac(ï,
si Charles Martel ne les eût arrêtés au cona-
mencement duvm' siècle; et sans les, yic-
loires des princes normands en Italie, au
commencement du xi°, ils auraient subju-
gué l'Europe entière, et l'auraient pouif
toujours, replongée dans li barbarie. Ce sont
les croisades des xii' et xiii° siècles, et les.
conquêtes des Portugais dans les lnd«s, qui,
en ôtant à çell,e puissance formidable la ros-:
souice du commi'rce et des ricbesses, l'ont
enlju rédwite au dieg?éi diSi faiblesse où n uis
Igi voyons, a,uj/yMrd'ljui,
Que des conquérants favorisés par les cir-
constances, qui présentaient l'Alcoran il'uue
maiu et, l'civtMi de l'auLce,, aLsu^ établi le
mahométisme aans une grande paitie du
monde, ce n'est pas là un prodige : nous
chercherions vainement les contrées dans
lesquelles il a été porté par dt'S missionnai-
res. Ce n'est pas ainsi que le christianisme
a fait des progrès. Jésus-Christ et ses apô-
tres ont converti le monde, non en donnant
la mort, mais en la soufi'iant ; non en enle-
vant des richesses, mais en y renonçant;
non par l'épée, mais par la croix. Trois siè-
cles de persécutions, soulfertes avec une pa-
tience invincible, ont enfin désarmé les en-
nemis de l'Evangile; mais les martyrs que
les mahométans ont envoyés au supplice
n'ont pu adoucir leur férocité ; celle des
barbares du Nord a céJié peu à peu aux in-
structions charit,ables des missionnaires ;
mais ce le des musulmans est encore la
même depuis mille ans.
lY. Quand on no le saurait pas d'ailleurs,
il serait aisé de voir les etfets terribles que
le mahométisme a dû produire partout où il
s'est établi. C'est ici surtout que les incré-
dules auraient dû faire le parallèle entre
cette religion funeste et le christianisme ;
iiaais ils n'ont eu garde de le tenter, leur
confusion aurait été trop sensible.
La corruption des deux sexes, l'avilisse-
ment et la captivité des femmes, la nécessité
de les renfermer et de les faire garder par
des eunuques, la multiplication de l'escla-
vage, une ignorance universelle et incura-
ble, le despotisme des souverains, l'asser-
vissement des peuples, la dépopulation des
plus belles contré s de l'univers, la haine
mutuelle et l'antipathie des nations, voilà ce
que le mahométisme a produit constamment,
et continui' de produire partout où il est do-
minant. Celte religion seule a fait périr plus
d'hommes que toutes les autres ensemble.
Ses sectateurs ont le cœur trllement gâté,
qu'ils ne croient pas qu'un homme et une
femme puissent s'envisager l'un 1 autre sans;
penser au crime, ni se trouver seuls ensem-
ble sans se livrer à l'impudicité. Lorsque la
ciiristiaoisme régnait en Asie, les maris
comptaient sur la vertu de leurs femmes ; il
y régnait à peu près la même liberté que
parmi nous, et les mœurs n'étaient, pas pour
cela plus mauvaises. Ceux qui onj écrit
qu'en général les femmes turques, toujours
enfermées, ont les mœurs très-pures, ont
été mal informés ; en lisant les Observations
sur la rcligioM, les lois et le goMveriiommt
des Turcs, ii« partie, pag. 64, on verra de
quoi elles sont capables. Ce n'est donc pas
1» climat qui les corrompt, c'est la religion.
Daius l'Etlnopie chrétienne, les femmes ne
sont point renfeemées, et on ne les accuse
pas de mauvaises mœurs. 11 en était de
môme sur les; côtes de l'Afrique, lorsque le
christianisme y était établi.
Les maliomét;uis ,, persuadés de lai prétr
destiinatioii absolue et d'un destin rigldie,
ne prennent aucune précaution pour e.Jre-
teniiT la salubrité) de l'air et prévenir la con^-
tagioû : ils se rovôèent sans répugnance dosi
habits d'un pestit^ré, laissstnt pomirir les
cadavres, des animaux dans les. rues, etc-,,
485
itlAIl
MAII
48G
Cette paresse stupide a fait de l'Egypte le
foyer conlinuol de la peste, l'entretient ha-
bituellement diins l'Asie, la fait souvent re-
naître sur les côtes de l'Afrique , et l'a
communiquée plus d'une fois à rEuroi)e en-
ti'ère.
Un des plus fougueux ennemis, que le
christianisme ait eu dans notre siècle est
forcé do convenir que si l'on n'eût arrêté
les progrès du fanatisme des musulmans,
c'en était fait de la liberté du monde entier,
ç Sous le joug, dit-il, d'un religion qui con-
sacre la tyrannie en fondant le trône sur
l'autel, qui semble imimser silence à l'amlii-
tioii en permettant la volupté, qui favorise
la paresse natuielle en interdisant les opé-
rations de l'esprit, il n'y a point d'espérance
pour les grandes révolutions ; l'esclavage
est établi pour jamais. » Montes(iuieu, après
avoir fait les mômes observations, ajoute :
« La religion malioraélane, qui no parle que
de glaive, agit encore sur les hommes avec
cet esprit destructeur (jui l'a fon lée. » EsjirH
des luisy livre xxiv, chai). 4. Bayle, en faisant
valoir les maximes d>' tolérance que Maho-
met avait d'abord établies, ^)asse sous silence
la loi de persécuter qu'il imposa ensuite à
ses sectateiu-s ; après avoir parlé des conven-
tions qu'ils ont toujours faites avec les chré-
tiens, de leur accorder la liberté de religion,
il est forcé de convenir qu'ils exercent toujours
une persécution souide i[uiost souvent insup-
portable. Pensées sur h Comète, c. 2i4. L'au-
teur anglais des Obscnalions sur la religion et
le gouvernement des Turcs fait le môme aveu,
et M- Guys, dans son Voyage littéraire de ta
Grèce, le coniirme. Ces derniers, témoins
oculaires des faits, sont plus croyables que
ceux qui n'ont rien vu et qui ne s'étudient
qu'à tromper les lecteurs.
Le baron do Tott, dans ses Mémoires pu-
bliés en lT8i, a décrit le désordre qui rè-
gne dans les sérails (le la Turquie, ta cor-
ruption énorme ties deux sexes, qui est un
elfet de la polygamie; le dérèglement des
mœurs, le mépris des lois, le despotisme du
gouvernement , l'abrutissement des hom-
mes, que le mahométismc a introduits par-
tout où il donhne. Le ramadan, qui est le
carême des Turcs, n'est pas fort rigoureux,,
si ce n'est pour le peuple; chez les gens ai-
sés, c'est la mollesse qui s'endort dans les
bras de l'hypocrisie, cl ne se réveille que
pour se livier au plaisir de la bonne chèie.
Un jeune Turc, qui avait assassiné son pèie,
évita le supplice par argent , quoique sa
comlamnation fût prononcée. Les frères du
sultan sont renfermés dans le sérail, et on
leur donne des femmes : mais s'ils ont des
enfants, on les détruit. 3es iilles et ses sœurs
sont mariées aux visirs et aux grands de
Vampire ; mais si elles mettent au monde
uu enfant mâle, il doit être étouffé en nais-
sant : c'est la loi la plus publique et la moins
enfreinte, etc.
Volney, dans son Voyage en Syrie et en
Egypte, l'ait en ITS'J et 1785, prouve dé-
monstrativemeut que le gouvernement des-
potique des Turcs et tous le§ Uéaux d9 VQ5-
pèce humaine qu'il traîne h sa suite sont un
elfet naturel et inévitable de la doctrine
insensée de l'Alcoran, tom. IL c. 40, pag.
432, etc.
On alfecte do nous dire quo les niahomd-
tans ne disputent point sur la religion : ils
sont trop ignorants pour le faire ; ils croient
tout sur la i)arole de leur prophète. Cepen-
dant il y a dill'érentos sectes parmi eux. Ou-
tre colles d'Ali et d'Omar, qui rendent les
Turcs et les Persans enneiiùs irréconcilia-
bles, le prince Cantémir con)ple parmi eux
douze sectes hérétiques ; d'autres les font
monter à soixante-douze ou davantage, et
niilady Montagne, clans ses Lettres, atteste
leur aversion mutuelle. Les incrédules, (piî
veulent nous persuader que le mahomélisme
est une religion de déistes, peuvent se con-
vaincre par Ih des salutaires effets que le
déisme produit dans le monde. Si, parmi
les niahon>étans, l'on trouve encore quel-,
ques vertus morales, elles viennent de leur
teni[)éramcnt , et non do l'esprit de leur
religion : celle-ci ne semble avoir été faite,
(pie ()our étouffer jusqu'au moindre g^rçia,
de vertu.
Mais, disent nos adversaires, il n'est p£(Si
question de savoir si le christianisme est
vrai, et si le mahométisme est faux; si le
premier est fondé sur des preuves solides,
et le second sur des raisons frivoles ; il s'a-
git do voir si un mahométan est en état de
sentir cette différence, et de comprendre la,
fausseté des prétendues preuves de sa reli-
gion ; si, en raisonnant de même, un Turc
n'a pas autant de droit de présuriier la vé-
rité de sa croyance, qu'un chrétien en a de
soutenir la divinité de la sienne ; si, en un
mot, les prouves de l'une ne doivent pas faire
autant d'impres.sion sur l'esprit d'un igno-
rant q;io les prouves de l'autre. A cela nous
ré|)ondons que l'ignorance est un vice par-
tout où elle se trouve ; qu'elle doit pro-
duire sur tous les hommes le même effet,
qui est l'erreur; quo si elle ne le produit
pas , c'est par hasard. Un chrétien et un
turc, ignorants par leur faute, sont tous
deux coupables; le premier résiste aux le-
çons de sa religion, qui lui ordonne de s'in-
struire, et qui lui en donne les moyens ; le,
second doit se défier de la sienne, dès qu'elle
le lui défend : vodà ce que le bon sens dicte
à tous les hommes. 11 est donc absurde de
mettre en question si deux ignorants sont
exposés tous deux à so tromper, ou si des
preuves fausses peuvent faire autant d'im-
piession sur leur esprit que des preuves
vraies : il est clair que le plus stupide
des deux sera ordinairement le plus excusa-
ble. ■ ■
Laissons de côté l'ignorance et la stupidité,
parlons d'un homme raisonnable qui cherche
à s'instruire. Un Turc, depuis son enfance,
entend les docteurs musulmans attribuer
mille lUwJiges à Mahomet, vanter surtout le
mervedleux de ses succès, dire que chaque -
ver.^et de l'Alcoran est un miracle, etc. S'il a
du bon sens, il doit demander qui a vu M
lyiracles du prophète, ex^çgij^er par qq
187
MAII
MAII
488
moyens il a réussi, enfin lire au moins l'Ai
coràn.Quo doil-il penser, quand il verra que
Âlaliomet lui-même y déclaio qu'il n'est pas
venu pour faire des miracles, qu'ils seraient
inutiles, etc. ; quand il se trouvera que per-
sonne ne les a vus, qu'aucun témoin n'a osé
dire, j'y étais présent ; quand il saura que le
»n«/iomf7(sme s'est établi par des combals et
par des victoires sanglantes? Si après cet
examen, il croit encore aux miracles de Ma-
homet, son erreur sera-t-elle encore inno-
cente et invincible ? et s'il ne fait pas cet
examen très-facile, h (pii faut-il s'en prendre ?
Ajoutons les absurdités, les crimes, les fables
dont ce livre est rempli, et jugeons s'il est
possible d'y ajouter foi sans avoir l'esprit
aliéné. On dira que ces absurdités qui nous
révoltent ne font pas la môme impression
sur un Turc habitué h les respecter dès
l'enfance. Mais ce respect d'affection pure-
ment machinal et non raisonné ne peut pas
servir d'excuse à la prévention et à l'erreur.
Quand on s'obstinerait <\ soutenir le contraire,
il s'ensuivrait seulement que l'ignorance et
l'erreur d'un mahométan peuvent être mora-
lement invincibles; et cela ne prouverait
rien. Nous ne prendrons pas la peine de
comparer cette disposition d'un Turc avec le
résultat de l'examen que peut faire un chré-
tien des miracles de Jésus-Christ et des au-
tres motifs de crédibilité du christianisme ;
nous en avons parlé ailleurs.
Pour avoir une idée juste de Mahomet , de
son livre, de sa religion, il ne faut pas s'en
fier à la vie de ce personnage laite par le
comte de Boulainvilliers ; il avait copié sans
discernement les auteurs arabes, et il semble
n'avoir écrit que pour insulter au christia
uisme ; le comte de Bonneval, quoique apos-
tat, avait remarqué dans cet ouvrage ])lusieurs
fautes essentielles. Voy. le Voyage littéraire
de la Grèce, par M. Guys, tom. 1, pag. 4-78.
La préface que Sale a mise à la tète de sa
traduction anglaise de l'Alcoran, et que l'on
a donnée dans notre langue avec la version
française de ce livre, par Durier , ne mérite
pas plus de confiance que Boulainvilliers. Cet
auteur anglais, qui paraît déiste, a dissimulé
les endroits de l'Alcoran qui révoltent da-
vantage ; il a fait un parallèle très-fautil des
lois de Mahomet avec celles des Juifs : il a
été solidement réfuté par les auteurs de
l'Histoire universelle, tome XV, in-4". Celui
des Essais sur l'Histoire générale et des Ques-
tions sur l'Encyclopédie, a copié Sale et Bou-
lainvilliers ; mais avec son infidélité ordi-
naire, il a voulu peindre Mahomet comme un
héros, et il a été copié à son tour par le
rédacteur de l'article Mauométisme de l'an-
cienne Encyclopédie : ni l'un ni l'autre ne se
sont souciés de garder seulement la vraisem-
blance. Enfin le savant académicien qui a fait
le parallèle entre Zoroastre, Confucius et Ma-
homet, ne nous parait pas avoir parlé de ce
dernier avec assez de sincérité.
La Vie de Mahomet, par (jagnier, et celle
({u'a faite Maracci, sont beaucoup plus lidèies;
ce dernier a donné une réfutation complète
et très-solide de l'Alcoran : Alcorani textus
universus, etc., Patavii, 1698, in-fol. U n'a-
vance rien qu'il ne prouve par les textes for-
mels de ce livre et par le témoignage des
auteurs arabes ; il avait étudié leur langue
pendant quarante ans. On peut consulter en
core avec sûreté les Mémoires de l'Acad. de»
/nscriy;f., tom. XXXII in-'i-°, et lom LVIII,in- f
12, pag. 259; les Observations sur la religion, '
les lois et le gouvernement des Turcs : les Mém.
du baron de Toit sur les Turcs, les Tartares
et les Egyptiens ; le Voyage de ]Volney, etc.
Quant aux brochures faites par des incrédu-
les (jui professaient le déisme, et qui vou-
laient montrer que le mahoniétisme a les mê-
mes preuves que le christianisme, que les
défenseurs de l'une et de l'autre de ces re-
ligions raisonnent de même, ce sont des
productions trop viles pour qu'elles méritent
d'être citées. Outre le mauvais ton qui y rè-
gne, la mauvaise foi y éclate de toutes parts.
On y suppose, 1° (jue les seules preuves
ou les seuls motifs de crédibilité du chris-
tianisme, sont les prophéties et les miracles
de Jésus-Christ et des apôtres. Nous avons
fait voir le contraire à l'article CnRisTiANtSME;
nous avons exposé en abrégé les autres
preuves, et il y en a plusieurs qui sont à la
portée des chrétiens les moins instruits. 2°
Les mômes écrivains sujiposent qu'un simple
fidèle ne peut point avoir d'autres preuves
des miiacles de Jésus-Christ et des apôtres
cjue la tradition qui en existe parmi leschré
tiens, et la présomption qu'ils ont de la bonne
foi des témoins qui les ont rapportés ; qu'il
est donc précisément dans le même cas qu'un
musulman à l'égard des prétendons miracles
de Mahomet. Cependant la ditférence est pal-
pable. Ceux de Mahomet sont absurdes et
indignes de Dieu, un peu de bon sens suffit
pour le comprendre; il n'en est pas de môme
de ceux de Jésus-Clirist et des apôtres. Ceux-
ci sont tellement incorporés au christianisme,
qu'il ne peut pas subsister sans eux, au lieu
que le mahoniétisme est absolument indépen-
dant des miracles de Mahomet ; ce n'est point
lii-dessus que les docteurs musulmans fon-
dent la vérité de leur religion, et ils ne pour-
raient le faire sans contredire l'Alcoran. Les
miracles de Jésus-Christ et des apôtres sont
avoués par les ennemis du christianisme ,
sans en excepter Mahomet lui-même ; non-
seulement les siens ne sont pas avoués par
les sectateurs des autres religions , mais ils
sont désavoués par les mahométans les
plus sensés.
Une troisième supposition des déistes est
qu'une preuve, pour être solide, doit être
également à portée des savants et des
ignorants, de ceux qui ont reçu une bonne
ou une mauvaise éducation. C'est une
absurdité. U est évident qu'un ignorant
ne peut pas avoir autant de preuves de l'e-
xistence de Dieu et de la religion naturelle
qu'un philosophe; plusieurs incrédules ont
même soutenu qu'un sauvage est incapable
d'en avoir aucune. Nous ne sommes pas de
leur avis ; mais si un enfant avait été élevé
dès le berceaudansles principes derathéisme,
et infatué de tous les sojjhismes des athées,
iSd
MAI
soniinos-noiis liion sûrs que los preuves de
l'existence de Dieu et du la religion naturelle 1
feraient tjeaiujini]) d'impression sur lui? Les
déisles n'ont pas vu que leur préicntion
tombe aussi iirecteraent sur la religion na-
turelle que sur la religion révt'lée. En (jun-
trième heu, ils supiioscnt que la conviction
<iue nous avons de la s;iinieté de notre reli-
gion , et des salutaires eirets (pi'elle opère
peut très-bii-n n'être qu'un fiithousiasuie et
un etl'et de l'éducation, tout comme la pré-
vention qu'un Turc a conçue en faveur de li
sienne. Mais si le sentiment inléri.'ur, le sens
commun, le témoignage de la conscirnce, ne
Crouvent rien, quel moyen reste-t-il aux
ommes pour distinguer la vérité de l'erreur?
Voilà le pyrrlionisiiie établi. Queiépon iraun
déiste aux athées, lorsqu'ils lui soutiendront
3ue sa confiance aux preuves de l'cixistence
e Dieu et de la religion naturelle est un pur
enthousiasme et un etl'et de l'éducation ?
Lors(pie les écrivains sont assez aveugles
pour ne pas voir ces conséquences, ils ne
méritent pas d'être réfutés. Les rétlexiotis
que nous avons faites ne sont pas moins so-
lides contre les athi'cs que contre les déistes.
Voy. Ul'LlGION HÉVÉI.ÉE.
Quand nos incrédules modernes n'auraient
point d'autre tur|)itutle à se ri-proclier que
(l'avoir voulu faire \'a\ ologie du iiicihnmetisnn',
et d'avoir osé le comparer au clu'istianisme,
c'en serait assez pour les couvrir d'oppro-
bre aux yeux de tout homme sensé et
instruit.
MAIN. En hébreu, et dans les livressaints, ce
mot a autant de significations diderentes (pi'en
français, et la plupart sont métaiihoriques.
La )/iHin signilie(]uelquefois la grille des
animaux,/ Reg. c. xvii, v. :n. David dit que
Dieu l'a tiré de la main d'un lion et d'un ours.
Elle désigne le côté ; ainsi nous disons, à
Hiflùi droite, à main gauche. Elle marque l'é-
tendue, parce que nous la désignons en éten-
dant les mains. Psalm. cm, v. 25, la mer est
appelée magnum et spatiosum maniOus. Elle
indique ce qui tient lieu de main et produit
le môme effet, un gond, une charnière, un
soutien. Ecclesiast. c. iv, v. o, il est dit d'un
paresseux qu'il ferme ses mains, c'est-ù-dire
qu'il se tient les bras croisés ; Elisée versait
de l'eau sur les mains d'JLlie, c'est-à-dire
(]u'il le servait. Commeles coiq)s de la main
si'rvent à compter, et que l'on compte sur
les do gts, nous lisons que Daniel se trouva
dix mains, ou dix fois plus sage que les
tlhaldéens. Main signifie en général l'action
ou l'ouvrage. II licg. c. xvui, v. 18, la main
d'Absalon est l'ouvrage d'Absalon. Ps. vu, v.
"i-, si l'iniquité est dans mes mains, c'est-à-
dire dans mes actions. La main du Seigneur
expiiuie l'ouvrage, l'opération, la protection
. i)ro
la n
de Dieu ou si puissance. Ps. xxii, la main du
gUive est la mort. Ce mot désigne aussi le
secours, les conseils, les services, le minis-
tère d'une (lersoiine. David dii à une fennue :
La main de Joab est avec vo s dans celte af-
faire, c'est-à-dire, il vous aide d' ses conseils.
Abner dit à David : Ma main sera avec vous,
je vous rendrai mes services. Dieu parle [ ar
DlCTIO.NN. UK Thhi;L. UOGiHTUtCE. 111.
MAJ m
la main de Moïse et des pro]iliètcs, ou [i,-u"
ur ministère. / Para!., c. vi, v. i;j. lu ;n::iii
des cantiques est la fonction des chanties.
Conséquemment remplir les mains à (picl-
qu'un, c'est le consacrer ou le destiner à un
ministère ; jwur consacrer un nouveau prê-
tre, on lui mettait à la main les (larties de la
victime (]u'il devait olfrir. La main exprime
aussi la possession : Dieu dit à Salomou :
J'ôlerai le niyaumedela main i\c votre lils,
il ne le possédera plus. J«««. c. ni, v.33, il est
dit que Dieu a mistoutiîs ces choses dans la
jnain de S(m Fils, c"est-à dire dans sa puis-
sance et dans sa possession.
Le même terme se met pour toutes les
choses qu'expriment les divers gesti'S de la
main. Elever ses mains au Seigneur, c'est ie
prier e( l'invofpier. Ps. i.xvii, v. .'îl, il est dit
que ri";thio[)ie étendra se ^ mains vers le Sei-
gneur, [iour exprimer i[u'elle l'invoquera et
lui fera des offrandes. Mais lever la tnain\ivs
Dieu, c'est jurer en son nom. Au contiaire,
lever la main contre queliju'un, c'est lui ré-
sister et se révolter : il est dit d'Isma- 1 (pic
sa main sera contre tous, et la main de tous
contre lui. .\ppesantir la main sur ([uelcpi'uu,
c'est l'aflligeret le punir ; la r'ctii'cr, c'est faire
cesser le châtiment; lui tendie la main, c'est
le secourir; lui fortifier les mains , c'est
lui rendre la force et le coura;^e. Jercm. c. l,
V. 13, il est dit que ]es nations se donnent Ki
main, ou font alliance entre elles. Les Jnils
disent qu'ils ont été obligés de donner la main
aux Egyliens, ou de s'allier avec eux, [lour
avoir du pain. Mettre la main sur sa bouche.
Job., c. XL, V. 33, c'est se taire et n'avoir
rien à répondre. Baiser sa main en regardant
]('. soleil, c'est l'adorer et lui rendre un culte.
Laver ses mains dans le sang îles pécheurs ,
c'est approuver le châtiment que Dieu leur
envoie, Ps. i.vii, v. 11, etc.
Mains ( Imposition des ). Voy. Imposition.
MAITRE DES SENTENCES. Yoy .Scolas
TIQLES.
MAJEURE. On nomme ainsi la troisième
thèse quedoit soutenir un bachelier on licence
dans la faculté de théologie de Paris, paice
qu'elle doit renfermer plus de matière, et
durer plus longtemps que la mineure. Isile
doit durer dix heures ; elle a p-ur objet la
seconde et la troisième [tailie de la Somme de
saint Thomas, et renferme tout ce ipii a rap-
port à l'histoire de la religion, par C(ms('(jueiU
la critique sacrée et l'histoire ecclésiastique.
Voy. Degré.
MAJORISTES ou MAJORITES, discifiles de
(leorges Major, professeur dans l'académie
luthérienne de Wii tembergen lo.3(). Ce théo-
logien avait abandonné les sentiments de
Luther sur le libre arbitre, et suivaitciux de
Méîanchton, qui sont [ilus doux, et il les
poussait beaucoup plus loin. Non-seulement
il soutenait, cmnme ce dernier, que l'homme
n'est pas purement passif sous rim|)ulsion
de la grâce, mais qir'il prévient môme la grâce
par des prièr-es et de bons -désirs ; il renouve-
lait ainsi l'erreur des senii-pélagiens. Pour
({u'un infidèle, disait-il, se convertisse, ilfa'l
qu'il écoule la parole de Dieu cpi'il la com-
m
im
MAL
I9â
prenne, qu'il en reconnaisse la v(5rit(''; or, tout
cela est l'ouvra'ïe de la volont!'' : alors il de-
mande les lumières du Saint-iîspiit, et il les
obtient. Mais il esl faux que sentir la vérité
(Je la parole de Dieu, et demander les lu-
mières du Saint-Ksprit, soit l'ouvrage de la
volonté seule ; elle a besoin pour cela d'être
prévenue par la grâce. Ainsi l'enseigne l'Ecri-
ture sainte, et l'Eglise l'a ainsi décidé contre
ies semi-pélai^iens qui attribuent à l'homme
seul les commencements de la conversion et
du silut. '
Major soutenait aussi la nécessité des bon-
nes œuvres pour être sauvé, au lieu que,
suivant Luther, les bonnes œuvres sont seu-
lement une preuve et un ellei de la conver-
sion, et non un moyen de salut. Plusieurs
autres disciples 'de Luther, non contents
d'abandonner de môme ses sentiments, se
sont jetés, comme Major, dans l'excès opposé,
sont devnus pélagieus ou semi-pélagiens ; il
en a été de môme des sectateurs de Calvin.
Voij- Arminien.
MAL. Nous avons eu et nous aurons en-
core plus d'une fois occasion de remarquer
que ia question de l'origine da mal a été,
dans tous les temps, l'écucd de la raison hu-
maine. Comment un Dieu créateur tout-puis-
sant, siiuvérainement bon, a-t-il pu produire
du mal dans le monde? Telle est laditliculté
à laquelle il faut satisfaire. 11 n'en est aucune
qui ait doimé lieu à un jilus grand nombre
d'erreurs. Elle a contribué beaucoup à faire
imaginer ]ilusieurs dieux ougi'uies artisans
et gouverneurs du monde, dont les uns
étaient bons et les autres mauvais, et qui
avaient mis chacun leur jiart ilans la con-
struction de l'univers. A la naissance de la
philosophie chez les Orientaux, les raison-
neurs réduisirent ces dieux ou génies à deux,
dont l'un avait fait le bien, l'autre le mal.
Chez k's Grecs, les [.hilosophes se partagè-
rent. Les stoïciens attribuèrent le 7nal à la
fatalité, à la nécessité de toutes chijses, à
l'imperfection essentielle d'une matière étîT-
nelle ; Dieu, qu'ils envisageaient comme
l'Ame du monde, était, selon leurs idées, d;ms
l'impuissance d'y remédier PLiton et ses dis-
ciples en rejetèrent la faute sur la maladresse
et l'impuissance des dieux inférieurs qui
avaient formé et gouvernaient le monde ;
cela ne disculpait pas le Dieu souverain de
s'être servi d'ouvriers incapables de mieux
l'ai.e. Les épicuriens attribuèrent tout au ha-
.sard, soutinrent que les dieux, eiidormisdans
un parfait repos, ne se mêlaient point des
choses dici-bas. De ces dill'érentes opinions
.sont nées, dans la suite, les diverses hérésies
qui ont aflligé l'Eglise. La difficulté de la
(question paraissait augmentée, depuis que
la révélation avait l'ait connaiire le ?*(«/ sur-
venu dans le monde parla chute du premier
homme. Comment se persuaiier (jue Dieu,
qui avait laissé tomber la nature humaine,
ait eu assez d'alfection pour elle ]iour s'in-
carner, souffrir et mourir, afin de la relever
et de la sauver"? Presque tous atta(pièrent k
réalité de l'incarnation; les valentiniens re-
nouvelèrent le polythéisme de Platr.n, mul-
tiplièrent h discrétion les éom ou génies
gouveriiein's du monde. Les marcionifes, et
ensuite les manichéens, les réduisirent à
deux principes, lun bon el auteur du bien,
l'autre méchant par nature et cause du 7nal.
Plusieurs renouvelèrent ia fatalité des sto'i-
ciens, et crurent comme eux la matière éter-
nelle. Pelage, pour no |;as donner dans les
excès des manichéens, souùnt que les maux
de ce monde sont la con.litiou naturelle de
l'honuiie, et non la peine du péché originel.
Pour répondre aux manichéens, (|ui objec-
taient la multitude des crimes dont le mon le
est renij 11, il piétendit qu'il ni» tenait qu'à
l'homme de les éviter tous, et de faire con-
stamment le bien, sans avoir besoin d'aucun
sccoui'S surnaturel. Les prédestinatiens et
leurs successeurs crur^'iit trancher le nœtid
de la difficulté, en .illrdjuant tout à la puis-
sance arbitraire de Dieu, sans se metlre en
peine de la conciiier avec sa bonté. De ce
ciiaos d'erreurs sont sortis, dans ces derniers
temps, les divers systèmes d'incrédulité ; et
dans le fond, ce ne sont que l. s vieilles opi-
nions ramenées sur la scène. On a renouvelé
de nos jours toutes les objections des épicu-
riens et toutes celles des manichéens contre
la Providence divine, soit dans l'ordr.' de la
nature, soit dans l'ordre de la grâce ; Bayle
s'estappliqué à les faire valoir. Les sociniens
révoltés contre les blasphèmes des prédesli-
nateurs, sont redevenus pélagiens. Les déis-
tes ont principalement argumenté sur l'épar-
gne avec laquelle Dieu a d stribué les dons
de la grâce et les lumières delà révélation ;
ils n'ont pas vu qu'ils faisaient cause c ..ui-
mune avec les athées, qui se plaign.'nt de ce
ijue Dieu n'a pas a;sez [iroiigué aux hom-
mes les bienfViits de la natur;'. Les indilfé-
rciUs, qui sont le très-grand nombre, inca-
pabli'S lie di'brouiller ce chaos, ont conclu,
qu'entre le théisme et l'athéisme, entre la re-
ligion et l'incr.'dulité, c'est le goût seul, et
non la raison, qui décide.
La question de l'origine (]u mal, si terri-
ble en apparence, est-elle donc réellement
insoluble".' Elle ne l'est jioint quand on pr nd
la préC'iution d'éclaircir les termes, et que
l'ony attache une idée nette et [irécise. C'est
C' que hs philosophes n'ont fait ni dans les
siècles passés, ni dans le siècle présent;
nous espérons de le démontrer : mais il faut
vor auparavant de quelle m iinèro la ditti-
cullé a été résolue par les anciens justes,
qui ont été les premiers philosophes et les
premiers théologiens.
A proprement parler, cette question fait
tout le sujet du livre de Job; de l'aveu des
savants, ce livre a près de quatre mille ans
d'antiquité. L'erreur des amis de Job était
de penser qu'un Dieu bon et juste ne peut
affliger les nommes, à moins qu'ils ne l'aient
mérité par leurs crimes. Job rél'ute ce faux
préjugé ; c'est un juste souffrant qui fait l'a-
jiologie de la Providence. — l'Le saint patriar-
che fait parler Dieu lui-même, pour appren-
dre aux hommes que sa conduite et ses des- •
seins sont impénétrables, et qu'il n'en doit
cjmptc à personne, il leur demande qui lui
'493
MAL
MAL
m
a servi de conseiller et île guide d;ins In ma-
nière dunt il a iirrungé Touvrage de la créa-
lion (c. IX, V. ^8 ; c. \, XII, XXVI, x\xm, etc.).
De là nous lirons (h'(]i\ deux conséquences :
la pieiiiièie, que les niAnies raisons qui jus-
tiiient Ueu sui'le degré de bien ou do mal,
de perleelion ou d'iniperlection (ju'il adonné
aux créaturi^s, le justilient aussi sur la quan-
tité de biens et de maux, de bonheur ou de
soulliance qu'il leur distribue ; la seconde,
qui' les notions ([ue nous tirons de la con-
(lui(e et de la bonté des hommes ne sont
iias ap|ilieables à la bonté et l\ la conduite de
)ieu. Nous prc-luverons la vérité do ces deux
réilexions. — 2° Job jtose pour ])rincipe que
l'homme cstsuuillé parle péché dès sa nais-
sance. «Qui peut, dit-il, icndrepur l'homme,
j'oriué d'un sang ini[)ur, sinon Dieu seul? »(jue
riiomuie n'est jamais exempt de péché aux
yeux de Dieu (c. ix, v. 2; c. iv, v. 1). Les
attlictions qu'il éprouve peuvent donc tou-
jours être un clultimenl, et servir à l'expia-
iion de ses liantes. — 3' i! soutient que Dieu dé-
dommage ordinaireuKMil en ce monde le juste
.•it'lligé, etiiunil l'impie iusobnldans la pros-
périté : Cette vérité est confirmée par bs bien-
laits dont Job llji-nièuio est comblé sur la
lin de ses jours (c. xxi, xxiv, xxvii, xlu).
— k" 11 compte sur une récompense après la
mort. « Quand D.cu m'ùterait la vie, dit-il,
j'espérerais encore en lui... Je sais que mon
Uédempli'ur est vivant ; qu'au dernier jour
je me relèverai de la terre, et que je verrai
mon Dieu dans ma chair Les leviers de
ma bière perleront mon espérance, elle re-
posera avec moi dans la pous.^ièi'e du tom-
beau.... Accorde/, Seigneur, à l'homme con-
damné h mourir, i[uelques moments de re-
pos, jusqu'il celui auquel il attend, comme
le mLM'ecnaire,le salaiiedesou travail (c. xiii,
XIV, xiiv, XIX, etc.). »
De ces trois dernières vérités, il s'ensuit
qti'il n'y a point de mal pui', de vml absolu
dans le monde, puisqu'il doit en résulter un
très-grand iiien, savoir l'expiation du iiéclié
et un bonheur éternel.
David, api es avoir avoué que la prospérité
des méchants est uil mystère et une tcntalion
continuillepour les gens de bien, se conso-
lait de môme en rélléchissant sur la lin der-
nière dos méchants (Psal. lxxii, v. 17j. Salo-
mon, dans l'Ecclésiaste, après avoir allégué
ce scandale, concluait que Dieu jugera le
juste et rim[)ie (Eccles., iv, vm, ix). Ma.s
les philosophes ne sont pas satisfaits de ces
ré[)0iises; c'est k nous de prouver qu'elles
sont solides et qu'elles résolvent pleinement
la dirnculté.
En premier lieu, l'on distingue des maux
de liois espèces : le nuil que l'on i)eut ap-
peler nu'luplujsique, ce sont les imperfections
des cré.'itures; le mal physique, c'est la dou-
leur, tout ce ipd al'llige les êtres sensililes
elles rend malheureux; le »m/ moral, c'est
Ve péché et les peines qu'il traîne à sa suite.
Si les imperteciions des créatures et leurs
pécliés n ■ les faisaii'Ut pas soull'rir, un phi-
losophe ne les envisagerait ])as couu'ie des
maux. Le mal physique ou la douleur est le
principal objet des plaintes; Dieu, sans doute,
aurait rendu les créatur 'S plus parfaites, s'il
avait voulu les rendn^ plus heureuses. Un
auteur anglais a fait voir que les deux di r-
nières espèces de maux dérivent de la [ire-
niière, et que, dans le fond, tout se réduit h
rimpirfoction des créatures. (Ecrits publié»
pour(afond.dcBoyle,lomcV,pas- 205, etc.)
—En second lieu, l'on s'obstine à [irendre le
bien et le mal dans un sens absolu, au lieu
que ce sont des termes purement relatifs, et
qui ne sont vrais (lue par comparaison. Lo
bien paraît un ma/ lorsqu'on le compare à ce
qui est mieux, parce qu'alors il renferme une
jirivation ; et il parait un «n'cMar, quand on le
compare à ce qui est plus inal. Ainsi, quand
on dit (ju'il y a duw«/ dans le monde, cela
signilie seulement qu'il n'y a pas autant do
bien quii pourrait y en avoir. Quand on de-
mande pourquoi il y a du mal. c'est comme si
l'on demandait pourquoi Dieu n'y a pas
mis un plus grand degré do bien; et
la question ainsi pro[)Oséo fait déjà tom-
ber par terre la moitié des objections.
—En troisième lieu, l'on compare la bonté do
Dieu jointe h un pouvoir inhni, avec la bonté
de l'homme dont le pouvoir est très-borné;
c'est une comparaison fausse. Un homme
n'est pas censé 6oH, il moins qu'il ne fasse
tout le bien qu'il peut; il est absurde, au
contraire, que Dieu fasse tout le bien qu'il
peut, puisqu'il en peut faire à l'inlini. L'in-
lini actuel est une contradiction, puisqu'une
puissance infinie ne peut jamais être épuisée.
Les divers degrés de bien que Dieu peut faiie
forment une chaîne inliuie. Qui fixera le de-
gré auquel la bonté divine doit s'arrêter ?
Yoy. ïioy. Bonté.
11 est bien singulier que ces doux snphis-
mes, entés l'un sur l'autre, aienttourné tou-
tes les tètes [>hilos:phiques depuis Job jus-
qu'à nous. Les Pères de l'Eglise ont mieux
raisonné. Tcrtullien, dans ses livres contre
Marcion et contre Ilermogcnc; saint Augustin
dans ses écrits contre les manichéens ; Théo-
doret, dans son Traité'de In Providence, ont
très-bien .saisi le point de la question ; ils
n'ont pas été dupes d'une double équivoque.
Ils ont posé pour principe que le mal n'est
que la privation .d'un plus grand bien, et
(ju'en raisonnant toujours sur le mieux, nous
ne trouverons jamais le point auquel il fau-
dra nous lixcr. Faisons donc l'application do
ceVriHcipe aux trois espèces de maux que
l'on reproche à la Providence.
Tout être créé est nécessairement borné,
par conséquent imparfait; le jual métaphy-
sique est donc essentiellement inséparable
des ouvrages du Créateur. Quelque parfaite
que soit une créature, Dieu peut en aug-
menter à l'inlini les perfections; à cet
égard, elle éprouve toujours une privation.
Au contraire, quelque imparfaite qu'on la
suppose, dès qu'elle pxi^te, elle a reçu
- quelque degré de bien ou de perfection,
■ (juelque iiualité qu'il lui est bon d'avoir. Il
n'en est donc aucune dont l'exisience puisse
être envisagée comme absolumant mau-
vaise, comme un mal pur et positif; aucuuo
ir>
MAL
Mal
iÔ6
n'e.st imparfaite que })ar coiuparaisoii avec
ut) autre être plus iiarfait : la perfection
absolue n'est qu'en Dieu. Si une créatiire
qui Iconque a lieu dose plainiire, parce qu'il
en est d'autres auxquelles Dieu a fait rilus
de bien, elle a lieu aussi de se féliciter et
de le remercier, puisqu'il en est d'autres
auxquelles il en a fa t moins. Où est donc
ici le fon iement des iilaintes et des murmu-
res ? Pour ne parer que de nous, on con-
vient aussi que tout homme est content de
soi; il n'est donc pas aisé de concevoir en
quelle Sorte il peut èlri; mécontent de Dieu.
Prétendre qu'un Dieu bon n'a pas pu don-
ner l'être k des créatures imparfaites, c'est
soutenir que, parce qu'il est bon, il n'a pu.
riin créer du tout. Le pai'fait absolu est
l'inlini. Dieu pouvait, sans doute, créer l'es-
pèce humaine plus parfaite qu'elle n'est,
puisque, ilans le nombre des individus, L'S
uns sont moins imparfaits que les autres;
mais si l'espèce entière n'a aucun sujet de
se plaindre de la mesure des dons t[u'elle a
rei;us comment chaque individu peut-il être
uiécontent di^ la portiiin qui lui est échue?
Aussi Bayle a été forcé de passer con-
damnation .'•ur l'article du mal métaphyuique;
il est convenu qu'il n'y aurait rien à objecter
contre la bonté de Dieu, si l'imperfection
des créalures ne les rendait pas méconten-
tes et malheureuses. Mais si ce que nous
appelons malheur ou soujfrancc est une
suite inévitable de l'impirfection de l'espèce,
couuneiit l'un puut-il fonder un méconten-
tement [>ius juste que lautre?
Passiins tionc à la notion du mal physique,
ou du malheur. Nierez-voiis , me dira-t-on,
qu'un instant de douleur, même la plus
légère, soit un mal réel, positif et al)solu?
Oui, je le nie, parce qu'il est absurde de sé-
parer cet instant d'avec le reste de son exi-
stence habituelle qui est un 6i>n; cet instant,
considéré sur la totalité de la vie, n'est que
la privation d'un bien-être continuel ou d'un
bonheur habituel plus parfdl. Un instant de
douleur légère est sans doute [)référable à
une douleur plus vive et plus longue; si l'on
dit qu'il s'ensuit seulement quiî l'un est un
moindre mal que l'autre, j'en conclus de
même qu'un bien-être habituel, coupé par
un instant de douleur, est un moindre bien
que s'il était cons ant, mais que ce n'est
point un mal jiositif ni un malheur absoUi.
Dans une question aussi grave, il est bien
ridicule d'argumenter sur des mots.
Un écrivam tiès-sensé et très-instruit
vient de soutinir avec raison qu'il n'y a pas
un seul des maux de la vie qui Jie soit un
liien à plusieurs égards; il n'en est donc
aucun qui soit un mal pur et absolu. Etude
de la nature, lom. 1, pag. C05. Un autre a
très-bien fait voir que les besoins de
l'homme sont le principe de ses connais-
sances, de ses plaisirs, le fondement de la
vie sociale et de la civilisation : nulle vo-
lupté, dit-il, sans désir, et nul désir sans
liesoin. Le plus stupide des jieuples serait
eclui dont tous les bi\soins seraient sati-siaits
sans «ucun liavail. Ori.,fnc faisait dé à eus
observations, contra Cehum, lib. iv, ii. 70,
et il les contirmait par un passage du livre
de VEccle'siaslique, c. xxxi\, v. 21 et 2 i.
Soutiendra-t-on qu'un homme qui a vécu
quatre-vingts ans, et ([ui n'a éprouvé dans
tout.' sa vie qu'un instant de douleur légère,
a été malheureux , qu'il a droit de se
plaindre, que ce seul instant forme une ob-
jection invincible contre la bonté infinie de
Dieu? Bavle a osé avancer ce paradoxe, et
tout incrédule est forcé de l'adopter. Qui
de nous, en pareil cas, ne se croirait pas
très-heureux et obligé de bénir la Provi-
dence? Entre le bonheur pari'nt et absolu
qui est l'état des saints dans le ciel, et le
malheur absolu qui est le supplice des
damnés, il y a une échelle immense d'('ta's
habituels qui no sont bonheur ou malheur
que par comparais^ n, et il n'est aucun de
ces degrés dans lequel Dieu ne puisse placer
une créatuie sensible sans déroger k sa
bonté infinie. Voy. Bomieur.
Bayle et ses copistes disent qu'un Dieu
infiniment bon se devait à lui-môme de
rendre ses créatures /iewrcwse*; jusqu'à quel
point? Toute créature est censée heureuse,
quand on compare son état à un état p us
mallieureux, et elle est malheureuse quand
on la comiiare à un état meilleur. On ne
prouvera jamais que l'état habituel des créa-
tures, mélangé de biens et de maux, de
plaisii'S et de .soutl'rances, plus ou moins,
soit un malheur absolu, un état pire que le
néant, et dans lequel un Dieu bon n'a pas
pu (ilacer ses créatures. Saint Augustin a
sont nu le conlraire contre les manirhéens,
et on ne peut rien lui opposer de soliile. En
raisonnant sur le principe opposé, un incré-
dule s'est trouvé réduit h dire qu'an ciron
qui souffre anéantit la Providence.
Ici, comme nous l'avons déjà remarqué,
la révélation vient au secours tie la raison
et justifie la Providence; elle nous fait re-
garder les maux de ce monde comme le
moyen de mériter et d'obtenir un bonheur
éternel : ces maux ne sont donc qu'un in-
stant en comparaison de l'éternité. Consola-
tion que n'avaient jias les anciens philo-
sophes, ciue les hérétiques ont oubliée, et
tiue les incrédules ne veulent pas recevoir;
c est donc leur faute, et non celle de Dieu,
si c'est pour eux un malheur de vivre. Une
béatitude qui nous serait assurée sans souf-
frances précédentes et sans mérites, serait,
si l'on veut, un plus grand bienfait que celle
qu'il faut acheter i)ar la vertu et par les
soutl'rances ; mais s'ensuit-il que Dieu n est
pas bon , parce qu'il ne nous rend pas
heureux de la manière dont nous voudiions
l'être? 11 n'est pas question de savoir si nous
sommes contents ou non de notre sort, mais
sinous avons un juste sujetde nous |>laindie;
le mécontentement injuste est un trait d'in-
gratitude, ce n'est donc qu'un crime de plus.
Job sur son fumier liénissait Dieu; Alexan-
(h e, maître du monde, n'était pas satisfait.
Saint Paul se réjouissait dans les soutfrances;
un épicurien blasphème contre 1 1 Divinité,
parce qu'il ne peut pas goûter assez do
s>
407
MAL
-MAL
m
ptiisirs. Prenorons-nous pour jugi's oe i.'i
fjoiité divine des voluptueux in.si'iis(''s, plut''t
que des iluics vertueuses ? C'est ici le cas do
(lire (jue c'est le goilt qui décide, et non la
raison; mais un philosophe doit prendre
la raison pour guide, [)lutùt qu'un goût dé-
]n-:\vé.
Le mal moral semble d'abord former une
l'ius t;rande ditïiculté. Comment un Dieu
bon a-t-il pu donner h riiomme la libei'li'-
de pécher, ou le jiouvoir de se rendre éter-
ni'llemeni malheureux? Il ne pouvait lui
iaii'e un don plus funeste, surtout sachant
t'ès-bien que l'iiomme en abuserait. Mais il
n'est |.)as vrai que la lilierté soit seulement
le pouvoir de jHxlicr et de se rendi'(^ mal-
heureux; c'est aussi le pouvoir de faire le
bien et de s'assure^' un bonheur ('ternel :
un de ces deux pouvoirs n'est pas moins
essentiel à la liberté que l'autre. Une nature
impeccable, une volonté détermin(''e invin-
ciblement au bien, serait sans doute meil-
/cit/Y qu'une liberté telle que la nôtre; mais
il ne s'ensuit jias (jue celle-ci est un mal,
un don peiiiicieux et funeste par lui-même
Kntre le meilleur et le mal, il y a un milieu
([ui est le bien : c'est encore la ré|)onse de
saint Auguslm. 11 s'ensuit seulement que
le libre arbitre est une faculté imparfaite.
Dieu aide la volonté de Ihounne par des
grâces plus ou moins puissantes et abon-
dantes, ce sont toujours des bienfiits; l'.;-
bus que riiimune en fait n'en change point
la nature; il ne faut pas conf jndre le don
avec l'abus : celui-ci est libre et volontaiie,
il vient de l'honnue et non de Dieu.
Bayle et les auires incrédules n'ont pu
obscurcir ces notions (jue par des sophismes.
ils disent, l"(pie c'est le propre 'l'un ennemi
rt'accoi'der un bienfait d:uis les cii-conslances
danslesquelles il prévoit (jue Ion en abusera;
qu'un |ière, un ami, un médecin, etc., se gar-
dent bien de mettre entre les mains d'un en-
fant ou d'un malade, des armes dont ils ont
lieu de croire que l'usage lui sera pernicieux.
Mais nous avons montré d'avance que toutes
ces comparaisons sont fautives. Les hommes
ne sont censés nous aimer, Être bons à notre
égard qu'autant qu'ils nous font tout le bien
qu'ils peuvent, et qu'ils prennent toutes les
pr.'C lulions qui dépendent il'eux jiour n(jus
jjréserver du mal. Il n'en est pas de même
à l'égard de Dieu, dont le pouvoir est inlini,
et qui doit gouverner les hommes de la ma-
nière qui convient ii des êtres libres, cipa-
bles de mériter et de démériter, de corres-
pondre àlagrAce ou d'y résister. Nous avons
déjà observé que vouloirque Dieu fasse tout
ce qu'il peut, c est en exiger l'inlini.— 2" Nos
adversaires font, à l'égard de la grAce, le
inôme sophisme qu'à l'égard de la liberté;
ils disent qu'une grAce donnée dans un in-
stant où Dieu prévoit que l'homme y résis-
t(îra, est un don <'mpoisonné plutôt (ju'un
bienfait, puiscju'elle ne sert (ju'à rendre
l'homme plus coupable. Ce raisonnement
est absolument faux : la prescience de Dieu
ne change rion h la nature de la grAce : or,
celle ci donne à rhnniaie toute la farce dont
i: H bo- ■'.:■ pour faire le liien; elle e>t donc
destinée a rendre l'iiomiiie vntueux. et non
à le rendre coupable. L'abus que l'hommo
eu fait vient de lui seul et non de la grAce,
puisqu'il y résiste. Lorsque Dieu dit aux
Juifs : Vutis 7n'avez fait servira vos iniquités
(Isaie, c. XLiii, v. 2't-), il est évident ([uc servir
ne signifie ni aider, ni contribuer, ni pous-
ser au mal : cela signifie seulement, vous
vous êtes servis de lues bienfaits pour faire
le mal.
Une grAce eflicace, une grAce donnée à
riionnne dansle moment .suquel Dieu prévoit
(jue l'homme y corresjionilra, est sans doute
un i)lus grand bietd'ait (pi'uiie grAceinefficace;
n;.iis il n'e>t pis vrai (jue celle-ci"soitun don
pernicieux et funeste [lar lui-même, puis(iu'il
ne lient qu'à l'homme d'en suivre le mou-
vement. — 3° Us disent (ju'i-n parlant de
Dieu, permettre le |)éehé et vouloir posilive-
iiKuit le [)é(hé, c'est la même chose, puisque
rien !i 'arrive sans une volonté expresse de
Dieu ; ils jirétendent le prouver par le senti-
ment des théologiens qui adiiT-ttenl des d('-
crets prédéterminants [)Our toutes les actions
des hommes. — Nous soutenons, au con-
traire, que permeltre\e. jiéclié signifie seule-
ment ne |)as l'empêcher, et qu'il n'est pas vrai
fiue Dieu veuille jamais positivemeni le |>é-
cJié. Voi/. Pekmission. Quant aux déeicts pré-
délerminants, c'est une opinion que nous ne
sommes jjas obligés d'admettre. Vny.lhxkvû-
TEKMiNATio\. Il est injuste de fonder des
objections contre la Providence sur le sys-
tème arbitraire de quelques théologiens. —
4." Si Dieu, disent les incré'dules, \(.ulait
sincèrement empêcher le mal moral, il don-
nerait toujours des grAces efficaces (jui [)ré-
viendraicnt le péché sans détruire la liberté
de l'homme. Ces raisonneurs ne font jias at-
tention que. par une suite de grAces toujours
efticaces, l'homme serait déterminé d'une
manière aussi uniforme qu'il l'est jiar une né-
cessité jihysique, ou par un penchant invin-
cible. Il serait (Jonc gouverné comme s'il
n'était pas libre ; ce qui est absurde. Une
seconde absurditi^ est desupposer ju'en ver-
tu de sa bonté Dieu doit ai corder des grAces
plus puissantes et plus abondantes, à jiro-
[lortion que l'homme est plus m^ chant et
jilus disposé à y résister.
Toutes ces objections ne nous paraissent
pas assez redoutables jxxir en conclure (jue
les difiicultés tirées de l'existence du mal
moral sont insolubles. Pour s'en débarrasser,
les sociniens ont refusé i\ Dieu la prescience;
ils ont dit 'jne si Dieu avait prévu le péché
d'Adam, il l'aurait prévenu ou empèc'ié.
Mais I$ayle et d'autres leur ont fait voir (jue
cette fausse supposition ne les tire point
d'embarras. En elfet, quand Dieu n'aurait pas
prévu l'avenir, du moins il connaît le jtrésent;
il voyait, dans le moment auquel Eve était
tentée par le serpent, la faiblesse avec la-
(juelle elle lui prêtait l'oreille, l'instant au-
quel elle selaissait vaincre ; Dieu et d' témoin
(le rinvilatiun qu'e lefil à son inari, de lata-
cilité avec laquelle il re(;ut de sa main le
fruit défendu : selon la supi»ositiondes ioei-
i99
MAL
MAL
500
meus, Dieu devait se montrer, intimider ces
faibles (^poux, arrêter '."ellet de la tentation.
Pour que les difficultés soient plinnenient
résolues. Bayle exige que l'on concilie en-
semble un certain nombre de vérités théolo-
giques avec plusieurs maximes de p'iiloso-
phie qu'il y oppose. Les premières sont,
1° que Dieu infiniment p.irfait ne peut rien
perdre de sa gloire ni de sa béatitude ; •2°
qu'il a par conséquent rréé l'univers trrs-
librement et sans en avoir besoin ; 3" qu'il a
donné à nos premiers parents le libre arbitre
et les a menacés de la mort s'ils lui désobéis-
saient; î" qu'en punition de leur désobéis-
sance il les a condamnés, eux et leur posté-
rité, k la damnation, aux souffrances de cetie
vie, à la concupiscence et îi la mort ; 5° qu'il
n'a délivré de cette proscription qu'un pi'lit
nombre d'hommes, et les a prédestinés au
lionlieur éternel ; 6" qu'il prévoit tous les pé-
chés et peut les empéclier comme bon lui
semble; 7° que souvent il donne des gnlces
auxquelles il prévoit que l'homme résistera,
et ne donne point celles auxquelles ilprévoit
que l'homme consentirait.
Les maximes philosophiques sont, 1° que
la bonté seule a pu déterminer Dieu à créer
le monde? 2° que cette bonté ne serait pas
infinie si l'on pouvait en concevoir une plus
grande ; 3° que par cette bonté même il a
A'Oulu que toutes les créatures intelligentes
trouvassent leur bonheur à l'aimer et à lui
obéir ; i" qu'il ne peut donc pas perniettre
que ses Ijienfaits tournent à leur malheur;
5° qu'un être malfaisant est seul capable de
faire des dons iiar lesquels il prévuit que
l'homme se perdra; 6° que permettre le mal
quG l'on peut empêcher, ce n'est pas se sou-
cier qu'il se commette ou ne se c-juimette
ias, ou souhaiter même qu'il se commette ;
° que quand tout un peuple est coupable de
rébellion, ce n'estpoint user de clémence que
de pardonner à la cent millième partie, et de
faire mourir tout le reste, sans en excepter
même les enfants. Bayle s'efforce de prouver
ces trois dernières maximes par les exem-
ples d'un bienfaiteur, d'un roi, d'un ministre
d'Etat, d'un père, d'une mère, d'un médecin,
etc. Rép. aux quest. iVun Prov., i" partie,
ç. 144; OEuvr.,t. III, p. 79G.
Quoique plusieurs des véritésthéologiques
supposées par Bayle demandent des explica-
tions, surtout la 5' qui regarde la prédestina-
tion, nous n'y toucherons pas ; mais nous
soutenons que la plupart de ses maximes
Philosophiques sont captieuses et fausses.
a 2' est de ce nombre ; la bonté de Dieu est
infinie en elle-même, mais elle ne pevit (las
l'être dans ses effets, parce que l'infini ac-
tuel, hors de Dieu, est une contradiction.
Nous ne pouvons estimer la bonté de l'homme
que par ses elfets, au lieu que la bonté infi-
nie de Dieu se démontre par la notion d'Etre
nécessaire, existant de soi-même. Voy. In-
fini. La k' est encore fausse ; un homme, s'il
çstbon, doit faire tout ce qu'il peut pour em-
pêcher qu'un bienfait tourne au malheur do
quelqu'un, même par la faute de celui qtii le
rejoit ; au contraire, il est absurde que Dieu
I
fasse loul ce qu'il peut, puisqu'il peut h l'in-
fini ; une auiri; absurdité est de vouloir qu'il
redouble ses grâces ii mesure que l'homme
est plus disposé h y résister. La 5% qui com-
pare Dieu il un être malfaisant, pèche par le
même endroit, aussi bien ([ue la G= et la "i'.
Toutes portent sur une comparaison fautive
eiiti'e la bonti'^ de Dieu et celle des créatures ;
Bayle n'en allègue point d'autre preuve. Or,
il a reconnu formellement lui-même le faux
de toutes ces com])araisons ; il déclare en
propres termes « qu'il n'admet point pour
règle 'le la bonté et de la sainteté de Dieu,
les idi'i's que nous avons de la bonté et de
la sainteté en général;... de sorte «lue nos
idi'cs naturelles ne peuvent point être la
mesure commune de la bonté et de la sainteté
divine, et de la bonté et de la sainteté humai-
ne; qnen'yavantpoint de iiroportion entre le
fini et l'infini, il ne faut point se permettre de
mesurera la même aune la coiiduite de Dieu
et la condidle des hommes ; et qu'ainsi ce
qui serait incompatible avec la bonté et la
saiiitetédeDieu, quoique nosfaibleslumières
ne puissent ap.-rcevoir cette compatibilité. »
11 ajoute avec raison, que cette déclaration
est conforme aux principes des théologiens
L'S plus orthodoxes. Itép. à M. Le Clerc, § 5,
OEuvr., t. IH, pag. Pourquoi donc Bayle s'ob-
stiue-t-il à ramener cette comparaison pour
élayer tous ses arguments ? Ce n'est pas à
torique Leilmitz lui a reproché un anthro-
pomiir|)hisme continuel.
Dès que l'on éclaircit les termes, il est
aisé de répondre au raisonnement d'filiii-
cure : ou Dieu oeut emjiêcher le mal et ne
le veut pas, ou il le veut et ne le peut pas;
dans le jireniier cas il n'est pas bon, dans
le second il est impuissant. Nous ré!)ondons
qu'il y a des maux que Dieu ne peut pas,
d'autres qu'il ne veut pas empêcher , et
qu'il ne s'ensuit rien contre sa puissance
infinie ni contre sa bonté, parce que la puis-
sance de Dieu ne consiste point à faire des
contradictions, ni sa bonté à faire tout ce
qu'il peut. — C'est donc injustement que les
sceptiques, ou incrédules indifférents, pré-
tendent qu'entre les preuves de l'existence
de Dieu et d'une providence, et les objec
lit)ns tirées de l'existence du mal, c'est le
goût seul et non la raison qui décide ; que le
choix de la religion ou de l'athéisme dépend
uniquement de la manière dont un homme
est atfeclé. 1" Quand cela serait vrai, le goilt
pour la vertu qui détermine un homme à
croire en Dieu est certainement i)lus loua-
ble que le goût pour rindé|iendance qui dé-
cide un philosophe à l'athéisme ; il en i é^uKe
déjà que ce dernier est un mauvais cu'ur. 2"
Les preuves positives de l'existence de Dieu
et d'mie piovidence sont démonstr.dives et
.sans réplique, au lieu que les objections ti-
rées de l'existence du mal ne sont fondées
que sur des équivoques et de fausses com-
paraisons. 3° Quand ces objections seraient
insolidjli's, c'est un inconvénient commun .'i
tous les systèmes, soit de religion, soit d'in
crédulité; or il est absurde de rejeter un sys
tèiue prouvé par des démonstrations di-
501
MAL
MAI.
502
rectos, quoique sujet h {Icsdifficultcjsinsolu-
])1('S, l'-our eu i'Hil)rasscr un qui n"a [)nint de
fircuve (juG as ditticuliés uièiucs, (t dins
eqiiol ou est lorci' de dévorer des alisui'dités
et dcsconlra l'irlious.
A farticle Manicukisme, nous examin' rous
les dill'érentns (('filiations que l'on a faites
dcssophisnies di^ liayle. LoLlerc, Kiug, Jac-
(jiiali)t, Laiiîacet'e, Leiljuitz, le l'ère Male-
l>ranelio, Jean (^larke et d'autres ont écrit
(MUtre lui; niais les uns se sont fondi'S sur
des systèmes arbitraires et sujets h contes-
tation , les autres ont nièlé k la qui'slion
]jriricipale beaucoup de choses accessoires
ipii l'ont souvent fait perdre de vue. Quel-
ques-uns ont enseigné des erreurs ; aucun
ne s'est appliqué h ilénièler les équivoijues
sur lesquelles Bayle n'a cessé d'argumenter;
c'est ce qui lui a donné plusieurs fois une
apparence de su|)ériorité sursesadversai.es.
C(!nendaiit, a[)rès avoir longtemps disputé,
il a été forcé de. se rétracter ilaiis ses der-
niers ouvrag(!s. Voy. Optimisme.
Ncis philosophes n'ont pas seulement pu
convenir entre eux sur la quantité de imil
(pi'il y a dans le monde. Havle et si'S co-
pistes ont décidé qu'il y a plus de mal (|ue
deiiien; la plupart des autres ont soiiteini
((u'il y a plus de liien que de mal : quelques-
uns ont pensé (pi'il y a une é^alc (pianiité
de l'un et de l'autre. Si on voulait écouter
les alliées et les épicuriens, tout est mal
dans l'univers; si nous en croyons les opti-
mistes, au ciiuiiiàie, tout est bien. Connuent
pourraient s'accordiT enseralile des dispu-
teurs qui ne sont pas encore convenus de
ce qu'ils entendent par bien cl mal? Telle
fut di'jîi l'origine des anciennes disputes
entre les stoïciens et les autres philosophes,
sur la natuiC du bien et du mal. — Un des
piincipaux sujets de plaintes de nos adver-
saires est l'inégalité avec laquelle Dieu dis-
tribue aux cré.itures sensibles les biens et
les maux ; nous y avons répondu dans l'ar-
ticle I^ÉGALITÉ.
Pourquoi les objections tirées de l'exi-
stence tlu mal paraissent-elles difiiciles à
résoudre? Poui plu^iellrs raisons : la pre-
mière, c'est que l'on argumente sur Vinfini,
notion qui induit aisément en erreur, à
inoins que l'on n'y regarde dt jirès. La se-
conde, est que ces objections sont projiosées
dans le langage ordinaire que tout le monde
entend ou croit entendre; mais ce langa,j;e
est un abus continuel des termes, bien, mal,
bonheur, malheur, bonté, malice; on les prend
dans un sens absolu, au lieu que ce sont des
termes de comparaison; pour éclairer les
diflicuUés, il faut les r('Hjuire à toute la pré-
cision du langage (ihilosophique, îi laquelle
peu de personnes sont accoutumées, et do
la(juelle les incrédules ont grand soin de se
dispenser. En troisième lieu, on voudrait
pouvoir donner aux objections un > réponse
directe tirée des notions de la bonté humaine,
et c'est justement l'application que l'on fait
de ces notions à la bouté divine qui est la
source de tous les sophismes.
ilALABAUJiS. Chrétiens malabares ou
chrétiens de sauit Thomas. C'est une peu-
plade iKimbreuse de cliréliens, établie dans
les Indes a la cote de .Malabar, depuis les
premiers siècles de l'Kglis ■, et qui préten-
dent que le premier fondateur de leurs
Eglises a été' l'apôtre saint Thomas. Voy.
Saint Thomas. Ils sont tombés dans le
nestorianisme au v° siècle. Voy. Nestoria-
MSMIi, § V.
-Mat. 'liîAiiEs (rites). On n'entend iioint sous
ce nom les rites des clirHiens de saint
Thomas dont nous venons de parler, m.iis
ceux des Indiens genlils ou idol.tres con-
vertis au christianisme. Quelques missiou-
uaires envoyés dans ce pays-là se persuadè-
rent ((lie,, pour amener jilus aisément les in-
diens gentils à la religion chrétieiuie, on
pouvait tolérer quelques-uns de leurs usa-
ges, et leur permettre de les conserver a[»rès
leur conversion. Cette condescendance con-
sistait h omettre quelques cérémonies du
baptême, à dillérer l'administration de ce
sacrement aux entants, a hdsser aux fem-
mes une image qui ressemblait à une idole,
à refuser ([U> Iques secours spiriluels peu
impiirtants aux parias, nommés aussi pare's
ou soodrrs, qui sont une caste inépris''e et
abliurrée parmi les Indiens yentous. H s'a-
gissait encore de jiermettrc aux musieiens
chrétiens d'exercer leur art dans les fêles
des idolâtres, d'interdiie aux femmes les
sacrements lorsqu'elles éprouvaient les in-
lirmités de leur sexe. Cette tolérance a été
coiulainnée par le cardinal de Tournon sous
Clément XI, par Benoit XIII eu 1727, par
Clément XII en 1739, par Benoit XI V en
llkk. Cedernieriiape a néanmoins permis de
destiner des prêtres i)articuliers pour les
parias seuls, et d'autres jtrêtres pour les
castes plus nobles qui ne veulent avuir au-
cune communication avec les parias. Il s'en-
suit de là que le christianisme, s'il était éta-
bli dans les Indes, tirer.iil de l'opprobre et
de la misère au moins la qurtrième partie
des Indiens écrasés |iar l'orguoii eti»arla ty-
rannie des nobles. Voy. Indes, Induîns.
iM.\LACHIK est le dernier des pr.)p':ètes;
il n'a paru qu'après la captivité de B.djylone,
et dans le temps que Néhémie travaillait à
rétablir chez les Juifs la parfaite observa-
tion de la loi de Dieu; ces deux (lersonna-
ges leur reprochent les mêmes désordres et
la même négligence dans le culte du Sei-
gneur. Aggée et Zacharie avaient vécu lors-
que le temple commencé par Zorobabel n'é'tiit
jjas encore achevé; il l'était du temps de
Mulnrhie, et les prêtres y avaient recnn-
niencé leurs fonctions : seion le sentiment
le plus probable, il a prophétisé sous le
règne d'Artaxerc ' i\ la longue main, envi-
ron l'an h-1% avant Jésus-Christ, sous le pon-
titicat de Joiadas II. r«.(/. Prideaux, 1. 1, 1. vi.
(domine le nom de J/a/rtf/u'c signitie envoyé
de Dieu, quelques anciens ont cru que ce
prophète n'était pas un homme, mais un
ange revêtu d'une forme humaine. Sa pro-
phétie, qui est contenue dans quatre chapi-
tres, renferme des |irédictious importantes.
- C. i,v. 10:«Vousuem'0tusiJlusagréablùs, dit
603
MAL
MAI
f>Ot
le Seigneur des armées : je n'accepterai plus
d'offrandes de votre main. Depuis le lever
du soleil jusqu'à son coucher, mon nom est
grand parmi les nations; en tout lieu on
m'offre des sacrifices, et l'on me présente
une victime pure. C. m, v. 1 : Je vais en-
voyer mon ange, et il préparera le chemin
devant moi, et incontinent le maître souve-
rain que vous cherchez, et l'ange de l'alliance
que vous désirez, viendra dans son temple.
Il vient déjà, dit le Seigneur des armées. C.
IV, V. 2: Lorsque vous craindrez mon nom,
le soleil de justice se lèvera pour vous, il
;)p[iort('ra le salut sur ses ailes, etc.; v. 4 :
Souvenez-vous de la loi, des ordonnances
et des préceptes que j'ai donnés pour tout
Jsraël à Moïse, mon serviteur, sur le mont
Horcl). Je vous enverrai le prophète Elle
avant que n'arrive le grand et terrible jour
du Seigneur; il réconciliera les pères avec
les enfants, de peur que je ne vienne frapper
la terre d'.mathème. »
Les anciens docteurs juifs, et les plus ha-
biles d'entre les modernes, comme Maimo-
nide, Aben-Esra, David Kimchi , reconnais-
sent cjue l'ange de /'«//i'nncp , annoncé jiar
Malachie , est le IMessie, et les Juifs étaient
persuadés qu'il devait venir pendant que le
second temple subsisterait. C'est ce qu'avait
prédit Aggée,c. ii, v. 8 : « Dans peu de temps
Je désiré des nations viendra, et je rempli-
rai cette maison de gloire, dit le Seigneur ; »
il parlait du temple que l'on bâtissait pour
lors ; c'est donc de ce même temple que
parlait aussi Malachie , en reprochant aux
prêtres juifs les profjnalions qui s'y commet-
taient. Voy. Gnlatin, 1. m, c. 12; 1. iv, c. 10
et 11 ;1. XI, c. 9, etc.
Ainsi les év.mgélistes n'ont pas eu tort
d'aiipliquer à Jésus-Christ, et aux circons-
tances dans lesquelles il e>tvenu,la prophé-
tie de Malachie. L'ange qui annonça au prê-
tre Zacharie la naissance de son fils Jean-
Baplisle, lui dit : « Il précédera le Seigneur
avec l'esprit et avec le pouvoir d'Elie, pour
réconcilier les pères avec les enfants {Luc.
1, 17).» Zaclnrie lui-même, après la naissance
deson iils,se féncitc de ce que cet enfant pré-
pare la venue du Seigneur, qui va jiaraîtro
comme la lumière du soleil pour éclairer
ceux qui sont dans les ténèbres {]bid., 78).
C'est une allusion au soleil de justice an-
noncé par Malachie; elle fut répétée par Si-
inéon , lors(|u'U tint dans ses bras Jésus
enfant (ii, 32j. Lorsque Jeau-Baptiste eut
commencé à prêcher, les Juifs lui envoyè-
rent demander s'il était le prophète Élie
(Joan. I, 31). Jésus-Christ dit en parlant de
lui : .S^i t'ous voulez le recevoir, il est véritable-
ment Elie (]ni doit venir (Matth. xi, 14-). Et
lors ]ue Jeau-Baptiste eut été mis k mort,
le Sauveur répéta la même chose : Elie est
déjà venu et on 7ic l'a pas connu ; mais on l'a
traité comme on a voulu (xvii, ik).
En elfet, Jésus-Christ a été Vange de l'al-
liance que les Juifs attei.daie; t, puisqu'il a
éta!)d une nouvelle alliance ; il a rempli de
gloire le second tom[ile, puisqu'il y a fait
plusieurs miracles, et a révélé les desseins
de Dieu. Il a institué un nouveau sacrifice
qui est offert chez toutes les nations, et leur
a enseigné le culte de Dieu qu'elles ne con-
naissaient pas. Il a fait cesser les offrandes
et les sacrifices des Juifs, le grand et terrible
jour du Seitjneur est arrivé pour eux ; lors-
que leur république, leur ville, leur temple,
ont (Hé détruits par les Romains, alors le
Seigneur a frappé leur terre d'anathèmc, puis-
qu'ils en ont été bannis, et depuis ce teraiis-
lii elle est dans un état de dévastation et de
ruine. La prophétie de Malachie a donc été
accomplie dans toutes ses circonstances .
Pour en esquiver les conséquences, les Juifs
disent que dans cette prophétie il n'est pas
question du second temple, mais du troisiè-
me qui doit être bâti sous le règne du Me;-
.sie. Nous avons fait voir ijue l'espérance
d'un troisième temple est une illusion con-
traire à la leltre même des |irophéties. Voy.
Temple, ils disent que le Messie n'est [la.s
encore venu, puisque Islien'a pas encore paru.
S'il n'est pas encore venu lui-même, il a
paru dans la personne de Jean-Baptisie qui
le représentait. De savoir s'il doit revenir à
fa fin du monde, c'est une autre question.
Voy. Eue. ils soutiennent que le Messie n'a
pas dd abolir la loi de .Moïse ni les sacrifices,
puisque le dernier des prophètes finit ses
prédictions en exhortant les' Juifs h les ob-
server. .Mais il n'a pu leur recommander de
les observer que jusqu'à l'arrivée du Messie ;
puisque celui-ci est l'ange de l'alliance, le
souverain maître que les Juifs attendaient,
c'est de lui qu'ils ont dû apprendre si la loi
et les sacrifices devaient cesser ou continuer :
or il a déclaré lormelleiiient qu'ils allaient
cesser, et les prophètes l'avaient déjà prédit
d'avance. Voy. Loi céhémomelle.
MxVLADE. Les anciens Juifs ont été per-
suadés que la guérison des maladies était
un des princiiiaux signes par lesquels le
Messie devait prouver sa mission ; ils se
fondaient sur la prophétie d'Isaïe (xxxv, 4) :
« Dieu viendra et nous sauve a ; alors la vue
sera rendue aux aveugles, l'ouïe aux sourds,
la parole aux muets, les boiteux marcheront
et sauteront de joie. » Il n'est pas nécessaire
d'examiner si c'est là le sens littéral de cette
prophétie ; il nous suffit de savoir que telle
était l'opinion des Juifs, et qu'ils y persi-
stent encore aujourd'hui. Galatin, 1. viii, c.
5. C'est pour cela même que Jésus-Clirist
opéra tant de guérisons, cl n'en refusa ja-
mais aucune ; saint Pierre le faisait remar-
quer aux Juifs {Acl. x, 38), pour leur
prouver que Jésus était le messie. Quoi-
que les évangélistes en aient rapporté un
très-grand nombre, ils nrms font comprendre
qu'ils en ont passé sous silence encore da-
vantage. Saint Marc dit (vu, 50), que « dai s
toutes les vil es et villages oii Jésus allait,
on exposait les malades dans les rues et
dans les places publiques; qu'un le pria tde
perojetlre qu'ils toucnassent seulement le
boni de ses habits, et que tous ceux qui
les touchaient étaient guéris. » Saint l/jc
s exprime de même, c iv, 40.
Au mol Guérison, nous avons fait voii
fior;
MAL
quo. toiitos celles qu'a opt''i-(^os notre divin
Sauveur (Haient véritablement surnaturelles,
que l'on ne peut y soupçonner de la fraude
ou de la collusion, ni des causes naturelles,
ni de la niai,ne. 11 y a lieu de penser que les
maladrs (pii avaient ainsi recouvré la santé
cruieiit eu Jésus-Clirist et le reconnurent
])i)ur le Messie. Parmi les Juifs qui entendi-
rent la première [)rétlicalion de saint Pierre,
il y avait sans d(jute un grand nombre de
reuv qui avaient été ainsi gui'ris ; c'étaient
autant de témoins irréprochables de ce que
disait ce! apUre; nous ne devons jias ôtre
siu'|iris de ce que trois mille .se liient bapti-
ser (Ad. M, kl), et de ce ipie le discours sui-
vant convertit encore cinq mille lioumies ;
](Mir foi avait l'-té préparée par les miracles
de Jésus-Christ même , desquels ils avaient
été ou ies objets ou les témouis.
Ce divin M dire avait donné îi ses apôlres
v'onire et le pouvoir de guérir I s malades,
par i)'ir motif de charité [Matth. x, 8); ils
en usèrent h son exenqile. 11 est dit dans les
Actes, c. V, y. 15 et 1(>, que l'on présen-
tait à saint Pierre tous les malades, non-seu-
lement de Jérusalem, m;ds des lieux cir-
convoisins; que tous s'en retournaient gué-
rie ; que l'ombre seule de cet ai)Atre sufd-
sait p lur leur rendre la sanlé ; c'était sous
les yeux ties ma;.'istrals et des chefs de la sy-
nagogue. .Mais Jésus-Christ avait aussi re-
couHuandé de visiter et de consoler les ma-
lades : il fait envisager cette œuvre de cha-
rité connue un des mnyen d'obtenir miséri-
corde au jugement de Dieu (Matth. \xv, 30).
Ses auôtrt s ont répété celte leçon (/ Thcss.
XV, l\, etc.) : elle fut exactement pratiquée
par les premiers fidèles ; leur cliarité en-
vers les malades l'ul poussée jus{pi'à l'hé-
roïsme. Pendant une peste qui ravagea l'en-
jiire romain l'an "25-2, et qui dura quinze ans,
les ciirétieiis se dévouèrent à soigner les
malades, sans en excepter les païens, et ;i
donner la .sépulture aux morts. Les prêtres
surtout et les diacres se firent remarquer
[)ar leur zèle à procurer aux mourants les
secours de la religion; plusieurs furent vic-
times de leur courage et furent honorés
comme des martyrs, pentlant que les païens
abandonnaient même leurs parents malades,
fuyaient au loin et laissaient les cadavres
sans sépulture. Ktisèbe, 1. vu, c. 22; S. Cy-
prien, de Mortalitate; Ponce, Vie de S. Cy-
prieu. L'empereur Julien . ennemi déclaré
des chrétiens, était forcé de leur rendre cette
justice, et en avait de la jalousie. Ce plié-
noraène s'est renouvelé plus d'une fois dans
les diverses contrées où le christianisme
s'est établi.
C'est cet espiit de charité, commandé par
Jésus-Ciirist même, q; i a fait fonder les hô-
pitaux dans des temps de calamité, et a in-
spiié à une multitude de personnes de l'un
et de 1 autre sexe le courage de se consacrer
pour foule leur vie au service des malades.
Nous avons fait remarquer ailleurs avec
quelle témérité les incr.dules de notre siè-
c-le ont déprimé l't censuré ces établisse-
ments si honorables à la religion, et dont
.M.\L .^00
les sages du paganisme Ti'ont jamais eu l'idée.
Les Kiimains exposaient leurs esclaves, vieux
ou iiuilddcs, dans une île du 'ril)re, et les y
laissaient nu)uiirde faim ; chez nous l'on a
vu des reines panser de leurs mains h s ma-
lades, et le ir rendre les services les plus
bas. Voy. ilôpiTAUX, Hospitaliers, Fonda-
tion.
MALI^:i)lCTION. Voy. Impiiécation.
ALVLLFICE, praticpie superstitieuse em-
ployée dans le dessein de nuiie aux hom-
mes, aux animaux ou aux fruits de la terre.
On a souvent donné le nom de maléfice h
toute espèce de magie, et celui de j?î«//'«(7fMr,
maleficns , aux magiciens en général ; mais,
en rigueur, le maléfice est l'espèce de magie
la plus noire et la plus détestable, puisqu'elle
a pour but, non de faire du bien à quehiu'un,
mais de lui faire du mal ; au crime de in-
courir au démon elle réunit celui de la haine
et de l'injustice envers le prochain. La ma-
lice humaine ne peut aller jilus loin que de
s'adresser aux puissances di; l'enfer pour
salisfaire une passion effrénée de haine, de
jalousie, de vengeance; ma s, h la honte de
l'humanité, aucun crime n'est incroyable.
Il ne faut pas confondre les maléfices avec
1(3S poisons. 11 est très-possible de causer
des maladies et même la mort aux hommes
ou aux animaux, par des poisons très-sulitils
qui agissent sans que l'on s'en aperçoive, et
(iont I effet jiarait une espèce de magie à ceux
qui ont peu de connaissance des causes na-
turelles. Il est assez |irobable que plusieurs
malfaiteurs, qui ont été punis comme magi-
ciens, étaient seulemeiil des empoisonneurs,
qui, pour causer du mal, n'avaient employé
(jue des dnigues. Mais il est iirouvé aussi
par le témoignage d'auteurs instruits et di-
gnes de foi, par les procédures et les arrêts
des tribunaux, par la confession môme de
plusieurs de ces malheureux, qu'ils avaient
mis en usage des pratiques impies et ilia-
boliques, qui ne pouvaient produire aucun
effet (jue par l'entremise du démon; par con-
séquent ils avaient ajouté à la malice des
empoisonneurs, la profanation, le sacrilège,
et une espèce de culte rendu à l'ennemi du
salut. On met ajuste titre au rang des ma-
léfices les philtres que l'un des sexes donne
h l'autre pour s'en faire aimer, parce que
cela ne se peut pas faire sans déranger les
organes, et sans troubler la raison des per-
sonnes qui eu sont l'objet.
Puisque les lois divines et humaines ont
décerné des supplices contre les cm|!Oison-
neurs et les meurtriers, à plus forte raison
tloit-on sévir avec la dernière rigueur contre
ceux qui vont chercher jusque dans l'enfer
les moyens de nuire ii leurs semblables.
Quand même leur malice ne pourrait pro-
duire aucun effet, quand la confiance qu'ils
ont au démon serait absoluujent illusoire,
leur crime ne serait pas moins énorme, puis
qu'ils ont eu la volonté de nuire par ce
moyen détestable.
Liorsque Constantin porta une loi contre
les auteurs des maléfices, il excepta les pra-
ticiues qui avaient jujurbut défaire du bien,
507
MAL
g\ non de causer du mal, sans oxaminer si
elles étaient superstitieuses ou non, con-
traires ou conformes à l'esprit liela religion.
D'autres empereurs ont condaiiuié dans la
suito toutes ces sortes de pratiques sans dis-
tinction, parce que c'est une vraie magin ;
l'on ne peut pas compter assez sur la probité
de ceux qui l'exorcent pour s'assurer qu'ils
s'en serviront toujours dans le dessein de
faire du bien, et (ju ils ne les emploieront ja-
mais dans l'intention de faire du mai. De
mi'me les lois do l'Eglise ont défendu, sous
])eine d'anathème, tonte praiique su[)ersti-
(ieuse, quel i|u'en soit riii_)jet ou l'intention,
et cette délV'nse a été renouvelée dans plu-
sieurs conciles. Thiers, Traité des Siipcrsl.,
t. 1, 1. II, c. 5, p. l'i-S. Comme la magie fai-
sait partie du paganisme, il n'est pas éton-
nant fiu'elle ait cneor^- régné, même après
l'établissement du chrislianisme. Un ancien
Péniteutiel enjoint se|)t ans do pénitence,
dont trois au pain 1 1 à l'eau, <\ ceux qui se
sont servis d'un maléfice dans le dessein do
causer la mort à queli|u'un, ou d'exciter des
tempêtes. Il ne s ensuit ])as do là que l'on
ait cru à l'eflicarité do ces [)ratiques, puis-
que le pénitcntiel romain condamm- ceux
qui y croient , quoiqu il statue les mémos
peines. {Notes du P. Mviiard sur le Saern-
mentaire de S. Crégoire, p. 24. 't et 232.) Au
IX" siècle, Agoljard, arche- ôque de Lymi, lit
un traité du Tonnerre et de la Grêle, d^M le-
quel il attaque la crédulité du jieuplo, qui
pense quoce sont les sorciers ([ui excitent les
ora;.^es. Déjà l'auteur des Questions aux or-
thodoxes, qui a vécu dans le v siècle, avait
combattu colle opinion , et avait soutenu
qu'elle est contraire à l'Ecriture sainte,
Quœst. 31
Un des maléfices les plus célèbres dans
l'histoire est celui dont voulut se servir Ro-
l)erl, comte d'Artois, pour faire périr le roi
Pliiiiplie le Bel et la reine son épouse. Il
avait fait faire leur imago en cire, cl il fal-
lait que ces figures lussent baptisées avec
toutes les cérémonies de l'Eglise ; il était
persuadé qu'on piquant au cœur ces ligures
magiques, il causerait des blessures mnrlcl-
los à ceux qu'elles représentaient. {Mémoire
de l'Acad. des Inscriptions, t. XV, in-12, ji.
4-28.) D'autres peisonnes considérables ont
été accusées du même crime.
Malgré les lumières que les philosophes
se vai.t nt d'avoir répandues dans notre
siècle, la croyance aux maléfices est encore
assoz commu.e [)armi les peiqiles des cam-
pagui's. Us sont persuadés que ceux qu'ils
i\, pollent sorcieis peuviut faire tomber la
gi-èle et le tonnerre, donner des nudadies
aux hommes et aux animaux , l'aire tarir la
source du laita.^e ou lefa:re tourner, rendre
les personnes mariées incafiablos d'useï- du
mariagt; , exciter entre elh^s une inimitié
incurab e, etc. Celte fausse ci'ovance donne
lii'u à plusieurs désordios; elle fait naître
des so!q)gons, di'S accusations, dos haines
injustes; eile autorise les éjioux futurs à
prévenir le mai-iage, SO'S prétexte do se
meliro a couvert des maléfices; pour en em-
MAM SOS
pôcner les efifets, elle fait recourir a la magie,
comme s'il était permis de faire cesser un
crime par un autre crime, etc. 11 est donc à
propos que les pasteurs soient instruits et
bien convaincus de rinefricacitédos)«a(V/('c''«
cl des autres pratiques superstieuses, afin
qu'ils puissent détromper le peuple et dissi-
per ses vaines terreurs {>ar les grands prin-
ciioos de la religion.
Les seuls moyens permis de se préserver
ou de se délivrer des maléfices vrais ou ima-
ginaires, sont Is bénédictions, les prières,
les exorcismes de l'Eglise, la réception des
sacrements, le saint sacrilice de la messe, le
jeûne, l'aumône, les bonnes œuvres, le si-
gne do la c.oix, la confiance au pouvoir de
Jésus-Christ et à l'intercession des saints.
Voy. Magie.
• Malgaches. Peuples de l'île de Mailagascar. Ils
sont plongés dans les lénébres du paganisme etolTrenl
des sacrilices humains. Leur liisloire religieuse ap-
partient an Dictionnaire des Religions.
MAMBRÉ, est le nom d'une vallée très-
fertile et fort agréable dans la Palestine, au
voisinage d'Hébron, et environ à trente-
un milles de Jérusaliun. Ce lieu est célèbre
dans l'écriture sainte par le séiour (jue 1)
patriarche Abraham y fit sous clés tentes ,
après s'être séparé de Lot, son neveu, el plus
encore par la visite qu'il y reçut de trois
anges qui lui amioneèrent la naissance mi-
raculeuse d'Isaac {Gcn. xviii).
Le chêne ou le lérébinthe, sous lequel ce
patriarclio reçut les anges, a été en grande
vénération chez les anciens Hébreux; ^aint
Jérôme assure que do son temps, c'est-à-
dire sous le règne de Constance le Jeinie,
on y voyait encore cet arbre respectable ; et si
l'on en iroit quelques voyageurs, quoique
le téiébi{ithe eût été détruit, il en avait re-
poussé d'autres de sa souche, que l'on mon-
trait pour marquer l'endroit où il était. Les
failles que les rabbins ont forgées sur celar
bre ne valent pas la peine d'être ra{)iiortées.
Le respect que l'on avait jour ce lieu y at-
tira un si g and concours de peuple, que les
Juifs, naturellement portés au commerce, y
établiri'nt une foire qui devint fameuse dans
la suite. Saint Jérôme, inJerem., c. 31, et in
Znch., c. 10, assure qu'après la gueri'e (ju'A-
dricn ht aux Juifs, on vendit à la foire de
Maiiibré un grand nombre de captifs, (ju'iis
y furent tlonnés à très-vil prix; ceux qui ne
furent point vendus, furent transpoiiés en
Egypte , oii ils périrent de faim et de mi
sère. Telle élait l'Iiumanitédes Romains ;ja
mais les emperouis chrétiens n'ont commis
de barbarie semblable. Les Juifs venaient à
Mambré pour y célébrer la mémoire de leur
j)ère Abraham ; les chrétiens orientaux, per-
suadés que celui dos trois anges qui avait
porté la paro e à ce patriarche était le \'oriio
éternel, y allaient avec le respect religieux
qui e>t di'i au divin consommateur de notre
foi. Quant aux païens qui cro;» aient aux aji-
parit ons dos d eux,elqui rappo.laieui toutiS
les histoires à leurs pi'éjugés, Js > é.everenl
des autels, y placèrent des idoles et y olfrii-
rent des sacrilices.
fe)9 MAM
S'oio'i^Snp, TTist. ecch's., . ii, c. 'i-, parlant
dos f(Ucs (le Mamfm', dit que ce lieu était
dans la plus gcaiido vriirration ; que tous
ceux qui le fréquenlaieiit aiirai.'Ut eiaint de
s'exposera la veiigoaiirodiviin' s'ils l'avaient
proliné, (|u'ils n'osaient y commetlre au-
cune inipuretL', ni avoir de eiminierce avec
les femnii'S. Au contraire, Eusèbc, 1. m, de
Vitn Constant., c. 5-2, et Soerale, ftisl., 1. i,
c.lS. disent que Enlropia.Syru'nnede nation,
cl uu'iro del'inqiéralrico l'austa', ayant vu les
superstitions et les désordi'es cpii se cuni-
niettaient à Mambré, en écrivit à l'cnipenur
Constantin , son gendre, qui ordonna au
comte Acace de l'.dre brûler les idilcs, de
renverser les autels, et de cli.llier tous ceux
qui d.ins la suite conunettraicnt {pielque im-
piété sous le t'rébinthe ; qu'il y lit bàtr une
église, et ordonna <\ l'évéque de Césai ée de
veiller h ce que toutes cnoses s'y passas-
sent dans la iilus grande décence. C'est mal
à propos qu'un ciili([ue mo lerne a cru trou-
ver de la contradiction entre ces trois histo-
riens ; b>s deux deiuiers parlent tie ce cjui
se faisait h Mambré avant que ('onstanlin n'y
ertt mis ordre ; Sozoniéne, plus récent, ra-
conte ce qu'on y voyait deii\iis que l'empe-
reur y avait t'ait une réforme ; il dit i)r(''ci-
sémeht la même chose que les lieux auli'cs;
on peut s'en convaincre en confront nt leui'
uai'iatinn.
MAMMILLAÎUF.S , sectes d'anabapti-tes
formée dans la ville de Harlem, en Hollande,
on ne sait pas en quel temps. Elle doit son
origine h la liberté que se donna un jeum,"
honune de mettre la main sur le sein d'uiic
tille (pi'il voulait éjiouser. Cette action ayant
été déférée au consisti/irc des anabaiitistes,
les uns soutinrent quelle jeune homme de-
vait être excoriununié ; d'autres ne jugèrent
pas la faute assez grave pour mi'riter une
cxconmiunication. Cela causa une division
entre eux ; les jilus sévères doruièrent aux
autres le nom oiiievix <!(; mnmilluircs. ('eli
ne niar(]ue pas qu'il y ait Ijcauroup d'union,
de charité et de bon sens parmi les anaba-
ptistes.
MAMMONA , terme syriaque qui signifie;
l'argent, la monnaie, les richess s : il est dé-
rivé de mail, mon, comitte ou noiulire. Dans
saint ^iatthieu, c. vi, v. 5V, .lésus-Chrisl dit
que l'on ne peut servir Dieu et les richesses,
mammonœ. Dans saint Luc, c. xvr, v. 9, le
Sauveur , après avoir cité l'exemple d'un
économe intidèle, qui se lit des amis en leur
rcmi'ttant une partie de ce qu'ils devaient
à son maître, dit h ses auditeurs : Failrs-
voHs des amis avec les richesses d'iniquité, de
mammona iniquilatis. De lii |)lusieurs incu'-
dules ont conclu que Jésus-Christ |>roj>osait
un fort mauvais exemple et donnait une le-
çon pernicieuse, en conseillant aux Juifs de
se faire des amis avec les richesses acquisi s
injustement, comme s'il était permis de faire
l'aumône du bii'ii d'autrui.
Mais est-il bien décidé que mammona ini-
quilatis signifie des richesses acquises injus-
tement? lï désigeo évidemment des riclle^-
ses fausses et trompeuses, du la monnaie de
MAN
MO
mauvais aloi, puisque Jésus-Christ les op-
pose aux vraies richesses : quod verum rsl quis
crcdrt robis'/ En hébreu, eu syriaipie et en
arabe le môme terme signifu; rrai et vérité,
juste et justice, parce ijuc la.justici! ne trompe
lûii.t iPs. Lxxxiv, v. 11) : « i.a miséricorde et
a justice, Veritas, se sont rencontrées, l'é-
(Iuil(V et la paix se sont embrassées, » etc.
Il est d'ailleurs évident que 1 on ne doit pas
insister sur toutes les cirronslances de la
parab(de dont Jésus-Christ se sert; l'éco-
nome infidèle ne possédait point de riches-
ses, puis:|u'il faisait une remise aux débi-
teurs de son maître, alin qu'ils le reçussent
chez eux lorsqu'il serait privé do smi admi-
nistration. Le dessein du Sauveur était
d'inspirer aux hommes le détacheini'nt des
biens de ce monde, à plus forte raison do
les détourner de toute in;ustice, soit dans
l'acquisition, soit dans l'usage des liciies-
ses.
MANDAITES, ou chrétiens de saint Jean.
C'est une secte de paii'iis plutôt (lue de
chrétiens, qui est répandue h Bassora,- dans
quehjues endioits d('S Indes, dans la Perse
et dans l'Arabie, dont l'oi'igine et !a croyance
ne sont pas trop connues. Ouelqu{!S écri-
vains ont pensé que dans rorij,iiie c'étaient
des Juifs qui avaient habité le long du Jour-
dain, iiendant que saint Jean y donnait le
baptême, qui avaient continué de [iratiquer
cette c.'iémonic tous les jours, ce qui les^ fit
nommer hémérobaplistes ; et qu'a|Mès la
conquête de la Palestine par les niahomé-
tans, ils s'étaient retirés dans la Clialdée ( t
sur le golfe Persique; c'est ainsi qui; d'Her-
belot les a rei)résentés dans sa Bibliothèque
orientale ; mais cette conjecture n'est ap-
jiuyée d'aucune preuve. Dans la réalité, ces
sectaires ne sont ni chrétiens, ni juifs, ni
maliomélans. Chainbers dit que, tous les
ans, ils célèbrent une fôle de cinq jours,
pendant lesquels ils vont recevoir île la main
de leurs évè pies le baptême de saint Jean ;
(|ue leur baptême ordinaiie se fait dans les
lleuves et les rivières, et seulement le di-
manche, que c'est ce qui leur a fait donner
le nom de chrétiens de saint Jean. Mais on
sait (lue de fout temps les Orientaux ont
regardé les ablutions comme une cc'rémonie
religieuse et un symbole ilc puiitication,
que chez les païens le dimanche était le jour
du soleil. Jus(iue-là nous ne voyons chez
les mandaitcs aucune maivpie de christia-
nisme, et c'est abuser du terme que de nom-
mer éréqucs les ministres de leui' leligion.
Dans les Mém. de F Académie des Jnscript.,
tome XII, in-i', p. IG, et t. XVII, iii-12, p.
2.'), M. Eourmont l'ainé dit que cette secte
se donne une origine très-ancienne, et la
fait remonter jusqu à Abraham ; que de
temps immémorial elle a eu des simulacres,
des arbres et des bois sacrés, des temples,
des fêtes, une hiérarchie, un culte public,
même une idée de la résurn rtion future.
^'oil<à des signes très-évidents de polythéis-
me et d'idolâtrie, et non de judaisim- ou de
christianisme. Les astrologues, qui douii-
naieiil chez les mandaites, foigcaieiit des
5H MAN
dogmes, ou les rejetaient, selon leurs cal-
culs astronomiques. Les uns soutenaient
que la résurrection devait se faire au bout
ue neuf mille ans, parce qu'ils fixaient à ce
temps la révolution des globes célestes ;
d'autres ne l'attenàaieut qu'après trente-six
raille quatre cent vingt-six ans. Plusieurs
admettaient dans le monde , ou dans les
inondes, une es])èce d'éternité, pendant la-
quelle tour à tour ces mondes étaient dé-
truits et refaits. Toutes ces idées étaient
conntuuies chez les anciens Chaldéens. On
ajoute que les mandaïtes font une mention
honorable de saint Jean-Baptiste, qu'ils le
regardent comme un de leurs prophètes, et
prétendent être ses disciples; que leur li-
turgie et leurs autres livres parlent du liap-
tôme et de quelques autres sacrements ()ui
ne se trouvent que chez les chrétiens. Si
M. Fourmont avait exécuté la promesse
qu'il avait faite de nous doimer une notice
des livres de cette secte, qui sont à la bi-
bliothèque du roi, et qui sont écrits en vieux
chaldéen, nous la conn titrions mieux. Mais
ni cet académicien, ni Fabricius, qui i)arle
des chrétiens de saint Jean , Salut, lux
Evang., p. 110 et 119, ne nous apprennent
point si ces prétendus chrétiens ont pour
princii)al objet de leur culte les astres ; si,
par Cf)nséquent, ce sont de vrais sabéejis ou
sabattes, comme on le prétend. 11 y a une
homélie de saint Grégoire de Nazianze, con-
tre les sabéens; l'Alcoran parle aussi de cette
secte, et Maimonide en a souvent fait men-
tion ; mais sfius le nom de sahéens ou za-
bérns, ce dernier entend les idolâtres en gé-
néral : nous ne savons donc pas s'il faut ap-
pliquer »u\m(indaites en particulier ce que
disent ces divers auteurs, puisque le culte
des astres a été commun à tous les peuples
idol.'tres. Le savant Assémani iiense, d'a-
près Maracci, que les nmndaites sont de
vrais païens, qu'ils ont pris que'ques opi-
nions des manichéens, qu'ils n'ont emprunté
des chrétiens que le culte de la croix, et
qui c'est ce qui leur a fait donner le nom de
chrétiens. Biblioth. orient., tome IV, p. 609.
Yolj. AsTKES, Paganisme, Sabaïsme.
MANES, âmes des morts. L'inscription ,
diis manibits, que les païens gravaient in-
distinctement sur tous les toujbeaux, dé-
montre qu'ils pliçaicnt au rang des dieux,
des morts (pu souvent avaicni été très-vi-
cieux, et qu'ils rendaient les honneurs di-
vins <\ des persiinnages qui avaient plutôt
mérité qui^ leur mémoire tût tlélrie. A la
vérité, les Romains n'accordaient les lion-
neurs de l'apoihéose qu'aux empereurs;
c'étaient h eux seu s que l'on bâtissait des
temples, et que l'on rendait un culte pulilic;
mais chaque particulier avait le dioit d'ho-
norer de même c!iez lui tous les morts qui
lui avaient été chers : Cicéron, dans Sun
ouvra^je intitulé Consolaiion, nous apprend
qu'il avait fait b;ltir une chapelle aux mânes
de Tulliii, sa tille. Dans le vestibule de tou-
tes les maisons consi érables, il y avait une
autd consacré aux dieux lares , que l'on
Croyait être les âmes des ancêtres de la fa-
MAN
m
mille. Pour excuser cette conduite, quel-
ques-uns de nos philosophes on dit qu'en
donnant aux Ames des morts le nom de
dieux, les païens entendaient seulement
qu'elles étaient dans un état de béatitude ;
que par la mort du corps elles avaient ac-
quis un pouvoir et des connaissances su-
périeures à celles des mortels; qu'elbs
pouvaient, par conséquent, les instruire et
les aider; c'est pour cela qu'on leur rendait
des honneurs, et qu'on les invoquait k [leu
près comme nous en agissons h l'égard des
saints.
Cette comparaison n'a aucune justesse.
I' Les honneurs que l'on rendait aux em-
pereurs divinisés étaient précisément les
mêmes que ceux que l'on accordait aux
grands dieux, aux dieux du premier rang ;
les uns et les autres, avaient des temples, des
autels, des fêtes, des collèges de prêtres, et
l'on ne sait pas jusqu'à quel point les parti-
culiers superstitieux pouvaient impunément
porter le culte qu'ils rendaient à leurs ancê-
tres. On sait qu'aujourd'hui à la Chine le
culte religieux est à peu près réduit à ce seul
objet. C'était dégrader la Divinité que de con-
fondre ainsi son culte avec celui des hommes
ou des mânes. — 2° 11 était absurde de suppo-
ser dans l'état de béatitude des morts qui ne
l'avaient pas mérité, et que l'on aurait dû
croire plutôt toui mentes dans les enfers i)ar
les furies. On ne |iouvail donner aux vivants
une leçon plus pernicieuse que de leur per-
suader que la vertu n'était pas nécessaire
pour être plus heureux après la mort. Nous
ne voyons plus à quoi servait l'enfer décrit
par les poètes, si ce n'est tout au plus à
punir les fameux scélérats qui avaient in-
spiré de l'horreur pai' leurs crimes. — 3*
Rien n'était plus inconséquent que les idées
des païens touchant l'état des morts et le
séjour des flmes. L'inscription, Sit tibi terra
levis, gravée sur les tombeaux, supposait
que l'âme du mort y était renfermée. Pou-
vait-on attribuer beaucoup de puissance à
un mort , quand on craignait qu'il ne fût
écrasé sous le poids de la terre qui le cou-
vrait? Le croyait-on fort heureux, quand on
pensait qu'il avait besoin de nourriture,
qu'il pouvait être at:iré par l'odeur des vic-
times, des mets, des libations qu'on lui (if-
frait ? Les poètes semblent ne placer dans
l'élysée que les Ames des héros ; pour celles
des hommes du commun , soit vertueux ,
soit vicieux, on ne sait pas tvep ce qu'elles
devenaient.
On supposait d'abord que les bonnes Ames
des ancêtres habitaient avec leur famille 1 1
la protégeaient ; que celles des méchants,
que l'on appelait larves ou fantômes, étaient
errantes sur la terre, où elles venaient ef-
frayer et inquiéter les vivants. Celte opi-
nion devait donner une bi( n mauvaise idée
de la justice divine. Les cérémonies noctur-
nes que l'on employait pour les apaiser, les
menaces que faisaiint des personnes pas-
sionnées lie Viuir après leur mort tourmen-
ter leurs ennemis, doivent être pour les
païens un sujet coatinuel de crainte et d'ia-
m
MAN
MAN
SU
quiétude; ils étaient toujours dans In iiienie
a.^'italiou que l(\s osprils faiblcspt |)C'ur(Hix
éprouvent parmi nous. Dnihil résulli' que la
croyance de l'iuniioitalité dis ;lnu's u'avait
pre.s({uo aucune iniluence sur les nui-urs des
païens; elle no servait qu'à troubler li'ur
repos. Il élait donc fort nécessaire (|u>' Dii u
nius éclairât sur ce point tiès-iuipoilant
par les lumières de la r/vélation ; ce que
niius en apprennent les livres saints, est,
h tous égards, plus raisonuahie, [ilus con-
solant, plus jiropre à nous rendre vertueux
que tout ce qu'en ont dit les |)h;losoplies :
ceux-ci n'en savaient |)as plus que le peu-
ple sur l'état des .-imes a|>rès la mort.
Il n'est |ias besoin d'une longue discus-
sion pour montrer que le culte rendu aux
saints dans le christianisme n'est sujet à au-
cun des inconvi''nients que nous rcproclions
au cult(( des mânes. Nous ne plaçons au rang
des bienheureux que des persoiuiages qui
ont édilié le momie par des v(utus héroï-
ques, et dont la sainteté a été pi'ouvée par
des miracles ; nous ne leur rendons pas le
mém(^ culte qu'à Dieu, puisque nous ne leur
attribuons point d'antre ]iouvoir que d'ni-
tercédcr pour nous auprès de lui : ce que la
foi nous en apprend ne peut nous causer ni
crainte, ni inijuiétude, mais |ilutOt la con-
fiance en Dieu et la lran(|uillité.
On n'aperço t chez les patriarclies, ni chez
les Juifs, aucun des abus que les païens
})ratiquaient à l'égard des morts : il était sé-
vèrement défendu aux Juifs d'évocjiier et
d'interroger les morts {Deut. c. xvni, v. 11),
et de li>ur faire des olframles (c. xwi, v. 14-).
Celui qui avait louché un cadavre était censé
impur. Tobie dit h son lils : « Mangez votre
pain avec les pauvres, et couvrez leur u i-
dité de vos vêlements ; ))lacez votre nour-
riture sur la sépulture du juste, et ne la
mangez pas avec les [)écheui-s {Tob., c iv,
V. 17). » 11 n'est pas question là d'une of-
frande faite au mort, mais d'une aumône
faite aux pauvres à rintention du mort. Voij.
MouTs, Evocation.
11 est toujours utile de comparer les er-
reurs des nations païennes avec les idées
plus justes qu'ont eues les peuples éc'airés
par la révélation : si les incrédules avaient
pris cette peine, ils auraient été moins té-
méi'airi'S. H y a dans les Mnii. de l'Acad. des
Iiiscripl., t. 1, in-12, p. 3.3, une bonne dis-
sertation sur les lémures, indues, ou Ames
des morts; on peut consulter encore Win-
det, de Viiu functorum staCii. Voy. Nécuo-
MANCIE.
MANICHÉISME, système de Manès, hé-
résiarque du ni' siècle, qui admettait deux
pr:nci|ies créateurs ou forniateu s du uioniic,
l'un bon et auleiu- du bien, c'est ce que l'on
appelle autrement le dualisme o.i le dithéisme.
Ce système, tout absurde qu'il est, a duré
si longtemps, a pris tant de fuîmes dilféren-
tes, a trouvé tant de défensi-ui s, a été atta-
qué par des honunes si célèbres, que nous
ne pouvons nous dispenser de l'examiner
avec soin. Nous considérerons, 1° l'origine
liu ntankhéistne ; ± les erreurs qu'il reufer-
inail ; 3° ses progrès et sa durée, k' N;);is
jiiouverons qu'il est absurde à tous égai'ds,
et qu'il ne peut résoudre aucune difiicnlté.
5° Nous verrons comment il a été ait îipié
dans ces derniers temps. ()° Nous UKjntre-
rons cpj'il a été mieux réfuté par les Pères
de l'Eglise que par les philosophes. 7" Nous
examinerons l'ajjologie que BcausoJre a
voulu en faire. ,
I. Origine du tnanichéisme.On conçoit d'a-
bord que c'est la dilliculté de concilier l'exi-
stence du mal avec labontédu Créateur, (|ui
a conduit les raisonneurs à supposer deux
princi|)es éternels, dontl'un a jiroduit le l)ien,
l'autre a fait le mal. U serait diflicile de s^)-
voir quel a été le premier auteur de celle
doctrine impie, qui a été suivie par la plu-
part des philosophes orientaux, surtout |iar
ceux de la Perse ([ue l'on a nonunés les ma-
ges. La révélation nous en fait assez sentir
l'absurdité, en nous apprenant qu'un seul
Dieu tout-iiuissant a créé toutes chdses. Dieu
dit souvent aux Juifs : C'est moi qui donne
la vie et In mort, qui frappe et qui guéris.
{Deuteron. c. xxxii, v. 3!), etc.). Il dit par
Isaie : Cesl moi qui ai créé la lumière et les
ténèbres, qui donne la paix et qui fais les
maux (c. XLV, v. 7). Ces paroles sont adres-
sées à Cyius, près d'un siècle avant sa nais-
sance, comme si Dieu avait \oulule tenir en
garde ciuilre les leçons des magesqui furent
ses maîtres. Tobie, transporté dans le voisi-
nage de la Perse, disait de môme : « C'est
vous, Seigneur, qui affligez et qui sauvez,
qui condusezau tombeau et qui en retirez
(c. XIII, v. 2).» Mais les philosophes ne pou-
vaient comprendre comment un Dieu bon a
pu faire le mal.
.Manès naquit dans la Perso l'an 24.0. S>
lon les auteurs ecclésiastiques, il fut acheté,
dans son enfance, par une veuve fort riche,
qui le lit instruire avec soin ; il lut les livres
d'un arabe nommé Scylhien, ou d'un disci-
jile de celui-ci nommé Buddas, et y puisa
son système. Socrate, Hist. ecclés., I. i, c.
■22. Mais selon les historiens orient lUX, .Ma-
nès était mage d'origine, et avait été élevé
dans la religion de Zoroastre ; il fut instruit
dans toutes les sciences cidtivées par les
mages; il possédait la géométrie, l'astrono-
mie, la musique, la médecine, la peinture,
et se distingua par ces divers talents. Il em-
brassa le christianisme dans l'Age mùr, i lut
l'Eeriture sainte ; on prétend même (ju il
fut élevé au sacerdoce ; il entreprit de réloi-
mer tout à la fois la doctrine des mages et
celle des chrétiens, oud' concilierensemhle
ces deux religions : firsqu'on s'aperçut (pi'.l
altérait la foi chrétienne, il fut ch'assé de
l'Eglise. Mém. de l'Acad. des Inscript., toiiio
I,VI, iii-t2, pag. 330 et suiv. Mais saint Cy-
rille de Jéi'usalem, qui écrivait soixante- lix
ans seulement après Manès, ne convient
point que cet hérésiarque ait jamais été chré-
tien. Catéclt. a, note 26 ilc Cranco as. Ma-
nès ne fut donc pas créateur du système • es
deux princifies. Si nous eu croyons Pbitar-
que, cette doctrine remonte à la plus hanta
antiquité, et se trouve chez toutes les nation».
515
JfAN
MAN
516
Dans son traité à'Isis et <ÏOsiris, Plutarque
attribue le dualisme , non-seulement .aux
Perses, aux Ghahléens, aux Egyptiens et au
commun (les Grecs, mais aux philosophes
les plus célèbres, tels cfue Pythagore, Ein-
péilocl^, HéracHie , Anaxagore, Platon et
Aristote. Voij. Dieu, Idoi.atuie.
Spencer, dans sa dissertation de Hirco
emiss., c. 19, sect. 1, enj.'arlc comme Plutur-
fjue. « Les Egyptiens, dit-jl , ap|>elaient le
dieu bon Osiris, et le mauvais dieu Typhon.
Les Hébreux superstitieux ont donné h ces
deux [)rinci|ies les noms de Gad elde Méni,
la bonne et la mauvaise fortune : elles Per-
ses ont appelé le premier O/omasdc, ou [)lu-
tùt Ormuzd, et le second Ahriman. Les Grecs
avaient de môme leurs bons et leurs mauvais
déimins ; les Komains leurs j'ot'cs on véjoves,
c'est-a-dire des dieux bienfaitcuis et des
dieux malfaisants. Les astrologues cx|iriraè-
rent le même sentiment par des signes ou
des constellations, les unes favorables et les
autres malignes ; les pliilosoplies par leurs
principes contraires, en [jarticulier les pytlia-
goriciens |)as leur monade et leur diade, etc.
Wind.'t, dans sa dissert, de Vita fancLorum
stain, p. 15 etsuiv., fait la même remarque,
et (ht que l'on découvre des vestiges de ce
système dans tout l'Orient, jusqu'aux Indes
et à la Chine. Beausobrc, dans sou Histoire
critique de Manichéc et du manichéisme, a ci-
té ces auteurs, et semble être de leur avis,
11 nous paraît que tous ces savants ont
abusé de leur ér.iiiition. Ils n'ont pas mis
assez de différence entre ceux qui ont admis
deux piincipes éternels actifs, et ceux qui
ont envisag(i la mati(^'rc étern(;lh! comme
un principe passil; entre ceuxquiontsupjiosij
deux [irincipesincréésct indépendants l'iinde
l'autre, et ceux qui les ont considérés com-
me des êtres produits et secondaires, sub-
ordonnés h une cause première et unique.
Or, selon Plutarque lui-même, les Egyptiens
admettaient un Dieu suprême et créatCLir,
qu'ils nommaient Cneph ou Cnuphis, et leur
fable sur Osiris et Tijphon n'a pas un sens
fort clair. Zoroastre, dont nous avons à jiré-
sent les ouvrages, enseigne que le bon et le
mauvais principe ont été produits par le
temps sans bornes ou [)ar l'Eternel. ( Zcnd-
Avesta, t. 1, n'part., p. 'i-l'i-; t. II, p. 3'!-3 et
'3h\.) Dans les Mém. dei'Acad. des Inscripl.,
t. LXXl, in-12, pag. 123, .\L Anquelil s'est at-
tac!ié à faire voir (}ue Zoroastre admettait
la création proprement dite.
On ne prouvera jamais que les Hébreux
aient pris la bonne et la mauvaise fortune
pour deux personnages éternels, indépen-
dants et créateurs ; ce n'est |)oint la non
plus l'opinion des astrologues qui ont distin-
gué de bonnes ou de mauvaises inlluences
des étoiles et des planètes. Nous avouons
que les i)aiens en général ont honoré des
dieux tnalfaisants ; mais ils croyaient aussi
(jue le môme Dieu envojait laut(jt des bien-
faits à un peuple pour récompenser sa piété,
et lantùl des malheurs, pour sevenger d'une
(jll'ense. Le môme Jupiter, auquel on attri-
buait une victoire gaguée, était aussi armé
de la foudre pour faire tremblories hommes.
Homère suppose que devant le palaisdo Ju-
])iteril y a deux tonneaux dans lesquels ce
dieu |iuise alteriiali-ement les biens et les
maux qu'il verse sur n terre ; voilh son
principal emploi. Les (irecs et les Romains
pensaient q\ie les divinités infernales ne
jiouvaient aftliger les hommes qu'autant que
Jupiter le leur pi^rmettait. Ce n'est p(nnt
là le système des dualistes. Voilà [)Ourquoi
Fauste le manichéen niait formelleiuent que
l'opinion de sa s^cte, touchant les deux prin-
cipes, fût venue des païens. S. Aug. contr.i
Faustum. 1. xx, C. 3. Les incrédules sont-ils
bien fondés à soutenir que parmi nous le
peuple est manichéen, p n-ce qu'il attribue
souvent au démon les mallieurs qui lui
arrivent ?
Quant aux philosophes, tels que Pytha-
gore et Platon, un savant aca lémiciena fait
voir qu'ils admt;ttaient en eifet deux prin-
cipes éternels de tontes choses, Dieu et la
matière, et qu'ils supijosaient dans celle-ci
une Ame distinguée de Diou ; mais i! obser-
ve qu'il y avait plusieurs différences entre
leur sytème et celui des mages, et que les
académiciens, les éi)icurions et d'autres se-
ctes ne suivaient ni Pythagore, ni Platon.
Mém. deTAcad. des Inscript., t. L, in-12, p.
33o et 377. Nous ne voyons pas non plus
le dualisme soutenu dans les schasters des
Indiens, ni dans le Chou-King des Chinois.
Cl,' n'est donc pas un systèuie aussi répan-
du que le supposent Beaiisobre, Wiuiet,
Si)encer et d'autres critii[ues.
Il faut avouer qu'avant Manès, Basilide,
A^alentin, Bardesanes, Marcion et les autres
gnostiques du n' siècle l'avaient adopté ; et
il est |>robable que tous l'avaient pris dans
la môme source, chez les mages de la Perse
et chez les autres ])hilosophes orientaux.
Mais il parait qu'ils y avaient changé un
point essentiel, et qu'ils n'admettaient pas,
comme Zoroastre, que les deux principes
eussent été ciéés par l'Eterneî; ils sem-
blaient les avoir supposés tous deux éternels
et incréés. Quoiqu'il en soit, Manès, pour
séduii-eles cliréliens elles amener à ses sen-
timents, chercha dans l'Ecriture sainte tout
ce qui lui pamt propre h les confirmer. 11
vit que le démon y est appelé 1 1 i)uissai!ce
des ténèbres, le prince de ce monde, le |ière
du mensonge, l'auteur du péché et de la
mort; il conclut que c'était là le mauvais
principe qu'il cherchait. L'Evangile dit qu'un
bon arbre ne peut porter de mauvais fruits,
que le démon est toujours menteur comme
soii ])iTe{Joan. c. viii, v. V4-). Donc, dit JJa-
nès, Dieu ne peut êtrel-'père ni le créateur
du d'inon. Il crut apercevoir iieaucoup d'op-
position entre l'Ancien et le Nouveau 'les-
taïuent ; il soutint (juc ces deux lois ne
pouvaient pas être 1 ouvrage du même Dieu.
Jésus-Christ avait pro.ids à ses apôtres l'iîs-
prit paruclct, ou consolateur : c'est moi,
dit Manès, qui suis cet envoyé du ciel ; et
il commen(;a de prêcher. Un_ des premiers
adversaires qu'il rencontra, fut Arciiélaiis,
évêaue deCharcar ou Cascar, dans la Mcso
51T M.\N
piitnniie. Cehii-ri ('■Inrit oiitri' on confr'-rPiifc
avec. iMan^s, vois l'an '277, lui pi-niiva (lu'il
n'('lnit pniiii leiivoyô 'io Dieu, qu'il n'avait
aucun sij;nê de mission, que sa ilùctiine
était directement contraire à l'Kcriture sainte,
et ."bsurde en elle-mùme. Les actes de celte
conférence sont encore exis'anls; ils (lUt été
publiés jiar Zaca;j,ni, CoHectan. nwtnim. vit.
licrl.yfirœcœ et lalinie, \n-ï\ Jioinœ, 1098.
T'est de CCS ac'tes cpie Socraie avait tiré ce
qu'il dit de Manés et de ses sentiments.
Saint Cyrille dc Ji'rusalora, (Uilech. 0, et
saint Epipliaiie, Ilœr.-IG. paraissent aussi les
avoir consultés. Bcausobre a voulu très-mal
h propos révoquer en doute l'authenticité
lie ce monuuKjnt . parce qu'il rent'ornu) des
choses opposées, à ses idées; mas si les
raisons qu'il y oppose étaient solides, il n'y
aurait pas un seul livre ancien duipicl on piit
contester l'authenticité. Manés conldndu fut
obligé de s'éloigner et de reiia-ser dans la
l'erse. Les uns disent que Sapor le lit mourir,
d'autres prétendent que ce l'ut N'aianc 1" ou
\arane 11, su. cesseursd'Saiior. Mais il laissa
des disciples qui eurent plus (1(^ succès que
lui : ils allèrent en l'Uvpte, en Syrie, au fond
de li l'ers:' et dans l'Inde, porter la doctrine
de leur maître.
il. Erreurs enseignées par les manichéens.
l.csdisciples de Maiirs ncs'astrei ;nireni point
à suivre sa doctrine en toutes choses ; chacun
d'eux l'arrangea selon son goût, et de la ma-
nière qui lui sembla la pluspropre k séduire
les ignorants ; Théodoret a conqité plus de
soixante-dix sectes de manichéens, qui, léuuis
dans la croyance des deux principes, ne s'ac-
cordaient ni sur la nature de ces deux êtres,
ni sur Kurs oi)éraliiin5, ni sur les cousé-
quoui es Sjiéculalives ou moiales (ju'ils en
liraient. Cette reman[ue est essentielle. Com-
me les gnosliques étaient aussi divisés en
I)iusieurs sectes, et ipte la plui art se réuni-
rent aux manic!i(''(!ns, o.i ne doit pas être
étonné de la uuiltilude des eireurs (ju'ils
ra-semblèrenl : dès le m' siècle, plusieurs
de ces partis fuient nommés braehitcs ; ce
nom peut signilier vil et mé'prisable.
Parlaforamle de rétractation que l'on obli-
geait les manichéens de faire, lorsqu'ils re-
venaient a l'Ligl se catholique, on voit
quelle était leur croyance; Cotelier l'a rap-
portée, t. \ des Pères apostoliques, p. '6Vi et
suiv. Ce sont les mêmes erreurs que Mâ-
nes avait soutenues dans sa conférence
avec Archélaùs. Selon leur opinion, les âmes
ou les esp^ its sont une émanât on du bon
piincipe qu'ils regar»iaieiit comme une lu-
mière incréée ; et tous les corps ont éli; for-
més par le mauv.ds j)rincipe qu'ils nom-
maient Salan cl la juissance des lénèlires.
Ils disaient qu'il y a des portions de lumière
renferiuées dans tous les cor. s de la natui'e,
qui leur donnent le mouvement et la vie,
qu'ainsi tous les corps sontaniniés ; que ces
âmes ne [)'uv;;nl se réunir au bon principe
que ([uand elles ont été puriliées par dilf -
rentes transmigrations d'un cor|)S dans un
autre : coa.-éiiuemment ils niaient la résur-
rection future et les supplices de l'enfer Ils
uxs
ma
faisaient contre l'histoire d(; la création une
mullitiide d'ol),jections que les inerédu-
les lépèient encore a vjourd'hui, et ils ex-
))li(piaient la formation d'Adam et d'Evo
d'une ;:i;::iièrt! absurde. Comme, selon leur
sentime'ir, les âmes ou les |.orlions de lu-
naère se trouvaient par !? g nératiou plus
élroiteiiient u.-îies ;> la matière qu'aupara-
vant, ils contlauuiaieiit le mariage, parce
qu'il n aboutit, disaient-ils, qu'.à perpétuer
la caiiti.'ité chis âmes. iMai.s on les accusa de
se permettre toutes les turpitudes que peut
insi)irer la passion de la volupti', et que l'on
aval déjà reprochées aux gnostiquos ; c'est
recueil dans lequel sont tombées toutes les
sectes (pii ont osé réprouver l'union légiti-
me des deux sexes. Puis pi'ils croyaient les
plantes et les arbres animés, c'était un crime,
suivant eux, de cueillir un fruit ou de cou-
per un brin d'herbe; maisiisse permettaiimt
de manger ce qui avait été cueilli, coiq)é ou
arraché par d'autres, pourvu qu'ils lissent
jirofcssion de délester ce cr me prétendu.
Onelques-uns d'enlic! (^ux jugèrent au con-
traire iju'ils faisaient une bonne œuvre, en
délivrant ainsi une âme des liens i|ui ratta-
chaient à la matière. Par la même raison, ils
auraient dil appi'ouver l'actiim de luer les
animaux, el môme l'homicide; mais qiu^ls
hérétiqui S ont jamais raisonné conséqueoi
ment ?
Il parait qu'ils regardaient la personne
du Verbe divin, ou.|)lulôl l'âme de Jésus
Christ, connue une portion de la lumière
divine, semblable en nature aux. mires âmes,
quoique plus parfaite; ainsi leur docirine,
touclunit le mystère de la sainte 'i'rinité ,
n'était rien moins qu'orthodoxe. Ils soule-
tenaieiil que le Fils de Dieu ne s'était in-
carné qu'en apparence; que sa naissance,
ses souifrances, sa mort , sa résurrection ,
son ascension, n'avaient éti'; (pi'apparentes :
ainsi l'avaient déjà soutenu plusieurs anciiMis
hérétiques. Con-équemment les manicliéens
ne rendaient aucun culte à la croix ni à la
sainte Merge ; ils prétendaient que l'âme de
Jés ;S-Ch['ist s'était réunie au soleil, et que
celles des ('■! us s'y réunissaient de même: c'i^st
pour cela qu'ils honoraieul le soieil el les
astres, non-seulement couunele symbnle de
la lumière éternelle, et comme le séjour des
âmes pures, mais comme la substance de
Dieu même. Comme ils préten<laienl que les
.'.mes se puriliaient par tles ti'a: sraigralions,
l'on Ui' voit pas quelle vertu ils pouvai(!nt
attribuer au baptême ni aux autres sacre-
ments: aussi employaient-ils d'autres céré-
monies laites par leurs (lus ou leurs prétendus
évêques, auxquels ils attiibuaienl le pou-
voir .l'eil'ace- njus les péchés ; ils furent
aussi accusés de pratiquer une es èce o'i-u-
cliaristie abominable. Bcausobre soutient que
c'est une calomnie : mais les preuves qu'il
on rapporte ne siuit pas fort convainiantes.
11 ne réussit t)as nneux à les justdier contre
l'accusation de magie que l'on a souvent le
nouvelée. Mosheim soutient que cette pra-
tique détestable était une consi'qnence
inévitable des prinuiiies des uiauicliéens.
m
MAN
MAN
52d
Jnftit Illfl. Christ., ii' p-irt., c. S, p. 351.
Us avouaieiil qiip Jésus-Chiist a donné
aii\. liommes une loi plus parfaite que Tan-
rienne ; i's s'attachaient luème à décrier
toutes les lois et les inst:tutit)ns de Moïse, k
noircir toutes les actions des personnages
de l'Ancien Testament, à trouver des con-
tradictions entre celui-ci et l'Evangile. C'est
ce qu'avaient déjà fait avant eux Basilide,
r.arpocrae, Appelles, Cerden cl Murcion.
Saint Augustin, contra Advers. legis et pro-
j)h., 1. II, c. 12, n. 39. Les manichéens n'a-
v.iient pas [>lus de respect pour les saints du
christianisme, ni pour les images, que pour
ceux de l'anciei'ne loi ; mais ils élevaient
justiu'auxnues et respectaient h l'excès leurs
j)ro[>res docteurs. Us altéraient à leur gré le
texte des évangiles et des épîtres de saint
Paul ; ils soutenaient que les passages de ces
livres qu'on leur opposait avaient été cor-
rompus ; ils composèrent un nouvel Evan-
gile et d'autres livres, et ils les mirent entre
lesmHins de leurs prosélytes, ou du moins
ils adoptèrent des livres apocryphes que
d'autres avaient forgés. Toutes ces impiétés
auraient révolîé les hommes de bon sens, si
on les leur avait présentées à découvert ;
mais aucune secte d'hérétiques n'a su aussi
bien déguiser sa doctrine, et ménager la
crédulité de ceux (ju'elle voidail séduire ,
que celle des manichéens. Pour en imposer
aux catholiques, ils affectaient de se servir
des expressions de l'Ecriture sainte, et des
termes usités dans l'Eglise, ils faisaient
semblant d'admettre le baptême, et par là ds
entemiaient Jésus-Christ qui a dit : Je suis
une source d'eau vive; de recevoir l'Eucharis-
tie, etc'éiaient les parolesde Jésus-Christ, qui
sont le pain lie vie ; d'honorer la croix , et
c'était encore Jésus-Christ étendant les bras;
d'honorer la Mère de Dieu, et ils désignaient
ainsi la Jérusalem céleste ; de respecter saint
Paul et saint Jean, mais ils donnaient ce
nom à deux |)ersonnages de leur secte, etc.
Us tlattaient leurs disci|iles, en leur mettant
entre les mains les livres saints accommodés
à leur doctrine, et en blâmant les pasteurs
de l'Eglise catholique, qui en déf ndaient,
disaient-ils, la lecture au peuple. Manès n'é-
tait i)eut-èlre pas l'auteur de toutes ces
fourberies; mais ses sectateurs en tirent
souvent usage. Un de leurs docteurs, nommé
Arislocrite, enseignait qu'au fond les reli-
gions païenne, juive, chrétienne, convenaient
dans le principe et dans les dogmes, qu'elles
iied.ll'éraientqiiedansles termesetdausquel-
ques cérémonies. Parlord, disait-il , on croit
un Dieu suprême et des esprits inférieurs ;
pai'tout des récompenses et des peines dans
une autre vie ; partout on voit des temples,
des sacrilices, des sacrements, des prières,
des otfrandes, etc.; il n'est question que
d'en bien prendre le sens. Cet arlilice a été
mis en usage par plusieurs autres hérétiques.
Les manichéens, i)oursuivis et punis tlès
leur naissance , se crurent la dissimulation,
le mensonge, le parjure, les fausses profes-
sions de foi permis. Quelques-uns eurent
l'audace d'accuser Jésus-Christ de cruauté ,
parce qu'il a dit : Si quelqu'un me renie ae~
vant les hommes , je le renierai devant mon
Père. Us soutinrent que (;es paroles avaient
été fourées dans l'Evan-çile. Ajoutons à ces
supercheries l'affectation d'une morale .iu-
stère et d'une vii' mortifiée , un extérieur
modeste et composé, une adresse singulière
à travestir et à décrier la doctrine, la conduite,
les micurs du clergé c;dholique , l'attention
de ménager et de concilier les différentes
sectes séparées de l'Eglise ; nous ne serons
plus surpris de voir le manichéisme faire des
progrès rapides. Ce n'ist p^s la seule fuis
que ce manège des hérétiques ait réussi.
Saint Augustin, malgré la pénétration de son
génie, fut pris à ce piège dans sa jeunesse;
mais détrompé par la lecture des livres
saints, il attesta qu'il avait embrassé le ma-
nichéisme'sans le connaître ])arfaitemeut ,
moins par conviction que par le plaisir de
contredire et d'embarrasser les catholiques,
parce que les coriphées de la secte tlattaient
sa vanité et le comblaient d'éloges lorsqu'il
avait paru vaincre dans la dispute. Aussi
trouvèrent-ils en lui, après sa conversion,
un adversaire redoutable qui ne cessa de les
démasquer et de les confondre.
Beausobre a cependant trouvé bon de con-
tester et de ])allier la plupnrt des erreurs
attribuées aux manichéens ; il accuse les Pè-
res de l'Eglise de les avoir exagérées par un
faux zèle, et pour se ménager le droit de
persécuter ces hérétiques. Par la même rai-
son, les Pères ont sans doute aussi calomnié
les différentes sectes degnostiques avec les-
ciuelles les maniihéens se sont alliés. Mais
à qui devons-nous plutôt nous fier, aux Pè-
res de l'EgJse qui ont conversé avec les ma-
nichéens , qui ont lu leurs livres , qui leur
ont fait abjurer leurs erreurs , lorsqu'ils se
sont convertis ; ou à un protestant qui n'a
eu aucun de ces moyens pour les connaître,
et qui se trouve intéressé à les justifier pour
l'honneur de sa propre secte?
Comme les protestants ont voulu se don-
ner pour prédécesseurs des sectaires du xii'
et du xii^' siècle, dont plusieurs' étaient ma-
nichéens, il a bien fallu iirendre le parti de
ces derniers contre l'Eglise catholique. Ces
hérétiques re.jetaient les sacrements, le culte
de la sainte Vierge , des saints, de la croix ,
des images, aussi bien que les prolestants;
voilà , SL-lon ceux-ci, des témoins de la vé-
rité (}ui remontent jusqu'au iir siècle, et en
les r.'unissant aux gnostiqucs nous parvien-
drons au temps des apôtres. Mais les apô-
tres, ont condamné les gnosli(pies : donc ils
ont proscrit d'avance les manichéens et toute
leur |)rospérilé jusqu'à la lin des siècles. En
rejetant les dogmes et les pratiques dont
nous venons de parler, les manichéens ont
déclaré la guerre à l'Eglise catholique : donc
ces dogmes et ces pratKjues étaient établis
dsns l'Eglise au m' siècle; ce ne sont pas
des inventions nouvelles, comme les protes-
tants ont voulu 11! persuadrr. Les mani-
chéens ne voulaient honorer ni la sainte
Vierge , ni la croix , parce qu'ils niaient la
réalité de l'incarnation et do la rédemnlion;
K21
MAN
JtfÀN
522
rejetant nos sacrements, ils y substituaient
d'autres cérémonies. Les i)roteslants vou-
draient - ils signer la môme profession do
foi?
III. Progrrs et durée du manichéisme. On
sait que les Perses étaient ennemis jurés de
l'empire romain : le manichc'isme, né dans la
Perse, ne pouvait manquer d'être odieux aux
empereurs; ils le regardèrent comme un re-
jeton de la religion des mages. Diocléticn ne
lit pas plus de grâce aux manichéens qu'aux
chrétiens, et les premiers lurent traités avec
la môme sévérité par les empereurs suivants
qui avaient embrassé le christianisme. Pen-
dant deux cents ans , de[)uis '285 jusqu'en
491, ces hérétiques furent bannis do 1 em-
pire , dépouillés de leurs biens , condamnés
Il périr par ditTérents supplices ; les lois por-
tées contre eux sont encore dans le code
Théodosien. ils ne laissèrent pas de se mul-
tiplier dans les ténèbres , par les moyens
dont nous avons parlé. Sur la lin duiv" siè-
cle, il y avait en Afrique des manichéens qui
furent combattus par saint Augustin ; ils pé-
nétrèrent eux-mêmes en Espagne , puis(|ue
Priscillien y enseigna leurs erreurs et celles
des gnosiiques : ses sectateurs furent nom-
més priscitlianistes.
En 491, la mère de l'empereur Anastase ,
qui était manichéenne , fit suspendre dans
l'Orient l'effet des lois portées contre eux ;
ils jouirent ainsi de la liberté pendant vingt-
sept ans ; mais ils en furent privés sous Jus-
tin et ses successeurs. Vers le milieu du va*
siècle, une autre manichéenne, nommée Gal-
linice , fit élever ses deux fils Paul et Jean
dans ses erreurs , et les envoya prêcher en
Arménie. Paul s'y rendit célèbre par ses suc-
cès, et les manichéens y prirent le nom do
pauliciens. Il eut poursuccesscur un nommé
Silvaiu,qui entreprit d'ajuster le manichéisme
avec les expressions de l'Ecriture sainte, et
de se servir d'un langage orthodoxe; par cet
artilice, il fit croire à une infinité de per-
sonnes que sa doctrine était le christianisme
le plus pur. C'est sous cette nouvelle forme
qu'elle se produisit dans la suite. 11 y eut
cependant des schismes [larmi les pauliciens;
vers l'an 810 , ils étaient |)artagés sous deux
chefs, dont l'un se nommait Sergius, et l'au-
tre Baanès : les sectateurs de celui-ci furent
appelés baanites. Us se firent môme une
guerre sanglante, mais ils furent réunis par
un certain Théodote. L'aversion de ces sec-
taires pour le culte de la croix, des saints et
des images, leur concilia l'afl'ection des Sar-
rasins mahométans , qui faisaient pour lors
des irruptions dans l'empire : l'hérésie des
iconoclastes ou briseurs d'images, qui se
forma sur la fin du vm' siècle , venait de la
doctrine des manichéens et de celle des
mahométans.
L'an 841, l'impératrice Théodora, zélée
pour le culte des images , ordonna de pour-
suivre à la rigueur les manichéens : on pré-
tend qu'il en périt plus de cent mille par les
supplices ; alors ils se liguèrent avec les Sar-
rasuis, se bâtirent des places fortes , et sou-
tinrent plus d'une fois la guerre contre les
DtCXIOKN. BE TqÉOL. D0«1UTIQU£. UL
empereurs; mais vers la fin du ix* siècle, ils
furent défaits dans une bataille, et entière-
ment dispersés. Quelques-uns se réfugièrent
en Bulgarie , et furent connus sous le nom
de Bulgares; d'autres pénétrèrent en Italie,
se firent des établissements dans la Lombar-
die, envoyèrent des prédicateurs en Franco
et ailleurs. L'an 1022, sous le roi Robert,
quelques chanoines d'Orléans se laissèrent
séduire par la morale austère et la piété ap-
parente des manichéens; ils furent condam-
nés au feu. Cette hérésie fit plus de progrès
en Provence et en Languedoc, surtout dans
le diocèse d'Albi, d'où ses sectateurs furent
nommés albigeois. Les conciles que l'on tint
contre eux, les efforts que l'on fit pour les
convertir, la croisade môme que l'on forma
pour leur faire la guerre, les supplices aux-
quels on les condamna, ne purent les anéan-
tir. Au xii' et an xiii" siècle , cette secte se
reproduisit sous les noms de hcnricicns, pé-
trobrusiens, poplicains , cathares, etc. Les
semences qu'ils avaient jetées en Allemagne
et en Angleterre furent le premier germe des
hérésies des hussites et des wiclétites , qui
ont préparé les voies au protcslantisnie. Dans
ces derniers temps, les manichéens avaient
aljandonné le dogme fomiamental de leur
secte, l'hyiiothèse des deux principes ; ils ne
parlaient plus du mauvais principe que comme
nous parlons du démon , et ils faisaient re-
marquer l'empire de celui-ci par la multi-
tude des désordres qui régnaient dans le
monde. Mais ils avaient conservé leurs au-
tres erreurs sur l'incarnation et sur les sa-
crements, leur aversion pour le culte des
saints, de la croix et des images, leur haine
contre les pasteurs de l'Eglise catholique ,
et le libertinage rairiué dans lequel entraîne
ordinairement une fausse spiritualité.
En considérant ces dilférentes révolutions
du manichéisme , quelques écrivains se sont
imaginé que la persécution constante exer-
cée contre ces sectateurs a été la principale
cause de leur pro|iagation; l'on nous per-
mettra d'en juger autrement. Nous ne dis-
convenons point que le secret et la nécessité
de se cacher ne soient un attrait pour la cu-
riosité et augmentent le désir de connaître
une doctrine proscrite; mais les manicliéens
employaient assez d'autres ruses pour sé-
duire les simples : nous verrons ci-après que
leurs sophismes ne pouvaient manquer a'é-
tourdir tous ceux (jui n'avaient aucune no-
tion de phdosophie. Ils firent plus do pro
grès pendant la paix dont ils jouirent sous
lo règne d'Anastase , que pendant les temps
de rigueur ; ils se multiplièrent davantage
dans la Perse où ils étaient soufferts , que
dans l'empire romain où ils étaient proscrits;
cette secte n'a été éteinte dans l'Orient que
par l'esjjrit intolérant du mahométisme. Les
empereurs chrétiens furent principalement
' déterminés à sévir contre eux , par les cri-
mes dont on les accusait ; la morale corrom-
pue qui s'ensuivait de leurs principes, leur
aversion pour le mariage et pour l'agricul-
ture , le libertinage secret par le(|uel ils sé-
1 duisaient les femmes , leurs parjures, la li ■
17
sts
MAN
MAN
ZU
ccnce avec laquelle ils calomniaient l'Eglise
<;t ses ministres , etc., sont des excès qui ne
peuvent être tolérés nar un gouvernement
S'H-^s. LorSi[ue l'impératrice Théodora les
poursuivit ^ feu et à s-ing, ils étaient mèlt''S
avec les ennemis de l'empire et placés sur
les frontièies; la politique, plus que la reli-
gion , dirigeait sa conduite. En Afrique , où
ils étaient faibles et paisibles, saint Augus-
tin ne fut jamais d'avis d'employer contre
eux la violence, ni de faire exécuter les lois
porti'es contre leurs prédécesseurs. Quand
on condamna aux supplices les priscillia-
nistes d'Espagne, saint Léon ne désapprouva
pas cette conduite, parce que leur doctrine
et leurs mœurs mettaient le trouble dans la
société civile. Si l'on sévit contre les albi-
geois, c'est qu'ils s'étaient rendus redouta-
bles par leurs excès. Voy. Albigeois , Pnis-
ciLLiANisTES. Aiusl , c'ost toujours la con-
duite des héréliques , encore plus que leur
doctrine, qui a décidé de la douceur ou de la
rigueur avec laquelle on les a traités.
On dit que si, au lieu de lois pénales, les
évêques av'uent fait de bonnes réfutations
du manichéisme , il aurait prol)ablcment fait
moins de progrès ; on se trompe encore :
dans tiius les siècles cette erreur a été soli-
dement réfutée par les Pères : nous le ver-
rons dans un moment ; et si l'on excepte les
deux ou trois époques dont nous avons parlé,
les lois portées contre les manichéens n'ont
jamais été exécutées à toute rigueur. Voy.
Tillemont, t. IV, p. 407 et suiv.
IV. Le manichéisme est absurdeà to us égards ;
il ne peut résoudre la difficulté tirée de Vori-
fnnc du mal. Bayle, qui avait employé toutes
es ressources de son esprit h pallier l'ab-
surdité du système des deux principes, a été
forcé enfin de convenir que cela n'est pas
possilîle. Second éclairciss. à la On du Dict.
Crit. § 5. Voici une partie des preuves qui le
démontren*, et qui ont été employées par
les Pères de l'Eglise.
1° Il est absurde de supposer un être éter-
nel , nécessaire, existant de soi-même, et de
ne lui accorder qu'un pouvoir borné; une
nécessité d'être absolue, et cependant bor-
née, est une contradiction : rien n'est borné
sans cause. Or, un être éternel et nécessaire
n'a point de cause. Il est encore plus ab-
surde d'admettre un être éternel et néces-
saire essentiellement mauvais ; c'est préten-
dre que le mal est une substance ou un at-
tribut positif, ce qui est évidemment faux.
Une troisième absurdité est de supposer d(!ux
êtres éternels et nécessaires , indépendants
l'un de l'autre, quant à l'existence, et qui
cependant peuvent se gêner l'un l'autre, s'em-
pêcher mutuellement d'agir d'une manière
conforme à leur nature, se rendre récipro-
quement mécontents et malheureux. L'être
éternel et nécessaire est donc essintiellcment
luiique, indépendant , doué d'une puissance
inlinie, par conséquent du pouvoir créateur;
alors il n'est pas pius besoin d'admettre deux
principes que d'en admettre mille, puisqu'un
seul suffit. Une quatrième absurdité est di-
luaginer du mal avant la créatiou, lorsuu'il
n'y avait encore aucun être auquel le mau-
vais principe pût nuire. Aussi Archi'laiis
soutint contre Manès , qu'il est impossible
qu'une substance soit essentiellement et ab-
solument mauvaise, puisque le mal n'est rien
de positif, mais seulement la privation d'un
plus grand bien. Confér. n° 16. ïcrtullien a
fait ces mômes arguments contre Hermogène
et contre Marcion , et saint Augustin les ^
répétés.
2° Manès n'était pas moins ridicule , lors-
qu'il concevait le bon principe , comme une
lumière , et le mauvais sous l'idée des ténè-
bres; la lumière est un corps; les ténèbres
n'en sont que la privation. Pouvait-il dire
par quelle barrière la région de la lumière
avait été de toute éternité séparée de celle
des ténèbres ? comment les ténèbres, qui ne
sont qu'une privation , avaient pu faire une
irruption dans la région de la lumière? On
concevrait plutôt que la luuiière, p.ir son
mouvement, avait fait une irruption dans la
région des ténèbres. Confér. d'Archélaiis ,
n° 21 et suiv. Cet hérésiarque manquait de
bon sens , lorsqu'il disait que les ilmes ou
les esprits sont des portions de lumière; ce
seraient donc des corps. L'esprit est un être
simple et indivisible ; il ne peut faire partie
d'un autre esprit, ni, par conséquent, en sor-
tir par émanation ; il ne peut commencer
d'être que par création. Le bon principe,
être simple et nécessaire , a-t-il pu perdi e
une partie de sa substance, en laissant éma-
ner de lui d'autres esprits ? S'il a le pou-
voir créateur, tout autre pouvoir que le sien
est inutile et absurde. Les manichéens no
s'entendaient pas eux-mêmes, en soutenant
que le mauvais principe a fait les corps. S'il
ne les a pas tirés du néant , il faut que la
matière dont il les a formés soit éternelle,
et voilà un troisième principe éternel. Les
corps sont-ils, aussi bien que les âmes, des
portions de lumière dérobées au bon prin-
cipe ? ou sont-ce des portions de ténèbres ,
qui ne sont qu'une privation "? Rien n'est
plus ridicule que de regarder lescorpscomme
essentiellement mauvais. Puisque le corps et
l'âme de l'homme sont évidemment faits l'un
pour l'autre, ils ne peuvent pas être l'ou-
vrage de deux principes ennemis l'un de
l'autre ; il en est de môme de toutes les par-
ties de l'univers ; l'unité de plan et de des-
sein démontre évidemment l'action d'un seul
Créateur intelligent et sage. Confér. dAr •
^chél., 11° 20.
3" Dans le système de Manès , les deux
\ principes agissent d'une manière contraire
à leur nature; le bon principe est impuis-
sant, timide, injuste, imprudent; le mauvais
est plus puissant, plus sage, plus habde. Se-
lon lui, avant la naissance du monde, la ré-
gion de la lumière, séjour du bon principe ,
était de toute éterniié absolument séparée
de la région des ténèbres , habitée |iar le
mauvais ; le premier, ciaignant une irrup-
tion de la i)art de son ennemi, lui abandonna
une partie des âmes, afin de sauver le reste.
Mais ces âmes étaient une partie de sa sub-
stance, et û'avaiôDt commis aucun péché ;
S23
MAN
MAN
526
c"étnit Jonc une injuslico de les abnndon-
iier pour jnninis h la tyrannie du mau-
vais principe. Y avait-il h craindre que des
loarriùres (^lernojles iiusscnl 6tre rompues?
Ainsi , en rel'usant de reconnaître un Dieu ,
unique auleur du itien et du mal, on le sup-
pose mauvais en toules manières, fbid.,
n"' -^'i., 25, 20. Saint .\ugustin , de Morib.
Manich., c. 12, n° 25, etc.
h" Dans ce mCrae système, toute religion
estinutile, est absurde, nous ne pouvons rien
espérer de notre piété et de nos vertus, et
nous n'avons rien à craindre pournos crimes.
Quoi que nous fassions, le Dieu bon nous
sera toujours propice, et le mauvais principe
nous sera toujours contraire. Tous deux
agissent nécessairement selon l'inclination
de leur nature , et de toute l'itendue de
leurs forces ; tout est donc la suite d'une
nécessité fatale et inévitable. Or, dans l'Iiy-
pothèse de la fatalité, il n'y a plus ni i)icu,
hi mal moral; il n'y a plus que bonheur et
malheur; autant vaut supposer que tout est
matière. Cette doctrine est destructive de
toute loi et de toute société; ce n'est pas
sans raison que l'on a regardé les manichéens
comme des ennemis dont il fallait purger le
monde. S'ils n'ont pas cnmmistousics crimes
dont ils ont été accusés, ils n'ont pas agi
conséquennnent.
5° Non-seulement il leur était impossible
de prouver qu'il y a des substances absolu-
ment mauvaises par leur nature, mais ils
étaient incapables de foire voir qu'il y a dans
l'univers, tel qu'il est, plus de mal que do
bien, et qu'à tout prendre, ce monde ne peut
pas être l'ouvrage d'un Dieu bon. Puis(]u'il
S'ensuivait de lèiu" doctrine que le mauvais
principe a été plus puissant et plus habile
que le bon, pourtiuoi a-t-il laissé subsister
dans ce monde autant de bien qu'il y en a?
|1 n'est pas moins ditlicile de concilier le
bien qui existe avec la puissance et la ma-
lice du mauvais principe, (jue d'accorder
le mal qui règne avec la puissance d'un
Dieu bon.
6' Enfin, l'un demandait aux manichéens:
Puisque lu même âme fait tantôt le mal et
tantôt le hien, par lequel des deux princi-
pes a-t-elle été créée'? Si c'est parle bon, il
s'ensuit que le mal peut naître de la source
de tout hien; si c'est par le mauvais, le bien
peut donc provenir du môme principe que le
ni.il : ainsi, la maxime fondamentale du ma-
nifhéisme se trouve absolument fausse et
ent.èrement détruite.
; Il n'est donc pas étonnant que, dans la
conférence avec Archélaûs, Manès ait été
honteusement réduit au silence, et que ses
disciples les plus habiles aient toujours été
confondus par saint Augustin. C'est très-mal
à propos que les censeurs des Pères de
l'Eglise prétendent que l'on ne s'est pas
donné la peine de réfuter les manichéens,
et que l'on a trouvé qu'ilétait plus aisé de
les punir.
11 est évident que Zoroastre, qui suppo-
sait que les deux principes avaient été créés
par le temps sans bornes, ne jûjiyait satis-
faire h ladifiîculté tirée de l'origine du mal.
Avant de les créer, l'Eternel devait prévoir
le mal qui résulterait di' leurs O[)érations, et
il devait s'abstenir plutôt de rien produire,
que de permettre l'introduction ilu mal par
la malici! du mauvais principe, lia, le ne pa-
raît pas y avoir fait attention, ('e ciitiijue
n'est pas mieux fmidé h dire ([u'à la vé-
rité le système de Manès est absurde en lui-
même, et qu'il est aisé de le réfuter directe-
ment; (]ue néanmoins, dans le détail, il
])arait mieux d'accord avec les phénomènes
que le système ordinaire, et semble mieux
résoudre les objections. Déjà il est démontré
qu'il n'en résout aucune, et nous ferons
voir que les Pères n'ont pas moins réussi
à résoudre la grande diincullé de l'ori-
gine du mal, qu'à' n-futcr directemi-nt le ma-
nirhéisme. Mais il est bon de considérer au-
]iaravaut de (juelle manière les philosophes
du deinier siècle s'y sont pris pour satisfaire
à cettecélèhre objection elpour rélnterBayle.
V. Mrniiêrr dont le viankhéisme a ('le com-
battu dans le dernier siècle. Bayle était un
adversaire assez redoutable, poui' éveil-
ler' l'atlentiou des meilleurs i)hilosophes.
MM. King , Jacquelot , La Placette , Leib-
nilz. Le Clerc, le P. Malcbrancho, ont exercé
leur plume contre lui. 11 n'en est j)as deux
qui aient posé les mêmes principes, et,
comme il arrive assez souvent, les questions
accessoires qu'ils ont tr'aitées ont pres(]uo
toujours fait pei-dre de vue l'objet principal.
H s'agissait de savoir si le monde, tel qu'il
est, peut être l'ouvrage d'un Dieu tout-puis-
sant et infiniment bon ; nous sommes obligés
d'abrégerbeaucouple détail de cette dispute.
King, archevêque de Dublin, dans un
traiié de l'Origine du mal, posa pour principe
que Dieu a créé le monde pour exercer sa
puissance et |)Our communiquer sa bonté;
mais qu'aucun objet extérieur n'étant bon
par rapport îï lui, les choses ne sont bonnes
que parce que Dieu les a choisies. 11 dit (jue
Dieu a voulu exercer sa bonté, mais de la
manière la plus conforme au dessein qu'il
avait d'exercer aussi sa puissance, et que
les maux i^hysiques sont nécessairement at-
tachés aux lois que Dieu a établies [lour
faire éclater cette puissance môme. 11 con-
clut que la b-onté de Dieu n'exigeait point
qu'il créât un monde exempt de maux phj'-
siques, puisque ce monde possible n'aurait
pas été meilleur à son égard que le nôtre. 11
observe que le mal moral n'est qu'un abus
que l'homme fait de sa liberté, et qu'il n'était
pas meilleur par rap[iort à Dieu de prévenir
cet abus que de le permettre; qu'en le pré-
venant il se serait écarté du plan qu'il avait
formé de conduire l'homme par le mobile
des peines et des récompenses. Au lieu qua
Bayle elles manichéens affectent d'exagérer
la quantité de mal physique et moral répandu
sur la terre, King l'exténue autant c{u'il
peut, et fait à ce sujet plusieurs réflexions
très-sensées. Pour les réfuter, Bayle em-
ploya les propres principes de son adver-
saire. Puisque, de l'aveu de King, Dieu a
créé le monde, non pour son intérêt ni pour
,
827
MAN
MAN
ti-2&
sa gloire, mais pour commimiquer sa bonté,
id devait préfiTer l'oxercice du sa bonté à
celui de sa puissance ; et puisque tout est
également bon par rapport à lui, il devait
choisir par piéférence lo plan , les lois, les
moyens les plus avantageux aux créatures;
c'est ce qu'il n'a pas fait. Nous montrerons
ci-après le sophisme renfermé dans cette
réplique de Bayle. Jacquelot, au contraire,
dans un ouvrage intitulé : Conformité de la
foi et de la 7-aison, posa pour (irincipe que
Dieu a créé l'univers pour sa gloire; con-
séquemment qu'il a créé l'homme libre, afin
qu'il fût capable de glorifier Dieu et de le
connaître par ses ouvrages ; qu'un être iu-
telligent et libre, étant le plus parlait ou-
vrage de Dieu, il manquerait quelque chose
à la perfection de l'univers , si l'komme
n'était pas libre et capable de produire le
mal moral par l'abus de sa liberté. 11 ajouta
que la bouté de Dieu ne l'obligeait point à
créer l'homme dans l'état des bienheureux,
parce que c'est un état de récompense, au
lieu que celui des hommes surla terre est un
état a'é,)reuve.
Bayle répliqua, l" que Dieu, trouvant en
lui-même et dans ses perfections une gloire
infinie et un souverain bonheur, ne peut
avoir créé le monde pour sagleire; qu'ill'a
créé plutôt par b )nté et pour avoir des êtres
auxquels il pût faire du bien. 2° Que l'on no
voit pas en quoi le mal physique ni le mal
moi'al contribuent à la perfection de l'univers
ni ài la gloire de Diru; que, sans ôter à
l'homme sa liberté, Dieu pouvait lui faire
éviter le mal moral ouïe j)éché; que, puis-
uue l'état des bienheureux est plus parfait
que le nôtre, Dieu pouvait plutôt y placer
l'homme que dans l'état d'épreuve. Autre
sophisme que nous aurons soin de relever.
La Placette, dans un écrit intitulé, Réponse
à deux objections de M. Bayle, attaqua le
principe de ce critique, et soutint qu'il n'est
pas démontré que Dieu ait créé le monde
uniquement par bonté et jiour rendre ses
créatures heureuses; que Dieu peut avoir eu
des desseins que nous ignorons. Comme
Bayle mourut dans le temps que La Placette
faisait imprimer son ouvrage, il n'eut pas le
temps de répliquer; il aurait dit, sans doute,
que des desseins que nous ignorons ne
peuvent pas nous servir à expliquer ce que
nous voyons, ni à résoudre une difficulté.
Leibnitz , pour attaquer Bayle , embrassa
l'optimisme; il prétendit dans ses Essais de
Théodicée, que Dieu, prêt à créer l'univers,
avait choisi le meilleur de tous les plans
possibles; que, quoique la permission du
mal soit nécessairement entrée dans ce plan,
cela n'empêche pas que, tout calculé, ce
monde ne soit le meilleur de tous ceux que
Dieu pouvait faire. On ne peut pas dire
néanmoins que Dieu a voulu positivement
le mal moral, ou le péché; il a seulement
voulu un monde dans lequel le péché devait
entrer, et dans lequel ce mal serait com-
pensé par les biens qui en résulteraient.
Nous ignorons ce que Bayle aurait répondu
8 il avait cncora été vivant; mais il est évi-
dent que l'optimisme borne témérairement
la puissance de Dieu, en supposant qu'il n'a
pas pu faire mieux qu'il n'a lait. Cette opi-
nion donne encore atteinte à la liberté
divine, en soutenant que Dieu a choisi né-
cessairement le plan qu'il a jugé le meilleur :
d'oii il résulte que tout est nécessairement
tel qu'il est. Enfin, puisqu'il est impossible
à l'esprit de l'iiomm.j de saisir le systènie
physique et moral de l'univers dans sa tota-
lité et dans ses différents' rap-iorts, nous
sommes incapables de juger si le tout est le
mieux possible. Voy. Optimisme.
Le Clerc a eu recours h un autre expé-
dient; comme la [)lus forte objection do
Bayle portait sur la longue durée du mal
physique et moral dans ce monde, et sur
leur éternité dans l'autre , Le Clerc , pour
affaiblir cette difficulté, adopta l'origénisme ;
il prétendit, ilans son Parrhasiana, que les
peines des damnés finiraient un jour; qu'ainsi
les biens et les maux de cette vie n'étaient
que des moments destinés à élever enfin
l'âme à la perfection et au bonheur éternel.
Bayle répondit que, si cette hypothèse di-
minuait la dilliculté tirée de l'existence du
mal, elle ne la détruis.dt pas; qu'il est con-
traire à la bonté de Dieu de conduire les
créatures à la perfection par le péché, et au
bonheur par les souffrances, pendant qu'elle
pouvait les y faire parvenir autrement : il
y a encore du faux dans cette réponse.
Dans le dessein de dissiper entièrement
toutes les objections, le P. Malebranche par-
tit du même principe que Jacquelot; il dit
que Dieu, étant un Etre souverainement par-
fait , aime l'ordre , qu'il aime les choses à
proportion qu'elles sont aimables , qu'il
s'aime par conséquent lui-même d'un amour
infini ; de là ce philosophe conclut que, dans
la création du monde, Dieu n'a pu se pro-
poser pour fin principale que sa propre
gloire. 11 n'y aurait, dit-il, aucune propor-
tion entre un monde fini quelconque et la
gloire de Dieu, si, en le créant. Dieu ne
s'était proposé l'incarnation du 'Verbe , qui
donne aux hommages des créatures un prix
infini. D'ailleurs, Dieu infiniment sage doit
agir par des voloiités générales, et non par
des volontés particulières; or, pour prévenir
tous les péchés, il auiait fallu que Dieu in-
terrompît les lois générales et suivît des lois
particulières; d'où l'on voit, qu'eu égard aux
différentes perfections de Dieu, à sa bonté,
à sa sagesse, à sa justice , il a fait à ses
créatures tout le bien qu'il pouvait ieur
faire. Ce système du P. Malebranohe fut
attaqué par le docteur Arnaud. Sans exa-
miner les raisons qu'il y opposa, il nous
paraît dur de ne pouvoir répondre à des
objections purement philosophiques et qui
viennent naturellement à l'esprit des igno-
rants, que par la révélation d'un mystère
aussi sublime que celui de l'incarnation, cl
d'être obligés de savoir s'il fallait absolument
le péché originel et ses suites, pour que le
Verbe divin pût s'incarner. En second lieu,
nous ne voyous pas en quel sens Dieu, en
faisant des miracles, suit les lois géuéraiei
5:9
MAN
M\N
830
qu'il a étaWies, et sur lesquelles est fondé
riinlic physique du monde ; il passe pour
cfiiistant parmi les thf'ologiens, que tout mi-
racle est une exception ou une mTogation à
ces lois. Nous voyons encore moins dans
quel sens un jilus f:;rand mmibre de grfices
elllcacos accordées aux liommes auraient in-
terrsmpu le cours des lois générales. Enfin
cette hypothèse semble supposer, comme
celle de Leibnitz, (jue Dieu a fait nécessai-
rement tout ce (pi'ilafait. Nous l'exposerons
et nous la réfuterons avec plus d'étendue au
mot Optimisme.
N'y a-t-il donc [las une mélliodo plus
simple de résoudre les objections des ma-
nichéens? Pour y satisfaire, les Pères do
l'Eglise n'ont point eu recours h des sys-
tèmes arbitraires ; ils n'ont embrassé ' ni
l'optimisme, ni la fatalité, ni l'hypothèse
des lois générales. Bayie, à la vérité, a pré-
tendu que si les Pères avaient eu à disputer
contre des philosophes plus habiles que les
manichéens, ils auraient eu de la peine à
résoudr(> leurs arguments; nous soutenons,
au contraire, (ju'ils ont réfuté d'avance les
sophismcs de Bayie et des philosophes de
toutes les sectes : nous ignorons pourquoi
les modernes n'ont pas trouvé bon de s'en
tenir aux vérités étaiilios par les Pères.
VI. Iteponses des Pêrcs de l'Eglise aux ob-
jections des manichéens. 11 ne faut |ias ou-
blier ce que nous avons dit ci-devant,
qu'avant Manès le système des deux prin-
cipes avait été embrassé par la plupart des
sectes de gnostiques; Valentin , Basilides,
Bardesancs, Marcinn et d'autres, avaient fait
les mêmes objections et avaient été réfutés
par les Pères. Tertullien, dans ses livres
contre Marcion , l'auteur des Dialogues
contre ce même hérétique, attribués autre-
fois h Origène; Archélaùs, dans sa confé-
rence avec Wanès; saint Augustin, dans ses
divers ouvrages . etc., «nt tous suivi la
même méthode ; ils ont posé deux maximes
d'une véiité paljiable, qui font disparaître
les difricultés. Déjà, dans l'article Mai, et
ailleurs, nous en avons fait voir la solidité :
nous sommes forcés de nous répéter en peu
de mots.
1' Le mal n'est ni une substance, ni un
ôtre positif, mais c'est la privation d'un
plus grand bien ; il n'y a dans le monde ni
bien ni mal absolu; ils ne sont tels (jue par
comparaison. Tout bien créé étant essen-
tiellemenl borm'', renferme nécessairement
une {)rivation ; il est censé mal en compa-
raison d'im plus grand bien, et il est mieux
en comparaison d'un moindre bien. Puisqu'il
n'est aucun être (|ui no renferme quelque
degré de bien, il n'en est aucun qui soit
absolument mauvais. Quand on dit qu'il y
a du mal dans le monde, cela signifie seu-
lement qu'il y a moins de bien qu'il ne
pourrait y en avoir. Lorsqu'on ajoute qu'un
Dieu bon ne peut pas faire le mal, si l'on
entend qu'il ne peut pas faire un bien
mouicre qu'un autre, cela est faux et ab-
surde. Quand on ailirme qu'il ne peut faire
que du bien, si l'on veut dire qu'il ne peut
faire que ce qui est le mieux possible, c'est
une autre absurdité. Quelque bien que Dieu
fasse, il peut toujours faire mieux, puisque
sa puissance est intinie, le mieux possible
serait l'infini actuel créé, qui renferme
contradiction. S. August., 1. m de. Lib. arb.,
c. 3, II. 12 et suiv.; L. de Morib. Manich.,
c. k, n. G; Op. imperf., lib v, n. 58 et
60, etc. Ce principe évident est applicable
aux trois espèces de maux que distinguent
les philosophes. Ils apj)ellent mal l'imper-
fection des créatures; mais il n'en est au-
cune qui n'ait quelque degré de perfection ;
elle n'est censée im|iarfaite que (pian(lonla
compare à une autre qui est [dus |)arfaite ;
ainsi l'homme est imparfait en comparaison
des anges, mais il est beaucoup plus par-
fait aue les brutes; et dans la même espèce
les divers individus sont plus ou moins
parfaits les uns que les autres. L'imperfection
absolue serait le néant, et il n'y a point de
perfection absolue que celle de Dieu.
Aussi les pliilosojihes. qui se plaignent
du mal qu'il y a dans le monde, entendent
principalement par mal la douleur ou le
mal-ètre des créatures sensibles. Or, quoi-
qu'un seul instant de douleur légère nous
paraisse un mal positif et absolu, il ne nous
ôt(^ cependant pas le sentiment d'un bien-
être habituel dont nous avons joui, ou dont
nous espérons de jouir; ce n'est donc pas
un mal pur et sans mélange de bien; c'est
même un bien en conquraison d'une dou-
leur plus longue et plus aiguë, et il n'est
personne qui ne choisît l'un préférablement
à l'autre. Un mal pur pourrait-il être un
objet de préférence? Le bien-ôtre ou le
bonheur, le mal-ètre ou le malheur ne sont
donc encore que deux termes de comparai-
son. Un homme qui a vécu quatre-vingts
ans, et qui n'a éprouvé dans toute sa vie
que quelques instants d'une douleur légère,
est très-heureux en comparaison de celui
qui a soulfert plus longtemps et plus vio-
lemment; il est certainement dans le cas de
bénir et de remercier Dieu.
Lorsque Bayle et ses copistes ont osé
soutenir qu'un seul instant de douleur lé-
gère est un mal pur, positif, absolu, une
objection invincible contre la bonté de Dieu,
ils se sontjoués des termes. Quand ils
ajoutent qu'un Dieu bon se doit à lui-môme
de rendre ses créatures heureuses, nous
leur demandons quel degré nrécis de bon-
heur il leur doit, et quelle doit en être la
durée; et nous les défions de l'assigner.
Quelque heureuse que l'on suppose une
créature sur la terre, elle pourrait l'être
davantage, et elle sera toujours censée mal-
heureuse en com[iaraison des bienheureux
du ciel. Le bonheur de ceux-ci n'est absolu
que parce qu'il est éternel ; il pourrait
augmenter, puisqu'il y a entre les saints
divers degrés de gloire et de bonheur, et la
félicité des uns a commencé plus tôt que
celle des autres. Enfin, lorsque lîayle sou-
tient qu'un Dieu bon ne peut conduire à ce
bonheur éternel par un seul instant de
souffrance, il choque directeruent le bon
S31
MAN
MAN
K53
sens. Si en affirmant que Dieu doit nous
rendre heureux, Ton entend qu'il doit nous
rendre contents, il ne tient qu'à nous do
l'êîre. Un saint qui souffre se croit heureux,
bénit Dieu, et se réjouit de son état; un
épicurien se croit malheureux, parce qu'il
ne peut pns goûter autant de plaisirs qu'il
voudrait : que prouve la fausse idée qu'il
se fait du bonheur ? Nous n'imitons point
l'opiniûlreté des stoïciens, ciui ne voulaient
pas avouer que la douleur fût un mal, mais
nous soutenons que ce n'est point un mal
pur et absolu, qui rende l'homme absolu-
ment malheureux, qui lui ôte tout sentiment
du bien-être, qui prouve de la part de Dieu
un défaut de bonté envers ses créatures.
La troisième espèce de mal, cfui est le
péché, ne vient point de Dieu, mais de
l'homme; c'est l'abus libre et volontaire
d'une faculté bonne et avantageuse. Ceux
qui soutiennent que la liberté est un mal,
un don funeste, puisque c'est le pouvoir de
se rendre éternellement malheureux, en
imposent; c'est aussi le pouvoir de se ren-
dre éternellement heureux par la vertu.
Cette faculté serait, sans dout^, meilleure et
plus avantageuse, si c'était le seul pouvoir
de faire le bien ; mais le pouvoir de choisir
entre le bii'u et le mal vaut certainement
mieux que l'instinct purement animal des
brutes; ce n'est donc pas une faculté abso-
lument mauvaise. S. August., L. xi de Ge-
nesi ad Lit., c. 7, n. 9. Un philosophe qui
soutient que Dieu ne peut ni vouloir ni per-
mettre le mal moral ou le péché, doit dé-
montrer qu'un être intelligent, capable de
vertu et de vice, est absolument mauvais
ou absolument malheureux; comment le
prouvera-t-il ?
2' Un second principe évident, posé par
les Pères de l'Eglise, c'est gue la bonté de
Dieu étant jointe à une puissance infinie,
on ne doit point la comparer à la bonté de
l'homme, dont le pouvoir est très-borné,
l'homme n'est censé être bon qu'autant qu'il
fait tout le bien qu'il peut faire ; à l'égard
de Dieu cette règle est fausse, puisque Dieu
peut faire du bien à l'infini; on ne trouverait
donc jamais le degré de bien auquel la bonté
divine doit s'arrêter. S. Aug., L. contra
Epist. Fundam. c. 30, n. 33; c. 37, n. 4-3;
Epist. 186, ad Paulin, c. 7, n. 22, etc.
Bayle lui-même a été forcé de reconnaître
l'évidence de cette vérité. Mais que fait-il?
Il l'oublie et la méconnaît dans tous ses
raisonnements. 11 prétend qu'un Dieu infi-
niment bon ne peut ni affliger ses créatures,
ni permettre le péché, parce que si un père,
un ami, un roi, etc., faisaient de mèroe, ils
ne seraient pas bons. Dès que toutes ses
co mparaisons sont démontrées fausses, tous
ses sophisraes ne signifient plus rien. Tel
est cependant l'unique fondement sur lequel
il a soutenu, contre King, .que Dieu, en
créant le monde, devait choisu' par préfé-
rence le plan, les lois, les moyens les plus
avantageux aux créatures; contre Jacquelot,
que l'état des bienheureux étant plus par-
eil que le uôlre, Dieu devait plutôt y placer
i 'homme que dans l'état d'épreuve; contre
Le Clerc, qu'il était plus digne d'une bonté
infinie, de conduire l'homme au bonheur
éternel par les plaisirs que par les souffran-
ces, etc. Pourquoi Dieu devait-il faire tout
cela ? Parce qu'un homme ne serait pas
censé bon, s'ilne le faisait pas lorsqu'il le
peut. Ainsi, Bayle argumente constamment
sur l'idée du mieux, de ce qui est plus avan-
tageux, plus digne de la bonté de Dieu, idée
qui conduit à l'infini, et il compare toujours
cette bonté à .celle d'un homme : double
sophisme par lequel il éblouit ses lecteurs,
et que les incrédules ne cessent de répéter.
Mais les Pères, et en particulier saint Au-
gustin, l'ont détruit d'avance par les deux
principes qu'ils ont posés, et qui sont d'une
évidence palpable; aujourd'hui l'on nous dit
que les Pères n'ont pas répondu solidement
aux objections des manichéens. Est-on venu
à bout de renverser les deux vérités qui ont
été la base de leurs réponses ?
Saint Augustin n'a pas moins réussi à
démasquer les fausses vertus dont les mani-
chéens faisaient parade. Il leur démontre
que leur abstinence n'est qu'une gourman-
dise raffinée, que leur chasîeté est très-
équivoque, qu'ils se font un scrupule de
blesser une plante, pendant qu'ils laisseraient
mourir de faim un pauvre catholique ou un
malade, plutôt que de cueillir un fruit pour
le soulager. 11 leur reproche plusieurs vices
très-odieux; il devait connaître leurs mœurs,
puisqu'il avait été leur disciple pendant
neuf ans, et sûrement la perte d'un pareil
prosélyte dut leur être très-sensible. Saint
Cyrille de Jérusalem lésa peints à peu près
de môme, dans le temps que leur secte ne
faisait que commencer, Catech. 6; il y avait
un assez grand nombre de ces hérétiques
dans la Palestine. Plusieurs critiques protes-
tants ont accusé saint Augustin d'avoir sou-
tenu, dans ses ouvrages contre les pélagiens,
des sentiments tout contraires à ceux qu'il
avait établis contre les manichéens : c'est
une calomnie que nous réfutons ailleurs.
Voy. Saint Augustin.
VIL Examen de l'Histoire critique de Ma~
nichée et du manichéisme, publiée par Beau-
sobre. Si nous entreprenions do relever tous
les défauts de cet ouvrage, il en faudrait
faire un presque aussi considérable; mais
comme ils ont été avoués et remarqués
déjà par d'habiles protestants, en particulier
par Mosheim et par Hrucker, et que nous
avons occasion d'en parler dans plusieurs
autres articles, nous nous bornerons dans
celui-ci à quelques observations générales.
1° Beausobre fait profession de n'ajouter
foi à aucun témoignage contraire à l'idée
qu'il s'est formée du manichéisme. 11 récuse
celui des Pères de l'Eglise, parce qu'ils ont
été trop crédules, que par un faux zèle ils
ont exagéré les torts des hérétiques, et qu'ils
ont affecté de publier tout ce qui pouvait en
rendre la personne odieuse. Il n'a point
d'égard aux aveux de quelques-uns des dé-
fenseurs du manichéisme, parce que c'étaient
des ignorants qui ont mal saisi les principes
653 MAN
e( la (loctrino de leur maître. Il fait encore
moins de cas de la confession de ceux qui
ont abjuré cette erreur pour se réconcilier
îi l'Eglise; c'étaient des transfuti;es qui ca-
,oa niaient la secto qu'ils abandonnaient
selon la coutume de tous les apostats. 11 ne
se fie point aux auteurs grecs, parce qu'ils
ne savaient pas la langue dans U^jucUcManès
a écrit, et qu'ils connaissaient raal la philo-
sophie des Orientaux. L'on doit plutôt s'en
rapporter aux écrivains perses, chaldéens,
syriens, arabes, égyptiens, môme aux juifsr
cabalistes. Cependant, iiarnii ces auteurs, il\
n'y en a pas un seul duquel on puisse alfir-
mer, avec certitude, qu'il avait lu les livres
oriijinaux de i\Ianés. Aussi Brucker blAme
avec raison cette prévention de Beausobre,
Histoire critique àe la Philosophie, tom. III,
pâg. '189; tiim. VI, nau,-. 550. Mosheim de
môme, Instil. Ilist. christ., iV part., cap. 5,
paf,'. 331 .
•l" Ce critique ne veut pas que l'on attribue
aux manichéens ni h aucune secte hérétique,
par voie de conséquence, des erreurs qu'elle
désavoue ou qu'elle n'enseigne pas formel-
lement; mais il se sert de cette même voie
de conséquence pour les justifier; ils n'ont
pas pu, dit-il, soutenir tel'e erreur, puis-
qu'ils ont soutenu telle autre opinion qui
est incompatible avec cette erreur. Au con-
traire, quand il s'agit des Pères de l'Eglise,
il leur attribue toutes les absurdités possi-
bles par voie de conséquence, et il s'oppose
à ce que l'on se serve de ce moyen pour les
justifier, parce que selon lui, les Pérès n'ont
pas été toujours d'accord avec eux-mêmes.
Ainsi il accuse ceux môme qui ont admis la
création d'avoir cru Dieu corporel, comme si
ces deux opinions pouvaient compatir en-
semble; il soulient que quelques autres
n'ont pa6 cru la présence réelle de Jésus-
Clh'ist dans l'Eucharistie, parce qu'ils se
sont exprimés d'une manière qui ne paraît
pas s'accorder avec cette croyance. A son
avis, les Pères et les hérétiques ont été tan-
tôt conséquents et tantôt inconséquents,
suivant qu il lui est utile de le supposer.
3° Par un motif de charité exemplaire, il
interprète toujours dans le sens le plus fa-
vorable les opinions des sectaires, et lors-
qu'il n'est p;i3 possible d'excuser leur doc-
trine, il veut que l'on attribue du moins
leur égarement à une intention louable.
Malheureusement cette condescendance n'a
plus lieu à l'égard des Pères de l'Eglise; il
prend toujours dans le sens le plus odieux
ce qu'ils ont dit; il ne se fait pas môme
scrufiule de falsifier un peu leurs passages,
et de les traduire à sa manière : il a grand
soin de noircir leurs intentions, lorsqu'il ne
prut pas censurer leur doctrine. Est-ce à
tort que Brucker lui a reproché d'avoir en-
trepris de justifier tous les hérétiques aux
dépens des Pères de l'Eglise? Ibid.
*° 11 a cru excuser suffisamment les er-
reurs des manichéens, lorsqu'il a découvert
Quelques opinions à peu près semblables
ans les écrits des docteurs catholiques, ou
chez d'autres scctcj hérétiques, ou dans
MAN
534
quelque école de philosophie. 11 s'étonne
de ce nue nous réprouvons avec tant de ri-
gueur les opinions des mécréants, pendant
que nous excusons les Pères et tous ceux
que nous nommons orthodoxes. Avec un
peu de réflexion, il aurait vu, entre les uns
et les autres, une différence qui justifie
noire conduite et qui condamne la sienne.
Lorsqu'un docteur catholique a eu quelque
opinion singulière ou fausse, il ne s'e-it pas
avisé de l'ériger en dogme, de censurer le
sentiment des autres, d'opposer le sien à
celui de l'Eglise, de se donner pour inspiré
ou pour apôtre destiné Li réformer le chris-
tianisme. Voilà ce qu'ont fait les hérésiar-
ques et leurs partisans; ils se sont élevés
contre la croyance de l'Églis"; ils lui en ont
opposé une autre qu'ils soutenaient plus
vraie; ils ont regardé comme des incrédu-
les et des réprouvés ceux qui ne voulaient
pas l'embrflsser; quelques-uns, comme Mâ-
nes, se sont dits éclairés par le Saint-Esprit, et
suscités de Dieu pour réformer la doctrine
clirélienne; cette conduite a-t-elle mérité de
l'indulgence et des ménagements?
5° Beausobre était-il en élat de prouver
que les disciples de Manès ont conservé
fidèlement sa doctrine d.uis tous les lieux
où ils l'ont jioriée, en Perse, en Syrie, en
Egypte, en (îrèce, en Afrique, e;i Espagne,
( n Italie; qu'ils n'ont pas usé du privilège
commun à tous les seclaires, de changer île
sentiment qoand i! leur plait? Il a reconnu
lui-même que les manichéens étaient divi-
sés en plus.eurs sectes ; qu'ils n'avaient
j)as tous le même sentiment, et que ceux
d'.'Vfiique étaient des ignorants, t. Il, p. 529,
573, etc. Ce n'est donc pas par ia doctrine
de pareils disciples que l'on peut juger de
celle de Manès, ni au contraire; comment
Beausobre a-t-il été certain qu'aucun mani-
chéen n'a enseigné les erreurs que les Pères
ont attribuées à cette secte insensée et
im[)ie 7 Les variations du manichéisme
ont dû augmenter lorsqu'il a passé succes-
sivement aux prisciliianistes, auxpaulicicns,
aux bulgares, aux bogomiles, aux albigeois.
Si les écrits de Luther et do Calvin étaient
perdus, pourrait-on juger de leurs senli-
ments par ce qui est enseigné aujourd'hui
chez les dilférentes sectes de protestants?
Brucker a reproché h Beausobre de n'avoir
pas su distinguer les dilférentes époques de
la philosophie orientale, de n'avoir pas eu
égard aux révolutions qui y sont survenues;
l'on a encoic plus de raison de se plaindre
de ce qu'il n'a pas daigné distinguer les
différentes époques du manichéisme. Mais
il a voulu tout confondre, afin de donner
une plus libre carrière a ses conjectures.
6° La première chose qu'il aurait àù faire
était d'examiner si l'hypothèse des deux
principes satisfait ou ne satisfait pas à la
difficulté de l'origine du mal, si elle met
mieux à couvert la bonté de Dieu que la
croyance chrétienne, si les Pères ont réfuté
solidement cette hypothèse, s'ils ont ré-
pondu suffisamment aux objections; l'on
aurait vu par là si Manès raisoauait mieux
%ss
MAN
MAN
B36
OU plus mal qu'ouî. Beausobrc n'a fait ni
l'un ni l'autre. Il s'est mis dans l'esprit que
cet hérésiarque était l'un des plus beaux génies
de l'antiquité, et l'un des mieux instruits de la
philosophie orientale; le croirons-nous sur
«a parole, quand nous voyons que le sys-
tème de cet imposteur n'est qu'un composé
tjizarre de pièces rapportées, dont il a pris
/es unes chez les mages de Perse, les autres
chez les gnostiques et les marcionites, les
autres chez les chrétiens, dont il a défiguré
tous les dogmes, et que ce système ne sa-
tisfait en aucune manière à la principale
difficulté que l'auleur voulait éviter?
Enlin, quand la méthode de Beausobre
serait plus juste et plus sensée, quand il
aurait mieux deviné le plan du manichéisme,
qu'eu résulterait-il pour l'apologie de Mâ-
nes? Rien : jilus on lui supjiGse de lumiè-
res, plus on le fait paraître coupable. C'était
un imposteur, puisqu'il se donnait pour
apôtre de Jésus-Christ, sans avoir aucune
preuve de mission; c'était un fanatique,
puisqu'il préférait la doctrine des philoso-
phes orientaux iv celle de Moïse, dont la
mission divine était prouvée, et qu'il se
flattait de concilier celle de Jésus-Christ avec
les rêveries de Zoroastre. Beausobre avoue
ces deux points; mais ce n'est pas tout.
Manès était un séditieux, puisqu'il préten-
dait changer la religion des Perses, et en
introduire une nouvelle qu'il avait forgée,
sans ûtre revêtu d'une autorité divine; il
méritait le supplice que le roi de Perse lui
fit subir. C'était un mauvais raisonneur,
puisque son hypothèse ne servait à rien
pour résoudre la difficulté de l'origine du
mal. Enfin, c'était un blasphémateur qui,
sous prétexte de justifier la bonté de Dieu,
défigurait tous les autres attributs de la Di-
vinité, la puissance, la sagesse, la justice, la
véracité de Dieu. Est-ce à tort que les Pères
de l'Eglise ont été indignés de ses attentats?
Si, en faisant l'histoire du manichéisme,
Beausobre n'a point eu d'autre dessein que
de faire briller ses talents, il a parfaitement
réussi; on ne peut pas montrer nlus d'esprit,
d'érudition, de sagacité, une logique plus
subtile ni plus insidieuse, plus d'habileté à
donner une apparence de vérité aux conjec-
tures les plus hardies, et aux paradoxes les
plussinguliers:c'estàjustelitrequecetouvra-
ge luiaprocuré beaucoup de réputation, sur-
tout parmi les protestants .Mais il avait d'autres
vues. Par intérêt de système, il lui importait
de confirmer les prolestants dans le mépris
qu'ilsontpour lesPères et pourla tradition, et
dans leurs préventions contre l'Eglise, parce
qu'elle n'a jamais voulu tolérer les héréti-
ques ; nous ne doutons pas qu'à cet égard il
n'ait encore eu le plus grand succès. Jl a
produit un autre eflet que l'airteur ne pré-
voyait peut-être pas ; il a fourni aux incré-
dules une ample matière pour calomnier le
christianisme dès sa naissance, pour prouver
qu'immédiatement après la mort des apôtres,
notr»? religion n'a eu pour défenseurs que
des hommes crédules, mauvais raisonneurs,
passionnés et fourbes, peu scrupuleux en
fait de fraudes pieuses,'auTquels on no peut
donner aucune conliance. Si elle avait Dieu
pour auteur, sans doute il ne l'aurait pas
mise en de si mauvaises mains. Mosheim
n'a pas pu dissimuler cette pernicieuse
conséquence qui s'ensuit de la critique trop
hardie des protestants. Inst. Hist. christ.,
c. 5, p. 330. Nous répétons souvent cette
remarque, parce qu'elle met au jour la bles-
sure profonde que la prétendue réforme a
faite à la religion et qu'elle prouve l'aveu
élément dont l'hérésie ne manque jamais de
frapper les esprits les plus éclairés d'ailleurs.
Yoy. PÈUES DE l'Eglise, Hérétiques, etc.
MANIFESTAIRES, secte d'anabaptistes
qui parurent en Prusse dans le dernier siècle;
on les nommait ainsi jiarce qu'ils croyaient
que c'était un crime de nier ou de dissimu-
ler leur doctrine, lorsqu'ils étaient interro-
gés. Ceux qui pensaient au contraire qu'il
leur était permis de la cacher, furent nom-
més clanculaires. Voy. Anabaptistes.
MANIPULE. Voy. Habits sacerdotaux.
MANNE DU DESERT. Lorsque les Israéli-
tes, sortis de l'Egypte et arrivés au désert
de Sinaï, furent pressés par la faim, ils mur-
murèrent et se plaignirent de ne pas trou-
verde quoimangcr.Nous lisons dans VExode,
c. XVI, qu'il y eut le matin une abondante ro-
sée autour de leur camp, et que l'on vit la
terre couverte de grains menus, semblables
à la gelée blanche. Voilà, dit Moïse aux
Israélites, le pain ou la nourriture que Dieu
vous donne. L'historien sacré ajoute que la
manne ressemblait à la graine de coriandre
blanche, et qu'elle avait le goût de la plus
pure farine mêlée avec le miel. 11 est dit
encore {Num. xi, 7), que le peuple, après l'a-
voir ramassée, la broyait sous la meule, ou
la pilait dans un mortier, la faisait cuire dans
un pot, et en faisait des gi^teaux qui avaient
le goût d'un pain pétri à l'huile.
Nous ne croyons pas qu'il soit fort néces-
saire de disserter sur l'étymologie du nom
hébreu man ; c'est un monosyllabe , mot
primitif, qui, dans les langues anciennes et
modernes, signifie ce qu'on mange, la nour-
riture. A la vérité, Moise [Exod. xvi, 16)
semble rapporter ce nom à l'étorMiement des
Israélites, qui, voyant la manne pour la pre-
mière fois, dirent won. /iM, qu'est-ce que cela?
Mais le texte hébreu peut avoir un autre
sens. Quelques littérateurs ont voulu per-
suader que la manne n'avait rien de miracu-
leux, puisqu'il en tombe encore aujourd'hui,
soit dans le désert de Sinaï, soit (Jans d'au-
tres lieux de la Palestine , dans la Perse et
dans l'Arabie. C'est, disent-ils, une espèce
de miel, et cette nourriture pouvait perdre
sa vertu purgative dans les estomacs qui y
étaient accoutumés. Il est évident que cette
conjecture n'est d'aucun poids. Niébuhr, dans
son Voyage d'Arabie, dit que l'on recueille à
Ispahan, sur un buisson épineux, une es-
pèce de manne assez semblable à celle des
Israélites , mais elle n'a pas les mêmes pro-
priétés, et ce voyageur n'en a point vu de
telle dans le désert de Sinaï. On aurait beau
chercher parmi toutes les espèces de manne
K57
MAN
MAN
K38
connups, on n'en trouvera aucune qui res-
semble h eell(; que Dieu envoyait îi son peu-
ple ; il en résultera toujours que celle-ci
était miraculeuse.
En Orient et ailleurs, la manne ordinaire
no tombe que dans certaines saisons de l'an-
née ; celle du désert tombait tous les jours,
exceptée le jour du sabbat, et ce |ihénoniùno
dura pendant Quarante ans, jusqu'à ce que
les Israélites lussent en possession de la
terre promise. La manne ordinaire ne tombe
qu'en jietite quantité et insensiblement, elle
peut se conserver assez longtemps ; c'est un
remède plutôt qu'mie nourriture : celle du
désert venait tout d'un coup, et en assez
grande quantité pour nourrir un peuple
composé de prés de deux millions d'hom-
mes ; non seulement elle se fondait au soleil,
mais elle se corrompait dans les vint;t-t[uatre
heures. M était ordonné nu peuple de recueil-
lir la manne pour la journée seulement ; d'en
amasser pour chaque personne une mesure
<5j;ale, plein un gomor, ou environ trois pin-
tes, d'en recueillir le double la veille du sab-
bat, parce i]u'il n'en tombait point le lende-
main, et alors elle ne se corrompait ]ioint.
Toutes ces circonstances ne pouvaient arri-
ver naturellement. C'est donc avec raison
que .Moïse fait envisager au\ Hébreux
cette nourriture comme miraculeuse, leur
dit qu'elle avait été inconnue à leurs pères,
et que Dieu lui-même daignait la leur pré-
parer {Deut. vnf, 3). .\ussi Dieu ordonna
d'en conserver dans un vase qui fut placé à
côté de l'arche dans le tabernacle, aiin de
perpétuer la mémoire de ce bienfait.
Plusieurs interjirètes ont pris à la lettre
ce qui est dit de la manne dans le livre de la
Sagesse, (Qu'elle avait tous les agréments du
gnùt et toute la douceur des nourritures les
plus excellentes, (pi'elle se proportionnait à
i'aiipétit de ccmx qui en mangeaient, et se
changeait en ce (lue chacun souhaitait (Sap.
XVI, 20). Mais, selon l'explication de Joséphe
et d'autres commentateurs, cela signifie seu-
lement que ceux qui en mangeaient la trou-
vaient SI délicieuse, qu'ils ne désiraient rien
davantage. Ainsi, loi sque les Israélites en té-
moignèrent du dégoût (Niim. xi, G ; xxi, 5),
ce fut par inconstance, par jinr caiirice,
par un etfet de l'esprit séditieux qui IcHr
était naturel
Pour faire disparaître le miracle de la
tnanne, un de nos célèbres incrédules a soup-
çtmné que ce pouvait être du vin do coco-
tier, parce que dans les Indes il sort des
bourgeons de cet arbre une liqueur qui s'é-
paissit par la cuisson, et se réduit à une es-
pèce de gf'léf> blanche. C'est (iommage que
cet aibre n'ait jamais crû dans les déserts do
l'Arabie, et que le terrain sur lequel les
Israélites ont haliité pendant quarante ans
ait toujours été absolument stérile, comme
il l'est encore aujourd'hui ; il aurait fallu
des forêts entières de cocotiers pour nourrir
pendant si longtemps environ deux millions
d'hommes ; et il est permis de douter si la
gelée dont on nous jiarle est un aliment fort
substantiel. On peut faire des conjectures et
des suppositions tant que l'on voudra ; on
ne nous fera jamais concevoir qu'un peuple
immense ait pu vivre et se multiplier dans
un désert pendant quarante ans aul renient
que par un miracle. 11 ne nous parait pas
lort nécessaire de rassembler ici les fables
et les rêveries que les rabbins ont forgées
au sujet de la manne. VoyAn. Bible d'Avignon,
t. II, p. 74(1).
(1) I La manne dont Dieu, dil Bullet, nourrit son
peuple pcnil.int quarante ans dans le désert, tombait
la nuit ; elle était semblable à la graine de coriandre
( Exod., c. xvi), ou à ces petits grains de gelée blan-
che que l'on voit sur la terre pendant l'hiver ( Num.
c. XI, V. 21 ) ; on en faisait des g.àtcaux ([ni avaient
le goût d'un pain pétii avec de l'huile et du miel
{Sap., c. XVI ). On olfraltau Seigneur de cesgàleaux
pétrisà riiuilc, ou frits dans l'Imile, ou frottés d'huile,
ce qui mar(|ue que c'est tout ce que 1rs Israélites
avaient de plus exquis. Encore aujourd'hui les Ara-
bes, voisins do la Palestine, n'ont point de plus grand
régal que du pain pétri avec de l'huile ( Voij. d* Honco-
nis, tom. I, p. 20()). Les gùteaux forinés de manne,
outre le goût d'huile, avaient encore celui <le miel ;
ce qui en faisait l'aliruent le plus délicieux que les
Hébreux connussent. Ainsi Dieu n'avait pas donné à
son peuple une nourriture comnuine cl grossière,
mais une nourriture délicate, une nourriture dont ce
peuple n'usait que dans ses festins, une nourriture
qui était semblable à celle des princes et des grands ;
car les termes hébreux. Léchera Ahirim, du psaume
Lxxvii, que la Vulgate a rendus par le pain des an-
ges, peuvent être aussi traduits le pain des princes,
des grands ; et Symmaque l'a ainsi rendu en deux
endroits. Le Seigneur ne se contenta pas d'accorder
un si grand bienfait à tous les Israélites ; il voulut
encore donner des marques particulières de bienveil-
lance à ceux qui, parmi eux, méritaient singidiére-
ment le nom (le ses enfants par leur constante sou-
mission à ses ordres. La manne prit pour eux tous
les goûts qu'ils souhaitaient, et leur tint lieu de tous
les aliments.
c Mais comment, dira-t-on, la multitude dos Is-
raélites, pour laquelle la manne était un manger dé-
licieux, s'en lassa-t-elle, et désira-t-elle si ardem-
ment les oignons d'Egjpte ? Pourquoi '/ parce que les
hommes se dégoûtent bientôt des mets les plus ex-
quis, dès qu'ils en font un usage journalier et coiUi-
nuel. Ne voit-on pas souvent des personnes, lassées
de la meilleure chère, se régaler avec un morceau
de viande commune. Si le dégoût des meilleurs mets
est naturel dès qu'on en fait un usage continu, celui
des Hébreux , qui ne vivaient que de nianiic et cpii n'y
trouvaient jamais que le même goût, est donc excusa-
ble? Point du tout; parce qu'il dépendait d'eux de par-
ticiper au prodige qui diversifiait le goiit de la manne
pour un petit nombre de leurs l'iéres, en imitant leur
parfaite docilité
I Mais peut-on souhaiter avec tant d'empresse-
ment des oignons ? cette plante ne parait guère pro-
pre k faire iiaitrc de si ardents désirs. Nous répon-
dons qu'il ne faut pas juger des oignons d'iigyptc
par les nôtres. La bonté de cette plante est propor-
tionnée à la chaleur du climat sous lequel elle croit.
M. Spon ( Voijnge de Grèce, t. I ) dit qu'il a mangé
en Grèce des oignons si excellents, qu'ils ne cédaient
en rien aux meilleurs fruits de France. (Observations
liv. Ml. c. 35. ) Belon écrit que les grands seigneurs ,
turcs sont tellement accoutumés à manger des oi- J
gnons crus, qu'il ne font point de repas qu'ils n'y en :
mangent. Mais ceux d'Egypte sont bien supérieurs en
boute à ceux dont parleii^t ces deux voyageurs. Ecou-
tons M. Maillet, quia été dix ans consul au Caire.
Voici ses paroles : < Que vous dirai-je de ces fameux
oigni)ns, autrefois si chers aux Egyptiens ( Descrip-
tion d Egypte, t. il, p. 105 ), et que les Israélites m-
B59
M.VI»
MAN
540
MANSIONNAIRE , officier ecclésiastique
connu dans les premiers siècles, sur les
foHclions duquel les critiques sont partagés.
Les Grecs le nommaient mpaLiovapiti , et
on le trouve sous ce nom, distingué des éco-
H«!Hes et des défenseurs, dans le deuxième
cencile de Chalcédoine. Denis le Petit, dans
sa version des canons de ce concile, rend ce
mot par celui de mansionarius ; saint Gré-
goire en parle sous ce môme nom dans ses
Dialogues, 1. i, c. 3 ; 1. m, c. 14. Quelques-
ims pensent que l'office de mansionnaire était
le même que celui de portier, parce que
saint Grégoire appelle Ahundiusla mansion-
naire, le gardien de l'église, custodem eccle-
siœ. Dans un autre endroit, le même pape
remarque que la fonction du mansionnaire
était d avoir soin du luminaire, et d'allumer
les lampes et les cierges, ce qui reviendrait
à peu près à l'office dés acolytes. M. Fleury,
Mœurs des chrétiens , n° 37, pense que ces
ofliciers étaient chargés d'orner l'église aux
jours solennels , soit avec des tapisseries
de soie ou d'autres étoffes précieuses, soit
avec des feuillages et des fleurs, et d'avoir
soin que le lieu saint fût toujours dans un
état de propreté et de décence capable d'in-
spirer le respect et la piété. Justel et Révé-
ridge prétendent que ces man^/onnoîVcs étaient
des laïques et des fermiers qui faisaient va-
loir les biens de l'Eglise ; c'est aussi le sen-
timent de Cujas, de Godefroi, de Suicer et
de Vossius. Cette idée répond assez à l'étj-
mologie du nom, mais elle s'accorde mal
avec ce que dit saint Grégoire. Il se pourrait
faire aussi que lesfonctions àesmansionnaircs
n'aient pas été les mômes dans l'Eglise latine
que dans l'Eglise grecque. Bingham, Orig.
ecclés., t. H, 1. m, c. 13, § 1.
Quoi qu'il en soit, nous ne devons pas
omettre la réflexion que fait à ce sujet M.
Fleury, que toutes les fonctions qui s'exer-
çaient dans les églises jiaraissaieut si res-
greltaient si forl dans le désert, lorsque, sous la
conduite de Moïse, ils eurent passé la mer Rougfi?
Us n'ont encore certainement rien perdu aujourdliui
de leur bonté, et ils sont plus doux qu'en aucun au-
tre lieu du monde. On en a (|uelqnefois cent livres
pour dix sous, on les vend tout cuits au Caire ; il y
en a en si gi ande abondance, que toutes les rues en
sont remplies. >
« Les oignons de la Thessalie ( Voijaiies de Brown
dans la Tlussaiie, p. 96 ) sont plus gios'que deux ou
trois des nôtres , ils ont un bien meilleur goût, et
l'odeur n'en esl point du tout désagivable. Quoique
je n'aimasse point les oignons auparavani, cependant
je trouvais ceux-là très-bons, et je semis l'on bien
qu'ils l'ortiliaienl tout à lait mon estomac. On en
sert a la collation, et on ne lait point de dilllcnllé
d'en manger avec du pain, et même un assez grand
nombre. Je demandai à un cliiuoux qui était avec
moi, et qui avait presque élé dans tous les pays des
Jurct, s'il avait jamais mangé d'aussi bons oignons
que ceux de Thcssnlie; mais il me répondit que ceux
d'Egypte étaient encore meilleurs. Ce qni me lit en-
tendre pour la première fois l'expression de la sainte
Eciiiure, et ce qui m'empécba di". m'élonnei' davan-
tage pourquoi les Israélites desiraient si passionné-
nit'.'it de manger des oignons de ce pays. » — lié-
■^oiisei critique», par M. UuUet, t. Il, édit. in-8», an.
pectables , que l'on ne permettait pas à ées
laïques de les faire ; l'on aima mieux éta-
blir exprès de nouveaux ordres de clercs,
pour en décharger les diacres. On regardait
donc les églises d'un tout autre iril que les
hérétiques ne regardent leurs temples ou
leurs prêches : ceux-ci ne sont que la de-
meure des hommes ; les églises ont toujours
été le temj.le de Dieu, oii il daigne habiter
en personne.
' MANTELLATÈS, religieuses hospitalières
de l'ordre des servîtes, instituées par saint
Philippe Béniti, vers l'an 1286; sainte Ju-
lienne Falconiéri en fut la première reli-
gieuse, et ses filles furent nommées mantel-
ïates, h cause des manches courtes qu'elles
portent pour servir plus aisément les mala-
des, et exercer d'autres œuvres de charité.
Cet institut s'est étendu en Italie, où il est
né, et dans l'Autriche. Voy. Servîtes.
MAOSIM ou MOASIM , terme hébreu ou
chaldéen, qui se trouve dans le livre de Da-
niel fxi, 38 et 39). Le prophète, parlant d'ua
roi, dit « qu'il honorera dans sa place le dieu
Maosim, dieu que ses pères n'ont pas connu ;
qu'il lui offrira de l'or, de l'argent, des pier-
reries, des choses précieuses ; d bâtira des
lieux fortspour Maosim, auprès du lieu étran-
ger qu'il a reconnu. »
Les interprètes conviennent que le roi
dont parle Daniel est Antiochus Epiphanes ;
il est désigné dans cette prophétie par des
traits si évidents, que l'on ne peut le mé-
connaître. Daniel prédit les persécutions que
ce roi de Syrie exerça contre les Juifs, et les
efforts qu'il fit pour abolir dans la Judée le
culte du vrai Dieu; Diodore de Sicile et d'au-
tres historiens profanes en ont fait mention.
Cette jirophétie a paru si claire à Porphyre
et à d'autres incrédules , qu'ils ont décidé
qu'elle a été faite après coup, et qu'elle n'a
été écrite qu'après le règne d'Antiochus.
Nous avons fait voir le contraire à l'article
Daniel. D'autres , qu'elle est très-obscure,
qu'elle ressemble parfaitement aux oracles
es fausses religions ; ils ont tourné eu ri-
dicule les commentateurs qui ont entrepris
de l'expliquer. Ainsi s'accordent entre eux
nos savants incrédules.
Mais quel est ce dieu Maosim qu'Antiochus
devait honorer? Tous les interprètes con-
viennent que, selon le sens littéral du terme,
c'est le dieu des forces. De là quelques-uns
ont pensé que c'était Mars, dieu de la guerre ;
d'autres ont entendu |)ar là Jupiter Olym-
liien ; mais ces deux dieux n'avaient pas éta
inconnus aux aïeux d'Antiochus. Plusieurs
ont dit que c'était le vrai Dieu, auifuel An-
tiochus fut forcé de rendre hommage avant
de mourir ; mais ce roi n'a pas fait des of ■
fraudes au vrai Dieu, il ne lui a pas fait bA-
tir des forteresses. D'autres ont jugé avec
plus de vraisemblance, queledieu des forces
est la ville de Rome , ou la puissance ro-
maine, érigée en divinité j)ar les Rouiains,
et dont le nom en grec signifie forée. Cette
divinité avait été inconnue aux ancêtres d'An-
tiochus, et lorsque ce roi fut obligé de plier
sous lapuissance romaine, on ncpeulpasdou-
3
£41
HAR
MAfl
643
ter qu'iln'ait honoré les aigles romaines, les
enseignes (.|uolos Romains portaient à la t/^to
do leurs armées, avec ces mots : S. P. Q- K.
Seualus nopulusque romanus. Qu'Antiocbiis
leur ait lait des oll'randes et de riches pré-
sents pour faire sa cour aux Romains ; qu'il
ait fait ();Uir des forteresses où ces enseignes
furent placées et honorées avec la divinité
do Rome, il n'y a rien là d'étonnant, ni d'in-
croyable, ni de fort obscur. Quebjues inter-
prètes ont appliqué cette prophétie à l'An-
téchrist ; mais il paraît que ce n'est pas là
le sens littéral. Plusieurs protestants ont
trouvé bon d'en faire l'applicalion au pape,
cju'ils peignaient comme l'Anteclirist , et
d'entendre par le culte du dieu Maosim, le
culte de l'eucharistie ou celui des saints, qui
ont, disent-ils , été établis par les papes.
M. Bossuet a eu lu iiatience de réfuter ces
absurdités, que Juricu soutenait sérieuse-
ment, et dont les protestants sensés rougis-
sent aujourd'hui. Ilist. des Variât., 1. xiii,
§ 15 et suiv. La démence do quelques fana-
tiques n'est pas un argument suflisant pour
prouver que les prophéties sont obscures,
et que l'on peut y trouver tout ce qu'on
veut.
Les rabbins, malgré leur affectation de
.subtiliser sur tout, n'ont jamais douté que
la prophétie de Daniel ne désignât Antio-
chus. Quand elle aurait été obscure en elle-
même, elle a été assez expliquée par l'évé-
nement. Tùi général, les prophéties n'étaient
pas obscures pour ceux auxquels elles étaient
adressées, qui parlaient la même langue que
les prophètes, qui étaient imbus des mômes
idées. Quand après deux mille ans elles se-
raient devenues plus obscures pour nous,
i\ ne s'ensuivrait rien contre l'inspiration des
prophètes.
MARAN-ATHA , paroles syriaques, qui
signifient le Seigneur vient , ou le Seigneur
est venu, ou le Seigneur viendra. Saint Paul,
/ Cor. c. XVII, v. 22, dit : « Si quelqu'un
n'aime point lo Seigneur Jésus, qu'il soit
anathème , » et il ajoute : Maran-atha, le
Seigneur vient, ou, etc. Plusieurs commen-
tateurs prétendent que c'était une formule
d'anathème ou d'excommunication chez les
Juifs, qu'elle est équivalente à Scham-atha,
Ou Schetn-atha, le nom du Seigneur vient, et
que sainlPaul répète en syriaque ce qu'U ve-
nait de dire en grec. On a fait là-dessus de
longues dissertations.
Bingham, Orig. ecdés., t. VU, 1. xvi, c. II,
I 16 et 17, doute que cette formule ait jamais
été en usage dans l'Eglise chrétienne, et
que l'on ail jamais excommunié un coupable
pour toujours, et sans lui laisser aucun es-
poir de réconciliation. 11 ne croit pas même
que jamais l'Eglise ait demandé à Dieu la
mort ou la perte de ses plus cruels persécu-
teurs. Saint Jean Chrysostome, Homil. 76,
in Epist. ad. Cor., soutient que les cas de
sévir à l'excès contre les hérétiques, contre
les persécuteurs et les autres ennemis do
l'Eglise, sont très rares, jiarce que Dieu ne
l'abandonnera jamais entièrement à leur sé-
d'action ni à leurs fureurs. II ue nous parait
pas nécessaire d'entrer dans cette discussion,
parce qu(> le texte do saint Paul peut très-
bien avoir un autre sens. Voici comme l'on-
teiidenl plusieuis interprètes : « Si quelqu'un '
n'aime |ias le Seigneur Jésus, c'est-à-dire si
quekiu'un témoigne de l'aversion contre lui
et prononce contre lui des malédictions, comi
me font lesjuifs incrédules, qu'il soit anathème
lui-même; le Seigneur vient, ouïe Seigneur
viendra tirer vengeance de cette im[iiété. »
Ceci est donc une menace, et non une impré-
cation. Voy. \aS>/nopse desCrit. surce2)assage
Lorsque l'Egligi; chrétienne prie contre
ses persécuteurs et ses ennemis, elle ne de-
mande pas à Dieu de l.s perdre pour toujours
ou de les damner, mais de les convertir, ou
par des chAtimenls exemplaires, ou par d'au-
tres grâces efficaces. Voy. Imphécation. Mais
elle a reçu de Dieu le pouvoir de les excom-
munier, ou de les rejeter entièrement de la
société des fidèles jusqu'à ce qu'ils soient
rentrés en eux-mêmes, qu'ils aient fait une
pénitence proportionnée à la grièveté de leur
crime, et qu'ils aient réparé le scandale qU'lis
ont donné. Voy. Excommunication
MARC (saint), disciple de saint Pierre, et
l'un des quatre évangéhstcs. On croit com-
munément que ce saint était né dans
la Cyrénaique , et qu'il était Juif d'ex-
traction ; et l'on en juge ainsi , parce cjue
son style est rempli d'hébraïsmrs. Il ii est
pas certain qu'il ait été disciple immédiat
de Jésus-Christ ; on trouve plus probii Aa
qu'il fut converti à la foi par saint Pierre
ajirès l'ascension du Sauveur.
Eusèbe, Hist. ecch's., liv. ii, c. 16, rap-
porte, d'après Papias et saint Clément d'A-
lexandrie, que saint Marc composa son Evan-
gile à la prière des fidèles de Rome, qui
souliaitèrent d'avoir par écrit ce que saint
Pierre leur avait prêché, et il parait que ce
fut avant l'an 49 de Jésus-Christ. Quoiqu'il
ait écrit à Rome, on ne |>eut pas prouver
qu'il l'ait composé en latin, comme quel-
ques-uns l'ont pensé ; les Romains |jarlaicnt
presque aussi communément le grec que
leur jiropre langue. Comme il y a beaucoup
de conformité entre l'Evangile de saint Marc
et celui de saint Matthieu, plusieurs autres
ont jugé que le premier n'avait fait qu'abré-
ger le second ; il y a cependant assez do
dilïérence entre l'un et l'autre, pour que l'on
puisse douter si saint Marc avait vu l'Evan-
gile de saint Matthieu lorsqu'il a com|)Osé le
sien. Quoi qu'il en soit, (-n n'a jamais con-
testé dans l'Eglise l'authenticité de celui de
saint Marc (1). L'ojiinion constante des Pè-
res a été que cet évangéliste alla prêcher
dans sa patrie et eu Egypte, entre l'an kQ do
Jésus-Christ et l'an GO, et qu'il établit l'E-
glise d'Alexandrie; cette église l'a toajours
regardé comme son fondateur. On prétend
même' qu'il y souffrit le martyre l'an 68; que
l'an 310 l'on b'itit une église sur sou tom-
beau, et que ses reliques y étaient encore
au viii" siècle. Depuis ce temps-là, l'opinion
(1) Le dernier cbapiU'C (le l'Evangile selon saint
Marc est du nombre Jcs purlies dculéro-canoniciues
âcl'Ëcrilurc. Voy. D£i'T£AO-<:A.NOMQbE.
Si3
MAR
MAR
544
s'est établie que les Vénitiens les avaient
transportées dans leurs îles, et l'on se flatte
encore de les posséder h Venise. i
On y garde aussi, dans le trésor de saint
Marc, un ancien manuscrit de l'Rvangile de
ce saint, que Ton croit être l'original écrit
de sa propre main; il est, non sur du papier
d'Egypte, comme les Pères Mahillon et Mont-
faucon l'ont pensé, mais sur du papier fait
do coton; c'est ce que nous apprend Scipion
MafTei, qui l'a examiné depuis, et i[ui était
très-capable d'en juger. Montfaucon a prouvé
qu'il était en latin, et non en grec; d'autres
disent qu'il est tellement endommagé de vé-
tusté, et par 1 humidité du souterrain oii il
est enfermé, que l'on ne peut plus en dé-
chiffrer une seule lettre. Ce manuscrit fut
envoyé d'Aquilée à Venise, dans le xv" siè-
cle. En 1355, l'empereur Charles IV en avait
obtenu quelques feuilles, qu'il envoya à
Prague, où on les gards précieusement. Ces
feuilles, jointes h celles qui sont h Venise,
contiennent tout l'Evangile de saint Marc,
elles sont aussi en latin. Voy. la Préface de
D. Calinet sur l'Evangile de saint Marc.
En parlant des liturgies, nous avons ob-
servé que celle qui porte le nom de saint
Marc, et qui est encore à l'usage des cophtes,
est l'ancienne liturgie de l'Eglise d'Aleian-
drie, fondée par saint Marc. On ne doit donc
pas en contester l'authenticité, sous prétexte
qu'elle n'a pas été écrite ni composée par
cet évangéliste même.
Marc (chanoines de saint). C'est une con-
grégation de chanoines réguliers, qui a été
florissant'^ en Italie pondant près de quatre
cents ans Elle fut fondée k Mantoue, sur la
fin du xii' siècle, par un prêtre nommé Al-
l)ert Spinola. La règle qu'il lui donna fut
successivement approuvée et corrigée par
différents pipes. Vers l'an lioO, ces chanoi-
nes ne suivirent plus que la règle de saint
Augustin. Cette congrégation, après avoir été
composée de dix-huit à vingt maisons d'hom-
mes, et de quelques maisons de tilles, dans la
Lombardie et dans l'Etat de Venise, déchut
peu à peu. En ISSV, elle était réduite h deux
maisons, dans lesquelles la régularité n'était
plus observée. Alors, du consentement du
pape Grégoire XIII, le couvent de saint Marc
de Mantoue, qui était le chef d'ordre, fut
donné aux camaldules par Guillaume, duc
de Mantoue, et la congrégation des chanoi-
nes finit ainsi.
MARCELLIENS, hérétiques du iv* siècle, at-
tachés à la doctrine de Marcel, évoque d'An-
cyre, que l'on accusait de faire revivre les
erreurs de Sabellius, c'est-à-dire de ne pas
distinguer assez les trois personnes de la
sainte Trinité, et de les regarder seulement
comme trois dénominations d'une seule et
même personne divine. Il n'est aucun per-
sonnage de l'antiquité sur la doctrine duquel
les avis aient été plus partagés que sur celle
do cet évè(}ue. Comme il avait assisté au
premier concile de Nicée, qu'il avait sous-
crit à la condamnation d'Arius, qu'il avait
même écrit un livre contrôles défenseurs do
cet hérétique, ils n'oublièrent rien pour dé-
figurer les sentiments de Marcel, et pour
noircir sa réputation. Ils le condamnèrent
dans plusieurs de leurs assemblées, le dépo-
sèrent, le firent chasser de son siège, et mi-
rent un des leurs à sa place. Eusèbe de Cé-
sarée, dans les cinq livres qu'il écrivit con-
tre cet évoque, montre beaucoup de passion
et (!■ milignité; et c'est dans cet ouvrage
môme qu'il laisse voir à découvert l'aria-
nisme'qu'il avait dans le cœur.
Vainement Marcel se justifia dans un con-
cile de Rome, sous les yeux du pape Jules,
l'an 341, et dans le concile de Sardique, l'an
3i7; on prétendit que, depuis cette époque,
il avait mieux ménagé ses expressions, et
moins découvert ses vrais sentiments. Par-
mi les plus grands personnages du iV et du
V siècle, les uns furent pour lui, les autres
contre lui. Saint Athanase même, auquel il
avait été fort attaché, et qui, pendant long-
temps, avait vécu en communion avec lui,
parut s'en rt,tirer dans la suite et s'être lais-
sé persuader par les accusateurs de Marcel.
Tout ce que l'on peut dire, c'est que, dans
la fermentation qui régnait alors entre tous
les esprits, et vu l'obscurité des mystères
sur lesquels on contestait, il était très-difti-
cile h un théologien de s'exprimer d'une
manière assez correcte pour ne pas donner
prise aux accusations de l'un ou de l'autre
parti. S'il no fut pas prouvé très-clairement
que le langage de .Marcel était hérétique, on
fut du moins convaincu que ses disciples et
ses partisans n'étaient |)as orthodoxes. Pho-
tin, qui renouvela réellement l'erreur de Sa
bellius, avait été diacre do Marcel et avait
étudié sous lui : l'égarement du disciple ne
pouvait manquer d'être attribué au maître.
Il est donc très-difficile aujourd'hui de pro-
noncer sur la cause de ce dernier. Tille-
mont, après avoir rapporté et pesé les témoi-
gnages, n'a pas osé porter un jugement,
t. VI, page 503 et suiv. Voy. Photimens.
MARCIONITES, nom do l'une des plus an-
ciennes et des plus pernicieuses sectes qui
soient nées dans l'Eglise au a" siècle. Du
temps de saint Epiphane, au commencement
du V, elle était répandue dans l'itahe, l'E-
gypte, la Palestine, la Syrie, l'Arabie, la Per-
se et ailleurs ; mais alors elle était réunie à
la secte des manichéens par la conformité
des sentiments.
Marcion, auteur de cette secte, était de la
province du Pont, fils d'un saint évoque, et
dès sa jeunesse il fit profession de la vie so-
litaire et ascétique; mais, ayant débauché
une vierge, il fut excommunié par son pro-
pre père, qui ne voulut jamais le rétablir
(ians la communion de l'Eglise, quoiqu'il se
fût soumis à la pénitence. C'est pourquoi,
ayant quitté son pays, il s'en alla à Rome,
où il ne fut pas mieux accueilli rar le clergé.
Irrité de la rigueur avec laquelle on le trai-
tait, il embrassa les erreurs de Cordon, y en
ajouta d'autres, et les répandit i)artout où. il
trouva des auiiileurs dociles : on croit que
co fut au commencement du iiontilicat de
Pie P^ vers la 5° année d'Antonin le Pieux,
la ikk' ou ik&' de Jésus-Christ. Entêté,
5iS
MAR
MAR
S46
comme son maître, de la philosophie do Py-
thagore, de Platon, des stoïciens et des orien-
taux, Marciou crut connue lui résoudre la
question de l'origiue du mal, en admettant
deux ]irincipes de toutes choses, dont l'un,
|jon par nature, avait produit le bien, l'au-
tre, essentiellement mauvais, avait produit
le mal.
La principale difticulté qui avait exercé les
philosophes, était de savoir comment un es-
jirit, le! ([uo l'âme humaine, se trouvait ren-
fermé dans un corps, et assujetti ainsi à l'i-
gnorance, à la laihlesse, à la douleur; com-
ment et piiurquoi le Créateur des esprits les
avait ainsi dégradés. La révélation, qui nous
apprend la chute du premier homme , ne
paraissait pas résoudre assez la dilliculté,
jiuisque le premier honnuo lui-mèaje était
coniposé d'une ànie spirituelle et d'un corps
terrestre; d'ailleurs, il semblait ([u'un Dieu
tout-puissant et bon aurait dd empêcher la
chute de l'iK^mme. Les raisonneurs crurent
mieux rencontrer, en sii[)posant (jue l'hom-
me était l'ouvrage de deux (irincipes oppo-
sés, l'un père des esprits, l'autre créateur ou
lormateur des corps. Celui-ci, disaient-ils,
méchant et jaloux du bonheur des esprits, a
trouvé le moyen de les emprisonner dans des
corps : et pour les retenir sous son empire,
il leur a donné la loi ancienne, qui les atla-
chait à la terre par des récompenses et des
cliiUiments temporels. Mais le Dieu bon,
jirincipe des esprits, a revêtu l'un d'entre
eux, qui est Jésus-Christ, des apparences de
l'humanité, et l'a envoyé sur la terre [lour
abolir la hji et les prophètes, pour a()pren-
dre aux hommes que leur âme vient du ciel,
et qu'elle ne jteut recouvrer le bonheur qu'en
se réunissant à Dieu ; que le moyen d'y par-
venir est de s'abstenir de tous les plaisirs
qui no sont pas spirituels. Nous montrerons
ci-aprùs les absurdités de ce système.
Conséquemnient .Marcion condamnait le
mariage, faisait de la continence et de la vir-
ginité un devoir rigoureux, quoiqu'il y eût
manqué lui-même. Il n'administrait le bap-
tême qu'à ceux qui gardaient la continence;
mais il soutenait que, pour se purilier de plus
en plus, on pouvait le recevoir jusqu'à trois
fois. On ne l'a cependant pas accusé d'en al-
térer la forme, ni de le rendre invalide. Il
regardait comme une nécessité humiliante
le besoin de ))rendre pour nourriture des
corps })roduils par le mauvais princi[)e; il
soutenait que la chair de l'homme, ouvrage
de cette intelligence malfaisante, ne devait
pas ressusciter ; que Jésus-Christ n'avait eu
do cette chair que les apparences; que sa
naissance, sessoulfrances, samort, sa résur-
rection, n'avaient été (pi'apparcntes. Selon
le témoignage de saint Irénée. il ajoutait que
Jésus-Christ, descendu des enfers, en avait
tiré les urnes de Cain, des sodomites et de
tous les pécheurs, parce qu'elles étaient ve-
nues au-devant de lui, et que sur la terre elles
n'avaient pas obéi aux lois du mauvais prin-
cipe créateur ; mais qu'il avait laissé dans les
enfers .\bel, Noé, .\braliam et les anciens jus-
tes, parce qu'ils avaieut fait le contraire. Il
prétendait qu'un jour le Créateur, Dieu des
Juifs, enverrait sur la terre un autre Christ ou
Messie pour les rétablir, selon les ])ré(lictions
des prophètes. Plusieurs marcioniles , pour
témoigner le mépris qu'ils faisaient de la
chair, couraient au martyre, et recherchaient
la niort; on n'en connaît ce[)endant (lue trois
qui l'aient réellement soutlerte avec les mar-
tyrs catholiqijes. Ils jeiliiaient le samedi, en
haine du Créateur, (jui a commandé le sabbat
aux Juifs. Plusieurs, à ce que dit Tcrtullien,
s'ap[)l.qiiaient à l'astrologie judiciaire; quel-
ques-uns curfiil rcc(jurs à la magie et au dé-
mon, |)our arrêter les ellels du zèle avec le-
quel Théodoret travaillait à la conversion do
ceux qui étaient dans son diocèse.
Le seul ouvrage qui ait été attribué i Mar-
cion est un traité qu'il avait intitulé, Anti-
thèses ou Opposiliuiis ; il i'y était ajiitliqué à
faire voir l'opposition qui se trouve entro
l'aiicienne loi et l'Evangile, entre la sévérité
des lois de Moïse et la douceur de celles do
Jésus-Christ; il soutenait que la plui)art des
premières étaient injustes, cruelles etabsur-
des. Il en eoncluaitijueleCréateur du monde,
quijiarle dans l'Ancien Testament, ne peut
pas être le même Dieu qui a envoyé Jésus-
Christ ; conséqu.nnment il ne regardait point
les livres de l'Ancien Testament comme in-
spirés de Dieu. De nosquaire Evangiles, il ne
recevait que celui de saint Luc, encorB en
retraiichait-il les deux premiers chapitres qui
regardent la naissance de Jésus-Christ ; il
n'admetta.t que dix des épîtres de saint Paul,
et il en ùtait tout ce qui ne s'accordait point
avec ses ojiinions.
Plusieurs Pères du ii' et du ni' siècle ont
écrit contre Marcion; saint Justin, saint Iré-
née, un auteur nommé Modeste, saint Théo-
phile d'Anlioclu', saint Denis de Corin-
the, etc.; mais un grand nombre de ces ou-
vrages sont jierdus. Les plus complets qui
nous restent sont les cinq livres de Tertulliea
contre Marcion, avec ses traités de Carne
Chrisli et de Rcsurrectione carnis ; les dia-
logues de recta in Deum fide, attribués autre-
fois à Origène, mais qui sont d'un auteur
nommé Adamantius, qui a vécu après le con-
cile de Nicée. Origène lui-même, dans plu-
sieurs de ses ouvrages, a relevé les erreurs de
Marcion, mais en passant, et sans attaquer
de front le système de cet hérétique.
Bayle, dans l'article marcionitcs de son Dic-
tionnaire, prétend que les Pères n'ont pas
répondu solidement aux diflicultés de Mar-
cion, et il cite pour preuve les réjioi.ses don-
nées par Adamantius et par saint Hasile à
une des principales objections des marcio-
nitcs. Nous les examinerons ci-après ; mais il
ne parle pas des livres de Tertullien, et il
est forcé d'ailleurs de convenir qu'en géné-
ral le système de Marcion était mal conçu et
mal arrangé. Dans rarticleM.\McuÉisME, nous
avons fait voir que les Pères ont réfuté soli-
dement les objections des manichéens, qui
étaient les mêmes que celles des marcionitcs ;
mais il est bon de voir d'aboi d de quelle ma-
nière le système de ces derniers est combattu
iiar Tertullien.
ëi7
MAR
MÂR
S'il
' Dans son premier livre contre Marcion, ce
Père démontre qu'un iiromier principe éter-
nel et incrt^'é est souverainement parfait, par
conséquent unique; que la souveraine per-
fection découle évidemment de l'existence
nécessaire; qu'il n'y a pas plus de raison
d'admettre deux premiers principes que d'en
admettre mille. 11 fait voir que le Dieu sup-
posé bon par Marciou ne l'est pas en eflet,
puisqu'il ne s'est pas fait connaître avant Jé-
sus Christ ; qu'il n'a rien créé de ce que nous
voyons; que, selon le système de Marcion,
ce'Uieu a très-mal pourvu au salut des hom-
mes; qu'il a laissé captiver les esprits, dont
il était le père, sous ic.ioug du mauvais prin-
cipe, et a laissé celui-ci faire le mal, sans s'y
opiioser ; qu'il est donc impuissant ou stu-
pide. Bavle lui-môme a fait cette dernière
réflexion contre le principe prétendu bon des
manichéens. Dans le second livre, Tertullien
prouve que Dieu, tel que les livres de l'An-
cien Testament nous le représentent, est vé-
ritablement et souverainement bun; que sa
bonté est démontrée par ses ouvrages, par sa
providence, par ses lois, par son indulgence
et sa miséricorde envers les péclieurs, même
par les corrections paternelles dont il use à
leur égard, et par la sagesse des lois de Moïse,
que Marcion censure mal h propos. Il est
donc faux que l'Ancien Testament ne soit
pas l'ouvrage d'un Dieu bon, et que celui-ci
ne soit pas le Créateur. Dans le troisième,
Tertullien fait voir que Jésus-Christ s'est
constamment donné comme envoyé ])ar le
Créateur, et non par un autre ; qu'il a été
ainsi annoncé par les prophètes; que sa chair,
ses soullrances, sa mort, ont été réelles et
non apparentes. 11 prouve la môme chose
dans le quatrième, en montrant que Jésus-
Christ a exécuté ponctuellement tout ce que
le Créateur avait promis par les prophètes.
11 met au grand jour la témérité de Marcion,
qui rejette l'Ancien Testament, duquel Jé-
sus-Christ s'est servi pour prouver sa mission
et sa doctrine, et qui retranche du Nouveau
tout ce qui lui déplaît. Dans le cinquième, il
continue de prouver, par lesépîtresde saint
Paul, que Jésus-Christ est véritablement le
Fils et l'envoyé du Créateur, seul Dieu de
l'univers. Dans son traité de Carne Christi,
il avait déjà prouvé la réalité et la passibilité
lie la chair de Jésus-Christ; et dans celui de
Resurrectione carnis, il fait voir que la résur-
rection future des corps est un dogme essen-
tiel delà foi chrétienne; d'oii il résulte en-
core que la chair ou les corps sont l'ou-
vrage du Dieu bon, et non du mauvais prin-
cipe.
> Mais pourquoi ce Dieu bon a-t-il laissé
pécher l'homme ? Telle est la grande objec-
tion des marcionitcs. 11 l'a permis, répond
Tertullien, parce qu'il avait créé l'homme
libre; or, il était bon à l'homme d'user de sa
liberté. C'est par là môme qu'il est fait à l'i-
mage de Dieu, qu'il est capable de mérite et
de récompense. Adamantins, dans les Dialo-
gues contre Marcion, répond de même que
Dieu a laissé à l'homme l'usage de sa liberté,
|)drce qu'il n'est pas de la nature de l'hoomie
d'être immuable comme Dieu. Saint Basile
dit que Dieu en a usé ainsi, parce qu'il n'a
pas voulu que nous l'aimassions par force,
mais de noire plein gré. Les Pères des siè-
cles suivants ont dit que Dieu a permis le
péché d'Adam, parce qu'il se proposait d'en
réparer avantageusement les suites par la
rédemption de Jésus-Christ. Yoij. Péché ori-
GINF.r., RÉDEMPTION.
Voilà les réponses que Bayle trouve in-
suflisantes et peu solides. Dieu, dit-il , pou-
vait empocher l'homme de pécher, sans nuire
à sa liberté , puisqu'il fait persévérer les
justes sur la terre par des grâces efticaces,
et que les saints dans le ciel sont incapables
de pécher. Il ne s'ensuit point de là que les
justes et les bienheureux cessent d'être li-
bres, sont immuables comme Dieu , aiment
Dieu par force, etc. Si les marcionites avaient
ainsi répliqué aux Pères de l'Eglise , nous
pensons que ceux-ci n'auraient pas été fort
embarrassés à les réfuter. Ils auraient dit,
sans doute, 1" qu'il est absurde de prétendre
que, par bonté. Dieu doit donner à tous les
hommes, non-seulement des grâces suftisan-
tes, mais des grAces eflicaces. Il s'ensuivrait
que plus l'homme est disposé à ôlre ingrat,
rebelle , infidèle à la grâce , plus Dieu est
obligé d'augmenter celle-ci; comme si la
malice de l'iiomme était un titre pour obte-
nir de plus grands bienfaits. Dire que Dieu
le doit, parce qu'il le peut, c'est supposer
qu'il doit épuiser, en ftiveur de l'homme, sa
puissance infinie. Autre absurdité. — 2° Les
Pères auraient fait voir qu'en raisonnant sur
ce principe, le bonheur môme des bienheu-
reux ne sullit pas pour acquitter la bonté de
Dieu. Ce bonheur n'est infini que dans sa
durée; mais il pourrait augmenter, puisqu'il
y a entre les saints divers degrés de gloire et
de bonheur, et que la félicité des uns a
commencé plus tôt que celle des autres.
Bayle et les autres apologistes des marcio-
nites raisonnent donc sur un principe évi-
demment faux , en supposant que la bonté
de Dieu, jointe à une puissance infinie, doit
toujours faire le plus grand bieit, et qu'un
bien moindre qu'un autte est un mal. L'ab-
surdité de cet entêtement n'a pas échappé
aux Pères de l'Eglise, puisqu'ils ont posé le
principe directement contraire. Voij. Mani-
chéisme , § 6. Les autres maximes sur les-
quelles Bayle se fonde , savoir, que Dieu ne
peut ni faire ni permettre le mal , qu'à son
égard, permettre et vouloir, c'est la môme
chose, etc., ne sont pas moins fausses; elles
sont réfutées ailleurs. Yoy. Bon, Mal, Per-
mission, etc.
Marcion eut plusieurs disciples qui se fi-
rent chefs de secte à leur tour, en particu-
lier Appelles et Lucien. Votj. Appellites et
LuciANisTEs. Pourquoi n'auraient-ils pas eu
comme lui le privilège de former un système
à leur gré ? Quelques-uns admirent trois
principes au lieu de doux; l'un bon, l'autre
juste, le troisième méchant. Yoy. les Dialo-
gues d'Adamuntius , sect. 1 , note c , p. 804.
On ne peut pas citer une seule hérésie qui
n'ait eu difl'éreiites branches, et dout les
r;i9 Mar
sectateurs ne se soiont bientôt divis(^.s; celle
dos marcionitcs se fondit dans la secte des ma-
nichéens. Vuy. Tillcmont, t. II, p. 2()6et suiv.
Mosheini , Bist. christ. , smc. ii, § 63, est
( onvenu (luo Beausobre, en parlant des mar-
(iunites , aans son Histoire du manichéisme,
a trop suivi son penchant à excuser et à jns-
liiier tous h^s hérétiques. Mallioiireusement
nous nous trouvons souvent dans le cas de
lui reprocher le m6me défaut, et il en a en-
core donné quelques preuves dans l'exposé
qn'il fait de la conduite et de la doctrine do
Marcion. Il fait ce qu'il peut pour mettre de
'.a suite et de l'ensemble entre les dogmes
enseignés par cet hérésiarque; mais ses ef-
forts sont assez superflus, puisqu'il est in-
contestalilo que tous les anciens sectaires
ont été très-mauvais raisonneurs. De simples
prohabililés nesuftisent pas pour nous auto-
riser à contredire les Pères de l'iîylise , qui
ont lu les ouvrai^es de ces hérétiques , qui
souvent les ont entendus eux-mêmes, (!t ont
disputé contre eux. 1! serait donc inutile
d'entrer dans la discussion des divers arti-
cles sur lesquels Beausobre ni Moshcim no
veulent pas ajouter foi , h ce que disent les
Pères de l'Eglise touchant les tnarcionifes.
MARCOSIKNS, sected'hérétiqucs du ir siè-
cle, dont le chef fut un nommé Marc, disci-
ple de Valenlin, et de laquelle saint Irénéo
a parlé fort au long. Lib. i adv. Jlœr., c. 13
et suiv.
Ce Mare entreprit de réformer le système
de son maître , et y ajouta de nouvelles rê-
veries; il les fonda sur les principes de la
cabale et sur les prétendues propriétés des
lettres et des nombres. ^ alenlin avait sup-
posé un grand nombre d'esprits ou de gé-
nies qu'il nommait éons, et auxquels il attri-
buait la formation et le gouvernement du
monde; selon lui, ces éons étaient les uns
niAles,les autres femelles; et les uns étaient
nés du mariage des autres. Marc, au con-
traire, persuadé que le premier principe n'é-
tait ni mille ni femelle, jugea qu'il avait pro-
duit seul les éon.s par sa parole, c'est-à-dire
par la vertu naturelle des mots qu'il avait
prononcés. Comme le premier mot de la Bi-
l)le en grec est :v «p/ji , in principio, Marc
conclut gravement que ce mot était le pre-
mier princi])e de toutes choses; et commo
les vingt-quatre Icltres de l'alphabet étaient
aussi les signes des nombres, il b;ltit sur la
combinaison des lettres de chaque mot et
des nomljres qu'elles désignaient, le sys
tème de ses éons et de leurs opérations. Se-
lon saint Irénée , il les supposa au nombre
de trente; selon d'autres, il les réduisit à
vingt-quatre, à cause des vingt-quatre lettres
de l'alphabet. Il se fondait encore sur ce que
Jésus-Christ a dit dans l'Apocalyiiso : Je suis
/"alpha et /'oméga, le principe et la (in, et sur
quelques autres passages dont il abusait do
même. Il conclut enfin que par la vertu des
mots combinés d'une certaine manière , on
pouvait diriger les opérations des éons ou
des esprits, participer à leur pouvoir ot opé-
rer des prodiges par ce moyen.
Rien n'était plus absurde que de supposer
MAR 880
qu'on créant le monde, Dieu avait parlé grec,
e1 que l'alphabet de celte langue avait plus
de vertu que celui de toute autre langue
quelconciue. Mais les pythagoriciens avaient
déjà fondé des rêveries sur les propriétés
des nombres, et l'on était encore entCté de
cette philosophie au ii' siècle. Ce n'est pas
sans raison rpie les anciens Pères ont re-
mar<iué (pio les hérésies sont sorties des
dill'érenles écoles de philosophie; mais l'ab-
surdilé de celle des marcosicns ne fait |)as
beaucoup d'honneur à la mère qui lui a
donné la naissance.
Parle moyen d'un prestige, Marc eut le
talent de [lersuader qu'il était réellement
doué d'un pouvoir surnaturel, et qu'il pou-
vait le conununiquer k qui il voulait. Il
trouva le secret de changer en sang, aux
yeux des spectateurs , le vin qui sert à la
consécration do leucliarislie. Il prenait un
grand vase et un petit, il mettait dans le
dernier le vin destiné au sacrilice , et faisait
une prière; un moment après, la liqueur
paraissait bouillir dans le grand vase, et l'on
y voyait du sang au lieu de vin. Ce vase
était probablement la machine hydraulique
que les physiciens nomment la fontaine de
Cana , dans laquelle il semble que l'eau se
change en vin ; ou par une préparation chi-
ruiipie , Marc donnait au vin la couleur de
sang. En faisant opérer par quelques femmes
ce prétendu prodige , il leur ])ersuada qu'il
leur communiquait le don de faire des mi-
racles et de jirophétiser, et par des potions
capables de leur troubler les sens, il les dis-
posait à satisfaire ses désirs déréglés. Ainsi,
par l'enthousiasme joint au libertinage, il
parvint à en séduire un grand nombre et à
former une secte. Saint Irénée se plaint de
ce que cette pesle s'était répandue dans les
Caules , (irincipalement sur les bords du
Kliùne : mais quelques femmes sensées et
vertueuses , que Marc et ses associés n'a-
vaient pu séduire , dévoilèrent la turpitude
do ces imposteurs; d'autres qui avaient été
séduites , mais qui revinrent a résiiiiscence,
conlirmèrcnt la même chose , et tirent dé-
tester leurs corrupteurs.
Les marcosiens avaient ])lusieurs livres
apocryphes et remplis de leurs rêveries, qu'ils
donnaient à leurs i)rosélytes pour des livres
divins. Suivant le témoignage de saint Iré-
née, 1. I, c. 21, ils avouaient que le baptême
de Jésus-Christ remet les péchés ; mais ils en
donnaient un autre avec de l'eau mêlée
d huile et de baume, pour initier leurs pro-
sélytes, et appelaient cette cérémonie la ré-
demption. Quelques-uns cependant la regar-i
daient comme inutile, et faisaient consister
la rédemption dans la connaissance de leur
doctrine. Au reste, ces hérétiques n'avaient
rien de fixe dans leur croyance ; il était per-
mis à chacun d'y ajouter ou d'en retrancher
ce qu'il jugeait à propos ; leur secte n'était,
à proprement parler, qu'une société de liberti-
nage. Il s'en détacha une partie, qui formacelle
des archontiques. Toy. Tillemont, t. II, p. 291 .
11 est bon d'observer que si, au ii* siècle,
la croyauce de l'Eglisa corétieûue n'avait pas
851
MAR
MAR
nm
été que, par la consécration de l'eucharistie,
le pain et le vin sont changés au corps et au
sang de Jésus-Christ, l'hérésiarnue Marc ne
se s Tait pas avisé de vouloir rendre ce chan-
gem(!nt sensible par un miracle apparent; et
si l'on n'avait pas cru que le sacerdoce don-
nait aux prêtres des (louvoirs surnaturels,
cet imposteur n'aurait pas eu recours à un
prestige, pour nersuadcr qu'il avait la pléni-
tude du sacerdoce. C'est pour cela môme
qu'il est utile à un théologien de connaître
les divers égarements des hérétiques anciens
et modernes, quelque absurdes qu'ils soient:
la vérité ne brille jamais mieux que par son
opjiosition à l'erreur. Mosheim, aussi atta-
ché à justifier tous les hérétiques qu'à dépri-
mer les Pères de l'Eglise, conjecture qu il n'y
avait peut-être ni magie, ni fraude dans les
procédés des marcosicns ; qu'ils ont été ca-
lomniés, ou par quelques femmes qui vou-
laient quitter cette secte pour se réconcilier
à l'Eglise, ou par quelques spectateurs igno-
rants de leur liturgie, qui auront pris pour
magie des usages fort simples, desquels ils
ne concevaient pas la raison. Il ne peut pas
se persuader que ces hérétiques aient été
assez insensés et assez corrompus pour se
livrer à toutes les folies et à tous les désor-
dres qu'on .leur prête. Hist. christ., sage, ii,
§ 59, note. Mais sur de simples présomptions
destituées de preuves, est-il permis de sus-
pecter le témoignage des Pères, témoins ocu-
laires ou contemporains des choses qu'ils
rapportent, qui ont pu interroger plusieurs
marcosiens détrompés et convertis ? Quand
ces hérétiques seraient aussi innocents qu'il
le présume, la conséquence que nous tirons
de leur manière de consacrer l'eucharislie
n'en serait pas moins solide, et Mosheim n'y
répond rien.
MARIAGE (1). Il n'est pas fort important
de savoir si ce terme vient du latin maritus,
(l) Canon» de doctrine sur le sacrement de ma-
riage :
Si quelqu'un dit que le mariage n'est pas vérita-
blement et proprement un des sept sacrements de la
iUi évangéliquc institué par Notre-Seieneur Jésiis-
Clirist, mais qu'il a été inventé par les nommes dans
l'Eglise, et qu'il ne conlVre point la grâce, qu'il soit
aualhème. C. de Trente, 24* sess. C. 1. — Si quel-
qu'un dit qu'il est permis aux chrétiens d'avoir plu-
sieurs femmes, et que cela n'est défendu par aucune
loi divine, qu'il soit anathème. C. 2. — Si quelqu'un
dit qu'il n'y a que les seuls degrés de parenté et
d'alliance qui sont marqués dans le Lévilique, qui
puissent empêcher de contracter mariage, ou qui
puissent le rompre quand il est contracté, et que l'E-
glise ne peut pas donner dispense en quelques-uns de
ces degrés, ou établir un plus grand nombre de de-
grés qui empêchent et rompent le mariage, qu'il soit
anathème. C. 3. — Si quelqu'un dit que l'Eglise n'a
pu établir certains empêchements qui rompent le ma-
riage, ou qu'elle a erré en les établissant, qu'il soit
anathème. C. 4. — Si quelqu'un dit que le lien du
mariage ne peut être rompu pour cause d'hérésie, de
cohabitation fâcheuse, ou absence aflectée de l'une
des parties; qu'il soit anathème. C. S. — Si quelqu'un
dit que le mariage fait et non consommé n'est pas
rompu par la profession solennelle de religion, faite
par l'un* des parties, qu'il soit anathème. C. 6. —
^quelqu'un dit que l'Eglise cstdaui rerreur,quau(l
ou de matris munus; quelle qu'en soit l'éty-
mologie, il signifie la société constante d'un
homme avec une femme pour avoir des en-
fants. Cette société peut êtie envisagée
comme contrat naturel, comme contrat civil
et comme sacrement de la loi nouvelle ; nous
soutenons que, sous ces trois rapports, il a
toujours été et toujours dû être sanctifié par
la religion. Nous sommes donc obligés de
l'envisager sous ces divers aspects, mais
principalement sous le troisième.
En jiremier lieu, le mariage, comme con-
trat naturel, est de l'institution même du
Créateur; la manière dont l'Ecriture sainte
en parle, nous en montre clairement la na-
ture et les obligations. Gen., c. ii, v. 18, •
Dieu dit : Il n'est pas bon que l'homm* soit
seul : faisons-lui un aide semblable à lui. Dieu
endort Adam, tire une de ses côtes, en fait
une femme, et la lui présente. Voilà, dit
Adam, la chair de ma chair et les os de mes os...
Ainsi, l'homme quittera son père et sa mère,
pour s'attacher à son épouse, et ils seront
deux dans une seule chair. C. 1, v. 28, Dieu
les bénit et leur dit : Croissez et multipliez-
vous ; remplissez la terre d'habitants; soumet-
tez-la à votre empire; faites servir à votre
usage les animaux et les plantes.
Dans ces paroles, nous voyons, 1° que le
mariage est la société de deux personnes et
non de plusieurs ; d'un seul homme et d'une
seule femme ; par là Dieu exclut d'avance la
polygamie. 2° C'est une société libre et vo-
lontaire, puisque c'est l'union des esprits et
des cœurs, aussi bien que des personnes.
3° Société indissoluble ; l'un des conjoints
ne peut pas plus se séparer de l'autre, que
se séparer d'avec soi-même ; le divorce est
donc contraire à la nature du mariage. k° L'ef ■
fet de cette société est de donner aux époux
un droit mutuel sur leurs personnes, et ua
droit égal à celui que l'homme a sur sa pro-
elle enseigne, comme elle a toujours enseigné, sui-
vant la doctrine de l'Evangile et des apôtres, que le
lien du mariage ne peut être dissous par le péché d'a-
dultère de l'une de» parties, et que ni l'un ni l'autre,
non pas même la partie innocente , qui n'a pas
donne sujet à l'adultère, ne peut contracter d'autre
mariage pendant que l'autre partie est vivante ; mais
que le mari qui, ayant quitte sa femme adultère, en
épouse une autre, connnet lui-même un adulière, aijisi
que la femme qui ayant quitté son mari adultère, en
épouserait un autre : qu'il soit anathème. C. 7. — Si
quelqu'un dit que l'Eglise est dans l'erreur quand
elle déclare que, pour plusieurs causes, il se peut
faire séparation, quant à L couche et à la cohabita-
tion entie le mari et sa femme pour un temps déter-
miné, qu'il soit anathome. C. 8. — Si quelqu'un dit
que les ecclésiastiques, qui sont dans les ordres sa-
crés, ou les réguliers qui ont lait profession solen-
nelle de chasteté, peuvent contracter mariage, et
que l'ayant contracté, il est bon et valide, nonob-
stant la loi ecclésiastique ou le vœu qu'ils ont fait ;
que de soutenir le contraire, ce n'est autre chose que
de condamner le mariage, et que tous ceux qui ne se
sentent pas avoir le don de chasteté, encore qu'ils
l'aient vouée, peuvent contracter mariage : qu'il soit
anathème, puisque Dieu ne refuse point ce don à
ceux qui le lui demandent comme il faut, et qu'il ne
permet pas que nous soyons tentés au-dessus de nos
forces. G. 9. — &ï quelqu'un dit que l'état du ma-
855
MAR
MAR
554
pre chair. 5° Le but de cette union est de
mettre dos enfants au luimde et de peupler
la terre ; les époux sont donc obligés de
nourrir leurs enfants ; il ne leur est i>as per-
mis d'en négliger la conservation. G° C'est
au mariage ainsi formé que Dieu donne sa
bénédiction, qu'il ai tache la urospérilé des
familles et le bien général de la société hu-
maine. Nous verrons, dans la suite, jusqu'à
quel point Dieu a pu s'écarter de ce plan,
lorsque les hommes ont |iassé de l'état de
société purement domestique à l'état de so-
ciété civile.
Remarquons d'abord (jue, par cette insti-
tution sainte, Dieu a ré, are l'inégalité qu'il
a mise dans la constitution des deux sexes.
Le conmierce COI jugal ne laisse à l'homme
aucune inconmiodité ; la femme seule de-
meure chargée des suites, des langueurs do
la grossesse, des douleurs de reniantement,
de la peine de nouirir son liuit. Si elle de-
meurait seule cliargée de l'éducation îles en-
fants, la nature aurait été injuste ii son égard.
Mais riKjmmc s assujettir.ut-il à reuq)hr les
devoirs de père, s'il n'y était engagé par un
contrat formel, sacré, indissoluble V Nous le
voyons par la conduite des honunes dissolus,
qui séduisent les femmes par le seul désir do
satisfaire une passion brut ilc. 11 faut donc
que le mariage rétablisse une espèce d'éga-
lité entre les deux sexes. Pour voir ce qui
est conforme o i contrair ■ à la nature de ce
contrat important, il faut faire attention,
non à l'intérêt seul des éjioux, mais à celui
des enfants et à celui de la soriélé. Si l'un
nerd de vue uiu^ seule de ces considérations,
l'on ne manquera pas de faire des s; écula-
tions fausses ; c'est ce qui est arrivé à la
plupart des philosophes, soit anciens, soit
modernes, qui n'ont pas connu ou qui n'ont
pas voulu connaître la véritable institution
du mariage.
Les patriarches, mieux instruits, ont aussi
mieux raisonné. Comme sous l'état de iia-
mre ils étaient non-seulement les chefs na-
turels de leur famille, mais les ministres
. ordinaires de la religion, ils disposaient seuls
du mariage de leurs enfants, sans oublier
toutefois que Dieu en était le souverain ar-
ii;igf doit élre pretcré à celui Je la virginité ou du
iclibal, el que ce n'est pas (incUiue cliose de meilleur
cl de plus lieureux de ilenienrer dans la virginité ou
dans le célibat, (|ue de se niaritu-, qu'il soilanatliénie.
C. 10. — Si quclciu'un dit ipie la ilt lénse de la so-
lenniié des noces, en cerlaiiis temps do l'amiée, es',
une superstition lyrannique, qui lient de celle des
païens , ou si quelqu'un condamne les bénédictions
cl les autres cérémonies que l'I'.glise y piatique,
qu'il soit anatheme. Cil. — Si queUiu'un dit que
les causes qui corieernenl le mariai;e n'appartiennent
point aux juges ecclcsiasliques, cjuil soit auaihéme.
C. li. — Si quebprun est assez téméraire pour oser
scicunneut contiacler mariage aux degrés détendus,
il sera sépare sans espoir d'obtenir dispense, ce qui
aoi a lien aussi a plus lorlc raisim à l'cgiid de celui (pii
aura en la hardiesse, non-senleincnl de contradcr
niaria^e^ mais aussi de le consommer ; (,ue s'il le lait
sans le savoir, mais ciu'il ait nigligé d'observer les
cérémonies solennelles et requises a couiracter ma-
rlge, il sera soumis aux mé ncs peinc:^; ([ne si ayant
observé toutes les ccrcinoines requises on vient à dc-
DlCTIONN. DE ThÉOL. DOGMATIQUi;. 111.
bitre. Abraham, envoyant son serviteur
chercher une épouse à son fils Isaac (G en.
c. XXIV, V. 7), dit : « Le Seigneur enverra
son ange devant vous, et vous fera trouver
dans ma famille une épouse pour mon llls.
Ce serviteur dit, en voyant Rébecca : Voilà
l'épouse que Dieu a préparée au lils démon
maître. » Batuel et Laban disent de môme :
« C'est Dieu qui a conduit cette afl'aire. »
Nous ne devons donc pas être sur|»ris des
bt'nédictions que Dieu a répandues sur les 1.
mariages des patriarches.
Mais dans les peuplades qui oublièrent les
leçons données à nos premiers parents, et
négligèrent le culte du vrai Dieu, le mariage
devint bientôt un libertinage. Selon llicri-
ture sainte, les enfants des grands et des
puissants de la terre ne consultèrent que le
goût et la passion dans le choix de leurs
éjiouses ; de là naquit une race corrompue
qui attira par ses crimes le déluge univer-
sel (Gènes, vi, 2). Nous voyons des rois en-
lever des étrangères par violence , pour les
mettre au nombre de leurs femmes (c. xu,
V. 15 ; c. XX, V. 21, et y joindre encore des
esclaves (v. 17).Cnez toutes les nations ido-
liUres, l'adultère, la polygamie, le divorce,
le meurtre des enfants, la cruauté de les
exposer, la révolte de ceux-ci contre leurs
pères, ont déshonoré la sainteté du mariage,
en ont fait une source de désordres et de
malheurs ; l'auteur du livre de la Sages.^e
la remarqué {Sap. xiv, 2k et SlO . La mrme
chose arrivera toutes les fois que l'on per-
dra de vue, dans ce contrat, les desseins do
Dieu et les leçons de la religion. Les païens,
à la vérité, avaient conservé un souvenir
confus de l'institution divine du mariage,
puisqu'ils avaient créé dos divinités [larti-
culières pour y présider; mais l'idée qu'ils
avaient de ces divinités mêmes atteste la
dépravation de l'esprit et du cœur des
jiaieus. Selon la mythologie, le dieu Ihjmen
ou Hyménée était tils de Racchus et de Vé-
nus. Ils avaient forgé d'autres personna-
ges subalternes , auxquels ils attribuaient
des fonctions infûmes. Saint Augustin leur
a vivement reproché cet aveuglement dans
ses livres de la Cité de Z>tew. Nous ne voyons
couvrir quelque empêchement secret dont il soit pro-
bable qu'il n'ait rien su, alors on pourra lui accorder
dispense plus aisément et gratuitement. Pour les ma-
riages qui sont encore à contracter, on ne la donnerî
que rarement et pour cause légitime. C. de Ti ente,
2i' sess., du sacr. du rnar., c. 5. — Le sainl concile
ordonne qu'avant de célébrer uu mariage, le cure
de ceux qui doivent le contracter annonce, pendant
trois jours de t'êtes consécutives, au milieu de la
messe, leurs noms et qualités, et après ces publica-
tions, s'il ne se trouve aucun empecbement, le ma-
riage se feia en l'ace de l'Eglise. C. de Treuie, sess.
ii-% du sacr. de mar., cl. — Si quelques-uns s'a-
visent de vouloir i tre mariés sans la présence de
leur propre curé, ou d'un pntre commis de sa part,
ou de celle de l'ordinaire, ou sans avoir en outre
deux ou trois témoins, le saint concile leur signilie
qu'ils n'avanceront rien par là, et il déclare des a
présent nuls et invalides les mariages conlraclés de
cette sorte. Le saint concile exiiorie aussi les futurs
époux à ne point loger dans la même maison avant
que d'avoir reçu la bénédiction nuptiale. Ibid., c. 1.
18
K55
MAR
MÂR
356
pas qneles pliilosophes aient jamais censuré
ce désordre -, ils étaient aussi aveugles et
aussi corrompus que le peuple.
En second lieu, comme contrat civil, le
mariage est soumis k l'inspection et à la vi-
gilance des chefs de la société. Les lois qui
règlent les droits des époux, des pères et
des enfants, des successions, etc., ont tou-
jours été regardées comme une partie essen-
tielle de la législation. Mais toute loi civile,
contraire k l'un des trois intérêts auxquels
le mariage a rapport, serait nulle et abusive.
Rien ne peut prescrire contre les droits de
la nature, tels que Dieu les a établis. En
donnant des lois aux Israélites, Dieu n'oublia
pas de faire régler par Moise les droits res-
pectifs des époux, des pères et des enfants.
Il ne défendit ni le divorce ni la polygamie,
parce que les circonstances ne permettaient
pas encore de retrancher ces deux abus ;
mais il en prévint les suites pernicieuses par
des lois qui bornaient le pouvoir des pères
polygames. Il rendit le patrimoine des fa-
milles inaliénable ; il régla les droits des
aînés et des femmi s.Celle.--ci, c'iez h s Juifs,
n'étaient ni esclaves, ni enfermées, comme
chez les autres nations; les héritières ne pou-
vaient prendre des maris que dans leur tribu.
Moïse tixa les degrés de parenté qui ijevaient
former empêchement au mariage, etc. Ainsi
ce contrat se trouva plus gêné qu'il ne l'était
sous la loi dénature. Mais les Israélites vrai-
ment religeux n'ouljlièrent jamais que leurs
alliances devaient être sanctiliées par la bé-
nédiction de Dieu. Raguel bénit le mariage
de Sara sa tille avec Tobie; il leui- dit : « Que
le Dieu d'Abraham, d'is^iac et de Jacob vous
unisse et soit avec vous; qu'il accompbsse à
votre égard les bénédictions qu'il leur a pro-
mises (Tob. Vil, 15). Il est h présumer que
tel était l'usage dans toutes les familles dans
lesquelles régnait la crainte de Dieu. L'ange
Rapliaél avertit Tobie que l'oubli de Dieu,
dans cette rencontre, est la cause des désor-
dres et des malheurs qui infestent les ma-
riages (vi, 17). Souvent les prophètes ont re-
proché aux Juifs leurs prévai'ications à cet
égard. On se tromperait doue beaucoup si l'on
se persuadait que, chez les Juifs, le mariage
était considéré comme un contrat purement
civil, dans lequel la religion n'entrait pour
rien, parce que nous n'y voyons pas inter-
venir les prêtres ; les pères de famille en te-
naient lieu comme ils avaient fait sous la
loi de nature. Aujourd'liLii de prétendus po-
litiques soutiennent que l'Eglise chrétienne
ne devrait avoir aucune inspection sur le
mariage de ses enfants; que c'est à la puis-
sance civile seule de détendre ou de per-
mettre ce qu'elle jugera utde au lîien
public.
'<. J'ai frémi, dit un protestant très-sensé
et un très-bon philosophe , j'ai fi'émi toutes
les fois que j'ai entendu discuter philosophi-
quement l'article du tnariage.Que de manières
de voir, que de systèmes, qu« de passions
en jeu I On nous dit que c'est à la législation
civile d'y pourvoir ; mais celte législation
n'est elle donc pas entre les mains des hom-
mes, dont les idées, les vues, les principes,
changent ou se croisent ? Voyez les acces-
soires du mariage qui sont laissés à la légis
latiiin civile; étudiez, chez les différentes
nations et dans les différents siècles, les va-
riations, les bizarreries, les abus qui s'y sont
introduits; vous sentirez h quoi tiendrait le
repos des familles et celui delà société, si les
législateurs humains en étaient les maîtres
absolus.
« 11 est donc fort heureux que, sur ce point
essentiel, nous ayons une loi divine supé-
rieure au pouvoir des hommes. Si elle est
bonne, gardons-nous de la mettre en danger,
en lui donnant une autre sanction que celle
de la religion. Mais il est un nombre de rai-
sonneurs qui prétendent qu'elle est détes-
table ; soit : il en est pour le moins un aussi
grand nombre qui soutiennent qu'elle est
très-sage, et auxquels on ne fera pas chan-
ger d'avis. Voilà donc la confirmation de ce
que j'avance, savoir, que la société se divi-
serait sur ce point, selon la prépondérance
des avis en divers lieux. Cette prépondé-
rance changerait par toutes les causes qui
rendent variable la législation civile , et ce
grand objet qui exige l'uniformité et la con-
stance pour le repos et le bonheur de la so-
ciété, serait le sujet perjiétuel des disputes
les plus vives. La religion a donc rendu le
plus grand service au genre humain, en jjor-
tant sur le mariage une loi sous laquelle la
bizarrerie des hommes est forcé de plirr ;
et ce n'est pas là le seul avantage que l'on
retire d'un co le fondamental de morale, au-
quel il ne leur est pas permis de toucher. »
Lettres sur V Histoire de la terre et de l'homme,
tom. I, p. 18.
En troisième lieu, sous la loi évangélique,
Jésus-Christ a rétabli le mariage dans sa
sainteté primitive ; et, pour en rendre le
lien |)lus sacré, il l'a élevé à la dignité de sa-
crement. C'est sous ce nouveau titre qu'il
est principalement considéré par les théolo-
giens. Nous avons donc à examiner, 1° si le
mariage des chrétiens est véritablement un
sacrement, quelle en est la matière, la forme,
le ministre, et quelle doit en être la solen-
nité; 2° quelle puissance a droit d'y mettre
des emi)ecliements et d'en dispenser; 3° si
un mariage valide est indissoluble dans tous
les cas ; k" si la di ictrine et la discipline de
l'Eglise catiiolique, touchant le mariage, est
capable d'eu détourner les fidèles. 11 n'est
aucune de ces questions qui n'ait <ionné lieu
à des erreurs et à des plaintes, soit de la
part des hérétiques, soit de la part des in-
crédules (i).
I. Du mariage considéré comme sacrement.
Les protestants ont trouvé bon de retrancher
le mariage du nombre des sacrements, et de
soutenir que la croyance de l'Eglise romaine
sur ce point n'est point fondée sur l'Ecri-
(1) Dans noire Dict. de Tliéologie morale, nous
avons développé toulcs les quebtions qui concernent
le lu.aiiage. Chez tous les jH'uples ce conU'at a etn
revêtu de solennités paitinilières. Il n'était cepeii
dant pas un sacrement cliez les lieljreux.
5ri7 MAR
tiirfi sainte; c'est à nous de prouver le cou
Irairc.
1" Saint Paul, parlant du mariaffc des chré-
tiens, le eomiiare à l'uiiioii sajnte qu) est
eutie J(5sus-Clirist et sou Eglise, et il la pro-
pose pour modèle aux personnes i)iarJ6.es. Il
conclut, en disant : « Ce sacreuienl est friand,
j'entends en Jésus-Clirist et dans son Eglise
(t'phes. V, 32). 11 s'agit de ])rendrele sens de
ces paroles (1). Le terme de «tcnww»/, disent
les réformateurs, sigiiili- mi/stvre, et licn de
|ilus; l'AptHre enlendsiuk'uient que l'union
de Jésus-Christ avec l'Kglise est un mystère
dont le mariage- chrétien est une faible
jniage ; c'est tout ce que l'on en peut con-
clure.
Mais lorsque les protestants disent que le
baptême et la cène sont des sacrements, tlon-
nent-ils îi ce ti imc un autre sens ipi'à celui
de mystère'/ Us entendent comme nous, par
ces deux termes, un signe sensible, un rite
extérieur et des paroles qui représentent
quelque chose que l'on ne voit pas, qui si-
giiitient un don de Dieu ipie l'on n'ajierçoit
pas. Puisque, de leur aveu , le mana</e est
rnte image de l'union de Jésus-Chiisi avec
son Eglise, il en résulte que lues signes ex-
Jérieurs d'alliance entre les éi>oux signitient
qu'il doit y avoir en're eux une union aussi
sainte, aussi étroite, aussi indissolidjle
qu'entre Jésus-Christ et son Eglise ; union
^ui ne peut pas être sans une gnke parti-
c+iljére de Dieu. Qu'exigent de lilus Jes pro-
t«>stants pour faire un saereinciit? A la véiité,
si Jésus-Christ, après avoir épousé gon Eglise
et l'avoir dotée do sou sang, l'avait bieuitùt
a<i>andonnée à l'erreur; s'il lavait laissé cor-
rompre au point qu'ell.> est devenue la pros-
tituée de Bahylone, comme le disent les |iro-
teslants, cette espèce de divorce serait un
bien njauvais exemple donné aux chrétiens
qwi se marient ; heureusement la oalompie
(1) Les paroles Sacramentiim Itoc magnum est ne
peuvent se rapporter qu'à runion do l'iioinme et de
la femme. Elles se rapportent évidenniient à ce qui
les précède imniédiaienient; car le pronom démons-
tratif liuc nr.iniue la cJiose dont il s'agit précédeni-
mcnt : or, les paroles qui précèdent immédiatement
ne peuvent s'entendre que du mariasse : l'ropter hoc
relimiuel Iwmo patitm el tnairem suam, et ad œrebil
uxori sue, et eruiit duo iii ca ne vna. Su ram iitum
Iwr magnum es' in Clirialo et in Ec< lesin. (;Vsl donc
du mariage des lidèlcs ([ue l'Aiolie dit que c'est un
grand sacrement, sac/ ami;» («m /mc mayimm est, parce
qu'il est un signe visible de en le union sacrée qui
est entre Jésus-Clnist et son Eglise. Si l'on rappor-
tait le pronom hoc à ruiiion de Jèsus-Olnistavec, son
Eglise, voici (piel serait le sens de saiui Paul : lioc,
c'es»-à-<lire Jésus-Christ et l'Eglise, sont un grand
sacrement entre Jcsus-Chrisl el l'Eglise ; ce qui len-
fermerait une absurdité, selon la remarque du second
concile de Cologne de l'an 153f). Quod esl autan hoc
sacrameiit m in verbin suinrioribus relatant, quod ma-
gnum est in Christo et Ecclesia? id esse nun polest
eerle Chritttuset Eecle ta , uam absurde seifuerel r; hoc,
id esl i hrislns et Ecct^sia, evl magnum sa ramentum,
in Chris'o et Ecclaia ; nemu enint sic tiquilur.... A'e-
cesse est igitnr ul id sacranicntum quod dicit esse ma-
gnum i'i Chrislo et Eccleiiiii,!til illa coijimctio liri cum
muliere. {Concil. Colon, an. 153(j. )
MAR
558
des |iroteslan(s n'est qu'un blasphème contre
la fidélité du Sauveur.
De même que le baptême représente la
grâce qui purifie notre Ame du péché, et que
la cène représente la grAce qui nourrit (^t
fortifie notre âme ; ainsi le mariage re|)ré-
sente la grAce qui unit les esprits et les
cœurs des époux. Où est la différence? Do
même que Jésus-Christ a dit : Celai qui croira
et sera baptis'', sera sauve, et celui qui mange
ce pain, vivra éternetlemmt , il a dit aussi :
Que l'homme ne sépare point ce que Dieu a
uni. Donc c'est la grâce de Dieu qui unit les
époux.
2° C'est la question, disent les protestants,
de savoir si la cérémonie du mariage donne
la grAce. Cette qui^stion est encore résolue
par saint Paul ; en comimrant les persotmes
mariées à celles qui vivent dans le célilial,
il dit que chacun a reçu de Dieu un don
particulier {I Cor. vu, 7). Quel peut être le
don de Dieu îi l'égard des jiersonne- mariées,
sinon la grâce qui réunit les cœurs '! Ont-
elles moins besoin de grAce pour remplir les
devoirs de leur état que les célibdaires?
I^'Apôtre ajoute, V. 14, que les enfants d-s
fidèles mariés sont saints; pourquoi, siuon
|iarce qu'ils sont nés d'une union sainte'/
Or, cette union ne i>eut être snnctitiée que
par la grâce de Dieu. D'ailleurs, dès iju'il a
plu aux protestants de décider que les sa-
crements ne produisent point par eux-mê-
mes la grAce sanctitiaiite dans l'Ame de eeux
qui les reçoivent, que tout leur effet consiste
à exciter la foi qui seule justihe, nous ne
voyons pas pourquoi ils excluent le mariage
du nombre des sacrements. Cette cérémonie
est-elle donc moins propre à exciter la foi
dans les ,li Jèles, que celle du baptême ou de
la cène? L,çs promesses niutuclles que se
font les éjjoux d'une lidélilé inviolable, la
bénédictio)! de l'Eglise qui consacre ces pio-
messes, doivent leur persuad'T, sans doute,
que Dieu les ratifie , qu'il leur donnera les
grAces et la force dont ils auront besoin pour
vivre saintement, pour s'ajder et se suppor-
ter, pour élever chrétiennement leurs en-
fants, etc.
3° L'Eglise catholique fait profession d'en-
tendre l'Ecriture sainte, non .comme il plait
à quelques docteurs , mais comme elle a été
constamment entendue depuis les apôtres
jusqu'à nous ; or, on a toujours donné ilans
l'Eglise aux passages que nous alléguons le
même sens que nous leur donnons.
Saint ' lément d'Alexandrie, Strom., I. ni,
réfute les di^'.ers hérétiques qui condam-
naient le mariage et regardaient coimni' un
crime la procréation des enfants; il leur sou-
tiimt que le mariage est non-seuleuient in-
nocent et permis, mais saint et destiné à
sanctifier les époux, et que les entants qui
en proviennent sont saints, c. 6, p. 5'j2; que
c'est Dieu qui miit la femme à sop njari,
c. 10, pag. ^'vl; et il le pr-iuve par les pas-
sages de l'Ecriture que nous avons cites.
Tertidlien , 1. v, contra Marcion., c. 18,
emploie les mêmes preuves contre Marcion.
et nomme quatre ou cinq fois le mariage sa-
5S9
MAR
MAR
KGO
cremcnt L. ii, ad Uxorem, c. 8, il dit que le
mariage des chrétiens est conclu par rEg]i:>o,
confirmé par l'olilation, consacré par la hr-
nediction, publié par les anges, appr. uvé
par le Père céleste. Telle était donc la
croyance du ii' et du m* siècle de l'Eglise.
On peut voir dans Bcllarmin, tora. III, de Ma-
trim., et dans d'autres théologiens, les pas-
sages «le saint Jean Chrysostome, de saint
Aiiibioise, de saint Jérôme, de saint Augus-
tin, de saint Léon, o;c., qui nous attestent de
même la tradition du iv° et du V siècle. C'est
la réfutation complète des prétendus réfor-
mateurs, qui ont osé écrire qu'avant saint
Grégoire, qui a vécu sur la lin du vi% aucun
Père de l'Eglise n'avait regardé le mariage
comme un sacrement. Drouin, de Re sa-
cram., tom. IX, 1. x (1).
(l)La preuve tirée des SS. PP. a beaucoup de
force. Les diverses édilious de Besançon citent un
grand nombre de textes.
I C'est surtout, disent-elles, par la tradition que
l'on prouve rinstitution du sacrement de mariage.
On peut ranger en trois classes les témoins de la
Iraditmn sur ce point. La première renferme les pas-
sages des Pères qui ont donné au mariage le nom de
sacrement.
I Saint Ambroise traite le mariage de sacrement
célcite. En parlant de celui qui convoite la femme de
son prochain, il dit : i Qui sic egerit peccat in Deum
cujus legem violât, grati;im solvit; et ideo, quia in
Deum peccat, sacramenti cœlestis aniittit consor-
tium. > (Lib. I, de Adnmo, c. 7.)
1 Saint Augustin est celui de tous les Pères qui a
donné le plus souvent le nom de sacrement au ma-
riage. « Dans l'Eglise, dit ce Père au livre de Fide et
Operibus, c. 7, ce n'est pas seulement le lien du ma-
riage qui y est recommandable, mais encore le sa-
crement. » In Ecctesia, niiptiurum non solum vincu-
lum, sed etiam sacramenlum commendntny. Dans le
livre de bono cnnjugali, c. 4, il distingue le mariage
des chrétiens d'avec celui des païens, par la qualité
de sacrement, qui est intiniment plus recommandable
que tous les avantages que les peuples idolâtres re-
cherchaient dans le mariage. « Les nations, dit ce
Père, font consister tout le bien du mariage dans la
fécondité, dans la chasteté conjugale et dans la foi
qui en est comme le lien ; mais les chrétiens le font
consister dans la sainteté du sacremeul, à raison de
laquelle il est défendu à une femme d'épouser un
autre mari pendant que le sien vit, quoiqu'il l'ait ré-
pudiée. » Bonum nuplinnim per omnes ijentes atque
kotnines in causa generandi est, in jide coslilalis ; (juod
autem ad pnpiUum Dei perduat, et.am in sancûtnle sa-
craiiienli, per quam nefas est, etiam repndio disceden-
tem, alteii nubere, dum vir ejiis Vivil. Dans le même
ouvrage, cliap. 18 : In )iupliis plus valet saiictitus sa-
cramenti tjuum (œcundilas uteri.
« La seconde classe contient les textes des Pères
qui ont enseigné que le mariage des chrétiens est ac-
compagné des cérémonies de la religion comme les
autres sacrements, qu'il est bénit par le prêtre et con-
sacré par l'oblation du saint sacrifice : ce qui sup-
pose qu'ils ont regardé le mariage comme un sacre-
ment.
< TertuUien voulant faire connaître l'excellence du
mariage des fidèles au-dessus de celui des païens, dit
dans le second livre ad Uxorem : < Qui pourrait ex-
pliquer le bonheur du mariage que l'Eglise approuve,
que l'oblation ilu sacrifice confirme, auquel la bcné-
«îiciion met le sceau, ([ue les anges proclament au
<'w\, et que le Père éternel ratifie'? > Unde sufficia-
mui ad enarrandam (eticitatem liujus matrimotiii, qiiod
Ecclesia conciliât, confirmât oblnliv, obsignat btnidi-
k° Une nouvelle preuve de l'antiquité de
cette doctrine est la croyance des sectes
(irientales qui sont séparées de l'Eglise ro-
maine depuis le vf siècle ; elles mettent aussi
bien que nous le mariage au nombre des sa-
crements. Elles n'ont certainement pas reçu
ce dogme de l'Eglise romaine depuis leur
séparation, et ce schisme était consoiiimé
avant le pontificat de saint Grégoire. Vaine-
ment les protestants ont voulu contester ce
l'ait essenliel ; il est prouvé d'une manière
qui ne laisse plus aucun lieu d'en douter.
Perpe'l de la foi, t. V, 1. vi, p. 395 et suiv.
Les conciles de Florence et de Trente, qui
ont décidé que le mariage est un sacrement,
n'ont donc pas établi une nouvelle doc-
trine.
5° Bingham et d'autres orotestants ont été
ctio, anqeli renuntiant, Pater rerum habet. Saint Am-
bioise dit que les fidèles qui se marient sont obligés
de recevoir le voile de la main du prêtre, et une bé-
nédiction qui les sanctifie. « Cum conjugiura vela-
mine sacerdotali et benedictione sanctificare opor-
teat. ) (Epist. 2.5, ad \ igil.)
Le pape Sirice déclare, aans sa lettre à Himère,
évêque de Tarragone, qu'une femme qui viole de
quelque manière que ce soit la bénédiction qu''elle a
reçue de la main du prêtre, lorsqu'elle a été mariée,
commet une espèce de sacrilège, t Hoc ne fiât, omni-
bus modis inhibenms, quia illabenedictio quam nup-
turse sacerdos imponit, apud fidèles cujusdam sacri-
legii instar est, si ulla tiansgressione violetur. i Si
ce pape avait regardé le maiiage comme un pur con-
trat civil, il n'aurait jamais traité de sacrilège le vio-
leraent de la foi du mariage.
« Les Pères du quatrième concile de Carthage,
tenu au commencement du y siècle, ordonn rent,
dans le canon 13, (|ue l'époux et l'épouse seront pré-
sentés au prêtre par leurs parents ou leurs paranym-
phes, pour recevoir la bénédiction nuptiale, et qu'ils
garderont la nuit suivante la continence, à cause du
respect dû à cette bénédiction. Si les Pères de ce con-
cile n'avaient cru qu'il y eut une sainteté particulière
attachée au mariage qui se célébrait dans l'Eglise,
ils n'auraient pas obligé les mariés à vivre le jour
qu'ils ont reçu la bénédiction nuptiale dans une re-
tenue et une pureté si grande : ils ne l'ont fait que
pour marquer le respect qu'ds doivent avoir pour ce
sacrement.
« Le pape Nicolas I", qui fut élevé sur le siège
apostolique l'an 85fi, instruisant les Bulgares de la
foi et de la discipline de l'Eglise romaine, dit qu'a-
près les fiançailles le prêtre doit faire venir à l'église
les personnes qui se sont promis la foi du mariage,
avec les oblations qu'ils doivent otfrir au Seigneur
par ses mains, et ensuite leur domier la bénédiction
et le voile qu'il qualifie de céleste, comme il est rap-
porté par Gratien dans le canon ISoslrates , c.
55, q. 5.
« La troisième classe comprend les passages où
les Plies reconnaissent que le sacrement de mariage
a la force de conférer la grâce; ce qui prouve qu'ils
ont pris le mot de sacrement dans la signification la
plus étroite, et qu'ils ont cru (|ue le mariage est un
vrai sacrement de la nouvelle alliance.
I Origène, dans son traite vu sur saint Matthieu,
enseigna que l'homme et la femme, que Dieu a unis
ensemble, ont reçu la grâce, et que c'est de là que
saint Paul donne le nom de grâce à cette cliasle
union.
i Saint Alhanase , dans le iv siècle, a enseigné
que Dieu avait attaché une grâce particulière au ma-
riage, pour y être coramuniijuèc à ceux qui s'y en-
gagent : < Qui dixit uxorem, etsi parem gratiain non
%i
MAR
MAll
5fi»
forcés ir;ivini(.'r qiH! , dAs les t 'lups a(iostij-
liques , lu mariayt des chrétiens sf> taisait
par-devant les ministres de l'Eglise. Cela est
prouvé par la lettre de saint l^qiace h saint
Polycarpe, où il est dit, n. 5 : « Il eonvionl
(jue les époux se marient selon l'avis de l'é-
véque, alln que leur mariage soit selon le
Seigneur, et non un etï l des passions. Que
tout se lasse pour la jj,loire de Dieu. » Mais
s'il n'avait été besoin (jue de la présence et
des conseils de l'évoque, ils n'auraient pas
été moins nécessaires pour l.s liançailles,
qui sont un engagement au mariage; cepen-
dant il sul'llsait que les tiançailles fussent
faites en présence île témoins. D'ailleui's Ter-
tullien, qui a vécu dans le siècle suivant, dit
(luo le mariage est cuiisavre par la héné-
(liclion. Déjà, du lenips de saint Ignace, il y
avait des hérélique.-; qui blâmaient le mariage,
et qui regardaient comme un crime la pro-
création des enfants; nous le verrons ci-
apiès; l'Eglise ne pouvait mieux condamner
leur erreur (ju'en liénissant solennellement
les époux; celte bénédiction est donc incon-
teslablement des temps apostoliques : jamais
l'Eglise ne l'a regardi'e comme une simple
cérémonie qui ne produisait aucun etfet.
0° Depuis que les protestants ont retranché
le mariage du nombre des sacrements, on a
vu les suites pernicieuses de kuu' erreur. Ils
ont soutenu, comme les hérétiques orien-
taux , que le mariage est dissoluble pour
cause d'adultère. Luther et ses coopérateurs
ont poussé la turpitude jusqu'à excuser ce
crime, jusqu'à aulorisor la polygamie, en
permettant au landgrave do Hesse d'avoir
deux femmes à la fois. Hist. des Variât.,
liv. VI, chap. 1 et suiv. ; 4.° Avert. aux Pro-
test., etc. C'est au contraire la fermeté de
l'Eglise romaine à conserver l'ancienne
croyance, qui a fait réformer chez les na-
tions catholiques l'imperfection des lois ro-
maines, et cjui a fait cesser l'usage scanda-
leux du divorce. Pour sentir l'importance de
consequaliu' ciiiii eo qui vligiiiitateiii coinplcctiuir,
coiiseqiiinir taiiien aliquaiii, quippe quie leial fru-
cliim ceiitosinmui. >
I Saint Chrysoslonie marque clairement qu'il re-
ganiuit le mariage comme un sacrement dont on ne
(toit approclier qu'avec de saintes dispositions, pour
iMi recevoir la grâce dont les mariés ont besoin pour
vivre dans une sainte union; ce qui le l'ait déclamer
avec toute son éloquence, dans rhomélie 56 sur la
<<enèse, contre les pompes profanes des noces, qu'il
dit ne pouvoir i trc en aucune manière excusées dans
les chrétiens qui, comiaissanl la sainteté (la mariage,
déshonorent leurs noces par des infamies dont les
uaiens auraient eu honte.
< Saint Augustin, dans le livre qu'il a écrit du Bieti
du ilariiige, contre l'erreur de Jovinien, semble n'a-
voir d'autre intention que de l'aire voir que Dieu a
attache une grâce particulière au mariage des lideles,
(pii leur procure plusieurs grands avantages, et il
établit I indissolubilité du mariage, particulièrement
sur la qualité du sacrenient. Il enseigne lu même
vériié dans le livre des Aoies et de la Concupiscence,
au chap. 17, où il dit, « (pie la grâce du mariage fait
([lie les personnes mariées ne cherchent pas tant à
niellre des enfants au monde qu'à les voir renaître
par le baptême. > A'o/i ut proUs natcalur Utntum, ve-
rum etiaiH ut reimscatur.
ce service rendu à la société , il faut compa-
lei' les désordres et les crimes qni naissent
du wo/vag'^ chez les nations infidèles , avec
la police et le bon ordre qui régnent chez
les nations chrétiennes. Voy. VEsprit des
usages et des coutumes des différents peuples,
t. I, 1. m, c. 8 et suiv.
On croit communément que Jésus-Christ
éleva le mariage à la dignité de sacrement,
lorsqu'il honora de sa présence les noces de
Cana ; c'est le sentiment de samt Epipliane,
Ha-r. (J7 ; de saint Maxime, //o/h. 1, in Epi-
phan. ; de saint Augustin, Tract. 9, m Joan,;
de saint Cyrille, dans sa Lettre à Nestorius.
Mais peu importe desavoir en (|uel temiis il
l'a fait , dès que nous soiumes instruits de
celte vérité par les apôtres. Au xii" et au
XIII' siècle, saint Thomas , saint Bonuven-
ture et Scot n'ont pas osé définir comme ar-
ticle de foi que le mariage est un sacrement;
Durand et quelques autres ont avancé que
cela n'était [las de fui ; mais l'Eglise a décidé
le contraire au concile de Trente, sess. 24-,
can. 1. Nous avons vu ci-devant les preuves
sur lesquelles elh^ s'est fondée.
Quand on dit que le mariage est un sacre-
ment, cela s'entend seulement du mariage
célébré selon les lois et les cérémonies de
l'Eglise. Lorsque deux personnes infidèles,
mariées dans le sein du paganisme ou de
l'hérésie, embrassent la religion chrétienne,
le mariage (|u'elles ont contracté est valide ;
il subsiste sans être un sacrement. Il ne l'é-
tait pas dans le momeni de la célébration ,
et on ne le réhabilite point lorsque les par-
ties abjurent l'infidélité. Qu('l([ues théolo-
giens ont même douté si les mariages con-
tractés par procureur, quoique valides ,
étaient des sacrements ; mais leur sentiment
n'est pas suivi.
On dispute encore pour savoir quelle est
la matière et la forme de ce sacrement. Les
uns ont dit que les contractants eux-mêmes
sont la matière, et que leur consentement
mutuel, exprimé par des paroles ou par des
signes, en est la forme. Selon d'autres, le
don que se font les contractants d'un droit
réciproque sur leurs personnes est la ma-
tière, et l'acceptation mutuelle de ce droit
est la forme. Suivant ces deux sentiments,
les contractants sont les ministres du sacre-
ment ; le prêtre n'est qu'un témoin néces-
saire pour la validité du contrat. Un plus
grand nombre pensent qu'il doit y avoir une
distinction entre le sujet qui rei;oit le sacre-
ment et le ministre qui le donne, puisqu'il
en est ainsi à l'égard des autres sacrements;
d'oii ils concluent cjue les contractants ne
peuvent être tout à la fois les snjets et les
ministres du mariage. Dans l'opinion con-
traire, disent-ils , il est difficile de vérifier
l'axiome reçu, savoir que les jiaroles ajou-
tées au signe sensible font le sacrement :
Accedit vcrbum ad élément um , et fit sacra-
mentum. Ils pensent ilonc que la matièr.' du
sacrement de mariage est le contrat que font
entre eux les époux , et que la bénédiction
du prêtre en est la forme ; conséquemment
que c'est le prêtre qui en est lo ministre,
563
MAR
comme il l'est des autres sacrements. Le
concile de Trente, continuent ces théolo-
giens, parait l'avoir ainsi entendu, lorsqu'il
a décidé, sess. 24, de Re'form. matrim., c. 1,
que le prêtre, après s'être assuré du con
sentemont mutuel des contractants, doit leur
dire : Ego vos in matrimonium confungo ,
etc., paroles qui no seraient pas exactement
vraies, si elles n'opéraient pas ce qu'elles si-
gnifient. Les parlisans du sentiment con-
traire sont forcés de tordre le sens de celte
formule , pour la concilier avec leur opi-
nion.
Ce sentiment, disent-ils enQn, paraît en-
core le plus conforme à celui des Pères et
des conciles. Tertullien, comme nous l'avons
vu, dit i|ue le mariage est consacré par la
bénédiction. Saint Ambroise s'ex|)rime de
. même, Epist. 19, ad VigiL, n. 7. Le con-
cile de Carthage, de l'an 398, exige cette bé-
nédiction ; et suivanl le décret de Gratien,
elle donne la gr/lce. Voy. Ménard, sur le Sa-
cram. de saint Grég., p. 412. On objecte à
ces théologiens que l;i formule prononcée par
le prêtre n'est pns absolument la même par-
tout, que dans les Eglises orientales elle est
différente. jMais la formule de l'absolution et
celle de l'ordination ne sont pas non plus
absolument les mêmes que dans l'Eglise ro-
maine ; il suffit qu'elle soit équivalente pour
que le sacrement soit valide.
Le concile de Trente a réglé encore le de-
gré de publicité et de solennité que doit avoir
le mariage, en exigeant qu'il fût précédé par
la pubhcation des bans, célébré par le curé,
en présence de deux ou trois témoins, et en
déclarant absolument nuls les mariages clan-
• destins. Plusieurs souverains avaient fait
demander au concile celle réforme par leurs
ambassadeurs. Quant aux cérémonies qui
doivent accompagner le mariage, elles sont
prescrites dans les rituels, et il est peu de
personnes qui ne les connaissent pour en
avoir été témoins. Un contrat qui, pour toute
la vie, doit décider du sort des époux, des
droits et de l'état des enfants, de la tranquil-
lité des familles, ne pi'ut être trop |jublic ;
aucune des précautions que l'on [trend pour
en constater l'authenticité ne doit paraître
indifférente.
IJ. Des empêchements du mariage. Tout con-
trat, pour être Valide, exige certaines condi-
tions, et il y a des personnes qui, par étal,
sont inhabiles à contracter. Un contrat inva-
liile et nul ne peut être la matière d'un sa-
crement, puisqu'il n'existe pas. Il peut donc
y avoir des empêchements qui rendent le
sacrement nul, par la nullité de la matière
ou du Contrat ; d'autres qui le rendent seu-
lement illégitime sans le rendre nul. Los
premiers sont nommés empêchements diri-
mants , les autres sont seulement pro-
hibitifs.
Oncomptequinzeempêclioraentsdirimants,
Ou qui rendent le mariage nul ; ils sont ren-
fermés dans les vers suivants :
Errnr, condilio, Voliim, cognallo, crimen,
Culiu's disparitas, vis, onio, ligameii, lioiicstas
MAR
Aii.ens, ariiiii<i, si cbndestinus etimpos,
Si raulier sil lapla, loco iric reddila tuio (1)
■^61
1" L'erreur a heu lorsque l'un des contrac-
tants croyant épouser telle personne, en a
pris une autre qui lui a clé subsistuée ; alors,
à proprement parler, il n'a pas consenti à ce
mariaiie. 2° Si, croyant épouser une personne
libre, il avait pris une esclave, ce serait
l'empêchement nommé conditio ; cette erreur
esl tro]) importante pour que l'on puisse pré-
sumer dans ce cas le consintcmentile laiicr-
sonne trompée. 3° Foifoncst le vœu solennel do
chasteléou(!e religion. h'Cognatio estli parenté
ou la consanguinité dans b'S degrés prohibés.
Chez toutes les nations i olicées, l'on a jugé
que le mariage était destiné à unir ensemble
les dilférentes familles ; conséquemment (]u'il
ne fahait pas permettre aux proches parents
de s'épouser. 5° Crimen est l'adultère, joint
à la promesse d'épouser la personne avec
laquelle on a péché ; et Vhomicide, lorsque
l'un des deux complices, ou tous les deux ,
ont attenté à la vie de l'époux ou de l'épouse
auxquels ils sont unis. 6° CuUus disparitas
signifie que le mariage d'une personne chré-
tienne avec un inhdcle est nul ; il n'en est
pas de même du mariage d'une jiersonne ca-
tholique avec un hérétique, quoique celui-ci
soit encore défendu par les lois de l'Eglise.
7° Vis esl la violence, ou la crain'o qui 6(o
la liberté : quiconque n'est pas Ubre n'est
point censé consentir ni contracter. 8° Ordo
esl un des ordres sacrés auxquels la conti-
nence est attachée, dans les sectes même
orientales, où l'on a conservé l'usage d'éle-
ver aux ordres sacrés des hommes mariés, il
n'y a point d'exeaiple d'évêque, de prêtres
ni de diacres, auxquels on ait permis de se
marier après leur ordination. 9° Ligamen est
un mariage précédent et encore subsistant ;
c'est l'interdiction de la pdygaraie. 10° Ho-
nestas, l'honnêteté publique, est une allianc'e
qui se contracte par des fiançailles valides, et
par le marïag'e ratifié et non consommé. 11°
Amens désigne la folie ou l'imbécillité ; il faut
y ajouter l'enfance ou l'ilge trop peu avancé
de l'un des contractants ; la personne qui se
trouve dans l'un ou l'autre de ces cas est in-
capable de disposer d'elle-même. \1° Affinitas
est la parenté d'alliance dans un des degrés
prohibés ; cet empêchement a été élahli par
la même raison que celui de consanguinité.
13" La clandestinité a lieu lorsque le mariage
n'est pas célébré par-devant le curé et en
pfésence de témoins : nous avons déjà re-
marqué que cet empêchement a été établi
par le concile de Trente, h la réquisition des
souverains, ik" Jmpos désigne l'impuissahce
alisolue ou relative de l'un des deux contrac-
tants ; elle annulle le mariage, parce (jue l'ob-
jet direct de ce contrat esl la procréation des
enfants. 15" Enfin le rapt est censé ôter à
une tille la liberté de disposer d'elle-même ;
on sait que parmi nous ce crime esl puni
de mort.
La multitude même de ces empêchements
(I) Nous avons traité longuenienl do rii.icun de ces
empcchonieiils dans notre Dici. de Th.ol. nioial.
565
MâR
MAR
566
dc'iuoiiti't' le ^oill avec leiniel rKglisc (>t los
sfluvcr.iins «ni veilU' de concert h prévenir
tous les désordres qui pouvaient se glisser
dans le mariaf/e, en blesser la sainteté et en
tro»l)ler le bonheur. Ceux ([ui jutçent que
l'on a trop g^^né la liberté sur ce |ioint, rai-
sonnent fort mal ; on n'a lAéné f(ue le liberti-
na,:i;e. Les empêchements prohibitifs sont la
défense de procéder à la célébration d'un
mariage, faite par le juj^e d'Eglise, le vœu
simjile de chasteté, la défense dcrRglise(}ui
inteidit le (/u/r/r/^^c depuis le premier diman-
che de l'Avent jusqu'aux Kois, et depuis le
mercredi des Cendres jusqu'à Qiiasimodo :
les tiançadles faites avec une personne, les-
(juelles emp<^cheiit qu'on ne puisse se marier
avec une autre, à moins qu'elles n'aient été
dihnent résolues. H y en avait autrefois un
plus grand nombre, mais ils ont cessé par
l'usage, ef l'Eglise dispense des autres tou-
tes les fois qu'il y a des raisons pour le
faire.
L'Eglise a-t-elle le pouvoir d'établir des
empêchements dirimants du marmjo (l)?Le
concile de Trente l'a décidé formellement ,
SPSS. 2.V, can. i : Si quia dircrit EccUsiam non
putuisse eonstilucrc impcdimoila malrimoniian
rlirimentia vel iniis conslitiicndia crni^sn ;
unalhema sil. Aucun des souverains catholi-
iiues n'a réclamé contre cette décision (2).
Ils avaient cependant tous des ambassadeiu's
au concile et des jurisconsultes envoyés de
leur paît. Il est ceriain d'ailleurs que, dés
son origine et sous les empereurs païens,
riiglise a déclai-é nuls les mariages contrac-
tés entre les chrétiens et les infidèles. El'e
s'est fondée sur les paroles de saint l'atd ( /
Cor. c. vil, v. 39, et JJ Cor. c. vi, v. IV ) :
Ne Vous mariez pas â drsinlidêlcs, etc. Tertul-
lien, saint (',y[irien, saint .lérôrae, saint Am-
broise et u'autrcs Pères l'ont remai'qué ; les
empereurs devenus chrétiens conlirnient cette
discipline iiar leurs lois. 11 en fut de même
de l'interdiction du mariageh ceux qui avaient
reçu les ordres sacrés, etc. L'an 3(50, le con-
cile de Laodicée défendit aux parents chré-
tiens de donner leurs lilles en mariage, non-
seulement (i des juifs et à des païens, mais
à des liérétii[iies; celte défense fut rerioiive-
léc par [ilusieurs autres conciles, et nous ne
voyons pas {ju'elle ait élé alirogé ' parles lois
des empereurs. Bingliam, Orig. ceci., I.xxii,
c. 2 (3).
Quelques tliéologiens ont prétendu que
l'Eglise seule jouit de ce droit, à l'exclusion
des souvi'iains ; mais leurs preuves ne sont
pas solides. Us ont dit, 1" ijuc le mariage
étant un sacrenient et un contrat qui a des
ctfets spirituels, il ne doit dépendre que de
la puissance ecclésiastique. 2" Que connue
.es lois qui regardent ce sacrement intéres-
(i) Voye^ noire Dicl. de Théol. nior., art. EviièÊ-
CUF.ME.NTS.
(2) Le pouvoir de l'Eglise ne dépend nullement d i
pouvoir des prince».
(•5) Disons la plupart. Nous l'avons montré dans
noire Dicl. de Théol. iiiiirali-. Nous y avons aussi ex-
posé la nature du pouvnir <lcs puissances icniporelles
sur le mariage. \oij. EsirÊcuEsiE.NT.
sent toutes les nations callu)li(|ues, elles ne
doivent pas être sujettes h (a.'lles d'aucun
souverain particulier. 3° Que (piandles prin-
Cf s auraient eu autrefois lo droit d'établir des
empéchemenis dirimants, ils sont censés y
avoir renoncé, puisque l'Eglise s'est mainte-
nue dans la possession de l'exercer seule.
V' Qu'en IG35, Louis XIIl s'(-n rapporta à la
décision du clergé, pour décider do la validité
liu mariage de son frère (înston d'Orléans,
coniracté contre les lois du royaume.
.Mais le très-grand nombre des théologiens
se sont réunis aux jurisconsultes, pour sou-
tenir que les souverains ont aussi bien que
rivj,li.se le droit et le pouvoir d'établir des
empèrhements dirimauisdu mariage. Ils ont
réptnidu aux raisons de leurs adversaires
1° que le mariage n'est pas seulement uu
sarrenient, mais un contrat qui intéresse
l'ordre pul)lie ; qu'il a non-seulement des
eiïets spirituels, mais des effets civils ; que
les princes ont dmic un intérêt essentiel,
et par conséquent un droit incontestable
d'y veiller et de le régler par leurs lois.
— 2° Que la matière du sacrement éiant
non un contrat quelconque, mais un con-
trat valide, il ne peut point y avoir de sa-
crement où il n'y a ([u'un contrat nul. En
statuant sur 1 1 validité ou la nullité du con-
trat, 'e iirincc ne touche \)as plus au sacre-
ment de mariage (jue ne toucherait à celui
de b iptème une personne qui corromprait de
l'eau dont on aurait pu se servir, si elle eut
élé dans son étal naturel. — 3" Quoique le<
lois ecclésiastiques regardent toute l'Eglise,
elles n'otenl à aucun souverain l'auloi ité qu'il
a de droit naturel de faire des lois pour le
l);en temporel de ses sujets, et l'on ne (leut
pas piouver que les souverains y aient ja-
mais renoncé. Saint Ambroise pria Tliéodose
de défendre, sous peine de nullité, le mariage
enlre cousins germains; ce prince établit de
mémo l'empêchement iraflinité spirituelle.
Quand donc les souverains n'auraient plus
exercé ce pouvoir depuis que le christianisme
est répandu chez dilféi eûtes nations, ils n'ont
pu se dépouiller du fond même de ce droit,
qui est inaliénable. — 4" Louis XIII con-
sulta le clergé comme capable d«'lui donner
des lumières sur la validité ou l'invalidité du
mariage de son frère, mais non couunc ar-
bitre ou juge du droit de la couronne. Tel
a été de tout temps le sentiment des écoles
de théologie et de droit, comme l'ont prouvé
Launoi, tiaiis son I.vre do regia in Matrimo-
niuml'otcstate: Boileau dans sou Traité des
eiiqjà-hcmcnls du Mariage, etc.
On peut ajouter (|ue, selon les historiens
du concile de Trente, le canon i° delà -IV
session avait été rédigé de manière qu'il at-
tribuait à l'Eglise seule le pouvoir d'établirdes ,
empêchements dirimants (i); mais un des
évêques ayant représenté que celle décision
attaquait le droit de tous les princes, le mol
seule fut retranché. De leur côté, les princes
(1) C'est donc un fait acquis que tous les Pères de
Treille crov aient que l'Eglise seule a le pouvoir
d'apposer dijs enipécliemeiits dirimants au luariaise.
56T
MÂK
MAR
ses
demandèrent par leurs ambassadeurs que la
clandestinité et le ra|it fussent mis au nom-
bre des empêchements diriraants, ce qui fut
fait; et aucun souverain catholique n'a jamais
contesté ii l'EgJise le pouvoir de disiienser
de (ous les empêchements qui sont suscfp-
tihles de dispense. Par ces faits incontesta-
bles, on peut juger de la capacité et de la sa-
gesse d'un critique moderne, qui, en disser-
tant sur les inconvénients du célibat des prê-
tres, décide qu'il n'appartient qu'à lapuissance
séculière d'opjioser dos em|)êcliements au
mariage ; mais que les ecclésiastiques comptent
pour rienle contrat, sous prétexte qu'il en ont
fait un sacrement. C'est Jésus-Christ lui-même
qui a daigné élever ce contrat à la dignité de
sacrement, et les ecclésiastiques ont toujours
regardé le contrat comme si essentiel, que,
sans un contrat valide, il ne peut point y avoir
de sacrement.
Par l'heureux concert qui a régné entre la
puissance séculière et l'autorité ecclésiasti-
que, les abus qui s'étaient introduits dans le
mariage pendant les siècles barbares ont été
enfin retranchés, Ceux qui cherchent à mettre
aux prises ces deux puissances également
nécessaires et respectables, n'ont jamais eu
des intentions pures. Ils ont absolument blâmé
le recours des princes au siège de Rome dans
les causes de mariage; ils ont dit que les
droits prétendus de ce siège étaient une
usurpation des papes, une suite de la souve-
raineté universelle qu'ils s'étaient attribuée.
Ces censeurs auraient été moins téméraires
s'ils avaient été mieux instruits. Dans les
temps de désorilre et d'anarchie qui ont si
longtemps affligé l'Europe, des souverains
ignorants, voluiitueux et déréglés, se jouaient
impunément du mariage; les divorces étaient
très-communs, les grands seigneurs répu-
diaient leurs femmes et en virenaient d'autres,
dès que leur intérêt semblait l'exiger, et
les évêques n'avaient plus assez d'autorité
pour empêcher ce scandale. C'est donc un
bonheur qu'au milieu d'une licence générale
on ait consenti à reconnaître dans l'Eglise
un tribunal jikis éclairé, plus libre, jilus im-
posant que tous ceux qui étaient pour lors.
Qu'imjjorte de savoir si le pouvoir exercé
par les papes était un apanage essentiel do
leur siège, ou une concession lil>re des évê-
ques, ou un effet de la nécessité des circon-
stances, ou venait de toutes ces causes réu-
nies, dès (ju'il est certain que ce pouvoir a
fait beaucoup de bien et a prévenu beaucoup
de mal ?
Pour savoir (juels sont les empêchements
dont k-s évêques peuvent dispenser, et ceux
pourlesquelsilfaut recourir au saint-siége, et
quelles sont les causes légitimes de dispense,
comme c'est une alfaire de discipline et d'u-
sage, on doit consulter les canonistes.
De l'indissolubilité du mariage. Dès que le
mariage des chrétiens a été vaiidement con-
tracté , est-il absolument indissoluble dans
tous les cas ? Jésus-Christ l'a ainsi décidé
( Matth. cap. xix, v. C ). Que l'homme dit-il,
ne sépare point ce que Dieu a uni.
Pour lui tendre un piège, les pharisiens
étaient venus lui demander s'il était permis
à lin iioinme de renvoyer son é|iouse et de
faire divorce avec elle, jiour quelque cause
que ce fût; Jésus leur répondit : « N'avez
vou.'i pas lu qu'au commencement le Créateur
n'a formé qu'un homme et qu'âme femme, et
qu'il a dit : L'homme quiltcra son père et sa
mère pour s'attacher à son épouse, et ils se-
ront deux dans une seule chair ? Ce ne sont
donc plus deux chairs, mai» une seule. Que
l'homme ne sépare point ce que Dieu a uni
Pourquoi donc, répliquèrent les pharisiens
Moïse a-t-il commandé de donner aux femme
un billet de divorce et de les renvoyer? Il V
fait, répondit Jésus, à cause de la duret
de votre cœur ; mais il n'en était pu
ainsi au commencement. Pour moi , je
vous dis que quiconque renvoie sa femme, si
ce n'est jiour cause de fornication, et en
épouse une autre, commet un adultère; et qui-
conque en prend une ainsi renvoyée, commet
le même crime.
Par la restriction que met ici le Sauveur,
a-t-il déi idé qu'il est jiermis de faire divorce
avec une épouse, du moins pour cause de
fornication ou d'adullère, et d'en éi ouser
une autre, comme le prétendent les protes-
tants ? Nous soutenons la négative. Voici nos
preuves :
1" il est évident que la réponse de Jésus-
Christ est relative à la question des phari-
siens : or, les pharisiens argumentaient sur
la loi de Moïse ; il était question de savoir si
Moïse avait permis de renvoyer une épouse
pour quelque cause que ce îCil, comme l'en-
tendaient alors les Juifs. Jésus-Christ décide
que, selon la lettre même de la loi, il n'était
permis de la renvoyer que pour cause de
fornication ou dinfidélité, et qu'encore cette
permission n'avait été accorviée aux Juifs
qu'à cause de la dureté de leur cœur. En
effet, la loi était formelle {Deut. xxiv, 1). Si
quelqu'un, dit lloïse. o pris une femme et a
vécu avec elle, et qu'elle n'ait pas trouvé grâce
à ses yeux, à causi' de quelque turpitude, il
lui donnera w/i billet de divorce et la renverra.
Les Juifs, abu.sant de cette loi, prétendaient
qu'il leur était permis de renvoyer une
femme, non-seulement pour la cause expri-
mée dans la loi , mais dès que cette femme
leur déplaisait, pour quelque cause que ce fût.
Malachie, c. u, v. 14-, leur reprochait déjà
cette prévarication. Jésus-Christ réfute la
fausse interprétation des Juifs; il décide que
la permission du divorce n'a lieu que dans
le cas de l'intidélité d'une épouse. Il l'avait
déjà ainsi expliqué dans son sermon sur la
montagne (Matth. v, 31), et avait montré ie
vrai sens de la loi de Moïse. Mais relative-
ment à la loi primitive, portée dès le com-
mencement du monde, c'est autre chose;
Jésus-Christ fait sentir toute l'énergie des
paroles du Créateur; il fait remarquer qu'a-
vant la loi de Moïse, il n'y avait point de
permission de faire divorce, et nous n'en
voyons en effet aucun exemple; d'oii il con-
clut absolument qu'il ne faut point séparer
ce que Dieu a uni.
2" Le vrai sens des paroles du Sauveur sa
569 MAR
tire encore du récit de deux autres év.ingé-
listes {Marc, x, 10,, et Luc, \\i, IS). 11 csl dit
que sps disciples, étonnes de la sévériié df
sa décision, l'interrogèrent de nouveau en
particulier sur ce mêiuo sujet; qu'alors .lésus-
Clirist (Jécida sans restriction : QuicoïK/nr
renvoie sa femmo et en épouse une nuire, est
adultère; et toute femme qui (/uilte son mari
et en prend un nutre, est adultère. Alors il
u'étuit plus question de la loi de Moïse, mais
de la loi nalurellc et primitive. Si les disci-
ples ne l'avaient pas ainsi entendu , s'ils
avaient i)ensé que leur maitre laissait ,
comme Mnise, la liberté de faire divorcepour
cause d'adulière, nous ne voyons pas d'où
auraient pu venir leur étonnement et la conclu-
sion qu'ils tirèrent de \h : « S'il en e>l ainsi,
dirent ils, de la coudilion d'un mari à ré,:;ard
de sa femme, il vaut mieux ne pas se marier
(Mattlt. XIX, 10). »
3" ("e même sens est celui que les |)lus
anciens Pères de l'Eglise ont doiuiéaux pa-
roles de Jésus-Cluist; Ht'rnias, tl;n\< le Pas-
teur, livre II, manil. i ; Terlidlien, ileDIono-
gain.,c. 0 et 10; saint Basile, ad Atnphilovh.,
can. !) et 'iH; >a'iit Jérôme, sur le cliapitie
XIX de saint .Madhieu et ailleurs ; saint Au-
gustin, dans ses deux livres deAdult. conju-
(jiis, et dans d'autres ouvrages; le pape In-
nocent III, dans sa 3' lettre à Exupère, c. 6,
etc. — Origène. sur saint Matthieu, t. IV,
n. 23, semble penser de même, mais il ex-
cuse les évèques qui, pour éviter do plus
grands malheurs, ont quelquefois permis le
divorce et un second mariage.
Le deuxième concile de Milève, l'an 416,
can. 17; celui de Nantes, l'an 660, can. 12;
celui de Soissoiis, l'an Ikh, can. 9; celui de
Paris, l'an GVi, can. 46, et plusieurs autres,
ont réglé la discipline sur la même exiilica-
tion des paroles de l'Evangile. C'est donc
une tradition con.-tante, et c'est avec raison
que le concile de Treute, sess. ik, can. 7, a
condamné ceux (pu la rejettent connue une
erreur (1). Ces autorités nous paraissent plus
respectables que celles des pri'tendus rél'or
mateurs et de tous les dissertateurs qui les
ont copiés.
4° Cette doctrine est exactement conforme
(I) 'Voici les expressions des Pères du concile :
I l.e pren\ifi|)(Me du genre luiiiuiiii a priMioiicé, par
l'iiispiraliou de l'Espril suint, ipio le lien du iiutriiuie
est perpétuel el iiidissiilnhle, lors(pril ;i dit : Vel os
etl miiiiiteiiiint l'os rfi' mes js, etc. I>e Seii^nenr :i l'ait
conii;n'li-e la fennelé de te lien, lors(piil a dit : Que
ce que Dicit h uni Vitoimne ne le sepan' piiint. » Le
ciiKpiiènie canon porte : < Si ipielipi'un dit (pi'à
cause de l'Iiëii'sie ou d'une liahitalioii l'àelieu^e, on à
cause de r.ibsence aU'eetée d'un des époux, le lien
(lu maria, e peul être dissous, ipi'il soit anatliènn'. »
Va le septième : < Si ipielipi'un dit (pie 1 Kglise se
trompe lorsipi'elle a enseigné et ipi'elle enseigrie, se-
lon la doctrine évangélii)ue elapostoliipie, (|u'a cause
de l'adultire de l'ini de« époux, le lien du mauiije
ne peut pas cire dissous, et que ni l'un ni l'autre,
niciiie l'époux non coupable ipii n'a point doinié cause
àl'adidlère, ne peut, l'autre époux vivant, contracter
un autre mariutje, et que cclui-ia (pii, ayant iec:voyé
la leiniue adultère, eu épouse une antre, ou que celle
qui, ayant renvoyé le iiiaii adiùli-ie, en épouse un
uuire, est adultère ; qu'il soit anathème. >
MAR
570
il celle de saint Paul. Rom., c. vu, v. 2, l'A •
pi'itrc (lit ([ii'une femme demeure sons le
joug (ic la loi tant tpte son époux est vivant,
de manière qu'elle devient adultère si elle
vit avec un autre liouime ; il n'excepte pas le
cas du divorce. / Cor., c. vu, v. 10, il dit,
d'a|)rès Jésits-Christ , que si une feranie
quitte son mari, elle doit demeurer dans le
célibat ou se réconcilier avec son mari, et
que celui-ci ne doit point renvoyer sa
femme; v. 49, qu'une feiume ne peut se re-
marier qu'après la mort de son premier mari.
Les Pères ont encore remarqué qu'il n'y a
point là de restriction. Ephcs. c. v, v. 23,
saint Paul compare le mariage des chrétiens
à runioti que Jésus-Christ a contractée avec
sou Eglise, union éternelle et indissoluble
s'il en fut jamais (1).
il faut observer cependant que, comme les
lois des empereurs perinettaniit le divorce
pour cause d'adultère, il n'a pas été possilde
aux pasteurs de l'Eglise de retrancher d'a-
bord cet abus; on a été forcé de le siippoi'ter
|iendanl les premiers siècles. On peut citer
quelques Pèr 'S qui n'ont pas osé leconiiam-
iier absolument, soit par la crainte de blesser
le gouvernement, suit parce que les paroles
de Jésus-Christ leurontparu susceptibles du
sens que leur donnent les prolestants. C'est
pour cela que les Grecs et lesArméinensont
persisté à croire que le mariage estdisso:u-
ble pour caus • d'adultère. Mais le senliment
le plus généralement suivi a toujours été tpie
l'atiultère de l'un des conjoints ne dissout
point le lien qui les unit; que c'est une cause
légitime de se[iaration, mais non de rupture
absolue, ni de permission d'épouser une
autre personne. 11 ne convcna't guère à des
hommes ijui se donnaient \)ouv réformateurs,
de donner atteinte à une discipline univer-
selle aussi respectal)le.
5" On connaît les suites de la licence qu'ils
ont introduite. Lorsqu'une femme se trouve
malheureuse, le désir d'être répudiée est |)our
elle une tentation de tomber dans l'adultère.
Ce danger est prouvé par une expérience in-
contestable. (Jn évêqued'Angletene a re|U'é-
senté au parlement que la facilité d'obtenir
le divorce a multiplié les adultères dans ce
royaume, et les principaux pairs sont conve-
nus du lait. Voyez le Courrier de VEurope,
1779, n.27 el 28. 11 en fut de même à Home;
jamais les mœurs des femmes n'y furent plus
(l(''lestables que quand l'apiiltdu divorce leur
eut fourni un motif pour ne plus respecter
leurs époux. TertuUien leur reproche qu'el-
les ne se mariaient plus que [lar le désir et
l'espérance de se faire répudier, ApoL, c. 6;
il ne faisait q e ré])éter les plaintes de Sé-
nèque, de Juvénal, de Martial, etc.
Dès que l'on admet une cause (pielconque
capable de dissoudre le mariage, la raison
se trouvera la même pour vingt autres cavi-
sessemblables. Un crime déshonorant commis
par l'un des époux, la stérilité d'une femme,
(1) Nous avons observé dans notre Dict. de Théol.
morale que le mariage non consoniuié peut être dé-
truit par la profession religieuse
S71 MAR
une maladie hnbiUielle et censée incurable,
l'incomiiatibilité des c;iractères, une trop
longue absence, paraîtront des causes aussi
légitimes que l'intidélité ; les argumentations
par analogie ne Uniront plus. Leseul moyi ii
de réprimer la licence est de fermer toute
voie par laquelle elle l'cut s'introduire. Cette
morale ne finraît trop sévère que chez les
nations oh le dérèglement des mœurs a
corrompu les mariages.
6" Ceux qui ont voulu plaider la cause du
divorce n'ont envisagé que la satisfaction
momentanée des éfioux, comme si c'était là
le seul but do l'institution du mariage; ils
n'ont fait aucune attention k l'intérêt perma-
nent des conjoints, ni à celui des enfants, ni
à celui de la soc;été. Lorsque le divorce est
possil)le pour quelque cause que ce soit, le
mariage ne peut pas inspirer plus de con-
liance, plus de respect muliiel, plus de sécu-
rité, plus d'attachement solide, que le com-
merce illégitime et passager des deux Si'xes;
il est promptement suivi du dégoût, il ne
laisse aucune espérance ni aucune ressource
pour la vieillesse ni peur l'état d'intirmité.
Quel peut ôtre alors lesort des enfants? Une
mère, incertaine si elle demeurera long-
temps avec K'S siens, ne peut avoir pour eux
une tendresse telle qu'il la faut pour sup-
porter les peines de leur éducation; eux-
mêmes ne savent pas s'ils ne verront pas
arriver biintH une marâtre. Le renvoi de
leur mère doit leur faire regarder leur père
avec horreur. Alors le mariage, loin de
réunir les familles, les aigrit et les divise;
loin d'épurer les mœurs, il les dégrade ;
est-ce là l'intéièt de la société? Tous ces
inconvénients sont attestés par l'histoire ro-
maine. Oi! se trompe encore quand on ima-
gine que la liberté de faire divorce engage-
rait les conjoints a se ménager ilavantage,
qu'elle rendrait les mariages plus faciles et
plus communs. Jamais ils ne furent plus
rares à Rome que ijUand la licence des di-
vorces y fut portée au comble. Tell, s sont les
réflexions d'un philosophe anglais , Hume,
Essais morauxetpolitiques,^2-2.Voy. Divorce.
Nous montrerons ailleurs que les inconvé-
nients de la polygamie sont encore plus ter-
ribles. Voy. Poi'ïGAMiE. Mais on prétend que
la sévérité de la doctrine de l'Eglise sur ce
sujet produit aussi des effets filcheux; c'est
ce i|ui nous reste à examiner.
IV. Des conséquences ou des effets de la doc-
trine de l'Eglise touchant le mariage.
Il n'est pas aisé de concilier ensemble les
divers reproches que les protestants et les
incrédules ont faits contre la doctrine des
Pères, qui est celle de l'Eglise. Ceux qui
ont voulu rendre odieux, le célibat ecclésias-
tique et religieux, ont allégué les éloges que
les Pères ont faits de l'état du mariage ; d'au-
tres les ont accusés d'avoir loué à l'excès la
virginité, la continence, le célibat; d'avoir
peint le mariage comme une imperfection et
fa vie conjugale comme une impureté ; tous
ont soiitenu que la sévérité de la discipline
de l'Eg'iso touchant le mariage eu détourne
MAR
sni
nuit h la population. Avant de discuter eo
détail ces dilférentes accusations, il est à pro-
pos de considérer les désordres qui régnaient
dans le monde a la naissance du christia-
nisme, et les divers ennemis contre lesquels
les Pères de l'Eglise ont été obligés d'é-
crire.
Chez les Juifs, la licence du divorce était
portée à l'excès ; nous avons vu que Jésus-
Christ s'éleva contre ce désordre, et [ilusieurs
des leçons de saint Paul paraissent y être re-
latives. Le dérèglement était encore plus
grand chez les païens ; le mariage n'y était
])l us qu'une espèce de prostitution, et le célibat
libertin y était très-commun. Jésus-Christ re-
jirocha à la Samaritaine qu'elle avait eu cinq
maris. Juvénal parle d'une femme qui en
avait eu huit en cinq ans, et saint Jérôme
avait vu enterrer à Rome une femme qui en
avait eu vingt-doux. 11 était essentiel au
christianisme de tonner contre tous ces dé-
sordres : mais plusieurs hérétiques, en les
jMoscrivant, tombèrent dans l'excès opposé.
Saint Paul, / ï'ùn., c. iv, v. 3, avertit qu'il
viendrait des séducieurs qui défendraient
aux tidèles de se marier et d'user des ali-
ments que Dieu a créés ; cette prédiction ne
tarda pas de s'accomplir. Les disciples de
Simon le 'dagicien, Basilide, Saturnin, Cer-
don, Carpocrate, les sectes de gnostiques
dont ils furent les auteurs, les encratites,
disciples de Tatien, les marcionites, les hié-
racites, les manichéens, les arlamites, les
eustathiens, une secte d'origénistes, les va-
lésiens, etc., condamnèrent le mariage. Au
contraire, sur la un du iv° siècle, Jovinien
soutint que li virginité n'est pas un état plus
paif.nt que le mariage. Ces Pères eurent h
réfuter toutes ces err.'urs. Aux réprobateurs
du mariage, ils opposèrent l'exemple de Jé-
sus-C rist, qui honora de sa présence les
noces de Cana, et la défense qu'il fait de sé-
))ari'rce que Dieu a uni (Mattli. xix, 6). D'où
il résulte que Dieu lui-même est l'auteur de
l'union des époux. Aux détracteurs de la
virginité ils alléguèrent ce qu'a dit ce divin
Sauveur, que tous ne comprennent pas les
avantages du célibat, mais seulement ceux
auxquels ce don a été accordé, et qu'il y a
des hommes qui se sont faits eunuques pour
le royaume des cieux [Matth. xix, 11 et 12).
Ils firent voir que saint Paul, fidèle à la même
doctrine, donne évidemment à la continence
et il la virginité la prééminence sur le ma-
riage ; mais qu'il ne condamne point ce der-
nier état. 11 décide qu'il vaut mieux se ma-
rier que do brûler d'un feu impur, que les
enfants des fidèles sont saints, qu'une vierge
qui se marie ne pèche point (/ Cor. vu, 9,
14, 18, 3t)). Il veut que le mariage soit ho-
norable, et le lit nuptial sans tache {Ilebr.
XIII, k).
Quand même, en combattant contre deux
partis opposés, les Pères ne se seraient pas
toujours exprimés avec la plus exacte préci-
sion, quand l'un ou l'autre de ces jiartis au-
rait pu abuser de quelques-uns de leurs
termes, serait-ce une cause légitime de ccn-
les hommes, rond les mariages plus rares et surer leur morale ï Mais Barbeyrac, qui dé-
575
MAR
MAR
374
clame contre eux, n'ôtnit [Ms assez judicieux
pour f.iire cctie n'flexion, et nous n'en avons
pas besoin pour montrer que les P6rcs ne se
sont point L'cartt'vs de la doctrine de Jésus
Giirist et de saint Paul. Il est seulement fA-
cheux que nous soyons forcés de nous arrê-
ter à des objets dont une imagination chaste
ne s'occupe jamais.
L'erreur capitale que Barbeyrac reproche
aux Pères de l'Ey;lise, est d'avoir regardé
comme illégitime l'usage du mariage exercé
pour le seul plaisir, pour llaticr la chair, et
non par le désir d'avoir des enl'ants ; d'av<iir
pensé que les plaisirs les plus naturels avaient
en eux-mêmes quelipu» chose de mauvais,
d que Dieu ne les permettait aux hommes
(Jue par indulgenre. De l.'i, dit-il, ont été ti-
rées tant de conséquences absurdes sur le
renoncement k sol-môme, sur la nécessité
(les nioriilications, sur la sainteté du célil)at
et de la vie mona^ticpie, etc. l'raiti/ (h la
morale des Pères, c. h, § 22 et suiv. Nous
soutenons qu'en cela les Pères ont exacte-
ment suivi l'esprit de la morale chrétienne,
et qu'il n'y a que des é]iicMriens et des ini-
riUdiqUes qui soient ca; aides de les blAmer.
1 est bien étonnant qu'un écrivain, qui fai-
sait profession du chr.stianisme, ait osé trai-
ter d'absurde une morale qui a été celle
des philosophes païens les plus estimés.
Ce n'est |ias ici le lieu d'en alléguer les
preuves
Saint Justin, dans un fragment de son
livre sur la Résurrection, n. 3, dit « qu'il y
des hommes qui renoncent ii l'usage illégi-
time du mariage [tar lequel on satisfoil le dé-
sir de la chair; ipie Jésus-Cdui'^t est né d'une
Vierge aiin d'abolir la génération qui se fait
par un désir illégitime : que la chair ne souf-
fre point de mal lorsipi'elle est |irivée d'un
commerce charnel illégitime. » Barbeyrac,
c. 2, § 7. Quand cette traduction serait ii-
dèle, pourrait-on en conclure, comme fait
Barh(>yrac, que saint Justin a regardé tout
usage du mariage comme illégitime ? Jlais
la traduction est fausse. Saint Justin dit :
« Nous voyons des hommes dont les uns dès
le commencement, les autres depuis un
temps, observent la chasteté, de manière
qu'ils oïd romiiu un mariage contracté illégi-
tnuement pour satisfaire une pission, etc. »
11 s'( nsuit seulement que saint Justin ré-
prouve l'usage (lu mariage exercé unique-
meid pour satisfaire les passions. Dans sa
première Apologie, n. 29, il dit que les chré-
tiens ne se marient (pie j)0ur avoir des en-
fants, et que ceux ([ui s'abstiennent du ma-
riage gardent une chasteté perpétuelle ; il ne
bl'nie point les jiremiers. 11 n'est donc pas
vrai que Tatien ait emprunté de saint Jus-
tin l'erreur jiar laquelle il a condamné ab-
S(dument le rmiriage. comme le prétend Bar-
beyrac.
Saint Irénée, 1. iv, c. 15, compare le con-
seil que saint Paul donne aux personnes
mariées de vivre conjugalement , à la per-
mission du divorce accordée aux Juifs dans
l'Ancien Testament ; or , le divorce avait
quelque chose de vicieux : donc , conclut
Barbeyrac , saint Irénée a pensé aussi que
l'usage du mariage était vicieux , ch. 3 ,
§8.
Est-ce donc \h le sentiment de saint Iré-
née, lui qui réfute expressément Saturnin,
Basilide, 'l'alien et Marcien, parce qu'ils con-
damnaient le mariage? H s'ensuivrait plutôt
qu'il a jugé que le divorce n'avait rien do
vicieux, non plus que le mariage. Mais il ne
s'ensuit ni l'un ni laiitre. Dans l'endroit cité
jiar Barbeyrac , saint Irénée répondait aux
mareionites qui soutenaient que l'Ancien
'J'estament et le Nouveau n'étaient jias l'ou-
vra;^e du même Dieu, |iuisipie h' divoi'cu)
était permis dans l'un et défendu dans l'au-
tre. Il dit que Dieu a [lu permettre aux Juifs
certaines choses par indulgence, alin de les
retenir dans l'observation du Décalogue, de
mémo qu'il en a aussi jiermis aux chrétiens
par le même motif, alin (['j'ils ne tombassent
pas dans le déses|ioir ou dans r.i)iostasie.
La eomparaisji tombe donc pliit(')l sur le
motif (|ue surla nature des choses ]iermises.
En luirlantde l'usage du mariage, saint Paul
se sert du terme û' indulgence , aussi bien
que saint Irénée (/ Cor. vu , 6). S'ensuit-il
({lie l'Apôtre a regardé cet usage comme vi-
cieux?
Terlidlien, 1. i, ad Uxor., c. iii, dit que,
selon rA])ôtre, il vaut mioe.x se marier que
de brûler, i)aire que brûler est encore quel-
ciue cliosi! de [lis ; qu'il est beaucoup mieux
ci ■ ne l'as se marier et de ne pas brûler. 11
pose pour principe 7«e cf qui est permis n'est
pas bon. Barbeyrac, c. 6, | 31.
Nous répondons, 1° que Tertultien n'a pas
toujours eu une très-grande exactitude dans
les expressions ; 2° qu'il est ici question,
non des premières noces, mais des secon-
des ; c'est l'objet des livres de Tertullien à
son éjiouse, et l'on sait que les anciens Pè-
res ont bllmé les secondes noces comme
une imperfection. Voy. Bigame. 3' L'objec-
tion de Barbeyrac est une pure chicane de
grammaire. ISirn, mal, bon, mauvais, sont
des termes de pure comparaison; il est reçu
dans le discours ordinaire de nommer mal
ce qui est un moindre bien , et bien ce qui
est un moindre mal. Selon Tertullien , le
mieujc est de ne se pas marier et de ne pas
Ijiûler ; c'est la doctrin(> de saint Paul (/ Cor.
VII.) Le pire est de brûler et de ne se pas
maritr. Entre ces deux degrés il y a un mi-
lieu, qui est de se marier alin de ne pas brû-
ler; ce milieu est un moindre bien que le
premier, et peut être appelé un mat par com-
jiaraison ; mais c'est un bien positif en com-
paraison du second. Ce qui est simplement
permis est donc un mal , c'est-à-dire un
moindre bien en comparaison de ce qui est
commanilé ou conseillé ; mais ce n'est pas
un mal absolu; Dieu ne peut pas permettre
ce qui est absolument mal. Où est ici l'er-
reur , sinon dans l'imagination du censeur
des Pères ? Selon hn, saint Ambroise est le
plus criminel de tous ; les éloges qu'il fait
de la virginité sont outrés, et il fait envisa-
§er le mariage comme un mal. Epist. 81, il
it que ce n'est qu'un remède à la fragilité
57S
MAR
MAR
376
liumaine. Dans son Exhortation à la Virgi-
nité, il dit que, quoique le mariage soit l)On,
les personnes mariées ont toujours de quoi
rougir. Dans son Traité de la Virginité, liv.
m, il voudrait engager toutes les filles à ne
pas se marier, et à demeurer vierges; il
soutient qu'il n'est pas vrai que la mullilude
des vierges diminue la population. Dans
son livre V/m Veuves, il dit que les lois Julia
et Papia Poppœa, qui privaient des succes-
sions collatérales les veuf^ et les célibataires,
étaient dignes d'un peui)le qui adorait les
adultères et les crimes de ses dieux. Bar-
bevrac, c. 13, § 1 et suiv.
Nous soutenons que saint Ambroise, saint
Jérôme et les autres Pères qui ont loué la
virginité, n'en ont rien dit de plus que ce
qu'en a dit saint Paul, / Cor. c. vn ; on n'a
qu'à comparer leurs expressions à celles de
l'Apôtre. Ce ne sont pas les éloges qu'ils en
ont faits qui sont outrés, mais ce sont lus
censures que Barbevrac et ses pareils ont
faites de cette vertu. Il en est de même de
ce qu'ils ont dit du mariage. Saint Ambroise
dit que c'est un remède à la fragilité hu-
manie, mais il ne dit point que ce n'est que
cela; saint Paul, de son côté, en permet
l'usage par indulgence, v. 6. Saint Aiubroise
dit que les personnes mariées ont toujours
de quoi rougir, et saint Paul dit qu'elles
soull'riront dans leur chair, v. 28. Saint Jean,
dans V Apocalypse, va plus loin ; il dit d'une
multitude de bienheureux : « Voilà ceux qui
ne se sont point souillés avec les femmes, car
ils sont vieiges (Apoc. \iv, k). 11 suppose
donc que tout commerce quelconque avec
les femiues est une souillure. SaintAmbroise
voudrait que toutes les filles demeurassent
vierges ; et saint Paul dit : « Je voudrais que
tous fussent comme moi, » vu, 7. 11 soutient
que la multitude des vierges ne nuit point
à la population ; nous le soutenons do même,
et nous le prouvons au mot Célibat. Ce
Père bl;îme les lois julienne et papienne ;
les plus habiles politiques conviennent
qu'elles étaient du moins inutiles et n'opé-
raient aucun bien. Telle est la force des ob-
jections et des reproches dont Barljeyrac a
trouvé le moyen de composer un volume
qui lui a fait une réputation parmi les pro-
testants et parmi les incrédules.
Un autre critique, moins instruit et plus
téméraire, a iait mieux : dans un livre com-
posé sur les inconvénients du céiibat des
prêtres, il soutient que jamais les anciens
hérétiques n'ont condamné le mariage com-
me une chose absolument mauvaise ; selon
lui, ils prétendaient seulement que c'est un
état moins i)arfait que la continence ou le cé-
libat ; doctrine à présent soutenue par l'E-
glise romaine, mais qui a été, dit-il, réfutée
ifît réprouvée [iar les Pères de l'Eglise, e. 10,
p. 184- et 190. A la vérité, cet auteur se con-
tredit et se réfute lui-même dans ce même
chajntre ; ils convient que les anciens héré-
tiijues avaient forgé leur système pour ex-
pliquer l'origine du mal ; ils supposaient deux
principes , l'un bon et créateur du bien ,
l'autre mauvais et auteur du mal ; c'est à ce
dernier qu'ils attribuaient la production des
corps. Conséquernment ils soutenaient que
la procréation des enfants était suggérée par
le mauvais principe, et ne servait qu'à éten-
dre son empire ; n'était-ce pas là condamner
le mariage comme une chose absolument
mauvaise? C'est aussi l'opinion que leur at-
tribuent saint Irénée , saint Clément d'A-
lexandrie, Origène, TertuUien , saint Epi-
l)hane. saint Augustin, Théodoret, etc., dans
les notices qu'ils nous ont données de ces
hérésies , et dans les réfutations qu'ils en
ont faites.
Manès, dans la conférence qu'il eut avec
Archélaiis, évèquede Charcar, l'an 277, sou-
tint que l'homme n'est pas louvrage de Dieu,
puisque sa génération vient d'intempérance,
de passion et de fornication. Voy. les Actes
de cette conférence, n. Ik. xVussi, dans la
seete manichéenne, les élus ou les parfaits
renonçaient au mariage, mais se livraient à
l'impudicité ; ils permettaient le mariage à
leurs auditeurs , mais il les exhortaient à
empêcher la génération ; saint Augustin, de
Hœresib., n. 46. Les euslathiens, les euclii-
tes, les priscillianistes, les albigeois, les lol-
Inds, qui étaient des rejetons des mani-
chéens, enseignaient que le mariage n'était
qu'une prostitution jurée. Voilà ce que les
Pères ont réprouvé et réfuté, et ce que nous
rejetons comme eux.
Les canons du ccmcile de Gangres , tenu
avant l'an 3il, condamnent ceux qui blâ-
mint le mariage et embrassent la virginité,
non pour l'excellence de celte vertu, mais
parce qu'ils croient le mariage mauvais. « Nous
admirons la virginité, disent les Pères de ce
concile, et la séjjaration d'avec le monde,
jinurvu qu'elles soient jointes à la modestie
et à l'humilité ; mais nous honorons aussi
le mariage, et nous souhaitons qi:e l'on pra-
tique tout ce qui est conforme aux divines
Ecritures. » Telle a été la doctrine de l'E-
glise romaine dans tous les siècles; qu'a-
t-elle de commun avec celle des hérétiques
anciens ou modernes?
Mais les ennemis de l'Eglise sont si mal
instruits, si aveugles , si entêtés, qu'aucune
imposture ne leur coîite rien. Du moins, di-
sent-ils , vous ne nierez )3as que cette pré-
tendue perfection de morale ne tonde à dé-
tourner une infinité de personnes dximariage,
à augmenter le nombre des célibataires, et
à diminuer d'autant la poimlation ; tel est
lecii général des incrédules. Nous nions ab-
solument cette conséquence, et nous en dé-
montrons la fausseté à l'article Célibat. Ce
n'estpointla sévérité delà morale chrétienne
qui dégoûte du mariage, c'est la dépravation
des mœurs publiques, fomentée par la morale
pestilentielle des incrédules. Déjà parmi les
anciens philosophes, ce n'étaient pas les stoï-
ciens qui détournaient les hommes du ma-
riage, c'étaient les épicuriens. Voy. la Mo-
rale d'Epicure, p. 272.
Le luxe porté à son comble, qui rend l'en-
tretien d'une famille très-dispendieux , et
fait regarder comme partie du nécessaire le
superllu le plus insensé; l'ambition des pères
577
MAR
MAR
«78
qui veulent que leurs enfants soutiennent le
rang de leur naissance , et montent encore
plus haut ; la fureur d'habiter les grandes
viMcs, et le dégoût pour les occultations in-
nocentes et modestes de la cam])agne ; le
faste des femmes, leurs iirélentions, leur in-
ca|)aciti'' pour élever des enfants, le ton d'em-
pire qu'elles alfectent, la licence de leur con-
duite, etc. , voilà les causes qui empoison-
nent les mariages, en trouiilent la paix, don-
nent lieu aux l'clats scandaleux, en dégoû-
tent ceux qui n'y sont pas encore engagés.
Ceux qui déclament le jilus haut contre! ce
désordre en sont les principaux auteurs ;
s'ils ne l'ont pas fait naître , ils le rendent
incurable. Parmi nos philosophes , les uns
ont justilié la polygamie, le divorce, le con-
cubinage ; les autres ré|)rou vent toute es-
pèce de mariage, voudraient que t(jutes les
fenunes tussent communes, et que le monde
entier fût un lieu de prostitution ; ils auto-
risent les enfants h secouer le joug de l'au-
torité paternelle. Ils tournent en ridicule la
fidélité des époux, la modestie et la réserve
qui régnent dans une famille vertueuse, l'é-
ducation sévère de la jeunesse; veulent qu'on
lui donne non îles talents utiles, mais tous
les talents frivoles, etc. Sont -ce là les
moyens de nudtiplier les mariages, de les
rendre plus purs et [)lus heureux"? C'est un
secret infaillible pour romure le plus fort des
liens de la société, et pour abrutir le genre
humain.
Mariage (1) (Droit nat.,pub., cir.et ecclé.i.).
Le mariage pouvant être considéré sous plu-
sieurs rapports, semble susceptible de plu-
sieurs délinilions; c'est un acte qui, en lui-
même et |)ar ses suites, tient au droit naturel,
au droit iiublic, au droit civil, et au droit ec-
clésiastique. La nature y ajtpelle tous les
hommes, et elle a forme seule les premiè-
res unions conjugales. L'ordre public et les
sociétés en gi'uéral doivent y prendre le jilus
grand inlér.'t, [tuisqu'il est la source licite
de la population. Les lois civiles ont néces-
sairement dû le régler, et pour la forme et
pour les ellets; enlin la religion, qui est la
première bienlaitrice de l'humanité, a cru
devoir crmsacrer et sanctitier un acte dont le
principal but est de donner et des citoyens
à l'Etat, et di's adorateurs au vrai Dieu. Chez
les peuples non civilisés et vivant sans lois,
le mariage ne peut èlre qu'un contrat naturel ;
et parmi les nations civilisées, il est un con-
trat naturel et civil; il n'y a que jiarmi les
chrétiens qu'il est tout a la fois contrat na-
turel, contrat civil et sacrement. On peut dé-
linir le mariage comme contrat naturel, l'u-
nion volonlairi' de l'homme et de la femme
libres, à l'elfet de vivre ensemble, de pro-
créer des entants et de les élever. On le dé-
finit aussi, coHlraelus quo personœ corporum
suorum dominium mutuo tradunt et accipiunt.
(i) Ueprmiuil il'aprt-s roilition de Liège. — Nous
avons iraiié la quesiion du mariage sous le rapport
religieux el civil dans notre Dicl. de Thi;ol. inorale.
U'arlicle que nous citons ici extrait de l'odilion de
Li^geexposc l'ancienne jurisprudence sur le manayo,
qu'on lira encore avec plaisir.
Justinien a défini le mariage, viri et mulieris
conjunctio individuum vitœ ron.iuetudinem
continens. Ce qui semblerait pouvoir s'appli-
quer au contrat naturel seul. Le catéchisme
du concile de Trente paraît avoir compris
plus expressément le contrat civil, en ajou-
tant à la détinition de Justinien, ittter légi-
timas personas. Ces expressions désignent les
personnes capables, selon les lois, de con-
tracter : Matrimonium est viri mulierisque
maritalis conjunctio inter légitimas personas
individuam vitœ consuetudinem retincns. Ce-
pendant on pourrait dire que .lustinien a
entendu le contrat civil, en lui diuniant le
caractère de [lerpéluité : Individuam vitœ
consuetudinem continens; per|)étuité qui,
selon l'observation de Perrière, ne peut
s'entendre que du dessein des deux époux
de vivre ensemble jusqu'à la mort de l'un
ou de l'autre; carie divorce était permis chez
les Romains. Quoi qu'il en soit de l'exacti-
tude de ces définitions, nos auteurs apjiel-
lent le mariage, un contrat revêtu îles formes
prescriles par les lois, par lequel un homme
et une femme, habiles à faire ensemlile ce
contrat, s'engagent réciproquement l'un avec
l'autre à demeurer toute leur vie ensemble
dans l'union qui doit être entre un époux
et une épouse.
Le mariage, comme sacrement, peut être
défini : l'alliance ou l'union légitime, par
laquelle un homme et une femme s'engagent
à vivre ensemble le reste de leurs jours,
comme mari et comme épouse; que Jésus-
Christ a institué comme le signe de son
union avec l'Eglise, et à laquelle il a attaché
des grâces particulières pour l'avantage de
cette société et pour l'éducation des enfants
qui en proviennent.
Le contrat naturel est la première base du
mariage : il ne peut y en avoir de plusieurs
espèces, puisque la nature est une. Le ma-
riage, comme contrat civil, peut varier, parce
que les lois des dilférents états ne sont pas
les mêmes. Un mariage peut donc être vala-
ble dans un pays et ne l'être pas dans un
autre. Comme sacrement, il tient l'être du
divin auteur de la religion : les hommes
ne peuvent donc y apporter aucun change-
ment essentiel. Le mariage, comme contrat
naturel, paraît être du ressort de cette philo
Sophie qui s'occupe à connaître les lois que
dicte la nature à tous les hommes. Comme
sacrement, il semble qu'il n'appartienne
qu'aux théologiens d'en traiter; et l'on pour-
rait dire au premier coup d'œil qu'il ne peut
concerner le .jurisconsulte que comme con-
trat civil. Mais ici la nature, la religion et les
lois civiles sont tellement inhérentes les unes
aux autres, qu'il est impossible que le juris-
consulte les sépare; il doit seulement avoir
attention à ne considérer le contrat natuiel
et le sacrement que sous les rapports qu'ils
ont avec le contrat civil.
Lorsque les hommes ont été réunis en
société et qu'ils ont mis leur liberté et leur
propriété sous la sauvegarde des lois, ils ont
dû nécessairement établir des règles pour
les mariages. Le simple contrat naturel n'a
579 MAR
plus aiors suffi, et il a M('' perfectionné et for-
tifié par le contrat civil. Mais le contrat ijatu-
rel en a toujours fait la base.
Dans l'ancienne loi, chez les Héijreui, le
mariage était de commandement. Dieu eut à
peine créé l'homme, qu'il jugea qu'il n'était
pas à propos qu'il fût seul. Il forma presque
aussitôt la femme d'une portion même de
l'homme, la lui présenta à l'instant de son
réveil, comme pour le frapper |ilus vivement;
il leur ordonna à l'un et à l'autre de s'unir
et de perpétuer la merveille qu'il venait d'o-
pérer. Au sentiment attraclif qu'il plaça dans
leur cœur, il joignit l'ordre de croilrc et de
multiplier, accompagné de celui de ne faire
qu'un : Et erunt duo in carne una. Telle est
l'origine sublime du mariage chez les chré-
tiens, origine oii tous les devoirs d'un époux,
sont tracés en peu de mots.
Les Grecs et les Romains, privés des lu-
mières de la révélation, n'ont pas eu du
mariage les grandes idées que présente la loi
de Moïse; cependant ils ont été assez éclairés
pour la regarder comme un acte digne de
toute l'attention des législateurs. Mais tous
les peuples policés ne l'out pas envisagé du
même œil; ceux qui Oit permis la pluralité
des femmes légitimes, ont oublié le véritable
but de la nature. La pluralité des femmes
fut permise chez les Athéniens, les Parthes,
les Thraces, les Egyptiens, les Perses. Elle
est encore en usagi' chez quelques peuples
païens, et parliculièiement chez les Orien-
taux. Le grand nombre de femmes qu'ils
ont diminue la considéralion que la nature
a attachée à l'état d'épouse, et l'ait qu'ils les
regardent plutôt comme des esclaves (jue
comme des compagnes. Les Romains s'é-
taient garantis de celte erreur : leur droit
défend la pluralité des femmes et des maris;
copenilaiit Jules-César avait projeté uue loi
pour permettre la pluralité des femmes. Mais
elle ne fut pas publiée : l'objet de cette loi
était de multiplier la procréation des enfants.
Auguste, son successeur, eut les mêmes
vues, mais employa des moyens différents.
Il ne crut pas devoir rien clianger à l'ancienne
législation sur les mariages; il crut qu'il suf-
fisait de publier des lois pour les encourager.
Ou peut voir combien il avait cet objet à
cœur par le discours qu'il adressa aux che-
valiers romains célibataires, il publia les lois
nommées Pappia, Poppœa, du nom des deux
consuls de cette année. Constant n et Jus-
tinien abrogèrent les Jois pappiuiennes, et
favorisèrent le célibat; la raison de spiritua-
lité qu'ils en apportèrent lui puisée dans le
christianisme, qui regarde cet état comme
plus parfait que le mariage, quoiqu'il ait
élevé le mariage à la dignité de sacrement.
"Valentinien l' voyait les choses bie'ii diil'é-
remment, mais avec les yeux des passions.
Voulant épouser une seconde femme, et
garder celle qu'il avait déjà, il fit une loi
portant qu'il serait permis à chacun d'avoir
deux femmes i mais cette loi ne fut point
oi)servée; tant il est vrai que le pouvoir ab-
solu ^xe suffit pas pour donner des Jois, et que
MAR
580
sans la raison et la justice, les législateurs
sont souvent impuissants.
Les barbares, qui inondèrent l'empire ro-
main, soutinrent que la pluralité des femmes
était contraire à l'essence du mariage; et
Athalaric, roi des Goths, défendit la polyga-
mie. On trouve dans la législation des Mos-
covites un canon fait par leur patriarche
Jean, qu'ils honorent comme un prophète,
par lequel il est ordonné que si un mari quitte
sa femme pour en épouser une autre, ou que
la femme change de mari, les uns et les
autres seraient excommuniés, jusqu'à ce
qu'Us reviennent à leur premier engage-
ment.
Les citoyens romains pouvaient contrac-
ter deux espèces de mariages. On appelait
l'un jaslœ nuptiœ, et l'autre concubinatus.
Celui qu'on appelait jMste/iM/3(!œ était le ma-
riage légitime qu'un homme contractait ,
selon les lois, avec une femme, pour l'avoir
à titre de légitime épouse, justa uxor. Ce
mariage donnait aux enfants le droit de fa-
mille, et au père le droit de puissance pater-
nelle sur eux. L'autre espèce de mariage,
qu'on appelait concubinatus, était aussi un
véritable mariage permis par les lois : con-
cubinatus, per legrs nomen assumpsit. Il ne
différait du mariage appelé justœ nuptiœ, que
parce que l'homme ne prenait pas la femme
avec laquelle il se mariait pour l'avoir à
titre de légitime épouse, justa uxor, mais
il la prenait seulement à titre de concubine;
les enfants qui naissaient de ce mariage
n'avaient pas le droit de famille, et Le père
n'avait pas sur eux la puissance paternelle;
ils n'étaient pusjusti liberi; ils n étaient pas
néanmoins bàiaids, ou les apjielait liberi na-
turales,
qui
bien ditlérents des nati et
spurii,
étaient les iioius de ceux qui éta eut
nés ex scorto et d'unions défendues. Cette
espèce de mariage fut introduite, pour per-
mettre les unions disproportionnées. Ur
sénateur pouvait prendre pour concubine
une femme atfranchie de l'esclavage, que
les lois ne lui permettaient pas d'avoir pour
légitime épouse. Du reste tout ce qui pro-
hibait un mariage légitime prohibait égale-
ment le concubii.age; il n'était pas plus per-
mis d'avoir deux concubines à la fois que
deux femmes légitimes. Le concubinage,
tant qu'il existait, excluait tout autre ma-
riage, comme le mariage légitime excluait
le concubinage : ou ne pouvait avoir ensem-
ble une femme et une concubine.
Il est assez diliicile de tracer la ligne qui
séparait le mariage légitime d'avec le simple
concubinage. Les cérémonies extérieures,
ou la confection de l'acte qui contenait les
conventions matrimoniales, ne pouvaient les
ditlérencier, puisqu'un mariage pouvait être
justœ nuptiœ sans acte et sans cérémoiiie. Ce
n'était que l'intention de l'homme de prendre
sa femme à titre de légitime épouse, ou de
la prendre seulement pour concubine, qui
rendait le mariage ou légitime, ou concubi-
nage. C'est ainsi que s'exprime la légis-
lation romaine : Concubinatus ex sala animi
destinatione œstimari oportet... concubina
■'.fil MAR
al) uxore solo dclectu separalur. De là il suit
que le concubiiwiHe n'était présumé ((u'à l'é-
pud des femmes diif.iiuéesou d'un él;il vil : In
îibcrœ mulifris consuetudine non concubina-
tits, sed iiupliœ inteliigendœ sunt, si non cor-
porc quantum fecerit. Cette distinction du
mariage, justœ nuptiœ et conculiinatus, n'avait
lieu ([u'à l'éjiard des citoyens romains. Les
peuples soumis à la ■('■[lublique ou ii l'empire
n'cHaient capables que d'une esjièce de ma-
riage, qu'on appelait simplement malrimo-
nium. H ne produisait point sur les enfanis
la puissance |)aternelle, telle que l'avaient les
citoyens romains, mais seulement telle que
la donne aux pères le droit naturel. Mais
cette ditl'ér'eiice s'évanouit, lorsque Antonin
Caracalla accoi'da le nom et les droits de
citoyen romain à tous les sujets de rem|)ii'e.
Le concubinage le! qu'il existait peu'lantla
républi(|ue, et sous les. ))remiers empereurs,
subsista encore lorsque la religion cbrélicune
fut devenue la religion dominante; on en
peut juger par le dix-septième canon du pre-
mier concile de 'l'olèile, de l'an 4-00, où il est
dit : Si quis liuhcns uxorrm fidelis, concuhi-
nam liulicat, non com.municct ; cœtcrum qui
non haltet uxorem, et pro uxore concuhinam
habct, a commnnionc non rcpcllatur, tantum
ut uiiius mttlieris, nul iixoris, aut concubinœ,
lU ci placuerit. sit conjunctione contentus.
La qualité do eitoycn romain étant deve-
nue générale, ou a;>ant totalement disiiaru,
l'usage de contracter le mariage apfielé con-
ctMnalus s'anéantit insensiblement. Il ne
s'en est guère conservé de trace que dans
l'Allemagne, où la qualité de noble a produit
pour les mariages les mêmes eU'ets que celle
de citoyen romain. Un honmie de qualité,
qui se marie à une femme de basse condi-
tion, la prend pour femme d'un oidre subal-
terne. (À'tte femme ne ]iarticipe pas au rang
et aux titres de son mari, et les enfants qui
naissent de ce mariage ne succèdent ni aux
titres ni à l'hérédité de leur père. Ils doivent
se contenter, ainsi que leur mère, d'une cer-
taine quantité qui leur a été assignée par le
contrat ; c'est ce qu'on appelle mariage de la
main gauche. U eu est de même des princes
qui épousent une personne d'une condition
inférieure à la leur ; ils lui donnent la main
gauche au lieu de la droite. Leurs enfants
sont légitimes et nobles ; mais ils ne succè-
dent point aux Etats du père, à moins que
l'empire ne les réhabilite ; quelquefois le
prince épouse ensuite sa feuune de la main
'■ droite, trotte esjjèce de mariage n'a juis lieu
en France ; nos lois no permettent pas de se
marier auli ement que pour avoir uni; femme
à litre de légitime épouse. Le concubina^^e
avec une femme que l'on n'a |ias ép<jusée en
légitime ;«w(«^f est, jiaimi nous, une union
illicite et proliibée. Cependant nous ..vons
quelques mariages, qui, quoique valablement
contractés, ne produisent que des elfels ci-
vils, à peu près seuiblaiiles hu concubinage
chez JesUomaius et aux «(e/ta^csde lamain
gauche en Allemagne.
Chez les Romains, le wiari^ùi/f des esdavcs,
fait du consentement de leurs inailres, et
MAR m
jiourvu qu'il n'y ei.\t aucun crapôchenoent na-
turel , s'appelait contubernium ; il ne produi-
sait aucun ellet civil ; tel est encore aujour-
d'iiui celui des nègres esclaves en Amérique.
On donnait la même dénomination au mariage
que contractait un homme libre avec une es-
clave, auf vice versa. Inter serves cl libéras
matrimonium contralti non potesl, contuber-
nium polest. Ce mariagene pioduisait pas plus
d'etlets civils que ceux des esclaves entre
eux.
Après les délinitions et les notions histo-
riques préliminaires, venons au mariage, tel
([u'il existe parmi nous, et qui doit faire l'ob-
jet principal île cet article. Le mariage, dans
le sens oii nous le [irenons ici, est celui qui
est tout à la fois, contrat naturel, contrat ci-
vil et sacrement.
Nous examinerons, 1° ce([ui doit précéder
le mariage;'-!' quelles sont les personnes qui
jjeuvent le contracter; 3° comment il se con-
tracte réellement ; k° quels sont ses eU'ets et
ses obligations ; 5° les cassations et la disso-
lution des mariages, et les juges qui en doi-
vent c nuaître ; 6° les séparations d'habita-
tion ; 7° les seconds mariages et l'édit des se-
condes noces. Nous esj)érons renfermer sous
ces divisions tout ce (jui coiicerne l'imjior-
tanle matière du mariage.
§ L Ce qui doit précéder le mariage. Comme
contrat naturel, le mariage consiste dans le
seul consentement des parties. Ce consente-
ment une fois librement d(;nné et en iileine
connaissance de cause, le mariage est con-
tracté dans l'ordre de la nature. Heureuses,
et mille fois heureuses les sociétés où il n'y
aurait pas besoin d'autres foimalitésl on n'y
suivrait que cet instinct puissant, qui j)o,te
l'iiomme et la femme à se donner l'un à l'au-
tre pour propager l'espèce humaine, et tra-
vailler de concert à leur propre bonheur :
une promesse dictée par le cœur, et pour la-
quelle la bouche ne servirait (juo d'organo
au sentiment, est sans doute le lien le plus
fort qui puisse unir deux intlividus. Pourquoi
donc cette promesse ne suUit-ellepas, n'est-
elle pas vraiment obligatoire? Ouisansdoute,
elle l'est ; gardons-nousde poser autrement.
Le serment que se font deux personnes li-
bres, jouissant de toute leur raison et de
toutes leursfacultés, de s'unir pour toujours,
est le pacte le plus sacré aux yeux de la na-
ture et de l'honnête homme. Nos aïeux, aux-
quels on prodigue si souvent le nom de bar-
bares, le pensaient ainsi lorstpi'ils établirent
le principe qui a eu pendant plusieurs siè-
cles force de loi parmi nous, aut nubcre, aut
mori, principe quia fait si longtemps la sau-
vegarde du sexe contre la séuuclion, prin-
cipe qui a pu être un rempart contre la dé-
pravation des mœurs ; mais qui , depuis
qu'elles ont été corrompues, était devenu
une arme meurtrière dans les mains du vice,
et qui changeait souvent en séducteur ce sexe
que la fiiiblesse même fait toujours présu-
mer être séduit. D'ailleurs, quelle triste vic-
toire pour une femme abusée et trompée, de
ue devoir un époux qu'à la crainte de la
luortl quelle réUexion déchirante de se diic
J^
585
MAR
MAR
584
à soi-même, ce n'est que pour éviter l'écha-
faud qu'il a consenti à partager ma couche 1
Quelque obligatoire que soit en lui-môme
le simple contrat naturel, la sagesse des lé-
gislateurs a donc dû y ajouter des prélimi-
naires et des formalités extérieures pour le
rendre obligatoire dans le for extérieur et
aux yeux de la société. Il a fallu prémunir la
jeunesse contre une passion souvent aveu-
gle; il a fallu s'assurer de la liberté et du la
raison des contractants, et l'on a vu les deux
puissances concourir^ ce but salutaire ; c'est
pour cela qu'on a établi les fiançailles, la pu-
blication des bans, et qu'on a aboli les pro-
messes per rp?"6a de prœsenti. Les fiançailles
et la publication des bans doivent précéder
le mariage. Ces formalités sont plus ou moins
essentielles, selon les circonstances. Voy.
Bans, Fiançailles. Les conventions matri-
moniales rédigées par écrit, qu'on appelle
contrat de mariage, précèdent aussi ordinai-
rement la célébration du mariage : on peut
les regarder comme des fiançailles profanes.
Ce contrat n'est point de nécessité absolue ;
il arrive même souvent que les futurs con-
joints n'en passent point. Dans ce cis, c'est
la loi de leur domicile qui règle les conven-
tions matrimoniales ; il ne peut être passé
après le mariage ; il f;iut nécf^ssairement qu'il
le précède, autrement il serait radicalement
nul. Il doit être, selon le droit commun, ré-
digé par-devant notaires. La plujiart de nos
coutumes l'exigent impérieusement, pour
empêcher les antidates et les avantages que
les conjoints pourraient se faire pendant le
mariage. Il est cependant encore quelques
pays, môme coutumiers, où un contrat de
mariage sous seing privé est valable ; mais il
faut qu'il soit signé des conjoints, des pa-
rents des deux côtés, et absolument à l'abri
de tout sou|içon de dol et de fraude.
§ II. Quelles sont les personnes qui peuvent
contracter le mariage? Toute personne qui
n'a en elle aucun empêchement dirimant, ou
qui a obtenu une dispense de ceux dont on
peut dispenser, est capable de se marier.
Nous avons amplement traité cette matière
à l'aiticle Empêchement du mariage: nous y
renvoyons nos lecteurs. Il en est deux que
nous avons réservés au présent article, parce
que l'ordre des matières l'exigeait : c'est le
défaut de consentement de la part de ceux
dont dépendent les parties contractantes, et
la disparité du culte |>ar rappoit aux proles-
tants et aux infidèles. Nous ne connaissons
dans notre législation que deux espèces de
persomies ([ui S(jnt sous la puissance d'an-
trui, les fils de famille, c'est-à-dire ceux qui
ont encore leur père ou mère, et les mineurs
qui sont sous la conduite de leurs tuteurs ou
curateurs.
Suivant les lois romaines, les mariages des
enfants de famide n'étaient pas valables sans
le consentement préa able de celui qui les
avait en sa puissanci;, in tantum ut jussus
parent is prœccdere debeat Si adversus ea
quœ diximus aliquicoierint, ncc vir, nec uxor,
necnuptiœ, nec matrimonium, nec dos intelli-
gitur, instit. de nupt. Les grands privilèges
accordés par les empereurs aux soldats ne
les dispensaient pas de cette règle. Filius
familias miles matrimonium sine patria vo-
luntate non contrahit. On reconnaî* dans ces
lois une conséquence nécessaire de la puis-
sance paternelle ; elles ont été longtemps en
vigueur dans l'empire, même après que la
religion chrétienne y a été admise, et alors
l'Eglise ne regardait point comme valables
les mariagies contractés contre leur disposi-
tion. On en trouve des preuves dans les ou-
vrages des saints Pères. Cette doctrine pa-
raît s'être conservée jusqu'aux temps d'Isi-
dore Mercator, puisque, dans la ilécrétale
qu'il a faussement attribuée au pape Evariste,
et qui est rapportée au décret de Gratien,
can. aliter, caus. 30, qucest. 5, on appelle
adulteria, contubernia, stupra et fornicatio-
nes, les mariages îniis sans le consentemeid
des pères et mères, matrimonia facta sine
consensu parentum. Mais les lois romaines
sur la puissance paternelle ayant cessé d'ê-
tre exécutées dans la majeure partie du monde
chrétien, on s'accoutuma insensiblement à
regarder comme valables les mariages des
enfants de famille, même mineurs, quoique
faits sans le consentement de leurs pères et
mères.
Cette opinion paraît avoir été adoptée par
le concile de Tren\e •,tametsidubitanaum non
est clandestina matrimonia libero consensu
contruhentium facta, rata et vera esse matri-
monia quandiu Ecclesia ea irrita non fecit,
proinde jure damnandi sunt, ut eos sancta sy-
nodus anathemate damnât, qui ea vera et rata
esse nrgant, quiquc falso affirmant matrimo-
nia a filiis familias sine consensu parentum
contracta irrita esse, et parentes earata et ir-
rita facere passe; nihilominus sancta Dei Ec-
clesia, ex justissimis causis, illa semper de-
testata est atque prohibait. Ce décret du con-
cile a beaucoup occupé nos théologiens et
nos canonistes. Ils ontc lerché à le concilier
avec nos lois et nos usages. Ils soutiennent
qu'il a seulement entendu condamner le sen-
tuuent de quelques protestants, qui jiréten-
daient que par le droit naturel, les parents
avaient par eux-mêuies le pouvoir de vali-
der ou d'annuler les mariages de leurs en-
fants, contractés sans leur consentement,
sans qu'il fût besoin pour cela d'une loi po-
sitive qui les déclarât nuls. Mais le concile
n'a pas décidé ni pu décider que, dans le
cas d'une loi civile qui exigerait dans les en-
fants de famille le consentement des parents
à peine de nullité, leurs mariages, sans ce
consenteuient, ne laisseraient |)as d'être va-
lables. En effet, il s'ensuivrait dune pareille
décision que les princes n'auraient pas le
droit d'établir des erapéciements dirimants :
ce qui est faux. Voy. Empêchement.
Quel que soit le sens que l'on veuille don-
ner à la décision du concile, il est certain
que nous distinguons en France deux esjiè-
ces d'enfants de famille, les mineurs et les
majeurs : nous exigeons, pour les mariages
des uns et des autres, le consentement des
I)arents; mais le défaut de ce consentement
ne produit pas les mêmes effets dans toui
les cas. Quant aux mariages des fils do fainillo
mineurs, lo défaut do consentement des pè-
res et mères les rend nuls. Nos autours cher-
chent à appuyer cette nullité sur l'esprit et
la lettre de nos lois.
On retrouve dans nos anciens Capituiaires
des traces de la nécessité du consenleinent
des pères et mères pour le mariage de leurs
enfants, du moins quant aux tilles. Ces lois
étaient tombées en désuétude. On en peut
juger par le préambule de l'édit de Henri II,
du mois de février 1556 : « Comme sur la
j)lainle h nous faite des mariages, qui jour-
iiellement, par une volonté ciiarnelle, indis-
crète et désordonnée, se contractaient en
notre royaume par les enfants de famille,
contre le vouloir et consentement de leurs
nères et mères, n'ayant aucunement devant
les yeuî la crainte de Dieu, l'honneur, ré-
vérence et obéissance qu'ils doivent à leurs
dits parents Nous eussions longtemps
conclu et arrêté sur ce faire une bonne loi
et 01 donnance, par le moyen de laquelle ceux
qui, pour la crainte de Dieu , l'Iionneur et
révérence paternelle et maternelle, ne se-
raient détournés et retirés de mal faire, fus-
sent par la sévérité de la peine temporelle
révoqués et arrêtés » Le législateur sup-
pose qu'avant lui il n'y avait aucune loi sur
cette matière. L'édit continue : « Avons dit
et statué que les enfants de famille,
ayant contracté et qui contracteront ci-après
mariages clandestins, contre le gré, vouloir
et consentement de leurs pères et mères,
puissent, pour telle irrévérence, ingratitude,
mépris et consentement de leurs dits j)ères
et mères, et chacun d'eux exhérédés ; puis-
eent aussi, lesdits pères et mères, pour les
causes que dessus, révoquer toutes les do-
nations qu'ils auraient faites à leurs en-
fants Voulons que lesdits enfants, qui
ainsi seront illicJtOLDent conjoints, soient
déclarés audit casd'cxhérédalion, et les dé-
clarons incapables de tous avantages tjulls
pourraient prétendre, par le moyen des con-
ventions apposées es contrats de mariage,
ou par lo bénéfice des coutumes de notre
royaume. »
Cotte loi ne prononce point la peine de
nullité contre les mariages des enfants, môme
mineurs, contractés sans le consentement
des pères et mères. Elle ne les regarde que
comme illicites : qui ainsi seront ilticitement
conjoints; el'e ne i)unit les enfants que par
la peine de l'exhérédation, qu'elle laisse ce-
pendant à la volonté des pères et mères;
elle ne les déclare déchus des conventions
matrimoniales ou du bénéfice des coutumes,
que dans les cas où l'exhérédation serait
prononcée. Les enfants ne peuvent éviter
les peines portées par la loi, même en re-
quérant le consentement de leur père : il
est nécessaii'C pour cela qu'ils l'aient obtenu.
Il y a cependant une exception bien remar-
quable. « N'entendons comprendre les ma-
riages qui seront contractés par les fils ex-
cédant l'.lge (le trente ans, et les filles ayant
vingt-cinq ans passés et accomplis, pourvu
qu'us se soient mis eu devoir de requérir
PiCTIOH». DE ThÉOL. DOatUTIQUB- lU.
MAR «80
l'avis et conseil de leurs dits pères et mè
res; ce qu(^ voulons être ainsi gardé iiour
le regard des mères qui se remarient, des-
quelles suffira requérir leur conseil, et ne
seront lesdits enfants, auxdits cas, tenus
d'attendre leur consentement. » Lo législa-
teur termine sa loi par ordonner que lesdits
enfants et ceux qui auront traité tels
mariages avec eux, et donné conseil et aide
pour ia consommation d'iceux, soient sujets
a telles peines qu'elles seront avisées, selon
l'exigence des cas, par les juges.
L'article 40 de l'ordonnance de Blois porte :
« Enjoignons aux curés de s'enquéi'ir de la
qualité de ceux qui voudront se marier; et
s'ils sont enfants de famille, ou en puissance
d'autrui, nous leur défendons de passer ou-
tre à la célébration desdits mariages, s'il ne
leur apparaît du consentement des pères,
mères, tuteurs ou curateurs, sous peine d'ô-
tre punis comme fauteurs du crime de rapt. »
L'article 4-1 confirme l'édit de 155G; l'édit de
Melun confirme l'article 40 do l'ordonnancQ
de Blois.
Louis XIII, par sa déclaration de 1639,
fut jtlus loin que les ordonnances précéden-
tes. Les peines portées par les rois ses (iré-
décesseurs, contre lesmarî'ag'M contractés par
les enfants de famille sans le consentement
de leurs ])ères et mères, n'ayant pu les ar-
rêter, il a jugé à propos d'en ajouter de
nouvelles. En conséquence, l'article 2 do la
déclaration s'énonce ainsi : « Le contenu de
l'édit de l'an 1556, et aux articles 41 de
l'ordonnance de Blois, sera observé, et y
ajoutant, avons déclaré et déclarons les veu-
ves, fils et filles, moindres de vingt-cinq ans,
qui auront contracté mariage contre la te-
neur desdites ordonnances, privés et déchus
jiar le seul fait, ensemble les enfants qui en
naîtront, et leurs hoirs, indignes et incapa-
bles à jamais des successions de leurs pères
et mères et aïeux, et de toutes autres direc-
tes ou collatérales, comme aussi des droits
et avantages qui pourraient leur être acquis
par contrats de mariage et testaments, ou
par les coutumes et lois de notre royau-
me, même du droit de légitime; et les dis-
positions qui seront faites au préjudice de
notre ordonnance, soit en faveur des per-
sonnes mariées, soit par elles au profit des
enfants nés de ces mariages, nulles et de nul
effet et valeur. Voulons que les choses ainsi
données demeurent irrévocablement acqui-
ses à notre fisc, sans que nous en puissions
disposer qu'en faveur des hôpitaux ou autre.s
œuvres pics, etc. »
Mais quelles que soient les peines portées
par ces différentes lois contre les mariages
faits sans le consentenient des pères et mè-
res, elles se bornent h la privation des effets
civils. On n'y voit point la |icine de nullité
textuellement prononcée. Si la lettre do nos
ordonnances n'est pas précise à ce sujet,
nos autours soutiennent qu'il n'en est pas
de même de leur espiit, et que si on les
considère attentivement, on découvrira fa-
cilement qu'elles ré|iulent nuls et non vala-
blemaot contractés tous les mariages des mi-
19
587
MAR
MAR
&38
neiirs, contractés sans le consentement de
leurs pères et mères. En effet, il paraît
qu'elles regardent comme le fruit de la sé-
duction ces sortes de mariages, puisqu'elles
Teulent (ordonnance de Blois, art. 40) que
les curés, qui y prêteront leur ministère,
soient punis comme fauteurs du crime de rapt.
Elles supposent donc que le mariage d'un
mineur doit passer pour entaché du vice de
séduction, par cela seul qu'il est contracté
sans le consentement de ses pères et mères.
Il n'y a en effet que la séduction, et une sé-
duction très-forle, qui puisse faire oubliera
un mineur, la déférence, le respect et l'o-
béissance qu'il doit aux auteurs de ses jours.
Dès que la loi suppose la séduction dans ces
sortes de mariages, elle les suppose par là
même nuls, puisque la séduction est un em-
pêchement dirimant du mariage, empêche-
ment qui, en enchaînant la liberté, fait dis-
paraître le consentement nécessaire à tout
contrat. Alors la présomption est de celles
que l'on aiipelle en droit prœsumptiones ju-
ris, qui suai équipollentes à une preuve
parf.iite, et qui dispensent d'en apporter
d'autres. La séduction en ce cas n'est consi-
dérée que dans la chose môme : on n'exa-
mine point de la part de qui elle vient, quand
même ce serait le mineur qui s'est marié
qui se serait séduit lui-même par sa passion,
quand même celle qu'il a épousée n'y au-
rait contribué que par le malheur qu'elle a
eu de lui plaire, la séduction ne laisserait
pas d'être présumée, et le mariage, en con-
séquence, réputé nul. La nullité du mariage
des mineurs, opérée par le défaut de con-
sentement de leurs pères et mères, ne pro-
vient donc point de la puissance paternelle,
telle qu'elle avait été admise chez les Ro-
mains. Ce n'est pas l'atteinte portée à cette
puissance qui annule le contrat civil. C'est
ta présomption que l'enfant s'est conduit en
aveugle, dès qu'il n'a point marché à la lueur
du tiambeauque la nature et la loi lui don-
nent pour se diriger pendant sa minorité.
C'est pourquoi l'article 40 de l'ordonnance
de Blois veut qu'on punisse, comme fauteurs
du crime de rapt, les curés qui béniront les
mariages des mineurs, sans qu'il leur appa-
raisse du consentement de leurs pères et
mères; et de là on conclut que ces mariages
sont nuls, sekm l'esprit de la loi.
On tire la même conséquence d'une autre
disposition de l'ordonnance de Blois : « Pour
obvier aux abus qui adviennent des maria-
ges clandestins, avons ordonné que nos su-
jets ne pourront valablement contracter ma-
riage,s&as, proclamation précédente de bans. »
Le principal motif qui a porté le législateur
à prescrire la formalité des bans a été d'eiti-
pêcher les mineurs de se marier à l'insu de
leurs pères et mères. Cela est si vrai, que le
défaut do publication de bans passe pour
èlve de nulle considération dans les mariages
des majeurs, et que môme à l'égard de ceux
des mineurs, il n'est de quelque poids que
lorsque les pères et mères se plaignent du
mariage, et qu'il n'en est d'aucun lorsqu'ils y
ont consenti. Cela posé, l'ordonuauce de
Blois, en déclarant nids et non valablement
contractés lesmariages, lorsqu'on aurait man-
qué d'observer une formalité établie, pour
empêcher les mineurs de se marier à l'insu
et sans le consentement de leurs pères et
mères, fait suftisamment connaître que
les mariages ainsi contractés ne ]iuissent
subsister , et qu'ils soient réputés non
valablement contractés. Pourrait-on pen-
ser sans absurdité que la loi ait voulu
avoir plus d'indulgence pour le mal môme
qu'elle a voulu prévenir, que pour l'inob-
servation d'une formalité qu'elle n'a établie
que pour l'empêcher? Ce qui ajoute encore
à ce raisonnement, c'est la disposition de la
môme ordonnance de Blois, qui porte que la
dispense de quelques-unes des proclama-
tions de bans ne pourra être accordée que
du consentement des principaux parents des
parties contractantes, et par conséquent de
leurs pères et mères. Il en est de même de
la déclaration du 26 novembre 1639, qui exi-
ge le consentement des pères et mères, tu-
teurs, curateurs, pour la proclamation des
bans des mineurs. Si ces lois requièrent le
consentement des pères et mères pour que
les bans soient valablement publiés ; si elles
le requièrent pour les dispenses des bans,
n'est-il pas évident que leur esprit est d'exi-
ger, à plus forte raison, ce consentement,
pour que les mariages des mineurs soient
valablement contractés? Certainement le
mariage est un acte bien plus important que
les dispenses des bans ou leur publication.
Go que l'on vient de dire sur la nécessité
du consentement des pères et mères, pour
la validité des mariages des mineurs est tiré
du plaidoyer do M. d'Aguesseau, dans la
cause de Melchior Fleury, contre la demoi-
selle deBezac.
On ne peut douter que la jurisprudence
constante de tous les tribunaux du royaume
ne soit de regarder le défaut de consente-
ment des pères et mères comme opérant la
nullité du mariage des mineurs. Mais en
même temps il faut convenir que cette aul-
hté n'est textuellement- prononcée par au-
cune loi : elle n'est que la conséquence de
plusieurs dispositions de nos ordonnances.
Mais des nullités ne doivimt point s'établir
par des inductions; il faut plus que l'esprit
des lois, il faut leur volonté clairement ma-
nifestée. Il est vrai que la séduction que
fait présumer le défaut de consentement des
pères et mères est en elle-même un empê-
chement dirimant- Mais ce n'est cHCore ici
qu'une séduction présumée; et une pré-
somption, fût-elle môme prœsumptio juris,
ne paraît pas suffire pom- fwnder la nullité
d'un acte aussi important que le mariage. Ce
sont sans doute ces réflexions qui ont fait
dire à d'Héricourt qu'il serait à souhaiter
que nos rois s'expliquassent d'une manière
plus précise sur une matiôre.de cette impor-
tance , et qu'ils déclarassent les enfants
mineuis inhabiles à contracter mariage, sans
le consentement de leurs pères, mères, ou
tuteurs, ou du moins sans un aiTèt, dans les
cas où les cours souveraines jugeaient (^uo
f;s9
MAR
MAR
r;oo
lo refus (les p^res et mères fiU injuste. Cetto
(•lernièro otiservatioii de irHériconrt présente
In fjiicstion de savoir si un père rt une mère
ne peuvent pas être quelquelois forcés de
donner leur consentement nu mnriaqc de
leurs enfants mineurs. Il s'est trouvé des
tas où le refus des pères et mères avant élé
reconnu injuste, les cours ont permis aux
mineurs de contracter des mariaqes que le
reste de leur famille jugeait leur être avan-
ta,'cux. On eitn à cetto occasion uti arrêt du
17 juillet 1722, par lequel unmineur, sur un
avis de paienls, a élé autorisé h contracter
un mariage avantageux, auquel la mère re-
fusait de consentir. Mais cela souffrirait
peut-èire phisde dillicultéh l'égar.id'un père :
au reste, ces cas s» 'ni rares. On doit pré-
sumer de la iiiété paternelle, que si le père
ou la mère refusent leur consentement, ils
ont l'our cela de bonnes raisons qu'ils ne
jugent pas h jtropos de publier.
En Angleterre, ofi la liberté de disposer
de sa personne et de ses biens est moins
lunilée que dans le reste de l'Europe, les
enfants môme mineurs pouvaient se marier
sans le consentement des auteurs de leurs
jours ; mais les al)us multipliés, qui étaient
la suite de cette liberté, ont fait naître l'acte
du Parlement de 1753.
On suit en Flandre un usage qui parait
tenir un juste milieu entre rautorito illi-
mitée des pères et la liberté indéfinie des
enfants, qui laisse h la sagesse éclairée des
uns tout sui ein[)iro, et prévient les suites
fAcheuses des passions aveugles des autres.
Si le père reTuse injustement son consente-
ment, la loi, qui est le premier père des
citoyens, le donni^ pour lui. Les mineurs
peuvent, sous l'autorité du juge, qui ne pro-
nonce qu'en conn ussaice de cause, se
marier nrdgré leurs pères et n.ères, tuteurs
et curateurs; en ce cas le magistrat nomme
un ollicier pour assister au contrat et en
régler les conventions, (let ancien usage -ie
la Fbuidre a été confirmé par une iléclara-
tion du 8 ma, s 170V : « Voulons, dit cette
loi, q e les sentences et arrêts qui auront
été rendus avec les pèies et mères, tuteurs
et curateurs, soient exécutés, même ceux
par lesquels il aura été pciiuis aux mineurs
de contracter mariagr, sans que ce défaut
ou refus de consentement des pères et
mères, tuteurs ou curateurs, puissent en ce
casêtie 0[>posés auxdits mineurs. »
Si le pèie consent au mariage de son fils
mineur, et que la mère s'y refifse, le mariage
n'en est pis mnins val,il)lc : quia plus hono-
ris tribuiturjiidicio patris, quam matris. Si
le père est décéd.', le consentement de la
mère est nécessaire; mais pour qu'elle con-
serve son autorité entière, il faut qu'elle ne
cenvole point ii de secondes noces, etiju'elle
mène une C(jnduile régulière. Un arrêt du
3;* août 1760 a prononcé la main levée d'une
' opposition formée par une mère au mariage
de son fils, âgé de vingt-trois ans, avec une
fille de vingt-huit; il y avait deux circon-
stances particulières. Toute la famille du
tils a^éait le mariage, la mère seule s'y
opposait. La mère s'était remariée et s'était
dérangée de manière qu'on avait été obligé
de la riire enfermer.
Les pères et mères décédés sont repré-
sentés parles aienxct aïeules; mais on no
laisse pas h. ces derniers, non plus qu'aux
rnères seides, une autorité entière lorsqu'il
s'agit du mariage des mineurs; leur famille
la partage; c'est ce qui paraît avoir été dé-
cidé par un arrêt du 30 mai 17G7 : dans
cette espèce, la dame Gros-Jean voulait
marier la demoiselle Gargam, sa petite-fille,
âgée de treize ans quatre mois, avec un
sieur Heuvrard, igé do trente-cinq à qua-
rante ans. L'oncle paternel tle la demoiselle,
et qui était curateur ?i son émaneip.itiou,
s'ofipusa à ce mariage de concert avec la
lamille; l'opposition était fondée sur la dis-
proportion d'ilge, de naissance et de fortune.
M.^ l'avocat général Barentin conclut à ce
qu'il fût tenu chez la dame Gros-Jean une
assemblée des parents paternels et mater-
nels, pour, sur leurs avis, être onlonné ce
que de raison ; mais quoique l'aïeu'e dé-
clarât qu'elle ne donnait son consentement
que sous la condition que sa p' tite-fiUe, h
cause de sagrande jeunesse, resterait encore
deux ans au couvent après sou mariage, la
cour remit la cause à deux ans, et cependant
ordonna que dans hnilaine, à compter du
jour de la signification de l'arrêt, la daujc
Gros-Jean et le sieur Gargam conviendraient '
conjointement d'un couvent, dans lequel
serait mise la mineure, duquel couvent elle
ne pourrait sortir que du consentement de
l'aïeule et de l'onde curateur.
L'éloignement du lieu où demeure le
père et la mère, lorsque ce lieu est connu,
ne dispense pas les enfants d'obtenir leur
consentement. Celui des plus proches (la-
rents assemblés à cet etTet ne peut le sup-
pléer. Une fille, dont la mère demeurait à
Saint-Domingue, avait élé mariée à Orléans
sans son consentement. Le prévôt de cet;e
ville avait homologué un avis do parents,
qui avaient tous approuvé le mariage, et avait
en conséquence permis la célébration. Sur
l'app.l comme d'abus interjeté par la mère,
le mariage a été déclaré nul et abusif, et il a
élé fait défense au prévôt d'Orléans d'ho-
mologuer pareils avis. — Il n'en serait pas
de même si le père était absent depuis
longtemps, et qu'on ignor.it le lieu de sa
demeure; dans ce cas, a)>rès information
faite de son absence, l'enfant pourrait être
dispensé d'obtenir son consenteme;it qui
serait suppléé par celui du tuteir et de la
famille. La mêuie dispense a lieu pour le
mariage des mineurs, dont les pères et mères
se seraient ret'.rés dans les pays étrangers,
pour cause île religion, Yog. la déclaration
du tnois d'août IGS6 et celle du 2i mai 1721.
La p rte de l'état civil, soil par la profes-
sion religieuse, s àl par une c^-mdauinaliua
à une p ine capitale, dépoudie les pères et
mères de leurs droits sur leurs enfants, jiar
rapport au mariage; ceux-ci peuvent lo
contracter sans leur consentement; c'est uno
891
IIAR
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698
euite de la mort civile qui fait perdre le droit
de cité.
' Lorsqu'un mineur n'a ni père ni mère, il
doit faire intervenir pour son mariage le
consentement de son tuteur ou curateur à
sa personne; car le tuteur aux causes, ou
le tuteur onéraire, ne représente point le
père et la mère. Les déclarations du 15 dé-
cembre 1721, et premier février 1743, ont
réglé, par rapport aux mineurs qui ont un
tuteur en France et un autre dans les co-
lonies, que c'est le tuteur du lieu où le
père du mineur avait son domicile, qui doit
donner son consentement par écrit au ma-
riage du mineur, sur un avis de parents as-
semblés devant le juge qui l'a nommé. Pour
de grandes considérations, on consulte l'autre
tuteur et les parents qui habitent le même
lieu que lui. L'opposition faite par un tu-
teur au mariage de son mineur peut être
plus facilement levée que celle des pères et
mères. Il y a cette différence entre l'une et
l'autre, que le défaut de consentement des
pères et mères fait toujours supposer une
séduction qui rend nul le contrat civil, et
que celui des tuteurs et curateurs ne la fait
supposer que lorsque le mineur paraît avoir
été réellement séduit, et que le mariage lui
est désavantageux par une frappante inéga-
lité de conditions et de biens.
De tout ce que l'on vient de dire sur la
nécessité du consentement des pères et
mères, tuteurs et curateurs , au mariage des
mineurs, on peut en conclure que le défaut
de ce consentement opère une nullité , qui
u'étant prononcée testuellement par aucune
ordonnance, n'est point absolue; qu'elle
peut se couvrir , et que toute personne
n'est pas recevable à la faire valoir. Yoy. ci-
dessous ie § 5.
Les enfants majeurs sont obligés, comme
les mineurs, de requérir le consentement de
leurs pères et mères; mais il y a cette diffé-
rence que le mariage des majeurs ne peut
être attaqué à défaut de ce consentement.
La peine infligée à ceux qui se marient sans
l'obtenir est d'encourir l'exhérédation des
pères et mères, lorsqu'ils jugent à propos
d'user de la faculté que la loi leur ordonne
dans ce cas. 11 faut, pour que les enfants
majeurs ne puissent encourir la (i(>ine d'ex-
hérédatiun, qu'ils aient requis le consente-
ment de leurs pères et mères , par des
sommations respectueuses, au nombre de
deux au moins. Toute majorité n'autorise
pas à faire les sommations respectueuses; il
faut, selon l'édit de 1556, q^ie les garçons
soient majeurs de trente ans, et que les tilles
aient vingt-cinq ans accomplis. Lorsqu'un
garçon est majeur de vingt-cinq ans, mais
au-dessous de trente, il ne lui suliit pas,
]i0ui" se mettre à couvert de l'exhérédation,
(le faire des sommations respectueuses, il
doit obtenir le consentement de ses pères et
mères, autrement il est toujours sujet à la
peine, parce que la loi n"a excepté que les
majeurs de trente ans; mais son mariage est
•iiiattuqaahle, et en cela il diffère du luuieur
de moius de viugt-cinq ans. Daos une cause
jugée le 12 février 1718, M. l'avocat général
Chauvelin établit qu'un majeur, quoiqu'au-
dessous de trente ans, ne pouvait être empô-
clié de se marier sans le consentement de son
père; qu'il s'exposait seulement à l'exhéré-
dation.
L'édit du mois de mars 1697 soumet à la
formalité des sommations respectueuses les
veuves majeures de vingt-cinq ans. En cela
il a ajouté à l'édit de 1556 et à la déclaration
de 1639 ; dans la première de ces lois, il
n'avait point été question des veuves, et la
seconde n'avait parlé que des veuves mi-
neures. Le même éJit Je 1697 ajoute encore,
pour certains cas, aux précédentes lois; il
déclare les veuves, les lils et les filles ma-
jeurs, môme de vingt-cinq et de trente
ans, lesquels, demeurant actuellement avec
leurs pères et mères, contractent, à leur
insu, des mariages comme habitants d'une
autre paroisse, sous prétexte de quelque
logement qu'ils y ont pris peu de temps au-
paravant leurs mariages, privés et déchus
par le seul fait, ensemble les enfanis qui
en naîtront, des successions de leurs dits
pères et mères, aieux et aïeules, et de tous
autres avantages qui pourraient leur être
acquis en quelque manière que ce puisse
être, même du droit de légitime.
Malgré les sommations respectueuses, la
peine d'exhérédation pourrait être encourue,
si le mariage était tout à fait honteux et
déshonorant ; bien loin, disent nos auteurs,
que dans ce cas l'enfant satisfasse en partie
au respect qu'il doit à son père, en lui de-
mandant son consentement, la réquisition
qu'il lui a faite pour un pareil mariage sem-
ble encore ajouter à roulrage qu'il lui fait
par ce mariage. Un arrêt de règlement du
17 août 1692 a prescrit les formalités des
sommations respectueuses. L'enfunt doit
commencer par présenter au juge royal du
domicile de ses père et mère, une requête aux
fins qu'il lui soit iiermis de faire à ses père et
mère des sommations respectueuses de don-
nerleur consentementaumaria(/eriu'ilseprû-
pose de contracter avec tel ou telle; en con-
séquence de la permission que le juge met
au bas de la requête, l'enfant doit se trans-
porter chez ses père ou mère, avec deux
notaires, ou un notaire et deux témoins, et
là les requérir de lui accorder leur consente-
ment, de laquelle réquisition le notaire
dresse un acte, que l'on appelle sommation
respectueuse.
Les bâtards, qui n'ont neque familiam ne-
que gentem, ne sont pas dans l'obligation
d'obtenir ni môme de requérir, pour se ma-
rier valablement, le consentement de leur
père et mère. On lit au second tome du
Journal des Audiences, un arrêt du 1" fé-
vrier 1662, par lequel, sur l'appel comme
d'abus interjeté par une mère du mariage de
sou fils bâtard, qui, âgé de vingt-trois ans,
et revêtu d'une charge de secrétaire du roi,
avait épousé la fille d'une vendeuse de vieux
chap.eaux sous le petit Châtelet, les parties
furent mises hors de cour. Lorsque les bâ'
, tards sont miuears, ils ont besoin, poujr
r;93
MAR
MAR
g04
se marier, du ronsonlomcnt de leur tuteur
ou curateur; s'ils n'en ont point, in doit
leur en créer un. Plusieurs de nos coutu-
mes ont abrégé h cerlains égards les mino-
rités ; mais les majorités coutimiières ne sont
d aucune consiilération pour les inariages.
On n'admet dans cette matière que la majo-
rité de droit conmuin et général, qui est
celle de ving'.-cinq ans.
Depuis la révocation de i'édit de Nantes,
la loi ne reconnaît plus de protestants en
France; on n'y recomiaîl par conséquent
plus pour valables entre les Français quo
les mariages contractés en lace de l'Kglise;
d'où il suit une in<"apar;ité légale pour le
mariage dans la personne des protestants,
qui, ne voulant point et ne le pouvant point
en conscience, ne se soumettent pas aux
lois reçues dans l'Eglise et dans l'Etat. Cette
position fâcheuse met cependant un grand
nombre de familUs dans \\n état d'incerti-
tude, par rapport h la légitimité <les enfants
et k l'ordre des successions. Il y a longtemps
que les gémissements de nos frères égarés
SG font entendre dans des écrits dictés par
le tolérantisme , la politiipie et l'iuniianité.
Nos tribunaux eux-mêmes semblent an-
noncer la nécessité d'un changement à cet
égard dans notre législation, i)ar les espèces
de faux-fuyants auxquels ils (int recours,
pour éviter l'application des lois subsis-
tantes.
Plus humbles et plus modestes qu'ils ne
l'étaient, dans des temps malheureux où
l'ambition elfrénée de (pielcpies particuliers
leur avait mis les ai'iues h la main contre
l'autorité légitime, les protestants français so
réduisent aujourd'hui A réclamer des modi-
fications, (pu, en assurant leur état civil, no
mettraient jias leui' religion au niveau de la
religion du prince; ils n'aspirent plus h la
d(nnination, ni même h l'égalité ; ils sollici-
tent une tolérance jduti'it civile que reli-
gieuse. Un des articles sur lesquels ils in-
sistent avec le plus tlo raison est celui do
leurs mariages; ils proposent qu'il leur
soit peimis de se marier après trois publi-
cations de bans ii l'audience de la juridiction
prochaine, en présence de témoins et devant
iè juge de leur ilomicile. 11 faut, disent-ils,
ou nous empêcher de nous marier, ou nous
forcer au sacrement, ou déclarer nos ma-
riages concubinaires, ou nous permettre do
nous marier devant des juges séculiers; le
premier de ces partis est un outrage à la na-
ture; le second, une source de sacrilèges ; le
tioisième une insulte aux mœurs et un op-
probre pfiur la nation ; reste donc le qua-
trième. Fermez-nous, continuent-ils, l'entrée
aux dignités, aux charges, aux honneurs,
nous le soulfrirons en silence, comme nous
le faisons depuis longtemps; l'agricultuio
et le commerce nous sullisent ; mais ne vous
opnosez plus à ce que nous nous livrions '
légitimement et liciti'ment à la première, à
la plus puissante et h la plus sacrée de
toutes les impulsions de la nature. Ne nous
condamnez plus à trembler perpétuellement
pour le sort des compagoes do nos travaux
(>t de nos peines, pour l'état de nos enfants.
Quel inconvénient résulterait-il pour le gou-
vernement et pour le catholicisme, do voir
nos mariages scellés du sceau de l'autorité
civile et publique? Nous n'en serions pas
moins des sujets fidèles, des citoyens ]iaisi-
bles. Nous n'en respecterions pas moins la
religion de notre prince et les ministres du ;
culte dominant. Nous en prenons h témoin _'
les Fléchier, les Fénelon , dont nous ne >
prononçons les noms qu'avec vénération et
attendrissement. On ne nous [lersécute plus
ouvertement, on ne répand plus notre sang.
Les armes dont le fanatisme aveugle avait
armé la main d'une politique ombrageuse
ne nous frappent [dus. Mais n'est-ce pas
oublier tout h la fois et les principes d'une
sage administration, et les lois de l'hnma-
luté et do la religion même, que de nous
condamner ou au célibat, ou au concubi-
nage, ou au parjure?. Mânes du grand Henri,
[trotégez-nous I Inspirez pour nous à volro
petit-tils ces sentiments paternels qui vous
rendirent tous vos sujets également chers !
Dites-lui (jue ceux qui ont le malheur do
jienser autrement qiic Rome vous furent
toujours fidèles, et qu'ils le seront toujours
à votre; jtostérité; que c'est une erreur do
fait, de croire qu'il n'y a plus de protestants
dans 1(^ royaume; qu'il y en a encore au
moins deux millions qui ont droit à sa jus-
tice, et que sa justice exige (pi'il réforme ou
modilie des lois qui n'ont pour base qu'une
erreur de fait, de laquelle il résulte qu'une
foule de citoyens sont sans patrie au
milieu de leur patrie même. — Ces récla-
mations n'ont servi jusqu'à présent qu'à
émouvoir les cœurs sensibles, à frajiper les
esiirits justes, et à faire désirer au corps do
la natii'n une réforme dans les lois que
l'on doit aux malheurs des circonstances, et
auxepi elles l'habitude a fait pousser de pro-
foiiues racines.
Les raisonnements philosophiques et po-
liti(|ues ne sont pas les seuls que l'on ait
em|)loyés en faveur du mariage des protes-
tants ; des jurisconsultes ont voulu les dé-
fendre par les lois. Ils citent, pour prouver
la légalité de ces mariages, l'arrêt du conseil
d'Etat du 15 septembre 1685, qui porte que
le roi « désirant donner moyen à ceux des
religionnaires qui voudraient se marier, de
pouvoir le faire commodément dans le pays
où l'exercice de la K. P. R. se trouve liéjà
condamné, ordonne que par les mêmes mi-
nistres qui seraient établis par les inten-
dants pour baptiser ceux de ladite religion,
les religionnaires pourraient se marier,
pourvu que ce fût en présence du principal
officier de la demeure du ministre, et que
les publications et annonces qui doivent
précéder ces mariages fussent faites au
siège royal le plus prochain du lieu do la
demeure des deux religionnaires qui se ma-
rieraient, et seulement à laudience. »
On prétend que cette loi n'a été abolie par
aucun édit subséquent, même par celui révo-
catif de I'édit de Nantes, et que les déclara-
tions de 1698 et de 1724 ne peuvent s'appli-
K95
MAR
MAR
K98
quer qu'aux sujets réunis à l'Eglise, et non
à ceux qui ont persévéré dans le protcslan-
tisme; c'est ce qu'il n'est pas inutile rl'exa-
Qiiner, autant que la mture de cet ouvrage
pourra nous le permettre.
L'édit de 1697, loi générale du royaume,
dit : a Voulons que les onlonnances des
rois nos prédécesseurs, concernant la célé-
bration des mariages , et notamment celle
qui regarde la nécessité de la présence du
propre curé de ceu:! qui contractent, soient
exactement observées ». La révocation de
l'édit de Nantes avait précéilé de plusieurs
années l'édit de 1697 ; il n'y avait plus alors,
aux yeux du législateur, que des catholiques
dans le royaume. Il n'en distinguait que
deux classes, ceux qui ne s'étaient jamais
séparés de l'Eglise et ceux qui venaient de
s'y réunir. L'édit de 1697 porte également
sur tous. S'il pouvait y avoir du douie h
ce sujet, la déclaration du 1.3 septembre 1698
le lèverait absolument : « Enjoignons à nos
sujets réunis à l'Eglise d'observer dans les
mariages qii'ils voudront contracter les so-
lennités prescrites par les saints canons, et
notamment par ceux du dernier concile, et
par nos ordonnances ; nous réservant de
pourvoir sur les contestations qui pourraient
être intentées à l'égard des effets civils de
ceux qui auraient été contractés par eux
depuis le premier novembre 1685, lorsque
nous serons plus parliculièrimicnt informés
de la qualité et des circonstances des faits
particuliers. » La déclaration de 172i est
conçue en termes à pou près semblables, et
confirme de plus fort l'édit de 1697 : « Vou-
lons que les ordonnances, édits et déclara-
tions sur le fait des mariages, notamment
ceux de l'année 1697, soient exécutés selon
leur forme et teneur, par nos sujets nouvel-
lement réunis à la foi catholique, comme
par tous nos autres sujets. »
D'après toutes ces lois, il paraît qu'il n'y a
qu'une seule manière, selon laquelle le ma-
riage puisse être valablement contracté ;
c'est celle prescrit'! par l'édit de 1697 ; les
protestants ne peuvent donc plus se marier
selon la forme portée en l'arrêt du conseil
du 15 septembre 1685. Les pnitestanls eux-
mêmes en ont été si convaincus, qu'ils ont
cessé de se présenter devant les juges des
lieux do leur domicile , pour y célébrer
leuiS mariages; ils se contentent, pour la
plupart, de prendre leurs ministres à témoins
de leuis unions, ce qui s'est appelé se
marier au désert; et ce mariage, d'après nos
lois, est radicalement nul. Mais celle nullité,
que l'on peut dire n'être que de convention,
est un (Time aux yeux de la nature et de
l'honneur, surtout lorsqu'elle est invoquée
par l'homme gui se joue des serments et de
la bonne foi d'une femme. C'est alors, selon
nos lois, quelque ri-i,oureuses qu'elles soient
contre ces sortes d'unions, un quasi-délit
qui donne lieu, en faveur de la femmeabiisée,
à des dommages et intérêts, seule et triste
compensation que nos tribunaux puissent
eccordfr.
C'est ce qu'a développé avec cette éloquence
lumineuse et remplie d'humanité qui le
caractérise, W. Servant, dans son plaidoyer,
dans la cause d'une femme protestante jugée
au parlement de Grenoble en 1767. Jacques
Roux et iMarie Robequin, tous deux protes-
tants, avaient reçu la bénédiction nuplialo
d'un ministre de leur reHgion. Cette union,
dit M. Servant, sacrée dans d'autres temps,
mais iiroscrite dans celui-ci, dura sans alté-
ration durant près de deux années. Un pre-
mier enfant en fut le fruit ; mais bientôt la
division se fit sentir. Roux s'attacha à sa
servante, qui fit contre lui une déclaration
de grossesse. La femme Robequinforma alors
une demande en séparation. Roux répondit
« que li Robequin pouvait se dispenser do
chercher des prétextes [JOur obtenir sa sépa-
ration; qu'il lui a dit, de[>uis plusieurs
années, qu'elle pouvait se marier avec qui
bon lui semblerait ; que le contrat passé en-
tre eux le 23 avril 1764, n'ayant pas été
suivi de la bénédiction nuptiale, il n'existait
point de mariage. » Dans le temps que
Roux brisait tous ses liens, la Robequin por-
tait dans son sein une preuve bien triste de
leur durée. Le 3 mai 1766, elle fut obligée
de faire une déclaration de grossesse. Elle
forma ensuite une demande de 1,200 livres
en dommages et intérêts, outre la restitution
de sa dut et le payement des frais de couches.
Roux obtint de l'évêque de Die des dispenses
pour se marier avec cette môme fille qui
n'avait pas attendu, l'ordre de la religion
pour s'abandonner à lui, et olfrit ensuite à
la Robequin, par excès, disait-il d'équité,
300 livres de dommages et intérêts. La .
cause se présentant dans cet état, M. Ser-
vant n'entreprit point d'établir la légalité du
mariage de Jean Roux et de Mar.e Robe-
quin; mais il démontra que si leur contrat
était nul aux yeux de la loi, il ne l'était pas
aux yeux de la nature, et que légitime en
soi, il suffisait pour iaire naître une action
en dommages et intérêts contre celui qui le
violerait.
Nous regrettons de ne pouvoir mettre
sous les yeux de nos lecteurs tout le plai-
doyer de JW. Servant. Nous nous contente-
rons de citer un passage de sa péroraison,
où l'on retrouve ce tolérantisme juste et
humain, que la religion elle-même se fait
gloire d'avouer, et auquel la politique ne
jieut qu'applaudir. « Ecoutons ces hommes
(les protestants), c'est le moyen de les ga-
gner: c'est la douceur, c'est la charité, qui,
réunissant les cœurs dans la morale, con-
fond bientôt les esprits divisés dans le
dogme. Oui, quand on viendra vous dire
que les protestants vantent votre jugement
et b'nissent leurs juges, vous goûterez une
joie pure, parce qu'en satisfaisant des hom-
lucs égarés dai:s une religion l'ausse, vous
leur donnez une leçon de la vraie. Oh 1 qu'il
est doux, qu'il est honorable d'être aimé,
d'être béni par les hommes de tous les par-
lis ; et pour cela, je ne sais qu'un seul
moyen : il faut être juste envers tous, faire
partout respecter la bonne foi : il faut sou-
tenir l'étranger opprimé centre l'oppresseur
507
MAR
MAR
yo8
qui nous appartient ; il faut, en an mot,
rendre justice les yeux fermés, et tout au
plus les ouvrir ajjrés, pour se réjouir si nos
amis ont profité de notre équité.
K Tel est notre devoir. De [ilus grands des-
seins ne sont pas en notre puissance; c'est
au législateur à les former : c'est aux pro-
testants surtout îi mériter l'avenu-, en se
conformant au présent sans murmurer du
passé; qu'ils cessent de se regarder comme
des enfants oul)liés et rojetés sans ictour du
sein de la patrii; : ils savt'ut si !e iirinco que
nous aimons pourrait regarder le dernier
Français avec inditlérence; tous les actes
d'obéissance leur sont comptés : (|u'ii3 ne so
lassent pas do les multiplier. C'est ainsi
qu'il leur convient d'atta([uer nos lois; c'est
par leur soumission qu'ils doivent en incul-
per la sévérité; c'est par la fidélité qu'ils
doivent ioreer la défiance, et leur silence
parlera mieux en leur faveur que la plainte.
P'nutres parli roui h leur place : ils peuvent
s'en lier à des ministres sages; l'oreille d'un
bon roi est un dépAl sacré oij nulle idée juste
no s'égare; et tandis que les citoyens indis-
crets murnuirenl de la lenteur ou de l'oubli
du bien, peut-être la sagesse mûrit en secret
des fruits que l'im^iatience aurait fait avor-
ter. La politique a ses saisons comme la
nature, et les plus riches moissons restent
souvent cachées dans le sein de la terre.
Quand l'ordic général est sage, les vœux
l)articuliers ne le sont pas : il faut attendre
tout et ne (irécipiter rien ; il faut donner à
nos plaintes les bornes que nous donnons à
nos espérances. »
Nous ne pouvions mieux faire connaître
que par ce nassage d'un plaidoyer d'un
magistrat céléure, l'esprit qui guide nos tri-
bunaux. Ils respectent les lois existantes,
en désirant qu'elles soient abolies ou modi-
fiées ; ils font apercevoir aux protestans un
avenir plus heureux, et sont justes à leur
égard autant que leur permet la loi, dont ils
ne sont qui' les d positaires. C'est ce qu'é-
prouva Marie Robequin. Le Parlement de
Grenoble lui adjugea les dommages et inté-
rêts qu'elle demandait. Concluons do tout
ce que nous venons de dire, que dans l'élat
actuel de notre législation, les mariages des
protestants, contractés devant leurs minis-
tres , sont nuls et ne peuvent produii-e
aucuns ell'ets civils. Tout ce ciu'on a écrit
jusqu'à présent pour établir leur validité
prouve peut-être que nos lois îi cet égard
ont commis une erreur de fait; mais ellfs
n'en existent pas moins ; et tant qu'elles ne
Si'ront pas abolies ou réformées, nos Iribu-
naux ne pouiront pas s'empêcher de s'y
cont'ormei'. Ain.-i, lorsque ces mariages sont
attaqués par d'autres que par les père et
mère, ou un dos cenjoinls, on ne les défend
point en Iraiiant le fond de la question
môme. On s'attache uniquement k la fin de
Don-recevoir prise de la possession d'état.
Cette fin de non-recevoir réussit ordinaire-
ment contre des collatéraux toujours défa-
vorables.
Le sieur Gravier, né h Bergerac, avait
quitté de bonne heure le lieu de sa nais-
sance poar se livrer au conuuerce. Après
avoir été commis chez des négociants à
Limoges, il devint leur associé. Dans un des
voyages qu'il fiisait h raison de son com-
merce, il prit du goûl pour Madeleine Rous-
seau, fille d'un aubergiste de Jonzac en
Saintonge.
Le 15 juin 1753, la mère du sieur Gra-
vier lui envoya une procuration adressée
au sieur Magnac, portant pouvoir d'assis-
ter, en son nom, au mariage de son tils avec
la demoiselle Rousseau. Le 18 septembre
de la môme année, il fut passé devant no-
taire un contrat (jui régla les conventions
matrimoniales. En 175V, le sieur Gravier
revint à Rergerac et s'y fixa- Il y vécut avec
la demoiselle Rousseau comme avec son
épouse; en eut plusieurs enfants, et décéda
en 1772, après avoir fait un testament, par
lequel il déclare qu'il a été marié avec
la demoiselle Rousseau , qu'il en a eu
plusieurs enfants, et qu'il l'institue son hé-
ritièiC générale et universelle. La oienioi-
sello Rousseau, se regardant comme la veuve
du sieur Gravier, et connue mère légitinie
de ses enfants, se mit en devoir d'exécuter
le testament de son mari. En qualité de son
héritière instituée, elle réol;uua ses droits
dans la succession de son père et en de-
manda le partage. Les sœurs du sieur Gravier
commencèrent par demander à sa veuve
qu'elle justifiât la légitimité de son mariage.
Celle-ci fit signifier un certificat du curé
d'Avi en Saintonge, qui attestait qu'il avait
célébré le mariage en présence de témoins.
Mais cet acte ne se trouvait point inscrit
sur les registres de la paroisse d'Avi : on
n'y counaissait aucun dos témoins qui y
étaient dits avoir assisté à la célébration du
mariage. Le curé d'Avi n'était point le
propie curé du sieur Gravier. Le défen-
seur de la veuve excipa cependant du cer-
tificat du curé d'xVvi; mais il insista surtout
sur 1,1 possession d'état do la veuve et
des enfants du sieur Gravier. Deux cir-
constances assez singulières semblaient af-
faibUr la force de cette possession. Le 21
novembre 1757, le parlement de Bordeaux
rendit un arrêt, par lequel, en ordonnant
l'exécution des ordonnances du royaume
sui- le fait des mariages, il fit inhibition et
défense à tous les sujets du ressort, de se
faire marier par autres que les curés des
paroisses où ils habitaient : et à tous ceux
qui avaient contracté des mariages devant
d'autres que leurs curés, de se hanter ni
fréquenter avant qu'ils les eussent fait ré-
habiliter; déclaiait les cohabitations faites
en vertu de tels |irétendus mariages, être
des concubinages, et les enfants qui en se-
raient |irovenus, illégitimes (t bâtards, et
comme tels incapables de toutes successions
tant directes que collatérales. Le procu-
reur du roi de Bergerac, en exécution de
cet arrêt envoyé dans toutes les sénéchaus-
sées, dénonça plusieurs partieulirrs de Ber-
gerac. De ce nombre furent le sieur Gra '.er
et la demoiselle Rousseau. Ils furent décré
599
MAft
MAR
eoi)
tés l'un ctl'autro d'ajournement personnel.
Une sentence du 3 juillet 1758 leur enjoi-
gnit de se séparer, et leur défendit de conti-
nuer à cohabiter ensemble, h peine d'être
poursuivis extraordinairement. L'autre cir-
constance, non moins importante, est que
les trois enfants du sieur Gravier et de la
demoiselle Rousseau avaient été bajitisés
comme enfants naturels, et illégitimes, quoi-
qu'un d'entre eux eût été tenu sur les lonts
de baptême par une des sœurs du sieur
Gravier. A ces deux moyens, la veuve
Gravier répondait que la sentence de la
sénéchaussée de Bergerac n'avait jamais
été signifiée, si elle avait existé, et qu'elle
n'était point produite. Quant aux extraits de
baptême de ses enfants, elle disait qu'il ne
dépendait point d'un curé rt'ôter ni de
donner un état aux enfants qu'il baptisait ;
qu'en donnant aux siens les qualiflcations
qu'il leur avait données, il avait franchi les
bornes de son ministère; que plusieurs ar-
rêts qu'elle citait avaient, dans des circon-
stances pareilles, réprimé les curés, et elle
demanda que les extraits de baptême de ses
enfants fussent réformés. Au surplus, ajou-
tait-elle, l'injure que le curé de Bergerac
nous a faite n'est pas un titre dont on puisse
abuser contre nous : nous avons vécu pu-
bliquement comme mari et comme femme;
notre cohabitation a été respectée par les
deux puissances; nos enfants sont nés sous
leurs yeux; nous avons donc possédé, nous
avons donc imprimé à notre possession
tous les caractères qu'il fallait qu'elle eût
pour former une possession légale. Les
actes secrets du curé de Bergerac, qui n'é-
tait pas notre juge, n'auraient pas dû la
troubler; ils ne l'ont donc pas troublée.
Par arrêt rendu sur les conclusions de M.
l'avocat général du Paty, le 16 juin 1775, le
Parlement de Bordeaux, sans s'arrêter à
l'appel comme d'abus, incidemment inter-
jeté par les demoiselles Gravier, du mariage
du sieur Gravier, leur frère, les a débou-
tées de toutes leurs demandes : en consé-
quence il a maintenu la veuve Gravier
dans sa possession, et lui a adjugé toutes
ses conclusions, excepté l'impression et l'af-
fiche de l'arrêt.
Si le mariage de deux protestants, con-
tracté devant leurs ministres, est légalement
nul, à plus forte raison celui d'un catholique
avec une protestante, ainsi contracté, le sera-
t-il aussi. C'est la disposition textuelle de
l'édit de novembre 1680, enregistré au mois
de décembre suivant. Cet édit est exécuté.
Nous en avons vu un célèbre exemple dans
l'affaire du sieur deBombelle et de la demoi-
selle Camp L'éloquence a en vain plaidé la
cause de la demoiselloCamp, ellen'a pu faire
plier la loi. Les protestants ne regardent
point du même œil ces alliances. Us pensent
qu'un protestant peut licitement épouser
une catholique. Le dernier synode calviniste,
tenu à la Rochelle , décida que la diversité
dos religions ne devait point cm[)êeher le
mariage, à cause du passage do saint l'ouï,
qu'une lemme Qdèle sanctifiait un mari ido-
lAfre. Cette décision fut un des motifs dont
on se servit pour déterminer la reine de Na-
varre à consentir au mariage de son fds
(Henri IV) avec Marguerite de Valois, sœur
de Charles IX, pour la célébration duquel on
obtint les dispenses de la Cour de Rome.
Nous n'avons en France aucune loi concer-
nant le mariage desintidèles, c'est-à-dire qui
ne seraient pas chrétiens. Nous aurons bien-
tôt occasion de parler du mariage des Juifs
et de celui des Français contractés en pays
étrangers. Quant aux princes du sang royal,
Voy. Empêchement du mariage.
§ 111. Comment se contracte le mariage. Le
seul consentement des parties, avons-nous
dit plusieurs fois, forme le mariage. Ce seul
consentement suffit-il pour l'élever parmi
les chrétiens à la dignité de sacrement? Cette
question conduit à celle de savoir quel est
le ministre de ce sacrement ; question sur
laquelle les théologiens sont partagés. On
convient que le consentement donné selon
les lois est la matière du sacrement. L'accep-
tation mutuelle des parties, par paroles ou
par signes, en est la matière. Quant au mi-
nistre, les uns prétendent (jue ce sont les
parties contractantes elles-mêmes qui s'ad-
ministrent le sacrement ; les autres soutien-
nent que le prêtre est seul ministre. La pre-
mière opinion parait la plus conforme à l'an-
cienne législation, on peut la suivre sans
donner atteinte à la législation actuelle, par-
ce que quand le prêtre ne serait pas le minis-
tre du .sacrement, il est, môme dans ce sys-
tème, un témoin tellement nécessaire, que
sans sa présence il n'y a point de sacrement.
On peut voir, à l'article Empêchement du
mariage, comment les princes ont ordonné
l'union du contrat civil et de la bénédiction
nuptiale, pour rendre le mariage parfait et
lui faire produire tous les efl'ets civils. Nous
nous contenterons de dire ici que la bénédic-
tion nuptiale est de la plus haute antiquité
dans l'Eglise. On trouve cet usage dans Ter-
tullien, dans saint Isidore de Séville, dans
saint Ambroise, dans le concile de Carthage
de l'an 398. Le pape Innocent I", dans sa
lettre à Victrice, évêque de Rouen, en parle
en ces termes : Beneaictio quœ per sacerdo-
tem nuhentibus imponitur.
Mais nos auteurs les plus instruits assurent
en même temps que ce n'était qu'un pieux
usage ; ils le prouvent j)ar les lois do Justi-
nien, dont nous avons rendu compte au mot
Empêchement. Ils vont même jusqu'à sou-
tenir que cette bénédiction n'était pas néces-
saire pour que le contrat civil devint sacre-
ment, et ils s'autorisent de la réponse du
pape Nicolas I", à la consultation des Bul-
gares dans le ix' siècle. Après avoir décrit
les formalités en usagedans l'Eglise romaine
pour la célébration des mariages, parmi les-
quelles se trouve la bénédiction sacerdotale,
le pape ajoute : pcccatum autem esse si hcrc
cuncta in nuptiali fœdere non interveniant, non
discimris, quemadmodum grœcos vos adstruere
dicilis, prœsertim cum tatila soleat arctare
quosdam rerum inopia ut ad hœc prceparanda
nullum hit suQ'ragetur auxilium, ac per Ao(?
m
MAR
MAR
m
mfficiat necundum Icges, solus corumconSen*^tr8S-^la!rement. Sess. 2V, cnp. 1, de Reform.,
sus de quorum conjunctionibus aailur. On
voit par l:i qiio le pa()e ne considcrait |iaslo
]irôtre comme ministre essentiel du sacre-
nnuit, ot la bénédiction nuptiale comme en
étant la forme, puisque, selon lui, le seul
consentement des parties contractantes suf-
fit, pourvu qu'elles soient, selon les lois,
habiles h se marier.
Jîientôt unnouvel ordre de choses s'établit
en France. Nos rois, à l'exemple des empe-
reurs romains, déclarèrent la bénédiction
nuptiale essentielle au Diariage. C'est ce que
l'on voit dansplusieurs Capitulairesde Char-
lemagne et de ses successeurs. Il paraît que
ces lois avaient in vue de remédier aux in-
convénients que [produisent les mariages clan-
destins, et irem[)6cher les parents aux de-
grés prohibés de les contracter entre eux. Ne
chrisliani ex propinquitaCe sui sanguinis con-
nubiaditcant,nec sine bcnediclionc sacerdotis,
cum virginibun nubcrc audeant, neque viduas
absquc suorum acicerdoCum consensu et con-
nivenlia plebis ducere pr(csumant{CapiC. 408,
lib. vi). On voit cumbien est ancien l'usage
de ne donner la bénédiction nuptiale qu'aux
mariages de tilles, et de se contenter, pour
les veuves, de la présence du prêtre. Les
seconds mariages ne seraient-ils pas élevés
à la dignité de sacrement comme les pre-
miers? Sancitum est ut publiée nupliœ ab
his qui nubere cupiunt fiant, quia sœpe in nup-
tiis clam factis gravia peccala.... et hoc ne
deinceps fiât, oninibns cavrndumest ; sed prius
conveniendus est sacerdos in rujus purochia
nuptiœ fieri debent, ut in Ecclesiu coram po-
pulo, et ibi inquirere una cum populo ipse
sacerdos débet , si ejus propinqua sit an
non postquam isla ninnia probata fue-
rint, et niliil impedirrit, lune, si virgo fuc-
rit, cum brticdictionc sacerdotis, sicut in sa-
cramenturio continelur, et cum consilio mul-
torum bonorum hominum publiée et non oc-
culte ducenda est uxor ICapit. 179, lib. vu).
On retrouve des dispositions semblables dans
d'autres Capitulaires et dans le concile do
Trosti, tenu en 900, sous Charles le Simple.
Ces lois tombèrent en désuétude : on ne
regarda plus la bénédiction nuptiale et la
célébration du mariage, en face de l'Eglise,
comme nécessaires absolument pour la vali-
dité du sacrement. Il était censé valablement
contracté par cela seul que les parties s'é-
taient réciproquement promis de se prendre
pour mari et femme; c'est ce qu'on aji[ielait
sponsalia de prœsenti. Cet état de choses est
prouvé par plusieurs décrétales d'Alexandre
111 et irlnnocent 111.
Ces soi'les de mariages furent appelés clan-
destins. Le concile deLatran, sous liniocent
III, les défendit. .Mais û ne les déclara pas
nuls, lorsque les parties étaient d'ailleurs ca-
pables de les lontractei' ; il se contenta d'or-
donner qu'on leur imposerait en ce cas une
pénitence : his qui taliler prœsumpsrrint ,
eliam in grudu concesso, copulari, condigna
pœnitentia injungatur. Ils furent donc sup-
posés valiiles , (|uoique déclarés illicites.
Q'tst ce que le concile de Trente a expliqué
rapporté ci-dessus. L'on y voit clnireniont la
distinction entre les mariages tout h la fois vali-
des et licites, et ceux qui ne sont que valides.
Le concile déclare que jusqu'alors les ma-
riages clandestins, c'est-à-dire ceux faits sans
la bénédiction et l'intervention sacerdotales
ont été illicites, semper detestata est atque
prohibuit ; mais qu'ils ont été valables com-
me contrats civils et comme sacrements, rata
et vera esse matrimonia quandiu Ecclesia ea
irrita non fecit. Le mariage verum est le con-
trat civil ; le mariage ratiwi est le sacrement.
C'est le sens que donnent les canonistes à
ces expressions verum et ratum, d'après une
décision d'Innocent 111. Etsi malrimonium
verum inter infidèles existât, non tamen est
ratum; inter fidèles autcm verum et ratum
existit.
Le concile de Trente, en condamnant l'o-
pinion do ceux qui avaient regardé jusqu'a-
lors comme nuls les mariages clandestins,
rendit hommage aux principes sur lesquels
ils se fondaient, en les déclarant lui-mémo
nuls pour l'avenir. Son décret est congii en
ces termes : Qui aliter quiim prœsente paro-
cho vel alio sacerdotc de ipsius parochi seu
ordinarii licentia, et duobus vel tribus testi-
bus matrimonium contraherc attentabunt, cos
sancta synodus ad sic contrahendum matrimo-
nium omnino inhabiles reddit, et hujusmodi
contractas irritas et nullos esse decernit. Ce
décret est sans doute très-sage; maison jugea
enFrancf que le concile avait en c(da, comme
en beaucoup d'autres choses, entrepris sur la
puissance temporelle, en ce que son décret
portait non-seulement sur le sacrement, mais
encore sur le contrat civil. On crut devoir le
faire exécuter, non pas comme décision do
l'Eglise, mais comme une loi &■' l'Etat.
L'ordonnance de Blois, article 40, t>orte :
«Nous avons ordonné que nos sujets ne pour-
ront valablement contracter mariage sans
proclamations précédentes.... a[)rès lesquels
bans seront épousés publiquement; et pour
témoigner de la forme, y assisteront quatre
témoins dignes de foi, etc.» L'article 4V dé-
fend à tous notaires, sous peine de punition
corporelle, de recevoir auc'unes promesses
do mariage, par paroles de présent. L'édit du
mois d'aoï^t 1606 veut que les causes con-
cernant les mariages appartiennent il la con-
naissance des juges d'Eglise, K la charge
qu'ils seront tenus de garder les ordonnan-
ces, môme celle do Blois en Vartirle 40 , et
suivant icelles, déclarer les mariages qui
n'auront été faits et célébrés en l'Eglise, et
avec les formes et solennités requises, nuls
ot non valablement contractés, conune peine
imlicto par les conciles. La liéclaration do
1639 ordonne l'exécution de l'arliclo 40 do
l'ordonnance de l?lois, et, en l'interfirétant ,
ajoute qu'à la célébration d'iceUii mariage^
assisteront quatre témoins avec le curé qui
recevra le consentement des parties, et les
conjoindra en mariage, suivant la forme
pratiquée an l'Eglise : fait défenses à tous
prêtres de célébrer aucuns mariages, qu'en-
tre leurs paroissiens, sans la permission par
60S
MAR
MÀR
601
écrit du curé ou del'évêque. Enfin l'élit ^4
1691, que nous avons déjà tant cité, « veut
que les ordonnances des rois nos prédéces-
seurs, eoncernant la célébration des mariages,
et notammenl celles qui regardent la nécessité
de la présence du propre curé de ceux qui
contractent, soient exactement observées. »
D'après ces lois, le curé n'est pas seulement
un témoin passif; il doit recevoir le consen-
tement des parties et les conjoindre en ma-
riage, suivant la forme pratiquée en l'Eglise;
ce sont les propres expressions de la décla-
ration de 1639 : il ne suffit donc pas aux
deux parties de se présenter simplement de-
vant leur curé , et de lui déclarer qu'ils se
jirennent pour mail et pour femme, il faut
encore que le curé reçoive leur consente-
ment ; s'd le refuse, il n'y a d'autre voie à
prendre ([ue do se pourvoir devant le juge
ecclésiastique, c'est-à-dire devant l'ofticial,
ou, par appel comme d'abus, devant le Par-
lement. La présence et le concours du pro-
pre curé sont donc devenus nécessaires pour
la validité des mariages dans tout le monda
catholique, soit en vertu du décret du concile
de Trente, soit en vertu des lois de l'Etat,
comme en France ; mais que faut-il en-
tendre par le propre curé des parties con-
tractantes ? C'est ce qu'il est important d'exa-
miner avec soin.
Par le (iropre curé des parties, on entend
le curé du lieu où elles font leur résidence
ordinaire. Lorsqu'une personne demeure
une partie de l'année dans un lieu, et l'autre
partie dans un autre, son curé est celui du
lieu oii elle fait sa principale demeure, où
elle fait ses piques, où elle a coutume de se
dire demeurant dims les actes qu'elle passe ,
où elle est imposée aux charges publiques.
Si l'on change le lieu de sa résidence, il faut
au moins avoir demeuré six mois dans le
lieu de sa nouvelle demeure, lorsque l'on
sort d'une paroisse du môme diocèse, et un
an, lorsque l'on change de diocèse. Cet objet
était trop impoitant pour que nos lois le
laissassent indécis ou arbitraire : « Défen-
dons, dit l'édit du mois de mars 1697, à tous
curés de conjoindre en mariage, autres per-
sonnes que cfux qui sont leurs vrais pa-
roissiens, demeurant actuellement et publi-
quement dans leurs paroisses, au moins de-
puis six mois, à l'égard de ceux qui demeu-
raient aupararant dans une autre paroisse de
la même vdie ou du même diocèse, ou de-
puis un an, pour ceux qui demeuraient dans
un autre diocèse.
Le ciiré des mineurs est celui de la de-
meure de leurs pères et mères, tuteurs et
curateurs, quand môme ils auraient un do-
micile de fait ailleurs, sauf ([u'en ce cas leurs
bans doivent être aussi publiés en la paroisse
du lieu de ce domicile défait: «Déclarons, dit
encore l'édit de 1697, que le domicile des
fils et lldes de famille, mineurs de vingt-cinq
ans, pour la célébration de leur mariage, est
celui de leurs pères et mères, ou de leurs
tuteurs ou curateurs, après la mort de leurs
dits pères et mères, et en cas qu'ils aient
un autre domicile de fait, ordonnons que les
bàns seront publiés dans les paroisses où ils
demeurent, et dans celles de leurs pères et
mères, tuteurs et curateurs. »
L'évèque, comme [tremier pasteur du dio-
cèse, est compétent pour la célébration du
mariage de tous ses diocésains, résidant au
moins depuis un an dans son diocèse : il peut
permettre que l'on se marie devant tout
])rôtre qu'il indique et qui se trouve par
là son mundalniie ou son délégué. Les curés
peuvent également déléguer-pour cette céré-
monif leui'S vicaires ou de simples prêtres
habitués à leurs paroisses; il n'est pas alors
besoin de permission par écrit, la qualité d»
vicaire ou de prêtre habitué la suppose ;
si c'est un prêtre étranger qui célèbre le
mariage, il faut que le curé soit présent ou
qu'il donne une permission par écrit.
La présence du propre curé est prescrite
par nos ordonnances, à peine de nullité de
mariage ainsi contracté; c'est ce qui résulte
do la lettre et de l'esprit île la déclaration de
1639, et de l'édit de 1697. Cette nullité est
absolue, elle frappe sur les mariages des ma-
jeurs comme sur ceux des Hiineurs, la loi ne
distingue point. Quelque absolue que soit
cette nullité, la loi n'ordonne cependant pas
que l'on sépare pour toujours ceux au ma-
riage desquels on n'aurait d'autre reproche
à làire que le défaut de présence du curé.
Elle veut qu'à la requête des promoteurs
dans certains cas, ou à celle des procureurs
du roi, les parties siront contraintes de se
retirer par-devant les archevêrjucs ou évo-
ques, poui' faire réhabiliter leurs mariages,
après avoir subi la pénitence qui leur sera
imposée. On peut conclure de ces disposi-
tions de la déclaration du 15 juin 1697, ciue
si le législaleur regarde comme une nullité
dans les mariages le défaut do présence du
curé, il désire, pour l'avantage des conjoints
et pour assurer l'état de leurs eidànts, qu'ils
réparent cette faute, et il porte même les
choses jusqu'à ordonner au ministère pu-
blic do les y contraindre. Ces considérations
ont sans doute été les motifs de quelques
arrêts qui ont déclaré des parties non-re-
cevables dans l'appel comme d'abus, inter-
jeté delà célébration de leur mariage, sous
prétexte qu'il avait été célébré par un prêtre
incompétent, lorsque leur appel n'avait été
interjeté qu'après un long temps de cohabita-
tion publique et sans que personne se fût
jamais plaint de ce mariage.
« Il y a quelquefois, dit M. d'Aguesseau,
tome V de ses œuvres, des cii constances
assez fortes, suivant les règles de la police
extérieure, pour fermer la bouche à la mau-
vaise foi et à l'inconstance de ceux qui ré-
clament, sur ce fondement (du défaut de la
présence et du consentement du propre curé)
contre un consentement libre et une longue
possession ; il faut au moins, en ce cas,
qu'il paraisse que la justice ne se détermine
que par les fins de non-recevoir, et qu'en
déclarant les parties non-recevables , elle
ajoute toujours que c'est sans préjudice à.
elles de se retirer par-devant l'évoque pour
réhabiliter leur mariage, si faire se doit. »
cns
MAR
MAR
f.OÔ
Dans des cas semblables à celui que sn[i*
pose M. d'Aguesseau, lesmagislrats n'enfrei-
gnent point la loi. Ils déclarent seulement
3ue tel individu qui l'invorpie est di^no
'ôtre sous s.i inoteition, parce qu'il n'est
point de loi qui ait clé portée dans la vue
(le favoriser le dol et la mauvaise foi. Quand
il s'agit de faire peitlrc un état à une femme
et à des enfanls qui en ont joui longtemps
j)ubliquem lit et paisiblement, il vaut mieux
suiiposerque les lois ont él6 observées dans
la célébration du mariage, que de croire un
homme (jui n'est proba'ili'ment dirigé que
jiar des motifs d'intérêts ou autres encore
plus condamnables. Les arrêts qui ont dé-
claré non-rccevables des parties qui récla-
maient contre leurs mariages, sont donc des
arrêts de circonstances, qui n'affaiblissent
en rien le principe, que le défaut do ]irésence
ou de consenlvment du propre curé opère
une nullité radicale, que rien ne peut cou-
viir.
De la nécessité de la présence du propre
curé il suit que les mariages, contractés
par des Fiaui^'ais en pays étrangers, sont or-
dinairement nuls. Nous disons ordinaire-
}H(nt, parce que ces sortes de mariages p-u-
vmt être valides. On croit communément
qu'un Fran(,ais ne peut pas .-e marier en
pays étranger, et on répète assez sirivent
que ces sortes de mariages sont prohibés
par nos ordonnances. L'on cite la décinralion
du 16 juin 1GS5. Cette loi n'a en vue que
les protest nts qui sortaient du royaume
pour se marier. L'époqu • ^ laquelle elle a
élé renilue et son texte le prouvent assez.
« Nous défendons, dit le législateur, expres-
séujcnt h tous nos sujets, de quelque qua-
li;é et cond.tiou qu'ils soient, de consentir
et approuver ?i l'avenir, que leurs enfants
ou ceux dont ils seront tuteurs ou cura-
teurs, se maiient en pays étranger, soit on
signant les contrats qui pourraient être faits
pour lesdits mariages, soit par actes posté-
rieurs, pour quelque cause et sous (juelque
prétexte que ce soit, sans notre permission
expresse, à peine do galères à iicrpétuité, h
i'égard des hommes, et de bannissement
perjiéluel pour les femmes, et de confisca-
tion de leurs biens : et où ladite confisca-
tion n'aurait lieu, de 2,U00 liv. d'amende
contie les pères et mères, tuteurs ou cura-
teuis, qui auraient contrevenu h ces présen-
tes, laquelle dite amende payable par eux
sans déport. »
Les peines infligées par le législateur à
ceux qui consentiront que des Français, en
leur puissance, se marient dans les pays
étrangers, fut assez connaître combien ces
sortes de mariages sont contraires k ses vues
et h ses intentions. Mais il a plutôt inten-
tion d'empêcher que ses sujets ne sortent du
royaume pour former des établissements
ailleurs, que de prononcer la nullité de leurs
mariages. C'est ce qu'il annonce clairement
dans le préambule de la décliration, lors-
qu'il dit : « Nous avons été informés que
plusieurs de nosdits sujets malintentionnés
n notre service et à la patrie, ou par d'autres
raisons et motifs, procurent le mariage da
leurs enfants ou de ceux dont ils sont tu-
teurs ou curateurs hors de notre royaume,
pour s'y établir et y faire leur demeure
pour toujours, renonçant par ce moyen
au droit qu'ils ont par leur naissance d'être
nos sujets et de jouir des avantages qu'elle
leur donne, etc. » Qu'un Français se ma-
rie dans les pays étrangers sans intention
d'ubandoimer sa patrie, qu'il y revieruie
ensuite avec son épouse, on ne pourra ojt-
poscr à son mariage la déclaration du 1(5
juin 1GS3, [)arce que le h'gislateur n'a cer-
tainement point en vue d'annuler de pa-
reils mariages, mais seulement d'cnq>êcher
qu'on ne favorise ceux des Français qui ab-
diquent leur patrie.
Une ordonnance du 16 août 1716 exclut
de toutes charges et administrations pu-
bliques , et des assemblées du corps de
la nation dans les échelles du Levant, les
ni''gociants français qui y épouseront des
filles ou veuves nées sous la doudnation
du Grand-Seigneur; et dcsdites charges et
administrations ceux qui, n'ayant pas r.lge
d ' trente ans, épouseront, sans le consen-
tement de leurs pères et mères, des filles
même des Français. Une autre ordonnance
du 21 décembre, même année, exclut des
droits et privilèges appartenant h la nation
française dans les villes et j orts d'Italie,
d'^Fspagne et de Portugal, les enfants nés
des mariages contractés entre les Français
naturels ou entre les étrangers naturalisés
Français et les filles du pays. Ces deux or-
donnances n» prononcent point la nullité
des mariages dont elles parlent, quoique con-
tractés hors du royaume; elles les pri-
vent seulement de quelques-uns des effets
civils, parce que l'usage de se marier ainsi
en pays étrangers est préjudiciable au bien
de l'Etat, eh ce qu'il engage ceux n\ie le
commerce attire dans ces pays h s'y établir
pour toujours, ce qui prive le roj'aume
de bons sujets et des biens qu'ds en ont
emportés.
Si les mariages célébrés en pays étran-
gers sont pour l'ordinaire nuls, ce n'est
pas en vertu de quelque loi particulière
qui les déclare tels , mais en vertu des
lois générales existant dans le royaume,
ue l'on a cherché à éluder, en se mariant
ans un pays où elles n'ont point d'cnqùre.
Qu'un mineur, qui veut épouser une fille
malgré sa famille qu'il sait s'y opposer,
passe h Liège ou à Pruxelles; qu'il s'y
fasse suivre par l'objet de son amour ; que
là il l'épouse en observant les formalités
requises d ins le lieu de la célébration, ce
mariage est nul, et par le défaut du con-
sentement de ceux dont dépend le mineur,
et ] ar le déiaut de présence du proiire curé :
les lois qui le soumettent à ces deux con-
ditions sont personnelles à tout Français ,
le suivent partout, et ne peuvent cesser .^
de l'obliger qu'au moment où il ces''_^^j.j^
d'ètie Français. 11 n'est donc point '^\onuant
que tant de mariages célébrés ov ^'^ ^^^^^^
gers aient ete annulés sur le- „.„'„,•; ^„n,iu,
,
.o apiiels comme
^
607
MÀR
MAR
(i08
d'abus interjetés par les pères et mères, ou
autres parties intéressées. Ils étaient tous
infectés de quelque vice radical, qui n'avait
pu être couvert par la célébration hers du
royaume. C'est ce qu'ont jugé les arrêts
de" 1711, 1703, et autres rapportés par
Denisard.
Un Français qui aurait sa résidence dans
un pays étranger, pourrait donc s'y marier
valablemont, pourvu iju'il ne le fasse pas en
fraude de nos lois. Polbier assure qu'un
Français qui résiderait dans un pays où il
n'y a pas d'exercice de la religion catholi-
que , qui contracterait avec une femme ca-
tholique, dans la cliapelle d'un ambassadeur
catholique, et devant l'aumônier de l'ambas-
sadeur, formerait un mariage valable , n'y
ayant pas, dans ce cas, de fraude, et le jna-
riaçfi n'ayant pu être céiéliré autrement. No
serait-il pas absurde de soutenir qu'un Fran-
çais, que son état ou ses affaires retien-
draient pendant plusieurs années hors du
royaume , serait nécessairement condamné
à garder le célibat pendant tout ce temps?
Il doit observer les lois di^ sa patrie autant
qu'il est en lui, mais il n'est pas tenu à l'im-
possible.
11 est des personnes qui , par état ou par
profession, n'ont aucun domicile; tels sont
les étrangers, les marchands porte-balles ,
les ouvriers qui parcourent successivement
différentes villes sans se fixer dans aucune.
On demande quel est le propre curé de ces
personnes, et à quel prêtre elles doivent s'a-
dresser pour célébrer leurs mariâmes?
Le concile de Trente , sess. 2k, c. 7, de
Rcform., a prévu cette difliculté. Il a or-
donné aux curés, ne illorum matrimoniis in-
tersint , nisi prius diligcntem inquisitioncm
fecerint, et re ad ordinnrium delatn, ah eo li-
ccntiam id faciendi oblinueiint. Celte disposi-
tion du concile a été adoptée parmi nous par
l'usage ; car nos lois sont muettes sur ce cas
particulier. Il faut donc alors s'adresser à
l'évêqne du domicile de la partie avec la-
quelle on contracte, pour lui demander dis-
pense du défaut ile domicile ; l'évoque no
doit l'accorder qu'en connaissance de cause,
et après une information pour s'assurer de
la vérité des faits qu'on lui a exposés. La
dispense n'est accordée que sous la condi-
tion sine qua non, que l'évoque n'a point été
trompé. On a un exemple d'une pareille dis-
pense accordée au comte des Goûtes , par
M. le cardinal do Noailles, archevêque de
Paris ; mais comnie elle avait été obtenue
sur un faux exposé, le mariage n'en lut pas
moins déclaré nul, après la mort du comte
des Goûtes, par arrêt du .31 janvier 1737.
Si les deux parties contractantes sont gy-
rovagues, c'est-à-dire n'ont ni l'une ni l'au-
tre de domicile, ni résidence, elles doivent
se présenter à l'ordinaire du lieu où elles
veulent se marier. C'est ce que prescrivent
nos llituels, entre antres celui a'Auch. Par
arrêt du G juin 1760, il fut dit n'y avoir abus
dans le mariage du sieur Pitrot, maître des
bail ts de la Comédie Italienne, avec Louise
Jtegis, comédienRe, célébré à Varsovie, par
le vicaire général de l'archevêché de Gnesne
et de Varsovie , dans une église paroissiale,
en présence de plusieurs témoins. Cet arrêt
prouve deux choses ; 1° que le mariage n'est
pas nul, par cela seul qu'il a été contracté
en pays étranger ; 2° que les gyrovagues
n'ont d'autre propre curé que l'évêque du
diocèse dans lequel ils se trouvent.
Une ordonnance du 23 septembre 1713
défend à tous recteurs, curés,' aumôniers et
prêtres, de marier les officiers de marine
sans la permission du roi, à peine d'être pu-
nis comme fauteurs et complices du crime
de rapl. Nous ne voyons pas qu'elle ait été
enregistrée dans aucun tribunal.
Ai)rès avoir établi la nécessité de la pré-
sence du propre curé des parties , après
avilir fait voir quelles sont les exceptions à
cette loi, il nous reste à examiner si , dans
le cas où les parties no seraient pas de la
même paroisse, le concours des deux curés
est nécessaire, et quelles sont les peines in-
fligées aux curés qui marieraient lies per-
sonnes qui ne seraient point de leurs pa-
roisses.
La première de ces questions est traitée su-
périeurement par M. d'Aguesseau, dans un
mémoire qui se trouve au lome V de ses
Olùivres : il distingue trois cas. Le premier
est lorsque les bans ont été jiubliés dans les
iiaroisses respectives des parties ; il n'y a pas
liou dans ce cas à la (juestion. Le curé qui dé-
livre le certificat de la publication des bans
donne parla même son consentement auma-
riag'e, et y concourt d'une manière suffisante.
Le second cas est lorsque les parties obtien-
nent de l'évêque dispense do trois bans.
Alors le mariage célébré par le curé d'une
des parties est valable. L'évêque est censé
l'avoir approuvé par la dispense des bans ;
et comme il est le premier pasteur des par-
ties, sou consentement équivaut à celui des
deux curés. Enfin le troisième cas est celui
auquel les bans n'ont été publiés (jue dans
la paroisse de l'une des ]iarties, dont le cu-
ré à célébré le mnritt^e. Dans ce cas, M. d'A-
guesseau soutient le mariage nul par le dé-
faut de consentement du curé de l'autre par-
tie. Son principal motif est qu'alors le mar-
riage est infecté du vice de la clandestinité.
Un mariage est clandestin , dit ce célèbre
magistrat, 1° par le défaut d'une forme et
solennité requise, k peine de nullité ; 2°
lorsque l'omission de cette forme peut por-
ter préjudice à des tiers, en leur dérobant
la connaissance d'un mariage qu'ils peuvent
avoir intérêt de connaître et d empêclier.
M. d'Aguesseau voit le défaut d'une forme
et solennité prescrite, à prine de nullité ,
lorsque le curé d'une des parties ne consent
et ne concourt point à leur mariage. L'obli-
gation de se marier devant le profire curé ou
de son consentement est également imposée
h l'une et h l'autre partie , et par le concile
et par les ordonnances. Dès lors il ne suffit
point que le mariage soit célébré par un des
deux curés à l'insu de l'autre. Il n'est pas
vrai dans ce cas que les conjoints se soient
mariés coram proprio parocho aut de ejus
009
MAR
MAR
€10
licmtia, puisque le curé d'une d'elles ignore
le mariage. La loi est donc violée ou, pour
mieux dire , une solennité requise h peine
de nullité est omise. Il est encore plus évi-
dent que ce mariage renferme le second ca-
pHCtère de clandestiniti^ , qui consiste dans
le préjudice que le défaut de forme fait à
des tiers, auxquels il dérobe la connaissance
d'un mariage dont ils avaient intérêt d'être
avertis i)0ur l'empêcher. Saf)posons qu'un
jeune homme, voulant faire un 7nariage pen
convenable ou môme honteux, ait été ma-
rié [)ar le curé de la fille, à l'insu du curé
de sa paroisse où il n'a |ias fait publier de
bans , dans ce cas, le jmino hounne a celé
son mariage à ses jiarents, en le faisant îi l'in-
su de son curé, et en ne faisant pas publier
de bans dans sa paroisse. Les parents n'ont
pu veiller sur ce qui se passe dans une au-
tre paroisse que la leur, et n'ont pu par con-
séquent s'o|)poser à une union à laquelle ils
se seraient o|iposés s'ils en avaient eu con-
uaissance. H est iuifiossible de ne pas ici re-
connaître le vice de clandestinité auquel le
concile de Trente et les ordonnances ont
voulu remédier en établissant la nécessité
de la présence ou du consentement du pro-
pre curé.
On convient assez généralement que, lors-
que les parties sont mineures, ou 1 une d'el-
les seulement , le mariage, cjuoique célébré
par le curé d'une des parties , est nul lors-
qu'il a été fait h l'insu et sans le concours
du curé de la partie mineure. Mais il n'en
doit pas être de même, selon plusieurs au-
teurs, lorsque les deux parties sont majeu-
res. Les partisans de cette opinion s'appuient
sur un raisonnement qui parait assez plau-
sible. Lorsque le mariage , disent-ils, a été
célébré par le ctu'é d'une des parties, le con-
cours et le consentement du curé de l'au-
tre partie consiste dans la ]niblication des
bans qu'il a faite et dans le certificat qu'il a
donné de cette publication. Or le défaut de
publication de bans, suivant la jurisprudence
des arrêts, ne fait pas une nullité à l'égard
du mariage des majeurs. Donc, lorsqu'un
mariage de majeur a été célébré par le curé
d'une des parties , le défaut de concours du
curé de l'autre partie ne doit pas opérer une
nullité M. d'Aguesseau combat ce raisonne-
ment, et rejette la distinction entre les ma-
riages des majeurs et ceux des mineurs. Il no
faut pas , selon lui, confondre la publication
des bans avec le consentement et le concours
du curé. L'un n'est qu'un préalable au maria-
ge, qui n'est essentiel que pour les mineurs;
l'autre est une forme même du mariage, sans
laquelle il nepeutêtre valable. C'est pourquoi,
lorsque les parties sont de différentes parois-
ses, le mariage, quoique célébré parle curé do
l'une des parties, est nul, si le curé de l'autre
partie n'y a pas concouru, soit en inibliantdes
Dans, soit de toute autre manière, quand
même les parties seraient majeures. Le con-
cile et les ordonnances de nos rois qui
ont adopté ces dispositions, n'ont fait à cet
égard aucune distinction entre les majeurs
,ei les mineurs. L'opinion de M. d'Aguesseau
étant d'un grand poids, il est très-prudent,
de la part des conjoints, même majeurs, et
domiciliés dans deux paroisses différentes ,
d'obtenir le consentement du curé qui ne cé-
lèbre jioint le mariage. Le curé qui célèbre
le mariage a un très-grand intérêt de se faire
remettre le certificat de l'autre curé, par le-
quel il atteste avoir publié les bans sans qu'il
y ait eu d'oppositions; car s'il y en avait eu,
11 serait exposé aux dommages et intérêts
que pourraient prétendre ceux qui les au-
raient formées.
Les lois ecclésiastiques et civiles ne se
sont |ias contentées de frapper de nullité les
mariages contractés par-devant d'autres prê-
tres que les propres curés ; elles ont infligé
des peines aux prêtres (]ui, n'étant pas les
curés des parties, leur administreraient la
bénédiction niqjtiale. Le concile de Trento
les ()unit par la suspense qu'ils encourent,
ipso jure, et qui doit durer jusqu'à ce qu'ils
aient obtenu l'absolution ordinaire du curé
qui devait célébrer le mariage : Quod si quis
parochus velalius sacerdos, sive isœeularis, sive
regulitris sit, etiamsi id sibi privilégia, vel
vnmemorahili cnnsuetudine lieere contendat,
alterius parochiœ sponsos sine itlorum paro-
chi liccntia matriinonio conjungere aut bcne-
dicere ausus furrit, ipso jure tandiu suspciisus
maneat, (juandiu ab ordinario ejus parociti
qui tnatrimonio intéresse debebat , scu a quo
benediclio suscipienda erat, absoivatur.
Nos ordonnances ont été plus loin. L'édit
du mois de mars 1697 porte : « Voulons
que si aucuns desdits curés ou prêtres, tant
séculiers que réguliers, célèbrent ci-après,
sciemment et avec connaissance de cause,
des mariages entre des personnes qui ne sont
pas elfectivement de leurs pai'oisses, sans en
avoir la permission par écrit des curés de
ceux qui les contractent , ou de l'archo-
vê([ue ou évêque diocésain , il soit procédé
contre eux exlraordinairemeiit ; et qu'outre
les peines canoniques que lt!S juges d'Eglise
pourront [jrononcer contre eux, lesdits curés
et autres prêtres, tant séculiers que ré'guliers,
qui auront des bénéfices, soient par nos ju-
ges privés pour la première fois de la jouis-
sance de tous les revenus de leurs cures et
bénéfices pendant trois ans, h la réserve de
ce qui est absolument nécessaire pour leur
subsistance , ce qui ne pourra excéder la
somme de six cents livres , dans les plus
grandes villes, et celle de trois cents partout
ailleurs ; et que le surplus soit saisi à la di-
ligence de nos procureurs, et distribué en
œuvres pies par l'ordre de l'évêque diocé-
sain. Qu'en cas d'une seconde contravention,
ils soient bannis pendant le temps do neuf
ans, des lieux que nos juges estimeront à
propos.
«Que les prêtres séculiers qui n'auront pas
de bénéticcs, soient condamnés au bannis-
sement pendant trois ans; et en cas de ré-
cidive, pendant neuf ans ; et qu'à l'égard des
prêtres réguliers, ils soient renvoyés dans
un couvent de leur ordre, que leui- supérieur
leur assignera hors des provinces marquées
,par les arrêts de nos cours, ou los. »«a-
611
MÂR
MAR
til2
tences de nos juges, pour y demeurer renfer- .
mes pendant le temps qui sera marqué par
lesdits jugements, et sans y avoir aucune
charge ni fonction, ni voix active et passive,
et que lesdits curés ou prêtres puissent, en
cas de rant fait avec violence, être condam-
nés îi plus grandes peines, lorsqu'ils prête-
ront leur ministère pour célébrer des ma-
riages en cet état. »
Pour que les curés ou autres prêtres soient
soumis à ces peines, il faut qu'ils aient cé-
lébré, sciemini'nt et avec connaissanrc de cause,
le mariage de ceux qui ne sont pas de leurs
paroisses. S'ils ont été surpris, ils sont excu-
sables, "ïais pour être censés avoir été sur-
pris et trouipés, il faut qu'ils se soient fait
certifier la qualité et le domicile des parties
par le nombre de témoins ■|)reserit par les
ordonnances. Cette observation nous conduit
naturellement h l'examen de la nécessité des
témoins qui doivent assister à la célébration
du mariage.
Le concile de Trente exige, pour la vali-
dité du mariage, la présence de deux ou trois
témoins, clnobus vcl tribus tcslibus. Cette
disposition du concile est trop sage pour n'a-
voir pas été adoptée par nos ordonnances,
ainsi que celle qui ordonne que les curés
tiendront un registre sur lequel ils inscii-
ront le nom des contractants et des témoins,
et le jour et le lieu où le mariage aura été
célébré : Uabcat parorhus librum w qno
conjuguin et testium nominn, dieiiique et lo-
cum contracti matrimonii dcscribat ; quem
diligenter apud se custodiat.
La déclaration du 20 novembre 1039, art.
premier, porte : « Nous voulons qu'à la
célébration du mariage assisteront quatre
témoins dignes de foi, outre le curé qui re-
cevra le consentement des parties et les con-
joindra en mariage suivant la forme prati-
quée en l'Eglise.... ordonnons qu'il sera l'ait
un bon et lidèle registre, tant des mariages
que de la publication des bans, ou des dis-
penses et des permissions qui auront été
accordées. »
L'édit du mois de mars 1697 suppose la
nécessité do quatre témoins pour la validité
des mariages, et inllige des peines à ceux
qui, par un faux témoignage, induiraient les
curés en erreur : « Enjoignons à tims curés
et autres prêtres qui doivent célébrer des
mariages, de s'informer soigneusement avant
de commencer les cérémonies, et en pré-
sence de ceux qui y assistent, par le témoi-
gnage de quatre témoins dignes de foi, do-
miciliés, et qui sachent signer leur nom, s'il
s'en peut aisément trouver autant dans le
lieu où on célébrera le mariage ; voulons
paieillement que le procès soit lait à tous
ceux qui auront supposé être les pères, mè-
res, tuteurs ou curateurs des mineurs, pour
l'obtention des permissions de célébrer des
mariages, des disjjenses de bans et des mains-
levées des oppositions formées à la célébra-
tion desdits mariages ; comme aussi aux té-
moins qui auront certilié des faits faux, à
l'égard de l'âge, qualité et demeure de ceux
qui contractent, soit par-devaut les archevê-
ques et évoques diocésains, soit par-devant
lesdits curés et prêtres, lors de la célébra-
tion desdits j?ïor(fl.7''.ç ; et que ceux qui seront
trouvés coupables desdites suppositions et
faux témoignages, soient condanmés, savoir,
les hommes, à faire amende honorable et
aux galères pour le temps que nos juges es-
timeront juste, et au bannissement, s'ils ne
sont pas ca[)ables de subir ladite peine de
galères; et les femmes, à faire' pareillement
amende honorable, et au banrdssement, qui
ne pourra être moindre de neuf ans. »
Rnlin, la déclaration du 9 avril 1736 est
trop claire et trop précise pour qu'il puisse
rester aucun doute sur la nécessité de la
présence des témoins, leur nombre , leur
qualité et la manière dont l'acte de célébra-
tion de mariage doit être rédigé. « Dans les
actes de célébration de mariage seront in-
scrits les noms, surnoms, âge, qualités et de-
meures des contractants ; et il y sera marqué
s'ils sont enfants de famille, en tutelle ou
curatelle, ou en la puissance d'autrui ; et les
consentements des pères, mères, tuteurs ou
curateurs, y seront pareillement énoncés :
assisteront auxdits actes quatre témoins di-
gnes de foi et sachant signer, s'il peut aisé-
ment s'en trouver dans le lieu qui sachent
signer : leurs non^s, qualités et domiciles
sciont pareillement mentionnés dans lesdits
actes, et lorsqu'ils seront pareillement parents
ou alliés des contractants, ils déclareront de
quel côté et en quel degré, et l'acte sera
signé sur les deux registres, tant par celui
qui célébrera le mariage que par les con-
tractants, ensemble jmr lesdits quatre témoins
au moins ; et à l'égard de ceux desdits con-
tractants ou desdits témoins qui ne pourront
ou ne sauront signer, il sera fait mention de
la déclaration qu'ils en feront, etc. » Art. 7.
Le concile de Trente n'exige que la pré-
sence de deux ou troistémoins; mais ill'exige
à peine de nullité : il ne met point de dif-
férence enire la présence du propre curé et
celle des témoins ; il met l'une et l'autre sur
la même ligne : Qui aliter quam pressente
parocho vel alio sacerdote de ipsius parochi
vel ordinarii licentia, et duobus vel tribus
testibus, matrimonium contrahere attentabunt,
eos sancta synodus ad sic contrahendum om-
nino inhabiles reddit, et hujusmodi contrac-
lus, irritas et nullos esse deccrnit. W ordonne
que les curés tiendront un registre des ma-
riages ; mais il ne déclare pas imls les wm-
riages qui n'y seraient point inscrits.
Quant à nos ordonnances, elles veulent
que les témoins soient au nombre de quatre ;
mais elles n'ont point prononcé la peine de
nullité s'ils étaient en moindre nombre.
C'est pourquoi des auteurs, qui paraissent
très-versés dans noire jurisprudence, assu-
rent que pour le mariage des majeurs, le
nombre de deux témoins est absolument
suffisant, quoiqu'on en exige quatre dans
celui tles mineurs; et que M.M. les gens du
roi n'ont jamais fait attention que lorsqu'il
s'est agi du mariage de ces derniers, au
moyen d'abus pris de ce que quatre téuioins
n'y avaient pas assisté.
613
MAR
MAR
Cti
Denisard remarque que la rtéolaration de
173G n'cxp!i(iiio point si les témoins doivent
être milles ; mais que lesjuiiscoiisuites pen-
sent que la loi, en demandant des témoins
dignes de foi, sa disposition ne peut s'en-
tendre que de ceux qui, suivant les rèi^les
ordinaires, peuvent valablement être témoins
dans des actes de cette importance. L'auteur
des Conférences de Paris, et Gohard, ne
pensent pas de nirme. Ils disent qu'aucune
loi ecclésiastique ou civile n'a dérogé en ce
point à l'ancien droit mar(pié au canon V'i-
(iHur, 35, qiiœst. G, lequel autorise égale-
ment dans cette matière le témoignage des
frères, sœurs, cousins et cousines, (juoi((u'il
soit rejeté en beaucoup d'autres ; que ledit
de 1697 suppose que les femmes peuvent
être témoins, puisqu'il condamne à un ban-
nissement de neuf ans, celles qui déposeront
faux, sur l'-ge, la qualité et le domicile des
conjoints. Dans celte diversilé d'opinions,
il est plus sik de ne faire assister aux ma-
riages que des témoins m:lles ; et quoique
les ordonnances ne [irescrivent rien sur leur
âge, on doit les choisir majeurs, et on cour-
rait des risques si on se contentait de mi-
neurs ou d'impubères ; on poiuTait dire
qu'ils ne sont pas dans le nombre de ceux
que la loi appelle dignes de foi. 11 faut aussi
faire grande attention à la rédaction de l'acte
de célébration sur les registres de la paroisse,
surtout depuis la déclaration de llSii, cjui
porte, art. 10 : « Voulons qu'en aucun cas
lesdits actes de célébration ne puissent être
écrits ou signés sur des feuilles volantes; ce
qui sera exécuté, à peine d'être procédé ex-
traordinaireuient contre le curé ou auties
prêtres qui auraient fait lesdits actes, les-
quels seront condamnés en telle amende ou
autre plus grande peine qu'il appartiendra,
suivant l'exigence des cas, et à peine conlre
les contractants, de déchéance de tous les
avantages et conventions portés par le con-
trat do mariage ou autres actes, même de
privation d'effets civils, s'ily échoit. » Quoi-
que la loi no prononce point la peine do
nullité contre les mariages nou inscrits sur
le registre de la paroisse, celles qu'elle porto
sont assez graves pour que les curés et les
parties contractantes s'y conforment exacte-
ment.
Des différentes lois que nous venons do
citer il paraît résulter qu'il ne peut y avoir
d'autres preuves pour constater la célébra-
tion des mariages que les rogi,4res des pa-
roisses. Ce principe est vrai dans la Ihèso
générale; et si l'on cite des arrêts qui ont
admis à la preuve à défaut d'extrait de ma-
riage, ils ont été rendus dans des circon-
stances particulières, et la i)lupart avant la
déclaration de 173G. Tels sont ceux de 167G
et 17'25, qu'on lit dans Denisard et dans le
Répertoire de jurisprudence. Quant à celui
de 175G, rendu sur les conclusions de .M.
l'avocat général Séguier, il y avait, outre
autres circonstances, la preuve de l'altéra-
tion des registres de la paroisse, dont on
avait enlevé plusieurs feuillets.
D'après l'article 14 du titre 20 de l'ordon-
nance de lGfi7, la preuve par témoins no
devrait 6tro admise (jue lorsque les registres
sont perdus, ou qu'il n'y en a jamais eu.
« Si les registres sont ])erdus, ou qu'il n'y
en ait jamais eu, la preuve en sera reçue
tant [lar titres que par témoins, et en l'un
et l'autre cas, les ba|)têmes, mariages on sé-
jultures, pourront être justifiés, taut parles
registre^, ou papiers domestiques des pères
et mères décèdes, ((ue par témoins. »
Au l'csto, au milieu de tous les arrêts qui
paiaisscnt se contredire, ou du moins prou-
ver que dans cette matière il y a une foulo
d'exceptions aux principes généraux, nous
croj'ons pouvoir assurer comme une vérité,
que lorsqu'il s'agit de l'état des hommes,
jamais la preuve [)ar témoins ne doit être
admise contre les actes, ou pour suppléer
les actes, que quand on iap,;orte un com-
mencement de preuve pai' écrit.-
Un ariôt du conseil, du 12 juillet 17V7,
rendu eu forme do règlement, a pourvu à
l'inconvénient qui résultait de la représen-
tation des registres des parois^^es, que les
fermiers des domaines exigeaient des curés
sous prétexte de connaître plus facilement
les droits de centième denier qui sont dus
jiar les héritiers des défunts. Les cuiés se
refusaient à cette représentation, parce
qu'elle pouvait préjudicier à l'honneur des
l'amilles, qui demande quelquefois que les
actes de célébration des mariages soient te-
nus secrets. Pour tout concilier, sa majesté
a ordormé, en interprétant l'article 1" de la
déilaration de 1736, que le registre des sé-
j)ultures demeurera dorénavant séparé de
celui des mariages et baptêmes, et que les
fermiers ne pourront prétendie que la com-
munication du premier, qui leur a été ef-
fectivement accordée par l'art. 13 de la dé-
claration du 20 mars 1708.
On vient d'établir que le mariage se con-
tracte réellement et valablement parmi nous,
par la bénédiction nuptiale donnée par le
propre curé, ou de son consentement, en
présence de quatre témoins dignes de foi, et
qu'il doit être du tout dressé sur le registre
de la paroisse un acte signé par le curé,
par les conjoints et jiar les témoins. Voyons
à présent quels elTets produit un mariage
ainsi contracté.
§ IV. Effets et ohligalions du mariage. Du
mariage valablement contracté naissent des
obligations réciproques entre le mari et la
feuune; et ces obligations prennent une nou-
velle étendue, si une heureuse fécondité leur
donne des enfants.
Le mari doit traiter sa femme maritale-
ment, c'est-à-dire lui fournir tout ce qui est
nécessaire pour les besoins de la vie, selon
ses facultés et son état. 11 doit le lui four-
nir, soii de son propre bien, soit des fruits
de son travail ; entin, il est obligé au devoir
conjugal lorsqu'elle le lui demande , et à
u'avou- commerce avec aucune autre femme,
contre la foi c^u'il lui a donnée. La femme
peut intenter une action eu justice contre
son mari , pour le forcer h la recevoir chez
lui et à la traiter muritalemeut. La femme,
«IS
HAtl
MAR
61S
de son côté, contracte envers son mari l'o-
bligation (le le suivre partout où il jugera à
propos d'établir sa résidence ou son domi-
cile, pourvu néanmoins que ce ne soit pas
hors du royaume, cest-à-dire pour s'établir
en pays étranger. De cette obligation nait ,
en faveur du mari , une action pour faire
condamner en justice sa femme, lorsqu'elle
l'a quitté, h retourner avec lui. La lemme
ne peut rien opposer à cette demande ; elle
n'est point écoutée à se plaindre que l'air
du lieu que son mari habite est contraire à
sa santé , qu'il y règne môme des maladies
contagieuses. En vain prétendrait-elle qu'elle
essuie de mauvais traitements de la part de
son mari, cela n'autoriserait point son éloi-
gnement de lui, à moins qu'elle n'eût formé
sa demande en séparation d'habitation.
La loi naturelle , comme les lois civiles ,
imposent aux pères et mères l'obligation de
nourrir, d'élever, d'entretenir leurs enfants ;
c'est une des obligations les plus sacrées du
mariage, necare videtur et is qui alimenta de-
negat. Celle obligation s'étend jusqu'aux pe-
tits-enfants, dans le cas où ils n'auraient ni
père ni mère en état de subvenir à leurs
besoins. Une autre obligation des pères et
des mères est de laisser à leurs enfants une
certaine portion de leur succession , qu'on
«piielle légitime , à moins qu'ils ne la leur
aient donnée de leur vivant, en avancement
d'hoirie , ou que les enfants n'aient mérité
d'encourir la peine d'exhérédation. Un des
fruits les plus doux du mariage est de trou-
ver dans ses enfants les secours dont on
peut avoir besoin, et que ces secours soient
offerts par la main de l'amour et de la re-
connaissance. Si des enfants pouvaient ou-
blier ce premier de tous les devoirs envers
leurs pères et mères , la loi les y contrain-
drait. Le premier qui s'est laissé traduire
devant les tribunaux, pour être condamné à
fournir des aliments aux auteurs de ses
jours , a dû mériter l'exécration du genre
Immain. N'est-ce pas une espèce de parri-
cide que de refuser de conserver , par ses
eoins et ses secours , la vie à ceux de qui
on la tient?
L'obligation , de la part des enfants , de
nourrir leurs pères et mères , s'étend aux
aïeux et aïeules , et autres pareuts de la li-
gne directe ascendante, dans le cas où ceux
qui occupent la place intermédiaire dans la
ligne ne vivent jjIus ou ne sont pas en
état de le faire. Ces liens formés par la na-
ture entre les pères et les enfants subsistent
même à l'égard des bâtards.
Les obligations dont nous venons de par-
ler, naissent du mariage comme contrat na-
turel. Voyons ceux qu'il produit comme con-
trat civil. — 1° Le mariage conûrme et donne
toute sa perfection aux conventions matri-
moniales portées dans le contrat qui l'a pré-
cédé , ou stipulées par la loi. Ces conven-
tions ne peuvent avoir d'exécution, si elles
ne sont suivies du mariage; elles sont tou-
jours sous la condition si nuptiœ sequentur.
— 2° 11 produit la puissance paternelle sur
les enfants qui en naissent. Cotte i)vji5sau(;«
parmi 'nous est bien différente de celle des
Romains. Elle est commune au père et à la
mère , sauf que le père l'exerce seul tant
qu'il vit. — 3° Par le mariage, la femme ac-
quiert le nom de son mari. Elle ne fait plus
avec lui qu'un tout, auquel il donne sa dé-
nomination , et crunt duo in carne una. Ou-
tre le nom du mari, elle participe à tous ses
titres , à son rang , à ses honneurs et à ses
préséances. Elle en conserve uiôme, après la
dissolution du mariage , la noblesse et les
titres, tant qu'elle demeure en viduité. Mais
comme le mariage élève une femme au rang
de son mari, lorsqu'avant de s'unir h lui elle
en occupe un inférieur dans la société , de
même elle en déchoit si elle épouse quel-
qu'un qui ne soit |)as son égal ; une femme
noble , qui épouse un homme de condition
roturière , perd sa noblesse pendant que le
mariage dure. Mais après la dissolution, elle
la reprend : on suppose qu'elle n'a été qu'é-
clipsée par l'interposition de la personne de
son mari. Par une suite de ce même prin-
cipe , do cette union intime que produit le
mariage entre les deux conjoints , du mo-
ment de la bénédiction nuptiale , ia femme
n'a plus d'autre domicile que celui de
son mari ; elle devient dès lors soumise
à toutes les lois du lieu de ce domicile. —
^•* Un des ettets civils les plus importants
du mariage est de donner aux entants les
droits de famille et de parenté civile. C'est
par là que se forment, au milieu des socié-
tés générales, des sociétés particulières con-
nues sous le nom de familles , qui sont ré-
gies par des lois qui donnent des droits ac-
tifs et passifs dans les successions des dif-
férents membres qui les composent. —
5" Parmi les principaux effets civils du ma-
riage, on doit compter celui qu'il a de légi-
timer les enfants nés d'un commerce que
les parties ont eu ensemble avant de se ma-
rier.
Il n'y a qu'un mariage valable qui puisse
produire des etl'ets civils; mais tout jnartajra
valable ne les produit pas également. Les
mariages secrets , les mariages in extremis ,
et ceux contractés par des personnes qui
ont perdu la vie civile, ne produisent point
d'effets civils. Les mariages secrets sont ceux
qui , quoique contractés par des personnes
habiles à se marier , et avec toutes les for-
malités prescrites par les lois de l'Eglise et
de l'Etat,- n'ont cependant point été connus
du public , parce que .les deux conjoints
n'ont point vécu publiquement comme mari
et femme. Ces mariages ne sont point , à
proprement parler, clandestins ; la clandes-
tinité ne peut s'appliquer qu'à ceux qui sont
contractés sans la présence ou la permission
du propre curé , sans l'assistance des té-
moins en nombre requis , et autres forma-
lités nécessaires. Ainsi on ne peut pas les ar-
guer de nullité, à raison do la clandestinité.
Mais comme ils en approchent beaucoup ,
le législateur, qui n'a pas cru devoir les dé-
clarer nuls , a cru devoir les punir, en le§
privant des &Uels civils les jilu^ impor-
6i7
MAR
1
L'article 5 do la déclaration de 1630, porte :
« Désirant pourvoir k l'abus qui commence
à s'introduire dans notre royaume, par ceux
qui tieiuient leurs mnriagcs secrets et cachés
pendant leur vie, contre le respect qui est
aC[ .\ un si grand sacrement, nous ordonnons
que les majeurs contractent leurs mariaf/t's
publiquement et en face de l'église, avec
les solennités prescrites parles ordonnances
de Blois , et déclarons les enfants qui naî-
tront de ces mariagen , <pie les |)artios ont
tenus jusqu'ici ou tiendront k l'avenir ca-
chés pendant leur vie, qui ressentent plutôt
la honte d'un conculiinaiie , que la dignité
d'un mariafie , incapables de toutes succes-
sions, aussi bien que leur postérité. »
La loi refuse aux mariages secrets l'effet pré-
cieux de la ])arenté civile. Les enfants qui eu
naissent sont incapables de toutes successions,
ce qui comprend non -seulement les direc-
tes, mais encore les collatérales. Ainsi jugé
par arrêt du 24 juillet 170'i-. Cette incapacité
s'étend jusqu'h leur [lostérité. La loi le veut,
aussi bien que leur postérité. D'ailleurs, com-
ment transmettre des droits qu'on n'a pa^
soi-même ?
Quoique la loi ne prononce aucune peine
contre les femmes dont les mariages , sont
demeurés secrets, la honte du concubinage
qu'elle semble attacher h ces sortes de ma-
riages les a rendus si défavorables, que l'on
prive les veuves des avantages que leurs
contrats de mariage leur avaient accordés.
Par un arrêt du 26 mai 1705 , rapporté par
Augeard , Mario Souvelle , ouvrière du Pa-
lais, veuve du sieur Sonnet, trésorier des
Suisses, fut déclarée privée des effets civils
de son mariage , qui avait été tenu secret
pendant tout le temps qu'il avait duré , et
en conséquence déchue de son douaire et
autres conventions matrimoniales. Los héri-
tiers du mari furent seulement condamnés
à lui restituer la somme que son mari avait
reconnu avoir reçue d'elle en dot.
C'est à ceux qui prétendent que le mariage
a été secret, à le prouver. Cette preuve peut
se faire par la réunion de plusieurs circon-
stances. Par exemple, que la femme n'a pas
pris le nom de son mari pendant tout le
temps que le mariage a duré, qu'elle a pris
dans les actes qu'elle a passés depuis son
mariage, la qualité de Qlle ou de veuve d'un
précédent mari ; lorsqu'une servante qui a
épousé son maître, ou un domestique qui a
épousé sa maîtresse, continuent de paraître
dans la maison dans leur état de domesti-
cité, etc. Ces preuves ne pourraient point
être détruites ni par l'acte de célébration de
mariage , ni par l'attestation de publication
des bans, parce que l'un et l'autre sont très-
compatibles avec le secret du mariage, sur-
tout dans les grandes villes.
Les mariages in extremis sont dans le cas
de ceux qui ont été tenus secrets pendant
leur durée. L'article 6 de la déclaration do
1639 les assimile en tout : « Nous voulons
que la même peino ait lieu contre les en-
fants qui sont nés de femmes que les pères
ont entretenues, et qu'ils épousent lorsqu'ils
DiCTIOKK. PB iBfcOL. DO«UATIQUE. 111.
MAK 618
sont K l'extrémité de la vie. » L'édit du mois
de mars 1697 a confirmé et étendu celte dis-
position : « Voulons que l'article 6 de l'or-
donnance de 1639, au sujet des mariages,
ait lieu, tant îi l'égard des femmes qu'h ce-
lui des homiues; et que les enfants qui sont
nés de leurs débauches avant lesdits ma-
riages, ou qui jiourront naître après lesdits
mariages contractés en cet état , soient ,
aussi bien que leur postérité, incapables de
toutes successions. »
Pour (pie le mariage soit dans le cas de
la loi, il faut deux choses : 1° qu'il ait été
précédé d'un commerce illicit(! entre les
deux conjoints ; 2" que la maladie dont un
conjoint est attaqué, lorsqu'il contracte, ait
trait à la mort. Un homme avait reçu un
cou[) de pied ; la blessure paraissait si dan-
gereuse, que six jours après il reçu! l'ex-
trême-onction. Le môme jour il se maria et
survécut cinquante-quatre jours depuis son
mariage. Par arrêt du 28 février 1667, le
mariage fut déclaré avoir été contracté in
extremis. Par deux autres arrêts aussi rap-
portés au tome 111 du Journal des Audiences,
des 22 décembre 1672 et 3 juillet ICTî, des
mariages furent réputés faits in extremis,
quoique dans l'espèce du premier, riiomme
eût survécu soixante-cinq jours, et dans
l'espèce du second, quarante-deux jours. Il
en serait autrement si la maladie d'un des
deux conjoints n'avait pas un trait prochain
à la mort, comme une hydropisie ou une
pulmoniequi ne seraient pas dans leur der-
nier période.
; Un mwriag'e contracté dans l'état de gros-
sesse n'est pas censé contracté in extremis,
quoique la femme décède peu de jours
après la célébration, par l'accident il'une
fausse couche, ou autre de pareille nature.
Il en est de môme delà mort subite arrivée
h une des parties le jour même ou le lende-
main du mariage. Si la personne (pii se ma-
rie, étant malade, avoir ffittout ce qui était
en son pouvoir lorsqu'elle était eu pleine
santé pour y parvenir, et qu'elle en ail été
empêchée par des difficultés et des opposi-
ti'ins qu'elle n'ait pu surmonter plus tôt, le
mariage n'est pas privé des effets civils. On
n'est plus dans le cas de la loi ; on ne peut pas
dire que celui des conjoints qui est décédé,
ait attendu les derniers instants de sa vie pour
le contracter; ainsi jugé par arrêt du Parle-
ment de Uouen, du 29 juillet 1717.
Enfin, latroisième espèce de mariage, qui,
quoique valable en lui-même et comme sa-
crement, est néanmoins privé des effets ci-
vils, est celui que contracte une personne
morte civilement, par une condamnation à
une peine capitale. C'est la disposition de
l'article 6 de la déclaration do 1639, qui, après
avoir parlé des mariages in extremis, con-
tinue en ces termes : « Comme aussi (les
mêmes peines) contre les enfants procréés
par ceux qui se marient après avoirété con-
damnés à mort, même par les sentences de
nos juges rendues par défaut, si avant leur
décès, ils n'ont été remis au même état, sui-
- vaut les lois prescrites par nos ordonnances. »
20
Oid
MAR
MAR
m
La déclaration ne parle ici que des condam-
nés à mort. Elle ne comprend point par
conséquent ceux qui ont perdu la vie civile
par un autre genre do condamnation, comme
,es galères perpétuelles. 11 paraît cependant
que la même raison devrait empêcher pour
les uns et pour les autres effets civils du
mariage. Dès qu'on est mort civilement, de
quelque manière que ce soit, on est censé
retranché de la société, on n'y existe plus
quant à ce qui est de l'ordre civil ; c'est une
conséquence, que l'on no puisse être alors
capable d'un mariage civil. Est-il permis de
mettre le raisonnement à la place de la loi ?
Et lorsqu'elle ne prive des effets civils que
les mariages des condamnés k mort, doit-on
l'étendre à ceux contractés par des condam-
nés à d'autres peines qui emportent la
mort civile ? Nous aurions de la peine à le
croire.
Pothier assure que la privation des effets
civilsn'a!ieupourlesmar!a(/e« des condamnés
à mort par contumace, que lorsqu'ils sont dé-
cédés cinq ans après la publication de leurs
jugements. Ces termes de la loi, « si, avant
leur décès, ils n'ont été remis dans leur pre-
mier état, suivant les lois prescrites par nos or-
donnances,» ne l'arrêtent point. Sa raison est
que, d'après l'ordonnance de 1670, lorsqu'on
meurt dans les cinq ans accordés pour purgerla
contumace, on meurt integri status, et que par
conséquenton n'est point dans le cas de la dé-
claration, puisqu'on n'est pas obligé desefaire
rétablir dans un état qu'on n'a jamais perdu.
Mais quel est l'état des enfants provenus
des trois espèces de mariages dont nous venons
de parler ? Doivent-ils être regardés comme
illégitimes? Non. Ils ne jouissent pas, à la
vérité, de tous les droits que les effets civils
du mariage donnent aux enfants, tels que les
droits de famille, de succession, de douaire,
de légitime , etc ; mais ils ne sont pas
bAtards : ils sont nés d'un mariage valable,
d'un mariage qui a reçu le caractère desacre-
ment, et qui, par conséquent, a eu pour base
un contrat civil dont les effets ont été seu-
lement restreints parles lois du prince.
Nous avons établi ci-dessus en principe
qu'il n'y avait qu'un mariage valable qui pût
pioduire les effets civils. Ce principe reçoit
une exception bien honorable pour l'huma-
nité. Elle est puisée dans la bonne foi des
parties.
Lorsque la nullité du mariage ne [)rovient
quy d'un empêchement dirimant, et que d'ail-
leurs les parties ont observé, en se mariant,
toutes les solennités prescrites par les lois
de l'Eglise et de l'Etat, l'ignorance où elles
étaient l'une et l'autre de cet empêchement
dirifoant les met à l'abri du reproche d'a-
voir vécu dans une union illicite et crimi-
nelle. Ni la religion ni la société n'ont à se
filaindre. Il serait injuste de les punir ; il ne
e serait pas moins de punir leurs enfants.
Elles doivent se séparer lorsqu'elles ont con-
naissance de rempùcheuient qui s'opposait
à leur union. Voilà tout ce qu'on en peut
exiger; mais il est nécessaire que leur igno-
rance ait été accompagnée de la bonne foi,
c'est-k-dire qu'ils aient été fondés à croire
que rien ne s'opposait à leur mariage.
Une femme reçoit la nouvelle de la mort
de son mari ; elle reçoit en même temps
son extrait mortuaire en bonne forme , ou
tout autre acte équivalent. Elle contracte
un second mariage ; des enfants en provien-
nent. Le mari reparaît. Dans ce cas, il est
évident que le second mariage est nul. La
femme doit quitter le second mari et retour-
ner avec le premier. Mais quoique ce second
mariage soit nul, la bonne foi des parties
qui l'ont contracté lui donne, par rapport
aux enfants qui en sont nés, tous les droits
de famille et tous les autres droits qu'ont les
enfants procréés on légitime mariage. Ils
viendront aux successions de leur père et
mère, et môme concurremment à celle de
leur mère, avec les enfants qu'elle a eus de
son premier mariage. Par la môme raison,
la femme ne sera point privée ni de son
douaire, ni des autres avantages stipulés
par son contrat de mariage avec le second
mari.
11 n'est pas nécessaire, pour qu'un «lona^e
nul, comme nous le supposons, produise les
effets civils, que les deux parties soient dans
la bonne foi, il suffit qu'une des deux ysoit.
Un homme marié se fait passer pour garçon
ou pour veuf; il produit des preuves de son
état ; il trompe une femme qui le croit libre.
Un religieux, un clerc dans les ordres sa-
crés, dérobent à tous les yeux l'engagement
qui les lie. Ils contractent mariage. Dans
tous ces cas et autres semblables, la bonne
foi de la femmene permet pas qu'on la motte
dans la classe des concubines, ni ses enfants
dans celle des bâtards ; elle jouira de tous
les droits d'une épouse légitime, et ses en-
fants de tous les avantages et de toutes les
prérogatives de la légitimité. Un chevalier
de Malte avait celé sa qualité de profès, et
s'était marié. L'enfant né de ce mariageînl,
en conséquence de la bonne foi de la mère,
déclaré avoir les droits d'enfant légitime,
et de porter le nom et les armes de son père.
Arrêt du k février 1689. Un récollet profès,
dont on ignorait l'état, avait ainsi trompé
une femme. Après son décès, on opposa îi
la femme la nullité de son mariage. Un ar-
rêt du 22 janvier 1693 lui adjugea toutesles
conventions matrimoniales et la moitié de
1,1 communauté qui était opulente. Ces
mêmes principes ont lieu k l'éganl de cer-
tains mariages, qui quoique valables en eux-
mêmes, sont cependant privés des effets ci-
vils. Une femme épouse un homme condam-
né à mort, sans avoir pu avoir connaissance
du jugement qui l'acondamné. Sa bonne
foi, dans ce cas, donne au mariage les effets
civils, k l'effet que les enfants qui en sont
nés puissent succéder à leur mère et à leurs
parents maternels ; mais ils ne peuvent rien
réclamer des biens de leur père acquis au
lise par une suite de sa condamnation. Ils
n'ont point non plus le droit de famille dans
celle de leur père, qui était incapable de les
leur communiquer, les ayant lui-même per-
dus avant leur naissance.
I
1
C21 MAR
Ln siour Thibaut de la Boissière avait eu
plusieurs enfants de Marie de ln Tour,
hnnme Maillard. Maillard, depuis longlentips
absent, passa pour mort sur la foi d'un cer-
tificat délivré par un capitaine. Le sieur do
la Boissière épousa alors Marie de la Tour.
Maillard s'i tant représenté ajirès quarante
ans d'absence, un arrôt du 15 mars lf)7'i.
annula le muriaçie du sieur de la Boissière,
et déclara bâtards les enfants qu'il avait eus
de Marie de la Tour avant le mariage. D'a-
près cet arrôt, on peut poser en principe
qu'un mariage nul, quoique contracté do
bonne foi, no légitime pas les enfants nés
d'un commerce illicite dont il avait été pré-
cédé.
§ V. De la cassation et de la dissolution
du mariage, et des juges qui en peuvent con-
naître. A considérer le mariage dans son
institution , telle que l'Ecrilure sainte nous
la présente, il esliudissoluliiede sa nature :
Homo rclinquel patrem suum et matrem
suam et adhœrcbituxori suœ, et erunt duo in
carne ^lna. Si les Juifs ont pu rompre ce lien
par le divorce, c'est une condescendance
qu'a eue pour eux leur législateur; condes-
cendance fondée surleur caractère plutôt que
sur la loi naturelle et la loi divine : Quod
Deus conjunxit, homo non separet... quo-
niam Moi/srs ad duritiam cordis vcstri pcr-
misitvobis dimittereuxores vestras : ah initia
autem non fuit sic. La loi de Jésus-Christ a
rendu au mariage su première indissolul)ilité,
et nous la regardons comme un lien que la
mort seule d'un des conjoints peut rompre.
Il n'en était pas demèmechezlesBomains,
même après qu'ils eurent embrassé le chris-
tianisme. On trouve dans les Pandectes une
décision du jurisconsultePaul, qui met le di-
vorce au nombre des manières dont se dis-
sout le mariage ; dirimilur matrimonium di-
vortio, morte, captiritate, vcl alla contingente
servilute utrius eorum. Justinieu ne crut pas
devoir abolir entièrement le divorce ; il se
contenta d'en restreindre la liberté. Cette
permission ou cette tolérance des lois civiles
n'inilua en rien sur l'esprit de l'Eglise ; elle
regarda toujours le divorce comme prohibé
par l'Evangile, et comme incapable de rom-
pre le lii'n (lu mariage. Elle retrancha tou-
jours de sa communion les conjoints qui,
après s'Être sé])arés, convolaient à de se-
condes noces ; elle les traita en adultères, en
les assujettissant à la peine que les canons
prononcent contre ceux qui se rendent cou-
j)ables de ce crime. Parmi nous, les lois de
l'Etat ont adopté les lois de l'Eglise; le divorce
u'est point admis pour quelque cause que ce
soit. Nous y avons substitué la séparation
d'habitation, quoad tliorum, qui Ifdsse tou-
jours subsister le lien et autorise seulement
les conjoints à uc plus vivre ensemble. Yoy.
DlVOllCE.
Dans les gouvernements protestants ,- le
divorce est encore admis pour certaines rai-
sons. L'auteur de la Vie de Jean Sobieski
assure qu'il est aussi en usage en Pologne.
L'indissolubilité du mariage reçoit cepen-
daul uue exception parmi les catholiques.
MÀR
C-2-2
La profession religieuse l'emporte sur le
mariage dans deux cas.
Le ])rcmier, lorsque les deux époux con-
sentent volontairement et librement h entrer
dans un ordre religieux admis dans l'Etat, et h
y faire des vœux. Mais il est nécessaire que
l'un et l'autre contractent ce nouvel engage-
ment ; car si l'un des deux seulement lo
coniracfait, lo lien du mariage subsisterait
toujours ; il no suflit pas, pour le rompre,
du consentement de l'autre époux. Quia, dit
le pajic saint Grégoire , postquam copula-
tione conjugii viri atque mulieris unum cor-
pus efficitur, non potest ex parte converti,
et ex parte in .fœculo remanere. 11 en est de
mémo h cet égard de la promotion aux or-
dres sacrés. On ne doit pas ordonner un
homme marié si sa femme ne fait pareille-
ment V03U de continence. C'est la décision
d'Alexandre 111, cap. 5, cxt. de Convers.
conjug. : Nulius conjugatorum est ad sacros
ordines promovendus, nisi ab uxorc conti-
ncntiam profHente, fucrit absolutus.
Les lois de l'Eglise, à ce sujet, ont pré-
valu sur celles de Justinion qui, par sa no-
vellc 21, cap. 5, avait permis le divorce k
celui des deux conjoints qui voulait em-
brasser la profession religieuse. Il pensait
que, dans ce cas, ce n'était pas l'homme,
mais Dieu lui-même qui rompait le mariage,
en inspirant à un des conjoints le dessein
d'embrasser un état plus parfait, et de se con-
sacrer entièrement à lui. L'Eglise en a jugé
autrement, en exigeant non-seulement le
consentement des deux parties, mais même
que tous les deux embrassent à la fois un
état qui leur fasse h l'un et à l'autre une loi
de la continence. Il est cependant une cir-
constance qui permet à un mari d'embras-
ser la profession religieuse ou de se faire
promouvoir aux ordres sacrés sans le con-
seiittinent de sa femme ; c'est lorsque la
femme a été convaincue d'adultère et con-
damnée en conséquence à la réclusion jjar
un jugement qui ne serait pas par défaut,
et qui aurait force de chose jugée. La fem-
me, dit-on, ayant perdu le droit de deman-
der le devoir conjugal et de demeurer avec
son mari, son consentement cesse d'être né-
cessaire ; mais la femme n'a pas pour cela le
droit de se remarier pendant le vie de son
mari. Une femme ayant eu querelle avec son
mari, l'avait quitté et avait épousé un autre
homme. Le mari s'était fait ordonner prêtre,
et s'était ensuite fait moine de Cîteaux. Inno-
cent 111 décide que cette femme doit quitter
son prétendu second mari avec lequel elle
vivait en adultère, et qu'elle ne doit pas être
reçue à redemander le premier.
Le second cas oii l'indissolubilité du ma-
riage reçoit une exception , c'est lorsqu'il
n'a point* été consommé. Alors un des deux
conjoints peut embrasser la vie religieuse
sans le consentement de l'autre, qui devient
par-là même libre. Tel est le droit des Dé-
crétais, confirmé par le concile do Trente :
Si quis dixerit matrimonium ratum non con-
summatum , per solcmnem religionis pro-
feisio)wn allerim conjugum, non posso di-
G2Ô
MÀH
MAR
624
rimi, avothema- sit. Cette prérogative des
vœux solennellement émis dans un ordre
approuvé de dissoudre le mariage non con-
summatum, n'a pas été accordée à la pro-
motion aux ordres sacrés. Si un homme ma-
rié, quoi(|ue n'ayant pas consommé sonma-
rianr, recevait la prêtrise ou tout autre ordre
sacré', il devrait être déclaré suspens de ses
ordres et condamné à retourner avec sa
femme. La raison qu'en apporte Jean XXII,
c'est que ni la loi divme ni la loi ecclésias-
tique n'ont donné à la promotion aux or-
dres .'^acrés l'effet de pouvoir dissoudre le
mariaqe môme non cai^ommé : cum nec
jure divino nec per sacra; canones rcpcriatur
hoc slatutum. Extravag., cap. unie, de Voto
et vot. redempt.
Deux textes de l'Evangile ont fait naître
la question de savoir si l'adultère de la
femme (iissout le mariage. Les Pharisiens
ayant demandé à Jésus-Christ, si licet ho-
mini dimittere uxorem suam quacunque ex
causa, le divin Législateur répond que le
mariage, par son institution, est indissolu-
ble, et qu'il n'est pas permis à l'homme de
sé|)arer ce que Dieu a uni. Il résout l'objec-
tion prise de ce que Moise avait permis le
divorce : Quoniam vobis Moïses ad duriliam
cordis vcstri permisit... dico aulem vobis
quia quicunque dimiserit uxorem suam, nisi
ob fornicationem et aliam duxerit, mœcha-
tur : et qui dimissam duxerit mœchatur ,
S. Matth., chap. xix. Dans le chapitre t du
même Evangile on lit : Dictum est, quicun-
que dimiserit uxorem suam, det ei libellum
repudii : ego autem dico vobis, quia omnis
qui dimiserit uxorem suam, excepta fornica-
tionis causa, facit eam mœchari ; et qui di-
missam duxerit , adultérât. Par ces deux
exceptions qu'on lit dans les deux textes, nisi
ob fornicationem, excepta fornicationis causa,
Jésus-Christ entend-il permettre à l'homme
de faire un véritable divorce, qui rompe, en
cas d'adultère de la part de la femme, le lien
du mariage, ou lui permet-il seulement de
se séparer d'habitation d'avec sa femme,
sans qu'il soit coupable devant Dieu de l'a-
dultère qu« la femme, ainsi renvoyée, pour-
rait commettre en épousant un autre hom-
me ? En deux mots, Jésus-Christ autori.-e-
t-il, dans le cas de l'adultère de la part de la
femme, un véritable divorce ou une simple
séjiaration a thoro ?
La question a souffert difficulté dans les
premiers siècles du christianisme. Lo con-
cde d'Arles, de l'an 31i, quoique composé
de six cents évoques, n'osa la décider ; il se
contenta de conseider simplement au mari
de ne pas se marier du vivant de sa femme
adultère, placuil ut, in quantum potest, con-
silium eis detiir, ne viventibus uxoribus, licet
adulteris, alias accipiant. Tertullien, saint
Epiphane, Astérius, évoque d'Araasée, ont
pris les deux textes de l'Evangile cités, dans
le sens que l'adultère de la femme dissout
le mariage : Existimate et omnino vobis pcr-
suadete matrimonia morte tantum et adulte-
rio dirimi. Saint Augustin a embrassé l'opi-
nion contraire. Il avoue cependant que de
son temps les avis étaient partagés, et que
l'Ecriture sainte était fort obscure sur cette
question.
L'Eglise grecque a suivi le premier senti-
ment, et y a persévéré jusqu'k présent. L'E-
glise latine a adopté le second, comme on
peut le voir dans les Capitulaires do Charlc-
magne et dans les conciles du ix* siècle. Le
droit canonique moderne, c.'est-h-dire le dé-
cret et les décrétales tiennent également la
doctrine de l'indissolubilité du mariage ,
môme pour cause d'adultère de la femme.
Ils ont établi la distinction de la séparation,
quoad thorum et quoad vinculum. Quamvis ex
causa fornicationis liceat thori separationem
facere, non tamen aliud matrimonium conti-a-
here fas est, cum matrimonii vinculum légi-
time contracti sit perpetuum, dit le concile
de Florence, tenu sous Eugène IV.
La question ayant été de nouveau propo-
sée au concile de Trente, il laissa à chaque
Eglise la liberté de suivre son ancienne dis-
cipline , et se contenta de frapper d'ana-
thème ceux qui taxeraient d'erreur la disci-
pline de l'Eglise latine sur ce point ; et il
n'est pas douteux parmi nous, que lorsqu'un
homme s'est fait séparer de sa lemme, après
l'avoir convaincue d'adultère, le lien du ma-
riage est censé subsister et forme un empê-
chement dirimant qui rend nul le mariage
qu'il contracterait avec une autre du vivant
de celle qu'il a répudiée. On s'est élevé de-
puis quelque temps contre cette doctrine. Il
a paru plusieurs écrits, dans lesquels on a
fait valoir les sentiments des anciens Pères
de l'Eglise et des raisons politiques, pour
faire admettre l'adultère de la part de la
lemme, comme une cause opérant la dis-
solution du mariage : mais voy. Divorce.
M. Linguet, dans sa consultation pour un
charpentier de Landau, dont la femme s'était
retirée en pays étranger, avec un sergent d'un
régiment suisse qu'elle y avait épousé, a cru
ne pouvoir, dans l'état actuel de notre légis-
lation, donner d'autre conseil à son client
que de s'adresser au pape et au roi, à retfet
d'obtenir des deux puissances une dispen-e
en vertu de laquelle il pourrait se remarier.
S'il est un cas où une pareille dispense
puisse s'accorder, c'est dans celui du char-
pentier de LandaUj qui, dans toute la force
de l'âge et du tempérament , se trouve
forcé de garder le célibat par la fuite de sa
femme, qui va contracter de nouveaux liens
dans un pays étranger.
On a poussé si loin parmi nous la doctrine
de l'indissolubilité du mariage, que le Par-
lement de Paris a jugé qu'un Juif converti à
la religion chrétienne ne pourrait se rema-
rier, quoique sa femme juive eût refusé do
le suivre depuis sa conversion, eût ticcepté
le libelle du divorce permis par la loi de
Moise, et qu'une sentence de l'OfTiciahté de
Strasbourg l'eût, conformément à l'usage
pratiqué dans la province, déclaré libre de
se pourvoir par mariage en face de l'Eglise,
avec une femme de la religion qu'il venait
d'embrasser. Cet arrêt, du 2 janvier 1758,
rendu contre BoraichLévi, et que l'on trouve
C25
MAR
MAR
626
flans lous nos livres, est contraire h l'opi-
nion (les premiers théologiens, des plus et'-
K^'lires cnnonistes, de Benoit IV, d'une foulo
tl'auteurs du premier mérite ; aux Rituels
de plusieurs diocèses , au Catéchisme do
Montpellier, etc. Il est en outre contraire ii
la jurisprudence du conseil souverain d'Al-
sace, et ;> l'usage constamment observé jus-
qu'alors dans les diocèses où il y a des Juifs,
tels que Strasbourg, Metz, Toul et Verdun.
Mais la cour n'a vu, dans toutes les autorités
et dans cet usage, qu'une erreur qui no pou-
vait anéantir ce principe que te mariage,
même connue contrat naturel, est indissolu-
ble ; et qu'en promettant à un infidèle con-
verti de se remarier du vivant de sa femme,
si elle ne voulait pas le suivre à raison do
la disparité des cultes, c'était abuser d'une
liiusse interpri'tation donnée parles théolo-
giens scolasliques à ce passage de saint Paul,
si discfsscrit, discedat, non cnim subjrctus est
fraler aut soror in hujusmodi, qui ne doit
élre entendu que do la séparation quoad
llturum, et non pas quoad vinculum.
. Le mariage étant de sa nature indissolu-
ble, lorsqu'il a été légitimement contracté,
aucune puissance humaine ne peut le cas-
ser. Il ne faut donc pas croire que lorsqu'un
mariage est cassé, ce soit une dissolution
proprement dite. Il faut entendre par cassa-
tion le jugement j)ar lequel le juge déclare
que le mariage n'a pas été va^.ablement
cuniracté et qu'il est nul. Casser un mariage
n'est donc autre chose que déclarer qu'il n'a
jamais existé.
Les demandes en cassation de mariage
peuvent être intentées par l'une des parties
C(ui l'ont contracté, par les jières et mères,
tuteurs ou curateurs, par les parents colla-
téraux, et quelquefois par la partie publi-
c|ue. Pour qu'un des conjoints puisse atta-
quer son mariage, il est nécessaire que le
moyen qu'il emploie opère une nullité ab-
solue, comme un empêchement dirimant do
droit naturel ou de droit divin, ou l'omis-
siiin d'une solennité essentielle. Il devrait
être déclaré non-recevable, si la nullité n'é-
tait que respective, et surtout si elle prove-
nait de son fait. 11 arrive même qu'en ac-
cueillant la demande (i'une des parties, on
la condamne en des dommages et intérêts
envers l'autre. Un arrêt de 17-21, en décla-
rant, sur la demande du sieur de la Noue,
son mariage abusif, le condamna en 50,000
liv. de dommages et intérêts envers la femme
qu'il avait épousée.
Il est difiicilc de donner des principes qui
puissent s'appliquer à toutes les espèces cjui
peuvent se iirésenter. C'est aux magistrats à
concilier dans leur sagesse tout ce qui est
dû à la dignité du sacrement, à l'honnêteté
publique, à la bonne foi et à la possession
d'état. Un conjoint qui, pour rompre des
liens qu'il a vulontaircment contractés, veut
lui-même révéler sa propre turpitude, est
bien défavorable. 11 ne doit y avoir que le
,'.rand piincipe de l'intérêt et de l'ordre pu-
blic qui puisse le faire écouter. Mais si c'est
la partie lésée qui se plaint ; si une femme
vient h découvrir qu'elle a Oté trompée ; que
celui qu'elle croit son époui n'a jamais pu
l'êlre; qu'après son décès, son mariage sera
attaqué, et qu'il est tellement nul, ' qu'elle
sera reléguée dans la classe des concubines,
et ses enfans dans celle des bâtards, ne doit-
elle pas, du moment que ses yeux sont ou-
verts à une triste lumière, et que sa bonne
foi cesse, |)rendre tous les moyens possibles
pour éviter les malheurs dont elle est me-
nacée ? KUe doit tenter de faire réhabiliter
son mariage; mais si la chose n'est pas pos-
sible, il ne lui reste d'aulro voie que celle
de recourir aux tribunaux, et de prévenir
elle-même, en faisant déclarer son mariage
nul, un arrêt qui la tLtrirait après le décès
de celui qui la trompée. Autant cette fennne
est malheureuse, autant la justice doit s'em-
presser à lui procurer des compensations'.
Si 1 empêchement dirimant, qui rend lo
mariage nul en lui-même, est un de ces
défauts qui ne peut être connu que des con-
joints, il n'y a que la partie lésée qui ait
droit de s'en plaindre. Ainsi, lo mari im-
puissarit est non-;ecevablc à demander que
son mariage soit déclaré nul. Ne doit-il pas
s'estimer heureux que sa femme qui lui est
attachée se contente du nom stérile d'épouse,
et porte la délicatesse jusqu'à ne pas vou-
loir lever le voile qui cache à tous les yeux
les secrets de la couche nu|)liale : la justice
le repousse avec indignalicui : Nemo audiri
débet propriam allegans turpitiidinem !
Les père et mère d'un mineur qui s'est
marié sans leur consentement sont parties
capables pour poursuivre la nullité de son
mariage. Riais eux seuls ont droit de se
plaindre de l'atteinte portée à leur autorité;
si par la suite ils approuvent ce mariage ou
le reconnaissent, ils sont par-là mêuie non-
recevables à l'attaquer. Leur silence pendant
leur vie, ou ])endant celle do leur enfant,
est une approbation tacite qui couvre la nul-
lité. Leurs droits à cet égard sont des droits
purement personnels, qui s'éteignent avec
eux et ne peuvent se transmettre. Jamais des
collatéraux ne sont admis à exciper du dé-
faut do consentement des pères et mères.
C'est la jurisprudence constante de tous nos
tribunaux, et c'est ce qui prouve combien
nous avons été fondés à dire ci-dessus quo
cette nullité n'est point railicale et absolue,
même pour le mariage des mineurs. Nous
ajouterons, pour conlirmcr ce princi[)e, quo
si un père et une mère gardent le silence
pendant la minorité de leur lUs, et que lui-
même persévère, après sa majorité, à regar-
der son ?riarw(/e comme valable, la séduction,
qui est la principale base de la nécessité du
consentement des père et mère, disparait.
On ne la présume plus, parce qu'on ne peut
pas présumer que si elle eût existé, les père
et mère eussent gardé le silence pendant la
minorité de leur lils, et que lui-même, par-
venu à sa majorité, n'eût pas réclamé. II ne
resie plus aux père et mère que la faculté de 1
déshériter, si d'ailleurs ils n'ont p-s recor,
ou approuvé le mariage. Les tuteurs
aussi parties capables pour tttaqucr les
627
MAR
MAR
028
riagcs de leurs 'mineurs. Mais comme leur
autorité n'est, pour ainsi dire, que l'ombre de
celle des pères et mères, leur réclamation
n'est point écoutée, à moins qu'ils ne prou-
vent que le mineur a été séduit.
Quant aux collatéraux, la loi ne les admet
• point à contester le rnariage pendant la vie
• des deux époux ; ce n'est qu'au décès de
I l'un ou de l'autre qu'ils peuvent avoir inlé-
; rêt à le faire annuler. Leurs droits, s'ils en
ont, ne sont ouverts qu'à ce moment. L'action
qu'ils intentent môme à cette époque est
toujours défavorable. II faut que la nullité
qu'ils opposent à ce mariage attaqué soit ab-
solue et radicale. « Si l'on excepte, dit M.
d'Aguesseau, certains défauts essentiels qui
forment des nullités que le temps ne peut ja-
mais couvrir, certaines circonstances, où la
considération du bien public semble se join-
dre aux collatéraux, pour s'élever contre un
mariage odieux, il est difficile qu'ils puissent
détruire les fins de non-recevoir qu'on leur
oppose : le silence dos pères et des mères
et des contractants mêmes, l'union de
leur mariage, la possession paisible de leur
état , etc. »
La reconnaissance des collatéraux pendant
la vie des deux époux ne forme point une
fin de non-recevoir qui puisse couvrir des
nullités absolues, parce qu'en général l'ap-
probation donnée à un acte ne rend non-
recevable à l'attaquer que lorsqu'elle est
donnée dans un temps où le droit de l'atta-
quer était ouvert. Plusieurs arrêts ont con-
firmé ce principe. Nous nous contenterons
de citer celui du 1" février 1755, rendu sur
les conclusions de M. Bochardde Sarron. Le
mariage du sieur de la Vaquerie de Bacliivil-
iier avec Pbilippine Belabre fût déclaré abusif.
Le moyen que le frère du sieur Bachivillier
opposait à ce mariage était puisé dans le dé-
faut de concours des deux curés. Philippine
Belabre se défendait par des fins de non-re-
cevoir. Elle disait que le frère du sieur Ba-
chivillier l'avait reconnue comme sabelle-sœur
légitime dans dilférentes lettres qu'il lui
avait écrites, et qu'un collatéral était non-
recevable à attaquer, par la voie de l'appel
comme d'abus, le mariage d'un parent sur
lequel il n'avait aucune autorité. Le frère
répondait que le moyen d'abus résultant du
défaut de concours des deux curés était ab-
solue pouvait seproposer par des collatéraux.
Quant à la prétendue reconnaissance du
mariage, il disait qu'elle n'était d'aucun poids
quand elle était émanée de celui qui n'avait
pas droit de s'en plaindre pendant la vie des
conjoints. Sur ces moyens respectifs, intervint
l'arrêt ci-dessus daté. 11 y avait cette circons-
tance particulière que Philippine Belabre,
quoique veuve depuis trois mois , avait pris
la qualité de fille majeure, et dans son con-
trat de mariage et dans ses dispenses de
publication de bans accordées par M. l'ar-
chevêque de Rouen.
Si la reconnaissance des collatéraux est
postérieure au décès de leur parent, ils no
peuvent plus attaquer son mariage : ils y sont
absolument non-recevablcs. Ces principes fu-
rent établis par M. l'avocat général Le Nain,
dans une cause jugée en 1707. Ils ont été con-
firmés par un arrêt du 26 janvier 1756, rendu
sur les conclusions de M. l'avocat général
Séguier. Isaac-Jean Picot, originaire d'Abbe-
ville, mais domicilié à Dunkerque, avait
épousé, en 174-7, une Anglaise dans l'île do
Guernesey. Il n'était sûrement pas marié
devant son propre curé ; d'ailleurs le mariage
avait été célébré en pays étranger. Après le
décès de Picot, son frère attaqua son mariage.
Sa veuve, qui depuis s'était remariée, n'op-
posa à son beau-frère que sa reconnaissance
l)ostérieure au décès de Picot : et cette fin
de non-recevoir fut accueillie.
Dans ces sortes d'aflaires, c'est surtout
aux circonstances qu'il faut s'attacher. Elles
varient à l'infini, et font souvent plier la loi.
En voici un exemple récent. Louis Esparcieux,
après avoir fait profession dans l'ordre des
Capucins, quitta son monastère et se réfugia
à Genève. Il y vécut pendant six ans dans
la religion prétendue réformée, et épousa
ensuite Marguerite Philibert, dont il eut une
fille nommée Lucrèce Esparcieux. Après la
mort de Louis Esparcieux, arrivée en 1735 ,
la veuve vint s'établir à Lyon, et abjura la
religion protestante. Lucrèce Esparcieux, sa
fille, épousa Gabriel Bouchard. Louis Espar-
cieux, avant sa profession dans l'ordre des
Capucins, avait fait, en 1725, une donation de
tous ses biens. Sa fille attaqua cette donation ;
et pour faire tomber la fin de non-recevoir
prise de l'émission des vœux de son père ,
elle en interjeta appel comme d'abus. D'un
autre côté, les représentants du donataire
interjetèrent aussi appel comme d'abus du
mariage de Louis Esparcieux. Arrêt du 31
décembre 1779, qui déclare Lucrèce Espar-
cieux non-recevable dans l'appel comme
d'abus par elle interjeté de la profession de
son père dans l'ordre des Capucins ; déclare
pareillement les représentants du donataire
non recevables dans l'appel comme d'abus
inttTJeté du mariage de Louis Esparcieux
avec Marguerite Philibert. « Néanmoins, au-
torise la dite Lucrèce Esparcieux, femme
Bouchard, à répéter, à titre d'aliments, le tiers
des biens appartenant ou devant appartenir
à son père au moment de la donation, dé-
duction faite sur ce tiers de 100 livres de
provision accordée à la femme Bouchard ,
tous dépens compensés. » Si la cour se fût
attachée à la rigueur des principes, elle eût
autrement jugé. Mais le temps, la possession
d'état, la bonne foi de la femme, une nom-
breuse famille dont il était dur d'entacher
l'origine, parurent des fins de non-recevoir
qui devaient écarter des collatéraux. On ap-
pliqua à l'espèce cette loi d'un des empe-
reurs romains : Movemur et temporis diutur-
nitate et numéro liberorumvestrorum.
Les curés sont non-recevables à attaquer
les mariages de leurs paroissiens, sous pré-
texte qu'ils n'y ont point assisté ou consenti.
C'est ce qui a été jugé par un arrêt du 29
décembre 1693, qui déclara le curé de Rether
non-recevable dans l'appel comme d'abus,
qu'il avait interjeté du mariage de ses parois-
620
MAR
MAR
650
siens célébré à Paris sans sa permission , et
renvoya les parties contractantes par-devant
le diocésain pour recevoir pénitence, et
procéder à la célébration de leur mariage, si
faire se doit.
Si lieux personnes vivaient publiquement
connue mari et femme, et qu'il fût do noto-
riété qu'ils ne seraient pas mariés, il n'est
pas douteux que les officiers chargés du
ministère public auraient action pour faire
réprimer un pareil scandale ; mais ils ne doi-
vent point non plus s'ériger en inquisiteurs, et
chercher à découvrir des défauts secrets pour
attaquer des mariages dont personne no se
plaint. La déclaration du 15 juin 1697 leur
trace, ainsi qu'aux promoteurs des officiali-
tés, la marche qu'ils ont à suivre. Le légis-
lateur n'y a en vue que d'empêcher les ma-
riages clandestins , c'est-à-Hire ceux qui
n'auront point été célébrés par le propre curé
des parties. 11 veut que les juges, môme sur
les poursuites que le ministère public pour-
rait faire d'office, pendant la première année
desdits prétendus mariages, obligent ceux
qui prétendent avoir contracté des mariages
de cette nature, de se retirer par-devant leur
archevêque ou évoque, pour les réhabiliter
suivant les formes prescrites par les ordon-
nances, et après avoir accompli la péuitenco
qui leur sera par eux imposée.
Ainsi, les procureurs du roi dans les siè-
ges royaux, et à plus forte raison les procu-
reurs généraux dans les cours souveraines,
ont action, pendant la première année du mo-
riage, contre ceux qui ne l'ont pas célébré
devant leur propre curé ou sans dispenses,
pour les faire contraindre à se retirer devant
i'évêque pour le réhibiliter. Les promoteurs
des officialités ont le môme droit dans cer-
tains cas; ils peuvent faire assigner les par-
ties devant l'évoque pour la réhabilitation
de leur mariage. Mais pour cela il faut la
réunion des trois circonstances : 1° qu'il s'a-
gisse d'un mariage célébré par un prêtre
étranger sans la permission de l'évoque ou
du curé; 2° que le mariage ne soit attaqué ni
par le j)rocureur du roi, ni par aucune par-
tie civile; 3° que l'on soit encore dans l'année
de la célébration du prétendu mariage. Ces trois
conditions sont exigées par la déclaratien du
15 juin 1697, qui esi le fondement de la com-
pétence des promoteurs en cette matière.
L'édit du mois de décembre 1606, art. 12,
attribue aux juges d'Eglise la connaissance
des causes qui concernent les mariages, à la
charge par eux de se conformer aux ordon-
nances du royaume; ce qui a été confirmé
par l'art. 3i de celui de 1695. « La connais-
sance , dit ce dernier édit , des causes qui
concernent les sacrements, apjiartiendra aux
juges d'Eglise. Enjoignons à nos ofticiers,
même à nos cours de Parlement, de leur en
laisser, môme leur en renvoyer la connais-
sance , sans prendre aucune juridiction ni
connaissance des affaires de cette nature, si
ce n'est qu'il y eut appel comme d'abus, de
Quelque ordonnance , jugement ou procé-
ure faite par le juge d'Eglise, qu'il s agisse
d'une succession ou autres etl'ets civils , à
l'occasion (desquels on traiterait do l'état dos
personnes décédées ou de celui de leurs
enfants. » Les limites do la juridiction ecclé-
siastique sont tracées par cet article. Les of-
ficiaus doivent connaître de tout ce qui con-
cerne la validité ou l'invalidité du mariage.
Mais s'il s'agit d'une succession , des effets
civils , de l'état des personnes décédées ou
de celui de leurs enfants, les juges d'Eglise
cessent d'être compétents. Ils ne le sont
pas non plus lorsque la question roule sur
lui fait ou sur l'existence même du mariage.
Après cela , il est facile de fixer les cas oii
l'on peut se pourvoir devant les tribunaux
ecclésiastiques.
Lorsque c'est l'une des parties qui ont
contracté le mariage, qui veut en poursuivre
contre l'autre la cissation, la voie ordinaire
est de la faire assigner devant l'official, pour
en voir prononcer la nullité. La voie extraor-
dinaire est l'appel comme d'abus. C'est aussi
la voie que l'on suit le plus souvent pour
faire réformer les jugements des offlciaux,
lorsqu'ils contreviennent aux canons ou aux
ordonnances du royaume. On pourrait ce-
pendant se pourvoir par l'appel simple devant
l'official métrofiolitain. Si c'est un père, une
mère ou un tuteur, qui attaque le mariage à
raison du défaut de son consentement, il
doit se pourvoir par l'appel comme d'abus.
Il ne s'agit alors que d'une infraction aux
lois civiles , puisque ce sont ces lois qui,
parmi nous, ont établi la nécessité de ce
consentement pour la validité du mariage
des mineurs. Lorsque ce sont les |iarents de
l'une des parties qui attaquent après sa mort
son mariage , pour priver la femme de son
douaire, l'exclure du partage de la commu-
nauté , ou les enfants de la succession , la
question ne peut pas être portée devant les
juges d'Eglise. Il ne s'agit pas du lien du
mariage, puisque l'une des parties est décé-
dée. 11 n'y a plus que des intérêts temporels,
des effets civds à régler. L^s tribunaux sé-
culiers sont seuls compétents pour en con -
naître. C'est la disposition textuelle de l'ar-
ticle 3i de léditde 1695, ci-dessus rapporté.
C'est pourquoi, dans ce cas, on se pourvoit
toujours par l'appel comme d'abus.
Pour compléter la matière de cet article,
il nous resterait à traiter les séparations
d'habitation , les seconds mariages et l'édit
des secondes noces , qui ont un rapport im-
médiat au mariage. Nous les avons indiqués
dans notre division. Mais la nature de cet
ouvrage ne nous permet pas de nous en oc-
cuper ici. [M. l'abbé BEnTOLio, avocat au
Parlement.) (Extrait du Dictionnaire de Jur-
risprudcnce.)
MARIE, mère de Jésus-Christ. Les catho-
liques la nomment communément la sainte
Vierge, la mère de Dieu.
11 était prédit par la prophétie de Jacob,
Gen., c xLix, v. 18, que le Messie naîtrait
du sang de Juda; et par celle d'Isaîe, c, vu,
V. li, qu'il naîtrait d'une vierge ; les Juifs
enont toujours été persuadés, et ils le croient
encore aujourd'hui : leur croyance commune
était aussi qu'il serait de la race de David,
031
MAR
MÂR
C52
Matih., c. xxn, v. i2, selon une autre pré-
diction d'Isaie, c. xi, v. 1. Conséquemment
saint Matthieu et saint Luc ont fait la généa-
logie de Jésus-Christ , afin do montrer qu'il
réunissait dans sa personne ces divers ca-
ractères. Il faut donc que Marie, sa mère,
ait été de la tribu de Juda et de la race do
David aussi bien que Joseph, son époux.
Certains critiques ont prétendu que cela ne
pouvait pas être, puisque, selon l'Evangile,
Mark était cousine d'Elisabeth , femme du
prêtre Zacharie : or les prêtres, disent-ils,
devaient prendre des femmes dans leur pro-
pre tribu ; c'était une loi générale pour tous
les Israélitos ; Marie était donc pJ'itôt de la
tribu de Lévi que de celle de Juda. Ainsi
raisonnent les manichéens. Saint Augustin,
livre xum, contra Faust., chap. 3 et 4.
Mais s'il en était ainsi, et si la loi ne souf-
frait point d'exception, Marie n'aurait pas
pu épouser Joseph, qui était certainement
de la tribu de Juda et do la race de David ;
il lauî donc ou que Zacharie, ou que Joseph
ait été dispensé de la loi. Elle avait été éta-
blie afin que les filles héritières ne portas-
sent point les biens de leur tribu dans une
autre; elle n'avait donc pas lieu lorsqu'une
fille n'était pas héritière de sa famille , et il
n'y a point de preuve qu'Elisabeth ait été
héritière de la sienne. D'ailleurs , après le
retour de la captivité , les prêtres qui ne
trouvaient pas d'épouses dans leur propre
tribu , furent obligés d'en prendre dans
celle de Juda , qui était la plus nombreu-
se, et qui composait alors le gros de la
nation. Le prêtre Zacharie avait donc pu
épouser Elisabeth, quoiqu'elle ftit de la tri-
bu de Juda.
Les protestants, qui ne peuvent pas souf-
frir le culte que nous rendons à la Vierge
Marie , ont fait tous leurs eiforts pour obs-
curcir et déprimer les prodiges de grâce que
Dieu a opérés dans cette sainte créature ;
nous avons donc à justifier contre eux, non-
seulement les vérités que l'Eglise catholique
a décidées sur ce sujet, mais encore les opi-
nions théologiques universellement établies ;
les unes et les autres sont fondées sur le
respect qne nous avons pour Jésus-Christ,
et sur l'idée que l'Ecriture sainte nous donne
de la grâce de la rédemption.
l. La croyance commune des catholiques
est que Marie a été exempte de tout péché.
Au mot Conception immaculée, nous avons
fait voir que, quoique l'Eglise n'ait pas for-
mellement décidé que Marie a été exemple
du péché originel , c'est cependant une
croyance fondée sur les preuves les plus so-
lides, môme sur l'Ecriture sainte et sur une
tradition constante. Il n'y a donc aucun su-
jet de blâmer la loi qui défend à tout théo-
logien catholique d'attaquer ce point de doc-
trine, et de le révoquer en doute. Quant à
l'exemption de tout péché actuel, môme vé-
niel, ce privilège que nous attribuons à Ma-
rie est établi sur les preuves les plus soli-
des. Les paroles de l'auge , je vous salue,
M:iric, pleine de grâce, le Seigneur est avec
vous, ne sont suscoptibl&s d'aucune limita-
tion, non plus que celles des Pères de l'E*
glise, qui disent que la sainte Vierge a été
toujours pure et exempte de tout péché.
Saint Augustin, L. de Nat. et Grat. , c. 36,
n. 4-2, déclare que, par respect pour le Sei-
gneur, lorsqu'il s'agit de péché, il ne veut
pas que l'on fasse aucune mention de la
sainte Vierge Marie. « Nous savons, dit-il,
qu'elle a reçu plus de grâces pour vaincre
le péché de toute manière, parce qu'elle a
eu le bonheur de concevoir et d'enfanter ce-
lui qui n'a jamais eu aucun péché. « Aussi
le concile de Trente, sess. 6, de Justif:, can.
23, déclare que personne ne peut, pendant
toute sa vie, éviter tout péché, même vé-
niel, sans un privilège particuher reçu de
Dieu, tel que l'Eglise le croit à l'égard de la
sainte Vierge.
Vainement des critiques protestants ont
objecté que plusieurs auteurs chrétiens n'ont
point attribué ce privilège h-Marie, et qu'ils
l'ont crue coupable de quelques fautes légè-
res. S'il y a eu quelques écrivains respecta-
bles qui aient été de ce sentiment, ils raison-
naient sur des passages de l'Ecriture sainte,
desquels ils ne prenaient pas le véritable
sens, et qui ont été mieux eiyiliqués par
d'autres. Ce serait , par exemple, sans au-
cun fondement que l'on soupçonnerait la
sainte Vierge coupable d'un moment d'in-
crédulité, lorsqu'elle fut étonnée de ce que
l'ange Gabriel lui annonçait sa maternité
divine ; il était naturel de demander , com-
ment cela pourra-t-il se faire, dès que je ne
connais point cVhomme? Aussi, lorsque l'ange
lui dit que ce serait par l'opération du Saint-
Esjirit , elle ne douta point , et elle se sou-
mit à l'ordre du ciel. .
Il y aurait encore moins de raison de pré-
tendre qu'aux noces de Cana elle ressentit
un mouvement de vanité, lorsqu'elle espéra
que son Fils ferait un miracle en faveur des
époux, ou lorsqu'elle vint le voir environné
du peuple qui l'éceutait [Matlh. , xii , 4-6).
Un sentiment de charité pour des gens qui
sont dans la peine , et un sentiment de ten-
dresse maternelle, ne sont pas des péchés.
De quel front a-t-on ])u écrire que Marie,
au pied de la croix, à la vue des souffran-
ces et des ignominies de son Fils, fut tentée
de douter de sa divinité ? L'Evangile ne nous
donne lieu que d'admirer son courage. Les
incrédules ont ajouté à tous ces reproches
ridicules et dénués de tout fondement, une
calomnie contre Jésus-Christ même ; ils ont
dit que dans les occasions dont nou^ venons
de parler , le Sauveur traita durement sa
sainte mère. Au mot Femme, nous avons fait
voir le contraire.
II. La virginité de Marie a été perpétuelle
et inviolable; c'est une vérité que l'Eglise a
décidée, dès les premiers siècles, contre les
ébionites et contre d'autres hérétiques.
Avant d'en déduire les raisons, il est désa-
gréable pour nous d'avoir à réfuter une ca-
lomnie grossière et impie, forgée par pure
malignité, et que les incrédules ont em-
pruntée des Juifs; ils ont dit que Jésus-
Christ était né d'un adultère. Gelse met ce
635
IIAR
MAR
C54
reproche dans la boucho d'un Juif ; il est
répétC) dans le Talmud ot dans les Vies do
Jésus-Clirist composées par les rabbins mo-
dernes.
Nous y opposons, 1* la sévérité avec la-
qu'elie les filles nubiles étaient gardées chez
les Juifs, la rigueur avec laquelle étaient
punies celles qui tombaient en faute après
leurs fiançailles, à plus forte raison les fem-
mes adultères; la loi ordonnait de les lapi-
der et de noter d'infamie le fruit de leur
crime. S'il y avait eu lieu au moindre soup-
çon contre la conduite do Marie, les Juifs,
devenus jaloux do Jésus, n'auraient pas
soutl'ert qu'il échappât, non plus que sa
mère, à la peine infligée par la loi. Les pa-
rents de Joseph, qui furent d'abord incré-
dules à la mission de Jésus, n'auraient pas
supporté dans le silence l'opprobre dont ce
crime les aurait couverts. Jésus lui-môme,
chargé d'ignominie, n'aurait trouvé ni di-
sciples ni sectateurs ; il n'aurait pas seu-
lement osé enseigner en public , encore
moins s'appliquer les pro[)héties, en pré-
sence de témoine qui lui auraient reproché
sa naissance. Parmi les Juifs persuadés que
le Messie devait naître d'une vierge, il n'y
en aurait pus eu un seul qui eilt voulu re-
connaître pour Messie un enfant adultérin.
2° Les évangélistcs, qui ont rapporté dans
Je plus grand détail les reproches des enne-
mis du Sauveur, n'ont fait aucune mention
de celui-ci ; au contraire, les Juifs repro-
chaient à Jésus d'élre fils d'un artisan nommé
Joseph; ils le regardaient donc comme en-
fant légitime. Il est dit dans le Talmud que
Jésus était né du sang de David; ce n'était
donc pas le fruit d'un adultère.
3° Du temps môme des apôtres, Cérinthe,
Carpocrate, une partie des ébionites, soute-
naient que Jésus était fils do Joseph, et non
conçu par miracle; Orig. contre Cclse, l. ii,
note, p. 385; Eusèbe, 1. ni. c. 17; Théodo-
ret, Hœret. fab., 1. ii, c. 1. Ce soupçon n'a-
vait rien d'injurieflx. Marcion et les gnosti-
3UPS prétendaient qu'il était indigne du Fils
e Dieu d'ôtre né d une femme; ils auraient
rendu leur sentiment bien plus probable,
s'ils avaient pu supi)oser que Jésus-Christ
était né d'un adultère; mais la notoriété pu-
blique ne le permettait pas. Il est donc faux
que saint Luc ait été réduit à forger le mi-
racle d'une conception opérée par le Saint-
Esprit, pour pallier l'opprobre de la nais-
sance de Jésus; saint Matthieu aflirme ce mi-
racle aussi bien que saint Luc, et s'il y
avait eu pour lors quelque doute sur la lé-
gitimité de cette naissance, la supposition
d'un miracle aurait été plus propre à le
confirmer qu'à le dissiper. Mais il n'y avait
aucun soupçon sur ce sujet; la notoriété
publique du mariage de Joseph et de Marie,
et de leur cohabitation constante, écartait
toutes les idées odieuses dont la malignité
des incrédules aime à se repaître.
4* Saint Matthieu et saint Luc confirment
le miracle qu'ils rapportent par d'autres faits,
par deux apparitions d anges faites à Joseph,
par l'adoration des pasteurs et celle dos ma-
ges, par les prédictions d'Elisabeth, de Za-
charie, d'Anne et de Siméon, etc. Ce sont là
des événuments publics que les évangélistcs
n'ont pas pu inventer impunément.
6* Quiconque admet un Dieu et une pro-
vidence, ne se persuadera jamais que Dieu
ait choisi un enfant adultérin pour en faire lo
législateur du genre humain, et le fonda-
teur delà plus sainte religion qui fût jamais;
qu'il ait consacré en quelque façon l'adul-
tère par l'auguste destinée de Jésus-Christ,
par les prophéties qui l'ont annoncé, [lar
les heureux ett'ets que sa doctrine a produits
dans l'univers entier, par les adorations
d'une infinité de peuples; un athée soûl peut
supposer cette absurdité. C'est la réflexion
qu'Origène oppose à Celse. En second lieu,
Cérinthe, Carpocrate et les ébionites, qui
attaquaient la virginité de Marie, en suppo-
sant que Jésus-Christ était né de Joseph,
contredisaient l'Evangile. Saint Matthieu,
c. I, V. 18 et 20, dit formellement que 3Iarie
était enceinte par l'opération du Saint-Es-
prit; que l'enfant qu'elle portait avait été
formé [lar le Saint-Esprit. Il allègue, pour
confirmer ce fait, la prophétie d'isaïe, c. iv,
V. l'i. : « Une Vierge concevra et enfantera
un Fils qui sera nommé Emmanuel, Dieu
avec nous. * Il ajoute que Joseph n'eut au-
cun commerce avec son épouse jusqu'à la
naissance de Jésus, v. 25. Saint Luc, c. i,
V. 34, rapporte la réponse que l'ange du Sei-
gneur fit à Marie, lorsqu'elle lui demanda
comment elle pourrait ôtre mère, puisqu'elle
n'avait commerce avec aucun homme : Le
Saint-Esprit surviendra en vous, la puissance
du Très-Uaut vous protégera, et pour cela
même le Saint qui naîtra de vous sera nommé
le Fils de Dieu. On ne peut pas enseigner
plus clairement que Jésus-Christ a été conçu
sans dunncr aucune atteinte à la virginité do
sa sainte mère.
Mais la bizarrerie des hérétiques est in-
concevable. La plupart des anciens soute-
naient que le Fils de Dieu n'avait pas pu se
revêtir de notre chair, parce que la chair
est essentiellement mauvaise. Suivant leur
opinion, il n'avait pris que les apparences
de la chair; il était né, mort et ressuscité
seulement en apparence. Ceux-là, s'ils rai-
sonnaient conséqucmment, ne devaient pas
hésiter d'admettre la virginité de Marie:
aussi était-ce le sentiment d'une partie des
ébionites. Les autres niaient cette virginité,
ils prétendaient que Jèsus-Christ était né
du commerce conjugal do Joseph avec son
épouse; ils lui contestaient la divinité, et
disaient qu'il n'était Fils de Dieu que par
adoption. Voij. Edionites. Aujourd'hui les
sociniens reconnaissent que Jésus-Christ a
été formé dans lo sein de- Marie, par l'»pé-
ration du Saint-Esprit, et sans blesser la
virginité de sa mère : c'est pour cela, di-
sent-ils, qu'il a été nommé Fils de Dieu :
ainsi l'ange Gabriel le déclare à Marie, Luc,
c. I, V. 34. Donc il n'est Fils de Dieu que
dans un sens métaphorique ; il n'est pas
Dieu dans le sens rigoureux. Ainsi se com-
batteat les sectaires qui se doimeût la li-
655
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MAR
63(5
berté d'interpréter, comme il leur plait, les
paroles de l'Ecriture sainte.
D'autres, non moins téméraires, comme
Eunomius, Pelvidius, Jovinien, Bonose et
leurs seclateurs, prétendirent qu'après la
naissance du Sauveur, Joseph et Marie
avaient eu d'autres enfants; qu'ainsi la mère
de Dieu n'était pas toujours demeurée vierge ;
. ils furent condamnés et réfutés par les Pè-
res de l'Eglise, au grand regret des protes-
tants, ennemis des vœux de virginité. Ils
n'alléguaient que des preuves très-lrivoles ; j
ils disaient : Nous lisons dans saint Mat- '
thieu, c. I, V. 8 et 25, que Marie, épouse de
Joseph, se trouva enceinte avant qu'ils eus-
sent commerce ensemble; que Joseph n'eut
point de commerce avec son épouse jusquà
ce qu'elle mit au monde son prcmier~né.
Cela suppose qu'ils eurent commerce en-
semble dans la suite, et que Jésus eut des
frères : aussi est-il parlé de ses frères dans
l'Evangile.
Les Pères de l'Eglise ont répondu que le
seul dessein de saint Matliieu a été de faire
voir que Jésus-Christ n'était point né du
sang de Joseph, mais conçu par l'opération
du Saint-Esprit. Il le prouve, en rapportant
ce qui a précédé la naissance de Jésus, mais
sans faire mention de ce qui est arrivé
après. Le nom de premier-né se donnait
aussi bien h un fils unique qu'à celui qui
avait des frères. Chez les Juifs, le nom de
frères désignait souvent les cousins germains
et les aulres parents. D'ailleurs Joseph pa-
raît avoir été trop âgé pour avoir des en-
fants. Si Jésus avait eu des frères, il n'au-
rait pas eu besoin, sur la croix, de recom-
mander sa mère à saint Jean, et il ne lui
aurait pas dit à elle-même : Yoilà votre fils.
Petau, de Incarn., 1. xiv, c. 3.
Plusieurs de nos saints docteurs ont été
persuadés qu'avant d'épouser Joseph, Marie
avait promis à Dieu une virginité perpé-
tuelle. En effet, la maternité que l'ange lui
annonçait n'aurait pas pu l'étonner, si elle
s'était proposé de vivre conjugalement avec
son époux. Calvin, Bèze, les centuriateurs
de Magdebourg, ennemis de tous les vœux,
ont tourné en ridicule cette pensée des Pères.
Cependant Pliilon nous apprend que, chez
les Juifs, il y avait des esséniens des deux
sexes, qui faisaient profession de continence
perpétuelle; le vœu de Marie n'avait donc
rien de contraire aux mœurs des Juifs.
h IIL Marie est mère de Dieu dans toute la
{)ropriété du terme. Ainsi l'a décidé, contre
es nestoriens, le concile général d'Ephèsc,
l'an 4-31. En etfet, Marie est certainement
mère de Jésus-Christ. Or, Jésus-Christ est
Dieu; donc elle est mère de Dieu. L'argu-
ment est démonstratif.
Nous avons déjà remarqué que les gnos-
tiques, les docètes, les marcionites, les ma-
nichéens, etc., enseignaient que le Fils de
Dieu ne s'était incarné et n'avait pris un
corps qu'en apparence : ils ne pouvaient donc
pas appeler Marie mère de Dieu dans le sons
propre. Les ariens, qui niaient la divinité
de Jésus-Christ, étaient dans le môme cas.
L'Eglise, en condamnant toutes ces sectes ,
avait assuré à Marie l'auguste titre que nous
lui donnons encore aujourd'hui.
Cependant, vers l'an /i.30, un prêtre de
Constantinople, nommé Anastase, s'avisa do
blâmer ce titre dans ses sermons, et Nesto-
rius, patriarche de cette ville, prit la dé-
fense de ce prédicateur. Mais, pour soutenir
que Marie, mère de Jésus-Christ, n'est pas
mère de Dieu, il faut nécessairement ensei-
gner qu'en Jésus-Christ Dieu et l'homme ne
sont pas une seule personne, mais deux;
qu'entre l'une et l'autre il n'y a pas une
union substantielle, mais seulement une
union morale, c'est-à-dire un concert par-
fait de volontés, d'alfections et d'opérations.
C'est aussi ce qu'enseigna Nestorius. Yoy.
Nestokianisme, § 2. Il se montrait mal ins-
truit, en disant que le nom Seotozo?, mère
de Dieu, n'avait pas été donné à Marie par
les anciens; il lui est donné dans la confé-
rence entre Archélaûs, évoque de Charcar,
et l'hérésiarque Manès, l'an 277, plus de
cent cinquante ans avant Nestorius. Julien,
mort l'an 368, réprouvait cette expression.
Saint Cyrille, contre Julien, 1. vin, pag. 270-
Elle était donc en usage pour lors. Mal à
prO|!OS certains critiques ont avancé fjue
saint Léon, mort l'an 461, en est le premier
auteur.
D'ailleurs , qu'importe le mot lorsque
nous trouvons la chose? Au ir siècle, saint
Irénée appelait Jésus-Christ, Emmanuel, qui
est né d'une Vierge, le Verbe existant de Marie:
Qui ex Virgine Emmanuel, Verbum exislens
ex Maria; il le nomme Fils de Dieu et Fils
de l'homme, c'est-à-dire d'une créature hu-
maine ; il dit que Marie a porté Dieu dans
son sein; donc elle en est la mère. Àdv. hoir.,
lib. in, c. 20, n. 3, c. 21, n. 10. Saint Ignace,
disciple des apôtres, s'exprime de môme,
ad Ephes., n. 7 et 18. Dans le fond, c'est la
même expression que celle de saint Paul,
qui dit que Dieu a envoyé son Fils fait d'une
femme. Galat., c. iv, v. 4.
Mère de Dieu, disent les apologistes de
Nestorius, semble signifier que Marie a en-
fanté la divinité. Fausse réflexion. Ce terme
n'exprime pas plus l'erreur que ceux dont
saint Irénée, saint Ignace et saint Paul se
sont servis. Jésus-Christ est Dieu et homme;
donc Marie est aussi réellement mère de
Dieu que mère d'un homme; elle a enfanté
l'humanité de Jésus-Christ, parce que l'hom-
me n'a pas toujours été, mais elle n'a pas
enfanté la divinité, parce que celle-ci est
éternelle. Dans saint Luc, c. i, v. 13, di-
sent-ils encore, Elisabeth nomme sa cousine
la mère de mon Seigneur, et non la mère de
mon Dieu. Mais les Juifs ne donnaient qua
Dieu seul le titre de mon Seigneur. Elisa-
beth ajoute : Tout ce qui vous a été dit par
le Seigneur s'accomplira . Ici le Seigneur est
certainement Dieu. Ils disent que les an-
ciens nommaient Marie, ©eotoxo?, et non privcp
ToO 0EOÛ. Soit. Ils la nommaient aussi Xpia-oxi-
xoç et non piir^p tov Xptarov. Lcs Latins disaient
Deipara plutôt que mater Dei, et il ne s'en-
suit rien. Au reste, il n'est pas étonnant que
637
MAR
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638
les soriniens, ennemis de la diTinité de Jé-
sus-Christ, et ceux des protestants qui pen-
chent au socinianisme, rejetlenl le titre de
wkVc de Dieu; tous l'ont en aversion, parce
que c'est le fondement du culto que l'Eglise
calliolique rend à la sainte Vierge.
IV. C'est une pieuse croyance que Marie
est rcssuscitée après sa mort, et qu'elle a
(Hé transportée an ciel en corps et en âme.
Au mot Assomption, nous avons fait voir
l'origine de cette persuasion et la manière
dont clic s'est établie. Dans la Bible d'Avi-
(jnon, t. XV, pag. 59, il y a une disserta-
tion de dom Calmetsur le trépas de la sainte
Vierge, oh il rapporte ce qu'en ont dit les
anciens et les modernes; mais le simple ex-
trait que nous en pourrions faire nous mè-
nerait trop loin.
V. De la dévotion envers la sainte Vierge.
Le culte que nous reniions h Mnr/e est fondé
sur les mômes raisons et les mômes motifs
que celui que nous adressons aux autres
saints, avec cette différence que le premier
est plus profond et plus solennel. En effet,
si tous les saints peuvent intercéder pour
nous, et si Dieu daigne écouter leurs prières ,
à plus forte raison la sainte Vierge, plus fa-
vorisée de Dieu, plus riche en mérites, et
élevée à un plus haut degré de gloire que
tous les autres saints, a \ia pouvoir d'inter-
cession, et est digne de nos hommages, do
notre dévotion et de notre confiance.
Cette croyance n'est pas nouvelle dans
l'Eglise, quoi qu'en disent les protestants et
les incrédules. Quand elle ne daterait que
du IV' siècle, comme ils le prétendent, c'en
serait assez pour nous. Les Pères de ce
siècle, qui ont célébré à l'envi les vertus,
les mérites, le pouvoir de la sainte Vierge;
n'ont rien inventé do nouveau; ils ont fait
profession de suivre ce qui était cru, ensei-
gné, établi et pratiqué pendant les trois siè-
cles précédents. On peut voir ce qu'ils ont
dit de la mère de Dieu, dans Pétau, de In-
carn., 1. xiv, c. 8 et 9.
Il y a dans saint Irénée, liv. m, chap. 22,
n. '(■, un passage qui est célèbre. « De môme,
dit ce Père, qu'Eve, épouse d'Adam, mais
encore vierge, est devenue par sa désobéis-
sance la cause de sa propre mort et de celle
de tout le genre humain, ainsi Marie, fiancée
à un époux, et cependant vierge, a été, par
son obéissance, la cause de son salut et de
celui de tout le genre humain. » Et 1. v,
c. 19 : « Si la première a été désobéissante à
Dieu, la seconde a consenti à obéir, afin que
Marie, vierge, devînt l'avocate d'Eve, encore
vierge, et atin que le genre humain, assu-
jetti à la mort par une vierge, fût délivré
par une vierge, etc. » Saint Augustin a cité
ces dernières paroles, pour prouver aux pé-
lagiens le péché originel. A son exemple,
plusieurs autres Pères, comme saint Basile,
saint Epiphane, saint Ephrera, etc., ont fait
le môme parallèle entre Eve et Marie. Cette
doctrine d'un Père du ii'' siècle, suivie par
les autres, a souvent incommodé les protes-
tants ;ils l'ont expliquée selon leurs préjugés.
Daillé, Adv. cultum relig. Latinor., liv. i e.
8, dit que le terme d'avocate, dans saint
Irénée, ne peut signifier ni qu'Eve a invo-
qué la sainte Vierge quatre mille ans avant
sa naissance, ni que Marie a secouru Eve,
morte depuis quarante siècles : Avocate, dit-
il, signilie consolatrice, dans Tertullien et
dans d'autres Pères; ainsi, saint Irénée a
seulement voulu dire que Marie, en répa-
rant le mal que la première avait fait, lui a
fourni un sujet de consolation. Tous les
protestants ont adopté cette réponse; ils la
suivent par tradition.
Mais pourquoi chercher ailleurs que dans
saint Irénée lui-môme le sens du terme
dont il se sert? Partout ailleurs, ce Père
entend par avocate une personne qui accorde
à une autre du secours, de la protection, do
l'assistance. Voy. 1. m, c. 18, n. 7; c. 23,
n. 8: 1. IV, c. 34, n. 4. Nous ne voyons pas
pourquoi il a été plus diliicile h Marie de
secourir, de protéger, d'assister Eve après
quatre mille ans, que de lui donner un sujet
de consolation ; et, puisque cette consola-
tion est pour tous les hommes, elle doit leur
inspirer du respect et de la reconnaissance
pour la sainte créature qui la leur a procu
rée.
Daillé prétend qu'il ne faut pas entendre
ces paroles à la rigueur, puisque c'est Jésus-
Christ seul qui est l'auteur de la rédemption.
Il l'est, sans doute; cependant Dieu a voulu
faire intervenir dans ce mystère le consente-
ment libre do Marie; elle y a donc contribué
par ce consentement, par sa foi, par son
obéissance, comme le dit saint Irénée. Elle
a donc été en cela Vavocate, la protectrice,
la bienfaitrice, non-seulement d'Eve, mais
du genre humain. Lorsque les Pères du iv"
siècle et îles suivants ont dit que Marie
est la mère, la réparatrice, la médiatrice des
hommes , ils n'ont fait que développer la
pensée de saint Irénée. Jésus-Christ est
seul médiateur par ses propres mérites ;
Marie et les saints sont médiateurs parleurs
prières et par leur intercession. Yoy. Mé-
UIATEUK.
Grabe, moins emporté que Daillé, dit que,
quand on avouerait que Marie intercède et
prie pour le salut de tous les hommes en
général, ce que les plus modérés d'entre les
protestants ne refusent pas d'admettre ,
il' est cependant impossible qu'elle entende
les prières de tant de milliers de personnes.
Croirons-nous donc que Dieu n'est pas
assez puissant pour faire connaître à la
sainte Vierge et aux saints les prières qu'on
leur adresse, ou qu'il leur dérobe cette con-
naissance, de peur de les trop occuper?
Si les jilus modérés d'entre les piotestants
admettent que les bienheureux peuvent
intercéder pour nous, ils donnent gain de
cause aux catholiques. Yoy. la Préface de
dom Massuel sur saint Irénée, 2° oissert.,
art. 6.
Mais, pour les satisfaire, il faut leur prou-
ver le culte, l'intercession et l'invocation de
Mai-ie et des saints par l'Ecriture : nous le
639
MÀR
MÀR
640
ferons au mot SiiNxs. Ici nous nous borne-
rons h observer que Marie, dans son canti-
que, Luc, c. I, V. 48, dit : « Toutes les gé-
nérations me nommeront bienheureuse ,
parce que le Tout-Puissant a opéré en moi
de grandes choses. » Voilà du moins un culte
de louanges. Jésus-Christ dit, £uc., c. xvi,
V. 9 : « Faites-vous des amis avec les richesses
trompeuses et périssables, afin que , quand
vous viendrez à manquer, ils vous reçoivent
dans le séjour éternel. » Que signifie cette
leçon , si ceux qui sont dans le séjour éter-
nel ne peuvent contribuer en rien au salut
de ceux qui les ont assistés sur la terre? Or,
ils ne peuvent y contribuer que par leurs
prières et par leur intercession. S'ils peuvent
intercéder pour nous, il est très-permis de
les invoquer. Yoy. Saints.
Nous ne connaissons point de meilleur
interprète de l'Ecriture sainte que la prati-
que de l'Eglise; or, indépendamment du
témoignage des Pères, dans toutes les an-
ciennes liturgies du monde chrétien, il est
fait mention ou mémoire de la sainte Vierge
et des saints. Ce fait n'est plus douteux, de-
puis que ces liturgies ont été rassemblées,
comparées et publiées; la plupart datent des
premiers siècles , quoiqu'elles n'aient été
mises par écrit qu'au iv' siècle. Les sectes
orientales , quoique séparées de l'Eglise
romaine depuis douze cents ans, ont con-
servé comme elle le culte et l'invocation de
la sainte Vierge et des saints. On en voit les
preuves dans la Perpétuité de la foi, tom. V,
p. 489, etc.
Cette dévotion est une source d'abus. Tel
est le cri général des protestants. Bayle, à
son ordinaire, a jeté un ridicule impie sur
le culte rendu à la sainte Vierge; il le com-
pare à celui que les païens rendaient à
Junon, et soutient qu'il est plus excessif.
Dict. crit. Junon, M. Il dit que ce culte n'a
commencé dans l'EgUse que trois ou quatre
cents ans après l'ascension de Jésus-Clirist ;
qu'il" est né du penchant naturel à tous les
hommes à imaginer la cour céleste sembla-
ble à celle des rois de la terre, dans laquelle
les femmes ont ordinairement beaucoup do
pouvoir; de l'intérêt sordide des prêtres et
des moines, qui ont Vu que ce culte était
très-lucratif; des faux miracles que l'on a
forgés, etc. Il pense que la dispute entre
saint Cyrille et Nestorius, et la condamna-
tion de ce dernier, contribuèrent, du moins
par accident, h augmenter le cuite de la
sainte Vierge. Mais, par une contrailiction
qui lui est familière, il juge que tout ce
que l'on a dit de plus outré touchant Marie
coule naturellement du titre do mère de Dieu;
que quand môme on se serait borné à la
seule qualité de mère de Jésus-Christ, comme
le voulait Nestorius, on en aurait infaillible-
ment tiré les mômes conséquences. Nesto-
rius, M. N. Il prétend qu'en 1695 la Sor-
bonne condamna trop mollement les er-
reurs et les visions contenues dans le livre
de Marie d'Agréda; les rumeurs que cette
censure excita parmi les dévots de la sainte
Vierge démontrent, selon lui, que les erreurs
et les abus de l'Eglise romaine sont incura-
bles. Agréda, B. D. C. (1).
A ces vaines clameurs, nous répondons
d'abord, en général, que s'il faut retrancher
toutes les choses dont on peut abuser, il
faut détruire toute religion ; une des objec-
tions les plus communes des athées est de
soutenir qu'il est impossible que l'on n'a-
tjuse pas de la religion, et Bayle lui-mômo
était dans cette opinion.
Qu'y a-t-il de commun entre le culte que
nous rendons à la sainte Vierge et cdui
d'une divinité du paganisme? Les païens
supposaient Junon égale, en nature et en
pouvoir, aux autres dieux; ils lui attri-
buaient des passions et des vices, la jalou-
sie, la haine, les caprices, la vengeance, la
fureur : ils l'honoraient par des pratiques
absurdes et licencieuses. Nous faisons pro-
fession de croire, au contraire, que Marie
est une pure créature, qu'elle n'a auprès de
Dieu qu'un pouvoir d'intercession ; nous
l'honorons à cause de ses vertus et des
grâces que Dieu lui a faites ; nous demandons
à quels crimes ce culte peut donner lieu. Si de
faux dévots ont forgé des fables, des miracles,
des erreurs, c'a été dans les bas siècles;
l'Eglise les a toujours réprouvés ; elle ne
néglige rien pour en désabuser les fidèles.
(1) Nous avons vu de nos jours, les parlisans de
rCÈuvre de la Miséricorde loniber dans une erreur
plus grossière.
Ils enseignent que la sainte Vierge est émanée de
la nature divine. — Voici comment Micliel Vintras
raconte ce que lui a dit sur ce sujet Tarehange saint
Michel {Litre il'or, p. 62) :
« Il m'a dit que la irès-sainle Vierge était divine,
parce qu'elle était formce de l'émanation île la divi-
nité, et que celle émanation surpassait tout ce qui
devait ctrc créé dans le ciel. Que son esprit : taii liié
de l'Esprit de la trés-sainle Trinile; qu'il élait com-
posé de l'émanation de la puissance du Pore, de l'a-
mour du Fils, et de la sagesse du Saint-Esprit ; qu'a-
lors donc elle était divine , puisque la puis-
sance du Père est divine, ipie l'amour du Fils est
divin, et que la sagesse du Saint-Esprit est divine.
Ce fut là ce qui fit que le pins grand des archanges
devint jaloux et voulut se rcvoller contre son créa-
teur, parce qu'il ne pouvait souffrir la Sagesse en
qui se complaisait l'Eleruel, et qni n'était autre quo
cet esprit qui devait un jour prendre un corps, et(iu'il
entendait appeler la Fille du Ciel. Alors il séduisit
ses frères en leur disant qu'ils étaient aulant que cet
esprit qui captivait tout l'amour de la Trinité. >
11 est vrai que Vintras s'aperçut depuis que saint
Michel s'èlait exprimé un peu trop hardiment, et
qu'il tâche d'expliquer l'ema/iiilio;! de la sainte Vierge
dans le sens d'une création proprement dite. Mais
les paroles citées n'en contiennent pas moins une hé-
résie et une impiété, comme le montre ladélinilion
suivante de saint Léon, que nous choisissons entre un
grand nombre d'autres (pi'on pourrait rapporter :
f Quinto capitulo referlur quoJ animaui hominis
divina; asserant esse substantiae, quant impielateui
ex philosuphorum quorumdam et manich;corum opi-
nione niananleni, calholica fides danniat : scieus
nullam tam sublimem esse facturam, cui Deus ipse
nalura sil. Quod enim de ipso est idem est quod ipse.
Ncc id aliud est quara Filius et Spirilus sanclus.
Prœier hanc aulem sumraœ Trinitatis unani deita-
teni, iiihil omnium crealurarum est quod non in
cxonlio &ui ex nihilo creatuta sit. > (Labbe,lorae IV,
page 659.)
eu
MAR
MAR
Ui
Puisque, suivant l'aveu do Baylo, le res-
pect, la conûance, la dévolioii epvers la
sniuto Vierge, coulent naturellecûent du
titre do mère de Dieu, et do wicVe de Jésus-
Christ, comment s'est-il pu faire que les
chrétiens demeurassent trois ou quatre
cents ans avant d'en tirer une conséquence
aussi claire, et avant de suivre le penctiant
nalurel h tous les hommes? En 431, le con-
cile général d'Ephèse se tint dans une église
dédiée à la sainte Vierge, il n'est pas dit
que cette dédicace lût récente. Selon une
tradition, c'était dans cette ville que la
sainte mère de Dieu avait vécu avec saint
Jean, et qu'elle avait fini sa vie mortelle;
il n'en fallait pas davantage pour y rendre
son culte plus éclatant qu'ailleurs. Lorsque
Itf concile eut confirmé l'auguste qualité ([ui
lui était donnée par les fidèles, et eut con-
damné Nestorius, le peuple fit éclater sa
joie, et combla les évoques de bénédictions;
il était donc accoutumé à cette croyance ;
sa dévotion était établie, et pour lors elle
ne pouvait procurer aucun profit aux prêtres
ni aux moines; selon l'opinion de nos ad-
versaires mêmes, les dévotions lucratives
ne se sont établies que dans les bas siècles.
— Quand celte dévotion aurait augmenté
depuis le concile d'Ephèse, il no s'ensui-
vrait rien. Lorsqu'une pratique a été blâmée
par des hérétiques, et approuvée par l'E-
glise, malgré leur censure, il est naturel
qu'elle devienne plus commune et plus
solennelle , parce qu'alors elle est regardée
comme une profession de foi contre l'hérésie.
Les rumeurs de quelques dévots igno-
rants, contre la censure du livre de Marie
d'Agrcda, i)rouvent encore moins; elles
étaient dictées par un esprit do parti, puis-
que la lecture do ce livre avait déjà été
défendue à Rome. Mais , depuis cette épo-
que, personne en Franco ne s'est avisé de
renouveler les visions et les erreurs do Marie
d'Agréda; la censure produisit donc son
ell'et, et il n'est pas vrai que l'eniôtement
des dévots ait été incurable. Les docteurs do
la faculté de Paris, dans leur censure, sui-
virent à la lettre los règles prescrites par
Gorson, chancelier de l'Eglise do Paris, il y
a trois cents ans, touchant le ciUte de la
sainte Vierge. Petau, de Incarn., 1. xiv, c. 8,
n. 9 et 10.
Il y aura des vices, dit un ancien, tant qu'il
y aura des hommes; il en est de même des
erreurs et des abus; mais aucun no s'établira
jamais pour longtemps dans l'Eglise catholi-
que, parce qu'elle est attentive à les con-
damner tous. Dans les sectes séparées d'elle,
les erreurs et les abus sont incurables, puis-
que personne n'a droit d'y apporter du re-
mède.
A la place des prétendues superstitions do
l'Eglise romaine , on a vu naître chez les
protestants les impiétés des sociniens, des
anabaptistes, des libertins ou anomiens, des
quakers, le déisme, le spinosisme, l'athéis-
me, etc.
MARIES (trois). L'on entend sous ce nom
trois personnes dont il est parlé dans l'E-
vangile ; savoir : Marie-Magdelelnc, Marie >
sœur de Lazare, et la pécheresse de Naim,
qui répandit du parfum sur les pieds de Jésus-
Christ chez Simon le pharisien. La question
est de savoir si ce sont trois personnes dilTé-
rentes , ou si c'est la môme qui est
désignée sous divers caractères. Dom Cal-
met , dans une Dis!:ertaiion sur ce sujet.
Bible d'Avirpion, t. XIII, p. 331, après avoir
exposé les divers sentiments et les preuves
sur lesquelles les Pères, les commentateurs
et les critiques se sont fondés, conclut par
juger que la question est à peu près inter-
minable ; il penche néanmoins pour le senti-
ment de ceux qui distinguent les trois Ma-
ries : et quand on s'en tient au texte de
l'Evangile, c'est l'opinion qui paraît la plus
probable. Voy. la Dissertation sur la Made-
leine, iiar Anquetin, curé de Lyon , in-12,
1C99.
* MARISTE>. La plupart des anciennes congréga-
tions onl siircnniljé sous les coups de la Rêvolulion.
Le calholicisnie, puisant sa force dans l'association,
a vu rr uaîno avec joie les congrégaiions religieuses.
LesMaristes llennent un rang Ires-dislinguc parmi
les congrégaiions de France. Ils se livreiU à l'ins-
truction primaire, surtout dans les diocèses de Lyon
et de Belley. Ils sont aussi chargés des missions de
rOcéanie occidentale. Ils se sont associé des reli-
gieuses connues sous le nom de soeurs Maristes, qui
donnent l'insnuction aux jeunes filles.
MARONITES, chrétiens du rite syrien, qui
sont soumis à l'Eglise romaine, et dont la
principale demeure est au mont Liban et
dans les autres montagnes do Syrie. Leur
nom sert h les distinguer des Syriens Jaco-
bites et schismntiques.
On ne convient pas de leur origine. Si
l'on s'en rapportait à eux, ils croient que
leur christianisme date des temps apostoli-
ques, et qu'ils y ont toujours persévéré sans
inlorruptinn ; qu'ils ont tiré leur nom du
célèbre anachorète saint Maron, qui vivait h
la fin du IV* siècle, dont Théodoret a écrit la
vie, et dont le monastère fut bâti au com-
mencement du V siècle, dans le diocèse
d'Apamée, près du fleuve Oronte. Le savant
maronite Fauste Nairon, professeur de lan-
gue syriaque dans le collège do la Sapience à
Kome, entreprit de le montrer dans une dis-
sertation imprimée on 1679, et dans un autre
ouvrage intitulé Euoplia fidci cathoticœ ,
publié aussi à Rome en 1C94.. Mais Asséma-
in, aulve maronite non moins savant, pré-
tend qu'il n'y a point de vestiges du nom de
maronite avant le xn* siècle ; qu'il tire son
origine do Jean Maron, patriarche syrien, et
du monastère de Saint-Maron , situé près
d'Apamée. Biblioth. orient., tom. I, pag. 507.
En effet, il est prouvé qu'au iv' siècle, et
même dans le milieu du v% les Libaniotes ou
habitants du mont Liban, étaient encore idolâ
très, etqu'ilsfurent convertis au christianisme
par les exhortations de saint Siméon Stylite,
mort l'an 439. Jusqueversia fin du vii° siècle,
on ne voit pas qu'ils aient ou aucune relation
avec le monastère do Saint-Mai on, qui était
assez éloigné d'eux. A cette époque, l'armée
do remperour de Gonstantinople étant entréo
64S
MAR
MAR
6U
en Syrie, détruisit ce monastère; l'un des
moines, nommé Jean Maron, écrivit un livre
intitulé Libelhis fdei ad Libaiiiotas, dans
lequel il combattit les erreurs des Nestoriens
et des Eutychiens, dont ces peuples étaient
alors infectés. Comme il était évoque, il ins-
truisit et gouverna les Libaniotes jusqu'il sa
mort, arrivée l'an 707 ; il paraît que c'est
depuis ce temps-lh qu'ils ont été appelés
maronites. Il se peut faire cependant cpe,
dans l'origine, ce terme syriaque ait signi-
fié montaqnards, puisqu'il y a un mont Mau-
rus qui fait partie de la chaîne du Liban.
Volney, dans son Voyage en Syrie et en
Egypte, fait l'histoire dés maronites, avec
quelques circonstances différentes ; mais il
s'accorde pour le fond avec ce que nous vo-
nons de dire, t. II, c. 2V, § 2.
Il est encore prouvé qu'au milieu du yiu*
siècle les maronites du mont Liban étaient
engagés dans l'erreur des monothélitcs ;
mais, l'an 1182, ils tirent abjuration de cette
hérésie entre les mains d'Aiméric, patriar-
che d'Antioche. Depuis ce temps-lh , plu-
sieurs adhérèrent au schisme des Grecs ;
mais enfin au wi' siècle, sous Grégoire XIII
et Clément VIII, ils se réunirent à l'Eglise
romaine, et ils persévèrent dans leur sou-
mission au saint-siége. Quoique plusieurs
de leurs anciens livres aient été corrompus
par les Syriens jacobites, ils en ont ce[)en-
dant conservé plusieurs qui sont absolument
exempts d'erreur. Ils se servent des mêmes
liturgies que les Jacobites, parce qu'elles
n'ont pas été altérées. Le Brun, Explic. des
cérém. de la messe, t. IV, p. 625 et suiv. Leur
profession de foi se trouve dans le III" tome
de la Perpétuité de la foi, 1. vui, c. 16. Leur
patriarche prend le nom de patriarche d'An-
tioche ; il réside h Canobin ou Canubin, noni
tiré du grec cœnobium, monastère. Celui-ci
est au mont Liban, à dix lieues de la ville
de Tripoli de Syrie. L'élection de ce patriar-
che se fait par le clergé et par le peuple, se-
lon l'ancienne discii)line de l'Eglise. 11 a sous
lui quelques évèqucs, qui résident à Damas,
à Alep, à Tripoli, dans l'ile de Chypre , et
dans quelques autres lieux oii il y a des ma-
ronites.
Les ecclésiastiques qui ne sont pas évoques
peuvent tous se marier avant leur ordina-
tion ; mais si leur femme vient à mourir,
ils ne peuvent se remarier sans être dégra-
dés. Leurs moines sont pauvres, retirés dans
le coin des montagnes ; ils travadlent de
leurs mains, cultivent la terre, et ne man-
gent jamais de chair : on dit qu'ils ne font
point de vœux, mais cela ne s'accorde pas
avec l'ancienne discipline des moines orien-
taux; ils suivent la règle de saint Antoine.
Les prêtres maronites ne disent pas la messe
en particulier , excepté dans certains cas ;
ils la disent tous ensemble, et réunis autour
de l'autel ; ils assistent le célébrant, qui leur
donne la communion. Leur liturgie est en
Syriaque ; mais ils lisent l'épître et l'évangile
à haute voix en langue arabe. Les laïques ob-
servent le carême, et les jours de jeûne ils
ne commencent à manger que doux ou trois
heures avant le coucher du soleil. Ils ont
plusieurs autres coutumes, sur lesquelles on
peut consulter la relation du père Dandini,
jésuite, qui fut envoyé chez eux par Clé-
ment VIII, pour s'informer de leur véritable
croyance. Cette relation, écrite en italien, a
été traduite en français par K. Simon, avec
des notes critiques, dans lesquelles il relève
plusieurs fautes du jésuite ; m;ais l'abbé Re-
naudot nous avertit que ni l'un ni l'autre de
ces guides n'est infaillible.
Les maronites ont h Rome un collège ou
séminaire, fondé pour eux par Grégoire XIII,
et qui a produit de savants hommes. De cette
école sont sortis Abraham Echellensis et
MM. Assémani, dont les recherches et les
travaux ont jeté un grand jour sur la littéra-
ture orientale, surtout par l'immense recueil
d'auteurs syriens, que l'un des deux derniers
a fait connaître dans sa Bibliothèque orientale,
en k vol. in-folio, imprimée à Rome en
1719.
Un voyageur français, qui a vu les monta-
gnes de Syrie, il y a dix ans, dit cjuc les ma-
ronites n'ont pour tout objet d'étude que
l'Ecriture sainte et leur catéchisme, mais
qu'ils sont de bonne foi, de bonnes mœurs,
très-soumis à l'Eglise romaine ; qu'ils sont
laborieux ; (|ue leur industrie et celle des
Druses ont fertilisé le sol des montagnes de
Syrie, et en ont fait un jardin très-agréable.
Il ajoute que la religion catholique a fait
beaucoup de progrès dans la Syrie, à Da-
mas et dans le sud-ouest des montagnes,
où les hérétiques et les schismatiques fai-
saient autrefois le plus grand nomljre. Les
missions se font dans ce pays-là par les ca-
pucins, par les cordeliers obscrvantins du
couvent de Jérusalem , parles carmes dé-
chaussés de Tripoli et du Mont-Carmel. Ce
même voyageur rend justice k leur zèle, à
leurs travaux et à leurs succès. Voyage de
M. Pages, t. I, p. 352, etc. Volney qui a de-
meuré pendant huit mois chez ]es maronites,
en 1781, rend le même témoignage touchant
leur religion et leurs mœurs. Voyage en Sy-
rie et en Egypte, t. II, p. 8 et suiv. A ce su-
jet il fait remarquer la différence que pro
duit la religion dans les mœurs, dans la con
dition, dans la destinée des peuples, en com-
parant l'état des maronites avec celui des
Turcs. Ibid., c. 4-0, p. 432. Puisque les ma-
ronites, malgré les erreurs dans lesquelles ils
sont tombés en différents temps, ont conser-
vé les mômes liturgies et les mômes livres
qu'ils avaient avant le schisme des Jacobi-
tes, arrivé au v siècle, et qu'ils s'en servent
encore, c'est un monument incontestable de
la croyance qui était suivie pour lors dans
l'Eglise orientale. Or, ces livres contiennent
les mêmes dogmes et les mêmes pratiques
que suit l'Eglise romaine, et que les héréti-
ques osent lui reprocher aujourd'hui comme
des nouveautés introduites en Occident par
les pa[)es. (Voy. Syuiens.)
* MARTINISTJES. On a donné ce nom aux croyants
à Martin, le prétendu proplièle, qui fil des révélations
à Louis XYIII.
MARTYR. Co nom signifie témoin; il dé-
GiS
JJAR
MAR
m
signe un hommo qui a souffert des suppli-
ces, et môme la mort, pour rendre témoi-
gnage de la vérité de la religion qu'il pro-
fesse. Ou le donne par excellenci! à ceux
qui ont sacriûé leur vie pour attester la vé-
rité des faits sur lesquels le christianisme
est fondé.
fin chargeant les apôtres de prêcher l'E-
vangile, Jésus-Christ leur dit : Vous serez
mes témoins à Jérusalem, dans toute la Ju-
dée et la Samaric, jusqu'aux extrémités de la
terre [Acl. i, 8). Di'jh il leur avait dit : L'on
vous tourmentera et on vous ôtera ta l'ie, et
vous serez odieux à toutes les nations, à cau-
se de mon nom [Mattli. xxiv, 9) ; ne craignez
point ceux qui peuvent tuer le corps, et ne
peuvent pas tiucr l'dme Si quelqu'un me
confesse devant les hommes, je le confesse-
rai devant mon Père qui est au ciel ; mais si
quelqu'un me renie devant les hommes, je le
renierai devant mon Père (x, 28 et 32). De
là Tertullicn conclut que la foi chrétienne est
un engagement au martyre, fidcm marlijrii
debitricem. On sait avec quelle piofusion le
sang des chrétiens a été répandu par les
païens pendant prés de trois cenlsans.
Comme le témoignage d^s Martyrs est une
f)reuve invincible de la vérité des faits sur
esquels notre religion est fondée, ses enne-
mis ont fait tous leurs efforts pour l'affai-
blir. Ils ont soutenu, 1* que le nombre <les
martyrs a été beaucoup moindre que no lo
supposent les écrivains ecclésiastiques et les
compilateurs de martyrologes; 2° qu'il
n'est pas vrai que l'on ait fait soidfrir aux
martyrs les tourments horribles qui sont
rapportés dans leurs actes ; 3° que la plupart
ont été mis h mort, non pour leur religion,
mais pour les crimes dont ils étaient coupa-
bles, parce qu'ds étaient turbulents, sédi-
tieux, animés d'un faux zèle, et perturbateurs
du repos public; 4° que leur courage n'a
rien eu de surnaturel, que c'était un ellet
du fanatisme des chrétiens et de leur opi-
niâtreté ; 5" que ce courage ne prouve lien,
puisque les religions les plus fausses ont eu
leurs martyrs ; G" que le culte rendu aux
martyrs et à leurs reliques est superstitieux,
et qu'il a été la source des plus grands abus.
Pour réfuter toutes les erreurs des héréti-
ques et des incrédules, nous préférerons le
témoignage des auteurs païens 'à celui des
écrivains ecclésiastiques, et nous ferons voir
que ces derniers n'ont rien dit qui ne soit
confirmé par l'aveu de leurs ennemis.
I. Du nombre des martyrs. On en compte
dix-neuf mille sept cents qui soulfrirent à
Lyon avec saint Irénée, sous l'empire de Sé-
vère ; six mille six cent soixante-six soldats
de la légion thébéenne massacrés, par les or-
dres do Maximien ; Sozomèue dit que, dans
la Perso, il en périt deux cent mille sous Sa-
per 11, dont seize mille étaient connus : le
carnage continua sous Isdegerde ou Jezded-
gerd et sous Behram ses successeurs. Le P.
Papebrock, dans les Acta sanctorum, comjîte
seize mille martyrs abyssins, et une multi-
tude dans les autres pays du monde. Do-
dwel, dans mio diisarlation jointe aux ou-
vrages do saint Cyprien, dans l'édition d'An-
gleterre, a entrepris de prouver que fout cola
sont des exagérations ; que le nondjre des
martyrs mis à mort dans l'étendue do l'eui-
pire romain a été beaucoup moindre qu'on
Dépense. Bayle et les autres incrédules n'ont
pas manqué d'applaudir à son travail, et do
conhrmer son opinion par leur suffrage. La
plus forte de ces preuves est un passnge
d'Origène, 1. m, contre Celse, n. H , où il
dit n que l'on peut aisément compter ceux
qui sont morts pour la religion chrétienne,
parce qu'il en est mort un i>etit nombre, et
par intervalles. Dieu ne voulant pas que cette
race d'hommes fût enti'rcmcnt détruite. »
Dodwel parcourt ensuite les dilTérentos per-
sécutions qu'essuya l'Eglise chrétienne sous
Néron, sous Domitien et sous les empereurs
suivants, il dit que la plupart do ces orages
ne tombèrent que dans certains endroits,
qu'il y eut de longs intervalles de tranquil-
lité, que j)lusieurs empereurs furent d'un
caractère très-doux, plus portés à favoriser
le christianisme qu'à lo persécuter. 11 cher-
che à atténuer les expressions des auteurs
chrétiens ou païens qui ont parlé de la mul-
titude des massacres commis dans les diffé-
rentes époques. Dom Ruinart, dans la pré-
face qu'il a mise à la tète de sa collection
des Actes authentiques des martyrs, a réfuté
Dodwel, et nous ne connaissons [lersonne
qui ait osé attaquer les preuves qu'il lui op-
pose : sans nous assujettira les copier, nous
forons quelques réllexions.
11 serait d'abord à souhaiter que nos ad-
versaires eussent pris plus de soin de s'ac-
corder avec eux-mêmes. Ils prétendent que,
dans les premiers siècles, la plupart des
chrétiens couraient au martyre ; que c'était
un fanatisme épidémiquc inspiré par les Pè-
res de l'Eglise; que les chrétiens étaient
séditieux et turbulents, allaient insulter les
magistrats, troubler les cérémonies païennes,
provoquer la cruauté des l^ourrcaux ; ils ont
étalé les raisons ou plutôt les prétextes sur
lesquels on les poursuivait à mort ; ils ont
ainsi fait l'afiologie de la cruauté des jiersé-
cuteurs : ensuite ils viennent gravement
nous dire que cependant l'on n'a supplicié
qu'un petit nombre de chrétiens. Dans ce cas,
les empereurs, les gouverneurs de province,
les magistrats, étaient des insensés, qui se
laissaient insulter, soulfraicnt que l'ordre
])ublic fût impunément troublé, ne tenaient
aucun compte des cris tumultueux du peuple,
qui demandait que les chrétiens athées, im-
pies, scélérats, fussent exterminés. Voilà un
pliénouiène bien singulier. L'on sait aussi à
quoi s'en tenir sur la douceur, la police, le
bon ordre qui régnaient chez les Romains ;
s'il y eut jamais des monstres de cruauté, co
furent Néron, Domitien, Cahgula, Maximieu,
Maximin, Licinius,etc. Les empereurs même,
dont on nous vante la clémence, laissèrent
la plus grande liberté aux gouverneurs do
Erovince ; et ceux-ci, pour se rendre agréâ-
tes au peuple, lui permirent d'assouvir sa
fureur conli-e les chrétiens. Nous voyijns,
par la leUro dePliua à Trajaju, qu'il n'yavaii
647
MAR
MAU
618
aucune règle établie pour les jugements, au-
cune borne fixée pour les supplices qu'on
leur faisait subir. Il ne sert donc à rien do
compter le nombre des persécutions ordon-
nées par des édits, puisque, dans les inter-
valles, il y eut encore un grand nombre do
chrétiens mis h mort. On abuse évidemment
du passage d'Origène, et l'on affecte d'en
supprimer les dernières paroles qui en déter-
minent le sens; elles prouvent que le nom-
bre des martyrs fut peu considérable , en
comiiaraison des chrétiens qui furent conser-
vés. Dieu ne voulant pas que cette race d'hom-
mes fût entièrement détruite; il ne s'ensuit
pas que ce nombre ne fût très-grand en lui-
même. D'ailleurs, Origène écrivait avant l'an
250, plusieurs années avant la |iersécution de
Dèce : or, ce fut pendant les soixante années
suivantes que le carnage fut le plus général.
Origène, qui vivait dans la Palestine, ne pou-
vait pas connaître le nombre des martyrs qm
avaient souffert dans l'Occident. 11 prévoyait
lui-même que la tranquillité dont jouissaient
alors les chrétiens ne durerait pas. Ibid.,
1. III, n. 14. Mais il faut des preuves positi-
ves, et nous en avons de plus solides que
les conjectures de Doiiwel
Pour le i" siècle, le martyre de saint
Pierre, de saint Paul, celui des deux saints
Jacques, de saint Etienne et do saint Siméon,
sont prouvés, ou par les Actes des apôtres,
ou par les écrits des plus anciens Pères.
Saint Clément de Rome, après avoir parlé
de la mort de saint Pierre et de saint Paul,
dit : « Ces hommes divins ont été suivis par
une grande multitude d'élus, qui ont souf-
fert les outrages et les tourments pour nous
donner l'exemple. » Epist. 1, n, 6. Saint
Polycarpe, dans sa Lettre aux Philippiens,
leur propose de même l'exemple des bien-
heureux Ignace, Zozime et Rufe, môme de
saint Paul et des autres apôtres, qui sont
tous dans le Seigneur, avec lequel ils ont
souffert, cum quo et passi sunt. Saint Clé-
ment d'Alexandrie, Strom., 1. iv, c. 6, dit
que les apôtres sont morts comme Jésus-
Christ, pour les Eglises qu'ils avaient fon-
dées. Ceux qui ont écrit que le martyre de
la plupart des apôtres n'est pas certain,
étaient fort mal instruits. Tacite, Annal.,
1. XV, c. 44-, nous apprend « que Néron Ot
mourir par des supplices recherchés, des
hommes détestés pour leurs crimes, et que
le viilgaire nommait chrétiens. Leur supers-
tition, dit-il, déjà réprimée auparavant, pul-
lulait de nouveau. L'on punit d'abord ceux
qui s'avouaient chrétiens, et par leur confes-
sion l'on en découvrit une grande multitude,
multitudo ingens, qui furent moins convain-
cus d'avoir mis le feu à Rome, que d'être
haïs du genre humain. » Nous aurons encore
plus d'une fois occasion de citer ce passage.
Pour en éluder la force, Dodwel dit que
cette persécution n'eut pas lieu hors de
Rome. Comment donc Tacite savait-il que
les chrétiens étaient détestés du genre hu-
main, si on ne les poursuivait qu'à Rome?
Ce n'est pas là que tous les apôtres et les
autres disciples du Sauveur ont été mis à
mort. Selon Tacite, celte superstition avait
été déjà réprimée auparavant; il parle évi-
demment de l'édit par lequel Clauae, pré-
décesseur de Néron, avait banni de Rome
les juifs, qui, au rapport de Suétone, y fai-
saient du bruit à l'instigation du Christ, m-
pulsore Christo. On ne peut méconnaître,
sous ce nom, les chrétiens qui pour lors
étaient confondus avec les juifs Sueton. in
Claud., Act. cap. xviii, V. 2. •
Dans le w siècle, Pline écrit à Trajan que
si l'on continue à punir les chrétiens, un«
infinité de personnes de tout Age, de tout
sexe, de toute condition, se trouveront en
danger, puisqu'on lui en a déféré un très-
grand nombre, et que cette superstition est
répandue dans les villes et dans les campa-
gnes. Trajan lui répond qu'il ne faut pas re-
chercher les chrétiens, mais que, s'ils sont
accusés et convaincus, il faut les punir.
Plin., 1. X, Epist. 97 et 98. Ce prince si dé-
bonnaire n'est point effrayé de la multitudo
de ceux qui périront, et nous pouvons juger
si l'on cessa de déférer au tribLinal de Pline
des hommes détestés dii genre humain; il at-
teste cependant qu'il ne les a trouvés cou-
pables d'aucun crime. Les fidèles de Smyrne
s'excitent au martyre, à l'exemple de leur
évoque saint Polycarpe; lui-même leur avait
fait cette leçon : elle n'aurait pas été néces-
saire, s'il n'y avait eu qu'un petit nombre
de chrétiens mis à mort, et s'il n'y avait pas
eu du danger pour tous. Lettre de l'Eglise
de Smyrne, n. 17 et 18. — La Chronique des
Samaritains porte qu'Adrien, successeur de
Trajan, fit mourir en Egypte un grand nom-
bre de chrétiens. Celse, qui écrivait sous
Marc-Aurèle, nous apprend que la persécu-
tion durait encore sous ce règne. Orig, con-
tre Celse, 1. viii, c. 39, 43, 48, etc. Un chrono-
logiste juif le confirme et parle de même du
règne de Commode. Si les supplices n'a-
vaient pas continué sous les Antohins, saint
Justin et Athénagore auraient-ils osé se
plaindre à eux de ce qu'ils n'usaient pas en-
vers les chrétiens de la justice qu'ils exer-
çaient envers tous les hommes? Dodwel pré-
tend qu'Athénagore ne parle point de morts
ni de supplices, mais seulement de vexa-
tions, d'exils, de peines pécuniaires. 11 n'a
pas daigné lire le texte. « Nous vous sup-
plions, dit Athénagore, de ne pas souffrir
que des imposteurs nous ôtent la vie. Après
nous avoir dépouillés de nos biens, aux-
quels nous renonçons volontiers, ils en
veulent encore à nos corps et à notre vie,
etc. » Legatio pro christianis., n. 1. Que
prouvent la philosophie de ces princes, leurs
vertus et leur douceur })rétendue?
Le ni' siècle offre des scènes plus san-
glantes. Sans parler du caractère farouche et
sanguinaire de Septime-Sévère , de Cara-
calla, d'Héliogabale et de Maiimin, ceux qui
furent moins cruels no laissèrent pas de
sévir contre les chrétiens. Lampride rap-
porte qu'Aleiandre-Sévère voulut bâtir un
temple à Jésus-Christ ; mais on l'en détourna,
en lui représentant que s'il le faisait, tout
le inonde embrasserait le christianisme, et
fii9
MAR
MAR
030
(1110 tous les autres toinples seraient déserts :
conséqucmmpnt Sj)artion ('-crit que cet em-
pereur défen-dit à ses sujets d'ciiibrasser le
judaïsine ni le clnistianisnie. Ou sait iJr ijuels
troubles son règne fut suivi, et de iiudle uia-
nit'ri^ Maximin, son successeur et soiienui'iiii,
U'ailn les chrctiens; c'est alors qno Origèno
écrivit son Exhortution au marli/rr, aliu d'eu-
cour.igcrles lidèles. Lui-nièuie tiil tournirnté
peuilant la persécution de Dècr; et sa mort,
arrivée trois ou quatre ans après, fut une
suite d(> c{> qu'il avait souffert dans sa prison.
On dira, sans doute, que l'histoire de ci^llo
persécution, tracée par Eusèbe, Uist. crde-
■!(«.«/., I. VI, c. 39 et suiv., exagère les faits;
mais il cite les témoins oculaires de ce (ju'il
l'apporte. Une grande partie des chrétiens
d'kgyfite s'enfuit en Arabie, d'autres se sau-
vèrent d ms les déserts, et y péiirent de mi-
sère; outre ceux qui furent condanuiés k
mort par les juges, un grand nombre fiircnt
mis en pièces par les païens furieux, etc. On
peut juger par là de ce ([ui arriva dans les
.iuli-es pnivinces de l'empire. Les édits de
Dèce ne furent |ioint iM'voqués sous les em-
pereurs suivants. Sur la lin de ce siècle, et
au c immenceineni du iv, la persécution dé-
clarée |iar Dioclélien dura dix ans sans re-
lâche, et fut plus meurtrière que toutes les
autres. Ce prince avail eu peine à s'y résou-
dre; il disait qu'il était dangereux de liou-
bler l'univers et de répandre inutilement du
sang; que les chrétiens mouraient avec joie.
11 céda néanmoins aux désirs de Maxiuiien,
son collègue, et publia trois édils consécu-
tifs : le premier ordi<nndtde détruire toutes
les églises, de rechercher et de brûler les li-
vres des clirétiens; de les [iriver eux-mêmes
de toute dignité, de léduire en esclavage
les tidèlesdu commun; le second voulait que
tous les ecclésiastiques fussent mis en jjri-
son, et forc(''S de toutes manià-es à sacritier;
le troisième ordonnait que tout chiétien
qui refuserait de sacrifier fût tourmenté [lar
les plus cruels supplices. Eusèbe et Lactance
font meidion d'une ville de Plirygie toute
chrétienne, qui fui mise à feu et a sang, et
dont on lit périr tous les habitants. Ces deux
empereurs furent si convaincus de l'excès du
carnage tiue, dans des inscri|)tions et sur des
médai.les, ils se vantèrent d'avoir exterminé
le christianisme, nom/;?*" rlirisliaiKintm de-
leto: superstitione Cliristi ubiquc delcla. Est-
ce à tort que les auteurs ecclésiastiques ont
ap|ielé le règne de Dioclétien l'ère des tnar-
tyrsî Mais ces princes s'applaudissaient vai-
nement lie leur triomphe. Maximien-dalère
et Maximien-Herctde, héritiers de leur fu-
l'eur contre le christianisme, après avoir d'a-
bord renouvelé les édits et fait continuer
les meurtres, furent forcés de les faire ces-
ser, paire que, disent-ils, un grantl nombre
de chrétiens persistent dans leurs senti-
ments, et qu'il n'y a aucun moyen de vain-
cre leur obstination. LuciusCecil., de Morte
persec, n. 3'i ; Eusèbe, 1. ix, c. 1. Enlin,
l'an 311, Constantin et Licinius conlirnu'^-
rent la tolérance du clnistianisnie par un
édil. On veut nous persuader (|ue Julien,
DlCTlO.NN. DE ThkOL. UOUMATIOI i:. !il.
content de vexer les chrétiens, n'en fit mou-
rir aLieiin; mais on alfecte d'oublier (pi'il
laissa un libre cours à la haine et h la fu-
reur des païens. Ceux-ci, pour se venger <Je
ce que, sous les règnes de Constantin et de
Constance, plusieurs de leurs temples
avaient éti'; détruits, poussèrent la rage jus-
(|u'à manger les entrailles de plusieurs chré-
tiens. Ceux de Ga a, après avoir ouvert lo
v(!utre à (les prêtres et à des vierges, mêlè-
rent de l'orge à leurs entrailles, et les ti-
rent manuer pai' des pourceaux. Julien, loin
de s'o;i[iOser à ces traits de barbar.e, iiunit
les gouverneurs (pii s'y étaient opposés. Mé-
moires de rAeiideiniedes Inscript., tom. LXX,
iu-1-2, p. -260 et suiv. Ce fut vers la lin du
IV' siècle et au commencement du v', quo
Sapor, Je/.dedgerd et Beliiam, rois de Perse,
résolurent d'exterminer de leurs Etals les
chrétiens, et les tirent |)érir par milliers.
N(jus voudrions savoir quelles preuves po-
sitives et quels monuments l'on peut oppo-
ser à ceux que nous venons d'alléguer,
((uellcs raisons l'on a de récuser les actes
et les tombeaux tles martyrs, el le témoi-
gnage des éciivains ecclésiastiques, dont
plusieuis étaient contemporains et bien ins-
truits des faits qu'ils rapportent. Mosheira,
très -instruit de ces preuves, convient quo
le nombie des martyrs a été beaucoup pius
considérable que Dodwel ne le sufipose;
mais il pense qu'il y en a eu cependant
beaucoup moins que ne le disent les mar-
tyrologes. Uist. Christ., sec. i, § 33. La
question est de savoir combien il en faut
retrancher. C'est par les preuves que nous
venons d'alléguer qu'il faut en juger.
11. De la cruauté des supplices ({ue Von a
fait souffrir aux martyrs. On peut déjfi s'en
faire une idée, en considérant le caractère
san.;uinaire qu'avaient contracté lesKomains,
accoutumés a repaître leurs yeux du meur-
tre des gladiateurs, à voir combattre les
hommes contre les bêtes, à regarder volu|)-
tueusement un blessé qui mourait de bonne
gnlce, il fair.' périr des troupes de prison-
niers pour honorer le triomphe de leurs
guerriers, k exterminer des familles en-
tières pour assouvir leur vengeance; étaient-
ils encore accessibles à la pitié? Ils ne fai •
faient pas jilus de cas de la vie di; leurs es-
claves que de celle d'un animal ; leurs fem-
mes même étaient ileveiiues aussi féroces
((d'eux : Juvénal le leur re[)roche et nous
aiipreiid ([ue leur liarbarie égdait leur lu-
bricité. — Tacite, dans le [)assage que nous
avons dt'jà cité, dit que sous Néron les
clirétiens furent tourmentés par des suppli-
ces très-reclierchi'S, ejcquisitissimis pœnis :
il en fait le talileau. « L'on se lit, tlit-il, un
jeu (le leur mort: les uns, couverts de peaux
de bêtes, furent di'vorés par les chiens; les
autres, attachés à des pieux, furent brûlés
jiour servir (\c tlambeaux pendant la nuit.
Méron prêta ses jardins pour ce s-ectacle;
il y parut lui-même en habit de cocher, et
monté sur un char, comme aux jeux du cir-
que. » Juvénal y fait allusion. Sut. i, v. 55.
S!-i>è(]u« enchérit encore: il parle du fer,
21
6IH MAR
du feu, dos chaînes, des bètes fc'iroces,
d'hoiniues éventrés, de prisons, de croix, do
chevalets, de corps percés de pieux, de
raeudjres disloqués, de tuniques imbibées
de poix, et de toul ce cjne la barbarie hu-
maine a pu inventer, Jipist. 14. Pline ne
nous apprend point par quels supplices il
faisait périr les chrétiens qui refusaient d'a-
])ostasier; mais il tiit qu'il a envoyé à la
mort tous ceux qui ont persévéré dans le
refus d'adorer les dieux, et qu'il a fait tour-
menter deux feunncs que Ton disait être deux
diaconesses, pour savoir ce qui se passait
dans les assemblées des chn'tiens ,1.x,
Epist. 97. — Celse r proclie aux chrétiens
que quand ils sont pris ils sont condauuiés
au supplice, mis en croix, et qu'avant de les
faire mourir on leur fait souliVir tuas les
(jcnres de tourments. Orig. contre Celse, liv.
viii, n. 39, kS, 48, etc. Liljauius dit ([ue,
quand Julien parvint h l'empire, « ceux qui
suivaient une religion corrompue craignaient
beaucoup; ils s'attendaient qu'on leur ar-
racherait les yeux, qu'on leur couperait la
léle, que l'on verrait couler des fleuves de
leur sang; ils croyaient que ce nouveau
maître inventerait de nouveaux tourments
jilus cruels que d'être mutilé, broyé, noyé,
enterré tout vif: car les empereurs précédents
avaient employé contre eux ces sortes de sup-
plices.... Julien, convaincu, dit-il, que le
christianisme prenait des accroissements
jiar le carnage de ses sectateurs, ne voulut
pas employer contre eux des châtiments
qu'il ne pouvait approuver. » Parentali in
Julian., n. S8. Ce même fait est conliruié
par la teneur des édits portés contre les
chrétiens; on laissait le genre de leur sup-
plice à la discrétion des gouverneurs de
province et des magistrats, ceux-ci on déci-
daient selon le degré de leur haine et de
leur cruauté personnelle, et selon le plus
ou le moins de fureur que le peuple faisait
paraître contre les martyrs.
Nos adversati-es peuvent dire tant qu'il
leur plaira que saint Laurent rôti sur un
gril, saint Romain K qui l'on arracha la lan-
gue, sainte Félicité et saiirte Perpétue, expo-
sées aux bêtes dans le cirque, d'autres aux-
quels on déchira les entrailles avec des
peignes de fer, etc., sont des fables de la
Légende dorée. Les auteurs j)aiens que nous
venons de citer n'étaient intéressés ni à
vanter la constance des martyrs, ni à exa-
gérer la cruauté des persécuteurs. Saint Clé-
ment, Teitullien, saint Cyprien, Kusèbe, les
autres historiens et les rédacteurs des Actes
des martyrs n'ont rien dit de plus que les
i-nnemis déclarés du christianisme; et c'en
t'St assez déjà pour nous convaincre qu'ils
ti'ont pas eu tort d'attribuer le courage des
martyrs à un secours surnaturel et S(juvent
miraculeux. Comme il est prouvé par l'his-
toire que les rois de Perse étaient encore
plus cruels que les empereurs romains, on
iie doit pas être surpris des tourments hor-
ribles rapportés dans les Actes des martyrs de
la, Perse; ils ont été renouvelés dans le der-
luer siècle à l'égard des martyrs du Japon.
MAU
652
Si l'on veut consulter VEsprit des usages
des différents peuples, I. xv, on verra que la
cruauté des suiiplices a été à peu près la
même dans tous les siècles et chez les dif-
iérentes nations, et (ju'il ne faut pas juger
des mœurs du momh; entier par les nôtres.
111. Quelle est la vraie raison pour laquelle
les martyrs ont été mis à mort? Il est éton-
nant que les incréduh^s modernes soient
]>lus injustes envers les martyrs qne ne l'ont
été les persécuteurs ; ceux-ci n'ont accusé
les ])remiers chrétiens d'aucun autre crime
(jue d'impiété et de superstition, de ne vou-
loir point adorer les dieux, sacrilier aux
idoles, d'être opinijltrément attachés à la
nouvelle religion qu'ils avaient embrassée.
Aujourd'hui on ose écrire que les chrétiens
étaient des honnnes turbulents et séditieux,
qui troublaient la tranquillité puhlique, ([ui
allaient insulter les païens dans leurs tem-
ples et les magistrats sur leur tribunal, qui
]irovo(|uaient de propos déliliéré la haine des
persécuteurs et la fureur des bourreaux.
Walheureusement les protestants sont les
premiers auteurs de cette calomnie; pour
excuser les séditions et les violences par
lesquelles ils se sont signalés dès leur nais-
sance, ils ont trouvé bon d'attribuer la mô-
me conduite aux prendcrs chrétiens. Bas-
nage, Ilist. de l'Eglise, lib. xix, chap. 8, S 5.
Si cela était vrai, Jésus-Christ aurait eu
tort d'aimoncer à ses discii)les qu'ils seraient
poursuivis et mis à mort pour son nom, à
cftuse de lui, qu'ils souffriraient persécution
pour la justice, et non pour des crimes; il
les aurait prévenus, sans doute, contre les
accès d'un faux zèle et leur aurait défendu
d'exciter contre eux la haine publique ;
mais il leur dit qu'il les envoie comme des
brebis au milieu des loups. « On nous per-
sécute, dit saint Paul, et nous le soulfroiis;
l'on nous maudit, et nous bénissons Dieu ;
on blas|)lième contre nous, et nous prions ;
jusqu'à jirésent on nous regarde comme le
rebut do ce monde (/ Cor. iv, 12). 11 dit
(pie tous ceux qui veulent vivre pieusement
et selon Jésus-Christ soullriront persécu-
tion m Tim. iir, 12, etc.). Si les prcaners
li(ièles n'avaient pas suivi celte leçon et ces
exemples, il faudrait que nos apologistes,
saint Justin, Alhénagore, Minutius Félix,
saint Clément d'Alexandrie, Tertullien, Ori-
gène, saint Cyrille, etc., eussent été de vrais
im))udents ; ils reproclient aux [laïons de
sévir contre des innocents, de mettre à
mort des citoyens paisibles, soumis aux lois,
ennemis du tunudtc et des séditions, qui
jamais n'ont tremiiédans aucune îles conju-
rai ions qui étaient pour lors si fré(iuenles,
auxquels on ne reproche point d'autre crime
que de refuser leur encens à de fausses di-
vinités. C'est aux emiiereurs. aux gouver-
neurs de province, aux magistrats, qu'ils
ose; il faire ces représentations. Enliu,d serait
bien (■tonnant que les rédacteurs des Actes
des martyrs, qui sans doute étaient possé-
dés (iu même fanatistne que les martyrs eux-
UM'uios, n'eussent laissé cchaiiperdans leiu-s
relations aucun trait do haine, de colère,
653
MAR
MAK
r,r,i
d'insolence, do ressentiment contr(i les ju-
ges ni oonln^ les bourreniix, n'eussent mis
dans la bouclio des martyrs que des [laroles de
douceur et de patience. Maisc'estautémoi-
ynagc niiVue des anciens accusateurs que
nous appelons delà calonuiie des modernes.
Tacite dit à la vérité, que les chrétiens
étaient détestés à cause de leurs crimes,
(pi'ils furent convaincus d'être liais du genre
humain; qu'ils étaient cou])aliles et avaient
mérili' un cliAtiment exemplain^ ; mais il
n'ai'ticule aucunauti'e crimequ'une supersti-
tion pernicieuse, exiliabilis supcrslilio. Sué-
tone, dans la Vie de Ncroii. dit do mémo
(}ue l'on punit par des supplices les chré-
tiens, secte d'une su|ierstitiou perverse et
mallaisaiite, suiivrstitionis pruvœ alque )n(i-
hficw. C'est ainsi ([ue les païens taxaient
l'impiété des chi'étiens envers les dieux,
l>arce (pi'ils la regardaient connue la cause
des lléaux de l'emiiire et des malheurs pu-
Iiiics. Domilien condamna plusieurs person-
nes considérables à l'exil, |)0in' avoir changé
de religion, et non jour aucun autre crime.
Xiphilin, V(f de Duinilien. Pline est encore
un téuioin nneux instruit. Il avoue à Tra-
ian (|u'ii ne sait pas ce que l'on punit dans
les chrétiens, si c'est le nom seul ou les cri-
mes attachés à ce nom ; qu'il a cependant
envoyé au sup|ilice ceux qui ont persévi'ré
h se dire chrclit'us.' jiersuadé que, quelle
que fi^l leur conduite, leur obstination de-
vait cMie |iunic. Il ajoute qu'ajwès en avoir
inlerrogé plusieurs qui avaient renoncé à
cette religion, il n'avait pu en tirer d'autre
aveu, sinon qu'ils s'assemblaient à certain
jour, avant 1 aurore, pour honorer Jésus-
Christ connue un Dieu; ([u'ils s'engageaient
l)ar serment, non à commettre quelque crime,
mais à les éviter tous ; qu'ensuite ils pre-
naient ensemble une nourriture connnune
et innocente, l'iinc dit enlin qu'ariès avoir
l'ail tourmenter deux diaconesses, povu' ti-
rer il'elles la vciité,il n'a pu découvrir au-
tre chose ([u'une su|ierslition [lerverse et
excessive, supcrslitionem pria nui, immodi-
cam. Trajau apiu'ouve celte conduite, et dé-
cide qu'il ne l'aut pas rechercher les chré-
tiens, mais que s'ils sont ac('usés et con-
vaincus, il l'aut les punir. Ainsi les chré-
tiens, justiliés même par des ajjostats, ne
laissèrent | as d'iMre mis à mort. Adrien et
Antonin, plus l'quitables, défendirent dans
leurs rcscr.ts de punir les chrétiens, à moins
ipi'ils ne fussent couj ables de quelque cri-
me. Saint Justin, ApoL J, num. (ii( et 70,
prouve que jusqu'alors ils avaient été punis
sans aucun crime: mais nous avons vu que
ces ordres furent fort mal exécutés. Celse,
(jui écrivit immédiatement après, re[)roche
aux chrétiens les supplices qu'on leur fai-
sait soulfrir ; mais il ne leur attribue point
d'autres forfaits que de s'assembler malgré
la défense des magistrats, de détester les
simvdacies, de blaspliémer contre les dieux.
Sous le règne de Marc-Aurèle , le juris-
consulte Ul()ii!n rassembla dans ses livres,
li.>ucliant les devoirs des proconsuls , tous
les éJits des empereurs précédents iiortés
contre les chrétiens, afin de faire voir par
(jucis sunplices il fallait les punir ; cela
n'aurait |ias été nécessaire!, s'ils avaient été
coupabl(\s de crimes dont la peine était déjà
lixi'e i)ar les lois. Lactance, Divin, iiistii.,
lib. V, c. li. Dans les édils que Dioch'tien
et Maximien portèrent contre eux, et dont
les historiens ecclésiasticiues ont conservé
la teneur, ils n'accusèrent les chrétiens que
d'avoir renoncé au culte des dieux ; lorsque
Maxinnen-dalère et Maxinnen-Hercule don-
nèrent d'autres édits pour faii'e cesser la
persécution, ils ne lii'eut mention d'aucun
dt'lit |/our lesquels les chrétiens eussent be-
soin de grilce. Eusèbe, Hist., l.ix, c. 7 et 9.
Lactance, de Morte pcrsec, n. 3'(. Julien,
dans son ouvrage contre le christianisun;,
ne reproche aux chrétiens ni sédition, ni
révolte, ni aucune infraction de l'ordre pu-
blic ; au contraire, dans une de ses lettres,
il avoue que cette religion s'est établie |)ar
la pratique, du moins apparente, de toutes
les vertus, Lettre 49, à Arsace. Lorsque
lîasnage a osé écrire que la plupart des
marti/rs cjui souffrirent dans la persécution
de Julien l'Apostat étaient des mutins et des
séditieux qui abattaient les temples des
idoles, il a montré plus de passion contre les
anciens chrétiens que Julien lui-môme. Li-
banius, dans la harangue funèbre de cet
empereur, convient dos tourments borrdjles
qu'on leur faisait soutfrir ; il ne cherche
point à excuser cette cruauté jiarles crimes
dont on les avait convaincus. Lucien, en
les touriuuit on ridicule, remarque en eux
des vertus et non des crimes. Lorsque les
])aions forcenés criaient dans l'amphilhéà-
tre, toUe impios, ils ne peignaient pas les
chrétiens comme des malfaiteurs, mais
comme des ennemis des dieux, dont il fal-
lait |)urger la terre.
Pour énerver la preuve que nous tirons
de la constance des martyrs, nos adversai-
res disent cjue la barbarie avec laquelle on
les traitait les rendit intéressants, excita la
pitié, fit natuiellement des |)rosélytes ; en-
suite ils ne veulent convenir ni de cette
barbarie, ni de l'innocence des chrétiens.
ils [■(ïprochent au christianisme d'inspiiMU'
aux |ieuples l'obéissance |)assive, et de fa-
voriser les tyrans ; d'autre part, ils préten-
dent que les premiers chrétiens avaient
]iuisé dans leur religion l'esprit de déso
b issance et de révolte. Pendant trois siè-
cles de persécutions, h peine peuvent-ils ci-
fer dans l'histoire deux ou trois exemples
d'uLi faux zèle, et ils supposent que c'est
ce faux zèle qui a été la cause des persécu-
tions. -Mais la passion les aveugle, ils ne
raisonnent pas. Saint Justhi, saint Irénée,
Origèue, Tertullien, saint Cyprien, Eusè))e,
saint Epi[ihane, disent que l'on n'a pas ]ie!-
sécuté les anciens hérétiques, qu'il n'y a
point eu de martyrs parmi eux ; plusieurs
soutenaient que c'était une folie de s'expo-
ser ou de se livier au martyre ; nous vou-
drions savoir d'eu est venue cette distinc-
tion, et si la vie des hérétiques était plus
innocente que celle des catholiques. Les
c:;.';
MAR
MAR
Go'î
l
mnrU/rs suppliciés dans la Perse n'étaient
.as plus criminels que ceux qui ont été mis
„ mort clans l'empire romain. A la vérité,
les juifs et les maj;es persuadèrent aux rois
de {^erse que les chrétiens étaient moins
ntfectionnes à leur gouvernement qu'h celui
des Honiains ; ils leur tirent envisager le
christianisme comme une religioi romaine,
et ce fut pour eux iin motif de haïr les
chrétiens ; mats on ne put jamais citer au-
cune jireuve d'inlidélité de la part de ceux-
ci. Il leur fut ordonné, sous peine de la
vie, d'adorer le feu et l'eau, le soleil et la
lune, en témoiguai;e de ce qu'ils renon-
çaient au christianisme ; tous ceux qui re-
fusèrent furent mis à mort ; il fut permis
aux gouve-neurs de province de les tour-
menter comme ils jugeraient k propo -.Minii.
lie t'Arad. des insrriprions, t. LXIX. in-12,
. p. 295 et suiv. Hvde et quelques autres pro-
testants, par zèle pour la religion des Per-
ses, ont osé accuser d'opiniAtreté ces mar-
tyrs ; (Ui dit qu'ils avaient tort de refuser
ce que l'on exigeait d eux, puisque le culte
rendu par les Perses aux créatures n'était
qu'un c ilte relatif et subordonnée celni du
Dieu supr.'me. Mais enlin, puisque les Per-
ses regardaient ce culte comme une renoncia-
tion formelle au christianisme, les chrétiens
pouvaient-ils s'y s )umeltre sans a lostasier?
On a tléclamé violemment contre le faux
zèle d'un évéque de Suze,oupl dût évèque
des Hu/ites, nommé Abdns ou Àbdnn, qui
brîila un temple du feu, refusa de le i'eh;l-
tir, et fut cause d'une sanglante iiersécu-
tion. Mais ce fait arriva sous Jezdedgerd, et
quatre-vingts ans auparavant Sanor li avait
fait périr des m llie s de clu-étieus. B'ail-
ieurs, le faux zèle d'un seul évèque était-il
un juste suiet d'exterminer tous les c!iré-
tieiis ? Assémani nous apprend, d'après les
auteurs svriens, que ce temple du feu ne
fut pas bi'ùlé par Ahdas, mais par un des
prêtres de son clergé ; ainsi ce fait a été
mal rapporté par les a deurs grecs. Puisque
cet évèque n'était pas jiersonn 'llement cou-
pable, d n'avait jias tort de r. 'fuser de réta-
blir le temple détruit. Kiblinlh. orient., t ill,
|i. 371. Le même auteur nous assure (jne la
persécution causée par cet événement sous
L.'zdedgerd ne fut pas longue, mais bientôt
assoupie. 11 n'est donc pas vrai que le fait
li'Abd'as ait fait périr des milliers de c'iré-
tiens. /6k/., t. 1, p. 18;{.
Bayle, Comment, philos., préface, OEuvr.
tome 11 , pag. SCV, prétend que sous Néron
[>lusieurs martyrs, vaincus i)ar les tourments,
s'avouèrent coupables de l'incendie de Kome,
et en accusèrent faussi^ment d'autres com-
fpliccs ; (jue cependant ils sont dans le mar-
tyrologe. Il tiird le sens du [lassage de Ta-
cite, que nous avons cdé plus haut, Annnl.,
1. XV, n.3'<.. « Néron, dit cet historien, passa
pour êtic le véritable auteur de l'incendie do
Kome ; afin d'étoulfer ce liruit, il substitua
des coupabli's, et il punit par des supplices
très-recherchés ceux que le peuple nommait
chrétiens, gens déte>tés pour leurs crimes.
L'auteur du uo nom osl Christ , qui , so is Iw
règne de Tiiière, avait été livré au suppiir'O
par Ponce-Pilate. Cette superstition, d«''jà
répi-imée aupar ivanl, pullulait de nouveau,
non-seulement dans la Jiidi'^e où elle avait
l)ris naissance, mais à Home, où tous les
crimes et toutes les in''amies de l'univers se
rassemblent et simt accueillis. On punit donc
d'ab')rd ceux qui avouaient, ensuite une mul-
titude infinie que l'on découvrit par la con-
fession des promie'S, mais qui firent moins
convaincus du crime de rimendic q le .i'è-
tre haïs du genre hum itn, etc. » Cela si-
gnilie-t-il que ceux qui avouaient se iliH'l.i-
rèrent coup ibles de l'incendie "/ Us avouer oit
qu'ils étaient chrétiens , et ils déeouvciroitt
une multitude infinie d'autres chrétiens; tel
est évidemment le sens. Ma s Rayle a trouvé
bon de peindre ces martyrs comme des ca'om-
niateurs, et de les placer dans le martyro-
loye, peniiant que l'on ne sait pas seulement
leiirs noms. Barbeyrac, aussi peu judicieux,
dit que l'on a érigé eu saints de fauv mar-
tyrs, des suicides qui se sont livrés e ix-
mèmes à la mort ; ries lenmi 'S qui se sont
jetées dans la mer, dans les ileuvfs on dans
les (lammes, pour conserver leur chasteté. Il
s'élève contre les Pères de l'Eglise qui ont
loué leur courage, qui ont exhorté les chré-
ti Mis au martyre, contre tous ceux qui l'ont
désiré et recherché; il sont eut qu'd n'est pas
permis de désirer le martyre pour lui-même;
que Jésus-Christ, loin de donner celle leçon
à ses disciples, leur a dit : Lorsque vous se-
rez persécutés dans une ville, fuyez dans une
autre. Traité de la morale des Pères, c. vin,
t? ."J'i. ; c. XV, § 11. Mais désirer le martyre
poui' l'cssemb'er à Jésus-Ctirist, pour lui té-
moigner notre amour, pour mériter la ré-
comîiense qu'il a daigné y altac'ier, pour l'a-
vantage (jui doit on revmir à i'Eglise, etc.,
est-ce di'iirer \e martyre pour lui-même, pour
le jilaisir de soutîrir ou .e se d divrer de la
vie '! Vodù le sophisme sur lequel Daillé,
Bar:)eyrac et d'autres protestants argumen-
tent contre les Pères de l'Eglise. Pour prou-
ver que le désir dont nous i)arlons est non-
seulement permis, mais très-louable, nous
no citerons point les exemples qu'en fournit
l'iiistoire ecclésiastique, puisq le c'est contre
ces exemples mômes que nos adversiires se
r ''crieut ; nous adéguerons rEcritiire h la-
quelle ils en appellent.
Jésus-Christ dit [Luc. xu, 50) : Je dois
être baptisé d'un baptême de sang, et combien
me sens~je pressé jusqu'à ce qu'il s'accom-
plisse ! Lorsque saint Pierre lui dit <i ce
sujet : A Dieu ne plaise. Seigneur, il n'en sc-
ra rien, Jésus le reprend et le regarde com
me un ennemi [Matth. xvi, 22). 11 alla à Jé-
rusalem, sachant très-bien l'heure et le mo-
m(Uit auxquels il serait saisi par les Juifs,
conilamné et mis à mort. Les incrédules
l'accusent a issi d avoir provoqué, par un
zèle imprudent, la h une et la fureur des
Juifs. Hai'beyrac dit que cet exemple ne fait
pas règle, parce que Jésus-Christ, par sa
mort, devait racheter le g 'Ure humain. Mais
les Pères disent aussi ipic quand nu martyr
soulfi'e, ce n'est pas pour lui seul, mais [tour
657 MAH
Imite l'Eglise de Dieu, h laqueilo il (loiiiie
un gr.iiid exemple de vcr'tu ; et saint Jean
dit ([ue nous devons mourir pour nos frè-
res, eoimne J(^siis-Christ est mort (our nous.
On >ait 1 impiessionqiii» faisait sur les païens
la constance des martj/rs.
«.Je divin Sauveur dit h tous ses disciples
IMiitth. V. 10) : Heureux ceux qui souflrenl
persii'ution pour In justice, parce que le
rui/iiujiie des deux est à eux. Vous serez heu-
reux lorsque vous souffrirez persécution pour
moi. liejouissez-iious, votre re'coiiipeusr sera
(jrande dans le ciel. Saint Pieri-e dit de mu-
nie aux lidèles : «Si vous souillez eu fai-
sant le bien, c'est une grilce que Dieu vous
fait ; c'est puur cela que vous (Mes appelés,
et Jésus-Christ vous en adonné l'exemple....
Vous Ates heureux, si vous soutirez quelque
chose pour la justice {IPetr. ii, 20; m, Ik).
N'cst-il donc [las peiinis de dé.ireretde re-
chercher ce dont nous devons nous ri'jouir,
ce (pii nous rend heureux, ce qui est notie
vocation? Saint Paul dit de lui-même (Plii-
lipp. I, 22) : « J'ignore ce que je dois ch(ii-
sir ; je suis eniliarrassé entre deux jiartis :
jo désire de mourir et d'(>lre avec Jésus-
Christ, et ce seiait le meilleur pour moi ;
mais je vois qu'il est nécessaire |iour vous
que je vive encore. « Saint Paul aurait-il
hésité, si le désir de mourir pour Jésus-
Christ était un crime ? Un prophète lui pré-
dit qu'il sera enchainé à Jérusalem et livié
aux païens ; les fidèles veulent le détourner
d'y aller : « Pourquoi m'aflligez-vous, dit-il,
par vos larmes ? Je suis prêt, non-seulement
a être enchaîné, mais encore à mourir pour
Jébus-Christ [Act. x\i, 11), et il part; il ne
regardait donc pas le commandement de fuir
la persécution connue un précepte général
et rigoureux.
Pendant lis persécutions, les pasteurs de
l'Eglise se sont quelquefois di'rohés à l'orage
pour un temps, alin de consoler et de soute-
nir leur troupeau ; ainsi en ont agi saint
Denis d'Alexandrie, saint Grégoire Thauma-
turge et saint Cyprien ; ou ne les en a pas
bhlmés : mais lorsqu'ils ont cru que cela
n'était jias nécessaire, ou que la mort du
pasteur procurerait le repos à ses ouailles,
ils ont refusé de fuir, et se sont montrés
hardiment. Nous convenons (jue Tertullien
a pnrté trop loin le rigorisme, en voulant
prouver (lu'il n'est jamais permis aux mi-
nistres de l'Eglise de fuir pendant la persé-
cution, ni de s'en racheter par argent, de
Fuga in pcrsecut.y^Ris il ne s'ensuit pas de là
que ce soit un devoir de fuir toujours et d'é-
viter toujours \e martyre, autant i|u'on le peut.
Que des protestants, qui ne font aucun
cas de la chasteté, blfunent des vierges qui
ont mieux aimé périr que de perdre la leur,
cela ne nous étonne pas ; mais les martyrs
ne pensaient pas ainsi. On a beau dire
qu'une vifjlenre soullerte malgré soi ne
peut pas souiller l'ùme , sait-on jusqu'à
quel point les personnes ver.ueuses dont
nous parlons auraient élé tentées de consen-
tir à la brutalité dont on les mena(;ait ? Vai-
nement on allègue la loi naturelle qui nous
MAH
eni
oblige h conserver notre vie ; n'est-ce donc
pas aussi une loi naturelle de la [terdre plu-
tôt que de man(|uer de lidéhté à Dieu et de
cciisentir au péché? Où Jésus-Christ a-l-il
violé la loi na.'urelle en nous ordonnant de
soull'rir la mort pour lui? Il n'est donc pas
nécessaire ne recourir ici à une ins|Mration
|iarticulière, ni de faire sorlir Dieu d'une
machine, comme nos adversaires nous en
accusent ; l'Evangde est formel , et nous
nous en tenons là. Voy. Suioiue. Nous ne
devons |)as oublier que les protestants ont
fait contie les martyrs du Japijii les mêmes
re|)roehes que f mt les incrédu'es (outre les
()r(uuiers 7nartyrs du christianisme : ils sont
les [irincipaux auteia-s des calomnies aux-
quelles nous sommes forcés de répondre.
IV. La constance des martyrs et les con-
versions qu'elle a opérées sont un piténomène
surnaturel. Dodwel, non co; lent d'avoir ré-
duit presque à rien le nombre des nutrlyrs,ii
fait encore une autre dissertation pour prou-
ver que leur conslance dans les tourments
n'a rien eu de surnaturel. Il j)! éicnd (pie la vie
austèieipie menaient les piemiers chrétiens
les rendait naturellement cajjables de sui:-
porler les plus crueles tortures; qu'ils y
étaient engagés par les honneurs que l'on
rendait aux tnartyrs, e'. par l'ignominie dont
étaient couverts ceux (pii succombaient à la
violence des tourmenis, par l'opinion dans
laque le on était que tous les |iéehés étaient
etl'acés par le martyre, que ceux qui l'endu-
raient allaient incontinent jouir de la béati-
tude, et tiendraient la première p'ace dans
le royaume temporel de mille ans i|ue Jé-
sus-Lllirist devait bienlèit établir sur la terre.
Les inerédi les ont enchéri sur les idées de
Dodwel ; ils ont comparé le courage des
martyrs à celui des stoïciens, des indiens,
qui se précipitent sous le char de IC'irs ido-
les, des femmes qui se brûlent sur le corps
de leur mai i, des sauvages ijui insultent aux
bourreaux ipii les tourmenlenl, des hugue-
nots et (les donatistes ([ui ont soutfert cons-
tamment la mort. Suivant leur opinion, la
patience des martyrs était nu effet du fa-
natisme qui leur était inspiré par leurs pas-
teurs; ils n'ont pas rougi de com,>arer les
ap('itres et leurs imitateurs aux ma iaitein.s
qui s'exposent de sang-froid aux supplices
dont ils sont menacés, et les subissent en-
lin de bonne grâce, parce qu'ils ne ]ieiivent
jilus reculer. On^mt àux conversions opé-
rées par lexemple des martyrs, ils disent
que c'est l'elï'et naturel des pinsécutions ;
que le même [ihéiiomène est arrivé lors-
que Ion ciMidamnait au supplice les prédi-
canls huguenots et leurs prosélytes.
seJvtes.
is la ré
On a droit d'exiger ce nous la réfutatioa
do toutes ces impiistures. Nous soutenons
d'abord ipie le courage des martyrs a élé
siirnalurel. Voici nos [iieuves: l°Jésus-rJirist
avait promis do doiini r à ses disciples, dans
celte eireonstance, des grâces et un sec mrs
divin: Je vous donnerai une sagesse à laquelle
vos ennemis ne pourront résister Par la
patience , vous posséderez vos dmes en paix
[Luc. ïXi, 15 et 19). Vous sou/frirez en c$
6,S9
MAB
MAR
BGO
monde : mois , ayez confumc, fui vaincu le
monde {Joun xvi, 33). Saint l'oiil dit aux Phi-
li])piens, c. i,v. 28: « Ne craignez imintvos
ennemis, il vous est donné do Dieu, non-
seulement de croire en Jésus-Clirist, mais
encore de souffrir pour lui. » 2" Les fidèles
comptaient sur cette grAce, et non sur leurs
pre|)res forces; ils se préparaient au combat
par la prière, par le jeûne, par la i)énitence ;
fes Pères de l'Eglise les y exhortaient.
L'exemple de plusieurs . qui avaient suc-
combé il la violence des tourments, inspi-
"ait aux autres l'humilité, la crainte, la dé-
ûance d'eux-mêmes. 3" Cette grâce a été ac-
cordée à des chrétiens de tous les ilges et de
toutes les conditions , de l'un et de l'autre
sexe : de tendres enfants , des vieillards ca-
ducs, des vierges délicates, ont soutfert sans
se plaindre, sans gémir, sans insulter aux
persécuteurs; ont vaincu, par leur patience
modeste et tranquille, la cruauté des bour-
reaux. 4° Souvent dos miracles éclatants ont
prouvé que la constance des martyrs venait
du ciel, ont forcé les païens à y reconnaître
la main de Dieu ; nos apologistes l'ont fait
remarquer et ont cité des témoins oculaires.
C'est ce qui a inspiré aux chrétiens tant de
vénération pour les martyrs et un si gr.nid
resijcct |iour leurs reliques. 5° C'est une aii-
sur.lité de soutenir qi.e le courage ([ui vient
d'un motif surnaturel, tel que le désir d'ob-
tenir la rémission des péchés et de jouir lie
la béatitude éternelle, est cependant naturel.
Ce désir est-il puisé dans la nature '.' l'aper-
çnit-on dans un grand nombre de personnes ?
6° Nous voudrions savoir ce que nos ad-
versaires entendent par entlio^isiasme et fa-
natisme du martyre. Ces termes ne peuvent
signifier qu'une persuasion dénuée de preu-
ves, un zèle inspiré par quelque passion ;
les martyrs n'étaient point dans ce cas. Leur
persuasion était fondée ■ sur tous les motifs
de crédibilité, qui [îroiivent la divinité du
christianisme, sijr des faits dont ils avaient
été témoins oculaires, ou desquels ils no
pouvaient douter. Ce n'était point un préjugé
de naissance, |)uisqu'ils s'étaient convertis
du paganisme au christianisme. A'oyons-noiîs
dans b,'ur conduite quelque signe de passion,
de vanité, d'ambition, d'orgueil, de haine, de
vengeance, etc.? Celse, qui sans doute avait
été témoin de la constance de iilusieursma/--
tyrs, n'osait les blâmer. Origène contre Celse,
1. I, n. 8, n. 66. Aujourd'hui on ose les ac-
cuser de fanatisme, sans savoir ce c{ue l'on
entend par là.
Un fanatisme, ou un accès de démence ne
peut pas durer pendant plusieurs siècles,
être le même dans la Syrie et dans la Perse,
en Egypte et dans la Grèce, en Italie, en Es-
pagne et dans les Gaules. Les païens mêmes
admiraient la constance des martyrs; il est
fâcheux que des hommes qui devraient être
chrétiens, la regardent comme une fjlie. Les
donatistes, qui se donnaient la mort afin
d'obtenir les honneurs du martyre; les hu-
guenots, suppliciés pour les séditions qu'ils
avaient excitées; les Indiens qui se font écra-
ser, et leurs femmes qui se brûlent, sont
des fanatiques, sans diiute, parce gu'ils n'ont
eu et n'ont aucune preuve des opinions par-
ticulières pour lesquelles ils se livrent h ].i
mort; plusieurs sont enivr/'S d'opium ou
d'autres boissons qui leur ôtent la réflexion.
La constance des stoïciens était un effet do
leur vanité, et l'insensibilité des sauvages
vient de la fureur que le désir de la ven-
geance leur inspire. Peut-on reprocher aux
martyrs aucun de ces vicoS'? Les malfaiteurs
ne sont pas les maîtres d'échapper au su])-
plice ; les premiers chrétiens pouvaient s'y
soustniro en reniant leur foi.
Ce ne sont pas seulement les Pères de l'E-
glise qui nous apprennent que la constance
surnaturelle des martyrs a souvent converti
les païens ; Libanius convient que le chris-
tianisme avait fait des progrès par le carnage
de ses sectateurs ; c'est ce qui enipôclia Ju-
lien de renouveler les édits sanglants portés
contre eux dans les siècles précédents. Lors-
que nos ailversaires disent que c'est l'effet
naturel des persécutions, que la cruauté
exercée envers les chrétiens excita la pitié
et les rendit intéressants, que la même chose
est ai'i'ivée à l'égard des huguenots, ils se
jouent delà crédulité de leurs lecteurs. En
effet, les cris tumultueux du peuple assem-
blé dans l'amiihithéâtre, qui demandait que
l'on exterminât les chrétiens, toile impios,
christianos ad leonem, ne venaient certaine-
ni;='nt pas d'une pitié bien lendre. Quand on
attribuait tous les malheurs de l'empire à la
haine et à la colère que les dieux avaient
conçues contre les chrétiens , cette idée n'é-
tait guère propre h les rendre intéressants.
Les philosophes qui se joignirent aux per-
sécuteurs, pour couvrir d'opprobre les sec-
tateurs du christianisme, n'avaient jias in-
tention, sans doute, de prévenir les esfirits
en leur faveur. VoiUi ce qui s'est fait pendant
trois cents ans.
Ceux qui ont embrassé leprotestantisme, au
XVI' siècle, ne Font pasfait par admiration delà
constance de ses prétendus »(«/•/(/;•«; ils a valent
d'autres motifs. Ils étaient séduits d'avance
par les discours calomnieux et séditieux des
prédicants ; les uns étaient attirés par l'i s-
jiérance du pillage, los autres par l'envie de
se venger du quelques catholiques, ceux-ci
par le jilaisir d'humilier et do mallraiter le
clergé, ceux-là par le désir d'avoir des pr()-
tecteurs puissants, tous par l'esprit d'indé-
pendance. Aucun de ces motifs n'a pu en-
gager des païens à se faire chrétiens. « I.a
constance que vous nous reprochez, dit Ter-
tullien, est une leçon ; en la voyant, qui
n'est pas tenté d'en rechercher la caus.' ?
Quiconque examine notre religion, l'em-
brasse. Alors il désire de souffrir, afin d'a-
cheter, par l'elFusion de son sang, la grâce
de Dieu, de laquelle il s'était rendu indigne,
et d'obtenir ainsi le pardon de ses crimes. »
Apol., c. 50. Les exemples cités par nos ad-
versaires sont donc aussi feux que leurs
conjectui'es, et leurs reproches sont aiisur-
des. Est-il vrai, enfin, que les Pères de l'E
glise aient soufflé le fanatisme du martyre,
et qu'ils aient ainsi travaillé à dépeupler le
661
MAR
MAR
662
monde? Pour snvoir s'ils ont \)6ch6 on ((ut'l-
quG chose, il faut examiner les diUV'it'ntcs
circonstances dans iesijuelles ils se sont
trouvés.
Au ir' et au m' siccio, jilusicin-s secliis
d'lHV(''tii|uescoiidann]èrt'nt le m<iilt/re,oi\»i'i-
tînèi'ent (|u'il était permis lio leniei' la foi,
ijoe c'était une fnjje de mourir pour con-
fesser J(''siis-Clirist. Tels lurent his hasili-
(iiiMis, les vahuilininns, les gn(istii|ues , les
iii'lci'saitcs, les manichéens et tous ceux
ipii soulcnaicnt que Jésus-Christ lui-même
n'avait soull'crt (ju'en a|ip;irenc(;. D'autres
donnèrent dans l'excès opposé, cruient qu'il
était beau de rechercher le mnrti/rc par va-
nité'; on en accuse les inontanisics et quel-
ques marcionites : les domtistes, schJs-
matiques furieux, se faisaient donner la mort
ou se précipitaient eux-mêmes, alin d'obte-
nir les honneurs du martj/rr. Les l'ères écri-
virent contre ces divers (ennemis; les pre-
miers furcuU réfutés par saint ("démont d'A-
lexandrie, 5/ro/n., l.iv. c. 4 et suiv.; parOri-
gène, dans son l-'altortulion <m ntrirli/re; pai-
Tertnlllen, dans l'ouv. a;i;e intitulé- Srorpiaccs,
etc. .Mais en comh.iltaiil conire une erieur,
ils n'oni pas favorisé l'auti'e. Saint ('dément
d'Alexandrie, dans ce même ch-ipilie, dit
que ceux ipii cherchent la moii do propos
délibér(' ne sont chrétiens ([uo o'e nom, ipTils
ne connaissent pas le vrai Dieu, ((u'ils dé-
sirent la destiiiition de leur corps (ui haim?
du Créateur. Il dévigiii! évidemment les mai-
cioiùfes, et, dans le chapitr.' 10, il dit que
ces gens-i;^ sont honneides d'eux-mêmes;
ipie s'ils i)rovoquent la colère des juji'-S, ils
resscmlileiil ^ ceux (|ui veulent irriter une
liête féi'oce, etc. Orij^ène adresse son exhor-
talion ]irincipalenient aux minislres de l'K-
glise, et c'est aussi |)Our eux que Tertullien
écrivit son livre de la Fuite pviukiut tes per-
sécutions. Origèno , dans tout son livi'e ,
n'emploie que des preuves et des motifs
tirés d(^ I Ecriture sainte ; il ne parle point du
culle ni des honneurs (juc l'on rendait aux
mil rt j/rs iht]s ce monde, mais seulement do
la i^ioirc dont ils jouissent dans le ciel.
Dans la li ttre de l'Ej^lise de Smvrne, fou-
chant le martyre do saint Polycaipfr, n. k,
on désap[U'ouve ceux qui vont se dénoncer
eiix-môines, ]iarce que rEvaii;j:ile ne l'or-
donne point ainsi. Le concile d'Elvire, tenu
l'an 300, can. 60, décide que, si qui;lqu'un
brise les idoles et so fdit tuer, il ne doit
point êtri! mis au nombre des martyrs. Saint
Augustin soutint de môme, contre les do-
uât stes, que leurs circoncellions, qui se
faisaient tuer , n'étaient jioint de vrais Hi«r-
tyrs, m.iis des forcenés; que c'était la cause
et non la peine qui fait le vrai martyr. D'au-
tre part, le concile do (langrcs, tenu entre
l'an 325 et l'an 3'd, can. 20, dit anathèmo
à ceux qui condamnent les assemblées que l'on
tient au tombeai des martyrs, et les services
(lue l'on y célèbre, et qui ont leur mémoire en
horreur.L'élaient, sans doute, dos manichéens.
Les Pères et les cfuiciles ont donc tenu un
sage milieu entre l'impiété de ceux qui blA-
uiaient le martyre et la téniéiité de ceux qui
le rcciierchaient sans nécessité. Si Barbeyrac,
ses maîtres et les incrédules, ses copistes,
avaient daigné faire ces réflexions, ils n'au-
raient pas accusé les Pères d'avoir soufflé lo
fanatisme du martyre, ni les chrétiens d'y
avoir couru les nciix fermés. Si une ou deux
fois dans trois cents ans, ils sont allés en
fuulo se présiMiter aux juges, il est évidcuit
que leur dessein n'était jias de courir à la
morl, mais de démontrer aux magistrats l'i-
nutiliti' de leur ciuauté , et de les engager
<i se dé'.sister de la persécution. C'est ce que
Tertullien re|)ri'senlnit à Scapula, gouverneur
de (Cartilage, il ne faut jias cdufondre les
chrétiens en gé'uéral, avec des héréli([ues
ennemis du chrislianisimî; les reproches des
liaïens ne prouvent pas [ilus que les calom-
nies des incrédules modernes.
Mosheim, Institut. Jlisl. christ., sœct. 1,
1" part., chap. 5, § 17, exagère les privilèges
et les honneurs que l'on rendait aux martyrs
ot aux confesseurs, soit pendant leur vie,
soit afirès leur mort; il en résulta, dit-il,
de gran<ls abus. Il ne (;ite en preuve que les
plaiides de saint Cyprien h ce suji^t. Mais,
(juantl il y aurait eu des abus dans l'Eglise
tr.'Vfrique, Cela ne prouve pas ((u'il y en
avait de mômc! partout ailleurs; l'usage des
protestants est de voir de l'abus dans tout ce
qui leur di'-plait. Dans un autre ouviage, il
aci^use les martyrs d'avoir pensé qu'ils ex-
piaient leuis pécli ''S par leur propre sang, et
non par celui di; Jésus-Christ, et il dit que
c'était la croyance commune, ïlist. christ..
Site. I, § 32 ; il cite pour preuve Clément
d'Alexandrie, Slrum., 1. iv, p. 59(j.A la vé-
rité ce Père dit que la r.'solutiiui de confes-
ser Jésiis-(]hrist, en bravant la mort, détruit
tous les vices nés des passions du corps;
mais il pense si peu que cela se fait sans
égard au sang de Jesus-Christ, (ju'il rapporte,
page suivante, les paroles du Sauveur : Sa-
tan a désiré de vous cribler, mais j'ai prié
pour vous. Luc, cap. xxii, v. 31.
V. Le témoignage des martyrs est une preuv»
solide de la divinité du christianisme. Cela se
comprend, dès que l'on conçoit lasijjnitication
du terme de martyr ou de témoin, et la na-
ture des preuves que doit avoir une religion
révélée. Dans tous les tribunaux de l'uni-
vers, la ]ireuvc par témoins est admise, lors-
qu'il s'agit de constater des faits, parce que
les faits ne peuvent pas être prouvés autre-
ment que par des témoignages ; elle n'a plus
lieu lorsqu'il est question d'un droit ou du
sens d'une loi, parce ipi'alors c'est une af-
faire d'opinion et de raisonnement. Or, que
Dieu ait révélé tels ou tels dogmes, c'est un
fait et non une question spéculative qui
puisse se décider [lar des convenances et par
des conjectures. Pour prouver que le chris-
tianisme est une religion révélée de Dieu,
il fallait démontrer que Jésus-Christ , son
fondateur, était revêtu d'une mission divine,
(ju'il avait prêché dans la Judée, iju'il avait
faillies miracles et des prophéties, qu'il
était mort, ressuscité et monté au ciel; qu'il
avait tenu telle conduite sur la terre, qu'il
avait envoyé le Saint-Esprit à ses apôtres.
6G3
MAR
MAR
6(il
qu'il avait enseiy;iitj telle doctrine. Voilà les
faits que Jésus-Clirisl avait ciiarij;é ses apô-
tres d'attester, en leiii' disant : Vous me ser-
virez de témoins, (■/•(Vî's mih,i testes (Act. i, 8).
("est ce que faisaient les apôtres, en disant aux
tulèies : « Nous vous.'uinonçons ce que nous
avons vu de nos yeux, ce que nous avons
entendu, ce que nous avons considéré atten-
tivement, ce que nos mains ont touché, con-
cernant leA''erbe de vie qui s'est montré parmi
nous (/ Joan. i, 1). Ce témoignage était-il ré-
cusable, surtout lorsque les apôtres eurent
dunné leur vie pour en confirmer la vérité?
Les fidèles convertis par les apôtres n'a-
vaient pas vu Jésus-Christ, mais ils avaient
vu les apôtrc'S faire eux-mêmes des miracles
pour confirmer leur prédication, et montrer
en eux les mêmes signes de mission divine
dont leur maître avait été revêtu^ Ces fidèles
pouvaient donc aussi attester ces faits; en
mourant pour sceller la vérité de leur té-
moignage, ils étaient bien sûrs de n'être
pas trompés. Ceux qui sont venus dans la
.«suite n'avaient peut-être vu ni miracles ni
martyrs ; mais ils en voyaient les monu-
ments, et ces monuments dureront autant
que l'h'glise : en soull'rant le martyre, ds
sont morts pour une religion qu'ils savaient
être prouvée par les faits incontestables
dont nous avons parlé, et que les témoins
oculaires avaient signés de leur sang; qu'ds
voyaient revêtue d'ailleurs de tous les ca-
ractèri s de divinité que l'on peut exiger.
Que manque-t-il à leur témoignage pour
être digne de foi?
Malgré les fausses subtilités des incrédu-
les, il est démontré cjue les faits évangéli-
ques sont aussi certains ]iar rapport à nous,
qu'ils 1 étaient pour les apôtres qui les
avaient vus. Yoy. Cerutude morale. Un
martyr, qui mourrait aujourd'hui pour attes-
ter ci'S faits, serait donc aussi assuré de
n'être pas trompé que l'étaient les apôtres;
son témoignage serait donc aussi fort, en
faveur di- ces fa !ts, que celui des apôtres.
Tel est l'elfet de la certitude morale conti-
nuée pendant dix-S' pt siècles; telle est la
chaîne de tradition qui rend à la vérité des
faits évangéliqies un témoignage immortel,
et qui en portera la conviction jusqu'aux
dernières générations de l'univers. « Le
vrai martyr, dit un déiste, est celui qui
meurt pour un culte dont la vérité lui est
démontrée. » Or, il n'est point de démons-
tration plus convaincante et plus infaillible
que celle des faits.
A présent nous demandons dans quelle
religion de l'univers on peut citer des mar-
tyrs, e'est-à-dlre des hommes cajialjles de
rendre un témoignage semblable à celui
que nous venons d'exposer. On nous allè-
gue des protestants, des albigeois, des moii-
tanistes, des mahoinétans, des athées même,
ui ont mieux aimé mourir que de démordre
lie leuis opinions. Qu'avulent-ils vu et en-
tendu? que pouvaient-ils attester? Les hu-
guenots avaient vu Luther, Cdvin ou leuis
di.vci|iles se révolter contre l'Eglise, gagner
des prosélytes, faire avec eux bande à part,
[|
remplir l'Europe de tumulte et de séditions;
ils les avaient entendus déclamer contre les
pasteurs catholiques, les accuser d'avoir
changé la doctrine de Jésus-Christ, per-
verti le sens des Ecritures, introduit des
erreurs et des abus. Ils les avaient crus sur
leur parole, et avaient embrassé les mêmes
opinions : mais avaient-ils vu l'sprédicants
faire des miracles et des prophéties, décou-
vrir li'S plus secrètes pensées des cœurs,
montrer dans leur conduite des signes de
mission divine? Voilh de quoi il s'agit. Les
huguenots d'ailleurs n'ont pas subi des sup-
plices |iour attester la vérité de leur doctrine,
mais parce qu'ils étaient coupables do
révolte, de sédition, de brigandage, souvent
de meurtres et d'incendies. 11 en est à peu
près de même des autres hérétiques, des
mahométans et des athées; la plupart au-
raient évité le supplice s'ils l'avaient pu.
Us sont morts, si Ion veut, pour témoigner
qu'ils croyaient fermement la doctrine qu'on
leur avait enseignée, ou qu'ils prêchaient
eux-mêmes; mais pouvaient-ils dire comme
les apôtres : « Nous ne pouvons nous dis-
penser de publier ce que nous avons vu et
entendu?» Act, c. iv, v. 20. La religion
catholique est la seule dans laquelle il puisse
y avoir de vrais martyrs, de vrais témoins,
parce que c'est la seidc qui se fonde sur la
certitude morale et inlaillible delà tradition ,
soit pnur les faits, soit pour les dogmes.
Lorsque h s ineiédules viennent nous étour-
dir par le nombre, la constance, l'opini .trotô
des prétendus martyrs des fausses religions,
ils démontrent qu'ils n'entendent [las seule-
ment l'état de la question.
VL Le culte religieux rendu aux martyrs
est légitime, louable et bien fondé; ce n'est
ni une superstition, ni un abus. La certitude
du bonheur éternel des martyrs est fondée
sur la promesse formelle de Jésus-Christ :
Celui, dit-il, qui perdra la vie pour moi et
pour l'Evangile, la sauvera (Marc, viii, 35 ;
Matth. v, 8; x, 39; xvi, 25, etc.). Quicon-
que aura renoncé à tout pour mon nom el
pour le royaume de Dieu, recevra beaucoup
plus en ce monde, et la vie éternelle en
l'autre {Luc. xviii, 29; Matth. xix , 27).
Je donnerai à celui qui aura vaincu la
))uissance sur toutes les nations Je le
ferai asseoir à côté de moi sur mon trône,
comme je suis assis sur celui de mon Père
(Apoc. Il, 26; lu, 21, etc.). Dans le tableau de
lagloire éternelle, que saint Jean lEvaiigéliste
a tracé sur L' jilan des assemblées chrétien-
nes, il représente les martyrs placés sous
l'autel, c. VI, v. 9. De là l'usag ^ qui s'éta-
blit parmi les premiers fidèles de placer les
reliques des martyrs au milieu des assem
blées chrétiennes, el de célébrer les saints
mystères sur leur tombeau; nous le voyons
par les actes du martyre de saint Ignace et
de .'•aint Polycàrpe. Voy. Ueliques.
Si, comme le soutiennent les prolestants,
les martyrs n'ont, auprès de Dieu, aucun
pouvoir d'intercession; si c'est un abus de
les invoquer et d'honorer les restes de leurs
imps, nous tlemundons en quoi coiisisle
tan
MAR
MAR
HGC
le centuple en ce monde, ^[l\^\ Jésus-Chiist Icui-
a promis, /« puissance qu'il leui" a (loimi'-i;
sur tontes les nations, elle trône sur loijuel
il les a placés dans le ciel, l'nurso iléliarias-
ser de cette preuve, les cal» iii.sles ont ju,;é
que le plus court était tie rejeter TApoca-
lypse. Ils ne répondent rien aux promesses
<ie Jésus-Christ, et ils nous disent grave-
ment que le culte des martyrs n est l'onde
sur aucun passade de l'Ecriture sa nte; que
c'est un usage enjprunté des fiaiens, qui
lionoraient ainsi leurs braves et leurs héros.
Avons-nous aussi em|)rMnté d'eux l'usagci
de doinier une sé[iulture lionoraLde aux
citoyens qui ont utilement servi leur |iatrie'?
Lorscpi'ils ont exerce'' leur fureur contre les
reliques des martyrs et des autres saints,
ils ont travaillé à détruire des monuments
(jue les prenders tidèles regardaient connue
un(^ des jilus fortes ])reuves tie la divinité
(lu christianisme. Ils ont imité la conduite
des pai(!ns, i[ui anéantissaient, autant ([u'ils
pouvaient, les restes des corps des martyrs,
alin (|ue les chrétiens ne pussent les re-
cueillir et les hoimrer. Mais il était île leur
intérêt de su]iprinu!r ce ti''moij;nage tro])
ékiquent; l'usage étaiili depuis le coiinnen-
cemenl, de ne ri'garder comme viaisj;i((/7(/;-.s-
que ceux c|ui étaient morts dans l'unitc de
l'Eglise, était une comlanniation trop claire
du schisnu^ des protestants. Julien, (jui dé-
clamait connue eux contre le culte rendu
aux martyrs, était plus à portée qu'eux d'en
coimaitre l'origuie et l'aniiquité; il pense
qu avant la mor'i fie saint Jean i'Evan^éliste,
les tombeaux de s;iint Piene et de saint
Paul éla ent déjà honorés en secret, et que
ce sont les apôtres qui ont ajipris aux chré-
tiens à veiller aux tombeaux des martyrs.
Saint Cyrille, contre Julien, 1. x., j). 327.
33i. Et' comme il élait constant ipie Dieu
conliiinait ce culle par les miiaclesqui s'o-
péraii'Ut au tombeau des martyrs, l»orpii\ re
les attril)uait aux prestiges du démon; saint
Jérôme, contre Vigilance, p. 28tj. Beausobrc
souti nt que c'étaient des inqioslures et des
fouiberies. i-es protestants, ([ui ont prétcnihi
aue ce cuite n'a connuencé que sur la lin
u m' ou au commencement du iV siècle,
étaient très-mal instruits ; il est aussi ancien
que l'Elglise : on n'a fait alors que suivre
ce qui avait été établi auparavant, et du
temps môme des apôtres; nous le verrons
dans un moment. Mosheim semble convenir
que le culte nés martyrs a commencé dès
le I" siècle. Hist. christ. , sœc. i, § 32,
note.
Un des principaux reproches que l'on
fait aux chiétiens du iv° siècle, c'est d'avoir
transporté les reliques des martyrs liois de
leurs tombeaux, ne les avoir partagées pour
en diuiner à plusieurs églises. Il faudiaa
donc aussi bhimei- les lidcles du ii" siècle,
([ui transportèrent ;i Antioihe les restes des
os de saint Ignace qui n'avaient pas élé
consumés p;ir le feu, et ceux de Smyrne,
qui recueil ireiit de même les os de saint
Polycarpe. Mais, disent nos censeurs, il en est
résulté des abus dans la suite ; on a forgé
de fausses reliques et de faux miracles, on
a rendu aux martyrs le même culle qu'îi
Jésus-Chiisl. C'est une des plaintes de
iJeausobre ; il n'a rien omis pour rendre
odii'ux h^ culte que nous rendons aux mar-
tyrs; il en a recherché l'origine; il l'a com-
paré avec celui que les [laiens adressaient
aux dieux et aux mAnes des héros ; il en a
exagéré les abus, Hist. du manich., I. ix,
c. 3, iî 5 et suiv. Ces tiois articles méritent
ijuelques moments d'examen. Suivant son
(■pinion, le culte rt^ligieux di.'S martyrs s'est
(''tabli d'abord par le soin qu'avaient les pre-
miers chrétiens d'ensevelir les morts; ils
jugeaient les martyrs encore jilus dignes
d'une sé|iulture honorable ([ue les autres
morts; cep(^ndant on ne les enterrait pas
dans les églises; ensuite |iar la coulume de
faire l'éloge des justes défunts, et de célébrer
leur mémoire, surtout au jour anniversaire
di^ leur décès; double usage, dit-il, qui
était imité des Juifs. Cependant les anniver-
saires des martyrs ne commencèrent (pu-
veis l'an 170. On célébrait le service divin
auprès de leur tombeau, mais on ne les
piia:t pas; l'on se bornait à louer et h
remercier Dieu des grâces «pi'il leur avait
accordées. En parlant de rempressement
(ju'eurent les chrétiens de transporter h
Aiiticche les os de sa nt Ignace, l'an 107, il
pense que ce zèle é ait nouveau. On reuiar
que, dit-il, dans les chrétiens une atfection
pour le corps des martyrs, qui paraît trop
humaine; on serait bien aise de les voir un
peu plus ph losojihes sur l'article de la sé-
pulture ; mais c'est une petite faiblesse
qu'il faut excuser. Comme lancienne Eglise
n'avait point d'autels, on ne commença d'en
placer sur les tomheaux des martyrs qu'au
IV' s.ècle, lorsque la paix eut été donnée à
l'Eglise ; et les translations de reliques
n'eiM'ent lieu que sur la lin de ce même
siècle. Bientôt les honneurs accordés aux
martyrs et à leurs cendres devinrent exces-
sifs ; on pubha une multitude de mi(acle<:
u|)éiés par ces reliques, etc. Heureusement
pour nous toute cette savante théorie se
trouve réfutée parles monuments, et c'est
de l'érudition piodiguée ii pure perte. Quand
le livre de rApocalypse n'aurait pas été
écrit par saint Jean, 1 on n'a du moins ja-
ni.iis osé nier qu'il n ait été fait sur la tin
du 1" siècle, ou tout au commencement du
II'. Nous y trouvons le plan des assemblées
chrétiennes, tracé sous l'image de la gloire
éternelle ; et c. vi, v. 9, il est dit : « Je vis
sous l'autel les âmes de ceux ijui ont été
mis à mort pour la pa;ole île Dieu, et pour
le temoiynuge qu'ils rendaient. » On n'a |)as
oublié (pie martyr et témoin, c'est la môme
chose. Voilà donc, dès les temps apostoli-
((ues, les martyrs placés sous lautel, dans
les églises ou dans les assemblées des chré-
tiens ; l'on n'a donc pas attendu jusqu'au
iv siècle pour introduire cet usage. Nest-ce
fias déjà lui signe assez clair d'un culte reli-
gieux.' L'empereur Julien avait-il tort de
lienser (jue déjà, du temps de saint Jean l'E-
vangéliste, les tombeaux de saint Pierre
607
MAR
et de saint Paul avaient été honorés ?
L'an 107, les actes du martyre de saint
Ignace nous apprennent qu'il avait désiré
que tnul son corps fiU consumé, de peur que
les fidèles ne fussentinquiétés [lour avoir re-
cueilli ses reliques ; il savait donc que c'était
l'usage des premiers chrétiens. Los écrivains
de ces actes ajoutent : « Il ne restait que les
plus dures de ces saintes reliijues qui ont
élé recueilliGS dans un linge, et trans-iortées
à Aiitioche comme un trésor inestimahle, et
laissées à la sainte Eglise par respect pour
ce martyr... Après avoir longtemps prié le
Seigneur, et nous être eniiormis, les uns de
nous ont vu le bienheureux Ignace qui se
présentait à nous , et nous emlirassait; les
autres l'ont vu qui priait avec nous, ou pour
nous, i7rfy;>;o,u.evov ïi/^fv NoUS VOUS aVOnS
marqué le jour et le temps , afin que ras-
semblés dans le temps de son martyre, nous
attestions notre communion avec ce géné-
reux athlète de Jésus-Christ. » Ainsi, sept
ans après la mort de saint Jean, la coutume
était établie de recueillir les reliques des
marlt/rs, de les garder coonne un trésor, de
les placer dans le lieu où les fidèles s'as-
semblaient, de célébrer comme une fête
l'anniversaire de ces généreux athlètes , et
tout cela était fondé sur la persuasion où
l'on était qu'ils priaient pour nous ou avec
nous, et sur le désir que l'on avait d'être en
communion avec eux. Voilà, aux yeux des
protestants, de terribles superstitions, ]ira-
tiquées par les disciples immédiats des
apôtres : il faut que ces envoyés de Jésus-
Christ ai'Uit bien mal instruit leurs prosé-
lytes. Mais ce sont de petites faiblesses que
nos censeurs veulent bien excuser par grâce;
en fermant les yeux sur les expressions de
ces premiers chrétiens, en reculant la date de
leurs usages jusqu'au iv' siècle, le scandale
sera réparé. Les protestants, devenus pliilo-
sophes sur l'article de la sépulture, ont
trouvé bon de brûler et de jirofaner ce
qu'avaient recueilli précieusement les pre-
miers chrétiens. Mais puisque ceux-ci
n'étaient pas ithilosophes, il se peut faire
que les protestants philosophes du xvi' siècle
n'aient plus été chrétiens.
Au milieu du n° siècle, l'an 169, l'Eglise
de Smyrne dit, dans les actes du mart;. rede
saint Polycarpe, n. 17 : « L'ennemi du salut
s'eff rça de nous empêcher d'en emporter
les reliques, quoique plusieurs désirassent
dcltf faire, et de communiquer avec ce saint
corps Il fit suggérer au proconsul par les
juifs, de défendre que ce corps ne nous fût
livré pour l'ensevelir, de peur, disaient-ils,
fju'ils ne quittent le crucifié pour (idorer
celui-ci Ces gens-là ne savaient pas qu'il
nous est impossible d'abandonntT jamais
Jésus-Christ, qui a souffert pour notre salut,
et d'en honorer aucun autre. En effet, nous
l'adorons comme Fils de Dieu, et nous ai-
mons avec raison les martyrs, comme dis-
ciples et imitateurs du Seigneur, à cause de
leur attachement pour leur roi et leur
maître, et plaise à Dieu que nous soyons
louis consorts et leurs condisoip! 'S
MAR 668
Après que le corps du saint martyr a été
brûlé, nous avons recueilli ses os, plus pré-
cieux que l'or et les pierreries, et nous les
avons placés où il convenait. Dans ce lieiî
même, lorsque nous pourrons nous y as-
sembler. Dieu nous fera la grAce d'y célé-
bier avec joie et consolation le jour de son
martyre , afin de renouveler la mémoire
de ceux qui ont combattu, d'instruire et
d'exciter ceux qui viemlront après nous. »
Il est aisé de voir la conformité parfaite de
ces actes avec ceux du martyre de saint
Ignace ; il n'est donc pas vrai que les anni-
versaires des martyrs et l'usage de placer
leurs reliques dans des lieux d'assemblées
des fidèles, datent seulement de l'an 169,
époque de la mort de saint Polycarpe. Il est
absurde d'observer (jue J'on n'enterrait pas
les martyrs dans les églises, lorsqu'il n'y
avoit point encore d'édifices nommés églises;
on les enterrait, ou on les jilaçait dans un
lieu convenable, pour y tenir l'es églises ou
les assemblées; ainsi les tombeaux des
martyrs sont devenus des églises, depuis le
commencement du ii° siècle au plus tard.
Il est faux que l'ancienne Eglise n'ait point
eu d'autels, puisqu'il en est parlé dans saint
Paul et dans l'Apocalypsr^. Voy. Autel. îI
l'est que les translations des reliques n'aient
commencé qu'à la fin du iV siècle , puisque
les reliques de saint Ignace furent trans-
portées à Anliociie. Si l'on ne priait pas les
martyrs, nous demandons en quoi consiste
la communication que l'on désirait d'avoir
avec eux par le moyen de leur corps ou
de leurs reliques. Voy. Saint, § 2 et 3.
.Mais les f)rotestanIs triomplient parce que
les Smyrnicns disent, nous adorons Jésus-
Christ et nous aimons les martyrs ; or, les
aimer, ce n'est pas leur rendre un culle re-
ligieux; les fidèles déclarent même qu'ils ne
j)euvent rendre de culte à aucun autre qu'à
Jésus-Christ. Voy. Commémoration. Nous
conv.'UQns qu'ils ne pouvaient rendre à au-
cun autre le même culte qu'à Jésus-Christ;
que ce soit là le vrai sens, on le verra dans
un moment. Mais pour savoir si l'amour
pour les martyrs, exprimé et témoigné par
les usages dont nous venons do parler,
n'(''tait pas un culte et un culte religieux, il
faut d'abord examiner les priiicipos que
Beausobre a posés à ce sujet. Il appelle e(«/fe
civil celui (jui s'observe entre des liomines
égaux par nature, maisiiarini lesquels le mé-
rite et l'autorité mettent de la différence,
1. IX, c. 5, § 6. Donc lorsque, malgré l'éga-
lité de la nature, Dieu a mis entre eux de
l'inégalité par les dons de la grâce; qu'il a
daigné accorder aux uns une dignité, une
autorité, un pouvoir surnaturel que n'ont
pas les autres, les honneurs rendus à ces
personnages privilégiés ne sont plus un
culte civil, puisqu'ils ont pour motif des
qualités et des avantages que la nature ni la
société civile ne peuvent accorder. Donc
c'est le mo!if seul qui dépide et qui fait
juger si un culle, un honneur quelconque,
est ciril ou religieux. Ceausubre embrouille
la 'iiieslion, lors(pi'il définit le culte reli-
C69
MAn
MAR
670
aieux, celui qui fait partie de l'honneur que
les hommes rciuleut au souvcrjiin Eti'i'; cette
ch'liiiitiôM est lausse. Pi'icr, lléchir les ge-
noux, se prosterner, sont des actes qui font
partie do l'honneur dO à Dieu ; sont-ils pour
cela un culte religieux, lorsqu'on les em-
ploie à l'égard des princes et des grands?
beausohre convient que non. Donc les diffé-
rentes espèces de culte nc^ sont f)oint carac-
térisées jiar les personnes auxquelles on
les rend, mais par le motif qui les fait
rendre.
Nous n'avons pasd'autros signes extérieurs
pour honorer Dieu que j)our honorer les
hounnes, pour l'ondre le culli' religieux que
pour ténioigner le culte civil, |)oui- exprimer
le cuite divin lU suprême que pour car.icté-
riser le culte inférieur et suhordonné, pour
désigner un culte ahsolu ipie pour indiquer
uu culti' relatil; donc c'est le motif ([ui en
fa t toute la dilférence. t-i l'honneur rendu
I pour motif un nu'rite, une autorité, uu
pouvoir, une iirééminencc relative K la so-
ciété et il l'ordre civil, c'est un culte civil;
si c'est un pouvoir, une dignité, un mérite,
relatifs à l'ordre de la grâce et du salut éter-
nel, motif que la rehgion seule nnus fa t
connaître et nous inspire, c'est un cidte re-
ligieux. Toute autre notion serait trompeuse
et fausse. Donc il est faux que les méuies
cérémonies ipii s'observent innocemment
dans le culte civil à l'honneur d'uin^ cr. a-
ture, ne soient plus permises dans le culte
religieux, dès qu'elles ont pour ohjet la
môme créatuie , couime le prétend Beau-
sobre. Voy. Gni.TE. L'évidence de ces prin-
cipes démontre le ridicule du parallèle ([u'il
a voulu faire entre les honneurs que les
c,illiolii|ues rendent aux. mai'lijrs, h leurs
reliques , à leurs images, et ceux que les
païens rendaient aux dieux et <i leurs idoles;
les uns et les autres, dit-il, ont employé
|)récisémeiit les mêmes pratiipies, les p; ières,
les v(cux, les ollVaudcs, les statues portées
eu pompe, les tleurs semées sur les lom-
iK'iuix, les cierges allumés et les lampes, les
prostemements, les baisers respectueux, les
têtes accompagn'''es lie festins, les veilles, etc.
II le prouve par un détail fort long. .Mais h
quoi sert tout cet étalage d'érudition? 11
fiilhiit examiner si les catlioli([ues ont surles
marltjrs la même opinion, les mêmes idées,
les mêmes senliments que les païens avaient
de leurs dieux; si les premiers attribuent
aux martyrs la même nature, les mêmes
qu lités, le même pouvoir, que les seconds
supposaient à leurs divinités; c'était là toute
la question.
Or, la dïtfi'rence est sensible h tout homme
qui n'est ])oint aveuglé i»ar reniêtemeut de
systèuie. Les païens ont regardé leurs dieux
connue autant d'êtres siqirèmes, au-dessus
desquels ils ne coiniaissaieut rien , comme
tous égaux en nature, tous revêtus d'un
pouvoir indépendant quoitpic borné, et qui
n'avaient point de compte à rendre de l'u-
sage qu'ils en faisaient; nous le prouverons
en son lieu. Voi/. I'acanis^ik, 5 3. Les catho-
liques, au contraire, rcirnrdent les martyrs
et les autres saints comme de iniros créa-
tures (pd ont reçu de Dieu, leur Créateur,
tout ce qu'elles ont et tout ce ([u'elles sont,
tant dans l'ordre de la nature que dans
l'ordre de la grAce ; qui ne peuvent rien
faire ni rii'ii donner par elles-mêmes, mais
seulement obtenir de Dieu des grûces par
leurs prières, non en vertu de leurs mérites,
mais en vertu des mérites do Jésus-Christ.
Voy. Intkhciîssion. Donc il est impossible (pu'
le culte catholi(pie et le culte païen soient de
même nature (>t de même espèce. Beausobre
lui-même a posé pour principe que le culte
extérieur n'est rien autre choseque rexjires-
sion des sentiments d'estime, de vénération,
de confiance, de crainte, d'amour, (pie l'on
a |)our un être que l'on en croit digne ; ([ue
ces sentiments ont leur cause dans l'opiinon
que l'on a des perfections et du pouvoir de
cet être, et qu'ils doivent y être proportion-
nés, lil). IX, c. 4, § 7. Sur ce principe, il a
décidé que le culte reiulu au soleil |)ar les
manichéens, par les l'(irses, par les sabaïtes,
par les essiuiiens , n'était point un culte
suprême, ni une adorafirui, ni une idolâ-
trie. Il)i(l., 0. 1, § '2. Ce n'est [loint ici le
lieu d'examiner si cette liécision est vraie
ou fausse; mais il s'ensuit toujours du piin-
cif)e posé que ce n'est point par les signes
extérieurs qu'il faut juger de la nature du
culte, que c'est parles sentiments intérieurs
et par les nioiils de ceux qui le rendent;
sentiments toujours proportionnés h l'ojii-
nion qu'ils ont du [lersonnage ou de l'objet
auquel ils le rendent. Donc, puisqu'il est
démontré que les catholiques n'ont point, à
l'égard des martyrs, la même opinion (jue
les païens avaient de leurs dieux, il est ab-
surde de conclure [lar la ressemblance des
pratiques extérieures, que les uns et les
autres ont pratiqué le môme culte. Déj?»
Théodorof, au v° siècle de l'Eglise, en a fait
voir la dilTéience, Therapeut., serm. 8. Une
autre afisurdilé est de partir du même prin-
cipe pour absoudre les manichéens, et pour
condamner les catholiques. Voy. Pagasissuî,
8 8. Une inconséquence aussi palpable est
évidemment affectée et malicieuse.
Quant à la ressemblance prétendue entre
le culte lendu aux martyrs par les chvé-
tiens, et celui que les païens rendaient h
leurs héros, nous répondons que ce dernier
était abusif, 1" jiarce (jue les païens hono-
raient dans ces personnages des vices écla-
tants, plutôt que des vertus; jamais ils n'oiil
élevé desaut'ls à un homme qui s'était seu-
lement distingué par des vertus morales;
2° parce que 1rs païens attribuaient aux ;\mes
des hiTos le même pouvoir indépendant et
absolu qui ne convient qu'h la Divinité. Ni
l'un ni l'autre de ces défauts n'a jamais
eu lieu dans les honneurs accordés chez
les chrétiens aux martyrs et aux autres
saints.
11 ne nous reste plus qu'il exanniier les
abus vrais ou faux qui ont résulté du culte
rendu aux martyrs, h leurs reliques et à
leurs images. Déjà nous avons été obligés de
reeiarquer vingt fois (pi'il n'est rien de si
671
MAR
MAR
672
saint, de si auguste, de si sacré, de quoi
l'on ne puisse abuser ; que c'est une injus-
tice de cont'dndre l'abus avec la ctiose ,
surtout lorsqu'il est possible de prévenir et
de retrancher les abus, sans toucher au fond
de la chose. N'a-t-on pas abusé du principe
même que les protestants reg'ir;lent comme
l'axiome le plus sacré, savoir, qu'il faut
prendre l'Ecriture sainte |iour la seule rè^le
(le la foi et des mœur-.? Mais voyons les aiius.
On a supposé d.in< les reliques, dit Reaii-
soljre, une vertu miraculeuse et sanctiliante.
(^ela est vrai : si c'est une erreur, elle est
foniéesur l'Ecriture sainte; cefle-ci nous
atteste que les os du prophète Elisée, l'om-
bre de saint Pierre, les suaires et les tabliers
de saint Paul, avaient une vertu miraculeuse
(JV Beg. xin,21; Act. v, 15; xi\, 2). Jésu--
C^irist dit que le temple sanctitie l'or, et que
l'autel sanctifie l'ollrande (Matth. xxiii, 17
et 19). Les relic[ues rj'un saint sont-elles
moins susceptibles d'une vertu sanctiliante
qu'un temple et un autel"? Les protestants
eux-mêmes attribuent cette vertu à l'eau du
baptême, au pain et au vin qii'ils reçoivent
dans la cène; oii est le rnul? Les r.'liques
honorées avec réflexion nous suggèrent des
pensées très-sa'utaires , confirment notre
foi, excite;. t notre courage, raniment noire
espérance, nous font adunrer Dieu dans ses
saints, etc. N'est-ce [las là un moyen de
sanctification? Les témoins du martyre de
saint Ignace et de saint Polycarpe te conce-
vaient ainsi ; c'est pour cela qu'ils désirent
connnuniquer avec ci's saints corps, avec ces
saintes reliques. M.ùs l'on a supposé de
fau-^s'-s reliques, de fausses révélations, de
faux nnracles; et à qui les protestants osent-
ils attiibuer c(^s faussetés"? Aux Pères les
plus respectables du iV et du \' siècle : à
saint Basile, à saint Jean Chrysostome , k
saint Ambioise, à saint Jérôme, à saint Au-
gustin , etc. Est-il d ne permis de calom-
nier sans i)reuve"? Dans les bas siècles,
les erreurs en ce geni'C ont été plus fré-
quentes qu'auparavant; mais l'ignorance
cr.'dule n'est pas un crime; dès que les
pasle irs de l'E-îlise ont soupçonné de la
fausseté ou de l'abus, ils ont proscrit l'un
et l'au re. L'on a loigé aussi de fausses
prophéties, de faux évangiles, de fausses
histoires; faut-il tout In-iticr, comme les
protestants ont fait ii l'égard des reliques"?
Nous convenons que les fêtes des ynartyrs
ont été souvent une occasion de débauche,
puisque 1 s conciles imt fait des décrets
pour y mettre ordre. Mais en retranchant
les fêtes, les protestants ont du moins con-
servé les dimanches, et souvent ils se sont
plaints de ce que ci'S saints jours sont pro-
fanés parmi eux ; il ne s'ensuit pas qu'il
faut encore aijolir les dimanches. Nous avons
assez réf.. té les autres clameurs de nos ad-
versaires ; il est faux que l'on ait érigé les
martyrs en divinités, qu'on leur ait rendu
le môme culte qu'à Jésus-Christ, que l'on
ait mis plus de confiance en eux qu'en
Dieu et en Jésus-Christ , etc. Ces im-
postures ne peuvent servir (ju'à tromper
les ignorants. L'ère des martyrs est une
époque que les Egyptiens et les Abyssins
ont suivie et suivent encore, que les inalio-
métans même ont souvent marquée depuis
qu'ils sont maîtres de l'Egypte. On la prend
du commencement de la persécution dé-
clarée par Dioclétien, l'an de Jésus-Clirist
202 ou 203. On la nomme aussi l'ère de Dio-
ctétien.
MARTYRE, supplice enduré par un chré-
tien, dans l'unité de l'Eglise, pour confesser
la foi de Jésus-Christ. On a distingué or-
dinairement les martyrs d'avec les confes-
seurs; par ces dirniers, l'on entendait ceux
qui avaient été tourmentés pour la foi, mais
qui avaient survécu aux souffrances; et l'on
nommait proprement martyrs ceux qui
avaient perdu la vie par les supplices. — Voici
quelles étaient communément les circonstan-
ces du martyre, selon M. Fleur >'.
La persécution commençait d'ordinaire
par un édit qui défendait les assemblées
des chrétiens, et condamnait à des peines
tous ceux qui refuseraient de sacrifier aux
idoles. Il était permis de fuir la persécution,
ou de s'en racheter par argent, pourvu que
l'on ne dissimulât point sa foi ; et l'on bl<l-
mait la témérité de ceux ([ui s'exposaient de
propos délibéré au martyre, qui cherchaient
à irriter les païens, à exciter la persécution,
comme nous l'avons observé dans l'article
précédent. La maxime générale du chris'ia-
nisme était de ne point tenter Dieu, d'at-
tendre patiemment que l'on fût découvert
et interrogé juridiquement pour rendre
compte (le sa foi. Ce n'est point ainsi qu'en
oïd a.ii les hérétiques, lorsqu'ils ont voulu
faire bande à part ; leur grande ambition a
toujours été de braver publiquement les
lois, et de r'sister h l'autorité. — Lorsque
les chrétiens étaient pris, on les conduisait
au magistrat, rpii les interrogeait juridique-
ment. S'rls niaient qu'ils fussent chrétiens,
on les renvoyait ortlinairement, parce (jue
l'on savait que ceux qui l'étaient véritable-
ment ne le niaient jamais, ou ([iie dès lors
ils cessaient de l'être. Quelquefois, pour se
mieux assurer de la vérité, on les obligeait
à faire (juelque acte d'idolâtrie, comme à
présenter de l'encens aux idoles, à jurer
p.ir les dieux ou par le génie des empe-
reurs, à lilasphémer contre Jésus-Christ, eif.
S'ils s'avouaient chrétiens , on s'eiforcait
de vaincre leur constance, d'abord jiar la
persuasion et par des promesses, ensuite par
des menaces et par l'appareil du supplice,
eiitin par les tourments.
Les supplices ordinaires étaient d'étendre
le [iatient sur un chevalet, par des cordes
attachées aux pieds et aux mains, et tirées
avec des poulies ; de le pendre par les
mains avec des poids attHchés aux pieds;
de le battre de verges, ou de le fiaiiper
avec de gros bâtons ou des fouets armés de
pointes nommées scorpions , ou des la-
nières de cuir cru ou garnies de balles de
plomi). On a vu un grand nombre de mar
tyrs mouiir ainsi sous les coups. A d'au
très, après les avoir étendus, on briilait les
luj MAU
coliis, et on les déchirait îivpc des pL'i;,'ues
(le fec, de manitre (|ue souvent on 1 'iir dé-
couvrait les ciUns jus(ju'aux eiitiaillcs, et le
feu, |)én6trant dans le corps, étoulVait les
patients. Pour rendre les plaies plus sensi-
bles, on les f ottait qiiekpiefuis de sel et de
vinaigre , et on les rouvrait lorsqu'elles
coinuiençaient à se fermer. Le pins ou le
moins de rigueur et de durée de ces tor-
tures dépendait du caractère |)lus ou moins
iruel des magistrats, du plus (ju du moins
lie prévention et de haine qu'ils avaient
tuntre les chrétiens. — Pendant ces tour-
ments ou iulerroj^eait toujours. Tout ee qui
se disait par le ju.^e ou par le patient était
écrit mot pour mot par des grelliers. Ces
procès-verbaux iMaiiMit par ronséquent plus
détaillés que les inlerin^aloires qui se l'ont
aujourd'hui dans li^s procès criminels. Connue
les anciens avaient l'art d'écrire ces notes
abrégées, ils écrivaient a ssi vite que l'on
|)arla)t, et rendaient les propres lermes des
nersonnnges. au lieu cpie nos procès-ver-
baux s(jnl en tierce personne, el sont réJi-
f^és suivant le style du grcfiier. Ceu\ d'au-
trefois, plus exacts, fuiv-nt rvCuedIis pir des
clnétiens : c'est ce que nous appelons les
Acten authcnlii/ties des inarlijrs, et ces actes
S(! lisaient dans les assembUn^s chi'élicnnes,
aussi bien que l'Ecriture sainte. — Dans ces
interr(i|;,it( lires , on pressait souvent les
clin'tiens de dénoncer ceux qui étaient de
la même religion, surtout les l'véques, les
firèlres, les uiacres, et d" livrer les saintes
Ecritures. Pendant la persi'culion de Dioclé-
tien, les païens s'altacJièrent prnicqialeinent
à détruire les livres des chrétiens, jieisua-
di'S que c'était le moyen le plus sur d'a-
bolir c.'tte religion. .Mais sur toutes ces
recherches les cln-éticns gardaient un secret
aussi profond rpie sur les mystères. Ils ne
nonnnaient personne; ils disaient (pie Dieu
les avait instruiis et ([u'ils portaient les
saintes Ecritures gravées dans leurs cœurs.
On nomma Inutitrurs ou traîtres ceux qui
furent assez lâches pour livrer les livres
saints, ou pour découvrir leurs frères ou
leurs past' urs. — Après l'iulerrogatoiro ,
ceux qui persistaient dans la confcss (jii du
christianisme étaient envoyés au supplice;
mais plus souvent on les remettait en jinson,
pour les éprouver plus longtemps ( t pour
les tourmenter j)lusieurs fois. Les prisons
étaient ihijà une espèce de tourment; on ren-
fermait les martyrs dans les cachots 1 s plus
obscurs elles plus infects; on leur mettait
les fers aux pieds, aux ujains et au cou ; de
grandes pièces de bois aux jambes, des
entraves pour les tenir élevées ou écaitécs,
pendant que le patient était sur son dos.
Quelquefois on semait le cachot de tels de
pots de terre ou de verre cassé, et on les y
étendait tout uns, et déchirés de coups;
souvent on laissait corrompre leurs plaies,
ou les laissait mourir de faim et de soif;
d'autres lois on les nourrissait et on les
pansait avec sdiii, aiin de les tourmenter de
nouveau. Ordinairement on délendail de les
laisser [)arler ;» peisiuinu, parce ipi'oti sa-
MAR
r.7i
viiil (]U'eii cet état ils convertissaient 'ueau-
couii d'iiitidèhis , quelquefois jusqu'aux
g'^ôliers et aux soldats qui les gardaient.
D'autres fois on donnait ordre de faire
entrer ceux que l'on croyait capables d'é-
branler leur constance, un ])ôre, une mère,
une épouse, des enfants, dont les larmes et
les discours tendres étaient une tentation
souvent iilus dangereuse que les touiments.
Mais ordinaircMnent les diacres et les lidèles
visitaient les martyrs pour h>s soulager et
les consoler. — Les exécutions se faisaient
communément hors des villes; et la plu|iart
des martyrs, après avo r surmonté les tour-
ments, tiu par miracle, ou par leurs propres
forces, ont lini par avoir la tète coupée. On
trouve néanmoins dans l'histore ecclésias-
tique divers genres de mort, par lesquels les
païens en ont fait périr plusieurs, comme de
les exposer aux bètes dans rainphithé.ître,
de les lapider, de les iiriiler vifs, de les
précipiter du haut des montagnes, de les
n(jyer avec une [lierre au cou, de les faire
traîner |)ar des chevaux ou des taureaux,
indomptés, de les écorclier vifs, etc. Les
fidèles ne craignaient point de s'approcher
d'eux dans les tourments, de les accompa-
gner au supplice , de recueillir leur sang
avec d -s linges ou des éponges, de conser-
ver leurs coi'iiS ou leurs cendres; ils n'épar-
gnaient rien pour racheter ces restes des
mains des bourreaux, au risque de subir
eux-mêmes le martyre. Quant à ces chrétiens
soutfrauts , s'ils ouvraient la bouche , ce
n'était (juc pour louer Dieu, implorer sou
secours, édifier leurs frères, demander la
conversion des inlidèles.
Voilà les hommes que les incrédules ne
rougissent |)as de peindre comme des en-
têtés, lies lanatiques, des séditieux juste-
ment punis, des malfaiteurs o lieux : oi!i
sont donc les crimes de ces héros qui no sa-
vaient que soullrir, mourir, et bénir leurs
persécuteurs? Fleury, Mœurs des chrétiens,
II' ])ait. n. 19 elîuiv.
MAKTYKOLOCE, liste ou catalogue des
martyrs. Ces sortes de recueils ne contien-
nent ordinairement (pie 1' nom, le lieu, le
jour, le genre du martyre de chaque saint.
Comme il y en a pour chaque jour de l'an-
née, l'usage est établi dans l'Eglise romaine
de lire tous les jours, à jirime, la liste des
martyrs honorés ce jour-là. Baronius donne
au pape saint Clément la gloire d'avoir in-
troduit l'usage de recueillir les actes des
martyrs, et ce pontife a vécuimmédiatemeit
apiès les ap(^tr s.
Le murtyroloye d'Eusèbe de Césarée, fait
au iv" siècle, a été l'un des plus célèbres de
l'ancienne Eglise : il fut traduit en l.itin par
saint Jér(jme : mais il n'en r: ste que le
catalogue des martyrs qui soutfrirent dans
la Palestine pendant les huit dernières
années de la persécution de Dioclétien, et
qui se trouve à la Un du huitième livre de
l'Histoire ecclésiastique. Dans ce temps-là il
n'était p.is possible à un particulier d'a\iiir
connaissance de tous les martyrs ijui avaient
souffert dans lesdilléientus parties tiu moudo
675
MAR
MAS
C7(5
--Celui que l'on attribue ?» Bède, dans le
VIII'' siècle, est suspect en quelques endroits,
parce que Ton y trouve le nom de quelques
saints qui ont vécu après lui ; mais ce i)OU-
vait (Mre des additions qui y ont été faites
'lans la suite.
Le ix° siècle fut fécond en martyrologes.
On y vit paraître celui di' Fiorus, sous-diacre
lie l'église de Lyon, qui ne (it cependant (|ue
i emplir les vides ilu wartf/rologe deBède;
celui de Wandell)crt, moine dû diocèse de
Trêves ; celui d'Usuaril , moine français ,
qui le composa par ordre de Charles le
Cliauve : c'est celui dont l'Ef^lise romaine se
sert ordinairement; ccliù de Uaban-Maur,
qui est un supplément à celui de Bède et i!e
Fiorus, et (pii fut com])Osé vers l'an 8i5.
Le martyrologe d'Adon, moine jde Ferrières
en Gâtinais, ensuite de Prum, dans le dio-
cèse de Trêves , et enfin archevêque de
Sienne, est une suite du martyrologe romain
d'Usuard : en voici l'orij^ne, selon le l'ère
du Soliier, l'un des Bollandistes. Le Mar-
tyrologe de saint Jérôme est le fond du
grand romain ; de celui-là on a fait le petit
romain, imprimé par Rosweidc , jésuite,
mort cl Anvers en 1629; de ce petit romain,
avec celui de Bède, augmenté par Fiorus,
Adon a fait le sien, en ajoutant ;\ ceux-là
ce qui y manquait. 11 le compila à son
refour de Rome, en 858. Le martyrologe de
Névelon, moine de Corbie, écrit vers l'an
1089, n'est proprement (ju'un abrégé d'Adon,
avec les additions do quelques saints. Le
])ère Kircher yiarle d'un martyrologe des
cophtes, gardé dans le collège des maronites,
à Kome. On en a encore d'autres, tels que
celui de Notker, surnommé le Bègue, moine
de l'abbaye de Saint-Gall en Suisse, fait sur
celui d'Adon, et publié en 89'i- ; celui d'Au-
gustin Bellin de Padoue; celui de François
Maruli, dit Maurolkua ; celui de Vander
Meulen, nommé Molanus, qui rétablit le
texte d'Usuard, avec de savantes remarques.
Galerini, protonotaire apostolique, en dédia
un à Grégoire Xlll, mais qui ne fui point
approuvé. Celui que Baronius donna en-
suite, accompagné de notes, fut mieux reçu
et ap[)rouvé par Sixte V : c'est le martyro-
loge moderne de l'Eglise romaine. L'abbé
Chastelain, connu par son érudition, donna,
en 1709, un texte de ce martyrologe traduit
en français, avec des notes, et il avait en-
trepris un commentaire plus étendu sur
tdut ce livre, dont il a paru un volume, qui
renferme les deux premiers mois.
11 y a eu filusieurs causes de la différence
qui se trouve entre les martyrologes et des
faits apocryphes ou incertains qui s'y sont
glissés. 1° La malignité des hérétiques, et le
zèle peu éclairé de quelques chrétiens, qui
ont supposé des actes ou les ont inter|iolés.
2° La perte des actes vi'ritables, arrivée pen-
dant la persécution de Dioclétien ou pendant
l'invasion des barbares, actes auxquels on a
voulu suppléer sans avoir de bons mé-
moires. 3° La crélulité des légendaires, qui
ont tout adopté sans clioix, ou qui ont lait
des actes selon leur goût. 4-° La dévotion mal
entendue des peuples, qui s'est empressée
d'accréditer les traditions fausses ou incer-
taines. 5° La timidité des écrivains plus
sensés, qui n'ont pas osé attaquer de front
les préjugés populaires. Il est vrai cepen-
dant que depuis la renaissance des lettres
et de la critique, les bollandistes, MM. do
Launoi, de Tillemont, Baillet et d'autres, ont
purgé les Vies des saints de tous les faits
a 'ocryj^lies, qui, loin de contribuer à l'édifi-
cation des tidèles, ne servaient qu'à exciter
la censure des hérétiques et des incrédules.
Dom Thierry Uuinart a donné, en 1689, un
recueil de Actes sincères des martyrs, avec
une savante préface. Outre que la plupart
sont tirés de monuments authentiques, les
caractères de simplicité, d'antiquité et de
vérité que l'on y aperçoit , démontrent que
ces actes 'n'ont pas été composés dans le
dessein d'exagérer les faits, et d'exciter l'ad-
miration des lecteurs. Cependant le père Ho-
noré de Sainte-Marie , carme déchaussé,
dans ses Réflexions sur Vusage et les règles
de la critique, t. 1, dissert, i, prétend que,
selon les règles établies par dom Ruinart, il
y a dans cette collection quelques actes qui
n'auraient pas dû y être admis, et que l'on en
a exclu d'autres qui méritaient d'y entrer.
Les protestants ont aussi leurs martyrolo-
ges. Il y en a en ang'ais, qui ont été com-
posés par J. Fox, par Bray et par Clarke;
mais peut-on donner le nom de martyrs à
quelques fanatiques qui , sous la reine
Marie , furent punis pour leurs emporte-
ments? Les calvinistes de France ont aussi
dressé la liste de leurs prétendus martyrs, et
l'ont entlée tant qu'ils ont pu ; il est cependant
certain que la cause de leur suppplice ne fut
pas leur religion, mais que ce furent les
excès, les violences, les séditions dont ils
s'étaient rendus coupables.
On appelle aussi martyrologe le registre
d'une sacristie, dans lequel sont contenus
les noms des martyrs et des autres saints
dont on fait l'olïïce ou la mémoire chaque
jour, tant dans la ville et dans le diocèse,
que dans l'Eglise universelle. Il ne faut pas
le confondre avec le nécrologe, qui confient
la liste des fondations, des obits, des priè-
res et des messes que l'on doit dire chaque
jôu''-
MASBOTHÉENS ou MASBUTHEENS, nom
de secte. Eusèbe, d'après Hégésijijje, Hist
ecclésiast., 1. iv, c. 22, parle de deux sectes
de masbothécns; les uns étaient connus
parmi les Juifs du temps de Jésus-Christ, les
autres parurent au i" ou au ii° siècle de
l'Eglise. Il rapporte leur nom à un certain
Masbolhée, qui était leur chef; mais il est
plus probable que c'est un mot chaldéen ou
syriaque, qui vient de scabat , repos ou
reposer, et qu'il désigne des observateurs
scru[)uleux du sabbat. Ainsi il parait que les
premiers étaient des juifs superstitieux, qui
prétendaient que le jour du sabbat l'on
devait s'al>stenir non-seulement des œuvres
servilcs, mais encore des actions les plus
ordinaires de la vie, et (pii passaient ce joui
dans une oisiveté absolue. Les seconds
077
MAS
étaient probableiTiftnt dos juifs mal convertis
«•m chrislianisnio, qui poiisaient, coiiimo les
i''i)ioiiites , que sous l'Evniv^ilf il fallait
continuer h obsei'vor les rites judjuqiies,
qu'il fallait chômer, non le (liiiianche, mais
le sal>l)at, CDinme les Juifs. Voij. S\iiiiatai-
RKS et les Noies de Valois sur l'ilist. eccle-
sidsl. (VEusèhr.
MASCAUADE. Un ancien usa^e des païens
était de se masquer le pfemier jour de jan-
vier, de prendre? la ligure de certains ani-
maux, comme de vache, de cerf, etc., de
courii- ainsi les mes, de taire des avanies et
des indéccuc(!S. Un concile d'Auxerre, tenu
i'aii 585, défend aux chrétiens d'imiter cette
coutume ; et un ancien pénitenliel romain
impose trois ans de pénitence à ceux (piiau-
rai(;nt donné ce scandale. Voy. les Notes du
Père Mémtrd sur le Sacramentairc de saint
Grégoire, p. 252.
Déjà la loi de Moïse défendait aux femmes
de s'habiller en hommes, et aux hoimuos
de prendre des habits de femmes. ])arce que
c'est une abomination devant Dieu ( Dent.
XXII, 5). Ucs conuuentateurs observent que
chez les païens, les prêtres de \ éuus, dans
certaines cérémonies, s'habillaient en fem-
mes, et ([ue, pour sacrilier .^ Mars, les fem-
mes se revêtaient des babits et des armes
d'un homme ; c'éiait donc une des supersti-
tions de l'idol.'ltrie que la loi interdisait aux
Juifs. D'ailleurs, les auteurs même profanes
remarquent (jue ces sortes de mascarades
avaient toujours pour but le libertinage le
plus grossier, et ne manquaient jamais d'y
conduire. On sait assez, cpie chez nous,
connue ailleurs, ceux qui se déj^uisent pour
se trouver dans des assemblées noctui'ues,
no le font que pour jouir, sous le mas({ue ,
d'une liberté (pi'ils n'oseraient pas prendre
à visage découvert. Ce n'est donc pas sans
raison c{ue les tiiéologiens moralistes font
un cas de conscience de ce pernicieux
usage.
MASORE, MASOnÈTES. De l'hébreu ma-
sar, donner, liv.er, les rabbins ont fait ma-
sorah, tradition, et ils nomment ainsi le tra-
va'l entrepris pai' les docteurs juifs, pour
servir, disenl-ils, de Itaiehhi loi, c'est-à-diro
pour prévenir tous les ehangements qui
pourraient être faits dans le texte hébieude
l'Ecriture sainte, et pour le conserver dans
mie intégrité parfaite ; et l'on a|)pelle maso-
rèles ou massoretles ceux qui ont contribué
à ce travail. Ce dessein était louable, sans
doute, mais le succès y a mal répondu ;riii-
diislF'ie miuulieuse de ces grammairiens s'est
lioriiée à lompter les |)lirases, les mots et les
lettres de chaipu; livrede l'Ancien Testament,
h marquer le verset, le mot et. la leitre qui
font précisément le milieu de chaque livre,
à dire combien de fois tel mot hébreu se
trouve dans le texte sacré, etc. On leur
attribue encore le méi'ite d'avoir inventé les
sigi es qui tiennent lieu de points, tie virgu-
les, d'accents, et les points-voyelhis qui ué-
ter minent la prononciation de ehaque mot.
11 ne faut pas confondre la iiuisore avec ]n
cabale; la première est la manière dont il
MAS IÎ78
faut lire le texte sacré; la seconde est la
méthode ([ii'il faut suivre pour en iiieudro
le sens; les juifs prétendent tenir l'une et
l'autre de la même source, et font remonter
cette double tradition jusqu'à ^loise; mais
l'une de ces pi'étentions n'est pas miens
fondée (pie l'autre. Parmi les hébraisants, et
surtout parmi les protestants {|ui ont jugé
que la tradition des juifs est plus respecta-
ble, et mérite plus de croyance (jue celle de
l'Eglise chrétienne!, [ilusicurs ont fait re-
monter l'origine de la )/ws'o*"c jusipi'à Esdras
et à la grande synagogue (pi'il établit, ou du
moins jusqu'au temps auquel la langue
hél)rai(]ue cessa d'être vulgaire pai-mi les
Juits. D'autres lattribuenl aux rabbins (pii
enseignaient dans la fameuse école de Tibé-
riade, au v° et au vi' siècle; quelques-uns
ont prétendu que ce travail est encore plus
moderne.
Dans les Mémoires de l'Académie des In-
scriptions,lowie XX, in-12, p. 222, il y a une
dissertation dans hiepielle M. Fimmiooi laine
prouve, })ar un manuscrit de labibliolhè([ue
du roi, que la masore, et surtout la ponc-
tualion du texte hébreu qui en fait la partie
priiici|jale, a été faite, non à 'l'ibériade. mais
h NéhanUa, dans la Chaldée, au milieu du
iw siècle, entre les années do Jésus-Christ
2'i.''i. et 2()0;et il témoigne faire la plus
grande estime de ce travail. Cette disserta-
tion est de l'année \.T.'A. Mais il fauteiue ce
savant académicien ait changé d'avis, puis-
qu'on l'/'fO il a voulu prouver (juc les Sep-
tante n'ont pu fair« leur traduction telle
qu'elle est, que sur un texte hébieu ponc-
tué; selon ce système, il faudrait faire re-
monter l'origine de la masure jusqu'à l'an
2'JO avant Jésus-Christ, par conséiiuent à
plus de cinq cents ans avant le milieu du
m' siècle. Histoire de l'Acad. des Inscrip-
tions, t. Vil, in-12, (). 300. La diversité des
0|iinions, touchant cette question sui' la-
(}uelle on a beaucoup écrit, a déterminé la
])lupart des critiques à penser que la »«(.s'o/-e
n'est l'ouvrage ni d'un seul grammairien, ni
d'iuic même école, ni d'un même siècle ;
que ceux de la Chaldée et ceux de Tibériade
y ont contribué; que d'autres rabbins y oui
travaillé après eux à diverses reprises, jus-
qu'aux XI'' et xu' siècles, temps auquel on
y mit la dernière main : et, dans ce sens,
la masure porte à juste titre le noiu de tra-
dition, puisque c'est un ouvrage qui a passé
successivement par plusieais maiis. De sa-
vuii- quelle estime l'on doit faire de cet ou-
vrage, et quel degré de cunliance on peut y
donner, c'est une autie question sur laquelle
les avis sunt également partagi;s, mais qui
nous parait indépendante de la précédente.
Tuisque la S;gnilicatioii d'une iulinité de
niots hébreux dé[iend de la manièie dont
ils sont [)unctaés el [irononcés, en quelque
tem; s cjue la ponctuation en ait été faite, il
sera toujours permis de douter si ceux qui
en sunt les auteurs avaient conservé par une
tradition certaine la vraie prononciation de
ces termes, par conséquent le vrai sens, dé-
terminé par les points voyelles qu'ils y ont
C70
MAS
MA.S
680
mis. Ce douife nous pnraît fondé sur ùcs laits
et sur des raisons auxquelles nous ne voyons
pasqueles critiques se soient donné la (leine
de satisfaire. 1° Il Y a un grand nombre de
termes auxquelslesSeptante n'ont lasdonné
le môme sens que les pararihrastes chal-
déens ; que les uns et les autres se soient
servis d exemplaires hébreux ponctués ou
sans points, cela nous est égal ; il en résulte
toujours que les premiers ne prononçaient
pas comme les seconds, tous les termes dont
le sens varie selon la prononciation, et que
sur ce chef la tradition juive n'était rien
moins que constante et certaine. 2" Lors-
que OrigiMic a fait les Hexaples, et qu'il a
écrit le texte hébreu en caractères grecs, il
n'en a pas toujours fixé la prononcialiou
d'une manière conforme à la ponctuation des
masontcs; il est aisé de s'en convaincre par
la cnnfro: tation. Ce. endant Origène travail-
lait aux Hexaples dans le mt'me temps au-
, quel on supiiose que les rabbins étaient oc-
cupés de la ponctuation. Oue celle-ci ait été
faite à Tibériade ou dans la Chaldée, cela
est encore indiii'éreiit, il s'ensuivra toujours
que les rabbins de la Palestine, desquels
Origène avait apiiris à lire l'hébreu, ne le
pronoi'c;aient pas exactement comme ceux
de la Chaldée. 3° 11 nous paraît imposs ble
que, depuis le moment auquel l'hébreu a
cessé d être langue vulgaire, la prononcia-
tion du texte ait pu être tououis la môme
dans la s lialdée, dans la Palestine et en
Egypte. Aucun peuple de l'univers n'a con-
servé exactement la prononciation de sa
langue dans les migrations qu'il a faites, et
après avoir essuyé différentes révolutions.
Les Italiens, les Espagnols, les Français, ne
prononcent point de même les ternies latins
qu'ils ont. retenu chacun dans sa langue ;
ils prononieiit même ditféremment le latin
écrit dans les livies, quoique cette langue
ait ses voyelles invariables, et ipielle soit
aussi sacrée pour nous que l'hébreu l'était
pour les .Juifs ; admettrons-nous un miracle
pour croire que la même chose n'est pas
arrivée chez eux ? De là il nous parait natu-
rel de conclure que la confrontation des an-
ciennes versions chaldaiqaes, grecques, sy-
riaques, arabes, latines, est beaucoup plus
utile pour l'intelligence dutcxte hébreu, que
la ponctuation des mnsorètes.
MASSALILNS ou ME8SAL1ENS, nom d'ail;
ciens sectaires, tiré d'un mot hébreu qui
signilie /prière, parce qu'ils croient que l'on
doit [irier continuellement, et que la prière
peut tenir lieu de tout autre moyen de sa-
r ,ut. Ilsfurent nommés par les Grecs, euclutes,
pour la même raison.
Saint Epi))hane distingue deux sortes de
7nassaliens; les plus anciens n'étaient, selon
lui, ni thiétieiis, ni .juifs, ni samaritains ;
c'étaient des païens qui, admettant plusieurs
dieux, n'en adora.ent cependant qu'un seul
qu'ils nommaient le Toul-Puiasanl, on le
Très-Haut. 1 illemont pense, avec assez de
raison, que c'étaient les mêmes que les hi/-
psistaires ou lujpsistariens. Ces ituiasaUens,
di', saint Epiphane, oiitfaitbàtiren plusieurs
lieux des oratoire» éclairés de flambeaux et
de lampes, assez semblables à nos églises,
dans lesquels ils s'assemblent pour juier et
pour chantei'des h>mne<àl honneurdeUieu.
Scaliger a cru que c'étaient des juifs essé-
niens, mais saint Epi|ihane les distingue
f 'imellcinent d'avec toute<lessectes de juifs.
il parle des autres mnnsaliens comme d'une
secte qui ne faisait que de naître, et il écri-
vait sur la (indu iV siècle. Ceux-cifaisaient
profession d'être chrétiens ; ils prétendaient
que la iM'ière était l'unique moyen de salut,
et sullisait pour être sauvé; plusieur-s moi-
nes, ennemis du travail, et obstinés à vivre
dans l'oisiveté, embrassèrent cette erreur,
et y eu ajoutèrent plusieurs autr'es. Ils di-
saient que chaque homme tirait de ses pa-
rents, et apiiortait en lui, en naissant, un
démon qui possédait son Ame, et le portait
toujours au mal; que le baptême ne pouvait
chasser entièrement ce démon ; qu'ainsi ce
sacrement éta t assez inutile; que la prière
seule avait la vertu de mettre en fuite jiour
toujours l'esprit malin ', qu'alors le Saint-
\'.s\)iil descendait dans l'.'ime, et y donnait
des mai'ques sensibles de sa présence, par
des illuminations, par le don de prophétie,
par le [n'ivilége de voir distinctement la Di-
vinité et les plus secrètes |iensées des cœurs,
etc. ils ajoutaient (jue, dans cet heureux
état, l'honnue était alfranchi de tous les
mouvements tles passions et de toute incli-
nation au mal, qu'il n'avait ))lus besoin de
jeûnes, de mortiiicatioiis, de tr'avail. de bon-
nes œuvres ; qu'il était semblable à Dieu,
et absolument im()eccable. On ne doit jias
être surpris de ce que ces illum nés donnè-
rent tians les derniers excès derim|nété, de
la démence et du libei-tinage. Souvent, dans
les accès de lenr enthousiasme, ils se met-
taient à danger, à jauter, à faire des cou-
torsions, et disaient qu ils sautaient sur le
diable; on les nomma enthousiastes, cho-
i-eutes ou danseurs, adeliihiens, eustathieiis,
du nom de quelques uns de leurs chefs,
psalieiis, ou chanteurs de psaumes, euiihé-
luitcs, etc. Ils furent conilamnés dans ])lii-
sieurs conciles particuliers et par le concile
général d'Ephèsc, tenu eu i.'il, et les empe-
reurs portèrent des lois contreeux.Les évo-
ques déleudiient de leievoir ces hérétiques
à la communion de l'Eglise, parce qu'ils ne
faisaient aucun scrupule de se | arjnrer, de
renoncer à leurs erreurs, d'y retomber et
d'abuser de l'indulgeiice de 1 Eglise (Ij.
Un vit l'cnaitre au x" siècle une autre
serte d'eurhitcs ou tmissaliens, qui était un
rejeton des muniiiiéciis; il-udmeltaient deux
dieux liés d'nn premier être; le plus jeune
gouvernait le ciel; l'aîné présidait à lateire;
ils nommaient cel..i-ci Satan, et supposaient
que ces deux frères se faisaient une gne re
co tinuelle, mais qu'un jour ils devaient se
réL-oncilier [i). Enlni il parut encore au vu*
siècle des euchites ou muasalicns, que l'oii
prétend avoir été la tige des bugomiles ; il no
(1) loy. Tilleiiiont, loin. Vlil, p:ig. 527.
[i) 1,0 Cltiv, ISiUliolli. Univ., loni. \V, pug. 119.
661
MAT
MAT
iWS
serait pas aisé de montrer ce que ces divers
sectaires ont eu de coniraun, et ce qu'ils
avaient de particulier. Mosheini conjecture
que les (irecs donnaient le nom gi'Tir'ral de
ritassaikns à tous ceux qui rejelaifuit les cé-
lémonies inutiles, les superstitions populai-
res, et qui regardaient la vraie piété comme
l'essence du christianisme. C'est vouloir jus-
tilier, sur de simples conjectures, des en-
thousiates que les liistoriens du temps ont
représentés comme des insensés, dont la
Ijlu|)art avaient de très-mauvaises mœurs.
Mais dès que des visionnai] es ont déclamé
contre les abus, les superstitions, les vices du
clergé, c'en est assez pour qu'ils soient re-
gardés par les ])i'Otestants comme des zéla-
teurs de la pureté du chi'istianisme.
MASSILIENS ou JJAUSEILLOIS. On a
nommé ainsi les semi-pélagiens, parce qu'il
y en avait un grand nombie à Marseille et
dans les environs. Voy. Se.mi-Pélagiens.
MATE1UALISME,.MATEIUAL1STES, nom
de secte et de système. Les anciens Pères
nommaient matérUdisles tous ceux qui soute-
naient que rien ne se fait do rien, que la
création pmprement dite est im|iossil)le,
qu'il y a une matière éternelle sur laquelle
Dieu a travaillé pour former l'univers ; c'é-
tait le sentiment de tous les anciens jdiilo-
sophes; on n'en connaît aucun qui ait admis
clairement et distinctement la création do la
matière. Tertullien a solidement réfuté l'er-
reur de ces malc'rialigles, dans son Traité
contre Ilcniiogènc. 11 fait voir que, si la ma-
tière est un être éternel et nécessaire, elle
ne peut avoir aucune imperfection, ni être
sujette à aucun changement ; que Dieu môme
n'a pu en changer la disposition, qu'il n'a
pu avoir aucun pouvoir sur un ètie qui lui
est coéternel. C'est l'argument que Clai ke a
fait valoir et a développé de nos jours plus
au long. Tertullien conclut que la matière a
commencé d'ètro ; or, elle n'a pu commen-
cer que par création. Saint Justin, dans son
Exhortation aux Gentils, n. 2,'} ; Origène,
dans son Commentaire sur la Genèse, et sur
saint Jean, t. I, n. 18, prouvent de môme
que, si la matière était éternelle. Dieu n'au-
rait eu ancmi |iouvoir sur elle. Hei'mogène,
pour ne pas rendre Dieu responsable du mal
qu'il y a dans le monde, l'attribuait, comme
la plupart des autres philosophes, à l'imper-
fecti(jn essentielle de la matière. Tertullien
soutient que, dans ce cas, Dieu a dû s'abste-
nir de créer le monde, dès qu'il ne [louvait
j)as remédier aux défauts de la matière ;
qu'ainsi Dieu ne se tiouve iioint disculpé,
(pi'il est absurde d'attribuer à une matière
éternelle le mal et non le bien qui est dans
1 univers. 11 fait voir que Hermogè: e se con-
tredit en su posant la matière tantôt bonne
et tantôt mauvaise, eu la faisant intinie, et
cependant suuniise à Dieu. La matière, dit
Tertullien, est renfermée dans l'espace ;
donc elle est bornée, donc c'est Dieu qui lui
a lionne îles bornes. Nous ne croyons pas
que les inétaiihysiciens modernes aient de
meilleures jireuvos pour combattre l'éternité
de la matière, et il est toujours à propos de
DlcTlO^A. DE ThÉOL. dogmatique. III.
faire voir ipie les Pères de l'Eglise n'étaient
pas aussi mauvais raisonneurs que certains
critiques le prétendent. Ynij. Hermogémexs.
On appelle aujourd'hui matérialistes ceux
cpn n'admetient point d'autre substance que
la matière ; qui soutiennent que les esprits
ou les substances spirituelles sont des chi-
mères ; que dans l'homme le corps seul
est le principe de toutes ses opérations; qui,
par conséquent, n'admettent point de Dieu,
ou qui l'envisagent comme une i\me univer-
selle répamiuedaiis tous les corps, de la-
quelle proviennent leurs mouvements et
leurs divers changements. Comme l'un et
l'autre do ces systèmes supposent toujours
la matière éternolle et incrééc, ils sont di'jà
réfutés par les arguments que les Pères ont
employés contre les anciens matérialistes.
Nous devons laisser aux philosojihes le soin
de démontrer que la matière est essentielle-
ment incapable d'une action spirituelle, telle
que la |iensée ; celle-ci est une opération
simple et indivisible ; elle ne peut avoir
liour sujet ni [lour principe une substance
divisible telle que la matière. Quand même
on admettrait un atome indivisible de ma-
tière, on ne pourrait lui attribuer aucune
autre qualité essentielle que l'inertie ou l'in-
capacité de produire aucune adion. D'ail-
leurs les matérialistes supposent que la ma-
tière ne devient ca|)able de penser que par
l'organisation ; or, celle-ci exige la réunion et
l'arrangement de [ilusieurspartiesdematière.
Plusieurs critiques modernes ont prétendu
que les anciens Pères de l'Eglise n'ont pas
cru que l'âme humaine , ni les anges , fus-
sent des substances purement inmiatéi ielies,
qu'ils les ont seulement conçus comme des
corps subtils et très-déliés ; qu'ainsi l'on doit
mettre ces Pères au nombre des matérialistes.
t>n fait ce reproche en particuliei- à saint
! renée, à Origène, à Tertullien , ?i saint
Hilaire et à saint Ambroise. Déjà nous
avons réfuté cette accusation h l'article 1m-
•iiATÉRiALisHE, et uous justilious encore la
doctrine des Pères , en parlant de chacun
sous son nom particulier. 11 est filcheux
que des écrivains catholiques, savants d'ail-
leurs, aient adopté trop légèrement cet in-
juste soupçon. Nous ne devons pas omet-
tre de remarquer que les matérialistes n'ont
aucune jireuve directe de leur système;
ils ne font qu'objecter des diliicultés contre
l'hypothèse de la spiritualité. On ne conçoit
l'as, disent-ils, la nature d'un être spirituel,
ni ses opérations , ni comment il peut être
renfermé dans un corps, et lui imprimer le
mouvement. Mais conçoit-on mieux une ma-
tière éternelle, nécessaire, in.réée, et cepen-
dant bornée , et dont les attributs ne sont
ni éternels, ni nécessaires, puisqu'ils chan-
gent? (onçoit-on un être purement passif,
indiiférent au mouvement et au repos, et
qui est ce|)endant principe du mouvement ;
un être composé et divisible, et qui est ce-
pendant le sujet de inodiiications indivisi-
bles, etc.? Ce ne sont pas là seulement des
mystères inconcevables, mais des contradic-
tions formelles. 11 nous paraît qu'il est moins
39
683
MAT
MAT
684
absurde d'admetlro de« mystères imcompré-
sibles que des contratlictioiis grossières , et
qu'H y a de la démence h vouloir étouO'er
le sentiment intérieur qui nous assure que
nous sommes autre chose que delà matière.
Quant au système des philosophes qui ont
envisagé Dieu comme l'Ame du monde, voy.
Ame do MOîvnE.
MATHURINS. Voy. Trinitaires.
MATIÈRE SACRAMENTELLE. Dans tous
les sacrements , les théologiens distinguent
In matière d'avec la forme. Par la ]iremière ,
ils entendent le signe , le rite sensible ou
l'action qui constitue le sacrement ; par la
seconde, les j aroles qui expriment l'inten-
tion qu'a le ministre en faisant cette action,
et reflet du sacrement. Ainsi dans le bap-
tême, la matière du sacrement est l'ablution,
ou l'action de verser de l'eau sur le baptisé;
la forme sont les paroles : Je te baptise, au
nom (lu Père, etc. Si la cérémonie de verser
de l'eau sur un enf<\nt n'était accompagnée
d'aucune parole, ce serait un.-^ action pure-
ment iiidilléreute , qui pourrait avoir ])Our
objet de laver cet enfant ou de le rafraîchir;
mais en y ajoutant les paroles sacramen-
telles, celles -ci déterminent l'action à une
fin spirituelle , et font comprendre que ce
n'est plus une action profane : (î'est donc ce
qui donne à l'action la forme ou la nature
de sacrement. Pour la coulirmation, la ma-
tière est l'imposition des mains de l'évèciue,
et l'onction faite avec le saiiit-chrème; pour
l'eucharistie, c'est le pain et le vin. La pé-
nitence a pour matière les actes du pénilent,
c'est-à-dire la contrition, la confession ( t la
satisfaction. Le nom même à' extrême-onction
exprime quelle est la matièr-e de ce sacre-
ment. Pour celui de l'urdr ■, c'est l'imposi-
tion des mains , et la cérémonie de mi'Itre
à la main de l'ordonné les instruments du
service divin , et d' s fonctions auxquilles
cet homme est destiné. I>ans le mariage, la
matière du sacrement est le contrat que les
époux font entre eux ; la forme est la béné-
diction nui)tiale donnée par le prêtre , ilu
moins selon le sentimint le plus comnmn.
Pour plus grande précision, les théologiens
distinguent encore la matière éloignée d'a-
vec la matière prochainf. Par la première,
ils entendent la chose sensible qui est ap-
pliquée, par exemple, l'eau lians le baptême;
par la seconde, ils entendent l'action de l'ap-
pliquer, ou l'ablution, etc.
On demande si , lorsque l'Eglise ou les
souverains ont établi des empêchements di-
rinwnts pour le mariage, ils ont changé la
matière de ce sacrement. Il sufùt de donner
un peu d'attention , pour comprendre qu'ils
n'ont pas plus louché au sacrement que ce-
lui qui corromprait l'eau de laquelle on est
prêt à se servir pour baptiser. Par cette ac-
tion malicieuse, il arriverait que ce qui était
eau naturelle , et par conséquent matière
propre au baptême, ne l'est plus et ne peut
plus y servir. De mêine l'Eglise , en déci-
dant qu'un contrat clandestin est invalide et
nul, a fait que ce qui était cônfi at valide et
légitime , par conséquent matière suffisante ?
pour le mariage, ne l'est plus, ne sert plus
à rien, jiuisque pour ce sacrement il faut,
non un contrat tel quel, mais un contrat va-
lide et légitime, île même que jiour le bap-
tême il faut, non de l'eau telle que l'on vou-
dra, mais de l'eau naturelle et non corrom-
pue. Pourquoi, dira-t-on peut-être, toutes
ces distinctions subtiles et cette précision
scrupideuse'? Parce qu'il en est besoin, lors-
qu'il s'agit d'examiner les divers défauts ou
iiiaiiquements qui peuvent rendre le sacre-
ment nul , de décider si une chose tient à
l'essence du sacrement, ou seulement au cé-
rémonial accidentel , de ré|)ondre aux so-
jihismes par lesquels les liénHiques se sont
crus en droit de changer à leur gré les rites
et les paroles dont l'Eglise se sert |iOur ad-
ministrer les sacrements. Voy. Forme.
MATINES. Voy. Melres canoniales.
.MATTHIAS (saint), apôtre. On ne peut
guère douter que ce saint n'ait été un des
soixante et douze diseiplrs de Jésus-Christ,
qui écoutaient assidûment sa doctrine et
flirent témoins de toutes ses actions; c'est le
sentiment des Pères de l'Eglise, et il est fondé
sur le récit des Actes des Apôtres, c. t, v. 21.
Après l'ascension chi Sauveur, saint Mat-
thias fut élu par le collège aposîolique (voy.
Juridiction) [lour remplir la iilace de Judas.
Nous ne savons rien de certain sur ses ac-
tions, ni sur les travaux de son apostolat.
Les Grecs croient, sur une tradition, qu'il
prêcha la foi dans la Cappadoce et sur les
côtes de la mer Cnsjiienne, et qu'il fut
maityrisé dans la Colchide. Les hérétiques
ont supposé sous son nom un Ey.mgile et de
prétendues traditions, mais le tout ;i é é con-
damné comme apocryphe par le pape Inno-
cent I". Comme les protestants se persua-
dent que le premier gouvernement de l'E-
glise a été démocratique, et que tout s'y fai-
sait h la pluralité des sull'rages, Mosheim a
imaginé que l'élection de saint Matthias fut
ainsi faite; que, dans le v. 26 du premier
chapitre des Actes, au lieu de ces mots, on
jela le sort sur eux, ou, on les tira au sort ,
il y a dans le grec, on reçut les suffrages.
Mais outre que le grec yUp.s n'a jamais si-
gnifié suffrage , ce sens serait contraire au
V. 2i, où les apôtres disent en priant Dieu:
Seigneur, montrez vous-même quel est celui
des deux que vous avez choisi. On sait que ,
suivant l'opinion commune des Juifs, le soit
était un des moyens de connaître la volonté
de Dieu. « On jette les sorts, dit Salomon ,
mais c'est le Seigneur qui les arrange [Prov.
XVI, 'i'.i). « On ne pensait pas de même des
élections faites à la pluralité des suffrages.
Mosheim, Ulst. Christ., sœc. i, | 11.
MATTHIEU (saint), ai>ôtre et évangéliste,
était Galiléen de naissance, juif de reiigion,
et publicain de profession. Les autres évan-
gélistes l'apiiellent simplement Levi, qui était
son nom hébreu; pour lui, il se nouune Ujvl-
joavs Mdtthien, qui paraît être un nom grec,
mais qui peut être aussi dérivé de l'hébreu,
et il ajoute jutuofeurso sa prossio de publi-
C8S
M\T
MAT
880
rain, h Inqiiello il reiioïKja pour suivre Ji'-
sui-Chrisl; trait d'huinilité de sa part, puis-
qne la qualité de )nil)licaia était méprisée et
délestée parmi les Juifs, ([uoiqu'elle fût ho-
norable chez les Romains.
Cet apôtre écrivit son Evangile d'ans la
Judée, avant de partir pour ail i- prêcher la
doctrine de Jésus-('hrist ; on croit qu'il la
porta chez les Parthe^, d'autres disent dans
YEthiopie :mR\s on sait ({uo (liez les anciens
ce nom no désii^no pas t(mj<uirs l'Abyssinie,
ou l'Ethiopie proproniint dite. On a'joutc
qu'il récr.vit v(>rs Van 41 de l'éro vulgaire,
huit ansaprés la r.Vunroclion de Jés s-C!irist,
çommo 11' marquent tous les anciens ma-
nuscrits grecs Saint Irénée est le seul qui
ait cru que cet Evan;^ile ne fut composé que
pendant la piédication lie saint Pierre et de
saint Paul à Home, ce qui revient à l'an 61
de l'ère connnune ; ce sentimonl n'est [)as
probable, juiisqu il passe iiour constant que
saint Matthieu a écrit plusieurs années avant
saint Marc. Papias , Origéue , saint Irénée ,
Eusèbe, saint Jérôme, saint E|)ip'nane, Théo-
doret , et tous les ani;iens Pères , assuient
))osilive:iient que l'î-'yangilo de saint Mat-
thieu fui ori;i;inairemnt écrit en h brou ino-
di'ine, ou en syro-chaldaique , qui était la
langue vulgaire des Juifs du temps de Jésus-
Christ. Contexte hébreu ne subsiste plus;
ceux que Sébastien .Munster, du Tillet et
d'autres ont fait impriuKir, sont modernes
et traduits en liébreu sur le latin ou sur le
grec. La version grecque (]ui passe aujour-
d'hui po\a" rori:^inal a été faite dès h s
temps apostiiliques; (piant à la traduction
latint! , on convient qu'elle a été feite sur le
grec, et qu'elle n'est guètv moins ancienne;
mais les auteurs ck) 1 (Uie et de l'autre sont-
inconnus.
Ouel jues modernes, comme Erasme, Gai-
vin, Ligfoot, Le Clerc et d'autres protestants,
soutiennent que saint Matthieu écrivit en
grec , et que ce qu'on dit de son prétendu
original hébreu est faux. Mais les raisons
qu'ils allèguent ne sont rien moins que so-
lides, et il n'est pas dif.icilc de les réfuter.
1* Les anciens , qui témoignent que saint
Matthieu avait écrit en hébreu , le disent
pour avoir vu et lu son Evangile écrit en
cette langue. Si leur t'moignage n'est pas
parfaitement uniforme , c'est (ju'il y avait
deux Evangiles hébri'ux .ittribués à saint
Matthieu, l'un pur et entier, duquel ils ont
parlé avec estime, l'autre altéré par les ébin-
nites , et qui n'avait plus a^icune autorité ,
comme nous le dirons ci-après. 2° L'on con-
vient ([ue la langue grec<|ue était assez com-
munément parlée dans la Palestine , mais il
n'est pas moins vrai que le commura des
Juifs y parlait l'hébreu m;'dé de chaldaïque
et de syriaque. Saint Paul , arrêté dans le
temi)le de Jérusalem, harangua le peuple en
hébreu [Art. \xi, k-}. La paraphrase d'On-
kélos , composée vers le temps de Jésus-
Christ , et celle de Jonathan , faite peu de
temps après, sont dans cette même lang le.
Saint Matthieu a donc pu écrire iiwur ceux
d'entre les jui|6 convertis qui n'avaient pas
l'usage du grec. 3" Il y a dans .sou iivangilo
des noms hébreux expliipiés en grec ; mais
cela ne prouve rien, siion que le traducteur
était grec et l'original hébreu. k° De dix pas-
sages de l'Ancien Testament cités par saint
Matthieu, il y en a sept qui sont plus ap
prochants du texte hébreu que de la ver-
sion des Septante; et si les trois autres siuit
plus conformes au grec , c'est que le grec
lui-môme , dans ces iiassages , est ex.ic e-
ment conforme au textf hébreu. 5° Quoique
l'original hébreu de xaint Matthieu soit ai;-
tuellement perdu , il ne s'ensuit pas qu'il
n'a jamais existé ; la raison pour laquelle les
églises le négligèrent peu à peu, c'est que
les ébionistos en avaient corrompu plu-
sieurs exemplaires ; de là le grec, auquel ils
n'avaient pas louché, fut regard''' connue si ul
aiithentijue. 6° Quoique les autres a ôlres
aient écrit en grec aux Juiis de la Pal 'Sthi",
et îi ceux qui étaient dis; ersi's dans l'Orirui,
il s'ensuit s;^uloment que saint Matthieu au-
rait absolument pu faire de même, mais il
ne s'i'nsiit point qa'il ne leur ait pis écrit
en hébreu. A quoi sert d'opposer des rai-
sonncm.nts et des conjectures au téim li-
gnage formel des anciens, en particuliei- d'O-
rigène ol de saint Jérôme , qui entendaient
l'hébreu, ot quiélaient ca;>abl s d'en juger?
On ne peut pas douter qu'il n'y ait eu dès
11' iiremier s ècle un Evan .ih; écrit en hé-
breu, qui a été nommé dans la suite l'Evan-
gil ' des ébionites, des Nazaréens, selon les
Hébre 'x, et qui a encore eu d'autres noms.
Or, il n'y a aucune preuve que cet Evangile
ait été (ians l'origine dilférent de celui de
saint Matthieu; mais comme il avait été in-
terpolé et altéré ]iar les ébionites, les chré-
tiens orthodoxes ne voulurent plus s'en ser-
vir. Les Nazaréens en avaient coummuiqué
un exemplaire à saint JérôiTie , qui prit la
peine de le trad lire ; il ne l'aurait pas fait,
s'il y avait eu une ojjposition formelle ou
des dilTérences considérables entre cet Evan-
gile et celui de saint Matthieu. Le dessein
pi'incipal de cet évangéliste était de montrer
aux Juifs que Jésus-Christ est le Messie pro-
mis à leurs pères; conséquemment il piouve,
par la guiéalogie de Jésus, qu'il est descendu
de David et d'Abraham; que, par ses mira
clés, par sa naissance d'une vierge, p.ir ses
souffrances ,- il a vériiié en lui les prophé-
ties, et qu'il a été revêtu de tous les carac-
tères sous lesquels les prophètes avaient dé-
signé le Messie. Âiiisles incréJulosaci usent
saint Matthieu d'avoir appliqué fauss ment
à Jé-us-Christ plusieurs prophéties qui ne
le regardaient point. Avant de les examiner
en détail , nous rievons observer qu'il
n'est pas nécessaire qu'un:^ projihétie ait
di'signé directement et uniquement le Mes-
sie, pour que les év-uigidistes aient eu
droit de lui en faire rap[)licati()n. C'était chez
les Juifs un usage établi d'ap|)liquerau Mes-
sie, dans un sens tiguré et allégorique, plu-
sieurs prédictions, qui, dans le sens littéral,
désignaient d'auti es personnages. 5u('»i( Mat-
thieu, qui écrivait princi|)alement pour les
Juifs, était donc en droit de suivre la tradi-
687
MAT
MAT
68s
tion établie parmi eux , et de donner aux
prophéties le même sens qu'y donnaient leurs
docteurs; c'était un arsument personne! au-
quel ils ne pouvaient rien opposer. Voj/.
Allégorie, Sens mystique, Type, etc. -Mais
nous soutenons que la plupart des prophé-
ties que les évangélistes ont entendues de
Jésus-Christ le regardaient lilléralemmt .
directement et uniquement , et nous allons
le prouver à l'égard de saint Matthieu en
particulier.
Au mot Bethléem , nons avons fait voir
que la prédic'ion du prophète Michée, c. v,
V. 2; au mot Emma\uel , que celle d'Isaïe ,
c. VII, V. 17, désignent le Messie dans le sens
propre et littéral. Au mot Nazaréen , nous
prouverons que ce terme, dans quelque sens
qu'on le prenne, lui convient })arlai!emont,
et qu'il lui est attrib lé par les prophètes.
Saint Matthieu n'a donc pas eu tort do pré-
tendre que ces trois prophéties regard/tient
Jésus-Christ. En parlant du retour de la
sainte famille d'Egypte dans la Judée, c. n,
V. 15, il dit que celi se lit pour accomplir
ce qui a été dit par un prophè e, J'ai appelé
mon Fils de VEgyptc. Ces paroles du prophète
Osée, c. XI, v.l, regardent directement la
sortie des Israélites de l'Egypte. Aussi saint
MoÂthim no dit point qu'elles aient été ac-
complies dans celte seule circonstance. Ga-
latin , 1. VIII, c. h, fait voir que les anciens
Juifs ont appliqué , comme saint Matthieu ,
cette prédiction au Messie; c'est donc sur
leur tradition que l'évangéliste s'est fondé.
Ibid. , V. 18 , il entend du massacre des in-
nocents ce qu'on lit dans Jérémie, c. xxxi,
V. 15 : « On a entendu de loin une voix de
douleur dans Rama ; ce sont les cris et les
gémissements de Rachel qui pleure ses en-
fants, etc. » Or, ce prophète parle des gé-
missements de la Judée au sujet de ses ha-
bitants conduits en captivité. Mais cela n'em-
pêche point que cet événement n'ait pu être
regardé comme une figure de ce qui arriva au
massacre des innocents : en donnant ce se-
cond sens aux paroles du prophète , saint
Matthieu n'exclut pas le jiremier.
Quant à la prédiction d'Isaie , c. ix, v. 1,
ui annonce une grande lumière aux peuples
Je la terre de Zabulon et de Nephtali, pays
qui, dans la suite, fut nommé la tlalilée des
nations, nous soutenons qu'on ne peut l'en
tendre que de la prédication du Messie dans
cette partie de la Judée, et que saint Mat-
thieu a eu raison de l'expliquer ainsi, c. iv,
V. 15. Voyez la Synapse des Critiques sur
Isaie. 11 en est de môme du chap. 53, v. k,
de ce prophète, où il dit du Messie, et non
d'un autre : « 11 a véritablement supporté
nos malaiiies, et a pris sur lui nos douleurs.»
Au mot Passion, nous prouverons que tout
ce chapitre ne peut cire adapté qu'a lui. Il
est vrai que saint Matthieu, c. vin, v. 17,
l'applique non aux souffrances du Sauveur,
mais aux guérisons miraculeuses qu'il opé-
rait; cette différence n'est pas assez considé-
rable pour lui en faire un crime. Chap. xxvii,
V. 9, le Messie est certainement désigné par
ces paroles de Zacharie, c. xi, v. 12 : « Ils
ont donné pour ma récompense trente pièces
d'argent, etc. » Il est évident, par toute la
suite de ce chapitre , que c'est moins une
histoire qu'ime vision prophétique de ce qui
devait arriver à Jésus-Christ. Voyez la Sy-
napse des critiques sur Zacharie. A la vérité,
aulieude ce prop'ièle, saint Matthieu nomme
Jérémie, mais c'est une faute du traducteur
grec, et non de saint Matthieu; aussi ne se
frouve-t-el!e point dans la version syriaque
de cet Evangile.
David a-t-il pu dire de lui-même, Ps. xxi,
V. 19 : « Ils se sont partagé mes vêtements,
et ont jeté le sort sur ma robe?» Puisque
cette circonstance singulière est arrivée à
Jésus-Christ pendant sa [lassion , c'est une
preuve évidente que les paroles du psahniste
étaient une prédiction. Onremarcjur que de-
puis le c. IV , V. 22, de saint Matthieu, jus-
qu'au c. XIV, V. 13 , cet évaogéliste n'a pas
suivi dans la narration des faits le même
ordre que les autres, mais il ne contredit
aucun des faits dont les autres font mention.
L'on a forgé sous son nom quelques livres
afiocryplies, comme le livre de l'Enfance de
Jésus-Christ , condamné [lar le pape Gélase,
et une liturgie éthiopienne. Nous avons vu
cjue VEvangile selon les Hébreux était seule-
ment interpolé par les ébionites.
MAXIME (saint), abbé et confesseur, mort
l'an 662, fut un des plus zélés défenseurs de
la foi catholique contre les monotliélites : il
fut persécuté pour elle, et mourut en exil à
l'âge de quatre-vingt-deux ans. S^s ouvrages
ont été recueillis par le Père Combefis. et
imprimés à Paris eu 1675, en deux vol. in-
fol.; mais il en reste quelques autres qui ne
sont pas renfermés dans cette édition. Il ne
faut pas le confondre avec saint Maxime,
évêque de Turin , qui vivait au V siècle , et
dont il reste plusieurs homélies , publiées
par le Père Mabillon et par Muratori.
MAXIMIANISTES. On nomme ainsi une
partie des donatistes qui se séparèrent des
autres l'an 393. Il condamnèrent, à Carthagc,
Primien, l'un de leurs évoques, et mirent
Maximien à sa ])lace; mais celui-ci ne fut
pas reconnu par le parti des donatistes. Saint
Augustin a parlé plus d'une fois de ce
schisme; il fait remarquer que tous ces sec-
taires se poursuivaient les uns les autres
avec plus de violence que les catholii]ues
n'en exercèrent jamais contre eux. Ils ser-
concilièreiit cependant , et se pardonnèrent
mutuellement les mêmes griefs pour lesquels
ils s'obstinaient à demeurer séparés des ca-
tholiques. Voy. S. August., L. de Gestis cum
emerito donatista , n. 9; Tillemont , t. XIU,
art. 77, p. 192.
MÉCHANCETÉ , MÉCHANT. La révélation
nous enseigne que l'homme , déchu de la
justice originelle par le ])éclié d'Adam, vient
au monde avec une concupiscence effrénée,
avec des passions violentes, rebelles k la lai-
son, et difticilesàdom|)ter; qu'il a, par con-
séquent , plus d'inclination au mal qu'au
bien, plus de penchant à être méchant qu'à
être bon. Les pensées et les sentiments du
cœur de l'homme , dit l'Ecrigire sainte, sont
089
MEC
MED
6i>0
tinirnh tiu mal (h's su jeunesse [Gen. vin, 21).
Cette Irislo vérité n'est que trop cniiliriiit^e
par l'expérience, puisque l'on voit tous les
signes des passions, de la .jalousie, de l'im-
patience, de l'obstination, de la colère et de
la Laine dans les enfants du |ilus bas Age.
Les [)élagiens, (jui cuntestaient sur ce |)oint,
combattaient tout à la fois la parole de Dieu
et le sentiment intérieur. Les philosophes
incrédules, non moins opiniAtres , se sont
partagés sur cette question ; les uns ont sou-
tenu que la compassion naturelle à l'homme,
la promptitude avec laquelle il accourt aux
cris d'ime personne qui souffre, la multitude
des établissements fondés parmi nous i)our
soulager les malheureux, démontrent que
l'homme est né bon. D'autres ont prétendu
que de sa nature il n'est ni bon ni méchant,
mais prêt à devenir l'un ou l'autre , selon
qu'il sera bien ou mal élevé et gouverné.
Plusieurs ont dit que le naturel de l'honnue
est irréformable, que le caractère de chaque
individu ne change jamais. A quelle opinion
se ranger après toutes ces spéculations ?
Pour juger du fond de la nature humaine,
il est d'abord évident qu'il ne faut pas la
considérer chez les nations chrétiennes et
policées, oii l'homme, imbu dès l'enfance do
leçons, d'exemples, de jiréceptes, d'habitu-
des qui tendent à réprimer les passions et à
les subjuguer, est redevable de ses vertus
aux secours extérieurs qu'il a reçus, sans
compter les grAces intérieures que Dieu lui
a fa. tes. A moins que tous les membre-^ d'une
pareille société ne soient nés incorrigibles,
il est impossible que le très-grand nombre
ne contractent plus ou moins un penchant
au bien, qu'ils n'avaient pas en naissant. Les
actes de charité et des autres vertus prati-
quées parmi nous ne prouvent donc pas no-
tre bonté naturelle , mais plutôt une bonté
acquise, puisqu'on ne voit pas la même chose
chez les nations intidèles. D'autre part, un
sauvage abandonné dès l'enfance, élevé par-
mi les animaux dans les forêts, leur ressem-
ble plus qu'à un honune; chez lui, les pas-
sions sont indomptables, et le moindie objet
suflit pour les exalter. Uniquement alfecté
du présent comme les enfants, il passe rapi-
dement d'un excès à un autre : on ne peut
donc avoir en lui aucune confiance. La
crainte que lui donne son inexpérience suf-
fit pour lui faire envisager comme un en-
nemi font homme qu'il n'a pas encore vu.
11 est difficile de reconnaît: e dans un être
ainsi constitué , un caractère naturellement
bon. Nous avouons volontiers que la vie sau-
vage est contraire à la nature humaine, puis-
que Dieu a créé l'homme pour vivre en so-
ciété; mais il ne s'ensuit pas de là que les
vices d'un sauvage ne viennent pas du fond
môme de sa nature. Voy. Langage. At-
tri iuer ceux qui régnent parmi nous à
rimi)erfection de nos lois civiles , politi(iues
et religieuses , aux défauts essentiels de l'é-
ducation et du gouvernement, c'est une au-
tre prétention chimérique. Ces institutions,
prises dans leur totalité, ont-elles jamais été
meilleures chez une autre nation qu'elles ne
sont chez nous? Nos philosophes réforma-
teurs , en voulant tout changer, prétendent
donc parvenir à une perfection à laquelle,
depuis six mille ans , le genre humain n'a
encore pu atteindre ! Quand on considère la
niHuièrt! dont ils raisonnent , on se trouve
très-bien fondé à douter du prodij^'e qu'ils se
llattent de pouvoir opérer. S'il était vrai quo
toutes nos institutions sont encore très-im-
parlaifes , il faudrait déjà conclure que les
hommes, qui depuis six mille ans travaillent
à se perfectionner, sont très-maladroi's, puis-
qu'ils ont si mal réussi; que, s'ils ne sont i)as
naturellement mcckants , ils sont du moins
fort stupides : et il m^ serait pas aisé de con-
cevoir comment des êtres intelligents , qui
d'euv-mêmes sont portés à faire le b (Mi, ont
tant do ueine à le connaître.
On s'écrie que les vices de ceux qui gou-
vernent sont la cause de tous les maux de
l'iuunanité; supposons-le pour un moment.
Connue ces maux ont toujours été à peu
près les mêmes, il en résulte que tous ceux
qui, depuis le commencement du monde,
ont gouverné les peuples, ont été vicieux.
C'est un assez bon argument pour conclure
que si nos philosophes censeurs , réforma-
teurs , restaurateurs , gouvernaient , ils se-
raient aussi vicieux, et peut-être plus que
tous ceux qui gouvernent ou qui ont gou
verné. Or, nous demandons eu quel sens un
être qui ne manque jamais d'abuser de l'au-
toi'ité dès qu'il la possède, et d'être vicieux
dès qu'il gouverne, est cependant naturelle
ment bon.
Puisque la révélation , une expérience de
soixante siècles, le sentiment intérieur et les
aveux de nos adversaires , concourent à
prouver que l'honmic est naturellement plus
porté au mal qu'au bien, il nous parait que
nous sonuues bien fondés à le croire, et que
l'on n'a pas eu tort de partir de ce principe
pour prouver aux pélagiens la nécessité de
la grâce divine pour faire toute bonne œuvre
utile au salut , et surtout pour persévérer
dans le bien jusqu'à la hn. Nous sommes
donc encore en droit de l'opposer aux soci-
niens, lorsqu'ils prétendent que l'on n'a pas
solidement établi contre les pélagiens la dé-
gradation de la nature humaine par le péché
d'Adam, la nécessité du baptême, de la grAce,
de la rédemption, etc. Ici la question philo-
sophique se trouve essentiellement liée à la
théologie. ,
♦ Ml^ClIlTARISTES. L'Annénieii catfiolique Mé- |
cfiilar (le consolateur) fomla, en 1701, une société à
Conslauliiiople pour Iravailicr à la conversion des
Ariiiénieiis non unis. Celle société fut contrainte de
se retirer a Venise en 1715. Elle t-lirigea de là les
Arméniens unis delà Russie, de la Pologne, de la
Transylvanie, et eut constanmient des missionnaires
à Constanlinople et dans les cités voisines, pour
travailler ii la conversion des Arnicnicns schisniati-
i|ues. La congrégation transporta sou principal éta-
blissement à Vienne, en 1810, lorsque Mapoléon s'em-
para de Venise. Les méchitaristes continuent tou-
jours leur glorieuse mission.
MÉDIATEUR. C'est celui qui s'entremet
entre deux contractants pour porter les pa-
(59t
MED
MBD
693
rôles de l'un à l'autre, et les faire agréer, ou
antre deux personnes ennemies pour les ré-
concilier. Toy. RÉPARATEUR.
Dans les alliances que font les hommes où
le saint nom de Dieu intervient. Dieu est le
témoin et le médiateur des promesses et des
engagements réci;iro |iies; lor-sque les Israé-
lites promettent à Jephté de l'établir juge
des tribus, s'il veut se mettre à leur tête
pour combattre les Ammonites, ils lui di-
sent : « Dieu, (jui nous entend, est le média-
teur et le tt^moin que nous accomplirons nos
promesses {Judiv. a, 10). » Lorsque Dieu
voulut donner sa loi aux Hébreux , et con-
clure avec eux une alliance à Sinaï, il prit
Moïse iiour médiateur; il le chargea de porter
ses paroles aux Hi'breux, et de lui rapporter
les leurs : «J'ai servi, leur dit Moïse, d'en-
voyé et de médiateur entre le Seigneur et
vous, pour vous apporter ses paroles » [Veut.
V, S). » . , .
Dans la nouvelle alliance que Dieu a faite
avec les hommes , Jésus-Christ a été le mé-
diateur et le réeonciliateur entre Dieu et 1. s
hommes; il a été non-seulement le répon-
dant de part et d'autre, mais encore le prê-
tre et la victime du sacritice par lequel cette
alliance a été consommée : « 11 n'y a, dit saint
Paul, qu'un seul médiateur entre Dieu et les
hommes, savoir Jésus-Christ homme , qui
s'i st livré pourlaré iemption de tous {ITim.
n, 5). » L'Apôtre , dans son épîlre aux Hé-
breux, relôve admirablement cette fonction
de médiateur que Jésus-Christ a exercée , et
fait voir combien elle a été supérieure à celle
de Moïse. Il observe, 1° que Jésus-Christ est
Fils de Dieu , au lieu que Moïse n'était
que Sun serviteur. 2° Les prêtres de l'an-
cienne loi n'étaient que pour un temps , ils
se succédaient; le saceriiocede Jésus-Christ
est éternel , et ne finira jamais. 3° C'étaient
des pécheurs qui int-rcéiaient pour d'autres
pécheurs; Jésus-C::rist est la sainteté môme,
il n'a pas besoin d'offrir des sacrifices pour
lui-même. 4-° Les sacriliceset les cérémonies
de l'ancienne loi ne pouvaient puriûer qiie
le corps, celui de Jésus-Christ a effacé les
péc'iés et puritiê les âmes. 5° Les Mens tem-
porels promis i^ar l'aicienne loi n'étaient
que la figure des biens éternels dont la loi
nouvelle nous assure la possession. Saint
Paul conclut qu(> les transgresseurs de celle-
ci seront pr.nis bien plus rigouieusement
que les violateurs de l'ancienne.
De ce que saint Paul a dit qu'il n'y a qu'un
seul et unique médiateur de rédemption, qui
est Jésus-Cluist, s'ensuit-il que les hommes
ne puissent intercéder auprès de Dieu les
uns pour les autres? L'apôtre lui-même se
recommande souvent aux iirièresdes fidèles,
et les assure qu'il irie pour eux; saint Jac-
ques les exhorte à j)rier les uns poui- les
autres, c. v, v 16. Saint Paul, après avoir
dit que Dieu s'est réconcilié le mmde par
Jésus-Christ , (joute : « Dieu nous a confié
un ministère de réconciliation (Il Cor. v,
18). » Personne n'oserait soutenir que cette
réconciliation, conJiée aux apôtres,- déroge à
la qualité de réeonciliateur, qui appartient
éminemment à Jésus-Christ; comment donc
peut-on prétendre que les titres d'interces-
seurs, d'avocats, de médiateurs , qne ivji\s
donnons aux anges, aux saints vivants et
morts, flôrogent l'i la dignité et aux mérites
de ce divin Sauveur? Jésus-CInist est seul
et unique médiateur de rédemption , et par
ses jiropi es mérites , comme l'entend saint
Paul; mais tous ceux qui piient et intercè-
d'Uit, demandent grâce et niisi'Ticorde pour
nous, sont aussi nos médiateurs, non par
leurs propres mérites, mais par ceux de Jé-
sus-Christ; par conséquent dans un sens
moins sublime que Jésus-Christ ne l'est lui-
même.
Les anciens Pères ont été persuadés que
c'était le Fils de Die:: lui-même qui avait
donné aux Hébreux la loi ancienne sur le
mont Sinaï, il était donc le vrai et principal
médiateur entre Dieu et les Israélites; cepen-
dant nous ne sommes pas étonnés de voir ce
titre do médiateur accoidé à Moïse par saint
Paul lui-môme (Gai. m, 19). Les protestants
ont donc très-mauvaise grâce de se réerirr
sur ce que l'Eglise catholique donne aux
anges et aux saints ce même litre de média-
teurs , et de soutenir que c'est une injure
fait à Jésus-Christ , seul médiateur entie
Dieu et les hommi'S. Voy. Intercession.
MÉDISANCE, discours désavantageux au
prochain, par lequel on fait remarquer on
lui des défauts qui n'étaient pas connus.
L'Ecriture sainte, soit de l'Ancien, soit du
Nouveau Testament, condamne sans restric-
tion toute espèce de médisance, peint les dé-
tratteurs comme des hommes odieux. Le
psalmiste ait |>rofession de les détester, Ps. c,
V. 5. Salomon conseille à tout le monde de
s'en écarter, Prov. c. iv, v. 24. Le détrac-
teur, dit-il, est un homme abominable; il ne
faut pas en approcher, c. xxiv, v. 9 et 21.
L'Bcdésiaste le compare à i n serpent qui
mord dans le silence, c. x, v. 11. Saint Paul
reproche ce vice aux anciens philosophes, et
l'attribuo à leur orgueil. Rom. c. i , v. 30. Il
cherche aussi à en corriger les Corinthiens,
// Cor. c. xn, v. 20. Saint Pierre exhorte les
fidèles à s'en abstenir, / Petr. c. ii, v. 1. Saint
Jacques leur fait la môme leçon : « Ne faites
point de médisance les uns contre les autres ;
celui qui méiiit do son frère, et s'pn rend
juge , se met à la place de la loi ; il usurpe
les droits de Dieu, souverain juge et législa-
toui', qui seul peut ni'us perdre ou nous sau-
ver (Jac. IV, 11).» Cette témérité vient tou-
jours d'un très-mauvais principe; elle part
ou d'un fonds de malignité naturelle , ou
d'une pas>ion secrète d'orgueil , de haine,
d'intérêt , de jalousie, ou d'une légèreté im-
pardonnable. Les prétextes par lesquels on
cherche à la justifier n'elï'aceront jamais l'in-
justice qui y est attachée, ne prescriront ja-
mais contre la loi naturelle, qui nous défend
de fftire à autrui ce que nous ne voulons pas
qu'on nous fasse. Nos jugements sont si
fautifs , nos préventions sont souvent si in-
justes, nos atfi'Ctions si bizarres et si intoii-
stantes, que nous devons toujours craindre
de nous tromper en jugeant des actions et
693
MEL
mi
CiA
des d(''fauts ilu in'ochaiii; toujours indulgents
pour iious-inêincs, jaloux à l'excôs de notre
ré|)iilation, prêts à diHester pour toujours
quiconque aurait jiaiiô contre nous, nous
(ieviioiis <^tre plus circonspects et plus cha-
ritables h l'cgaul des autres. TouU' médisance
qui piirte préjudice au in'ocliain entraîne la
nécessite d'une répaiation; il n'est j)as pius
))ermi3 île lui nuiio par des discours (|ue par
(.ies actions. De la méilUiiniT à la calimuiie la
distance n'est pas !on,^ue , et le pas est glis-
sant : ui-ais lorsque, par l'un ou l'autre de
ces crimes , l'on a ùté à quelqu'un sa répu-
tation, son crédit, sa fortune, couinient faire
liour les réparer? Voij. CiàLOiiMK.
MEDITATION. Voy Ouaison mentale.
MEDKASCHl'.i, lerme hébreu ou rabbini-
'([ue, qui siii,nifie allégories; c'est le nom que
les Juifs donnent aux couuuentaires aIlé.j;o-
ri(|ues sur l'Ecrilure sainte, et en particulier
sur le Penialeuqiie. Comme presque tous les
niiciens commentaires de leurs docieurssout
allégoriques , ds les désignent tous sous ce
même nom.
MÉGII.LOTH, mot hébreu, qui sigrûfie
rouleaux; les Juifs ap|ielh'iit ainsi l'Ecrlé-
siaste, le Cantique, les Lameutations de Jé-
rémie , Uulh et ("stlier : on ne sait pas trop
pourquoi ils donnent plutôt ce nom à ces
cinq livres de l'Ecriture sainte qu'à t )us les
autres.
AiÉLANCOLIE RELlGiEUSE, tristes.se née
d'une fausse idée qu(! l'on se fait do In reli-
gion , quand on se persuade qu'elle jjroscrit
géii' ralement tous les plaisirs, même les
plus innocents; qu'elle ne commande aux
honnnes que la contrition du cœur, le jeûne,
les larmes, la crainte, les gémissements.
Celte tristesse est tout cnsem'.iïe une maladie
du corps et de l'espiit; souvent elle vient du
dérangement de la machine , d'un cerveau
faible et du défaut d'instruction; les livres
i|ui ne représentent Dieu (pie couniii' un juge
terrible et inexorable , qui |)rêchent le rigo-
risme des opiiûons et une morale outrée,
sont très-propres à la faire naitreouàla rendre
incurable , h remplir les esprits de craintes
chimériques et de scrupules mal fondés , à
détruire la confiance , la force et le courage
dans les ;hnes les plus portées à la vertu.
Lorsque queU[ues-uiu'S sont malheureuse-
ment prévenues de ces erreurs, elles sont
dignes de compassion; l'on ne peut prendre
trop do soins pour les guérir d'une préven-
tion qui est également contraire à la vérité,
à la raison, à la nature de l'homme, à la
bonté inlinie de Dieu et ii l'esprit du chris-
tianisme.
Les grandes vérités de notre foi sont plus
propre.* à nous consoler (ja'à nous etfrayer ;
la doctrine de Jésus-Christ porterait bien
mal à uropos le nom d'Evangile ou de bonne
nouvelle, si elle était destinée à nous attris-
ter. Que Dieu ait aimé le monde jusqu'à
donner son Fils unique pour victime de la
rédemption {Joan. ni, 16 ; que ce divin Sau-
veur ail voulu être semblable à nous, et
éprouver nos misères , aiin d'être miséricor-
dieux [Hebr. ii, 17); qu'il ait donné en etfet
son sang et s.i vie pour réconcilier le monde
à son Pc; e (Il Cor. v, 19); que la paix ait été
ainsi conclue entre le eiei et la terre (Colos .
I, 20), etc.. sont-ce là des dogmes ca;'ables
de nous affliger'? « Je vous annonce un grand
sujet de joie, disait l'auge aux pasteurs de
Bethléem; il vous estné un Sauveur (Lue. n,
10). » Cette joie, sans doute, était pour tous
les hommes et pour tous les siècles. Jésus-
Christ veut que, dans les afflictions même et
dans les pcrséc^itions , ses disciples se ré-
jouissent, parce que leur récompense sera
grande dans le ciel [Matth. v, H et 12), H
distingue leur joie d'avec celle du monde ;
mais il soutient qu'elle est plus vraii^ et plus
solide : Je vous reverrai , dit-il ; votre cœur
sera pérUtré de joie, et personne m pourra la
troubler (Joan. xvi, 20 et 22).
Le royaume de Dieu, selon saint Paul, ne
consiste ))i.>int dans les plaisirs sensuels,
mais dans Injustice, ilans la paix et la joie
du Saint-Esiirit (Rom. xiv, 17 i. « Que le Dieu
de toute consnlatioii , dit-il aux Romains,
vous remplisse de joi" et de paix dans l'exer-
cice de votre foi, afin que vous soyez pleins
d'espérance et de force dans le Sà!nt-Ks]>rit
(c. xv,v. 13).))llditauxPhili[ipiens: .< Réjouis-
sez-vous dans le Seigneur; je vous le réi^ète,
réjouissez-vous; [ue votre modestie soit
connue de tous les homun's; le Seigneur est
irès de vous, ne soyez en peine de rien
Philipp. IV , 4). » 11 veut que la joie des fi-
dèles dans le culte du Seigneur éclate par
des hyuuies et par des cantiques (Ephes. v,
19; Cotoss. ui, 16). On a beau G':ercher à
obscurcir le sons de ces passages par d'nu-
tiesqui semblent dire le contraire; lorsqu'on
examine ceux-ci de près , on voit évidem-
ment que ceux qui en sont affectés les pren-
nent de travers. Mais de même qu'un seul
liypocondre suffit dans une société ]jour en
troubler toute la joie, ainsi un écrivain mê-
lant dique ne manque presque jamais de
communiquer sa maladie à ses lecteurs. Ces
gens-là ressemfilent aux espions que Moïse
envoya pour découvrir la (erre orouiiso , et
qui par leurs faux rajiports eu dégoûtèrent
les Israélites. Ceux , au contraire , (pii nous
font voir la joie , la paix, la tranquidité , le
bonheur, attachés à la vertu, ressemblent
aux envoyés plus fidèles, qui rap|)ortèrent de
la Palestine des fruits délicieux, alin d'inspi-
rer au peuple le désir de posséder cette heu-
reuse contrée.
Lorsque dans une communauté religieuse
de l'un ou de l'aulre sexe on voit régner
une joie innocente, une gaité modeste, un
air de contontement et de séréruté , on fient
iu.^er hardiment que la régularité, la ferveur,
la piété, y sont bien i't;tblie< ; si l'on y trauve
de la tristesse, un air sombre, chagrin, mc-
content , e'est un signe non équivoque du
Contraire; le joug de la règle y parait trop
pesant, on le porte malgré soi.
MÉl ANCHTONIKNS ou LUTHÉRIENS
MITIGÉS. Voy. Lithériens.
AiELCHISÉDÉCIENS, nom de plusieupg^
sectes qui ont paru en différents temps. '^'^ "'
premiers fureul une branche de théodoti
69S
MEL
MEL
696
~^'
et lurent connus au m" siècle ; aux erreurs
des deux Théo(iotes, ils ajoutèrent leurs pro-
pres imaginations, et soutinrent que Melclii-
sédecli n'était jias un liomuie, mais la grande
vertu de Dieu ; qu'il était supérieur à Jésus-
Christ, puisqu'il était médiateur entre Dieu
et les anges, comaie Jésus-Glirist l'est enlre
Dieu et les hommes. Voy. ïhéodotieivs. Sur
la fin de ce môme siècle , cette hérésii' fut
renouvelée en Egypte par un nommé Hie'raœ,
qui prétendit que Melchisédech était le Saint-
Esprit. Voy. HiÉRACiTES. Quelques anciens
ont accusé Origène de cette erreur; mais il
faut que ce reproche ait été bien mal fondé,
puisque ni M. Huet, ni les éditeurs des œu-
vres d'Origi'ne, n'en font aucune mention.
Voy. Huet'ii Origen. , lib. ii , quœst. 2. Les
écrivains ecclésiasticiues iiarlent d'une autre
secte de melchisédéciens plus modernes, qui
paraissent avoir été une branche des mani-
chéens. Ils n'étaient , à proprement parler,
ni juifs , ni chrétiens , ni païens ; mais ils
avaient pour Melchisédech la plus grande
vénération. On les nommait attingani , gens
qui n'osent toucher peisonne, de peur de se
souiller. Quand on leur présentait quelque
chose , ils ne le recevaient point , à moins
qu'on ne le mît à terre , et ils faisaient de
même quand ils voulaient donner quelque
chose aux autres. Ces visionnaires se trou-
vaient dans le voisinage de la Phrygie. Enlio,
on peut mettre au rang des melchisédéciens
ceux qui ont soutenu que Melchisédech était
le Fils de Dieu, qui avait apparu sous une
forme humaine à Abraham, sentime: l qui a
eu de tem[>s en temps quelques défenseurs,
entre autres Pierre Cunéus, dans sa Républi-
que des Hébreux , ouvrage savant d'ailleurs.
Il a été réfuté par Christophe Scidégelet par
d'autres , qui ont prouvé que Melchisédech
était un pur homme , l'un des rois de la Pa-
lestine, adorateur et prêtre du vrai Dieu. Ou
demandera, sans doute, comment des hom-
mes raisonnables ont pu se mettre dans l'es-
prit de pareilles chimères. C'est un des
exemples de l'abus énorme que l'on peut
faire de l'Ecriture sainte , quand on ne veut
suivre aucune règle, ni se soumettre à aucune
autorité,
Saint Paul , dans VEpitre aux Hébreux ,
c. VII, pour montrer la supériorité du sacer-
doce de Jésus-Christ sur celui d'Aaron et de
ses descendants, lui ajiplique ces paroles du
psaume 109 : « Vous êtes i)rètre pour l'éter-
nité, selon l'ordre de Melchisédech ; » et fait
voir que le sacerdoce de celui-ci ne ressem-
blait point à celui des prêtres juifs. En eflêt,
il fallait que ces derniers fussent de la fa-
mille d'Aaron , et nés d'une mère Israélite ;
Melchisédech, au contraire, ét&il sans père,
sans mère, et sans généalogie; l'Ecriture ne dit
point qu'il eut ))Our père un prêtre; elle ne
parle ni de sa mère , ni de ses descendants;
sa dignité n'était donc attachée ni à la fa-
mille ni à la naissance. Saint Paul ajoute
qu'i/ n'a eu ni commencement de jours, ni fin
vie, c'est-à-dire que l'Ecriture garde le si-
efice sur sa naissance , sur sa mort, sur sa
succession , au lieu que les prêtres juifs ne
servaient au temple et à l'autel que depuis
J'àge do trente ans jusqu'à soixante , et ne
commençaient à exercer leur ministère qu'a-
près la mort de leurs prédécesseuis. Leur
sacerdoce était donc très-borné, au lieu que
l'Ecriture ne met pfiint de bornes à celui île
Mclchiséderh; c'est ce qu'enteiul saint Paul,
lorsqu'il dit Cfue ce roi demeure prêtre pour
toujours à un sacerdoce perpétuel ; d'où il
conclut que le caiactère de Melchisédech
était plus propre que celui des prêtres juifs
à figurer le sacerdoce élernel de Jésus-Christ;
et c'est dans ce sens qu'il dit (|ue ce person-
nage a été rendu semblable au Fils de Dieu.
Cependant, continue l'apôtre, Melchisédecli
était plus grand que Abi'aham, à plus forte
raison queLévi et que Aaron ses descendants,
puisqu'il a béni Abraham, et a reçu de lui la
dime de ses dépouilles ; donc le sacerdoce
de Jésus-Christ , formé sur le modèle" de ce-
lui de Melchisédech , est plus excellent que
celui d'Aaron et de ceux qui lui ont succédé.
Tel est le raisonnement de saint Paul. Mais
en prenant à la lettre cX dans le sens le plus
grossier tout ce qu'il dit de Melchisédech,
des cerveaux mal organisés ont fondé
là-dessus les rêveries dont nous avons
parlé.
ilELCHITES. Ce nom, dérivé du syriaque
malck ou melck, roi, empereur, signifie roî/a-
listes ou impériaux , ceux qui sont du parti
ou de la croyance de l'empereur. C'est le
nom que les eutyciiiens, condamnés par le
concile de Chalcédoine, donnèrent aux ortho-
doxes qui se soumirent aux décisions de ce
concile, et à l'édit de l'empereur Marcien
qui en ordonnai I l'exécution ; pour la môme
raison, ceux-ci furent aussi nommés chalcé-
doniens par les schismatiques. Le nom de
melcliitcs, parmi les Orientaux, désigne donc
en général tous les chrétiens qui ne sont ni
jacobites, ni nestoriens. 11 convient non-
seulement aux Grecs catholiques réunis à
l'Eglise romaine , et aux Syriens maronites,
soumis de même au saint-siége, mais encore
aux Grecs schismatiques des patriarcats
d'Antioche, de Jérusalem et d'Alexandrie,
qui n'ont embrassé ni les erreurs d'Eutychès,
ni celles de Nestorius. Les patriarches grecs
de ces trois sièges ont été obligés en plu-
sieurs choses de recevoir la loi du patriarche
de Constantinople, de se conformer aux rites
de ce dernier siège, de se borner aux deux
liturgies de saint Basile et de saint Jean
Chry.-ostomc , desijuelles se sert l'Eglise de
Constantinople. Le pati-iarche melchite d'A-
lexandrie réside au Grand-Caire, et il a dans
son ressort les églises grecques de l'Afrique
et de l'Arabie; au lieu que le patriarche
cophte ou jacobite demeure ordinairement
dans le monastère de Saint-Macaire, qui est
dans laThébaide. Celui d'Antioche ajuridic-
tion sur les Eglises de Syrie, de Mésopota-
mie et de Caramanie. Depuis que la vilio
d'Antioche a été ruinée par les tremblements
de terre, il a transféré son siège à Damas
où il réside, et où l'on dit qu'il y a sept à
à huit mille chrétiens du rite grec ; on eu
suppose le double dans la ville d'Alep, uiais
697
MEL
MEN
698
il (Ml reste peu dans les mitres villes ; les
schismes des Syriens JMcobites, des N.'sto-
riens et des arméniens, ont réduit ee i)atriar-
cat >\ nn très-petit nombre d'éviclu's. Le
patriarclio de Jérusalem gouverne les Kglises
ta-ecques de la Palestine et des conlins de
i'Araliie; son district est un démemjjrement
de celui d'AntiocIie, fait par le concile de
Clialrédoinc^ : de lui dépend le célèbre mo-
nastère (lu mont Sinai, dont l'abbé a le tilre
darchevèijue.
Quoique dans tous ces pays l'on n'entende
pUcs le grec, on y suit cependant toujours
la litur^i(! grecque de Constanlinople ; ce
n'est ijue depuis quelque tem()S que la dit'li-
culté de trouver des pr(jtres et (ii s diacres
qui sussent lire le grec a obligé les mrl-
chites di'. célébrer la messe en arabe. Lebriui,
Explication des cérémonies de la messe, t. IV,
p. WS.
MELECIKNS, partisans de M(^lèce, évêque
de Lyco[iolis en Egypte, déposé dans un sy-
node par Pierre d'Alexandrie son métro-
politain, vers Fan 306, i)ouv avoir sacrilié
aux idoles pendant la iiersécutinn de Dio-
clétien. Cet évcque , obstiné à conserver
son siège, trouva des adhérents, et forma
un schisme qui dura pendant près de cent
cinquante ans. Comnu! .Mélèce et ceux de
son parti n'étaient accusés d'aucune erreiu-
contre la foi, les évoques assemblés au con-
cile de Nicée, l'an 325, les invitèrent à ren-
trer dans la cumuumion île l'Eglise, et con-
sentirent .^ les y recevoir. Plusieurs, et M(''-
lèce lui-même, i!onnèrent des mar([ues de
soumission à saint Alexandre, pour lors pa-
triarche d'Alexau(h-ie ; mais il parait que
cette réconciliation ne l'ut pas sincère de
leur part : on prétend que Mélèce retourna
bientôt à son caractère brouillon, et mourut
dans son schisme. Lorsciue saint Athanase
fut placé sur le siège d'Alexandrie, les mA-
léciens, jusqu'alors ermemis déclarés des
sriens, se joignirent h eux pour persécuter
et calomnier ce zélé défenseur de la foi de
Nicée. Honteux ensuite des excès auxquels
ils s'étaient portés, ils cherchèrent à s(! réu-
nir à lui ; .\rsèni', leur chef, lui écrivit une
lettre de soumission, l'an 333, et lui de->;
meura constamment attaché. Mais il parait
(jn'une partie des inéhriens persévérèrent
dans leur confédération avec les ariens,
puisipie du temps de Tliéouoret, leur schis-
me subsistait encore, du moins parmi quel-
ques moines ; ce Père les accuse de plusiein-s;
usages supcistitieux et ridicules. i
Il ne faut pas confond le le sclusmali(]ue'
tlont nous venons de parler, avec saint .Mé-
lèce, évoque de Sébaste et ensuite d'.^iitio-
che, vertueux jirélat, exilé trois fois par la
cabale des ariens, à cause de son attachement
à la doctrine catholique. Ci- fut h son ncca-f
sion, mais non par sa faute, (lu'il se lit ua
schisme dans l'Eglise d'Antiocne. Une par-^
lie de son troupeau se révoHa contre lui,
"SOUS prétexte que les ariens avaient eu part
à son ordination. L';(^Jferde Cagliari, envoyé
pour calmer les esprits, les aigrit davantag(>,
en ordouKaiît Paulin pour prendre la place
de saint Mélèce. Voy. Lucifériens. En par-
lant (le ces deux derniers personnages, saint
Jér(ime(Hrivait au pape Damase : Je ne prends
le parti ni de Paulin ni de Mélèce. Tillemont,
t. V, p. 453 ; t. VI, p. 233 et 2G2 ; t. VIII,
p. 14. et 29.
MELOTE, peau de mouton ou de brebis
avec sa toison, nom dérivé de pÀ^ov, brebis ou
&/frt//. Les premiers anacliorètes se couvraient
les épaules d'une méloir, et vivaient ainsi
dans les déserts. Partout où la Vulgnte parle
du manteau d'Elie, les Septante disent la
mélole d'Elie; saint Paul, parlant des anciens
justes, dit qu'ils marchaient dans les déserts
couverts de mclotei et de peaux de chèvres
(Hébr. X.I, 37); c'était l'hahit des pauvres.
M. Fleury, dans son Ilist. ecclés. , dit que
les disci[)les de saint Pacôme portaient une
ceinture, et sur la tunique un^' peau di' chè-
vre blanche , qui couvrait leurs épaules ,
qu'ils gardaient l'un et l'autre à table et sur
leur grabat ; mais que quand ils se présen-
taient h la conuuunion, ils ôtaient la mélote
et la ceinture, et ne gardai(!nt ([ue la tuni-
que. C'est q>ie la ceinture était uniquement
tlestinée à relever la tuni([ue quand on vou-
lait marcher ou travail'cr, et la mélote à se
garantir de la pluie ; cet éijuipage ne conve-
nait plus, lorsqu'on voulait se mettre dans
une situation |ilus respectueuse ; cette atten-
tion des solitaires prouve leurs sentiments à
l'égard de l'eucharistie.
MEMBRES CORPORELS ATTRIBUÉS A
DIEU. Yoij. ANTnR0P0L0(;iiî.
MEMBRES DE L'EGLISE. Voy. E(îuse,
§ 3.
MENACES. Selon la remarque de plusieurs
Pères de l'Eglise, les menaces que Dieu fait
aux pécheurs sont un ell'et de sa bonté ; s'il
avait dessein de les punir, il ne chercherait
pas ti les eU'rayer , il les laisserait dans une
entière sécurité. La justice de Dieu exige,
sans doute, qu'il accomplisse toutes ses pro-
messes , à moins que les honuues ne s'en
rendent indignes par leur désobéissance,
mais elle n'exige point ([u'il exécute de mô-
me toutes ses menaces ; il peut pardonner
et faire miséricorde à (\m il lui jilaît, sans
déroger à aucune de ses perfections. Nous
voyous dans l'Ecriture sainte que Dieu s'est
souvent laissé toucher en faveur des pé-
cheurs par les prières des justes. Combien
de fois l'intercession de Moïse n'a-t-elle i)as
délouriH' les coups dont Dieu voulait fra|iper
les Israélites? C'est la i-.'mar(]uede saint Jé-
rôme, Dial. 1, contra Pelug., c. 9 ; in Isaiam,
c. ult. ; in Epist. ad Ephes., c. 2 ; de saint
.\ugustin, L. de Geslis PelaqH, c. 3, n" 9 et
11 ; contra Jitlian., 1. m, c. IM, n" 35 ; contra
dnas Epist. Pelag.,\.iv, c. G, n" 16; de saint
Fulgence, L. i, ad Monim., c. 7, etc. Voy.
Miséricorde.
Il ne s'ensuit pas de là que nous sommes
en droit de ul' pas craindre l'effet des mena-
ces de Dieu, puisque souvent il les exécute
d'ine manière terrible, témoins les hommes
antédiluviens, les Sodomites, les Egyptiens,
Tes Israi'lites idokUres et rebelles, et'c. .Mais
il n'a point accompli celles qu'il avait faites
699
MEN
MEN
700
à David, au roi Achab, aux Ninivites, etc.,
parce qu'ils en ont été toucliés et ont fait
pénitence. Dans ces occasions, l'Ecriture
dit que Dieu s'est repenti du mal qu'il voulfiit
faire aux pécheurs (Ps. cv, 45 ; Jerem. 26,
19, etc.); parce que sa conduite ressemble
à celle d'un homme qui se repent d'avoir
menacé. Dieu lui-même déclare ailleurs qu'il
est incapable de se repentir et de changer de
volonté. Voy. Anthropopatoie.
MENANDRIENS, nom d'une des plus an-
ciennes sectes de anostiqui's. Mén.indre, leur
chef, était disciple de Simon le Magicien ;
né comme lui dans la Samarie, il lit aussi
bien que lui profession de magie, et suivit
les mômes sentiments. Sfmon s • faisait nom-
mer ta grande vertu ; Ménandre ptdjlia que
cette grande vertu ét;iit inconnue à tous les
hommes ; que pour lui il était envoyé sur la
terre par les puissances invisibles pour opé-
rer le salut des hommes. Ainsi Ménandre et
Simon son maître doivent être mis au nom-
bre des faux messies, qui parurent immé-
diatement après l'ascension de Jésus-Christ,
Flulôt qu'au rang des hérétiques. L'un et
autre enseignaient que Dieu ou la suprême
intelligence, qu'ils noumi lient Ennoia, avait
donné l'être à un grand nombre de génies
qui avaient formé le monde et la race des
houmies ; c'était le système des platoniciens,
Valentin , qui parut après Ménandre, lit la
généalogie de ces génies, qu'il nomma des
éons. Voy. Valentiniens. Il paraît que ces
imposteurs supposaient que, dans le nombre
des génies, les uns étaient bons' et bienfai-
sants, et les antres mauvais, et que ces der-
niers avaient |)lus de part que les premiers
au gouvernement du monde, puisque Mé-
nandre se |irélendait envoyé par les génies
bienfaisaïUs, pour apprendre aux hommes
les moyens de se délivrer des maux auquels
l'iiomme avait été assujetti |ar les mauvais
génies. Ces moyens, selon lui, étaient d'a-
bord une espèce de baptême qu'il conférait à
ses disciples, en son propre nom, et qu'il a;!-
pela t une vraie résurrection, jiar le moyen
duquel il leur |)romettait l'immortalité et une
jeunesse perpétuelle; mais, comme l'observe
le savant éditeur de saint Irénée, sous le
nom de résurrection Alénandre entendait la
connaissance de la vérité, et l'avantage d'être
sorti des ténèbres de l'erreur. Il n'est guère
possible qu'il ail persuadé à ses partisans
qu'ils seraient immortels et délivrés des
maux de cette vie, dès qu'ils auraient reçu
son baptême. Il est donc probable que, par
V immortalité, Ménandre jiromettait à ses dis-
ciples qu'après leur mort, leur corps, dégagé
de toutes ses parties grossières, reprendrait
une vie nouvelle, plus heureuse que celle
dont il jouit ici-bas. Quelque violent que
soit le désir dont les honunes sont liossédés
de vivre toujours, il ne ]iarait pas possible de
persuader à ceux qui sont dans li'ur bon sens
qu'ils peuvent jouir de ce privilège. Le jire-
mier ménandrien que l'on aurait vu mourir
aurait détrompé les autres. On connaît l'en-
têtement tles Chinois à cliercher le breuvage
d'immortalité, mais aucun n'a encore osé se
vanter de l'avoir trouvé ; et quand un Chi-
nois serait assez insensé pour l'aflirmer, il
n'est pas vraisemblable qu'aucun voulTit l'eu
croire sur sa parole. L'autre moyen de triom-
])her des génies créateurs et ujalfaisants était
la pratique de la théurgie et de la magie,
secret auquel les philosophes platoniciens
du iV siècle, noaunés éclectiques, eurent
aussi recours dans le même dess.ein. Voy. l'a
première dissertation de dom, Masswt sur saint
Irénée, art. 3, § 2 ; Mosheim, Instit. ffisto-
riœ christ ianœ , sœc. i, part, ii, cai). 5,
§ '5.
Ménandre eut des disciples h Antioche,
et il en avait encore du lem: s de saint .lus-
tin ; mais il y a beaucoup d'apparence qu'ils
se confondirent bientôt avec les autres sec-
tes de gnosliqu<'s. Quelque a'isurde iju'ait été
sa doctnne, on peut en tirer dos conséquen-
ces importantes. 1° Dans le temps que. lésus-
Christ a paru sur la terre, on attendait dans
l'Orient un iSïessie, un Rédemiiteur, un Li-
bérateur du genre humain, puisque plusieurs
imposteurs profitèrent de cette opinion pour
s'annoncer comme envoyés du ciel, et trou-
vèrent des partisans. 2° Les prélendus en-
voyés , qui ne voulaient tenir leur mission
ni de Jésus-Christ ni des apôtres, ne se sont
cependant pas inscrits en faux contre les mi-
racles publiés à la prédi(ation de l'Evangile ;
les anciens Pères ne les en accusent point,
ils leur reprochent seulement d'avoir voulu
contrefaire les miracles de Jésus-Christ et
des ajiôtres par le moyen de la magie. Si-
mon et Ménandre étaient ceiiendant très à
portée de savoir si les faits publiés par les
évangélistes étaient vrais ou faux, puisqu'ils
étaient nés dans la Samarie et dans le voisi-
nage de Jérusalem. 3° Nous ne voyons pas
non plus que ces premiers ennemis des apô-
tres aient forgé de faux évangiles; celte audace
ne commença que dans le second siècle,
longtemps après la mort des apôires. Tant
que ces témoins oculaires vécurent, personne
n'osa contester l'authenticité ni la vérité de
la narration des évangélistes. Les hérétiques
se bornèrent d'abord à l'altérer dans quelques
])assages qui les incommodaient; bientôt,
devenus plus hardis, ils osèrent compnser
des histoires et des expositions de leur
croyance, qu'ils nommèrent des évangiles.
k" Ces anci: ns chefs de parti étaient des phi-
loso|iiies, puisqu'ils cherchaient, parle moyen
du système de Platon, à résoudre la dilliculté
tirée de l'origine du mal. Il n'est donc pas
vrai, comme le prétendent les incrédules, que
la prédication de l'Evangile n'ait fait impr. s-
sion que siir les ignorants et sur le bas peu-
ple. Ceux qui ont cru et se sont faits chré-
tiens avaient à choisir entre la doctrine dos
apôtres et celle des imposteurs qui s'attri-
buaient une mission semblable. Il n'est pas
vrai non [ilus que le cluislianismc ait fait ses
prcnders progrès dans les ténèbres, et sans
que l'on ait pris la peine d'examiner les faits
.sur lesquels il sefond;dt, puisqu'il y a fu Je
vives disputes entre les disciples des apôtres
et ceux des faux docteurs ; et puisque la doc-
trine apostolique a triomphé de ces premières
701 MRN
sectes , c'est l'vkliimnient parce que l'on a
été convaincu de la mission des premiers et
de l'impostiiro des seconds. Voy. Simo-
NIENS.
MENDIANTS, nom de religieux tjui, pour
pratiquer la pauvreté évangéliquc , vivent
d'numùnes et vont quêter le;:r subsistance.
Les (]uatie ordres mendiants las plus am^iens
sont les carmes, les jacobins ou dominicains,
les cordeliers et Igs augustins ; les plus mo-
dernes sont les capucins, les récollcts, les
minimes, et d'autres, dont on peut voir l'in-
stitut et le régime dans {'Histoire tirs Ordres
monastiques, par le père llélyot. Nous ])ar-
lons des principaux sous leurs noms particu-
liers.
L'inutilité et l'abus des ordres mendiants
sont un des lieux connnuns sur lesqu;isnos
philosophes politiques se sont exercés avec
le iilus de zèle. Suivant leur avis, ces reli-
gieux sont non-seulement des hominos fort
mutiles, mais uneciiarge très-onéreuse pour
les peui>les. Les privilèges q ;'ils ont obtenus
des souverains poutifes ont contribué à éner-
ver la discipline ecclésiastique; les quêtes
sont pour eux une occasion i rochaine de dé-
règlement, de bassesse, de fraude^ pieuses,
etc. Toutes ers plaintes ont été ceiii.es d'a-
près les protestants. On voudra bien nous
permettre quelques observations sur ce
sujet.
1° C'est dans le \u' siècle que les ordres
mendiants ont commencé. Dans ce temps-lîi,
l'Europe étnit infectée de différentes sectes
d'hérétiques qui, par les dehors de la pau-
vreté, de la mortiticalion, de l'humilité, du
détachement de toutes choses, séduisaient
les peuples et introduisaient leurs erreurs.
Tels étaient les cathares , les vaudois ou
pauvres de Lyon, les poplicains, les frérots,
etc. Plusieurs saints personnages, (lui vou-
laient préserver de ce plégc les fidèles, sen-
tirent \!\ nécessitéd'opposerdes vertus réelles
à l'hypocrisie des sectaires, et défaire par re-
ligion ce que ces dcrni 'rs faisaient parledé-
sirde tromper les ignoiants. Tout [irédicateur
qui ne paraissait pas aussi niortitié que les
hérétiques n'aurait pas été écouté ; il fallut
donc des hommes qui joignissent à un véri-
table zèle la pauvreté que Jésus-Christ avait
commandée a ses apôtres {Matth. x, 9 ; Lxic.
xiv, 33, etc.). Plusieurs s'y engagèrent par
vœu, et trouvèrent des imitateurs. Mosheim,
quoique protestant , très-prévenu contre les
moines et surtout contre les mendiants, con-
vient cependant de cette origine, llist eedé-~
siflsf.,sa^c. xHi, il' part., c, -2, § 21. Ce des-
sein était certainement très-louable, on doit
en savoir gré h ceux qui ont eu le courage
de l'exécuter ; et quand le succès n'aurait pas
répondu parfaitement aux vues des institu-
teurs et des papes qui les ont approuvés, on
n'aïuail [);is droit de les en rendre respon-
sables ni de les blàmor. Les critiques qui ont
dit que rni.-.titution des ordres mendiants
était l'ouvrage de l'ignorance des siècles
bai bans, d'une piété mal entendue, d'une
faus.>cidée d(! la jterfection, etc., ont très-mal
rtncQUlré ; c'étiiit unelletde la nécessité des
MEN
70*
circonstances et de la disposition des peuples.
Ceux qui ont écrit que c'était un projet de
politique de la part des papes ; que ceux-ci
voulaient avoir dans les mendiants une es-
liôce de milice toujours prête à exécuter
leurs ordres et h seconder leurs vues ambi-
tieuses, ont été encore moins heureux dans
leur conjecture. Quelle ressource les papes
pouvaient-ils espérer do trouver , pour éten-
dre leur puissance, dans l'humilité timide
de saint François, ou de ceux qui mit rrlor-
mé des ordres religieux? S'ds avaient fondé
là-dessus leurs vues ambitieuses, ils auraient
été cruellement troiii|/és, etl'esiirit p.rophé-
tique q l'on leur prête aurait bien mal vu l'a-
venir ; cela sera prouvé dans un moment.
2° Loin d'avoir eu l'inlentiou de se rendre
inutiles au monle, les fondateurs des ordres
mendiants ont eu celle do se consacrer à l'in-
struction des fidèles et à la conversion d.' ceux
tpii étaient tombés dans l'erreur ; ils y ont
travaillé aussi bien que leurs disciples, avec
le zèle le jilus sincère, et avec beaucoup de
fruit. Alors le clergé séculier était fort dégra-
dé; il fallut remplir le vide de ses travaux
par ceux des rel gieux mendiants ; de \h vint
le crédit et la considération ({u'ilsacquirent.
Mosheim en convient encore. Aujourd'hui
nièiiie, depuis que le clergé est rétabli, il y
a encore unciniinité de paroisses pauvresel
d'une des ertediliicile, dans lesquelles on a
besoin du secours des religieux. 11 n'est d'aii-
b urs aucun des {irdvesmendiants dans leiiuel
il n'y ait eu des savants qui ont honoré l'E-
glise par leurs travaux littéraires autantque
par leurs vertus.
3° Les papes, en apjirouvant ces ordres,
ne les ont point soustraits d'abord à la juri-
diction des évêques; les exemptions ne
sont venues qu'après , et ça été encore
l'elfet des circr:iistances et de la dégradation
dans laquelle le clergé séculier était tombé.
Nous convenons que les religieux en abusè-
rent quelquefois; que leurs liisputes, leurs
prétentions, leur revoit' contre les évêques,
leur ambiti.ui dans les universités, ont été
un des désordres qui ont donné le plus d'oc-
cupation et d'inquiétude aux papes ; JMos-
hcim, saec. xiv, iT part.,c. 2, § 17; saec.xv, n*
part., c. 2, §20. Mais il n'est pas vrai que les
jiajies les aient ordinairement soutenus, plu-
sieurs ont donné des bulles pour les répri-
mer. Depuis ([ue le concile de Trente a re-
mis les choses dans l'ordre, que les anciens
obus ne subs stcnt plus et ne sont plus à
craindre, il est de mauvaise gr.'ce d'en rap-
peler le souvenir, et île remlre les religieux
d'aujourd'hui responsables des fautes com-
mises il y a deux cents ans.
k" Nous voyons dans la règle de saint Au-
gustin, et dans celle de saint François, que
suivent la plupai t des religieux pauvres, Que
le dessein des instituteurs était d'en placer
dans les convenis, dans lescampagne>, plu-
tôt que dans les villes, alin (pie les religieux
fussent appliquas à instruire et à consoler
la partie du peuple qui en a le plus Ijesuiu,
et pa. lageassent leur temps entre la prière,
J'iustrucliou et le travail des mains. Si leur
703
MEN
M EN
".04
intention n'apas été mieux suivie, à qui en
est la faute? Aux laïques principalement.
Ceux-ci, plus occupés de leur commodité
que du besoin des peuples, ont multiplié les
couvents dans les villes, parce qu'ils vou-
laient des églises plus <\ leur portée que les
paroisses, des ouvriers plus souples et plus
complaisants que les pasteurs, deschapelles,
des sénultures, des fondations pour eux seuls,
une piété qui satisfit tout à la fois leur mol-
lesse et leur vanité. Moslieim, s.-cc. xiii, n'
part., chap. 2, | 26. Il était bien difficile que
les religieux ne s'y prêtassent pas par inté-
rêt. A qui doit-on s'en prendre des abus qui
en ont résulté ? Ceux qui ont été la princi-
pale cause du mal ont-ils droit des'en plain-
dre ? On a tendu des pièges au désintéres-
sement des religieux, et l'on s'étonne de ce
qu'ils y sont tombés.
5° Il est faux que la mendicité soit la sour-
ce du relâchement des religieux, puisqu'un
désordre égal s'est glissé dans les maisons
des moines rentes, dunt la richesse est au-
jourd'hui un sujet de jalousie et de cupidité.
On ne pardonne pas plus l'opulence aux
uns que la pauvreté aux autres; on n'ap-
l)rouve pas plus la vie solitaire, mortifiée,
laborieuse , édifiante des religieux de la
Traiipe et de Sept-Fonds, qui ne sont à char-
ge à personne, que l'oisiveté, la dissipation
et le relâchement des religieux mendiants.
Si les séculiers n'avaient pas eu detouttemps
l'empressement de s'introduire chez les reli-
gieux, de se mêler de leurs affaires, de ju-
gorde leur régime, le malserait moins grand.
Aiais un moine dyscole, dégoûté de son état,
révolté contie ses supérieurs, ne manque
jamais de trouver des soutiens, des i>rotec-
teurs. Les pères de famille , embarrassés de
leurs enfants, ont souvent fait entrer dans
le cloître ceux qui étaient le moins propres
à i)rendre l'esprit et à remplir les devoirs de
cet état ; ceux-ci ont été forcés de se donner
à Dieu, parce qu'ils étaient le rebut du monde.
Ail. si l'on déclame contre l'état religieux,
parce que les séculiers sont toujours prêts
à le pervertir. La vertu la i>las courageuse
peut-e:le tenir contre l'air empesté d'irréli-
gion et de corruption qui règne aujourd'hui
dans le monde ? Il faut que ce poison soit
bien subtil, puisqu ila pénétré dans les asiles
même qui élaient destinés h en préserver les
hommes.
Nous avons infecté de nos vices l'état reli-
gieux, tout saint qu'il était par lui-même ;
donc il faut le détruire. Tel est le cri qui
reienlit h présent dans une grande partie de
l'Europe, et tel est le triomphe préi)aré au
vice sur la vertu. Celle-ci, honteuse et pros-
crite, ne saura |)lus oii se cacher. Heureuse-
ment il est encore des déserts; lorsque les
moines auront le courage de s'y retirer
comme leurs nrt'décesseurs, alors leurs en-
nemis confondus seront forcés de leur rendre
hommage. Un protestant plus judicieux que
les autres, qui a beaucoup rélléchi sur la
nature et sur la société, après avoii- ri-connu
futilité des communautés religieuses dans
lesquelles on travaille, n'a pas excepté celles
des mendiants. « Dans cette classe d'hommes,
dit-il, il y en a, sans doute, que l'on peut
regarder comme des paresseux, et que l'on
nommeordinairement fainéants, pour exciter
contre eux la haine |iul)lique. Mais que de
fainéanis pareils ne renferme pas le- monde !
Fainéants dorés, armés, portant les couleurs
de celui-ci ou de celui-là, ou des haillons,
ou le pistolet, pour le présenter à la gorge
des passants. Il y a des paresseux parmi les
hommes ; il faut y pourvoir de quelque ma-
nière, et celle-là est une des plus douces.
Ce n'est point encourager la paresse, c'est
l'empêcher d'être nuisible au monde, et il
me semble que l'on n'y pense pas assez, non
)ilus qu'à ceux que l'état de la société rend
oisifs. » Lettres sur l'Hist. de la terre et de
l'homme, t. IV, page 78. D'ailleurs c'est une
erreur de croire que, dans les maisons de
religieux mendiants, personne ne travaille
que 'les frères lais et les domestiques. Une
communanté ne peut subsister sans un tra-
vail intérieur et des occupations continuelles;
et les couvents dont nous parlons ne sont
pas assez riches pour payer des mercenaires.
Ils ont ordinairement un vaste enclos, dont
la culture est très-soignée, et il n'est point
de religieux robuste qui n'y travaille de
temps en temps, qui ne s'occupe de quelque
travail manuel et des soins domestiques ;
c'est un des préceptes de leur règle.
Lorsqu'on aura trouvé le moyen de rendre
utiles tant d'honnêtes fainéants qui vivent
dans le monde, et qui l'infectent par leurs
vices ; lorsqu'on aura supprimé tant de pro-
fessions dont la subsislance n'est fondée que
sur la corruption des mœurs ; lorsqu'on aura
persuadé aux nohl s que le travail n'esi point
un apanage de la roture, ni un reste d'escla-
vage, qu'il ne dégrade point la noblesse, et
qu'il y a i)lus d'honneur à Iravailler qu'à
mendier, il sera permis de penser à la sup-
pression des ordres mendiants. Mais tant que
l'on verra des armées de nobles fainéants
assiéger les cours et les palais des grands,
y exercer une mendicité plus honteuse que
"celle des moines, puisqu'elle vient ordinai-
rement d'une mauvaise conduite et d'un
faste insensé, il sera difficile de prouver que
la mendicité religieuse es' un opprobre.
Ceux qui mènent une vie oisive dans le
cloître ne seraient pas ]ilus laborieux s'ils
étaient au mdieu de la société ; ils y aug-
menteraient la corruption, de laquelle l'état
religieux les met à couvert, du moins jus-
([u'à un certain point. Il ne faut cependant
pas oubl'.er qie saint Augustin, dans son li-
vre de Opère hionachorum, prend la défense
des moines qui vivaient du travail de leurs
mains, contre ceux qui prétendaient qu'il
était mieux de vivre des oblations ou des
aumônes des fidèles. Yoy. Moine.
MENÉE, MÉNOLOGE ou MÉNOLOGUE.
Ce sont des livres à l'usage des Grecs ; leur
nom vient de /^âv, le mois. Les menées con
tiennent l'office de l'année, divisée par mois,
avec le nom et la légende des saints dont
on doit faire ou l'office ou la mémoire ; c'est
7ii:
MEN
MEN
706
la partie (le nos Ijréviaires que nous nom-
mons le propre dex saints.
Le ménologe est le calendrier ou le niart--
rologe des Grecs ; c'est le recueil des vies
des saints, distribu(''es pour ciiaque jour des
mois de Tannée ; les (irecs en ont de plu-
sieurs sortes, et qui ont 6té laits par dill'é-
rents auteurs. Depuis leur schisme, ils y ont
inséré les noms ot les vies de jikisieurs hé-
rétiques qu'ils honorent comme des saints.
Les écrivains ha,i;ioi:,raphes citent souvent
les menées et le ménologe des Grecs, mais on
convient (pie ces deux ouvrages (int été faits
sans aucune critique, et sont remi)lis de
fables. Baillet, Disc, sur les Vies des Saints.
MENNONITES. Voij. Anabaptistkï.
MENSONGE, discours tenu à cpielqu'un
dans l'intention de le tromper. L'Ecriture
sainte condaume toute espèce de mensonge;
l'auteur de l'Ecclésiastique, c. vu, v. Ik, dé-
fend d'en pioférer aucun, de quelque es-
pèce qu'il soit : le juste, selon le psahniste,
est celui qui dit la vi'rité telle qu'elle est
dans son cœur, et dont la langue ne tromiie
jamais. Ps. xiv, v. 3. Jésus-Christ, dans
l'Evangile, dit que le mensonge est l'ouvrage
du démon ; que cet esprit de ténèbres est
menteur dès l'origine, et père du me)ison(/e.
Joiin., c. viii, V. kk-. Saint Paul exhoi le les li-
dèles à éviter tout mensonf/e, h diie la vérité
hounnes, et qu'en les pardonnant il les au-
torise et les approuve ? Il faut faire attention
que connue l'on i)eut mentir par un simple
geste, un geste suffit pour dissi|)er toute l'é-
quivoque ou la duplicité qui paraît dans les
paroles ; qu'ainsi l'on doit être très-réservé
à soutenir que tel personnage a conunis un
mensonge dans telle cii'constance.
Saint Augustin a fait en deux livres un
traité exprès sur le mensonge, dans lequel il
le condamne sans exception, et décide qu'il
n'est jam.iis |iermis de mentir, |)Our quelque
raison que ce soit ; cjue si le mensonge olîi-
cieux est une moindre faut(i que le mensonge
pernicieux, il n'est cependant ni louable, ni
absiilument innocent. Après l'avoii' [irouvé
par les ])assages de l'Ecriture que nous avons
cités, le saint docteur observe que, sous pré-
texte de rendre service au prochain, l'on se
permet aisément toute espèce de mensonge ;
que quiconque prétend qui! lui est permis
de mentir pour l'utilité d'autrui se persuade
aussi fort aisément qu'il peut le faire légiti-
mement pour son [iropre intérêt. A la vérité,
dit-il, il paraît dur de décider qu'on ne doit
pas mentir, même imur sauver la vie à un
innocent ; mais si l'on soutient le contraire,
il faudra dire aussi qu'il est permis, par le
mémo motif, de commettre un autre crime,
un parjure, un blasphème, un homicide, etc.
sans aucun déguisement. Èplies., c. iv, v. 25. Ence genre, les fausses inductionset les argu-
Saiiil Jacques leur fait la même leçon. Jar.,
c. m, V. IV. Saint l'aul va plus loin, il dé'-
cide qu'il n'est j>as jjermis de mentir pour
procurer la gloire de Dieu, ni de faire du mal
pour qu'il en arrive du bien. Iio7n. c. m, v. 7
et 8.
Quelques incré'dules ont osé accuser Jésus-
Christ d'avoir fait uu mensonge. A la veille de
la fête des Tabernacles, les parents de Jé-
sus l'exhortèrent h s'y montrer et à se faire
connaître. Allez-y vous-mêmes, répondit le
Sauveur ; pour moi, je n'y vais point, parce
que mon temps n'est pas encore venu. 11 de-
meura donc encore quelques jours dans la
Galilée, ensuite il alla à la fête eu secret, et
sans être accompagné {Joan. vu, 3). Jésus,
comme on le voit, ne répondit pas : Je n'irai
point, mais je n'y vais point, parce que mon
temps n'est pas encore arrivé ; nous ne som-
mes pas encore au moment auquel je veux y
aller. 11 n'y a là ni équivoque, ni restriction
mentale, ni ombre de fausseté. Il n'y en a
jias davantage dans la conduite de Jésus-
Christ à l'égard des deux disciples qui allaient
h Eiumaùs, le lendemain de sa résurrection;
il est dit que sur le soir, le Sauveur, après
avoir marché avec eux, fit semblant de vou-
loir aller plus loin (Luc. xxiv, 18). Il voul.iit
les engager à le presser de demeurer avec
eux, comme ils firent en effet ; ce n'est point
là un mensonge, mais un procédé très-inno-
cent.
On ne prouvera jamais que Dieu ait ap-
prouvé aucun des mensonges dont il est fait
mention dans l'histoire sainte ; il ne les a
pas toujours punis en privant de ses bienfaits
les coupables ; mais où est-il décidé que
Dieu doit aussitôt punir toutes les fautes des
mentations par analogie iraient à lintini. De
là il conclut que l'on ne doit mentir ni pour
l'intérêt de la religion, dont la première base
doit être la vérité, ni sous jirétexte de pio-
curer la gloire de Dieu, de détourner un pé-
cheur du crime, de sauver une Ame, etc.,
puisque aucun autre péché n'est justifié ni
])ermis par ces mêmes motifs. Ajoutons qu'en
suivant le sentiment contraire, nous serions
tentés de douter de la véracité même de Dieu,
de croire que quand il nous j)arle, il nous
trompe peut-être pour notre bien ; nous
sentons cependant que ce soupçon serait un
blasphème. Voy. Véracité de IJieu.
Dans son second livre, saint Augustin ré-
fute les priscillianistes, qui alléguaient les
mensonges rapportés dans l'Ancien Testa-
ment, jiour prouver qu'il leur était permis
d'employer ce moyen, et même le parjure,
pour dissimuler leur croyance. 11 observe
très-bien, cli. x, n. il, et cli. xiv, n. 1'.», que
tout ce qu'ont fait les saints et les justes
n'est pas un exemple à suivre; qu'ainsi rien
ne nous oblige de justilier toutes les actions
des iiatriarches. Il soutient cependant que A-
braliam et Isaac n'ont pas menti en disant
que leurs femmes étaient leurs sœurs, c'est-
à-dire leurs parentes, puisque cela était vrai.
Barbeyrac, i)lus sévère, prétend que c'était
un vrai mensonge, parce que l'intention d'A-
braham était de trouifier les Egyptiens, en
priant Sara de dire qu'elle était sa sœur. La
question est de savoir si taire la vérité dans
une circonstance où rien ne nous oblige à la
dire, lorsque d'ailleurs on ne dit rien de faux,
c'est encore commettre un mensonge. Voilà
ce que Barbeyrac , Bayle et les autres
censeurs des Pères ne prouveront jamais.
707
M EU
MER
708
Voyez Traité de la Morale des Pères, c. xiv,
§ 7. Saint Augustin cherche à excuser le
mensonge par lei(iiel Jacob trompa son pcre
Isaac en lui i lisant qu'il était Esaû son aîné;
il dit que cette action (tait un type ou une
tigure des événements qui devaient arriver
dans la s lite ; mais cette raison ne suffit pas
pour la. justifier ; il vaut mieux s'en tenir .i
la maxime posée par ce saint docteur, que
toutes les actions des anciens justes ne sont
pas des exemples à suivre. Yoy. Jacob. Il dit
que Dieu a récompensé dans les sages-lem-
ines d'E-xy|)te et dans Raab, non le mensonge
quelles avaient commis, mais la charité qui
en était la cause ; il pense môme que ces
fenmies auraient été récompensées par le
bonheur éternel, si elles avaient mieux aimé
soulfrir la mort que de mentir. De Mend.,
1. H, c. 15, n. 32 ; c. 17, n. 34. Mais il nous
paraît que les sages-femmes d'Egypte ne
mentirent point en disant au roi que les fem-
mes des Hébreux s'accouchaient elles-mê-
mes ; celles-ci, averties d • l'ordre donné de
faire périr leurs enfants mUes, évitèrent,
sans doute, de faire venir des sages-femmes
égyptienn: s.
Nos philosophes moralistes n'ont pas man-
qué do trouver tro[) sévère la doctrine de
saint Au Austin sur le mensonge, (jui est celle
du commun des Pùies et des Uiéolugiins. Ils
ont décide que mentir p.ur srniver la vie à
des innocents, ou pour détourner un homme
de commettre un criiue, est une action très-
louable, et qui ne peut être condamnée qu'au
tribunal des insensés. C'est ro])inion de Uar-
beyrac, censeur déclaré de la Morale des Pc-
res, c. li, § 7. Mais ces grands critiques ont-
ils répondu aux raisons par lesquell(>s saint
Augustin a prouvé ce qu'il enseigne? Us
n'ont pas seulement daigné en faiiemontioi!;
elles demeurent donc dans leur entier. Par
une coniradicton grossière, quelques-uns
ont bl.lmé Origène, Cassien, et un petit
nombre d'autres, qui seml)lent ne pas con-
damner absolument le mensonge oflicieus ; et
en censurant ceux qui réprouvent absolu-
ment toute espèce de mensonge et de faus-
seté, ils se sont obstinés à prétendre que les
Pères en général se sont permis des fraudes
pieuses ou des mensonges par motif de reli-
gion. De deux choses l'une, ou il ne fallait
pas soutenir l'innocence du mensonge offi-
cieux, ou il ne fallait pas accuser les Pères
d'en avoir commis ; c'est cependant ce qu'a
fait Le Clerc à l'égai-d de saint Augustin en
particulier. Voy. ses Notes sur tes Ouvrages
de ce Père, tom. V, in Serm. 'Si-2; tom. W, in
Lib. de Mend.; tom. VII, in L. xxii, de Civit.
Dei, cap. vni, § 1. Toutes ces inconséquen-
ces démontrent qu'en se bornant aux lumiè-
res de la raison, il n'est pas aisé d'établir
sur le mensonge une règle générale et infail-
lible ; qu'ainsi la loi naturelle n'est pas aussi
claire que le jirétendent les déistes, même
sur nos devoirs les plus communs, et qu'il
est beaucoup plus sûr de nous lier aux le
yons de la révélation.
MER. Le })saiii)istc dit à Dieu : « Les Ilots
de la mer s'élovenl plus haut que les monta-
gnes, et semblent prêts à fondre sur les riva-
ges, mais ils tremblent au son de votre voix,
ils reculent à la vue des bornes que vous
leur avez marquées ; jamais ils n'oseront les
franchir, ni couvrir la face de la terre (Ps.
cm, 6). Dans le livre de Job, c. xxxvai, v.
8, le Seigneur dit : Qui a renfermé la mer
dans ses bornes? C'est moi qui lui ai mis des
barrières et qui la tiens captive; je lui ai dit :
Tu viendras jusque-là, et ici se brisera l'or-
gueil de tes flots. Dans Jérémie, c. v, v. 2i :
J'ai donné pour bornes à la mer un peu de
sable, et je lui ai intimé l'ordre de ne jamais
les passer : ses flots ont beau s'enfler et mena-
cer, ils ne pourront pas les franchir. Il n'est
point de phénomène plus capable de nous
donner une grande id'e de la puissance de
Dieu qui oppose à la mer agitée un grain de
sable, et la force, par cette faible barrière, à
rentrer dans son lit.
Mais la mer a-t-elle un mouvement lent et
progressif, qui lui fait continuellement aban-
donner des plages pour s'emparer d'autres
terrains qui étaient à sec, de manière que la
constitution intérieure et extérieure du globe
ait déjà changé par ces révoluiions ? Quoi-
que cette discussion tienne particulièrement
à la physique et à l'histoire naturelle, elle
D'est cependant pas étrangère à la théologie,
puisque plusieurs philosop .es de nos jours
ont prétendu qu'il y a sur ce point des ob-
servations certaines qui, si elles étaient
vraies, ne pourraient s'allier avec 1» récit de
Moïse. La mer, disent nos dissertaieurs, perd
continuellement du te. rain dans les diffé-
rentes parties du m m Je, et probablement
elle regagne , dans certaines contrées, ce ■
qu'elle laisse à sec en d'autres. On se con-
vainc tous les jours que le fond de la mer
Baltique dimiiiue ; on voit encore les vesti-
ges d'un canal par lequel cette mer commu-
niquait à la mer Claciale, mais qui s'est com-
blé par la succession des temps. La nature
du sol qui sépare le golfe Persique d'avec la
tuer Caspienne fait juger que ces deux mers
formaient autrefois un même bassin. Il y a
aussi beaucoup d'apparence que la mer Rouge
communiquait autrefois à la Méditerranée,
dont elle est actuellement séparée par l'isthme
de Suez. Ces changements arrivés sur le
globe sont plus anciens que nos connaissan-
ces historiques. La mer s'est retirée et a laissé
à découvert beaucoup de terrain sur les co-
tes de l'Egypte, de l'Italie, de la Provence ;
les lagunes de Venise seraient bientôt rem-
plies, si 011 n'avait soin de les curer souvent.
11 parait que l'Amérique était encore couverte
des eaux, il n'y a pas un grand nombre de
siècles, et qu'elle n'est pas habitée depuis
fort longtemj)S. Enlin, la multitude des coips
marins dont notre hémisplière est rempli,
prouve invinciblement qu'il a été autrefois
couvert des eaux de l'Océan. La mer a cer-
tainement, selon ces mômes philosophes, un
mouvement d'orient en occident, qui lui est
imprimé par celui qui fait tourner la terre
d'occident en orient ; ce mouvemeut est plus
violent sous l'équateur, oii le globe, plus
élevé, roule un cercle plus grand et une zone
709
MER
MER
710
plus agitée; il est évident que ce mouvement
<ies eaux doit insensiblement dôplacor la mer
dans la succession des siècles. Mallieurouse-
nient toutes ces observations, qui ne sont
que des conjectures, sont démontrées faus-
ses pariM. dé i.uc, dans ses Lrttrvs sur l' His-
toire (le la terre et de ilioiitme, iiii|)iiiiK es
en 1779. en 5 vol. in-8". 11 t'ait voir que, si
elles étaient vr.iics, il en résulterait seule-
ment (]ue la quantité' des eaux île la mer di-
minue, coiinnc Telliamed le soutient et
conune M. de Bull'on le suppose dans ses
Epoques de la nature ; mais aucun des faits
alléjiués par nos iihilosoplies ne prouve que
In mer a cliangi' de lit, ni qu'elle a regagné,
dans q*ieiqui'S parties du globe, le terrain
qu'elle a perdu dans les autres. Or, M. de
Luc réfute également, et avec le même suc-
cès, le système de Telliamed, tom. ii, httr.
41 et suiv., et celui de Kull'on, dans tout son
ouvra;^e. Quchpies-iuis des faits cilés par le
premier jirouveiai id tpie la mer augioento
plutôt qu'illc ne dim nue ; ma's dans le
fond ils ne prouvent rii n, et la plupart sont
faux.
Pour nous couvnincre que la mer a réelle-
ment dian.^^é lie lit par un mouvi ment pro-
gressif et iiise; sible, il faudrait montiei' par
des faits certains que l'Oc'an s'éloigne 0( n-
stammeut des cotes occidentales de l'Angle-
terre, de la France, de l'Espagne, d' l'Afri-
que, (les Indes et de l'Amérique ; qu'au con-
traire il mine et envahit peu à peu 1 s côtes
orientales de la Tartarie, de la Chine, des
Indes, de lAfriijue, de l'Amérique : il fau-
drait prouver que les elfets de ce déplace-
ment sont encoc plus visibles sous l'équa-
tcnr que vers les pôles. Une cause univer-
selle, qui agit uiuformément sur toutl ■ glo-
l>e, doit produire le nième ellet dans toutes
ses parties. Vo là ce qu'on ne fait | as. On
nous cite des altérissemenls qui se font à
]'end)ou(hure des grands tlcuves, du Nil, du
IV), du lUiÔHc, si:r la Méditerranée plutôt
que sur l'Oeéan, sur des cô es exjjosées aux
quatre points cardinaux du monde, sous l'é-
quatcur couimc ailli urs. Où sont donc les
conquêtes de l'Océan dans ces divers para-
ges ? Les ports de Cadix et de Brest, situés à
l'occident, n'ont pas diminué de profondeur
de|>uis deux mille ans. Si quelques ports
moins jirofonds ont été comblés, c'a été par
les saliles que charrient les rivièics, et non
par la retraite de l'Océan. Au lieu de se re-
tirer des côtes de France, il les mine le long
de la Manche, et pousse !■ s sables vers l'.Vn-
gleterre, et sans cesse il menace d'engloutir
la Hollande. Cela ne s'accorde jias avec la
théorie de nos advirsaires.
M. de Luc observe que, si la mer avait
changé de lit, il aurait fallu que l'axe de la
terre changeât : or, toutes Tes observations
astronomiques prouvent qu'il est dans la
même (losilion depuis plus de vingt siècles.
Tome II, Lettre 33, p. 162 et suiv. Ce savant
§h\sicien admet, a la vérité, un mouvement
e la mtr d'orient en occident, causé par le
mouvement de la lune, et par celui de la
chaleur du soleil ; mais il soutienl que re
mouvement ne se fait sentir que dans la ideine
mer, et (ju'il est insensible en a|)prochnnt des
côtes. 11 doit donc prodvure beaucoup moins
d'elfet sur les continents que celui des marées.
Or, dans les marées même les plus hautes,
la mer :;e fait que déposer sur les côtes basses
une légère quantité de vase ou de gravier ;
elle ne pioduil aucun efl'et sur les rochers
e>car[>és qui bordent ses rivages. Si donc les
marées sont incapables de changer le lit de la
;/((7-, à plus forte raison son pré'lendu mou-
venuMit d'orient en occident est-il nul pour
produire u" |)areil elTet.
11 est d'ailleurs très-permis de douter de ce
mouvement ; plusieurs raisons semblent en
en démontriT l'impossibilité. 1" L'atmosphère
qui environne la terre a son mouvement
comme elle d'occident en orient, et suit la
mèmi> direction ; cela est démontré par la
chute peipendiculaire d'un corps grave qui
•tomberait de l'atmosphère. Or,de(leuxiluiues
dont le globe est environné, savoir, l'eau
et l'air, il est impossi le que le fluide infé
rieur soit emporté par un mouvement con-
traire à celui des deux couches entre lesquel-
les il e-t renfermé. Jamais on n'assignera une
cause générale capable d'imprimer à la mer
un mouvemen' contraire à celui de la terre
el à celui de l'atmosphère. Si la différence
de densité et de |!esanteur entre la terre et
l'eau suffisait pour donner k la mer un mou-
vement ojiposé à celui de la terre, elle suffi-
rait, à plus forte raison, pour impriiner la
même direction au mouvement de l'atmo-
sphère, qui est jilus légère et moins dense que
l'eau. — 2" Lorsque l'on donne un mouve-
ment violent de rotation à un globe solide
légèrement plongé dans l'eau, les parties de
l'eau qu'il entraîne sont cmjiDrtées dans la
même direction que le gh^be, et non dans un
sens opposé. En vertu de la force centiifuge,
les gouttes d'eau s'échap|>ent par la tangenle,
mais toujours dans la direction que leur im-
prime le mouvement du globe, et non autre-
ment. Donc, si l'eau qui couvre la terre
n'était pas comiirimée et retenue par l'atmos
phère, elle s'échapperait par la tangenle,
mais d'occident en orient, selun la direciion
du mouvement de la terre, et non dans le
sens opposé. — 3° Si l'on met une liqueur
quelconque dans un globe de verre creux, et
que l'on donne à celui-ci un mouvement
cii'culaire violent, en vertu île la force cen-
trifuge, la liqueur suit encore le mouvement
du globe. Or le mouvement de la lerre et de
l'almosphèie est d'une vitesse inconcevable;
dans ce mouvement, l'eau ne s'écarte point du
centre de giavité, parce que le mouvement .'-e
faitsurle centre; mais elle s'en écarterait, si
elleavait un mouvement opposé : donc le pré-
tendu mouvement dela»»f»- d'orient en occi-
dent est contraire à la force centrijiète aussi
bien qu'àla force centrifuge, donc il répugne à
toutes les lois générales du mouvement. —k°
D'autres philosophes conjecturent que la mer
a un mouvement violent du sud au nord, parce
que tous les grands caps s';.vaiu-ent vers le
sud, et que la plujiart des erands ^Aolfes sont
tournés vers le Rofd. Voila doiic le mouve
7n
MER
MER
712
uieiit de la mer donent en occident, croisé
par un iiiouveraent du sud au nord. Cela nous
parait iirouver que cet élénienl se meut vers
tous les points de la ciiciinférence du globe ;
c'est l'ellet naturel du tlux et du rellux ; mais
nous avons vu que ce mouvemeut n'a jamais
tendu à déplacer hi mer.
Si le mouvement des eaux du sud au nord
était réel, le golfe Persique, loin de s'éloi-
gner de la mer Caspienne, aurait continué de
s'en appiocher ; la )««• Uouge ferait des ef-
forts continuels pour se joindre à la Médi-
terranée, et, au contraire, elle en est au-
jourd'hui à une plus grande distance qu'au-
trefois. Voyez Descript. de l'Arabie , par
Niébuhr, p. 3V8 et 353. La profondeur de la
mer Baltique, au lieu de diminuer, devrait
augmenter. Nos.pbilosophesont une sagacité
singulière pour forger des conjectures tou-
jours contredites par les phénomènes.
L'histoire sainte nous donne lieu de croire
qu'imuiédiatement après le déluge le golfe
Persique et la mer Caspienne, la mer Rouge
et la Méditerranée, éiaient séparés comme
ils le sont aujourd'hui ; leur prétendue
jonction dans des temjis j>lus reculés choque
toute vraisemblance. Les montagnes placées
entre les deux premières n'ont jamais pu être
naturellement couvertes par les eaux de la
mer. S'il avait été possible de percer l'isthme
de Suez, pour joindre les deux secondes, cet
ouvrage, tenté plusieurs fois, aurait été exé-
cuté ; mais par la retraite des eaux du goife
de Suez vers le sud, il est devenu plus difli-
cile qu'il ne l'était dans les siècles passés. Le
seul fait qui puisse prouver que la mer a
couvert autrefois notie hémisphère, ce sont
les corjis marins qui se trouvent dans le sein
de la terre et quelquefois à sa surface, soit
dans les vallons, soit dans les montagnes.
Mais M. de Luc prouve , par la position, par
la variété, par les mélanges de ces coipsavec
des productions terrestres, que leur dépôt ne
s'est pas fait par un changement lunt et
progressif du lit de la mer, mais une révolu-
tion subite et violente, telle que lEcrUure
sainte la peint dans l'histoire du déluge uni-
versel.'!'. V, Lettre 120, p. 103; Lettre 13(3,
p. 389, etc. Voy. Déluge, Monde.
Meii d'airain, grande cuve que Salomon
fit faire dans le temple de Jérusalem ,
pour servir aux prêtres à se puritier
avant et après les sacritices. Ce vase était
de forme ronde ; il avait cinq coudées de
j)iofondeur, dix de diamètre d'un bord à
l'autre, et ! rente de circonférence. Le bord
était orné d'un cordon embelli de pommes,
de boulettes et de têtes de bœufs en demi-
relief. 11 était por é sur un pied semblable
à une grosse colonne creuse, appujée su»
douze bœuls disposés en quatre groupes ,
trois à trois, et qui laissaient qualre passages
pour tirer leau par des robinets attachés au
pied du vase. JJJ lieg. c. vu, v. 2.J; U Pa-
rai., c. IV, V. 2.
Mer Morte, ou Lac Asphaltite. Nous
lisons dans l'histoire sainte que, ]jour punir
les crimes des habitants de Sodome et des
villes voisines, Dieu y fit pleuvoir du soufro
enflammé, que la terre vomit du bitume, et
augmenta l'incendie, qu'elle s'alfaissa, que les
eaux du Jourdain y formèrent un lac dont
les eaux, impiégnées de soufre, de bitume et
d'un sel amer, etoulfent les plantes sur ses
bords ( Gen. xix j. C'est aux géographes de
décrire ce lac tel cpi'il est aujoura'hui. [ Voy.
le Dictionnaire de la Bible do Dom Calmet,
édition Migne. ]
Les anciens qui en ont parlé, Diodore de
Sicile, Sirabon, Tacite, Pline, Sblm, rappor-
tent la tradition qui a toujours subsisté,
que ce lac fut autrefois formé par un em-
lirasement qui détruisit plusieurs villes.
L'asphalte cpii y surnage, le bitume et le
soufre qui se trouvent sur ses bords , la
couleur de cendre et la stérilité du sol qui
l'environne, l'amertume et la pesanteur de
ses eaux, les vapeurs qui s'en élèvent, dé-
))0sent encore du fait aux yeux des natura-
listes. Le récit des voyageurs modernes
s'accorde avec celui des anciens ; la narra-
tion de Moïse est donc d'une vérité incon-
testable. Quelques incrédules cependant l'ont
attaquée. La mer AJorte, disent-ils, a toujours
existé, les eaux du Jourdain qui s'y déchar-
gent, et qui n ont point d'autre issue , ont
dû y former un lac dans tous l'es temps.
Celui qui existe aujourd'hui n'est donc point
un etïet de l'embrasement de Sodome. Mais
les eaux du Rhin dans la Hollande, celles
du Cliiysorrhoas près de Damas, celles de
l'Kuphiate dans la Mésopotamie, etc., dis-
paraissent sans former aucun lac. Celles du
Jourdain pouvaient donc se dissiper de
même, se perdre dans les sables, entrer dans
les conduits souterrains, et tomber dans la
Méditerranée, ou se disperser dans les cou-
pures faites pour arroser les terres. 1 Ecri-
ture nous indique cette dernière façon, en
disant c^u'avant la ruine de Sodome et de
Gomorrhe, toute la plaine qui bordait le
Jourdain était arrosée par des canaux, comme
un jardin délicieux ( Gen. xiii, 10 ).
Sui)posons d'ailleurs que le lac Asphaltite,
auquel on donne aujourd'hui vingt-quaire
lieues de longueur, n en ait eu que douze ou
quinze lorsque Sodome subsistait, et n ait
occupé que la partie septentrionale du ter-
rain qu'il remplit actuellement ; n'était-ce
pas assez de cm i ou six lieues en carré,
pour placer la belle et fertile vallée que l'on
nommait la Vallée des bois, et pour y bâtir
cinq ou six villes ou gros bourgs? Tout ce
terrain, atfaissé par l'embrasement , a | res-
que uoublé l'étendue de la mer Morte, du
nord au midi. Alors il est exactement vrai ,
selon le texte de Moïse, que ce qui était au-
trefois la Vallée des bois est aujourd'hui la
mer salée {Gen. xiv, 3j. Cette supposition ,
contre laquelle on ne [leut rien objecter de
solide, lève toute diiticulté ; elle est d'autant
plus probable, que Sodome et les autres
villes détruites étaient précisément situées
dans la partie méridionale du terrain que
couvre aujourd'hui la mer Morte ; Uisl. de
l'Acad. des Inscript., tom. XVI, iii-12, p. 232;
Disserl. sur la ruine de Sodome, Bible d'Avi-
gnon, tom. 1, p. 21)3.
713
lUER
MER
714
Le savant Michai-lis, dans los Mémoireu de
la société de G oltinriite, di^ l'an 1760, n donne»
une dissertation sur l'origine et la nature de
la mer Morte, dans laquelle il prouve, l"(iue
l'étendue de ce lac est encore incertaine,
parce qu'elle n'a pas encore été mesurée par
des opérations (ie géométrie, mais seuliincnt
estimée au coup d'œil ; 2" que la salure en
est extrême, ce qui est cause que tous les
Corps vivants y surnagent ; 3' que c'est un
sel usuel, duquel les liabilants de la Pales-
tine se sont toujours servis, et non un sol
mêlé de hitume, comme quelques modernes
l'ont prétendu; 4° qu'il n'y a aucun poisson
ni aucun coquillage dans cette mer : 5" qu'elle
n'a point d'issue, mais que ses eaux se dis-
sipent par l'évaporation ; 6" que le naphte et
le bitume abondent sur ses bords; 7" ([ue la
Penlapole était véritablement |)laeée dans le
lieu à présent occupé par la mer Morte;
8" ({u'avant la ruine de Sodome, il y avait
déjà Une couche de bitume détrempée d'eau,
sous une couche de terre végétale sur la-
quelle plusieurs vdles étaient bâties; (]ue la
couche de bitume ayant élé embrasée , la
couche sup(''rieure a di'i s'atl'aisser et former
un lac ; 9" (|u'avant l'embrasement, l'eau du
Jourdain était divisée en une inliuité de ca-
naux (}ui arrosaient les terres ; que c'est ce
qui leur donnait une fécondité iniToyable ;
10' que rend)rasement fut produit jiar le feu
du ciel. Il suftit de lire cet ouvrage pour
sentir la dilférence qu'il y a entre les ré-
flexions d'un homme sensé et instruit,
et les fèves d'un ignorant incrédule.
Mi'.u Uocr.E. Rien Ti'est plus célèlire dans
les livres saints que le passage des Hébreux
au travers des eaux de la mer Rouge, lors-
qu'ils sortirent de l'Egypte; mais aucun mi-
racle n'a ét(' plus contesté. Il s'agit cepen-
daid de savoir connncnt et par quelle route
les Hébreux, au nombre de deux millinns
d'hommes, avec leurs meubles et leurs
trou|ieaux, ont pu sortir de l'Egypte, et ga-
gner le désert dans lequel ils ont vécu iien-
dant 40 ans. Pour faire ce trajet, ils avaient
h droite une chaîne de montagnes, h gauche,
du coté du nord, les Philistins et les Ama-
lécites, derrière eux les Egyptiens qui les
poursuivaient, devant euX la mer Rouge.
Connnent se sont-ils tirés de K\?
L'histoire sainte dit que Dieu commanda
à .Moise d'i'lever sa baguette sur les eaux et
(le les diviser ; qu'il lit souffler un vent
chaud pendant la nuit pour dessécher le
fou 1 de la mer: qu'il plaça entre le camp des
Hébreux et celui des Egyptiens une nuée
obscure du côté de ceux-ci, et lumineuse du
côté des Israélites. A cette lueur, ces derniers
passèrent au milieu des eaux, qui s'élevaient
connue un mur h leur droite et à leur gau-
che. Au point du j<iur. Pharaon qui les
poursuivait, s'engagea dans ce passage avec
son armée; .Moïse, étendant la main, lit re-
tourner les Ilots dans l ur lit ordinaire; les
Egyptiens y furent submergés, sans ipi'il en
éclia|)pàt un seul Jisod., cap. xiv). Dans le
cantique chanté par 1. s Israidites en action
de grAccs, ils s'écrient : « Le souille de votre
DiCTIONN. DE THÉOI,. noGMATIQUE. IH.
colère, Seignetn", a rassemblé et fait monter
les eaux; les Îlots ont perdu leur iluiditr',
les abîmes il'eau se sont amoncelés au mi •
lieu de la mer, » c. xv, v. 8. David, l's. lxxvi
etLxxvii; ls(ne,c. i.xni, v. 12; IInOacuc,c.
m, v. 8 ; l'auteur du Livre de la Sagesse, c.
XIX, V. 7, s'expriment de môme sur (h> grand
événement. Les incrédules n'ont rien né-
gligé pour en faii-e disparaître le surnaturel.
Ils commencent par siqiposer que les Israé-
lites passèrent à rextri'inité du bras de la
mer Rouge qui aboutit à Suez, et qui, selon
l'estimation des voyageurs, pouvait avoir
[lour lors une demi-lieue de large. Dans
cet endroit, disent-ils , le flux et le retlux
sont très-sensibles ; dans le temps du reflux,
les eaux laissent à sec au moins une demi-
lieue de terrain à l'extrémité ilu golfe ;
Moïse, qui connaissait les lieux, sut protitor
habilement du moment du reflux pour faire
]iasser les Hébreux ; Pharaon , s'élant im-
prudemment engagé dans le même passage
quelques heures ajirès, et au moment (bi
flux, perdit la tète avec tout son monde et
fut submergé. Ils citent l'historien Josè|ihe,
qui compare ce passage des Israélites à celui
des soldats d'Alexandre dans la mer de Pam-
philie, et qui n'ose afiiriiier (pi'il y eût du
surnaturel. Ils 'ajoutent qu'un miracle, tel
(jue les livres de Moïse 'e rapportent, aurait
dû devenir célèbre chez toutes les nations
voisines ; qu'aucune cependant ne paraît en
avoir eu connaissance, puisqu'aucune n'en
a parlé. Toland décide que ce fut un strata-
gème de Moïse.
Mais en supposant môme que les Israéli-
tes ont passé la mer dans le lieu indiqué
par nos adversaires, il est évident que cela
n'a pu se faire de la manière dont ils le pré-
teiuîent. — 1" Il est absurde d'imaginer que
les Egyptiens ne connaissiient pas aussi
bien que Moïse le Ihix et le reflux du golfe
de Suez ; que dans toute l'armée de Pharaon
il n'y avait personne d'assez instruit de ce
phi'iiomèiie journalier pour en avertir les
autres. Il n'est pas nuvns ridicule de penser
que parmi deux millions d'Israélites, dont
la plupart avalent demeuré dans la terre de
Gessen, peu éloignée de Suez, aucun n'a-
vait connaissance du llux et du lellux de la
7ner ; (\ue Moïsea pul'asciner lesyeux de toute
celte multitude, au point de lui persuader
qu'en traversant le golfe, elle avait à droite
et à gauche les flots élevés comme un mur.
Quelques moments auparavant, tout ce peu-
ple s'était révolté contre Moise, en voyant
arriver l'armée des E;gy|)tiens : « N'y avait-il
donc pas de tombeaux en Egyjite jiour nous
enterrer, «lisaient-ils, au lieu de venir nous
faire périr dans un désert ( Exod. xiv ,
11)?» Et l'on veut que bientôt apiès Moise
leur ait fait croire tout ce qu'il lui a plu
d'imaginer. — 2" Lorsque le flux arrive, il
ne vient point brusquement, il avance pen-
dant six heures, et se relire dans un espace
de temps égal. Onand ceux des Elgyptiens
qui étaient h la droite de leur armée et du
cote' du midi, auraient pu être surp.ris par
les flots, ceuxqui occuiiaient la gauche ducôté
23
71S
MER
MÈn
716
du nord, (levaient nécessairement échappernii
naufrage. Les hor.is du golfe de ce côté-là
ne sont point escarpés ; les chevaux des
Egyi tiens étaient-ils assez lents à la course
pour ne pouvoir pas fuir plus prompte-
nientque les eaux n'arrivaient? 11 n'est pas
[iossible que la této ait tourné as^ez fort
aux Egyptiens poiu' ne plus distinguer
le côté par lequel il fallait se sauver. — 3" 11
n'est pas vrai que le rellux, même dans les
plus basses marées, laisse une demi-lieue
de terrain à sec au fond du golfe de Suez ;
selon le rapjiort des voyageurs, il en décou-
vre tout au plus une lar-^eur de trois cents
pas. Mettons-en le double, si l'on veut; tout
cet espace ne demeure découvert que pen-
dant un quart d'heure, après lequel le rellux
commence, et les eaux reviennent insensi-
blement pendant six heures. 11 est donc im-
[lossible qu'une multitude de deux millions
d'hommes, avec leurs troupeaux et leur ba-
gage, ait pu passer dans un espace aussi
étroit et en si peu do temjjs. Niébuhr, voya-
geur instruit, qui y a passé eu 1762, atteste
l'impossibilité de ce passage. « Aucune ca-
ravane, dit-il, n'y passe |)our aller du Caire
au mont Sinai, ce qui abrégerait cependant
beaucoup le chemin; l'on tourne à cinq ou
six milles ]ilus au nord , et du temps de
Moise le circuit devait être encore plus long,
puisque le golfe s'a»ançait davantage de ce
côté-là, et devait être plus profond. En re-
tournant du mont Sinai à Suez, j'ai traversé
ce golfe sur mon chameau pendant la jlus
basse marée, près des ruines de Colsum,uii
peu au nord de Suez, ut les Araliesqui mai-
chaient à mes côtés avaient de l'eau jus-
qu'aux genoux; le biuic île sable sur lequel
nous étions ne paraissait pas fort large. Si
donc une caravane voulait passera Colsum,
elle ne le pourrait qu'avec Ijien de l'incom-
inodité, et sûrement iras à ])ied sec, à ])lus
forte raison une armée. » Dcscript. de VA-
rabie, pag. 333-353. — k" Ceux qui disent
que, ;iour écarter davantage les Ilots du
fond du golfe, et découvrir un plus large es-
pace de terrain, Dieu lit souffler un vent du
nord, contredisent la narration de Moïse ; il
dit expressément que Dieu lit souffler un
vent d'orient violent, Kaditn ou Kédem, qui
divisa les eaux (Exod. xiv, 21) ; vent très-
sec, puisqu'il venait du désert d'Arabie.
D'ailleurs ce vent du nord serait arrivé iuen
à propos pour les Israélites, et aurait cessé
bien malheui'cusement pour les Egyptiens.
S'il faut admettre ici du surnaturel, nous
ne voyons pas quelle nécessité il y a de le
mettre au rabais, comme si un miracle cou-
lait à Dieu iilus qu'un autre.
Quand donc il serait vrai que les Israé-
1 tes ont passé le liras de la mer Rouge près
db Suez, nous serions encore forcés de le
regarder comme miraculeux. Mais le pro-
dige est bien plus sensible, s'ils l'ont passé
vis-à-vis de la vallée de Dédéa, environ
douze lieues plus au midi, comme le sou-
tient le père Sicard, qui a suivi très-exac-
ti'inent leur marche, telle qu'elle est mar-
quée dans l'Ecriturf %i qui l'a vérifiée par
l'inspection des lieux ; dans cet endroit, la
mer a, selon Niébuhr, au moins trois lieues
de large : le père Sicard lui en suppose cinq
ou six. Alors les Israélites n'ont pu passer
sans avoir les eaux élevées- comme un mur
à leur droite et à leur gauche, ainsi que le
disent les livres saints, par conséquent sans
im miracle incontestable.
Quoi qu'en disent nos adversaires, Josèphc
reconnaît formelli'ment le miraculeux de cet
événement, ylr)<«(/., 1. ii, c.7. La liberté (piMl
laisse aux païens d'en croire ce qu'ils vou-
dront, ne prouve donc rien ; il a vécu quinze
cents ans après l'événement, et il ne parait
pas avoir vu les lieux. 11 n'y aucune res-
semblance entre le passage des Israélites au
travers de la mer Rouge, et celid des soldats
d'Alexandre sur le bord de la mer de Pam-
philie. Ammien dit qu'ils profitèrent d'un
moment auquel le veut du nord écartait les
flots du rivage, et Strabon ajoute que ces
soldats avaient encore de l'eau jusqu'à la
ceinture. D'ailleurs le premier de ces histo-
riens observe qu'Alexandre ne fit passer
ainsi qu'une partie de son armée, et il no
dit j)as quel fut le nombre des soldats qui
tentèrent ce passage. De expcdit. Alex., lib. i.
Ces mômes critiques en imposent encore,
lorsqu'ils disent que le passage miraculeux
des Israélites et la défaite des Egy[)tiens
n'ont pas été connus i!es nations voisines, et
qu'aucun auteur profane n'en a parlé. Non-
seulement les Ammonites en étaient très-ins-
truits (Judith, V, 12j, mais Diodore de Sicile,
liv. III, ch. 3, rafiporte que, selon la tradi-
tion des Ichtyophages, qui habitaient le bord
occidental de la mer Rouge, cette mer s'était
ouverte autrefois par un rellux violent, que
tout son fond avait paru à sec ; mais qu'en-
suite il était survenu un flux imiiélueux qui
avait réuni les eaux. Justin, 1. xxxvi, dit,
d'a[)rès Trogue-Pompée, que les Egyptiens
(jui poursuivaient Moïse furent contraints
jiar les tempêtes de retourner chez eux. Ar
tapan , cité par Eusèbe, Prœpar.evang., lib.
IX, c. 72, observe que les prêtres de Aleiii-
niiis ne convenaient pas du passage miracu-
leux de Moïse, mais que ceux d'Héliopolis
a vouaient qu'il s'était miraculeusement ou-
vert un passage au travers des flots. Le
savant auleur de l'Histoire véritable des
temps fabuleux, tom. 111, [lag. 202 et suiv.,
fait voir que plusieurs traits de l'histoire
d'Egypte, tels qu'ils sont rapportés par les
auteurs prof nés, no sont ru'U autre chose
que les événements de l'histoire de Mois.;
et des Hébreux, déguisés et travestis, et
qu'en particulier l'on y reconnaît très-évc-
deinment le passage de la mer Rouge. Voij.
la Dissert, sur ce sujet, B'ible d'Avignon,
t. li, p. 46.
On [leut faire à ce sujet une observation
(jui |irouve l'exactitude et la justesse de la
narr.Uion de Moïse. En pa.-laiil de l'armée de
Piiaraon qui poursuivit les Israélites, il ne
l'ait mention que de chars et de cavalerie,
Exod., c. XIV et xv. En ellet, les historiens et
les voyageurs ont remarqué que les rois
d'Egypte u'eurenl jamais d'autres troupesque
7J7
MER
MER
718
M;; la cavalerie; aujourd'hui encore la seule
milice de l'E^'yiitc sont li-s mauielmicks, ([ui
smit tous cavaliers. Voiin(je en Sijrk et m
Jù/i/pte, ! ar Volney, tome 11, iT jiart., c. 11.
iVIKllCl. Les pères de la Merci ou de la
réiiemption des ciiilifs siuit un ordre reli-
gieux qui [irit naissance à Hai'celone en i'2-2'.),
à l'imitation de l'drdie des trinilaires, fondé
ou France par saint Jean de Matlia. Ce n'é-
tait au commencement ([ii'uno congré.^ation
de genlilshounnes,(|ui,((Xcit(''spar le zèle et la
cliarilédo saint Pierre Nolasfjue, p;entillioni-
uji' français, consacrèrent une partie de lein-s
biens h la rédemiilion des chn^tiens l'éduits
à l'esclavage chez les intidèles. On sait avec
(pu'lle iiduimanilé ces malheureux étaient
tivuté's |)ar les Mani'(\s mahométans, qui do-
minaient alo: s en Kspaij;ne ; leur sort élait
cnc(jre plus cruel sm- les côtes de Barbarie.
Le nombre des chevaliers ou confrères
<lévoués cl cette bonne (Buvre augmenta
bientôt ; on les appela les confrères de la
ronf/rc(/ation de Notre-Dame de, miséricorde.
Aux trois v(eux ordinaires de religion, ils
joignirent celui d'em]iloy(T leurs biens, leur
liberté et leur vie au rac'hat des captifs. Rien,
sans doule, n'est plus li(''roïquo ni plus su-
blime que ce vœu ; il fait également iion-
iienr h la religion et à l'humanité. Les succès
rapides de cet ordre naissant engagèrent
Grégoire IX h l'approuver, et il le mit sous
la règle de saint Augustin, l'an 1235. Clé-
ment V ordoima, en 1308, que cet ordre
fût légi [lar un religieux prôtre. Ce change
ment causa la séparation des clercs et des
laiqucs ; les clicvaliers furent incorporés h
d'autres ordres militaires , et la congréga-
tion de la Merci ne fut plus comiiosée que
d'ecclésiasti([ucs ; c'est sous cette dernière
forme ([u'elb' subsiste encore.
Outre les p.ovinces dans lesquelles cet
ordre est divisé tant en Kspagne (]u'en Amé-
ri<iue, il y en a une dans les [larties mé-
riiii(uiales de la France. Le père Jean-Bap-
tiste (ionzalès du Saint-Sacrement, mort en
1G18, y introduisit une réforme qui fut
approuvée par Clément VU! ; ceux qui la
suivent vont [lieds nus, pratiquent exac-
tement la retraite, le recueilleuit'nt, la pau-
vreté, l'abstinence, ils ont deux provinces en
Espagne, une en Sicile et une en France.
Les ennemis de l'état monastique diront
sans doute : Pourquoi ne pas laisser la con-
grégation de la Merci telle qu'elle était d'a-
bord, sur le [lied d'une confrérie de laïques?
Parce qu'une simple confrérie n'aurait pas
été de longue durée. Poui' lui donner de
la stabiliti', pour élablir une correspon-
dance entre les ditférentes parties de cette
congrégation, il fallait des vœux, une règle,
un régunc monastique; l'expérience prou-
ve que tout établissement d'une autie es-
pèce ne subsiste pas longtemps. Foj/. Rédemp-
tion, Thimtaires.
MERCREDI DES CENDRES. Voy. Cen-
BUES.
IMFRK DE DIEU, qualité que l'Eglise ca-
tholique donne à la sainte Vierge Marie.
L'usage de la qualiticr ainsi est venu des
Crées, qui l'appelaient Oôcrô/af, nom que les
Latins ont rendu par Deijtara el Dei genitrix.
Le concile d'Efilièse, en V31, conlii'ma cette
dénomination; et le concile de Constanti-'
nople, eu 353, ordonna qu'à l'avenii- on'
nommerait toujours ainsi la sainte Vierge
Ci\s deux déerc^ts furent portés poui' ter-
miner une longues dispute, et pour l'toulfer
une err(!ur. Lorsque N(v';torius était patri-
arche de Conslautinoiile, un de ses prêtres
nommé Anastase s'avisa de soutenir, dins
un sermon, que l'on ne devait point aji-
peler la saute Vierge mère de Dieu, mais
mère du ('lirist ; ces paroles ayant soulevé
tous les esprits et causé du scandale, le
patriarche prit très-mal à propos le parti du
jirédicateur, appuya sa doctrine, et se lit con-
damner lui-même.
Eu elfet, pour refuser h Marie le titre de
mère de Dieu, il faut ou soutenir, connue
les gnosti([ues, (\nr le Fils de Dieu n'a pas
pris une chaii' réelle dans le sein de Marie,
et qu'il est né seuleiueut en nppareiu'c;
ou enseigner, comme les ariens, que Jésus-
Christ n'est pas Dieu, ou [)rélendre (ju'il
y a en lui deux personnes : savoir, la per-
sonne divine et la personne humaine;
qu'ainsi la divinité et l'humanité ne sont
])as unies en lui substantiellement, mais nuj-
ralement ; ciue c'est une union d'adopliuu,
de volonté, d'action, de cohabitation, et non
tnie incarnation : c'est ce que Nestorius fut
obligé de dire pour se défendre, et ce qui
fut légitimement condamné. Ainsi, le nom
de mère de Dieu est non-seulement une con-
séquence évidente du dogme de l'incarna-
tion, mais il ne fait que rendre exacte-
ment les expressions de l'Ecriture sainte.
Saint Jean dit fjue le Verbe s'est fuit chair;
or, il a pris cette chair dans le sein de Marie ;
donc, ou le Veibe n'est pas Dieu, ou
Dieu n'est pas né de Marie selon la chair.
Saint Paid nous l'apprend, lorsqu'il dit (jue
le Fils de Dieu est né, selon la chair, du
sang de David {Rom. i, 3); ([u'il est né d'une
femme (Galat. iv, h).
Les Pères des trois premiers siècles, saint
Ignace, saint Irénée, Terlullien, etc., sesont
servis de ces passages pour jirouver aux
anciens héréticpies la réalité de la chair
do Jésus-Christ ; ceux du quatrième les
ont employés pour établir sa divinité contre
les ariens. Le concile de Nicéc a décidé que
le Fils uiriijuc de Dieu, vrai Dieu de vr.ii
Dieu, consubstantiel à son Père, s'est in-
carné par l'opération du Saiiit-Es|irit, est i?é
de la vierge .Marie, et s'est fait homme. Ou il
faut renoncer à cette profrssion de foi, ou
il faut domier h .Marie le titre de mère de
Dieu. Saint Ignace, disciple immédiat des
apôlies, dit en propres termes (]uc Notre-
Seigneur Jésus-Christ est Dieu existant dais
l'honmic, né de Dieu et de 'ilarie. Epist. ad
Ephes., n. 7. Ce passage est cité et adopté
par Théodoret, qui n'était rien moins qu'en-
nemi de Nestorius. Yoij. Pétau, de Inciirn..
1. v, c. 17- 11 ne s'cnçnit point île \h iiue
Marie a engendré la Divinité, ni (jue Marie
est mère de la nature tlivine, comme le cou-
710 JÎER
rlnaicnt fes nestoricns : une nature éternelle
ne peut iMre engendrée d'une créature. Aussi
.os Pères ne disent pas sim|ilemenl que Marie
est ?nère du Verbe, mais m'rr du Verbe incar-
ne. c'est à nous d'imiter exactement leur
langage. Si l'on peut abuser du titre de
mère de Dieu, ^esterius abusait bien plus
malicieusement du nom de mère du Christ,
puisqu'il s'en servait pour saper le mystère
de l'incarnation.
Mais ce titre auguste a déplu aux iiro-
testants, parce qu'il autorise trop évidem-
ment les autres qualités que l'Eglise catho-
lique attribue à la sainte Vierge, et le culte
singulier qu'elle lui rend; mais on sait aussi
que, par leur prévention, ils n'ont que trop
f ivorisé les ennemis de la divinité de Jésus-
Christ. Vainement ils disent que les Pères
grecs ont nommé Marie ©eotozo?, et non
uïjT»/) Toû 0£o* ; il s'ensuit seulement qu'ils
ijut mieux aimé employer un seul mot que
trois jiour exprimer la même chose. Par
la même raison ils ont dit X/sio-toto/»,-, et non,
ij.^Tïip ToO XptuToû; et il ne s'ensuit rien.
Il n'est })as vrai que saint Léon soit le
premier des Pères latins qui ait noumié
jMarie mère de Dieu. Cassien et Vincent de
Lérins, CominonrI., c. 12 et 15, ont soutenu
cotte qualité contre Nestorius. Les plus an-
ciens, tels que Tertiillion, saint Cypriun,
saint Hilaire, saint Jérôme, saint Ambroise,
saint Augustin, etc., (lisent que Dieu est
né d'une vierge, est né d'une femme; qu'une
vierge a conçu Dieu, l'a porté duis son
sein, l'a enfanté, etc. Voy. Pétau, ib., 1. v,
c. li, n. 9 et suivants. Chez les Pères grecs,
le nrom ©eotoxo? se trouve déjà dans la con-
férence d'Archélaiis, évoque de Charcar eu
Mésopotamie, avec l'hérésiarque Manès, l'an
277, p'us de cent cinquante ans avant la
naissance du nestorianisme. Alexandre, pa-
triarche d'Alexandrie, s'en est servi dans
sa lettre synodique à celui de Constanti-
nople, écrite avant l'an a25. Théodoret, lli.st.
ecclés., 1. 1, c. h, p. 20. C'était une courte
profession de foi de la divinité de Jésus-
Christ. Origène, saint Denis d'Alexandrie,
saint Athanase, saint Basile, saint Proelus,
Eujèbe et d'autres (pie cite saint Cyrille,
l'ont employé avant le concile d'Ejàièse. Jean
d'Antioche," dans sa lettre à Nestorius, lui
représenta que ce terme avait été employé
par plusieurs Pères, et (ju'aucun ne l'avait
jamais rejeté. Julien reprochait aux chré-
tiens cette expression, dans son ouvrage
contre le christianisme. Pétau, ibid., c. 13,
n. 9 et suiv. Voy. Nestokiamsme.
MERITE, en ' théologie, signifie la bonté
morale et surnaturelle de nos actions, et
le droit qu'elh'S nous donnent à une récom-
pense de la part de Dieu.
U est clair d'abord que nous ne jjouvons
avoir aucun droit à l'égard de Dieu qu'au-
tant qu'il a bien voulu nous l'accorder
]iar une promesse ciu'il nous a faite ;
mais comme il est de \a justice de Dieu
d'accomplir exactement ses jiromesses, on
peut, sans abuser du terme, nonuner droit
l'espérance bien fondée dans laiiuelle nous
MER
720
sommes d'obtenir ce que Dieu nous a promis
si nous remplissons les conditions qu'il n(/us
a prescrites. Droit et justice sont évidemment
corrélatifs : la promesse que Dieu fait à
l'homme est une espèce de contrat qu'il
daigne former avec lui.
Les théologiens distinguent le me'rite de
condignité, meritum de rondigno, et le mérite
de congruité ou de convenance, meritum
deconr/ruo; Us disent ordinairement que le
]iremier a lieu, lorsqu'il y a une juste pro-
portion entre la valeur de l'action et la ré-
compense qui y est attachée; que quand
celte i^roportion ne se trouve pas, l'action
no iieut avoir qu'un me'rite de congruité.
Mais comme saint Paul nous avertit que
les souffrances de ce monde, par consé-
quent les bonnes œuvres, n'ont aucune pro-
portion ou condignité avec la gloire éter-
nelle qui nous est réservée, Rom., c. viii,
V. 18, il parait plus simple de dire que
le mérite de condignité est fondé sur une
promesse formelle de Dieu, au lieu que
le mérite de congruité n'est appuyé que sur
la contiance à la bonté divine. Dans le
premier cas, la récompense est un acte
deju.stice; dans le secoiid, c'est une pure
grâce et un trait de miséricorde : aussi les
théologiens conviennent qu'il n'y a ici qu'un
mérite improprement dit. Par ce moyen,
le passage de saint Paul ne forme |)lus
une dillîculté ; il est exactement vrai que
nos bonnes œuvres et nos souffrances n'ont
par elles-mêmes et jiar leur valeur intrin-
sèque aucune condignité, aucune jiropor-
tion avec le bonheur éternel, mais seule-
ment en veitu de la iiromesse de Dieu et
dos mérites do Jésus-Chiist. U y a dans
l'Eciiture sainte des preuves et dos exemples
de ces deux es|ièces de mérite. La récom-
pense des justes et la jiunition des pé-
cheurs y sont également ap[)i'léos un salaire.
Saint Paul dit qu'à celui qui travaille la
récompense n'est pas accordée comme une
grâce, mais comme une dette {Rom. iv, 4).
« J'ai achevé ma course, dit-il ailleurs ; j'ai
gardé ma foi ou ma fidélité ; la couronne
de justice m'est réservée ; le Seigneur, juste
juge, me la. rendra un jour {II Tim. iv, 7). »
Si la récompense est un acte de justice,
l'homme l'a donc méritée : il est digue de
la recevoir. En otfet, Jésus-Christ parle de
ceux qui seront jugés (lignes du siècle futur
et de la résurrection des morts (Luc. xx, 35).
Il dit de ceux qui ne sont pas souillés :
Ils marcheront arec moi en habits blancs,
parce qu'ils en sont dignes {Apoc. ni, 4- ).
Voilà un mérite de condignité. Mais, encore
une fois, ce mérite ou cette dignité vien-
nent plulôt de la promesse de Dieu et de
sa grâce, que de la valeur essentielle des ac-
tions de l'homme.
Les livres saints nous en montrent d'une
autre espèc'. Daniel, c.xxiv, v. 4,dit àNabu-
ciiodonosor : « Rachetez vos péchés par vos
aumi'mes ; » il lui fait envisager le pardon
de ses péchés comme la ré('ornpense do
SOS bonnes œuvres. Ce roi reconnaît qu'il
a été f'appé de Dieu et hinuilié en punitioa
721
MER
MER
m
(le son urgueil, et qu'il a été rc'l;il)li sur
son trône, parce qu'il a béni et iiuié Dieu.
lliid.,\. 31. Ce n'était certainement [las là
une récompense due par justice. Nous li-
sons (jue Dieu lit prospérer les sages-
femmes d'Egypte parce ([u'ciles av;dent craint
Dieu (Exod. i, 20). Dans le livre de liutli, c.
I, V. 8, Noéini jii'ie Dii'U de rendre à ses
■ leux belles-tilles le bien qu'elle en avait
reçu. Selon saint Jacques, la courtisane
•îahab fut justiliée {>ar ses œuvres (Jac. ii,
'■l'ô). Un ange dit au centurion Corneille :
" Vos prières et vos aumônes sont mon-
tées vers Dieu, et il s'en souvient. » Con-
séquemment saint Pierre est envoyé à cet
homme pour lui faire connaître Jésus-Christ
[Act. i,k). Les actions de tous ces personna-
ges ne pouvaient avoir aucune proportion
avec les bienfaits de Dieu, et Dieu ne leur
avait I ien [)romis ; mais il était de sa bonté
de ne pas les laisser sans récompense :
elles avaient donc unme'rite do convenance
LU de congruité. C'est ainsi que Dit u le re-
présente lui-niénie {Isaie, i, IG); il i)roinet
aux Juifs que s'ils se purilient d(^ leurs ini-
quités, s'ils (cessent d'y retomber, s'ils ob-
servent la justice et la charit(', il pardon-
nera, uubliei'a et etfacera tons leurs péchés
passés. A ces conditions il consent que les
Juifs viennent exiger l'effet do cette [no-
luesse, et, pour ainsi dire, le premli'c lui-
même à paitie : Venile, et arguite me, dicit
Dominus. Dieu regarde donc ses pr.iuiesses
connue un titre et un droit ])Our ses créatu-
res, et leur exécution connne un acte de
jusiice de sa part. Voilà tout ce que l'on en-
tend sous le nom d.' mérite.
Pour le mérite de coiidignité, les théolo-
giens exigent plusieurs conditions; il laut,
1° (pie l'honnne soit juste ou en état de grâce
sanctiliante; 2" (ju'il soit roi/ai/cur, c'est-à-
dire encore vivant sur la terre : ainsi le )iifV(<c
n'a plus lieu après la mort ; 3" que sou
action soit libre, exempte de toute néces-
sité, même sim|ile et relative; 'i-° qu'elle
soit moralement bonne et vertueuse ; 5"
(ju'elle soit rap|iortée à Dieu et à une lin
surnatur( lie , et faite avec le secours de
la grAce actuelle ; 6" qu'il y ait de la part de
Dieu une promesse formelle de récompenser
celte action. La 2', la 3% la '*' et la 5" de
ces conditions sont suffisantes pour le mé-
rite de coHfjruo.
De là ils concluent que l'homme ne peut
mériter en aucune manière la )ireinière
grAce actuelle ; autrement elle serait la ré-
compense d'actions faites sans son secours,
d'actions purement naturelles : cela est im-
possible, et l'Eglise l'a ainsi décidé contre
les pélagiens et les semi-pélagiens. Il ne
peut pas mériter non plus de condiçino la
première grâce habituelle ou sanctiliante,
puisque celle-ci est absolument nécessaire
pour le mérite de condignilé ; il peut ce-
pendant la mériter de coiujruo, aussi bien
que le don do la foi, par le moyen des
bonnes œuvres faites avec le secours de
la grûce actuelle. L'Eglise a condamné ceux
'.jui ont enseigné que la foi est la première
grAce. Saint Augustin, dans son livre du Don
de la perséoérance, a encore prouvé, coiiti o
les senii-|iél-igiens, que l'homme ne peut
mériter ce don de condigno , parce ipie
Dieu ne l'a yias f r un s aux justes; mais,
selon ce saint docteur, l'hoinme peut l'ob-
tenir par de ferventes prières et par une
humble conliance en la bonté de Di 'U, par
conséquent le mériter de congruo. Selon
le cours ordinaire de la providence, il n'est
[las à c.aindre que Dieu abandonne à la
dernière heure une Ame qui l'a fidèlement
servi pendant toute sa vie.
Nous avons prouvé, par l'Ecriture sainte,
ciuo riioinmc juste peut mériter de con-
digno c\. par justice la vie éternelle, parco
qu'il |)eut remplir à cet égard toutes les
conditions qu'exige le mérite de condignité ;
l)ar la même raison il peut mériter de même
l'augmentation de la grAce sanctifiante et un
dv-croissement de gloire dans le ciel. C'est
encore le sentiment de saint Augustin; et
telle est, sous ce rapport, la doctrme du
concile de Trente, sess. 6, de Juslif. 11 n'est
aucum^ question sur laiiuelle les proles-
tants aieni calomnié plu-s grossièrement l'E-
glise ea[holi(jue; ils lui ont reproché d'en-
seigner que l'homme peut mériter la ré-
mission de ses péchés et la justification par
ses ouvres, par ses propres forces, et in-
dépeudaminont des inéritea de Jésus-Christ;
de contredire saint Paul , en admettant ,
sous le nom de condignité, une proportion
entre nos œuvres et la récompense que Dieu
nous promet ; de supposer que les bonnes
œuvres des justes n'ont pas besoin d'une
acceptation g,itita;te de Dieu pour mériter
le lion'ueur éternel, qu'elles opèrent par
elles-mêmes la rémission des péchés, ex
opère opcrato. Us ont cité Isaie, c. lxiv, v.
6, qui dit que toutes nos justices soni sem-
blables à un linge souill(^ ; et Jésus-Chiist,
qui nous avertit que quand nous avons
lait tout ce qu'il commande, nous ne som-
mes encore que des sei viteurs inutiles [Luc.
xvii, 10). Quelques-uns ont soutenu (juc,
dans toutes ses œuvres, le juste pèche au
moins véniellement, puisqu'il n'accomplit
jamais la loi aussi parfaitement qu'il le do t ;
d'autres ont poussé l'entêtement jusqu'à dire
que, dans toutes ses actions, il pèche mor-
tellement.
Quiconque prendra la peine de lire le
concile de Trente, y verra une doctrine dia-
métralement opposée à celle que les pro-
testants nous imputent. Il déclare que per-
sonne n'est justilié que ceux auxquels h;
mérite de la passion de Jésus-Christ est
communiqué, sess. (i, de Justif., c. 3; que
))ersonne ne |ieut se disposer à la justi-
fication ([u'autant qu'il est jirévenu et se-
couru ))ar la grAce de Dieu, c. 5 et G. U
enseigne que l'Iiomme est justitii' par la foi,
l'espérance et la charité, et qu'il reçoit ces
dons par Ji-sus-Clirist, c. 7; qu'ainsi il est
ju-tilié gratuitement, puis(pie rien de ce
qui précède la justification, soit la foi, soit
les œuvres, ne jteut mériter la justifica-
tion, qui est une pure grAce, c. 8. etc. Le con-
725
MER
MES
724
cJlr" appuie toutes ces v(''i'U6s sur des passnges
exprès derEeriture sainte. Conséqueiuniont il
dit aualhème h quic' iiique soutient queriinni-
me peut ôtre justifié par les œuvres qui vien-
nent de ses propres forces, ou de la doc-
trine qu'il a reçue, sans ia grAce divine
qui nous est donnée par Jésus-Christ. Cnn.
1. Il condamne ceux qui disent que la
grAce divine est donnée par Jésus-Llirist,
seulement alln que l'homme puisse plus
facilement mener une vie sainte et niéii-
ter la vie éternelle, comme s'il le iiouvait
faire absolument, quoique plus difficilement,
|iar son libre arbitre et sans la gnlce. Cmi.
2. Ces dfiux points de la foi avaient déjà
été décidés contre les pélagiens. Enfin, le
concile censure ceux qui prétendent ({ue
riiomme justifié peut persévérer toute sa
vie dans la justice sans un secours spécial
de Dieu, Can. -22. Nous demandons en ([uoi
cette doctrine peut déroger aux mérUva ,
aux satisfactions, à la médiation de Jésus-
Christ. Ce concile ne parle ni de mérite
lie condignité, ni de justification ex opère
operato; aucun théologien même ne s'est
servi de cette dernière expression, en par-
lant des bonnes œuvres. Pour rendre la
première odieuse, les protestants y atta-
chent un faux sens ; ils entendent par là
un me'rite rigoureux, fondé sur la vale :r
intrinsèque des actions : nous convenons
qu'un tel mérite ne convient qu'à Jésus-
Christ seul ; puisqu'il était Dieu, toutes ses
actions étaient d'un prix, d'une valeur, d'un
7nérite infinis. 11 a donc mérité, en rigueur
de justice , non-seulement la gloire dont
jouit son humanité sainte, mais le salut do
tous les hommes, et toutes les grâces dont
ils ont besoin; au lieu que les bonnes
œuvres des justes ne tirent leur valeur que
de ces grâces mêmes, et n'ont qu'un mérite
emprunté de ce divin Sauveur.
Si c'est le terme de mérite qui cho(|ue les
protestants, lorsqu'il est appliqué aux hom-
mes, on les prie de faire attention qu'il est
dit dans l'Ecriture sainte [Eecli. xv, 15) que
tout acte de miséricorde mettra chacun à sa
jilace, selon le mérite de ses œuvres. Saint
Paul fait allusion à ce passage {Rom. u, 6),
lorsqu'il dit que Dieu rendra à chacun se-
lon ses œuvres. Les protestants ne nient
point que le péché ne mérite chAliinent : or
le châtiment du péché et la récompense de
la vertu sont également appelés jiar saint
Paul un salaire, merces ; donc le mot de mérite
convient également a l'un et à l'autre. Que
prouve le passage d'isaïe cité par les proies •
tants?Que les actes mêmes de religion et de
piété du commun des Juifs étaient infectés
par des motils criminels ; ce prophète le leur
reproche, c. i, v. 58, etc. Il n'en est pas de
même des bonnes œuvres des justes inspi-
rées par la grâce.
Quoique nous sovons des serviteurs très-
inutiles à Dieu, il a cependant daigné noiis
promettre une récompense, non parce qu'il
a besoin de nos services, mais parce qu'il
BOUS a créés pour nous faire du bien, et
parce que Jésus-Christ a mérité celle ré-
compense pour nous. De même, quoique
nous soyons incapaliles d'accomplir parfaite-
ment la loi, et d'aimer Dieu autant qu'il mé-
rite d'être aimé, cependant sa grâce nous
rend capables de le faire autant qu'il le faut
pour être éternellement récompensés : Dieu,
qui est la justice et la bonté même, n'exige
pas de nous un degré de perfection supérieur
aux forces qu'il nous donne par. sa grâce.
Ne sont-ce pas les protestants eux-mêmes
qui se couvrent du ridicule dont ils ont
voulu charger les catholiques? Le principe
fondaii'cntal de leur doctrine sur la justili-
cation, est ipie la justice personnelle de Jé-
sus-Christ nous est imputée par la foi, c'est-
à-dire par la ferme persuasion dans laquelle
nous sommes que nos péchés nous sont
pardonnes par ses mérit .s, tellement qu'il
sufllt d'avoir cette persuasion ferme pour
être justifié en etl'et. Or, nous demandons
pourquoi cet acte de foi est d'une plus
grande valeur, a plus d'efticacité et de pro-
porlion avec la rémission des péchés, que
les autres actions de l'homme que nous
nommons des bonnes œuvres. Nous deman-
dons, si cette foi opère la rémission des pé-
chés ex opère operato , pourquoi dans cet
acte l'homme ne pèche ni mortellement ni
véniellement, i)endant qu'il pèche, selon les
protestants, dans toutes ses autres actions.
S'ils disent que Dieu l'a voulu ainsi et l'a
promis, cela nous suffit; il est bien iilus sûr
qu'il a promis de récompenser toutes les
bonnes œuvres, qu'il ne l'est qu'il a promis
d'agréer la foi des prolestants : il n'est pas
question de cette prétendue foi dans l'Ecri-
ture sainte, et dans le fond ce n'est qu'une
vision. Est-ce parce que Dieu inspire cet
acte de foi '? Mais il insiiire aussi toutes les
bonnes œuvres ; selon saint Paul, c'est lui
qui opère en nous le vouloir et l'action {Phi-
lipp. II, 13]. Est-ce parce que cet acte de foi
est très-difficile et humilie profondément
l'homme ? Nous n'en voyons ni la difficulté,
ni l'humilité. Il est beaucoup plus aisé de
se mettre cette chimère dans l'esfirit, que de
faire une aumône, de pratiquer une morti-
fication, de pardonner une injure, de con-
fesser ses péchés, etc. Il y a certainement
une humilité plus sincère à reconnaître la
nécessité d'accouiplir toute la loi, à confes-
ser que nous ne pouvons rien sans une
grâce de Jésus-Christ qui nous prévient,
nous excite au bien, et le fait avec nous.
Voilà ce que les protestants n'oni jamais
enseigné bien clairement. Ils n'ont fait, con-
tre les bonnes œuvres, aucune objection qui
ne puisse être rétorquée contre leur préten-
due foi justifiante. Yoy. Justification, hi-
PUTATION, OEUVUES, CtC.
MESSE (1), prières et cérémonies qui se
font dans l'Eglise catholique, pour la con-
sécration de l'euchaiistie. On a aussi nom-
mé ces prières, la liturgie, ou le service,
parce que c'est la partie la plus auguste du
(I) Yoy.h. Dict. de Tliool mor. pour les questions
qui ii'auraieiU pas été suriisaiiimcnllrailcis par lîer-
gicr.
725
MES
j/naxe et collecte, cV'st-^-(li^o
MES
72C
ssembUc, office solennel, sacrifice, ohliitloiis,
ivins mijslires, etc.; mais dcpiii.s H', iv'' sii''-*
I., 1,. .,..'... ,i„ ,„,.„ n Al/. 1,1 .,i,,o ,,<.;(/. .i.,m.
service! ilivin
as:
rfù,..- , ..„., -. , .. -^ ..
clo le nom de messe a élé le plus usité dans
l'E-iise latine (1).
Queli|ues anteiu'S onl vnulu lirer C(! nom
de i'Iiéliii'ii iiiissdh, otlVande vulonlaiie ; il
est |)lus |ii(>iiaiilo qu'il vient du ialiu iiiissio,
renvoi, parce ([u'après les prières et les in-
structions qui [irécèdeiit l'olilaliiui des tions
sacrés, ou renvoyait les calécliumèncs et les
pénileuls : les li.lèle>< seuls, que l'on suppo-
sait dip;ries de participer au saint sacrilice,
avaient droit d'éti'e tc'uujins (h; la célébra-
tion. C'est l'ét.vmologie que saint Au;j;usliu,
saint Avit de Vienne et saïUt Isidore d(! Sé-
viile ont doiuiée de ce terme. Par analogie,
l'on a souvent donné le nom de messe h tous
les oflices du jour et de la nuit.
IJin^çhaiii, entêté de ses pi'éjugés ant:ïli-
caiis, a voulu prouver, [lar cette observation,
que la messe n'a jamais été le nom spéciale-
ment attaché h la consécration de l'eue;! laris-
tic, et n'a jamais si^nilié un sacrilice exi)ia-
toiro pour les vivants et pour les morts,
comme on l'entend aujourd'hui (Oriq. cé-
dés., 1. XIII, c. 1, § i). Mais il fournit lui-
niOnu' de (|uoi le réfuter. Il convient que le
mot de messe vient du lalin missio, renvoi :
(1) Canons de docirine sur le sacrifice de la messo.
Si (iiielqii'iin (lit qu'à la messe on n'olTro pas à
Die» un vérilablLU'l propre sacrifice, ou (pi'ctre uffoit
n'est aiilro chose que Jésus-Clirisl nous èUc donné à
manger, ipi'il soit anallièine. C. de Trenlo, c. 1. — Si
(pielqu'un (lit ipio par les paroles : i'aiesceci en tné-
mo'ue demoi, Jésus-Christ n'a pas elal)li les aiiolros
prOh'cs, ou n'a pas ordonné qu'eux ou les auU'cs prê-
tres otlVissent son corps cl sou saug, (pi'il soit aiia-
théuie. ('<. i. — Si quelqu'un dit que le sacrifice de
la messe est seuleuuMit un sacrilice de louange et
d'action de ijràreson une simple mémointdu sacrifice
qui a été accompli à la croix, et qu'il n'est pas pro-
pitiatoire, ou qu'il n'est profitalile qu'à celui ([ui le
reçoit, et (|u'il ne doit pas etreolfert pour les vivants
et pour les nH)rls, pour les péchés, les peines, les
salislaelions, et pour toutes les autres nécessités,
«pi'il soit auatlicme. C. 5. — Si quelqu'un dit ((ue,
par le sacrilice de la messe, on coiinuet un blasphè-
me contre le très-saint sacrifice de Jésus-ChrisI,
COiisonnui' en la croix, ou qu'on y démge, (pi'il soit
anathèine. C. l. — Si quel(|u'un dit ((uc c'est une im-
posture de céléhrer des messes eu riionncur des
Sjaints et pour ohleiur leur entremise auprès de Dieu,
•;omiue c est l'intention de l'Eglise, tpi'il soit ana-
Uierue. C 5. — Si ipiehpi'un dit que le canon di; la
messe eoiitieiil des erreurs, et que pour cela il en
tint supprimer l'usage, qu'il soit aiiathème. C. (J. —
Si i|uel(|u'un dit (pie les cérénR)uies, les oriu^menls
et les bignes extérieurs dont use l'IIglise dans la célé-
bration de la messe, sont phitiU des choses qui por-
tent à l'iuipiéléqne des devoirs de pic'té, de (h^volion,
qu'il soit anathènic. C. 7. — Si ipielipiuii dit qu(> les
messes auxipielles le seul prcire eonuunnie sacra-
niciUelleuient sont illicites, cl que pour cela il en
l'anl faire cesser l'usage, (pril soit anatliénie. C. 8.
— Si (pudqn'un dit ipie l'usage de l'I'^glise romaine,
de pronom er à basse voix une partie du canon i^t
les parolt's tie la consécration, doit être condaumé;
ou ipie la nu>sse ne doit être célébrée qu'en langue
vulgaire, ou qu'on ue doit pas mêler d'eau avec le
T:n (pd doit être ofl'ert dans le calice, parce que c'est
contre l'institution île Jésus-Clirist, ou'il soit ana-
tkcme. C. 0.
or, dans quelh^ partie de l'offico ronvoynit-
011 quehpies-uns des assislants ? 11 l'a re-
connu ; c'est immédiatement avant l'oblaliou
et la couséciation de reuchari>tie : voilà
pouripioi ce qui [irécédait était appelé la
iwc.s.sc des calécliumènes ; pareil (lu'alors on
les renvoyait : le reste idait appeli'' la messe
des lidèles. Donc, dans l'origine, 'a messe ou
le renvoi n'a eu lieu qu'à l'i'gard de la con-
Si'cratiou de l'eucharistie ; donc c'est relati-
vement à celte consécraliou ipie le nom de
messe a été introduit : consi'ipiemment il n'a
été donné que par analo^de et abusivement
aux aulros parties de l'oflice divin. Or, il
est prouvé, par les plus anciennes liturgies,
que dès l'ori^çine cette consécration a été
]irécédée et accompagnée de l'oblation, et a
été regardée comme un vrai sacrilice. Fo//.
El ciiAitisTiE , § 5. Ainsi, selon la croyance
de l'Eglise catholique, la messe est le sacri-
lice de la loi nouvelle, par lequel l'Eglise of-
fre à Dieu, par les mains des prèlres, le
corps et le sang de Jésus-Christ, sons les
espèces du pain et du vin. Cette doctrine,
comme on le voit évidemment, supjiose la
|)rési'nce réelle de Jésus-Christ dans l'eu-
cliaristie, et la transsubstaiittalion , ou le
changement de la substance du imin et du
vin en celle du corps et du sang de Ji-sus-
Christ. .\u mol EuciiAnisriE, nous avons di'-
montréla liaison intime de ces trois dogmes.
Les sacramontaires n'admeltent aucun des
trois, et les luthériens nient la transsuhstan-
lialion ; conséquemment tous ont condamné
et retranché la messe. Ils ont enseigné tjue
ce prétendu sacrilice faisait injure el déro-
geait à la dignité et au md-ite de celui que
Jésus-Christ a offert sur la croix ; qu'il n'est
ni pro|iitiatoire, ni imp(''traIoire ; qu'il no
doit être olfert ni pour la rémission des pé-
chés, ni pour les vivants, ni pour les morts,
ni à l'honneur des S'ànts ; qu'il n'y a [loiiit
d'autre manière d'offrir Jésus-Cluist k son
Père, que de le recevoir dans l'iùicharistie, et
([lie celle action ne peut [irofiterqu'à celui qui
communie; que uans la loi no velle le seul
sacrilice agi éable à Dieu, ce sont les prières,
les louanges, les actions de gr;\ces. Ils en ont
conclu que le canon de la messe est rempli
d'erreurs, que toutes 1 s cérémonies dont
l'Eglise se sert dans cette action son( su-
perstitieuses et impies, que l'usage de célé-
brer dans une langue que le peu]ile n'en-
tend pas, et de réciter le canon à voix basse,
sont des alnis, etc. Le concile do Trente a
coiiilamné tous ces articles de la doctrine
des protestants par aulant de décrets direc-
tement contraires : il les a fondés sur les
jiassagcs de l'Ecriture, dont les litHérodoxes
ont perverti le sens, et sur la pratique con-
stante de toutes les Eglises chrétiennes, de-
])uis les apôtres jusqu'à nous. Scss. 22. Les
prétendus réformateurs n'en vinrent pas
tout à coup h cet excès de fureur coutre la
messe. Luthei ne condamna d'abord que les
messes privées ; il retrancha cnsLiitc l'obla-
tion et la prière pour les morls; enfin il
supprima l'élévation et l'adoration de l'eu-
charistie. Il en fut de môme eu Auslelerro :
•727
MES
MES
72«
la liturgie n'y a été mise dans l'état où elle
est aujourd'luii, qu'a|irès plusieurs chaiii^e-
ments consécutifs. On peut voir dans le P.
Lebrun, Explic. des cérémonies de la Messe,
tom. VII, p. 1 et suivantes (l),les différentes
liturgies des sectes protestantes, et les com-
parer avec celles des autres communions
chrétiennes. Si les fondateurs de la réforme
avaient mieux connu les anciennes liturgies,
il est à présum'ir qu'ils n'auraient pas vomi
tant d'invectives contre la tnesse romaine.
On a eu lieau représenter à leurs disciples
que l'Eglise, en offrant à Dieu le corps et le
sang de Jésus-Christ, présent sur l'autel, ne
prétend pas otfrir un sacrifice dilTéreiit de
celui de la croix ; q le c'est Jésus-Christ lui-
même qui s'oll're fiar les mains des prêtres ;
qu'il est donc le prêtre ou le pontife princi-
pal et la victime, comme il l'a été sur la
croix. Puisque ce divin Sauveur, selon l'ex-
pression de saint Paul, esi prêtre pour l'é-
ternité, et toujours vivuit afin d'intercéder
pour nous [Hebr. vu, 2i et 25), pourquoi
n'exercerait-il pas encore son sacerdoce sur
la terre, lorsqu'il y est présent, de môme
qu'il l'exerce dans le ciel ? Les protestants
ne veulent pas entendre ce langage, qui, de-
puis f's apôtrris, est celui de toute l'Eglise.
Pour justdier leur prévention contre la
messe, (jlusieurs ont avancé que, selon l'o-
pinion des catholiques, Jésus-Christ, sur la
croix, a satisfait à la justice divine iiour le
péc lé originel seulement, et qu'il a institué
ia messe p .ur effacer les péchés actuels que
les hommes conmiettent tous les jours ; que
la messe justifie les hommes ex opère ope-
rato, et mérite la rémission de la coulpe et
de la peine aux pécheurs qui n'y mettent
point d'obstacle, il est évident que ce sont
.à deux fausses imputations. Jamais aucun
catholique n'a douté que Jésus-Christ mou-
rant n'eût satisfait pour tous les péchés sans
exception ; l'Ecriture l'enseigne ainsi , et
nous le ré|iéton3 dans la messe, en di-
sant : « Agneau de Dieu, qui effacez les pé-
chés du monde, ayez pitié de nous. » Mais
nous croyons que, par le sacrifice de la
messe, les mérites de la mort de Jésus-Christ
nous sont appliqués, de même que les pro-
testants croient qu'ils se les appliquent par
la foi. Lorsque l'Eglise enseigne que la
messe est un sacrifice propitiatoire, elle en-
tend qLie Jésus-Christ présent sur l'autel,
en état de victime, demande grâce pour les
pécheurs, comme il l'a fait sur la croix ;
qu'il apaise la justice de son Père, et dé-
tourne les cliiUiiuents que no3 péchés ont
mérités. Au mot ELcnAuisTiE, § 5, nous
avons prouvé par l'Ecriture sainte et par la
tradition, que c'est un vrai sacrifice, duquel
Jésus -Christ est le prèlie princijjal. C'est
donc lui-môme qui s'offre à sou Père par les
niains des prêtres de la loi nouvelle. Le mo-
tif de cette offrande est le même qu' I avait
en s'offrant sur la croix ; donc il s'otl're afin
d'obtenir miséricorde pour tous les hoiumcs,
pour effacer les péchés des vivants et des
morts. Mais ce dogme tient encore à un au-
(1) Voir ci-dessus, col. jl2, note.
tre quQ les protestants ne veulent pas aa-
mettre : savoir, qu'après la rémission de la
'coul|iedu péché et de la peine éternelle, le pé-
cheur est encore obligé de satisfaire à la j ustice
divine par des peines temporelles ou en ce mon-
de ou enl'autre. Foy. Rémission, Satisfaction.
C'est sur ce même fondement que l'E-
glise s'appuie, lorsqu'elle offre le sacrifice,
de la messe pour les morts, et qu'elle en fait
mention dans toutes les messes. Comme elle
croit (jue les fidèles qui sortent de ce monde
sans avoir suffisamment ex[)ié leurs péchés,
sont obligés de souffrir une peine tempo-
relle en l'autre, elle demande à Dieu pour
eux, et par Jésus-Christ, la rémi.ssion de
cette peine. Voy. Mokts, Puugatoire. Par
la même raison, la messe est un sacrifice eu-
charistique, un sacrifice d'actions de grâce.
Pouvons-nous mieux témoigner à Dieu no-
tre reconnaissance, qu'en lui ollVant le pins
précieux de-i dons qu'il nous a faits, son Fds
unique qu'il a daigné nous accorder, et qui
s'est livré lui-même jiour victime de notre
rédemption ? Nous lui disons alors comme
Salomon : « Nous vous rendons. Seigneur,
ce que vous nous avez donné (/ Parai.
XXIX, H). » Nous avons donc tout lieu
d'espérer que Dieu, touché de cette obla-
tion, nous accordera de nouvelles grâces ;
conséquemment nous regardons la messe
comme un sacrifice impétratoire qui rem-
place éminemment les anciennes hosties
pacifiques. Et de toutes ces vérités nous
concluons que le sacrifice de la messe sup-
plée avec un avantage infini à tous ceux qui
ont été offerts à Dieu dans tous les siècles.
On ne peut pas nier du moins que cette
doctrine ne soit la plus propre à exciter la
pi'té, la reconnaissance et l'amour envers
Jésus-Christ, la confiance en Dieu, etc. En
supprimant la messe, il semble que les pro-
testants avaient conjuré d'étoutler dans les
cœurs tout sentiment de religion. Ils repro
chent aux catholiques les inesses dites 5
l'honneur des saints, comme si elles déro-
geaient à l'honneur suprême qui est dû h
Dieu et à Jésus-Christ. Cette plainte n'est
fondée que sur une équivoque. Quelle est
l'intention de l'Eglise dans ces messes ? De
remercier Dieu des grâces dont il a comblé
les samts, surtout du bonheur éternel dont
il les a mis en possession, et d'obtenir leur
intercession auprès de lui. Concil. Trident..
sess. 22, can. 5. En quel sens des messes ei
des prières , dont le seul objet est de re
connaître Dieu comme la source de tous 1 ;
biens, comme l'arbitre souverain du bonheui
éternel, comme la bonté même qui daigiu;
se. laisser fléchir par les prières de ses ser-
viteurs, peuvent-elles faire injure k Dieu?
Jamais l'Eglise n'a offert le sacrifice qu'à
lui seul; c'est donc à lui seul qu'elle ra|:-
porte la gloire de tout ce qu'elle demande et
de tout ce qu'elle obtient, et elle ne demande
rien sans ajouter : Par Jésus-Clirisl N.-S.
Mosheim dit , Hist. ecclésiast., sœc. iv ,
II' pari., c. 4, § 8. que l'usage qui s'in-
troduisit au k' siècle de donner la cène sur
le tombeau des martyrs et aux obsèques des
720
MES
MES
750
morts, fit naître dans la suite les messes des
saints et les messes des morts ; et il recule
l'origine des messes des saints au viii° siècle.
Ibkl., stvc. VIII, II' part., c. 't, § 2. Il faut con-
venir qu'un intervalle de ijuatre cents ans
est un peu long, et que voilà une cause
Lien éloignée de son ell'et ; mais .Moslieiin
ne s'est pas souvenu qu'au ii' siècle les fi-
dèles de Smyrne se profiosaient déjà de te-
nir leurs assemblées au lomheau de saint
Volycavpe, Episi. Eccles. Smyru., n. 18; et
qu'au premier r.\pocalypse, c. vi, v. 9, nous
représente les martyrs placés sous l'autel.
Voy. Maktyhs, § G. D.nis toutes les liturgies,
il est l'ait mémoire des saints, et l'Eglise y
demande à Dieu leur intercession auprès de
lui. Voilà des monuments bien antérieurs
au viu* siècle. Où ce savant luthérien a-t-il
vu cjue l'on donnait la cène? Il a lu dans les
Pèr.'S que l'on otlrait le sacriliee de notre
salut, la victime de notre r('dcniption, le sa-
crifiée de Je'sus-Chrisl , etc., mais il n'est
question là ni de cène ni de souper. Il est
bien absiu-de de prêter aux chrétiens du iv
siècle un l.ingage forgé dans le xvi', pour
déligurer Li doctrine île l'eucharistie. Un re-
proche pins grave, ce sont les messes privées,
les messes dans lesquelles le prêtre comuui-
nie seul, et célèbre sans assistants et sans
solennité. Bingham soutient que c'est une
invention moderne imaginée par les moines,
une superstition dangereuse et absuidc ; il
allègue les canons de plusieurs conciles,
qui défendent au prêtre de célébrer lorsqu'il
n'y a personne jiour lui répondre. Orig. ec-
clés., 1. XV, c. 4, § '*. Cependant l'on a fait
voir aux protestants que du tom|)s de saint
Ambroise, de saint Augustin, de Théodore!,
par conséquent au iv* siècle, les messes pri-
vées étaient déjà en usage, et que ces Pères
ne les ont point bl.hnées. Lebrun, t. I,
Lj. 6. Conune la consécration de l'eucharis-
tie ne s'est jamais faite autrement qu'à la
messe, il n'était [las toujours possible do cé-
lébrer une messe solennelle pour donner
l'eucharistie aux malades, aux confesseurs
emprisonnés, aux solitaires retirés dans les dé-
serts, etc. Pendant les persécutions, l'on a été
souvent obligé de célébrer la nuit dans des
lieux retirés, dans les catacombes, dans les
nrisons, et, au défaut d'autel, de consacrer
l'eucharistie sur la poitrine des martyrs.
C'est donc une erreur de croire que, dans
les premiers siècles, la messe n'a été diti> que
par des évêques, au milieu d'une assemblée
de prêtres et d'assistants disposés à com-
munier. Les conciles (jui ont défendu aux
prêtres de célébrer lorsqu'il n'y a personne
jiour répondre , sont encore observés au-
jourd'hui ; un prêtre ne célèbre jamais sans
avoir quel |u'un pour lui répondre. Vaine-
ment Bingham insiste sur ce que le célé-
brant parle toujours au pluriel , et dit :
Prions, rendons (jrdces, nous vous offrons.
Seigneur, etc. 11 s'ensuit seulement que le
prêtre parle au nom de l'Eglise, et non en
son propre nom. Faut-il qu'un prêtre s'abs-
tienne de réciter l'oiviison dominicale en
son particulier, parce qu'il dit à Dieu : No-
tre Père, donnez-nous notre pain quotidien,
délivrez-nous du mal ?
Quehpies faux zélés ont dit qu'il serait
peut-être bon de sup|irimer les messes fré-
quentes, parce que si elles étaient plus ra-
res, toujours célébrées avec la même pom-
pe ([ue dans lis premiers siècles, le peuple
en serait plus fra|)pé et y assisterait avec
plus de resjjecl ; que les [irêtres eux-mûmes
célébreraient avec plus de dévotion. Mais le
concile de Trente , a()'ès avoir examiné la
question, n'a condamné ni les messes privées
ni les messes fréquentes. En voici les rai-
sons : 1" dans les villes épiscopales, le peu-
]ile, à la vérité , assiste volontiers à la messe
célébrée par l'évêque les jours de fêtes so-
lennelles, et il est alfecté de cel appareil de
religion ; mais cette dévotion momentanée
ne fait pas sur lui beaucoup d'eU'.'t ; 2" dans
les églises de la cain|)agne, cette poiu[)e n'est
pas possible ; si le peu|ile n'était pas obligé
d'assist -r à la messe les jours de dimanches
et de fêtes, il les f)assei'ait souvent sans au-
cune prati(pie de piété. Dans les monastères
assujettis à la clôture , la messe entendue
tous les jours contribue beaucoup à y main-
tenir la |>iété ; 3" dans les villes et tlans les
caiu()agnes, une inlinité de saintes âmes dé-
sirent d'assister tous les jours à la messe, n'y
manquent jamais, et Je font toujours avec le
même respect : l'on doit avoir |)lus d'égard
pour elles que pour les chrétiens indévots.
4° A moins qu'un prêtre n'ait perdu tout
sentiment de religion, il est impossible qu'il
ne soit pas contenu dans ses devoirs par
l'habitude de célébrer souvent. 5° Les abus
viennent encore plus souvent de l'indévo-
tion, de la mollesse, de la vanité des laïques,
que de la faute des prêtres. 11 en est donc
des messes fiéqueiites comme de la commu-
nion fréquente. Tout considéré, il en résulte
un véritable bien ; et en changeant la disci-
jiline établie, il en résulterait d'autres abus
plus grands ([ue ceux qu'on voudrait réfor-
mer. Il serait à souhaiter, sans doute, com-
me l'observe le concile de Trente, que tous
les fidèles qui assistent au saint sacriliee de
la messe eussent toujours la conscience as-
sez |mre pour y communier ; mais parce
que la piété et la ferveur des chrétiens sont
refroidies, il ne s'ensuit pas que les prêtres
doivent s'abstenir de célébrer. La messe est
non-seulement la prière de l'Eglise, mais le
sacriliee offert au nom de tout le corps des
fidèles ; il est inst tué non-seulement pour
la communion, mais pour rendre à Dieu le
culte suprême, pour le remercier de ses bien-
faits, pour en obtenir de nouveaux, surtout
la rémission des péchés ; et lorsijue les fi-
dèles négligent d'y assister et d'y [irendre
part, il n'est [las moins nécessaire de l'of-
frir pour eux. Les protestants , sans doutr,
ne soutiendront pas que la mort de Jésus-
Christ sur la croix ne fut pas un véritable
sacrifice, parce qu'alors la victime ne fut pas
mangée par les assistants.
Ce qui égare nos adversaires, c'est qu'ils
commencent par se faire une fausse idée de
l'eucharistie ; ils ne la regardent ni comme un
731
MES
WE&
"m
sacrifice, m comme une prière, mnis seule-
ment comme un souper, comme un repas com-
mun; et parce que saint Paul l'a nommée une
fois la ccnedii Seigneur, i\s s'obstinent à ne pas
l'appeler autrement, et ils en concluent que,
quand il n'y a point d'assemblée ni de repas
commun, la cérémonie est nulle et al)usive.
Par la même raison ils devraient conclure que
c'est encore un abus, lorsqu'elle n'est pas
précédée par une agape ou par un repas de
charité, comme du tem])s de saint Paul (/
Cor. XI, 21). Mais les clirf'tiens du n% du ni°
et du iv' siècle, ((ui l'ont nommée eucharis-
tie, oblation , sacrifice, liturgie, avaient-ils
donc perdu déjà la véritable idée qu'en
avaient donnée les apôtres ? Il n'est pas éton-
nant qu'avec ce préjugé les protestants aient
cru voir un grand nombre d'erreurs dans le
canon de la messe, et l'aient rejeté comme
une formule superstitieuse, parce qu'ils y
ont trouvé la condamnation de toutes leurs
opinions touchant l'eucharistie.
Cependant Biiigham, bon anglican , mais
moins opiniAtre que les luthériens et les cal-
vinistes, a trouvé bon de rapporter le canon
de la messe ou de la liturgie grecque, tel
qu'il se trouve dans lesConstitiUions apostoli-
ques, liv. vni, c. 12, et que l'on croit avoir été
écrit sur la fin du iv° siècle. Or, il y a vu les
noms d'offrande et de sacrifice, les paroles de
la consécration, l'invocation par laquelle le
célébrant demande que le Saint Esprit rende
présents le corps et le sang do Jésus-Christ,
l'obhition qui en est faite h Dieu pour l'Eglise
entière, pour les saints de tous les siècles, la
prière pour les morts , la profession de foi
du fidèle prêt h communier, qui est un acte
d'adoration adressé h Jésus- Christ. Orig.
ecclés., liv. xv, c. 3, § 1. Le canon do la
messe romaine ne renferme rien do plus. De
quel droit les anglicans et les autres protes-
tants ont-ils retranché de leur liturgie tou-
tes ces preuves de l'ancienne croyance ? Ils
ont déclamé contre l'usage de réciter le ca-
non à voix basse, et de manière que les as-
sistants ne peuvent l'entendre. Mais, dans
une dissertation sur ce sujet, le Père Le-
brun a fait voir que cet usage n'est |)as par-
tii'ulier à l'Eglise romaino, qu'il a lieu chez
les sectes orii'nfales séparées d'elle depuis
douze cents ans, et que c'est l'ancienne nra-
ti([ue de l'Eglise universelle ; il a répondu à
toutes les plaintes que l'on a faites à cet
égard. Explication sur les cérémonies de la
messe, t. \'III, [lag. 1. Voij. Secrète. 11 en
est de môme do l'usage de célébrer dans une
langue qui n'est [las entendue du peuple. Le
Père Lebrun a pi'ouvé dans une autre dis-
sertation, t. VII, p. 201, que l'Eglise n'a ja-
mais prétendu qu'il fallût célébrer la liturgie
dans une langue inconnue au peuple; mais
(pi'elle a soutenu en même temps qu'il n'est
pas nécessaire de célébrer en langue vulgai-
re; que de même qu'elle n'a donné l'exclu-
sion à aucine langue, elle n'a pas voulu s'as-
sujeltii'iion plus à toutes les variations du
langage. Ainsi, dès les temps aoostoli([ties,
on a céléliré on grec, en 'atin, en syriaque
et en cnpiite; au iv siècle, ou l'a fait aussi
en éthiO[)ien et en arménien , et les li-
turgies furent écrites au V dans toutes ces
langues. Au ix" et au x", la liturgie fut écrite
et célébrée en esçlavon, en illyrien et eu
russe, parce que toutes les langues dont nous
venons de parler étaient fort étendues ; mais
à mesure qu'elles ont changé et ont cessé
d'être vulgaires, l'Eglise n'a point permis de
retoucher la liturgie ; elle est demeurée telle
qu'elle était. Ainsi les anciennes Eglises sé-
parées de l'Eglise romaine sont précisément
dans le même cas qu'elle ; les Orientaux
n'entendent pas plus la langue de leur litur-
gie, que les peuples de l'Europe n'enten-
dent le latin. Voy. Langue vclgaire.
Les auteurs liturgiques distinguent dans
la messe dilférentes parties, 1» la préparation
ou les prières qui se font avant l'oblation,
et c'est ce que l'on nommait autrefois la
m.esse des catéchumènes; 2" l'nblation ou
l'offrande qui s'étend depuis l'offertoire jus-
qu'au Sanctus ; 3° le canon ou la règle de la
consécration ; 4° la fraction de l'hostie et la
communion ; 5° l'action de grâce ou post-
communion. Nous parlons de chacune de
ces parties sous son nom propre, et l'on en
trouve l'explication dans le Père Lebrun ;
mais nous sommes obligés de dire doux
mots touchant la fraction de l'hostie.
11 est dit dans les évangélistes que Jésus-
Christ, instituant l'eucharistie, prii du pain,
le bénit, le rompit et le distribua à ses dis-
ciples en leur disant .• Prenez et mangez ,
ceci est mon corps, etc. Conséquemment tians
toutes les liturgies il est prescrit de rompre
le pain eucharistique pour imiter l'action de
Jésus-Christ, jionr représenter son corps bri-
sé en quelque manière, et froissé par sa
passion et [)ar le supplice delà croix. De là,
chez les Pères de l'Eglise, rompre le pain eu-
charistique signilie le consacrer et le distri-
buer aux fidèles. Sur ces paroles de saint
Paul {1 Cor. \, 16) : Le pain que nous rom-
pons n'est-il pas la participation du corps
du Seigneur, saint Jean Ciirysiistome dit,
Ilomil. 2V, n. 2 : « C'est ce que nous voyons
dans l'eucharistie. Il a été dit de Jésus-Christ
sur la croix, rious ne briserez point ses os ;
mais ce (pi'il n'a pas souffert sur la croix, il
le sonll'i'c pour vous lorsqu'il est oll'crt ; il
cousent h être brisé pour se donner à tous. »
Saint Paul [Ibid., xi, 2i), rapportant l.'s pa-
roles de Jésus-Christ , dit suivant le texte
grec : Ceci est mon corps brisé pour r^ous. Le
Sauveur présentait donc son propre corps
dans un état de fr.'ction, de souIVrance, de
mort et de sacrifice. Saint Luc et saint Paul
ajoutent: Ceci, ou ce calice, est une nouvelle
alliance dans mon sang; le sang de Jésus-
Christ, renfermé dans la coupe, représentait
celui des victimes immolées pour cimenter
l'alliance conclue entre Dieu et son peujile
(Hcbr. VI, 18, etc.) Saint Grégoiie de Na-
zianze écrit à un prêtre, Epist. 240: «Priez
pour moi, lorsque par votre parole vous fai-
tes descendre le Verbe de Dieu, lorsque par
une fraction non sanglante vous divisez ie
corps et le sang du Seigneur, et quo votre
voi.x'tieiit liiju de s^iaivc. » Un savant .-u-iij'ais,
733 MES
qui a cité ces )iassagos, no s'est pas omliar-
r.issé (lo savtiir s'ils coiitieniiciil vnu>. doc-
IriiU! (lillVTciite de celle de rEij;liso anzlicii-
110, (lui n'adinot point la pn'seiicc réelle de
Jésus-t'liiist dans l'euciianstic-, mais il ro-
proclie à rE,u,lise fomaiiie de n'avoir eonsor-
vé (jin; roniiircdii rilo ancien, puiscjuè chez
nous riiostic; n'est i)lus rompue pour <Mro
distribuée aux fidèles, mais seulement pour
en mettre une parcelle dans lo calice. Biu-
^liam, Orig. erclés., liv. xv, c. 3, § .IS.
Mais les aiiglic.ins, non plus qui; les autres
liruteslants, n'imitent pas plus srrupuleuse-
iiu'nt que nous r.ictioii île Jésus-(-lnist ; sui-
v;uit les évan^çélistes, le Sauveur rompit le
pain avant de prononcer les paroles de la
consécraliiin : les Grecs ilivisent l'hostie en
fjualie parties, les niozarahes la partageaient
en neuf morceaux; dans quelques sectes
ori(!ntales, on consacre le pain déjà partii^ijé
en plusieurs i)arties. Ce rite n'a donc Jamais
été uniforme dans les diil'ércntes E^liseschré-
ticnni's , parées qu'on ne; l'a jamais regardé
connue la |iartii' essentielle ou intégi'ante de
la consécration ni de la cumnuuiion. 11 nous
ohjeitc encore que, suivant la ci'oy.inee' de
l'i'lglise romaini', ce n'est point h; corpa do
Jésus-Christ ijui est brisi' ou rom|)u, mais
S'ul ment les es()èces ou ap|),irences du pain.
Nous en convenons, et il en est de même à
l'ég.u'd de la division qui semble faite entre
le corps et le sang de Jésus-Christ , parce
(lue c(^ divin Sauveur ressuscité ne peut plus
souH'rir réellement, ni éprouver la sépara-
lion réelli! de son corps d'avec son san:^;.
Ainsi , lorsque saint Jean Chrysostonic dit
que Jésus-Christ soulfre et consent à ôtre
brisé dans l'eucharistie, il entend évidem-
ment (lue cela se fait d'une manièie sacra-
mentelle et m.ystiiiue, et non autrement.
Mais s'il enteiuiuit (pie l'eucharistie elle-uuW
lue n'est (lue la ligure du corps et du sang
de Jésus-tdu'ist, son discours d'un bout à
l'autre, ne sciait ([u'un abus continuel des
termes. Quoiqu'il soit imiios.'iible (pie Jésus-
Christ soulfre et meure à présent, il lu' l'est
pas ipril mette son corps dans un état dans
leiiuel il paraisse soutirant ou mort.
On donne a la mesiie dilférents noms, se-
lon le rite, la langue, l'intention, le degré de
solennité avec lexpiels on la célèbre. Ainsi,
l'on distingue la ini'ssr (jrcctjite et la messe la-
tine, romaine ou (/râ/orienne ; les messes um-
hrosienne, f/allicanc, gothique, moznmbiqiie,
etc. Nous en avons donné la notion au mot
LiruuGiE. On ap|)elle messe du jour, celle qui
est propre au temps oCi l'on est et à la fi'ste
que l'on célèbre, et messe votive , celle d'un
saint ou d'un mystère dont on ne fait ni l'of-
fice ni la fùte, c(mime la messe du Saint-Ks-
piit, lie la sainte Vierge, etc. Nous avons
déjà parlé de la messe des présdncii fiés et d(;s
messes pour les morts. On a|ipelle messe so-
lennelle, messe haute ou grand' messe, celle qui
se dit avec un diacre et un sous-diacre, et
qui se chante par des choristes ; messe basse
ou petite messe, cidle qui est dite par un prê-
tre seul, et sans aucun chani. On nommait
autrefois messe du scrutin celle qui se disait
MES
734
pour les catéchumènes , le mercredi et le
samedi de la quatrième semaine du carême,
lorsqu'on examinait s'ils étaient suflisa m ment
disposés à recevoir le ba]itême : («t messe du
jugement, celle qui se disait pour un accusé (pi i
voulait se justilier par les preuves établies.
Il faut avouer que, dans les siècles d'i-
gnorance, il s'est glissé de grands abus dans
la c(''li''bration de la sainte messe; Tliiers en
a parlé dans son Traité des superstitions,
t. H, liv. IV. Heureusement ils ont été re-
tranchés, et ils n'ont plus lieu depuis (pie h^
concile de Trente a ordonné aux évêques d'y
tenir la main et d'y veiller de jirès. Ainsi,
l'on a défendu la messe sèehe, ou la messe
dans laquelle il ne se faisait point de consé-
cration ; le cardinal Hona, dans son traité de
Rébus lilurgicis, liv. i, c. 15, en parle assez
au long; il l'appelle messe nautique , pai'ce
qu'on la disait dans les vaisseaux , où l'on
n'aurait pas |iu consacrer le sang de J(''sns-
Christ sans s'exposera le répandre, à cause
de l'agitation du vaisseau. Il dit, sur la foi de
Guillaume de Nangis, que saint Louis, dans
son voyage d'outre-nier, en taisait dire ainsi
dans le vaisseau qu'il montait. Il cite encore
Génébrard, ipii dit av(ur assisté à Turin, en
1587, à une pareille («esse célébrée sui' la lin
dujour, aux obsèques d'une personne nuble.
Durand, qui en fait aussi mention, dit ipie
l'on n'y disait point le canon ni les f)ricres re-
latives à la consécration. Une fausse di'volion
avait persuadé aux ignorants cjue les iirières
de la messe avaient plus de mérite et de crédit
auprès de Dieu que les autres ofiices de
l'Eglise : on ne peut excuser cette erreur que
par la simplicité de ceux qui y sont tomliés.
Pierre le Chantre, qui vivait en 1200, s'éleva
avec raison contre cet aljus, qui a été aussi
condammî par un concile de Paris de l'an
i-2\-2, par i)lusieurs savants évê(]ues des Pays-
lîas, par un synode de Bordeaux du 15 avril
100^], etc. Le concile de Trente ordonne aux
évèques de veiller, avec le plus grand soin,
<i ce que le saint sacritice de la messe soit cé-
lébré dans toutes les églises avec la sainte-
té, la piété et la décence conveiiables, et à
ce que toute profanation soit bannie de cet
auguste mystère. Deimis celte époque, plu-
sieurs conciles provinciaux, surtout en Fran
ce, ont fait les règlements les plus sages
pour déraciner et prévenir tous les abus (pie
l'ignorance, la négligence et l'avarice avaient
introduits. Mais cela n'est pas aisé : la vani-
té, la mollesse, l'indévotion, l'indépendance ,
lutteront toujours contre le zèle des pas-
teurs ; les grands du monde veulent un culte
aisé, commode, domestii|ue, qui leur coûte
peu ; et les simples ]iarticuliers veulent les
imiter. La messe, devenue un usage Journa-
lier , a cessé d'inspirer autant de respect
qu'elle en mérite; les prêtres et les assis-
tants se sont, pour ainsi dire , familiarisés
avec cet auguste mystère.
D'autre pari, les protestants ont-ils beau-
coup gagné à le supprimer? La piété est
très-rare parmi eux, parce qu'elle n'a jilus
d'alim'nl : ils sont très-oeu attachés à leur
reiijjiua, iis n'y tiennent que par intérêt po-
7.Î5
MES
MES
736
litique et par haine pour l'Eglise romaine ;
Îiourvu qu"ils en demeurent si^parés, peu
eur importe ce qu'ils doivent croire et pra-
tiquer. Voy. Protestants, Réfokmation.
MKSSIE, terme eiiiprunié de l'hébreu Mes-
siah, oint ou sacn''; les Grecs l'ont rend i par
XctTrôf, qui si nifie la môme chose, il'on nous
avons retenu le nom d" Christ. Les H(''l)reux
le donnaient aux prôlres , a-is prophètes et
aux rois : on en trouvera rétymolo-!,ie au
mol Onction. Il est dit qu Aar n et ses fils
furent oints ou sacrés pour exercer le sa-
cerdoce {Num. I, V. 3), et ses di'scèndaiils
sont ai'pelés les oints ou les messies prtMres
(// Machab. i, v. 10). Elle reçoit de Dieu
l'ordre de donner à Elisée l'onction ou le
ministère de prophète (III Reg. xix, v. 16).
Les rois sont souvent nommés les christs du
Seigneur, ou les messies de Dieu. Ce titre se
trouve môme donné à des rois idolâtres, à
celui de Syrie (III Reg. xix, v. 15); à Cyrus
Ils. XLv, V. 1); et k tout le peuple i!e Dieu
(Ps. civ, v. 13). Ne touchez pas mes imessies,
cesl-à-dirc le peuple qui m'est spécialement
consacré; et ne faites point de mal à mes
prophètes, à ceux qui sont chargés de faire
connaître mon nom à toutes les nations.
Mais le nom de Messie a été spécialement
employé ])ar les prophètes, pour désigner
l'Envoyé de Dieu jiar excellence, le Sauveur
et le Libérateur du genre humain (Dan. ix,
Ps. II, V. 2. etc.). Anne, mère de Samuel
(/ Reg. II, V. 10), conclut son cantique par
ces paroles remarquables : « Le Seigneur ju-
gera les extrémités de la terre; il donnera
l'empire à son Roi, et relèvera la force de
son Messie. » Cela ne peut être appliqué
aux rois des Hébreux, puisqu'alors ils n'en
avaient point. Aussi, dans le Nouveau Testa-
ment, le nom de Christ ou de Messie n'est
plus donné qu'au Sauveur du monde. « Vous
savez, dit saint Pierre au centurion Corneille,
de quelle manière Dieu a oint Jésus de Na-
zareth par le Saint-Esprit, et par la puis-
sance qu'il lui a donnée (Act. xv , 37).
Jésus-Christ lui-même déclare à la Samari-
taine qu'il est le Messie attendu |iar les Sa-
maritains , aussi bien que par les Juifs
(Joun. IV, 25). La grande question qui
est entre ces derniers et les chrétiens, con-
siste à savoir si le Messie est venu, si c'est Jé-
sus-(;iirist ou un autre. Pour y satisfaire, nous
avons à prouver contre les Juifs, 1" que le
.Messie est arrivé, et qu'ils ont tort de sou-
tenir le contraire; 2°(jue toutes les prophé-
ties qui le concernent ont été accomplies
dans la personne de Jésus-Christ ; 3° que
([uand il y aurait du doute sur le sens des
ji.ophéties, sa qualité de Messie serait assez
[irouvée par ses miracles et par les autres
car.ictères dont il a été revêtu; 4° que les
Juifs ne |ieuvent faire, contre ces vérités,
aucune objection solide : ainsi, c'est sans
aucun succès que les incrédules répètent
aujourd'hui les mêmes arguments contre
la mission div.ne de Jésus-Clirist.
L Le Messie est arrivé. Nous le prouvons en
rassemblant les prophéties nui, selon l'aveu
des Juifs mômes, désignent le temps de son
arrivée; mais nous ne ferons que les indi-
quer sommairement , en renvoyant aux
aiticles par iculiers sous lesquels nous en
parlons plus au long. — 1" Selon la prophé-
tie de Jacob (Gen. xi.ix, v. 8 et suiv.), ]e Mes-
sie doit venir lorsque le sceptre ne sera
plus dans la tribu de Juda, puisque le scep-
tre n'est prorais à cette tribu que jusqu'à
l'arrivée du Messie. Or, depuis dix-sept cents
ans, la postérité de Juda n'a, dans aucun
lieu du monde, aucune espèce d'autorité ;
donc le Messie n'est |ilus à venir. Les Juifs
d'aujourd'hui sont en grande partie de la
tribu de Jnda ; mais dans aucune contrée de
l'univers ils n'ont la liberté de suivre leurs
lois civiles ni religieuses, ni de se gouver-
ner eux-mêmes. Voy. Juda. — 2° Suivant la
prophétie de Daniel, c. ii, v. W, et c. vu,
v. ik et suiv., le règne du Messie doit se
former après la destruction de la troisième
monarchie dont il parle ; et qui est évidem-
ment celle des Grecs, et pendant la durée de
la quatrième qui est celle des Romains. Or.
la monarchie des Grecs est détruite depui ~
plus de dix-sept siècles, et celle des Ro-
mains ne subsiste plus. Voy. Monarchie.
Selon le même prophète, c. ix, v. 25, le
Messie a dû venir soixante et dix semaines
d'années, ou qufitrecent quatre-vingt-dix ans
après la reconstruction de la ville de Jéru-
salem : or, cette ville a été certainement
rebAtie soixante-treize ans après le premii-r
retour de la captivité de Babylone, et sous
le règne d'Artaxerxès k la longue main.
Que les Juifs arrangent comme ils voudront
le calcul des soixante-dix semaines, elles
sont certainement écoulées depuis jilus de
dix-sept cents ans. Voy. Semaine. Dans ce
môme cha|)itre, v. 27 , il est dit qu'après la
mort du Messie les offrandes et les sacrifices
cesseront ; or, les Juifs ne peuvent plus en
faire depuis la môme époque. — 3° Les
projihètes Aggée, c. ii, v. 7, et Malachie,
c. m, V. 1, ont prédit que le Messie vien-
drait dans le temple que l'on rebâtissait
pour lors; ce temple fut détruit de fond
en comble par les Romains , il n'en reste
plus aucun vestige ; et lorsque les Juifs
entreprirent de le rebâtir sous le règne
de Julien, ils en furent empêchés par les
globes de feu qui sortirent des fondements,
et rendirent le lieu inaccessible. Le Messie
était donc arrivé avant toutes ces révolu-
tions. Voy. Aggée, Malachie, Temple. —
4° Les Juifs ont toujours cru, et ils croient
encore, sur la foi des prophéties, que le
Messie doit naître du sang de David et de
Juda. Or, depuis la dispersion des Juifs ,
arrivée sous les Romains, leurs généalogies
sont tellement confondues, qu'il est impos-
sible à aucun Juif de prouver qu'il est
de la tribu de Juda plutôt que de celle de
Benjamin ou de Lévi; à pins forte raison,
qu'il est de la race de David. Celle-ci est
tellement anéantie, que l'on n'en connaît
plus aucun rejeton. La perte que les Juifs
ont faite de leurs généalogies, qu'ils ont
conservées avec tant de soin pendant quinze
cents ans, aurait dû les convaincre que le
737 MES
temps de l'arrivc^e du Messie est pjissé depuis
iLiiigtemps. Voy. Ciénéalogie. — 5' Quel(iuos
années avant la d struction de Jérusnlcni (^t
la dispersion des Juifs, il (Hait constant, non-
seulement dans la Judée, mais dans tout
l'Orient, (jnc l'arrivée du Messie était [iro-
chaine. « Le Messie vient, dit la Saniaiitaine
(Joan. IV, V. 25), et il nous ensei^inera
toutes eliosrs. >< Les Juifs doutèrent si saint
Jean-Bapti'te n'était pas le Messie [Lue. iv,
V. 15). Josèplic, Hist. de la guerre (les Juifs,
1. XVI, c. 31, fiarle d'un passa,i;e de l'Kcri-
ture qui | ortait (jue l'on verrait en ce lemps-
là un homme de leur contrée commander h
toute la terre, et il en fait rapiilication h
Vespasien ; c'est évidemment le passa^io de
Daniel, c. vu, v. li. « Il s'était répandu
dans tout l'Orient, dit Suétone dans la V^ie
de Vespasien , une opinion ancienne et
constante qu'en ce temps-là, par un arrêt du
destin, des conquérants soriis de la Judée
seraient les maîtres du monde. Plusieurs,
dit Tacite, étaient persuadés iiu'il était écrit
dans les anciens livres des jirélres, qu'm
ce lemps-là, l'Orient re|irendrait la supério-
rité, et cjue des liommes sort s de la Judée
seraient les maîtres du monde. » Donc l'on
était bien convaincu que le temps lixé par
les prophètes pour iarrivée du Messie, était
accompli. Or, l'exjiédition de Tite et de
\espasien dans la Judée s'est l'aile trente-
sept ans aj'rès la mort de Jésus-(]lirist.
Dans ce temps-lk même il parut dans la
Judée plusieurs imposteurs qui se donnèrent
pour messies, qui séduisirent ini grand nom-
bre de Juifs, et qui furent exterminés par
les Romains. Josèphe en parle, et Jésus-
Christ en avait pr;''venu ses disciples
(Matlh. XXIV, V. 2'i-). C'est donc un aveugle-
ment inexcusable de la part des Juifs d'at-
tendre encore un Messie qui a dû paraître
dix-sept siècles avant nous. — C" Il y a chez
les Juifs une ancieinie tradition rapjiortée
dans le Talmud, Tract. Sanhedr., c. 11, oui
porte que le monde doit durer six mille
ans, savoir : deux mille avant la loi, deux mille
sous la loi, et deux mille sous le Messie.
Quoiipie celte tradition soit lausse, elle
prouve contre les Juifs qui la reçoivent,
que le Messie a dû naître l'an iOOO du
monde, comme cela est arrivé. C'est donc
contre le sentiment di' leurs anciens doc-
teurs que les Juifs s'obstinent à soutenir
(jue le Messie est encore à venir. Qmnd on
les presse sur ce point, ils disent qu'à la
vérité ies pro])hètes l'avaient ainsi |>rédit,
mais que l'avénemcnt du Messie a été re-
tardé à cause de leurs péchés. Mais ce sub-
terfuge contredit une maxime reçue parmi
eux : savoir, que quand Dieu menace de pu-
nir il ne le fait |ias toujours, parce que le
r(>pentir des pécheurs arrête souvent son
bras; mais que quand d jiromet des bien-
faits, il ne manque jamais d'accomplir
SCS promesses. Prideaux , Hist. des Juifs,
1. XVII, t. Il, p. 232. Nous examinerons cette
maxime dans la suite. Selon la suii|)osilion
d-es Juifs, Dieu peut dilférer l'avènement du
Messie jusqu'à la lin du mende. Ils ont si
MES 7/38
bien senti leur tort, que leurs docteurs ont
prononcé une malédiction contre ceux (pu
suiiputeront le temps de l'arrivée du Messie.
(^lémare, Til. Sanhedr., c. 11.
11. C'est en Jesus-Cfirisl et non dans aucun
autre, que les prophéties qui concernent le
Messie ont t'té aceomplies. Outre les pr(''dic-
tions des prophèles que nous venons de ci-
ter, et par lesquelles le teni|)S auquel le
Messie, a dû venir e-t clairement nianpié, il
en est d'autres qui lui altribuent certains
caractères qui ne|)euvent convenir (pi'à lui;
SI nous pouvons faire voir qu(! ces carac-
tères (lut été rassend)lés dans Jés s-Christ,
il en résultera (jue c'est lui ([ui a été le vrai
Messie, et que les Juifs sont coupables d.^ ne
pas le reconnaître |)Our tel. En premier lieu,
un des principaux privih'ges ((ue les pro-
[•hètes ont attribué au Messie, est q\\'\\ de-
vait naître d'une vierge ; les anciens doc-
teurs juifs l'ont expressément avoué; ils
l'ont c.'nclu de la prophétie d'is.ïie, c. vu,
V. l'i^, où il est dit : « Une vierge coticevra
et enfantera un Fils qui sera nonnné linitna-
nucl, Dieu avec nous, » et de i[uelques au-
tres projihéties qu'ils ont ex|)li(pu''cs d ins un
sens mystique jiour les fabe cadrer avec
celle-là. Voy. (ialatin, 1. vu, c. iï et 15.
Ainsi les rabbins, qui soutiemient (pie celte
prédiction ne regarde j)as le Messie, mais
le tils (.risaïe, s'écartent non-seulement du
vrai sens de la prophétie, mais encore du
senlimehl de leurs anciens maîtres; nous
les avons réfut('S au mot Emmanuel. Or,
Jésus-Christ est né d'une vierge ; les apô-
tres et les évangélistes Vont ainsi publié, et
aucim ue ceux qui se sont donnés pour
Messie n'a osé s'attribuer le même [irivilége.
Si c'était une im|)oslure. Dieu n'aurait pas
[lu permettre qu'elle fût conru'nii'e par les
miracles, [lar les vertus, par ia sainteté de la
doctrine de Jésus-C .rist, et par la révolu-
tion qu'elle a causée dans le monde. Les
calomnies ]iar lesquelles les Juifs et les in-
crédules ont cherc'.é à rendre suspecte la
naissance ue ce divin Sauveur, sont assez
réiutées |iar leur absurdité même. Nous
convenons que cette naissance miraculeuse
n'était pas un signe exiérieur et sensible par
lequel le Me.sie \)ùt être reconnu, puis([u'elle
ne |)Ouvait être prouvée (jue [lar la suite des
événements; mais c'étaitunecirconstance né-
cessaire, puisqu'elle était jiréuite. Les Jiiils ne
peuvent pas en raisonner autrement parrap-
])ort nuMessie ([u'ils attendent. Le même pro-
phète le nomme Emmanuel, Dieu avec nous,
le Dieu fort, le Père dus:ècle futur, c. ix, v. G.
Or Jésus-Christ s'est donné constanu.uenl 1 1
qualité de Fils de Dieu, égal à son Père. Les
Juifs qui le lui fint reproché comme un blas-
phème, et qui l'ont condamné à mort pour ce
sujet, ceux d'aujourd'hui qui concluent d(! là
qu'il n'est pas le Messie, puisqu'il a usurpé' la
(Jivniité, sont contredits par les plus célèbres
deleursdocteursciui ont enseigné quek'jl/c.v.'./e
serait Dieu dans toute la signdication du nom
Jc'hovah. Voy. Calatin, 1. m, c. 9 et suiv.
En second lieu, suivant les prophéties, lo
Messie doit être législateur, établir une hi/
759
MES
MES
740
nouvelle '{Deut. xviii, v. lo). Moïse promet
aux Juifs un pro[)!iète semblable à lui ; pour
lui ressembler, il Tant être législateur comme
lui. Isaïe parlant du 31essie, c. xlii, v. '••, dit
que les îles, ou les pays les plus éloignés,
attendront sa loi. La prophétie de Jacoli an-
nonce la même chose, lorsqu'elle dit que le
Messie rassemblera les peuples, ou que les
peuples lui seront soumis {Gcn. xl, v. 10).
Jérémie le contirme (c. xsiii, v. 5), lors-
qu'il promet un roi descendaiic de David,
qui fera régner sur la terre l'équité et la
justice. Les Juifs ne peuvent contester à
Jésus-Christ l'avantage d'avoir établi une
loi nouvelle, sous laquelle il a rangé une
grande partie des peuples du momie. Le
môme prophète, c. xxxi, v. 31, prédit que
Dieu fera avec les Juifs une nouvelle al-
liance dilférente de celle qu'il a faite avec
leurs pères après leur sortie de rEg3'|ite;
qu'il écrira sa loi dans leur es|irit et dans
'. eur cœur; qu'il se fora connaître à tous, et qu'il
pardonnera leurs péchés. Leurs anciens doc-
teurs ont entendu cette prédiction de l'al-
liance que Dieu voulait faire avec son peu-
ple sous le règne du Messie; c'est pour
cela que Malachic, c. m, v. 1, le nomme
VAnge de VaUiance. Jésus-Christ a rempli
toute l'énergie de ce nom et de cette pro-
messe, puisqu'il a fait connaître Dieu et sa
loi aux nations plongées dans l'infiilélité,
qu'il a pardonné les péchés, et a donné à
SCS envoyés le pouvoir de les remettre. Sui-
vant le psaume cix , v. 4, il devait être prê-
tre selon l'ordre do Melchisédech; et suivant
Malachie, c. i, v. 11, et c. m, v. 3, Dieu a
déclaré qu'il établirait de nouveaux sacri-
fices et un nouveau sacerdoce. Jésus-Christ
a vérifié toutes ces prédictions; non-seule-
ment il s'est olfert lui-même en sacrifice sur
la croix, mais il a ordonné à ses disciples de
renouveler sur les autels ce sacritice, sous
les symboles du pain et ilu vin, conformé-
ment à celui qui lut offert par Melchisédech.
Par un trait singulier d'aveuglement, les
Juifs ne veulent pas reconnaître Jésus-Christ
])o\iv Messie, parce qu'il a établi une nou-
velle loi au lieu de confirmer l'ancienne,
parce qu'il n'a pas obligé ses disciples à ob-
server les cérémonies et les sacrifices or-
donnés par Moïse, pane qu'il n'a pas fondé
dans la Jmlée un 103 aume temporel ; c'est
comme s'ils lui faisaient un crime d'avoir
accompli trop exactement les anciens ora-
cles. Voy. Lois CÉRÉMONIELLES.
En troisième lieu, il était prédit que le
Messie serait rejeté par son peu|ile, serait
mis à mort et ressusciterait. En comparant
le LUI" chapitre d'isaïe avec l'histoire que
les évangélistes ont faite des op[irobi'cs, des
souffrances, de la mort et de la résurrection
de Jésus-Christ, il semble que le prophète
ait fait la narration d'un événement passé,
plutôt que la prédiction de ce qui devait ar-
river sept cents ans après lui. Voy. Passion
i)E JÉsus-CuRisT. Les Juifs, embarrassés par
cotte prophétie, n'ont pas jm s'accorder sur
les moyens d'en détourner le sens. Les uns
ont dit qu'elle ne regarde pas le Messie, que
c'est un tableau des souffrances actuelles de
la nation juive; mais il est évident que le
texte parle d'un personnage particulier et
non d'un peu|ile entier. Les autres ont ima-
giné qu'il doit y avoir deux Messies, l'un
pauvre, humilié et souffrant; l'autre, fils de
David, glorieux, conquérant, libérateur de sa
nation; ils ont ajouté que Jésus pouvait
être le premier, mais qu'il n'est sûrement
pas le second. C'est reconnaître assez claire-
ment que leur prétendu Messie, glorieux et
conquérant, n'est qu'une chimère contraire
auxiirédictions des |>rop!iôtes. Galatin, 1. viii,
ch. IX et suiv., a tait voir que la paraphrase
chaldaïque de Jonathan et l'explication des
anciens docteurs juifs sont parfaitement con-
formes à la manière dont nous entendons le
chapiire lui d'isaïe et les autres [irédic-
tions qui annoncent les soultVances du Mes-
sie. Dieu a-t-il pu permettre que Jésus-
Christ réunit dans sa personne cette multi-
tude de caractères frai)pants, singuliers, dé-
cisifs, qui devaient rendre le Messie recon-
naissable, s'il n'était pas réellement le
personnage désigné par les prophètes? 11
aurait tendu aux hommes un piège inévila-
hle d'erreurs. Lorsque les Juifs disent que
si Jésus avait été le Messie , il n'aurait pas
été possible à leurs pères do le méconnaître,
de le rejeter et de le crucifier, ils argumenlent
contre leurs propres oracles ([ui ont prédit cet
aveuglement étonnant de la nation juive, et
ils nous montrent eux-mêmes une incrédulité
aussi surprenante que celle de leurs pères.
Mais ce n'est pas assez, disent-ils, que Jésus
ait accompli un certain nombre de prophéties;
il devait les accomplir toutes sans exception ;
or, il y en a un grand nombre qu'il n'a pas véri-
fiées.
1° Il est dit dans Isaïe, c. 11, v. 2, que dans
les derniers jours , ou à la fin des temps, is
montagne de la maison du Seigneur sera éle-
vée sur toutes les autres, que toutes les na-
tions s'y assembleront , qu'elles changeront
leurs armes guerrières en insti'uments de la-
bourage, qu'il n'y aura plus de guerres, mais
une paix per[iétuelle. Ilion de tout cela n'est
encore arrivé.
Réponse. Il faudraii savoir d'abord ce que
les Juifs entendent par /es derniers jours ; si
c'est la fin du monde, counuent s'accompli-
ront les événements annoncés par cette pro-
phétie ? Il est clair que cette exiiression ne
désigne aucune époque précise , mais en
général le temps que Dieu a marqué pour
exécuter ses desseins. Or, à la venue de
Jésus-Christ, cotte prophétie a été suiïisam-
meiit accom|)lie : la montagne du Soigneur,
Jérusalem et son temple, sont devenus plus
célèbres que jamais chez toutes les nations ;
c'est \\ que le Saint-Esprit est descendu sur
les apôtres, et que s'est formée l'Eglise de
Jésus-Christ ; c'est de là que la parole du
Seigneur et la loi nouvelle sont parties, se-
lon l'expression du prophète; c'est là que le
Messie a commencé à lassembler toutes les
nations et a formé un nouveau peuple. Non-
seulomont il régnait pour lors une paix
profonde dans l'empire romain, mais l'E-
7il
MES
MES
742
vniigilo a fait cesser la divisidii ot l'iiiinnlié
qui n'gnait cnlrc les juifs et l:\s païens, entre
les divers peuples qui Font embrass(''. SI
celle poix n"a pas été plus prompte et plus
étendue, c'est, en grande partie, la faute
des juifs incrédules. Il y a de l'entôtement k
prendre à la rigueur tous les termes des
jiropliélies, et h vnuli)ir([ue des expressions
niétaplioriques soient vériliées à la lettre.
(;e n'est donc |)as la jieine de réfuter les
juifs, lorsi[u"ils (jjijct'li'nt (pie, selon Isaïe ,
c. XI, V. 0, sous le l'i'gne du Messie, le loup
vivra avec l'agneau, et le léopard avec le
clievreau, que le veau, le lion et la hiei'is
paiti'ont cnseuilile, etc. En lisant atleutive-
ment ce clia|)iti'e, ou voit ([u'il signilie seu-
lenirnt que la doctrine et les lois du Messie
reniiront les lionnui's plus paisililes et plus
sociables iju'ils n'étaient auparavant.
2° Dieu, dans le Dniléronoiiie, c. xxx, v. 3,
a promis de rassembler les Juifs dms leur
terre natale, tpiand môme il les aurait dis-
l)Crsés aux extrémités du monde. Or, cela
no s'est pas fait après la captivit('^ de Babylone;
il n'en revint (jue la tribu de Juda, et une
partie de celle de Benjamin et de celle de
Lévi ; donc il faut que cela s'exécute sous le
règne du Messie, quand il viendra : il doit
racheter, sauver et rasseml)ler les Juifs, les
faire jouir d'une i)rospéiité et d'un bonheur
constant (Vsoï. xxxv, 'i, etc. ). Non-seulement
Jésus n'a [las rempli ces grandes promesses ;
mais on sujjpose que, loin de sauver les
Juifs , il les a r(''|irouvés , et leur a pré-
féré les ]jaïens pour en composer son Eglise.
Réponse. Les pr(jmesses du Deuteronome
sont évidemment limitées et condilionnelles ;
Dieu promet di' rassembler les Juifs, lorsque,
r(;penlanls de tout leur- cœur, ils retourneront
à lui et obéiront à ses ordres ; le texte est
formel. Si la plus grande partie des Juifs
trans[iortés à Babylone n'ont été ni rejien-
tants ni obéissants, s'ils ont préféré la terre
étrangère dans la(juelle ils s'étaient établis.
on
îi celle dans laquelle ils étaient nés, peut ....
j'ciirocher à Dieu de n'avoir pas exécuté ses
promesses ? L'édit de Cyrus, qui mit (in à la
captivité de Babylone, laissait à tous les
Juifs, sans exce|)tion, la liberté de retourner
dans la Judée ( Esdras, i, 3 ). Il est dit que
tous ceux à qui Dieu inspira de la bonne vo-
b.uité en prolitèrent [Ibid., 5 J : conséquem-
meutEsdias ajoute (jue tout Israël, de retour
de la captivité, h;ibila dans les villes qui lui
appartenaient ( ii, 70 ). Que fallait-il de plus
pour ai'comjjlir les promesses de Dieu? H
u'esl ilonc pas vrai que la (lis|)eision et l'exil,
dans lei|uel sont aujouid'hui les Juifs, soient
une si.ite et une continuation de la captivité
de Babylone, connue les rabbins le soutien-
nent, l'ar la même raison le Messies sauvé et
rassemblé les Juifs autant qu'il le devait, puis-
qu'il leur a olfert le salut et leur en a fourni
les moyens ; il est absurde de |iréten(Jre que
Dieu doit sauver ceux qui ne le veulent pas et
qui résistent opiniAtrément aux bienfaits qu'il
ieuroirre;(ju'aujourii'bui le.l/cw/cdoit conver-
tir, ujalijré eux, les Juifs obstinés et rebelles.
3° Suivant les prophéties , disent-ils, le
Messie ffoit être un fils de David, f[ui régnera
éternellement dans la Judée ( Ezeeh. xxwii,
al et suiv. ) ; fuiget Magog, deux nations
puissantes, doivent être vaincues et détruites
parles Juifs, c. xxwiii etxxxix. Le troisième
tem|ile doit être rebâti: Ezéchiel en donne le
pfin et les dimensions, c. xl et suiv. Le Messie
doit avoir une postérité nombreuse, et régner
sur toute la terre (Isai. i.iii, 10, etc.). Bien
de tout cela ne peut Cti'c appliqué k Jésus.
lie'ponse. Ce n'est pas assez de idter dos
]irophéties et de leur donner un sens arbi-
traire, il faut encore les concilier, ou du
moins ne pas les inetti'e en contradiclion. Nous
demandons comment un règne temporel peut
être éternel sur la ferre, et si les Juifs, deve-
nus sujets de leur iirétendu Messie, ne seront
plus exposés à la mort; comment les guerres,
les victoires, le carnage des peuples, peuvent
s'accorder avec le caractère pacifiipie que les
prophètes attribuent au Messie, et avec cette
l)aix profonde qui, selon les Juifs mêmes,
doit ri'gner sur toute la terre ; comment un
règne glorieux et heureux peut être compa-
tible avec les opprobres, les soulfrances, la
mort que le Messie doit subir, etc. ? Mais les
Juifs n'y regardent pas de si près. Ce n'est
jioinl à nous de décider quels sont les peuples
nommés Gog et Magog ; les Juifs pri'teudent
que ce sont bs Turcs et les chrétiens, et ils
se félicitent d'avance du plaisir de les exter-
miner sous leur Messie futur ; les inter|)rètes
s JHt très-peu d'accord sur ce sujet. Ce qu'il
y a de certain, c'est qu'Ezéchiel, ([ui iiro-
jihétisaif pendant la captivité de Babylone,
parle évidemment des événemi nls qui de-
v.iient la suivre dejji'ès, et auxtiuels les Juifs
de son temps devaient avoir part. Il n'est jioint
questiondaiis ce prophète ni ailleurs d'un troi-
sième lenq^le, mais du second (jui fut l);\ti scus
Zorobabel ; il est évident (pie ce qu'il dit des
dimensions du temple est allégorique;c'est une
absurdité de la part des Juifsd'imagin(^r(prE-
zéchiel , Aggée et Zacharie n'ont rien dit du
temple (pii allait être bâti, et ([u'ils ont iiarlé
d'un troisième,(iui,ai)rès(leux mille ans, n'est
pas encore commencé. Si les dimensions et le
jilan (lu'Ezéchiel a tracés n'ont pas été exac-
tement suivis, il faut s'en prendre aux Juifs
aux()uels le iirophète Aggée a vivement re-
proché leur négligence et leur peu décourage,
c. I, V. 2. Ils n'((nt jias mieux exécuté ce (jue
le prophète leur prescrit sur le partage de la
terre sainte, sur la j>ortion qu'ils doivent ré-
server pour K s étrangers, etc. ; ils trouvent
commode de réserver pour le règne du Messie
tout ce que leurs pères ont négligé de faire
conformément aux exhortations des proiihè-
tes, et ils prennent ces exhortations pour des
prédictions qui ne sont pas encore accomplies.
La postérité du Messie, ce sont les jieuples
qu'il a instruits, conigés, rendus jibis socia-
bles, et dont il a composé son Eglise ; il ne
lui convenait pas d'avoir une autre famille.
Il est étinnant que les Juifs, a]irès avoir
prétendu que le lui' chapitre d'Isaie ne doit
jias s'enleiidie du Messie, se servent de ce
même chapitre pour jirouvcr qu'il a dû
avoir une longue postérité ; on ne peut pas
743
MES
MES
7U
lui appliquer les derniers versets snns lui
appliquer nussi lespiemies, ei pour lors
il faut nécessairement admettre les oppro-
bres, les soutrrances, la mort it la résurrec-
tion du Mes.s(fi; événements qui ne s'ac-
cordent guère avec l'idée que les Juifs
se forment de son règne. Telles sont cepen-
dant les absurdiiés et les contradictions que
plusieurs incrédules modernes n'ont pas
dédaigné de copier, |)our attaquer l'une des
jxeuves du chrisiinnisme.
III. Nous croyons fermement que la preuve
tirée des prop':éties est évidente pour tout
liomme raisonnable ; elle dt^vrait l'être sur-
tout pour les Jinfs dépositaires de ces pro-
phéties. Voilfi pourquoi les apôtres, lorsqu'ils
prêchent Jésus-Christ aux Juifs, commencent
par prouver qu'en lui ont été accomplies
toutes les prophéties. Cependant, comme la
force de cette preuve défiend de la compa-
raison qu'il faut faire des dilférentes prédic-
tions des prophètes, cette discussion n'était
pas à la poitée des ignorants ; elle ne pouvait
faire impression que sur les Juifs instruits,
et qui étaient d'assez bonne foi pour s'en
tenir à la tradition de leurs anciens docteurs.
Le joug de la domination romaine, que les
Juifs ne portaient qu'avec la plus grande ré-
pugnance, avait tourné les esprits vers les
prophéties qui semblaient leur promettre un
libérateur temporel ; et le sadducéisme qu'a-
vaii'ut embrassé plusieurs membres de la
synagogue, les rendait peu sensibles aux
bienfaits spirituels que le Messie était venu
répandre sur les hommes. Des esprits ainsi
dis|)Osés n'étaient pas fort propres à saisir
le vrai sens des piophéties; et comme les
calamités de la nation juive augmentèrent
encore dans la suite, il n'est pas étonnant
({ue le sens le plus grossier soit devenu une
tradition chez les Juifs modernes. D'autre
j)art, les païens qui ne connaissaient pas les
livres, la croyance ni les espérances des Juifs,
avaient besoin d'une preuve plus à leur por-
tée que les prophéties. Les miracles de Jé-
sus-Christ et des apôtres devaient donc faire,
sur les uns et sur les autres, une imiires^ion
plus vive et plus efficace. Les Juifs n'ont
jamais osé nier absolument les miracles de
Jésus-Christ ; les uns ont dit qu'il les avait
opérés par le secours de la magie, les autres,
par la prononciation du nom ineifable de
Dieu ; quelques-uns ont sout nu que Dieu
pouvait donner à un imposteur ou à un faux
prophète le pouvoir de faire des miracles.
Mais le caractère de magicien est incompati-
jile avec la sainteté de la doctrine du Sau-
veur ; il a déclaré qu'au lieu d'avoir de la
n'ollusion avec le démon, il était venu pour
le vaincre et le dépouiller ( Luc. xi, 15 ).
C'est blasphémer contre Dieu et sa provi-
dence, de supposer qu'il ])eut donuer à un
imposteur le [louvoir de faire des miracles, ou
en prononçant son nom nu autrement. Les ma-
giciens et les imposteurs ont-ils jamais opéré
des guérisons et des miracles pour instruire,
pour corriger , pour sanctilier les hommes ?
Lorsque Dieu envoya Moïse pour annoncer
aux Juifs ses volontés et ses lois, il lui
4
donna pour lettres de créance le pouvoir d'o-
pérer des miracles, et Moïse n'eut point
d'autres preuves à donner de sa mission. Les
Juifs conviendront-ils que Moïse, quoique
doué d'un pouvoir surnaturel, pouvait ce-
pendant être un imposteur ? Quelle preuve
peuvent-ils apporter de la réalité et de la divi-
nité des miracles de Moise, que nous ne
I)uissions appliquer à ceux do Jésus-Christ 7
11 y a plus : les anciens docteurs juifs sont
convenus que le Messie doit faire des mir acles
semblables k ceux de Moïse. De quoi servi-
raient-ils, si cette preuve n'était d'aucune
force pour constater son caractère et sa mis-
sion ? Quelques-uns môme ont avoué dans
le Talinud qu'il s'était fait des miracles au nom
de Jésus-Christ parsesdiscijiles. Galatin, 1. viii,
ch. 5 et 7. Dieu a-t-il pu permettre qu' 1 so
fît des miracles au nom d'un faux Messie?
Un second c tractère, que les Juifs ne peu
vent contester à Jésus-Clirist, est la sainteté
de sa doctrine et la pureté de ses mœurs;
double avantage qu'aucun imposteur n'a ja-
mais réuni dans sa personne. On a souvent
défié les Juifs de montrer dans l'Evangile
une seule maxime capable de porter les
hommes au crime ou d'affaiblir en 'hix l'amour
delà vertu, et dans la conduite du Sauveur
une action justement condamnable. Les seuls
reproches que les Juifs lui aient faits, ont
été de ce qu'il s'attribuait la qualité de Fils
de Dieu et les honneurs de la Divinité, de ce
qu'il violait le sabbat et d'autres lois cé-
rémonielles, de ce qu'il attaquait les tradi-
tions et la morale des pharisiens. Or, nous
avons fait voir que dans tout cela il remplis-
sait, selon les prophètes, les fonctions es-
sentielles de Messie, de législateur, de maître,
de réformateur de son jieuple ; qu'il était
véritablement Emmanuel, Dieu avec nous ;
que c'était à lui de montrer aux docteurs
juifs le vrai sens des Ecritures et de la loi de
Dieu, qu'ils entendaient fort mal. En faisant
voir que le culte le plus agréable h Dieu con-
sistait dans les veitus intérieures et non
dans les cérémonies, il ne faisait que répéler
les leçons des prophètes ; on ne peut enten-
dre, sans étonnement, les rabbins modernes
soutenir que le culte extérieur est plus p.irlait
etd'unpiusgrandméritequele culte intérieur.
Un troisième signe auquel les Juifs auraient
dû reconnaître dans Jésus-Christ le Messie
promis à leurs pères, est la conversion des
jjaïens o[)érée par sa doctrine. Ils ne peuvent
niei- que ce prodige n'ait dû arriver ii l'avé-
nement du Messie ; les proi)hètes l'ont an-
noncé trop clairement {Isai. ii, 3 et 18; xix,
2l;xLix, 6; Zach.u, 11, etc.). C'était une tradi-
tion constante chez les Juiis, Galatin, 1. ix, c.
12 et suiv. , et ils ont été témoins de l'évé-
nement. Quand môme ils ne l'auraient jias
prédit, la preuve ne serait pas moins invin-
cible. Dieu a-t-il pu se servir d'un imposteur,
d'un faux Messie, pour opérer cette grande
révolution, pour amener les nations ido-
lâtres à la connaissance de son nom? Malgré
l'eiitètement des Juifs, ils sont forcés d'a-
vouer que les chrétiens ador. lit, aussi bien
i|u't;ux, le vrai Dieu, le Créateur du ciel et
745
MES
MES
7i6
de la terre, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et ">
de Jacob ; qu'ils ont les mêoies articles de foi,
les mêmes règles essentielles de morale, les
mêmes espérances- Sont-ce des missionnai-
res juifs qui ont converti le monde? C'est
l'ouvrage des apôtres do Jésus-Christ. Si les
Juifs sont toujours le peuple chéri du Sei-
gneur, comment a-t-il permis que des hommes
qui, selon l'opinion des Juifs, sont des déser-
teurs (lu judaïsme et des apostats, fussent
les auteurs d'une si heureuse révolution et
servissent .\ éclairer toutes les nations "?
Un quatrième trait do la Providence qui
démontre la mission divine de Jésus-Christ
et sa qualité de Messie, est l'abandon dans
loipiel les Juifs sont laissés depuis qu'ils ont
rejeté ot mis à mort ce divin Sauveur. Ils sa-
vent que telle a été l'époque à laquelle ils sont
tombes dans l'étal de dispersion, d'exil, d'escla-
vage ot d'opprobre dans lequel Us gémissent,
et duquel ils n'cmt pas pu se relever depuis
di\-sept cents ans. A l'article Juif, § 6, nous
avons fait voir que cette chute énorme est évi-
demment lapuniliondudéicidequ'ilsontcom-
mis dans la personne de Jésus-Clirist. Ce divin
Maître le leur avait prédit plus d'une fois ;
mais, loin d'ôtre touchés de ses menaces,
ils en devinrent i)lus furieux contre lui. Ce
n'est pas la premiè.e fois que cela leur était
arrivé. Fiers des promesses que Dieu avait
faites à leurs pères, ils crurent pouvoir bra-
ver impui) ■ment les menaces des prophètes.
C'est à ce sujet cjne Jéiémie leur adressa, de
la pirt lie. Dion, ces paroles terribles, c. xvin,
v. G : « Ne suis-je donc pus autant le maître
de votre soit, qu'un potier est libre de dispo-
ser de l'argile (pi'il lient entre ses mains ?
Toutes les fois tpie j'aurai menacé de punir
une nation, si elle l'ail pénitence, je m'abs-
tiendrai de lui taire le mal que j'avais résolu;
mais aussi loutes les fois que je lui aurai
promis des bienfaits el dos prospérités, si
elle fait le mal devant moi, el ne m'écoute
pas, je la priverai des faveurs que je lui des-
tinais. Voyez, continue le [)rop,iète, s'il y a
sous le ciel une nation ((ui aii fait autant de
mal que vous ! Aussi Dieu a l'osolu de ne
fias vous épargner. » Les Juifs furieux vou-
ent se défaire de Jérémie; le prophète
indigné s'adresse à Dieu, et le conjure de
déployer toute la rigueur de sa justice contre
ce peuple rebelle, ibid., v. 20 et suiv. On sait '
quelles furent les suites de. celte prière.
Voilà précisément ce que les Juifs ont fait
de nouveau à l'égai d de Jésus-Cbrisl. Irrités
par ses leçons , par les reproches qu'il leur
faisait de corrompre le sens des Ecritures,
par la destruclion dont il les menaçait, non-
seulemenl ils résolurent sa mort, comme
celle de Jérémie, mais ils exécutèrent cet
abominable dessein, el jamais ils ne se sont
repentis de leur forfait ; il n'est donc pas
étonnant que Dieu eu tire une vengeance
plus terrible que de tous leurs autres ciimos.
Ils ne peuvi^'Ul rentrer en grâce avec Dieu
qu'en adorant le Aîe.^sie qu'ils ont crucilié.
IV. Objections des Juifs, adoptées et ap-
puyées par les incrédules. S'd fallait rapporter et
réfuter toutes ces objections en particulier,
DiGTioM. OU Théol. dogmatique. III.
nous serions obligés de faire un gros volume;
mais déjà nous en avons résolu et iirévenu
plusieurs, soit dans cet article, soit dans
ceux auxquels nous avons renvoyé ; nous
nous bornerons ici aux plus générales.
1° Nos adversaires disent que quand même
les Juifs se seraient trompés sur levraisens
des prophéties, ils seraient cependant excu-
sables; que la plupart de ces prédictions
semblent annoncer plutôt un règne temporel
du Messie, et une délivrance temporelle des
Juifs, qu'un règne mystique et des bienfaits
S[)irituels; que, pour saisir les vrais carac-
tères de ce personnage et la vérité de ses
leçons, il fallait connaître des mystères dont
les Juifs ne pouvaient puiser aucune notion
dans leurs livres.
Réponse. Nous remarquerons d'abord que
cette excuse prétendue attaque directement
la sagesse et la sainteté divine, puisqu'elle
suppose que Dieu n'avait pas rendu les pro-
phéties assez claires [lour prévenir l'erreur
involontaire dos Juifs. Ils ne pouvaient s'en
prévaloir eux-mêmes sans se contredire,
puisqu'ils soutiennent que leurs prophéties
sont assez claires pour qu'ils aient été au-
torisés à rejoter les explications que Jésus-
Christ leur donnait, à le punir comme un
séducteur el un faux prophète , et à refuser
toute autre preuve de sa mission et de son
caractère. Nous convenons que ces prophé-
ties n'étaient pas fort claires en elles-mêmes,
surtout pour los ignorants ; mais à qui ap-
partenait-il de les expliquer '? Etait-ce aux
docteurs de la synagogue, toujours pré-
venus, aveuglés par la vanité nationale,
comme ils le sont encore aujourd'hui, et
toujours prêts à s'emporter, comme leurs
pères, contre tout prophète qui ne leur an-
nonçait pas des prospérités et des bienfaits
de Dieu ? N'était-ce pas plutôt à\x Messie, dès
qu'd avait commencé par prouver sa qualité
de prophète et d'envoyé de Dieu, [lar les
miracles qu'il opérait ? Toute la question se
réduit à savoir si ce sont les prophéties qui
doivent servir à juger les miracles do Jésus-
Christ, comme les Juifs le prétendent, ou si
ce sont les miracles qui devaient démontrer
d'abord qu'il était le Messie, par conséquent
l'interprète-né des prophéties. Or, nous sou-
tenons qu'il fallait commencer par croire aux
Qiiracles, comme Jésus-Christ l'exigeait, et
non autrement. En elfet, nous délkms nos
adversaires d'alléguer une seule jjrophétie
en vertu de laquelle les Juifs aient pu juger
d'abord, avec une entière certitude , que tel
homme était le Messie, et par laquelle on
puisse le prouver encore aujourd'hui, s'il ve-
nait h paraître comme les Juifs l'attendent.
Selon les prophètes, il doit être liJs de David ;
mais David a eu une nombreuse postérité :
il s'agit de savoir quel est celui de ses
descendants qui est le Messie, et aujour-
d'hui il serait impossible de dresser et de
prouver sa généalogie. Selon les Juifs, il
doit être roi dans la Judée ; pour être roi,
il faut des sujets ; il n'en aura point, à
moins que les Juifs ne commencent jiar se
soumettre à lui sans motif, sans preuve, et
2i
747
MES
avec une confiance aveugle. S'il fnut le con-
naître par ses victoires, il ne les remportera
pas sans soldats ; il y aura bien du sang ré-
pandu et des innocents immolés, avant que
l'on sache s'il faut lui résisier ou lui obéir.
Le Messie doit être né d'une vierge ; com-
ment le saura-t-on, à moins qu'un ange en-
voyé du ciel, des prophètes inspirés, tels que
Zacliarie, Anne, Siméon, Jean-Baptiste, ou
une voix céleste, ne lui rendent témoignasse,
comme cela s'est fait pour Jésus-Ciirist ? Ce
sont là des miracles. Il doit être rejeté, souf-
frir et triompher ensuite ; mais les souffrances
qu'on lui iera subir seront un crime affreux,
si sa mission est prouvée d'.iilleurs ; elles
seraient une punition juste, s'il usurpait la
qualité de Messie sans titre et sans preuve.
C'est donc par la nécessité de la chose même
que Jésus-Christ a fait des mir.icles avant de
se donner pour Messie, et qu'il a .liusi dé-
montré qu'il avait droit de s'appliquer les
prophéties, et d'en montrer le vrai sens.
Lorsque quelques théologiens moderni'S ont
avancé que f^s miracles de Jésus-Christ se-
raient une preuve caduque s'ils n'avaient pas
été prédits, on les a censurés avec raison ; et
lorsque les Juifs disent que ces mômes mi-
racles ne pouvaient être authentiques , à
moins qu'ils ne fussent admis comme tels
par la synagogue, ils ont oublié que les an-
ciens prophètes, loin d'avoir eu l'attache des
chefs de la nation juive, en ont été rejetés et
poursuivis à mort : Jésus-Christ le leur a re-
proché plus d'une fois [Matlh. xxiii, 31 ; Luc,
XI, 48, etc.).
2° Ce n'est pas assez, disent-ils, que le
Messie fasse des miracles ; il faut qu'il fasse
ceux que les prophètes ont prédits. Mais
nous avons déjà fait voir que les prétendus
miracles dont les Juifs ont l'esprit frappé, et
qu'ils s'obstinent à voir dans les prophètes,
sont inutiles, absurdes et indignes de Dieu.
Que les monlagnes soient aplanies, les vallées
comblées, les tleuves desséchés pour la com-
modité des Juifs, qu'il sorte des torrents du
désert, que les bêtes féroces soient apprivoi-
sées et ne dévorent plus les autres animaux,
etc. ; en quoi tous ces miracles peuvent-ils
contribuer à la gloire de Dieu et à la sancti-
fication des âmes? Ceux de Jésus-Chiist
étaient plus sages ; les guérisons qu'il opérait
en soulageanlles corps disposaient les esprits
à croire en lui, et donnaient des leçons de
charité.
3° Ces miracles, disent encore les Juifs
modernes, ne peuvent plus être aussi cer-
tains pour nous qu'ils l'étaient pourccux qui
en furent témoins; si Jésus avait fait tous
ceux qu'on lui attribue, personne n'aurait pu
refuser de croire en lui.
Réponse. En me servant des principes des
Juifs, je pourrais leur dire : Parce que les
miracles de Mo'ise ne sont plus aussi certains
pour nousqu'ilsl'étaientpourceux quien fu-
renttémoinssommes-nous dispensés de croire
la mission divine de ce législateur ? Dirons-
nous que s'il les avait véritablement Ojiérés,
sans doute les Egyptiens auraient été plus
dociles, et les Juifs ne se seraient pas révoltés
MES 7Î8
si souvent contre lui dans le désert? C'est
ainsi que les Juifs attaquent leur propre re-
ligion en voulant ruiner la nôtre. Il est faux
que les miracles de Jésus-Christ soient moins
certains pour nous que pour ceux qui en
furent les témoins; la certitude morale,
poussée au plus haut degré de notoriété, n'est
pas moins invincible que la certitude physi-
que ; elle ne donne pas plus de lieu à un dou-
te raisonnable. D'ailleurs la conversion du
monde, opérée par les miracles de Jésus-
Christ et des apôtres, leur donne un degré
d'authenticité et de ceriitude que ne pouvaient
pas encore avoir ceux qui les ont vus. L'in-
crédulité d'une grande partie des Juifs, mal-
gré ces miracles, n'y donne pas plus d'at-
teinte que les révoltes do leurs pères n'en
donnent à ceux de Moïse ; ce peuple a été
rebelle, indocile, intraitable dans tous les
siècles ; on peut encore aujourd'hui lui faire
les mômes reproches que Moïse lui adressait
et lui renouveler la réprimande de saint
Etienne {Act. vu, 51] : « Vous résistez tou-
jours au Saint-Esprit , comme ont fait vos
pères. »
4° Le juif Orobio, dans sa Conférence avec
Limborch, soutient que la foi au Messie n'est
pas un point nécessaire au salut, puisqu'il
n'en est pas fait mention dans la loi ne Moïse.
On ne peut donc pas supposer, dit-il, que
la dispersion et les calamités actuelles des
Juifs sont un chûtiment de leur incrédulité
au Messie ; c'est vouloir pénétrer dans les
desseins de Dieu, lors môme qu'il n'a pas
voulu nous les révéler.
Réponse. Moïse dit formellement dans la
loi : « Le Seigneur vous suscitera un prophète
semblable à moi, vous l'écouterez ; et Dieu
ajoute : Si quelqu'un n'écoute pas leprophète,
j'en serai le vengeur {Deut. xvin, 15,19).»
Nathanaël, l'un des docteurs de la loi, frappé
des miracles de Jésus-Christ, reconnut en
lui le prophète dont parle Moïse dans la loi
(Joan. I, 45, 49). Quand ce passage ne regar-
derait pas le Messie en particulier, mais tout
prophète envoyé de la part de Dieu, comme
le prétendent les Juifs, n'en serait-ce pas
assez pour conclure que c'est Dieu qui les
punit de leur incréduhté à l'égard de Jésus,
et qu'il continueia de les punir tant qu'ils
persévéreront dans leur obstination ? Nous
avons vuue quellemanière ils l'ont été pour
avoir résisté à Jérémie; soutiendront-ils que
Jésus-C :rist n'a pas prouvé sa qualité de
prophète d'une manière plus éclatante que
Jérémie?
Les Juifs peuvent apprendre de Josèphe
due Jean-Baptiste était un prophète, et qu'il
était regardé comme tel dans toute la Judée
{Antiq. Jud., 1. xvni, c. 7). Or il a déclaré
que Jésus était le Messie, le jugedes bons et
des méchants, prêt à récompenser les uns et
à punir les autres {Matlh. m, 12). Jésus a
donc usé de son droit en punissant les Juifs
incrédules. Mais c'était à lui d'annoncer aux
Juifs leur destinée : il la leur a clairement
pré(hle ; il leur a déclaré que le sang de
tous les justes et des prophètes, versé de-
puis le commencement du monde jusqu'à
70
HES
SES
ftii
lui, retomber.iit sur eux, que UMir terre
demeurerait déserte, que leur temple serait
détruit, qu'il leur arriverait une calamité telle
qu'il n'y en a point eu depuis le commence-
mont du monde, parce qu'ils n'ont pas vou-
lu protit('rdesesavischaritatjl('S(ïl/f/«;/i.XKiir,
35 et suiv. ; xxir, 2,21. etc.). l.'accomnlis-
sement exact de celle propliétic suflit (lour
démontrer qu'il est le Messie. L'entéteraont
des Juifs c^t (le vouloir que Mo'ise et les
anciens projilièles leur aient prédit tout ce
qui devait leur arriver jusqu'à la fin du
monde; il n'en est rien : les propliôtes ont
prédit ce (pii devait .irriver à leur nation,
jusq'i'à 1.1 venue du Messie, et ils l'ont annon-
cé lui-même comme le législaîenr, le docicur
et le maître que les Juifs doivent rcoider;
toulc autre p.-i'diclion aurait été inulile et
prématurée. Çn donc éié à lui de prédi.èee
qui arriverait dans la suite des siècles , et il
l'a fait tant pru-Uii que par ses apôtres. Nous
ne cherchons ])oint à pénétrer les desseins
cachés de Dieu, quand nous nous en rappor-
tons à ce qu'il a dit parla bouche Ou.M(s.fie.
5° f.'on ne se persuadera jamais, disent
les Juifs, que le Messie ait été spécialement
promis piour la notion juive, et que les fruits
de son avènement aient été transporlés aux
gentils ; c'est supposer que Dieu a trompé
les Juifs, et qu'il a exécuté ses rromcsses
tout autrement qu'il ne leur avait fait entendre.
lyponse. Ce n'est pas Dieu qui tiomjie les
Juifs, ce sont eux qui s'.ivf u,-;k'ni eux-mêmes,
et (jiii contredisent leurs propres Ecritures.
Dieu avait dii <i Ahraliam -.Toutes les nations
de la (erre seront bénies en vous [Gen. xu,
3; xvrii Î6 ; xxn, 18). Cette môme promesse
est répétée ù Isaac, c. xwi, v. 4, et à Jacob,
c. xxMir, V. l'i. De quel droit les Juifs pré-
tendont-ils réserver à eux seuls ces béné-
dictions promises à toutes les nations? A la
Térité,Dieudità ces troispatriarches: Toutes
les nations de la terre seront bénies en vous
et dans votre race, ibid. La question est de
savoir si le mot race doits'entendre detoute
la postérité, ou d'un descendant iiarticulier
de ces patriarches. Or, il est absurde de l'en-
tendre de toute leur postérité ; il faudrait y
conif-rendre les Madiauiles nés d'Abraham
et de Célhura, et les Iduméens descendus
de Jacob par lisait : voilî» ce que les Juifs
n'a'lmcftront jamais. Ont-ils été eux-mêmes
une iiafion assez fidèle à Dieu, pour qu'ils se
flattent d'être le canal des bénédictions pr i-
miscs Ji tons les peuples de la terre. Jacob
nous fait entendre le contraire; il dit que ce
sera Venvoyé de Dieu ou le Messie, qui ras-
semblera les nations sous ses lois {Gen. lix,
10). Isaïe dit qu'il rendra la justice aux na-
tions, que lespeu[ilos des îles attendront sa
loi, qu'il fera alliance avec les peuples, qu'il
sera la lumière îles nations, qu'il sera lau-
teiir de leur salut jusqu'aux extrémités de
la terre {Isai. xlu, I et 6 ; xlix, 6, etc. ).
■Voilà donc h race, ou le descendant des pa-
triarches, qui répandi'a sur toutes les nations
delà terre les bénédictions promises. A quel
litre les Juifs en ont-ils crmcu de la jalousie,
et en tireut-ils un i)retexte pour uiéconnai-
(ro le Messie? Moïse, près de mourir, le leur
avait prédit : Ils ont provoqué ma colère, dit
le Seigneur, en adoptant de faux dieux, et
moi j'exciterai leur jalousie, en adoptant uii
peuple étrànf/er et une nation insensée [Dent.
xxxii, 21]. liieu n'est donc arrivé que ce que
Dieu avait annoncé; Jésus-Christ, les ajiO-
trcs, les évangélistes, n'ont fait que suivre
les Ecritures à la lettre, lorsqu'ils ont dé-
claré que les bénédictions qiii devaient être
répandues par le 3Iessie seraient départies
aux nations plusabondammontipi'aux Juifs,
parce que ceux-ci s'en rendaient indignes.
Ils s'obslineiit à supposer que les promesses
de Dieu sont absolues, n'exigent de la part
des homrues aucune correspondance libre
et volontaire. Dieu a déclaré le contraire par
Jérémie, c. xviii, v. 9 ; et par Plzéchicl, c.
xxxni, v. 13; et cela est p/ouvé par vingt
exemiilcs. Dieu avait promis (jue les Juifs
du royaume d'IsraiH reviendraient de Baby-
lone , aussi bien que ceux du royaume de
Juda (Osée, XI, etc.) ; cependant h s premiers
n'en revinrent point, parce qu'ils ne le vou-
lurent pas. Les Juifs mêmes Conviennent do
cotte grande vérité, puisqu'ils disent que
Dieu a retardé la venue du Messiekcjuse de
leurs pécl.és. Si Dieu peut, avec justice, re-
tarder l'elfet de ses iromesses à l'égard de
ceux qui lui sont infidèles, il peut, "par la
même raison, les en priver et les transpor-
ter à d'autres.
6° D;cu, disent-ils, n'avait pas seulement
promis do répandre sur n is pères les béné-
dictions du Messie, s'ils étaient fidèles ; mais
il avait promis de les rendre fidèles; il leur
avait dit : Je vous donnerai un nouvel esprit
et un nouveau cœur; je mettrai mon esprit
au milieu de vous ; je vous ferai marcher se-
lon mes commandements, observer mes ordon-
nances et exécuter ma loi ( Ezech., xxxvi, 26 ;
XI, 19; Jérem., xxxi, 33, etc.). Si Dieu n'a
jias accompli cette promesse après la capti-
vité de Banylone, il le fera donc sous le rè-
gne futur du Messie.
Réponse. Le comble de l'aveuglement des
Juifs est de s'en prendre à Dieu de leur in-
fidélité volontaire, et de se tlutter que, sous
le règne de leur prétendu Messie, Dieu les
convertira par miracle, sans qu'ils puissent
résister à l'opération toute-puissante de sa
grâce : et maiheureusement d'autres raison-
neurs n'ont pas moins abusé de ce passage
que les Juifs : l'événement aurait ûù détrom-
per les uns et les autres. Il est de la nature
de l'homme d'être libre, et s'il ne l'était pas,
il ne serait pas capable de mériter ni de dé-
mériter ; la vertu et le vice seraient pour
l'Iiomme un bonheur ou un malheur, et non
un sujet de récompense ou de chAtiment. Il
est donc aussi de la nature de la grûce de
laisser à l'homme la liberté de résister,
parce que Dieu ne peut pas, sans se contre-
dire, conduire l'homme d'une manière con-
traire à la nature qu'il lui a donnée. Lors-
que Dieu promet à l'homme de le rendre fl-
dèle, cela signifie donc seulement qu'il lui
donnera tous les secours dont il a besoin
pour l'être en ell'et,s'il n'y résiste pas, comxiio
7B1
MET
MET
752
il est toujours libre de le faire. Tout autre
sens serait absurde , puisqu'il autoriserait
l'homme à rejeter sur Dieu la perversité de
son propre cœur.
La q-iestion est donc de savoir, si , lors-
que Dieu a envoyé le Messie, il a donné aux
Juifs tous les secours et les grâces néces-
saires pour croire en lui. Or, il l'a fait, puis-
qu'un assez grand nombre ont cru en Jésus-
Christ ; ce divin Maître a dit aux autres :
Si vous étiez aveugles, vous n'auriez point de
péché {Joan. ix, k\). Ils étaient donc suffi-
samment éclairés par la grâce; et saint
Etienne leur a reproché qu'ils résistaient au
Saint-Esprit, comme avaient fait leurs pères
{Act. VI, 51). Yoy. Gra.ce, Liberté.
MÉTAMORPHISTES, ou TRANSFORMA-
TEURS, secte d'hérétiques du xii* siècle, qui
prétendaient que le corps de Jésus-Christ ,
aumomentde son ascension, avait été changé
ou transformé en Dieu. On dit que quelquis
luthériens ubiquitaires ont renouvelé cette
erreur.
MÉTANGISMONITES , hérétiques dont
parle saint Augustin, Hœr. 57. Leur nom est
formé de uetk , dan? , et ày/sfi», vase , vais-
seau; ils disaient que le Verbe est dans son
Père comme un vaisseau dans un autre. Cette
secte a pu être une branche des aiiens.
MÉTANOEA, terme grec qui signifie rési-
piscence ou pénitence ; et c'est ainsi que les
Grecs nomment le quatrième des sept sacre-
ments. Mais ils ont principalement donné ce
nom à une cérémonie ou pratique de péni-
tence qui consiste à se pencher fort bas , et
à mettre une main contre terre avant de se
relever. .Les confesseurs leur en prescrivent
ordinairement un certain nombre, en leur
donnant j'absulution. Quoique les Grecs re-
gardent ces grandes inclinations du corps
comme une pratique fort agréable à Dieu ,
ils condamnent les génufiexions, et préten-
dent qu'on ne doit adorer Dieu que debout.
Ils ne font pas attention que les gestes du
corps sont par eux-mêmes très-indifférents,
et qu'ils n'ont point d'autre signification que
celle qui leur est attachée par l'usage. Dans
l'Occident, se découvrir la tête est une mar-
que de respect; dans l'Orient, c'en est une
de se déchaussir, et d'avoir les pieds nus.
Lorsque Moise voulut s'approcher du buis-
son ardent, Dieu lui cria : Déchausse-toi, la
terre due tu foules aux pieds est une terre
sainte\Exod. ui, 5). 11 exigea de lui la mar-
que de respect qui était en usage pour lors.
11 est évident que se mettre à genoux ou
se prosterner est un signe d'humiliation ,
par conséquent d'adoration ; lorsque Moïse
annonça aux Israélites ce que Dieu lui avait
ordonné , ils se prosternèrent pour adorer
Dieu [Ib. IV, 31).
I MÉTAPHYSIQUE. Quoique cet articlenous
soit étranger, nous sommes obligés de ré-
pondre à un reproche que l'on a sou vent fait
aux théologiens , d'en faire voir l'inconsé-
quence et l'absurdité. On demande pour-
quoi mêler des discussions métaphysiques à
lu théologie , qui doit être uniquement fon-
dée sur la révélation? Parce que, dès l'ori-
gine du christianisme, les philosophes, au-
teurs des hérésies, se sont servis de la mé-
taphysique pour attaquer les dogmes révélés,
et parce que les incrédules , leurs succes-
seurs, font encore aujourd'hui de même. Les
Pères de l'Eglise et h s théologiens ont donc
été forcés de faire voir que la métaphysique
de ces philosophes était fausse, de se servir
de toute la précision du langage d'une saine
métaphysique, cour exposer et développer les
dogmes de la loi , et pour les mettre à cou-
vert des sopinsmes que l'on y opposait. Cet
abus prétendu que l'on attribue très-mal à
propos aux se il.fStiques , vient dans le fond
des artifices et de l'opiniâtreté des ennemis
de la révélation. Pourquoi les incrédules mo-
dernes se sont-ils appliqués à déprimer la
métaphysique? Parce qu'elle fournit des ar-
guments invincibles contre eux. Eux-mêmes
ne peuvent attaquer ni établir aucun sys-
tème que par des arguments métaphysiques.
Pour combattre l'existence de Dieu , es
athées soutiennent que les attributs qu'on
lui prête sont incompatibles ; d'autre côté, il
s'agit.de savoir si la matière qu'ils mettent
à la place do Dieu est susceptible des attri-
buts qu ils lui supposent, si elle est capable
de penser dans l'homme , d'être le principe
de ses mouvements et de ses actions , etc.
Voilà des discussions très - métaphysiques.
Les déistes ne peuvent prouver l'existence
et l'unité de Dieu que par les notions de
cause première, d'être nécessaire, d'ordre,
d'intelligence, de nécessité , de hasard , de
cause finale, etc. La grande question de l'o-
rigine du mal ne peut être éclaircie qu'en
donnant une idée nette de ce que l'on nomme
bien et mal, qu'en montrant la différence es-
sentielle qu'il y a entre la bonté ioinle à une
l)uissance infinie , et la ôonfe jointe à une
Jouissance bornée. Ce n'est certainement pas
la physique qui débrouillera toutes ces ques-
tions. Nous est-il défendu de nous servir,
pour repousser nos ennemis, des mômes ar-
mes dont ils se servent pour nous attaquer,
d'opposer une métaphysique exacte et sulide
à des notions fausses et trompeuses ? Les
hérétiques anciens et modernes, ariens, pro-
testants, sociniens et autres, ne sont pas de
meilleure foi. D'un côté, ils voudraient que
les dogmes de la foi fussent énoncés dans
le langage simple et populaire, comme ils
l'ont été par les écrivains de l'Ancien et du
Nouveau Testament; de l'autre, ils s'etfor-
cent de prouver que ce langage ne s'accorde
pas avec la vraie métaphysique, et qu'd n'est
pas possible de le prendre à la lettre. Ils ont
attaqué le dogme du [)éché originel par de
prétendus principes de justice et d'équité;
le mystère de l'Incarnation , par de fausses
notions de ce que nous appelons nature et
pei sonne; celui de l'eucharistie, par une
explication captieuse des mots substance, ac-
cidents, étendue, matière, corps, etc. Oii en
seraient les théologiens catholiques , s'ils
n'étaient pas meilleurs métaphysiciens que
leurs adversaires?
Il en est de môme de la dialectique; si un
théologien n'était pas aguerri à toutes les
7S5
MET
MET
7M
ruses des sophistes , il ne serait pas en état
de les réfuter avec tout ravanta;j;e que peut
avoiruno logique ferme et toujours d'accord
avec ello-méme , sur une dialectique fausse
et qui no chcrcho qu'à faire illusion. Ce n'est
donc ni par goût, ni par habitude, ni par un
reste d'aitacheiuent M'ancien usage, que les
théologiens cultivent ces deux sciences; elles
leur seront absolument nécessaires tant que
la religion aura des ennemis , et il est pré-
dit qu'elle en aura jusqu'à la tin des siè-
cles (1).
(1) < La métaphysique, dit M. Laurentie, qui n'est
point éciaiice par la foi, n'est tprune science vainu
et ténébreuse. L'intelligtMicc de l'honuiic se perd dans
ses secreis, et aucun moyen ne lui reste de se re-
connaître parmi des oliscurilcs si profondes. Pour
l'arrêter, il suifirait de lui proposer celte question :
Y a-t-il quelque chcise? Sa raison orgueilleuse aurait
beau s'agilei', s'épuiser et s'irriter, toujours elle vien-
drait expirer sur rette question insoluble pour le
philosophe (|ui no s'en laiipiirle qu'a lui seul. « La
qiu'stion pourquoi il existe quehpie chose, dit un
■philosophe, est la plus enibairassanle que la philo-
sophie puisse se proposer, et il n'y a que la révélation
qui y réponde. > (Penst'es sur l'iuierpr: talion de Ici
nature, ii. 58, pag. di.) Et toutes les (piestions que
peut se proposer encore la philosophie, après celle-
ci, olTrent les mêmes diliicultés. La philosophie, en
cflêl , ne donne la raison d'aucune chose, et il faut
toujours qu'elle monte jusqu'à Dieu pour y trouver le
secret des êtres.
t La métaphysique, comme la logiiiue, a ses axio-
mes pour appuyer la suite de ses raisonnements; si
elle veut montrer les causes des êtres, elle pose en
principe, dans les éodes, ces propositions : Ab actit
ad passe viilit consecutin, seil mm vice versa. Possibili
posiio, in aclu iiihil seqnitur al'surdi, etc. Mais quelle
que soit la vérité de ces axiomes, (pielle que soit
même la vérité des conséquences (pi'on en déduit, ou
voit bien que leur certilude pliilosoplii(iue ne repose
pas en eux-mêmes, et qu'elle suppose toujours anlé-
rieurcnieut une raison de les adopter connue vrais,
et par conséquent des vérités \>liilosophi(pies tjui lem-
soient anlécedenles. Que servirait de dire, en ellét,
ab aclu ad passe vilet coiiseculii, si déjà on n'admet-
tait un élre agissant ? On suppose donc l'être ])our lu
prouver. Chose ab^u^le en philosophie, même lors-
qu'elle se rencontre dans des axiomes dont nul ne
conteste la vérité.
« D'ailleurs, cpielle conséquence philosophique y
a-t-il à tirer de ces axiomes, pour établir la verilé tl<"s
êtres'? Yoici un philosophe ingénieux, et c'est un
athlète armé contre l'aUiéismc (Berkeley), qui fait
des livres pour montier non pas (ju'il n'y a pas de
corps, ainsi (pion h' léprie dans tontes les philuso-
phies, mais que la philosophie ne saurait doiiiier au-
cune preuve tirée uni(pieuient d'elle-même, ([u'il y
ail des corps; chose tout à tait différente. Fenelun
l'avait déjà dit : < Uien n'est plus facile que d'em-
barrasser un liomme de bon sens sur la vériti!' de
son propre corps, quoiqu'il lui soit impossible d'où
douler sérieusement. > {Lelties>,ur la /!f7if(ioH.)(1uclle
ressource en effet trouve-i-ou contre une telle diffi-
culté, dans les axiomes de la méiaphysiipie'.' Toutes
les subtilités du momie ne créeront pas, avec ces
axiomes, un syllogisme où l'existence des corps, (pie
l'on veut prouver, ne soit d'aliurd présupposée. Or,
cette impuissance de prouver l'existence des corps
par de purs argumenis niétaphy>iques , n'est pas,
comme on l'imagine dans les écoles, une chose indif-
fé-'ente pour 1 alheisiue. Quoi ! l'athée, cet esprit
su|)erbe qui se conlie si téméraireuieiit à sa raison,
ne peut point prouver son être par la raison ! quoi !
ton corps, celte matière à laquelle il borne son être,
MÉTEMPSYCOSE, MÉTEMPSYCOSISTES.
Voy. TRANSMKînATION DES AMES.
MÉTHODISTES. C'est le nom que les pro-
testants ont donné aux controversistes fran-
çais, parce que ceux-ci ont suivi différentes
méthodes pour attaquer le protestantisme.
Voici l'idée qu'en adonnée Mosheim, savant
luthérien , dans son Hist. eccL, sœc. xvii ,
sect. 2, part. 2, c. 1, § 15. On peut , dit-il,
réduire ces méthodistes à deux classes. Ceux
do la preruière imposaient aux protestants,
dans la dispute , des lois injustes et dérai-
lui est un mystère inexplicable ! Oserait-il, après
cela, ouvrir encore la bouche? Que dira-t-il'? il ne
peut rien démontrer par sa raison : une seule pa-
role l'arrête dans ses systèmes ; et le plus faible de
ses adversaires le réduit à l'impuissance de rien éta-
blir, pas même son existence, par la philosophie !
Comment ne voit-on pas bien celte misère désespé-
ranie de l'alliée ? et comment, pour le confondre et
l'accabler, pense-t-on encore à se mettre dans la po-
siii(ni philosophique où il est lui-même, lorsqu'il est
si facile de l'abattre, en le laissant seul et désarmé
dans ce triste et abject isolement où il réduit lui-
même sa raison ?
« La même impuissance du philosopne se fait sen-
tir sur toutes les questions de métaphysique géné-
rale; et cette impuissance, il faut en convenir, est
une grande leçon donnée a la raison humaine. La
philosophie traite de l'essence des êtres, elle examine
péniblement ce qui constitue leur nalure, et si celte
nature leur est tellement propre ipi'elle ne puisse
pas être allérée sans que les eues perdent leur es-
sence. Elle examine encore les propriétés absolues
et les propriétés relatives des êtres ; elle examine
leur possibiliié, leur vérité, leur identité ; elle dis-
tingue l'être créé et l'être incréé, le Uni el l'infini,
l'elfet et la cause. .Mais en toutes ces questions, qui
met fin aux incertitudes el aux obscurités de la rai-
son '! La raison ne sait pas d'elle-même ce que c'e.st
(pie l'être, comment donc en comprend-elle l'essence
et la vérité '.' elle ne peut pas même démontrer par
(les arguments purement pbilosopbiipies l'identité de
l'être. L'homme n'a en soi aucun moiirphilosophique
d'aflirnier (pi'il est le même être aujourd'hui (pi'hier,
demain ([u'aujourd'hui. Sait-il mieux par la raison ce
que c'est que l'être créé et l'être incréé '.' comprend-
il lin être ([ui n'est que possible, c'est-à-dire un être
qui n'est pas '? Compremî-il la cause de l'être, et eu
comprend-il l'effet'? et lorsqu'il établit ces axiomes
métaphysiques : L:i cause est avmtt l'effet, nul effet
sans caiise, est-il sûr de distinguer l'une et l'autre,
et de savoir toujours philosophiiiuement qu'est-ce
qui est cause, qu'est-ce qui est efl'et'' Sait-il enlin ce
«pie c'est que le fini et l'infini'? La raison a-t-elle
percé d'elle-même tout ce mystère ? a-l-elle un
moyen logique de le mettre à la portée de toutes les
inlélligciices capables de raisonnement ? Quiconque a
conservé au milieu des recherches vagues et profon-
des de la métaphysique un peu de ce calme qui em-
pêche l'homme de s'étourdir et de s'aveugler, avouera
cl publiera que tout cela est mysti'rieiix ; que toutes
ces questions étonnent et conriuident la raison,
et que d'elle-même elle est impuissante pou" les
résoudre.
« Quoi! n'y a-l-il donc rien de cerlain sur l'être?
Qui l'osera dire? Il n'y a rien de cerlain pbilosopbi-
que:nei!t sur l'être pour l'athée, ou simplement pour
le philosophe qui veut expliquer l'être par sa propre
raison. Mais, dans nos doctrines philosophiques,
l'hoinme n'est jamais réduit .. la triste coiidition de
vouloir tiouver en soi la rais(jn de louies choses.
Nuire philosophe est un homme social, il trouve sa
certilude autour de lui ; la raison universelle des
hommes éclaire la sienne et la fortifie. C'est d'abord
m
MET
sonnables. De ce nombre a été l'ex-jésuite
François Véron, curé de Charenton, qui exi-
geait de ses adversaires qu'ils prouvassent
à l'aide de cette raison, à laquelle il participe par
des croyances communes, qu'il renverse et liuniilie
la raison particulière du pliilosophe icuiéraire qui
croit pouvoir rompre la société des intelligences,
pour se livrer à son propre esprit. La logique a mon-
tré comment cette lutte devenait toujours un triom-
phe pour la vérité; mais c'est poni encore. Cette ma-
nière de considéi er l'homme par rapport à la société,
lui crée des avantages de raisonnement contre les-
quels tous les sophismes métaphysiques viennent se
briser.
i En effet, qu'est-ce qui manque à la raison par-
ticulière de l'honime pour appuyer ses recherches
philosopiiiques ? Un premier motif de certitude sur
lequel repose toute la suite des raisonnements. Or,
quel est ce premier motif de certitude qui manque à
la raison qui veut tout démontrer ? Evidemment
c'est Dieu lui-même. Tant que Dieu n'est pas mis en
tète des vérités métaphysiques, il n'y a rien qui
puisse être démontré philosophiquement ; l'homme
tourne perpétuellement dans un cercle vicieux, sans
jamais atteindre une première vérité à laquelle reste
lixée la chaîne de toutes les autres vérités. Ainsi il
démontre la certitude par la certitude, et l'être par
la certitude de l'être, sans jamais venir à bout de
montrer pourquoi il est certain que cette certitude
est réelle, pourquoi même il croit qu'il est certain
de quelque chose. Le philosophe qui n'est point
athée fait bien tous ses efforts pour faire arriver
Dieu, mais toujours par la simple raison, à la tête
des démonstrations métaphysiques ; car il sent
qu'une fois cette première vérité posée, la certitude
de toutes les autres se déioule d'elle-même. Mais
l'erreur, l'irrémédiable erreur du pliilo-.ophe, c'est
de vouloir encore démontrer d'abord cette première
vérité par sa raison; et ainsi il reto:iibe dans ses
éternelles pétitions de principes, ainsi il met une
preniiere véiilé, qui est sa raison, avant la pre-
mière vérité, qui est Dieu ; ainsi il reste toujours
dans l'impuissance invincible de rien démontrer
philosophiquement ; et telle est la conséquence ri-
goureuse de toute philosophie qui enseigne à Thora-
me à chercher en lui la raison de toutes choses, et
la raison même de sa certitude.
I Voyez combien est différente la condition du
philosophe qui ne se sépare point de la société qui
lui transmet ses notions. Pour lui. Dieu se montre
de toutes parts, non pas comme une vérité philoso-
phique démontrée premièrement par la raison, mais
comme un être qui remplit le monde, comme une
vérité universelle, comme une lumière qui est mani-
festée à toute intelligence venant au monde, et dont
nul ne peut s'empêcher de voir l'éblouissante clarté.
Or, l'homme social qui commence par croire, et non
point par raisonner, ayant une fois reçu par la foi
cette première vérité de l'être de Dieu, y trouve na-
turellement le moyen d'échàrer toutes les questions
de la métaphysique ; sa raison n'a plus de mystère à
redouter, tout se découvre, et la certitude philoso-
phique commence à ce point fi.ve, que l'homme trou-
ve hors de sa raison. Chose merveilleuse ! la raison
commence par s'abaisser, mais c'est pour s'élever
ensuite ; elle n'est même la raison que parce qu'elle
se soumet; dès qu'elle est rebelle, elle devient incer-
taine, elle s'égare dans ses recherches, elle abandon-
ne les notions communes aux autres intelligences,
c'est-à-dire elle rompt leur société, et elle expire
dans ses doutes et dans sa solitude.
c Nous disons que Dieu étant une fois mis en tète
4es vérités, tout l'être s'explique. Alors la raison,
pour la première fois, peut savoir ce que c'est qu'elfe
et n'être pas ; ce que c'est que cause et effet, infini
f l lini, puissance et action de l'être ; alors, pour la
MET 7ja
tous les articles de leur croyance par des
passages clairs et formels de l'Ecriture
sainte , et qui leur interdisait mal à propos
première fois, les axiomes de la métaphysique reçoi-
vent une certitude philosophique, et leurs conséquen-
ces se montrent avec une vérité de logique qu'aucune
raison ne peut plus renverser. Le philosophe dit
peut-être : Vous supposez Dieu ; donc toute la suite
de vos raisonnements tombe avec cette' supposition.
Nous supposons Dieu, comme nous supposons le so-
leil. Est-ce là une supposilio.i ? Dieu est le soleil des
intelligences; le philosophe dit-il que l'homme qui
jouit de la lumière céleste aurait besoin d'une rai-
son philosophique pour affirmer qu'il en jouit en ef-
fet ? Le monde voit le soleil se lever cha([ue matin à
l'aurore, et se coucher le soir pour faire place aux
nuits. Faut-il au monde des démonslraiions pour
s'assurer de cette marche toujours nouvelle et tou-
jours la même '.' Le monde voit aussi do toutes parts
la lumière d'une intelligence suprême qui éclaire
tous les êtres pensants. Le monde pourrait-il ne pas
voir cette clarté resplendissante? Et quand il fer-
merait les yeux de sa raison, ne saurait-il pas en-
core malgré lui que toutes les raisons eu sont
éblouies V Or, que l'on ne considère d'abord, si l'on
veut, l'existence de ce soleil intellectuel que comme
un fait universel que des démonstrations logiques
peuvent ensuite fortifier dans la pensée de l'homme,
toujours est-il manifeste que Dieu, connu à l'iionime
par cette première et solennelle proclamation de
toutes les intelligences, et placé ainsi à la tête de
toutes les vérités philosophiques, est le premier point
fixe auquel reste attachée la chaîne de ces vérités.
€ Voici donc comment la philosophie chrétienne,
c'est-à-dire la vraie philosophie, développe hardiment
son système métaphysique, à l'aide de ce premier
principe, sans craindre d'être jamais arrêtée dans sa
marche, et d'être jetée dans les incertitudes de la
philosophie qui cherche en soi un premier principe
.semblable et un fondement semblable de ccrliliide.
Dieu, d'abord, lui est révélé tout entier; et voici
commeul elle li; voit appajaître avec sa lumière dans
le monde inteltecluel.
t De toute éternité Dieu est, Dieu est parfait,
« Dieu est heureux. Dieu est un. L'impie demande :
« Pourquoi Dieu est- il? Je lui réponds : Pourquoi
« Dieu ne serait-il pas? est-ce à cause qu'il est par-
< fait? et la perlèction est-elle un obstacle à l'être?
« Erreur insensée ! au contraire, la perfection est la
« raison d'être. Pourquoi l'imparfait serait-il, et le
« parfait ne serait-il pas ? c'est-à-dire pourquoi ce
« qui tient plus du néant serait-il, et que ce qui
< n'en tient rien du tout ne serait-il pas? Qu'appelle-
« t-on parfait ? Un être à qui rien ne man(|ue. Qu'ap-
< pelle-l-on imparfait ? Un être à qui quelque chose
« manque. Pourquoi l'être à qui rien ne manque ne
I serait-il pas, plutôt que l'être à qui quelque chose
« manque ? D'où vient que quelque chose est, et
t qu'il ne se peut pas faire que le rien soit, si ce
« n'est parce que l'être vaut mieux que le rien, et
< que le rien ne peut pas prévaloir sur l'être, ni
« empêcher l'être d'être? Mais, par la même raison,
< l'imparfait ne peut valoir mieux que le parfait, ni
« être plutôt que lui, ni l'empêcher d'être. Qui peut
« donc empêcher que Dieu ne soit ? et pourquoi le
f néant de Dieu, que l'impie veut iiiagincr dont son
« cœur insensé (Ps. 13, v. !), pourquoi, dis-je, ce
« néant de Die» l'emporterait-il sur l'être de Dieu '!
t vaut-il mieux que Dieu ne soit pas que d'être ?...
I (Bossuet, 1" Elévation sur les vitistères.) On dit :
I Le parfait n'est pas ; le parfait n'est qu'une idée de
< notre esprit, (pii va s'élevant de l'imparfait (|u'on
< voit de ses yeux jusqu'à une perfection qoi n'a de
I réaliié que dans la pensée. C'est le raisonnement
f que l'impie voudrait faire dans son cœur insensé,
< qui ite songe pas que le parfait est le premier, et
757
lœir
MET
74»
tout raisonnement, toute conséquence, toute
espèce d'argumentation. 11 a (Hé suivi par
Bertliole Nihusius, transfuge du protestan-
tisme ; par les frères Wallembourg , et par
d'autres, qui ont trouvé qu'il était plus aisé
de défendre ce qu'ils possédaient que de dé-
montrer la justice de leur possession. Ils
laissaient à leurs adversaires toute la charge
de prouver, alin do se réserver seulement le
soin de répoudre et de repousser les preu-
ves. Le cardinal do Kiclielieu , et d'autres ,
voulaient qu'on laissAt de côté les plaintes
et les reproches des protestants, qu'on ré-
duisît toute la dispute à la question de l'E-
glise , que l'on se contentût de prouver son
autorité divine par des raisons évidentes et
sans réplique. Ceux de la seconde classe ont
pensé que , pour abréger la contestation , il
fallait opposer aux protestants des raisons
générales que l'on nomme préjugés , et que
cela suffisait pour détruire toutes leurs pré-
tentions. C'est la mélhoile qu'a suivie Nicole,
dans ses Prcjucjés léiiHimcs contre les calvi-
nistes. Après lui , plusieurs ont été d'avis
3u'un seul de ces arguments, bien poussé et
évcloiipé, était assez fort pour démontrer
l'abus et la nullité de la réforme. Les uns
lui ont opposé le droit de prescription ; les
autres, les vices et le défaut de mission des
réformateurs; quelques-uns se sont bornés
à prouver que cet ouvrage était un vrai
schisme, par conséquent le plus grand de
tous les crimes. Celui qui s'est le plus dis-
tingué dans la foule des controversistes, par
son esprit et par son éloquence , est Bos-
suet ; il a entrepris de prouver que la so-
ciété formée par Luiher est une Eglise fausse,
en mettant au jour l'inconslance des opi-
nions de ses docteurs , et la multitude des
« cil soi, et dans nos idées; et que l'imparfait en
« toutes façons n'est ((u'une dégradation. Dis-moi,
« mon àiue, connuenl cnlends-lu le néant, sinon
« par l'élre? coiumcnt entends-tu la privation, si ce
< n'est par la forme dont elle prive. Comment l'iin-
« perl'ceiion, si ce n'est par la perfection dont elle
( déclioil? Mon àme, n'enlends-tii pas que tu as une
« raison, mais imparfaite, pnis(iu'ellc ignoie, qu'elle
« doute, qu'elle erre et ((u'elle se trompe ? Mais coni-
< nient eiilenda-lu l'erreur, si ce n'est coninic pri-
I vation de la vérité ; et comment le doute ou l'ob-
< scurilé, si ce n'est comme privation de l'inlelligen-
( ce et de la Imiiièie ; ou conimeut enlin l'ignorance,
I si ce n'est comme privation du savoir parfait'?
« comment dans la volonté, le déiéglement et le
< vice, si ce n'est comme privation de la règle, de la
f droituie et de la vertu 'Ml y a donc primitivement
I une intelligeuce, une science certaine, une vérité,
< une inllexibilitc dans le bien, une règle, un ordre,
I avant qu'il y ait une décbéance de toutes ces cho-
< ses; en un mot, il y a une perfection avant qu'il y
I ait un défaut; a\anl tout dérèglement, il faut
< qu'il y ait une chose qui est elle-même sa règle,
I et qui, ne pouvant se quitter soi-même, ne peut
( non plus m faillir ni dolaillir. Voil:'» donc un être
f parlait; voilà Dieu, nature parfaite et heureuse.
« Le reste est incompréhensible, et nous ne pou-
€ vous même pas compiendie jusqu'où il est parfait
« et heureux, pas même jusqu'à (jnel point il est inr
< compréhensible. > (Bossuct, 11' Etév.) — Extrait
i]e {'liiirodiciiou nia philosephie, etc., par M. Lau-
reniie, irpari., cb. }J.
variations survenues dans sa doctrine ; de
démontrer, au contraire , l'autorité et la di-
virnté de l'Eglise romaine , par sa constance
à enseigner les mêmes dogmes dans tous les
teuips. Ce i>rocédé , dit Mosheim, est forte-
tement étonnant de la part d'un savant, sur-
tout d'un Français , qui n'a pas pu ignorer
que , selon les écrivains de sa nation , les
papes ont toujours très -bien su s'accom-
moder aux temps et aux circonstances , et
que Rome moderne ne ressemble pas plus
à l'ancienne que le plomb ne ressemble à
l'or.
Tous ces travaux des défenseurs de l'E-
glise romaine, continue le savant luthérien,
ont donné plus d'embarras aux [irotestauts
qu'ils n'ont procuré d'avantage aux catholi-
ques. A la vérité, plusieurs princes et quel-
ques hommes instruits se sont laissé ébran-
ler, et sont rentrés dans l'Eglise que leurs
pères avaient quittée ; mais leur exemple
n'a entraîné aucun peuple ni aucune pro-
vince. Ensuite, après avoir fait l'énuméra-
tion des plus illustres convertis, soit parmi
les princes, soit parmi les savants, il dit que
si l'on excepte ceux qui ont été poussés à
ce changement par des revers domestiques,
))ar lambitiou d'augmenter leur dignité et
leur forlune, par légèreté ou par faiblesse
d'esprit, ou par d'autres causes aussi peu
louables, le nombre se trouvera réduit à si
peu de chose, qu'il n'y aura pas lieu d'être
jaloux d( s acquisitions faites par les catho-
liques.
Nous ne pouvons nous dispenser de faire
quehjues réflexions sur ce tableau. 1° Dès
que les protestants ont posé pour principe
et pour fondement de leur réforme, q^ue l'E-
criture sainte est la seule règle de loi, que
c'est par elle seule qu'il faut décider toutes
les questions et terminer toutes les di.spules,
oiî est l'injustice , de la part des théo-
logiens catlioliques, de les prendre au mot,
et d'exiger qu'ils prouvent tous les articles
de leur doctrine par des passages clairs et
formels de l'Ecriture '? Prétendent-ils ensei-
gner sans règle, et dogmatiser sans princi-
pes'? Ils ont eux-mêmes imposé celte loi
aux catholiques, et ceux-ci l'ont subie; en-
suite les prolestants la trouvent troji dure,
et voudraient s'en exempter. Ce sont eux
qui sont venus attaquer l'Eglise catholique,
et lui disputer une possession de quinze
siècles; c'est donc à eux de prouver par
l'Ecriture que cette possession est illégi-
time. — 2° 11 n'est pas vrai qu'aucun de nos
controversistes ait interdit aux prolestants
tout raisonnement et toutç conséquence ;
mais on a exigé que les conséquences fus-
sent tirées directement de passages de l'E-
criture clairs et formels. 11 ne l'est pas non
plus que nos controversistes se soient bor-
nés à répoudre aux preuves des protestants.
On n'a qu'à ouvrir la Profession de foi car-
tholique de Véron, l'on verra qu'il prouve
chacun de nos dogmes de foi par des textes
formels de l'Ecriture sainte. Les frères de
"Wallembourg ont fait de même; mais ils
sout a»lés plus loin. Ils ont fait voir que la mé-
T59
MET
MET
760
thode de l'Eglise catholique est la môme
dont elle s'est servie dans tous les siècles,
et qui a été employée par les Pères de l'E-
glise pour [irouver les dogmes de foi et
réfuter toutes les erreurs; que celle des
protestants est fautive, et justilie toutes les
hérésies sans exception; que leur distinc-
tion entre les articles fondamentaux et les
non fondamentaux , est nulle et abusive ;
qu'ils ont lalsiûé l'Ecriture sainte, soit dans
leurs explications arbitraires, soit dans leurs
versions ; et il le prouve en comparant leurs
différentes traductions de la Bible; que non
contents de cette témérité , ils rejettent
encore tout livre de l'Ecriture sainte qui
leur déplaît. Ces mêmes controversistes
prouvent que c'est par témoins ou par la tra-
dition que le sens de l'Ecriture sainte doit
<^tro fixe, et. que les articles de foi doi-
vent être décidés , et qu'ils ne peuvent
l'être autrement. C'est après tous ces préli-
minaires qu'ils opposent aux protestants la
voie de prescri|)tion, et des préjugés très-
légitimes; savoir, le défaut de mission dans
les réformateurs, le schisme dont ils se sont
rendus coupables , la nouveauté de leur
doctrine , etc. Us ont donc prouvé d'une
manière invincible, non-seulement la pos-
session de l'Eglise catholique, mais la justice
et la légitimité de cette possession. — 3°
Puisque les protestants ont allégué, pour
motif de leur schisme, que l'Eglise romaine
n'était plus la véritable Eglise de Jésus-
Christ, le cardinal de Richelieu n'a pas eu
tort de prétendre qu'en prouvant le contraire
on sapait la réforme par le fondement. Sur
ce point, comme sur tous les autres , nus
adversaires se sont très-mal défendus; ils
ont varié dans leur système, ils ont admis
tantôt une Eglise invisible , tantôt une
Eglise composée de toutes les sectes chré-
tiennes, quoiqu'elles s'excommunient réci-
proquement, et ne veuillent avoir ensemble
aucune société. Bossuet a démontré l'ab-
surdité de l'un et de l'autre de ces systèmes,
et les protestants n'ont rien répliqué. — k°
L'on sait de quelle manière ils ont répondu
à l'Histoire des Yarialioni ; forcés d'avouer
le fait, ils ont dit que l'Eglise cathoHque
avait varié dans sa croyance aussi bien
qu'eux, et avant eux. Mais ont-ils apporté
de ces prétendues variations ties preuves
aussi positives et aussi incontestables que
celles que Bossuet avait alléguées contre
eux? Leurs plus célèbres controversistes
n'ont pu fournir que des preuves négatives ;
ils ont dit : Nous ne voyons pas, dans les
trois premiers siècles, des monuments de
tels et de tels dogmes que l'Eglise romaine
professe aujourd'hui : donc on ne les croyait
fias alors ; donc elle a varié dans sa foi. On
cur a fait voir la nullité de ce raisonne-
ment, parce que l'Eglise du iv' siècle a fait
profession de ne croire que ce qui était déjà
cru et professé au troisième, et enseigné
depuis les apôtres; donc les monuments
du IV' siècle prouvent que tel dogme était
déjà cru et enseigné auparavant.
Quant à ce que Mosneim dit dos théolo-
giens français, il veut donner le change et
faire illusion. Jamais ces théologiens n'ont
enseigné que les papes s'étaient accommo-
dés aux temps et aux circonstances, quant
à la profession du dojrme; qu'ils ont varié
dans le dogme; que l'Eglise do Rome n'a
plus la même croyance que dans les pre-
miers siècles. Ils ont dit que les papes ont
profité des circonstances pour étendre leur
juridiction, pour borner celle des évoques,
pour disposer des bénéfices, etc. ; qu'ils ont
ainsi changé l'ancienne discipline ; mais la
discipline et le dogme ne sont pas la même
chose. Bossuet a démontré que les protes-
tants ont varié dans leuis articles de foi;
Musheim parle de v/irialions dans la disci-
pline; est-ce là raisonner de bonne foi?
D'ailleurs les théologiens français sont per-
suadés que le pape ne peut pas décider
seul un article de foi, que sa décision n'est
irréformable que quand elle est confirmée
par racquicscement de toute l'Eglise; com-
ment donc pourraient-ils accuser les papes
d'avoir changé la foi de l'Eglise? Le pro-
cédé de Mosheim n'est pas plus honnête à
l'égard des princes et des savants, qui, dé-
trompés des erreurs du protestantisme par
les ouvrages des controversistes catholi-
ques, sont rentrés dans l'Eglise romaine.
Lorsque ces controversistes ont accusé les
réformateurs d'avoir fait schisme par liber-
tinage, par esprit d'indépendance, par am-
bition d'être chefs de sectes, etc., les pro-
testants ont crié à la calomnie; ils ont
demandé de quel droit on voulait sonder le
fond des cœurs, prêter des intentions cri-
minelles à des hommes qui pouvaient avoir
eu des motifs louables ; et ils commettent
cette injustice à l'égard de ceux qui ont
renoncé au schisme et aux erreurs de leurs
pères. Ces convertis ont-ils eu une conduite
aussi répréhensible que les réformateurs?
Qu'aurait dit Mosheim , si on lui avait
soutenu en face qu'il voulait vivre et mourir
luthérien, parce qu'il occupait la première
Elace dans une université, et jouissait d'une
onne abbaye? — Que le commun des luthé-
riens, malgré l'exemple de plusieurs princes
et d'un nombre de savants convertis, aient
persévéré dans les erreurs dont ils ont été
imbus dès l'enfance, cela n'est pas étonnant;
ils ne sont pas instruits et ne veulent pas
l'être; ils ne lisent point les ouvrages des
théologiens catholiques, et les ministres le
leur défendent. Mais la conversion de ceux
qui ont été instruits, qui ont lu le pour et
le contre, nous paraît un préjugé favorable à
l'Eglise catholique , et désavantageux aux
protestants.
MÉTHODISTES, est aussi le nom d'une secte
récemment formée en Angleterre , et qui
ressemble beaucoup à celle des hernhutes
ou frères moraves. Son auteur est un M.
Wilhefield; elle se propose pour objet la ré-
forme des mœurs et le rétablissement du dog-
me de la grâce, défiguré parl'arminianisme,
qui est devenu commun parmi les théolo-
giens anglicans. Ces méthodistes enseignent
que la foi seule suffit pour la justification do
761
MEZ
MIC
762
l'homme et pour lo salut éternel, et ils s'at-
tachent h inspirer beaucoup de crainte do
l'enfer; ils ont adopté la liturgie anglicane,
et ont établi parmi eux la communauté do
biens qui régnait dans l'Eglise de Jérusa-
lem à la naissance du christianisme. Ou
assure qu'ils ont les mœurs très-pures ;
mais comme cette secte ne doit sa naissance
qu'h l'enthousiasme de son chef, il est à
craindre que sa ferveur ne so soutienne pas
longtemps, Londres, t. Il, p. '20S. [I.o mé-
thodisme a fait de très-grands progrès en
Amérique; il a formé un grand noudirc de
sectes qui sont trop peu importantes pour
nous en occu|ier ici.]
MÉTUÈTE , sorte de mesure chez les
Grecs : ce nom est dérivé de uirpeiv, mesurer.
On le trouve deux lois dans l'Ancien Testa-
ment; savoir, I Parai, c. ii, v. 10, etc. iv, v. 5.
Dans l'un et l'autre endroit, l'hébreu porto
ballte. Celle-ci était une grande mesure
creuse, qui contenait trente pinlas, mesure
de Paris, ^ peu de chose près, et la métrèle
des Grecs était h peu près égale.
11 est dii dans saint Jean, c. ii, v. G,
qu'aux noces de Cana , Jésus -Christ fit
emplir d'eau six grands vases de i)ierr(! (pii
contenaiait chacun deux ou trois métrHcs,
et qu'il changea cette eau en vin. Selon l'é-
valuation ordinaire, chacun de ces vases
pouvait contenir environ quatre-vingts
pintes; ainsi le miracle fut opéré sur quatre
cent (|uatre-vingts pinirs d'eau. Par cette
qu.inlité de vin, Jésus-Christ voulut dédom-
mager les époux de Cana d'une partie d's la
dépense qu'ils avaient faite pour leurs noces.
Yoy. Cana.
MÉTIlOCOMIE.Ce terme, souvent emiiloyé
par les historiens ecclésiastiques, signilio
un bourg |irinci[ial, et qui en a d'autres
sous sa .juridiction : il vient du grec fiijTnp,
mère, ely.'.<ij.fi, botira, rilUige. Ce ipie les mé-
tropoles étaient à l'égar^l des villes, les mê~
Irocomies l'étaient à l'égard des villages de
la campagne. C'était le siège de la résidence
d'un chorévéque ou d'un doyen rural. Voy.
Chorévéque.
* METROPOLE. Siège du niétropolilain ou do
l'archevéqne. Lu dignité d'nrcliev(''<iiie et de niéu-o-
polilaiii n'est que de droit ecclésiastique. L'Eglise,
dépositaire de la juridiction spirituelle, a pu déléguer
à un évè(|uc une certaine juridiction sur les diocè-
ses voisins alin de maintenir l'ordre et la discipline.
Nous avons détermine la nature et l'étendue des
pouvoirs juridictioiuiels des métropolitains dans no-
tre Dict. de Théol. nior , art. Archevêchf.. l>a Con-
stituante de 1789 s'arrogea le droit d'établir des mé-
tropoles. C'est à l'Eglise seule qu'appartient ce pou-
voir, comme nous l'avons démontre aux mois Dio-
cèse, CoNsriTiiTioK^ELLE (Eglise).
MEURTRE. Toy. Homicide.
MEZUZOTH, terme hébreu qui signifie les
deux poteaux ou les jambages d'une porte.
Dans le Deutéronome, c. vi, v. 6-9, et c xi,
V. 13-20, il est ordonné aux Juifs d'avoir
toujours sous les yeux les paroles de la loi,
de les graver dans leur cœur, de les porter
sur leurs mains et sur leur front, et de les
placer sur les jambages do leurs portes.
Pour exécuter ces paroles îi la lettre, les
Juifs prennent un morceau de parcheiuin
pré[)ar6 exprès , sur lequel ils écrivent ,
d'une encre particulière et en caractères
carrés, ces deux passages du Deutéronome.
Ils roulent ce parchemin , et l'enfcrmc^nt
dans un roseau ou dans un autre tuyau,
de peur, disent-ils, que les paroles de la loi
ne soient profanées. Sur les bouts du tuyau
ils écrivent le mot Saddcû, qui est un des
noms de Dieu. Us placent ces mezuzoth aux
portes des maisons, des chambres et des
lieux frétiuentés; toutes les fois qu'ils en-
trent ou qu'ils sortent , ils toucnent cet
endroit du bout du doigt, et baisent ensuite
leur doigt par resjiect. — Il serait mieux,
sans doute, de prendre l'esprit de la loi,
que de so borner ainsi à l'observation su-
perstitieuse de la lettre ; mais tel est le
génie grossier et minutieux des Juifs mo-
dernes.-
MICHÉE, est le septième des petits pro-
phètes ; il est surnommé Marathite, parce
qu'il était de Maralh ou Maratliie, bourg do
JuJée, et pour le distinguer d'un autre pro-
phète de môme nom, qui parut sous le règne
d'Achab. Celui dont nous parlons pro[)hétisa
pendant |>rès de cinmiante ans , sous les
règnes de Joatlian, d'Achaz et d'Ezéchias,
et fut contemporain d'Isaïe. On ne sait rien
autre chose ni de sa vie, ni de sa mort. —
Sa prophétie ne coiitient que sept chapitres;
elle est écrite en style tiguré et sublime,
mais facile h entendre; il prédit la ruine
et la captivité des dix tribus du royaume
d'Israi-l sous les Assyriens; et celle des
deux tribus du royaume de Juda sous les
Chaldéens, on punition de leurs crimes, en-
suite leur délivrance sous Cyrus. A ces pré-
dictions, il en ajoute une très-claire tou-
chant la naissance du Messie, son règne, et
l'établissement de son Eglise. Voici ses
paroles, c. v, v. 2 : « Et vous, Bethléem,
autrefois E[ihrata, vous êtes pe.i considé-
rable parmi les villes de Juda ; mais c'est de
vous que sortira celui qui iloit régner sur
Israël; sa naissance est dès le commence-
ment, dès l'éternité... 11 demeurera ferme,
il paîtra son troupeau dans la force du Sei-
gneur, avec toute la grandeur et au nom du
Seigneur sou Dieu; il sera loué et admiré
jusqu'aux extrémités du monde. C'est lui qui
sera notre paix.»
Le paraphraste chaldéen et les anciens
docteurs juifs ont entendu cette prédiction
de la naissance du Messie; c'était la croyaiice
commune des Juifs quand Jésus-Christ vint
au monde. Lorsque Hérode demanda aux
scribes et aux docteurs de la loi où devait
naître le Messie, ils répondirent à Bethléem,
et citèrent la prophétie de Mic.hée [Malth.
11, v. 5); et les plus savants rabbins en sont
encore persuadés. — Quelques-uns, suivis
par Grotius, ont dit que cette prophétie
pouvait désigner Zorobabel. <jui fut le chef
des Juifs au retour de la captivité. Mais ce
chef n'était point né à Bethléem, il était né
à Kabvlone, son nom môme lo témoigne; il
B'a poiut régné sur les Juifs ot sur Israelj
7G3
mï
MIL
784
son autorité était Irès-bornée. En quel sens
pourrait-on dire que sa naissance est de
toute éternité, qu'il a été la paix de sa na-
tion, qu'il a été admiré aux extrémités de
la terre, etc.? Aucun des traits marqués jiar
le prophète ne peut lui convenir. Voy. la
Synopsedes critiques sur ce passage.
MICHEL, en hébreu, mi-dia-el, qui est
semblable à Dieu. Ce nom est donné à plu-
sieurs hommes dans l'Ancien Testament;
mais dans le prophète Daniel, c. x, v. 13 et
21; c. xn, V. 1, il désigne l'ange tutélaire
de la nation juive; dans l'épitre de saint
Jude, V. 9, il est appelé archange, ou chef
dos an^es: et dans l'Apocalypse, c. xn, v. 7,
il est dit : Michel et ses anges. De là l'on
conclut que Michel est le chef de la hiérar-
chie céleste ; et c'est sous cette qualité que
l'Eglise lui rend un culte particulier. Voy.
Ange.
MIEL. Dans le Lévitique, c. n, v. 11, il
est défendu aux Hébreux d'offrir du miel
dans les sacrifices. Chez les païens, le miel
était offert à Bacchus ; on en garnissait la
plupart des victimes ; on faisait des libations
de vin, de lait et de miel à l'honneur des
morts et des dieux infernaux ; on croyait
que les douceurs étaient agréables aux
dieux. Moïse voulut retrancher toutes ces
superstitions.
D'ins plusieurs endroits de l'Ecriture, le
miel désigne en général ce qu'il y a do
meilleur et de plus exquis parmi les pro-
ductions de la nature. Pour exprimer la
fertilité de la Palestine, il est dit souvent que
c'est une terre dans laquelle coulent le lait
et le miel; on sait, en effet, que la Palestine
avait d'excellents pâturages, et que les Juifs
y nourrissaient de nombreux troupeaux :
or, parmi les peuples pasteurs, le lait pur,
ou avec différentes préparations, fait la
principale nourriture. On sait encore que,
dans cette même contrée, les abeilles se
logent souvent dans le creux des rochers ;
que pendant les grandes chaleurs, leur miel,
devenu très-liquide, coule et se répand par
les fentes de la pierre ; ainsi se vérifie à la
lettre l'expression des livres saints, et c'est
l'explication de ce que dit Moïse {Dcul. xxxii,
13J, que Dieu a voulu placer Israël dans
une terre dans laquelle il sucerait le miel de
la pierre. Souvent encore le belirre et le
miel sont joints ensemble, pour exprimer ce
qu'il y a de plus gras et de plus doux ; mais
dans Isaïe, c. vu, v. 15, où il est dit que
l'enfant qui naîtra d'une vierge, et qui sera
nommé Emmanuel, mangera du beurre et
du miel, afin qu'il sache choisir le bien et
rejeter le mal, il paraît que c'est une expres-
sion figurée, pour signifier que cet entant
recevra une excellente éducation.
_ MILITANTE (Eglise). En prenant le terme
d'Eglise dans sa significaiion la plus étendue,
on distingue l'Eglise militante, qui est la
société des fidèles sur la terre; l'Eglise
soufifrante, et ce sont les Ames des fidèles
qui sont en purgatoire ; l'Eglise triomphante,
Ïui s'entend des saints heureux dans le ciei.
a première est appelée militante , parce
que la vie du 'chrétien sur la terre est re-
gardée comme une milice, comme un com-
bat qu'il doit livrer au monde, au démon et
à ses propres prissions. Voy. Eglise.
f MILLÉNAIRES. Au ir et au m' siècle de
rEs<lise, on a nommé ainsi ceux qui croyaient
qu'à la fin du monde Jésus-Christ reviendrait
sur la terre, et y établirait un royaume tem-
porel pendnnt mille ans, dans lequel les
fidèles jouiraient d'une félicité temporelle,
en attendant le jugement dernier, et un
bonheur encore plus parfait dans le ciel ; les
Grecs h-s ont appelés chitinstes , terme sy-
nonyme à millénaires. Celte opinion était
fondée sur le cli. xx do l'Apocalypse, où il
est dit que les martyrs régneront avec
Jésus-Christ pendant mille ans; mais il est
aisé de voir que cette espèce de propliétie,
qui est très-obscure en elle-même, ne doit
pas être prise à la lettre. Papias, évoque
d'Hiéraplc, et disciple de saint Jean l'Evan-
géliste, passe pour avoir été l'auteur de cette
opinion; mais Mosheim a prouvé qu'elle
vient originairement des Juifs. Elle fut sui-
vie par plusieurs Pères de l'Eglise, tels i^ue
saint Justin, saint Irénée, Népos, Victorin,
Lactance, T'ertullien, Sulpice Sévère, Q. Ju-
lius Hilarion, Commodianus, et d'autres
moins connus.
Il est essentiel de remarquer qu'il y a
eu des mi lli'nair es de deux espèces. Les uns,
comme Céiinthe et ses disciples, ensei-
gnaient que, sous le règne de Jésus-Christ
sur la terre, les justes jouiraient d'une féli-
cité corporelle qui consisterait principale-
ment dans les plaisirs des sens ; jamais les
Pères n'ont embrassé ce sentiment grossier;
au contraire, ils Font regardé comme une
erreur. C'est par cette raison môme que
plusieurs ont hésité pour savoir s'ils de-
vaient mettre l'Apocalypse au nombre des
livres canoniques ; ils craignaient que Cé-
rinthe n'en fût le véritable auteur, et ne
l'eût supposé sous le nom de saint Jean,
pour accréditer son erreur. Les autres
croyaient que, sous le règne de mille ans,
les saints jouiraient d'une félicité plutôt
spirituelle que corporelle, et ils en excluaient
les voluptés des seps. Mais il faut encore
remarcpaer, 1° que la plupart ne regardaient
point cette opinion comme un dogme de
foi ; saint Justin qui la suivait dit furmellû ■
ment qu'il y avait plusieurs chrétiens pieux
et d'une foi pure, qui étaient du sentiment
contraire, Dial. cum Tryph., n° 80. Si, dans
la suite du dialogue, il ajoute que tous les
chrétiens qui pensent juste sont de même
avis, il parle de la résurrection future, et
non du règne de mille ans, comme l'ont
très-bien^ remarqué les éditeurs de saint
Justin. Bnrbeyrac et ceux qu'il cite ont donc
tort do dire que ces Pères soutenaient le
règne de mille ans comme une vérité a-ios-
tolique. Traité de la morale des Pères, c. 2,
p. 4, n. 2. — 2° La principale raison pour
laquelle les Pères croyaient ce règne, est
qu'il leur paraissait lié avec le dogme de la
résurrection générale; les héiétiqnes, qui
rejetaient l'un, niaient aussi l'auire. Cela est
765
MIN
AÎIN
708
clair par le passage cité de saint Justin, et
par ce que dit saint Irénée, Adv. Ilœr.,
m. V, c. xsxi, n. 1. Ainsi, lorsqu'il traite
chi/Tétiques ceu\ qui ne sont pas de son
avis, quoiqu'ils passent, dit-il, pour avoir
iMic foi pure et orlliodoxo, cette censure
ne tombe pas tant sur ceux qui niaient le
règne de mi le ans, que sur ceux qui reje-
taient la résurrection future, connue les va-
Icnliniens, les mare onilos et les autres
gnostiques.— 3" Il s'en faut Ijcaucoup que ce
sentiment ait élé unanime parmi les Pères.
Origènc, D nis d"Al xandrie, son disciple ;
t^aïus, prêtre de Rome ; saint Jérôme et
d'autres ont écrit contre le prétendu règne
de mille ans, et l'ont rejeté comnif une fa-
ble. Il n'est donc pas vrai que celle opinion
ait été établie sur la tradition la plus res-
pectable ; les l'èr -s no font point tradition
lorsqu'ils disputent sur une (piestion quel-
conque. Les protestants ont mal choisi cet
exemple pour d.'primer l'autorité des Pères
et de la tradition, il les incrédules ([ui ont
copié les protestants ont montré bien peu
de discernement. Mosheim a l'ait voir qu'il
y avait parm les Pères au moins quatre
opinions ditlV-rentes touchant ce prétendu
règne de milbi ans, ]Jisl. christ., sase. ni,
§ 38, note. Quelques auteurs ont parlé d'une
autre espèce île millénaires, qui avaient
imaginé que de nulle ans en millt; ans il y
avait pour des damnés une cessation des
peines de l'enfer ; cette rêverie était encore
fond 'e sur rApocal.vpS'\
iMlîs'ÉENS. C'est le nom que saint Jérùme,
dans sa lettre 89 , donne aux nazaréens,
qu'il suppose être une secte de juifs.
F(i(/. Nazaréens. Aujourd'hui les rabbins ap-
jiellent minnim ou minécns, les hérésies et
les hérétiques, ceux qui ont une religion
différente de la leur ; ce terme hébreu nous
paraît synonyme du mot Sectl:, Séparation,
SCUISAIE.
* MES'IÎRALOGIE. Rien ne parait plus étranger à
la science lliéulogique que la minéralogie; elle sert
ce|ieiulani à conlirnier nos livres saints, ;i constater
la véraeito de la cosinogoiiio niosaiiiue et l'existence
lin dehige. Nous avons développé les preuves que
nous fournit la minéralogie aux mots Cosmogo.nie.
Déluge. Nous nous contenions d'y renvoyer.
MINEURE. Seconde thèse do théologie
que doit soutenir un bachelier en licence,
sur la troisième partie de la Somme de saint
Thomas, qui traite des sarrements : cette
thèse dure six heures. Voy. I)egké.
5IINEURS (ordres). On distingue quatre
ordres mineurs, qui sont ceux d'acolytr, de
lecteur, d'exorciste et de portier. Voyez-les
chacun sous leur nom. Us sont appelés
tnineurs, parce que leuis fonctions uj sont
pas aussi importantes que celle des ordres
majeurs. Plusieurs théologiens pensent que
le sous-diaconat et les quatre ordres mineurs
sont des sacrements ; et comme l'un con-
vient qu'aucun ordre ne peut ôt.e reçu deux
fois, ils conclu- lit que tout oidre, soit ma-
jeur, soit mineur, imprime lui caractère
IneU'açable. Les tirées et les autres chrétiens
orientaux, séparés de l'Eglise catholique re-
garoent comme des ordres le sous-diaconat,
i'oflice de lecteur et celui des chanties; ils
n'admettent point d'autres ordres mineurs.
Cette ditl'i-rence di> sentiments est cause que
la iilui)arl des théologiens estiment que ces
ordres ne sont pas des sacrements. Perpét.
de lu foi, {. V, 1. V, c. 6. Yoy. Ordre.
Mineurs (frères), religieux de l'ordre de
saint François. C'est le nom que les corde-
liers ont pris dans leur ori;j;ine, par humi-
lité ; ils se sont appelés fratres minores,
moindres frères, et quelquefois minoritœ.
Voij. Franciscain, Cordelier.
Mineurs (cU'rcs). C'est une congrégation
de clercs réguliers qui doit son établisse-
ment h Jean Augustin Adorne, gentilliomme
génois; il l'institua l'an 1588 à Naples, avec
Augustin et François Caraccioli : en 1(505
le pape Paul V approuva leurs constiiutions.
Leur général réside <i Home, dans la maison
de S'iint-Laurent, et ils ont un collège dans
la même ville, à Sainte-Agnès de la place
Navdne. Leur destination, comme celle des
autres clercs réguliers, est de remplir exac-
tement tous les devoirs de l'état ecclésiasti-
que. Voi). Clerc régulier.
MINCiRÉLIENS, peuples de l'Asie qui
habitent l'ancienne Colchide, ou les pays
situés entre la mer Noire et la mer Cas-
pienne ; nous n'avons à parler (juc de leur
religion.
Elle est à peu près la même que celle des
Grecs ; mais c'est un christianisme très-
corrompu. Quelques historiens ecclésiasti-
ques ont dit que le roi, la reine et les grands
de la Colchide, en Ib.'i'ie, avaient été con-
vertis h la foi chrétienne par une liUe es-
clave, sous le règne de Constantin. Socrate,
liv. I, c. 20; Sozoïnène, 1. n, c. 7. D'autres
prétendent que ces jieuples doivent la con-
naiss.Tuce du christianisme à un nommé
Cyrille, que les Esclavons nomment en leur
langue Chiusi, qui vivait vers l'an 8l36.
Peut-être la religion s'était-elle éteinte dans
ce pays-là pendant le temps qui s'est écoulé
depuis le v' siècle jusqu'au ix'. Les Mingré-
liens montrent sur le bord de la mer, près
du lleuve Curax, une grande église, dans
laquelle ils assurent que saint André a
prêché ; mais ce fait est très-apocryphe. Le
primat ou principal évoque de la Mingrélie
y va une fois dans sa vie pour y consacrer
l'huile sainte ou le chrême, que les Grecs
appellent myron. Autrefois ces peuples re-
connaisîaient le paliiarche d'Antioche ; au-
jourd'hui ils sont soumis à celui de Constan-
tinople. Ils ont néanmoins deux primats do
leur nation, qu'ils nomment catholicos, l'un
pour la Géorgie, l'autre pour la Mingrélie.
Il y avait autrefois douze évêchés ; il n'en
reste que six, [larce que les six autres ont
été changés en abbayes. Ce cjue disent quel-
ques voyageurs des richesses du l'rimat et
des évèques mingréliens, de la magnificence
de leur habillement, des extorsions qu'ils
font, et des sommes qu'ils exigent pour la^-rrrs*»^.
messe, pour la confession, pour rordiuation^^^iiii:^;^^
etc., ne s'accurde guère avec ce que d'aorV^ ^^'^
très relations nous apprennent de la pauvwla ■^"
767
MIN
MIN
768
de ce peuple en général ; il doit y avoir
exagération de part ou d'autre. 11 est plus
aisé de croire ce que l'on nous raconte tou-
chant l'ignorance et la corruption du clergé
en général et des particuliers de cette na-
tion. L'on d t que les évoques, quoique fort
déréglés dans leurs mœurs, se croient néan-
moins très-réguliers, parce qu'ils ne man-
gent point de viande, et qn'ds jeûnent exac-
tement pendant le carême, qu'ils disent la
messe selon le rite grec, mais avec peu de
cérémonies et beaucoup d'irrévérence; que
les prêtres peuvent semarier, non-seulement
avant leur ordination, mais après, passer
même à de secondes noces, avec une dis-
pense ; que les évêques vont à la chasse et
à la guerre avec leur souverain, etc.
Aussitôt qu'un enfant est venu au monde,
un prêtre lui fôit une onction du chrême en
forme de croix sur le front, et ditl'ère le
baptême jusqu'à l'âge d'environ deux ans ;
alors on baptise l'enfant en le i)lon;;eant dans
l'eau chaude ; on lui fait des onctions pres-
que sur toutes les parties du corps, on lui
donne à manger du pain béni et du vin à
boire. Ces prêtres n'obscrventpasexactement
•la forme du baptême; et au lieu d'eau, ils se
sont quelquefois servis de vin pour baptiser
les enlants des personnes considérables.
Lorsqu un malade les appelle, ils ne lui par-
lent point de confession, mais ils cherchent
dans un livre la cause de sa maladie, et
l'attribuent à la colère de quelqu'une de leurs
images qu'il faut apaiser ptr des offrandes.
11 y a en Mingrélie des religieux de l'ordre
do saint Basile, que l'on appelle berres ; ils
sont habillés comme les moines grecs, et
observent la môme façon de vivre. Un abus
très-condamnable est que les pères et mères
sont les maîtres d'engager h cet état leurs
enfants dès l'flge le plus tendre, et avant
qu'ils soient en état de faire un choix. Il
y a aussi des religieuses de cet ordre qui
observent les mêmes jeûnes et la môme
abstinence que les moines, et qui portent
un voile noir ; mais elles ne gardent point
3a clôture et ne font point de vœux ; elles
peuvent renoncer à cet état quand il leur
piaît. Les églises cathédrales sont propres,
ornées d'images peintes, et non en relief,
enrichies, dit-on, d'or et de pierreries; mais
les églises paroissiales sont très-négligées.
On ajoule que h'S Mingrcliens ont beaucoup
de reliques précieuses qui leur furent ap-
portées par les Grecs, lorsque Constantino-
ple fut prise par les Turcs, entre autres un
morceau ùe la vraie croix long de huit
pouces ; mais la bonne foi des Grecs, en fait
de reliques, a été de tout temps sujette à
caution.
C'est plus qu'il n'en faut pour juger que
les Mingrélicns sont un peuple ignorant,
superstitieux, corrompu, dont toute la re-
ligion consiste en prati(iups extérieures sou-
vent abusives. Ils ont quatre carêmes, l'un
de quarante jours avant PAques , l'au'ro
de quarante-huit jours avant Noil. le troi-
sième d'un mois avant la fêle do saint
Pierre, le quatrième dç quinze jours à l'hon-
neur de la sainte "Vierge. Leur grand saint
est saint Georges, qui est aussi le patron par-
ticulier des Géorgiens, des JMoscovites et
des Grecs. Ils rendent aux images un culte
qu'il est difficile de ne pas taxer d'idolâ-
trie; ils leur offrent des cornes de cerf,
des défenses de sanglier, des ailes de fai-
sa'S et des armes, afin d'avoir un heureux
succès à la chasse et à la guerre. On pré-
tend qu'ils font, comme les juifs, des sa-
crifices sanglants, qu'ils immolent des vic-
times, elles mangent ensemble; qu'ds égor-
gent des animaux sur la sé|)ulture de leurs
parents; qu'ils y versent du vin et de l'huile,
comme faisaient les païens. Ils s'abstien-
nent de viande le lundi, par respect pour
la lune, et le vendredi ect pour eux un
jour de fête. Ils sont très-grands voleurs ;
le larcin ne passe pas chez eux pour un crime,
mais pour un tour d'adresse qui nedéshono-
le point; celui qui en est convaincu, en est
quitte pour une légère amende.
Les théatins d'Italie ont établi, en 1627,
une mission en Mingrélie, de même que
les capucins en Géorgie, et les Dominicams
en Circassie ; mais le peu de succès de ces
missions les a fait souvent négliger et même
abmdonner entièrement. On conçoit que des
peuples qui ont ajouté aux préjuges et k
l'antipathie des Grecs les erreurs les plus
grossières en fait de religion, ne sont pas
fort disposés à écouter des missionnaires
latins. D. Joseph Zampi, théatin, Relation
de Mingrélie; Cerry, Etat présent de l'Eglise
romaine; Chardin , Voyage de Perse, etc.
MINLMES. Ordre religieux fondé <]ans la
Calabre par saint François de Paule, l'an
li36, confirmé par Sixte IV en 14-74, et jjar
Jules II en 1507. Ou donne à Paris le nom
de bonshommes aux religieux de cet insti-
tut, parce que les rois Louis XI et Charles
VIII les nommaient ordinairement ainsi ,
ou plutôt parce qu'ils furent d'abord étabhs
dans le bois de Vincennes, dans le monas-
tère des religieux oe Grandmont, que l'on
appelait les bomhommes. En Espagne, le peu-
ple les appelait les pères de la Victoire, k
cause d'une victoire que Ferdinand V rem-
porta sur les. Maures, et qui lui avait été
prédite par saint François de Paule. Ce saint
par humilité lit prendre à ses religieux le nom
de minimes, c'est-à-dire les plus petits, comme
pour les rabaisser au-dessous des franciscains,
qui se nommaient frères mineurs. Outre les
trois vœux monastiques, les minimes en font
un quatrième, d'observer un carême perpé-
tuel ; c'est-à-iiire de s'abstenir de tous les mets
dont on ne permettait pas autrefois l'usage en
carême. L'esprit de leur institut est la retrai-
te, la mortihcation et le recueillement. Cet
ordre a donné aux lettres quelques hom-
mes illustres, entre autres le père Mersenne,
contemporain et ami de Descartes
* MINISTÈRE. Cette expression désigne le corps
des pastfiurs chargé de gouverner l'Eglise. Le. corps
des premiers pasteurs se compose du pape et des
évciiues, nui doivent être unis et ne former qu'un
seul ministère. Toutes les questions qui coneernent
769
MIN
MIN
770
le ministère ecclésiastique ont été traitées aux mots.
Apostolicité, Pipe, Evêque, Juridiction, elc
MINISTRE signifie serviteur. Saint Paul
nomme les apôtres 7?îmisirM de Jésus-Christ,
et dispensateurs des mystères de Dieu (/
Cor. IV, ij. Lorsqu'un ecclésiastique se dit
ministre de l'Eglise, il se reconnaît serviteur
(ie la société des fidèles; et s'il ne leur ren-
dait aucun service, il manquerait essentiel-
lement au devoir de son état. Il n'est pas
nécessaire, sans doute, que tous remplissent
les fonctions de pasteurs; mais il est du de-
voir de tous de contribuer en quflijue chose
au culte de Dieu et au salut des lidèles, au
moins par la prière et par le bon exemple.
Selon la règle tracée par Jésus-Christ ,
riiomme le plus grand dans l'Eglise est ce-
lui qui rend le plus de services. Que celui,
dit-il, qui veut être le premier soit le serviteur
de tous... Le Fils de l'Iiovime nest pas venu
pour être servi, mais pour servir tes autres
{Marc. IX, SY ; x, h^]. Par la mémo raison,
celui qui n'en rend aucun est le dernier de
tous et le plus méprisable. Saint Paul nous
fait remarquer qu'il y a des devoirs et des
fonctions de jdus d'une espèce ; s'instruire
soi-même pour se rendre capable d'instruire
les autres, contribuer h la pom[)e et à la ma-
jesté du service divin, enseigner, catéchiser,
prêcher, exhorter, assister les pauvi'es, con-
soler ceux qui soulFrent, soulager les pas-
teurs d'une partie de leur fardeau : tout cela,
dit l'Apôtre, sont des dons de Dieu ; chacun
doit en user selon la mesure de la grAce et
du talent qu'il a reçus {Rom. xii, G). Qu'au-
rait-il dit de ceux 'qui jugent ces fonctions
indignes d'eux, qui croient avoir acqins,
ar une dignité ou par un bénéfice, le privi-
ége d'être oisifs, qui préfèrent l'honneur
d'être serviteurs d'un prince ou d'un grand,
à celui de servir l'Eglise?
A la naissance de la prétendue réforme,
les prédicants prii-ent le titre de ministres
du saint Evangile : le nom seul de ministres
leur est resté; et comme ils rendent moins
de services aux fidèles ([ue les pasteurs ca-
tholiiiues, il est naturel qu'ils soient aussi
moins respectés. Cet exemple nous convainc
que les peuples ne sont point dupes des ap-
parences; qu'ils estiment le-; hommes à pro-
portion de i'utihté qu'ds en retirent ; que le
faste et l'orgueil ne leur en imposent iioint.
[Au mot Institution canonique, nous fai-
sons connaître de qui les ministres de Jé-
sus-Christ doivent recevoir leur juridiction,
leur mission. Nous avons tr-aité dans no-
tre Dict. de Théol. mor., de l'obéissance due
aux ministres de Jésus-Christ. Nous nous
contentons d'y renvoyer, au mot Obéis-
sance.]
MINISTRE DES SACREMENTS. En par-
lant de chacun des sacrements en particulier,
nous avons soin de dire qui en est le mi-
tiistre, ou qui a le pouvoir de l'administrer.
Tout homme raisonnable qui sait ce que
c'est que le baptême, peut le donner valide-
nient. Dieu a voulu que celafùt ainsi, à causa
de la nécessité de ce sacremeol : mais las
R
protestants ont' tort de prétendre qu'il en
est de même de tous les autres; que, |iour
en être le ministre, il n'est pas nécessaire
d'être revêtu d'aucun caractère : l'Evangile
nous enseigne clairement le contraire. C est
à ses disciples, et non à d'autres, (pie Jé-
sus-Christ a dit, en instituant l'eucharistie :
Faites ceci en mémoire de moi; les péchés se-
ront remis à ceux auxquels vous les remet-
trez, etc. Les fidèles ba[>tisés recevaient lo
Saint-Esprit par l'imposition des mains des
apôtres, mais ils ne le donnaient pas. Saint
Paul ne parlait pas du commun des chré-
tiens, mais des apôtres, lorsqu'il disait :
« Que l'homme nous regarde comme les mi-
nistres de Jésus-Christ, et les dispensateurs
des 7nystères ou des sacrements do Dieu (/
Cor. IV, 15]. » C'est à Tite et .\ Timothéc,
et non aux simples fidèles, qu'il donnait la
commission d'imposer les mains îi ceux qu'il
fallait destiner au sacerdoce. Saint Jacques
veut que l'on s'adresse aux prêtres de l'E-
glise, et non aux laïques, pour recevoir l'onc-
tion en cas de maladie. Le concile de Trente
n'a ilonc pas eu tort, sess. 7, can. 10, de con-
damner les protestants, qui soutiennent iiue
tous K'S chrétiens ont 1' pouvoir de |)rêrfier
la parole de Dieu et d'administrer les sacre-
ments, lùix-niêrnes n'accordent pas h chaque
particulier' le droit de faire ce que font leurs
ministres ou leurs pasteurs; mais les réfor-
mateurs trouvèrent bon d'enseigner d'aliord
le contrair'e, soit pour flatter Irurs prosé-
lytes, soit pour persuader qu'ils n'avaient
pas besoin de missiim. Lo même concile,
ibid., can. 11, a décidé que, pour la validité
d'un sacrement, il faut (pie le ministre ait
au moins l'intention de faire, par cette ac-
tion, ce que fait l'Eglise. Dès lors les pro-
testants n'ont pas cessé de nous reprocher
(jue nous faisons dépendre lo salut des Ames
d(^ l'intention intérieure d'un prêtre, chose
de laquelle on ne peut jamais avoir aucune
certituile.
Mais si les protestants attribuent quelque
vertu au baptême donné à un enfant, peu-
vent-ils croire que ce sacrement serait va-
lide et produirait son effol, quand môme il
serait administré par un impie (jui n'aurait
point d'autre dessein que de se jouer de
cette cérémonie, de tromper les assistants,
ou de causer la mort de l'enfant [lar un poi-
son mêlé avec l'eau? Des étr-siigers, qui
n'entendent pas la langue dont un ministre
se sert, ne iieuvent pas être si1rs (pi'il n'a
pas changé les paroles du l)a|itêrae, et ([ue
leur enfant est validement baptisé. Eux-mê-
mes i)euTent en imposrr, et dire ([ue leur
enfant a été baptisé, pendant qu'il n'en est
rien. Quelques anglicans ont eu la bonne foi
d'avouer qu'ils tombent dans le même in-
convénient que nous, en exigeant qu'un mi-
nistre des sacrements ait été validement or-
donné. Soutiendra-t-on que, si l'euchai-istie
était consacrée avec le fruit de l'arbre à pain,
et avec une liqueur qui ressemblerait à du
vin, mais qui n'en serait pas, le sacrement
n'en serait pa* moins valide? Voilà des su-
percheries qui peuvent tromper les hommes
771
mik
MIR
774
les plus attentifs. Il ne s'ensuit pas de là que
nous mettons le salut des Ames h la discil^-
tion des prôtres : nous croyons, tout comme
les protestants, que le désir du ha,' tome en
tient lieu, lorsqu'il n'est jias possible de le
recevoir eu efl'et; h plus forte raison, le dé-
sir des autres sacrements peut-il y suppl<';er,
et nous obtenir la gri\ce divine, lorsqu'on no
peut pas faire autrement. Voy. Sacrements.
MINUTIUS FÉLIX, orateur ou avocat ro-
main, né en Afrique, viv.iit au commence-
ment du ni" siècle; il a écrit, vers l'an 211,
un dialogue intitulé Octavius, dans lequel il
prouve l'absurdité du paganisme, la sagesse
et la vérité du christianisme. Cet ouvrage,
qui est trôs-court, a été singulièrement es-
tuné dans tous les temps , soit h cause de
la beauté du style, soit à cause des faits et
des réflexions qu'il renferme. Il y en a eu
plusieurs bonnes éditions en Angleterre, en
Hollande et en France : au mot Paganïsme,
§ 10, nous donnerons un court extrait de
cet ouvrage. Barbeyrac, qui ne voulait pas
qu'aucun auteur ecclésiastique pût échap[ier
à sa censure, a fait plusieurs reproches à ce-
lui-ci. 11 tourne en ridicule ce qui a été dit
par cette écrivain et par d'autres Pères, tou-
chant la figure do la croix; nous les avons
justifiés. Voy. Croix. II dit que Minulius
Félix condamne absolument les secondes
noces, et les regarde comme un adultère.
Cela est vrai à l'égard des secondes noces
et des suivantes, cjui se faisaient après les
divorces; nous soutenons qu'en cela les
Pères avaient raison, et qu'ils n'ont rien dit
de trop, eu égard à la licence qui régnait
alors chez les païens. Yoy. Bigame. Le sens
de notre auteur est évident par le passage
que Barbeyrac a cité lui-même, Octav., c.
XXIV. « Il y a, dit Minutius, des sacrifices
réservés aux femmes qui n'ont eu qu'un
mari; et il y en a d'autres pour celles qui en
ont eu plusieurs : on cherche scrupuleuse-
mont celle qui peut compter un plus grand
nombre d'adultères. » Nous ne pensons pas
qu'il soit ici question de celle qui avait en-
terré un plus grand nombre de maris, mais
de celle qui avait fait un plus grand nombre
de divorces. 11 trouve mauvais que Minu-
tius Félix et d'autres anciens aient réprouvé
dans un ciirétien l'usage de se couronner
de fleurs; usage, selon lui, très-indiilerent ;
il l'est, sans doute, si on le consiilère abso-
lument en lui-même; mais il ne l'était pas,
suivant les mœurs des païens. Si l'on veut se
donner la peine de lire le livre de Tertul-
lien de Corona, l'on verra qu'aucune des
causes pour lesquelles les jjaiens se cou-
ronnaient, n'était absolument innocente;
que toutes tenaient plus ou moins à l'idolâ-
trie ou au libertinage. Voy. CouuoMyE,
La censure de Barbeyrac est fausse et in-
juste à tous égards.
MIRACLE. Dans le sens exact et philoso-
phii[ue, un miracle est un événement con-
traire aux lois (le la nature, et qui ne peut
être l'effet d'une cause naturelle. Toutes les
définitions que l'on a données des miracles
reviennent à celle-là, quoique les philoso-
phes et les théologiens aient varié dans les
terme.'? dont ils se sont servis (1). Jamais on
n'a tant écrit sur cette importante matière
(!) Il est peu dp queslioiis sur lesquelles on se soit
plus exerce ijue suileiniraole. Voici un aperçu nou-
veau de M. J.-B. J. que nous menons sous les
yeux du lecleui- :
Les niiraclc.'S peuvent être considérés pliilosophi-
quemcul ou tliOologiquenicnt, c'est-à-dire sous le
poinl de vue de la raison naturelle, ou s us celui de
la raison ccl liiéc par la lévélation. Dans le premier
cas, ils peuvent servir aux infidèles et aux incrédules
coinine motifs de crédibilité d'une révélation surna-
turelle ; dans le seconil, ils sont propres soit à con-
firmer le croyant dans sa loi, soit à attester la sain-
teté de quelques membres de la véritable Eglise.
Depuis le xviii" siècle, époque oii la philosophie s'est
séparée de la théologie, il est devenu nécessaire,
pour conduire rationuellcnient à la révélation tout
esprit qui raisonne en dehors des idées révélées re-
çues communément, de traiter la question des mi-
racles à l'aide des seules lumières de la raison, c'est-
à-dire uniquement au moyen de l'observation et de
l'induction.
Oi) définit ordinairement le miracle ce qui se fait
en (Itliors de l'ordre de toute la nature créée (S. Tlio-
mas, 1 p., q. 110, art. 4): ou, un fuit sensi'de, svrpre-
tiiinl, contraire à l'ordre urd'inairc de la l'iovidenC'- et
aux lois de la nalurr ( P. Perroue, De veru reUrf., c.
m, art. 1) ; ou, un événement contraire aux lois de
la nature, et qui ne peut être l'effet d'une cause na-
turelle (Bergier, art. Miracle) ; ou, un fait extraor-
dinaire résultant de l'harmonie inconnue, quoique
naturelle , des lois générales ( llouteville, La retig.
prouvée par les faits, t. II, 1. r, c. C); ou, un phé-
nomène du système extraordinaire des lois de la na-
ture (lionnct, Heckcrches sur l: chr.sl., c. 5) ; ou, un
fait sensible et eilraordinaire, contraire à l'ordre or-
dinaire de la Providence parmi les hommes (Bailly,
tract. De vera retiy., c. v, art. 1, § 1).
Tous ces auteurs et un grand nombre d'autres en-
core ne fondent la notion, la possibilité et la force
probante des miracles que sur la création de la ma-
tière et de ses lois, opérée par un être d'une puis-
sance et d'une sagesse infinies, vérités que l'homme
ne peut découvrir au moyen de l'observation et de
l'induction, et qu'il ne connaît par conséquent que
par la révélation. Si nous voulions examiner au point
de vue théologique les diverses définitions qui ont été
données du miracle, il ne nous serait point difficile
de montrer qu'aucune d'elles ou ne peut s'appliquer
à cerwins miracles, ou n'exclut certains phénomènes
qui ne sont point des miracles. Mais recherchons la
valeur philosophique des prétendues lois de la na-
ture, et voyons s'il est vrai de dire que tout miracle
soit une dérogation à ces lois.
Les théologiens entendent communément par lois
de la nature, les divers modes d'action du grand Ar-
chitecte de l'univers, ou raccomplissement de ses
Tolontés générales dans les êtres visibles. D'abord,
on sait que les lois proprement dites ne sont que
l'expression, la simple nianiléstation et non raccom-
plissement des volontés d'un législateur, et qu'elles
ne sont imposées qu'à des êtres intelligents et libres.
Il y a donc abus de terme à appeler lois les phéno-
mènes naturels, et il ne peut y avoir que confusion
de langage à affirmer de ceux-ci ce qui n'est appli-
cable ([u'à celles-là. En eflét, quand on dit qu'il y a
dérogation aux lois de la naiure, qu'il y a suspension
de ces lois, on prononce an moins un non-sens ; car
si l'on substitue la définition à l'objet défini, ce qu'en
bonne logique on doit pouvoir toujours faire, on sera
contraint d'aflirnier qu'un fait miraculeux suspend
l'accompUss mrnl d'une des volontés iiéuéralcs du Créa-
teur. Ainsi, quand Jésus-dlirist dessécha subitement le
iiguier stérile, loute la végétation aurait été suspen-
775
MIR
MIR
Vf
que dans tioirc s\M(^; elle serait assez
éclaircie, s'il n'y avait pas toujours des rai-
sonneurs intéressés par système h l'em-
diif, conuiio olani Vaccompli»semciit d'une des volontés
flàn'iales du Crànleur; qu.wû il iTssuscila Lazare,
tons Ips ninrls seraient sortis ilii loiiilieaii, el-c. Si
l'on veut dire tout siiii|ilemeiit (|ue dans le cas d'un
miracle un plK'iioméne est produit dans des circon-
Ktaucos on il n'cxisle pas onliiiaireinenr, hieii qu'il
s'harmonise avec des plu'MOMunes naturels du inème
ordre, il n'y a là ni suspension, ni dérogalion, rien
qui, considéré sans aucun ésiard aii\ circonslances,
soit contraire à ce que l'on ohseive connnunénicnt.
Le miracle ne consiste donc que dans le choix des
circonslances, et jamais l'iiarnionie de la iialuro ne
saurait être Iroulili'e sons un aichitecle souveraine-
ment sage ipii vent dans des cas particuliers se laire
reconnaître pour l'auteur de l'univers. Si Dieu a{;is-
sait contrairement à ses volontés générales, comme
par exemple, s'il produisait des corps organisés sans
vai^seau^•, sans libres on sans cellules, s'il agissait
sur les sens de riionime soit pour les réparer , soit
pour les blesser, sans en modifier les organes : en
nn mol, s'il voidait la lin sans les moyens, il no se
ferait point reconnaitre pour l'auteur de la nature
connue, mais il exposerait les houitiies à le regarder
connue nn periiirbateur de riiarnionie de ce monde.
Ainsi, des plii''notnènes (pii, considérés en eux-nié-
nic-, paraîtraient tout à fait differeids de cmix que
l'on observe ordinairement , ou produits par des
can'C-i d'une nature contraire, ne seraient propres
qu'à dé'Iriùre l'unilé de Dieu dans l'esprit des liom-
me~, el à y siibsiiiner l'idée de deux principes in-
dépendants et rivaux. Aussi Dieu, dans la palralion
des miracles, s'est tellement rapproché, quant aux
circonstances, de l'ordre des phénomènes naturels,
et a ainsi tcllenienl respecté la liheric Imuuune ,
qit'il y a tonjours , comme saint Augustin le dit
quelque part, assez, d'obscurité pntir ceux qui résis-
tent ù la grâce de la foi, et assez de clarté pour
ceux qui y coopèrent.
Apres avoir lait l'appréciation des pri'tendues lois
delà nature au point de vue thcologique, nous allons
les examiner au point de vue purement philosophi-
que. « A proprement parler, dit le P. l'erroné (Pr;i'l.
theid. t. I, c. 50), Dieu ne régit ni les genres ni les
espèces, qui ne sont que des idées abstraites, mais
seulement les individus, qui seuls ont de la réalité;
il ne les n'git point par des lois uiuverselles, les-
quelles n'existent que dans notre esprit, et (pie nous
imaginons en voyant nue Dieu gouverne d'une ma-
nière uniforme les individus de telle classe, mais il
régit chaque individu en vertu d'une volonté spéciale.
D'où il résulte (pie quand Dieu veut, par exemple,
que telle planète, s'arnle, il ne déroge :'i aucune loi
qu'il ait établie, mais il décide S(Mon son bon plaisir
que cette planète tourne autour du soleil pour tant
de temps, qu'après elles'arrèle, puis qn'ellesc meuve
de nouveau. Il est clair (jue l'on ne coiu.'oit en cela, et
qu'il n'y a en ellèt, aucune dérogation à une loi uni-
verselle; or, on doit en dire autant par rapport à
tout autre phénomène extraordinaire. On peut donc
dire qu'en réalité il n'y a aucune loi universelle do
la nature, aucune qui ait pour objet les genres et les
espèces, el que les seuls individus sont régis. Il ne
peut y avoir ni dérogation proprement dite, ni ex-
ception, mais tout se fait par un acte très-simple de
la volonté divine, en vertu duquel tel individu de la
nature dans certaines circonsianees re(,'oil telles ou
telles modilications. t On conçoit, d'après cet exposé
rationnel du théologien romain, ([ue les lois dites de
la nature ne sont autre chose que les phénuniene.^
naturels généralisés, el par conséquent n'ont qu'une
réalité subjective. Les astronomes, les physiciens,
les chimistes, les physiologistes ne créeiil leurs lois,
comme les naturalistes les caractères de leurs geu-
brotiiller. On peut la n'duiro à quatre ques-
tion : 1" Un miracle est-il possilile'? 2" Si
Dieu en faisait un, pourrait-on le discerner
res et de leurs espèces, qu'après l'observation d'un
certain nombre de laits individuels, qui, eonsid(''iés
sons les mêmes points de vue, olfient une ressem-
blance paiiaile. Parmi les phénomènes naturels, il en
est (pii sont produits par une force positive et qui,
par conséquent, font naître l'idée de causalité; il en
est d'autres, au C(mlraiie, qui sont des ph('nomènes
de pure passivité, lesipiels n'induisent aucnnemenl
à racli(Mi d'un être actil .sur un cire passif : nous
nommerons les uns phénomènes de causalité, cl les
autres, qui ne sont que divers elTels de ré(piilibre,
phénomènes de-passiviti'. Les hommes de la science,
i'aisanl abstraction de toute idt-e de causalité, ont
soumis à des lois tontes sortes de [ihénomènes : ils
ont dit les lois de la pesanteur on de rè(piilibie, de
i'électricilé, du nuignétisme, etc., aussi bien (lue les
lois du niouvemcnt, de la végétation, de l'assimilation,
des sécrétions, etc.
Cependant, il y a pour le philosophe une différence
énorme entre un pln-nomène de caiisalibi et un phé-
nomène de pure passivité : il reconuait dans l'un uu
principe actif, que l'observation et l'induclion ne
sauraient lui faire trouver dans l'autre. S'il considère
les êtres organisés comme tels, ou les corps inoiga-
nifpies comme I'aisanl partie de notre système plané-
taire, il ne larde pas à y découvrir l'action d'un cire
immatériel sur la matière brûle, action dont il lui est
facile d'apprécier soit l'exercice dans des circon-
stances extraordinaires el en dehors des lois de l'ana-
logie, soil la cessation anormale, aux((uels cas il peut
y avoir miracle, comme nous le verrons bientôt. Si,
an contraire, l'observateur lixe son aueiition sur les
corps inorganiques qu'il rencontre à la surface de la
terre, ou même sur les C(M'ps organises envisagés
comme masses et sans aucun égard à l'organisation,
il n'y voit rien qui soil distinct des propriétés con-
nues de la matière brute. Il ne laui cependant jias
conclure de là que de tels corps ne puissent jamais
engendrer l'idée de causalité. Les pliénoméiies de
passivité aux(]Hels ils donnent lieu ordinairement
peuvent être remplacés par des phénomènes de cau-
salité qui aient pour causes des agents invisibles,
produisant des ed'ets analogues;! ceux que des agents
visibles offrent sans cesse a nos regards. Il est clair
que dans ces cas il peut y avoir miracle tout aussi
bien que dans les cas extraordinaires des phéno-
mènes de causalité. Dans les miracles de celle caté-
gorie, l'agent invisible ne change pas plus les pro-
prit'tés des corps que ne le l'ont les causes visibles
d'effets analogues : il vainc des résistances, il établit
des équilibres par des moyens inconnus aux hom-
mes, el voilà tout. Si donc le philosophe admettait
les lois des physiciens, il ne devrait pas ariinner pour
cela ni que tout miracle est une dérogation à qiiel-
(prune (le ces lois, ni qu'il résulte d'une loi incon-
nue. Que l'on regarde, par exemple, la pesanteur
comme une loi générale de la niatiire, et que l'on
suppose comme laits bien constatés par l'histoire, soit
qiii^ le fer d'une hache s'est transporté du lond du
lit d'un fleuve à la surface de l'eau , soit qu'un
homme a marché sur ce liquide sans y être englouti,
soit que la mer ou un fleuve a comme suspendu ses
vagues pour livrer passage à une armée, soit que des
hommes ont été élevés de terre et transportés sans
moyens visibles, etc., devra-l-on conclure qu'il y ait
eu dérogation à la Uii générale de la pesanteur en fa-
veur soit de ce fer, soit de ces eaux, soit de ces
hommes'? On n'est pas plus autorisé à le faire en de
tels cas, que dans ceux si nombreux où des agents
naturels soulèvent, par leur», moyens ordinaires, des
corps d'une pesanteur sp.xili((iic plus grande que
celle des milieux dans les(iuels ils opèrent. La risi-
siance csl vaincue par une puissance invisible ou sur
775 MIR
d'avec un lait naturel, et le proaTer?5* Les
miracles peuvent-ils servir à conlirmer une
doctrine et une religion? V Dieu en a-t-il
l'ait véritablement pour servir do témoi
MIR
77*
gnage k la révélation? On comprend que
nous sommes forcés d'aijréger toutes ces
questions.
I. Un miracle est-il possible? Personne ne
humaine dans les cas extraordinaires, comme elle
î'esl par une puissance visible dans les cas ordi-
naires : néanmoins, il y a miracle quand l'agent est
invisiltlc, ou mieux surhumain, il y a elfet purement
nalurel quand il est visible, ou de l'ordre ordinaire.
Qu'on ne m'objecte pas avec l'abbé llouieville ou
Charles Bonnet qu'un miracle résulte d'une loi in-
connue de la nature, ou ([u'il est l'effet d'une série
particulière et extraordinaire de causes. D'abord ces
deux liypolhéses, (jui au fond se confondent, comme
l'a judicieusement lait remarquer le P. Perrone (Op.
cit. I. 1, c. XLVUi), sont tout à fait gratuites, surtout
si l'on raisonne, comme nous le faisons ici, d'après
les seules lumières de la raison. Ensuite, une loi in-
connue ou une cause extraordinaire appartenant à une
série inconnue est un non-sens. Comment concevoir
l'idée d'une loi ou d'une série inconnue de causes
d'après quelques faits isolés, entre lescjuels l'analogie
n'établit aucune liaison ï Enfui, pour ne parler iti que
de la pesanteur, rien n'autorise, dans les laits ex-
traordinaires mentionnés ei-dessus, la supposition
soit d'une loi inconnue, soit d'une cause extraordi-
naire en vertu de laquelle un morceau de fer, cer-
taines eaux, certains hommes, etc., auraient cessé
d'être attires vers leur centre de gravité, pour quel-
ques instants seulement, sans prenure invariable-
ment une direction contraire. Si, par exemple, les
eaux et les hommes dont il s'agit ont été réduits tout
à coup » une pesanteur specilique moindre que celle
de l'air, pourquoi leur ascension dans ce milieu
n'aurait-elle pas été instantanée, continue et dans
une direction rigoureusement verticale'? On voit qu'il
faudrait recourir aux causes occultes des anciens et
à d'autres bizarreries du niéiiie genre pour soutenir
les hypothèses de Uouteville et de Bonnet. D'ail-
leurs, tout s'oppose à ce que les corps puissent être
dépouillél d'une propriété sans laquelle il serait im-
possible de les observer a la surface de la terre. Est-
il possible, en bonne philosophie, de supposer des
agents destructeurs dans un orJre de phénomènes oii
l'observation ne peut induire a aucun auteur'? IN'est-
ii pas, au contraire, émiiieniinent rationnel et rigou-
reusement conforme à l'analogie, dans les cas de mi-
racles de l'espèce qui nous occupe, d'admettre que la
résistance est vaincue par une puissance surhu-
maine? Nous pourrions opposer des arguments tout
aussi solides à nos nombreux adversaires de tous les
systèmes, pour annuler la valeur philosophique de
beaucoup d'autres lois dites de la nature. Ouelquefois
les théologiens ont voulu quitter les hauteurs de l'ahs-
Iraction, où ils se plaisent tant, pour descendre dans
'e monde des réalites : alors ils ont créé, pour avoir
le plaisir d'y déroger, des lois de la nature en oppo-
sition avec toute observation sévère. 11 serait trop
long deles suivre dans tous leurs détours: qu il nous
suliise, pour neutraliser toutes leurs théories, de don-
ner une bonne delinition philosophique des miracles,
et de raisonner ensuite sur des réalités pour en faire
l'application.
Le philosophe anglais Locke définit le miracle « un
fait sensible, qui surpasse la portée du spectateur,
qui le croit contraire au cours de la nature, et le
juge divin. ) On a fait observer plus d'une fois, et avec
raison , que cette détinition ne peut caractériser un
miracle, lequel n'aurait pas sa garantie en lui-même,
mais serait subordonné a l'appréciation de« témoins.
Cette appréciation, du reste, même faite par ues
spectateurs ignorants, a son utilité quand il s'agit de
faits éclatants et à la portée ds tout le monde, mais
elle n'est nullement nécessaire pour la constaution
d'un fait surhumain. Souvent ua fait qui sort do l'or-
dre ordinaire reçoit les interprétations les plus op-
posées de la part de ceux mêmes qui en ont été les
témoins, c'est à la critique à en faire elle-même une
saine appréciation.
Selon Clarke, autre philosophe anglais, un mira-
cle est < un fait contraire au cours de la nature,
produit par l'intervention de quelque intelligence
supérieure à l'homme. » Le principal défaut que
Bailly trouve dans cette définition, c'est qu'elle sup-
pose qu'un miracle doit être un effet contraire à
ceux qui sont produits dans tout l'univers, ce ([ue
l'on n'est jamais en droit d'affirmer; tandis qu'il
suffit, pour qu'un fait soit réputé miraculeux, i qu'il
soit contraire à l'ordre ordinaire de la Providence
parmi les homme». ) Cette observation est d'autant
mieux fondée, que l'homme ne juge d'un miracle que
par comparaison, et qu'il ne peut comparer que des
faits qu'il lui est possible d'observer. D'ailleurs, il
n'a besoin pour sa gouverne de reconnaître d'autre
autorité que celle qui exerce son empiresur le monde
dont il fait partie : c'est uniquement à cette autorité
qu'il est porté à se soumettre, parce que d'elle seule
il croit dépendre. Cependant, nous ne pouvons ad-
mettre avec Bailly et b«aucoup d'autres théologiens
qu'un fait miraculeux, pour être réputé tel, doive
être contraire au cours ordinaire de la nature obser-
vable : il suffit qu'il soit di/férent, même seulement
quant à certaines circonstiiices, des faits naturels.
C'est sans doute cette considération qui a porté le
savant pape Benoit XIV à distinguer trois sortes de
miracles, qu'il dit être ou tupra, ou prœter, ou contra
naturam {De bealif. et canoiiis. sauclorum, lib. iv, p. i,
c. 1 seqq.). Mais, tout en reconnaissant le mérite de
cette distinction, qui peut jeter quelque lumière sur
la théorie si diflicile des miracles, nous ne pouvons
accorder, pour les raisons exposées plus haut, et sur-
tout pour des raisons d'analogie, qu'un fait miracu-
leux puisse jamais être tubstaiiiiellemeni contraire
aux faits naturels. Quant à la cause du miracle, as-
signée par Clarke, nous n'avons aucun motif de la
contester, quoique Bailly et d'autres théologiens
souti»nnent contre le philosophe anglais qu'on ne
peut attribuer de miracles proprement dits aux anges
soit bons, soit mauvais. Comme nous raisonnons da-
prés les seules lumières naturelles, nous ne pouvons
parler d'anges, soit bons, soit mauvais, bien qu'il
soit impossible de contester l'action d'esprits ou de
forces subalternes dans le gouvernement du monde.
Il est vrai qu'une foule de phénomènes observés nous
induisent à reconnaître qu'il y a unité de plan et
d'ordonnance dans le système planétaire dont nous
faisons partie, et que, par conséquent, il est régi par
une force intelligente supérieure à l'homme. Mais
rien absolument ne nous prouve que celte force
agisse seule et par elle-même, sans avoir sous sa
direction des forces subaliernes qui puissent produi-
re des phénomènes de causalité tant extraordinaires
qu'ordinaires. Toutefois, comme nous sommes portés
à croire, que les phénomènes de causalité ne peuvent
être modiliés que par l'agent qui peut les produire,
nous devrons logiquement attribuer à rordoiina.teur
suprême de ce monde tous les faits extraordinaires
qui manifesteront la puissance dont l'action s'exerce
communément.
On peut essayer de définir le miracle soit a priori,
soit a posteriori. On le définirait a posteriori, si, après
avoir considéré les divers faits que les théologiens
catholiques regardent comme miraculeux, on les ca-
ractérisait par ce qu'ils ont de commun. Selon cette
méthode, on pourrait dire qu'un miracle quelconque
est un fait extraordinaire daus ta nature, ou dans sa
m
MIK
MIU
778
peut en douter, dès qu'il admet que c'est
Dieu qui a cri''é le monde, et qu'il l'a fait
avec une pleine liberté, en vertu d'une puis-
cause, ou dans ses circonstances. Piirnii les fails
miraculeux, les uns, ei c'est le plus grand nombre,
sont constatables imniédiatenieiit et par eux-mêmes;
d'autres ne le sont que par l'appréciation de Isurs
effets, tels sont les cas de la connaissance intuitive
des actes et des pensées d'autrui, ceux des conver-
sions inespérées, du don des langues, etc. ; il en est
aussi qui ne peuvent se prouver que^par d'autres
miracles, comme les divers cas d'inspiration et cer-
taines prophéties, ou par l'accomplissement d'événe-
ments naturellement imprévisibles, comme la plu-
Eart des prophéties ; enlin, quelques-uns ne s'éta-
lissent que par le raisonnement basé sur des pré-
misses révélées, tels sont ceux de l'assistance de
l'Eglise parle Saint-Esprit, de la transsubstantiation,
des effets des sacrements. On conçoit l'acilement que
raisonnant dans cette matière, d'après les seules lu-
mières naturelles, nous ne pouvons adopter une dé-
finition a ]>osteriori des miracles.
Pour procéder a priori, il faut partir de l'utilité des
miracles. Nous supposons d'abord qu'un homme qui
cherche la vérité en matière de religion ait reconnu,
au moyen de l'observation et de l'inluction, l'existence
d'une puissance intelligente qui régit le monde dont
nous faisons partie. Nous supposons ensuite (piayant
déposé tout prt'jugé d'éducation, il se soit assure de
l'insuffisance de la raison pour connaître ce qu'il lui
importe le plus de savoir, et principalement ce qu'il
a à faire pour être agréable au puissent ordonnateur
dont il croit dépendre. Il voudrait connaître ses vo-
lontés, mais il ne peut les deviner; il interroge les
anciens, ainsi que ceux qui s'occupent h honorer un
être supérieur, et dans quelque pays (pi'il fasse son
enquête, on l'assure que la Divinité s'est autrefois
manifestée aux hommes pour leur intimer ses volon-
tés. Il conçoit alors ((ne si une telle manilèslalion a
eu lieu, elle a dil être accompagnée de signes qui
attestassent le pouvoir de son auteur sur le iiLonde
observable, et en particulier sur l'homme. Le pen-
seur a dune le plus grand intérêt à rechercher quelle
est celle des révélations répuiées divines par diverses
sociétés religieuses, en faveur de laquelle il y a eu
des signes extraordinaires bien constatés. Mais on
conçoit qu'il est de la plus haute importance d'exa-
miner au préalable quels devront être les caractéies
de ces signes ou miracles, pour que l'on reconnaisse
facilement ([u'ils ont pour auteur l'ordonnateur su-
prême de ce monde. Nous distinguons des faits de
deux ordres : ceux de l'ordre physique, qui s'accom-
plissent dans les êtres matériels, et ceux de l'ordre
psychologique, qui ont pour sujet l'àme humaine
considérée comme douée d'inielb'Ction et de volition.
Tant que les fails soit physiques soit psychologiques ne
sortent pas de l'ordre ordinaire de la providence,
selon lequel tout se fait par degrés, et par des
moyens proportionnés aux lins, ils sont considérés
comme purement naturels. Mais s'il arrivait (pie cer-
tains faits sortissent de l'ordre ordinaire, soit parce
qu'ils excéderaient le pouvoir naturel des agents qui
paraîtraient en être les causes, soit parce qu'ils
n'offriraient dans leurs circonstances aucune analo-
gie avec ce <pii arrive communément, d'après l'ex-
périence universelle, ils devraient être réputés mi-
raculeux. Un miracle est donc un fait soit physique,
soit psychologique, qui excède la puissance des
agents visibles, et (|u'aucune analogie ne peut faire
provoir. Telle est la délinilion philosophi(pie du mi-
racle. Mais cette délinition n'est pas pratique pour le
commun des hommes : 1° pari e que la plupart ne
sauraient discerner un fait cxiraoïdiiiaire d un fait
naturel de l'ordre psychologique, siniout si l'on a
égUrd aux laits de magnétisme humain léputés natu-
rels; 2* parce qu'il n'est pas toujours facile d'appré-
DlCTIONS. DE ThÉOL. DOGMATIUtE. III.
sauce infinie. En elTet, dans cette hypo-
thèse, (jiii est la seule vraie, c'est Dieu qui
règle l'ordre et la marche de l'univers, tels
cier les limites de la puissance des agents visibles ;
3° parce qu'il l'est encore moins d'apprécier conve-
nablement l'analogie dans l'ordre physique; 4° sur-
tout, parce que des faits physiques quelconques,
même des plus extraordinaires, ayant pour causes
des agents invisibles, ne sont pas de nature à inté-
resser ceux qui en ont connaissance au point de les
porter à embrasser des pratii|ues, toujours plus ou
moins pénibles, qui peuvent en être la conséquence.
Aussi, comme nous voulons considérer le miracle
uniquement sous le point de vue de son utilité géné-
rale, d'aliord sans avoir aucun égard aux fails psy-
cliiil()gi(iues, nous ne fixerons notre attention que
sur les faits de l'ordre physiipie. Les faits ou phéno-
mènes physiques sont de deux sortes : ceux de cau-
salité et ceux de passivité. Les phénomènes de cau-
salité manifestent dans un être passif l'action d'un
être intelligent et libre. La rotation des planètes
aulour du soleil, les divers mouvements vitaux que
l'on observe dans les végétaux et les animaux, soiitdes
phénomènes de causalité, aussi bien que les mouve-
ments de l'homme et ses actions sur les êtres qui
l'environnent. Les phénomènes de causalité que nous
pouvons observer sont donc de deux sortes : les uns
sont renfermés dans les limites du pouvoir naturel de
rhomnie, et les autres excèdent sa puissance. Nous
avons vu que les phénomènes de passivité peuvent
être remplacés par des phénomènes de causalité qui
aient pour causes des agenls invisibles : dans ce cas,
ce sont des phénomènes de causaliié extraordinaires.
Les phénomènes ordinaires de causalité qui excédent
la puissance naturelle de l'homme et ont pour causes
des agents invisibles, peuvent aussi être mêlés Je
phi'nomènes extraordinaires du même genre. D'où
il résulte qu'il peut y avoir des phénomènes extraor-
dinaires de causalité de deux classes : ceux de sim-
pL' causaliié, qui se passeraient à la surface de la
terre dans des corps inorganiques, ou dans des corps
organisés considérés en laiit que masses ; et ceux
que je propose d'appeler de douille causalité, qui
seraient observés soit dans des êtres déjà organisés,
soit dans des êtres inorgani<pies devenus organisés
en dehors de la voie de g(Mic'ralion d'un iiaienl sem-
blable, soit dans des êlres inorganiques offrant déjà
l'idée de causalité. Ainsi, avouons-nous qu'il peut y
avoir des miracles physiques de deux classes ; mais
dans la pratique, nous ne pouvons considérer comme
tels les phénomènes extraordinaires de simple cau-
salité : soit parce qu'il n'est pas toujours facile,
ainsi que nous lavons déj i dit, d'apprécier les limi-
tes de la puissance hiimaioe, soit parce que des
phénomènes de cette classe peuvent avoir pour cau-
ses des agenls invisibles d'un pouvoir inappréciable,
agissant sur les niasses des êtres comme lui-même,
sans avoir sous leur dépendance, soit le règne orga-
nique, soit surtout le règne de spontanéité. Or,
l'homme ne peut être porté a adopter soit des croyan-
ces soit des pratiques, en faveur desquelles seraient
opérés des miracles qui ne lui sembleraient pas avoir
pour causes uniagent dont il croie dépendre. Nous
ne (louvoiis donc tenir coiiiplo, dans notre définition
pratique du miracle, quedes pliènoménes extraordi-
naires de double causalité, qui seuls manifestent in-
dubitablement à rhoinmc la puissance de l'ordonna-
tour suprême du momie dont il fait partie. Mais il
importe avant tout de tracer les caiaetères dont doi-
vent être revêtus les phénomènes extraordinaires de
ceUe classe, pour avoir force probante. Comme ces
phénomènes, dans l'hypothèse d'une révélalion, sont
des signes d'une volonté spéciale de leur auteur,
1° ils ne doivent offrir, dans les circonstances de
leur production, aucune analogie avec les phénomè-
nes ordinaires de causalité. 11 suffit,
25
m
sm
MIR
780
qu'ils sont ; c'est lui qui a établi la liaison
que nous apercevons entre les causes phy-
siques et leurs effets, liaison de laquelle nous
ï\ siiflit, pour en juger prudemmenl, de s'en rap-
porter à l'expérience universelle, et il n'est point né-
cessstire de connaître tous les phénomènes pliysi-
(lues, passés, présents et à venir. Les phénonienes
de double causalité seront toujours d'une appréciation
facile pour le vulgaire, qui n aura jamais rien ob-
servé d'analogue dans les cas ordinaires, et qui ne
manquera pas de les attribuer à une volonté spéciale
(|e la Divinité. Si les savants, soit contemporains,
soit des âges postcrieurs, veulent examiner les faits
miraculeux de cette classe, ils doivent en faire l'ap-
préciation d'après les connaissances de leur époque,
et suivant ce principe d'analogie : la même cause
naturelle, agissant dans les mêmes circonstances na-
turelles, produit les mrmesellêts naturels. Lorsqu'ils
ont des doutes, il est de leur plus grand intérêt de les
lever au plus tôt, en reproduisant les causes natu-
relles auxquelles ils attribuent tels ou tels laits ex-
traordinaires. Ils jugeront ainsi sainement de la na-
ture du miracle («). On reconnaît, par exemple, que
certains ell'eis bien constatés du magnétisme humain
«ont naturels et dépendent de la constitution parti-
culière de tels ou tels individus, en réitérant les ex-
périences dont résultent ces laits. Il en est de même
de beaucoup d'autres phénomcnes physiques dont on
ignore lescau.ses. On s'assurera, au contraire, que les
faits de résurrection, de guérison, etc., rapportés
dans la Bible, supposé qu'ils soient bien constatés,
sont surnaturels, eu répétant dans des circonstances
analogues les paroles et les actions qui en ont été les
causes occasionnelles, avec lesquelles ils n'ont au-
cune proportion. Nous avons dit que les phénomènes
miiaculeux ne doivent ollVir, r/a»s tes cir onsiiimes
de leur production, aucune analogie avec les phéno-
mènes ordinaires de caiisalilé : cehisuflii pour qu'ils
signalent J une manière certaine riiiteiveniion ex-
traordinaire de la Divinité. Ou sait, par exemple,
que tous les êtres organisés naissent invariablement
d'un parent semblable, se développent par degrés
dans un temps plus ou moins long, conservent tou-
jours certaines lésions organiijue^, ne sont affranchis
de quelques autres qu'insensiblement et par des
moyens proportionnés aux effets, enfin ne renaissent
pa; de leurs propies débris après] leur mort, comme
la mythologie l'allirme du phénix. Si donc des êtres
organises étaient produils tout d'un coup et à l'état
d'aoulte, eu dehors des circonstances orainaiies de
la repruduclion, s'ils étaient guéris d'iuliiniilés rê-
)ulécs incurables, ou délivrés iualautanoiuenl de ma-
adies quelconques sans l'emploi d'aucun moyen
curaiif ; eidin, si après avoir été privésde la vie, ils
redevenaient vivants avec les mêmes tissus, sans
avoir été décomposés en leurs principes élémentaires,
et sans ayoir été assimiles peu à peu, et ensuite re-
produits par des parents semblables, il serait certain
d'après toutes les données de l'analogie, qu'il y aurait
intervention extraordinaire du grand arbitre de l'or-
ganisation, qui aurait adopte pour quelques cas par-
ticuliers des modes de procéder qu'il n'emploie pas
ordiru'.iremenl. — 2' Il resuite de l'exposé de ce pre-
mier caractère des phénomènes de doul le causaliié,
que non-seulement il suflit, pour qu'ils aient force
probante, qu'ils soient produits daus des circonstan-
ciés différentes de celles au milieu desquelles se pas-
la) S'ils vement recourir à «es causes occu.les, on mé-
eonnailre rinler\eiilion extraordinaire de la Divinité, en
invoquant soil les mauvais génies, snil ruxpérience des
généraiions fiiiures dms les [iliéiioinèiies )ili,ysiiiue>i, ils
s'aveiiyleut volonlairenunl cX dryionnrnl d'inie condiii n
pire que le vulgane, ce qui arrive souvenl. liien n'ist
inalhiinalîi|Ut en nialîère de religion; mais loul est assez
ckir p"iir quiconque lait un usage légiliine de sa raisuii,
el ne résiste pas a la grâce.
r.
ne pouvons point donner d'autre raison que
la volonté de Dieu ; c'est lui qui a donné
aux divers asenls tel degré de force et d'ac-
sent les phénomènes ordinaires de causalité ; mais
que pour être attribués à l'ordonnateur du monde
dont nous faisons partie, ils doivent accuser la inénie
puissance que ces phénomènes ordinaires, c'esl-à-
dire, leur être iubslantieHement identiques. En un
mot, dans les faits miraculeux les seuls -moyens pro-
videntiels seront changés, mais la substance des laits
devra être invariable dans un même ordie. Autre-
ment, comme nous l'avons dit ci-dessus ( en prou-
vant contre les théologiens qu'un miracle ne peut
être contraire aux préiendues lois de la nature), ces
signes exiraordinaires ne manifesteraient pas la puis-
sance dii dominaieur de ce monde ; ils induiraient,
au conlraiie, à l'exislence d'un agent perturbateur
de 1 ordre établi, contre lequel il laudrait se mettre
en garde. C'est sans doute pour n'avoir pas su appré-
cier l'unilé d'action dans la substance, soit de divers
phénomènes ordinaires, soitdeces phénomènes com-
parés aux extraordinaires, que beaucoup de philoso-
phes ont admis l'existence et le culte de plusieurs
principes indépendants. — 3° Un troisième caiac-
lère qui doit distinguer les phénoinnes de double
causalité, considérés comme sitine.i d'une volonté spé-
ciale de leur auleur, c'est qu'ils soient opères, en
réiditii ou eu apparence, ou au moins annoncés par
un lliauuiaturge, en faveur d'une doctrine qui ait
trait à la religion. On conçoit d'abord la nécessité
d'un envoyé extraordinaire dans l'hypothèse d'une
réviilatiun, pour qu'elle puisse être suKisaiiiment
notifiée : les fails ne pailetit pas d'eux-ineiues, et le
vulgaire surtout a besoin qu'un simple mortel, dépo-
sitaire de l'autorité Uivine, les lui fasse remarquer
et lui rende praticables les injonclioiis qui lui sont
faites. Ensuite, si ces phénomènes n'étaient point
annoiicrs comme venant à l'appui d'une doctrine
importante, manifestée a l'huinanité, la plupart des
hommes n'y donneraient pas plus d'atteuuon qu'ils
p'en apporient de no^ jours aux diverses recréations
physiques el chimiques. De plus, s'ils n'éiaieni re-
prêsenlés comme l'indice de la puissance d un su-
pieiiie orilonnateur qui peut punir ou récompenser
les infiacteur» ou les observateurs de ses volontés,
on ne se mettrait guère en peine ni des croyances ni
des pratiques enjoinies, pour jieu qu'elles gi nassent
la liberté, el les signes que produirait la Divinité en
témoignage d'un vouloir spécial, seraient d'une sté-
rilité complète. S'il arrivait que des p^iénoniénes mi-
raculeux, opérés en faveur d'une uoctrine, fussent
contre-balancés par d'autres laits à l'appui d'une
doctrine contraire ou simplenient coiitradicloiie, il
imporierait beaucoup de bien examiner d abord si
les phénomènes sont de rfo/id/e cuu^aliié de part et
d'aulie, alin de pouvoir te déiernnner pour l'être
qui domine l'organisation. Si les uns et les autres
étaient de dout>le causalité, ou ils manifesteraient
une puissance inégale, et alors nous aurions intérêt
à nous porter pour l'être le plus puissant, ou ils se-
raient l'indice de pouvoirs eg^ux, ce qui n'est guère
présuinable, et eu pareil cas nous n'aurions d autre
ressource que de prier l'être dont nous dépendons
de nous manifester plqs-çlairemenl ses volontés (a).
Il suit
(fl) Notre doctrine philosophique sur les miracles est
conforme dans le fond aux assertions des Ihéologieiis re-
latives a la pratique. Connue ils partent des idées révélées
pour (lahlir leur lliéorie, ils disent qu'il est de la soue-
raine sagesse el de la providem e de Dieu d'appuyer la
vérilé de sa rêvélaliou sur des mirfClps deiil \i-\ 5,'eiis les
plus simples puiSMeni faire l'appréciaiiiin. Sidini Smces,
on ne reiiennirerait jamais la muindie ddliiuué, pius;|ue
Dieu seul «.erait iiivarialilemiMil railleur des mira, les;
selon s::inl 'I bornas, ies miracles pri'premnil dits nu sau-
raient être allnbués à aucun autre ageiii. Si Suarez, tJe-
DOil IIV et d'autres Dcusent oa'ou doit r^aduv coauno
7î<l
Mtn
MIR
782
UvM qu'il lui a p]ii : fout ce qui arrive est
un efM do retto volonté siiprfiine, et les
choses seraient autrement, s'il l'avait vou-
lu (I).
Cet orilre qu'il n établi est connu aux.
hommes par rexf>érience, c'est-h-dii e par le
d'inoi^^iiage constant et uniforme de leurs
sens; témoignage qui est le même depuis
six mille ans. Les Oétails de cet ordre sont
ce que nous nommons les (oh de la nature,
parce (pie c'est l'exécution de la volonté du
souverain arbitre de toutes choses. Ainsi il
est constant, ])ar l'expérience, que quand
un homme est mort, c'est pour toujours;
telle est donc la loi de la natiu-e; s'il arrive
(|u"iui homme ressuscite, c'est un miracle,
iniisque c'est un événement contraire au
cours onlinaii'O de la nature, unr dérogation
à la loi générale que Dieu a établie, uneU'et
supérieur aux forces naturelles de l'honmie.
D(Mnérac il est constant, par l'expérience,
que le feu appiiiiué au bois le consume;
ainsi, lorsque Moise vit un hnis^on cmlirasé
qui ne se consmnait point, il eut raison do
pen-er que c'était un mirarle, et non 1 effet
d'une cause naturelle Mais Dieu, en ré-
glant de toute éternité quun h(mime mort
le serait [lour toujours, (pic le bois serait
consumé jiar le feu, ne s'est pas ùté à lui-
même le pouvoir d<' déroger à ces deux lois,
de rendre la vie à un homme mort, de con-
server un buisson au milieu d'un feu, lors-
ii suit des caraclères ci-dessus exposés, que les
miracles conslilérés sous le point de vue pratique
doivent <?tre ainsi d(;tlnis : Des pliénonu'nt's extraor-
dinaires de double cansulilé, dont les circonslances et
la sut)Staiit;e nianileslcnt riîKervenlioii de la Divinité
à rappui d'une doctrine r(ivelfe. On peut les d(!linir
plus siiupleuioiil eu laveur du vulgaire : Des signes
nianil'esles do volontés spéciales inlimces à Ihomme
par l'ordopuialciu- supr(>ine de ce monde.
(l)Dieu peut-il taire des miracles, c'est-à-dire
peiit-il déroger aux lois qu'il a élablies ? Celle ques-
tion, sérieusement traitée, repond J.-J. Rousseau,
serait impie si elle n'était absunle; ce serait l'aire
trop d'houneur à celui qui la résoudrait négative^
menl, que de le pmiir ; il sul'lirait de l'enfermer.
Mais aussi quel liomme a jamais niiî que I>ieu pilt
faire des miracles? H l'allait être Hébreu pour de-
mander si Dieu pouvait dresser des tables dans le
désert. (Lettres de la Moniaijiie.)
de vérital)les mira. I^^s d(«s elTels surprenants qui surpas-
sent la piiiosaiice nalurellf» ilps causes visibles el corpo-
re les , ils lévi'iil les dillicidti's qui suij^issenl de leur opi-
nioEi, par l'examen de la iloclriiie.des lins, eic, de l'agent
au point de vue laliiotique. Il en est inènu!. tels que le
P. l'erroné, l'aiileur de lu 1 héi)loi;ie de Monipellier el
d'autres, qui accurdent ipic les mauvais anges [ipuvent
taire des mir.icles , même en couliniialion de l'erreur ;
mais ils préleiideni faire disparaître les obstacles, en sou-
tenant (jiie Dieu, en venu de sa souveraine véracité ,
fournira loiijours le moyen de discerner ta vérilé : qu'il
limitera le pouvoir des démons, que dans le cas d'un con-
flit de miracles il opérera les plus éclatants, ■soit par lui-
même, soit par les lions anges, qu'il prémunira les hom-
mes contre l'erreur par des révélations spéciales, connue
il l'a fail en prédisaiu les miracles de l'Auieelinsl , etc.
Qui ne voit que toutes ces asseyions sont parallèles a nos
iihlicatious scieiitili o-p^atllp^'^^'? Kniiii , les plus sensés
d'entre eux li.nl jouer un «ranj rôle à la grke pour écar-
ter les obstacles a l,i ré. eptina de la révélalioii : nous
voulons nous, que la plus grave dillicullé que fou puisse
rencoiilrer ne soil vaincue qiie par la prière , ce qui ro-
vieot aa même.
qu'il le jugerait h propos, afin de réveillr;ii
rattention des bouimes, de les instruire, de
leur intimer des préceptes positifs. S'il l'a
fait à lertaines époques, il est clair qu(' celte
exce|)lion it la loi générale avait été prévue
et résolue de Dieu de toute éternité, aussi
bien que la loi; qu'ainsi la loi et l'excep-
tion, pour tel cas, sont l'une et l'autre l'ef-
fet de la sagesse et de la volonté éternelle
de Dieu, puisque, avant de créer le monde,
Dieu savait ce qu'il voulait faire el ce qu'il
ferait dans toute la durée des siècles.
Lorsiiue, [lOur prouver l'iiiipossibilité des
miracles, les déistes disent ((ue Dieu ne peut
pas changer de volonté, défaire ce qu'il a
fait, déranger l'ordre qu'il a établi; que
cette conduite est contraire à la sagesse di-
vine, etc., ou ils n'entendent pas les termes,
ou ils en abusent. C'est très-1 biement, et
sans aucune nécessité, que Dieu a établi tel
ordre dans la nature ; il jiouvait le régler
autrement. 11 ne tenait qu'à lui de décider
que du corps d'un homme mort et mis en
terre il renaîtrait un homme, comme d'un
gland semé il renaît un chêne; la résurrec-
tion n'est donc pas un phénomène supérieur
à la puissance divine. Quand il ressucite un
homme, il ne change joint de volonté, puis-
qu'il.avait de toute éternité résolu iJe le
ressusciter, et do déioger ainsi à la loi gé-
nérale. Celte exception ne détruit point la
loi, puisque celle-ci continue à s'exécuter,
comme auparavant, à l'égard de tous les
autres hommes. Une résurrection ne porte
donc aucune atteinte à l'ordre établi, ni à la
sagesse éternelle dont cet ordre est l'ou-
vrage. De même que l'ordre civil et l'inté-
rêt do la société exigent que le législateur
déroge quelquefois à une loi, et y fasse une
exception dans un cas particulier, le bien
général des créatures exige aussi quelque-
lois que Dieu déroge à quelqu'une des lois
physiques, en faveur de l'ordre moral, pour
instruire ctconiger les hommes, pour leur
intimer des lois positives, etc.
Cela n'est pas nécessaire, disent les déis-
tes : Dieu n'est-il donc pas assez puissant
pour nous faire connaître, sans miracle, co
qu'il exige de nous'/ Prouveia-t on qu'il lui
est plus aisé de ressusciter un mort, que de
nous éclairer?
Nous répondons que rien n'est impossi-
ble ni difiicile à une puissance infinie; qu'il
est donc absurde d'.irgumenler sur ce qui
est plus facile ou difficile à Dieu. Mais nous
supplions nos adversaires de nous dire de
quel moyeu Dieu doit se servir pour nous
imposer une loi positive; de quelle manière
Dieu a dti s'y prendre pour donner une re-
ligion vraie h Adam et aux patriarches, aux
juifs, aux païens, pour tirer de l'idolâtrie
toutes les nations qui y étaient plongées.
Lorsqu'ils l'auront assigné, nous nous char-
geons de leur prouver que ce moyen quel-
conque sera un miracle. Kn elfet, l'ordre de
la nature que Dieu a établi n'est point d'in-
struire immédiatement par lui-même chaque,
homme en particulier, mais de l'instruire'
par l'organe des autres hommes, par des
785
MIR
MIR
784
faits, par l'expérience, par la réflexion.
Ainsi, en voulant que Dieu instruise chaque
individu par une révélation ou une inspira-
tion particulière, ils exigent réellement un
miracle pour chacun, mais miracle très-su-
spect, qui favoriserait l'illusion et le fana-
tisme, ou qui ressemblerait à l'inslinct gé-
néral auciuel nous ne sommes pas les maî-
tres de résister. Aussi tous ceux qui ont nié
la possibilité des miracles, ont été forcés de
soutenir l'impossibilité d'une révélation.
Les athées et les matérialistes, qui disent
que l'ordre de la nature et ses lois sont im-
muables, puisque c'est une suite de la né-
cessité étemelle et absolue de toutes choses,
ne sont pas plus raisonnables. Outre qu'il
est absurde d'admettre un ordre sans une
intelligence qui ordonne, des lois sans lé-
gislateur, et une nécessité dont on ne peut
donner aucune raison, il l'est encore de
borner, sans aucune cause, la puissance de
la nature. Lorsque Spinosa a dit que, s'il
jiouvait croire la résurrection de Lazare, il
renoncerait à son système, Bajle lui a fait
voir qu'il déraisonnait : puisque, selon Spi-
nosa, la puissance de la nature est infinie,
de quel droit pouvait-il regarder comme im-
possible aucun des événements merveilleux
rapportés dans l'Ecriture sainte? Dict. Crit.,
Spinosa, R. Un matérialiste plus moderne a
senti cette inconséquence; mais il ne l'a
évitée que par une contradiction. Il dit que
nous ne savons pas si la nature n'est point
occupée à produire des êtres nouveaux, si
elle ne rassemble pas des éléments propres
à faire éclore des générations toutes nou-
velles, et qui n'auront rien de commun avec
celles qui existent à présent. S^jst. de la Nat.,
\" part. c. 16, \). 86. Ainsi, selon ce philo-
sophe, tout est nécessaire, et tout peut chan-
ger. Par la môme raison, nous ne savons pas
si, du temps de Moïse, la nature n'a pas
fait éclore toutes les plaies de l'Egypte, la
séparation des flots de la mer Rouge, la
manne du désert, etc., et si, du temps de
Jésus-Christ, elle n'a pas opéré toutes les
guérisons, les résurrections et les autres
prodigi'S dont nous soutenons qu'il est l'au-
teur. Il y a plus de bons sens et de liaison
dans les idées des nations les plus stupides.
Les peuples mêmes qui ont cru que plu-
sieurs dieux ou génies avaient concouru à la
formation du monde, ont pensé aussi que
ces uièmes intelligences le gouvernaient;
ils ont conclu qu'elles pouvaient en changer
l'ordre et la marche quand elles le jugeaient
à propos, par conséquent opérer des rnira-
cles à leur gré; et c'est pour cela même
qu'ils leur ont adressé leurs vœux et rendu
leurs hommages.
Ceux qui disent que les miracles sont
peut-être l'etret d'une loi inconnue de la na-
ture, nous paraissent aussi abuser des ter-
mes. En quel sens peut-on supposer qu'une
exception particulière à la loi générale est
une loi ? A la vérité, la loi et l'exception
sont également un effet de la volonté du
souverain législateur, comme nous l'avons
déjà rcniarqué; mais cette volonté n'est cen-
sée loi, et ne peut être nommée telle, qu'au-
tant qu'elle est générale et connue par une
ex[iérience constante. Donner à l'exception
le nom de loi inconnue , c'est évidemment
confondre toutes les notions. Saint Augus-
tin a dit que les miracles ne se font pas con-
tre la nature, mais contre la connaissance ou
contre l'expérience que nous avons de la
nature, puisque la nature des choses n'est
autre que la volonté de Dieu, 1. vi de Genesi
adlitt., c. 13; lib. xxi de Civil. Dei, c. 8.
Cela se conçoit. Mais pour que nous puis-
sions nous entendre et ne pas nous contre-
dire, il faut distinguer la volonté générale de
Dieu d'avec une volonté particulière ; la
première peut être appelée loi de la nature
et cours de la nature, puisqu'elle s'exécute
ordinairement et constamment ; la seconde,
qui est une exception, ne peut être nommée
loi que dans un sens très-impropre et abusif:
or, l'abus des termes ne contribue jamais à
éclaircir une question. Selon Clarke, la seule
différence qu'il y a entre un événement na-
turel , et un fait miraculeux, c'est que le
premier arrive ordinairement et fréquem-
ment, au lieu que l'autre se voit très-rare-
ment. Si les hommes, dit-il, sortaient ordi-
nairement du tombeau, comme le blé sort
de la semence, cela nous paraîtrait naturel ;
et au contraire la manière dont ils sont en-
gendrés aujourd'hui serait regardée comme
miraculeuse. Cette observation est juste à
réu,ard des choses que Dieu fait imméiiiate-
ment par lui-même, sans le concours des
hommes. Leibnitz,de son côté, soutenait que
la rareté ne suffit pas pour caractériser un
miracle, qu'il faut encore que ce soit une
chose qui surpasse les forces des créatures ;
et cela est encore vrai, quant il s'agit des
choses que Dieu opère par le ministère des
créatures. Si ces deux philoso()hes avaient
fait cette distinction, ils auraient été d'accord.
Recueil des pièces de Clarke, de Lcibnitz, etc.,
p. 105 et 201. De là on doit conclure que,
quoique la transsubstantiation se fasse tous
les jours et toutes les fois qu'un prêtre dit
la messe, c'est cependant un miracle, parce
que c'est un effet infiniment supérieur aux
forces naturelles des hommes dont Dieu se
sert pour l'opérer. Au contraire, les saints
mouvements que Dieu produit en nous par
sa grAce, quoique surnaturels, ne sont pas
(les miracles, parce que Dieu les produit en
nous sans nous, immédiatement par lui-
même et très-fréquemment. Voy. Naturel.
Comme nous ignorons quelles sont les fa-
cultés et le degré de force (pie Dieu a don-
nés aux anges bons ou mauvais, nous ne
pouvons ni les mettre au nombre des agents
naturels, ni décider si tout ce qu'ils font
est naturel ou miraculeux. Nous voyons
seulement dans l'histoire sainte que, quand
Dieu s'est servi de leur ministère, c'était,
ou pour annoncer aux hommes des événe-
ments que ceux-ci n'auraient pas pu con-
naître, ou pour faire des choses que les hom-
mes ne pouvaient pas faire. Leur mission et
leurs actions étaient donc miraculeuses,
puisqu'il n'est pas dans l'ordre commun el
?85
MIR
MIR
786
journalier de la Providence d'en agir ainsi
à r<^gard du genre humain. Quant aux opé-
rations des esprits de t(^nèbres, nous pouvons
encore moins en raisonner, parce (|ue l'E-
criture en parle moins que des bons anges.
Nous y voyons seidemcnt f[ue les mauvais
es[irits ne peuvent rien faire sans une per-
mission particulière de Dieu. Voy. Démox.
II. Peut-on (lisrerner certainement un mira-
cle d'avec un fait naturel et le prouver? Il est
assez ('•toimant cpii' nous soyons obligés de
discuter scru|iuleusenu'nt deux questions
aussi aisées ii résoudre ; mais il n'est aucun
sujet sur lequel les incrédules aient i)Oussé
plus loifi renlètement et les contradictions.
Pour distinguer sûrement , disent-ils , un
miracle d'avec un fait naturel, il faudrait
connaître toutes les lois de la nature, et sa-
voir jusqu'où s'étendent ses forces : or, nous
ne savons ni l'un ni l'autre ; donc nous ne
nouvonsjamais décider si tel événement est
l'effet d'une loi de la nature, ou si c'est inic
exception. Nous répondons que, par une
cx()érience de six mille ans, la nature nous
est assez connue i)0ur savoir certainement
qu'un mort ne peut ressusciter en vertu vl'au-
cune loi de la natur(' : qu'ainsi toute résur-
rection est une exce[)tion ou un miracle. 11
en est de même des autres faits que l'his-
toire sainte nous donne jiour des événe-
nements miraculeux. Par une inconséijuence
grossière , les incrédules soutiennent, d'un
(■ôté, que Dieu ne i^eut pas déroger à une
loi de la nature; de l'autre ils supposent (jue
Dieu a établi des lois op|)Osées : l'une, par
la([uelle il a décidé qu'un mort l'est pour
toujours; l'autre, par laquelle il a réglé (|u'un
mort peut, sans miracle, être rendu à la vie.
Les athées, il est vrai, ne peuvent mettre
aucune borne aux forces de la nature ; ils
sont obligés de les supposer infinies, puis-
([u'ils ne peuvent assigner aucune cause qui
les ait limitées. Pour nous, qui admeltons
un Créateur intelligent et sage, une Provi-
dence attentive et bienfaisante, nous som-
mes très-assurés que les forces de la nature
sont bornées, et que ses lois sont constantes,
parce que Dieu les a établies pour le bien
des créatures sensibles et intelligentes. 11
est d'ailleurs évident que l'ordre moral porte
sur la constance de l'ordre physique : si les
lois de la nature pouvaient changer, nous no
serions plus assurés de rien, il n'y aurait
plus de certitude dans la règle de nos de-
voirs. Nous sommes donc absolument cer-
tains que Dieu n'a point établi des lois phy-
siques opposées l'une à l'autre, qu'il ne
changera point l'ordre de la nature tel
qu'il nous est connu, que les miracles ne
deviendront jamais des elTets nalurels. Con-
séqueminent nous sommes assurés que Dieu
ne donnera jamais à aucun agent naturel le
pouvoir de troubler et de changer l'ordre
physique du monde et le cours ordinaire de
la nature, que les esprits bons ou mauvais
n'ent point ce pouvoir, encore moins les
magiciens et les im; osteurs, et nous prouve-
rons que cela n'est jamais arrivé.
Entre les différents événements rapportés
par l'histoire sainte, il en est dont le surnatu-
rel sauteaux yeuxdetout homniede bon sens,
etsurles(piel.sil n'iîst besoin ni dedissertation
ni d'examen. Qu'un malade guérisse par des
remèdes, lentement, en reprenant des forces
peu îi peu, c'est la marche de la nature;
qu'il guérisse subitement à la parole d'un
homme, sans conserver aucun reste ni au- •
cun ressentiment de la maladie, c'est évi-'
demmeiit un miracle. Qu'un Ihaumatui'go,
par sa parole ou par un simple atlouchemerd,
rende la vie aux moits,la vue aux aveugles-
nés, l'ouïe aux sourds, la voix aux muets, la
force et le mouvement aux jiaralytiques ;
marche sur les eaux, calme les tempêtes
sans laisser aucune marque d'agitation sur
les tlols, rassasie cimi mille hommes avec
cinq pains, etc., ce ne sont certainement pas
\h des œuvres naturelles ; pour en décider,
il n'est pas nécessaire d'êtie médecin, philo-
sophe ou naturaliste, il sullit d'avoir la plus
légère dose de bon sens. Lorsque les cir-
constances peuvent laisser ipielque doute sur
le naturel d'un fait, c'est le cas de suspen-
dre notre jugement, et de ne pas affirmer té-
mérairement un miracle.
Mais voici un argument auquel les incré-
dules ne répondront jamais, h'il est impos-
rible de discerner certainement un miracle
d'avec un f^it naturel, pourquoi rejetez-vous
les événements de 1 histoire sainte, qui vous
paraissent miraculeux, pendant que vous ad-
mette/, sans dillicullé ceux dans lesquels il
n'y a rien que de naturel ? A'ous ne voulez
pas croire les iiremiers, parce que ce sont
des tniracles, et vous soutenez en même temps
que si ces faits sont arrivés, on n'a pas pu
savoir certainement que c'étaient des mira-
cles : peut-on se contredire d'une façon plus
grossière'? Il s'agit de savoir, en second lieu,
si un miracle peut être constaté, si l'on peut
en prouver la réalité. Ici nouvelle contradic-
tion de la part des déistes ; c'en est une,
en effet, d'avouer, d'une part, que Dieu peut
faire des miracles, et de soutenir, de l'autre,
que Dieu n'est pas assez jmissant pour les
rendre tellement sensibles et reconnaissablcs,
que personne ne jmisse en douter raison-
nablement : dans ce cas , à quoi serviraient
les miracles? Toute la question se réduit à
savoir si un miracle est ou n'est pas un fait
sensible, si le surnaturel du fait empêche
que la substance du fait ne jiuisse tomber
sous les sens ; il y aurait de la folie à le sou-
tenir. Déjà, dans les articles Fait et Ceuti-
TtDE, nous avons démontré qu'un miracle
est susc(q)tible des mêmes preuves qu'un
fait naturel quelconque ; qu'il i)eut être nn'-
taphysiquement certain pour celui qui l'a
éprouvé en lui-même; physiquement cer-
tain pour celui qui en a été témoin oculaire;
qu'il peut donc être moralement certain
pour les autres par le témoignage irrécusable
de ceux qui l'ont vu et de celui qui l'a éprouvé.
Nous ne répéterons point les raisons que
nous en avons données ; mais il nous reste
des objeciions à résoudre.
La plus éblouissante, au premier coup
d'œil, est celle que D. Hume a traitée fori
787
MIR
MIR
788
au long dans son dixième Essai sur Ventende-
ment humain, où il s'est proposé de prouver
qu'aucun témoignage ne peut constater l'exis-
tence d'un miracle. Un miracle, dit-il, est un
effet ou un phénomène contraire aux lois
de la nature ; or, comme une expérience
constante et invariable nous convainc de la
certitude de ces lois, la fireuve contre le tni-
racle, tirée de la nature mAme du fiit, est
aussi entière qu'aucun argument que l'ex-
périence puisse fournir. Elle ne peut donc
être détruite par aucun témoignage, (juel
qu'il puisse èlre. En effet, la foi que nous
ajoutons à la déposition des témoins oculai-
res est aussi fomiée sur l'expériince, c'est-
à-dire sur la connaissance que nous avons
que ce témoignage est ordinairement con-
forme à la vérité. Si donc ce témoignage
tombe sur un fait miraculeux, il se trouve
deux expériences opposées, dont l'une dé-
truit l'auU'e, ou du moins dont la [)]us forte
doit prévaloir à la plus faible. Or, comme il
est be lucoup plus probable que des témoins
se trompent ou veulent tromper, qu'il ne
l'est que le cours de la nature est interrom-
pu, l'on doit plutôt s'en tenir à la première
supposition qu'iv la seconde. De là D. Hume
conch.t qu'un miracle, quelque attesté qu'il
soit, ne mérite aucune croyance. Pour peu
que l'on y fasse attention, l'on verra que ce
sophisme ne |iorte que sur une équivoque
et sur l'abus du terme d'expérience. En effet,
en quoi consiste l'expérience ou la connais-
sance que nous avons de la constance du
cours lie la nature "? En ce que nous ne l'a-
vons jamais vu changer, si nous n'avons ja-
mais été témoins d'aucun miracle; mais s'en-
suit-il que ce changement est impossible,
parce que nous ne l'avons jamais vu ? Ce
n'est donc ici qu'une expérience négative,
si l'on peut ainsi parler, un simple défaut
de connaissance, une (lure ignorance. D. Hu-
me l'a reconnu lui-même dans son quatrième
Essai, où il avoue que nous ne pouvons
prouver, a priori, l'immutabilité du cours de
la mture. N'est-il pas absurde de vouloir
qu'un simple défaut de connaissance de no-
tre [lait l'emporle sur la connaissance posi-
tive et sur l'attestât on formelle des témoins
qui ont vu un miracle? ai l'argument de D.
Hume était solide, il prouverait que, quand
nous voyons pour la première fois un fait
étonnant, nous devons récuser le témoignage
de nos yeux, parce qu'alors il se trouve
coiitrr.ire'à notre prétendue expérience pas-
sée, que nous devons même nous délier du
seiUiment inti'rieur, lorsque nous éprouvons
en nous-mêmes un symptôme que nous n'a-
vions jamais senti. Ce sophisme attaque
donc de front la certitude physique et la
certitude métaphysique, aussi bien que la
certiiude morale. Voy. Expérience. En se-
cond lieu, est-il vrai que nous nous fions au
témoignage humain seulement , parce que
nous avons reconnu par exjiérience que ce
téruoignage est ordinairement conforme à la
vérité.' 11 n'en est rien; nous nous y lions
par un instinct naturel qui nous fait sentir
que sans cette c-onûaace, la société humaine
serait impossible. Nous nous y fions dans
l'enfance avec plus de sécurité que dans l'âge
mûr; et plus nous devenons vieux et expé-
rimentés, plus nous devenons déliants. Mais
cette défiance, poussée à l'excès, serait aussi
déraisonnable que celle des incrédules. Lors-
qu'un fait sensible et palpable , naturel ou
miraculeux, est altesté par un grand nom-
bre de témoins qui n'ont pu avoir un intérêt
comnuin d'en imjioser , qui n'ont pas pu
même user ensemble de collusion, qui pa-
raissaient d'iilleurs sensés et vertueux , il
est impossible que leur témoignage soit faux ;
nous y déférons alors avec une entière cer-
titude, en vertu de la connaissance ultime
que nous avons de la nature humaine. Ce
n'est ici ni une simple présomption, ni une
expérience purement négative, ou une igno-
ranf^e, mais une connaissance positive et ré-
fléchie. Dans ce cas, il est absurde de dire
qu'il est jjIus probable que les témoins se
sont trompés ou ont voulu tromper, qu'il ne
l'est que lecnirs de la nature est interrom-
pu ; pour que l'un ou l'aulre de ces incon-
vénienls eût lieu, il faudrait que le cours de
la nature humaine fût changé.
Nous avons donc alors un témoignage tel
que David Hume l'exige, %m témoignage de
telle nature, que sa fausseté serait plus mira-
culeuse que le fait qu'il doit établir. Dieu peut
avoir de sages raisons d'interrompre pour un
moment l'ordre physique et le cours de la
nature, mais il ne peut en avoir aucune de
renverser l'ordre moral et la constitulion
de la nature humaine : le premier de ces mi-
racles n'a rien d'impossible ; le second serait
absurde et indigne de Dieu. David Hume ne
raisonne pas mieux lorsqu'il prétend que,
qu'Uid il s'agit d'un miracle qui tient à la re-
ligion, tous les témoignages humains sont
nuls, parce que l'amour du merveilleux et
le fanatisme religieux suffisent pour tourner
toutes les têtes, et pervertir tous les princi-
pes. Si ces deux maladies étaient aussi com-
munes et aussi violentes que le prétendent
les déistes, on ve r.iit éclore tous les jours
de nouveaux miracles, et le monde en serait
rempli. L'amour du merveilleux peut en-
traîner les hommes, lorsqu'il n'y a ri.n à
risquer pour eux, lorsqu'un fait n'est con-
traire ni à leurs préjugés ni à leurs intérêts;
mais l;)rsque des faits merveilleux doivent
les obliger à changer de religion, d'opinions
et de mœurs, meltro en danger leur for-
tune et leur vie, nous ne voyons pas qu'ils
soient fort empressés de les admettre : alors
le zèle de religion, loin de les disposer à
croire les faits, les rend défiants et incré-
dules. Telles étaient les dispositions des Juifs
et des païens à l'égard des miracles de Jésus-
Christ et des apôtres : ils eu ont cependant
rendu témoignage, puisqu'un grand nombre
se sont convertis, et que les autres n'ont
pas osé les nier. Voy. Jésus -Chiust, Apô-
tres, etc.
Peut-on se contredire plus grossièrement
que le fimt les incrédules ? Suivant eux,
nous devons nous fier à nos sens, plitôt qu'à
toute espèce de témoignage, lorsqu ils aous
";89
MIR
MIR
790
attestent que l'eucharistie n'est que du pain
et du vin, puisque par nos sens nous y en
apercevons toutes les qualités sensihles, et
nous ne devrions plus nous y lier, si Dieu
changeait visiblement ce pain et ce vin en
une autre esjjôee de corps, quand ?nAuie
nous y aficrcevrions toutes les qualités sen-
sibles d'un nouveau corps. Le témoignage de
nos sens nous donne une entière certitude,
lorsqu'il est négatif et q\i"il ne nous atteste
aucun î7î/mr/r ; mais il ne prouve rien, lors-
qu'il est|iosilif etqu'dnousattesteunm/»-or/e
évident et sens ble. Un logicien sensé f)Ose
le principe dirocteuieni contraire. Vlissui de
David llumc, sur les ittiractes , a éié réfuté
par (]ampl)ell, auteur nu'^\a\s , Dissertation
giir les miracles, etc., Paris, 1767. D'autres
déstesont dit que les- [ireuves morales, suf-
fisanles pour cofist iter les faits qui sont dans
l'ordre des possibilités morales, ne sulFisent
plus pour constaler los Tails d'un aulre or-
dre, et purement surnaturels ; que des té-
moignages a<se;. forts pour nous faire croire
une chose probable n'ont plus assez de force
pour nous [lersuader une chose improbalde,
telle que l;i résurrection d'un mort. Mais
nous ne sommes pas assez habiles pour
concevoir pour |uoi un »i(rac/f n'est pas dans
l'ordre des possibilités morales, dès que c'est
Dieu qui l'opère : y a-t-il (pielque fait sii[>é-
rieur à la |)uissance divine? Nous voudrions
savoir encore ce que l'on entend par chose
improbable. Kst-ce une chose qui ne peut
pas être prouvée ? Tout ce qui est possible
peut exisicr, tout ce qui existe peut être
prouvé, dès qu'il tondjc sous les sens ; la
mort d'un homme et sa vie sont de ce genre :
jamais on n'a imaginé qu'il fût impossible de
vérifier si uii homme est mort ou vivant. Im-
probable signilic-t-il impossible? Alors il
faut commencer par prouver qu'un mira-
cle est absolument impossible ? jusqu'à pré-
senlles incrédules n'en sont pas v.nus à bout.
L'auteur des Questions sur l'Encyclopédie
a fait briller toute la sagacité de son juge-
ment sur celle-ci, ou plutôt il a mis dans le
plus grand jour les travers et l'opiniâtreté
des incrédules. « Pour croire un miracle,
dil-il, ce n'est pas assez de l'avoir vu, car
on peut se tromper. Bien des gens se sont
crus faussement sujets do miracles; ils ont
été tantôt malades et tantôt guéris par un
pouvoir surnaturel; ils ont été changés en
loups; ils ont traversé les airs sur un manche
iv balai; ils ont été incubes et succubes. Il
faut que le miracle ait été bien vu par un
grand nombre de gens très-sensés, se por-
tant bien, et n'ayant nul intérêt à la chose.
11 faut surtout qu'il ait été solennellement
attesté par eux. Car si l'on a besoin de for-
malités authentiques pour les actes les plus
simples, à plus forte raison pour constater
des choses natur^'llement impossibles, et
dont le destin do la terre doit dépendre.
Quand un miracle authentique est fait, il ne
prouva encore rien ; car l'Kcriture dit en
vingt endroits que des imposteurs peuvent
faire des miracles. On exige donc que la
doctrine soit appuyée par des miracles, et
les miracles par la doctrine. Ce n'est point
encore assez. Comme un fripon peut prêcher
Une fiès-honne doctrine, et faire des mira-
cles comme les sorciers de Pharaon, il faut
que ces miracles soient annoncés par des
prophéties; pour être sAr de la vérité de ces
prophéties, il faut les avoir entendu annon-
cer clairement, et les avoir vu s'accomplir
réellement; il faut posséder parfaiteuient
la langue dans laquelle elles ont été con-
servée-;. Il ne suffit pas même que vous soyez
témoin de leur accomplissement miraculeux,
car vous pouvez être troaqié par les appa-
rences. Il est nécessaire que le miracle et la
prophétie soient juridiquement constatés par
les i)remiers de la nation, et encore se
Irouvera-t-il des dout.iirs : car il se peut
que la nation soit intéressée ?) supposer une
prophétie et un miracle; et dès que l'intérêt
s'en mêle, ne comptez sur rien. Si un inira-
clr prédit n'est pas aussi public, aussi avéré
qu'une éclipse annoncée dans l'almanach,
soyez sur que ce miracle n'est qu'un tour de
gibecière ou un cont(! de vieille. On souhai-
terait, pour qu'un miracle fût bien constaté,
qu'il fil t fait en présence de l'académie des
sciences de Paris, ou de la société royale de
Londres , et de la faculté de médecine,
assistée d'un détachement du régiment des
gardes, pour contenir la foule du peu[ile. »
Réponse. Pourcjuoi n'y pas appeler encore
tous les incréduh'S, déistes, athées, maté-
rialistes, pyrrhoniens et autres'? Eux seuls
sont les sages par excellence. Mais si ce
n'est pas assez d'avoir vu un miracle pour
le croire et pour en être sûr, de quoi servira
la présence des académiciens, des médecins
et de tout leur cortège ? Si personne n'est
assuré do se bien porter, d'être dans son
bon sens, de voir réellement ce qu'il voit,
ni de sentir véritablement ce qu'il éprouve,
nous ne croyons pa^ que ces savants soient
plus privilégiés qu" les autres hommes. Le
seid doute bien fondé qu'il y ait ici, est de
savoir si un philosophe qui raisonne ainsi a
la tête bien saine. Prescrire des règles de
certitude, et prétendre ensuite qu'en les
réunissant toutes on n'aura encore rien de
certain, est un pyrrhonisme insensé.
1" En quel lieu du monde, si ce n'est aux
petites maisons, a-t-on vu des gens qui se
croyaient sourds, muets, aveugles ou para-
lytiques, pendant qu'ils se portaient bien,
on qui se croyaient parfaitement guéris de.
ces infirmités, lorsqu'ils les avaient encore ?
Plusieurs, guéris par des remèdes, ont peut-
être cru faussement leur guérison miracu-
leuse : dans ce cas, il est bon de consulter
des médecins pour savoir ce qui en est ;
mais que leur témoignage soit nécessaire
pour juger si ces inhrmités ont cessé ou
durent encore, c'est une absurdité. De pré-
tendus sorciers, après s'être frottés de dro-
gues, ont pu rêver qu'ils allaient au sabbat
sur un manche à balai ; d'autres, dans le
déhre d'une imagination déréglée, ont pu
rêver qu'ils étaient incubes ou succubes;
mais les témoins des miracles de Jésus-Cbnst
ne s'étaient frottés d'aucune compositiou
79i
MIR
MIR
792
pour rêver qu'ils voyaient ce qu'ils ne
voyaient pas : ce n'est point dans les songes
(Je la nuit, mais au grand jour et en public,
qu'i'ls les ont vus.
a° Nous admettons volontiers que les
témoins d'un miracle doivent être en grand
nombre, très-sensés, se portant bien, et sans
aucun intérêt à la chose ; il nous paraissent
encore plus croyables, lorsqu'ils étaient in-
téressés à la révoquer en doute. Or, les Juifs
contemporains de Moïse étaient intéressés
à ne lias croire légèrement des miracles qui
mettaient leur sort à la discrétion de ce lé-
gislateur, qui les assujettissaient à une loi
très-dure et à des mœurs nouvelles, qui les
rendaient odieux aux Egyptiens et aux Cha-
nanéens. Les apôtres étaient très-intéressés à
ne jias croire sans examen les miracles de Jé-
sus-Christ , qui déplaisaient aux Juifs , et
à ne pas se charger témérairement d'une
mission qui les exposait à la persécution
des juifs et des païens. Ceux-ci, élevés dans
des i)réjugés trôs-o|)posés au cliristianisme,
avaient le plus vif intérêt à se délier des wîi-
racles de Jésus-Christ et des apôtres, qui
devaient les engager à un changement de
religion très - difficile et très -dangereux.
Quant aux formalités juridiques et aux
procès-verbaux solennellement dressés, nous
soutenons qu'ils ne furent jamais nécessai-
res pour constater des faits publics, dont
toute une ville ou toute une contrée ont été
témoins. Avant l'invention de ces formalités
était-on moins cet tain qu'aujourd'hui de ces
sortes de faits? Lorsque des miracles ont
causé une grande révolution dans le monde,
leur clJ'et est une preuve plus forte que
toutes les informations et les procédures
possibles. Le philosophe que nous réfutons
suppose encore faussement que la certitude
de tous les faits doit être plus grande, à pro-
I^iortion de leur importance , puisque les
laits desquels dépendent notre vie, notre
conservation , notre fortune , nos droits
civils, sont ordinairement ceux dont nous
avons le moins de certitude. Parce qu'un
miracle peut intéresser toute une nation,
s'ensuit-il qu'il faut que chaque particulier
en soit témoin oculaire ?
3° 11 est faux que, selon l'Ecriture sainte,
les imposteurs et les magiciens puissent
faire de vrais miracles; elle nous assure au
contraire que Dieu seul jieut en faire, et nous
le prouverons dans le paragraphe suivant.
Lorsqu'il s'agit de prouver la mission d'un
homme, il n'est pas encore question de doc-
trine : c'est une absurdité de prétendre que
les Juifs , opprimés en Egypte, devaient
exiger la profession de foi de Moïse et le
code de sa morale, avant de croire à sa
mission; que les Juifs et les païens étaient
des hommes fort capables déjuger delà doc-
trine de Jésus-Christ, pendant que les incré-
dules ne les croient pas seulement capables
d'attester ses miracles. Est-il donc plus
difficile de s'assurer d'un fait sensible, que
de i»rononcer sur la bonté d'un catéchisme? i
k° Des miracles annoncés par des prophé-
ties en sont d'autant plus authentiqties et
piUS frappants ; mais cela n est pas absolu-
ment nécessaire. Une prophétie est elle-
même un fait miraculeux ; il faudrait donc la
vérifier par une autre prophétie, et ainsi à
l'iiitini. Un fait surnaturel, sensible et pal-
pable, doit être vérifié comme tout autre
fait; si nous sortons de là, nous ne trouve-
rons plus que des règles absurdes.
5" C'en est une de soutenir qu'il faut avoir
entendu clairement la prophétie, et l'avoir
vue s'accomplir réellement. Selon cette dé-
cision. Dieu ne pourrait pas prédire des
miracles qui ne doivent être opérés que dans
plusieurs siècles, puisque l'on veut que les
mêmes hommes entendent prononcer les
paroles du prophète, et en voient l'accom-
plissement. Aucontraire,plusles événements
sont éloignés, plus il est évident, lorsqu'ils
arrivent, qu'ils n'ont pas pu être prévus par
une lumière naturelle. Une prophétie, écrite
depuis plusieurs siècles, n'est ni moins cer-
taine, ni moins claire, ni moins frappante,
que si elle avait été faite depuis peu; elle
1 est même davantage. Notre critique est-il
persuadé que les savants du xviu" siècle
n'entendent pas l'hébreu, et ne peuvent
prendre le sens des prophéties? Mais les
versions chaldaïque et grecque ont été écri-
tes avant que les faits arrivassent, avant la
naissance de Jésus-Christ; elles sont con-
formes aux versions syriaque, arabe, latine,
qui ont été faites après, et la plupart sont
l'ouvrage des Juifs. C'est là que nous prenons
le sens du texte. 11 a donc été entendu de même
dans tous les siècles ; ces prophéties n'étaient
donc pas inintelligibles, ni même fort obs-
cures.
6° Elles ont été, comme on le voit,authen-
tiquement certifiées par les docteurs et les
chefs de la nation juive, soit quant à la
lettre, soit quant au sens, dans les para-
phrases chaldaïques et dans la version des
Septante ; mais il n'est pas nécessaire que les
chefs de la nation en aient certitié de même
l'accomplissement dans le temps : ils ont pu
avoir intérêt à contester les miracles de
Jésus-Christ, à détourner le sens des pro-
phéties, à s'aveugler sur leur accomplisse-
ment, comme ils font encore aujourd'hui,
puisqu'ils reconnaissent eux-mêmes que cet
aveuglement était prédit. Cependant il n'a
pas été général, puisque les docteurs juifs,
tels que Nicodème, Gamaliel, saint Paul, et
un grand nombre de prêtres, ont cru en
JésLis-Christ ; les autres mênie n'ont pas osé
contester ses miracles. Eu admettant pour un
moment toutes les règles prescrites par
notre critique, un ignorant est eu droit de
rejeter le témoignage de tous les philoso-
phes, lorsqu'ils lui attestent des faits éton-
nants qu'il ne conçoit pas, et qui doivent lui
paraître surnaturels. Mais en retranchant ce
qu'il y a d'absurde dans ces règles, ujus
sommes en état de prouver que les miracles
qui continuent la révélation ont été bien vus
jiar dos hommes sensés qui n'y avaient
aucun intérêt, qui les ont attestés à la face
des nations entières, en présence des chefs
qui n'ont rien eu à y opposer; que ces
795
AfIR
HIR
794
miracles ont été faits pour appuyer une
doctrine très-pure et très-digne do Dieu;
(ju'ils ont été annoncés par (les prophéties
très-aullicntiques et très-claires, constam-
Dient entendues dans le sens que nous leur
donnons, et que ce sont ces miracles qui ont
converti les juifs et les païens. Que faut-il
de plus?
Pour aflViiblir ces preuves, le niômc auteur
a prétendu que les uiahométans en avaient
de semblables pour établir la réalité des
miracles de Maliomet : nous avons réfuté
cette com[)araison fausse à l'article Mahomé-
TisME. D'autres ont dit, avant lui , que l'on
pourrait encore prouver de même la vérité
des miracles du paganisme ; mais aucun
d'eux n'a pu alléguer ces preuves prétendues.
Plusieurs ont objecté la multitude de miracles
rapportés dans les légendes ; l\ cet article,
nous avons fait voir que la plupart de ces
prodiges sont absolument dénués de preuves.
(Juelqu(!S-uns enlin ont objecté les raisons
par lesquelles on a voulu élayer les préten-
dus miracles du diacre PAris; nous ne
croyons pas qu'il soit nécessaire d'en dé-
montrer la fausseté.
m. Les miracles peuvent~ils servir à con-
firmer une doctrine, et d prouver la divinifé
d'une rclii/ion? L'on n'en avait pas douté
avant qu'il y eût des déistes; et il a fallu, d«
leur ])art, un travers singulier d'esprit pour
soutenir le contraire. [Voij. Diivoisin, De'-
monstrations évangéliques, publiées par M.
l'abbé Migne : Notions sur les miracles ,
tom. XIll, col. 7G3.1
En etl'et , puisque c'est Dieu , qui, par
sa toute-puissance, a réglé le cours de la
nature, a établi l'ordre physique du monde
tel qu'il est, lui seul a le pouvoir de le sus-
pendre, d'y déroger, même pour un instant,
d'arrêter l'elfet de la moindre des lois dont
il est l'auteur. 11 n'a certainement donné k
aucune créature la puissance de déranger
son ouvrage, de troubler la tranquilité des
hommes pour l'utilité desquels Dieu a fait
les choses telles qu'elles sont. \\i la con-
* fiance que les hommes ont eue de tout
temps à la constance de la marche de l'uni-
vers, et l'étonnement que leur ont toujours
causé les miracles vrais ou apparents, leur
sort, pour ce monde et pour l'autre, serait
à la discrétion des mauvais esprits ou des
imposteurs auxfjucls Dieu aurait donné le
pouvoir d'opérer des prodiges supérieurs
aux forces de la nature; sa sagesse et sa
bonté s'y opposent. Aussi s'en esl-il expli-
qué lui-même très-clairement; après avoir
lait souvenir les Hébreux des prodiges qu'il
a opérés en leur faveur, il leur dit : Voyez
par lu que je suis le seul Dieu, et guil n'y en
a point d'autre que moi {Deut. xxxu, 39j. Le
psalmiste répète souvent que Dieu seul fait
des miracles (Psalm. lxxi , 18; c.xxxv,
k, etc). Ezéchias, en lui demandant une déli-
vrance miraculeuse, lui dit : « Sauvez-nous,
Seigneur, afin que tous les peuples de la
terre connaissent que vous êtes le seul
souverain Maître de l'univers {Isau xxxvii,
20j. » Lorsque Moïse lui demande comment
il pourra convaincre les Hébreux de sa mis-
sion, Dieu lui donne le pouvoir d'opérer des
miracles, et lui dit : Va, je serai dans ta
bouche, et je t'enseignerai ce qu'il faudra dire
[Exod. IV, 1, 1-2). Moïse obéit, et c'est il la
vue de ces miracles que les Israélites croient
à sa mission, et que le roi d'Egypte est forcé
eutin de se rendre. Dieu donnait-il à son
envoyé de fausses lettres de créance, des
signes éipiivoques , et qui pouvaient être
contrefaits par des im|>osteurs? 11 dit ipi'il
exercera ses jugements sur l'Egypte, afin (pie
les Egyptiens sachent qu'il est le Seigneur
{Exod. VII, 5). Comment auraient-ils pu le
savoir, si des magiciens avaient pu faire
les mêmes miracles (pie .Moïse? C'est aussi
à la vue du premier des miracles de Jésus-
Christ que ses disciples crurent en lui
[Joan. II, 11). Lorsque Jean-Baptiste lui
envoya deux de ses disciples pour lui de-
mander : « Etes-vous celui qui doit venir,
ou faut-il en attendre un autre? «Jésus opé-
ra plusieurs guérisons miraculeuses en leur
présence, et répondit : Allez dire à Jean ce
que vous avez vu (Luc. vu, 19). Souvent il a
(Jit aux Juifs : Les œuvres que je fais au nom
de mon Père rendent témoignage de moi. Si
vous ne voulez pas me croire, croyez à mes
œuvres (Joan. x, 25, 38) ; et en parlant des
incrédules, il dit : Si je n'avais pas fait
parmi eux des œuvres qu'aucun autre n'a
faites, ils ne seraient pas coupables (xv, Si).
Au moment de quitter ses apôtres, il leur
donne le pouvoir d'opérer des miracles p(jur
prouver leur mission (Marc, xvi , 15 et
suiv.). Devait-on s'arrêter à cette preuve,
si des magiciens , des imposteurs, des faux
propliêtes, étaient capables d'en faire.
Saint Pierre déclare que Jésus-Christ est
le Fils de Dieu , qu'il est ressuscité , qu'il
faut croire en lui pour être sauvé, que lui et
ses collègues en sont des témoins fidèles; et
il le prouve ])ar le miracle ([u'il venait d'ojié-
rer, en guérissant un homme impotent de-
puis sa naissance (Act. m, 13 et suiv.). Saint
Paul dit qu'il a fondé sa prédication, non sur
les raisonnements de la sagesse humaine,
mais sur les dons du Saint-Esprit et sur uik^
puissance surnaturelle (/ Cor. ii, 4); que les
signes de son ajJOstoLit ont été les prodiges
et les tniracles qu'il a opérés (II Cor. xii, 12).
11 était donc bien sûr i;ue ces signes ne pou-
vaient être imités par de faux apôtres. Les
incrédules ont donc tort d'avancer que (luand
même les miracles prouveraient qu'un nom-
me est envoyé de Dieu, ils ne iirouveraient
pas que cet homme est infaillible ni imper-
cable. Dès que Dieu a envoyé un homme
pour annoncer de sa part une doctrine , et
porter des lois, et qu'il lui a donné pour let-
tres de créance le pouvoir do faire des mi-
racles, nous soutenons que la justice, la sa-
gesse, la bonté divine, sont intéressées à ne
pas f)ermettre que cet homme se trompe ou
veuille tromper les autres , en leur ensei-
gnant une doctrine fausse, ou en leur pres-
crivant de mauvaises lois, .\utrement Dieu
tendrait aux nations un piège d'erreur iné
vitable . et les mettrait dans la néce.s.sité do
795
MlH
MIR
m
•io. livrer à un imposteur. En quec sens pour-
rait-il dire qiril est la vérité môme, (idèle,
ennemi de l'in'cjuilé , juste et droit {Drut
XXXII, k); qu'il est incapable do mentir et de
troiTifier comme les hommes {ISuin. xxiii, 19);
qu'il est vrai dans toutes ses paroles, et saint
dans toutes ses œuvres {Ps. cxliv, 13, etc.) ?
Non-seidemeiit Dieu avait promis h son
peuple de lui envoyer des prophètes, mais il
avait dit : Si r/uelqu'un n'écoute pas un pro-
phète qui parlera en mon. nom, j'en serai le
vengeur; mais si un prophète parle faussement
de ma part, ou au nom des dieux étrangers,
il seramis à mort [Deut. xviii, 19). Conlinnel-
lement il reproche aux Juifs qu'ils n'écou-
tent pas ses prophètes , et il menace de les
punir. Cette incrédulité , cependant , aurait
été très-juste de la part des Juifs , s'il avait
été possible qu'un prophèlefit des miracles
pour prouver uni' mission fausse. Dieu a-t-il
pu menacer de les punir d'une jusl:' défiance,
et pour avoir suivi les règh-s de la prudeice
liumaine? Mais, répliquent les déistes, il y
a dans l'Ecriture sainte d'autres passages
qui semblent opposés h ceux-là et qui en-
seignent le contraire. 11 est dit que les ma-
giciens de Pharaon imitèrent les miracles de
Moisi;, fccerunt similiter (Exod. , vu, li,
22, etc.). Moïse défend aux Juifs d'écouter
un faux prophète, (juand mémo il fcr-dt des
miracles {DnU. xiii , 1). Dieu permet à l'es-
prit de mensonge de ,'o placer dans la bou-
cîie des prophètes {111 Reg. xxii, 22). 11 lui
permet d'aflliger Job par des fléaux qui sont
de vrais miracles {Job , i, 12). 11 dit : Lors-
qu'un prophète se trompera et parlera fausse-
nicnt, c'est moi qui l'ai trompe ; je mettrai la
main sur lui, et je l'exterminerai lEzech. xiv,
9). Jésus-Clirist prédit qu'il viendra de faux
christs et de faux pro,'hètes , qui feront de
gi'ands prodig 'S et des miracles cspables de
tromper même les élus {Matth. xxiv, 24).
Saint Paul prédit la même chose de l'Ante-
christ {Il Thess. n , 9). Il défend d'écouter
même un ange du ciel qui annoncerait un
autre Evangile que le sien {Galat. i, 8). Les
prodiges et les miracles ne prouvent donc
lien; c'est plutôt un piège d'erreur qu'un
signe de vérité. Qu'importe qu'un miracle
soit vrai ou faux, réel ou apparent, si ceux
i(ui en sont témoins sont dans l'impossibi-
lité (le distinguer l'un de l'autre ?
liéponse. Nous soutenons qu'aucun de ces
passages ne prouve le contraire do ceux que
nous avons cités. 1° A l'article Magie , § 2,
nous avons fait voir que les magiciens d'E-
gypte ne firent (|ue des tours de sou|)lesse;
qu'ils n'imitèrent que très-imparfaitement
les miracles de Moise, qu'il était très-aisé de
distiiiguiT, dans cette occasion, l'opération
divine d'avec les prestiges de l'art; amsi,
lorsque l'histoire sainte dit qu'ils firent de
même, cela ne signifie pas uiie imitation par-
faite et k laquelle on pût être innocemment
trompé. — 2° Moïse n'a jamais supposé qu'un
faux prophète p(ït foire des miracles; il dit:
« S'il s'éiève au milieu de vous un propliète
ou un homme qui dise qu'il a eu un songe,
et qui prédise un signe ou uu phénomène;
SI ce qu'il a prédit arrive, et qu'il vous dise.
Allons adorer les dieux étrangers, vous n'é-
couterez point ce prophète ou ce rêveur,
parce que c'est le Seigneur votre Dieu qui
vous éprouve, afin que l'on voie si vous l'ai-
mez ou non fie tout votre cœur et de toute
votre âme. Ce prophète ou ce conteur lic
songes sera mis à mort. » Annoncer un phé
nomène naturel qui arrive, ce n'est pas faire
un miracle. Moise prévient ici i s Israélites
contre la stupidité des iflol.'.lres , qui ado-
raient lesastr^'S, et (pii prenaient les phéno-
mènes du ciel pour des signes de la faveur
ou de la colère de ces prétendues divinités
[Dettt. IV, 19). -- .3" 11 est évident que ce qui
est dit d s faux prophètes (/// Jleg. xxii, 22),
est une expression figurée très commune en
hébreu; l'esprit menteur n'est point un (ler-
sonnage ou un démon, mais l'esprit menti'ur
du pro hète lui-même. Lorsque l'auteur sa-
cré ajoute que c'est Dieu qui a mis cet esj'rit
dans la bouche des prophètes d'Acliab , cela
signilie seulement que Dieu a permis qu'ils
se trompassent et voulussent tromper, et
qu'il ne les a pas empêchés. C'est un hé-
braïsme qui a été remarqué par tous les
commentateurs , Classius , Philolog. sacra,
col. 814, 871, etc. Nous avons donné des
exemples d'' cette manière de parler en fran-
çais à l'article HÉBRAisjiE,n.li. Voy. Permis
sioN. — 4° Le sens est le môme dans Ezé-
chiel, c. XIV, v. 9, où il est dit que Dieu n
trompé un faux pioiilièle, et qu'il le punira;
pourrait-il justement punir un homme qu'il
aurait trompé lui-même ? C. xiii, v. 3, on lit :
« Malheur aux prophètes insensés qui sui-
vent leur propre esprit , et ne voient rien. >;
Leur |iro[ire esprit n'est donc pas celui de
Dieu. — 5" Les fléaux dont Job fut afiligé
furent des miracles , sans doute ; mais rien
ne nous force de les attribuer à l'opération
immédiate du démon, plutôt qu'à celle de
Dieu, ni de prendre à la lettre ce qui est dit
de Satan : le sentiment des Pères de l'Eglise
et des commentateurs n'est pas uniforme
sur ce point. Vog. la Sgnopse des critiques
{Job, I, 6). Quand on le prendrait à la lettie,
il s'ensuivrait toujours que le démon ne peut
pas faire une chose conliaire au cours ordi-
naire de la nature sans une permis>ion
expresse de Dieu; et il n'y avait aucun dan-
ger que les hommes fussent troaqiés à celte
occasion. Job lui-même dit que c'est Dieu
qui lui a ôté ses liions, v. 21 ; ce n'était donc
pas le démon. — ti° Jésus-Christ ne dit point
que les christs feront des miracles, mais
qu'ils donneront ou qu'ils montreront des
signes et de grands prodiges. On sait en ef-
fet qu'avant la ruine de Jérusalem il arriva
des phénomènes singuliers dans le ciel et
sur la terre, Josèp'ie les rapporte : ceux qui
se donnaient faussement pour le Messie pu-
rent abuser de ces prodiges , et les donnei
comme autant do signes do leur mission :
ce sens est confirmé par l'histoire. Yog. la
Sgnopse {Matth. xxiv, 2'i-). En second lieu,
Ji''Siis-Christ ne dit point absolument que les
élus ou les fidèles y seront trom es , mais
qu'ils le seront , si cela peut se faire , après
797 MIR
avoir été pr(5vcnus et avertis, comme il les
prévient ea effet. Voilà pourquoi il ajoute :
Je vous ni prédit ce qui doit arriver. Après
un pareil avirlissement , personne ne pou-
vait p'iis y Ôti'e trompé que ceux qui vou-
laient l'ôtre. On doit enlendre île inùnie ce
que saint Paul dit de i'antechrist (// Tliess.
.'I, 3); si ceiiend.int il est question là de ce
personnage , et non de quelqu'un d(>s faux
messies qui parurent en ce lemps-ià , ou de
l'imposteur Alexandre , qui lit grand bruit
au 11° sii^cle , ou enfin de qiie'qu'mi des lié-
r(^siari]ues ([ui se vantèrent de faire des mi-
rnrle.i; la ) il u part des comiuenlaleurs con-
vienne t que (-et endroit de saint l'aul n'est
pa'; fai'ile à expli([uer. Voi/. AMEciiiiisr. —
7" Il scr.iit alisurde de supjtoscr qu'un ange
du cirl ppuf venir prCcher un faux livang le;
ce (jue saint Paul écrit aux Galatcs signifie
donc seulement : « Si un faux apôtre vient
vous j)rèc!ier un autre Evangile que celui
que ji? vous ai annoncé , qnauil même il pa-
railrait être un ang:i du ciel, dites-lui ana-
tlième. » Il n'est iioint question là de l'appa-
rition m raculeuse d'un ange.
A la vérité , plusieurs Pères de l'Eglise
semblent avoir été persuadés que la |)lupart
des miracles vantés par les païens avaient été
opérés par le démon; mais d'autres, dont lo
sentiment n'est [)as moins respectable, ont
pensé que ce n'étaient que des prestiges et
des tours de souplesse. Yoy. Magib, § 2.
Quand on pourrait prouver le contraire , il
ne s'ensuivrait encore rien contre la véiité
que nous défendons ici, savoir, qu'un homme
ijui se donne pour envoyé de Dieu, et qui
lut des tniracles pour conlirmcr sa docfrinr,
doit et peut être cru sans aucun danger d'er-
reur; les miracles du paganisme n'avaient
pas été faits pour confirmer une d ctriiio.
Nous avons fait voir non-seulement que
Moïse, Jésus-Christ et les apôtres ont fait des
miracles , mais qu'ils les ont opérés directe-
ment pour prouver leur mission et la doc-
trine qu'ils annonçai! nt; d'oii nous con-
cluons que c'est Dieu lui-mèmi' qui a auto-
risé cetle mission et celle doctrine. Quand
Dieu aurait p( rmis que les démons tissent
des miracles pour contenter la curiosité, ou
pour sati.sfaire les autres passions de leurs
adorateurs, il ne s'ensuivrait pas encore que
ces prodiges ont été opérés directemen! pour
contirmer la religion des i)aieiis ; le paga-
nisme était établi longtemps avant que des
imposteurs entreprissent de faire des mira-
cles pour nourrii' la superstition des païens.
Yoy. Polythéisme, Idolâtrie.
On ne prouvera jamais que Dieu ait été
obligé d'ôter du monde tous les pii'gcs et
tous les moyens de séduction auxquels les
hoaimes se sont volontairement livrés; mais
il ne pouvait , sans déroger à sa sainteté,
donner à des imposteurs ou à des fanatiques
le pouvoir d'inteirompre le cours de la na-
ture, pour établir une nouvelle religion fausse
à la iilace du paganisme.
11 n'est pas croyable , disent encore les
déistes, que Dieu ait fait des miracles pour
une flaUou plutôt que pour une autre; pour
MIR
798
les Juifs , et non pour les Egyptiens ou les
Assyriens , pour les sujets de l'empire ro-
main, et non pour les Indiens ou pour les
Chinois. 11 peut , sans miracle , éclairer et
convertir fous les peuples , et leur intiiniT
telle doctrine ou telles lois qu'il juge à
propos.
Réponse. Cette objection renferme pres-
que autant d'absurdités ([u'il y a île mois.
1" Il est absolument faux que Dieu ne puisse
accorder à une n stion, à une famille, ou à
un homme, un bienfa t , soit dans l'ordre
naliirel , s lit dans l'ordre surnaturel , sans
l'accorder de même à tons les jieuples ou à
tous les hommes. Nous avons démontré le
contraire au mot Inégalité. — 2° Les (léist(\s
supposent toujours que Dieu a fait des /»/-
racles pour les Juifs seuls, pi'ndant que l'F,-
critui'e sa nte enseigne formellement le con-
traire. En [larlant des plaies de l'Iigyiitc,
Dieu dit qu'il exercera ses jugements sur ce
royaume , alin qu(^ les ligypticns sachent
qu'il est le Seigneur [Exod. vu , 5). Moise
avertit les Israélites que Dieu les rcn Ira
)j|us illustres que les autres nations ipTil a
faites pour sa louangi^ , pour son nom et
pour sa gloire {Deut. xxvi, 1!)). L'auteui' du
livre de la Sagesse nous fait remar(|ucr que
Dieu , qui aurait pu exterminer d'un seul
coup les Egyptiens et les Chnnanéens , les a
punis lentement et par divers tléaux, alin
de leur laisser le temps de faire pénitence et
de désarmer sa colère; il conclut par ces
paroles : « Vous épargnez tous les pécheurs.
Seigneur, parce que tous sont à vous, et ipie
vous aimez leurs Dmcs (Sap. xi et xii). »
Dieu dit aux Juifs qu'il a exécuté ce qu'd
avait promis de faire en leur faveur, non à
cause de leurs mériies, mais afin que son
nom no fût pas blasphémé chez les nations
{lîzech. xs, 9,lk,2i). Le Psalmiste demande
la continuation des bienfaits de Dieu sur son
peuple , et ajoute : « Non pas pour nous ,
Seigneur; mais rendez gloire à votre nom
})ar votre miséricorde et par votre fidélité
à remplirvos promesses, afin que les nations
ne disent pas, Où est leur Dieu {Ps. cxiti) ?
Lo Seigneur dit qu'il délivrera son peuple
de la cajitivité à la face des Babyloniens et
des Chaldéens, pour sa propre gloire, et
afin qu'il ne soit pas blasphémé {Isai. xLvm,
11). 11 déclare tiu'il punira les Sidoniens par
le même motif, et afin ({u'ils sachent qu'il
est le Seigneur [Ezech. xxviii, 2-i). Tous ces
passages et beaucoip d'autres démontrent
que Dieu n'a point per lu de vue le salut des
peuples infi lèlcs, et qu'il a fait des grf.ces à
tous. Voy. iNFiDikLES. — 3" Conclure de là que
Dieu a donc dû suscit r chez tous les peu-
ples du monde un Moï^e, leur donner une
révélation , une législation , une religion
comme aux Juifs, et par les mêmes moyens,
c'est un trait de folie. Savons-nous Cf qim
Dieu a fait (lour chaque peuple en particulier,
et'jusqu'àquel point tous ont résisté aux le-
çons qu'il leur a faites , et aux secours qu'il
leur a rionn/'s ? 11 est encore plus absurde
de prétendre que Jésus-Christ devait doîic
naître, laire des miracles, mourir et ressus
799
MIR
MIR
coo
citer aans les quatre parties du monde, aussi
bien que dans la Judée ; qu'il devait môme
le faire dans chaque ville de l'univers, tout
comme à Jérusalem. Ce qu'il a fait dans cette
contrée devait servir à la conversion de l'u-
nivers entier, et il a envoyé ses apôtres
prêchera toutes les nations. Il ne sert à rien
de dire que des miracles , qui étaient une
preuve frap,pante pour les témoins oculaires,
ne le sont plus pour les peuples éloignés, à
plus forte raison pour nous, qui vivons dix-
sept siècles après les faits. Un fait qui a
existé une fois ne cessera jamais d'avoir
existé, et dès qu'il est prouvé une fois, il
l'est pour tous les siècles et pour tous les
hommes qui auront du bon sens. — k" Il est
faux que Dieu puisse convertir tous les peu-
ples sans miracles; et déjà nous avons délié
les incrédules d'assigner aucun moyen qui
ne soit pas miraculeux. Changer tout à coup
les idées, les préjugés, les habitudes , la
croyance et les mœurs de toutes les nations,
sans aucun signe extérieur et frappant qui
les touche et leur inspire des réflexions nou-
velles , est-ce un phénomène conforme au
cours ordinaire de la nature ? On dit que
Dieu peut donner à tous les hommes une
grâce intérieure et efficace qui les conver-
tisse tous. Mais cette grâce universelle et
uniforme qui agirait do même sur tous et
produirait le môme eii'et , serait non-seule-
ment un miracle inouï, mais un miracle ab-
surde; il conduirait les hommes comme ils
sont conduits par l'instinct; il détruirait leur
liberté; l'effet qui s'ensuivrait ressemblerait
à un enthousiasme universel , dont ou ne
verrait ni la cause, ni les motifs. Est-ce ainsi
que Dieu doit gouverner le genre humain ?
Les déistes rejettent les miracles sages pour
recourir à des miVac/es insensés, qui seraient
indignes de la sagesse divine.
Mais on demande, que prouvent les mira-
cles 't Ils démontrent d'abord une Providence,
non-seulement générale , mais parliculière;
et de ce dogme une fois prouvé s'ensuivent
toutes les autres vérités que l'on nomme la
religion naturelle. Comme les hommes dis-
traits par d'autres objets réllédiisstuit fort
peu sur les merveilles journalières de b na-
ture, il est quelquefois nécessaire que Dieu
réveille leur attention et les étonne par des
événements contraires au cours ordinaire de
la nature ; c'est la réflexion de saint Augus-
tin , Tract. 8, in Joan., n. 1, et Tract. ^2'*,
n. 1; de Civit. Dei, 1. x, c. 12. D'ailleurs l'or-
dre commun de la nature, loin d'éclairer les
hommes, avait été l'occasion de leur erreur;
ils en avaient regardé les divers phénomè-
nes comme l'ouvrage d'autant de dieux dif-
férents : il étiit d(jnc nécessaire de les dé-
tromper par des miracles faits au nom d'un
seul Dieu, créateur et souverain maître de la
nature. L'exemple de Pharaon et des Egyji-
tiens , de Rahab , de Nabuchodonosor, d'A-
chior, chef des Ammoniies, de Naaman, etc.,
prouve l'efficacité de ce moyen. Quoi qu'en
disent les déistes , il est plus efflcace que la
contemplation de la nature.
En second lieu, les miracles prouvent la
révélation, la vérité de la doctrine que prê-
chent ceux qui opèrent des miracles pour
cette fin, comme nous l'avons fait voir. Si les
miracles ne prouvaient rien, les incrédules
ne feraient pas tant d'efforts pour en faire
douter.
IV. Y a-t-il eu effectivement des miracles ?
Si cela est indubitable, toutes lés autres ques •
lions sont résolues ; il s'ensuit que les mi-
racles ne sont ni impossibles, ni indignes do
Dieu, ni inutiles ; qu'ils prouvent quelque
chose, et qu'ils peuvent être prouvés ; or, à
moins d'être athée, matérialiste ou pyrrho-
nien, on est forcé d'en admettre. Les athées
mêmes conviennent que la création est le
plus grand des miracles; et que quiconque
admet celui-là ne peut raisonnablement nier
la possibilité des autres : à moins de soutenir
l'éternité de la race des hommes, on est obli-
gé d'avouer que le premier individu n'a pu
commencer d'exister que par miracle. Le dé-
luge universel est attesté par l'inspection du
globe entier, c'est incontestablement un au-
tre miracle ; toutes les hypothèses forgées
par h s philosophes pour en combattre la
réalité , ou pour l'expliquer naturelle-
ment, sont aussi frivoles les unes que les
autres.
Aux articles Jésos-Christ, Apôtres, Moïse,
nous prouvons la vérité des miracles qu'ils
ont opérés (1).
On connaît l'argument qu'a fait saint Au-
gustin pour prouver que, de quelque ma-
nière que l'on s'y prenne il faut nécessaire-
ment admettre des miracles dans l'établis.se-
mcnt du christianisme. Ou les apôtres, dit-
il, ont fait des wî/roc/es pour persuader aux
juifs et aux païens les mystères et les évé-
nements surnaturels qu'ils prêchaient, ou les
peuples ont cru, sans voir aucun miracle,
les choses du monde qui devaient leur pa-
raître les plus incroyables ; dans ce cas, leur
foi môme est le plus grand des miracles {De
Civil. Dei, I. xxii, c. 5j. Mais ce qu'on n'a
pas assez remarqué, c'est que ce raisonne-
ment est également applicable à l'établisse-
ment du judaïsme, et à celui de la religion
des patriarches. Comment, au milieu des er-
reurs dont toutes les nations étaient préve-
nues, un homme tel que Moïse aurait-il pu,
sans mi)-acles, persuader l'unité de Dieu, sa
providence universelle, etc., à un peuple
aussi grossier, aussi intraitable, aussi porté
à l'idolâtrie que les Juifs, et leur faire rece-
voir des lois onéreuses qui devaient les ren-
dre odieux à toutes les autres nations ? Vu
le penchant universel de tous les peuples vers
le pcjlytliéisme et l'idolâtrie, dans des siè-
cles où il n'était pas encore question de [)hi-
losophie, comiiunt trouve^t-on une suite de
familles patriarcales qui ont constamment
fait profession d'adorer un seul Dieu, et qui
lui ont rendu un culte pur, si Dieu lui-même
(1) Ou peut voir dans les Démon strationt évangé-
liiqties, loin. Xlll, col. 70.5, le travail de Duvoisin sur
les miracles de Jésus-Cluist, travail troi) éteudu pour
(lue nous le reiirodMisious ici.
801
MIR
MIP.
802
ne les a pas miraculeusement instruites
et préservées de l'erreur? Voilîideux j^rands
phénomènes que Ton n'expliquera jamais
par des moyens naturels, mais (jue l'Ecriture
sainte nous fait concevoir très-clairement,
par le moyen d'une révélation surnaturelle
donnée de Dieu depuis le commencement du
inonde.
Le don des miracles ne s'est pas terminé à
la mission et à la prédication des apôtres ;
saint Paul atteste ou du moins suppose qu'il
était commun parmi les tidèles (/ Cor. xii,
xiii, xiv) ; et les Pères île l'Eglise sont té-
moins qu'il a continué dans les siècles sui-
vants. Saint Justin, Apol. 2, n. G ; Dial. cum
Tryph., n. 82, atteste que les démons sont
chassés au nom de Jésus-Christ, et que l'es-
prit prophétique a passé des juifs aux chré-
tiens. Saint Irénée ajoute que plusieurs gué-
rissent les maladies par l'imposition des
luaitis, et que qualques-uns ont ressuscité des
morts. Aav. Hœr., 1. ii, c. 56 et 57. Tertul-
lieii prend à témoin les païens du pouvoir
qu'ont les chrétiens de cliasser les démons,
ApoL, c. 23, ad Scapulam, c. 2. Origène at-
teste qu'il a vu plusieurs malades guéris [)ar
l'invocation du nom de Jésus-Christ, et par
le signe de la cioix, Conlra Cels., 1. m, n.
24, etc.; Eusèbc, Démonst. évang., 1. m, p.
109 et 132; Lactance, Divin. Inslit., 1. iv,
c. 27; Saint Grégoire de Nazianze et Théo-
dorct rendent le môme témoignage. Saint
Grégoire de Néocésarée fut nommé Thnu-
maturge h cause du grand nombre de ses
miracles. Saint Arat)roise rapporte, comme
témoin oculaire, les miracles opérés au tom-
beau des saints luartyrs Gervais et Prolais ;
et saint Augustin ceux qui se faisaient de
son temps par les reliques de saint Etienne,
l. XXII de Civit. Dei, c. 8, etc. La réalité de
ces miracles est encore prouvée par l'accu-
sation de magie si souvent répétée par les
païens contre les lidôles, et par l'affectalion
des philosophes ilu iV siècle , de vou-
loir opérer des 7niracles i)ar la théurgie ,
afin de pouvoir les opposer à ceux des chré-
tiens.
Les protestants n'ont pas été peu embar-
rassés à cette occasion ; ils ont senti qu'il
n'était pas possible de récuser toutes ces
preuves, sans donner atteinte à la solidité
des témoignages qui constatent les miracles
de Jésus-Christ et des apôtres ; que, d'autre
part, on ne peut guère ajouter foi aux mira-
cles opérés dans les trois ou quatre premiers
siècles de l'Eglise, saus donner aussi
croyance à des écrivains respectables qui
attestent des miracles opérés dans l'Eglise
romaine pendant les siècles postérieurs.
Middleton, auteur anglais, prit, en 1749, le
jiarti de soutenir que, depuis le temps des
aiiôtres, il ne s'était plus fait de miracles
dans l'Eglis ' ; il donna pour raison, 1° que
les Pères, qui ont prétendu qu'il s'en faisait
de leur temps, étaient des hommes crédules
et sans critique; ajoutons qu'en général ils
ont été accusés de fraudes pieuses et de
mauvaise loi par la plupart des critiques
prolestants; 2" parce que, s'il fallait croire
ces prétendus miracles cités par les Pères
il faudrait admettre aussi ceux desquels les
calholicpies veulent se prévaloir pour étayer
leurs opinions. Ce livre fit grand bruit, et
fut réfuté i)ar plusieurs prolestants.
Mosheim, liist. christ., sœc. ii, § 20, note,
accuse Middleton d'avoir voulu , par cette
tournure, faire révoquer en doute les mira-
des de Jésus-Christ et des apôtres. 11 lui re-
présente qu'il n'est pas besoin d'une grande
critique pour être en état de juger si un mi-
racle dont on est témoin est viai ou faux ;
qu'une accusation générale de crédulité ou
d'incapacité, faite contre les Pères, est té-
méraire et ne prouve rien. Il n'a pas comjjris
que l'oîi peut répondre la môme chose au
reproche de mauvaise foi qu'il a souvent
répété lui-même contre les Pères en géné-
ral. Il ne répond rien non plus au parallèle
que l'on peut faire entre les preuves qui at-
testent les miracles des trois ou quatre pre-
miers siècles, et celles que nous donnons
des miracles opérés dans les siècles posté-
rieurs. L'objection de Middleton méritait
cependant d'être résolue. Quelques autres
protestants ont répondu qu'il a pu se faire
des miracles dans l'Eglise romaine, pour
conlirmer les vérités générales du christia-
nisme, sans qu'il s'ensuive rien en faveur
des dogmes particuliers à cette Eglise Mais
les miracles opérés par la sainte eucharistie,
par l'invocation des saints, [lar l'attouche-
ment de leurs re/iques, confirment certaine-
ment la croyance des catholiques à l'égard
de ces divers objets. Dieu n'a pas pu les
confirmer, par des miracles, dans une foi et
une confiance fondées sur des erreurs; et il
faut faire attention que plusieurs miracles
opérés de cette manière, sont attestés par
les auteurs môme du m' ou iV siècle, dont
les protestants n'ont pas osé rejeter absolu-
ment le témoignage. D'autre part, les incré-
dules opposent à nos preuves la réponse
que Minutius Félix faisait aux paiens, lors-
qu'ils vantaient les prétendus miracles de
leurs dieux : « Si tout cela était arrivé autre-
fois, leur disait-il, il arriverait encore au-
jourd'hui ; mais ces prodiges n'ont jamais
été faits , parce qu'ils ne peuvent pas se
faire. »
Nous soutenons que cette maxime n'est
pas applicable aux miracles qui prouvent la
vraie religion. Les miracles du paganisme
n'ont pas pu se faire, 1° parce que la plupart
étaient des crimes; on supposait que plu-
sieurs personnes avaient été punies, méta-
morphosées en animaux ou eu arbres, pour
des actions très-innocentes, ou parce qu'elles
n'avaient pas voulu se jirôter aux passions
brutales des dieux; 2° parce que ces préten-
dus miracles n'avaient ])as pour but de
porter les hommes à la vertu , mais de les
confirmer dans la pratique d'une religion
évidemment fausse, absurde, et injurieuse à
la Divinité, ou de satisfaire les passions in-
justes des nations oudes particuliers; 3" par-
mi ces prodiges il y en avait très-peu qui
pussent être envisagés comme des bienfaits;
c'étaient plutôt des effets de la colère <|es
803
MIS
MIS
80i
dieux que do leur bienveillance. Tous sup-
posaient que le gouvernement de ce monde
clait livr.'^ au cajirice d'une nniititudi' de
génies bizarres, vicieux et malfaisants, tcès-
mal d'accord entre eux, etc. Peut-on faire
aucun de ces reproches contre ies miracles
que nous alléguons en faveur de la vraie
religion? Minutius Félix avait raison de dire
que si les dieux avaient fait autrefois tant
de prodiges, et s'ils étaient aussi puissants
que le prétendaient les païens, ils auraient
tiù surtout (a Cf. éclater ce pouvoir à la nais-
sance du christianisme, et multiplier les
miracles, pour provenir la chute de leur
culte que cette religion détruisait peu à
peu ; c'est ce que l'wi n'a pas vu. Mais au-
jourd'hui les incrédules auraient très-mau-
vaise grâce d'exiger qu'il se fil de nouveaux
wirncles pouT conlirmerle christianisme, dL>s
qu'il est suffisamment prouvé pai- la multi-
tude de ceux qui ont été faits depuis le
commencement du monde jusqu'à nous. On
peut môme dire des incrédules modernes ce
qui a été dit des anciens : Quant ils verraient
ressusciter des morts, ils ne croiraient pas
{Luc. XVI, 31). Plusieurs l'ont formellement
déclaré.
Us ont donc le plus grand tort d'objecter
que si Moïse avait fait autant de miracles
qu'on le dit, les Egyptiens ne se seraient
pas obstiui's à poursuivre les Hébreux , et
que ceux-ci ne se seraient pas si souvent
révoltés contre lui; que si Jésus-Clirist et
les apôtres avaient opéré des tniracles si
fréquenis et si éclatants, il ne serait pas
resté un seul incrédule parmi les juifs ni
pu-mi les païens. L'opini;Ureté des incré-
dules d'aujouid'hui ne nous fait que trop
sentir de quoi ceux d'autrefois ont été ca-
pables. Un miracle, quelque éclatant qu'il
soit, ne convertit point les hommes sans une
grâce intérieure qui les rende dociles, et il
n'est aucune grâce à laquelle ^.es cœurs en-
durcis ne puissent résister. Lo squ'un mi-
racle opère ungiand nombre de conversions,
c;' c'iangeœent des esprits et des cœurs doit
nous surprendre autant que le surnaturel
du miracle et que l'interruption du cours de
la nature. Voij. la Dissertation sur les mi-
racles, Bible d'Avignon, t. II, p. 25.
MIRAMIONES, congrégation de filles ver-
tueuses qui, sans fare des vœux, se consa-
crent à l'instruction des jeunes personnes de
leur sexe et au soin des malades. Elles
furent fondées à Pa^is en 1C65, par madame
(Je Miramion, veuve pieuse et charilaWe ,
sous le titre de communauté de Sainte-Ge-
neviève.
MISÉRICORDE DE DIEU. C'est le plus
consolant des attributs divins, le seul qui
fonde noire espérance, et e'est aussi celui
dont les livres saints nous donnent la [ilus
haute idée. Dieu fait priuci paiement consis-
ter sa gloire à pai donner ••"v pécheurs. Il
dit qu'il fait justice jusqu'à dsièuio et la
qùat'ièrae génération, et m orde jusqu'à
la millième, or plutôt san nés et sans
naesure, in miliia {Exod. x . Selon l'ex-
pression du psalmiste, Dieu a pitié de nous
comme un père a pitié de ses enfants, parce
qu'il connaît la matière fragile dont il nous
a forrmés {Ps. en, 13). Connue si la tendresse
d'un père n'était pas encore assez touchante,
Dieu compare la sienne à celle d'une mère;
il dit de la nation jiiivo : Jérusalem pense que
le Seigneur l'a oubliée et l'a délaissée; une
mère peut-elle donc oxdilier son enfant, et
manquer de pitié pour le fruit de ses entrailles?
Quand elle en serait capable, je ne vous oublie-
rai point (Isai. xLix, H). Dans le psaume
cxxxv, tous les versets ont pour refrain
que la miséricorde de Dieu est éternelle. ÎS'ous
en voyons la preuve dans la conduite que
Dieu a tenue envers les hommes depuis la
création.
Jésus-Christ, parfaite image de Dieu son
Père, a été la miséricorde personnifiée et
revêtue de notre nature; il n'a dédaigné,
rebuté, humilié aucun pécheur; il n'a fait
que pardonner. La brebis perdue, l'enfant
prodigue, la pécheresse de Naïm, Zachéc, la
femme adultère, saint Pierre, le bon larron,
la prière qu'il a faite sur la crois pour ceux
qui l'avaient crucilié; quelles leçons I Par ces
traits, Jésus-Christ a prouvé sa divinité aussi
efiicaccment que par ses miracles : c'est
ainsi, dit saint Paul, que la bonté et la dou-
ceur de Dieu notre Sauveur s'est fait con-
naître {Tit. ni, 'i-). Un homme n'auiait pas
poussé la miséricorde jusque-Vd. Les Pères de
l'Eglise ont épuisé leur éloquence à relever
tous ces traits. Pelage eut la témérité de
soutenir qu'au jugement de Dieu aucun pé-
cheur ne recevra miséricorde, que tous se-
ront condamnés au féu éternel. « Qui peut
souffrir, lui répondit saint Jérôme, que vous
borniez la miséricorde de Dieu, et que vous
dictiez la seiitiiico du juge avant le jour du
jugement? Dieu ne pourra-t-il, sans votre
aveu, pardonner aux pécheurs s'il le juge à
propos? » Dialog. 1 , contra Pelag., c. 9.
« Que Pelage, dit saint Augustin, nomme
comme il voudra celui qui pense qu'au jour
du jugement aucun pécheur ne recevra mi
séricorde; mais qu'il sache que l'Eg ise
n'adopte point celte erreur ; car quiconque
ne fait pas JttWeVicorde sera jugé sans miséri-
corde. » L. de Gestis Pclagii, c. 3, n. 9 et
11. « Dieu est bon, dit ce même Père, Dieu
est juste; parce qu'il est ju>te, il ne peut
damner une âme sans qu'elle l'ait mérité;
parce qu'il est bon, il peut la sauver sans
mérites, et eu cela il ne fait tort à per-
sonne. » Contra Julian. , lib. m , c. 18 ,
n. 35; contra duas Epist. Pelag., 1. iv, c. 6,
n. 16. « Lorsque Dieu fiiit miséricorde , dit
saint Jean Chrysostome, il accorde le salut
sans discussion, il fait trêve de justice, et
ne demande compte de rien. » Hom. in
Ps. Lx, V. 1. C'est le langage uniforme des
Pères de tous les siècles, langage qui sup-
pose cependant que les pécheurs revien-
dront sincèrement à Dieu pendant qu'ils sont
encore sur la terre, parce qu'il n'y a pas de
Salut à espérer pour ceux qui meurent dans
leur péché,
805
MIS
MIS
800
*MisÉRiconDn(OF;iivreilela).ll yaquelques nnnéos,
il s'csl foiiiié une scdc cnlierciiioiit noiiv<'llc, qui
lirélcrul iioii-sculonioiil renouveler le elMisli:inisiiie,
mais II- inonde (oui erilier. Le numde t'prouve aii-
jonrd'hni nn grand liesoiii d'ainonr. C'esl aussi l'a-
mour qu'il lanl élaldir sur la lenc, il laul faire ro-
gner le Sainl-hJspiil. Jus(|u'aliMS nous avons vu le
règne de la loi, celui de Jesus-Clirisl, celui du Saiul-
E;pril arriv('. De uièuio qiu'dans l'Ancien Teslauieul,
les |ud|)liéles se sutcedaienl (lonr arnioncer la venue
du .Messie, les propInHcs se succèdent depuis plus
de ccul ans pour aiuMuicer la venue de I Ksprii. Le
grauil propliele Pierre-.Micliel Viniras annonce que
riieure approclic. < C'esl au mois d'août KSÔO que
le Verlic Taisait entendre ces parides ; c'est aUus
aussi (|ne l'areliange saint Mieliel Taisait les premiè-
res ouvertures à cet ouviier de 'l'illy, IJigene Viu-
Iras, connu sous les prénoms du l'iorre-Micliel par
lesiinels le noiumail l'cn.oyé celesle. 1-e ciel ména-
gea une circiuislancequi mil cet homnie de Dieu eu
presciue avec le porie-voi\ qu'il allait remplacer,
pour elalilir la succession de la mission priiplielique.
Voici dmic le dernier cliainon de celle pr(q)lielie ;
mais celui-ci iloil èlre, pins (pie les precéclenls, le
Christ represeulaliT et son imago plus resseud)lanlc;
IKUI qu'il ait ele dans son passé pins paiTait que les
precedcnls : liéraut plus rapproclié t'es lemp» de la
misencoiile, il eoulesse qu'il en avait |)lns besoin;
mais il sera, par les communicalinns pleines, vas-
les, Imniueeses, la rcpii'scnlaliiiu du (ilirisl eiisei-
guanl; parles pei set niions qu'il éprouve (h: la part
des i'ilales goii\ernanis (H îles pharisiens nouveaux',
la repré^eulatiou du Chi'ist pei.-.einlé : ses prrs('cu-
lions ain'oiil des caracteies auatugnes et seron' pui-
sées dans le même espril qui a poussé les phari-
siens d'aulrelois ; et par ces trois e(ircnves du corps,
de l'ànie et de l'cspiii, ipii seront conniiea en leur
leuqis, la reiuésenlatiou du Christ dans la grolle des
Olivier.-.. Voit i donc nu temps ipii s'uiivie, inio ère
ipii est a sou aurore et qui s'appellera l'ère ou le
règne du Sainl-lispril. W est manilésle qui; mil n'é-
chappera au calaclysinc s'il n'apiiarlient a l'iouvrc
de niisi'ricmdc lorniellemenl ou eu esprit. >
I-a nouvelle secte piolcsse nu grand nomhrc d'er-
reurs cl de iloctrines eliaiiges. L'Iionime esl nu
couq)osé de corps, d'esprit et il aine, jisiis-l^hrist n'a
pris qu'une portiiui de noire liiunanilé. — Le peelié
originel est une Taule persunnelle. — La sainte
Vierge émane de la iialnie divine. — Le Saint-Ls-
prit doit se inaiiiTesler. — iVous reliilous chacnnû
de ces erreurs aux ai lit les (pii les couceriicul.
La nouvelle secte a clé condamiK'e par un luef de
Grégoire X\L L'ahhé Charvon prcleiul ipiecohiel
a ete surpris. iNeus n'avons conmi aucun hérétique
ipii n'ait lemi ce lapgage. Quoiqu'il en soil, iiuus pcii-
stuis rendre service an clergé en lermiiianl par la ;
lradncli>in du IjieT de Grégoire XVI à .Mgr l'cvèquc
lie H.iyen.\. On ne saurait trop inellre à la portée de
tous ces pièces précieuses qu'on se procure diflici--
lenienl et qui sont liien plus elticaces (pie les rai-
sonnements pour ple^ervel• et ili'sahiiser les esprits
(pie relieur conimeiicer;iil a oiiiiainer.
1 Vcnerahle Trére, salut et hénédiclion aposioli(pic. ■
Depuis ipie vous nous ave/, donne avis de la nou-
velle associaliiui d'honinies impies ipii s'est li)iuii:c
dans votre diocèse, et Iransiuis ipiehpies-uns de leurs
iiiiprii'.ies et (le leurs nuiunscrils, nous avons désiré
vivement vous écrire cette lettre. .Mais les graves
préoccupalio.'is Cl les alTaiiv'S qui nous allligeiil sans
cesse ne nous oui pas permis de nous inelire lout de
suite a lire et à peser ces ecrils comme nous le sou-
haitions pour reconnailie l'esprit de celle ni.ilheii
rcuse as^(lcialioll. .Noire douleur a élé grandiMpi.iml
nous avmis vu par ces ecrils pestilentiels que les
liO'uiues pervers de ici le société, sons lu inasque
de la piele et à l'aide il'uM rais(.iiue;ucul captieux,
s'qUoiceiH d'iiiUqJuiio dca sectes Uc perdition au
milieu du troiipciu de Jésus-Christ. P.ir une a»d,-ice
aussi lémi'iaire qne sacrilège, ils se Iransforimuit
en apôtres, et s'arrogent une nouvelle mission divine,
aniioïK'ant une prétendue œuvre de la iiii.S('riioi(/e, et
préleiulaul (pi'ils vont par ce moyen redonner eu
([uehpie s(ule la vie .a l'LgIise. Ils osent répandre
dans le piildie des révelalioiis sur les anges et les
autres habitants du ciel, des coiumuiiicatious de Jé-
sus-Christ lui-même, des visions et des miracles. Ils
se sont Tonné un apostolat composé de laïque-.. Ils
adirinenl qu'il va s'élahlir dans l'ICglise un troisième
règne, qu'ils ne craignent pas de noiniuer le règne
du Saint-lCsprit, alin que les vérités déposées cl.ins
rÇvaiigile, et <pu! l'Eglise, d'après leurs blasphèmes,
n'aurait pas assez, e\pli(pi('Os, soient mises dan,, loiii
leur jour, (pie de nouveaux dogmes soient uianiTes-
lés, et (pie l'Iiglise ellc-inème sorte eiilin tic son elal
de depr.ivation. Ces impiétés et ces extravagances
sont parTaiUunenl en harniouic avec l'esprit île (et
hoinuie pervers, ([ui se dit Taussemcnl due de Nor-
mandie et ijui, sortant par l'al)llsla^ie du sein de l'E-
glise calholiipie, ne Taisant aucun cas de l'aulorih;
du S:iint-Si('ge el s'égaraiit iniséralileinenl par ses
aclions et ses paroles, professe en diverses manières
les erreurs, les senlimculs et les projets de 1 associa-
tion uialhenreuse dont nous parlons, el s'elTorce par
CCS inachinalioiis lenélueiises d'égarer et de p('i\ii8
le troupeau de .lésiis-Chrisl. .Vu reste, les livres et
les écrits des apolres de celle o'uvre uonsélaienldi'jà
presipie tous coiimis ; car ils nous élaient p.irveuus
depuis longleiups. Noire ooiileur est grande, vi'ué-
l'.ilile Trcre, en voyant le luit de celle associalion
(liali(diqiie. Par leurs lenlalives andaeieilses et con-
damnables cooire la vérilable Lgliscdo Jésiis-Chrisl,'
par leurs assauts contre la chaire de saint i'ierre et
|)ar leur mépris de sou autorité, leur dessein est
ceriaiutiiioiildc Iricéii;)', ilc \wv el i!c perdre les J)r^
bis du Seigneur.
« C'est ponripioi, vénérable Trére, ce que vous
ave>. cru devoir Taire coiitri; celle associalion, nous
ra|iprouvoiis entièrement et nous donnons à votre
vigil.ince cl à voira sidlieiinde les louanges qu'elles
nii'riienl. Accomplissanl voire sailli ininistère avec
mie pal laite lidélilé, vous n'avez, pas pliiliil appris la
(lillu^iou "le la secte delestable dans voire diocèî.ie,
qiK^ vous l'avez. Iiauieineiit reprouvée. Vous avez
employé vos soins à préserver voire lioiipean de ces
pàliir.iges eiiqioismiiies, el vous avez on particulier,
par vos lellies et vds avis^excilé le zèle de votre
clergé, afin d'arrèler rimpii'aé, la licence cl les len-
lalives de ces hommes égarés. Ce sont là les loups
Cl les sangliers de la Tonl prels à nietire en pièces
les brebis du Seigneur et à ravager sa vigne. Ils iiic-
riieiil cerlaiiiemeiil les repriinaud(\s, les censures el
les iieincs ecclesiasliipics. Coiilinnez, vénérable Irerc,
avec votre zèle, voire prudence el votre venu bien
conniic, à combattre les coinbals du Seigneur. Ne
n< gligci rien poiii' ipie les lideles (pii vous soni eon-
Tk.'s s'aUcrniissPiil dans la Toi del'Lglise callndiquc,
Cl qu'ils exilent et repoussent avec soin les crreni'S,
les laliles el les exlravagances do celle association
impie. Oiiaiit a nous, nous ne cesserons de répandre
nos prières devant Dieu, alin (|iie, dans cette cause
(pu esl la sienne, il daigne diriger et stcmuler d'cii
liant vos pensées el vos elTorts. Nous vous re'ivoyo.'is
les ecrils (pie vous nous avez, transmis au sujet de
CCS liomines Tallacicux, cl en témoignage de notre
bienveillance toiilc |)articnlièrc pour vous, nous vous
accordons cl :; tout votre troupeau, vénérable Trcre,
la bénédiction apusioliiine.
< Home, S novembre IS-iô. >
MISNA ou MISCANA. loy. Tai.mld.
.MiSSliL, livre c|ui conliciil les messes
l)fi»|ji'cs;ui\ (JilVc>i'Guls juui's et i'ùtes de l'an-
née. Lo Missel l'oiuoin u li'abord élé Uressé
807
MIS
MIS
808
OU recueiHi par le pape Gélase, mort l'an
496; mais il ne faut pas croire qu'il ait com-
posé toutes les prières qu'il y a rassemblées,'
elles sont plus anciennes que lui. Saint Cé-
lestin, qui a précédé Gelase de plus de
soixante ans, dit dans sa lettre aux évêques
des Gaules, c. 11, que les prières sacerdo-
tales viennent des apôtres par tradition, et
sont les mômes dans tout le monde chrétien.
Gélase ne fit donc que de mettre en ordre
les messes que l'on était déjà dans l'usage de
dire, et sans doute il en ajouta de nouvelles
pour les saints dont le culte avait été ré-
cemment établi; c'est ce que l'on appelle le
Sacramentaire de Gélase. Saint Grégoire le
Grand, mort l'an 604-, tit de même; il re-
toucha le missel ou sacramentaire de Gélase ;
il en retrancha quelques prières, et y ajouta
peu de chose ; il corrigea les fautes qui
avaient pu s'y glisser, et rédigea le tout en
un seul volume, que l'on a nommé le Sacra-
mentaire grégorien, qui subsiste encore au-
jourd'hui. Voy. Liturgie, Sacramentaire.
Depuis le renouvellement des lettres, plu-
sieurs évêques ont fait dresser des missels
propres pour leurs diocèses , et quelques
ordres religieux en ont de particuliers pour
les saints canonisés dans les derniers siè-
cles. Ces missels sont faits avec plus de soin
et d'intelligence que les anciens; mais on n'y
a pas touché au canon de la messe, il est
encore le même que du temps de saint Gré-
goire et de Gélase; ces deux papes même
n'en sont pas les premiers auteurs ; il date
certainement des temps apostoliques, et il
est le môme dans toute l'Eglise latine. Si les
prétendus réformateurs avaient été mieux
instruits, ils n'auraient pas atfecté tant de
mépris pour cette ancienne règle, qui est,
après l'Ecriture sainte, ce que nous avons
de plus respectable. Voy. Canon.
MISSION. En parlant des personnes de la
Sainte-Tiinité , mission signifie l'envoi de
l'une des personnes par une autre, pour opé-
rer parmi les hommes un effet temporel.
CeUemission a nécessairement deux rapports,
l'un à la personne qui envoie , l'autre à
l'efi'et qui doit être opéré. Conséquem-
ment, dans les personnes divines, la mission
est éternelle quant à l'origine : ainsi le Verbe
divin avait été destiné de toute éternité à
être envoyé pour racheter le genre humain ;
cette mission, ou l'exécution de ce décret, n'a
eu lieu que dans le temps marqué par la sa-
gesse divine, ou dans la plénitude des temps,
comme s'explique saint Paul {Gai. iv, k). La
mission , prise activement , est propre à la
personne qui envoie ; si on la prend passi-
vement, elle est propre à la personne qui est
envoyée. Comme Dieu le Père est sans prin-
cipe, il ne peut pas être envoyé par l'une
des autres personnes ; mais comme il est le
principe du Fils, il envoie le Fils. Le Père et
Je Fils, en tant que principe du Saint-Esprit,
envoient le Saint-Esprit ; mais le Saint-Es-
prit n'étant point le principe d'une autre per-
sonne, ne donne point de mission. Ce qu'on
lit dans Isaïe, c. lxi, v. 1, l'Esprit de Dieu
yn'n. envoyé, etc., doit s'entendre de Jésus- •
Christ, en tant que homme, et non en tant
"que personne aivine, puisqu'à cet égard il
'ne procède en aucune manière du Saint-
. Esprit. Les théologiens distinguent deux sor-
^tes de missions passives dans les personnes
divines : l'une visible, telle qu'à été celle do
Jésus-Christ dans l'incarnation, et celle du
Saint-Esprit lorsqu'il descendit sur les apô-
tres en forme de langues de feu ; l'autre invi-
sible, de laquelle ii est dit que Dieu a en-
voyé l'esprit de son Fils dans nos cœurs,
etc.
*■ Toutes ces distinctions et ces précisions
sont nécessaires pour rendre le langage théo-
logique exact et orthodoxe, pour prévenir
les erreurs et les sophismes des hérétiques.
Vainement les sociniensvoudraientse préva-
loir du terme de mission, pour conclure que
le Fils et le Saint-Esprit ne sont que les en-
voyés du Père ; que le Père a donc sur eux
une supériorité ou une autorité ; qu'ils ne
sont par conséquent ni co-éternels, ni con-
substantiels au Père. En fait de mystères ré-
vélés, les arguments philosophiques ne prou-
vent rien ; ijffaut s'en tenir scrupuleusement
au langage de l'Ecriture sainte et de la tradi
tion. Voy. Trinité.
Mission, en parlant des hommes, signifie
un pouvoir et une commission spéciale que
quelques-uns ont reçue de Dieupour instruire
leurs semblables, pour leur annoncer la pa-
role et les lois de Dieu. Voy, Juridiction,
Apostolicité.
Lorsque Dieu a voulu révéler aux hommes
des vérités qu'ils ne savaient pas, leur pres-
crire de nouveaux moyens de salut, leur
imposer de nouveaux devoirs, il a donné une
mission extraordinaire à certains hommes
pour exécuter ses desseins. Ainsi il a envoyé
Moïse pour intimer sa loi aux Israélites, les
prophètes pour annoncer ses bienfaits ou ses
châtiments, Jésus-Christ pour fonder la loi
nouvelle, les apôtres pour la prêcher. Sans
cette mission bien prouvée personne n'aurait
été obligé de les croire ni d'écouter leurs le
çons. Pour prémunir son peuple contre les
faux prophètes. Dieu déclare qu'il ne leur a
point donné ûe mission [Ezech. xiii, 6) ; mais
il menace de ses vengeances quiconque n'é-
coutera pas un prophète qu'il a envoyé
{Deut. xviii, 19). Jésus-Christ lui-même fonde
son autorité d'enseigner sur la mission qu'il
a reçue de son Père (Joan. m, 34. ; v, 23, 24).
Il dit à ses apôtres : Comme mon Père ma
envoyé, je vous envoie (xx, 21). 11 menace de
la colère de Dieu les villes et les peuples qui
ne voudront pas recevoir ses envoyés [Matth.
X, 14.). Saint Paul juge cette mission si né-
cessaire, qu'il demande : « Gomment prêche-
ront-ils, s'ils n'ont pas de mission (Rom. x,
15) ? » Pour soutenir la dignité de son apo-
stolat ou de sa mission, il déclare qu'il ne l'a
pas reçue des hommes, mais de Jésus-Christ
lui-môme {Gai. i, 1).
Les signes que Dieua donnés à ses envoyés
pour prouver leur mission sont certains et
indubitables. Ce sont des connaissances su-
périeures à celles des autres hommes, des
vertus capables d'inspirer le respect et la
809
MIS
MIS
810
confiance, le don de prédire l'avenir, iiiais
surtout le pouvoir de faire des miracles.
Telles ont iHi' les lettres de créance de Moïse,
des prophètes, de Jésus-Christ, des apôtres :
tout homme qui se prétend revêtu d'une »i(s-
.sion extraordinaire doit la prouver de m('me,
sans quoi l'on a le droit de le reuiardcr connue
un ini|)Osteur. Mais les incrédules ont donné
nue di''cision fausse et absurde !ors([u"ils ont
dit que « quand (in annirice au peuple un
dogme (]ui contredit la i(^li,'ion dominante,
ou qnehpie fait contraire ii la tranquillité pu-
h]\qui.\ justill(U-nv sn iiiissinn par dcn mira-
cles, le gouvernement a droit de sévir, et le
peuple de crier ('nicili(jc. » C'est supposer
que le {^onvorucment et le peu])le ont diMit
de punir un homme (pd est évidiunnient en-
voyé de Dieu ; qui' Dieu n'a plus aucun diiiit
d'envoyer des ])r.'dicateurs pour détromper
un peuple (juia une relii;ion fausse, dès (jue
cette relit^ion est devenue donnnante et au-
loriséepar loslois; que les païens incrédules
ont eu raison de persévérer dans l'idoliUiie,
de rejeter l'I'Aani^iie, et de mettre à mort les
apôtres ([ui ont voulu les instruire.
On dit : « Quel danger n'y atnait-il pas h
al)andoimer les esprits aux séditions d'un
imposteur ou aux rêver es d'un vision-
naire? » Mais un homme peut-il (^tre un im-
posteur ou un visionnaire, lorsqu'il jirouve
par des miracles qu'il est envoyé de Dieu ?
Dieu donr.e-t-il à un imposteur ou à un
visionnaire le pouvoir d'opérer des mi-
racles ?
11 est faux que le sang de Jésus-Christ ait
crié vengeance contre les Juifs, i)iécisément
« parce ([u'eu le répandant ils fermaient l'o-
reille à la voix de Moïse et des proiihètes qui
le déclaraient le Messie. » Ils ont été couji i-
bles |iriu<ii)alement parce ([ue .lésus-Christ
.enr i)r(invait par ses udracles qu'il avait droit
de s'ajtpliquer les prophéties, d'en montrer
le vrai sens, de ré'fuler le sens faux que les
docteurs juifs s'obslinaient ii y donner. C'est
prinr'ipalement à ses miracles que Jésus-
Christ en appelait pour démontrer qu'il était
le Messie. Voi/. Miracles, § 3. Ce qui suit
est encore plus faux. « Un ange vint-il à des-
cendre du ciel, apiiuy;\t-il ses raisonnements
par des miracles, s'il prêche contre la loi de
Jésus-Christ, Paul veut qu'on lui dise ana-
thème. » Jamais saiid l'aul n'a supposé qu'un
ange pouvait descendre du ciel pnur prêcher
un faux Kiangde, et faire des miracles pour
le confirmer. Voij. Mihacles, § 3. linlin, la
conclusion est absurtle. « Ce n'est donc pas
par des miracles qu'il faut juger de la m!s.'.-/oH
d'un honune, mais c'est par la conformité de
sa doctrine avec celle du peuple au(iuel il se
dit envoyé, surtout lorsc/ue la doctrine de ce
peuple est démontrée vraie. » Et lorsque la
doctrine de ce jieuple est démontrée fausse,
telles qu'(''taienl la doctrine des païens, les
traditions et la morali\ des docteurs juds du
temps de Jésus-Christ, par où jugerons-nous
de la mission du iirédicateur qui vient pour
en détromper les peuples?
il est étonnant que l'auteur des paradoxes
(pu; nous réfutons n'ait pas vu (juil i)ronon-
DlCTIONN. UE TUÉOL. DOGMATIyiE. III
çait un arrêt de mort contre lui-même et
contre tous les incrédules ; il s'ensuit évidem-
ment de sa décision que quand une trouiie
de pnHendus pliilosopries sont venus ensei-
gner parmi nous le déisme, l'athéisme, le m:i-
térialisme, le pyrhonisme, autant de systè-
mes ([ui contredisent la religion dondnante,
et qid sont très-propres htroidiler la tranpiil-
lit(' iiubliiiue, le gouvernement a eu droit de
si'vir, et le peuple de crier Cracifige. Il est
d(mc fort heureux pour tous ces prédi-
canls que le gouvernement et le peuple
ne les aient pas jugés selon leur [iro[)rG
doctrine.
Mais ils ont poussé plus loin lem-s préten-
tions. Si Dieu, disent-ils, a voulu nous révéler
((uehpies vérités, pourquoi no pas nous les
enseignerimmédiatement '.' Pourquoi les con-
lier à d'autres hommes dont les lunnères et la
)irobité doivent nous être suspectes? Pour-
tpioi des missions ? Est-il croyalde que Dieu
ait voulu noLis instruire par Moïse et jiar Jé-
sus-Christ, dont l'un a vécu 3001), et l'autre
1700 ans avant nous ? Combien de généra-
tions, combien de dangers d'erreur entre eux
( t nous?
Réponse. Nous félicitons nos adversaires
de ce qu'ils sont des personnages assez im-
portants pour que Dieu ail dû leur adresser
la révélation par préf rence ; mais comme
chaque génération d'hommes qui ont vécu
depuis .\dam a pu prétendre au même privi-
lège, il aurait fallu que, depuis la création
jusqu'à nous. Dieu recommen(;U au moins
cent vingt fois, selon le calcul le plus mo-
déré. Nous soutenons qu'il n'a pas dft le faire,
1" parce que la religion étant le principal lien
de la société, il a fallu qu'elle se transmît
des ))èresaux eid'ants, comme les autres in-
stitutions sociales ; 2° parce que la révélation
étant un fait éclatant, ju'ouvé par d'autres
faits, la certitude n'en duniniie point par le
lapsdes siècles (t"Oi/.CE'.;TiTLDE); 3° parce (jue
Dieu a veillé à la conservation de ce dépôt,
)>Misqu'il nous est parvenu. Une preuve de
cette vérité, c'est c[uo la religion d'Adam a
subsisté jusqu'à Moïse, celle de Moïse jusqu'à
Jésus-Christ, et cel'e de JésiiS-Gliristjiisqu'à
nous, malgré tous les eiforts que l'incrédu-
lité a faits dans tous les temps pour la dé-
truire ; il en sera de môme jusqu'à la fin des
siècles ; 4° jiarce que, suivant le itrnicipe do
lios adversaires , Dieu aurait dû rcnouvi 1er
la révélation n n-seulcment da'is tous les
êges, mais dans tous les lieux du monde.
Quand il l'aurait donnée à Paris, les Chinois
et les Américains se croiraient-ils obligés do
venir l'y chercher? Voij. IIévélation.
11 faut distinguer la mission extraordinaire
de laquelle nous venons de parler, d'.'vec la
missio)i ordinaire. Connue Jésus-Christ n'a
])as fondé son Eglise pour un temps seule-
ment, mais pour toujours, il allait qu(î la
missio7i qu'il donnait aux ajjôtres pût se
transmettre à d'autres. En etfet, ces premiers
envoyés' de Jésus-Christ se sont donné des
coopérafeurs et des successeurs. Ils élisent
saint MatlhiTS pour remjilacer rapost(dat de
Juda {.ict.i, -J/'}. Snint Paul avertit les anciens
8H
MIS
MIS
S13
de l'Eglise d-Ephèse que le Saint-Espiit les
a établis évoques ou surveillants, pour gou-
verner l'Eglise de Dieu {Acl. xx, 28j. Il dit
queApollo est ministre de Jésus-Clirist aussi
bien que lui (/ Cor. m, 5); que Timoihée
travaille à l'œuvre de Dieu comme lui fxvi,
10] ; que Jésus-Christ a prêché aux Corin-
ihiens par lui, })ar Timotnée ot par Sdvain
IJl Cor. I, 19). il nomme Epaphrodite sou
rrère, son coopérateur, son collègue, et l'a-
pôtre des Philippiens [Philipp. ii, 23). Il
donne les mêmes titres k Tychiquo, à Oné-
sime, à Jésus, surnommé le Juste, à E|>a-
phras, à Archippe [Coloss. iv). 11 charge Ti-
mothée et Tite d'enseigner, de veiller sur
(es mœurs des fidèles, d'établir des minis-
tres inférieurs ; il leur parle de la grâce qu'ils
ont reçue par l'imposition des mains, etc.
Saint Clément, disciple des apôtres, dit que
Jésus-Chiist a reçu sa tnission de Di^u, et
que les apôtres l'ont l'eçue de J;''sus-Clirist ;
qu'après avoir reçu le Saint-Esprit et avoir
prêché l'Evangile, ils ont établi évoques et
diacres les plus éprouvés d'eulre les lidèles,
et qu'ils leur ont donné la même chage
qu'ils avaient nçui; de Dieu ; qu'ils ont éta-
bli une règle de succession pour l'avenir,
afin qu'après la mort des preuiiers leur
charge et leur ministère fussent donni's
à d'autres hommes également éprouvés,
Epist. 1,0. k% 43, hk.
Voilà donc , depuis la naissance de l'E-
glise, un ministère perpétuel, une succession
de ministres, une contin atioii de mission,
qui se transmet et se communique par l'or-
dination. Dès que cette iitission ordinaire
est la même que celle des apôtres, et vient
du Saint-Esprit aussi bien que la leur, elle
n'a plus besoin d'être prouvée par des dons
miraculeux, mais par la pu:^licité delà suc-
cession et de l'ordination ; elle est divine et
surnaturelle pour toute la suite des siècL'S,
comme elle l'a été dans son origine. C est
une ineptie delà part des incrédules de dire
auxpasteurs del'Eglise que, s'ils sont les en-
voyés de Dieu, ils doivent prouver, comme
les apôtres, leur missio7i par des miracles.
Jésus-Chiist et les apôtres, par leurs mira-
cles, ont prouvé leur propre mission et cul!e
de leurs successeuisjusqu'blafin des temps;
puisque Jésus-Christ a promis aux apôues
d'ôtre avec eux jusqu'à la consommation des
siècles (Maltli. xxvui, 20), il est avec leurs
successeurs comme il étailavec eux ; jamais \\
n'aeu(iesseindelaisseisesouailles sans guide
et sans pasteurs. Si la cliaînu de leur succes-
sion se trouvait tout à coup interrompue, il
faudrait une nouvelle mission extraordinaire,
prouvée par des miracles comme la pre-
mière.
Nos adversaires disent que la mission et
l'assistance de Jésus-Christ étaient néces-
saires auxajiôtres, parce qu'ils devaient faire
des miracles, mais que cela n'est plus néces-
saire aujourd'hui. Fausse interprétation. Jé-
sus-Christ jjromet aux apôtres son assistance
l-iour prêcher, pour enseigner, pour baptiser;
le texte est formel ; U leur promet rsjirit
consolateur qui leur enseigaera toute vérité,
/
etc. Donc, ce n'était pas uniquement pour
faire des miracles. Les miracles mômes n'é-
taient nécessaires que pour prouver la mis-
sion : donc c'est pour celle-ci que Jésus-
Christ leur a promis son assistance. Lorsque
des novateurs se sont séparés do l'Egl se,
ont embrassé une docti'ine contraire à la
sienne, ont formé une société à part, ils ont
senti le défaut de cette mission; c'est le cas
dans lequel se sont trouvés les protestants.
Dans cet embarras, les uns ont dit qu'il n'é-
tait pas besoin démission extraordinaire, ou
que les fidèles avaient pu la donner ; les au-
tres, que la mission extraordinaire des chefs
de la réforme et lit assez [trouvée par leur
courage et par leur succès ; quelques-uns
ont dit (|ue plusieurs de leurs pasteurs
avaient conservé la mission ordinaire qu ils
avaient reçue dans l'Eglise romaine. C est à
nous de réfuter ces trois systèmes.
Nous soutenons donc, 1° qu'une mission
extraordinaire était absolument nécessaire
aux prétendus réformateurs de l'Eglise. Pour
le prouver, nous pourrions nous borner à
représentir le taljleau qu'ils ont tracé de
l'Eglise romaine au xvi* siècle. Selon eux, ce
n'était plus l'Eglise de Jésus-Christ, mais la
synagogue de Satan, la prostituée de Baby-
loiie, la demeure de l'antechrist; les évoques
et les l'rêtres n'étaient plus des pasteurs,-
mais des loups dévorants , des imposteurs,
des impies, etc. La religion qu'ils ensei-
gnaient n'était plus qu'un amas d'erreurs, de
blasphèmes, de superstition-s , d'idol.trie,
cent fois pire que le mahométisme et le pa-
ganisme ; il était impossible d'y faire son sa-
lut. Suivant celte peinture, il y avait jilus de
différence entre cette religion et le christia-
nisme établi par Jésus-Christ, qu'il n'y en
avait entre celui-ci et le judaïsme, à plus
f irte raison cju'entre le judaïsme et la reli-
gion des patriarches. Cependant, lorsque
Dieu a voulu substituer le judaïsme à cette
religion primitive, il a donné uue mission ex-
traordinaire à Moïse ; et ce législateur lui-
môme sentit le besoin qu'il avait d'un pou-
voir surnaturel pour persuader aux Israélites
qu'il était envoyé vers eux par le Dieu de
leurs pères, Exod., c. iv. Lorsque Dieu a
voulu faire succéder la loi nouvelle à la loi
ancienne, il a envo.. é son propre Fils; il a
rendu sa mission et celle des apôtres en-
core plus éclatante que celle de Moïse.
Donc, il a dû faire de même en faveur des
réformateurs , s'il a voulu remplacer la reli-
gion fausse et corrompue de l'Eglise ro-
maine par la religion sainte et divine des
protestants. Diront-ils qu'il n'y a pas autant
de ditférenco entre leur parfait christianisme
et l'idolâtiie du papisme, qu'entre les reli-
gions dont nous venons de parler ? Us ont
(lit qu'il y en avait davantag '. Vainement ils
répondront qu'il ne s'agissait pas de fonder
ni de créer l'Eglise, mais de la réformer. 11
est évident que, selon biurs idées, l'Eglise
de Jésus-Christ n'existait plus; il s'agissait
donc de la créer de nouveau, et non de la
réformer. Vainement encore ils répondront
qu'il ne fautp;s prendre à la lettre le tableau
815
mis
MIS
Rll
hideux que lis préiiicants ont trac(5 dp l'E-
glise roiiifiine, et les expressions que le fa-
natisme leur a dictées ; co taljloau est encore
le n-iôiiH! |i()ur le fond dans Vllistoire cc-
clésiasthiHc de Xlosheim, ini[)rirn('!e en 1755.
lui second lieu , les prolestanls soutien-
nent qu'il fait une mission extraordinaire
pour aller prêcher la religion chr(''iienne aux
inlidèles, et en g/'néi'al pour attaquer toute
religion autorisée par des souverains et [)ar
les lois d'une nation ; nous le verrons dans
l'article suivant : c'est pour celamôrae qu'ils
désapprouvent les missions des catholiques
dans les pays inlidèles, chez les héréli(pies
et les sclnsLuati(|ues. Or, les prédicants de
la réforme ont atla([ué et voulu détruire le
calholii'isme, qui était en Europe la religion
dominante, autorisée par les lois et protégée
par les souverains : donc il leur fallait une
tnission extraordinaires bien iirouvéc, sans
quoi l'on a été eu droit de les traiter comme
des séditieux. l.i'S lidôles , c'i st-h-dii'e leurs
prosélytes, out-ils pu la leur doiuier"? Il est
absurde d'abord de supposer ijue Luther a
leçu sa mission des lutiiéiiens avant ((u'il y
en cilt et avant qu'il eût prêché. l'I en est de
niAnie des autres prédicants. Ce n'est pas des
fidèles, mais de Jésus-Christ, que les apô-
tres ont reçu leur mission, et ils ont prouvé
ipie celte /«(.«('on était divine, par lès mira-
cles qu'ils ont opérés : nous l'avons fait voir
au mot Miracles, Si 4. Les lidôles peuvent-ils
donner des |>ouvoirs surnaturels qu'ils n'ont
|ias, le pouvoir de remettre les pé'chés, de
conférer la grâce par les sacrements, de
consacrer le cor|is et le sang de Jésus-Christ?
Non, sans doute : aussi les proleslanls ont-
ils été forcés, par nécessité de système, de
nier tous cis pouvoirs, de scmtcnir i|ue les
sacrements ne dorment t)oint de grâces et
u'ira[jrimcnt aucun caractère, que l'euclia-
ristie n'est que le signe du corps et du sang
de Jésus-Christ, et n'opère que jiar la foi, etc.
Tout cela se suit ; mais ce n'est point là ce
qu'ont enseigné Jésus-Christ et les apôtres.
Enlii], Luther lui-même soutenait la néces-
sité d'une mm/onextraordinaire [lour iirècher
une nouvelle doctrine. Lorsque Muncer avec
ses anabaptisti'S voulut s'ériger en pasteur,
Lutiier prétendit qu'on ne devait pas l'ad-
nieltre îî prouver la v.'rité de sadoctruiepar
les Ecritures, mais qu'il fallait lui demander
qui lui avait donné la charge d'ensegner.
« S'd répon I que c'est Dieu, poursuivait Lu-
ther, qu'il le prouve par un miracle mani-
feste ; car c'est par de tels signes que Dieu
sedéclae, (]uand il veut changer (juelque
chose dans la forme ordinaire de la mission.»
Hist. des Variât., 1. i, n. 28. Calvin, de son
côté, ne soulfrit jamais qu'un prédicant quel-
conque enseign'.t à Genève une autre doc-
trine que la sienne.
2° Les succès et le courage des [)rélendus
réformateurs ne prouvent pas plus leur mis-
sion extraordinaire que les succès de M.mès
et d'Arius ne prouvent la leur. Le mani-
chéisme a duré pendant près de mille ans,
et a failli de subjuguer la plus grande partie
oie l'empire romain ; il a été uiî tL-m^vs où l'a-
rianisme paraissait prêt à écraser ,a foi ca-
tholique, et cette hérésie a pris une nouvelle
naissance; parmi les ]irotestau(s. Ce n'est pas
par ses succès r(ue saint Paul prouvait la di-
vinité de son ai)ostolat, mais parles miracles
qu'il avait Opérés ; nous l'avons remarqué au
mot MiRACLK, § 3. L'a|)Ostolat de Luther ne
commença ])as par de grands succès, mais
par des protestations feinti's de soumission
il l'Eglise romaine; il n'avait donc encore
alors point de preuves lie sa prétendue mis-
sion. Les protestants veulent la prouver
comme les juifs démontrent celle de leur
Messie futur : il la rendra évidente, disent-
ils, en aciduiplissant toutes les prophéties;
mais avant (|Ui' toutes no soient accomplies,
à quels signes pourra-t-oii le reconnaître?
â" Il est ridicule de prétendre que les
chefs de la léformc , dont phisieurs étaient
prêtres, et (pjelques-uns docteurs, étaient
revêtus de la m/ssiOM ordinaire qu'ils avaient
reçiie des iiasteurs de l'Eglise romaine. Se-
lon leur [irétention , ces pa-teurs avaient
jie.du : ar leurs erreurs toute leur mîw/o» et
leur caractèri! ; pouvaient-ils encore les don-
ner ? Les novateurs disaient que cette mis-
sion éXad le caractère de la béte, dont il est
parlé dans l'Apocalypse;, et qu'il fallait com-
inencir |)ar s'en dépouiller. L'Eglise, d'ail-
leurs, pouvait-elle donner mmîon de prêcher
contre elîe, ei de répanelre une doctrine à
laquelle elle disait anatlième '? Toute hérésie,
toute révoll ' conire l'iiiglise , anéantit la
mission; c'est la doctrine des a; ôtres; saint
Jean dit des premiers hérétiques : « Ce sont
des aidrchrists ; ils sont sortis d'avec nous,
mais ils n'étaient pas des nôtres ; s'ils en
avaient été', ils seraient demeurés avec nous
{I Joan. Il, 19). » Les |)rêires et les évoques
iiui lîmbassèr. nt le luthéranisme ne fon-
d dent plus leur qualité de pasteurs sur leur
ancienne mission, mais sur la vérité de leur
nouvelle doctrine. Si les pasteurs de l'Eglise
catholique conservaient encore leur mission
et leur caractère, c'était un crime de se ré-
volter contre eux.
De quelque manière que l'on envisage les
prétendus réfoimateurs, il est évident qu'ils
ontétédefaux apôtres, des docteurs saus
mission, des pasteurs sans caractère; que
l'édifice qu'ils ont construit est sans fonde-
ment, et que la foi de leurs s ctateurs a été
un enthousiasme qui n'était fondé sur rien.
Aujourd'hui elle ne subsiste (|ue par l'habi-
tude, par un int(';rêt purement i)olitique, [lar
la honte de se rétracter, après avoir si long-
temps déclamé.
Missions étrangères. On appelle ainsi les
établissements formés dans les ()ays intidôles
pour amener les peuples à la connaissance
du christi:inisme.
La commission que Jésus-Christ a donnée
à ses apôtres, d'instrinre et de baptiser les
nations, s'étend à tous les siècles ; aussi le
zèle apostolique n'a jamais cessé iJans l'E-
glise catholique, et il y durera tant qu'il y
aura sur la terre des iniidèles et des mé-
créants à convertir, puisque Jésus-Christ a
promis d'être avec ses envoyés jusqu'à la
8îi)
MIS
MIS
816
consoiiiiualion des siècles. Dans les tonijis
inôme les moins éclairés, le zèle pouf la
conversion des infidèles a produit d'heureux
effets, et il s'est réveillé à la renaissance des
lettres.
Au V siècle, lorsque les Barbares du Nord
se répandirent dans toute l'Eur.tpe, le clergé
sentit la nécessité de travailler à l.'S insiruiro,
afin de les guérir de leur férocité, et h furce
de persévérance il en vint k bout. Sur la lin
du VI'' siècle, saint Grégoire le Grand envo^'a
des missionnaires en Angleterre i)oar ame-
ner à la foi chrétienne les Saxons et les au-
tres barbnres qui s'étaient emparés de ce
pays-là. Voi/. Angleterre. Au viii", une
grande partie de l'Allemagne apprit à con-
naître rEvan;.;ili'. Voy. Allemagne. Au ix%
les missions furent poussées jusqu'en Suède
et en Danemark, et s'étendirent sur les deux
bords du Danube. Au x% le christianisme
s'établit dans la Pologne, la Russie et la
Norwége (voij. Nord), pendant que des mis-
sionnaires nestoriens le portaient en Tarta-
rie et jusqu'à la Ghiue ; et ces divers tra-
vaux ont été continués pendant les siècles
suivants. Au commencement du xvi% l'Amé-
rique fut découverte, et bientôt une troupe
de missionnaires accourut pour réparer les
ravages que l'ambition et la soif de l'or cau-
saient dans le nouveau monde. Le passage
aux Indes par le cap de Bonne-Espérance,
découvert en même temps parles PortLigais,
donna plus de facilité de pénétrer dans les
parties les plus orientales de l'Asie, et dans
les plus méridionales de l'Afrique ; jieu à
peu l'on a fait des missions dans les Indes,
au Tonquin, à la Chine, au Japon; il n'est
preque plus aucune partie du monde dans
laquelle des missionniires n'aient pénétré ;
plusieurs ont été plus loin que les naviga-
teurs et les voyageurs les plus intrépides.
Il y a un siècle que l'on lit à Rome YEtat
présent de l'Eglise romaine dans toutes les
parties du monde ; c'était un détail des difl'é-
rentes missions établies dans les différentes
contrées de l'univers, écrit pour l'usage du
pape Innocent XI. Ce livre est curieux et
assez rare ; comme l'état des missions a
beaucoup changé dans l'espace d'un siècle,
il serait à souhaiter que l'on en fit un nou-
veau : nous sommes persuadés que, pen-
dant cet intervalle, les missions, loin de dé-
choir, ont pris un nouvel accroissement, et
qu'elles ont gagné d'un côté ce qu'elles ont
pcidu de l'autre. Entre les divers établisse-
ments qui ont été faits pour cet objet, il en
est deux qui méritent principalement notre
attention. Le premier est la congrégation et
le collège ou b; sémimire de la Propagande,
de Propaganda fide , fondé à Rome par le
pape Grégoire XV, en 1622, continué par
Urbain VIII, et enrichi par les bienfaits des
papes et des cardinaux, et d'autres person-
nes pieuses. Cette congrégation est compo-
sée de treize cardinaux, chargés de veiller aux
divers besoins des missions et aux moyens de
les faire prespérer. Le collège est destiné à
entretenir et à instruire un nombie dii sujets
de dlEférentes nations, pour les mettre en
état do travadler aux missions dans leur
j)ays. Il y a une riche imprimerie, pourvue
de caractères de quarante-huit langues difl'é-
rentes ; une am|ile bibliothèque, fournie de
tous les livres nécessaires aux missionnai-
res ; des archives dans lesquelles sont ras-
senblés toutes les lettres et les mémoires
qui viennent des missions ou qui les concer-
nent. Etat présent de l'Eglise romaine, etc.,
p. 283. Vabricii, salutaris lux Evangelii,
etc., c. 33 et 3'i.. Le second est le séminaire
des missions étrangères , établi à Paris en
1663, par le Père Bernard de Sainlc-Thé-
rèse, carme déchaussé et évoque tie Baby-
lone, et fondé par les libéralités de plusieurs
personnes zélées pour la propagation de In
la foi. Ce séminaire, destiné à procurer des
ouvriers apostoliijues et à fournir à leurs
besoins, est dans une étroite relation avec
celui de la Propagande : il envoie des mis-
sionnaires principalement dans les royau-
mes de Siam, du Tonquin et de la Cochin-
chine. On compte quatre-vingts séminaires
moins considérables, mais fondés |)our le
môme objet, dans les différents royaumes
de l'Europe. Fabric, ibid., c. 34..
En 1707, Clément XI ordonna aux supé
rieurs des principaux ordres religieux de
destiner un certain nombre de leurs sujets
k se rendre capables d'aller au besoin tra-
vailler aux missions dans les différentes par-
ties du monde. Plusieurs l'ont fait avec un
zèle très-louable et avec beaucoup de suc-
cès, en particulier les carmes déchaux et les
capucins. La société des jésuites avait été
spécialement établie pour cet objet. Ce zèle,
quoique très-conforme à l'ordre donné par
Jésus-Christ et à l'esprit apostolique, n'a pas
truuvé grâce aux yeux des protestants. In-
capables de l'imiter, ils ont pris le [larti de
le rendre odieux ou du moins suspect ; ils
en ont empoisonné les motifs, les procédés
et les effets ; les incrédules , toujours in-
struits à cette école, ont encore enchéri sur
leurs reproches. Ils ont dit que la plupart
des missionnaires sont des moines dégoûtés
du cloître, qui vont chercher la liberté et
l'indépendance dans des pays éloignés, ou
des hommes d'un caractère inquiet, qui,
mécontents de leur sort en Europe, se tlat-
tent d'acquérir plus de considération dans
les climats lointains. En faisant semblant de
louer les papes de la constance de leur zèle,
ils ont fait entendre que ces pontifes ont
toujours eu pour objet d'étendre leur domi-
nation spirituelle et temporelle, plutôt que
de gagner des âmes à Dieu ; que les mis-
sionnaires eux-mêmes ne paraissent pas
avoir eu un autre motif; que c'est ce qui les
a rendus justement suspects à la plupart des
gouvernements. Ils ont ajouté que ces énns-
saires des papes, loin de prêcher le pur et
parfait christi misme, n'ont enseigné que les
erreurs, les superstitions, les pratiques mi-
nutieuses de l'Kglise romaine, qu'ils n'ont
corrigé leurs prosélytes d'aucun vice et ne
leur ont inspire aucune vertu réi Ile ; qu'à
proprement parler, leur prétendue conver-
sion n'a consisté qu'à quitter une idolâtrie
isr
MIS
MIS
818
|iuur eu icpreiulri^ uno aude; quo les con-
vertisseurs, non contents d'eaijilover l'iij-
struction el la persuasion, connue les apô-
tres, ont eu recours aux impostures, aux
faux miracles, aux fraudes pieuses de tou-
te'S espèces, souvent aux armes, h la vio-
lence, aux supiilices ; que l'on a vu naître
entre eux des disputes et des divisions qui
ont scandalisé l'Europe entière, et ont in'iisi
posé les inlidèles contre le chrisliaidsme.
Ces censeurs ont conclu (pi'il n'est pas éton-
nant ([ue la plupart de ces missions aient
pro:luit fort peu de fruit, et n'aient souvent
abouti cpi'à exciter du trouble el des sédi-
tions. Kiilin, ils ont soutenu et décidé qu'il
n'est pas permis d'aller prêcher le christia-
nisme aux inlidèl's, contre le gré et sans
l'aveu des souverains, d'attaquer une reli-
gion dominante et conlirmée par les lois
d'une nation, à moins que l'on ne soit re-
vêtu, comme les apôtres, d'une mission ex-
traordinaire et du don des miracles. .Vinsi
ont parlé des missinnnaires calholi(|ues des
ditl'érents siècles, Moshoiu], dans son 7/(4-
toire ecclésiastique ; Fabricius, dans son ou-
vrage intitulé : Salutaris lux Evangclii loto
orbi exoriens, cliap. xxxii et suiv., où il
cite plusieurs auteurs qui ont été de' même
avis.
Mais rien n'est plus singulier (pie la aia-
nière dont ces savants écrivains ont pris la
peine de se réfuter oux-mèmcs. Comme les
catholi(pies avaient souvent icproché aux pro-
testants leur peu de zèle à étendre la religion
chrétienne d.ms les pays où ils s'étaient ren-
dus les maîtres, nos deux crititjues font un
étalage pompeux dfs tentatives et des efforts
que les Anglais, les Hollandais, les Suédois,
les Danois, ont laits pour propager le chris-
tianisme dans les Iniles et dans tous les
lieux où ils ont des établissements de com-
merce. L^.-dcssus nous prenons la liberté de
leur demander, 1° s'd est (ilus juste et plus
conforme à l'esprit du christianisme d'aller
avec (les armées et du canon former des
établissements de comiueice dans les pays
infidèles, malgré les souverains, que d'y en-
voyer des missionnaires désarmés pour ca-
téchiser leurs sujets; 2° si le pur christia-
nisme que les convertisseurs protestants ont
prêché a jiroduit de plus grands elfets que
la doctrine catholique; si leur zèle a été
plus pur, et si Kur vie a été beaucoup plus
apostolique ipie celle des missionnaires de
l'Eglise romaine; J" s'ils ont connncneé par
mettre l'Ecriture sainte à la main de leurs
prosél}tes, ou s'ds se sont bornés à les in-
struire de vive voix, comme font nos mis-
sionnaires ; si la foi de ces néophytes pro-
testants a été formée selon les jirincipes et
la méthole que les protestants soutiennent
être la seule lé.-;itimo. Il est évident, et ces
critiques l'unt bien senti, i|ue la méthode
qu'ils prescrivent est aus.si impraticable à
1 égard des inlidèles iju'à l'égard des enfants;
(pic les premiers ijui ne savent pas lire, et
qui n'entendent que leur langue maternelle,
seront incapables toute leur vie d^ lire l'Ecri-
ture sainte, soit dans le texte, soit dans les
versions; qu'ils sont donc furcés lU-, .s'en te-
inr à la parole do celui qui les insli'uit, et
((u'il n'est pas fort aisé de deviner sur quel mu-
lif leur foi peut être fondée. Conséquemment
nous demandons encore, si cette foi peut
sulliie pour le salut d'un Indien ou d'un
lro(juois, pourquoi une foi semblable ne
sidtil })as ))Our le salut d'un siuiple fidèle de
l'Eglise romaine. D'où nous concluons que
c'est cette contradilidu même entre le prin-
cijje fondamental du protestantisme et la
mélhode doiit il faut se servir |)our conver-
tir les infidèles, qui a dégoîlté les protes
taiits des missions, et les a engagés à ca-
linnider les missionnaires catholiques. On
sait en effet que leurs pompeuses fuissions,
entreprises uniquement par politi(pie et |iar
ostentation, n'ont pas eu jusqu'ici de brillants
succès ; que presque toutes sont tombées ou
très-négiigées ; que souvent ils ont fait des
plaintes du ])eu de zèle et di; l'indolence de
leurs ministres, et que plusieurs d'entre
eux, tels que Salmon, Gordon, les auteurs
do la Bibliollièquc anglaise, etc., sont con-
venus de celte tache de leur religion. Mais
ce n'est pas assez de les réfuter par leur
propre l'ait, il faut encore répondre à tous
leurs reproches.
1° Les ecclésiastiques du séminaire des
missions dlrangêres, et ceux de la Pro)ia-
gande, les tliéalins, les prêtres delà mission,
nommés lazaristes, etc., ne sont pas des
moines dégoûtés du cloître, et l'on no pou-
vait pas regarder comme tels les jésuites.
Quand on considère les travaux auxquels
ces missionnaires se livrent, les dangers
qu'ils courvut, la mort à laquelle ils sont
souvent exfjosés, on s nt qu'aucune passion
humaine, aucun motif tempoiel, ne sont ca-
pables d'inspirer autant de courage, que le
zèle seul et la charité chrétienne les ani-
ment. Lorsque nous disons aux protestants
que les prédicanis de la réforme étaient
jioussés par le dégoôt du cloître, [lar l'amour
de l'indépendance, par l'ambition de devenir
chefs de luirli, ils nous accusent d'injustice
et de témérité ; ont-ils autant de raisons de
suspecter le zèle des missionnaires que nous
en avons de nous délier de celui des pré-
tendus réformateurs ? Luther, en se révol-
tant contre l'Eglise, devint pape de Wittem-
berg et d'une partie de l'Allemagne. Calvin
se lit souverain pontife et législateur de
Genève. Nous ne connaissons aucun mis-
sionnaire qui ait pu se llatter de faire une
aussi belle fortune aux Indes ou en Améri-
que.
■1" l'eut-on se persuader que les papes se
soient jamais proposé d'asservir l'univers
entier à leur domination temporelle , et
qu'ils forment encore aujourd'hui le i)rujot
de se faire un empire aux extrémités de
l'Asie ou de l'Afrique "? Ils ont sans doute
des héritiers auxquels ils désirent de trans-
mettre leur couronne. Cette idée est si folle,
que l'on ne conçoit pas comment on peut la
prêter à un homme sensé. Nous voudrions
savoir encore j-ar quelle récompense ils ont
pay:'' le zèle des missionnaires ijui se sont
8Î9
MIS
MIS
8-20
exposés auliHfois [.our eux à la barhario des
peuiiles du Nord, et quel salaire ils fonl es-
pérer î» ceux qui vont aujourd hui braver la
mort chez les Sauvages, h la Chine, ou sur
les côtes de l'Afrique. Les missionnaires ont
certainement prêché partout et dans tous
les temps la juridiction spiritiiel'e du pape
sur toute l'Eglise, parce que c est un dogme
delà foi catholique; mais quand on veut
nous persuader qu'un empereur de la Lliine
a banni les missionnaires de ses Etats, parce
qu'il avait peur de devenir vassal ou tribu-
taire du paiie, en vérité celle ineptie est
trop ridicule. Quelque vicieux qu'aient pu
être certains papes, nous présumons qu ils
croyaient en Dieu et en Jésu.'^-C.luist; ils ont
donc dû croire qu'il était de leur dovoir d u-
tendrolafoi chrétienne autant ouilslo pou-
vaient; I ourqroi leur supposer un autre mo-
tif? Enfin, quand leur zèle n'aurait -as ele
as e ' pur, l'Eurnpe entière ne leur est pas
moins redevable de la tranquillité qu'ds lui
ont procurée, soit par la conversion des
Barliares du N :rd , soit par l'affaiblisse-
ment des maliomctans, qui a clé l'effet des
croisailes. Cet avantage nous paraît asseï
grand pour ne pas les calomnier mal a pro-
pos.
3° Nous convenons que les missionnaires
ont préclié, soit dans le nord, soit dans les
aulres parties du m nde, la foi catholique,
la religion romaine, et non b' protestan-
tisme. Ils ne pouvaient pas l'enseigner avant
qu'il fût éclos du ciTveau de Luther et de
Calvin ; ceux qui sont venus après n'ont
pas été tentés d'aller au bout du monde pour
y enseigner des hérésies. Avant de savoir
s'ils ont eu tort, il faudrait que le procès fût
décidé entre les protestants et n jus. Que
diraient-ils, si nous nous plaignions de ce
que leurs ministres prêchent dans les Indis
le luthéranisme ou le calvinisme, et non la
doctrine catholique? Le reproche d idol:;-
trie, fait à l'Eglise rom.dne, est une absur-
dité surannée qui ne devrait plus se trouver
dans les écrits des protestants sensés; mais
comme elle fait toujours illusion aux r^no-
rants, ils la répéteront tant qu'ils trouve-
ront «ies dupes a-sez stupides pour y crone.
Voy. Paganisme, § 11- Mosheim, si obstiné
à censurer les missions des catholiques dans
tous les siècles, n'a pas fait les mêmes re-
proches à celles des nestonens dans la lar-
tarie et dans les indes, ni k celles des Grecs
chez les Bulgares et chez les Busses. Ce-
pendant les nestoriens et les tirées ont en-
s-eigné à leurs prosélytes les mêmes super-
stitions et la même idolAtrie que les mis-
sionnaires de l'Eglise romaine, le culte des
saints et des images, l'adoration de l'eucha-
ristie, les sept sacrements, etc. ; les Russi s
en font encore profession. Nous ne voyons
pasquelesTartarcsetles Russes aient été des
chrétiens plus parfaits que les Allemands et
les Danois, convertis par des catholiques.
Mais comme les nestonens et les Grecs
n'enseignaient pas la suprématie du pape,
ils ont par cotte dscrétion mérité d'être ab-
sous per les protestants de toutes les erreurs
et de tous les déDiuts de leurs missions. A
la vérité, les nestoriens iiis;iraient à leurs
]irosélytes la soumission à leur patriarche,
et les Grecs soumeltaient les Russes à cehii
de Constantinople; n'im|>orte, il estindiifé-
renl aux protestants que leschrét ens soient
subordonnés à ,un chef quelconque, pourvu
que ce ne soit pas au pontife rumain : telle
est leur judicieuse impartialité.
1° Nous sommes très-persuadés que les
Barbares du Nord n'ont pas été des saints
immédiatement après leur conversion, et
qu'il a fallu au moins une ou deux gené-
rati lis pour leur donner de meill-^ures
mœurs ; mais enfin ils ont renoncé au bri-
gandage ; depuis qu'ils ont été chrétiens, les
contrées méridionales de l'Europe nont
plus été dévastées par leurs mc.rsions. De
savoir si les Normands ont été convertis par
l'apijàt de posséder .a Normandie, et les
Francs par l'espoir de faire plus de conquê-
tes, sous la protection du Dieu des Romains
que sous celle de leurs anciens dieux, Mos-
heim le prétend, c'e-t une question que
nous n'entreprendrons pas de décider ; nous
n'aviins pas comme lui le sublime talent de
lire dans les cœurs. Mais du moins les en-
fants de ces conquérants farouches sont de-
venus plus tiaitab;es, et ont appris à mieux
connaître le Dieu des chrétiens. Faut-il re-
noncer à la conversion des Barbares, parce
que l'on ne peut pas tout à coup en iaire
des saints? Nous conviemlrons encore vo-
lontiers que parmi un très-grand nombre
de missionnaires il y en avait plusieurs
qui n'étaient pas de grands docteurs : qu au
milieu des ténèbres répandues pour lors sur
l'Europe entière, quelques-uns se sont per-
suadé qu'il était permis d'employer des
fraudes pieuses pour intimider des barbares
incapables de céder à la raison. Sans vou-
loir excu-er cette conduite, toujours con-
damnée par les évêques dans les conciles,
nous (lisons qu'il y a de l'injustice de 1 at
tribuer à tous, et de prétendre que celait
l'esprit dominant de ces tenqis-la. Puisque
nous avouons qu'il v avait pour lors de
grands vices, les protestants devraient con-
venir aussi qu'il y avait de grandes vertus,
puisque l'un de ces faits n'est pas moins
prouvé que l'autre. 11 y avait môme de
vraies et de solides lumières. Si 1 on en
doute, on n'a qu'il lire la lettre que Dnmel,
évêque de Winchester, écrivit, en I'2k, à saint
Boniface, apôtre de l'Allemagne. Nous de-
hons les protestanls les plus habiles dinia-
ainer une meilleure manière de convaincre
des idolâtres de la fausseté et du ridicule de
leurs superstitions. Hist. de l'iùjhsc galli-
cane, tom. IV, 1. XI, an. 725.
5° Quand ils disent que l'on a souvent
employé les armes et la violence pour cok-
verlir' les Barbares, ils veulent jiarler sans
doute des expéditions de Charlemagne con-
tre les Saxons, et des exploits dc-s che-
valiers de l'ordre teuloni(iue d.ms la Prusse.
Nous examinerons ces faits à l'artii le Nnnc.
Quant aux séditions et aux troubles dont
821
MIS
MIS
832
(l'autros accusent les missionnaires, voy.
Chine, Japon.
6° Nous avouons cntin que les contesta-
tions qui ont lY'gné entre les niissioniiaires,
dans h; dernier siècle, touchant les rites chi-
nois et nialabares, n'étaient ni édiliantrs, ni
propres ii firecurei' le succès dis missions :
mais le foml du priicès n'était pas fort clair,
puisqu'il a fallu quarante ans po; r le termi-
ner; « enfin, les nécreis des souverains non-
lifos l'ont fait cesser, » et à Dieu ne plaiso
(pu' nous viiulions justilier ceux qu'ds ont
condamnés. Jlais il y a en des disputes mémo
eiilre les prcmii rs prédicateurs de l'Kvan-
^'ile Saint Paul s'en plaij-'iiait et en L;émis-
sait ; il n'en faisait jias un sujet de triomphe,
connue font les prot> slants. Il y a (m des dis-
putes bien [ilus vives entre les fondaleiu'S
de la prétendue ré^formo , et après di'ux siè-
cles di^ durée, ces débats ne sont pas encore
lirmincs. Kst-ce aux |)rotestants, divisés en
vingt sectes diltV'rentes, ipi'il convient de re-
procher des disputes aux missionnaires?
1° En disant qu'il faut une vocation ex-
tiaordinaircel surnaturelle pour travailler à
la conversion des intidèles , sous une domi-
nation élranu^ère, les jirotcstants témoignent
assez clairement (|U(! l'ordi'o et la promesse
de Jésus-Christ : Allez ilans le monde entier,
prêchez rS'.v(in<jilc à toute créature, enseignez
et baptisez toutes les nations,.... je suis avec
vous jusqu'à la consomnuition des siècles
{Mattli. xxvni, 19 ; Marc, xvi, 15), ne les re-
gardent pas, et nous en sommes persuadés
cpnnne eux. Mais rEf;lisi' catholique est
depuis dix-sept siècles en possession de s'ap-
jHuprier celte mission et ces promesses; elle
n'a plus besoin de miracles jwur prouver
son droit. Loin d'ordonner h ses apôtres d'at-
tendre le consentement des souverains pour
prêcher, Jésus-l'.hrist Cnmmence par décla-
rer que toute puissance lui a c'té donnée dans
le ciel et sur la terre. Déjà il avait averti ses
ajiôtri s (jue |iartout ils seraient haïs, mal-
traités, poursuivis h mort pour son nom ; il
avait ajouté qu'il ne faut pas craindre ceux
(pii peuvent tuer le cur[is , mais seulement
celui qui peut perdre le corjis et l'Ame, et il
leur avait promis son assistance (Matth. x,
1() et suiv.j. Encore une fois ce commande-
ment et Cl s promesses sont sans restriction;
l'Ur eU'el doit durer jusqu'il la consomma-
li(jn drs siècles. Nous av(jns demindé plus
(i'une fois aux |)r(jteslants quelles lettres d'at-
iaciie Luther, Calvni et les aulr, s iirédicants
avaient reloues des souverains pour [)ièclier
leur doctrine, ou par quels mirailes ils ont
prouvé leur vocation extraordinaire et sur-
iiaturelle ; nous attendons vainement la ré-
ponse. 11 est tort sni^ulier qu'il faille le don
des miracles ou le consentement des souvi -
rains pour aller porter la vérité cliez les in-
lidèles, et qu'il n'ait fallu ni l'un ni l'autre
pour répandre 1 hérésie dans toute l'Euiope.
Mais la vocation des riformateiirs ('tait la
même que celie des anciens hérétiques; leur
di s^ein et leur ambition, dis.iit Terlulhen,
n'est pas de convertn- les païens, mais de
pervertir les catlK)liques. Dt Prœseript.,
8* Il n'est pas fort diflicile de voir pour-
quoi les missions des derniers siècles n'ont
pas produit autant de fruit ipi'elles sem-
blaient en promettre. Les Européens se sont
rendus odieux dans les trois autres jiarties
du monde par leur ambition, leur rapacité,
leur orgueil, leur liliertina,:j,e, leur cruauté ;
tous conviemieiit (jue dès ipie l'on a une fois
franchi l'Océan , on ne connaît plus d'autre
religion (jue le commerce, ni d'autre Dieu
que l'argent. Sur ce point, les nations pro-
testaires sont tout aussi coupables (jue les
nations catholiques Quelle conliance peu-
vent donner les intidèles à d(\s missionnaires
arrivés d'un jia.vs qui ne leur semble avoir
jiroduit que des monstres? Les niissionnai
res , asservis aux intérêts de la nation (jui
les iiroiége, se sont trouvés souvent im|)ii-
ques, sans le vouloir, dans les contt stations
et les mauvais procédés de leurs compa-
Irioles. Voilà ce qui a fait le mal, et il du
rera tant que les missions seront dépendantes
des iieu|)les de l'Eue pe, uniquement occu-
i [ICI
I (JCS
pés des intércMs de leur commerce.
Les ajKJIres, dégagés de ces entraves, n'é-
taient obli.i^îés de ménager ni do favoriser
I)eiS(jnne; ils instruisaient des nationaux,
et leurdonniient ci suite le soin d'enseigner
et de convertir leurs c(jmi)atriotes. On a
senti enlin la nécessité de les imiter, d'éle-
ver des Chinois el des Indiens pour ( n faire
des missionniires. C'est le seul moyen de
réussir; mais il ne convient |ias h ceux (jui
ont fait la i)lus grande | artie du mal de
tiioiui her aujourd'hui des pernicieux effets
qu'il a produits. 11 est cependant faux que
les tnissions en uénéral aient été aussi infruc-
tueuses (jue le iirétendent les protestants;
riitat delEç/lisc romaine dans toutes les par-
ties du monde, qu'eux-mêmes ont eu soin
de jiublier, est une jireuve autliontique du
contraire.
M. de Pages, dans ses Voyages autour du
inonde, terminés en 1776, atteste, connue té-
moin oculaire, le succès des missionnaires
fianciscains en Amérique , la douceur et la
jiureté des uKeurs qu'ils y font régner. Il
dit que la religion catholique a fait beau-
coup de progrès dans la Syrie, à Damas et
dans le sud-ouest des montagnes, où les hé-
réliijiies et les schismatiques faisaient autre-
lois le plus grand nombre; (ju'elle s'est
aussi étendue en Egypte jiarrai les coplites.
(( J'ai vu |iar moi-même , dit-il , les peines
et les travaux des missionnaires, en ïur-
(piio, en l'erse, dans les Indes, j3ays qui
fourmillent tle chrétiens jieu instruits. Les
missions ont fait des jirogrès admirables dans
les royaumes de Pégu, Siam, Camboye, Co-
chinchim', et même à la Chine, |)ar le moyen
(les sujets chinois que l'on instruit en Ita-
lie.... L'Espagne seule a fait plus de chré-
tiens en Amérique et en Asie , qu'elhj ne
jiossède de sujets en Eurojie. » M. Anquetil,
dans son Voyage des Indes, com|ite deux cent
mille chrétiens h la seule côte de Malabar,
dont les trois quarts sont catlioli(iues.
823
MJ3
MIS
8S4
De fous les missioanaires , ceux que l'on
a le plus maltraités sont les jésuites; et les
incrédules nontpas manrpié de recueillir et
de fomnicntcr tous les rejiroches qu'on leur
a faits. Il n'est point d'impostures, de fables,
de calomnies , que l'on n'ait vomies contre
leurs missions du Paraguay et de la Chine ;
on n'a pas môme épargné saint François-
Xavi r. On a dit qu'il était d'avis que l'on
ne parviendrait jamais ?i établir solidement
le christianisme chez les infidèles, h moins
que les auditeurs ne fussent toujo'u-s à la
portée du mousquet. L'on a cité pour garant
de celte anecdote le P. Navarrette, qui était,
dit-on, son confrère. L'auteur qui a r.'cueilli
cette fable ignor.iit que Navarrette était ja-
cobin et non jésuite , ennemi déclaré des
jésuites et non leur confrère ; que le second
volume de son ouvrage sur la Chine fut sup-
firimé par rinf|u;sition d'Espagne , et que
'on n'a pas osé publier le troisième. Il ré-
sulte de là que ce religieux n'avait pas écrit
par un zèle fort pur. Ce qu'il dit de saint
François-Xavier, si cependant il l'a dit . est
prouvé faux par les lettres et par la conduise de
ce saint missionnaire. Baldéus, auteur protes-
tant, a rendu une pleine justice au zèle, aux
travaux, aux vertus de ce môme saint. Apol.
pour les cathol., tom. II, c. \iv, p. 2f)S.
Lorsque l'auteur de VHistoire des établis-
sements des Européens dans les Indes a fait
l'apologie des missions des jésuites au l'a-
raguay, au Brésil, à la Californie, les philo-
sophes ses confrères ont dit que c'était un
reste de prévention et d'attachement porir la
société de laquelle il avait été membre. lïîais
Montesquieu, BulTon, Muratori, Haller, Pre-
mier, ofiicier du génie; un autre militaire qui
a pris le nom de philosophe Larfoi^eeur, etc.,
n'ont jamais été jésuites; ils ont ce[)endant
fait l'éloge des missions du Paraguay, et les
deux derniers y avaient et ■; ils en parlaient
comme témoins oculaires. M. Roliertson ,
dans son Histoire de V Amérique; M. île Pa-
ges, dans ses Voyages autour du monde, ]ju-
bliés récemment, tiennent le même lan-
gage.
Un trait de la fourberie dos incrédules a
été de nous peindre l'état des jieuples do
l'Inde, delà Chine, et môme des Sauvages,
non-seulement comme très - supportable,
mais comme heureux et meilleur que celui
des nations chiétionnes , alin de jtersuader
que le zèle des missionnaires , loin d'avoir
pour objet le bonheur de ces peuples, ne
tendait dans le fond qu'à les asservir et à
les rendre mallieuieux. Mais depuis que l'on
a comparé ensemble les relations des divers
voyageurs, qr:o l'on a vu par les livres ori-
ginaux des Chinois, des Indiens, des Guè-
bres ou Parsis, la croyance, les mœurs, les
lois, le gouvernement de ces peuples ^livers,
on a nus au grand jour l'ignorance, la pré-
vention, la mauvaise foi de nos philosophes
mci'éduies , un a mieux compris l'énoriuité
du crime des prolestants, (pu, non CDutents
lie négliger les missions, auxquelles ils sen-
tent bien qu'ils Ifc sont p.is propres, ont en-
core cherché à les déiriei' cl à les remire
odieuses. Celte considération n'a pas empê-
ché un voyageur très-moderne d'adopter sur
ce point les idées et le langage philosophi
ques. Suivant son avis , on peut douter si
les missionnaires sont animés par le désir
de rendre éternellement heureuses les na
lions ilolâlres, ou par le besoin inquiet de
se trans[)Orter dans les pays inconnus pour
y annoncer des vérités effrayantes. Ceux de
la Chine, dit-il, n'ont pas été entièrement
désintéressés ; [)our compensation des fati-
gues, et pour dédommagement des persécu
lions auxquelles ils s'exposaient, ils ont en-
visa:^é h gloire d'envoyer à leurs compa-
triotes des r. dations étonnantes, et des pein-
tures d'un peuple digne d'admiration. L'on
sait d'ailleurs que celte classe d'Européens
borne ses connaissances aux vaines subtili-
tés (le la scolastique, et à des éléments de
morale subordonnés aux lois de l'Evangile
et aux vérités révéléi-s. Voyages de M. Son-
nerai, publiés en 178i.
Sans examiner si des motifs aussi frivoles
peuvent servir de compensation et de sa-
laire aux missionnaires, nous demandons à
cet écrivain scrutateur des cœurs si notre
religion est la seule qui enseigne des vérités
effrayantes; si les Chinois , les Indiens, les
Parsis, les mahométans, ne croient pas aussi
bien que nous une vie à venir et un enfer
pour les méchants. Quel peut donc être pour
les missionnaires l'avantage de leur annon-
cer l'enfer, cru parles chrétiens, au lieu de
celui que croient les infidèles? nous ne le
concevons pas. Si ces missionnaires eux-
mêmes croient une vie à venir, ils peuvent
donc avoir pour motif de leurs voyages et
de leurs travaux l'esnéranco de mériter le
bonheur éternel pour eux - mêmes , et de
jnettre en état leurs prosélytes de l'obtenir.
Mais ceux qui ne croient rien s'imaginent
que tout le monde leur ressemble , et que
les missionnaires prêchent des vérités ef-
frayantes sans y croire. Si tous les mission-
naires de la Chine avaient fait et publié des
relations , l'on pourrait penser que tous ont
eu l'ambition d'étonner leurs compatriotes;
mais les trois qu.irts des missionnaires n'en
ont point fait, et n'ont eu part à aucune; on
ne se souvient pas seulement de leurs noms
en Europe ; où est donc la gloire qu'ils ont
envisagée pour récompense? On nous regar-
derait comme des insensés , si nous disions
que les négociants, les navigateurs, M. Son-
nerai lui-même, ne sont allés aux Indes et
à la Chine que povu- avoir le plaisir de nous
étonner par leurs relations, ou de contredire
ceux ({ui avaient écrit avant eux. Esl-il vrai
que les missionnaires n'aient montré dans
leurs relatiiius point d autres connaissances
que celle de la scolastique , et de la morale
lie l'Evangile ? Ce sint eux qui les premiers
nous ont fait connaîlre les pays qu'ils ont
parcourus, et les nations qu'ils ont iiislnii-
les. Notre voyageur, qui a bien senti que ce
reproche qu'il fait aux missionnaires en gé-
néral no pouvait reg irder les jésuites , a
trouvé bon do leur attribuer des motifs
otlieux ; c'est une calorimie, et rien de plus.
fe2S
MIS
MIS
82«
Au mot Tautaufs, nous parlerons en p.irti-
cnlier des inissiomt faites en Tartai-ie.
Le rédacteur de l'art. Californie, du l)iv-
tionnairc de Juri!:i)ni(i., s'y est pris d'une
autrt! manière. Ajirès avoir copié le tal)leau
des missions de ce pavs-if\, tracé thi\^VHist.
philos, des établiss. des Européens dans les
deux Indes, il convient (|U(! l'esprit d- domi-
nation et de conuaerce n'a porté que la
corruittion , le carna;^e, la servitude dans
toutes les contrées di; l'Aïuéricpie ; que c'est
à la religion seule de rapprocher et de civi-
liser les Sauva.!,es. Il avoue que la philoso-
pliie n'a jamais donné ce zèle ardent et jia-
lient, cette almégaliou de soi-même, (|u'in-
sjiire la charité (chrétienne , et qu'exiyc ce-
pendant la fondation d'une société paruu les
Sauvages. 11 ilemande par quels motifs le
pliilosnphe saurait les engager à renoncer
au repos de leur vie vagabonde , pour se
courber sous le joug des travaux civils.
Nous sauiions gié à l'auteur de ces ré-
flexions, s'il n'avait pas clierrhé h les em-
poisonner; mais il doute de la véi'it/' des
faits, parce qu'ils ne sont cDUsIatés |iar le té-
moignage d'aucun philosophe impartial;
nous avons f.iit voir le contraire. Il doute si
l'indépendance de l'état de la nature . si l'i-
gnorance de tous nos besoins factices, no
valent pas mieux que la sûreté tro|) souvent
incertaine (jue jjeuvent procurer nos lois ,
que l'abondance et les commodités de nos
arts et de nos sociétés, (pii immolent à l'ai-
sance ou plutôt à la satiét' du petit nombre
la substance et le nécessaire physique de la
multitude. 11 doute entin si les institutions
des bons missionnaires étaient aussi ))ropres
<i conserver et îi faire prospérer les nouvelles
sociétés, qu'elles paraissent avoir été suffi-
santes pour en jeter les premiers fondements;
si la tyrannie du despotisme et les fureurs
de la supersiilion n'eussent pas bientôt suc-
cédé à l'enthousiasme éclairé de il l>ienrai-
sance et de la ieli;von.
Permis à un philosophe sans religion de
douter de l'éviiience môme, mais il ne doit
pas déraisonner. 1" 11 est faux que la vie va-
gabonde des Sauvages soit luiétat de repos;
souvent |.our se procurer la subsistance, ils
sont obligés de faire des chasses de deux
cents lieues, et s'ils se donnent du repos,
c'est en faisant travailler les femmes à leur
place ; celles- ci ne sont - elles donc pas des
créatures humaines ? -2° Il l'est que l'état sau-
vage soit Vetat de naiure ; la nature n'a pas
fjiit l'houime pour vivre comme les brutes;
la ditl'érer.ce de leurs facultés le tlémontre.
3" 11 n'est pas vrai que la société immole à
l'aisance du petit nombre le nécessaire phy-
sique de la nuillitude. (le qui arrive par l'in-
humanité de ijuel jues individus ne vient |ias
plus de l'état de société, que les guerres, les
massacres, les cruautés des Sauvages ne
viennent des sentiments naturels d liuma-
nité, et i[uo les déraisonnenients des jjhilo-
sophes ne viennent de la raison. 4° C'est une
absurdité de supposer que des institutions
suftlsantos pour réunir les honunes en so-
ciété, pour leur inspirer des sentiments mu-
tuels d'affection, de charité, de concorde, ne
suffisent plus pour les maintenir dans cet
état. Quand il serait décidé que leur bon-
heur ne peut pas durer toujours, ne serait-
ce pas encore un nn-rite de le procurer du
moins h trois ou quatre 'iénéralions d'hom-
mes? 5" Il est bien indécent ipie les philo-
sophes , qui se reconnaissent inca|ial)les de
fonder une société, s'attachent «à déprimer
les travaux do ceux qui en viennent h bout.
C'(>st le procès des frelons contre les abeilles.
Voy Sauvages, Société.
♦ MISSIONS PROTESTANTES. Les (il)scrv:ilioiis
qu'on va lin» sont liltéraleinent Irailiiiles du Coiir-
riir de lioston (50 mai 1839), jonnial priitcslanl, qui
les a extraites d'nn ouvrage léceiniuenl pulilié aux
Etats-Unis par un niissionnaiic proleslanl, le révé-
rend M. Mateolu), Icnioin oculaire lui-uu'uie des faits
qu'il rapporte avec une adniiralile franchise.
t Nous exlrain us du voyage, du révérend M. Mal-
colm quelques passages qui prouveront le peu de suc-
cès (les missionnaires prolestants , américains et
autres, au sud-ost de l'Asie : surtout si l'on compara
le faillie résultat de leurs travaux au\ énonues dé-
penses qu'ils ont occasionnées. Ce défaut de succès
a été si bien senti par les amis des missions, que,
selon Jl. Maleolm, la seule (|ueslion est aujourd'hui
(!e savoir si les plans et les mélhoiUcs jus(pi"à présent
ailoplés doivent subir quelque modification, ou si
l'œuvre des missions doit être entièrement abandon-
n-e. Sur le premier point, M. Maleolm est d'avis que
le système des écoles, sur le(piel on avait principa-
lement compté, est resté sans résultat et ne saurait
être poursuivi. A l'appui de celte opinion, il cite des
faits qui luius mettront à méii.e de juger non-seule-
ment de l'inutilité des immenses déboursés (ju'exige
le soutien des missions, mais encore des succès in-
comparablement plus grands ( incoiniinrahly grenier
sHcce-is) (|iii ont accompagné les travaux des mission-
naires catholiques et même le prosélytisme dea mu-
sulmans. Nous laissons parler le révérend M. Mal-
eolm.
« Plus de 2.jO,000 écoliers reçoivent aujourd'hui
rinstruction dans les écoles des missionnaires, et le
nombre de ceux qui y ont été reçus jusqu'ici et qui
ont vécu sous l'inlluence des ministres, peut se mon-
ter à un million. Feu M. Ueichardt, de Calcutta, (pii
fut employé pendant longtemps au service de ces
écoles, assurait que, parmi tant de milliers de jeunes
gens, cinq ou six seulement s'étaient faits ehrétiens.
A Vepery, faubourg de Madras, où, pendant un siè-
cle, une entreprise de ce genre a élil puissamment
soutenue par \z Société des contuiissances ckrélienns,
les résultats uc sont guère plus enrourageanls, non
plus qu'à Tranquebar, où les missionnaires danois
ont des ('coles depuis cent trente ans. Dans tout Ma-
dras, où les écoles sont fréquentées par plusieurs
milliers d'indigènes, on n'en compte (las plus d'une
deuii-douzaine qui aient embrassé le christianisme.
.Vu collège anglo-chinois, élevé à grands frais à Ma-
lacca, il y a plus de vingt ans, on compte une ving-
taine de conversions. L'école établie à Calcutta par
l' Aiiocialion (jéiurate eioss.isc, et (|ui, depuis six
ans, réunit enviion quatie cents écoliers, compte
cinq ou six néophytes; celle qui a été fondée il y a
seize ans à Chitlagong, et qui réunit plus de deux
cents élèves, n'a vu jusqu'ici que deux de ses éco-
liers amen s à la connaissance de la vérité. A Arra-
can, les écoles n'ont pas encore produit une seule
conversion. Dan» tout l'empire des Ifirnians, je n'ai
pas oui parler d'un seul chrétien sorti des écoles.
Dans les lieux où les écoles prospèient le plus, un
nombre considérable d'éléves^nt, à la vérité, aban-
donné l'idolâtrie, mais sans embrasser le christia-
nisme, et sont à présent des inlidéles entêtés (concti-
827
MIS
MIS
828
led hifidels), pires dans leurs coixliiile que les païens ;
pliisienrs, grâce à l'édncalion qu'ils ont reçue, ont
obtenu des "fonctions et une iniluence dont ils se ser-
vent contre la religion même i (a).
Il parait que les distributions de livres n'ont pas
été plus heureuses que les fondations d'écoles ; voici
comment M. Makolin s'en exprime :
i On n'a p:i3 imprimé uu)iiis de sept traductions
différentes des saintes Ecrilures en langue malaise;
et il parait, in outre, par un rapport du docteur
Rliliie, que, dés 1 aimée 48:20, on avait dijà composé
quarante- deux autres ouvrages cbrétiens dans la
raiMue langue : ils avaient été distribués par milliers
parmi les Malais : mais je n'ai pas entendu parler
d'un seul Malais converli dans loiite la presqu'île.
Pour ce qui concerne la distribulion de la Bible et
des traités religieux, on doit considérer condiicn pe-
tit est le nombre de ceux ipii ont été convertis par
celle voie, en comparaison des sommes prodigieu>es
dépensées [lour cette fin. En cU'ct, l'avidité avec la-
quelle nos livres de rcligiiui sotit leçus par les païens
el les maliomélans ne doit pas s'attribuer au désir
de connaître la vérité; le pap'er, les caractères im-
primés, la foiinc et la couleur des livres sont pour
eux im objet de curiosité aussi grand que le serait
pour nous un manuscrit sur des feuilles de palmier.
Un missionnaiie paen, en Europe, qui distribuerait
gratuilenieul, dans les rues de nos cités, des manu-
scrits de ce genre, trouverait plus d'amateurs qu'il
n'en pourrait conienter, et veriaii cha(|ue jour la
foule se presser autour de lui jusqu'à ce que la curio-
sité s'éleignil dans l'abondance. C'est ainsi que, dans
l'Arracan, quel(|iics milliers de traités religieux et
des portions de la Bible ayant éié distribués parmi
les babilants, ceux-ci finireni par les détruire, sans
qu'un désir sérieux de connaître la vérité se fût ma-
■ nifesté au milieu de cette innombr.able multitude. Les
Birmans surtout sont attirés ciiez les missionnaires
par les plus frivoles motifs; la plupart, sousprétexie
de nous demander des livres, venaient pluiot pour
voir des étrangers et pour admirer le costume de nos
femmes. Ils regardaient toulefois avec étoniiement
les livres que nous leur donnions, el, en essayant
d'examiner la rclure, ils les di*cbiraient sous nos
yeux. Ce suit là des faits dignes de ralteution des
sniis iies nilssions en Europe; il est désirable qu'ils
pe se laissent pas induire eij erreur par les rappiu ts
supei'lîciels des missionnaires. ?.!oi-iueiue, eu remon-
tant l'Irraouaddi jusqu'à la ville d'Ava, capitale des
Birmans, je distribuai des traités religieux dans qua-
tre-vingt-Ueux villes et villages, et j'en fournis . six
cent cinquante-sept bateaux, dont plusieurs conle-
iiaien! de quinze à trenle passagers, outre ceux que
je faisais souvent passer aux pei tonnes qui se iroii-
vaieiil sur le rivage. En général ces livres étaient
reçus avec avidité, et la plupart de ceux qui en
avaient un en demandaient un aulrc : un grand nom-
bre se jetaient dans l'eau et nageaient a la suite du
bateau ; et souvent, lorsque nous étions amarrés au
rivage, nous étions entourés d'une si grande multi-
tude de sollicilenrs, que nous pouvions à peine man-
ger et dormir. Mais toutes ces démonsirations étaient
loin de prouver dans ce peuple le désir de s'initier à
la foi chielienne, nos livres n'étaient pour eux qu'un
objet rare. A Sincapour, où l'on a lait d'incroyables
ellbrts pour la distribution des livres et pour l'éta-
blissement des écoles , pas une seule conversion
n'est venue récompenser tant de travaux et de de-
la) La loyauté qui doit présider aux disoussions reli-
gifU-es nous fail un 'devoir de reci.nnailre (] le les mlssioii-
iianes proleslaiils , plus liciireiix dans l'Iude iiiéndiuii:dp
y OUI réuul (pielques cinlauies de prosélytes. Sur ce
uonilire d tant compter plusieurs famill(>s callioliipies de-
)>iiis longlemps déiiussées p;ir les prèires loriu^.us et
lrii|i |jd)les pi.ur se soutenir d'ellrs-iur'iiies. I.u rc^ie se
e pose de pari;is au service des foiicUuuuaires an,!^l:us,
ei dd iiialhi'ureux qui Hçoiveul le paiu des prédica'uls ï
coudiliou de le venir chercher au leinple.
penses. Cependant il n'est aucun point, dans tout
1 Orient, où les livri's religieux aient été répandus
avec une aussi grande [U'ofiision ; (ui en a donné des
inilli rs et des dizaines de mille; on en a abomlam-
mcnt pourvu, non-seulement les liabiiants malais,
mais encore ceux de Java, de Sumalia, les Cliiu"is;
les musulmans, les Arabi's, les Télingas, etc., eie.
Depuis longtemps ou voit les dislribulcurs allant do
maison en maison, el di'bilant leur marcbandise de
tous côtés; d'autre part les ell'orls pour établir des
écoles n'ont pas manqué : tout est resté infructueux.
Ce qui rend fort dillieile, pour ne pas dire impossi-
ble, une traduction de nos livres (le religion, intel-
ligible pour les Malais, c'est la stiuciiire de celle
l.uigue : le malais, il est vrai, s'apprend sans peine :
il n'a pas de sons difficiles à prmionccr pour un Eu-
ropéen, la constrnclion est exlréinement simple, et
ses mots sont en petit nombre; la mcuie expression
désigne le nombre, le genre, les modes et le lenqis ;
ou se sert du inôiiie mot pour le subslanlif, l'adjeclif,
le verbe el l'adverbe; les temps mêmes des verbes
varient rarement, eu sorte qu'on a bientôt appris ce
qui est indispensable pour la conversation ordinaire.
.Mais elle est si pauvre eu termes abstraits, qu'en
parlant ou en écrivant sur des questions religieuses,
on ne peut éviter des expressions nouvelles, (lu'une
longue habiUide peut seule faire C(mi|irendre a lin-
lerloculeur. Dans la traduction des livres de religion,
il a fallu emprunter de nouveaux mots a l'anglais, au
grec, au portugais et surlimt a l'arabe. VValler i.a-
milton ra])porte, dans son journal [lùisiIndia-Ca-
zeifei), (pie, sur cent mots d un livre de prières tra-
duit en malais, on avait trouvé ireiile termes polyné-
siens, seize sanscrits el sept arabes : ce qui ne laissait
qu'environ une moitié de mois proiirement malais.
C'est encore bien pis pour les Chinois : leur écriture
n'(;tant |);is alphabéliiîue, mais chaque expression de
la langue savanle se rcprésenlant par un caractère
particulier, il arrive de la qu'il n'y a pas de carac-
tères pour un grand nombre de mots de nos langues
d'Occident. Il serait donc inqiossible de Iraduire les
Ecrilures sainles ; or écrii dans la langue du peuple,
(luoiqu'on put peul-élre les l'aire compi'cndie par une
cxplicalion orale; d'ailleurs la dilVéï'cnce des dialec-
tes fait (|ue le langage icrit ne peut cire compris par
la plupart de ceux 'pii savent lire, et qui ne forment
pas la ([iiarantième partie de la |iopulalion. On de-
mandera peut-être pourquoi l'on ne iraduii'ait pas les
Ecritures dans les dillérenls dialectes parlés? la rai-
son en est simple : c'est qu'il n'y a pas de caraclèies
spéciaux pour la pliipart de ces dialectes; et quebpie
étrange ipie celle assertion puisse paraître, il y a
une niulliluile demolsdans le langage ordinaire (pi'on
ne peut exprimer par écrit. Il est pénible de voir (pie,
malgré l'ii.edicacite et rinutilité de ces traductions,
la seule version de la Bible en chinois ail coûté plus
de cent mille dollars (environ ciiK| cent vingt mille
francs). Crpeiidani, malgré ces dillicultés, il y a quel-
que chose d'inexplicable dans la stérilité des luissions
protestantes; car les missionnaires caiholiipies, avec
de très-faibles ressources, ont obtenu beaucoup plus
de succès; ils ont fait un grand iiimibie de |irnsé-
lytes; leur culie-est devenu populaire, et partout il
excite ralteution publique. Ne pourrait-il pas se faire
que la surabondance des moyens possédés par les
missionnaires protestants, leur richesse même et leur
grandeur apparente, fussent quelques-uns des prin-
cipaux obstacles? Ils ne sont pas placés au niveau
des peuples auxquels ils s'adressent; il ne peutjainais
exister assez de familiarité entre eux et la foule pour
attirer la confiance, la sympathie nécessaire pour
faire une forte impression sur les esprits. A Sinca-
pour, par exeii'ple, où, comme on l'a dit plus haut,
on a lait des ell'orts extraordinaires, on n'a pu jiis-
(|u'a |uésent convertir un seul Malais à la religion '
prolestanle; tandis que les missionnaires catholiipjes ;
y ont deux églises, ont opéré nombre de conver-
sions parmi les Malais, les Chinois cl autres, el réii-
K9 MIT
nissent tous les dimaiKhes à leurs églises un concours
considérable d'iioninics de toutes les religions.
Quelles peuvent être les raisons de cene dilTérence
iliins les travaux des nos et des auircs'.' Voici celles
qui se présentent à mon esprit (dit toujours M. Mal-
colnij : les missionnaires papisics dans llndc sont,
en général, gens de bonnes mu'urs; ils vivent d'une
nianicre beaucoup plus liunddc, ils se ni.leiit plus
volontiers avec le peuple; leurs houiuaires, autant
que j'ai pu l'apprendre, ne sont ipie de cent piastres
par an, et, n'étant pas mariés, ils savent vivre de
peu. t
I M. Malcolm (ajoute le rédacteur du Journal) au-
rait pu ajouter ipic les inissionuaires catholiques ne
laissent apris eux ni veuves, ni orplielins, pour ab-
sorber les contrilnilions iloniices (..NpiessiMiunt pour
le soutien des luisslonuairi's actuels travaillant à la
conversion des paysans. Saint l'aul, ccrivant aux
premiers chrétiens, qui se trouvaient dans nue posi-
tion à peu près semblable à ccll<' de nos mission-
naires vivant au milieu des peuples d'Orient, leur
disait : — Ji; désire vous voir dégagées de sollicitudes;
celui qui n'est point marié s'oceep' du soin des cho-
ses du Seigneur, et de ce qu'il (ioil faire pour plaire
à Dieu; mais l'bomuu' marié s'occupe des choses du
monde et de ce qu'il doit laiie pour plaire à sa fem-
me: il est p iriagc (/ Cori lit., vu). Les missionnaires
protestants ne pourraieut-ils pas se soumettre à la
vjc de privation, d'almégatinn et de mortification
qu'embrassent avec tant de joie les missionnaires ca-
tholiques? I
MITRE, ornemont de tôle que portenl ios
évêques, lorsi|u'ils ot'licCnt i oiitiiicaieini'iit.
M. Languet, d;in.s .s;i Réfutation de D. Claude
ds Vert, convient ijii'ii est ass>'Z 'iillicile de
découvrir en quel teinji.s celle osiièce de
l)Otinet a reçu la fm-me qu'on lui donne au-
jourd'hui; il pense, avec be.iucoup de vrai-
semblance, que cet onieineiit a succédé aux
couronnes (pie port,iiei;t aulrelois les évo-
ques el les jîrèlies dans ieuis fonctions. 11
est p.'irl-. de ces Cduronnes dans l'Apoca-
lypse, c. IV, v. 'i- ; ilans tùiséhe, IJist. Ecclc's.,
• X, c. IV, et dans plusieurs autres auleufs
? lus récents. Ycritahlc esprit de l'Eglise dans
usage de ses cérémonies, § 35, p. 284.
Comme le sacerdoce est comparé h la
royauté dans l'Ecriture sainte, il n'est pas
étoiuianl que, dans les fonctions les plus
MO^ 830
le-; (irnements pontiticaux, il n'est point fait
mention de la mitre, non plus tjue dans d'au-
tres manuscrits : Amalaire, Haban-Maur,
Alcnin, ni les autres anciens auteurs qui ont
traité îles rites ecclésiastiques, ne (larlent
point de cet ornement. C'est peut-ôtre ce qui
a l'ait dire à Onuphre, dans son Explication
des termes obscurs <\m est la fin des Vies des
pa[ies, que l'usage des mitres, dans l'Eglise
romaine, ne remontait pas au delîtdesix cents
ans. C'est aussi le sentiment ilui)ère Ménard,
dans ses Notes sur le Sacramentaire de saint
Grégoire. Mais le père Marteiuie, dans son
Traité des anciens rites de l'Eglise, dit (ju'il
est constant que la mitre a été à l'usage des
évéques de J.'rusalem, successeurs de saint
Jacques; on le voit par une lettre de Théo-
dose, patriarche de Jérusalem, à saint Ignace,
patiiarclie de Conslantinople, qui fut produite
dans le viii" concile général. Il est encore
certain, ajoute le mt^me auteur, que 1 usage
des mitres a eu lieu dans les Eglises d'Occi-
dent, longtemps avant l'an 1000; il est aisé
d ■ le prouver par une ancienne figure de
saint Pierre, qui est au devant de la porte
du mouistère de Corlue, et qui a plus de
mille ans, et par les anciens portraits des
papes que les bollandistes ont rap(>ortés.
■l'héodul|)he, évoque d'Orléans, fait aussi men-
tion de la mitre dans unedeses poésies, où il
dit en parlant d'un évéque : lllius ergo caput
resplcndens mitra tegebat. Ainsi, continue le
j)ère .ilarleniie, pour concdier les divers sen-
timents sur celle matière, il faut dire que
l'usage des mitres a loujoui s été dans l'Eglise,
mais qu'autrefois tous les évêques ne la por-
taient pas, s'ils n'avaient un privilège parti-
culier du pai e à cet égard. Dans quelques
catliédrales, on voit sur des tombes des évo-
ques repré.sentés avec la crosse, sans mitre.
D. iMabillon et d'autres prouvent la même
clMs.e p.iur l'Eglise d'Occident et jiour les
évoques d'Orient, excepté les patriarches.
Le Père Coar et le cardinal Bona en
disent autant à l'égard des Grecs mo-
dernes,
augustes du 'culte divin, les nrétros a'ieiit D,in> la suite, en Occident, l'usage de la
porté uu des j fincipaux ornements des rois.
Le souverain pontiie îles Juifs avait sur sa
tète une tiare, en hébreu mitsncphet, qui signi-
fie une ceintiu'e de tèle ; et les prôtri'S por-
taient aussi beu que lui une milre migba liât,
qui signiiie un bonnet élevé en pointe, au-
tour duquel étaient des couronnes ( Exod.
x\ix, G et 9; xxxix, 26 ). La ti ne étaitaussi
l'ornemeiit des rois ( /soi. lxii, 3 ); et il pa-
raît que la mitj-e devint dans la suite une
coitlure des feuuues. Juditii, c x, v. 3, mit
itne mitre sur sa tète ()0ur aller se présenter
hHolopherni'. Un voyage ur moderiîe nous
apprend (jue les feuuues druses, ces monta-
gnes de Syrie, portent encore aujourd'hui uni!
coill'ure en cène d'argent, qu'elles nomment
tantoura, el qui est proluiblcment la wu'/rc de
Judith. Les dames fraisçaises qui suiviient
les croisés, prirent sans doute du goût pour
cette coiirure, puisqu'elle élail en us,igi' en
France au xv' siècle. — Dans un ancien poii-
tilical de Cambrai, qui faille détail de tous
mitre est non-seuiement devenu commun à
tous les évêques, mais ii a élé accordé iaik
abbés. Le pa, e Alexandre 11 l'accorda à l'abbé
de Cantorbéry et à d'autres ; Urbain 11, à ceux
du iMont-Cass.n et de Clutiy. Lis chanoines
de l'iiglise de Besnnç lU portent le rochet
comme les évoques, et la mitre lorsqu'ils of-
licienl. Le célébrant, le diacre et le ^ous-
diacre prirtent aussi la mitre dans les églises
de Lyon et de .Mâcon ; il en est de même du
prieur et du chantre de Notre-Dame de Lo-
ches, etc. La forme de cet ornement n'a [)as
toujours été la même ; les mitres ([ue l'on
voit sur un tombeau d'évêques, i\ saint Rcmi
de Keims, ressemblent plus à unecoiife qu'à
un bonnet. La couronne lU roi Dagobert
sert de mitre aux abbés de Munster, 'y'og.
ll.uii rs sAcuÉs.
MITTI'NTKS. Voy. Lapses.
ÂiOABlTES. De l'inceste de L .1 avec sa
lille amce naquitun tilsnoinuié Moab; IvsMoa'-
bites, ses descendants, étaient places à l'o-
851
MŒL
MŒ\]
833
rient de la Talestine. Quoique descendus de
la famille d'Ahrahnin, aussi bien que les
Israélites, ils furent tonjoui's leurs ennemis.
Cependant Moïse défendit à son peuple de
s'emparer du pays des Moabitcs, parce que
Dieu leur avait donné les terres dont ils
étaient en possession {Deut. ii, 9 ). Trois
cents ans a].irès cette défense, Jephté jiro-
tcstait encore que les Israélites n'avaient en-
valii aucune partie du terrain des Moabites
(Juclic. XI, 15 ). Moïse ne pouvait donc avoir
aucun motif de forger une fable, ]iour noter
d'infamie l'orii^ine de ce peuple, comme
quelques incrédules l'en ont accusé : celle
des Israélites était marijuée de la même tache
par l'inceste de Juda avec sa bru. ^Dans la
suite les Moabilcs furent vaincus et assujettis
par David ; il les rendit trijjulaires, mais il ne
les dépouilla pas de leurs possessions ( //
Rcrj. vni. 2 ). Il dit, Ps. lis, v. 10, Moah olla
spei meœ; et Ps. cvii, v. 10, Moah, Icbcs spei
ineœ ; il fallait traduire, sccundum spem meam :
« Moab, selon mon espérance, n'esl (ju'un
vase fragile, que je briserai aisément. » Il y
a dans l'hi-breu : Moab olla lotionis meœ.
«Moab est un vase aussi fragile que celui dans
lequel je me lave. » Jérémie, c. xlviiî, v. 42,
avait prédit la destruction des MouUUes ; il
parait qu'eu elfet ils furent exterminés par
les Assyriens, aussi bien que les Ammonites :
il n'en est plus parlé depuis la captivité
de Babylone.
îviOEURS. Un des paradoxes que les in-
crédules ont soutenu de nos jours avec le
plus d'opiniâtreté, e^t que la religion ne
contribue en rien à la pureté des mœurs, que
les opinions des hommes n'inlluent en aucune
manière sur leur conduite. Dans ce cas, nous
ne voyons jias par quel motif les philosophes
peuvent être poussés h enseigner avec tant
de zèle ce qu'ils appellent la vérité. Si les
opinions et les dogmes ne servent à rien
pour régler la conduite, que leur importe de
savoir si les hommes sont croyants ou incré-
(iules, chrétiens ou athées ? 11 est aussi ab-
surde de prêcher l'impiété que d'enseigner
la religion. Pour sentir la fausseté de leur
maxime, il sufiit de comparer les mœurs
(ju'ont eues, dans les divers Ages du monde,
les auorateurs du vrai Dieu, avec celles des
nations livrées au polythéisme et îi l'idolà-
trie. Le livre de la Genèse et celui de Job
sont les seuls ciui puissent nous donner quel-
que lumière sur ce point d'histoire ancienne,
il y a certainement Ijien de la diflerence en-
Ire les mœurs des patriarches et celles que
l'Ecriture sainte nous montre chez les Egyp-
tiens et chez les Chananéens. Abraham se
rendit vénérable jiarmi eux, non-seulement
par ses richesses et sa pi'ospérité, mais en-
core par la ilouceur et la régularité de ses
mœurs, par sa justice, son désintéressement,
son humanité env, rs les étrangers, par sa
fidélité il tenir sa parole , par son lespcct et
sa soumission envers la Divinité. Nous
voyons (;lus de vertu dans sa fiunille que dans
celle de Lalian, qui cmruuençait à être infec-
tée du i)olythf'isme. L'histoire y remarque
aussi des crimes, mais ils n'y furent pas fré-
quents ; si les enfants de Jacob )3araissaient
avoir été, pour la plui>art,d'un assez mauvais
caractère, c'est (pa'ils (Haient nés et avaient
été élevés d'aboid dans la famille de Laban.
Les exemples de dépravation qu'ils virent
ensuite en Egypte n'étaimt pas fort propres
<i les rendre fidèles aux anciennes vertus de
leurs ]ières.
Job fait rénumération de plusieurs crimes
communs chez les Iduméens parmi lesquels
il vivait, et qui adoraient le Sûleil et la lune ;
il se félicite d'avoir su s'en préserver, c.xxxi.
Les histoires des Chinois, des Indiens, des
Grecs et des Romains, s'accordent à nouspein-
ilre toutes les premières peu|ilades comme
des hor les de sauv:ges plongées dans l'i-
gnorance et dans la barbarie, et qu'il a fallu
civiliser peu à peu; l'on sait quelles sont
les mœurs des hommes dans cet élat déplo-
lable. Jamais les familles patriarcales n'y ont
été i'éduites; Dieu y avait pourvu, en accor-
dant plusieurs siècles de vie aux chefs de ces
familles : ils avaient, par ce moyen, l'avan-
tage de pouvoi' iii'^tnnre et morigéner leurs
descendants jusqu'à la douzième ou h la quin-
zième génération. L'on nous olijectera peut-
êtreque, s donnons, toutesles anci unes peu-
plades connaissaient cependant le vrai Dieu et
i'a-ioraient, puisque le polythéisme n'est pis
la religion prinntive. Elles le connaissaient
sans doute ; mais nous n'en voyons aucune
qni l'ait adoré seul, comme faisaient les pa-
triarches. Voy. Dieu, § 5.
! a révélation donnée aux Hébreux par le
ministère de îâoïse jirésente ruie seconde
éjioquesons laquelle nous trouvons le même
p'iénomène à l'égard des mœurs. Le tableau
qu> l'abbé Fleuryatracé de celles des Is-
raélites est très-difféient de ce qui se passait
ciiez les nations idolâtres, et de la peinture
que Moïse lui-même a faite de la coiTuption
des Cliaiianéens. On ne peut cependant pas
accuser ce législateur d'avoir exagéré leurs
crimes, pour fourrnr à sa nation un prétexte
lie les exterminer : ce soupçon, hasardé par
les incrédules, est démontré faux. En elfet.
Moïse avertit son peuple qu'il tombera dans
les mêmes désordres, toutes les fois qu'il
voudra lier société avec ces nations ; et la
suite des événements n'a que trop confirmé
sa prédiction. Lorsque ce malheur est arrivé,
les prophètes n'ont jamais manqué de repro-
cher aux Israélites que leurs dérèglements
étaient l'elfet des exemples que leur avaient
donnés leurs voisins, et de la fureur qu'ils
avaient de les imiter. Ainsi, les déclamations
mêmes que les incrédules ont faites sur les
vices énormes des Juifs sont une preuve de
la dépravation des idolâtres, puisque les
Juifs ne les ont contractés (jue ]iar imitation,
et que tous ces désordres leur étaient sévè-
rejnent défendus par IcLirs lois. L'auteur du
livre de la Sagesse observe, avec raison,
que l'idolAtrie était la source et l'assemblage
do tiHis les crimes (Sap. xiv, 23). Ceux qui
voudraient en douter peuvent s'en convain-
cre eu lisant ce que les auteurs profanes ont
dit des mœurs des dilférentes nations connues
à l'époque de la naissance du christianisme.
83
sita:ii
M(*:u
854
Les apoliigistes de notre religion n'ont
IIMS
nian(jué de rassembler ces preuves, pour
démontrer le besuin qu'il y avait d'une ré-
forme dans les mœurs do tous les peuples ,
lorsque Jésus-Christ est venu sur la terre. Les
poètes, les historiens, les philosophes, ont
tous contribué sans h; vouloir à charger les
traits du tableau. C'est surtout à cette
troisième épotpie de la révélation que
l'inlluence de la religion sur les mœurs
a été rendue ])alpable ])ar la révolution
que le christianisme a produite dans les
lois , k's coutumes , les habitudes des
divers peuples du monde. S'il n'avait
pas fallu refondre, en qnchpie manière, l'hu-
manité pour établir l'iivangile, ses premiers
prédicateurs n'auiaiont pas éprouvé tant
<_!(! résistance. Nous ne renverrons les incré-
dules ni au témoignage des Pères de l'Eglise,
ni ; ux rétlexions di' lîossuet dans son Dis-
cours sur l'histoire universelle, ni au livre
de l'abbé Fleury sur les Mœurs des clire'tiens :
tous ces titres leur sont suspects. Mais récu-
seront-ils la déposition des ennemis même
de notre religion, de Pline le Jeuue,deCelse,
de l'empereur Antonio, de Julien, de Lucien,
etc., et le témoignage qu'ils ont été forcés de
rendre de la pureté des mœurs et do l'inno-
ceiico de la conduite de rcux qui l'avaient
embrassée ?
Plme, d;ins sa célèbre lettre à Trajan,l. 10,
lettre 97, atteste que, soit par la conléssion
des chrétiens ([u'ii a fait mettre à la toiture,
soit par l'aveu de ceux qui ont apostasie ,
il n'a rien découvert, sinon que li's chrétiens
s'assemblaient eu secret [lour honorer Clirist
comme un Dieu; (pi'ds s'obligeaient par
serment, non à couuneltre des crimes, mais
à s'abstenir du vol, du brigandage, de l'a-
dulière, de manquer il leur parole, de nier
un dépôt ; qu'ils prenaient ensemble un re-
pas innocent, et qu'ils avaient cessé leurs
assemblées depuis qu'elles étaient défendues
par un édit. Celse avoue qu'U y avait parmi
les chrétiens des hommes modérés, tempé-
rants, sages, intelligents; il nuleurre|iroclie
point d'autre crime (pie le refus d'adorer les
dieux, de s'assembler malgré les lois, de
chercher à persuader leur doctrine aux jeu-
nes gens sans expérience et aux ignorants.
L'empereur Antonin , dans son rescrit
aux Etats de l'Asie, reproche aux païens, obs-
tinés à persécutei- les chrétiens, (]ue ces
hommes dont ils deuiandent la mort sont plus
vertueux ([u'eux ; il rei.d justice à l'inno-
cence, au caractère paisible, au courage des
chrétiens ; il défend de les mettre .\ mort
pour cause de religion. Saint Justin, Apot. 1,
n.()9,'70; Eusèbe, Hist. ccclcs., I. iv, c. xiii.
Parmi les divers édits qui furent portés con-
tre eux par les empei-eurs suivants, y en a-t-
il un seul qui les accuse de quelque crime ?
On n'a pas encore pu en citer. 11 y a plus :
Julien est forcé défaire leur élogedaus plu-
sifurs di.' ses lettres. Il reiiroclie aux païens
d'être moins cliarit;d)les et moins vertueux
que les Galiléens. 11 dit que Uur impiété
s'est accréditée dans le monde par l'hospi-
talité, par le si)iu «l'enterrer les morts, par
une vie réglée, par l'apparence de toutes les
vertus. « Il est honteux, dit-il, (jue les impies
Galiléens, outre leurs pauvres, nourrissent
encore les nôtres, que nous laissons manquer
de tout. » 11 aurait voulu introduire pai'iui
les prêtres païens la même discipline et la
même régularité de conduite qui régnait
parmi les jirêtres du christianisme. Lett. SI,
(lArsaee, etc. Lucien, dans son Uisloirede la
mort de Péréqrin, rend justice à la charité,
à la fraterniti^ au courage, à l'innocence des
mœurs des chrétiens. » Ils rejettent con-
stamment, dit-il, les dieux des Grecs ; ils
n'adorent que le sophiste (jui a été crucilié ;
ils règlent leurs mœurs et leur conduite sur
ses lois ; ils méprisent les biens de la terre ,
et les mettent en commun. »
Parmi les ïragments qui nous restent des
écrits de Porphyre, d'Hiéroclès, de Jamhlique
et des autres [)liilosophes enn mis du chris-
tianisme, et dans tout ce qu'en ont dit les
Pères de l'Eglise, nous ne trouvons rien qui
nous apprenne que ces philosophes ont
blâmé les mœurs ues chrétiens; ils ne leur
reprochent que leur aversion pour le culto
des dieux du paganisme.
Y avait-il donc quelque autre attrait que
celui de la vertu qui pût engager un iiaïen
à embrasser le christianisme ? Si l'on veut
comparer le génie, la croyance, les pratiques
du ])agaiiisirie, avec l'Evangile, on sentira
que, pour changer de religion, il fallait qu'il
se fit le plus grand changement dans l'esprit
et dans le cœur d'un converti. Quels funestes
eifets ne devait pas produire sur les mœurs
une religion qui enseignait aux païens que
le monde était gouverné par une multitude
de génies vicieux, bizarres, capricieux, très-
jieu d'accord entre eux, souvent ennemis
déclarés, qui ne tenaient aux lioinmes au-
cun compte des verlus morales, mais seu-
lement de l'encens et des victimes qu'on
le.ir otfrail ? Aussi le culte qu'on leur ren-
dait était-il purement extérieur et merce-
naire. Ou demandait aux dieux la santé, les
richesses, la prospérité, l'exemption de tout
malheur, souvent le moyen de satisfaire une
passion criminelle. Les philosophes avaient
décidé que la sagesse et la vertu ne sont
])oint un don de la Divinité, mais un avan
tage que 1 homme peut se donner à lui-
niemr. Les vœux injustes, l'impudicité , la
divination, les augures, la magie, l'etl'usion
du sang humain, faisaient partie de la reli-
gion. Celle-ci, loin dérégler les mœws, était
au contraire l'ouvrage de la dépravation des
mœurs. Voij. Paganisme, § 6.
L'Evangde apprit aux hommes qu'un seul
Dieu, inlimiuent saint, juste et sage, gouverne
seul le monde, eliju'ii l'a créé par sa parole;
([u'il est incapable de laisser le crime impuni
et la vertu sans récompense ; qu'il sonde les
esprits ei les cœurs; qu'il voit non-seulement
toutes nos actions, mais nos pensées et nos
désirs; que son cuite ne consiste point eu .t.,
vaines cérémonies, mais dans les sentiments
de respect, de reconnaissance, d'amour, de^
conhance, de soumission à ses lois, de
gnation à ses ordres ; qu'il veut que Aiyt
-^
83K
MŒV
MOEU
836
l'aimions sur toutes choses, et le prochain
comme nous-mêmes. Il enseigne que la cha-
rité est la plus sublime de toutes les vertus;
2u'un verre d'eau donné au nom de Jésus-
hrist ne demcurr'ra pas sans récompense ;
qu'il faut bénir la Providence dans 1rs afflic-
tions, parce qu'elles expient le péché, répri-
ment les passions, purifient la vertu, nous
rendent sensibles aux souffrances de nos
semblables; que, pour être agréable à Dieu,
il faut êlre non-seulement exempt de crime,
mais orné de toutes les vertus, et quf c'est
Dieu qui nous rend vertueux par sa grAce.
Dès ce moment l'on cessa de regarder les
pauvres comme les objets df la colère divine,
et l'im comprit que c'était un devoir do, les
assister. 11 n'y eut jjIus de distinction entre
un Grec et un barbare, entre un Romain et
un étranger, entre un juif et un gentil. Tous
rassemblés aux pieds d'un même autel, a;l-
mis à la ménie table, honorés du même titre
d'enfants de Dieu, scntu-ent qu'ils étaient
frères. Alors coumiença d'éclnre l'héroïsme
de la charité ; dans les' calamités publiques
on vit les chrétiens se dévouer à soulager
les malades, les léiireux, les pestiférés, sans
distinction entre les lidèles et les infiilèles;
on en vit qui vendirent leur propre liberté
pour racheter celle d'autrui. Saint Clément,
Ep. 1, n.7.
Suus le paganisme, la condition des es-
claves était h peu près la même que celle
des bêtes de somme; quand ils furent
baptisés, on se souvint que c'étaient des
hommes, et qu'il y avait de l'inhumanité à
les tiaitcr comme des brutes; qu'ils n'étaient
pas faits pocn- repaître du speclacle de leur
mort les yeux d'un peuple rassemblé dans
l'ampliithéàtre, ni [lour périr par la faim,
lorsqu'ds étaient vieux ou malades. La poly-
gamie et le divorce furent proscrits ou ré-
primés; on mit des bornes à la puissance
paternelle, le soit des enfants devint certain;
il ne fut plus peimis de les tuer, de les
vendre, de les cxp.ser, de destiner les
uns h l'esclavage ot les aidres à la prosti-
tution.
Le despotisme des emoereurs avait été
porté aux derniers excès ; Constantin ne fut
f)as plutôt chriHien, qu'il le borna par des
ois : les guerres civiles, presque inévitables
h cliaque mutation de règne, n'eurent plus
lieu; les empereurs ne furent plus massacrés,
ni les provinces livrées au pillage des ar-
mées. « Nous devons au christianisme, dit
Montesquieu, dans le gouvernement un
ce.'ta.n droit [lolitique; dans la guerre, un
certain droit d.'S gens, que la nature humaine
ne saurait assez; reconnaître. » Esprit des
lois, 1. KXiv, c. III. Ajoutons que nous lui
devons, dans la société civile, une douceur
de commerce, une contianc ■ mutuel e, une
décence et une liberté' qui ne se trou vent nulle
part ailleurs, et dont nous ne sentons le
prix (jue quand nous avons comparé nos
mainrs avec celles des nations infidèles. Celte
réviilutioii ne s'est pas faite chez une ou
deux nilions, mais d tus tons les climats,
dans la (jrece et eu Italie, sur les côtes et
dans l'intérieur de l'Afrique, en Egy|)te et
en Arabie , chez les Perses et chez les
Scythes, dans les Gaules et en Germanie;
partout où le christianisme s'est établi, tôt
ou tard il a produit les mêmes effets. On
dira, sans doute, que ce phénomène n'a été
que passager, qu'insensibh'inent les nations
chrétiennes sont retombées à peu près dans
le môme état où elles étaient sous le paga-
nisuie. C'est de quoi nous ne conviendrons
jamais, quoi qu'en disent quelques mora-
listes utr.ihilaires, qui ne se sont pas donné
la peine d'examiner de près les mœurs des
païens anciens ou moilernes.
Nous convenons que l'inondation des Bar-
bares, au V' siècle et dans les suivants, lit
une révolution t'icheuse dans la religion et
dans les tnœurs. >,!ais enfin, le christianisme
apprivoisa peu à peu ces conquérants fa-
rouches; et lorsque cet orage, qui a duré
pendan! plusieurs siècles, a été passé, cette
même l'eligion n réparé insensiblement les
ravages qu'il avait causés. Les Scythes ou
Tartares, répandus en Ori'nt, embrassèrent
le maliométisiiie ; ils ont conservé leur igno-
rance et leur férocité. Les Francs, les Bour-
gui;j,nons , les Goths, les Normands, les
Lombards n'avaient pas, dans l'origine, de
meilleures mœurs que le'S Barbares; ils en
ont changé en devenant cliré'tiens.
Comme on ne peut juger du bien et du
mal que par comparaison, il faut commencer
par faire le parallèle de nos mœurs avec
celles de toutes les nations qui sont encore
])longées dans l'inlidélité, et il sullîi de lire,
pour cela, l'Esprit des usages et des coutu-
mes des différents peuples. Lorsqu'un jihilo-
sophe en sera instruit, nous le prierons de
nous dire chez laquelle de toutes les nations
il aimerait mieux vivre, qu'au milieu du
christianisme. Plusieurs de celles qui sont
aujourd'hui à demi barbares étaient autre-
fois chrétiennes; en perda' t leur religion,
elles sont retombées dans l'ignorance et la
corruption que la lumière de l'Evangile avait
autrefois dissipées. Malgré ce fait incontes-
table, on vient nous dire gravement que la
religion n'influe en rien sur les mœurs m sur
le sort des peuples, non plus que sur celui
des particuliers; quelques incrédules ont
poussé la démence jusqu'à soutenir que le
christianisme a plutôt perverti que réformé
\es mœurs. Lorsqu'on nous oppose l'exemple
de quelques philosophes sans religion, tpii
ont c pendant toutes les vertus moi'alos, on
ne fait qu'un sophisme puéril. Ces mcn dules
ont été élevés dès l'eniance , instruits et
formés dans une sociét'' qui croit en Dieu;
ils sont obligés de suivre le ton des mœurs
publiques : la morale dont ils font parade,
et dont il se croient les auteurs, est, dans la
vérité, l'ouvrage de la religion. L'auraient-ils
reçue, s'ils étaient nés chez une nation qui
n'eût ni Dieu, ni culte public, ni morale po-
pulaire? Toute nation qui se trouverait dans
ce cas serait sauvage, barbare, sans lois, sans
principe et sans mœurs : on dit qu'il y en a
une de cette espèce dans les Indes; mais
l'on ajoute que ce sont des brutes plutôt que
837
MOI
MOI
838
des hommes. Ou ne raisonne [jas mieux
quand on insiste sur la njultitiide di's chré-
tiens dont la euniluite e>>t diauiétraleniiMit
o[iposi''0 à la moral ■ de l'Evauijde; il s'en-
suit seulement que la violence des [jassions
('mpôclie la religion d'inlknT sur les mœurs
di\s particuliers aussi couslauuuent (ju'elle
devrait le faire. Comme il n"est aucun homme
(|ui soit dominé i)ar toutes les passions, il
n'en est aucun sur lequel la religion n'ait
([uelque empire ; il la suit même sans s'en
apercevoir, lors |u'il n'est pas entraîné pai'
la fougue ^l'une jiassion. 11 n'y a donc .jamais
aucun lit'U de conclure que la relit^ion n'in-
ll'jo en rien sur lès mœurs générales d'une
nation ; il est au contraire démontré pai' le
fait, qu'il n'y a sous h; ciel aucun peu[)le
dont les mœurs gi'néraies soient meilleures,
et nu^nuï aussi bonnes, que celles des naiions
chrétiennes.
Pour savoir ce qu'il en e>t, il ne faut pas
consulter des philoso|ihes qui ont rûvii dans
leur cabinet, l't qui, par nécessité de sys-
tème, sont inti'ressés à nier les faiis les plus
incontestables; il faut lire les relations des
voyageurs (|ui (jut l'ait le tour du monde, t[ui
ont fréquenté et obsi'rvé un grand iiouiLu e
de nations. Tous ont éprouvé la diiférence
énorme (ju'il y a entre les mœurs des unes
et des autres, et ils en rendent témoignage.
Chez un peuj)!e inlidele, un étranger est
toujours dans la déliance, en danger pour
sou équiiiage et i»our sa vie, livré à la merci
d'un guide ou d'un homme puissant; s'il
ari'ive parmi des chrétiens, fiU-ce au bout
du monde, il retrouve la sécurité, la société,
la liberté; il croit être de retour dans sa
patrie. Voy. Cuiustiamsue, Mouale (1).
MOINE, MONASTÈIU', ÉTAT MONAS-
TIQUE. Ces trois articles se tiennent de trop
près pour pouvoir être séparés. Le nom de
moine, tiré du grec povoî, seul, solitaire, a
designé, dans soii origine, des hommes (|ui
se confinaient dans les iléserts, et qui vi-
vaient éloignés de tout commerd' avec le
mon !e, pour s'occuiier uniquement de leur
salut. Dans l'Eglise catholique, on appel. e
moines ou religieux ceux qui se sont enga-
gés par vœu à vivre suivant une certaine
règle , et à [pratiquer la perfection de
l'Evangile.
il y a tu de très-bonne heure des chré-
tiens, qui, il l'imitation de saint Jean-Bap-
tiste et des pro|)hètes, se sont retirés dans
la soliluiie pour vaquer à la prière, au jeûne
et aux auli'es exercices de la pénitence; on
les appela ascètes, c'est-à-dire hommes qui
s'exercent à des œuvres pénibles. Jésus-
Christ semble avoir donné lieu à ce genre
de vie par les quarante jours qu'il [îassa dans
le désert, et par l'habitude q l'il avait de s'y
retirer |)0ur prier avec plus de recueille-
ment : il a lo lé la viesolitaue de .saint Jean
Baptiste ^Matlh. \i, 7), et saint Paul a fait
l'éloge lies ]irophèles qui vivaient dans les
(1) Dans iiotie Diciionnaire de Tliéol. inor., nous
avons uioiilrii llicureuse influence du chrislianisiiie
sur les mœurs publiques cl sur la famille. Nous nous
cotiteiiloDS d'y renvoyer.
déserts {Hebr. xii). Cela nous paraît déjà
sullire pour iixer le jugemenl ({ue nous d. -
\ons porter de Vetat monastique. Naus cnm-
mencerons d'abor^i jiai- en faire l'histoire ;
nous ré{)ondrons ensuite aux repioches (pie
les ennemis de cet état ont coutume d(!
l'aire. —L'origine' de l'état religieux paraît foi t
simple, quand on ne veut pas s'aveugler,
l'endanl les persécutions ijue les chréti.us
essuyèrent durant les trois premiers siècles,
plusieurs de ceux de l'Egypte et de la pro-
vince du Pont se retirèrent dans les lieux
inhabités, pour se soustraire aux r. cherches
et aux tourments. Ils contractèrent le goût
de la solitude, et ils y deiueurèreni ou ils y
retournèrent dans la suite. Saint l'aul, pre-
mie, ermite, se retira dans la Thébaide, vers
l'an 239, pour fuir la persécution de Dèce,
et vécut dans une caverne jusqu'il l'ûge de
cent quatorze ans, en se nourrissant des
Iruits d'un palmier qui en couvrait l'entré,;.
Sainl Aiitoine, Egyptien comme lui, eiii-
br.issa le même genre de vie, et l'ut suivi
par d'autres; tous vivaient dans des cellules
séparées, à quelque distance les unes des
autres. Mais, dans le siècle suivant, saint
Paeùme les rassembla en d lléients »iOH«s-
lères , et en communautés couq osées de
trente ou i,uarante moines, et leur [)rescrivit
une règle commune. De là est venue la dis-
tinction entre les cénobites ou moines, qui
vivaient en communauté, et les ermites ou
ùnacliorètcs, qui vivaient seuls. Tous les mo-
nastères reconnaissaient pour supérieur un
même abbé, et se rassemblaient avec lui pour
célébrer la Pt'ique: on prétend que les moines
des dilférentes paries de l'Egypte fusaient
un nombre de cinquante mille a.i moins; il
peut y avoir de l'exagération. Si l'on est en
jieine de savoir comment pouvait vivre une
si grande uiuLitude d iiommes qui ne possé-
daient et ne cultivaient rieu, d faut se sou-
venir que, dans ce climat, la nature se con-
tente de peu; que ie peu^de y vit ,ie plantes
et de légumes qui y croissent eu abondance,
et que le régime le plus sobre , dans un
pays aussi exe; ssivem. nt chaud, est le plus
utile à la santé. Les sol.taiics vivaient de
dattes et de quelques racines ; les cénobites
travaillaient les feuilles du ]jalmicr, en
faisaient des nattes et d'autres ouvrages,
dont la vente leur procurait les aluuents les
plus n cessaires à la vie. il ne fudpas croii'e
que la Thébaide et les autres déseris habités
par les «toines fussent absolument stériles et
incapables iie culture. Piusiours prolrstants
ont lové prolondéiuent pour deviner d'où
est venu aux Egyptiens le goût jiour la vie
monastique; ils disent que g'a étél'elîet na-
turel de la clialeur du climat, qui lend
l'homme paresseux et sombre, qui le porte à
la solitude, à la vie austère, à la contempla-
tion; que celle inclination était augmentée
chez les Egyptiens par les maxime-; de la
philosopliie orientale, qui enseignait qu'il
laut que l'âme se détache du corps et de
tous ies appétits sensuels pour s'approcher
de la Divinité. Mosheim, Hist. christ., sœc. ii,
§ 33, n. 3, p. 317; sœc. ni, § 28, p. 669.
839
MOI
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C'est ilouuuiigc quii cotte vision sublime
ne s'accorole \v\s avec les fnits. 1° Le climat
de l'Egypte n'a certainement pas changé
depuis le II" siècle de l'Eglise ; il est aujour-
d'hui tout aussi cliaud qu'il était pour lors,
pourquoi donc les solitudes de la Thébaide
ne sont-elles plus peuplées do moines et
d'anachorètes? — 2" Le climat de la Perse,
do l'Asie Mineure, de la Grèce, de rUalio,
des Gaules, de l'Angleterre, de la Russie, ne
ressemble guère à celui de l'Egypte ; à peine
cependant le christianisme a-t-il été établi
dans ces ditrérentes contrées, que le mona-
chisme s'y est introiiuit. On sait la quantité
do moines qu'il y avait en Angleterre avant
la prétenlue réforme; ce chmat est bien
ditTérent de celui de l'Egypte, et l'on ne se
souvient pas d'avoir jamais vu les Anglais
fort entichés de la philosophie orientale. —
3' Dès que l'Evangile a f lit l'éloge de la vie
que menaient les moines, pourquoi croirons-
nous que les Egyptiens ont été moins tou-
chés dfS leçons de Jô-us-Christ que de celles
des philosophes orientaux? Or, dans les ar-
ticles Abstinence, Anachorète, Célibat,
Jeune, Mortification, etc., on verra que
Jésus-Christ et les apôtres ont formelle-
ment approuvé ces pratiques , en ont donné
l'exemple, et ont loué ceux qui s'y sont con-
sacrés. Saint Antoine abandonna son patri-
moine, et se retira duis le désert, non pour
avoir étudié la philosophie orientale, mais
pour avoir entendu lire ces paroles de l'Evan-
gile : « Si vous voulez être parfait^ allez
vendre ce que vous possédez, donnez-le aux
pauvres, et vous aurez un trésor dans le
ciel [Matth. xix, 2!). » — 4" Jloslieim, ibiiJ.,
note 1, convient que, dès l'origine du chris-
tianisme, il y eut des ascètes, c'est-à-dire des
clirétiens de l'un cl do l'autre sexe, qui, au
milieu de la société, menaient à peu près la
inôrae vie que les moines. Jîingham, autre
protestant, l'a prouvé, Orig. eccU's., tora. lli,
1. VII, c. I. Avant (juil y eût des moines, il
y avait di'ja des communautés de vierges
qui vivaient dans le célibat, dans la retraite,
dans la pratique d'une vie pénitente et mor-
tiliée ; il n'y a pas d'apiiarence qu'elles en
aient pris le goût dans la philosophie orien-
tale. Mais ce n'est pas ici le seul cas dans
lequel les protestants ont fermé les yeux
aux leçons de l'Evangile, pour se livrer aux
conjectures d'une fausse érudition.
Les occupations habituelles des moines
étaient la psalmodie, la lecture, la prière, le
travail des mains et les pratiques de péni-
tence. Les solitaires mêmes se visitaient et
s'édihaient par des conversations pieuses :
quand on dit qu'ils passaient leur vie dans
une contemplation cuntinuello, il ne faut pas
prendre ces paroles à la lettre. Des hommes
jetés par un naufrage dans des îles désertes
ont trouvé le moyen d'y vivre et de s'y occu-
per : pourquoi n'en aurait-il pis été de même
des anachorètes? Nous ne voyons pas en
quel sens Moshoim el d'autres ont osé dire
que la vie de saint Paul, premier ermite,
avait été celle d'tine brute ]ilutùt que celle
d'an homiiie. Cette censure amèrc serait
ilus applicable a;ix honnêtes fainéants dont
es villes sont r.'mplies, et qui sont égale-
ment à charge îi eux-mêmes et aux autres.
Voi/. Anaciiohèt!;.
Dès l'an 305, saint Hilarion, disciple do
saint Antoine, établit dans la Palestine des
monastères semblables à ceux d'Egypte.
Dien'ôt la vie monastique s'intioduisit dans
la Syrie, l'Arménie, le Pont, la Cappadoce,
et dans toutes les parties de l'Orient. Saint
Basile, qui avait appris à la connaître en
Egypte, el qui en faisait grand cas, dressa
une règle pour les moines; elle fut trouvée
si sage et si parfaite, quo tous l'adoptèrent,
et elle est encore suivie aujourd'hui par les
moines do l'Orient. Le savant Assémani nous
apprend que les premiers moines qui s'éta-
blirent dans la Mésopotamie et dans la
Perse furent autant d'apôtres ou de mission-
naires, et ([ue la plupart devinrent évoques.
Biblioth. orientale, tome IV, c. ii, § k. L'an
3i0, saint Athanase apporta en Italie la Vie
de saint Antoine qu'il avait composée, et
inspira aux Occidentaux le désir de l'imiter.
On ne sait pas précisément en quel lieu
de l'Italie furent bâtis les premiers mo
nastères.
Le christianisme, dit Mosheim, n'aurait
jamais connu la vie dure, triste et austère
des moines, si les esprits n'avaient pas été
séduits par la maxime pompeuse des anciens
philosophes, qu'il fallait tourmenter le corps
pour que l'àme eût plus de communication
avec DLou. Malhoureusomenl cotte maxime
est conlirmée par l'Evangile. Jésus-Christ a
dit : Si guelqu'un veut me suivre, qu'il re-
nonce à lai-même, et porte sa croix tous les
jours de sa vie {Matth. xvi, 24). Saint Paul
dit que ceux qui sunl à Jésus-Christ cru-
ciiicnt leur chair avec tous ses vices et ses
convoitises {Gai. v, 24), et il se donne lui-
même pour exemple {1 Cor. ix, 27). Si la vie
austère et mortihée était contraire à l'esprit
du christianisme, comme le prétendent les
protestants , il serait impossible que les
Pères du iV siècle, qui n'étaient ni des igno-
rants, ni des es[)rits fiibles, eussent donné
généralement dans la môme erreur. Ou ne
peut pas dire que c'a été un vice du climat,
puisque l'on a pensé de même dans tous les
climats; ni que Ion craignait la lin du
niondi', les Pères n'y pensaient pas; m que
l'on consultait l'ancienne philosophie, contre
laïuelle les Pères s'élevaient de toutes leurs
forces. Mais on sentait que, pour convenir
les païens, il lallait une vie apostuli.jue, et
cette vie ne fut jamais l'opicuréisme des
prolestants et des incrédules. Loin d'aper-
cevoir ici do la misaïUiiriipie, nous y voyons
un zèle ardont |)our le ijoniieur et le salut
des hommes. }'o!/. Ascètes. Sur la tin de
ce siècle, la vie monastique fut introduite
dans les Gauls: saint Martin, mort l'an 400,
en est regardé comme le |ireraier auteur, et
il en fit professio.i lui-niôme. A cette même
époque, s;dnl Hunorat fonda le célèbre mo-
nastère de Lérins sur le modèle de ceux de
l'Orient. Ce fut seulement au commencement
du u" siècle, que sa;nî Benoit lit sa rèylc
841
MOI
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842
pour les moines qu'il avait rassemblés au
Mont-Cassin, règle qui fut bientôt suivie
par tous les moines de l'Occident. Mais la
différence du climat ne permettait pas qu'ils
suivissent un régime aussi austère que les
Orientaux; c'est pour cela que la règle de
saint Benoît est beaucoup plus douce que
celle de saint Basile. Sulpice-Sévère, d;ins
son premier Dialogue sur la vie de saint
Martin, le fait remarquer à ceux qui étaient
scandalisés de cet adoucissement , et qui
auraient voulu que les moines gaulois pra-
tiquassent les mêmes austérités que ceux de
la ïhébaide; on prétend que samt Jérôme
était do ce nombre, parce qu'il n'avait pas
éprouvé la nécessité d'un régime plus doux
dans les pays se[)ti'ntrionaux. Mais Mosheim
a très-grand tort d'en conclure que l'on vit
dans les Gaules, non la réalité delà vie mo-
nastique, mais seulement le nom et les ap-
parences. Un peu ]ilus, un peu moins d'aus-
térité, ne change pas l'essentiel de la vie
monastique, qui consiste d.ms le renonce-
ment au monde et dans la pratique des con-
seils évangéliques.
11 ne raconte pas mieux, lorsqu'à cette
occasion il distingue les cénohiles d'avec les
ermites ol les sarabaites. Il nous paraît que
tous les moines gaulois furent d'ahord eéno-
bites, et que les enniles ou anachorètes ne
sont venus qu'après, il n'est pas vrai que
les ermites aient été la plupart des fanatiques
et des insensés ; Mosheim cite à faux Sul-
pice-Sévère, qui ne l'a jamais dit, et il n'est
aucun fait coimu qui le [)rouve. Quant aux
Sarabaites, qiie saint Benoît nomme girova-
gues ou vagabonds, nous convenons que c'é-
taient de faux moiiics et des hommes très-vi-
cieux, dégdûtés de la discipline monastique ;
mais ils n'ont jamais été connus, surtout en
Occident. C'est justement ce désordre qui ût
sentir en Orient la nécessité d'attacher les
moitiés à leur état par des vœux, précaution
de laquelle on a fait très-injustement un
crime à saint Basile. L'universalité et la per-
pétuité de cet usage démontrent qu'il l'a
fallu pour prévenir les scandales. C'est par
la même raison que l'on soumit les moines
à des épreuves. Pallade , dans son Histoire
Lausiaque, écrite l'an 420, c. xxxvni, dit ex-
pressément que celui qui entre dans le mo-
nastère, et qui ne peut pas en soutenir les
exercices pendant Irois ans, ne do;t point
être admis ; mais que si, durant ce temps, il
s'acquitte des œuvres les plus difliciles, on
doit lui ouvrir la carrière. Voilà l'origine
bien marquée du noviciat qui est en usage
aujourd'hui, mais qui est restreint à un
temps plus court. Au reste, il n'y avait point
de discipline unitorme sur l'dge nécessaire
pour la validité des vieux.
Au y siècle, saint Augustin, dans son li-
vre de Opère monachor., prit la défense de
ceux qui vivaient du travail de leurs mains,
contre ceux qui soutenaient qu'il était mieux
de vivre des oblalions et des aumônes des
fidèles. Comme les parents mettaient sou-
vent leurs enfants en bas âge dans un mo-
nastère pour les y faire élever dans la piété,
DiCTIONN. DE ThÉOL, DOGMATIQUE. III
le second concile de Tolède de l'an kk*l, dé-
fendit, can. 1, de leur faire faire profession
avant l'Age de dix-huit ans, et sans leur con-
sentement, dont l'évoque devait s'assurer.
Le quatrième, tenu l'an 589, changea cette
disposition, can. 4-9, et voulut que, de gré
ou de force, ils demeurassent perpétuelle-
ment attachés au monastère. On ignore
les raisons de ce nouveau décret , mais
il ne fut jamais approuvé pir l'Eglise. Bin-
gham, Origines ecclésiastiques , 1. vu , c.
III, § 5. Il nous paraît qu'il y a une contra-
diction choquante dans la manière dont
Mosheim parle des moines du v" siècle. Il
dit que l'on était si persuadé de leur sain-
teté, que l'on prenait souvent parmi eux les
prêtres et les évéques, et que l'on multipliait
les monastères à l'intini ; ensuite il ajoute
que leurs vices étaient passés en proverbe.
S'ils avaient été communément vicieux, l'on
ne serait pas allé chercher dans des monas-
tères des prêtres ni des évêques , dans un
temps oîi le peuple était maître des élections.
Quand on lui demande pourquoi l'on compte
dans le clergé de ce temps-là un si grand
nombre de saints, il répond que cela est venu
de l'ignorance de ce siècle. Niais il oublie
que ce siècle a été le plus brillant de l'Eglise
latine, que c'est celui au commencement du-
quel saint Jérôme et saint Augustin ont en-
core vécu. Il a cité lui-même, parmi les
écrivains de ce temps-là, saint Léon, Paul
Orose, saint Maxime de Turin, saint Eucher
de Lyon, saint Paulin de Noie, saint Pierre
Chrysologue, Salvicn, saint Prosper, Marius
Mercator, Vincent de Lérins, Sidoine Apol-
linaire, Vigde lie Tapse, Arnobe le jeune,
sans parler de plusieurs autres moins con-
nus. Il ne traite Cassien d'ignorant et de su-
perstitieux que parce qu'il a écrit pour les
moines. Il pouvait ajouter Sulpice-Sévère,
saint Hilaire d'Arles, le pape Gélase, etc. A
la vérité l'inondation des Barbares arriva au
commencement de ce même siècle ; mais il ne
détruisirent pas tout à couples études et les
sciences. L'Eglise grecque ne fut pas moins
féconde en écrivanis savants et estimables.
Même passion et même inconséquence de
la part de Mosheim, dans son Histoire du \i'
siècle. Il décide en général que l'état monas-
tique était rempli de fanatiques et de scélé-
rats ; selon lui, le nombre des premiers était
le plus grand en Orient, c'étaient les seconds
qui abondaient en Occident. Que dire d'un
écrivain aussi fougueux ? Nous convenons
que les moines d'Orient excitèrent beaucoup
de troubles dans l'Eglise, les uns par leur
altach.'ment à Nestonus, les autres par leur
opiniâtreté à soutenir Eutychès ; mais les
crimes de l'hérésie ne sont pas ceux de la
vie monastique. Dans ce siècle, cette profes-
sion s'établit et se répandit promptement en
Angleterre [lar la mission de saint .\ugustin
et de ses compagnons ; une preuve que les
moines anglais n'ét lient alors ni des scélé-
rats, ni des fanalicjues, c'est qu'ils ont été les
principaux apôtres des peujiles du Nord. A
l'article Missions ÉTnA>T.fcRi:s, nous avons vu
racliarnement avec lequel AJosheim et ses
27
S43
MOI
MOI
Ui
pareils ont décrié leurs travaux, et l'injus-
tice de la censure qu'ils en ont faite. La rè-
gle de saint Benoît n'était certainement pas
propre à inspirer le crime et le fanatisme. Il
est bien absurde de supposer que des hom-
mes foncièiem -nt vicieux se sont néan-
moins dévoués au s;dut de leurs frères.
La vraie cause de la prospérité, du crélit,
des richesses que les moines acquirent au vï°
et au VII' siècle, n'est pas, comme l'imagine
Mosheim , la protection décidée des .souve-
rains ponlifes. Cette protection môme, et ce
qui s'ensuit, sont-enus de jibis haut, du be-
soin que l'on avait des moines et des services
qu'ils ont rendus pour loi s. Le clergé sécu-
lier tomba, lorsque les Barbaies eurent pil-
lé les églises et répandu la désolation par-
tout. Pour se mettre ïi couvert de leurs vio-
lences, il fallut se retirer dans les lieux les
plus écartés, et c'est ce qui fit bMir une
multitude de mona.stères sur les montagnes,
dans les forêts ou dans les vallons reculés.
Les peuples privés de pasteurs ne purent
recevoir de secours spirituels et temporels
que des moines; est-il donc étonnant que
ceux-ci soient devenus riches et importants ?
S'ils avaient été vicieux, les Barbares ne les
auraient pas respectés ; or, il est constant
que ce respect a :.;ouvent été une barrière
pour a:rêtcr les effets de leur férocité. Mos-
heim est forcé de convenir qu'au vir et au
viir siècle les moines ont soutenu les débris
des lettres et des sciences, ont rassemidé et
copié les livres, ont eu les seules bibliothè-
ques qui restassent pour lors. Les monastè-
res devinrent le dépôt des actes publics,
des ordonnances des rois , des décrets des
parlements, des traités entre les princes, des
Chartres de fondation, de tous les monu-
ments de l'histoire. Il observe que les
familles les plus distinguées se croyaient
heureuses de pouvoir placer leurs enfants
dans le cloître. Si les moines avaient été aussi
déréglés cju'il le prétend, est-il probable que
l'on aurait eu pour eux autant de considé-
r;ition et de contianco, et qu'eux-mêmes au-
raient travaillé avec autant d'appbcation à se
rendre utiles ? Aujourd'hui pour récompen-
se, on les accuse d'avoir falsifié les livres,
les titres, les monuments. Il dit que les moi-
nes en imposaient au peuple par une fausse
apparence de piété ; mais s'ils sauvaient du
moins les apparences, leur vie n'était donc
pas scandaleuse. Le peuple n'a jamais été
aussi aveugle ni aussi imbécile qu'on le pré-
tend; iJ a eu toujours les yeux très-ouverts
sur la conduite des ecclésiastiques et des
moines, parce qu'il sait que ces deux classes
d'hommes ne sont établies que pour son uti-
lité, et qu'ils lui doivent l'exemph^ de toutes
les vertus. Un seul qui scandalise fait plus
de bruit que cent qui éililient. Il remarque
encore que , dans ces temps-là, il y eut de
grandes contestations entre les évèques et
les moines touchant leurs droits et leurs
possessions respectives ; que ces derniers
recoururent aux papes, qui les prirent sous
leur juridiction immétiiiite; que de là sont
nées les cxem]>tions : ce fut un abus, sans
doute ; mais il fut l'ouvrage des circonstan-
ces, et non de l'ambition des papes, comme
on affecte do le supposer. Voy. Exemption.
Puisqu'il y eut des disputes, des intérêts
opposés, et sûrement des torts de part et .
d'autre, ce n'est donc pas sur quelques traits
d'hiuneuret de satire lancés contre les moi-
nes ]iar des écrivains qui avaient à se plain-
dre d'eux, que l'on doit juger de leurs ver-
tus et de leurs vices. De même que l'on ne
doit pas ajouter beaucoup de foi à ce que
les moines ont écrit contre le clergé séculier
dans ces moments de fermentation, il est de
la prudence de se délier aussi des plaintes
do leurs adversaires. Mais Mosheim ne peut
soulfrir dans les moines ni les vertus, ni les
vices, ni la vie solitaire , ni l'esprit social.
« Dans l'Orient, dit-il, au viii" siècle, ceux
qui menaient la vie la i)lus austère dans les
aésorts do l'Egypte, de la Syrie et de la Mé-
sopotamie , étaient plongés dans une igno-
rance profonde, dans un famitisme insensé,
dans une superstition grossière. » L'accusa-
tion est grave, mais elle est sans preuve :
ou sait d'ailleurs ce qu'entend nt les protes-
tants par fanuiisme et superstition ; ce sont
tontes les pratiques de piété usitées dans
l'Eglise catholique et les austérités que l'E-
vangiie approuve. « Ceux , poursuit-il, qui
s'étaient rapprochés des villes, Iroubiaient
la société, et ils eurent souvent besoin d'ê-
tre réprimés par les édits sévères de Con-
stantinCopronyraeet des autres empereurs.»
Il n'a eu garde d'ajouter que ces empereurs
étaient iconoclastes ou briseurs d'images, et
que les momcssoutenaientdetouti'sleuisfor-
ces la doctrine catholique touchant le culte
des images. Il n'a pas dit que Citnstantin Co-
pronyme fut un monstre de cruauté, qui Ut
tourmenter, mutiler, périr dans les supplices
un grand nombre d'évèques , de prêtres et
de moines, parce qu'ils ne- voulaient p;is imi-
ter son impiété. Voij. Icoivo'fcLASTEs. Est-il
permis de travestir ainsi l'histoire ecclésias-
tique, pour favoriser les oinnions des pro-
testants ? Il assure que dans l'Occident les
moines ne suivaient plus aucune règle, qu'ils
étaient livrés à l'oisiveté, à la ciapule, à la
volupté et aux autres vices, et il le prouve
par la multitude des capitulaires de Charle-
magne qui tendaient à les réformer. Il y eut
sans doute alors plusieurs moniistères peu
réglés ; mais si l'on veut consulter le viii'
siècle des Annales des bénédictins, et les Ac-
tes des saints de cet ordre, par dom Mabil-
lon, on verra que le mal n'était pas aussi
grand ni aussi général que Mosheim voudrait
le persuader. Ce qui se passait dans les Etats
de Charlemagne ne prouve rien contre les
moines d'Angleterre, d'Espagne et d'Italie.
Pour réformer le clergé séculier, on jugea
qu'il fallait assujettir les prêtres qui desser-
vaient les cathédrales à la vie commune ;
saint Clirodegand, évoque de Metz , écrivit
pour eux une règle à peu près semblable à
celle des monastères ; telle est l'origine des
chanoines. Ce fait n'est pas propre à prou-
ver que la vie monastique était pour lors un
cloaifue de vices et de déréglomenls. On sait
S4fi
MOI
MOI
Ud
bailleurs que la plupart des auteurs de ce
siècle dont il nous reste des écrits, ont été des
abbés ou des moines. Il en est de môme du
IX'. Mosheim a remar(jué que dans ces deux
siècles un ^rand nombre de seigneurs , de
princes, de souverains, renoncèrent à leur
Ibrtune et à leur dignité, et se confinèrent
dans b s cloîtres pour servir Dieu. On vt les
empereurs elles rcis choisir des moines pour
en faire leurs ministres, leurs envoyés dans
les cours , leurs hommes de conli.mce. Cet
historien n'en soutient pas moins qu'en gé-
iiéi^l les (jiomM étaient déréglés, puisque
Louis le Débonnaire se servit lie saint Benoît
d'.Xniane pour les réformer, pour rétablir la
discipline monastique, jiour réunir les mo-
nastères sons la môme rè,4e et sous ii; môme
régime. Si cela prouve que tous n'étaient
pas des saints, cela démontre aussi que, de
tous les étals de la société, celui-ci était en-
core le moins mauvais et d.ins lequel il y
avait le moins de vices, et que jamais on ne
lui a pardonné aucun désoidro. On ne peut
])as disconvenir que le relAcheniei t de l'étal
monaslicpie pendant ces deux siècles ne soit
venu des désordres du gouvernement féo-
dal. La licence avec laquelle les seigneurs
piilaii-nt les monastères, s'en appro])iiaient
les revenus, sous prétexte de protection ou
autrement, réduisit les abbés à se défendre
par la force ; ils armèrent leurs vassaux, se
mirent à leur tète et se rendirent redouia-
bles. Ils furent ailmis aux i)arlemenls avec
les évoques, et commencèrent .'i faire com-
paraison avec eux ; ils prirent parti dans
les ;;uerres civiles comme les aulres sei-
gneurs. Les Normands qui couraient la Fran-
ce achevèrent île tout ruiner. Les moi-
nes qui pouvaient échapper à leurs rava-
ges quittaient l'habit , reven;nent chez
leurs parents, prenaient les armes, ou fai-
saient quelque tralic pour vivre. Il n'est ]ias
surprenant que les monastères qui restaient
sur pied fussent souvent occupés par des
moines ignorants qui savaient h peine lire
leur règle , gouvernés par des supérieurs
étrangers ou inti us. Mais ce n'est pas sur ces
temps d'anarchie et de calamité qu'il faut ju-
ger des moines de l'univers entier.
Dans le x" siècle , saint Odon, abbé de
(-luny, fit dans son ordre une réforme qui
fut presque généralement adoptée, mais qui,
suivant Mosheim, consistait |)rincipalement
en pratiques minutieuses et incommodes. Il
nomme ainsi l'abstinence et le jeune, la clô-
ture plus sévère, l'assiduité au chœur, la pri-
vation des commodités superflues, etc. Mais
ce sont ces prétendues minuties qui entre-
tiennent la fidélité à la règle, nounissent la
piété et soutiennent la vertu. Si les moines
avaient éié (lour lors sans lois, sans m eurs,
sans religion, et habitués à des vices gros-
.siers, auraient-ils été aus.si aisés il réformer ?
un seul hnnnne en serait-il venu h bout?
On n'a rien reproché aux Orientaux dans ce
Siècle, ni dans le précédent, ni dans le xi',
]iarce qu'ils ne furent pas tdui mentes comme
les Européens.
.\ cette nouvelle épo(iue, nous trouvons
encore dans Mosheim une contradiction pal-
pable. !1 dit quêtons les écrivains de ce (emps-
îà parlent de l'ignorance, des fourberies, des
contestations, des dérèglements , des crimes
et de l'impiété des moines : que cependant
ils étaient considérés, honorés et enrichis,
parce que les séculiers, qui étaient encore
l>lus vicieux et plus ignorants qu'eux, se flat-
taient d'expier tous leurs crimes par les priè-
res des momMachetées à prix d'argent ; que
cependant ceux do Cluny étaient les plus es-
lim:'s et les plus respectés, parce qu'ils sem-
blaient être les plus réguliers et les plus
vertueux. De ce tableau, éviiiemment trop
chargé, il résulte d(''jà que les laïques de ce
siècle n'étaient ni assez stupides [lour no pas
distinguer parmi les moines ceux qui pa' ais-
saiont les plus réguliers, ni assez corrompus
pour ne pas les estime:' jilus que les aulres.
Cela posé, on ne persuadera jamais que les
séculiers aient pu avoir aucune confiance aux
prières d'une classe d'hommes que les écri-
vains de notre temps peignent comme des
scélérats et des impies. Aussi cetle pri'ten-
due scélératesse n'est-elle prouvée par le té-
moignage d'aucun écrivain contemporain.
(.)n pourra peut-être citer dans l'iii'loire
quelques fails particuliers très-odieux, mais
c'est une injustice et une incons quence de
conclure du particulier au général, il on ré-
sulte, en secnnd lieu, que les désordres,
vrais ou faux, reprochés aux moines, n'é-
taient point le vice de leur état, mais le vice
du siècle ; que, vu l'excès de la corruption
qui régnait universellement pour lors, il était
à peu près impossible qu'elle ne pénétrât
pas dans les cloîtres ; et l'on |,ourrait porter
à peu près le même jugement de notre pro-
pre siècle. Quand l'impiété, l'irréligion et la
morale posiilentielle des philosophes incré-
dules viendraient à se glisser jusque dans les
monastères, il ne s'ensuivrait rien contre la
sainteté de l'état monastiijtie.
C'est dans le xi" siècle que saint Romuald
fonda en Itahe l'ordre des camaldules, saint
Jean Gualbert celui de Vallombreuse ; que
l'abbé Guillaume forma en Allemagne la con-
grégation d'Hirsauge, et que saint Robert,
abbé de Molesme, lit éclore en France l'ordre
de Cîteaux ; ils firent revivre toute la sévérité
de la règle de s.dnt Benoit. Voilà donc tou-
jours des moines qui consentent à rentrer
dans la régularité, et qui trouvent dans leur
règle primitive le moyen de se réformer.
C'est cependant contre la règle môme que les
protestants et les incrédules déclament ;
mais lorsqu'ils auront poussé l'erreur, l'im-
piété, l'irréligion, jusqu'au comble, qui les
réformera ? Sur la iin de ce môme siècle com-
mença l'ordre des chartreux ; Mosheim con^
vient qu'il n'en est aucun qui ait conservé
plus constamment la ferveur de sa première
institution : depuis sept siècles entiers il n'a
pas . u besoin de réforme.
On sait l'éclat que saint Bernard, par ses
talents et par ses vertus, donna pendant le
xii' siècle, à l'ordre de (liteaux, et l'abbé
Suger à celui de saint Benoît. Ces deux
grands hommes ont cependant trouvé des
m
MOI
MOI
848
censeurs : le mérite éminent en aura tou-
jours. Mosheim parle désavantageusement
du premier, et ne dit rien du second. 11 in-
siste sur les contestations et l'inimitié que
la diversité des intérêts tlt bientôt naître en-
tre ces deux ordres religieux, et les disputes
qui survinrent entre les moines et les cha-
noines réguliers. On ne voit point que ces
dissensions aient altéré la pureté des mœurs
dans ces ditTérents corps. Les autres ordres
qui furent institués dans ce môme siècle,
celui de Fontevrault, celui des prémontrés
et celui des Carmes, sont une Preuve que
l'on continuait à estimer l'état monastique.
Le nombre de ces ordres augmenta beaucoup
dans le xin' ; notre historien est forcé d'a-
vouer qu'il y eut parmi les moines de vrais
savants ; que les dominicains espagnols étu-
dièrent la langue et la littérature arabe pour
pouvoir travailler à la conversion des Juifs
et des Sarrasins, ou des Maures mahomé-
tans ; c'est alors que l'on vit naître les or-
dres mendiants. Mosheim convient que leur
institution fut l'effet de la nécessité dans la-
quelle se trouvait l'Eglise. Le clergé séculier
négligeait ses fonctions, laissait manquer
les peuples de secours spirituels, et les an-
ciens moines s'étaient beaucoup relâchés. Les
hérétiques, divisés en plusieurs sectes, se
réunissaient à soutenir que les ministres de
l'Eglise devaient ressembler aux apôtres, et
pratiquer la pauvreté volontaire ; les doc-
teurs de ces sectes en faisaient profession,
ne cessaient de déclamer contre les richesses
et les mœurs relâchées du clergé et des moi-
nes, et les peuples se laissaient séduire par
ces invectives. A la pauvreté fastueuse et
insolente des sectaires , il fallut opposer
l'exemple d'une pauvreté humble et modeste,
jointe à une vie austère et mortifiée. C'est ce
qui fit propager en peu de temps les ordres
des dominicains, des franciscains, des car-
mes et des augustins. Notre historien avoue
qu'ils rendirent d'abord de très-grands ser-
vices, que leur zèle et la pureté de leurs
mœurs inspirèrent aux peuples le respect et
la confiance ; mais il observe qu'il en résulta
de très-grands abus. Les mendiants, singu-
lièrement protégés par les papes et par les
souverains, se mêlèrent de toutes les af-
faires , se chargèrent de toutes les fonc-
tions, débauchèrent les peuples à leurs pas-
teurs, empiétèrent sur les droits des évo-
ques, portèrent le trouble dans les universi-
tés dans lesquelles ils occupaient des chaires,
séduisirent les ignorants par de fausses ré-
vélations et de faux miracles, fatiguèrent
même les souverains pontifes par leurs dis-
sensions et leurs erreurs. Ainsi le mal ne
manque presque jamais de naître du bien ;
c'est l'histoire de tous les siècles et la desti-
née de la nature humaine : mais faut-il nous
abstenir de faire du bien, de peur que dans
la suite il n'en arrive du mal ? Si les laïques
avaient été moins imprudents, les moines
mendiants n'auraient pas eu l'occasion d'ou-
blier si aisément leurs devoirs et leur des-
tination. Nous continuons d'en conclure que
les peuples n'ont jamais estimé les ministres
de la religion qu'à proportion des services
qu'ils en ont tirés. Les dissensions et les
disputes entre les religieux mendiants et les
autres corps ecclésiastiques ont duré pendant
tout le XIV' siècle. Les premiers ont été ac-
cusés d'énerver la discipline ecclésiastique,
de pervertir l'esprit du christianisme, d'amu-
ser les peujiles par des dévotions minutieu-
ses, et souvent superstitieuses, etc. De nos
jours, les mômes reproches ont été renou-
velés contre les jésuites, auxquels on n'a
cependant pu imputer l'ignorance, ni la cor-
ruption des mœurs. Quelques docteurs d'un
caractère trop ardent exagérèrent ces abus,
reprochèrent aux souverains pontifes de les
fomenter , allèrent jusqu'à blâmer absolu-
ment les pratiques desquelles ils voyaient
naître de mauvais effets ; tels furent Jean
Wiclef en Angleterre , et Jean Hus dans le
siècle suivant. De ce foyer sont sorties les
étincelles qui ont embrasé le xvi' siècle, et
qui ont fait éclorele schisme des protestants.
Mosheim dit que l'on a tenté vainement de
corriger les moines pendant près de trois
siècles ; que rien n'a pu dompter le caractère
insolent , hargneux , ambitieux, opiniâtre,
superstitieux des mendiants, non plus que la
fainéantise, l'ignorance et le libertinage des
autres. 11 est fâcheux que Luther, premier fon-
dateur de la réforme, ait été élevé dans une
pareille école et en ait contracté tous les vices.
Bingham, quoique prévenucontre l'Eglise
romaine, a parlé des moines avec plus de
modération; il ne s'est pas emporté con-
tre eux; il semble même approuver l'é-
tat monastique tel qu'il était dans son ori-
gine. Il ne blâme chez les religieux que la
cessation du travail des mains, les vœux,
l'élévation des moines à la cléricature, et les
exemptions qu'ils ont obtenues. On voit évi-
demment que Mosheini ne les a noircis, dans
tous les siècles , qu'afin de persuader qu'au
xvi% ils avaient absolument changé le fondmô-
me du christianisme, et qu'il étaitindispensa-
blement nécessaire de le réformer, ou plutôt
de le créer de nouveau. Mais des invectives
dictées par le besoin de système ne peuvent
pas faire beaucoup d'impression sur des hom-
mes instruits.
Malgré toute la bile qu'il a vomie contre
eux, il demeure certain, 1° que l'état monas-
tique est venu non-seulement des persécu-
tions du christianisme, et du malheureux
état des peuples sous le gouvernement ro-
main, toujours dur et tumultueux, mais du
désir de trouver le vrai bonheur , que Jésus-
Christ fait consister dans la pauvreté volon-
taire, dans les larmes de la pénilence, dans
le désir ardent de la justice et de la perfec-
tion, dans la persévérance à porter la croix;
que cet état n'inspire point le vice, mais la
vertu, et qu'il en a donné de grands modèles
dans tous les temps. Depuis que les religieux
de la Trappe et de Sept-Fonts retracent
parmi nous la vie des cénobites de la Thé-
baïde, a-t-on eu lieu de suspecter leurs mœurs
et de douter de la sincérité de leurs vertus?
Leur exemple a fait une infinité de conver-
sions, et il en fera toujours ; l'admiration
849
MOI
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qu'il cause n'est point un étonncment stu-
pide et mal fondé, comme le priHoiidont les
incrédules, mais un juste tribut que l'huma-
nité doit à la verhi qui, selon l'énergie du
terme, est la force de l'dme. — 2' Il est in-
contestable que les changements survenus
dans la discipline de l'état monastique,
comme les vœux, la stabilité, l'usage d'éle-
ver les moines h la cléricature, es exemp-
tions, les congrégations, les réformes, ont
été faits par nécessité et pour un plus grand
bien ; vouloir que les religieux eussent per-
sévéré dans le même régime pendant dix-
sept siècles, dans les divers climats, et mal-
gré toutes les révolutions survenues dans le
monde, c'est méconnaître la nature de l'hom-
me. Faut-il renoncer à la vertu parce qu'elle
ne peut jamais être assez constante, ni assez
parfaite i Quand on a eu le malheur de s'en
écarter, il faut y revenir et tenter de nou-
veaux eflorts. Lorsque \esmoines se sont re-
lAchés, il n'a jamais été impossible de les
réformer ; il n'a fallu pour cela qu'un homme
sage et courageux. — 3° L'on ne peut pas
nier que dans tous les temps ils n'aient ren-
du de grands services, surtout pour les mis-
sions. En Orient, saint Siméon Stylite, que
l'on a voulu faire passeï' pour un insensé, a
cependant converti au christianisme les Li-
baniotes encore idolAtres, et une jiarlie de
l'Arabie ; Mosheim en convient. L'Occident
est redevable aux moines de la conversion
des peu[iles du Nord, de leur civilisation et
de la tranquillité de l'Europe depuis cet évé-
nement. Ils ont contribué plus (|ue personne
à diminuer la férocité des Barbares, à sauver
les dél)ris des sciences et des arts, à réparer
les ruines de nos malheureuses contrées ; ils
ont défriché les forêts, et ont rassemblé
autour d'eux les peuples désolés. Pendant
huit ou dix siècles, la plupart des grands
évêques ont été tirés du cloître. Aujourd'hui
encore une paitie des ordres religieux en-
voie des missionnaires dans les trois parties
du monde qui en ont le plus besoin. Ils font
cultiver ce que leurs prédéce seurs ont dé-
friché ; plusieurs dans les différents ordres
s'appliquent aux sciences avec succès ; ils
rassemblent et débrouillent tous les monu-
ments dd'antiquilé, ils nourrissent des pau-
vres, ils exercent l'hospitalité ; les monastè-
res sont un refuge pour les famdles surchar-
gées d'enfants, etceuxqui s'y retirent rendent
quelquefois plus de services à leurs parents
que s'ils étaient restés dans le monde. Un
grand nombre aident 1h clergé séculier dans
ses fonctions. Il est bien absurde de fouiller
dans tous les coins de l'histoire, pour y dé-
couvrir les vices des moines, sans jamais
dire un mot de leurs vertus ni de leurs ser-
vices, ou de ne faire mention de leurs tra-
vaux que pour les déprimer et en empoison-
ner le motif. D'un côté, l'on ne cesse d'in-
sister sur leur oisiveté, et de l'autre on les
représente toujours agissant dans la société,
et occupés à y faire du mal. Il serait à sou-
haiter, sans doute, que dans tous les temps
les religieux eussent été tous humbles, mo-
destes, désintéressés, attachés à leur règle,
renfermes chez eux, moins attentifs à se
prévaloir de leiu'S services et do la confiance
des peuples. Mais l'humanité est-elle capable
de cette perfection évangélique ? Pour se
rendre utiles, il a fallu fréquenter les laïques,
et leur vertu n'y a jamais rien gagné ; sou-
vent, au lieu de réformer les mœurs publi-
ques ils ont contracté une partie de la con-
tagion : c'est le danger auquel sont exposés
tous ceux qui travaillent au salut des âmes.
— k° Mosheim et ses pareils en imposent,
lorsqu'ils représentent l'état monasli(]ue
comme absolument dépravé au xvi' siècle.
11 pouvait être fort déchu en Allemagne,
et dans les pays du Nord, parce que la cra-
pule est un vice inhérent au climat ; mais
encore une fois, les protestants devraient se
souvenir que le plus grand nombre des apô-
tres de la réforme ont été des moines échap-
pés du cloître, et qui en ont conservé tous
les vices, au lieu d'en pratiquer les vertus.
Dans les décrets de réforme feits par le
concile de Trente, nous ne voyons rien qui
prouve que l'état monastique avait besoin
d'être absolument changé ; ces décrets ont
plutôt pour objet de maintenir la discipline
telle qu'elle était, que d'en introduire une
meilleure. Les anciennes lois étaient bonnes,
il n'était question que de les faire exécuter.
Mosheim blesse encore davantage la vérité,
lorsqu'il dit que, même après le concile de
Trente, la fainéantise, la crapule, l'ignorance,
la friponnerie , l'impudicité , les disputes,
n'ont pas été bannies des cloîtres, mais que
l'on a eu seulement plus soin de les cacher,
afin de donner àentendre qu'elles n'y régnent
plus aujourd'hui. N'y en a-t-il plus chez les
protestants? Nous devons savoir mieux qu'eux
quelles sont les mœurs du cloître, i)uisque
nous les voyons de plus près qu'eux.
Le plus célèbre des philosophes incré-
dules, dans un moment de flegme, a reconnu
l'absurdité des satires qu'il a lancées contre
l'élat religieux, et que tant d'autres écri-
vains ont copiées. « Ce fut longtemps, dit-il,
une consolation pour le genre humain qu'il
y eût des asiles ouverts à tous ceux qui vou-
laient fuir les oppressions du gouvernement
goth et vandale. Presque tout ce qui n'était
pas seigneur de château était esclave ; on
échappait, dans la douceur des cloîtres, à la
tyrannie et à la guerre... Le peu de connais-
sances qui restait chez les barbares fut per-
|iétué dans les cloîtres. Les bénédictins tran-
scrivirent quelques livres ; peu à peu il sortit
des monastères des inventions utiles ; d'ail-
leurs , ces religieux cultivaient la terre ,
chantaient les louanges de Dieu, vivaient
sobreoient, étaient hospitaliers, et leurs
exemples pouvaient servir à mitiger la fé-
rocité de ces temps de barbarie. On se
plaignit que bientôt après les richesses cor-
rompirent ce que la vertu avait institué....
On ne peut nier qu'il n'y ait eu dans le
cloître de grandes vertus. Il n'est guère en-
core de monastères qui ne renferment des
âmes admirables qui font honneur à la na-
ture humaine. Trop d'écrivains se sont plus
à rechercher les désordres et les vices dont
8,'il
MOI
MO»
»}A
furent souillés quelquefois ces asiles de la
piété, n est certain que la vie séculière a
toujours été pliis vicieuse, que les grands
crimes n'ont pas été commis dans les mo-
nastères, mais ils ont été plus remarqués
par leur contniste avec la règle ; nul état n"a
toujours été pur. Il faut n'envisager ici que
le bien général de la société ; le petit nom-
bre de cloîtres fit d'abord bcaiicou » de bien,
le trop grand nombre peut les avilir- »
Il dit que « Les chailreux, malgré leurs
richesses, sont consacrés sans relâchement
au jeûne, au silence, h la prière, à la soli-
tude : tranquilles sur la terre au milieu de
tant d'agitations dont le bruit vient à peine
jus([u'à eux, et ne connaissant les souve-
rains que par les prières où. leurs noms sont
insérés. »
En parlant do ceux qui ont trop déclamé
contre les religieux en général, « Il fallait
avouer, dit-il, (ju ■ lesbéiiédictitis ont donné
beaucoup de bons o ivrages, que les jésui-
tes ont lenlude grands servi( es aux bel-
les-leitres ; il fallait bénir les frères de la
charité et ceux de la rédemption des ca -
tifs. J,e prem er devoir est d'ètie juste...
II faut convenir, malgré tout ce que l'on
a dit contre leurs abus, qu'il y a toijouis
eu parmi eux des hommes "éminents < n
science et en vertu, que s'ils ont fait de
grands maux ils ont rendu de grands ser-
vices, et qu'en général on (ioit les plaindre
encore plus (pi' les condamner Les
instituts consacrés au soulagement des pau-
vres et au service des malades ont été les
moins bridants, et ne sont pas les moins
respectabl s. Peut-être n'est-il rien de plus
grand sur la terre que le sacrifice que fait
un sexe délicit, de la beauté, de la jeu-
nesse, souvc nt de la haute naissance, pour
soulager dans les hôpitaux ce ramas de
toutes les misères humaines, d.iul la vue
est si humiliante poui- l'orgueil, et si ré-
voltante pour notre délic.itesse. Les peuples
séparés de la communion romaine n'ont
imité qu'imparfaitement une charité si gé-
néreuse Il est une aulre c ngrégation
plus héroïque: cr ce nom convient aux
trinitaires de la rédemption des captifs ; ces
religieux se consacrent depuis cinq siècles
à briser les chaî.ies des chrétiens chez les
Maures, ils emploient k payer les rançons
des esclaves leurs revenus et les aumônes
qu'ils recuedlent, et qu'ils portent eux-
mêmes en Afrique. On ne peut se plaindre
de tels instituts. » Essais sur l'Hist. gén.,
t. IV, c. 135; Quest. sur l'Encyc, Apoca-
lypse, Bims d'Eglisr, etc.
On sait que les prêtres de la mission de
saint Lazare, les Cci|)ucins et d'antres re-
ligieux prenn:'nt aussi part k cidte bonne
œuvre, si digne de la charité chrétienne.
Il y a eu ju xn"' siècle un institut de re-
ligieux pontifes qui s'étaient dévoués à la
construction des jionts et à la réparation
des grands chemins. Nous ne d 'vnns pas
passer sous silence ceux qui se consacrent
a l'instruction des enfants pauv.es, et qui
tiennent les écoles de charito. Yoy. Hos-
pitaliers, RÉDEMPTioiN, Ecoles, etc. Il est
étonnant que les protestants, lorsqu'ils parlent
des moines, soient moins équitables que les
philosophes incrédules ; mais il.s ont bien
d'autres torts à se reprocher. Nous par-
lerons ci-après des riches es des moines.
Monastique (Etat) ou religieux. On sait
ce que c'est, par l'histoire que nous ve-
nons d'en faire. Pour enju-eravec plus
d'i'quité que les esprits superficiels ou pré-
venus, il est à propos de consulter le hui-
tième Discours de l'abbé Fleury sur VHis-
toire ecclésiastique; l'ouvrage intitulé de
l'Etat religieux, Paris, 1784 ; le Mémoire d'un
savant avocat sur l'état des Ordres religieux
en France, qui a paru en 1787 ; les Vues
d'un solitaire patriote, etc. Nous avons d('jk
vu que, les jugements qu'en portent les
hérétiques et les incrédules sont contradic-
toires. Suivant ces derniers, le cliristia-
nisme est un vrai monarhisme; les vertus
qu'il recommande, les pratiques qu'il jjres-
crit, je renoncement au monde qu'il con-
seille, ne conviennent qu'à des moines; c'est
déjk nous dire assez clairement que la pro-
fession rebgieuso n'est autre chose que la
pratique exacte de l'Evangile. D'autre part
les protestants soutiennent que la vie mo-
nastique est directement contraire; que l'es-
prit -de notre religion tend k nous réunir
en société, nous porte k nous secourir les
uns les autres, nous attac! e k tous les de-
voirs de la vie civile, au lieu que l'esprit
du cloitre nous rend isolés, indolents, in-
sensibles aux besoins et aux maux de nos
semblables. En attendant qu'ds se soient
accordés, nous soutenons que l'état reli
g eux est très-conforme k l'esprit du christia-
nisme, qu'il n'est point pernicieux, mais plu-
tôt utile k la société.
Saint Jean nous avertit qu'il n'y a rien
autre chose dans le monde, que convoitise
de la chair, concupiscence des yeux , et
orgueil de la vie (J Joan. ii, 16). Ce tableau
n'était que trop vrai dans le temps au-
quel cet apôtre parlait, et il ne l'est pas
moins aujourd'hui. Voilk le monde auquel
Jésus-Christ nous ordonne de renoncer, du-
quel il dit k ses disciples : Vous n'êtes pas
ac ce monde, je vous ai tirés du monde, etc.;
et il était venu pour le réformer. Les moines
ont-ils tort de s'en séparer ? Ils ont re-
noiic' aux convoitises de la chair par le
vœu de chasteté et par la pratique de la mor-
tification ; k la concupiscence des yeux, ou
au désir des richesses, par le vœu de pau-
vreté ; k l'orgueil de la vie, par le vœu d'o-
béissance et par l'exactitude k suivre une
règle. En quel sens cela est-il contraire k
l'Evangile? D'autre côté, il n'est pas vrai
que par ce renoncement les moines se ren-
dent inutiles au monde et au secours de
leurs sembLibles; il y a plusieurs manières
de contribuei' au bien commun, et il est
permis de choisir, .lariiais il ne sera inutile
de prier assidûment jiour nos frères, de
leur donner l'exemple des vertus chrétien
nés, de leur prouver que l'on peut trouver
le bonheur, non en contentant les passions,
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«01
MOI
854
mais en les i/'priinant. (7e.sl la destiiiatioii
des moines. Toutes les fois qu'ils ont pu se
rendre utiles k la sociiHé d'une autre manière,
ils ne l'ont pas refusé. Déjà nous avons ex-
posé plusieurs de leurs services, mais nous
n'en avons pas fait uneénumération complète.
Il y a des espèces de travaux qui no peu-
vent être exécutés que par des sociétés ou
de grandes coniniuuautés, pour lesquels il
faut des ouvriers qui aj^issent de concert et
qui se succèdent, lomiiie les missions, les
collèges, les grandes collectioTis littéraires,
etc. Une preuve que cela ne peut pas se taire
autrement, c'est que jamais de simples laï-
ques ne l'ont entrepris, et jamais les récom-
penses que les honunes peuvent donner ne
feront exécuter ce qu'insfiire la religion
h des prêtres ou à des moines pauvres,
détachés de ce monde , pieux et charita-
bles. Un protestant plus sensé et plus ju-
dicieux que les autres , en est convenu
dans un ouvrage très-récent. Voy. Commu-
NACTÉ.
Môme contrjidiotion de la part de nos
censeurs au sujet do la conduite des moines.
Lorsqu'ils sout demeurés dans la Sdlitude,
on leur a reiiroché de mener la vie des
ours; lorsque des révolutions fAchi'Uses les
ont forcés de se raiiproclicr des villes, on a
imaginé que c'était par ambition : tant qu'ils
se sont bornés au travail des mains et à la
prière, on a insisté sur leur ignorance ; dès
qu'ils se sont livrés à l'élude, on les a
blâmés d'avoir renoncé h leur piemière pro-
fession, et l'on a prétendu qu'ils avaient
retardé le progrès des sciences. Nos profonds
raisonneurs ne pcirdonn nt pas plus la vie
austère et mortiliée dans laquelle les moines
orientaux persévèrent depuis seize siècles,
que le relâchement qui s'est introduit peu
à peu dans les ordres religieux de l'Oc-
cident. S'ils sont pauvres, ils soil à charge
au peuple ; s'ils sont riches, on oinne à
les dépouiller; s'ils sont pieux et reti-
rés, c'est superstition et fanatisme; s'ils
paraissent dans le monde, on dit que c'est
pour s'y dissiper. Comment contenter des
esprits bizarres, qui ne peuvent soiiffrir
dans les moines ni le repos, ni le travail,
ni la solitude, ni l'esprit de société, ni les ri-
chesses, ni la pauvreté ?
Un écrivain récent, qui a publié ses voya-
ges, a trouvé bon de se donner carrière sur
ce sujet. « Dans touti'S les religions, dit-il,
l'on a vu des enthousiastes s'isoler dans les
déserts, passer leur vie dans les mortili-
caiion's et les prières; mais cette pieuse
effervescence ne l'ut pas de longue durée.
Les descendants de ces pieux anachorètes
se rapprochèrent bientôt des vill.s, et pa-
raissant ne s'occuper que de Dieu, leurs
regards se portèrent avidement sur la terre ;
ils voulurent être honorés, puissants et ri-
ches, quoiqu'ils affectassent le mépris des
grandeurs, le désintéressement et l'humi-
lité la plus prof lude. S'ils recueillaient de
hiillants héritages, ce n'était que fiour em-
pêcher qLi'ils ne tombassent dans des mains
[irofanes , ou pour faciliter aux hommes
le moyen de gagner le cicd par l'iixercice
de la charité. S'ils bâtissaient des palais su-
perbes, ce n'était |)as pour se loger d'une
manière agréable, mais pour laisser un mo-
nument delà piété généreuse de leurs bien-
faiteurs. El conmient ne pas les croire? Us
avaient l'extérii-ur si pénitent, leur mépris
pour les jouissances passagères de ce monde
p.iraiss.iit être de si bonne foi, qu'on les
voyait se livrer à toutes les douceurs de
la vie, sans se douter qu'ils en eussent
l'idf'e : tels ont été les ministres de toutes les
religions. »
Cette tirade satirique, assez déplacée dans
une histoire de voyage , n'est fondée que
sur uniT ignorance aifect''e des faits que
nous avons établis; mais l'auteur l'a jugée
nécessaire jiour donner plus de iiK'rite hsa re-
lation, en la conformant au goût de ce siè-
cle.—1° Ce qu'il dit ne peut tomber que sur
lis ordres religieux dis l'Occident, puisqu'il
est incontestable que, depuis seize cents ans,
les moines ori -ntaux mènent une vie aussi
austère, aussi retirée et aussi pauvre que
dans leur origine. A peine peut-on citer dans
tout l'Orient et dans l'Egypte quehjues mo-
nastères liches ou bien bâtis. Ce ne peut
donc pas être l'appât d'une vie commode
qui engage les Grecs, les Cophtes, les Sy-
riens, les Arméniens ni les nestoriens, à
embrasser la vie monastique. Les voyageurs
nous attestent qu'ils ont retrouvé parmi ces
moines la discipline primitive établie par les
fondateurs. 11 n'est pas moins certain que
ce furent les massacres commis par les
Barbares dans les déserts de la Thébaïde,
qui forcèrent les moines h se réfugier dans
les villes. On ne peut pas nier que cjuand
les évèqut'S ont choisi des moines pour
collègues, et que les peuples ont désiré de
les avoir pour pasteurs, ils n'y aient été
engagés par le mérite personnel et par
les vertus de ceux sur lesquels on jetait les
yeux. Cel usage persévère encore dans tout
l'Orient, et lorsqu'un moine est élevé à l'éjû-
sco[iat, à peine change-t-il quelque chose
dans sa façon de vivre. Voilà déjii une grande
partie du monde chrétien, dans laquelle
la censure de notre voyageur philosophe
se trouve absolument fausse. — 2° De même
que dans l'Egypte la vie monastique a com-
mencé à l'occasion des persécutions, ce sont
les ravages causés par les Barbares qui l'ont
fait naître, et qui ont multi|ilié les njo-
nastères dans lOccideut. Les moines ne se
sont rap[irochés des villes que quand le
clergé séculier fut iiresque anévudi, et quand
les peuples eurent besoin d'e ix [)Our re-
cevoir les secours spirituels. Plusieurs mo-
nastères bâtis d'abord dans les lieux écar-
tés, sont devenus des villes, parce que les
peuples s'y réfugièrent dans les temps mal-
heureux. (Jouuuentse sont-ils enrichis ? Par
U quantité des terres incultes qu'ils ont
déirichées, par la multitude des colons qu'ils
ont rassemblés, par les restitutions des
grands qui avaient pillé les biens ecclé-
siastiques, ]iar la dîme qui leur a été ac
cordée lorsqu'ils servaient de curés ou de
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MOI
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vicaires, par les dons volontaires des riches,
lorsque les monastères étaient les seuls
hôpitaux et les seules ressources contre la
misère publique. Il n'a donc pas été né-
cessaire que les womes employassent l'hypo-
crisie, les fraudes pieuses ni la superstition,
pour amasser des richesses ; on leur don-
nait sans qu'ils demandassent, parce que
la charité n'avait pour lors point d'autre
moyen de s'exercer , et que les moines
étaient les seuls ministres de charité. Quand
on veut blAmer ce qui s'est fait dans les
différents siècles, il faut commencer par en
étudier l'histoire, et voir quelles ont été
les vraies causes des événements. — 3° Ces
richesses ne pouvaient pas manquer d'in-
troduire le relâchement dans les monas-
tères ; mais d'autres causes y ont contri-
bué : les pillages fréquents qu'ils ont es-
suyés ont eu des suites p.as fâcheuses
pour les mœurs que la possession paisi-
ble de leurs biens. Toutes les fois que
ce malheur est arrivé, le peuple a cessé
d'avoir pour les religieux le même respect
et la même confiance ; ce n'est pas dans les
temps de relâchement qu'il a été tenté de leur
faire des dons ; jamais il n'a eu pour eux
d'estime qu'à proportion de l'utilité qu'il
en retirait, et de la régularité qu'il voyait
régner parmi eux. Il suffit de considérer
sa conduite actuelle pour en être convaincu.
— 4° Le trait lancé par l'auteur contre les mi-
nistres de toutes les religions mérite ii peine
d'être relevé. C'est une absurdité de vouloir
nous donner des moines du christianisme
la même idée que des bonzes de la Chine,
des faquirs de l'Inde, des talapoins sia-
mois et dei derviches mahométans. A-t-on
vu, parmi ceux-ci, les mêmes vertus par
lesquelles un grand nombre de moines se
sont distingués ; et ont-ils jamais rendu
à la société les mêmes services ? Dans un
moment, nous répondrons au reproche d'i-
nutilité que l'on a fait à Ve'tat monastique.
Mais les protestants sont allés plus loin ;
ils soutiennent que cet état est par lui-
môme contraire à l'esprit du christianisme.
1° Jésus-Christ, disent-ils, commande ))rin-
cipalement à ses disciples l'union et la
charité ; les moines, au contraire, veulent
s'isoler et ne vivent que pour eux; ils fuient
le monde, sous prétexte d'en éviter la cor-
ruption, et saint Paul nous enseigne que ce
n'est point là un motif légitime de s'en sé-
parer (/ Cor. V, 10). L'Evangile ne commande
point les mortifications, Jésus-Christ n'en a
pas donné l'exemple; elles peuvent nuire
à la santé et abréger la vie, c'est une espèce
de suicide lent et cruel. Lorsque saint Basile
a recommandé aux moines un extérieur triste,
négligé, dégoûtant, il a oublié que Jésus-
Christ a défendu à ceux qui jeûnent de pa-
raître tristes comme des hypocrites {Matth. vi,
16). Saint Paul décide que celui qui ne veut
pas travailler ne doit pas manger (// Tliess.
III, 10) ; et la vie monastique est une profes-
sion publique d'oisiveté. La méthode ordi-
naire des protestants est de chercher dans
l'Ecriture sainte ce qui paraît favorable h
leurs opinions, et de passer sous silence
tout ce qui les condamne. Jésus-Christ répète
souvent à ses disciples qu'ils ne sont pas de
ce monde, que le monde les haïra, qu'il les a
tirés du monde {Joan. xv, 19 ; xvii, 14., etc.).
Saint Pierre lui dit : « Nous avons tout quitté
pour vous suivre {Matth. xix, 17). » Saint
Jean dit à tous les fidèles : « N'aimez point le
monde, ni ce qu'il renferme : celui qui l'aime
n'aime pas Dieu, etc. (/. Joan. ii, là, etc.). »
Dans le pa^ssage que l'on nous objecte, saint
Paul dit que s'il fallait se séparer de tons
les hommes vicieux, il faudrait sortir de ce
monde ; cela n'est ni possible ni permis à
ceux qui tiennent à la société par des fonc-
tions, des devoirs, des ministères publics ou
particuliers qu'ils doivent remplir : mais s'en-
suit-il que ceux qui en sont exempts n'ont pas
droit de profiter de leur liberté, lorsqu'ils
sentent qu'il y a pour eux du danger à de-
meurer dans le monde? D'ailleurs, nous ne
voyons pas en quel sens un homme qui
se destine à vivre en communauté avec plu-
sieurs autres, et à leur rendre tous les ser-
vices qu'exige ce genre de vie, veut être
isolé et ne vivre que pour lui. Une des meil-
leures manières d'exercer la charité envers
nos semblables est de leur donner bon
exemple, de leur montrer ce que c'est que
la vertu, c'est-à-dire la force de l'âme, jus-
qu'où elle peut aller et de quoi l'iiomme
est capable lorsqu'il veut se faire violence.
Or, c'est la leçon que les moines fidèles à
leurs engagements ont donnée dans tous les
temps. Ils ne se sont pas bornés à prier pour
les a'itres, mais ils ont consenti b quitter la
solitude, et à leur rendre service toutes les
fois (ju'il a été nécessaire. Saint Antoine en
sortit deux fois pendant sa vie ; la première,
jiendant la persécution de Maximin, pour as-
sister les tidèles exposés aux tourments; la
seconde, pendant les troubles de l'hérésie
d'Arius, pour rendre un témoignage public
de sa foi. Où est donc ici le défaut de charité
chrétienne?
Les protestants nous en imposent, lors-
qu'ils disent que Jésus-Christ n'a donné ni
leçons, ni exemples de mortificalions. Nous
avons déjà remarqué qu'il a loué la vie so-
litaire, pénitente , austère de saint Jean-
Baptiste; il dit de lui-même qu'il n'avait pas
où reposer sa tête {Luc. ix, 58). 11 ne tenait
qu'à lui de vivre plus commodément, puis-
qu'il disposait souverainement de toute la
nature. Saint Paul a loué de même la vie
solitaire et mortifiée des jirophètes [Hehr.
XI, 37 et 38); il dit : « Je châtie mon corps
et le réduis en servitude, etc. (/ Cor. ix, 27).
Nous portons toujours sur notre corps la
mortification de Jésus-Christ, afin que sa vie
paraisse en nous (// Cor. iv, 10). » Selon le
témoignage de Tertullien , les premiers
chrétiens vivaient de même. Foy. Mortifica-
tion. L'exemple des anciens nîoi«€« n'est pas
propre à nous persuader que la vie austère
est contraire à la santé, et abrège nos jours.
Saint Paul, premier ermite, après avoir ptssé
quatre-vingt-dix ans dans l'exercice de la
pénitence, mourut à l'âge de cent quatorze
857
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858
ans; et saint Antoine parvint à l'âge de cent
six. H y a plus vieillards à la Ti'appe et à
Sept-Fonts que dans aucun autre état lie la
vie k proportion. Lorsque saint Basile a
voulu que les moines eussent un extérieur
mortitié et pénitent, il n'a pas entendu qu'ils
l'aflecteraient par vanité, comme les liypo-
crites dont parle Jésus-Christ; un motif vi-
cieux suffit pour rendre criminelles les ac-
tions les plus louables. Quant à l'oisiveté
[irétendue des moines, nous répondons qu'il
y a des travaux do plusieurs espèces. Prier,
lire, méditer, chanter les louanges de Dieu,
rendre des services à ses frères, vaquer aux
dill'érents offices d'une maison, c'est être oc-
cupé ; et ce genre de vie est plus laborieux
que celui de la plupart des censeurs qui le
blâment. Voy. Oisif, Oisiveté. — 2° Cepen-
dant l'on s'obstine à dire que les 7/io/nes sont
inutiles au monde. Nous avons observé, au
contraire, que la plupart des ordres reli-
gieux ont été institués par des motifs d'uti-
lité publique, et que dans les dill'érents siè-
cles ils ont rendu en efl'et les services que
l'on en attendait. Les religieux hospitaliers,
ceux qui se destinent aux missions, les bé-
nédictins, célèbres par leurs recherches sa-
vantes, les religieux de la rédemption des
captifs, ceux qui se chargent de l'enseigne-
ment, ceux qui prêtent leurs secours aux
pasteurs dans les provinces où le clergé est
peu nombreux, sont non-seulement très-
utiles, mais nécessaires, et il en est peu qui
ne soient employés à quelques-unes de ces
fonctions. Les hôpitaux, les maisons de cor-
rection, les asiles destinés aux vieillards ou
aux or[ilie]ins, les collèges et les séminai-
res, ne peuvent être constamment et utile-
ment desservis que par des hommes qui vi-
vent en communauté, et animés par les mo-
tifs do charité et de religion. Que ces mai-
sons soient séculières ou régulières, que les
membres qui les composent demeurent li-
bres d'en sortir, ou soient liés par des vœux,
qu'importe au public, pourvu qu'ils rem-
jilissent tidèlement leurs devoirs? Toujours
laut-il que leur état soit stable; il y aurait
de la cruauté à renvuyer, dans l'jlge avancé
et dans l'état d'inlirmité, des sujets qui ont
employé leur jeunesse et leurs forces au
service de la société. N'envisageons, si l'on
veut, que l'intérêt politique. Chez les na-
tions corrompues par le luxe, il est très-
utile de faire subsister un grand nombre
d'hommes avec le moins de dépenses qu'il
est possible; or, il en coûte beaucoup moins
pour entretenir vingt hommes ensemble,
que si on les séparait en trois ou quatre mé-
nages. H faut qu'il y ait au moins quelques
états dans lesquels on puisse retranclier les
superfluités du luxe, vivre avec frugalité et
avec une sage économie. 11 y a des person-
nes disgraciées ]iar la nature, maltraitées
par la fortune, ilétries par des malheurs,
qui traîneraient une vie misérable au mi-
lieu de la société ; il est bon qu'elles aient
une retraite nù elles puissent passer leurs
jours dans le repos et dans l'obscurité. N'est-
il pas de l'humanité de laisser à tout parti-
culier la liberté d'embrasser le genre de vie
qui lui plaît davantage, qui s'accorde le
mieux avec son goût et avec son intérêt pré-
sent, lorsque la société n'en souiïre ]ias ?
Mais l'humanité dont nos philosophes font
parade n'est pas leur vertu favorite; s'ils
étaient les maîtres, ils asserviraient impé-
rieusement à leurs idées le monde entier.
— 3° Il est impossible, dis(Mit ces censeurs
rigides, que le relâchement ne s'introduise
bientôt dans les ordres religieux ; sans cesse
il faut de nouvelles réformes, et en fin de
cause elles n'aboutissent à rien ; de tou*.
temps les moines ont été le scandale de l'K-
glise. On peut persuader ce fait aux igno-
rants, mais non à ceux qui savent l'histoire:
nous soutenons au contraire que dans tous
les siècles il y a eu des religieux très-édi-
iiants, et que dans les temps même les plus
décriés ils ont encore fait jilus de bien que
do mal. Depuis quinze cents ans, l'on n'a re-
marqué j)resque aucmi relâchement chez les
moines orientaux; ils sont encore tels qu'ils
ont été institués, et toujours également at-
tacliés k la lègle de saint Basile ou à celle
de saint Antoine. Depuis sejil siècles, les
chartreux n'ont pas eu besoin de réforme.
La plupart de celles qui ont été faites dans
les autres ordres ont eu un seul homme
pour auleur; où est donc l'impossibilité do
corriger ceux qui en ont besoin? Nous n'a-
vons vu aucun ordre religieux se révolter
contre les nouveaux règlemenls (ju'on leur
a faits; ceux mêmes que l'on a suppiimi'S
ont obéi sans résistance; nous cherchons
vainement parmi eux l'esprit inquiet, brouil-
lon, séditieux, dont on les accuse. Lorsque
les protestante ont voulu les détruire, il a
iiillu commencer par les calomnier, et l'on
|)oussa la tyrannie jusqu'à leur faire signer
les accusations atroces que l'on forgeait
contre eux. Voy. la Conversion de l'Angle-
terre, comparée avec sa prétendue réfornta-
tion, troisième entretien, c. 5. Si aujour--
d'hui il y a beaucoup de relâchement parmi
les religieux, ils ont cela de commun avec
tous les autres états de la société. En peut-
on citer un seul dans lerjucl la décence, la
régularité des mœurs, les vertus soient les
mômes qu'elles étaient dans le siècle passé?
Lorsque la corruption est généiale, tous les
états s'en ressentent, mais ce n'est pas aux
principaux auteurs du mal qu'il convient de
le déplorer et de l'exagérer. — k" L'on ne
cesse de répéter que les ordres mendiants
sont une charge onéreuse au public, et que
les autres sont trop riches; que les premiers
emploient la séduction, les fausses dévo-
tions, les fi'audes jiieuses, pour extoi-quor
des aumônes; que les uns et les autres con-
tribuent à la dépopulation du royaume.
Mais nous avons de la peine à concevoir en
quel sens les mendiants sont à charge à
ceux qui ne leur donnent rien, et nous ne
connaissons encore aucune taxe qui ait été
faite ]iour forcer le peuple ;i les nouri'ir. Au
mot Mendiant, nous avons fait remarquer
qu'il y a dans toute l'Europe une autre es-
pèce de mendicité beaucoui) plus odieuse
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que la leur, et contre laquene personne ne
dit rien. Quant aux dévotions vraies ou
fausses, il n'appartient pas d'en jugera ceux
qui n!ont plus de religion, et qui pensent
que tout acte de piété est une superstition.
11 s'est glissé des abus dans plusieurs mai-
sons religieuses, nous en convenons; mais
l'Eglise a toujours cherché et ciierchera
toujours à les réprimer.
A l'aiticle Célibat, nous avons démontré
par des faits, par di'S comparaisons, par des
calculs incontestables, qu'il est faux que le
célibat ecclésiastique et leligieux soit une
cause de dépopulation. Leibnitz, philosophe
protestant et bon politique, n'a blâmé ni
l'institut, ni la multitude des ordres reli-
gieux ; il voudrait si'ulement que la plupart
fussent occuj)és à l'étude de l'hist ire natu-
relle ; c'est alors, dit-il, que le genre hu-
main ferait les plu-i gr;inds progrès dai.s
cette science. Esprit de Leibnitz, t. II, pag.
33. Nous savons très-bien qu'aux yeux des
dissertateurs politiques le grand crime des
moines rentes est dans les richesses qu'ils
possèdent ; il nous reste à examiner ci:" grief.
SloNASTÈRE, maison dans laquelle des re-
ligieLix on religieuses vivent en commun et
oiiserveut la même règle. Au mot Commu-
inAUTÉ nous avons fait remarquer les avan-
tages de la vie commune, soit relativement
à l'intérêt politique, soit par rapport aux
mœurs; nous nous sommes principalement
servis des réflexions d'un philosophe pro-
testant; elles sont confirmées par l'expé-
rience.
Dans l'Occident, après l'inondation des
barbares, les monastères ont contribué plus
que tout autre moyen à la conservation de
la leligion et des lettres. On y suivait tou-
jouis la môme tradition, soit pour la doc-
trine, soit pour la célébialion de l'oflicc di-
vin, soit pour la piatique des vertus chré-
tiennes; l'exemple des anciens servait de
règle aux plus jeunes. Dès qu'il y eut des
monastères, on comprit (pi'il était utilu d'y
faire élever les enfants, pour les former de
bonne heure à la piété et à la vertu; plu-
sieurs de nos rois n'ont point eu d'autre
éducalion. Une des princi|)ales occupations
des moines fut «Je copier les anciens livres
et d'i'U multiplier les exemplaires; sans ce
travail une quantité de ceux que nous pos-
sédons aujourd'hui seraient absolument
perdus. Pendant longtemps il n'y eut point
d'autres écoles pour cultiver lès sciences,
que celles des monastères et des églises ca-
thédrales, pri's |ue point d'autres écrivains
que des moinrs; la plupart des évoques
avaient fait profession de la vie monastique
ou avaient été élevés dans les monastères.
Comme ces maisons avaient été les seuls
asiles respectés par les barliares, elles furent
aussi la seule ressource des peuples sous
le gouvernement féodal; lors(|ue le clergé
séculier eut été dépouillé et anéanti, ce qui
restait des biens ecclésiastiques tomba na-
Uirellement dans les mains des mt)ines, qui
étaient devenus à peu près les seuls pas-
leurs. Il ne faut pas perdre de vue ces ré-
flexions, si l'on veut découvrir la vraie
source de la richesse des monastères.
Aujourd'hui l'on dit que, depuis la re-
naissance des lettres et le rétablissement de
l'oriJre public, les services des moines ont
cessé d'ôtre nécessains; qu'ainsi leurs ri-
chesses sont déplacées rt inutiles, qu'il faut
donc faire lentrer dans le commerce des
biens qui n'en sont sortis que par. le mal-
heur des temps. Est-Il convenable que des
hommes qui ont ftiit vœu de pauvreté soient
plus superbement logés que les laïques les
] lus opulents? La magnificence de leuis
éilific s semble être une insulte faite à la
misère publique. Les premiers moines ont
habité des cavernes ou des chaumières;
leurs successeurs ont-ils droit de se b'itir
des palais? Dans un dictionnaire géographi-
que, composé selon l'esprit de noire siècle,
on ne manque jamais, en parlant d'une ville
ou d'un bourg dans lequel il y a un monas-
tère, de faire contraster la somptuosité de ce
bâtiment et l'opulence qui y règne, av(;c
l'indigence et la misère des laiioureurs;
d'insinuer que, s'il y a beaucoup de pau-
vres dans la contrée, c'est parce que les
moines se sont tout approprié. Il semble
que ce voisinage fatal ait rendu fous les
bras perclus et suffise pour tarir la fertilité
des campagnes. On conliruie ces profondes
léllexions en comiiarant la richesse et la
prospérité des pays dans lesrpiels les mo-
7iasltres ont été supprimés, tels que l'An-
gleterre, une partie de l'Allemagne, la Hol-
lande et les autres Etats du Nord, avec la
pauvreté, l'inertie et la dépopulation de ceux
oii il y a des moines, tels ijue la France,
l'Espagni' et l'Italie ; d'où l'on conclut qu'une
des [ilus belles opérations poliiiques de no-
tre siècle serait la destiuction des monastè-
res. Ceux qui voudront comparer ces dis-
sertations savantes avec le Traité du fisc com-
mun que fit Luther en 1526, pour prouver la
nécessité de piller les biens ecclésiastiques,
y trouveront un peu plus de décence et
beaucoup plus d'esprit, mais ils y verront
le même caractère.
Examinons donc de sang-froid si la ri-
chesse des monastères est, dans l'origine,
aussi odieuse qu'on le prétend; si l'usage
en est contraire au bien public; si, en dé-
pouillant les possesseurs, on produirait les
heureux efl'ets que l'on nous promet.
1" Nous avons déjà indiqué sommaire
ment les divers moyens par lesquels les
moines ont acquis les biens qu'ils possè-
dent. Ils ont défiiché, soit par eux-mêmes,
soit par leurs colons, une grande quantité
de terres incultes. Parmi les Seigneurs qui
avaient usurpé les biens ecclésiastiques, à la
décadence de la maison de Charlemagne,
plusieurs, touchés de remords, restituèrent
aux monastères ce qu'ils avaient enlevé au
clergé séculier, parce que les moines avaient
succédé à ses fonctions lorsqu'il fut anéanti.
Fleury, Disc. 2. sur l'Hist. ecçlés.; Mettrai,
Etat de l'Eglise de France au \i' siècle; Es-
prit des Lois, 1. X.XXI, c. XI. Parla même rai-
son, la chmc leur fut accordée lorsqu'ils
861
MOI
M(N
8CS
remplissaient les dovoirs de pasteurs; et ils
ont conservé dans un grand iionibrG de pa-
roisses le titre de curils primilifs. D'atitres
seigneurs leur vendirent une partie de leurs
tei'res, lorsqu'ils partirent pour les croisades.
Dans lies siôfles où il n'y avait point d'hô-
])itaitx ni de m.iisons de clKU-ité ijiie les nio-
ndsicrcs, les particuliers qui n'avaient point
d'héritiers y laissaient leurs hieus ; ils ai-
maient mieux li^s destiner ainsi au soulage-
m nt des [lauvres que de les laisser tomber,
[lar déshérence, entre les mains des sei-
gneurs desquels ils avaient souvent eu lieu
(le se plaindre. Entin, nos rois, convaincus
que les monastères étaient une ressource
assurée pour les besoins de leurs sujets, eu
1' iidèii nt plusieurs, et les dotèrent. La sa-
gesse de li'urs vues est e .core attestée par
la multitude de villages et de bourgs qui se
sont formés sous les murs des mouastêres,
et qui en portent le nom. Par la il est dé-
montré que ces établissi'menls ont contri-
bué h peupler les campagnes, auparavant
désertes; aujourd'hui ou soutient que c'est
une cause de dépopulation. L'on imagine
que CCS fondations n'ont eu jrour principe
qu'une pii'té ignorante et superstitieuse,
luie dévotion mal entendue, un aveugl -
ment stupide; mais celtn ignorance préten-
due n'esl-elle i)as plutôt le vice des cen-
seurs téiï)éraires? Dans les sièclis dont nous
parlons, il n'y avait point de [hilosop ,es,
mais du bons sens II était impossible que
des biens administrés avi^c une sage écono-
mie ne s'augmentassent pas de jour en jour;
quelle cause aurait pu les diminuer? Au-
cune fortune ne se détruit, à nujins que la
mauvaise conduite du [lossesscur n'y in-
flue de près ou do loin. Or, y a-t-il des ti-
tres de possession plus légitimes que la cul-
ture, le salaire des services rendus au pu-
blic, les dons accordés par des motifs de
bien généi'al, et une sage administration?
Si l'on doutait de celle-ci, il en existe des
monuments authentitpies. « C'est par là, dit
un écrivain Irès-instruit, q le le f;uueux 8u-
ger parvint à doubler les revenus de l'ab-
baye de Saint-Denis. Les mémoires de cet
abbé sur son administration, son testament
qid en présente le résultat et une espèce de
bilan, la proclamation qu'il avait publiée en
11Ï5, sont dans la Collection des Historiens
(le France, par Duchesne. Ces pièces peu-
vent former un objet d'étude très-utile pour
ceux qui ont des colonies à établir ou à di-
riger. » Londres, tome III, [lage 130. Au mot
Communauté, nous avons vu que ces rélle-
xions sont adoptées par M. de Luc, bon phy-
sicien et sage observateur. Elles sont cou-
fii'mées par le suIVrage d'un militaire voya-
geur, qui n'avait pas plus ce qu'on appelle
les préjugés du catholicisme, que M. de Luc.
« Les bénédictins, dit-il, sont les premiers
cénobites qui ont adouci les mœurs sauva-
ges de ces conquérants barlores qui ont en-
vahi les débris tle l'empire romaui en Eu-
rope; ils sont les prendcrs qui ont défriché
les terres incultes, marécageuses él cou-
vertes de forêts, do la Germanie et des Gau-
les. Leurs couvents ont été l'asile des dé
plorables restes des sciences jadis cultivées
p If les Grecs et par les Romains; ils ne
doivent leurs richesses et leur bien-être
qu'.\ leurs bras et à la générosité des sou-
verains; il est bien juste d'en laisser jouir
leurs successeurs, sans envie, d'autant plus
(pie ce sont les religieux du monde les
plus généreux et les moins intéressés. »
De l'Amérique et des Américains, par le
])lulosoplie Ladouceur. Berlin , 1771
Il n'est donc pas ici cpiestion d'argiuuen-
ter sur le haut domaine des souverains, ni
sur le droit ([u'ils ont toujours de reprendre
ce qu'ils ont donné, sous prétexte d'en faire
Tuie destination plus utile. A ce titre, il n'y
aurait pas dans le royaume une seule famille
noble qui ne pût être légitimement dé-
pouillée d'une bonne partie de sa fortune.
Jamais on n'a tant insisté qu'aujourd'hui
sur le droit sacré delà propriéti''; les moiiu's
sont-ils les seuls à l'égard des(]U(ls ce droit
n'est plus inviolable? C'est ici le cas d'ap-
pliquer la maxime : Summani jus summa in-
juria.
2° Nous ne voyons pas .(ue l'usage que
font les religieux de leurs icvemis soit plus
|iréjudicial)le au bien pub'.xc, (pie celui qu'en
font les séculiers. Plusieurs de leurs accu-
sateurs sont convenus qu'ils ne les dépen-
sent pas pour eux-mêmes, que la plupart
mènent une vie frugale, modeste, mortitiée;
que deviennent donc leurs revenus? On ne
les accuse point de les enfouir ni de les
transporter dans les pays étrangers. Nous
présumons que leurs fermiers, leurs domes-
tiques , les ouvriei-s qu'ils emploient , les
hôtes qu'ils reçoivent, les pauvres, les ma-
lades, les hôpitaux, qui les avoisinent, en
al)sorl)tmt du moins une |iarti(!. Ils contri-
buent à proportion de leur revenu aux sub-
sides et aux dons que le clergé fait au roi ;
ils exercent généreusement rhos[>italité, et
ceux qui possèdent des b:uiélices en titre
soulagent leurs familles. — Nous avoue-
rons, si l'on veut, qu'ils n'imitent pas en
toutes choses les séculiers opulents : ils ne
prodiguent pas l'argent poui- entrelenir de
somptueux équipages , pour nourrir une
légion de faiuéants, pour payer largement
des danseurs, des musiciens, des acteurs
dramatiques, etc. Mais ils ne ruinent ni le
boulanger, ni le boucher, ni le marcliaiil,
ni le tailleur; ils font beaucoup travailler (.-t
]iaicnt leurs ouvriers. Plusieurs de nos phi-
losoplu's enseignent que c'est la seule ma-
nière louable de faire l'aumône; par (pielle
fatalité les moines sont-ils répréhensibles
d'eu agir ainsi, et de donner encore aux
pauvres (jui ne peuvent pas travailler? — Du
moins les revenus d'un monastère sont (lé-
pensés sur le lieu même qui les produit ;
s'ils étaient entre les mains d'un seigneur
ou d'un linancier, ils seraient mangés à
Pans : où serait l'avantage pour le peuple
des campagnes? 11 est de toute notoriété que
le très-grand nombre des abbayes et même
des prieurés sont possédés en commende
par des ecclésiastiques qui vivent au milieu
863
MOI
MOI
864
de la société, qui en suivent le ton et les
usages ; qu'une bonne partie des revenus
est employée à la subsistance ou au bien
{■tre des familles nobles; nous ne voyons
pas non plus en quoi cet usage nuit à l'inté-
rêt public. Ce sont nos rois qui ont dolé les
abbayes, et ce sont eux qui les donnent. —
Il est probable que si ceux qui sont jaloux
des biens monastiques pouvaient s'en ap-
proprier une partie, ils se réconcilieraient
avec les fondateurs; ils seraient plus indul-
gents que Mosheim, qui, pourvu de deux
bonnes abbayes, n'a pas cessé de noircir les
moines dans toute son Histoire rcclésiasti-
(jue. — On nous fait remarquer le nombre
des pauvres qui se trouvent autour des wio-
7iasteres ; mais il y en a davantage, à pro-
portion, à Paris et k Versailles; il est na-
turel qu'ils se rassemblent dans les lieux
où ils espèrent trouver de l'assistance; ce
fait, par lequel on veut nous faire douter
do la charité des moines, est ]3récisément
ce qui la prouve. — La comparaison que
l'on fait entre les pays dans Ifsquels on a
détruit les monastiresl et ceux dans lesquels
ils subsistent encore, est-elle vraie? 11 est
certain d'abord que les contrées de l'Alle-
magne où il n'y a plus de moines, ne
sont ni plus peuplées, ni plus riches, ni
mieux cultivées que celles qui ont conser-
vé la religion catholique et les couvents ;
nous avons vu que M. de Luc approuve les
luthériens qui ne les ont pas détruits. Les
cantons catholiques de In Suisse, qui sont
dans le même cas, ne cèdent en rien, pour
la fertilité ni pour la population, aux can-
tons iirotestants. Voilà des faits positifs. —
On ose écrire et répéter cent fois que la
France est inculte et dépeuplée; c'est une
fausseté. Les étrangers qui viennent en
France sont étonnés et souvent jaloux do la
prospérité de nos provinces ; et des philo-
sophes français, ingrats et traîtres envers
leur patrie, ne rougissent pas de la calom-
nier aux yeux des autres nations. Jl faudrait
les forcer d'aller vivre dans les pays qu'ils
préconisent. — Que prouve l'inertie des
Italiens et des Espagnols? Que l'homme ne
travaille qu'autant (ju'il y est forcé par le
besoin; que quand une terre naturellement
fertile lui fournit une subsistance aisée, il
n'est pas tenté de se fatiguer pour s'en pro-
curer une meilleure. C'est pour cela que les
peuples du Midi sont moins laljorieux que
ceux du Nonl , et qu'un homme devenu
riche, ordinairement ne travaille plus. En
dépit de toutes les spéculations philosophi-
ques, il en sera de môme jusqu'à la tin du
monde. L'on sait d'ailleurs que la partie de
l'Italie qui est la plus inculte est opprimée
sous la tyrannie du gouvernement féodal. —
Un écrivain, qui a beaucoup vu et beaucoup
rétl.'chi, a i)rouvé qu'il n'est pas vrai que
l'Espagne et le Portugal aient été ruinés par
le inonachisme ; qu'ils Font été par le nombre
des nobles devenu excessif dans ces deux
royaumes. Etudes de la nitture, 1. 1, p. hGk.
3° L'on nous vante les heureux elfets
qu'a produits eu Angleterre la destruction
des monastères, et l'on en conclut qu'elle ne
serait pas moins salutaire en France. Nou-
veau sujet de réflexion. Nous ne parlerons
point des atrocités qui furent commises à
cette occasion; ce lut l'ouvrage du fana-
tisme anti-religieux et de la rapacité des
courtisans : il n'est ici question que des ef
fets politiques.
Henri VIII, gorgé de richesses, ecclé-
siastiques, ne s'en trouva que plus pauvre;
deux ans après ces rapines, il fut obligé de
faire banqueroute; les comiilices de ce bri-
gandage en absorbèrent la meilleure partie
pour leur salaire. Son fils Edouard VI, sous
le règne duquel on acheva de tout piller,
n'en profita en aucune manière : non-seule-
ment il fut accablé de dettes, mais les re-
venus de la couronne diminuèrent considé-
rablement. Sous Elisabeth, on fut obligé de
passer jusqu'à onze bills pour subvenir aux
besoins des pauvres, et depuis ce temps-là
il y a une taxe annuelle en Angleterre pour
cet objet. Cela n'était point lorsque les mo-
nastères subsistaient. On dit que ces asiles
entretenaient la fainéantise; nous ne voyons
pas pourquoi des aumônes volontaires i)ro-
duisaient plutôt cet effet que des aumônes
forcées, ou une taxe annuelle. Aujourd'hui
les Anglais les plus sensés conviennent que
leur pays n'a rien gagné à la destruction des
monastères, et que la France y gagnerait
encore moins. Conversion de l'Angleterre,
comparée à sa prétendue réformation, en-
Iret. 3, c. 5 et 7; Hume, Histoire de la
maison de Tiulor, t. II, p. 339; Londres, t. II,
p. Ii9; Annales littéraires et politiques, t. I,
p. 56, etc
« Si l'on veut, dit l'auteur des Annales
politiques, un exemple plus récent, on le
trouvera dans la catastrophe des jésuites.
Quels cris n'a-t-on pas jetés contre leurs
richesses? Quelles masses d'or no devait-on
pas trouver dans leurs dépouilles? 11 sem-
blait qu'il n'y eût pas en Europe di s trésors
assez vastes pour déposer le butin ciu'on
leur arrachait. Qu"a-t-il produit cependant ?
Les créanciers , auieurs ou prétextes de
leur désasti'c, no sont pas payés; il est pro
bable qu'ils ne le seront jamais. » Ce qui en
reste dans les provinces suffit à peine pour
nourrir les hommes par lesquels on a été
forcé de les renq^lacer.
Lorsque des spéculateurs avides dissertent
sur l'usage d'une proie qui les tente, et
dont ils espèrent d'enlever une partie, rien
de si beau que leurs plans; l'opéraiion
qu'ils proposent doit ramener l'âge d'or.
Lorsque l'exécution s'ensuit et que les
parts sont faites, chacun garde la sienne, et
les projets d'utilité |)ublique s'en vont en
fumée. — On jugera sans doute que cette
discussion jwlitique est fort étrangère à la
théiilogie; mais enfin, l'état, les vœux, la
profession monastique, tiennent essentielle-
ment à la religion catholique qui les ap-
prouve, et qui a condaimié sur ce sujet
l'entêtement des protestants; nous sommes
obligés de défendre sa dis.cij.iline contre les
divers ennemis qui l'attaquent, et de répoii-
865
MOI
MOI
866
dre à iCurs arguments, ae quelque nature
qu'ils soient (1)
moïse, législateur des Juifs, a écrit sa
{U'opre Instoirc avec celle de son peuple.
La principale question qui doit occuper les
théologiens est de savoir si cet homme cé-
lèbre a été véritablement envoyé de Dieu,
et s'il a prouvé sa mission par des signes
incontestables; de là dépendent la vérité
et la divinité de la religion juive. Or, nous
soutenons que Motse l'a prouvée en ell'et
par ses miracles, par ses prophéties, par la
sagesse de sa doctrine, de ses lois et de sa
conduite ; les incrédules ne lui rendent jus-
tice sur aucun de ces (îhefs; mais nous
verrons que leurs soupçons , leurs con-
jectures , leurs reproches , sont très-mal
fondés.
(1) Dans le Dictiomiairc de Tlu'olo(jie morale, nous
avons fait ressortir ions les avantages que les insii-
imioiis religieuses employées au service des malheu-
reux apportent à l'Iunnanité. Le lecteur verra peut-
être avec plaisir la comparaison donnée par M. Gui/.ol
entre les institutions religieuses des moines de l'Orient
et celles de l'Occident.
c En Orient, les monastères ont eu surtout pour
bnl l'isolement et la contemplation : les hommes (pii
se retiraient dans la Thébaïde voulaient échapper
au plaisir, aux tentations , à la corruption de la vie
civile; ils voulaient se livrer seuls, hors de tout com-
merce social, aux élans de leur imagination et aux ri-
gueurs de leur conscience. Ce ne fut que plus tard
qu'ils se rapprochèrent dans les lieux où ils s'étaient
d'aliord disperses, et d'anachorètes ou solitaires de-
vinrent cénobites, zoivoëtot, vivant eu commun.
t En Occident, et malgré l'imitation de l'Orient, les
n)onastères ont eu une autre origine : ils ont commencé
par la vie commune, par le besoin non de s'isoler,
mais de se réunir. La société civile était en proie à
toutes sortes de désordres : nationale, provinciale ou
municipale, elle se dissolvait de toutes parts; tout
centre, tout asile manquaient aux hommes qui vou-
laient discuter, s'exercer, vivre ensemble. Ils en
trouvèrent un dans les monastères ; la vie monasti-
que n'eut ainsi en naissant ni le caractère coiUom-
platif, ni le caractère solitaire : elle fut au contraire
Ires-sociale et Irès-active; elle alluma un foyer de
développement intellectuel ; elle servit d'instrument
à la fermentation et à la propagation des idées. Les
monastères du midi de la Gaule sont des écoles pliilo-
sophi(|ues du clnistianismc : c'est là qu'on médite,
qu'on discute , qu'on enseigne ; c'est de là que ])ar-
tent les idées nouvelles, les hardiesses de l'esprit,
les hérésies. Ce fut dans les abbayes de Saint-Victor
et de Lérins que toutes les grandes questions sur le
libre arbitre , la prédestination , la grâce , le péché
originel, furent le plus vivement agitées, et que les
opinions pélagiennes trouvèrent, pendant cinquante
ans, le plus d'aliment et d'appui (n). >
(rt) Histoire de ta civilisution en France, tome I.
— Plusieurs ont poussé la prévention et lo
goi1t des paradoxes jusqu'à contester l'exis-
tence de Moise, et à soutenir sérieusement
que c'est un personnage faliuleux. Nous
opposons à ces écrivains téméraires et très-
mal instruits, en premier lieu, les livres que
Moise a écrits, et qui ne peuvent pas avoir
été faits par un autie. Voy. Pentateuque.
En second lieu, le tétnoignage des auteurs
juifs qui ont écrit après lui : tous en parlent
comme du législateur de leur nation; la loi
juive est constamment nommée la loi de
Moise; sa généalogie est lapportée non-
seulement dans les livres de l'Exode, du
Lévitiijue et des Nombres , mais encore
dans'-eux des Paralipomèues et d'Esdras. En
troisième lieu, le sentiment et la croyance
des historiens profanes, égyptiens, phéni-
ciens, assyriens, grecs et romains. Ils sont
cités [)ar Josèpiie dans ses livres contre Ap-
pion, |)arTatien dans son Discours contre les
Grecs, par Origène dans son ouvrage contre
felsr, ])ar Eusèbe dans sa Pr('puration évan-
(jelifiue, par saint Cyrille contre Julien. Com-
meiU, malgré tous ces monuments, a-t-on
osé répéter vingt fois de nos jours que Moise
a été in(-onnu à toutes les nations?
Si un philosofihe s'avisait do contester
aux Chinois l'existence de Confucius, aux
Indiens, celle de Beass-Muni, de Guutan et
des autres brames qui ont rédigé leurs li-
vres et leurs lois; aux Perses, l'existence de
Zoroastre; aux luusulmans, celle de Maho-
met, il serait regardé comme un insensé.
De tous ces jiersonnages, cependant, il n'en
est aucun dont l'existence soit constatée
par des [ireuves plus fortes et plus multi-
phées que celle de Moïse. —Le seul lai-
sonnement que l'on ait opposé à ces preu-
ves ne poite que sur une pure conjecture.
M. Huet s'était persuadé que les fables des
pa'iens n'étaient rien autre chose que l'His-
toire sainte altérée et corrompue, que les
personnages de la mythologie étaient Moïse
lui-même. Il prétendait retrouver les ac-
tions et les caractères de ce législateur ,
non-seulement dans Osiris, Bacchus, Séra-
pis , etc., dieux égyptiens, mais encore
dans Apollon, Pan, Esculape,Prométhée,etc.,
dieux ou héros des Grecs et des Latins. De
là l'auteur de la Philosophie de l'Histoire est
parti pour argumenter contre l'existence de
Moïse. Nous retrouveroiis, tlit-il , tous ces
caractèies dans le Bacchus des Arabes ; or,
celui-ci est un personnage iiuagiiiaire : donc
il en est de même du premier. Ce raisonne-
ment lui a paru si victorieux, qu'il l'a ré-
pété dans vingt brochures. — C'est comme
s'il avait dit : L'histoire juive est le fond
ou le canevas sur lequel les païens ont
brodé leur luythologie : or , celle-ci n'a
aucune réalité; donc il en est de même de
l'histoire. Mais ime broderie faite d'imagi-
nation détruit-elle le fond sur lequel elle
est ai)pliquée'.' La quesùon est de savoir si
c'est l'historien juif qui a copié les fables
des païens, ou si ce sont ces derniers qui
ont travesti l'histoire de Moïse. Il fallait
donc commencer par prouver aue celle-ci
807
MOI
MOI
86S
est moins ancienne que les fables du pa-
ganisme. L'auteur de l'objection n'a pas
seulement osé l'entreprendre, et aucun in-
crédule n'est en état de citer un seul livre
profane dont l'antiquité remonte aussi haut
que l'histoire juive. Si les conjectures de
M. Huet étaient vraies, elles contirmeraient
plutôt qu'elles ne détruiraient 1'ex.istence
de Moise. Mais les conjectures, quelque in-
génieuses qu'elles soient, ne prouvent rien.
Ajoutons que, pour faire cadrer l'histoire
du législateur des Juifs avec le prétendu
Bacchus des Arabes , notre philosophe
attribue à ce dernier des aventures aux-
quelles les Arabes n'ont jamais pensé. —
Un autre monument que ce critique oppose
à l'e-ïistence de Moïse est une histoire ro-
manesque de ce personnage, composée par
les rabbins modernes, remplie de fables et
de puL'rilités, mais qu'il soutient être fort
ancienne. La vérité est qu'elle ne remonte
pas plus haut que le su' ou le xiu° siècle,
qu'elle n'a aucusie marque d'une plus haute
antiquité, mais plutôt tous les caractères
possibles d'une composition très-récente;
qu'aucun ancien auteur ne l'a connue, et
qu'elle ne valait las la peine d'être tirée
de la poussière. S'il nous arrivait d'em-
ployer des titres aussi é\idemment faux,
les incrédules nous accableraient de repro-
ches. Venons aux preuves de la mission de
Moise.
l. Que ce législateur ait fait des miracles,
c'est un fait prouvé, en premier lieu, par
l'attestation des témoins oculaires. Josué,
successeur de Moïse, prend à témoin les
chefs de la nation juive des prodiges que
Dieu a opérés en leur faveur et sous leurs
yeux, soit en Egypte, soit dans le désert, et
ieur fait jurer d'être fidèles au Seigneur
(Josué, xxiv). Ces mômes miracles sont
rappelés dans le livre des Juges, c. ii, v. 7
et 12; c. VI, v. 9; dans les psaumes de
David, 77, 104., 105, 106, 134., etc. ; et ces
psaumes étaient chantés habituellement
dans le temple : on en retrouve le récit
abrégé dans le livre de Judith, c. v. Voilà
donc une croyance et une tradition con-
stante de ces miracles établies dans toute la
nation, dès le temps auquel ces miracles
ont été faits. De quel front les incrédules
viennent-ils nous dire que l'opinion n'en
est fondée que sur le témoignage de Moise
lui-môme (Ij?
En second lieu, les auteurs profanes en
ont été instruits. Josèphe soutient, contre
Appion, que selon l'opinion des Egj^pliens
mêmes, Moise était un homme admirable,
(1) Diivoisin a parfailement développé ceue thèse :
il montre que, soit qu'on considère le caractère de
l'historien, soit qu'on étudie le caractèie du peuple
d'Israël, on est forcé de convenir qu'il mérite pleine
et entière confiance. Nous regrettons vivement de ne
pouvoir le suivre dans les développements qu'il
donne à cet important sujet : nous sommes forcés de
renvoyer nos lecteurs aux Déinonslralioiis énmijéti-
lyurs, publiées par M. l'abbé Migne, toin. XIII, 'col.
703, où se trouve l'ouvrage de Duvoisin, Aulonlé des
livres de Moïse, «h. 9.
et qui avait queiquc chose <Ie divin, 1. i,
c. iO. C'est ainsi qu'en parle Diodore da
Sicile dans un fragment rapporté par saint
Cyrille, contre Julien, 1. i, p. 15. Il cite
d'autres auteurs qui en ont parlé de mêm',
Polémon, Ptolomée di^ Mendès, Hellanicus,
Philoc rus et Castor. Numénius, philoso, lie
pytha.^oricien, dit que Jannès ot Mambrès,
magiciens célèbres, furent choisis pai' les
Egyptiens pour s'opposer à Musée, chef des
Juifs, dont les prières étaient très-puissan-
tes auprès de Dieu, et pour f.dre cesser les
ûéaux dont il affligeait l'Egypte. Orig. con-
tre Celse, liv. iv, c. 51; Eusèbe, Prép.
évcmg., 1. ix, c. 8. D'autres ont jugé que
Moise (Hait un m.Tgicien plus habile que les
autres ; telle était l'opinion de Lysim.ique
et d'Apollonius-Molon, de Trogue-Pompée,
de Pline l'Ancien, et de Celse; Josèphe
contre Appion, 1. n, c. 6; Justin, 1. xxxvi ;
IPline, Hist. nat., 1. xxx, c. 1; Orig. contre
Celse, 1. I, c. 26. L'auteur de ['Histoire vé-
ritable des temps fabuleux a fait voir que les
actions et les miracles de Moise sont encore
reconnaissables dans l'histoire des Egyp-
tiens, quoique les faits y soient déguisés
et travestis, tome III, p. 6i et suiv. Mais
les incrédules, auxquels les raonumfnts de
l'histoire sont absolument inconnus, ont
soutenu que les Egyptiens n'avaient jamais
entendu parler de ces miracles, et qu'il
n'est pas possible qu'ils en soient jamais
convenus.
En troisième lieu. Moïse lui-même a éta-
bli chez les Juifs des monuments incontes-
tables de ses miracles. L'olfrande des pre-
miers-nés attestait la mort des enfants des
Egyptiens, et la délivrance miraculeuse de
ceux des Israélites. La Pûque avait pour
objet de perpétuer le souvenir de la sortie
d'iigypte et du passade de la mer Rouge.
La fête de la Pentecôte était un mémorial
delà publication de la loi au milieu des
feux de Sinaï. Le vase de manne conservé
dans le tabernacle et dans le temple était un
témoignage subsistant de la manière mi-
raculeuse dont les Hébreux avaient été
nourris dans le désert pendant quarante ans.
La verge d'Aaron, le seipent d'airain, les
encensoirs de Coré et de ses partisans,
cloués à l'autel des parfums, rappelaient
d'autres prodiges. Ln fertilité de la terre ,
malgré le repos de la septième année, était
un miracle permanent; et ce repos est at-
testé par Tacite, Hist., 1. v, c. tv. Toutes les
cérémonies juives étaient comméinoratives ;
cet historien s'en est très-bien aperçu, quoi-
qu'd en ait mal pris le sens. Connait-on un
autre législateur que J/oi«e, qui se soit avisé
de faire célébrer des fôtes et des cérémonies
par un peuple entier, en mémoire de faits
de la fausseté desquels ce peuple était con-
vaincu par ses propres yeux'? Voyez Fêtes,
Cérémonies. — Mais la plus forte preuve
des miracles de Moise, ce sont les effets
qu'ils OUI produits, et la chaîne des événe-
ments (pii s'en sont suivis. Si ce chef de la
nation juive n'a fait aucun miracle, i1 faut
nous apprendre pourquoi les Egyptiens int
869
MOI
MOI
870
donné la libertf'; à ce peuple entier, rendait
h l'esclavage; par quel chemin il a passi';
pour gagner le désert, comment il y a sub-
sisté |)endant q\iarnnto ans, pourquoi ce
jieuple s'est soumis à Moise, a sulii ses lois
([uoiijiic trés-onéreuses, y est revenu tant
(le l'ois après en avoir secoué le joug. Car
enlin, ji demeure di's Hi'bicux en Kgypte,
leur séjour dans le d(''sert, leur arrivée dans
la Palestine, leur attacliement h leurs lois,
sont lies faits attestés par toule l'antiquité.
Tacite le reconnaît; il faut en donner au
moins des raisons piausililes et moius ab-
surdes que celles qu'a copiées cet historien.
—Un peuple composé de deux millions
d'hommes, et assez puissent pour conqué-
rir la Palestine, peuple mutin, séditieux, in-
traitable, counne ses liistoriens en convien-
nent, a-t-il élé subju;ué, nouni, réprimé,
civilisé, souvent chAtié par un seul homme,
sans miracle? Nos censeurs disent qu'il a
soumis les Hébreux par des actes de cruauté;
mais des actes de cruauté ne donnent pas
des aliments à deux millions d'hommes.
Pourquoi, au premier acte, la nation entière,
toujours rassemblée, n'a-t-elle pas massacré
son tyran?
Aux preuves positives que nous donnons,
nos adversaires n'opposent toujours que des
conjectures ; ils objectent que si Moïse avait
fait des miracles sous les yeux des Israélites,
ils ne se seraient pas révoltés si souvent
contre lui, et ne seraient pas tombés si ai-
sément dans l'idoklt.ie. Nous répondons
avec plus de f ndement, que si Moise n'avait
pas fait des miiacles, ces Israélites si mutins
ne seraient pas rentrés dans l'obéissance'
après leurs révoltes, et n'a raient pas repris
le joug de leurs lois , après l'avoir si sou-
vent secoué. Qu'un peuple rassemblé se
soulève, qu'un peuple grossier ait du goi1t
pour l'idoLitrie, ce n'est pas un prodige ;
mais qu'après s'être mutiné, débauché, cor-
rompu, il revienne demander grAce, pb urer
sa faute, se soumettre de nouveau à un chef
désarmé, cela n'est pas naturel. Dans ces
moments de vertige et d'égarement des Israé-
lites, jamais Moïse n'a reculé d'un pas, et n'a
diminué un seul |)oint de la sévéritt; de ses
lois; les séditieux n'ont jamais rien gagné,
ils ont toujours été jiunis par la mort des
auteurs de la révolte, ou par des châtiments
surnaturels. Ce sont donc ici de nouveaux mi-
racles, et non une preuve contre les miracles.
Tant de miracles sont impossibles, disent
les incrédules; était-il donc plus aisé à Dieu
de bouleverser continuellement la nature
que de convertir les Hébreux? A l'article
Miracle , § 3 , nous avons déjà démontré
l'absurdité de ce raisonnement. Il s'agissait
de convaincre une nation entière que Moïse
était l'envoyé de Dieu, que c'était Dieu lui-
môme qui parlait par sa nouche, et qui dic-
tait des lois pareet organe. Mettre celte per-
suasion dans l'esprit de tous les Hébreux ,
sans aucLui motif extérieur de conviction ,
par un enthoiisiasme subit et non raisonné,
n'aurait-ce pas été un miracle ? mais miracle
absurde , indigne de la sagesse divine. 11
n aurait pu servir à inspirer aux Héoreux ni
la reconnaissance envers Dieu, ni la crainte
de sa justice, deux grands mobiles de toutes
les aciions humaines; il aurait été encore
plus inutile pour l'instruction des autres
peuples, puisqu'il n'aurait pas été sensible.
Les hoinmes sont faits pour être conduits
par des motifs , et non par des impulsions
m.ichinales ; par des raisonnements, et mm
par un enthousiasme aveugle; par des signes
palpables, plutôt quepardes révolutions inté-
rieures dont on ne peut pnsconmiître la cause.
L'erreur des incrédules est de penser que
Dieu a fait tant de miracles jjour h s Israé-
lites seuls; or le contraire est répété vingt
fois dans les livres saints ; Dieu déclare qu'il
a opéré ces prodiges pour ne pas donner
lieu aux autres nations de blasphémer son
saint nom , et pour leur apprendre qu'il est
le Seigneur {Eœod. xx\u, 12; Deut. ix, 28;
XXIX, 24; x\\u,21;IlIRefj. ix, 8; />s. cxiii,
9 et 10; Ezcch. xx, 9 , 14 , 22, etc.). Nous
aurons beau répéter cent fois cette réponse
qui est sans réplique, ils n'en seront pas
moins obstinés toujours à renouveler la
même objection ; leur opiniAlreté n'est pas
un prodige ; mais s'ils devenaient tout à coup
raisonnables et dociles, ce serait un prodige
de la grAce.
II. Moïse a fait des prophéties. Il annonce
aux Hébreux que dans la suite des temps
ils voudront avoir un roi (Deut. xvn , Ik).
Cette prédiction n'a été accomplie que qua-
tre cents ans après. Il ét'dt cependant natu-
rel de penser que le gouvernement républi-
cain, tel que Moïse l'élablissiit , paraîtrait
toujours plus doux aux Israélites que le
gouvernement absolu des rois , et qu'ils le
] (référeraient à tout autre. Il leur promet un
prophète semblable à lui, c. x, v. 15 : or, le
Messie a été le seul prophète semblable à
Moïse , par sa qualité de législateur, par le
don continuel des miracles, et [arce qu'il a
été le libérateur de son peuple ; il n'est venu
au monde qu'environ (juiu/e cents ans après.
Moïse assure les Israélites que s'ils sont li-
dèles à leur loi. Dieu fera pour eux des mi-
racles semblables à ceux qu'il a faits en
lîgypte. Cela s'est vérifié par les exploits de
Josué,deSamson,deGédéon,d'Ezéchias,rtc.
Il les avertit au contraire que , s'ils sont
rebelles, tous les fléaux tomberont sur eux,
qu'ils seront réduits à l'esclavage, transpor-
tés hors de leur patrie , dispersés par toute
la terre; la captivité de Babylone et l'état
actuel des Juifs sont l'exécution de cette me-
nace. Il prédit sa mort à point nommé, sans
ressentir encore aucune des infirmités de la
vieillesse, c. xxxi , v. 48, et c. xxxiv. Ces
prophéties ne sont point couchées dans les
livres de Moïse comme de simples conjec-
tures politiques, ou comme des conséquen-
ces tirées du caractère national des Hé-
breux, mais comme des événements certains
et indubitables ; on voit [lar le ch. xxviii du
Deutéronome, et par les suivants, que ce lé-
gislateur avait sous les yeux très-distincte-
ment toute la destinée future de sa nation ,
et qu'aucune des circonstances ne lui était
871
MOI
MOI
872
cachée. La date de ces prophéties est cer-
taine, puisque Moïse lui-même les a écrites;
l'histoire nous en montre raccomplissemcnt,
et il dépendait de Dieu seul : il ne peut être
arrivé par hasard, et il ne pouvait être prévu
par les lumières naturelles, puisque la des-
tinée de ce peuple ne ressemlile à celle d'au-
cun autre. Aujourd'hui encore les Juifs re-
connaissent que Moïse leur a prédit avec la
plus grande exactitude tout ce qui leur est
arrivé. Cependant les incrédules prétendent
qu'il a trompé ce peuple par de fousses pro-
messes; jamais, disent-ils, les Juifs n'ont
été plus lidèlement attachés k leur loi que
pendant les cinq siècles qui ont suivi la cap-
tivité de Babylone , et jamais ils n'ont été
plus malheureux.
Si l'on veut lire attentivement l'historien
Josèphe et les livres des A.achabées, on verra
'4ue cette prétendue tidélité des Juifs h leur
loi est bien mal prouvée. A la vérité , il n'y
eut point d'apostasie générale de la nation;
mais , indépendamment de la multitude des
Juifs qui s'étaient ex]iatriés pour faire for-
tune, ceux mêmes qui restèrent dans la Ju-
dée étaient très-corrompus. Ils demeurèrent,
si l'on veut , fidèles à leur cérémonial, mais
ils devinrent très-peu scrupuleux sur l'ob-
servation des lois plus essentielles. Ils se
perdirent pai' le commerce avec les païens ,
et rien n'était plus pervers que les chefs de
lanation, lorsque Jésus-Christ vintau monde.
D'ailleurs la lui juive allait cesser, et Dieu
en avertissait la nation, en cessant de lapio-
téger comme autrefois.
III. La doctrine de Moïse vient évidem-
ment de Dieu (1). Au milieu des nations
déjà livrées au polythéisme et à l'idohltrie ,
et avant qu'il y eût des philosophes occupés
à raisonner sur l'origine du monde , Moïse
enseigne clairement et distinctement la créa-
tion, dogme essentiel, sans lequel on ne peut
démontrer la spiritualité , l'éternité, l'unité
parfaite de Dieu ; et il en montre un monu-
ment dans l'observation du sabbat , dont il
renouvelle la loi. Voy. Création. 11 ensei-
gne la providence de Dieu , non-seulement
dans l'ordre physique de l'univers , mais
dans l'ordre moral ; providence non-seule-
ment générale , qui embrasse tous les peu-
ples, m -is particulière , et qui s'occupe de
chaque individu. Il peint Dieu comme seul
gouverneur du monde , et seul arbitre sou-
verain de tous les événements , comme lé-
gislateur qui punit le vice et récompense la
vertu. Voy. Providence. Il montre l'espé-
rance de la vie future dont les patriarclies
ont été animés ; les termes dont il se sert
pour exprimer la mort font envisager une so-
ciété subsistante au delà du tombeau. Pour
donner à entendre qu'un méchant sera mis
à mort, il dit qu'il sera exterminé de son peu-
ple; et pour désigner la mort d'un juste, il
dit qu'il a été réuni à son peuple. Voy. lii-
MORTALiTÉ. Il fait sentir l'absurdité du poly-
théisme, et fait tous ses elforts pour détour-
(1) Ses miracles et ses prophéties en sont une
preuve incontestable.
ner les Hébreux de l'idolâtrie , parce que
cette erreur capitale a été la source de toutes
les autres erreurs et de tous les crimes dans
lesquels les nations aveugles se sont plon-
gées. Voy. Idolâtrie.
La morale naturelle n'est rien moins qu'é-
vidente dans tous les points, nous en som-
mes convaincus par les égarements dans les-
quels sont tombés les fihilosophes les plus
habiles; Moïse en donne un code abrégé
dans le Décalogue , et développe le sens de
chaque précepte par la multitude de ces lois.
On a beau examiner ce code original et uni-
que dans l'univers : s'il prête à la censure
des raisonneurs superficiels, il n'a jamais in-
spiré que de l'admiration aux vrais savants.
Voy. Morale.
Où Moïse avait-il puisé des connaissances
si supérieures à son siècle, et à celles de tous
les anciens sages ? Chez les Egyptiens , di-
sent hardiment les incrédules ; nous lisons
dans ces livres mêmes qu'il fut instruit de
toute la sagesse, c'est-à-dire de toutes les con-
naissances des Egyptiens {Act. vu, 22). Mais
les Egyptiens eux-mêmes en sav;dent-ils as-
sez , surtout dans les temps dont nous par-
lons, pour donner tant de lumière à Moïse ?
Lorsque Hérodote alla s'instruire en Egypte
[dus de mille ans après Moïse , en revint-il
chargé de grandes richesses en fait de philo-
sophie et de morale ? Il n'en rapporta pres-
que que des fables. Ordinairement les con-
naissances s'étendent chez une nation par la
suite (les temps ; il faudrait qu'elles eussent
diminué en Egypte. La manière dont Moïse
lui-même peint les Egyptiens ne nous donne
pas une haute idée de leur capacité. Aussi
ne donne-t-il pas sa doctrine comme le ré-
sultat de ses réflexions ni des leçons qu'il a
reçues en Egypte ; il la présente comme une
tradition reçue de Dieu dans l'origine, trans-
mise jusqu'à lui par les patriarches , et re-
nouvelée par la bouche de Dieu même. Les
sages d'Egypte cachaient leur doctrine , ne
la transmettaient que sous le voile des hié-
roglyphes : Moïse divulgue la sienne , il la
rend populaire , il veut que tout particulier
en soit instruit. Voilà une conduite bien dif-
férente , et un disciple qui ne res53mble
guère à ses maîtres. Mais combien de repro-
ches n'ont pas faits les Incrédules contre cette
doctiine môme ? Si nous voulons les en
croire, Moïse a fait adorer aux Hébreux un
Dieu corporel, un Dieu local et particulier,
semblable aux génies tutélaires des autres
nations, qui ne prend soin que d'une seule,
et oublie toutes les autres ; un Dieu avide
d'olTrandes et d'encens ; un Dieu colère ,
jaloux, injuste, cruel, etc., que l'on devait
craindre , mais qu'il était impossible d'ai-
mer. Ainsi, après avoir soutenu que Moïse
n'a été que l'écolier des Egyptiens , on
suppose qu'il a été cent fois plus insensé
qu'eux, et qu'il a professé des erreurs plus
grossières que les leurs. Pour réfuter en
détail tous les blasphèmes que l'on prête
à Moïse, il faudrait une longue discussion.
Nous nous bornerons à observer que Tacite,
tout païen qu'il était, et fort prévenu contre
873
MOI
MOI
874
les Juifs, a 6i6 plus judicieux et plus équi-
table que nos pliiloso|)hcs. « Les Egyptiens,
(lit-il , iionurent la plupart des animaux et
des ligures composées do diflërentcs espè-
ces ; les Juifs conçoivent un seul Dieu par
la pensée, Dieu souverain, Dieu éternel, im-
muable, et qui ne peut pas cesser d'être. »
Ilist., 1. V, n° 5. Sont-ce Ih les génies tuté-
laires des autres nations ?
Un Dieu créateur ne peut ôtre ni corpo-
rel , ni local, ni borné à une seule contrée,
ni capable de négliger une seule do ses créa-
tures ; il n'a besoin ni d'encens ni tl'oirran-
des ; s'il était colère et cruel , il pourrait ,
d'un seul acte de sa volonté , l'aire rentrer
tous les pécheurs dans le néant, d'oii il les a
tirés. Moise n'a pas été assez stupide imur
ne pas le sentir, et les Juifs n'ont pas été as-
sez grossiers puur ne pas le concevoir.
Ainsi, les calomnies des Liicréduies sont suf-
fisamment réfutées par le premier article di;
foi que Moïse enseigne aux Juifs. Quant aux
expressions des livres saints sur lesquelles
les censeurs veulent se fonder, nous en
montrons le sens ailleurs. Voy. Dieu, et les
autres ai ticles auxquels nous avons renvoyé
ci-dessus.
IV. Ils n'ont pas jugé plus sensément des
lois de !\Ioiso que de sa doctrine. Pour en
comprendre la sagesse , il faut commencer
par se mettre dans les circonstances dans
lesquelles il se trouvait ; connaître les idées,
les mœurs, la situation des nations dont il
était environné ; distinguer ce qui est lion et
utile en soi-même, d'avec ce qui est relatif
au climat, aux préjugés, aux habitudes que
l'es Hébreux avaient pu prendre en Egypte ;
comparer ensuite ce corps de législation
avec tout ce qu'ont produit dans ce genre
les philosophes les plus vantés. Où. sont les
incrédules qui ont pris toutes ces précau-
tions ? Il en est très-peu qui aient la capa-
cité nécessaire; et quand ils l'auraient , leur
intention n'est pas de rendre hununage ^ la
vérité , mais d'éblouir les lecteurs, et d'im-
poser aux ignoranis i)ar la hardiesse de leurs
décisions. Us ont donc tout l)l;hné au ha-
sard. Mais les habiles jurisconsultes, les
bons politiques, n'ont pas pensé de môme ;
(pielques-uns ont pris la peine de faire un
parallèle des lois juives avec les lois grec-
ques et romaines , et les premières n'ont
rien perdu à cette comparaison. D'autres
écrivains les ont justifiées en défiil contre
les reproches téméraires des incrédules.
Voyez Lettres de quelques Juifs, etc.
La législation des autres peu[iles a été faite
de pièces rapportées ; c'est un ouvrage qui ,
toujours très -imparfait dans son origine,
a été continué , augmenté , perfectionné de
siècle en siècle, selon les événements et les
révolutions qui sont arrivés. Le code do
Moïse a été fait d'un seul coup , et pendant
([uiiize cents ans il n'a pas été nécessaire
d'y toucher ; ses lois n'ont cessé d'être en
vigueur que lors([ue la pratique on est deve-
nue impossible par la ruine et la dispersion
totale de la nation juive ; et si cela dépen-
dait d'elle , elle y reviendrait encore ; nulle
DicTiosN. vr, Théol. dogmatique. 111.
part sous le ciel on n'a vu le même phéno-
mène. Moïse a mêlé onsemble les lois reli-
gicmses , soit morales, soit cérémoniellos ;
les lois civiles et les lois politiques : on le
bl.lme de ne les avoir pas distinguées, et d'y
avoir mis ainsi de la confusion; d'avoir voulu
que les Juifs observassent les unes et les au-
tres par le même motif, par le désir d'être
saints et de plaire îi Dieu. Pai' cette conduite,
dit-on , il a donné lieu aux Juifs de se per-
suader qu'il y avait aulant de mérite à pra-
tiipier un(> ablution qu'à faire une aumône.
Ce fut l'erreur des pharisiens , que Jésus-
Christ a si souvent coml)attue , et dans la-
qui'lle les Juifs sont encore aujourd'hui :
elle est évidemment venue de la lettre même
de la loi. Nous soutenons ([ue dans tout cela
le législateur n'est point répiéhensible ; ses
livres sont en forme de jouinal; il y a cou-
ché les lois h mesure que Dieu le lui oi-
(liinnait et que l'occasion s'en présentait.
Cette méthode mettait les Juifs dans la né-
cessité d'apprendre en même temps leur re-
ligion et leur histoire, leur droit civil et leur
constitution politique; il nous paraît que c'é-
tait un bien, et non un mal.
Il est faux que Moïse n'ait pas distingué
les lois morales d'avec les lois cérémoniel-
les : les premières sont dans le Décalogue,
qui fut dicté par la bouche de Dieu môme,
avec un appareil majestueux et terrible; les
secondes ne furent écrites que dans la suite
et selon l'occasion. Quant au motif, un peu-
ple aussi grossier que les Juifs n'élait pas ca-
pable d'être conduit par un autre mobile que
par celui de la religion ; Moïse n'a donc })as
eu tort de s'y attacher, et do donner à toutes
ses lois la même sanction, savoir, la volonté
de Dieu, l'amour et la crainte de Dii-u. De
là il s'ensuit seulement que tout juif, en ob-
servant une loi quelconque, obéissait à Dieu,
et non que tous ces actes d'obéissance avaient
un mérite égal. Si dans la suite les Juifs en
ont tiré une fausse conséquence, ce n'est pas
faute d'avoir été avertis; Samuel, David, Sa-
loinon, isaïe et tous les prophètes leur ont
répété sans cesse que Dieu voulait la pureté
du cœur plutôt que celle du corps, la misé-
ricorde et non le sacrilice ; la justice, la cha-
rité l'indulgence envers le prochain, et non
des cérémonies. Mais il y aurait eu de l'im-
prudence à prêcher d'abord cette morale h
un peuple qui n'était pas encore policé, ni ac-
coutumé à subir le joug d'aucune loi écrite.
Il fallait commencer par lui apprendre à
obéir, sauf à lui faire distinguer dansla suile
le bieu d'avec le mieux. Vuij. Sainteté. Les
censeurs de Moïse affectent d'oublier que
tous les législateurs ont fait comme lui ; ils
ont fait envisager les lois, non comme la vo-
lonté des hommes, mais comme celle de
Dieu : c'est ainsi que Zaleucus en parlait dans
11! jirologue de ses lois, Cicérou dans son
traité de Leyibus, Platon, etc. Tous oni com-
pris que sans cela les lois n'auraient aucune
for((% ipi'aucun homme n'a par lui-même le
droit ni l'autorité de commander h ses sem-
blables. Voy. Al'TOlUTÉ POLITIQLIC, Loi.
On dit que les lois mosaïques sont trop
■?.H
S7a
MOI
MOI
876
sévères et trop dures ; elles punissent de
mort un violateur du sabbat aussi bion qu'un
homicide; elles ont rendu les Juifs intolérants,
Seunemis des étrangers et odieux à toutes les
■nations. Le gouvernement théocratique éta-
bli par Moïse n'est, dans le fond, que le gou-
vernement des prêtres, qui est le pire de
tous. Vcil I encore, de la part des incrédules,
un trait d'ignorance affectée qui ne leur
fuit pas honneur. Tout le monde sait que,
dans l'origine, les premières lois de tous les
Eeuples ont été trop sévères, parce que des
omines qui ne sont pas encore accoutumés
à subir ce joug ne peuvent être contenus que
par la crainte. On a dit que les lois données
aux Athéniens parDracon étaient écrites en
caractères de s:ing ; celles de Lycurguo n'é-
taient guère plus douces, non plus que celles
des douze Tables, ado|itées par les Romains;
le code des Indiens fait frémir ; raa's il est
faux que celles de Moise aient été aussi du-
res : on défie les incrédules de citer une seule
législation qui n'ait pas stalué des supplices
plus cruels que ceux qui étaient en usage
chez les Jufs. Quand on connaît l'importance
de la loi du sabl>at, l'on n'est pas étonné de
voir un violateur public de cette loi con-
damné à mort. Voy. Sabbat.
Il faut se souvenir encore qu'au siècle de
Moïse toutes les nations se re^;ardaient com-
me toujours en état de guerre; ce nui est
dit des rois delà Pentapoledu temps d'Abra-
ham, des usurpations que les Chananéens
avaient faites les uns sur les autres, du
brigandage qui subsistait encore au temps
de David, la m nière dont les philosophes
grecs parlent des peuples qu'ils nomment
barbares, etc., en sont des preuves incontes-
tables. Moïse , loin d'autoriser ce préjugé
meurtrier, travaille à le détruire; il ordonne
aux Hébreux de bien traiter b's étrangers,
parce qu'ils ont été eux-mêmes <tran^crs en
Egypte ; il leur défend de toucher aux pos-
sessions des Iduméens, des Moabites ni des
Ammonites, b'urs voisins, et de conserver
du ressentiment contre les Egyptiens. Sous
le règne de Salomm, il y avait dans la Ju-
dée cent cinquante-trois mille ét:angeis ou
prosélytes (// Parai, ii, 17). Oii sont donc les
marques d'aversion contre eux? A la vérité
les lois juives défendaient de tolérer dans la
Judée l'exercice de l'idolâtrie, ce crim' d -
vait être puni de mort ; mais elles ne com-
mandaieni pas de tuer les" idolâtres de pro-
fession, quand ils s'.ib tenaient de leurs su-
perstitions. L'on n'a jaraa s vu les Juils pre:;-
dre les armes jour ail r exte miner l'idoli-
trie hors du territoire qu" Diou leur avait "s-
signé, comme l'ont f;iit plus d'une fois les
Assyriens et l;^s Perses. Avant >;e déclamer
contre le i^ouverncment théocratique, il fau-
drait commencer pa; le déiinir, et nous ap-
prendre C'> que c'est. Souvent les Israélites
n'ont eu aucun c';ef; alors, disent les histo-
riens, chacun faisait ce qui lui semblait bon ; le
gouvernement élàit pour lors i)uremeiit dé-
mocratique, et c'est le premier exemple qui
en ait existé dans l'univers. Lorsqu'il y avait
un juge ou un roi, ce n'est pas lui qui devait
régner, c'est la loi ; il n'était pas plus permis
aux prêtres qu'aux rois de la changer, d'y
ajouter ni d'en retranchiT. Pendant quatre
cents ans, aucun prêtre n'a été juge ou sou-
verain magistrat de la nation ; Héli est le
premier; Samuel n'était pas prêtre, mais
prophète ; et l'on sait si la nation gagna
beaucoup à demander et k obtenir un roi.
Fut-elle jamais mieux gouvernée que sous
les Asmonéens, qui étaient prô're-'et rois?
Diodore de Sicile et d'autres anciens oni jugé
beaucoup plus sensément du gouvorneiiient
des Juifs que les phihisophes modernes. Ces
derniers ont tourné enridiciile les lois céré-
monielles; mais ils ont montré aussi p ude
bon sens sur ce point c[ue sur tous les aU|tres.
Voi/. Loi cérémomelle.
V. De la conduite de Mnïse. Si ce législa-
teur avait été un hoinne ordinaire, nous
convenons que sa conduite serait incompré-
hensible, et s'il avait été un imposteur, il
faudrait encore conclure que c'était un in-
sensé : mais ce qu'il a fait pi ouve qu'il n'é-
tait ni l'un ni l'autre. Convaincu, par ses
propres miracles, qu'il était envoyé de Dieu,
assuré d'un secours divin par la bouche de
Dieu même, a-t-il dû se conduire avec les
timides précautions que la prudence hu-
maine exige, ou a-t-il dû former un jilan de
conduite différent de cehii que Dieu avait
arrêté d'avance ? S'il a délivré son peuple de
la servitude d'Egypte, s'il l'a fait subsister
dans le désert pendant quarante ans, s'il l'a
mis en état de se rendre maître de la Pales-
tine, il a rempli l'objet de sa mission: il est
ridicule de disputer sur les moyens: pus-
qui3 ces trois choses ne pouvaient être exé-
cutées par des voies nalurelles et ordinaires,
il faut que Moïse ait agi p :r des lumières et
par des forces surnaturelles, puisipie enûn
il est incontestable qu'il en est venu k bout.
Toute la question se réduit à savoir s'il a
réussi par des injustices, ]3ar des crimes, ]jar
la violation des lois de 1 humanité ; les in-
crédules le prétendent; sont-ils bien fondés?
Moïse, dit l'un d'entre eux , commence sa
carrière par l'assassinat d'un E:^yptien; forcé
de s'enfuir, il épouse une femme idolâtre et
la renvoie ensuiie, 11 revient en Egypte sou-
lever les Israélites contre leur souverain;
il punit les Ej;yptiens de la faute de leur roi;
il engage ses Hébreux à voler leurs anciens
niaîti-.s. Arrivé dans le désert, il établit son
autorité despotique par le massacre de ceux
qui lui résistent : il place le sacerdoce dans
sa tribu et le pontilicat clans sa famille ; il
punit le peuple de la faute de son frère Aa-
ron, qui avait consenti à l'adoration du veau
d'or ; il laisse périr dans le désert une géné-
ration tout entière, et en mourant il auto-
rise les Juifs à dépouiller et à extt.'rminer les
Chananéens. Tant de crimes n'ont pu être
commandés par la Divinité ; c'est un blas-
phème de les lui attribuer.
Il est difûcile de répondre en peu de mots
à cette multitude d'accusations; nous ferons
cependant notre possible pour abréger. 1° Un
assassinai est un meurtre commis de propos
délibéré. Peut-on p'-juver qu'en voulant dé-
877
MOI
fendre un Hé'breu contre la violence d'un
E^yplien, Moïse avait (iessein do tuer ce
dernier; que ce meiu-tre n'est pas arrivé
contre son intention, et en voulant seulement
résister aux ellbrts d'un furieux ? Voilh ce
qu'il fiudrait démontrer, et c'est ce (jue l'on
ne fera jamais. 2° 11 est faux que Sé()hoia,
femme de Moïse, ait été idolAtre ; on voit au
contiaire q le Jéthio, père de cette femme,
adorait 1:^ vrai Dieu. Moïse ne la quitta que
pour aller remplir sa commission en Egyjite ;
et lorsque Jétliro li lui ramena dans le désort
avec ses enfants, il n'y eut aucune marque
d'inimitié de part ni d'autre. 3° Le roi d'E-
gypte n'était point le souverain légitime des
Israélites ; lui-même ne les r. 'gardait point qu'elle était très-légitime.
MOL 878
à se mutiner, on dirait qu'il ,i usé de collu-
sion avec Moïse pour rendre croyables tous
les miracles rajipportés dans son histoire.
Mais , encore tine fois, si la conduite de
Moïse était injuste, tyrannique , odieuse ,
comment n'a-t-il pas été massacré par une
nation composée de deux millions d'hommes?
Comment les Juifs ont-ils laissé subsister
dans son histoire tous les rejiroches qu'il
leur fait? Comment jes prèlres n'ont-ds pas
au moins effaci' tout ce qui est désavanta-
geux à leur tribu ? \'oilà des questions aux-
quelles les incrédules n'ont jamais tenté de
satisfaire. Quant à la conquête de la Pales-
tine, nous prouvons à l'article Chananéens
comme ses sujits, mais comme des étran-
gers qui devaient un jour sortir de ses Etats.
La servitude à laquelle il les avait réduits,
l'ordre qu'il avait donné de noyer l;-urs en-
fants mïli'S, les travaux dont ils les accablait,
étaient, pour les Israélites, des sujets très-
légitimes de quitter ce royaume; et cette re-
traite ne peut, en aucun sens, être regardée
comme une révolte, k" Les vexations exer-
cées contre eux n'étaient pas le crime parti-
culier du roi d'E,:;ypte, mais celui de tous ses
sujets ; tous résistèrent aux miracles que
Moïse tit en leur présence : tous méritaient
donc d'être punis. Ce que les Israélites em-
portèrent Ji titie d'empiunt n'ét:iit qu'une
juste compensation de leurs travaux, pour
lesquels ils n'avaient reçu aucun salaire. Voy.
Juifs. 5° Moise ne commit jamais de massa-
cre pour établir son autorité, mais pour pu-
nirl idolAtrie et les autres désordres auxquels
les Hébreux s'étaient livrés. 11 le devait,
pour venger la loi f irmelle que Dieu avait
portée, et de l'exécution de laijuelle dépen-
dait la prospérité de la nation entière. 6° Aux
mots Aabon et Lévites, nous faisons voir
que ce sacerdoce n'était pas un très-grand
avantage pour la tribu de Lévi, e' que le
peuple fut puni, non pour la faute d'ÂBi-on,
mais pour la sienne. Si Moïse avait été con-
duit par l'ambition, il aurait fait passer le
pontificat h ses propres enfants , et non à
ceux de son frère. D'ailleurs le choix que
Dieu faisait de cette tribu et de cette famille
fut contirmé par des miracles. 7" Les qua-
rante ans de séj ur dans le désert turent la
punition des murmures injustes auxquels
les Israélites s'étaient 1 vrés ; mais ceux de
cette ;;énér .tion qui entrèrent dans la terre
promise étai nt ;lgés de vingt ans lorsqu'ils
étaient sortis d' l'Egypte; ils avaient donc
été témoins oculaires de tout ce qui s'y était
passé, et ils s'en souvenaient très-bi 'u.
Il est fort singulier que l'on veuille rendre
Moïse responsat)le des tléaux surnaturels et
miraculeux qui sont tombJs sur les Israéli-
tes, et qu'ils avai>'nt mérités, pendant que
l'histoire nous atteste qu'il ne manquait ja-
mais d'intercéder auprès de Dieu pour les
coupables. Y e t-il une seule occasion dans
laquelle on puisse faire voir que ce législa-
teur a sévi contre des innocents, ou qu'il a
demandé vengeance à Dieu ? Si tout ce peu-
ple avait été moins rebelle et moins prompt
Après avoir bien exainin' les miracles, les
prophéties, la doctrine, les lois, la conduite
de Moïse , qu'exigera-t-on do plus pour être
convaincu qu'il éta t l'envoyé de Dieu, et
que les Hébreux n'ont ras -m ilouter de
sa mission ? Citera-t-on dans le mende un
imposteur qui ait su réunir tant de caractè-
res do divinité, un législateur qui ait poussé
aussi loin le courage , la patience, la pré-
voyance, le zèle pour les intérêts de sa na-
tion ? Il n'est [las poss'ble de lire les der-
niers chapitres du Deutéronome sans être
saisi d'aumiraiion ; et quand on ne voudrait
pas convenir qu'il a été le ministre de la Di-
vinité, on serait encore f ircé tie reconnaître
que c'était un grand homme. Aus4 le peu-
ple pleura sa mort pendant tr,nte jours, et se
soumit sans résist,uice à Josué, qu'il avait dé-
signé son successeur.
MOISSON. Mose avait ordonné aux Hé-
breux, lorsqu'ils moissonneraient un champ,
de ne pas couper exactement tous les épis,
mais d'en laisser une petite partie pourles
pauvres et les étrangers, et de leur permettre
de glaner {Levit. xxiii, 22); c'était une loi
d'humanité. Nous en voyons l'exécution
dans le livre de Ruth, c. ii, v. 7 et suiv., où
Booz invite cette femme moabite à glaner
dans son champ, et lui fiit encore une au-
mône.
La moisson de l'orge ne devait se faire
qu'ajirès la fête de PAques, pendant laquelle
on otfrait au Seigneur la première javeile ;
ni celle du froment qu'après la fête de la
Pentecôe, pendant laquelle on i'evait olfrir
le premier pain de blé nouveau {Lrvil. xxiii,
10 et 17). Yoy. Prémices Dans la suite, les
Juifs ajoutèrent bcaucoui) de cérémonies à
ce qui était ordonné par la loi pour l'ouver-
ture des moissons. l{e\&tid, Antiq.sacxœ vet.
Hebrœorum, p. 'H'V*, 2.37.
MOLSNlS.vlE, système d ■ théologie sur la
grâce et sur la [irédostination, imaginé par
Louis Mnlina, jésuite es;agnol, professeur de
théologie dans l'université d'Evora en Por-
tugal. Le livre où il explique ce système,
intitulé : Lihrri arbitrii cum gralia: donis,
etc., Concordia, parut h Lisbonne en 15s8;
il fut vivement atta |ué par les dominicains,
qui le déférèrent à l'inquisition, en accusant
soi auteur de renouvider les erreurs des
pélagiens et des semi pélagiens. La cause
ayant été prutée à Rome, et discutée dans
S79
MOL
MOL
880
les fameuses assemblées qu'on nomme les
congrégations de Auxiliis, depuis l'an 1587
jusqu'en 1007, demeura indécise. Le pape
Paul V, qui tenait alors le siège de Rome,
ne voulut rien prononcer ; il défendit seule-
ment aux deux partis de se noter mutuelle-
ment par des qualitications odieuses. Depuis
cette espèce de trêve, le molinisme a été en-
seigné dans les écoles comme une opinion
libre ; mais il a eu des adversaires implaca-
bles dans les augustiniens vrais ou faux, et
dans les thomistes. Ceux-ci d'une part, et
les jésuites de l'autre, ont publié chacun des
histoires ou des actes de ces congrégations
conformes à leur intérêt et à leurs préten-
tions respectives : devinera qui pourra, dit
Wosheim, de quel côté il y a le plus de vérité
et de modération.
Quoi qu'il en soit, voici le plan du sys-
tème de Molina, et l'ordre que cet auteur
imagine entre les décrets de Dieu. 1° Dieu,
par la science de simple intelligence , voit
tout ce qui est possible, et par conséquent
des ordres infinis de choses possibles. 2° Par
la science moyenne. Dieu voit certainement
ce que, dans chacun de ces ordres, chaque
volonté créée, en usant de sa liberté , fera,
si Dieu lui donne telle ou telle grâce. Voy.
Science de Dieu. 3° Il veut d'une volonté
antécédente et sincère sauver tous les hom-
mes, sous condition qu'ils voudront eux-
mêmes se sauver, c'est-à-dire qu'ils corres-
pondront aux grâces qu'il leur donnera. Voy.
Conditionnelle. 4-° 11 donne à tous les se-
cours nécessaires et suffisants pour 0[iérer
leur salut, quoiqu'il en accorde aux uns plus
qu'aux autres, selon son bon plaisir. 5° La
grâce accordée aux anges et à l'homme dans
l'état d'innocence n'a point été efiicace par
elle-même, mais versatile; dans une partie
des anges, elle est devenue efticace par l'é-
vénement ou par le lion usage qu'ils en ont
fait; dans l'homme, elle a été inefticace, parce
qu'il y a résisté. 6" Il en est de même dans
l'état de nature tombée, nuls décrets abso-
lus de Dieu, efficaces par eux-mêmes et an-
técédents à la prévision du consentement
libre de la volonté humaine ; par conséquent
nulle prédestination à la gloire éternelle
avant la prévision des mérites de l'homme ;
nulle réprobation qui ne suppose la pres-
cience des péchés qu'il commettra. 7° La vo-
lonté que Dieu a de sauver tous les hom-
mes, quoique souillés du péché originel, est
vraie, sincère et active ; c'est elle qui a des-
tiné Jésus-Christ à être le Sauveur du genre
humain ; c'est en vertu de cette volonté et
des mérites de Jésus-Christ, que Dieu ac-
corde à tous plus ou moins de grâces suffi-
santes pour faire leur salut. 8° Dieu, par la
science moyenne, voit avec une certitude
entière ce que fera l'homme placé dans telle
ou telle circonstance, et secouru par telle
eu telle grâce, par conséquent qui sont ceux
qui en useront bien ou mal. Quand il veut
absobmient et efficacement convertir une
âme ou la faire persévérer dans le bien, il
forme le décret de lui accorder les grâces
auxquelles il prévoit qu'elle consentira, et
avec lesquelles elle persévérera. 9* Par la
science de vision, qui suppose ce décret, il
voit (fui sont ceux qui fieront le bien et per-
sévéreront jusqu'à la fin, qui sont ceux qui
pécheront ou ne persévéreront pas. En con-
séquence de cette prévision de leur conduite
absolument future, il prédestine les premiers
à la gloire éternelle, et réprouve les autres.
La base de ce système est que la grâce suf-
tisante et la grâce efficace ne sont point dis-
tinguées par leur nature, mais que la môme
grâce est tantôt efficace et tantôt inefficace,
selon que la volonté y coopère ou y résiste.
Ainsi, l'efficacité de la grâce vient du con-
sentement de la volonté de l'homme, non,
dit Molina, que ce consentement donne
quelque force à la grâce, ou la rende effi-
cace in aciu jniino, mais parce que ce con-
sentement est la condition nécessaire pour
que la grâce soit efficace in actii secundo, ou
lorsqu'on la considère comme jointe à son
effet; à peu près comme les sacrements, qui
sont par eux-mêmes productifs de la grâce,
et qui dépendent néanmoins des disposi-
tions de ceux qui les reçoivent pour la pro-
duire en effet. C'est ce qu'enseigne formel-
lement ce théologien dans son livre de la
Concorde, disput. 1. q. 39, 40 et suiv.
Selon les molinistes, la différence entre la
grâce efficace in actii jrrijno, et la grâce
inefficace, consiste en ce que la première
est donnée dans une circonstance dans la-
quelle Dieu prévoit que l'homme en suivra
le mouvement, au lieu que la seconde est
donnée dans une circonstance où Dieu
prévoit que l'homme y résistera; d'où il
s'ensuit , disent-ils, que la grâce efficace
est déjà, m actu primo, un plus grand bien-
fait de Dieu que la grâce inefficace, puisqu'il
dépend absolument de Dieu de donner l'une
ou l'autre. Ainsi ce n'est point l'homme qui
se discerne lui-même , mais Dieu, comme le
veut saint Paul. Molina et ses défenseurs ont
vanté beaucoup ce système, en ce qu'il dé-
noue une partie des difficultés que les Pè-
res, et surtout saint Augustin, ont trouvées
à concilier le libre arbitre avec la grâce. Mais
leurs adversaires tirent de ces motifs mômes
une raison pour le rejeter, puisque, selon
les Pères, l'action de la grâce sur la volonté
humaine est un mystère. Cependant il nous
paraît que le mystère subsiste toujours , en
ce que l'action de la grâce ne peut être com-
parée, sans inconvénient, ni à l'action d'une
cause physique , ni à l'action d'une cause
morale. Voy. Grâce, § 5.
La plupart des partisans de la grâce effi-
cace par elle-même ont soutenu que le mo-
linisme renouvelait le semi-pélagianisme ;
mais le Père Alexandre, quoique dominicain
et thomiste, dans son Hist. ecclés. du y' siè-
cle, c. m, art. 3, § 13, répond à ses accusa-
teurs que le système de Molina n'ayant pas
été condamné par l'Eglise, et étant toléré
comme les autres opinions de l'école, c'est
blesser la vérité, la charité et la justice, de
le comparer aux erreurs, soit des pélagiens,
soit des semi-pélagiens. Bossuet , dans son
premier et dans son second Avertissement
881
MOL
MOL
882
aux protestant!), montre solicleinent, et par
un paralK'le exact du moltnisme avec le se-
mi-pélagianisme, que l'Eglise romaine, en
tolérant le système de Molina, ne tolère point
les erreurs des semi-pélagiens , connue le
ministre Jurieu avait osé le lui reprocher.
Il est fâcheux que, malgré ces apologies et
malgré la défense de Paul V, la même accu-
sation renaisse toujours. Molina enseigne
formellement que, sans le secours de la grâ-
ce, l'homme no |>eut l'aire aucune action sur-
naturelle et utile au salut; Concorde, 1"
question, disput. 5 et suiv. Vérité diamétra-
lement opposée à la maxime fondamentale
du pélagianisme. 11 soutient que la grâce
est toujours prévenante, qu'elle est opérante
on coopérante lorsipi'elle est efiicace; qu'ain-
si elle est cause efficiente des actes surna-
turels, aussi bien ((ue la volonté de l'homme ;
disp. 39 et suiv. Autre vérité anti-pélagien-
ne. 11 dit et répète que la prévision du con-
sentement fotur de la volonté à la grâce
n'est jioint la cause ni le motif qui déter-
mine Dieu h doruier la grâce ; que Dieu
donne inie grâce efiicace ou inefiicace uni-
quement ixirce qu'il lui plaît ; qu'ainsi, à
tous égards, la grâce est purement gratuite ;
il se défend contre ceux qui l'accusaient d'en-
seigner le contraire, Troisième question des
causes de la prédestination, dis|i. J, quest.
23, p. 370, 373, 380, de l'édition d'Anvers,
en 1595. C'est saper le semi-pélagianisme
par la racine- Le premier devoir d'un théo-
logien est d'être juste. En second lieu, nous
nous croyons obligés de justifier de toute
erreur le système de Molina, sans vouloir
pour cela ni le jirouver ni l'adopter. Des
théologiens célèbres, en admettant le fond
de ce système, en ont adouci quelques arti-
cles et j)révenu les conséquences ; c'est ce
qu'on appelle le conr/ruisme mitigé, et il y a
déjà de l'injustice à le confondre avec le mo-
linisme. Mais il est encore plus douloureux
de voir des théologiens taxer de pélagianisme
et de semi-pélagianisme tous ceux qui ne
pensent pas comme eux, lorsque l'Eglise n'a
}3as prononcé et que les souverains ponti-
fes ont défendu de donner do pareilles qua-
lifications. Ce procédé n'est pas propre à
jirévenir les esprits judicieux en faveur de
l'opinion qu'ont embrassée et que soutien-
nent ces censeurs téméraires ( 1 ). Voij.
CONGRDISME.
MOLINOSISME, doctrine de Molinos, prê-
tre espagnol, sur la vie mystique; condam-
née à Rome, en 1C87, par Innocent XI. Ce
pontife, dans sa bulle , censure soixante-
huit propositions tirées des écrits de .Moli-
nos, qui enseignent le quiétisme le plus ou-
tré et poussé jusqu'aux dernières consé-
quences. Le principe fondamental de cette
doctrine est que la perfection chrétienne con-
siste dans la tranquillité de l'âme, dans le
reuoucement à toutes les choses extérieures
(I) Comme nous l'avons observé au mot Grâce,
Mgr Gousset profère l'opinion de Molina à celle des
tliomistes. Il pense ciu'avec elle on résout plus facile-
ment toutes les diflkulu^s, Yuy. Gn\rF<
et temporelles, dans un amour |)ur de Dieu,
exenqit de toute vue d'intérêt et de récom-
pense. Ainsi une âme qui aspire au souve-
rain bien doit renoncer non-seulement à tous
les plaisirs des sens, mais encore à tous les
objets corporels et sensibles , imposer si-
lence k tous les mouvements de son esprit
et de sa volonté, pour se concentrer et s'ab-
sorber en Dieu. Ces maximes, sublimes en
upiiarence, et capables do séduire les ima-
ginations vives, peuvent conduire à des con-
séquences affreuses. Molinos et quelques-
uns de ses disciples ont été accusés d'ensei-
gner, tant dans la théorie que dans la prati-
que, que l'on peut s'abandonner sans péché
il des dérèglements infâmes, pourvu que la
partie supérieure de l'âme demeure unie à
Dieu. Les propositions 25, 41 et suivantes
de Molinos, renferment évidemment cette er-
reur abominable. Toutes les autres tendent
à d'écréditer les pratiques les plus saintes de
la religion, sous prétexte qu'une âme n'en
a plus besoin lorsqu'elle est parfaitement
unie à Dieu. Jloslieim assure que, dans le
dessein de perdre ce prêtre, on lui attribua
des conséquences auxquelles il n'avait jamais
pensé. Il est certain que Molinos avait à
Rome des amis ])uissants et respectables,
très à portée de le défendre s'il avait été
possible. Sans les faits odieux dont il fut
convaincu, lorsqu'il eut donné une rétracta-
tion formelle, il n'est pas jirobable qu'on
l'aurait laissé en prison jusqu'à sa mort, qui
n'arriva qu'en 1696.
Moshcim suppose que les adversaires de
Molinos furent principalement indignés de
ce qu'il soutenait , comme les protestants,
l'inutilité des pratiques extérieures et des
cérémonies de religion. Voilà comme les
hommes à système trouvent partout de quoi
nourrir leur prévention. Selon l'avis des
protestants, tout hérétique qui a favorisé eu
quelque chose leur opinion, ((uelque erreur
qu'il ait enseignée d'ailleurs, méritait d'être
absous. La bulle de condamnation de Moli-
nos censure non-seulement les propositions
qui sentaient le protestantisme , mais celles
qui renfermaient le fond du quiétisme , et
toutes les conséquences qui s'ensuivaient.
Mosheim lui-même n'a pas osé les justifier,
Hist. ecclésiast. du x\u' siècle , sect. 2, i"
part., cap. i, § 49. Il faut se souvenir que
les quiétistes, qui firent du bruit en France
peu de temps après, ne donnaient point dans
les erreurs grossières de Molinos ; ils fai-
saient, au contraire, profession de les détes-
ter. Voy. Quiétisme.
MOLOCH, dieu des Ammonites ; ce nom,
dans les langues orientales , signifie roi ou
souverain. Dans le Lévitique, c. xvm, v. 21 ;
c. XX, v. 2, et ailleurs, Dieu défend aux Is-
raélites, sous peine de mort, de consacrer
leurs enfants à Moloch. Malgré cette loi, les
prophètes Amos, c. v, v. 6 ; Jérémie, c. xix,
V. 5 et 6 ; Sophonie, c. i, v. 1 , et saint
Etienne, Act., c. vu, v. 43, reprochent aux
Juifs d'avoir adoré cette fausse tlivinilé, et
semblent «lésigner le même Dieu sous les
noms de Moloch, de Banl et de Melchom. La
883
MOM
MON
SSÏ
coutume des idolâtres était de faire passer
les enfants par le feu à rhonneur de ce faux
dieu, et il paraît que souvent l'on poussait
la barbarie jusqu'à les brûler en holocauste,
comme faisaient les Carthaginois et d'aulres
à l'honneur de Saturne. D. Calmet prouve
très-bien que Moloch était le suleil, adoré
par les dilférents peuples de l'Orieni sous
plusieurs noms divers. Bible d'Avignon, t. II,
p. 355 et Si.iv. Mais ce que l'on dit de la fi-
gure de ce Dieu et de la manière dont on
•lui consacrait les enfants n'est pas également
certain. Mémoires de l'Acad. des Inscriptions,
t. LXXI, in-12, p. 179 et suiv.
* MOMIERS. Genève, la forteresse de Calvin, a vu
la (locuine du maître enlièrenient abandonnée. Dès
1817, on n'y enseignait plus la divinité de Jésus-
Christ. Quelques lioannes, nourris des doctrines de
Cal lin, crièrent au scandale et prétendirent qu'il
n'était pas permis de rejeter un seul article du sym-
bole du maille. Ils éuiiciit stationnaires; on les ap-
pela momiers. Leur Uijnil>re lut bientôt très-considé-
rable ; mais les pasteurs progressistes en appelèrent
au principe de la rélorine, au libre examen. Un ca-
tholique anonyme se mêla de la discussion dans la
Défense de la véiiérulile Compagnie des i,asleiirs de
Genève.
f Le droit d'examen, y dil-on, est le fondement
de la religion protestante et tout ce qu'elle contient
d'invarialile. Tant que ce droit est reconnu, exercé
sans entrave, elle subsiste elle- même sans altération :
ce droit aboli, elle n'est plus. Mais combien ne se-
rait-il pas absur.!e d'ordonner à chacun d'examiner
pour former sa loi, et de lui contester ensuite la li-
berté (l'admettre le résultat, quel qu'il soit, de cet
examen? Conçoit-on, je le demande, de plus mani-
feste coniradiction ? Nos pasteurs ont donc pu légi-
timement rejeter telle ou telle croyance conservée
par les premiers réformateurs. Et que signifie même
ce mot de r^, ui me, entendu dans sou vrai sens, sinon
un perfectionnement progressif et contimiel ? Pré-
tendre l'arrêter à un point (ixe, c'est tomber dans la
rêverie des symboles immuables, qui comiuisent
tout droit au papisme par la nécessité d'une auti:rité
infaillible qui les détermine. Souvenons-nous-en
bien : la plus légère restriction à la liberté de
croyance, au droit d'alfirmer et de luer, en matière
de religion, est mortelle au protestantisme. Nous ne
pouvons condamner personne sans nous condamner
nous-mêmes, et notre tolérance n'a d'autres limites
que celles des opinions humaine^. On ne peut donc,
sous ce rapport, que louer la sagesse de la vénéra-
ble Compagnie. Provoquée par des hommes qui, en
racciisanl d'erreur, sapaient la base de la réforme,
elle s'est peu inqniélre des opinions qu'elle sait ilre
essentiellement bbies; mais elle a delèndu le prin-
cipe même de cette liberté, en repoussant de son
sein les sectaires qui le violaient. Permis à vous,
leur a-t-elle dit, de croire mi de nier personnellement
tout ce qu'il vous plaira, pourvu que vous laissiez
chacun user trai](iuiilement du même droit, pourvu
que vous ne piéiendie/. pas donner aux au'acs vos
croyances pour règle; car c'est là ce que nous ne
SouUrirons jamais. Qui ne reconnaît dans ce langage
et dans cette conduite le plus pur esprit du protes-
tantisme?...
, « Nos pasteurs, en n'admettant pas la divinité du
Christ, en le regardant comme une pure créature,
ne réclament d'autre autorité que celle iiui peut na-
lurellemeiit appartenir à tous les hommes, sans au-
cune mission ni exlraurdinaire, ni divine ; et en cela
ds sont coiiséqiients. On peut les croire, on peut ne
pas les croire : c'est un droit de chacun, le droit
consacré par la réforme^ qui demeure ainsi inèbian-
^le sur sa base. Les catholiques sont également
conséquents dans leur système ; car ils prouvent fort
bien que parmi eux le ministère s'est perpétué sans
lacune depuis les apôtres, ;i qui le Christ a dit : Je
voi's envoie. Donc, si le Christ est Dieu, les apôtres
et leurs successeurs envoyés par eux sont manifeste-
ment les seuls ministres légitimes, les minisires de
Dieu ; on doit les considérer comme Dieu même et
les croire sans examen, car qui aurait la prétention
d'examiner après Dieu? Il n'est donc point de folie
égale à celle des adversaires de la vénérable compa-
gnie', des momiers, imisqu'it faut Us appel r pur leur
nom. Ils veulent être reconnus pour ministres de
Dieu, sans prouver leur mission divine ; ils veulent,
en cette qualité, qu'on croie ce qu'ils croient, et ils
ne veulent p;is être infaillibles ; ils veulent que tous
les esprits adoptent leurs opinions, se soumettent à
leurs enseignements et conservent le droit d'examen :
ce qui suppose, d'une pari, qu'ils peuvent se trom-
per, et, de l'autre, qu'il est impossible qu'ils se
trompent; ils veulent, en un mot, élre protestants et
renverser le proleslanlisme, en niant, soit le prin-
cipe qui en est la base, soit les conséquences rigou-
reuses qui en découlent immédiatement. » Celait
faire une critique habile du principe et des préten-
tions de la réforme.
MONARCHIE. Dans l'article Damel on
trouvera l'explication de la prédiction de ce
jirophète touchant les quatre monarchies qui
devaient se succéder avant l'arrivée du Mes-
sie. En Angleterre, sous le règne de Crom-
wel, on appela hommes de la cinquième mo-
narchie une secte de fanatiques qui croyaient
que Jésus-Christ allait descendre sur la terre
pour y fonder un i.ouvcau royaume, et qui,
dans cette persuasion , avaient dessiin de
bouleverser le gouvernement et d'établir une
anarchie absolue, viosheim, Hist. ecclés. du
xyii" siècle, sect. 2, ii' part, c. 2, § 22. C'est
un des exemples du fanatisme que produi-
sait en Angleterre la lecture de l'Écriture
sainte , commandée à tout le monde , et la
licence accordée à tous de l'entendre et de
l'expliquer selon leurs idées particulières.
Voy. Ecriture sainte.
MONASTÈUE. Yoy. Moines, § 3.
MONASTÉRIENS. Voy. Anabap:istes.
MONASTIQUE (état). Voy. Moines, § 2
MONDAIN. Dans les écrits des moralistes
et des auteurs ascétiques, ce terme signifie
une personne livrée avec excès aux plaisirs
et aux amusements du monde, et asserve à
tous les usages de la siiciélé, bons ou mau-
vais ; et ils appellent a/fections mondaines
les inclinations ipii nous portent à violer la
loi de Dieu. Saint Pierre exhorte les tfièles
à fuir la convoitise corrompue qui règne
dans le monde {II Pelr. \, k). « N'aimez |ias
le monde, leur lîit saint Jean, ni tout ce qu'il
renferme; celui qui l'aime n'est pas aimé de
Dieu. Dans le monde tou! est concupiscence
de la chair, convoitise des yeux, et orgueil
de la vie ; tout cela ne vient pas de Dieu. Le
monde passe avec toutes ses convoitises ,
mais celui qui fait la volonté de Dieu de-
meure élerueliemenl. {IJoan. n, 15.)» Le but
de ces leçons n'est point de nous détaclier
des ati'eciions louables, di:s devoirs, ni des
usages innocents de la vie sociaf', mais de
nous pr. server de l'excès avec lequel plu-
sieurs personnes s'y livrenl, et de l'oubli
«es
itfÔN
MON
«go
dans lequel elles vivent h l'égard de leur sa-
lut.
MONDE (Physique du). C'est la manière
dont le monde est construit et a coraniencé
d'être. L'Ecriture saiiile nous appn nd que
Dieu a créé et arrangé le monde tel qu'il est,
qu'il l'a fait dans six jours, quoiqu'il eût pu
le faire dans un seul instant et par un seul
acte de sa volonté (t).
Cette narralion, qui suffit pout nous inspi-
rer le respect, la soumission, la iTconnais-
sance envers le Créateur, n'a [las sjiiisi'iùt la
curiosité des philosophes; ils ont voulu de-
viner la manière dont Dieu s'y est pr'is, et
la matière qu'il a mise en usa;^e ; ils ont forgé
des systèmes h l'envi, et ne se sont accor-
dés sur aucun. Descartes avait l);iti l'uni-
vers avec de la poussière et des tourbillons;
Biirnet, plus modeste, se contenta de don-
ner la théoiie complète de la formation do
ia terre ; Woodward, mécontent de cette
hypothèse, prétendit que le glolie avait été
mis en dissolution et réduit on pAte par le
déluge universel ; 'NVisthon imagina que la
terre avait été d'abord une comète bnilante,
qui fut ensuite inondée et couveiie d'eau
par la rencontre d'une autre comète. Buf-
fon, après avoir réfuté toutes ces visions, et
s'être moqué des p'^ysiciens, qui f nt pro-
mener les comètes h leur gré, a eu recours
à un expédieni seniblnble piiur c instruire à
son tour la terre et les planètes.
11 suppose qu'environ soixante -quinze
mille ans avant noirs, une comète est tom-
bée obliquement sur le soleil, a détaché la
six cent cinquantième jiaiMie de cet astre,
et l'a poussée h tr( nte millions de lieues de
dislance; que cette matière brûlante et li-
quide, séi'arée en dillV'i'intes masses roi-
lantes sur elles-mêmes, a formé les divers
globes (pie nous appelons la terre et les
planètes. lia fallu, selon Butlon. deux mille
neuf cent trente-six ans pour que cette ma-
tière vitnuse, brûl ip.te et liquule, acquît de
la consistance , fut consolidée jusqu'à son
centr ■, form.'t un globe api .ti vers les pôles,
et plus élevé sous son équaleur. C'est co
que notre grand naturaliste appelle In pre-
mière époque de In nature. — La secon ie a
duré trente cinq iiiille ;us, et c'est le temps
qu'il a fa lu poiu' cpii' le j^lobe perdît ass^'z
de sa chaleur pour y laisser tomber les va-
peurs et les laux < ont il était <nviionné.
Mais, par le refroidi^senent, il s'est foriué
h sa surface des cavités et des boiH-soufflu-
res, des inégalités prodigieuses ; c'est ce
qui a produi' les bassins des mers et les
hautes uiontagnes dont la terre est hérissée.
Kxcpplé le. r Sommet, la terre se trouva pour
lors entièreuK nt couverte d'eau. — P; ndant
uiie troi'-ième é|)Oque, d'enviion quinze à
vingt mille ans, les eaux (pii couvraient la
terre, et ([ui étaient dans un mouvement
continuel, ont formé d.ms leur sein d'auties
chaînes de montugnes postérieures à celles
(t) Nous avons résotii un gr.ind nomltre de difti-
cnltes conceriuiiU le nioiirie aux mois Création Cos-
mogonie.
de la première formation, et ont déposé
dans leurs dill'érentes couches l'énorme quan-
tité de coquillages et de corps marins que
l'on y trouve. — A la quatrième époque les
eaux ont commencé à se retirer, et alors les
feux souterrains et les volcans ont joint leur
action h celle des eaux ]iour bouleverser la
surface du globe ; le mouvement des i aux
d'orient eu occident a rongé toutes les co-
tes orienIal(!s de l'Océan, et comme les pA-
les ont été découverts et refi'oidis plus tôt
que le terrain placé sous ri'qiiateiir, c'est
dans le Nord que les animaux terr stres ont
commencé à naître et fi se multiplier. — Le
commencement de la cinquième époque
date au moins de quinze! mille ans avant
nous , pendant lesquels les animaux . nés
d'abord sous les pôles, se sont avancés peu
à peu dans les . ones tempérées, et ensuite
dans la zone torride, h mesure que la terre
se refroidissait sous l'équateur ; et c'est là
que se sont fixées les espèces de grands ani-
maux qui ont besoin de beaucoup de c'ia-
leur. — La sixième époque est arrivée
lorsipie s'est ûiitc la séparation de notre con-
tinent d'avec celui de rAmériipie, et que se
sont formées les grandes îles que nous con-
naissons. BufTon place cette rév(dulion à en-
viron dix mille ans avant noti'e siècle.
Un système aussi vaste et aussi hardi,
exjiosé avec tout l'avantage d'une imagina-
tion brillante et d'un sl\le enchanteur, ne
pouvait manquer de séduire d'abord les es-
lirits superficiels. Aussi l'a-t-on vanté com-
me une hypothèse qui explique tous les
phénomènes et satisfait à ton' es les difficultés.
Mais ce prestige n'a pas été de longue du-
rée. Parmi plusieurs physiciens qui ont at-
taqué avec succès le système de Bulfon, les
auteurs d'un grand ouvrage, inlitul(''/« Phy-
sique du monde, ont r'futé cette même hy-
pothèse dans toute son étendue ; ils en ont
détruit les principes et les conséquences. Ils
ont prouvé : 1° Que, selon les lois de la
physiriue les plus incontestables , une co-
mète n'a pas pu tomber sur le soleil, en dé-
tacher la six cent cinquantième partie, la
pousser à une aussi énorme distance, en
former divers globes placés comme ils lo
sont ; que la force d'attnction, d nt Butfou
fait usage pour donner de la solidité h une
matière fluide, est une force supposée gra-
tuitement; qu'elle est inconcevable et in-
suffisante. — -1° Qu'il n'est pas vrai que la
matière primitive de notre globe soit du
verre ; que plusieurs des substances dont il
est composé ne sont point vitritiables; que,
pour devenir une boule a])latie .'■ous les pô-
les et isonflée sous l'équateur, il u a lias été
nécessaire que cette matière fôt liipiide ou
en fusion, mais seulement flexible, comme
elle l'est en effet. — > Que le simple re-
frcddissement d'une matière vitreuse n'a pas
pu y produire les inégalit s dont la surface i
du globe est hérissée ; que les vapeurs, ni }:.
les eaux de l'atmosphère, n'ont pu tomber V
sur la terre avec assez de violence pour y
produire les effets sup: osés par Butfon : que
les progrès du refroidissement de la terre,
887
MON
tels qu'il le conçoit, iiortent sur un faux
calcul. — k° Ajoutons que la diflTérence ad-
mise par Buffon entre les montagnes primi-
tives et les montagnes secondaires n'est pas
jusie ; il suppose que les premières sont
toutes de matiùrc vitreuse, et se sont for-
mées par les crevasses qui se sont faites sur
le globe, lorsqu'il a passé d'une extrême cha-
leur à l'état de refroidissement : or, cela
n'est pas ainsi, et le coniraire est prouvé
par des observations certaines. Il n'est pas
vrai que toutes ces montagnes primitives
soient composées de matières vitrescihles,
et que les montagnes secondaires soient de
matière calcaire ; que les unes soient cons-
truites de blocs de pierres jetées au hasai'd,
les autres posées par couches horizontales ;
les unes absolument privées de corps ma-
rins, les autres remplies de coquillages ,
etc. Cette construction n'est point du tout
uniforme. — 5° Le mouvement général des
eaux d'orient en occident est faussement
supposé, et il est contraire à toutes les lois
connues du mouvement. Les physiciens
dont nous parlons ont observé que sur ce
point Buffon se contredit ; tantôt il dit que
les côtes orientales de l'Océan sont les plus
escarpées, et tantôt que ce sont les côtes
occidentales ; sa théorie sur le mouvement
des eaux est absolument contraire à toutes
les observations. Yoij. Mer. — G° Ils ont fait
voir que la naissance spontanée des ani-
maux terrestres, des éléphants, des rhino-
céros, des hi|)popotames, sous la zone gla-
ciale, n'est qu'un rêve d'imagination. « Le
système des molécules organiques vivantes
et des moules intérieurs, créé par Buffon,
n'a plus de partisans ni d'adversaires : son
sort est irrévocablement décidé. Les coups
que lui ont portés les Haller, les Bonnet, et
tant d'autres physiciens, ont fixé ro[)inion
de tous les esprits. On ne croit pas plus au-
jourd'hui aux générations spontanées qu'aux
vampires et à la production des abeilles
dans le corps d'un taureau. » C'est ainsi
qu'en pense M. de Marivetz. Point de géné-
ration sans germe : or, où étaient les ger-
mes de l'espèce humaine et des animaux
dans une masse de verre brûlant, et qui a
demeuré dans cet état pendant soixante-
quinze mille ans, selon le calcul de Buffon?
Les molécules organiques vivantes et les
moules intérieurs pouvaient -ils mieux y
subsister que des germes ? — 7° Conçoit-on
que les poissons et les coquillages aient pu
naître et se multi|)lier à l'infini dans le sein
de la mer plusieurs milliers d'années avant
que la terre fût assez refroidie pour que les
animaux de la zone torride pussent vivre
près du pôle ? Car enfin Buffon ne place la
naissance des animaux terrestres qu'à la
quatrième époque, et il a fallu c[ue les co-
quillages fussent déjà formés à la troisième,
pour être déposés dans le sein des monta-
gnes où ils se trouvent aujourd'hui. Alors
les eaux de la mer devaient encore être au
degré de chaleur de l'eau bouillante : ce
degré n'était pas fort propre à favoriser la
naissance des coquillages et des poissons.
MOIS 888
Le froid leur convient beaucoup mieux ,
puisque c'est dans la mer Glaciale que se
trouvent les plus grands. — 8° M. de Mari-
vetz observe que Buffon ne donne aucune
cause satisfaisante de la séparation des deux
continents, ni de la naissance des grandes
îles ; que la marche qu'il fait suivre aux ani-
maux est mal conçue et contraire à la vé-
rité. 11 conclut que" ce grand naturaliste, en-
traîné par la chaleur de son imagination,
n'a consulté ni les lois de la physique, ni
l'expérience, ni la marche de la nature.
Toutes ces preuves de la fausseté du sys-
tème de Buffon sont confirmées par les sa-
vantes observations de M. de Luc sur la
structure du globe, et en particulier sur la
construction des grandes chaînes de mon->
tagnes de l'Europe, telles que les Alpes, les
Pyrénées, l'Apennin, et celles qui s'éten-
dent depuis les Alpes jusqu'à la mer Balti-
que. On voit, par ses Lettres sur VHistoire
de la terre et de l'homme, combien les ré-
flexions d'un physicien qui a beaucoup vu
et qui a tout examiné avec attention, sont
supérieures aux conjectures d'un philoso-
phe qui médite dans son cabinet. M. de Luc
n'admet aucune des suppositions de Buffon;
savoir, que le soleil est une masse de ma-
tière fondue et ardente, que les planètes en
ont été tirées par le choc d'une comète, que
la terre a été d'abord un globe de verre
fondu ; il attaque même directement cette
dernière hypothèse. De ce que tout est vi-
trescible dans notre globe, et peut être ré-
duit en verre par l'action du feu, il ne s'en-
suit pas que tout ait été vitrifié en effet,
puisqu'il n'y existe point de verre que celui
qui a été fait artificiellement ; on n'y trouve
aucune matière qui soit absolument vitreuse,
ou qui soit réellement du verre ; il y en a
même plusieurs qui ne peuvent être rédui-
tes en verre par leur mélange avec d'autres
corps. Il prouve que la chaleur de notre
globe augmente plutôt qu'elle ne diminue.
11 fait voir par la manière dont sont cons-
truites les hautes Alpes , montagnes pri-
mordiales s'il en fut jamais, qu'il est faux
que le globe ait jamais éprouvé une vitrifi-
cation universelle. L'on trouve dans leur
sein différentes espèces de pierres ; des
matières calcaires, aussi bien que des ma-
tières vitrescihles ; il en est de môme dans
les autres chaînes de montagnes. 11 y en a
dont le noyau est de matière vifrescible, re-
couverte par des matières calcaires ; d'au
très sont construites d'une matière tout op-
posée. Il est faux qu'en général il ne se
trouve point de coquillages ni de corps ma-
rins dans les montagnes formées de matiè-
res vitrescihles ; il est seulement vrai
qu'ils y sont beaucoup plus rares que dans
les montagnes construites de matières cal-
caires. Yoy. Montagnes. Il soutient qu'au-
cun fait ne prouve que la quantité des eaux
diminue, ni que la mer ait jamais changé
de lit par une progression insensible. Si
elle en avait changé, il aurait fallu que l'axe
de la terre changent, et cela n'est point ar-
rivé. Il est faux que la mer mine les côtes
\
889
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800
orientales des deux mondes. L'on peut ex-
pliquer par riiistoiro du déluge univcrsol la
plupart d(!S pliénomèues sur lesquels nos
physiciens se fondent, beaucoup plus aisé-
ment cpie par les suppositions arl)itraires
auxquelles ils ont recours. Voy. Mer.
De toutes ces observations M. do Luc
conclut que la Genèse est la véritable his-
toire du monde; que plus on examine la
structure de notre globe, mieux on sent que
Moïse avait été instruit par révélation. Le
dessein do cet historien n'était certainement
pas de nous enseigner la physique, mais de
nous transmettre les leçons que Dieu lui-
même avait données à nos premiers ra-
rents ; jus(|u'à présent néanmoins les i>hilo-
sophes ne sont pas venus ii bout de déiruiro
aucune des vérités qu'il a écrites. Les livres
saints nous disent que Dieu a livré le monde
aux disputes des raisoimeurs ; mais ils nous
apprennent aussi quel sera le succès de
toutes leurs spéculations. « Depuis le com-
mencement (lu »i()H'/('jusqu'.i la tin, l'honnue
ne trouvera pas ce ipie Dieu a fait, ^ moins
que Dieu lui-même n'ait trouvé lion de le lui
révéler {Eccl. ni, 11). » L'histoire de la créa-
tion nous représente Dieu comme un Pèie
qui, en fabri(iuant le monde, n'est occupé
cjue du bien do ses enfants, qui no fait pa-
rade ni de son industrie, ni de sa luiissance,
qui ne pense qu'à les rendre heureux et
vertueux. Parmi les jihilosopiies , les uns
veulent se passer de Dieu et )irouver que le
monde a pu se former tout seul ; les autres,
plus sensés, nous font admirer sa sagesse et
sa puissance, mais ils oublient de nous
faire aimer sa bonté. Ils veulent que Dieu
ait agi parles moyens les plus simples et les
plus courts, connue s'il y avait dos moyens
longs ou compliqués à l'égard d'un ouvrier
qui opère par le seul vouloir ; le degré de
jcur intelligence est la mesure do celle qu'ils
prêtent à Dieu. Il nous paraît mieux do
nous en tenir à ce qu'il a daigné nous ré-
véler.
Pendant que d'Iiabilos physiciens admi-
rent la sagesse de la narration de Moïse,
(luelques incrédules demi -savants préten-
dent qu'elle est absurde, et s'eflbrcent do
jeter du ridicule sur toutes ses expressions.
Celse, Julien, les manicliéens, ont été leurs
])ré(lécesseurs; Origène, saint Cyrille, saint
Augustin dans ses Livres sur la Genèse, ont
répondu à leurs objections. Nous n'en co-
pierons que quebiues-unes; on on trou-
vera d'autios aux mots Cataracte, Ciel,
Jour, etc.
1" Objection. Le premier verset de la Ge-
nèse porte : Du commencement les Dieu.r fit
le ciel et lu terre; voilà une matière [iréexis-
tante et plusieurs dieux clairement dési,unés.
C'est une imitation de la cosmogonie des
Phéniciens.
licponse. L'hébreu porte , hereschit , au
commencement ; et c'est ainsi que l'ont en-
tondu les paraphrastes chaldéens et les Sep-
tante. La pié|)Osition be signilie dans, et
non de; reschit n'a jamais désigné la ma-
tière. Eloliim, nom de Dieu, quoique iilu-
riel, est joint à un verbe singulier, il ne dé-
signe donc |)as plusieurs dieux ;'il est cons-
truit de même dans tout ce chapitre et ail-
leurs. D'autres termes hébreux, malgré la
terminaison du pluriel , n'expriment tpi'un
seul objet : chaim, la vie; maim, l'eau; phn-
nim, la facr^; schammaim, le ciel; adonim,
seigneur; buhatim, un faux dieu. Souvent
les Hi'broux disent, Jélinvuh elohim, le Dieu
(jui est : titre incommunicable, consacré à
exprimer le vrai Dieu. Le pluriel se met
l)Our augmenter la signification, et alors il
éipnvaut au su|)erlatif; Elohim est le Très-
lliiut ; les poètes latins font souvent de
même. Moïse fait ainsi parler Dieu : Sachez
que je suis le seul Dieu, et qu'il n'y en a
point d'autre que moi [Deut. xxxii, 39). Et
Lsaïe : J'ai fait seul l'immensité des deux, et
par moi seul j'ai formé l'étendue de la terre
(xLv, 2'i). Los Phéniciens n'ont jamais fait
une proiession de foi semldable. Dans leur
cosmogonie, rapportée par Sanchoniaton, il
n'est question ni d'un Dieu, ni de plusieurs
dieux pour faire le monde. Eusèbe a remar-
qué que c'est une profossioi) d'athéisme ;
mais on prétend que le traducteur grec l'a
mal rendu.
2' Objection. Dire que Dieu a fait le ciel
et la terre, est une expression ridicule. La
terre n'est' (ju'un point en comparaison du
ciel; c'est comme si l'on disait que Dieu a
créé les montagnes et un grain de sable.
Mais cette idée si ancienne et si fausse, quo
Dieu a créé le ciel pour la terre, a toujoui-s
prévalu chez les peuples ignorants, tels qu'é-
taient les Juifs.
Réponse. L'expression de Moïse prévaut
encore et prévaudra toujours, même chez
les savants, en dépit de ros[)rit chicaneur
des incrédules. Selon l'énergie de l'hébreu,
au commencement Dieu créa schanmiaim,
ce qui est le plus élevé au-dessus de nous,
et erls, ce qui est sous nos pieds : où est le
ridicule, sinon dans la censure d'un critique
(pii n'entend pas seulement la signilication
des termes? Il ne sert de rien à l'iiomme de
connaître l'immensilé du ciel et le système
du monde ; mais il lui est très-utile île savoir
(lu'en le créant. Dieu a pourvu .lu bien-être
des habitants de la terre : cette l'éllexion
nous rend reconnaissants et religieux.
:i' Objection. La terre, selon Moïse, était
toliH, bohu ; ce terme s'i^u'ûic chaos, désordre,
ou la matière informe : sans doute Moïse a
cru la matière éternelle, comme les Phéni-
ciens et toute l'antiquité.
Réponse. 11 est al)surde de supposer que
Moïse , après avoir dit quo Dieu a créé le
ciel et la terre , prend celle-ci ]iour la ma-
tière éternelle, et se contredit en doux li-
gnes. Tohu bohu est, à la vérité, syr.oiiymo
du chaos des Grecs; mais chaos signilie vide
ou ])rofondeur, et non désordre ou matière
informe ; c'est mal à propos qu'Ovide l'a
rendu par rudis indiqcstuquc moles. Moïse
donne à entendre que la terre , environnée
des eaux, ne présentait dans toute sa sui face
891
MON
MON
892
(Tu'un abîme profond couvert de ténèbres.
11 est faux que toute Fanticfiiité ait cru Ja
matière éternelle; c'a été le sentiment des
philosophes , et non celui du commun des
hommes. Moïse tst plus ancien que les écri-
vains de Phénicie ; il n'a rien emprunté d'eux.
Il est clair que les trois premiers versets de
la Genèse expriment distinctement la créa-
tion des quatre éléments.
k' O'ijvction. (les mois : Dieu ditquelalu-
mière soit, et la lumière fut, ne sont point un
trait d'éloquence sublime , quoi qu'eu ail
pensé le rhéteur Longin; mais le pass,i;j;e du
psaume cxlvih, Il a dit, et tout a été fuit, est
vraimimt suljlime, parce qu'd <ait une grande
image qui frappe l'esprit et l'enlève.
Réponse. Celse, de son côté, jugeait que
ces mo's, Sit lux, exprimaient un dé-ir; il
semble, dit-il, que Dieu demande la lumière
à un autie. Voilà co.nme les censeurs de
Moïse ont raisonné de tout temps. Mais nous
en appelons au jugement de tout lecteur
sensé; iieut-on mieux faire entendre que
Dieu opère par le seul vouloir, ni exprimer
avec plus d'énc^rgie le pouvoir créateur? Le
Clerc est le premier qui ail su mauvais gré
au rhéteur Longin de l'avoir comiTis; et en
cela il ne s'est pas fait beaucoup d'honneur.
Nous demandons au pliiloso[)he qui l'a co-
pié si, lorsque le psalraistea rendu la même
penséi' , il a sup|iosé la matière éternelle.
Voti. Création.
5' Objection. Une opinion fort ancienne
est que la lumière ne vient pas du soleil,
que c'est un lluiJe distin;^ué do cet .istre, et
qui en reçoit seulement l'impulsion; Moïse
s'est conioruié à cotte erreur populaire, [luis-
qu'il pi ice la cré ition de la lumière quatre
jours avoni celle du soleil. On ne j eut pas
conccvo r qu'il y ait eu un soir ei un matin
avant qu'il y eût eu un soleil.
Réponse. S'il y a ici une erreur, elle n'est
certainement pas populaire; c'est une vieille
opinion |)hilosophique S(jutenue i)ar Empé-
docle , I enouvelée par Descartes , et encore
suivie p-ir d'habiles physicier.s; mais le peu-
ple n'y a jamais pensé. Puisque l'hébreu
our si^niiie le feu aussi bien que la lumière,
pour qu'il y ait eu un matin et un soir, il
suflii que Dieu ait créé d'abord un feu ou un
cor s lumineux quelconque , qui ait fait sa
•■évolution autour de la terre, ou autour du-
(piel la terie ait tourné.
6' Objection. Selon Moïse, Dieu fit deux
grands lummaires , l'un pour présider au
jour, l'autre pour présider à la nuit, elles
étoiles. Il ne savait pas ijue la lune n'éclaire
que par une lumière em;Tuntée ou rétléchie ;
il parle des étoiles comme d'une ha^Aatelle,
quoiqu'elles soieut autant de st! lis dont
cliaci n a des mondes roulants autour de lui.
Réponse. Sans doute l'auteur a vu ces mon-
des, et il y a voyagé ; bientôt il nous a[)|)ren-
dra ce qui s'y passe. Ce n'est pas Moïse,
c'est Lucrèce qui a douté , après son maîire
Epicure, si la lune a une lumière propre, ou
seulement une lumière rélléchie. Pour Moïse,
il a eu de bonnes raisons Je parler sans em-
phase dis étoiles et des autres astres ; ou
sait qu'une admiration stupide de l'éclat et
de la marche de ces globes lumineux a été
l'origine du polythéisme et de l'idoliltrie chez
toutes les nations. Plus sensé que les philo-
sûjibes , Moïse ne fait envisager les astres
que comme des flambeaux destinés ])ar le
Créateur à l'usage d.; l'hnnime; il le répète
ailleurs, afin d'ôter aux Israélite? la tenta-
tion d'adorer ces corps inanimés (Veut., iv,
19).
1° Objection. Les Hébreux, comme toutes
les aut es nations , croyaient la terre fixe et
iniinobilo , plus longue d'orient en occ dent
que du midi au nonl; dans cette opinion, il
él.iil impossible qu'il y eût des antipodes;
aussi ]ilusieurs Pères de l'Eglise les ont
niés.
Réponse. Cependant les écrivains hébreux
désignent souvent la terre par le mol Ihebel,
le globe; on peut le prouver par vingt jias-
sages : ils ne la croyaient donc pas plus lon-
gue que large. Dans le livre de Job, c. xxvi,
v. 7, il est dit que Dieu a suspendu la terre
sur le rien, ou sur le vide. Selon le psaume
XVIII, V. 7, 1 ■ soleil [)art d'un point du ciel,
et fait son circuit d'un bout h l'autre. Comme
cette révolution se fait en ligne spirale. Job
la compare aux replis tortueux d'un serpent,
c. XXVI, v. 11. Peu importait aux Hébreux
de savoir si c'est la terre ou le soleil qui
tourne. Quant à es que les Pères de l'Eglise
ont pensé des antipodes, voy. ce mol.
Nous n'avons pai le courage de copier les
puérilités que le même philosophe a objec-
tées contre la création de r/JO)«me ; on en
trouvera quelque chose à cet article. Mais il
faut répondre ù un grief plus sérieux. Vingt
auteurs ont écrit que Galilée fut persécuté et
puni par l'inquisition à cause de ses décou-
vertes astronomiques, et pour avoir expli-
qué le vrai système du monde; on se sert de
ce trait d'histoire pour ren !re odieux le tri-
bunal de l'inquisition, pour faire voir dans
quelle ignorance l'Itabe ét.dt encore j^longée
pendant le siècle passé. Heureusement nous
savons à présent ce qu'il en est. Dans le
Mercure de France du il juillet 1781, n° 29,
il y a une dissertation dans laquelle l'au-
teur prouve, par les lettres de Galilée lui-
môme, par celles de Guiciiardin et du mar-
quis Nicolini , ambassadeurs de Florence,
amis et disciples de Galilée , qu'il ne fut
point |)ersécuté comme bon astronome, mais
comme mauvais Ihéologien , pour s'être
o')stiné à vouloir montrer que le système de
Copern c était d'acconi avec l'Ecriture sainte.
Ses découvertes, dit l'auteur, lui firent, à la
vérité, des ennemis; mais c'est sa fureur
d'argumenter sur la Hible qui lui donna des
juges, et sa pétulance des chfigiins.
Dans son premier voyage h Uome, en 1611,
Galilée fut admiré et comblé d'honneurs par
les cardinaux et par les seigneurs auxijuels
il lit |)arl de ses découvertes , et par le pape
lui-môme. 11 y retourna en 1615. Sa présence
déconcerta les accusaiions formées cintre
lui par les jacobins, entêtés de la philo^o-
phie d'Arislote, et inquisiteurs. Le cardinal
dd Monte, et plusieurs membres du saint-
895
MON
MON
R04
(^fice , lui tracèrent le cercle de prudence
dans lequel il devait se renfermer, pour évi-
ter toutes les liisputes; mais son ardeur et
sa vanité l'emportèrcnL 11 exiy;ea, dit Gui-
chardin , que le pape et rin([uisit;on décla-
rassent que le système de Ciiperiiic evt foncié
sur la liihle; il écrivit nu'-riK lires sur mémoi-
res. Paul V, fatigué par ses instances, arrêta
que cette controverse serait jugée dans une
congrégation. Rapjielé à Flnrence au mois
de juin 1616 , Galilée dit lui-môme dans ses
lettres : <( La congrégation a seulement dé-
cidé que l'opinion duniouvouient de la terre
ne s'accorde pas avec la liihle....; je ne suis
point intéressé pei'sormelicmt iit d;uis l'ar-
rêt. » Avant son départ, il avait eu une au-
dience tiès-amjcale du pap(;; le cardinal liel-
larmin lui lit seulement di'fense, .lu nom du
saint-siége, de reparler dav.iniage de i'.ccord
prétendu entre la Bible et Copirnic, sans lui
interdire aucune hypothèse astronomique.
Quinze ans ajjrès , en 16:i2, sous le pontili-
cat d'Urbain VIII , Galilée imprima ses tda-
logues dctie mnssime Syiitcme (Ici Miindo, et il
fit reparaître ses mémoii es écrits en ICKi,
où il s'ell'iirçnit (i'ériger en question de dogme
la rotat 011 du globe sur sou ax '. On dit (]ue
li'S jésuites a grirent le pape contre lui. « Il
l'iut traiter cette all'aire doucement , écrivait
le nKUNpiis Nicolini, dans ses d(''péches du 5
septendire 1632; si le pape se pique, tout
est perdu; il ne faut ni disputer, in mena-
cer, ni braver. » C'est ce que Galilée n'avait
e(!ssé de faire. Cité h Rome, il y arriva le 3
février 163:3. 11 ne fut point logé h l'inquisi-
tion, mais au |)alais do T{jS( ane. Un mois
après, il fut mis, non eans les prisons de
l'inquisition , mais dans l'appartement du
fiscal, avec ; leine liberté de comnniniquer
au deliois. Dans ses défenses, il ne fut |ioi:,t
question du fond de son système, mais de sa
firéiendue conciliation avec la Bible; après
a sentence rendue et la rétractation exigée,
(îalih'e fut le maître de retourner à Florence.
C'est encore lui qui en rend tc'inoignage; il
écrivit au Père Kecen>'ri, son disciple : « Le
pape me c, oyait digne de son estime.... Je
fus log' dans le délici ux palais de la Tii-
iiiti'-du Mont.... Qu<;nd j'arrivai au saint-of-
fice , deux jacobins m'iiuimèrcnl très-hon-
n.'tement de faire mon a|)ologie.... J'ai été
ohlig' de rétracter mon o inion eu bon ca-
tholique. » .\]a:s son opinion sur le sens de
riùriture sainte était fort étrangère à l'hy-
pothèse de la rotation de la teiro. « Pour me
punir, ajoute (ialilée, on m'a défendu les
dialogues , et congédié après cin(| mois de
sé.our Ji Rome.... Aujour.l hui je suis à ma
campagne d'Arcètre , où je respire un air
pur auprès de ma c ère patrie » rejiemiant
l'on s'obstine encfire à écrire queùaliléelui
persécuté pour ses découvertes, emprisonné
à rin([uisiiion, f rcé d'abureile système de
Copernic, et condamné à une prison perpé-
tuelle; .Mosheim et son traducteur l'ont
fluisi afùrraé , et on le lépétera tant qu'il y
aura des hommes prévenus contre l'Eg.ise
romaine.
-MoA'DE (Antiquité du). De tout temps les
phih sophes ont disputé sur ce sujet; plu-
sieurs des anciens croyaient le monde éter-
nel, [)arce qu'ils ne votdaient point admet-
tre la création; les épicuriens soutenaient
que le inonde n'était pas fort vieux, et (pi'il
s'était form ■ de lui-même par le concours
fortuit dos atomes. La même diversité d'opi-
nions subsiste encore parnd les modernes;
mais la (lupait s'acc -rdent à prétendre que
\g monde est beaucoup pli s ancien (p:e l'his-
toire sainte ne le suppose. Selon le texte
hébreu, il ne s'est écoulé ipi'eiivii-on six
mille ans d puis la créât on ju^qu'h nous; et
l'en du monde l;o3, le globe a été submergé
par un di'luge universel q u en a changé la
face. La version des Septante donne au monde
dix-huit cent soixante ans de durée de plus
que le texte hébreu; le Pcntateuque sama-
l'itain ne s'accorde avec aucun dos deux.
Suiv;:nt l'hébreu , le déluge est a: rivé deux
nulle trois cent quarante-huit ans avant Jé-
sus-Christ; selon les Septante, trois mille six
cent dix-sept : voilà [irès de treize cents
ans de diiférence. Pour dée'ouvrir l'origine
de cette variété de calcul , le» critiques ont
suivi dillV'rentes opinions ; les uns ont pensé
que les Juils ont abrégé, de ])roi)os déliiiéré,
le calcul du texte hébreu, sans que l'on
l)uisse en deviner la r.dson ; les autres, cpie
les Septante ont allongé le leiu', pour se coii-
formor à la chron^ lo-ie des Egyptiens. Cha-
cime de ces deux hypothèses a eu des [lai-
tisans; ni l'ui e ni l'autre n'est exempte de
difdcultés. Plusieurs savants se sont atta-
ch(''s au Peiitateuque samaritain, et sont tom-
bés dans d'autres incnnvé'iii. nts.
Le savant auteur de VHLsloire de l'Astro-
nomie ancienne a pv^mvô , qu'eu égard aux
dillérentes rûéthodes selon lesquelles les di-
vers peuples ont calculé le tenq)s , toutes
leurs chi'onologies s'accordent, et ne dilfè-
fent ((ue de quelques années sur les lieux
é|)0|ues les plus mémorables, savoir, la
création et le déluge univer-el ; que tout s
se réunissent encore à supposer la même
durée dej»uis le commencement du monde
jusqu';^ l'ère chrétienne, en suivant le calcul
des Septante. « Chez tous les anciens peu-
ples , dit-il , du moins chez tous ceux ijui
ont été jaloux de consci vei' les tiaditions,
l'on retrouve l'intervale de la création au
déluge exprimé dune manière assez exacte
et as-ez unil'urme; la (iuiée du monde jus-
(ju'à noire ère s'y trouve également à peu
])rès la même. » llisl. de l'A^tron. ancienne,
liv. 1 , § u; Eclairciss. , liv. i , t; 11 et suiv.
C'est plus qu'il n'en faut pour nous tran-
(juilliser; nous n'avons j as bes(»in tl'exami-
ner les ditférentes hypothèses imaginées par
les savants pour parvenir à une conciliation
parfa.te, ni de rechercher les causes de ia
variété qui se trouve entre l'In breu , le sa-
raari ain et le grec des Sept;.nte, ni de réfu-
ter les prétentions de quelques nations qui
s donnent me antiquité prodigieuse. L'au-
teur de V Antiquité dévoilée par les usages sou-
tient que l'entêtement des C.aldéeiiS, des
Chinois, des Egyiitiens. sur ce point, n'est
fondé que sur des périodes astruûouiiqucs,
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MON
MON
8»'
arrangées après coup par les philosophes de
CCS nations , t. II , 1. iv , c. 2 , p. 309. Nous
sommes encore moins tentés de réiiondre
iiiis sophismes par lesquels un célèbre in-
crédule a voulu prouver que le monde est co-
éternel à Dieu.
Aujourd'hui l'on a principalement recours
h des observations de physique et d'histoire
naturelle , pour démontrer Vantiquité du
monde; nous avons vu que BufTon, dans ses
Epoques de la nature, suppose que le monde
a commencé à se peupler d'animaux et
d'hommes, quinze mille ans avant nous;
mais il convient lui-même que ce n'est là
quun aperçu , c'est-à-dire une conjecture
sans fondement. On y oppose des observa-
tions positives qui méritent plus d'attention.
M. de Luc , qui a beaucoup examiné les
montagnes, a remarqué que, par les élioule-
ments, elles s'arrondissent peu à peu; que
par la pluie et par les mousses il s'y forme
une couche de terre végétale; qu'ainsi elles
arriveront insensiblement à un point oii elles
ne pourront plus changer de forme. Il en est
de même de plusieurs plaines autrefois in-
cultes, et qui sont aujourd'hui cultivées,
parce qu'il s'y est formé de la terre végé-
tale. Mais le peu d'épaisseur de cette couche,
soit dans les plaines, soit sur les montagnes,
démontre qu'elle n'est pas fort ancienne; si
elle l'était , la culture y aurait commencé
plus tôt, et la population serait plus avancée.
Il s'est convaincu que les glaces augmentent
dans les Alpes , et s'y étendent de jour en
jour; si les glaciers étaient fort anciens, ils
ne formeraient plus qu'une glace continue.
Après avoir attentivement considéré le sol
de la Hollande , et les divers cantons dans
lesquels on a fait des conquêtes sur les eaux,
il a toujours retrouvé les mêmes preuves de
la nouveauté de nos continents , et du petit
nombre de siècles qu'il a fallu pour les ame-
ner au point où ils sont aujourd'hui. D'où il
conclut que les conséquences qui se tirent
de l'étal actuel du globe sont beaucoup plus
sûres que les chronologies fabuleuses des
anciens peuples; et toutes ces conséquences
concourent à prouver que nos continents ne
sont pas aussi anciens que Bulîon et d'autres
physiciens les supposent. Mais, de leur coté,
ils'allèguent aussi des observations; il est à
propos de voir si elles prouvent ce qu'ils
prétendent.
t" La mer a certainement un mouvement
d'oiient en occident, qui lui est imprimé par
celui qui pousse la terre en sens contraire :
or, ce mouvement seul doit insensiblement
déplacer la mer dans la succession des siè-
cles. On s'aperçoit que le fond de la mer
Baltique diminue; on voit encore un canal
par lequel elle communiquait autrefois à la
mer Glaciale , mais qui s'est comblé par la
succession des temps. La nature du sol qui
sépare le golfe Persiquc d'avec la mer Cas-
pienne fait juger que ces deux mers for-
maient autrefois un même bassin. Il y a
aussi beaucoup d'apparence que la mer Rouge
communiquait à la Méditerranée , dont elle
est actuellement séparée par l'isthme de Suez.
Ces changements arrivés sur le glol>e sont
plus anciens que nos connaissances histori-
ques. Il parait que l'Amérique était encore
couverte des eaux il n'y a pas un grand nom-
bre de siècles, et qu'elle n'est pas habitée
depuis fort longteoqis. Enfin, la multitude
des corps marins dont notre hémisphère est
rempli prouve invinciblement qu'il a été
autrefois sous les eaux de l'Océan. Combien
n'a-t-il pas fallu de milliers de siècles pour
mettre la terre dans l'état où elle est aujour-
d'hui ?
Réponse. A l'article Mer, nous avons fait
voir que son mouvement prétendu d'orient
en occident est absolument faux ; qu'il est
impossible et contraire k toutes les lois du
mouvement. De tous les phénomènes que
l'on nous cite, il n'y en a pas un seul qui
puisse servir k le prouver. Pour séparer la
mer Baltique de la mer Glaciale, il a fallu
que la première se retirât du côté du midi ;
il en a été de même du golfe Persique à l'é-
gard de la mer Caspienne, et de la mer Rouge
à l'égard de la Méditerranée. L'on prétend
qu'en effet la mer Rouge a reculé du côté
du midi , et qu'elle s'étendait autrefois da-
vantage du côté du nord ; conséquemment
il serait plus difficile aujourd'hui que jamais
de percer l'isthme de Suez pour joindre ces
deux mers. Voy. le Voyage de Niébuhr en
Arabie. Que peut-il s'ensuivre de là en faveur
d'un mouvement habituel des eaux d'orient en
occident ? De quoi a pu servir ce mouvement
pour découvrir le sol de l'Amérique ? Ce
mouvement tendrait à l'engloutir de nouveau
du côté oriental, et non à prolonger ses côtes.
On ne peut pas prouver que l'Amérique a
gagné plus de terrain du côté de l'occident
que du côté qui nous est opposé. Quant aux
corps marins que l'on trouve dans les en-
trailles de la terre, et jusque dans le sein des
montagnes de l'un et de l'autre hémisphère,
il est évident qu'ils n'ont pas pu y être
déposés pendant un séjour tranquille et
habituel de la mer sur le sol que nous
habitons ; il a fallu pour cela un boule-
versement de toute la superficie, et nous
n'en connaissons point d'autre que ce-
lui qui est arrivé par le déluge universel.
Voy. DÉLUGE. Quand nous supposerions
faussement , comme quelques physiciens,
que la quantité des eaux diminue, quand
nous admettrions pour \m moment le pré-
tendu mouvement de la mer d'orient en oc-
cident, il ne s'ensuivrait encore rien en fa-
veur de Vantiquité du monde. Il faudrait sa-
voir quelle était la quantité précise des eaux
au moment de la création, afin de pouvoir
calculer le temps qu'il a fallu pour les réduire
à l'état où elles sont aujourd'hui. Dans la se-
conde hypothèse, il faudrait savoir s'il n'est
point arrivé de révolution brusque sur le
globe, qui ait changé le lit de la mer, et qui
ait rais à sec le terrain qui estactuellement ha-
bité. Il est bien absurde de fonder des calculs
sur des suppositions que l'on ne peut pas prou-
ver, et qui sont détruites d'ailleurs par l'exa-
men des phénomènes que nous avons sous
les yeux, ou qui sont attestés par l'histoire.
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2* Observation. L'on voit par toute la terre
des marques certaines d'anciens volcans ; il
y en a plusieurs l>ouches dans les montagnes
d'Auvergne ; on en trouve des vestiges en
Angleterre et le long des bords du Khin. Le
marbre noir d'Egypte n'est autre chose que
de la lave ; il finit donc qu'il y ait eu un vol-
can près de Tlièbes ; mais il était si ancien
que la mémoire ne s'en est |>as conservée.
Le lit de la mer Morte a été creusé par un
volcan ; le terrain des environs en lait toi.
Selon le témoignage de Tournefort, le mont
Ararat a autrefois jeté des llammes. A pré-
sent nous no voyons des volcans que dans
les îles et sur ïes bords do la mer ; il est
donc probable que l'eau de la mer et l'huile
qu'elle charrie sont un ingrédient nécessaire
pour allumer les volcans; coiiséquenuuentil
faut que la mer ait autrefois baigné tous les
terrains dont nous venons du parler, mais
qui en sont aujourd'hui assez éloignés.
L'Etna brûle depuis un tem|)s prodigieux ;
il faut deux mille ans pour amasser sur la
lave qu'il jette une légère couche de terre :
or, près de cette montagne l'on a percé au
travers de sept laves placées les unes sur les
autres, et dont la jilujiarl sont couvertes
d'un lit épais de très-bon terreau ; il a donc
fallu quatorze mille ans pour former ces sejit
couches. Le Vésuve porte des marques d'une
très-haute antiquité, puisque le iiavé d'Her-
culanum est fait de lave ; le Vésuve avait
donc déjà fait des éruptions avant que
cette ville fût bàtio : or, elle l'a été au
moins mille trois cent trente ans avant notre
ère.
B/ponsc. En supposant que l'eau de la mer est
nécessaire jiour allumer les volcans, il s'ensui-
vra seulement que ceux qui sont aujourd'hui
dans l'intérieur des terres n'ont brûlé qu'im-
médiatement afirès avoir été détrempés par
les eaux du déluge ; et l'on n'en peut rien
conclure en faveur de Vanliquité du inonde.
Ces volcans seront un monument de plus
pour prouver l'inondation générale du globe.
L'existence d'un ancien volcan dans l'Egypte
est attestée par la fable de Typhon, fable
analogue à celle qu'Hésiode et Homère ont
forgé sur le mont Etna. Le nombre des cou-
ches de lave ne prouve point l'antiquité de
celui-ci. Herculanum subsistait-il il y a treize
mille sept cents ans ? Aujourd'hui il est à cent
douze pieds sous terre-; pour arriver à cette
profondeur, il faut traverser six couches do
lave séparées comme celles de l'Etna par des
couches de terre végétale. 11 est clair que
cette terre est de la cendre vomie par le vol-
can, et qu'il a pu s'en former plusieurs cou-
ches dans une même éruption. Qu'importe
qu'Herculanum ait été bâti mille trois cent
trente ans avant notre ère, dès qu'il s'était
écoulé deux mille trois cent quarante-huit
ans depuis le déluge jusqu'à la même
époque ? A la fondation de cette ville, il y
avait plus de mille ans que le déluge était
passé. De même, quand la table isiaque
et la statue de Jlemnon seraient de lave,
ces ouvrages n'ont \>u être faits que sous
des rois de Thèbes déjà puissants , par
conséquent depuis l'an 2500 du monde ;
jusqu'alors l'Egypte avait été partagée en
petites souverainetés. Chronologie éqypt.,
tom. H, table, pag. 167; et il s'était écou-
lé plus de huit cents ans depuis le dé-
luge.
L'auteur ide Vlntroduction à l'histoire na-
turelle de l Espagne, après avoir bien exa-
miné les ]iétiitications et les vestiges des
volcans, reconnaît qu'en cinq ou six mille
ans il y a plus de lemjjs qu'il n'en faut
I)Our produire tous les phénomènes dont
nous avons connaissance : or, selon le cal
cul le plus court, il s'est passé, depuis le
déluge jusqu'à nous, quatre mille cent trente-
deux ans, et, selon les Septante, cinq mille
quatre cent un. L'auteur des Ileeherclies sur
les Américains convient (jue l'on ne connaît
aucun monument d'industrie humaine anté-
rieur au déluge; on ne découvrira pas plus
de phénomènes naturels cai)ables d'en dé-
truù-e la réalité ou l'époque.
3" Observation. En Angleterre et en Hol-
lande, il y a des forêts enterrées à une {)ro-
fondeur considérabl(^ Les mines de charbon
d'Angleterre, du Bourbonnais, et autres, pa-
raissent venir de forêts embrasées par des
volcans. Les corps marins que l'on déteric
dans les mines et dans les carrières n'ont
point leurs semblables dans les mers qui
nous avoisinent, mais seulement à deux ou
trois mille lieues de nos côtes. Les bancs
immenses de coquillages qui sont en Tou-
raine et ailleurs, ne peuvent y avoir été dé-
posés que pendant un séjour très-long de la
mer. Toutes ces révolutions n'ont pu se faire
pendant le court espace de temps que l'on
suppose écoulé depuis le déluge jusqu'à
no LIS.
Réponse. Voici ce que dit , au sujet des
forêts enterrées, l'auteur des Recherches sur
les Américains : « Pourquoi veut-on attri-
buer aux vicissitudes générales de notre
globe ce que des accidents particuliers ont
pu produire ? C'est l'inondation de la Cher-
sonèse Cimbrique, arrivée, selon le calcul de
Picard, l'an 3iO de notre ère vulgaire, qui a
noyé et enterré les forêts de la Frise. Les
arbres fossiles qu'on exiiloile en Angleterre,
dans la province de Lancastre, ont aussi
passé longtemps pour des monuments dilu-
viens ; mais on a reconnu que la racine de
ces arbres avait été coupée à coups de hache,
ce qui, joint aux médailles de Jules-César
que l'on y a trouvées à la profondeur de
dix-huit pieds, suffit pour déterminer à peu
près la date de leur dégradation. » Tome II,
lettre 3, page 330. H est faux que les mines
de charbon de terre soient des forêts con-
sumées par le feu. Butlon nous apprend
que ce charbon, la' houilk', le jais, sont des
matières qui appartiennent à l'argile. Hist.
nat., tom. J, in-12, p. 403. M. de Luc pense
que la tourbe est l'origine des houilles ou
charbons de terre, et il conlirme cette con-
jecture par des observations, tom. V, lettre
1:16, ]). 2:>3. Les volcans n'y ont point de part.
Puisqu(! plusieurs coquillages et autres corps
marins, que l'on trouve dans la terre ou dans
899
MOM
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900
Ja piorre, n'ont leurs soiablables que dans
des mers très-éloignées de nous, il est évi-
dent qu ils n'ont point été disposés sur le sol
que nous h.ibitons par un séjour habituel
de la miT, mais par une inondation subite,
accouipa aiée d'un bouleversement dans la
surface du globe, telle qu'elle est arrivée
pendant le déluge. Et l'on ne fieut pas esti-
mer la plus ou moins grande quantité de ces
co juill )ges qui a pu être déposée sur cer-
taini'S I lages. Voy. Déluge.
Le Hio/irfe, disait Ncnvion, a été formé d'un
seiil jet. Nous cherchons une jeunesse à ce
qui a toujours été vieux, une vieillesse k ce
qui a toujours été jeune, des germes aux es-
pèces, des naissances aux générations, des
époques à la natur.'; mais quand la sphère
où nous vivons sortit de la main divine de
son auteur, tous les temps , tous les Ages,
toutes les proportions s'y manifestèrent à la
fois. Pour que l'Ktna put vomir ses feux,
il fallut à la construction de ses fourneaux
des laves qui n'avaient jamais coulé. Pour
que l'Amazone pût rouler ses eaux à travers
l'Amérique, les Andes du Pérou durent se
couvrir de neige, que les vents d'Orient n'y
avaient point encore accumulée. Au sein des
forêts nouvelles naquirent des arbres anti-
ques, afin que les insectes et 1: s oiseaux pus-
sent trouver des aliments sous leurs vieill s
écoices. Des cadavres furent créés pour les
animaux carnassiers. 11 dut naître dans tous
les règnes des êtres je ines, vieux, vivants,
mourants et morts. Toutes les parties de
cette immense fabique parurent à là fois,
et si elle eut un échafaud, il a disparu
pour nous. Eludes de la Nature, tome I, etc.
Monde (Fin du). Si nous voulions en
croire les ennemis de la religion, l'opinion
de la fin du monde prochaine a été la cause
de la piupart des révolutions qui sont ai ri-
vées dans les ditl'érents siècles. Les paï'us
mômes , philosophes et autres, étaient ])er-
suadés qu'un jour le wonr/e devait périr par
un embrasement général ; mais ils ont ajlii-
trairement tixô Fépoijue à laqm lie cette ca-
tastrophe dev.iit arriver. Les Juifs, comme
les autres peufiles, croyaii'Ut que le monde,
après avoir été autrefois détr it par l'eau,
devait l'être par le feu ; ils fondaient cette
opinion sur quelques prophéties dont le sens
n'est pasfortclaii-. Le jubilé qu'ils célébraient
tous les cinquante ans, pendant le luel les
héritagi'S aliénés lievaiint retourner a leurs
anciens possesseurs, et les esclaves ét.iient
mis en libi-rté, semble avoir eu pour motif
la persuasion dans la [uelle étaient les Juifs
qui' le monde devait linir au bout de cinquante
ans. Cette attente, continuent les incrédules,
était répandue d'un bout de l'univers à l'.iu-
tre ; lorsque Jésu^-Christ p rut sur la terre,
il en I rolita pour publier qu'il était le .Messie
promis, et le iiiéj.ugé général contribua beau-
coup à le faire reconnaître pour envoyé de
Dieu, pour juge des vivants et des morts.
Lui-même annonça que la fin du monde et le
jugement dernier étaient prochains, et il
donna l'ordre à ses apôtres de répandre cette
terrible prédiction. Us n'y ont pas manqué ;
leurs écrits sont remplis de menaces de la
fin prochaine du monde, de laco)isommation
du siècle, de l'arrivée du grand jour du Sei-
gneur. C'est ce qui causa la conversion de la
plupart de ceux (|ui embrassèrent le christia-
nisme, et leur inspira le désir du martyre.
Bieutrit ce préjugé donna lieu à celui des
milb'nairi'S, ouà l'espérance d'un règne tem-
porel de Jésus-Christ sur la terre, qui devait
bientôt coimnnncer. Toutes ces idées sombres
inspirèrent aux chrétiens le détachement du
monde, un goût décidé pour la vie solitaire
et monas ique, pour les mo;ti,ications, pour
la virginité, pour le cébbat. On vit renaître
la même démence dans la suite , surtout
pendant les malheurs du ix' siècle et des
suivants ; les moines surent en profiter pour
s'enrichir. Ainsi, dans tous les temps, des
terreurs paniques ont été le principal ou
plut H l'unique fondement de la religion. Tel
est le résultat drs profondes réflexions des
incrédules. Pour les réfuter en détail, il fau-
drait une assez longue discussion ; mais quel-
ques r marques suffiront pour en démontrée
la fausseté. 1" La philosophie païenne, sui-
tout celle des épicuriens, était beaucoup plus
capab'e que la religion d'ins[)irer des doutes
sur la durée du monde, et de répandre de
vaines terreurs. « Peut-être, dit Lucrèce, des
tremblements de terre causeront dans peu
de temps un bouleversement atfieux surtout
le globe ; peut-être tout s'abimera-t-il bien-
tôt avec un fracas épouvantable, ))l.v, v.98.
En effet, quelle certitude peut-on avoir de
ce qui doit arriver, si ce n'est pas un Dieu
bon et sage qui a créé le monde, qui le gou-
verne, qui a étàlili les lois physiques sur
lesquelles est fondé l'or ire do la nature?
L'éruption d'un volcan , un tremblement de
terre, une inondation subite, un météore
quelconque, doivent faire craindre la des-
truction du globe entier. Un athée moderne
nous avertit que nous ne savons pas si
la nature ne rassemble pas actuellement
dans son laboratoire immense les élé-
ments propres à faire éclore des généra-
tions nouvelles, et à former un autre uni-
vers. 1! est singuli r que les incrédules
mettent sur le compte de la religion (les
terreurs absurdes que peut faire naître leur
fausse philosophie. Dans le système dn pa-
ganisme, qui s ipposait toute la nature ani-
mée par des génies, tout phénomène rxtra-
ordinaire arrivé dans le ciel ou sur la terre
était un elTel de leur courroux; savait-on
jusqu'où Ces êtres capricieux et malfaisants
étaiciit capables de pousser leur malignité ?
Quelques auteurs ont pensé que les dilfé-
rentes opinions touchant la durée du monde
n étaient fondées que sur des [lério les as-
tronomiques ot sur d^'S calculs a. bitraires ;
mais pi'u nous importe de savoir quelle en
était la vraie cause.
2° La religion révélée de Dieu, loin de
nourrir ces vaincs frayeurs, n'a travaillé
qu'à rassurer les hommes. Non-seulement
elle nous enseigne que l'univers a été créé
par un Dieu sa^e et attentif à le gouverner,
qui a dirigé t^jutes choses au bien de ses
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MON
MON
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créatures, quine dt'rausi'iM |«oint l'ordre qu'il
a établi, puisqu'il a jugé quo tout est bien ;
mais elle nous uionlre qu'il n'a jamais dé-
truit 1rs lioiiiiues sans les eu avcrtird'avauce.
Dieu lit prédire le dclu^je uiuversel six vinj^ts
ans avant (ju'il arrivât ; il av 'rlil Ahraliaiu
de 11 destruction pruchaiue de Sodoine ; il
mena(,;a les Egyptiens avaut de les cliAtier ;
les Chananéeus, tout iuqiies qu'ils étaient,
virent arriver do loin l'orage piét à fondre
sur eux, etc. ; l'auteur du livre de la Sagessi;
nous le fait remarquer, e. xi et xii. Après
le délutje. Dieu d t ;i Not'; : Je ne muuàirai
plus lu terre à cause des lioinmes, et je ne dé-
truirai plus toute (Ime vivante comme j'ai fait ;
tant que la terre durera, les semailles et la
moisson, l'été et Vhiver, le jour et la nuit se
succéderont sans interruption {Gènes, viii,
21). « Ne craignez jioint les signes du ciel,
comme font les autres nations, » dit Jéréniie
aux Juifs, c. X, v. iJ. Peut-on citer un seul
endroit de l'Ancien Testament dans lequel il
soit question de la (in du monde ?
3° Les Juifs étaient donc préservés du pré-
jugé des autres nations par leiu' religion
même. Leur jubilé n'avait pas plus de rap-
port à la /in du monde que la preseripli(jn tie
trente ans n'y en a jiarmi nous. Us atten-
daient le Messie, non comme un juge red(ju-
table et di'Strueteur du monde, nuds comme
un libérateur, un sauveur, un bienfaiteur ;
les prop êtes l'avaient ainsi annoncé : sa
venue était pour les Juifs un olg'et d'espé-
rance et de consolation, plutôt que de trouble
et do irayeur. A sa naissance un ang' dit
aux bergers : « Je vous annonce un grand
sujet de joie pour toute la nation ; il vous
est né Ji Bethléem un Sauveur, qui est le
Cia'ist, lils de David. » Zacharie, Siméon, la
propiiéte>S(\ Anne, le publient ainsi. Jean-
Baptiste, en l'annonçant, dit qu'il vient le van
à la main séparer le bon grain d'avec la
paille ; mais celte si'paration n'était ])as cclie
du jugement dernier, pinsqu'il dit que Jésus
est l'agn au de Diiu, qui ôte le péclié du
monde {Maltli. m, 12; Jocin.i, 29).
4° JésLis lui-même appelle sa doctrine
Evangile ou bonne nouvelle ; il comnn nre
sa prédication par des bienfaits, jiar des mi-
racles, par la guéiison di^s maladies. Il d,t
que Diiu a envoyé son Fils, non pour juger
le monde, mais pour l- sauver (Joan. m,
17). 11 prêche le royaume des deux, et il
ordonne à ses apôtr. s de faire de même;
mais ce royaume est évidemment le règne
du Fils de Dieu sur son Eglise, il n'a rien do
connnun avec la fin du monde. Quelque
temps a>ant sa p;ission, ses disciples lui font
remarquer la structure du temple de ivni-
Si\\mï (Matth. xxiv; Marc, xiu; Luc. xxi) ;
il leur dit (jue cet éd lice sera détruit, et
qu'il n'en restera pas pierre sur pierre. Les
disciples étonnés lui deman tout quand ce
sera, quels seront les signes de son ivéne-
ment et de la consommation du siècl . Il y
eura pour lors , dit-il, des guerres et des sé-
ditions, des tremblements de terre, des pestes
et des famines ; vous serez vous-mêmes persé-
cutés et mis à mort ; Jérusalem sera etiviron-
née d'une armée; le temple sera profané; il
paraîtra de faux prophètes; il y aura, des si-
gnes dans le ciel; le soleil et la lune seront
obscurcis, et les étoiles tomberont du ciel :
alors on verra venir le Fils de l'homme sur
les nuées du ciel, avec une grande puissance
et une grande majesté ; ses auges rassemble-
ront les élus d'un bout du monde à l'autre, etc.
Il annonce tout cfila comme des événemenls
dont ses apôtres seront les téujoins, et il
ajoute : Je vous assure que cette génération
ne passera point, jusqu'à ce que toutes ces
choses s'accomplissent. Est-il question ià de
la fin du monde? Les sentiments sont par-
tagés sur ce point. Plusieurs interprètes
pensent que .lésus-Christ pr^'dit uniejuement
la ruine de la religion, de la république et
lie la nation juive, et que toutes les Circons-
tances se vérilièr'nt lo squc les Romains
prirent et rasèrent Jérusalem, et dispCiSè
rent la nation; qu'il y a cepeintant queljues
expressions qu'il no faut pas prendre à la
lettre, telle que la chute des étoHes, e;c. ;
que Jésus-Christ a employé le même style et
les mômes images dont les prophètes se
sont servis pour prédire d'autres événe-
ments moins considérables. Gonsé juem-
meut ces commentateurs disent ipie ci s pa-
roles de Jésus-Christ, Cette génération ne
passera point, etc., signilient : les J^ifs qui
vivent à présent ne s r^nt pas tous morts
lorsque ces choses arriveront. En ell'et , Jé-
rusalem fut prise et ruinée moins de qua-
rai;t<^ ans après. Selon ce scnlimcnl, il n'est
point question là de la fin du monde. Les
autres sont d'avis que Jésus-Christ a joint
les signes qui devaient i)récéder la dévasta-
tion de la Judée avec ceux (jui ar.iveront h
la fin rfw «londe et avaut le jugement dernier;
que qu ind il dit : Cette génération ne passera
point, etc., il entend que la nation juive ne
sera pas jusqu'alo.s ( ntièrement déliuito,
mais qu'elle subsistera jus(|u';i la fin du
monde. On ne peut pas n'er que 1 ■ teime de
génération ne soit pris plusieurs l'ois en ce
sens dans l'Evangile. Or, selon cette opinion
Dièiue, il n'est pas vrai que Jésus-t^hrist ait
prédit la fin dumunde comme piocluMu;.
5" Il n'est pas mieux prouvé que les apôtres
en aieiit parlé. Saint Paul dit (^iom. xiii, 11);
(1 Notre sa ut est plus proche qui' quand
nous avons cru. » Il dit {I Cor. i, v. 7), que
les fidèles attendent l'apparition de Jésus-
Chiist et le jour de son av/nement. Saint
Pierre ajoute (/ Pctr. iv, v. 7) que cet avè-
nement approche, et que ce jour viendra
comme un voleur. Saint Jacques, c. v, v. 8
et y, nous avertit qu'il est tout près, et .que
le juge est à la porte. Saint Jeau (Apoc. m,
v. 11, et c. XXII, V. 12), lui fait dire : « Je
viens promptement rendre à cliacun selon
ses œuvres. » Tout cela est exa"temenl vrai
h l'é-ard de la proximité de la mort et du
jugement particulier, et non à l'égard do la
fin du monde ou du jugement dernier. Saint
Paul dit encore {l Cor. x, v. 11) : « Nous
qui sommes parvenus à la lin des siècles.
[Hebr., c. IX , V. 26 : « Jésus-Clirist s'ç
donné pour victime à la consomuialiou
OQZ
MON
MON
904
siècles; >' mais nous avons vu que, dans la
question que les apôtres tirent à Jésus-Christ,
la consommation (lu siècle signitiait la lin du
judaïsme. Saint Paul nomme princes de ce
siècle les chefs de la nation juive (/ Cor. ii,
V. 6 et 8). On sait d'ailleurs que le mot
siècle exprime simplement une révolution.
L'on doit donc entendre de même ce que
dit saint Pierre (/ Pelr. iv, v. 7 ), que la
fin de toutes choses approche ; et saint Jean,
Ep. I, c. II, V. 18, que nous sommes à la
dernière heure, que l'Antéchrist vient, et
qu'il y en a déjà eu plusieurs ; il entendait
l)ar là les faux prophètes, qui, selon la pré-
diction de Jésus-Christ , devaient paraître
avant la destruction de Jérusalem. Celle-ci
était prochaine lorsque les apôtres écri-
vaient ; il n'est pas étonnant qu'ils en aient
prévenu les fidèles. Dans les prophètes, les
derniers jours signifient un temps fort éloi-
gné, et saint Paul appelle l'époque de l'in-
carnation la plénitude des temps. 11 y a plus :
saint Paul, parlant de la résurrection jj,éné-
raledans sa première lettre aux Thessaloni-
ciens, c. iv, v. 14, avait dit : « Nous qui vi-
vons, sommes réservés pour l'avènement du
Seigneur...; les morts qui sont en Jésus-
Christ ressusciteront les premiers. Ensuite ,
nous qui vivons et qui sommes réservés,
serons enlevés avec eux dans les airs pour
aller au devant de Jésus-Christ, et ainsi nous
serons toujours avec le Seigneur. Consolez-
vous mutuellement par ces paroles;» c. v, v. 1 :
« Il n'est pas nécessaire de vous en marquer
le temps ; vous savez que le jour du Sei-
gneur viendra comme un voleur pendant la
nuit. » Ces paroles, au lieu de consoler les
Thessaloniciens, les avaient effrayés : saint
Paul leur écrivit sa seconde lettre pour les
rassurer : « Nous vous prions, dit-il, c. ii,
de ne pas vous laisser troubler ni effrayer,
ou par de prétendues inspirations, ou par
des discours, ou par une de nos lettres,
comme si le jour du Seigneur était prochain.
Que personne ne vous trompe en aucune
manière, parce qu'il faut qu'il y ait d'abord
une séparation, que l'homme de péché, le
fils de perdition, soit connu, etc. Je vous ai
dit tout cela lorsque j'étais avec vous. » Les
Thessaloniciens avaient donc tort de croire
que le jour du Seigneur était prochain.
Chez les prophètes, le jour du Seigneur
est un événement que Dieu seul peut opérer,
et surtout un chiUiment éclatant (Isai. u,
v. U; c. XIII, V. 6 et 9, etc.). Voy. Jour.
Ainsi, lorsque saint Pierre dit, Ep. H, c. m,
v. 12 : « H;Uous-nous j)Our l'arrivée du jour
du Seigneur, par lequel .es deux seront
dissous par le feu, etc.; nous altendons de
nouveaux cieux et une nouvelle terre dans
laquelle la justice habite; » il n'est [las sûr
que cela doive s'entendre de la fin du monde
et de la vie future. Dans Isaie, c. xiii, v. 10,
Dieu menace d'obscurcir le soleil, la lune
et les étoiles, de troubler le ciel, de déplacer
la terre ; et il s'agit seulement de la prise de
Babylone. Ezéchiel , c. xxxii, v. 7, exprime
de même la dévastation de l'Egypte ; et Joël,
cap. II et m, la désolation de la Judée. Dans
les Actes des apûlres, c. ii, v. 16 , saint Pierre
applique celte prophétie de Joël à la des-
cente du Saint-Esprit. Dieu promet de créer
de nouveaux cieux et une nouvelle teire,
pour exprimer le rétablissement futur des
Juifs (Isai., Lxv, v. 17 ; c. lxvi, v. 22). Les
apôtres répétaient toutes ces expressions,
parce c{ue les Juifs y étaient accoutumés ;
c'est encore aujourd'hui le style des Orien-
taux.
G° L'on assure très-ninl à propos qu'à la
naissance du christianisme l'opinion de la
lin prochaine du monde était générale, que
ce fut la cause des conversions , de l'em-
pressement des chrétiens pour le martyre,
de la naissance du monachisme, du goût
pour la virginité et le célibat. Si cela était
vrai , il serait fort étonnant que les Pères
n'en eussent rien dit, et que les philosophes
ne l'eussent point reiiroché aux chrétiens.
Origùne , dans son Exhortation au martyre;
'J'ertullien, dans ses livres contre les gnosti-
(jucs, ([ui blâmaient le martyre ; dans ses
Traités sur la fuite pendant les persécutions,
sur la Chasteté, sur la Monogamie, sur le
Jeûne, etc., n'allèguent point la proximité de
la fin du monde; c'aurait été ce|)endant un
motif de plus. Saint Basile et saint Jean
Chrysostome, dans leurs écrits sur la vie
monastique, gardent le même silence.
On est fâché de voir un homme aussi ju-
dicieux que Mosheim confirmer le préjugé
des incréikdes. 11 dit qu'il n'est pas probable
que les apôtres, persuadés de la fin pro-
chaine du monde et d'un nouvel avènement
de Jésus-Christ, aient pensé à surcharger
la religion de cérémonies. Institut. Hist.
christ., II' part., c. 4, § 4. Réflexion pitoyable
U ré[)ète ailleurs, qu'au ii° siècle la plupart
des chrétiens croyaient, comme les monta-
nistes, que le rnoiu/e allait bientôt finir. Hist.
Christ., sœc. ii, § 67, p. 423.
Celse reproclie aux chrétiens de croire
l'emliraseiuent futur du monde et la résur-
rection des corps ; mais il ne les accuse
point de croire que ces événements sont pro-
chains, Origène, contre Celse, 1. iv, n. 11 ;
l. v, n. 14. Minutius Félix soutient la vérité
de ces deux dogmes contre les païens, Oc-
tav., n. 34: mais il ne fixe point le temps
auquel cela doit arriver. « Nous prions, dit
ïertuUien, pour les empereurs, pour l'em-
pire, pour la prospérité des Romains, parce
que nous savons que la dissolution affreuse
dont l'univers est menacé est retardée par
la durée de l'empire romain Ainsi nous
demandons à Dieu de ditl'éi er ce que nous
n'avons pas envie d'éprouver. )>.4^oL,c.xxxii.
11 ne changea d'avis que quand il fut devenu
montaniste. Les millénaires ne fixaient point
la date du règne temporel de Jésus-Christ
qu'ils espéraient. Le sentiment commun des
Pères était que le monde devait durer
six mille ans, par analogie aux six jours de
la création; c'était une tradition juive, y oyez
les Notes sur Lactance, Instit., 1. vu, C. 14.
A la vérité, toutes les fois que lesj)euples
ont éprouvé de grandes calamités, ils ont
imaginé qu'elles annonçaient la fin du monde;
oos
MON
Mon
906
(;'o,sl pour cela que cotte opinion s'établit en
Europe au x' siècle. Un certain ermite,
nommé Bernard do Thuringc, publia que la
pn du monde allait arriver; il se tonilait sur
une prétendue révélation qu'il avait eue, sur
le passage de l'Apocalyjjse, c. w, v. 2, oii il
est dit que le démon sera délié après mille
ans, et sur ce qu'en l'an 'JCO la fête de l'An-
nonciation était tomljée le jour du vendredi
saint. Une éi^lipse do soleil, qui airiva cetio
mémo année, acheva de renverser toutes les
têtes. Les théologiens furent obligés d'écrire
pour dissiper cette vaino terreur. Mais les
ravages causés en France parles Normands,
en Espagne et en Italie [)ar les Sarrasins, en
Allemagne par d'autres barbares , eurent
plus de part au préjugé populaire que les
visions de l'ermite Homard. La frayeur était
passée lorsqu'on commença à rebâtir les
églises et i\ rétablir le culte divin; l'on lit
alors de grandes fondations; mais la [plupart,
dit M. Flour^y, n'étaient que la restitution
dos dîmes et des autres biens d'Eglise usur-
pés ])endant les troubles précédents. Mœurs
des chrétiens , n" (J2. Il ne faut d(jnc pas ac-
cuser les moines d'avoir protité de l'étoiir-
dissemcnt des esprits j)Our s'enrichir, ce
soupçon injurieux n'est fondé sur aucun fait
positif. De ces rélloxions il résulte ijue le
système des incrédults, touchant rinilueneo
de la peur sur les événements arrivés depuis
dix-sept cents ans dans l'Eglise, est un rôve
aussi nivole que la crainte do voir le monde
finir dans peu do temps.
Aujourd'hui il se trouve encore des tnéolo-
giens entêtés d'un ligurismo outré , c[ui , en
comparant l'Apocalypse avec Jes deux épî-
tres aux Thessaloniciens, et avec la prophé-
tie de Malacliie , font une histoire de la fin
du monde, de l'Antéchrist, do la venue d'E-
lie, aussi claire que s'ils y avaient assisté.
Nous les félicitons tic leur pénéîration ; mais
on a déjh débité tant de rêveries sur ce su-
jet , qu'il serait bon de s'en abstenir désor-
mais, et de lononcer à connaître ce (pi'il n'a
pas plu à Dieu de nous révéler. Voij. Ante-
CiiuiST. Vissert. sur les signes de la ruine de
Jérusidem et sur la fin du monde, Bihle d'A-
vig., t. XIII, pag. 403; tom. XVI, pag. 41G.
iViONOPUYSlTES. Yoy. Eutycuiens et Ja-
COBITES.
MONOTHÉLITES, secte d'hérétiques, qui
élait un rejeton des eutychiens. Eutychès
avait enseigné que, par l'incarnation du Fils
de Dieu , la nature humaine avait été telle-
luent absorbée par la divinité en Jésus-
Christ , qu'il n'en résultait qu'une seule na-
ture : erreur condamnée par le concile gé-
néral de Chalcédoino. Les monothélites sou-
tenaient qu'à la vérité les doux natures
subsistaient encore , et que l'humanité n'é-
tait point confondue en Jésus-Christ avec la
divinité , mais que la volonté humaine était
si parfaitement assujettie et gouvernée par
la volonté divine , qu'il no lui restait plus
d'activité ni d'action pro|ire; qu'ainsi il n'y
avait en Jésus-Christ qu'une seule volonté et
une seule opération. Do là vint leur nom,
dérivé de povof, seul, et de Hilih, vouloir. Go
Dictions, de Théol. dogmatique. III,
fut l'empereur Héraclius rjui, on 630, donna
lieu à cette nouvelle hérésie. Dans le des-
sein tlo ramonera l'Eglise catholique les eu-
tychiens ou mono|)hysites , il imagina qu'il
fallait prendre un milieu entre leur doctrine,
qui consislait à n'admettre on Jésus-Christ
(pi'une seule nature, et lo sentiment des ca-
tholiques, (jui soutenaient que Jésus-Christ,
Dieu et honuno, a deux natures et deux vo-
lontés; que l'on pouvait les réconcilier, on
disant qu'il y a, à la vérité, on Jésus-Christ
deux natures, mais une seule volonté , sa-
voir la volonté divine. Cet expédient lui fut
suggéré par Athanaso , principal évoque dos
arméniens rnonophysites ; par Paul , l'un do
leurs docteurs, et par Sergius, paiiiarcho do
Conslantinople , ami de leur secte. En con-
séquence, Héraclius publia, l'an (530, un édit
pour faire recevoir cetle doctrine. Le mau-
vais succès de sa politique prouva qu'en ma-
tière de foi il n'y a point de tem|)érament à
proiiilro, ni do milieu entre la vérité révélée
de Dieu et l'horésio.
Athanaso, patriarche d'Anliochc, etCyrus,
patriarche d'Alexandrie, adoptèrent sans ré-
sistance l'édit d'Héraclius; lo second assem-
bla, l'an G33, un concile dans lequel il le fit
recevoir. Mais Sophronius, qui, avant d'être
placé sur le siège de Jérusalem, avait assisté
à ce concile, et s'était opposé à l'accoptatioft
do l'édit, tint, de son côté, un autre concile,
l'an 634, dans lequel il fit condamner comme
hérélique lo dogme d'une seule volonté on
Jésus-Christ. Il on écrivit nupapo Honoriu.s.
Malheureusement ce pontife avait été pré-
venu et séduit par une lettre artificieuse de
S:'fgius de Gonstantinople, dans laquelle ce-
lui-ci, sans nier distinctement les deux vo-
lontés en Jésus-Christ , semblait soutenir
seulement qu'elles étaient une, c'est-à-dire
parfaitement il'accord et jamais Ofiiiosées ;
d'oii résultait l'unité d'opération. Honorius
trompé approuva cotte doctrine par sa ré-
ponse : on ne voit pas néanmoins qu'il ait
écrit à Soplironius de Jérusalem pour con-
damner sa conduite. Comme la fermeté do ce
dernier à condamner le monothélisme était
applaudie par tous les catholiques, l'empe-
reur Héraclius , pour faire cesser les dispu-
tes, ]iidjlia , l'an 639, un autre édit, appelé
ecthesis, ou exposition de la foi, que Sergius
avait composé, par lequel il défendait d'agi-
ter la question de savoir s'il y a une ou
doux volontés en Jésus-Christ, mais qui en-
seignait cependant qu'il n'y on a qu'une, sa-
voir, la volonté du Verbe divin. Cette loi fut
reçue par plusieurs évêquos d'Orient , et en
particulier par Pyrrhus de Constantinople,
qui venait de succéder à Sergius. Mais l'au
née suivante , le pape Jean IV, successeur
d'Honorius, assembla un concile à Rome,
qui rejeta Veethèse et condamna les jnono'
tliélitcs. Héraclius, informé de cette condam-
nation , s'excusa auprès du papo , et rejetî
la faute sur Sergius. La division continua,
donc comme auparavant.
L'an 648, l'empereur Constant, conseillB
par Paul de Gonstantinople, morwthélite com-
me ses prédécesseurs . donna un troisième
29
909
MON
(5dit, nommé type ou formulaire, par lequel
il supprimait Vecthèse, défondait d'agiter dé-
sormais la question, et ordonnait le silence.
Mais les hérétiques, en demandant le silence,
ne le gardent jamais ; la vérité d'ailleurs doit
étreprêchée, et non étoufi'ée par la dissimu-
lation. En Cii), le pape saint Martin 1" tint k
Rome un concile de cent cinq évoques, qui
condamna Vecthèse, le type et le monothé-
lisme. « Nous ne pouvons, disent les Pères
de ce concile, abjurer tout à la fois l'erreur et
la vérité. » L'empereur, indigné de cet af-
front, s'en prit au pape, et fit attenter plu-
sieurs fois à sa vie. Trompé dans ses projets,
il le fit saisir par des soldats, conduire dans
nie de Naxos, retenir prisonnier pendant un
an ; ensuite il le fit transporter à Constanti-
nople, oîi le pape reçut de nouveaux outra-
ges; enfin, reléguer dans la Cliersonèse Tau-
rique, aujourd'hui la Crimée, où ce saint
Fape mourut de misère et de soulfrances,
an 655. Cela ne servit qu'à rendre les mo~
nothélites plus odieux.
Enfin, l'empereur Constantin Pogonat, fils
de Constant, par l'avis du pape Agatlion, fit as-
sembler àConstantinopIe, l'an 680, le sixième
concile œcuménique, dans lequel Sergius,
Pyrrhus et les autres chefs du monothéUsme,
même le pape Honorius, furent nommément
condamnés, et cette hérésie proscrite. L'em-
pereur confirma la sentence du concile par
ses lois. Dans cette assemblée la cause des
monothélites fut défendue par ilacaire d'An-
tioche avec toute la subtilité et .l'érudition
possible, mais avec fort peu de bonne foi ;
et il n'est pas aisé de concevoir ce que vou-
laient ces hérétiques, ni de savoir s'ils s'en-
tendaient eux-mêmes. Ils faisaient profes-
sion de rejeter l'erreur des eutychiens ou
nionophysites , d'admettre en Jésus-Clirist
la nature divine et la nature humaine sans
mélange et sans confusion, quoique substan-
tiellement unies en une seule personne. Ils
avouaient que ces deux natures étaient
entières et complètes l'une et l'autre, revê-
tues chacune de tous ses attributs et de
toutes ses facultés essentielles , par consé-
quent d'une volonté propre à chacune , ou
de la faculté de vouloir, et que cette fa-
culté n'était point inactive ou absolument
passive. Us n'en soutenaient pas moins
l'unité de volonté et d'opération dans Jésus-
Christ. Cette contradiction même démontre
que tous ne pensaient pas de même et ne
s'entendaient pas entre eux. Quelques-uns,
peut-être, par unité de volonté, n'entendaient
rien autre chose qu'un accord parfait entre la
volonté humaine et la volonté divine : ce
n'était pas là une erreur ; mais ils auraient dû
s'expliquer clairement. D'autres paraissent
avoir pensé que, jiar l'union substantielle
des deux natures, les volontés étaient telle-
ment réduites en une seule, que l'on ne
pouvait plus y supposer qu'une distinction
méta[)hysique ou intellectuelle. Mais la plu-
part disaient qu'en Jésus-Christ la volonté
humaine n'était que l'organe ou l'instrument
uar lequel la volonté divine agissait ; alors
la jiremière était absolument passive et sans
MON 908
action ; car enfin c'est l'ouvrier qui agit, et
non l'instrument dont il se sert. Dans cette
hypothèse, la volonté humaine n'était qu'un
vain nom sans aucune réalité.
Les monothélites s'étaient donc flattés mal
à propos de pouvoir réunir dans leur sys-
tème les nestoriens, les eutychiens et les
catholiques ; quiconque savait raisonner ne
pouvait goûter leur opinion, encore moins
la concilier avec l'Ecriture sainte, qui nous
apprend que Jésus-Christ est vrai Dieu et
vrai homme, qui nous montre en lui toutes
les qualités humaines comme celles de la
Divinité. Aussi, après une ample discussion
de leur sentiment dans le sixième concile
général, ils furent condamnés de toutes les
voix; le seul Macaire d'Antioche s'y opposa.
Ce concile, après avoir déclaré qu'il reçoit
les définitions des cinq jiremiers conciles
généraux, décide qu'il y a dans Jésus-Christ
deux volontés et deux opérations ; qu'elles
sont réunies dans une seule personne, sans
division, sans mélange et sans changement;
qu'elles ne sont point contraires, mais que
la volonté humaine se conforme entièrement
à la volonté divine, et lui est parfaitement
soumise. 11 défend d'enseigner le contraire,
sous peine de déposition pour les ecclésias-
tiques, et d'excommunication pour les laï-
ques. Trente ans après, l'empereur Philip-
picus-Baidane prit de nouveau la défense
des monothélites ; mais il ne régna que deux
ans. Sous Léon l'Isaurien, l'hérésie des ico-
noclastes fit oublier celle des monothélites ;
ceux qui subsistaient encore se réunirent
aux eutychiens. On prétend néanmoins que
les maronites du mont Liban ont persévéré
dans le wonoï/iÉ?/isnie jusqu'au xi' siècle. Ce
qui s'est passé à l'occasion de cette hérésie
a fourni aux protestants plusieurs remarques
dignes d'attention. Le traducteur de Mos-
heim dit, 1° que quand Héraclius publia son
[iremier édit, le pontife romain fut oublié,
parce qu'on crut que l'on pouvait se pas-
ser de son consentement dans une allàire
qui ne regardait que les Eglises de l'Orient;
2' 11 traite Sophronius, patriarche de Jérusa-
lem, de moine séditieux, qui excita un af-
freux tumulte à l'occasion du concile d'A-
lexandrie, de l'an 633 ; 3° il dit que le pape
Honorius, écrivant à Sergius, soutint, comme
son opinion, qu'il n'y avait qu'une seule vo-
lonté et une seule oi)ération dans Jésus-
Christ ; 4" que saint Martin 1" , en condam-
nant dans le concile de Rome l'ecthèse
d'Héraclius et le type de Constant, usa d'uu
procédé hautain et impudent ; 5° que les
partisans du concile de Chalcédoine tendi-
rent un piège aux monophysites, en propo-
sant leur doctrine d'une manière suscepti-
ble d'une double explication; qu'ils montré -
rentpeu de respect pour la vérité, et causèrent
les plus fâcheuses divisions dans l'Eglise el
dans l'iitat. Siècle vir, n' part. c. 5, § 4 et
suiv. Mosheim, dans son histoire latine, est
beaucoup moins emporté que son Iraduc-
ducleur.
Sur la première remarque, nous deman-
dons comment une nouvelle hérésie nais-
D09
MON
MON
SIO
santc pouvait ne regarder que les lvj,iises
d'Orient, et si une erreur dans In fui n'inté-
resse pas l'Eglise universelle. Lorsipie le
pape Jean IV' condamna, dans le concile de
Rome, recth(''so d'Héraclius , cet em[)erour
ne le trouva pas mauvais, puisipi'il s'excusa
et rejeta la faute sur Scrgius. Ce patriarche,
ni celui d'Alexandrie, ne crurent jias que
l'on pi1t se jiasser du consentement du (iape
dans cette affaire, puisqu'ils lui en écrivirent,
afin d'avoir son approbation, aussi bien que
celui lie Jérusalem, qui lui envoya des dé-
putés. Sur la seconde, le moine Soplirone
était déjîi évoque do Damas, lorsipi'ii assista
au concile d'Alexandrie ; il se jeta vainement
aux pieds du palrarche Cyrus , pour le
supplier de ne pas trahir la foi catholique,
sous prétexte d'y ramener les hérétiques.
Placé sur le siège de Jérusalem, pouvait-il
se dis|)enser de défendre cette même foi, et
de montrer les dangers de la fausse poli-
tique des moHo^/fc'/t/es? Il ne fut que trop
justilié par l'événement , et sa conduite fut
pleinement approuvée dans le sixième con-
cile général. Il est singulier que nos cen-
seurs bl;\ment également le procédé peu
sincère des monotliélites, et la franchise de
Soplirone, ceux qui voulaient que l'on gar-
d.U le silence, et ceux qui ne le voulaient
pas. Sur la troisième, nous n'avons garde
de justilier le ))ape Honorius ; mais nous ne
voyons pas qu'il ait soutenu , comme son
0[)inion, une seule volant/ en Jésus-Christ.
Nos censeurs citent Bossuet, Défense de la
Déclaration (lu clerqé de France, u' part.,
1. xu, c. 21. Or, voici les paroles d'Hono-
rius rapportées par Bossuet, c. 22 : « Quant
nu dogme de l'Eglise, que nous devons te-
nir et prêcher, il ne faut parler ni d'une,
ni de deux opérations, à cause du peu d'in-
telligence des peuples, et atin d'éviter l'em-
l)arras de plusieurs questions interminables;
niais nous devons enseigner (pie l'une et
l'autre nature (en Jésus-Cln-ist) opère dans
un accord parfait avec l'autre; que la nature
divine fait ce qui est divin, et la natnre hu-
maine ce qui a[)partient à l'humanité. » Et
il ajoute « que ces deux natures unies sans
confusion, sans division et sans changement,
ont chacune leur opération jiropre. « Bos-
suet n'a cité aucun passa:ïe d'Honoriusdans
lequel il sOit l'ail menlion à'unescule volonté'. A
la vérit ■', Honorius n'est pas d'accord avec
lui-môme, on disant que les deux natures
en Jésus-Christ ont chacune leur opération
propre, et que cependant il ne faut point
parler de deux opérations ; mais il ne s'en-
suit pas de là qu'il n'ait admis qu'une seule
volonté en Jésus-Christ ; il ne paraît pas
même que Sergius, dans sa lettre k Hono-
rius, ait osé proposer cette erreur.
Pourquoi donc, répliquera-t-on, le si-
xième concile a-t-il condamné les lettres
d'Honorius comme contiaires aux dogmes
des apôtres, des conciles et des Pères, et
comme conformes aux fausses doctrines des
hérétiques ? Pourquoi a-t-il déci ié que ce
pape avait suivi en toutes choses le senti-
ment de Sergiu', et avait continué des
dogmes imiiies? ce sont ses termes. Parce
qu'il est en etfet contraire aux dogmes des
a|)ôtres, des conciles et des Pères, de ne pas
professer la foi telle qu'elle est, et parce
que Honorius a\aiit tenu dans ses lettres le
môme langage que Sergius, le concile a dâ
juger qu'il pensait de même, (pioique peut-
être il n'en lût rien (i). Les accusateurs
d'HoïKirius ont donc tort de conclure ou
(pie Honorius a été véritablement hér(Hii|ue,
ou (|uo les conciles ne sont pas inlaiilililes ;
les conciles jugent des écrits, et non des
pensées intérieures des écrivains. Voy. Ho-
norius.
Sur la quatrième remarque, nous soute-
nons qu'il y oui du zèle, du courage, do la
fermeté, dans la conduite du pape saint
Martin, mais qu'il n'y eut ni hauteur ni
impudence. Il s'abstint, par respect, de
nommer les deux empereurs dont il con-
damnait les écrits ; cette condamnation fut
souscrite par près de deux cents évoques,
et ce jugement fut contirmé par le sixième
concile général. C'est avec raison que l'E-
glise honore ce saint pape comme un martyr ;
les cruautés que l'empereur Constant exerça
contre lui ont tlétri pour jamais la mémoire
de ce prince. Dans la cinquième remarque,
Mosheim et son traducteur s'exjiriment
très-mal, en disant que les paitisans du
concile de Chalcédoine tendirent un piège
aux monophysites. Ce piège fut tendu, non
par les catholiques, sincèrement attachés à
ce concile, mais par les monolhélites; il fut
imaginé par Athanase, évêque des mono-
physitis; par Paid, docteur célèbre parmi
eux; par Sergius de Constantinople, leur
ami, et fut suggéré à l'empereur Héraclius.
Ce sont donc ces personnages, et non les
catholiques, (pii causèrent les divisions et
les disiiutes (pii s'ensuivirent, et ces sophis-
tes n'<5taient rien moins que partisans du
concili» de Chalcédoine. La définition de ce
concile ne d.innait lieu à aucune fausse ex-
plication, quand on voulait être de bonne
foi. K avait décidé qu'il y a dans Jésus-Christ
deux natures, sans être changées, confon-
dues ni divisées : or, une nature humaine,
qui n'est pas changée, a certainement une
volonté propre. Il fallait être d'aussi mau-
vaise foi que les monotliélites, pour entendre
qu'il y avait deux natures, mais une seule
volonté. On voit par cet exemple de quelle
manière les protestants travestissent l'his-
toire ecclésiastique.
MONTANISÏES, anciens hérétiques, ainsi
appelés du nom de leur chef. Vers le milieu
du II' siècle, Montan, eunuque, né en Phry-
gie, sujet à des convulsions études attaques
d'épilepsie, prétendit que dans ses accès il
recevait l'Esprit de Dieu ou l'inspiralion di-
vine ; se donna pour prophète envoyé de
Dieu jiour donner un nouveau degré de
perfection à la religion et à la morale chré-
tienne. Dieu, disait Montan, n'a [las révélé
(I) Il est évident qu'il n'est quesllon ici que d'un
fait persouiiel, et non d'u[i fait dogmaliinip sur Iç-
quoi un concile général ne peut se tromper. Voy.
DOGMATIQLT.S (faits).
91 i
M0^
WON
912
d'abord aux hommes toutes les vérités ; il
a proportionné ses leçons au degré de leur
capacité. Celles qu'il avait données aux pa-
triarches n'étaient pas aussi amples que
celles qu'il donna dans la suite aux Juifs, et
celles-ci sont moins étendues que celles
qu'il a données à tous les hommes par
Jésus-Christ et par ses apôtres. Ce divin
Maître a souvent dit à ses disciples qu'il
avait encore beaucoup de choses à leur
enseigner, mais qu'ils n'étaient pas encore
en état de les entendre. Il leur avait promis
de leur envoyi-r le Saint-Esprit, et ils le re-
çurent en etret le jour de la Pentecôte ; mais
il a aussi promis un ParacJet, un Consolateur,
(lui doit enseigner aux hommes toute vé-
rité ; c'est moi qui suis ce Paraclet, et qui
dois enseigner aux chrétiens ce qu'ils ne
savent pas encore. Environ cent ans après
Montan, Manès annonça aussi qu'il était le
Par.iclel promis jiar ' Jésus-Christ ; et au
seiitième siècle, Mahomet tout ignorant qu'il
était, se servit du môme artifice pour per-
suader qu'il était envoyé de Dieu pour éta-
blir une nouvelle religion. Mais ces trois
imposteurs sont réfutés par les passages
Tnême de l'Evangile dont ils abusaient. C'est
auxapôti es personnellement que Jésus-Clirist
avait promis d'envoyer le Paraclet, l'Esprit
de vérité, qui demeurerait avec eux pour
toujours, qui devait leur enseigner toutes
choses (Joan. iv, 16 et 26 ; xv, 26). Si je ne
vous quitte point, leur dit-il, le Paraclet ne
viendra j)as sur vous; mais si je m" en vais, je
vous l'enverrai Lorsque cet Esprit de
vérité sera venu, il vous enseignera toute vé-
rité (x\i, 7 et 13). 11 était donc absurde d'i-
maginer un Paraclet différent du Saint-Esprit
envoyé aux apôtres, et de prétendre que
Dieu voulait encore révéler aux hommes
d'autres vérités que celles qui avaient été
enseignées par les apôtres.
Montan et ses iiremiers disciples ne chan-
gèrent rien h la foi renfermée dans le sym-
bole; mais ils prétendirent que leur morale
était beaucoup plus parfaite que celle des
apôtres ; elle était en effet plus austère :
1° ils refusaient pour toujours la pénitence
et la comumnion à tous les pécheurs qui
étaient tombés dans de grands crimes, et
soutenaient que les prêtres ni les évoques
n'avaient pas le pouvoir de les absoudre;
3' ils imposaient à leurs sectateurs de nou-
veaux jeûnes et des abstinences extraordi-
naires, trois carêmes et deux semaines do
xérophagie, ])en iant lesquelles ils s'abste-
naient, non-seulement de viande, mais en-
core de tout ce qui a du jus ; ils ne vivaient
que d'aliments secs : 3" ils condamnaient
les secondes noces comme des adultères ; la
Earure des femmes comme une pompe dia-
olique; la philosophie, les belles-lettres et
les arts, comme des occupations indignes
d'un clirétien ; k° ils prétendaient qu'il
n'était pas permis de fuir pour éviter la
persécution, ni de s'en racheter en donnant
de l'argent. Par cette affectation de morale
austère, Montan séduisit plusieurs personnes
considérables par leur rang et par leu"
naissance, on jiarticulier deux oames nom-
mées Priscilla etMaximilla; elles adoptèrent
les visions de ce fanatiifue, prophétisèrent
comme lui et l'imitèrent dans ses prétendues
extases. Mais la fausseté des prédictions de
ces illuminés contribua bientôt à les décré-
diter; on les accusa aussi d'hypocrisie,
d'affecter une morale austère pour mieux
cacher le dérèglement de leurs mœurs. On
les regarda comme de vrais possédés; ils
furent condamnés et excommuniés jiar le
concile d'Hiéraple, avec Tliéodose le Cor-
royeur. Chassés de l'Eglise, ils formèrent
une secte, se firent mie discipline et une
liiérarchie ; leur chef-lieu était la ville de
Pépuze en Phrygie, ce qui leur fit donner
les noms de Pépuziens, de Phrygiens et de
Cataphryges. Ils se répandirent en effet
dans le reste de la Phry:^ie, dans la Gfllatie
et dans la Lydie ; ils pervertirent entière-
ment l'Eglise de Thyatire ; la religion
catholique en fut bannie pendant près
de cent douze ans. Us s'établirent à Con-
slantinople, et se glissèrent à Rome ; on
prétend qu'ils en imiiosèrent au pape Eleu-
thère, ou à Victor son successeur; que,
trompé par la peinture qu'ils lui firent de
leurs Eglises de Phrygie, le pape leur donna
des lettres de communion ; mais qu'ayant
été promptement détrompé, il les révoqua.
Au reste, ce fait n'a pour garant que Ter-
tullien, qui avait intérêt à le croire. L. con-
tra Prax., c. 1.
En elfet, quelques-uns pénétrèrent en
Afrique : TertuUien, homme d'un caractère
dur et austère, se laissa séduire par la sé-
vérité de leur morale; il poussa la faiblesse
jusqu'à regarder Montan connue le Paraclet,
Priscilla et Maximdla comme des prophé-
tesses, et ajouta foi h leurs visions. C'est
dans ce préjugé qu'il composa la plu[)art
de ses traités de morale, dans lesquels il
pousse la sévérité à l'excès, ses livres du
Jei'uie, de la Chasteté, de la Monogamie, de
la Fuite dans les persécutions, etc. U donne
aux catholiques le nom de psychiques, ou
d'animaux, peree qu'ils ne voulaient pas
pousser le rigorisme aussi loin que les
montanistes ; triste exemple des égarements
dans lesquels peut tomber un grand génie.
On croit- cependant qu'à la fin il se sépara
de ces sectaires; maison ne voit pas qu'il
ait condamné leurs erreurs. Elles furent
réfutées par divers auteurs sur la fin du n"
siècle : par Miltiade, savant apologiste de
la religion chrétienne ; par Astérius-Urbanus,
prêtre catholique ; par Apollinaire, évêque
d'Hiéraple. Eusèbe, Hist. ecclés., 1. v, c. 16
et suiv. Ces éciivains reprochent à Montan
et à ses propliétesses les accès de fureur et
de démence dans lesquels ces visionnaires
prétendaient prophétiser , indécence dans
laquelle les vrais prophètes ne sont jamais
tombés ; la fausseté de leurs prophéties dé-
montrée par l'événement; l'emportement
avec lequel ils déclamaient contre les pas-
teurs de l'Eglise qui les avaient excom-
nmniés; l'opposition qui se trouvait entre
leur morale et leurs mœurs ; leur mollesse
915
MON
MOR
914
leur uiondanili'', les artifices dont ils se ser-
vaiont j)Our extorquer do l'argent do leurs
prosélytes, etc. Ces sectaires se vantaient
d'avoir des martyrs de leur croyance ; As-
térius-Urhanus leur soutint qu'ils n'en
avaient jamais eu; que, parmi ceux qu'ils
citaient, les uns avaient donné de Tarifent
[lour sortir de prison, les autres avaient été
condauuiés pour des ci'iuies.
En 1751, un pnilestant a [luhlié un nu'-
moiro dans lequel il a voulu prouver que les
moiitunisles avaient été condamnés comme
li('rétiques, assez mal ;i propi is.Moslieim sou-
tient (jue cetio coiuianmation est juste et
légitime, 1° (larco que c'était une eireur
très-répréliensihle de prétondre enseigner une
morale plus parfaite que celle de Jéstis-
Christ; 2° c'en élait une autre de vouloir
liersuader que Dieu môme parlait jiar la
bouche de Montan; 3" parce que ce sont
j)lutftt les tnontanistcs ciui se sont séparés
de l'Eglise , que ce n'est l'Eglise qui
les a rejetés de son sein; c'était de leur
part un orgueil insupportable de prétendre
loruier une société plus parfaite que l'Egliso
do Jésus-Christ, et d'appeler pst/chùfues ,
ou animaux, les membres de cette sainte
société. Il est étonnant qu'en condanuiont
ainsi les 7nonlanislc.<!, Mosheim n'ait pas vu
([u'il faisait le procès à sa |iro|ire secte.
Pour les disculper un peu, il dit qu'au ii°
siècle il y avait parmi les chrétiens deux
sectes do moialistes; les uns, modérés, ne
bl.lmaient point ceux qui menaient une vie
commune et ordinaire; les autres voulaient
(pu' l'on observât quelque chose de plus (pie
ce,(pie les apôtres avaient ordonné ; et en cel.i,
dit-il, ils ne dill'éraient pas beaucoup divs
moiilunistes. C'est une fausseté. Plusieurs,
h la vérité, conseillaient, exhortaient, re-
couunandaient la pratique des conseils évau-
géliques, mais ils n'en faisaient une loi à
jiei sonne ; en quoi ils pensaient Irès-ditfé-
remment des montanistes. Mosheim olxserve
encore que ces derniers rendaient les chré-
tiens, en général odieux aux païens, parce
qu'ils prophétisaient la ruine prochaine de
l'euipire romain ; mais il a tort d'ajouter
([ue c'était l'oiùnion comnuuie des chré-
tiens du II' siècle. IlUt. christ., sœc. ii, § 66
et G". Voy. Fin du monde.
H se forma dilfi'renles branches de mon-
tanistcs. Saint î'piphane et saint Augustin par-
lent des arloli/riies, ainsi nonuné de âpToç,
pain, et de tv^o; , fromage, parce que, pour
consacrer l'eucharistie, ifs se servaient de
pain et de fromage, ou |)eul-ètre de nain
pétri avec du fromage, alléguant jwur laison
que les premiers hommes otl'i aient .'i Dieu
non-seuleiiien' les fruits de la terre, mais
cucoie les prémices du fruit de leurs trou-
p.eaux. Ils admetlaieiU les femmes à la prê-
trise et à ré[)iscopat, leur permettaient de
pailor et de faire les prophétesses dans
leurs .•isseuililées. Saint Epi|iliane les nom-
me encore priscillicns, pcpuznns et quinlil-
livns. D'autres étaient nomaiés ascitcs, du
mot «Txoç, outre, sac de peau, ]!arce que
leurs asseoibléeâ étaient des espèces de bac-
chanales ; ils dansaient autour d'une peau
enllée eu forme d'outre, en disant qu'ils
étaient les vases remplis du vin nouveau
dont parle Jésus-Christ [Malth. iv, 17). Il
n'y a aucune raison de les distinguer de
ceux que l'on appelait ascodrutes, ascodru~
pitc.t, ou tascodruçiiles. Ceux-ci, dit-on, re-
jetaient l'usage des sacrements, mémo du
baptême; ils disaient (jue des grAces in-
corporelles ne peuvent être communiquées
par des choses corpoi'elles, ni les mystères
divins par des éléments visibles. Ils faisaient
consister la rédemption parfaite, ou la sanc-
tification dans la connaissance, c'est-à-diro
dans l'intelligence des mystères tels qu'ils
les entendaient. Ils avaient adopté une par-
tie des rêveries des valentiniens et des mar-
cosiens. 11 paraît que les tascodruç/ites étaient
encore les mêmes que les passalorynchilcs
ou pettalorynchites, ainsi nommés de Trào-o-a^of,
ou 7r«rT«>o;, pieu, et do f'tv, nez, parce qu'eu
priant ils mettaient leur doigt dans leur
nez, comme un pieu, pour se fermer la
bouche, s'imposer silence et montrer plus
de recueillement. Saint Jérênie dit que, de
son temps, il y en avait encore dans la Galatie,
Ce fait est ))rouvé par les lois que les em
pereurs portèrent contre ces hérétiques au
commencement du v' siècle. Cad. Théod., c.
6. Il n'est point d'absurdité que l'on n'ait
dû attendre d'une secte qui n'avait d'autre
fondement que le délire de l'imagination,
ni tl'autie règle que le fanatisme. Il est
étonnant que l'excès du ridicule ne l'ait
pas anéantie ])lus promptement. Tillemont,
jWm., t. II, p. 418.
MORALE (1), règle des mœurs ou des ac-
tions humaines. L'hounne, ôire intelligent et
libre, capable d'agir pour une lin , n'est pas
fait |;our se conduire j^ar l'instinct ou par
l'impulsion du tempérament, connue les bru-
tes qui n'ont ni intelligence ni liberté ; il
doit donc avoir une inorale, une règle de
conduite. La grande question entre les phi-
losophes incrédules et les théologiens, est
de savoir s'il peut y avoir une morale so-
lide et capable de diriger l'homme, indé-
pendamment de la religion ou de la croyance
d'un Dieu législateur, vengeur du crime et
rémunérateur de la vertu. Nous soutenons
qu'il n'y en a point, et qu'il ne peut pas y
en avoir; malgré tous les efforts qu'ont faits
les incrédules modernes pour en établir une,
ils n'y ont pas réussi, et, pour les réfuter
complètement, nous pourrions nous conten-
ter de leur opposer les aveux qu'ils ont été
forcés de faire.
1" Prendrons-nous pour règle de morale,
la raison ? Elle est à peu près nulle sans
l'éducation ; il est aisé d'estimer de quel
degré de raison serait susceptible un sau-
vage abandonné dès sa naissance, qui au-
rait vécu dans les forêts parmi les animaux;
il leur ressemblerait plus qu'à une créa-
ture humaine. Qu'est-ce, d'aill -urs, que l'é-
ducation? Ce sont les le>^:ons et les exem-
(1) Votj., pour avoir de plus amples iléveloppe-
nienis, notre Dict. de Thcol. mor., surtout l'inlro-
duciion.
9IS
MOR
MOR
91(1
pies de nos semblables ; s'ils sont oons,
justes et sages, ils perfectionnent la raison;
s'ils ue le sont pas, ils la dépravent. Où s'est-
il trouvé un homme qui ait eu une intel-
ligence assez étendue et une âme assez ferme
pour se défaire de tous les préjugés de l'en-
fance, pour oublier toutes les instructions
qu'il avait reçues, pour heurler de front
toutes les opinions de ceux avec lesquels
il était forcé de vivre? Nos philosophes ont
voulu faire parade de ce courage ; mais
voyez si c'est la raison qui les a conduits
plutôt que la vanité, et si leur conduite
est fort diti'érente de celle des autreshommes.
Ils ont dit eux-mêmes que rien n'est plus
rare que la raisun cliez les hommes, que
le très-grand nombre sont des cerveaux mal
organisés, incapables de penser, de réfléchir,
d'agir conséquemment ; que tous sont con-
duits par l'habitude, par les préjugés, par
l'exemple de leurs semblables, et non jjar' la
raison. La question est donc de savoir com-
ment, pour former un bon système de mo-
rale, on donnera au genre humain un degré
de raison dont il ne s'est pas encore trouvé
susceptible depuis la créition. La raison est
offusquée et contiedite par les passions. La
première chose à faire est de prouver h un
hommesansreligion qu'il est obligé d'obéir à
l'un plutôt qu'aux autres ; qu'en suivant
la raison il trouvera le bonheur, qu'en se
laissant dominer par une passion il court
à sa perte. Jusqu'à présent nous ne voyons
pas que cela soit fort aisé. A force de rai-
sonner, les sceptiques, les cyniques, les
cyrénaïques et d'autres grands philosophes
prouvaient doctement que rien n'est en soi
bien ou mal, juste ou injuste, vice ou voitu;
que cela dépend absolument de l'opinion
des hommes, à laquelle un sage ne doit
jamais se conformer; d'oii il s'ensuivait
clairement que toute morale est absurde.
Sans avoir besoin de l'avis des philoso-
phes, il ne s'est jamais trouvé d'homme
passionné qui n'ait allégué des raisons pour
justifier sa conduite, et qui n'ait prétendu
qu'en faisant ce qui lai plaisait le plus, il a
écouté la voix de la nalure. De là les acadé-
miciens concluaient que la raison est jilutùt
pernicieuse qu'utile aux hommes, puisqu'elle
ne leur sert qu'à commettre des primes et à
trouver des prétextespourles justifier. Cicer.,
de Nat. Deor., 1. m, n. 65 et suiv. Ceux d'au-
jourd'hui ont enseigné que les passions sont
innocentes, et la raison coupable ; que les
passions seules sont coupables de nous por-
ter aux grandes actions , par c >nséquent
aux grandes vertus ; que le sang-froid de la
raison ne peut servir qu'à faire des hom-
mes médiocres, etc. Nous voilà bien dispo-
sés à nous lier beaucoup à la raison en fait de
morale.
2° Nous trouverons peut-être une meil-
leure ressource dans le sentiment moral,
dans cette espèce d'instinct qui nous fait
admirer et estimer la vertu, et détester le
crime. Mais sans contester la réalité de ce
«entimeut, n'avons-nous pas les mêmes re-
proches à lui faire qu'à la raison? Il est
à peu près nul sans l'éducation; il est
peu développé dans la plupart des hommes,
il diminue pou à peu, et s'éteint presque en-
tièrement par l'habitude du crime. Nos phi-
losophes nous disent qu'il y a des hom-
mes si pervers par nature, qu'ils ne peu-
vent être heureux que par des actions qui
les conduisent au gibet ; il faut donc que
le sentiment moral soit anéanti chez eux,
et que la voix de leur conscience ne se
fasse plus entendre. Ont-ils encore des re-
mords après le crime? Nous n'en savons
rien : quelques matérialistes nous assurent
que les scélérats consommés n'ont jilus de
remords. Quand ils en auraient, cela ne
sutTirait pas pour fonder la morale; celle-ci
doit servir, non-seulement à nous faire re-
pentir d'un crime commis , mais à nous
empêcher de le commettre. Un goût décidé
pour la vertu ne s'acquiert que par l'ha-
bitude de la pratiquer; et pour l'aimer sin-
cèrement il faut déjà être vertueux : par
quel ressort sera mû celui qui ne l'est pas
encore ?
3" Par les lois, disent nos profonds raison
neurs, par la crainte des supplices, et par
l'espi'ir des récompenses que la société peut
établir : l'homme en général craint plus lo
gibet que les dieux. Mais combien de lois
absurdes, injustes, pernicieuses, chez la plu-
part des peuples I Les lois sont impuissantes
sans les niœiirs; plus elles sont multipliées
chez une nation, jdus elles y supposent de
corruption. Les esprits rusés savent les élu
der, et les hommes puissants peuvent im
punément les braver ; il en a été de même
dans tous les temps et chez toutes les na-
tions. Une action peut être blâmable, sans
mériterpourcela des peines afiliclives. Où est
le législateur assez sage pour prévoir toutes
les fautes dans lesquelles la fragilité humaine
peut tomber, pour statuer le degré de pu-
nition qui doit y être attaché, pour deviiifT
tous les motifs qui jicuvent rendre un délit
plus ou moins digne de châtiment? L'hom-
me est-il donc fait peur être uniciuement
gouverné, comme les brutes, par la verge
et le bâton ? Aucune société n'est assez
puissante pour récompenser tous les actes
de vertu qui peuvent être faits par ses
membres ; plus les récompenses sont com-
munes, plus elles perdent de leur prix.
L'intérêt dégrade la vertu, ef l'hypocrisie
peut la contrefaire ; souvent l'on a récom-
pensé des actions que l'on aurait punies, si
l'on eu avait connu les motifs. Les hommes
ont la vue trop faible pour démêler ce qui
est véritablement digne de louange ou de
blâme; ils sont trop sujets aux préventions
et à l'erreur. Si les distributeurs des récom-
penses sont vicieux et cai-rompus, quel fond
pourra-t-on faire sur leur jugement? Ce n'est
qu'en appelant au tribunal de la justice
divine que la vertu peut se consoler d'être
oubliée, méconnue et sauvent persécutée en
ce monde.
4° Dire que la crainte du blâme et le
désir d'être estimés de nos semblables suffi-
sent pour nous détourner du crime et nous
9i7 MOR
porter ii la vertu, c'est retomber dans les
mômes inconvéïiieiits. Non-seulement chez
les nations barbares on loue et or. estime
des actions contraires ;» la loi nalurelle, et
l'on méprise la plupart des vertus civiles,
mai-s ce désordre se trouve chez les peuples
les plus polici's. La justice d'Aristide fut pu-
nie |iar l'ostracisme, et la franchise de So-
crate par la ciguë ; les Uomains ne faisaient
cas que de la ft'rocité jAUcrrière; personne
n'était bl.lmé pour avoir ôté la vie h un
esclave. Parmi nous le meurtre est commandé
par le point d'huuueur. et quiconque le re-
fuse est censé un hklie; aucune dette n'est
sacrée, à rcxccpliori de celle du.jeu, etc.
Nous ne Unirions pas s'il nous fallait faire
l'énumérnlion de tous les vices qui no dés-
îionorent point, et de toutes les vertus dont
on ne sait s'é i» personne. L'opinion des
honmies à-t-elli; donc le pouvoir de chanj^er
la n;iture desclioses, eilamoralc doit-elle étr(!
aussi variable que les modes? Je fais plus
de cas, dit Cicéron, du témoignage de ma
conscience que de celui de tous les honuues.
Un sa^e, plus ancien et plus respectable que
lui, pensait encore mieux ; il disait : « .Mon
témoin est dans le ciel; lui seul est Ta r-
bitre de mes actions {Job, xvi, 20). Si la
gloire et l'intérêt sont les seuls ressorts qui
nous déterminent, pourouoi donc ceux qui
agissent par ces motifs tont-ils ce qu'ils peu-
vent pour les cacher?
5° Enfin, lorsque Jésus-Christ vint sur la
terre, il y avait cinq cents ans que les phi-
losophes fondaient la morale sur ces mêmes
motifs, que leurs successeuis regardent
comme seuls solides et suffisants. On sait
les prodiges qu'avait opérés cette morale
philoso|)hique, et en ([uel état les mœurs
étaient pour lors. C'est en comiiarant ses
effets avec ceux que produisit la morale di-
vine de Jésus-Christ, que nos apologistes
ont fermé la bouche aux philosophes détrac-
teurs du christianisme. La religion seule
peut rectifier tous ces motifs jiroiiosés jiar
la philosophie, et leur donner un poids qu'ils
n'ont lias par eux-mêmes. C'est la raison,
i'er.tends la raison cultivée et droite, qui
nous déraontro que l'homme n'est point
l'ouvrage du hasard, mais d'un Dieu intelli-
gent, sage et bon, qui a créé nus facultés
telles qu'elles sont. C'est donc lui qui nous
a donné, uon-seulement l'instinct comme
aux brutes, mais la faculté de réfléchir et
deraisoimer. Puisque c'est par là qu'il nous
a distingués des animaux, c'est donc par là
qu'il veut nous conduire ; nous ne pouvons
résister aux lumières de la raison sans ré-
sister à la volonté du Créateur. Si elle se
trouve Ircs-boruée dans la plupart des hom-
mes, si elle est dépravée dans les autres
par les leçons de l'enfance, Dieu, qui est la
justice même, ne punit point en eux l'i-
i^norance invincible ni l'erreur involontaire ;
il n'exige d'eux que la docilité k recevoir
de meilleures leçons, lorsqu'il daignera les
leur procurer. Si c'est l'homme lui-même
qui pervertit sa raison par l'habitude du
crime, il n'est plus excusable. 11 en est
Mon
913'
de même du sentiment moral, du témoi-
gnage que la conscience nous rend de nos
propres actions, des remords causés par lo
crime, de la jùtié qui nous fait compatir
aux maux d'aulrui , de l'atlmiration que
nous inspire une belle action, etc. C'est
Dieu qui nous a donné cette espèce d'in-
stinct; sans cela, il ne prouverait rien; nous
en serions quittes pour l'étouffer : dès qu'il
est le signe de la volonté de notre sou-
verain maître, il nous impose lui devoir,
une obligation won//c ; j résister, c'est so
rendre couitable. Dieu déclare que les mé-
chants ne viendront jamais à bout de so
délivrer des remords : Quand ils iraient se
cacher au fond de la mer, f enverrai le serpent
les déchirer par ses morsures. Amos, c. ix, v.
3. « Qui a trouvé la paix en résistant à
Dieu? » Job. c. ix, v. 4. Aucun homme n'a
eu de remords d'avoir fait une bonne action,
aucun ne s'est cru louable pour avoir satis-
fait une passion. Les passions tendent à la
destruction de l'homme, et non h sa conser-
vation; un naturaliste l'a tiémontré. De
l'homme, pnrMarat, tom. 11,1. in, p. 47. 11 est
donc faux que les passions soient la voix
de la nature. D'ailleurs, que nous importe
la nature, si ce n'est pas Dieu qui en est
l'auteur?
Dieu, sans doute, a destiné l'homme à
vivre en société, puisqu'il lui en a donné l'in-
clination, et qu'en vivant is;dé il ne peut ni
jouir des bienfaits de la n;iture, ni perfection-
ner ses facultés : or, la société ne peut sub-
sister sans lois. .Mais s'il n'y avait pas une
loi naturelle qui ordonne à l'homme d'obéir
aux lois civiles, colles-ci ne seraient plus
(jue la volonté des p'us forts exercée contre
](>s faibles; elles ne nous imposeraient pas
plus d'obligation wora/e que la violence d'un
eiuiemi. jilus fort que nous. Si elles sont
évidemment injustes, la loi naturelle les an-
nule; un citoyen vertueux doit subir la
mort plutôt que de commettre un ciime or-
donné par les lois. Lorsque des particuliers
sans titre et sans mission s'avisent de dé-
clamer contre les lois de la société et s'éri-
gent en réformateurs de la législation, ce
sont des séditieux qu'd faut punir : quel
crime est commandé par nos lois? Les ré-
compenses que la société peut accorder ne
sont pas assez grandes pour payer la vertu
dans toute sa valeur ; il lui on faut de plus
duraljles, et qui la rendent heureuse pour
toujours. Dès qu'elle est sûre de les obtenir
d'un Dieu juste, peu lui importe que les
liommes la méconnaissent, la méprisent ou
la punissent : leurs erreurs et leurs injustices
lui donnent un nouveau droit aux biens de
l'éternité.
Mais il n'est pas vrai que la religion dé-
fende à l'homme vertueux d'être sensible
au point d'honneur, à la louange et au blû-
mo, aux peines et aux récompenses tem{)0-
rolles , à la satisfaction d'avoir fait son
devoir. Elle lui ordonne, au contraire, de se
faire une bonne réputatitin, de la préférer à
tous 1 s biens de ce moi.Je; ollo averîit les
méchants que leur nom sera effacé de la mé-
ai9
MOR
MOR
920
nioiro des nommes, ou déteste par la posté-
rité (Prop. XXII, 1; Eccl. xxxix, 13; xu,
15; xLiv, 1, etc.). La religion lui défend seu-
îenient d'envisager ces avantages comme sa
récompense principale, d'y attacher trop de
prix, de se dégoûter de la vertu lorsqu'ils
viennent à liri manquer, de commettre un
crime pour les obtenir. Jésus-Christ lui-
même nous firdonne de faire luire la lumière
aux yeux des hommes, afin quils voient
nos bonnes œuvres, et glorifient le Père cé-
leste {Matth. y, 16). Saint Pierre nous fait la
»iême leçon (/ Petr., ii, 12 et 15, etc.). Elle
ne contredit point ce qui est dit ailleurs,
qu'il faut être humble et modeste, cacher
nos bonnes œuvres, rechercher les humi-
liations, et nous en réjouir, parce qu'ils y a
des circonstances dans lesquelles il faut le
faire. Voy. Humilité.
La morale, disent nos adversaires, doit
être fondée sur la nature môme de l'homme,
et non sur la volonté de Dieu; la première
ïious est connue, la seconde est un mystère :
comment connaître la volonté d'un Etre in-
compréhensible , duquel nous ne pouvons
pas seulement concilier les attributs? En
voulant lier la morale à la religion, l'on est
venu k bout de les dénaturer l'une et l'autre ;
la première s'est trouvée assujettie à toutes
les rêveries des imposteurs. Quelques-uns
de nos philosophes ont poussé la démence
jusqu'à dire que l'on ne peut désormais jeter
ks fondements d'une morale saine nue sur
la destruction de la plupart des religions.
Nous convenons que la morale doit être
fondée sur la nature de l'homme, mais telle
que Dieu l'a faite, et non telle que les incré-
dules la conçoivent. Si les hommes sont de
même nature que les brutes, ont la môme
origine et la même destinée, on peut fonder
sur cette nature la morale des brutes , et
rien de plus. C'est de la constitution môme
de notre nature, telle que nous la sentons,
que nous concluons évidemment quelle est
la volonté de Dieu, et quelles sont les lois
qu'il nous impose. Quand Dieu serait encore
cent fois plus incompréhensible, toujours
est-il démontré que c'est un Etre sage, et
incapable de se contredire; il ne nous a donc
pas donné la raison, le sentiment moral, la
conscience , pour que nous n'en lissions
aucun usage. S'il nous adonné des passions
qui tendent à nous conserver lorsqu'elles
sont modérées, il n'approuve pas pour cela
leur excès, qui tend à nous détruire et à
troubler l'ordre de la société. Il est donc
absurde de prétendre que la volonté de
Dieu nous est plus inconnue que la consti-
tution môme de l'humanité. La vraie religion
n'est pas plus responsable des rêveries des
im'posteurs en fait de morale qu'en fait de
dogme ; mais il n'est point d'imjiosteur plus
odieux que ceux qui nous parlent de morale,
lorsqu'ils en détruisent jusqu'aux fonde-
ments, et qui nous vantent leur système
sans avoir posé la première pierre de l'édi-
fice. 1-1> ne sont pas encore convenus entre
eux de savoir si l'homme est esprit ou ma-
tière , et ils prétendent assujettir tous les
peuples à une morale qui ne sera bonne que
pour les brutes et pour les matérialistes.
Qu'ils commencent donc par convertir tout le
genre humain au matérialisme. Lorsqu'ils
disent qu'en voulant lier la morale à la reli-
gion l'on a dénaturé l'une et l'autre, ils se
montrent très-mal instruits ; c'est au con-
traire en voulant les séparer que les anciens
philosophes ont perverti l'une et l'autre. Il
est constant que de tous les moralistes de
l'antiquité, les meilleurs ont été les pytha-
goriciens : or, ils fomlaient la morale et les
lois sur la volonté de Dieu. Toutes les sectes
qui ont fait profession de mépriser la reli-
gion se sont déshonorées par une tnoraledé
testable ; il en est de même de nos philoso-
phes modernes.
Une autre question est de savoir si l'hommo
est capable, par la seule lumière naturelle,
de se faire un code de morale pure, com-
plète, irrépréhensible, ou s'il lui a fallu pour
cela les lumières de la révélation. La meil-
leure manière de la résoudre est de consul-
ter l'événement, de voir si, depuis la création
jusqu'à nous, il s'est trouvé dans le monde
une nation qui ait eu ce code essentiel, sans
avoir été éclairée par aucune révélation ;
nous la cherchons inutilement, et les incré-
dules ne peuvent en citer aucune. La preuve
de la nécessité d'un secours surnaturel à
cet égard est confirmée par la comparaison
que 1 on peut faire entre la morale révélée
aux patriarches, aux juifs, aux chrétiens, et
la morale enseignée par les philosophes.
Pour les deux premières, voy. Religion
PRIMITIVE, Judaïsme, Loi ancienne ; nous
allons parler des deux dernières.
Morale chrétienne ou évangélique. Dans
les articles Christianisme et Jésus-Christ,
nous n'avons pu parler qu'en jiassant de la
morale chrétienne ; nous sommes donc obli-
gés d'y revenir, et de répondre, du moins
sommairement, aux reproches que les incré-
dules lui ont faits.
Jésus-Christ a réduit toute la morale à
deux maximes : à aimer Dieu sur toutes
choses et le prochain comme nous-mêmes ;
règle lumineuse , de laquelle s'ensuivent
tous les devoirs de l'homme. Voy. Amour.
Mais ce divin législateur ne s'est pas borné
là; par les détails dans lesquels il est entré,
il n'est aucune vertu qu'il n'ait recomman
dée, aucun vice qu'il n'ait proscrit, aucune
passion de laquelle il n'ait montré les suites
funestes, aucun état dont il n'ait tracé les
devoirs. Pour porter le remède contre les
vices à la racine du mal, il défend même les
pensées criminelles et les désirs déréglés
Ses apôtres ont répété dans leurs écrits les
leçons qu'ils avaient reçues de lui ; il les ont
adaptées aux circonstances et aux besoins
particuliers de ceux auxquels ils écrivaient.
Quelques moralistes incrédules ont prétendu
qu'il était mieux de réduire toute la morale
aux devoirs de justice ; et par là ils enten-
daient seulement ce qui est dû au [)rochain :
mais l'homme ne doit-il donc rien à Dieu ?
Jésus-Christ, plus sage, désigne toutes les
Ijonnes œuvres sous le nom général de ;?m-
m
MOR
Mon
922
tice : dans le Nouveau Testament, comme
dans rAncicn, un juste est un lioniinc qui
reu)i)lil tous ses devoirs îi l'égard do Dieu,
du procliain et de soi-iiiènic. Ko//. Juste.
Mais le iera-t-il jamais, s'il n'aimu Dieu sur
toutes clioscs et le prochain comme soi-
inômo? Le motif qui engage le plus puis-
samment à observer la loi est l'amour que
l'on a pour le législateur.
Jésus-Christ a fondé \a morale sur sa vraie
Lape, sur la volonté de Dieu, souverain lé-
gislateur; sur la certitude des récompenses
et des peines de l'autre vie; il nomme ses
commandements ht volonté de son Pêrc; il le
représente comme le juge suprême , qui
condamne les méchants au feu iHernel, et
<loime aux justes la vie éternelle [Matlh. xxv,
34 et suiv.). Mais ce divin Maître n'a oublié
aucun des motifs naturels et louables ipii
peuvent exciter l'homme à la vertu; il pro-
met aux observateurs de ses lois la |iaix de
l'Anu', le repos de la conscience, l'empire
sur tous les cœurs, l'estime et le respect do
leurs semblables, les bienfaits mémo tem-
porels de la Providence. Chargez-rous de
mon joua ; apprenez de moi que je suis doux
et humilie de eauir, et vous trouverez le repos
de vos dmes ; mon jowj est doux et mon far-
deau léger {Matlh. xx, 29). Heureux les
hommes doux, ils posséderont la terre... Que
les hommes voient vos bonnes œuvres, ils
glorifieront le Père céleste (v, i et ICU Ne vous
mettez point en peine de l'avenir, votre Père
céleste suit ce dont vous avez besoin (vi,
32, etc.). Ceux qui ont lo courage de fairi; ce
qu'il a dit, attestent qu'il no les a pas trom-
pés. A de sublimes leçons Jésus-Christ a
joint la force de l'exemple, et en cela il
l'emporte sur tous les autres docteurs de
morale; i\ n'a rien commandé qu'il n'ait ]ira-
liqué lui-même; il s'est donné pour modèle,
et il ne pouvait eu donner un ]ilus [larfait :
Si vous faites ce que je vous comnumde, vous
serez constamment aimés de moi, comme je
suis aimé de mon Père, parce que j'exécute ses
commandements {Joan. xv, 10). 11 n'est pas
étonnant (jue, par cette manière d'enseigner,
il ait changé la face de l'univers, et qu'il
ait élevé l'homme à des vertus dont il n'y
avait pas encore eu d'exemple. On dit que
cette morale n'est pas prouvée, n'est point
réduite en méthode, ni fondée sur des rai-
sonnements; comme s'il y avait une meil-
leure preuve que l'exemple, et comme si
Dieu devait argumenter avec les hommes.
« Nos maximes, dit Lactance, sont claires et
courtes; il ne convenait point que Dieu,
I)arlant aux hommes, confirmât sa parole par
des raisonnements, comme si l'on pouvait
douter de ce qu'il dit. Mais il s'est exprimé
comme il appartient au souverain arbitre de
toutes cliùses, auquel il ne convient pas
d'argumenter, mais de dire la vérité. »
Lorsque les incrédules étaient déistes, ils
ont fait l'éloge de la morale chrétienne; ils
ont reconnu la sagesse et la sainteté de son
auteur; ils ont avoué qu'à cet égard le chris-
tiauiame l'emporte sur toutes les autres re-
Ijgi^oDs; ils ont ajouté même qu'il uo fallait
pas d'autres preuves de sa divinité. Mais ce
trait d'équité de leur part n'a pas été de lon-
gue durée. Ceux qui sont devenus matéria-
listes se sont repentis de leurs aveux. Ils ont
embrassé la morale d'Epicure, et ils ont dé-
clamé contre celle de l'Evangile; eelle-ci a-
t-elle donc changé comme l'opinion des in-
crédules? lis soutiennent que les conseils
évangéliques sont impraticables, que l'abné-
gation et la haine de soi-même sont impos-
sibles, que Jésus-Christ'interditaux liommes
la juste défense, la possession des richesses,
la ])ré voyance de l'avenir; qu'en a|i|)rouvaut
\a pauvreté volonlaive, le célibat, Vintolérance,
l'usage du glaive, le zèle de religion, il a fait
une i)laie sanglante à l'humanité. Sous ces
divers articles, nous réfutons leurs reproches.
Quelques-uns ont dit que cette morale n'est
pas entendue le même partout, qu'elle ne
s'étend point à tous les grands rapports des
honuues en société.
11 est souvent arrivé, sans doute, que des
hommes aveuglés par des passions injustes,
par l'intérêt particulier ou national, par des
préjugés de système, ont mal entendu et
mal appliqué certains préceptes de l'Evan-
gile. 11 y a eu des casuistes qui, par défaut
de justesse d'esprit, ou par singularité do
caractère, ont porté les maximes de morale
à un excès de sévérité, d'autres ([ui sont
tombés dans un relâchement ré|)réliensible.
Mais dans l'Eglise catholique il y a un re-
mède ellicace contre les erreurs , soit en fait
de morale, soit en matière de dogme ; l'Eglise
a droit de proscrire également les unes et
les autres; on ne prouvera jamais qu'elle en
ait [professé ou approuvé aucune, ni qu'elle
ait varié dans ses décisions à cet égaid. Nos
philosophes, toujours éclairés par les plus
pures lumières de la raison, sont-ils mieux
d'accord dans leurs leçons de moraU que
les théologiens? Peut-on enseigner des ma-
ximes plus scandaleuses que celles qui se
trouvent dans la plupart de leurs écrits?
Dans un moment, nous verrons qu'en ma-
tière de moro/p l'unanimité générale des sen-
timents est absolument im[)ossible Nous ne
voyons point quels sont les grands rapports
des hommes en société auxquels la morale
chrétienne ne s'étend point. 11 n'est aucun
état, aucune condition, aucun rang dans la
vie civile dont les devoirs ne découlent de
ces maximes générales : « Aimez le prochain
comme vous-même , sans excepter vos en-
nemis; faites aux autres ce que vous vou-
lez qu'ils vous fassent; traitez-les comme
vous voulez qu'ils vous traitent. » S'il y a un
rai)port très-général, c'est celui d'homme à
homme : or, le christianisme nous enseigne
que tous les hommes sont créatures d'un
seul et môme Dieu, nés du même sang, tous
formés à so!i image, rachetés par la même
victime, destinés à posséder le môme héri-
tage éternel. Sur ces notions sont fondés le
droit naturel et le droit des gens, droits qui
ne peuvent être anéantis par aucune loi ci-
vile ou nationale, mais très-mal connus hors
du christianisme; par là sont consacrés tous
les devoirs généraux do l'humanilé. Mais OQ
9S3
MOR
MOR
024
entend quelquefois de bons cnreciens se
plaindre de ce que le code de la morale évan-
gélique n'est pas encore assez complet et
assez détaillé pour nous montrer, dans tous
les cas, ce qui est commandé ou défendu,
permis ou loléré, péché grief ou faute léj^^ère.
ISous sonnnes très-persuadés, disent-ils, que
l'Eglise a reçu de Dieu l'autorité de décider
la morale aussi Wen que le dogme; mais par
quel organe fait-elle entendre sa voix? Par-
mi les décrets des conciles touchant les
mœurs et la discipline, les uns défendent
ce que les autres semblent permettre; plu-
sieurs n'ont pas été reçus dans certaines
contrées, d'autres sont tombés en désuétude,
et ont cessé d'être observés. Les Pères de
l'Eglise ne sont pas unanimes sur tous les
points de morale, et quelques-unes de leurs
décisions ne semblent pas justes. Les théo-
logiens disputent sur la morale aussi Jjien
que sur le dogme, rarement ils sont d'accord
sur un cas un peu compliqué. Parmi les ca-
suistes et les confesseurs, les uns sont ri-
gides, les autres relâchés. Les prédicateurs
ne traitent que les sujets qui prêtent à l'ima-
gination, et négligent tous les autres. Entin,
parmi les personnes les plus régulières, les
unes se permettent ce que d'autres regardent
comme défendu. Comment éclaircir nos dou-
tes et calmer nos scrupules?
Nous répondons à ces âmes vertueuses
qu'une règle de morale, telle qu'elles la dési-
rent, est absolument impossible. Dans l'état
de société civile, il y a une inégalité pro-
digieuse enire les conditions; ce qui est
luxe, superfluité, excès dans les unes,
ne l'est pas dans les autres ; ce cpii se-
rait dangereux dans la jeunesse , peut ne
plus l'être dans l'Age mùr ; les divers de-
grés de connaissance ou de stupidité , de
force ou de faiblesse , de tentations ou de
secours, mettent une grande différence dans
l'étendue des devoirs et dans la grièveté des
fautes. Comment donner à tous une règle
uniforme, prescrire à tous la même mesure
de vertu et" de perfection? Les lumières de la
raison sont trop bornées po^ir fixer avec la
dernière précision les devoirs de la loi natu-
relle ; les connaissances acquises par la ré-
vélation ne nous mettent pas en état de
voir avec plus de justesse les oljligations
imposées par les lois positives. Dans les
l)remiers Ages du monde. Dieu avait permis
ou toléré les usages qu'il a positivement dé-
fendus dans la suite, et il avait défendu des
choses dangereuses pour lors, mais qui,
dans les sociétés policées, sont devenues in-
différentes. Les lois qu'il avait données aux
Juifs étaient bonnes et utiles, relativement
îi l'état dans lequel ils se trouvaient ; Jésus-
Christ les a supprimées avec raison, parce
qu'elles ne convenaient plus. Dans le chris-
tianisme môme il y a des lois dont la prati-
que est plusdifticile dans certains climats que
dans les autres, telle que la loi du jeûne ;
il n'est donc pas possible de les observer
partout avecla même rigueur.
.lésus-Christ, les apôtres, les pasteurs do
l'Eglise, ont ordonné ou défendu, conseillé
ou permis ce qui convenait au temps, au ton
des mœurs, au degré de civilisation des peu-
ples auxquels ils fiarlaient ; mais tout cela
change et changera jusqu'à la On des siècles.
Saint Paul ne veut pas que h^s femmes se
frisent et portent des habits firécieux ; mais
il ne parlait ni à des princesses, ni aux da-
mes de la cour des empereurs. 11 leur or-
donne de se voiler d ins l'Eglise ; cela con-
venait en Asie, où le voile des femmes a
toujours fait partie de la décence. Ce qui
était luxe dans un temps ne l'est plus dans
un autre ; l'usage des superfluités augmente
à proportion de la richesse et de la pros[)érité
d'une nation. Plusieurs commodités des-
quelles nous ne pouvons aujourd'hui nous
passer, auraient été regardées comme uq
excès de mollesse chez les Orientaux, et même
chez nos pères, dont les mœurs étaient plus-
pures que les nôtres. C'est pour cela même
qu'il faut dans lEglise une autorité toujours
subsistante pour établir la discipline con-
venable aux temps et aux lieux, pour préve-
nir et réprimer les erreurs en fait de morale,
aussi bien que les hérésies. Mais de même
qu'en décidant le dogme, l'Eglise n'éclaircit
point toutes les questions qui peuvent être
agitées pa,rmi les théologiens ; ainsi, en pro-
nonçant sur un point de morale, elle ne dissi-
pera jamais tous les doutes que l'on peut
former sur l'étendue ou sur les bornes des
obligations de chaque particulier. La justesse
des décisions des casuistes dépend du degré
de pénétration , de droiture d'esprit, d'expé-
rience dont ils sont doués ; mais il leur est
impossible de prévoir, dans leur cabinet,
toutes les circonstances par lesquelles un
cas peut être varié ; leur avis ne peut i)as
être plus infaillible que celui des juriscon-
sultes touchant unecpiestion de droit, et que
celui des médecins consultés sur une mala-
die. 11 ne faut point conclure de là, comme
on l'a fait souvent, qu'il n'y a donc rien de
certain en fait de morale, que tout est rela-
tif ou arbitraire, vice ou vertu, selon l'opi-
nion des hommes. Les principes généraux
sont certains et universellement reconnus ;
mais l'application de ces principes aux faits
particuliers est c[uelquefois difficile, parce
que les circonstances peuventvarierà l'intini.
11 ne peut jamais êlre permis de tromper, de
se parjurer, de blas[ihémer, de se venger, de
nuire au prochain; le meurtre, le vol, l'a-
dultère, la perfidie, etc., seront toujours des
crimes ; la douceur, la sincérité, la recon-
naissance, la patience, l'indulgi-nce pour les
défauts d'à utrui ; la chasteté, la piété, etc.,
toujours des vertus. Mais de savoir jusqu'à
quel degré telle vertu doit être poussée dans
telle occasion, jusqu'à quel point telle faute
est griève ou légère, punissable ou excusa-
ble, voilà ce qu'il sera toujours très-difficilo
de décider.
Il y a encore une vérité incontestable,
c'est qu'avant la naissance du christianisme
il n'y a eu dans aucun lieu du mond(> une
morale aussi pure, aussi fixe, aussi populaire
que celle de l'Evangile, et qu'encore au-
jourd'hui elle ne se trouve peint ailleurs
925
HOR
MOR
92(5
miechozlesnationschrMennes.OndiraqHC,
ftialgrti la porfoction de cette moralr, les
niœ'ui-s do plusieurs de ces iialioiis ne se
tr.Hivont ^uère meilleures qu'elles iiY-luieiit
cliez les iiaieiis ; qu'elle n'est donc ni fort
cflicace, ni fort capahie de r(^primerles pas-
sions. Nous nions d'abord cette éj^alité pré-
tei:i.lue de coriuplion chez les cin'étiens et
chez les infidèles. Elle est excessive dans les
grandes villes, parce que les honuiies vicieux
s'y ra.sscniblent pour y jouir d'une plus
grande liberté; mais elle ne rè^ne point
parmi le peuple des campagnes. Dans le cen-
tre môme de la corruplion, il y a toujours
un trè.s-grand nondjre d'dmes vertueuses (fui
se conforment aux lois de l'Evangile; l'incré-
dulité domine chez les autres à |)roportion
du degré de liberliunge ; c'est en grande par-
tie l'ouvrage des philosophes, et ce n es! pas
à eux qu'il convient de le l'aire remar(|uer.
Il n'est pas étomiant que ceux qui ne croient
])lus à la religion n'obéissent plus à ses lois.
Mais si, au lieu delà morale rhri-tivtmc, ccWo
des philoso|>hes venait ii s'introduire, le dé-
règlement des mauus deviendrait bienlôt
général et incurable : on le verra dans l'ar-
ticle siHvanl. Barbeyrac a fait un Traite' de
1(1 morale (les Pères de l'iù/lise, dans le([uil
il s'est ellorcé de prouver que ces saints doc-
teuis ont été, en général, de très-mauvais
moralistes. Nous ré ondrons à ses reproches
au mot PÈRES UE l'Eglise.
Morale des Philosophes Alin de nous
dégoûter de la morale chrétienne, les incri'--
dules modernes soutiennent que celle
des sages du paganisme valait beaucou[)
mieux, et | our le prouver démonstralive-
ment, l'on fait aujourd'hui un recueil pom-
peux des anciens moralistes. Sans doute on
se propose de le mettre désormais entre les
manis de la jeunesse, jiour lui tenir lim du
catéchisme et de l'Evangile. A la vérité,
on ne nous donne la morale païenne que
par extrait, et l'on à soin d'en r(lrancher ce
qui pourrait scandaliser les faibles : cette
précaution est sage. Mais pour juger du
mérite des anciens moralistes avec pleine
connaissance de cause, il faut les examiner
à charge el à iléchaige, tant en général cju'en
parliculicr.
Jean Leiand, dans sa Nouvelle démonstra-
tion èvan(/('li(iae, ii' part., chap. 7 et suiv.,
tom. 111, a très-bienfait voir les défauts de la
morale des philoso])lies anciens. Lactanco
avait traité le même sujet dans si's Instilu-
lions divines. 11 nous sul'liia d'extraire leurs
réll(;xions. — 1° Nous avons vu ci-devant
que si l'on ne fonde point la morale sur la
volonté d;' Dieu, législateur, rémunérateur
et vengeur, ell.: ne porte plus sur rien; ce
n'est plus qu'une belle spéculation sans au-
torité, une loi, si l'on veut, mais qui u'a
point de sanction, et qui ne peut imposer à
l'Iiomme une obligation proprement dite.
Or, à l'exceiMion de quelques pythagoriciens,
aucun des anciens i)hiloso|3hes n'a donné
cette base à la morale ; la |)luf}ar.t même ont
enseigné qu'après cette vie la vertu n'a au-
cune récompense à espérer, i-ii le vice aucun
supplice à craindre. — 2" Les philosophes
n'avaient jiar eux-m(Mues aucune autorité
qui |)ûl donner du poids à leurs leçons ;
quand ils auraient parlé comme des oracles,
on n'était pas obligé de les croire. Leurs rai-
sonnements n'étaient pas à la portée du com-
mun des hommes ; les jjrincipes d'une secte
étaient réfutés par une autre; ils n'étaient
d'accord sur rien ; jamais ils ne sont venus
à bout d'engager aucune nation ni aucune
sociiHé, i)as seulement une seule famille, à
vivre selon leurs maximis. — 3" Ils détrui-
saient, par leur exemple, tout le bien qu'au-
rait pu produire leur doctrine. Ciiéron, Lu-
cien, Qniutilien, Lactance, reprochent à
ceux de leur temps que, sous le beau nom
de philosophes, ils cachaiiTit les vices les
plus lionteux ; que, loin de soutenir leur ca-
ractère par la sagesse et par la vertu, ils l'a-
vilissaient par le dérèglement de leurs mœurs.
Ils devaient donc être méprisés, et ils le
furent. — k° Les pyrrhoniens, les sceptiques,
les cyrénaitpies, les académiciens rigides,
soutenaient l'indllférenco de toutes choses,
l'incertitude de la morale aussi bien que
celle des autres sciences. Epicure plaçait le
souverain bien dans la volupté, confondait
le juste avec l'utile, ne prescrivait d'autre
règle que la décence et les lois civiles. Les
cyniques méprisaient la décence môme, et
éiigeaient l'impudence en vertu. — 5° Pres-
que toutes les sectes recommandaient l'obéis-
sance aux lois, elles n'osaient pas faire autre-
ment ; mais Cicéron et d'autres reconnais-
saient que les lois ne suffisent point pour
porierles hommes aux bonnes actions, et
pour les détourner des mauvaises ; qu'il
s'en faut beaucoup que les lois et les insti-
tutions des peuples ne commandent rien
que de juste. Cicer., de Legib., I. i, c. 4 et
13. Les stoïciens passaient pour les meilleurs
moralistes ; mais combien d'erreurs, d'ab-
surdités, de contradictions dans leurs écrits !
Cicéron et Plutarque les leur reprdchcnt à
tout moment ; on n'oserait rapporter les in-
famies que ce dernier met sur leur compte.
Les ]ilns célèbres d'entre eux ont admiré
Diogène, et ont approuvé l'impudence des
cyniijues ; leur piété était l'idolAtrie et la
suspeitition la plus grossière; ils ajoutaient
fui aux songes, auxprésages, aux augures, aux
talismans et à la magie. D'un côté, ilsdisaient
que l'on doit honorer les dieux ; de l'autre,
qu'il ne faut pas les craindre, qu'ils ne font
jamais de mal, que le sage est égal aux dieux,
qu'il est même plus grand que Jupiter,
puisque celui-ci est impeccable jiar nature,
au lieu que le sage l'est par choix et
par vertu : ce sont donc les dieux qui
devaient encenser un sage.
L'apathie ou l'insensibilité qu'ils conseil-
laient, n'étaient qu'une inhumanité rétléchie
et réduite en principes ; ils ne voulaient pas
que le sage s'affligeât de la mort de ses pro-
ches, de ses amis, de ses enfants, qu'il fût
sensible aux malhturs publics, môme à la
ruine du monde entier ; ils condamnaient
la clémence et la pitié comme des fainlesscs;
ils toléraient limpudicité et s'^ livraient ;
927
MOR
l'intempérance , et plusieurs en faisaient
gloire ; le mensonge, et ils n'en avaient au-
cun scrupule ; plusieurs conseillaient le sui-
cide, et vantaient le courage de ceux qui y
avaient recours pour terminer leurs peines.
Leur dogme absurde de la fatalité anéantis-
sait toute morale ; ils étaient forcés d'avouer
que leurs niaximes étaient impraticables, et
leur prétendue sagesse une chimère. Ils
n'avaient donc point d'autre but que d'en
imposer au vulgaire ; Aulu-Gelle, parlant
d'eux, dit : Cette secte de fripons, qui pren-
nent le nom de stoïciens, Noct. Attic, 1. i,
c. 2.
Platon, Socrate, Aristote, Cicéron, Plutar-
que , ont écrit de fort belles choses en
fait de morale; mais il n'est aucun de
ces philoso|)hes auquel on ne puisse
reprocher des erreurs grossières. Platon
méconnaît le droit des gens ; ils prétend
que tout est permis contre les barbares ; il
semble quelquefois condamner l'impudicité
contre nature, d'autres fois il l'approuve ; il
dispense les femmes de toute pudeur ; il
veut (|u"elles soient communes, et que leur
complaisance criminelle serve de récompense
à la vertu ; il ne réprouve l'inceste qu'en-
tre les pèies ou mères et leurs enfants. Il
établit que les feaunes à quarante ans et les
hounnesà quarante-cinq, n'auront plus au-
cune règle à suivre dans leurs appétits bru-
taux, et que s'il naît des enfants de ce hon-
teux couunerce, ils seront mis à mort, etc.
Platon cependant faisait profession de suivre
les leçons de Socraie, De Repub., 1. v. —
Aristote approuve la vengeance, et regarde la
douceur comme une faiblesse ; il dit que,
parmi les hommes, les uns sont nés pour
la liberté, les autres pour l'esclavage; il n'a
pas eu le courage de condamner les dérègle-
ments qui régnaient de son temps chez les
Grecs, nous ne voyons pas qu'il se soit élevé
contre la morale de Platon. — Cicéron parle
de la vengeance comme Aristote ; il excuse
le commerce d'un homme marié avec une
courtisane. Après avoir épuisé toutes les
ressources de son génie pour prouver qu'il
y a un droit naturel, des actions justes
par elles-mêmes et indépendamment de l'in-
stitution des hommes, il reconnaît que ses
principes ne sont pas assez solides pour te-
nir contre les objections des sceptiques ; il
leur demande gr;\ce ; il dit qu'il ne se sent
pas assez de force pour les repousser, qu'il
désire seulement de les apaiser, l. i, de
Legib. — Quand Plutarque n'aurait à se
rejuocher que d'avoir approuvé la licence
que Lycurgue avait établie à Sparte et l'in-
humanité des Spartiates, c'en serait assez
pour le condamner.
Epictèle, Marc-Antonin, Simplicius, ont
corrigé en plusieurs choses ]&morate des stoï-
ciens; mais il est plus que probable (pièces
philosophes, qui ont vécu après la naissance
du christianisme, ont (irolité des maximes
enseignées [>ar les chrétiens; de savants cri-
tiques sont dans cette opinion. Quant h nos
lihilosoplies modernes, qui ont trouvé bon
de renoncer à la morale chrétienne, s'il nous
MOR 928
fallait rapporter toutes les maximes scanda-
leuses qu'ils ont enseignées, nous ne finirions
jamais. Déjà nous avons remarqué que,
([uand ils professaient le déisme, ils ren-
daient justice k la morale évangélique_; mais
depuis que le matérialisme est devenu parmi
eux le système dominant, il n'est aucune
erreur des anciens qu'ils n'aient répétée et
qu'ils n'aient poussée plus loin. Quelques-uns
en ont été honteux; ils ont avoué que La Métrie
a raisonné sur la morale en vrai frénétique, et
il a eu des imitateurs. Laseuledifférence qu'il
y ait entre cet athée et les autres, c'est qu'il a
été plus sincère qu'eux, et a raisonné plus
conséquemment. Si personnen'avait approuvé
ses principes, les aurait-on publiés ? Dès
que l'on admet la fatalité, comme les maté-
rialistes , l'homme est -il autre chose
qu'une machine ? et do quelle morale un
automate peut-il être susceptible ? Dans ce
système, aucune action n'est imputable,
aucune ne peut être juste ni injuste, mora-
lement bonne ou mauvaise ; aucune ne peut
mériter ni récompense ni châtiment. Aussi
un des confrères de nos philosophes, moins
hypocrite que les autres, a dit qu'ils ne par
lent de morale que pour séduire les femmes,
et pour jeter de la poussière aux yeux des
ignorants. On peut leur a])pliquer, h juslo
titre, ce que Aulu-Gelle a dit des stoïciens.
MOKAVES ( frères ). Yoy. Heunhutes.
MOKT, séparation delTime d'avec le corps.
La révélalion nous enseigne ipie le premier
homme avait été créé immortel ; que la
mort fiSi la peine du péché (S((/j. ii, 2'» ;
Rom., v, 12, etc. ). Lorsque Dieu défendit à
notre premier père de manger d'un certain
fruit, il lui dit : Aujotir que tu en mangeras,
tu mourras ( Gen. ii, 17 ) ; c'est-à-dire tu de-
viendras sujet àla w*orf ; cela ne signifiait
pas qu'il devait mourir à l'heure même,
puisque Adam a vécu neuf cent trente ans.
L'Eglise a condamné les pélagiens, qui pré-
tendaient que quand môme Adam n'aurait
pas péché, il serait mort par la condition de
sa nature.
Quelques incrédules , qui ne voulaient pas
convenir du péché originel et de ses elfets ,
ont dit que les paroles de Dieu étaient moins
une menace qu'un avis salutaire do ne jias
toucher à un ftuit capable de donner la mort.
Cette conjecture est réfutée par la sentence
que Dieu prononça contre Adam après sa
désobéissance : « Parce que tu as mangi^ du
fruit que je t'avais défendu,.... tu mangeras
ton pain à la sueur de ton front , jusqu'à ce
que tu retournes dans la terre de laquelle tu
as été tiré , et puisque tu es poussière tu y
rentreras {Gen. ni, 17).
Mais ce qui doit nous consoler, c'est que
la mort , qui est la peine du péché , en est
aussi l'expiation; tel est le sentiment una-
nime des Pères de l'Eglise , et c'est par là
qu'ils ont répondu aux marcionites, aux ma-
nichéens, aux philosophes païens et aux i)é-
lagiens , qui prétendaient que la sentence
prononcée contre Adam et sa postérité était
trop sévère et contraire à la justice. Les Pè-
res soutiennent que la condamnation do
I
929 MOR
l'homme à la mort est moins un trait de co-
lère et de vengeance de la part do Dieu, i|u'un
effet do sa miséricorde. « Dieu a eu pitié de
l'homme, dit saint Ii-énéc ; il l'a éloit^iié du
paradis et de l'arbre de vie, non [)ar ja-
lousie, comme quelfjiies-uns le disent, mais
I)ar pitié , afin qu'il ne fût pas toujours pé-
cheur, et que son péché ne filt ni éternel ,
ni incurable... Il l'a condamné à mourir pour
mettre lin au péché , afin (jue , par la disso-
lution de la ciiair, l'honuiie inouriU au ])é-
ché, pour commencer do vivre à Dieu. »
Adv. hœr., 1. m, c. .37. Saint Théophile d'An-
tioche, saint Méthode de Tyr, saint Hilairo
de Poitiers, saint Cjrillede Jérusalem, saint
Basile, saint Ephrem, saint E[)iphanG, saint
Ambroise , saint Cyrille d'Alexandrie, saint
Jean Chrysostome, etc., enseignent la mémo
doctrine. Ils ont été suivis par saint Augus-
tin : ce Père l'a soutenu ainsi, non -seule-
ment contre les manichéens, mais contrôles
pélagiens. « Dieu, dit-il, adonné à l'homme
Un moyen de récujiérer le salut, par la mor-
talité de sa chair,» l. m, de Lib. arb., c. 10,
n" 29 et ^0. « Qu'après le péché, le cor|>s de
l'homme soit devenu faible et sujet h la mort,
c'est un juste chiUiment, mais qui démontre,
de la part du Seigneur, plus de clémence que
de sévérité. » L. de vera Relig., cap. xv,
n° 29. « Par la miséricorde de Dieu, la peine
du péché tourne h l'avantage do l'homme. »
L. IV, conira duns Epist. Pclag., cap. \, n°G.
« Ce que nous soullrons est un remède et
non une vengeance , une correction et non
une damnation, » Etithi/r. ad Laur., c. 27,
n°8 ; L II, (/e /'pte. mcrilis et remis., c. 3;J,
n" 53. « Jésus-Christ , sans avoir le péclié ,
en a porté la peine, alin do nous oter le pé-
ché et la peine, non celle qu'il faut souffrir
en ce monde , mais celle que nous devions
subir pendant l'éternité. » Oper. impcrf.-,
I. VI, n" 3G. Ainsi , le chrétien qui , i)rès de
mourir, fait de nécessité vertu, subit avec
résignation l'arrêt de mort porté contre
l'homme pécheur, met sa confiance aux mé-
rites et aux satisfactions de Jésus-Ciu-ist, est
assuré de recevoir miséricorde : d'où saint
Ambroise conclut que quiconque croit en
Jésus-Christ ne doit pas craindre do périr,
de Pcenit., I. i, c. 11; in Ps. cxviii, v. 175.
Ce qui doit s'entendre d'une foi accompa-
gnée de bonnes œuvres , et non pas d'une
loi morte, qui servirait à la condamnation de
celui qui croit.
Saint Paul dit que « Jésus-Christ est mort
pour détruire celui qui avait l'empire de la
mort, c'est-à-dire le démon, et pour délivrer
ceux qui pendant toute leur vie étaient re-
tenus en esclavage par la crainte de la mort
{Heb. Il, IV). C'est le motif de consolation
qu'il propose aux fidèles. « Nous ne voulons
pas, dit-il , vous laisser ignorer le sort do
ceux qui sont morts, afin que vous ne soyez
j)as aftligés , comme ceux qui n'ont point
d'espérance ; car si nous croyons que J.'sus-
Christ est mort et ressuscité, ainsi Dieu lui
réunira ceux qui se sont endormis en lui du
sommeil de la mort (Tliess. iv, 12). 11 n'est
pas étonnant qu'avec cette ferme croyance
MOR
930
les premiers fidèles n'aient plus redout^î la
mort , aient môme désiré le martyre. Les
liai ns les regardaient comme des insensés,
livrés au désespoir ; mais ils ne connais-
saient ni le principe ni les motifs do ce cou-
rage. Aujourd'hui encore il n'est plus rare
de voir dos chrétiens vertueux , (jui , apr-ès
avoir craint la mort à l'excès, lorsqu'ils
étaient en santé, l'envisagent de sang-froid ,
la (h'sirent même pendant leur dernière ma-
ladie, parce qu'alors leur foi se réveille et
leur espérance s'alformit par la proximité
de la récomiiense.
Nous concevons que la seule pensée de la
mort doit faire fiémir un méchant , surtout
un inci'édule; et celte frayeur doit augmen-
ter à la dernière heure, à moins (ju'il ne
soit plongé dans une insensibilité stupide.
Aussi plusieurs ont blâmé les secours que
, l'Eglise s'efforce de donner aux mourants ;
c'est, selon leur avis , un trait de cruauté ,
qui ne sert qu'à augmenter l'horreur natu-
relle que nous avons du trépas. Mais com-
ment peuvent juger des dispositions du chré-
tien mourant , ceux qui n'en ont jamais vu
mourir aucun, ipii fuient ce spectacle capa-
ble de les faire trembler, et qui laisseraient
périr sans secours les personnes les plus
chères, sous le spécieux prétexte d'être trop
attendris ? Une àino bien persuadée de la cer-
titude d'une vie à venir, do la fidélité de Dieu
dans ses [iroinesses, do l'efficacité de la ré •
dem|ition , et qui a souvent médité sur la
yiiort, afin de se détacher de la vie, qui sent
la multitude des grâces qu'elle a reçues et
qu'elle reçoit encore, qui connaît le prix des
souffrances et le mérite du dernier sacrifice,
qui a sous les yeux l'exemple d'un Dieu
mourant pour elle, ne peut rien craindre ui
rien regretter. Elle met sa confiance aux priè-
res de l'Eglise, elle les désire et les demande,
elle y trouve sa consolation ; elle est bien
éloignée d'accuser de cruauté ceux qui les
lui procurent. D'autres incrédules ont dit que
le pardon accordé trop aisément aux péciieurs
mourants, les espérances dont on les flatte,
les consolations qu'on leur procure , sont
une injustice et un abus ; que cela sert à en-
durcir les autres dans le crime ; qu'il est ab-
surde de penser qu'un homme coupable de
rapines et de vexations de toute espèce en
sera quitte pour se repentir à la mort. Aussi
l'Eglise n'a jamais enseigné que le repentir
suffit alors à un homme injuste, à moins qu'il
no ré|)are ses torts et ne restitue autant qu'il
le peut. Y a-t-il un vrai repentir, lorsque
l'on persévère dans l'injustice que l'on peut
réparer ? Il n'est aucun mini'stre de la péni-
tence assez ignorant ni assez pervers pour
tlispenser quelqu'un d'une restitution ou
d'une réparation qui est due par justice. Si
le coupable l'exécute , à quel titre lui refu-
serait-on le pardon? Lors même que la ré-
iparation est impossible , nous demandons
'lequel est le plus utile au bien général de la
la société, ou qu'un criminel meure dans le
désespoir et convaincu q^u'il est damné sans
ressource, ou qu'on lui lasso espérer le par-
:{don, s'il est vérilablemont repentant. Un in
m
MOR
MOR
932
créaule qui décide que l'on ne doit alors
user d'aucune indulgence , prononce lui-
niêiue son arrêt de rr|.robation : « Quicon-
que ne fait pas miséricorde , dit saint Jac-
ques, sera jugé sans miséricorde » [Jac. ii,
13).
Des calomnies qui se contredisent n ont
pas besoin de réfutation. D'un côté, l'on ac-
cuse les prêtres d'accabler un mourant pai"
leurs discours durs et inhumains ; de l'autre,
on leur reproclie trop d'indulgence pour les
pécheurs, et d'être des consolateurs iicrfides.
On a i)Oussé la malignité jusqu'à dire que
les mourants coupables d'injustice, de vois,
de concussions , en sont quittes pour quel-
ques largesses faites au sacerdoce. Si cela
était , les prêtres devraient regorger de ri-
chesses. Toute la vengeance que les prêtres
doivent tirer de ces impostures grossières ,
est de prier Dieu qu'il fasse miséricorde aux
incrédules, du moins à la mort.
* Mort de jÉstis-CnniST. Les incrédules ont
attaqué la vérité de la mort de Jésus -Christ.
I Saint Paul, dit Mgr Wisenian, regarde ce fait
comme un des principaux fondements de notre
foi, sans lequel sa prédication serait vaine ; el vous
pouvez natureUcmcnt concevoir que les ennemis du
clirisliaiiisine, dans les temps anciens et modernes,
n'ont rien négligé pour ébranler celte pierre angu-
laire de notre croyance. Cliaque contradiction appa-
rente dans le récit des apôtres a été saisie avec eni-
presscMieut pour attaquer ceue vérité ; mais la voie
la plus directe que Ion ail employée dans les pre-
miers siècles et de nos jours a été d'essayer d'élever
des doutes sur la réalité de la mort de notre Sauveur.
L'insistance avec laquelle saint Jean paraît s'arrêter
sur les derniers événements de la vie de Jésus-Christ,
et les affirmations énergiques par lesquelles il déclare
avoir été témoin lui-même qu'on lui a percé le
côté (n), paraissent clairement indiquer (pie déjà de
son temps cet événement solennel el important avait
été mii en question. Je ne m'arrêterai pas un seul
instant aux grossiers et révoltants blasphèmes de
quelques écrivains du dernier siècle, qui ont poussé
l'impiété et l'oubli de tout sentiment, jusqu'à accuser
notre divin Rédempteur d'avoir fait le mort sur la
croix (é). Une impiété aussi monslrucuse porte sa
réfutation dans son absurdité. Mais les incrédules
modernes, qui n'osent s'aventurer à nier les vertus
et la sainteté du Christ, tandis qu'ils réduisent ses
miracles à des événements purement naturels, ont
choisi une manière plus artilicieuse d'expliquer sa
résurrection; ils ont imaginé ((ue, d'aprrs les prin-
cipes de la médecine, il ne peut être miut sur la
croix, mais doit en. avoir été descendu dans un état
de syncoiie ou d'asphyxie. Paulus, Damm et d'aulres
adoptent celle opinion, el cherchent à l'étayer par
beaiicoup d'argimieuts captieux. 11 est certain, di-
sent-ils, selon le témoignage de Josèphe el d'aalres
auteurs anciens, que des personnes cruciliées vivaient
sur la croix pendant trois ou même neuf jours ; c'est
ainsi que les deux larro[is dont il est parle dans la
Passion, n étaient pas encore morts le soir, et Pilate
ne voulait pas croire que notre Sauveur eût expiré
sitôt, sans le témoignage précis du centurion (c).
Mais d'un autie cote il est très-probable que la fa-
tigue, Ic^s angoisses de lame et la perte du sang au-
ront produit l'épuisement, la syncope eu l'évanouis-
(rt) Saiiil Jean, XIX , 51, 3j. — Voir une lettre de l'évè-
que lie Salisliury au rév. f . Uenyoïi.
(/)) Voir l'onr la rèfulatioii de celle impiété, Siiskind
Magazin (nr cliristliclies Boijmulih, 'J Heft., S. lo8. "
(c) Vùir Jnst. I,i|)s., De Gruce , lib. ii, c. li; Joseph.
Cmil. .\piim., 1U5I.
sèment : dans cet état notre divin Maître est mis à la
disposition de ses fidèles amis qui pansent ses plaies
avec des aromates, el le laissent reposer tranquil-
lement dans une chambre sépulcrale bien retirée. Là
il se réveille bientôt de son évanouissement, et va
trouver ses amis. Quant à la vigilance de ses ardents
ennemis, on dit qu'il y a d'autres exemples où elle
a été éludée ; comme lorsque saint Paul fui laissé
pour mort après avoir été lapidé à Lystres, ou quand
saiul S(ibastien fut guéri par les chrétiens après avoir
été percé de traits. Le coup de lance qui a percé le
côté de imire Sauveur est mis de côté, en disant ((ue
le verbe employé en grec signille plutôt picp'er ou
bloser snperliciellement que percer le corps. Ainsi,
d'après eux, dans l'histoire de la Passion, il n'y a rien
qui prouve la mort.
Si les théologiens avaient été abandonnés à eux-
mèmespour répondre à ce raisonnement spécieux cl
superficiel, nul doute que leur science n'eûl été com-
plètement suffisante pour une pareille lâche. Us au-
raient indiqué assez d'erreurs dans l'exposiiion et
assez de témérité dans les assertions de leurs adver-
saires pour les réfuter et les confondre de la manière
la pins satisfaisante. Mais il élait bien pins à propos
(|uc la science même (\m avait été enrôlée pour com-
baltre la religion, se chargeât d'achever la rélulalion
des objections que l'on prétend tirer de ses propres
principes.
Plusieurs auteurs éminenls s'étaient occupes delà
physiologie de la Passion de noire Sauveur, si je
puis m'exprimer ainsi, avant que celte méthode d'at-
taque eiJt été employée. : tels sont Sclieuchzer, Méad,
Barlholinns, Vogler^ Triller, Richler et Eschenbach.
Mais une investigation plus approfondie el plus
scientifique a été faite depuis par les deux Gruner,
père el fils, dont le dernier écrivit d'abord sous la
direction et par le conseil du premier. Ces dillérenls
auteurs ont recueilli tout ce (pie les analogies médi-
cales pouvaient fournir pour établir le caractère des
sontfranees de noire Sauveur et la réalité de sa mort.
Ils ont montré que les tortures du crucifiement
étaient eu elles-mêmes épouvantables , non-seule-
ment à cause des blessures extérieures el de la pos-
ture douloureuse du corps, ou même de la gangrène
qui doit ètie résultée de l'exposition au soleil et à la
chaleur, mais encore par les effets de celle position,
sur la circulation et les autres fondions ordinaires
de la vie. La pression sur l'arltre principale ou
l'aorte, doil, suivant Kichter, avoir enqièrh(i le libre
cours (In sang; el en la mettant hors d'état de rece-
voir tout ce qui élait fourni par le ventricule gauche
du canir, doit avoir empêché le sang de revenir des
poumons. Par ces circonstances, il doit s'être produit
dans le ventricule droit une congestion el un effort
plus intolérable qu'aucun suitpli e el que la non
même. Puis il ajoute : Les pulmomiirfs et les autres
vciui's el artères autour di lœnr el de la poitrine, pur
fabondaiHe <lu sang qui ij affluait et i'/j ucntmulait,
doivent avoir ajout • d'Itomb es soujfrunces curpordis
à Cango)SSe de Came produite par raccablant fardeau
de nos pècliés (a). Mais ces sonlfrances générales doi-
vent avoir produit une impression relative sur dillé-
renls individus; el, comme Charles Gruner l'observe
fort bien, leur effet sur deux brigands endurcis et
robustes, fraîchement sortis de prison, doit naturel-
lement avoir été tout autre que sur notre Sauveur,
dont les formes et le tempérament étaient tout op-
posés; il avaii d'ailleurs précédemment souffert toute
une nuit de tortures el de fatigues sans relâche ; il
avait lullé avec une agonie intérieure, au point que
l'un des pliénomênes les plus rares avait été produit,
une sueur de sang; el il doit avoir senti au plus haut
degré d'intensité les tortures morales qu'ajoutaient a
son supplice sa honte, son ignominie et la détresse
de sa sainte Mère el d'un petit nombre d'amis fidè-
(n) Georgii G. Richteri Disseriationei quatuor medicœ,
GœUniL;., 1773, p. S7.
935 Mon
les (a). A ces rélloxioiis il aiiiait pu en ajoulor Iiieii
d'aulres. NVsl-il pas évidont.cii otlcl, (pie iioli'c Sau-
veur était bien .plus aflaibli que d'aulÈvs personnes
CP pareille circonstance, puisqu'il ne l'ut pas assez
Cnil pour porter sa croix, comme les criminels que
l'on eoiidnisait au supi>lice étaient toujours capables
(le le l'aire'? Et si nos adversaires sup|>(>seiit que notre
Sauveur tomba seulement dans une syncope par épui-
sement, il est clair qu'Us n'ont pas le droit de le ju-
ger d'après les autres cas, puisque dans ces cas mê-
mes cela n'arrivait point. Le jeune Gruner examine
en détail toutes les plus petites circonstances de la
Passion, connue objets de médecine légale, et s'oc-
cupe parlicuU(iremént de la blessure produite par la
lance du soldat. Il montre que très-probablement la
blessure fut laite au c(iié gauclie et de bas en liant
transversalement; et il prouve (|u"iiii pareil coup
porté par le bras robuste d'un solilat romain, aviic
une lance courte, car la croix n'était pas lrès-élev(ic
au-dessus de terre, doit, dans toute bypolbèse, avoir
occasionné une blessure mortelle. Jusiiu'à ce iiio-
nient, il suppose que notre Sauveur avait encore
conservé un souille de vie ; (laree ([u'autremenl li;
sang n'aurait pas coulé, et parce que le grand cri
qu'il poussa est un sympl(ime d'une syncope produite
par une trop grande congestion du sang dans le eieur.
Jlais celte blessure, ipie, d'après l'écoulement dii
sang et de l'eau, il suppose avoir été dans la cavité
de la poitrine, a di'i être, selon lui, lu'ee'isaiiement
mortelle (b). Son père Clirislian C.ruiier suit les mê-
mes traces, et réfute pas à pas les objections d'un ad-
versaire anonyme. Il fait voir que les mots employés
par saint Jeaii pour exprimer la blessure occasion-
née par le coup de lance sont souvent employés
pour imliipier une blessure mortelle (c), et qu'eii
supposant même que la mort du Cliiisl avait été
seulement apparente dans les premiers moments,
l'atteinte d'une blessure, môme légère, aurait été
mortelle ; parce que dans la syncope ou l'évanouis-
senient résultant de la perle du sang, toute saignée
ddiiiierait la mort; cnliii il prouve que les épiées et
les aromates employés à l'embauinement, ou la
(«) Caroli Frid. Gruneri Commenlatio antiquaria medica
de Jesu CUrhli murle vera, non simuiata. Halae, 1805,
pp. 30-30.
((/) l'ag. 37. — Tiriiuis et iraiilres commentaleurs, ainsi
que plusieurs méiieciiis, tels que Grimer, Barlholinus,
Triller et tsclieubaLli, supiiosent que l'eau élail la l.viuplie
contenue ilaus le péricarde. Vogier , Plujsioloi\ia huluiiœ
Passwnis, Helinst., lOUô, p. H, suppose que c'était le sé-
rum sép.iré du sans. Mais 'a la iiianière dont saint Jean
menllonne cet écouleiiieiil niysiérieiix, et aussi d'après le
seiituiieiil (Je toute l'antiquité, nous devons .y reconiialire
qiiel'iue eliose de plus niriin fait purement pli.\ sique.
llichler observe que l'aliondince de sang et d'eau qui
jaillit de la plaie, non, ut in morluis lien S''/i'( , lenluin et
grumosmn, sed cutniieiu aJhuc el llexiteiu , Imiquam ex
caleiitissinio miuricurdiœ fonU\ doit i''tie regardée romnie
suniatnrelle cl profuii.lémeiil svnibnrKjue, p. Si
(r) Viiuiidœ morlis Jesu ClirisU vcnc. Ibid., p. 77, seqq.
— Lne considérai ion que n'a faite ancun de ces auteurs
me semble décider le point de l.i [nofondi'ur de la bles-
sure, el metire liors de doute ipi'elle ne lut pas super-
liciolle, mais qu'elle s'étendit jusque dans la cavité lliora-
ciipie.
Notre Sauveur distingue les blessures de ses mains de
celle de sou ei'ilé, loi'sipi'd iiiviie 'l'Iinuias à niesiU(T les
premières avec son d 'igl, et la sei'ouile en y plac^'aiil la
main. Dicil Tliomif : liijer diqiliim Iwiin liitc, cl vide iiia-
nus incas, el (ifl'er maniim imm , el mille in /«dis memn
(Jean, xx, v. 27). Celle ble.ssnre doit doue avoir clé de,
la' largeur de deux ou irois doigts a l'extérieur. Or, jour
qu'une lance à | ointe ordinaire et passablen«nt aigue
laisse une ciolrice ou incision sur la chair it'uue telle
largeur, elle doit avoir pénélré de quatre ou ciiu| pouces
au mollis dans le corps; circonstance lunt à lait incompa-
tible avec une lilessure superlicielle ou qui o'eill alteiat
que la chair. Ce raibonnement s'adresse donc a ceux ijui
admettent en ciilier l'histoire de la Passion, et les appa-
riiious subsénuenles de noire Sauveur, mais qui nient
la réalité de sa mort : tels sont les adversaires de tjruner.
MOR
93 i
chambre fermée du tombeau, loin d'être propres à
faire revenir une personne évanouie, auraient été
l'instrinnent le plus sûr pour rendre réelle une mort
apparente, piiisiprils auraient produit la suH'oealion.
INous pouvons ajouter l'observation d'Escbciibadi,
qu'il n'y a point d'exemple attesté d'une syiiciipe
(Inrant plus (l'un jour, tandis qu'ici elle aurait dû en
durer trois; et enlin, ipie celte même période n'au-
rait pas été sufflsanlc pour rendre la force et la santé
^ un corps ipi: -aurait soullerl les déchirantes tor-
tures du crucifiement et raciion alTaiblissante d'une
syncope par perte de sang. Voij. Rédemption ,
Salut.
Mort (le). Lévit., c. xix , v. 28, et Deut.,
C. xjv, V. 1 , Moïse défiMid aux HiHireux de
se raser le front et les sourcils, ot do se l'aire
des incisions ]ioiir un mor^, ou |)ourlc/Ho/7.
Dent., c. xvui, v. 11, il leur liél'ond d'inter-
roger les morts. Cap. xxvi, v, l'i, lorsiiii'iin
Israélite offrait à Dieu les prémices destruits
de la terre , il était obligé do protester qu'il
n'en avait pas mangé dans le deuil, rien oiii-
ptoyé à un usage impur, et qu'il n'en avait
rien donné pour un mort ou jiour le mort.
Pour expliquer ces dilTérentes lois, les com-
mentateurs ont fait voir que c'était en usage
che/. les païens de s'égratigner, de se déclii-
rer la peau , do se faire des incisions avec
des instruments tranchants dans les funé-
railles, et qu'en répandant ainsi de leur sang,
ils croyaient apaiser les divinités infernales
en faveur des âmes des morts ; que, dans le
mémo dessein , ils se coupaient ou s'arra-
chaient les cheveux, les sourcils ou la barbe,
et les plaçaient sur le mort, comme une of-
frande à ces mômes divinités. Spencer, de
Legib. Hebrœor. ritual., 1. ii, c. 18 et 19.
Rien n'est plus connu que la coutume usitée
dans le paganisme d'interroger les morts,
d'évoquer leurs mânes ou leur âmes, pour
apprendre d'elles l'avenir ou les choses ca-
chées. Malgré la défense formelle qu'en fait
Moïse, Saiil fit évoquer par une pylhonisse
l'âme do Samuel, et Dieu permit qu'elle ap-
parût pour annoncer à ce roi sa tnort
prochaine (/ Reg. xxviii, 11). Il est encore
]iarlé de cette superstition dans Isaïe (viii, 19,
et kxv, h). Enfin il est prouvé que les païens
offraient leurs prémices non-seulement aux
dieux , mais encore aux héros , ou aux mâ-
nes de leurs anciens guerriers. Il est évi-
dent que toutes ces superstitions étaient fon-
dées sur la croyance do l'immortalité des
âmes, et il n'en faudrait pas davantage pour
prouver que ce dogme fut toujours la foi de
toutes les nations. Le penchatit décidé des
Juifs à imiter ces pratiques, démontre qu'ils
étaient dans la même persuasion que les
peuples dont ils étaient environnés. Pour
les détourner de tout usage superstitieux ,
Moïse ne leur dit point que les morts ne sont
plus, qu'il n'en reste rien, que l'âme meurt
avec le coriis ; mais il leur dit que toutes ces
coutumes sont des abominations r.nx yeux
de Dieu , qu'il les punira s'ils y tombent ,
([u'ils sont le peuple du Seigneur, unique-
ment consacré à son culte, etc. Par là nous
concevons encore [lourquoi Moïse avait ré-
glé que tout homme qui avait touché un ca-
davre, laême pour lui donner la sépultura
95 s
MOR
MOR
936
serait censé impur, serait obligé de laver ses
habits et de se purifier {Num. xix, 11 et 16).
C'était évidemment pour écarter les Israéli-
tes de toute occasion d'avoir commerce avec
les morts. Dans le style de Moïse, être souillé
par une âme , c'est être souillé par l'attou-
chement d'un cadavre. Cette loi, loin d'ôtre
superstitieuse, avait pour but de retrancher
les superstitions païennnes à l'égard des
morts.
MoHTS (état des). Voy. Ame, Enfer, Im-
mortalité, Mânes, etc.
Morts {prières pour les). L'Eglise catholi-
que a décidé dans le concile de Trente, sess.
6, can. 30, qu'un pécheur pardonné et ab-
sous de la peine éternelle, est encore obligé
de satisfaire à la justice divine, par des pei-
nes temporelles, en cette vie ou en l'autre.
Voy. Satisfaction. Conséquemment le mô-
me concile enseigne, sess. 25, qu'il y a un
pur'gatoire après cette vie; que les âmes qui y
soutirent peuvent être soulagées par les
suffrages, c'est-à-dire par les prières et par
les bonnes œuvres des vivants, principale-
ment par le saint sacrifice de la messe. Déjà
il avait déclaré, sess. 22, c. 2, et can. 3, que
ce sacrifice est propitiatoire pour les vivants
et pour les morts. Tous ces dogmes sont
étroitement liés les uns aux autres. Au mot
Purgatoire, nous apporterons les preuves
sur lesquelles cette croyance est fondée ;
nous avons à justitier ici l'antiquité et l;i
sainteté de l'usage rejeté par les protestants
de prier pour les morts.
On ne neut pas douter qu'il n'ait déjà ré-
gné chez les Juifs. Tobie dit à son hls, c. iv,
v. 17 : « Mettez votre pain et votre vin sur
la sépulture du juste, et ne le mangez pas
avec les pécheurs. » Puisqu'il était défendu
par la loi de faire des offrandes aux morts,
on ne peut pas juger que Tobie ordonne à
son iils de pratiquer cette superstition des
païens ; il faut donc supposer que la nourri-
ture placée sur la sépulture d'un mort était
une aumône faite à son intention, ou qu'elle
avait pour but d'engager les pauvres à prier
pour lui.
Nous le voyons encore plus expressément
dans le 11' livre des Machab., c. xii, 43, oii il
est dit que Judas ayant fait une quête, en-
voya une somme d'argent à Jérusalem, atin
3ue l'on otfrit un sacritice pour les péchés
e ceux qui étaient morts dans le combat.
L'historien, conclut que «c'est donc une sain te
et salutaire pensée de prier pour les morts,
afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés. »
Quand les protestants seraient bien fondés
à ne pas regarder ce livre comme canonique,
c'est du moins une histoire digne de foi, et
un témoignage de ce qui se faisait pour
lors chez les Juifs. Cet usage s'est perpétué
cliez eux, et il en est fait mention dans la
Mischna, au chapitre Sanhédrin ; nous ne
voyons pas qu'il ait été réprouvé par Jésus-
Clirist m par les apôtres.
Baillé, dans son traité de Pœnis et Satisfac.
humants, a disserté fort au long pour esqui-
ver les conséquences de ces deux passages.
Il dit, 1. T, c. 1, que dans le premier, Tobie
recommande à son fils de fournir la nourri-
ture à la veuve et aux enfants d'un juste,
plutôt que de la manger avec les pécheurs.
Mais il est absurde de prétendre que la sé-
pulture , le tombeau , le monununt d'un
juste, signifient sa veuve et ses enfants : il
n'y a dans toute l'Ecriture sainte aucnu
exemple d'une métaphore aussi outrée. H
dit que le second regarde non les peines do
l'autre vie, mais la résurrection future ; que,
suivant l'auteur du livre des Marhahées, Judas
voulait que l'on priât pour les morts, afin
d'obtenir de Dieu pour eux une meilleure
part dans la résurrection , et non la déli-
vrance d'aucune peine. Mais il a fermé les
yeux sur la fin du )iassa:^o qui porte qu'il
faut prier pour les morts, afin quils soient
délivrés de leurs péchés. Or, être délivré des
péchés, ou être déhvré de la peine que l'on
a encourue par les péchés, est certainement
la môme chose.
Saint Paul parlant contre ceux qui niaient
la résurrection des morts, dit (/ Cor. xv, 29) :
Que feront ceux qui sont baptisés pour les
morts, si les morts ne ressuscitent point ? A
(fuoi bon recevoir le baptême p )ur eux ? >>
Pour esquiver les conséquences de ce i:.?s-
sage,.JeS:^protestants soutiennent qu'il' est
fort obscur, que les Pères et les commenta-
teurs ne s'accordent point dans le sens qu'ils
y donnent. Mais cette réponse n'est pas ai-
sée à conciliei' avec l'opinion générale des
protestants , qui prétendent gue l'Ecriture
sainte est claire, surtout en fait de dogmes,
et qu'il suffit de la lire pour savoir ce que
l'on doit croire. Ici ell? ne nous paraît pas
d'une obscurité impénétrable. On sait que chez
les Juifs le baptême était un symbole et une
pratique de purification : être baptisé pour les
morts, signifiedonc se purifier pour les morts.
Soit que l'on entende par là se purifier à la
place d'un mort, et afin que cette purification
lui serve, soit que l'on entende se purifier
pour le soulagement d'une âme que l'on
suppose coupable, le sens est toujours le
même ; il s'ensuit toujours que , selon la
croyance de ceux qui en agissaient ainsi,
leurs bonnes œuvres pouvaient être de quel-
que utilité aux morts; et saint Paul ne blâ-
me ni cette opinion ni cette pratique.
Il ne sert à rien d'objecter que, du temps
de saint Paul, il y avait déjà des hérétiques
qui prétendaient que l'on pouvait recevoir
le baptême à la place d'un mort qui avait eu
le malheur de ne pas le recevoir. Outre que
ce fait est fort douteux, l'Apôtre aurait-il
voulu se servir d'un faux préjugé et d'une
erreur , i)0ur fonder le dogme de la résur-
rection luture ? Foy. la Dissertation sur le
baptême pour les morts. Bible d'Avignon,
tome XV, page kl8. Nous donnons la môme
réponse à ceux qui prétendent que la prière
pour les morts est un usage emprunté des
païens. Les Juifs, ennemis déclarés des païens,
surtout depuis la captivité de Babylone, n'en
avaient certa.inement rien emprunté, et saint
Paul n'aurait pas voulu argumenter su? une
piati(iue du paganisme. S'il y avait encore
du doute sur le sens des paroles de l'Aoôtre
957
MOR
la tradition et .'usage de l'ancieiuie Egàse
achèveraifnt de le dissiper; or nous voyons
cet usage établi dès la fin du ir siôde. Dans
les actes de sainte Perpétue, qui souffrit le
martyre l'an 103, cette sainte prie pour l'A-
me de son frère Dinocrate , et Dieu lui fait
connaître que sa prière est exaucée. Saint
Clément d'Alexandrie, qui a écrit dans le mê-
me temps, dit f}u'un gnostique ou un par-
fait chrétien a pitié de ceux qui, chAtiés après
leur mort, avouent leurs fautes malgré eux
par les supplices qu'ils endurent, Prom., 1.
VII, c. 12, p. 879, édit. do Potter. Tcrtuilien,
L. de Corona, c. 3, parlant des traditions
apostoliques, dit que l'on otfre des sacrifices
pour les morts et aux fûtes des martyrs. 11
dit ailleurs, I. de Monog., c. 10, « qu'une
veuve prie pour l'ûme de son mari défunt,
et offre des sacrifices le jour anniversaire
de sa mort. » SaintCypriena parlé de même.
il serait inutile de citer les Pères du iv'
siècle, puisque les protestants conviennent
qu'alors la prière pour les morts était gt'ué-
ralement établie, mais ce n'était pas un usage
récent, puisque, selon saint Jean Chrysos-
tome, Ilom. 3, m epist. ad Philip., il avait
été ordonné (lar les apôtres de prier pour les
fidèles défunts, clans les redoutables mystè-
res. Aussi tiouve-t-on cette [)rière dans les
plus anciennes liturgies ; et au mot Litur-
gie nous avons fait voir que, quoiqu'elles
n'aient été écrites qu'au iv° siècle, elles da-
tent du temps des apôtres. Saint Cyrille de
Jérusalem, en expliquant cet usage aux fidè-
les, dit : « Nous prions pour nos pères et pour les
évoques, et en général pour tous ceux d'en-
tre nous qui sont sortis de celte vie, dans la
ferme espérance qu'ds reçoivent un très-
grand soulagement des prières que l'on offre
pour eux dans le saint et redoutable sacri-
fice. » Cat. mtjstag. 5. Beausobre, dans son
Hist. du manichéisme, 1. ix, c. 3, a osé dire
que saint Cyrille avait (hangé la liturgie
sur ce point ; on lui a fait trop d'honneur
quand on a pris la peine de le réfuter.
Saint Cyrille avait donc iiarcouru toutes les
Eglises du monde, iiourrendie leur liturgie
conforme à celle qu'il avait fabriquée pour
l'Eglise de Jérusalem ? Pouvait-il seulement
connaître celles qui étaient en usage dans
les Eglises de l'Italie, de l'Espagne et des
Gaules"? On y trouve cependant la jirière
pour les morts, comme dans celle de Jérusa-
lem, attribuée à saint Jacques. Voij. le Père
Lebrun, Ejcplic. des cérémonies de la messe,
t. 11, p. 510, et tome V, p. 300, et la Perpct.
de la foi, tom. V, 1. viii, c. 5. Bingliam soup-
çonne que la cinquième catéchèse de saint
Cyrille a été inter|)olée; où en sont les preu-
ves ? Dans ce même siècle, Aérius, qui avait
embrassé l'erreur des Ariens, s'avisa de
blAmerla prière pour les morts, et séduisit
quelques disciples : il fut condamné comme
hérétique, au grand scandale des prolestants.
Voy. AÉRIENS. Mais les protestants ne sofit
pas mieux d'accord entre eux sur ce point
que sur les autres. Les luthériens et les cal-
vinistes rejettent également le dogme du
purgatoire et la prière pour les morts; les
DiCTIOXN CE TUÉOL. DOGMATIQUE. IlL
MOR 938
anglicans, qui n'admettent pas le purgatoire,
ont cependant conservé l'usage de prier pour
les morts: leur office des funérailles est à
peu près le même que celui de l'Eglise ro-
maine ; ils n'en ont retranché que la jirofes-
sion de foi du purgatoire.
Pour lustilier la pratique de l'Eglise an-
glicane, Bingham a rapporté fort exactement
les preuves de l'antiquité do cet usage ; il
fait voir (jue dans les premiers siècles on cé-
lébrait ordinairement la messe aux obsèques
des défunts, on demandait à Dieu do leur
pardonner les péchés et de les placer dans la
gloire, Orii/. ecclés., t. X, 1. xxmi,c. 3, § 12 et
13. iMais il soutient que cesprièr(>s n'avaient
aucun rapport au purgatoire, 1° [larce que
l'on priait pour tous les morts sans distinc-
tion, pour ceux de la félicité desipiels on ne
doutait pas, pour les saints, même pour la
sainte Vierge : c'étaient par conséquent des
actions de grAces, ou pour obtenir aux saints
une augmentation de gloire. 2° L'on priait
Dieu de ne pas juger les Ames à la rigueur,
et on lui demandait pour les fidèles la i)arfaite
béatitude de l'Ame et du corps. 3° C'était une
profession de foi touchant l'iaimortalité des
Ames et la résurrection future des corps. 11
prétend même que celte pratique était fondée
sur plusieurs erreurs. On croyait, dit-il,
que les morts ne devaient jouir de la vue de
Dieu qu'après la résurrection générale. Ceux
qui admettaient le règne temporel de Jésus-
Christ sur la terre pendant mille ans, pen-
saient que, parmi les infidèles, les uns en
jouiraient plus tôt , les autres plus tard. On
était persuadé que tous les hommes sans ex-
cefition devaient passer dans l'autre vie par
un feu expiatoire, qui ne ferait pidnt de mal
aux saints et qui purifierait les pécheurs.
Enfin, l'on ima<iinait que , par des prières,
on pouvait soulager même les damnés. Orig.
ecclés., t. VI, 1. XV, c. 3, § 16 et 17. Daillé
avait soutenu la même chose, de Pœnis et
Satisfact. humanis, 1. v et suiv.
Nous avons peine à comprendre comment
un auteur aussi instruit a pu déraisonner
ainsi. 1° Si la prière pour les morts était fon-
dée sur quelqu'une de ces erreurs, c'était
donc un abus et une absurdit '' : pourquoi
l'Eglise anglicane l'a-t-clle conservée ? 2'
Parmi tous les anciens monuments que Bin-
gham a cités, il n'y en a pas un seul qui ait
le moindre trait aux erreurs dont i fait men-
tion, et on pouvait le défier d'enallé.j:uer au-
cun. 3° Si Ion avait été persuadé que les jus-
tes ne devaient jouir de la vue de Dieu qu'a-
près la résurrection générale, il y aurait eu
de la folie à prier Dieu de i)révenir ce mo-
ment : I ouvait-on se flatter de l'engagera
révoquer un décret porté à l'égard de tous
les hommes ? 4° Nous avouons que plusieurs
anciens ont parlé d'un feu expiatoire, destiné
à purifier toutes les Ames qui en ont besoin ;
mais il faut s'aveugler pour ne pas voir que
c'est justement le purgatoire que nous ad-
mettons. 5° A la réserve des origénistes,
qui n'ont jamais été en grand nombre, per-
sonne n'a pensé que l'on pouvait soulager
les damnés : cette erreur ne se trouve c[ue
30
939
MOR
MOfV
9i0
dans quelques missels des bas siècles. La
prière pour les morts a été en usage avant
qu'Origène vînt au monde. 6° Les anciens
fondent l'usage de prier pour les morts, non
sur les imaginations de Bingham, mais sur
les textes de l'Ecriture que nous avons cités,
sur ce que dit Jésus-Christ, dans saint Mat-
thieu, c. XII, V. 32, que le blasphème contre
le Saint-Esprit ne sera remis ni dans ce
monde ni dans l'autre : de \h les Pères ont
conclu qu'il v a des péchés gui peuvent être
remis dans l'autre vie ; enûn sur ce que dit
saint Paul , que l'ouvrage de tous sera
éprouvé i^ar le feu, etc. [ICor. m, 13). Voxj.
PuRGATOiKE. Quant au sens que Binphain
veut donner aux prières de l'Eglise, il est
clair dans les passages des Pères et dans les
liturgies. Nous convenons que c'est une pro-
fession de foi de l'immortalité des âmes et ''e
la résurrection des corps ; mais il y a quel-
que chose de plus. Saint Cyrille de Jérusa-
lem distinguo expressément la prière qui re-
garde les saints, d'avec celle qu'on lait pour
\es morts: « Nous faisons mention, dit-il, de
ceux qui sont morts avant nous ; en premier
lieu, des patriarches, des prophètes, des apô-
tres, des martyrs, afin que, par leurs prières
et leurs supplications. Dieu reçoive les nôtres;
ensuite, pour nos saints Pères et nos évoques
défunts; enfin, pour tous ceux d'entre los
fidèles qui sont morts, persuadés que ces
prières offertes pour eux, lorsque ce saint
et redoutable mystère est placé sur l'autel,
sont un très-grand soulagement pour leurs
dmes. » Les \inères pour les saints n'étaient
donc pas les mêmes que les prières pour les
dmes du commun des fidèles ; par les pre-
mières , on demandait l'intercession des
saints, par les secondes, le soulagement des
âmes. Mais Bingham, qui ne voulait ni l'un
ni l'autre, non plus que la notion de sacrifice,
a cru en être quitte en disant que probable-
ment le passage de saint Cyrille a été inter-
polé. Une preuve qu'il ne l'est pas, c'est que
ce qu'il dit se trouve encore dans la liturgie
de saint Jacques, qui était celle de Jérusa-
lem, et dans toutes les autres liturgies, soit
orientales, soit occidentales.
Il n'est point question dans ce passage de
demander à Dieu |:our les saints une aug-
mentation de gloire, mais leur intercession
[)0ur nous; ni de demander pour les fidèles
a parfaite béatitude de l'âme et du cor, s,
mais le soulagement de leur âme. On
voit la môme distinction dans la liturgie tirée
des Constitutions apostoliques, I. viii, c. 13,
que Bingham a citée ; elle porte : « Souve-
nons-nous des saints martyrs, afin que nous
soyons rendus dignes de participer à leurs
combats. Prions pour ceux qui sont inorts
dans la foi. » Vainement Bingham allVcte
de confondre ces ileux esjièces de prières,
afin d'en obscurcir le sens ; il n'a réussi qu'à
montrer sa prévention.
Le luthérien iMûsheim, encore plus entêté,
place au iv' siècle la naissance de l'usage de
prier pour los morts; il attribue à la philoso-
phie platonique les notions absurdes d'un
certain feu destiné à purifier les Ames après
la mort. Hist eccl. du iv' siècle, ii' part. c. 3,
§ 1. 11 dit que dans le v", la doctrine des
païens touchant la purification des âmes
après leur séparation des corps fut plus am-
plement expliquée, V sh'cle, ii" part., c. 3,
S 2 ; qu'au x* elle acquit plus de forcé que
jamais, et que le clergé, intéressé à la soute-
nir, l'appuya par des fables, x' siècle, n"
part., c. 3, § 1. L'opinion commune dis pro-
testants est que cette doctiitie n'a été forgée
que par la cupidité des prêtres. — Mais
est-il bien certain que les anciens platoni-
ciens ont admis un feu expiatoire ou pur-
gatoire des Ames après la mort ? Quand cela
serait, le passage de saint Paul (7 Cor. m,
13), où il est dit que l'ouvrage de chacun
sera éprouvé par le feu, était jdus propre à
faire naître la croyance du purgatoire que
les rêveries des platoniciens ; et c'est sur
ce passage même que les Pères fondent leur
doctrine. Puisqu'il est prouvé que l'usage de
jirier pour les morts date des temps aposto-
liques, peut-on faire voir que dans l'origine
les prêtres en ont tiré quelque profit'.' S'il en
est survenu des abus au x* siècle et dans les
suivants, il fallait les retrancher, et laisser
subsister une pratique aussi niicicnne que
le christianisme, et qui avait déjà eu lieu
chez les Juifs. — Selon la remarque d'un
académicien, « quand on est persuadé que
l'âme siirvit à la desii iiclion du corps, c[uel-
que opinion que l'on ait sur*i'éiat où elle
se trouve après la mort, rien n'est si natu-
rel que de faire des vœux et d'^s prières
pour tâcher do procurer quelque fé'ic.té aux
âmes de nos parents et de nos amis; ainsi
l'on ne doit pas être étonné que cette prati-
que se trouve répandue sur toute la terre....
Bien loin donc que les chrétiens aient em-
prunté cet usage des païens, il y a b aucoup
plus d'apparence que les païens eux-mêmes
l'avaient puisé dans la tradition primitive,
et que c'est une notion imprimée par le
doigt de Dieu dans le cœur di' tous les hom-
mes.... Ce qu'il y a de certain, c'est que
ceux qui, par leurs principes, pa aissent le
plus prévenus c'.ntie cet usa^e, convien-
nent souvent de bonne foi que, dans les oc-
casions intéressantes, ils ne peuvent s'em-
pêcher do former des vœux secrets que la
naiure leur arrache, pour h'urs | arents et
leurs amis. » Hist. de VAcadémie des Inscrip-
tions, t. Il, in-12, p. 119.
11 est fort dangereux que la charité, qui
est l'âme du christianisme, ne diminue parmi
les vivants, lorsqu'elle n'a plus lieu à l'égard
des morls. L'usage do prier pour eux nous
rappelle un tendre souvenir de nos parents
et de nos bienfaiteurs, nous inspire du
respect pour 1 urs dernières volon es; ilcon
tribue à l'union des familles, il en ras-
semble les memlires disfiersés, les ramène
sur le tombeau de leur père, leur remet en
mémoire des faits et dès leçons qui intéi es-
sent leur bonheur. Cet effet' n'est plus guère
sensible dans les villes, où les sentiments
d'humanité s'éteignent avec ceux de la reli-
gion ; mais il subsiste parmi le peuple des
campagnes, et il est bon de l'y conserver.
m
MOK
MOR
91Î
Eii détruisant cet usa^u, les protostaiits ont
résisté au poncliaiit de la nature, à l'esprit
du clii-isiiaiiisme, h la Ira'lition la plus an-
cienne et la plus rcspect.ible.
Morts. Fêle des morts ou di'S trépassés :
jour (le prières solennelles qui se font le 2
noveniljie pour les ilnies du purgatoire en
général. Amalaire, diacre île Metz, dans son
ouvraije des Offices eccli'siastiqiies, qu'il dédia
à Louis 11! Déuonnaire, l'an .S^", a |)lacé l'of-
fice des morls; mais il y a liien de l'appa-
rence qu'au IX" sifïcle cet of'ice ne se disait
enc^ire que p. lur les parliruliers. C'est saint
Odilon, ahhéde Oluny, qui, l'an 998, institua
dans tous les monastères de sa congrégation
la fête de la Commémoration de tous les fi-
dèles di'funts, et Toftico [lour tous en géné-
ral. Cette dévotion, approuvée parles papes,
se répandit bientôt dans tout l'Occident. On
joignit aux prières d'autres bonnes œuvres,
surtout des aumônes; et dans quelques dio-
cèses il y a encore des paroisses où les la-
boureurs font ce jour-lk quelque travail
gratuit pour les pauvres, et ofl'rent à l'église
du ()lé, qui, se'on saint Paul {I Cor. xv, 37),
est le symbole d ■ la lésurrection future. Pour
tourner cette fête < n ridicule, Mosheim dit
qu'elle fut instituée en vertu des ex 'orlations
d'un ermite de Sicile, qui prétendit avoir
appris par révélation que les prières des
m ines de Cluny avaient une efficacité parti-
culiôie pour délivrer les âmes du purgatoire.
Il remanjue (jiie le pape Benoît XIV a eu
assez d'esprit pour garder le silence sur l'o-
rigine superstiiiruse de cette /'i^fe déshono-
rante, dans son Traité de Festis. Un célèbre
incrédule n'a pas manqué d^^ répéter l'anec-
dote de l'ermile sicilien; il ajoute que ce
fut le pape Jean XVI qui institua la fête des
morts vers le milieu du xvr siècle. La
vérité est mie Jean XVI est un antipape
qui mourut Van 99G, deux ans avant l'insti-
tution de la tête des morts; c'est une bévue
grossière da l'avoir placée au xvi' siècle. Il
n'est pas surprenant que Benoît XIV ait mé-
prisé une fable de laquelle on ne cite point
d'autre preuve que /a Fleur des saints, recueil
rempli de contes semblables; mais les pro-
testants ni les incrédules ne sont pas scru-
puleux sur le choix des monuments, ils sé-
duisent les ignorants, et c'oet tout ce qu'ils
'prétendent. Nous voudrions savoir en quoi
les prières faites pour les morts en général
sont déshonorantes ; n'est-ce pas plutôt la
critique i)e nos adversaires?
MORTIFICATION. Sous ce nom l'on en-
tend tout ee qni peut réprimer, non-seule-
ment les appétits déréglés du corps, la mol-
lesse, la sensualité, la gourmandise, la vo-
lufité, mais encore les vices de l'esprit,
comme la curiosité, la vanité, la jalousie,
l'imfiatience, etc. Pour savoir si la morti-
fication est une vertu nécessaire, il suflii de
consulter les leçons de Jésus-Christ et des
apôtros. Le Sauveur a dit : Heureux ceux
qui pleurent , parce qu'ils seront consolés
[Matlh. V, 5). Il a loué la vie austè e, péni-
teplo et mortifiée de saint Jean-Baptiste (xi,
è'). 11 a dît lui-même qu'il n'avait pas oii re-
poser sa tête (viii, 20). Il a prédit que ses
disciples jeiineraient, iorsiiu'ils seraient pri-
vés de sa présence (i\, 15;. 11 conclut : Si
Quelqu'un veut venir a{)rés moi, qu'il renonce
a lui-mémc, qu'il porte sa croix et me suive
(xvi, 2^, etc. ). » Saint Paul a répété la
même murale dans ses lettres. « Si vous
vivez selon la chair, vous mourrez ; mais si
vous mortifiez par l'esprit les désirs do la
chair, vous vivrez (lioni. vin, 13j. Je. cliAtie
mon corps et je le réduis en servitude, do
peur qu'après avoir prêché aux autres, je no
sois moi-môme réprouvé (/ Cor. ix, 27).
Nous portons toujours sur notre corps la
viortification de Jésus-Christ, afin que sa vie
paraisse en nous (// Cor. iv, lOJ. Vionlrons-
nous de dignes seivileurs de Dieu, p.ir la
patience, |iar les soutfrances, par le travail,
par les veilles, par les jeûnes, par la i has-
telé, etc. (vi, V). Ceux qui sont à Jésus-Christ
crucifient leur chair avec ses vices et ses
convoitises {Gatat. v, 21). Mortifiez donc vos
membres et les vices qui régnent dons le
monde, la fornication, l'impureté, la con-
voitise, l'avarice, elc. [Colos. iir, 5). » Il a
loué la vie pauvre, austère et pénitente des
prophètes [tlehr. xi, 37 et 38). Les premi rs
chrétiens suivirent cette morale à la lettre.
« Pour nous, dit Tertullien, desséchés par le
jeilne, exténués par toute es()èce de conti-
nence, éloignés d'î toutes les commodités de
la vie, couverts d'un sac et couchés sur la
cendre, nous faisons violence au ciel par
nos désirs, nous fléchissons Dieu; et lorsque
nous en avons obtenu miséricorde, vous re-
merciez Jupiter et vous oubliez Dieu. y> Apo-
logétique, ch. iO, à la fin.
Après des leçons et des exemples aussi
clairs, nous ne comprenons pas comment
les protestants osent blAmer les mortifica-
tions, tourner en riijicule les austérités des
anciens solitaires, des vierges chrétiennes,
des ermites et des moines de tous les siè-
cles. Ils disent que Jésus-Christ n'a point
commandé toutes ces pratiques, qu'il a
même bhlmé l'hypocrisie de ceux qui affec-
taient un air pénitent, que les austérités ne
sont pas une preuve infaillible de vertu,
que sous un extérieur mortifié l'on peut
nourrir encore des passions très-vives, etqu'il
n*est pas difiicile a'eu citer d'S exemples.
Mais si les paroles de Jésjs-Christ, que
nous avons citées, ne sont pas des préceptes
formels, ce sont du moins des conseils;
ceux qui fichent do le« rédure en p atique
sont-ils blAmables? Artecter un air pénitent
par hypocrisie, pour être loué et adiiv é des
hemmes, est-ce la mêmu chose que pratiquer
les austérités de bonne foi, dans la s litude
et Iwin (les re.;a:ds du public, pour répi-
mev et vaincre les passions? ou soutiend a-
t-on que, dans la multitude de ceux qui ont
su vi ce genre de vie, il n'y eu a pas lu uq
seul qui ait été sincère? Oi'oi(iuo los mor-
tifications n ■ soient pas un mo.>en toujours
infaillible devaincio toutes les passions, l'on
ne peut pas nier du moins qu'elles n'y con-
tribuent ; ceux qui par Id n'ont pas pu réus-
sir à les étouffer entièrement, en seraient
945
MOR
MOii
9U
encore moins venus à bout par un genre de
vie contraire. II est très-proliable que si les
apôtres et leurs disciples Hv.iient vécucomme
ceux qu'ils voulaient convertir, ils n'au-
raient pas fait un grand nombre de prosé-
lytes. Déjà l'on est forcé d'avouor qu'en gé-
néral tous les hommes sont portés à estimer
les mortifications et à les regarder comme
une vertu; quand ce serait un préjugé mal
fondé, il faudrait encore convenir que ceux
qui sont chargés de donner des leçons aux
autres soat louables de se conformer à cette
opinion générale ou, si l'on veut, à ce fai-
ble de l'humanité, et il y aurait encore de
l'injustice à les blâmer.
Les incrédules n'ont pas manqué d'en-
chérir sur les satires des protestants. On a
cru dans tout les temps, disent-ils, que Dieu
prenait plaisir à la peine et aux tourments
de ses créatures; que le meilleur moyen de
lui plaire était de se traiter durement; que
moins l'homme épargnait son corps, plus
Dieu avait pitié de son âme. De cette folle
idée sont venues les cruautés que de pieux
forcenés ont exercées contre eux-mêmes, et
les suicides lents dont ils se sont rendus
coupables, comme si la Divinité n'avait rais
au monde des créatures sensibles que pour
leur laisser le soin de se détruire. Consé-
quemment plusieurs de nos épicuriens mo-
dernes ont décidé gravement que mortiQer
les sens, c'est être impie; que, vu l'impuis-
sance de réprimer la plus violente des pas-
sions, la luxure, ce serait peut-être un trait
de sagesse de la changer en culte, etc. Nous
rougirions de pousser plus loin l'extrait de
leur morale scandaleuse. Mais lorsque Py-
thagore et Platon prêchaient l'abstinence et
la nécessité de dompter les appétits du corps,
ils ne fondaient pas leurs leçons sur le plai-
sir que Dieu prend aux tourments de ses
créatures ; ils argumentaient sur la nature
même de l'homme: ils disaient que l'homme
étant composé d'un corps et d'une âme, il
est indigne de lui de se laisser dominer par
les penchants du corps, comme les brutes,
au heu d'assujettir le corps aux lois de l'es-
prit. Brucker, Hist. de la philos., tom. I,
p. 1066, etc. Porphyre, qui, dans son Traité
de l'abstinence, suivait les principes de Py-
thagore et de Platon, enseigne que le seul
moyen de parvenir à la fin à laquelle nous
sommes destinés, est de nous occuper de
Dieu, de nous détacher du corps et des
plaisirs des sens, liv. i, n. 57. Si nous l'en
croyons, Epicure et plusieurs de ses disci-
ples ne vivaient que de pain d'orge et de
fruits, n. 'i-8. Ce n'était pas pour plaire à la
Divinité, puisqu'ils ne croyaient pas à la
Providence. Jamblique, Julien, Proclus,
Hiéroclès et d'autres ont professé les mômes
maximes. On dit qu'ils étalaient cette mo-
rale austère par rivalité envers les docteurs
du christianisme: cela peut être; mais enfin
ils copiaient Platon et Pythagore, qui ont
vécu longtemps avant la naissance du chris-
tianisme, et auxquels on ne peut pas prêter
le même motif. Ces philosophes, disent nos ad-
versaires, étaient des rêveurs, des enthou-
siastes, des insensés ; soit. Il s'ensuit toujours
que l'estime générale que l'on a eue dans
tous les temps pour les mortifications était
fondée sur les notions de la philosophie.
Il n'est pas vrai que les austérités mo-
dérées nuisent à la santé. Il y a plus de
vieillards à proportion dans les monastères
delà Trappe et de Sept-Fonts que f)armi les
gens du monde. Le jeûne et les macérations
n'ont pas tué autant d'hommes que la gour-
mandise et la volupté. Ce ne sont pas les
épicuriens sensuels qui remplissent le mieux
les devoirs de la société, ils ne pensent qu'à
eux, et ne font cas des hommes qu'autant
qu'ils servent à leurs plaisirs. Porphyre a
raison de soutenir que, si nous étions plus
sobres et plus mortifiés, nous serions moins
avides, moins injustes, moins ambitieux,
moins mécontents de notre sort, et moins
sujets aux maladies. Le luxe ne serait pas
si excessif, les riches feraient un meilleur
usage de leur fortune, ils seraient plus com-
patissants et plus sensibles aux besoins de
leurs semblables. Ce sont les désirs inquiets,
les besoins factices, les habitudes tyranni-
ques qui tourmentent les hommes; en y ré-
sistant, ils seraient plus vertueux et plus
heureux. Pour jeter du ridicule sur les 7nor-
lifications des solitaires et des moines, ou
les a comparées aux pénitences fastueuses
desfaquirs mahométans, indiens et cliiuois,
dont plusieurs exercent sur leurs corps des
cruautés qui font frémir. Mais la conduite
de ces derniers fait connaître les motifs qui
les animent; ils ont grand soin de se pro-
duire en public et d'exposer au grand jour
le supplice auquel ils se sont condamnés;
l'ambition d'être admirés et respectés, ou
d'obtenir des aumônes, un orgueil insensé,
un fanatisme barbare, les soutiennent et leur
font braver la douleur; quelques stoïciens
firent autrefois de même. Les pénitents du
christianisme ont des motifs diflérents : l'hu-
milité, le sentiment de leur faiblesse, le désir
d'expier leurs fautes et de réprimer les pas-
sions; ils cherchent la retraite, le silence,
l'obscurité, selon le consed du Sauveur
[Matth. VI, 1), et ils ne poussent point la ri-
gueur de leurs macérations au môme excès
que les fanatiques des fausses religions. Il
n'y a donc aucune ressemblance entre les
uns et les autres.
Ces réflexions devraient suffire pour fer-
mer la bouche aux protestants; mais rien ne
peut vaincre leur entêtement : ils attribuent
au vice du climat tout ce qui leur déplaît
dans le christianisme. Le goût pour la soli-
tude, disent-ils, pour la méditation et la
prière, pour la continence, les mortifica-
tions , les pénitences volontaires , est un
etfet de la mélancolie qu'inspire le climat de
l'Egypte, de la Palestine, de la Syrie et des
contrées voisines. Des philosophes atrabi-
laires, tels que Pythagore, Platon, Zenon, et
surtout les Orientaux, ont accrédité ces pra-
tiques ; mais ils ne les ont fondées que sur
des dogmes erronés. Les premiers chré-
tiens s'y laissèrent surprendre; ils enchéri-
rent sur la morale de Jésus-Christ, ils sa
94S
MOR
MOR
94C
flnttèrent de construire une religion plus
sainte et plus parfaite nie la sienne; ils n'ont
fait que défigurer ses leçons. Vin^t auteurs
protestants ont fait tous leurs efforts pour
donner à ce rêve un air de probabilité; un
court examen suffira pour dissiper le pres-
tige.— 1° Il est fort singulier que pendant
ciilq ou six cents ans, depuis Pytliagore
jusqu'à Jésus-Christ, le vice du climat n'ait
rien opéré sur les païens, dont les mœurs
ont toijiiurs été aussi licencieuses en Orient
qu'en Occident, et en Egypte qu'ailleurs;
que depuis plus de mille ans il n'ait pas pu
vaincre la mollesse et la lubricité des mu-
sulmans, pendant qu'il a produit en moins
d'un siècle un si prodigieux effet sur les chré-
tiens. A'oilà un phénomène inconcevable!
— 2» Pythagore, premier philosophe parti-
san ûesmortilications, était né dans la Grèce;
il voyagea dans l'Orient, mais il passa la
plus grande partie de sa vie en Italie; ap-
pellerons-nous mélancolique ou misanthrope
un homme qui ne s'est occupé qu'à faire du
bien à ses sembl.ibles, à civiliser les peu-
ples, à policer les villes, à leur donner des
lois et des mœurs? En dép t d'un climat très-
diflérent de celui de l'Egypte, il lit goûter
ses maximes, il trouva des disciples et des
imitateurs; on a dit de lui : Emrire docct,
et discipulos invenit. — 3° Si c'est iine va-
peur maligne du climat qui a donné aux
chrétiens uu goût pour les mortifications
religieuses, il faut que son influence ait ré-
gné sur toute la terre, à la Chine et aux In-
des, dans le fond du Nord, dès que le cliris-
tianisiue y a pénétré, et dans toutes les éco-
les de philosophie de la Grèce. A la réserve
des épicuriens et des cyrénaiques, tous les
sages ont déclaré la guerre à la volupté :
tous ont non-seulement conseillé à leurs
discipl s la frugalité et la tempérance, mais
ils leur ont appris à se passer de la plupart
des choses que les hommes corrompus par
le luxe regardent comme une [lartie du néces-
saire, et en cela ils croyaient travailler à
leur bonheur. — k° Longtemps avant la nais-
sance de la ]) ilosophie. Dieu avait fait con-
naître aux patriarches la nécessité des mor-
tifications. Ils ne pouvaient pas -ignorer la
chute de leur premier père : et ils durent
en conclure (jue l'affluence de tous les biens
est peu propre à rendre l'homme tidèle à
Dieu. Ils savaient qu'en punition de cette
faute, l'homme était condamné à arroser de
ses sueurs une terre couverte de ronces et
d'épiniîs, et que la pénitence d'Adam avait
duré neuf cents ans : lerr.ble exem()le. On
voyait les personnages les i)lus agréables à
Dieu, tels qu'Abraham, Jacob, Joseph, Moïse,
Job, etc., mener une vie souffrante, morti-
liée, et leur vertu souvent exposée à des ad-
versités. « Je fais |)éniience sur la cendre et
la poussière, » disait le saint homme Job, à
l'innocence duquel Dieu lui-même avait dai-
gné rendre témoignage, ch. xx, v.3; ch. xin,
V. 6, etc. Un prophète nous apprend que l'a-
bo;'d;ince de tous les biens, l'orgueil, l'oi-
siveté, et ce que le monde appelle une vie
heureuse, furent la cause des crimes et de la
ruine d« Sodome {Ezech. xvr, k9). Let; sys-
tèmes insensés des philosophes orientaui
n'ont commencé à éclure que plusieurs siè-
cles après. — 5° On pourrait croire que les
premiers chrétiens ont mal pris le sens des
paroles de Jésus-Christ, si ce divin Maître
ne les avait pas confirmées par ses exem-
ples; mais il a voulu naître dans une famille
pauvre et dans une étable; il s'est fait con-
naître d'abord à de pauvres bergers; il a
passé sa jeunesse dans la maison d'un arti-
san ; tous ses parents étaient de simples ha-
bitants de Nazareth; il a dit lui-même qu'il
n'avait pas où reposer si tète (Matth. vin,
20; Luc. IX, 58). Il a choisi pour ses apôtres
de pauvres pêcheurs, accoutumés à une vie I
dure et laborieuse, et il a voulu qu'ils aban-
donnassent tout pour le suivre; c'est aux
pauvres qu'il a commencé d'abord à prêcher
l'Evangile (Matth. xi, 5; Luc. iv, 18; Jac. ii,
5). C'était volontairement sans doute qu'il a
souffert les mortifications de la pauvreté (Il
Cor. vin, 9). En méditant sur ces circons-
tances, a-t-on pu s'empêcher de prendre à
la lettre ces maximes : Heureux les pauvres,
ceux qui souffrent et qui pleurent ; malheur à
vous, riches, qui avez votre consolation, qui
Ars ras.sasiés, qui êtes dans la joie, etc., et de
croire qu'il y a du mérite à imiter la vie
de ce divin Maître? — 6° Les philosophes
orientaux et les hérétiques, qui soutenaient
que la chair est une production du mauvais
principe et une substance mauvaise par
elle-même, n'en ont jamais parlé d'une nia-
nière plus désavantageuse que saint Paul.
Outre les passages de ses lettres que nous
avons cités, il dit {Rom. vu, 18) : « Je sais
qu'il n'y a rien de bon en moi, c'est-à-dire
dans ma chair. V. 20 et 23, il l'appelle une
chair dépêché, une loi qui le captive sous le
joug du péché. C. vui, v. 8. Ceux qui sont
dans la chair ne peuvent plaire à Dieu. Y. 13,
Si vous vivez selon la chair, vous mourrez;
mais si vous mortifiez par l'esprit les affee
fions de la chair, vous vivrez. C. xiii, v. 14-,
Ne contentez point les désirs de votre chair
(Ephes. II, 3). Le propre du paganisme était
de satisfaire les désirs et les volontés de la
chair. [Galat. v, 16) : Marchez selon l'esprit,
et vous n'accomplirez point les désirs de la
chair, etc. » Voilà, au jugement de nos ad-
versaires, saint Paul devenu disciple des
philosophes orientaux ; c'est lui qui a infecté
les premiers chrétiens du fanatisme atrabi-
laire par lequel ils se sont armés contre
eux-mêmes, et se sont cruellement tour-
mentés ; c'est lui qui a cru forger une reli-
gion plus parfaite que celle de Jésus-Christ,
et qui l'a fait embrasser aux autres, etc., etc.
Ainsi l'ont rêvé les protestants, et les incré-
dules l'ont répété.
Ils ont beau dire que les mortificationt
extérieures ne contribuent en rien à domp-
ter les passions, ni à nous rendre la vertu
plus facile ; c'est une fausseté contredite par
l'exemple de tous les saints. Puisque la vertu
est la force de l'âme, elle ne s'acquiert point
en accordant à la nature tout ce qu'elle de-
mande, mais en lui refusant tout ce dont aile
947
MOZ
MUfV
M
peut se passer. Moins nous avons de besoins
a satisfaire , moins il nous reste de désirs
inquiets l't daniçereux. Une vie dure nYtouf-
fer.i pas absolument toutes les passions;
mnis l'hi'ibitude de dompter celles du corps
nous fait ré[)iimer plus aisément celles de
l'esprit. Quand les protestants soutiennent
quf- le goùl pour les austérités religieuses a
été chez les (treiiiiers clirétieiis un vice du
climat, nous sommes en droit de leur ré-
pondre que l'aversion pour toute espèce de
worO/îfo^Jon est venue, cliez les réformateurs,
de la vorarité, de la gloutonnerie, de l'in-
tempérance naturelle aux [leuples septentrio-
naux. Voy. Anachorètes, Pauvreté, etc.
MOSCOVITES. Voy. Rlsses.
MOY>E. Voy. Moïse.
MOZARABES, MOZARABES ou MOST-
ARABl-.S. Oii nomme ;iinsi les chrétiens d'Es-
paj,ne, qui, après la conquête de ce royaume
par les Maures , au commencem'nt du vni*
siècle , conservèrent l'exercice de leur reli-
gion sous la domination des vainqueurs; ce
nom signifie mêlés aux Arabes. Les Visigoths
qui étaient ariens , et qui s'étairnt emparés
de l'Espagne au v' siècle, abjurèrent leur
héré-ie , el se réunir nt à l'Eglise dans le
troisième concile de Tolède, l'an 589. Alors
le christianisme fut pn .fessé en Espagne
dans toute sa purt lé, et il était encore tel six
vingts ans après, lorsque les Mauies détriii-
àirent la monarchie des Visigoths. Les chré-
tiens, devenus sujets des Maures, conservè-
rent leur loi et l'exerciee de leur rdigion,
soit dans les montagnes de Castille et de
Léon, où plusieurs se réfugièrent, soit dans
quelques villes où ils obtinient ce privilège
par capitulation De là on a nommé mozara-
oique le rite qu'ils continuèrent à suivre, et
messe mozarahiquc la l.turgie cpi'ils célé-
braient ; l'un et l'autre ont duré en Espagne
jusque sur la fin du xi' siècle, temps auquel
le pape Grégoiie VII eiigag a les Espagnols
à prendre la 1 turgie romaine. Pour tii er de
l'oubli cet ancien rite et le remettre en usage,
le cardinal Ximénès fond i, dans la cathédrale
de Tolède, une chapelle dans laquelle l'oflîce
et la messe mozarabique sont célébrés; il ht
imprimer le Missel r,ui JoOO, et le Bréviaire
en 1502 ; ce sont deux petits in-folio. Comme
il n'en Ut tinr qu'un petit nombre d'exem-
plaires , ces deux volumes étaient devenus
très-rares et d'un prix excessif; mais ils ont
été réimpriiui's à Rome en IToo , par les
soins du P Leslée , jésuite , avec des notes
et une ample préface. Cet éditeur s'attaclia à
prouver que la liturgie mozarabique est des
temps apostoliques , qu'elle a été établie en
Espagne par ceux mêmes qui y ont porté la
foi chrétienne; qu'ainsi saint Isidore de Sé-
ville et saint Léandre, son frère, qui ont vécu
au corarueucement du vu' siècle , n'en sont
pas les .luteurs, qu'ils n'ont fait que l.i rendre
plus correcte , et y ajouter quelques nou-
veaux ofhces. Il fait voir que cette liturgie a
été constamment en usage d.ms les églises
d'Espa.-^ne depuis le temjis desa))ùlres, non-
seulement jusqu'il la lin du règne des Visi-
goths et au commencement du vui* siècle,
mais jusqu'à l'an 1080; que les papes Alexan-
dre H, Grégoire VII et Urbain II, ne sont ve-
nus h bout, qu'après trente ans de résistance
de la part des Espagnols, de leur faire adop
ter le rite romain.
Le Père Lebrun, qui a faitnussi VHistoire
duritemozarabique,[..lU,Y). 272, observe que,
dans le iiiissel du cardinal Ximénès, ce rite
n'est pas absolument tel qu'il était au vu
siècle; mais que, pour en remplir les vides,
ce cardinal y fit insérer plusieurs ruliriques
et plusieurs jirières tirées du missel de To-
lède, qui n'était pas le pur romain, mais qui
était conforme en plusieurs choses au missel
gallican; il distingue ces additions d'avec le
vrai mozarabe, et compare celui-ci avec le
gallican. Le Père Leslée, qui a fait la môme
comparaison , pense que le premier est le
plus ancien : le Père Mabillon, qui a donné
la liturgie gallicane, soutient le contraire, et
il par<dt que c'est aussi le sentiment du Père
Lebrun. Quelques protestanls ont avancé au
hasard que la croyance des chrétiens moz-
arabes était la môme que la leur, mais qu'elle
s'altéra insensiblement i>ar le commerce
qu'ils eurent avec Rome La liturgie îwosr/ri-
bique dépo>e du contraire; il n'est pas un
sei.l des dogmes catholiques contestés par
les protestants qui n'y soit c'airement pro-
fessé. La doctrine en est exactement con-
forma aux ouvrages de saint Isidore de Se
ville , aux canons des conciles d'Espagne
ten;is sous la domination des Maures, et à
la liturgie gallicane, dont l'authenticité est
incontestable. Foy. Espagne, Gallican, Li-
turgie.
MURMURE. Ce mot, dans l'Ecriture sainte,
ne signifie pas seulement une simple plainte^
mais un esprit de désobéissance et de ré-
viilte, accompagné de paroles injurieuses à
la Providence; c'est dans ce sens que saint
Paid (/ Cor. x, 10) condamne les murmures
dont les Israélites se ri ndirent souvent cou-
pables. Ils muimurèrent contre Moïse et
Aaron dans la ferre de Gessen, lorsque le
roi d'Egypte aggrava leurs travaux [Exod. v,
21); sur les bords de la mer Rouge , lors-
qu'ils sévirent p ursuivis par les Egyptiens
(xiv, il); à Mara, à cause do l'amertume des
eaux (xv, 24-J; h Sin, parce qu'ils man-
quaient de nourriture (xvi, 2); à Raphidim,
parce qu'il n'y avait pas d'eau (xvii, 2y; à
Pliai an, lorsqu'ils se dégoûtèrent de l manne
(Nwn. XI, Ij ; ap:ès le retour des envoyés
dans la terre i)romise (xiv, I, etc.). Ces mur-
mures séditieux, de la part d'un ) euple qui
avait fait tant d'éjireuves des altentiims et
des bienfaits surnaturels de la Providence,
étaient très-dign.'S de châtiment; aussi Dieu
ne les laissa-t-il pas impunis. Quelques in-
crédules ont voulu en tirer avantage. Si
Moïse, disent-ils, avait donné autant de
preuves qu'on le suppose d'une mission di-
vine , il n'est pas possilde qui' les Israélites
se fussent si souvent révoltés contre lui.
Mais la même histoire qui raconte leurs ré-
voltes nous ajiprend aussi (ju'ils furent tou-
jours punis , et souvent d'une manière sur-
naturelle , par une ijontagion, par le feu du
949
«ts
HTS
»90
ciel, par des «'••rpents, par des gouffres subi-
teraenl ouverts sous leurs [àeds; qu'ils lu-
rent toujours forcés de revenir à rohi^issanre
et de demander pardon de leur fa\ite; et c'é-
tait toujours Moïse qui intercédait pour eux
auprès de Dieu. Ce sont donc là plutôt des
preuves de sa mission divine, que des objec-
tions que l'on puisse y opposer. '
MUS.àCH. Ce lertne héhroM a été conservé
dans la Vul^ate {IV Iie(j. xvi, 18) , Musach
Sabbnthi; et la significalion en est fort incer-
taine. Le paraplir;i-te chaldéen a mis exem-
pfnr sabtha, qui est encore plus obscur; les
Sejitarite oui entendu la base ou le fonde-
ment d'un siège ou d'une chaire; le syria-
que et l'arabe nut trniliiit. In nuiison du Sab-
bat. Parmi les conuuenint(UU-s, les uns disent
que c'était un endruildu temple où l'on s'as-
seyait les j'urs de sabl)at ; d'autres, que c'é-
tait un pupitre; (pu^lques-uns, que c'était une
armoire; plusieurs eulin,que cT'tait un par-
vis ou un port quecouvert.quicommuniqnait
du palais des rois au tciui le, et que le roi
Achaz lit fermer, il importe fort peu de sa-
voir le-quels ont le mieux rencontn'.
MUSIQUE. Voij. Chant ecclésiastique.
♦ MllTH-ÉS DE IIUSS!;^. Notre-Seignoiu- a pnsd
une grande iiiaNiiiie : Si voire œil vous tiniid;/(isc,
arraclie~-te et jelez-l,: loin de lOM-. On a vu, des les
premiers siècles dn i'Iiglise, des chrétiens prendre
celte maxime à la IcUro et se faire ennnques pour
échapper aux auaqiies incessantes de la chair. Les
conciles cotidanuièrent celle praiiiiiie. On Ta vue se
renonvelcr en Uiissie. Calhcrinc H réprima ce fana-
tisme en livrant à l'ignominie ceux qui élaient assez
niallieureux pour employer ce remède extnine. Vers
1818, Alexandre, voyant la secte se mulliplier, or-
donna que Ions les mutilés seraient transportés en
Sibérie. On assure qu'il y a encore aujourd'hui des
exemples de ce fanatisme cruel.
MYHON. Voij. Chrême.
MYSTÈRE , chose cachée , vérité incom-
préhensible. Que ce terme vienne du grec
f<ùw, je ferme, ou de uvsw, j'inslruis, ou de
l'hébreu mustm-, caché, ce n'est jins une ques-
tion fort imjiortante. Jésus-C-hrist nomme sa
doctrine les mi/stèrcs du royaume des deux
(Malth.xm, 11), et saint Paul appelle les
vérités chréliennes qu'il faut enseigner le
mystrredc la foi [1 Tim. ui, 9). — Une maxime
adoptée par les incrédules est qu'il est im-
possible de croire ce q\ie l'on ne peut pas
com|)rendre; qu'ainsi Dieu ne peut pas ré-
véler des mijstères; que toute doctrine mysté-
rieuse doit être censée fausse et ne peut pro-
duire que du mal. Nous avons à prouver
contre eux qu'il n'est aucune source de nos
connaissances qui ne nous apprenne des
mystères ou d.s vérités incompréhensibles ;
qu'il y en a non-si ulement dans toutes les
religions , mais qu'ils sont inévitables dans
tous les systèmes d'incrédulité; que la dilfé-
rence entre les mystères du christianisme et
ceux des fausses religions est (jue les pre-
miers sont le fondement de la morale la plus
pure , ,!U lieu que les seconds ne peuvent
aboutir qu'à corromi'.re les niœurs.
I. La raison ou la faculté de raisonner
nous démontre , par des prjicipes évidents,
qu'il y a une première cause de toutes cho-
ses, un Etre éternel, tout-j)uissant, créateur,
indépendant, libre, et cependant immuable.
Mais nos lumières sont trop bornées pour
pouvoir concilier ensemble la liberté et l'im-
mutabilité. Aucun des anciens philosophes
n'a pu concevoir la création; tous ont admis
l'éternilé de la matière. L'Etre étemel est
nécessairement inliui; or l'infini est incom-
préhensible, tous ses attrii)uts sont des mys-
tères. Par le senliment intérieur qui nous
entraîne aussi nécessairement que l'évidence,
niius sommes convaincus que nous avons
une Ame, qu'elle est le princijie de nos ac-
tions et de nos mouvements, et il nous est
impossible de concevoir comment un esprit
agit sur un corps : c'est ce qui a fait naître
le système des causes occasionnelles. Nous
sommes certains . par le témoignage de nos
sens, que le mimvement se comumnique et
passe d'un corps h un autre; aucun philoso-
phe cependant n'a [>u encoie expliquer com-
ment ni pouniuoi un choc produit un mou-
veuK'Ut. Les phénomènes du magnétisme et
de l'électricité , la généralion régulière des
êtres vivants, sont des mystères de la nature
que la phdosojihie o'i'claircii'a jamais. Sur le
témoignage de tons les hommes, un aveugle-
lU! ne peut se dispenser de croire qu'il y a
des couleurs, des tableaux, des persj ectives,
des miroirs; s'il eu doutait, il serait insensé :
mais il lui est aussi impossible de concevoir
tous ces phénomènes que de comprendre les
mystères do la sainte Trinité et de l'incarna-
tion. 11 en est de mémo d'un snurd à l'égard
de-i propriétés des sons. C'est Dieu, sans
doute, (pii nous parle et nous instruit par
notre raison, i)ar le sentiment intérieur, par
le témoignage de nos sons, jiar la voix una-
nime des autres homuies; puisque |)ar ces
divers moyens il nous révèle des mystères,
nous demandons jourquoi il ne peut pas
nous en enseigner d'autres par une révéla-
tion surnaturelle; pourquoi nous ne sommes
pas obligés de croire ceux-ci, pendant que
nous sommes forcés d'admettre ceux-là. Au-
cun incrédule n'a encore pris la peine de
nous en donner une raison. Us disent qu'il
est impossible de croire ce qui réjiugno a la
raison, ce qui renferme contradiction, et Ils
prétendent que tels sont les mystères du
cliristianisme. Nous soutenons qu'ils ne sont
pas plus contradictoires que les mystères na-
turels dont nous venons de [larler. Selon les
anciens philosophes, il y a contradiction que
do rien il se fasse quelque cliose : selon les
modernes, il est impossible qu'un nouvel
acte ne produise aucun ciiangement dans
l'être qui l'opère. Les sceptiques ont pré-
tendu (|ue le mouvement des corps renfer-
mait contradiction, et les matérialistes disent
encore qu'il est contra lictoire qu'un esprit
remue un corps. Un aveugle-né doit juger
qu'il est absurde qu'une suj)erlicie plate pro-
duise une sensation de profondeur. Tous ces
raisonneurs sont-ils bien fondés ? Pourquoi
les incrédules trouvent-ils des contradictions
dans nos mystères? Parce qu'ds les compa-
rent à des objets auxquels ces dogmes ne
9S1
MYS
MYS
952
doivent pas être conipar^-s. Si l'on se forme
de la nature et de la [personne divine la môme
idée que nous avons de la nature et de la
personne humaine, on trouvera delà contra-
diction à dire que trois pr^rsonnes divines
ne sont pas trois Dieux, de même que trois
personnes humaines sont trois hommes; et
l'on conclura encore que deux natures en
Jésus-Christ sont deux personnes. Mais la
comparaison entre une nature infinie et une
nature bornée est évidemment fausse. Lors-
que nous comparons la manière d'ôlre du
corps de Jésus-Christ dans l'eucharistie, à la
manière dont les autres corps existent , il
nous parait que ce corps ne peut j.as se ti ou-
ver dans plusieurs lieux au même moment,
niête sous les qualiiés sensibles du pain,
sans que la substance du pain y soit aussi.
Mais nous ignorons en quoi consiste la s h-
stauce des corps séparés de leurs qualités
sensibles, et nous avons tort de compaier le
corps sacramentel de Jésus-Christ aux autres
corps. De môme, lorsqu'un athée compare la
liberté de Dieu à celle de l'homme , il lui
semble contradictoire que Dieu soit libre et
immuable. Parce qu'un matérialiste compare
la manière d'être et d'agir des esprits avec
la manière d'être et d'agir des corps, il trouve
qu'il y a contradiction à penser que l'àme
est tout entière dans la tète et dans les pieds,
et qu'elle agit également partout où elle est.
Parce qu'un aveugle-né compare la sensation
de la vun à crlle du tact , il doit apercevoir
des contradictions dans tous les phénomènes
de la vision, tels qu'on les lui expose. Mais
des comparaisons fausses ne sont pas des
démonstrations. Encore une fois nous dé-
fions tous les incrédules d'assigner une dif-
férence essentielle entre les mystères de la
religion et ceux de la nature. Tout ce qui
est incomparable est nécessairement incoin-
préhi'nsibie, |iarce que nous ne pouvons rien
concevoir que par analogie. Comme les at-
tributs de Dieu ne peuvent être comparés à
ceux des créatures avec une justesse parfaite,
i-l est impossible de croire un Dieu sans ad-
mettre des mystères. En général tout est mys-
tère pour les ignorants ; si c'était un trait de
sagesse de rejeter tout ce qu'on ne conçoit
pas , personne n'aurait autant île droit
qu'eux d'être incrédule. Locke pose pour
maxime que nous ne pouvons donner notre
acquiescement à une proposition quelcon-
que, il moins que nous n'en comprenions
les termes et la manière dont ils sont aflir-
més ou niés l'un de l'autre; d'où il conclut
que , quand on nous propose un mystère à
croire, c'est comme si l'on nous parlait dans
une langue inconnue , en indien ou en chi-
nois. Mais est-il vrai que quand on expose à
un aveugle-né les nhénomèncs de la vision,
cest comme si on lui piarlait indien ou chi-
nois ? Lorsque Locke lui-même admet la di-
visibilité de la matière à l'infini, en a-t-il une
idée fort claire ? -Par sa propre expérience,
il devait sentir que, pour admettre ou rejeter
une proposition, il suflit d'avoir des teimes
dont elle est composée, une notion du moins
o'bscure et incomnlète.car analogie avec d'au-
tres idées. Nous ne voyons pas toujours la
liaison ou l'opposition de deux idées en elles-
mêmes, mais dans un autre moyen; savoir,
dans le témoignage d'autrui : ainsi, quand
on dit à un aveugle que nous voyons aussi
])romptement une étoile que le faite d'une
mai-on , il ne conçoit point la possibilité du
fait en lui-même, mais si'ulement dans le té-
moignage de ceux qui ont des yeux. Par
conséquent , lorsque Dieu nous révèle qu'il
est un en trois personnes , nous ne voyons
])as la liaison de ces deux idées en elles-
mêmes, mais seulement dans le témoignage
de Dieu. Si on nous le disait en chinois ou
en indien , nous n'y entendrions que des
sons , sans pouvoir y attacher aui'une idi''e.
11 n'est donc pas vrai, comme le prétend
un autre déiste , que la profession de foi
d'un mystère soit un jargon de mots sans
idées, et que nous mentions en disant notre
catéchisme; un aveugle ne ment point quand
il admet les phénomi'ues de la vision sur le
témoignage uniforme de tous les hommes.
Du moins, répliquent les déistes, si les mys-
tères de Dieu sont inconnus en eux-mêmes,
ils ne le sont plus lorsque Dieu nous les a
révélés ; car enfin révéler signifie dévoiler,
montrer, dissiper l'obscurité d'une chose
quelconque ; si la révélation ne produit pas
cet etfet, de quoi sert-elle? El'e sert à nous
persuader qu'uup chose est, sans nous ap-
prendre comment et pourquoi elle est ; c'est
ainsi que nous révélons aux aveugles les
phénomènes de la lumière, desquels ils ne
se douteraient pas, et que nous ne parvien-
drons jamais à leur faire comprendre.
IL Les incrédules pourraient p.iraître ex-
cusables, s'ils avaient enlin trouvé un sys-
tème exempt de mystères, mais il n'est pas
une seule de leurs hypothèses dans laquelle
on ne soit forcé d'admettre d"S mystères plus
révoltants que ceux du christianisme , et
plusieurs ont eu la bonne foi d'en convenir.
Lorsqu'un matérialiste a fait tous seseff rts
pour expliquer par un mécanisme les diffé-
rentes opérations de notre âme, il se trouve
réduit h confesser que cela est inconcevable,
que l'on ne peut pas y réussir, qu'il en est
de même de la plupart des autres phénomè
nés de la naiure ; ainsi il ne fait que subs-
tituer aux mystères de l'Ame les mystères de
la matière ; il résiste en même temps au sen-
timent intérieur et aux plus pures lumières
du sens commun. Pour éviter d'admettre la
création, un athée est forcé de recourir au
progrès des causes k l'intini , c'est-k-dire k
une suite infinie d'elfets sans première cause ;
k soutenir que le mouvement est l'essence
de la matière, sans pouvoir dire en quoi con-
siste cette essence ; k supposer la nécessité
de toutes choses, k prétendre que des actions
qui ne sont pas libres sont cependant dignes
de chiUiment ou de récompense, etc. Y eut-
il jamais des mystères plus absurdes?
Les déistes ne réussissent pas mieux k les
éviter. Si le Dieu qu'ils admettent n'a point
de providence, de quoi sert-il? S'il en a une,
sa conduite est iinpénétraLle. Ou il a été
libre dans la distriiiulion des biens et des
9SS
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9H
maux, ou il ne l'a pas été ; dans le premier
cas, il faut faire un acte de foi sur les rai-
sons qui ont réglé cette distribution ; dans
le second, nous ne lui devons ni culte ni re-
connaissance. Comment a-t-il permis tant
d'erreurs et tant de crimes ?ConMnent s'est-il
servi d'hommes imposteurs ou insensés
pour établir la plus sainte religion ipu fut
jamais ? etc. Aussi les alliées reprochent aux
déiste-; qu'ils rais(mnent moins conséquem-
ment que les croyants ; cpic, dès qu'ils ad-
mettent uu Dieu et une provitlence, il est
alisur.le de ne pas acquiescer îi tous \esmys-
tères du christianisme. Selon les sceptiques et
les pyrrlionicns, tout est mystère, tout est
impénétrable, et c'est pour cela qu'il ne faut
admettre aucun système ; mais Bayle leurre-
pi'ésente que bon gré mal gré « l'on est forcé
df> convenir que nous avons été précédés
d'une éternité : si elle est successive, elle
est combattue par des objections insur-
montaliles ; si elle n'est qu'un instant, les
diflicullés qu'elle entraine sont encore plus
insolubles. Il y a donc des dogmes que les
pyrrhoniens mômes doivent admettre, quoi-
qu'ils ne plussent rés(iiidr(> les objections qui
les combattent. » Réponse au Prov., c. \cvi.
Or, quand on ne serait obligé d'admettie
qu'un seul mystère, dès lors il est faux de
soutenir qu'un homme raisonnable ne doit
jamais croire ce qu'il ne jieut pas com-
prendre.
III. L'on nous objecte que les fausses re-
ligions sont remplies de mystères; nous en
convenons. Les Chinois en ont sur Foé et
Poussa, les Japonais sur Xaca et Amida, les
Siamois sur Sommonacodoni, les Indiens sur
Brama et Rudra, les Parsis sur Ormuzd et
Ahriman, les mahométans sur les miracles
de Mahomet ; la mythologie des païms était
un chaos de mystères , |iuisque, selon les
philosophes, elle était allégorique. Qu'im-
porte ? Sur tous ces prétendus mystères peut-
on fonder une morale aussi pure, aussi sain-
te, aussi digne de l'homme, que sur \ps mys-
tères du christianisme ? Ceux des autres re-
ligions sont non-seulement absurdes, mais
scandaleux : ils corrompent les mœurs, et on
le voit par la conduite des peuples qui les
professent. La foi aux mystères enseignés
par Jésus-Christ a changé en mieux les
mœurs des nations qui l'ont embrassée ; elle
a fait pratiquer des vertus inconnues jus-
qu'alors. Telle est la différence sur laquelle
nos anciens apologistes ont toujours insisté,
et à laquelle leurs adversaires n'ont eu rien
à répliquer; le fait est incontestable. Dieu
a révélé des myst'res dans tous les temps.
Il avait enseigné aux patriarches , la créa-
' tion, la chute de l'homme, la venue future
d'un rédempteur, la vie à venir ; aux Juifs, le
choix qu'il avait fait de la postérité d'Abra-
ham, la conduite de sa providence envers
les autres peuples, la vocatiou future des
nations à la connaissance du vrai Dieu. Il
n'est pas étonnant qu'il en ait révélé en-
core de nouveaux par Jésus-Christ, lorsque
le genre humain s'est trouvé en état de les
recevoir. Mais ce que les incrédules ne
voient point, c'est que Dieu s'est servi de
cette révélation même pour conserver et pour
perpétuer la croyance des vérités démon-
trables ; aucun peuple n'a connu et. retenu
ces dernières, dès qu'il a fermé les yeux h
la lumière surnaturelle. Où les trouve-t-on
dans leur entier, que parmi les descemlants
des patriarches? Faute d'aduiettre la ciéation,
les philosophes mêmes n'ont jamais pu
réussir à démontrer solidement l'unité, la
spiritualité, la simplicité parfaite de Dieu;
il.s ont approuvé le polyth isme et l'idolâ-
trie, ils sont devenus absolument aveugles
en fait de religion. Lorsque Jésus-Christ
parut sur la terre, la iihilosofihie, par sis dis-
putes, avait ébranlé toutes les vérités ; elle
n'avait respecté ni le dogme ni la morale ,
elle n'avait épargné que les erreurs. Il fallait
des mystères pour lui imposer silence, et la
forcer de plier sous le joug de la foi.
Si l'on retranche du symbole chrétien le
mystère de la sainte Trinité, tout l'édifice de
notre religion s'écroule; la divinité de Jésus-
Christ ne peut plus se soutenir ; les effusions
de l'amour divin à notre égard se réduisent à
rien. Ce mystère no nous est [loint proposé
comme uu dogme de foi purement spécula-
tif, mais comme un objet d'admiration, d'a-
mour, de reconnaissance.. Dieu, éternelle-
ment heureux en lui-même, a créé le
monde par son 'Verbe éternel ; c'est par lui
qu'il le conserve et le gouverne. Ce Verbe
divin, consubstantiel au Père, a daigné se
faire homme, se revêtir de notre chair et de
nos faiblesses , habiter parmi nous, pour
nous servir de maître et de modèle ; il s'est
livré îi la mort pour nous; il se donne encore
à nous sous la forme d'un aliment, afin de
nous unir plus étroitement à lui. L'Esprit
divin, amour essentiel du Père et du Fils,
après avoir parlé aux hommes par les pro-
phètes , a été envoyé pour nous éclairer et
nous instruire; communiqué parles sacre-
ments, il opère en nous par sa'grAce, et nré-
side à l'enseignement de l'Eglise. Ces iaées
sont non-seulement grandes et sublimes ,
mais all'ectueuses et consolantes ; elles élè-
vent l'Ame et l'attendrissent. Dieu, tout grand
([u il est, s'est occupé de nous de toute éternité;
tout son être, pour ainsi dire , s'est approprié
à nous. L'homme, quoique faillie et pécheur,
est toujours cher à Dieu ; par les excès de sa
bonté pour nous , nous ]iouvons juger de la
grandeur du bonheur ([u'il nous destine. 11
n'est pas étonnant que cette doctrine ait fait
des saints. — Que l'on ne vienne plus nous de-
mander à quoi servent les mystères ; ils n'ont
]ias été iraagini's exprès pour nous embar-
rasser par leui- oliscuiilé; ils sont inévita-
bles. Dès que Dieu a dai,.i,né se faire con-
naître aux liommes, il ne pouvait leur révé-
ler son essence , ses desseins, le plan de sa
providence, sans leur apprendre des choses
incompréhensibles, par conséquent des mys-
tères.'^ous sommes bien mieux fondés à dire :
De quoi servirait la religion, sans ces augus-
tes objets de croyance ? Bientôt elle serait
réduite au même point où elle fut autrefois
entre les mains des philosopl-ies; c'est par
95S
MYS
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956
les mystères que Dieu l'a mise à couvert de
leurs attentats.
Ces dogmes obscurs, disent-ils, n'ont cansf*'
que des disputos ; les hommes ont f;:il con-
sister toute la religion dans la foi et dans un
zèle ardent pour Tortliodoxie ; ils se sont
pcrsua lé que tout 1 .ur était perinis contre
les h Téiiques et les mécréants. Déi lamntions
absurdes. N'a-t-oii pas disputé avant le chris-
tianisme? Les Egyptiens se battaient pour
leurs ;in'maux sacrés; les Perses brûlèrent
les temph'S d s Grecs pir zèle pour lo culte
du feu ; l'on a v" plus d'une fois les ïarta-
res en campa^:;ne pour v( ngcr une insuite
faite à leur idole ; les Mexicains faisaient la
guerre pour avoir des victimes humaines k
immoler dms leurs temples. S'il y a une
vérité souvent répéti'e dans l'Evangile, c'est
que la vraie piété consiste dons les bnnnes
œuvres, et que la foi ne sert ne rien sans la
pr tique des vertus. Eu repruchant aux ciiré-
liens un faux zè'e , les incrédules en atfcc-
tent un qui est encore plus faux ; ils ne
prêchent la morale que [)onr déiruire le dog-
me, pendant qu'il est prouvé qu' l'un ne
p.'Ut subsister sans l'autre ; ils veulent avoir
Je privilège de ne rien croire, po'ir obtenir
la liberté de ne pratiquer aucune vertu et
de se pei mettre tous les vi- es. Voy. Dogme.
Les principaux mystères ou articles de foi
du christianisme sont renfermés dans le
symbole des apôtres, dans celui du concile
de Nicée répété par le concile de Trente, et
dans celui qui est communément attribué à
saint Ath;".i;:se ; tout chrétien est obligé de
s'en instruit e et de les ci cire pour être sauvé.
Nous appelons encore mystères les jirinci-
paux événements de la vie de Jésus-Christ,
que l'Eglise célèbre par des fêles, comme
son incarnation, sa nativité, sa passion, sa
fésurrection, etc., et ces fêtes sont un mo-
nument de la réalité des faits dont elles rap-
pellent le souvenir. Voy. Fêtes. — Il est bon
de remarquer que les Giecs nomment mys-
tère ce que nous appelons sacrement, et c'est
dans ce sens que sa ni Paul a cniiiloyé le
Diot de mystère, en parlant de l'union des
époux {Ephes. y, 32). Yoy. Mariage. Ces
deux termes sont parfaitement synonymes,
quoique les protestants aient souvent alfec-
té de les distinguer ; l'un et l'autre sont
également propres à désigner une cérémo-
nie ou un signe sens'ble, qui opère un ell'et
caché et invisible dans l'âme de ceux aux-
quels il e-t appliqué. Les Syriens et les Ethio-
piens ont aussi un terme équivalent pour
exprimer les sei)ts sacrements.
Dans l'Ecriture sainte , mystère signifie
quelquefois une chose que l'homme ne pi'ut
pas découvrir par ses propres lumières, mais
qu'il conçoit lorsque Dieu daigne la lui ré-
véler; ainsi Daniel, c. ii, v. 28 et 20, dit que
Dieu révèle les mystères, c'est-ii-dire les évé-
nements cachés dans l'avenir. Saint Paul
{Ephes. m, i), parlant du mystère de Jésus-
Christ, ajoute : « Ci' mystère est que les gen-
tils sont héritiers et sont un même corps
avec les Juifs, et ont part avec eux aux
promesses de Dieu en Jésus-Christ par l'E-
vangile. » Jusqu'alors les Juifs ne l'avaient
pas compris. Mais jusqu'à quel point les na-
tions mêmes qui ne connaissent pas l'Evangile
ont-elles part à la gr/ice de la rédemption ?
C'est un autre mystère que Dieu ne nous a
pas révélé; saint Paul lui-même ajoute que
les richesses do Jésus-Christ sont incora'iré-
heiisibles {Ibid., 8). Dieu est inliniment bon,
cependant il y a du mal dans le monde ;
Dieu veut sincèrement le salut de tous les
hommes, il y a néanmoins des difilcultés à
vaincre dans l'ouviage dii saint ; Jésus-Christ
est le Sauveur de tous, et il y a tieaucoup
d'honnnes perdus : voilà encore des rnyslè-
res, mais que l'on ]jarvi(uit à éclaircir jusqu'à
un certain point, quand on n'allecte (as u'a-
buser des termes. Voy. Mal, Salut, Sau-
veur , etc. Dans le langage ordinaire des
théologiens, un mystère est un dogme que
Dieu nous a révélé, de la vérité duqnel nous
sommes par cnnséquent très-certains, mais
que nous ne pouvons pas comprendre ; et
c'est d ins ce dernier sens que les mystères
sont le principal objet de notre foi. Saint
Pan] nous l'enseigne, en disait que la foi est
le fondement des choses qn^ l'on espèie, et
la conviction de ce qui ne [laraît point (Hebr.
XI, 1). Dès les premiers siècles du christia-
nisme, l'on a nommé suints mystères le bap-
tême, l'eucîiaristie et les autres sacrements,
parce que ces cérémonies ont un sens caché
et produisent un elïet que l'on ne voit pas.
Les ['.rotestants, qui ne veulent pas avouer
cet elfet surnaturel, ont forgé une autre ori-
gine à ce nom do mystères ; nous réfuterons
leur sentiment dans l'articL' suivant.
MYSTi!:REs DU Paganisme. On appelait
ainsi certaines cérémonies qui se prati-
quaient secrètement dans plusieurs tetuples
d s païens; ceux qui y étaient admis se
nommaient les initiés, et on leur faisait pro-
mettre |)ar serment qu'ils n'en révéleraient
jamais le secret. Vn n'a pu savoir avec une
entière certitude en quoi consistaient ces
cérémonies, qu'après la naissance du c'iris-
ti.misme; plusieurs de ceux ijui avaient été
initiés se convertirent, et ils comprirent que
le serment que l'on avait exigé d'eux était
absurde. Les plus f.uueux de ces mystères
étaient ceux d'Eleusis, près d'Athènes, qui se
célébraient à l'honneur de Cérès ; il y en
avait ailleurs de consacrés à Bacchus : à Ro
me, les mystères de la bonne déesse étaien
réservés aux femmes ; il était délendu aux
homiues d'y entrer, sous peine de moi t. On
prétend que cette bonne déesse était la mè-
re de Bacchus. Plusieurs anciens ont fait
beaucoup de cas des mystères. Si nous en
croyons Cicéron et d'autres, les leçons que
l'on y donnait ont tiré les hommes de la vie
errante et sauvage, leur ont enseigné la mo-
rale et la vertu , les ont accoutumés à une
vie régulière et ditlérente de cells des ani-
maux. Cicer. , de Legib., 1. i. Plusieurs sa-
vants modernes en ont parlé de même , en
IKUticulier Warburthon. L'on peut consulter
la cinquième dissertation tirée de ses ou\ ra-
ges, ei les suivantes.
Autant nos philosophes modernes ont
9S7
Mts
MTS
058
montré de mépris pour les mystères du chri-
stianisme, autant ils ont affecté d'estime pour
ceux (lu paganisme. « Dans le chaos des su-
perstitions populaires, dit l'un d'entre eux,
il y eut une insiitution salutaire q'ii empê-
cha une parlie du genre humain de tomber
dans l'ahrutissenient ; ce sont li^s mi/slcrcs :
tous les auteurs grecs et latins, qui en ont
parlé, conviennent qut! l'uuiîé de Dieu, l'ira-
jr.ortalité le l'Ame, ii'S peines et les récom-
penses après la mort , étaient annoncées
dans c tt ' cérémonie sacn'C. On y donnait
des leçons de morale ; ceux cjuiavaionl com-
n.i'S des crimes les contes'^a;ent et les ex-
piaient. Oi» jeûnait, on s ■ purifiait, ( ndoimait
^aum^ne. Toutes li\s cérémonies étaient te-
nues secrètes sous la r'^ligion di serment,
pour les rendre plus vénérables. L'appareil
extérieur do t les vii/v!crcs étai 'nt icvétus,
les prép rations et les épre.ives dont ils
étaient iTécé es, servaient à en rendre les le-
ço s plus frpjiantis, et h les giaver phis
profon lé nent dans la mémoire. Si dans la
suite des S'ècles ils fiu-ect altérés et corrom-
pus , leur institution primitive n'était ni
moins utile ni muins louib'e. »
A toutes ces belles clios 's il ne manque
que la vérité (1). M. Leia û, dans sa Nou-
velle Déinonstrntion évaiigi'h'qite, t. Il, ch.ip. 1,
ap es avou- examiné tout ce que Warburlhou
et d'autres ont dit ^ la lou.mge d 'S mystères
du pag.misme , soutient (]u'il est faux que
l'on y ait cnseigni' l'unité de Dieu , que
l'on ait détourné les initiés du polythéisme,
que l'on y ait donné de bonnes leçons de
morale, et que cette cérénonie ait pu con-
tribuer en aucune manière .^ épurer les
mœurs ; et il le prouve ainsi : 1° S'il était vrai
que l'on y elît enseign.' des vérités si uti-
les, c'aurait ■■'•lé encore une absurdité et une
injustii e de les cacher sous le secret invio-
lable que l'on exige .it des initiés ; pourquoi
cxh'r au cotn;uun des ho:nmes des con-
naissances dont tiius avaient égalcinent be-
soin .' (lette conduite ne servirait qu'à dé-
montrer qu'il était alors iuiiiossible de dé-
tromper le peuple des erreuis et des su|>ei--
stitiohs dans lesquelles il était plongé; que,
§our opérer ce prodige , il a lalKi la force
ivine de la doctrine d ■ Jésus-illirist. Com-
ment excuser l'inconséijuence de la conduite
des magistrats, di^sprôtres, des philosophes,
qui. d'un côté. |)ro!égeaienf les mystères, de
l'autre soutenaient l'idolAtrie de tout leur
pouvoir'? — 2' Qui ont été les plus ardents
défenseurs des mystères ? Les piùlosophes
du iV s ècle, Apulée, Jamblique, Hiéroclès,
Produs , etc. Ils voulaient s'en servir pour
soutenir l'id lltrie chancelant', pour all'.i-
blir 1 iuijTession que faisait sur les esprits
la morale puie et subhmo de l'Evangile :
non - seiileait-nt leur témoignage est donc
fort suspect, mais , au rapport de saint Au-
gustin, Porphyre, moins entêté qu'eux, con-
venait qu'il n'avait trouvé dans les mystères
(l)Ilyaeuun certain nombre de voriiés pro-
miércb reconnues par les païens, mais elles étaient
obsciii'cies par l'erreur. Vey. Originel (péclié), Ré-
VËtATlOM.
aucun moyen efficace pour purifier l'Ame ,
de Civit. Dei, 1. x, c. 32. Celse, plus an-
cien, dit h la vérité que l'immortalité de
l'Ame était enseignée dans les mystères : mais
elle était enseignée [)nrtout, même dans les
fables touchant les enfers. Celse n'ajoute
point que l'on y professait aussi l'unité de
Dieu , l'absurdité de l'idolAtrie, et que l'on
y donnait des leçors lie mor.de. Orig. con-
tre Cdse, 1. VIII, n. 'iS et 49. I.onj^temps avant
lui , S iciate témoigna qu'il faisait fort peu
de cas des mystères, piiis(pril refusa con-
stamment de s'y fiire iniliiT ; aurai'-il agi
ainsi, si c'avait été une leçon de morale? —
3° Malgré 1 ■ sei rct si étroitement comman-
dé d.uis les mystères, ils ont été dévoilés.
V>'arburtliou prouve, d'une manière très-
vraiseaiblable, if e la descente d'Enée aux
enfeis, peinte par Virgile dans le sixième
livre de l'Enéide, n'est auUe iliosc que li-
nitiation de son héi os aux mystères d Eleu-
sis el un tableau de ce que l'oii l'.dsait voir
aux initiés. Or , qu'y trouvons-nous ? Une
peinture des enfers , le dogme d ■ la trans-
migration des Ames, et la doctrine des stoï-
ciens sur l'Ame du monde. Cette doctrine,
loin li'établir l'unité de Dieu , confirme
au contraire le polythéisme et l'idol.'.trie.
C'est sur c' fondement qiie le st.j'ien Bal-
bus les soutieni dans le second livre de Ci-
céron sur la Nature des dieux : il donne ainsi
aujiagauisiiieune base philosophique. Etait-
ce là le moyen d'en détourner les initiés ?
— 4" Les mystères ont été encore mieux
connus par la descriotion ipi'en ont faite les
Pères de l'Eglise. Saint Clément d'Al. xan-
drie, Coliort. ad Gcntes. c. 2, p. 11 et suiv..
Saint Ju>t n , Tatien, Alhénagore , Arnobe,
n'y ont vu qu'un assembla-,e d'absurdités ,
d'obscénités et d'impiétés. S'il y avait < u des
leçons capables de prouver l'unité de Dieu
et d'inspirer l'amour de la virtu, ces saints
docteurs, qui ont recherché avec tant de
soin (ians les auieuis païens tuut ce qui
pouvait servir à délromjter le peuple, au-
rai; nttiié s;uis doute avantage i.e- iitystc-
res pour atla(juer l'erreur gé'nérale ; au con-
tiaire, ils ont assuré tous iiue ct.-.te cérém.i-
nie ne pouvait servir qu à la cnniinner.
Un auteur moderne nous apprend que les
mystères étaient devenus une b aiii ho de fi-
n:inees pour la république d'Athènes, et
qu'il en coiïtoit fort c cer pour être initié.
Recherches philos, sur les Egyptiens tl sur les
Chinois, t. Il, sect. 7, p. lo2; Recherches
philos, sur les Grecs, m' part., sert. 8, t) 5 ;
il ajoute que quicouq ;e voulait j) ^yer les
my^tagogues et les hiérophantes } était ad-
mis sans autre épreuv ■ ; il cite Apulée,
Méttim., 1. M. Cette nouvelle circonst uiee
n'est I as propre à inspirer Deaucoipde re.^-
pect pour la cérémonie. — On dir i sans doute
que dans les derniers siècles les mystères du
paganisme avaient dégéni ré ; m .i> si, dans
leur origine, ils avaient été aussi innocents
et aussi utiles qu'on le {irétend, il scr.iit im-
possible qu'on les eût portés dans la suite
au point de corrupiionoù ils étaient lorsque
les Pères de l'Eglise les eut mis au gr&ud
959
MYS
MTS
960
jour. Plus vainement encore on prétendra
que ces Pères en ont exagéré l'indécence en
liaine du paganisme. Auraient-ils osé s'ex-
poser à être convaincus de faux par les ini-
tiés ? Plusieurs auteurs profanes en ont
parlé à peu près comme eux ; et aucun de
ceux qui ont écrit contre le christianisme
n'a osé 1 s contredire. C'est donc très-mal à
propos que nos philosophes incrédules nous
ont vanté les excellentes leçons que l'on
donnait aux hommes dans les mystères, et ont
forgé k ce sujet des fables pour en imposer
aux ignorants. Plusieurs critiques prote-
stants cités par Mosheim, Ilist. christ. ,
ssec. II, § 36, p. 319, et Hisl. ecctésiast.,
deuxième siècle, W part., ch. 4, § 5, ont eu
une imagination encore plus bizarre, en sup-
posant que les chrétiens du ii' siècle oot
imité les mystères da jjaganisme. Le profond
respect, disent-ils, que l'on avait pour ces
mystères, la sainteté extraordinaire qu'on
leur attribuait, furent pour les chrétiens un
motif de donner un air mystérieux h leur re-
ligion, pour qu'elle ne cédât point en dignité
à celle des païens. Pour cet effet, ils donnè-
rent le nom de tnystères aux institutions de
l'Evangile, particulièrement h l'Eucharistie.
Ils employèrent, dans cettecérémonie et dans
celle du baptême, plusieurs termes et plu-
sieurs rites usités dans les mystères des
païens. De là est encore venu le mot de sym-
bole. Cet abus commença dans l'Orient, sur-
tout en Egypte ; Clihnent d'Alexan Irie fut
un de ceux qui y contribuèrent le plus, et
les chrétiens de l'occident l'adoptèrent, lors-
qu'Adrien eut introduit les mystères dans
cette partie de l'empire; de là vint qu'une
très-grande partie du service de l'Eglise
fut très-peu différente de celui du paga-
nisme.
Il n'y a que le désespoir systématique qui
ait pu suggérer aux protestants cette calom-
nie. 1° C'est une impiété de supposer qu'au
n' siècle, immédiatement après la mort du
dernier des apôtres, lorsque le christianisme
n'était pas encore bien établi, Jésus-Christ,
contre la foi de ses promesses, a délaissé
son Eglise au point de la laisser tomber dans
les superstitions du paganisme, pour y per-
sévérer pendant (juinze siècles consécutifs.
Alors ce divin Sauveur conservait encore
dans son Eglise le don des miracles, et l'on
veut nous persuader qu'il n'a pas daigné
veiller sur la pureté du culte, non jilus que
sur l'intégrité de 1 1 foi. Il a donc fait des
miracles pour établir, chez des nations qui
étaientencoreoujuives[ou païennes, un chri-
stianisme déjà corrompu. Comment des écri-
vains , qui d'aill(uu-s paraissent judicieux,
ont-ils pu enfanter une idée aussi anli-chré-
tienne, et livrer ainsi la religion de Jésus-
Chiist à la dérision des incrédules?— 2° C'est
une absurdité de penser que les mêmes pas-
teurs de l'Eglise, qui tournaient en ridicule,
dans leurs écrits, les mystères des païens,
qui en dévoilaient le secret, qui en faisaient
sentir l'indécence et la turpitude, les ont ce-
pendant pris pour modèles, les ont imités en
plusieurs choses, et ont cru que cette initia»
tion donnerait plus de relief au christianis-
me. Nous verrons dans un moment comment
Clément d'Alexandrie en a parlé. 3° L'hypo-
thèse des protestants modernes est directe-
ment contraire à celle que soutenaient les
premiers prédicants de la réforme ; ceux-ci
prétendaient que les pratiques qui leur dé-
plaisaient dansle culte des catholi (ues étaient
de nouvelles inventions, des abus qui s'y
étaient glissés pendant les siècles d'igno-
rance : voici leurs successeurs qui en ont dé-
couvert l'origine au u' siècle. Qu'ils remon--
tent seulement à cinquante ans plus haut, ils
la trouveront chez les apôtres. D'un côté
les anglicans sont persuadés que le culte des
chrétiens a été pur au moins pendant les
quatre premiers siècles, et ils croient l'avoir
rétabli chez eux dans le même état : de l'au-
tre, les luthériens et les calvinistes veulent
que le culieait déjà été corrompu au ii' siè-
cle, mélangé de judaïsme et de paganisme.
Pour des hommes qui se croient tous fort
éclairés, ils s'accordent bien mal. — 4° Le
nom de mystères, que les Pères du ii° siècle
ont donné à l'eucharistie et aux autres sa-
crements, est fondé sur une raison beaucoup
plus simple, mais les protestants ne veulent
pas la voir; c'est que les Pères ont entendu
par là que ces cérémonies extérieures ont
un sens caché, et opèrent un elfet invisible
dans l'àme de ceux qui y participent. Ainsi,
le baptême ou l'action de verser de l'eau sur
un enfant efface dans son âme la tache du
péché originel, lui donne la grâce de l'adop-
tion divine, lui imprime un caractère ineffa-
çable. L'Eucharistie ou l'action de pronon-
cer des paroles sur du pain et du vin, et de
les distribuer aux assistants, opère le chan-
gement substantiel de ces aliments , et en
fait le corfis et le sang de Jésus-Christ, etc.
Il en est de même des autres sacrements,
et tel est le sens dans lequel saint Paul, par-
lant du mariage, a dit que c'est un grand
mystère en Jésus-Christ et dans l'Eglise
[Ephes. V, 32). — 5" Nous convenons que,
dans les premiers siècles, ces cérémonies
ont été tenues secrètes, qu'on les a dérobées
soigneusement aux yeux des païens, qu'elles
ont encore été mystérieuses à cet égard : on
ne les découvrait pas même aux catéchu-
mènes ; mais c'est par une raison toute dif-
férente de celle que les protestants ont rê-
vée. On ne voulait pas exposer ces cérémo-
nies saintes à la dérision et à la profanatioQ
des païens. Lorsque Dioctétien eut ordonné
de rechercher et de brûler les saintes Ecri-
tures et les livres des chrétiens, on les ca-
cha soigneusement. Si les païens avaient
trouvé dans les églises ou dans les lieux
d'assemblée des ctirétiens, quelques objets
de culte ou quelques indices de cérémo-
nies, ils en auraient fait le môme usage que
des livres. Puisque l'on était obligé de se
cacher pour pratiquer ce culte, il ne pouvait
manquer de paraître mystérieux. Une preuve
que telle est la raison de la conduite des pa-
steurs, c'est qu'ils ne refusèrent pas d'exposer
aux empereurs et aux magistrats le culte
des chrétiens, lorsque cela fut nécessaire
969
MY?
MYS
968
pour en di^raonlrer l'innocence et la sain-
tetc. Ainsi les diaconesses, que Pline fit tour-
menter i)Our savoir ce qui se passait dans
les assenililées chrétiennes, le lui dirent
avec sincérité, et saint Justin lit de môme
dans ses apologies du christianisme aiires-
sées aux empereurs. Une seconde preuve,
c'est qu'au iv siècle, lorsque les persécu-
tions lurent passées et le {laganisme à peu
près détruit, l'on mit par écrit les liturgies,
qui jusqu'alors n'avaient été conservées que
par une tradition secrète. Voyez Traité hist.
et dogm. sur les paroles ou les formes des sa-
crements, yiar le Père Merlin , jésuite, Paris,
llkô. — 6° Les jirotestants ont encore plus
mauvaise gr;ke d'ajouter que les chrétiens
du II" siècle étaient des juifs et des païens,
accoutumés dès l'enfance h des cérémonies
superstitieuses et inutiles ; qu'il leur était
difficile de se défaire des préjugés qu'ils
avaient contractés par l'éducation et par une
longue habitude ; qu'il aurait fallu un mi-
racle contiimel pour empêcher qu'il ne
s'inti'oduisît des pratiques superstitieuses
dans la religion chrétienne. S'il a fallu uu
miracle, nous soutenons qu'il a été ojiéré,
et ce n'était a irès tout ([u'uiic suite du mi-
racle de la conversion des juils et des païens.
Les apôtres avaient prémuni les fidèles con-
tre les rites judaïi|ucs au concile de Jérusa-
lem (Ad. XIV, -28) ; et saint Paul, contre les
supeistitions jiaiennes {Coloss. ii, 18), et
ailleurs. Les Pères du i" et du ii° siècle ont
écrit contre l'entêtement drs ébionitt s, tou-
jours attacliés aux lois juives, et contre l'im-
piété des gnostiques, qui voulaient intro-
duire les erreurs des païens. Contre ces
preuves positives, les vaines conjectui es des
Erotestants n'ont pas la moindre vraisem-
l.ince. — 7° Pour prouver qu'au ii" siècle les
chrétiens d'Egypte ont conmiisla faute dont
on Icsaccuse, il faut expli(iuer par (|uelle voie
la môme contagion a pénétré dans la Syrie,
dans l'Asie Muieure, dans la Grèce, dans
l'Illyrie, à Home et dans les autres contrées
oii les apôtres avaient fondé des Eglises
avant ce temps-là ; il faut di'signer le mis-
sionnaire égyptien qui est venu infecter d'un
vernis de paganisme les autres sociétés
chrétiennes, et le patiiarche d'Alexandrie
sous lequel est arrivée cette révolution. 11
faut dire comment elle s'est faite sans récla-
mation dai s une Eglise si sujette aux dis-
putes, aux dissensions, aux schismes en fait
de doctrine. Puis([ue l'on ne nous allègue
aucun fait positif ni aucune preuve, nous
sommes en droit de supposer que les fidèles,
instruits par saint Pierre, jiar saint Paul et
par d'autres apùties, ont été assez attachés à
leurs leçons pour ne pas adopter sans exa-
men une fantaisie bizarre des docteurs égyp-
tiens. — 8" Saint Clément d'Alexandrie, loin
d'y avoir aucune part, est celui de tous les
Pères qui a dévoilé le plus exactement les
indécences, les turpitudes, les absurdités
des mystères du paganisme. Dans sonExhor-
tation aux Gentils, il parcourt ces mystères
les uns après les autres ; il démontre que
dans tous l'infamie et la démence étaient
égales, que les symboles dont on y faisait
usage n'étaient que des puérilités ou des
obscénités. Telles étaient, dans les mystères
de Cérès, des corbeilles, du blé d'Inde, des
pelotons, des gâteaux, etc., et des paroles
qui n'avaient aucun sens. Le moyen de rendre
méprisables les ritis du christianisme au-
rait donc été d'y introduire quelque chose
de semblable aux mystères des païens.
C'est ce[iendant, disent nos adversaires,
ce qu'a fait Clément d'Alexandrie; dans le
même ouvrage, c. 12, il dit à un païen :
« Venez, je vous montrerai les mystères du
Verbe, et je vous les exjjoserai sous la fi-
gure des vôtres. C'est ici qu'il y a une mon-
tagne agréable à Dieu, couverte d'un om-
brage céleste. Les bacchantes sontdcs vierges
pures, qui y célèbrent les orgies du Verbe
divin, qui y chantent des hymnes au roi de
l'univers, qui y dansent avec les justes, et
y font leurs courses sacrées O les saints
mystères ! J'y vois Dieu et le ciel , je suis
saint par cette initiation, le Seigneur eu est
le hiéropliante : voilà mes mystères et mes
bacchanales. »
.Mais, pour argumenter sur cette allégorie,
il faudrait faire voir, 1° que d'autres auteurs
chrétiens s'en sont servis et l'ont répétée.
Encore unefuis, dans l'Ecriture sainte, mys-
tère signifie une chose , une parole ou une
action qui a un sens caché ; chez les écri-
vains ecclésiastiques , symbole a souvent le
même sens. Loisque Jésus-Christ toucha de
sa salive la langue d'un sourd ( t muet, qu'il
mit de la boue sur les yeux de l'aveugle-né,
qu'il souilla sur ses apôtres pour leur donner
le Saint-Esprit, qu'il le fit descendre sur
eux en forme de langues de feu, peut-on
nier que tout cela n'ait été symbolique et
mystérieux'? Nous soutenons qu'il en est de
même du baptême, de l'eucharistie et de nos
autres sacrements, puisqu ils désignent et
|iroduisent un etfet que l'on ne voit pas. 2° Il
faudrait montrer dans notre culte les mon-
tagnes, les ombrages, les courses, les danses
des bacchanales, ou quelques-uns de-^ sym-
boles usités dans les mystères de Cérès. 3° Il
faudrait prouver qu'il y avait, dans ces mys-
tères profanes, des rites semblables à ceux du
baptême ou de nos autres sacrements ; nous
en défions nos adversaires. Le signe de la
croix, symbole si commun et si respectable
chez les chrétiens, aurait fait horreur aux
païens.
C'est donc une obstination malicieuse de
la i)art des protestants, de nous reprocher
sans cesse que notre culte est un reste de
paganisme; c'en est plutôt un chez eux de
dire qu'avant le baptême les catéchumènes
étaient exercés, ou plutôt tourmentés par la
rigueur et la multitude des épreuves que l'on
exigeait d'eux, comme de ceux qui voulaient
être inités aux mystères : cela marque le peu
de cas qu'ils font du baptême. Où sont les
épreuves que l'on faisait subir à ceux qui se
faisaient initier pour de l'argent ? Si les pro-
testants atjtriliuaient véritablement au ba-
ptême et à l'eucharistie des effets spirituels,
ils seraient forcés, comme nous, de les ap-
963
MYS
MVS
peler des gyinholes,(\es myslèrfs ou drs sacre-
ments. Le slvli; iliiTéreiil qp.e la plupart ont
adopté nous donne lieu de douter de leur foi.
f MYSTICISME. Le mysiicisme est une des par-
ties les jdiis impartantes de la théologie. Nous en
avons doinié une notion suClisante dans notre Dic-
tionnaire de Théologie morale, t. II {Hitt ire de ta
Théologie). Nous nous coiitentous d"y renvoyer.
MYSTIQUE. Sens mystique de rEcrituro
sainte. Voy. Allégorie, Figurisjie, etc.
Mystiqi'e (théologie). Voy. Théologie.
* MYTHE. Nous laissons aux philologues à discou-
rir sur le sens élyniologi(|ue de teUe expression. La
signilication allrihui'c aujourd'hui à ce mot est un
discours (|ui allégorise un fait, une doctrine, ou qui
enveloppe le lait de circonsiances fabuleuses. Don-
nons un exiMiiple de chacune de ces espèces de mythe.
S'il y a quilque choic de certain au monde, c'est
IVxistence du m;d iroral. Pour le rendre sensible
aux ypiix du ppui)lc , Moïse aura raconté la lenlaliou
d'Eve, la cliute d'Adam, cic. Mais ces faits n'ont ja-
mais cxislé, ils ont élc inveiiiés pour communiquer
une doctrine. Ici, il n'y a rien de réel ; il y a, au
contraire, iie'< faits léels et positifs, que 1 historien a
environnes de circonstances fabuleuses, alin de les
rendre plus respeciables aux yeux de la multitude.
Moïse saisit le momeiit du leflnx pour côtoyer l'ex-
trémité de la mer Rouge. Le flux contraignant les
Egyptiens à prendre un long détour, ils abandonnent
la poursuite des Israélites. Le chef des Hébreux cé-
lèbre avec iiagnilicence la délivrance de son piuple,
et lefa.t naiiirel et ordinaire preiul les proportions
d'un prodige. Voilà deux sorlcs de mythes. On voit
donc que le luylhe est une vérdé doctrinale ou un
fait enveloppé de circonstances fabuleuses. Il est
évident qu'on ne peut déduire aucun fait, aucune
doctrine d'un ouvrage mythique qu'autant qu'on aura
un moyen cei tain de distinguer le vrai du faux. Mais
011 trouver ce moyen? Dans les règles ordinaires du
iangage? mais ces règle.> ne sont p is celles du mythe.
Dans l'intention de 1 auteur? mais comment la con-
naître s'il ne l'a pas expi iiuée lui-même ? En ap-
pellcra-t-on au bon sens? mais telle circonstance
qui parait à l'un dans l'ordre de-, convenances histo-
riques, paraît à l'autre une création imaginaire. Tel
fait est viai seUin celui-ci, c'est une allégorie selon
cidui-1 i. 1/un d'eux se trompe. Lequel? Il est impos-
sible de l'aflinner; car l'auteur ayant enveloppé sa
pensée sous des faits inventés, sous des cir<;oiistanccs
fabuleuses, et n'ayant donné aucune règle pour dis-
cerner ce qui est vrai de ses créations imaginaires,
il s ensuit qu'un livre mythique ne peut par lui-même
établir ni un fait ni une doctrine. Aussi les induc-
tions que nous tirons de la mythologie païenne ne
sont déduites d'aucun auteur mythique, mais de ce
qu'une même vérité se trouve dans la myth(dogie de
tous les peuples ; d'où nous concluons que telle doc-
trine ou tel tait doit avoii un fondement nel. 11 y a
M peine quelques proposiiioiio géiierales déduites ainsi
de la mythologie ou delà croyance générale des peu-
ples. 1! iaut donc conclure que la mythologie consi-
dérée en elle-même ne pe;it rien foiiuer.
Les exé(irtes allemands et surtout Slrauss ont pré-
tendu que nos Uvres saints sont purement mythiques,
t'est par là même détruire toute la religion chré-
tienne; cela est évident d'après la nature du mythe.
Nous avons combattu leurs systèmes aux mots Exé-
GtSE, UERJIÉNEUTlyUESACUÉlijPENTATEUgl'E, StRAUSS.
Pour ne pas rentrer dans une discussion épuisée,
Jous finissons cet article par deux citations, l'une de
Ohn, concern.ant l'Ancien Testament, et l'autre de
ii. Canvigny sur le mythisme en général et concer-
nant le Nouveau Testament.
« 1° La raison principale sur laquelle se fondent
les partisans de l'interprétation mythique de l'Ancien
904
Testament se trouve déjà dans les idées de Varron.
Il dit en effet que les âges du monde peuvent se di-
viser en temps obscurs, temps mythiques et temps
historiques. Chez tous les peuples, l'histoire e^t d'a-
bord obscure et incertaine, ensuite mythique ou alli
goiique, et eniin positivement historique. Et pour-
quoi, s'est-on demandé, si ce fait existe partout,
n'aurail-il pas existé chez les Hébreux? Les témoins
qui peuvent le mieux nous fixer sur la légitimité de
l'interprétation mythique de la Bible sont sans doute
les premiers chrétiens, qui eux-mêmes comiucncé-
rent par oiie païens, ei parmi h scfuels se trouvaient
des hommes savants et des philosophes Or, ils ne
purent ignorer le principe de Varron. Ils conuais-
saient la mythologie des Egyptien-, des Grecs, des
Romains, des Persans, mieux sans doute que nous
ne la connaissons aujourd'hui. Dès leur jeunesse,
les nouveaux convertis avaient pu se familiariser
avec ces produits de rimaginaiion religieuse; ils les
avaient longtemps honorés ; ils avaient pu étudier
et pu découvrir toutes les subtilités d'interpréiaiioii
à l'aide desquelles on avait cherché à soutenir le
crédit de ces monuments. Ensuite, lorsque les nou-
veaux convertis commencèrent à lire la Bible, n'es'-
il pas probable qu'ils auraient aussitôt reconnu et
démêle les mythes, s'il en avait existé? Cependant,
ils ne virent dans la Bible qu une histoire pure et
simple. Il f.iut donc, selon l'opinion compétente de
ces juges anticiues, (|u'il y ail une grande différence
entre le monde mythiipie des peuples païens et le
genre de la Bible. — 2" l'I a pu arriver, il est vrai,
que ces premiers chrétiens, peu versés dans la haute
critique, peu capubles aussi de l'aiipliquer, ei d'un
autre côté accoutumés aux mythes païens, fussent
peu frappés des mythes de la Bible. Mais n'est il pas
constant que, plus on est familiarisé avec une chose,
et plus vite on la reconnaît, même dans les circon-
stances dissemblables pour la forme ? Si donc les
histoires hébraïques sont des mythes, comment les
premiers chréiiens n'oiit-ilspu les découvrir, et, s'ils
ne l'ont pu, n'est-ce pas une preuve que ces m) thés
étaient tellement iiupûiceptibles ((ue ce n'a été
qu'après (iix-buit siècles qu'on a pu les signaler? —
3° Si l'on veut appliquer a la Bible le principe de
Varron, on n'y trouve pas ces temps obscurs et in-
certains i|ui durent précéder l'apparition des mythes :
les annales hébraïques ne les supposent jamais. Ainsi,
les annales des Ikbrcux dillèrent essentiellement de
celles de tous les autres peuples, sous le rapport do
l'oiigiue des choses. D'un autre côté, les plus an-
ciennes légendes des autres nations débmeni par le
polythéisme : non-seulement elles pailent d'all;ances
entre les dieux et les mortels, mais elles nous ra-
cimtent les dépravations et les adultères célestes;
elles décrivent des guerres entre les dieux; elles di-
vinisent le soleil, la lune, les étoiles, admettent une
foule de demi-dieux, des génies, des dén.ons, et
accordent l'apothéose a t(mt inventeur d'un art utile.
Si elles nous montrent une chronologie, elle est ou
presque nulle, ou bien gigantesque ; leur géographie
ne nous offre qu'un champ peuplé de chimères ; elles
nous présentent loiiics choses comme ayant subi les
plus étranges transfoi mations, et elles s abandonnent
ainsi sans frein et sans mesure à tous les élans de
l'iniagin.tion la plus estravagante : il en est tout
autrement dans les récits bibli pies. La Bible com-
mence, au contraire, par déclarer qu'il est un Dieu
créateur dont la puissance est irré-istible : H veut,
et à l'instant toutes choses sont. Nous ne trouvons,
dans le monument divin, ni l'idée de ce chaos chi-
méricpie des autres peuples, ni une matière rebelle,
ni un Ahriman, génie du mal. Ici le soleil, la lune,
les étoiles, loiq d'être des dieux, sont simplement à
l'usage de l'honime, lui prodiguent la clarté et lui
servent de mesure du temps. Toutes les grandes in-
ventions sont faites par des hommes qui rement tou-
jours hommes. La clironologie procède par séries
9^5
M\S
naturelles, el la géographie ne s'élance pas liiiiciile-
nienl au delà des iHuiies de la terre. On ne voit ni
Iransfornialion, ni niélamorpLose, rien enlin de ce
qui, dans les livres des plus anciens peuples prol'a-
iies, nous montre si clairement la trace de I ima-
gination el du niyilie. Or, celte cunnaissancc du
Créaleur, sans mélange de supersliiion, cliusc la
pins remanpiable dans des documenls aussi aniicpies,
ne peut venir (pie d'une révélation divine. En ellet,
celle assertion de tant de Turcs modernei : (pie la
connaissance du vrai Dieu llnil parsdriirdii milieu
nièn)e du polylheisme, est cnnlredile par tonte Ihis-
loire pi'ol'aue el sacrée. Les phiinsoplies eux-mêmes
avancèrent si peu la coiuiaissance uu bien luiiqne,
que, lors(pie les disciples de Jésus tdirist annoncè-
rent le vrai Dieu, ils soniuireiit contre eux le poly-
théisme. Mais, ipielle (pie soit l'origine de celte idée
de Uieu dans la li.lde, il i si ccila.n (pi'clle s y
trouve si suhliuie, si |uiro, (pie les id(es des philoso-
phes grecs les plus éclaires, qui adiiicltaieut une
nature générale, une àine du iiKuide, lui sont bien
inférieures. Il est vrai que celte connaissance de
Dieu n'esl pas pai l'aile, bien (|u'elle scit exacte;
mais celle cii constance uiéiue iironve (|u'clle lut ad-
inirablcnienl adapicc à I ctal de rhoniiiie dans un
temps aussi recule; cetie iuipeilecli^iii et le langage
ligure, mais si clair el si simple de la Uildy, deuioii-
Irent (|ue ni Moïse, ni personne deiuiis lui, n'a in-
venté ce livic pour lui allribner eiisnile une anli-
quité (lu'il u'aiiiait pas eue réelleineiil. Celle
connaissance si remariMiable de Dieu a du t lie con-
servée dans sa pureié depuis la plus haii e anti(iuilé,
ou plulôl clie/, queiipies lamilles depuis l'oi igine des
choses, el l'auleiir du premier livre, de la IJilde a eu
pour (!es,-cin, en l'ccrivaiit, d'ippuser (piclque ch.ise
de certain el de rondameuial aux liclions el aux
ciuiceplions des aulres peuples dans (ies iciiips uioins
anciens. Quelle n.ition, en eliél, a conserve un %enl
rayiMi de la grande vérité que pmclaïue le premier
livre de la Gen se '!
i Clic/. pres(|ue tous les peuples, la mythologie
s'est déviloppie dans la nuit ues temps, lorsipie
rimagiiiation ne redonlail pas les lail», el elle s'est
éteinte des que l'hisloiie a coiiimeiiw'. Les anciens
nioimmeuls des Hébreux, au contraire, sont moins
remplis de choses prodigieuses dans les temps aiiii-
ques (pie dans les teiiip^ modernes. Si l'ecriviiin qui
recueillit la Iradiiion (les l'aiis avait eu pour but de
nous donner un amas d ■ légendes doiileuses, de
fictions, de wijif.es, il les aurait placés suiionl dans
les temps auli(pies : il ne se sra-iol pas exposé à être
con. redit, en les pliK-aui à une époque plus moderne
où l'histoire positive aurait mille moyens de les
cnnibaiiic et d(! les détruire. Aiu>i l'aliseiice de pio-
diges dans les premiers rccits de sou hisloiie el le
peu de détails (pi (lie preseule n'ont pu venir que du
soin scrupuleux (pTil mit a njeler tout ce (pii lui
parut douteux, exagéré, exlravagaiit et indigne d'èlre
reliilé : il a peu rac(Ui'e, parce (jue ce ipii lui a paru
tout ;i l'ait veiilihle se bornait à ce qu'il raconte.
Kieii de plus iinpo.-'anl il signaler dans la liible (pie
le p..'u de prodiges lies-iiiiiiques, et I aboiidiiuce (Jes
pro .-ges plus modernes : c e>l le ((uili.die ipii arrive
chez, les autres peuples. Dans la lîilde, il existe luenie
des perio les oj l'on ne trouve aucun miracle, el
d'auircs où ilseclaieni à ch.apie piis. Or, ces p('ri(ides
plus particulièrement uiiraeuleue-, le sii de d'A-
iir.diam, de Moise, des rois iuol.un's, de J, sus, des
apoires, soni toijoiirs celles où il elail nécessaire
(lu'un le) s|)eilacle d'inlervcnhon divine ciinlirmàt la
propagalioïKle l'idée religiiMi-enouveile. i es miracles
de l'Eeri.ure ont donc conslaïuuieul un bui grand el
louable, l'auielioration du ^eiire humain, ei ne iléro-
genl nnlleuient à la maj(tsle de Dieu. Qu'on les com-
pare avec les mijties et les légendes des autres peu-
ples, et on ne confondra certainement pas des choses
aussi distinctes. Mais comment peut-op coi^cevoir
MYS Ô66
que ces documents de l'histoire primitive aient pu
se conserver sans alléraiion jusipTan temps où ils
furent rassembléà par Moise'? Ndnlils pu èiie grossis
des addilioiisde l'imagination puelique '! Cela n'est-
il pas arrivii |>our les liiiditions des ailles peuples '!
I.ari'ponse cmisisteàdire (|u'il est 1res vraiseuddable
(pie les traditions liibli pies, ipii ont fail exception
(piiint à leur supérioriieéviijente sur les autre,-, (int
aussi fait exceplion quant à leur mode de tran-inis-
sioii. Leur petite éteniUuï rendait précisi'iucnl leur
con-ervaliou plus l'acile el plus concevable : Ciles
lurent sans doute cciiles à une époque où les tradi-
lioiis lies aulres peuples n'avaienl pas encore eié
rédigées. Leur lurme écrit'-, leur langage simple,
leurs nolions précises et élénieiilaires, lout cela en
(lies esi si frappant que, si l'historien (pii les ras-
sembla eut essayé de les iiilei|Mder, il se fût iiidubi-
lableiiiei.t tiahi de deux manières; par ses idées
plus modernes et par son langage plus profond et
plus recherché. »
« Il est impossible à quiconque suit la marche des
idées, dit M. Cauviguy, de ne pas rcconnaitre dans
la marche du raiionalisme moderne, surtout eu
Allemagne, une tactique dianiétralenient opposée à
celle liu siècle dernier. Le vollairiauisine, alors,
eiiiprunlait ses arguments à Cel.>-c. .1 Porpliyre, à
leiiipereur Julii^ii; l'allure de l'iiupie; • était toute
païenne. Sou gr:\nd éleiiicnl de succès 'yitait, tout
en recounaissant raiilbeiiticilé des livns saiiils, de
yilipeiKlcr leurs anleurs, de les l'aire po.-er sous une
foriiie grotesque, et, alin d'alliier les rieurs de son
cotti, de leur prodiguer maintes plaisanteries bouf-
hnnes. La partie iieraculeuse de ces livres ne révé-
lait ,, ses yeu\ que l.i fraude des nus et l'aveugieuiei t
des aiilres; ce ii'clii,i,iii pi.itout qn'iuipnlalions d'ar-
tilico et do ddl, d'iiupiislure cl de cliailiitaiiisme.
Qui n'a pas eniendu parler de la su; ersilioii clnis~
t d'il' des donie fti ,tàiis q i colère t, par des loms de
pus e-pi:ii,i\ la cro:,nnce du gmr- /iH/iiai» .' Or, ce
cynisme ell'roiilé, ceile iiiipiélé brutale, qui marclient
tde levée, sans circonluciiiion, sans déguiseuieiit,
tout cela n'est plus de Ion ni de mode ; tout cela ne
peut plus avoir cours dans notre siècle. Il faut,
surlmii pour la nébuleuse Allemagne, des sysléuies
pliilosopliiques aux foruies plus polies el plus gra-
cieuses, plus en harmonie avec son caracièie, des
.^yslénies appuyés sur riinagination, sur la poésie,
sur lii spiiiliial.té. L'incrédulité du xviii' siècle n'est
pas faite pour elle et ne va pas iialnrellement a son
génie. Toulel'ois, si le raiiouali- 1.0 nioucrne n'a pas
suivi, iioiaiiimenl au delà du Rlil:!, dans la crili(iue
de nos livres saints, la mule qui lai iivait été tracée,
ce n'esl pas (pi il se soit rapproclié de nos croyances,
et, coninio certains esprits (Uit pu le croire dabord,
busqué la pliilosopliie i:e liant et de Goèihe rein-
pla(,a dans I.' moiuJe celle de \ ollaiie, qu'il ait relevé
le^ ruines amoncelées par l'impiété. Loin de là, sa
critique souvent est plus menrlrière et plus hardie.
Les (jxégeles d'outre-Kbin ne niaiiquenl pas de dire
à qi.i veut les entendre : < Je suis cliréiieii. » Mais,
de bonne lui, qui sera dupe de l'eiiibùche'? Qui se
l;;issera prendre à celle réconcilialion hypocrite,
plàirée'/ Coninieiil ne pas s'ajiercevoir de piime-
aliord que, si le ralioiialisuie acceple nos croyiinces,
c'est pour les encadrer dans ses mille erreurs, les
souinellre a iiu travail d'assimilaliou, les absorber
dans son sein, les ciuiverlir en sapiopie substance?
A voir l'aud.ire avec l.iqi.elle il envahit notre foi,
n'est-il pao évident qu il la regarde comme une por-
ti(m li!giiiiii(' (le son h rilage'i' Il est vrai, il ne s'a-
cliarne plus à la coinbaltre, "la nier; il fait pis . il
la Iraile coinire une province conquise, avec une af-
feelalion iiisullaute de debonnairelé el de clémence,
il la protège même, mais c'est alin de s'emparer de
nos dogmes pour les transformer en théorèmes. Or,
celle reconciliation hypocrite n'esl-elle pas celle de
Néron quand il disait : 1 J'embrasse mon rival, niaig
067
MYS
MYS
968
c'est pour rétouCfer. » Quoi que dise la philosophie,
quoi qu'elle fasse, sa tendance est donc toujours la
même. La vérité est qu'elle se borne à changer les
armes émoussées du siècle dernier, afin de porter la
lutte sur un autre terrain, et, si elle semble marcher
par des voies diffi'rpntes, c'est toujours pour aller
se réunir à lui sur les ruines de la nième croyance.
Grâce à D.eu, nous voyons très-bien où tendent les
belles paroles des éclectiques et des panlliéisles ; des
incrédules eux-mêmes nous en avertissent : — « Le
Christ, a dit M. Eil. Quinet, le Christ, sur le calvaire
de la théologie moderne, endure aujourd'hui une
passion pins cruelle que la passion du Golgotha. Ni
les Pharisiens, ni les Scribes de Jérusalem, ne lui
ont présenté une boisson plus amère que celle que
lui versent abondamment les docteurs de nos jours.
Chacun l'attire à soi par la violence ; chacun veut le
receler dans son système comme dans un sépulcre
blanchi (a)» — j La métaphysique de Hegel,
de plus en plus maîtresse du siècle, est celle ijui
s'est le plus vantée de cette conformité absolue de
doctrine avec la religion positive. A la criiire, elle
n'était rien que le catéchisme transfiguré, l'identilé
même de la science et de la révélation, ou plutôt la
Bible de l'absolu. Comme elle se donnait pour le der-
nier mot de la raison, il était naturel qu'elle regar-
dât le christianisme comme la dernière expression
de la foi. Après des explications si franches, si clai-
res, si saiisfaisantes, qu'a-i-on trouvé en allant au
fond de cette orthodoxie? Lue tradition sans évan-
gile, un dogme sans iumiorlalilé, un chris;ianisme
sans Christ. En effet, nos livres saints sont le fonde-
ment de nos croyames, la pierre placée à l'angle de
l'édifice pour en assurer la solidité ; si vous rcussis-
sei à r braider, l'édifice devra nécessairement s'é-
crouler. Or, n'est-ce pas vers ce but que tendent tous
les elforts de l'Allemagne rationaliste? Que sont de-
venues nos sainle-. Ecritures pour les exégètes? Une
suite d'allégories morales, de fragments on de rap-
sodies de l'éiernelle épopée, des symboles, des fic-
tions sans corps, une série incohérente de poèmes
libres et de mythes. Examinons la nature de cette
théorie et ses preuves.
« Remarquons d'abord qu'elle a pris naissance au
sein des édiles panlhéistiques, et que son point de
départ n'est rien moins que rationnel. Comment, en
eflél, prncèdeni les symbolistes? Un beau jour, ils se
sont avisés de transformer en fait une de ces mille
hvpoihèses qui naissent dans leur cerveau comme les
champignons après un orage, et, qui plus est, de
nous les donner sérieusement comme une loi de
l'esprit humain. A les entendre, le premier dévelop-
pement de l'intelligence dans sa simplicité, dans son
énergie native, est essentiellement mythique. Allez
au fond de toutes les religions, de toutes les histoi-
res les plus anciennes, les mythes vous apparaîtront
connue formant leur base, leur essence. Or, ces
mythes, ce ne sont pas des fables, des fictions sans
objet et sans corps, des inqjostures préméditées,
mais bien la reproduction d'un fait ou d'une pensée
que le génie, le langage symbolique, rimaginalion
de laiiti(|nilé,ont dû nècess;dremenl teindre de leurs
couleurs. Ils pénélrcreul dans le doiliaine de l'his-
toire et de la philosophie ; de là des mythes histori-
ques et philosophiiiues. Les premiers sont des récits
d'. vénements réels, propres à faire connaître la ten-
dance de l'opinion aniuiue, il rapprocher, à confon-
dre le divin avec l'humain, le naturel avec le surn.a-
turel ; les seconds sont la traduction toujours alté-
rée d'une pensée, d'une spéculation, d'une idée
contemporaines qui leur avaient servi de thème pri-
mitif. Au reste, quoi qu'il en soit de celle altération
des faits historiques, elle n'est pas le produit d'un
système préconçu, mais l'œuvre du temps; elle n'a
pas sa source dans des fictions préméditées, mais
(«) M. Eg. Quinet , art. sur Strauss, Revue des deux
'mndéi, 1" déc. 1836, p. 626.
elle s'est glissée furtivement dans la tradition ; et
quand le mythe s'est emparé de celle-ci pour la
fixer, pour lui donner un corps, il l'a reproiluitc
fidèlement. Quant à l'origine des mythes philosophi-
ques, rien de plus sinqde. Comme les idées et les
expressions abstraites faisaient défaut aux anciens
sages, conmie d'un autre coté ils tenaient à être
compris de la foule accessible uniquement aux idées
sensibles, ils s'imaginèrent d'avoir recours à une
représentation figurative qui rendit leurs expressions
plus claires, et servît comme d'enveloppe à leurs
conceptions. Tel est, aulant qu'on peut la préciser,
la théorie générale des mythes ; théorie qui, dit-on,
doit nous domier la clef desévénenienls que 1 histoire
a consignés dans ses annales. Les partisans de ce
système, pour expliquer la présence des mythes au
fond des religions et des histoires anciennes, ont
recours à un développement spontané de l'esprit hu-
main. Voulez-vous savoir coiiiment ils prétendent
donner à cette supposition la certitude d'uti théorème
de géométrie? Représentez-vous les premiers hom-
mes jetés sur la terre, on ne sait trop pourquoi, ni
comment, placés seuls en présence du monde ma-
tériel, sans aucune idée, sans aucune connaissance
inhérente à leur nature, mais en possession de facul-
tés plus ou moins vastes, qui devront nécessairement
se développer sous l'influence des causes exlérieu-
les. Combien de temps passèrent-ils ainsi sans arri-
ver à la conscience de leur personnalité? C est là un
des desideraia du système; ou, si la solution du pro-
blème est trouvée, on a jugé a propos de la garder
pour les initiés. Toujours est-il que, tout à coup,
par une illumination soudaine, l'intelligence humaine
s'éveilla, avec les puissances qui lui étaient propres,
à la vie intellectuelle et morale ! L'homme, qui jus^
qu'alors n'avait piété aucune atleni ion au spectacle
que l'univers déroulait a ses regards, commença à
se connaître et a se distinguer de ce qui n'était pas
lui ; le moi se. fit jour à travers le non-moi. Ce n'est
pas tout : en entrant ainsi en possession de la vie,
il saisit, sans aucun concours de sa volonté, sans
aucun mélange de réflexion, les grands éléments qui
la constituent, l'idée de l'infiui, du fini et de leurs
rapports; il atteignit immédiateiiieut, spontanément,
à toutes les grandes vérités, à toutes les vérités es-
sentielles {«). » La raison de son être, sa fin, ses
destinées, lui apparurent clairement dans cette
aperception primitive, et toutes ces perceptions se
manifestèrent dans un langage harmonieux et pur,
miroir vivant de son àme. Or, cette nciion sponluiiée
de lu ruisun dans sa plus grande énergie, c'est l'ins/ji-
rutiun, et le premier produit de l'iiispiralioii, de la
sponlanéilé, c'est la religion (fr). Elle débute par des
hymnes et des cantiques ; la poésie est son langage,
et le mythe, la forme nécessaire sous laquelle les
hommes privilégiés qui possèdent cette faculté a sa
plus haute (missance, transmettent à la foule les vé-
rités révélées par t'inspirution. Il nous semble (|ne
jamais sysléme ne reunil plus d'impossibilités, ne fut
jamais en opposition plus flagrante avec les faits, la
logiciue et la IraJition. Qu'est-ce, en effet, que la
prétendue spontanéité qui lui sert de base ? Un rêve,
une hypothèse gratuite, une proteslation mcnsoii-
gèie couire les enseignements de l'histoire, une folle
tentative pour substituer je ne sais quelle chimère à
l'acte divin, a l'operaliou surnaturelle, à la révélation
extérieure qui éclaira le berceau de l'humanité. Les
symbolistes ont beau faire, ils ne parviendront ja-
mais à étouffer la vérité sous l'amas de leurs hypo-
thèses ; nous arriverons toujours, en suivant le fil
des traditions antiques, à un âge où l'homme, au
sortir des mains du Créateur, eu reçoit immédiate-
ment toutes les lumières et toutes les vérités, à un
âge où Dieu, pour nous servir des expressions des
(a) Voyez M. Cousin, Cours d'histoire de la philosophie,
p. i3.
(6) M. Cousin, uoi sup.
969
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livres saints, abaissant les hauteurs des cieux, descen-
dant sur lu terre pour faire lui-même l'éilucation ile
sa créature. Mais, iiKlépendainment des Iradilions
qui-plaeeiit l'Edeii au iléljuide l'iiisloire, et (pii con-
servent le souvenir de rantiquc déeliéance, la raison
suffit pour démontrer Talisurdilé de celle théorie.
N'a-t-on pas, en effet, prouvé jus(|u'à satiété que, si
riioinmc avait été abandonné dans l'élat où on nous
le représente à son origine, jamais il n'en serait sor-
ti V N'esl-il pas évident, pour quicoiuiue sait com-
prendre le langage d'une saine métaphysique, que
l'esprit humain est dans rinipossibililé absolue d'in-
venier la pensée, de créer les idées et la parole,
d'enfanter la société, la religion; qu'il lui faut une
excitation extérieure poni- naître à la vie intellec-
tuelle comme à la vie pliysiipie. Dés lors, si Dieu a
créé riiouime avec les idées et la pandc, s'il a fécon-
dé sa pensée, s'il lui a révélé une religion, une fois
en possession de ces éléments intégrants de la vie
spiriluelle, n"a-t-il pas dii se développer nalurellc-
nienl? A quoi bon recourir alors à la spontancilé
de l'esprit humain ? t Les idées, les expressions, dit
M. Maret, voilà les vraies conditions de ses manilos-
tations. Comment la forme mytlii(iue pourrait-elle être
inqiliquée dans ces conditions nécessaires ? N'est-
elle pas une complication absolument imilili' ? Qu'on
prouve cette nécessité : nous ne sachions pas qu'on
l'ait fait encore (a).
« On est forcé de convenir que la création des
mythes est une opération très-compliquée; aussi ae-
corih;-t-on aux premiers humains des facidlés ex-
traordinaires, el qui n'ont pas d'analogue dans l'état
actnel de la civilisation. En efl'et, quelle puissance
ne faut-il pas supposer dans les inventeurs des my-
thes pour pouvoir mellre en harmonie, pour assor-
tir les idées et les synd)oles, et les faire adopter aux
autres! On rentre ainsi dans le surnaturel et le mi-
raculeux, auquel on veut échapper par la théorie des
mythes. Qu'on ne croie pas se tirer d'embarras en
disant que les mythes ne sont pas la création d'un
seul homme, mais d'un peuple, d'mie société, d'un
siècle. Cette réponse ne fait (pie reculer la difliculté
et rend tout à fait inexplicable l'unité qu'on remar-
que et (pi'on admire dans ces récits. Et la bonne foi
des in\enleurs,que vous en sendile? Conçoit-on qu'un
homme sain d'esprit puisse s'abuser au point de
prendre pour des réalités les rêves de son imagina-
tion'?... Telles sont cependant les bases sur lesciuel-
les s'appuie la théorie des mytlics. Quand, pour nier
l'ordre surnaturel et divin, on est réduit :i ces mi-
sérables assertions, on ne réussit qu'à jeter sur son
entreprise le discrédit et le ridicule et a affermir les
vérités que l'on voulait ébraider. Au reste, c'est
justice : il ne faut pas que l'homme puisse s'attaquer
impunément à l'uiuvre de Dieu. »
N
NAAMAN. Voy. Éliske.
NABL'CHODONOSOR. Voy. Daniel.
NAHUM est le septièmo des dou'e petits
prophètes ; il prédit la ruine de Ninivc, et il
la peint sous les images les plus vives ; il
renouvelle contre cette ville les menaces (jue
Jonas avait faites longtemps auparavant. Cette
j>fo|iliétie ne contient que trois chapitres, et
on ne sait pas certainement en quel temps
elle a été faite ; on conjecture que ce fut
sous le rèj^tie de Manassès.
NAISSANCE DE JÉSUS -CHRIST. Voy.
Marie.
NATHAN, propliète qui vivait sous le rè-
gne de David. Lorsque ce roi se fut rendu
coupable d'adultèie et d'homicide, Nathan
vint le trouver de la part de Dieu, et sous la
parabole d'un homme qui avait enlevé la
brebis d'un pauvre, il réduisit David à con-
fesser son péché et k se condamner lui-même
(11 lieij. xii). Les Pères de l'Eglise ont pro-
jiosé ce prophète comme un modèle de la
fermeté avec laquelle les ministres du Sei-
gneur doivent annoncer la vérilé aux rois,
et les avertir de leurs fautes, en conservant
cependant le respect el les égards dus à leur
digtiité. Quelques incrédules ont blAmé la
facilité avec laquelle il accoide le p;!rdo.i de
deux très-grands crimes, mais ils ont eu tort
de dire que David en fut quittai pour les
avouer : Nathan lui annonça les malheurs
qui allaient fondre sur lui et sur sa fami le,
en punition du scandale qu'd avait donné :
et ces menaces furent exécutées k la lettre.
Voy. David.
NATHINÉENS, nom dérivé de l'hébreu
nathan, donner. Les natkinéens étaient des
(h) Voyez M. de lionald, Recherches pliilosophiques. —
M. I abbé Marel, Essai sur le })imlltéhmc, cbap. G.
DiCT10>.N. ce ThÉOL. Di GMATiyUE. IIl.
liommes donnés ou voués au service du ta-
bernacle, et ensuite du temple chez les Juifs,
pour en remplir les emplois les plus pénibles
et les plus bas, comme de porter le bois et
l'eau nécessaires pour les sacrilices. Les Ga-
liaouites furent d'abord destinés î» ces fonc-
tions [Josue, IX, 27). Dans li suite, ou y as-
sujettit ceux des Chanaéens qui se rendirent,
et auxquels on conserva la vie. On lit dans
le livre d'Esdras, c. vin, que les nat'iinéens
étaient des esclaves voués par David et par
les princes pour le service du temple ; et il
est dit ailleurs qu'ils avaient été donnés par
Saloiuon. En eti'et, on voit (111 lieg. ix, 21)
qije ce prince avait assujetti les restes des
Chananéens, et les avait contraints h diffé-
rentes servitudes. Ilya toute apparencequil
en donna un nombre aux prêtres et aux lé-
vites, pour les servir dans le temple. Les
nathinéens furent emmenés en captivité par
les Assyriens avec la tribu de Juda, et il y
en avait un grand nombre vers les iiortes
Caspiennes. Esdrasen ramena quelques-uns
en Judée au retour de la captivité, et les
plaça dans les villes qui leur furent assignées;
il y en eut aussi ci Jérusalem qui occupèrent
leq'iartier d'Ophel. Le nombre de ceux qui
revinrent avec Esdras, et ensuite avec Néhé-
mie, ne se montait a guère jilusde six cents
Comme ils ne sullisaient pas pour h' service
du temple, on institua dans ia suite une
fête nommée Xylophoric, dans laquelle le
peuple portait en solennité du bois au temple,
pour l'entretien du '.eu sur l'a- tel des holo-
caustes. 11 est parlé de celte insti.ution [11
Ësdr. X, 34). Voyez Uelnnd, A)iti(iuit. sacrœ
veter. Hebrœor., iv pait., c. 9, § 7.
NATIONS. Voy. Gentils.
N.\T1V1TÉ, iialalis dics ou nataliliuiK,
31
971
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973
expressions qui sont principaiemenl d'usage
eu style de caleiidric-r ecclésiastique, pour
désigner la fête d'un saint. Ainsi Ton dit la
nativUé de la sauite Vierge, la nativité de
saint Jeau-Baptiste, et c'est alors le jour de
leur naissance. Quand ou dit simplement la
Nativité, on entend le jour de la naissance
de Notre-SeignHur, ou la fête de Noël.
Yoy. Noël. Mais dans les martyrologes et
les missels, natalis signifie beaucoup plus
souvent le jour du martyre ou de la mort
d'un saint, parce qu'en mourant, les saints
ent commenci' une vie immortelle et sont
entrés en possession du bonheur éternel
(Binghara, tom. IX, pag. 133). Par analogie,
celte expressi m a été transportée à d'autres
ft'tes : ainsi l'on a nommé natale cpiscopa-
tus, le jour anniversaire d ■ la consécration
d'un évêque, idem, t. II, pag. 188; natalis
calicis, le jeudi-saini, fôte de l'institution
de l'eucharistie; iiatatis cathedrœ, la fête de
la chaire de saint Pierre ; natalitium ecclesiœ,
la fête de la dédicace d'une égUse.
Nativité de la sainte Vierge, l'été que
l'Eglise romaine célèbre tous les ans, pour
honorer la naissance de la Vierge Marie,
mère de Dieu, lo 8 se;itembre. Il y a plus
de mille ans que cette fête est instituée ; U
est parlé dans l'ordre romain des homélies
el de la litanie que l'on y devait lire, suivant
ce qui avait été réglé parle pape Serge, l'an
688. Dans le Sacramentaire de saint Gré-
goire, publié par dom Ménard, on trouve des
collectes, une procession et une préface
jiropres poui- ce jour-là, de même que dans
l'ancien Sacramentaire romain, publié p.u' le
cardinal Tnomasi, et qui, au jugement des
savants, est le même dont saint Léon et
quelques-uns de ses jirédécesseurs se sont
servis. Les Grecs, les cophles et les autres
chrétiens de l'Orient célèbrent cette fêle
aussi bien que l'Eglise romaine; son insti-
tution a donc précédé leur schisme, qui
subsiste depuis plus de douze cents ans. Le
Père Thomassin et quelques autres, qui ont
cru qu'elle était plus rocente, disent que ce
qui s'en trouve da.iS les anciens monuments
que nous venons de citer peut être une ad-
dition faite dans les siècles postérieurs ; mais,
outre qu'il n'y a point do preuve positive do»
cette addition, la ])ratique des chrétiens
orientaux témoigne le contraire; ils n'ont
pas emprunté une fête de l'Eglise romaine,
dcjiuis qu'ils en sont séparés. Voyez Vies
des Pères et des martyrs, t. VllI, p. 389. On
dit que les chrétiens orientaux n'ont com-
uifucéà la célébrer que dans le xu° siècle :
où sont les preuves ue celte date ? Les cri-
tiques trop hardis exigent qu'on leur pi ouve
to .tes les époques ; eux-mêmes se croient
dispensés de [t.ouver.
NATUUE, NATUREL. 11 n'est peut-être
aucun terme dont l'abus soit plus fréquent
parmi les pliiloso|ihes, et même parmi les
llioologiens; il tst cependant nécessaire
d'en avoir une idée juste, pour entendre les
dillérentes signilicitions du mot surnaturel.
Les alliées, qui n'admettent point d'autre
substance dans l'univers que la matière,
entendent par la nature la matière même
avec toutes ses propriétés connues ou incon-
nues ; c'est la matière aveugle et privée de
connaissance qui o])ère tout, sans l'inter-
vention d'aucun autre agent. Lorsqu'ils
nous parlent des lois de la nature, ils se
jouent du terme de loi, puisqu'ils entendent
par là une nécessité immuable, de laquelle
ils ne peuvent donner aucune raison. La
matière ne peut donner des lois ni eu rece-
voir, sinon d'une intelligence qui l'a créée
et qui la gouverne. Dans l'hypothèse de
l'athéisme, rien ne peut être contraire aux
prétendues lois delà nature; rien n'est po-
sitivement ni bien ni mal, puisque rien ne
p.'ut être autrement qu'il est. L'homme lui-
même n'est qu'un composé de mUière,
comme une brute; les sentiments, les incli-
nations, la voix de la nature, sont les senti-
ments et les pi^'iichants de chaque individu;
ceux d'un scélérat srmt aussi conformes à
sa nature que ceux d'un homme vertueux
sont analogues à la sienne.
Dans la croyance d'un Dieu, la nature est
le monde tel que Dieu l'a créé, et les lois de
la nature sont la volonté de ce souverain
maître ; c'est lui qui a donné le mouvement
à tous les corps, et qui a établi les lois de
leur mouvement, desquelles ils ne peuvent
s'écarter. Pour qu'il arrive quelque chose
contre S's lois, il faut que ce soit lui-même
qui l'opère, et alors cet événement est sur-
naturel ou miraculeux, c'est-à-dire con-
traire à la marche ordinaire que Dieu fait
suivre à tel ou tel corps. Voy. Miracle. Se-
lon ce même système, le seul vrai et le seul
iiitedigible, la nature de l'homme est
l'homme lel que Dieu l'a fait : or, il l'a
c imposé d'uuri âme et d'un corps; il
l'a créé intelligent et Hbre. Entre les di-
vers mouvements de son corps, les uns
dépendent de sa volonté, tel que l'usage de
ses mains et de ses pieds, les autres n'en
dépendent point, comme la battement du
cœur, la circulation du sang, etc. Ces mou-
vements suivent ou les lois générales que
Dieu a établies pour tous les corps, ou des
bus particulières qu'il a faites pour les
corps vivants et organisés. Lorsque la ma-
chine vient à se détraquer, ce qui arrive
n'est plus naturel, selon lexpression ordi-
naire des pliysiciens, c'est-à-dire n'est plus
conforme à la marche ordinaire des corps
vivants ; mais ce n'est pas un événement
surnaturel, puisque, selon le cours de la
nature, il [leut arriver des accidents à tous
les corps organisés, qui dérangent leurs
fonctions. Dieu a donne à l'homme un cer-
tain degré de force ou d'empire sur son
propre corps et sur les autres. Ce degré est
plus ou moins grand dans les divers indi-
vidus; mais il ne passe jamais une certaine
mesure : s'il arrivait à un homme d'aller
beaucoup au delà, celte force serait regardée
comme surnatuielle et miraruleus ■. Ouant à
l'âme de l'homme. Dieu lui a prescrit des
lois d'une autre espèce, que l'on appelle lois
morales et lois naturelles, parce qu'elles sont
conformes à la nature d'un esprit intelligent
973
NAT
NAT
97!
et libre, destiné à mériter un bonheur éter-
nel par la vertu, mais qui peut encourir un
malheur éternel piir le crime. I)t^ même il a
donné à cette ;lme un certain degré de lorce,
soit pour penser, pour rclléohir, pour ac-
quérir de nouvelles connaissances ; soit pour
modérer les appétits du coi'iis, pour répri-
mer les inclinations vicieuses que nous
nommons les passions, pour pratiquer des
actes de vertu. Cette double force est plus
ou moins grande, selon la constitution di;s
divers individus : la pr.iinèrese nomme /u-
mire nat ai elle,\àSM-ondf: forer naturelle. Dieu
peut ajouter à l'une et à l'autre le secours
de la i^rAce, qui éclaire l'esprit et excite la
volonté de l'homme; alors c(!tle lumière et
cete l'orce sont sarnaluretlen : mais el es ne
sont pas miraculeuses, p-irce (ju'il est du
cours ordinaire de la Providitnce d'accorder
ce secours plus ou moins à l'homme qui en
a besoin, dont la lumière et les iorcc's ont
été allaililies par le péché. (jOn^éipiemment
l'on app' lie actions surnalurclles, ou lertus
■'iu//i((<u/'e//M,lcsactionslo laiil siiueriioanue
l'ait par le secours do la gr;\ce. Le n'est pas
ici le lieu d'examnier s , |iai- les seiiles for-
ces naturelles, l'hounne peut l'aire des actions
moralement bonnes, qui ne sont ni des pé-
chés, ni aiénloircs de la récompense éter-
nelle. Voij. Cihack, § 1.
Comme les lumières naturelles de l'homme
sont Irès-burnées, Dieu a daij^né l'instruire
dès le coumiencement du monde, et lui a
fait Ciinnaîlre par une rév>'latioa surnatu-
relle Ic'^ lois morales et les devoirs qu'il lui
imposait ; il lui a donné une religion. Ce fait
sera prouvé au mot Révélation. Ainsi les
déistes abusent des termes, lorsqu'ils disent
que la loi naturelle est celle que l'homme
peut connaître par les seules lumières de sa
raison ; que la religion naturelle est le culte
que la raison laissée à ell-'-mème peut dé-
couvi'ir qu'il faut rendre à Dieu. l,e degré
de raison et de lumière naturelle n'est pas
le même dans tous les hommes, il est pres-
que nul dans un sauvage (To//. Langage] ;
comment donc estimer ce que la rais(in hu-
uiauie, prise en général et dans un sens ab-
s.rait, peut ou ne peut pas faire? D'ailleurs,
la raison n'est jamais laissée à elle-même :
ou les hommes ont été instruits par une tra-
dition venuo de la révélation primitive, ou
leur raison a été j)ervertie dès le berc au
|)ar une mauvaise éduca ion. Voy. Religion
NATUKKLLE. Daus un autre sens, on a nommé
naturel CG qui' Dieu devait donner à l'homme
en le créant, et surnaturel ce qu'il ne devait
[las, ce qu'il lui a donné, non par justice,
mats pir bonté pure. Conséquemmeut on a
demandé si les dons que Dieu a daigné tlé-
partir au preiûier homme étaient naturels
ou surnaturels, dus par justice ou purement
gratuits, t^etto question sera résolue dans
l'article suivant. Dans l'état actuel des cho-
ses, il y a uiiG inégalité [irodigieuse entre
les divers individus de la nature humaine.
Lorsque Dieu doiin' à un homme, en le
mettant au monde, des organes mieux con-
formés , un esgrit )^lus pénétrant et plus
juste, des passions [ilus calmes, une plus
belle âme qu'à un autre, ces dons sont cer-
tainement très-gratuits ; cependant nous di-
sons encore ([ue ce sont des dons naturels.
Si Dieu |jrocure encore à cet heureux mor-
tel une excellente éducation, de bons exem-
ples, tous h's moyens possibles de contrac-
ter l'hab'tude de la vertu, ces nouvelles fa-
veurs sont-elles encore naturelles on surna-
turelles, dues par justice ou purement gi'a-
tuites ? 11 n'est pas fort aisé de tracer la li-
gn ■ ipii sépare les dons de la nature d'avec
ceux de la gnlce.
11 esi facile de concevoir (pie le secours
de la grâce est surnaturel dans un double
sens : 1° pai'ce qu'il nous donne des lumières
et une tbrce (|ue nous n'aurio: s pas sans
lui ; '2" parce que Dieu ne nous le doit pas,
et que nous ne pouvons le mériter en ri-
gueur de justice, par nos désirs, par nos
prières, par nos bonnes œuvres naturelles.
Mais il n'est pas mo'us certain que Di'ii
nous la promis, et que Jésus-Christ l'a mé-
riti' |iour nous. Hors de l.'i, nous ne iKms
entendons plus lorsque nous disputons sur
ce i^ni esl naturel ou surnaturel. Sa nt Paul
dit (7 Cor. ii, 14) : « La nature ne nous dit-
elle pas que si un homme porte des cheveux
longs, c'est une ignominie pour lui ? » Par
la nature, saint Paul entend l'usage ordi-
naire. Rom., c. Il, v. 14-, il dit : « Lorsque
les gentils, qui n'ont point do loi (écrite),
font naturellement ce que la loi commande,
ils sont à eux-mêmes leur [iropre loi, et ils
lisent les préceptes de la loi au fond de leur
cœur. » Par le mot naturellement, l'Apùtre
ne jirélend point que les gentils pouvaient
observer les piéceptes de la loi naturelle par
les seules forces de leur hbre arbitre, mais
par ces forces aidées de la grâce, comme Fa
très-bien observé saint Augustin contre les
pélagiens. Ici la nature exclut seulement la
révélation. .Mais quand il dit {Lphes. xi, 3)
Eramus natura filii irœ, il entend la nais-
sance; de même que {Gai. n, 15), nos natura
Judœi, signifie nous Juifs de 7iaissance. Dans
le discours orlinaire, la nature et la per-
sonne sont la même chose; on ne distingue
point entre une nature humaine et une per-
sonne liumiine ; mais la révélation du
mystère de la sainte Trinité et de celui
de l'incarnation a forcé les théologiens à
distinguer la nature d'avec la personne. En
Dieu la nature est une, les persiniiies sOnt
trois ; en Jésus-Christ Dieu et homme, il
n'y a point de [lèrsonne humaine; la nature
humaine est unie subst uitiellement à la
personne divine. Chez les anciens auteurs
latins, natura signiûe quelquefois l'existence :
ainsi, dans Cicéron , natura Jeorum est
l'existence des uieux.
Nature divine. Voy. Dieu.
Nature humaine. Voy. Homme.
Nature (état de), ou de |iure nature. Pour
savoir ce que c'est, il faut se souvenir que
le premier homme avait été créé dans l'état
d'innocence, non-seulement exempt de pé
ché, mais orné de la grâce sanctili.inte et
destiné à un bonheur éternel ; il n'était su
975
NAT
NAT
976
jet ni aux mouvesûents de la concupiscence,
ni à la douleur, ni à la mort. On demande
si Dieu n'aurait ]ias j)u le créer autre-
ment, sujet au\ mouvements de la con-
cupiscence, à la douleur et à la mort, quoi-
que exempt de péché, et de>tiné à un bon-
heur éternel plus ou miiins par^'ait. C'est ce
que l'on appelle état de pure nature, par op-
position à l'état d'innocence et de grâce.
Quelques théologiens se sont trouvés obli-
gés par engai^ement de système à soutenir
que cela n'était pas possible ; ils ont dit
que la grâce sanctifiante ou la justice origi-
nelle, et les autres dons desquels elle était
accompagnée, n'élaient point des grâces jiro-
prement dites ou des faveurs surnaturelles
que Dieu eût accordées à l'homme, mais
que c'était la condition naturelle de l'hom-
me innocent ou exempt de péché ; qu'ainsi
■ Dieu n'aurait pas pu le créer autrement.
C'est la doctrine qu'a soutenue Baïus, dans
son traité de Prima honiinis justitia, lih. i,
chap. 4 et suiv. ; et malgré la condamna-
tion qu'elle a essuyée, elle a trouvé des
partisans. Nous ne savons pas si ces théo-
lugiens se sont bien entendus eux-mêmes ;
mais leiu- système est certainement faux ,
contraire au souvciain domaine de Dieu et
k sa bonté, sujet à plusieurs conséquences
erionées. — 1" 11 y a bien de la témérité à
vouloir prescrire à Dieu le degré précis de
perfection et de bien-être qu'il était obligé
par justice d'accorder k une créature k la-
quelle il ne devait pas seulement l'exis-
tence. C'est adopter l'opinion des mani-
chéens , qui soutenaient ([ue l'homme tel
qu'il est ne peut pas être l'ouvrage d'un
Dieu juste et bon ; qu'il a sûrement été créé
par un Dieu méchant. C'est encore de ce prin-
cipe que partent les athées pour blasphé-
mer contre la Providence et nier l'existence
de Dieu. — 2° Pour réfuter les manichéens,
saint Augustin a i)Osé le principe contraire,
savoir, que Dieu étant tout-puissant, il a pu
augmenter k l'infini les dons, les perfections,
les degrés de bonheur qu'il accordait aux
anges et à l'homme en les créant ; il aurait
pu en donner davantage k notre premier
père, il |)ouvait aussi lui en accorder moms,
puisqu'il ne lui devait rien, et qu'd est sou-
verainement libre et indépendant. Dans une
gradation inlinie d'états plus ou moins heu-
reux et parfaits, tous possibles, aucun n'est
un bien ni un mal absolu, mais seu!em nt
par comparaison ; il n'en est par conséquent
aucun qui soit ab>olunu'nt dign ■ ou indigne
d'une bonté infinie, et a >. quel Dieu ait été obligé
par justice de s'arrêter. De là saint Augus-
tin a très-bien conclu que, quand lignoiance
et la difficulté de faire le nien, avec lesquel-
les nous naissons, seraient l'état naturel de
l'homme, il n'y aurait pas lieu d'accuser,
mais plutôt de louer Dieu. L. ni, de lib.
Arb., c. 5, n. 12 et 13 ; de Gencsi ad litt.,
1. XI, c. 7, n. 9; Epist. 18G ad Paulin., c.
7, n. 22 ; de Dono persev., c. 11, n. 26;
L. I. Retract., cap. 'J, n. 6 ; Op. imper, [con-
tra JuL, 1. V, num. 58 et 60. 11 faut dire la
même chose des souffrances et de la mort
auxquelles nous sommes assujettis. 3° Ceux
qui ont prétendu que saint Augustin n'a
ainsi [larlé que par complaisance pour les
manichéens , se sont trompés, ou ils ont
voulu en imposer, puisque le saint docteur
a répété la même chose mm-seulement dans
ses écrits contre les manichéens, mais en-
core dans quatre ou cinq de ses ouvrages
contre les pélagiens, et même dans le der-
nier de tous. Bien plus, sans le principe Tu-
mineux qu'il a posé, il lui aurait été impcjs-
sible de réfuter les ])éla^iens , qui soute-
naient que la permission du péché ori.inel
et sa punition étnient deux suppositions
contraires k la justice de Dieu, et nous se-
rions encore hors d'état de satisfaire aux
objections des athées. Près d'un siècle avant
saint Augustin, saint Athanaso avait ensei-
gné que, « par la transgression du comman-
dement de Dieu, nos premiers parents fu-
rent réduits k la condition de leur propre
nature; de manière que, comme ils av;iient
été tirés du néant , ils furent condamnés
avec justice k éprouver dans la suite la cor-
ru|)tion de leur être.... ; car enfin l'homme
est mortel de sa nature, puisqu'il a été fait
de rien. » De Incarn. Yerbi Dei, n. 4 ; Op.,
t. 1, p. 50. — 4° S'il était viai que Dieu,
sans déroger k sa justice et sa bonté, n'a
pas pu créer le premier homme dans un état
moins heureux et moins parfait, il serait
aussi vrai que Dieu, sans cesser d'être juste
et bon, n'a pas pu permettre que l'homme
déchût de son état par le péché, et qu'il en-
traînât par sa dégradation celle du genre hu-
main tout entier. Car enfin Dieu pouvait lui
accorder l'impeccabdité aussi aisément que
l'innocence, puisqu'il l'accorde aux saints
dans le ciel; alors l'état de l'homme aurait
éié infiniment meilleur et plus parfait qu'il
n'était, par conséquent plus analogue k la
bonté infinie de Dieu. Puisque Dieu n'était
pas obligé de lui accorder ce don, pourquoi
était-il obligé de lui départir tous ceux dont
il l'avait enrichi? Jamais l'on ne pourra le
montrer. — 5" Eve, sans doute, a été créée
dans la môme innocenci' qu'Adam ; peut-on
prouver qu'k l'égard de tous les dons du
corps et de l'âme , elle était égale k son
éjioux ? S'il y avait entre eux de l'inégalité,
il n'est donc pas viai que tous ces dons, et
le degré dans lequel l'hoinine les possédait,
étaient l'apanage nécessaire et inséparable
de l'innocence originelle. Suivant Li narra-
tion de l'Ecriture sainte, Eve fut tentée,
parce qu'elle vit que le fruit défendu était
beau k la vue et devait être agréable au
goût (Gen. III, 6j. Cette faiblesse ressemble
beaucou|) k un degré de concupiscence.
Mais (ju'on la nomme comme on voudra,
c'était certainement une imperfection, et si
notre première mère avait eu plus de force
d'âme, cela eût été très-avantageux pour
elle et pour nous. — 6° Par ces diverses
observations l'on démêle aisément l'équivo-
que d'un principe posé par saint Augustin,
et du(juel on a trop abusé : savoir, que,
sous un Dieu juste, personne ne peut être
malheureux s'il ne l'a pas mérité. 11 ne oeut
977
NAZ
NAZ
618
^tre (ibsolumenl mulhcureux , sans doute ;
luais réini dans lequel nous unissons est-il
absolument malheureux? Il ne l'est que i)ar
comparaison à un état plus heureux ; et
par la nièuie raison, c'est un état heureux
en i'ouq),iraison d'un autre qui le serait
moins. Prendre les termes de bonheur et de
malheur, qui sont purement relatifs, pour
des termes ajjsolus, e'éiait le sophisme des
manichéens : c'est encore celui des athées
et de tous ceux qui raisonnent sur l'origine
du mal. On y tombe encore, quand on dit
que Dieu se devait à lui-môme de rendre
heureuse une créature faite h son image.
Jusqu'à quel point deva.t-il la rendre heu-
reuse? Voilà la queslion , et jamais nous
n'aurons un princq)e i''videut jiôur la résou-
dre. Mais il y en a un duquel il ne faut ja-
mais s'écarter, c'est celui qu'a posé saint
Aiigustin, et qui est dicté par la droite i ai-
son : savoir, ([ue comme il n'est point en
ce monde de ])i>nheurni de malheur absolu,
mais seulement par comparaison. Dieu a
pu, sans déroger ii aucune de ses perlec-
tions, créer l'homme innocent dans un état
jilus heureux et plus parfait que celui d'Adam;
que, j)ar la même raison, il a [m aussi le
creiu' dans un état moins heureux et moins
parfait : il est donc absolument faux que les
dons (lu'il avait accordés à notre premier |)ère,
soit à l'égard ilu corps, soit à l'égard de l'ûmc,
aient été un apanage nécessaire et insépa-
lauie de son innocence et de sa création.
Niez-vous, nous tlira-t-on peut-être, que
les défauts et les soulfrances actuelles de
1 homme ne prouvent le péché originel et la
dégiadation de la nature humaine? Les païens
mêmes l'ont senti, et saint Au.;ustin l'a re-
marqué. Nous répondons qu'ils en ont fait
une simple conjecture, mais qu'ils étaient
inca[iables de la |uouver, et que nous ne le
sav<ins nous-mêmes que par la révélation.
Si saint Augustin avait regardé leur raison-
nement comme une dénionslration, il aurait
renversé le |)rincipe qu'il avait posé contre
les manichéens, et qui est de la plus grande
évidence ; mais il ne l'a pas fait, puisqu'il
l'a répété constamment jusque dans son
dernier ouvrage.
Dès qu'il est prouvé par la révélation que
nous naissons souillés du ]iéché et con-
damnés à l'expier par les soulfrances, peu
importe à noire félicité temporelle de savoir
jusqu'à quel point nous aurions été heu-
reux, si Adam avait persévéré dans l'inno-
cence; mais il importe inliniment ^ notre sa-
lut de reconnaître ce que Dieu a fait pour
répaier la nature humaine, alin d'être re-
connaissants envers la miséricorde divine
et enve.s la charité de notre Rédempteur.
Notre consolation est de savoir que par sa
mort il a détruit l'empire du démon, qu'il
nous a léc ticiliés avec Dieu, et qu'il nous
a ouvert de nouveau la jiorle du ciel. Voy.
UÉnEMPTION.
NAZAKÉAI', NAZAUÉEN. Ces doux mots
sont dérivés de l'iubreu nuzar, distinguer,
séparer, im|!Oser des abstinences ; les naza-
réens étaient des hommes qui s'abstenaient
par vœu de plusieurs choses pern)ises : le
nazaréat était le temps de leur abstinence :
c'était une espèce de purilication ou de con-
sécration ; il en est parlé dans le livre des
Nombres, c. vi. On y voit que le nazaréat
consistait en trois choses principales : 1° à
s'abstenir de vin et de toute boisson capa-
ble d'enivrer; 2° à ne point se raser la tète
et à laisser ci'aître les cheveux ; 3° à évi-
ter de toucher les moi'ts et de s'en approcher.
11 y avait chez les Juifs deux espèces de
nazaréat ; l'un perpétuel et qui durait toute
la vie, l'autre passager qui ne durait que
pendant un certain tiiups. il avait éié pré-
dit de Saïuson {Judic. viii, 5 et 7), qu'il se-
rait nazaréen de Dieu depuis sou enfance ;
Anne, mère de Samuel, promit (i Reg. i, 11),
de le consacrer au Seigneur pour toute sa
vie, et de ne point lui faire raser la tête.
L'ange qui annonça à Zacharie la naissance de
.saint Jean-Baptiste, lui dit que cet enfant ne
ferait usage d'aucune boisson capable d'eni-
vrer, et qu'il serait rempli du Saint-Esprit
dès le sein de sa mère (Luc. i, 13j. Ce sont
là autant d'exemples de nazaréat perpétuel.
Les rabbins pensent que le nazaréat passa-
ger ne durait que trente jours; mais ils
l'ont ainsi décidé sur des idées cabalistiques
qui ne prouvent rien; il est plus probable
que cette durée dépendait de la volonté de
celui qui s'y était engagé par un vœu, et
que ce vœu pouvait être plus ou moins
long. Le chapitre vi du livre des Nombres
prescrit ce que le nazaréen devait faire à la
lin de sou vœu ; il devait se présenter au
prêtre, olfrir à Dieu des victimes pour trois
sacrilices, du pain, des gâteaux et du vin
pour les libations ; ensuite on lui rasait la
tête, et on biiilait ses clieveux au feu de
l'autel ; dès ce moment, son vœu était censé
accompli, il était dispensé des abstinences
auxquelles il s'était obligé. Ceux qui fai-
saient le vœu du nazaréat hors île la Pales-
tine, et qui ne pouvaient se présenter au
temple à la fin de leur vœu, se faisaient ra-
ser la tête où ils se trouvaient, et remet-
taient à un autre temps l'accomplissement
des autres cérémonies ; ainsi en usa saint
Paul à Cenchrée, à la hn de son vœu (Act.
XVI, 18). Les rabbins ont imaginé qu'une
personne pouvait avoir part au mérite du
nazaréat, en contribuant aux frais des sacri-
fices du nazaréen , lorsqu'elle ne pouvait
faire davantjige ; cette opinion n'est fondée
sur aucune preuve.
Spencer, dans son Traité des lois cérémo-
nielles des Hébreux, n" part., dissert. c. 6
observe t[ue la coutume de nourrir la che
velure des jeunes gens à l'honneur de quel
que divinité, et de la lui consacrer ensuite,
ét.iit commune aux Egyptiens, aux Syriens,
aux Crées, etc.; et il suppose très-mal à
propos que Moïse ne lit que purifier cette
cérémonie, en l'imitant et la destinant à ho-
norer le vrai Dieu Jl dit qu'il n'est pas [iro-
bable cpic ces nations l'aient empruii
Juifs ; mais il est encore moins
que Moïse l'ait empruntée d'eux,
fort incertain si cet usage était déjà
97» kK^
de seii teiups par les idolâtres. Si Spencer
et d'autres y avaient mieux réfléchi, ils au-
raient vu qu'il n'y a point ici d'emprunt,
que la coutume des païens n'avait rien de
commun avec le nazareat des Hébreux. Les
jeunes Tirées nourrissaient leur chevelure
jusqu'à l'âge de puberté : alors les cheveux
les auraient embarrassés dans la lutte, ilans
l'action de nagiT et dans d'autres exercices;
ils les consacraient donc à Hercule, qui pré-
sidiit à la lutte, ou aux nymphes des e-.ux,
protocti ices des nageurs ; ils les suspen-
daient dans les tem|)les et les conservaient
dans des boites ; ils ne les brûlaient pas.
Leur motif était donc tout dilTérent de celui
des Juifs. Sous un climat aussi chaud quf la
Palestiie, la chevelure était incommode;
c'était une mortifica'ion de la garder, aussi
bien que de s'abstenir du vin, etc.
Nous lisons d:ms saint Matthieu, c. ii, v. 23,
que Jésus enfant demeur.iit à Nazareth, et
qu'il accomplissait ainsi ce qui est dit p.ir
les prophètes. Il sera nommé Nazaréen. Ce
nom, disent les rabbins et les incrédules
leurs copistes, ne se trouve dans aucun pi'O-
phète en parlant du Messie ; saint Matthieu
a donc cité taux dans cet endroit. Ils se
trompent. Soit que l'on rapfiorte ce nom h
nr<Afr, rejeton, ou à j?aïsar, conserver, garder,
ou à nazir, homme constitué en dignité, etc.
cela est égal. Isaïe, c. xi, v. 1, parlant du
Messie, le nomme un rejeton, netser , qui
sortira de Jessé. C. xlh, v. 6, Dieu dit au
Messie : Je vous ai gorrfp pour donner une al-
liance àmon peupleet la lumière aux nations.
L'hébreu emploie le prétérit ou le futur nat-
zar. C. LU, V. 13, il dit que le Messie sera
élevé, cxa té, constitué en dignité. La ver-
sion syriaque a rapporté ce nom à netser,
rejeton : elle lait ainsi allusiriU au premier
de ces passa^ies d'Is.Vie ; le nom de la ville de
Nazareth y est écrit de même ; cette allu-
sion était donc très-sensible dans le texte
hébreu de saint M;itthieu, et il est inceitain
si la version syriaque n'a pas été faite sur
le texte même, ph.tôt que sur le grec. Ainsi
saint Jérôme, dans son Prologue sur la Ge-
nèse, n'a pas hésité de rappoiterle Nazarœus
de saint Mattliieu au texte d'isaïe, c. xi, v. 1.
NAZARÉI'.NS, hérétiques qui ont paru
dans le ii' siècle de l'Eglise. Voici l'origine
de cette secte. On sait ]iar les Actes des apô-
tres, c. XV, que parmi les docteurs juifs qui
avaient embrassé le christianisme, quelqui s-
uns seperïuaiièrcnt que, pour obtenir le sa-
lut, ce n'était pas assez de croire en Jésus-
Chi ist et de pratiquer sa doctrine, qu'il fallait
encore observer la loi de Mose ; conséquem-
ment ils voulaient que les gentils même con-
vertis fussent assujeliis à reci voir la circon-
cision et à î:arder la loi cérémonielle. Les
apôtres assemblés h Jérusalem décidèrent le
contraire ; ils ecrivin^nt aux tidèles cnnvcitis
de la gentilit '■ qu'il leur suffisait de s'abstenir
du sang, des chairs sulï'ociuées et de la forni-
cation ; quelques auteurs ont cru que sous
ce nom les apôtres entemlaient tout acte
,, d idolâtrie. Mais ils ne décidèrent point que
les Juifs de naissance devenus chrétiens
mi
980
di valent cesser d'observer la loi de ^■o!se;
nous voyons au contraire (Aet. xxi, 20 et
suiv.) que les apôtres et saint Paul lui-mGme
continuèrent à garder h'S cérémonies juives,
non comme nécessaires au s.dut, mais comme
utiles à la police de l'Eglise juive. Ces céré-
monies ne cessèrent qu'à la destruction de
Jérusalem et du temple, l'an 70. 11 paraît que-,
même après cette destruction, les Juifs chré-
tiens, qui s'étaient retirés à Pella et dans les
environs, ne quittèrent point leur ancienne
manière de vivre et qu'on ne leur eu fit pas
un crime.
Vers l'an 137, l'empereur Adrien, irrité
par une nouvelle révolte des Jui!s, acheva
de les exterminer, et prononça contre eux
une proscription générale; al Vs les chrétiens
juifs d'origine sentirent la nécessité de s'abs-
tenir de toute marque de judaïsme. Quel-
ques-uns, plus entêtés que les autres, s'obs-
tinèrent à garder leurs cérémonies, et tirent
band à yiart; on leur donna le nom de na-
zaréens, soit que ce nom eût été déjà donné
aux juifs chrétiens en général, comme nous
le voyons {Act. xxiv, 5), soit que ce fût pour
lors un terme nouveau , destiné à désigner
les schismatiques, et qui venait de l'hébreu,
nasar, séparer. Bientôt ils se divisèrent en
deux sectes, dont l'une garda le nom de na-
zaréens, les autres furent nommés ébioniits.
Quelques auteurs ont cru ce| endant que la
secte des ébionites est | lus ancienne que
cette date, qu'elle fut formée d'abord par
des juifs réfractaires à la décision du concile
de Jérusalem, (|u'elleeut pour chef unnom-
mé Ebion, vers l'an 75. Voy. Ebionites. Quoi
qu'il en soit, les nazaréens en étaient distin-
guésp r leurs oiiiuions. iisjoignaient, comme
les éliionites, la foi de Jésus-Christ avec l'o-
béissance aux lo s de Moïse, le baptême avec
la circoncision ; mais ils n'ol)li..:e dent point
les gentils qui embrass;dent le christianisme
à observer les rites du judaïsme, au lieu que
leséb onites voulaient les y assujettir. Ceux-ci
soutenaient que Jésus-Chr si (tait seulement
un homme né de Josejih et de Aia ie : les
nazaréens le reconnaissaient ])Our le Fils de
Dieu, né d'une Vierge, et ils rejeiaient toutes
les additions que les pharisiens et les doc-
teurs de la loi avaient faites aux institutions
de Moïse, il est eepen(iant incertaui s'ils a I-
mettaient la divinité de Jésus-Christ dans
un sens rigoureux, puisque l'on dit qu'ils
croyaient que Jésus-CInist était uni en quel-
que sorte h la nature divine. Voyez LeQuien,
dans ses Notes et ses Dissert, siir saint Jean
Damascène, dissert. 7. Ils ne se servaient pas
du même Evangile que les ébionites. Nous
ne voyons pas pourquoi Mosheim, qui fait
cette observation dans son Histoire ecclésias-
tique, blâme saint Epiphane d'avoir mis les
nazaréens au rang des hérétiques. S'ils n'ad-
metlaiont qu'une union morale entre la na-
ture humaine de Jésus-Christ et la nature
divine ; si, malgié la décision du concile de
Jérusalem , vis regardaient enc reles céré-
monies judaïques comme nécessaires ou
comme utiles au salut, ils n'étaient cer-
tainement pa.s orthodoxes.
981 NAZ
Saint Epiphane dit que, comme les naza-
réens avaient l'usage (le rii(''hreu, ils lisaient
dans cette laniçue les livres de l'Ancien Tes-
tament. Ils avaient aussi l'Fvanf^ile liélireu
de saint Matlliieu, tel qu'il lavait ('■crit ; les
nazaréens de B.'rée le (oinniuniiiuèrent à
saint Jf'Tôme, qui prit la peine de le copier
et de le traduire. Ce saint docteur ne les ac-
cuse |ioint de l'avoir al ôrv ni d'y avoir mis
aucune erreur. Il en a seulement cité (|uel-
qiies passaj^es qui ne se trouvent dans au-
cun (le nos Evansiles, mais qui ne sont pas
fort irarortants. Nous ne savons (lassurquoi
fondé Cassaulion a dit oue cet Evangile
était rempli de fables, qu'il avait été .dtéré
et corrompu par les «rrsowHs et |)arles ébio-
niies. Ces derniers ont i u corrompre celui
dont ils se S' rv.deni , sans (pie l'on puisse
attiibuer la mi'mi? témérité aux nnzari'ens.
Si .'aint Jen'mie y avait trouvé des fahl'S,
des erreurs, des altéraiions considérables,
il n'ourait pas pris la peine le le traduire. Il
est vrai que > et livan^ile était appelé indif-
férenimeiil l'Kvani^ile des naznre'ens, et l'E-
vangile seliii les Hélireux; mais il n'est pas
srtr que ce soit le m(!m(^ que l'Evangilii des
douze apAtres. Vojez Foliricii codex apo-
cryph. i\ov. Testament., n. 35. Le traducteur
(le Aioslieim assure mal h [)ro|)os que saint
Paul a cité cet Evangile. Cet apôtre dit (Gai.
I, (>) : « Je m'étoni c de ce que vous quittez
sitôt celui qui vous a appelés îi la grAce de
Jésus-Clu'ist pour embrasser un autre Evan-
gile. Malais il estclaii (jue par £'f«/ir/i/f, saint
Paul entend la doctrin ■, et non un livre : il
en est de même, v. 7 et 11.
Ce (]u'il y a île certain, c'est qu'aucun au-
teur ancien n'a reproché aux nazaréens d'a-
voir contieiit dans leur Evangile aucun des
laits ra|ipo tés par saint Matthieu et [lar les
autres (-van^élistes ; voilci l'essentiel. Puis-
que c'i'taient des Juifs convertis et j)lacés
sur les lieux, ils ont été à |iortée de vérifier
les faits avant d'y ajouter foi ; ils ne les ont
pas crus légèrement, puisqu'ils poussaient
à l'excès le^.r attachement au judaïsme. A
l'occasion de cette secte , ïolai.d et d'autres
incrédules ont furgé une hypothèse absurde.
Us ont dit (^ue les nazaréens étaient dans le
fond les vrais disciples de Jésus-Christ et des
apôtres, puisque l'intention de ce divin Maî-
tre et de ses envoyés était de conserver la
loi de iMoïse ; mais que saint Paul, pour jus-
tilier sa déserlicn du judaïsme, avait formé
le dessein de l'abolir, et en était venu ^ bout
malgré les autres apùlres ; que le christia-
nisme actuel était louvrage de saint Paul ,
et non la vraie religion de Jésus-Christ. To-
land a voulu prouver cette imagination ridi-
cule par un ouvrage intitulé Nazarenus. Il
a été réfuté par pKisieurs auteurs anulais ,
mais surtout jiar Mosheim , sous ce titre :
Vindiciœ antiquai Chrislianor. disriplinœ adv.
J. Tolandi Nazarenum.m-H'' ITumburgi, 1722.
U y fait voir que Toland n'a [)as api)0rté une
seule I reuve ()"sitive de toutes ses imagina-
lions ; il soutient que la secte hérétique des
Xazaréens n'a pas paru avant le iv' siècle.
D'autres incrédules prétendent au contraire
NEC.
982
que le parti de saint Paul a en le dessous,
que les judaïsants ont pr('valu , que ce sont
eux qui ont introduit dans l'Eglise chrétienne
l'esprit judaïque , la hiéiarchie, les dons du
Saint-Esprit, les ex|)lications allégoririues do
l'Ecriture sainte, etc. Cette contradiction en
tre les idées de nos adversaires sullit di'jà
pour les réfuter tous. A l'article Loi céhé-
moMiîi.LE, nous avons prouvé que l'intention
de Jésiis-Ciirist ni de ses ajiôtres ne fut ja-
mais d'en conserver l'observalidii; ils n'au-
raient pu le faire sans contredire les prédic-
tions des prophètes , et sans méconnaître la
nature même de celte loi. U n'est pas moins
faux que saint Paul ait été d'un avis ditl'é
rent de celui de ses collègues sur l'inutilité
des ce émonies légales par rapport au salut;
le contraire est prouvé |)ar la décision una-
nime du concile de Jérusalem, par les lettres
de saint Pierre et de saint Jean, par celles
de saint Barnabe , de saint Clément ei (lo
saint Ignace, par la conduite iju'ils ont sui-
vie dans les églises qu ils ont fmc^l es , etc.
Cette imagination des ralibins, (]ui était di''jà
venue dans l'esprit des manichéens, de Por-
phyre et de Julien , ne valait pas la peine
d'être renouvelée de nos jours. Voy. Sai\t
Paul, § 2. D'autre part, comment a-t-on pu
conseiver dans l'Eglise chréiienne l'esprit
(iu judaïjme, pendant (pie les nazaréens et les
ébionites ont été condamnés comme huéli-
qucs, àcause de leur obstination h judaïsir?
On voit , par cet exemple et par beaucoup
d'autres, que les ennemis du christianisme,
anciens ou modernes, ne sont pas heureux
en conjectures.
* NÉCESSARIENS. Priesdey a voulu introduire
une ilocirine proteiulue nouvelle, (|ui n'est que I ex-
pression d'un grossier niatérialisnie. L hoauiie est
tout matière. 11 a sans doute la lacullé de penser et
de vouloir; mais sa volonté étant l'œuvre de la ma-
tière est nécessitée comme elle. De nimie (|ue la gra-
vité netessile la cliule d'une pierre jetée eu l'air, de
nièuie le molif, ((ui n'est que la matière mise en mou-
vement, nécessite la volonté, à moins qu'il ne ren-
conlre un obslacle. Ce système n'a pas besoin di;
discussion particulière, il est détruit par notre arlicle
Nécessité (doctrine de la).
NAZIANZE. Voy. Saint Grégoire.
NÉCESSITANT, terme dogmatique dont
on se sert en parlant des causes de nos ac-
tions ; ainsi l'on dit motif nécessitant^ grdce
nécessitante , pour exprimer une grâce ou un
motif auxquels nous ne jiouvons [las résis-
ter, et qui entraînent nécessairement le con-
sentement de la volonté. A la réserve des
protestants et des jansénistes , il lïeA jier-
sonne qui soutienne que la gr;ke est néces-
sitante , et que la volonté humaine ne peut
résister à son impulsion ; tLais il est plu-
sieurs théologiens qui, en rejetant le terme,
semblent cependant aiimettre la chose , par
la manière dont ils expliquent l'efdcacité de
la grâce. A l'article Cuace, § 4, nous avons
prijuvé par l'Ecriture sainte que souvent ;
l'homme résiste à lagrrce, et nous n'en som-
mes que trop convaincus par notre propre
expérience. Nous sentons que quand nous
98S
NEC
NEC
9S4
faisons le mal avec remords, et en nous con-
damnant nous-mêmes, nous résistons à un
mouvement intt'-rieur qui nous en détourne;
ce mouvement vient certainement de Dieu ,
et c'est une grAce à laquelle nous résistons.
L'Eglise a justement condamné cette (iropo-
sition de l'évoque d'Ypres : On ne résiste ja-
mais à la grâce intérieure dans l'état de na-
ture tombée. Voy. l'arlicle suivant.
NÉCESSITÉ. C'est aux métaphysiciens de
distinguer les divers sens de ce terme; mais
il importe aux théologiens de remarquer l'a-
lius que les matérialistes en ont fait pour
fonder une morale dans leur système. Us di-
sent que le devoir ou l'obligation de faire
telle action et d'en éviter telle autre, con-
siste dans la nécessité d'agir ainsi ou d'être
blâmé par notre propre conscience ei par
nos semblables , de recevoir tel ou tel pré-
judice de notre conduite. Voij. Liberté, in-
dépendamment des autres absurdités de ce
système, que nous avons remarquées au mol
Devoir, il est évident qu'il détruit la notion
de la vertu. Ce terme signifie la force de rdme.
Est-il besoin de force pour céder à la néces-
sité? C'est pour y résister qu'il faut une
Ame forte. Un scélérat consommé étoutfe ses
remords , méprise le jugement de ses sem-
blables, brave les dangers dans lesquels le
jette un crime : ce n'est point là la force de
l'âme qui constitue la vertu ; c'est plutôt la
faiblesse d'une âme dépravée , qui cède à la
violence d'une passion déréglée et à l'habi-
tude de commettre le crime. La vraie force
ou la vertu consiste à vaincre notre sensi-
bilité i-hysique, nos besoins, notre intérêt
momentané, nos passions, lorsqu'il y a une
loi qui nous l'ordonne. Les matérialistes ne
font donc qu'un sophisme , lorsqu'ils disent
qu'un homme qui se détruit afin de ne jilus
souffrir, ne pèche point, parce qu'il cède à
la nécessité physique de fuir la douleur. .^lais
s'il y a une loi qui lui impose l'obligation de
souffrir plutôt que de se détruire, que prouve
la prétendue nécessité physique de fuir la
douleur ? Il faut donc commencer par dé-
montrer qu'alors la nécessité est invincible,
et que l'homme n'est plus libre.
Par le sentiment intérieur, nous distin-
guons très-bien ce que nous faisons libre-
ment, et par choix, d'avec ceque nous faisons
par nécessité: nous ne confondons point,
par exemple, le désir indélibéré de manger
causé par une faim canine, avec le désir ré-
fléchi de manger dans un moment où il nous
est possible de nous en abstenir. Nous sen-
tons qu'il y a nécessité dans le premier cas
et liberté dans le second ; le choix a eu lieu
dans celui-ci, et non dans le premier. Sous
l'empire de la nécessité nous sommes moins
artifs que pasifs ; il nous est impossible alors
d'avoir du remords et de nous croire coupa-
bles })Our y avoir succombé. Lorsque l'évê-
que d'Ypres a soutenu que, dans l'état de
nature tombée, pour mériter ou démériter il
n'est pas besoin d'être exempt de nécessité,
mais seulement de coaction ou de violence, il
avait entrepris d'étouffer en nous le senti-
ment intérieur, plus fort que tous les argu-
ments. Par une autre équivoque, on a con-
fondu la nécessité qui ne vient pas de nous,
aven celle que nous nous imposons à nous-
mêmes, et l'on a étayé cette confusion sur
un principe posé par saint Augustin, qu'il y
a nécessité d'agir selon ce qui nous ]ilaît le
jilus : quod magis nos delectat, secimdum id
operemur necesse est . S'il est question là d'un
plaisir délibéré et réfléchi, 1q principe est
vrai ; mais alors la nécessité de céder à ce
plaisir vient de nous et de notre choix ; c'est
l'exercice même de notre liberté, comment
pourrait-il y nuire ? S'il s'agit d'un plaisir
indélibéré, le principe est faux. Lorsque nous
résistons à une passion violente par réflexion
et par vertu, nous ne faisons certainement
pas ce qui nous plaît le plus, puisque nous
nous faisons violence : il est absurde d" nom-
mer plaisir la résistance au plaisir : la dis-
tinction entre le plaisir spirituel et le plaisir
charnel n'est dans le fond qu'une puérilité.
Voy. DÉLECTATION. Voilà cependant sur quoi
l'on a fondé le pompeux système de la délecr
tation victorieuse , dans laquelle l'évêque
d'Ypres et ses adhérents font consister l'ef-
ficacité de la grâce, et qu'ils soutiennent être
le sentiment de saint Augustin. Mais dans le
célèbre passage du vingt-sixième Traité sur
saint Jean, n. k, où saint Augustin dit : Tra-
hit sua quemque voluptas ; il ajoute : non né-
cessitas, sed voluptas ;'non obïigatio, sed de-
lectatio.BoucW ne suppose point que la dé-
lectation victorieuse impose une nécessité,
donc le système des jansénistes est formelle-
ment contraire à celui de saint Augustin. Ceux
qui l'ont suivi se sont-ils flattés de changer
le langage humain et les notions du sens
commun, afin d'autoriser tous lessophismes
des fatalistes ?
Les théologiens distinguent encore deux
autres espèces de 7iécessités, savoir la néces-
sité de moyen, et la nécessité de précepte. Le
baptême, disent-ils, est nécessaire de néces
site de moyen, ou de nécessité absolve, parce
que c'est le seul moyen que Jésus-Christ a
institué pour obtenir le salut ; tellement que
quiconque n'est pas baptisé , soit par sa
lauteou autrement, ne peut être sauvé. L'eu-
charistie est seulement nécessaire de néces-
sité de précepte ; si un homme refusait volon-
tairement de la recevoir, il mérite: ail la dam-
nation ; mais s'il en était privé sans qu'il y
eût de sa faute, il ne serait pas coupable.
Voy. Bai'téme, § 6.
*Nécessiti'; (doclrine de l:i) ou Fatalisme. On
nomme ainsi la doclrine qui nie la liberté, siirloiit
celle de l'homme ; qui enseigne que tout arrive né-
cessairement. Toute mo.istruense qu'est cette doc-
trine, elle a eu et elle a encore beaucoup de partisans.
Le docte Pctau range p.irmi les fatalistes Déinocrite,
Epicure, les stoïciens, les platoniciens, les mani-
chéens, etc. (Peiav.,Dogni. théolog., 1. m rie O/k'^c,
decr. 101). Ajimtez-y Spinosa, Hobbes, llnme, Fré-
déric, Voltaire, etc., et les paiiihéisies de nos jours.
Dans l'arlicle Libeuti; !>i-. Dna.nons a\ons résolu les
diflicultés spéciales à cette liberté. Ici nous avons
donc à exposer et à réfuter les argument.s qu'on op-
pose à la liberté en général et paruculiérement à la
liberté humain». Ces":ugunients sont métaphysiques,
9S5
NEC
NEC
986
psycliologiques, physiologiques, Ihéologiques cl his-
toriques.
I Argiimenls mélûphysiques. — Toute ciuise, dit
Hume, esl néeessaire, pilisi|n>lle est liée iK'cessaire-
menl ii son ell'el (fessai. 8). S'GiavesaïKle ilév(;loppe
ainsi cet aigunn-nt : A la cause propreiiuMit liilc ikius
rapportons Uint ce cpii est nécessaire pour iiroilniie
I eiri't; c'est pou:(piol aussi elle le pi-oilnil. iiécessaiie-
nient. En eUel, si elle ne le produisait pas, il y man-
querait qnel(iue chose punr (|uc l'enct iiit [noilnil : or
nons appelons cause l'assi-mblage de toutes les choses
nécessaires punr prodnirc l'eftet. Il est clair (pi'il ne
saui ait y avoir d'etVct sans le concours des choses në-
■ cessaires pour leproduiie; rien au monde n'étant
capaMe de démontrer plus clairement que rellet
menu-, que tontes ces choses se trouvent rénnies e\\-
send)le. Ainsi tont etl'et a une cause dont il dt^pend
nécessaiiement; mais cette nécessité est dilléreiile
suivant la dillérence du snjet. Cette démonstration,
qui est claire, prouve (pi'il ne saurait y avoii- de cause
indiiïérente, c'est-à-dire qui puisse produire (ui ne
pas produire reH'cl, car produire ou ne pas produire
sont des choses totaleuionl dillërenlcs, et il laiil (|u'il
y ail une cause qui lasse (pTuiie de ces choses ait
lieu plutôt que l'autre (Iiilrod. à lu p/ii/os., u" 88-;W).
II y a une liaison nécessaire cuire relVel et sa caus(',
en ce sens que tout ell'et présuppose niMCisaireuienl
une cause; nous en convenons tous. Mais la cause
esl-elle liée nécessairement à son eliet, <le manière à
lie pouvoir subsister sans lui? bislinguous : si vous
appelez, cause la force en lant «[u'agissant ou produi-
sant actuellement, la cause ne peut exister (pie l'ac-
tion ou reflet n'ait lieu. Ici nous siunmes encore
d'accord. Mais la force n'est-elle capaLde de produire
qu'autant (pi'elle produit actuellement, et ne pro-
duit-elle qu'autant qu'elle y esl nécessitée'.' Vodà l.i
question; et c^dte qucsi ion n'est point résolue par ce
principe mélapliysique : tout ce (pii arrive présiq)poso
nécessaireuieiit une cause. Ce princi|)e élahlit (|u'un
effet ne peut avoir lieu sans une force suflisaute pour
le produire ; mais il se tait sur la question de savoir
si la force agit nécessairement ou lihremeul. Nous
ne pouvons nous faire une iiléc nette de la force el
surtout de la manière d'agir (pi'eu nous interrogeant
nous-mêmes. Toutes les forces du dehors se coiu;oi-
vent naturellement à l'instar de la force qui esl en
nous ou plutôt (pii esl nous: c'est pourquoi l'homme
dans la passion, les sauvages, les enfants, atlrilinenl
1 activité intelligente à tous les êtres de la nalure.
Or, counnent agit notre force'? Le sens intime nous
avertit et même nous oblige du moins praliqucuient
de croire (|ue nous agissons librement, pouvant ne pas
agir, et «pie lorsque nous sommes neccssilés, nous
subissons l'action au lieu de la produire, nous som-
mes mus au lieu <le nous mouvoir. .Mais, ajoute-t-
on, si la force agit d'une certaine manière, il y a une
cause qui fait <|u'elle agit ai»si el non autrement,
puisipuî rieu n'arrive sans raison suflisaute. 11 y a
louJDUis une cause qui fait q\i'on agit ainsi el non
a\dreuu'nl : j ■ veux bien le supposer, ii condition
qu'on entende par cause non-seulement le principe
ellieienl, mais eiu'ore les motifs rationnels et mo-
raux de l'action. Une cause agit d'une certaine façon,
soit parce qu'elle y eal déterminée invinciblement
par >a nature, soit parce qu'elle y est conlraiiile par
une force extérieure, soit parce qu'elle le veut. Pour-
(pioi veut-elle agir ainsi'? C'est parce qu'elle est plus
inclinée à le vouloir, ou parce ([u'ellc juge iiieilleurde
vouloir : oar gé'neraleiiienl nous agissons selon l'in-
clination ou selon la raison prévalante. .Mais dans
l'iiii et dans l'aiilre cas nous sentons ipie nous agis-
siuis librement, sans nécessité. Quand donc la volonté
ne lueiidrait jamais un parti quelconque sans avoir
un motif rationnel prépondéiaul, on nue inclination
plus grande pour ce parti que pour l'opposé, il ne
s'ensuivrait pas qu'elle agisse nécessairement. Au
reste, iln'esl point démontre que la force intelligente,
obligée d'opter en divers partis egau\ pour elle*
n'ayant aucun motif de préférer l'un à l'autre, prenne
cependant l'un el laisse l'autre. Ainsi nu lionune af-
famé, à qui l'on présenterait deux mets qu'il aimerait
également, qui fussent pour lui également agréables
el également faciles à prendre, se laisserait-il mourir
de faim, ne toucherait-il à aucun des deux mets,
p.irce (|u'il n'aurait aucune raison de pn-férer l'un à
l'autre/ Doue il n'est pas déuioutré (pi'iin;' cause ne
puisse agir sans avoir une raison pourquoi elle agit
ainsi plutôt qu'autrement; el cela fut-il dcnionlré, il
ne s'ensuivrait pas que la cause agisse nécessaire-
ment.
H. Arguments psychologiques. — I.'homme ne peut
s'empécber tle vouloir ce ipi'il juge meilleur, el il ne
peut s'empêcher de juger meilleur ce qui lui parait
tel : donc il n'a la liberté; ni de jugement ni de vo-
lonté. Nous nions, jusqu'à preuve du contraire, ipie
riKunme ne veiiilli; ipie ce qu'il juge meilleur de vou-
loir. Une multitude d'bouimes respectables assurent
avoir aidé à la passion, alors même qu'ils jugeaient
meilleur de n'y aider pas; et il serait diflicile de
prouver que tous se sont trompés ou sont des impos-
teurs. Je vois le meilleur, dit la fameuse Médée (ap.
Scnecam), je l'approuve, et je suis le pire; et certes
il est peu cl'liouiiiies, si même il en esl un seul, qui
n'ait fait sur lui-uiêiiie celle fatale expérience. Mais
supposons que toute résolution ait été précédée de ce
jugement : Ceci esl le meilleur ; il ne deviendrait pas
nécessaire pour cela, car dans le temps même que
nous nous déterminons pour le meilleur, nous seii-
lons (pie c'est librement. D'ailleurs le jugement dé-
pend de la volonté dans beaucoup de cas : car, n'ayant
presque jamais uneiivideuce complète et irrésistible,
nous pouvons suspendre rassentimenlde notre esprit,
délonruer notre attention des raisons (jui foui p.i-
raitre un parti meilleur el consiibuvr les raisons ipii
nous le feront paraître moins bon. Donc nous soiu-
ines souvent libres de porter sur mi même parti des
jiigeiuenls dili'éienls, et par couséipienl de le vouloir
et de ne le vouloir pas. Eli bien, réprupierez-vous,
l'àme se détermine toujours selon son incliiialion
prévalante, laquelle résulte de toutes les pci'ceplious
de l'entendement et de toutes les impulsions de la
volonté. .le réponds (pie, cela fùt-il vrai , la libiîrté
subsisterait encore, puisque le sens intime, seul juge
de cette iiiclinalion, prononce ((ii'elle n'est pas tou-
jours nécessitante. .Mais il est faux que nous agis-
sions toujours selon l'inclination prévalante; car il
est de fait (pie souvent rhoinme a besoin de lutter
contre lui-même et de faire des efforts pour pre:;die
cerlaincs résolutions : or, pour aller dans le sens de
l'inclination ou impulsion la plus fiu-le, loin ipi'oii
soit oblige de lutter, de faire des elTorls, il sullil de
n'opposer point de résistance. N'eslil p as de lail ipie
l'iiomme suit quelquefois la raison, bien ([u'elle ne
le pousse pas dans son sens aussi hu-teiuent ipie la
passion le fait dans le sien. Donc l'homme ne va pas
toujours dans le sens de l'incliiialion prevalauie. Ce-
pendant il la suit ordiuaireiiieut, ipiand de puissants
motifs ne s'y opposent pas. Nous convenons même
qui; Ihomme prend toujours le parti vers lequel la
raison et l'inclination prévalante s'accordent à le
pousser ; mais la liberté sub.iiste encore dans ce der-
nier cas, la conscience l'alteste, el nous avons mon-
tré, à l'art. Liberté de Clwmme, i|ue la certitude d'un
événemenl n'emporte pas sa nécessité. Ainsi de ( e
que placés dans ceriames circonstances les houiiiies
agissent presque toujours ou même toujours d'uiic
cerlaine fa(;ou, vous ne pouvez coucluii ipi'ils agis-
sent nécessairement; et puis(|ue les uiolils sans né-
cessiter l'action peuvent la rendre certaine ou du
moins probable, les fatalistes ont tort de pnaeudre
que si l'Iiouinie était libre, les conseils el les remon-
trances le pénetr.iient et les récompenses ne se-
raient d'aucune utilité.
lit. Arguments physiologiques contre .a liberté.
— Ils ont peu de valeur. Dans certains états du corns,
dans h; sonnneil, dans ridiolisme) dans la lièvre cîj-
987
!SEC
iNEC
988
rébrale, etc., l'honime n'est pas inaitre de ses actes ;
mais conclure qu'il n'en est pas maître dans la veille,
dans la santé, ce ■^erait extravaguer. Comme toutes
les autres facultés de l'Iiomnie, la lilierié a ses limi-
tes, ses défaillances : c'est pourquoi elle peut être
suspendue par mie passion subite, s'évanouir dans
l'aliénation nienlali-. La plirénologie, qiii suppose les
diOérents ordres d'idées el de pcnchanis liés néces-
sairement aux diverses pari les de l'encépliale, peut se
concilier avec le libre arbitre : l'homme esi impuis-
sant à exercer sa liberté sans un certain organe, je le
veux ; en conclure/.-voiis que doué de cel organe il
no [jourra pas davantage faire acte de liberté? Je vais
plus loin- En vain les nialirialistes démontreraient
<iuc l'àme n'est point distincte du corps, le système
de la fatalile ne serait pas encore établi ; car si la
matière peut penser, pounjuoi ne pourrait-elle pas
agir librement? et le sens intime serait toujours là
ponr attester que le moi, qu'il 'oit maiériel ou non,
agit cfreetivcment sans aucune nécessité.
IV. Arguments théologiques. — Us se tirent de la
conservation des créatures par Bien, de la prescience
divine et du concours de Uieu à tontes nos actions.
En voici le résumé. La créature existe dans tous les
instants de la durée connue dans le prender instant
par l'action créatrice (ie Dieu. Or, dans le premier
instant elle ne peut agir librement, donc ni dans les
SUbiiCi}uenls. D:eu ne peut c(!nserver notre àme sans
ses manières d'. Lie; mais conserver, c'est continuer
de créer : donc Dieu coniiinie de créer non-seulement
la substance de 1 àme, mais encore touies ses ma-
nières d'être, ei par conséquent ses volilions qui,
produites uniquement par Dieu, ne sont pas l'œuvre
de la liberté bumaine. Il est impossible que ce que
Dieu prévoit n'arrive point ; or Dieu prévuit toutes
nos volitions : il est doue iuqiossible qu'elles n'aient
pas lieu, et conscqueniment elles sont nécessaires
(Bayle et Colliiis). Dieu est la source de toute ré dite,
donc des réaliiés morales comme des subslanlielles.
I N'importe, dit Bossuel, que notre choix soit une
action véritable que nous faisons : car par lii-mème
elle doit encore venir immédiatement de Dieu, qui,
élanl, comme prenner être, cause innnéiliaie de tout
êlre, con:nie pieinier agissant doit èire cause de
toute ai lion, tellement qu'il fa t en nous l'agir même
Comme il y fait le pouvoir d'agir (Boss., Tr. du libr.
Arbit.)t Si Dieu fait tout, comme il lait toujours bien,
il ne saurait y avoir de mal moral, j en conviens.
« Mais, dil Voltaire {Comment. sur Matebranci.e), cette
existence d'un principe dont tout émane est démon-
trée, je suis lâché lies conséquences. « Réponse. Si,
ce qui n'est pas prouve, si la créature ne peut agir
librement au pnuiier instant de sou existence, c'est
que peut-être elle a besoin pour agir librement dune
succession d'actes et d'iusianis ; c'est que peut-être
elle ne saurait tout à la fois et en naine temps com-
mencer a exister, penser à divers partis, et faire
sciemment un choix. Donc, encore ipi'elle ne puisse
pas exercer sa liberté dans le premier instant de son
existence, il ne s'ensuit pas qu'elle ne le puisse l'aire
dans les instants suliseipienls. Dieu, dit-on, conserve
et partout continue de créer non seulement les subs-
tances, mais encore toutes leurs manières d'( tre.
Nous pouvons nier que la conservation soil une créa-
lion continue ; car mainicnir ce qui est, et l'aire
exister ce qui n'était pas, car conserver et créer ne
sont pas évidemmenl une iiièine chose, ''•'nis adn ét-
ions i\ue l'acte créaleur autant que perse. ^lani i'a.^se
persévérer les créatures dans l'existence. Dieu ne
eree point, et par conséquent ne continue pas de
cn-er les substances avec loiites leurs mmlilicatious;
car l'àme seul (pie c'est elle-ineme, cl non Dieu, qui
proiluil certains actes. Mais une voiilion en tant
qu'action doit venir du premier agent, elen tant (pi'é-
tre doit venir du pieinier elie? Sans dnule tout doit
viiiir de Dieu, 'mais non pas immédiatement, car si
Dieu fait tout imniédiatement, à quoi servent les
créatures? Si l'on dépouille les créatures de toute
activité propre, s'il faut les concevoir dans la plus
étroite dépendance de Dieu, elles doivent alors eire
regardées comme de simples modes de la substance
divine; et l'on arrive au panthéisme. Or, quoi qu'en
dise Voltaire, le panthéisme, le fatalisme, et autre
doctrine qui aboutit à diviniser la cruauté comme la
bienfaisance, le vice comme la vejtu, et qui répugne
au sens commun de l'humanité, doit être incontinent
rejetée malgré les apparences de vérité que présen-
tent ses principes pris dans une métaphysique abs-
traite. Vous limitez la puissance divine en la suppo-
sant incapable de créer des êtres qui agissent par
eux-mêmes, librement. La gloire des ciéaturesest de
donner l'existence à des réalités modules, comme
Dieu la donne à des réalités substantielles, et cette
gloire rejaillit sur le Créateur, qui a produit des êtres
actifs, images de lui-niêuie. La plupart des théolo-
giens veulent que Dieu soil cause inimédialeinent
avec noire àme de toutes nos actions libres; mais ce
n'est qu'une opinion que nous pouvons rejeter avec
Durand, que nous devons même rejeter si elle nous
parait incompatible avec la liberté bumaine. Dans
l'ordre même surnaturel, nous pouvons admettre que
Dieu ne concourt a nos actes libres que par des
grâces de force, d'intelligence et de sentiment, qu'en
nous fortilianl, nous éclairant, nous inclinant à agir
sansnousy nécessiter. Si la raison ne saisit pas la con-
ciliation de la liberté humaine avec la grâce eiricace des
thomistes, on peut avec les mobnistes admettre des
grâces qui deviennent cflicaces seulement par le libre
consentement de la volonté, des grâces qui sont sui-
vies de l'effet, encore qu'elles ne le rendent pas cer-
tain.Toutefois, comme nous l'avons déjà remarqué, un
effet peut être certain sans être nécessaire ; et par là
on conçoit que les événements prévus de Dieu, bien
qu'ils soient certains, ne sont pas nécessaires pour
cela. Dieu connaît pai' une seule intuition le passé,
le présent et l'avenir. Et comme cette intuition ne
l'ait ni le passé, ni le présent, elle ne fait pas non
plus l'avenir, qui sera ce qu'il sérail dans Ibypo-
thèse que Dieu ne le eounait pas. Les perfections de
Dieu et la révélation établissent la prescience divine;
d'ailleurs la libellé humaine est un l'ail tout à la fois
rationnel et révélé. iNoiis devons donc admettre la
prescience divine el la liberté humaine, encore que
nous ne puissions pas les concilier parfaitement en-
tre elles, pas plus (jue nous ne pouvons concilier
parfaitement l'existence du liui avec celle de l'in-
lini.
V. Arguments historiques. — On objecte que la
liberté humaine est loin d'être évidente, puisqu'elle
a contre elle toute l'antiquité, ipn admettait le destin,
et que de nos jours des nations entieies de mabomé-
tans, par exemple, prolésseiit le fatalisme. iNous ré-
pondons que les maliométans, tout en professant la
doctiine de la fatalité, ne l'appliquent pas tousà tout ;
que chez eux , comme parmi les chrétiens, il y a des
sectes «pii oteiit entieiemeut la liberté à riiomnie,
d'autres ipii la lui acconient avec dépendance de
Dieu , d'autres qui la poussent jusqu'à rendre
I lioaime abs(duuieiit indépendant. ( \ ty. les livres
sacrés de l'Orient, par G. Paulbier. Paris 1840.)
Quant à l'antiquité, elle n'a pas professé tout entière
le fatalisme absulii. Les platoniciens soustrayaient
les volontés iuiiiciincs a la domiiialion <lii destiu.
{Voij. Alcinoiis.) Les é|>icuriens, d'après l'expoidlion
que Lueieeea faite de leur syst. me, reconnaissent
formellement le libre arbitre. Aristote, dans ses ou-
vrages de morale, décrit très-bien la liberté qui rend
riiouinie responsable de ses actes. Les stoïciens eux-
m. mes, tout grands partisans qu'ils etai. nt du des-
tin, ailraiicliisïaieiit pour la plupart de toute néces-
sité les actions voloutaiies. Ainsi CIny.dppe ( apud
Cicero., de Fnio) dil bien que les actions volontai-
res, coiniiie tout ce qui arrive, ont des causes anté-
cédentes, mais il soutenait que les causes aiaécé-
»S9
NEC
NEC
990
dentés de nos asscnliments ne les délerniinaienl pas
nécessairemenl. Les sloicieii'^ Séiièqiir , E|)iclrl(',
Marc-Aurèle, oui si (oil cxallé la lilieiU' litiniaiiio,
qu'ils lOiit Cl ne indép'^nilaiile de loni, eapalili! à elle
seule (le rendre riioiniiie lieuieiix nialgié tous les
événements |)os>il)le.s. Nous ne devons pas nnns élon-
ner de ce que les sl<'ïeieiis ont l'dinis le ileslin el le
liliie arliiire ; car le desliii n'est poiii' eux ipii' la pi'o-
videiiee, l'oidre ('lahli pai' IMen. Ilb' ipse muiiiiim
coiidili r el rerlor icripsit qitidem j'ala, seil sequi'.itr
(Scneca, de Ciovid., e. fi). C'e^t l'a la doeliiiie eoin-
niune des philosophes à paiiirdc Tliairs el l'e l'ylha-
gore. ( k 0 . Gniiiguené, analyse du niéi(.oiic de M.
Deunou, sur le deslin, dans la eollecl des auteurs
latins, Cicér. t. IV. Paris, 18il.) Les poêles eux-
niènies euleiideiit souvent par liestiu les décrets
(le la Oiviuité. Ces expressions falii , si l'ré-
(pienlCs dans Virgile, se retrouvent elie/, les poêles
grées. < Mortels, ilil Kseliyle (Irag. des EuniiMiides),
emcndiz les lois l'iernelles dieii'cs par les Paripies,
et ()iic nous imposent les dieux ; 6;avov tov «otoizr-av-
Tov EX Bswv ôo';£vTc<. > Les iiKntels, dit Jupiter dans
Jlo.nere (Oïlys. e. i), nous accusent d'ètie les au-
teurs de leurs maux; niais ce n'est pas à cause du
destin, c'est à cause de leurs propres crimes ipi ils
soull'rent. Vous voyez ici le deslin coid'ondu avec
l'action divine, el déclaré n'être point la cause des
crimes des liomines. Au reste, miiis ne prélendoris
pas (lus les poêles et nu me les pli losophes n'aient
<|uel()iielois proîessé sur le l'esliii des doctrines ipii
eiilrainenl le f.ilalisiiic ahsolu. Nous uiainteudiis seu-
lement i|uc r;mtii(iiité |iaicmie a genéjalemcnl ciu
à la liberté de l'iKjmuie.
NECHILOTH. Lo iisatitiio 5 a [lour titre
en hvbrcu L'I hcniinrhilnth, et ce leniie ne se
trouve mille patt ;i lleurs ; il n'est donc |ias
étonnant rue la signilication en soit t'urt doii-
tciise. LaS'iils^ate et It.'s Septante ont traduit
poiir l'hérilière, et cela ne nous a|ipteii(i
rion ; li; clialdéen a mis pour surclmnter ;
d'autres disent fine c'était pour chnnler à
deux chœurs, pour la troupe des chantres,
pour les instruments à vent, etc. Tout cria
n'est (|ue conjecdires : liourcusi inent la
chose n'est uas t'oit iiiijiortaiitc Le sens du
mot néyinoln, qui se trouve à la tête de plu-
sieurs tut respsautiies, n'estp;is mieux connu.
T'oy. la St/nopse des critiijiies.
NÉCKOLOGE, terme grec, l'ormt'' de
vtv/i'if , mort, et de Xo/if , discours ou liste ;
c'est le cataiOj^ue des morts. Dès les pr. -
mi rs siècles du clinsiianisme, les fidèles de
cluiipie (gl se eurent soin de maitjuer exac-
t ment le jour de la mort île leurs év('M|ues,
alin d'en faire mètnoire dans la litury,ic, et
de prier pour eux ; mais on n'y inscrivait
pas ceux (]ui ètai^ ni morts dans le schisme
ou dans l'hérésie. 11 y a encore (le ces ne'-
crologcs dans les morîastères et dans les cha-
pitres deschanoines. Tous les jours, à l'i.euro
de prime, la coutume est de lire au clufur
les noms des chanoines morts cejour-lh, (pii
ont fait quelque donation ou foi l-îtion, ' t
Ton prie pour eux comme hienlaiteurs de
l'Ejjdise. C'est un usage pieux et louajjle ; il
est bon que les hommes consacrés au ser-
vice du Seigni ur se lapiiellent le souvenir
de la mort, et la m moire de leurs anciens
conlrères; ceux qui ouiilient les moris n'ont
guère plus d'amilié pour les vivants. On a
aussi nommé Necroloye ce que nous appe-
lons aujoui'd'liui Martyrologe, c'est-à-dire
le catalogue des hommes Kiorts en odeur de
sainteté, quoique tous n'aient pas été mar-
tyrs. Ceux que nous nommons en génétal
confesseurs n'ont pas attesté par leur mort
la vérité de la doctrine de Jésus-Christ ; mais
ils ont tétiioigné par leur vie qu'il n'est [las
iin|Missible de jiratiquer sa morale et de vi-
vre chréli'>nnemi'nt : l'un de ces témoignages
n'est pas moins nécessaire à la religion que
r.ititre.
NÉCIIOMANCIE, art d'interroger les morts
pour a|i])rendre d'i>ux l'avenir ; cela se faisait
]>nr une c 'rémonie que r(jn nommait évoca-
tion des mdnes. Nous laissons aux écrivains
de l'hisluire ancienne le soin de décrire lette
sui)erstiti(in ; nous nous bornons h en re-
chercher l'origine , à on montrer les per
nicieuses conséquences, et la sagesse des
lois (|ui ont proscrit ce genre de divi-
natioM.
Chez les anciens, les funérailles étaient
accompagnées d'un repas coimnun, oi^ tous
les parents du moit i assemblés s'entrete-
naient de ses bonnes qualités et de ses ver-
tus, témoigiiaient leurs regrets par leurs
soupirs et |iar leurs larmes. 11 n'est pas éton-
nant (ju'avec une imi.gitiatinn frappée de cet
olijet quelques-uns des assist;aits aient rùvé
que le moi t leur apparaissait, s'entretenait
avec eux, leur a|>pr>'nait des choses qu'ils
désiraient de savoir, et que ces rêves aiei t
été pris jour une réalité. On en a conchi
que les m rts pouvaient revenir et s'entre-
tenir avec les vivants, que l'on pouvait les y
engager, en répétant les mêmes choses que
l'on avait faites à leurs funiiailles, ou des
cérémonies analogues. Quelques uni)osteurs
se sont vantés ensuite ipie, par des paroles
magiques, par des formules d'évocation, ils
pouvaient forcer les ;'imes des morts à reve-
nir sur la terre, à s'y montrer, à répondre
aux questions qu'ils leur faisaient : les hom-
mes croient aisé'ment ce (ju'ls désireiil. Il
ne fut pas difficile aux nécromanciens, p,ir
ui:e lantcnc magique ou aulr^ nu nt, def.dic
paraître dans les ténèbres une ligure quel-
conqi.e, que l'on prit pour le mort auquel
on vo:.lait iiarlcr. Nous n'ot.trerons i as ici
dans la question de savoir s'il n'y eut jaunis
que de l'illusion et de l'ariitice dans ci tte
magie, si quelijuefois le démon s'en e^l mêlé
pour séduire ses adorateurs, ou si Dieu,
pour ])uiiir une curi site criniiiielle, a per-
mis qu'un mort revînt vérilablement aniuin-
cer les arrêts de la justice divine à ceux
qui av.iient voulu les consulter ; nous en
dirons quelque chose su mot Pytiiomssi:.
Quelques ailleurs ont éciit que, suivant la
croyance des païens, ce n'était i;i le corps ni
r, nie d mort qui afiparaissait, mais son
ombre, c'est-h-iiire une substance mitoyeiUie
entre l'un et l'autre; mais iis ne donnent
pour preuve que des cinijectures ; et certai-
nement le commun des païens ne faisait
p:is uiic di.stinctioii .si subtile.
Par la hii de Àioise, il ('lait .^évè.cincnt
(il fendu aux Juifs d interroger les moi-ts
iDeiit. wiii, 11) ; de taire des oirraiides aux
morts ;,xx.vi, 14) ; de se couper les cheveux
991
NEC
ou la barbe, et de se faire des incisions en
signe de deuil (Lerit. xix, 27 et 28). Isaïe
condamne ceux qui demandent aux morts ce
cjui intéresse les vivants (viii, 19), et ceux
qui dorment sur les tombeaux pour avoir
des rêves (lxv, k). On sait jusqu'à quel excès
les paiens poussaient la superst't on envers
les morts, et les cruautés qu'un deuil insensé
leur faisait souvent commettre. Voilà ]iour-
quoi, chez les Juifs, celui qui ava t touché
un mort était censé impur. A la vérité, les usa-
ges absurdes des païens à l'égard des morts
étaient une preuve sensible de leur croyance
touchant l'immortalité de l'âme, et le pen-
chant des Juifs à les imiter démontre qu'ils
étaient dans la même persuasion ; mais pour
professer cette impdrtante vérité, il n'était
pas nécessaire de copier les coutumes insen-
sées et impies des païens, il suffisait de con-
server l'usage simple et innocent des patriar-
ches, qui donnaient aux morts ime sépul-
ture honorable, et qui resjiectaient les tom-
beaux , sans tomber dans aucun excès. Les
rois d'Israël et de Juda qui tombèrent dans
l'i'dofllrie, ne manquèrent pas de protéger
toutes les espèces de magie et de divination,
par conséquent la nt^rromancte ; mais les rois
pieux eurent soin de proscrire ces désordres
et do punir ceux qui en faisaient profession.
Saùl en avait ainsi ; gi au commencement de
son règne ; mais après avoir violé la loi de
Dieu en plusieurs autres choses, il y fut en-
core intiilèle en voulant consulter l'âme de
Samuel {I Rcg. xxviii, 8). Foy. Pythomsse.
Josias, en montant sur le trône, commença
par exterminer les magiciens et les devins
qui s'étaient multipliés sous le règne de
l'impie Manassès {IV Rcg. xxi, 6; xxiii,
2i). 11 est évident que la nécromancie était
une des espèces de goétieoude magie noire
et diabolique. C'était une révolte contre la
sagesse divine de vouloir savoir des choses
qu'il a plu à Dieu de nous cacher, et de
vouloir ramener dans ce monde des âmes
que sa justice en a fait sortir. Pour en venir
à bout, les païens n'invoquaient pas les
dieux du ciel, mais les divinités do l'enfer.
La cérémonie de l'évocation des mânes ,
telle que Lucainl'a décrite dans sa Pharsale,
liv. VI, V. 668, est un mélange d'impiété, de
démence, d'atrocité, qui fait horreur. La fu-
rie (^ue le poète fait |)arler, pour obtenir des
divinités infernales le retour d'un âme dans
un corps, se vante d'avoir commis des crimes
dont l'esprit humain n'a point d'idée. Com-
me les cé,éri:onies des néeroinanciens se
fais ient ordinairement la nuit, dans desan-
t es profonds et dans des lieux retirés, on
compiend à combien d'illusions et de crimes
elles pouvaient donner lieu. L'auteur du li-
vre de la Sagesse, a])iès avoir fait remarquer
les al)us des sacr.tices nocturnes, conclut
que l'idolâtrie a été la source et le comble
de tous les maux, c. xiv, v. 23 et 27. Cons-
tant n devenu chrétien avait encore permis
aux païens de consulter les augures, pourvu
que ce fût au grand jour, et qu'il ne fût
question ni des allaires de l'empire ni de la
vie do l'emperuur ; mais il ne toléra pas la
rSEG 992
magie noire ni la nécromancie ; lorsqu'il mit
en liberté les prisonniers à la fête de Pâques,
ilexceptanommémmentlesnécromancieus,m
mortuos veneficus, Cod. Theod., 1. ix,tit. 38,
leg. 3. Constance, son fils, les condamna à
mort ; ibid., leg. 5. Ammien Marcellin, Ma-
mertin et Libanius, païens entêtés, furent
assez aveugles pour blâmer cette sévérité
L'empereur Julien reprochait malicieuseinent
aux chrétiens une espèce de nécromancie ;
il supposait que les veilles au tombeau des
martyrs avaient pour but d'interroger les
morts ou d'avoir des rêves. Sa nt Cyrille,
contre JuL, 1. x, p. 339. 11 savait bien le
contraire, puisque lui-même, avant son apos-
tasie, avait pratiqué ce culte.
Les lois de l'Eglise ne furent pas moins
sévères que celles des empereurs contre la
magie et contre toute espèce de divination :
le concile de Laodicée et le quatrième de
Carthage défendirent ces crimes, sous peine
d'excommunication : l'on n'admettait au
baptême les païens qui en étaient coupables,
que sous la promesse d'y renoncer pour
toujours. « Depuis l'Evangile, dit Tertullien,
vous ne trouverez plus nulle part d'astrolo-
gues, d'enchanteurs, de devins, de magi-
ciens, qui n'aient été punis. » De idol. ,c.ix.
Voy. Bingham, Orig. ecclés., 1. xvi, c. 5 § 4.
Après l'irruption des barbares dans l'Occi-
dent, l'on y vit renaître une ]iartie des su-
perstitions du paganisme ; mais lesévêqnes,
soit dans les conciles, soit dans leurs instruc-
tions, ne cessèrent de les défendre et d'en
détourner les fidèles : ïhiers. Traité des su-
perstitions, liv. I, c. 3 et suiv. Comme la re-
ligion nous enseigne que les âmes des morts
peuvent être détenues dans le purgatoire, le
peuple s'imagine aisément que ces âmes
soulfrantes peu vent revenir au monde deman-
der des prières, etc. Mais l'Eglise n'a jamais
autorisé cette vaine opinion, et aucune des
histoires publiées à ce sujet par des aut urs
crédules n'est digne de foi. Jésus-Christ,
dans ce qu'il dit du mauvais riche ( Luc. xvi,
30 et 31 ), semble décider que Dieu ne
permet à aucun mort de venir parler aux
vivants.
NEF DES EGLISES. Voy. Choeuu.
NÉr.lNOTH. Voy. Néchiloth.
NÈCRES. Ces peujiles donnent lieu à
deux questions qui tiennent à la théologie ;
il s'agit de savoir, 1° si les nègres sont d une
origine dilférente de celle des blancs ; â" si
la traite des nègres, ei l'esclavage dans lequel
on les r^ tient pour le service des colonies
de l'Amérique est légitime.
I. L'Ecriture sainte nous apprend que tous
les hommes sont nés d'un seul couple, que
tous ont par consé(juent la même origine :
d'où il s'ensuit que la dilférence de couleur
qui se trouve dans les divers habitants du
monde, vient du climat qu'ils habitent et do
leur manière de vivre. Cela parait prouvé
)iar la dégradation insensible de couleur que
l'on romarquo en eux, à proportion ipi'ils
sont plus ou moins éloignés nu rapprochés
delà zone torride. En général les peuples de
nos provinces méridionales sont plus bazanès
993
NEG
NE6
994
que nous, niais ils le sont beaucoup moins
que les habitants dos côtes de Bari)ai-ie, et
ceux-ci sont mdins noirs que ceux de Tinté-
rieur de l'Afrique. Cette variation est il lieu
près la luôine dans les deux héuiisplières. Ou
n'en est pas étonné, quand on i(!niar([ue la
ditléreuce de teint qui régne entre les habi-
tants d'un même climatou d'un mèuio villaj^e,
dont les uns vivent plus renfermés, les autres
sont plus exposés par leur travail aux ar-
deurs du soleil ; entre le teint d'une même
personne pendant l'iiiver et pendant l'été. On
prétend môme qu'il est prouvé par expé-
rience que li's blancs transplantés en Afrique,
sans avoir mêlé leur sang avec les nègres,
ont contracté insensiiilement la même cou-
leur et les mêmes traits du visage; ([uo les
nègres, au contraire, transportés dans les
pays septentriiuiaux, se sont blanchis par
degrés sans avoir cruisé leur race avec les
blancs. C'est l'opinion des pus habdes na-
turalistes, en particulier de lîufl'on, de MM.
Paw , Sclierer, elc. D'autres philosophes
beaucoup moins instruits, mais qui se sont
fait un point capital de contredire rKciitur(!
sainte, soutiennent que ces ex|)i''rieiices
sont fausses ; que les blancs ne peuvent ja-
mais devenir parfaitement noirs, que les
vègres conservent de race en race leur cou-
leur et leurs traits, dans quelque climat qu'ils
soient tran'^plantés. lis ont prétendu prou-
ver l'impossihililé de ces transmutations par-
faites, par l'examen du tissu de la peau
des nègres. Selon quelques-uns, la cause de
la noirceur de ceux-ci est une espèce de
réseau, semblable à une gaze noire, qui
est placé entre la peau et la chair; ils ont
appelé ce tissu une membrane muqueuse.
D'autres ont dit que c'est une substance gé-
latineuse, qui est répandue entre l'épiderme
et la peau ; que celte substance est noirâtre
dans les nègres, brune dans les peuples basa-
nés, et blanche dans les Européens. Mais
puisque la membrane, le réseau , la suIjs-
tanco (lui séiiaie ré[)iderme d'avec la chair
se trouvent tians tous les hommes, il s'agit
de savoir poui({uoi elle i st blanche dans les
uns, 110 re ila.s les autres, et de prouver
que, sans croiser les races, ces substances
ne peuvent changer de couleur ; voilà ce que
nos savants disser. atours n'ont pas lait.
Puisqu'el es ne sont que brunes dans les
peuples ba>anés, leur couleur peut donc se
dégrader : donc elles peuvent passer du
blanc au noir ou au contraire. Les uns ci-
tent des expér cnces, les autres les nient ;
aux(]ueis devons-nous croii e "? En attendant
que tous se soient accordés, il nous est per-
mis de pense; que tous les hommes, blancs
ou noirs, rouges ou j luiies, smit enl'aiits
d'Adam, comme l'enseigne l'Ecriture sainte.
Que;ques écrivains oi.t imnginé que les nè-
gres sont la postérité de Cain, que leur noir-
ceur est l'cllet de la iiialé liction que Dieu
pronoïKja contre ce meurtrier ; (pi'il faut
ainsi entendre le passage de la Cenèse ( iv,
15), oiiil est dit que Dieu mit un signe sur
Catn, a!in qu'il ne fût pas tue par !e premier
qui ie rencontrerait. De là un de nos philo-
sophes incrédules a pris occasion de déclamer
contre les tiiéologiens. Avec un i)eu de pré-
sence (res[iril, il aurait vu que la théologie,
loin d'approuver cette; vaine conjectLire, doit
la rejeter. Nous apprenons par l'histoire
sainte que le genre humain tout entier fut
renouvelé, après le déluge, par la faiii lie de
Noé : or, aucun des iils de Noé n'était des-
cendu de Gain et ne s'était allié avec sa race.
Pour supposer que cetie race maudite sub-
sistait encore après le déluge, il faut com-
mencer p.'ir prétendre qu(; le déluge n'a pas
été univeiscl, et conticdire ainsi l'histoire
sainte. 11 y aurait donc moins d'ineonvénient
à dire ([ue l;i noirceur des nègres vient de
la malédiction prononcée par Noé contre
Chaiii son fils, dont la postérité a peuplé
l'Afrique ( Gen. x, 13 ). Mais, selon l'Ecri-
ture, la malédiction tie Noé ne tomba pas sur
Chain, mais sur Chanaan, fils de Cliam (ix.
13 ) ; or, l'Afrique n'a pas été peuplée jiar la
race de Chanaan, mais par celle do Phut.
L'une (\f' ces imaginations ne serait donc pas
mieux fondée que l'autre (1).
II. La traite des nègres et leur esclavage
sont-ils légitimes? Cette question a été dis-
cutée dans une disseriation imprimée en
17CV. L'auteur soutient que l'esclavage en
lui-même n'est contraire ni à la loi diî na-
ture, [luisque Noé condamna Chanaan à être
esclave de ses frères, qu'Abraham et Jacob
ont eu des esclaves; nia la loi divine écrite,
puisque Moïse, en faisant des lois en faveur
des esclaves, ne condamne point l'esclavage;
ni à la loi évaiigéliijue, puisque celle-ci n'a
donné aucune atteinte au droit jiublic établi
chez toutes les nations. En ell'et, saint Pierre
et saint Paul ordonnent aux esclaves d'obéir
à leurs maîtres, et aux maîtres de traiter
leurs esclaves avec douceur. Le concile de
Gangres a frappé d'anat lème ceux qui, sous
prétexte de religion, enseignaient aux escla-
ves à quitter leurs maîtres, à mépriser leur
autorité. Plusieurs autres décrets des conci-
les supposent qu'il est permis d'avoir des
esclaves et d en acheter et de les vendre.
Au xni' siècle, l'esclavage a été supprimé,
non par les lois ecclésiastiques, mais j)ar les
lois civiles. 11 ajoute qu'en transportant des
nègres en Aniéiique, on no rend pas leur
sort jilus mauvais, puisqu'ils ne seraient
pas moins esclaves dans leur pays, et qu'ils
y seraient encore plus maltraités; au lieu
que dans les colonies ils sont protégés par
des lois faites en leur faveur ; ils y trouvent
d'ailleurs la facilité d'être instruits ne la re-
ligion chrétienne et de faire leur salut. L'au-
teur distingue quatre sortes d'esclaves : 1°
ceux qui ont été condamnés pour des crimes
à perdre leur liberté ; 2° ceux qui ont été
(I) Au mol Humaine (unllé de l'espèce), noiis.ivoiis
uioiilio que la race nègre n'esl pas une pieiive in-
toiileslable qu« le genre hiiniain ne ilestenJ pas
d'un inénie père. Nous devons insister ici. Mgr
Wisenian a donné sur ce point une démonstration
complète, dans son discours sur l'/Zisfoiri; luiturelte de
ta race Immnine , inséré dans les Démonslraiions
évatiiiéliiiues, édit. Migue, tom. XV, col. 120. Nous
y renvoyons le lecteur.
99S
NËG
pris h la guerre; 3° ceux qui sont nés tels ;
4° ceux q.ii sont ven ius par leurs pères et
mères ou qui se vendent eux-mêmes. Il ne
voit dans ces diffrrentes sources d'esclava.^e
aucune raison qui rende illégitime la traite
dos nrgres. H convient des abus qui nais-
sent très-souvent de l'i'sclavage, mais il ob-
serve que l'abus d'une chose innocente en
elle-même ne prouve pas qu'elle soit con-
tr.iiie au droit naturel ; on peut répri-
mer l'abus et laisser subsister l'usage légi-
time.
Le philosophe qui a fait un traité de la
Félicité publique, ne condamne pas non plus
absolument l'esclavage des nègres, mais il
ne l'approuve pas positivement. «Quoiqu'on
ne puisse assez gémir, dit-il, de ce que l'a-
varice a conservé fiarmi les peuples de l'Oc-
eidenl ce que la barbarie et l'ignorance ont
établi et m.dntenu dans l'Orient, nousobser-
servons pourlant, 1° que l'esclavagi! n'est
plus connu chez li'S chrétiens, si ce n'est
daiis les colonies; 2° que les esclaves sont
tons tirés d'une nation très-sauvage et très-
bi ule, qui vient elle-même les ollrir à nos
négociants; 3° que si la laison et la philoso-
phie s'écrient (ju'il fal ait traiter le nègre
touuui' 1 Européen, il est cepeniant viaiquo
la grande dissemblance de ces malheureux
avec nous rappelle moins les sentiments
(l'humanité, et sert à entretenir le préjugé
barbaie qui les tient dans l'oppression ; 't°
que si ces esclaves ont été traités avec une
ciuauté très-condamnable, l'expérience a
souvent prouvé que jamais la d(juceur et
les bienfaits n'ont pu ôter à celte nation son
caractère làc' e, ingrat et cruel. 11 y a môme
tout lieu de croire que, si les esclaves des co-
lonies avaientété des Euroi)éens, ils seraient
déjà rentrés dans leur dro.t de citoyens,
comme les serfs do noire gouvernement féo-
dal ont peu à peu lecouvré lalibert'' civile.
Entln le nombre des esclaves est bien moins
considérable de nos jours, puiscjue sur cent
millions de chrétiens rpii existent à présent,
on ne compte assurément pas un million
d'esclaves, au li 'U que pour un million de
Grecs, il y avait plus de trois millions de ces
infortunés. » On voit aisément (ju'aucune de
ces raisons n'esi sans rép ique, elles tendent
plutôt à excuser l'esclavage des nègres qu'à
le justitier; après mûre rétlexion , nous
ne pouvons nous lésoudre à les approuver,
et il nous paiait que l'on peut y eu opposer
de |)lus solides.
Au mot Esclave, nous avons fait voir, 1°
que sous la loi de nature et dans l'état de
société purement (lomeslique,resclavageétait
inévitable, et qu'il n'entraînait point alors
les mêmes inconv^hiienls que dans l'état de
société civile; l'exem-le des patriarches ne
prouve donc rien dans la question présente.
2* Nous avons observé qu'il n'était pas pos-
sible à Moïse de le supprimer en ièrement,
que les lois qu'il lit en faveur des esclaves
étaient plus douces et plus humaines ijue cel-
les de toutes les autres nations ; l'on ne peut
donc encore tirer avantage de la loi de Moïse.
3° Jésus-Christ etlesaoôtres auraient commis
NEG SM
une très-grande imprudence en réprouvant
absolumentl'esclavage, puisqu'il étaitautoiisé
jiar le droit public de toutes les nauons ; mais
les leçons de charité universelle, deilouceur
et de fraternité (|u'ils ont données à toui les
hommes, ont contribué pour le moins aussi
etlicacement à l'adoucissement et à la sup-
pression de l'esclavage, qu'auraient pu faire
des lois prohibitives. C'est l'irruption des
barbares qui a retardé cette heureuse révo-
lution ; tant que le môme droit [)ublic a sub-
sisté, les conciles n'ont pu faire que ce qu'ils
ont fait. Mais à présent ce droit abusif ne
subsiste plus ; l'esclavage a été supprimé en
Europe jiar tous les souverains : la quest.oa
est de sivoir si, après laiélorme decetabus
en Europe, il a été fort louable d'.dler le ré-
tablir en Amériipie;si on peut encoie l'en-
visager des mêmes yeux qu'au x" et au xii*
siècle ; si l'état des nègres dans les colonies
n'est pas cent fois plus malheureux que
n'était celui des serfs sous le gouvernement
féodal.
l,e principe posé par l'auteur de la disser-
tation, savoir, que depuis le péché oiiginel
l'homme n'est plus libre de droit naturel ,
noiis semble tiès-ridicule. Nous savons très-
bieii(|ue c'est en pi nition du péché d'Adam
que l'homme est sujet à être t> rannisé, tour-
menté et tué par son semblable ; mais enfm
les Européens na ssent coupables du péché
originel aussi bien que les nègres : il faut
donc que les premiers commencent par
prouver que Dieu leur a donné l'honorable
commission de faire expier ce péché aux ha-
bitants de la Guinée, et qu'ils sont à cet
égard les exécuteurs de la justice divine.
Lorsque les nègres, révoltés de l'esclavage,
usent de perfidie et de cruauté envers leurs
mailles, ils leur fout aussi [orter à leur tour
la peine du péché de notre premier père.
Avant que la furi ur du comme ce maritime
et l'avide jalousie n'eussent fasciné les es-
prits et perverti tous lespiincipes, on n'au-
rait pas osé mettre en question s'il était per-
mis d'acheter et de vendre des hommes pour
en faire des esclaves. C'e-t encore une mau-
vaise excuse de dire que les nègres esclaves
chez eux seraient plv.s maltraités qu'ils ne le
sont dans nos colonies. 11 ne nous est pas
permis de leur faire .Su mal, de t)eur (| .e
leurs coinpa riotes ne leur eu fassent encore
davantage. Nous persuadera-t-on que c'est
par un motif de com;iassinn et (j'humanilé
que les négocianis euroj:éens fini la traite
des nègres? 11 y a un fait qui pas e pour cer-
tain, c'est qu'avant réiablissement de ce
commerce, les nations africaines se faisaient
la guerre beaucoup plus larement qu au-
jourd'hui ; (]Ue le motif le plus ordinaire ue
leurs guerres actuelles est le désir de faire
des p:isonnieis pour les vendie aux Euro-
péens. C'est donc à ces derniers que ces na-
tions malheureuses et stupides sont redeva-
bles des fléaux qui les accablent et des cri-
mes qui se commettent chez elles. Avant de
savoir si nous avons droit de les aciieter, il
faut examiner si quelqu'un a le droit naturel
de les vendre. 1! n'est pas question do nous
997
NEfi
me.
99â
fonder sur le droit iiijiK>to et tjranniquequi
est iHaiili p.inni ces peuples, mais sur les
notions du dioit naturel, tel que la relijjiori
nous le fait connaître. S'il n'y avait point
d'acheteurs, il ne pourrait point y avoir de
vendeurs, et ce ni^çÇoce infâme tomher.dt de
lui-mAnu'. Nous espérons que l'on n'entre-
j)r/ndra ras l'aiioioj^ie des négociants turcs,
qui vont acluîter di'S tilles en (lircissie pour
en peupler les serais de Tunpiie. On dit
qu'il n'est pas possible de cultiver des colo-
nies à sucre autrement que par des nèares.
Nous [)Ourrioiis répondre d'abord que, dans
ce cas, il vauilrail uneux renonceraux colo-
nies qu'aux sentiments d'humanité' ; que la
justice, la charité universelle et la dimceur
sont plus nécess.iir(!S îi toutes les nations que
le sucre et le café. Mais tout le momie ne
convient pas de l'inijiossibiiité prétendue tle
se passer du travail des iinjrrs , plusieurs
témoins dij^nes de foi assurent (pie si les co-
lons étaient moins avides, inoins durs, moins
aveuglés par un intérêt sordide, il serait
très-poss ble de remplacer avantageusement
les nrgres par de meilleurs ins'.rumenls de
culture et par le .'■ervice des animaux. Lors-
que les (îrecs et les Romains faisaient exé-
cuter par leurs esclaves ce que font chez
nous les chevaux et les bœufs, ils imagniaient
que l'on ne pouvait pas fiire antrcnient.
L'on ajoute que les nrgrei! sont naturelleiu(!nt
ingrats, ci'uels, perlides, insensibles aux bons
traitements, incapabies d'être conduits au-
trement que par des coups. Si cela é.ait vrai,
ce serait un sujet de honte pour la nature
humaine, (ju'd fdt plus diliicile d'apiu'ivoiser
les nègres que les animaux ; dans ce cas, il
fallait laisser cette race abominable sur le
nialiieureux sol ol"! elle est née, et ne pas
infecter de ses vices les autres parties
du monde.
Mais n'y a-t-il pas ici une dose de l'or-
gueil des Grecs et des Romains? Us dépri-
maient les autres peuples, ils les nommaient
barbaics, pour avoir le droit de les tyianin-
ser. Nous avons interrogé sui- ce point des
voyageurs, des mis^ionnaires, des posses-
seurs de colonies ; tous ont dit qu'eu géné-
ral les maîtres qui traitent leurs esclaves avec
douceur, avec humanilé, qui les nounissent
suflisanuin'ut, et ne les surclungent point
de travad, ne s'en tiou\entque uneux. Il est
donc lAcheux que les Européens, (jui ont
chez eux tant de douceur, d'humanité et de
I)hdosopliie, semblent être devenus brutaux
et bai't>arcs, des qu ils ont passé la ligne ou
franchi l'Océan. l'uisiiue l'on coi. vient que
l'esclavage entraîne nécessa rement des abus,
qu'il est lrès-dil'iici!e à un maiire d'être
juste, chaste, humain envers ses esclaves, il
y a ben de la lémé.ilé de la part do tout
particulier qui s'expose à c tte tentation, et
qui, pour augmenter sa fortune , n'hésite
point d(> risijuer la perte de ses vertus.
Quant au zèle prétendu pour la conversion
des nè{/rf.s, il y a plusieurs faits capaldes de
le rendre fort suspect. Quelques voyageurs
ont écrit que ceriaines nations européennes,
qui ont des établissements sur les côtes de
l'Afrique, traversent tant qu'elles le peuvent
les travaux et les succès des missionnaires ,
de peur que si les nègres devenaient chré-
tiens, ils ne voulussent plus vendre d'escla-
ves. Il y en a qui disent que certaines autres
nations établies en Amérique ne se soucient
plus de faire instruire et ba|)tiser leurs ne- '
grès, parce qu'elles se font scrupule d'avoir
pour esclaves leurs frères en Christ. Voila du
zèle cpii ne ressemble guère à celui des
apôtres. Nous savons (jue des chrétiens faits
esclaves par des intidèles ont léussi aulre-
fnis à convertir leurs maîtres, et même des
peuples entiers; mais nous ne voyons point
d'exemples de chrétiens qui aient réduit des
inlidèles en servitude, alin de les convertir.
Ile n'est pas assez qu'un dessein soit louable,
il faut encore que les moyens soient I giti-
nies. Il y a des missions de capucins et
il'autres religieux dans la (luiiiée, dans les
royaumes d'Oviero, de Ben.n, d'Angola, de
Congo, Loango et du Monomotapa. \'oilà
le véritable zèle; mais il n'en est pas ainsi
des marchands d'esclaves. Si les [iremiers
ne font [las beaucoup de fruit, c'est que ces
malheureux peuples doivent être prévenus
contre la religion des Européens , par la
conduite odieuse de ceux qui la professent.
On se souvient des préjugés terribles qu'ins-
1 ira aux Américains contie le christianisme
la barbarie des Es,)agnols. l>es dissertations
qui ont pour objet d(! jusiilier la traite des
nègres ressemblent un [)eu trop aux diatri-
bes ])ar lesquelles le docteur Sépulvéda vou-
lait prouver que les Lspagnols avaient le
droit de réduire les Américains en servitude,
j mr les taiie travailler aux mines, et de
es traiter comme des animaux; il fat con-
damné par l'université de Salamanque, et il
méritait de l'être. Nous ne faisons guère
plus de cas des déclamations de nos phdo-
sophes, depuis qu'il est constant que quel-
ijins-uiis, qui alieclaient le plus de zèle
l»our 1 humanité, faisaient valoir leur argent
en le |)laçanl dans le commerce des n grès.
Par ces observât. ons, nous ne croyons (.oint
manquer de respect envers le gouvernement
qui tolère ce commerce; réfuter de mauvaises
raisons, ce n'est fioint entrejirendre de dt»-
cider absoluinen une question : lorscju'on en
apportera de meilleures, nous nous y ren-
drons volontiers. Les gouvernements les
jilus équitables, les plus sages, sont souvent
forcés de tolérei- des abus, lorsqu'ils sont
univei'sellemenl établis, comme l'usure, la
prostitution, les pillenes des traitants, l'in-
solence des nobles, etc. Comment l.ilter
contre le torrent ties mœurs, lorsiiu'il en-
traine généralement tous les éla!s de la socié-
té '/ On ne peut pas oublier qu'il follut sur-
]iren;ire la religion de Louis Xlll pour le
faire consentir à l'esclavage des nègres, et
lui persuader que c'> tait le seul moyen de
les rendre chrétiens. On s'était déjà servi d'un
jiareil artilice pour séduire les ileux souve-
rains de Castille , Ferdinand et Isabelle, et
pour arracher d'eux des éditspcu favorables
aux Américains. Vog. Américains.
NÉHÉMIE, est l'un des chefs ou gouver-
999
NEO
NEO
1000
neurs de la nation juive, qui ont contribué
à la rétablir dans la terre sainte après la
caplivité de Babylone. On ne doit pas dire
qu'il fut le successeur d'Esdras, puisque
ces deux chefs ont gouverné ensemble pen-
dant plusieurs années : il paraît qu'Esdras,
eh qualité do prêtre, était principalement
occupé de la religion et de la loi de Dieu ,
et que Nékémie était chargé de la police et
du gouvernement civil. Le premier objet de
la commission qu'il avait obtenue du roi de
Perse, avait été de faire rétablir les murs do
la viile de Jérusalem, et il en vint à bout ,
malgré les obstacles que lui suscitèrent les
ennemis des Juifs. Cet événement est re-
marquable dans l'histoire juive, puisque
c'est à l'époque à laquelle on devait com-
mencer <\ compter les soixante et dix se-
maines d'années, ou les 490 ans.qui devaient
encore s'écouler jusqu'à l'arrivée du Messie,
selon la prophétie de Daniel. C'est aussi à
peu près h la même date que se consomma
le schisme qui régnait entre les Juifs et les
Samaritains, et que la haine entre ces deux
peu[)les devint irréconciliable. C'est enfin
a ce même temps que Prideaux rapporte l'é-
tablissement des synagogues chez les Juifs.
Histoire des Juifs, 1. vi, tome I, p. 229.
Néhémic est sans contestation l'auteur du
livre qui porte son nom, et que l'on appelle
plus communément le second livre d'Esdras;
mais la ilupart des critiques pensent que le
XII' chapitre de ce livre, depuis le v. 1 jus-
qu'au V. 2G, est d'une main plus récente: ce
n'est qu'une liste de prêtres et de lévites qui
avaient servi dans le temple depuis le re-
tour de la captivité, et qui est poussée plus
loin que le temps tie Néhémie. Elle inter-
romiit le cours de son histoire, mais elle ne
forme aucun préjugé contre la vérité des
faits ni contre l'authenticité du livre. Les
protestants se persuadent qu'à cette époque,
eu immédiatement après, le canon ou cata-
logue des livres de l'Ancien Testament fut
clos et arrêté pour toujours ; et ils en con-
cluent que ceux qui ont été éciits depuis ce
temps-là, tels que les livres de la Sagesse,
de l'Ecclésiastique et les deux des Machabées,
ne doivent pas y être placés. Ce n'est qu'une
conjecture formée par nécessité de sistème,
et qui n'est fondée sur aucune |)ri uve posi-
tive. On ne voit pas pourquoi les chefs de
la naiion postérieurs à Es iras et à Néhémie
n'ont pas eu autant d'autorité qu'eux, ni
pourquoi les écrivains plus récents ont été
privés du secours del'inspiration. Ce n'est pas
sur le simple témoignage des Juifs que nous
recevons comme divins des livres de l'Ancien
Testament, mais sur celui de l'Eglise chré-
tienne, instruite par Jésus-Christ et par
les ajtôtres. Voyez Bible d'Avignon , t. V,
p. 786.
NÉO.ViÉNiE, fête de la nouvelle lune. Ces
fêtes ont été célébrées i)ar toutes les nations.
Moïse nous en montre l'origine dans l'his-
toire de la création, lorsqu'U dit que Dieu a
fait le soleil et la lune pour être les signes
des temps, des jours et des années (Ge«. i, 14-).
Dans le premier âge du monde, lorsque les
hommes ne savaient pas encore tirer le même
secours que nous des lumières artificielles,
il leur était naturel de voir avec joie la lune
reparaître au commencement do la nuit, et
c'est de ce moment que l'on comptait un
nouveau mois. Rien n'éait donc plus iimo-
cent dans l'origine que la fête de la neom^rete.
Yoij. Vllistoire religieuse du Calendrier, c.
10,' p. 281.
Lorsque les peuples se furent avisés de
diviniser les astres, les fêtes de la nouvelle
lune deviiu'ent un acte d'idolâtrie et une
source de superstitions. Moïse ne défendit
]:oint cette fête aux Juifs, elle était plus an-
cienne qu'eux ; il leur prescrivit au contraire
les offrandes et les sacrifices qu'ils devaient
faire {ISum. xxviii, 11): mais il défendit sé-
vèrement toute espèce de culte rendu aux
astres [Deut. iv, 19). Dans le iisaume lxxxi
V. 4, il est dit : « Sonnez de la trom, ette à
la néoménie. » C'était pour annoncer le nou-
veau mois et les fêtes qu'il y aurait à célé-
brer pendant sa durée; on annonçait encore
plus solennellement le premier jour de l'an-
née. Ce n'était point là une imitation des
fêtes païennes, comme le prétend Spencer,
mais un usage très-raisonnable plus ancien
que le paganisme. A la vérité les Juifs imi-
tèrent souvent dans celte occasion les su-
perstitions des païens; alors Dieu leur dé-
clara qu'il détestait ces solennités et que ce
culte lui était insup|)ortable (Isa. i, 13 et
14). Les chrétiens mêmes , dans plusieurs
contrées, eurent d'abord de la peine à re-
noncer aux folles réjouissances auxquelles
les païens se livraient le premier jour de la
lune; il fallut les défendre dans plusieurs
conciles. Quand on connaît les mœurs des
peuples de la campagne et la facilité avec
laquelle la jeunesse se livre à tout ce qui
excite la joie, on n'est pas surpris des ob-
stacles que les pasteurs ont eus à vaincre
dans tous les temps pour déraciner tous les
désordres. Voy. Trompettes.
NÉOPHYTE, terme grec qui signifie nou-
velle plante; on nommait ainsi les nouveaux
chrétiens ou les païens convertis depuis peu
à la foi, parce que le baptême qu'ils rece-
vaient était regardé comme une nouvelle
naissance. Saint Paul ne veut [las qu'on
élève les néophytes aux ordres sacr;'s, de
peur que l'orgueil n'ébranl.j leur vertu en-
core m. il affeimie (/ Tiin.ui, G). 11 y a néan-
moins dans l'histoire ecclésiastique quelques
exemples du contraire, comme la promotion
de saint Ambroise à réi)iscop,it ; mais ils sont
rares. On appelle encore aujourd'hui néo
pliytes les prosélytes que font les mission-
nanes chez les infidèles. Les néophytes du
Ja|.on, sur la fin du xvi' et au commence-
ment du xvii° siècle, ont montré dans les
persécutions et les touriuents un courage et
une fermeté de loi dignes des premiers
siècles de l'E-glise : il en a été de même de
plusimirsChinois nouvellement convertis. On
a enfin nommé autrefois néophytes les clercs
ordonnés dejmis peu, et les novices dans les
monastères.
NERGAL, ou NERGEL, nom d'une idole
lool
^•ES
NES
lOOÎ
lies Assyriens. Il est dit (IV Reg. xvii), que
i(j loi d'Assyrie, ajjrès yvoir transporté dans
ses Etats les sujets du royaume d'Israël,
envoya, pour repeufiler la Saniarie, des Ba-
byloniens, (les ( Aitliéens, des peuples d'Avah,
d'Kniatli et de Safiliarvaïm ; que ces (''tran;^ers
joignirent au culte du Seigneur \o. culte des
idoles, auquel ils étaient aceoutunic^s; que
l'S lïaliyloniiMis firent Socoth-Henoth , Irs
<;utliéens Nrrç/el, li's iMuatiiéens Asiina, les
f!t'v(''ens Nébahuz et Tlutrlhac; ipie ceux de
Scpharvaiui hrillaient leurs entants îi l'Iion-
neur <XAdramclirh et Aiuiiiie'lech leurs dieux.
Il n'est |ias ais('' d'assit^ner |iréeiséiui'nt les
diverses contrées de l'Assyrie desquelles ces
dillérents [)euples furent tin's, et il est en-
cori! l)lus diili<'ile d'expliquer les noms de
liuirs dieux. Seldcn, dans siin Iraité ilc Diis
Si/rii):, pense que Socoth-Iifnolh si^'iiilie d. s
lenles j)our IfsjUles ; c'i'tait un lieu de (iros-
litulioii. Svrijid ou Ncrgrl est la fonlnine du
feu; c'était un jiyrée dans lequel les Perses
rendaient un culte au fiu, comme l'ont en-
core aujouid'liui les parsis. On lu; doit pas
écouter les rabbins, (pii prétendent que .(>■(-
ma, Ncbaltaz et Thaithnc sont trois idoles,
dont la première avait la tète d'nn bouc, la
seconde la tète d'un c'iicn, la trtMsiéme la
tète d'un Ane ; il est j)lus [probable que ce
sont trois noms assyriens, (jui désignent le
sol il, aussi bien cpie Anamélcch et Adramé-
ledi ; ces d ux derniers signilicnt te grand
roi, le souverain de 1,1 nature. On ne sait pas
si ces nouveaux liubiiauts de la Sam;)rie ont
persévéré pendant longterups dans le culte
des faux dieux. Deux cents ans après leur
arrivée, lorsque les Juifs furent de retour de
leur captivité, Ksdras et Néhéinie, quoique
ennemis des Samaritains, ne leur reprociient
point l'idoliUrie; le temple, que ces derniers
b.ltirent à cette époque sur le mont Garizim,
parait avoir été élevé à l'iionneur du vrai
Dieu, et à l'imitation de celui de Jérusalem.
Jésus-Christ dit à la Samaritaine {Joan. iv,
22) : Vous adorez ce que vous ne connaisse:
pas ; mais cela ne prouve point que les Sa-
maritains aient adoré de faux dieux. Voy.
Samaritains.
NESTOKIANISME, NESTORIENS. Ce qui
regarde cette liéiésie est sujet à plusieurs
discussions. Il faut, 1° la considérer d;uis son
origine et telle que Nestorius l'a enseignée;
2° voir si c'est une hérésie réelle ou seule-
ment apparente; 3" l'examiner sous la nou-
velle forme ([u'elle prit dans la Perse et dans
la Mésopotamie au v' siècle; 4° la suivre aux
Indes sur la cùte de Malabar, oii elle a été
retrouvée au xvi*.
Nestorius, auteur de l'hérésie qui porte
son nom, était né dans la Syrie, et avait
embrassé l'état monastique; il fut placé sur
le siège de Constantinojtle l'an 428. Il avait
de res[)rit, de l'éloquence, un extérieur iiid-
deste et mortifié, mais beaucoup d'orgueil,
un zèle très-jieu charitalile, et presque [)0int
d'érudition. Il commença par faire chasser
de ConstaHtiiKijilo les ariens et les macédo-
niens, lit abattre leurs églises, et obtint de
l'emiiereur ïliéodose le Jeune ries édits ri-
DlCTIONN. VE TUÉOL. DOGMATIQUE. III
goureux pour les exterminer. Instruit par 1ns
écrits do Théodore de Mopsueste, il y av;:it
puisé une doctrine erronée sur le mystère
de rineariiation. Un de ses prêtres, nommé
Anastaso, avait prêché que l'on ne devait ]ias
appeler la sainte Vierge ntèr» de Dieu, mais
seulement inèri' du Christ, parce que Di(;a
ne peut pas n;iîti(' d'une créature humaine.
Cette doctrine souleva le peuple. Nestorius,
loin d'a|iaiser le scandale, l'augmenta eu
soutenant la même erreur; il enseigna qu'il
y avait en Jésus-i^hrist deux personnes. Dieu
et l'Iiomme; (pie l'homme était né do Marie,
et non Dieu; d'où il s'ensuivait (ju'entre
Dieu et l'homme il n'y avait (las une union
substantielle , mais srulement une union
d'alfections, devolontéset (ro|iérati(»ns. (]e;te
nouveauté échaull'a et divisa les esjirits non-
seulement à Constaiitinople, mais parmi les
moines d'Egyjjte auxi|uels les écrits de Nes-
torius furent communicpiés. Saint Cyrille,
patriarche d'Alexandrie, consuJté sur cette
question, répondit (ju'il aurait été beaucoup
mieux de s'abstenir de l'agiter; mais que
Nestorius lui paraissait être dans l'erreur.
Celui-ci, informé de cette décision, s'emporta
contre saint C.\rille, lui fit répondre avec
hauteur, et lui reprocha d'exciter des trou-
bles. Le patriarche d'Alexandrie lépliquaque
les troubles venaient de Nestorius lui-nièine,
(lu'il ne tenait qu'à iui de les apaiser, en
s expliquant d'une manière plus orlhodoxe,
et en tenant le même langage que les catho-
liques. Tous deux en écrivirent au jiape saint
Célestin, pour savoir ciMju'il en pensait; ce
pontife assembla, au mois d'août de l'an kSO,
un ciincile à Rome, quiap[)rouva la doctrine
de saint Cyrille, et cou iamna celle de Nes-
torius. Au mois de novembre suivant, saint
Cyrille en assembla un autre en Egypte, où
la décision de Home fut approuvée ; il dressa
une profession di; foi et douze anathèmes
contre les divers articles de la doctrine de
Nestorius; celui-ci n'y répondit que par
douze anathèmes opposés. Cette contestation
ayant été communi juée à Jean, patriarche
d'Antioche, et à Acace, évoque de Hérée, ils
jugèrent Nestorius condainiiable , mais il
leur parut que saint Cyrille avait relevé trop
durement ([uelques exjiressioiis susceptibles
d'un sens orthodoxe, et ils l'exhortèrent à
étoulfer cette dis[iute par son silence. Comma
elle continuait de part et d'autre avec beau-
coup de chaleur, l'empereur, pour la termi-
ner, indiqua un concile général à Ephèse
pour le 7 juin de l'an '1.31. Nestorius et les
évèques d'.Vsie y arrivèrent les premiers;
saint Cyrille s'y rendit avec cintpiante évo-
ques d'Afrique, et Juvénal, iiatriarrlie de Jé-
rusalem, avec ceux de sa province. Pour Jean
d'Antioche, qui était accompagné de qua-
rante évèques, il ne se pressa pas d'arriver;
il manda cependant à ceux qui étaient déjà
réunis à Eplièse, que ni lui ni ses collègues
ne trouveraient pas mauvais que le concile
fiil commencé sans eux. La première séance
fut tenue le 22 juin ; saint Cyrille y présida,
comme chargé de cette commission par le
pape Célestin. Nestorius, cité par le concile,
32
1003
NES
NES
1004
refusa de comparaître avant que Jean d'An-
tioche et ses collègues fussent arrivés; mais
l'absence de quarante évoques devait-elle en
retenir deux cents dans l'iiiaction? Le con-
cile, après avoir examiné les écrits de Nes-
torius, le condamna oê le déposa, et approuva
ceux (pie saint C)rille avait faits contre lui.
Jean d'AjI'iot'^'e n'arriva que so))t jouis
après. Sans attendre qu'on lui rendît compte
de ce qu'avait f;dt le concile, sans vouloir
même en écouler les députés, il tint dans
son auberge une assemblée de quarante-lrois
évoques, dans laquelle il déposa et excom-
munia saint Cyrille. Qui lui avait dunné cette
autorité'? Les députés du jiape, cpii arrivè-
rent quelques jours après, tinrent une con-
duite tout opposée; ils se joignirent à saint
Cyrille et au concile, ils souscrivirent h la
condamnation de Nestorius et ?i la sentence
de déposition qiie le concile prononça
contre Jean d'Antioche et contre ses adhé-
rents. Ainsi la décision du concile d'Ephèsc,
loin de terminer la dispute, la rendit plus
confuse et plus animée; les deux, partis se
^^regardèrent uuituellement comme excom-
muniés; ils écrivirent î\ l'empereur cliacun
de leur côté, et trouvèrent l'un et l'autre des
{lartisans à la cour. Théodose trompé voulait
d'abord que Nestorius et saint Cyrille de-
meurassent déposés tous les deux; mais,
mieux informé, il exila Nestorius et renvoya
Je ])alriaratie d'Alexandrie dans son siège.
Trois ans après, Jean d'Antioche reconnut
son tort, se réconcilia avec saint Cyrille, en-
gagea la plu]iart des évoques de sa faction k
faire de même; et comme Nestorius, retiré
dans un monastère près d'Anlioc'ie, dogmati-
sait et cabalait toujours, Jean demanda qu'il
f(1t éloigné. L'empereur le relé-:;ua d'abord à
Pétra tlansl'Ai'abie, ensuite au désert d'Oasis
en Egypte, où il mourut misérable, sans
avoir Voulu abjurer S(jn erreur. 11 faut re-
marquer que jamais Jean d'Antioche ni les
évoques de son parti n'ont iléclaré que la
doctrine de Nestorius était orthodoxe; mais
il leur paraissait ([ue celle de saint Cyrille,
dans les anathèmes qu'U avait prononcés
contre Nestorius au concile d'Alexandrie, en
'(30, ne l'était pas non plus. Lorsque saint
Cyrille les eut expliqués, et eut satisfait ses
accusateurs, ils reconniu-ent son orthodoxie.
Pourquoi Nestorius ne flt-il pas do môme,
lorsque Jean d'Antioche l'y exhortait? Un
grand nombre de partisans de cet hérétique
ne furent pas plus dociles que lui; proscrits
[)ar l'empereur, ils se retirèrent dans la Mé-
sopotamie et dans la Perse, où ils fondèrent
des églises schismatiques. Avant de consi-
dérer le ncsiorianifunc dahs ce nouvel état,
il faut examiner si la doctrine de Nestorius
était vérilablemont hérétique, ou s'il ne fut
condamné que par un malentendu.
IL Le nestorianisme est véritablement une
hérésie. Les protestants, défenseurs-nés de
toutes les erreurs et de tous les hérétiques,
ont fait ce qu'ils ont pu |)our justifier Nes-
torius. Ils ont dit que cet Iiomme (léchait
jilutôt dans les expressions que dans le fond
des sentiments; qu'il ne rejetait le titre de
mère de Dieu qu'à cause de l'abus que l'on
en pouvait faire; que cette hérésie prétendue
n'aurait pas fait tant de bruit sans le carac-
tère ardent, brouillon, ambitieux et arrogant
de saint Cyrille; (jm; cc]iatriarche d'Alexan
drie se conduisit par orj,ueil et par jalousie
contre Nestorius et contre Jean d'Antioche,
|ilutôt que par zèle pour la foi ; que sa doc-
trine était encore moins orthodoxe que celle
de son adversaire. Ils ont soutenu que le"
concile d'Ephèse avait agi dans cette afl'aire
contre toutes les règles de la justice, et avait
condamné Nestorius sans vouloir l'entendre.
Luther, premier auteur do cette accusation,
a entraîné h sa suite la foule des protestants,
Bayle,Basnage,Saurin,LeClerc,LaCroze,etc.
Moslieim plus modéré avait également blAmé
Nestorius et saint Cyrille; son traducteur l'a
trouvé très-mauvais; il excuse Nestorius et
rejette toute la faute sur le patriarche d'A-
lexandrie. A l'article Saint Cyrille, nous
avons justifié ce Père, et nous avons fait voir
qu'il a eu de justes motifs de faire ce cpiilafait.
Pour rendre sa conduite odieuse, ses accu-
sateurs passent sous silence plusieurs faits
essentiels. Ils ne parlent ni des raisons
qu'eut saint Cyrille d'entrer dans cette dis-
pute, ni des lettres très-modérées qu'il écrivit
à Nestorius, ni des réponses injurieuses de
celui-ci, ni de sa condamnation prononcée à
Bomo sur ses propres écrits, ni de l'invita-
tion que loi fit Jean d'Antioche son ami de
s'expliquer avant le concile d'Ephèse, ni de
la commission que saint Cyrille avait reçue
du pape do présider à ce concile , ni de la
paix qui se conclut trois ans après entre ce
Père et les Orientaux qui abandonnèrent
Nestorius. Mosheim méprise Vllistoire du
Nestorianisme, donnée par le Père Doucin;
mais cet historien a pris toutes ses preuves
dans Tillcmont, qui cite tous les f.iits et les
pièces originales. Mém., t. XIV, p. 307 et
suiv. Au mot Ephèse, nous avons prouvé
que le concile, qui y fut tenu en 'i31, a pro-
cédé selon toutes les lois ecclésiastiques;
que Nestorius refusa 0]iiniàtr(''ment d"y com-
paraître , et résista aux invitations de ses
amis; que sa doctrine était très-connue des
évoques, par ses proiiros écrits, par ses ser-
mons , par les discours même qu'il avait
tonus à Ephèse, en conversant avec eux;
que l'absence atfectée de Jean d'Antioche et
de ses collègues ne forme aucun préjugé
conti'o la décision, puisqu'aucun d'eux n'a
jamais osé soutenir que la doctrine de Nes-
torius étHit orthodoxe. Enfin, au mot Mi-uik
DE Dieu, nous avons montré que ce titr('
donné à Marie est très-conforme à l'ECriture
sainte, que c'est le langage des anciens Pè-
res, qu'il ne peut donner lieu k aucun abus,
k moins qu'il ne soit mal interprété par
malice.
11 nous reste k prouver que l'opinion de
Nestorius était une hérésie formelle et très-
perni(;ieuse, contraire k l'Ecriture sainte et
au dogme de la divinité' de Jésus-Christ.
Saint Jean dit (i, 1 et 14), que Dieu le Verbe
s'est fait chair. L'ange dit k Marie {I.uc. m,
15) : Le Saint qui naîtra de vous sera appelé.
IGOS
NES
NES
iOOC
ou sera le Fils de Dira. Selon saint i'aiil, lo
l'ils (le Dieu n élt\ f;iit ou est né du sang tic
Dcivid selon la ehnir {Hom. i, 3). Dieu a en-
V(3yé son Fils fait d'iuie feintrie [Galnt. iv, 4).
Saint Ignaee, disiipie des apôtres, dit dans
sa lettre aux Kphésiens, n. 7, que Notre-
Sei;j;Meur Jésus-Christ est Diiui existant dans
riioinnie, qu'il est de Marie et de Dieu;
n. 18, ([lie Jésus-Ciu'ist notre Dieu a été
porté dans le sein de Marie. Suivant ce lan-
ijage apostoli(|iie, w\ il i'aut coul'esser que la
personne divine, Dieu le Verlie, Di(ui le
ImIs, est né de Marie et (pie Marie est sa
'.uère, ou il faut a(liiietti'(! en Jésus-Christ
deux [lersonnes, la personne divine et la
pei'soniie liuiuair.e, dont la seconde est née
de ^^arie, et non la première. Alors en Jésus-
(ihrist la ilivinilé et riiunianité ne subsistent
plus dans runil(! de personne , l'union qui
est enire elle n'est plus hiipostatiquc ou
substantielle. Il ne peut y avoir entre les
deux personnes qu'une union spirituelle,
une iiihabitation, un concert de volontés,
d'affections et d'o|iérations, connue il y en
avait une entre le Saint-Esprit et Marie,
lorsqu'il descendit en elle. Dans cette liy-
piithôse, on ne peut pas dire avec [)lus cle
vérité que Jésus-Christ est Dieu, qu'on no
peut le dire de sa sainte nifre. Jésus-Christ
n'est plus ni un lionnue-Dicu ni un Dieu-
liomme, mais seuleinent un homme uni à
Dieu, i] n'y a pas plus d'incarnation dans
Jésus-Christ (jue dans la sainte Vierge. Nos-
torius, quoique mauvais théologien, le com-
juit. lorsque le préiro Anastase eut dit en
chaire : « Que personne n'appelle Marie
mrre de. Dieu: Marie est une créature hu-
maine : Dieu ne p'Ut naître d'une femme. »
Neslorius ne désavoua ]>as plus la seconde
propusilion (jue la première ; il soutint éga-
lement l'une et l'autre dans ses écrits. Il
ajouta : Je n appellerai jamais Dieu an enfant
de lieux ou trois mois. Eva'-,'re, Hist eceles.,
I. I, c. 2. On prétend (ju'il répéta ces mômes
paroles à Ephèse dans une conférence qu'il
eut avec quehjues évèques. Socrate, liv. vu,
c. 34. Conséquemmcnt il fut obligé d'ad-
mettre deux Clirists, l'un Fils de Dieu, l'au-
tre Fils de Marie. Vincent. Lirin.Commonit.,
c. 17.
Marins Mercator a conservé plusieurs des
sermons de Nestorius. Dans le second qu'il
lit pour soutenir son erreur, il prétendait
(pi'on ne doit pas dire que Dieu le \erbe
Soit né de la Vierj;e ni (pi'il soit mort, mais
seulement (ju'il était uni h celui ijui est né
et ([ui est mort. Tillemont, ibidem., |)ag. 316,
317. Dans un autri', il soutenait (pie le Veibe
n'était pas né de Mari(\ mais ([u'il habitait et
était uni inséparablement au fils de .Marie,
pag. 3t8. Il parlait de même dans son sep-
tième sermon qu'il envoya ])ar bravade à
saint Cyrille, page 338. D.ins ceux qu'il
adressait au papi' Célestin, il disait qu'il ad-
mettrait le terme de mère de Dieu, pnurvu
([u'on ne crût pas (pic le Verbe est né de la
Vierge, parce (pie, dit-il, personne n'engen-
dre celui qui était avant lui. Dans une lettre
au même pape, il se plaignait de ceux qui
attribuaient au Verbe incarné les faiblesses
do la iiMluro humaine. Dans le premier des
anatbèmes (pi'il opjiosa à ceux de saint Cj'-
rill(N il analhématise ceux qui diront que Em-
nianuel est le Verbe de Dieu, et ((ue la sainte
Vierge est mère du Verbe. Dans le cin-
quième, ceux qui diront que lo Verbe, après
avoir pris riioinme, est un seul Fils de Dieu
par nature. Dans le sei)tième, il soutient que
l'homme né de la Vierge n'est jioint le Fils
uni(jue du Père, mais (pi'il reijoit seulement
ce nom par participation, à cause de son
union avec le Fils nniipie. Dans h; dixième,
il soutient que ce n'est |)oiut le A'erbe éter-
nel (jui est notre pontife, et ([ui s'est olfcrt
pour nous, p. 3'i3, 3'i V, 3G1), etc Or cette
union (pi'il admettait entre le Verbe et lo
Fils de Marie était seulement une union
(l'halutation, de jinissance, de majesté, etc. ;
jamais il n'a voulu admettre une union hy-
postatique ou substantielle. Selon lui, (Ui ne
peut ]»as dire qu(; Dieu a envoyé le Verbe,
p. 3(i7, 3G8. Voilà ce qui scandalisa les lidè-
les deConstantinoiile, cequ! fut condamné à
Rome, ce qui fut réfuté par saint Cyrille,
par .Marins Mercator et par d'autres, mémo
par Théodoret, ce (jui fut anathéraatisé par
le concile d'E|ihèsç, et ensuite par celui do
Chalcédoine; jimais Neslorius n'en a voulu
rétracter un seul mol. Nous demandons h
ses apologistes s'il y a une seule d(! ses pro-
positions ([ui ne soit pas formellement con-
traire h l'Ecriture sainte, et qui soit suscep-
tible d'un sens catholique.
Quand nous n'aurions pas les écrits ori-
ginaux de Nestorius, pourrait-on nous per-
suader que les papes saint Céleslin et saint
Léon, les conciles d(^ Home, d'Ephèso et de
Chalcé:loine, les amis mômes de Nestorius,
comme Jean d'Antioche, Théodoict, Ibas,
évèque d'Edesse, etc., (jui, ajirès avoir i)ré-
suru(5 d'abord sa cUliolicité, l'ont enlin aban-
(lonné à s(ui opiniâtreté, n'ont rien (O m pris
<i sa doctrine, ou l'ont mal inlerpréti'e, aussi
bien {{im saint Cyrille? Nous verrons ci-
après (jue la doctrine i)rofessée aujouid'hui '
par les nestoriens est encore la môme quo
celle ((u'enseignait le patriarche de Constan-
tinofile; ces sectain^s ont toujours révéré
Nestorius, Théodure de Mopsueste et Dio-
dore de Tarse, comme leurs li'ois princi-
paux maîtres. Les apologistes de Nestorius
disent que l'on (icut abuser du titre de mère.
de Dieu; (|ue Nestorius le rejetait unique-
ment |jarce (pi'il lui ))aiaissait favoriser l'hé-
T'^sie d'A|)ollinaire. Mais l'on p(îut abuser
également des passages de l'Etriture sainte
que nous avons cit'''S; c'est de ces passages
mômes qu'Apollinair.' abusait puur appuyer
son eireiif. Il soutenait i(ue le Verbe diviis
avait pris un corps humain et uneàme, mai*
jrrivée d'entenilemeiit humain, et que la |>ré
seiice du ^'erbc \ suppléait; quelques-uns,
de ses disciples enseignaient que le Verbe
divin avait [iris un cori)s humain sans âme,
parce que saint Jean a dit que le \'erl,-e .?'.-sr
fait chair, et saint l'aul, (pie le Fils ùv Dieu
a été fait du sang de David selon la chair,
sans faire mention d'une âme iiumaiue. l\
100"
NES
NËS
1008
n'y a aucune iireuvo que les ariollinaris'LCs
se soient jamais servis du titre de mère de
Dieu pour étayor leur opinion. Par là on
voit évidemment l'ignorance ou la mauvaise
foi de Nestorius, qui traitait ses adversaires
d'ariens et d'a|iollinarislcs ; c'est lui-môme
qui tombait dans l'arianisme, puisqu'il s'en-
suivait de sa doctrine que Jésus-Christ n'est
pas réellement et substantiellement Dieu,
qu'en lui l'humanité n'est point substan-
tiellement unie à la Divinité, mais morale-
ment. La vraie raison de l'entêtement de cet
hérésiarque est qu'il était imbu des erreurs
de Théodore de Mopsueste et de Diodore
de Tarse. Aussi s'euiporisit-il contre ceux
qui attribuaient au Verbe incarné les faibles-
ses de la nature humaine, et h Jésus-Christ
homme les apanng.'s de la Divinité. Tille-
mont, ibid., p. 3i-.3, W*. S'il avait raison, les
apôtres ont eu tort de dire que le Fils de
Dieu est né d'une femme, qu'il est né du
sang de David, que le sang du Fils de Dieu
nous purifie de nos péchés (/ Joan. i, 7) ;
que le Verbe s'est fait chair, etc. Voilà les
faiblesses de l'Iiumanité attribuées au Fils
de Dieu, au Verbe incarné. Jean d'Anlioche,
ami de Nestorius, était trés-Lien fondé à lui
représenter qu'il avait tort de rejeter le titre
de mère de Dieu, dont les Pères s'étaient
servis, qui exprimait la foi de l'Eglise, et
que ))ersonne n'avait encore bhlmé; que s'il
rejetait le sens attaché à ce terme, il était
dans une grande erreur, et s'expusait à rui-
ner entièrement le mystère de l'iucarnalion.
Tillem ont, ib., p. 35'i-, 355. Mais Nestorius
ne voulait recevoir des conseils de personne.
Une chose lemarqiiahle est que nous voyons
les protestants plus ou moins portés à jus-
lilier Nestorius, kpro[iortion de hur inclina-
tion au socinianlsme. Plusieurs théologiens
anglicans conviennent sans difdculté que
Nestorius fut légitimement condaunié; Mos-
heim, (lui n'était que luthérien, blâme éga-
lement Nestorius et saint Cyrille; son tra-
ducteur, qui est pour le moins calviniste,
absout le premier, condamne absolument le
second, et lui attribue tout lo mal qui est
arrivé. C'est la manière de jienser des soci-
niens. Richard Simon avait accusé saint
Jean Clirysostoino d'avoir parlé de Jésus-
Christ, comme Nestorius. M. Bossuet dans
sa Défense de la tradition et des Pères, I. iv,
c. 3, a justifié saint Jean Chrysostome ; il a
fait voir que, selon Nestorius et selon Théo-
dore de Mo|)suesle son luaîlre, Jésus-Christ
n'était Dieu que par adoption et par repré-
sentation.
III. Etat du nestorianisme après le concile
d'Ephèse. Le savant Assémani en a fait exac-
tement l'histoirr, Bihliotli, orient., tome IV,
c. 4 et suiv. Nous avons déjà remarqué
qu'apiès la condamnation de Nestorius dans
ce concile, sadoclriue trouva des défenseurs
opiniâtres, surtout dans le diocèse de Cons-
tanlinople et dans les environs de la Méso-
potamie. Proscrits par les empereurs, ils se
retirèrent sous la domination des rois de
Perse, et ils eu lurent protégés en qualité de
îrâusfui^es mécontents de leur souverain. Un
certain Barsumas, évoque do Nisibe , par-
vint, par son crédit à la cour de Perr^e , à
établir le nestorianisme dans les dilf'rentes
parties de ce royauni'^ Lfs nestoriens, pour
répandre leurs opinions, firent traduire en
syriai]ue, en persan et en arménien, les ou-
vrages de Théodore de Mopsueste ; ils fon
dèrcnt un grand nombre d'églises ; ils eu-
rent une école célèbre à Edesse et ensuite h
Nisibe, ils tinrent plusieurs conciles à Séleu-
cie et à Ctésiphonte; ils érigèrent un pa-
triarche sous le nom de catholique ; sa rési-
dence fut d'abord à Séleucie, et ensuite à
Mozul. Ces sectaires se firent nommer chré-
tiens orientaux, soit parce (jue plusieurs de
leurs évoques étaient venus du patriarcat
d'Antioche, qui; l'on appelait le diocèse d'O-
rient, soit ]iarce qu'ils voulaient persuader
que leur doctrine était l'ancien christianisme
des Orientaux, soit enfin parce qu'ils se sont
étendus plus loin vers l'Orient qu'aucune
autre secte chrétienne; mais dans la suite iis
ont été plus connus sous le nom de chaldéens,
et siiuvent ils ont rejeté celui de nestoriens.
Lorsque les mahométans subjuguèrent la
Perse au vu° siècles, ils soullrircnt plus vo-
lontiers les nestoriens que les catholiques, et
leur accordèrent [ilusde liberté d'exerccrieur
religion. 11 y a des preuves positives que,
vers l'an 535, ils avaient déjà poité leur
doctrine aux Indes sur la côte de Malabar.
Cosme Indicopleusti'S, qui était nestorieii,
dans sa topographie chrétienne , décrivit
l'état où étaient les membres de cette secte
soumis au catholique ou patriarche de la
Perse. Au vu" siècle, ils envoyèrent des mis-
sionnaires à la Chine, qui y firent des pro-
grès, et l'on prétend que le christianisme
qu'ils y établirent y a subsisté jusquau xni'.
fis ont encore eu des églisi'S a Samarcande
et dans d'autres parties de la Tai tarie. Nous
verrons ailleurs en quel temps le nestoria-
nisme a. été banni de ces contrées; mais de-
puis longtemps il a commencé à déchoir;
l'ignorance et la misère de ses pasteurs
l'ont réduit pres(jue à rien. Yoy. Tartares.
La principale question agitée entre les
protestants et nous est de savoir quelle a
été et quelle est encore la croyance de ces
nestoriens ou chaldéens, séparés de l'Eglise
catholique depuis plus de douze cents ans.
« Il est constant, dit l'abbé Renaudot, que
les nestoriens d'aujourd'hui sont encore d .ns
le même sentiment que Nestorius touchant
l'incarnation. Ils soutiennent que , d.nis
Jésus-Christ, Dieu et l'homme ne sont jias
la même personne, que l'un est Fils de D:eu,
lautre F'ils de Marie : qu'ainsi Marie ne
doit pas être appelée mère de Dieu, mais
mère du Christ; ijue le Verbe de Dieu est
descendu en Jésus-Christ au moment de son
baptême. Ainsi, selon eux, l'union de la di-
vinité et de l'humanité en Jésus-Clirist n'est
point substantielle : c'est seulement une
union de volontés, d'opérations, de bien-
veillance , de communication , de puis-
sance, etc. Us disent formellement qu'il y a
en Jésus-Christ deux personnes et ileux
natures unies par l'opéralion et par la vu-
\m
NES
NES
1010
loiilé. Cela est prouvé non-seulement par
les oiivr.M|j;es de plusieurs de leurs théolo-
giens, et par leurs livres liturgicjues, mais
parles écrits des jaeoijites et des uielchites
qui ont eorubattu les nrsloriciis et qui leur
Bltrihuent communément cette doctrine.
C est pour cela méuie que \cs nrstorii un ont
été soullerts dans la Peise i)ar les maliomé-
l.uis plus aisément que les autres chrétiens,
jiarce f(nc la manière dont les premiers s'ex-
piimont au sujet de Jésus-(^lirist est con-
foruio h ce que Mahomet en a dit dans l'AI-
coran, et que môme plusieurs nrxtnrieiis ont
cité les paroles do ce faux [)ioplièle, pour
plaire aux mahométans. « Perpi't. de la foi,
t. IV, 1. I, c. 5. Nous verrons ci-apics que
ce tahleau est conliimé par Assinnani, Hi-
blioth. orient., t. 111 et IV. Malgré ces preu-
ves, Mosheiui a tûché df les disculper. Dans
son Hist. ecdcs. (lu v' siècle , W part. ,
e. 5, § 12, il dit que dans plusieurs conciles
de Séleucie les nestoriins ont décidé « qu'il
y avait dins le Sauveur du monde ticux In/-
jiùslnses (ou persoiuies), dont Tune était
divine, l'autre humaine, savoir l'homme
Jésus : que ces <leiix n'avaient (pi'un seid
aspect, TrnofffjTTov; qu(i l'union enti-e le Fils de
Dieu et le Fils de l'homme n'élait pas une
union de nature ou de personne, mais seu-
lement d(^ volonté et d'all'ection ; qu'il faut
jiar consé(pient dislinguer soigneusement
Christ de Dieu qui habitait en lui comme
dans son temple, et appeler Marie mère de
Christ et lîon mère de Dieu. » Cel.t est clair,
et c'est précisément la doctrine que nous
avons vue soutenue par Nestoi'ius lui-même.
Il n'est pas vrai, quoi qu'en dise Mosheim,
qu'en cela les nestoricns ont changé le sen-
tnnent de leur chef. Mais, dans son Uist. du
XVI' siècle, sect. 'S, \" i)artie, ch. 2, § 15, il
cherche h les excuser. « Il est vrai, dit-il,
(pie les chaldéens attribuent deux natures,
et même deux personnes à Jésus-Chiist ;
mais ils ciirrigeni ce que cette expression a
de dur, en ajoutant que ces natures et ces
personnes sont tellement unies , qu'elles
n'ont qu'un seul aspect [barsopa). » Or ce
mot signiiie la même chose que le grec npo-
(TMTrov, et le latin /Krsorta; d'où l'on voit que
par deux persoimes ils entendent seulement
deux natures.
Sans recourir au témoignage des auteurs
' syriens, anciens ou mndcrnes, et aux preu-
ves produites par l'abbé Renaudot, il est
évident que Mosheim s'est aveuglé lui-même
ou qu'il a voulu en imposer. 1° Cette expli-
iMtion ne peut s'accorder avec les décisions
des conciles de Séleucie qu'il a citées lui-
même. 2° Il résulterait de ce palliatif, que, se-
lon les 7iestoriens, il y a en Jésus-Chiisldeux
natures et deux personnes; cette absurdité est
trop forte. 3° Nous convenons que le grec TT-piu-j-
n'rj et le latin persona, dans leur signitlcation
primitive, ne si^nitient puint personne dans
le sens théologi(pie, mais personnage, carac-
tère, aspect, apparence extérieure ; et que
les nestoriens [)rennent barso]ni dans ce der-
nier sens. Ainsi leur sentiment est qu'il y a
dans Jésus-Christ deux natures et deux per-
sonnes, ou deux natures subsistant chacune
en elle-même, et par elle-même, savoir, Dieu
et l'honnue, mais qu'elles sont tellement
unies (pi'il n'en résulte qu'un seul person-
nage, un seul et unnpie caractère, une seule
apparence personnelle de Jésus-Christ, parce
(ju'en lui les v(dontés, les siiilimenls, les
alfeclions, les opérations de la divinité et do
l'humanité sont toujours j)arfaitement d'ac-
cord. Or ce sens, qui est celui de Nestorius,
est hérétif[ue. Le do':;me c.dholi(|ue est qu'il
y a dans Jésus-Christ deux natures, la divi-
nité et l'humanité, mais une seule personne;
que l'humanité en lui n(! subsiste (mint fiar
elle-même, mais parla persi nne du Verbe
au'jucl elle est substantiellement unie, de
manière que Jésus-Christ n'est point une
jiersonne humaine, mais \m^ personne di-
vine. Autrement Jésus-Christ ne pourrait
être ap[)elé Dieu-homme ni homme-Dieu, i\
ne serait pas vrai de dire que le Verbe s'est
fait chair, (|ue le Fils de Dieu est né d'une
femme, qu'il est mort, qu'il nous a rache-
tés par son sang, etc. Quelque subtilité qu'on
emploie, l'on ne parviendra jamais à con-
cilier l'opinion des nestoriens, ni leur lan-
gage avec celui de l'Eciiture sainte. Mosheim
aj(mte, qu'èi l'honneur immortel des nesto-
riens, ils sont les seuls chrétiens d'Orient
qui aient évité cette multitude d'opinions et
de pratiques superstitieuses qui ont infecté
l'Eglise grecque et latine.
Cependant ils sont accusés , 1° d'ensei-
gner, comme les Grecs schismatiques, que
le Saint-Esprit jirocède du Père et non du
Fils ; 2° de croire cjue les tlmes sont créées
avant les corps, et cie nier le péché originel,
comme Théodore de Mopsneste ; 3° de pré-
tendre que la récompense des saints dans le
ciel et la punition des méchants dans l'enfer
sont différées jusqu'au jour du jugement;
que jusqu'alors les àines des uns et des au-
tres sont dans un état de sensibilité; 4° de
penser, commme les origénistes , que les
tourments des damnés liniront un jour. H
serait h souhaiter, itour l'honneur immortel
des nestoriens, que Mosheim les eût justiliés
sur quelqu'un de ces articles. Il aurait vou-
lu, comme les autres protestants, nous per-
suader que les nestoriens n'ont jamais eu la
même croyance que l'Eglise romaine tou-
chant les sept sacrements, la présence réelle
de Jésus-Christ dans l'eucharistie, la trans-
substantiation, le culte des saints, la prière
pour les usorts, etc.; mais l'abbé Renaudot,
dans le tom. IV de la Perpétuité de la foi ;
Assémani, dans sa Biblioth. orient., tom. III,
II' part.; le Père Lebrun, dans son Expli-
cation des ce'rémonies de la messe, t. VI,
prouvent le contraire par des titres incon-
testables, auxquels les protestants n'ont rien
à opposer.
En se séparant de l'Eglise catholique, les
nestoriens emportèrent avec eux la liturgie
de l'Eglise de Constantinople, traduite en
syriaque, et ils ont continui^ de s'en servir.
À présent ils en ont trois; la première,
qu'ils appellent la liturgie des apôtres, paraît
être plus ancienne que l'hérésie de Nestorius;
m\ NES
1^ jfujonae est cello de Tlu^odorf de Mop-
suoste; la troisième, celle de Néstorius.
Coito dernièie est la seule dans laquelle ils
ont glissé leur erreur louchant l'Incarnation ;
les deux autres sont orthodoxes. On y
trouve, connue dans toutes les autres litur-
gies orientales, l'expression de la présence
réelle et delà tianssubslantiation, i'ador.-ilion
de l'eucharisfie, la coniniéinoration de la
sainte Vierge et dis saints, la prière pnur
les morts. Les lustoriens ont toujours crh'--
liré en langue syriaque et non en langue
vulgaire, dans tous les pays oîi ils ont eu
des églises, et ils ont toujoin's a Imis le
niômo nombre de livres de l'Ecriture sainte
que les catholiques. D'oii l'on conclut qu'au
V" siècle, lorsque les ncstorims ont com-
mencé h faire bamle à part, toute l'Eglise
chrétienne croyait et professait les mêmes
drigmos ([ue les protestarits reprochent à
l'Eglise mmaine comme une doctrine nou-
velle et inconnue à toute l'antiquité. Voj/. Li-
TiïRGiE. On a tenté plus d'une fois de faii'e
renoncer les 7iestoriens h leur schisme. L'nu
13()'i., J.djallaha, patriai'che des ncstorims,
envoya sa profession de foi orthodoxe au
pape Benoît XI. Au xvi" siècle, sous les
panes .Tules III et Pie IV, le patriarche nés-
toirien Jean Sulaka lit de même ; son succes-
seur, nommé Abdissi, Abdjésu ou Ebedjésu,
vint à Rome deux fois, y fit son abjuratioB,
envoya sa profession de foi au concile do
Trente, reçut du souverain pontife le
pullium, et, de retour en Syrie, travailla avec
succès à la conversion des schisinatiques. Il
était savant dans les langues orientales, et
il a com|)Osé plusieurs ouvrages. Un atitre
envoya encore sa profession de foi à Pau' V;
mais on jirétend que ses députés no furent
pas sincères dans l'exposition de leur
croyance ; ils pallièrenl leurs erreurs afin do
se rapprocher des catholiques, et rendirent
mal lésons des expressions de leursdocteiu's.
Ainsi en a jugé l'abbé Renaudot, Pcrpét. de
la foi, toni. IV, 1- 1, c. 5.
Snivant la gazette de France, du 5 juin
1771, art. Rome, les dominicains, mission-
naires en Asie, ont ramené à l'unité de l'E-
glisele patriai'che schismalique des nestorims
résidant à Mozul, et cinq autres évè(|ucs de
la même province. Sur la lin du siècle passé,
il y avait encore quarante mille nestorims
dans la Mésopotamie : Etat de l'Eglise
rom., par le pridat Cerri, p. 155. Ces conver-
sions ne pouvaient mancpier de déj-daireaux
protestants. Mosheim dit que les mission-
naires vont semer exprès le schisme et la
discorde parmi les sectes orientales, afin de
pouvoir débaucher l'un des deux [(.ti'tis.
Selon lui, le prédécesseur d'Ebedjésu n'eut
recours à Rome que pour obtenir l'avantage
sur son compétiteur, (piilui disputait le pa-
triarcat. Mais on sait ([u'il n'est pas besoin
de l'inlkience des missionnaires pour faire
nailre de nouvelles divisions parmi les
schismatiquos, puisqu'il n'y a aucune secte
qui n'en ait vu éclore plusieurs dans son sein.
Ebedjésu n'a donné aucun motif do douter
.de la sincérité de son catholicisme, et plu-
NES 1012
sieurs 4e ses successeurs ont imité sa con-
duite. Cependant Mosheim soutient on géné-
ral que ces prétendues conversions sont
inlé'ressées et simulées, qu'elles n'ont d'au-
tre motif que la pauvreté et l'espérancc;
d'obtenir ilo l'argent de Rome pour se raclie-
tcr des vexations des mahométans ; que si
li;s libéralités du pape viennent à cesser, le
catholicisme de ces nouveaux prosélytes s'é-
vanouit. Nous ne doutons pas que plusieurs
évèipies nestoriens n'oient donné lieu h ce
reproclio, mais il n'est pas de l'intérêt d(>s
prolcsiants d'insister sur la mauvaise foi de
gens qu'ils auraient d-siré d'avoir piiur frè-
res, et don! ils ont déhguré la doclrino pour
la concilier avec la leur. L'inconstance et la
dissimulation de quelques ]>rosélytes ne
forment aucun préjugé contre la pureté du
zèle des missionnaires et des souverains pon-
tifes. Les apôtres mômes ont trouvé des
hy|)Ocritos parmi ceux qu'ils avaient con-
vi'rtis. Un trait plus odieux de la part do
Mosheim est de dire que la cour do Rome et
les missionnaires sont de bonne composition
sur le christianisme de ces peuples; que
pourvu (ju'ils reconnaissent à l'extérieur la
juridiction du pontife romain, on leur laisse
la liberté do conserver leurs erreurs, et de
pratiquer leurs rites, quoi(pie très-opposés
à ceux de l'Eglise rom.dne. Pure calomnie.
N'a-t-on pas vu les souverains pontifes con-
damner iKuiioment les rites milabares, in-
diens et chinois, qu'ils ont jugés superslitieux
ou pernicieux, et défendre rigoureusement
aux missionnaires de les tolérer ? Los mis-
sionnaires français, espagnols, allemands et
portugais, ne sont pas soudoyés par le pape,
et ils n'ont aucun intérêt à se rendre coupa-
bles d'une ))révarication. Quant aux rites
innocents, et dont l'origine esttrès-ancienne,
pourquoi ne les conserverait-on pas, quoi-
que différents de ceux de l'Eglise romaine?
Ici l'entêtement des protestants brille dans
tout srm jour; ils ont censuré avec aigreur
le zèle des missionnaires portugais qui vou-'
lurent tout réformer chez les nestoriens du
Malabar, et substituer les rites We l'Eglise
latiiio aux anciens rites des églises syrien-
nes ; à jH'ésent ils blâment les missionnaires-
de la Mésopotamie qui, mieux instruits
que les Portugais, jugent qu'il ne faut ré-
former cho/î les nestoriens que ce qui est
évidemment mauvais. Ils ont paru applaudir
au zèle dos nestoriens qui |)ortèrenl l'Evan-
gile et fondèrent des églises dans la Tartîirie
et à la Chine, et ils ont cherché à rendre
suspects les missionnaires catholiques qui
ont entrepris les mêmes travaux. jCependanl
ces apôtres nestoriens, pendant se[it cent>
ans de missions dans la Tartarie, ont négligé
un soin que les protostan's jugent indispen-
sable ; ils n'ont pas traduit en tartaro l'Ecri-
ture sainte, pas même le Nouveau Testament ;
il a fallu ipn^ ce fût nn religieux franciscain
qui en prit la peine au xiV siècle. Voy. Tau-
TAïuis. Ces censeurs opiniâtres no se lasseront-
ils jamais de se contredire et do f'()urnir des
armes aux incrédules, en exhalant leur bile
contre l'Elglise roninino? Ils n'ont pas été
j(n;
NE«
NES
lOli
plus i''fjuit;il>li's on |]aiiaiit ilos nestorims du
yalabitr ([u'cii iioigiiaiit ceux do la Porso ot
(le la .Môsojiolamio.
1\'. l-^tal lia nestorianismc sur la côte de
Malabar. \ky& l'an 1500, lorsque los l'ortu-
g.iis, m)rès avoir doublé lo cap de Boniic-
Esprranco, péiicUrèroiit dans les Indos, ils
furi'ut fort élonn(''s d'y trouver de nouibreu-
s(\s peuplades de chrélicns : ceux-ci ne le
furent jias moins de voir arriver des élran-
gei's qui étaient de leiu- rcli.iïion. Ces peuples,
(]ui se nouuiiaient (7i/'(7(r'/(.v (/(' saint Thomas,
étaient jjour lois répandus dans ipialor/e
Cents hourys ou hourr^ades ; ils avaii'ulpour
unii[ue | asteur un évè([uo ou arcl)evè(pie (jui
Ici r était envové iiar le' i)alriarche lusloricn
de 13al),vlone ou ]ilutôl de Muznl.Ils reeher-
chèreni l'appui des l\)rl!it;ais, pour se dél'en-
diod s vexations de (juelques princes païens
qui les opprimaient, et ils mauiièrent a leur
pali'iarche l'arrivée de ci'S étran,i;ers connue
un événement fort exti'aordinaire. ils étaient
|)ersaa(lés ([ue leur clnistianisme subsistait
depuis le i" siècle de ri"'glise, ([ue leurs
ancêtres avaient ét(t convertis h la foi par
l'apôtre saint Tliouias, (lue c'est de lui qu'ils
avaient tiré leur nom. A l'article Saint Tho-
mas, nous ferons voir que cette tradition
n'est nas aussi niai fondée que certains crili-
(jues l'ont prétenilu, ot que les autres ori-
gines auxquelles ou a voulu i-^quiorler lo nom
d(; chrétiens de saint Thomas sont Ijoaucoup
moins probables. Quoi qu'il en soit, ces
ciirétiens malaliares étaient nestoricns, et il
y a lieu de croire qu'ils avaient été engagés
dans cette hérésie sur la lin du v' siècle. Les
Portugais, qui avaient anu'ué avec eux plu-
sieurs missionnaires, conçurent le dessein
de les réunir à l'Ei^lise catholi(iue, de la-
(pu'lle ils étaient séparés de|iuis mille ans.
Ca'I ouvrage futconunencé |)ar D. Jeand'AI-
b u[Ui'r(|ue, premier archevè([ue de Goa, et
continué, en 139'J, par D.Alexis de Ménéze?
son successeur. Secondé par les jésuites, il
tint un concile dans le village de Diamper
ou Odiamper, dans lequel il fit un grand
nombre de canons et d'ordonnances jiour
coi'riger les erreuis de es clnétiens scliis-
luatiques, pour réformer leur liturgie et
1 nirs usages, pour les rendre conlormes à
la doelrino el à la tiiscipline do l'iîglise ca-
lliolique.
L'histoire de cette mission a été écrite en
liortiigais pflr Antoine Govca, religieux au-
gu.itiu, tiaduile en français et iui|)rimée à
Ihuxflles en ItiOO, sous'le titre û'Uisloirc
orientale des t/rands progrès de VEijlisecatho-
liqae, en la ri'duclion des anciens chrétiens
ilils de saint Thomas. Govea leur reproche
un grand nombre d'erreurs. l^Ils sont, dit-il,
tjpiniàlréiuent attachés à l'hérésie de Nesto-
rius louchant l'Incarnation; ils n'ont point
d'autre image que la croix, et encore ue l'Iio-
noreiit-ils jias fort religieusrraent. 2° Ils as-
surent ((ue les âmes des saints ne verront
Diou ((u'après le jour du jugement. 3" Ils
n'admelteul que trois sacrements, savoir, le
Jjaptème, l'ordre et l'eucharistie, et dans
plusieMrs de leurs églises ils administrent le
ba|)tème d'une nianière quilo rond invalide;
aussi l'archevêque Ménézez les rebaptisa-t-ii
en seci-et pour la plupart, 'i-" Ils no se servent
point d'Imile sainie pour le baptême, mais
d'huile de noix d'Inde, sans aucune béné-
diction. 5" Ils ne connaissent pas môme les
noms d(; confirmation ni d'oxtrême-onetion;
ils ne pratlquenl |)oint ta conl'ession auricu-
laire ; leui's livres d'oilicos fourmillent d'er-
reurs. 6" Pour la cf>nsécration, ils se, servent
de petits gâteaux faits h l'Iuiilo et au sel, et,
au lieu tle vin, ils emploient de l'eau, dans
laquelle ils ont fait ti'euqior des l'aisins secs.
l|s disent la messe raieunuit, et ne se croient
point obligés d'y assisti'r lesjours de diman-
ches. T Ils no' gardent point l'âge reijuis
pour les ordres, souvent ils font des i)réties
a l'âge de 15 ou do 'iOans; ceux-ci se marient
même avec des veuves, et jusiju'à deux ou
trois fois : ils n'observent ]ioint l'usage de
réciter lo bréviaire en particulier, ils se con-
tentent de le dire h haute vnix dans l'église.
8° Ils ont un très-grand respect pour le pa-
triarche catholique nestoriendc I5ab}lono; ils
ne veulent i)oint que l'on nomme le pap(^
dans leur liturgie. Souvent ils n'ont ni curé
ni vicaire, et c'est alors le plus ancien laiipu-
qui préside k l'assemblée, etc. On a pu pré-
sumer que cette liste d'erreurs était tio])
chargée, que Govca prit pour des défauts et
des abus tout ce qu'il n'était pas accoutumé
à voir. Depuis que les théologiens catiioli-
ques ont ap|iris à mieux connaître les dif-
férentes sectes de chrétiens orientaux, sur-
tout les Syriens, soit nestoriens, soit jacobi-
tes, soit melchites, soit maronites, que l'on
a comjiaré leurs liturgies et leurs rites, que
l'on a consulté leurs livres de religion, l'on
a reconnu que les Portugais condamnèrent
dans les nestoriens du Alalabar plusieurs
choses innocentes, plusieurs rites(pio l'Eglise
l'Quiaine n'a jamais ré|)rouvés dans les autres
sectes ; que, s'ils n'avaiciut pas eu lentète-
nient de vouloir tout réformer, ils auraient
réussi plus aisément k réconcilier ces schis
maliqucs à l'Eglise. Quant aux erreurs sur
le dogme, Asséuiani, loin de contredire Go-
vea, en attribue encore d'autres auxnestoriens
de la Perso, Biblioth. orient., tom. III, p.
()93. Ils omettent, dit-ij, dans la liturgie ,
les paroles de la consécration ; ils olfrent un
gAteau à la sainte Vierge, et croient qu'il
devient son coqis ; ils rogar^lent le signe do
la croix connue un sacrement. Quelques-uns
ont enseigné que les peines de l'cuh-r au-
raient un terme; ils placent les âmes des
saints dans le paraiiis terrestre, et ils disent
que les Ames ne sentent rien, séparées di'S
corps. L'an 596, un de leurs synodes a défini
qu'Adam n'a pas été créé immortel, et ()ue
son i)éché n'a point passé à ses descendants,
etc.
La Croze, zéléprotestant, a fait exprès son
Histoire du Christianisme des Indes, pour
rendre odieuse la conduite do l'archevêque
de Goa et des missonnau-es portugais; il tire
avantage des reproches (]uelquefois mal fon-
dés do Govea; il soutient que les chrétiens
de saint Thomas avaient précisémenlla même
iù\l
NES
NES
lOir.
croyance que les protestants, qu'ils n'admet-
taient comme eux que deux sacrements, sa-
voir le baplême et la cône, qu'ils niaient for-
mel'lement la prt''senc'e réelle et la transsub-
stantiation , qu'ils avaient en horreur le
culte des saints et des images, qu'ils igno-
raient la dijclrine du purgatoire, qu'ils re-
jetaient les prétendues traditions et les abus
que l'Eglise romaine a introduits dans les
derniers siècles, etc. Assémani, BibUoth.
orient., t. IV, c. 7, § 13, a pleinement réfuté
le livre de La Croze ; il le convainc de douze
ou treize erreurs capitales. Pour éclairer les
faits, et savoir a quoi s'en tenir, il a fallu
consulter des titres plus authentiques que
les relations des Portugais, savoir, la liturgie
et les autres livres des nestoriens, soit du
Malabar, soit de la Perse, d'où ils tiraient
leurs évêi|ues. C'est ce qu'ont fait l'abbé
Renaudot, Assémani et le Père Le Brun, et
ils ont démontré que La Croze en avait gros-
sièrement iîupos.'^.On trouve dans le VI' tome
du Pôi'e Lebrun la lituri;ie dos nestoriens
nial.Tb.ires, telle qu'elle était avant les cor-
rections qu'y fit faire l'archevôque de Goa;
cet écrivam l'a confrontée avec les autres li-
turgies nestorimnes ijue l'abbé Uenauiot
avait fait imprimer, et qui ont l'té fournies
par les nestoriens de la Perse. Il en résulte
que les uns et I. s autres ont toujours cru et
ci'oient encore la irrésence réelle do Jésus-
Christ dans l'eucliaiislie et la transsubstan-
tiation; que du moins plusieurs admettent
sept sacrements comme l'Eglise romaine ;
que dans leur messe ils font mémoire des
saints, prient pour les morts, etc. Les lecteurs
neu instruits, qui se sont laissé séduire par
le ton de confiance avec lequel La Croze a
parlé, doivent revenir de leur erreur.
Quand nous serions forcés de nous en rap-
porter à Govea, il serait encore évident que
ta croyance des nestoriens malabares était
Irès-ojiposéf à celle des protestants. Ceux-ci
croient-ils, comme les Malabares, qu'il y a
deux Personnes en Jésus-Christ, et que les
saints ne verront Dieu qu'après le jour du
jugement ? Les Malabares ont toujours re-
gardé l'ordre comme un sacrement; et quoi-
qu'ils n'attendissent pas l'âge prescrit par les
canons, Govea ne les accuse point d'avoir
donné les ordres d'une manière invalide. Il
ne dit pas en quoi consistait l'invalidité de
leur baptême ; on n'a jamais douté de la va-
lidité de celui qui est administré par les
nestoriens persans ou syriens. Leur foi tou-
chant l'eucharistie est constatée par leur li-
turgie ; Govea ne leur fait aucun reproche
sur ce point. S'ils mêlaient de l'huile et du
sel dans le pain destiné à la consécration, ils
en donnaient des raisons mystiques, et cet
abus ne rendait pas lesacremeni nul. Quoi-
que le suc des raisins trempés dans l'eau fût
une matière très-douteuse, ils ne refusèrent
]ioint de se servir du vin que les Portugais
leur fournirent. Ils ne disaient la messe que
le dimanche , et ils ne se croyaient pas ri-
goureusement obligés d'y assister ; ils la re-
gardaient néanmoins comme un vrai saciilice;
ils n'en avaient pas horreur comme les pro-
testants. Ils négligeaient beaucoup la confes-
sion ; cependant ils croyaient l'efficacité de
l'absolution des prêtres, par conséquent le
sacrement de pénitence. Ce n'est pas Ik du
calvinisme. Ils ne rendaient pas à la sainte
Vierge, aux saints, à la croix, un culte aussi
éclatant et aussi assidu que les catholiques;
mais ils ne condamnaient pas ce cultecomme
superstitieux. Ils n'avaient pas d'images
dans iCurs églises, parce qu'ils étaient en-
vironnés do pa'iens idoMtres et de pagodes;
s'ensuit-il qu'ils regardaient l'honneur rendu
aux images comme une idolAtrie? Le cr)iKile
de Trente, en enseignant que l'usage des
images est louable, n'a pas aécidé qu'il était
absolument nécessaire. Ces chrétiens étaient
soumis au patriarche nestorien de Mozul, et
non au pape, qu'ils ne connaissaient pas ;
donc ils admettaient un chef spirituel et une
hiérarcliie ; ils ne soutenaient pas, comme
les pi'Otestants, que toute autorité ecclésias-
tique est une tyrannie. Ils ont toujours célé-
bré l'ofiice divin en syriaque, langue étran-
gère pour eux; jamais ils n'ont célébré en
langue vulgaire. Us observaient religieuse-
iiieiit l'abstinence et le jeûne du carême ;
l'Airs évéqncs n'étaient pas mariés; ils ont
toujours estimé et respecté lu profession re-
ligieuse : où est donc leur protestantisme ?
Si les Portugais étaient demeurés en pos-
session du Malabar, il est très-probable que
toute cette chrétienté serait aujourd'hui ca-
tholiqiie; mais depuis que les Hollandais
s'en .sont emparés, ils ont favorisé les scliis-
matiques , et n'ont pris aucun intérêt au
succès des missions. M. Anquetil, qui a par-
couru cette contrée en 1758 , a trouvé les
Eglises du Malabar divisées en trois [lortions,
l'une de catholiques du rite latin, l'autre de
catholiques du rite syriaque, la troisième de
Syriens schismatiques. Celle-ci n'est pas la
plus nombreuse ; de deux cent mille chré-
tiens, il n'y a que cinquante mille schisma-
tiques. Le Père Lebrun et La Croze n'a-
vaient donné l'tdstoire de ces Eglises que
jusqu'en 1()C3, époque de la conquête de
Cochin par les Hollandais ; M. Anquetil,
dans son iliscours préliminaire du Zend-
Avesta, p. 179, la continuée jusqu'en 1758.
Il nous apprend qu'en 1685 les Malabares
schismatiques avaient reçu de Syrie, sous
le bon plaisir des Hollandais, deux arche-
vêques consécutifs, un évêque et un moine,
qui tous étaient Syriens jacobites , et que
ceux-ci avaient semé leur erreur parmi ces
chrétiens ignorants , do sorte que ces mal-
heureux, après avoir été nestoriens pendant
plus de mille ans, sont devenus, sans le
savoir, jacobites ou eutycliiens, malgré l'op-
position essentielle qu'il y a entre ces deux
hérésies. La Croze , qui no l'ignorait [las,
n'a témoigné y faire aucune attention. En
1758 ils avaient pour archevêque un caloyer
ou moine syriL^n fort ignorant, et un choré-
vêque de même religion un peu mieux ins-
truit. Ce dernier fît voir à M. Anquetil le.s
liturgies syriaques, et lui laissa copier les
parules de la consécration ; il lui donna ei>-
suite sa jfrofcssion de foi jacobite dans la
1017
NEU
MC
lois
unième languo. Zcnd-Avesta , loin. I, p. Ifia.
Par la suite des faits que nous vonniis
(l'(^\])osor, l'on voit quo los p'Otcstants ont
m;in(]n(^ de sinei^rilé dans tout ce qu'ils ont
(''(•rit touchant le nestorianismr , ils l'ont
déguisé et tr(''S-raal justilit", soil dans sa
naissance, soit dans les proi^çr^s qu'il a i'aits
aprf's le concile d'Ephèse, soit dans son der-
nier état chez les Malabares ou chrétiens de
saint Thomas ; ils couronnent leui- inliilélité
Fardes caloniniescontro les missionnaires de
Fglise romaine. « De quelque manière (]ue
Jésus-Cihrist soil annoncé, disait saint Paul,
soit jiar un vrai /èlo , soil par jalousie, .soit
par un autr:^ motif, je m'en réjouis et m'en
réjouirai toujours (Philipp. i, 18 et 19). »
Ce n'est plus l.\ l'esprit ([ui anime les pro-
lestants ; ils ne veulent pas r'rfV'lier Jésus-
CJirist aux infidèles, et ils sont fichés de ce
que les catholi([ues font des cotiversions.
Vot/. Missions.
NEUN'.V'.NR , prières continuées pendant
neuf jours en riionneur de ipiehjue saint,
pour olitenir de Dieu ([nehpie i^rAce [lar S'ui
intercession, ('o'iinie les incrédules instruits
par les protcst-uits se font tine étuile de
iourner en ridicule iO'il^'S les j^ratiques <le
j)iétç ii«iiée.s dans l'E^H'-e rmnaine , un l):d
esprit ne otnit iias manquer de reg.u-der une
«ri£rf/»n''c'iinme une superstition, de la met-
tre au ra'!g îles pratiques que l'on nonniie
\j<tines ohsprvanci s rt culte superflu. Poiu'quoi
des prières répétées pendant neuf jours ni
plus ni moins? Seraient-elles moins ellica-
ces. si elles étaient faites seulement pendant
huit jours ou prolongées jusqu'h dix? etc.
l'^n (piei(]ue nondjre que Ion puisse faire
des prières, la même (juestion revienilra et
ne jirouvera jamais rien. L'allusion ;i un
noniiire quelconque n'est superstitieuse ([ue
quand e le a quelrpie chose de lidicule,
et n'a aucun rappoit au culte de Dieu ni aux
vérités (jne nous devons professer ; elle est
loualile, au contraire, lorsqu'elle sert à in-
cuhpier un fait ou un dogme qu'il est essen-
tiel lie ne pas oublier. Ainsi chez les patriai-
ches et chez les Juifs le nombre se()ténaire
était sacri'', parce qu'il faisait allusion auv
six jours de la crvition, et au septième ([ui
était le jour du repos ; c'était par conséquent
une profession continuelle du dogme de la
création , dogme fondamental et de la plus
grande importance. Voy. Skpt. Le cinquiè-
me jour de la fête des Expiations, les Juifs
devaient olfrir en sacrifice des veaux, au
nombre de neuf; nous ne croyons pas que
ce nomîire eilt rien de superstitieux, ijuoi-
que nous n'en sachions pas la raison \S'um.
xxix, 2G!. Dans l'Eglise chrétienne, le nom-
bre de trois est devenu sacré, pai-i'c qu'H
est relatif aux Personnes de la sainte Tri i]it(''.
Comme ce mystère fut attaqué par iiliisieiirs
sectes d'iii'rim-iues , l'Eglise alfecta d'en
multiplier l'expression dans son culte exté-
rieur; d'^ là la tripli' immersion dans le bap-
tême, le Tri.iagion ou trois fois saint chaulé
dans la liturgie, les signes de croix répiMés
trois fois par le prêtre pendant la messe, etc.
Par la même raison le nombre de neuf, ou trois
fois trois, est devenu significatif; ainsi l'on
dit neuf fois /fyr/fl eleison, fi'ois fois à l'hon-
neur d(! cliaqu(> Personne divine, |iour mar-
quci' leur égalité parfaite. Nous pensons
qu'une ncucnine a le môme sens et fait la
même allusion; cpie non-seulement elle est
très-innocente, mais très-utile. Si par igno-
rance une personne pieuse s'imaginait qu'<i
cause lie cette allusion le nombre de neuf a
une vertu particulière, ([u'airisi unimem'ainn
diiit avoir plus d'efficacité qu'une dizaine,
il fiudrait pardonnera sa simplicité, et Tins ,
triiire de la véritable raison de la dévotion
qu'elle pratique. Voy. ()iisehv\>ce vaixb.
NICÉE, ville de Bithynie, dans laquelle ont
été tenus deux conciles généraux. Le pre-
mier y fut assemblé l'an ^-26, sous le règne
et par les ordres de Constantin, pour termi-
ner la contestation qu'Arius, prêtre d'A-
lexanlrie, av lit élevée au sujet il' la divinité
du Verbe ; il fut composé de 318 évêqiies,
convoqués des dilférentes parties de l'empire
romain : il s'y trouva même un évêque de
Perse et un de la Scylhie.
Ariiis, qui avait enseigné que le Fils de
Dieu était une créature d'une nature ou
d'une essence inférieure à celle du Père, y
fut condamu''; le concile décida que Dieu
le Fils est rnnsuhslanlirl au Père; la pro-
fession de foi qui y fut dressée, et que l'on
nomme le Symbole de Nicée , fait encore
aujourd'hui partie de la liturgie de 1 E-
glise. Dix-sept évoques, qui étaient dans
le même sentiment qu'Arius , refusèrent
d'abord de souscrire ;i sa condamnation
et à la décision du concile ; douze d'en-
tre eux se soumirent quehpics jours après,
ei enfin il n'en resti que deux qui fuient
exilés par l'empereur avec Arius. Mais dans
la suite cet hérésiarque trouva un grand
nombre de-partisans, et l'Eglise fut troublée
pendant longtemps par les disputes, les sé-
diiions, le-; violences auxquelles ils eurent
iccours pour faire prévaloir leur erreur. Voy.
Ar.iAMSME. Ce même concile régla (pie la
jilqiie serait célébrée dans toute l'Eglise le
dimanche qui suivrait immcdiatenienl le li'
jour de la lune de mars, comme cela se
faisait déjà dans tout l'Occident ; il travailla
h éteindre le schisme des inéléciens et celui
des novatiens. Voy. ces deux mots. Il dressa
enfin des canons de discipline au nombre de
vingt, qui ont été unanimement reçus et ob-
servés.
Les Orientaux des différentes sectes en
reçoivent un plus grand nombre, connus
sous le nom de Canons arabiques du concile
de Nice'e: mais les ditïérentes collections
qu'ils en ont faites ne sont pas uniformes;
les unes en contiennent plus, les autres
moins, et il y en a plusieurs (pii sont évi-
demment tirés des conciles postérieurs à
celui de Nire'e. Uenaudot, Histoire des pn-
trifirches d'Alexandrie , pag. 71. Jusqu'au
XVI' siècle, ce concile avait été regardé com-
me l'assemblée la plus respectable (jui eilt
été tenue dans l'Eglise ; par l'histoire que
Tillemont en a faite', Mémoire, tom. VI, pag.
631, on voit que la plupart des évoques dont
1019
NIC
NIC
1020
il fut composé étaient des hommes vénéra-
bles, non-seiilenient jiar leur capacité et par
leurs vertus, mais encore par ki gloire qu'a-
vaient eue jilusieurs de confesser Jésus-
Christ pendant les persécutions, et par les
marques qu'ils on portaient sur leur corps.
Mais depuis que les sociniensout trouvé hou
de renouveler l'arianisuie, ils ont eu inliTèt
ide rendre suspecte la décision de ce concile ;
'ils l'ont représent(^ comme une assemblée
d'évèques dont la plupart étaient, comme
leurs prédécesseurs , imi)us de la pliiloso-
phie de Platon , qui ne l'eniporlil'rcnt sur
Ariiis que parce qu'ils se trouvèrent plus
forts que lui dans la dispute et (]ui eurent
la témérité de forger des termes et des ex-
pressions qui ne se trouvent point dans l'E-
criture sainte. T.es protestants, dont les chefs
LutluT et Calvin n'ont élé rien moins qu'or-
thodoxes sur la Trinité, qui se trouvaient
intéressés d'ailleurs à diminuer l'auiorité des
conciles généraux, en ont parlé à peu près
sur le même ton. Les incrédules , copistes
des uns et des autres, ont jugé qu'avant le
concile de Nicée la divinité du Verbe n'élait
point un aiticle de fui, que ce dogme a été
invenlé |iour l'honneur et pour l'intérêt du
clergé, et qu'il n'a prévalu dans l'Eglise que
par l'auiorité de Constantin. Histoire du So-
cin., i" pari., c. 3.
Cependant, selon le récit des auteurs con-
temporains d'Eusèbe, très-favorable d'ailleurs
au sentiment d'Arius, de Socrate, de Sijzd-
mène, de Théodorot, c'est Arius, et non les
évèques, qui ;irgumiMitait sur des notions
philo^ophiqiics : lors([u'il débita ses blas-
|ilièmes en plein concile, les évèques se bou-
chèrent les oreilles |iar indignation , pour
ne pis les entendre ; ils se bornèrent à lui
opposer l'Ecriture sainte, la tradition , la
croyance universelle de l'Eglise. Au mot
Divinité nE Jésus-Christ, nous avons fait
"oir ipie ce dogme est ap|iuyé sur des pas-
sages très-clairs et très-foruu'ls de l'Ecri-
ture sainte, sur le langage constant et uni-
forme des Pères des tmis preniiei'S siècles,
sur la liturgie et les prières de l'Eglise, sur
la constitution entière du christianisme ;
que, si ce dogme fondamental était faux,
toute notre religion serait absurde. Gela est
démontré par la chaîne des erreurs que les
sociniens ont été forcés d'enseigner : dès
qu'ils ont cessé de croire la divinité de Jé-
sus-(]hrist, leur croyance est devenue le pur
déisme. Nous ne savons pas sur quoi fondé
Mosheim a dit qu'avant l'hérésie d'Arius et
le concile de Nicc'e, la doctrine touchant les
trois Personnes de la sainte Trinité n'avait
j)as encore été fixée, que l'on n'avait rien
proscrit à la foi des chrétiens sur cet arti-
cle, que les docteurs chrétiens avaient des
sentiments dill'érenls sur ce sujet, sans tpie
personne s'en scandalis;3t. Ilist. ecclés. du
IV' sii^cle, W part., c. 5, § 9. Depuis les apô-
tres, la doctrine catholi([ue touchant la sainte
Trinit('' était fixée par la forme du baplème,
par le culte suprènie rendu aux trois Per-
sonnes divines, par les anatlièmes pronon-
cés contre divers hérétiques. Cérintiie, Car-
pocrate, les Ebionites, Théodote le Cor-
royeur, Artémas et Artémon, Praxéas, les
NiiiHiens, Bérylle de Bostres , Sabellius ,
Paul de Samosate, avaient nié, les uns la
divinité de Jésus-Christ, les autres la dis-
tinelion des trois Personnes divines ; tous
avaient été condamnés. Saint Denis d'Alexan-
drie et le concile qu'il lit tenir contre Sa-
bellius l'an 2(51, celui de Rome, sous le pape
Sixte II, en 2S7, ceux d'Anlioche tenus con-
tre Paul de Samosate en 2Gi et 269, avaient
établi la même doctrine cjue le concile de
Nicée : celui-ci se lit une loi de n'y rien
changer: tel est le bouclier que saint Atha-
nase et les autres docteurs catholiques n'ont
pas (?essé d'opposer aux ariens. Le point
d'honneur, l'intérêt, l'esprit de dis|)jte et
de contradiction, n'ont donc pu avoir au-
cune part à la décision. Voy. Symbole. Une
jireuve que c'était l'ancienne foi de l'Eglise,
c'est qu'elle fut reçue sans contestation dans
toute l'étendue de l'empire romain, dans les
synodes que les évèques tinrent à ce sujet,
même dans les Indes et chez les barbares où
il y avait des chrétiens. Ainsi l'attestait saint
Atlianase, k la têle d'un concile de quatre
vingt-dix évèques de l'Egypte et de la Li-
bye, l'an 309. Epistolœ episcoporum yEgijpti,
etc., ad Afros, 0pp. tom. I, part, ii, p. HiJl et
892. Déjà, l'an 363, il avait écrit à l'emjie-
reur Jovicn : «Sachez, religieux empereur,
que cette foi a été i)rêchée de tout temps,
qu'elle a été professée par les Pères de vV*-
cée, et qu'elle est confirmée par le sulfrage
de toutes les Eglises du inonde chrétien ;
nous en ayons les lettres. » ]bid., page 781.
Ce Père, qui, dans ses divers exils, avait par
couru presque tout l'empire, pouvait mieux
le savoir que des écrivains du s.iii° siècle.
Eusèbe même de Césarée, malgré son pen-
chant décidé à favoriser Arius, protestait à
ses diocésains, en leur envoyant la décision
de Nicée, que c'avait toujours été sa croyance,
et qu'il favait reçue telle des évèques ses
piédi':cpss;urs. Dans saint Athanase, t. I,
pag. 230, et dans Socrate, llisl. ecclés., ]. i,
c. 8. L'autorité de Constanlin n'influa pour
rien dans la décision du concile de Nicée;
il laissa aux évèques pleine liberté de dis-
cuter la question et de la décider connui' ils
jugeraient à propos ; la crainte de déplaire
à cet empereur n'imposa point aux [laitisans
d'Arius, puisque plusieurs refusèrent de si-
gner sa condamnation. Dans la suite, les em-
pereurs Constance et Valcns, sédu'ts par les
ariens, usèrent de violence pour faire réfor-
mer la décision du concile de Nicée; mais
les empereurs catholiques n'en ont employé
aucune pour faire |irévaloir cette doclrine.
Mosheim, jiarlant des canons de discipline
établis par ce concile, dit que les Pères do
Nicée étaient presque résolus d'imposer au
clergé le joug d'un célibat |)er|iétuel , mais
qu'ils en furent détournés par Paiihnuce,
l'un des évèques de la Thébaide ; son tra-
ducleur nomme cette loi du célibat, une loi
contre nature, iv' siècle, ii' part. cap. 5,
S 12. Les prolestanls ont lait grand bruit à
l'i''gMrd de ce fait ; niais il est ici fort msl
iO-li
NIC
NIC
1033
)ir,('^sent(^. Selon Soeralo, I. i, c. 11, et Sozo-
m^iic, 1. I, c. 2^, les Pi^i-cs (li> IVirc'o vou-
. aient ordonner .lux ('"vôqiies. ;nix prûtres et
aux (lineres, qui avaient ('•té mai'ii's avant
leur onliiialion, de se séparer de leurs fem-
mes ; Paplinuee, qu ique eélibntaii'e lui-uié-
mo, représenta ipie eefte loi scM-ait trop dnro
et serait suj(Mtt^ ?i des iiie invi'nients. (iu"il
suffisait de s'en tenir h la li'adilion de l'F-
î^lise , selon laquelle eeux (pii avaient été
promus aux ordres sarrés avant (rèlr(> ma-
riés devaient reuoneei' an mariage. En effet,
le 1" iMuon (in eoncile de N(''ooésarée, tenn
Vnn .'Jl'» on 315, ordonnait do déposer un
pr('tr(^ qui se serait marié apn'^s son ordina-
tion ; le 27° canon des aptMres no permettait
(|u'anx loeteurs et aux chantres de prendre
(les épouses : telle était Yaticicnnr (raililion
deFluilhe. Mais les protestants, qui ont Ju.hm!
que c'était une loi contre nature, ont tr'itivé
him de snpfioser que le concile de Nic('e
avait laissé h trins les c1(M'cs sans distinction
la lil)erlé de se marier. T'oi/. (^.ki.idat. l.e
deuxième concile de .Y/c/c, (pii est le se|)-
ti('''Mifi général , fut tenu l'an 7H7 contre les
iconoclastes ; il s'» trouva 377 év("^ipies d'O-
rient avec les léj^als du |iape Adrien. Ou
sait que les empereurs T.éon d'Isa(U"ieii ,
Cnnslantiu-Copronynie e( Léon IV s'étaient
déclarés contre le culte rendu aux images,
les avaient fait Iniser, et avaient si'vi avec.
la(lerni(''re i'i:.;neur contre ceux <^m demeii-
raiiMit atlaclu's à ce culte. Constanlin-Copro-
nymo avait assemblé, l'an 7.'>'i, ini concile à
Conslanliiiople, dans lequel il avait fait con-
dannier le culte et l'usage des iinases, et il
avait apiiuvé cette décision par ses lois. Sous
le r(>;.îne de l'impératrice Ir(^ne, veuve de
Li'on IV, rpii jïonvernait l'empire au nom de
son lils Cnnslantin-Por|ihyro2;én(''lo. encore
mineur, le concile do Nici'e fut tenu poin'
réformer les déiTOts de celui de Constanti-
n«i)l(', et pour rétablir le culte des images.
La plupart dos éjèrpn\s rfui avaient assisti'
et .souscrit à ces décrets se rétractèrent à
Nier^e.
Il y fut décidé que l'on doit rendre aux
images de Jésus-Christ, de sa sainte UK're,
des anges et des saints, le salut et I adoi'a-
tion d'honneur, mais non la véritable bttrir,
qui ne convient ([u'.'i la nature divine: parce
que riioimeur rendu h l'image s'adresse ?i
l'original, et que celui qui ador(! l'image
adore le sujet (pi'elle re(ii'(''seute; que telle
est la doctrine des saints l'éres et la tradi-
tion do ri"'glis(! catholique répandue par-
tout. Dans l(!s lettres que le concile écrivit
à l'empereur, îi l'impératrice et au clergi'^ do
Constantino|i|e, il expli([ua le mot tYmlorn-
tion , et lit voir que, dans le langage do
l'Ecriture sainte, (ulorer et saluer sont deux
termes .synonymes. Cette di'cision. envoyée
par le pape Adrien h Charlem.igno et aux
éy(!(|ues des Gaules, essuva beaucoup de
diflinultés et de contradictions ; nous en
avons exposé les suites h l'article Image.
On conij.oit ([iio les protestants, eimemis
jurés du culte des imng(^s, n'ont pas man-
qué de di'clan)er contre le conoilc do iVnee-
ils ont lAdié de répaiulre sur sos di5cret.s
tout l'odieux des crimes dont l'impfîratrice
Ir(''ne s'était rendue coupable. On abroge,!,
disent-ils, dans celte asscMnlih'e, les hiisim-
l)ériales au sujet de la nouvelle idolAtrio;
on annida les décrets du concile de Cons-
tantinoplc : on r*'tablit le culte des images
et do la croix, et l'on décerna des chAlimonis
si'.véres contre ceux qui soutiendraient (|ue
Dieu était le seul objet (r(nie adoration re-
ligieuse. On ne peut rien imaginei' de plus
ridicule et de plus trivial (juo les arguments
sur lesquels les év('((ues (jui composaient
ce concile fondèrent leur décret. Ccpcn l;)n(
les lîomain.; les tinrent pour sacrés, et jc'.;
Cii-ecs regardèrent connue des parricides ( l
des traîtres ceux qui refusèrent do s'y sou-
mettre. Mosheim, flist. ecclés., huitihnc sv-
cle. If pnrt. 0. 3, § 13. Au mot Imach, nous
avons fait voir que le culte ipi'on leur rend
dans l'Eglise catholi(jue n'est ni un usa,.;o
nouveau ni une /(/oM^/vc; aussi cette qua-
lification n'est point de iMosheim, mais do
son Iraducleur. Nous avons montré que,
dans foutes les langues, le terme adorer vsl
é(]uivoque, cfu'il sigrnlie également le cult(!
rendu h Dieu et 1 lionmmr rendu aux créa-
tures, qu'il est employé de même par les
auteurs sacrés et p-u' (os écrivains ecchisias-
liques; il est donc ridicule do vouloir con-
fdiidro rhonn(!in' rendu aux images et le
culte rf'udn h Dieu, |iarco qu'ils sont ex-
primés par h^ même terme. Une objection
fondée sur une pure équiv(jque n'est qu'une
puérilité.
L'assemblée des évèques h Constantino-
ple, l'an 75'i, no mérit(! [loint le nom do
f'o»c;7e; le chef de l'Eglise n'y eut aucune
part; au contraire il la rejeta connue uiuî
assemblée schismatique ; ce fut un acte do
despotisme de la part de Constantin-Copro-
nyme; tout s'y conclut par sa seule autorité :
les évè((ues, subjugués [lar la crainte, n'o-
sèrent lui résister : aussi demandi'rent-ils
))ardon do leur faute au concile de ;Y/cr('. 11
n'est pas vrai, quoi qu'en dise Moshcim, qu(!
les Crées regardent ce conciliabule de Con-
slanlinople comme le septième (jL'ciiméinijue,
prén'rablement à celui de iV/c(f('; les Cirées,
quo!([ue schisniatiques, ne snnt point dans
les sentiments des iconoclastes ni (Jaiis eeux
(his [iroteslants. 11 est oncdre faux ijue l'on
ait décerni' des châtiments sévères eontr(!
ceux (pii soutiendraient que Dieu est le seul
objet d'u;;e ador.ition religieuse. Le com-ile
de Nire'e distingue cx|ire.-sément Fadoi-alio-i
religieuse proprement dite, ou la véritable
latrie, qui n'est ilue qu'à Dion seul, d'avoi;
le sim|)lo honneur, nonnné improprement
adoration, que l'on rend aux images, cull(!
purement relatif, et qui se raiiporte à l'objet
fju'ellesreprésentont.rof/. ADonATn)N,Ci (.TE
Les raisons sur les(|uclles les Pères do Nicée,
fondèrent leurs décisions ne sont ni ridicule.s
ni triviales; ils s'ap[myèrenl principalement
sur la tradition constante et universelle de
l'Eglise; on lut en plein concile les passa-
ges des ilocteurs anciens, et l'on y réfuta en
détail les fausses raisons ipii avaient été al-
d023
NIC
NIC
1024
léguées dans l'assemblée de Constantinople.
Ce sont les mômes dont les protestants se
servent encore aujourd'hui.
Il est fi'iux que l'on ait Iraité comme des
parricides et des traîtres ceux qui réinsè-
rent d'obéir à la décision de Nicée, ni que
l'on ait sévi contre eux; nous ne voyons
dans l'histoire aucun supplice infligé à ce
sujet ; le concile ne décerna point d'autre
peine que celle de la déposition contre les
évéques et contre les clercs, et celle de
l'excommunication contre les laïques : au
lieu que les empereurs Léon l'Isaurien,
Constantin-Copronyme et Léon IV avaient
répandu des torrents de sang pour abolir le
culte des images, et avaient exercé des cruau-
tés inouics contre ceux qui ne voulaient pas
imiter leur impiété. Mosheim lui-même en
est convenu, et il n'a pas osé condamner
avec autant de hauteur ({ue le fait son tra-
ducteur, la conduite des papes qui s'oppo-
sèrent de toutes laurs forces à la fureur iré-
nétique de ces trois empereurs. Jamais les
catholiques n'ont emp'oyé contre les mé-
créants les mômes cruautés que les héréti-
ques, lorsqu'ils se sont trouvés les maîtres,
ont exercées toi.tre les orthodoxes.
NICHE. On nomme ainsi, dans l'Eglise
romaine, un petit trône orné de dorures ou
d'élolfe précieuse, surmonté d'un dôme ou
d'un dais, et bur lequel on place le saint Sa-
crement, un cn.icilix, ou une image de la
sainte 'V'ierge ou d'un saint. 11 y a bien, de
l'iniiécence, pour ne rien dire de phjs, h
comparer l'usage de jiorter en procession ces
objets de notre dévotion, avec la coutume
des idolâtres anciens ou modernes, qui por-
taient aussi en procession dans des niches
ou sur des brancards les statues de leurs
dieux ou les symboles de leur culte. C'est
cependant ce que l'on a fait dans [ilusieurs
dictionnaires. A-t-on voulu insinuer par là
que le culte que nous rendons à la sainte
eucharistie ou aux saints est de même es-
pèce, et non moins absurde que celui que
les païens rendaient à leurs idoles. Vingt
fois nous avons réfuté ce parallèle injurieux,
toujours ré()été par les [irotestants et par
les incrédules. Les prétendus dieux du pa-
ganisme étaient des êtres imaginaires, la
plupart de leurs simulacres étaient des ob-
jets scandaleux, et les pratiques de leur
culte étaient ou des puéridtés ou des infi-
mies. Jésus-Christ Dieu et homme, réelle-
ment présent dans l'eucharistie, mérite cer-
tainement nos adorations; les images des
saints sont respectables à plus juste titre
que celles des grands hommes, puisqu'elles
nous représentent des modèles de vertu, et
dans les hoimeurs que nous leur rendons
il n'y a rien de ridicule, de scandaleux, ni
d'indécent. Voy. Culte, Idolâtrie, Image,
Saint, etc.
NICODÈME, docteur juif, qui vint pen-
dant la nuit trouver Jésus-Christ pour s'in-
struire. « .Maître, lui dit-il, nous voyons que
Dieu vous a envoyé pour enseigner; un
homme ne pourrait pas faire les miracles
que vous faites, si Dieu n'était pas avec lui
(Joan. III, 1). » Le témoignage rendu au
Sauveur par un des principaux docteurs de
la synagogue a déplu aux incrédules, ils ont
cherché à l'affaiblir. Ils ont dit que le dis-
cours adressé par Jésus-Christ à Nicodème
est inintelligible, qu'il ne lui déclare pas
nettement sa divinité, qu'il semble que Jé-
sus n'ait parlé à ses auditeurs que pour leur
tendre un piège et les induire en erreur..
Cependant ce discours nous parait très-in-
telligible et très-sage. Jésus avertit d'abord
ce ilocteur que personne ne peut entrer dans
le royaume tle Dieu s'il ne reçoit une nou-
velle naisstnce par l'eau et par le Saint-Es-
prit; c'était une invitation faite k Nicodème
de recevoir le baplêrae. Jésus compare cette
nouvelle naissance aux effets du vent, dont
on entend le bruit sans savoir d'où il vient ;
ainsi, dit le Sauveur, on voit d^ins le baptisé
un changement dont la cause est invisible,
changement qui consiste à vivre selon l'es-
prit et non selon la c'iair. Il ajoute que le
témoignage qu'il rend de cette vérité est di-
gne de foi, puisqu'il est descendu du ciel
pour venir l'annoncer aux hommes; mais,
quoique descendu du ciel, il dit qu'il est
dans le ciel, v. 13, et nous demandons aux
sociniens comment le Fils de l'homme des-
cendu du ciel |iouvait encore être dans le
ciel, s'il n'était pas Dieu et homme. Dieu,
continue le Sauveur, a tellement aimé le
monde, qu'il lui a donné son Fils unique, afin
que (juiconque croit en lui ne périsse point,
mais obtienne la vie éternelle. Il n'a point
envoyé son Fils pour juger le monde, mais
pour le sauiHT. Jésus-Christ pouvait-il révé-
ler plus clairement sa divinité à Nicodème
qu'en lui déclarant cju'il était aussi réelle-
ment Fils do Dieu que Fils de l'homme? S'il
n'avait pas été Dieu, pouvait-il sauver le
monde'/ Il est certain d'ailleurs que les doc-
teurs juifs prenaient le mot Fils de Dieu
dans toute la rigueur, et qu'ils étaient con-
vaincus par les prophéties que le Messie de-
vait être Dieu lui-même. Voy. Divinité de
Jésl's-Christ.
Il y a eu un Evangile apocryphe sous le
nom de Nicodème : c'était une histoire de la
passion et île la résurrection de Jésu.s-Clirist;
mais il n'a commencé h paraître qu'au iv"
siècle; il y est dit à la fin qu'il a été trouvé
par l'empereur Théodose : avant ce temps-
là on n'en avait pas entendu parler, aussi
n'en a-t-on fait aucun cas. C'était évidem-
ment une narration tirée des quatre évan-
gélistes par un auteur ignorant, qui y avait
ajouté des circonstances imaginaires. Fa~
bricii Codex apocryphus. N. T. p. 21't. Il
n'est pas certain cpie ce faux Evangile soit
la môme chose que les Actes de Pilate dont
les anciens ont parlé. Voy. Pilate.
NICOLAITES. C'est le nom de l'une des
plus anciennes sectes d'hérétiques. Saint
Jean en a parlé dans V Apocalypse, c. ii, y. G
et 15, sans nous apprendre quelles étaient
leurs erreurs. Selon saint \v('\\ée,adv.Hœres.,
lib. 1, c. 2G, ils tiraient leur origine de Ni-
colas, l'un des sept diacres de l'Eglise de
Jérusalem qui avaient été établis par les
10-25
NIC
I,Ofc
um
opôtres (.((■/. MI, !i) : mnis .o.s ancic^ii'î ne
cuiivicniiêiit point do la faute par laquelle
il avait doniK^ naissance à une hérésn'. Les
uns dis(Mit que, conuua il avait épousé une
frès-hellc fenimc, il n'eut pas le courage
d'en ilonieurer séparé, qu'il retourna avec
elle apr('S avoir promis de vivre dans la
continence, et qu'il chercha à pallier •■a faute
par des maximes scandaleuses. D'autres
piétendent que, connue il était accusé de
jalousie et d'un attachement excessif à cette
feiiniie, pour dissifier ce soupçon, il la con-
duisit aux a()à(res et otfrit de la céder h qui-
conque voudrait l'épouser; ainsi le raconte
saint (élément d'Alexandrie, Strom., 1. m,
c. k, p. 5-22 et 523 : il ajoute que Nicolas
était très-chaste et ((ue ses lilles vécurent
dans la coiUineuce, mais que des hommes
corrompus abusèrent tl'iine de ses maximes,
savoir qu't/ faut exercer la chair, par la-
quelle il entendait ([u'il faut la murtilier et
la dompter. Plusieurs enlin ont p(nisé ([ue
ni l'un ni l'autre de ces faits ne sont proba-
l)les, mais qu'une S(>cte de gnosticiues dé-
baucliés alfecta d'attribuer ses jiropres er-
reurs à co disciple des apôlres, pimr se don-
ner une origine respectable. Ouoi qu"il en
soit, saint Irénée nous a|)prend que bs nico-
laites étaient une secte de gnosliques (jui
enseignaient les mêmes erreurs cjuii les cé-
nntliiens, et que saint Jean les a réfutés les
uns et les autres par le couuuencement de
son Evangile, adv. Hier., 1. ni, c. 11. Or,
une des principales erreurs de Cérintlie était
de soutenir que le Créateur du monde n'é-
tait pas le Dieu suprême, mais un esprit
d'une naîure et d'une puissance inférieures;
que le (Mirist n'était point le lilsdu (Créateur,
mais un esprit d'un ordre plus élevi" (|ui
était descendu dans Jésus, lils du Créateur,
et qui s'en était séparé pendant la passion
de Jésus. Yolj. Ckhintiiiens. Saint Irénée
s'accorde avec les autres Pères de l'Eglise
en attribuant aux nicolaites les maximes et
la conduite des gnostiques débauchés. Voy.
les Dissert, de D. Massuet sur saint Ircnéc,
I)ag. GG et 67. Coccéius, Holfman, Vitringa
e' d'autres critiques protestants ont imaginé
t^ae le nom des nicolaites a été forgé pour
désigner une secte qui n'a jamais existé; que
dans l'Apocalypse ce nom désigne en géné-
ral des hommes adonnés à la débauche et à
la volupté; que saint Irénée, saint Clément
d'Alexandrie et les autres anciens Pères ont
été trompés par de fausses relations. Mos-
heim, dans ses Dissert, sur l'Hint. eccles.,
tom. I, p. 3ïâ, a réfuté ces critiques témé-
raires; il a f.iit voir qu'il n'y a aucune rai-
son solide de suspecter le témoignage des
anciens Pères, que toutes les objections
que l'on a faites contre l'existence de la secte
des nicolaites sont frivoles. Il bblme en gé-
néral ceux qui atfectent d'accuser les Pères
de crédulité, d'imprudence, d'ignorance, de
défaut de sincérité ; il craint que ce mé: ris
déclaré à l'égard des personnages les [ilus
respectables ne donne lieu aux incrédules
'ie regarder cx)mme fabub-use toute l'his-
toire des premiers siècles du chnstiauisme.
Nous voyons aujourd'hui qwc cette crainte
est très-l)ien fondée, et il sei-at à souhaiter
que Mosli. im lui-même se fût toujours sou-
venu de cette rélli'xion en écrivant sur l'his-
toire eccli'siastique. Voy. Pères.
Vers l'an 852, sous Louis le Débonnaire,
et dans le \i' siècle, sous le i)ape Urbain 11,
l'on nonnna nicotaites les prêties, diacres et
sous-diacres, qui ]irétendaient qu'il leur
était [lerniis de se marier, et qui vivaient
d'une manière scandaleuse; ils furent coii-
danniés au concile de Plaisance, l'an lOi'5.
De .M.Trca, t. X Concil., p. I'J5.
NOACHIDES. Voy. Noi:.
NOCES, festin (jue l'on fait h la célébra-
tion d'un mariage. J(''sus-Christ daigna ho-
norer de sa présence les noces de Cana, [)Our
témoigner qu'il ne ilésajiprouvait [loint la
joie innocente à l.iquelle on se livre dans
cette occasion; il y lit le premier de ses mi-
racles, et y changea l'eau en vin. Voy. Ca>a.
A son exemple, les conciles et les Pères de
l'Eglise n'ont point blâmé la poiiq^e et la
gaieté modestes que les (idèles faisaient pa-
railie dans leurs noces; mais ils ont tou-
jours oiclonné d'en bannir toute es[)èco
d'excès, et tout ce qui ressentait encore
les mœurs [)aiennes. « Il ne convient point,
dit le concile de Laodicée, aux chrétiens
qui assistent aux noces, de se livier ii des
danses bruyantes et lascives, mais d'y pren-
dre un re[ias modeste et convenable à leur
profession. » Saint Jean Chrysosiome a dé-
clamé plus d'une lois contre les désordres
auxquels plusieurs chrétiens se livraient
dans cette circonstance. Bingham, Oriy.
ecclc's., 1. XXII, c. 4, § 8. Plusieurs conciles
ont défendu aux ecclésiastiiiues d'assisler
aux fest.ns des noces; d'autres leur ont seu-
lement ordonné de se retirer avant la tin du
rep.is, lorsque la joie devient troj) bruyante.
Dans les paroisses de la campagne, plu-
sieurs |)asteuis ont coutume d'assister aux
noces, lorsqu'ils y sont invités, parce qu'ils
sont sûrs que leur présence contiendra les
conviés, et fera éviter toute espèce d'indé-
cence. Ceux qui ont des paroissiens moins
dociles et moins resj)ectu_eux, s'en absentent,
alinde ne pas paraître ap])rouver ce qui peut
y arriver do contraire au bon ordre. Les
uns et les autres sont louables dans leurs
motifs et dans leur conduite, selon les cir-
constances.
Noces (secondes). Voy. Bigames.
N0(;TIJUNE. Voy. Helres canoniales.
NOÉ, patriarche célèbre dans le premier
Age du monde, ii cause du déluge univer-
sel dont il fut sauvé avec sa famille, et parce
qu'il a été la seconde tige de tout le genre
humain. Voy. Déllge. Ses premiers des-
cendants ont été appelés noachides.
Les incrédules, qui se sont f.iit un mérite
de trouver quelque chose à reprendre dans
l'Ecriture sainte, ont jirojiosé plusieurs ob-
jections contre l'histoire de ce |iatriaiche.
1° Dans la Genèse, c. viii, v. 20, il est dit
que iVoe' sortit de l'arche, otfrit un sacritice
au Seigneur, et cpie Dieu le reçut en boniw
odeur. Par cette expression, disent nos cen-
1IH7
NOE
NOE
1028
sc'urs, ii paraît ffue Moïse a été dans la même
opinion que les i)aiVns, qui pensaient que
leurs dieux se iioiinissaient do la fumée des
victimes brûlées ii leur honneur, et que cette
odeur leur était agrf'able. Ça été aussi le
sentiment des anciens Pères; ils ont cru
que les dieux i:\G:'> païens étaient des démons
avides de celte fumée; 0|)inion coniraire à
la spiritualité de Dieu et des anges, inj\i-
rieuse à la majesté divine, et qui règne en-
core chez les idolâtres modernes. C'est par
le même préjugé que l'on a lirùlé de l'en-
cens et des parfums à l'honneur de la Divi-
nité. Mais une mé!a|)liore comiimne îi toutes
les langues \\v peut pas fonder une objec-
tion fort solide; il ne faut pas prêter aux
auteurs sacrés les erreurs des païens, lors-
qii ils ont professé formellement les vérilés
contraires à ces erreurs ; or. Moïse et les
prophètes ont enseigné clairemenl que Dieu
est un pur Esprit, qu'il est [irésent partout,
qu'il n'a besoin ni d'olfrande ni de victimes,
que le seul culte qui lui soit agréable, ce
sont les sentiments du cœur {Gm. vi, 3;
Num. XVI, 22; Ps. xv, 2; xlix, 12; /,s«(. i,
11 ; Jerem. vu, 22, etc.). Le passage que l'on
nous objecte, signilie seulement que Dieu
agréa les sentiments de reconnaissance et
de respect que Noe lui témoigna par son sa-
crilice. Voy. SACiui-icii. Ceci n'a donc rien
de commun avec les folles imaginations des
païens; lorsque les Pères ont argumenté
contre eux, ils ont jki raisonner d'une ma-
nière conforme aux jiréjugés du paganisme,
sans les adopter. L'o|)iuion touchaiil le goût
des démons pour les sacrilices était suivie
par les philosoiihes; Lucien, Plutarque, Por-
phyre, l'ont enseignée, nous ne voyons pas
j)ourquoi les Pères auraient dû la combat-
tre. Voy. DÉMON.
2" Gcn., c. IX, V. 10, Dieu dit hNoé :Jevais
faire alliance avec vous, avec votre postérité
et arec tous les animaux. De là un |iliili;S(iplie
moderne a conclu que l'Ecriture attribue
de la raison aux bètes, puisque Dieu fait
alliance avec elles ; il se récric contre le
ridicule de ce trait. Quelles en ont été,
dit-il, les conditions ? Que tous les animaux
se dévoreraient les uns les autres, (ju'ils
se nourriraient de notre sang et nous du
leur; quajuès les avoir mangés nous nous
exterminerions avec rage. S'il y avait eu un
tel jiacte, il aurait été fait avec le diable.
Pour sentir l'absurdité de cette tirade, il suf-
lit de lire le texte : Je rais faire arec vous
une alliance en ver lu de laquelle je ne dé-
truirai j)lus les créatures vitmntes par les
eaux du délwje. Ici le mot alliance signifie
simplement promesse; Dieu, pour gage de
la sienne, fait paraître l'arc-en-ciel. Nouveau
sujet de censure. « Remaripiez, dit le phi-
losophe, que l'auteur de l'histoire ne dit
pas j'ai mis, mais je mettrai; cela suppose
que, selon son opinion, l'arc-en-ciel n'avait
l)as toujours ( xisté, et que c'était un phé-
nomèiïe surnaturel. Il est étrange de choisir
le signe de la pluie pour assurer que l'on
ue sera pas noyé. » Etrange ou non, la
promesse se vérifie depuis quatre mille ans.
Moïse dit formellement, j'ai mis mon arc dans
les nuées; le texte est ainsi rendu par le
samaritain, par les versions s.) riaqueelarabe :
les Septante portent '.je mets mon arc dans les
nuées : ainsi la critique du philoso()lie est
fausse k tous égards. Pourquoi un phé-
nomène naturel n'aurait-il pas pu servir à
rassurer les hommes?
3" Dans le môme chap., v. 19, il est dit
qno toute la terre fut repeuplée par les trois
enfants de Noé. Cela est impossible, disent
nos philosoiilies modernes ; deux ou trois
cents ans après le déluge, il y avait en
lîgy|ite une si grande quantité de peu[ile,
que vingt mille villes n'étaient pas capa-
bles de le contenir. Il y en avait sans
doute autant à proportion dans les autres
contrées ; comment trois mariages ont-ils
]iu produire cette population prodigieuse?
Nous répondions à cette question, lorsque
l'on aura piouvé cette prétendue population
de l'Egypte. Ce royaume ne contient pas
aujourd'hui mille villes, et l'on veut qu'il
y en ait eu vingt mille deux ou trois siècles
après le déluge. L'air de l'Egypte fut toujours
très-mal sain à cause des inondations du
Nil et des chaleurs excessives ; il l'était encore
davantage avant que l'on eût fait des tra-
vaux immenses pour creuser des canaux,
et le lac Mœris, pour faciliter l'écoule-
ment des eaux, pour élever les villes au-
dessus du niveau des inondations ; les liom-
incs y ont toujours vécu moins longtemps
qu'ailleurs. L'Egypte ne fut jainais exces-
sivement peuplée que dims les fabUs. Les
incrédules ont eu beau faire, ils n'ont eu-
core pu citer aucun monument de popu-
lation ni d'industrie humaine antérieure au
fiéluge. Vainement ils ont eu recours aux
histoires et aux clironolugies des Chinois,
des Indiens, des Egyptiens, des Chaldéens,
des Phéniciens; il est démontré aujour-
d'hui qu'en faisant attention aux différentes
manières de calculer les temps dont ces peu-
ples se sont servis, toutes se concilient, datent
à peu près de la même éjioijue, et ne peuvent
remonter plus haut que ledéluge. Voy. Monde
(Antiquité du).
4 " Ils ont dit que l'histoire de Noé endormi
et découvert dans sa tente, la malédiction
prononcée contre Chanaan pour le punir de
la faute de Cham son père, est une fable
forgée par Moïse, pour autoriser les Juifs à
dépouiller les Chananéens, et à s'emparer
de leur pays; que cette punition des en-
fants pour les crimes de leur père est con-
traire à toutes les lois de la justice; que
la postérité de Cham n'a pas été moins
nombreuse que celle de ses frères, puis-
qu'elle a i)euplé toute l'Alrique. Mais ces
savants critiques n'ont pas vu que Moïse
attribue aux descendants de Jajihet les mêmes
droits sur les Chananéens qu'à la |iostérité
de Sem, jinisque Noé assujettit Chanaan à
tous les deux (Gen. ix, 25) ; les Juifs descen-
dus de Sem ne pouvaient donc en tirer
aucun avantage. Moïse les avertit (jue Dieu
a promis à leurs Pères de leur donner la
Palestine, el de punir les Chananéens, non
i029
NOE
NOfc
inso
du crime do Cliam, ni.iis de leurs propres
crimes (Lcvil. xviii, 25; Drnl. ix, h, etc.). Il
leur d^iV'nd de relounier on Kgy[)tc, et de
conserver de la liainc eonlre les Eg. plieiis,
(}uni([ue ceux-ci fu~senl descendants de Cham
(Drnl. XVII, 16; xxiii, 7). .\ii reste, la ma-
](^diclinn de Nué est une prédiction, et rien
de i)lus. Voy. Imphécation. La postérité
nond)reiise de (Iliani v\o. pi'onvc l'icn contre
Cette prédiction, puisqu'elle ne tombait jias
sut' lui, mais sur Clianaan son lils; Dimi avait
béni (]bam au sortir de l'arclie [(Icii. i\, 1).
81 l'on veut se donner la jieine de lire la
Synopup des ciititiues sur le chapilr(î x, ou
la llihh' (le ('finis, on verra que la propliélie
de iN'ofi'a été exaclemtuit accomplie dans tiais
ses points.
Mais pourt|uoi c.?. patriarche dit-il : Bcni
soit le Seigneur Dieu de Son; n'était-il pas
aussi le Dieu de Cham et do Japliet? I!
Télail, sans doute, mais iVoc' pi'évoyait que
la connaissatu'e et le culte du vrai Dieu
s'éteindraient dans la postérité de ces deux
derniers, au lieu qu'ils se conserveraient
dans une branche considérable des descen-
dants de S 'm, dans Abraham et dans sa
postérité ; cette liénédictiou est relative à
celle que Dieu donna h ce dernier, environ
((uatre cents ans après {Geii. xii, .'}, etc.). Les
rabbins prétendent que Dieu donna à Noé
et il ses enfants des préceptes généraux
qui sont un pn'cis de la loi de nature, et
nui ol>ligenl tous les hommes ; qu'il leur
did'en lit i'idolUrie, le blasphème, le meurtre,
raduitère, le vol, l'injustice, la coutume bar-
bare de nuuii;er une partie de la chair d'un
animal encore vivant. .Mais cette tradition
rabbinique n'a aucun fondi'ment, l'Ecriture
Sainte n'en parle point. Dieu avait sufli-
sanniient enseigné aux luMumes la loi de
nature, même avant le déluge ; Noé en avait
instruit ses enfants par ses leçons et par son
exemj)le ; la rigueur avec laquelle Dieu ve-
nait d'en punir la violation ('tait pour eux
un nouveau motif de l'observer.
NOËL, fête de la naissance de Notre-Sei-
gncur Jésus-Clirist, qui se célèbre le 25 dé-
cembre. On ne peut pas douter que cette
fête ne soit de la plus haut(! antiquité, sur-
tout dans les E,.;lises d'Occident. Quelques
auteurs ont dit (pi'elle avait été instituée
]iar le pape Télesphore, mort Fan 138 ; qu'au
iV siècle le pape Jules 1', à la piière de
saint Cvrille de .lérusalem, fd faire des re-
ciierches exactes sur le jour de la Nativité
du Sauveur, et ([ue l'on trouva qu'elle était
arrivée le 25 de décendire; mais ces dmx
faits ne sont pas assez prouvés. Saint Jean
C.hrysostome, dans une homélie sur la nais-
sance de Jésus-Christ, dit que cette fête a
été célébrée dès le commencement, depuis la
Thrace jusqu'à Cadix, ]iar conséquent dans
tout l'Occident, et il n'y a aucune preuve
que dans celte partie du monde le jour en ait
jamais été changé.
11 n'y a ou de variation que dans les Egli-
ses orientales. Ouelques-unes la célébrèrent
d'abord au mois de mai ou au mois d'avril,
d'autres au mois de janvier, et la confondi-
rent avec l'Epiphanie; insensiblement elles
reconimrent que l'usage des Occidentaux
était le uu'illeur, elles s'y conformèrent. En
clfet, selon la remarque de saint Jean Cdnj-
snslome , puisi(ue Jésus-Christ est né au
c(uninencemeut du dénombrement que fit
faire l'enquTeur .\uguste, on ne pouvait sa-
voir ailleurs mieux (pi'.MIome la date jiré-
cise de sa naissance, puis(pie c'était là qu'é-
taient conservées les anciennes ar<-hives de
reiiq)ire. Saint (^iiégoire de Nazianze, mort
l'an .'iilH, Srrm. 58 et 59, distin-ue très-clai-
remi'ut la fête de la Nativité, de Jésus-C.hrist,
ipi'il nomme Ihenphanie, d'avec rEpiph.uue,
jour au([uel il fut ailoré par les mage< et
reriit le ba[tlC'me. l'o/y. EpirnAMiî. Bingham,
Orif/. ecclés., 1. xx, clia|). k, § 'i- ; Thonuissin,
Traité dex fêles, ]\v. u, (■ha(). (> ; Benoît XI V',
de Festis Cliristi, c. 17, n. 'i5, etc. L'usage
de célébrer trois messes dans cette solennité,
l'une il minuit, l'autre au point du jour, la
troisième le matin, est ancien, et il avait
autrefois lieu dans (|Ui'!ques autres f(Hes
principales. Saint Urégoire le Grand en parle,
I/om. 8 in Evang., et Benoit XIV a |M0uvé
par d'anciens monuments, qu'il remonte
plus haut jue le vi°
«i.^i'l
Dans les bas
siècles, la coutume s'introduisit en Occident
de représeider le mystère du jour par des
personnages ; mais insensiblement il se glissa
des abus et des indécences dans ces repré-
sentations, et l'on recomiut bientôt qu'elles
ne convenaient pas h la gravité de l'oliice di-
vin ; on les a retranchées tians toutes les
églises. On a seulement conservé dans quel-
ques-unes ce que l'on nomme l'office des
Pasteurs ; c'est un répons entre les enfants
de clueur et le clergé, qui se chante pendant
les /«iff/csavant le cantique lienedictus, et l'on
se contente déjouer .■<ur l'orgue l'air des ean-
tiques en langue vulgaire, nommés noels,<im
se chantaient autrefois iiar le peuple. On ne
l)eut guère douter que ce nom de Noël,
donné à la fètc, ne soit un abrégé d'Emma-
nuel. Voyez ce mot.
NOÉTIENS, hérétiques, disciples de Noct,
né à Smyrne, et qui se mit h dogmatiser au
commencement du m' siècle, il enseigna
que Dieu le Père s'était uni à Jésus-Christ
homme, était né, avait souffert, et était
mort avec lui ;il iirétendait, par conséquent,
que la même Persomie divine était appelée
tantôt le Père et tantôt le Fils, selon le be-
soin et les circonstances : c'est ce (pii lit don-
ner à ses partisans le nom de patripassirns,
parte qu'ils croyaient que Dieu h^ Père avait
souffert. Ce même nom fut aussi donné aux
sectateurs de Sabellius, mais dans un sens un
peu dith'rent. Vo//. Patiupassiens. Il n» pa-
rait pas que l'hérésie des noétiens ait fait de
grands [irogrès ; elle fut solidement réfutée
]iar saint Hippolyte de Porto, qui vivait dans
ce temps-là. Beausobre, dans son Histoire
du Manichéisme, t. J, p. 535, a prétendu que
saint Wippolyte et saint Epiphane ont mal
entendu et mal rendu hs ojànions de Noët,
qu'ils lui ont attribué j-.ar voie de conséi]uence
une erreur qu'il n'enseignait pas. Mais Mos-
hcim,Hist. christ., sœe. m, § 32, p. 686, a
1031
NOM
NOM
1052
fait voir que ces deux Pères de l'Eglise n'ont
pas eu tort ; que Noi: t détruisait par sou sys-
tème la distinction des Personnes de la sainte
Trinité, et qu'il prétendait que l'on ne pou-
vait pas admettre trois Personnes sans ad-
mettre trois Dieux.
Le traducteur de l'Histoire ecclésiastique
de Mosheim, toujours plus outré que son
auteur, dit que ces controverses au sujet de
la sainte Trinité qui avaient conunencé dans
le I" siècle, lorsque la philosophie grecque
s'introduisit dans l'Eglise, produisirent dif-
férentes méthodes d'expliquer une doctrine
qui n'est susceptible d'aucune explication.
Hist. ecclés. du lu' siècle, a' partie, c.5, § 12.
Celle manière de parler ne nous paraît ni
juste ni convenable. 1" Elle donne à entendre
ou que les pasteurs de l'Eglise ont eu tort
de convertir des philosophes, ou que ceux-
ci en se faisant chrétiens ont dû renoncer à
toute uolion de philosophie; "2" que ce sont
les Pères qui ont cherché de propos délibéré
des explications de nos mystères, et
qu'ils n'ont pas été forcés par les héréti-
ques à consacrer un langage fixe et invariable
pour exprimer ces dogmes. Double siqjpo-
sition fausse. En elfet, parmi les philosophes
devenus chrétiens, il y en a eu de deux es-
pèces. Les uns, sincèrement convertis, ont
subordonné li'S notions et les systèmes de
philosophie aux dogmes révélés et ai.x ex-
pressions de l'Ecriture sainte ; ils ont recti-
fié leurs opinions phiiuso|)hiques par la pa-
role de Dieu. En quoi sont-ils blâmables
d'avoir introduit la philosophie grecque
dans l'Eglise ? Les autres, convertis seule-
ment à lexti rieur, ont voulu plier les dogmes
du christianisme sous le joug des idé. s phi-
losophiques, les exi liquer à leur manière, et
ont ainsi enfanté les hérésies. 11 a donc fallu
que les jiremiers, pour défendre les vérités
clnétiennes, se servissent des mêmes armes
dont on se servait pour les attaquer, op))0-
sassent des explications vraies et orthodoxes
aux explications fausses et erronées des héré-
tiques ; leur attribuerons-nous le mal qu'ont
fait ces derniers? Telle est l'injustice des pro-
testants et des incrédules ; mais leur entête-
ment est trop absurde pour qu'on puisse le
leur pardonner. Voy. Philosophie.
NOUESTAN, est le nom qu'Ezéchias, roi
de Juda, donna au serpent d'airain que Moïse
avait fait élever dans le désert ( Num., xxi,
8 ). Ce serpent s'é.ait conservé parmi les Is-
raélites jusqu'au règne de ce jiieux roi, par
conséquent pendant plus de sept cents ans.
Comme le peuple superstitieux s'était avisé
de lui renilieun culte, Ezéchias le fit briser
et lui donna le nom de Nohestan, parce qu'en
hébreu falius eu nahasch signifie de l'airain
et un serpent ; et tan, un monstre , un grand
animal ( IV Reg. xxxviii, 4 ). Ainsi le pré-
tendu serpent d'airain que l'on montre à
Milan dans le trésor de l'église de Saint-Ain-
broise ne peut pas être celui que Moïse avait
lait faire.
NOM. Ce mot a plusieurs sens différents
dans l'Ecriture sainte. 11 est dit ( Levit. xxiv,
llj, qu'un homme avait blasphémé le nom,
c'est-à-dire le nom de Dieu. Or, le nom de
Dieu se prend pour Dieu lui-même; ainsi
louer, invoquer, célébrerlenomdeDieu, c'est
louer Dieu. Croire au nom du Fils unique de
de Dieu ( Joan. m, 18 ), c'est croire en Jésus-
Christ. Dieu défend de prendre son nom en
vain, ou de jurer faussement. Il se plaint de
ce que la nation juive a souillé et profané ce
saint nom, fornicala est in nomine meo {Ezech.
XVI, 15 ), parce qu'elle l'a donné à de faux
dieux. Parler au nom de Dieu ( Deut. xviii,
19 ), c'est parler de la jiart de Dieu et par son
ordre exprès. Dieu dit à Moïse ( jE'jrorf. xxiii,
19 ), je ferai éclater mon nom devant vous,
c'est-à-dire ma puissance, ma majesté. Il dit
d'un ange envoyé de sa part. Mon nom,
est en lui, c'est-à-dire il est revêtu de mon
pouvoir et de mou autorité. Nous lisons que
Dieu a donné à son Fils un nom supérieur
à tout autre nom { Philipp. ii, 9 ), ou une
puissance et une dignité supérieures à celles
de toutes les créatures. Il n'y a point d'autre
nom sous le ciel par lequel nous puissions
être sauvés ( Act. iv , 12 ) ; c'est-à-dire
qu'd n'y a point d'autre Sauveur que lui.
Marcher au nom de Dieu ( Mich. iv, 5), c'est
compter sur le secours et la protection de
Dieu. Le nom est quelquefois pris pour la
personne ; dans ce sens, il est dit [Apoc. m,
4 ) : Vous avez peu do noms à Sardes qui
n'aient pas souillé leurs vêtements, il signi-
fie la réputation [Cunt. i, 2 ] : votre nom est
comme un parfum répandu. Dieu dit à David,
je vous ai fait un grand nom; je vous ai
donné beaucoup de célébrité. Imposer le nom
à quelqu'un , est une marque de l'autorité
que l'on a sur lui ; le connaître par son nom,
c'est vivre en société familière avec lui ; sus-
citer le nom d'un mort, c'est lui donner une
postérité qui fasse revivre son nom : Dieu
menace, au contraire, d'effacer le nom des
méchants ]iour toujours, ou d'abolir à jamais
leur mémoire.
Quelques hébraïsants prétendent que le
nom du Dieu ajouté à un autre désigne sim-
plement le superlatif; qu'ainsi les auteurs
sacrés disent des montagnes de Dieu pour
dire des montagnes fort hautes, des cèdres
de Dieu pour des cèdres tort élevés, un som-
meil de Dieu pour un sommeil profond, une
frayeur de Dieu pour une extrême frayeur,
des combats de Dieu pour de forts et violents
combats, etc. D'autres pensent que ces ma-
nières de parler ont une énergie ditférente
du superlatif, et qu'elles expriment l'action
immédiate de Dieu; que les montagnes et
les arbres de Dieu sont les montagnes qu<î
Dieu a formées et les arbres qu'ilaf^it croî-
tre sans le secours des hommes; que le som-
meil et la frayeur de Dieu expriment un
souuneil et une frayeur surnaturelles ; que
les combats de Dieu sont ceux dans lesquels
on a reçu un secours extraordinaire de
Dieu, etc. Nemrod est appelé grand et fort
chasseur devant le Seigneur {Gen. x, 9),
parce que sa force paraissait surnaturelle»
Dans Isaie, c. xxviii, v.2, le roi d'Assyrie est
nommé fort et robuste au S.igr.eur, ou plu-
tôt par le Seigneur, parce que Dieu voulait
10S3
NOM
se servir dc> sa miissanco pour chAtici' les
IsraiMites. Cette nabitude des Ht'breux d'at-
tribuer h Dieu tous les événements, démon-
tre leur foi et leur attention continuelle à la
providence.
Il y a une dissertation de Buxiorf sur les
divers 710ms donnés h Dieu dans l'Ecriture
sainte, et qui est iilacée k la tùte du Diction-
naire hébraïque (ie Ilobertson ; il y est parlé
principalement d\i nom Jéhovah. Voyez cet
article. Quant aux conséquences que les
rabbins tirent de ces noms [)ar le moyen de
la cabale, ce sont des rêveries puériles et
absurdes. 1! sulfit de remarrpier, l°que dans
le style de l'Ecriture sainte, être appelé de
tel nom, signifie être véritablement ce qui est
exprimé par co nom, et en remplir toute l'é-
nergie par ses actions. Lorsque Isaïe dit, en
parlant du Messie, c. vu, v. li, il sera nom-
mé Emmanuel; c. ix, v. 6, il sera appelé
l'admirable, le Dieu fort, etc.; c'est comme
s'il y avait, il sera véritablement Dieu avec
nous, admirable, Dieu fort, etc. Jcrem., c.
xxiii, v. G : « Voici le nom qui lui sera donné,
le Seigneur est notre justice ; » c'est-à-dire
il sera le Seigneur et il nous rendra justes.
Malth., c. !, V. 21 : « ^'ous le nommerez Jé-
sus, parce qu'il sauvera son peuple. » — 2° Le
nom b'iohim, quoique pluriel, donné à Dieu,
n'exprime point la | luralité, mais le super-
latif; il signifie le Très-Haut; c'est pour
cela qu'il est toujours joint à un verbe ou
particifie singulier. Ainsi, dans le v. 1 de la
Genèse, « Au commencement, Dieu (Elohim)
créa le ciel et la terre, » il n'est point ques-
tion de plusieurs dieux, comme ont voulu le
persuader quelques incrédules, puisque le
verbe ci-éa est au singulier. Souvent il est
joint au nom Jéhovah, nom de Dieu propre et
incommunicable , y<fÂoffl/« i'/o/tim ; alors il
fiarait signitierou Jéhovah, le Très-Haut, ou
e seul des dieux qui existe véritablement.
Yoy. JiÏHOVAU.
Nom de Jésus. « Jésus-Christ s'est humi-
lié, dit saint Paul, et s'est rendu obéissant
jusqu'il mourir sur une croix ; c'est pour cela
que Dieu l'a exalté et lui a donné un nom
supérieur à tout autre nom, atin qu'au nom
de Jésus tout genou tléchisse dans le ciel,
sur la terre et dans les enfers [Philipp. 11,
8). )> Autrefois nos pères, lldèles k la leçon de
saint Paul, ne prononçaient jamais le saint
nom de Jésus, sans donner une marque de
respect; il est fâcheux que celte louable cou-
tume se soit perdue parmi nous. Saint Jean
Chrysostome se plaignait déjà de ce que le
nom de Dieu était prononcé par les chrétiens
avec moins de respect que par les Juifs ; on
pourrait dire aujourd'hui que nous le pro-
nonçons avec moins de piété (jue les païens.
C'est au nom de Jésus-Christ que les apô-
tres opéraient des miracles; c'est à lui qu'ils
rapportaient toute la gloire de leurs succès
(Act. ni, IV et viu, etc.) : preuve évidente que
ce n'étaient ni des imposteurs qui agissaient
pour leur propre intérêt , ni des hommes
crédules abusés par de iausses promesses.
Dans plusieurs diocèses on célèbre , le li
itujvier, une fête ou un oflico particulier à
PiCTlONX. DB TUBOL. DOGMATIQUE. IlL
NOM 103^
l'honneur du saint nom de Jésus, parce quo
le premier jour de ce mois est entièrement
consacré au mystère de la circoncision.
Nom de Marie, fête ou office qui se célè-
bre surtout dans les églises d'Allemagne, le
dimanche dans l'octave de la Nativité de la
.sainte Vierge, en mémoire de la délivrance
de la ville de Vienne, assiégée par les Turcs
eu 1C83. Ce monument de piété et de recon-
naissance fut institué par le pape Inno-
cent XI ; mais on ne l'a pas adopté en France,
à cause de l'ofjposition des intérêts |ioliti-
ques qui se trouvaient alors entre la FriUice
et l'empire.
Nom de «aptême. L'usage observé parmi
les chrétiens de prendre au baptême le nom
d'un saint qu'on choisit pour patron, est
très-ancien. Non-seulement il en est parlé
dans le Sacramentaire de saint Grégoire
et dans l'Ordre romain , mais saint Jean
Chrysostome reprend les chrétiens de sou
temps, qui, au lieu de donner à un enfant
le nom d'un saint, comme faisaient les an-
ciens, usaient d'une pratique superstitieuse
dans le choix de ce nom. Hom. 13, in Ep.
ad Cor.
Thiers, dans son Traité des superstitions,
t. II, 1. I, c. X, expose en détail tcjules celles
que l'on peut commettre h ce sujet; il cite
les décrets des conciles qui les ont défon-
dues, et montre l'absurdité de tous ces abus.
Il r. lève avec raison le ridicule des protes-
tants, qui atl'ectent de prendre au baptême
le nom d'un personnage de l'Ancien Testa-
ment, plutôt que le nom d'un apôtre ou d'un
martyr. La sainteté de ces derniers est-elle
plus douteuse que celle des patriarches, ou
sont-ils moins dignes de nous servii' de mo-
dèle '/ Si le choix du nom d'un saint est une
es, èce de culte que nous lui i endons, est-il
moins permis d'honorer les saints de la loi
nouvelle que ceux de l'ancienne loi.
NO.MBKES. Le livre des Nombres est le
quatrième du Pentateu(iue ou des cinq li-
vres écrits par Moïse. Il renferme l'Iiisioire
de 38 à 39 ans que les Israélites passèrent
dans le désert; ce qui avait précédé est rap-
porté dans l'Exode, et ce qui suivit jusqu'à
l'entrée de ce peuple dans la Palestine, se
trouve dans le Deutéronome. Il est écrit en
forme de journal ; il n'a pu l'être que par
un auteur témoin oculaire des marches,
des campements, des actions que les Hé-
breux tirent dans cet intervalle. On l'a
nommé le livre des Nombres, parce que les
trois premiers chapitres contiennent ks dé-
nombrements des différentes tribus de ce
peuple, mais les chapitres suivants renfer-
ment aussi un grand nombre de lois quo
Moïse établit pour lors, et la narration des
gijerres que les Israélites eurent à soutenir
contre les rois des Amorrhéens et des Madia-
nites. Vainement quelques incrédules ont
voulu contester l'auihenticité de ce livre, et
soutenir qu'il a été écrit dans les siècles
postérieurs k Moïse; outre la forme de jour-
nal qui dépose en sa faveur, et le témoi-
gnage constant des Juifs, Jésus-Christ , les
apôtres, saint Pierre, saint Judo et saint Jean
33
Î035
mu
NOR
105»
dans son ApocahT>se, citent plusieurs traits
d'iiistoire tirés du livre dfs Nombres, et il
n'est presque aucun des écrivains de lAn-
cien Testament qui n'en ait allégué quelques
traits, ou qui n'y fasse allusion. Le premier
livre des Macbaliées raconte ce qui est dit
du zèle de Phinées et de sa récompense ;
celui de l'Ecclésiastique en fait aussi men-
tion, de même que de la révolte de Coré et de
ses suites ; les (iropiiôtesMichéeet Néhémie
parlent de la députation du roi de Moab à
Balaam, et de l.i réponse de celui-ci. Lo
quatrième livre des Rois et celui de Judith
renouvellent le souvenir des serpents qui
firent périr un grand nombre d'Israélites, et
du serpent d'airain élevé à ce sujet. Osée re-
met devant les yeux de ce peuple les arti-
fices dont usèrent les femmes madianites
Ïiour entraîner ses pères dans le culte de
l/'clphégor; David, Ps. cv, joint cet événe-
ment à la révolte de Dathan et d'Abiron, et
aux murmures des Israélites. C'est dans le
livre dcsNombres qu'est portée la loi toicliant
les mariages, qui est appelée loi de Moïse
dans celui de Tobie. Jephté dans le xi' chap.
de celui des Jugi's , réfute la demande in-
juste dos Ammonites , en leur alléguant les
faits rapportés dans les chap. xx, xxi et xxu
des Nombres; Josué en rappelle aussi la mé-
moire. Enfin Moïse résume dans le Deulé-
ronome ce qu'il avait dit dans les Nombres,
toucliant les divers campements des Hé-
breux, l'envoi des es|)ions dans la terre pro-
mise, la déf.iite des rois des Amorrhéens, la
révolte do Coré et de ses partisans, et la con-
duite de B.daam. Il n'est pas possible d'établir
l'authenticité d'aucun livre par une tradition
mieux suivie et plus constante. Nous ne
nous arrêterons point à discuter les objec-
tions frivoles que Sfiinosaet ses copistes ont
faites contie ce livre ; nous aurons occasion
d'en réfuter plusieurs dans divers articles
particuliers, et M. l'abbé Clémence l'a fait
très-solidt'ment dans l'ouvrage intitulé :
l'Authenticité des livres, tant du Nouveau que
de l'Ancien Testament, Paris, 1782; il a mis
dans le plus grand jour l'ignorance et l'inep-
* NOMINAUX. On appelait ainsi ceux qui expli-
quaiont principalemeiil les choses par la propriété
des termes, et soutenaient que les mois et non les
choses étaient l'objet de la dialectique. Le combat
entre les réalistes et les nominaux fut cxlrénienient
vif; on l'a souvent regardé comme ridicule. Il se re-
nouvelle ce|)endant à tous les âges. On lui donne au-
jourd'hui le nom de forme, d'absolu, etc. Guillaume
Ouani, surnommé le doclenr invincible, l'ut le chef
des nominaux. Il attaqua indiiecle'ment le droit de
propriété, en prétendant que Jésus -Christ et les
apôtres n'ont rien possédé en propre, pas même les
vêtements qui les couvraient ; il en concluait que les
conleliersncdevaientpasavoirla propriélédes choses
fungibles qui seivaienl à les nourrir, telles que le pain,
le vin, l'eau, etc. Une bnlle de Nicolas III avait arrêté
que les cordeliers n'auraient que l'usulruit des biens
qui leur seraient donnés. De (aux logiciens en conclu-
rent que Jésus-Chrisl et les apôlres avaient condamné
par leur exemple le droit de propriété. Jean XXII rap-
porta la bulle de Nicolas 111, qui coumiençail à cau-
ser du désordre dans l'Eglise par la l'ausse applica-
tion qu'on en faisait. Voy. Oicl. de TLéol. mor., l. Il,
Hiitai e delà T/iévlo,ie.
tie du critique incrédule auquel il répond.
NON-CONFOUMiSTiiS. C'est le nom gé-
néral que l'on donne en Angleterre aux dif-
férentes sectes qui ne suivent point la même
doctrine et n'observent point la même dis-
cipline que l'Eglise anglicane; tels sont les
presljytériens ou puritains qui sont calvinis-
tes rigides, les mennoniti^s ou anal)aptistes,
les (|uakers, les hernhutes, QUi.Vog. ces mots-
NONE. Voy. Heures canoniales.
NONNES. Voij. Religielses.
NORD. Il a fallu neuf siècles de travaux
])our amener au christianisme les peuples du
Nord. Les Bourguignons et les Francs l'em-
brassèrent au v' siècle, ajirès avoir passé le
Rhin ; l'on commença au vr d'envoyer des
missionnaires en Angleterre et en d'autres
contrées; l'ouvrage n'a élé achevé qu'au xiV
par li conversion des peuples de la Prusse
orientale et de l.i Lithuanie.
Au mot Missions ÉTRA^GÈnEs, nous avons
déjh remarqué la malignité avec laquelle les
jirotestants imt alfecté de noircir les motifs
et la conduite des missionnaires en général,
et l'attention qu'ont eue les incrédules de
co|)ier ces mômes calomnies ; mais il est bon
de voir en détail ce qu'a dit Blosheim des
missions du Nord dans les dilférents siècles ;
il n'a fait que rendre fidèlement l'opinion
qu'en ont conçue tous les protestants. 11 est
convenu qu'au m' siècle, la conversion des
Gotlis et la fondation des principales Eglises
de la Gaule et de la Germanie furent l'on-
viage des vertus et des bons exemples que
donnèrent les missionnaires qui y furent en-
voyés ; mais il prétend qu'au v' les Bour-
guignons et les Francs se firent chrétiens,
par l'ambition d'avoir pour protecteur do
ieui's armes le Dieu des Romains, parce
qu'ils le supposèrent plus puissant que les
leurs, et que l'on em[)loya de faux miracles
pour le leur persuader. Dans un moment
nous verrons ce que l'on doit entendre par
les faux miracles dont parle Mosheim ; mais
il aurait dû prouver que les catéchismes des
Bourguignons et des Francs ne leur propo-
sèrent point d'autres motifs do conversion
que la puissance du Dieu des chrétiens sur
le sort des armes. Le v siècle ne fut point
dans les Gaules un temps d'ignorance et de
ténèbres ; on y vit paraître avec éclat Sul-
pice-Sévère , Cassien , Vincent de Lérins,
saint Hilaire d'Arles, Claudien-Mamert, Sul-
vien, saint Avit, Sidoine-Apollinaire, etc. Le
motif qui' Mosheim a prêté aux barbares qui
embrassèi'ont fiour lors le christianisme, n'est
fondé que sur le témoignage de Socrate, hi.s-
torien grec très-mal instruit de ce qui s'est
passé dans l'occident. Voy. son histoire ec-
clésiastique, 1. VII, c. XXX, et la note de Pagi.
Il juge qu'au vi' siècle les Anglo-Saxons, le.-;
Pictes, les Ecossais, les Thuringiens, les lîavci-
rois,]es Boh'''miens,y furent engagés pai l'e-
xemple et jiar l'autorité de leurs rois ou de leui's
chefs; qu'à proprement parler, ils ne firent que
changer une idokïlrio en une autre, en sub-
stituant à 1 adoration do leurs idoles le culic
des saints, des reliques, des images ; que les
missionnaires nu su firent aucun scntpulc
iu57
NOR
de Icnr donner des phénomènes naturels
jioiir des lairaeles. Voilh donc en quoi con-
sistent les faux miracles dont Moslieini a
déjà parlé; c'étaient des piiénoinèues on des
événements naturels, mais qui paruicnt mer-
veilleux et ménagés exja-ès par la Provi-
dence m laveur du clu'islianisiue. Les mis-
sionnaires , qui n'élaient rien moins qi.e
d'iiabiles physiciens, purent y être trompés
fort aisément, et les bai hares, tous trés-iui o-
rants, en furent frappés. S'il y eut de l'er-
reur , elle ne fut pas malicieuse , ni une
fraude pieuse des missionnaires. Sur quoi
fouiié Moslieim suupçonne-t-il (juela sauile
ampoule ai)j)ort6e du ciel au baptême deClo-
vis lut une traude pieuse imaginée [)ac saint
Hemi?Les missionnaires ne sont pas ré-
préhensibies non plus de s'être attachés à
instruire les rois, et ceux-ci sont louables ti'a-
voir engagé leurs sujets h iirofesser une re-
ligion qui n'est pas moins utile à ceux q\û
obéissent iju'à ceux qui couimandcnt. Lis
apôtres n'imt pas négligé ce moyen d'établir
ri'^vangile; saint Paul |irècha devant Agrijjpa ;
il convertit le proconsul de C.liyiirejSergius-
Pai.lus; et Abgare, roi d'r.desse,l'ut amené à
1.1 foi par un disciple de Jésus-Christ. Luther
et ses collègues n'ont su que trop bien se
prévaloir de ce moyen , ils n'auraient' [ms
réussi autrement; s'il n'est lias légitiuR',
Mosheim doit abjurer le lulliéranisme. Lu-
ther n'a-t-il pas répété cent fuis que ses suc-
cès étaient un miracle "? Quel crime ont com-
mis les missionnaires du Nord, qui n'ait pas
été imité par les réf'ormate;us '.' Ou:nit :.u
reproche d'idolâtrie que Moslieim iait aux
caliioliques, c'est une absurdité que nous
avons réfutée ailleurs. Yoy. Cli.te, Idola-
TiUK, Martyk, Pagamsme, Saints, etc. 11 n'a
pas meilleure opinion lio la conversion des
13ataves, des Frisons, des Flamands, des
Francs orientaux, des Westphaliens, qui se
lit au vu' siècle. Les uns, dit-il, furent gagnés
jiar les insinuations et les artilices îles fem-
mes , les autres furent subjugués p, r la
crainte des lois pendes. Les moines anglais,
irlandais et autres, qui tirent ces missions,
fure;,t moins animés par le désir de gagner
des Ames h Dieu, que par l'ambition de de-
veuir évèques ou archevêques , et de diiuii-
ner sur les jH'uples qu'ils avaient subjugués.
Avant de j arler de l'apostolat des femmes,
Moslieim aurait dû se souvenir de ce qu'ont
fait pour la réforme Jeanne d'Albret en
France, et lilisabeth en Angleterre ; leur
zèle n'était certainement ni aussi pur ni aussi
charitable que celui des princesses du vn'
siècle; et personne n'ignore jusqu'à quel
point les lois pénales ont inllué dans l'eta-
Idissemeut du nouvel Evangile. Le titre d'ec-
clésiasle de Wîrtemberg que s'arrogea Lu-
tlier, le rôle de législateur spirituel et tem-
jiorel que ("alvin rem|ilit à (ienève, les pla-
ces de surinleudants des Eglises, de chefs
des universités, ctc,, que possédèrent les au-
tres prédicants, valaient mieux que l'épij-
copat au vil' siècle, chez des barbares ré-
cemmeBt convertis. Les missionnaires de-
venus évèques étaient continucjlemeut eu
NOR mi
danger d'être massacrés, et plusieurs le fu-
rent. Saint Colomban, l'un des principaux
apôtres de l'Allemagn-, n'a jamais été évo-
que ; il se contenta d'être moine, et la plu-
jiart des autres ne s'élevèrent pas [il us liaut.
Si .Moslieim avait pris la jieine de lire lu Con-
version de l' Antjlclcrrc comparée à sa préten-
due Reformation, il aurait vu la dilféreiice
qu'il y a entre les missionnaires du vu" siè-
cle el les prédicateurs de la réforme.
D'ailleurs saint Pierre pla(,a son siège
épiscopal à- Antioche, et ensuite à Uome,
saint Jacipies à Jt'rusalem , saint .Marc à
Alexandrie, .saint Jean à Ej)lièse; les accu-
serons-nous d'ambition, parce qu'ils ont été
évèipies? Que l'on nous montre en quoi
l'autorité îles évèques mis>.ioiuiaires a été
plus fastueuse ou plus absolue que celle
des apôtres et de leui'S disciples. Le vni' siè-
cle fut témoin des travaux de saint Boniface
dans la Thuringe, la Frise et la Hesse. Ce
saint archevêque fut mis à mort par hs Fri-
sons, avec cinquante de ses compagnons.
D'autres prêchèrent dans la Bavière , la
Saxe, la Suisse et l'Alsace. Mosheim dit que
saint Boniface aurait justement mérité le ti-
tre iï Apôtre de l'Allemagne, s'il n'avait pas
eu plus à cœiir la puissance et la dignité
du pontife romain que l;i gloiie de Jésus-
Ciinst et de la religimi; qu'il employa la ruse
et la force pour subjuguer les peu, les ; c|u'il
a montré dans ses letties beaucoup d'orgueil,
d'entêtement pour les droits du sacerdoce,
et d'ignorance du vrai christianisme. Si, par
frai ciuistianisme, Mosheim entend celui de
Luther ou de Calvin, mus convenons que
saint Boniface et ses compagnons ne le
connaissaient pas ; il n'est né que huit cents
ans après eux. C'est donc iiar son respect,
par son obéis-ranee, par son' dévouement au
pontife roruain, que l'apôtre de l'Allemagne
a prouvé son orgueil. Nous avouons i|ue les
réformateurs ont montré le leur bien diffé-
remment. Mais nous voudrions savoir par
quelle récompense le pape a payé les tra-
vaux et le martyre des missionnaires; par
quelle magie il a ensorcelé des moines, au
point de leur faiie braver la mort et les sup-
plices pour satisfaire son ambition; ou par
quel vertige ces malheureuses victimes ont
m. eux aimé mourir pour le pape que pour
Jésus-Christ. Nous verrons ci-après que les
incrédules ont copié mot à mot cette ca-
lomnie de Mosheim, et l'ont appliuuée aux
aiiôlres. Yoy. Alle.magx£.
La conversion des Saxons , pendant ce
même siècle, a donné lieu à une censure
beaucoup plus amère. Sur la parole de
Mosheim et des autres protestants, nos phi-
losophes ont écrit que Charlcu agne lit la
guerre aux Saxons, pour les forcer à em-
brasser le christianism • ; qu'il leur envoya
des missionnaires soutenus par une armée ;
qu'il planta la croix sur des monceaux de"
morts, etc. Ce. te accusatiou est devenue un
acte de foi parmi nos dissertateurs modernes.
Le simple exposé des faits en déuionirerala
faus-eté. Avan: Charlemagne, les Saxons
n'avaient pas cessé de faire des irruptions
1059
NÔR
NOR
ma
';-:/
dans les Gaules , de mettre .es provinces h
feu et à sang; ils continuèrent sous son
règne. Battus trois fois, ils espérèrent d'a-
paiser leur vainqueur en promettant de se
faire chrétiins. On leur envoya des mission-
naires et non des soldais. Après ce traité
conclu, ils reprirent encore les armes cinq
fois, furent toujours battus et forcés à de-
mander la paix. L'on comprend combien il y
eut de sang répandu dans huit guerres con-
sécutives, pendant un espace de trente-trois
ans ; mais fut-il versé pour soutenir les
missionnaires ? Ordinairement ils étaient
les premières victimes de la fureur des
Saxons. Histoire universelle par les Anglais,
tome XXX, édition in-4°, livre xxni, sect. 3.
Le sujet do ces guerres fut constamment le
môme : savoir, les incursions, le brigandage,
la perfidie de ces peuples, la violation conti-
nuelle de leurs promesses. Ce fut après trois
récidives de leur part, que les grands du
royaume, dans une assemblée de mai, pri-
rent cette résolution lenible, contre laquelle
on a tant déclamé : « Que le roi attaquerait
en personne les Saxons perfides et infrac-
teurs des traités; que par une guerre conti-
nuelle on les exterminerait, ou qu'il les force-
rait de se soumettre à la religion chrétienne. »
Pour rendre ce décret odieux, on commence
par supposer que Gharlemagne était l'agi es-
seur; que, par l'ambition d'étendre son em-
pire ou par un zèle de religion mal entendu,
il ava t attaqué le premier les Saxons qui ne
voulaient qu'être libres , indépendants et
paisibles chez eux. C'est une impostun;
grossière. Lorsque les Germains et les Francs
f lassèrent le Rhin pour envahir les Gaules,
es empereurs romains étaient-ils allés les
inquiéter dans leurs forêts? Quand les Nor-
mands vinrent ravager nos eûtes, nos rois
avaieut-ils envoyé des flottes en Norwége
pour attenter k leur liberté ? Les Saxons
avaient été battus et rendus tributaires par
Charles-Martel en 116, par Peiiin en 743,
745, 747 et 750. Ce n'était donc pas Gharle-
magne qui était l'agresseur, lor-qu'ils se ré-
voltèrent l'an 769, au commencement de son
règne. Hist. univ., ibid., sect. 1 et 2.
Après l'infraction des trois traités faits
avec ce prince, les Saxons méritaient cer-
tainement d'être poursuivis à outrance.
Gharlemagne, après l'assemblée de 775, leur
laissa le choix ou d'être exterminés, ou do
changer de mœurs eu se faisant chrétiens;
ils avaient olfert eux-mêmes ce dernier
parti. Y avait-il de l'injustice ou de la
cruauté à les forcer d'exécuter leur pro-
messe, afin de clianger des tigres en hommes?
Si les Saxons se firent encore battre cinq
fois, ce fut leur faute; il est absurde de dire
que le sang fut répandu pour assurer le suc-
cès des missionnaires; il est évident que
l'intérêt politique l'emportait sur le zèle do
la religion. Entin, l'événement ])rouva que
cet intérêt n'était pas mal enlindu, puisque
les Saxons, une fois domptés et convertis,
se civilisèrent, demeurèrent en paix et y
laissèrent leurs voisins.
Au ix* siècle, sous le règne de Louis le
Débonnaire, les Cimbres , les Danois, les
Suédois, furent instruits dans la foi chré-
tienne par saint Ausberg et saint Ansgaire,
sans armes, sans violence, sans lois pénales.
Notre historien a été forcé de rendre justice
aux vertus de ces deux moines, surtout du
dernier; il a bien voulu lui accorder le titre
de saint, quoiqu'il ait été fait évêque de
Hambourg et de Brème. Les Bulgares, les
Bohémiens, les Moraves, les Esclavons do la
Ddmatie, les Russes de l'Ukraine, furent
amenés au christianisme par des Grecs.
Mosheim ne les a point blâmés; il dit seu-
lement que ces missionnaires donnèrent k
leurs prosélytes une religion et une niété
bien différentes de celles que les apôtres
avaient établies; mais il avoue que ces
hommes, quoique vertueux et pieux, furent
obligés d'user de quelque indulgence à l'é-
gard des barbares, encore très-grossiers et
très-féroces. Pourquoi cette excuse n'a-t-elle
pas eu lieu en faveur des missionnaires
latins aussi bien que des Grecs? C'est que
ceux-ci n'étaient pas des émissaires du pape;
par là ils ont mérité d'être absous par les
protestants des imperfections de leurs mis-
sions.
Au X' siècle, Rollon ou Robert, chef des
Normands, peuple sans religion, qui avait
désolé la France pendant un siècle, reçut le
baptême et engagea ses soliiats à suivre son
exemple; ils y consentirent, dit Mosheim,
par l'appât des avantages qu'ils y trouvaient.
Gela peut être ; mais quel que filt le motif
de leur conversion, il mit fin à leur brigan-
dage. Selon lui, Micislas, roi de Pologne,
employa les lois pénales, les menaces, la
violence, pour achever la conversion de ses
sujrts; Etienne, roi des Hongrois et des
Transylvains, en usa de mrme, aussi bien
que Herald, roi de Danemark. Ces faits sont
très-mal prouvés. Notre historien aj aite que
Wlodomir, duc des Russes, en agit avec
plus de douceur. Ici perce encore la partia-
lité. Gomme les Russes ont été agrégés à
l'Eglise grecque qui a secoué le joug des
papes, et que les autres peuples se sont sou-
mis à l'Eglise romaine, il a fallu qu'un pro-
testant protégeât les premiers au désavan-
tage des seconds. Voilà toute la dilîérence.
Pendant le xr siècle, les habitants de la
Prusse massacrèrent [ilusieurs fois leurs
missionnaires; ils n'ont été domptés qu'au
XHi° siècle par les chevaliers de l'ordre
teutonique. Au xn' , Waldemar, roi de
Danemark, obligea les Slaves, les Suèves,
les Vandales à se faire chrétiens ; Eric, roi
de Suède, y força les Finlandais; les cheva-
liers de l'Epée y contraignirent les Livo-
niens. Soit : Mosheim reconnaît que les Po-
méraniens furent convertis par les soins
d'Otton , évêque de Baïuberg, et les Slaves,
par la persévérance de Aicelin , évêque
d'Altembourg. Voilà du moins deuxévêc[ues
auxquels il ne reproche aucune violence. Il
y a donc une dilierence à faire entre les
missions entreprises [lar pin- zèle, et celles
qui sont commandées par la politique et par
la raison d'Etat.
iOil
NOR
NOR
4042
Noms r\c. doutons point qiio des militaires,
tels que les cliovnliers de rEp(*e et ceux île
Tordie teulonique, n'aient agi envers des
: Barbares qu'il fallait civiliser avec toute
; la hauteur et la dureté de leur profession,
' et avec toute la rudesse des mœurs septen-
trionales; mais ce vice ne retombe ni sur
les évèques, ni sur les missionnaires, ni sur
la religion. Dès que l'intérêt politi(|ue s'y
mêle, le.5 rois et leurs ministres ne se croi' nt
plus obligés de consulter l'esprit du chris-
tianisme, tout cède à la raison d'Etat; les
lois et les peines paraissent une voie plus
courte et plus eflicace que la persuasion.
Lorsque le gros des nations du Nurd eut
embrassé le christianisme, on regarda les
peuplades qui résistaient encore counne ini
reste de rebelles qu'il iallait subjuguer par
la force. Nous ne faisons point ra;iologie
de cette conduite; mais ce n'est point à un
protestant iju'il convient de la blimer. En-
core une fois, il devait se souvenir que la
réforme ne s'est pas établie par d'autres
moyens, et que sans cela elle ne serait pas
venue Ji bout de bannir le catholicisme de
la plupart des royaumes du Nord.
Le simple exposé des faits snflitdéj^ pour
confondre Mosheira et ses copistes; mais il
y a des réflexions générales à faire sur son
procédé et sur les conséquences qui en ré-
sultent. — 1 ' Cet écrivain , (pioirpuî très-
éclairé d'ailleurs, n'a pas vu (ju'il fnurnis-
sait aux incrétiules des armes pour attaquer
les apôtres; cpi'il donnait lieu à un parallèle
injuiieux entre leur conduite et celle des
missionnaires qu'il a noircis. Aussi n'a-t-il
pas fait à ceux-ci un seul reproche qui n'ait
été appliqué par les déistes à saint Paul et
îi ses collègues. Us ont dit que cet apôtre
avait embrassé le christianisme, afin de de-
venir chef de parti ; que le seul mobile de
son zèle était l'andjition de dominer sur se.;;
prosélytes; que l'on voit dans ses lettres
plusieurs traits d'orgueil, de hauteur, de
jalousie, d'entêtement pour les privilèges
de l'apostolal et du sacerdoce; qu'il a com-
mis une fraude pieuse ou un mensonge, en
disant qu'il était pharisien; que ses miracles
étaient taux, etc. Pour le prouver, on a fait
ini livre exprès intitulé : Examen critique delà
vie et des ouvrages de saint Paul; il semble
calqu'' sur les idées et sur le style de Mos-
heim. A l'art. Saint Pail, nous réfuterons
cet ouvrage impie; mais il ne convenait
guère h un prolestant qui faisait profession
du christianisme d'en fournir le canevas. —
2° 11 ne s'est pas aperçu qu'il suggérait en-
core aux incrédules, contre la religion chi'é-
tienne, un argument auquel il n'aurait pas
pu répondre. En etl'et, si cette religion est
divine, si Jésus-Christ est Dieu, s'il a pro-
mis d'assister son Eglise jusqu'à la un des
siècles, connnent a-t-il ini, pour propager
son Evangile, se servir d'hommes aussi ré-
préhensibles que Mosheim a peint les mis-
sioni^aires, et d'un moyen aussi odieux que
laml>ilion des papes? C'était fournir aux
Bail)aies un nouveau motif d'incrédulité,
en ne leur donnant pour catéchistes que des
hommes qui n'avaient aucune marque d'un
véritable apostolat, des moines ignorants,
superstitieux, fourbes, f)lus occupés de la
dignit(' du pontife romain que de la gloire
de Jésus-Christ et du salut des îlnies. Etait-
ce donc là un plan digne de la sagesse éter-
nelle "i" Mais les protestants ont beau décla-
mer contre des papes; c'est à l'ambition
prétendue de ces derniers que le Nord est
redevable de son christianisme, de sa civili-
sation, de ses lumières, et l'Europe de sou
renos et de son bonheur. Si les nations du
Nord n'avaient pas été chrétiennes, les
émissaires de Luther n'auraient [las pu les
rendre protestantes, aucun d'eux n'est allé
prêcher les infidèles : ils se sont contentés
de débaucher à l'Eglise les enfants qu'elle
avait engendrés en Jésus-Christ. — 3" En
voulant faire le procès aux missionnaires, il
a couvert d'ignominie les docteurs de la
prétendue réforme. Ceux-ci ont-Us montré
un zèle plus pur, plus désintéressé, [dus
charitable, plus patient que les apôtres du
Nord? Ih ne prêchaient pas par attachement
au pape, mais par une haine furieuse contre
lui : ils n'ont point acquis de richesses au
clergé, mais ils se sont emparés de celles
qu'il possédait, et se s nt mis dans sa place :
ils n'ont point établi de superstition, mais
ils ont étouffé toute piété; ils ont enseigné
sans doute la doctrine la plus pure, mais
bientôt elle a fait éclore le socinianisme, le
dé sme et vingt sectes dilférentes. Encore
faibles, ils ont prêché la tolérance et ont
bl1mé les moyens violents; mais devenus
redoutables, ils ont eu recours aux princes,
aux lois pénales, souvent à la sédition et
aux armes, pour asservir les catholiques,
liour les chasser ou les faire ap -stasier.
Leurs jjropres auteurs conviennent (pic par-
tout oi"! leur religion est dominante, 'elle
l'est devenue par l'influence de l'autorité
séculière. — 4° Lorsque .Moslieim a parlé
des missions que les nestorieus ont faites
pendant le viii% lex' et le xi' siècle dans la
partie orientale de la Perse et aux Indes,
dans la Tartarie et à la Chine, des missions
des Grecs sur les deux bords du Danube,
des missions plus récentes des Russes dans
la Sibérie, il n'en a pas dit autant de mal
que de celles des Latins dans le Nord. Pour-
(juoi cette afifectation? Les i rédicaieurs
russes, grecs et nestoriens n'étaient cer-
tainement pas des apôtres plus saints fjue
les missionnaires de l'Eglise romaine ; de
l'aveu même de .Mosheim, leur ch.ristia-
nisme n'était pas jilus parfait, ni leur succès
plus mervedieux. Nous ne lisons pas qu'au-
cun d'eux ait soutlert le martyi-e, pendant
que des centaines de prédicateurs catholi-
ques ont été massacrés par les Barbares. Le
sort de ces ouvriers évangéiiques n'a ce-
pendant pas refroidi la charité de leurs suc-
cesseurs, puisqu'elle a continué pendant
huit ou neuf cents ans. Ces moines, peui
lesquels Mosheim affecte tant ue mépris, et
qu'il a noircis dans tous les siècles (ie son
Histoire, ont marché cnurageusemcut sur
les traees du sang do leurs frères, et ont
lOiS
NOR
bravé le mAme danger. Il n'est pas fort
louable de déprimer leur zèle apostolique,
en lui prêtant d' s motifs humains et nb-
surdes. — 5' il y a de la folie à vouloir
nous persuader que la doctrine prêchée aux
infidèles par des missionnaires grecs, n'é-
tait pas la même que celle qu'enseignaient
les prédicateurs latins. Il est constant qu'a-
vant le IX* siècle il n'y a eu aucune dispute
ni aucune division entre les deux Eglises
louchant le dogme ni le culte extérieur;
que dans les divers conciles généraux,
tenus pendant sept cents ans, les (îrecs d
les Latins signaient les mêmes professions
de foi, et ne se reprochaient mutuolleuient
aucune erreur. Les protestants les i)lus
entêtés disent que les prétendus abus, dont
ils nous font des crimes, se sont intioduits
dans l'Orient et dans l'Occident pendant le
iv'^ siècle. Dieu cependant n'a pas cessé de
bénir et de faire prospérer les missions
depuis C(^ temps-la ; il y a eu un plus grand
nombre do peuples converlis au christianis-
me depuis ie i\' siècle qu'il n'y en avait eu au-
paravant. Dieuadonc rendu son Eglise plus fé-
conde depuis qu'elle est tombée dans l'erreur,
que quand sa loi élait plus pure. Voilà le mys-
tère d'iniquité que nos adversaires ont osé
mettre sur le couipte de la Providence. —
6° Quand on a fait ces réflexions, l'on est
tenté de regarder comme une dérision les
éloges que Mosheim a faits des missions lu-
thériennes que les Danois ont établies en
1706, chez les Indions du Malabar. C'est un
peu tard, après deux cents ans écoulés de-
puis la naissance du luthéranisme : n'im-
porte. Selon notre historien, c'est la plus
sainte et la plus parfaite de toutes les mis-
sions. Les catéchi^tes que l'on y envoie ne
font pas, dit-il, autant de prosélytes que les
prêtres papistes; mais ils les rendent meil-
leurs chrétiens et plus ressemblants aux
vrais disciples de Jésus-Christ. Cependant
on sait quelles ont été les raisons de cet
étabhssement; l'intérêt du commerce, la
rivalité à l'égard des autres nations euro-
péennes, la honte de paraître indifférent sur
le salut des Indiens, un peu d'envie de jou-
ter contre l'Eglise roujaine. Des motifs aussi
profanes ne sont guère propres à opérer des
prodiges; en elfet, les voyageurs, témoins
oculaireg, nous ont appris ce qui en est, et
plusieurs ont regardé ces missions comme
une pure momerie. Ce n'est pas à tort que
nous reprochons continuellement aux pro-
testants qu'ils sont les premiers auteurs du
déisme, de l'incrédulité, de l'indifférence de
religion qui régnent aujourd'hui dans l'Eu-
rope entière ; pourvu qu'ils puissent satis-
faire leur haine contre l'Eglise romaine, ils
s'embarrassent fortj)cudece que leurs ca-
lomnies retombent sur le christianisme en gé-
néral. Nos philosophes incrédules n'ont fait
que les copier. Mais [luisque le protestan-
tisme ne s'est maintenu que par une ani-
mositô opiniâtre contre le cntholici-me, srs
sectateurs doivent craindre d'en avou' creusé
le tombeau en inspirant l'indilléreuco j)our
|outo religion. Yoy. Missions.
NOT 1044
* NOTES DE L'ÉGLISE. Parmi tontes les sociétés
qui divisent le clirisiianisnie, il n'en est aucune qui
lie prélcutle au pi ivitége d'être soûle dépositaire de
la v rilable doctrine du Clirisl. Elles s'anàtriciiiali-
sent toutes, elles prétendent posséder exclusivement
la vérité chréljenne. Cependant Jésus-Chiist ne peut
cire divisé, la vérité et le mensonge ne peuvent s'al-
lier. L'allirmation et la négation ne peuvent s'unir
sur un même point. Pour décider en faveur de qui
existe la vérité, il l'aul nécessairement que la so-
ciété chrétienne, véritable dépositaire de la doclrii*
du Christ, ail des caractères qui la distinguent; car
le Sauveur du monde ayant voulu que tous les hom-
mes entrent dans son bercail, a dû donner des mar-
ques ."uxquelles on puisse le reconnaître. Ces mar-
ques ou caractères sont ce que nous appelions Notes
DE l'Eglise. Les théologiens distinguent deux espèces
de notes , les unes sont posiiives et les autres négu'
tires. Les notes positives sont celles qui appartien-
nent exclusivement à l'Eglise, en sorte que, dans
toute société chrétienne oa l'on rencontre une seule
note positive, on peut dire là est la véritable Eglise.
Les notes négatives sont des caractères essentiels à
l'Eglise, mais qui ne lui appartiennent pas exclusi-
vement ; de leur absence on peut certainement con-
clure qu'une société chrétienne n'est point la véri-
table Eglise; mais de leur présence on ne peut af-
firmer qu'elle soit la véritable Eglise. Les notes de
l'Eglise doivent avoir certaines ((ualités : 1° Elles
doivent être plus faciles à reconnaitre que l'Eglise.
il est en effet du caractère essentiel de tout signe
distinelif qu'il suit plus connu que l'objet qu'il doit
désigner. 2' Elles doivent être à la portée de luns les
hommes, puisqu'ils doivent tous entrer dans le sein
de l'Eglise. 3° Réunies, il doit être évident qu'elles
n'appartiennent qu'à une seule société. Les piolt-s-
tants ailmeitaienl deux notes del'Eglise: la prédica-
tion de la doctrine de Jésus-Christ et radniinislration
légitime des sacrements. Us les ont réunies eu
une seule : la véritable doctrine de Jésus-Christ
conn'ie par l'examen privé. Celte note est évi-
demment un cercle vicieux, car je ne cherche la vé-
ritable Eglise qu'afiii d'avoir la véritable doctrine.
Où est, d'après les protesianls, la véritable doctrine
connue par l'examen privé? Dans la Bible? Mais
toutes les sociéti's chrétiennes ont la Cible ; sont-
elles toutes la véritable Eglise? C'est une absurdité.
C'est donc ailleurs qu'il f.tut chercher les notes <le la
véritable Eglise. Nous reconnaissons, nous catholi-
ques, quatre notes positives : Vunilé, ta saimeti', la
calholicid et t'apostoUciié ; et deux négatives, lu
perpétuité et la visibiliié. Chacun" de ces notes ayant
un article particulier, nous nous contentons d'y ren-
voyer. Yoy. Eglise, § 2.
♦ Notes de pbopositions. Voy. CE^■suRES des éckits
et QuAi-iFicATiON de propositions
NOTIONS EN DIEU. Les théologiens , en
traitant du mystère de la sainte Trinité,
nomment notions les qualités qui convien-
nent à chacune des Personnes divines en
particulier , et qui servent à hs distinguer.
Ainsi la paternité et Vinnascibilité sont les
notions distinctes de la première Personne,
la filiation est le caractère distiiictif de la se-
conde, la procession ou spiralion passive
convient exclusivement à la troisième. Voy.
Trinité. Comme ce mystère est inconipré-
hensibié , et qu'il a été souvent attaqué par
les hérétiques , les théologiens ont été for-
cés de consacrer des termes particuliers,
non pour l'exphquer , puisqu'il est inexpli-
calle, mais pour énoncer, sans danger d'er-
reur, ce que l'on en doit croire.
NOTRE-DAME , titre d'honneur que les
catholiuues donnent à la sainte Vierge ;
i'.
NOV
N07
tOij
<niiisi nous disons, l'église de Noire-Dame,
les fêles de Notre-Dame, etc. Les proto-ilaiits,
qui rejettent le culte de la sainte Vicige,
lont croire aux igiK.rants que nous l'appe-
lons Noire-Dame dans le ruènu! sons quo
nous appelons Jésus-Christ Notre-Srigneur ;
qu'ainsi nous rendons h l'un et à l'autre un
culte égal. Mais une (.équivoque ne devrait
jamais causer de disputas. Jésus-Cliri>t est
notre souverain Soigneur, paiio qu'il est
Dieu ; nous appelons sa sainte Mère Notre-
Dame , pour lui témoigner un plus profonde
respect qu'à loute autre créature , et une
cniiére confiance en son intercession. Si
quelques dévots peu instruits se sont qucl-
«luefois exprimés sur ce sujet d'une nian ère
qui n'est pas assez correi te , il ne faut pas
en faire un crime à l'Eglise romaine, qui
n'approuve aucun excès. Nous accusera-t-on
d'idol.Urie lorsque nous donnons aux grands
de la terre le titre de monseigneur?
NOUVEAU. Ce mot a plusieurs sens dans
l'Ecrilure sainte. Il signilie : 1° ce qui est ex-
traordinaire (Judic. y, 8). Le Seigneur a
choisi une nouvelle manière de faire la guerre
et de vaincre nos ennemis , en insjiirant à
une femme le courage d'un homme. 2" Ce
qui est enseigné avec plus de soin qu'au-
trefois. Jésus-Christ appi'lle le précepte do
la charité un commandement nouveau [Joan.,
XIII, Z'i) , quoiqu'il fût déjà imposé dans
l'ancienne loi , ))arce qu'il l'a mieux déve-
loppé, q i'il e:i a donné de nouveaux motif-*,
et en a montré dans lui-même un exemple
parfait. 3° C • qui est beau et sublime ; dans
ce sens, David a dit |)lnsieurs fois : Je vous
ch;'.nterai. Seigneur, un cantique nouveau.
Dans le style de saint Paul, le nouvel homme
est lo chn'lien purilié île ses anciens vices
par le baptême. Jésus-Christ dit [Luc. v, 37)
qu'il ne i.iut pas mettre du vin nouveau d.ins
(le vieilles outres, |iour faire entendre qu'il
ne devait pas imposer à ses disciples, encore
faibles , des devoirs trop parfai's. k" Dans la
2' lettre do samt Pierre, c. ni, v. 13, et dans
l'Apocalypse, c. xxi , v. 1 et 2, un nouveau
ciel, une nouvelle terre, là nouvelle Jérusa-
lem, signitient le séjour des bienheureux;
mais dans Isaie , c. lxvi , v. 22 , les mêmes
expressions paraissent désigner le règne du
Messie. Lors(iue le Sauveur promit à ses
apôtres de boire avec eux un vin nouveau
dans le royaume de son Père (Matth., xiv,
25), cela pouvait signifier ([u'il boirait encore
et mangerait do nouveau avec eux, après sa
résurrection. 5" Joan. , c. xix, v. 41, il est dit
que Joseph d'Arimathie déposa le corps de
Jésus-Christ dans un sépulcre nouveau, dans
lc(iuel aucun mort n'avait encore été dé-
posé. 6° Exod., c. xxiii, v. 15, le mois des
nouveaux fruits était le mois de Nisan, pen-
dant lequel la moisson commençait en Egypte
cl dans la Pal 'Stino.
NOVATEUR. On nomme ainsi celui qui
enseigne une nouvelle doctrine en matière
de foi. L'Eglise chrétienne a toujours fait
profession de ne point suivre d'autie doc-
trine que celle qui lui a été enseignée par
Jésus-Christ et par les apôtres ; conséquem-
ment elle a condamné comme hérétiqu s
ceux (pii imt entrepris il.i la corriger et de
la cbHnger. \1\\g leur a dit, par la bouche de
Tertulheu, l'rœscripl., c. xxxvii : « Je suis
plus ancienni^ que vous et en possession de
la vériti' avant vous; je la tiens de eux
mêmes qui étaient chargés de l'annoncer ; je
suis l'héritière dos apôtres, je garde ce qu'ils
m'ont laissé par testament, ce qu'ils ont
confié l\ ma foi, ce qu'ils m'ont fait jurer do
conserver. Pour vous, ils vous ont déshéri-
t^'s et rejetés, comme des étrangers et d s
ennemis. » Elle a retenu pour base de son
enseignement la maxime étal)li(î par ce mémo
Père , « que ce qui a été enseigné d'abord
est la vérité et vient de Dieu , que ce qu- a
été inventé dans la suite est étranger et
faux. » Ibid., c. XXXI.
L'usage de l'Eglise, dit Vincent de Lérins,
Commonit., § 6, a toujours été ipie plus l'on
était religieux, plus l'oii avait horreur d'S
nouveautés. Pour n'fnter l'erreur des rebap-
tisants au m* siècle, le pape Etienne n'op-
posa ipio celte règle : N'innovons rien, gar-
dons la tradition. L'esprit, r('loqiienee , les
raisons plausibles, les citations de l'Ecrilure
sainte , le nombre des par tisans de la nou-
velle Ojiinion, !a sainteté même de plusieurs,
ne puiciil prescrire C(jntre le sentiment et la
pratique de l'antiquité. — >î 21. « (larde/ lo
dépôt, dit saint Paul à Timothée (7 Tim. vr ;
évitez toute nouveauté profane et les discu-
tes qu'excite une fausse science. » S'il faut
éviter la nouveauté, il faut donc s'attacher à
l'antiquité, puisque la première est profane,
la seconde est sacrée. — § 22. Expliquez
plus clairement, à la bonne heure, ce qno
l'on croyait autrefois d'une manière |iins
obscure, mais n'enseignez quo ce que vous
avez app.is, et si vos termes sont nouveaux,
que la chose ne le soit pas. — § 23. N'est-il
donc pas permis de faire d^s jirogrès dans la
science de la religion? Assurément, mais
sans altérer le dogme ni la manière de l'en-
tendre. 11 faut que la croance des esprits
imite la marche des corps ; ils croissent,
s'étendent, se développent parla suite des
années, mais ils l'emeurcnt toujours les
mômes. Qu'il en soit ainsi de la doctrine
chrétienne , qu'elle s'all'erndsse par le laps
des années , qu'elle s'élende et s'éclanxisse
parli'S travaux des savants, qu'elle devieime
plus vénérable avec l'âge ; mais que le fond
demeure entier et inaltérable. L'Eglise de
Jésus-Christ, dépositaire attentive et iidèlo
des dogmes qu'elle a regus, n'y change rien,
n'en retranclie rien, n'y ajoute rien. Son at-
tention se borne à rendre plus exa( t et iilus
clair ce qui n'était encore proposé qu'impar-
faitement, plus ferme et jilus constant ce
qui était suftisamment expliqué, plus invio-
lable ce qui était déjà décidé. Qu'a-1-elIe
voulu en elfet par les décrets de ses conci-
les ? Molire plus de clarté dans la croyance ,
plus d'exactitude dans l'enseignement, plus
de netteté et de précision dans la profession
de foi. Lorsque le hérétiques out(nseigné
des nouveautés, elle n'a fait |iar ces mômes
décrets que transmeltre par écrit à la posté-
1047
NOV
NOV
1048
rite ce qu elie avait reçu des anciens par
tradition, exprimer en peu de mots un sens
souvent fort étendu , fixer ce sens par un
nouveau terme pour le rendre plus aisé à
saisir. — § 2'*. S H était permis d'adopter de
nouvelles doctrines, que s'ensuivrait-il? Que
les fidèles de tous les siècles précédents, les
saints, les vierges, le clergé, des milliers de
confesseurs , des armées de martyrs , les
peuples entiers , l'univers chrétien , attaché
à Jésus-Christ par la foi catholique, ont été
duis l'ignorance et dans l'erreur , ont blas-
phémé sans savoir ce qu'ils disaient ou ce
qu'ils croyaient. Toute hérésie a paru sous
un certain nom , dans tel endroit , dans un
temps connu ; tout h'résiarque a commencé
par se séparer do la croyance ancienne et
universelle de l'Eglise catholique. Ainsi en
ont agi Pelage, Arius, Sabellius , Priscil-
lien , etc. ; tous se sont fait gloire de créer
des nouveautés , de mépriser l'antiquité, de
mettre au jour ce que l'on ignorait avant
eux. La règle des catholiques, au contraire,
est de garder le dépôt des saints Pères , de
rejeter toute nouveauté profane , de dire
avecl'apùtre : « Si quelqu'un enseigne autre
chose que ce que nous avons reçu, (pi'il soit
aiiathèrae. » — § 26. Mais lorque les héréti-
ques allèguent en leur faveur l'autorité de
1 Ecriture sainte , que feront les enfants de
l'Eglise? Ils se souviendront de la règle an-
cienne qui a toujours été observée , qu'il
faut expliquer l'Ecriture selon la tradition
de l'Eglise universelle, et préférer dans cette
explication môme l'antiquité à la nouveauté,
l'universalité au petit nomiire, le sentiment
des docteurs catnoliques les plus célèbres
anx opinions téméraires de quelques nou-
veaux dissertateurs.
On voit que Vincent de Lérins n'a fuit
que développer, dans son Commonitoire, ce
que ïertullien avait déjà enseigné dans ses
Prescriptions contre les hérétiques, deux cents
ans auparavant. A la vérité, les novateurs
des derniers siècles ont accusé l'Eglise elle-
même d'avoir innové, d'avoir altéré la doc-
trine enseignée par les apôtres. Ce repro-
che était aisé à former, mais il fallait , pour
en démontrer la fausseté , confronter la tra-
dition de quinze siècles entiers ; le procès
ne pouvait pas être sitôt instruit ; les héré-
tiques ont profité de l'intervalle pour séduire
les ignorants. Est-il possible que l'Eglise
catholique, répandue dans toutes les parties
du monde , dont tous les pasteurs jurent et
protestent qu'il ne leur est pas permis de
rien changer à la doctrine qu'ils ont reçue ,
conspire néanmoins à faire ce changement ;
que les fidèles de toutes les nations , bien
persuadés que cet attentat est un crime ,
aient consenti néanmoins à y participer, on
suivant une doctrine nouvelle imaginée par
leurs pasteurs ? que les sociétés même sépa-
rées de l'Eglise romaine depuis plus de
mille ans, aient été saisies du même esprit
de vertige ? Si co paradoxe avait été compris
d'abord, il aurat révolté tout le monde par
son absurdité. A force de l'entendre répé-
ter, on a commencé par le croire, en atten-
dant l'examen des monuments qui démon-
traient le contraire. Enfin , il a été fait dans
la Perpétuité de la foi ; mais l'hérésie était
trop bien enracinée pour céder à l'évidence
des faits et des monuments. Aujourd'hui
encore les protestants soutiennent que tous
les dogmes catholiques qu'ils rejettent sont
une nouvelle invention des derniers siècles.
Yoy. DÉPÔT , Perpétuité de la Foi, Pres-
cription.
NOVATIENS, hérétiques du m' siècle, qui
eurent pour chefs Novatien, prêtre de Rome,
et Novat , prêtre de Carthage. Le premier,
homme éloquent et entêté de la philosophie
stoïcienne , se sépara de la communion du
pape ssint Corneille , sous prétexte que ce
pontife admettait trop aisément à la péni-
tence et à la communion ceux qui étaient
tombés par faiblesse dans l'aposiasie pen-
dant la persécution de Dèce. Mais le vrai
motif de son schisme était la jalousie de ce
que saint Corneille lui avait été préféré pour
remplir le siège de Rome. Il abusa du pas-
sage dans lequel saint Paul dit {Heb. vi, k) :
« 11 est impossible à ceux qui sont tombés,
après avoir été une fois éclairés, et après
avoir goûté les dons célestes, de se renou-
velerparlapénitence.»Conséquemmentil sou-
tint que l'on devait refuser l'absolution, non-
seulement à ceux qui avaient apostasie, mais
encore à ceux qui , après leur baptême ,
étaient tombés dans quelque péché grave,
tel que le meurtre et l'advdlère. Comme
l'erreur va toujours en croissant, les noi'a-
tiens j)rétcndirent bientôt que l'Eglise n'a-
vait pas le pouvoir de remettre les grands
crimes par l'absolution. Cette r:gidilé conve-
nait d'autant moins à Novatien, qu'on l'accu-
sait lui-même de s'être caché dans sa maison
pendant la persécution , et d'avoir refusé
ses secours à ceux qui souffraient pour Jé-
sus-Christ. On lui reprochait encore d'avoir
été ordonné prêtre malgré l'irrégularité qu'il
avait encourue , en recevant le baptême au
lit pendant une maladie , et pour avoir né-
gligé ensuite de recevoir la confirmation.
Mosheim fait inutderaent tous ses efforts
pour pallier les torts de Novatien , et en
faire tomber une partie sur saint Corneille,
Hist. christ., saec. m, § 15, notes. 11 dit que
ce pape ne reprochait à son antagoniste que
des vices de caractère et des intentions inté-
rieures qui sont connues de Dieu seul ; que
Novatien protestait contre l'injustice de ces
reproches. Jlais ce schismatique avait dé-
voilé les vices de son caractère et ses motifs
intérieurs par ses discours et par sa con-
duite ; saint Corneille était parfaitement in-
formé des uns et des autres; les jirotesta-
tions do Novatien étaient démenties par ses
procédés. 11 est singulier que les protestants
excusent toujours les intentions do tous les
ennemis de l'Eglise , et ne rendent jamais
justice aux intenticns de ses pasteurs.
Novat, de son côté, prêlre vicieux, s'était
révolté contre saint Cyprien, son évoque; il
l'avait accusé d'être trop rigoureux à l'é-
gaitl des lapses qui demandaient d'être ré-
conciliés à l'Eglise ; il avait oppuyé le
in 10 Nov
scliismc du dianrc Félicissime contre co
saint évoque; nieiiacô de l'oxcDmuiunica-
tion, il s'enfuit h Rome; il si; joiy;nil à la
faction de Novalien, et il donna dans l'excès
op|)osé à ce qu'il avait soutenu en Afri-
que. Mosheira a encore trouvé bon d'excu-
ser ce [)r6tre , et de rejeter une partie du
blAmo sur saint Cyprien , ihid., § H. On ne
peut pas apfirouver, dit-il, tout ce qu'ont fait
ceux qui résistaient à cet év6(jue ; mais il
est incontestable (]u'ils combattaient pour
les droits du clergé et du [leuple , contre un
évoque (]ui s'arroi!,eait une autorité souve-
raine. Mais nous avons fait voir ailleurs (jue
ces prétendus droits du clergé et du peuple
contre les évoques, sont cliimériqui'S, et
n'ont jamais existé que dans l'imagination
des protestants. Voy. Evèqle , Hiéuaucuik.
Ces deux schismatiques trouvèrent dos parti-
sans. Novatien cnj^agea par argent trois éyè-
qui'S d'Italie à lui donner l'ordre de l'épis-
copat ; il devint ainsi- le premier évè(pie do
sa secte , et il eut des successeurs. Saint
Corneille assembla un concile de soixante
évoques à Rome , l'an 251, dans lequel No-
vatien fut cxcomnuHiié ; les évôcjucs qui
l'avaient ordonné furent déposés, et l'on y
confirma li's anciens camms , qui voulaient
que l'on récrit ^ la })éniti'nce [jublique ceux
qui étaient'tombés , lorsqu'ils témoignaient
du repentir de leur crime, et que l'on rédui-
sit au rang des lai({ues les évèques et les
prêtres coupaliles d'apostasie. Cette disci-
pline él lit daulant [ilus sage , qu'il y avait
beaucoup de did'érence à mettre entre ceux
qui étaient tombés par faiblesse et par la
violence de> tourments, et ceux qui avaient
apostasie s-ins ôlre tourmentés ; entre ceux
qui avaient fait des actes positifs d'idolA-
trie , et ceux qui avaient seulement paru eu
faire, etc. Voy. Lai'ses. 11 était donc juste de
ne pas les traiter tous avec la môme rigueur,
et d'accorder plus d'indulgence à ceux qui
étaient les moins coupables. Saint Cyprien ,
Epist. ad Aiilonianum.
A la vérité, l'on trouve dans quelnues con-
ciles de ces temps-lh, en particulier dans
celui d'Elvire, tenu en Espagne au com-
mencement du IV" siècle, des canons qui pa-
raissent aussi rigoureux que la pratique des
novatiens; mais on voit évidemment qu'ils
ne sont point fondés sur la môme erreur; ils
ont été laits dans des temps et des circons-
tances où les évoques ont jugé qu'il fallait
une discipline sévère pour intimider les pé-
cheurs, et où l'on devait se délier des marques
de pénitence que donnaient la plujiart. Quel-
ques auteurs ont soupçonné mal à propos
que ces évèipies étaient entichés des opi-
nions des novatiens.
. Mosheim, pour excuser ces derniers, dit
' que l'on ne peut pas leur reprocher d'avoir
corrompu par leurs opinions les doctrines
du christianisme, que leur doctrine ne dif-
férait en rien de celles des autres chrétiens,
Hlst. eccl., troisième siècle, W part., c. v,
§ 17 et 18, Ilist. rhrist., sœc. 3, § 15, notes.
Il l'èce i-;"! ce:a par in.érèt de système. Une
tloctriue du christianisme est que l'Eglise a
NOV
1050
reçu de Jésus-Christ le pouvoir de remettre
tous les péchés ; or il est certain que Nova-
tien, ou du moins ses adhérents, ont con-
testé ce pouvoir, et l'ont nié aussi bien (pie
les protestants. Bévéridge et Binghain, tous
deux anglicans, conviennent de ce fait, et le
dernier l'a prouvé. Orif/. ecclés., 1. xviii, c.
IV, § 5. Selon le témoignage de Socrate, 1.
vil , c. XXV, Asclépiade, évoque novatien,
disait h un j)atriarchc de Constantinoplo :
« Nous refusons la communion aux grands
pécheurs, laissant «^ Dieu seul le jjouvoir do
eur pardoinicr. » Tillemont prouve la mémo -
chose par les témoignages de saint Pacien,
de saint Augustin et de l'auteur des Qurs-
tious sur rAnc. et le Nouv. Testam. Mém.,
t. III, p. 472. Saint Cyprien le fait assez en-
tendre, Epist. 52 ad Antonianum. « Nous
n'anticipons point, dit-il, sur le jugement
d" Dieu, qui ratifiera c que nous avons
fait, s'il trouve que la pénilence soit juste
et entière. Si nous sommes trompés par de
fausses apparences, il corrigera la sentence
que nous avons prononcée... Puisque nous
voyons que personne ne doit être empêché
de faire pénitence, et que par la miséricorde
de l>ieu la paix peut être accordée par ses
prêtres, il faut avoir égard aux gémisse-
ments des pénitents, et ne pas leur en refu-
ser le fruit. » 11 n'est donc pas question de
savoir seulement si l'Eglise devait accorder
l'absolution aux pécheurs, mais si elle le
pouvait, et si la sentrnco d'absolution ac-
cordée par les prôlrcs n'était pas une anti-
cipation sur le jugement de Dieu, comme
les 7}ovaticns le jirétendaient. Il est filcheux
pour les protestants de voir une de leurs
erreurs condamnée au m' siècle dans les
novatiens ; mais le fait est incontestable. Ces
hérétiques ne laissaient point d'exhorter les
pécheurs à la pénitence, parce que l'Ecri-
ture sainte l'ordonne ; mais saint Cyprien
remarque avec raison i|ue c'était une dérision
(le vouloir engager les jécheurs à se repen-
tir et à gémir, sans leur faire espérer le par-
don, du moins k l'article de la mort ; que
c'était un vrai moyen de les désespérer, de
les faire retourner au paganisme ou se jeter
parmi les hérétiques. Dans la suite, les no-
vatiens ajoutèrent de nouvelles erreurs à
celle de leur chef; ils condamnèrent les se-
condes noces et rebaptisèrent les pécheurs ;
ils soutinrent que l'Eglise s'était corrompue
et perdue par une molle indulgence, de. Ils
se donnèrent le nom de (nlliarcs, qui signi-
fie/)urs, de môme que l'on appelle en An-
gleterre puritains les calvinistes rigides.
Quoiqu'il y eilt peu de concert dans la
doctrine et dans la discipline parmi les no-
vatiens, celte secte n'a pas laissé de s'éten-
dre et de subsister en Orient jusqu'au vu"
siècle, et en Occident jusqu'au vm' ; au con- »
cile général de Nicée, en 323, l'on fit des rè-
glements sur la manière do les recevoir
dans l'Eglise, lorsqu'ils demanderaient à y
rentrer. Un de leurs évèi[ues nommé Acé-
sius y argumenta avec beaucoup de chaleur,
pour prouver que l'un ne devait pas admet-
tre les grands pécheurs a la communion do
10'; I
NUE
NDB
10."'2
l'Eglise; tonstantin, qui (^'tait pr(''sent, lui
répondit par dérision : Acéshts, dressez une
échelle, et montez au ciel tout seul.
NOVICE, NOVICIAT. On appelle novice
une personne de l'un ou de l'autre sexe qui
aspire à faire profession do l'état religieux,
qui en a pris l'iiabit, qui s'exerce à en rem-
plir les devoirs. Dans tous les temps, l'E-
glise a pris des précautions pour empocher
que personne n'entrât dans l'état religioui
sans une vocation libre et solide, sans bien
connaiire les obligations do cet état, et sans
y être exercé sulfisamment. Le concile de
Trente, s< ss. 25, c. 16 et suiv., a renouvelé
sur ce sujet les anciens canons, et a ctiarg'5
.es évêques de veiller de près à leur obser-
vation : mais cette matière appartient au
droit canonique. Les hérétiques, les incré-
dules, les gens du monde, qui s'imaginent
que presque toutes les vocations sont for-
cées, ignorent les épreuves que l'on fait su-
bir aux novices, les soins que prennent les
supérieurs ecclésiastiques pour empêcher
que l'erreur , la séduction , la violence ,
n'aient aucune paît k la profession reli-
gieuse. On peut assurer en génénd que s'il
y a dans ce genre quelques victimes do l'am-
bition, de la cruauté et de l'irréligion de
leurs parents, les novices y ont consenti,
qu'ils ont surpris la vigilance et l'attention
scrupuleuse des évêquis et de leurs prépo-
sés. Voy. Profession religieuse.
NTOUPL Voi/. Broucolacas.
NU-PIEDS SPIRITUELS, anabaptistes qui
s'élevèrent en Moravie dans le x\i' siècle,
et qui se vant.iient d'imitrr la vie des apô-
tres, vivant à la campagne, marchant pieds
nus , et témoignant beauc up d'aversion
pour les armes, pour les lettres et j>our l'es-
time des peuples. Pratéole, Hist. tiudip. et
s})irit. ; Floiimond de Raimond, 1. ii, c.
XVII, rum. 9. Voij. Anabaptistes.
NUÉE. Dans l'Ecriture sainte , les miérs
ou le ciel nébuleux désignent souvent un
temjjs d'aftliction et de calamité ; cette mé-
taphore est aussi employée fréquemment
par les auteurs profanes ; il serait inutile
d'en citer des exemples. Une nue'e signifie
quelquefois une armée ennemie qui cou-
vrira la terre, comme les nuages couvrent
le ciel, et le dérobent h nos yeux (Jrrem. iv,
13; Ezech. xxx, 18; xxsvni, 9). Les nuées,
jiar leur lé,.;è'eté, sont le symbole de la va-
nité et de l'inconstance des chojes de ce
monde ; il est dit (// Petr. ii, 17) que les
faux docteurs sont des miccs poussées par
un vent impétueux ; et dans répître de saint
Jude, V. 12, que ce sont des miées sans
pluie. Elles représentent encore l'arrivée
brusque et imprévue d'un événement quel-
conque. Jsaï., c. XIX, V. 1, dit que Dieu en-
trera en Egypte, jiorté sur une nuée légère.
Daniel, c. vu, v. 13, vit arriver sur les nuées
du ciel un personnage semblable au Fils de
l'hoirime, qui fut porté devant le trône de
lEtemel, et auquel fut accordé l'empire sur
l'univers entier; c'était évidemment le Mes-
sie. Jésus-Christ [Matth. xxiv, 30) dit que
l'on verra venir le Fils de l'homme sur les
nuées du ciel, aTec beaucoup de puissance
et de majesté ; et (xxvi, 64.) il dit à ses ju-
ges : Vous verres venir sur les nuées du ciel
le Fils de l'homme assis à la droite de la puis-
sance de Dieu. Il annonçait ainsi la prompti-
tude et la puissance avec laquelle il vien-
drait ptïnir la nation juive. Plusieurs inter-
prètes entendent dans le même sens ces pa-
roles du psaume xvii, 10 : « 11 est monté
sur les chérubins, il a volé sur les ailes des
vents, » parce qu'elles sont parallèles h cel-
les du Ps. cm, V. 3 : « Vous êtes monté sur
les nuées, vous marchez sur les ailes des
vents. » Saint Paul (/ Cor. x, 1) dit : « Nos
pères ont été tous sous la nuée, et ont passé
la mer; et ils ont été tous baptisés par Muïse
dans la nuée et dans la mer. » Cela ne signi-
fie point que le passage des Israélites au
travers de la mer Rouge, et sous la nuée, ait
été un vrai baptême, mais que c'a été la fi-
gure de ce que doit faire un chrétien. De
même qu'après ce passage les Hébreux ont
commencé une nouvelle manière de vivre
dans le désert sous les ordres de Dieu,
ainsi le chrétien une fois bafitisé doit me-
ner une vie nouvelle sous la loi de Jésus-
Christ. Voy. la Synopse des critiques sur ce
passage.
Nuée (colonne de). Il est dit dans l'his-
toire sainte, qu'à la sortie de l'Egypte, Dieu
fit marcher à la tête îles Israélites une co-
lonne de nuée, qui était obscure pendant le
jour et lumineuse |iendant la nuit ; quelle
leur servit de guide pour passer la m(>r
Rouge et pour marcher dans le désert ; qu'elle
s'arrêtait lorsqu'il fallait canif^er, qu'elle se
mettait en mouvement lors(|u'il fallait par-
tir, qu'elle couvrait le tabernacle, etc. To-
land a fait une disserialion, ([u'il a intitulée
Hodegos, le Guide, pour faire voir que co
phénomène n'avait rien de miraculeux ; se-
lon lui, la prétendue colonne de nuée n'était
qu'un pot à feu porté au liout d'une perche,
qui donnait de la fumée ]ien'lant le jour, et
une lueur pendant la nuit; c'est un cxiié-
dient dont plusieurs généraux se sont servis
pour diriger la marche d'une armée, et l'on
s'en sert encore aujourd hui pour voyager
dans les déseits de l'Arabie. Les réflexions
par lesquelles l'auteur a étayé cette imagi-
nation sont curieuses. Il commence par ob-
server qu'en général le style des livres saints
est emphatique et liyperboiiqiie ; tout ce
qui est beau ou surprenant dans son genre
est attribué à Dieu ; une armée nombreuse
est une armée de Dieu, des montagnes fort
hautes sont des montagnes de Dieu, etc. Voy.
Noîi DE Dieu.
Dans les pays peuplés, haliités, dont l'as-
pect est varié, la marche d s armées est diri-
gée par des objets visibles, par les monta-
gnes, les rivières, les forêts, les villes et
les châteaux ; dans de vastes campagi.es et
dans des déserts, il faut des signaux, sur-
tout pendant la nuit : le signal le pilus na-
turel et le plus commode est le feu. Counuo
la flamme et la fumée montent on haut, ou
L:ur a donné le nom de colonne ; ainsi s'ex-
priment, non-seulement les auteurs sacrés.
1&53 NUE
mais les historiens profanes. En sortant de
l'ICg\pto, les Israélites marchaient en ordre
ua bataille (Num. xx:ciii, 1), et le désert
commençait à Ethani, dans i'Egvple même
[fijfod. XIII , 18). Ils avaient donc besoin
d'un signal pour diriger leur route ; Moiso
lit porter devant la premii^^re li^no de l'ar-
iiiéc du feu au bout d'une perehe, et il
niultij)lia ces signaux selon le besoin. Quand
le tabernacle fut fait, le signal fut placé au
haut de celte tente, où Dieu était censé pré-
sent par ses symboles et par ses ministres.
Cet usage était connu des Perses ; Alexan-
dre s'en servit, suivant Quiiite-Curce, liv.
V, chap. Il- Saint Clément d'Alexandrie,
Slrom., 1. I, c. X.XIV, édil. de Potter, p. kll
et 418, rapporte que Trasybule usa de ce
stratagème pour conduire une troupe d'A-
théniens pendant la nuit, et que l'on voyait
encore à Munichia un niitcl du phosphore
pour monument de celte marche. 11 alléguait
ce fait pour rendre croyable aux Grecs ce
que dit l'Ecriture de la colonne qui condui-
sait les Israélites ; il ne la regardait donc
pas comme un miracle.
L'Ecriture dit (pie cette colonne, placée
entre le camp des Egyptiens et celui des
Israélites, élait obscure d'un côté et lumi-
neuse de l'autre; mais c'était un stratagèm.i
semblable à celui dont il est parlé dans la
Ci/ropédie de Xéno|)!ion, liv. m. Puisque
les Eftyptiens ne furent point étonnés do
cette nuée, ils ne la regardèrent |'as comino
un phénomène miraculeux. Lorsque l'Ecri-
ture dit que le Seigneur marchait devant les
Israélites (Exod. siii, 20), cela signilie qu'il
marchait par ses ministres. Les ordres do
Moï^e, d'Aaron, de Josué et des autres
chefs sont toujours attribués h Dieu, mo-
nar ,ue suprême des Israélitis. Il est dit
{Num. X, 13) que les Israélites partirent
suivant le commandement du Seigneur, ilé-
flaré par Moïse ; cela montre assez que
Moïse disposait do la nuée. Enlin, l'angi' du
Seigneur, dont il est ici i)arlé, était llobjib,
beau-frère de Moïse, qui était né et qui avait
vécu dans le désert, qui, par conséquent,
en connaissait toutes \es routes. Dans le li-
vre tles Juges, c. II, V. 1, l'ange du Seigneur
dont il est fait mention était un prophète.
Aucun écrivain judicieux n'a fait le moin-
dre cas de cette imagination de Toland ; les
connnentateurs anglais, clans la Bible de
Chais [Exod. xin, 2lJ, n'ont pas seulement
daigné la réfutiT ; mais nos incrédules fran-
çais en ont fait un trophée dans plusieurs
de leurs ouvrages ; nous ne pouvons nous
dispenser d'y opposer quelques observa-
tions. — 1° Il est impossiole que les Israéli-
tes aient été assez stupides pour regarder
comme un miracle un brasier qui luuiait
pendant le jour et qui éclairait pondant la
nuit; il l'est qu'un l'eu porté dans un bra-
sier ou élevé au bout d'une perche ait pu
être aperçu par tout un peuple composé de
plus de deux unllions u'hommes ; il l'est en-
tin que la fumée d'un brasier ait pu former
une nuée capable de couvrir dans sa marche
une aussi grande mullitude d'iiommcs ; or,
NUE
10.^4
Mo'iso atteste que la nuée du Seigneur cou-
vrait les Israélites penlant le jonr, lorsqu'ils
marchaient {Num. x, 34; xiv, l'i-). Voilii une
circonstance qu'il no fallait pas oublier. 11
n'est pas moins impossible que Moïse ait été
assez insensé |)our vouloir en imposer sur ce
sujet h une nation entière pendant quarante
ans consécutifs; c'est un fait (jue l'on pou-
vait vériiier h lo\iles les heures du jour et
de la nuit; et l'hisloire nous api^rond qusî
la colonne de nuée pendant le jour, et de leu
pendant la nuit, n'a jamais manqué {Exod.
XIII, 22). Moïse, h la quarantième année,
jirenait encore les Israélites îi témoin de ce
prodige toujours subsistant {Deut. i, 3."' ;
■xxxr, 15). Autre circonstance qu'il ne fallait
pas omettre. — 2° Aucun des faits ni des
rétlcxions allégués par Toland ne peut di-
minuer le poids de ces deux circonstances
essentielles. Quand il serait vrai que les Is-
raélites attribuaient à Dieu les phénomènes
les plus naturels, cela ne suffirait pas jiour
justifier les expressions de Moïse; non-seu-
lement il appelle nuée de Dieu la colonne
dont nous parlons, mais il dit que c'était Dieu
lui-même qui marchait à la tôte des Israéli-
tes, qui leur montrait le chemin par la co-
lonne, (pii les guidait pendant le jour et
jiendant 'a nuit, ipii les couvrait par la ntiée
dans leur marche, etc. {Exod. xiii, 21; Num.
XIV, IV, etc.). L'imposteur le i)lus hardi n'au-
rait pas osé parler ainsi, s'il n'avait été ques-
tion que d'un pot à feu planté au bout d'une
perch(\ — 3° Toland suppose faussement
que le désert dans lequel les Israélites ont
séjourné était une vaste campagne dénuée
de tout objet visible; il y avait des monta-
gn s et des rochers, quelques arbres et des
]>.Uurages; l'histoire de ^îoïse en parle et
les voyageurs en dé'poscnt. Il était donc im-
possible que la fumée ou la Uamme d'un
brasier pût être aperçue par plus de deux
millions d'hommes, soit lorsqu'ils étaient en
marche, soit lorsqu'ils étaient campés. Les
années dont parlent les historiens profanes
n'étaient que des poignées d'hommes en
comparaison de la mviltitudo des Israélites,
dont six cent mille étaient en état de porter
les armes. — k° Il n'est pas vrai que iMoïse
ait multiplié les signaux selon le besoin ; il
parle constamment d'une seule co'onrc qui
était de nuée, et non de fumée, pendant le
jour, et qui ressemblait <\ un feu pendant la
nuit. Il est encore faux que Dieu ne fut
censé présent dans le tabernacle ([ue par
ses symboles et par ses ministres. M est oit
formellement que Dieu était (irésent dans la
colonne de nuée, qu'il y parlait, qu'il y fai-
sait éclater sa gloire, cju'alors Aaron et
Moïse se prosternaient {Exod. xl, 32; Num.
IX, 15; XI, 25; c. xvi, 19 et 22, etc ). Se se-
raient-ils ]irosternés devant un brasier?
L'histoire dit que cela se faisait à la vue de
tout Israël. — 3° Notre dissertateur en im-
pose au sujet de saint Clément d'Alexandrie.
Ce Père regardait cei tainemcut la colonne de
nuée comme un miracle, puisqu il dit : « Que
les Grecs regardent donc connue croyable ce
que racontent nos livres; savoir, que Dieu
1055
NUI
NUI
1056
tout-puissant a pu faire qu'une colonne de
feu précédât les Hébreux pendant la nuit, et
guidAt leur chemin. « S'il a comparé ce |)ro-
digo à l'action de Tras3diule, c'était pour
montrer que Dieu a fait par sa puissance co
que la sagesse avait dicté à un habile géné-
ral. — 6° Xénophon, dans sa Cyropéclie, 1.
m, p. 55, rapporte que Cyrus et Cyaxare,
faisant la guerre aux Assyriens, n'allumaient
point de l'eu dans leur camp pendant la
nuit, mais au-devant de leur camp, afin que
si quelque troupe ven.iit les attaquer, ils
l'aperçussent sans en être vus ; que souvent
ils en° allumaient derrière leur camp, d'où
i-1 arrivait que les coureurs des ennemis qui
venaient à la découverte, donnaient dans
leurs gardes avancées, lorsqu'ils se croyaient
encore fort éloignés de leur armée. 11 est
dit au contraire {Exod. xiv, 19) : « Que la
nuée, quittant la tète du camp des Israélites,
se plaça derrière, entre le camp des Egy-
ptiens et celui d'Israël ; qu'elle était téné-
breuse d'un côté et lumineuse de l'autre, de
manière que les deux années ne purent
s'approcher jiendant tout le temijs de la
nuit. » En quoi ces deux faits se ressem-
blent-ils ? Par quel artifice les chefs des Is-
raélites purent-ils rendie ténébreuse du côté
des Egyptiens une nuée qui était lumineuse
de leur côté?
11 n'est pas fort étonnant que \os Egyptiens
n'aient pas pris pour un miracle une mic'e
ténébreuse pendant la nuit; ils ne voyaient
pas qu'elle était lumineuse du côté des
Israélites. —7° Nous lisons {Num. ix, 23)
que les Israélites campaient ou décara|)aient
h l'ordre du Seigneur; qu'ils étaient en sen-
tinelle suivant le commandement de Dieu,
donné par Moïse (x, 11); que ]i\nuée s'éleva
de dessus le tabernacle , que b's Israélites
partirent , que les premiers décampèrent
suivant l'ordre du Seigneur, donné par
Moïse. Quel avait été l'ordre du Seigneur?
D'observer attentivement si la nuée s'arrêtait
ou marchait, aiin de savoir s'il fallait camper
ou décamper. Comment cela prouve-t-il que
Moïse disposait de la nuée et la dirigeait? —
8* 11 n'est pas prouvé que l'ange du Sei-
gneur, dont il est parlé [Jud. ii, 1), fût un
prophète ; il n'y a rien dans le texte qui au-
torise cette conjecture.
Ainsi, en détigurant le texte, en suppri-
mantlesfaits et les circonstances essentielles,
en citant à faux les auteurs sacrés cl pro-
fanes, en multipliant les suppositions îi leur
gré , les incrédules se llattent de faire dis-
paraître les miracles de l'histoire sainte. On
demande : si c'était la colonne de nuée qui
guidait les Israélites , pourquoi donc Moïse
engagea-t-il Hobab , son beau-frère , à de-
meurer avec eux , alin qu'il leur servit de
guide dans le désert ? l'arce que Holjab,qui
connaissait le désert, savait où l'on pouvait
trouver des sources d'eau bonnes ou mau-
vaises , des arbres , des pâturages, des peu-
plades amies ou ennemies? Voilà ce que la
colonne de nuée n'indiquait pas.
NUIT. Les anciens Hébreux partageaient
la nuit en quatre parties qu'ils appelaient
veilles, dont chacune durait trois heures; la
première commençait au soleil couché et
s'étendait jusqu'à neuf heures du soir ; la
seconde jusqu à minuit; la troisième jusqu'à
trois heures; la quitrième finissait au levf
du soleil. Ces quatre parties de la 7iuit sonf
quelquefois appelées fl;ms l'Ecriture, le sotr\
le milieu de In nuit , le chant du coq , et le
matin. La nuit se prend figurément : l°pour
les temps d'affliction et d'adversité {Ps. xv,
3) : « Vous avez mis mon cœur à l'épreuve,
et vous m'avez visité pendant la nuit. »
2° Pour le temps de la mort. Jésus-Christ,
parlant de lui-même {Jean, ix, k) , dit : La
nuit rient, pendant laquelle personne ne peut
rien faire. 3° Les enfants de la nuit sont les
gentils, parce qu'ils marchent dans les ténè-
bres de l'ignorance; les enfants du jour ou
de la lumière sont les chrétiens, parce qu'ils
sont éclairés par l'Evangile : « Nous ne som-
mes point, dit saint Paul , les enfants de la
nuit {I Thess. v, 5). » Il y a encore des pro-
vinces où le peuple, pour exprimer le ]ieu
de mérite d'un homme, dit rie lui : C'est la
nuit.
Jésus-Christ avait dit {Matth. xii, hO) : De
tnéme aue Jonas a été trois jours et trois nuits
dans te ventre d'un poisson, ainsi le Fils de
l'homme sera trois jours et trois nuits dans
le sein de la terre. Cela ne s'est pas vérifié,
disent les incrédules , puisque , selon les
évangélistes, Jésus-Christ n'a demeuré dans
le tombeau que depuis le vendredi soir jus-
qu'au dinitinche matin. L'on répond à cette
objection que, dans la manière ordinaire de
]iarlor des Hébreux, trois jours et trois nuits
ne sont pas toujours trois espaces complets
de vingt-quatre heures chacun, mais un es-
pace qui comprend une partie du premier
jour, et une partie du troisième; ainsi, dans
le livre d'Esther, c. iv, v. 16 , il est dit que
les Juifs jeûnèrent trois jours et trois nuits;
cependant ils ne jeûnèrent que pendant deux
nuits et un jour complet, puisqu'il est dit,
c. v, V. 1, que Esther alla chez le roi le troi-
sième jour. Voy. la Synopse sur saint Mat-
thieu, c. XII, V. ko. Dans les manières popu-
laires de parler, il ne faut pas chercher une
exacte précision.
Les Juifs comprirent très-bien le sens des
paroles du Sauveur; ils dirent à Pilate ,
c. XXVII, V. 63 : «Nous nous souvenons que
cet imposteur a dit pendant sa vie -.Je ressus-
citerai après trois jours. Ordonnez donc que
son tombeau soit gardé jusqu'au troisième
jour, etc.» En effet, Jésus-Christ avait dit
])lusieurs fois qu'il ressusciterait /c troisième
jour. Si donc il avait tardé plus longtemps,
les Juifs auraient été en droit de faire reti-
rer, le dimanche soir, les soldats qui gar-
daient le tombeau , et de prétendre que Jésus
avait manqué de parole. Cependant était-il
nécessaire que les gardes fussent témoins
de la résurrection pour rendre inexcusable
l'incrédulité des Juifs? Les paroles de Jésus-
Christ n'ont donc pas paru équivoques aux
Juifs, et elles ont été vérifiées de la manière
qu'il le fallait pour les convaincre.
1057 OBE
NCTPTIAL, BÉNÉDICTION NUPTIALE.
Fo?/. Mariage.
NYCTACJES , ou NYCTAZONTES , mot
grec dérivé de vOç, nuit. On nomma c'iinsi
ceux qui déclamaient conlni la coutumo
<lti'avaient les premiers chrétiens de veiller
OBJ
lOKâ
la nuit pour chanter les louanges de Dieu,
l)ai'ce que, disaient ces censeurs , la nuit est
faite pour le repos des hommes, liaison ti'op
})itoyable pour mériter il'élre réfutée.
NYSSE. Yoy. Saint GiiÉ(iOiuE de Nysse.
o
0 (les) do Noël. Yoy. Annonciation.
OB. Voy. Python.
OBÉISSANCE.// est plus nécessaire d'obéir
A Dieu qu'aux hommes. C'est ce que répon-
dirent les apôtres, lorsque le conseil des
Juifs leur défendit do prêcher (.Icf. v, 29).
Us no faisaient que suivre la leçon que Je-
sus-Christ leur avait donnée , en disant : Ne
craignez pas ceux (/ui lucnt le corps, mais qui
ne peuvent tuer l'âme (Matlh. x, 28; Ltic. xii,
4, etc.). Ees incrédules se sont récriés à
l'envi contre celte maxime; elle n'est propre,
disent-ils, qu'à riuiverser l'ordre public et à
troubler la socii'té. Armé de ce bouclier, tout
fanati(iue se croit inspiré de Dieu , et en
droit de braver l'autorité légitime. Ohéir à
Dieu, ce n'est jamais, dans le fmd, ({u'obéir
aux prêtres, qui se donnent pour les organes
et les interprètes de la volonté de Dieu;
toutes les sectes ont justiiié , par ce faux
l)rincipe, leur résistance aux lois civiles.
Quelques réflexions fort siuii)les démon-
treront la sagesse et la justice de la conduite
<les apûlres , et l'injustice de l'abus que l'on
peut en faire pour violer les lois de la so-
ciété. — 1" La maxime dont les incrédules
se scandalisent a été adoptée par les philo-
sophes les plus célèbres : Socrate , Platon,
Epictète, l'ont enseignée. Voy. le Plu'don de
Platon , et la Vie d'Epictète , p. 58. Celse,
quoiiju'il bl.Une les chrétiens de résister aux
lois qui autorisaient l'idoliUrie, juge cepen-
dant que l'on ne doit pas trahir la vérité par
la crainte des tourments. Orig. contre (-etsc,
1. 1 , n. 8. « Si l'on conuuandait, dit-il , à un
adorateur de Dieu de dire une iiniiiété ou de
faire une mauvaise action , il ne doit jamais
obéir; il doit plutôt souffrir les tourments
et la mort.» Ibid., 1. viii , n. Gti. 11 n'e-t
donc pas vrai que toute résistances aux loi'.
soit uu crime. — 2° En refusant d'obéir au
conseil des Juifs , les ai>ôlres ne suivaient
pas l'avis des prèti'cs , puisque ce conseil
était [irincipalement composé de i)rètres. —
3" Les apôtres |)rouvaient leur mission di-
vine par celle de Jésus-Christ, par sa résur-
rection, [lar la descente du Saint-Esprit, par
les miracles qu'ils o|)éraicnt : connait-ou des
imposteurs ou des fanati(iues qui aient donné
de semblawles | rcuv.'S di' leur inspirati(ui
prétendue ".' Lorsqu'une religion fausse est
établie chez une nation par les lois, ou il
faut soutenir que Dieu ne peut (>nvoyer per-
sonne pour en détromper les hommes, ou il
faut convenir que ses envoyés ont droit de
résister à l'autorité publique. Les Juifs cux-
luômes le comprircut- '* Prenez ijarde> leur
dit Gamaliel, h ce (jue vous allez faire....; si
l'entreprise de ces gcns-là vient des hommes,
elle se détruira d'elle-même; si elle vient île
Dieu, vous ne pourrez jias rem|)èeher, et il
se trouvera que vous résistez à Dieu {.\ct. v,
35, 38). » L'autour des Pensées philosophiques
a donc eu très-grand tort de dire, n. 42:
« Lorsqu'on annonce au iieuple un dogme
ipii contredit la r.'ligion dominante, ou (picl-
(.[ue fait Ciinlraire à la tranquillité pLililiquc,
justili;U-(Hi sa mission par des miracles , le
gouvernement a droit de sévir, et le [leuplo
de crier crucifige. Quel danger n'y aui'ait-il
p■^s à abandonner les esprits aux séductions
d'un im[)osteur, ou aux rêveries d'iui vision-
naire"?" Coimne si les imposteurs et les vi-
sionnaires pouvai(uit faire des miracles en
preuve de leur mission. Où sont ceux qui
en ont fait? Ainsi, lorsque des sectaires
auxquels les lois défendent l'exercice de leur
religion se croient en droit de braver les
lois , et donnent pour toute ré|)onse qu'il
vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, il
faut qu'ils commencent par prouver que Dieu
leur ordonne cette résistance, de même que
les apôtres ont prouvé que Dieu leur av;iit
commandé de prêcher, malgré toutes les
imissances de la terre. On a demandé aux
premiers préiiicants du i)rotestantisme des
signes do leur mission divine, ils n'ont [loint
pu en donner; on les demande avec autant
de raison à leurs successeurs et à tous ceux
(jui s'obstinent à les écouter. Les premiers
chrétiens , quoique bien convaincus de la
divinité de leur religion, n'ont point entre-
pris d'en obtenir par violence l'exercice pu-
blic. Qui a lionne aux protestants uu droit
mieux fondé? — k" Les incréd'iles eux-
, mêmes violent sans scru[)ule les 1ms qui dé-
icndent de parler, d'écrire, u'inviictiver cou-
ina la religion de l'Etat; i s n'allèguent point
un ordre de Dieu, auquel ils ne croient pas;
mais ils soutiennent, aussi bien que les sec-
taires, qu'ils y sont autorisés par le droit
naturel. Mais les envoyés de Dieu, les apô-
tres , les pasteurs de l'Eglise , n'ont-ils jias
aussi le droit naturel de prêcher h-iir
croyance, quand même ils n'en auraient i)as
un droit divin bien prouvé ? C'est ainsi quo
les hérétiques et les incrédules, en voulant
se simti'nir les uns les autres, se [)ercent do
leurs propres traits. Voy. ^Mission.
Obéissance (Vœu d'). Voy. Voeu.
OBJECTION. Plusieurs chrétiens dont la
foi est sincère, sont surpris de la multitudo
d'objections que l'on lait contre la religion,
do la quantité éaorme de livres qui ont été
1059 om
faits de nos jours pour l'attaquer; quelques
réflexions suffiront pour les instruire. — 11
n'y avait pas longtemps que le dernier des
apôtres était mort, lorsque les pilosophes
païens commencèrent à écrire contre le
christinnisme, et employèrent toutes les res-
sources de l'art sojjhistique auquel ils étaient
exercés. Us furent secondés par les différen-
tes sectes d'héréliques formées à leur écol.-,
et cette autre espèce d'ennemis s'est renou-
velée dans tous les siècles. Les incrédules
de nos jouis n'ont donc pas eu besoin d'être
créateurs; des sources abondantes d'aigu-
mcnts leur étaient ouvertes de toutes parts :
ils y ont puisé à discrétion. Pour combattre
les vérités de la religion, ils ont ramené sur
la scène les objections des épicuriens , des
pyrrhoniens, des cyniques, des aca lémiciens
rigides et des cyrénaïques ; c'est une doctrine
renouvelée des Grecs. Mais ils ont passé
sous silence les raisons par lesque.les Piaton,
Socrate , Cicéron , Plutarque et d'autres ont
réfuté toutes ces visions. Contre l'Ancien
Testament, et contre la religion des Juifs, ils
ont rajeuni les difticultés et les calomnies
des manichéens , des marcioniles , de Celse,
de Julien, de Porphyre et des autres philo-
sophes; et ils ont laissé de côté los réponses
que Origène, Tertullien, saint Cyrdle , saint
Augustin et d'aulres Pères y ont données.
Pour attaquer directement le christianisme,
nos adversa resont encore été mieux servis;
ils ont copié les livres des Juifs anciens et
modernes, et ce ix des mahométnns; ils ont
répété les r. 'proches de tous les hérétiques,
particulièrement des protestants et des so-
ciniens , anglais , français, allemands et au-
tres. Il ne leui' a do;;c pas été difficile do
multiplier les volumes h peu de frais. Toutes
les sciences ont été mises à cnntributon
pour servir le dessein des incrédules; l'his-
toire, la chronologie , la géographie, la i)hy-
sique, l'astronomie, l'histoire naturelle, la
connaissance des langues, les découvertes de
toute es|ièce, les relations des voyageurs, etc.
Lorsqu'ils ont cru découvrir une objection
qui n'avait pas eneore été faite , un système
que l'on n'avait pas encore proposé , une
conjecture singulière et inouïe, ils l'ont pré-
sentée comme une victo.re complète rem-
portée sur la religion.
Si l'on veut y réfléchir, il n'est aucune
vérité contre laquelle on ne puisse faire des
sophismes, aucun fait auijuel on n'oppose
des probabilités, aucune loi dont un dispu-
teur entêté ne conteste la justice, aucune
institution qui n'entraîne quelques inconvé-
nients. La religion est incommode, elle gène
les passions ; voilà son grand crime : si la foi
était sans conséquence pour la conduite,
tout incrédule deviendrait croyant. Lors-
qu'une armée d'écrivains a conjuré contre
elle, on voit bientôt éclore une bibliothèque
d'impiétés, de blasphèmes et d'absurdités.
Tous se répètent, se copient, ressassent la
même difliculté en vingt façons. Si l'on a le
courage de les lire, on est bientôt faiigué de
ce fratras de répétitions. Des hommes, qui
Youdraiout siûcèremenl iustruiro , rapporte-
OBJ
lOCO
raient le pour et le contre, mettraient les
preuves h côté des objections ; c'est ce qu'ont
fait dans tous les siècles les défenseurs du
christianisme; mais ce ne fut jamais la mé-
thode des incrédules, ils se bornent à com-
piler les o^^jer^/ons ; ils laissent aux théolo-
giens le soin de chercher les ré(ionses et les
preuves. Pour être solidement instruit, est-il
nécessaire d'avoir lu les arguments des incré-
dules? Pas plus que de connaître les sophis-
mes des pyrrhoniens pour savoir si nous
devons ajouter foi aux lumières de noire
raison et au témoignage de nos sens. Les
oiijccïîons ne peuvent produire que des doutes,
il faut des [ireuves positives pour opérer la
conviction. Or, \cs objections des incrédules
n'ont pas renversé une seule des preuves du
thiistiaiiisme ; celles-ci subsistant dans
leur entier : il s'en faut donc beaucoup que
le triomphe de l'incrédulité ne soit a^rSiiré.
Le règne bruyant de l'ancienne ]ilhlosnphie
ne fut pas de longue durée : celui de la phi-
losophie moderne sera encore plus court,
parce que ses sectateurs actuels ont encore
moins <ie bon sens que ceux d'autrefois.
OHLAT, enfant consacré à Dieu par ses
parentsdans une raaisonreligieuse.Cet usage
n'a commencé que dans les bas siècles, pro-
bablement au commencement du xi'. L'es-
time singulière que l'on avait conçue pour
l'étal religieux, la difliculté de goûter le re-
pos ailleurs et d'élever chrétiennement les
enfants dans le monde , engagèrent les pa-
rents à mettre les leurs dans les monasières,
afin qi'ils y fussent instruits et dressés de
bonne heure à la piété ; plusieurs crurent
leur donner la plus grande marque de ten-
dresse, en les y vouant pour toujours. Un
oblat était censé engagé par sa propre volonté
autant que par la dévotion de ses parents :
on le regardait comme apostat s'il quittait.
On se fondait sur l'exemple de Samuel, qui
fut voué h Dieu parsa mère dès sa naissance,
et sur l'exemple des nathméens; mais ces
jiersonnages n'étaient engagés par vœu ni
au célibat ni aux autres observances monasti-
ques. Voy. Nathi?<éens. Oc nommait aussi
oblat ou donné, et oblate, colui ou celle qui
vonait sa personne et ses biens à quelque
couvent , sous condition d'être nourri et
entretenu par les moines. Quelques-uns
donnaient leurs biens aux monastères, sous
condition qu'ils continueraient d'en jouir
pendant leur vie , moyennant une légère re-
devance, et les liiens ainsi donnés se nom-
maient oblata. L'on fut obligé de prendre cotte
précaution ilans les temps de trouble, do
désordre et de rapines. C'était la ressource
des faibles dans les gouvernements orageux
de l'Italie ; les Normands, quoique puissants,
l'employèrent comme une sauve-garde contre
la rapacité des empereurs. 11 ne faut donc
pas s'étonner de la richesse de certains mo-
nastères.
Tous ces usages ont été supprimés avec
raison dans des temps plus heureux, et lors-
que les motifs de les tolérer ne subsistaient
plus. Le concile de Trente, en décidant que
la profession religieuse faite avant l'ûge dé
\m
OBL
OBL
4002
srizeans complets, cls.uis avoir fait le no-
vi( iat d'un an, serait aiisolumont nulle et
n'imposerait aucune obligation q lelconque,
a suppiiiné pour toujours l'abus des oblats ;
l'examen, qui se fait par les évoques des
jeunes personnes qui sn destinent à la pro-
fession religieuse, prévient le (iangor d'une
fausse vocation que pourrait leur inspirer
l'éducation qu'elK'S ont reçue dans un cou-
vent. Les souverains ont em[)ôch' par d s
lois les monastères 'i'aequi'iir de nouveaux
biens par des dons ou autrement. 11 ne ri'sto
donc plus aucun nnitif de plainte h ce sujet,
et l'on n'en ferait [ilus, si l'on vonlait se ra|>-
l)eler les diU'érentes circonstances dans l(;s-
quelles l'Europe s'est trouvée pendant les
isiètles qui nous ont jirécédés. Un oblat ét.nt
encore un moine lai que le roi plaçait dans
les abbayes ou pri<urés riclies, pour y éire
n'iurri, logé, vûlu et mèmi! pensionné; c'é-
tait une manière de donner les invalides h
lin soldat vieux ou blessé ; il sonnait l;s
cloches, balayait l'église, et rendait d'autres
légers services. Ainsi les richesses des niu-
nastères ont toujours été mie ressource ijour
Je gouvernement. Toit laïque qui obtenait
de la cour une piuision sur un bénélice, était
aussi nommé oblat.
* OiiLATS HE Jl.uur. IMMACULÉE. C'est une sociclé
de iiiissiomiaires l'iablio n Aix eu 1815, cl approiivce
par lellrs's apcisloUijues, lo 17 lévrier 18"2S. Ces oblals
rcnipUsscnl les loiielious de iiiissionnaii%'s, iioii-seii-
lenient eu Fiance el en Corse, mais encore un An-
gleterre, an Cainula el aux Elals-Unis.
OBLAT^E, oublies ou hostii-s dont on se
sert pour consacrer l'eucharistie , et pour
donner la communion aux fidèles. Ce nom
est venu de ce qu'autrefois le pain desliné
à la consécration était offert par le peuple.
Voy. Hostie.
OBLATES, congrégation de religieuses ou
Slutôt de lilles el de femmes pieuses, ibndée
Rome, en 1'i2d, par sainte Françoise. Le
pape Eugène IV en ap[>rouva les constitu-
tions l'an ik'il. Ce sont des lilles ou des
veuves qui renoncent au monde pour servir
Dieu; elles ne font point de vœux, mais
seulement une promesse d'obéir à la supé-
rieure, el au lieu de profession elles nom-
ment leur engagement oblalion. Elles ont
des pensions, héritent de leurs parents, et
peuvent sortir avec la permission de la su-
j)érieiire. 11 y a dans le couvent qu'elles ont
a Home plusieurs dames de la première qua-
lité ; elles suivent la rô;;le de saint Benoit.
On les nonmie aussi collalines, probablement
à cause du quartier dans lequel leur monas-
tère est sitaé. Cet institut lessemble assez à
celui des ch.inoiucsses de France. Yie des
Pères et des Martyrs, lom. il, \). 638.
OBLATION. Ce terme est quelquefois sy-
nonyme de celui d'o//';-o?ic/es; il signitie ce
que l'on olfre à Dieu et l'action même de
l'oll'rir; mais, en fait de cérémonies , il dé-
signe parliculiôremeni l'action du piètre,
qui, avant de consacrer le pain et le vin, les
olfre à Dieu , alin qu'ils deviennent, par la
consécration, le corps et le sang de Jésus-
Christ : c'est uue partis esseutiellc du sacri-
fice do la messe, et dans plusieurs ancieiuirs
liturgies, la messe entière est appelée abla-
tion, S.vx'fopà. Aussi est-ce par ceite action
que commence ce que l'on a nommé autre-
fois/a messe des fidèles ; tout ce qui nrétèrlo
était aiipelé, au iv' siècle, la messe des culi'-
cfiiunènes , parce qu'iimnédiatement avant
l'oblation l'on n'uvoyait les catéchumènes et
ceux ([ui étaient en pénitence ()ublii|ue ; on
ne permettait d'assister à l'oblation, à la ciui-
séciation el à la communion, (|u'aux fidèles
qui étaient en état de puliciper à la sainte
eucharislie. Comme les protestants ne veu-
lent reconnaître, dans ce mystère, ni la jiré-
sence réelle de Jésus-C.hrist ni le caractère
de sacritice, ils ont l'^lé obligés de suiiprimer
l'oblation ; cette action annonce ti()|) claiie-
meiit les deux dogmes qu'ils alfeclimt de
méconnaître. Pourijuoi, en cll'el, témoigner
tant de respect pourle.jiain elle viiulestinés
à être consacrés, s'ils doivent èti e de simj)les
ligures ou symboles du corps et du sang do
3ésus-Christ, et [lourquoiles otfrir à Dieu?
Mais cette oblalion se trouve dans toutes l 's
anciennes liturgies , eu quelque lan^j,ue
qu'elles aient été écrites; elle esl aussi an-
cienne que la consécration môme. On peut
voir (l.ms le P. Lebrun le sens de toutes
les paroles que le [irêtre prononce, et de
toutes les cérémonies qu'il fait à celte occa-
sion, el jusqu'aux plusb'gères variétés qui
se trouvent entre les sacramentaires ou mis-
sels des dilférenls siècles, i'x/j^ic. des cérém.
de la Messe, t. II, m' [laii., art. 2 et G. Quel-
ques prutestants ont demandé comment lo
prêtre peut ajipeler le pain qu'il oQ'ic à Dieu
une hostie ou victime sans tache, et le calice
dans lequel il n'y a enc ire que du vin, lu
calice du salut ? C'est que le prêtre fait moins
altention à ce que le p.-iin al le vin sont|iour
lors, qu'à ce qu'ils doivent devenir par la
consécration; illesenvisage d'avance comme
le corps el le sang de Jésus-Christ, seule vic-
time sans tache, immolée pour le salut du
monde; sans cela personne n'aurait jamais
imaginé que du pain et du vin jieiivent être
un sacrifice, et ([u'il faut les otfrir à Dieu
pour notre salut. Aussi le prêtre ajoute :
« Venez, Sanctificateur tont-puissant. Dieu
éternel, et bénissez ce sacritice préparé [lour
la gloire de votre sainl nom. « Celte invoca-
tion ser.iit encore déplacée, si l'on ne croyait
Oilrir à Dieu que de simples symboles du
corps et du sang de Jésus-Christ. Voy.
Invocation.
Thiers, dans son Traité des Superstitions,
tom. II, c. X, § 10, dit, ainès le cardinal Bcl-
larmin, que ces prières de l'oblation n'Ont
guère i)lus de cinq cents ans d'antiquité ;
mais le P. Lebrun observe qu'elles se trou-
vent dans le missel gallican et dans le mis-
sel mozarabique, qui datent au moins de
douze siècles avant nous; et dan.- les litur-
gies oricnlales, il y a des prières relatives à
celles-ci, et qui expriment la même chose ;
on doit donc les regarder comme e<sent. elles.
Thiers fait encore mention de quelques abus
dans lesquels certains prêtres sont tombés
eu fjisanl celte cérémonie. Quant aus cbta-
1065 OBS
lions qui se faisaient autrefois par les fi-
dèles dans cette partie de la messe, voy. Of-
FRA-NDE.
OBLIGATION MORALE. Voy. Devoir.
OBSCÉNITÉ, parole ou action capable de
blesser la pudeur. Un des plus sanglants re-
proches que l'on ait à faire aux écrivains de
notre siècle, même k plusieurs do nos philo-
sophes, c'est d'avoir souillé leurs plumes par
des obscénités, soitenvers, soiten prose. Non-
seulement ils ont cherché à justifier par des
sophismes la plus brutale de toutes les pas-
sions, mais ils ont travaillé à la faire entrer
dans tous les cœurs par tous les moyens
possibles. Les livres , les tableaux, les gra-
vures, les statues, les spectacles licencieux,
tout est exposé au grand jour dans les rues
et dans les places publiques. La pudeur est
obligée de fuir, pour n'avoir pas continuelle-
ment h rougir des objets dont ses regards
sont frappés. Celui qui aurait trouvé le fu-
neste secret d'empoisonner l'air que nous
respirons , et qui mettrait cet art en usage
pour prouver son habileté eu fait de chimie,
mériterait certainement des peines afflictives;
ceux qui emploient leurs talents à corrompre
les mœurs sont-ils moins coupables ? Leur
nom devrait être noté d'infamie et dévoué à
l'exécration de la postérité.
Malheur-, dit Jésus-Christ, à celui qui scan-
dalise ; il vaudrait mieux pour lui être pré-
cipité au fond de la mer, quétre chargé et
responsable de la perte de ses frères [Matth.
XYui, 7). C'est faire le mal f^our le mal ; s'il
pouvait y avoir un crime irrémissible, ce se-
rait certainement celui-là. Saint Paul dit aux
fidèles : « Qu'aucune obscénité, aucune parole
indécente ne sorte de votre Ijouche, cela no
convient point à des saints [Ephes. v, 3). Les
apologistes du christianisme ont donné pour
preuve de la sainteté et de la divinité de
notre religion le changement qu'elle opéra
dans les mœurs, la chasteté, la modestie, la
retenue dans les paroles et dans les actions
qu'elle a fait régner parmi ceux qui l'ont em-
brassée. L'Eglise conforma sa discipline aux
lois de l'Evangile. Au iv° siècle, un évoque,
convaincu d'avoir écrit des livres licencieux
dans sa jeunesse, et qui ne voulait pus les
supprimer, fut déposé. 11 était sévèrement
défendu, surtout aux clercs, de lire ces sor-
tes d'ouvrages. Saint Jérôme s'est ex|irinié
sur ce sujet avec la véhémence ordinaire de
son style, Epist. lil, ad Damasum. Une des
raisons pour lesquelles la lecture des livres
des païens fut interdite aux lidèles, c'était
les ffbscénités dont la plupart étaient rem-
j)lis. Cependant plusieurs auteurs païens, mê-
me les poètes, ont blâmé la licence qui ré-
gnait de leur temps dans les discours et dans
les écrits ; et en cela ils ont rendu hommage
à la sainteté des lois du christianisme. Pres-
que de nos jours, un écrivain qui s'est rendu
également célèbre par son scepticisme en
fait de religion et par le stylo cynique de ses
écrits, n'a jias pu s'empèclier de hlAmer ce
second défaut dans un poète italien ; il con-
vient que cet auteur s'est mal défendu, lors-
(ju'ou lui a reproché sa turpitude. Bayle,
OBS 1004
Dict. crit., Guarin, C. D. Lui-même n'a pas
mieux réussi à faire son apologie dans un
éclaircissement placé à la fin de son Diction-
naire critique. Brucker proteste qu'après
avoir lu sans préjugé cette prétrndue justi-
fication, elle luiaparufiitoyablc, Ilist. philos.,
t. IV, p. 601. Il est bon de faire voir que cette
censure n'est pas trop sévère , parce que
d'autres écrivains obscènes ont allégué les
mêmes excuses avec aussi peu de justesse et
de succès.
Bayle dit, 1° qu'il faut s'en rapporter sur
ce point au témoignage des femmes; comme
si on avait besoin de leur avis pour décider
un point de morale. Quand la plupart auraient
eu l'esprit elle cœur gâtés par la lecture du
Dictionnaire critique, auraient-elles voulu
l'avouer? Pour mieux faire, Bayle aurait dû
encore eu appeler au témoignage des liber-
tins. — 2° Il soutient que les obscénités gros-
sières sont moins capables de blesser la pu-
deur que quand elles sont enveloppées sous
des expressions cnastes en apparence. Quand
cela serait vrai, H s'ensuivrait seulement
que les unes sont moins criminelles que les
autres, et non qu'elles sont innocentes. Dans
le fait cet auteur est coupable de ce double
crime , puisque son livre est rempli soit
d'obscénités grossières, soit d'obscénités dé-
guisées. — 3° 11 prétend que ces sortes d'or-
dures sont moins choquantes dans un livre
que dans la conversation. Il n'est jias ques-
tion de savoir si elles sont moins clioquautes,
mais si elles sont moins capables de salir
l'imagination et d'exciter des passions im-
pures. Or, nous soutenons qu'elles le sont
davantage, parce qu'une lecture se fait sans
témoins, et que l'on y rélléchit avec plus do
liberté que dans la conversation. 11 demeure
toujours pour certain, que, dans l'un et
l'autre cas, elles sont très-condamnables. —
4° 11 dit que la plupart de ceux qui ont
lu son livre en avaient déjà lu d'autres qui
étaient bien plus capables de les pervertir,
qu'ils n'ont rien appris de nouveau dans le
sien. Cela est-il certain à l'égard de tous ?
Quand il le serait, lorsqu'un homme a déjà
pris une dose de poison, il n'est |!as permis
de lui en donner davantage et d'augmenter
l'eU'et que le premier a dû produire. N'y
eût-il qu'une seule personne pervertie par
la lecture de Bayle, n'en serait-ce pas assez
jiour le rendre inexcusable ? — 5° Il allègue
]iour raison qu'il ne lui était pas jiossilile
d'éviter ce défaut dans son dictionnaire. Cela
est très-faux ; si l'on en retranchait tous les
endroits scandaleux, l'ouviage n'en serait
que meilleur. Mais , loin de chercher à les
éviter, on voit que l'auteur affecte de les
accumuler ; il semble n'avoir fouillé dans
l'antiquité que pour y recueillir toutes les
anecdoctes impures. — 6° 11 s'autorise de
l'exemple de plusieurs auteurs estimables,
qui ont bravé en ce genre la censure du pu-
blic. Est-ce donc par là qu'ils ont mérité de
l'estime ? Un désordre, quelque multiplié
qu'il soit, n'en est pas pour cela moins otiieux;
( t parce qu'il a régné plus ou moins dans
tous les siècles, on n'est pas en droit pour
106S
OBS
ons
4066
cela de le perp(''lucr. Le grand nombre de
ceux qui y tombent est justement ee (|ui fait
l'opprobre de la littérature ; le mauvais
exemple ne prescrira jamais contrôles droits
de la raison, du i)on sens et de la vertu. —
7° 11 a poussé plus loin la témérité, on vou-
lant justifier sa conduite par celle des au-
teurs sacrés (pii nomment toutes choses par
leur nom sans aucun détour, par celle des
Pères de l'Eglise, qui ont raconté naïvement
toutes les turpitudes des païens, ])ar celle
des casuistes, qui entrent dans des détails
très -scandaleux touchant les péchés con-
traires au sixième commandement du Dé-
calogue.
On lui avait répondu, 1° que les casuistes
sont forcés d'entrer dans ces détails, et
qu'il ne leur est pas possible de les enve-
lopper sous des expressions chastes ; 2" qu'ils
n'écrivent point en irançais, ni pour toutes
sortes do lecteurs ; 3° qu'ils ont travaillé
dans un siècle moins licencieux (jue le nô-
tre ; 4" qu'ils n'ont pas eu envie de pervertir
leurs lecteurs, mais au contraire de faire
connaître les circonstances aggravantes et
l'énormité des fautes qui pouvaient être
commises contre le sixième jirécepte du Dé-
calogue. Bayle a répli(pié qu'il avait été forcé
aussi de rassembler le bon et le mauvais dans
dans un tlictionnaire historiijue ; nous lui
avons déjh fait voir que cela est faux. 11 dit
que des obscénités, en latin, ne font |)as moins
d'impression qu'en français. Soit pour un
moment; du moins elles ne sont lues dans
les casuistes nue par un petit nombre d'hom-
mes qui, par leur âge, ]iar leur profession,
par la nécessité où ils se trouvent, par le
motif qu'ils se proposent, par les précautions
qu'ils prennent, sont à couvert de danger ;
les lecteurs de son livre sont-ils dans le
même cas ? Il ajoute qu'il n'est pas vrai que
notre siècle soit plus corrompu (jue les pré-
cédents. Sans disputer sur le plus ou le
moins, ne l'est-il pas assez pour faire un
très -mauvais usage des compilations de
Bayle ? Qu'il nous dise de quelle utilité peu-
vent être, pour qui que ce soit, les obscénités
qu'il a rassemblées. Ce n'est donc pas sans
raison que Bruckera jugé toutes ses excuses
très -mauvaises. Mais il est essentiel de
montrer que Bayle a eu encore plus de
tort d'alléguer l'exemple des auteurs sacrés
et des Pères de l'Eglise, et que les incré-
dules qui ont copié ce reproche sont très-mal
fondés.
11 faut se souvenir d'abord que le style
des livres hébreux n'est pas le nôtre, parce
les mœurs du monde ancien ne ressemblaient
pas k celles du monde moderne. « Quand un
peuple est sauvage, dit un savant magistrat,
il est simple et ses expressions le sont aussi ;
commeelies ne le choquent pas, iln'a pas be-
soin d'en chercher de plus détournées, signes
assez certains que l'imagination a corrompu
la langue. Le peuple hébreu était h demi
sauvage, le livre de ses lois traite sans dé-
tour des choses naturelles que nos langues
ont soin de voiler. C'est une marque que ces
façons de parler n'ont rien de licencieux;
DiCTIONN. DE ThÉOL. DOGMATigLE. 111.
car on n'aurait pas écrit un livre de lois d'une
manière contraire aux niû'urs. » Traité de In
formation mécanique des langues, tom. Il,
n. 18!). « Un peu|)le île bonnes mœurs, dit
un déiste célèbre, a des teinies propres pour
toutes choses, et ces termes sont toujours
honnêtes, parce (|u"ils sont toujours em-
ployés innocemment. Il est impossible d'i-
maginer un langage plus modeste (pie celui
de la Bible, précisément |)arce que tout y est
dit avec naïveté. D'où vient notre délicalesso
en fait de langage? demande un autre i)hilo-
soplie. C'est que plus les mœurs sont dé-
pravées, plus les expressions sont mesurées.
On croit regagner en langage ce qu'on a
perdu en vertu. La pudeur s'est enfuie des
cceurs et s'est réfugiée sur les lèvres. » En
efl'et, les enfants, les personnes simples et
innocentes, parlent de tout sans rougir ;
elles n'y voient aucune conséquence. C'est
le désir coupable de faire entendre des obs-
cénités, qui engage les impudiques k se servir
d'expressions détournées, atin de révolter
moins ; grâce k leur adresse, il n'est presque
plus de mots chastes dans notre langue. Une
preuve de la vérité de ces réflexions, c'est
que, dans la suite des siècles, lorsque les
mœurs des Juifs furent corromi)ues par leur
commerce avec les nations étrangères, ils
défendirent la lecture de certains livres de
l'Ecriture sainte avant l'âge de trente ans, et
l'on ne retrouve plus dans le Nouveau Tes-
tament les mômes façons de parler que dans
l'Ancien. L'usage établi dans l'Orient de ren-
fermer les femmes et de converser rarement
avec elles a dû introduire dans le langage
des hommes plus de liberté et de naïveté que
parmi nous. Rien de si_ indécent, selon nos
UHPurs, que le chapitre tles lois des gentous
indiens, concernant l'adultère; on ne peut
pas présumer qu'il soit aussi scandaleux selon
les mieurs des Indes.
Mais que font nos philosophes incrédules?
Ils affectent de retracer aux yeux d'un peu-
ple licencieux des tableaux qui n'étaient
supportables qu'k l'innocente simplicité des
premiers âges. Il traduisent dans toute leur
énergie des passages qu'un lecteur chaste se
fait un devoir d'omettre en lisant les livres
saints ; ils bravent les précautions (|ue prend
l'Eglise pour ne les mettre qu'entre les mains
de gens incapables d'en abuser. Ensuite ils
s'autorisent de cette malignité, ou pourdécla-
mer contre nos livres saints, ou pour écrire
des obscénités de leur chef. — Les mêmes
raisons, quijustitient les auteurs sacrés, ser-
vent aussi à faire l'apologie des Pères de
l'Eglise. 1° Les mœurs de l'Asie et de l'A-
frique n'étaient pas les mômes que les nô-
tres, ni le langage de ces temps-lk aussi
châtié que le notre. En général, le caractère
de ces pcu])lcs nous parait dur et grossier ;
ils ne ménageaient les termes dans aucun
genre; la [jolitesse dont nous fciisons pro-
fession leur était inconnue ; on ne la trouve
pas même aujourd'hui chez les Orientaux,
encore moins sur les eûtes de l'Afrique.
2° Les Pères parlaient ou aux païens ou aux
chrétiens ; il aurait été ridicule de craindre
34
1067
OBS
OBS
1068
de scandaliser les premiers, en nommant par
leur nom des désordres communs et publics
parmi eux, ou de révolter les seconds, en
leur rappel.int des crimes dont ils avaient été
témoins. Saint Paul en a fait l'énumération
dans son Epître aux Romains. 3° Les Pères
n'en font mention que dans le stylo le plus
ca])able d'en faire sentir toute la turpitude
et d'en inspirer de l'horreur; au lieu que
Bayle et ses imitateurs en rappellent la mé-
moire d'un ton jovial et raillenr, sans aucune
marque d'improbation, et uniquement pour
amuser les lecteurs corrompus.
Barbeyrac, dans son Traité de la morale des
Pitres, reproche à saint Clément d'Alexandrie
d'être entré dans un trop grand détail des
péchés dans son Pédagogue, et à saint Jé-
rôme de n'avoir pas assez ménagé la pu-
deur dans les reproches qu'il fait à Jovinien.
Le Clerc juge que saint Augustin a commis
la même faute en écrivant contre les péla-
giensson traité deNuptiis etConcupiscentia.
Mais, indépendamment des raisons que nous
avons alléguées , ces vieillards -vénérables,
dont l'austéiité des mœurs est prouvée d'ail-
leurs, étaient certainement plus en état que
les écrivains du xvii' ou xviii" siècle, de voir
ce qui pouvait ou ne pouvait pas scandaliser
les chrétiens de leur temps.— Telle a toujours
été et telle sera toujours l'équité des protes-
tants. Lorsque les Pères ont parlé des ac-
tions impures , pour en faire rougir les
païens ou les hérétiques, et pour en inspirer
de riiorreur aux fidèles, c'a été un crime aux
yeux de ces moralistes rigides ; lorsque leurs
controversistes ontforgédes ordures abomi-
nables pour couvrir d'opprobres l'Eglise ro-
maine, ils ont bien fait ; c'était par zèle pour
servir la bonne cause, il ne faut pas lesbh'i-
mer : Bayle, lui-même, a cité leur exemple
pour se justifier. Voy. Impudicité.
OBSEQUES. Yoy. Funérailles, Prières
pour les MouTs.
OBSERVANCES LEGALES. Votj. Loi céré-
momelle. ,
OBSERVANCE RELIGIEUSE ou ECCLE-
SIASTIQUE. On nomme ainsi les usages qui
ont été ou commandés par quelque loi posi-
tive de l'Eglise, ou établis par une tradition
dont on ne connaît pas l'origine. Les |>rotes-
tants font profession de les rejeter ; ils exi-
gent que toute pratique religieuse soit fondée
sur l'Ecriture sainte. Quelques-uns de leurs
écrivains ont voulu s'autoriser d'un passage
de Tertullien, /. de Oralione, c. 12. Ce Père,
disent-ils, parlant des observances, dit « qu'il
faut rejeter celles qui sont vaines en elles-
mêmes, celles qui ne sont appuyées d'aucun
précepte du Seigneur ou de ses apôtres, celles
qui ne sont pas l'ouvrage de la rehgion,
mais de la superstition, celles qui ne sont
fondées sur aucune raison solide, enfin cel-
les qui ont de la conformité avec les céré-
monies païennes. » Mais ce passage est très-
mal rendu. En répétant le mot celles, qui
n'est pas dans le texte , on fait dire à Tertul-
lien le contraire de ce cju'il pensait et de ce
(pi'il enseigne ailleurs. 11 semble que, selon
lui, pour rejeter une pratique, c'est assez
qu'elle ne soit pas commandée par .Tésu-s-
Christ ou parles apùlres, ou qu'elle ait quel-
que ressemblance avec les coutumes dis
païens. Ce n'est point lace que veut Tertul-
lien ; il dit que l'on doit rejeter les observan-
ces qui sont vaines en elles-mêmes, c'est-ii-
dire qui ne peuvent produire aucun bon ef-
fet, ()ui ne sont appuyées d'aucun précepte
du Seigneur ou des apôtres, qui ne sont pas
l'ouvrage de la raison, mais de la supersti-
tion, et qui ne sont fondées sur aucune rai-
son solide. Il donne pour exemple l'entête-
ment de ceux qui faisaient scrujitule de prier
avec un manteau sur les épaules. Nous con-
venons que cette vaine observance réunissait
tous les caractères de réprobation desquels
Tertullien a parlé , et qu'elle était condam-
nalile.
. S'ensuit-il de là que nous devons nous
al)Stenir de faire le signe de la croix ou de
jeûner le carême, parce que Jésus-Christ ni
les apôtres n'en ont pas fait un précepte
formel ? que c'est un crime de nous mettre
à genoux pour prier, ou de faire à Dieu des
ollrandes , parce que les païens faisaient de
même? Tertullien s'est expliqué plus claire-
ment dans son traité de Corona, c. 3 : « Il y
a, dit-il, des observances que nous gardons
sansy êtreautorisésparun texte de l'Ecriture,
mais fondés sur la tradition et sur la coutu-
me. Avant d'entrer dans les fonts du baj)-
tôme, nous protestons à l'évèque que nous
renonçons au démon, à ses pompes et à ses
anges." Nous sommes plongés trois fois, et
nous disons quelque chose de plus que le
Seigneur n'a ordonné dans l'Evangile. Nous
goûtons ensuite d'un mélange de lait et de
miel, et depuis ce jour nous nous abstenons
du bain pendant toute la semaine. Nous re-
cevons le sacrement de Feucharistie que le
Seigneur a commandé à tous, soit à l'iieure
de nos repas, soit dans nos assemblées avant
le jour, mais non d'une autre main que de
celle de nos préposés. Tous les ans nous
faisons des oblations pour les défunts le jour
de leur mort. Nous nous abstenons de jeû-
ner et de prier à genoux le dimanche; nous
faisons de même depuis Pùques jusqu'à la
Pentecôte. Nous évitons de laisser tomber
à terre quelque partie de notre pain ou de
notre boisson. Avant d'aller et de venir,
d'entrer ou de sortir> de nous chausser, de
nous bfdgner, de nous mettre à table ou au
lit, de nous asseoir, ou d'allumer de la lu-
mière, dans toutes nos actions, en un mot,
nous faisons sur notre front le signe de la
croix. Si, pour toutes ces observances et au-
tres semblables, vous demandez un précepte
de l'Ecriture, vous n'en trouverez point; la
tradition les a établies , la coutume les a
confirmées , et la loi les garde. » Lorsqu'on
objecte aux protestants ce passage de Ter-
tullien, ils disent que ce Père était uionta-
niste. Dans la vérité , il ne l'était pas plus
en écrivant son livre de Corona , qu'en com-
posant son traité de Oralione. Quand il l'au-
rait été cent fois davantage, en est-i! moins
croyable lorsqu'il atteste ce qui se faisait de
son tenqts, et (ju'il donne la raison pour la-
1069
OBS
OBS
4070
quelle on le foisait? Cola n'a aucun rapport
aux erreurs do Monlau. S'il nous arrivait
de récuser le léinoigna^e d'un auteur, préci-
sément. j)arce iju'il était liéiétique, les pro-
testants crieraient à la iiréventiou, à l'intéte-
jnent, au fanatisme.
Il y a sans doute de vaincs obscj'vanrrs que
l'on doit mi'td'o aunonibre des sujierstitions;
mais l'Eglise, loin de les autoriser, les con-
damne. Les théologiens entendent par vaine
observance l'emploi d'un moyen quelcon(jue
j)0ui' |)roduire un eiïet avei: le<[uel ce moyen
n'a aucune proportion ni aucune relation
naturelle, et qui ne peut avoir aucune el'tl-
cacité j)ar rin-^titution d(^ Dieu ni de l'Eglise.
D'oiî l'on conclut ([ue s'il produisait réelle-
ment quclipie eirel , ce ne pourrait être que
par l'enlremise du démon. Tels sont les
prétendus préservatifs contre quelques ma-
ladies, soit des lionmies, soit des animaux ,
qui par eux-mêmes ne peuvent avoir aucune
vertu : tels sont les secrets imaginaires que
Tou a nounnés art notoire , art de saint
Paul, art des esprits, etc. Voj/. Art. L'on
met au même rang l'observation des temps,
des jours, des mois, des années, la distinc-
tion des jours heureux ou malheureux ,
les horoscopes, etc. Thiers en aparté fort
au long dans son Traité des Superstitions ,
I. iv; il en détaille les différentes espèces ,
d cite les passages de l'Ecriture sainte , des
Pères de l'Eglise, des conciles, des statuts
synodaux et des théologiens qui les réprou-
vent. Vainement les protestants ont voulu
faire envisager toutes ces absurdités comme
un vice inhérent ;v la religion catholique; ils
ne sont pas pai'venus à en guérir leurs sec-
tateurs; d faudrait pour cela extirper entiè-
rement l'ignorance des peu|iles, la faiblesse
J'esprit, la crédulité, les terreurs paniques,
t'attachement aveugle à la vie, à la santé,
aux biens de ce monde, (-es maladies sont
aussi anciennes et aussi répandues que l'hu-
manité : elles dureront probablement plus
ou moins , autant que la race des hommes ,
et l'on ne prend nulle part plus de soin pour
en guérir les peu[iles que dans l'Eglise ca-
Ihohque. Voy. Superstitions.
Observanciî se dit des statuts et des usa-
ges particuliers de cjuclques communautés
ou congrégations rehgiiHises. Chez les car-
mes, l'on distingue ceux de l'ancienne oA-
servance d'avec ceux (|ui ont embrassé la
réforme faite par sainte Thérèse, et que l'on
nonnne carmes déchaussés. Parmi les bernar-
dins, les religieux de l'étroite oljserrance sont
ceux qui ont repris toute la rigueur de la
règle de saint Bernard , tels sont ceux de la
Trappe et de Sept-Fonts. Les cordeliers sont
divisés en obsercantins et en conventuels.
Peu de tem[)S après la mort de saint Fran-
çois, plusieurs de ces religieux avaient mi-
tigé leur règle, avaient obtenu de leurs gé-
néraux et des papes la permission de possé-
der des rentes et des fonds, d'être chaussés,
etc. D'autres plus furvents peisévérèrent
dans l'observation de l'institut de leur fon-
dateur , et prirent le nom i\'obscrva>Uins ,
pour se distinguer des premiers, que l'on
appela conventuels. Dans la suite il y eut
encore des relâchements et des réformes
parmi les observantins mêmes; on y distin-
gua la petite et la grande ou l'étroite obser-
vance. Saint Pierre d'Alcantara fonda cette
dernière l'an 15oo, en Esjiagne; ce sont les
frariciscains déchaussés. La même raison
avait déjà donné lieu aux réformes des ca-
pucins, des récollots et des tiercelins ou
jiicpus. 11 est bon d'observer que la coutume
ti'ailer ]iieds nus est jilus supportable eu Es-
pagne et en Italie que dans les pays septeu-
Iriduaux ; les ordres religieux, en se répan-
dant au loin, ont été for(;és d'accorder quel-
(jue chose h la température du climat.
OBSERVER. Dans l'Ecriture sainte , ce
terme signifle quelquefois jirendre des pré-
cautions. Job, c. XXIV, v. 15, dit que l'adul-
tère observe de ne marcher que dans les té-
nèbres, afin de ne pas être reconnu. Obser-
ver la bouche de quehju'un, signifie épier
ses paroles , afin de le surprendre ; mais
{ Eccles. vni, 2 ) observer la bouche du roi,
c'est exécuter ses ordres. 11 signifie encore
examiner à la rigueur ; David dit à Dieu
(Ps. cxxix, -i) : «Seigneur, si vous observez
nos iniquités, qui pourra soutenir la rigueur
de votre jugement? » I Raj., c. ii, v. i2, il est
narlé des fennnes qui observaient ou qui veil-
laient à la porte du tabernacle. Saint Paul
dit aux Galates qui judaisaient, c. iv, v. 10 :
« A'ous observez les jours, les mois, les
temps, les années. » Plusieurs interprètes
croient (ju'il leur reprochait d'observer les
néoménies, les l'êtes, les jeûnes du calen-
drier des Juifs; mais ([uelques Pères de l'E-
glise ont jjeusé qu'il les repr(inait de distin-
guer les jours heureux ou malheureux ,
comme les païens ; ])eut-ôlre les Galates
étaient-ils coupables de l'un et de l'autre de
ces abus. Luc, c. xvii, v. 20, Jésus-Christ
dit aux pharisiens que le royaume de Dieu
ou le règne du iVIessie ne viendra point avec
un éclat extérieur qui le fasse remarquer ,
cum observatione.
OBSESSION. Il y a une distinction k faire
entre l'obsession du démon et la possession.
Un hounne est possédé, lorsque le démon
est entré dans son corps, qu'il l'agite et le
tourmente, soit continuellement, soit ]iar in-
tervalles. 11 est seulement obsédé, lorsque le
démon, sans entrer dans son corjis, le pour-
suit au deliors, le fatigue et le fait agir.
L'Ecriture sainte fournit des exemples ' de
l'un et de l'autre de ces deux états fâcheux.
11 est dit au 1" livre lies Rois, c. xvi, v. 23,
que l'esprit de Dieu s'était retiré de Saiil,
et que de temps en temps ce roi était agité
par un mauvais esprit, par l'ordre de Dieu;
dans le livre de Tobie, c. ni, v. 8, que
Sara, fille lie Raguel, avait eu sept maris, et
qu'un démon, nommé Asmudée, les avait
tués loisqu'ils avaient voulu sapjjioclier
d'elle. Elle était donc obsédée par un dé-
mon, mais qui n'exergait sa malice que
conlre ses maris. Les exemples de posses-
sion sont fréquents dans le Nouveau Testa-
ment. On regarde avec raison ces deux ac-
cidents comme des Uéaux surnaturels que
1071
OCT
ODI
107*
Dieu permet, soit, pour punir ceux qui, par
le crime, ont déjà livré leur Ame au démon,
soit pour exercer la patience des gens do
bien. L'Fxriture sainte représente la fille de
Raguel comme une personne vertueuse et
irréprochable, qui était pénétrée de douleur
du funeste sort de ses maris. Les symptô-
mes d'une obsession réelle sont à peu près
les mêmes que ceux de la possession; l'on
doit prendre les mômes précautions et sui-
vre les mêmes règles pour juger de l'une
et de l'autre; l'Eglise prescrit les mêmes
remèdes pour l'un et pour l'autre , la
prière , les bonnes œuvres , les exorcis-
mes, sans interdire les moyens naturels de
rétablir la santé du corps, que la médecine
peut foin-nir. Plusieurs critiques, sans être
incrédules, ont prétendu que les obsessions
et \t's possessions étaient des maladies pure-
ment naturelles, auxquelles le démon n'a
aucune part; que c'étaient seulement des at-
taques de mélancolie, d'épilepsie, de cata-
lepsie ou de manie; que l'on peut expliquer
ce qui en est liit dans l'Ecriture sainte, sans
recourir à l'intert'ention du démon : nous
prouverons le contraire au mot Possession
OCCASION. Voy. Cause.
OCCURRENCE. En style de bréviaire et de
rubriques, on dit que deux ofBces sont en
occurrence lorsqu'ils se rencontrent le même
jour ; ainsi lorsque la fête d'un saint tombe le
dimanche, l'ollice du saint est en occurrence
avec celui du dimanche, et les rubriques
enseignent auquel des deux il faut donner
la |)référence. Voy. Concurrence.
OCTAPLES. L'ouvrage d'Origène , ainsi
nommé, était une espèce de Bible polyglotte,
rangée en huit colonnes. Elle contenait 1° le
texte hébreu écrit en caractères hébraïques;
2° le môme texte en caractères grecs; 3° la
version grecque d'Aquila; 4° celle de Sym-
maque; 5" celle des Septante; 6° celle de
Théodotion; T celle que l'on appelait la
cinquivme grecque ;H° celle que l'on nommait
la sixième. Ce savant Père de l'Eglise avait
très-bien compris qu'une des meilleures ma-
nières de prendre le sens du texte sacré,
était de comparer ensemble les différentes
versions. Voy. Hexaples.
OCTATEUQUE. De même que les cinq
livres de Moïse sont nommés \e Pentateuque,
en y ajoutant les trois livres suivants, qui
sont Josué, les Juges et Ruth, on a nommé ce
recucW, VOctateuque, mot grec formé deôxrw,
huit , et Ttûxo?, livre. Procope de Gaze a fait
dix livres de commentaires sur VOctateuque.
OCTAVE, espace de huit jours destiné h
la célébration d'une fête, pendant lequel on
répète tous les jours une partie de l'oflice
de la fête, comme les hymnes, les antiennes,
les versets, avec une ou plusieurs leçons
relatives au sujet. Le huitième jour, que l'on
noumie projtrement l'octave, l'ofTice est plus
solennel (pie celui des jours précédents.
Ordniairement les fêtes les plus solennelles,
comme Noél, PAques, la Pentecôte, la Fête-
Dieu, la fête du patron, sont accompagnées
d'une octave. On appelle encore octave la
station d'un prédicateur qui prêche plusieurs
sermons pendant Voctave de la Fête-Dieu.
Cette coutume a été établie en France de-
puis l'hérésie des protestants, afin d'instruire
particulièrement les peuples sur le sacre-
ment de l'eucharistie et de les affermir dans la
foi de ce mystère. Ainsi l'on dit que tel pré-
dicateur a prêché Voctave dans telle église.
Dans quelques diocèses il y a des jiaioisses
où l'on fait une octave des morts. Le titre du
psaume vi, qui est le premier des psaumes
pénitentiaux, du psaume xii, etc., porte :
pro octava ou ad octavam; les commentateurs
sont partagés sur le sens de ce mot; les uns
croient qu'il désigne un psaume destiné à
être accompagné par le son d'un instrument
à huit cordes; d'autres, qu'il devait être
chanté pendanfhuit jours; d'autres disent
que cela désignait le ton le plus élevé que
nous nommons Voctave; quelques-uns enfin
entendent la huitième bande de musiciens.
Aucune de ces conjectures n'est certaine.
ODEUR. Ce terme, dans l'Ecriture, signi-
fie non-seulement les paifums, comme dans
Amos, c. V, v. 21 : « Je n'accepterai plus
Vodeur de vos assemblées, » c'est-à-dire
l'encens que vous m'offrez; mais il se prend
souvent dans un sens figuré , comme en
français , pour ce qui nous plaît ou nous
déplaît. Gen., c. vin, v. 21, il est dit que
Dieu reçut en bonne odeur le sacrifice de
Noé, c'est-à-dire qu'il l'approuva, et que ce
témoignage de reconnaissance lui fut agréa-
ble. Ephes., c. V, V. 2, saint Paul dit que
Jésus-Christ s'est livré et s'est offert à Dieu
pour nous, comme une hostie et une vic-
time de bonne odeur; parce tjue Dieu, tou-
ché |iar ce sacrifice, a pardonné aux hommes.
Odeur signifie encore la bonne réfutation et
les heureux effets quelle produit. « Pour
nous, dit ce même apôtre (// Cor. ii, 14),
Dieu répand partout Vodear de sa connais-
sance ou les bons eflets de sa doctrine,
parce que nous sommes devant lui la bonne
odeur de Jésus-Christ, pour ceux qui sont
sauvés et pour ceux qui périssent ; pour les
uns c'est une odeur mortelle, pour les au-
tres une odeur qui leur donne la vie. » Ce
terme se prend aussi en mauvaise part. Gen.
XXXIV, 30, Jacob dit à ses enfants : « Vous
m'avez mis en mauvaise odeur chez les Cha-
nanéens, » vous m'avez rendu odieux à ces
l)euples.£'j-o(/.,c. v,v.21,les Israélites disent
à jMoise et à son frère : « Vous nous avez mis
en mauvaise odeur auprès de Pharaon et de
ses ministres. » Dan., c. m, v. 9k, il est dit
des trois enfants dans la fournaise, que
Vodeur du feu ne passa point en eux, c'est-à-
dire qu'ils ne ressentirent aucun mal ni
aucun des effets du feu.
ODILON (saint), cinquième abbé de Cluny,
mort l'an 1049, à l'âge de 87 ans, s'est rendu
célèbre dans son siècle par ses talents, par
ses vertus et par l'inslitution qu'il a faite de
la commémoration générale des trépassés,
qui a été adoptée par toute l'Eglise. On a de
lui des sermons, des lettres et des poésies,
qui se trouvent dans la Bibliothèque de»
Pères, et dans celle de Cluny, imprimée par
les soins de Duchesne.
4Ô73
OKCO
ŒCU
1074
♦ ODIN, la grande diviiiilé des peuples du Nord.
Il est iiiipmlant deeoiiiiailre la mythologie des
peuples Scandinaves pour comprendre comment tou-
tes les traditions tendent vers le même but, la con-
naissance des vérités primitivement révcléos et crues
par le genre humain. Nous engageons vivement nos
lecteurs à lire dans les Démoiistraiio}is évangéliques,
publiées par M. l'abbé Migne, tom. X.11I, col. 1160,
le chapitre de la Scandinavie dims l'ouvrage du sa-
vant Schmitt, intitulé : la liédemptioii annoncée par
les traditions. Ils y trouveront les aperçus les plus
intéressants sur le culle rendu à cette grande divi-
nité, et sur les doguics divers qui constituaient la
mythologie des peuples du Nord.
ODON (saint), secoiiil abbé de Cluny, mort
l'an D'iH, a laissé un a\né'^é des morales de
saint Grégoire, tmis livres sur le sacerdoce,
des sermons et des hymnes h l'iionneur de
saint Martin; ces ouvrasses sont dans la Ili-
bliothàiue de Cluiuj. Ces deux t'n rivains ne
méritent point le mé|)ris ([iio Moslioiiu a té-
moigné pour leiM's ouvrages.
OÈCONOMIE, teiine qui, formé du grec oUo-
voftttt, sigiiilie k la IcKre, gouvernement d'une
maison ou d'une fatniile. Saint l'aul (Kiihes.
I, 10; III, 2, etc.) s'en est servi pour dési-
guer le gouverncuient que Dieu a daigné
exercer sur son peuple ou sur son Eglise;
conséqnemmeut les écrivains ecclésiasti([ues
et les llit'ologiens distinguent deux écono-
mies, l'ancienne qui est la loi de Moïse, et
la nouvelle qui est l'Evangile. Une des dis-
j)Ositions de celle-ci, selon l'Apôtre, est (fue
les gentils sont devenus cohéi'itiersdes pro-
messes de Dieu en Jésus-Christ, et membres
d'une même famille avec les Juifs; mystère
que Dieu n'avait pas fait connaître , du
moins clairement, dans les siècles précédents
{Eplics. III, 5; Coloss. i, 2tj).
Plusieuis critiques, protestants ou incré-
dules, ont fait grand bruit de ce que saint
Jérôme, en dis|)utant contre ses adversaires,
a fait profession de parler par économie,
c'est-à-dire de ne pas toujours écrire ce qu'il
pensait, mais ce qui lui paraissait le plus
propre à réfuter les raisonnements qu'on lui
opposait, ou à les esquiver. Il s'est autorisé
de l'exemple non-seulement des Pères plus
anciens (pie lui, mais des auteurs sacrés, de
Jésus-Christ môme et des apôtres, en parti-
culier de saint Paul. Barbeyrac dit que saint
Jérôme s'est vanté ouvertement de soutenir
le pour et le contre, selon les gens avec les-
quels il avait atiaire, et d'employer indiffé-
remment les raisons lionnes ou mauvaises,
selon (|u'il en avait iiesoin pourse tirer d'af-
faire dans la dispute. Mais il prétend que les
auteurs sacrés n'ont rien fait de semblable.
« Us «nt quelquefois employé, dit-il, de ces
arguments personnels ((ue l'on n[i|iclle odlio-
minem, et ils l'ont pu faire sans [iréjudice, ni
des véritables raisons sur lescpielles ils in-
sistaient principalement, ni de leur propre
sincérité... Lorsque l'on a prouvé d'ail-
leurs par d ■ bons arguments la vérité d'une
oiiinion importante, il est très-permis, et
c'est une pruhMice charitable, si l'on voit que
ceux avec qui l'on a affaire sont prévenus de
certaines opinions peu solides, mais inno-
centes dans lo fond, de s'en servir [lour leur
dessiller les yeux et pour les disposer h être
frap[iés des autres raisons qu'on leur op-
pose Lorsque Jésus-Christ vint au monde,
les Juifs croyaient voir des prédictions du
Messie dans plusieurs endroits de l'Ancien
Testament , qui nous jiaraissent avoir un
tout autre sens; il y avait parmi eux des ex
plicalions allégoriques gi'uéralement reçues;
la version des Septante donnait à plusieurs
passages im sens différent de celui i[u'ils ont
dans l'original. Comni(> il n'y avait rien dans
tout cela ([ui tendît à établir des erreurs, les
apôtres ne tirent pas dillitulté de s'en servir
])Our ménager la faiblesse de leurs auditeurs ;
mais ce n'était ni par un esprit do disjiute,
ni pour vaincre îi (juchiue prix (juo ce fût,
ni pour éviter ou tendre des pièges, qu'il y
ont eu recours, » au lieu que, selon Barbey-
rac, saint Jérôme esttomijé dans ces défauts.
On comprend aisément que les incrédules
n'ont pas manqué de se ])révaloir de cette
apologie; ils ont soutenu auo Jésus-Christ et
les apôtres sont coupables de toutes les
fautes (|ue Barbeyrac reproche à saint Jé-
rôme et aux autres Pères ; que tous, sans ex-
ception, ne se sont fait aucun scrupule de
dire des injures à leurs adversaires, de leur
tendre des pièges, d'employer des raisons
bonnes ou mauvaises, de citer les prophéties
dans un sens faux , d'autoriser , par leur
exemple, les fausses explications de l'Ecri-
ture sainte, on un mot de parler contre leur
pensée, et de mentir pour une bonne On; et,
pour le prouver, ils ont cité les exemples mô-
mes indiiiués par Barbeyrac. C'est ainsi que
les protestants , pour satisfaire leur haino
contre les Pères de l'Eglise, n'ont jamais hé-
sité de compromettre la sincérité et la bonne
foi des auteurs sacrés. Dans les art. Saint
Jkivôme, S\int Pall, Prophéties, etc., nous
avons soin de réfuter les accusations des uns
et dos autres.
On dit qu'il ne serait pas permis en justice
de faire ce qu'ont fait les écrivains sacrés et
les Pères de l'Eglise, ni de imrler comme
eux. Cela est faux; il est très-permis à un
accusé confronté à un témoin, de se servir
des faits vrais ou faux allégués par ce té-
moin, pour le confondre et rendre son té-
moignage nul ; il n'est pas moins permis à
un avocat d'employer les raisons et les ar-
guments faux mis en avant par son adver-
saire, jiour le réfuti r.
Les protestants ont d'autant plus mauvaise
grâce de condamner cette méthode, que leurs
fondateurs et lescqntrovcrsistes n'ont jamais
manqué de s'en servir dans toules leurs dis-
jmtes contre les théologiens catholiques. Ou
les a convaincus plus d'une fuis d'une infi-
délité et d'une mauva'se foi dont les Pères
de l'Eglise ne se sont jamais rendus coupa-
bles; et les incrédules ont tous porté ce vice
à un excès dont on n'avait point encore vu
d'exemple. Voy. Pi;iii;s de l'I'xi.isi:.
OECUMÉNIQUE signilie général ou uni-
versel, du grec ot/ouusv« la terre habitée ou
habitable, par conséquent toute la terre.
Ainsi l'on appelle concile œcuménique celui
auquel tous les évoques do l'Egliso catholi-
i075
C£C\i
OEIL
1076
que ont assisté ou du moins ont été appe-
lés. Voy. Concile. Quelquefois les Africains
ont donné ce nom à des conciles qui étaient
seulement composés des évoques de toute
l'Afrique. Plusieurs ])ntriarches de Constan-
tinople se sont attribué le titre et la qualité
de patriarches œcuméniques ; voici à quelie
occasion. Lorsque Constantin eut transporté
le siège impérial à Byzance, qu'il nomma
Constantinoph,\\ décida que cette ville joui-
rait de tous les honneurs, droits et privi-
lèges qui avaient été accordés autrefois à
l'ancienne capitale de l'empire. Conséquem-
ment les évêques de Constautinople se per-
suadèrent (ju'ils devaient avoir sur lou,t
l'Orient la même juridiction que les poniifts
romains exerçaient sur l'Occident. L'an 381,
le [iremier concile tenu dans cette ville, qui
est le second concile général, décida par son
troisième canon que l'évéque de Constauti-
nople aurait les prérogatives d'honneur après
celui de Rome, parce que c'était la nouvelle
Rome; ainsi cet évèque se trouva placé au-
dessus des patriarches d'Alexandrie etd'An-
tioche , qui réclamèrent vainement, aussi
bien que les papes, contre ce cliangement de
discipline.
Au concile de Chalcédoinc, en i51, les
prêtres et les diacres de l'Eglise d'Alexandrie
présentèrent au pape saint Léon, qui prési-
dait à ce concde par ses légats , une re-
quête conçue en ces termes : Au très-saint
et tr(}s-heiueux patriarche œcuménique de la
grande Home, Léon. De là les évêques de
Coiistantinople prirent aussi le litre de pa-
triarche œcuménique , sous prétexte qu'on
l'avait donné à saint Léon, quoique ce saint
pape ne se le soit jamais atiribué. L'an 518,
l'évèque de Coustaniinople Jean lil, et Epi-
phane, l'an 53G, portèrent ce même titre;
mais Jean VI, surnommé le Jeûneur, le prit
avec encore plus d'éclat dans un concile de
tout l'Orient, (ju'il avait convoqué l'an 387,
sans la participation du pape Pelage 11. Ce
pontife et saint Grégoire le Grand, son suc-
cesseur, condamnèrent en vain toutes ces
démarches; les successeurs de Jean le
Jeûneur ont toujours conservé ce titre, et
l'on en vit encore un le prendra au concile
de Râle, en li31. Non-seulemeut cette qua-
lité doit son origine à l'orgueil ot à l'ambition
des personnages dont nous venons de parler,
mais elle est équivo(jue. En effet, sous le
nom depatriarcUe œcuménique, l'on peut en-
tendre ou celui dont la juridiction s'étend
universellement sur toute l'Eglise, ou celui
qui se regarde comme seul évêque souve-
rain, et qui n'envisage les autres c[ue comme
ses vicaires ou substituts, ou enfin celui
dont l'autorité s'étend sur une grande par-
tie du monde en prenant le mot grec owùu^utvn
non pour le monde entier, mais pour une
vaste étendue de pays, comme a fait saint
Luc, c. n, V. 1. Le premier de ces trois sens,
qui est le plus naturel, est celui qu'adoi)ta
le concile de Chalcédoine, lorsqu'il trouva
bon que ce titre fût donné ;i saint Léon. Les
patriarches de Constautinople le prenaient
sans doute dans le troisième sens, pour s'at-
tribuer la juridiction sur tout l'Orient, de
même que le ]iremier docteur de leur Eglise
se nommait docteur œcuménique. Mais ils
avaient encore tort, si jiar là ils prétendaient
exclure les papes do toute juridiction sur
les Eglises orientales, comme ils l'ont fait
dans la suite. Le second sens est évidemment
absurde; c'est néanmoins celui que saint
Gn'-goire le Grand paraît avoir attribué aux
patriarches de Constantino]ile, puisqu'il dit
que le litre de patriarche œcuménique est un
blasphème contre l'Evangile et contre les
conciles; que celui qui le prend se prétend
seul évè([ue, et pi'ive tous les autres de leur
dignité, qui est d'institution divine.
Aujourd'hui tous les patri.trches grecs
prennent le titre iï œcuménique, de même
que les patriarches jacobites, nestoricns et
arméniens se nomment le catholique, (jui
signifie de même universel; mais celte uni-
versalité ne comprend que î'élendue de leur
secte. Du Cange, Glossar. Latin. Les protes-
tants, qui ra; 'portent avec complaisance
cette [irétention des palriaiches de Constau-
tinople, p;irce cju'elle a mortifié les papes,
sont cependant forcés d'en avouer les fu-
nestes suites. C'est ce qui fit naître entre
ces patriarches et ceux d'Alexandrie la
haine et la jalousie qui éclatèrent au v°
siècle , après le concile de Chalcédoine,
par le schisme de Dioscore et des euty
chiejis. C'est ce qui jeta les premières se-
mences du schisme entre l'Eglise grecque
et l'Eglise latine, commencé par Photius au
ix" siècle, et consoamié par Michel CérulariLis
dans le xr. Dès ce moment les Grecs, pri
vés du secours des Latins, n'ont pu se
défendre contre les Turcs qui les oppri-
ment. Mosheim, Hist. ecclés. du v" siècle,
11° part., c. II, § 1 ; ix= siècle, \i' part.,c. m,
§ 2G, etc. Mais les Grecs, malgré leur ani-
mosité contre l'Eglise romaine, ont senti
comme elle la nécessité d'un chef; ils ont
attribué au patriarclie de Constautinople
une autorité plus absolue sur les Eglises
oriestales, que celles qu'exerçaient autrefois
les i>apes ; ils ont ainsi condamné et con-
damnent encore par leur conduite l'anarchie
introduite par les protestants.
OECUMENIUS, auteur grec, qui paraît
avoir vécu dans le x° siècle, a écrit des
commentaires sur les Actes des apôtres, sur
les Epîlres de saint Paul, et sur celle de
saint Jacques. Ils ont été imprimés à Pari.s,
en grec et en latin, l'an 1G31, en deux voL
in-fol. Cet auteur n'a lait qu'abréger saint
Jean Chrysostome.
OEIL. Comme les passions de l'homme se
peignent principalement dans ses yeux, le mrtt
œil est souventemployé dans l'Ecriture pour
signifier les affections bonnes ou mauvaises.
Il a le même usage dans notre langue ; aussi
disons-nous que l'œil est le miroir de l'Ame.
Ainsi, l'œil bon, l'œil simple, fœil attentif,
dési.;nent la bienveillance, le dessein d'ac-
corder des bienfaits ; souvent il est dit que
Dieu voit, considère, visite ceux auxquels il
veut faire du bien. Au contraire, l'œu mau-
rais, ou l'ail méchant, exprime la ^laine, la
1077
ŒUV
(jËUV
1078
colère, la jalousie ou l'avarice. Eccl. y c.iv,
V. 14, le Sage dit que l'œil mauvais ne voit
que du mal ; il parle d'un avare qui se
tourmente par la prévoyance do maux ima-
ginaires. Matth., c. XX, V. 15, le père de ta-
mdle dit à ses ouvriers jaloux et miV-ontents :
Me ref;a!(lez-vous de mauvais œil, parce que
je suis bon? On peut lixcr le r('y,ard sur
quelqu'un on par ntloction ou par colère ;
nous lisons {Ps. xxxui, 16) que les yeux
du Seigneur sont arrêtés sur les justes, et
que ses oreilles sont attentives à leui'S priè-
res; mais que ses rej^ards sont tixés sur les
pécîienrs poin- eUacer leur mémoire. 11 dit
dans Ezéchiel, c. v, v. 11, etc. : Mon œil
ne parilonnera pas, c'est-k-diro ma justice
ne vous éparj^nera point. H n'est pas néces-
saire d'avertir que les yeux attril)ués à Dieu
ne sont autre chose que sa jirovidence.
Gènes., c. xt.vi, v. k, Dieu dit ii Jacob : Jo-
seph mettra sa main sur vos yeux, il vous
fermera les yeux à votre mort ; c'était chez les
anciens le dernier devoir de tendresse lilinle.
Job, c. XXIX, V. 15, dit : J'ai été l'œil de
l'aveugle et le pied du boiteux, c'ost-h-dire
j'ai servi de guide à l'un et de soutien Ji
l'autre. Servir à l'œil (Coloss. ni, 22), c'est
ne servir un maître avec soin que quand il
nous regarde. Vo;dez-vous nous arracher les
yeux? i\um.,c.\\i, v.l'i.,signilie, nous prenez-
vous pour ties aveugles ? Oh'il pour œil et dent
pour (lent désignent la peine du talion.
(HîUVRES (bonnes). On entend sous ce
nom tous les actes, soit intérieurs, soit
extérieurs, des vertus ciirétieunes, comme
de religion, de reconnaissance, d'obéiss.im e
envers Dieu, de justice etdechaiité à l'égard
du i)rochain, de pénitence, de mortilicatioii,
de patience, etc. Jésus-Cin-ist lui-même n nom-
mé ses miracles chs bonnes œuvres, {larce que
c'étaient desactes deciiarilé et de commiséra-
tion envers lesmallieureux.Iiyaeu entre les
protestants et les calhulii[ues une dispute
très-vive au sujet des bonnes œuvres; il
s'agissait de savoir si elles sont nécessaires
au salut, et en quel sens, quelle en est
l'utilité, comment on doit les envis iger,
soit lorsqu'elles sont faites dans l'étal du
péché, soit lorsipi'on les fait après la justi-
tic.ition, et en état de grice. Jamais les
ennemis de l'Eglise catholique n'ont montré
plus de prévention et dontètement que
dans cette contestation. Déjà au iV siècle,
les aétiens et les eunomiens avaient enseigné
que les bonnes œuvres ne sont pas nécessai-
res an salut, que la foi seule est suiiisante ;
les tlagellants renouvelèrent cette erreur au
XIII' siècle, et les bcggards ou béguins au
XIV' ; sur le commencement du xy% Jean
Hus prétendit que les bonnes œuvres sont
inditlérentes, que le salut et la damnation
dépendent uni(|uenient de la prédestination
de Dieu et de la réiirobation.
Luther, vers l'an \'6i\>, soutint que les
œuvres des hommes, quelque saintes i[u'el-
les paraissent, sont des péchés mortels ; il
adoucit ensuite cette proposition, en disant
que toutes les œuvres des justes seraient
des péchés mortels, s'ils ne craignaient pas
qu'elles n'en fussent," parce qu'alors ils ne
pourraient pas éviter la présomption. Sous
prétexte d'établir la bberté chrétienne, il
atlrancliit les honnnes des préceptes du Dé
calogue; les anabaptistes et les anlinoniiens
suivirent cette doctrine. Comme elle était
scandaleuse, Mélanc don la réforma dans la
confession d'Augsbourg, en 1330; il y dé-
clara, c. 20, que les pécheurs réconciliés
doivent obéissance à la loi de Dieu, ipie
celle que lui rendent les saints est agréable
à Dieu, non parce (ju'elli! est p.irfaite, mais
à cause de Jésus-Christ, et parce que ce
sont des hommes réconciliés avec Dieu ;
que cette obéissance est une vraie justice
et mérite récompense : mais il ne dit point
quelle récompense. On trouve la même
chose dans la confession de Strasbourg, ou
des quatre villes, (pii fuf aussi présentée à
la diète d'Augsbourg. Probablement Luther
lui-même changea d'avis, puis(tue l'an 1535
il approuva la confession de l\)i des Bohé-
miens, où il est dit, art. 7, qu'il faut faire
les bonnes œuvres que Dieu commande, non
pour obtenir par ce mo. en lajustilicatiou, le sa-
lut cm la rémission des péchés, mais pour prou-
ver sa foi, pour se procurer avec plus d'abon
dance l'entréedans le royaume éleiULd, et une
plus grande récompense, i)uis({ue Dieu l'a
promise : cjue les bonnes œuvres fa, tes dans
la foi sont agréables à Dieu, et auront leur
récompense en ce monde et en l'autre.
Recueil des Confess. de foi des Erjliscs réfor-
mées, n' part., p. 209. Nous ne savons [)as
quelle différence mettaient les IJnhémiens
entre le salut et l'entrée dans le royaume
éternel, ni pourquoi ils évitaient le terme de
mérite, pendant qu'ils en admettaient le sens.
La confession saxonique envoyée au concile
do Trenle en 1551, ni)iès la mort de Luther,
s'exprime comme la confession d'Augsbourg;
elle réprouve seulement ceux qui diseut
que notre obéissance plaît à Dieu par sa
propre valeur, a un mérite de coudignité,
est devant Dieu une justice qui mérite la
vie éternelle. C'est ici une fausse iut(,'rpré-
tation du mérite de condignilé, et un sens
erroné auquel les théologiens calholiiiues
n'ont jamais pensé.
Mais , en 1357, à l'assemblée de Worms,
les luthériens cliangèreut encore leur foi;
leurs docteurs comlaujnèrent la pro|)osition
de -Mélanchton , qui disait que les bonnes
œuvres sont nécessaires au salut. Dans la
confession de foi que tes calvinistes de
France présentèrent à Charles IX, en 1551,
ils dirent, art. 20 : «Nous croyons ijuc par
la foi seule nous participons à la justice de
Jésus-Christ; art. 21 , que cette foi est une
grâce et un don gratuit de Dieu; art. 22,
quoique Dieu nous régénère et nous forme
à une vie sainte, afin de nous sauver jjleine-
ment , cependant nous professons que Dieu
n'a jjoint égard aux bonnes œuvres que nous
faisims par le secours d'.' son esprit , pour
nous justifier et nous faire mériter d'être mis
au nombre des enfants de Dieu. » De cette
doctrine il s'ensuit , 1° qu'il est inutile aux
pécheurs de faire de bonnes œuvres, puisque
1079
0E\}\
œtv
1080
Dieu n'y a point égard; 2° que Dieu nous
excite par son esprit ;» en faire, sans vouloir
nous en tenir aucun compte. Si cela est, en
quel sens nous les fait-il faire , afin de nous
sauver pleinement ? 3" Que les bonnes œuvres
faites après la régénération ne sont pas plus
méritoires que celles que l'on fait dans l'état
de péché. Ce sont là autant d'erreurs palpa-
bles. Celle des anglicans, dressée au synode
de Londres en 1562 , n'est pas plus raison-
nable; elle porte, art. 12 : « Quoique les
bonnes œuvres, qui sont les fruits de la foi et
qui suivent la justification, ne puissent expier
nos péchés et soutenir la rigueur du juge-
ment de Dieu, elles sont cependant agréables
à Dieu, et acceptées en Jésus-Christ; et elles
naissent nécessairement d'une foi vive et
vraie; art. 13, quant aux bonnes œuvres qui
se font avant d'avoir reçu la grâce de Jésus-
Christ, et l'inspiration du Saint-Esprit, elles
ne sont point agréables à Dieu, puisqu'elles
ne viennent point de la foi en Jésus-Christ,
et elles ne méritent point la grâce 2)ar con-
(jruité, comme le disent plusieurs : au con-
traire, connue elles ne sont point faites de la
manière que Dieu le veut et le commande,
nous ne doutons point que ce ne soient des
péchés; art. 14-, on ne peut, sans arrogance
et sans impiété , admettre des œuvres de
surérogation; par là, les hommes prétendent
non-seulement rendre à Dieu ce qu'ils lui
doivent, mais faire plus qu'ils ne doivent;
au lieu que Jésus-Christ dit : Lorsque vous
aurez fait tout ce qui vous est commandé,
dites : Nous somtnes des serviteurs inutiles. Il
est clair que les anglicans donnent malicieu-
sement un sens faux et absurde à ce que
l'on appelle œuvres de surérogation. J^es lu-
thériens avaient déjà fait de même dans la
confession de foi que le duc de Wirtembcrg
envoya au concile de Trente en 1532. •
Enfin , au synode de Dordrecht , tenu en
1G18 et 1(519, il fut décidé par les calvinistes,
arl. 2'i-, que « les œuvres louables dont la foi
est la racine, sont bonnes devant Dieu et lui
sont agréables, parce que tout est sanctifié
par sa grâce ; cependant elles n'entrent point
en compte pour notre justification. C'est par
la foi en Jésus-Christ que nous sommes jus-
tifiés môme avant d'avoir fait de bonnes œu-
vres, puisque les fruits ne peuvent être bons
avant que l'arbre ne soit bon lui-même. Nous
faisons donc de bonnes œuvres, non pour mé-
riter quelque chose par là; car que méri-
tons-nous? Au contraire, nous devenons
])lus redevables à Dieu pour les bonnes œu-
vres que nous faisons , puisque c'est lui qui
nous fait vouloir et accomplir Nous ne
nions pas néanmoins que Dieu ne les ré-
comjiense , mais nous disons que c'est par
grâce qu'il veut bien couronner ses dons
En effet nous ne pouvons faire aucune œwtTe
qui ne soit souillée par le vice de la chair, et
qui, par conséquent, ne soit digne de châti-
ment ; et quand nous en pourrions faire une,
le souvenir d'un seul péché sufiirait pour la
faire rejeter de Dieu. « Sans compter les au-
tres erreurs de cette doctrine, elle renferme
évideuuuent trois blasphèmes : le premier,
que Dieu commande à ceux qui ne sont pas
encore justifiés des œuvres qui sont des pé-
chés; le second, qu'il récompense des œuvres
<pii sont cependant dignes de châtiment ; le
troisième , que Dieu se souvient encore de
nos péchés après nous les avoir pardonnes :
l'Ecriture sainte dit formellement le contraire.
Après avoir comparé toutes ces profes-
sions de foi, il n'est pas aisé de savoir quelle
est la doctrine des protestants touchant les
bonnes œuvres; eux-mêmes ne l'ont jamais
su; leur unique dessein était de contredire
la foi catholique , sans se mettre en peine
des conséquences. Les équivoques sous les-
quelles ils ont enveloppé leurs erreurs , les
changements qu'ils y ont faits, les contradic-
tions dans lesquelles ils sont tombés , sont
capables de dérouter le plus habile théolo-
gien. Pour excuser Luther , son maître ,
Mosheim dit que les docteurs catholiques
confondaient la loi avec l'Evangile, et repré-
sentaient le bonheur éternel comme la ré-
compense de l'obéissance légale. Hist. ccclés.,
XVI' siècle, sect. 3, n" part., c. 1, § 29. Si par
la loi Mosheim entend, comme saint Paul, la
loi cérémonielle , il est très-faux qu'aucun
docteur catholique ait jamais confondu cette
loi avec l'Evangile , ou ait enseigné que le
bonheur éternel est la récompense de l'o-
béissance à cette loi. S'il entend la loi mo-
rale contenue dans le Décalogue, nous sou-
tenons que Jésus-Christ l'a renouvelée dans
l'Evangile, qu'elle en fait une partie essen-
tielle , et que le bonheur éternel est la ré-
compense de l'obéissance à cette loi, et nous
le prouvons par l'Evangile même [Mattfi. v,
16 et 17; x, 42; xvi, 27; xxv, 34., etc.). Le
dessein malicieux de Mosheim était de faire
confondre l'obéissance légale avec les obser-
vances légales. C'est ainsi que les sectaires
en imposent aux ignorants. Heureusement
le concile de Trente s'est expliqué sur ce
point de la manière la plus nette et la plus
précise; il a répandu la lumière sur ce que
les hérétiques avaient affecté d'embrouiller,
et il n'a pas établi une seule proposition
qu'il n'ait fondée sur des passages formels
de l'Ecriture sainte , sess. 6, de Juslif.
11 a décidé , 1° que les pécheurs se dispo-
sent à la justification , lorsque, excités et
aidés ])ar la grâce divine, ils croient à la pa-
role do Dieu et à ses promesses, ils crai-
gnent ses jugements, espèrent en sa miséri-
corde par les mérites de Jésus-Christ, com-
mencent à l'aimer comme source de toute
justice, détestent leurs péchés, se proposent
de mener une vie nouvelle et de garder les
commandements de Dieu , c. 6. Il ne dit
])oint que ces actes de foi, d'espérance, de
crainte, de contrition, ces bons désirs et ces
bonnes résolutions méritent la justification;
il dit positivement le contraire, c. 8. Con-
séquemment il prononce anathème , can. 7,
contre ceux qui enseignent que toutes les
bonnes œuvres faites avant la justification
sont des péchés et méritent la haine de Dieu.
Des sentiments et des actions que Dieu lui-
même inspire par sa grâce, peuvent-ils être
des péchés ? L'Ecriture sainte en parle tout
1081
ŒUV
OEUV
1002
aulrcHient. Dieu, apris avoir reproché nui
Juifs leurs crimes, leur dit par lu houclic
d'Isaïe, c. i, v. 16 : « Cessez de l'aire le uial,
apprenez à faire le bien, exercez la justice,
soulagez les opprimés, défendez la veuve et
le pupille, venez ensuite et recourez à moi.
Quand vos {léchés seraient rouges connue
l'écarlate , ils deviendront blancs comme la
neige. » Dieu sans doute ne leur conunan-
dait pus des péchés. Dieu eut égard aux hu-
miliations, au jeûne, aux mortitications d'A-
chab (IJl Reij. XXI, 27); aux iirières et au re-
pentir de Manassès (// Pitntl. m , 12); à la
péiutence des Ninivites {Jon. m , 10); et Jé-
sus-Christ a cité cette pénitence {Lur. xi,
32). Daniel dit ?i Nabuchodonosor : «Rache-
tez vos péchés par des aumônes , peut-être
Dieu aura pitié de vous {Dan. v, 23). » Il est
donc faux que Dieu ne tienne aucun coni])te
aux p(''cheurs de leurs bonnes œuvres, et i(ue
ce soient de nouveaux péchés. 11 fout avoir
perdu lesens,pour souteniiM[u'un honuiiecpii
n'est jias encore justiUé, iiéchc en détcslant
ses péchés et eu dciuaudanl pardon à Dieu.
2° Le concile de 'rrontc enseigne, ib., c. 8,
que les dispositions dont nous venons de
parler sont nécessaires pour la justilîcation,
mais qu'aucun ne peut la mériter. Ainsi il
est toujours vrai de dire que nous sommes
justifiés gratuitement, comme saint Paul ledé-
clare{7{om. m, 24). Cet apôtre ajoute que nous
sommes justifiés par la foi, parce que la foi est
la racine et le fondement de toute justification.
Mais ce môme concile condannie ceux qui pré-
tendent que nous sommes justiliés par la foi
seule, can. 9, parce que saint Paul ne le dit
point. Au contraire, nous lisons dans l'Epître
de saint Jacques, c. u, v. 24 : «Vous voyez que
riioinme est justilié par les œuvres , et non
par la foi seulement. » A l'article Foi, § 5,
nous avons fait voir ce cjuc saint Paul en-
tend par la foi justiliante, comment son texte
se concilie avec celui de saint Jacques , et
nous avons montré l'abus que les ]irotestants
ont fait des paroles de saint Paul. Cejiendant
les théologiens disent que les bons senti-
ments et les bonnes œuvres, (jui précèdent la
justitication , ont un mérite de congruifé (m
de convenance; contiedisent-ils en cela la
décision du concile de Trente? Nullement;
ils entendent seulement, comme ce concile,
que ce sont des dispositions nécessaires à
la justification , que Dieu y a égard par mi-
séricorde, qu'elles sont utiles jiour tléchir sa
justice, qu'il pardonne plus aisément à un
pécheur qui fait de bonnes œuvres qu'i\ celui
qui n'en l'ait point , jinisque lui-même les
commande et les ins[iire jjar sa gr.îce. Ce
n'est donc ici ([u'un mérite iinpro|)rement
dit, et les protestants ont tort de chicaner sur
. ce terme. Voy. Mkhite.
3" Ce môme concile déclare, c. 8 et IC,
que les bonnes œurres faites dans l'état de
gr;lce ou parmi homme déjà justilié, con-
servent et augmentent en lui la justice ou la
grAce sanctitiante, et méritent la vie éter-
nelle; et il le jn-ouve par plusieurs passages
de l'Écriture sainte. De là il conclut qu'il
faut proposer aux justes ce bonheur, comme
une gnko qui nous est miséricordieuseraent
]iromise par les mérites de Jésus-Christ, et
en môme temps comme une récompense, un
salaire , une couronne de justice , ainsi que
s'exprime saint Paul. Conséquemment , ain.
25 et 30 , il condamne ceux qui enseignent
que le juste, dans toutes ses œuvres , pècho
au moins véniellement , et que c'est un pé-
ché de fairc! de bonnes œuvres en vue de la
récompense éternelle. Le concile n'emploie
point le tenue de m('ritede condifjnité; mais,
au mot iMkiute, nous avons fait voir que
cette expression des théologiens n'a rien de
ré|ii'éhensible. Lorsque le synode de Dor-
drecht a soutenu que nous ne pouvons faire
aucune bonne œuvre qui ne soit souillée par
le vic(,' de la chair, et qui ne soit digne de
châtiment , il contredit saint Paul (\u\ dé-
clare (ju'il ne reste [)lus aucun sujet de con-
ilaiiiiiation dans ceux qui sont en Jésus-
Christ , et qui ne vivent plus selon la chair
{Rom. VIII, 11. Qiiainl ce synode a ajouté que
le souvenir d'un seul péché suftirait pour
faire rejeter de Dieu nos bonnes œuvres, il a
feruK! les yeux à la jiromesse que Dieu a
faite jiar Kzéchiel, c. xviii, v. 21 : « Si l'im-
[lie fifit pénitence de tous ses péchés, et garde
mes commandements , je ne me souviendrai
d'aucune de ses ini(juilés , etc. » De quel
front les protestants , qui ne cessent d'en
appeler à l'Lcriture sainte , osent-ils la con-
tredire aussi formellement?
4° Entin, le concile de Trente a répondu à
toutes leurs plaintes et h tous leurs repro-
ches. 11 n'est pas vrai (jue la doctrine catho-
lique déroge à la gloire de Dieu ni aux mé-
rites de Jésus-Christ , puisque tout ce qu'il
y a de bien en nous, soit avant , soit après
la justitication, vient de la grâce de Dieu, et
que toute grâce nous est accordée par les
mérites du Sauveur; d'où il résulte (jue tout
mérite de l'homme est un don de Dieu,
qu'en récoui|)ensant nos mérites Dieu ne fait
que couronner ses projires dons. 11 n'est pas
vrai non plus que nous mettions notre pro-
pre justice à la place de celle de Dieu, puis-
que c'est Dieu lui-môme qui nous donne la
justice et qui allume la charité dans nos
cœurs par son Saint-Esprit. 11 ne l'est pas
enfin que l'homme puisse se glorifier en lui-
môme , s'enorgueillir de ses bonnes œuvres
ou [irésumer de ses propres mérites, puisque
non-seulement il n'a rien qu'il n'ait reçu,
mais qu'il peut déchoir à tout moment do
l'état de grâce par sa propre faiblesse.
Si c'est le mot de mérite (}ui choque les
protestants, ils ont encore tort; nous avons
fait voir qu'il est tiré de l'Ecriture sainte.
Voy. MÉiuTE. Quant aux œuvres nue nous
nommons de surérogntion , il est laux que
nous prétendions par là rendre à Dieu |ilus
que nous ne lui devons , puisque nous lui
devons tout; nous entendons seulement, par
ce terme , des œuvres qui ne sont pas com-
mandées en rigueur. Lorsque Jésus-Christ
dit à un jeune homme : Si vous voulez être
parfait , allez vendre tout ce que vous pos-
sédez , donnez-le aux pauvres et venez me
suivre [Malth. xix,21), lui faisait-il un com-r
1083
CEUV
ŒUV
10S4
mandement rigoureux, sous peine de dam-
nation? M lui proposait une œuvre de per-
fection, rpii lui aurait valu une plus grande
récompense. II en est de même de ceux qui
eut renoncé nu mariage pour le royaume des
cieux fj/atï/i. XXIX, 12). Nous savons irès-bien
que plus nous avons fait de bonnes œuvres,
plus nous sommes redevables à Dieu , qui
nous les a fait vouloir et accomplir : mais il
ne s'ensuit {las do là que touti'S ces œuvres
nous sont commandées, et que nous péchons
si nous ne les faisons pas. 11 serait singulier
que nous fussions coupables en les omet-
tant , et que nous le fussions encore en les
faisant , comme le veut le synode de Dor-
drecht. 11 suffit de comparer la doctrine des
protestants avec celle de l'Eglise catholique,
poui' voir laquelle des deux est la plus pro-
pre à exciter en nous l'amour de Dieu , la
reconnaissance , la confiance et le zèle des
bonnes œuvres. L'expérience peut encore en
décider; il se fait certainement plus de bon-
nes œuvres de toute espèce parmi les catholi-
ques que chez les protestants.
Depuis le concile de Trente, quelques
théologiens ont soutenu que toutes les bon-
nes œuvres faites par des infidèles ou par des
hommes qui n'ont pas la foi en Jésus-Christ,
sont des péchés ; ils ont même poussé l'enlé-
tement jusqu'à enseigner, comme les protes-
tants, que toutes celles (jui sont faites en état
de péché mortel sont de nouveaux péchés;
ces deux erreurs .sont évidemment contraires
aux passages de l'Ecriture que nous avons
cités , et aux d'''cisions de ce concile. Voy.
Infidèles, Péché, etc. Jlais n'y a-t-il ]>as
contradiction entre les deux leçons que Jé-
sus-Christ nous donne touchant les bonnes
œuvres? Malth., c. v, v. 16, il dit : Que votre
lumière luise aux yeux des hommes, ajin qu'ils
voient vos bonnes œuvres et glorifient votre
Père céleste. Et c. vi , v. 1, il dit : Gardez-
vous de faire vos bonnes œuvres devant les
hommes, afin d'en être vus ; autrement vous
n'aurez pas de récompense à espérer de votre
Père céleste. Si l'on veut y faire attention,
Jésus-Christ no condamne que le second de
ces motifs; autre chose est de faire de bon-
nes œuvres devant les hommes, afin qu'ils en
soient édifiés et glorifient Dieu; autre chose
de les faire devant eux , afin d'en être vu ,
ostimé et honoré; le premier de ces motifs
est louable , le second est vicieux : c'est un
trait d'orgueil et d'ostentation, souvent d'hy-
pocrisie. De nos jours, la philosophie publie
et vante ses bonnes œuvres, les fait annoncer
dans les nouvelles publiques; la charité chré-
tienne cache souvent Us siennes , ne veut
avoir que Dieu i)our témoin. Sur cette seule
ditférence on peut juger laquelle des deux
en fait. le plus et en fera le plus longleiniis.
* ŒvnE DES SIX Juins. Nous croyons devoir ivip-
porler ici l'œuvre des six jouis de la créaliou telle
que Moïse nous l';i transniise.
1. Au romincucement de tous les temps, Dieu qui
de toute éternité iwait résolu de (aire de rien les choses
qu'il a faites, créa le ciel et la terre. — "2. La terre,
eu s r tant du néant, était informe et toute nue, sans
arbres, sans fruits et saus aucuns oraeuieuls ; les
ténèbres couvraient la face de l'abîme d'tdn, où la
terre était comme absorbée, et l'esprit de Dieu était
porté sur les eaux, les disposant a produin; les croa-
liiies qu'il en voulait former. — 3. Or Dieu, vou-
lant tirer celte matière inforine des ténèbres où elle
était ensevelie, dit : Que la lumière soit fctite. El. à
l'instant la lumière fut faite. — !k. Dieu vit ensuite
que la lumière était bonne et conforme à ses desseins ;
ainsi il l'approuva; et il sépara la lumière d'avec les
ténèbres, ordonnant qu'elles se suctédassent l'une à
l'autre. — 5. 11 donna à la lumière le nom de jottr,
et aux ténèbres le nom de nuit, et du soir et du
matin se lit le premier jour. — ti. Dieu dit aussi :
Que le firmament sa ( fuit au milieu des eaux, et iju'il
sépare les eaux de la terre d'avec tes cau.c du ciel. —
7. Kt Dieu fit le lirmamenl, et il sépara les eaux qui
étaient sous le (irmament de celles qui étaient au-
dessH.» ilu firmament. Et cela se lit ainsi. — 8. Et
Dieu donna au lirmanient le nom de ciel, et du soir
et du matin se fit le secouil jour. — 9. Dieu ilit
encore : Qw- les eaux qui soûl restées sous le ciel, et
qui couvrent la (ace de la terre se rassemblent eu un
seul lieu, et queiéléiuent aride paraisse. Et cela se lit
ainsi. — 10. Dieu donna a réléinent aride le nom de
terre, et il appela mers toutes ces eaux rassemblées.
Et il vit que cela était bon et conforme à ses des-
seins. — il. Dieu dit encore : Que la terre yroduite
rie l'fierhe verte qui porte de la graine, et des arbres
fruitiers qui portent du fruil, chacun selon son espè. e,
et qhi renferment leur seme.ice en eux-mêmes, chacun
selon son espèce. Et Dieu vit que cela était bon et
conforme à ses desseins. — 15. El du soir et du malin
se fit le troisième jour. — U. Dieu dit aussi : Que
des corps de lumière soient faits dans le firmament du
ciel, afin que, par l'inégalité de leur éclat, ils séparent
le jour et la nuil ; et que, par leurs monvemml réijiés,
ils servent de siyries pour marquer les temps cl les sai-
sons, les jours et les années. — IS. Qu'ils luisent dans
le firmament du ciel, et qu'ils éclairent la terre. Et cela
l'ut fait ainsi. — 10. Dieu lit donc deux grands corpis
lumineux, l'un plus grand, pour présider au jour, cl
l'aiitie moindre, pour présider à la nuit. Il lit aussi
les étoiles. — 17. Et il les mit dans le lirmamenl du
ciel, où il les créa, pour luire sur la terre. — 18.
Or, Dieu fit ces corps de lumière pour présider au
jour et à la nuit, et pour séparer la lumière d'avec
les ténèbres ; et Dieu vit que cela était bon et con-
forme à ses desseins. — 19. Et du soir et du matin
se lit le quatrii me jour. — 2(i Dieu dit encore : Que
les eaux produisent des animaux vivants, qui nagent
dans l'eau, et des oiseaux qui volent sur ta terre, ioux
le firmament du ciel. — 21. Dieu créa donc les grands
poissons et tous les animaux qui ont vie et mouve-
ment dans les eaux, (|ue les eaux produisirent par
son ordre, chacun selon son e»p xe ; et il créa aussi
ions les oiseaux que les eaux produisirent de même,
chacun selon son espèce. Et il vit que cela était bon
et conforme à ses desseins. — '2:2. El il les bénit, eu
di.sant : Croissez et multipliez-vous, et remplissez le,i
cuHX de la mer, et que Us oiseaux se multiplient ainsi
sur la terre. — 23. Et du sur et du malin se lit le
cini|uièiiie jour. — 2-i. Dieu dit aussi : Que ta terre
produise des animaux vivants, chacun selon son espèce,
les aiiiniaux domestiques, les reptiles et les brtes sau-
vaçies de la terre, selon leurs différentes espèces. Et
cela se lit ainsi. — 25. Dieu lit donc les bêles sau-
vages de la terre selon leurs espèces, les animaux
domestiques et tous les reptiles chacun selon son
espèce. Et Dieu vil que cela était bon et conforme a
ses desseins. — 20. Il dit ensuite : l''i:isuns l'homme
à notre imaqe el à r , tre ressemblance ; donnons-lui un
espnt iniclltgent, immortel, capable de conuaiire et
d'aimer; et qu'il commande aux poissons de la mer,
aux o'iseaux du ciel, aux bêles, à tvute la terre et à
tous Us rept'iles qui se remuent sur la terre. — 27. Dieu
créa donc riiomme à son image ; il le créa a l'image
de Dieu, Tayaut rendu capable de bealilude, de cou-
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naissance et d'amour; et il les créa mâle et femelle
(comme on le dira dans la suite).— 28. Et Dieu, après
les avoir créés, les bénit, el il leur dit : Croissez et
miiliiplh'^-vous.; remplissez la lerre, el vous l'assujet-
liise:, el dumiiicz sur les poissons de la vter, sur tes
oiseaux du ci4 el sur tous les (inimaux qui se meuvent
sur la lerre. — 29. Dieu leur dit cruoie : Je vous ai
donné toutes /es lierb s qui pnrtetit leur (iraiiie stir la
terre, et tous les arbres (jui renl'enueni en eux-mêmes
les semenees, chacun selon son espèce, afin qu'ils vnus
servent de nourriture.— '50. El à tous les animaux de la
lerre, à tous les oiseaux du liel et à tout ce qui se
meut sur la teire et <iui est vivant et animé, aliu
qu'ils aient de ((uoi se uounir. El cela se lit ainsi.
— 31. Dieu vil toutes les choses ([u'il avait faites, et
il les apiuouva, parce qu'elles étaient très-bonnes,
étant conliuMies aux desseins de sa sagesse et de sa
bonli'. Et du soir el du matin se lit le sixième jour.
< Ce récit de la création, ditBossuet, nous découvre
ce grand secret de la philosophie (|u'en Dieu seul
résident la fécondité et la puissance absolue. Heu-
reux, sage, tout-puissant, seul sullisanl il lui-même,
il agit sans nécessité, coninie il agit sans besoin.
Jamais contraint ni embarrassé par sa niati le, dont
il fait se ipi'il vent, parce ipi il lui a donné par sa seule
volonté le fond de son cire. Par ce droit souverain,
il la tourne, il la façonne, il la meut sans peine ;
tout dépend iinmédiatement de Dieu ; cl si, selon
l'orilrc établi dans la natare, une chose dépend de
l'autre, par exemple, la naissance et raccroisscment
des plantes, de la chaleur du soleil, c'esl à cause que
ce même Dieu, qni a fait toutes les parties de l'uni-
vers, a voulu les lier les unes aux antres, et faire
éclater sa sagesse par ce merveilleux euchaine-
ment (a), t
OFFENSE. Les philosophes incrédules, qui
ont écrit qu'un èlre aussi vil que l'homme ne
peut otleiiser Dieu, ont joué sur une équivo-
que. L'homme, sans doute, ne peut Iroublerla
souveraine félicité de Dieu, ni lui causer au-
cune éiuution capable d'altérer son immuta-
bilité; mais il peut l'aire ce que Dieu défend,
braver ses menaces, mériter punition ; c'est
ce que l'Ecriture sainte appelle oU'inserDieu,
déplaire h Dieu, iirovoipier sa colère, être
son ennemi, etc. Nous ne pouvons exjirimer
la conduite do Dieu h l'égard des créatures,
que par les mômes teruios qui peignent la
conduite des hoiumes. Voy. A\turopopa-
TuiE. Lorsque Dieu a donné l'être à des
créatures intelligentes el raisonnables, ce
n'est pas qu'il eu eiU besoin ou qu'il en pût
tirer quel'juo avantage, mais parce qu'il vou-
lait leur faire du bien, et il n'en est aucune
à laquelle il n'en ait fait. 11 a voulu attacher
leur bonheur ;i la vertu et non au crime , ;\
l'obéissance et non à la révolte ; peut-on se
plaindre de cette sage conduite '? Les incré-
dules voudraient qu'il nous eiU accordé le
bonheur absolument, sans aucune condition,
sans lieu e.\igerde nous; Dieu n'a pas trouvé
bon de les satisfaire, il nous a im|)Osé des
lois. S'il nous avait prescrit ce que nous de-
vons faire, sans nous proposer des |)eines et
des récompenses, il nous aurait donné des
leçons et des conseils, mais ce ne seraient
pas des lois. S'il nous avait ùté le pouvoir
d'y résister, il aurait anéanti la vertu el son
mérite, puisque la vertu consiste à soumettre
(a) Ce récit a doniié licii à des objections quo nous avons
résolues aux mots Ck4atio.n, CoijioGo.MEi Julrs delà
ciuSatioii.
nos penchants à la loi. Lorsque nous préfé-
rons de leur obéir plutôt qu à la loi , nous
donnons droit au législateur de nous punir;
c'est dans ce sens que nous Volfensons.
Le terme o/fcnser, <|ui sigiiilie k la lettre
se trouver à la rencontre de tjuehpi'un, être
en butte contre lui, ou lui barrer le che-
min, est déjà métaphorique à l'égard d'un lé-
gislateur humain, à plus forte raison l'est-il
à l'égard ih; Dieu.
OFFERTE, OFFERTOIRE. Voffcrle, l'of-
frande ou l'oblatioii, est l'action ipie t'ait le
prêtre à l'autel, lorsqu'il oirre à Dieu le
j)ain el le vin qui doivent ôtre consacrés.
Yoij. OiFiiA.NDE. On appelle ojl'crle, en Es-
pagne, la promesse de faire une bonne œuvre
peu iant un certain temps, alin d'obtenir
de Dieu quelque bienfait spirituel ou tem-
porel ; elle est dill'i'rentc du vœu, en ce
qu'elle n'est point censée obliger sous peine
de péché, h'ojj'ertoire est une espèce d'an-
tienne réciti'C par le prêtre, chaulée par le
chœur, ou jouée sur l'orgue dans le temps
que l'on prépire le jiain et le vin pour les
oll'iir à Dieu, et que le peuple va k l'of-
Irande. Le P. Lebrun, dans son Explic. des
ccr<'m. de la messe, t. H, p. "280, a remar-
qué les divers changements qui ont été faits
dans cette partie de la messe dans les dill'é-
rents siècles et dans les dillércutes égli-
ses. On a encore nommé oiïertoirc la
naiipe de toile dans laquelle les diacres
recevaient les oQrandes des lidèles. Yoy.
Ol'FRANDE.
OFFICE DIVIN. Offieium signifie à la let-
tre ce que l'on doit faire, et l'on a donné
ce nom aux prières publiques de l'E-lise,
que les lidèles ont failes en commun dans
tous les temps pour rendre k Dieu le tribut
de louanges, d'actions de grâces et de saints
désirs qni lui est dû. \SOfjice divin a été
aussi nommé liliirgic. Voy. ce mot. On ne
peut pas douter que cet usage ne soit aussi
ancien ciue le cluistianisme ; saint Paul re-
commande aux fidèles de s'exciter et de s'é-
dilier les uns les autres par des psaumes,
des hjtuncs el des cantiques s|iirituels, et
de les chanter de tout leur cceur k l'hon-
neur de Dieu {Ephes. v, 19; Coloss. ni, 16).
11 est dit qu'après la dernière cène Jésus-
Christ lui-même dit un hymne avec ses
a[iùtres [Mutth. xxvi, 30). Nous lisons dans
les Aetes des apôtres, c. vi, v. i, qu'ils se dé-
chargèrent sur les diacres du soin des pau-
vres cl de la dislribulii)ii des numùnes, alin
de vaquer plus librement k la prière et à
la prédication ; il est Irès-probalde iiu'ils
entendaient la prière publique, la liturgie, et
ce cjue nous a])pelous Voffice divin. Dans
Y Apocalypse, c. v, v. 9, oii nous voyons
le plan de la liturgie apostolique , les
vieillards ou les prêtres chantent un cautiiiuc
k la louange île Jésus-Christ.
Pline le Jeune, après s'être informé de ce
cjui se passait dans les assemblées des chré-
tiens, dit qu'ils y adressaient des louanges
k Jésus-Clirisl comme k un Dieu; Eusèbe,
Ilist. ecclés., 1. v, c. 28, cite les cantiques
composés dès le commeucemeut par les
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fidèles, et dans lesquels la divinité était
atfriliuée au Sauveur. Dans le concile d'An-
tioche, tenu l'an 252, l'on voit déjà le chant
des psaumes introduit dans l'Eglise. L'insti-
tution de cet usage est attribuée à saint
Ignace, disciple des apôtres ; Socrate, ITist.
eccl/s., liv. VI, ch. 8, saint Justin , Ter-
tullien, saint Clément d'Alexandrie, Origène,
saint Basile, saint Epiphane, Tliéodoret et
d'autres Pérès ont jiarlé de l'office ou de
la prière publique de l'Eglise. Binr/hnm, 1.
xni, c. 5. Aussi saint Augustin assure que
le chant de Voffirc divin n'a été établi par
aucune loi ecclésiastique, mais par l'exem-
ple de JésMS-Christ et des apôtres. Saint
Jérôme, saint Ambroise, le pape Gélase,
saint Grégoire, y ont ajouté quelques parties,
ont composé des hyumes, des antiennes,
des prières nouvelles sur le modèle des an-
ciennes ; ils y ont mis de l'ordre et de
l'arrangement, mais ils ne sont pas les pre-
miers auteurs de Yofficc divin, le fond exi-
stait avant eux; cet office fut une des prin-
cipales occupations des premiers moines,
aussi bien que des clercs.
Plusieurs conciles tenus dans les daules,
celui d'Agde, le deuxième de Tours, le se-
cond d'Orléans, règlent l'ordre et les heures
de Vofiice, et décernent des peines contre
les ecclésiastiques qui manqueront d'y as-
sister ou de le réciter ; les conciles d'Es-
pagne ont fait de môme. La distribution de
,'office en différentes heures du jour ou de
la nuit a été partout à peu près la mérae;
elle subsiste encore chez les différentes sec-
tes de chrétiens orientaux, séparées de l'E-
glise romaine depuis le v et le vi' siècle.
Cassien, qui vivait au v% a fait un traité
du chant et des prières nocturnes, et de
la manière d'y satisfaire; après avoir expo-
sé la pratique des moines d'Egypte, il dit
que dans les monastères des Gaules on par-
tageait Voffice en quatre heures ; savoir,
prime, tierce, sexte, et none, et que la nuit
qui précède le dimanche on chantait des
psaiimes et des leçons. Déjà, dans les Con-
stitutions apostoliques, il était ordonné aux
fidèles de prier le matin, à l'heure de tierce, de
sexte, de none, et au chant du coq. Saint Be-
noît, qui composa sa règle au vi' siècle, en-
tre dans le détail des psaumes, des leçons,
des oraisons qui doivent composer chaque
partie de Yoffice ; il est à présumer qu'il
suivit l'ordre étahli pour lors dans l'Eglise
romaine.
La manière de faire Voffice varie selon
le degré de solennité de la fête, du mystère
ou du saint que l'on célèbre; ainsi l'on
distingue des offres solennels majeurs, so-
lennels mineurs, douilles, semi-doubles, sim-
j)les, etc. Quand on canonise un saint,
on lui assigne un office propre, ou tiré du
commun des martyrs, des pontifes, des doc-
teurs, etc., selon l'état dans lequel il a vécu,
ou selon le genre de sa mort. Lorsque
l'Eglise a institué de nouvelles fêtes des
mystères, on a composé lui offue jiropro
j)Ourles célébrer. Dans tout ror(li(^ de Saint-
Bernard, le petit office de la sainte Vierge
se dit tous les jours. Au quatrième concile de
Clermont, tenu l'an 1095, le pape Urbain II
obligea tous les ecclésiastiques à le ré-
citer, afin d'obtenir de Dieu l'heureux suc-
cès de la croisade qui fut résolu:' dans ce
concile; mais le pape Pie V, par une consti-
tution, en a dispensé tous ceux qui n'y sont
pas astreints par les règles ]iarticulières
de leurs chapitres ou de leurs monastères;
il y oblige seulement, pour toute charge,
les clercs qui ont des pensions sur des
bénéfices. Les chartreux disent Voffice des
morts tous les jours, à l'exception des fêtes.
Comme les clercs sont obligés par état de
prier non-seulement pour eux-mêmes, mais
pour les peuples, l'Eglise ne leur accorde
les revenus d'un bénéfice que sous con-
dition qu'ils s'acquitteront de ce devoir;
s'ils ne le remplissent pas, les canons or-
donnent qu'ils soient privés de ce revenu,
et déclarent qu'il ne leur appartient pas.
L'Eglise impose aussi à tous les clercs qui
sont dans les ordres sacrés, l'obligation de
réciter Voffice divin ou le bréviaire, tous les
jours ; ils ne peuvent l'omettre, en tout ou
en partie notable, sans pécher grièvement,
à moins qu'ils n'aient une raison solide de
s'en dispenser, telle que le cas de maladie ou
d'impossiliilité.
Dans Voffice public, dit M. Fleury, chacun
doit se conformer à l'usage de l'Eglise dans
laquelle il chante; ceux qui le récitent en
particulier ne sont pas obligés si étroitement
à observer les heures et les postures que
l'on garde au chœur; il suffit, à la rigueur,
de réciter Voffice entier dans les vingt-
quatre heures. Il vaut mieux cependant
anticiper les prières que de les retarder;
sur ce fondement, il est permis de dire dès
le malin toutes les petites heures, les vê-
pres d'abord après midi, et, dès les quatre
heures du soir, matines pour le lendemain.
Chacun doit réciter le bréviaire du diocèse
dans lequel il est domicilié, à moins qu'il
n'aime mieux dire le bréviaire romain, du-
quel il est permis de se servir dans toute
l'Eglise latine. Instit. au droit eccUs., t. I,
II' part., c. 2, p. 276; Thomassin, Discipl.
ecclésiastique, v part., 1. 1, c. 34 et suiv. Voy.
Bréviairi!, Chant, Heures canoniales, etc.
C'a été, de la part des protestants, une
téméiité très-condamnable do retrancher
Voffice divin, consacré par la pratique des
apôtres et par l'usage de tous les siècles ;
ils n'en ont pas même laissé subsister le
nom; ils lui ont substitué celui de prêche^
comme "si tout le culte divin consistait dans
la prédication. Ils n'ont conservé que l'usage
des psaumes dans une version très-gros-
sière, et avec un chant fort insipide. En
faisant profession de se conformer en toutes
choses à l'Ecriture sainte, ils en ont très-
mal suivi les leçons, puisque l'Ecriture nous
parle non-seulement de psaumes, mais
d'hynnies et de cantiques spirituels. Il y
a dans l'Ecriture d'autres prières que les
psaumes ; les cantiques de Moïse , d'I-
saïe et des autres jirophètes , d'Anne,
mère de Samuel, de Tobie, de ZacliaiiOj,
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de la sainte Vierge, de Siméon, etc.,
sont - ils donc moins respcclables et
nioins (^-dilinnts que les psaumes de Dayid?
Mais les prétendus réltirmaleurs, qui se
croyaient très-savants, étaient fort mal in-
struits ; ils ont fait la réforme selon la mé-
thode des ignorants, qui est de tout sabrer,
et leurs prosélytes aveugles ont suivi
comme un troupeau sans prévoir les con-
sé({uences. En voulant détruire ce qu'ils ap-
pelaient des superstitions, ils ont anéanti la
piété.
Leur entêtement a été le même, lors-
qu'ils se sont obstinés à vouloir faire le ser-
vice divin en langue vulgaire ; ils n'en ont
pas prévu les inconvénients. Voy. Langue
VULGAIRE.
OFFICE (saint). Voy. Inquisition.
OFFICIANT est la même ehose que célé-
brant ; c'est le prêtre qui dit la messe prin-
cipale dans une église, qui commence l'of-
fice du chœur, qui dit les oraisons, etc.
Dans les églises cathédrales il y a dos
jours solennels et marqués, auxquels l'é-
voque lui-même doit oflicier à l'autel et au
chœur.
OFFRANDE. Ce mot, tiré du latin offc-
renda, désigne l'action d'offrir à Dieu une
chose que l'on destine à son culte, et la
chose môme que l'on offre ; il en de même
du terme d'o&io<(o«.— L'usage d'olfrir h Dieu
des dons est aussi ancien que la religion;
l'on a compris d'abord que c'était un té-
moignage de respect pour le souverain do-
maine de Dieu, de reconnaissance pour ses
bienfaits, et un moyen d'en obtenir de nou-
veaux. Soit que ces dons aient été consu-
més par un sacritice, employés à la sub-
sistance des ministres du Seigneur, ou des-
tinés au soulagement des pauvres , c'est à
Dieu lui-même que l'on a eu intention de les
olfrir. Nous voyous les enfants d'Adam pré-
senter à Dieu, l'un des fruits de la terre, l'au-
tre les prémices de ses troupeaux (Gen. iv, 3).
Il est dit que Melchisédech, roi de Salem
et prêtre du Dieu Très-Haut, offrit à Abra-
ham du pain et du vin, et bénit ce patriar-
che, et (jue Abraham lui donna la dîme des
dépouilles qu'il avait enlevées k ses ennemis
(xiv, 18). Jacob promet que si le Seigneur
le protège, il lui olfrira la dime de tous
ses biens (xxviu, 22). Tout sacrilice était une
offrande, mais toute offrande n'était pas un
sacritce. — La principale oblation que les
hommes ont faite à Dieu est celle de leur
nourriture, parce que c'était pour eux le
plus précieux de tous les biens. Avant
le déluge ils ne vivaient que des fruits de
la terre et du lait des tiouiieaux, ce fut
aussi leur offiandt ordinaire; a[irès le dé-
luge, Noé otfre l Dieu des animaux purs en
sacrifice, et Dieu lui permet, et à ses en-
fants, de manger la chair des animaux [Gen.
VIII, 20; IX, 3). De même, lorsque la bouillie
de riz était l'unicpie aliment des IVomaius,
Numa ordonna que \\iv\ honorAt les dieux
en leur oB'rant du riz ou de la bouillie de
riz. Suivant Pline, jamais dans la suite les
Remains ne gouttent aux fruits nouveaux,
sans en avoir offert aux dieux les prémices ;
mais l'usage de leur offrir de la bouillie
ou des tartes de riz, adorca duna, adorea
lilxi, subsistait au temps d'Horace, cnioimie
l'on immolât pour lors des animaux dans les
temples.
Il n'est donc pas nécessaire de recourir
h de vaines imaginations, comme font les
incrédules, pour trouver l'origine de l'obla-
tiondes animaux et des sacrifices sanglants;
ils ont été offerts à Dieu, parce que c'était Ja
nourriture des hommes. Que les païens, dont
les idées étaient perverties, et qui avaient at-
tribué à leurs dieux les besoins et les vices de
l'humanité, aient rêvé que la fumée des victi-
mes leur était agréable, cela n'est pas étoimant;
les patriarches, instruits par les leçons de
Dieu même, ne sont jamais tombés dans cette
erreur; lorsqu'ils vouaient à Dieu la dîme de
leurs biens, ils n'étaient pas assez stupides
pour croire que Dieu en avait besoin ou pou-
vait en faire usage, mais ils comprenaient
que les offrir à Dieu, c'était lui en faire hom-
mage. Un pauvre comblé de bienfaits par un
homme puissant, peut, sans indécence et
sans lui dé[)laire, lui offrir des choses de
peu de valeur dont ce bienfaiteur n'a pas
besoin, et qui lui seront inutiles; c'est tou-
jours un témoignage de respect, d'affection
et de reconnaissance, auquel personne ne
[leut être insensible : c'est l'intention, et non
l'utilité qui donne le prix à ces sortes do
])résents. David le concevait ainsi, lorsqu'il
disait au Seigneur : « Vous êtes mon Dieu,
vous n'avez pas besoin de mes biens {Ps.
XV, 2). » Et Saloinon : « Nous vous rendons,
Seigneur, ce que nous avons reçu de vos
mauis (/ Paralip. xxix, 14). » D'autres cen •
seurs des })ratiques de religion n'ont pas
mieux rencontré, lorsqu'ils ont dit que l'u-
sage de faire à Dieu des offrandes est venu
de l'avarice des prêtres qui en profitaient.
Il n'y avait point de prêtres, lorsque Cain,
Abel et Noé offrirent des sacrifices h Dieu;
et (juand il y en eut, ils ne profitaient ni de
ce qui était consumé jiar un holocauste, ni
de ce qui était donné aux pauvres. Dieu lui-
même les avait exigés, afin d'inspirer aux
hommes le respect, la reconnaissance, la
soumission à son égard, le détachement des
biens de ce monde, la charité envers les
malheureux. Les mauvais cœurs, qui ne
veulent rien donner à Dieu, ne sont pas
ordinairement compatissants à l'égard de
leurs semblables.
Lorsque la loi fut donnée aux Juifs, Moïse
entra dans le plus grand détail des offran-
des qu'ils devaient faire, des précautions
et des cérémonies qu'ils y devaient observer.
Dieu leur dit par la bouche de ce légis-
lateur : Vous ne paraîtrez pas devant moi
les mains vides {Exod. xxiii, 15). Il n'est
aucune esjièce d(î comestibles dont les Juifs
ne fussent olViigés d'otTrir à Dieux les pré-
mices, la ûîme, ou une portion ; toutes les
fois qu'Vis venaient dans le temple, aucun
acte public de religion qui ne diït être ac-
compagné d'une offrande, et ils devaient choi
sir i)Our cela ce qu'd y avait de meilleur.
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Dieu n'avait point voulu donner aux prêtres
de ])Ortion dans la terre promise, afin qu'ils
subsistassent des ohlalions du peuple. Lors-
que, par avarice on par irréli.^ion, les Juifs
négligeaient de faire ces olfrandes telles
qu'elles leur étaient prescrites, Dieu lis en
reprenait et les menaçait par ses prophù;es
{Malach. I, 8, etc.). De là les imrt'duli's ont
pris occasion de dire que la loi juive peignait
Dieu comme un monarque inléri'ssé, avide
de dons et de présents, d'encens et de victi-
mes; que le culte <iuil exigeait était fort dis-
pendieux, et qu'il seiuljle n'avoir été établi
que pour l'avantage des prêtres; que par la
quantité des tributs que ceux-ci étaient en
droit d'exiger, ils étaient les Svrai.s de la
nation.
Mais avant de hasarder ces reproches, il
aurait fallu faire quelques réflexions. l°Dieu
lui-même a déclaré aux Jinfs qu'il n'avait
pas besoin de leurs offrandes, qu'il ne les
exigeait que comme des témoignages de
piété, de reconnaissance et d'affection ; qu'il
les dédaignait et les rejetait lorsque ces dons
ne partaient pas du cœur [Ps. xlix, 8 ; l, 18 ;
Jsai. I, 11 ; Jerem. vi, 20; Amos, v, 21, etc.).
2° 11 avait promis de récompenser abondam-
ment leur libéralité par la fertilité de la
terre, jiar la fécondité de leurs troupeaux,
par la prospérité delà nation ; cette promesse
était confirmée par le prodige continuel de
la fertilité de la sixième année, afin que la
terre se reposAt jiendant la septième; et les
Juifs ont été forcés de reconnaître que tous
leurs désastres avaient été lajuste ])unition
de leur négligence à observer leur loi.
Avaient-ils sujet de regretter ce qu'ils don-
naient à Dieu? 3° Les lois qui concernaient
les offrandes étaient pour l'avantage des
pauvres autant que pour celui des prêtres ;
ceux-ci étaient obligés de donner aux pau-
vres tout ce qui ne leur était pas absolument
nécessaire , et de payer eux-mêmes aux
pauvres la dîme de tout ce qu'ils avaient.
Rë\dind, Antiq. sacr., ui° part., c. 9, §7. Une
preuve que leur sort n'était pas fort heureux,
c'est qu'il leur est arrivé plus d'une fois
d'être réduits à la dernière indigence parla
négligence des Juifs; Josèphe, Antiq., lib.
XX, c. 8. Cela devait arriver toutes les
fois que le peuple se livrait h l'idolAtrie.
Enfin ils étaient sévèrement punis lorsqu'ils
abusaient de leurs droits, ou qu'ils négli-
gt^aient leurs fonctions ; témoin le châtiment
des ei.'fsnts d'Héli et les menaces que Dieu
fait aux i;rêtres par Ezéchiel et par Malachie.
La loi avau ^^'^'^^ sagement pourvu à tous
les inconvénio^'^'*-
Quoiiiue Jésus-^lTist ait commande moins
de cérémonies que d'actes intérieurs de
vertu, il n'a pas suppr.'mé les offrandes; il
a prescrit, au contraire , la manière de les
faire : 8i en apportant, dit-ii, ^'o''"'' offrande
à l'autel, vous vous souvenez quC ^'olre frère
a quelque sujet de mécontentement cou^^'f '*lous,
allez à' abord vous réconcilier avec ù''^ ^ ^^
venez ensuite faire votre don à Dieu [MnC."'-
v,2.3). Saiiil Paul, quoique occupé des travaux
de l'apostolat, portail à Jérusalem les au-.
mûnes qu'il avait recueillies, et y faisait des
offrandes ( Act. xxiv, IV). Il décide qu'k
l'exemple des prêtres de l'ancienne loi, qui
vivaient de l'autel , ceux qui annoncent l'E-
vangile ont droit de vivre de l'Hvangile (/
Cor. IX, 11). C'est ainsi, en etfet, que vécu-
rent d'abord les ministres de l'Eglise. Aucun
tiilèle ne participait au saint sacrifice sans
faire une offrande, et le produit en fut bientôt
abondant ; on le {jartageait en trois portions,
l'une pour l'entretien du culte divin, l'antre
jiour la subsistance 4('S ministres de l'Eglise,
la troisième yiour le soulagement d(^s pau-
vres. On offrait à l'autel le pain et le vin qui
(levaient 'ervir au sacrifice; les autres offran-
des étaient (léi)Osé''s dans un lieu destiné à
cet usage, ou dans, la maison épiscopale,
pour être employées au besoin. Mais on re-
fusait les diins des excommuniés, des héré-
tiques, des pécheurs publics et scandaleux, de
ceux qui conservaiont une iiiimilié irrécon-
ciliable, de ceux qui étaient réduits à la pé-
nitence publique, etc. On ne recevait pas
môme les offrandes que leurs parents ou
leurs amis auraient voulu faire pour eux
après leur mort, liingham, Orig. ecclés., 1.
XV, c. 2, § 1 et suiv.
Ammien-Marcellin reproche au pape et
autres ministres de l'Eglise romaine de
recevoir de riches ablations des dames ro-
maines ; mais cet auteur païen ignorait le
saint usage auquel ces dons étaient destinés ;
ils étaient employés à nourrir et à soula-
ger les pauvres, les veuves , les orphelins,
les prisonniers, à racheter les esclaves, etc.
C'est ce que représenta le diacre saint Lau-
rent au préfet de Rome, lorsque celui-ci vou-
lut le forcer à lui livrer les trésors de l'Eglise
dont il était déf)Ositaire. Dans un temps où
les évoques et les autres membres du clergé
étaient tous les jours exposés au martyre,
ils n'étaient pas tentés d'amasser pour eux
des richesses. Dans la suite des temps, les
dilférentes révolutions survenues dans i'em-
j)ire romain ont fait comprendre que la
subsistance des ministres de l'E.iilise serait
trop précaire, si elle n'était fondée que sur
les obbitions journalières des fidèles ; c'est
ce qui a fait donner des fonds aux églises,
et a donné lieu à l'institution des bénéfices.
Voyez ce mot. Comme les biens de l'Eglise
ont été souvent usurpés, on a encore été
obligé clans les derniers siècles de recourir
aux offrandes et aux droits casuels; quoique
ce soit dans l'origine des dons volontaires,
il y a cependant encore des diocèses oiî elles
sont censées une dette envers les pasteurs;
mais elles sont très-peu considérables. On
verra dans \e Dictionnaire de droit canonique
quelle est sur ce sujet la discipline actuelle.
Dans quelques paroisses, le jour des Tré-
passés, les fidèles sont dans l'usage déporter
du blé à Yojfrande, et de faire de même aux
obsèques des morts ; c'est un symbole de
notre croyance k la résurrection future, tiré
de saint Paul (/ Cor. xv, 36j. Il n'y a donc
en cela rica do ridicule ni de superstitieux.
L'offrande du pain bénit, qui se fait le di-
i manche dans les paroisses, est un faible
1095
OIS
OIS
1094
reste de rancioii usage. Voi/. Pain bémt.
Comme ics jn-oteslaiits ont sii|)|)iiiué l'o-
Ijlation qui i\ toujours précéié la coiisécia-
tiou (le reucliaiistio cl ((ui l'ail fiarlio essen-
tielle du sacrilic, il n'est pas étoiuiant qu'ils
aient aussi rclranclu' toutes les espèces
d'olframIcs.Mais sous (niel pi(''l(^xte onl-ils
réprouvé cet acte de reiit;i<ia? Nous l'igno-
rons. Il leur a paru, sans doute, un reste de
judaïsme ou de paganisme, parce que les
juils et les païens ont l'ail des offrandes:
mais nous avons vu ipic Jésus-Christ ni les
apôtres n'ont point bLhné les offrandes des
Juifs; ils les ont approuvées, au contraire,
lorsqu'elles se faisaient avec ini C(jeur sincij-
remeut religieux. S'il lallait éviter tout ce
qu'ont pratiqué les païens, il faudrait sup-
primer toute espèce de culte, puisqu'il n'est
aucune action religieuse que les |iaiens
n'aient profanée. Si c'est (larce qu'il s'y est
glissé des abus, même dans lechristianisnu»,
il fallait proscrire les abus comme ont fait
plusieurs conciles , et laisser subsister la
chose. Vol/. Om.ATn)N. — Thiers, dans sou
Traité dis Superstitions, t. 11, 1. ii, c. x, § 9,
parle en ellel île plusieurs abus dans les-
quels les peuples sont lombes à l'égard des
offrandes (|uc l'on faisait à la messe , et il
raf)poite les canons des conciles par lescpiels
ces siqicrslitions ont été délVndues.
OlNG'l'S. Si nous en croyons la Chronirpie
de Genèbrard, ce nom fui donné, dans le xvi*
siècle, h (pielipies hérétiques anglais, qui
disaient que le seul [léché ([ue l'on pouvait
commettre était do ne pas embrasser leur
doctrine ; mais il ne dit pas en quoi elle
consistait.
OINT. Voi/. Onction.
OISIF, OISIVETÉ. Ce vice est défendu
aussi sévèrcuu'nt par la morale chrétienne
que par la loi naturelle. Une des erreurs dont
Jésus-Chrisl a repris le i>his souvent les
pliaiisieus était leur entctemenl sur le repos
du sabbat; il leur a constamment soutenu
que les œuvres <le charité étaient plus agréa-
bles à, Dieu que l'inerlie absolue dans la-
quelle ils faisaient consister la sanctilication
du sabbat. Saint l'aul exhorte les fidèles à se
procurer |)ar le travail, non-seulement de
quoi jiourvoir à leurs Liesoins, mais encore
de quoi soulager les pauvres [J'Jplies. iv, 28).
11 se donne lui-même pour exemple, et jmusse
la sévérité juscju'ù diie que celui (pii ne veut
pas travailler ne mérite jias d'avoir à manger
(// Thess. m, 8). La charité, qui est le carac-
tère distinctif du christianisme, ne fut ja-
mais une vertu oisive. Celte morale fut
exactement suivie. Plusieurs chréiiens, dit
M. Fleury, travaillaient de leurs mains sim-
plement p(uu- é\iter Voisivelé. 11 leur était
fort l'cc; immandé d'éviter ce vice, et ceux qui
en sont inséparables, comme l'inquiétude,
la curiosité, la médisance, les visites umlilcs,
les promenades , l'examen de la conduite
d'autrui. On exhortait chacun à s'oceujier
de quelque travail utile , principalenu'nt des
œuvres de charité envei's les malades, en-
vers les pauvres et envers tous ceux qui
avaient bcsuiu de secours.
C'est donc (rès-injustement que les païens
reprochèrent ([uelquefois aux chrétiens d'ê-
tre des honuues iiuitiles, [larco qu'ils ne re-
cherchaient pas les professions (jui dissipent
trop ou qui i)euvenl être dangereuses, comme
le conunerce tel (pi'il se faisait pour lors, la
poiirsuile des alfaires, les charges publiipies ;
mais ils n'y renonraienl iioint lorsqu'ils s'y
trouvaient engagés. Aussi nos apologistes
rélutèreiit avec force la calomnie des païens.
« Nous ne comprenons pas, leur dit Tertul-
lien , en quel sens vous nous appelez hom-
mes inutiles. Nous ne sommes ni des soli-
taires ni des sauvages, tels que les braclima-
nes des Indes ; nous vivons avec vous et
comme vous. Nous fréquentons le barreau,
la place publique, les bains, les boutiques,
les marchés, les lieux où se traitent les af-
faires ; nous soutenons comme vous les tra-
vaux de la navigation, de la milice, de l'a-
griculture, du commerce; nous exerçons
vos arts et vos métiers; nous n'évitons que
vos assemblées superstitieuses. » Apolog.,
c. 4-2; Orig. contra Cclsum, 1. vin, etc. Les
censeurs modernes du christianisme ne sont
pas mieux fondés à dire qu'il a consacré
Voisircté, en approuvant l'état monasiique.
L'Eglise, loin de tomber dans ce défaut, or-
donna d'abord aux clercs d'apprendre un mé-
tier pour suljsister honnêtement, can. 51 et
52 du quatrième concile de Garlhage. Le
travail des mains fut sévèrement coimnandé
aux moines, et la règle de saur .'tc-iioit le
leur ordonne encore. Cassien et d'autres au-
teurs attestent que les solitaires de la Thé-
baide étaient très-laborieux, qu'ils se pro-
curaient par leur travail, non-seulement de
quoi subsister , mais encore de quoi faire
l'aumône; il en fut de même des up^ines
d'Angleterre. Bingham, Orifjine ecctc'siaslique,
liv. VII, c. 3, tj 10. On n ar{usera pas au-
jourd'hui les ermites de Sênart et du Mont-
^'alérien, ni les religieux de la Trappe, d'ê-
tre oisils; ils ont exactement repris la vie
des premiers moines, et les religieux orien-
taux l'ont conservée. Mais, après l'inondation
des barbares en Europe, r'v^ise fut obligée
de changer sa discipline ; ces hommes farou-
ches ne faisaient cas que de la profession
des armes : toute espèce de travail était dés-
honoiante à leurs yeux ; c'était une marque
d'esclavage et de loture ; ne rien faire était
un titre de noblesse. On fut obligé d'élever
les nmines au sacerdoce après la ruine du
clergé séculier : pour l'honneur de ce carac-
tère, il fallul lesdispenserdu travail des mains,
leur recommander seulement la prière, la
lecture, l'étude et le chant des psaumes.
Fragment d'un concile d'Aix-la-Chapelle, dans
la Collection des Hist. d-e France, t. VI, p.
4.45. Aujourd'hui les protestants et les in-
crédules qu'ils ont endoctrinés en font un
crime à l'Eglise ; c'est à la nécessité et aux
malheurs de l'Europe qu'il faut s'en jirenire ;
le préjugé des barltares y subsiste encore
avec d'autres vices; quand les ermites dont
nous avons parlé seraient tous des saints, on
n'en ferait pas pour cela plus d'estime. Voy,
MOIME.
i09n
ONC
ONC
1096
OLn^TAINS, cengrégation do religieux
et. (le religieuses assez répandue en Italie: ils
suivent la règle de saint Benoit et sont ha-
billés de blanc. Leur instituteur fut saint
Bernard-Ptolémée, né à Sienne en 1272.
Leurs constitutions ont été apjirouvées par
les papes Grégoire IX, Jean XXII et Clé-
ment VI.
OMBRE. Dans les pays chauds, tels que la
Palestine, Vomhre des arbres est un avan-
tage précieux ; le premier soin des patriar-
ches, lorsqu'ils se (iroposaient do séjourner
dans une campagne, était d'y planter des ar-
bres pour y jouir de leur ombrage. Manger
son pain à Vombre de son figuier (III lieg.
IV, 25) est une expression qui désigne l'état
de tranquillité et de félicité parfaite. Ombre,
dans les livres saints , signifie souvent pro-
tection ; le Psalraiste dit h Dieu (Ps. xvi, 8) :
« Protégez-moi à Vombre de vos ailes, comme
une poule couvre ses petits. » L'ange dit à
Marie {Luc. i, 35) : La puissance du Très-
Haut vous couvrira de son ombre, » vous pro-
tégera et vous mettra à couvert de tout dan-
ger. Mais les ombres de la mort signifient,
ou l'état des morts, que l'on supposait privés
de la lumière, ou une calamité qui nous
met en danger de périr ; et au sens figuré,
l'ignorance et les ténèbres de l'idolAtrie. Il
est dit dans les Actes des apôtres, c. v, v.
15, que l'ombre seule du corps de saint
Pierre guérissait les malades. Saint Paul
(Hebr. x, 1) dit (jue la loi de Moïse ne pré-
sentait que Vombre dos biens futurs, c'est-à-
dire une figure imparfaite des grAces que
nous avons reçues par Jésus-Christ. Les
païens nommaient o/Ji^^rcs les âmes dos morts;
ils supposaient que c'étaient des figures lé-
gères, telles que celles qu'un peintre trace
avec le crayon sur le papier.
OMISSION. Ne pas faire ce que la loi de
Dieu nous commande est un péché d'omis-
sion. Comme la morale évangélique nous
ordonne beaucoup de bonnes œuvres et des
actes de toutes les vertus, la plus grande
partie des fautes du chrétien sont des péchés
d'omission. Mais C'^mme l'inadvertance et la
faiblesse peuvent y avoir beaucoup de part,
ordinairement ces fautes ne sont pas aussi
grièves que les péchés de commission, qui
consistent à faire ce que la loi de Dieu nous
défend.
OMPHALOPHYSIQUES. Quelques écri-
vains ont dit que ce nom avait été donné
aux bogomiles ou pauliciens de la Bulgarie,
mais il est plus probable que l'on a voulu
désigner par là les hésichastes du xr et du
XIV' siècle. C'étaient des moines fanatiques
qui croyaient voir la lumière du Thabor à
leur nombril. Voy. Hésichastes.
ONCTION. Dans les contrées orientales où
les huiles odoriférantes et les aromates sont
communs, l'on a toujours fait grand usage
des essences et des parfums ; l'on ne man-
quait jamais d'en répandre sur les personnes
auxquelles on voulait témoigner du respect.
De là Vonction faite avec une huile parfu-
mée fut censée un signe de consécration :
l'ou s'en servit pour consacrer les prêtres,
les prophètes, les rois, les lieux et les in-
struments destinés au culte du Seigneur-
•Dans les livres saints, le terme d'onction est
synonyme de celui de consécration ;V oint du
Seigneur est un homme auquel Dieu a con-
féré une dignité particulière, et qu'il a des-
tiné à un ministère respectable. C'est la si-
gnification du mot liébreu Messiah, que les
Grecs ont rendu par christos, qui a la même
signification. Voy. Parfum, Christ.
Jacob allant en Mésopotamie oignit d'huile
la pierre sur laquelle il avait reposé sa tête,
et où Dieu lui avait fait voir une vision
[Gen. xxviii, 18 et 23). Il la destina ainsi à
être un autel, et il la nomma Be'thel, la mai-
son ou le séjour de Dieu. Aaron et ses flls re-
curent Vonction du sacerdoce ; toute sa race
lut ainsi consacrée et dévouée au culte du
Seigneur [Exod. xxix, 7). Cette cérémonie
est décrite, Lévit. viii. Moïse fit aussi une
onction sur les autels et sur les instruments
du tabernacle. Il est encore parlé dans l'E-
criture de Vonction des prophètes , mais il
n'est pas certain qu'ils aient été réellement
consacrés par une effusion d'huile. Dieu dit
à Elle [III Reg. xix, 17) : « Vous oindrez
Elisée pour être prophète à votre place, »
et dans l'exécution il est seulement dit que
Elle mit son manteau sur les épaules d'Elisée.
Ainsi le mot d'onction ne signifie peut-être
ici que la destination au ministère de pro-
phète. Mais il est distinctement fait mention
de Vonction des rois; Samuel sacra Saùl en
répandant de l'huile sur sa tête (/ Reg. xi, 1).
Il fit la môme cérémonie à David (xvi, 13).
Salomon fut oint par le grand prêtre Sadoc
et par le prophète Natiiau (/// Reg. i, 38).
Lorsqu'il est dit (// Reg. n, 4) que la tribu
de Juda oignit David pour son roi, cela si-
gnifie seulement qu'elle le choisit et le re-
connut pour tel. L'Ecclésiastique, parlant à
Elle, lui dit, c. xlih, v. 8 : «Vous qui donnez
aux rois Vonction de la pénitence, » c'est-à-
dire vous qui leur ins|)irez l'esprit et le senti-
ment de la pénitence.
On ne doit pas être surpris de voir le nom
d'oint, de messie ou de christ, donné à un
roi païen, tel que Cyrus (Isai. xlv, 1). Ici
Vonction ne désigne ni une cérémonie m une
grAce surnaturelle, mais une simple desti-
nation à jouer un rôle éclatant et célèbre
dans le monde ; Dieu lui-même s'en expli
que, et fait entendre queVotiction ou la qua-
lité de christ, à l'égard de Cyrus, consistait à
être un grand conquérant, et le libérateur des
Juifs. Dans le Nouveau Testament, onction
signilîe un don de Dieu, une grâce particu-
lière, qui nous élève à une éminente di-
gnité, et nous impose de grands devoirs.
Saint Paul dit {II Cor. i, 21) : « Dieu nous a
oints, nous a marqués de son sceau, et a mis
dans nos cœurs le gage de son esprit. » Et
saint Jean {I Joan. ii,20 et 27) : « Vous avez
reçu Vonction de la sainteté, et vous connais-
sez toutes choses , Vonction que vous
avez reçue de Dieu demeure en vous, et
vous n'avez pas besoin que l'on vous en-r
soigne. » L'Eglise chrétienne a sagement re-
tenu rusage des onctions daiis ses cérémo-
im
ONC
OND
4098
DÏP.'!; c'est un symbole très-énergique pour
coux-qui connaissent les anciennes mœurs
de l'Orient. Dans l'administration du bap-
tême, on fait une onction sur le front, sur
la. poitrine et sur les épaules du l)aptisé,
pour signiûer qu'il est désormais consacré
au Seigneur el élevé à la dij^nité d'enfant
de Dieu. Dans la confirmation l'on en fait
une sur le front, afin d'avertir le chrétien
qu'il ne doit pas rougir de la i)rofession du
cliristianisme , mais se rendre respectable
par la sainteté de ses mœurs. Dans l'ordi-
nation, l'évoque consacre par une onction
le jjouce et l'index de ceux qui sont [)romus
au sacerdoce, jiour les faire souvenir de la
pureté avec laquelle ils doivent approcher
des autels du Seigneur. En consacrant une
église, l'évoque fait des onctions sur les murs
de l'édifice, et sur la table des autels qui
doivent servir à la célébration du saint sa-
crifice.
On convient que le sacre des rois n'est pas
une cérémonie aussi ancienne que le chris-
tianisme , puisqu'avant Constiintin on ne
connaît ni roi ni empereur qui ait embrassé
DOtre religion. Onuphre dit qu'avant Jus-
tin II, aucun empereur remjiin n'a été oint
ou sacré ; d'autres font remonter cette céré-
monie jusqu'à Tliéodose le Jeune. Les em-
pereurs d'Allemagne ont emprunté cette cé-
rémonie (le ceux de l'Orient, et, selon quel-
ques auteurs. Pépin est le premier des rois
(le France qui ait reçu ïonction. L'on con-
vient encore que la cérémonie du sacre n'est
pas ce qui donne aux rois leur autorité, ni ce
qui impose aux sujets l'obligation de leur
obéir; mais elle sert à rendre leur personne
plus respectable, et les fait souvenir eux-mê-
mes qu'il tiennent de Dieu leur autorité. Les
prolestants ont retranché les onctions du bap-
tême et toutes celles des autres sacrements,
sous prétexte que c'est une cérémoniejudai-
que, qu'il n'en est parlé ni dans le Nouveau
Testament, ni dans les auteurs des trois pre-
miers siècles de l'Eglise, l'ar la même raison
il laudrait aussi s'abstenir de baptiser, parce
queiebaptèmeoulesablutioQsétaientenusage
chez les Juifs. Saint Jacques a parlé de ïonc-
tion des malades (Jac. V, li] ; les protestants
n'ont pas laissé de la supprimer. Quand il se-
rait vrai que saint Cyrille de Jérusalem est
le premier qui ail parlé des onctions du bap-
tême, et qu'avant Tertullien personne n'a
fait mention de celle de la confirmation, que
s'ensuivrait-il? Tertullien est duiii' siècle, et
il dit que cette onction était une ancienne
discipline, de Bapt., c. 7. Aucun des Pères
n'a donné un rituel complet de tout ce qui
se faisait dans l'Eglise primitive, et au iv"
siècle on a fait profession de suivre la prati-
que des siècles précédents. Les sectes, qui
se sont séparées de l'Eglise catholique au
V et au vi% n'ont pas élé aussi hardies que
les protestants, elles ont conservé l'usage des
onctions. L'utilité des huiles et des essences
dans certaines maladies les a fait aussi envi-
sager comme un sunbole de guérison ; il est
dit {Mure. VI, i;|) que les aiioires oignaient
fl'huile les malades et les guérissaient; ce
Dn-TIONN. DE ThÉOL. dogmatique. 111.
n'était pas par la vertu naturelle de cette
onction, mais par le pouvoir défaire des mi-
racles (pie Jésus-Christ leur avait donné.
Saint Jacques exhorte les fidèles malades à se
faire oindre de môme par les jirêtres avec
des prières; il dit que ces prières faites avoc
foi guériront le malade, et que s'il a des pé-
chés, ils lui seront remis (Jnc. v, 14). Nous
ne savons pas si cette pratique élait en usaj,e
chez les Juifs, niais nous voyons dans lE-
criture que Yonclion signiiie quelquefois
l'action de consoler un at'Migé et de soulager
ses peines (Ps. xxii, 5; Jsai. i,G, etc.). Enfin
l'usage des anciens était de se parfumer pour
les grandes cérémonies ; ain.n David, après
avoir passé plusieurs jours dans le jeûne et
la pénitence, prit le bain et se parfuma pour
aller au temple du Seigneur (U Req. xn, 20)
Judith fit de même pour paraître devant Ho
lopherne (x,3).0n usait encore des parfums
pour les festins : c'était faire honneur aux
convives que de répandre sur leur tète des
essences odoriférantes [Matth. xxvi, 7 ; Ps.
cm, 15, etc.). Ces essences sont appelées
dans l'Ecriture Vliuile ou le parfum de la joie,
et cette expression prise au figuré signifie
l'abondance de tous les dons {Ps. xliv, 8 ;
Isai. Lxi, 3).
Lorsqu'il est parlé dans l'Ecriture de l'onc-
tion que Jésus-Christ a reçue de Dieu, ce
terme réunit toutes les significations précé-
dentes ; il exprima le caractère de roi, de
prêtre, de prophète, la plénitude des dons
du Saint-Esprit, la destination au plus au-
guste de tous les ministères (Ad. iv, 27 ; x,
38). Saint Paul (Jlebr.i, 8) lui applique ces
paroles du ps. xliv, v. 8: « Votre trône, ô
Dieu éternel, et le sceptre de votre royauté
est celui de la justice;.... c'est pour cela que
votre Dieu vous a oint du parfum de la joie,
l>ar préférence à ceux qui y participent avec
vous. » Cela ne signifie pas seulement que
Jésus-Christ a reçu les dons du Saint-Esprit
avec plus d'abondance que les autres hom-
mes, mais qu'il possède tous les attributs de
la Divinité auxquels les hommes ne peuvent
avoir jjart que dans un sens très-impropre.
L'Apôtre dit à la vérité {Hebr. m, 14-) que
nous sommes devenus participants de Jésus-
Christ, et saint Pierre, que nous participe-
rons un jour à la nature divine (// Petr. i,
4); mais il n'y a point de comparaison à
faire entre cette iiarticipalion j)ar gr.lce et
celle (^ui convient au Fils de Dieu par sa na-
ture. C'est vainement que les sociniens ont
voulu argumenter sur ces passages pour
écarter la preuve qui en résulte pour la
divinité de Jésus -Christ. Voy. Fils de
Dieu.
ONDOYER un enfant, c'est le baptiser sans
observer les cérémonies de l'Eglise. Lors-
qu'un enfant nouveau-né paraît être en dan-
ger de mort, et qu'il n'est pas })Ossiblc de le
porter à l'église pour lui faire donner le bap-
tême, on prend la précaution de ïondoycr;
mais pour que le baptême ainsi administré
soit valide, il faut que la matière et la forr ''
soient exactement gardées. Voy. B,\i'Tt/dE
On trouve dans les rituels
le détail
35
des
1099
ONO
OPH
1100
dans lesquels on peut baptiser ainsi lés en-
fants qui rte sont pas encore entièrement nés
ou soitis du sein de leur mère. Hors le cas
de nécessité, on ne doit pas ondoyer, sans
une permission expresse de l'évôquo. L'usage
était établi en France A'ondoyer les princes
à leur naissance, et de no suppléer les céré-
monies que plusieurs années après ; le roi
Louis XVI, par un motif de piété, a fait bap-
tiser ses enfants avec toutes les cérémonies,
immédiatement après leur naissance. Il y
eut autrefois du doute pour savoir si les adul-
tes, qui avaient élé baptisés au lit pendant
une maladie, et que l'on appelait les clini-
ques, avaient reçu toute la grâce du sacre-
ment ; saint Cyprien soutint l'affirmative.
Voy. CuMQtJES.
ONEIROCRITIE, art d'interpréter les son-
ges. Voy. Songe.
ONONYCHITE. Ce terme signifie îi la
lettre, qui a les pieds d'un âne; il est formé
du grec ô'vo?, âne; et d'ô'vu?, ongle, sabot.
C'était le nom injurieux que les païens don-
nèrent dans le 111° siècle au Dieu des chré-
tiens. Tertullien dit qu'ils le représentèrent
avec des oreilles et un pied d'âne, tenant un
livre, et couvert d'une robe de docteur.
Apolog., c. 16. 11 ajoute qu'un juif apostat
avait imaginé cette figure, 1. i ad Nat.,
c. li. Mais quebpies critiques prétendent
qu'il faut lire ilans le texte onokoitis, en-
gendré d'un âne. Tertullien se moque, avec
raison, de cette calomnie absurde, et il ex-
pose la croyance des chrétiens toucîiant la
Divinité. Qu'est-ce qui avait pu donner lieu
à cette imagination bizarre? Les païens, dit-
on, savaient que les clirétieus reconnais-
saient le môme Dieu que les Juifs ; or ils
accusaient aussi les Juifs d'adorer la tète
d'un âne. Dans ce cas le juif apostat voulait
tourner en ridicule le Dieu de sa propre na-
tion aussi ben que celui des chrétiens. Il y
a dans \ Histoire de l'Académie des Inscrip-
tions, tome XIV, iu-12, un mémoire où l'on
rapporte les ditféientes fables que les au-
teurs païens ont forgées sur le compte des
Juifs, et il en résulte que les historiens, soit
grecs, soit romains, étaient très-mal ins-
truits de l'histoire , des mœurs et de la
croyance des Juifs. Appion , grammairien
d'Alexandrie, pré endait que quand Antio-
chus-Epiphane pilla le temple de Jérusalem,
il y trouva une tète d'âne qui était d'or et
d'un assez grand prix, et qui était adorée
par les Juifs. Josèphe l'historien, qui rap-
porte cette calomnie, la réfute en faisant
voir que les Juifs n'ont jamais adoré aucun
animal, comme faisaient les Egyptiens, 1. u
contra Appion. , cap. 3. Diodore de Sicile,
dans des fragments tirés de son xxxiv' livre,
raconte qu'Antiochus étant entré dans le
temple y trouva une statue de pierre qui
représentait un homme avec une grande
barbe , et monté sur un âne, et qu'il jugea
que cette figure était celle de Moïse; mais
cela ne sulTisait pas pour fonder la calomnie
forgée par Appion; l'on sait d'ailleurs que
les Juifs ne souffraient aucune statue dans
leur temple ; et Tacite convient que quand
Pompée y entra, il n'y trouva rien. Le même
Tacite, Éist.j 1. v, n. 3 et 4, rapporte, d'a-
près d'autres écrivains, que Moïse et son
peuple ayatlt été chassés de l'Egypte, parce
qu'ils étaient infectés de la lèpre, se retirè-
rent dans le désert d'Arabie, où ils étaient
près de mourir de soif, lorsqu'ils virent une
troupe d'ânes sauvages qui allaient vers un
rocher couvert d'arbres ; que Moïse les
ayant suivis , trouva une abondante source
d'eau ; qu'en reconnaissance de ce service,
les Juifs consacrèrent dans leur sanctuaire
une figure de cet animal. Plutarque, dans
ses propos de table, a copié cette table.
Mais Tacite lui-même n'y ajoutait pas fol,
K Les Egyptiens, dit-il, n. 5, adorent plu-
sieurs animaux et des figures composées de
différentes espèces; les Juifs admettent un
seul Dieu que l'on ne peut saisir que pir
la pensée ; Etre souverain qui existe de
toute éternité. Etre immortel et immuable.
Ils regardent comme des profanes ceux qui
représentent les dieux sous une forme hu-
maine ; ils ne souffrent point de simulacre
dans leurs villes, encore moins dans leur
temple; ils ne rendent cet honneur ni aux
rois ni atis Césars. »
Plusieurs savants modernes ont recherché
l'origine de la calomnie d' Appion, et ont
formé différentes conjectures sm* ce sujet.
Celle qui paraît la plus probable est celle de
Lefèvre. 11 observe que le temple bâti en
Egypte par Onias, sacrificateur juif schismati-
que, était appelé "Oviou Uçà-j, et souvent 'ovîeîov
temple d'Onias ; .]es Alexandrins, ennemis
des Juifs, l'appelèrent malicieusement ovou
hpô-j, le temple de Vûne. Saint Epiphane par-
lant des gnostiques judaïsants, dit qu'ils re-
présentaient leur dieu Sabaoth sous la figure
d'un âne ; mais ce fait ne paraît pas suffi-
samment prouvé. Hist. de l'Acact. des In-
script., t. I, in-12, p. 181; Mém., tom. II.
p. 4.89.
OPERANTE (grâce). Voy. Grâce.
OPÉRATION. Les théologiens expriment
également par ce terme les actions de Dieu
et celles de l'homme ; ils distinguent, en par-
lant des premières, les opérations miracu-
leuses d'avec celles de la gi'àce, qui sont
communes et journalières ; à l'égard de
l'homme on distingue les opérations de l'âme
d'avec les mouvements du corps, les opéra-
tions surnaturelles d'avec les actions natu-
relles, etc. En Jésus-Christ, Dieu et homme,
l'Eghse catholique enseigne qu'il y a deux
opérations, l'une divine, l'autre humaine, et
non une seule opération théandrlque, comme
le prétendaient les monothélites et les mo-
nophysites. Voy. Théandrique.
OPHITES, secte d'hérétiques du ir siècle,
qui était une branche des gnostiques; leur
nom vient d,"i'fii, serpent, et ils furent appo
lés serpentins , parce qu'ils rendaient un
culte superstitieux à cet animal. Mosheim
prétend que cette secte était plus ancienne
que la religion chréiienne; que, dans l'o-
rigine, c'était un mélange de philosophie
ég}ptienne et de judaïsme; une partie de
ses membres embrassèrent l'Evangile, les
HOl
OPI
OPT
H02
aufres persistèrent dans leurs anciennes opi-
nions; do là viiit que l'on distingua les
ophites clirétiens d'dveeccux qui ne Tétaient
pas; c'était aussi le senliuumt de Pliilastre.
Quoi qu'il en soit, les piviiiiers ne se con-
vertiront pas fort sincèreujont; ils conservè-
rent les mêmes cireurs que les gnostiques
èj^yptions toucliaot l'éternité de la matière,
la création du monde contre la volonté do
Dieu, la multitudis dos, éons ou géni(!s qui
gouvernaient le monde, la tyramiie du dé-
miurge ou créateur; selon eux, le Christ, uui
à l'homme Jésus, était venu pour détruire
l'enjpire do cet usurf)ateur. Ils ajoutaient
que le serpent qui séduisit Eve éiail ou le
Christ lui-môme, ou la Sagesse éternelle ca-
chée sous la ligure de cet animal; qu'en
donnant <i nos premiers parents la connais-
sance du bien et du mal, il avait rendu le
plus grand service au genre humain; con-
séquomment qu'il fallait l'honorer sous la
figure qu'il avait prise pour instruire les
honunes. Ils convonaiont que Jésus était né
do la Vierge Marie par l'opération do Dieu ;
qu'il avait été lo plus .justi;, le plus sage, le
plus saint de tous les hommes; mais ils sou-
tenaient que Ji'sus n'ét;iit pas la même per-
sonne que le Christ; que celui-ci élait des-
cendu du ciel dans Jésus, et l'avait quitté
lorsque Jésus fut crucilié; qu'il lui avait ce-
pendant envoyé une vortu par laquelle Jésus
était ressuscité avec un corps spirituel. Ainsi
ces liorctiqucs convenaient dans le fond des
principaux faits publiés par les apôtres.
Leurs chefs ou prêtres en imposaient aux
ignorants par une espèce de prodige. Lors-
qu'ils célébraienl leurs mystères, un serpent
qu'ils avaient apprivoisé sortait de son trou à
un certain cri qu'ils faisaient, et y rentrait
après s'être routé sur les choses qu'ils of-
fraient en sacrifice ; ces imposteurs en con-
cluaient (lue le Christ avait sanctifié ces rions
par sa présence, et ils les distribuaient en-
suite aux assistants comme une eucharistie
txqialile de les sanctifier eux-mêmes. Théo-
doret pense que ces ophites étaient les mômes
cjue les sétliiens, qui disaient que Seth, iils
d'Adam, était une certaine vortu divine ; il
parait ilu moins que la doctrine de ces deux
sectes était à pou près la même. Mais
comment conserver l'unité de croyance parmi
des fanatiques? Les ophites antichrétiens
avaient la même opinion que les précédents
au sujet du se: pont, mais ils ne pouvaient
soull'rir le nom même de Jésus-Christ; ils le
maudissaient, parce qu'il est écrit qu'il a été
envoyé dans le monde pour écraser la tète
du serpent; conséquomment ils ne recevaient
personne dans leur société, sans lui faire
renier et maudire Jésus-Christ. Aussi Ori-
gène ne veut point les reconnaître pour
chrétiens, et ce (pi'il a cité de leurs livres
dans son ouvrage contre Celse est inintelli-
gible et absurde. Il ajoute que leur secte
était très-peu nombreuse et |.resque entiè-
rement éleinio. Celait maliciousemont que
Celse attribuait aux chrétiens les rêveries
des ophites. Tiliemont, t. Il, p. 288.
OPINION. 11 *'aut distinguer soigneuse-
ment dans les écrits des théologiens, môme
dans ceux des Pères de l'Eglise, le dogme
d'avec les opinions. Tout ce qui tient au
dogino est sacré, on ne doit jamais y donner
atteinte ; les opinions ou systèmes sont li-
bres; il est permis de les soutenir, lorsque
l'Eglise no les a pas expiossément condam-
nés; aucun système ne mérite la préférence
sur l'opinion contraire, qu'autant qu'il pa-
raît s'accordor mieux avec les vérités for-
niolleinoiit décidées. Faute d'avoir égard à
coite distinction, il est arrivé de grands in-
convénients. Les ennemis de l'Eglise catho-
liipio lui ont fait un crime de toutes les
opinions ridicules qu'ils ont pu déterrer
dans les théologiens les plus obscurs et qui
n'ont tiré h aucune conséquence ; comme
si l'Eglise était obligée d'avoir toujours la
foudre à la main, et de fouiller dans tous les
coins du monde pour y découvrir ce qui
peut être sujet à la censure; et les incré-
dules suivent ce bel exemple pour tourner
la théologie en ridicule. D'autre part, plu-
sieurs théologiens mettent plus do zèle et
de chaleur à soutenir les opinions de leur
école et les systèmes particuliers qu'ils ont
embrassés, qu'à défendie le dogme contre
les assauts des hérétiques et des incrédules.
On a poussé l'ontôtement jusqu'à vouloir
persuader que quand les conciles et les sou-
verains pontifes ont donné de grands éloges
à la doctrine d'un Père de l'Eglise, ils ont
consacré par là toutes les opinions que ce
personnage rospectacle a suivies, auxquelles
dans lo fond il n'attachait pas beaucoup
d'importance, et qu'il auraitaDanaonnées sans
difficulté, s'il avait eu à combattre d'autres
adversaires. Ainsi, d'un côté, les hérétiques
censurent avec aigreur dans'les Pères toutes
les opinions problématiques ; d'autre part,
des esprits ardents et prévenus veulent que
tout y soit sacré : comment contenter à la
fois les uns et les autres? Il serait bon de ne
jamais oublier la maxime déjà ancienne :
Dans les choses ne'cessaires , unité ; dans les
questions douteuses, liberté; en toutes choses,
charité.
OPINIONISTES. On nomma ainsi certains
hérétiques qui parurent au xv" siècle, du
temps du pape Paul II, parce qu'étant infa-
tués de plusieurs opinions ridicules, ils les
soutenaient avec opiniâtreté. Leur princi-
pale erreur consistait à se vanter d'une pau-
vreté affectée , et à enseigner qu'il n'y
avait point de véritable vicaire de Jésus-
Christ sur la terre que celui qui pratiquait
cotte vertu. 11 parait que cette secte était un
rejeton de celle des vaudois. Sponde, adann.
14ti7, n. 12.
OPTIMISME, système dans lequel on sou-
tient non-seulement que tout est bien dans
le monde, mais que tout est le mieux pos-
sible, optimum; que Dieu avec toute sa
puissance n'a pu faire mieux que ce qu'il a
fait, que chaque créature ne peut être nij
plus parfaite ni plus heureuse qu'elle est, euj
é;i;ard à l'ordre général de l'univers. Cotte
ijvpolhèse a été imaginéo pour résoudre la
grande question de l'origine du mal , et
1105
OPT
OPT
IIOA
iiour répondre aux objections que Baylo
avait faites sur ce sujet. Elle a été soutenue
avec beaucoup d'esprit par plusieurs au-
teurs anglais, par Jacquefot, i)ar Malebran-
che , iiar Leibnitz ; comme ces deux der-
niers paraissent l'avoir mieux développée
que les autres, c'est k eux que nous devons
principalement nous attacher.
Malebranche l'a établie dans ses Entre-
tiens sur la Métaphysique, et dans son Traité
de In Nature et de la Grâce. 11 pose pour
principe que Dieu ne peut agir par un aulre
motif que pour sa gloire; d'où il conclut que
Dieu, en créant le monde, a choisi le plan
et l'ordre des choses, qui, tout considéré,
étaient le plus capables de manifester ses
perfections. Malebranche fonde son prin-
cipe sur le passage des Proverbes, c. xvi,
V. k, on il est dit que Dieu a tout fait pour
lui-même : Universa propter semetipsum opé-
rai us est Dominus, impium quoque ad diem
malum. En rapprochant ces paroles de celles
de saint Paul {Coloss. i, 16) : « Toutes choses
ont été créées en Jésus-Christ et par Jésus-
Christ dans le ciel et sur la terre, et tout
subsiste par lui , » Malebranche en conclut
que Dieu, en créant le monde, a eu pour ob-
jet non-seulement l'ordre physique et la
beauté de son ouvrage, dans lequel il a fait
éclater ses perfections, mais l'ordre moral et
surnaturel duquel Jésus-Christ est, pour
ainsi dire, l'âme et le principe, et qui déve-
loppe à nos yeux les attributs divins beau-
coup mieux que l'ordre )ihysique de l'uni-
vers ; ainsi pour comprendre l'excellence de
l'ouvrage de Dieu, il ne faut pas séparer ces
deux rapports l'un de l'autre. « On ne com-
prendra jamais, dit-il, que Dieu agisse uni-
quement pour ses créatures , ou par un
mouvement de pure bonté, dont le motif ne
trouve point sa raison dans les attributs di-
vins. Dieu peut ne point agir; mais s'il
agit, il ne le peut qu'il ne se règle sur lui-
même, sur la loi qu'il trouve dans sa sub-
stance. 11 peut aimer les hommes, mais il
ne le peut qu'à cause du rapport qu'ils ont
avec lui. 11 trouve dans la beauté que ren-
ferme l'archétype de son ouvrage un motif
de l'exécuter ; mais c'est que cette beauté
lui fait honneur, parce qu'elle exprime des
ciualités dont il se glorifie et qu'il est bien
aise de posséder. Ainsi l'amour que Dieu
nous porte n'est point intéressé dans ce
sens qu'il ait quelque besoin de nous, mais
il l'est dans ce sens qu'il ne nous aime que
par l'amour qu'il se porte à lui-même et
a ses divines perfections que nous expri-
mons par notre nature, et que nous adorons
par Jésus-Christ. » 9' Entr., n. 8. « Plus un
ouvrage est parfait, mieux il exprime les
perfections de l'ouvrier, et il lui fait d'au-
tant plus d'honneur, que les perfections
qu'il exprime plaisent davantage a celui qui
les possède; ainsi Dieu veut faire son ou-
vrage le i)lus parfait qui se puisse... Mais
aussi Dieu veut que sa conduite aussi bien
que son ouvrage portent le caractère de ses
attributs. Non content que l'univers l'honore
par son excellence et sa beauté, il veut que ses
voies le glorifient par leur simplicité, leur fé-
condité, leur universalité, leur uniformité, par
tous les caractères qui expriment des quali-
tés qu'il se glorifie déposséder... Ce que Dieu
l'eut, c'est d'agir toujours le plus divinement
qu'il se puisse, ou d'agir exactement selon
ce qu'il est et selon tout ce qu'il est. Dieu a
vu de toute éternité tous les ouvrages pos-
sibles et toutes les voies possibles de pro-
duire chacun d'eux ; et comme il n'agit que
pour sa gloire et selon ce qu'il est, il s'est
déterminé à vouloir l'ouvrage qui pouvait
être produit et conservé par les voies qui,
jointes à cet ouvrage, devaient l'honorer da-
vantage que tout autre ouvrage produit par
toute autre voie. » Ibid., n. 10. « SL un
monde plus parfait que le nôtre ne pouvait
être créé et conservé que par des voies ré-
ciproquement moins parfaites... Dieu est
trop sage, il aime trop sa gloire, il agit trop
exactement selon ce qu'd est, pour [)OUvoir
le préférer à l'univers qu'il a créé.... Quoique
Dieu puisse ne pas agir ou ne rien faire,
parce qu'il se suffit à lui-môme, il ne peut
choisir et prendre le pire; il ne peut agir
inutilement; sa sagesse lui défend de preu-
dre de tous les desseins possibles celui qui
n'est pas le plus sage ; l'amour qu'il se porte
à lui-môme ne lui permet pas de choisir
celui qui ne l'honore pas le plus.... Si les
défauts do l'univers que nous habitons en
diminuent le rapport avec les perfections
divines, la simplicité, la fécondité, la sa-
gesse des voies ou des lois que Dieu suit,
l'augmentent avec avantage. Un monde plus
parfait, mais produit par des voies moins fé-
condes et moins simples, ne porterait pas
tant que le nôtre le caractère des attributs
divins. Voilà pourquoi le monde est rempli
d'impies, de monstres , de désordres de
toutes façons. Dieu pourrait convertir
tous les hommes , empêcher tous les dé-
sordres ; mais il ne doit pas pour cela
troubler la simplicité et l'uniformité de sa
conduite; car il doit s'honorer par la sa-
gesse de ses voies aussi bien que par la
perfection de ses créatures. >- Ibia., n. 11.
« La prédestination des hommes se doit
nécessairement trouver dans le même prin-
cipe. Je croyais que Dieu avait choisi de
toute éternité tels et tels, précisément par-
ce qu'il le voulait ainsi, sans raison de son
choix, ni de sa part ni de la nôtre, et qu'en-
suite il avait consulté sa sagesse sur les
moyens de les sanctifier et de les conduire
sûrement au ciel. Mais je comprends que je
me trompais. Dieu ne forme point aveuglé-
ment ses desseins, sans les comparer avec
les moyens. 11 est sage dans la formation de
ses décrets aussi bien que dans l'exécution ;
il y a en lui des raisons de la prédestination
des élus. C'est que l'Eglise future , formée
par les voies que Dieu y emploie, lui fait
plus d'honneur que toute autre Eglise for-
mée par toute autre voie... Dieu ne nous a
prédestinés, ni nous ni notre divin chef, à
cause de nos mérites naturels, mais à cause
des raisons que sa Ici inviolable, l'ordre im-
muable, le rapport , écessaire des perfec-
410S
OPT
OPT
1106
lions qu'il possède , lui fournit. Il a voulu
unir son Verho k telle nature et prédesti-
ner en son Fils tels et tels, parce que si su-
gesse lui a marqué d'en user ainsi envers
eux pour sa propre gloire. » Ibid., n. 12.
Suivant l'opinion de Malebranche, il en est
de niônie de la distribution des grdces; Dieu
ne les donne qu'en conséquence de certai-
nes lois générales. Cette distribution est
donc raisonnable et digne do la sagesse do
Dieu, ([uoiqu'elle ne soit fondée ni sur la
didV'renci-' des natures ni sur l'inégalité des
mérites. Ibid.
On ne peut pas nier que ce système no
soit beau , di;j;ne d'un profond niél,i|)livsi-
cien, séduisant au piemiercoupd'u'il : Ravie
lui-niôme en a porté ce jugement. Mais est-
il solide, ou n'est-ce qu'un rôve sublime ?
Voilà la question. Non -seulement Bayli^
mais le docteur Arnaud l'a vivement ktta-
(jué. Sans examiner ce qu'ils ont dit, il nous
paraît que l'opinion de Malebranche n'est
fondée que sur <le fausses notions des at-
tributs divins, sur l'abus de plusieurs ter-
mes, sur des suppositions qu'il est im-
possible do prouver ; qu'elle est con-
traire à l'Ecriture sainte et sujette h de
dangereuses conséquences. — 1° Le |)as-
sage du livre des Proverbes ne doit point
être cité en preuve, parce qu'il est suscep-
tible d'un autre sens que celui qui lui est
donné dans la Vulgate. Celui-ci coupe la
phrase, ne laisse aucune liaison entre ce
(pii jjrécèle et ce qui suit. Aussi les Septante,
le iiaraphrasle chakh'en, la version syriaque
et l'arabe ont traduit autrement, et les com-
mentalcurs conviennent (jue le terme hébreu
est obscur. Il peut signitier également /jropfcr
semetipsum et propler idipsum ; la suite du
discours semble exiger que l'on traduise
ainsi , c. xvi, v. 3 et i : « Tournez vers
le Seigneur vos desseins ou vos entreprises,
et elles auront un heureux succès ; il a tout
fait pour cette lin, propter idipsum, et il ré-
serve des mallieurs à l'impie; ou plutôt, mais
l'impie va de lui-même au malheur. » En-
temlre connue certauis traducteurs, qu(; Dieu
a tout fait jinursa gloire, et(iu'il a lai! l'im-
pie , alin d'être glorilié par les niallieurs
qu'il lui réserve , c'est avoir de Dieu une
idée fausse et contraire à (■elle (juo nous
en donne l'Ecriture sainte. Dieu n'a jamais
fait consister sa gloire dans le malheur de
ses créatures. — 2" L'on no peut pas com-
prendre , dit Malebranche, que Dieu agisse
uniquement pour ses créatures ou par un
mouvement de pure bonté. Dieu, Ji la véri-
té, n'agit j)oint sans motif; mais la bonté
n'est-elle pas à elle-même son molif"? sui-
vant une maxime très-commune , la bonté
aime à se répandre, bomim est sui diffusi-
vum ; telle est son essence. Il ne sert à rien
d'ajouter que le motif de Dieu doit avoir sa
raison dans les attributs divins ; la bonté, en
tant qu'elle a rapport aux créatures , n'est-
elle donc pas un attribut essentiel de la Di-
(1) Ce jugement est un peu sévère sur le Père Ma-
lebrauchc.Koi/. LiniiRTÉ i)E Dit»,.
vinité; attribut si connu, je dirais presouo
si palbable, que les ignorants appellent I E-
tre suprême, le bon Dieu, et que dans plu-
sieurs langues Dieu et bon s'expriment de
même? Dieu, continue Malebranche, ne
peut aimer les honnues qu'à cause du rap-
port qu'ils ont avec lui ; soit, mais ce rap-
port consiste en ce qu'.ils sont ses créatures ;
il n'est point de rapport plus étroit. « Vous
ainu^z, Seigneur, tout ce qui est , vous ne
haïssez rien de ce que vous avez fait....;
vous épargnez les honnues, parce c[u'ils sont
à vous et i[ue vous aimez les Ames (Sap. xi,
al). » — 3" De tous les attributs divins, la
bonté est celui sur lequel les livres saints
insistent le plus : « Louez le Seigneur, parce
qu'il est bon, jiarce que sa mis(iricorde est
éternelle. « Voilà le reirain de la ]ilupartdes
psaumes. C'est à ce motif (pie le psalmisle at-
tribue tous les ouvrages de la création et tous
les prodi,i;es de la puissance divine. Il dit à
Dieu : « Vous avez tout fait avec sagesse ; »
mais il ajoute incontinent : « La terre est
couverte de vos richesses (Ps(d. cni, 2i). »
Un autre écrivain sacré , parlant de la sa-
gesse divine, dit que c'est l'image ou l'ex-
pression de sa bonté : Imago bonitalis iliiiis
{Sap. vu, 26). Ces saints auteurs nous font
admirer la sagesse de Dieu, surtout par sas
bienfaits. — 'i.* Saint Augustin , duc[uel ce
philosophe fait souvent profession de suivre
la doctrine, nous donne une idée bien dif-
férente de la Providence divine : « L'essence
de Dieu, dit-il, est d'être bon et la bonté im-
muable. » De Perf. juslili(e liojninis, n. 32.
« Vous voulez. Seigneur, que je vous serve
et vous honore, afui de me rendre heureux,
vous qui m'avez donné l'être, pour me faire
du bien. C'est par la plénitude de votre bon-
té (}ue subsistent toutes les créatures ; vous
les avez tirées du néant, afin de faire un bien
qui ne vous sert à rien , qui ne peut être
égal à vous, mais c(ue vous seul pouviez
faire. De quoi, en effet, vous servent le ciel,
la terre, etc. ? Confess. , 1. xiii , c. 1 et 2.
Nous avions besoin de savoir trois choses
touchant la création ; l'Ecriture nous les ap-
prend. Oui a tout fait? C'est Dieu. Comment
l'a-t-il lait'/ Par sa jiarole. Pourtiuoi l'a-t-il
fait? Parce que cela était bon. Il ne ])eut y
avoir une meilleiue raison à donner, que de
dire qu'un Dieu bon devait faire de bonnes
choses... Parla nouscomprenonsqueDieu ne
les a faites par aucune nécessité, par aucun in-
térêt, par aucun besoin, mais par pure lion-
té. » Saint Augustin loue Platon et Origène
d'avoir eu cette idée de Dïcu.. De Civit. De i, I.
XI, c. 21, 23 et 2k. — 5* Le système de
Malebranche ôte à Dieu l'un des plus beaux
apanages de la Divinité, la liberté souve-
raine, l'indépendance absolue. Selon lui, la
loi que Dieu trouve dans sa substance, l'or-
dre immuable , le rap[iort nécessaire des
perfections qu'il possède, enfin l'amour qu'il
se porte à lui-même , ne lui permettent pas
de choisir le dessein qui ne l'honore pas le
plus. Neuvième entretien, n. 8, 10, 12. Dieu
choisit donc et agit par nécessité de nature ;
en ce cas, où. est sa liberté? Malebranche
1107
OPT
OPT
1108
prétend sans doute que cette nécessité mê-
me est une perfection divine ; mais cette
idée répugne au bon sens. Aussi ne la prou-
ve-t-il que par une supposition fausse et iiar
un pur verbiage. « Nous juj^eons, dit-il, de
Bien f)ar nous-mêmes ; nous aimons l'indé-
pendance ; c'est pour nous une espèce de
servitude de nous soumettre à la raison ,
une espèce d'impuissance de ne pouvoir
faire ce qu'elle défend ; ainsi nous craignons
de rendre Dieu iuipuissant à force de le
faire sage. Mais Bieu lui-même est sa sa-
gesse, la raison souveraine lui est coéter-
nelle et consubstantielle ; il l'aime néci s-
sairemeiit , et quoiqu'il soit obligé de la
suivre, il demeure indépendant. » Neuvième
entretien, n. 13. Indépendant de tout empè-
cliement extérieur, à la bonne heure ; mais
soumis à une n<'cessilé de nature é([uiva-
lente au ilestin ou a la fatalité, ce n'est là
qu'une équivoque. En premier lieu, à l'é-
gard d'un Etre infuiiment puissant , tel que
Bieu , il est absurde de supposer qu'il n'y
ait ([u'un seul dessein , un seul plan , une
seule manière d'agir qui soit sage. C'est pré-
tendre que dans les ouvrages de Dieu , au
dehors, il y a un optimum, un dernier ter-
me de sagesse et de puissance, au delà du-
quel Dieu ne peut rien faire ni rien choisir
de mieux; le choix peut-il encore avoir
lieu lorsqu'il n'y a qu'un seul jiarti possi-
ble à prendre ? Nous démontrerons la faus-
seté de cette imagination, en réfutant Leib-
nitz. En second lieu , il est laux que nous
empruntions de nous-mêmes la notion de
l'iudépendance de Dieu ; nous la tirons évi-
demment de l'idée d'Etre nécessaire , exis-
tant de soi-même, qui se suflit à lui-même,
qui est également heureux et parfait, soit
qu il agisse , soit qu'il n'agisse pas au de-
hors ; et nous défions les partisans de Ma-
lebranche de prouver démonstrotivement
aucun des attributs de Dieu d'une autre ma-
nière. Suppose, que Dieu agit par sagesse,
l)ar raison et par choix lorsqu'il agit jiar né-
cessité de nature, c'est se coidredire évi-
deiument. — G° Ce même système met sans
raison des bornes à la puissance divine. 11
y a pour le moins de la témérité à juger
que si Dieu a pa faire un monde plus beau
et meilleur que celui-ci, et dans lequel les
créatures auraient été plus parfaites et ))lus
heureuses, du moins il n'aurait pas pu le
faire ni le gouverner par des lois aussi sim-
ples, aussi fécondes, aussi générales que
celles par lesquelles il a formé et conservé
le monde actuel. Nous voudrions savoir en
quel sens des lois peuvent être plus ou moins
simples aux yeux de Dieu , qui voit tout
d'un seul regard, et qui opère tout par le
seul vouloir. Que les voies les plus simples
idaisent aux hommes dont l'esprit est très-
borné, qui ne font rien sans effort et sans
se fatiguer, cela se conçoit; mais à l'égard
de Dieu, y a-t-il rien de plus simple que le
vouloir ? — 7° Après avoir ùlé à Dieu sa
toute-puissance et la liberté d'en user com-
me il lui plaît, notre philosophe donne en-
core atteinte à la liberté des actions humai-
nes, en supposant que l'ordre moral de l'u-
nivers est encliaîné à l'ordre physique, ou
du moins que le premier est une suite in-
faillible du second. « Dieu, dit-il , avant de
donner à la matière la |)remière impression
de mouvement qui a formé l'univers , en a
connu clairement toutes les suites, non-seu-
lement toutes les combinaisons physiques ,
mais toutes les combinaisons du ])liysique
avec le moral, et toutes les combinaisnus du
naturel avec le surnaturel... Il a prévu que
dans telle circonstance l'homme j lécherait,
et que son péché se communiquerait à toute
sa postérité, en conséquence des lois de
l'union de l'âme et du corps. » Dixième en-
trct., n. 17; Onzième entret., n. 10.
Il nous paraît qu'il suffit d'entendre les
termes pour comprendre qu'il ne i)eut y
avoir aucune liaison, aucune ressemblance,
aucune combinaison entre l'ordre physique
dont les lois s'exécutent nécessairement et
l'ordre moral dont les lois laissent à l'hom-
me un plein pouvoir d'y résister. Cetie com-
binaison préti ndue autorise les matérialis-
tes à soutenir que toutes les actions de
l'homme, aussi bien que tous les phénomè-
nes de la nature sont un pur mécanisme et
une suite nécessaire des lois générales du
mouvement de la matière. Dieu, sans doute,
a prévu infailliblement les uns et les autres,
mais cette prévision ne supipose ni n'établit
aucune connexion ni aucune ressemblance
entre les uns et les autres ; autrement c'en
est fait de la liberté, et l'ordre moral n'est
])]us qu'un ordre physique. Yoy. Liberté.
Une correspondance entre l'ordre naturel et
l'ordre surnaturel nous parait encore plus ma.
imag née ; le second est absolument indé-
pendant du premier ; c'est l'idée qu'emporte
le terme de surnaturel. Sans toucher à l'or-
dre pliysique du monde. Dieu a été le maî-
tre d'établir, pour les créatures intelligentes
et libres, tel ordre surnaturel qu'il hd a plu.
Nous n'avouerons pas non plus que le pé-
ché d'Adam se communique à ses descen-
dants en vertu des lois de l'union de l'àme
avec le corj)S. Saint Augustin , fort embar-
rassé à comprendre comment se fait celte
communication , n'a osé embrasser aucun
système, contra JuL, 1. y, c. 4, n. 17; I. vi,
c. 5, n. 11; Epist. 166, ad Hieron., c. 3,
n. 6 ; c. 6 , n. 16. 11 est convenu qu'il ne
lui était pas possible de concilier la puni-
tion terrible du péché originel avec la justice
de Dieu ; il a défié les pélagiens d'en venir
à bout, môme dans leur système, Serm. 294,
n. 6 et 7 ; 1. m contra Jul., c. 12, n. 25.
Le parti le plus sage est sans doute d'imiter
sa modestie, de nous écrier comme lui, o
altitudo I C'est la seule gloire que nous puis-
sions rendre à Dieu. Que la concupiscence
se communique des pères aux entants, en
vertu des lois de l'union de l'dme et du
corps, on peut le sujiposer ; mais la concu-
piscence est-elle un péché foimel et punis-
sable ? 11 s'en faut beaucoup que cette ques-
tion soit décidée.
Leibnitz a embrassé le même système que
Malebranche, et a raisonné sur le même
1100
OPT
prir^cipe ; comme il n'y a presque rien ajouté,
nous nous étendrons moins sur son opinion
que sur la piécédente. « La suprôrae sages-
se, dit-il, Ensuis de Théodicec, n. 8, jointe à
une b(.inlé inlinic, n'a pu manquer de choi-
sir U iiu'ilkar. Car, comme un uioindro mal
est une espèce de bien, de même un luoin-
dre bien est une espèce de mal, s'il lait
obstacle îi un bien plus ij;rand ; et il y aurait
quelque chose a corriger dans les actions de
JJieu, s'il y avait moyen de mieux l'aire
Si donc il n'y avait pas parmi tous les mon-
des possibles, un meilliMU' optimum, Dieu
n'en aurait protluit aucun... n. 10. 11 est
vrai (jue l'on peut iiiiaj;iner des mondes pos-
sibles sans péeh(5 et sans malheur, mais ces
uièuies mondes St'raient d'ailleurs fort infé-
rieurs en bien au nôtre. Je ne saurais le
faire voir en. détail, car puis-je coimaîlre et
puis-je représenter des inliuis, et les com-
parer ensemble. .Mais on en doit juger ob rf-
fettu, puisque Dieu a choisi le monde tel
qu'il est. Nous savons d'ailleurs que souvent
un mal cause un bien auquel on ne serait
point arrivé sans ce mal ; souvent même deux
maux l'ont un grand liieu. « Nous remar-
<|uons d'abord avec [ilaisir la sagacité et la
pénétration de Leibnitz. 11 a très-liien vu
(jue bien et mal sont des termes j)uremeut
relatifs ; qu'à proprement paj'leril n'y a dans
le monde auc-unmal absolu; ainsi, c[uand on
dit qu'il y a du mal, cela signilie seulement
(ju'il y a moins do bien qu il ne pourrait y
en avoir. Un mal duquel il résulte un plus
grand bien ne peut être censé un mal |iur,
un mal absolu. Il a com|)ris, en second lieu,
que toute créature étant esseutiellemunt bor-
née est nécessairement imparfaite, et que
c'est dans cette imperfection même qu'il faut
chercher l'origine ilu mal, n. 20. Entin il a
remarqué que toutes les objections de Bayle
portent sur une comparaison fautive entre
la bouté de Dieu et la bonté humaine ; con-
séqueuunent il lui a leproché un anthropo-
morphisme continuel, n. 125, 13i, etc. II
est étonnant qu'un aussi grand génie n'ait
pas tiré de ces notions si claires les consé-
quences qui s'ensuivent, et qui renversent
son principe.
En ellVt, 1" il ne fallait pas oublier que la
IHiissance de Dieu est infinie, aussi bien que
sa sa.^esse et sa bonté ; qu'ainsi ([quelque bien
que Dieu fasse, il peut toujours laire mieux.
11 ist donc faux que dans les ouvrages de
Dieu il puisse y avoir jamais un oplimuin
au delà duquel Dieu soit dans l'impuissance
de rien faire de mieux. Cet optimum serait
nécessairement borné, puisqu'il serait créé ;
or, il répugne à la puissance inlinie de Dieu
d'être épuisée par un elfet borné ; cet opti-
mum renferme donc contradiction. Poser
pour principe que la suprême sagesse, jointe
à une bonté inlinie, n'a pu manquer de choi-
sir le meilleur , ce n'est i>lus s'entendre soi-
même. Un choix suppose au moins deux
objets entre lequels Dieu a eu l'optiun ; s'il
n'y en a qu'un, ce n'est plus un choix, Dieu
a été dans la nécessité de le prendre. Seconde
contradiction. Nous avons remarqué que
OPT luo
Malebranche ? donné daus le même écueii,
lorsqu'il a dit que Dieu no peut choisir et
prendre le i)ire. Neuvième entrct., n. 10. Par
le pire il faut nécessairement entendre ce
qui est moins bien ; or puisque la chaîne des
bien et des mieux que Dieu peut faire s'é-
tend Ji l'inlini, il n'y a point de dernier ter-
me qui soit le mieux possible; il faut donc
nécessairement ipic Dieu choisisse ce qui est
moins bien que ce (pi'il peut faire, autrement
il ne pourrait rien choisir du tout. .Male-
branche est retombé dans la même erreur,
en disant ijue Dieu agit toujours selon tout
ce (ju'il est. 11 deviiil sentir que cela est iiu-
possible, puisque Dieu est infini ; sa puis-
sance, sa sagesse, sa bonté, n'ont i)oiiit de
bornes, et il leur en sup[iose, puisque tout
est ce après quoi il n'y a iilus rien. Voilîi
comme les plus beaux génies se laissent
égarer par des termes dont ils ne pren-
nent pais la peine d'examiner la signi-
fication. Cela nous console des méprises
dans iesq' elles nous pouvons être tombés.
11 est inutile de répéter ([ue ces deux phi-
losophes mettept très -mal à propos des
bornes h la puissance, à la liberté, à l'indé-
pendance de Dieu, cela nous parait démon-
tré. On dirait que l'un et l'autre ont jugé
des attributs de Dieu sur le modèle de ceux
d'un homme, et qu'ils ont été anthropomor-
phites sans s'en apercevoir. — 2" Nous ne
concevons pas dans quel sens Leibnitz a pu
dire qu'un monde sans mallieur et sans pé-
ché serait fort inférieur eu bien au nôtre;
dans ce cas le nionde futur serait mpins bien
que celui-ci, puisqu'il n'y aurait ni mal-
heur ni péché. Ce philosophe a remarqué
lui-même qu'il y a des maux de trois es-
pèces : le mal métaphysiiiue, qui est l'im-
perfection des créatures; le mal physique,
ce sont les souffrances ; le mal moral ou le
péché. Dans un monde exempt de péché et
de malheur, il y aurait certainement plus de
contentement et plus de vertu que dans le
nôtre, par conséquent les créatures y seraient
moins imparfaites; donc il y aurait plus de
bien que dans le nuire. Aussi Leibnitz est
convenu qu'il ne pouvait pas fairp voir le
contraire en détail ; cela n'est pas étonnant,
puisque ce serait une troisième contradic-
tion : mais quand il ajoute qu'il faut en iu-
ger ab e/f'ectu, parce que Dieu a choisi le
monde tel qu'il est, il suppose ce qui est en
question, savoir (jue Dieu choisit toujours
le meilleur ; or nous avons démontré que ce
meilleur prétendu est imjjossible. — 3" Pour
entendre ce qu'il dit, qu'il ne peut repré-
senter ni comparer ensemble les divers
mondes possibles, parce que ce serait com-
parer des infinis, il faut savoir qu'il regarde
l'univers actuel comme un infini. Il pense
que cet univers renferme une infinité de
mondes, que les astres sont autant de soleils
qui éclairent d'autres mondes peuplés d'ha-
bitants, soit semblables à nous, soit fort
dilférents de nous, qu'ainsi notre globe n'est
qu'un atome dans cette immensité de l'uni-
vers; et c'est l'univers ainsi considéré qu'il
croît le meilleur possible, optimum. Mais il
1111
OPT
ORA
1112
oublie que cet univers, quelque immense
qu'on le suppose, est un monde créé, et que
de son propre aveu toute créature est essen-
tiellement limitée et bornée; donc, encore
une fois, un optimum créé serait un infini
créé qui im|>lique contradiction. En second
lieu, qu'importe à notre bonheur ou à notre
bien-être cette infinité de mondes imaginai-
res dont les habitants pourraient être meil-
leurs et plus heureux que nous? Notre pre-
mière pensée est de demander pourquoi
Dieu les aurait mieux traités que nous; cela
ne sert qu'à prolonger la difficulté. — k° Sui-
vant l'opinion de Leibnitz , il est faux que
sur notre globe la somme des maux surpasse
celle des biens, et nous sommes de son avis.
« C'est le défaut d'attention, dit-il, qui di-
minue nos biens, et il faut que cette atten-
tion nous soit donnée par un mélange de
maux. Si nous étions ordinairement malades,
et rarement en jjonne santé, nous sentirions
beaucoup mieux ce grand bien, et nous se-
rions moins affectés de nos maux; mais ne
vaut-il pas mieux que la santé soit ordinaire
et la maladie rare?... Sans l'espérance de la
vie future, il y aurait peu de personnes qui
ne fussent contentes à l'article de la mort
de reprendre la vie, à condition de repasser
par la môme vicissitude de bien et de maux. »
N. 13. Cette réflexion sage est confirmée par
l'exemple des païens qui n'espéraient rien
de mieux après la mort que de mener, dans
les Champs-Elysées , à peu près le môme
train de vie qu'ils avaient mené dans ce
monde, et qui ne se croyaient pas pour cela
plus malheureux. Nous avons observé ail-
leurs que, suivant une maxime commune,
chacun est content de soi; comment donc
peut-il être mécontent de Dieu? Leibnitz
n'a pas tort de blâmer les hypocondies qui
ne peignent la vie humaine qu'en noir, n. 15.
Ba,) le lui-môme n'a pas pu s'empêcher de
faire cette observation, et Horace l'a chantée
dans ses vers. — 5° Leibnitz semble penser,
comme Malebranche, que Tordre de lagr;\ce
est, pour ainsi dire, enté sur l'ordre de la
nature, ou, comme il s'exprime, que l'un
est parallèle à l'autre. Cette spéculation est
fort belle, mais nous avons fait voir qu'elle
ne peut être admise. Ainsi nous ne sui-
vrons pas ce philosophe dans ce qu'il dit de
la }irédestination, du nombre des élus, du
sort des enfants morts sans baptême, etc. 11
n'est pas convenable d'entrer dans des
questions théologiques fort obscures, pour
en éclaircir une qui peut se résoudre par les
seules lumières de la raison, quoique la ré-
vélation y ait répandu un nouveau jour. Ce
que nous avons dit nous paraît suffire pour
démontrer que Voptimisme, dans son nom
même, porte sa condamnation; il suppose
dans les ouvrages du Créateur un optimum
qui serait l'infini actuel, l'infini créé, terme
au delà duquel la puissance divine, tout in-
finie qu'elle est, ne pouvait rien faire de
mieux; contradiction palpable s'il en fut ja-
mais. — 6" Kien de moins solide que le
principe sur lequel Leibnitz se fonde ; savoir,
que Dieu ne peut rien faire sans une raison
suffisante. Dieu sans doute ne peut rien
faire sans motii et sans raison, puisqu'il est
intelligent et libre; mais il n'est pas obligé
de nous découvrir ses raisons ni ses motifs,
et nous nous flatterions en vain de les péné-
trer dans tous ses ouvrages. Parce qu'un
motif que nous croyons apercevoir ne nous
parait pas suffisant pour avoir déterminé
l'opération de Dieu, il ne s'ensuit point qu'il
n'a pas suffi à Dieu, et qu'il n'en a pas eu
d'autre que nous ne voyons pas.
Sur ce sujet, comme sur presque tous les
autres, nos philosophes donnent dans les
excès opposés; les uns nous blâment de re-
chercher dans la nature les causes finales ou
les raisons pour lesquelles une chose a été
faite; ils nous accusent de prêter à Dieu
des intentions qu'il n'a jamais eues, etc. Les
autres croient connaître tous les motifs que
Dieu peut avoir eus; ils décident que Dieu
n'a pas pu faire telle chose, parce qu'ils
n'en voient pas la raison suffisante. Entre
ces deux excès il y a un milieu, qui est de
n'affirmer des causes et des raisons que
quand elles sont évidentes, de garder un
respectueux silence sur celles que nous ne
voyons pas, et de ne jamais argumenter sur
notre ignorance.
OPUS OPERATUM. Voy. Sacrement.
ORACLES, réponse de la Divinité aux in-
terrogations qu'on lui fait. Nous savons par
l'histoire sainte que Dieu a daigné souvent
converser avec les patriarches et leur révé-
ler ce qu'ils avaient besoin de savoir; ainsi
nous voyons Abraham, Isaac, Rébecca son
épouse, Jacob et d'autres saints personna-
ges consulter le Seigneur et en recevoir des
réponses. A leur tour, les polythéistes se
sont flattés de pouvoir aussi consulter leurs
dieux et en recevoir des réponses. Avant
d'examiner ces prétendus oracles, il convient
de parler de ceux qui ont été rendus aux
Hébreux.
On en distingue de quatre espèces. 1°
L'inspiration intérieure, par laquelle un
homme se sentait porté tout à coup à faire
une action extraordinaire et contraire à l'or-
dre commun; ainsi Phinées, petit-fils d'Aa-
ron, fut, par un transport surnaturel, excité
à punir de mort un Israélite qui péchait pu-
bliquement avec une Madianite; il est dit
que ce zèle venait de Dieu, et le Seigneur
le récompensa {Num. xv, 11). Mais les cri-
tiques, qui ont imaginé que ce cas était com-
mun chez les Juifs, et que cette conduite
s'ajjpelait le jugement de zèle, en ont imposé.
Nous lisons (l Reg. x, 10), que l'esprit de
Dieu tomba sur Saûl, et qu'il prophétisa dans
une assemblée de prophètes. 2° Une voix du
ciel que l'on entendait distinctement, et qui
venait ou immédiatement de Dieu ou d'un
ange envoyé de sa part. Dieu parla ainsi aux
Hébreux sur le mont Sinaï; il parlait à Moïse
face à face, et souvent dans la nuée lumi-
neuse qui couvrait le tabernacle. Une voix
du ciel fut entendue au baptême de Jésus-
Christ, à sa transfiguration, à la conversion
do saint Paul , etc. 3" Le don de prophétie,
sous lequel on comprend les visions et les
mz
ORA
ORA.
IIU
songes prophétiques et le don de les inter-
itrôter ; les exeniples en sont fréquents dans
l'Ecrituro sainte, k" Les oracles ronilus par
le grand jirôtre, lorsqu'il avait consulté le
Sci(.;neur jiour les intérêts de sa nation ou
de quelques |)articuliers.
Nous avons commencé par observer que
les oracles sont plus anciens que la loi de
Moïse ; Dieu avait parlé immédiatement à
Adam, à Noé et ?i leurs enfants, au patriar-
che Abraham, à Isaac, à Rébecca son épouse,
à Jacob son fds; il leur avait envoyé des
''lo,luris et des songes qui leur apprenaient
l'avenir; il avait donné à Joseph le talent do
les interpréter; enlin, il lit entendre sa voix
à Moise dans un buisson ardent. Aucune de
ces révélations ou visions propiiétiques n'a
eu pour objet de satisfaire la curiosité ni les
passions de ceux (]ui les ont eues; souvent
elles annonçaient des tlesscins de Dieu qui
ne devaient s'accomplir que plusieurs siè-
cles après, mais auxquels les évéïuîments
ont exactement répondu ; il s'agissait du soit
delà postérité des patriarches ([ui devaient
former des nalioiis entières; ces prédictions
étaient nécessaires pour soutenir la foi des
adoraleurs du vrai Dieu, jiour les conlirmer
dans son culte, et les préserver de l'aveu-
glement dans lequel leurs voisins commen-
çaient à se plonger. Dieu multipliait ainsi
les preuves démonstratives de sa providence,
à mesure que le polythéisme faisait des |)io-
grôs sur la terre. Des oracles dispensés avec
tant de sagesse, portent avec eux l'em-
preinte de la Divinité. Quelques écrivains
but pensé ipie les faux oracles des païens
n'étaient qu'une imitation de ceux que Dieu
avait daigné accorder aux Hébreux ; Spencer
au contraire soutient, Dissert. 6, sect. 3, que
les oracles des |iaiens sont les plus anciens;
que Dieu n'en accordait aux Hébreux que
pour prévenir le désir qu'ils auraient eu de
recourir h ceux des païens, à cause de l'ha-
bitude qu'ils en avaient contractée en Egypte;
mais il a (rès-mal prouvé son opinion. 11
n'a [ui citer en faveur de l'antiquité des ora-
cles du paganisme que le témoignage d'Hé-
rodote, et cet historien n'a vécu que mille
ans après Moïse. Celui-ci, mieux instruit
qu'Hérodote, n'a rien dit des oracles de l'E-
gypto, et l'on ne prouvera jamais qu'il y en
ait eu au temps de la servitude des Israéli-
tes. Moïse suppose ^ la vérité, dans ses lois,
qu'il y avait chez les Chananéens des devins,
des astrologues, de prétendus .prophètes,
puisqu'il défend aux Israélites de les con-
sulter; mais il atteste en même temps que
Dieu avait rendu de vrais oracles aux pa-
triarches dans les premiers Ages du monde.
11 rapi)orte [Gen. xxv, 2-21, que Rébecca,
grosse de deux enfants, alla consulter le Sei-
gneur; (pi'il lui ré|)ondit et lui annonça la
destinée de ces deux jumeaux; il y avait
donc dès lors des lieux où l'on pouvait con-
sulter Dieu et des moyens pour en obtenir
des réponses : c'était 130 ans avant l'cnlréo
des Israélites en Egypte (xlvu, 9).
11 est certain que les hommes, naturelle-
ment curieux, ignorants, craintifs, impa-
tients dans leurs peines et leurs besoins,
empressés de s'en délivrer, n'ont jiaseu be-
soin de modèles pour se faire des oracles,
ni des imposteurs pour être trompés; le
hasard a suffi. Une voix entendue de loin
dans un lieu désert, un bruit qui semble ar-
ticulé, l'écho qui retenlit dans les rochers,
dans les cavernes, dans les forêts, les divers
asfiects des astres, le cri, les attitudes, les
mouvements inquiets des animaux, ont été
pris par les peuples imbéciles pour des si-
gnes de la volonté du ciel, pour des pro-
nostics de l'avenir, pour des oracles. Les Hé-
breux, non contents des moyens iiar les-
quels Dieu daignait les instruire, allaient en-
core consulter les dieux des fiaiens, inter-
rogeaient les morts, etc. Saul, inquiet sur
son sort futur et sur celui de son armée,
fAclié de ce que Dieu ne lui repondait en
aucune manière, alla consulter la magicienne
d'Endor (/ Reg. xxviii, 6).
La question est de savoir si les oracles
des Hébreux étaient aussi vains et illusoires
que ceux des païens, si c'était une source
continuelle d'erreurs, si c'était un artilice
inventé par les [irêtres pour en imposer au
peuple, et pour dominer avec plus d'empire.
C'est l'opinion qu'en ont les incrédules;
ont-ils raison? I" Nous convenons que les
inspirations intérieures étaient sujettes à
l'illusion; un homme passionné se croit fa-
cilement inspiré; mais les exemples de cette
espèce d'oracles sont très-rares dans l'his-
toire sainte. Quand il est dit d'un person-
nage que Vesprit de Dieu tomba sur lui, cela
ne siguihe pas toujours qu'il fut divinement
inspiré, cela ne désigne souvent qu'un trans-
port subit et violent de colère ou de courage.
Les prêtres ne pouvaient avoir aucune part
à celte inspiration bonne ou mauvaise. 2°
Lorsipi'une voix se faisait entendre du ciel,
l'illusion ne pouvait y avoir lieu ; par quel
prestige Moïse aurait-il pu faire retentir au
sommet du mont Sinaï le bruit du tonnerre,
le son des trompettes, une voix éclatante
qui fut distinctement entendue par environ
deux millions d'hommes? Pouvait-il par
({uelque artifice y faire briller les éclairs et
la tlamme d'une fournaise, couvrir la mon-
tagne entière d'une éjiaisse nuée {Exod.
XIX, 10; XX, 18)? Le peuple, îi la vérité, in;
fut pas témoin de tous les entretiens uo
Moïse avec Dieu, mais il voyait distincte-
ment briller sur le tabernacle la nuée dans
laquelle Dieu daignait descendre et |>arler à
Moïse {Num. xu, 5; xiv, 10, etc.). Aaion [■[
Marie sa sœur disaient : Le Seigneur uoi.s
a parlé aussi liien qu'à Moïse (xii, ±]. — 3"
Lorsqu'un prophète annonçait des évi'ne-
ments que la prudence humaine ne pouvait
jias prévoir, surtout des choses (pii ne pou-
vaient se faire que par ro[iération surnatu-
relle de Dieu, et qu'on les voyait arriver à
point nommé, ce don de prophétie ne pou-
vait pas être suspect. Il est dit ^Nu>n.\\,'26),
que Dieu prit une partie de l'esprit qui était
dans Moïse, et en ht [>art à soixante et dou/.e
des anciens d'Israël, qu'ils prophétisèrent,
et que Moïse n'en fut point jaloux : « Tlùt à
lllS
ORA
ORA
iW
Dieu, dit-il, qu'il donncH son esprit k tout
le peuple, et que tous fussent prophètes ! »
V. 20. Ce n'étuicnt ni des prAtres ni des lé-
vites. La plupart des prophètes juifs n'é-
taient pas de race sacerdolale, et souvent ils
ont fait aux prêtres de vifs reproches. Voy.
PnopiiÈTE. — 4° La quatrième espèce d'o-
rachs, qui étaient les réponses du grand
prêtre, a beaucoup exercé les savants; ils
ont ilisserté à l'envi pour découvrir de quelle
manière il consultait le Seii^neiir et en re-
cevait les réi)Oiisos. Ils ont été arrêtés d'a-
bord par la description que Moïse a faite
d'un des ornements du grand prêtre, sous
lequel ils ont supposé qu'il ne pouvait ni
recevoir ni rendi'e des oracles.
ExocL, c. xxYiii, après avoir prescrit la
matière et la forme de l'éphod, voyez ce mot.
Dieu dit à Moïse, v. 15 : Vous ferez aussi un
choschea misphat, du même tissu que l'é-
phod, et double, de forme carrée, de la lon-
gueur et de la largeur d'une palme; vous y
attacherez en cjuatre ranys douze pierres pré-
cieuses enchâssées dans de l'or, sur chacune
desquelles sera gravé le nom de l'une des tri-
bus d'Israël, v. 19; Aaron portera sur sa poi-
trine, dans le cliusclfen misphat, le nom des
douze enfants d'Israël, lorsqu'il entrera dans
le sanctuaire, pour en faire toujours souve-
nir le Seigneur, v. 30; vous mettrez dans le
chosehen misphat, urim et t'iummim, qui
seront sur la poitrine d' Aaron, quand il se
présentera devant le Seigneur, et il portera
ainsi sur son cœur le jugement des enfants
d'Israël devant le Seigneur. Dans le Leviti-
quc, c. vni, V. 8, il est dit que Moïse revêtit
Aaron de ses habits sacerdolaux; qu'il lui
attacha le chosehen dans lequel étaient urim
et thumniim. Il s'agit de prendre le vrai sens
de ces niots hébreux.
La Vulgate a traduit chosehen misphat par
le rationel du jugement : d'autres disent le
pectoral du jugement. Pectoral convient très-
bien h cet ornement, mais il faudrait savoir
si le terme hébreu a quelque rap;iort à la poi-
trine. Saphat, sophet, sephal, suivant la di-
versité de la pon''tuation, signillc également
juge, jugement, judicature, fonction et di-
gnité déjuge. Urim et Ihummim sont rendus
dans la Vulgate par doctrine et vérité, dans
d'autres versions par lumière et perfection.
Peut-être faut-il chei'cher un sens plus simple.
S'il nous étiit permis de hasarder notre avis
après celui de tant d'habiles hébraïsants,
nous dirions que chosehen signifie symbole,
marque, signe distinctif d'une dignité ; que
chosehen misphat exprime symbole de la qua-
lité de juge. Urim et thummim sont à la let-
tre et selon la toui'nure hébraïque, des bril-
lants parfaits, des pierres précieuses et
brillantes, travaillées, enchâssées et arran-
gées en perfection. Nous traduirions donc
ainsi, sans aucun mystère, le texte sacré :
« A'ous ferez aussi l'ornement du juge du
même tissu que l'éphod, de telle manière ,
etc. Aaron [lortera ainsi sur sa poitrine, dans
le signe distinctif du juge, le nom des douze
enfants d'Israël... Vous mettrez dans cet or-
nement des brillants de laplus grandeperfec-
<)on, qui seront sur la poitrine d'Aaron... et
il portera ainsi toujours sur son cœur le
symbole de juge des enfants d'Israël devant le
Seigneur. » Cette version est sinqile, elle ne
laisse aucun embarras. On ne sera pas étonné,
sans doute, de voir chez les Hébreux le pre-
mier magistrat caractérisé par un pectural
chargé de pierreries, pendant qu'il l'est chez
nous par un mortier, qui est la ligure d'un
ancien bonnet.
Mais à quelles conjectures ne se sont pas li-
vrés les plus fameux critiques ? Spencer,
Prideaux, les auteurs do la Synapse, Le Clerc,
les commentateurs de la Bible de Chais, etc.,
ont enchi'ri les uns surdes autres; subjugués
])ar les visions desrabbinsils se sont copiés,
e' ont cherché des difficultés où il n'y en a
puint. — 1° Ils ont sui^posé que le grand
prêtre ne pouvait consulter le Seigneur sans
avoir son iicctoral, et l'Ecriture n'en ditrien.
Dans les livres de Josué et des Juges,où nous
lisons que le Seigneur fut souvent consulté,
il n'est parlé ni du pectoral ni d'urini et
thummim; il n'en est plus question hors de
l'Exode et du Lévitique. Le grand prêti'c de-
vait être revêtu de ses habits sacerdotaux,
pour se présenter devant le Seigneur dans
te sanctuaire, et non ailleurs ; or Dieu fut
souvent consulté hors de là ( / Reg. xxni,
9, et XXX, 1 ). David, voulant interroger le Sei-
gneur, dit seulement au prêtre Abiatliar, ap-
pliquez l'éphod ; et cela peut signifier éga-
lement, mettez-le sur vous ou sur moi; il y
avait des é,hods de lin, très-ditférents de
celui du grand prêtre. — 2" Plusieurs ont
imaginé que urim et thummim étaient des
choses distinguées du pectoral, peut-être une
inscription brodée ou attachée à cet orne-
ment ; que c'est [lar là que le grand jirêtre
interrogeait le Seigneur, et que Dieu ré|)on-
dait. D'autres ont dit que le grand prêtre se
tenait debout devant le voile du sanctuaire,
derrière lequel était l'arche d'alliance, et
qu'il en sortait une voix articulée qui ré-
pondait. C'est dommage que toutes ces belles
choses ne soient fondées sur rien, et que
l'Ecriture n'en dise pas un mot. Il est seule-
ment t\m Josue, i\, ik ), que les anciens
d'isiaël n'interrogèrent point la bouche du
Seigneur avant de traiter avec les Gabaoni-
tes ; mais on sait que la bouche ou la parole
du Seigneur ne signifie souvent que l'inspi-
ration reçue de Dieu par un prophète, sans
rien décider sur la manière dont il l'a reçue.
— 3° Spencer, dans une longue dissertation
sur ce sujet, a poussé le ritiicule jusqu'à
prétendre que urim et thummim étaient deux
petites idoles ou statues renfermées dans la
doublure du pectoral, et qui répondaient au
grand prêtre lorsqu'il les interro.^cait. 11 a
oublié sans doute que Dieu avait sévèrement
défondu toute espèce d'idoles oq de statues.
Dieu a-t-il fait un miracle contre sa loi pour
en animer et en faire parler deux, et autori-
ser ainsi l'idokUrie parmi son peuple ? Nous
passons' sous silence l'absurdité (pi'il y au-
rait eu à nommer urim et thummim deux
petites idoles. S'il nous fallait relever toutes
les inepties qui ont été écrites à ce sujet,
1117
ORA
ORA
(118
nous ne finirions jamais. Cet exemple suffit
pour nous convaincre que les critiques
protestants, cpii .se croient beaucoup plus
liahiles que les Pères do l'Eglise dans l'in-
telligence de FEci'iture sainte, ne sont pas
eux-mêmes des oracles iiiraillihles , et qu'il
y a souvent moins de justesse que de témé-
riti'' dans leurs conjectures.
Nous avons heau cliercher de quelle ma-
nière les praires juifs pouvaient abuser des
oracles pour sutijuguer le iteuple et pour le
tromper, l'hisloire n'en fournit aucun exem-
ple, quoiqu'elle fasse a-^so/. souvent mention
des désonlies dans lesquels ils sont tombés ;
aucun fl'eux n'a été mis au rang des faux
I>ro|)hètes. Les incrédules, qui les accusent
jvir pure malij;nité, ignoi'ent une multitude
de faits qui pourraient servir à les détrom-
per. Souvent l'on ni' s'est pas adressé au grand
prêtre dans les occasions même oi^i il s'a-
gi>sait des plus sérieux intérêts de la nation,
comme de faire la paix ou la guerre, de po-
ser les armes ou de comli.iitre ; et nous ne
voyons rien qui témoigne (pie les particuliers
étaient dans l'usage de prendre l'avis des
])rôties dans leurs propres atl'aii'es. Josué,
qui n'était pas prêtre, mais chef du peuple,
consultait lui-même le Seigneur devant l'ar-
ctie du tabernacle ( Jos. vu, (5 ) ; mais il né-
gligea cette précaution dans l'atlaiie des Ga-
baonites (c. ix , v. 14) ; cependant Dieu lui
])arlait immédiatement comme h Moise ( xx,
1 ). Nous lisons ( Jud. ni, 10), qu'Olhoniol,
neveu deCaleb, avait l'esprit de Dieu. Un
ange vint de la |iart du Seigneur reprocher
aux Israélites leurs prévaricatinns ( ii, 1 ).
Un autre fut encore envoyé à ce jieuple et à
(iédéon , et communiqua son esprit à ce
guerrier ( vi, 11, '22, Si ). La même faveur fut
accordée à Jephté ( xi, 29) ; à Manué, père
de Samson (xiii, 3 ). Le giand prêtre Phinées
ne fut consulté qu'avant le deuxième combat
contre les Benjamiles ( xx, 28 ). Dans ces
différentes circonstatnes nous ne voyons pas
que les prêtres aient eu bi'aucoup de crédit
ni d'influence dans les affaires ]>ubliques; ils
en eurent encore moins sous les rois. David
consulta plusieurs fois le Seigneur, mais il
n'est plus parlé de ces consultations dans la
suite de l'iiistoire ; lorsque Dieu daigna ré-
véler SCS desseins à Salomon, il ne se servit
point du niinistèro des prêtres. Alors Dieu
envoya une suite de proiiliètes, comme il
l'avait promis ( Veut, xvni, 15 ). Nous n'a-
vons donc pas à redouter la comimraison
(jue l'on peut faire entre les oracles des Hé-
breux et ceux des païens, ni que l'on par-
vienne à [irouver que les premiers, aussi
bien que les autres, étaient des illusions,
des impostures et un artifice des prêtres.
Puisque Dieu prodiguait les miracles en fa-
veur de son pcu[)le, il n'est pas étonnant
qu'il lui ait a'issi accordé des oracles. Ceux-
ci n'avaient rien d'indécent, on ne les con-
sultait point sur des questions ridicules ni
sur des desseins criminels ; ils n'ont trompé
personne, ils n'étaient ni captieux ni aaibi-
gus, on ne les aciietait point par des pré-
seuls, ils étaieut rendus sans aucuue marque
do fanatisme ni de trouble d'esprit; il n'en
est |iresqne aucun de ceux que l'on a vantés
chez \rs païens dans lequel on ne découvi'e
tous les défauts contraires. Cependant |)lu-
sicurs anciens philosophes ont eu confiance
aux oracles qui étaient consultés de leur
temps; Socrale en |iarticu]ier trouvait bon
qu'on les consultât en matière de religion.
Plat., deLegih.,]. v. Voy. Devin.
On nous dira, sans doute, qu'on soutenant
la divinité des oracles de la nation juive,
nous travaillons à entretenir la crédulité des
espiits faibles, et la vaine confiance (ju'ils
ont eue aux pronostics. Cela n'est pas plus
vrai qu'il ne l'est qu'en défendant la réalité
des miracles de l'Ancien Testament , nous
autorisons la croyance des faux prodiges dont
on amusait le peu[ile chez les païens. La
manière dont Dieu conduisait son ancien
peuple était évidemment surnaturelle et mi-
raculeuse ; elle était nécessaire dans ces
temj)s-là. eu égard à l'enfance du genre hu-
miun ; elle n'a pas été inutile, ])uisqu"elle a
conservé sur la terre la C(Uinaissanee et le
truite du vrai Dieu. Depuis qu'il a daigné
nnus instruire par Jésus-ChrisI, et conduii'e
|>ar l'Evangile la raison humaine à sa pei'fec-
linn, nous n'avons plus besoin des leçons
('émentaires ni des soutiens de l'enfance
(dal. IV, 3). Le seul oracle que nous avinis
à consulter est l'Eglise ; notre divin Maître
l'a chargée de nous enseigner. Or, l'Eglise a
sagement proscrit tous les moyens supersti-
tieux par lesquels la curiosité humaine vou-
drait savoir ce que Dieu n'a pas voulu nous
découvrir. C'était le faible ou plutôt le crime
des païens ; de là le grand nombre d'oracles
dont l'histoire fait mention. Le plus célèbre
chez les Crées était celui de Delphes; on ve-
nait des pays les plus éloignés pour le con-
sulter ; les plus grands i)hil()so[ilies, tels que
Socrate et Platon, paraissent y avoir eu
confiance ; dans la suite les éclectiques ou
nouveaux [)latoniciens en firent un trophée
contre le christianisme; les réponses des
oracles étaient une des princi])ales jireuves
qu'ils alléguaient en faveur du paganisme.
Persoinie n'est tenté aujourd'hui de croire
qu'il y avait quelque chose de divin dans
ces oracles si vantés ; mais la question est
desavoir si c'étaient des prestiges du démon
ou seulement une fourberie des prêtres et
des autres ministres de la religion pa'ienne.
Cette question a été traitée savamment sur
la fin du siècle passé et dans le nôtre. Van-
Dalo, médecin fameux en Hollande, mort en
1708, avait fait une dissertation jiour soute-
nir que les oracles des païens étaient ime (lure
fourberie; elle fut abrégée et traduite en
français jiar Fontenelle, qui la rendit beau-
coup plus séduisante qu'elle n'était ; tout le
monde connaît son Histoire des oracles. Le
Père Baltus, jésuite, en fit la réfutation ;
il est à présumer que ses raisons panuent
solides : aucun savant de réputation ne lui
a répliqué.
Mosheim, dans ses Notes sur Cudworlh, t.
II, c. 5, § 89, après avcir comparé les rai-
sons pour et contre, juge que ni l'un ni
1119
ORA
ORA.
H20
l'autre de ces deux sentiments n'est in-
vinciblement ])rouvé. A la vérité, les dé-
fenseurs de Vaii-Dalo ne manquent pas de
raisons idausibles; ils ont observé, 1° que
la plupart des oracles étaient conçus en
termes ambigus, et ne pouvaient pas man-
quer de se trouver vrais dans un sens
ou dans un autre ; 2" qu'ils ne prédisaient
pas des événements fort éloignés, et sur
lesquels il fût impossible de former des
cfinjectures ; 3° que souvent ils se sont trou-
vés faux. Après avoir dévoilé toutes les su-
percheries dont on a pu se servir pour
tromper ceux qui consultaient les oracles,
ils ont conclu que ce qui est arrivé cent fois
a pu arriver de même dans tous les cas. Ils
disent que jusqu'à présent l'on n'a pas encore
pu citer un seul exemple bien constaté d'un
oracle exactement accompli, et dont l'évé-
nement n'ait pas pu être naturellement prévu.
A tous ceux que l'on a recueillis dans les re-
lations anciennes ou modernes, ils ont ré-
pondu ou que le fait n'est pas suffisamment
prouvé, ou qu'il y a exagération dans les
circonstances, ou que la vérification s'est
faite par hasard. Quand on leur objecte le
sentiment des Pères de l'Eglise qui ont at-
tribué les oracles au démon, ils répondent
que ces écrivains respectables ont été sou-
vent trop crédules, qu'il leur a paru plus
court d'attribuei- à l'esprit infernal toutes
les merveilles citées par les païens, que d'en-
trer dans la discussion de tous les faits,
de toutes les circonstances , de tous les té-
moignages. Mais, d'autre part, ils ne prou-
veront jamais que le démon ne peut connaî-
tre aucun événement futur ni le découvrir
aux hommes ; que sur ce point ces connais-
sances sont aussi bornées que les nôtres.
Ils ne peuvent pas démontrer qu'il est plus
indigne de Dieu de permettre que les hom-
mes soient trompés par les prestiges du dé-
mon, que de soullrir qu'ils le soient par des
imposteurs rusés et adroits. Or, tant que
l'impossibilité de l'intervention du démon ne
sera pas prouvée, la multitude des superche-
ries faites par des imposteurs ne prouvera
pas quejaaiais le démon n'en a fait aucune.
Il est donc impossible de réfuter démons-
trativement l'opinion de ceux qui soutien-
nent que cet esprit de ténèbres y est souvent
intervenu. L'Ecriture sainte nous apprend
que Dieu a quelquefois permis à l'esprit de
mensonge de se loger dans la bouche des
faux prophètes, pour tromper des rois mé-
chants et impies ( JJI Reg. xxii, 22 ). A plus
forte raison Dieu peut lui permettre de dire
quelquefois la vérité, pour tromper d'une
autre manière.
Une autre question est de savoir si Dieu,
sans blesser aucune de ses perfections, |)eut
révéler lui-même l'avenir à des païens, à des
infidèles, et les mettre ainsi en état de le
faire connaître aux autres. Pour prouver
qu'il le peut et qu'il l'a fait, il n.' servirait à
rien de citer les exemples de Balaam, de
Caiphe, des prophètes avares dont parle Mi-
chée, c. m, V. il ; ceux que Jésus-Christ
menace de réprouver au jugement dernier,
etc. Ces personnages n'étaient pas des païens,
ils connaissaient le vrai Dieu. Mais dans le
livre de Daniel, c. ii, v. 1, etc., nous voyons
le Seigneur envoyer à Nabuchodonosor ,
prince infidèle et idolAtre, des songes pro-
phétiques, et lui révéler un avenir très-éloi-
gné. On ne peut cependant en rien conclure
en faveur des prétendus oracles des sibylles
d'Orphée, etc., puisqu'il est prouvé que ce
sont des écrits supposés. Voy. Sibylles. Il
serait encore plus ridicule d'attribuer à l'o-
pération de Dieu les oracles du paganisme.
Les motifs pour lesquels on les demandait,
la manière souvent indécente dont ils étaient
rendus, les profanations dont ils étaient ac-
compagnés, la confirmation de l'idolâtrie qui
en était le résultat, sont des raisons plus (jue
suffisantes pour démontrer que l'opération
divine n'y est jamais intervenue pour rien.
Pour ])eu que les païens eussent voulu y
regarder de près, ils en auraient facilement
connu l'illusion; mais l'obstination des phi-
losophes païens à les faire valoir dut néces-
sairement augmenter l'aveuglement des
peuples. Mosheim lui-même a fait toutes
ces réilexions , et elles nous paraissent so-
lides.
ORAISON, prière. Dans l'office divin , l'on
distingue les oraisons d'avec les autres par-
ties, d'avec les psaumes, les hymnes, les
leçons, etc. Ce sont des prières ou des de-
mandes adressées directement à Dieu, par
lese|uelles l'Eglise lesuppHe de nous accor-
der les biens spirituels et temporels dont
nous avons besoin. Elle les conclut toujours
ainsi par Jesus-Christ Notre-Seigneur, etc.,
afin de nous faire souvenir que toutes les
grSces nous sont accordées par les mérites de
ce divin Sauveur. Voy. Prière.
ORAISON DOMINICALE, ou prière du
Seigneur. C'est la prière que Jésus-Christ a
ens(!ignée de sa propre bouche à ses disci-
ples (Matth. VI. 9 ; Ltic, xi, 2) ; on la nomme
vulgairement le Pater. Depuis 1« commen-
cement de l'Eglise chrétienne, cette prière
a toujours fait partie essentielle du culte pu-
blic, elle se trouve dans toutes les liturgies ;
on la récitait comme aujourd'hui, non-seu-
lement dans la consécration de l'eucharistie,
mais encore dans l'administration du bap-
tême; c'était pour les nouveaux baptisés un
privilège de pouvoir la dire dans l'assemblée
des fidèles, et d'appeler Dieu notre père; on
ne l'enseignait point aux catéchumènes avant
qu'ils n'eussent reçu le baptême. Les Cons-
titutions apostoliques, un concile de Gironne,
le r|uatrième concile de Tolède, ordonnent
de la réciter dans l'office divin au moins trois
fois par jour. Bingham, Orig. eccl., 1. xiii, c.
Y, § 4 et 5. Les Pères de l'Eglise les plus
anciçns, Origène, TertuUien, saint Cyprien,
dans leurs Traités de la Prière, ont fait les
plus grands éloges de celle-ci; ils l'ont re
gardée comme un abrégé de la morale chré-
tienne, comme le fondement et le modèle de
toutes nos prières ; ils se sont donné la
peine d'en expliquer toutes les demandes
l'une après l'autre. Plusieurs auteurs moder-
nes ont fait de même, comme Bourdaiouei
^m
ORA.
ORA
1122
dans le Recueil de ses Pensées ; le Père Le-
brun, dans son Explication des cérémonies
de la Messe, t. Il, p. 53i, etc. D'aulre cAté,
les incrédules ont fait leurs efl'orts pour y
trouver quelque ctiose à repren Ire. Les uns
ont dit que Jésus-Christ n'en est pas le pre-
mier autour, qu'avant lui- cette formule était
déjà en usage chez les Juifs ; mais ils n'ont
pu donner aucune preuve positive de ce
fait, c'est une allégation hasardée de leur
part. 11 serait singulier que l'on eût ignoré
cette anecdote pendant les trois premiers
siècles, et que l'on se filt obstiné à attribuer
à Jésus-Christ l'institution d'une formule
qui était d'un usage journalier chez les
Juifs.
Quelques autres ont soutenu qu'en disant
à Dieu, ne nous induisez point en tentation,
nous faisons injure à sa bonté souveraine,
qu'il semlile que Dieu soit capable de nous
orter au mal et d'être la cause du péché
l
lais ces censeurs téméraires donnent un
faux sens au terme de tentation. Dans l'Ecri-
ture sainte, tenter signifie seulement éprou-
ver, mettre à l'épreuve l'obéissance, la fidé-
lité, la vertu de queliju'un : or, on peut l'é-
prouver autrement qu en le portant au mal ;
savoir, en lui commandant quelque chose
de fort difficile, ou en Un envoyant des af-
flictions : c'est en ce sens que Dieu tenta Abra-
ham (Gen. xxu, l ); que l'aveuglement de
Tohie et les malheurs de Job sont appelés
une tentation ( Tob. ii, 12). Lorsqu'il est dit
IDeut. VI, 16 ) : « Vous ne tenterez. j)oint le
Seigneur votre Dieu, » cela ne signifie pas,
vous ne porterez pas Dieu au mal, mais vous
ne mettrez point sa puissance et sa bonté à
l'épreuve, en attendant de lui un miracle
sans nécessité. La demande de Voraison rfo-
»Hm(ca/f signifie donc : ne nous mettez point
h des épreuves au-dessus de nos forces,
mais doniie/.-nous les secours nécessaires
pour les supporter. Voy. Tentation. Dans la
plupart des exemplaires grecs de saint Mat-
thieu, Voraison dominicale finit par ces mots :
« Parce que c'est k vous qu'appartiennent là
royauté, la puissance et la gloire pour tous
les siècles, aniPrt; » mais ils manquent dans
plusieurs manuscrits très-corrects, aussi bien
que dans saint Luc et dans la Vulgate. Les
jirotestants font un reproche à l'Eglise ca-
tholique de ne pas les ajouter au Pater,
comme s'il était mcontestable que ces paro-
les en font partie. S'ils y avaient vu quelque
chose de contraire à leurs opinions, ils n'au-
raient pas manqué de les supprimer. Un
anglais, nommé Chamberlayne, a fait im-
primer, en 1715, à Amsterdam, l'oraison
dominicale, en cent cinquante-deux langues;
■''un auteur allemand y en a encore ajouté
{quarante-huit, principalement des peuples
t de rAméri(iue; ainsi cette prière se trouve
"aujourd'hui trailuite en deux cents langues.
" Oraison mentale, prière qui se fait inté-
rieurement sans proférer des paroles. On
l'appelle aussi méditation et comtemptatinn,
ou simplement oraison; faire l'ora/son s'en-
tend de Voraison mentale. Elle consiste à se
frapper d'abord l'esprit de la présence de
Dieu, à méditer une vérité du christianisme,
à nous en faire à nous-mêmes l'applicaiioii,
à en tirer les conséquences et les résolutions
propres à corriger nos défauts, et à u.,us
rendre plus fidèles à nos devoirs, soit envers
Dieu, soit envers le prochain. Sur ce simple
exposé, il est déjà clair que cet exercice est
l'âme du christianisme, c'est l'adoration en
esprit et en vérité ijue Jésus-Christ a en-
seignée à ses disci|>les; il est dit cpie lui-
même passait les nuits à prier Dieu {Luc.\i,
12 ) ; ce n'était sûrement pas à réciter des
prières voeales. « Je prierai en cs|)ril, dit
saint Paul, et dans l'intérieur de mon Ame,
(/ Cor. XIV, 15).» Le prophète Isaie disait
déjà, c. XXVI, 9 : « Mon Ame élève ses désirs
vers vous pendant la luiit, et dès le matin
mon esprit et mon cœur se tournent vers
vous. » C'est ainsi que les saints ont jiassé
une partie de leur vie.
Comme le plus grand nombre de nos fautes
vient delà dissipation et de l'oubli des gran-
des vérités de la foi, nous serions sûrement
plus vertueux, si nous étions plus occupés.
« Nous avons péché, dit Jérémie, nous avons
abandonné le Seigneur; la justice et la vertu
se sont enfuies du milieu de nous, parce que
la vérité a été mise en oubli, » c. lix, t. 12.
La science du salut est si importante et si
étendue ! est-ce trop d'y donner chatjue jour
quelques moments? Nous ne devons donc
pas être étonnés de ce que les Pères de l'E-
glise ont fait des traités de la prière, l'ont
recommandée comme un exercice essentiel
au christianisme, de ce que les auteurs as-
cétiques de tous les siècles ont fait tant d'é-
loges de la méditation, de ce que les per-
soiniages les plus éminents en vertu l'ont
regardée comme la plus douce et la plus
consolante de toutes leurs occupations; une
âme sincèrement pénétn-e de l'amour de
Dieu [)eut-eile trouver de l'ennui à s'entre-
tenir avec lui. L'oraison est spécialement
recommandée aux ecclésiastiques, et, sans
ce secours, il est fort à craindre ((ue toutes
leurs fonctions ne soient mal rem(ilies; elle
est rigoureusement ordonnée aux reli-
gieux et aux religieuses par leur règle, et
dans toutes les communautés régulières de
l'un et de l'autre sexe, elle est faite en com-
nuin, au moins une fois jjarjour. Ouamul-
ti|ilié les méthodes et les recueils de médi-
tations, pour en rendre la pratique aisée et
agréable.
Mais les ennemis de la piété ne pouvaient
manquer de tourner cet exercice en ridicule,
de vouloir même persuader qu'il est dange-
reux. Ce n'est, dit-on, que depuis cinq cents
ans (jue l'on a fait consister la dévotion à
demeurer à genoux pendant des heures en
tières, et les bras croisés ; cette ynété oisive
a plu surtout aux femmes, naturellement
paresseuses et d'une imagination vive; de
là vient que tant de sauiles des derniers
siècles ont passé la meilleure partie de leur
vie en contemplation, sans faire aucune bonne
œuvre. Si cela est, ce n'est donc que depuis
environ cinq cents ans que les femmes sont
devenues paresseuses et d'une imaginatioji
H23
ORA
ORA
1124
vive ; ce ph(''nomène serait singulier. Malheu-
rousement l'on a aussi accusé de ces défauts
les solitair('s*(le la Thél)a:de, de la Palestine
et de l'Asie mineure, parce qu'ils méilitaient
aussi bien que les feniines; il faut donc que
l'habitude do la contemplation soit [ilus an-
cienne qu'on ne le prétend. L'on peut s'en
CDUvaincre en lisant les Conférencc.i de Cas-
tifu, qui a vécu au commencement du y siè-
cle, mais surtout la neuvième. Saint Benoît,
qui rccommaniiait i\ ses reliji;ieux la lecture
de ces conférences, forma sa règle sur ce mo-
dèle. Si l'on veut lire les traités d'Origène,
de Tertullien, de saint Cyprien, sur la prière,
qui sont du m" siècle, on verra qu'ils ten-
dent à inspirer le goût de l'oraison mentale,
encore plus que de la prière vocale. Les
auteurs ascétiques des bas siècles n'ont rien
dit de j)lus fort que ces anciens Pères. Il est
faux que les saintes religieuses, dont on bkhne
la contemplation, aient passé leur vie sans
faire de bonnes œuvres; elles ont rempli
exactement tous les devoirs de leur état, et
ont été des modèles de toutes les vertus, de
la charité, de la douceur, de la patience, de
l'indulgence pour les défauts d'autrui, de la
mortitication, de la pauvreté évaugélique,
de la chasteté, de l'obéissance, de l'humilité;
cela se peut-il faire ,-ans bonnes œuvres ?
On dit que la vie contemplative conduit à
l'erreur et au fanatisme; témoins les faux
gnostiques anciens et modernes, les beg-
gards, les béguins, et dans le dernier siècle
les sectateurs de Molinos et les quiétistes.
A cela nous répondons que s'il y a eu des
fanatiques parmi les contemj)latifs, cela est
venu de la mauvaise organisation de leur
cerveau, et non de l'habitude de Voraison
mentale; il y en a eu un plus grand nombre
parmi ceux qui ne l'ont jamais faite. Ce n'est
pas cet exercice qui a inspiré aux incrédules
leur fanatisme antichrétien et la haine qu'ils
ont jurée à toute religion. L'on a reproché
un grain de folie à plusieurs philosophes
anciens et modernes; faut-il en conclure que
les méditations philosophiques sont dange-
reuses par elles-mêmes, et qu'il faut s'en
abstenir? Nous sommes obligés de répéter,
pour la centième fois, qu'il n'est rien do si
saint ni de si utile dont on ne puisse abu-
ser; qu'il faut blâmer l'abus et respect r la
chose. Voy. Intérielir, Théologie mysti-
que.
ORALE (loi). Voy. Loi.
ORAIUUM Voy. Etole.
ORyVTOlRE, lieu destiné à la prière ; il y
eu a dans les campagnes et dans les mai-
sons des particuliers. Un oratoire est dilfé-
rent d'une chapelle , en ce qu'il y a dans
celle-ci un autel , et que l'on y peut dire la
messe, au lieu que dans un oratoire il n'y
en a point. L'on a donné ce nom d'abord aux
chapelles jointes aux monastères, dans les-
quelles les moines faisaient leurs prières et
leurs exercices de piété avant qu'ils eussent
des églises ; ensuite à celles que des parti-
culiers avaient chez eux pour leur commo-
dité; ou qui étaient bâli«s îi la campagne, et
qui n'avaient point droit de paroisse. Dans
le vi" et le vu' siècle , on appelait oratoires
les chapelles placées dans les cimetières ou
ailleurs , qui n'avaient ni baptistère , ni of-
fii'e public, ni prélre-cardinal on titulaire;
l'évoque y envoyait un prêtre quand il ju-
geait à propos d'y faire célébrer la messe.
D'autres avaient un chapelain ou prêtre titu-
laire, lorsque le fondateur l'avait désiré , ou
que le concours des fidèles le demandait.
Dans la suite , plusieurs de ces oratoires ou
cha|ielles , situées dans des hameaux , sont
devenues des églises paroissiales ou succur-
sales , lorsque le nombre des habitants a
augmenté. 11 y avait aussi dans ce temps-là,
comme à présent , des oratoires chez les er-
mites et dans les maisons des particuliers.
Les rois et les [trinces n'ont jamais manqué
d'en avoir , et le titre de maître de l'oratoire
était une charge occupée par un prêtre ; sa
principale fonction était de réciter l'office
divin avec le prince : aujourd'hui c'est un
titre sans fondions. Le conciliabule de Cons-
tanîinople, tenu eu 861 par Photius, défend
de célébrer la liturgie et de baptiser dans les
oratoires domestiques ; mais ce point de
discijdine est établi par des canons plus res-
pectables que ceux de Photius. On trouve
encore , dans la plupart des provinces, des
oratoires placés sur les grands chemins , et
quelquefois au sommet des montagnes, afin
que les voyageurs fatigués puissent s'y re-
poser , et y faire leurs prières. Fo//. 'Cha-
pelle.
Oratoires des Hébreux. Les anciens Hé-
breux, qui demeuraient trop loin du taber-
nacle ou du temple, et qui ne pouvaient pas
s'y rendre en tout temps, bâtirent des cours
sur le modèle de la cour des holocaustes,
pour y offrir à Dieu leurs hommages ; elles
furent nommées en grec Tcpoaexj/^-n, prière ou
oratoire.
I Machab., c. m, v. 46, il est dit que, pen-
dant que la ville de Jérusalem était déserte ,
les Juifs s'assemblèrent à Maspha, parce qu'il
y avait là autrefois, un lieu de prière dans
Israël. lîn effet , c'est à Masplia que Jei)hté
parla aux députés de Galaad devant le Sei-
gneur (Judith , II , il) ; c'est là que les tri-
bus s'assemblèrent devant le Seigneur , pour
résoudre la guerre contre les Biiijamites (xx,
1; XXI, 5), On s'y a-sembla encore sous Sa-
muel (/ Ileg. VII, 5), et pour l'élection de
Saiil (x, 17). Par là môme on voit que ces
oratoires n'étaient pas fort multipliés. Saint
Luc, c. VI, 12, dit que Jésus monta seul sur
une montagne pour prier , et qu'il passa la
nuit à prier Dieu ; quelques critiques tra-
duisent , il passa la nuit dans Voratoire de
Dieu. Act., c. XVI, v. 3 , il dit : « Le jour du
sabbat nous sortîmes de la ville, et nous al-
lâmes vers la rivière , où il semblait que se
faisait la prière, v. 16. El pendant cjue nous
allions à la prière, etc. » npoaeu^n, disent-
ils, signifie dans ces passages Voratoire, et
non la prière. Cela peut être. Philon parle
des oratoires. d'Alexandrie , et dit qu'ils
étaient accompagnés d'un bois sa^'i'é. Saint
Epiphano iiuus apprend que lus oratoires des
Juifs étaient des cours sans couvertures,
I
H2S
ORA
ORD
1156
semblables aux enclos que les Latins nom-
maient forum , et que le Saïuaiitains en
avaient un près de Sichem. Mais quand Ju-
vénal dit, 5a^ ni, v. 13, que l'ancien temple
et le bois sacrc'^ de li nymphe Eij;érie étaient
loués à des Jidfs, il n'ajoute point qu'ils en
avaient fait un oroloire, cela n'est pas même
probable; et ce que le poète nomme /»o«eM-
cha, V. 29G, n'est pas un oratoire.
Dans toutes ces citations nous ne voyons
rien d'assez posiiit'pour en conclure, comme
certains critii[Uos, que les oratoires des .Inils
étaient diiïé'rents des synagogues, ptiisque
Joséphe et IMnion semblent les cont'nndre. Il
s'ensuit encoi'e moins qu'ils étaient ordinai-
rement placés sur des montagnes et accom-
pagnés d'un bois sacré, que c'était la même
chose que les hauts-lirux; ceux-ci sont con-
damnés constamment dans l'Ecriture sainte.
Il n'y a aucune apparence cpic le sanctuaire
du Seigneur, dont il est parlé dans le livre
de Josué , c. xxiv , v. 2() , ait été un de ces
oratoires; c'était plutôt le tabernacle. Toutes
ces conjectures de Prideaux nous jiaraissent
très-hasardées. Histoire des Juifs, 1. vi, c. k.
Obatoire. congrégation do ptélros sécu-
culiers établie en France, l'an IGll, par le
cardinal de Bérulle, poar inslruir > les clercs
et les écoliers. 11 la forma sui' le modèle de
colle do Rome, que saint Philipiic de Néri
avait établie en ISoi-, sous le titre de l'ora-
toire (le Sainte-Marie en la Vallicelle; le
cardinal de Bérulle nomma la sienne ïora-
toire de Jésus, et il fut aidé par les conseils
de saint François de Sales et du vénérable
César de Bus. Au mois de décembre 1611 , il
obtint do Louis XllI des lettres patentes qui
furent t'uregi-trées an parlement l'année sui-
vante, avec cette clause : « A la charge de
rapporter dans trois mois le consentement do
l'évéque, auquel ils demeureront soumis. »
En l(jl3 , Pau] V approuva et conlinna cet
institut; dès ce moment la congrégation de
l'oratoire se répandit et fut établie dans plu-
sieurs villes du royaume.
On ne peut pas en faire un éloge plus flat-
teur que celui qu'en a fait le célèbre IJos-
suct, en parlant des vertus de M. Bourgoin,
second supérieur général, en 1602. « Le car-
dinal de Bérulle forma une com[)agnie à la-
qui'lle il n'a point voulu donner d'autre es-
prit que l'esprit même do l'Eglise, d'autres
règles que les canons, ni d'autres supéricîurs
que les évoques , d'autres liens que la cha-
rité, ni d'autres vœux solennels que ceux du
baptême et du sacerdoce ; compagnie où une
sainte liberté fait le saint engagement , où
l'on obéit sans dépendre , oii l'on gouverne
sans commander, où toute l'autorité est dans
la douceur, et où le respect s'entretient sans
le secours de la crainte; compagnie où la
charité, qui bannit la crainte, opère un si
grand miracle, et où, sans autre joug qu'elle-
même , elle sait non-seulement captiver ,
mais encore anéantir la volonté propre ;
compagnie où, pour former de vrais prê-
tres , ou les mène à la source de la vérité ,
OÙ ils ont toujours eu main les livres saints,
pour en rechercher sans relAche la lettre
par l'esprit, l'esprit par l'oraison, la profon-
deur par la retraite, l'estime nar la pratique,
la fin [lar la charité , à laquelle tout se ter-
mine , et (|ui est l'unique tri'sor de Jésus-
Christ. » D'autres [lersonnages très-ri'S[)ee-
tabk's en ont parlé de même. On peut dire,
à la louange de cette congrégation, quelle est
à peu |)rès aussi pauvre aujourd'hui que
dans le temps de son établissement , qu'elle
n'a presque fait aucune acquisition , et
(ju'ello a toujours donné l'exemple d'un no-
ble désintéresseinpiit. Elle a aussi donné
à l'Eglise et aux lettres des hommes distin-
gués , de grands prédicateurs, de savants
théologiens , des écrivains très-babilos dans
la critique sacrée et dans les antiquités ec-
clésiasti([ues , et de bons littérateurs. 11 en
est sorti d'excellents ouvrages. La |)lupart
des membres qui l'ont quittée, après y avoir
élé in^ruils , ont conservé de l'estime et de
l'attachement pour elle , et ont fait honneur
à la république des lettres. Elle gouverne
aujourd'hui environ soixante collèges et cinq
ou six séminaires. Les protestants mêmes
n'ont pu refuser de rendre , à quelques
égards, justice à cette congr('gation ; iMos
luim en parle avec estime , et nomme plu-
sieurs des sav;uits qu'elle a produits; mais
il donne à entendre qu'elle fut formée par
esprit de rivalité contre celle des jésuites,
et que l'antipathie entre ces deux sociétés
célèbres a timjours élé sensible. Mallieureu-
sement l'éloge qu'il fait de Quesnel et do
son livre, et les torrents de bile qu'il vo-
mit contre les jésuites, contribuent boimcoup
à décréditer son jugement ; la [passion y perce
de toutes parts. Jlist. ecclés., xvii' siècle,
sect. 2, 1" part. , c. 1, § 28 et 32.
OKBIBARILNS, secte d'hérétiques qui li-
ront du bruit vers l'an 1198. C'étaieid des
vagabonds auxquels, selon les apparences, on
donna le nom d'orbibariens, tiré du mot latin
orbis , parce qu'ds couraient le monde sans
avoir aucune demeure tixe. Ils paraissent
être sortis dos vaudois. Ils niaient la sainte
Trinité, la résurrection future, le jugement
dernier , les sacrements ; ils croyaient que
Jésus-Christ n'était qu'un simple homme,
et qu'il n'avait pas soulfert : ils furent con-
damnés par Innocent HI. Comme ils étaient
fort ignorants , on ne voit pas qu'ils aient
subsisté longtemps. D'Argcntré, Coll. Jud.,
tom. 1; Sjionde, ad ami. 1192.
ORDALIE ou OUDÉAL. Yoy. Epreuves
SUPERSTITIEUSES.
ORDINAL. Les Anglais nomment ainsi un
livre qui contient la manière de donner les
ordres et de célébrer le service divin. Il fut
composé après la prétendue réfurmation de
l'Angleterre, sous le règne d'Edo;iard VI,
successeur immédiat d'Henri VIll ; on le
substitua au pontitical et au rituel romain. 11
fut, dit-on, revu par le clergé en 1552, et le
parlement y donna la sanction de son auto-
rité, ]jour qu'il servit de règle dans tout le
royaume. Le Père Lequien , le père Har-
douin, Fernell, et les autres théologiens ca-
tholiques qui ont attaqué la validité des
!127
ORD
ORD
H2!{
ordinations anglicanes, ont 6crit que ïordi-
nal anglican était l'ouvrage de la puissance
séculière. Le Père Le Courrayer, qui a sou-
tenu la validité de ces mêmes ordinations ,
s'est attaché à prouver que ce livre fut l'ou-
vrage du clergé, que le roi et le parlement
n'y eurent point d'autre part que de l'auto-
riser pour qu'il eût force de loi ; mais ces
preuves n'ont pas demeuré sans réplique.
On sait de qui était comi)Osé pour lors le
clergé d'Angleterre : d'hommes qui, en eni-
hrassant l'Iiérésie , avaient perdu tout pou-
V(jir et toute juridiction ecclésiastique, dont
la plupart pensaient que l'ordre n'est pas un
sacrement, et qu'eux-mêmes n'avaient au-
cune puissance spirituelle que celle qu'ils
tenaient du roi. La question est de savoir si
la formule qu'ils ont ét;d)lie , quelle qu'elle
soit, peut avoir aucune force de conférer
des [)ouvoirs spirituels en vertu de l'au-
torité séculière. Les théologiens catholi-
ques soutiennent que non , i[ue cette for-
mule d'ailleurs est insuffisante : le Père Le
Courrayer n'a pas prouvé le contraire. Voy.
Anglican.
ORDINAND , homme qui doit recevoir les
ordres. On voit , par les divers monuments
de l'antiquité , avec quel soin l'Eglise vou-
lait que les ordinands fussent examinés.
Dès le m' siècle, TertuUien et saint Gyprien ;
dans les suivants , saint Rasile , saint Léon
et d'autres Pères , en rendent témoignage,
et cela est prouvé par les canons de plu-
sieurs conciles. Cette discipline parut si sage
à remi)ereur Alexandre Sévère, qu'il voulut
qu'elle fût observée à l'égard des gouver-
neurs des provinces. Lampride, in Yitn Alex.
Set). L'examen concernait non-seulement la
foi et la doctrine, mais encore les mœurs et
la condition des ordinands. On excluait des
ordres tous ceux qui étaient suspects ti'hé-
résie , ceux qui avaient été soumis à la pé-
nitence publique, ceux qui étaient tombés
dans les persécutions, qui étaient coupables
de quelque grand crime , comme d'homi-
cide, d'adultère, d'usure, de sédition, de
s'être mutilés eux-mêmes, s'ils l'avaient com-
mis depuis leur baptême; ceux qui avaient
été baptisés par les hérétiques, ou qui souf-
fraient que quelqu'un de leur famille [lersé-
vérât dans le paganisme ou dans l'hérésie ;
et l'on prenait les plus grandes précautions
pour écarter jusqu'au plus léger soupçon de
simonie. Quant à la condition , l'on n'ad-
mettait point aux ordres les militaires , les
esclaves, ni même les alfranchis , sans la
permission de leurs maîtres ; ceux qui étaient
engagés dans une société d'art ou de métier,
ceux qui étaient chargés des deniers pu-
blics , et qui devaient en rendre compte ,
ceux que nous appelons hommes d'affaires ,
ies bigames , les acteurs de théâtre. Bin-
gham , Orig. ecclés. , 1. iv , c. 3 et i. Qui-
conque est instruit de cette discipline ne
peut pas concevoir comment , dans nos der-
niers siècles, une foule d'écrivains ont voulu
BOUS peindre les pasteurs de l'Eglise des
quatre ou cinq premiers siècles comme des
hommes sans mérite, ou comme des per-
sonnages Q une verlu très-suspecte. Nous
sommes très-persuadés que ces saintes rè-
gles n'étaient pas observées fort scrupuleu-
sement chez les hérétiques; que, dans les
temps de trouble, on s'en est relâché , quel-
quefois par nécessité et par impossibilité de
iaire autrement ; de là cette multitude .l'é-
vêques ariens qui étaient si peu dignes de
leur caractère. Mais enfin ces règles ont tou-
jours subsisté, les conciles ont veillé à leur
observation , et souvent ont dégradé ceux
qui ne les avaient i)as respectées.
ORDINATION, cérémonie par laquelle on
donne les ordres. Dans l'Eglise romaine elle
consiste dans l'imposition des mains de l'é-
voque sur la tête des ordinands, avec une
formule ou une prière , et dans l'action de
leur mettre à la main les instruments du
culte divin, relatifs aux fonctions de l'ordre
qu'ils reçoivent. L'imposition des mains n'a
cependant lieu qu'à l'égard des trois ordres
majeurs ; savoir , l'épiscopat , la prêtrise et
le diaconat. La principale question , qui se
présente sur ce sujet , est de savoir si l'or-
dination est ou n'est pas un sacrement ; les
protestants la regardent comme une simple
cérémonie ; les catholiques soutiennent que
c'est un sacrement, et ils le prouvent.
1" Les protestants même ne peuvent refu-
ser de reconnaître pour sacrement une céré-
monie qui donne le Saint-Esprit , la grâce
sanctifiaiite et des pouvoirs surnaturels ; or,
tel est l'effet de Y ordination. Joan. , c. xx,
V. 21, nous lisons que Jésus-Christ, après sa
résuri'cction, dit à ses apôtres : Comme mon
Père m'a envoyé, je vous envoie; qu'ensuite
il souffla sur eux et leur dit : Recevez le
Saint-Esprit ; les péchés sont remis à ceux
auxquels vous les remettrez , et sont retenus
à ceux auxquels vous les retiendrez. Per-
sonne, sans doute , ne niera que l'effet n'ait
exactement répondu aux paroles. Les apô-
tres reçurent donc une mission semblable à
celle de Jésus-Christ , le Saint-Esprit et le
pouvoir de le communiquer , avec celui de
remettre les péchés. En effet, il est dit [Act.
VI, 6) que, pour établir sept diacres, les apô-
tres leur imposèrent les mains , avec des
prières; c. vin, v. 17, que les apôtres, en
nnposant les mains sur les fidèles baptisés,
leur donnaient le Saint-Esprit ; c. xin, v. 2,
que, pendant qu'ils jeûnaient et célébraient
la liturgie, le Saint-Esprit dit : Séparez-moi
Paul et Barnabe pour l'ouvrage auquel je
les destine ; qu'en conséquence ils conti-
nuèrent de jeûner et de prier ; qu'ils leur
imposèrent les mains et les envoyèrent; que
ces deux hommes furent envoyés par le
Saint-Esprit. Saint Paul écrit à son disciple
ïimothée, c. iv,v. 14. : « Ne négligez point la
grâce qui est en vous , qui vous a été don-
née par l'esprit prophétique avec l'imposi-
tion des mains des prêtres ; c. v, 22, n'im-
posez trop tôt les mains à personne , et ne
participez pas aux péchés d'aulrui; // Tim.,
c. I, V. 6 , je vwus avertis de ressusciter la
grâce de Dieu qui est en vous par l'imposi
tion de mes mains ; car Dieu ne nous a pas
donné un esprit de crainte, mais de force.
il2d
ORD
ORD
4150
fie rhTiid^ et de soIiriiH^. » Il dit aiiT pas-
teurs de l'Eglise d'Eiihèsc; que le S.iiiit-Es-
prit les a établis évè(iues ou surveillants
pour ji;ouvern>'r l'Eglise de Dieu(.lff. xx,28).
Nous ne nous arrùterons point <i r^ifuter
les ditrér.'Utes lournures dont les protestants
se sont servis jiour esquiver les conséquen-
ces de ces passages. En les rapprociiaut et
en les c miparaut, ils nous [)araissent |irou-
ver que les apôtres, en imposant les mains
aux ordinands, ont cru leur doni:er la miune
missiin et les mômes pouvoirs qu'ils avaient
reçus eux-m<Mnes de Ji'sus-Cluist ; qu'ils
ont cru leur communiiiuer le Saint-Esprit et
la grAce néce'isaiie pour remplir lidèleinent
les fonctions de leur ministère ; qu'ils ont
voulu que ces évoques lissent de môme à
l'égard (les nouveaux pasteurs qui devaient
leur succé 1er dans lii gouvernement de l'E-
glise de Dieu. Cela posé, nous demandons
s'il manque quelpie chose à l'ordination
pour (Hrc un vrai sacrement.
2° Nous n'avons point, comme les pro-
teslants, le [)i'ivilége d'entendre l'Ecriture
sainte comme il nous plait ; nous en pui-
sons le sens dans la t aditiou laissi-e par les
apôtres h leurs disciples, et transmise par
ceux-ci à leurs success uirs. Or, dans les
lettres de saint Clément et de saint Ignace,
instruits |)ar les apôtres mêmes, dans les
canons des apôtres qui nous ont conservé
la discipline des trois |)remiers siècles, la
hiérarchie des évô(i;ies, des prêtres et des
diacres, est re|)résentée comme une institu-
tion divine, formée sur le modèle de l'an-
cien sacerdoce; saint Clément, Epist. I ad
Cor., n. 42. Il est dit qu'ils transmettent leur
ministère et leurs fonctions h leurs succes-
seurs, n. k'* ; qu'eux seuls doivent présider
au culte divin, et que les lidèles doivent
leur être soumis ; que l'évoque tient la place
de Jé-iUS-Chrisl, et les prêtres celle des apô-
tres, saint Ignace, Episl. ad Magnes., n. 6;
qu'ils sont ordonnés par l'imposition des
mains, can. apost. 1 ; qu'ils otTrent à l'autel
le sacrilice que Dieu a établi, caa II ; qu'ils
forment un ordre sai^ré, r«». VI ; que les
évèiiucs assemblés doivent décider les con-
testations ecclésiastiques, can. XXX. Voilà
certainement une mission, des pouvoirs, un
caractère et d s foncti ins qui n'appaitien-
nent point aux simples lidèles Saint Irénée,
saint Clément d'Alexiuidrie. Terlullien, Ori-
gèue, saint Cyprien, nous altesleut que cette
(.liscii)line était observée au m' siècle ; elle
était donc la même en Asie, en Al'ri((ue, en
Italie et dans les Gaules ; qui l'y avait intro-
duite '.' Nous ne faisons presque ici que co-
pier les réllexions de deux tliéok>giens an-
glicans, de Bévéridge dans ses Notes sur les
Canons des apôtres, et de Bnigliam dans ses
Origines ecclc'siastiques , 1. m et iv Nous
ignorons pounjuoi ces deux savants, <]m
ont prouvé comme nous que l'institution
des évoques, des prêtres et des diacres, et
les degrés de leur hiérarchie sont de droit
divin, n'ont pas pris la pein ^ d'examiner si
leur ordination est ou n'est pas un sacre-
ment ; comment ils n'ont [)as vu que c'est
Dictions, de Théol. dogmatique. 111.
une conséquence nécessaire des passa-jos
et des nidiuuuents (pie nous yen iDs deci-
tcr. Encore luie fois, si une cérémonie qui
donne h celui qui la reçoit une niission, un
caractère, nue gr;ke et dt'S pouvoirs surna-
turels, n'est pas un sacrement, nous ne sa-
vons j)lus ce (fue l'on doit entendre sous ce
nom.
."?" Le cmeile de Trente n'a donc fait que
conlirmer la doctrine et l'usage re(;us des
apôlres, lorsqu'il a décidé que Vnrdinnlion
(\st un vrai sacrement, ([ui donne h; Saint-Es-
prit, qui imprime un caractère sacré, qui
communique le i)ouvoir dolfrr le saint sa-,
crilice, et d»^ remettre les |)é(;hés, etc., sess.
23, can. I et suiv. Il appuie cette doctrine
sur les ]iassages de l'Ecrilure sainte que
nous avons allégués, c. 1 et seq. Lors(iue les
apôtres et leurs disciples se sont donné des
successeurs par l'ordination, ils leur en ont
transmis, sans doute, la même idée e* la
môme notion (ju'ils en avaient eux-mômes.
Or, les pasteurs de l'Eglise, dans Ions les
siècles, su sont crus revêtus de la môme
mission, du même caractère, de la môme
gr.lce et du môme ministère que les apôtres.
Ea doctrine catholique a (lon(; autant de té-
moins qu'il y a eu d'hommes ordonnés
depuis les apôtres jusqu'à nous. Après
quin/.e siècles il était un peu tnrd pour ve-
nir en enseigner une autre. Nous demandons
aux protestants, qui n'ont point d'ordination
et qui soutiennent qu'il n'en faut point, qui
leur a donné le Saint-Esprit pour mieux en-
tendre l'Ecriture sainte que les disciples des
a;.ôti'es, que les [lasteurs de l'Eglise catho-
lique leurs successeurs, cfue ceux môme
des Eglises schismatiques séparées d'elle
depuis douze cents ans ?
'i-" En effet, les sectes des chrétiens orien-
taux, les nestoriens, les jacobites, les Grecs,
les Arméniens, donnent les ordres comme
les Latins, par l'imposition des mains ac-
compagnée de prières; ils sont p rsuadés
([ue cette cérémonie vient de tradition apos-
tolique, qu'ille confère une gr.ice particu-
lière à ceux qui sont ordonnés, pour les
rendre capables de remplir saintement les
fonctions du ministère dont ils sont char-
gés ; qu'elle met entre eux et les autres
chrétiens une distinction tixe et constante,
par conséquent qu'elle leur imprime un
caiactère ; que celui qui a reçu un ordre
inférieur, comme le sous-diaconat ou le
diaconat , na pas pour cela le pouvoir
d'exercer les fonctions de prêtre ou d'évô-
que, mais qu'd lui t'iut une nouvelle ordina-
tion. Ils sont donc très-persuadés que les
ordres sont un sacrement, et ce n'est pas l'E-
glise latine qui leur a donné cette croyance,
puisqu'ils ont continué à la délester dCfiuis
leur schisme. Ainsi c'est contre toute vérité
que les préteiulus réformateurs ont sou-
tenu que la distinction des ordres et la qua-
lité de sacrement , qui leur est attribuée
par les Latins, est une invention des papes,
inconnue à l'ancienne Eglise. Ces mêmes
Orientaux regardent le sacerdoce comme
un degré de dignité et d'autorité dans l'E-
im
onD
ORD
im
glise, qui ne peut Atre doniif^ que par l'im-
position des mains des évêquos, sncces-
seurs des apôtres ; et ils ne reconnaissent
pour évèq'ies que ceux qui ont reçu Vor-
dination episcopale par les mains d'autres
évéques, et qui, par celte succession cons-
tante. , remontent jus pi'à Jésus-Christ. Ja-
mais ils n'ont cru, comme les protestants,
qu'une assemblée de laïques pût faie des
jirétres ; jamais ils n'ont reconnu pour pas-
teurs légitimes que ceux auxquels lévôque
avait imposé les mains avec les prières et
les céréuionies ordinaires. Perpét. de la foi,
t. V, 1. V, c. 6 et 8.
Fondés sur toutes ces preuves, les théo-
logiens catholiques définissent l'ordination :
un sacremimt de la loi nouvelle, qui d mne
le pouvoir de faire hs fonctions ecclé-
siastiques , et la grAce pour les exercer
sainti-ment. Ils ne sont pas d'accord à dé-
terminer quelles sont la mntière et la forme
essentielles de ce sacrement ; tous convien-
nent que l'imposition des mains est absolu-
ment nécessaire, aussi bien que la prière ;
mais la formule de cette pricre n'est tixée
ni par l'Ecriture sainte ni par aucun mo-
nument des premiers siècles ; eîle n'est
pas littéralement la même dans l'Eglise la-
tine et chez, les Orientaux ; mais le sens
n'est pas différent. La grande question e4
de savoir si la porreclion des instruments,
usitée cîiez 1;'S Latins, est aussi essentielle
que l'imposition des mains. La première
n'a pas lieu dans les Edises orientales, el
cependant leurs ordinations sont regardées
comme vali es. De même qu'un prêtre latin
a toujours été reçu comme tel dans l'Eglise
grecque, ainsi un prôtre grec, s. rien, égy-
ptien, arménien, éthiopien, passe dans l'E-
glise romaine pour validement ordonné ;
mais un prêtre anglican, un ministre luthé-
rien ou calviniste, no sont envisagés chez
les OrientaLix, -«ion phis que chez nous, que
comme de simples laïqn s sans ordination.
Habert, dans son Pontificcd, le Père Morin
etlePèie Goar, .ians leurs Traités de l'Or-
dination, exposent la discipline des Grecs
sur ce |io;nt ; cille des autr s Orientaux y
est conforme. Perpét. de la foi, ibid., c. 7
et 10. Parmi les reirochL'S que les Grecs ont
faits aux Latii,s, nous ne voyons pas qu'ils
lésaient bl.m:;>s d'avoir ajouté à l'imposi-
tion de,i mains la porrectiou des instru-
ments, avec une formule qui y est relative.
Ce symb'ild est en eU'et très-énergique et
très-conven bb\ il est imité d'après la con-
sécraliun d s i,rêtrcs de l'ancienne loi [Exod.
xxis, Sfi. et .3^ ; Num. m, 3, etc.) ; il sert k
distinguer Vordinnlion et les fonctions des
divers ministres de l'Eglise. C'a été un trait
de bizarrerie et de témérité de la jiart des
tnglicans, qui ont conservé l'ordination, de
retrancher la /;orrrc<('(jn des instruments, et
d'imiter le riiC des Orientaux plutôt ijue ce-
lui de l'Eglise romaine, pu s^ue l'on ne peut
pas décider avec une eniiere certitude que
cette porreclion n'est pas nécessaire. Voy.
Prêtrise.
L'ordination des évoques se nomme com-
munément sacre ou consécration. Leur prin-
cipal privilège est de pouvoir seuls ordon-
ner les ministres inférieurs de l'Eglise; ce
jiouvuir leur a toujours (Hé réservé ; ou le
voit par les Canons des apôtres. Silou l'an
cienne discipline de l'Eglise, on ne connds-
sait point les ordinations vagms ; tout clerc
était obligé de s'attacher à une église, de
s'y destiner à uns fonction, pour laquelle il
devait être ordonné. Dans le xW siècle on
se relAcha de cet usage, et il eu est résulté
plusieurs inconvénients ; le concde de
Trente a travaillé h le rètiblir, en défendant
d'ordonner un clerc qui ne serait pas pourvu
d'un titre ou d'un bén lice capable de le
faire subsister. Mais la nécessité de fournir
des vicaires et des desservants dans les pa-
roisses et les églises succursales de la cam-
pagne, oblige lés évoques à ordonner des
prêtres sur un simple titre patrimonial.
Le pape Alexandre îl a condamné les or-
dinations que l'on appelle pcr saltum, c'est-
à-dire qu'il a défendu d'élever aux ordres
majeurs un clerc qui n'am^ait pas reçu les
ordres mineurs, et plus encore de conférer
un des ordres majeurs à celui qui n'aurait
pas reçu l'ordre qui doit précéder, comme
d'ordonner prêtre un homme qui n'est pas
diacre. Quoique plusieurs théologiens aient
soutenu que ces sortes û' ordinations se-
raient valides sans être légitimes, leur sen-
timent n'est pas suivi; et si Ion peut en
citer d 'S exemples, c'étaient des abus. Tout le
monde sait que les femmes sont incapables de
recevoir aucun ordre ecclésiastique, et que
pour être ordonné validement, un homme
doit être baptisé et consentir librement à
son ordination.
ORDINATIONS ANGLICANES. Voy. An-
glican.
ORDRE , caractère , pouvoir , ministère
ecclésiastique , conféré à un homme par
l'ordination (Ij. Le concile de Trente, sess.
(I) Canons de doctrine.
Si quelqu'un dit que dans le Nouveau Testament
il n'y a point de sacerdoce visible et extérieur, ou
qu'il n'y a pas une certaine puissance de consacrer
et d'oiliir le vrai corps et le vrai sang de Noire-
Seigneur et de renieiire et retenir les péchés, mais
que tout se réduit à la commission et au sim-
ple ministère de prêcher, ou bien que ceux qui ne
prêchent pas ne sonl aucimement pivlres, qu'H soit
analhcme. Conc. de Trente, 23" sess., du sacr. de
l'ordre, c. 1. — Si quelqu'un dit qu'outre le sacer-
doce il n'y a point dan. 1 Eglise d'autres ordres ma-
jeurs et mineurs, par lesquels, comme par certains
degrés, on monte au sacerdoce, qu'il soit analli me.
C. i. — Si quelqu'un dit tjue l'ordre ou la saciie
ordination n est pas vérilable.iienl et proprement un
sacreuient inslilue pai' Notie-Seigneur Jesus-Christ,
ou que c'est une invention humaine, imaginée par
des gens ignorants des choses etclêsiasiiques, ou
bien que ce n'est qu'une certaine forme el manière
de ciioisir des ministres de la parole de bieu ei des
sacrements, qu'il soit analhcaie. C. 3. — Si qiiei-
qu'iin di( que le SaiiilEspril n'est pas donné pour
l'ordiualioii sacrée, et qu'ainsi c'est vainement que les
évêques disent: R^ceoeite Huini-E.^prit, ou que, par la
niêiiie ordinadon, il ne s'imprime point de caiactcre,
ou bien que celui qui une lois a été prêtre peut de nou-
veau devenir laïque, qu'il soit anaihème. C. 4. — Si
Ii55
ORD
ORD
H3i
2'', apr^s avoir di'cidé que roi'i'iinalioii est
unsîin'Ciiiriit qui doiinn le Saiiit-'.'^sjirit, et
iiiipriini' un cnfar-tùro ineU'ar.iiiU', distingue
sopt ordrp.i oulie l'i pisfopat ; savoir, trois
oj'dres sacr.'s ou majours, qui sont la ] rô-
trise , lo diacon.it et le sous-daionat , et
quaire ordres mineurs, (]ui sont ceux d'aco-
lyle, d'exorciste, de lecteur cl de portier.
La distinction de ces divers degés. et le
plus (lU luoin^ do [iroxiinité qu'ils ont an
sacerdoce, sont la raison pour lai[uellc on
les a nommés ordres. Le concile di'cide en-
core qu'il y a do droit divin dans 1 Eglise
une ';iér<u'c!iie composée des évoques, des
prètics el des miiiisires ou des diacres. Yorj.
HiÛHARCiiii:, ei les noms de cliaquc ordre en
parliiiijier. Il décide; enlin que les évéqucs
sont, de droit divin, supérieurs aux simples
pri'ti'es. Voy. lieiscorAx, EvÈyuES.
Plusieurs tliéoloi;iens ont disjjuté pour
savoii- si le sous-iliacon it el les ordres ini-
veurs sjiit dtS sacrements, le concile de
Trente ne le décide pas formellement; mais
en prouoni^anl q;ie l'ordre ou l'ordination
est un sairemenl , et en donnant le nom
ù'ordre aux divers de^^rés de ministre qui
approchent ji'us ou moins du sacerdoce, il
Si'uiijlc décider que tout ce qui est ordre
est s-icrement. Il lait remarquer que tous
ces degrés tirent leur diginté et leur impor-
tance de la rel.ition qu'ds ont de près ou de
loin avec l'august." sacrifice des autels, et
avec le pouvoir de remetlre ks péchés.
Aussi le sentiment [irosque général parmi
les théologiens est q .e non-seulement le
sous-d'.aconat, mais encore les quatre or-
dres mineurs sont des sacrements ; t us con-
viennent qu'uii clerc ne peut el ne doit pas
recevoir deux fois lo même ordre; d oi!i l'on
conclut que chacini de ces degrés imprime
un caractère inelfagahle. Les llrecs et les
autres sectes <1(! chrélicns orientaux re .ar-
dent couune d -s ordres lo sous-diaconat ,
l'office de h cleur et celui de chantre ; ils ne
connaissent pas d'autres ordres mineurs.
Perpét. de la foi, t. V, I. v, c. G.
Mosheim, qui semble n'avoir entrepris son
qnoli"in'un dil que l'onction sacrée dont iisc l'E-
gli-c (luiis 1:) sainte ordinal Ion non-seuleiiient n'csl
pa- leiiiiiso, mais (|n'i;lli' iloit itrc lejclèe, et qn'elle
est ficriiiLicu^c, :\u.-.si bien cine les uuUvs céréniunics
lie l'ordre, cin'il so;t aiiatli nie. C. .'î.— Siqnchiu'iindit
que, dans l'Eglise catlioliqne, il n'y a piint d liiéiai-
cliic olalilic par l'ordic de Dien, laquelle e4 compo-
sée d'évitpios, de pr, Ires et de ininisires, qu'il >oit
analhèmo. C. (1. — Si qupl(prMn dil que les évé-
ques ne sont pas snpéiienrs aux pr Ires, ou ([u'îls
n'ont pis la puissance de conférer la coulirnialion et
les (U'jres, ou que Cille i|u'ils ont leur est connnune
avec les prêtres, ou (lue les ordres qu'ils confrent
sans le conscnlenient on l'inlci vcntion du peuple on
de la puissance séculière >ont nuls, ou (pie ceux (jui
ne siinl j) is oiilonncs ni eoiiiiuis bien el legilluienient
par la puissance ec(lésiasli(|ne cl canonique, mais
qui vitMinent d'ailieiirs, sont pourlanl de li'gilinies
niinislies de la parole de Dieu, qu'il soit anadiiMue.
C. 1. — Si (luebpi'un dit que les éviqnes qui soûl
clioisis par l'anlorile du pape ne sont pas vrais et
légitimes évetiues, mais que c'est une iiiveulion iiu-
uiaiue, qu'il soit anallieiue. C. 8.
liist(jire occlésiaslique que pour censurer |a
conduite de l'Eglise catholique, altriiiuc à d. s
motifs peu louables l'instiliilion des ordres
7nineurs. k Au m" siècle, dit-il, les évéques
s'atlribnèi eut bcaucono plus d'antorib'' (pi'ils
n'en av/iii nt eu au|)aravant ; ils diminuèrent
insensiblement 1 s droits , non-S'uleinent
des simples lilèles, mais des prôtres. Un
des principaux auteurs d' cette nouvelle
discipline fut l'évétiue Gyorien, homme le
plus entêté qui fut jamais des prérogatives
de l'épiscopat. Cette innovation ne manqua
pas d'inlrodiiire di'S vices iiarml les minis-
tres do l'Kglise, le luxe, la mollesse, l'arro-
gance, la fureur de disputer. Plusieurs évo-
ques, surtout ceux (jui occnpiiont les plus
grands sièges et les plus riclies, s'arro ■gè-
rent les ilroits et les ornements des souve-
rains , un trône , des ofïiciors , des habits
pompeux, pour en imposer au j^euple. Les
prêtes imitèrent l'excmiile des évéques, né-
gligèient leurs devoirs pour se livrer à la
mollesse ; les diacres, atlen ifs à prciliter de
l'occasion, s'emparèrent des dro.ts it des
fo;.ctions du sa. er.ioce. Telle est, selon moi,
conliniu^ Moshe m, l'origine des ordres mi-
veurs, des sous-diacres, des aco'yies, etc.
L'Kglisc aurait ! u s'en passer, s'il y avait
eu plus de piété et de r.ligion armi ses
pasteurs. Dès que les évéc[':es et les prèlr s
se fuent dispensés des flmctioiis 'ji.i Icut
paraissaient trop basses, les d acres fi-
re:it de même, et voulurent avoir des infé-
rieurs. »
Ainsi la malignité des hérétiques trouve
des sujets de scaiid.rle dans les chos: g les
plus innocrnt s et mèm.' 1 s plus louai/les ;
nous snuteiion- que rm-timlion des ordre/
mineurs a eu des motifs oi nnétialement op-
posés à ceux que Mosiieira a forgés. — 1"
Lorsque les fidèles étaient eiuore jiou nom-
breux, un seul I onime zélé et laborieux
pouvait .HilTire à toutes les fonctions du sa-
cerdoce. Ainsi dans les caniji.gnes in .'eul
curé dessert une paroisse ei.tière, lorsqu'elle
n'est pas fort étoiidue, sans être aidé par des
clens; mais si son troupeau est nombreux
et (iisiribué .ians idusiems hameaux, il est
oliligé de s'associer au moins un vic.nre. De
même dans les premiers s.ècles, à mes re
que la multitude des chr.'liens aug.nenta, et
lorsqu'une égl.se renfermait plusieurs mil-
liers de fidèles, un seul époque ne pouvait
[■lus sufiire à remplir tous le^ devoirs et
foutes les fonctions. Se on l'opinion com-
mune, pendant les quinze premièies an-
n''es, les douze apôtres et plusicms disciples
demeu èrent rassemblés à Jérusalem; tous,
saii> doute, concimraient j). ni lois aux fonc-
tions du sacerdoce ; lorsqu'il, se ti ouvèrent
surchargés , ils s'associe eut -e t diacres
{Acl. VI, 2). Accuserons-nous lesaoôtres d en
avoiragiaiiisiparorgu.dle par mollesse, parce
qu'ils dédaignaient des !onclions qui leur
parurent troj) ba.îSes, par l'auioilion (j 'avoir
des iniéri. urs, parce qu'ils manquaient do
piété et de vraie religion ? Alosladui n'a pas
vu qu'en calomniant les évoques du m* siè-
cle, û donnait lieu aui incrédules de former
!!S3
OSID
ÔRfi
1156
la mê'ine accusation coiiirc les apôtres. —
2' La Imute idée que l'on avait conçue du
saint sacrifice et de tout ce qui y a du rap-
port fit comprendre que lasiiect d'un grand
nombre de mniistres ra.s?cmbl!''S autour de
l'autel, occupés à remplir dill'érenies fonc-
tions, rendait la céiémonie plus auguste,
inspirait plus de piété et de respect aux fi-
dèles. Les apùtres avaient fait de même,
puisque le tableau de la liturgie apostolique,
î-racé dans l'Apocal.pse, nous représente le
pontife qui jiréside assis sur un trône, révolu
il'habits majestueux , enviroimé de vingt-
quatre vieill.iids ou prêtres, et des anges qui
roncourent à la pompe de la cérémonie. Les
apôtres, sans doute, n'avaient pas dessein
d'en imposer au jieiiple, mais de lui impri-
mer le respect et la piété.
Si au m' siècle l'on avait eu, touchant
.l'eucharistie, le môme sentiment (juc les
protestants, l'oi n'aurait pas eu besoin de
tout cet .-ipiiareil. Lorsqu'il n'est question
quB de préparer du pain et du vin sur une
table, de couper ce pain en morceaux, de
réciter les pai'oles de l'instilutidn et d'invi-
ter les assistants à en prendre, à quoi ser-
viraient des ministres de ditlerents ordres?
Jlais l'on n'a jamais ainsi célébré la liturgie
dans 1 Egiise de Dieu. Commi' l'on a tonjours
cru que Jésus-Christ est véritablement pré-
sent sur les autels, on a conclu qu'il devait
y recevoir nos adorations, et que l'on nu
])Ouvait lui rendre un culte top pompeux.
Dès qu'il a plu aux jirotestants de retran-
cher ce culte, il a fallu par iniérèt de sys-
tème l'attribuer à des motifs odieux. En re-
piochant aux catholiques d'imiter les fonc-
tions du sacerdoce judaïque, ils ont jugé
qu'il était mieux de mettre leurs assemblées
au ton de celles des Juifs modem s dans les
synagogues. — 3" Si les fonctions d'un pasteur
catholique n'étaient pas plus étendues que
celles d'un ministre luthérien ou calviniste,
un clergé nombreux serait très-supeillu. 11
ne faut pas une nniltitude d'hommes pour
pièclier, p 'Ur itri'sider à la cène et à la
prière |>ublique. Mais lorsqu'à l'instruction
il fjut joindre l'administration des sacre-
ments, le soin des pauvres, la visite des
malades, la vigilance sur les établissements
de charité, sur la décence du culte, sur Vor-
nement des églises, etc., c'est autre chose.
Les ministies protestants n'ont presque rien
à faire, les pasteurs catholiques sont souvent
surchargés; plus les é\è(iues du ni' siècle
étaient labori.'ux et zélés, plus ils avaient
besoin de ministres inférieurs. Ils ont donc
eu des motds tout différents de ceux que
M osheim leur a prèles, et il n'est [las vrai
que l'institution des ordres mineurs ait donné
lieu aux inconvénients que ce protesant
leur reproche. D'ailleurs les évoques des
premiers siècles comprirent d'abord la né-
cessité de former de jeunes cleics, de les
accoutumer de bonne heure aux fonctions
du service divin, de faire dans la maison
senti l'utilité, puisque cet usage s'est con-
servé jusqu'à nous. Les curés des grandes
paroisses de Paris ont un état aussi cnnsi-
dérab e que quelques évoques, leur clergé
est aussi nombreux, et l'ofiic ; de leur église
est aussi pompeux que celui de plusieurs
calhi'drales. Quand les protestants et les in-
crédules se réuniraient pour soutenir que
ces pasteurs se conduisent par mollesse, par
vanité, par l'envie de s'arroger les droits
et les foncions de l'épiscopat, s'ensuivrait-
il que cela est vrai. — '*° Un nouveau trdit de
maladresse de la part de Mosheim a été
d'aitribuer de l'ambition, du faste, de l'arro-
gance et de la mollesse à saint Cyprien ,
évêque le plus laborieux, le plus zélé, le
plus charitable, le plus exact observateur de
la pauvreté qui fut jamais. 11 était, dit son
accusateur, entêté des iiréfogatives de l'é-
piscopat, c'est-à-dire qu'il était exact à faire
observer dans son clergé la d scipline ecclé-
siastique, l'ordre et la subordination néces-
saires pour entretenir la décence et la paix.
Cette subordination était commandée par les
Epîtres de saint Paul, par celles de saint
Ignace, par les canons des apôtres, plus an-
ciens que saint Cyprien. D'ailleurs cet évê-
que de CarUiage avait-il quelque autorité
dans l'Eglise grecque, pour y faire regarder
comme ordres mineurs l'office des sous-
diacres, des lecteurs et des chantres? Il n'a-
vait pas plus d'influence dans l'Eglise latine,
jaiisqu'à la réserve des évoques d'Afrique,
aucun autre ne voulut adojiter la disciiiline
que saint Cyprien voulait établir, de faire
rebaptiser ceux qui avaii'ut é^é baptisés par
des hérétiijues. Les protestants ont grand
soin de faire remarquer la résistance que fit
cet évèquc aux remontrances des papes, et
le peu de déférence qu'il avait à leur auto-
rité; et en même temps ils s'elTorcent de le
décréd.ter en le peignant comme un honnne
entêté à l'excès des préro iatives di; i'épisco-
pat. — 3" Avant d'atU'djuer tant de vices
aux évoques du nr siècle, il aurait été à
I)ropos de prévoir les conséquences. Si ce
que Mosheim en a dit est vrai, il s'ensuit
que depuis cette époque, et avant même que
le christianisme fût sobilement établi, Jésus-
Christ, loin de tenir à son Egiise les pro-
messes qu'il lui avait faites, l'a livrée à la
discrétion de pasteurs corrompus jiar le luxe
et par la mollesse, orgueilleux, ambitieux,
dis|iuteui's, eiUètés, plus occupés de leurs
prér'Ogalives que du salut des âmes, qui n'a-
vaient ni piété ni vraie religion. Selon saint
Paul, Dieu a donné des pasteurs pour 1 édi-
fication du corps de Jésus-Christ [Ephes. ly,
12i; selon Mosheim, il ne les a donnés que
pour la destruction de ce même corps, et ils
y ont constamment travaillé dans tous les
siècles.
Le seul évêque du m" siècle qui ait res-
semblé au tableau tracé par ce protestant,
est Paul de Samosate, hérétique scandaleux,
condamné et déposé pour ses erreurs et ses
piscopale ce que l'on fait aujourd'hui dans mœurs déréglées; a-t-il été ainsi traité parce
les séminaires. Telle est la véi'itable origine
de l'institution des ordre» mineurs; on en a
qu'il ressemblait à tous ses collègues. Voilà
comm« se laissent aveugler par leurs pré-
1137
ORD
ORD
llôS
jugés (les théologiens protestants qui sem-
bleiii d'dilleurs Cire judicieux el instruits.
Ordre mii itaike. (^ijunne ce qui regarde
les ordres militaires lient |iouf le moins au-
tant à riiistoire civile el jidlitiijue des peu-
ples de rtiurope (|u'à l'liist<iire ecclésiasti-
que, nous ne parlerons des principaux de
ces ordres que i)i)ur exposer les uiotiis de
leur institution, el pour ré|iontli'e à c|uelques
reproches ()ui oui été faits à ce sujet par des
censeurs très-im[)rudenls. 11 n'esl plus né-
cessaire de réfuter les auteurs qui ont voulu
attribuer à Constantin l'institution des or-
dres militaires, et en particulier de celui de
Saint-Cieorge, ni ceux qui ont lait remonter
au VIII* siècle rétablissement de celui de
Saint-André en Ecosse; tout le monde est
aujourd'hui convaincu que la chevalerie n'a
conmiencé que pendant les croisades, el date
seulement de la tin d\i xi' siècle.
L'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, nom-
mé aujourd'hui Vordre de Malte, qui est le
plus ancien de tous, est né dans la Pales-
tine. Il fut composé d'abord de religieux
h(is|]italiers.Queli lues marchands d'Amal|)hi,
ville du rovaumo do Naples, obtinrent du
calife (les Sarrasins la permission d't'tablir à
Jérusalem un hôpital pour les pèlerins indi-
g nts ou malades. Les religieux qui le des-
servaient furent nommés hospitaliers de
Suint-Jean de Jérusalem , parce cpie leur
église était dédiée h saint Jean-IJaptiste.
L'an 1099, lorsijue cette ville eut été prise
par les croisés, rhôi)ital de Saint-Jean fut
enrichi par les princes, qui en firent la ca-
pitale de leur royaume. S lUs Bau louin 11,
l'in lloV, Raymond Dupuy, administrateur
do l'hôpital, offrit de faire avec ses frères et
à ses propres dépens la guerre aux maho-
métans. Ceile offre fut acceptée et approu-
vée par le pape. Aux trois v>i ux solennels
de religion, les hospitaliers en ajoutèrent
un quatrième, par lequel ils s'engageaient à
défendre des insultes des Sarrasins les (lè-
lerins qui allaient visiter les lieux saints.
Ainsi cet ordre, hospitalier dans son ori-
gine, devint mil, taire. Ce n'est point à nous
de rapporter les exploits des chevaliers ni
les révolutions que cet ordre célèbre a es-
suyées; on peut s'en instruire dans l'his-
toire qu'en a faite l'abbé de Vertot. Sur ce
modèle fut in>titué dans la môme v:lle, l'an
1118, Vordre des Templiers, ainsi nommés
narce que la maison habitée par les cheva-
liers é:ait sur l'emplacement du temple de
Ji'rusalem. Les foudateurs furent Hugues
des Payens, Ceolfroi de Saiiit-Aldcmar ou
de Saint-Ouu^r, et sept autres personnes. Cet
ordre fut confirmé l'an 1128 dans le concile
de Troyes, et .Tssujetli à une règle que saint
Iternard dressa puur les chevaliers. Leur
destination était de veiller à la sûreté des
chemms. et de protéger les pèlerins. On sait
que cet ordre fut supjjrimé dans le concile
général de Vienne l'an 1311. L'histoire en
a été écrite par Dupuy, et réimprimée à
Bruxelles en 1751.
L'ordre du Saint-S-'pulcre fut établi l'an
1120, pour garder le saint sépulcre et le pré-
siTver de la profanation des infidèlis. Celui
des chevaliers teulon'ques, ou de Nnfre-
Dame des Allemands, fut encore érigé dans
la Palotine, l'ai 1190, pindant le siège
d'Acca ou de Saint-Jean d'Acre, autiefois
Ptolémaide. Des marchands de Brème et de
Lubeck se vouèrent au service des malades et
établirent un hôpital. Les princes allemands
qui se trouvaient .'i ce siège résoluri'Ut d'ins-
tituer parmi la noblesse de leur nalidu une
coidraterinti'' destinée à celle bonne œuvre.
Elle fut apiirouvée par le pape (]élestin 111,
l'an 1192. Les chevaliers faisaient vœu île
défendre la religion chrétienne et la terre
sainte, et de pourvoir au besoin dos pau-
vres. Lorsqu'ils furent retournés dans leur
piays, Conrad, duc de Ma/.ovie et de Cajavie,
implnr.i leur secours pour se d 'fendre contre
les irruptions des Prussiens idolâtres qui dé-
solaient ses Etats; il leur céda deux provin-
ces et toutes les terres qu'ils pourraient con-
quérir sur ces barbares. Dans l'espace de
cinquante ans, ils conquiriiit en effet la
Prusse, la Lilhuanie, la Poméranie, etc. Plu-
sieiu's savants du Nord ont fait l'histoire de
cet ordre , dont le grand-maitre, Albert de
Brandibour.iJ,, embrassa le lutliéranisi-.ie avec
la plupart des chevaliers, l'an 1523. Les or-
dres militaires, institués en Espagne et en
Portugal, ont eu (lour objet de défendre ce
royaume contre les Maures ou Barbaresques.
Ceux qui ont été établis dans les autres Etats
d'Euio|ie sont d(! simples marques d'hon-
neur par lesquelles les souverains récom-
pensent les sujets qui leur ont rendu des
services distingués, soit dans le nji.itaire,
soit ailleurs. Par ce simiile exposé, il est
évident que les ordres tnilitaires ont pris
naissance dans un temjis oii l'Europe n'avait
que di'ux espèces d'habilai;ts; savoir, les
nobles toujours armés, el les colons toujours
esclaves , et où les premiers cherchaient à
concilier la dévotion avec le métier des ar-
mes. L'objet de leur établissement était
louable, et tous ont rendu d'abord de grands
servies; plusieurs ont ensuite dégénéré ,
c'est le sort de toutes les institutions hu -
mai nés.
Fabricius et d'autres protestants n'ont ap
prouvé ni les croisades ni les services rendus
jiar les ordres militaires ; ils ont dit que les
seuls moyens légitimes de projagerle chris-
tianisme sont ceux dont les apôtres se sont
servis ; savoir, l'instruction, les exemples de
vertu et la patience. Ils ont gémi de re que
la foi clirétietuie a été prêchée dans le Nord
l'épée à la main par les chevaliers teutoni
ques. Ces violences, disent-ils, étaient plus
jiropres à irritei- les barbares qu'à les con-
vertir , elles déshonorent noire religion, et
sont directement contraires à l'esprit da
charité que Jésus-Christ a voulu inspii-er à
tous les hommes. Les incrédules n'ont pas
manqué d'enchérir sur ces déclam itions :
sont-elles aussi bien fondées qu'elles le pa-
rais .ont d'.Miord ? — 1° L'on confond deux
choses Irès-ditférentes, l'objet, l'intention, la
conduite des chevaliers et celle des mission
iiaires. On suppose que les croisades et les
1159
ORD
ORD
ma
exploits militaires des chevaliers avaient
pour premier objet la cnnversion des ind-
(lùles : c'est une fausseté. Leur destination
était de défendre les chrétiens cnnt e les at-
taques, les iusulti'S et la viulcnci! des infi-
dèles , soit musulmans , soit idolâtres ; do
pn'venir leurs iriujitions, de réprimer leur
brigniidafie. Où e.ft le crime? La reli:;ion
cliiélienne, aussi bien que la loi nat'irelle,
défend la violence de particulier îi particu-
lio' , parce qu'ils sont pjotégés par les lois ;
mais elles ne défendent point aux nations
d'o;!poser la forc^ à la forc;^ , la guerre à la
guerre, les repr.'sailles r.u\ hostilités, parce
qu"il n'y a point d'ai.tre moyen praticable
jiour Sfî m tire en silreté. Que les guerricis
si'icnt chevaliers ou soldats, volontaires ou
enrôlés, religieux ou S('culiers, cela est é^^al;
la question se réduit à savoir si le christia-
nisme réprouve 1 usag ■ des armes dans tous
les cas, et si toul exploit militaire est C(in-
dnmné par l'Kvangile Jamais les chevaliers
ne se sont érigés en prédicateurs, et jamais
les m;ssiv>nv!iiires n'ont été a; mes; les liar-
b;ircs étaient des animaux farouches; il fal- •
lait commencer par en faire des hommes en
les domptant parla forc", avant de penser à
en faire des chrétiens : le premier de ces
exploits était l'allaire des chev.-liers, le reste
était réservé aux missionnaires. Lorsque les
guerriers avaient fait leur métier, ils proté-
geaient les miss onn ires, pour que ceux-ci
pussent faire paisiblement le leur. Kncore
une fois, nous ne voyons pas où est le crime.
Quand les chevaliers, con!ents d'avoir forcé
b^s barbares au re- o^, n'auraient pas pensé
à leur uonuT une religion p')ur les appri-
voise-, on ne pourrait pas encore lesjugpr
cou'jables; s'ils ont poussé le zèle de reli-
gion plus loin, nous prions nus adversaires
de nous dire en qu. i ce second motif a pu
ren ire le premier ill ''i:,itime. On dit que ce
moien était pi ;s propre à révolter les bar-
bares qu'il les convertir ; mais le contraire
est prouvé jiar l'événement, p;iis<juenfln ils
se soi.t convertis, et ([ue tout le Nord est
devenu chrétien. Ils ont massacré cent mis-
sionnaires, et ceux-ci se sont laissé égorger
comme les apôtres. — 2° Jésus-Christ, loin
de permet re k ses apôtres d'user de violence
pour convc'tir, leur a ordonné' au contraire
delà soullVir: raîis les apôtres n'ont pas eu
d'abord à instruire des barbares arrivés à
maui armée dans l'empire lomain et occupés
à le ravager; ils prèchaicnl l'Iivangile dans
un pays où il y avait dfs lois, de la police,
un s luverain et un gouvernement bon ou
mauvais. iMais s'ils avaient étéphcés sur
une frontière infestée par des hordes d'A-
rab.'S idolâtres, par dis armées de Perses,
ado; atours du feu, par des bandes de Scy-
thes farouches, est-il bien c 'riain qu'ils au-
raient ordonné aux lidèlesde se laisser mas-
sacrer sans résistance? Nous sonunes per-
suadés qu'ils 1; s auraient encouragés à se
déf ndre ; et .si les Romains victorieux
avaient réussi ti dompter tous ci'S barbares
jiar les armes, les ajiôtres auraient marché
.sans li6>iter sur la li.ice dos armées, et se-
raient allés planter la croix à la place des
aigles romaines. Autre chose était de souf-
fiir patiemment la persécution des magis-
trats, des olhc'ers du prince et du souverain
lu -môme, et autre chose de se laisser tuer
par des barbares étrangers, exerçant le bri-
gandage contre le droit des gens. On répli-
quera que les mahomi'tans étaient en jios-
session de la Palestine lorsque les croi'-és
sont allés les attaquer chez eux. Mais les
empiTCurs grecs n'avaient pas cédé la Pa-
lestine aux mahoraétans par des tr.dtés
solei.nels, et depuis longtemps ils implo-
raiei:t If^ secours des princes chrétiens. Les
mahomélans menaçaient d'envahir l'Europe
entière; ils avaient déjh conquis la Corsi',
la Sicile et mie partie de la Calabre ; fallait-
il attendre qu'ils revinssent pour les re-
pousser? L'événement a prouvé que le seul
moyen de les affaiblir était d'aller les atta-
quer fiiez eux. Il en était de môme des .Vlau-
res à l'égaid de l'Espagne, et des barbares
du Nord rel-itivement aux divers Etats de
l'Allemagne. — .3° Si les chrétiens du xn* et
du \ui' siècl avaient p^'ché dans la manière
de maintenir leur religion, et dans les moyens
qu'ils ont enijiloyés jiour la défendre, ce ne
serait pas aux |irotesiants qu'd conviendrait
de les condamner. Ils ont toujoui'S soutenu
qu'il leur était ]iernds de prendre les armes
contre le souverain, pour obtenir la liberté
de conscience, et pour la conserver lors-
qu'elle leur avait été accordée, et ils se sont
coiid'jils partout selon cette maxime. Nous
voudrions savoir par quelle loi il est plus
p. rinis de faire la guerre au gouvernement
sous lequel on est né, qu'îi des barbares qui
en veulent non seulement à notre religion,
mais à nos biens , h notre liberté et à notre
vie. Les incrédules n'ont pas meilleure grAce
h répéter les reproches des \ rotestanls, puis-
qu'ils st)':iieiinent comme eux que la tolé-
rance illimitée est de droit naturel, que tout
lionnne est autorisé par la loi naturelle à
croire et k professer telle religion qu'il lui
piait, et à défendre ce'te précieuse liberté
par tonte voie quelconque. Nous demandons
pour(}uoi les c' réliens croisés n'ont pas dil
jouir de cette liberté dans la Palestine, aussi
bien qu'en France, ei iiourquui les Alle-
mands convertis au chiisîianisme oui dû
soulfiir que les Prussiens idolâtres vinssent
renverser leurs autels? Votj. Croisades ,
Missions.
OiiniiEs monastiques ou religieux, coii-
grégat on ou société de religieux soumis à
un seul chef, (jui observent la même règle
et portent le même habit. On ]ieut rédidre
les ordirs religieux à cinq classes; savoir,
moines, chanoines réguliers, chevahers ,
clercs réguliers et mendiants : nous avons
parlé de chacun sous leur titre paiticuiier.
Au mot Moine, nous avons esposé l'origine
de l'état religieux, et nous en avons suivi
les progrès dans les ditférents siècles; nous
avons fait voir que cet état n'a rien que de
louable ; que, dans tous les ti'raps, il a rendu
de grands .services à la religion. Au mot
Monastère, nous avons prouvé que les biens
1141
ORD
ORD
1142
f)Oss(^dés par les religieux leur appartiennent
égitiraement, et qii il n'est pas vrai que cette
possession nuise au bien [)iil)'ic. Knliii, au
mot Mendiant, nous avons justiti('^ la nien-
dii^ité ciis religieux iiauvr.'S. Dai's ces divers
articles, nous avons ri'pondu aux accusa-
ticins que les liéiélH^ues , les incrédules et
1' s faux polili(fues ont ibruiées contre l'état
religieux, il nous reste peu de cliosi' <i dire
pour achever d'en t'aiie l'apologie ; elle
nous a paru bien faite dans la brochure in-
titul 'G : rfe rj^tal religieux, qui vient d'être
publiée.
On demande pourquoi cette multitude
d'ordres relii/ieu.r? h (juoi jjon cett.' variété
dhabils et fie régimes? Le cimcile de F.a-
tran, tenu l'an 1215, avait défendu d'établir
de nouveaux ordres; nu concile de Lyon,
tenu soixante ans après, ava:t renouvelé
cette défeiisi^ : jiounpidi a-t-elle été mal ot)-
servée? Nous devons sali-faire h toutes ces
qui'Stions, pour les avantages et les incon-
vénients de la disc.pline actuelle. Nous
pourrions nous borner à ré[)ondro que la
nudlitude et la vai'iétT'des ordres religieux a
eu pour but de contenter tous les goi'its, et
de satisfaire toutes les inclinations. Tel qui
veut embrasser la \ie l'es charir^-ux ne vou-
drait pas entrer chez les bénédictins ou chez
les chanoines ré.;uliers : c.lui ipii se sent
porté à faire profession dans un ordre men-
diant, ne voudrait pas vivre chez les moines
rentes, etc. 11 est étonnani que nos philoso-
phes, si zélés partisans de ia liberté, qui
regardent les v(enx monasiiques comme un
esclavage ii!snpporlal)lp , ne veuillent pas
seulement accordrr à ceux qui aspirent à
i'élat religieux , la Hlierté de clioisir eiitre
les divers régimes auxquels il faut s'engi-
ger par les vœux : nous ne comprenons rien
à cette contradiction. Mais il y a des raisons
plus siilides. La variété îles ordres religieux
est venue des divers besoins de l'Eglise,
dans les ditl'érents siècles et dans les divc rs
climals, et de la ditf.'rence des bonnes œu-
vres auxquelles ils se destinaient. Les lon-
daleurs (les ordres ont vu et senti ces be-
soins chacun à leur manière; ils ne se sont
pas concertés, puisque les uns ont vécu en
Orient, les autres en Occident; les uns au
i\' ou au vr siècle, les autres au xn' ou au
xiir. Ceux qui ont institué un ordre religieux
en Angleterre ont consulté l'utilité, le goi'it,
les mœurs de leur pays, sans s'informer de
ce qui pouvait mieux convenir en Italie ; les
fondateurs espagnols ne se sont pas crus
obligés de savoir si leur institut serait goûté
en Allemagne, etc.
Lorsque saint Benoît dressa sa règle , il
avait sous les yeux celle des moines de la
Thébaïde; mais il comprit que l'austérité de
celle-ci n'i'lait pas supportable dans nos cli-
mats : il fut forcé de la mitiger [iour ses re-
ligieux. Ceux qui ont formé des instituts
dans les pays du ÎSord auraient été des impru-
dents si's avaient imposé à leurs prosélytes
la nuillitnde et la rigueur des jeûnes obser-
vés ;vir les caloyers grecs et syriens. Il a
donc fallu avoir égard au temps, aux lieux,
au ton des mœurs, aux circonstances sous
lesquelles ou se trouvait. La mf luu raison a
diterniiné les pa]ies, loiS([ i's unt ap'Touvé
et coniiniié' les diir''re:ils ordres religieux
récemment établis; ils n'ont consulté que
les besoins et l'utilité do l'iîglisi', relative-
ment au temps et aux lieux ;oiir lesquels les
fondateurs avaiiMit tiavaillé. S'ils avaient eu
l'esprit prophétique, ils auraient prévu les
inconvénients (pu naîtraient loiS(|ue les cir-
constances auraient changé, lorsqu'un insti-
tut formé en Italie serait transporté en
France ou en Allemagne, s:- trou\erait en
concurrence avec un autre, ne pourrait plus
rendre hs mêmes services , etc. Mais ceux
qui sont si prompis à blâmer les papes,
sont -ils eux-mêmes divinement inspirés
pour prévenir les inconvénii-nls (jui résul-
teraient de la suppression de lé at religieux,
de l'unifuruiiié qu'ils voudr.iient y intro-
duire, de l'enlèvement des bi' ns monasti-
ques, etc. Lorsq:'e les ordres religieux ont
été transplantés d'un pays dans un autre,
ils y ont éié epp'eh's et élabl-s par les sou-
verains, par les giands, par les oUieiers mu-
nicip.fux, par les peuples, à canse des ser-
vices particuliers qu ils rendaient , et dont
on sentait l'utilité pour lors. Ce n'est ni par
une fausse dévol'on m par caprice (]ue l'on
a voidu en avoir de plusieurs espèces dans
une même ville ; c'est par besoin, on, si l'on
veut, pour la commodité du public. De tout
temps les honunes de tous les états ont
cherché leur commodité [)our s^tisfair ■ aux
devoirs et aux jiratiques de religion. Si ce
défaut a étt' poussé à de trop grands excès,
ce n'est ni à l'iiglise, ni aux papes , ni aux
évéques qu'il faut s'en prendre ; on aurait
trouvé fort mauvais qu'ils se refusassent aux
désirs des peuples, et ce serait pi rter un peu
trop loin la sévérité que de soutenir (jue les
religieux eux-mêmes ont di'i r. sisler aux fa-
ciliiés qu'on leur d nu ut d'étendre leurs in-
térêts. Nous n'avons garde de douter de la
sa^ess ' et de la solidité des raisons pour
lesquelles les conciies de Latran et de Lyon
avaient défendu, en 1215 et en 1275, d'éta-
blir de nouveaux ordres religieux ; mais c 'ux
qui blâment les papes d'avoir promplement
viole cette défense, en approuvant les ordres
de s iint François et de saint Dominique, ne
consultent ni les dates ni les ciruohsiances.
Saint François avait commencé à rassembler
des disciples d' s l'an 1209, et avait obtenu
la même année l'approbation verbale du pape
Innocf nt IIL Ce pontife ne la renouvela ,
1 an 1210 , qu'après avoir écouté , pour et
contre , l'avis des cardinaux. L'institut des
franciscains ou religieuses de sainte Claire
commença l'an 1212. La défense faite sous
le même'pontife à Latran, l'an 1215, ne pou-
vait donc plus regarder les franciscaiiiS ; et
l'on prétend que saint François lui-même
s'adressa à ce concile, et en obtint l'appro-
bation verbale. Ho.oré III, s iccesseur d'In-
nocent, par sa bulle d ■ l'an 1223, ne fit que
cûuliinier ce qui était (h'ja fait.
Saint Dominique accompagna l'évoque do
Toulouse au concile de Latran, et y fut pré
1145
ORD
ORK
llii
sent ; il y allait piécist^ment pour demander
à Innocent III la confirmation de son insti-
tut. La promesse que lui en lit ce pontife ne
fut pas donnée h linsu ni contre le gré -lu
concile. D'ailleurs, saint Dominique iiortait
déjà l'habit des chanoines réguliers de saint
Augustin, et il prit la règle de ce saint doc-
tenr pour ses relideux. Honon'' III ne pou-
vait donc lui refnser la bulle confirmaiive de
son institut, qu'il lui accorda le 16 décem-
bre 1216. Les dill'éreutes branches de fran-
ciscains qui se sont formées n'étaient point
de nouveaux ordres, mais des réformes d'un
ordre déjh éabli. Qu.uit à la variété des ha-
bits, nous en avons rendu raison au mot Ha-
bit MONASTIQUE. De la variété et de la multi-
tude des ordres monastiques il est résulté,
dit-on, de grands inconvénients; ils ont eu
des intérêts, des desseins, des sentiments
différents ; de là sont nées les jalousies , les
dis! utes, les dissensions, qui ont troublé et
scandalisé l'Eglise. S'il n'y avait eu dans
l'Occident qu'un seul et même ordre reli-
gieux, comme il n'y en a que deux en Orient,
cel4 ne serait pas arrivé. Mais on ne fait pas
attention qu'un seul ordre ne pouvait pas suf-
fire à tous les besoins ni fournir des sujets
pour remplir toutes les espèces de devoirs
de la charité. Enseigner les lettres et les
sciences dans les collèges , soigner les ma-
lades dans les hônitaux , travailler à la ré-
demption des captifs, faire des missions chez
les infidèles et dans les campagnes, remplir
les fonctions du ministère ecclésiastique
dans les villes, catéchiser les enfants du
peujile, etc., ne sont pas de bonnes œuvres
assez compatibles pour qu'un même ordre
religieux puisse s'en charger. Les deux or-
dres de saint Antoine et de saint Basile ont
suffi pour les Orientaux, parce qu'ils ne se
sont consacrés qu'au travail des mains, à la
prière et à la pénitence ; en Occident , les
fondateurs, sans négliger c^s trois objets, se
sont encore propr)sé l'utilité du prochain, et
on ne peut que leur applaudir. C'est ce|ien-
dant cuntre ces hommes respectables que les
incrédules, copistes des protestants, ont éva-
poré leur bile. Ils disent que le vœu d'obéis-
sance, imposé aux religieux, fait assez con-
naître quel a été le motif des fondateurs
d'ordres ; chacun d'eux a voulu se former
un (-mpire, devenir une esi;èce de souverain,
commander despotiquement à ses sembla-
bles; ma s il en est résulté un désordre dans
la société civile. Dans tous les temps un
moine se crut plus oldigé d'obéir à ses su-
périeurs sjiirituels et au pape, qu'au souve-
rain, aux lois, aux magistrats de son pays.
Dans tous les siècles des moines fougueux,
excités par leurs chefs, sont devenus de
vrais incendiaires dans les pays chrétiens.
Avec un peu plus de sang-froid, les en-
nemis de l'état religieux auraient vu que
leuis calonniies sont réfutées par des faits
incontestables. Plusieurs saints sont devenus
fondateurs û'orares sans l'avoir jiiévu;
lis s'étaient retirés dans la solitude, sai.s
vouloir y entraîner personne ; la bonne
odeur do leurs vertus leur a procuré des
disciples qui sont allés les chercher dans
leur retraite, et se mettre sous leur conduite.
C'est ce qui est arrivé à saint Benoit, à
saint Bruno, etc. D'autres ont lefusé d'être
supi'rieurs généraux de leur ordre, ou se
sont démis de cette charge le |)lus tôt qu'ils
ont pu, et se sont réduits à la qualité de
sim; les religieux. D'autres enfin ne sont
devenus chefs d'ordres que par la ré orme
la plus sévère qu'ils y ont établie, et en
donnant les premiers l'exempJe de l'obéis-
sance. Où sont dans tous ces cas les marques
d'ambition ? Sans l'obéissance aucun ordre
ne jiourrait subsister. Aucun de ces fonda-
teurs n'a établi pour maxime que l'obéis-
sance aux supérieurs spirituels et au pape
dispensait les religieux d'être soumis au
souverain, aux lois, aux magistrats. Aucun
ne s'est cru en droit de fonder un monastère
sans la permission et l'agrément du souve-
rain et des magistrats. Souvent ce sont les
souverains eux-mêmes qui ont invité les
fondateurs ou les chefs d'ordres à venir
s'établir dans leurs états, et ont doté ces
établissements. Les religieux ont donc été
attachés au souverain par reconnaissance
aussi bien que par la qualité de sujets. Les
rois ont toujours été les maîtres d'admettre
ou non sur leurs terres tous les ordres reli-
gieux quelconques ; nous cherchons vaine-
ment les laisons et les prétextes sur lesquels
un religieux pourrait refuser l'obéissance
aux lois et aux souverains. Nos spéculateurs
politiques n'ont pas mieux rencontré en
imaginant que les papes n'ont approuvé et
confirmé les ordres religieux, qu'atin d'avoir
h leur disposition une milice toujours prête
à épouser les intérêts du siège de Rome, au
préjudice des évêques et des sou'verains. Ce
ne sont point les papes qui ont suscité les
fondateurs, ni qui ont fait éclore de nouveaux
ordres, puisqu'ils n'ont fait nue les confirmer ;
souvent ils en ont refusé 1 approbation pen-
dant plusieurs années. Ils n'en ont confirmé
aucun contre le gré des souverains ; souvent,
au contraire, ce sont les souverains qui ont
fait solliciter les bulles ii Rome. Mais nous ne
finirions jamais, s'il nous fal'ait réfuter toutes
les fabl'S,les visions, les calomnies absur-
des, par lesquelles les hérétiques et les incré
dules ont ch rché à noircir l'étal religieux.
ORÉBITES. Voij. HussiTES.
OREILLE. Ce mot dans l'Ecriture sainte
est souvent pris dans un sens métaphorique,
surtout lorsiju'il est attribué à Dieu. David,
dans plusieurs jisaumes, conjure le Seigneur
de prêter une oreille attentive aux prières
qu'il lui adresse, c'est-à-dire qu'il le supplie
de l'exaucer. Sap., c. i, v. H), il est dit que
Voreilie jalouse de Dieu entend les murmures
secrets Oes impies, et cela signifie qu'ils lui
sont connus. Ps. x, v. 17, Voreille du Sei-
gneur entend les désirs du cœur des pauvres.
En parlant des hommes, découvrir l'oreille
à quelqu'un, revelare aure»i, c'est lui appren-
dre une chose qu'il ignore [1 Reg. xx, 13);
Jui faire dresser l'oreille, c'est le rendre
atteiUif et docile [hai. l, k et 5) ; lui percer
Voreille, c'est lui inspirer une # obéissauce
ll-tô
ORG
ORl
1116
entière {Ps. xxxix, 7). Ce dernier sens fait
allusion à l'nsase établi chez, les Hôhrciix de
pei'cer l'oroV/f à l'esclave ([ui ('onscntail à uo.
jamais nuilter son maître , cl ([ui rcnoiiç.iit
au pi'ivilc}j;c de recouvrer sa lihcric priidant
l'année jubilaire ou sabbatiiiue ( Dnit. xv.
17). Jc.siis-Clirist dit souvent dans l'I'.vanj^' le
que celui qui a des nreillcs pour entendre,
écoute : Voreille désigne ici ruitellijieuce.
Le seiirneur dit à Isaie, c. vi, 10 : AçKjravcz
ou appesantissez les oreilles de ce peuple,
c'est-à-dire laissez-le l'aire la sourde oreille
et s'endurcir ctuitre vos discours. Ce pro-
l)hèle n'avait certainement ])as le pouvoir de
rendre sourds ses auditeurs. Saint Paul, II
Tint., c. IV, y.'.i, aii|)elle démangeaison des
oreilles l'empressement d'ujjprendre (juelque
chose de nouveau.
* ORGANIQUES (Articles). N<nis avons donné une
appréciiilion eoniplètp des ailicici ()fgaui(|ues dans
noM-e Dicl. de Tliéologie morale. Nous nous conten-
tons ici d'engager nos lecteurs à consulter le Dic-
tionnaire de M. l'abbé Proinpsault sur la jurispru-
dence civile et religieuse, pidjlié en ti ois volumes par
M. l'abbé Migiie.
ORCiUKlL. Sans toucher à ce que les phi-
losophes moralistes |)euvent d're pour dé-
montrer 1 injustice et les funestes cflets de
l'orgueil, nous imus contentons d'ol)^erver
aue c'est un des vices le |)lns souvent con-
damnés <ians l'Ecriture sainte. Tobie disait
à son (ils, c. iv, y. IV: « Ne laissez jamais
régner l'ori/itei/ dans vos sentiments ni dans
vos discours ; ce vice est la source de toute
perdition. » Suivant la inaxiinc de Salomon
\Prov. XI, 2), « Vorf/ueil est toujours suivi
<le l'opprobre, et l'îiumilité est la compagne
insé[iarable tie la sagesse. » L'Ecclésiastique
nous avertit que l'orgueil est odieux à Dieu
et aux hommes, que c'est la source de tons
les crimes, même de l'apostasie ; que celui
qui en est coupable sera maudit et pc'rira ;
que c'est le vice pour lequel Dieu frapne et
détruit les nations et les particuliers (x, 7,
li, etc.). Les pro})hètes ont souvent t'ait aux
Juifs la même leçon; ils leur ont déclaré que
c'était principalement pour leur orgueil que
Dieu les punissait.
Jésus-Christ a souvent reproché ce vice
aux |ihaiisiens et aux docteurs de la loi ; par
la parabole des talents, il nous apprend que
nous ne devons point tirer vanité de nos
talents naturels, parce que ce sont des dons
de Dieu purement gratuits, de l'usage des-
quels nous serons obligé's de lui rendre
com|)te, et il dit ({ue l'on demandeia beau-
coup a celui auquel on a beancou|> donné.
Il nous défend de nous enorgueillir de nos
vertus et de nos iionn's œuvres, parce que
ce sont encore des giàces que Dieu nous a
faites, et que nous n'aurons aucune récom-
pense à espérer de lui si nous voulons en
recevoir la ghjire en ce monde. Par la para-
bole du pharisien et du publicaiu, il nous
montre I orgueil réprouvé de Dieu et l'hu-
milité récoui; ensée ; il fait i)rofession de
cnerchei- en toutes cho.ses la gloire de son
Père, et non la sienne. Suint Paul a répété
Udèlemeiit les initructiùns de ce divin Maî-
tre; en parlant de toute espèce de grrtce, il
demande : « Qu'avez-vons que vous n'avez
reçu (/ Cor. iv, 7).» Il exhorte les tidèli s >>( se
regarder mutuellement comme inférieurs les
uns au\ autres eu gr'ce et en vertu ; et il
leur propose )iour nio'èle rinimilité de
Jésus-Chtist [Philip, ii, 3). C'est par orgueil
(lue les Juifs furent indociles h la doitiine
ir: Sauveur; ils ne purent se résouidre i\
recevoT pour maitre un homme tpii n'avait
pas été instruit à leur école, qui leur repi'o-
chait leur vanité, qui all'ectail d'enseigner
jiar préfirence les pauvres el les ignorants.
Le même vice les rendit encore rel)elles à
la ])ré(lication des apôtres ; ils ne pouvaient
sciullrir que le don de la foi et la gnlce du
salut fussent accordés aux païens aussi bien
qu'A eux; ils se croyaient les seuls objets des
liromesses et des bienfaits de Dieu, et cet
orr/Kc// insensé [lersévère encore parmi eux.
Par orgueil, les phdosoplies païens, con-
vaincus de l'absurdité de leur doctrine, ne
vouhnent pis y renoncer entièrement et so
soumetlie h la simplurité de la foi prêclu-e
parles docteurs clnétens; ils voulurent
concilier les dogmes révélés avei- leurs s\s-
tènii s, et ils enfantèrent ainsi les premières
hérésies. La même passion a dominé les
héiésiaiques de tous les siècles ; la | lupart
auraient reconnu leurs erreurs, seraient
revenus à résipiscence, si la fausse honte de
se dédirr- et de se rétracter ne les avait pas
rendus opiniâtres. Cette même maladie rè-
gne encore parmi les incr^Vlules de notre
siècle ; il leur parait indigne d'eux de penser
et de croire comme le peuple ; ils se jugent
laits pour être les maîtres, les docteurs, les
oracles des nations ; el ces hommes si fiers,
si hautains, si remplis de méiris pour les
autres, ne sont dans le fond que les esclaves
d'un sot orgueil.
OHIENT. Les Hébreux désignaient Varient
par kedem, qui signilie le levant, |)arce que
c'est de ce côté que le soleil s'avance; les
Giecs et les Latins l'ont nommé par la
même raison le côté de la lumière. Dans les
livres saints, l'orient se prend souvent pour
les pays qui s nt à Voricnt de la Judée,
comme l'Arabie, la Persi', la Chaldée ; dans
ce sens, il est dit que les mages viiu'ent de
l'orient pour adorer le Sauveur ; quelquefois
pour l'orient de Jérusalem ; ainsi était située
la montagne des O.iviers (Zucii. xiv, 4) ;
d'aiilrefois pour le côté oriental du taberna-
cle ou du tem|ile [Levit. xvi, li). Mais il
désigre absolument le coté du lever du soleil,
Matth. XXIV, 27, où il e^t dit que la foudre
part de l'orient à l'occident. Lorsque Isaio
di>, c. XLi, V. 2, que Dieu a fait sortir le Juste
de l'orient, cela signilie eu gé.éral un [lays
éloigné, parce (|ue les Juifs ava ent peu d.'
connaissasce des peujiles oci-identaux, des-
quels ils étaient séjiarés parla .Méditi rranée
(.'est pour la même raison qu'ils ininiuiaienl
l'occident, ou l'Europe, les iUs, parce qu'ils
ne cùiiuais^aien' guère de ce cùté-iii (jueles
haiiiants des i s t^e Chy[)re. de Candie et
les autres de l'Arciiipei. Le prêtre Zacharie,
pcii'Jaot du Messie» dit que Dieu nous a visi'
4147
ORl
ORI
lus
tés de l'orient du ciel {Luc. i, 78) ; parce qu'il
compare le M'ssie au soleil. Ce passage ftiit
évidemment allusion à ce qui est dit diins le
prophète Z;icliarie, c. ni, v. 8 : « Je ferai
venir mon serviteur VOricnl. » Et c. vi,
T 12 : « Voici un tiomine dont le nom est
VOricnt, il naîtra de kà-m^^me, et il bâtira
un teniple au Seigneur. » Ceux qui clierchent
à détourner le sons des prophéties, disent
qu'il est question là de Zorobabel, parce
qu'il était venu de Babylone : mais il est
dit que cet homme sera prôlre et roi ; cela
ne peut convi nir ni <i Zorobabel ni au grand
prêtre Jésus, lilsde Josédecli. Aussi le para-
phrasle chaldéen et les ancii'us docteurs
juifs ont appliqué constamment cette pré-
diction au Messie. L'usage des premiers
chrétiens était de se tourner du côté de
Varient pour prier Dieu, et l'on était per-
suadé que cette pr.dique venait des apôtres.
En biUissant les anciennes basiliques, on
eut l'attention de placer le poriail à l'occi-
dent, et le chicur avec l'autel à Varient;
ainsi sont encore tournées la plupart des
anc'ennes églises. Les Pèn'S donnent ditlé-
rentes raisons mystiques de cet u sage. iVo<f«(/c
Ménardsw leSaeram. de saint Gre'goire, p. 69.
ORIENTAUX (chrétiens). L'on comprend
sous ce nom, 1" les Grecs schismatiques ;
2° les jacobhes syriens, égyptiens ou cophtes,
et les Ethioiiiens ; 3" les nestoriens de la
Perse et des Indes ; 4-° les Arméniens ; tous
ou ])resque tous sont séparés de rE:.;lise
catholique depuis douze cents ans. Nous
avons parlé de chacune de ces sectes sous
leur nom particulier. On a montré dans le
livre de la Perpétuité de la foi, par des té-
moignages incontestables, et surtout par la
liturgie de ces ditférentes sectes, qu'elles ont
la même croyance que l'Eglise romaine sur
tous les dogmes qu ■ les protestants ont re-
jetés et contesti'S, tels qui' la présence réelle
de Jésus-Christ iians l'eucharistie, la traus-
subslantiation, le sacrifice de la messe, l'a-
doration du sacrement, le culte et l'invoca-
tion des saints, le nombre tlessar-reraents, etc.
Vainement les protestants ont voulu argu-
menter contre ces preuves, ils ne sont pas
venus à bout de les anéantir ; aucune de ces
anciennes sectes n'a voulu fraterniser avec
eux ni sou-crire à leur confession de foi;
i-ls sont rtgardés comme hérétiques chez les
Orientau. aussi bien (jue chez nous. De là
même il resuite évidemment que les dogmes,
les rites, les usages ré|)rouves par les pro-
testants, sont plus anciens dans l'Eglise chré-
tienne que le v° siècle; que ce ne sont point
des erreurs et des jbus intio luits dans les
temps d'ignorance et de barbarie, des su-
perstitions inventées par les moines ou par
les papes, comme les prétendus réformateurs
ont osé le soutenir. Les Orientaux n'ont
certainement emprunté de l'Eglise romaine
aucun dogme ni aucun nsage^ depuis leur
schisme avec elle, fuiisqu'ils ont toujours
fait profession de la délester. Si ces mêmes
dogmes et ces usages avaient été absolument
inconnus pendant h^s trois premiers siècles,
et imaginés seulement au iv', les docteurs
schismatiques, cliarmés d'avoir des griefs
contre les catholiques, n'auraient pas man-
qué de réprouver toutes ces inventions ré-
C!'ntes, et de dire comme les )irotestants,
qu'il ialîait s'en tenir à ce cpie Jésus-Chnst
el les apôtres avaient établi. Cependant, au
y siècle, il devait être plus aisé qu'au xvi'
de savoir ce qui venait ou ne venait pas des
ajiôtres. Il semble cpie Dieu ait conservé,
chez ces sectes anciennes, la môme doctrine
et la même discipline pendant douze cents
ans, afin qu'elles servissent de témoins en
faveur de l'Eglise catholique contre les accu-
sations des protestants. Avant la naissance de
ceux-ci, les théologiens catholiques connais-
saient très-peu les oiiinions, les usages, les
mœurs des O/vV/Uawx; l'on s'en rapportait à ce
qu'en avaient dit des voyageurs ou des mis-
sionnaires assez mal instruits. Mais comme
les protestants ont voulu persuader que ces
anciens soctaires pensaient comme eux, et
ont fait des tentatives pour leur faire signer
des confessions de foi captieuses, les ton-
troversistes catholiques n'ont rien négligé
jiour connaître avec une entière certitude la
doctrine et la foi des Orientaux. L'on a
recherché et l'on a publié non-seulement les
professions de foi solennelles qu'ils ont
données, mais les livres de leurs [irincipaux
docleurs, et surtout leurs livres liturgiques;
et l'on a déposé à la bibliothèque du roi les
monuments anthentiques de leur croyance.
11 ne resie plus aucun doute sur dt impor-
tant sujet de controverse, et les protestants
ne peuvent rien opposer de solide aux con-
séquences (pii en résultent contre eux. Ils
disent : Mnigié la profession que font les
sectes orientales de ne point toucher à la
doctrine des apôtres, elles s'en sont néan-
moins écartées touchant l'Incainatiou et
d'autres dogmes ; donc la même [irofession
que fait l'Eglise romaine ne prouve pas
q Telle n'a point innové.
Réponse. L'écart des sectes orientales a
été sensible, il a fait grand bruit, il a causé
un schisme ; c'est une partie qui s'est sépa
rée du corps, une branche cpii s'est déta-
chée du tronc; mais a^ant le xvr siècle,
quel bruit, quel schisme ont causé les pré-
tendues innovations de l'Eglise romaine? d.3
quel corps s'est-clie détachée? C'est ce qu'il
faut nous apprendre. Us disent, en second
lieu, que depuis le sc!:isme des Orientaux,
le préjugé tiré du consentement des Eglises
ajiostoliques ne subsiste |)lus.
C'est une fausseté. Tertullien a très-bien
remarqué que to ites les Eglises né-s de
celles quioutétéfondéesparlesapôtres, etqui
sont en communion de foi avec elles , sont
ap stoliques comme elles ; tel est le cas de
toutes les Eglises catlioliques de l'Occident
à l'égard de l'Eglise romaine. Les protes-
tants ont si bien senti la force do l'argu-
ment que fournit contre eux la croyance des
Orientaux , qu'ils ont fit tous leurs etlorts
pour les unir à eux. Toutes ces sectes pen-
sent avec nous et contre les protestants qu'il
y a une Eglise visible et enseignante que
tout lidèle doit écouter, quoiqu'elles n'ac-
1149
ORl
ORI
il90
cordent point ce tilro à l'Eglise romaine
Celte discussion th(^oloL;iquo a produit d'ail-
Icurs un grand bien; dei)uis (pie les sectes
orientales sont niii'ux connu s , l'on a trn-
vaillé avec plus de zèle à les rr'comilier à l'K-
glise calholiipie. Parles souisdes papes, par
la protection des snuverains de l'Hurope ,
])ar les succès des uiissionnaiies, il s'est fait
des conversions et des réunions , non-seu-
li'Mient parmi les pen[)les , nia;s parmi les
évoques schisnialifjues ; le nond)re des di-
vers sectaires dinnnue tous les jours, et, h
Il réserve desGrecs, les autres sectesoi ienta-
les semblent toucher deprès.Meur extinction.
Il ne faut [las trop se lier h ce qu'a dit Ki-
cbar I Simon , dans son ouvrage intitulé :
Ilhtoire critique de la rrni/(invc et des cou-
tumes des nations du Levant. Dans la Perpé-
tuité de la foi, t. V, I. i\, c. 9, l'abbé He-
naudot a fait voir ipie Simon n'était pis as-
sez instruit ; (pi'il n'avait pas consulté les
livres d. s nations dont il parle, et qu'il s'est
livré trop souvent à de v;iines conjectures.
Couune il a fait imiirimer son livre en Hul-
lande, il a frupiemment adopté ou favorisé
les projets des piole-tants ; et c'est pour cela
même qii'is l'ont tant loué. C'est lui qui ,
'un des premiers, s'est avisé de dire que
les sentiments îles jacobiles et des nesto-
rieiis ne sont i!cs hérésies que de nom ; La
Croze et d'autres protestants l'ont répété ;
nous avons [trouvé le contraire. Voy. Jaco-
BiTi:s, Nkstoriens, etc.
Orientaux (philosophes). Voî/. Gnostiqi:es.
OHKîÈiNE, célèbre docteur de l'Eglise, né
l'an lirS, moit l'an 253. Il fut disciple de
Clément li'Alexandrie; il enseigna comme
lui dans l'école clirétieime de cette ville, et
fut surnommé Adamantins , infatigable , à
cause de son assiduité au travail, de la mul-
titude de ses écrits et de son courage dans
les épreuves auxi|uelles il fut exposé. 11
soutl'iit iiendaiit la persécution do Dèce , et
il ne tint pas h lui de rcmiiortiTla cournnno
du martyre, à l'exemple de saint Léonide son
p,'i-e. il fiit élev' au sacerdoce ]iar les évé-
(pu'Stle la Palestine, et il donna pendant toute
sa vie dî s exemples héroïques de vertu, il
convertit h la foi chrétienne une tribu d'A-
rabes, lit rentrer d.uis le sein de l'Eglise [ilu-
sieurs hérétiques , étoull'a ] lusieurs erreurs
naissantes, et il laissa un grand nombre de
disciples qui ont fait honneur à l'Eglise. La
medieure édition de ses ouvrages a été don-
née |iar 1 s Pères de la Uue , oncle et ne-
veu, bénédictins, en quatre volumes in-folio,
dont le dernier a été publié en 1739. Le jiie-
mier lome renferme quelques lettres d'Ori-
gène, ses livres des Principes, un Traite' de la
Prière, une Exhortation au Martyre, et les
huit livres contre Celse. Les irois suivants
contiennent les conmiontaires de ce Père sur
les ditlerents livres de l'Ecriture s :inte ;
mais il en avait fait un plus grand nombre
et d'autr. s écrits qui ne sont pas veims jus-
qu'à nous. Un a placé dans le quatrième tnme
1 ouvrage de .M. Huet , intitulé Or/f/c/u'a/io ,
dans Iccjuel ce savant évèque discute les
opinions d'Origène avec beaucoup d'csacti-
tude. Le traité intitulé Origenis pnilocalia ,
qui se trouve après les livres contre Celse
dairs l'éditinji de Spencer, in-i% n'est point
d'Origène lui-même; c'est un reçu il d'en-
droits choisis de ses ouvrag(>s, fait l'ar saint
Basile et [lar saint Grégoire de Nazian/e.
Quant au travail qu'il avait fait sur le lextc
et sur les versions de l'Ecriture sainte, roy.
UeWVI.F.S et OCTAPLES.
il n'est aucun Père de l'Eglise (jui ait joui
d'une plus grande rénutation , qui ait été
cx|iosé h de plus cruelles éiireuves , et s r
le({uel on ait porté des jugements plus op-
posés. « Sa vie, dit Tillemoiit, son esjtrit ,
sa sci(>nce, l'ont fait d'aboid admirerde tout le
monde; il a été encore |)lus fameux par la per-
sécution cpii s'est ensuite élfsvée contre lui,
ou par sa faute , ou par malheur, ou pir la
jalousie que l'on avait conçue de sa ré[)uta-
tion. Il s'est vu chassé de sun [lays , déposé
du sacerdoce , excomnuniié mémo par son
évéïpie et par d'autres, en même temps q:ie de
glands saints soutenaient sa cause , et que
])ieu semblait se d;clarer pour lui, en fai-
sant entrer par lui dans la vérit '■ et dans le
sein de son Eglise des hommes qu'elle re-
gard ■ comme ses jilus grands ornements.
A|>rèssa mort il a eu le mèum sort (]ue [lon-
dant sa vie. Les saints mômes se sc.nt tiou-
vés opposés les uns aux autres sur son sujet.
Des martyrs ont fut son apologie, et des mar-
tyrs on! fait des écrits pour le condanuier.
Les mis l'ont regardé comme le pluS grand
maîtie qu'ait eu l'Eglise après les apôtres,
les aut es l'ont détesté comme le père des
héré ies qui sont nées après lui. Ce dernier
parti s'est entin rendu si fort dans l'Orient,
par l'autorité d'un emjiereur qui voulait être
le maître et l'arbitre des alVaires de l'Eglise,
([u'Origène a été fi'appé d'anaihème, soit par
le ciiKiuièmo concile œcuménique, soit ]iar
un autre tenu vers le môme tem,;s, et qui a
•été suivi en ce point par tous les Grecs. »
Méni., tom. III, pag. kG't.
Aujourd'hui encore les jugements des mo-
dernes toueliiuit la doctrine de ce Père ne
sont pas plus uniformes que ceux des an-
ciens. Les |)rot estants, toujours mtéressés à dé-
primer les Pères, <e lui ont fait aucune grâce.
B.iyle, Le Clerc, Beausobre, .Mosheim, Bruc-
ker , Barbeyrac et d'autres, l'ont censuré
avec un excès d'amertume ; ces grands jiré-
dicateurs de la tolérance, (pii excusent tous
les hé.étiijues , s'arment de la foudre poui'
accuser les Pères de l'Eglise. Parmi los cri-
ti([uescatiioiiques, les uns ont été beaucoup
plus modérés et plus indulgents (jue les au-
tres ; les savants éditeurs ^iOrig ne l'ont sou-
vent justitié contrôla censure Imp sévère de
M. Huet. Ce qui fait le plus d onneiir à
Origène, c'est la modération avi c laquelle il
a repondu à ses ennemis. Butin et saini Jé-
rôme rapportent des fragments d'une lettre
qu'il éciivit après avoii- été excdunuuniépar
révè([ue d'Alexandiie. Il cite les pan. les de
saint Judo; il dit que ,-aint ■.luhel i e voulut
prononcer aucune malédiitioii contre !• dia-
ble, ipiede le menacer du jugemenl de Dii u;
ensuite il déclare quii veut user de mode
1151
ORI
ORl
uni
ration dans ses paroles aussi bien que dans
son manger. « Je me contente, dit-il, de lais-
ser mi'S ennemis et mes calomniateurs au
jugement de Dieu; je me cois plus obligé
d'aviir |iiti6 d'eux que de les bar, et j'aime
mieux prier Dieu qu'il leur fasse miséri-
corde que de leur souhaiter aucun mal, |)uis-
que nous sommes nés pour prononcer des
bénédictions et non des malédictions. » Il
se plaint ensuite de ce que l'on a corrompu
ses écrits, et qu'on lui en suppose d'autics
dont il n'est pas l'auteur. Il désavoue enlin
l'erreur qu'on lui attribue, de croire !■ sa-
lut futur des démons. Tillemont , ibid. Ce
n'est pas là le ton d'un bérétique obstiné.
Tous ces censeurs, sans exe ption, sont for-
cés de rendre justice à la bea lé de son gé-
nie et à l'étendue de ses connai--sances; mais
comment concilier avec la pén-Hralion de son
esprit la grossièreté dos e: reurs, soit philo-
sop' iques, soit tbéologi(|ues, dont on l'ac-
cuse? Voilà d'abord ce qu'il n'est pas aisé de
concevoir. Dans les canons grecs du cin-
quième concile, il est condunné pour avoir
enseigné, 1° que dans la Trinité, le Père est
plus grand que le Fils, et le Fils plus grand
que le Saint-Esprit. Sur ce point, Bullus ,
Hossuel, Huet lui-même et les éditeurs d'O-
rigène , l'ont justifié. Saint Albaiiase , saint
Basile, saint Grégoire de Nazianze , avaient
déjà jiris sa défi-nse; pouvait -il avoir des
afiologistes plus lespectabbs? Voy. Oiig.,
de Prhicipiis , 1. iv, n" 28. 2° Que les ;hiies
humaines ont élé créées avant les corps, et
qu'elles y ont élé renfermées en punition
des péchés qu'elles avaient commis dans un
état antérieur. M. Huet fait voir quOrigine
n'a proposé cette opposition qu'en doutant,
et sans l'approuver, de Principiis , \. u ,
c. 8, n° 4 et o. 3° Que l'Ame de Jésus-
Christ avait élé unie au Verbe avant l'incar-
nation. M. Huet fait encore voir qu'Origène
ne l'a point soutenu dogmatiquement et po-
sitivement. 4° Que les astres sont animés ,
ou sont la demenre d'une âme intelligente et
raisonnable. C'était l'opinion de la plupart
des anciens philosophes ; mais M. Hi:et cite
plusieurs passages qui prouvent q'A'Origi'iie
en doutait. 5' Qu'ajuès la résurrection, tous
les corps auraii ni une ligure sphérique. Les
éditeurs û'Origcne conviennent que telle a
été son opiidon , ma s elle ne lire à aucune
conséquence. G° Que les tourments des dam-
nés uniraient i.n jour, et que Jésus-Christ,
qui a été crncilié pour sauver les hommi'S ,
le serait une seconde fois pour saurer les
démons. L'on ne peut pas nier qu'Origène
n'a t cru que le s ipjtlice des damnés tii, irait
un jour, et (jue peut-être les démons se con-
vcrtnaient; mais loin d'avoir pensé q ie Jé-
sus-i;brist seiait crucifié une seconje fois ,
il argumente sir le [irix infini de la mort du
Sauveur, s ir ce qu'il est dit que cette mort
a été le jugement du monde, etc. Ajoutons
que |uand il aui-ait eifecti enient enseigné
toutes es crr uis, d bisa [)0 ir ain i dire ré-
traitées d'.;vaa e par la piofession de foi
nu'il a mise aaus la préface de ses livres (/es
Principes, dflns 1'u.jucro i! ,j:.l:n^."■o^■s dog-
mes révélés dans l'Ecriture sainte d'avec les
opin'ons sur les(|uelles il est permis à un
théologien de rechercher et de propo'-er ce
qui lui paraît le [ilus probable ; il déclare
formellement que l'on ne doit regarder
comme vérités que ce qui ne s'écarte point d»
la tradition ecclésiastique et apostolique. Si
les partisans d'Origène avaient élé aussi do-
ciles et aussi soumis à l'Eglise que lui , ils
ne se seraient pas avisés d'ériger en dogmes
des opinions qu'il n'a proposées qu'en dou-
tant, et iis n'auraient pas attiré sur lui une
condamnation ((ui a flétri sa mémoire.
Brucker, mécontent de la manière dont
M. Huet a justifié ou excusé la plupart des
opinions d'Origène , attribue à ce Père d'au-
tres erreurs beaucoup plus grossie, es et plus
pernicieuses, comme d'avoir enseigné, non
la création proprement dite , mais l'émana-
tion de la matièi e hors du sein de Dieu, et d'a-
voir borné la toute-puissance divine ; d'avoir
cru que Dieu, les anges et les âmes humaines
ne peuvent subsister sans être revêtus d'un
corps subtil ; d'avoir admis en Dieu , non
trois Pei sonnes, mais trois substances, etc.
Brucker prétend que le savant Huet n'a pas
saisi les vrais sentimenis d'Ortoène , parce
qu'il n'a pas connu le système de philoso-
phie que l'école d'Alexandrie avait adopté,
et qui était un mélange de philosophie orien-
tale et de platonisme. Selon lui , en rappro-
chant les ditférentes opinions d'Or/^eVic , on
voit qu'elles se tiennent et dérivent toutes
de l'hypothèse des émanations, qui en est la
clef. Uist. christ, philos., t. 111, 1. ni, c. 3,
§ 16, j). 4-43. il n'a fait que copier Mosheim,
Hist. christ., s.'bc. 5, §27, p. 612 et suiv. Bel
exemple des travers de l'esprit systématique 1
Où est la preuve de ce fait essentiel? Ori-
gène , disent ces censeuis , a certainement
suivi le système des émanations , puisque
c'était celui des ])hilosophes d'Alexandrie,
dont il avait été disciple. Et comment s'a-
vons-iious que c était là leur système ? C'est
que Plotin, Porph.re, Jarablique, etc., phi-
Ius0|ihes païens et instruits à la même école,
le soutenaient. Mais parce que des raison-
neurs païens rejetaient le dogme de la ciéa-
tioii clairement enseigné dans l'Ecriture
Sinnte,s'ensuil-il que des docteurs chrétiens,
tels que Pantœnus, Clément d'Alexandrie et
Origene, le rejetaient aussi? Il s'ensuit le con-
traire, et leurs ouvra;;;es en font foi.
En effet, 1° Origêne , dans son traité des
Principes, liv. ii, c. l,n° 4, professe formel-
lement le dogme de la création , et il le
prouve par un raisonnement sans réplique.
« Je ne conçois pas , dit-il , comment de si
gran s hommes ont pu admettre une matière
incréée qui n'a |)as été faite par Dieu, (Téa-
teur de to>ites choses, et dont la nat re et la
ca-aci!é sont un effet du hasard. Ils accusent
d'impiété ceux qui nient nue Dieu aii fait le
mon le et qu'il le gouverne, et ils commet-
tent le même crime en disant que la ma-
tière e:-t incréée et coélernede à Dieu
Comment ce ciui s'est trouvé par hasard a-
t-il pu sullire u Dieu pour faire un si grand
ouvrage , pour y exercer sa puissance et sa
n?!5
ORI
CRI
IKSl
sa ;osse p>ir la ronslrurtion et l'nrrAngomoiit
(lii monde? Cela m • pnrait trùs-ai)sur lo et
digne de gens qui ne conçoivent ni l'iiitclli-
gence ni la |.uissance d'une nature ineieée...
Si Dieu avait fait la n)ati^re, serait-elle autre
qu'elle n'est, et plus |)ropre à ses desseins?»
Originf a très-bien compris , 1° que ce t(ui
n'existe point par la volonté d'un être intel-
ligent est l'elTet du hasard ou d'une néces-
sité aveugle; 2' que c'est Dieu qui |)ar sa
puissance et par son intelligence, ou par une
volonté libre , a réglé la quantité , l'éten-
due , la capacité , les propriétés de la ma-
tière. Tout cela est-il compatible avec le
système des émanations ? Ce Père prouve le
dogme de la création par les passages de l'E-
criture sainte dont nous nous seivons en-
core. 11 cite les j)aroles du second livre des
Machabées, c. xwn, v. 28, où il est dit que
Dieu a tout fat de rien, ou de ce qui n'était
lias. 11 cite le livre du Pasleitr, Mmul. /, qui
lépète la môme chose. linsuite ces mois du
psaume cxlvui, v. 5 : 7/ a (/// et tout a été
fuit; il a commandé et tout a été créé. « Par
les premieis mots de ce texte , dil Oriyne ,
le Psalmiste p.iraît avoii' entendu la sub-
stance de ce qui est ; par les suivants , les
qualités avec lesquelles la substance a été
torniée. » 11 nes'i^xprime pas d'uni» manière
moins décisive, dans son Commentaire sur le
premier verset de la fùnise el adleurs; cnlin
il admet expressément la création d- l'es-
prit, L. Il de Princip., c. 9, n" 2. Mos!ieini
ni Urucker ne sont pas iia.iionnables d'avoir
dissimulé ce fait , et d'avoir toujours argu-
menté sur la sup|iosition contraire. Or, le
dogme de la créatii>n une fois admis, le sys-
tème des émanations et toutes les consé-
quences que nos deux critiques ont voulu
en tirer tombent [)ar terre. Des que Dieu
opère |)ar le seul vouloir, il s'ensuit que sa
puissance est inlinie, que la création a été un
acte très-libre de sa volonté, (jue la matière
n'existait pas auparavant , que Dieu bii a
donné telles bornes et telles Ibrnies qu'il a
voulu, elc. Voy. Création. Si l'on nous ré-
jiond qu Origène n'a pas compris toutes ces
conséquences, que souvent il n'est pas d'ac-
cord avec lui-même , et qu'il contredit sa
propre doctrine; donc ses cmseurs ont tort
de vouloir faire de ses opinions un tout lié,
suivi, conséqu 'Ut dans toutes ses parties, un
SiStème complet de philosophie i>uisé dans
les lei;ons (J'Ammonius et de l'école d'A-
lexandrie. Le fait certain est qu'Oriycnc, en
[larlaut de la naissance de la matière , ne
s'est servi ni du terme d'émanation ni d'au-
cun autre équivalent. Nous ne concevons
pas comment le savant Huel a pu allribuer
ri Origène le système des émanations , Ori-
gcnian., lib. n. q. 12, n" 4- ; comment il a pu
l'accuser d avoii borné la puissance de Dieu,
ibid., c. 2, q. 1, n° 1, ni comment les éditeurs
de ce Père, qui l'ont justilié sur tant d'autres
articles, ne font pas défendu sur celui-là. On
comprend encore moins connnent Brucker a
pu pousser l'entêtement systématique jus-
qu'à piétendre que le système des émana-
tions est la base de toute la philosophie d'O-
riijène , Tlist. crif. philos., t. V, p. 4 '..'). (t
(pie, dans son style, toutes choses oiU été
créées I ar émanation, t. VI, pag. 6i6. Nous
soutenons que, dans le s'yie de ce Père,
création et ematiation sont deux idées con-
tradictoires.
2° An mot Esprit, nous avons fait voir
qn'Origène a reconnu et prouvé la parfaite
spiritualité de Dieu; donc il est impossible
qu'il ait supposé que la matière est sortie du
sein de Dieu jiar émanation, ni que Dieu ne
peut être suis un corps; Dieu avait-il un
corps avant d'avoir créé la matière?
3" Loin d'épouser les sentiments d'aucun
de ses m litres, ce Père conseillait h ses pro-
pres disciples de s'abstenir de ce défaut, do
ne s'attacher à aucune secte ni à aucune
école, mais de choisir dans les écrits des di-
vers philosophes ce qui paraîtrait le plus
vrai ou le plus probalili; ; en un mot, de sui-
vre la méthode des éclectiques, (^'est la leçon
qu'il avait donnée à saint Crégoire Thau-
maturge et à son frère Athénodore, Grat.
paneg. in Origen.,u. 13; mais dans les ma-
tières théologiques il leur avait recommandé
de ne se lier iju'à la parole de Dieu, aux pro-
phètes ou aux hommes inspirés de Dieu,
ihid., n. 14. Saint (Irégoire atteste qu'Ori-
gine ne manqua jamais de confirmer ses pré-
ceptes par son exemple, n. II, et l'on veut,
nous persuader que, conti'e la rè^ile qu'il
jircscrivait, il suivit constamment la doc-
trine d'Ammonius son maître, et de l'école
d'Alexandrie.
4° Dans les articles Emanation, Platonis-
me, Théologie mystique, nous réfutons le
prétendu mélange fait dans cette école de la
philosophie des Orientaux avec celle de Pla-
ton ; cette hypothèse n'est ni prouvée ni
probable; ceux (|ui l'ont imaginée n'ont pas
pu nous .lire en quel tenqis, par qui, ni de
quelle manière la doctrine des Orientaux a
pénétré en Egypte. Les gnostiques qui la
suivaient ne prétendaient point l'avoir reçue
des Egyptiens, mais de Zoroastre et des au-
tres philosoplies persans ou indiens ; Bruc-
ker en est convenu ; or, dans les livres de
Zoroastre que nous avons h piésent, on ne
trouve ni le système des émanations ni les
conséquences absurdes ijuc les pliilosophes
d'Alexandrie en avaient déduites. Plotin,
après avoir étudié pendant plus de dix ans
la philosophie, sous Ammonius, entreprit le
voyage de l'Orient |)our aliCi apprendre celle
des Orientaux; donc elle n'était pas ensei-
gn.'c en Egypte. Ce fut l'an 243, et alor.s
Origène n'était plus à Alexandrie, il en était
so.ti l'an 242.
Après avoir renversé le fondement sur lequel
Mosheini et Brucker ont ap|)uyé leurs accu-
sations contre ce Père, et les plans qu'ils ont
dressés de sa doctrine, il serait inutile de les
réfuter en détail; nous l'avons fait dans pi -
sieurs articles de notre ouvrage. C'est sur-
tout h l'éiiard de ce grand homme que nos
deux critiques ont abusé de la méthode d'at-
tribuer .1 un auteur, par voie de conséquence,
des erreurs qu'il n'a jamais tnisi ignées ex-
pressément, qu'il a peut-être môme désa-
lias
ORl
ORl
H30
vouûes, mcHlioOe qu'ils ont bl;1mée avec ai-
greur, lorsque les Pères de l'Ej^liso s'en sont
servis avec i)liis de raison à l'é,i,ard des héré-
tiques. Pour calomnier plus corninodi-iu -n»,
ils ont dit qu'Oriç/ène avait une doid)!e doc-
trine ou d ux systèmes de pliilosopliie di!-
fcrents, l'un ])Our le vulgaire, l'autre pour
les lectouis int-lligcnts et instruits. Nous
pourrons ajouter foi à cette accusation, lors-
que ces grands critiques nous auront mon-
tré distinctement les articles qui appai' len-
ncnt à chacun de ces systèmes en particu-
liei'. ils se sont éjà réfutés eux-mêmes, en
rassemblant tout ce que ce Père a dit, pour
en former un corps de doctrine com])let,
suivi, raisonné et constant. Nous ne ]>ardon-
nons )vs non plus à Moslieim d'avoir écrit
qu'Ori'jène accordait à la philosojih e ou à la
raison l'empire sur toute la rclifjion. Hist.
Chris., ssec. m, § 31. Le contraire est déjà
prouvé par sa profession de foi, que nous
avons citée, mais encore mieux iiar sa lettre
à saint Grégoire Thaumaiur^'\ Op.Aom I,
p. 30. 11 dit, n. 1, que la philosophie n'est
qu'un pr-liiile et un secours pnur parvenir
à la doctrine chréti inne, qui est la lin de
toutes les études. 11 ajoute, n. -2, que très-
peu de ceux cjui se sont appliqués à la p'ii-
losop!de en ont tiré une véritab e utilité,
que la plupart ne s'en sont servis que pour
enfante- des hérésies. 11 conclut, n. 3, q e
pour bien entendre l'Ecriture sainte, il faut
que Jésus-Christ nous en ouvre la porte,
qu'ainsi le secours le plus ellicace est la
priè.e. Nous voyons avec plaisir Moshei u
rendre justice aux vertus morales et chré-
tiennes tVOrig'ne, et avouer que personne
ne les a pratiquées avec plus d'iiéroism" ;
quant à sa doctrine, ce critique a poussé K
l'excès la préoccupation et l'inconséquence.
D'un côlé il fait le plus grand éloge de ses
talents; mais il ne veut pis reconnaître en
lui un génie original et profond, tjui tuvait
ses idées de lui-môme : il n'a fait, dii-il, que
co,'ier et suivie les opinions plnhisophiques
de ses maîtres; défaut e il lui attiibucdjux
eu trois systèmes profondi-ment raisonnes,
dans lesquels brille la plus line logique, et
que lui seul a puôlre capable de créer; trou-
ve-t-on la même supériorité de génie dans
lesautresdiscipiesd'Ammonius?/7/s<.c/ir/s<.,
sœc. 3, § 27, pag. 603 et suiv. 11 dit qu'0;-(-
gvne n'est pas C(mstant dans ses opuiions,
qu'il en change, qu'il embrasse le pour et le
contre suivant le boson; cependant il lui
prête un vlan de doctrine lié, suivi, unifor-
me, fondé sur des principes desquels il pré-
tend que ce Père ne s'est jamais écaité. Il
blâme les orig:-n;stes qui voulurent ériger
en autant d dogmes les doutes, les ques-
tions, ics conjectures modestes et timides
de leur maître, et il imUe leur injustice et
leur témérité. Après a\'oir loué le travail
immi-nsc que cet homm ■ iidat gable entre-
prit |iour cumparer le texte hébreu avec les
versions dans ses Hcxaplcs, il dit cpie ce tra-
vail ne peut avoir que très-peu d'utilité ;
qn'Orig'ne lu.-même n'eu fit aucun usage
dans ses Commentaires sur rEcriturc sainte,
parce qu'il ne s'attachait pas au sens littéral, ,'
mais au sens mysliipie, et que, par ses exem-
ples aussi bieu que par s^s préceptes, il en-
gageait les auties h faire de même. Mais, •
comme il paraît que les Hexaples et les Oe- >
tapies d'Origènc ont été les dern ei s de ses "v
travaux, il n'est pas étonnant qu'il ne s'en
soit pas servi dans ses Commentaires qui
av"ientété faits longtmps auparavant ; d'ail-
leurs ni ses préceptes ni ses exemples n'ont
diMourné le prêtre Hésychius, le maityr Lu-
cien et saiMt Jérôme, d'étudier le texte hé-
breu et d'en donner des versions. Sou ou-
viau,e aurait donc été utile <i tous les siècles,
s'il n'avait pas péri dans le sac de la ville
de Césarée par les Sarrasins, l'an G53; c'a
été le germe et le modèle des Bibles poly-
glottes. Voy. Hexai'les.
Pour juger d ■ la capacité d'Origêne, il faut
savoir que cet infati.;al)le écriva;n avait fait
svu' l'Ecriture sainte trois sortes d'ouvrages,
des commentaires, des scholies et des ho-
mélies. Les commentaires et les scholies
étaient pour les savants; il s'y attachait prin-
cipalement au sens littéral, il y faisait usage
non-seulement d s ditrérentés versions grec-
ques de la Bible, mais aussi du texte hélireu.
IJans les homélies, qui étaient pour le peu-
ple, il suivait la version des Sejit.inte, et se
bornait ordinairement au sens allégorique,
duquel il tirait des leçons pour les mœurs.
Voy. la Note de Valois sur l'Hist. eecle's.
(l'iîu>ièbe, liv. VI, c. 37, oii cela est prou-
vé par les témoignages de Sédulius, de Bufin
et de saint Jérôme. Mais les critiques n'ont
pas été assez équitables pour avoir égard à
ces divers genres de travail. 11 est évident
qu'Origène, sortant, pour ainsi dire, des éco-
les de philosoplde, vers l'an 230, fit ses li-
vres des Principes, non pour dogmatis^^r,
mais jiour essayer jusqu'à quel point l'on
pouvait concilier les opinions des ph loso-
phes avec l'Ecriture sainte. Celle-ci est tou-
jours la base de ses spéculations; souvent,
à la vérité, il ne prend pas le vrai sens des
passages, mais aussi il ne parle qu'avec le
doute le plus timide; il fait de môme dans
sa Préface sur la Genèse et ailleurs. Etonné
de l'abus que l'on faisait de ses ouvrages, il
écrivit sur la fin de sa vie au pape siint Fa-
bien pour lui témoi.nerson repentir. Saint
Jérôme, lipist. 4-1, ad Pammach., 0[:)p. t. IV,
col. 3i7. Ainsi lorsqu'il a été condamné par
le cinquième concile général, cette censure
est moins tombée sur lui que sur les dispu-
teurs entêtés, qui voulaient faire de ses dou-
tes autant d'articles de croyance ; il n'en
était pas moins mort dans la paix et la com
muuion de l'Eglii-e deux cents ans aupara-
vant. .Mais ou lui a fait un crime de ce mé-
lange de la philosophie avec la théologie,
l'on en a exagéré les conséquences f;kheu-
ses. Comme cette prétendue faute lui est
commune avec les autres Pères de l'Eglise,
nous aurons soin de la justifier aux mots
Pkres, PuiLOSOPUiE, Platonisme. On n'a pas
relevé avcc moins d'affectation celle qu'd
commit réellement en se mutilant lui monte,
soit pour éviter tout danger d'impudicitë,
Ï157
ORÎ
ORI
1158
soit pour prévenir tout soiipron désavanta-
geux à l'égard des personnes du sexe qu'il
instruisait. 11 a eu la bonne foi de eon lain-
ner lui-niûuio sa conduite, lioin. 15 ii> Mutt.,
o. 1 et suiv. .Moslieiin convient (|ue l'on a
eu tort de l'en bl-lnier avec lanl (i',n;-^reur.
Cette action l'ut défendue dans la suite par
les lois ecclésastiques. Les critiques protes-
tants lui ont encore reprociié son goût ex-
cessif poui' les ailéf^ories, la sévérité de sa
moi aie touchant la chasteté conjugale, les
austérités, les secondes noces, la virgini-
té, e'c. Y<iy. Allégoiue, Bigame, CuAsrEiÉ,
MouTii'iCATiON, Testament, etc. Les anciens
ennemis de ce Pôie poussèrent l'entètcMnent
jusqu'il l'accuser d'avoir a[)prouvé la magie
il'icite, et de n'y a\oir trouvé aucun mal.
Beausolir ■, Ilist. de Mnnich., t. II, 1. i\, c.
13, p. 801, a réfuté cette accusation. Mais
il a commis une injustice manifeste envers
ce Père, en afiirmant qu'il a en(scigné ro|)i-
nion de la transuiigraiion des Aaies ; nous
ferons voir le contraire au mot Tuasmicra-
TioN. Le vrai malheur d'Orignie est d'avoir
eu des disciples obstinés à souteuT tout ce
qu'il avaii dit bien ou mal, et à r(nlendre dans
un sens qui n'avait jamais été le sim. La
même chose est arrivée îi saint A'iguslin.
Entin, quelques auteurs ont écrit i]u'Ori(fnie
avait succouibé pendant la [icrs/'cution de
Dôce, et avait jeté de l'encens dans le foyer
d'un autel pour se soustraire à un traite-
ment abominable dont on le mena(;ait; et
des personnages respeciables ont ajouté foi
à ce récit. Mais il n'est pas croyable qu'un
homme aussi courageux qnOrifjênc ait ainsi
contredit les leçons qu'il avait données k
tant do martyrs, et que de tant d'ennemis
qui l'ont noirci après sa mort, aucun n'ait
i'jil mention de cette odieuse accusation ;
tant il est vrai qu'une grande réfiutalion est
souvent un très-grand malheur!
OIUGÉNlSTES.On a ainsi nommé ceux qui
s'autorisaient lies écrits d'Origène poursoute-
nii- que Jésus-Christ n'est Fils de Dieu que
par adoption, que les unies humaines ont
existé avant d'èire unies ,\ des corps, que les
tourments .les ilanniés ne seront point éter-
nels, ((ue les démons mêmes serdut un jour
délivrés des to .rments de l'enf r. Quelques
moines de l'Egv te et de la Palestine don-
nèrent dans ces erreurs, les soutinrent avec
Oiiiniàtreté, et ci usèrent de grantls troubles
d .lis l'Eglise; c'est ce qui attira sur eux la
ceiism'e du cinquième concile général, tenu
à Constantiuo. le l'an So-'J, dans l.iquelle Ori-
gène lui-même s'est trouvé enveloppé. Les
oiiçji'nistvs étaient pnur lors divisés en deux
sectes, qui ne suivaient ni l'une ni l'autre
tout s les opinions faesses qui se trouvent
dans les livres d'Origèn-. Ceux qui soute-
naient que Jésus-Chr.st net it Fils de Dieu
que jiar adoption, [irétendaient aussi qu'au
jour do la résu.rection générale les apôtres
seraient rendus égaux à Jésu.s-Ciirist ; pour
cette raison ils furent nouimés isochrislrs.
Ceux qui enseignaient que les àines humai-
nes avaient existé avant d'être unies à des
corps, fureut aussi appelés protoctistes, nom
qui dé.signait leur erreur. On ne sait pa.s
]iouiqiioi ces derniers furent, api'elés t('trn
(litrx ou entêtés du nombre de quatre. Il ne
faut ]i.is confondre cet orirje'nisme avec les
erreurs d'une autre secte dont les partisans
furent aussi nommés orifiénistes ou oriqé-
niciis, parce ipi'ils avaient eu pour chef un
certain Origène, personnage très-peu connu.
Ils condamnaient le mariage, et so;iteiiaient
que l'on jiouvait innocemment se livrer aux
impudicités les plus grossières. Saint Epi-
phane et saint Augustin, qui ont parlé de cet
origénisme imjiur, convi iiiienl ([ue le cé:è-
hre Origène n'y a donné aucun lieu; ses
écrits ne respirent que l'amour de la chas été.
OKKIINEL (péché). L'on entend sons ce
te iine le péché avec lequel nous naissons
tous, et qui tire son origine du péché de
notre premier père Adam. Yoy. Adam (1).
(I) Canons de doctrine snr le poché originel.
Si quelqu'un lie leconiuiii p;s qu'Adam, le |ireinier
lioniine, ayaiil Iransgrebsé le cuMiniandemeiil de Dieu
itaiis le paradis, est détim de I étal de saiiileU el de
justice dans lequel il avait élé établi, et par ce péclié
de desobéissance et celle prévarication a encoiun la
colère de Dieu, el, en conséquence, la mort dont
Dieu l'avait auparavant nienaee, et, avec la nnirt, la
ca|)livilé sous la puissance du diable qui depuis a eu
l'empire de la mort, et ([ue par celle ofl'eiise el cette
prévarication, Adam, selon le corps et selon l'àine, a
été 1 liangé en un pire état, qu'il siiil anaihenie. Conc.
de Trente, 5°sess., du peclié originel. — Si (pielqu'un
sonlienl que la )iiévarication d Adam n'a élé preju
diciable (pi'à lui seul el non p;is aussi à sa poslciité,
el qe.e ce n'a élc' que pour lui, el non pas aussi piiur
nous, qu'il a perdu la justice el la sainlelé qu'il a\ait
reçue et dont il e>l déchu, ou (|u'el.inl souillé per-
sonnellement par le pèche de désobéissance il n'a
communiqué el transmis à tout le genre humain que
lu mort el les peines du corps et non pas le pt ché
qui est la mo: t de l'àine, qu'il soit anathème ; puisque
c'est contredire ;i l'Apolie qui dit que le péché est
entré dans h- monde par un seul homme el qu'ainsi
la mort est passée dans tous les hommes, tous ayant
péclie dans un seul (/(eiii. i, 12). — Si quel'iu'un
soutient que le péché d'Adam, (|ui est dans sa source,
s'etant Iraiisiiiis à tous par la géneraliun el noi: par
iniitalion, el devient propre à un chacun, peut elle
elîacé par la lorce de la nature humaine, ou par un
autre remède que par les mérites de Jesus-tihiisi,
qui nous a reconciliés par son sang, s'élanl fait notre
justice, notre sanctilieation et notre rédemption; ou
quiconque nie que le même mérite de Jésus-Christ
soit applique tant aux adulles qu'aux enlanls parle
sacrement de baptême conféré selon la force el l'u-
sage de l'Eglise, qu'il soit aualbéme, parce qu'il n'y a
po'int d'autre nom sous le ciel qui ail éle donné aux
hommes par lequel nous devions être sauvés; ce qui a
donne lieu h celte parole : Voilà l'Agneau de Ditu;
voit I celui ipii Ole les pèches du inonde. Vous tous
qui ave/, été baptisés, vous avez clé revêtus de Jésus-
Christ (1 (. IV ; Joa». I, 9; Gai. m, 27). -- Si quel-
qu'un nie (jue les eiilanls nouvellement sortis du sein
de leur mère, même ceux qui sont nés de pareuls
baptisés, aient besoin d'être aussi baplisés ; elsi quel-
qu'un, reconnaissant que véritableuienl ils sont bap-
tisés pour la rémission des péchés, soutieul pourtant
qu'ils ne tirent rien du péché originel d'Adam qui
ait besoin d'elre expie par l'e.m de la régeueralioa
pour (iblenir la vie éternelle, doii il s'ensuivrait que
la forme d» baptême, pour la rémission des pè-
ches serait fausse el non véritable, qu'il soit ana
thème; car la parole de l'Apôire, qui dit que le pécbfc
est entré dans le monde par an seul homme et la
M59
ORI
OR!
4)60
'■ La premièrfi chose nécpssaiieh un Ihiîolo-
gien est do savoir précisément quelle esl la
doctrine et la fui catlioique sur ce point;
le concile de Trente l'a clairement exposée,
sess. 5. Jl décide , Can. 1, qu'Adam par son
péché a p rdu la sainteté et la justice, a en-
couru la colère de Dieu, la mort, la cajiti-
vilé snus l'empir^' du démon; Can. 2, qu'il a
transmis à tous ses descendants non-seule-
ment la moit et les souffrances du corps,
mais le péché qui est la mort de l'âme; Cnn.
3, que ce péciié propre et personnel îi tous
ne peut être ôlé que par les méiiles de Jé-
sus-G!irist; Can. 6, que la tache de ce péché
est pleinement etf.icée par le baptôujc De là
les ihéolo-iieiis concluent que les elfets et la
peine du péché originel soni, 1° la privation
de la grâce sanctdiante et du droit au bon-
heur éternel , double avantage dont Adam
jouissa t dans l'état d'innocence; 2° le dérè-
glement de la concupiscence ou l'inclination
au mal; 3' l'assujettissement aux soullVan-
ces et h la mort; irois blessures desquelles
Adam était exempt avant son péché. D'où
s'eiisjit la nécessité absolue du baplCme
pour y remédier. Yoy. Baptême. Le dogme
catholique ne s'étend pas plus loin. Holden,
mort par le pi-rhë, et qu'ainsi la mort est passée dans
tous les hommes, ions ayant péché dans un seni, ne
peut être enlendiie d'une aiilie parole que l"a tou-
jours entendu lEglise catholique répandue partout.
C'est pour cela et conformément à ceue régie de foi
selon la iradilion des apolics que même les enfants
qui nont pu encore coiinuellre aucun péché person-
nel sontpourlant vérital)lemeut haplises pour la ré-
missimi des péchés, alin que ce qu'ils ont contracté
par la génératiou, soit lavé en eux pour la rémission:
car quîcon(iue ne reiiail de l'eau et du SaiiU-Esprit,
uc peut entier au royaume de Dieu (./onii. i, 5). —
Si quelqu'un nie que, par la grâce de Jesus-Christ,
qui est conférée par le hapléme, l'oifense du péché
originel soit remise, ou soutient que tout ce qu'il y a
propiemeiit et véritablement de péché n'est pas oié,
mais qu'il est seulement comme rasé ou qu'il n'est
pas imputé, qu'il soit anathème : car Dieu ne hait
rien dans ceux qui sont régénérés. 11 n'y a point de
coridamiialion pour ceux qui sont verilableiuent en-
sevelis d.ins la mort avec Jésus-Christ par le hapléme,
qui ne marchent point selon la chair, mais qui, dé-
pouillant le vieil homme et se révélant du nouveau
qui est créé selon Dieu, sont devenus innocents, purs,
sans péché, agréables à Dieu et cohéritiers de Jesus-
Chiisl, en sorte qu'il ne leur reste rien du tout qui
leur fasse obstacle pour entrer dans le ciel. Le suint
concile confesse néanmoins et reconnait ipie la con-
cupiscence ou l'inclination au péché restai pourtant
dans les personnes baptisées; car elle a été laissée
pour le combat et l'exercice, et elle ne peut nuire à
ceux qui ne donnent pas leur consenleineiit, mais
qui résistent avec courage par la grâce de Jésus-
Christ. Au contraire, la eouronne est préparée à ceux
((ui auront bien comballu. Le saiiit concile déclare
aussi que celte coucupiscenee, (pie l'Apotre appelle
quelquefois péché, n'a jamais clé prise ni entendue
par l'Kglise catholique comme un véritable péché
qui reste, a proprement parler, dans les |iersoiines
baptisées, mais elle n'a été appelée du nom de péché,
que parce qu'elle esl un ell'et du péché et qu'elle porte
au péché.
L'intention du concile n'est point de comprendre,
dans ce décret, qui regarde le péché originel, la bien-
heureuse et immaculée \ierge Marie, mère de Dieu.
Coiic. lie Trente, ibid
De llc.'so!. pdci, ]. u, c. 5. Plusieurs héréti-
ques l'ont combattu et rejeté ; les cathares
ou montanistes, vers l'an 256, enseignèrent
qu'il n'y avait point de péché originel, et que
le liaptème n'est pas nécessaire. Environ 1 an
412. Pelage soutint que le péché d'Adam lui
a été purement personnel, et na point passé
à sa jiostérité, qu'ainsi les enfants naissent
exempts de péché et dans une parfaite inno-
cence; que la mort à laquelle nous sommes
sujets n'est [loint la peine du péché, mais la
condition naturelle de l'homme ; qu'Adaro
serait mort quand même il n'aurait pas pé-
ché; cntin que la nature humaine est encore
aussi saine, aussi forte, aussi ca|iab!e de
faii-e le bien, qu'elle l'était dans l'homme
tel qu'il est sorti des mains de Dieu. Pélago
trouva un adversaire redoutable dans saint
Augustin : il fut condamné dans plusieurs
conciles d'Afrique, par les papes Innocent I"
et Zozime, et enfin par le concile général
d'Ephèse.
En 596 un synode des nesloriens, en 6i0
les Arméniens, en 796 les Albanais, renou-
velèrent l'erreur de Pelage, et c'est encore
aujourd'hui le sentiment de l;i plupart des
sociniens. Calvin a pi étend. i que les enfants
des lidèles baptisés naissent dans un état de
sainteté, qu'ainsi le baplôme ne leur est pas
donné pour effacer en eux aucun péché. Le
Clerc et les ministres La Place et Le Cène
ont nié formellement le péché originel. Au
contraire, Flaccius, luthérien rigide, soute-
nait cpie le péché originel est la substance
même de l'homme. Aiosheim, Iliat. ecclés.,
xvî' siècle, scct. 3, W part., c. 1, § 33. On
conçoit bien que ce dogme ne pouvait pas
manquer de déplaire aux incrédules de no-
tre siècle; ils ont répété contre cet article de
foi la |ilui)art des objections des hérétigiies
anciens et modernes. Mais cette Insle vérité
est clairement enseignée dans l'Ecriture
sainte. Job, c. xiv, v. k, dit à Dieu : « Qui
peut rendre yiur l'homme né d'un sang im-
pur, sinon vous seul? » Le Psalmiste, l's.
L, V. 7 : « J'ai été conçu dans l'iniquiié, et
formé en péché dans lu sein de ma mère. »
Saint Paul, Rom., c. v, v. 12 : « De même que
jiar un homme le péché est entré dans le
monde et la mort par le péché, ainsi la mort
a [lassé dans tous les hommes, en ce que tous
ont poché Et de même que la condamna-
lion est pour tous par le jiéché d'un seul,
ainsi la justification et la vie sont pour tous,
])ar la justice d'un seul, qui est Jésus-Christ. »
// Cor., c. V, V. li : « Si un seul est mort
pour tous, donc tous sont moiis : or Jésus-
Chrisiest mort jiour tous. » / Cor., c. x.v,
V. 21. « La mort est venue par un homme,
et la résurrection vient par un autre homme ;
de môme que fous meurent en Adam, ainsi
tous seront vivifiés en Jésus-Christ. »
Nous ne savons pas ce que répondaient
les pélagiens aux passages de Job et du
Psalmisie; mais à celui de VEpitre aux Ro-
mains, ils répliquaient que, selon l'Apôtre, le
péché et la niurt sont entrés dans le monde
|)ar Adam, parce que tous les hommes ont
imité le péché d'Adam, et sont morts comme
1161
ORI
ORI
1102
lui; que, dans ce sens, la condamnation est
tombée sur tous par son péché, et tous sont
morts en Adam. Comment, de Pelage sur
VEpît.aux Rom. L'absurdité do cotte explica-
tion saute aux yeux. 1° Comment Adam a-t-
il pu être imité par les pécheurs qui ne l'ont
pas connu et qui n'ont jamais oui parler de
lui î En quoi son péché a-t-il pu intluer sur
les leurs? 2° Peut-on dire, dans ce sens, que
la condamnation est pour tous par son péché,
et que tous meurent en lui? 3° Il s'ensuit
que la justice de Jésus-Christ n'influe sur
la nôtre quo par l'exemiile; qu'il est mort
pour nous seulement dans ce sens qu'il nous
a montré le modèle d'une mort sainte et
courageuse. C'est ainsi que l'entend Pelage
dans son Comment, sur la I" Epît. aux Cor.,
c. XV, V. 2-2. Et telle est encore la manière
impie et absurde dont les sociniens expli-
quent la rédemption. Toute l'Eglise chré-
tienne en fut scandalisée au v" siècle, et il ne
fut pas difficile à saint Augustin de foudroyer
cette doctrine. Le saint docteur la réfuta
victorieusement par l'Ecriture sainte et par
la tradition; il apporta en preuve du dogme
catlioiiijue des passages des Pères qui, dans
les siècles précédents, avaient jirofôssé clai-
rement la croyance du péché originel, la dé-
gradation de la nature humaine par le péché,
la nécessité de la rédemption et du baptême
pour l'elfacer, et toutes les conséquences
que Pelage aÛ'ectait de nier. Toutes ces vé-
rités se tiennent. Ton ne peut eu attaquer
une sans donner atteinte aux. autres. Il in-
sista principalement sur ces paroles de saint
Paul : Si un seul est mort pour tous , donc
tous sont morts ; or Jésus-Christ est mort
pour tous. Il lit voir que l'Apôtre prouve
l'universalité de la mort spirituelle et tem-
norelle de tous les hommes par l'universa-
lité de la mort de Jésus-Christ et de la ré-
demption pour tous sans exception. Voy.
RÉDEMPTEUR, Sauveur. Il opposa môme aux
pélagiens la tradition générale de tous les
peuples (1), et le sentiment intérieur de tous
les hommes qui réfléchissent sur eux-
mêmes, comme font les philosophes. En elfet,
tous les hommes naissent avec des inclina-
tions di'pravées, portés au vice beaucoup
plus qu'à la vertu : leur vie sur la terre est
uu état de misère, de punition et d'expiation.
Il est donc évident que l'homme n'est point
tel qu'il devrait être, ni tel qu'il est sorti des
mains du Créateur. Les pliilosophes l'ont
senti, et, pour expliquer cette énigme, )ilu-
sieurs ont imaginé que les Ames humaines
avaient péché avant d'être unies aux corps;
les marcionites, les manichéens et d'autres
liérétiques, révoltés de l'excès des misères r.e
cette vie, avaient conclu que la nature hu-
(1) Le dogme de la chute originelle el de la dégra-
dation du genre luiuiaiti , fondé , comme tous les
dogmes c;alioliqm's, sur la Iradiliou piiniitive deve-
nue commune a tous les peupli^s du monde, a été
raagniûqnemcnl tiaili' par .M. labl)é de Lamennais,
dans son Essai sur l'indifférence. iNous regrellons de
ne pouvoir citer ici It^ cliap. 28 du troisième volume
de cet ouvrage, auquel nous soiiinioi forcé de ren-
voyer nos lecteurs.
DlCno.N.v. \}S TuÉOL. doumatique. III.
maine n'est pas l'ouvrage d'un Dieu bon,
mais d'un être malicieux et malfaisant. La
dispute entre les catholiques et les pélagiens
fut longue etopiniAtre. La question touchant
le péché originel en lit naître plusieurs aulres
sur la nature et les forces du libre arbitre,
sur la nécessité de la grAce, sur la prédesti-
nation, etc. On peut voir la suite et l'enchaî-
nement de toute cette contestation dans la
septième dissertation du Père Garnier sur
Marius Mercator, Apend. august., p. 281. Il
serait trop long de rapporter et de réfuter
toutes les objections des pélagiens; les Pères
de l'Eglise y ont suffisamment répondu; nous
nous bornerons à résoudre celles qui ont
été renouvelées de nos jours par les incré-
dules.
Ils disent en premier lieu que le dogme
du péché originel ne peut pas se concilier
avec la justice de Dieu, encore moins avec
sa bonté ; on ne concevra jamais que Dieu ait
voulu confier à nos premiers parents le sort
éternel de leur postérité, surtout en pré-
voyant que l'un et l'autre violeraient la loi
qui leur serait imposée, et rendraient mal-
heureux le genre humain tout entier; l'on
comprend encore moins que Dieu puisse
punir par un supplice éternel un péché qui
ne nous est ni libre ni volonfaire. Cela se
conçoit très-bien quand on veut faire atten-
tion à la constitution delà nature humaine.
Comme les enfants ne peuvent pourvoir à
leur sort par eux-mêmes, il est naturel que
leur destinée dépende de leurs pères et
mères. Un père inhumain peut laisser périr
ses enfants; par une mauvaise conduite il
lient les réduire à la pauvreté; par un crime
il peut les déshonorer et les couvrir d'op-
probre p)ur jamais : soutiendra-t-on que par
justice et par bonté Dieu devait constituer
autrement la nature humaine ? Le plan de la
Providence est encore plus aisé à compren-
dre, quand on se souvient que Dieu, en pré-
voyant le péché d'Adam etses suites funestes,
résolut de les réparer abondamment par. le
rédemption de Jésus-Christ. Il ne faut jamais
séparercesdeux do,.;mes : l'un est intimement
lié à l'autre. Voy. Rédemption. Rien ne nous
oblige de croire que Dieu punit par le sup-
plice éternel de l'enfer le péclié originel; il
est tiès-permis de penser que ceux qui
meurent coupables de ce seul péché sont
seulement exclus de la béatitude surnatu-
relle et surabondante qui nous a été méritée
par Jésus-Christ. On ne prouvera jamais que
Dieu a dû par justice destiner la nature hu-
maine à un degré de félicité aussi parfait et
aussi sublime : la ,;UStico même des hommes
peut, sans blesser aucune loi, priver les en-
fants d'un père coupable des avantages de
pure grâce qui lui avaient été accordés (1).
Quant aux souffrances de cette vie, nous
avons fait voir à l'article Mal, qu'il est i'aux
que notre état sur la terre soit alisolument
malheureux, et que Dieu par justice ait dû
nous accorder ici-bas uu plus haut degré de
(1) Voy. le Dirt. de Théol. raor., arl. Péché oiu-
GINtl..
o7
1105
ORt
ORI
il64
bonheur. Voy. Etat de nature, Surnaturel.
En second lieu, les p(51agiens disaient aussi
bien que les incrédules : Si tous les enfants
naissent objets de la eolère divine, si avant
de penser ils sont déjh coupables, c'est donc
UB cripae affreux île les mettre au momie;
le mariage est le plus horrible des forfaits,
c'est l'ouvrage du diable ou du mauvais prin-
cijie, comme le soutenaient les manichéens.
On leur répond que Dieu lui-même a insti-
tué et béni le mariage, et qu'il n'en a point
nterdit l'usage à l'homme ajirès son péché ;
cet usage est donc innocent et légitime.
Les enfants naissent coupables, non en vertu
de l'action qui les a mis au monde, mais en
vertu de la sentence prononcée contre Adam :
un enfant né en légitime mariage n'est pas
moins taché du péché originel qu'un enfant
adultérin conçu par un crime. Lorsqu'un
homme était condamné pour crime h l'escla-
vage, cette tache passait à ses enfants, non
par l'action de les mettre au monde, mais
par la force de l'arrêt qui l'avait condamné.
Du moins, répliquer)! nos adversaires, le
baptême efface le péclié originel ; un enfant
baptisé ne devrait donc plus être sujet à la
concupiscence ni aux souffrances. Cela serait
vrai, si le baptême, en effaçant la tache ilu
péché, en détruisait aussi tous les effets;
mais en nous rendant la grAce sanctifiante
et le droit à la béatitude éternelle, il nous
laisse le penchant au mal et la nécessité de
souffrir et de mourir, parce que l'un et l'au-
tre rendent la vertu plus méritoire et digne
d'une plus grande récompense.
En troisième lieu les incrédules ont accusé
Origène et saint Clément d'Alexandrie d'avoir
nié le péché originel. Si cela était, il serait
fort étonnant que les pélaj,iens, qui avaient
cherché si altentivement dans les Pères ce
qui pouvait les favoriser, n'eussent pas cité
deux des plus célèbres. La vérité est que
ni l'un ni l'autre n'ont pensé comme les pé-
lagiens. Saint Clément d'Alexandrie, Strom.,
\. m, c. XVI, disputait contre Tntien et d'au-
tres hérétiques qui condamnaient le mariage,
et soutenaient que la procréation des enfants
est un crime. Il cite ce })assage de Job, c.
XIV, 4. et 5, selon la version des Septante :
Personne n'est exempt de souillure , quand
même il n'aurait vécu qu'un seul jour; et il
ajoute : « Qu'ils nous disent où a péché un
enfant qui vient de naître, ou comment est
tombé sous la malédiction d'Adam celui qui
n'a encore fait aucune action. Il ne leur
reste, selon moi, qu'a soutenir conséquem-
ment que la génération est mauvaise, non-
seulement (}uant au corps , mais quant à
l'ilme. Lorsque David a dit : J'ai été conçu
en péché et formé en iniquité dans le sein de
ma mère, il parle d'Eve selon le style des
prophètes; celle-ci est la mère des vivants :
mais si lui-même a été conçu en péché, il
n'est pas pour cela un pécheur ni un péché. »
En effet les deux passages citi'S jiar saint
Clément signifient de deux choses l'une, ou
quun enfant est souillé du péch.! parce
qufc sa procréation est un crime, ou qu'il
1 est parce qu'il descend d'Adam et d'Eve
coupables. Saint Clément rejette le premier
sens, adopté par les hérétiques ; il s'en tient
au second ; il professe donc \e péché originel.
Origène, son disciple, est encore plus posi-
tif. « On baptise les enfants, dit-il, poiu"
leur remettre les péchés? En quel temps les
ont-ils commis? Ou quille raison peut-il j
avoir de baptiser les enfants, sinon le sens
de ce passage : Personne n'est exempt de
souillure, quand même il n'aurait vécu qu'un
seul jour? Parce que le baptême efface les
souillures de la naissance, c'est pour cela
que l'on bajitise les petits enfants. » Il cite
ailleurs les paroles de David, et en tire les
mêmes conséquences, Hom. 14-, in Luc. ;
Tract. 9, in Matth-, Homil. 8, in Levit., etc.
Sur le quatrième livre contre Celse, n° 40, les
éditeurs oiit ajouté les passages de s lint
Justin et de saint Irénée, plus anciens qu'Oii-
gène et que saint Clément d'Alexandrie. Par
]h on voit avec quelle témérité nos criti-
ques incrédules ont osé avancer que le pé-
ché originel n'était pas connu avant saint
Augustin, et que l'on ne baptisait pas les
petits entants pendant les deux derniers
siècles de l'Eglise. Us objectent enfin,
d'après les pélagiens, qu'il y aurait tie la
cruauté de la part de Dieu sie punir par des
peines aussi terribles une faute aussi légère
que celle d'Adam.
Sans recourir aux raisons par lesguelles
saint Augustin a fait voir la grièveté de la
faute d'Adam, nous nous contentons de ré-
pondre que ce n'est ni aux incrédules ni k
nous de juger jusqu'à quel point elle a été
griève ou légère, punissable ou pardonnable ;
que le mo\ en le plus sage d'estimer l'énor-
raité de la faute est d- considérer la sévé-
rité du châtiment, puisque nous n'avons que
très-peu de connaissance de la manière dont
elle a été commise. Saint Augustin lui-
même est convenu qu'il n'était pas assez ha-
bile pour concilier la damnation des enfants
morts sans baptême avec la justice divine,
Serm. 294, de Bapt. parvul., n. 7. Si l'on
nous di'mande en quoi consiste formellement
la tache du péché originel, comment et par
quelle voie elle se communique ;\ notre âme,
nous repentirons humblement que nous n'en
savons rien, imrce que, comme le dit saint
Augustin, L. deMorib. Ecclcs., c. xxii, il est
aussi difficile d'en connaître la nature qu'il
est certain qu'il existe : Hoc peccato nihil est
adprœdicandum notius, nihil ad intelligendum
secretius. Il nous parait bien plus important
de représenter et de répéter que cette plaie
de la nature humaine a été guérie par Jésus-
Chr si ; que, conune dit saint Paul, « Où le
péché avait abondé, la grâce a été sural mon-
dante; que SI tous les hommes ont été con-
damnés à la mort pour le péché d'un seul, le
don de Dieu s'est répandu beaucmjp plus
abondamment par la grâce de Jé^us-Christ ;
que, comme c'e^t par le péclié d'un seul que
tous les hommes sont tombés dans la con-
damnation, ainsi c'est par la justice d'un seul
que tous les liommes reçoivent la justifica-
tion et la vie (Rom. v, 15, etc.).»
Lorsque les incrédules viennewt nou^ fa-
116S
ORl
ORP
llfiS
tiquer par des objections, nous pouvons
nous borner h Jour répondre ayec saint Au-
gustin : « Quoi(iue je ne puisse jias rél'utcr
tous leurs aigumcuts, .le vois ceixdidant
qu'il faut s'en tenir à ce que l'Ecrilure nous
enscit,'nec!aii'einent : savoir, qu'aucun liunnue
ne peut parvenir à la vie et au salut éteinel,
sans iHre associé avec Jésus-Christ, et que
Dieu ne peut condaunu^r injustement per-
sonne ou le priver in.iustenient de la vie et
du salut. » L. m, de Pecc. mcritis et remiss.,
C. jv, n. 7. Le Clerc, dont le socinianisaia
perce au travers de tous ses déguisernculs,
s'est élevé avec aigreur contre saint Augus-
tin, n in-seulemeut dans ses remarques sur
les ouvrages dis ce saint docteur, mais encore
dans son Uist. eccles., an. 180, § 30-3:}, et
ailleurs. Il l'accuse d'av(jir forgé le dogme
du péilié orif/hiel et d'avoir forcé le sens <le
tous les passages de l 'Ecriture «t des anciens
Pères, qu'il a cités contre les pélagiens. Selon
lui, les premiers docteurs de l'Eglise n'ont
pas été assez maladroits en écrivant contre
ics gnustiques, les valeatiniens et les mar-
cionites, pour enseigner un dogme qui aurait
fait triompher ces hérétiqiu s. Soutenir, dit-
il, (|ue les méchants sont datunés, parce
qu'ils n'ont pas pu vaincre la corru[>tioa de
la nature, et parce qu'ils n'ont jias reçu de
Dieu les secours nécessaires pour en venir
h bout; ({u'aii contraire, les b(ins sont sau-
vés, parce (jue Dieu les a excités au hi'>n |iar
des grâces nrésistibles; que des enfants in-
nocents naissent sous un ordre de Pro-
vidence qui leur rend le péché et la damna-
tion inévitables, n'aurait-ce pas été donner
aux gnostiques le droit de conclure (jue le
genre humain avait été créé i ar un être
aveugle et méchant? Mais ce critique traves-
tit la doctrine de s-iint .\ugustin et de l'Eglise
catholique à la manière de Luther et de
Calvin. Dans quels ouvrages saint Augustin
a-t-il enseigné les blasphèmes qu'il lui prête?
Le saint docteur a constamment soutenu
que, malgré la corruption de la nature,
l'homme a conservé son libre arbitre, et
qu'il en jouit encore; que Dieu ne refuse
à aucun pécheur, pas même au plus endui ci,
les grâces nécessaires pour vaincre ses pas-
sions et pour se sauver; que la grâce donnée
aux justes n'est |)oint irrésistible, que sou-
vent même ils y résistent. Enfin, ce Père n'a
pas voulu d ci ler positivement quel est le
sort éternel lies enfants morts sans baptême.
Nous avons prouvé tous ces faits dans divers
articles de ce dictionnaire. Voij. Baptêmii:,
§ G; (ÎRiCE, § 3 et k; Rédemption, etc. lin
reprochant à saint Augustin de tOidre le
sens des passages dont il se sert, Le Clerc
lui-môme eni|iloie tous les détours de l'art
S0|ihistique pour pervertir le sens des textes
les plus clairs de l'Ecriture et des Pères, en
particulier de saint Irénée, Hisl eccle'., ibid.
11 ne serait jias dilHcile de lui faire voir
que le dogme du péché originel à été de tout
temps et depuis les apôtres la doctrine con-
.stante de l'Eglise, et qu'il ne favorise en au-
cune manière le système impie des gnosti-
ques; et saint Augustin lui-même a répondu
l^liis d'une fois à cette objection des pél.i-
gicns.
Si l'on veut connaître les opinions des
juifs et des raahométans sur ce |)oint de
doctrine, on peut consulter la Dissertation
de dont Calmet, Bible d'Avignon, t. XV,
p. 331 (i).
ORNEMENTS DES ÉGLISES. Voy. Eguses.
OkNEMENTS PONTIFflCiUK ET SACERPOrAOX.
Voi/. Habits.
ORPHELIN. Déjà dans l'ancienno loi Dieu
s'était déclaré le protecteur rt le père des
orplielins; il était ordonné aux Juifs do ne
point les abandonner, de pourvoir à leur
subsistance, de leur laisser un(î partie des
fruits lie la terre, de les adincttic au renas
des fêtes et des saerilices (Deut. xxiv, 17 et
sniv.; XVI, 11, etc.). Les prophètes ont sou-
vent répété aux Juifs celte leçon, et les ont
reiiris de leur négligence à l'exécuter. Le
trésor di'S aumônes gardées dans le temple
était piincipalement destiné à leur enti'etien
(// Muchab. iir, lOi. L'a|iôtre saint Jacques
dit aux fidèles que l'acte de religion le
meilleur et le jilus agréable à Dieu est de
consoler les veuves et les orphelins dans
leurs peini^s (Jac. i, 27); à plus forte raison
de soigner et d'élever ces enfinls malheu-
reux. C'est cet esprit de charité, principal
caiactère du christianisme, qui a fait établir
une multitude d'asiles pour les rec voir, et
qui donne à tant de vierges chrétiennes le
courage île leur servir de mères, et de leur
accorder les mêmes soins que la tendresse
maternelle pourrait inspirer. Dans la seule
ville de Paris il y a ti ois ou quatre établis-
sements lie chirité pour élever les orphelins
et les enfants abandonnés ; la Pitié , les
Cent-Filles, les Orphelines, etc. Les philo-
sopiies politiques auraient beau faire des
dissertations pour prouver que l'hunianitô
et le zèle du bien public exigent cette atten-
tion, ils auiaient beau même propos r des
sal.iires et des récompenses, si la religion
n'en promeitait pas de plus solides. Jésus-
Christ a dit : « Je tiendrai pour fait à moi-
môme ce que l'on aura fait pour le moindre
de mes frères {Matth. xxv, kO). » Ces cour-
tes paroles ont fait pratiquer plus de bonnes
œuvres que toutes les ricliesses d'une nation
ae pourraient en payer. Quand notre reli-
g'ion n'aurait point d'autre titre de recom-
mandation que le soin avec lequel elle veille
(1) Les partisans de V(Euvre de la Miséricorde ont
aussi aUai|iio le péché originel. Dans leur syslciiie,
la croyance calliolùpie sur le péché originel se trouve
eniieienient renver.sée. Dans la pcnsi>c «les nouveaux
prédicanls, ce péché ne serait antre que la laule per-
sonnelle et lie libre arbitre île l'esprii ilétlin, qui est
en nous, et pour l'explalion tic laquelle il aurait éfé
uni il notre corps et a noire àuie. Or, il esi lie fui
que ce n'est puiiil par une faute persunnelle que nous
avons contraciii la lâche d'origine, mais par la j)ré-
varication d'Adam. « C'est un enseignement consiani •
de la foi catholique, dit siiini Léon, que lésâmes
des hommes n'ont pas existé avant d'ètn' unies à
leurs corps... El parce que tout le genre humain a
été vicié par la prévarication du premier homme
{per primi hominis pnvvaricalionein), nui ne De ut étl><
délivré que par le sacrement de baptême, i
1167
ORT
OSE
1168
à la conservation des hommes, c'en serait
assez pour la faire chérir et respecter. Voy.
Enfants trouvés.
ORTHODOXE, ORTHODOXIE. Ces deux
termes sont formés du grec ip%ç, droit, et
5oǫ, opinion ou jugement. On appelle auteur
orthodoxe celui qui n'enseigne rien que de
conforme à la doctrine de l'Eglise, et Vor-
thodoxir est ]a. conformité d'une opinion avec
cette règle de la foi ; c'est le contraire de
l'hétérodoxie ou de l'hérésie. Ceux qui ne
veulent point avoir d'autre règle de croyance
que leur propre jugement, tournent en ridi-
cule tant qu'ils peuvent le zèle pour l'ortho-
doxie. Chez la plupart des hommes, uisent-
ils, ce zèle ardent tient lieu de toutes les
vertus ; on pense môme qu'il peut inno-
center les crimes, et il n'en est aucun que
l'on ne se permette contre ceux que l'on
nomme hérétiques ou incrédules. Si cela était
vrai, nous ne voyons pas comment il pour-
rait y avoir encore au monde des hérétiques
et des incrédules ; dès qu'ils se montreraient,
ils seraient sûrs d'être exterminés, et ceux
qui prendraient la peine de s'en défaire se-
raient assurés d'une approbation générale.
La sécurité avec laquelle la religion s'est
trouvée attaqu('e dans tous les temps nous
paraît démonircr qiie le zèle de l'orthodoxie
ne fut jamais aussi violent ni aussi meur-
trier que les esprits forts voudraient le per-
suader. Il y a même de bonnes raisons de
douter si eux-mêmes, devenus une fois les
maîtres, ne seraient ]ias plus injustes, plus
ardents, plus cruels que ceux auxquels ils
attribuent tous ces vices. Nous voyons d'a-
bord qu'aucun hétérodoxe ne fut fort scru-
puleux sur le choix des moyens jiropres à
répandre sa doctrine, à se faire des partisans,
à discréditer et à ruiner le parti de ses ad-
versaires. Nous jugeons, en second lieu, par
la véhémence de leur style, par la chaleur
de leurs déclamations, par la noirceur de leurs
calomnies, que leur caractère n'est pas foit
doux. Enfin, la licence des mœurs de la plu-
part nous donne lieu de penser qu'ils n'ont
pas beaucoup d'horreur pour toute espèce
de crime qui pourrait leur être utile, dès
qu'ils seraient en état de le commettre im-
punément. Dès qu'il est incontestable que
la religion défend et proscrit toute mauvaise
action quelconque, il n'y a qu'un cerveau
dérangé qui puisse se persuader qu'il lui est
permis d'en commettre une par zèle pour la
pureté de la foi. Or, nous ne comprenons pas
que l'hérésie, l'incrédulité ni l'athéisme,
puissent être de meilleurs préservatifs contre
le dérangement du cerveau que la do-
cilité des croyants. Voy. Zèle de Reli-
gion.
OS. Il était défendu aux Juifs de briser les
os de l'agneau pascal après l'avoir mangé
{Exod. XII, i6). On ne voit pas d'abord quelle
pouvait être la raison de cette défense; mais
saint Jean l'Evangéliste, en racontant la mort
de Jésus-Christ, fait remarquer qu'on ne lui
rompit point les os, comme l'on avait fait
aux deux larrons crucifiés avec lui, et il rap-
porte à ce sujet la défense de VExode : Vous
n'en briserez point les os ; afin de nous faire
comprendre que le sacrifice de l'agneau pas-
cal était une ligure de celui de Jésus-Christ,
immolé pour la rédemption du monde. Les
Hébreux disaient : Vous êtes ma chair et mes
os, pour dire. Nous sommes de môme sang,
nous sommes proches parents ; cette expres-
sion semblait faire allusion à ce que dit
Adam, lorsqu'il vit l'épouse qui avait été ti-
rée de sa propre substance : Voilà la chair
de ma chair et les os de mes os (Gen. n, 23).
— Les os signifient quelquefois la force du
cor|is. Ainsi, le Psalmiste dit : Mes os sont
affaissés, disloqués, brisés, pour exprimer la
perte entière de ses forces ; souvent aussi ils
signifient l'intérieur de l'homme et toute sa
substance : lorsque Job et David disent. Mes
os sont troublés, effrayés, humiliés, c'est com-
me s'ils disaient, Le trouble, la frayeur, l'humi-
liation, m'ont saisi tout entier, ont pénétré
jusqu'à la moelle de mes os. Pour exprimer la
difficulté de se défaire des mauvaises habitu-
des de la jeunesse. Job dit, ch. xx, v. 11, en
parlant d'un pécheur obstiné : Les vices de
sa jeunesse demeureront encore dans ses os, et
dormiront avec lui dans la poussière du tom-
beau.
Dieu avait ordonné de briser et de réduire
en poudre les os des idohUres et des im-
pies, afin q^u'il ne restât rien d'eux après leur
mort ; ainsi briser les os des pécheurs signi-
fie souvent efï'acer leur mémoire. 11 est dit, au
contraire, que Dieu conservera, engraissera,
fera germer les os des justes, c'est-à-dire
qu'il conservera leur mémoire et la rendra
respectable. C'est une allusion à l'usage des
patriarches de garder par respect les os de
leurs pères, alin de s'en rappeler le souve -
nir. Jose[)h mourant en Egypte ordonna à
ses enfants et à ses proches de conserver ses
os et de les transporter avec eux lorsqu'ils
partiraient de l'Egypte pour se rendre dans
la Palestine {Gen. l, 15) ; et Moïse eut grand
soin de faire exécuter cette dernière volonté
[Exod. XIII, 19). Saint Paul fait remarquer
la foi de Josepli, qui attestait ainsi à ses des ■
ceudants que Dieu accomplirait certainement
les promesses qu'il avait faites à Abraham
(Eébr. XI, 22).
OSCULUM. Voy. Baiser de paix.
OSÉE est le premier des douze petits pro-
phètes ; il a été contemporain d'Amos et
d'Isaïe ; il commença à prophétiser vers l'an
800 avant l'ère chrétienne, et continua pen-
dant plus de soixante-dix ans sous les rè-
gnes d'Osias, de Joalhan, d'Achaz et d'Ezé-
chias, rois de Juda. Le style de ce prophète
est vif et sententieux : il peint avec énergie
l'idolâtrie et les autres crimes des Juifs des
deux royaumes de Juda et d'Israël ou de
Samarie ; il annonce le châtiment que Dieu
veut en tirer, mais il promet la délivrance
de ces deux peuples et le retour des boutés
du Seigneur à leur égard. Plusieurs incré-
dules ont fait des reproches contre ce pro-
phète et contre ses prédictions. Ils ont dit
d'abord qu'Osée était né chez les Samaritains,
par con^.équent schismatique et idolâtre, à
moins que Dieu ne l'eût préservé de co criin*
^169
OSI
OSI
H70
par miracle. Mais, oiilro tiue le lieu de la
naissance de ce propliète n'est jias connu, il
est évident ])ar sa prophétie qu'il n'avait au-
cune part à l'idolâtrie ni au schisme de Sa-
marie, puisqu'il l'appelle Bethavcn , maison
d'iniquité, qu'il lui re[)roche ses infidélités
et lui annonce le chAtimeiit tei rible (jue Dieu
veut en tirer. Selon nos critiques, dans le
ch. I, v. 2 et 3 , Dieu commande à Osée de
(irendre une prostituée, d'en avoir des en-
fonts, jiar conséquent, de vivre avec elle dans
le crime. Mais ils traduisent inlidéiemont le
texte ; il jiorte : « Prenez pour épouse une
prostituée ou plutôt une feuune idolâtre de
bauiarie La Vulgate ajoute, faites-vous des
enfants, et l'Hébreu dit sinqiloment et des
enfants de fornication, ou nés d'un mauvais
commerce. Il est évident, 1° que l'idolâtrie
des Samaritains est appelée fornication ou
prostitution, non-seulement par Osée, mais
par d'auti>es prophètes ; la terre des fornica-
tions est une terre ido'Atre ; par conséquent
une femme et des enfants de fornication sont
uni^ Samaritaine et ses enfants. 2° Quand il
s'agirait d'une prostituée, ce n'est pas un
crime de l'épouser, c'est au contraire la r(!-
tirer du désordre, et les enfants qui en naî-
tront ne peuvent être appelés enfants de for-
nication que par ra.nport h 1 1 vie précédente
de leur mère. Les obscénités grossières que
le plus célèbre de nos incrédules a vomies à
cette occasion ne prouvent que la corruption
dégoûtante de ses mœurs.
Dansl(! ch. m, v. 1, Dieu ordonne encore
à Osée de témoii^ner de l'attection à une fem-
me adultère , mais il ne lui commande ni de
l'épouser, ni d'avoir commerce avec elle ; au
contraire, le [)rophète dit à cette femme :
« Vous m'attendrez longtemps, vous n'aurez
commerce avec aucun homme, el je vous at-
tendrai moi-môme, parce que les Israélites
seront longtemps sans rois, sans chefs, sans
sacrilices, etc., et ensuite ils r(!vii ndront au
Seigneur : » il n'est donc encore ici question
d'aucun crime ni d'aucune indécence. Cha-
pitre XIV, V. 1, Osée lance, dit-on, des malé-
dictions l'uiieuses contre les Saïuaritains :
« Périsse Samarie, parce qu'elle a irrité son
Dieu! que ses habitants meurent par le
glaive, (jue ses enfants soient écrasés, que
ses femmes enceintes soient évcntréesl » De
là on a c(mclu doctement que les jirophètes
juifs étaient des fanatiques furieux qui se
croyaient tout permis contre les schismati-
ques et les hérétiques. Ne sont-ce pas plutôt
leurs calonmiatcurs qui méritent ces titres ?
Ici, ce n'est pas le prophète qui parle, c'est
Dieu qui aimonce ce qu'il veut et ce qu'il
fera, c. xin, v. 4 : Je suis le Seigneur ton
Dieu, etc. ; » c. xiv, v. 9 : C'est moi qui
exaucerai Ephraim ; je le ferai croître comme
un sapin vert, etc. Osée a-t-il pu ainsi parler
de sou chef? D'ailleurs, au mot Imprécation,
nous avons fait voir que les malédictions
qui se trouvent dans les prophéties et dans
les psaumes sont des prédictions et rien de
plus.
OSIANDRIENS, secte de luthériens, formée
par André Osiander, disciple, collègue et en-
suite rival de Luther. Pour avoir le plaisir
de dogmatiser en chef, il soutint, contre son
maître, que nous ne sommes point justifiés
par l'imputation de la justice do Jésus-Christ,
mais que nous le sommes formellement par
la justice essentielle de Dieu. Pour le prou-
ver, il répétait à .tout moment ces paroles
d'Isaïe et de Jérémie : Le Seigneur est notre
justice. Mais quand ils disent que Dieu est
notre bras, notre force, notre salut, s'eiisuit-
il (|u'il l'est formellement et substantielle-
ment ? Cette absunlité, imaginée par Osian-
der, ne laissa pas de partager l'université de
Kœnigsberg, et de se répandre dans toute la
Prusse. Ce prédicant, d'ailleurs, n'était pas
très-réglé dans ses mœurs, non plus que ses
collègues. Voy. Luthériens.
* OSIKIS. 11 n'est pas une divinili' iln pag.itiismc
au fond de laquelle ou ne retrouve (inelque idée de
la révélation primitive. « Le dogme d*lj Trinité, dit
Sclmiilt, celui de l'Uniié, sont la base el la pierre
l'ondameiUale des mystères. A cette idée première se
rattache immédiatement la croyance en un dieu ré-
vélé et réconciliateur, qui en est l'objet essentiel.
Celle croyance donna lieu aussi à l'espèce de repré-
sentation dramatique, si intimement liée au (julte,
que l"on olfrait annuellement au peuple. Voici en
quoi consistait ce spectacle : i Le dieu révélé ( Osi-
ris, honoré sous leiiiblème du soleil) naît sous la
forme d'un enfant ; une étoile annonce sa naissance.
Le dieu grandit, se trouve obligé de prendre la fuile,
poursuivi par des animaux féroces ; succombant enfin
a la persécution, il meurt. Alors commence un deuil
solennel ; le dieu du soleil, naguère privé de la vie,
ressuscite, et l'on célèbre sa rcsurreciion. > Suivant
d'autres témoignages (Plut., de Inde et Otiride), les
Egyiitiens avaient la mer en horreur ; ils rappelaient
Typhon, et racontaient que Typhon (ijui était leur
mauvais principe, de même qu'Aliriuian était celui
des Perses) avait poursuivi son frère Osiris; qu'il
l'avait enfermé dans un coffre, le 17 du mois Athyx,
i|ui est le deuxième après l'équinoxe d'automne. Il ne
suflit point :i Typhon d'avoir, à l'aide de soixante et
douze conspirateurs, ainsi enfermé son frère Osiris,
de l'avoir tué et jeté ensuite dans la mer avec le
coffre : la sage Isis, instruite du sort de son époux,
ayant trouvé son cadavre que les eaux avaient ra-
mené sur le rivage, conservait ce triste débris, quand
Typhon le découvrit et le coupa en morceaux. La
déesse parvint, néanmoins, à rassembler les mem-
bres épars d'Osiris et à les réunir dans une tombe.
Chose miraculeuse ! ses membres une fois déposes
dans le tombeau, Osiris, à ce que l'on prétend, re-
couvra la vie. Le sens de celte histoire s'expliquait
dans les mystères. Comme le dieu qui avait daigné
habiter parmi les hommes était honoré sous l'em-
blème du soleil, son culte devint celui de cet astre,
et les circonslances de son histoire lurent mises en
rapport avec le cours du soleil. C'est ainsi que les
honneurs, d'abord rendus à la Divinité, dégénérèrent
en une simple adoration de la lumière, et que l'allé-
gorie primitive se matérialisa, pour ainsi dire. L'ido-
lâtrie de l'Egypte résulte de la prépondérance qu'u-
surpèrent les noms et les emblèmes sur les idées
religieuses. Au commencement l'idée était traduite
par un symbole; puis on lui attribua un nom, on la
personnilia, et ainsi se constitua le culte <les idoles.
Notre intérêt doit naturellement se concentrer sur Je
nom d'Osiris. C'est ce dieu bienfaisant que nous trou-
vons chez tous les peuples, qui habite au milieu des
hommes, et qui les rend heureux. L'Egypte, comme
toutes les autres contrées, l'honora sous l'image du
soleil. Il subit une persécution, de cruelles souf-
frances et enfin la niurl. Vénéré dans les mystères
égyptiens, comme un mot emblématique et exprès-
1171
PAC
sif, le nom d'Osiris allesio à nos yeux lexislsiice de
la tradition relative à la future rédemption du monde.
Aucun homme raisonnable ne se refusera à cette
PAC
1172
ediiséquence, en voyant la même idée, sauf la diver-
sité des tenues, se reproduire fidèlement ebez tous
les peuples.
PACIAIRES. Voy. Trêve de Dieu.
PACIEN (saint), évêque de Barcelone, mort
sur la fin du iv siècle et mis au rang des
Pères de l'Eglise. H a laissé ouelques ouvra-
ges qui se trouvent dans la Bibliothèque des
\ Pères et dans le Recueil des Conciles d'Espa-
gne ; le principal est une réfutation des dona-
tistes et des novatiens.
PACIFIQUE (hostie). Fo?/. Hostie.
Pacifiques, ou Pacificateurs. On nomma
ainsi, 1° au vi' siècle, ceux qui suivaioiit
YHénotique de l'empereur Zenon, et qui,
sous prétexte de réconcilier les catholiques
avecles eutychiens, s'écartaient desdécisions
du concile de Chalcédoine ; comme s'il était
permis de chang t quelque chose îi la foi do
l'Egliseparcomplaisance peuples hérétiques.
Toy. HÉNOTiQUE — S" Au -su" siècle, ceux
qui formèrent entre eux une association re-
ligieuse et guerrière, pour pur^'er nos pro-
vinces méridionales d'une m Itilude de ban-
dits, qui, sous le nom de brabançons et de
cotereaux, y exerçaient des violences inouïe-,
pillaient le sacré et le profane, mettaient les
villes et les villages à feu et à sang. C'était
un reste de troupes anglaises que les fils du
roi d'Angleterre avaient accoutumées au pil-
lage. L'associât on dont nous jjarlons se for-
ma vers l'an 1183, au Puy en Vêlai, et les
historiens du temps en citent des prodiges
de valeur, Eist. de l'Egl. gallic, tora. X,
1. xxviii, an 1183.— 3» On donna encore, dans
le xvi' siècle, le même nom à certains ana-
baptistes qui jiarcouraient les bourgs et les
villages, en disant qu'ils annonçaient la paix,
et qui par cet artifice séduisaient les peuples.
En général les hérétiques ne veulent la paix
qu'il condition quel'i n suivra leur doctrine
et que l'on adoptera toutes leurs idées. —
4* L'on a pu enfin désigner ainsi les théolo-
giens syncrétistes ou conciliateurs, qui ont
cherché un milieu pour accorder soit les
catholiques avec les protestants, soit les dif-
férentes sectes de ces derniers enire elles, et
qui tous ont fort mal réussi. Voy. Syncré-
tistes.
PACTE, convention expresse ou tacite faite
avec le démon, dans l'espérance d'obtenir
par son entremise des choses qui passant les
forces de la nature. Un pacte peut donc être
exprès et fonnel, ou tacite et équivalent. Il
est censé exprès et formel, 1° lorsque par
soi-même l'on invoque expressément le dé-
mon, et que l'on demande son secours, soit
que l*on voie réellement cet esprit de ténè-
bres, soit que l'un croie le voir; 2° quand on
l'invcque par le mii.istère de ceux qu'on
croit être eu relation et en commerce avec
lui. Le pacte est seulement tacite ou équiva-
le.-it lorsque l'on se borne à faire une chose
de laquelle on espère un effet qu'elle ne peut
produire naturellement ni surnaturellenient
et par l'opération de Dieu, parce qu'alors on
ne peut espérer cet effet (|ue par l'interven-
tion du démon. Ceux, par exemple, qui pré-
tendent guérir des maladies par des paroles,
doivent comprendre que les paroles n'ont
pas naturellement cette vertu. Dieu n'y a
pas attaché non plus cette efficacité ; si donc
elles produis<iient cet effet , ce ne pourrait
être que par l'opération de l'esprit infernal.
De là les théologiens conclurent que non-
seulement toute espèce de magie, mais encore
toute espèce de supersliliou renferme un pacte,
au moins tacite ou équivalent, avec le dé-
mon, puisqii'aucune pratique superstitieuse
ne peut rien produire, à moins qu'il ne S'en
mêle. C'est le sentiment de saint Augustin,
de saint Thomas et de tous ceux qui ont
traité ceite matière. Il n'est pas nécessaire
de prouver que tout pacte avec l'esprit im-
pur est un crime abominable ; puisque l'in-
voquer expressément ou équiva emment,
c'est lui rendre un culte, c'est doue un acte
d'idolâtrie ; attendre de lui ce que l'on sait
bien que Dieu ne veut pas nous accorder,
c'est en quelque manière le mettre à la place
de Dieu, et lui donner plus de con;iance qu'à
Dieu. La loi divine le défend expresse'
ment : Jésus-Christ a mis en fuite l'esprit
tentateur, en lui répétant ces jiaroles -.e la
loi : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu ci tu
le serviras seul [Matlh. iv, lOj ; il est venu
sur 1» terre pour détruire les œuvres du dé-
mdn [1 Joan. m, 8). L'Eglise, dans tous les
temps, a condamné toutes les pratiques su-
perstitieuses ou magiques, et a dit anathème
à ceux (pii y avaient recours. C'est un reste
de paganisme d'autant plus diflicile à déra-
cine.', que la curiosité, l'intérêt aveugle,
l'envie de se délivrer promptement d'un ma)
ou d'obtenir un bien, sont des passions â
peu près incurables. La seule raison , qui
peut dominer jusqu'à un certain point le
crime des superstitions, est l'ignorance ou
plutôt la stupidité de ceux qui les pratiquent.
Thiers, Truitédes Superst., t. 1, 1. 1, c. 1 et 10.
Nos philosophes, toujours très-confiants
en leur jiropres lumières, ont décidé que
tout pacte et tout commerce avec le démon
sont purement imaginaires ; que si quelques
insensés ont cru traiter n'ellement avec lui,
ce n'a \ni être qu'en rêvant ; que tous ceux
qui se sont vantés d'opérer des pro.iiges par
son entremise sont des imposteurs, et que
tous ceux qui y ajoutent foi sont des imbé-
ciles. Ils prétendent que les lois de l'Eglise
et les décisions des théologiens ne peuvent
aboutir qu'à entretenir sur ce point (a crédu-
lité et les erreurs populaiies. — 1° Quand il
serait vrai que tout ce que l'un a cru et pu-
1173
PAG
lilié dans Ions les siècles touchant les opéra-
tions du démon sont îles fabl<'s, les insensés
dont nous parlons ne seraient pas moins
coupaliles, puisqu'ils ont eu réellement la
volonté et l'uilention d'avoir directement ou
indirectement comm rce avec resjirit impur.
Les lois et les censures de l'Ei^lise ser.tient
donc toujours justes j elles sont absolument
aécessaiies pour préserver les peuples de
toute coniinnceaux prati(|ues superstitieuses,
puisqu'enlin le peuple est incapable de se
détromper de ses erreurs par des spécula-
tions pinlosophi(iues; et quand il serait en
état d'y coniprendr quelque chose, les phi-
losophes no se donneinient pas la peine de
l'instruire. — 2° Ces savanis dissertateuis
.sont-ils en état de démontrer par des [ireu-
ves positives la fausseté de tout ce qui «été
dit sur ce point |)ar les écrivains sncrés, par
les anciens philosophes, par les Pères de
l'Kglise, par les voyageurs qui se donnent
pour témoins oculaires de ce qu'ils rappor-
tent ? Il est aisé de dire, Cela n'est pas vrai,
Ci-la est impossible ; mais où est la démon-
stration ? Des lémoignaj^es positifs sont une
preuve, l'ignorance incrédule n'en est pas
une. — 3* Ce ne sont point les lois de l'K-
yiise ni les 0|iinions des théologiens qui ont
})ersiiadé aux Caraïbes de l'Amérique, aux
indiens, aux nèi^res de Guinée, ni aux La-
pons, qu'ils sont en commerce avec des es-
prits, ni qui leur ont appris à pratiquer la
magie ; cet art infernal est plus ancien qui^
le christianisme, et noti(Meligionra extirpé,
ou du moins l'a rendu Ires-rare partout
où elle s'est établie. Voy. Démo\ , Ma-
GiK , etc.
Pacte social. Voy. Société.
P^DOBAPriS"\lÈ. Voy. Baptême des en-
fants.
PAGANISME, païens. Le paganisme est le
polytliéisme joint h ridol.''itrie, c'(»st-k- lire la
croyance de plusieuis tiieux etleculte qu'on
leur rend dans les idoles ou simulacres qui
les représentent. On croit que ce nom est
venu de ce tju'après riHablissement du chri-
stianisme, les liaJjitanfs de la campagne que
nous nommons les paysans, pagani, furent
les derniers qui demeurèrent attachés au
culte des faux dieux, et ijui continuèrent à
1 ' pratiquer, pemiant que les habitants des
vrlies et tims les hommes instruits s'étaient
faits chrétiens. De là il est arrivé que poly-
Ihéisme, idolâtrie, paganisme, sont devenus
des termes synonymes. Depuis iju'il a plu
aux incrédules de justitier ou d'excuser tou-
tes les fausses religions pour calomnier la
vraie, de pallier les absurdités et les crimes
du paganisme, alin de les fane retomber sur
les adorateurs d'un seul Dieu, il est devenu
n'cessaire de conn.dtre à fond le système
des païens, son origine, ses progrès, les ef-
fets qu'd a pi'oduits, les conséquences qui
s'en sont ensuivies; sans cela l'on no com-
prend! ait pas assez, l'importance du service
(jue les leçons de Jésus-Christ ont rendu au
geiu'e humain, et l'on ne serait pas en état
de réfuter l'olieux parallèle que les hé'réti-
ques ont osé faire entre le culte praticiué
PAG (174
dans l'Eglise cathohque et celui des païens.
Nous croyonsavoir dé'jh suffisamment éclai.rci
ce sujet au mol Îdoi.atiiik ; mais nous n'a-
vons pas encore discuté les divers systèmes
que nos adversaires ont imaginés pour en
imposer aux ignorants. Ils ont môle cl'ailleurs
ti ci'Ue matière certaines questions inciden-
tes, touchant lesquelles il est bon de savoir
ce qu'il y a de v/;ai ou de faux.
Nous avons donc à examiner, 1° si les
dieux des païens ont été des hommes, et si
l'idolAtrie a commencé dans le numdepar le
cidte des morts ; 2° si le polythéisme a été
la première religion du genre humain; 3- si
les polythéistes ont admis un Dieu suprême
auquel ait pu se rapporter le culte rendu aux
dieux populaires; 4-° si l'on peut en quelque
manière excuser l'idolâtrie; 5° si les lois
portées par Moïse contre ce crime étaient
trop sévères ; C° si parmi les Pères de l'E-
glise il y en a quelques-uns qui l'aient ex-
cusé, et d'autres qui l'aient condamné avec
trop de rigueur ; 7" de auelle manière les
païens ont défendu leur religion lorsqu'elle
a été attaquée par les docteurs chrétiens ;
8" si les prolestants sont venus à bout (h;
pouver ([uc le culte rendu aux saints et h
leurs images par les catholiques est une
idolâtrie. On doit prévoir que dans toutes
ces discussions nous serons souvent obligés
de répéter en gros les principes et les faits
que nous avons posés ailleurs.
§ I. Les dieux du paganisme ont-ils été des
hommes? An mot Idolvtuie, nous avons
prouvé par l'Ecriture sainte, par le sentiment
des philosophes les plus célèbres, par le ré-
cit des poètes, que ces dieux préiendus
étaient des esprits, des génies, des intelli-
gences que les païens supposaient logés dans
toutes les parties de la nature, et auxquelles
ils en attribuaient tous les phénomènes ; que
c'étaient par conséquent des êtres imaginai-
res qui n'ont jamais exîst •. Ce Sentiment,
quelque certain qu'il nous ail paru, a été dt-
taqué par de savants écriv.iins ; ils ont pensé
que le polythéisme a commencé par hono-
rer les âmes des morts, qu'ainsi les dieux
des païens ont été des hommes qui ont vécu
dans les premiers âges du monde. Quoique
nous fassions beaucoup de cas de le ir éru-
dition, ils ne nouspiraissentavoir fondé leurs
différentes hypothèses que sur des vraisem-
blances, et non sur aucune (reuve positive ;
aucun n'a dircctemenl attaqué celles que
nous avons données de notre opinion, c'est
assez déjà i)0ur nous y conHimer. Mais nous
en avons encore plusieurs à [iroposer. —
1° L'on ne peut pas douter que le iiolylhéis-
me et l'idol 'trie ne soient nés chez des na-
tions plon,.:,ées dans l'état de Ijarharie, puis-
que Ion n'en a presque trouvé aucune dans
cet état qui ne fût polythéiste et idolâtre.
Pour l'être, il n'est pas nécessaire d'avoir des
statues ou des images travaillées, il su/ht
d'adorer un objet matériel quelconque, en
le supposant animé [lar lhi génie intelligent
el puissant, duquel dépend notre destinée.
Lorsque les Grecs adoiaient ^'énus sous la
forme d'une borne ou d'une pyramide blan-
4175
PAG
PAG
H76
che, ils n'étaient jias moins idolAties que
quand ils offrirent leur encens à la Vénus
ae Praxitèle. Mais dans l'état sauvage, lors-
que les familles sont encore éparses, isolées,
tout occupées de leur subsistance animale,
il ne peut y avoir parmi elles aucun [)erson-
nage assez important ni assez grand pour
s'attirer l'attention de ses semblables. On ne
peut en citer aucun exemple chez les peu-
ples anciens ni chez les sauvages modernes.
Tous connaissent cependant des esprits, des
génies, des manitous, des fétiches, qu'ils re-
doutent et qu'ils révèrent, et ces esprits ne
sont point les âmes des morts. — 2° Suivant
l'histoire sainte, les Chaldéens ont été les
plus anciens polythéistes, et, selon le té-
moignage de tous les auteurs profanes, ils
adoraient les astres. S'ils avaient aussi rendu
un culte aux âmes des morts, il serait fort
singulier qu'ils n'eussent divinisé aucun des
anciens patriarches, qui étaient leurs aieux,
et desquels ils ne pouvaient avoir perdu la
mémoire. Noé et Sem, qui étaient la tige de
leur nation, ne méiitaient-ils pas plutôt des
autels qu'un prétendu roi Bélus qu'on leur
donne pour premier roi, et dont l'existence
n'est rien moins que certaine ? Il en est de
même des Egyptiens ; ils reconnaissaient Me-
nés pour leur premier roi, et il est très-pro-
bable que Menés était Noé ; mais ce n'était
pas leur premier dieu. Suivant tous les au-
teurs égyptiens, le lègne des rois avait été
précédé chez eux par le règne des dieux, et
ceux-ci, tels qu'Osiris, Sérapis, Isis, Anubis,
etc., n'étaient certainement pns des hommes,
quoique plusieurs écrivains se soient obsti-
nés à les regarder comme tels. — 3" Chez
les Grecs et chez les Romains, le culte des
grands dieux, des dieux anciens, fut toujours
distingué d'avec celui des héros ou des
grands hommes; nous le voyons par la théo-
gonie d'Hésiode, qui est le plus ancien des
mythologues. Or, si les grands dieux, tels
que Jupiter, Mars, Vénus, etc., avaient été
des hommes, cette distinction ne serait fon-
dée sur rien. La plus ancienne apothéose
dont les Romains eussent connaissance était
celle de Romulus. De môme, chez les Chi-
nois, le culte des ancêtres est très-différent
de celui que l'on rend aux esprits moteurs
de la nature, au ciel, à la terre, aux tleuves,
etc. Cela est certain par le Chou-Ring et par
les leçons de Confucius. Cette considération
seule aurait dû détromper les partisans du
sysième que nous attaquons. — k" L'on ne
peut pas prouver que les anciens païens se
soient avisés de placer les morts dans le so-
leil, dans la lune, dans les autres astres, ni
dans les éléments, et on ne voit aucun ves-
tige de cette opinion chez les polythéistes
modernes. Les philosophes, qui ont cru
comme le peuple que les astres étaient ani-
més, n'ont pas imaginé que c'étaient des
âmes humaines qui s'y étaient allées loger,
et qui faisaient mouvoir ces grands cor|is :
un tel pouvoir est trop supérieur aux forces
de l'humanité. Platon, dit, à la vérité, qu'a-
près la mort d'un homme son âme va se réu-
nir à l'astre qui lui convient; mais il ensei-
gne dans le môme ouvrage que les astres,
en corps et en âme, ont existé longtemps
avant que la race des hommes fût formée.
Suivant l'opinion populaire, les âmes des
morts étoient dans les enfers ou dans les
champs élysées ; on ne les croyait point dis-
persées dans les différentes parties de la na-
ture. On ne peut pas prouver non plus que
les Egyptiens ont supposé, dans les animaux
qu'ils adoraient, des âmes qui avaient été
autrefois dans un corps humain; mais ils y
ont certainement supposé des espiits, des
génies, des dieux plus intelligents et plus
puissants que les hommes. Le philosophe
Celse soutient très-sérieusement cette opi-
nion dans Origène, 1. iv, n. 88. — 5° Dans une
question d'histoire et de critique, nous som-
mes en droit de citer le sentiment des diQé-
rentes sectes de gnostiques qui ont paru
dans le second siècle de l'Eglise, et qui
avaient puisé leur doctrine chez les philoso-
phes, soit grecs, soit orientaux : aucun de ces
sectaires n'a enseigné que les dieux des
païens étaient des hommes déifiés après leur
mort ; tous ont pensé que c'étaient des gé-
nies ou des esprits inférieurs à Dieu, et qui
avaient eu l'ambition de se faire adorer par
les hommes. Voy. Gnostiques, Valenti-
NiE\s, etc.
Nous cherchons vainement dans les divers
monuments de la croyance des païens des
argumei ts qui prouvent que les dieux an-
ciens, les dieux principaux et en plus grand
nombi e ont été des hommes déifiés ; nous
n'y trouvons que le contraire. Cependant les
plus habiles critiques protestants ont em-
brassé ce système ; nous verrons ci-après
par quel motif. Beausobre, Ilist. du Manich.,
t. II, 1. IX, c. IV, § 2 et suiv., prétend queles
dieux des païens w'onf^^t;' que des hommes;
que cela est démontré par plusieurs de leurs
cérémonies. Mais, dans cet endioit même, il
est forcé de se rétracter et de distinguer
deux espèces d'idolâtrie, savoir, l'adoration
des intelligences ou des esprits que l'on sup-
posait dans les astres et dans toute la nature,
et ensuite l'adoration des âmes des grands
lionnues. Voilà donc des dieux de deux es-
pèces ; la question est de savoir à laquelle des
deux l'on a commencé d'abord de rendre un
culte : or nous avons fait voir qu'elle est dé-
cidée par les auteurs sacrés, par les [iliilo-
sophes, par les poètes, par les usages et par
les opinions de tous les peuples idol.'itres. La
prétendue démonstration que Beausobre
veut tirer des cérémonies païennes est ab-
solument nulle; quand il y en aurait plu-
sieurs qui semblent avoir été instituées jiour
honorer des hommes, il ne s'ensuivrait rien,
puisque les païens en général attribuaient à
leurs dieux les actions, les inclinations, les
faiblesses, les vices et les accidents de l'hu-
manité. Dans son système, toute la mytho-
logie est un chaos inintelligible, au lieu
qu'elle s'explique très-aisément dans le sys-
tème op]josé. il assure que la ]ilus grossière
de toutes les idohitries a été le culte rendu
aux âmes des héros ; il se contredit encore
en disant, ibid. , c. ii, § 9 : « Le culte reudu
H77
PAG
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4178
aux anges on aux éons est plus raisonnable
quecelui que les jiaïens rendaient îi la pierre;
car les anges pensent et-agisserit, au lien (jue
la pierre n'a ni pensée ni action. » Or, en
supposant immortelles les âmes des grands
hommes, elles i^taient aussi capables de ]ien-
ser et d'agir que les anges et les éons. Il est
d'ailleurs évident que la plus grossière de
toutes les idol.'Uries a été le culte rendu aux
animaux et h leurs figures; cela est prouvé
par les reproches que Moïse fait aux Israéli-
tes au sujet du eulli^ du veau d'or, par les
paroles du livre de la Sagesse, c. xui, v. 10
et 14, et par celles de saint Paul {Rom. i, 23).
Beausobre cite le prophète Uaruch. c. vi.
28, pour ))rouver que les démons étaient la
môme chose que les Ames des morts. La vé-
rité est qui' ce |iroph(Me n'en dit pas un mot ;
il dit seulement, v. 21, que les Babyloniens
crient et hurlent contre leurs dieux, comme
on fait dans le repas d'un mort ; mais cela
ne signifie pas que ces dieux étaient des
morts. On sait qu'après le repas des funérail-
les les païens faisaient à grands cris leurs
derniers adieux aux morts. Le seul passage
de l'Ecrituie sainte ({ue nos adversaires ont
pu citer eu faveur de leur opiiuou, est le re-
proche que David fait aux Iraélites ( Ps. cv,
23), d'avoir été initiés aux mystères de Béel-
phégor et d'avoir mangé des sacrifices des
moi'ts. 11 ne s'ensuit pas de là que ce dieu des
Moabites était un homme mort. Ce même
critique ajoute que les païens n'ont fait des
statues que quand ils ont commencé d'ado-
rer des morts. Etait-il en état de prouver que
les thérajjfiim de Laban étaient des figiu'cs
de morts? Lui-même pense que c'étaient des
figures d'anges {Ibid. n, 14). C'est en défen-
dant aux Israélites d'adorer le soleil, la luuo
et les astres, que Moïse leur défend aussi, de
faire aucune figure d'homme, de femme ou
d'animaux (Deutcr. iv, 16 et suiv. ). Or des
figures d'animaux n'étaient pas faites pour
représenter des hommes morts. Le système
de Beausobre n'est dune fondé sur aucune
preuve solide.
Brucker, dans son Histoire critique de la
Philosophie, 1. H, c. II, § 19, soutient aussi
que ia première origine (iupolythéismeaété
Ib culte des morts; mais que les philosophes
orientaux corrigèrent ce préjugé dans la
suite. 1-ls supposèrent, dit-il, un Dieu su-
prême, père et gouverneur de l'univers, dont
l'essence, comme une grande âme, [lénétrait
toute la nature, était la source des esprits
qui en gouveinaient chaque partie. Ils cru-
rent que ces esprits étaient sortis de l'essence
divine par émanation, ou qu'ils en étaient
seulement une modification. Telle a été, se-
lon lui, l'opinion non-seulement des Chal-
déens et des Egyptiens, mais de tout l'ancien
piu/imisinc. De kl il conclut que les Chaldéens
adoraient le Dieu sujirême sous le nom de
Baal ou de Jupiter Bélus, parce que leurs
philosophes leur apprirent à rapporter au Dieu
suprême ce qu'ils disaient de leur roi Bélus,
qui avait été le premier objet de leur culte,
liien de plus fabuleux que cette hypothèse.—
i" Brucker n'a pu donner aucune preuve po-
sitive de ce qu'il avance ni des opinions qu'il
prête aux Chaldéens et aux Egyptiens; nous
ne sommes pas obligés de le croire sur sa
parole. — 2° Les |)lus anciens monuments
que nous ayons de la religion des Chaldéens
sont nos livres sacrés. Nous y lisons {Gènes.
XXXI, 19 ) que Laban avait des idoles, et i
les appelle ses dieux, v. 30; c. xxxv,v.l, que
Jacob, de retour de la Mésopotamie, et prô';
à offrir un sacrifice à Dieu, ordonna à -es
gens de sed('faire des dieux étrangers, qu'ils
les lui donnèrent, et qu'il les enfouit souî
un arbre. Il est dit dans Josm^, c. xxiv, v. 2,
et dans le livre de Judith, c v, v. 8, que lee
ancêtres d'Abraham, dans la Mésopotanne,
avaient adoré ])lusieurs dieux et des dieux
étrangers; IV Rcg. c. xvii, v. 29 et suiv., que
les Babyloniens et les autres peuples, qui fu-
rent envoyés ])ar le roi des Assyriens pour
habiter la Samarie , y joignirent le culte de
leurs dieux au culte du Seigneur; c. xix,
v. 30, et/saï. , c. xxxvu, v.38, que Senna-
chérib , roi des Assyriens , adorait son dieu
Nesroch ou Nisroch, dans son temple, lors-
qu'il fut tué par ses deux lils. Jérémie an-
nonce aux Israélites conduits en captivité à
Babylone quils y verront adorer des dieux
d'or, d'argent et de [lierre , Baruch, c. vi ,
V. 3. Daniel nous apjirend que Nabuchodo-
nosor, roi de Babylone, fit faire une grande
statue d'or et la fit adorer par tous ses su-
jets ; c. V , V. 4 , que Balthasar , son fils , fit
faire un grand festin pour toute sa cour ,
que les convives y célébraient leurs dieux
d'or, d'argent, de bronze, etc. Il n'est parlé
de l'idole de Bel ou de Bélus que dans le
cha|)itre xiv, v. 2. Peut-on prouver que ce
Bélus était un ancien roi d'Assyrie, et que
son culte était plus ancien que celui de tou-
tes les idoles dont l'Ecriture sainte fait men-
tion ? — 3* Brucker ne nous dit point qui
sont les philosophes chaliléens qui ont cor-
rigé l'erreur de leur nation et cjui lui ont
appris à rendre son culte au Dieu suprême,
sous le nom de Bélus ; nous ne connaissons
aucun philosophe dans aucun lieu du monde
qui ait travaillé à instruire les peuiiles , ni
qui leur ait fait connaître le Dieu suprême,
'l'ous ont caché leur doctrine au peuple ,
lorsqu'elle était contraire à ses préjugés ,
ou ils se sont appliqués à réduire en sys-
tème toutes les erreurs populaires. Nous
l'avons fait voir au motiDOLATuiEet ailleurs.
— 4° S'il y a eu une réforme religieuse chez
les Chaldéens et chez les peuples voisins ,
ce ne peut être que celle de Zoroastre; or
ce législateur vivait sur la fin de la captivité
do Babylone , et son système n'est point
celui que Brucker a trouvé bon de prêter
aux Chaldéens. Voy. Pausis.
Mosheim, qui était dans la même opinion
que Beausobre et Brucker , a bhïmé les cri-
tiques anciens et modernes qui ont cru re-
trouver les mêmes personnes dans les dieux
des Syriens , des Egyptiens , des Grecs , des
P>oma'ins , des Gaulois et des Américains. Il
aurait eu raison de les censurer, s'il était
prouvé que ces dieux divers ont été des
hommes; le même personnage ne peut avoir
4170
PAG
PAe
mo
vécu dans tant de lieux différents. Mais si
ces dieux sont le soleil , la lune , la terre ,
.'eau , le feu , les nui'es , le tonnerre , etc. ,
que Ton croyait animés* certainement ces
objets sont les mômes parto;it, et ils ont dit
faire sur tous les peuples à peu prôs la mu-
nie impression. Le Clerc n'a. pas mieux conçu
que les autres protestants ]>■& vi'ritab es ob-
jets du polythéisme et de l'idolâtrie; il l'ex-
pose fort mal dans son Ilist. ecclés. , Protég. ,
sect. 2 , c. I , §2 et suiv. Il n'apporte aucune
raison nouvelle pour prouver que les dieux
des p:iïens ont et' des hommes. D'autres
écrivains ont imaginé que les divinités de
la mythologie élaierit les attributs de Dieu
personnifiis : que Jupiter était sa puissànc ',
Junon sa justice, Minerve sa sagesse, etc. ,
qu ainsi Pieu lui-même était adoré sous ces
noms différents. Us ont pensé , .'■ans doute ,
que le polythéisme est né chez des peuples
l)liilosophes , exrrcés dans les sciences et
ca; ables d'imaginer de pareilles allép;,ories.
Mais nous avons observé que les hommes
les plus ignorants et les ilus grossiers sont
précisémeit ceux qui sont les jikis enclins
à mult plier , pour ainsi dire , la Divinité , à
placer partout des génies, des esprits, des
êtres super eurs à l'humanité , dont il est
impo.lant de gagner la bi' nveillance et de
prévenir la colère. Chez tous les leuples,
les fabl s et 1 s piatiques de lido âtrie font
plutôt al usion aux phénomènes de la nature
qu'aux attriliuts lie Dieu. Comment recon-
naître ces attributs dans les personnages que
l'on supposait présider aux inclinations,
aux vices , aux crimes des hommes , à l'im-
pudicité , à la vengeance , à l'ivrognerie , au
laicin , etc. ?
On noiis objecte que plusieurs fères de
l'Eg'ise ont soulerm aux païens que leurs
dieux avaient été des hommes; mais les plus
anciens , tels que saint Justin , Taticn, saint
Théophile d'Antioche , Clément d'Alexan-
drie, le poëlc Prudence, etc., dontplusie ts
étaient nés dans le pacjanisme , et qui l'a-
vairnt examiné de plus près , ont été con-
vaincus que ces dieux prétendus étaient des
génies ou démons qui étaient supposés ani-
mer les ditlérentes jiarties de la naiure. Les
Pères postérieurs , qui semblent avoir pensé
dillVremment, n'ont fait que suivre l'opinion
qui régnait de ieur teuips chez les païens
mômes; elle semblait être coiifu'mée parles
fables (|ui attribuaient aux dieux 1 -s actions,
les passions, les vices de l'humanité. C'était
donc un .irgument personnel dont les Pères
ont eu droit de se servir , sans remonter à
la première origine du polythéisme et de
l'idolâtrie. Mais le très-grand nombre de ces
saints docteurs ont pensé aussi, et non sans
l'aison, que les démons, ou les anges rebel-
les , attentifs à proiiter des erreurs et des
passions des hommes , sont souvent inter-
venus dans le culte que les paieus rendaient
à des génies purement imaginaires ; qu'ils
se sont ainsi approjiiié ce culte , et qu'ils
l'ont souvent conlirmé par des prestiges. 11
est en effet diflicile de coiufirendre que les
liummes aient pu regarder comme un culte
religiëtii des crimes (ets que l'impudlcifé ,
la |irostitulion, les sacrifices de victimes hit-
maines, etc., si ces abominations ne leur
avaient pas été suggérées paf des esprits
m.dicietix, eimefliis de Dieu et de ses créa-
tures. Il n'a pas été ni'cessaire , pour reli ,
que les démons allassent se lo.j^er dans les
astres, dans les é éinents, dans tous les corps
dans lesquels les f>aïens su|iposaienf des
esprits ; il leur a sufti de tromper les idolâ-
tres |)ar des prestiges et par des sug,'estions
infernales , pour devenir tout à la fois les
auteurs et les ob'ets de l'idnlâtrie (1).
§ IL Le polythéisme et l'idnlâtrie ont-Us
été In première religion du genre humain?
Plusieurs de nos philosophes modernes l'ont
assuré sans preuve et sur de sinJIiles con-
(I) 11 seiait exlrèifleinenl iniéressant de suivre la
marche pnigtcssive de I idolâtrie; mais les moiiti-
meiils hisloriiiiies (|iii nous rcslenl, écrits pour la plii-
p;nt sous le regnt^ de cette mmisliueiise erreur, nous
oB'rent :i peine de faibles lueurs. Une nuillilude de
systèmes ont été inventés sur ce sujet. Le célèbre
liuet, dans sa Démonst a ion éiiini]éli(iiie, suit lliis-
toile des principaux d.eux du p.iganisme et luontic
les rapports qui exislent entre cix et les grands per-
sonnages des premiers lenips du peupu^ juif. La
roule était ouverie : l'abbé Gnérih-Diirochcr y entra
à pleine voile : tout ce (|u'il y avait de vaçne sous la
plume du savant évoque disparait ; il précise tous les
laits et inoniie une lelle analogie entre les dieux du
paganisme et Abraham, Moïse, elc., qu'on ne peut
s'cnipjcher de s'écrier : Ce sdhi les mêmes person-
nages, [j'abbé Rànier, dans son ouvrage intitulé :
La ilijtk'iloyie ei les (ables erpliqu 'es par i histoire,
soutient que les dieilx dii paganisme soi\l qielqiies
prs un (i,ts importants, dont les actions ont été ern-
Lellies dans la suite. Fhiche, dans son Hisio te du ciel,
se persiia !e que le peuple ignoranl, voyant des li-
gules placées sur des toinbeaiix, les prit pyiir des
dieux, leur oITrit ses adorations et son culte. Bcigier,
dans son ouvrage sur VUrifiinc des die' x du puga-
ni me, prend pour des allégories la plupart de^ tables
et se persuade que li' peuple, non content d'adorer
Dieu en lui-inéiue, voulut encore l'honorer dans tes
lihénoniènrs de la iialiire. L'ignorance iransp/iMa
aux créaiures ce cul'e, pur dans son origine. Ces
systèmes sont loin de s élever a la hauteur d'une vé-
ritable démonstration. Ils ont tous un coté sérieux
et vrai. Il e.it constant qu'un gnind nombre de peuples
ont adoré les phé.onàènes de la nature. Il est aussi
certain que beaucoup d'hommes oui été déifiés.
I Nous en appelons à voire conscieuce, disait tértul-
lieu, nous ne voulons point d'autre juge; qu'elle nous
condamne, si elle ose nier que tous vos dieux aient
été des hommes. Si vous pouviez le nier, yos an-
ciens monuments vous convaincraient de faux; ils
ren.ent encore lénioign;tse à la vérité. On sait les
villes où vos dieux sont nés, les villes où ils ont vécu
et oii ils se sont rendus fameux par leurs exploiis;
la mémoire de leurs actions n'est point perdue, cl
on montre les lieux où reposent leurs cendres (i).>
II faut convenir aussi que loiil n'étant pas fable dans
la vie des dieux liii paganisme, les faits ont seule-
ment été déligures. « Dans tous les temps, dit un
philosophe paien, les traditions des anciens événe-
ineii;s ont élé déligurees par les tables que l'on a
ajoutées à ce qu'il y avait de vrai. Ceux qui, dans
la suite, ont entendu avec plaisir ces récits mêlés i!e
vrai et de faux, se sont plu .' y joindre encore de
nouvelles fictions, de sorte qu'il la lîu la vérité a
disparu, détruite par le mensonge (<i). »
(a) TiTtul. Apoloq., cap. x. i
{b) l'ausauias, tn Arcaà.
1181
PAG
Md
1182
jpctnros; ils ont senJonient fait voir quo si
Dieu avait dans l'origine abandomu'' tous les
peuples à leur ignorance et à leur stupidité
naturelle , ils auraient été certainement po-
lythéistes et idol.Ures , et que telle est la
peiite naturelle de l'espiit humain, comme
nous l'avons observé au mot Idolâtrie ,
§ 1 et 2. Mais l'Ecriture sainte nous a|)prend
que dès la création Dieu a prévenu ce mal-
heur, qu'il a instruit lui-môme nos premiers
parents «t leur postérité, et que si les hom-
mes avaient tous élé lidMes à conservci' le
souveni. de ses leçons priniitivos, aucun ne
serait tombé dans î'erreui'. Une j)renve po-
sitive de la vérité de cette tradition , c'est
qu'après la naissance même du polythéisme
et de l'idolâtrie , pi(-si|ue tous les (leuples
ont (>ncore conservé une notion vague et
faible d'un seul Dieu , auteur et souverain
maitro de la nature. Ainsi , du tenqis d'A-
braham, de Jacob et de Joseph, nous voyons
encore le \*rai Dieu connu, respeclT' et craint
par les Chaldéens, jiar les Ch:inan''cns et par
les Egyptiens (Cpn. xii, xiii, xiv, etc.)- L'his-
toiie de Job et de ses amis, celle des sages-
fèmmes d'I'gypte, doJéihro, beau-père de
Moïse, de Bala.ira, deRahal)de JéricliO, etc.,
nous montrent encore la mente notion sub-
sistante dans les temps jiosttTieurs ; malheu-
reusement eli ' n'influait en r;en sur le culie,
sur la morale ni sur la conduite du gros des
nations qui s'élaiont plonyi-es dajis l'idolâ-
trie. Nous pfmrriuns jimuver le mèuie fait
par le témoignage des auteurs profanes les
plus anciens et les mieux instruits ; mais
plusieurs savanisFunt fait avant nous: lluet,
Quœstioncs alnelan...; de Burigny, Thénlogie
des païens ; C\l(\svort\\ , Sj/st.inlpllcrl. ; Hiillvux,
Uist. des caiisis premières ; Bidlet , Démonst.
de l'existence de Dieu ; Mém. de rAcadéin. des
Jnserip., t. LXII, in-12, pag. 337, etc. Nous
avons rassemblé un grand noml)re de ces
témoignages dans le Traité historique et
dogmatique de la vraie religion, t. I, pag.
Ititi et suiv., IV édit. Cette id e d'un Dieu
suprême n'était certainement pas venue à
l'esprit des p< uples par le raisonnement ,
puisqu'en fail de religion ils ne raison-
naient pas ; c'était donc un reste de l'an-
cienne tradition.
Lorsque les disseitateurs incrédules ont
dit que tous les peuples ont été d'abord po-
lythéistes ; ((u'ensiiite , à force de méditer
sur le premier principe des choses, quelques
p!,ilusophes ont imaginé qu'il n'y a qu'une
seule cause f)remière , et qu'ils l'ont ainsi
enseigné, ils ont très -mal concn la marche
de l'esprit humain. Aussi, lorsqu'il leur a
fallu ex[)liquer par quelle progression d'idées
les peupb's ont passé du polytliéisme au
dogme de l'unité de Dieu, ces sublimes s; é-
culati'urs noni |)roposé que des conjectures
dénuées de toute vraisemblance.
En etl'et, si les peuples, accoutumés d'a-
borti à encens r plusieurs dieux et à leur
attribuer Icgouvernementdu monde, étaient
enlin parvenus k reconnaîtie un seul Dieu
suprême, ils lui auraient attribué sans doute
une pruvideuue, du moins une inspection et
une attention sur le gouvernement des dieux
inférieurs, le jmuvoir et la volonté d'en fé-
primer et d'en corriger les di'sordres. Or, (jucl
est le pcuj)le, quel est le philosophe (pii a
eu cette idée d'un Dieu suprême ? Ceux qui
ont admis une première cause, un formateur
du monde, ont supposé tous qu'il en aban-
donnait l'administration tout entière aux
génies ou esprits secondaires ; d'oîi ils ont
conclu que le culte devait être adressé à
ceux-ci, et non au Dieu suprême ; tel a été
le cri général de la |>hilosophie jusnu'à la
naissance du christianisme. Celse est le' pre-
mier qui ait semblé avouer que le cult(^ des
génies ne devait pas exclure cebii du Dieu
suiirême ; mais ce point important de doc-
trine n'a jamais été connu du connnun des
païens. A quoi servaientles spéculations des
pliilosopliL'S, lorsque le peuple n'y avait au-
cune part, et qu'elles ne pouvaient influer en
rien dans sa croyance ni dans sa conduite ?
On conçoit très-iùen , au contraire, que des
lionnnes instruits, dans renfance.del'exislen
ce d'un seul Dieu, de sa providence générale,
du culte qu'il fallait lui rendre, ont cependant
imaginé des génies, des esprits, des Ames,
dans tous les corps où ils voyaii'ntdu mou-
vement ; l'étonnement, la peur, l'ignorance
de la vraie causn des phénomènes, ont suffi
pour leur donner cette idée. Ce premier pas
une fois fail, le reste est venu de suite. Si ce
sont des génies qui mettent tous les corps
on mouvement, ce sont eux aussi qui pro-
duisent immédiatement lout le bien ou le
mal qui nous en arrive : en les supposant à
|ieu près semblables?! nous, ils doivent être
tlattés de nos hommages, de nos prières, de
nos otfrandes ; donc il faut leur en adresser.
Voila le polythéisme établi conjointement
avec la croyance de l'cxislcnco d'un seul
Dieu eu d'un seul Etre suprême. Si l'on se
persuade une fois que ce n'est pas lui, mais
des génies particuiii^rs qui distribuent les
biens et les maux, tout le cuite sera bientôt
réservé à ces derniers ; le vrai Dieu sera
oublié, méconnu, relégué, pour ainsi dire,
avec les dieux oisifs d'E,iicure ; dès qu'd ne
pense plus à nous, à quel titre serions-nous
obligés de nous occuper de lui ? Encore une
fois, l'Etre suprême conçu sans providence
immédiate n'est plus un Dieu, mais un fan-
tôme inutile, étranger à 1 human té. On aura
beau lui attribuer des perfections absolues,
l'éiernité, l'immensité, 1 1 tout '-puissance,
une intelligence et une sagesse intini .■s,elc.,
s'il n'y a pas en lui bonté, miséricorde, jus-
tice, atlenlion et libéralité à l'égar I de ses
créaUires, nous n'aurons pour lui ni le res-
pect, ni la reconnaissance, ni la crainte, ni
l'amour dans lesquels consiste le vrai cu'te ;
nous cherclierons ailleurs le maître ou les
maîtres que nous devons adorer. Or, ce n'est
pas la iihilosoplne qui a fait connaître aux
hommes les perfections ditines r laùves et
adorables qui les intéressent, elle ne s'en
occupa jamais; c'est la lévélation S'ule, et
sans celte lumière surnaturelle nous les igno-
rerions encore ; mais ce sont celles dont
l'Ecriture sainte nous parle le [ilus souvent.
flS5
PAG
PAC
1184
De tout cela il s'ensuit, 1* que Dieu, en
ordonnant aux hommes de sanctifier le sep-
tième jour"de la semaine en mémoire do la
création, avait pris le moyen le plus propre
à conserver parmi eux la notion d'un Dieu
créateur , conservateur et gouverneur de
l'univers , duquel viennent immédiatement
tous les biens et les maux de ce monde, qui,
par conséquent, doit être seul adoré. L'exac-
titude des patriarches îi observer ce culte
exclusif a maintenu parmi eux la vraie foi ;
la négligence de leurs descendants à remplir
ce devoir les a fait tomber insensiblement
dans l'erreur ; leur faute a donc été volon-
taire et inexcusable. — 2° Dès ce moment
le spectacle de la nature n'a plus sufli pour
élever les hommes k la connaisance d'un
seul Dieu : il est, au contraire, devenu un
piège d'erreur, auquel les philosophes môme
ont été pris ; savants ou ignorants, tous ont
cru les corps animés par des esprits plus
puissants que l'homme , desquels dépendait
son sort .sur la terre, auxquels, par consé-
quent, il devait adresser son culte, et la
philosophie n'est venue à bout d'en détrom-
per aucun. Plusieurs se sont plongés dans
l'athéisme, plutôt que d'en revenir k la doc-
trine et à la croyance primitive. — 3° Les
déistes ont donc "très-grand toit de vanter
les forces delà raison et de la luoiièr.' natu-
relle, pour connaître Dieu et savoir le culte
qu'il fautlui rendre; il faut en juger parl'évé-
nement, et non jiar des conjectures arbi-
traires. L'exemple de toutes les nations an-
ciennes et modernes démontre que l'homme
passe fort aisément de la vérité à l'erreur,
mais que sans un secours surnaturel il ne
lui est jamais arrivé de revenir de l'erreur à la
vérité.
§ IIL Le culte des polythéistes a-t-il pu se
rapporter à un Dieu suprême ? Parmi le
grand nombre des savants qui se sont appli-
qués à prouver qu'au milieu même des
ténèbres de l'idolâtrie, il s'est toujours con-
servé du moins une faible notion d'un seul
Etre suprême, tous n'ont pas agi par des
motifs également louables. Les uns ont vou-
lu prouver, contre les athées, que le poly-
théisme n'a pas été la croyance constante et
uniforme de tout le genre humain. Les déis-
tes ont saisi avec avidité cette occasion de
conclure qu'avant le christianisme tous les
peuples n'étaient pas [donnés dans un aveu-
glement aussi profond que le supiiosent les
théologiens, et que ceux-ci sont partis d'un
faux principe pour démontrer la prétendue
nécessité de la révélation. Plusieurs protes-
tants en ont profité à leur tour, afin de per-
suader que le culte rendu par les païens à
. des dieux subalternes était relatif et se rap-
portait au vrai Dieu, tout comme celui que
les catholiques rendent aux anges et aux
saints ; que, si le premier était une idolâtrie
criminolîe, le second ne l'est pas moins.
Beausobre, le plus téméraire de tous , dans
son Hitt. du Manich., 1. ix, c. iv, § k, ])Ose
pour principe que jamais les païens n'ont
confondu leurs dieux avec le Dieu suprême;
que jamais ils ne leur ont attribué l'indépen-
dance ni la souveraineté. Ils ont bien su,
dit-il, que ces dieux n'étaient ou que des
intelligences nées du Dieu suprême, et qui
en dépendaient comme ses ministres, ou que
des hommes illustres par leurs vertus et par
leurs services. Si donc par le polythéisme
l'on entend la croyance de plusieurs dieux
souverains et indépendants, il n'y eut jamais
de polythéisme.dans l'univers. Il conclut que
le culte rendu par les païens aux dieux
vulgaires se rapportait au Dieu suprême ;
qu'ainsi ce culte n'était pas défendu par la
loi naturelle, mais seulement par la loi
divine positive, que les païens ne connais-
sent pas. 'Voilà un chaos d'erreurs et d'im-
postures que nous avons à réfuter.
Remarquons d'abord que la question n'est
pas de savoir si les païens, ignorants oa phi-
losophes, ont admis un premier Etre forma-
teur du monde, que l'on peut appeler le Dieu
suprême; mais s'ils lui ont attribué une pro-
vidence, une attention, une action, une
inspection sur ce qui arrive dans le monde,
et principalement sur le genre humain.
Dussions-nous le répéter dix fois, un premier
Etre sans providence n'est ni Dieu, ni maî-
tre, ni souverain ; on ne lui doit ni culte, ni
respect, ni attention quelconque. Or, nous
défions Beausobre et les critiques les plus
habiles, de prouver que les païens, soit igno-
rants, soit philosophes, ont admis un Etre
suprême occupé du gouvernement de ce
monde, dont les dieux populaires ne sont
que les ministres, et auquel ils sont comp-
tables deleur administr;ition. Non-seulement
il n'y a aucun vestige de cette croyance dans
les anciens monuments, mais il y a des
preuves positives du contraire (1). — 1° Mos-
heim, plus sincère que Beausobre, convient
dans ses Notes sur Cudworth,^c. iv, § 15 et
17, qu'aucun des témoignages allégués par
ce savant anglais ne prouve la croyance dont
nous parlons. Bayle est de même avis. Con-
tinuation des pensées div., § 26, 66 et suiv. ;
Rép. auxquest. d'tm Prov., c. cvii et ex, etc.
Le docteur Leland, Nouv. démonst. évang.,
1" part., c. XIV, fait voir qu'aucun des philo-
sophes anciens n'a professé clairement et
constamment le dogme d'un Dieu suprême,
père et gouverneur de l'univers ; que si quel-
quefois ils ont semblé l'admettre, d autres fois
ils ont partagé le gouvernement du monde
entre plusieurs dieux indépendants. Saint
Augustin, liv. xx contra Faust. , c. xix,
avait dit que les païens n'ont jamais perdu
la croyance d'un seul Dieu, mais dans la
suite il a observé que Platon est le seul qui
ait enseigné que tous les dieux ont été faits
par un seul, De Civit. Dei, 1. vi, c. i ; que
les autres philosophes ne savaient qu'en
])enser, 1. ix, c. xvii. Nous avons vu ailleurs,
en rapportant le système de Platon, que
selon lui, l'Etre suprême a seulement lait
les dieux visibles , les astres, le globe de la
terre, les éléments ; que les dieux visibles
(1) Cette alTirmation est peut-èlre un peu .'ibsolue.
iSoiis (r(iyoiis(|ii'(iii pourrait trouver dans les anciens
nioniiinciUs ((ueiques vestiges de la loi eu un Etre
suprême, modérateur tlumonde. Voy. Dieu.
41S5
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118(5
ont engendré dans la suite les dieux invi-
sibles , les dieux populaires, et que ce sont
ces derniers qui ont formé les hommes et les
animaux. — '2° Loin ti'attribuer à l'Etre su-
prême une i)rovidenee à l'éj^ard des hommes,
Platon suppose qu'il n'a pas seulement dai-
gné les foi nier. Aussi, lors(ju'il veut prouver
la providence, dans son dixième livre des
Lois, ce n'est point à l'Ktro suprême qu'il
l'attribue, mais aux dieux en gi'néral ; co
sont ces derniers, et non l'Etre suiirAmc,
qu'il invoque dans ce livre (!t dans le Tiinéc,
alin de pouvoir parler sagement de la nais-
sance du monde; et de l'existence des dieux ;
il n'ose dans l'un ni dans l'autre d(; ces ou-
vrages réfuter les fables de la mythologie, il
les laisse telles qu'elles sont. Cicéron, dans
ses livres de la Nature des dieux, a rapporté
et comparé les sentiments de tous les philo-
sophes : nous n'y voyons aucun vestige de
la [)rétendue croyance d'un Dieu suprême,
gouverneur de l'univers, et arbitre du sort
des hommes. 11 serait singulier qu'en faisant
rémunération de toutes les opinions philoso-
phiques, Cicéron eiU passi' sous silence la
seule qui soit vraie et raisonnable, et qui,
selon nos adversaires, était la croyance com-
mune des païens. Nous y apiirenons seule-
ment que, suivant l'avis des stoïciens, l'Etre
suprême était l'ihne du niunde. Or cette
âme n'avait pas plus d'empire sur les phé-
nomènes de la nature, (|ue notre âme n'en
a sur l'économie animale de notre corps,
sur la circulation du sang, sur le cours des
esprits animaux, sur lesmouvements convul-
sils, ou sur les douleurs qui nous arrivent.
A plus forte raison l'Ame du monde n'avait-
elle rien ;i voir aux aciions des hommes, aux
biens ou aux maux qu'ils éprouvent ; tout
cela se faisait selon les lois irréformablesdu
destin, ou par une nécessité fatale. — 3° Puis-
que d'ailleurs le peuplcn'entendaitrien aux
spéculationsdesplnloso])lies, nous voudrions
savoir dans quelles leçons le commun des
païens avait puisé la connaissance d'un Dieu
suprême, servi et obéi par les dieux infé-
rieurs : serait-ce chez les poètes et chez les
mythologues ? Suivant leur doctrine , les
premiers dieux étaient nés du chaos et du
vide, les plus anciens donnèrent la nais-
sance aux autres ; celui qui se trouva le
plus fort devint le maitre des autres, leur
distribua leurs emplois, et se réserva le ton-
nerre pour les faire trembler. Mais de quel
droit aurait-il empêché les autres de com-
mettre des injustices et des crimes? Suivant
les fables, aucun Dieu n'en commit jamais
autant que lui. Il est à présumer que si le
commun des païens avait eu quelque notion
d'un Dieu suprême , duquel ces derniers
dépendaient, on lui aurait souvent fait des
plaintes de la mauvaise conduite de ses mi-
nistres. Il est donc incontestable, quoi qu'en
dise Bcausobre, que le jiolythéismo était la
croyance de plusieurs dieux souverains et
indépendants, puisque chacun d'eux l'était
dans son département. Neptune n'attendait
lioint les ordres d(i Jupiter pour soulever ou
pour calmer les Ilots de la mer, non plus que
Pluton pour exercer son em])ire dans les
enfers ; Mars ni Vénus ne demandaient à
personne la permission d'inspirer aux hom-
mes, l'un la fureur gueriière, l'autre le [)en-
chant à la volupté ; personne ne s'informait
si Jupiter lui-même avait lancé la foudre sur
les bons ou sur les méchants. — 4° Ce cri-
tique nous citera peut-être le sentiment de
Celso et des nouveaux [ilaloniciens ; mais qui
ne sait pas quecesimposteurs avaient changé
en [)lusieurs choses la doctrine des anciens
philosophes, et qu'ils l'avaient ra[)prochée
de celle du christianisme!, pour |)arer aux
arguments des docteurs chrétiens ? Moslieim
l'a fait voir d.uis une Dissertation sur la Créa-
lion. Ji 29 et suiv. Beausobre n'a pas ignoré
que l'orphyre, plus sincère et meilleur logi-
cien que les autres, enseigne qu'il faut sa-
critier aux dieux, mais qu'on ne doit rien
présenter au Dieu suprême, qu'il est inutile
(le s'adresser à lui, même intérieuremerit.
De Abslin., I. ii, n. 3i. Il a cité ce passage,
mais il l'a falsifié, Ilist. du Munich., 1. ix, c.
V, S "i- Enfin il s'est réfuté lui-même, ibid.,
§ 8, en avouant que le /)a(7a»(".s)«e du peuple
no doit point être comparé h celui des plii-
losophes ; que c'étaient deux religions bien
diirérentes. Ainsi, quand il serait vrai que les
pliilosojjhes ont admis un Dieu suprême,
que les dieux inférieurs n'étaient que ses
ministres, que le culte rendu ii ceux-ci pou-
vait se rapporter à lui, cela ne conclurait
encore rien à l'égard du commun d s païens.
Non -seulement ceux-ci n'avaient aucune
connaissance du prétendu Dieu suprême des
phdosophes, mais Platon, dans le Timée,
avoue qu'il est très-difficile de le découvrir,
et impossible de le faire connaître au peu[)le.
En elfet, les païens le connaissaient si peu,
que, quand les chrétiens vinrent l'annoncer
au UKUido , ils furent regardés comme des
athées, parce qu'ils ne voulaient pas adorer
les dieux populaires. — 5° 11 est étonnant
que nos critiques modernes veuillent nous
donner du paganisme une idée plus avanta-
geuse que les i)hilosophes mêmes. Porphyre,
ibid., n. 35, avoue «que plusieurs de ceux
qui s'appliquent à la philosophie cherchent
plus à se conformer aux préjugés qu'à hono-
rer Dieu; qu'ils ne songent qu'aux statues,
et ne se proposent point d'apprendre des
sages quel est le véritable culte; » n. 38, il
distingue de bons démons , qui ont pour
[irincipe l'âme de l'univers , et qui ne font
que du bien aux hommes, et de mauvais
génies qui ne font que du mal; n. '*0, ceux-
ci, selon lui, sont la cause des fléaux de la
nature, des erreurs et des passions des hom-
mes; ils ne cherchent qu'à tromper et à sé-
duire , à donner aux hommes de fausses
idées de la Divinité et du culte qui lui est
dd ; ils inspirent , dit-il , ces opinions non-
seulement au peuple, mais aussi à plusieurs
philosojihes, etc. Aujourd'hui on veut nous
{lersuader que non-seulement les [ihiloso-
phes, mais le commun des païens avaient
des idées très-justes de la Divinité , qu'ils
connaissaient un Dieu suprême , el que le
culte rendu aux démons ou génies, bons ou
1187 PiG
mauvais, se rapportait à lui. — 6° Beausohro
déraisonne on soutenant que ce culte n o-
tait pas défendu par la loi naturelle, mais
sfulemeut par la loi divine positive; ce qu \\
dit pour justifier les martyrs de la Perse, qui
souffrirent la mort plutôt que d'adoriT le
soleil , n'csl qu'un tissu d'ineoties. 11 est
certainement défendu par la loi naturelle
d'adorer |)lusieurs dieux, de rendre le culte
suprême h d'autres êtres qu'au vrai Dieu;
surtout de le rendre à des ôlres fantastiques
et imaginaires , auxquels on attribue d'ail-
leurs tous les vices et tous les crimes de
riiumanité; or tels étaient les ])rétenilus
dieux des païens. Tout le monde convient
qu'à la réserve de la sanctification du sab-
bat, tous les préce, tesdu Décalogue nesiUt
autre chose que la loi naturelle écrite ; or le
premier préi e.ite que nous y voyons est ,
Vous n'aurez point d'autre Dieu que moi. De
là môme il s'ensuit qu'il est détendu par la
.oi naturelle de faii'e aucune action qui puisse
paraître un renoncement au culte du vrai
Dieu. Ainsi le viedlard Eléazar obéit Ji la loi
naturelle lorsqu'il aima mieux mourir que
de manger de la c'iair de pourceau , parce
que , dans la circonstance où il se trouvait,
cette action aurait été prise pour une pro-
fession de paganisme. Les chrétiens, qui re-
fusaient de jurer par le j;énie de César, agis-
saient par le même principe, les païens en
auraient conclu qu'ils renonçaient au chris-
tianisme. Les martyrs de la Perse avaient
donc raison de ne vouloir pas adorer le so-
leil, puisque les Perses l'exic^oaient comme
un acte d'apostasie. Saint Siméon de Séleu-
cie ne voulut pus mêmese jirosteiner devnnt
le roi de Perse, tomme il avait cou urne de
faire, parce qu'ai iVs on voulait le forcera
renierle vrai Dieu, Sozoïu., Ilist. rcclrs., 1. ii,
c. IX. C'est ce jui devrait emiiôcher les Hol-
landais de fouler aux pieds l'image du cru-
cifix en entrant au Japon , parce que cette
action est re,..;ardée par les Japonais comme
une abnégati iU de la religion chrétienne.
Voilà ce que le bon sens dicte à tmt homme
capable de rétl'xion; mais Benusobre a été
aveuglé |;ar ses préjugés, au point de ne pas
voir qu'il a fourni des armes aux déistes
))0ur se défendre contre les preuves de la
nécessité d'une révélation.
Un philosophe moderne , mieux instruit
que Beausobre, a donné du paganisme une
idée très-juste. Les païens, dit-il, avaient
des cérémonies dans leur cu'te, mais ils ne
connaissaient point d'articles dn foi (1), ni
(1) M. <le Lamennais avait émis en principe que les
anciens p uples ne jurcal pas y.nlii liéish s ; f/»i; Imir
idolàiiie I t:il un mm et iiun «ne enciiy, ta d lilion
d'un précepte et non lu ni'j.liot d'un dogme. Les
Conférences de liayeux Ini répondent :
I M. (le Lamennais a compris qu'il serait contraint
d'abandonner SOS opinions et ses raisonnements sur le
principe de certitude, s'il avouait que le polythéisme
a régné dans le monde p;^n !ant plus de deux
mille ans , et que toutes les nations, à l'excep-
tion (Pune sftidc, ont été entachées de celle erreur. II
a mieux aimé, malgré l'évidence des faits, soutenir
que les anciens peuples, tout en offrant leurs adora-
PAG
4188
de théologie dogmatique; ils ne savaient pas
seulement si leurs dieux étaient de vrais
personnages , ou des symboles des puissan-
tions et leurs sacrifices m une foule de divinités bi-
zarres, et même à des créatures inanimées, ont ce-
pendant toujours professé le dogme de l'unité de
Dieu. < Avant de montrer, dit-il, comment le genre
humain tomba dans l'ido'àirie, nous ferons observer
qu'elle n'est pas la négation d'un dogme, mais la vio-
lation d'un précepte et du premier de tous, de ce-
lui ([ui ordonne d'adorer Dieu et de n'adorer que lui
seul.... On honora le Oréaieur dans ses oeuvres les
plus éclatantes, devenues autant de symboles de la
Divinité... L'idolâtrie ne fut jamais que le cidte des
esprits bons et mauvais et le culte des hommes dis-
tingués par des qualiiés éclatantes ou vénérés pour
hîiirs bienfaits, c'est-à-dire, au fond, le culte des
anges et celui des saints... L'idolâtrie n'était point,
à proprement parler, une religion, mais senlen.'ent
im colle superstitieux. » M. de I-amcnnais n'est pas
l'inventeur de ce système; d'autres l'ont soutenu
avant lui, et surtout Cvidworlh, dans son ouvrage
intitulé : Système mtellectuel du monde contre les
athi'es; Biaiisobre, dans son Histoire du Manichéis-
me... An reste, quel qu'en soit l'auteur, on ne réus-
sira jamais à le concilier avec renseignement des
livres saints et le témoignage de l'histoire. Non, l'i-
dolàtrie des anciens peuples ne lut pas seulement un
crime; elle était encore une erieur; les i oies de-
vant lesquelles ces peuples se prosternaient n'étaient
pas seulement dans leur pensée des symboles de la
Divinité ; ils leur ailribuaient au moins une vertu di-
vine, ils leur rendaient un culte absolu. Pourquoi, en
eliet, Moïse rappelait-il si fréquemment au peuple
juif l'unité de Dieu, sinon pour le préserver de l'er-
reur dans laquelle étaient plongées toutes les na-
tions voisines? L'auteur inspiré du Livre de la Sa-
gesse n'accusait-il pas d'erreur les peuples iidideles,
lorsqu'il disait : Que les hi mmes sont juihles et avu-
çili's ! ils ignorent Dieu ; ils ne le voient pas dans les
'merveilles qui s'opèeiit deeani eux; ils simaijineiil
follement que le jeu, l'air, le soleil, la lune, tous Us
astre::, sont les dieux q^à youveinent le nio ide ! Ce roi
de Babylone qui, dans son ignorante simplicité,
croyait que la statue de Bel dévorait pendant la nuit
les aliments qu'on plaçait le soir devant elle, ne
voyait-il donc dans celle statue (|u'un symbole maté-
riel de la Divinité? Eidin saint Paul ne snpposail-il
pas que l'ulolàtiie élail une erreur, quand il écrivait
aux Galales : Vom ne connaissiei pas Dieu, et ceux
auxquels voui rendiez vos lio nmages n'nvment pas la
nature divine; ou bien lor-.qiie, rencontrant dans
Athènes un temple sur le frontispice duquel on avait
gravé ces mots : Au Dieu inconnu, il disait aux habi-
lants de cette ville : .\oiis ne devons pas croire q e la
mit ire divine soit semblable à l'or, à Cargent, à ces
pierres (açonnéiS et sculptées jiar fart • i Cindustr'e des
liomines ? Ces reprocliés de l'Apôtre eussent-ils été
fondés, si la foi des vcrilés primitives s'éiait conser-
vée chez tous les peuples par une tradition perpé-
tuelle, universelle et infaillible? Nous avouerons sans
peine (pie la croyance d'un Dieu suprême s'est tou-
jours conservée au milieu des ténèbres de l'idolâtrie,
on du moins que cette croyance n'a jamais été en-
tièrement elfacée ; nousavouerons encore, si l'on vcul,
que quelipies-uns des dieux du paganisme ont pu
ifétre d'abord que diUerentes dinouniiatioiis données
à la Diviinié pour exprimer ses attributs ou ses opé-
rations. Mais lorsqu'une fois l'idolâtrie se fut répan-
due dansle monde, ces dénominations diverses fuient
transfoiinées en autant de divinités particulières, et
déjà le Dieu supriine, désigné dans le priiuq>e par
ces dillérenls noms, n'était plus le Dieu viTitable. Ce
Jupiter, dont les poètes racontaient l'origine, la vie,
les désordres et les aventures scandaleuses, était-il le
Dieu iuliui , créaleiLir du monde ? On n'héi>itait p^s
H8d
»AC
t»AG
iiOO
ces naturelles, comme du soleil, des planè-
tes, des éléments. Leurs mystères n'élaiciit
point des dn^mes , mais <les piali [ws se-
crètes, souvent ridicul.'S et absurdes; il fal-
lait les caohi'r pour les garantir du uiépris.
Les |)aiens avaient leiu'S superstitions, ils se
vantaient de miracles . tout «'lait plein choi
eux d'oracles, d'augures, de |>résa ^C'^, de di-
vination; les iirèties inventaient des mar-
ques de la colère ou de la linnlé des dieux,
dont ils prétendaient être les interprètes.
Cela tenlait à gouverner les esprits par la
cr;iinte et par l'espérance des événements
luimains; mais le grand avenir d'une autre
vien'étijit guère envisagé; ou ne se mettait
point en [leine d(^ doaiu'r aux hoamies de
véritables sentiments de Dieu et de r.lme.
Esprit de Leibnitz, t. 1, p. 4(15. Ce tableau du
paganisme n'est pas dill'érent, dans le fond,
de celui qu'en a tracé Varron, le plus savant
des Romains, dans saint Aug., 1. vi de Civil.
Dei, c. V. Il distingue trois espèces de théo-
logie païenne ou de croyance touchant la Di-
vinité : colle des poiHcs , conteiuie dans les
fables, celle que les philosophes enstùgnaient
dans leurs écoles, celle que l'on suivait dans
la pratique et dans la sociité civile. 11 Ciin-
vient que la première, qui attribuait aux
dieux des faiblesses et des crimes était ab-
surde et injurieuse à la Divinité; il dit que
cependant à lui altribiier la naline divnie ; on l'ap-
pi'iail le père, le nioiKiri|nc , la imissance élcrnelle
des tioiniiicset des dieiiv. i En lui aUribnant, dit le
docleiir Leland, les uires de la Divinité et le gou-
veini'ment du momie , les poêles nionlreiil (pi'ils
avaient quelque iionon d'un Dieu suprême el du ses
aUributs; ils miinncnl aussi qu'ils conroiidaicnl ce
Dieu, le seul viai Dieu, avec le elietdes vaines idoles,
et qu'ils tiauspoiiaient à celui-ci, p;irunabus crimi-
nel, les honneurs, le caraeti're el le eulle qui appar-
tenaient en propre au Dieu suprême. >()n dira pcut-rlre
que les plulosoplies avaient de Dieu des idées plus
justes, et (lu'ils se moquaient en secret de la sotte
crédulilé el des supersUlious du peuple. Nous ri'pon-
droiis : 1° qu'on ne peut juger di'S opinions domi-
nantes par les idées de quel(|ncs individus et niome
de «luelques écoles • i° (pie les philosotilies, loin de
fn'oclamer l'unilé de Dieu, parlèrent presipie toujours
e langage du polydn'i me el euq>loyerenl toute leur
iniluence à maiulenir l'iilolàlrie et le culle des die.ix;
5" que la plcpart d'entre eux n'ailniettaient pas d'au-
tre Dieu que le monde, que leur croyance notait en
realilé qu'une sorie de panlbrisme. Cicéron, qui a
rassemblé dans ses livies lie uudia deoium les opi-
nions diverses des philosophes anciens, impuie celle
erreur a Plalon el au chef de l'école sioicienne. Pline
commence son histoire naturelle par ces mois :
Maiid'm ei hoc qiiod uomiiie iili > (.'ii/iim appiilurd U-
buil, ciijus (ircit ftt'.iti itgiinliiT omnia, iinmen e!i e
credi par et, ulernum, un ueiisum, neqiie ijc iluiii,
neiue iiieritmum. Les preaiiors apologistes i;e la re-
ligion chrelie. me devaient connaître mieux (jne nous
les erreurs de la ph.lus:ipliie paienne, (|iii avait été
l'objet de leurs premières itudes : l'un d eux oeplo-
rail avec aiuerlume l'aveuglemeiil dans lequel ii était
plongé avant qu'il eut embrassé la toi de l'Evangile :
Vener b r [h cn'citas .') /mi, ev smnlacra, • l, ta qtiam
ine ael vis prœse.s, uaula ii\\ beiiii,cia p srcbutii ■ et
eoi i/'S i d.vos q us eiSi' milii peisnaie. am, (ifiiciebain
cotitiiinctiii (iii.iibus, ctim eos esse aedcbatii Uiiua, lu-
vides, (td/UL' o«««, nul m Imjusmodi rerum habiiaie
tim'eria, i
la seconde, qui consistait h rechercher s'il y
a des di( iix ou s'il n'y en a point , s'ils soiit
éternels ou nés dans le temps , «le quelle na-
ture et de quelle espèce ils sont, etc., serait
intolérable en public, qu'elle doit être ren-
ferini'e dans l'enceinte des écoles; que la
troisième se borne au cérémonial religieux.
Saint Augustin n'a pas de peine à faire voir
que celle-ci n'est point dilféicnte de la théo-
logie fabuleuse; (lue les fêtes, les spectacles,
les cérémonies du paganisme étaient exacte-
ment conformes à ce que l'on tlisait des
dieux dans les fabL'S, mais il n'est pas moins
évident ([ue la iel;gioii ou la croyance popu-
laire n'avait aucun rapport aux questions
agitées parmi les [ihilosophes , et que nos
critiques modernes ont très-grand tort de
vouloir lier l'une avec les autres.
§ W. Peut-on excuser le paganigine en quel-
fjue manière ? Bu tous ceux qui ont entrepris
d'en faire l'apologie, personne n'y a travaillé
avec plus de zèle et de sagacité que le lord
Herbert de C h erbury, célèbre uéisle anglais,
dans son livre de Religione gentilium. Selon
lui , toute religion vérit;ible doit professer
les cinq dogmes suivants : 1° qu'il y a un
Dieu suprême; 2° qu'il doit être le principal
objet de noire culte; 3" que ce culle collSi^te
principalement dans la piélé intéiieure et
dans la veitu; i" que nous devons nous re-
pentir de nos péchés et que Dieu nous par-
donnera; 5° qu'il y a des récompenses pour
les bons et des sup]ilices pour les luéchants.
Or ces cinq vérités, dit-il, ont été profes-
sées dans le paganisme. Voici comme il le
prouve.
11 faut savoir d'abord que chez les païens
le tuot Dieu signiliait seulement un èired une
■ nature supérieure à la nôtre, plus inlelligent
et plus puiss ;nt que nous. Selon le .senti-
ment commun , le Dieu suprême, renfermé
en lu -même et tout occupé de son bonheur,
avait laissé le soin de gouverner l'univers à
des esjirits inférieurs , qui éta eut les minis-
tres et les lieutenants de sa providence; ainsi
le culte qui leurétait rendu était reatif, il ne
dérogeait pointa celui qui était adressé au
Créateur. Les païens ont donc adoré les asp-
ires et les éléments, parce qu'ils les croyaient
animi's et gouvernés par des esjirits, et qu'ils
les envisageaient comme une production de
la Divinité. Le ciel était nommé Jupiter;
l'air, J»Ho«; le l'eu, Vulcainul Vesta ; le.iu,
Neptune ; la terre , Cyitèle, HMa, Cérès, Plu-
ton ; le soleil , Apollon; la lune, Diane; les
autres planètes , Vénus, Alors, Mercure, Sa^
turne. Les autres personnages uésigiiiient ou
des dons d' la Divinité, ou quelques-uns des
caractères empreints sur ses ouvrages. Le
titre Optimus Maximus, constaïuinoi.t donné
au Dieu suprême, att>'stait sa iirovidiuice;
c'est k lui qu'étaient dû le culle i, lé; leur, la
reconnaissance , la conliance , l'ainour , la
soumission; le culte extérieur, l'enceiiS.
les sacrilices étaient pour les dieux infé-
rieurs. Les honneurs divins accoiués aux
héros bienfaiteurs de l'humanité attestaient
la croyance de l'imuiorlalilé de l'àme et
des récompenses promises à la vertu; on les
1191
PAG
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1192
appelait dieux, c'est-à-dire saints et bienheu-
reux. Ce que l'on disait des enfers était un
témoignage des peines destinées aux mé-
chants. En divinisant les vertus , comme la
piété , la concorde , la paix , la pudeur, la
bonne foi, l'espérance, la droite raison, sous
le nom de mens, etc., on apprenait aux hom-
mes que c'étaient des dons du ciel , et les
seuls moyens do parvenir au bonheur. Les
expiations faisaient souvenir les pécheurs
qu'ils devaient se repentir et changer de vie,
pour se réconcilier avec la Divinité. Si dans
la suite des temps il s'est glissé des erreurs
et des abus dans toutes ces pratiques, c'a été
la faute des prêtres , qui les introduisirent
par intérêt et pour rendre leur ministère né-
cessaire. Suivant ce système, avidement em-
brassé par les déistes, il n'y eut jamais de
polythéistes dans le monde , puisque tous
reconnaissaient un Dieu suprême; ni d'ido-
lâtres , puisque le culte rendu aux statues
s'adressait aux dieux ou aux génies qu'elles
représentaient : les premiers principes de la
morale ont été connus et professés partout,
principalement dans les écoles de philoso-
phie. De là les déistes ont conclu que les
Pères de l'Eglise ont mal représenté le pa-
ganisme, qu'ils n'ont pas su en pnniire l'es-
prit , ou qu'ils l'ont défiguré exprès atin de
le rendre odieux, que dans le fond ce n'était
autre chose que la religion naturelle , quoi-
qu'elle ne fût pas sans abus.
Mais celte pompeuse apologie du paga-
nisme a été complètement rétutée par le
docteur Lt land, dans sa nouvelle Démonstra-
tion évangélique ; il n'en est pas un seul ar-
ticle auquel il n'ait opposé des faits et des
monuments; nous nous bornerons à en
extraire quelques réflexions. — 1° Elle nous
paraît renfermer des contradictions. Suivant
l'observation de Cherbury, à laquelle nous
acquiesçons, h'S païens, sôus le nom de Dieu,
entendaient seulement un être plus puissant
et plus intelligent que nous : qui donc leur
avait donné l'idée d'un Etre suprême, sou-
verain maître de l'univers ? Certainement
l'idée rétrécie qu'ils s'étaient faite de la Di-
vinité n'était pas propre à les élever a la no-
tion sublime d'un premier Etre éternel ,
existant de soi-même , tout-puissant , père
de l'univers, etc. Nous voudrions savoir où
les païens avaient pu la puiser. En second
lieu , l'on nous dit que cet Etre suprême,
renfermé en lui-même et tout occupé de son
bonheur, avait laissé à des dieux inférieurs
le soin de gouverner l'univers, et cependant
on lui attribue une providence; qu'est-ce
donc que la providence, sinon le soin de
gouverner l'univers ? Dès que le Dieu- su-
prême ne s'en mêlait pas de peur de troubler
.son bonheur, les dieux inférieurs n'étaient
plus de simples ministres , de purs lieute-
nants ; ils étaient souverains absolus , selon
toute la force du terme. Dans ce cas , nous
demandons à quel titre on devait un culte
intérieur à un être qui n'en exigeait point,
de la reconnaissance ou de la conliance à un
monarque qui ne donnait rien et ne dispo-
sait de rien, de la soumission à un fiintômo
qui ne commandait rien , etc. ? H est donc
faux que le culte rendu aux dieux inférieurs,
seuls gouverneurs du monde, dût se rappor-
ter à lui en aucune manière. — 2° Il est en-
core faux que le titre optimus maximus ait
désigné le Dieu suprême ni attesté sa pro-
vidence. On a trouvé dans les Alpes l'inscrip-
tion, Deo Pcnino oplimo maximo ; elle ne si-
gnifiait certainement pas que ce Dieu était
l'Etre suprême ni qu'il gouvernait l'univers
entier; quand elle aurait exprimé quelque
chose de plus, lorsqu'elle était appliquée à
Jupiter, jamais elle n'a donné à entendre qu'il
était l'Etre éternel , existant de soi-même,
formateur et souverain maître de toutes cho-
ses ; ce n'était la croyance ni du peuple ni
des philosophes. — 3° Tout le monde con-
vient que les païens n'ont jamais attribui^ au
Dieu suprême une providence dans l'ordre
moral , la qualité de législateur, déjuge , de
rémunérateur do la vertu , de vengeur du
crime , d'inspecteur de toutes les actions et
des pensées des hommes. Celse , dans Ori-
gène , liv. iv, n. 99 , soutient qu'à la vérité
Dieu prend soin de tout , ou de la machine
générale du mon !e , mais qu'il ne se fâche
pas plus contre les hommes que contre les
singes et contre les mouches, et qu'il ne
leur fait point de menaces. Le païen Céci-
lius, dans Minutius Félix , n. 5, prétend que
la nature suit sa marche éternelle, sans qu'un
Dieu s'en môle; que les biens et les maux
tombent au hasard sur les bons et sur les
méchants; que, si le monde était gouverné
par une sage Providence , les choses , sans
doute, iraient tout autrement. N. 10, il tourne
en ridicule le Dieu des chrétiens, Dieu cu-
rieux , inquiet , jaloux , imprudent , qui se
trouve partout, l'ait tout, voit tout, même les
plus secrètes pensées des hommes , qui se
mêle de tout, même de leurs crimes, comme
si son attention pouvait suffire au gouverne-
ment général du monde et aux soins minu-
tieux de chaque particulier. Tacite , Annal.,
1. VI, c. 22, oijserve que le dogme de la pro-
vidence des dieux est un problème parmi les
philosophes, et lui-même ne sait qu'en pen-
ser en considérant les désordres de son siè-
cle. Dans le troisième livre de Cicéron, sur
la Nature des dieux , l'académicien Cotta
combat de môme la providence par la multi-
tude des désordres de ce monde. Nous sa-
vons très-bien que le peuple attribuait une
espèce de providence aux dieux qu'il ado-
rait ; mais qu'il l'ait supposée dans un Etre
suprême ou supérieur aux génies qu'il nom-
mait des dieux , nous chercherions vaine-
ment par quel moyen ce dogme aurait pu se
graver dans l'esprit du commun des païens.
— k' Quelques [)hilosophos ont dit, à la vé-
rité, que le culte religieux consiste principa-
lement dans la piété intérieure et dans la
vertu, mais aucun n'a enseigné que ce culte
était réservé pour le Dieu suprême, pendant
que les cérémonies étaient le partage des
dieux inférieurs. Dès que les païens avaient
satisfait au cérémonial , ils croyaient avoir
accompli toute justice , et ces pratiques
étaient des absurdités ou des crimes. De
1193
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quel prix pouvaient être la piété et la vortu
aux yeux des dieux, dont la plupart étaient
censés vicieux et auteurs des passions des
hommes ? Jauiais les païens n'ont demandé
aux dieux, dans leurs prières, la sagesse, la
justice, la tempérance, la chasteté; Gicéron,
Sénèque , Horace et d'autres jugeaient que
c'était à l'homme seul de se les procurer ;
comment les dieux auraient-ils donné ce
2u' ils n'avaient pas ? On se bornait à leur
emander la santé, les richesses, la prospé-
rité, souvent l'accomplissement des désirs
les plus déraisonnables. Lactance n'avait
uas tort de soutenir aux païens que leur re-
ligion , loin de les porter h la vertu , ne ser-
vait qu'à les exciter au crime. Divin. Instil.,
1. V, c. 20, etc. — 5° Ce serait donc une illu-
sion de croire qu'en divinisant quelques
vertus, comme la paix, la bonne foi, la piété
filiale, on ait voulu apprendre aux hommes
2ue c'étaient des dons du ciel et des moyens
e parvenir au bonheur. D'ailleurs , à quoi
servait de leur ériger des autels , pendant
qu'il y avait des temples consacrés aux vices,
à un Jupiter débauché , à un Mars vindica-
tif, à une Vénus impudique , etc. ? Gicéron,
1. II, de Nat. deor., n. 61 , dit que les noms
de Cupidon et de Véiius ont été divinisés,
quoiqu'ils signifient des passions vicieuses
et contraires à la nature bien réglée, parce
que ces passions agitent violemment notre
àme, et parce qu'il faut un pouvoir divin
pour les vaincre. Ainsi les païens clierchaient
a excuser leurs vices , en les attribuant au
pouvoir de certaines divinités. Gomment
expliquer d'une manière honnête le culte
qu'on leur rendait ? comment le rap[)orter au
vrai Dieu? — 6° L'apotliéose des héros at-
testait sans doute la croyance de l'immorta-
lité de l'âme; c'aurait été un encouragement
à la veitu , si l'on n'avait accordé cet hon-
neur qu'à des personnages res|)ectables par
leurs mœurs et par leurs services. Mais
Hercule, Thésée, Romulus, etc., avaient été
plus célèbres par leurs vices que par leurs
vertus. Les païens ne plaçaient dans le Tar-
tare ou dans l'enfer, que les Ames des scé-
lérats qui s'étaient rendus odieux par d'é-
normes forfaits; l'Elysée renfermait plusieurs
personnages qui auraient éié punis chez une
nation policée, et le bonheur dont ils y jouis-
saient n'était pas assez parfait pour exciter
puissamment les hommes à la vertu. —
7° On nous trompe en disant que le repentir
et le changement de vie faisaient partie es-
sentielle des expiations et de la pénitence
des païens; jamais ils n'ont été instruits do
cette importante vérité, et ceux mémo qui la
leur prêtent ne l'ont apprise (juo dans le
christianisme. Lorsque la cérémonie de
l'expiation était exactement accomplie , tout
était bien; un guerrier qui, au retour du
combat, expiait ses homicides en lavant ses
mains dans une eau vivo, n'avait certaine-
ment pas beaucoup de repentir d'avoir tué
un grand nombre d'ennemis. On expiait une
rencontre sinistre, un mauvais présage, un
songe f;icheux, plus souvent i]uo des crimes
volontaires. — 8° Enfin Cherbury, après avoir
DiCTIONN. DR ThÉOL. DOGMATIQUE. III,
fait tous ses efforts pour justifier le paga-
nisme, est forcé de se rétracter. Dans le der-
nier chapitre de son livre, il convient que
l'opinion (les païens touchant la providence
dégradait la Divinité, que le culte des dieux
inférieurs lui était injurieux , que le peuple
ne comprenait peut-être pas trop bien com-
ment ce culte pouvait être relatif et remon-
ter au Dieu suprême , et que l'on ne peut
pas l'absoudre d'idol.itrie. 11 avoue que les
fables avaient absolument étoutfé la religion,
que l'abus était irréfomiable , que c'est ce
qui a fait le triomphe du christianisme.
11 n'est donc pas vrai que les apologistes
de notre religion et les Pères de l'Eglise
aient mal représenté le paganisme; ils l'ont
peint tel qu'ils le voyaient [)ratiquer et tel
qu'il était expliqué par ses propres défen-
seurs. Celse, Julien, Porphyre, Gécilius dans
Minutius-Félix , Hiéroclès, Maxime do Ma-
daure , etc., n'ont reproché aux Pères au-
cune infidélité , aucune accusation fausse ,
ils ont été de meilleure foi que les déistes ;
et dans le § 7 nous ferons voir que les Pè-
res ont exactement réfuté toutes les raisons
dont se servaient les païens |)Our pallier la
turpitu<le et l'absurdité de leur religion.
Beausobre, plus obstiné que Gherbury, sou-
tient que les païens n'adoraient pas leurs
dieux, ne leur rendaient pas le culte su-
prême. L'adoration, dit-il, consiste , 1" dans
les idées que l'on a de l'excellence et des
perf.'ctions d'un être ; 2° dans les sentiments
qui naissent de ces idées et qui doivent y
être proportionnés ; 3° dans les actions ex-
térieures qui sont les témoignages des sen-
timents de l'ilme. Gela étant, la première
idolAtrie consiste à transférer à (juelque créét-
ture que ce soit le jiouvoir, l'excellence et
les perfections divines, et à croire que cette
créature les possède en propre et par elle-
même. Or , il n'y a jamais eu, que je sache,
de telle idohltrie dans le monde. Hist. du
Manich., 1. ix, c. k , § 7. Nous soutenons, au
contraire, que telle a été l'idolâtrie de tous
les polytliéistesdu monde; tous ont attribué
à leurs dieux les perfections divines , non
telles que la révélation nous les montre
dans le Créateur , mais telles que la raison
humaine les concevait p lur lors; savoir, la
connaissance de ce que l'on taisait pour leur
plaire ou pour les outrager, la science de
l'avenir , le pouvoir absolu de faire du bien
ou du mal aux nations et aux particuliers ,
d'agiter les corps et les âmes, d'inspirer des
passions aux hommes , d'opérer des prodi-
ges supérieurs aux forces humaines, de dis-
poser des bienfaits ou des lléaux de la na-
ture. On ne prouvera jamais que les païens
ont eu la notion de quelque être supérieur
en perfections aux dieux qu'ils adoraient ,
ni d'un culte plus parfait que celui qu'ils
leur rendaient. Ces dieux., selon la croyance
des païens , étaient donc autant d'êtres su-
prêmes , puisque l'on n'en connaissait au-
CLiii qui fût au-dessus d'eux; le culte qu'on
leur rendait était l'adoration suprême, puis-
que l'on n'imaginait aucune manière plus
énergique de leur témoigner du respect , de
38
!195 PAG
la confiance et de la soumission. Mais Beau-
sobre avait ses raisons pour prêter aux païens
l'idée d'un Etre suprême, tel que la révéla-
tion nous l'a fait connaître. Nous verrons
dans la suite l'usage qu'il en a voulu faire.
§ V. Les lois que Moise avait portées con-
tre l'idolâtrie étaient-elles injustes ou trop
sévères? Ce législateur dit aux Juifs : « bi
votre frère, votre tils et votre tille, votre
époux ou votre ami vous dit en secret. Al-
lons adorer les dieux étrangers, ne l'écou-
tez point, n'en ayez point de pitié, ne le ca-
chez point; vous le mettrez ii mort, vous
jetterez contre lui la première pierre , et le
peuple le lapidera... Si vous apprenez que,
dans une de vos villes, il est dit. que quel-
ques hommes pervers ont séduit leurs con-
citoyens , et leur ont dit, Allons servir des
dieux étrangers , vous vous informerez
exactement du fait , et s'il se trouve vrai ,
vous détruirez cette ville et ses liabitp'its
par le fer et par le feu , el vous en ferez
un monceau de ruines ( Deut. xiii , C et
suiv.). »
Voilà , disent les incrédules, deux lois
ahominahles. Il est aisé à un fanatique do se
persuader que sa femme ou son lils veulent
le faire apostasier, et s'il les tue sur ce pré-
texte, il se croira un saint. D'autre part, c'est
le comble de la baibarie de détruire une
ville entière , parce que quelques citoyens
ont emhrassé un culte différent du culte pu-
blic. Fausse explication et fausses consé-
quences. 11 n'est i^as vrai gue la première
de ces lois autorise un particulier à tuer lui-
même sa femme ou son fils , sans fOrmo de
procès. Il lui est ordonné de ne pas cacher
leur crime , mais de le dénoncer à l'assem-
blée du peuple ; puisque le peiqjle devait
lapider le coupable , c'était donc au peuple
de le juger et de le condamner, et ce n'est
qu'après la condamnation (jue le dénoncia-
teur devait jeter contre lui la itremièrc pierre.
Ainsi le prétendu jugement de zèle , par le-
quel on suppose que tout Israélite avait
droit de tuer, sans forme de procès, quicon-
que idolâtrait ou voulait porter les autres à
l'idolâtrie, est une vision des rabbins, adop-
tée sans examen par quelques critiques im-
prudents. Vorj. la Bible de Chais sur cet en-
droit. Dans la seconde loi , il n'est pas seu-
lement question de quelques citoyens qui
ont pratiipié l'idoi.Hrie, mais d'hommes per-
vers qui y ont entraîné tous les habitants
d'une ville , qui ont séduit leur concitoyens.
La loi suppose donc que tous ont eu part au
crime, du moins par leur silence et leur to-
lérance ; par conséquent , qu'ils n'ont point
exécuté la loi précédente, qui ordonne de
mettre à mort tout citoyen qui parlera d'a-
dorer des dieux étrangers. Si celte rigueur
jiaï3iît d'abord excessive , il faut se souvenir
que , dans la république juive, ridokltrie
était non-seulement un crime de religion,
mais un crime d'iîtat. Dieu avait attaclié la
conservai. on et la prospérité de cette notion
au culte de lui seul; toutes les fois qu'elle
B'en écirta , elle en fut rigoureusemenl pu-
wie. Tottt homme qui portait ses concitoyens
PAG
1196
à l'idolâtrie était aussi coupable que s'il
avait amené la peste parmi eux ; suivant la
maxime salus populi suprema lexesto, il de-
vait être exterminé. Aujourd'hui encore ,
chez les nations les mieux policées, tout ce
que l'on 9p)i«lle crime d'Etat est privilégié ;
pour le punir, on n'observe ni toutes les for-
malités ni toutes les précautions que l'on a
coutumedo garder ixiurles cas ordinaires : on
suppose que l'intérêt de l'Eiat, salus populi,
doit prévaloir à tout autre iutérêt. Depuis
l'établissement du christianisme , tout acte
d'idoliUrie de la part d'un chrétien , toute
pratique qui avait un rapport direct ou in-
direct au paganisme, fut regardée comme un
signe d'apostasie , et punie comme telle par
les lois ecclésiastiques. Vog. Lapsbs.
§ VI. Y a^t-il des Pères de l'Eglise qui
aient justifié ou qui aient trop condamné l'i-
dolâtrie ? Des protestants , qui se sont ren-
dus célèbres par leurs calomnies contre les
Pères do l'Eglise , accusent Clément d'A-
lexandrie et saint Justin d'avoir imprudem-
ment justifié le culte des païens ; Borboyrac,
Traité de la Morale dti Pères, c. 5 , § 59;
Beausobre, Rem. sur les Actes des Apôtres,
chap. XVII , 23 et 30. Jurieu a fait le même
reproche à Origène , k Tertullien et à saint
Augustin , Hist. crit. des dogmes el des pra-
tiques de l'Eglise, iv" part., pag. 711. Voici
le passage de Clément , dont ils abusent :
« Quoique Dieu connût , par sa prescience ,
que les gentils ne croiraient point , cepen-
dant , afin ({u'ils pussent acquérirla perfec-
tion qui leur convenait , il leur a donné la
philosophie , même avant la foi ; il leur a
donné aussi le soleil et la lune jnur les ren-
dre religieux. Dieu a fait les astres pour les
gentils, dit la loi , de peur que , slls étaient
entièrement athées, ils ne fussent pertius sans
ressource. Mais eux, ne luisant pas même
attention à ce précepte , se sont attachés à
adorer des images taillées , de sorte qu'à
moins qu'ils ne se soient repentis , ils sont
condamnés , les uns , parce que , pouvant
croire en Dieu , ils ne l'ont pas voulu ; les
autres , parce que , cjuoiqu'ils le voulus-
sent , ils n'ont pas fa"it tous leurs efforts
pour devenir fidèles. Bien plus , ceux-là
même qui ne se sont pas élevés du culte des
astres à leur Créateur, seront aussi condam-
nés; car c'était là un chemin que Dieu avait
ouvert aux gentils, afin que, par le culte des
astres, ils s'élevassent à Dieu. Pour ceux
qui n'ont pas voulu s'en tenir aux astres,
lesquels leur avaient été donnés , mais se sont
abaissés jusqu'aux pierres et auxl3ois,ils
sont, dit l'Ecriture, réputés comme la pous-
sière de la terre. » Strom. , 1. vi, c. 14. ,
p. 795. Tout ce qui résulte de ce passage ,
c'est que, suivant lopinion de Clément, Dieu
voulait se servir de l'aveuglement des païens
qui adoraient le soleil ei la lune, pour les
élever à la connaissance du Créateur. Mais
dans l'Exhortation aux gentils, page 22,
ce Pèi-e fait un crime aux païens d'avoir
érigé les astres en divinités. Sa pensée, dans
le lond , revient à celle du Sage , qui , pour
excuser en quelque manière les adorateurs
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PAG
119»
(les astres , dit : « Ils sont les moins coupa-
lilcs ; ils .s"(\^iirent peut-(Mre eu cliercliant
Dieu et on (lé.siiant de le trouver; ils le
Glierclient dans ses ouvrages , des(}uels ils
admirent la perfection; ils ne sont cepen-
dant pas pardonnaljles. » Siip. c. ini , v. 6.
Atin de travestir le sens de Clément, au
lieu de ces mots pour 1rs rendre religieux,
Barbejrac traduit pour leur rendre (aux as-
tres) un culte rcligienj-. Au lieu de dire s'ils
Ùuient entièrement athées, il met s'ils étaient
entièrement sans divinités, atin de l'aire en-
tendre que Dieu avait donné aux païens
les astres pour divinités. Le précepte dont
parle Clément était le précefite d'être reli-
gieux ; Barbeyrae prétend (pie c'était le pré-
cepte d'adorer le soleil et la lune ; consé-
([uemment, à ces i)aroles lesquels leur avaient
été donnés, il ajoute de son chef pour les
adorer. Ainsi il suppose ((ue ce Père a con-
damné les gentils pour avoir lait une chose
que Dieu voulait qu'ils tissent, c'est-à-dire
pour avoir addi'é les astres. Avec cette mé-
thode' l'on peut faire dire aux Pérès tout ce
(jue l'on veut, mais est-elle une preuve de la
biinne foi de ceux cjui s'en servent? Le re-
proche que ce critique l'ait à saint Justin
n'est |)as plus équitable. Ce Pèie, Dial.euin
Thnjpli., n. 55, l'ait dire au juif Tryphoii ,
que, selon l'Ecriture {Dent, iv, 19], Dieu a
(lonué aux gentils le soleil et la lune, pour
les adorer comme des dieux ; parce que saint
Justin ne réfute pas expressément cette faus-
se intei'prétation de l'Ecriture , Barbeyrac
conclut que ce saint docteur l'adopte, ce qui
est faux, puisi|ue, dans ces doux apologies
eu parlant aux païens, il réprouve formelle-
ment leur culte comrue une absurdité et une
profanation. A la vérité, dans ce même dia-
logue, n. 121, il dit ([ue Dieu avait donné
d'abord le soleil pour l'adorer , comme
il est écrit ; mais il entend pour adorer
Dieu et non le soleil, puisqu'il n'est écrit
nulle part d'adorer cet astre ; qu'au contraire
cela est d(''fendu (Z^caf. iv, 1!)); au lieu (ju'il
est écrit (Ps. XVIII, G), que Dieu a établi sa
demeure dans le soleil ; il est donc pcriais
de l'y adorer, Origène, in Joan., t. II, n. 3 ;
TortuUien et saint Augustin ont pensé et
parlé de même.
Beausobre, dans l'imdroit cité , a iioussé
la témérité plus loin ; il dit « que les anciens
chrétiens ont avoué que les Crées servaient
le même Dieu que les juifs et les chrétiens,
savoir, le Dieu suprême , le Créateur du
monde. » Ces anciens chrétiens se réduisent
cepcudaiit à Clément d'Alexandrie, Strom.,
liv. VI, c. 5, pag. 759 et suiv., et il ne fonde
.son opinion que sur deux ouvrages apo-
cryphes, ia Prédication de saint Pierre et
iiu écrit inconnu de saint Paul. Il ne dit
fias même formellement ce que Beausobre
ui prête ; il dit que le seul et unique Dieu
a été connu des (îrecs, vmis à la manière
païenne ; que par la idiilosophio le Dieu t(mt-
puissant a été glorifié jiar le 5 (jrecs. Eu ellet,
il est incontesiable que Platon, dans ce qu'il
a dit de la formation du monde par un Dieu
suprême, a témoigné le connaître, mais à la
manière païenne, sans en avoir une véritable
idée ; qu'il l'a glorifié en (juelque fai-on, mais
sans l'adorer ni le servir pour cel!|. C'est
le reproche que siiiit Paul fait aux phi-
losophes en général Utom.t, dl), en disant
qu'ils ont connu Dieu, mais qu'ils ne l'ont
|ias glurilié comme Dieu et no lui «Mit pas
rendu grAces. Beausobre a cependant voulu
rendre saint Paul liii-m('me garant do l'opi-
nion de Clément d'Aievandtie. « L'apôtre,
dit-il, par ces paroh-s des Aet., c. xvii, v.
30, Dieu méprisant ces temjis d'ignorance, etc.,
peut liieii avoir voulu dire. Dieu a excusé Ws
cultes que les gentils ont rendus à des ido-
les pendant le tein|is de leur ignorance ;
que, ne leur ayant donné aucuiu! ioi, il veut
bien leur pardonner. » Il est évident que ce
n'est |)oinl là le sens do saint Paul, pnis(|u'il
ajoute que Dieu ordonne à tous de faire pé-
nitence, parce qu'il les jugera tous avec équi-
té ; et cela ne s'accordait pas avec la eondam-
nalion rigoureuse que cet ap(jtre a faite du
culte des païens {Rom. i, 21 ; Jîphes., n, 12,
etc.). Au jugement de Barbeyrae, Tertullien
est tondjé dans un excès contraire ; il con-
damne (ximme des pratiques iddi.iires des
actions inditlérentes et innocentes en elles-
mêmes ; cdmme de faire sentinelle à la porte
d'un temple, de donner le nom île dieu à
Esculape ou à un autre , allumer des llam-
beaux un jour de réjouissance publi pie, se
couronner de Heurs, etc. Traité de la Morale
des Pères, c. vi, § 10 et suivants. Alais si les
païens eux-mêmes regardaient toutes ces
pratiques comme une profession de paga-
nisme, et si les chrétiens les envisageaient
comme un signe d'apostasie, un fidèle pou-
vait-il se les permettre sans scandale? Saint
Paul dit : « Si ce que je mange scandalisait
mon frère, de ma vie je ne mangerais au-
cune viande (/ Cor. viii, 13). Les apôtres
défendirent aux premiers fidèles de manger
du sang et des viandes suffoquées {Act. xv,
29): c'était cependant une chose innoeenle
en elle-même. Il est h présumer que Tertul-
lien savait mieux que nous ce qui pouvait
être de son temps un sujet de scandale. Au-
jourd'hui les protestants soutiennent (|ue
l'usage des images est mauvais en lui-même,
puisque l'on s'en est abstenu dans les pre-
miers siècles de l'Eglise; mais si l'on s'en
est abstenu seulement à cause des circon-
stances, comme des autres choses dont nous
venons de parler, il ne s'ensuit pas que cet
usage est mauvais en lui-même.
§ VII. Comment les écrivains du paganisme
ont-ils justifié leur religion? Moins liial que
les incrédules d'aujourd'hui. Ils ne parlent
ni de Dieu suprême ni do culte relatif; ils
représentent InloliUrie telle qu'elle était.
L'apologie la plus complète qui en ait été
faite est dans Minutius-Félix, n. 5 et suiv.
Gelse et Julien n'ont pas su défendre leur
cause d'une manière aussi séduisantr- ; Cé-
ciiius, qui en prend la défense, commence
par attaipier le ciiristianisme. Nous ne som-
mes, dii-il, capables de eonnaitre ni ce qui
est au-dessus do nous, ni ce qui est au-d. s
sous ; il y a de la témérité à l'entrepreudre.
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1200
ce serait bien assez si nous pouvions nous
connaître nous-mômes. Que le monde se soit
formé par hasard ou par une nécessité abso-
lue, qu'est-il besoin d'un Dieu, quel ra|v
port cela peut-il avoir avec la religion ? Tou-
tes choses naissent et se détruisent par la
réunion et la séjiaralion des éléments : la
nature suit sa marche éternelle sans qu'un
Dieu s'en mêle, les biens et les maux tom-
bent au hasard sur les bons et sur les mé-
chants, les hommes religieux sont souvent
plus maltraités par la fortune que les impies ;
si le monde était gouverné par une sage
Providence, les choses sans doute iraient tout
autrement. Puisqu'il n'y a que doute et in-
certitude sur ce point, pouvons-nous mieux
faire que de nous en tenir à ce que nos an-
côlrcs ont établi, de garder la religion telle
qu'ils nous l'ont transmise, d'adorer les dieux
qu'ils nous ont fut connaître, et qui, à la
naissance du monde, ont sans doute instruit
et gouverné les hommes ? — N. 6. Aussi
chaque nation a-t-elle ses dieux particuliers ;
les Romains, en les adoptant tous et en joi-
gnant la religion à la valeur militaire, sont
devenus maît. es du monde ; ils ont été sen-
siblement protégés par tous ces dieux aux-
l'tiels ils avaient préparé des autels. — N. 7.
'iome est remplie de monuments des faveurs
miraculeuses qu'elle a reçues du ciel en ré-
compense de sa jii 'té. Jamais, dans une ca-
lamité, elle n'a invoqué les dieux en vain,
et plus d une fois elle a été secourue par des
inspirations et des révélations surnaturelles.
— N. 8. Malgré l'obscurité répandue sur l'o-
rigine des choses et sur la nature des dieux,
l'opinion qu'en ont les diflérentes nations
est néanmoins constante et la même partout.
C'est donc une léiuéiité et une im[)iété de
vouloir détruire une religion si ancienne ,
si utile, si auguste ; plusieurs athées célè-
bres l'avaient entrepris, ils ont porté la peine
de leur crime et leur mémoire est en exé-
cration. Souffrirons - nous qu'une troupe
d'hommes vils et ignorants déclament contre
les dieux , forment dans les ténèbres une
faction impie, s'engagent les uns aux autres,
non par des serments sacrés, mais par des
crimes, conjurent de détruire la religion de
nos pères? Pour cacher leurs forfaits, ces
malheureux ne s'assemblent que la nuit,
ne parlent qu'en secret , ne s'adressent
qu'aux femmes et aux imbéciles , fuient
nos temples, méprisent nos dieux, tournent
en ridicule nus cérémonies, regardent nos
prêtres avec Uédain ; ils préfèrent leur nu-
dité et leur misère aux hoimeuis, aux
cliarges et aux fonctions civiles; ils bra-
vent les t urments présents par une vai-
ne terreur des supplices à venir ; ils en-
durent ici-bas la mort, de peur de mourir
dai.s une autre vie, et se consolent de tous
les maux par de b'ivoles espérances. — N. 9.
Après avoir détaillé les crimes horribles dont
on avcusait les chrétiens, il leur reproche
d'adorer un homme puni du dernier sup-
plice, et d'honorer la croix, digne objet de
culte, dit-il, pour des gens qui l'ont méritée.
Il laut bien que leur religion soit honteuse
ou criminelle, puisqu'ils la cachent. Pour- .
quoi n'avoir ni temples, ni autels, ni simu-
lacres ; pourquoi ne s'assembler et ne par-
ler que dans l'obscurité, si ce n'est parce
que leur culte est digne ou de mépris ou de
chAtimenf? Quel peut être ce Dieu isolé,
mystérieux , abandonné , qu'ils honorent ,
qui n'est connu d'aucune nation libre, pas
même des superstitieux romains ? Les Juifs,
nation vile et méprisable, n'ont aussi qu'un
seul Dieu; mais ils l'honorent publique-
ment par des temples, des autels, des sa-
crifices, des cérémonies ; et la faiblesse de
ce Dieu est assez prouvée par l'esclavage
auquel les Romains l'ont réduit avec toute
sa nation. — N. 10. Et quelles absurdités
les chrétiens n'ont-ils pas forgées sur la Di-
vinité? Ils prétendent que leur Dieu , cu-
rieux, inquiet, jaloux, imprudent, se trouve
partout, sait tout, voit tout, môme les plus se-
crètes pensées des hommes, se môle de tout
mêmedeleurscriraes; comme sisonattention
pouvait suffire et au gouvernement général du
monde et aux soins minutieux de chaque par-
ticulier. — N. 11. Us poussent la frénésie jus-
qu'à menacer l'univers eniier d'un incendie
général, comme si l'ordre éternel et divin de
la nature pouvait être changé, et à se flatter
de survivre eux-mêmes à cette ruine uni-
verselle, en ressuscitant après leur mort. Ils
en parlent avec autant d'assurance que si
cela était déjà fait ; abusés par cette illusion,
ils se promettent une vie éternellement
heureuse et menacent les autres d'un sup-
plice éternel. Qu'ils soient injustes, je lai
déjà fait voir; mais, quand ils seraient jus-
tes, cela serait égal, puisque, selon leur opi-
nion, tout vient d'une espèce de fatalité.
Si d'autres attribuent tout au destin, eux at-
tribuent tout à Dieu ; ils en font donc un
maître injuste qui veut non des adorateurs
par leur pro[)re choix , mais des élus ; qui
punit dans les hommes le sort et non la vo-
lonté. Je vous demande, continue Cécilius, si
les prétendus ressuscites seront sans corps;
mais sans le corps il n'y a ni âme, ni intel-
ligence, ni vie ; seront-ils avec leur propre
corps qui est réduit en poudre depuis plu-
sieurs siècles? S'ils ont un autre corps,
ce ne seront plus les mômes hommes, mais
de nouveiux individus. Il serait bon du
moins que quelqu'un fût revenu de l'antre
monde, pour nous convaincre |>ar expérien-
ce ; mais vous avez maladroitement copié les
fables des poètes, pour les mettre sur le
compte de votre Dieu. — N. 12. Jugez plu-
tôt de votre sort futur j)ar notre condition
présente. Vous êtes pour l;i plupart pauvres,
nus, méprisés, abandonnés ; votre Dieu le
soutfre ; vous êtes poursuivis, comlamnés,
livrés au supplice, attachés aux croix que
vous adorez ; quoi, ce Dieu qui doit vous
ressusciter ne peut vous conserver la vie ?
Sans lui les Romains règneu' , triomphent,
dominent sur l'univers et sur vous, pendant
que vous renoncez.aux commodités de la vie
et à tout plaisir même permis. Objets de pi-
tié aux yeux des dieux et des hommes, re-
connaissez votre erreur ; vous ne ressusci-
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terez pas mieux que vous ne vivez à pré-
sent : si dune il vous reste un peu de bon
sens, cessez de raisonner sur le ciel et sur
la destinée du monde; regardez seulement
à vos pieds , c'est assez pour des ignorants
tels que vous. — N. 13. Si cependant vous
avez la fureur de philosopher, imitez Socrate ;
lorsqu'on l'interrogeait sur des choses du
ciel, il disait : Ce qui est (lu-dessus de nous n'a
point de rapport à nous. La secte des aca-
démiciens se tenait dans un doute modeste
sur toutes les questions ; Simonide n'osa
jamais répondre, (piand on lui demanda ce
qu'il pensait des ilieux 11 faut donc laisser
les choses douteuses telh^s qu'elles sont , ne
prendre aucun [larti, de peur de tomber dans
la superstition onde détruire toute religion.
Par ce simple extrait (pii est fort au-dessous
de l'original, on peut voir s'il est vrai qu'à
la naissance du e'irist anisnie la religion
païenne était absolument décréditéc , que
l'on en était déj,oiUé, {[u'il n'y avait rien de
plus aisé que de la d/'ti'uire, comme la |ilu-
part des incréilules ont osé le soutenir. Oe-
tavius, pour réfuter cette anologie, repré-
sente à son adversaire, n. IG, que l'ignoran-
ce et la pauvreté des chrétiens ne font rien
à la question ; j>uisqu'il s'agit uniquement
de savoir s'ils ont la vérité pour eux ; plu-
sieurs philosophes ont été dms le même
cas avant de se f.iire une réputation. Los ri-
ches, occupés de leur fortune, ne pensent
guère aux choses du ciel ; souvent Dieu leur
a donné moins d'os|)rit qu'aux pauvres.
Lorsque les ignorants exposent la vérité sans
le fard de l'éloquence, si elle t. iomphe, c'est
uniquement par sa propre force. — N. 17.
Je consens, dit-il, que nous nous bornions
à chercher ce que c'est que l'homme, d'où
il vient et pourquoi il est ; ]ieut-OH le con-
naître sans savoir tl'où vient l'univers, par
qui et comment il a été formé ? Puisque
l'homme, très-dill'érent des animaux, porte
sa tête vers le ciel, pendant que la leur est
courbée vers la terre, il faut être privé d'es-
prit, de bon sens et des yeux, |)0ur cher-
cher dans la i)oussière du globe le prinei|te
de la raison, de la pensée, de la parole, par
lesquelles nous connaissons, nous sentons
et nous imitons la Divinité. Voilà ce que
font ceux qui prétendent que le monde s'est
fait par le concours fcu'tuit des atomes. Ici
notre auteur trace en raccourci le tableau
de la nature, il fait remarquer l'ordre et la
beauté de l'univers, le rapport de toutes ses
parties, la régularité de ses mouvements,
ensuite la sti ucture admirable du corps hu-
main. Partout il montre , n. 18, les soins
d'une Providence attentive et bienfaisante.
Cette vérité une fuis démontrée, il n'est plus
question que de savoir si le monde est gou-
verné par un seul Dieu ou jiar [ilusieurs.
Un grand empire ne peut avoir qu'un seul
maître. Rome elle-même n'a pu en suppor-
ter deux. Ailmettons-nous dans le ciel une
division qui détruit tout sur la terre? Dieu,^
Père de toutes choses, n'a ni commencement
ni lin, l'éternité est son partage ; il a donné
J'èlre à tout ce qui est ; il est donc seul.
Avant que le monde fdt, il l'iait son monde
à lui-même. Invisibl(> , itiaecessible à nos
sens, immense, intini, lui seul se connaît tel
qu'il est; noire esprit trop bijrné ne peut en
avoir une idée digm; de lui, aucun nom ne
peut exprimer son essence. Le peuple même,
en levant les mains au ciel, atteste ])ar ses
exclamation l'unité de Dieu. — N. 19. Les
poi'tes et les iihilosophes l'ont souvent re-
ciiunu ; Octavius cite leurs paroles ; tous,
sous le nom de Dieu, ont entendu l'espi'it, la
raison, l'intelligence qui gouverne le monde;
leur langage est le même que celui du chris-
tiaiusme. — N. -20. Puisqu'une seule volonté,
une seule |irovidence ré^it l'univers, nous
ne devons ajouter aucune foi aux fables par
lesquelles nos aïeux imbéciles se sont laissé
tromper ; faudra-t-il croire tout ce (ju'ils
ont cru, la chimère, les centaures, les mé-
tamorphoses, etc. ? Octavius démontre l'ab-
siirilité, l'indécence, l'impiété des fables du
pnf/anisme, la manière dont l'idulàlrie s'est
inlro(luit(! par le culte des morts ; il rapporte
le sentiment des auteurs qui ont soutenu
que les dieux des païens étaient originaire-
ment des hommes. Il fait voir l'excès et le
lidicule de la superstilion des Romains qui
ont soutenu toutes les rèvei'ies des Grecs et
des Egyptiens, la puérilité de leurs cérémo-
nies, les folies et les crimes [lar lesquels
leur culte était souillé.
N. 2o. Quand on dit , continue Octavius,
que cette supeistition a été la source de la
prospi'rité des Romains, l'on oublie que leur
république a été fondée par dos crimes, leur
domination étendue par des perfidies et par des
rapines, leur empire enrichi [larles déjiouilles
des dieux , des temples et des prêtres des
autres nations. Chacun de leurs triomphes
était une impiété, ils y étalaient les images
des dieux vaincus ; ils ont donc été, non pas
religieux, mais impunément sacrilèges ; ils
n'ont adoré des dieux étrangers qu'après les
avoir insultés. Ces dieux, trop faibles pour
proté'ger leurs premiers adorateurs, ne sont-
ils devenus puissants et bienfaisants qu'à
Rome? Religion bien res[iectable, sans doute,
que celle qui a commencé [)ar honorer la
déesse des cloaques, par élever des temples
à la peur, à la pâleur et à la lièvre, et par di-
viniser des prostituées 1 Sont-ce ces dieux
tutélaires qui ont vaincu le .Mars des Thraces
et le Jupiter des Cretois, la .Juiion d'Argos
ou deSamos, la Diane tauii([ue et les mons-
tres des Egyptiens ? N'est-ce pas dans leurs
temples môme et par leurs prêtres que se
prépaient et se commettent les plus grands
crimes, l'impudicité, la prostitution, l'adul-
tère ? Avant les Romains l'on a vu les Assy-
riens, les Mèdes, les Perses, les Grecs, les
Egyptiens , faire des conquêtes sans avoir
des collèges de pontifes, des augures , des
vestales et des poulets sacrés dont l'appétit
devait décideç du sort de la république. —
N. 25. Venons à ces auspices et à ces pré-
sages tant respectés à Rome, dont l'observa-
lion a été si salutaire, et le mépris si fatal.
Sans doute Claudius, Flaminius et Junius
ont perdu leur armée, parce qu'ils n'avaient
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pas attendu que les poulets sacrés se fussent
égayés au soleil; Mais Régulus avait consulté
les augures, et il fut pris ; Mancinus avait
gardé le cérémonial , et il fut rais sous le
joug ; les poulets avaient mangé en feveur
de Paulus, et il fut défait à Cannes avec
toutes les forces de Rome. Les auspices et
les augures avaient défendu h César de con-
duire sa flotte en Afrique avant l'hiver, il
n'en lint aucun compte; sa navigation et son
exi)édition n'en furent que plus heureuses.
Ou sait le cas que faisait Démosthène di's
oracles de la pythie, etc. — N. 27. Vos dieux,
sont des démons ; ainsi en ont juge les ma-
ges, les philosophes et Platon lui-môme.
Leurs oracles sont faux, leurs dons empoi-
sonnés, leurs secours meurtriers ; ils font
du mal en paraissant faire du bien. Nous
leur faisons avouer ce qu'ils sont, lorsque,
par des exorcismes et des prières , nous
les chassons des corps dont ils s'étaient em-
parés. Adjurés au nom du seul vrai Dieu,
ils frémissent et sont fo;cés de quitter la
place. — N. 28. Sentez l'injustice de vos pré-
ventions contre nous , par le repentir que
nous avons d'avoir autrefois pensé et agi
comme vous. On nous avait persuadé que
les chrétiens adoraient des monstres ou des
objets obscènes, que dans leurs assemblées
ils égorgeaient un enfant, le mangeaient, et
commettaient des impudicités horribles ;
nous ne faisions pas réflexion que ces calom-
nies n'ont jamais été prouvées , qu'aucun
chrétien ne les a jamais avouées au milieudes
tortures, quoique sûr d'obtenir sa grâce par
cet aveu. Nous tourmentions comme vous
ceux qui étaient accusés , non pour leur
faire confesser leurs crimes, mais pour leur
faire renier leur religion. Si la vinleuce des
tourments en faisait succomber quelqu'un,
dès ce moment nous prenions sa défense,
comme si l'apostasie avait expié tous ses fur-
faits. Voilà ce que vous faites encore. Si vous
agissiez par raison et non par la suggestion
d'un mauvais esprit, vous ne mettriez pas
les chrétiens h la torture pour leur faire ab-
juger leur religion, mais pour les faire con-
venir des actions infâmes et cruelles que
■vous leur reprochez. — N. 29. Ce n'est pas
nous qui commettons ces abominations ;
c'est vous-mêmes ; elles sont consacrées
chez vous par vos fables, par vos cérémonies,
par vos mœurs. Octavius le prouve endétaiL
— N. 32. Vous croyez, continue-t-il, que c'est
afin de cacher notre culte que nous n'avons
ni temples, ni autels, ni simulacres ; mais la
plus belle image de Dieu est l'homme, son
temple est le monde entier, son sanctuaire
est une âme innocente. La meilleure victime
est un cœur pur, la prière la plus agéable à
ï)ieu est une oeuvre de justice ou de charité.
Voilà noscérémonies. Parmi nous, l'hommele
plus juste est censé le plus religieux. Dieu,
quoique invisible, nous est présent par ses
ouvrages, par sa providence, par ses bien-
faits. Vous pensez qu'il ne peut tout voir ni
tout savoir : erreur. Présent partout, créa-
teur et conservateur de tout, comment peut-
il iguor&r quelque chose ? 11 a tout créé par
une parole, il gouverne tout par un seul acte
de volonté.— N. 33. Vous dites que les Juifs
n'ont rien gagné à l'adorer, vous vous troui-
pez encore : lisez leurs livres, ceux de Fla-
vius-Josèphe ou d'Antonius Julianus, vous
verrez que les Juifs ont été favorisés de
Dieu et comblés de ses bienfaits, tant qu'ils
ont été fidèles à sa loi. Ils n'ont donc pas été
faits captifs avec leur Dieu, comme vous l'a-
vancez par un bas])hème : c'est leur Diou au
contraire qui vous les a livrés, parce qu'ils
lui étaient rebelles. — N. 3'i.. Douter de la
ruine et do l'embrasement futur du monde,
est un préjugé populaire; tous les sages con-
viennent que tout ce qui a commencé doit
finir ; c'est le s:nitiment des stoïciens, des
épicuriens et de Platon. Pythagore a cru une
espèce de résurrection. Les pliilosophes pen-
sent donc comme nous ; mais ce n'est pas à
leur )iarole que nous ajoutons foi. Le bon
sens seul nous fait comprendre que Dieu,
qui a tout fait, peut tout déti uire ; que, puis-
qu'il a formé l'homme, il peut à plus forte
raison lui donner une nouvelle forme. Rien
no périt entièrement, tout se renouvelle dans
la nature. — N. 3S. Nous ne sommes pas les
seuls non plus qui croyions les enfers et un
feu vengeur qui punit les méchants, vos poè-
tes en ont souvent tracé le tableau. Qui ne
sont pas la justice et la nécessité des peines
et des récompenses de l'autre vie? Octavius
prouve cette justice i^ar la comparaison des
mœurs des païens avec celles des chrétiens.
— N. 36. Que personne, dit-il , ne se tran-
quillise en mettant ses crimes sur le compte
du destin, la fortune ne peut détruire la li-
berté de l'homme ; il est jugé, non sur son
sort, mais sur ses actions ; il n'y a point
d'autre destinée que celle que Dieu a faite;
et comme il prévoit tout, il la règle selon les
mérites de cliacun. Loin de rougir de notre
pauvreté, nous en faisons gloire ; nos vraies
richesses sont nos vertus. Dieu sait pour-
voir aux besoins de toutes ses créatures, et
récompenser leurs souffrances; par là il les
éprouve sans les abandonner. — N. 37. Y a-
t-il aux yeux de Dieu un plus grand specta-
cle qu'un chrétien aux prises avec la douleur
et invincible dans les tourments ? Il triom-
phe de ses persécuteurs et de ses bourreaux,
il ne cède qu'à Diou; vos histoires élèvent
jusqu'aux nues la constance de Mutius-Scœ-
vol I, d'Aquilius, do Régulus ; parmi nous les
femmes et les enfants en font autant. Juges
aveugles, vous n'estimez que la félicité de ce
monde ; mais sans la connaissance de Dieu
y a-t-il une félicité solide, dès qu'il fau*
mourir? Ici Octavius décrit les fôtos insen-
sées et les plaisirs licencieux des païens. U
fait voir combien les chrétiens sont sages
d'y renoncer. 11 tourne en ridicule le scepti-
cisme orgueilleux et affecté des philosophes ;
pour nous, dit-il, nous montrons la sagesse,
non par notre li;ibit, mais par nos sentiments^
la vraie grandeur, non par nos paroles, mais
par nos actions.
Qu'y a-t-il donc à désirer encore, dès que
Dieu a daigné enfin se faire connaître dans
notre siècle ? Jouissons avec gratitude de ce
1206
PAG
PAG
iao6
C
bien précieux ; réprimons la superstition,
bannissons l'impiété et retenons la vraie re-
ligion. C'est ainsi que Oclavius conclut sou
discours. L'extrait que nous en donnons
araîtra peut-être uu pou long; mais il est
lOn de montrer en quoi consistait la ilispute
entre nos aiwlogisles et les défenseurs du
pagmiismr; les premiers raisonnent certaine-
ment mieux que leurs adversaires, el ils n'ont
laissé aucune objection sans y donner une
réponse solide. Si l'on veut consulter les au-
tres écrivains du pdtjanisiitc ([ui ont défendu
leur religion contre les épicuriens, on verra
qu'ils ont raisonné tout comme ceux qui aiv
^umentérent dans la suite contre Us duc-
tiens. Le pontife Cotla, que Cicéjon fait par^
1er dans son m' livre sur lu IWiture des
dinix, soutient qu'en fuit de religion l'on ne
doit pas consulter les philosophes, mais s'en
tenir à la tradition des anciens et à ce que
les lois ont établi. Pour prouver l'existence
des dieux. , il apporte les mêmes preuves
que Octaviusalli"'gue dans. Minutius-Félix pour
rouver qu'il y a un liieu. Mais quant à l'o-
ligation et h la manière d'adorer plusieurs
dieux, il ne peut en donner d'autres raisons
que celle du païen Cécilius, et que nous
avons vues; Plalun, dans le Timee , déclare
que, quoique la croyance vulgaire louchant
les dieux ne soit fondée sur aucune raison
certaine ni probable , il faut néanmoins s'en
tenir au témoignage des anciens qui se sont
dits enfants des dieux, el qui devaient con-
naître leurs parents. Faible preuve ; mais on
sentait la nécessité absolue d'une religion
pour maintenir l'ordre dans la société, el
l'on ne voyait rien de mieux que ce qui était
établi par les lois et par la coutume ; on con-
cluait qu'il ne fallait jias y toucher et qu'il
fallait ])roscrire toute religion nouvelle.
§ VIU. Les prolestantu sont-ils venus à
bout de prouver ^ue le culte rendu par les ca-
tholiques aux saints, à leurs images et à leurs
reliques est une idolâtrie ? Nous avons déjîi
dénioutré ailleurs que ce crime est imagi-
naire; qu'il est même imjwssible, à moins
qu'un catholique ne fasse violence à sa pro-
fession de foi et au cri de sa conscience ;
mais les protestants ne démordent pas. 11 y
a cependant contre eux un arguuieut auquel
ils ne répondront jamais. Idolâtrer , c'est
rendre à la créature les honneurs divins, ou
qui ne sont dus qu'à Dieu ; or, non-seule-
ment les honneurs que nous rendons auv
saints ne sont pas dus ^^ Dieu; mais ce serait
une insulte et une impiété, s'ils lui étaient
adressés. En etfet, le principtd honneur
que nous faisons aux saints est de les
invoquer, et celte invocation consiste, sui-
vant le concile de Trente, sess. 25, c. -2,
à prier les saints d'intercéder pour nous,
a^n d'obtenir les grâces de Dieu par Jésus-
Christ. Il y aurait de la folie î» s'adresser ainsi
à Dieu ; la créature seule peut prier et de-
mander des grâces, et les obtenir par un au-
tre, c'est-à-due par Jésus-Christ ; nous attri-
buons donc aux saints le seul pouvoir cjui
convienne esscniicUement aux créatures.
Bisl. des Variai., tom. V, p. 531. — 2° Nous
accuse ra-t-on d,e prCter aux saints des attri-
buts divins, et de les diMigurer encore comme
les païens, en les su|)posant Joints aux pas-
sions et aux vues de l'humanité *? 3" Nous n'a-
vons jamais cru comme eux que les person-
nes divines, les anges, les saints, sont pré-
sents dans leurs images; nous n'accordons à
celles-ci lioint d'autre vertu que celle d'ex-
citer l'attention, de Hier l'imagination, d'iu-
.struire le» ignorants [lar le» yeux. On les bé-
nit el on les consacre comme les vases du
saint sacrilice et les autres instruments du
culle divin. Nous les respectons et nous té-
moignons ce respect par des signes exté-
rieurs, ])arco que toute représentation d'un
personnage ou d'un objet respectable doit
être respectée à cause de lui. Ce culte, ce
res|)ect,sout religieux, puis([u'ils parlent d'un
motif de religion, et qu'ils ont jiour objet
d'honorer dans les saints, non les dons de la
nature, mais les mérites de la grâce. Cepen-
dant, par une alfectation malicieuse, les mô-
mes censeurs (jui soutiennent que le culte
des païens n'était pas une idolâtrie , parce
qu'il se rap[)ortait au dieu représenté , et
non à sa représentation , nous accusent de
borner nos respects à une image, sans pen-
ser h l'objet qu'elle représente: ils iious font
la grâce de nous supposer i)lus stupides que
les païens. — 4" Il n'est jamais arrivé auv
catholiques d'honorer des images indécen-
tes ou scandaleuses , ni de mêler dans le
culle des saints des pratiques absurdes ou
ciiminelles ; ou du moins si ce désordre a
eu quelquefois lieu parmi le peuple grossier
dans les temps d'ignorance, ii a toujours été
blâmé et censuré par les pasteurs de l'K-
glise. Voif. Image.
Mais aucune raison ne touche nos adver-
saires, et pour satisfaire leur haine, les con-
tradicUons ne leur coûtent rien. Comme les
Pères de l'iiglise ont accusé les manichéens
de rendre un culte idolâtre au soleil et à la
lune, lieausiibre n'a rien omis pour justifier
ces héréli()ues, et pour [irouver que ce culte
û'étiit pas une idolâtrie. 11 convient que les
manichéens regardaient ces astres comme
des êtres animés, comme des Ames pures et
bienlieurcuses, comme le siège et le séjour
de la sagesse et de la vertu du Sauveur; con-
séquemment, ilit-il, les manichéens ne les
ont point honorés comme des dieux souve-
rains, mais comme des ministres de la divi-
nité, comme les instruments vivants de ses
bienfaits. 11 conclut qu'on ne doit point les
taxer d'idolâtiie, 1" parce que plusieurs Pè-
res de l'Eglise ont pensé de même ; 2" parce
que h's manichéens n'ont point oll'ert de sacri-
fice k ces deux astres; 3" ils ne les ont point
invoqués ; V" ils ne tes ont point adorés. En
etl'et, continue Beausobre , l'adoralion inté-
rieure n'est autre cbose que l'estime infinie
que l'on a pour un être auquel on attribue les
souveraines i>erfections, auquel on se soumet
et se dévoue entièrement, auquel on donne
toute s -n admiration, sa contiance, sa véné-
ration, sa reconnaissance, son obéissance.
L'adoration extérieure consiste dans les ac-
tes religieus, destinés à exprimer les senti-
1207
PAG
PAI
i208
menls intérieurs de l'âme, comme les pros-
terneraents, les génuflexions, l'encens, les
sacrifices, les |.rières, les actions de grâces.
L'Ecriture, dit-il, a défendu de rendre à tout
aulre qu'à Dieu seul l'une et l'autre de ces
adorations ; aussi les manichéens n'ont
rendu ni l'une ni l'autre au soleil ni à la
lune. Il excuse par la même raison les Per-
sans, les sabailes et les esséniens, qui ontété
aussi accusés d'adorer ces deux astres. Hist.
dumanich.,\i\.\x, c.l,§llet suiv.,et ci, §7.
En admeitant pour un moment les prin-
cipes posés par Beausobre, nous lui deman-
dons si les catholiques regardent les s.iints
comme des dieux souverains, s'ils leur attri-
buent les souveraines perfections , s'ils leur
accordent toute leur admiration, toute leur
confiance, etc.; s'ds leur offrent des sacrifices,
si par consé(^uent les signes extérieurs de
respect qu'ils leur adressent peuvent être
appelés une adoration. Puisqu'il disculpe
tous ceux qui ont honoré les astres, à ([uel
titre ose-t-il nous taxer d'idoIAtrie? Nous
avons jirouvé ailleurs qu'il est faux que l'E-
criture ait défendu d'honorer par des signes
extérieurs, de prier, d'invoquerd'autres êtres
que Dieu seul, surtout lorsque l'estime, la
confiance, le respect qu'on leur témoigne sont
subordonnés à ceux que nous devons à Dieu.
Yoy. Anges, Saints, Idolâtrie. Beausobre
lui-même avoue que ces sentiments ont
leur cause dans l'opinion que l'on a des per-
fections et du pouvoir de l'être auquel on
s'adresse, ibid., c. 4, § 7 ; donc, dès que l'on
reconnaît que cet être est inférieur , dépen-
dant, soumis absolument à Dieu, en un
mot, pure créature et rien de plus, il est im-
possible que le culte qui lui est rendu soit
censé culte divin, culte suprême et inju-
rieux à Dieu. Donc, quand il serait vrai que
Dieu avait défendu aux Juifs toute espèce
de culte rendu à d'autres qu'à lui, nous se-
rions bien fondés à croire que cette défense
était uniquement relative aux circonstances
et au danger particulier dans lequel se trou-
vaient les Juifs ; que les protestants ont tort
de la prendre pour une loi absolue et géné-
rale pour tous les temps, puisque Beausobre
pense que le culte en question n'est point
défendu par la loi naturelle, en quoi il se
trompe absolument, même suivant ses pro-
pres principes. « L'expérience fait voir, dit-
il, que ces divinités subalternes, qui ne
sont que les ministres du Dieu suprôm.e, de-
viennent les objets de la dévotion de l'hom-
me, parce qu'il les regarde comme les au-
teurs immédiats de sa félicité. 11 perd de vue
la cause première , qui est dans un trop
grand éloignement , et il s'arrête à la cause
seconde. Quand cela n'arriverait pas, il est
bien difficile de faire un juste partage des
sentiments de l'Ame. On invente bien des
termes pour distinguer le culte souverain
d'avec le culte suljalterne ; mais ces distinc-
tions subtiles et métaphysiques ne sont bon-
nes que pour l'esprit, le cœur n'en fait au-
cun usage , etc. Aussi l'Ecriture a-t-elle
interdit tout culte religieux des créatures. »
Ibid.
Déjà nous avons réfuté toute cette fausse
théorie. 1° Si elle était vraie, Beausobre
aurait eu tort de dire que les sentiments du
cipur ont pour cause l'opinion que l'on a
dans l'esprit des perfections et du pouvoir
de l'être que l'on honore : ici le cœur irait
bien plus loin que Tesprit. 2° Si le danger
de confondre l'un et l'autre culte dans la
pratique est réelle, les manichéens, les Per-
sans, les sabaïtes, les esséniens, en ont-ils
été plus à couvert que les cathorquesî
Comment Beausobre sait-il que les premiers
n'y ont pas succombé? 3" Dans ce cas il est
faux que le culte subalterne ne soit pas dé-
fendu par la loi naturelle; cette loi défend
certainement non-seulement l'idolâtrie dis-
tincte et formelle, mais toute pratique capa-
ble de nous y faire tomber. L'inconséquence
et la partialité percent de toutes parts au
travers du verbiage et des dissertations de
ce critique. Posons donc pour principe que
le culte, soit intérieur, soit extérieur, est
toujours proportionné à l'idée que l'on a des
perfections et du pouvoir de l'être auquel on
l'adresse. Si on croit cet être indépendant
et puissant par lui-môme, ce culte est né-
cessairement divin et suprême, et c'est le
seul qu'on doit nommé adoration. S'il est
adressé à un autre qu'au seul vrai Dieu, c'est
polythéisme et idolâtrie, crime contraire à la
loi naturelle et à la droite raison. Lorsqu'on
ne prétend honorer qu'une créature dépen-
dante, soumise au vrai Dieu, qui tient tout
de lui, qui ne peut rien que par lui, quels
que soient les signes extérieurs par lesquels
on le témoigne, ce n'est plus ni culte suprême,
ni adoration, ni par conséquent idolâtrie ; le
donner pour tel, c'est abuser malicieuse-
ment des termes pour tromper les ignorants.
Voy. Culte.
PAIN. Ce mot, dans l'Ecriture sainte, si-
gnifie souvent toute autre espèce d'aliment
comme Veau désigne toute sorte de boisson.
Isaie, c. m, v. 1, dit que Dieu ôtera aux
Juifs toute la force du pain et de l'eau, c'est-
à-dire qu'il les punira par la disette d'ali-
ments. On retrouve la même expression, c.
XXXIII, V. 6. En français nous nous en ser-
vons dans le même sens : donner du pain à
quelqu'un, c'est lui fournir les moyens de
subsister. Ainsi lorsqu'il est dit que Abraham,
en renvoyant Agar et Ismaël, leur donna du
pain et un vase d'eau (Gen. xxi, 14-), cela
peut très-bien signifier qu'il pourvut à leur
subsistance; sans cela on ne peut pas conce-
voir comment ils auraient vécu dans un dé-
sert. De môme dans l'Evangile Jésus-Christ
dit [Joan. vi, 48) : Je suis le pain de vie; v. 52,
le PAIN que je donnerai pour la vie du monde
sera ma propre chair. Pain signifie nourri-
ture. Lorsque nous demandons à Dieu notre
pain quotidien, nous entendons par là tout
ce qui est nécessaire à la vie. Dans les par-
ties de l'Orient oii le bois est très-rare, le
peuple est souvent obligé de faire sécher au
soleil la fiente des animaux, de la brûler
pour cuire ses aliments, et de faire cuire le
pain sous celte cendre. Dieu, pour faire
comprendie aux Juifs qu'ils seront réduits
1509
PÂl
PAI
lâlO
à cette triste extrémité, ordonne au pro-
phète Êzéchicl de cuire ainsi son pain, et de
le manger en présence du peuple, c. iv, v.
13. Un de nos pliilosophes incrédules, aussi
ordurier que malicieux, a osé soutenir que
Dieu avait ordonné à Ezéchiel de manger
son pain couvert de fiente d'animaux. Telle
est la sagesse et la décence de nos profes-
seurs d'incrédulité.
Pains (multiplication des). Nous lisons
[Matth. XIV, 17) que Jésus-Christ rassasia
dans le désert cinq mille hommes avec cinq
pains et deux poissons, et que l'on recueillit
douze corbeillf'S des restes : ces pains n'é-
taient pas gros, puisqu'ils étaient portés par
un enfant (joan. vi, 9). Dans un autre en-
droit, il est dit (Matth. xt, 34) qu'il répéta
Je même miracle, en nourrissant avec sept
pains et quelques poissons quatre mille
nommes, sans com|)ter les femmes et les
enfants, et que l'on remplit des restes sept
paniers. Ce prodige fit tant d'impression sur
cette multitude d'hommes, qu'ils s'écrièrent
que Jésus était vi'Tilablement le Messie, et
qu'ils furent près do le |>roclamer roi (Joan.
VI, Ik et 15). Pour diminuer l'éclat de ce
prodige, les incrédules ont dit que c'était le
même événement répété deux lois; mais la
narration des évangélistes atteste le con-
traire, puisque les ci>constances sont diffé-
rentes. Ils ont ajouté que sans doute Jésus
avait envoyé ses disciples à la quête dans
les environs, qu'ils étaient revenus avec des
vivres; que Jésus les lit distribuer, et qu'il
n'y a rien là de miraculeux. Mais quand
vingt disciples seraient revenus chargés de
vivres, auraient-ils pu en rapporter assez
pour rassasier quatre ou cinq mille hommes,
sans compter les femmes et les enfants? L'E-
vangile prévient encore ce soupçon, en di-
sant que les disciples de Jésus lui repré-
sentèrent qu'il élait impossible de trouver
assez de vivres pour rassasier toute cette
multitude, dont une grande partie n'avait
pas mangé depuis trois jours. Enfin, dans
l'impossibilité de contester ces deux mira-
cles, nos sages critiques ont dit qu'il eût été
mieux d'empêcher ce grand nombre d'hom-
mes d'avoir faim, ou do les convertir tous
sans miracle. Us n'ont pas vu qu'en disjiu-
tant contre deux miracles, ils y en substi-
tuaient deux autres; mais le premier n'au-
rait pas été aussi éclatant ni aussi sensible
que la multiplication des pains, et le second
aurait été atjsurde. Dieu ne convertit point
les hommes sans raison et par un enthou-
siasme subit, mais par des réflexions, par
des motifs, par des preuves sensibles et pal-
pables.
Pain azvme ou pain a chanter. Voy.
Azyme.
Pain bénit, pain que l'on bénit tous les
dimanches à la messe paroissiale, et qui se
distribue ensuite aux fidèles; les Grecs le
nomment eulogie, bénédiction ou chose bé-
nite. Dans les premiers siècles de l'Eglise
tous ceux qui assistaient à la célébration du
saint sacrifice participaient à la communion;
maits lorsque la pureté des mœurs et la uiété
eurent diminué parmi les chrétiens, on res-
treignit la communion sacramentelle à ceux
qui s'y étaient préparés, et pour conserver
la mémoire de l'ancienne communion qui
était pour tous, on se contenta de distribuer
à tous les assistants un pain ordinaire bénit
par une prière. L'objet de cette cérémonie
est donc le même que celui de la commu-
nion, qui est de nous rappeler que nous
sommes tous enfants d'un même père et
membres d'une même famille, assis à la môme
table, nourris (lar les bienfaits d'une même
Providence, appelés à posséder un même
héritage, frères par conséquent, et obligés
à nous aimer les uns les autres. Cette leçon
ne fut jamais plus nécessaire que dans un
temps où le luxe a ii is une énorme dispro-
portion entre les hommes. « Nous sommes
tous, dit saint Paul, un même pain et un
même corps, nous qui parliciponsàla même
nourriture (/ Cor. x, 17). Pour exprimer
cette union, nous voyons (ju'au iv" siècle les
chrétiens s'i nvoyaient mutuellement des
eulogies ou du pain bénit; saint Grégoire de
Nazianze, saint Augustin, saint Paulin et
plusieurs conciles en ont parlé. Les évêques
s'envoyaient même quelquefois l'eucharistie
en signe d'union et de fraternité, et la nom-
maient eulogie ; mais le concde de Laodicée,
tenu vers le milieu du iv' siècle, défendit
cet usage et ordonna d'envoyer seulement du
j9om 6^wi'^ Lorsque les Giecs ont coupé un
morceau de pain pour le consacrer, ils divi
sent le reste de ce pain en petits morceaux,
le distribuent à ceux qui n'ont pas commu-
nié et en envoient aux absents; c'est ce
qu'ils appellent eulogie; cet usage est très-
ancien parmi eux. On a aussi nommé pain
bénit ou eulogie les gâteaux ou les autres
espèces de mets que l'on faisait bénir à l'E-
glise. Non-seulement les évêques et les
prêtres, mais encore les ermites faisaient
cette bénédiction. Enfin, l'on a donné le
même nom à tous les présents que l'on se
faisait en signe d'amitié.
L'usage du paiw fc^;u'f aux messes parois-
siales fut expressément recommandé au ix*
siècle dans l'Eglise latine, par le pape Léon
IV, par un concile de Nantes et par plusieurs
évoques, et ils ordonnent aux fidèles de le
recevoir avec le plus grand respect. Lebrun,
Explic. des cérém. de la messe, t. Il, p. 288.
Dans les paroisses de la campagne, l'of-
frande du pain bénit se fait sans appareil et
sans dépense superflue; c'est ordinairement
une mère de famille qui fait ceite offrande,
et souvent elle communie, afin de joindre
ensemble le symbole et la réalité. Dans les
villes, oïl le luxe et l'orgueil ont tout per-
verti, le pain bénit entraîne quelquefois une
dépense considérable pour ceux qui l'of-
frent, parce que l'appareil de la cérémonie
est ordinairement proportionné à leur con-
dition et à leur fortune; chacun se pique
d'enchérir sur ses égaux. Quelques-uns de
nos censeurs modernes sont partis de là pour
déclamer contre cet usage; ils en ont calculé
la dépense pour tout le royaume, et il ne
leur en a rien coûté pour entier ce résultat p
1311
IPAJ
PAl
1212
ils ont conclu qu'il vaudrait mieax employer
à soulager les pauvres cette dépense super-
flue, et qui, selon leur opinion,' ne sert à
rien. Nous n'avons garde d'approuver au-
cune espèce de luxe, surtout dans les pra-
tiques de religion; nous convenons qu'il se-
rait à souhaiter qu'on l'évitât dans une cé-
rémonie qui est destinée à nous faire sou-
venir que tous les fidèles sont nos frères,
par conséquent nos égaux devant Dieu; que
quand l'offrande du pain bénit est accompa-
gnée d'un cortège fastueux, il en résulte
souvent de l'indécence. Mais ce n'est pas à
l'Eglise qu'il faut s'en prendre, puisqu'elle
a défendu plusieurs fois, dans ses conciles,
toute espèce d'éclat et de bruit capables de
troubler l'office diviu et de détourner l'at-
tention des fidèles. Yoy. Tliiers, Traité des
Supcrstit., t. II, 1. IV, c. 10.
Ainsi nous supplions les censeurs de tous
les usages religieux de faire à ce sujet quel-
ques rétlexions : 1° En blAmant l'abus d'un
usage quelconque, il ne faut pas confondre
l'un avec l'autre, ni conclure à tout suppri-
mer; c'est la manie des ignorants, parce
qu'il est beaucoup plus aisé de retrancher
que de réformer. Que l'on bannisse le luxe
et la dépense superflue du pain bénit, cela
sera très-bien; mais il faut laisser subsister
cette offrande, parce qu'elle nous donne une
leçon très-bonne et très-nécessaire. En gé-
néral c'est une mauvaise méthode que de
calculer combien coûte une instruction ou
un acte de vertu. 2" Ce ne sont point les
pasteurs de l'Eglise qui ont suggéré, com-
mandé ou conseillé ce luxe, c'est la vanité
des particuliers qui l'a introduit, comme
elle a fait dans les pompes funèbres, dont le
but est de nous montrer la vanité des choses
de ce monde, et de nous humilier : il y a de
l'injustice à mettre cet abus sur le compte
des pasteurs. 3° Le motif do faire l'aumône
est très-louable, mais c'est un masque dont
1 irréligion se sert souvent pour se déguiser;
ceux qui ne donnent rien à Pieu ne sont pas
ordinairement mieux disposés à donner aux
hommes, k' En blâmant le luxe religieux,
il ne faut pas oublier de censurer avec en-
core plus de force le luxe voluptueux, qui
est cent fois plus criminel et plus meurtrier
pour les pauvres. Quand on dépense beau-
coup pour les spectacles, pour le jeu, pour
les modes, pour alimenter les talents fri-
voles, etc., comment trouverait-on de quoi
soulager les malheureux? 5° Puisijue l'éco-
uomie est le motif qui fait déclamer nos ad-
versaires, ils doivent faire attention que les
dépenses du culte religieux ne sont pas per-
dues pour l'Etat, plusieurs personnes eu
profitent; c'est um; consommation qui est
aussi utile politiquement que toutes les au-
tres.
Pain conjuré. Yoy. Epreuves supersti-
tieuses.
Pains de proposition ou t'offrande. Ce
sont les painn (jue l'on ollrait h Dieu tous
les samedis dans le laliernacie, et ensuite
dans !e temjilc de Jérusalem. 11 devait y en
avoir douze, selon le nombre des tribus au
nom desquelles ils étaient offerts; on les
posait sur une table couverte de lam^s d'or
et revêtue de divers ornements, unique-
ment destinée à cet usage, et placée vis-à-
vis l'arche d'alliance qui était censée être
le trône de Dieu. C'étaient des pains sans
levain; on devait les renouveler chaque
jour de sabbat, et il n'était permis qu'aux
prêtres d'en manger (Exod. x\v, 23, 30,
etc.). Cependant Jésus-Christ (Matth. xii ,
li) fait remarquer que David et ses gens
en mangèrent dans un cas de nécessité, et
que ce ne fut pas un crime de leur part
(l Rcfj. XXI, 6). Quelques interjirètes disent
que ces pains sont appelés en hébreu les
pains des faces, et c'est ainsi que Aquila et
Onkélos ont traduit; ils auraient mieux rendu
la force de l'hébreu en tiaduisant par tes
pains des présents; face et présence sont la
même chose; nous nommons une offrande
Vn présent, parce qu'offrir et présenter sont
synonymes. La Vulgate en traduisant panes
propositionis, n'a rien dit de plus que panes
obhitionis. Cette offrande était un aveu so-
lennel que faisaient les Israélites d'être re-
devables à Dieu de leur nourriture, de leur
subsistance, dont le pain est le symbole et
la partie principale. 11 n'est pas nécessaire
de supposer, comme font plusieurs commen-
tateurs, que Dieu, voulant être censé mo-
narque des Israélites, exigeait que son tem-
ple fût meublé comme un palais, qu'il y ertt
toujours une table servie, etc. 11 était juste
que les Israélites lui présentassent un tri-
but de reconnaissance, et cela suffit. La
coutume subsiste encore, dans quelques
paroisses de la campagne, d'offrir de petits
pains le dimanche qui suit l'enterrement
d'un mort; chaque proche parent porte le
sien; cet usage semble faire allusion à la le-
çon que Tobie donnait à son fils, c. iv, v.
18 : (( Placez votre pain et votre vin sur la
sépulture du juste. » C'était donc une au-
mône faite à l'intention du défunt. Yoy. Of
FRANDE.
PAIX. Ce terme, dans l'Ecriture sainte, a
un sens très-étendu ; il signifie non-seule
ment le repos, la tranquillité, la concorde,
mais toute espèce ûe prospérité et de bon-
heur. La manière ordinaire de saluer chez
les Hébreux était de dire : La paix soit avec
tous; Jésus-Christ saluait ainsi ses disciples,
et les apôtres se servent encore de cette for-
mule dans leurs lettres. David, |.x»ur expri-
mer la bdicité d'un bon gouvernement, dit
que la justice et la paix se sont embrassées
{Ps. Lxxxiv, 11 ). Mourir en paix, être en-
seveli en paix, c'est mourir avee la tran-
quillité d'une bonne conscience et avec la
consolation que donne l'espérance d'un bon-
heur éternel. C'est dans ce dernier sens
qu'il est employé le plus souvent dans Je
Nouveau Testanient. Le Messie avait été an-
noncé sous le nom de Prince de la paix;
son Evangile est appelé l'Evangile de la paix,
non-seulement parce qu'il api)rcnd aux
hommes à vivre en paix les uns avec les
autres, en exerçant mutuellement la justice •
et la charité, mais parce qu'il Jwus enseigiue
191S PAl
le moyen de conserver la tranquillité de
notre Âme ]m\t le calme de nos passions
Saint Paul dit que Jésus-Cliiist, en iiiounin
pour les honuucs, apaci/ié \\av le san^ de sa
croix tout ce qui est dans le ciel et sur la
terre (Coloss. i, 10), parce (ju'il a uK^rité et
obtenu le pardon de nos pécliés, et nous a
ri^conciliés avec la justice divine. Il l'aut
donc se délier de tout système (|ui suppose
que, malgré la rédemption, la guiu-re règne
toujours entre le ciel et la terre.
Paix ou Baiser de paix. Saint Pierre et
saint Paul Unissent leurs lettres en disant
aux tidèlos : « Saluez-vous les uns les au-
tres par un saint baiser. « Dès l'origine de
l'Kglise la coulunio s'introduisit parmi les
chrétiens, dans leurs assemblées, do se
donner le baiser de paix, symbole de con-
corde et de charité nuduclie. Saint Justin,
dans sa deuxième Apolor/ie, n. tiS; Terlul-
Hen, de Oral., c. IV ; saint Cyrille de Jéru-
salem, Calecli. myst. 5, et les Pères des siè-
cles suivants on parlent; il en est fait men-
tion dans le concile de Laodicée, dans les
Constitutions apostoliques, et dans toutes les
anciennes liturgies. Les païens prirent delà
un prétexte pour calomnier les chrétiens,
«t leur tirent un ciime de cette marque d'a-
mitié fratornolle.
Jésus-Christ avait dit : Si votre frère a
quelque chose contre vous, laissez là votre
oblation devant l'autel, et allez auparavant
vous réconcilier avec votre frire {Matth., v,
24.). Les tidèles conclurent avec raison qu'une
disposition nécessaire pour parlicifier aux
saints mystères était d'avoir la ])aix entre
eux, de renoncer Jx tout sentiment de haine
et de jalousie, de se témoigner mutuelle-
ment une sincère amitié, puisque la connuu-
niôn même est un symbole d'union et de
bienveillance. Conséquemment dans l'Eglise
d'Orient, le baiser de paix se donnait avant
l'oblation et après avoir congédié les caté-
chumènes ; cet usage fut môme suivi dans
les Gaules et en Espagne ; mais dans l'Eglise
de Rome, il parait que la coutume a été
constante de faire cette cérémonie immédia-
tement avant la corannniion. Le pape In-
nocent I" lit comprendre k un évoque d'Es-
pagne que cet usage était le jibis convenable,
et il s'est établi dans toute l'Eglise latine, h
mesure que la liturgie romaine y a été
adoptée. La manière de donner la paix n'a
point varié non plus dans l'Eglise de Rome;
le célébrant haise l'autel et end)rasse le dia-
cre en lui disant : Pax tibi, frater, et Eccle-
siœ sanctw Dei : le diacre fait de mémo au
sous-diacre, et lui dit : Pax tecum : celui-ci
donne la paix au reste du clergé. Depuis le
xir siècle jusqu'au xvi', il était d'usage dans
Elusieurs églises de France que le célébrant
risAt l'hostie avant d'embrasser le diacre;
depuis ce temps-là il a paru plus convena-
ble d'en revenir à l'ancienne coutume de
baiser l'autel qui est le siège du corps do
Jésus-Christ. Ce n'est aussi qu'à la lin du
XY* siècle que l'on a substitué un instru-
ment de paix, la patène, une image ou une
felique qui est baisée d'abord par le prôtre,
PAL
lau
ensuite par ses assistants et nar le clergé;
on ne la présente point aux laïques, si ce
n'est aux personnes d'une haute dignité, de
peur de donner lieu à quelques contestations
sur la préséance, comme cela est arrivé plus
d'une fois. Avant de donner la paix, le
prêtre adresse à Dieu une prière, par la-
quelle U le supplie de maintenir l'union en-
tre les membres de son Eglise, et d'y réu-
nir ceux qui ont eu le malheur de s'en sé-
parer. La manière ordinaire dont Jésus-
Christ saluait ses disciples était do leur dire :
Lu paix soit avec vous : Pax vobis; c'était
la formule usitée parnd les Hébreux : or
nous voyons par plusieurs passages (h; l'An-
cien Testament, que la paix signiliait non-
seulement l'union et la concorde, mais la
prosfiérité et le bonlieur. Pour saluer quel-
qu'un, les Grecs lui disaient : Xxipt, soyez gai
et content; les Latine : Salve, raie, ave, por-
tez-vous bien. Le mot adieu, ([ue le christia-
nisme a introduit parmi nous, signiLie, Soyez
avec Dieu ; mais ordinairement on le pvo-
nonce sans savoir ce qu'il exprime, ou sans
y faire attention.
PAJONiSTES, sectateurs de Claude Pajon,
miiristre calviniste d'Orléans, mort en 1()85;
il avait professé la théologie à Saumur.
Quoiqu'il protestât qu'il était soumis aux
déci>ions du synode do Dordrecht, il pen-
chait cependant beaucoup du côté des armi-
niens, et on l'accuse de s'être ap|iroché des
opinions des pélagiens. Il enseignait que le
péché originel avait beaucoup plus intlué
sur l'entendement de l'homme que sur la
volonté, qu'il restait à celle-ci suitisamment
de force pour embiasser la vérité dès qu'elle
lui était connue, et se porter au bien sans
qu'il fût besoin d'une opération immédiate
du Saint-Esprit. Telle est, du moins, la doc-
trine que ses adversaires lui ont attribuée,
mais qu'il savait envelopper sous des ex-
pressions captieuses. Cette doctrine fut en-
core soutenue et répandue après sa mort
par Isaac Papin, son neveu, et violemment
attaquée par Jurieu, qui parvint à la faire
coiutamner dans le synode wallon, en 1687,
et à la Haye en 1688. Mosheim convient qu'il
est diflicile de découvrir, dans toute cette
disjjute, quels étaient les vrais sentiments
de Pajon, et que son adversaire y mit beau-
coup d'animosité. Papin, dégoûté du calvi-
nisme par les contradictions qu'il y remar-
quait et par les vexations qu'il y éjirouvait,
rentra dans le sein de l'Eglise catholique, et
écrivit avec succès contre les protestants. Son
traité sur leur prétendue tolérance est très-
connu.
PALAMITES. Yoy. Hésichastes.
PALESTINE. Voy. Terre promise.
PALINGÉNÈSIE, renaissance. Ce mot est
devenu célèbre parmi les philosophes mo-
dernes, depuis la publication de l'ouvrage
de M. Bonnet, intitulé Palin(/enesie philoso-
phique. Cet auteur, savant physicii'ii, bon
observateur, et qui fait profession de res-
pecter beaucoup la religion, pei.se que Dieu
a créé l'uiiiver's de manière (pie tous les
êtres peuvent recevoir une nouvelle nais-
121S
PÀL
PAL
1216
sance dans un état futur, et s'y perfection-
ner assez pour que ceux qui nous paraissent
les plus imparfaits, y reçoivent un accroisse-
ment de faculté qui les égale k ceux d'une
espèce supérieure; qu'ainsi une pierre peut
y devenir un végétal, une plante être chan-
gée en animal, celui-ci être transformé en
homme, et l'homme parvenir à une peifec-
tion fort supérieure à celle qu'il possède
aujourd'hui. Au reste, l'auteur de ce sys-
tème ne le propose que comme une conjec-
ture probable.
Pour l'étabhr, il suppose, 1° que tout
corps organisé, soit végétal, soit animal,
vient d'un germe préexistant ; que ce germe
est un tout déjà organisé, qu'il est indes-
tructible et impérissable, à moins que Dieu
ne l'anéantisse ; que tous les germes ont été
produits au commencement du monde par
le Créateur. — 2° En conséquence de l'ana-
logie qu'il y a entre la siructure, K'S facultés,
les opérations des animaux et celles de
l'homme, il lui paraît probable que bs pre-
miers ont, aussi bien que l'homme, une
âme immatérielle et immortelle. Comme il y
a beaucoup d'analOf^ie entre lafibrique, l'or-
ganisation, la vie des plantes et celle de
certains animaux, il conclut qu'il en faut
raisonner de môme. Si on lui demande ce
que deviennent ces âmes après la mort des
animaux et après la destruction des plantes,
il semble penser qu'elles demeurent unies
aux germes qui ne i)érissent point. — 3° Il
trouve encore probable qu'avant la création
rapportée par Moïse, l'univers existait déjà,
que cette prétendue cré-ition n'a été qu'une
grande révolution ou un grand chang 'ment
que notre globe subissait pour lors, puis-
qu'il est prédit dans le Nouveau Testament,
qu'il y doit arriver encore une entière des-
truction par le feu (// Petr. m, 10). 11 pré-
tend prouver cette conjecture par la manière
dont Moïse raconte la création ; cet historien
suppose qu'elle a été successive, au lieu que,
suivant les lois de la physique, les mouve-
ments des globes célestes tiennent tellement
les uns aux autres, qu'il faut que le tout ait
été formé et arrangé d'un seul jet et au môme
instant. — 4" Il conclut que l'univers n'a
pas été fait principalement pour l'homme,
puisque la terre n'est qu'un atome de ma-
tière en comparaison des autres globes qui
roulent dans l'immensité de l'espace, et qui
sont autant d'autres mondes; que d'ailleurs
l'homme connaît très-peu de chose dans
cette énorme machine; il pense donc qu'elle
a été faite pour exciter l'admiration, et pro-
curer le bonheur des intelligences qui la con-
naissent infiniment mieux que nous, et à la
perfection desiiuelles l'homme parviendra
peut-être dans l'état futur. Conséquemment
l'auteur fait au hasard |)lasieurs conjectures
sur ce que feront les animaux dans ce nou-
vel état. — 5° il fonde ci t amas de suppo-
sitions sur le principe de Leibnitz, que Dieu
ne fait rien sans une raison suffisante; que
sa volonté seule n'est point cette raison, et.
au'il lui faut un motif; que cette volonté
divine tend essentiellement au bien il au,
plus grand bien; qu'ainsi l'univers est la
somme de toutes les perfections réunies et
le représentatif de la perfection souveraine.
Nous ne savons pas si nous avons bien saisi
l'ensemble d'un système aussi compliqué,
et dont les parties sont éparses dans deux
volumes; mais plus nous l'examinons, plus
il nous paraît que l'auteur, quoique bon lo-
gicien, n'a pas raisonné conséquemment, et
qu'il est peu d'accord avec lui-même.
En premier lieu, il semble n'avoir pas
compris que son système fondamental est
Voptimisme; or à cet article nous avons fait
voir que l'on ne peut pas supposer dans les
ouvrages du Créateur un optimum; un degré
de perfection au delà duquel Dieu ne peut
rien faire de mieux; il s'ensuivrait que la
puissance de Dieu n'est pas infinie, qu'il
n'est ni libre ni indépendant, qu'il agit hors
de lui-même par nécessité de nature, et qu'il
produit nécessairement dans ses ouvrages
l'infini actuel; autant de suppositions fausses
et absurdes. L'auteur de la Palingénésie au-
rait dû le comprendre mieux qu'un autre,
puisqu'il enseigne que chaque espèce de
créatures est susceptible de devenir plus
parfaite dans un état futur. Si elle peut re-
cevoir plus de perfection. Dieu peut donc la
lui donner, et il peut en accorder à l'infini,
puisque sa puissance n'a point de bornes.
S'il daignait rendre chaque espèce de créa-
tures plus parfaite, cela ne contribuerait-il
rien à la perfection du tout ou de l'univers?
11 est donc faux que l'univers actuel soit un
optimum, au delà duquel Dieu ne peut rieu
faire de mieux. Nous avons encore prouvé
que le prétendu principe de la raison suffi-
sante n'est qu'une équivoque, puisque 1 on
confond ce qui suffit réellement à Dieu avec
ce qui nous paraît lui suffire : comme si la
borne de nos connaissances était le terme de
la puissance et de la sagesse de Dieu.
En second lieu, personne n'a mieux dé
montré que notre auteur l'imperfection de
nos connaissnnces naturelles, combien peu
de choses nous savons touchant la nature,
les facultés, les relations des différents êtres,
à plus forte raison touchant l'ordre et le
mécanisme général de l'univers. « Il serait,
dit-il, de la plus grande absurdité, qu'un
ôtre aussi borné et aussi chétif que moi osât
se prononcer sur ce que la puissance absolue
peut ou ne peut pas. » Et par une contra-
diction choquante, personne n'a poussé plus
loin que lui la licence des conjectures sur
ce que Dieu peut ou ne peut pas faire.
En troisième lieu, il ne veut pas qu'en
fait de systèmes philosophiques, l'on mêle
la religion avec ce qui n'est pas elle; que
l'on tire des objections ni des preuves de la
révélation. Cepend int il en fait usage lui-
même, pour nous faire souvenir que notre
monde doit éprouver une révolution et un
changement total par le feu; il prétend ex-
pliquer Moïse. S'il n'avait pas été instruit
par la révélation , aurait-il acquis par la
philosophie une croyance aussi ferme de la
création et des conséquences qui s'ensui-
vent, pendant qu'aucun des anciens philo-
1217
PAL
PAL
1218
so[îhes n'a voulu l'admettre? Il dit quo ce
qui est vrai en philosophie est n(^cessaire-
ment vrai en th(^(jlogie; donc, au (■oulraire,
ce i]ui est évidemment faux en tliéologie ne
peut être ni vrai ni probable en bonne phi-
losophie. Or nous soutenons que, par son
système, il doiuie atteinte à plusieurs vérités
révélées, qu'il ne rend point le sens des
paroles qu'il cite de saint Pierre, et ([u'il
s'expose K de funestes conséquences. — 1°
Moïse dit qu'au connnencemeiil Dieu créa
le ciel et la terre, le soleil, la lune et les
étoiles; donc Dieu donna l'existence non-
seulement h notre globe, mais h tous ceux
qui roulent dans l'étendue des cieux ; donc
il ne leur donna pas seulement un nouvel
état , mais un commencement d'existence
absolue. L'entendre autrement, c'est vouloir
nous enlever une des leçons les plus essen-
tielles de la révélation, qui nous ont ap|)ris
que le monde n'est pas éternel. Voy. Cuéa-
TioN. Ce qu'ajoute l'auteur sur la haute an-
tiquité de la terre prouvée par sa constitu-
tion intérieure, par son reiroidissement, jiar
les corps étrangers qu'elle renferme, etc., a
été réfuté par des physiciens très-habiles.
Voy. Genèse. — "2" Pour créer rhomme, Dieu
dit : Faisons-le à notre image et resseuiblance.
Cela signitie-t-il que l'homme existait oéjà
auparavant dans l'état d'animalité, et que
Dieu, en le ]ierfectioiinant, l'a élevé à l'état
d'intelligence? Si l'animal peut devenir un
homme dans un état prétendu futur, il y a
lieu de douter si nous n'avons pas été des
animaux dans un état antérieur du monde;
doute injurieux à Dieu et à la nature hu-
maine. L'Ecriture sainte , loin d'enseigner
nulle part que les brutes ont comme nous
une âme immatérielle, semble plutôt insi-
nuer qu'il n'y a rien en elles que de la ma-
tière. Nos philosophes incré ailes ont blAmé
Moise d'avoir dit que le sang tient lieu d'dme
aux animaux [Lei-it. xvii, 14); mais ce pas-
sage peut avoir un autre sens. Voy. Ame.
Quand il serait prouvé que leur Ame est un
esprit, il ne s'ensuivrait encore rien. De
même que Dieu a pu créer des matières hé-
térogènes ou de dilférente nature, il a pu
créer aussi des esprits de dilférente es]ièce,
dont l'un ne peut jamais devenir l'autre,
dont les uns sont destinés à l'immortalité,
les autres seulement à une existence passa-
gère. Prétendre que, s'il a ciéé des àiiies
pour les brutes, il ne peut pas les anéantir,
parce qu'il n'y a point de raison sutlisante,
c'est répéter toujours le même sophisme.
Supposer que nous ne sommes différents
des brutes que [lar l'organisation , c'est
douuer gain tie cause aux niaiérialistes. —
3" 11 sied mal ii un philosophe qui f.iit jiro-
fession de respecter la révélation, et qui en
a donné de bonnes preuves, de soutenir
que l'histiiire de la création ne peut |ias
être vraie dans le sens littéral. Quoique
Newton ait dit t]ue les mouvements des glo-
bes célestes sont tellement engrenés et dé-
jjendanls les uns des autres, qu'il faut que
le tout ait été fait et arrangé d'un seul jit,
que prouve ce jugement ? Que ce grand ph . -
sicien ne comprenait pas comment Dieu a
pu faire et arranger le tout successivement.
Mais Dieu, doué du pouvoir créateur, n'est-il
pas assez puissant pour faire ce ((u'un philo-
sophe n(^ comprend pas? A la vérité, le des-
sein de Moise n'était pas de nous enseigner
l'astronomie; mais il ne suit pas de là que
les astronomes ont droit de forger, sur de
simples conjectures, un système contraire à
ce qu'il dit. D'autres |)hilosophes, pour la
commodité de leurs hypothèses, ont supposé
que les jours de la création ne sont jias
soulement un esf)ace de vingt-quatre heures,
mais des intervalles de tem|)s indéterminés
et peut-être fort longs : ainsi nos savants
dans leurs dis[)utes se jouent de l'Ecriture
sainte. — • 4" Le texte de saint Pierre {tpist.
II, m, 12) porte : « Nous attendons l'arri-
vée du jour du Seigneur dans lequel les
cieux seront détruits jiar les flammes, et les
éléments dissous par l'ardeur du feu; mais
nous attendons aussi, suivant ses promesses,
de nouveaux cieux et une nouvelle terre,
dans lesquels habile la justice. » Ce n'est
cerlainemenl jias là une palinyénésie ou un
renouvel ienieiit de notre globe, mais une
entière destruction du monde. Les nouveaux
cieux et la nouvelle terre sont le séjour du
bonheur étern 1, et une seconde vie tempo-
relle; ils existent déjà, i)uisque l'apôtre dit
q[^c Xsl justice y habite, et non qu'elle y ha-
bitera. D'ailleurs les promesses de Dieu n'ont
jamais eu pour objet une nouvelle vie sur la
terre, comme l'avaient imaginé les millénai-
res, mais une vie éternelle dans le ciel. On
dirat que notre auteur a voulu copier la my-
thologie des Indiens, touchant les quatre
jiériodes ou les quatre Ages du monde que
les brames ont rôvés. La foi chrétienne nous
enseigne qu'après la mort les justes et les
méchants iront incontinent, les uns jouir du
bonheur du ciel, les autres souffrir les pei
nés de l'enfer; ainsi l'Eglise l'a décidé contre
les Grecs et les Arméniens : ni les liommes
ni les animaux ne sont donc point réservés
à un nouveau période de vie terrestre, pour
s'y perfectionner et y changer de nature. Ce
système de la palingénésie ressemble un peu
troi) à celui de la métempsycose ou de la
transmigration des âmes, que soutenaient
les anciens philosophes, et que nous réfute-
rons en son lieu. — 5" Nous avons encoie à
re|irocher à notre phiiosoplie d'avoir dit que
l'univers n'a pas été fait principalement pour
l'homme, mais pour des intelligences d'un
ordre très-supérieur. L'Ecriture sainte nous
parait enseigner le contraire. Le Psalmiste,
parlant de l'homme, dit au Seigneur [Psal.
vin, (>j : « Vous l'avez fait Irès-peu infé-
rieur aux anges; vous l'avez environné de
gloire et d'honneur; vous l'avez établi sur
les ouvrages de vos mains, vous avez mis le
tout sous ses pieds, » ou en son ^pouvoir.
Saint Paul enchérit encore en citant ces
mêmes paroles {Hebr. i, 14). « Les anges,
dit-il, ne sont-ils pas tous des esprits admi-
nistrateurs, envoyés [lour servir ceux qui
auront le salut pour héritage? » c. n, v. 5.
Dieu n'a point soumis aux anges le monde
i%19
PAL
PAN
1320
futur dont nous parlons, au lieu qu'un au-
teur sacré dit do l'honime : Vous l'avez fait
très-peu inférieur nux anges, etc. A la vé-
rité, saint Paul applique cos paroles k Jé-
sus-Christ; mois il ajoute, v. 11 : « Celui
qui sanctilie et ceux qui sont sanctifiés sont
de m(^ine nature; c'est pour cela qu'il ne
rougit poiut de les appeler ses frères Or,
il n'a point pris la nature des anges, mais
celle des descendants d'Ahrahaïu. » Qu'au-
rait pensé l'apôtre d'un système, qui, loin
de nous rapprocher des anges, les suppose
placés à une distance infinie au-dessus de
i'honmie, et qui entreprend d'assimiler à
celui-ci les animaux et les plantes? — 6° Il
ne sert k rien d'exténuer à l'excès nos
connaissances touchant la faltrique et la
marche physi(iue du monde, dès (pie nous
en avons assez pour admirer, remercier et
bénir le Créateur. Des lumières plus éten-
dues n'ont ahouti souvent qu'à rendre les
philosophes orgueilleux , ingrals et incré-
dules. Un écrivain sacré a tenu un langage
tout différent de celui do noire auteur.
« Dieu, dit-il, a donné à nos premiers pa-
rents l'intelligence de l'esprit et la sensibilité
du cœur; il leur a montré les biens -et les
maux ; il a eu l'œil sur eux ; il leur a fait
voir la grandeur et la beauté de ses ouvra-
ges, afin qu'ils bénissent son saint nom,
qu'ils le glorifiassent de ses merveilles, et
qu'ils fussent attentifs à les publier; il a
daigné les enseigner, et leur a donné une
loi vivante; il a fait avec eux une alliance
éternelle; il leur a fait connaître sa jusiice
et ses jugements, etc. {Evcii., xvit, 6). » Ce
sage auteur ne fait jtas consister la science
de l'homme à concevoir le mécanisme du
monde physique, mais à respecter l'ordre du
monde moral, ordre tout autrement impor-
tant que le premier.
Fonder un système sur la multitude des
mondes répandus dans l'imniensili'^ de l'es-
pace, c'est bâtir en l'air et toujours pécher
par inconséquence. D'un côté, nous ne savons
rien ou presque rien sur la construction de
l'univers; de l'autre, nous savons que les
globes célestes sont autant de mondes peu-
plés d'habitants meilleuis que nous sans
doute; du moins nous ne risquons rien de
le sup|ioser, en attendant ciu'il nous en vienne
des nouvelles. De tout cela nous concluons
que l'hypothèse de la Pnlingénésie ne peut
servir qu'à diminuer notre reconnaissance
envers Dieu, à nous faire douter de sa pro-
vidence particulière à l'égard de l'homme,
et a favoriser les rêves des incrédules.
PALLE. Ce mot, cUt le P. Lebrun, vient
de pallium, manteau, couverture. On pré-
tend que dans l'origine c'était une pièce de
toile ou d'étotfe de soie', assez grande pour
couvrir l'autel entier, et on l'en couvrait en
effet lorsque le prêtre y avait placé le calice
et ce qui était nécessaire au sacrifice. Dans
le Sarramentaire de saint Grégoire, le corpo-
ral et la palle sont ajipelés pallœ corporales,
pour les distinguer des nappes d'autel, ([ui
sont simplement nommées paUœ ; dans la
suite on a donné le nom de corporal au linge
qui est dessous le calice, et celui qui est
dessus a retenu le nom de pallc ; en raccour-
cissant pour la commodité, on y a mis un
carton, afin de le tenir plus ferme. Eœptic.
des cérémonies de la Messe, t. II, pag. 25.
PALLIUM, ornement pontifical propre aux
évoques et qui désigne ordinairement la
qualité d'archevêque, il est formé de deux
bandelettes d'étoffe blanche, large do deux
doigis, qui pendent sur la poitrine et derrière
les épaules, et qui sont marquées de croix.
Cette étoffe est tissue de la laine de deux
agneaux blancs qui sont bénits à Rome, dans
l'église de Saint-Agnès, le jour de la fête de
cette sainte. Ces agneaux sont gardés ensuite
dans quelque communauté de religieuses,
jusqu'à ce que le temps de les tondre soit
arrivé. Les pallium faits de leur laine sont
déposés sur le tombeau de saint Pierre, et
y restent [lendalit toute la nuit qui précède
la fête de cet apôtre ; ils sont bénits le len-
demain sur l'autel de cette église, et envoyés
aux métropolitains ou aux évêques qui ont
droit ,de le porter. Vies des Pères et des Mar-
tijrs, t. V, p. 201. Ce qui regarde ce droit et
les privilèges attachés aupallium, appartient
à la juris|irudence canonique. M. Languet a
réfuté (loin de Vert qui avait imaginé que le
pallium était dans son orig ne le parement
ou la biirdure delà chasuble des prêtres, et
qu'il en a été détaché depuis deux ou trois
cents ans seulement, pour être un ornement
])articiilier. M. Languet jirouve que c'était
déjà un ornement épiscopal du temps de saint
Isidore de Damiotte, mort au milieu du v°
siècle, puisque ce saint en a parlé et en a
donné les significations mystiques. Il fut ac-
cordé par le pape Symmaqueà saintCésaire
d'Arles, mort au milieu du vi' siècle. Du vé-
ritable esprit de l'Eglise, etc., p. 288.
PALMKS. Voy. Hameaux.
PANACHANTE. Voy. Conception imma-
culée.
PANAGIE, cérémonie que font les moines
grecs dans leur réfectoire. Lorsqu'ils vont se
mettre à table, celui qui sort coupe un pain
en quatre parties ; d'une de ces portions, il
coupe encore un morceau en forme de coin,
depuis le centre jusqu'à la circonférence, et
le remet à sa place. Quand on se lève de ta-
ble, le servant découvre ce pain, le présente
à l'abbé et ensuite aux autres moines qui en
prennent chacun un petit morceau, boivent
un coup de vin, rendent grAces et se retirent.
On prétend que cette cérémonie se pratiquait
aussi à la table de l'empereur de Constanti-
nople; Codin, Ducange et Léon AUatius en
parlent. Si elle n'est accompagnée d'aucune
parole, il est dillicile d'en deviner l'origine.
Il nous }iaraît cependant qu'elle peut faire
allusion à ce qui est dit dans saint Paul (i
Cor. XI, 5), que ce fut à la fin du repas que
Jésus bénit la coupe de l'eucharistie, et en
lit boire à ses disciples. Ce dernier coup de
vin que boivent les moines grecs avant de
rendre grâces, rappelle la coupe de bénédic-
tion de laquelle les Hébreux buvaient à la
fin du repas. Parmi le peuple des cami>agiies
qui garde beaucoup de restes des anciennes
1381
PAN
PAN
1223
mœurs, il est assez ordinaire que le dernier
coup de vin soit lui à Ja ronde et à la sauté
de l'hôte qui a régalé : c'est une manière de
lui rendre gnîces. Le terme de paiiarjie, qui
siguilio toute sainte, semble iuliquer une
action religieuse par laquelle on veut ren-
dre gr;îces h Dieu. Voy. Colpe.
PANARÈTE, mot grec qui signifie toute
vertu. C'est le nom que les Grecs donnent à
trois livres de l'Hcriture sainte que l'on ap-
pelle Sapientiaux, (|ui sont les proverbes de
Salomou, l'Ecelésiasteetla Sagesse. Les (irecs
donnent h entendre j»ar là que ces livres
enseii.i;nent toutes les vertus.
PANOPLIE, ninmre com|ilètc. On a ainsi
nommé un ouvrage du moine Euthimius
Zigabôue, qui est l'exposition de toutes les
hérésies avec leur réfutation; il le composa
par l'ordre de l'emiiereur Alexis Couniène,
vers l'an 1115. Cet ouvrage a été traduit en
latin et inséré tlans la grande Bibliothèque
des Pères.
* PA^TI1ÉIS^IE, doclrinc qui enseigne qu'il n'y
a qu'une seule sulislance (jui se nioilifie cllc-rin'nie.
Cnnuue nous ne hayons pas l'Iiistoiie de la philoso-
phie, nous n'avons point à déeiire les phases qu'a
suhies cède nionsliueuse eneur depuis les lenqis de
Xénophane, de Paruiénide et de /énon (a) jusqu'à
nos jouis. Qu'il nous sullisc de l'aire observer que
celle doctrine, considérée sous toutes les Ibiuies po.s-
sibles, n'a jamais été et n'a pu être qu'une abslrac-
lion dépourvue de tout fondement, et contraire à
l'expérience de tous les siècles, ainsi qu'à toutes les
données de la science. Il y a deux systèmes princi-
paux de panthéisme : le piemier est celui des aiiiicns
qui expli(iuaienl la formation des corps par le mou-
veiuenl des atomes ; le second esl des philosophes
uioilerues, d(uil nous allons exposer les idées.
1" r)<'puis que notre planète est habitable, et elle
n'a jamais pu être observée qu'elle ne fût telle, elle a
toujours clé constituée dans sa partie solide de corps
plus ou moins distincts, et non d'atomes sans cohii-
sion et honiogcnes, comme le prétendaient les an-
ciens panthéistes ; aiiireinent, elle serait encore à
l'élai de chaos, et ne conliendrait pas des êtres
dou('S de propriétés si diverses, et (jui sont nécessai-
res les uns aux autres pour l'entretien de la vie. De
même, si tous les asiies de noire système planclaire
n'avaient été primitivement que des ëlénienis isolés
et errants, ils ne si' seraient jamais formés en masses
compacles, ni distribués en divers centres d'action.
Les anciens panthéistes malèiialisles ne sont donc
arrives à la conception de leur système alomisli(iue,
qu'en faisant ubslraclioii, soit de la nature intime de
tous les coips, soit de la odusiiui, soil des alliuités
électives, soil do la gravitation universelle, soil sui-
loul de l'inertie de la matieie et de l'action indis-
pensable d'une [luissainM! intidligenle (lour l'organi-
sation et le maintien de 1 ordre dans l'univers. En un
mot, dans la ihi'orie des atonies priiniLifs, on ne lient
aucun compte ni des pbènoinèiies naturels, (|ui seuls
sont du domaine de 1 obscivalion, ni de leurs causes,
qui induisent à la connaissance d'un supivme ordon-
naleur : on part d'une hypttilicse qui n'a de loiide-
nienl ((ne dans l'imagination, cl qui n'est que le ré-
sultat d'une abstraction que rien ne peut b^giiiiHcr.
— i° 11 y a eu, à diverses époques et dans ddJêienls
(flj Ces trois philosoplips, que Ion peut rpfiardei- comme
les |iiTes (lu i^a théi-ni:, vnai.iil vhis le iiiilieu du vi'
sr^cle av.iiit notre ère; l.eiiciiipe et l).!-iiiOLTite, (pii oon-
nércHt uiK! irouvclli» Inrino a leit.- erreur, ne vécurent
i|«e (laii le v sif'cle avunt uolre ère ; et ICpictn c, (pii la
niodilia a son tour, ue (lajul qoe vers 3j«, du tei«|is d'A-
lexaudru le Uranci.
p-iys, des sectes de panthéistes qui ne niaient pas
précisément l'exislenee de Dieu, mais (pii prélen-
daient (pie tout était Dieu, connue l'indiipie le nom
qn'(Mi lein- a donné, el ipi'il n'y avait dans toute l'é-
tendue de l'univers qu'une seule substance. Les jian-
théistes de notre ('poipie confondent tout dans ce
qu'ils nomment l'infini, l'ub^oUi (roi/, ces mots), ei
proclament que tout e$t dans touL Les uns el les
aulies, sans pousser l'absuaelion aussi loin que les
partisans des atomes primitifs, s'élèvent par les seuls
ellorts de l'imagination jus(prà la conception d'une
substance vniiiue. On sait (juc les opérai ions de 1 es-
prit qui ne sont pas fimdées sur des doinii'es posi-
tives de la science, nn ]ieuvcnt condniie qu'à des
r('sultats chimériques : exaniimms donc (piel peut cire
le fondement scientilique de l'abslraclion panlhèis-
li(lini moilerno. l.'observali(m dirccle ne peut porter
que sur des indiviilns : (juand on les a convenable-
ment éuuliés, on Tait absiraclion de leur individualité
et des particularités qui leur sont exclusivement
propres, pour ne considérer (pie les qualités ((ui leur
sont communes avec d'autres. On iorme ainsi des
groupes d'autant plus généraux que l'on y envisage
moins de qiialilés, ei c'est en ce sens que r(m dit en
histoire naturelle connue en logi(|ue que tf ijenre a
moins de ccnipTi'hemion que l'espèce , mais plus d'ex-
icnfion, qu'il en esl de même de Vordie par rapport
au genre, de la ctaise par rapport à l'iudre, etc. : en
uti mol, que la compréhension esl kujours en raison
inverse d, lexlensioii. Cela veut dire (pie, plus on s'é-
lève dans l'échelle de l'abslraclion par la généralisa-
tion, plus aussi on s'éloigne de la réalité. Kn sorte
que, si d'abstraction en absiraclion on parvient,
avec le panihéisie, jusqu'à la conception pure de la
subslance, on n'a plus rien de réel, parce qn'on n'a
plus rien d'observable. On sort du domaine de la
science, parce qu'on abandonne la région des faits.
Sans doute, il est inq)0ssible d'èlabllr une théorie
scienlilique quelconque sans le secours de la généra-
lisation, et par conséquent sans l'abstraction, qui en
est rinstrunient ; mais, quand on ne sortirait même
pas de l'ordre des choses observables, comme l'ont
les panthéistes, on ne doit pas oublier qu'à chaque
opération généralisatriee de l'esprit, on a anéanti une
rcalil(' en Iranchissant un abîme. Qui ne comprend
que l'animal, le vésétal , considérés en g(?néral ,
n'existent pas plus que la substance uniipte îles pan-
théistes'.' Les réalistes du moyen âge sont donc tom-
bés dans une erreur analogue à celle que nous com-
batlons. En effet, ce qu'il y a snrtout d'incons('qucnt,
d'erroné dans le syslènu; iianthéistiquc, c'est qn'on
se précipile tout d'un coup du point culminanl du
inonde idéal dans le monde réel : de l'unité de sub-
slance, qui ne peut èlre que le résultat de l'abstrac-
tion poussée à son maximum, on prétend conclure
la Iransformalion de tous les individus les uns en les
antres ; on vent voir tout dans tout.
Il est clair, d'après les développements qui précc-
donl,que le panlhiisme n'a aucun fondement scienti-
lique, et (jue le défaut capital de ce système consiste
dans la réalisation de l'abstraction, el dans l'anéan-
tissement par rvb.siraction de tout ce qui tombe sous
l'obsenation. Nous pourrions en rester là, et tenir
ce système pour renversé par la destruction de sa
base. Mais pour mieux dévoiler et son opposition
formelle avec les fails les mieux constaiés de la
science, ci les graves inconséquences dans lesquelles
il se précipite, nous allons exposer les cara( tères
profonds qui distinguent, les grands groupes d'êtres
que nous pouvons observer sur la planète que nous
habiions, et cela d'après les plus grands naturalistes.
Le système panihéistique, considéré dans ses consé-
quences, lond directement à la destruction de la
personnalilé, soit divine, soit humaine, et à l'anéan-
lissement de l'individualiti' des ôircs physiques. Nous
vengerons plus tard la personnalité divine au nml
Tri.mté; nous avons dijà (au mol Ame) dcfciida la
1233
PAN
PAN
!2ii
cause de la personnalité humaine contre les pan-
théistes spirilualisles ; nous n'avons donc à démon-
trer ici que l'individunlilé des êtres physiques, contre
les panthéistes matérialistes.
Le célèbre Linné, dés le commencement de sa
Philosophia botanica, distingue trois sortes d'êtres,
que l'on distribuait autrefois en trois règnes : ce sont
les minéraux, les végétaux et les animaux. « Les mi-
néraux croissent , dit-il , les végétaux croissent et
vivent, les animaux croissent , vivent et sentent, t
Nous pourrions ajouter un quatrième règne pour
l'homme, qui croît, vil, sent et pense librement.
Mais déjà depuis longtemps les naturalistes, pour
établir une divison plus scieniilique, ont réduit à
deux les règnes de la nature : le règne inorganique,
qui comprend toutes les substances dépourvues d'or-
ganisation ou considérées en deliors de l'influence vi-
tale; et le règne organique que constituent ces in-
nombrables petits tous qui sont doués d'une puis-
sance d'absorption et d'assimdalion , et que l'on
nomme les végétaux et les animaux. Nous ferons un
troisième régne des êtres actifs dont nous avous
constaté l'existence dans le paragraphe précédent,
et nous proposons de l'appeler rè-ine de spontanéité.
Les quatre grands groupes qui composent ces trois
règnes sont essentiellement distincts les uns des au-
tres, et même ils sont séparés par une distance in-
franchissable. Les minéraux croissent ou forment
des agrégats par simple juxtaposition de parties, en
vertu de la force de cohésion, si les éléments sont
homogènes, et par l'eflèt de l'aflinité élective, si des
éléments hétérogènes sont en présence. Leur exis-
tence ne dépend en aucune façon du concours d'êtres
8»it semblables, soit différents. Ces corps n'ont pas
de parties plus importantes les unes que les autres :
ils peuvent être désagrégés, altérés sur tous les points
indistinctement, sans qu'il s'ensuive aucun change-
ment dans les parties sur lesquelles on n'a pas agi ;
les éléments offrent partout les mêmes arrangements
dans des corps identiques considérés dans les mêmes
circonstances; la forme générale et les dimensions
sont indéterminées; enfin, le mode d'existence est à
peu près constant dans les mêmes circonstances : les
êtres inorganiques se suffisent à eux-mêmes, et ils
persistent dans le même état, soit d'isolement, soit
de combinaison, à moins qu'une force étrangère n'a-
gisse sur eux. Réduits à leur état normal, ils sont
indestructibles.
On voit déjà, et l'on comprendra encore mieux
bientôt, par quel abîme les corps inorganiques sont
séparés des organiques. Mais combien ne dilférent-
ils pas aussi de nature entre eux, si on les considère
dans leurs éléments chimiques? On reconnaît aujour-
d'hui cinquante-cinq éléments, qui sont comme les
germes de toutes les substances minérales, et qui
peuvent être isolés les uns des autres par l'analyse
chimii|ue, à quelque état de combinaison qu'ils se
rencontrent dans ta nature. Les corps simples, qui
résultent de leur agrégation, sont caractérisés par
des propriétés toujours très-distinctes, et souvent an-
tagonisies. On sait que les alchimistes, malgré leurs
innombrables mélanges, n'ont jamais pu transformer
une seule substance eu une autre : les hommes de la
science ont, dés l'enfance même de la chimie, laissé
aux panthéistes le soin de chercher la pierre pliilvso-
phale. Les éléments chimiques sont donc inaltérables,
indestructibles, et constituent, dans l'état actuel de
la science , de véritables individua. 11 y a plus :
comme les corps simples ne se combinent entre eux
que dans des proportions toujours bien définies, ils
donnent naissance à des substances minérales qui ne
sont autre chose que des agrégats d'individus, ayant
constammeiit dans les mêmes circonstances des for-
mes et des propriétés identiques. Si la plupart des
minéraux n'offrent pas la même régularité dans leurs
formes respectives, et ne se trouvent pas à l'état
cristallisé, c'est parce qu'ils ont dû se trouver dans
des circonstances physiques perturbatrices, qui ont
neutralisé les lois rigoureuses de la cristallisation ;
quand on vient à les placer dans des circonstances
favorables, ils ne tardent pas à prendre leur forme
caractéristique. Il est donc évident qu'H n'y a jamais
confusion substantielle dans le régne minéral, mais
qu'il y a partout imlividualité distincte. 11 n'y a pas
même de gradation dans ce règne, oii l'on n'a encore
pu reconnaître de série, ni établir d'espèces propre-
ment dites. Le principe proclamé par Linné, que la
nature procède toujours par degrés et d'une manière
continue, n'est applicable qu'aux corps organisés;
I mais, loin qu'il puisse s'étendre aux corps bruts,
dit le savant M. Margerin {Cours sur la géologie , i'
leçon), c'est le principe contraire qui les gouverne.
L;i, tout est fixe, déterminé, arrêté. Deux substance»
de même ordre se combinent en proportions définies,
constantes pour un même mixte; et tout mixte de la
même nature, soumis à l'analyse, reproduit inva-
riablement les proportions, i Ce point capital, indi-
qué par les travaux de Wenzel et de Richter, repris
et débattu par Proust et Berthollet, a été mis hors de
doute par les nombreux travaux des chimistes
modernes. « On découvre ainsi dans le corps le
plus abject, la même harmonie qui règne dans les
cieux (Ibid.). I
En minéralogie, l'unité des substances est carac-
térisée, 1° par la nature des éléments susceptibles de
se combiner; 2° par les propriétés dans lesquelles ils
peuvent se combiner; 3' par l'ordre dans lequel ils
sont combinés. Chaque substance est invariable,
quoique se présentant sous divers aspects, i A tra-
vers ces diverses formes, dit M. Margerin (loc. cit.),
l'unité de substance se fait connaître à ceci, qu'il est
impossible, au moyen d'nn régime chimique conve-
nable, de passer d'une forme à l'autre sans altérer
dans le sujet les trois caractères énoncés plus haut.
Tout revient donc à la détermination de ces carac-
tères. La nature et le nombre des éléments sont
fournis par les procédés ordinaires de l'analyse chi-
mique. Quant à la manière dont ces éléments sont
combinés entre eux, on parvient à la connaître par
la loi des substitutions. > La substance minérale
proprement dite persévère indéfiniment dans le
même état, et l'action mécanique ne peut rien sur
sa nature : fùt-elle réduite en poudre impalpable,
chaque grain renferme le minéral tout entier. Le vé-
ritable individu dans le règne minéral est donc la
molécule cristalline. L'action des causes physiques
et chimiques peut transformer un minéral en un
autre sans que la substance change de nature, c'est
dans le cas du polymorphisme , constaté dans ces
derniers temps; mais toujours Vindividu conserve
son identité substantielle.
Exposons maintenant les caractères si tranchés
des corps organiques. Ils sont tous doués de vie,
c'est-a-dire d'une force qui combat l'action destruc-
tive des causes physiques et chimiques. Ils croissent
par intussiisception au moyen de l'absorption et de
l'assimilation, et par conséquent ils ne peuvent se
passer des êtres qui les environnent. Us se les ap-
proprient au moyen d'instrumenis dont ils sont
pourvus, et que l'on nomme organes. Us ont des par-
lies privilégiées dont l'altération exerce une influence
universelle, et même entraine la perte de la vie,
c'est-a-dire la destruction de l'être en tant qu'or-
ganisé; les arrangements des éléments constituants
sont différents pour les diverses parties d'un même
corps ; les formes sont invariables et les dimensions
limitées dans chaque espèce; enfin, dans tous le*
êtres du double groupe organique, il y a naissance
d'uu parent semblable, accroissement, reproduction
et mort. Que l'on voie si le panthéisme peut, sans
nier tous les faits et sans anéantir toute science
d'observation, franchir l'abîme qui sépare les êtres
organisés des corps bruts, pour confondre les uns
et les autres dans son désespérant chaos 1
12â3
PAN
PÀP
H-IH
Le pantliéisme est donc bien contraire a toutes les
données de l'observation ; il n'est pas moins opposé
à la raison.
I En efl'et, disent les Conférences de Baycux, 1° il
est évidemment faux dans son principe. Si nous re-
cherchons ce qu'il peut y avoir de commun dans les
divers syslcincs de pauthéisiiic, nous reconnaîtrons
que, sous un langage dillércnt , ils parlent tous du
même principe. Ce principe fondamental, c'est l'i-
dentité de la substance. 11 n'existe qu'une seule sub-
stance, dont le monde et l'iioinme ne sont que les
attributs, i Qu'avec Hegel on l'apiielle Vidée ou IV/rc ;
qu'avec Schelling on luidorinele nom tVabiolu; ([u'oii
la présente avec Ficiite comme le moi, avec Spiiiosa
comme Vinflui, on aflirnic toujours le même prin-
cipe, et les différences ne sont que nominales. L'é-
tude des néoplatoniciens , des Grecs et des Orien-
taux, nous mené au même résultat; nous retrouvons
partout une seule substance (a). Or, le sentiment et
la raison repoussent et condannient ce principe. « Je
sens, dit Bergier ( Voij. Spinosisme) que je suis moi et
non un autre, une substance séparée de toute autre,
im individu réel et non une modilication ; que mes
pensées, mes volontés, mes sensations, mes affections
sont à moi et non à un autre, et que celles d'un au-
tre ne sont pas les niieimes. Qu'un autre soit un
être, une substance, une nature aussi bien que moi,
celte ressemblance n'est qu'une idée abstraite, une
manière de nous considérer l'un et l'autre, mais qui
n'établit point l'identité ou une unité réelle entre
nous. > Que les panthéistes interrogent tous les
honnncs, ils retrouveront en eux ce sentiment indes-
tructible de la distinction des êtres. On dira que ce
n'est qu'une illusion, on alléguera les progrès de la
science humaine; on ne détruira jamais l'empire de
ces croyances.
1 2" Le panthéisme, considéré en lui-même, répugne
manifestement à la raison. Qu'est-ce, en elTét, qu'un
dieu composé de tous les êtres qui existent dans le
monde, et qui ne sont peut-être eux-mêmes que de
6inq)les phénomènes et des apparences trompeuses?
Conçoit-on une substance uni<iue, iiiinmable et réu-
nissant en elle des attributs contradictoires, féten-
due et la pensée? Qu'est-ce qu'une existence vague
et indéterminée dont on ne peut rien affirmer, qui
n'est ni être ni mode, et qui cependant constitue le
monde spirituel et le monde matériel? Un homme
peut-il croire de bonne foi (pi'il est l'être universel,
iidiui, nécessaire, et dont tous les autres ne sont que
les développements et les modilications? Cet hom-
me, qui ne respecte ni les devoirs de la religion ni
les lois sacrées de la nature, qui professe ouverte-
ment l'impiété et même l'athéisme, Cst-il dieu aussi
ou un attribut, une modilication de Dieu ? En vérité,
peut-On se persuader que des philosophes refusent de
courber leur intelligence sous l'autorité de la foi,
qu'ils rejctieut et condiatlent les mystères du chris-
tianisme, pour adopter de pareilles rêveries?
« 3" Le panthéisme n'est p;is moins funeste dans
ses conséquences qu'il est absurde en lui-même et
dans son principe. S'il n'existe qu'une seule sub-
stance, si tout est identique, si l'homme est dieu, il
n'y a plus entre eux de rapports d'autorité et de dé-
pendance; la religion, qui n'est fondée que sur ces
rapports, est donc une chimère ; il n'y a donc plus
pour l'homme ni lois obligatoires ni morale, ni vice
ni vertu, ni bien ni mal. D'ailleurs, qu'est-ce que
Dieu dans le système des philosophes panlhéisles?
Une abstraction métaphysicpie, une simple idée de
l'inlini, de l'absolu, une existence vague et indéler-
minée qui ne se connaît que par la raison humaine,
le plus parfait de ses développements. Mais refuser à
Dieu l'intelligence, la liberté, et même la personna-
lité et l'individualité, n'est-ce pas l'anéantir? Le
panthéisme n'est donc en réalité qu'un système d'à- "
- théisme caché sous le voile d'un langage étrange-
ment obscur et d'une terminologie barbare. Qu'est-ce
enfin que cette raison humaine qu'on nous présente
comme la maniléslation et le dernier développement
de l'Etre iidini? La raison humaine existe-t-clle ?
Ouvre/, les livres des philosophes allemands, ot ils
vous apprendront que le monde n'est qu'une appa-
rence, une illusion vaine, une forme sans réalité ob-
jective; (pi'il n'y a nulle individualité, nul acte per-
sonnel; qu'il n'y a plus ni cause ni effet. Le mot
être, l'idée abstraite de Dieu, voilà tout. .Mais pour-
quoi attribuerions-nous plus de réalité à celte idée
qu'aux autres? Le scepticisme universel est donc le
résultat inévitable et la conséquence ni'cessaire de
toutes ces théories insensées. < Le panlliéisme est
donc en contradiction palpable avec la raison et la
logique dont il renverse tous les principes, avec la
personnalité humaine qu'il ne peut faire disparaître
ni expliquer, avec la réalité du monde sensible qu'il
nie, sans nous faire comprendre comment ce phéno-
mène existe, et comment il nous donne le sentiment
de la réalilé. Il est encore en conlradieton avec la
notion de l'Etre absolu ; car, coniine il lui refuse la
personnalité et qu'il n'afliriin' rieiidi' lui, il remplace
l'Etre par l'exisience et s'évapoie dans l'abstrac-
liou ((?). Voy. Spikosisme.
PAPAS, père. C'est le nom que les Grecs
schisiiiati([ues donnent à leurs pnMi'cs, luAme
à leurs évoques et à leur p;itnarelie. Le Père
(îoanuol une distinction entre w«7r«,-, et7rà;r«f;
il dit que le premier désigne un jiontife
princi[ial; que le second se donne aux prô-
tres et mùiueaux clercs inférieurs. Les lirecs
nomment jjrotopapas le premier d'entre les
préties. Dans l'Éj^iise de Messine, en Sicile,
il y a encore une dignité de protopapas, que
les (jrecs y introduisirent lorsque celte île
était sous la domination des empereurs
d'Orient. Le prélat de l'église de Corfoi i)rend
aussi le même titre. Scaiiger remarque à ce
sujet que les Ethiopiens appellent les prêtres
papasath, et les évoques episcopasath; mais
ces deux termes ne sont pas de la langue
étiiiopienne. Scaiiger n'a pas fait réllexioa
que les Ethiopiens ou Abyssins n'ont qu'un
seul évoque qu'ils nomment Abuna, qui si-
gnilie notre Père. Acosia rapporte que les
Indiens du Pérou nommaient aussi leur
prêtre papas. Enlin l'usage est établi parmi
nous de donner le nom d'abbé à tous les
ecclésiastiques. Du Gange, Glossar. lalinit. Ce
concert de toutes les nations à envisager de
même les ministres des autels, doit appren-
dre à ceux-ci le devoir que leur état leur im-
pose, qui est de prendre pour tous les lidèles
une tendresse paternelle et de se consacrer
tout entiers à leur service. G'est donc une
très-bonne leçon, de laquelle il serait à sou-
haiter que la signilicatiou ne s'oubliât jamais.
Voi/. Abbé.
' PAPAUTÉ , PAPE. Nous avons vu dans
l'article précédent que le nom de pape signi-
fle père; on l'a donné autrefois non-seule-
ment aux évoques, mais aux simjiles prêtres :
depuis longtemps il est réservé en Occident
aux évêques de Rome, successeurs de saint
Pierre : il désigne le souverain pontife de
l'Eglise chrétienne : et le titre de Vicaire de
Jésus-Christ sur la terre, qui lui est attribué,
^ii) Essai sur le paatUéisme, p. \'ô.
^ DiCTIONN. DE TuiiOL. DOCMiTIQVE. III.
(a) Essai sur le panthéisme, p. 199
30
im
paP
PAP
J52â
est fondô sur l'Ecriture sainte; nous le ver-
rons ci-après '(1).
On peut considérer le pape sous quatre
différents rapports : comme pasteur de l'E-
glise universelle, comme patriarche de TOc-
cideiit, comme évêque particulier du siège
de Rome, et comme prince temporel. Les
dernières de ces qualités appartiennent plu-
tôt à la jurisprudence et à l'histoire qu'à la
théologie ; nous nous arrêtons uniquement
à la première.
La croyance catholique est que saint Pierre
a été non-seulement le chef du collège apos-
tolique, mais le pasteur de l'Eglise univer-
selle; que le pontife romain est le succes-
seur de ce prince des apôtres, qu'il a comme
lui autorité et juridiction sur toute l'Eglise,
que tous les fidèles sans exception lui doi-
vent rcsiiect et onéi?sauce. Telle est la défi-
nition du concile de Florence, à laquelle ce-
lui de Trente s'est conformé, lorsqu'il a dit
que le souverain pontife est le vicaire de
Dieu sur h terre, et qu'il a la puissance su-
prême sur toute l'Eglise. Sess. 6, cleRéform.,
c. 1 ; sess. lo, de Pœnit., c. 7. Comme cette
doctrine est la base de la catholicité et de
l'unité de l'Eglise, les théologiens de toutes
les sectes hétérodoxes ont commencé par la
déguiser, afin de la rendre odieuse. Ils ont
dit que nous faisons du pape, non-seulement
un souverain spirituel et temporel du monde
entier, mais une espèce de Dieu sur la terre;
que nous lui attribuons un pouvoir despoti-
que, arbitraire et tyrannique, l'autorité de
îaire de nouveaux articles de foi, d'instituer
de nouveaux sacrements, d'abroger les ca-
nons et les lois ecclésiastiques, de changer
absolument la doctrine chrétienne, le droit
d'absoudre les sujets du serment de fidélité
envers les rois et les magistrats, sous pré-
texte que ceux-ci sont impies ou hérétiques,
et de disposer ainsi des couronnes et des
royaumes, etc. 11 est évident que ce sont là
autant de calomnies, puisque ces droits pré-
tendus seraient directement contraires aux
devoirs de père spirituel et de pasteur des
fidèles ; loin de maintenir l'ordre dans l'E-
glise, ils y mettraient la confusion. 11 est ab-
surde de confondre une puissance suprême
avec une puissance absolue, illimitée, et qui
n'est sujette à aucune loi ; celle du souverain
pontife est limitée par les preuves mêmes
qui l'établissent, par les canons, par la tra-
dition de l'Eglise (2). L'essentiel est de la
prouver d'abord; nous verrons ensuite si
nos adversaires sont venus à bout d'en dé-
truire les fondeniints et d'en démontrer l'il-
lusion. Cette question a été épuisée de
part et d'autre , et nous sommes forcés de
l'abréger.
Pour y mettre un pou d'ordre, nous exa-
minerons l°les preuves delà primauté et de
(1) Voy. la Liste chronoloifiq'u des papes , (\xi\ se
trouve tliiiis le Dictionnaire liturgique de l'abbé
Pascal, et dans celui de l'abbe Pioi.ipsaull sur la ju-
ri.-.prudeiice civile et ecclésiastique, publiés par M.
l'abbe Migne.
("2) Vou. Déclaration du clergé de Irancc de
l'autorité accordée à saint Pierfe par Jésns-
Clirist ; 2° si la qualité de pasteur de l'Eglise
universelle a dû passer et a passé en effet
aux successeurs de cet apôtre ; 3° quels sont
les droits, les devoirs, les fonctions de cette
dignité ; 4° comment l'autorité pontificale s'est
établie par le fait et a reçu desaccroissements;
5" si elle a fait autant de mal que ses ennemis
le prétendent.
1. Dans l'Evangile de saint Mathieu, c. xvi,
V. 18, saint Pierre ayant confessé la divinité
de Jésus-Christ, ce divin maître lui répond :
Je vous dis que vous êtes Pierre, et que sur
cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes
de Venfer ne prévaudront point contre elle.
Je vous donnerai les clefs du royaume des
deux; tout ce que vous lierez ou délierez sur
la terre sera lié ou délié dans le ciel. Dans le
le style de l'Ecriture sainte, les portes de l'en^
fer sont les puissances infernales, et les clefs
sont le symjjole de l'autorité et du gouver-
nement ; nous le voyons dans Isaïe, c. xxn,
v. 22; Apoc, c. m, v. 7, etc. Le pouvoir de
lier et de délier est le caractère de la magis-
trature, l'un et l'autre sont donnés à saint
Pierre, pour assurer la solidité et la perpé-
tuité de l'Eglise. Cela nous parait clair. Dans
un autre endroit ( Luc. xxu, 29}, le Sauveur
dit à ses apôtres : Je vous ?aùse(partestament)
un royaume tel que mon Père me l'a laissé.,
pour que vous soyez assis sur douze sièges, et
que vous jugiez les douze tribus d'Israël. En-
suite il dit à saint Pierre : Simon, Satan a
désiré devons cribler ( tous ) comme le froment :
mais j'ai prié pour vous ( seul ), pour que vo~
tre foine manque point ; ainsi un jour tourné
vers vos frères, confirmez ou affermissez-les.
11 est encot e ici question de la lermeté de la
foi et d'un privilège personnel à saint
Pierre.
Jésus-Christ étant ressucité, après avoir
exigé tiois fois de cet apôtre la protestation
de son amour, lui dit : Paissez mes agneaux,
paissez mes brebis ( Joan. xxi, 16 et 17 ). On
sait que notre divin Maître avait désigné son
Eglise sous la figure d'un bercail dont il vou-
lait être lui-même le pasteur, c. x, v. 16.
Voilà donc saint Pierre revêtu de la fonction
même que Jésus-Christ s'était réservée, et
chargédu troupeau tout entier. AussisaintMa-
tliieu, faisant i'énumération (Us apôtres, c. x,
V. 2, dit que le premier est Simon surnommé
Pierre ; cette primauté est suffisamment ex-
pliquée par les passages que nous venons
d'alléguer. Voy. Infaillibilité du pape et
Juridiction.
Conséquemment après l'ascension du Sau-
veur, saint Pierre, à la tête du collège apos-
tolique, prend la parole, et foil élire un apôtre
à la place de Judas {Act. i, 15 ). Après la des-
cente du Saint-Esprit, il prêche le premiei-
et annonce aux Juifs la résurrection de Jèsus-
Christ, c. Il, V. 14- et 37 ; c. m, v. 12. C'est
lui qui rend raison au conseil des Juifs de la
conduite des apôtres, c. iv, v. 8. C'est lui qui
punit Ananie et Sapliire de leur mensonge.,
c. v, V. 3 ; qui coniomi Simon le magicien,
c. VIII, V. 19 ; qui pjicourt les églises nais-
santes, c. IX, V. 32; quifecoit l'ordre d'allei
1239 PAPl
JiapUser Cornoille, c. x, v. 19 ; qui dans \(i
concile de Jéiusaleoi porte la purnlu et dit
son avis le premier, c. xv, v. 7, etc. Si saint
Luc avait été compagnon do saint Pierre,
aussi assidu ([u'iJ l'était de saint Paul, nous
serions plus instruits d-s traits qui caractéi'i-
saicnU'auloritéduchefdesapùti'es. Saint Paul
d'aljord s'adressa à lui en arrivant à Jérusa-
lem, lorsqu'il eut été élevé à l'apostolat {Gu-
Uit..\, 18). (1)
Nous ne nous arrêterons pas lonstem[)s
à réfuter les explications arbitraires par les-
(|uelles les protestants ont cliei'ché <i éluder
les cons('(juenccs des passages de l'Ecriture
sainte que nous avons allégués. Ils disent
que saint Pierre a été le fondrmi>nt de l'E-
glise, parce qu'il a prêché le premier l'Evan-
gile et a lait les premières conversirms ;
il ouvrit ainsi aux Juifs et aux gentils le
royaume des cieux. Lier et délier, c'est dé-
clarer ce qui est permis ou défendu ; saint
l'iorre exerça ce pouvoir au concile de Jéru-
salem. Ct^s fausses explications sont contraires
à ri'lcritiire sainte. Saint Pierre prêcha le
premiei', mais il ne prêcha passent ; il est dit
des apôtres le jour de la Pentecôte : « Nous
les avons entendus annoncer dans nos lan-
gues les merveilles de Dieu (Act. ii, 11 ). »
Dans Isaie, /es- clefs, la puissance d'ouvrir
et de fermer, signiliont l'autorité du gouvei-
nement, c. xxn, v. -22; et dans l'.Vfiocalypse,
c. lu, v. 7, ces termes exj)riuu'nt la souve-
raine [luissance de Jésus-Christ. Nous délions
les i)riitestants de citer un seul passage de
l'Ivcriture dans leijuel /(>;• et âélier aient la
signilication qu'ils y donnent. D'ailleurs Jé-
sus-Christ a voulu donnera saint Pierre un
privilège propre et personnel ; ceux qu'allè-
guent les protestants lui ont été communs
avec les autres apôtres. Mais la règle des
catholiques est de n'entendre l'Ecriture
sainte que comme elle a été entendue par
(1) « Pierre, ditBossuel, parait le premier en tou-
tes manières : le premier à confesser la foi, le pre-
mier dans robligaUon d'exercer l'amour, le premier
de tous les apoUcs qui vit le Sauveur ressuscité des
morts, comme il eu avait été le premier témoin de-
vant tout le peuple ; le premier quand il fallut rem-
plir le nombre des apôtres, le premier qui condrma
la foi par un miiacle, le premier à convertir les
Juifs, le premier à recevoir les gentils, le premier
partout, iilais je ne puis tout dire ; tout concourt à
établir sa primaulé ; oui, tout, jusqu'à ses fautes
La puissance donnée ii plusieurs porte sa restriction
dans son partage, au lieu que la puissance donnée à
un seul, et sur louf, et sans «ce/j/ioii, emporte la plé-
nitude... Tous re(;oiveiit la même puissance, mais
non en même degré ni avec la même étendue. Jésus-
Ciirist commence par le premier, et dans ce premier
il développe le tout, afin que nous apprenions...
que l'autorité ecclésiastique, premièrement établie
en la personne d'un seul, ne s'est répandnequ'à con-
dition d'être toujours ramenée au principe de son
imité, et que tous ceux qui auront à l'exercer, se
doivent tenir inséparablement unis à la même
cbaire. i
€ C'est cette chaire tant célébrée par les Pères, où
ils ont exalté comme à l'envi la principauté de la
chaire aposloiiqiie, Id principauié principale, la source
de l'unil'. et dans la place de Pierre, l'éminenl degré
de la chaire sacerdulale ; t'Eijlise-mère, qui tient en sa
V.\P
1230
ceux qui ont été instruits, ou immédiatement
ou (le très-près, |)ar les a|)ôtr('S ; nous nous
en rapportons à la iraditioii, à l'usage, à la
croyance ancienne et constante de l'Eglise :
sans cela il n'est aucun passage si clair ,
que l'art des sophistes ne puiss ; le tordre
à son gré.
A la lin du i" siècle o.i au commencement
du H', nous voyons s, tint Cl'''ment,/jf//>p, suc-
cesseur de saint Pi rre, écrire deux lettres
aux Corinthiens, quil'avaient consulté, /:'/>!*•(.
1, n. 1 ; il les exhorte à la paix et h la sou-
mission envers leur évoque, et il leur |!arle
au nom de l'Eglise romaine. Nous ne savons
pas jiourquoi les Corinthiens s'adress tient
plutôt à Uome qu'à quelfju'une des Eglises
d'Asie, immédiatement fondées par les'a[)ô-
tres , si la première n'avait aucune préémi-
nence ni auciaie supériorité sur les autres.
Vers l'an 17t), Ilégésippe, converti du ju-
dai-^ine à la foi chrétienne, vint s'insiruire à
Rome; il dit que, dans toutes les villes
où il a passé, il a interrogé les évoques, et
qu'il a trouvé ipie, dans toutes les Eglises,
la croyance est telle que la loi, les prophètes
et le Seigneur l'ont enseignée. Il dressa le
catalogue des évoques di' Rome depuis saint
Pierre jusqu'au pape Eleuthère ; Eusèbe ,
Hist. eccl., 1. IV, c. 22, note de Péarson.
Pourquoi (Iresser cette succession, plutôt
que celle des évêques d'une autre ville, si
elle ne [)rouvait rien? Quelques années au-
paravant, saint Justin, pljiloso|)he converti
dans la Palestine et instruit dans l'école
d'Alexandrie, qui était pour lors la plus cé-
lèbre, était aussi venu à Rome; il y enseigna,
y prési-nta S"s deux apologies aux empereurs,
et y souffrit le martyre. On envisageait déjà
Rome comme le centre du christianisme ,
quoiqu'il fîit né dans la Judée. Sur la fin de
ce même siè^cle, saint Irénôe fit comme Hé-
gésippe, il montre la succession des papes
main la ccndiiite de toutes les autres Eglises; le
chef de l'épicopat, d'où par. le rayon du gouvernruien^ ;
ta chaiie principale, la cliare witiiue, en laquelle
seule tous i,ardent l'unité. Vous entende/, dans ces
mots saint Optât, saint Augustin, saint Cyprien, saint
Irénée, saint Prosper, saint Avite, Tliéoiioret, le con-
cile de Chalcédoine et les autres ; l'.Afrique, les
Gaules, la Grèce, l'Asie, l'Orient et l'Occident unis
ensemble... Puisque c'était le conseil de Dieu de per-
mettre qu'il s'élevât des schismes et des hérésies, il
n'y avait point de constitution, ni plus terme pour se
soutenir, ni plus forte pour les abattre. Par celle
constitution tout est fort dans l'Eglise, parce que
tout y est divin et que touLy est uni ; et comme
chaque partie est divine, le lien aussi est divin, et
l'assemblage est tel que chaque partie agit avec la
force du tout C'est pourquoi nos prédécesseurs
ont dit... qu'ils, agissaient au nam de saint Pierre, par
l'autorité donné' à tous les évèquei en la personne di
saint Pierre, comme vicaires de saint Pierre, ei \\s
l'ont dit lors même qu'ils agissaient par leui autorité
ordinaire et subordonnée : parce que tout a été mis
premièrement dans saint Pierre, et que la correspon-
dance est telle dans tout le corps de l'Eglise, que ce
que fait chaque cvêque, selon la règle et dans l'esprit
de l'unité catholique, toute l'Eglise, tout l'cpiscopal
et le chef de l'épiscopat, le fait avec lui. » — Sermon
sur l'unité de l'Lgtne.
1231
PAf
PÂP
1233
depuis saint Pierre jusqu'à Eleulhère ; il dit
qui' saint" Clément, jiar sa lettre aux Corin-
thiens, rétalilit leur foi, et leur exposa la
tradition qu'il avait reçue des apôties ; que,
par cette sui-cession et cette tradition, l'on
confond les hérétiques. « Car il faut, dit-il,
que toute Eglise, c'est-îi-dire les fidèles, qui
sont de toutes parts, viennent ( ou s'accor-
dent ) à cette Eglise, à cause de sa primauté
principale, dans laquelle les fidèles qui sont
de toutes parts, ont toujours conservé la
tradition qui vient des apôtres » Adv. ILcr.,
l.in,c.3,n.2et 3(l).Grabe,qui sentait la force
de ce passage, a fuit ce qu'il a pu pour l'éner-
ver. Il convient que saint Irénée confond
les hérétiques , non-seulement par l'Ecri-
ture sainte, mais encore par la tradition des
églises et en particulier de l'Eglise romaine ;
que Tertullien, saint Cyprien, Optât, saint
Epiphane, saint Augustin, etc., ont fait de
môme; mais à présent, ditil, cet argument
ne vaut plus rien, depuis que les papes ont
ajouté h la tradition ([u'ils avaient reçue des
apôtres d'autres articles, les uns douteux,
les autres faux, dont ils exigent la profession.
Comment ce critique n'a-t-i! pas sen(i le ri-
dicule de cette exception ? Quoi , Tertul-
lien, saint Cyprien, saint Augustin et les au-
tres Pères qui de siècle en siècle ont cité cette
môme tradiiiun, n'ont pas été assez instruits
pour voir si \(is,papts avaient ou n'avaient pas
ajouté quelque chose h la Iradilion primitive
et apostO'iijueV Pendant que toutes les EgLses
faisaient profession de croire qu'il n'élait pas
permis de rien a,outei' ni de rien changer à
cette tr.nlition vénérable, elles ont soulfert
que les papes l'altéivissent à leur gré, y ajou-
tassent ue nouveaux articles, et elles les ont
reçus sans réclamation ? Depuis longtemps
nous supplions les protestants de marquer
distinctement ces articles nouveaux qui ont
été inventés depuis le v" siècle, et qui ne
sont pas crus dans les Eglises qui ont secoué
le joug de l'autorité Au. pape à celle époque.
Si l'argument tiré de la tradition ne vaut rien
en iui-inème, il ne valait pas mieux du
temgs i!e saint Irénée qu'aujourd'hui. Voy.
Tradition.
Grabe ne s'est pas borné là : il soutient que
l'opinion de saint Iiénée n'est point que les
ùdèles qui sont de toutes parts, doivent s'ac-
cordera l'Eglise romaine, mais que tous sont
obligés de s'y rassembler, pour venir sollici-
ter leurs alfaires à la cour des empereurs, et
en particulier pour y défendre la cause des
chrétiens ; telle est, dil-il, la force du mot
convenire. La primauté principale do cette
(1) Le Icxie semble avoir plus d'cneigie : < M.ixi-
mse et aiiliqiiissima: et oiniiibiis cognitse, a gloriosis-
siniis diiobus aposlolis Pelio et Paulo tiiiidata; et iii-
slilulaj Ecclesix', eaiii (luaiii liabet ab aposlolis tia-
ditioiicm el annuiilialaiii omnibus lidcMU, pcr succcs-
giones episcoporum perveuiciileiii usquo ad nos iii-
tlicanles, tonlundimus eos ijui, cpioquoinodo... prê-
ter quam quod oporlet colligunt. Ad haiic eniia Ec-
clesiain, piopler Potentiouem ruiNcn-ALiTATEM, ne-
Cesse est oiiinem convenire Ecclesiam, boc est omnes
qui undi(|oe siuit lidcles ; in qua ab bis qui sunt
uniliijue tonseï vala est ea qu;e est ab aposlolis ha-
dilio. I (S. lixnt'us, Contra Itares., lib. ni, cup. û. )
Eglise ne consistait donc pas dans aucune au-
torité ou juridiction sur les autres; mais dans
le relief que lui donnait la multitude des ha-
bitants de la capitale, le siège de l'eminre,
l'ainuence des étrangers. Saint Grégoire de
Nazianzp, dans le concile général de Con-
stantinople, a dit de même de cette nouvelle
Rome, que c'était comme l'arsenal général
de la foi, où toutes les nations venaient la
puiser. Oral. 32. Siint Irénée était si peu
d'avis que les autres Eglises fussent obligées
de s'«feo?Y/er avec l'Eglise romaine, qu'il sou-
tint contre le pape Victor le droit qu'a-
vaient les Eglises d'Asie de célébrer la pàque
le quatorzième jour de la lune, selon leur
ancienne tradition, et qu'il re|>rit ce pape de
ce qu'il menaçait de les excommunier. Les
théologiens anglicans ont applaudi k ces ré-
tlexions. Grabe avait oublié sans doute que
du temps da saint Irénée les empereurs élaient
païens et avaient proscrit le christianisme,
que les papes étaient conlinuelleinent ex-
posés au martyre, que plusieurs l'endurèrent
elfecliveraent dans ce siècle et dans le sui-
vant, et que les chrétiens élaiimt obligés de
se caclier ;i Rome avec |)lus de soin qu'ail-
leurs. Quel relief pouvaient donc donner à
l'Eglise de Rome la cour des empereurs,
l'afiluence des étrangers , la nécessité d'y
venir solliciter des affaires, elc. ? Saint Iré-
née ne fonde point là-dessus la primauté
principale de l'Eglise romaine, mais sur ce
qu'elle était li plus grande, la plus ancienne,
la plus célèbre de toutes, qu'elle avait été
fondée par les glorieux apôtres saint Pierre
et saint Paul, et (pfclle avait toujours con-
servé leur tratlition. lOid.
Nous convenons que, quand Constantino-
plc fut devenue la c;ipitale de l'empire d'O-
rienl, l'Eglise de celte ville devint on quelque
manière l'émule et la rivale de celle de Rome ;
mais peut-elle enlever à celle-ci l'avantage
de son antiquité , de son apostolicité, et
d'avoir pour évoque les successeurs de saint
Pierre ? Ce qu'en dit saint Grégoire de Na-
zianze ne prouve donc rien contre le senti-
ment de saint Irénée, et no peut servir h
énerver ses paroles. Lorsque saint Irénée
reprit le pnpv Victor, il s'agissait non d'un
point de foi, mais de discipline ; ce pape
avait raison jjour le fond, jinisque ce qu'il
voulait fut décidé cent cinquante ans après
dans le concile de Nicée ; mais ce n'était
pas un motif suffisant p iur excommunier
les Eglises d'Asie. Saint Irénée ne lui con-
testa pas son autorité, il blâma seulement
l'usage que ce pontife on voulait faire. Nous
ne voyons pas (|uel avantage les ennemis du
saint-siége peuvent tirer de ce fait : un abus
d'aulorilé ne la détruit pas.
Origène, Jlomil. k in Exod., n. h, nomme
saint Pierre le fondement de l'éditice et la
pierre solide sur laquelle Jésus-Christ a bâti
son Eglise. Il le ré[ièle, in Epist. ad Uom.,
lib. V, à latin; et il dit que l'autorité sou-
veraine de paître les brebis a été donnée à
cet homme. Tertullien, de i'/Yc.'>r/-//j^, c. 22,
le nomme aussi la pierre de l'Eglise, qui a
reçu les clefs du royaume des cioux, etc. :
1253
PAP
PAP
.234
c. 32 , il opposo aux liéri^liques la surces-
sion des évoques et la tradition des Eglises
apostoliques, eu particulier de celle de Home:
c. 37 , il soutient que , sans recourir à
l'Ecriture sainte, on réfute solidement les
hétérodoxes parla ti-adition (1).
Saint Cypnien. dans sa lettie 55 au pape
saint C.oineille, dit que saint Pierre, sur le-
quel Jésus-Christ a l)fiti son Eglise, parle
pour tous et répond par la voix de l'Eglise ,
Seigneur, à (/ni irons-nous? etc. Parlant de
queluues schisniatiques : « Après qu'ils se
sont, dit-il, donné mi évèqiie, ils osent pas-
ser la mer, portei' les lettres des schisuiati-
(]ues et des profanes à la chaire de Pierre
et à risglise principale, de laquelle est éma-
née l'unité du sacerdoce, sans penser qu'ils
s'alressent à ces mêmes Romains dont saint
Paul a loué la foi, et auprès d.squels la por-
tidie ne peut avoir accés(2). Dans son livre de
VUnih' de l'Iù/lise vatholiqur, il dit cpm les
schismes et les hérésies se forment, lorsqu'on
ne recourt point <\ la source de la vérité, que
l'on ne leconnaît point de chef, que l'on no
garde plus la doctrine de Jésus-Christ. « La
])reuve do la foi, continue saint Cyprien, est
facile et abrégée ; le Seigneur dit à saint
Vione, je vous dis que vous êtes Pierre, etc.;
il h:Uit son lùdiso sur cet apôtre seul, et lui
ordonne de paître ses hrcliis. Ouoi{pie a|jrôs
sa résurrection il ait donné à tous ses apôtres
un égal jiouvoir de remettre les péchés...,
cependant, iwur montrer la vérité, il a établi
par son autorité une sl'uIc chaire et une
niôme source d'unité qui part d'un seul. Les
autres apôtres étaient ce qu'était saint
Pierre, ils avaient un mémo degré d'honneur
et do pouvoir, mais le principe est dans l'u-
nité. La jjrimauté est donnée à Pierre , alin
que l'on voie que la chaire est une, aussi
bien que l'Eglise de Jésus-Christ. Tous sont
jiasteurs, mais un voit un seul troupeau ,
que tous les apôtres paissent d'un consente-
ment unanime... Comment peut se croire
dans l'Eglise celui qui abandonne la chaire
de Pierre sur laquelle l'Eglise est fon-
dée (3] ?
(I) < Voici un édit, et même un édit pércmptoire,
parti du souverain iiontil'e, de l'évèque des évi(|ues.»
Au{lio eiliilum l't ijunleni percniploiiiiin : ponlifcx sci-
ticel iiiii.iimus, ephcopus epiicoporum clicit, elc. ( De
J'iidicil a, cap. 1. ) « Le Seigneur, dil-il, a donné les
ciels à Pierre, et pur luik son Eglise. » Mémento cla-
ies Domhium Pctro, et ver eum Ecclesiœ reliquisse.
(Seorpiac. )
(-2) « Komani cum mendaciorum suorum merce
t navisjavernnt: quasi verit.ns posl cos navigare non
« possel, <|n;e mendaces linguas rei cerl:e probalionc
1 eouviucerel Navigare audent et ad Pelri cathe-
I draui, at((ne ad Ecclesiam principaleni, luide uni-
« tas sae.erdotalis e\oita est, a scliismaticis et prol'a-
« nis liilcras ferre ; nec cogitant ces esse Homanos
« ((uoruni lides aposlolo prxdicantc laudata est, ad
< (juos perlldia liabere non potest accessum. » (Idem
Episl. al Cornelium. )
(•3) Nous pourrions ajouter ici une foule de preuves à
J'aiviui de teUe croyance. Les bornes de ce Dictionnaire
ne nous le ponueuenlpas. i\os lecteurs, familiarisés
avec les savantes pid)licaiions de M. l'abbé Migne,
pourront r.îcdcineni les trouver dans les divers die-
tionnair,es dont.sc compose son Eucyclopédie théo-
Cependant les protestants et leurs copistes
triomphent, parce que saint Cyprien dit qu.e
les autres apôtres avaient un même degré
d'honneur et de pouvoir que saint Pierre.
Loin, disent-ils, de recmniaîlre dans \o pape
aucune jiu'idiclion sur les autres évéques,
saint Cyprien, à la tête des évoques d'A-
frique, sonlitit Contre le pape lUiemie la
nullité du baptême des hénHiques, et per-
sista dans son oj)inion. Sup|)oserons-nous
donc que saint Cy|irien s'est contredit en quatre
lignes et a d(''truit lui-même toute la force
de son argument contre les scliismaliques?
Si saint Pierre et ses successeurs n'ont eu
et n'ont aucune autorité ni auciuie juri-
diclion hors d(; leur diocèse, en quoi leur
cliaire i)eut-clle être une source d'iaiité, un
signe de vérité dans la doctrine, un lien
d'union du sacerdoce? en quel sens lE-
glise universelle est-elle b;it!e sur cette chai-
re? Voilà ce qu'on ne nous apprend pas.
Tous les apôtres avaient reçu de Jésus-
Christ les mêmes pouvoirs d'ordre et do
remettre les péchés, la même mission de
prêcher l'Evangile, de fonder des Eglises
par toute la terre et de les gouvernei ; en
cela tous éiaicnt parfait'ment égaux ; s'en-
suit-il de là que chacune des chaires épi-
sco[)al('s qu'ils fondaient devait être le centre
de l'unité comme celle de saint Pierre?
Jamais saint Cyprien ne l'a pensé. Il faut
donc que ce saint docteur ait regardé le
privilège accordé par Jésus-Christ à saint
Pierre comme quelque chose de plus qu'un
simple titre d'iiotmeur. Lorsqu'il soutint la
nécessité de réitérer le baptême donné par
les hérétiques, il regardait cette pratiipie
comme un point de discipline plutôt qiu";
comme une question de foi ; mais il était
dans l'erreur, puisque l'Eglise n'a jtas suivi
son avis : il devait reconnaître son jiropre
principe dans la leçon ffue lui faisait le
pape, en lui disant, n'innovons rien, sui-
vons la tradition, non la tradition de l'E-
glise d'Afrique seule, mais la tradition de
l'Eglise universelle. Ce n'est pas la seule
fois qu'un grand génie a contredit ses prin-
cipes par sa conduite, sans s'en apercevoir
et sans penser pour cela que ses principes
étaient faux. Bans les premiers siècles au-
cun des hérétiques condamnés par les papes,
aucun des évoques mécontents de leurs
décisions, ne s'est avisé d'en parler avec
le mépris affecté par les protestants ; aucun
n'a dit quf le ])Ouvoir des papes est nul,
que leur autorité est une usurpation, qu'ils
n'ont aucune juridiction sur le reste de
l'Eglise, elc. Ce langage insensé ne s'est
fait entendre qu'au xiv'^ siècle et au xv' siè-
cles. Cette discussion nous parait suffisante
pour montrer de quelle manière l'on a en-
tendu, pendant les trois premiers siècles de
l'Eglise, les passages de l'Ecriture sainte
qui regardent saint Pierre, et l'idée que Von
a eue de l'autorité de ses successeurs. Il
logique. Nous les engageons à consuller principale-
ment le Cours complet de Ttiéologie, cil la question
du pouvoir des souverains pontifes a été envisagée
sous toutes ses faces.
1235
PAP
PAP
1-238
n'est aucun des Pères du iv* qui les ait en-
tendus autrement. On peut citer saint Basile,
saint Jean Chr^sostome, saint Ambroise ,
saint Jérôme, etc., et parcourir la liste que
Feuardent et d'autres en ont faite. Au v'
saint Augustin en a parlé avec encore plus
d'énergie que les Pères précédents ; dans
ses traités contre les donatistes, il n'a pres-
que fait qu'étendre et développer les princi-
pes posés par saint Cyprien : il a soutenu
contre les pélagiens, que dès que leur con-
damnation prononcée par les conciles d'A-
frique avait été confirmée par les papes,
la cause était linic, et la sentence sans apiiel.
Les protestants, bien convaincus de ces
faits, n'en ont cependant pas été ébranlés;
ils ont dit que les éloges prodigués au siège
de Rome par les Pères, et la déférence que
l'on a eue pour les papes dans plusieurs
cccasioiis, ont été Teifet d'un intérêt mo-
mentané : on croyait avoir besoin deux, parce
qu'en se mêlant adroitement de toutes les
affaires, ils avaient trouvé le moyen de se
rendre importants. Mais les Orientaux, tou-
iours très-jaloux, auraient-ils souffirt que
les papes entrassent dans toutes les aiîaires
de l'Eglise, et se rendissent importants,
s'ils n'avaient eu aucun titre pour le faire,
et si l'on avait cru leur juridictioQ bornée à
leur diocèse, ou du moins au patriarcat d'Oc-
cident ? Les protestants ont affecté de nous
peindre les évoques d'Orient comme des
ambitieux qui n'avaient dans toute leur con-
duite d'autre motif que d'étendreleurautori té,
leurs privilèges, leur juiidiction; comment
ces évêques ont-ils trouvé bon que les pa-
pes, relégués au delà des mers, eussent au-
cun crédit dans les affaires de l'Orient ? Il
serait inutile de citer les monuments
des siècles postérieurs au v*, en faveur de
l'autorité des papes, puisque ceux qui la
détestent le plus, conviennent que depuis
leiV elle est allée toujours en augmentant.
La question se réduit donc toujours au
droit, et le droit nous paraît solidement
établi par l'Ecriture sainte et par la tradi-
tion universelle de l'Eglise.
IL Contestera-t-on aux papes la qualité
de successeurs certains et légitimes de saint
Pierre, comme ont fait les protestants? C'est
ici un fait constant par l'histoire, s'il en fut
jamais.
Au mot Saint Pierre, nous prouverons
que cet apôtre est venu à Rome, qu'il y
a établi son siéga et qu'il y a soufl'ert le
martyre. Quel qu'ait été son successeur im-
médiat, tous les anciens ont reconnu que
saint Clément a occupé sa place ; la suc-
cession des papes n'a été contestée que dans
les derniers siècles, par les hérétiques rjui
avaient intérêt de la méconnaître. Si, sur un
fait aussi aisé à constater, la croyance de
r.intiquité et de la tradition ne prouve rien,
.'.ur quoi les protestants peuvent-ils fon-
der l'opinion qu'ils ont de l'authenticité des
livres saints? Il n'a certainement pas été
aussi difficile de juger quel était le suc-
cesseur de saint Pierre dans le siège de Rome,
que de savoir quel livre de l'Ecriture était
authentique ou apocryphe. 11 n'est aujour-
d'hui dans toute l'Eglise aucun siège épis-
copal, dont la succession soit plus certaine
et mieux connue que celle du siège de Rome.
Il y a eu des schismes, des antipapes, des
pontifes qui n'étaient pas universellement
reconnus ; mais ces schismes ont cessé, et
l'on a toujours fini par rendre obéissance à
un successeur légitime. N'est-ce pas un trait
marqué de providence, que, |)endant que
les autres Eglises apostoliques ont été dé-
truites, ou sont tombées dans l'hérésie, celle
de Rome subsiste depuis dix-sept siècles et
conserve la succession de ses évoques, malgré
les révolutions qui ont changé la face de
l'Europe entière ? ,
Il ne reste donc plus qu'à examiner si la
primauté et la juridiction sur toute l'Eglise,
accordi'es par Jésus-Christ à saint Pierre,
ont passé à ses successeurs. Cette ques-
tion nous paraît encore résolue par l'Ecriture
sainte et par la tradition. Selon l'Evangile,
Jésus-Christ a fait de cet apôtre la pierre
fondamentale de l'Eglise, afin que les portes
de l'enfer ne prévalussent jamais contre elle;
il a prié pour la foi de' saint Pierre, afin
que cet apôtre fût capable d'affermir celle
de ses frères ; tout cela ne devait-il avoir
lieu que pendant la vie de cet apôtre, mal-
gré la promesse que Jésus-Christ a faite à
son Eglise d'être avec elle jusqu'à la con-
sommation dt^s siècles? Suivant le senti-
ment des Pères, Jésus-Clirist a suivi ce
plan divin, afin d'établir l'unité de la foi,
de l'enseignement, de la tradition, de ma-
nière que les hérétiques fussent réfutés et
confondus par cette tradition même. Ce plan
est donc pour tous les siècles. Saint Pierre
n'était plus depuis longtemps, lorsque les
Pères ont ainsi raisonné; au V siècli', les
évêques assemblés à Chalcédoine disent
encore que Pierre a parlé par Léon son suc-
cesseur.
Si les paroles de Jésus-Christ adressées
à saint Pierre doivent s'entendre aussi do
ses successeurs, elles prouvent, disent les
pr.itestants, l'infaillibilité des papes, privi-
lège qui n'est cependant pas reconnu partons
les catholiques : or ce qui prouve trop ne
prouve rien.
Réponse. C'est une impiété de supposer
que Jésus-Chris a parlé pour ne rien prou-
ver. En vertu des promesses faites à saint
Pierre, ses successeurs sont infaillibles tant
qu'ils sont unis à l'Eglise et d'accord avec
elle; leurs décisions une fois admises par
l'Eglise sont irréformables, parée que c'est
alors le jugement de l'Eglise universelle.
'Voilà ce qu'aucun catholique n'a jamais
nié. Le privilège accordé à saint Pierre et
à ses successeurs était, non pour leur avan-
tage, mais pour rendre indéfectible la foi
de l'Eglise; donc il ne faut pas le pousser
plus loin que ne l'exige cette indéfectibilité.
Voy. Infaillibilité du pape. Or elle exige
ce que nous venons do dire, et rien de plus.
Aujourd'hui des écrivains fort mal instruits,
et que l'ignorance rend même plus hardis,
osent affirmer que le pouvoir des papet
1257
PAÎ
PAP
1238
est l'effet d'un aveugle préjugé ou d'une
ancienne usurpation; que les pontiffs de
Rome n'en ont fait aucun usaj^e pendant
les trois premiers siècles ; que, ni les ca-
tholiques, ni les hérétiques ne se sont adres-
sés au saint-siége pour terminer leurs con-
testations.
Kst-ce ainsi qu'en parle l'histoire ec-
clésiastique ? Avant la fin du i" siècle,
les Corinthiens s'adressèrent k l'Eglise de
Kome, ]iour faire cesser un schisme (|ui les
divisait ; le pape saint Clément leur en écri-
vit, et cent ans après ils lisaient encore
celte lettre avec autant de respect que les
écrits des apôtres, Eusche , lib. iv , c. 23.
L'an 145, un concile de Rome condamna
Théodotc^ le Corroyeur, et cette condaui-
nation fut suivie dans tout l'Orient. L'an
li)7, P' lycrale , évèque d'Ephèse , ayant
f;iit décider dans un concile qu'on célé-
brerait la pAque le l'i" de la lune de mars,
le lit savoir au pnpe Victor; celui-ci en fut
irrité, et fit condamner dans un concile
de Rome la pratique des Orientaux. Pour-
(juoi écrire une lettre synodale au pape, si
celui-i'i n'avait rion à voir dans les affaires
de rOrieiit? L"s observations astionomiques,
pour fixer le jour de la lune, se faisaient
dans l'école d'Alexandrie; l'évèiiue de cette
ville en donnait avis au pape, el c'est celui-
ci qui le faisait savoir au reste de l'Eglise.
Les ennemis du saint-siége disent que le
crédit des papes vint de leurs richesses ;
or, depuis le t'nips des apôtres, les papes
envoyaien; des aumônes aux lidèles persé-
cutés dans la Grèce, dans la Syrie et dans
l'Arabie : c'est un évêque dt^ Corinthe et
un évèque d'Alexandrie qui leur rendent
ce témoignage'. Eus'be,l. iv, c.2.3 ; 1. yii.c. 5.
Au connnencement du m* siècle, on vit
éclore en Afrique la dispute touchant la
validité du baptême donné pnr les héré-
tiques ; saint Cyprien et plusieurs conciles
d'Afrique le iléclarèrent nul; l'Eglise ro-
maine décida le contraire, et cette décision
fut suivie partout ; si nous on croyons saint
Jérôme, les Africains eux-mêmes se ré-
tractèrent l'an 2G2, quatre ans après la mort
de saint Cyprien. L'an 237, le pape Fa-
bien condamna Origène dans un concile de
Rome ; c'était néanmoins dans la Palestine
que l'origénisme faisait le plus de bruit. L'an
242 ou âVS, Privât, hérétique africain, fut ex-
communié par ce même pape. Sous le pon-
tificat de Corneille, en 232, un concile de
Rome confirma les décrets d'un concile de
C irthage, touchant la pénitence des lapscs.
Vers 1 an 237, Denis d'Alexandrie consulta
successivement les papes Etienne et Sixte,
touchant la validité du baptême donné par
les hérétiques; environ l'an 263. ce même
évêque. accusé de sabellianisme, fut absous
dans un concile de Rome. L'an 268, le deuxiè-
me concile d'Antioche condamna et déposa
Paul de Samosate et en r mlit compte au pnpe
Denis ; l'empereur Aurélien ordonna que la
maison de Paul fût donnée à celui auquel
Vévêque de Rome et ceux de l'Italie l'ad-
jugeraient. Analyse des conciles, t. I, p. 169.
La prééminence des papes a été reconnue
dans ce môme siècle par de respectables
personnages qui en étaient mécontents. Ter-
tullien, fAché de ce que le pontif(^ de Rome
ne voulait pas approuver la sévérité outrée
des montamstes, dit L. de Pudicit., c. 1 :
« J'apprends que le souverain pontife ou
l'e'véque des évéques a porté un édit, » etc.
Quand Terlullien aurait ainsi pnr\6 par dé-
rision, il n'est pas probable qu'il eût donné
ce titre au pape, si ce n'avait pas été l'usage.
Saint Cyprien, fAché h son tour de ce que
le pape Etienne condamnait la coutume des
Africains de reba[)tiser les hérétiques, dit,
dans la préface du concile de Carthage :
Aucun de nous ne s'établit évêque des évéques,
etc. On pourrait trouver dans l'histoire ecclé-
siastique du m" siècle, plusieurs autres traits
d'autorité do la part des papes, dans les
Eglises de l'Asie et de l'Afrique. Lorsque
nous les citons aux protestants, ils répondent
froid ment que ce lut un etfet de l'ambition
qu'avaient les papes de se mêler de foutes
les affaires. Mais s'ils étaient persuadés que
c'était leur devoir, l'empressement de le rem-
plir était-il un crime? Lors même qu'ils no
cherchaient pas à s'en mêler, l'on avait re-
cours à eux; nous venons d'en citer des
exemples : on sentait donc la nécessité d'un
tribunal toujours subsistant pour décider
les contestations, parce que l'on ne pouvait
pas assembler tous les jeurs les conciles;
et c'est ce qui prouve que la prétendue
ambition des papes est venue de la néces-
sité des circonstances et des besoins de l'E-
glise. Voy. Succession.
III. En quoi consistent les droits, les de-
voirs, les fonctions attachés à la dignité
de souverain pon ife (1)? On ne peut mieux
en juger que par le sens el l'énergie des
paroles de Jésus-Christ ; ce divin i^aître a
établi saint Pierre pasteur de tout son trou-
l)eau ; ses fonctions et celles de ses suc-
cesseurs sont donc les mômes à l'égard de
toute l'Eglise, que celles de ciiaiiue évêque
à l'égard de son diocèse. Or, les fondions
des pasteurs S'int connues; saint Paul les a
exposées amplement dans ses lettres à Tite
et à Timothée.
C'est, en premier lieu, d'enseigner les fidè-
les, de leur intimer non-seulement les dog-
mes de foi, mais la morale, par conséquent
de juger de la ductrine de tons ceux qui
enseignent, de l'approuver ou de la condam-
ner, lorsqu'il est nécessaire. Tout évêque
a ce droit dans son diocèse, c'est une de
ses principales obligations ; elle est li même
pour le pasteur de l'Eglise universelle;. Nou.«
(I) Les principaux droils du p.ipe sont, 1° d'être
le centre de l'niiilé (V'oi;. ce mot) ; -t de posséderla
primauté d'honneur et de juridiclion sur touie l'E-
glise (Voi/. ci-dessus el Juridiction ) ; 5° délrejuge ,
de la foi (Voij. Infaillidilité du pape); i" davoir le ^
pouvoir de porter des lois obligatoires pour totita
l'Eglise {Voy. Loi); 5° de présider les conciles géné-
raux ( Foy. Concile); 6» le gouveriiemeiit du pape
est léellemenl monaicliique ( Votj. Golvernement
del'EgliseJ
1239
PAC
PAP
1-7.M
*vons fait voir que ]es papes en ont usé dès
le I"' siècle et dans les suivants.
Les protestants disent que par là nous
attribuons au pape et aux évêques le droit
de dominer sur la foi des fidèles, que nous
les rendons arbitres de la doctrine de Jé-
sus-Christ, et maîtres de la changer h leur
gré. lis devraient commencer par faire ce
reproche à saint Paul, qui dit à Timothée :
« Enseignez et commandez ces choses ; prê-
chez la parole de Dieu ; insistez à temps et
à contre-temps; reprenez, priez, répriman-
dez avec patience et avec assiduité k l'en-
seignement (/ Tim. IV, 11; // Tim. iv, 2). »
Lespasteuis subissent les premiers le joug
qu'ils imposent aux fidèles, puisqu'ils re-
connaissent qu'il ne leur est pas permis
d'enseigner autre chose que ce qu'ils ont
reçu. Celui qui défend les lois contre les
attaques des séditieux, prétend-il par là dis-
poser des lois? D'autres ont dit qu'en attri-
buant au souverain pontife l'autorité d'en-
seigner toute l'Eglise, ou dépouille les évo-
ques de leur droit ; c'est comme si l'on pré-
tendait qu'un évoque, qui prêche dans une
paroisse, dépouille le curé de ses droits.
Un second devoir du pasteur principal est
de propager l'Evangile et d'amener à la foi
les infidèles. Tel est l'ordre que Jésus-Christ
a donné : Enseignez toutes les nations , prê-
chez rEvanejile à toute cre'ature{Matth. xxviii,
19; 3Iarc. xvi, 15). A l'article Mission, nous
avons fait voir que, depuis la naissance de
l'Eglise jusqu'à nous, les souverains pon-
tifes n'ont pas cessé d'y travadler, et que
leur zèle n'a pas été infructueux. Une suite
naturelle de ce devoir est de fonder de nou-
velles Eglises et d'y envoyer des pasteurs.
Les scliismatiques mêmes l'ont compris ;
depuis que les nestoriens, les eutychiens,
les Grecs se sont séparés de l'Eglise ro-
maine , leurs patriarches ont travaillé à
étendre chacun leur secte avec le christia-
nisme; les protestants ont eu la discrétion
de ne pas les blâmer, pendant qu'ils attri-
Ijuaiont les missions ordonnées par les papes
à une ambition démesurée d'étendre leur
domination. C'est encore par une suite du
droit d'enseigner et de veiller à la sûreté de
l'enseignement général, que les papes ont
présidé aux conciles généraux, les ont or-
dinairement convoqués, ont confirmé les
mis et rejeté les autres, ou en tout ou en
jiartie. Mais on alïecte de nous répéter que
ce droit prétendu est une usurpation, que
les premiers conciles généraux n'ont été ni
convoqués ni présidés ])ar les papes. Cela
n'est pas étonnant. Dans les premiers siècles,
les évêques, tous pauvres, étaient hors d'é-
tat de voyager à leurs frais pour assister
aux conciles ; ils y étaient conduits par les
voitures publiques, aux frais de l'emptreur;
un concile ne pouvait dune ôlre assemblé
que par ses ordies. Constantin assista en
personne au premier concile de Nicée, mais
sans vouloir dominer sur les décisions ; il y
reçut avec raison tous les honneurs. Les lé-
gats du pape Sylvestre y furent reçus avec
la distinction due au chef de l'Eglise, et il
conste par les actes du concile de Chalcé ■
doine que la primauté de l'Eglise rem'aine y
fut reconnue. Eusèbe, de Vita Constant.,
1. III, c. 7, dans les notes. Le second fut
tenu à Constantinople, par conséquent sous
les yeux de l'empereur ; il ne fut composé
que des Orientaux , et il n'a été regardé
comme œcuménique que par le consente-
ment du pape et des Occidentaux ; le second
canon de ce concile n'assigna le rang au
siège de Constantinople qu'ajirès celui de
Rome. Au troisième concile général assem-
blé à Ephèse, saint Cyrille d'Alexandrie pré-
sida comme député par le pape pour cette
fonction, et les protestants lui en ont fait
un crime. Celui de Chalcédoine fut assemblé
par les sollicitations de saint Léon, et ses
légats y présidèrent; on sait que ce grand
}}ape, en approuvant ce concile, déclara
qu'il n'approuverait jamais le vingt-huitième
canon, qui accordait à l'évêque de Constan-
tinople une juridiction égale à celle du pon-
tife de Rome, parce que ce canon était con-
traire au concile de Nicée, qui avait re-
connu la primauté de l'Eglise romaine. Pen-
dant plus d'un siècle, les Occ'dentaux refu-
sèrent de reconnaître pour légitime le cin-
quième tenu à Constantinople ; et ils ne s'y
résolurent enfin que parce qu'il avait été ap-
prouvé par le pape Vigile. Au sixième, as-
semblé au même lieu, les légats du pape
Agathon prirent séance immédiatement après
l'empereur et parlèrent les premiers, et c'est
la lettre du pape qui détermina principale-
ment la décisioa de ce concile. Les protes-
tants n'ignorent [loint la part qu'eut \e pape
Adrien à la convocation du septième tenu
à Nicée ; ils détestent ce concile, parce que
le culte des images, aboli pu les iconoclastes,
y fut rétabli. Il en fut de même du huitième,
assemblé à Constantinojile contre Photius.
Tous les conciles généraux postérieursontété
tenus en Occident, et plusieurs ont été assem-
blés à Rome. Un fait certain, c'est qu'aucun
concile n'a été regardé comme œcuménique. .à
moins qu'il n'ait été ou présidé, ou approuvé et
confirmé par les papes; aucun n'a produit un
efl'et salutaire dans l'Eglise qu'autant qu'il y
a eu du concert entre le souverain pontife
et les évêques. Aucun patriarche n'a joui
comme ]es papes du privilège de s'y faire re-
présenter par des légats. A partir du pre-
mier concile général jusqu'à nous, il n'y en a
pas un seul dans lequel nous ne trouvions
des marques de la primauté et de la juri-
diction universelle du saint-siége.
Enfin, un devoir essentiel du pasteur est
de gouverner l'Eglise ; saint Paul avertit les
évêques que le Saint-Esprit lésa établis sur-
veillants pour exercer cette importante fonc-
tion, et il répète cette leçon à Timothée,
en lui disant : Veillez à toutes choses. Con-
séquemment, à cause de la difficulté d'as-
sembler des conciles, qui s'est augmentée à
mesure que la religion s'est étendue, et que
la chrétienté s'est trouvée partagée en un
grand nombre de souverainetés, les papes se
sont trouvés obligés de faire tout ce qui au
rait pu être fait dans un concile général
1241
PAP
PAP
1242
pour le bien do l'Eglise, do donner dos dé-
cisions sur In dogme, sur la morale, sur la
décenco du culte, de dispenser des canons
lorsque le cas a paru l'exiger, de diminuer
par dos indulgences les rigueurs de la péni-
tence, d'employer les censures contre les
j)éc!ieurs rebelles au\ lois de l'Eglise. Cela
était surtout nécessaire dans les temps de
trouble, d'anarchie, de désordre, lorsque les
év6(jues étaient trop laililes et trop peu res-
pectés ])our pouvoir en imposer h dos
nommes innssants et qui ne connaissaient
aucune loi. Les détracteurs du saint-siégo
ont trouvé l)on de supposer et de répéter
cent fois (juo li's papes en ont agi ainsi par
ambition, [)ar la fureur do donuriei-, par l'en-
vie d'attribuer à eux seuls toute l'autorité,
et d'asservir l'univers entier à leurs lois.
Une ]irpuve évidente du contraire, c'est
qu'ils n'ont ordinairement donné des déci
sions que quand on les a consultés, et n'onv
dicté des lois que quand on a été forcé par
la nécf'ssilé do recourir ^ eux. On a dit que
cette conduite des papes avait énervé la dis-
cipline; ou se trompe, c'est l'ignorance et la
corruption dos monirs qui ont causé ce fu-
neste elfet, et si les papes n'y avaient pas
tenu la main, toutes les lois auraient été
violées encore (ilus scandaleusement. De-
mander une dispense pour ne jias observer
telle loi, c'est du moins lui rendie un bom-
mage; la violer sans dispense et dans l'es-
pérance de l'impunité , est un mal encore
plus grand.
On a reproché aux papes d'avoir abusé
des censures et de les avuir prodiguées par
des intérêts purement temporels, c'était un
abus on elTet (1) ; mais quand on considère
à quelle espèce d'hommes les papes avaient
affaii'o, on est plus tenté de les excuser que
de déclamer contre eux. Prétendons-nuus
donc que l'autorité pontilicale n'a point do
bornes ? A Dieu ne |ilaise. 11 on est de cotte
puissance comme de l'autorité paternelle.
Celle-ci doit être plus ou moins grande selon
l'âge, la capacité, le caractère des enfants, et
selon que l'exigent le ton des mœurs publi-
ques et le bien commun de la société. De
mémo celle du pastour de l'Eglise a dû va-
rier selon les circonstances et selon les ré-
volutions arrivées dans les différents siè-
cles (2). Lorsque le troupeau était encore
peu nombreux, (|ue les chrétiens étaient
dans toute la ferveur d'une foi naissante et
dans raltente continuelle du martyre, qu'a-
vaient (le plus à faire les souverains jiontifos
et les évèques que de prêcher d'exemple? A
mesure que le nombre des fulèles augmenta
et cpie les églises se multiplièrent, la vigi-
lance du pasteur dut être plus active; il
(1) Nous avons dit dans le Dict. de Théol. nior.
que l'Eglise, ot conscqiiemnieiu les dépositaires de
son autoril(', peuvent porter des censurei pour des in-
térêts temporels.
(2) Les droits attachés à la primauté par Notre-
Seign. iir Jcsiis-Christ, sont les mêmes dans Ions les
temps. Le droit pulilic a pu ajouter au pouvoir des
papes relativement au temporel, mais il n'a rien
ajouté à son pouvoir essentiel.
survint des abus, des disputes, des schismes,
des hérésies ; les novateurs trouvèrent sou-
vent do l'appui h la cour des empereurs';
plusieurs de ces princes voulurent décider
des questions de foi sans y rien entendre,
d'autres crurent être au-dessus do toutes les
lois : les papes lurent donc souvent obligés
de résister ouvertement aux uns, de nié'na-
ger les autres par la crainte de les irriter
davantage et de causer de plus grands maux.
Le caractère ini]uiot, ardent, tracassier des
Grecs, donna continuollement do linquié-
tudo et du désagrément aux papes ; les plus
doux ot les plus vertueux de ceux-ci fiu-ont
ordinairomi'nt les jdus tourmentés. Si ceux
qui blûmont leur conduite s'étaient trouvés
à leur place, ils auraient été bien embarras-
sés.
L'autorité |iontificalo fut poussée à son
condjle lorsque l'Europe, dévastée par les
barbares, fut divisée en plusieurs lambeaux
de souveraineté, tomba dans l'ignorance et
dans l'anarchie du gouvernement féodal,
perdit ses mœurs, ses lois, sa police, n'eut
jiour maîtres que des guerriers farouches et
vicieux, qui ne connaissaient point d'autre
droit ipie celui du plus fort. De quoi au-
raient servi des prières, des exhortations,
des avis paternels, pour émouvoir de pareils
hommes? 11 fdilut dos menaces ot des cen-
sures, il fallut opposer la force à la force, et
souvent armer les uns pour dompter les au-
tres. Si l'on veut juger de ces temps-là par
les nôtres, si l'on se persuade que la même
mainère do gouverner convenait autant alors
Qu'aujourd'hui, l'on se trompe, et toutes les
déclamations fondées sur ce principe portent
à faux. Le pouvoir des papes est devenu
beaucoup plus liorné à mesure que les cho-
ses ont changé, que l'ordre s'est rélabi dans
le clergé ot dans la société civile. Ils com-
preinicnt eux-mêmes que plus nous nous
rapprochons dos mœurs douces et polies qui
régnaient dans l'empire romain à la nais-
sance du christiaidsme, plus il leur convient
de revenir eux-mêmes à la charité tendre
ot paternelle cjui lit adorer les premiers
successeurs de saint Pierre. Et quel juste
sujet de reproche onl-ils donné, même à
leurs ennemis, depuis plus d'un siècle?
Mosheim. quoique ])rotestant, a la bonne foi
de convenir que l'autorité des papes est au-
jourd'hui très-bornée.
IV. C'est néanmoins des anciens troubles
que les protestants et les incrédides sont
jiartis ])Our faire envisager l'autorité des
papes comme i^n monstre d'iniquité et
comme un despotisme anti-chrétien; il est
bon de voir la manière dont ils en ont
décrit la naissance, les progrès, les consé-
quences.
Le tableau qu'en a tracé Mosheim, Hist.
ecclés., m' siècle, ii" part., c. 2, est vrai-
ment curieux. 1" Il commence par poser
pour principe, que, dans l'origine, l'autorité
d'un évêque se réduisait à peu près à rien;
qu'il ne pouvait rien décider ni rien régler
dans son E..^lise, sans avoir recueilli les voix
du presbytère, c'est-à-dire des ancieus de
i2i5
PÂP
PAP
iUi
l'assemblée. Nous avons prouvé le contraire
aux mots Evèque, Hiérarchie, etc. — 2° Il
convient que, dans chaque province, le mé-
tropolitain avait un rang et une certaine
supériorité sur les autres évèques ; mais
elle se bornait à convoquer les conciles pro-
vinciaux et à y tenir la première place, à
Ctre consulté parles suffragants dans les
affaires difticiles et importantes. Il convient
encore que les évèques de Rome, d'Antioc'io
et d'Alexandrie , en qualité de cliefs dos
Eglises jirimitives et apostoliques, avaient
une espèce de prééminence sur les autres.
Mais il soutient que c'était seulement 'une
prééminence d'ordre et d'association, et non
de puissance et d'autorité. Il préteiid le
prouver par la conduite de saint Cyprien ,
qui traita, dit-il, non-seuleraont avec une
noble indignation, mais encore avec un sou-
verain mépiis, le jugement du pnpe Etienne,
et la conduite arrogante de ce prélat ha'. tain,
et qui soutint avec chaleur l'égalité qu'il y
avait en fait de dignité et d'autorité entre
tous les évèques. Nous avons vu ci-dessus,
parles propres paroles de saint Cyprien,
par sa conduite, par les suites, si tout cela
est vrai. Moslieim a imaginé que ce saint
martyr était protestant; il lui prête les sen-
timents et le langage de Luther. C'est un
trait de mauvais ■ foi de comparer l'autorité
du pape sur toute l'Eglise à celle d'un mé-
tropolitain dans sa province. Celle-ci n'était
pas d'institution divine, il n'en est pas ques-
tion dans l'Ecriture sainte. Jamais les pa-
triarches d'Antioche ni d'Alexandrie n'ont
fait aucun acte de juridiction à l'égard dos
papes et de l'Eglise romaine; or, nous avons
lait voir que, dès le ir siècle, les /ja;>e« on
ont exercé plusieurs dans ces deux patriar-
cats. — 3° Mosheim prétend que dès le m'
siècle le gouvernement de l'Eglise changea,
que les évèques foulèrent aux pieds les
droits du peiqjle et ceux des prêtres, et
s'attribuèient toute l'autorité; que, pour pal-
lier cette usurjiation, ils publièrent une do-
ctrine obscure et inintelligible sur la nature
de l'Eglise. L'un des principaux auteurs de
ce changement, dit-il, fut Cyprien, homme
très-entèté des prérogatives de l'épiscopat.
De là naquirent les plus grands maux; une
bonne partie dos évoques donneront dans le
luxe, dans le fas!e et la mollesse, furent
vains, arrogants, ambitieux, inquiets, re-
muants, et adonnés à quantité d'autres vi-
ces. Déjà nous avons observé que les pré-
tendus droits du peuple et des prêtres pour
le gouvernement de l'Eglise, en concurrence
avec les évoques, sont absolument nuls et
faussement imaginés , et les anglicans le
soutiennent comme nous; la doctrine de
saint Cyprien, touchant l'unité de l'Eglise,
n'est ni obscure, ni inintelligible, ni forgée
au m* siècle; elle est fondée sur les paroles
de Jésus-Christ et sur les leçons de saint
Paul. Mais admirons l'équité de Mosheim.
Lorsque saint Cyprien tenait tête au pape
touchant la nullité du baptême donné pirles
hérétiques, c'était une noble indignation, un
mépris très-bien fondé, quoiqu'il eût tort
sur le fond de la question; lorsqu'il soute-
nait l'unité de l'Eglise et les prérogatives de
l'épiscopal, quoique cette doctrine fût vraie,
c'était orgueil, ambition, entêtement de sa
pai t. Il était donc louable quand il se trom-
pait, et bk'nnable quand il avait raison. Voilii
comme jugent les hommes conduits par le
j)réjugé et par la passion. — k" Selon l'avis
de ce critique, Ilist. ecclesiast., i\' siècle,
II- part., c. 2, § 3, la supériorité du pontife
romain sur les autres évèques vint princi-
palement de la magnificence et de la splen-
deur de l'Eglise à laquelle il présidait, de la
grandeur de son revonu, de l'étendue de ses
possessions, du nombre de ses ministres et
de la manière somptueuse dont il vivait. De
là les schismes qui se formèrent quand il
s'agissait d'élire un pape. Cependant les papes
étaient toujours soumis à l'autorité et aux
lois de l'empereur, et il s'en faut beaucoup
(ju'ils eussent encore acquis le degré de
puissance (]u'ils s'arrogèrLUt dans la suite.
Mais pourquoi chercher des causes imagi-
naires de l'autorité des papes, lorsqu'il y en
a de réelles? Nous les avons indiquées :
l'institution de Jésus-Christ, la nécessité de
maintenir l'unité et la catholicité de l'Eglise,
les besoins multipliés d'une société aussi
immense et qui devait lier ensemble toutes
les nations; comment eût-elle pu subsister
avec l'anarchie? Une secte peu étendue peut
se soutenir pendant un certain temps avec
un gouvernement démocratique; encore
voyons-nous ce qu'il a produit chez les pro-
testants : une très-grande société ne le peut
pas ; il faut absolument un centre d'unité.
Au défaut de liaison religieuse, les protes-
tants, pour se maintenir, ont eu recours à
des associations politiques, à dos ligues of-
fensives et défensives entre les souverains
do leur communion, afin de pouvoir recourir
aux armes en cas de besoin. Cet expédient
est-il plus chrétien que l'autorité paternelle
d'un pasteur universel?
Nous avons fait voir que dès le W siècle,
dans un temps oii les papes n'étaient ni ri-
ches, ni puissants, ni protég^'s i)ar les em-
pereurs , mais continuellement ex|;osés à
périr sur un écliafaud, leur autorité était
déjà reconnue et constatée par des actes au-
tliontiques de juridiction ; nous n'avons
donc pas besoin des causes forgées par
Mosheim. L'Eglise de Rome devint riche au
IV' siècle ; mais les défienses qu'elle était
ob!ig('e de faire pour l'utilité de la religion
étaient proportionnées a ses richesses. Les
papes, témoins des maux de l'Italie et de la
misère qu'avaient causée les guerres civiles
entre les prétendants à l'emjiire, le mauvais
gouvernement des empereurs, les persécu-
tions et d'autres causes , ne négligeaient
rien, n'é|)argnaient rien pour y pourvoir.
Croit-on que des bienfaiteurs aveugles et
insensés auraient enrichi l'Eglise, si ses ri-
chesses n'avaient servi qu'à entretenir le
faste et les vices de ses pasteurs ?
« Qu'on lise, dit M. Fleury, ce qu'ont fait
les papes dejiuis saint Grégoire jusqu'au
temps do Chjrlemagne, soit pour réparer
d24S
PAP
PAP
124fl
les ruinps de Rome et y rétablir non-seule-
ment les (^'ylises et les hôpitaux, mais les
mes et les a(juedaes, soit pour garantir l'I-
lalio de la fureur des Lomljards et de l'ava-
riée des Grecs; on verra s'ils ont fait un
mauvais emploi des biens de l'Eglise. »
5" Au v" siècle, Mosheim a découvert d'autres
raisons de l'accroissoiuenl de l'autorité des
papes; ce sont d'un eùté les jalousies et les
déniôlés qui survinrent entre 1 s patriarches
d'Alexandrie et d'Antioclie, et celui de Con-
slantino|il(' ; les deux premiers eurent re-
cours n\i pape |>our arrêter l'ambition et les
entrepiises du dirnier; de l'autre, c'est le
désordre et la confusion (pic mit dans l'Eu-
rope entière l'inondation des barbares. Pour
cette fois nous sommes d'accord avec Mos-
heim ; mais qu'en conclurons-nous ? Donc
l'autorité des papes était nécessaire, puisque
sans cela les maux de l'Et^lise auraient été
plus grands : donc Jésus-Christ, qui les pré-
voyait, a sagement établi cette autoiité, et
sa parole s'est accomplie ; les [lOrt'S de l'en-
fer n'ont point prévalu contre l'Eglse, elle a
subsisté et subsiste encore, malgré les ora-
ges qui se s nt élevés contre elle et qui
étaient les plus caiiables de la détruire de
fond en comble.
Ceux qui ont imaginé que l'autorité des
pa/jes était fondée sur de fausses décrélales
n'ont lias été fort liabih s. Cette autorité était
établie par l'usage, lorsque les fausses décré-
tais parurent. Le faussaire qui les forgea ne
Ut qu'ériger en lois anciennes la (lisci|)linc
et la junsfirudence qu'il voyait régner de
son tem|)s ; il n'avait été ni excité ni sou-
doyé par les papes. Grotius convient que
ceux-ci, loin de soutenir et de favoriser les
faussaires , les ont toujours condamnés et
réprimés, et qu'ils n'ont pas cessé d'encou-
rager les travaux des habiles critiques. L. de
Antichristo. Mais les papes ont toujours agi
par ambition.... Il est bien singulier que
parmi deux cent cinquante )iontilcs qui ont
été assis sur le siège de Home, il ne s'en
soit trouvé aucun capable d'agir par reli-
gion, même en faisant du bien : l'absurdité
de cette calomnie sufiit pour la réfuter.
N'import", .sup(iosons-la viaie. Nous som-
mes encore forcés de bénir une ambition
qui a produit de si heureux elfets. C'est
donc ce vice, inhérent à la papauté, qui a
conservé en Europe un rayon de lumière au
milieu des ténèbres de l'ignorance ; ([ui ,
jiar des missions continuelles, a rendu cliré-
tieus les peuples du Nord, et nous a déli-
vrés de leur brigandage ; qui a sauvé l'Italie
du joug des mahométans ; qui a souvent
épouvanté des princes vicieux, féroces, dé-
vastateurs, incapables d'agir par un antre
mo'if ciue |>ar la crainte ; qui a procuré la
tenue des conciles ; qui a travaillé sans re-
kiche à conserver la foi, les mœurs et la
discipline. Heureuse ambition 1 que ne
pouvons- nous l'inspirer à tous les sou-
verains'? Les moyens dont elle s'est ser-
vie n'ont pas toujours été sages : je le
ciois. Dans des siècles où la corruption des
mœurs et l'esprit de vertige étaient univer-
sellement répandus, il serait difficile fjue
tous les papes s'en fussent préservés. .Mais,
s'il y a eu parmi eux plusieurs hommes vi-
cieux, il y a en un beaucoup [ilus grand
nombre de |)ontifes vertueux, et que l'on peut
hardiment nommer de grands hommes, qui
ont réuni tout à la fois les lumières, les ta-
lents, les vertus civiles et religieuses. Il est
aiisni'de de nommer toujoui's les uns, sans
jamais parler des autres ; d'exagérer le mal
qu'ont fait les [iremiers, sans tenir aucun
compte du bien qu'ont procuré les seconds.
C'est l'injustice que nous reprochons a Mos-
heim et à ses pareils. Nous ne le suivrons
I)oint dans le tableau hideux qu'il a tracé
des papes de tous les siècles ; il n'a pas
épargné davantage les autres pasteurs île
l'Eglise, ni
e clergé en général. Nous ne
pouvons nous dispenser de répéter ici un
reproche que nous lui avons déjà fait ail-
leurs. Comment n'a-t-il pas vu (pie le con-
tre-coup de ses fureurs retombe sur Jésus-
Christ même? Quoi, ce divin Sauveur n'a
formé au prix de son sang une Eglise pure,
suinte, sans tache et sans ride, que ])Our la li-
vrer, cent ans ajirès, î\ la merci des pas-
teurs mercenaires, ambitieux, insensés, sans
vertu et sans religion ! Selon saint Paul, il
lui a doimé des pasteurs et des docteurs
pour |ierfectionner les saints, pour édifier
par leur ministère son corps mysiique ,
Ephes., c. IV, V. 11, et ils n'ont travaillé pen-
dant quinze cents ans (pi'à le détruire 1
Après avoir promis d'être avec son Eglise
tous les jours jusqu'à la consommation des
siècles, ii a dormi [lendant tout ce temps-là,
et ne s'est éveilh' que quand Luther et Cal-
vin ont fait briller aux yeux de l'Euro|)e
élonnée l'éclatante lumière de la bienheureuse
réforntation ! Merveilleux système, en vé-
rité, très-capable de rendre le christianisme
respectable aux yeux des incrédules. Mais
qu'importe aux protestants que le christia-
nisme soit anéanti, pourvu que la papisme soit
confondu ! Ils se félicitent de ce que les sectes
de chrétiens orientaux ne reconnaissent
])nint, non ]>lus qu'eux, la primauté de l'E-
glise romaine, ni la juridiction du pape sur
l'Eglise universelle, et de ce ipi'ils regardent
cette autorité du même œil cjuc les protes-
tants, c'est-à-dire comme une usurpation et
une tyrannie. Quand cela serait vrai, l'opi-
nion "de ces sectes hérétiques ne serait [las
un fort argument à nous opposer ; mais il
ne faut pas être dupes d'un malentendu.
Aucun docteur des chrétiens orientaux
n'a jamais nié que le siège de Rome ne soit
la chaire de saint Pierre, et que le souverain
pontife ne soit le successeur légitime de cet
apôtre ; aucun n'est disconvenu que les pa-
pes n'aient exercé une juridiction sur les
Eglises d'Orient pendant les premiers siè-
cles ; aucun n'a rêvé comme les protestants
que le pajie est l'antechrist. Mais les uns di-
st'ut que les évêques de Rome ont perdu
leur privilège depuis (ju'ils ont adopté, tou-
chant la procession du Saint-Esprit, une
doctrine contraire à celle des premiers con-
ciles œcuméniques, et ont ajoulô au sym-
iui
PAP
PAP
1248
bole le mot FiUoque. D'autres ont prétendu
que l'autorili'^ du siéfje do Rome a passé à
celui de Tonstantinople, lorsque l'empire a
été transfîTÔ dans cette derni(''ro villr-, et
que, depuis ce moment, le patriarche grec a
été bien fondé h prendre 1p titre de patriar-
clie œcumc'iiiquc. En effet, depuis cette épo-
que ou fi peu près, cet évoque a exercé sur
les Eglises grecques une autorité pour le
moins aussi étendue et aussi absolue que
celle des pnpcs sur les Eglises d'Occident';
il a fait adopter, dans presque tout l'Orient,
la liturgie de Constantinople ; il a dispensé
des canons, il a institué et transféré des évô- -
ques, etc. Le patriarche d'Alexandrie, de-
puis le VI'' siècle, n'a pas eu moins d'empire
sur les cophtes et sur les Ethiopiens, et le
ratholiqiic des nestoriens a ftit de môme
dans les Eglises nestoriennes de la Perse, de
la Tartarie et des Indes. Tons ces chrétiens
orientaux ont donc été persuailés qu'il faut
dans l'Eglise un chef visible qui ait autorité
sur tous les membres ; ils n'ont pas môme
trouvé mauvais que le pape exerçât sur l'Oc-
cident la môme autorité que les'p'Ttriarches
d'Orient ont conservée sur les Eglises de
leur communion. Ils font profession de sui-
vre les anciens canons, qui ont établi entre
les évoques une Inérarchie et différents de-
grés de juridiction; ils ont condamné la
doctrine des ))rotestants sur ce sujet, dès
qu'ils en ont eu connaissance. De' quoi a
donc servi aux protestants l'empressement
qu'ils ont eu de traduire et de publier les
traités des Grecs schismatiques contre l'au-
torité et la primauté du pape? Adoptent-ils
les sentiments des Grecs sur la nrocession
du Sainl-Espr.it, sur l'addition FilU'que faite
au symbole et la discipline des Eglises d'O-
rient ? Pendant qu'ils refusaient au pontife
de Rome toute espèce de marque de respect,
ils \vi rougissaient pas d'accorder au pa-
triarche do Constantinople le titre de pa-
triarche œcuméniriue , de le nommer très-
grande sainteté, de rechercher sa commu-
nion, parce qu'ils espéraient de lui l'appro-
bation de leur doctrine. Mais cette bassesse
n'a tourné qu'à leur confusion ; loin d'obte-
nir ce qu'ils demandaient, ils ont été con-
damnés par les Grecs sur tous les articles de
leiir profession de foi, dans plusieurs con-
ciles tenus à ce sujet en Orient. Pernét. de
/a /'oî', t. V, Préface.
V. Jtais est-il vrai que les papes aient été
aussi vicieux, aussi méchants, et qu'Usaient
fait autant de mal ou'on le dit? S'il nous
lullait réfuter tous les reproches absurdes
qu'on leur a foits, nous ne finirions jamais ;
nous nous bornerons aux principaux, et à
ceux que l'on a répétés le plus souvent ; sur
plusieurs nos adversaires eux-mêmes four-
uiront la réponse : mais, avant d'entrer dans
le détail, il y a quelques réttexions généra-
les h faire. — 1° Le nombre des papes vi-
cieux n'est pas aussi grand qu'on le croit.
Bavisson , protestant fougueux , qui a fait
iVes pontifes romains le tableau le plus infi-
dèle et le plus scandaleux qui fut jamais,
n'a pu en accuser nommément que vingt
huit ; encore n'a-t-il noirci les sept derniers
que parce qu'ils ont été ennemis des protes-
tants, et qu'ils ont approuvé les rigueurs
que l'on a exercées contre eux. 11 en reste
donc deux cent vingt-deux contre lesquels
Davisson n'a trouvé aucun rejiroche à faire.
Y a-t-il un procédé plus <létestnble que de
fouiller dans une histoire de dix-sept siè-
cles, pour en tirer tous les crimes, vrais ou
faux, dont on a chargé les papes, d'en faire
le tissu en les exagérant tant que l'on peut
sans dire un seul mot des vertus, des bon-
nes œuvres, des services rendus à l'huma-
nité, desquels la chrétienté leur est incon-
testablement redevable, et de nommer cette
chronifiue scandaleuse Tableau fidèle des pa-
pes? Quoi, le mal seul duit entrer dans un
tableau, le bien ne doit jamais s'y montrer?
\o\\h comme les hérétiques et les incrédu-
les ont toujours écrit l'histoire. Celle qu'ils
ont faite des papes, en 5 vol. in-4°, et im-
Iiriméo en Hollande en 1732, n'a eu pour
but que de rassembler tous les reproches,
les calomnies et les sophismes que les pro-
testants ont vomis contre les pontifes romains
depuis deux cents an«. La charité, le cou-
rage héroïque, la vie humble et pauvre des
papes des trois premiers siècles, sont des
faits certains ; les monuments de l'histoire
en déposent. Les lumières, les talents, la
vigilance laborieuse de ceux du iv' et du v
sont incontestables ; leurs ouvrages subsi-
sient encore. Les travaux et les elforts con-
stants de ceux du vi' et du vir pour dimi-
nuer et pour réparer les ravages de la bar-
barie, pour sauver les débris des sciences,
des arts, des lois, des mœurs, ne peuvent
être révoqués en doute; les contemporains
en rendent témoignage. Ce que les papes
ont fait dans le viir et le ix% pour humani-
ser par la religion les peuples du Nord, est
si connu, que les protestants n'ont pu y ré-
pandre un vernis odieux qu'en empoison-
nant les motifs, les intentions, les moyens
qui ont été employés. Il ne fallait pas ou-
blier non plus ce que les papes ont fait au
ix' pour arrêter les ravages des raahomé-
tans. C'est donc dans la lie des siècles pos-
téiieurs qu'il a fallu fouiller pour trouver
des personnages et des faits que l'on pût
noircir h discrétion; c'est Ih que les enne-
mis des papes ont sucé les torrents de bile
qu'ils ont vomis, et dont nos incrédules mo-
dernes se sont abreuvés de nouveau. Dans
quel tein[)S y a-t-il eu de mauvais papes?
C'a été lorsque l'Italie était déchirée par de
petits tyrans, qui disposaient du siège de
Rome à leur gré, y plaçaient leurs enfants
ou leurs créatures, et en chassaient les pos-
sesseurs légitimes. Il n'est jias étonnant que
les papes aient mis en usage toutes sortes
de moyens pour se mettre à couvert de pa-
reils attentats. — 2° Il s'en faut beaucoup
que la plupart des faits condamnables re-
prochés aux papes soient prouvés ; une
grande partie sont rapportés ]iar des héréti-
ques, par des schismatiques, par d. s gens
de parti qui ont vécu dans des temps de
trouble, par des écrivains sans critique qui
m9
PAP
PAP
i2rio
raMi.issaient les bruits populairos, sans s'om-
barrasscr de savoir s'ils étaient vrais on faux.
Pendant le grand schisme d'Occident, les
partisans des papes li-ançais n'épar.^iièrent
point les papes italiens qu'ils noniiiiaient an-
tipapcs ; ceux-ci à leur tour usèrent de re-
présailles contre les pnpcs (rAvi,ij;non. La
môme chose était arrivée dans les siècles
jirécéilents toutes les fuis qu'il ,v avait eu
des schismes et divers prétendants à \ii pa-
pauté, et parmi les écrivains, dont les uns
étaient guclphes, et les autres (jibelins. —
3" Leihnitz, [irotestanl mieux instruit et plus
modéré que les autres, est convenu i[uc le
corps de l'Eglise étant un, il y a de dr(jit di-
vin, dans ce corps, un souverain nuigistrat
spirituel ; que la vigilance des papes pour
l'observation des canons et le maintien de la
disci|iline a produit souvent de très-bons
ell'els, a reprimé beaucoup de désordres ;
(jue dans les temps d'ignorance et d'anar-
chie les lumières de leur consistoire ont été
une ressource, et que c'est de là qu'est ve-
nue leur plus grande autorité, lîsprit de
Lcibiiilz, t. II, p. 3, 0, etc. — 4" Quand tous
les crinU'S reprochés aux papes sei'aient vrais
et inconlestables, cela ne détruirait ni leur
caractère, ni leur mission, ni leur qualité
de pasteurs, ni leur autorité. C'a été une ci-
reur absuide de la part des vamlois, des
hussites, des protistanis, de soutenir que
par une conduite déréglée les ministres de
l'Eglise perdent les pouvoirs qu'ils ont re-
çus de Jésus-Christ. Loisqu'on a objecté aux
prolestants les vices des prétendus réforma-
teurs, ils ont usé do récrimination, en in-
sistant sur ceux des papes; mais ceux-ci
avaient une mission ordinaire qu'ils avaient
reçue par l'ordination, et qui ne se perd
point par des péchés , quehjue énormes
qu'ils soient ; les prédicants n'en avaient
point : il fallait donc qu'ils prouvassent une
mission extraordinaire par des miiacles ,
par des vertus héroïques, par la sainteté do
leur doctrine, etc., comme ont fait les apù
très ; les chefs de la réforme n'avaient rien
de tout cela. Nous n'avons donc pas un très-
grand intérêt k faire l'apologie des papes ;
mais le premier devoir d'un théologien est
d'être juste, et de chercher la vérité de
bonne foi (1). Venons au détail.
Le premier reproche que l'on tait aux
pontifes de Home est de s'être rendus indé-
j)endaiits de la domination des empereurs
de Constantinople, et de s'être formé peu à
]ieu une souveraineté. Ra|)pelons l'idée de
quebpies faits, nous vendrons ensuite si la
conduite d 'S papes a été un attentat contre
lautorité légitime. 11 est constant cpie depuis
la destruction de rem[)ire d'Occident, au v°
siècle, ceux d'Orient n'eurent en deçà de la
mer qu'une autorité très-précaire , et ne
s'occupèrent de l'Italie que poui' en tirei' do
l'argent. Les Lond)ar(ls qui, l'an 5(58, s'é-
taient rendus maîtres d'une |iarti(i de l'I-
talie, et |)ossédaient l'exarchat de Uavenne,
no cessaient de menacer Rome. Vainement
le pape et les Romains demandèrent du se-
cours à la cour de Constantinople ; ils n'uli-
tinrent rien, et furent réduits h se défendre
eux-mêmes. Déjà sous les césars, les papes,
cumme les autres évoques, avaient eu le ti-
tre de f/c/c/iscio-s des villes ; c'était une es-
pèce de magistrature, et plus le si'ge de
l'empire était éloigné, plus elle était impor-
tante. Depuis les services qu'avaient rendus
aux Romains le pape Innocent I" en écar-
tant Alaric, et saint Léon en adoucissant At-
tila et en mo.k'rant un peu les fureurs do
Genséric, les papes fiïrent regardés comme
les génies tutélaires de Rome, et comme la
seule ressource contre les barbares, ils y
jouissaient donc déjà d'une autorité à peu
près absolue ; les Romains, satisfaits de ce
gouvernement paternel , redoutaient celui
des Lombards, dont la plupart étaient ariens.
Le pape Etienne, trop faible pour résister à
ce ))euple ])uissant, implora le secours do
Pépin, qui s'était rendu maître de la France;
Pépin jiassa les Alpes, délit Astol[ihc roi des
Lombards, l'an 77i, et l'obligea de céder au
pfipe l'exarchat de Ravenne. Nous deman-
dons quelle intidélité ce pape a commise en-
vers l'empereur d'Orient ; celui-ci ne voulant
jilus être le protecteur de Rome, le pape en
chercha un autre ; ce n'est pas cette ville
qui s'est soustraite à la domination des em-
{)ereurs, ce sont eux qui l'diit abandonnée à
son malheureux sort. Didier , successeur
d'Astolphe, reprit l'exarchat de Ravenne, et
saccagea les environs de Rome ; Charlema-
gne vola au secours du pnpc Adrien, vain-
(1) « Rome chrétienne, dit M. de Cliàteanbriand,
a cte pour le monde moderne ce nue Rome païenne
lut pour le monde antique, le lien universel; celle
capitale des nations remplit toutes les conditions de
sa destinée, et semble véritablement la vie éternelle.
11 viendra peut-être un temps où l'on trouvera (|ue
c'('l:iil poiMtaiU ime grande idée, une magiiili(iiie in-
stitution que celie du troue pontilical, Le l'eie si»!-
ritin'l, placi' au milieu des peuidcs, unissait ensem-
ble les diverses parties de la chretienlé. Quel beau
rôle que celui d'un pape vraiment anime de l'es-
prit apostolique ! Pasteur général du troupeau, il
peut, ou contenir les lidéles dans le devoir, ou les
défendre de l'oppression. Ses Etats, assez giands
l'onr lui donner l'indépendance, trop petits pour
()u'on ait rien à craindre de ses efl'orts, ne lui lais-
seai (pjc la puissance de l'opinion : puissance admi-
rable, quand elle n'cmbrassc dans sou empire qu»
des œuvres de paix, de bienfaisance cl de charité !
c Le mal passagerque quelques mauvais papes ont
fait a disparu avec eux; mais nous ressentons encore
tous les jours rinlluencc des biens immenses et ines-
timables que le monde entier doit à la courdc Rome.
Cette cour s'est presque toujours montrée supérieure
à son siècle. Elle avait des idées de législalion,
de droit public ; elle connaissait les beaux arts, les
sciences, la politesse, lorsque tout él;nl plonge dans
les teni-brcs des institutions gothiques ; elle ne se
réservait pas exclusivement la lumière, elle la ré-
pandait sur tous; elle faisait tomber les barrières
que les préjugés élèvent entre les nations ; elle cher-
chait à adoucir nos mœurs, à nous tirer de notre
ignorance, ;>. nous arracher :i nos coutumes grossiè-
res ou féroces. Les papes, parmi nos ancêtres, furent
des missionnaires des arts, envoyés m des barb;ires,
des législateurs chez des sauvages, i— Le régne seul
13S1
PAP
PAP
12S2
quit Didier, le fit prisonnier, et détruisit
ainsi le rovaume des Lombards. Couronné
empereur ï'an 800 h Rome, il fit le pape son
premier magistrat. Ma décadence de la maison
de Chnrlemagne, le pape imita les grands vas-
saux et les seigneurs d'Italie ; il se rendit in-
dépendant.
Les empereurs allemands, malgré le titre
de rois des Romains, ne furent jamais paisi-
blement maîtres de Rome ; la plupart se firent
détester par leur cruauté : c'est ce qui fit
naître les deux célèbres factions des guclphcs
et des gibelins, dont les premiers tenaient
pour les papes, les seconds pour les empe-
reurs. Qu'après plusieurs siècles d'anarchie,
de guerres et de dissensions, ceux-ci soient
enfin demeurés les maîtres, ce n'est pas une
merveille ni un grand crime; ils ont tou-
jours prétendu posséder leurs Etats en vertu
de donations qui leur avaient été faites. La
plupart des autres souverains d'Iialie n'a-
vaient pas des titres plus authentiques ni
plus respectables. Il est à présumer que les
Romains ne se sont pas mal trouvés de leur
gouvernement , puisqu'ils n'ont pas cherché
à se donner d'autres maîtres. Depuis le sac-
cagement de Rome par les troupes de Charles-
Quint, ils sont le seul peuple qui ait toujours
joui (les douceurs de la paix. Ce n'est point
un mal, pour la religion, que le pape soit
souverain temporel. 11 ne serait pas conve-
nable que le père commun des fidèles fût
sujet ou vassal d'aucun prince particulier :
obligé de les respecter et de les ménager
également tous, il ne doit dépendre d'aucun.
Les empereurs d'Allemagne s'arrogèrent le
droit de faire et de défaire les papes h. leur
gré ; jamais le siège pontifical ne fut plus
mal rempli.
Mais les papes sont tombés dans un excès
bien plus révoltant : ils se sont arrogé le
droit de donner les couronnes et de les ùttT,
de déclarer certains princes incapables de
régner, de les excommunier, de délier les
sujets du serment de fidélité; ils ont voulu
di-|ioser du temporel des souverains, etc.
Plusieurs, à la vérité, ont eu cette préten-
tion ; mais dans (juelles circonstances? Dans
un temps d'anarchie et de brigandage mu-
tuel entre les souverains, où, à force d'usur-
pations et de querelles, il n'y en avait pres-
que pas un seul dont les droits ne fussent
contestés ou contestables. Mais quel est le
j. rince que les papes ont véritablement dé-
pouillé de ses Etats, et quel est celui auquel
lis ont donné une couronne et des terres
qu'il ne possédait pas déjà? Lorsque ]e pape
Etienne couronna Pépin et ses deux fils, ce
]irince avait été déclaré roi et sacré comme
tel dans une assemblée des états généraux
(le Chaileinagne, dit Voltaire, eut une lueur de po-
litesse qui lut probablement le fruii du voyage de
Rome.
< C'est donc une chose assez généralement recon-
nue, que l'Europe doit au saiut-siige sa civilisation,
uni' pallie de ses meilleures lois, et pres(nie loules
ses scii!n(^cs et ses arts. ) Génie du Clirisliiniisme,
IV part. liv. VI, c. >i. )
de la nation, tenue à Soissons deux ans au-
paravant : il ne lui donna donc rien. La céré-
monie ne servit en elfet qu'à tranquilliser
les peuples et à prévenir de nouveaux trou-
bles. Lorsque Gri'goire VII entreprit de dé-
trôner l'emjjcreur Henri IV, il savait que la
moitié de l'Allemagne était opposée à ce
prince et qu'il était détesté en Italie. Henri
avait fait élire un autre pape, et parvint en
effet à chasser Grégoire de son siège : excès
et démence de part et d'autre. Les esprits
n'étaient pas mieux disposés en faveur de
Frédéric II , lorsqu'il fut excommunié par
Grégoire IX et par Innocent IV. C'était cer-
tainement un très-grand abus d'employer les
peines canoniques pour soutenir des intérêts
purement teuqiorels ; mais depuis !e com-
mencement du X' siècle jusqu'au xiv% l'Eu-
rope entière sembla possédée d'un esprit de
vertige ; il est bien absurde, au xviii% de re-
procher aux papes les fautes commises par
leurs prédécesseurs il y a sept cents ans.
On dit qu'Alexandre VI donna aux rois
d'Esiiagne et de Poilugal l'Amérique, qui ne
lui ajiparlenait pas. La vérité est qu'il ne
leur a [as donné un seul i;ouce de terrain.
Ces deux rois s'él<dent mis eu possession do
l'Amérique sans consulter Rome; prêts à se
brouiller pour leurs conquêtes respectives,
ils prirent le pape pour ai'bitre. C'est en cette
qualité, et non en vertu du pouvoir pontifi-
cal, qu'il trai;a la célèbre ligne de démarca-
tion qui fixait les limites de leurs posses-
sions. Cet arbitrage prévini une guerre |irête
à éclore, et le pape exhorta les deux rois à
travailler à la conversion des Améi'icains.
Une troisième accusation formée contre les
papes est d'avoir vendu les gr.lces de l'Eglise,
les bénélices, les dispenses, les indulgences.
11 est vrai que plusieurs ont été coupables
de cette simonie; mais c'étaient princijiale-
ment des papes réduits à subsister d'aumô-
nes en France, pendant le grand schisme
d'Occident. C'était le cas de dire que la né-
cessité fait commettre des turpitudes. On
avance néanmoins une calomnie quand on
assure que les papes ont accordé pour de
l'argent l'absolution des crimes comnns et à
commettre : jamais le scandale n'est allé jus-
que-là.
Enfin l'on reproche aux papes d'avoir dé-
cidé que tout est permis contre les héiéti-
q:ies, la perfidie, le mensonge, la violence,
les assassinats, les supplices, ou du moins
d'avoir autorisé cette doctrine abominable
par leur conduite : calomnie encore plus
atroce que la précédente. A ce sujet, nous
copierons les réflexions d'un écrivain récent
qui n'était ni tliéologien ni soudoyé par la
cour de Rome, et i]ui faisait profession de
ne ménager personne. Ce n'est [las le saint-
siége, dit-il, qui a alTumé dans les Pays-Bas,
et ensuite en France, les guerres théologi-
ques tjui ont causé tant de malheurs : les
papes n'ont parlé que quand on les a consul-
tés. Ce n'est pas la cour de Rome qui con-
d anna au feu Jean Hus et Jérôme de Pra-
gue; : un cmpereiu' dressa le bûcher; des
prélats allemands, fran(;ais, espagnols, l'allu-
1253
PAP
PAP
nifrcnt; Rome, alors dans .humiliation, n'y
eut point de |iart. Il n'y avait point de légats
à la tôte des soldats (pii dévastèrent les val-
lées de Cuijriéres et de Mérindol : les inqui-
siteurs (]ui parurent dans la croisade contre
les albigeois avaient été deman(li''s et a|i|iolés
par Simon de Monlforl et par d'autres sécu-
liers. Les crimes de Jules II et de son prédé-
cesseur n'ont pas eu la religion pour objet
ni [lour motif, ni niéine pour prétexte : ce
sont des moims, et non pas Rome, qui ont
attenté aux jours de nos rois. Le saiiit-oflice
même ne doit aux papes ni son origine ni
son extension : des mains séculières en ont
préparé le code, et les pijnees l'ont introduit
de leui' |)lein gré dans leurs Etats. Ferdinand
et Isabelle mendièient ce tribunal pour l'Es-
pagne; le despotisme hypocrite de Philippe II
perfectionna ce que le ilesiotisme perlide de
son grand-père avait établi. Les premières
lois contre les héi'éticiues ont été purement
civiles ; c'est l'autorité laïque qui a donné
l'exemple d'iniliger la peine de mort aux
sectes turbulentes. Di'puis le massacre des
donatisti's jusqu'à celui des ali^igeois, l'Eglise
n'employa d'autres armes que l'excommuni-
cation contre ses enfants rebelles. Quand le
concile de Toidouse eut ordonné de jirocé-
der contre le crinui d'hérésie, les peines ne
furent encore que des exils et des amendes.
C'est l'empereur Frédéric II, cet antagoniste
violent du saint-siége, qui prononça contre
les hérétiques la i)eine du feu s'ils étaient
opini'tres, et d'une prison perpétuelle s'ils
reconnaissaient leur tort. Jamais l'inquisi-
tion romaine n'a ressemblé à celle d'Espa-
gne; jamais Rome n'a vu û'auto-da-fd. An-
nalcs polit., t. I, n. C, p. Wa et suiv. 11 n'est
pas plus vrai que jamais les papes, ni aucun
concile, ni aucun théologien de marque,
aient décidé ou enseigné qu'il est permis de
violer la foi jurée aux hérétiques. Yoy. Con-
stance (concile de), Hlssites.
Cela n'a pas empêché un incrédule i'or-
eené d'écrire, de nos jours, « que l'Eglise
romaine avait détruit autant qu'il est possi-
ble les principes do justice que la nature a
mis dans tous les hommes. Ce seul dogme,
dit-il, qu'au pape appartient la souveraineté
de tous les emjiires, renversait les fonde-
ments de toute société, de toute vertu politi-
que; il avait été longtemps établi, ainsi que
l'all'reuse opinion qu'il est [lermis, qu'il est
niôuie ordonné de haïr et de persécuter ceux
dont les opinions sur la religion ne sont pas
conformes à celles de l'Eglise romaine. Les
indulgences pour tous les crimes, incmc pour
les crimes à venir; la dispense de tenir sa
jiarole aux ennemis du [lontife, fussent-ils
de sa religion; cet article de croyance oii
\\m enseigne que les mérites du juste peu-
vent être appliqués au méchant; la perver-
sité de l'inquisition; les exemples de tous
les vices dans la |)ersonne des pontifes et de
leurs favoris, toutes ces honneurs devaient
faii'e de l'Europe un repaire de tigres et cle
serpents, plutôt qu'une contrée habitée et
civilisée par des homujes. » Cette tirade lou-
gueuse paraît démontrer que les incrédules
la.-)!
ne se font aucun scrupule d'employer l'im-
posture, le mensonge, la calomnie noire et
malicieuse, pour décrier les papes et l'Eglise
romaine ; qu'ils mettent ainsi en usage la
perlidie et la démence de laquelle ils osent
accuser les autres. Il n'y a pas un seul arti-
cle, dans cette déclamation, qui ne soit une
faussctof; nous l'avons fait voir sudisam-
ment. Voy. Héuétique, Indulgence, Inqlisi-
TioN, etc. (1).
(1) Nous allons complélor ccl .article par quelques
coiisidcralions de M. tU\ Kavigiian.
• A l'igard .le Pieire, des cliuses bien digues de
remarque nous sonl racoiilc'cs par l'Evangile'; Jésiis-
Clirisl, en le voyaiil iioiir la imMiiièie l'ois, lui dit :
< Tu es Simuit, fiU de Jouas, tu t'appelleras Cépluis,i
Joan., c. I. v. 42, mot hélireu et svriaijue qui signi-
fie proprement pierre, pelra. Quand Pierre a soleii-
nclleineiit coniessé le Clirisl, Fils du Dieu vivant,
Jésus reprend : Tu es bien l.eureux, Simon, /ils de
Jouas...; lu es Pierre, ei sur celle pieire je bàiirai
mou Eglise, et 1rs portes dr l'enfer iiepr^ Vuitdroiil point
cciitie elle. Je le donuerai les clejs du rotfauwe des
deux : loiil ce que Ut auras lié sur la lerie Si'rrt lié dans
le ciel ; to'il ce que lu auras délié sur la terie seia dé-
lié dans leciet{Mallli.\\i, 17). Peu de temps avant
sa passion, Jisiis dit encore à Pierre : J'ai prié pour
loi, ai^n ipte la foi ne vjilpas à défaillir.... ,\ ion tour
lu devras confirmer el alfeimir les frères ( Luc, \\u,
32). Après sa résuneelion enlin, il ajoule : i^itisei
vus a<jneaux, paisseï mes brebis [Joan. , xxi, 15. 19).
De plus, (lilléreiiles piéroyalives sont réservées à
Pierre dans les Ecriliires. il est toujours noinnié le
pieiiiier ; il est souvent désigné claiiemeiU comme
le cliet, le piiiice des apôtres; il est iiomnié seul
quand les autres sont omis, pour les repnisenter ou
pour 1rs instruire. Dans les réunions, il se lève et
parle le premier, au nom de tous, il prêche l'Evan-
gile. S;dnt Paul vient le voir a Jéiusaleni, comme
son siipeiieiir, parte (lue, comme le disent OEcumé-
nius, saint Jean Clirysostome, saint Anibroise, saint
Augustin, il était l'oracle et le premier des apou-es :
Qeia os erat aposlolorum et priiiceps. Une condiiion
toute ditlérente de celli^ des autres apôtres lut donc
faite à Pierre par le Sauveur. Car enfin tontes ces
graves paroles, toutes ces prérogatives aceuinulées
doivent avoir un sens. Elles prouvent évidemment
que Pierre a été constitue le londement, le souverain
el univeisel pasteur de l'Eglise. Agneaux et brebis,
c'est-.i-dire lideles et évèques, comme le compiirent
Origène, saint Ambroise, saint Léon, saint Eiiclier
el les autres, tout est soumis à l'autorité de Pierre,
tout est commis à ses soins. On lui doime les ciels
comme au maître de la maison, comme au souverain
de la ciié. Pierre l'ut donc n'ellement établi ceiiirc
uui(|ue et souverain d'unité. Jésus un jour monte sur
une bar(pie, s'y assied, et de l;i adresse au peuple
ses paisibles et divins enseignements : t'était la bar-
que de Pierre; toutbaute et sainte image, loiitbante
et divine leçon ! i C'était l'Eglise, barque impéris-
sable de Pierre, où Jésus-Cluisi règne et enseigne
toujours avec les suctcsseurs du péclieur. Le niaiire
semble bien sommeiller quelquefois, même durant la
tempête ; mais, aux cris du nautonnier, il se lève et
commande aux vents et à la mer qui se taisent.
I L'institution divine de saint Pierre, tomme cen-
tre d'unité chrélieane et calholiipie, est encore cer-
taine comme histoire, indépcndaunneni des Ecritu-
res. C'est d'abord la voix antique dclOrirut. Ori-
gène, au second siècle, appelait Pierre le grand fon-
dement, la pierre inébranla' le de l'Eglise. Saint
Allianase, écrivait à saint Félix, pape : Sur vous,
comme sur leurs fondements, foni établies et affermies
tes colonnes de l'Kglise. Saint Jean Clirysostome,
comraeulanl la magnilique promesse du Sauveur,
i25S
PAP
PAP
125G
PAPESSE JEANNE. Quelques auteurs du
XI' siècle et des suivants ont écrit qu'entre
le pape Léon IV, qui mourut l'an 855, et
disait que que l'univers entier fut confié ù Pierre; qu'il
fut fuit te pasteur et le chef île toute l'Eglise. Les vuix
de rOccideiUsont unanimes pour proclamer la môme
vèriic. Tertullien demande si quelque chose fut ca-
clié à Pierre, fondement de l'Eglite à bi'iiir. Saint T.y-
priiMi, iiui sembla un instant, abusé qu'il était, dis-
culer non pas l'aulorilé, mais l'avis du pontife
romain, est un des plus ardents défenseurs des droits
divins (lu saint-siége. Dans son livre admirable de
Vl'nilé de l'Eglisf, Pierre est le chef, la source, la
riirini' de toute l'Eglise. Il écrivait à Jubaien : L'Eiilise
qui csl une, a été, pur ta voir du Seigneur, fondée sur
un seul, qui en n rcc« /es c'e/s. Lisez saint Jérôme,
saint Augustin, saint Ambroise, tous les Pèios,
c'est toujours même fdi, même unanimité. Un seul
entre les douze est choisi, dit saint Jérôme, afin que
le chef élant constitut', toute occasion de schisme
soit ôtée. Pierre, ajoute saint .\mbroise, comme un
roc imniobite, porte et soutient la masse et l'ensemble
de l'édifice chrétien. Saint Augustin affirme que
Pierre se distingue par la primauté reçue au-dessus
des autres, par la principauté de son apostolat supé-
rieur à tout épiscopat. C'est assez. J'omets une foule
de témoignages ; j'omets cette éloquenle protesta-
tion de la ville éternelle, les mille voix de ses mo-
numents, de ses splendeurs séculaires qui célèbrent
si éloquemnient la suprématie de Pierre.
« Et au XIX' siècle, il est des hommes qui ne crai-
gnent pas d'écrire, il en est d'autres qui croient
avec un imperturbable sang-froid que Charlemagne
ou Grégoire VII inventèrent la prérogative de Pierre,
la suprématie du souverain pontife, centre spirituel
d'unité. Vraiment on s'étonne, dirai-je, de tant d'i-
gnorance, car il y en a beaucoup, ou de tant d'aveu-
glement. On conçoit bien mieux que, du fond des
cœurs catholiques et des convictions du génie chré-
tien, s'élève comme un accent d'enthousiasme et d'a-
mour pour exalter la gloire et le bonheur d'être unis
à la chaire de Pierre ; et qui de vous ne se rappelle
les paroles si belles de deux grands cœurs, de deux
grands génies aussi, de Fénelon et de Bossuet ? Ils
protestaient tenir à cette Eglise romaine du fond de
leurs entrailles. Voudriez-vous savoir pourquoi, à
leur exemple, nous tenons ainsi étroitement em-
brassé cette pierre auguste, ce vénéré fondement de
Tuniiè ? C'est que nous comprenons la pensée de celui
qui fut l'auteur et le consommateur de notre foi,
c'est que nous croyons à sa divine parole. >
Dans la deuxième partie, l'orateur prouve, par
l'histoire de la papauté même, qu'elle a toujours joui
de celte suprématie, que quel(|ues personnes croi«nt
ne lui avoir appartenu qu'au jour oii elle a eu un
royaume, une couronne ; au jour oiielle a apparu au
monde entourée d'un pouvoir extérieur. Voici le ra-
pide aperçu des preuves de l'orateur. < Pierre avait
donc reçu de la bouche même du Sauveur la pri-
mauté : ill'exerça, elle fut reconnue. Pierre mourut
sous Néron, crucilié comme son maitre. L'un de ses
disciples et successeurs inuuédiats, saint Clément, a
laisse des lettres authentiques, et nous rapporte un
fait important. Les Corinthiens, au mépris de tous
lesdroiis, avaient déposé leurs évéques et les prêtres.
Saint Clément ordonna, sous peine de l'anathéme
ou de la damnation éternelle, qu'ils fussent réinté-
gres et reconims immédiatement. C'était au i" siècle. '
Pourquoi recourir de Corinthe à l'autorité de l'évè-
oue de Kome ? Saint Jean vivait encore, on ne s'a-
dressa pas àlui. Comment se fait-il que le pontife
romain prononce la sentence en juge souverain, éta-
bli au-dessus des évoques? 11 n'y en a qu'une expli-
cation possible, la suprématie spirituelle de la pa-
pauté, comme elle s'exerce encore au milieu de nous.
La question de li Pà(pie aj/itaii beaucoup l'Eglise. ^
Benoit III, qui mourut en 858, une femme
avait trouvé le moyen de se faire élire pape,
et avait tenu le siège de Rome pendant deux
L'Eglise de Rome prononce entre l'Orient et l'Occi-
dent, et sanctionne sa décision par les peines spiri-
tuelles qu'un pouvoir souverain et universel avait le
droit de porter. Saint renée, qui touchait de la main
pour ainsi dire aux temps et aux enseignements de
l'apôtre saint Jean, reconnaît et vénère l'autorité des
pontifes romains. Il en a conservé l'ordre et la série
jusqu'à son âge. t II proclame hautement qu'il est
nécessaire que toutes les Eglises soient en commu-
nion, en rapport avec l'Eglise romaine, à cause de
son autorité supérieure; qu'il faut que tous les lieux,
du monde lui soient unis, parce que celle Eglise est
charqée de conserver pour tout l'univirt la tradition
qui vient des apùtres. « Quel moyen ici de supposer la
fraude ou l'erreur ? Saint Ircnce n'a-t-il pas su ce
qu'il disait?
« Tertullien écrit : < J'entends qu'un décret solen-
nel et péremptoire a été porté ; le pontife souverain,
c'est-à-dire l'évéque des évèques, a ordonné. > Avec
ces précieux documents des deux premiers siècles
comment rêver une institution politique récente?
Comment douter de la perpétuité divine et a-surée
du souverain pontilicat dans les évéques de Rome,
successeurs de saint Pierre? Une institution de cette
nature, u[ie autorité si extraordinaire ne s'improvise
pas, et surtout ne s'impose pas en un instant à tout
l'univers. Si la main, si la loi divine n'étaient pas
manifestes, aucune force humaine ne pourrait lier
les divers ordres de l'Eglise, et tous les rangs des li-
dèles, et toutes les consciences, à un semblable prin-
cipe d'unité et d'obcissance.
< Au 111' siècle, saint Cyprien, résumant la tradi-
tion dans son admirable livre de l'Unité, enseigne
< que la divine lumijre qui pénètre l'Eglise et em-
brase de ses rayons le monde entier, vient d'un
point unique, l'Eglise de Rome, le pontife romain,
dont il dit ailleurs, qu'il est le chef du sacerdoce ca-
tholique. Parcourez tous les monuments subséquents
du V' au XV' siècle : dans les Pères, dans les conci-
les, dans l'histoire tout entière de l'Eglise, ce qui
domine, c'est l'existence et la vie de l'unité, en son
centre unique et divin, le pontife de Rome. Saint
Jérôme, du fond de sa solitude, s'écriait en s'adres-
sant au pape Damase : c Quant à moi, je suis avant
tout uni a votre siège, qui est la chaire de Pierre.
Quiconque ne recueille pas avec vous, dissipe et
n'appartient pas à Jésus-Christ. > Saint Athanase,
«aint Jean Chrysostome, saint Basile, saint Grégoire
de Nazianze, saint Augustin, élèvent tous la voix
pour saluer de leurs hommages de foi et de fidèle
dépendance la primauté, l'autorité souveraine du
pontife de Rome. Rome a parlé, disaitsaint Augustin
la cause est tiuie. Oii est Pierre, là est l'Eglise
Ubt Petrus, ibi Ecclesia. Tous les conciles œcuméni-
ques sans exception sont confirmés par l'autorité
première du successeur de Pierre. C'était la sanction
nécessaire. Les canons et les conciles que Rome
n'approuve pas, l'Eglise universelle les rejette. Elle
est grande, elle est imposante cette voix des conciles
généraux. Dix-huit fois seulement elle a retenti dans
l'univers, et toujours pour vénérer Pierre et Jésus-
Christ, dans les successeurs de Pierre. Les hérésies
furent toujours déférées au jugement de l'évéque de
Rome. Toujours sa sentence lut suivie et adoptée
par les conciles, et il devait en être ainsi. Même,
sans la confirmation des conciles généraux, le juge-
ment de la chaire de saint Pierre était pour tout ca-
tholique la règle de la foi. r
« Toutefois, j'ai besoin de le dire: du sein de la
reforme et de nos jours, des voix généreuses se sont
élevi es pour venger la papauté de tant d'injustes ou-
trages et pour rendre hommage à ses bienfaits et à
ses gloires. Honneur à cette courageuse franchise !
i-i;i7
l'AP
PAQ
1258
ans oiiiq mois quatre jours, sous lo nom de
Jean VIII. Mariaiius Scotus, nioino irlandais,
((ui (''i'i'ivi( à iMayeneo une (•lu'oni(|ue en
l()8'î. plus de deux cents ans aiirès l'épotiiie
du fait, est le premier qni ait raconté cette
fable. Klle fut ensuite co|iiée par Si^eljert de
(lenihlours, (jui écrivait l'an 1112, par Mar-
linns Poloiuis en 1277, et par d'auli^'s (jui la
sin'clinrs;èrent do circonstances ridicules. Ils
dirent (jue depuis ce temps-là, avant d'iii-
trouiser un pope, on prenait la précaution
de le.faire asseoir sur une chaise percée ou
stercoraire, pour véiitier son sexe, etc. Les
centuriateurs de Mayiiebourg et d'autres
éci'ivains protestants lirent d'abord grand
bruit de cette histoire absurde, et donnèrent
h; fait pour incontestable; dejiuis ce tem|is-
lii plusieurs savants, non-seulement parmi
les catholiques, mais parmi les protestants,
comme Hlondel, Casaul)on, Bayle, etc., en
ont démontré l'absurdité. On y ojipose, 1" que
dans les manuscrits les jilus anciens et les
])lus exacts, soit de Marianus Scotus, soit de
Martinus Polonus, soit do Sigebert (le Gem-
blours , cette iable ne se trouve point,
qu'ainsi c'est une addition faite par (pielque
copiste postérieur. 2° Que les histoiùens con-
temj)0rains, tels que Auastase le Bibliothé-
caire, témoin oculaire de l'élection de Léon
IV et de Benoit III, l'autour des Annales de
saint Bertin et de saint Loup de Fcrrières ,
Odon, .Mginon, Hiucuuir de Reims, etc.,
n'ont |ias dit un seul mot de la prétendue
papesse Jeanne; tous disent et supposent (jue
Beimit III succéda immétliateuient et sans
interruption à Léon I\'. Deux (jrees schis-
niatiipurs du même siècle, savoir l'hotius,
L. (le Process. Spir. Sanct., et Mélrophane
de Smyrne, L. de Div. Spir. Sanct i, disent
expressément la même chose. Il en est de
même de Laml)ert de Schafnabourg, de Khé-
ginon, d'Herman de Raccourci, d'Othon de
Frisingue, de Zonaras, de Cédrenus, de Jean
Curopalate, (|ui tous eut écrit avant Maria-
luis Scotus. 3" Que l'histoire de la papesse
Jeanne est chargée de circonstances évidem-
ment fausses, savoir : qu'elle avait étudié à
Athènes, où l'on sait qu'il n'y avait ])lus
d'études ni d'école au ix" siècle ; qu'elle
était accouchée en allant en procession de
Saint-Pierre au jialais de Latran : qu'elle
Qu'elle soit bénie et reçoive la récompense seule di-
gne liVile, une ailhéslon entière i» riinité ! Le lenips
lies dciclainalions est passé. Pour juger l'Iiglise ro-
maine et la chaire pontilicale, il fanl en revonii- aux
laits premiers, à l'inslitution lueniicre. Pierre liit-il
établi le chef, le fonileuient, le pasteur souverain de
l'Eglise? Pierre .a-t-il eu des' successeurs ? Voilà
tout. Si telle lut l'institution primitive et divine,
quoi qu'on en puisse penser et dire, ni les fautes si
exagérées des uns, ni les attaques trop certaines et
trop araéres des autres, ni les théories les plus spé-
cieuses et les plus chères ne sauraient changer ce fait
ne sauraient séparer ce que Dieu a uni, ni détruire
cequilirisntua.il reste alors à s'humilier sous la
main puissante et miséricordieuse du Dieu trois lois
bon, pour reconnaître, aimer son autorité paternelle
dans l'unité même romaine, et pour s'embrasser
enfants de la même famille, dans l'amour d'une in-
dissoluble fraternité, iji uiiijie Ijuleinitalis. i
Dictions. iie Théol. hocmatique. III.
avait été mise à mort en piuiiiioii de son
crime, et enterrée au lieu même de son ac-
couchement, etc., pendant qu'il n'y a jamais
eu aucun vestige de tombeau dans cet en-
droit. Une femme grosse et près de son ter-
me ne se serait pas exposée en public dans
cette circonstance. Marianus Scotus ne rap-
porte point ces derniers fails. Ainsi il est
évident que la fable s'est augmentée sous la
main des dillerents copistes. 4" L'on montre,
dans un garde-meuble de Saint-Jean de
Latran, une chaise de porphyre artistcment
travaillée, dont la structure lemonie évidem-
ment aux siècles du [laganisme, |iendant les-
([nels la sculpture était la plus parfaite. Cette
chaise servait iirobablement à prendre le
bain, ou à quelque cérémonie superstitieuse;
la forme de cette chaise, dont on ignorait
l'usage, a pu donner lieu à la fable imaginée
du temps de Marianus Scotus.
Plusieurs auteurs protestants, fAchés de ne
pouvoir plus objecter cette histoire absurde
aux catholiques, n'y ont renoncé qu'à re-
gret : ils ont conclu que, malgré les preuves
de ceux qui nient absolument lo fait, il de-
meurait pour le moins douteux. Mosheiiu
dit (ju'après avoir examiné la chose sans
])arlialité, il lui paraît que cette histoire doit
son (irigine à quelque événement extraor-
dinaire qui arriva pour lors à Rome. Il n'est
pas croyable, dit-il, qu'une foule d'histo-
riens aient cru et rapporté ce fait de la même
manière, pendant cinq siècles consécutifs,
s il était absolument destitué de tout fomle-
ment; mais on ignore encore ce qui a donné
lieu à cette histoire, et il y a lieu de croire
qu'on l'ignorera toujours, ix" siècle, w part.,
c. Il, S 4- A cela nous répondons que s'il
était arrivé dans ce temps-là quelque évé-
nement extraordinaire à Rouie, les témoins
ocidaires, tels que Anastase et les auteurs
contemporains , en auraient certainement
jiarlé. Est-ce donc là la seule table qui ait
été forgée dans le \i' siècle, sans aucun fon-
dement'/ On sait que la méthode des chro-
niqueurs des bas siècles est de rapporter
tout ce qu'ils ont lu ou entendu dire, sans
critique et sans choix. Dès qu'un auteur
quelconque a parlé d'un fait, c'en a été as-
sez pour qu'il fût copié et amplitié jiar ceux
([ui ont écrit après lui, sans qu'aucun ait été
curieux de remonter à la source. Mais tel est
le laible des protestants : lorsqu'il est question
d un tait favorable à l'Eglise romaine, les
preuves les plus démonsti'atives sudisent à
lieine pour les persuader; s'agit-il d'un évé-
nement injurieux au catholicisme, les plus
faibles iirobabilités les déterminent à y
ajouter foi ; et lors même qu'ils n'oseraient
plus l'aflirmer, ils veulent avoir au moins la
consolation d'en douter. C'est la maladie de
tous les incrédules. Leibintz, qui n'aimait
pas les fables , avait fait une dissertation
liour achever de détruire celle de la papesse
Jeanne: mais elle n'a pas encore été publiée.
Esprit (le Leibnitz, t. II, p. 30.
PAQUE, fête des Juifs. Le mot hébreu
phase, et le syriaque pusca, signilieut pas-
■lage : ainsi, la pdque fut instituée en mé-
i259
PAQ
PAQ
i-im
moire du passage de l'ange exterminateur,
' qui tua dans une nuit tous les ])reiriiers-nés
des Egyptiens et éjiargna ceux des Hébreux,
miracle qui fut suivi du passage de la mer
Rouge. Cest la pâque, dit Moïse dans l'Exode,
c'est-à-dire le passage du Seigneur, c. xii ,
V. 11.
Voici de quelle manière il fut ordonné aux
Hébreux de la célébrer en Egypte pour la
première fois. Le dixiènie jour du premier
mois du printemps, nommé Nisan, chaque
famille choisit un agneau mâle et sans dé-
faut, et le garda jusqu'au quatorzième du
même mois; ce jour, sur le soir, l'agneau
fut égorgé, et après le coucher du soleil on
le fit rôtir pour le manger la nuit suivante,
avec des pains sans levain et des laitues
amères. Comme les Hébreux devaient partir
de l'Egvpte immédiatement après ce repas,
ils n'eurent pas le temi>s de faire lever de
la pâte. Ce pain sans levain et insipide est
appelé dans l'Ecriture sainte un pain d'afflic-
tion, parce qu'il était destiné à faire souve-
nir les Hébreux des peines qu'ils avaient
souffertes en Egypte ; et c'est pour la même
raison qu'ils devaient y joindre des laitues
amères.
11 leur fut encore ordonné de manger cet
agneau tout entier dans une même maison,
sans en rien transporter dehors ; d'avoir les
reins ceints, des souliers aux pieds et un
bâton à la main, par conséquent l'équipage et
la posture de voyageurs prêts à partir. Mais
Moïse leur recommanda surtout de teindre
du sang de l'agneau le linteau et les deux
jambages de la porte de chaque maison, afin
que l'ange exterminât ur, voyant ce sang,
Eassât outre et é|iargnât les enfants des Hé-
reux, pendant qu'il mettrait h mort ceux
des Egyptiens. Enfin, les Hébreux reçurent
l'ordre de renouveler chaque année cette
même cérémonie, afin de perpétuer parmi
eux le souvenir de leur délivrance miracu-
leuse de l'Egypte et du passage de la mer
Rouge ; ils devaient s'abstenir de manger du
pain levé pendant toute l'octave de cette
fête, et ne briser aucun des os de l'agneau ;
l'obligation du la célébrer était si sévère,
que quiconque aurait négligé de le faire
devait être condamné à mort {Num. ix, 13).
C'était une des grandes solennités des Juifs ;
et pour participer au festin de l'agneai, il
fallait absolument être circoncis. Cette fête
se nommait aussi la fête des Azymes. Dans la
suite les Juifs ajoutèrent plusieurs observan-
ces minutieuses à celles qui étaient formel-
lement ordonnées par la loi. Reland, Antiq.
sacr. vet. Heb., pag. 220.
Les Hébreux mangèrent pour la seconde
fpis la pâque dans le désert de Sinaï, l'année
d''api'ès leur sortie de l'E.^ypte {Nutn. ix, 5) ;
et ïosué la leur fit célébrer en sortant du
désert pour entrer dans la terre promise
{Jos'ùe, V, 10). Ainsi cette cérémonie fut
observëê d'année à autre par les témoins
oculaires des événements qu'elle attestait,
par les aînés des familles qui avaient été
préservés eux-mêmes des coups de l'ange
e'xtti'mîiiateùT. H leur était ordonné d'in-
struire soigneusement leurs enfants des rai-
sons et du sens de cette fête religieuse
[Exod. xn, 36). Elle ne ressemble donc en
rien aux fêtes que les païens célébraient en
mémoire d'événements fabuleux : celles-ci
n'avaient pas été instituées à la date môme
de ces événements, mais plusieurs siècles
après; elles n'étaient iioint observées par
des témoins oculaires des faits ; elles attes-
taient donc seulement la croyance publique,
mais cette croyance n'était fondée sur aucun
témoignage authentique ; au lieu que celle
des Juifs venait de l'attestation de témoins
oculaires. L'affectation des incrédules de
méconnaître cette différence n'est pas un
trait de bonne foi. C'est avec raison que les
auteurs sacrés nous ont montré dans l'agneau
immolé pour la pâque, dont le sang avait
préservé les enfants des Hébreux des coups
de l'ange exterminateur, une figure de
Jésus-Christ. Il est en etîet la victime immo-
lée sur la cioix, ({ui par son sang a sauvé
le genre humain des coups de la justice di-
vine, et l'a délivré d'une servitude beaucoup
plus cruelle que celle des Hébreux en
Egypte. Aussi est-il appelé dans l'Evangile
l'Agneau de Dieu, qui efface les péchés du
monde. Saint Paul dit qu'il a été immolé
pour être notre jjfîçwe (/Cor. v, 7). Un évan-
géliste nous fait remarquer que l'on ne brisa
point les jambes à Jésus crucifié, parce qu'il
était écrit de l'agneau pascal, vous ne brise-
rez point ses os [Joan. xix, 36). 11 est bien
singulier que le Sauveur ait été mis à mort
le môme jour précisément que les Israélites
étaient sortis de l'Egypte, et que du haut de
sa croix il ait vu les préparatifs qui se fai-
saient à Jérusalem pour le grand jour du
sabbat, et pour les sacrifices dont il rem-
plissait lui-môme la signification. Selon une
vieille tradition juive, c'était à ce môme
jour que Dieu avait fait alliance avec Abraham,
et lui avait annoncé la naissance d'Isaac.
Reland, ibid., p. 236.
Les évangélistes nous apprennent que
Jésus-Christ a célébré, plus d'une fois pen-
dant sa vie, cette fêtr, pour laquelle les Juifs
se ren laient de toutes parts à Jérusalem, et
qu'il fit encore la pâque avec ses disciples la
veille de sa mort; mais à cette cérémonie
il en substitua une plus auguste, celle de
l'eucharistie, qui est le sacrifice de son
corps et de son sang. A la vérité, si l'eucha-
ristie n'était qu'une simple figure, elle serait
moins expressive et moins parfaite que celle
de l'agneau pascal; mais drs que c'est réelle-
ment le corps et le sang de Jésus-Clirist, il
est clair que c'est la réalité qui succède îi
la figure, et que Jésus-Christ a dit avec vé-
rité du calice qu'il présentait à ses disciples :
Ceci est le sang d'une nouvelle alliance. Mais
on a disputé pour savoir si Jésus-Christ
mangea réellement l'agneau pascal avec ses
disciples, la veille de sa mort. La principale
raison de ceux qui en ont douté est qu'il
est (lit {Joan. xvrii, 28j, que lorsque Jésus-
Christ fut présenté à Pilate, les Juifs nu
vouluient point entrer dans le prétoire, âe
peur de se souiller, parce qu'ils voulaient
1261
PAO
PAO
{2(;2
manger In pâquc Ce n'est donc que ce jour-
ik que l'on devait manger ragncau pascal ; il
n'est pas probable que Jésus-Clirist l'ait
mangé la veille, et vingi-qiiatre heures
avant le moment fixé. Tel est le sentiment
que dom Calmet a soutenu dans une ilisser-
tatiou sur ce sujet ; mais on lui a fait voir
que cette opinion est coiilraire à plusieurs
textes formels des évangélistes. Bible d'A-
vignon, toni. XIII, p. '»30.
Le père Hardouin a pensé que l'usage des
Galiiéens était de faire la pâqne un jour plus
tôt que les autres Juifs, et que Jésus-Christ
né en (îalilée, aussi bien que ses apôtres,
ravalent faite selon la coutume de leurs
com|iatrioles; mais cette conjecture ne pa-
raît ])as siitfisamment prouvée. D'autres ont
été jxn'suadés ijue Jésus-Christ avait mangé
l'agucau pascal en môme temps que le com-
mun des Juifs, mais que les ijretres de Jé-
rusalem i-etardèrent leur pdqiie de vingt-
quatre heures cette aimée-là, soit parce que
ie lendemain était le grand jour du sabbat,
et qu'ils voulurent faire la cérémonie en le
commençant, soit pour quelque autre raison
tjue nous ignorons. Pour expliquer le texte
de saint Jean, il n'est pas nécessaiie de re-
courir à ces clivers ex|)édienls. Dom Calmet
lui-môme a reconnu que le mot pâquc se
prend en plusieurs sens diflërents dans l'E-
01 ilure sainte ; il signifie, 1° !e passage de
l'ange exterminateur, c'est le sens le plus
littéral ; 2" l'agneau que l'on immolait ; 3°
les autres victimes et les sacrilices que l'on
olfrait le lendemain ; k" les azymes ou pains
sans levaiu que l'un mangeait pendant les
sept jours de la fête ; 5" la veille et les sent
jours de cette môme fôte ; ajoutons, 6° le
grand sabbat qui lomi)ait l'un de ms si^pt
jours (Jonn. \i\, .31). Ainsi Parasccve Prts-
chœ, ibid., v. 14, n(^ signifie pas la prépara-
tion du re;^as de l'agneau, mais la prép ra-
tion au sabbat qui tombait dans l'octave.
Par conséquent lorsqu'il est dit, c. xvîii,
v. 28, que les Juifs craignirent de se souil-
ler, ()ai'ce qu'ils voulaient manger la pâquc,
cela peut très-bien s'entendre dans le tr i-
sième sens, des victimes qui devaient élre
ollertes en sacrilice c« jour-là. <Juant à cj
que dit dom Calmet, iiu'il n'est pas CToyable
que les Juifs eussent isit saisir Jésus-Christ,
l'eussent condamné et crucifié le vendredi,
si ce jour eût été un jour de fèlo et le pre-
mier de la solciuiité des A ymt^s, il ne fait
|)as attention que le repos n'était pas com-
Mjaiioé aux Juiis deux jours de suite, et que
le lendemain était le jour du sabliat ; le re-
pos de la fête ne devait donc commencer
cette année-là que le vendredi soir, au cou-
cher du soleil. On sait d'ailleurs que quand
il s'agissait de satisfaire un • passion violente,
les Juifs n'étaient pas fort scrupuleux. L'on
a encore trouvé de la difiiculté à savoir
combien de fois Jésus-Christ a célébré la
pâque depuis le comujencement de sa pré-
dication jusqu'à sa mort; les uns ont dit
qu'il avait fait trois pdgnrs, d'autres en ont
compté quatre, d'autres cinq ; ce qu'il y a
de certain, c'est que l'Evangile ne faii men-
tion que de trois ; c'est aussi le sentiment
le plus suivi par les anciens, et auquel il
est à iiropos de s'en tenir.
PAQUES, fôte qui se célèbre dans l'Eglise
chrétienne, en mémoire de la résurrection
de Jésus-Christ. On lui a donné ce nom ,
parce qu'il est arrivé plusieurs fois, dans les
premiers temps de l'Eglise , qu'on la faisait
en même temps que les Juifs célébraient
leur pAque. Les plus anciens monuments
nous attestent que cette solennité est de
môme date que la naissance du christia-
nisme, qu'elle a été établie du temps des apô-
tres, témoins oculaires de la résurrection
du Sauveur, et qui, i)lacés sur le lieu môme
où ce grand miracle était arrivé, ont eu tou-
tes les facilités possibles de se convaincre
du fait ; ils n'ont donc pu consentir à solen-
niser cette fête, que parce qu'ils étaient in-
vinciblement persuadés de l'événement im-
portant qu'elle attestait. On doit donc en rai-
sonner comme de la pdqw juive à l'égard
des faits dont celle-ci était un monument.
Aussi , dès les jiremiers siècles , la fête de
Pdgues a été regardée cmime la plus grande
et la plus auguste fête de notre religion;
elle renfermait les huit jours que nous nom-
mons la semaine sainte , et l'octave entière
du jour de la Résurrection; ou y adminis-
trait solennellement le baptême aux caté-
chumènes ; les fidèles y particijiaient aux
saints mystères avec plus d'assiduité et de
ferveur que dans les autres temps de l'an-
née ; on y faisait d'abondantes aumônes :
la coutume s'introduisit d'y alfranchir les es-
claves ; plusieurs em|iereurs ordonnèrent de
rendre à cette occasion la liberté aux pri-
sonniers détenus pour dettes ou pour des
crimes qui n'intéressaient point l'ordre pu-
blic. Entin l'on s'y préparait comme l'on fait
aujourd'hui par le jeûne solennel de qua-
rante jours, que nous appelons le carême.
Au n" siècle, il y eut de la variété entre les
dilférentes Eglises , quant à la manière de
célébrer cette solennité. Celles de l'Asie mi-
neure la fassaient comme les Juifs , le qua-
torzième lie la lune de mars; l'Eglise ro-
maine, celles de l'Occident et des autres par-
ties du monde , la remettaient au dimanche
suivant : les Asiatiques prétendaient avoir
reçu leur usage de saint Jean l'Evangéliste
et de saint Philippe ; les Occidentaux et les
autres alléguaient pour eux l'autorité de saint
Pierre et de saint Paul ; et il paraît que cette
diversité dura jusqu'au concile de Nicée-,
tenu l'an 325. Pour comprendre le véritable
objet de la dispute, il faut savoir, l' que pour
imiter l'exemple de Jésus-Christ , les chré-
tiens de l'Asie Mineure avaient coutume de
manger un agneau le soir du 14* jour de la
1 :ne de mars, comme font les Juifs, et de
nommer comme eux ce repas la pâque. On
dit que cet usage subsiste encore chez les
Arméniens, chez les coplites et chez d'autr
c'irétiens orientaux. 2° Dès ce moment p!
sieurs rompaient le jeûne du carême; si d'i
très l'observaient encore les deux jours
vants , ce repas y avait mis du moins
interruption. 3° L'usage constant était, co
Ii63
PAQ
PAQ
1264
. encore aujoard'hui, de célébrer la fête de la
Résurrection de Jésus-Christ le troisième
JQur après le repas de la pâque ; ainsi lors-
que le quatorzième de la lune tombait un
autre jour de la semaine que le jeudi, la fêle
de la Résurrection ne pouvait plus se faire
le dimanche ou le premier jour de la se-
maine, qui est cejiendant le jour auquel Jé-
sus-Christ est ressuscité. k° A Rome, dans
tout l'Occident ci dans toutes les Eglises
hors de l'Asie Mineure, les chrétiens retar-
daient le re|)as de l'agneau pascal jusqu'à la
nuit (lu samedi , afin de le joindre h la joie
du mistèr^' de la résurrection ; c'est <» quoi
fait encore allusion la préface qui se chante
dans la bénédiction du cierge pascal , où le
célébrant dit : « C'est dans cette nuit qu'est
immolé le véritable agneau par le sang du-
quel sont consacrées les maisons des fidè-
les.» Conséquemment l'on repiésentait aux
Asiatiques qu'il ne convenait pas aux c!iré-
tiens de manger la jiâque avec les Juifs , de
rompre le jeûne du carême avant la fête de
la Résurrection , ni de célébrer celle-ci un
autre jour (}ue le dimanche. Ainsi, quand on
dit que les Asiatiques faisaient la pdque le
14* de la lune de mars, cela ne signifie point
que ce jour-là ils célébraient la fêle de la
Résurrection, mais qu'ils mangeiaient l'agneau
pascal. Le P. Daniel, jésuite, a éclairci ce
fait en 17-2'i. , dans une dissertation sur la
discipline des qLiarto-décimans , recueil de
ses ouvrages, tomo III. Mosheim l'a prouvé
de nouveau en 1753. Hist. christ., sasc. 2,
§ 71. Quoique cette diversité d'usage n'inté-
ressât point le fond de la religion, d en ré-
sultait néanmoins des inconvénients. Lors-
que deux Eglisi'S de diirérent rite étaient voi-
sines, il paraissait ridicule que l'une tlonnât
dans son culte extérieur des signes de joie ,
pendant que l'autre était encore dans un
deuil religieux de la mort du Sauveur, jeû-
nait et faisait pénitence. Ce pouvait être un
sujet de scandale pour les infidèles , et la
marque d'une espèce de schisme entre les
deux Eglises. On jugeait qu'une fête aussi
solennelle devait être uniforme , d'autant
plus qu'elle sert à régler le cours de toutes
les autres fêtes mobiles. Eusèbe , de Vita
Constant., 1. m, c. 18.
Vers l'an 152 ou IGO, saint Polycarpe, évê-
que de Smyrne, vint à Rome, et conféra sur
ce sujet avec le pape Anicet; le résultat fut
que chacun garderait la pratique de son
Eglise. Sur la fin de ce siècle, vers l'an J9V,
la contestation se réveilla. Polycrate , évo-
que d'Ephêse , ayant mandé au pape Vic-
tor qu'il avait résolu dans un concile de con-
tinuer, comme au|)aravant, à célébrer \apd-
que le -quatorzième de la lune de mars, ce
pape en fut irrité ; il assembla un concile de
son côté, et tenta d'excommunier les Asiati-
ques. Eusèbe, Hist. écoles., 1. v, c 2.3 et 24.
Voy. les Notes de Valois. Saint Irénée, évo-
que de Lyon, lui écrivit à ce sujet et bh'ima
cette rigueur ; il lui re|)résenta ce qui s'é-
tait jiassé entre les deux saints évoques
Anicet et Polycarpe, et il conclut que l'atta-
chement des évè([ues do l'Asie Mineure à
leur ancien usage n'était point un juste su-
jet de faire schisme avec eux. Il y a contes-
tation entre les savants, pour savoir jusqu'oii
Victor poussa son zèle dans cette question ;
les uns, surtout les jiroteslants, disent qu'il
excommunia de fait les Asiatiques, mais que
cette censure fut méprisée par tous les au-
tres évêques ; d'autres disent qu'il se con-
tenta de les menacer, que c'est le sens du
mot dont se sert Eusèbe , il tenta de les ex-
coranmnier. Mosheim pense que ce pape re-
trancha en effet les Asiatiques de sa commu-
nion , qu'il tenta de les priver par là de la
communion des autres évoques , mais que
ceux-ci ne voulurent jias l'imiter. Quoiqu'il
en soit , les protestants ont saisi cette_ occa-
sion de déclamer contre ce pontife : il n'a-
vait, disent-ils , aucune juridiction sur les
évêques d'Asie ; jusqu'alors on avait jugé
que la discipline devait être arbitraire ; lé
sujet n'était pas assez grave pour mériter
une excommunication : c'est un des premiiTS
exemples de l'autorité que les pa|)es se sont
attribuée sur toute l'Eglise ; mais le peu d'é-
gard que l'on eut pour la censure de Victor ,
démontre que l'on lut indigné de cette pié-
tention. Le Clerc , Hist. ecclés. , an 194 et
19G.
Mais avant de condamner ce pape, il au-
rait du moins fallu convenir des faits que
nous apprend Eusèbe , Hist. ecclés., 1. v,
c. 23, 24-, 25. 1° Ce pontife n'agissait point
de son prop. e mouvement ; avaiit qu'il pro-
cédât contre les Asiatiques, il y avait eu plu-
sieurs conciles tenus à ce sujet , un dans la
Palestine, un dans le Pont, un dans l'Os-
rhoéne, province de la Mésopotamie, un dans
les Gaules, une lettre écrite jiar i'évêquede
Corintlie , et Victor agissait à la tête d'un
concile de Rome ; tous avaient décidé qu'il
ne fallait point faire la pâque avec les Juifs;
un canon de ces conciles ^e trouve au nom-
bre des Canons apostoliques en ces termes :
<i Si un évêque , un prêtre ou un diacre cé-
lèbre le saint jour de Pâques avant l'équi-
noxe du printemps comme les juifs , qu'il
soit déposé. » Can. 5, 7 ou 8. Ces conciles
ne regardaient donc point alors la question
comme indifférente ; les choses n'étaient plus
au même état que du temps d'Anicel et de
Polycarpe; et saint Irénée a pu ignorer ces
circonstances quand il écrivit à Victor. 2° Ni
Polycrate ni saint Irénée ne reprochent à ce
pape de s'aitribuer une autorité qui ne lui
apiiartenait pas; le concile des évêques de
la Palestine avait ordonné que sa lettre sy-
nodale fut envoyée ii toutes les Eglises; elle
fut donc envoyée à Rome, et elle atteste que
celles du patriarcat d'Alexandrie pensaient et
agissaient de même au sujet de \ à pdque.
3' Il est évident que la tradition sur laquelle
se fondaient Polycrate et ses comprovinciaux
était très -apocryplie. Cet évêque n'allègue
que l'usage qu'il avait trouvé établi. Saint
Jean et saint Philippe, dont il cite l'exemple,
pouvaient avoir toléré cette coutume sans
l'approuver positivement; toutes les autres
Eglises alléguaient une tradition contraire.
Il est donc faux que jusqu'alors ou eût jugé
1265
PAR
VAR
1206
que celle (li,sei|iliue devait tMre Mibitraire,
comme le veulent les ijroleslaiits. V" Une
preuve que Victor n'avait pas' tort, c'est que
sa manière de penser lut contiruiée par le
concile général de Nicée.
En cll'et, l'an 325 , ce concile décida que
désormais toutes les Eglises célébreraient
uniformément la fête de Pâques, le dimanclie
après le quatorzième de la lune de uuu's, et
non le même jour que les Juifs. Kusèbe nous
a conservé le discours que Constantin lit au
concile îi ce sujet, de Yila Const., 1. m, c. 18;
et cet usage est devenu général. Ceux cpii
ne voulurent pas s'y conforuu r furent dès
lors regardés eomraeschismalii[ues et comme
révoltés contre l'Rglisc. On les U'inma quar-
toclecimans , telradecalites , prolopaschiles ,
uudiens , etc. Depuis cette épo(iue , il n'y a
eu entre les (lillerentes Eglises d'autre varia-
tion que celle cpii a été quelquefois causée
par un faux calcid des phases de la lune, et
par l'usagi- d'un cycle fautif. Comme il y
avait dans Alexandrie une école célèbrt^ d'as-
trononne et de matbéuiatiques, le patriarche
de cette ville était chargé de notilier d'a-
vance aux aulns Eglises le jo u' au(|uel la
lêle de Pâques devair tomber; il en écrivait
au pajjc qui l'indiquait à toutes les Eglises
de l'Occident. Aujoui-d'hui les jirotestants
ju,-ent qu'il n'y a rien de si beau ni de si
salutaire au christianisme que l'indépen-
dance ; dans les premiers siècles , au con-
traire , on voulait l'ordre et l'uniformité ,
môme dans la discipline, parce que les varia-
tions et les insiitutions arbitraires ne man-
quent jamais d'engendier dos erreurs. On
sait que dans ces temps-là les (idèles jias-
saient à l'église, et en prières, la plus grande
paitic de la nuit de Pâques; on l'appol.iit la
grande vigile , pervigilium pascliw , et on ne
se séparait qu'au chant du coq, pour se li-
vrer à une joie innocente. Nous ne traite-
rons f>oint de superstition la coutume de
manger un agneau pascal dans cette solen-
nité; cet usage n'avait rien de coumiun avec
celui des ju fs, puisque l'on ne s'y pro{)Osait
rien autre chose que d'imiter le repas que
Jésus-Christ fit avec ses apôtres la veille de
sa mort.
Le véritable agneau pascal des chrétiens
est Jésus -Christ : « Il a été iinumlé , dit
saint Paul, puur notre pdque; mangeons-le,
non avec le vieux levain de malice et il'ini-
quité, mais avec les azymes de la candeur et
de la vérité [ I Cor. v, 7). C'est pour cela
même que , dans la suite des siècles , lors-
que la piété s'est refroidie parmi les fidèles,
l'Eglise leur a imposé un précepte rigoureux
de la communion pascale : faire ses pâques ,
signifie participer à la sainte eucharistie.
J'oy. Communion PASCALE. Bingham , Oriqin.
ecclésiast-, 1. xx, c. 5.
PAR.\1J0LE. Ce terme grec, qui est reçu
dans notre langue , signifie communément
dans l'Ecriture sainte un discours qui pré-
sente un sens et qui en a un autre, mais
que l'on peut saisir avec un peu d'intclli-
gi'nceet d'attention. Les paraboles des livres
saints sont doue des instructions indirectes
e1 détournées , des com[)araisons , des em-
l)lèuu's qui cachent une; leçon de morale ,
afin d'exciter la curiosité et l'attention des
auditeiu's. Cette manière d'enseigner [)ar des
discours figurés était fort du goilt des Orien-
taux; leurs philosophes et leurs sages en ont
toujours fait grand usage ; les prophètes s'en
servaient de même pour rendre plus sensi-
bles aux princes et aux peujiles les répri-
mandes, les i)romess(;s et les menaces qu'ils
leur faisaient de la part de Dieu. .Vinsi ils re-
prochent souvent à la nation juive son infi-
délité à l'égard tie Dieu, sous la /j«/v//>o/e d'une
femme adultère , d'um; vigne qui ne rap-
]iorte que de mauvais fruits , etc. Ils décri-
vent les violences des ])eui)los ennenns des
Juifs , sous l'image de ([iielque animal fé-
roce; Nathan reproche ii David son adultère
sous la parabole d'un honmic riche qui a en-
levé la brebis d'un pauvre , et par cet inno-
cent artifice il réduit ce roi k se condamner
lui-même ; Ezéchiel représente le rétablisse-
ment de la nation juive dans In Pales ine ,
après la captivité, sous l'iiuage des os de plu-
sieurs cadavres dispersés , ([ui se rapjiro-
chent , se revêtent tle chair et de peau , et
reprennent uni^ nouvelle vie , etc. Jésus-
Christ usa fréquemment de ce genre d'in-
struction, ])arce que c est celui qui est le plus
proportionné îi la capacité du peuple , et le
plus propre à exciter son attention. Voy. Al-
légorie. Le nom de parabole désigne quel-
quefois une simple comparaison: 1" lorsque
Jésus-Christ dt : Comme il arriva du temps
de Noé à l'égard du déluge, autant en sera-
t-il au jour de la venue du Fils de VHomme
[Matth. XXIV, 87); cela signilie que quand
Jésus - Christ viendra |)our punir la naiion
juive, cet événement sera aussi imprévu
pour elle que le fut le déluge pour les con-
temporains de Noé. — 2" Ainsi Balaam, ap-
pelé pour maudire les Hébreux et pour leur
annoncer des malheurs, pr 'dit, au contraire,
leur prospérité sous ditférentes images qui
sontnommées paraboles [Num.^wu et xxiv).
— 3° Ce terme signifie quelquefois une sen-
tence, une maxime de morale et de con-
duite ; dans ce sens, il est dit (/// Reg.iy, 32),
que Salomon composa trois mille paraboles.
— h-' 11 désigne ce qui est digne de mépris ;
dans ce sens, Dieu menace son peu|ilede le
rendre la parabole ou la fable des autres na-
tions ; David se plaint d'être devenu la para-
bole ou le sujet du mépiis de ses ennemis.
Les Juifs, irrités des prédictions d'Ezéchiel,
demandent : « Cet homme no nous débite-
t-il pas des/jora^o/es? » c. xx, v. W, c'est-k-
dire des fables et des discours frivoles.
Selon la sage observation de saint Clémen'
d'Alexandrie, lorsqu'il est question de para-
boles, il ne faut pas presser tous les termes,
ni exiger que l'allégorie soit toujours soute-
nue; il faut seulement considérer l'objet
princi|ial , lo but , l'intention de celui qui
parle. Ainsi dans la parabole des talents
{Maith. XXV, 24i, le mauvais serviteur dit k
son maître : «Je sais que vous êtes un homme
dur, qui moissonnez où vous n'avez pas se-
mé , et qui recue'llez où vous n'avez rien
1267
PAR
PAR
1^268
mis. » Non-seulemeut ce discours n'est pas
décent dans la bouche d'un serviteur à l'é-
gard de son maître, mais il ne peut dans au-
cun sens être appliqui^ à Dieu; le but de la
parabole est donc seulomcnt de peindre, par
ces expressionsoutr('es,les mauvaises excuses
d'un serviteur paresseux et infidèle. Dans
celle du fermier dissipateur {Luc. xvi, 8), il
est loué pour avoir remis aux débiteurs de
son maître une partie de leurs dettes , atin
de trouver auprès d'eux une ressource dans
ses b soins ; cette conduite n'est pas approu-
vée comme juste, mais comme un irait de
prévoyance et de prudence , qui doit nous
servir de modèle dans l'usiige de nos pro-
pres biens. C'est mal à propos que quelques
incrédules on ont été scandalisés. Us le sont
encore plus de la manière dont Jésus-Christ
a parlé de ses propres paraboles; loin de s'en
■ servir, disent-ils, afin d'ôlre mieux entendu,
il déclare lui-nièrae qu'il en fait usage , afin
que les Jiâls ne l'entendent point : cela est
formel dans le texte des quatre évangé-
listes.
Comparons-les et voyons ce qu'ils disent.
Mdtih., c. xiii, V. 10, les disciples de Jésus
lui disent : « Pourquoi parlez-vous en para-
boles à ces geDS-lc\? Jésus réiond : Paire
qu'il vous est donné de connaître les mystères
du royaume des deux , et cela ne leur est pas
donné Je leur parlerai en paraboles, parce
qu'ils regardent et ne voient point ; ils écou-
tent, et ils n'entendent ni ne comprennent.
Ainsi s'accomplit à leur égard cette prophé-
tie d'Isaïe : Vous écouterez et vous n'enten-
drez pas, vous regarderez et vous ne verrez
pas. En effet, le cœur de ce peuple est appe-
santi, ils écoutent malgré eux, et ils ferment
les yeux, de peur de voir, d'entendre, de
comprendre dans leur cœur, de se convertir,
et d'être guéris par mes leçons. » Il est donc
clair que c'était la faute des Juifs et non celle
du Siuveur, s'ils ne comprenaient pas ses
discours. 11 leur parlait en paraboles, afin de
réveiller leur attention et leur curiosité , et
afin de les exciter à l'interroger , comme
faisaient ses disciples ; mais ces endurcis
n'en faisaient rien, ils sembl.iient craindre
d'entendre et de voir trop clairement la vé-
rité : de là Jésus-Christ conclut qu'il était
donné à ses discinles de connaître les mys-
^tères du royaume de Dieu, puisqu'ils cher-
chaient à s'instruire, et que cela n'était ])as
donné aux Juifs, puisqu'ils avaient ])eur d'ê-
tre instruits. 11 faut s'aveugler comme eux,
pour ne pas voir ce sens. Même langage dans
saint Marc, c. iv, v. 11, et Luc, c. viii, v. 10,
lorsqu'on leur fait dire : « Tout est proposé
en paraboles à ces gens-là, afin qu'ils regar-
dent et ne voient pas, etc. » On fait une
fausse traduction ; le texte signifie simple-
ment : « Tout leur est dit en paraboles, de
manière qu'ils regardent et ne voient pas,
etc. » Puisqu'entin, (|uand on examine en
elle-même la parabole dont il est question
dans cet endroit, qui est celle de la semence,
il est évident qu'elle n'est ni obscure, ni
captieuse, ni faite exprès pour tromper, et
qu'avec une attention médiocre il est aisé
d'en prendre le sens ; mais comme c'était un
reproche que Jésus-Christ faisait aux Juifs
des mauvaises dispositions dans lesquelles
ils écoutaient sa parole, ces opiniâtres n'a-
v.;ient garde de lui en demander une expli-
cation plus claire, connue le firent les apô-
tres. Ce que dit saint Jean, c. xii, v. 37, a le
même sens : « Quoique Jésus, dit-il, eût fait
de si grands miracles devant eux, ils ne
croyaient pas en lui; de manière que (et non
apn que) l'on vit l'accomplissement de ce
que dit Isaïe : Seigneur, qui a gru à ce que
nous avons annoncé? Ils ne pouvaient jias
croire, parce que Isaïe a encore dit : // a bou-
ché leurs yeux et il a endurci leur cœur de
peur qu'ils ne voient, n'entendent , ne se con-
vertissent et ne soient guéris. Le prophète a
ainsi jiarlé quand il a vu la gloire du Messie
et a parlé de lui . «
11 est évident, 1" que les miracles do Jé-
sus-Christ étaient très-capaltles iiar eux-mê-
mes d'éclairer et de touclierles Juifs, et non
de les aveugler ou de les endurcir ; 2° qu'il
serait absurde de dire que les Juifs ne
croyaient pas, afin de vérifier la prophétie
d'Isaïe ; ce ne fut jamais là l'intention des
Juifs, et cette propliétie ne pouvait influer en
rien sur leur incrédulité ; au contraire, s'ils
y avaient fait attention, elle aurait dû leur
dessiller les yeux. .3» Il est dit qu'ils ne pou-
vaient pas croire dans le même sens que nous
disons d'un opiniâtre : Cet homme ne peut se
résoudre à faire telle chose, et cela signifie
seulement qu'il ne le veut pas, qu'il y a
beaucoup de répugnance ; ainsi l'a entendu
saint Augusiin en expliquant cet endroit de
l'Evangile, Tract. 53 in Joan., n. 6. Aux mots
AVEIGLEMENT et ENDURCISSEMENT, nOUS
avons fait voir que ces termes signifient seu-
lement que Dieu laisse endurcir ceux qui le
veulent, qu'il le permet et ne les empêche
point ; que, loin d'y contribuer positivement,
il leur donne des grAces, mais non des grâ-
ces aussi fortes et aussi puissantes qu'il les
faudrait pour vaincre leur obstination. Il y
aurait de la démence à soutenir que les le-
çons, les miracles, les vertus, les bienfaits
de Jésus-Christ, contribuaient positivement
à l'endurcissement des Juifs. Nous avons
encore fait voir que les mêmes façons de
parler ont lieu dans notre langue, et que ce-
pendant ]iersonne n'y est trompé.
PAKABOLANS ou PARABOLAINS, nom
que les auteurs ecclésiastiques donnent à
une espèce de clercs qui se dévouaient au ser-
vice des malades, et surtout des pestiférés.
Il est probable que ce nom leur fut donné
à cause de la fonction périlleuse qu'ils exer-
çaient ; les (irecs appelaient napaSolovt, et les
Latins parabolos et parabolarios, ceux qui,
dans les jeux de l'amphithéâtre, s'exposaient
à combattre contre les bêtes féroces. Les
païens donnèrent aux chiétiens ce même
nom par dérision, soit parce qu'on les con-
damnait souvent aux bêtes, soit parce qu'ils
s'exposaiei.t eux-mêmes à une mort presque
certaine en embrassant le christianisme. Il
y a beaucoup d'apparence que ]esparabo-
lains furent institués, vers ie temps de Cous-
i269
PAB
PAR
1870
tantin , et ((iril v en out dans toutes les
grandes églises d'Orioiit. Mais ils n'étaient
nulle yiarl en aussi grand nouibro que dans
celle d'Alexandrie où ils formaient un cor|is
de eini( cents honnnes ; Théodose le Jeune
l'auguienta cm-ore et le porta jusqu'à six
cents, parce (pie la peste et les maladies
coulagieuses étaient plus communes eu
Egypte que partait ailleurs; cet euipereur
lessoumit à la jui'idiction du [tréfet augus-
tal, qui était le premier magistrat de cette
grande ville. Cep(Midant ils devaient être
choisis jiar Té-véque et lui obéir en tout ce
ipii concernait le ministère de charité auquel
ils s'étaient dévoués. Comme c'étaient, [lour
l'ordinaire, des hommes courageux et fami-
liarisés avec l'image de la mrirt, les empe-
reurs avaient fait des lois extrôniement sé-
vères pour les Cdulenir dans le devoir, pour
empêcher (ju'ils n'excitassent des séditions
et ne prissent jiart aux émeutes qui étaient
fréquentes [larmi le |euple d'Alexandrie. On
voit par leCo e théodosien que leur nombre
était tixé, ipi'il leur était défendu d'assister
aux spectacles et aux assemblées publiques;
même au barreau, h moins (|u'ilsn'v eussent
quelqui' allaire pei'soiinelle, ou cpi'ils ne fus-
sent procureurs de leur société; encore no
leur était-il pas permis de s'y trouver deux
ensemble, Ijeaucouj) moins de s'y attrouper.
Les princes et les magistrats les regardaient
comme une espèce d'hommes formidables,
accoutumés à braver la mort et capables des
dernières violences, si sortant de leui s fonc-
tions, ils osaient se mêler des atfaires du
gouvernement. Ou en avait vu des exemples
dans le coucilial)ule d'E|ilièse, en 44-9, où un
moine syrien, nonuiié Barsumas, suivi d'une
troupe de porn6o/a/Hs armi^s, avaient commis
les derniers excès et obtenu par la terreur
tout ce qu'il avait voulu. La crainte de pa-
reils désordres avait donné lieu sans doute
h la sévérité des loisdonl on vient de i-arler.
Bingham, Orig. crrU's., tom. Il, l.iii, c. 1).
De tous ces faits il résidte qu'aucune ri li-
gion n'a inspiré une chariié aussi héroïque ii
ses sectateurs que le chistianisme. Dans une
peste nui survint en Afriijue au milieu du
111" siècle, on vit les chiétiens se consacrer
au service i:cs pesti'.éi'és , soigner également
1 s chriHiens et les païens, pendant que ceux-
ci abandonnaient leurs malades. Sanct. Cyp.,
L. de Morlal. Julien convenait dans une de
ses lettres que noti'c religion devait une par-
tie lie ses pr ig;ès aux actes de charité exer-
cés envers les pauvres, les malades et même
envers les morts. On en a vu les exemples
se renouveler par saint Charles pendant la
peste de Milan, et par M. de Belzunce pen-
dant celle de M ;rseille. C'est ce même
esprit qui a donné naissance aux ordres
religieux hospitaliers des deux sexes. Yoy.
Hospitaliers.
PAKACLKT, nom formé du grec Tràpax^rjTo,-,
qui bignilie à !a lettre un avocat, celui qui
est appelé par un coupable ou par un client
pour lui servir de conseil, d'intercesseur, de
consolateur. Jésus-Clirist a donné ce nom au
Saint-Esprit. Joan., c. xiv, v. 16 et 26, il dit
î\ ses a|>Atres : Je prierai mon Père, et il vous
duiDuru an autre consolateur I.e Saint-
Esprit consi laleur, (/«e mon Père vous enverra
en mon nom, vous enseif/nera toutes choses.
Kt saint Paul, Rom., c. viii, v. 26, dit que
l'Ks rit prie ou intercède )>our nous par «les
gémissements inell'ables. Ce même titi'e est
donné h Jésus-Christ lui-même. Saint Jean,
L'p. 1, cap. II, v. 1, dit : Si ipiclqu'un |)èche,
nous avons [lOur avocat auprès du Père, Jé-
sus-Christ juste; il est la victime de profii-
tiation pour nos péchés, non-seulement pour
les iiôtriis, mais ()our ceux du monde entier. »
Saint Paul dit dé même, Rom., c. viii, v..'i'i.,
et Ilébr., c. vu, v. 25, que Jésus-Christ
est à la droite de Dieu et inteiTède pour
nous.
Les hérétiques, qui ont attaqué le mystère
lie la sainte Trinité et la coégalté des trois
Per-sonnes divines, ont voulu se piévaloir
de ces passages ; ils luit dit c[ue les titres
^Wivocat, de mMiateur, d'intercesseur , de
suppliant, tlrnnés dans ri'lciiture sainte au
Fils et au Saint-Esjirit, prouvent évidemment
leur inégalité et leur infér'ior'ité à l'égai'il du
Père ; les sociniens i eriouvellent eni'ore cette
objection. Mais les Pères de l'Egli-se ont ré-
pondu aux anciens h.'réliques, 1° qu'un per-
sonnage constitué en dignité peut ti'ès-bien
faire les fonctions d'intercesseur et de nié-
iliateur pour un cou|iable airprès de son égal,
qu'il le peut même faire | rès d'un inférieur
sans se dégrader ; qu'ainsi il n'est pas vrai
que cette foncticui, par elle-même, soit une
fii'euve d'inégalité ; 2» que les titres, les qua-
lités, les fonctions des créatures, ne peuvent
être attribués aux Persoruies divim s ipre
par métaphore ; qu'il est ridicule d'exiger
tjue la comparaison soit absolument exacte ;
(juainsi l'ou doit entendre les noms d'avocat,
d'intercesseur, etc., donnés au Fils et au
Saint-lîsjrit, avec les mêmes correctifs dont
nous usons à ré;;ard des qualités humaines
attril)uées à Dieu le Pèr-e ; îi° qu'en ce qui re-
gai'de Jésus-Christ, les actions et les fonctions
humaines neformiirit aucune diflicullé, puis-
qu'il est Dieu et homme ; qu'ainsi il peut
faire, en tant qu'homme, ce qu'il ne convien-
drait pas de lui attribuer en tant que Dieu.
S;ins imaginer des jir ères ni des si;]iplira-
tions telles que les font les autres hommes,
son humanité sainte toujours présente à Dieu
avec ses soulTrauces et ses mérites, est une
prière équivalente, Irès-énetgique, toujours
capable d'apaiser la justice divine et d'oi te-
nir toutes les grâces dont les hommes ont
besoin. Ces réponses nous paraissent solides
et sans réplique. De là même nous concluons
que rpielqiies thé dogiens ont traité Origène
avec trop de rigueur, lorsqu'ils lui ont re-
pr'oché d'avoir dit, Uom. 7. in Levil., n. 2,
que Jésus-Christ , notre pontife auprès de
s(jn Père, est atiligé, gémit et jileure de nos
péchés, lors(|ue nous ne faisons pas péni-
tence. Il dit lui-même, n. 1, qu'il l'entend
dans un sens mystique ou tiguré. On n'est
pas scandalisé de trouver encore aujourd'hui
le même langage dans les auteurs ascétiques,
parce qu'on sait bien que tout cela ne doit
1271
PAR
PAR
1272
pas être pris à la lettre. >'o//. Médiateur. Les
protestants ont été un pou embarrassés de
concilier avec leurs préjugés ce qu'a dit saint
Irénée, orfr. Uœrct., 1. v, c. 19, que la Vierge
Marie a été Ym-ocate d'Eve ; expression qui
prouve l'intercession de la sainte Vierge et
des sainis. Les savants éditeurs de ce Père,
Dissert. 3, art. 6, n. G5 et suiv., ont réfuté
solidement les explications forcées que
Gralie et d'autres protestants ont voulu don-
ner de ce passage. Voy. Marie, § 5.
PARACLETIQUE, nom que les Grecs don-
|Uent à un de leurs livres d'office, et que l'on
ipeut traduire par invocatoire, parce que ce
i livre contient plusieurs prières ou invoca-
ti ns adressées aux saints. Ils s'en servent
pendant toute l'année, parce qu'ils ne font
presque aucun office qui ne renferme queltfue
prièretiréedece livre. Voy. Léon Allatius, Z»/*--
sert. I , sur les lii^res ecclésiastiques des Grecs.
PARADIS. Ce mot vient de l'hébreu ou du
chaldéen jîorrfé's; les Grecs l'ont rendu par
TTafiâ^Eiaoç ; il signifie non un jardin de fleurs
ou de légumes, mais un verger planté d'ar-
bres fruitiers et autres. Il est probable que
les Grecs avaient emprunté ce terme des
Perses, puisqu'il se triiu- e dans Xénophon.
Dans le second livre tïEsdras, c. ii, v. 8,
Néhémie prie le roi Artaxerxès de lui don-
ner des lettres a Iressées à Asapli, gardien
du paradis du roi, afin qu'il lui fasse doiiner
les bois nécessaires pour les bàtnnents qu'il
allait entreprendre; c'était donc un pari' rem-
pli d'arlires propres à b;itir. Salomon dit dans
VEcclésiaste, c. ii, v. 5, qu'il s'est fait des
jardins et des paradis, c'est-à-dire des ver-
gers. Dans le Cantique des cantiques, c. iv,
V. 13, il est dit que les p.lants de l'épouse
sont comme un paradis rempli de grenadiers.
Gen., c. xui, v. 10, nous lisons que la vallée
des bois, dans laquelle étaient situées les vil-
les de Sodome et de Gomorre, était semblable
au paradis du Seigneur. Dans les pro[ihètes
ce terme signifie toujours un lieu agréable
et délicieux. L'on comprend (pie, dans un
climit tel que la Palestine, l'ombre et lafrai-
<heur des bois étaient un agrément et un
avantage très-précieux. Dans le livre de l'i^c-
clésiastique, c. xliv, v. 1(5, il est dit que Hé-
noch fut agréable à Dieu et fut trans|)orté
ilans le paradis. Jésus-Christ, Luc, c. xxiii,
V. 4.3, dit au bon larron : Aujourd'hui vous
serez avec moi dans le paradis. Et saint Paul,
II Cor., c. xn, v. k, dit qu'il a été transporté
lui-même dans le paradis. De là quelques
incrédules ont conclu que les auteurs sacrés
ont conçu le séjour des bienheureux comme
les païens, qui nommaient ce séjour les
Champs élysées , et qui se figuraient que les
i1mes des héros y vivaient à l'ombre des bois,
comme les vivants faisaient sur la ferre.
Quand cela serait vrai, il s'ensuivrait seule-
ment que les anciens, qui vivaient sous un
ciel plus chaud que le nôtre, et qui ne con-
cevaient point de séjour plus délicieux que
des bosquets plantés d'arbres fruitier.'-, n'a-
vaient [)0int trouvé non jikis de terme plus
l>ropre que celui de paradis, pour ex)irimer
la denicure des i>ienheureux. Mais ce n'est
pas sur la signification littérale d'un terme
qu'il faut juger des idées que l'on y attache ;
nous nous servons nous-mêmes de co mot
pour exprimer le séjour du f)onheur éternel,
sans imaginer, comme les païens, que ce bon-
heur consiste à vivre à l'ombre des arbres et à
manger des fruits. De quelques termes que
nous puissions nous servir j>our le désigner,
ils ne nous en donneront jamais une idée
exacte, puisque ce bonheur est infiniment
au-dessus de toutes nos conceptions et de
toutes nos pensées {Isai. lxiv, h ; 1 Cor. 11, 9).
Voy. Ciel.
Parabis terrestre , jardin ou séjour dé-
licieux dans lequel Dieu avait placé Adam et
Eve après leur création. Ils y demeurèrent
tant que dura leur innocence ; mais ils
en furent chassés dès (pi ils eurent dé-
sobéi à Dieu , en mangeant du fruit dé-
fendu.
Voici la description qu'en fait Moïse
{Gen. II, 8) : « Dieu avait planté un jardin
en Eden, du côté de l'orient , et il y plaça
l'homme qu'il avait formé. Il y avait fait naître
tous les arbres les plus agréables à la vue,
et dont les fruits sont les meilleurs ; l'arbre
dévie était au milieu du jardin, aussi bien
que l'arbre de la science du bien et du mal.
Un fleuve sortait d'Eden pour arroser le jar-
din, et de là il se divise en quatre chefs. Le
nom du premier est Phison , c'est celui qui
coule en toui noyant par le pays d'Havilath,
où il se trouve de l'or... ; le nom du second
est Géhon, c'est celui qui coule en tournoyant
par le pays de Chus ; le troisième est le Ti-
gre [Hiddékel), qui coule vers l'Assyrie ; le
quatrième est VEuphrate. »
Avec cette topogiaphie , il n'est pas fort
aisé de découvrir en quel endroit précisément
était situé le paradis terrestre. Tous les sa-
vants convirnnent que dans les langues orien-
tales Eden signifie en général un lieu agréable
et fertile, un pays abondant et délicieux; que
c'est un nom appellatif qui a été donné à plu-
sieurs contrées de l'Asie. Le Tigre et l'Eu-
phrate sont deux fleuves célèbres et très-con-
nus ; mais il n'est pas aisé de savoir en
quel endroit ils se sont autrefois réunis dans
un seul lit , et se sont séparés ensuite en
quatre chefs ou quatre branches ; cela ne se
fait plus aujourd'hui, et le pays dans lequel
ils se rapprochent le plus paraît absolument
changé.
Il n'est donc pas étonnant qu'il y ail eu
une multitude de sentiments divers sur ce
sujet. Quelques anciens, comme Philon,
Origène, les séleuciens et les hermianiens,
anciens hérétiques, pensaient que le paradis
terrestre n'a jamais existé, qu'il faut entendre
dans un seiis allégorique tout ce qu'en dit
l'Ecriture sainte ; d'autres l'ont placé hors du
inonde et dans un lieu inconnu : mais, dans
ces deux suppositions, l'on ne voit pas pour-
quoi Moïse aurait pris la peine de le décrire
et d'y placer des fleuves dont le lit et le nom
subsistent encore. Quelques-uns plus sensés
jugent qu'il est inutile d'en chercher au-
jourd'hui la situation précise, parce que la
face du sol sur leijuel il était a été boulever-
vnTi
PAR
PAR
1274
sée et changée par le déluge. On sait d'ail-
leurs que la conti'(5o dans laquelle le Tigre
et l'Euphrale se rapi)i'(iclienl est le pavs du
monde qui, depuis le déluge, et mOme de-.
puis le siècle de Moïse, a essuyé les plus
terribles révolutions.
Quoi qu'il en soit, les systèmes adoptés
|)nr les modernes, loucliant la situation du
paradis terrestre, se ri'duisent à trois prin-
cipaux. Le premier, qui a eu pour défen-
seurs Heidegger, Le Clerc, le P. Abram,
place le paradis dans la Syrie, aux environs
de Damas, près d s sources tlu Chrysoi'rhoas,
de rOront(» et du .lourilain; mais ce pays ne
j)orte point les caractères de celui d'/if/m
assignés par Aloise. On doit dire la même
chose de l'opinion du P. Hardouin, qui a
pensé que le paradis terrestre était dans la
Palestine, sur les bords du Jourdain, près du
lac de Génésareth. Selon le second système
le pays û'Eden était dans l'Arménie, entre
les sources du Tigre , de l'Kuphrate, de
l'Araxe et du Pliase; c'est le senliment du
géographe Samson, de HeluKl et de dom
(.almet. Mais .Moïse ne ili( point que le pa-
radis était h la source de ((ualre lleuves; il
dit qu'un llcuve sortait du lieu nonnné Eden
pour arroser lo paradis, qu'ensuite il se di-
visait en quatre chefs ou quatre branches;
dom Cilmet est forcé de convenir que cela
ne s'accorde jioint avec la lo|iograf)hie qu'il
fait du paradis. I,a troisième opinion, qui
parait la plus probable, sup|iose que ce lieu
délicieux était pl.icé s"r les deux rives d'un
(Icuve formé par la réunion du Tigre et do
l'Euphrate , que l'on nomme le fleuve des
Arabes, et qui se divisait ensuite en quatre
branches pour aller se jeter dans le golfe
Persique. A la vérité, de ces quatre canaux
ou rivières, il n'y en a que deux qui subsi-
stent et qui sont encore aujourd'hui recon-
naissables; mais on i)rouve par le témoi-
gnage des anciens (pic toutes les quatre ont
existé autrefois. C'est le sentiment qu'ont
suivi les auteurs anglais de VUlstoire univer-
selle, tom. Il, et les commentateurs de la
Bible de Chais. M. l'abbé Clémence s'en est
servi |>our réfuter les ini'pties rassemblées
dans le livre im[)ie intitulé la Bible enjiii ex-
pliquée, et dans les autres ouvrages du même
auteur. Il faudrait entrer dans un trop long
détail pour rapporter les preuves de ce sen-
timent, qui a déjà été celui de lîochard,
d'Etienne Morin et du savant Huet; ils dif-
fèrent seulement les uns des autres dans
l'explication de (quelques circonstances de la
narration de Moïse. C'en est assez [lour ré-
pondre à toutes les folles objections des in-
crédules; ils no |)euvent rien trouver dans
la description du paradis terrestre cpii ne
puisse se concilier avec la topographie des
lieux, avec les noms des jiays dont parle
Moïse, avec le témoignage de> auteurs pro-
fanes. Quant aux objections tpiils font contre
les circiinstances de la chute d'Adam, etc.,
roy. Adam.
Les questions qui embarrassent les com-
mentateurs sont donc assez déplacées. </ Où
est ce fleuve qui se divise en quatre autres?
Comment cela s'accorde-t-il avec l'Assyrie
et l'Eiiphrale? Quels fleuves , quels pays
sont désignés sous ces autres noms qui no
subsistiMil plus, etc.? » .Moïse avait prévenu
ces cpiestions, non pour le géographe, mais
pour le naturaliste, en nous disant que, par
le déluge, Di"U détruisit les hommes avec la
terre. Ne cherchons donc f)lus le jardin d'E-
den: ce séjour de la parfaite innocence est
perdu ici-bas pliysi(piemi'tit et moralement.
De Luc. Lettre l'il sur l' Histoire delà terre,
etc., tom. V, p. 077. li iiaiait ipie c'est la rai-
son ])our laquelle les Pères do l'Eglise, qui
ont vécu dans la Syrie, sur les bords de
rEuphrate ou dans le voisinage, ne se sont
pas donné la peine d'expliquer les circon-
stances de la narration de Moïse, et de les
concilier avec l'aspect que les lieux présen-
taient de leur temps.
Paradis céleste, séjour du bonheur éter-
nel, dans lequel Dieu récompense les justes.
Comme on ne connaiss.iit point de lieux
l)lus délicieux sur la terre qu'un jardin jon-
ché de ileurs et de fruits, l'on a nonmié pa-
radis le lieu dans le(]uelDieu rend les saints
heureux pour to jours. De même que l'on
disjiute pour savoir où était situé le paradis
terrestre duquel Adam fut chassé après son
péché, l'on sait encore moins où est \e para-
discélesle, dans lequel nous es[)érons d'aller.
Lorsque Jésus-Christ, surla croix, dit au bon
larron : Aujourd'hui vous serez avec moi en
paradis (Lue. xxui, 43), saint Augustin avoue
qu'il n'est [las aisé de savoir où était ce lieu
délicieux duquel parle leSauvear: \ti paradis,
contiiuie ce Père, est partout où l'on est
heureux, Epist. 187 ad Dardan., n. G. On ne
conçoit pas mieux quel endroit saint Paul a
voulu désigner, lorsqu'il a dit : « Je connais
un homme qui a été ravi en esprit jusque
dans le paradis, où il a entendu des paroles
qu'il n'est pas permis à l'homme de publier
(// Cor. xii, 4).
Jésus-Christ nous a dit, à la vérité, que
notre récompense est dans le ciel; mais le
ciel n'est point une voùle solide, nous ne le
concevons que comme un espace vide et
immense dans lequel roulent une infunté de
globes, ou lumimux ou 0|>a([ues. Puisque
r.lme de Jésus-Christ jouissait de la gloire
céleste siu- la terre, ce n'est [las le lieu qui
fait le paradis; et puisque Dii u est partout,
il peut aussi se montrer partout aux âmes
saintes, et les rendre heureuses [lar la vue
de sa proiue gloire. Il parait donc que le
paradis est moins un lieu particulier qu'un
changement d'état, et qu'il ne faut iioint s'ar-
lèter aux illusions de l'imagination cjui se
figure le séjour des esprits bienheureux
connue un lieu habité par les corps. Dans le
fond peu nous importe de savoir si c'est un
séjour particulier et déterminé par des li-
mites, ou si c'est l'univers entier dans lequel
Dieu se découvre aux saints et fait leur bon-
heur éternel. La foi nous enseigne qu'après
la résurrection générale les Ames des bien-
heureux seront réunies à leurs corps; mais
saint Paul nous apprend que les corps res-
suscites et glorieux participeront à la nature
Iâ75
PAR
P4R
1276
des esprits 11 Coi-, xv, 44); ils seront par
conséquent dans un état duquel nous ne po\i-
vons avoir aucune idée. Ce serait donc une
nouvelle témérité de vouloir savoir si les
bienheureux, icvètus de leurs corps, exer-
ceront e coie les facultés corporelles et les
fonctions des sens; Jésus-Christ nous dit
qu'après la résurrection ils seront sembla-
bles aux anges de Dieu dans le ciel {Matth.
XXII, 30), ce qui excl;it les plaisirs charnels.
Saint Paul nous avertit que Fœil n"a point
vu, que l'oreille n'a point entendu, et que le
cœur de l'iiomme n'a point éprouvé ce (jue
Dieu réserve à ceux qui l'aiment (I Cor. n,
9). 11 faut donc nous résoudre à ignorer ce
que Dieu n'a pas voulu nous ajjpreiidre; ce
qu'en ont dit queUprs auteurs plus ingé-
nieux que solidement instruits, ne proMve
rien et ne mais n[iprend rien. L'état des
bienheureureux est fait pour être un objet de
foi et non de curiosité, [lour exciter nos es-
pérances et nos désirs, et non poMr nourrir
des disputes. Les idées grossières des païens,
des Chinois, des Indiens, des mahométans,
touchant l'élat des justes après la mort, ont
donné lieu à des erreuis et à des alius énor-
mes; la religion chrétienne, en les condam-
nant, a retranché la source du mal, a inspiré
à ses sectateurs des vertus dont le monde
n'avait jamais eu d'exemple. Yoy. Bonheur
ÉTERNEL.
PARAGUAY. Yo\j. Missions étrangères.
PARALIPOMÈNËS, terme dérivé du grec,
qui signifie choses omises. On a donné ce nom
à deux livres historiques de l'Ancien Testa-
ment, qui sont un^' espèce de su|ipléraent
aux quatre livres des Rois, et dans lesquels
on trouve plusieurs faits ou plusieurs cir-
constances que l'on ne lit pas ailleurs. Les
anciens Hibreux n'i n faisaient qu'un seul
livre qu'ils nommaient les Paroles des jours
ou les Annales, parce que cet ouvrage com-
mence ainsi; saint Jérôme l'a nommé les
Chroniques, parce que c'est une histoire
sommaire rangée selon l'ordre chronologi-
que. On ne sait pas certainement qui est
l'auteur île ces deux livres; on pense com-
munément qu'ils furent écrits par Esdras,
aidé du secours des prophôti's Aggée et Za-
charic. après la captivité do Babylone; ce
sentiment est assez probable, mais il n'est
pas sans difficulté. On trouve dans ces deux
livres des choses qui n'ont eu lieu que dans
les temps postérieurs à Esdras, d'autres qui
n'ont pu être dites q le par des éciivains an-
térieurs. Mais les premières ont pu être
ajoutées comme supplément dans la suite
des temps, de même queEsdras sup|)léait à ce
que d'autres avaient dit avant lui; pour les
secondes, il les a copiées dans des 'oémoires
plus anciens que lui, et auxquels il n'a rien
voulu changer.
L'auteur des Paraiipomèncs n'est donc ni
contemporain des événements ni historien
original; il n'a fait que rédiger et abréger
'es mémoires écrits par des témoins plus an-
ciens que lui, et il cite souvent ces mémoires
sous le nom d'Annales ou de journaux de
Juda et d'Israël. Il paraît que son dessein n'a
pas été de suppléer à tout ce qui pouvait
avoir été omis par les auteurs précédents,
et qui aurait pu rendre l'histoire sainte plus
claire et plus comiilète; il semble avoir eu
principalement pour but de montrer, par les
généalogies, quel devait être le partage des
familles revenues de la captivité, afin que
chacun rentrât, autant qu'il était possible,
dans l'héritage de ses pères. Mais il s'est at-
taché surtout à tracer la généalogie des
prêtres et des lévites, afin qu'ils pussent être
rétablis dans lelir ancien rang, dans leurs
premières fonctions, et dans les possessions
de leurs ancêtres coiiforméuient aux anciens
registres. Ce même aut'ur ne s'est pas
donné la peine de concilier les mémoires
qu'il copiait avec c?itains endroits des au-
tres livres saints qui pouvaient y paraître
opposés au premier coup d'œil, parce que,
de son temps, l'on connaissait assez les l.iils
elles circonstances, pour que l'on jjût aisé-
ment voir qu'il n'y avait réellement aucune
opposition. Dans la Bible d'Avirjnon, tom. V,
pag. l'i-7, il y a une comparaison très- iétail-
léa des ti^'Xles des Paraliponiènes parallèles à
ceux des autres livres de l'Ecriture sainte,
où r(jn voit en quoi ils sont conformes, en
quoi ils sont quelquefois dilTérents, et com-
ment ils servent à s'éclaircir les uns les au-
tres. Les Juifs n'ont jamais dimté de l'au-
thenticité des livres des Paraliponiènes, et il
n'y a aucune raison solide d'en c aitester la
c:inonicité.
PARAiNYMPHE. C'était chez les Hébreux
un des amis de l'éiioux, celui qui conduisait
l'épouse pendant la cérémonie nuiitiale, et
qui faisait les honneurs de la noce; il est
appelé dans l'Evangile Vami de l'époux
[Joan. III, 9). Quelques commenlateurs ont
cru que celui qui est apjielé architriclinus,
dans l'histoire des noces de Cana, n'était
autre que le Paranymphe; mais il est plus
probable que c'était un voisin ou un pirent
d s époux , qui était chargé de veiller à
l'ordre du festin nui tial el de fjire les fonc-
tions d'un maître dhûtel. Saint Gaudence de
Bresse assure, sur la tradition des anciens,
que cet ordonnateur du festin était ordinai-
lement pris du nombre des prêtres , alin
qu'd eût soin qu'il ne se commît rien de
contraire aux règles de la religion et de la
bienséance. Dans bs écoles de théologie de
Paris, on donnait autrefois le nom de Para-
nymphe à une cérémonie qui se faisait h :a
lio de chaque cours de licence. Un orateur,
appelé paranymphe, choisi parmi les bache-
liers, après avoir fait une harangue, apos-
trophait chacun de ses confrères, quelquefois
jiar des compliments, plus souvent par des
épigrammes satiriques, auxquelles ceux-ci
répondaient de même. La faculté de Ihéo-
b.igie a sagement supprimé cet abus, et a
réduit les paronymphes à de simples ha-
ran-îues.
PARAPHRASES LHALDAIQUES. Ou a
ainsi nommé les versions du texte hébreu ('e
l'Ecriture sainte, faites en langue c' aldaïque.
Les Juifs les appellent largum, interprétation
ou traduction, et ils ont uutant de respect
1477
PAR
PAR
i278
pour ces versions que pour le texte même.
En voici l'origine.
Pendant les soixante-dix ans de captivité
que les Juifs ('■prouvèrent ^ Bal),ylone, les
princiiiaux d'entre eux, surtout les prtHres
et les lévites, conservèrent la lant^uo M-
hrai((ue telle qu'ils la parlaient dans la Jndée
avant leur transmigration, et ils eurent soin
de l'enseigner à leurs enfants. De là le pro-
phète Daniel qiii a écrit pendant la cajUivité,
Esdras, Aggée, Zacharie et Malachie, qui ont
écrit après le retour, se sont encore servis
de rtiélireu pur; il y a seulement dans le
livre de Daniel et dans ceux d'Esdras tpiel-
ques chapitres ou quelques endroits écrits
en chaldeen. Mais le commun du peuple,
mêlé avec les Chaldéensk Bahylone, prit in-
sensiblement leur langage, l'hélireu pur lui
devint moins familier qu'il n'était aupara-
vant. Aussi , lorsqu'après le retour de la
captivité Esdras lut au peuple assemblé la
loi de .Moïse, il est dit ([ue les lévites et Es-
dras lui-même int(^rpr(^taicnt au peu|ile ce
qui avait été hi {Nehem. viii, 9 et 10). Dans
les siècles suivants, les rois do Syrie eurent
souvent tles armées dans la Judée, et les
Juifs se trouvèrent environnés de Syriens;
il est probable (pi'il se mêla encore l)eaucoup
de syriaque à leur langue vulgiire; c'est ce
qui détermina dans la suite les docteurs juifs
à faire les targums, à traduire le texte hébreu
en chaldeen; mais cet ouvrage ne parait
avoir été exécuté qu;' quatre ou cinq cents ans
après Esdras. Ainsi, lorsque ces traductions
furent faites, la langue chaldéenne était divi-
sée en li'ois dialectes. Le premier et le plus
pur était celui de Babylone; il s'écrivait en
caractères carrés, que nous nommons au-
jourd'hui ciiraclères hébreux, et qui furent
adoptés jiar les Juifs, comme plus commodes
que les anciennes lettres hébraïques (jue
nous aj^pelons samaritaines. Le sicond dia-
lecte était celui que l'on parlait à Aniioche,
dans la Comagène et dans la ha'ite S.rie;
mais celui-ci doit être plutôt apnelé inngne
syriaque que langue clialdaïque; elle s'écri-
vait et s'écrit encore en caractères très-iliilé-
reuts des lettres chaldaiques. dette langue
et ces caractères ont toujours été et sont en-
core en usage dans les Eglises syriennes,
chez les maronites, lesjacobites et les nes-
loriens. Toy. Syriaque. Le troisième dia-
lecte était celui qi.e l'on parlait k Jérusalem
et dans la Judée : c'était i;n mélange de
chaldeen, de syriaque et d'hébreu; c'e>t
piiuri[iioi on Ta noimné syro-elmldaique et
syro- hébraïque. Alors le texte hébreu de
lEcriture sainte était devenu moins intelli-
ble |>our le jieuple qie du temps d'Esdi-as.
Les targums ou paraphrases chalaaïqurs n'orrt
pas éti- faites en mérne t nipsni pa. 1 .jôiuo
auteur; aucun docteur juif n'a > ntrepris de
traduiieen chaldéeutout rAncicriTestamerU,
mais l'un a tradu t certains livres, l'autre a
travaillé sur- d'autres livres, et l'or; ne sait
pas les noms de tous ; on voit seulement que
ces traductions ne sont pas de la même main,
parce que le langage, le style et la métoode
ne sont oas exactement les mêmes.
Ces traductions, ou parties de traductions,
sont au nombi'e de huit; nous ne donnerons
qu'une courte notice de chacune. La pre-
mière et la plus ancit^nne est celle d'Onké-
los, qui a seulement traduit la loi. ou les
cinq livres de Morse; c'est aussi celle qui
est en style le plus |)ur', et q\ii approche le
plus du chaldeen de Daniel et d'Esdras. (^e
targani d'Onkélos est plutôt une simple vei--
sion qu'une paraphrase; l'auteur sirit mol à
mot le texte hébreu, et le rend poiu* l'ordi-
naire assez exactement. Aussi les Juifs l'ont-
ils toujous préféré à tous les auti-es, et ils
en ont fiit le plus d'usage dans leurs syna-
gogues.
La seconde est la ti-aduction des prophètes
par Jonathan Ben-lJzziel ; elle appi-oche assez
de celle tl'Onkélos pour la pur-eté du style,
mais elle n'est pas aussi littérale ; Jonathan
prend la liberté de /jn/vz/j/t/Yiser .-d'ajouter au
texte tantôt une histoire et tantôt une glose,
qui souvent ne sont |ias fort justes ; ce (ju'il
a fait sur les derniers prophètes est encor-e
moins clair et plus négligé quecequ'ila fait
sur les premiers, c'est-à-dire sur les livi-es
de Josué, des Juges et les Rois, que les Juifs
metti'Ut au rang des livres iirophétiqucs.
On CDUvient assez parmi les juifs et parmi
les chréti^'ns que le targnm d'Onkélos sur-
la loi, et celui de Jonallian sm- les prophètes,
sont pour le moins du siècle de Jésus-Christ.
Selon la tr-aditinn des juifs, Jonathan était
discii)le d'Hiilel : or celui-ci mourut à peu
près dans le temps île la laissance deNotre-
Seigueur : Ookélos était couleruporaiii de
Gainaliel le Vieux, sous leipiel saint Paul fit
ses études. Ce témoignage est soutenu par
la pureté du style des deux ouvi'ages dont
nous parlons, dans lesquels on ne trouve
aucun des termes étrangers que les juifs
adojitèient dans la suite. Il est très-probable
que Jonathan n'a point traduit la loi , mais
seuleruent les livres suivants, ptrce que la
traduction de la loi par- Orikrios lui était
connue. Ln seu'a objruiion que l'on puisse
faire co'iîr.' l'antiqu té de ces deux targums
est que Oiigène, saint Epiphane, saint Jér-ô-
rae ni aucun des anciens Pères de l'Eglise
n'en ont par-lé ; mais cet argument négatif
ne prouve rit u ; on sait que pour loi's les
juifs cacnaieiU soigneusement leurs livres;
a peine y a-t-il trois cents ans que ces an-
ciennes versions sont connues et publiées
parmi les chrétiens. Quelques auteurs ont
cru que le paraphiaste Oukélos était le
même que le juif pr-osél.»te Akila ou Aquila,
auteur d'une version grec([ue de l'Ancien
Testament, version que Or-igène avait mise
dans ses Octaples ; mais Prideaux, dans son
Histoire des Juifs , \. XM, tom. H, p. 281,
prouve que ce sont deux personnages tr-ès-
dilférents, dont le second n'a écrit ipi'envi-
ron 130 ans ajirès Jésus-Christ. — Le troi-
sième targum est aussi une traduction clial-
daïque de la loi ou des cinq livres de .Moïse,
et quelque-^ auteurs l'ont attribué au même
Joiiiilhau Ben-Uzziel, dont nous venons de
parler. Mais le style de cet ouvrage est très-
différent de celui du <ar(/um sur les prophètes,
1279
PAR
PAR
1S84
il est encore plus rempli de gloses et de
fables ; on y trouve des choses et des noms
qui n'étaient pas encore connus du temps de
Jonathan ; on n'en avait jamais ouï parler
avant qu'il parût imprimé à Venise, il y a
environ deux cents ans. — Le quatrième est
encore sur la loi, et se nomme le targum ou
la paraphrase de Jérusalem, parce qu'il est
écrit dans le dialecte syro-chaldaïque qui
était eu usage à Jérusalem ; on n'en connaît
ni la date ni l'auteur. Ce n'est point une tra-
duction suivie, mais une espèce de commen-
taire sur des passages détachés. Comme l'on
y en trouve plusieurs qui sont conformes à
ceux du Nouveau Tcstiment, l'on a cru que
cet ouvrage devait être fort ancien ; cepen-
dant il est encore plus moderne que le pré-
cédent, puisque souvent il le copie mot à
mot. — Le cinquième est une paraphrase sur
les cinq petits livres que les Juifs a|)pelleiit
mégilloth, rouleauxou vo'umcs ; savoir, Ruth,
Esiher, l'Ecclésiaste, le Cantique, les Lamen-
tations de Jérémie. — Le sixième est une
seconde paraphrase sur Esther ; le septième
est sur Job, les Psaumes et les Proverbps ;
ces trois tarç/ums sont d'un style plus corrom-
pu , du dialecte de Jérusalem, et l'on ne
connaît point les auteurs des ileux premiers.
Quant au troisième, sur Job, les Psaumes et
les Proverbes, on l'attribue à un certain
Joseph-le-Borgne, sans que l'on sache qui il
était ni en quel temps il a vécu. — Le hui-
tième targum est sur les deux livres des
Paralipomènes ; il n'avait pas été connu
avant l'an 1680, temps auquel Bechius le
publia à Aiigsbourg sur un vieux manuscrit.
Aussi, à la réserve de la paraphrase d'On
kélos sur la loi, et celle de Jonathan sur les
prophètes, toutes les autres sont évidemment
jjostéiieiu'cs de beaucoup au siècle de Jésus-
Christ. Le style barbare de ces ouvrages et
les failles lalmudiques dont ils sont remplis
prouvent qu'ils n'ont paru qu'après le Tal-
mud de Jérusalem, ou même après le Tal-
mud de Babylune, c'est-à-dire depuis le
commencement du iv' ou du \i° siècle.
Cependant ces targums ,ou paraphrases en
général sont fort utiles. Non-seulement elles
servent à expliquer un grand nombre d'ex-
pressions hébraïques qui sans cela seraient
plus obscures, mais nous y trouvons plu-
sieurs anciens usages des Juifs (pii servent à
éclaircir les livres saints; mais le principal
avantage que nous en tirons, c'est que la
plupartdes |irophéties quiregardent le Messie
sont prises par h sauteurs decesparap/irasw,
dans le môme sens que nous leur donnons.
Cette autorité foit contre les Juifs une preuve
invincible, puisqu'ils attribuent aux targums
la même autorité qu'au texte hébreu. Les
rabbins se sont avisés de faire croire au
commun des Juifs que ces ouvrages sont
partis delà même source que les livres sa-
crés ; que quand Dieu donna la loi à Moïse
sur le mont Sinaï, il lui donna aussi la para-
phrase d'Onkélos avec la loi orale ; que quand
son Saint-Esprit dicta aux aLitres écrivains
les livres sacrés, il leur donna aussi le tar-
gum de Jonathan. C'est pour cela môme qu'ils
ont caché avec tant de soin ces paraphrases
aux chrétiens, et que l'on est parvenu si
tard à en avoir communication. Maisil n'est
pas prouvé que du temps de Jésus-Christ
il y eût déjà des paraphrases chaldaïqaes ou
sgro-chaldaiques entre les mains des peuples
de la Judée. Les prolestants n'ont adopté cette
opinion que pour étaver leur prévention
sur la prétendue obligation imposée au
peuple de lire l'Ecriture sainte et de l'avoir
dois une langue qu'il entende. Depuis Esdras
jusqu'à Jésus-Christ, il s'est écoulé au moins
quatre cents ans, ]iendant lesquels il n'a pas été
question de version des livres saints en lan-
gue vulgaire ; le peuiile s'en tenait aux in-
structions et aux explications de vive voix
que lui en donnaientles prêtres et les lévites,
et il n'y a aucune preuve du contraire
Selon l'opinion de Prideaux, « Quand on fit
lire à Jésus-Christ la seconde leçon dans la
synagogue de Nazareth {Luc. iv, 16), il y a
beaucoup d'a)iparence que ce fut un targum
qu'il lut : car le passage d'Isaïe, c. lxi, v, 1,
tel qu'il se trouve dans saint Luc n'est exac-
tement niThébreu ni la version des Septante;
d'où l'on peut fort bien conclure que cette
ditrérence venait de la version chaldaïque
dont on se servait dans cette synagogue. Et
quand sur la croix il prononça le psaume
XXI, V. 1, Eli, Eli, lamma subaclhani ; mon
Dieu, mon Dieu, pourquoi m'arez-vous dé-
laisse'? ce n'est pas l'Iiéljreu qu'il prononça,
mais le chalde'en ; il y a dans l'hébreu, Eli,
Eli, lamaazahtani. » Prideaux et ses copistes
pouvaient se dispenser de faire cette obser-
vation, puis(iue plusieurs prophéties citées
par saint Matthieu ne se trouvent pas mot
pour mot liaiis le texte hébreu ; il ne s'ensuit
pas de là qu'il les a prises dans une para-
phrase chaldaïque. Jésus-Clirist sans doute
entendait l'hébreu; il aurait donc pu citer
le texte avec la plus grande exactitude, sans
y rien ajouter; mais cela était-il nécessaire.
A supposer même que ce soit saint Luc qui
ait fait un léger changement dans les paroles
du Si^uveur, sans altérer le sens de la pro-
phétie, ce n'est pas un sujet de reproche. 11
a pu faire sans crime ce que nous faisons
tous les jours ; nous citons l'Ecriture sainte
en français, sans nous informer s'il y a des ,_
traductions Irançaises imprimées : quelque- '
fois même nous prenons la liberté de nous
écarter do nos versions vulgaires, lorsque
nous croyons être bien fondés.
Vainement l'on allègue le commandement
fait aux Juifs de méditer coiilinucllement la
loi du Seigneur. Au mot Version vulgaire,
nous ferons voir que le peuple a pu exécu-
ter ponctuellement ce précepte , sans savoir
lire ni écrire. Prideaux dit qu'il y avait
un règlement très-ancien, qui obligeait cha-
que particulier à avoir chez, lui un exem-
plaire de la loi ; et il cite pour toute preuve
de ce fait le témoignage de Maimonide qui a
vécu dans lexii' siècle. Ainsi les protestants,
qui tournent en ridicule les traditions de l'E-
glise romaine, nous ojiposent gravement les
traditions des rabbins comme beaucoup plus
respectables. La meilleure édition dos tar--
I
1-281
PAR
PAR
«282
gums ou paraphrases rhaUUiujucs est colle
que Buxtoff le \)vvc t\ (Ioiiik'hï à |{;llc eu 1620,
dans la seconde gcande Riiile héluviique ;
mais on les trouve dans la l'oly^çlotli^ d'An-
gleterre, à la résci vo du lurguin sur les Pa-
raliponiènes, qui n'avait pas encor.' été [)u-
blié lors([ue Wallon a donné cette Poly-
glotte. \oyez-in\ Icii ])rolc';/(iiiinu>s, sect. 7,
c. 12; Prideaux, Hist. des'Jidfs, 1. xvi, t. II,
p. 279.
PARASCÈVE, mot grec qui signifie /»■<'-
paratioii. Les juifs nomment ainsi le \m-
dredi de chaque semauie , parce qu'ils sont
obligés do [)r(''i)arer ce jour-là leur boire et
leur manger pour h; lendemain , qui est le
jour du sahhat ou du lepos. Il no [jarait pas
cependant que riutention ilo la loi ait élé de;
leur interdire, le jour du sabbat, le iravail
nécessaire pour pourvoir à la nourriture;
. mais c'était une des oliservances supersti-
tieuses que .lésus-Clu'ist leiu" a reprochées
dans l'Evangile^ {Matlli. xii, 5, etc.). 11 est dit
dans saint Jean , c. xix , v. 14 , q.ie h^ jour
auquel Jésus-Christ l'ut mis en croix était la
paruscvvc de Pâques ou de la |);\que ; cela ne
signille [las que l'on |>réparait alors l'agneau
pascal pour le manger, jiuisqu'il avait été
mangé la veille; mais que c'était la jtrépara-
tion au sabbat qui tombait dans la fête de
Pâques, et (|ui était appelé le grand sabbat ,
h cause de la solennité. Dans nos autours li-
turgiques, le vendredi saint est a()polé feria
sexta in parasceve , et c'est la préparation a
célébrer, dans la nuit du lendemain, le grand
mystère de la résurrection de Jésus-Christ.
PAKASCHE. Les juifs nomment ainsi les
dillérentes sections ou leçons dans lesquelles
ils ont coupé le texte de l'Ecriture sainle
pour le l.ro dans leurs synagogues.
PARATHÈ8E, imposition. Clioz les Grecs,
c'est la [irière que l'évèquo récite sur les ca-
téchumènes, en étendant les mains sur eux
pour leur donner la bénédiction, et ils la re-
çoivent en inclinant la lètc. Dans l'Eglise
roiuaine , le préire qui administre le Imp-
tème étend la main sur le baptisé , en réci-
tant les exorcismes qui précèdent ce sacre-
ment, et il a la lèle couverte ; c'est un signe
de l'autorité avec laquelle il commanue à
l'esprit immonde de s'éloigner du baptisé.
PARDON. La raison a persuadé à tous les
hommes que Dieu est miséricordieux et
porté à la clémence ; que quand nous avons
eu le malheur de l'ollenser , c'est-à-dire
d'enfreindre sa loi, nous pouvons obtenir de
lui le pardon par la pénitence. Sans cette
croyance salutaire, un pécheur n'aurait point
d'autre i)arti à prendre qu'un sombre déses-
poir; vingt criuu'sde plus ne lui coûteraient
f ien , dès qu'il pourrait espérer d'échaf)-
per h la vengeance des hommes. La révéla-
tion a pleinement confirmé cette persuasion
générale du genre humain. Dieu , dès le
commencement du monde, fit un acte de mi-
séricorde à l'égard du premier pécheur ; il
ne punit que par une peine temporelle le
péché d'Adau) , qui méritait une peine éter-
nelle , et il daigna y ajouter la promesse
d'un rédempteur. M remit de même à Gain ,
meuririer de son frère, une partie de la
peine ([u'il méritait, et il le rassura contre la
crainte dont il était saisi , d'être tué par un
vengeur. Lors même que Dieu menace les
Israélites de |iunir leurs crimes jusi|u'à la
troisième et quatrième génération, il promet
aussi de faire miséi'icorde jusqu'il la mil-
lième, c'est-à-dire sans bornes et sans me-
sure [Exod. XX , 6). Le Psalmiste nous ap-
prend (pie Dieu a pitié th^ nous , comme un
père a pitié de ses enfants, parce qu'il connaît
le limon fragile dont il nous a formés (Ps. en,
V. 13). Cette doctrine est la base du christia-
nisme, puisque c'est là-dessus qu'est fondée
la foi do la réilomption. Jésus-Christ no se
conleiito point di; dire : Soijez mise'rieor-
dieu.i- comme votre Père céleste; heureux les
miséricordieux , parce guils recevront misé-
ricorde ; mais il ajoute que « ceux qui ne
pardonnent point à leurs frères ne doivent
espérer pour eux-mêmes aucun pardon ; et il
nous a enseigné à dire tous les jours à Dieu :
Notre Père... pardonnez-nous nos o/fenses,
comme 7WUS les pardonnons à ceux qui nous
ont o/l'ensés. Lors([ue saint Pierre lui de-
manda : « Seigneur, combien de fois faut-il
que je pardonne à mon frère qui m'a of-
fensé : est-ce assez de sept fois? lo Sauveur
lui répondit : Je ne vous dis point jusqu'à
sept l'ois , mais jusqu'à soixante et dix fois
sept fois. Par conséquent , sans bornes et
sans mesure [Matth. xvni, 21). Il en a donné
lui-même l'exemple, puisqu'il n'a refusé le
pardon à aucun |)écheur. La dernière prière
qu'il a faite à son Père sur la croix a été
pour lui demander pardon pour ceux qui
l'avaient crucifié.
On est indigné avec raison lorsqu'on en-
tend les incrédules blAiner la facilité avecla-
(luolle on accorde dans ioutes les religions,
et particulièrement dans le christianisme, le
pardon à tous les pécheurs , surtout à l'ar-
ticle de la mort. Sans doute ces censeurs
sans pitié se croient eux-mêmes impecca-
bles. Où en seraient-ils, s'il n'y avait lieu
d'espérer que Dieu leur pardonnera leurs
blasphèmes, et si notre religion no nous en-
seignait pas qu'il faut pardonner aux insen-
sés aussi bien qu'aux hommes raisonnables?
Entre des êtres aussi faibles et aussi vi-
cieux que le sont les hommes en général, la
société ne peut être qu'un commerce conti-
nuel de fautes et do pardons , et il en est de
même de la société religieuse entre Dieu et
riiomme. Voy. Expiation , Miskricoiide de
Dieu.
Pardon, chez les juifs, c'est la fête des Ex-
piations dont nous avons parlé ailleurs. Ils
la célèbrent encore. Léon de Modène ob-
serve qu'autrefois, la veille de cette fête, les
juifs modernes faisaient une cérémonie très-
ridicule : ils frappaient trois fois sur la tête
d'un coq , en disant à chaque fois qu'il soit
immolé pour moi, et ils appelaient ctte mo-
merie chappara, expiation ; mais ils y ont
renoncé , parce qu'ils ont compris que c'é-
tait une superstition. Nous no voyons pas
dans la loi de Moise que le coq soit au nom
bre des animaux qu'il leur était ordonné
4283
PAn
Î>AR
1284
d'offrir en sacrifice; mais cette victime était
commune chez les païens. Le soir ils man-
gent beaucoup , parce qu'Us observent un
jeûne rigoureux le lendemain. Plusieurs se
baignent et se font donner les trente-deux
coups de fouet proscrits par la loi ; ceux qui
retiennent le bien d'aulrui font alors des res-
titutions, quand ils ont de la conscience. Ils
demandent pardon a. ceux qu'ils ont olfcn-
sés, ils font des aumônes et donnent tous les
signes extrrieui's de pénitence. Ajirès sou-
per, plusieurs i)reniient des habits blancs, et
sans souliers vont à la synagogue , qui est
fort éclairée ce jour-ià : ils y font plusieurs
prières et plusieurs confessions de leurs fau-
tes. Cet exercice dure au moins trois heu-
res, après quoi ils vont se coucher. Quel-
ques-uns passent la nuit dans la synagogue
en priant Dieu et en récitant des psaumes.
Le lendemain , dès le point du jour , ils re-
tournent à la synagogue, et y demeurent jus-
qu'à la nuit, en disant des psaumes, des
prières, des confessions , et en demandant
pardon à Dieu. Lorsque la nuit est venue
et que les étoiles paraissent , on sonne du
cor jiour avertir (|ue le jeûne est fini. Alors
ils sortent de la synagogue , se saluent les
uns les autres , en se souhaitant une longue
vi\ Ils bénissent la nouvelle lune, et retour-
nent chez tux prendre leurs repas. Léon de
Modène,' Cérém. des Juifs, m" part. , c G.
Toutes ces démonstrations extérieures ne
sont certainement pas un préseivatif infail-
lible contre le péché; plusieurs hypocrites
en abusent sans doute; d'autres l'ont répé-
tée vingt fois sans restituer le bien d'au-
lrui, et sans en devenir plus scrupuleux sur
l'art cle de la probité. Mais il y aurait de
l'entêtement à soutenir qu'elle ne sert à rien
du tout , qu'elle n'a jamais contribué à faire
lépare.' ni à prévenir aucun crime : quand
elle n'en empêcherait qu'un seul par an ,
ce serait toujours autant de gagné. Une
expéiience constante prouve que des pra-
tiquas générales et publiques, auxquelles
toute Uiie nation ou toute une ville inend
jjart , funt plus d'impression que ce que l'on
fait en particulier. Les honnu s toujours
pris par les sens contractent, sans s'en aper-
cevoir , les sentiments et les aO'ections dont
ils sont témoins ; tel qui a commencé la cé-
rémonie avec un cœur endurci , se trouve
quelquefois ému avant qu'elle Unisse , et se
convertit entièrement.
Pardox, dans l'Eglise catholique , est la
même chose qu'indulgence. Voij. ce mot. On
appelait aussi autrefois pardon la prière que
nous nommons VAngelus, parce que les sou-
verains poiitifes y ont attaché une indul-
gence. Voy. Angells. Dans les anciens au-
teurs anglais, pardon, venia, signifie l'action
de se prosterner pour demander pardon h
Dieu ; prostralus in longa venia , prosterné
pendant longtemps par pénitence.
PABÉNÈSE, discours par énûique, exhor-
tation à la piété. Tant que la parole aura du
pouvoir sur les hommes, il sera utile de leur
faire dos exhortations et des discoL'rs de
piété. La plupart d'entre eux pèchent par dé-
faut de réflexion ; ils ont donc besoin d'être
rappelés à eux-mêmes et à leurs devoirs par
des discours qui les instruisent et les exci-
tent à la vertu. Plusieurs ne savent pas lire
ou sont incapables de le faire avec assez
d'attention ; un discours sensé, solide, ani-
mé, fait sur eux beaucoup plus d'imiiression
qu'une lecture. Le peuple même le plus
grossier sent très-lùen la différence qu'il y a
entre une exhortation bien faite , adaptée à
sa capacité et à ses besoins , et un discours
vague, qui ne lui apprend rien, ne lui laisse
rien dans l'esprit et n'excite aucun senti-
ment dans son cœur. Voy. Sermon.
PARENTS. Dans l'Ecriture sainte ce terme
se prend non-seulement pour le père, la
mère et les aïeux , mais pour tout degré de
consanguinité. Les Hélireux confondaient le
mot de frère avec celui de parent. 11 est dit
de Melcnisédech qu'il était sans père , sans
mère et sans généalogie , ou sans parents ,
parce qu'il n'en est pas fait mention dans
l'histoire sainte. Chez les anciens, et parmi
le peu[ile qui conserve encore la simplicité
des anciennes mœurs , les affections de pa-
renté étaient plus vives que parmi nous , et
il en résultait un très-grand avantage jiour
la société. Une famille se soutient par l'at-
tachement et l'intérêt mutuel de ceux qui la
composent, par le point d'honneur qui leur
fait craindre toute espèce de tache. Si l'un
d'entre eux est vicieux , tous se réunissent
pour le réprimer. Une fausse pliilosojihie a
ins[)iré un égoïsme destructeur. A peine les
pères et les enfants , les frères et les sœurs
conservent-ils ensemble quelque Fiaison , et
la so.:iété se trouve com|iosée de membres
tiès-inditïérents les uns aux autres. Lorsque
l'Ecriture sainte condamne les affections de
la chair et du Hing , elle ne réprouve les at-
t.ichemonts de parenté que quand ils sont
cxces^ifs , et qu'ils peuvent' nous faire man-
quer à ce que nous devons à Dieu et à la so-
ciété. Jésus-Christ voulut que ses disci]ilcs
renonç.issent à leurs parents et à leurs l<i-
milles , parce qu'il fallait qu'ils se livrassent
tout entiers à la prédication de l'Evangile et
qu'ils allassent porter la foi à toutes les na-
tions. Les incrédules l'ont accusé fausse-
ment d'avoir méconnu lui-même si-s parents
et d'avoir manqué d'affection pour eux. il
était obligé de donner à ses disciples l'exem-
ple d'un détachement parfait; mais il ne dé-
daigna pas de mettre au rang de ses apôtres
les deux saint Jacques , saint Jude et saint
Jean l'Evangéliste , qui étaient ses parents.
il y a cependant dans l'Evangile quelques
passages dont les incrédules abusent pour
étayer lou!' accusation. Dans saint Marc, c.
m, V. 31 , il est dit que la mère de Jésus et
ses frères, c'ost-h-dire ses parents, vinrent
pour lui parler pend-nt qu'il enseignait le
peuple; que les assistants lui dirent : « Voilà
votre mère et vos frères qui sont hors de la
maison et qui vous demandent. Jésus répon-
pondit : Qui sont ma mère et mes fièics?
En montrant ceux qui étaient autour de lui,
il lit : Voilh ma mère et mes frères ; celui
qui fait la volonté de Dieu est mon frère,
1285 PAU
ma sœur el ma miTC. » Dans ce iiK^iio cna-
pilre, V. 21 , on Ut que ses iirochcs allèrent
|iour le ))roiuire ou jwur l'onriruicr , on di-
sant il est tombé en démence. D'ailleurs saint
Jean, c. vu, v. 5, nous aitjircnd (jue ses pa-
rents ne croyaient pas en lui. De là un in-
crédule, qui a donné une histoire critique
âc Jésus-Christ , soutient qu'il était en dis-
sension avec sa f.auille , qu'il la méconnais-
sait et la méprisait ; que ses parents, de leur
côté, éiaient scandalisés et fâchés de sa con-
duite; qu'ils le regardaient comme un in-
sensé qui méritait d'être renfermé. Si cette
calomnie avait la moindre lueur de vraisem-
blance, il sérail étonnant que les Juifs, très-
instrtrils des dilférentes cu'constances de la
vie dii Sauveur, (]ue Cclse, Porphyre et Ju-
lien, qui avaient lu nos Evanj:,iles avec beau-
coup d'attention, n'y eussent pas remarqué
ce fait importani ; mais c'est un trait de pure
malignité de la part îles incrédules moder-
nes. Que prouve le premier passage? 11
prouve que Jésus-Christ regardait la fonction
d'instruire le ; cuple connue \ûi:s impurlanle
que l'obligation de recevoir la visite de ses
parents; (}ue cette visite arrivait dans un
moment peu favorable ; que Jésus fais lit en-
core plus de cas de la vertu et des dons de
la giûce, que des liens du sang et des affec-
tions de parenté. Il ne s'cnsu t rien de plus.
Nous soutenons que le second est mal tra-
duit ; si l'on veut examiner de près le lexte
grec, il porlc à la letire : « Jésus et ses apô-
tres vinrent h la maison, et la foule s'assem-
bla de nouveau , de manière qa'ds ne pou-
vaient pas seulement prendre leurs repas.
Ceux qui étai> nt autour de Jésus, ayant en-
tendu le biuit de cette troupe de peuple,
sortirent pour fermer la porte , et dirent à
ceux qui voulaient enirer : Jésus n'en peut
plus, il est en défaillance, ou il est sorti
(Marc, m, 20).) » il n'est donc point ici ques-
tion des proches ou des jjarents de Jésus , il
n'en est parlé qu'au v. 31. L'évangélisle n'a
pas pu tlire qu'ils sortirent de la maison,
puisqu'ils n'y éiaient pas entrés. Le dessein
des apAtrcs était d'enfermer Jésus , non
par violence , mais pour le délivrer de la
l'oulc qui ^ enait l'accabler , et pour lui lais-
ser au moins le temps de prendre de la
nourriture. Ce qu'ils disent à cette foule
pour l'écarter sigirilie également // est sorti
ou il est hors de lui , il est tombé en défail-
lance.
A la vérité, si l'on excepte saint Jean-
lîapliste, parent du Sauveur , et qui lui ren-
dit témoignage avant même qu'd commençât
de prêcher , ses autres parents ne crure'nt
pas d'abord en lui , et cela n'est pas éton-
nant. Une famille pauvre et otiscure, telle
qu'é ait celle de Jésus, est naturellement ti-
mide. En voyant les contradictions aux-
quelli s Jésus ét.dt exposé , ses parents ciai-
gnirent que la haine des Juifs ne retombât
sur eux ; l'intérêt de leur repos se joignit au
préjugé général , que le fils d'un artisan, né
dans l'obscunté , ne pouvait être le Messie
ou Rédempteur promis h Israël. Mais a|ïrès
li'S tùirades, la inoit, la résûrreclion el l'as-
PÂft
<28(i
cension de Jésus-Christ, ses parents crurent
certainement en lui , ]iuisque saint Siméon ,
son cousin germain, âgé ue cent xiw^i ans,
les d -ux saint Jacques et plusieurs autres
de ses proches soulî'rirent le martyre poui
lui. lùtsèbe, Uist. eccles. , 1. ni, C. 20 et 32.
Alors leur foi ne [louvail pkr être suspecte ;
si elle avait paiu plus t*>t, les incrédules di-
laicnt (jue la vanité et l'espérance de quel-
que avantage temporel avaient été les mo-
tifs de leur conduite.
PARFAIT , PERFECTION. Ces deux ter-
mes ne peuvent être attribués dans le même
sens à Dieu et aux créatures. Lorsque nous
disons que Dieu est parfait, nous entendons
qu'il est l'Etre jiar excellence, qui existe de
soi-même, qui est sans défaut, dont les at-
tributs ne peuvent augmenter ni diminuer,
puisqu'ils sont infinis ; i)ar conséquent tous
ces attributs sont des perfections absolues.
Parmi les êtres créés, au contraire, aucun
n'est absolument parf.dt ; il n'en est aucun
dont les attributs ne soient susceptibles
d'augmentation et de diminution, puisqu'ils
sont bornés. Un être créé est censé parfait
]orsqu'<in le compare à un autre être moins
parfait que lui , et il est censé imparfait , si
on le compai'e à un être meilleur ou qui a
moins de défauts; ses attributs ne sont donc
que des perfections ou des imperfections re-
latives. Ouand on demande pounjuoi Dieu,
qui est tout-puissant, a fait des créatures si
im[)arfaites , c'est comme si l'on demandait
pouiquoi il a fait des êtres bornés : il ne
|iouvait pas créer des êtres infinis ou égaux
à lui-môme. 11 n'est aucune créature à la-
quelle Dieu n'ait pu donner un plus haut
degré de perfection , et il n'en est aucune à
laquelle il n'ait pu aussi en donner moins.
Toutes lui sont donc redevables de l'être
cju'il leur a donné et du degré de perfection
qu'il a daigné leur accorder. Si l'on s'ob.stine
à 1)1 endre les termes de perfection ou d'im-
perfection des créatures dans im sens ab-
solu, on peut fonder sur cet abus des termes,
des sophismes à l'infini : nous l'avons fait
voir ailleurs., Fo!/. Bien et Mal. Ctsux qui di-
sent que c'est un trait d'injustice et de par-
tialité de la part de pieu , d'avoir donné à
certaines créatures plus de perfections qu'aux
autres, ne s'entendent jias eux-mêmes. Dans
la distribution des dons dépure grâce, peut-
il y avoir de l'injustice ou de la partialité?
Dieu sans doute ne doit rien à des créatu-
res qui n'existent pas encore; l'être qu'il
leur donne et chaque degré de perfection
qu'il y ajoute sont autant de bienfaits pure-
ment gratuits. D'ailleurs, la société des créa-
tures sensibles et intelligentes n'est fondée
que sur leurs besoins mutuels et sur les se-
cours qu'elles i)euvent mutuellement se prê-
ter. Si l'égalité des dons naturels et surna-
turels était [larfaite entre elles, toute société
serait impossible. Yoy. Inégalité.
Le terme de pei-fection , dans le Nouveau
Testament , signifie ordinairement l'assem-
blage des vertus morales et chrétiemies; les
parfaits sont ceux qui évitent toute espèce
lie crime et pratiquent la \ertu, autant que
1287
PAR
PAR
1283
]a faiblesse humaine en est capable. Lorsque
Jésus-Christ nous dit : «Soi/ez paifaits comme
votre Père céleste est parfait {Mattli. v, 48),
on conçoit aisément que cette comparaison
ne doit pas être prise à la rigueur; Jésus-
Christ nous commande seuleroent de faire
tous nos efforts pour imiter les perfections
de Dieu, surtout sa bonté bienfaisante à l'é-
gard de tous les hommes ; c'est principale-
ment de cet attribut divin qu'il est question
dans cet endroit. 11 en éiait de même lors-
que Dieu disait aux Juifs : Soyez saints ,
parce que je suis saint. Un jeune homme
étant venu demander au Sauveur ce qu'il de-
vait faire pour obtenir la vie éternelle, et
ayant assuré qu'il avait gardé tous les com-
mandements de Dieu , notre divin Maître
répliqua : Si vous voulez être parfait, allez
vendre ce que vous possédez , dunnez-le aux
pauvres , vous aurez un trésor dans le ciel , et
venez me suivre [Matth. xix, 21). 11 y a donc
un degré de perfection qui n'est pas com-
mandé en rigueur et sous peine de damna-
tion, mais par lequel on peut mériter une
plus grande récom|)ensedans le ciel; et cette
perfection consiste principalement dans la
pratique des conseils évangéliques. Voy.
Conseils.
PARFU.M. Voy. Encens.
PARHERMEN EUTES, faux interprètes. On
nomma ainsi d.ms le vu" siècle certains hé-
rétiques qui interprétaient l'Ecriture sainte
selon leur sens particuli -r, et qui ne fai-
saient aucun cas des explications de l'Eglise
et des docteurs orthoiloxes. C'est probable-
ment ce qui donna lieu au dix-neuvième
canon du concile inTrullo, tenu l'an 692,
qui défend d'expliquer l'Ecriture sainte d'une
autre manière que les saints Pères et les
docteurs de l'Eghse. Mais cet abus a été
commun à toutes les sectes d'hérétiques.
PARJURE. Ce crime se commet en deux
manières : 1° lorsque l'on jure ou que l'on
atteste par serment une chose que l'on sait
ou que l'on croit être fausse; 2° lorsque l'on
n'exécute point ce que l'on avait promis avec
serinent; dans l'un et l'autre cas, c'est pren-
dre le nom de Dieu en vain, et manquer de
respect à Dieu, dont on a osé attester le saint
nom. Barbeyrac, dans son Traité de la morale
des Pères, c. xi, § 14, a trouvé bon d'accuser
saint Basile d'avoir eu des idées trop peu
justes sur le parjure, et d'avoir supposé que
c'en est un, lorsqu'en jurant l'on s'est trompé
do bonne foi. Il cite l'homélie sur le Ps.xiv,
n. 5; et les nouveaux éditeurs de saint
Basile ont fait voir que cette homélie n'est
pas de lui. Mais, quel ({u'en soit l'auteur, on
le censure mal à propos. 11 dit que celui qui
a juré de faire une chose, en la croyant pos-
sible lorsqu'elle ne l'était pas, s'est exposé à
commettre une espèce de parjure , jiuisqu'il
ne peut |ias accomjilir ce qu'il avait promis
avec serment. Nous no voyons pas en quoi
cet auteur s'est trompé. Quant à saint Basile
qui décide, ep. 19i), ad Amphiloch., can. 29,
que le jurement est absolument défendu , il
parle comme l'Evangile , et il l'explique , en
disant qu'il faut apprendre à ceux qui sont
ccfli'stitués en autorité à ne pas jurer aisé-
ment. Ensuite il remarque avec raison que
celui qui a juré imi)rudemment de faire une
mauvaise action augmente son crime en exé-
cutant son mauvais dessein , sous prétexte
qu'il ne veut pas se parjurer; il donne pour
exemple HéroJe, qui ôta la vie à saint Jeaii-
Baptiste , parce qu'il l'avait ainsi juré. Oîi
est ici l'erreur? En conséquence Beausobre,
autre protestant calomniateur des Pères , a
exciisé les parjures que se permettaient les
manichéens et les priscillianistes pour ca-
cher leurs erreurs. Ces critiques ne sont ca«
suistes sévères que quand il s'agit d'accuser
les Pères de l'Eglise. Voy. Jurement.
PAROISSE, terme formé du grec, ■Kapoiy.ia,
demeure voisine. On nomme ainsi la réuni iii
de plusieurs maisons ou de |)lusieurs ha-
meaux, sous un seul pasteur qui les dessert
in divinis dans une église particulière, que
l'on appelle pour ce sujet église paroissiale;
et le ()asteui' en titre se nomme curé. Ce
qui regarile l'érection, les droits, les reve-
nus , l'administration des paroisses , appar-
tient à la discipline, par conséquent à la ju-
risprudence canonique; nous ne ferons
qu'en rapporter historiquement l'origine
comme elle se trouve dans les écrivains ec-
clésiastiques.
Selon les observations du P. Thomassin,
il ne paraît pas que iiendant les quatre pre-
miers siècles de l'Eglise , il y ait eu des pa-
roisses ni des curés en titie; on ne voit
point alors de vestiges d'aucune église sub-
sistante, à laquelle l'évèque ne présidAt pas.
Ce ne fut que vers la lin du iV siècle que l'on
commença d'ériger des paroisses en It lie.
Ce|>endant, dès le temps de Constantin, il y
ava;t, dans la ville d'Alexmdrie et dans les
campagnes des environs , des paroisses éta-
blies; saint Epipliane nous l'apprend; saint
Athanase ajoute que dans les villages il y
avait des églises et des |iiélres pour les gou-
verner; il en compte dix dans le pays appelé
la Maréotc. Il dit qu'aux jours de fêles so-
lennelles les curés d'Alexandrie ne célé-
braient point la messe, mais que tout le peu-
ple s'assemlilait dans une église pour assis-
ter aux prières et au sacrifice oll'ert par l'é-
vèque. Thomassin, Discipline de l'Eglise , i'°
part. ,1. I , c. 21 et 22. En effet, comme l'a
remarqué Bingham, à mesure que le nombre
des fidèles s'est augmenté ,11 a fallu multi-
plier les églises et les ministres pour célé-
brer l'oftlce divin et administrer les sacre-
ments, surtout dans les grandes villes. Les
mêmes raisons, qui ont engagé à augmenter
le nombre des diocèses et des évêques, ont
également porté ceux-ci à ériger des parois-
ses, à en confier le gouvernement à des
prêtres éprouvés, parce qu'ils ne jiouvaieiit
plus suffire seuls aux besoins des fidèles. De
là on peut conclure que , dès les premiers
siècles, il y avait dans les grandes villes,
telles que Rome et Alexandrie , sinon des
paroisses, du moins l'équivalent, c'est-ii-dire
des églises particulières où l'on célébrait
l'office divin aussi bien que dans l'égtlse ca-
thédrale ou épiscopale. Optât de Milève
1289
PAR
PAR
1290
nous apprend qu'à Rome il y avait déjà qua-
rante églises ou basiliques , avant la persé-
cution de Dioclétien, parconsé(|uent à la fin
du m" siècle. De là Bingliam conclut que les
moindres villes avaient aussi nu moins une
église desservie par des prôtres et des dia-
cres ; qu'il y en avait môme à la campagne,
dans les villages el les hameaux où les fi-
dèles pouvaient s'assemldor, dans les temps
de persécution , avec moins de danger que
dans les villes, coimm- il jinraît par les con-
cUes d'Elvire et de Néocésnrée tenus dans
ce temps-là. L'an 5V2 , le concile de Vaisons
fait aussi expressément mention des parois-
ses de la campagne , et accorde aux prôtres
qui les gouvernent le pouvoir de prêcher,
qui avait été d'abord réservé aux évécjues.
On en étal)lit de môme successivement dans
les Gaules et dans les pays du Nord ; cepen-
dant, en Angleterre, cet établissement parait
n'avoir eu lieu que vers la fin du vu' siècle.
Bingham avoue encore que, dans les grandes
villes , les paroisses ne furent pas d'abord
desservies par des curés en titre , mais |)ar
des prêtres que les évoques choisissaient
dans leur clergé, et qu'ils changeaient ou ré-
voquaient à volonté. C'est aussi le sentiment
de M. de Valois dans ses Notes sur le premier
livre de Sozomène, c. 15. On ne sait pas pré-
cisément s'il en était de môme des paroisses
de la campagne, surtout de celles i|ui étaient
un peu éloignées de la ville épiscopale. Orig.
ecclés., t. m, I. XIX, c. 8, § 1 et suiv.
Paroisse (1) est le nom par lequel on
désigne un certain territoire , dont les habi-
tants sont soumis, pour le spirituel, à la con-
duite d'un curé. On donne aussi le nom de
paroisse à l'église paroissiale, et quelquefois
ce mot se prend encore pour tous les habi-
tants d'une paroisse, pris collectivement. Les
marques ijui distinguent les paroisses des
autres églises sont les fonts baptismaux, le
cimetière, la desserte de l'église faite par un
curé , et la perception des dîmes. Il y a
néanmoins quelques-unes de ces marques
qui sont aussi comnmnes à d'autres églises;
mais il n'y a que les paroisses qui soient ré-
gies par un curé. Les droits des paroisses
sont que les fidèles doivent y assister aux
ofiices et instructions; que, [lendant la grand'
messe paroissiale, on ne devrait point célé-
brer de messes particulières; que chacun
doit rendre le pain bénit à son tour, s'acquit-
ter du devoir pascal dans sa paroisse; que
le curé de la paroisse, ou celui qui est com-
mis par lui, peut seul administrer les sacre-
ments aux malades; enfin, que chacun doit
être baptisé , marié et inhumé ilans la pa-
roisse où il demeure actuellement. Les re-
gistres que les curés sont obligés de tenir
des baptêmes , mariages et sépultures , sont
ce que l'on appelle vulgairement les registres
des paroisses. Autrefois les curés , avant de
dire la messe , interrogeaient les assistants
pour savoir s'ils étaient tous de la paroisse;
s'il s'en trouvait d'étrangers, ils les ren-
voyaient dans leur Eglise.
(1) Reproduit d'après l'édition de Liège (Droit ci-
vil et canon.).
DiCTIOMN. DE ThKOL. DOGMATIQUE. III
■^ Trois choses peuvent donner lieu à l'é-
rection des nouvelles paroisses . 1° La né-
cessité et l'utilité (pi'il y a do le fa'ire, par
rapport à la distance des lieux, l'incommo-
dité que le public souffre pour aller à l'an-
cienne ;)aro(ssc et la commodité qu'il trou-
vera à aller à la nouvelle; 2° la ré(]uisiliou
des personnes de considération , à la eliarge
par ces personnes de doter la nouvelle église ;
3° la réquisition des peuples , auxquels on
doit procurer tous les secours spirituels au-
tant qu'il est possilile. Avant de jirocéder à
uni! nouvelli' érection, il est d'usage de taire
une information decommodo et incommoda (1).
Dix maisons sont suffisantes pour former
une paroisse: 1(! concile d'Orléans, tenu dans
le VI' siècle , et celui de Tolède , l'ont ainsi
décidé. (Test à l'évoque à procéder à la divi
sion et érection des paroisses. La direction
des paroisses dé|iendantes des monastères,
exem|)ts ou non exempts, apj)arti(nt à l'évo-
que diocésain privativement aux relij;ieux.
Les anciennes ;;aro!ssfs qui ont été démem-
brées pour en former de nouvelles, sont
considérées, à l'égard de celles-ci, comme
mère-églises, ou églises matrices; et les
nouvelles paroisses sont quelquefois quali-
fiées de filles ou fillettes à l'égard de l'église
matrice. Quelques paroisses otit aussi des
annexes et succursales.
Quoique en général les paroisses aient un
territoire circonscrit, il y en a plusieurs où
il se trouve des fermes en terres qi,i sont,
pendant un an d'une paroisse, et l'année
suivante d'une autre. C'est surtout ce (ju'on
remarque pour dilférentes terres et fermes
de la Beauce et de la Sologne, il y avait
aussi autrefois des paroisses personnelles,
et non territoriales, c'est-à-diie (pie la (]ua-
lité des personnes les attachait ù ur,e pa-
roisse, el le curé avait droit de suite sur ses
paroissiens. L'exemple le plus singulier que
l'on trouve de ces paroisses personnelles est
celui des églises de Sainte-Croix et de Saint-
Maclou , de la ville de Manies. Suivant une-
transaction passée entre les deux curés, l'é-
glise de Sainte-Croix était la paroisse des
nobles et des clercs; dès qu'un homme avait,
été tonsuré , il devenait dépendant de cette
paroisse , et quand même il venait à se ma-
rier, lui et toute sa famille demeuraient tou-
jours al tachés à la môme paroisse: mais cette
transaction fut, avec juste raison, déclarée
abusive par arrêt du grand conseil de l'an-
née 1677, qui ordonna que ces deux parois-
ses seraient divisées par territoire , et l'exé-
cution en fut ordonnée par un autre arrêt du
31 mai 1715. A Amboise , la paroisse île l,:>
cliapelle ne s'étend que sur le bailli, le lieu-
tenant général, l'avocat et le pro< ureur du
roi, le lieutenant de police , les officiers des
eaux et forêts , les verdiers des bois , la no-
blesse, les possesseurs de fiefs, les gardes du
gouverneur, les nouveaux habitants de Li
(1) Pour l'érection d'une nouvelle paroisse sous le
rapport temporel, févéque présente les deniaudes au
gouvernement, qui érige, de concert avec lui, uiia
église en cure ou succursale.
ki
129!
PAtt
PAR
4f9e
ville pendant la jiremièi'ê àftnéë de leiibiéta-
blisseraent , les voya!,'eiti-s , les oftMers du
roi et de la reine. Ùni^ maison bAtie sur les
contins de deux paroisses, est de celle en la-
quelle se trouve la principale poîte let entrée
de la maison.
L'union de plusieurs paroisses ehsemhle
ne peut être faite que par l'évôipie ; il faut
qu'il y ait nécessité ou utilité, et ouïr les pa-
roissiens. On fait au prône des pa'roisses là
puijlication de certains actes, tels que les
mandements et lettres pastorales des évê-
ques.
Les criées dés biens saisis se font à la
porte de l'église paroi=;siale. On appelle sei-
gneur de paroisse belui qui a la haute justice
sur le terrain où l'Eglise [taroissiale se trouve
bâtie, quoiqu'il ne soit pas seigneur de tout
le territoire de la paroisse. Le gouvernement
spirituel des j^oi^oisses consiste dans tout ce
qui concerne la célébration du service divin,
1 administration des sacrements , les instruc-
tions, les catéchismes , les cérémonies de la
sépulture , etc. Le gouvernement temporel
comprend l'entretien de l'église paroissiale
et des chapelles qui en déjiendent , la répa-
ration ou la nouvelle construction du clo-
cher, des cloches, des murs du cimetière, du
presbytère; la fournilure des choses néces-
saires pour célébrer le service divin; l'admi-
nistration des biens et des revenus de la fa-
brique; l'élection et la nomination des mar-
guilliers et des fabriciens; les fonctions des
uns et des autres, etc. Le curé est seul eh
droit de régler ce qui regarde le spirituel de
la paroisse; mais il est obligé de se confor-
mer aux statuts du diocèse et à l'usage des
lieux. Quant au temporel, c'est au corps des
paroissiens à faire les règlements qui y sont
relatifs; mais il faut que ces règlements
soient conformes aux lois de l'Etat et aux
statuts et usages du diocèse (1). Le patro-
nage d'une paroisse est dû a celui qui a
fondé l'église paroissiale , ou qui a fourni à
son entretien (Extrait du Diction, de Juris-
prudence).
PAIIOLE. Ce mot en Hébreu a une signi-
fication aussi étendue que res en latin , qui
vient évidemment du grec fér», je parle, et
que notre mot français chose, qui est le causa
des Latins : nous disons encore causer pour
parler. Comme presque tout se fait ))ar la
parole |)armi les nommes, dans nos versions
iaiines de l'Ecriture sainte , le mot verbutn,
qui est la traduction de l'Hébreu dabar, si-
gnifle non-seulement parole , promesse , vo-
lonté déclarée, révélation, mais chose, action,
événement, etc. Il serait aisé d'en api.orter
vingt exemples
Parole de Dieu. Lorsque i)ieU a fait con-
naître sa volonté aUx hommes, soit par lui-
même, soit par d'autres hommes auxquels il a
donné ues signes certains d'une mission
surnaturelle, ce (jui nous a été ainsi révélé
est censé être \a parole de Dieu. Consé-
quemmenl nous donnons ce nom à l'Ecrilure
(1) Nous avons donné dans notre Dict. dé Tliénlo-
gie morale les règlements acluellemenl en vigueur
pour le gouvernement temporel des paroisses.
sainte ,' parce qu'elle a été 'originairement
écrite par des hommes auxquels Dieu avait
donné commission exp/esse de noUs parler
de sa part. Il n'est pas nécessaire que Dieu
ait révélé ou inspiré immédiatement aux
écrivains sacrés toutes les expressions et
tous les termes dont ils se sont servis ; il
sudit que Dieu leur ait révélé ce qu'ils ne
pouvaient pas savoir naturellement, qu'il les
ait excités, par un mouvement de sa grâce, à
écrire, et qu'il ait veillé, par une assistance
particulière, h ce qu'ils n'enseignassent au-
cune erreur. Que cette paro/c ait été pronon-
cée de vive vfdx, ou qu'elle ait été mise par
écrit, c'est une circonstance accidentelle qui
n'en change point la nature. Les apôtres ont
commencé par prêcher avant d'écrire ; la foi
de ceux qui les ont ^entendus n'était pas dif-
férente de la foi de ceux qui ont lu leurs
écrits : Dieu, sans doute, ))eut veiller à la
conservation d'une doctrine prêchée de vive
voix, comme h la sûreté et à l'intégrité du
l'Ecriture : c'est ainsi qu'il a conservé la ré-
vélation primitive, pendant deux mille cinq
cents ans, parmi les patriarches.
Lorsque les hommes qui avaient reçu de
Dieu une mission extraordinaire et suiîiatu-
relle, ont déclaré qu'ils avaient lé pouvoir
de donner à d'autres cette même mission, et
qu'ils la leur ont donnée en effet pour conti-
nuer le même ministère, nous ne voyons pas
pourquoi l'on refuserait de regarder comme
parole de Dieu la doctrine de ces nouveaux
envoyés, aussi bien que celle des premiers,
surtout lorsqu'ils déclarent tous qu'il ne
leur est pas permis de rien ajouter ni de
rien changer à ce qui a été i)rêché d'abord,
et que tous enseignent uniforinément la
même doctrine. -Saint Paul nous dit que Jé-
sus-Christ a donné non-seulement des apô-
tres, des prophètes et des évangélistes, mais
encore des pasteurs et des docteurs , « afm
que nous nous rencontrions tous dans l'u-
nité de la foi...., et que nous ne soyons pas
comme des enfants, flottants et emportés à
tout vent de doctrine [Ephes. iv , II). » La
mission des pasteurs et des docteurs (jui ont
snccédé aux apôtres et aux évangélistes est
donc la même que la leur ; elle vient do la
même source, elle a le même objet; elle mé-
rite donc la môme docilité et le môme respect
de notre part. Le même apôtre dit à son
disciple Timoihée , qu'il sera bon ministre
de J.'sus-Christ, en proposant aux fidèles la
foi d;uis laquelle il a été nourri, et la bonne
doctrine qu'il a reçue ; il lui ordonne de
l'enseigner, de la commander ( / Tim. iv, 6
et llj; de la garder comme un dépôt (vi, 20);
de la conlier à des hommes ûdèles qui se-
ront capables d'enseigner les autres {IITim.
II, 2). Après lui avoir dit : « Et, comine vous
connaissez dès l'enfance les saintes lettres
qui peuvent vous instruire pour le salut par
la foi qui est en Jésus-Christ » il ajoute :
« Je vous en conjure en présence de Dieu et
de Jésus-Christ, prêchez la parole, etc. (m,
15 ; IV, 1). » Voilà donc une continuation de
mission et de ministère apostolique. Si la
lecture de l'Ecrituri! sainte était afiaolumeût
1295
PAH
PAR
mi
ni'cessaire et suffisait à tous les fidèles pour
leur donner la loi et la science du salut,
qa"f5tail-ii encore besoin do leur (irùcher la
parole? Mais c'est parce que 'riinothée con-
naissait cns saints livres, que Paul le juge
capable de prêcher el d'enseigner. L'apôtre
pensait donc que la prédication ou l'ensei-
gnement dos pasteurs était ptiur les simples
lidèles la parole (h; I>ieit, et leur tenait lieu
des saintes leltres (pie la plupart ne connais-
saient pas et ne pouvaient jias coniiaiti'e.
Vuy. EcRiTL RE SAINTE. Aiusi, nous disons que
les pasteurs et les prédicateurs u >us prêchent
la parole de Dieu, parce qu'ils ont reçu la
mission ordinaire des évè(jues, et nous som-
mes certains qu'ils ne nous enseignent rien
de contraire à la parole de Dieu écrite, tant
qu'ils ne sont pas désavoués par ceux qui
leur ont donné cette mission. Vot/. Mission.
PAKKALN, c'est celui qui présente unén-
l'ant au baptême, qui le lient sur les fonts,
qui répond de sa croyance et lui impose un
nom. bans les |)remiers siècles du Christia-
nisme, il était à craindre que l'on ne fût
trompé par quelques-uns tie ceux qui se
présentaient pour recevoir le baptême; on
voulut, pour si'ii'cté, avoir le témoignage
d'un chrétien bien connu, qui put répondi'C
de la cioyance et des m l'urs du nouveau
fi'osélvle, qui se chargeât de continuer à
instruire et à le surveiller. Ce répôniant
I fut noiUiué pater lustralis, lasiricus parenss
&ponsor, patrinus, susceplor; gestator, offe-
rens. Et il en fut de même des marraines par
ra[)port anx personnes di; sexe. Cet usage
que 1,1 prudence avait suggéré à l'égard des
aduiteSi fut jugé utile et convenable à l'é-
gard des enfants, lorsque ce n'('taient point
leurs pères et, mères qui hvs présentaient au
baptême, il fallait que quelqu'un ré, ondit
pour eux aux interr )gatioiis qu'on leur fai-
sait. Connue la fonction des /;«r/'«(ns et mar-
raines à l'égal d de leur jiHeul était une es-
pèce d'adoption* l'Kghse jugea convenable
qu'elle produisît la même àhhiité ; elle de-
vi)U uu empêchement au mariage, et une
loi de Justinien conlirma cette discipline.
Pendant un temps la coutume s'introduisit
de prendre plusieurs parrains et plusieurs
marraines ; aujourd'hui l'on n'en prend plus
qu'un de chaque sexe; l'on peut en prendre
un pijur la confirmation, quoique cela ne
soit pas absolument nécessaire. Cet usage a
été sagement conservé ; indépendamment
ûes raisons qui l'ont fait établir dans l'ori-
gine, l'affinité spirituelle que contractent le
parrain et la marraine avec leur filleul et
avec ses père et mère, est un lien de plus
entre les familles qui ne [leut produire que
de bons elfets ; souvent un enfant qui avait
perdu ses parents a trouvé une ressource
très-avantageuse dans ceux qui l'avaient
présenté au baptême. Saint Augustin nous
ajjprend que les vierges consacrées k Dieu
rendaient souvent ce service de charité aux
enfants qui avaient été exposés par la cruau-
té de leurs parents. Bingnaui, Orig. ecclés.,
tom. IV, 1. II, c. 8.
PARKICIDË. Bous ce nom i«s auteurs
eccli'siasti(pies entendent non - seulement
le meurtri! d'un |)ère ou d'une mère com-
mis par un enfant , mais celui d'un enfant
commis par sm père oli par sa mèi-e. Ce
crime a toujours été puni par les lois de
l'Eglise aussi bien que par l«s lois civiles;
la peine ordinaire était l'ciconmiiinicatinn
ou l'état de pénitence perpétuelle ; dans |)!U-
sieurs Eglises il était défendu d'accordi'r aux
coupables la communion , mêlTie h la mort.
Lorsque les païens s'avisèrent d'accuser les
chrétiens d'égurger un enfant dans leur.^
assembl.'es , nos apologistes firent sentir
l'alisurdité de cette calomnie par l'horreur
que notre religion nous inspire pour riioiui-
cide en général ; mais ils reprochèrent aVec
force aux païens la multitude des meuiii-es
qui se commettaient parmi eux, la criiaufé
avec laquelle les pères et mères exposaient
leurs enfants pour se décharge!' de la pèiiie
de les nourrir, le peu de scrupule qu'avaient
les femmes de se faire avorter. Dans la dis-
cipline actuelle , toutes les espèces d'homi-
cides sont encore un cas réservé. Binghain,
Orig. ecclés , t. VL 1. xvi^ e. ID, § 9.
PAUSIS ou PARSES, sectateurs de VsYi-
cièniie religion des Perses dont ZoroAStre A
été l'auteur ou le restaurateur. Comme les
anciens docteurs ou ministres de cette reli-
gion se nommaient mages , elle est quelque-
fois appelée le ûiagisme.
Jusqu'il nos jours elje avait été asèez niai
connue, et elle avait f6brni aux savants une
ample matière de disputes ; leS auteurs grecs
et latins ne nous en avaient donné que des
notions très -imparfaites. Dans le demiei"
siècle, Hyde, savant anglais, dans son traité
de Kelifjiwne veterum Persarum , en avait fait
l'éloge plutôt que le tableau ; il prétendit
que les Grecs , et mômes les Pères de l'E-
glise, l'avaient mal représentée, et avaient
attribué aux mages des erreurs auxquelles
ciux-ci n'avaient jamais pèûsé ; que la doc-
trine de Zoroastre était , dans le fotid , là
croyance d'Abraham et de Noé, la vraie re-
ligion lies patriarches. Prideaux , dans son
Ilistoirc des Juifs , tom. I, 1. iv, p. 131 , en
jugea beaucoup moins favorablement ; il
soutint que les parsis étaiteilt dualistes et
polythéistes ; qu'ils admettaient deux pre-
miers principes de toutes choses, qu'ils ado-
raient le soleil , le feu , et plusieurs autres
créatures ; que sur ce point essentiel les
anciens auteurs ne leur en avaient point
imposé.
Pour savoir plus certainement la Vérité ,
M. Anquetil entre|)rit, en 1755, le voyage
des Indes , oii il savait qu'il y a un iissêz
grand nombre de pmsis, afin de se procurer
les ouvrages originaux de Zoroastre , tfUi
étaient encore inconnus eli Europe ; il ICS
y a trouvés en elfet , les a rapportés Ctl
France, 1 1 en a donné la traduction en 1771,
sous le i\\.Y& A'i Zcnd-Avesta. Avec ce secours
et celui de plusieurs mémoires insérés dans
Xa Collection de l'Académie des Inscriptions ,
nous pouvons jugei- de la religion de Zo-
roastre et des pnrsis avec beaucoup plus do
certitude qu'autrefois
1295
PAR
PAR
4296
Dans le lomc LXX,in-12,dc ces mémoires,
M. Anquetil s'est attaché à prouver que les
ouvrages qu'il a publiés sous le nom de Zo-
roastre sont véritablement de ce législateur,
ou du moins qu'ils sont aussi anciens que
lui; il a ré|iondu aux doutes et aux objec-
tions (pie quelques savants avaient proposés
contre l'authenticité de ces écrits, et nous
ne voyons pas (jue l'on ait encore tenté de
détruire les preuves qu'il a données.
La vie de Zoroasire est tirée de ses pro-
pres ouvrages et de ceux de ses disciples ,
des écrivains orientaux rapprochés des au-
teurs grecs et latins. Ce législateur a paru ,
selon M. Anquetil , cinq cent cinquante ans
avant Jésus-Christ. Hyde est de môme avis ,
et Prideaux ne s'en écarte pas beaucoup. A
peu près dans le raéme temps , Confucius
instruisait les Chinois; Phérécide le Syrien ,
maître de Pythagore, jetait les premiers fon-
dements de la philosophie grecque ; les
Juifs , transportés à JJaijylone par les rois
d'Assyrie , attendaient la tin de leur capti-
vité. Jérémie , E,;échiel et Daniel nous ont
représenté la religion des Babyloniens comme
l'idolâtrie la plus grossière ; il est proba-
ble que celle des Mèdes et des Perses n'é-
tait pas moins corrompue lorsque Zoroastre
entreprit de la réformer. 11 se retira dans la
solitude pour arranger son système ; il en
sortit pour faire l'inspiré et lé prophète ; il
publia d'abord sa doctrine dans la Médie ,
sur les bords de la mer Caspienne ; il gagna
le roi des Mèdes par la persuasion ; il sé-
duisit le peuple par des prestiges ; il subju-
gua ses adversaires par la crainte ; ses dis-
ciples lui ont attribué des milliers de mira-
cles. Enflé de ses succès, il lit mettre des armées
en campagne pour établir sa loi par la vio-
lence, et c'est ainsi qu'il l'élendit jusque
dans les Indes ; il fut tout à la fois enthou-
siaste , imposteur , orgueilleux et sangui-
naire. Zend-Avesta , tom. I, ii' part., p.
Gk et 65.
Malgré les peines que M. Anquetil s'est
données pour exposer le système théolo-
gique de Zoroastre et des mages , Mém. de
TÂcad. des Inscrip. , t. LXIX , in-12, p. 8o ,
il n'est pas encore fort aisé de prendre le
vrai sens de ses dogmes, et il y a sur ce su-
jet une grande contestation. Selon M. An-
quetil , Zoroasire admet un Dieu suprèiue
qu'il nomme V Eternel ou le temps sans bornes,
et il professe le dogme important delà créa-
tion. Il suppose que l'Eternel a produit ou
créé deux esprits ou génies supérieurs ,
ilont l'un nommé Ormuzd est le principe de
tout bien; l'autre, appelé Ahriman, est na-
turellement mauvais et cause de tous les
maux qui sont dans le monde ; que ces deux
esprits en ont produit une intinité d'autres
qui animent et gouvernent les éléments et
les dirférentes jiarties de la nature. Consé-
quemment les mages et les parsis adressent
un culte à tous ces êtres, ils invoquent ceux
qu'ils regardent comme les distrUjuteurs de
tous les biens , et implorent leur secours
contre les mauvais génies qu'Ahriman a
produits. M. Anquetil orétend que ce culte ^
est secondau-e et relatif, qu'il se rapporte
du moins indirectement à l'Eternel, créateur
d'Ormuzd et de tous les bons génies. Mais
les preuves qu'il en a|)porte n'ont pas per-
suadé tous les savants. M. l'abbé Fouclier,
qui trav.dllait alors à un Traité historique de
la religion des Perses, dans le temps môme
que M. Anquetil était occupé à la recherche
et à la traduction des livres de Zoroastre ,
s'était appliqué à prouver contre le docleur
Hyde, que les Perses professaient non -seu-
lement le dualisme , par conséquent une er-
reur contraire au dogme de l'unité de Dieu,
mais qu'ils étaient encore sabaïtes ou ado-
rateurs des astres , dans toute la rigueur du
terme, et que ce culte ne pouvait en aucune
manière se rapportera un seul Dieu suprême.
Ce traité se trouve dans les tomes XLII,
p. 161; L, p. 15;); LVI, p. 336, des Mémoires
de l'Académie des Inscript., m-12.
Après avoir lu le Zend-Avesta et les re-
marques de M. Anquetil , M. l'abbé Foucher
est demeuré convaincu de la vérité de ce
qu'il avait avancé ; et dans un supplément à
son traité, il prouve, par les ouvrages même
de Zoroastre, que ce fondateur de la religion
des Perses n'admet point distinctement un
seul premier principe éternel, agissant, tout-
l)uissant et créateur ; que selon sa doctrine ,
Ormuzd et Ahriman sont deux êtres éternels
et incréés ; qu'ils sont sortis du temps sans
bornes , non par création , mais par émana-
tion; qu'à proprement parler, ces deux per-
sonnages sont les deux seuls dieux, puisque
le temps sans bornes n'a point de provi-
dence , et n'a eu aucune part à la formation
ni au gouvernement du monde. Il fait voir ,
par les prières mêmes que les parsis adres-
sent au soleil, au feu et à l'eau, qu'ils envi-
sagent ces êtres non-seulement comme intel-
ligents et capables d'entendre leurs prières,
mais comme puissants et indéjiendants ;
qu'ainsi le culte qui leur est rendu peut se
rapporter tout au plus à Ormuzd qui est
leur auteur; mais non à l'Etre suprême et
éternel , créateur et gouverneur du monde :
d'où il conclut que les parsis sont non-seu-
lement dualistes , et sabaïtes , mais que leur
culte est une vraie matjie ou une théurgie
absolument semblable à celle des platoni-
ciens du nr et du iv siècle de lEglise. A
proprement jiarler , ils ne sont point idolâ-
tres , puisqu'ils ne représentent point par
des statues ou des simulacres les esprits ou
génies qu'ils adorent , mais ils les honorent
dans les êtres naturels avec lesquels ils les
supposent identitiés. Voy. le tom. LXXIV,
in-12 , des Mémoires de l'Acad. , pag. 235
et suiv.
De là même il s'ensuit que Zoroastre a été
non-seulement un imposteur et un faux pro-
phète , mais un mauvais [ihilosophe. Le
dogme des deux principes, quand il serait
tel que M. Anquetil la conçu, ne montre pas
un raisonneur profond, il ne résout pointla
dilliculté de l'origine du mal et ne satisfait
à aucune objection ; que Dieu soit par lui-
même l'auteur du mal, ou qu'il ait créé un
mauvais principe qui devait le produire et
1297
PAR
PAR
1298
dont il pr(''VOvnit la malignité, cola revient
/ au môme ;1'un n'est pas plus aisé à concevoir
^, que l'autre. Voi/. i\[AMciiÉisME. Si l'on snp-
i pose que ce princi]ie ilu mal est éternel et
incréé, l'on tombe dans un chaos tl'alisurdi-
tés. Dans les prières des parsis , (l:ins toutes
leurs cérémonies, Onnuzcl, être secondaire,
est le seid objet di- leur confiance eldeleiu's
vœux ; c'est lui qu'ils adorent sous l'em-
blème du feu : l'Eternel ou le temps sans
bornes n'est jamais nommé ni invoqué.
Quand môme ils regarderaient On/( M :rf comme
l'Etre suprême, éternel et incréé, ils lui
feraient encore injure, en supposant son
pouvoir borné et toujours gêné par un en-
nemi contre lequel il est continuellement
obligé de combattre. Ce n'c^t point lui qui a
créé Ahriman ; si celui-ci est éternel et in-
créé, il est absurde de le sup|ioser essentiel-
lement mauvais. La Cosmof/onie, ou l'histoire
de (a formation du »!ow(/p, iorgéi'par Zoroas-
tre , est remplie de tables puériles et ridi-
cules. Selon lui, W ciel, la terre, les astres,
les eaux, le feu et toutes les jiarties de la
nature sont animées par des esprits ou tles
génies ; lesmoindres phénomènes sont l'opé-
ration d'un personnage bon ou mauvais ;
c'est le môme préjugé qui a fondé le poly-
théisme de tous les peuples. L'imagination
des parsis, toujours frappée de la |)résence de
ces êtres bizarres, n'est jamais tranquille ;
<■> tout moment et pour toutes les actions il
fait leur adresser des prières ; n'est-il pas ri-
dicule d'invoquer laterre,les vents, leseaux,
les arbres, les Iruits, les villes, les rues, les
maisons, les mois, lesjours, les heures, etc. ?
Les jiaïens les plus superstitieux n'ont ja-
mais poussé la stupidité jus(pic-lii. Si un
par.te était exact à observer son rituel et
toutes les formules qui lui sont prescrites,
il ne lui resteiait |)as un instant pour remplir
les devoirs de la vie civile; sa religion l'as-
sujettit à un cérémonial continuel.
On nous dit que la morale de Zoroastre
renferme îles jiréceptes très-sages, qu'elle
commando tous les devoirs de justice et
d'humanité. Sa loi défend les péchés de
pensées, de paroles et d'actions, l'injustice,
la fraude, la violence, l'impudicité ; elle veut
que la plupart des crimes soient punis de
mort; elle ne |)rescrit point d'austériti's, mais
de bonnes onivrcs : prêter sans intérêt,
planter unarbre, mettre un enfant au monde,
nourrirun animal utde, etc., sont des actions
méritoires. Mais ces leçons raisonnables
sont éloulfées par la multitude de choses
Inditférentes qui sont l'igoureusement pres-
crites par cette même loi , ou défendu s
comme des crimes. 11 est absurde de repré-
senter comme des péchés à peu près égaux,
défaire tort ouvinlmire .^ un homme et de
blesser un animal, de C(jmmettro un adultère
et d'a|.iprocher d'un corps mort, de mentir
pour trom[ier son [irochain el do toucher
des ongles ou des chev.ux coupés. Si un
parse avait craché dans le feu ou l'avait souf-
llé, ou y avait jeté de l'eau, il se croirait
digne de l'enfer. Cette multitude de péchés
ou de souillures imaginaires met les parsis
dans la nécessité de recourir a des imrifica-
tions continuelles ; les plus ellicaces se font
avec de l'urine de bœuf, et ils ont le courage
d'en boire ; la plupart de leurs cérémonir.s
sont d'une malpropreté qui fait soulever ]n
cœur. L'usage dans lequel ils sont de no
]ioint enterrer les morts, mais de les laisser
cori-onipre au grand air et dévorer par les
oiseaux carnassiers, sullirait pour infecter les
vivants danstlesclimatsmoinschauds et moins
secs que ceux de la Perse et des Indes.
Nous sommes sur[)ris de ce que le savant
académicien qui, di|)uis |ieu , a comparé
eiisoiiible Zoroastre, Confucius et Mahomet,
a jiarlé si avantageusement de la doctrine de
Zoroastre ; après l'avoir bien examinée nous
ne concevons pas en quel sens on a pu le
nommer un rjrand homme. Nous voyons en-
core moins sur quoi peut être fondé l'éloge
l)om|ieux qu'en a fait l'auleiirde VEssai sur
l'hist.du Sabi'isme, c. 11. Nos beaux es[)rits
modernes es;)èrent-ils donc que les louanges
qu'ils donnent aux fondateurs des fausses
religions tourneront au ilésavantage de la
véritable?
Les préceptes de charité et de justice doi-
vent être les mêmes à l'égard de tous les
hommes; mais les parsis n'en font l'appli-
cation qu'aux sectateurs de leur religion;
leurs observances minutieusi^s et rexemple
de leur législateur leur inspiient le mépris
et l'aversion pour tous ceux qui ont une
croyance dilférente de la leur. La cruauté
aveclaquelleils punissent les criminels, lors-
qu'ils en sont l"s maîtres, décèle en eux un
caractère atroce ; intliger la peine de moi t
inditféremment pour descrimestrès-inégaux,
et dont les conséquences ne sont i)as égale-
ment pernicieuses, est un abus qui marque
peu de discernement et de sagesse dans un
législateur. On a beau dire que les parscs
sont en gém'ral doux, obligeants, sociables,
d'un coiunerce sûr et paisible; cela vient
moins de leur croyance et do leur morale,
que de l'vlai d'esclavage et d'impuissance
dans 1 (piel ils sont réJuits sous la domina-
tion des m;diométans qui les haïssent et les
nié|irisent. Ceux-ci ne les nomment point
autrement que giaotir , gaures ou guèbres,
c'est-à-dire intldèles. Aussi la religion de
Zoroaslias établie d'abord par la violence, a
été successivement persécutante ou persé-
cutée, selon que ses sectateurs ont été les
])lus forts ou les plus faibles. Cambyse, roi
de P.'rse, vainqueur des Egyptiens ; se fit un
jeu d'insulter a leur religion et d'égorger
leurs animaux sacrés. Les mages , ([ui se
trouvaient dans l'armée diï Xerxès, l'enga-
gèrent à bn'der et à détruire les temples de
la Grèce ; les Grecs en laissèrent subsister
les ruines, aiin d'exciter le ressentiment de
leur postérité contre les Perses. AL^xandre,
leur vain(]ueiir, s'en souvint; il persécuta les
mages et lit détruire dans la Perse les pyrées
ou les temples du feu. Sous la nouvelle
monarchie des Perses, Sapor et ses succès-^
seurs firent jiérir par milliers les chré '
qui se trouvèrent dans ses états; on y co
jusqu'à deux cent mille martyrs. Cho
Î299
CAR
PAR
1500
iuraqu'il exterminerait les Romains, oi^ qu'il
ïçs forcerait d'adorer le soleil. A leur tour
les mahomctans, devenus maîtres de la Perse,
opprimèrent les sectateurs du niagisuie et
les forcèrent de se rélugler dans le KirwaD,
province voisine des Indes ; quelques-uns
s'enfuirent jusqu'à l'extrémité méritlionale
de rinde où ils sont encore, et où M. Anque-
til les a trouvés. Par ces observations, l'on
voit quel cas on doit faire des visions de
nos philosophes incrédules, qui ont voulu
nous représenter la religion de Zoroastre et
des mages comme un déisme très-pur, ca-
pable de rendre un peuple sage et vertueux.
Quelques-uns ont ailirmé gravement que les
parses, sans avo^r été favorisés d'aucune ré-
vélation, ont des itlées plus saines, plus
nobles, plus universelles de la Divinité que
les Hébreux ; qu'ils ont toujours adoré un
Dieu unique, un Dieu universel, un. Dieu
parfait, un Dieu de l'univers entier ;ciue
Zoroastre, sans se prétendre inspiré, a en-
seigné le dogme des peines et des récom-
penses de l'autre vie et du jugement dernier,
d'une manière aussi claire et aussi précise
que Jésus-Christ ; qu'il n'est pas vrai que
ses sectateurs croient le mauvais principe
indépendant du bon ; qu'ils admettent seule-
ment, comme les juifs et les clirétiens, un
Dieu tou^-puissant, et un diable qui sans
cesse rend ses projets inutile.'^. Il est cepen-
dantdémontré, parlcslivies mémede Zoroas-
tre, que ce sont là autant d'iinj^osturis; que
ce législateur s'est donné pour iiispiré. a pré-
tendu prouver sa uiission divine par des
miracles, et ([ue telle est encore l'opinii/U
qu'en ont ses sectateurs. i^o\\] de reconnaître
un Dieu unique , créateur et gouverneur de
l'univers, il a professé le dualjsinc, l'existence
de deux premiers principes aussi anciens
l'un que l'autre qui, tous deux, ont contri
hué à la formatiop du mpude, ft dont l'un
ne peut empêcherTautre ti'agir; ce n'estqu'à
la ûa du monde qn'Ornuizd ou le bon prin-
cipe détruira enlin l'empire d'Aliriinan , au-
teur de tous les maux. Selon la croyance
des juifs et des clirétiens, le démon est une
créature dont Dieu réprime la puissance et
la malice comme il lui plaît , et qui ne peut
rien faire qu'autant que Dieu le lui permet;
il n'est pas vrai que cet esprit, devenu mé-
chant par sa faute, rende le§ projets de Dieu
inutiles. Yoy. Démon.
Zoroastre a enseigné l'immortalité de l'â-
me, la résurrection future, le jugement der-
nier, les peines et les récompenses de l'autre
vie; mais il est faux qu'il ait proposé ces
dogmes d'une manière aussi claire et aussi
ferme que la fait Jésus-Christ; on ne sait
pas en quoi Zoroastre a fait consister la ré-
compense des justes dans l'autre vie ni la
^mnition des méchants; il a déhguré ces vé-
rités importantes par des accessoires lidicu-
Jcs;il peut très-bien avoir emprunté ce qu'il
y a de bon dans sa doctrine des livres des
Juifs, qui, de son temps, étaient répandus
dans la Wédie. En ordonnant à ses sectateurs
de rendre un culte aux astres, aux éléments,
«ux différentes parties delà nature, il leur a
tendu un piège inévitable de polythéisme et
de superstition, jinisqu'il a supposé que tous
ces objets sensibles sont animés par un es-
prit intelligent, puissant, actif, capalile par
lui-même de faire du bien aux hommes.
C'est l'opinion quia jelé dans l'idchUrie tou-
tes les nations de l'univers. Le culte rendu
à ces préiendus gi'nies ne peut en aucune
manière se rapporter à un Dieu suprême,
puisque les parses ne connaissent point ee
Dieu, et qu'ils attribuent à ces génies un
pouvoir naturel et une action imméiiiate, une
intelligence et une volonté qui n'est subor-
donnée à aucun autre pouvoir suprême. Ce
préjugé pe ressemble donc en rien à noire
croyance au sujet des anges et des saints;
nous faisons profession de croire que ( eux-
ci ne connaissent rien que ce que Die'uleur fait
connaître, qu'ils n'ont point d'autre po ivoir
que celui d'intercéder pour nous auiuès de
pieu, qu'ils ne font rien que ce que Dieu
veut qu'ils fassent, que c'est Dieu qui, par
bonté ])our nous, veut bien cju'ils le {triciit
en notre faveur. Il est donc imjiossible que
le culte que nous leur rendons se termine à
eux et ne se nipiiorte pas à Dieu. Mais tel
est l'aveuglement opiniâtre des incrédules et
(les protestants; pendant qu ils ne cessent
(le nous reprocher le culte et l'invocation des
saints comme une supcrsthion et une idolâ-
trie, ils ont la charité d'absoud e de ce crime
les parsis, adorateurs du feu et des astres;
les Chinois, qui invoquent les esprits mo-
teurs de la nature et les âmes de leurs an-
cêtres; les païens anciens et modernes, qui
ont i>eu}ilé de dieux toutes les parties de
l'univers ; les Egyptiens mêmes, qui hono-
raient des animaux et des plantes. Ils nous
font la grâce de nous supiioser plus slupides
que toutes les nations du monde. Hyde avait
poussé l'entêtement jusqu'à blâmer non-seu-
lement les Pères de l'Eglise qui ont rejiroché
aux mages et aux Perses le cidte du feu et
du soleil, mais encore les chrétiens qui ai-
mèrent mieux périr dans les sujiplices que
de praticpier ce culte impie auquel les Perses
voulaient les foicer; il accuse les premiers
d'ignorance et de mauvaise foi, les seconds
d'humeur et d'opiniâtreté, de Religione vet.
Pers., c. k, p. 108. M. l'abbé Foucher a vengé
les uns et les autres; il a prouvé (jue les Pè-
res de l'Eglise étaidit très-bien instruits de
la croyance des mages, cju'ils ne h'ur ont
attribué que les dogmes qu'ils professaient
en effet, qu'ils ont ( u raison do regarder le
culte du feu et du soleil non-seulement com-
me un culte civil et relatif, mais comme un
culte absolu et ri'ligieux; qu'ainsi les chré-
tiens qui en ont ou horreur et qui l'ont en-
visagé comme une a|iostasie forineile, n'ont
pas eu tort, Mém. de i'Acad. des Inscript.,
t. L, in-12, p. 230, 2(j8, etc. M. Anquetil,
quoique très-enclin à justitier les Perses, est
convenu que ces chrétiens ont raisonné jus-
te, parce que le culte auquel on voulait les
forc(M' était regardé par les Perses comme
une renonciation fonielle au christianisme,
ibid., t. LXIX, ]). 319. C'est sur ce même
pi'iuciiio que l'on reproche aux Hollandais
iSOl
PAR
PAR
1S02
comme une apostasie, la complaisance qu'ils
ont çu Japon de fouler aux pieds une imagé
de Jésus-Cljrist cnirifié, parce que, selon
l'opinion des Japonais, cette d'^Y-monie est
une profession formelle (i'> ne pas être chré-
tien. Yo)/. Japon. M. l'alibé Fouclier a fait
plus : il a montr(^ par le témoignage des au-
leurs sacrés, que le sahaisinc ou 1 adoration
dos astres était l'idolAtrie la plus ancienne
et la plus comiiRine dans tout l'Orient, qu'elle
était formellement déiendue aux Israélites,
qu'ils y sont cependant tombés très-souvent,
qu'elle régnait dans la Perse, et qiie les Per-
ses, cou|iab!es de ce culte, sont accusés de
no pas connaître le vrai Dieu, t. XL!I, p. 180.
La défense faite aux Hébreux ne peut pas
être plus expresse. Dent., c. iv, v. 15 : « Lors7
qucHe Seigneur vous a parlé ,Mloreb,aumii|eu
d'un feu, voLis n'avez vu aucune ligure...., de
iieun(ii'en regardapt le ciel, eu voyantle so-
leil, la lune, et tous les astres, séduitspar leur
,éc!at, vous ne les adoriez, et que vous ne reu-
die/. un culte à des êtres (pie le Seigneur votre
Dieu a créés pour le service de toutes los
nations qui sont sous le ciel. » Cette défense
est répétée, c. xvn, v. 3. Job, iaisant son
apologie, c. xxxi, v. 26, proteste (j^ii'ij n'est
point coupable de cette impiété : '< Si j'ai en-
visagé, dit-il, le soleil et la lune dans leur
marche brdiantc, si j'ai ressrnti la joie dans
mon cœur, si j'ai porté ma main à fua bou-
che ( en ^igne d'adoration ), c'est commettre
un grand crime et renierle Très-Haut. » L'au-
teur du livre de la Sagesse, c. xui, v. 1, dé-
plore l'aveugleinint de ceux qui n'ont pas
su connaître Dieu par ses ouvrages, mais
qui ont re,j,;u(lé le fou, l'air, le vent, les
étoiles, l'eau, le soleil et la lune, comme les
dieux qui gouvernent le monde. Nous avons
vu que c'est ainsi qu'ils sont représentés
dans les livres de Zoroastre, et qu'ils sont
invoqués ) ar les pnrsts. La principale ido-
lâtrie'que les auteurs sacrés re|)rochent aux
Juifs in(i(|èles est d'avoir rendu un culte à
la milice du ciel, ou h l'armée du ciel, lY
Reg-, c. xvn, V. 10; c. xxi, y. 3 et 5, etc.
Ezéchiel voit en esprit dans le teruple de
Jérusalem, 1° des Juifs qui adoraient Baal,
c'est ridol.Uric (le* Phéniciens; 2° d'autres
qui se j)ro.^lernaienl devant des ligures pein-
tes sur la muraille, et devant des imagis de
reptiles et d'animaux, c'était la superstition
des Egyptiens; 3" des femmes qui plemaient
Tamnuz ou Adonis, comme faisaient les
Syriens; 'i.° des honunes qui tournaient le
dos au temple du Seigneur et qui adoraient
le soleil levant, c'est évideramrnt le culte
des Perses. Le prophète l'appelle une abo-
mination comme les précédents, c. vni.
On ne peut mieuxsavoir quelies élaientles
eiTCurs des Perses que par la leçon que Dieu
adresse h Cyrus, deux cents ans avant sa
naissance, par la bouche d'isaïe, c. xlv, y. 4 :
Je vous ai appelé par votre nom, je vous ai
désigné par un caractère particulier, et vous
ne pi'avez pas connu. Je .<«/.< le Seigneur ; per-
sonne n'est au-dessus de moi, et il n'y a point
d'autre Dieu que moi...: je iuisle setd Seigneur.
C'tst moi qui fais la iHmère et qui crée les té-
nêbrx's, qui ^onne, la paix ft qui crée le mal...
C'est moi qui ai fait la terre et ses hubitan(s;\
mes mains ont étendu les cieua-, et leur armée
exécute mes ordres. Prideaux s'était déjà servi
cje ces passages pour montrer que les Perses
étaient véritablement dualistes et sabaites,
que leur croyance et leur culte étaient inex
ensables. Vainement on dira qu'ils connais-
saient le vrai Dieu, le Dieu suprême, et qu'ils
l'adoraient; Isaie déclare que Cyrus, élevé
dans la religion des mages, iiele connaissait
pas. On dira que les deux princi[!es étaient
des êtres créés, subordonnés et dépendants
du Dieu suprême, qu'ils n'étaient que ses
ministres, l'un pour faire le bien, l'autre
pour faire le mal; mais Dieu soutient que
c'est lui qui fait l'un et l'autre, et qu'il n'y a
point d'autre Seigneur que lui. On aura beau
prétendre que le culte rendu au soleil et aux
astres, aux prétendus génies gouverncirs
du monde, se rapporte à Dieu; Ezéchiel dé-
clare (jue c'est une abomination. De là il
résulte que les auteurs sacrés étaient très-
bien insiruits des choses dont ils parlent;
que l.s Pères de l'Eglise et les chrétiens de
la Perse avaient raison de s'en tenir aux no-
tions que l'Ecriture nous donne des fausses
religions et de la vraie; que toute ;ipologie
qu'on fera de celle de Zoroastre, de.; mages
et des parsis, sera mal fondée et absurde.
Voy. Armée du Ciel, Idolâtrie, etc.
PARTIALITÉ. C'est le défaut ou d'un
juge qui favorise une partie au préjudice de
l'autre, ou d'un distributeur de récompenses
qui ne les mesure point selon le mérite des
prétendants, ou d'un homme préoccupé par
line passion, qui ne juge point équitable-
ment du mérite d'autrui. Lorsqu'un homme
fait de plus grands dons à un de ses amis
qu'à l'autre, c'est une prédilection et une
préférence, mais ce n'est point une partia-
lité ; celle-ci ne peut avoir lieu que quand
il est question de justice.
Mais les incrédules dont le plus grand
talent est d'abuser de tous les termes, sou-
tiennent qu'en admellant une révélation qui
n'a pas été faite à tous les jieuples, nous
supposons en Dieudelapari(fl/(^^. C'enserait
une, disent-ils si Dieu avait choisi la postéiité
d'Abraham pour en faire son peuple parti-
culier, pour lui prodiguer les faveurs de sa
providence, les attentions et les miracles,
pendant qu'il abuidoniiait les autres peu-
ples. C'en serait une encore plus marquée,
s'il avait envoyé son Fils prêcher, enseigner,
faire des prodiges dans la Judée, pendant
qu'il laissait les Romains, les Perses, les
Indiens, les Chinois, dans les ténèbres de
l'infidélité ; s'il avait fait porter ensuite l'E-
vangile à quelques nations seulement, pen-
dant que les autres n'en ont pas entend u
parler. Nous avons beau leur répondre que
Dieu, maître de ses dons et de ses grâces,
ne les doit à personne, qu'il les accorde ou
les refuse à qui il lui plaît ; ils soutiennent
que cette raison ne vaut rien, que Dieu est
non-seulement incapable de partialité, mais
encore d'une aveugle prédilection. Dieu,
coniinuent-ils, auteur do la nature et père
Î305
PAR
PAR
iSOi
de tous les hommes, doit les aimer tous
également, être également leur bienfaiteur ;
celui qui donne l'être, doit donner les suites
et les conséquences nécessaires pour le bien-
être ; un Dieu infiniment bon ne produit pas
des créatures exprès pour les rendre mal-
heureuses, pendant qu'il en prédestine seu-
lement un petit nombre au bonheur, et les
y conduit par une suite de secours et de
moyens qu'il n'accorde pas à tous ; c'est un
blasphème absurde de le supposer bon, li-
béral, indulf^ent, miséricordieux, seulement
pour quelques-uns, pendant qu'il est dur,
avare de ses dons, juge sévère et inflexible
à l'égard de tous les autres.
Au mot Inégalité, nous avons traité am-
plement cette question, et nous avons dé-
montré qu'il est faux que Dieu doive aimer
également tous les hommes, accorder à tous
une mesure égale de bienfaits, soit dans
l'ordre de la nature, soit dans l'ordre de la
grâce ; que cette égalité' est absurde et im-
possible. — 1' Dans l'ordre de la nature,
nous avons fait voir que, supposé l'égalité
des dons naturels dans tous les hommes, la
société seiait imposs'ble entre eux, que la
vertu serait sans exercice, qu'il n'y aurait
plus entre eux aucune relation ni aucun de-
voir mutuel ; qu'une répartition égale et
uniforme de facultés naturelles, de talents,
d'industrie et de ressources, serait l'ouvrage
d'une nécessté aveugle, et non la conduite
d'une Providence intelligente, sage, libre
et maîtresse de ses dons ; qu'elle ne pour-
rait inspirer ni reconnaissance, ni soumis-
sion, ni confiance en Dieu ; un tel plan
serait donc diamétralement opposé à la sa-
gesse et à la ijonté divine : nous osons
défier tous les incrédules de prouver le con-
traire. — 2° Nous avons montré que l'ordre
de la gnlce étant nécessairement relatif à
Tordre delà nature, la distribution égale des
moyens de salut et des secours surnaturels
entraînerait les mêmes inconv.'nients qu3
l'égalité des dons naturels ; qu'il ne pour-
rait y avoir entre les hommes aucune société
religieuse, aucun besoin de vertus ni de
bons exemples ; alors l'opération de la grâce
ressemblerait à celle de nos facultés physi-
ques, et l'ou serait encore moins tenté d'en
rendre grâces à Dieu que de le remercier
des yeux qu'il nous a donnés pour voir, et
des pieds que nous avons reçus pour mar-
cher.— 3° au mot Abandon, nous avons
prouvé qu'il est faux ijue Dieu ait absolu-
ment abandonné aucun peuple ni aucun
homme, ou ([u'il refuse à aucun les secours
nécessaires pour parvenir au salut : nos
livres saints nous enseignent formellement
le contiaire. -4"Ilest absurde d'appeler ^jrc-
dilcction aveugle un choix que Dieu fait avec
pleine connaissance et pour des raisons qui
nous sont inconnues ; mais les incrédules
veulent que Dieu leii/ rende compte de sa
conduite, pend.mt qu'ils prétendent qu'ils
nr- lui doivent aucun coiu|)le de la leur. —
5" Ce qui les troiiipe, c'est qu'ils font une
comparaison fausse entre les grâces, les
.bienfaits de Dieu, et ceux que les hommes
peuvent distribuer. Comme ces derniers sont
nécessairement bornés, ce qui est accordé
à un particulier est autant de retranché sur
ce qu'un autre peut recevoir ; il est donc
impossible qu'un seul soit favorisé, sans
que cela ne porte préjudice aux autres ; et
voilà justement en quoi consiste le vice de
la partialité. Mais la puissance de Dieu est
infinie, et ses trésors sont inépuisables : ce
qu'ildonneàl'un ne déroge en rien et neporte
aucun préjudice à la portion qu'il destine
aux autres : ce qu'il départit libéralement à
un peuple, ne le met pas hors d'état de pour-
voir aux besoins des autres peuples. En quoi
les grâces accordées aux Juifs ont-elles di-
minué la mesure des secours que Dieu vou-
lait donner aux Indiens et aux Chinois ? La
lumière de l'Evangile répandue chez les
nations de l'Europe a-t-elle augmenté les
ténèbres des Africains ou des Américains ?
Au contraire, il a plu à Dieu de se servir
des uns pour éclairer les autres, et nous
avons fait voir que les prodiges opérés en
faveur des Juifs n'auraient pas été moins
utiles aux Egyptiens, aux Iduméens, aux
Chananéens, aux Assyriens, si ces nations
avaient voulu en profiter. En quel sens
peut-on dire que Dieu est un maître dur,
injuste, avare, sans miséricorde, envers quel
peuple ou quel homme que ce soit? — 6° Ce
n'est pas notre faute si les incrédules enten-
dent mal le terme de prédestination; il ne
signifie rien autre chose que le décret que
Dieu a formé de toute éternité de faire ce
qu'il exécute en effet dans le temps ; or,
quand il accorde dans le temps les moyens
de salut à telle personne, il ne les refuse pas
pour cela à une autre ; donc il n'a jamais
formé le décret de les refuser; donc la pré-
destination des saints n'emporte jamais avec
elle la réprobation positive de ceux qui se
damnent par leur faute. Voy. Prédestina-
tion. Quand on veut s'exposer à lire les
écrits des incrédules, il faut commencer par
avoir des idées nettes et précises des termes
dont ils abusent ; autrement l'on s'expose à
être dupe de tous leurs sophismes. Le faux
reproche qu'ils nous font d'admettre un
Dieu capable de partialité est à peu près
l'unique fondement du déisme, et fournit
des arguments aux matérialistes : rien n'est
plus commun que cette objection dans leurs
livres.
PARÏICULARISTES. Quelques théolo-
giens controversistes ont donné ce nom à
ceux qui soutiennent que Jésus-Christ n'est
mort que pour le salut des (irédestinés seuls,
et non pour tous les hommes, conséquem-
ment que la grâce n'est pas donnée à tous,
et qui restreignent à leur gré les fruits de la
rédemption. Nous ne savons pas qui leur a
donné cette honorable commission, ni dans
quelle source ils ont puisé cette sublime
théologie. Ce n'est certainement pas dans
l'Ecriture sainte, qui nous assure que Jésus-
Christ est la victunedepropiliationpour nos
péchés, non-seulement pour les nôtres, niais
pour ceux du monde entier (/ Joan. ii, 2) ;
qu'il est le Sauveur de tous les hommes, sur-
1305
PAR
PAS
1306
tout des fidèles (/ r/m. iv, 10] ; qu'il'est lo
Sauveur du mondi' {Joan. iv, i2) ; l'agnoau
de Dieu qui etl'aee les péchés du monde (i,
29); qu'il a jiacilié par le sanj; de sa croix ce
qui est dans le ciel et sur la terre (Coloss. i,
20, etc.). Nous cherchons vainement les pas-
sages où il est dit que les |)rédestinés seuls
sont le monde. Ce n'est pas non jilus dans
les Pères de l'Eglise, qui ont exjjliqué, com-
menté , fait valoir tous ces passages , alin
d'exciter la reconnaissance, la confiance, l'a-
mour de tous les hoinmesonvorsJésus-Christ;
qui prétendent que la rédemption qu'il a
ojjérée a rendu au genre humain ])lus qu'il
n'avait periu par le péché d'Adam, et qui
prouvent l'universalité de la tache originelle
par l'universalité de la rédemption. Ce n'est
pas enfin dans le langage de l'Eglise, qui ré-
pète continuellement dans ses prièies les
ex[)ressions des livres saints que nous avons
citées, et celles dont les Pères se sont ser-
vis. Cette sainte mère a-t-elle donc envie
de tromper ses enfants , en leur mettant h
la liouche des manières de parler qui sont
ahsolumenl fausses dans leur universalité,
ou a-t-elle chargé les théologiens particu-
lariste.i de corriger ce qu'elles ont de défec-
tueux ? Voy. PuÉDESTINATION , RÉUEMPTIO\ ,
S.4LUT, Sauveur, etc.
PARTICULE. Terme dont on se sert dans
l'Eglise latine pour exprimer les miettes ou
[)etites parties du jJûin consacré, qui tom-
)ent sur la patène ou sur le corporal. Les
Grecs les nomment uepiSer, et ils appellent
de même de petits morceaux de pain non
consacré , qu'ils otfrent à l'honneur de la
sainte Vierge et d'autres saints. Gabriel, ar-
chevêque de Philadelphie, a fait un traité
pour prouver que cette cér(''monie des par-
ticules est tiès-ancietme dans l'Eglise grec-
que, et qu'il en est f dt mention dans les li-
turgies de saint Jean Chrysostome et do
saint Basile. Elle n'est point en usage dans
l'Eglise latine; il est seulement recommandé
au prêtre qui célèbre la messe do prendre
garde qu'aucune particule tie l'eucharistie ne
tombe par terre et m; suit profanée.
Il y a eu une dis|)ute entre les controver-
sistes protestants et les théologiens de Port-
Roy.il , pour savoir si, dans un passage de
saint Germain, ]iatriarche deConstantinople,
qui vivait au cummencement du vui' siècle,
il était (]uestion de particules de pain con-
sacré ou non consacré ; mais Richard Simon,
dans ses notes sur Gabriel de Philadelphie,
a soutenu que le passage sur lequel on con-
testait n'était pas de saint tîermain ; (}u'ainsi
la dispute était sans fondement.
PAR\ IS, atrium en latin , hader ou hazrr
en hébreu, signilie dans l'Ecriture sainte,
i" la cour d'une maison; Matth., c. xvi, v.
60, il e^t dit que saint Pierre était assis dans
la cour de la maison du grand prêtre, in atrio :
2' la salle d'entrée d'un palais, Esther, c. vr,
v. o ; 3' l'entri'e de tpielque lieu que ce soit,
Jerein., c. xxxu, v. 2 et 1-2 ; Luc, c. xi, v. 21.
Jlais il désigne ordinairement les trois gran-
des cours ou enceintes du tem|ile de Jérusa-
lem. La première était le parvis des gentils,
parce qu'il leur était permis d'y entrer et d'y
faire leurs prières ; la seconde était le parvis
d'Jsrail, qni était destiné aux seuls Israéli-
tes, mais dans lequel ils ne devaient entrer
qu'après s'être ()uriliés ; la troisième était le
parvis des pr^res , dans le()uel était l'autel
des holocausles, et où les prêtres et les lévi-
tes exerçaient leur ministère. Un simple Is-
raélite ne pouvait y entrer que quand il of-
frait un sacrifice, pour lequel il devait met-
tre la main sur la tête de la victime. Sur ce
modèle, l'entrée des anciennes basili(|ues ou
églises chrétiennes était aussi précédée d'une
grande cour environnée de portique, dans
latpielle se tenaient les pénitents auxquels
on avait interdit l'entrée de l'Eglise ; et com-
me ils y l'taient en plein air, on l'appelait
locus hieinantium. Ringham, Origine ecclés.,
1. vni, c. 3, § 5.
PASCAL, qui concerne la fêle de Pâques.
Pascal (l'agneau) était l'agneau que les
Juifs devaient immoler à cette fête. Voy. Pa-
QUE JlIVE.
Pascal (canon). C'est une table des fêtes
moliiles, ainsi appelée, parce que c'est la fête
de P.iques ([ui décide du jour auquel toutes
les autres doivent être célébrées.
Pascal (cierge). Voy. Cierge.
Pascales (lettres), sont les lettres que le
patriarche tl'Alexandrie écrivait aux autres
métro|)olitains, pour leur désigner le jour
auquel on devait faire la fête de PAques ; il
était chargi'^ de cette commission parce que
c'est dans l'école d'Alexandrie que se faisait
le calcul astronomique, pour savoir quel se
rait le quatorzième jour do la lune de mars.
Pascal (leinps), est le tein|)s qui s'écoule
depuis le jour de P;lques jusqu'au dernier
jour de l'octave de la Pentecôte inclusive-
ment ; c'esl un temps d'allégresse que l'E-
glise chrétienne consacre ii célébrer la ré-
surrection de Jésus-Christ. Il est marqué par
un oOice plus court, par la répétition fré-
quente du mot alléluia; on ne jeûne point
pendant ce teraps-là, et l'on ne prie point à
genoux.
PASCHASE Radbert ou Ratberl, moine et
et abbé de Corbie, mort l'an 8(55, a été l'un
des plus savants et des meilleurs écri-
vains de sou siècle. Il possédait très-bien
les langues grecque et hébraïque, chose as-
sez rare dans ce temps-là, et il avait beau-
coup lu les Pères. Il écrivit contre les erreurs
de Félix d'Urgel, de Claude de Turin et de
Gotescalc, mais surtout contre Jean Scot Eri-
gène, qui niait la présence réelle de Jésus-
Christ dans l'eucharistie. Son traité du Corps
et du Sang de Jt'sus-Ciirisl est devenu célèbre
dans les disputes du xvi' et du xvii' siècle
entre les catholiques et les protestants. Il
l'écrivit, à ce que Ton croit, l'an 831, et,
après l'avoir retouché, l'an 8V6, il l'adressa
au roi Charles le Chauve.
11 paraît (juc dans ce temps-là il y avait
dans les Gaules jilusieurs personnes qui en-
tendaient assez mal le dogme de la présence
de Jésus-Chiist dans reucharistie, et que le
livre de Pasclwse Kadberl cau^a quelques
disputes. Charles le Chauve , pour savoir ce
iHjtt*,,^
iSû7
PAS
PAS
i3oa
qu'il dey^it en penser , chargea Ratramne,
ffulre moine de Cbrbie, et qui fut depuis abbé
d'Orbais, de lui en écrire son sonliment ;
c'est ce que fit Ratramne dans un ouvrage
intitulé Du Corps et du Sang du Scir/neur.
Quapd pn se donne la peine de le lire, on
voit qu'au lieu d'éclaircir la question, Ua-
framne ne fit que l'embrouiller davantage.
D'un côté, il se s^rt des expressions les plus
fortes pour étalilir que l'Eucharistie est vé-
ritablement II' corps et le sang do Jésus-
Christ ; de l'autre, il semble n'y admettre
qu'un changement mystique et une mandu-
cation qui se fait seulement par la foi. Ainsi,
selon lui, quoique le fidèle ne mange et ne
boive réellement et substantiellement que
du pain et du vui , il reçoit cependant le
corps et le sang de Jésus-Christ : ex|)ression
très-abusive, i)uisqu'ellc signilie seidemenS
que le tidèle re(,-oit la vertu ou refficacité du
corps et du sang dé Jésus-Christ, ou qu'il
ressent les mêmes effets que s'il recevait
la substance piôme de ce corps et de ce sang
divin. Il est absurde de dire qu'un change-
ment qui s'opère dans le fidèle seulement,
se fait dans reiicharistie. Aussi Mosheiûï
convient que Paschase Radbert et son adver-
saire semblent se contredire dans ijlusieurs
endroits et ne pas s'entendre eux-mêmes, et
qu'ils s'énoncent d'une manière très-ambi-
guë. Pour nous, il nous parait que Paschase
est plus clair et plus précis que Ratramne,
qu'il ne tombe point dans la même logoma-
diie. et les mômes contradictions. Quand ils
seraient aussi peu exacts l'un que l'autre, et
que tous les lljéologiens de ce siècle seraient
tombés il.uis le môme défaut, comme le pré-
tend Mosheim, il serait encore ridicule d'en
couclure , coumiç il fait, qu'au ix° siècle il
n'y avait encoie dans l'Eglise aucune opinion
fixe ou universellement reçue touchant la
manière dont le corj)S de Jésus-Christ est
présent dans l'eucharistie.
L'Eglise n'avait pas attendu jusqu'au ix'
siècle pour s ivoir ce qu'elle devait croire
touchant un mystère qin s'opèi'e tous les
jours, et qui fait la plus essentielle partie de
son culte. Sa croyance élait fixée parles pa-
roles de l'Ecriture sainte prises dans leur
sens naturel, par la manière dont les Pères
les avaient entendues, par les prières de la
liturgie, par les cérémonies qui les accom-
pagnent. Lorsque Pascase Radbert l'exposa
dans les mêmes termes que les anciens doc-
teurs do l'Eglise, s'il se trouva des contradic-
teurs, cela prouve qu'ils étaient fort mal ins-
truits , et c]ue cet écrivain en savait plus
qu'eux ; il no s'ensuit rien de plus. Mais les
protes'tants, charmés de trouver au ix' siècle
quelques écrivains qui parlaient à [)eu })rès
comme eux et qui avaient couuue eux l'art
d'embrouiller la question, en ont fait giaïul
bruit. Ils ont élevé jusqu'aux nues le mérite
du moine Ratramne, pour déprimer d'autant
celui de Paschase Radbert; ils ont insisté
sur ce que le premier écrivait par ordre de
Charles le Chauve , comme si cet ordre du
roi avait donné à ce moine une mission sur-
naturelle poiu" exposer la croyance catholi-
que ; ils ont représenté PqschasQ ooinBjo v{\},
novateur, comme un téméraire, un fanatique,
dont malheureusement la doctrine a pris ra-
cine à la faveur des ténèbres du %' siècle et
des suivants, comme si le ix' ayait été beau-
coup plus lumineux, et comme si Paschase,
avec moins de mérite, avait pu avoir plus
d'autorité et plus d'empire sur les esprits
((ue son adversaire, dont on veut cependant
faire un grand homme; comme si enfin ui^
moiue des Gaules avait pu subjugue^ les es-:
prils en Angleterre, en Espagne, en It^lje,
dans la Grcèce e^ dans l'Asie entière, f.'^i^^
adopter ses idées pai les jacobites et les nes-r
toriens séparés de l'Eglise romaine d^P^if
trois cents ans. Voilà les cliimères qîie les
prolestants ne rougissent point de soutcnii,
avec toute la gravité et le sang-froid possible.
Ce qu'il y a do plus singulier, c'est que RaT
tramne a été l'oracle sur la parole duqr.el
l'Eglise anglicane a formé sa croyance. Ur»
auteur anglais a fait une dissertation dans
laquelle il fait voir que le verbiage de cq
moine a été copié mot à mot dans la profs-:
sioa de foi île l'Eglise anglicane toiichant
l'eucharistie. Vof/. le livrç intitulé : Ratmmiie
ou Bertram, préti'e ; du Corps et du Sang di^
Seigneur, etc., Amsterdam, 1717. Sublimé dé-
couverte, d'avoir trouvé dans un moine du
IX' siècle l'organe que Dieu avait prépare
pour endoctriner les réformateurs du xvi' l
Il nous paraît que les théologiens catholi-
ques pouvaient se dispenser de contester
aux protestants cette autorité irréfragable, et
et qu'on peut la leur abandonner sans au-
cun regret. Le père Sirmond fit imprimer eu
1618 les ouvrages de Pasc/jfwe Radbert, mais
-cette édition n'est pas complète ; il s'en est
trouvé d'autres en manuscrit depuis ce temps-
là. Voy. Vies des Pères et des J^artyrs, etc.,
tom. IJI, pag. iilk.
PASSAGERS, ou plutôt PASSAGIENS et
PASSAGINIENS, nom qui signifie tout saints.
C'est le nom que quelques auteurs ont donné
à certains hérétiques qui parurent dans la,
Lombardie au \u' siècle ; ils furent condam-
nés avec les Vaudois daqs le concile de Vé-
rone, sous le pape Lucius 111, l'an US'*, au-
quel assista l'empereur Frédéric. Ils prati-
quaient la circoncision et soutenaient la né-
cessité des rites judaïque^, à l'exception des
sacrifices ; c'est pourquoi on leur donna aussi
le nom de circoncis,- Us niaient le mystère de
la sainte Trinité et [irétendaient que Jésus-
Christ était une pure créature. On vit dans
le concile de Vérone les deux puissances se
réunir pour l'extirpation des hén^.sies. On y
entrevoit aussi l'origine de l'inquisition, en
ce que le pape ordonne aux évoques de s'in^
former par eux-mêmes ou par des commis-
saires, des personnes suspectes d'hérésie,
suivant le bruit public et les dénonciations
pariiculiôres. 11 distingue le'= degrés de sus-
pects, de convaincus, du pénitents et <iii relaps,
suivant lesquels les peines sont di!I'érentes ;
et après que l'Eglise a employé contre les
coupables les peines spirituelles, elle les
abandonne au bras séculier, (tour exercer
contre eux les châtiments temporels. On vou-
*309
PAS
PAS
1510
lait réprimer la fureur des hdrétiques de co
temps-l;i ci 'emiiêdicr les cruautés qu'Us
excrçaieiil contre les ecclésiastiques. Ce ne
sont donc p.is leurs opinions ni leurs erreurs
que Ton punissait par des supplices, mais
leurs crimes et leurs excès contre l'ordre
"pASSALORYNCHlTES, ou PEïTALORYN-
CHITKS. VOIJ MONTAMSTES.
PAS;']BI,E, caiiable do souÏÏrir ; impassible
est le contraire. Les [dus anciens hérétiques,
les valeiitiniens, les gnosti([ues,les sectateurs
de Certkin et de Marcion, no jiurent se per-
si'ader ipie le Fils de Dieu se fût revêtu
à'mw. i]\:nr passiltir et ipi'il eût n'ellenient
soulfert. Les uns distini;uérent .li'sus (la-
vée le Fils de Dieu; ils dirent que le Christ,
Fils de Dieu, était descen^iu en Jésus au mo-
ment de son |jai)lôme , mais qu'il s'en était
retiré au moment dr sa passion ; les autres
prétendirent que le Fils de Dieu n'avait été
re vêtu que d'une chair ap|iarente, n'avait souf-
fert, n'étoil. mort et ressuscité qu'en appa-
rence. L'apôtre saint Jean, dans ses lettres,
a condanmé les uns et les autres; il dit (/
Joan. I, 1) : « Nous vous annonçons ce que
nous avons vu, entendu et touché de nos
mains, conceinant le Verhe de vie ; » ce n'é-
tait donc pas de simples apparences ; c. ii, v.
32: « (^elui qui nie (pie Jésus-Cluisl soit le
Christ, est un imposteur; » c. m, v. 16 :
« Nous connaissons l'amour (pie Dieu nous
porte, çn ce (pi'il a donné sa vie pour nous; »
Jéïus et le Fils de Dieu ne sont pas deux
personnes diU'érentes ; c. iv, v. 2 : « Tout es-
prit, (fui confesse que Jésus-Christ est venu
en chair, est de Dieu ; quiconque divise Jé-
sus, ne vient pas de Dieu, c'est un antechrist. »
Les Pères de l'Eglise, suitout saint lrén(''e et
Tertullien, ont réfuté ces liéréti(iues ; ils ont
fait \ oir que si le Fils de Dieu n'avait pas
réellement soull'erl, il ne serait pas notre ré-
dempteur ni notre modèle ; il nous aurait
donné un très-mauvais exemple, en voulant
paraître ce qu'il n'était pas et en faisant sém-
illant de spulfrir ce ((u'il ne soutirait ]ias ;
nous ne serions ])as obligés d'avoir pour lui
aucune rccnimaissance, et toutes les prédic-
tions des priiiihèti'S to\ichant les soulfiances
du Fils de Dieu seraiimt fausses. Ouant à ce
que disaient ces liéi étiqucs , qu'il est indi-
gne de Du'u de snuli'rir,' d'être couvert d'op-
probres, de mourir sur uuv croix, Tertullien
leur répond ipie rien n'est plus digne de
Dieu que de sauver ses créatuies et ijue de
leur insiùrer l'amour, la reconnaissance, le
courage dans les peines de celte vie, par
l'excès même de ce (ju'ila soull'ert pour elles.
Mais la tournure que prenaient ces raison-
ncLU's, pour S(UJtenir leur système, démontre
qu'ils n'osaient pas contredire le témoignage
des apôtres ni contester les faits rapportes
parles évangéiistes. Dès que le Fils île Dieu
avait paru naître et vivre comme les autres
hommes, endurer la faim, la soif, la lassitude,
les outrages et le supplice de la croix; qu'il
avait paru mourir à la vue des Juifs, et en-
suite avait ri'|iaru ressuscdé et vivant comme
auparavant , il s'ensuivait que les apôtres
n'étaient point des imposteurs, en publiant
tous ces faits; qu'ils ne disaient que ce
qu'ils avaient vu, entendu et touché de leurs
mains. Ce témoignage était donc irrécusable.
Cependant ces premiers liéréti(iues étaient à
la source des faits, iiuis(pi'ils étaient conleui-
poi'ains des apôtres, et en étaient connus- 11
n'y avaient donc alors dans la Judée ni ail-
leurs aucun témoin ni aucune preuve de la
fausseté des faits que les apôtres indjbaicnt :
il fallait drmc (pie ces f'iits fussent inattacpia-
bles et poussés au plus haut degré de noto-
riét('. C'est une rôtlexion que nous avons
déjà faite plus il'une fois , et à hupielle les
incrédules n'ont jamais eu rien à ré|ioudro.
Quelques-uns d'entre eux ont objecté froide-
ment (pie, selon i)lusieurs anciens héi'élicjues,
Jésus-Christ n'est pas mort. Dans ce |>eu do
paroles, il y a seulement deux supercheries :
1° ceux d'entre ces hérétiques qui ont distin
gué Jésus d'avec le Fils de Dieu n'ont pas
nié que Jésus ne fût mort; i° ceux qui ne
distinguaient pas convenaient que Jésus, Fils
de Dieu, était moit, du moins en aiipareuce,
et de manière h persuader à tous hs hom-
mes qu'il était véritablement mort. Qui avait
révélé à ces hérétiques que tout cela n'était
((lie des apparences? .Mais les incrédules
d'aujourd'hui ne sont pas de meilleure f«i
que ceux des premiers siècles.
PASSION DE JÉSL'S-CHUIST. Ce sont les
soulfrances que ce divin Sauveur a endurées
depuis la dernière cène (pi'il lit avec ses
disciples jusiju'au moment de sa mort, par
conséquent pendant un espace d'enviroQ
vingt-quatre heures.
« Nous prêchons, dit saint Paul, Jésus cru
cilié, scandale pour les Juifs, folie selon les
gentils, mais aux yeux des élus ou des fi-
dèles, soit juifs, soit gentils, prodige de la
puissance et de la sagesse de Dieu ( / Cor. i,
23). On sait que cetl(> réilexion de saint Paul
a été dévelo|)pée d'une uuinière sublime dans
un sermon de Bourdaloiie sur la passion, du
Sauveur. En etfet les Juifs n'ont pas pu se
jiersuader qu'un homme (jui s'est laissé
prendre, tourmenter et crucitier par eux, Idt
le Messie ; cependant cet événepient leisi"
avait été annoncé par leurs pr'iphètes.Celse,
Julien, Porph\ro et les autres philosophes
païens ont reproché aux chrétiens, comme
un ti ail de folie, d'attribuer la divinité à un
Juif puni du dernier supplice ; après dix-sept
siècles ce sarcasme est encore r>nouvelé (lar
les incrédules. Nous répondons à tous que
l'ignominie de la mort du Sauveur a été
pleinement réparée par sa résurrection, par
son ascension glorieuse , par le culte qui
lui est rendu d'un bout de l'univçrs k
l'autre ; que ses soulfrances étaient né-
cessaires pour confirmer les autres signes
de sa mission : il fallait rjue ce divin légis-
lateur prouvAt par son exemple la sainteté
et la sagesse des leçons de patience, d humi-
lité, de soumission';» Dieu, de courage, qu'il
avait données : ses disciples , destinés au
martyre, avaient besoin d'un modèle ; il
n'était pas moins nécessaire au genre humain
tout entier, destiné à souti'rir : après avoir
13H
PAS
PAS
1312
enseigné aux hommos comment ils doivent
vivre, il restait encore à leur apprendre ^,a
manière dont il faut mourir. Jésus-Christ
l'a fait ; et nous soutenons qu'il n'a ja-
mais paru plus grand que pendant sa
passion.
11 l'avait prédite plus d'une fois ; il en
avait désigné le moment ; il avait déclaré d'a-
vance les circonstances et le genre de son
supplice ; il voulut encore représenter sa
mort par une auguste cérémonie, en conser-
ver le souvenir par un sacrifice qui en ren-
ferme l'image et la réalité. Il pouvait se dé-
rober à la fureur de ses ennemis, il les
attend ; après avoir médité sur la suite des
outrages et des tourments qui l'attendent, il
se soumet à son Père, marche d'un pas ferme
vers les soldats, se fait connaître à eux, leur
eomnuand(> tle laisser aller ses disciples, et
opère un miracle pour montrer ce qu'il est et
ce qu'il peut. Présenté à ses juges, il leur
répond avec modestie et avecfierme;é ; il leur
déclare qu'il est le Christ Fils de Dieu : ce
fut l'uniipie cause de sa condamnation. Livré
aux soldats, il soulfre les insultes et les ou-
trages dans le silence, sans faiblesse et sans
ostentation ; il ne dit rien pour fléchir le
magistrat romain qui devait décider de son
sort; il ne fait rien pour contenter la curio-
sité d'un roi vicieux et d'une cour impie.
En marchant au Calvaire, il prédit la puni-
tion de ses ennemis avec les expressions de
la pitié. Attaché à la croix, il demande grAce
pour ses bourreaux, il promet le bonheur
éternel à un ciiminel repentant. A]irès trois
heures de soullrances cruelles, il dit d'une
voix forte et qui étonne les assistants : Tout
est consommé ; il recommande sa mère à son
disciple, et son âme à son Père ; il rend le
dernier soupir. Sans avoir besoin des prodi-
j^es de terreur qui se firent pour lors, nous
disons hardiment, comme i'olllcier romain qui
en fut témoin. Cet homme était réritablemcnl
le Fils de Dieu { MaUh. xxvu, 5i). Aucun
des événements qui arrivèrent ensuite ne
peut plus nous étonner.
Tel est le récit qui a été fuit par quatre de
ses disciples, que l'on nous peint comme des
ignorants. S'il n'est jias fidèle, qui leur a
suggéré une peinture aussi sublime d'un Dieu
mourant pour le salut des hommes? M lis
elle avait été tracée longtemps au[iaravant.
Isaie, sept cents ans avant l'événement ,
David, encore plus ancien de trois siècles ,
avaient peint le Messie souffrant sous les
mêmes traits que les évangélistes. Jésus-
Christ sur la croix prononça les premiè-
res paroles du psaume xxi , et s'en lit
l'application : ce psaume entier renferme
plusieurs traits frappants. V. 2 : «Mon Dieu,
mon Dieu, à quoi vous m'avez délaissé ! ( à
quels tourments vous m'avez abandonné ! )
Malgré mes cris, le moment de ma délivrance
est encore loin de moi...» V. 5 : « Nos pères ont
espéré en vous, et vous les avez délivrés ;
ils vous ont invoqué, et vous les avez sau-
vés.... » y. 7 : " Piiur moi, je suis un ver de
terre plutôt qu'un homme; je suis l'opprobre
de mes semblables et le rebut du peuple....»
V. 8: «Ceux qui voient mon état m'insultent et
m'outragent....» V. 9 : «Ils disent, Puisqu'il a
espéré au Seigneur, que le Seigneur le dé-
livre et le sauve s'il l'aime véritablement....»
Y. 12 : « Ne vous éloignez pas de moi, puisque
personne ne m'assiste....» V. 17: «Mes enne-
mis, comme des animaux en fureur, m'ont
environné, et se sont réunis contre moi ; ils
ont percé mes mains et mes pieds....» V. 18:
« Ils ont compté tous mes os ; ils m'ont con-
sidéré avec une joie cruelle....» V. 19: «Ils ont
partagé entre eux mes habits, et ils ont jeté
le sort sur ma robe... » V.26 : «Vous serez ce-
pendant le sujet de mes louanges; et je vous
rendrai mes vœux dans la nombreuse as-
semblée de ceux qui vous craignent....» V.
28 : « Toutes les nations de la terre se tourne-
ront vers vous, et viendront vous adorer;
vous serez leur roi et leur Seigneur.... > V.31 :
« et ma postérité vous servira; cette race
nouvelle vous appartiendra ; etil sera dit que
c'est le Seigneur qui l'a formée. »
Ceux qui entendent l'hébreu ne blAmeront
point la manière dont nous traduisons le
v. 2 : il nous paraît que, dans la bouche de
David, ni dans celle de Jésus-Christ, ce n'é-
tait point une interrogation ni un reproche
qu'ils faisaient à Dieu, mais une simple ex-
clamation sur la rigueur des tourments qu'ils
souffraient. On sait que les Juifs, pour dé-
tourner le sens du v. 17, ont changé une let-
tre dans l'hébreu, et qu'en mettant cari pour
cdru, au lieu de lire ils ont percé mes mains
et mes pieds, ils lisent comme un lion mes
mains et mes pieds, ce qui ne fait aucun sens,
et contredit la version des Septante. Jamais
David n'a pu dire de lui-même que ses en-
nemis avaient compté ses os, avaient partagé
ses vêtements; et avaient jrté le sort sur sa
robe; mais les soldats accomplirent cette
j)rophétie à l'i'gard de Jésus-Christ ( Matth.
xxvu, 35 ; Joan. xix, 24 ). La prédiction de
la conversion des nations par le ministère du
Messie s'est vérifiée d'une manière encore
plus éclatante.
Celle que fait Isaie mérite d'être rapportée
tout entière ; elle ressemble plutôt à une
histoire qu'à une prophétie. Chap.Lii, îsaïe,
aiirès avoir prédit aux Juifs leur délivrance
de la captivité de Babylone, dit, v. 13 : « Mon
serviteur aura le don de sagesse, il s'élèvera,
il prospérera, il sera grand; »v. 14: «De même
que plusieurs ont été frappés d'étonnement
sur votre sort, ainsi il sera ignoble et défi-
guré à la vue des hommes; » 15 : « Il purifiera
plusieurs nations, les grands de la terre se
tairont devant lui, jiaree qu'ils on vu celui
qui ne leur avait jiomt été annoncé; il a paru
aux yeux de ceux qui n'en avaient pas en
tendu parler. » — (]hap. lui, v. 1 : « Qui
croira ce (]ue nous annonçons? A qui le bras
du Seigneur s'est-il fait connaître? 2. 11 croî-
tra comme un faible rejeton qui sort d'une
terre aride ; il n'a ni éclat ni beauté ; nous
l'avons vu, à peine pouvait-on l'envisager.
3. Il est méprisé, le dernier des hommes,
l'homme de douleurs ; il éprouve l'infirmit.',
il cache son visage, nous n'avons pas osé le
regarder, k. Il a vraiment souû'ert nos maux,
1513
PAS
PAS
ISli
H a supporté nos douleurs ; nous l'avons
pris pour un iéiiri'ux, pour un hoinine lV;i[)p(3
(io Dieu et iiuinilié. 5. Mais il est blessé par
nos iniquités, il est meurtri par nos crimes,
le châtiment qui doit nous donner la paix
est tombé sur lui, nous sommes guéris par
ses blossin'es. 6. Nous nous sommes égarés
tous comme un troupeau errant, chacun s'est
écarté de son côté, le Seigneur a rasseuiblé
sur lui l'iniquité de nous tous. 7. Il a été
opprimé et afiligé, il n'a jtoint ouvert la bou-
che, il est conduit à la mort comme luie vic-
time, il se tait comme un agneau dont on
enlève la toison. 8. 11 a été délivré des liens
et de l'arrêt qui le condauuie ; qui pourra
révéler son origine? Il a été retranché de la
terre des vivants ; il est frappé pour les pé-
chés de mon peu[)lc. 9. Sa moi't sera parmi
les impies, et sou tombeau parmi les riches,
parce qu'il n'a point coumiis il'iiiicpiité , et
que le mensonge n'est point sorti de sa bou-
clic. 10. Dieu a voulu le i'rapper et l'accabler.
S'il donne sa vie pour victime du péché, il
vivra; il aura une postérité nombreuse, il
accomplira les desseins du Seigneur, il. Parce
qu'il a soull'ert, il reverra la luuiiôre et seia
rassasié de bonheur. Mon serviteur, juste
lui-môme donnera aux autres la justice jiar
sa sagesse, et il supportera leurs iniquités.
12. Voila pourquoi je lui donnerai un par-
tage parmi les grands de la terre ; il enlèvera
les dépouilles des ravisseurs, parce qu'il s'est
livré à la mort, qu'il a été mis au nombre des
scélérats, qu'il a porté les péchés de la mul-
titude, et qu'il a prié pour les pécheurs. »
— Chap. nv, V. 1 : « Femme stérile qui n'en-
lantc'Z pas, chantez un cantique de louange,
réjouissez-vous de votre fécondité future....
V. 5. Le Saint d'Israël qui vous rachète sera
reconnu Dieu de toute la terre, etc. »
Il y a une conforiuité fra[)[)ante entre cette
proiiliétie et le psaume xxi ; dans l'un et
dails l'autre nous voyons un juste réduit au
couible de l'humiliation et de la douleur, qui
soutfre avec patience et conliance en Dieu,
est ensuite comblé de gloire, et qui procure
h Dieu un nouveau peuple formé de toutes
les nations. Mais ce qu'ajoute Isaie, que
Dieu a mis sur ce juste l'iniquité de nous
tous ; ({u'il est blessé par nos iniquités,
meurtri par nos crimes, et que nous sommes
guéris par ses blessures ; qu'il est frappé
pour les péchés du peuple, qu'il a [lorté les
iiii(]uités de la nmItUude, etc., désigne trop
clairement le Sauveur des hommes, pour
(ju'on puisse le mécoiuuùlre. Il n'est don(;
pas étonnant que les apôtres et les évangé-
listes aient appliqué ces traits à Jésus-Christ;
les anciens docteurs juifs en ont fait de même
l'application au Messie : ceux d'aujourd'hui,
((ui prétendent qu'il n'est point question là
d'un homme, mais du peuple juif, et (pii
soutiennent que Dieu les punit actuellement
des |)écliés des autres nations, blasphèment
contre la justice divine, font violence à tous
les termes, et ciuitredisent la tradition cons-
lautc de leurs docteurs. On ne doit pas ètie
surpris non plus de ce que les apôlres, pré-
sentant d'une main David et Isaie, de l'autre
la narration des évangélistes, appuyée par la
notoriété des faits, ont converti tous ceux
d'entre les juifs et les gentils qui ont voulu
y faire attention, et qui ont cherché la vé-
ritr^ do bonne foi. Il y aurait m^me lieu do
s'étonner de ce (ju'un si grand nombre sont
demiHirés dans l'incrédulité, si les exemples
(jue nous en avons sous les yeux ne nous
faisaient voir jus((u'où peuvent aller l'opi-
ni.Ui'cté et la démence des hommes, lors-
qu'ils ont bien résolu de ne rien croire.
Jamais nos raisonneurs incrédules ne se
sont donné la peine de considérer attentive-
ment les traits de conformité qu'il y a entre
les prophéties et les circonstances de la pas-
sion du Sauveur ; ils se sont contentés d'ex-
traire les commentaires absurdes des Juifs,
sans s'emliarrasser du ridicule dont ils se
couvraient en suivant les leçons dv. pareils
nuiîtres. Pour atfaiblir l'impression que doit
faire sur tout homme sensé l'histoire de la
passiun tracée par les évang(''listes, ils so
sont attachés Ji travestir quelques circons-
tances, à relever quekjues faits minutieux,
à cheicher de prétendues contrailictions en-
tre les diverses narrations de ces quatre écri
vains. S'ils avaient voulu seuleuunit ouvrir
une Concorde des Evangiles, ils auraient vu
l'inutilité de leur travail. Us ont insisté sur
l'agonie de Jésus-Christ au jardin des Olives,
ils out dit qu'en cette occasion le Messie
avait montré une faiblesse indigne d'un
houime courageux. Mais nous soutenons qu'il
y a plus décourage et de vertu k se présen-
ter aux souffrances avec pleine connaissance,
après y avoir réfléchi et en surmontant la
répugnance de la nature, qu'à y courir en
s'étourdissant soi-même et en alfectant de
les braver. Il ne tenait (pi'à Jésus-Christ de
déconcerter toutes les mesures des Juifs et
de se tirer de leurs mains, comme il l'avait
fait plus d'une fois. Si au lieu d'aller au jardin
des Olives, selon sa coutume, il était allé h
Bétlianie ou ailleurs, les Juifs n'aui aient pas
pu le trouver : et s'il était allé prèclier chez
les gentils, ses miracles lui eussent bien-
tôt formé un parti capable de faire trembler
les Juifs.
Les censeurs de l'Evangile disent que Jésus
l>arla peu respectueusement au grand prêtre
Caïphe ; qu'il ne déclara pas nettement sa
divinité ; (jue, frappé sur une joue, il ne
tendit pas l'autre, comme il l'avait ordonné.
Il suflit ce[)eiidant de. liie le texte des évan-
gélistes, pour voir que la réiionse de Ji'sus-
Christ à Caijihe n'avait rien du toutdi: con-
tiaire au respect ; iiue c'était une déclaration
formelle de sa divinité ; que le conseil des
Juifs l'envisagea ainsi, puisque ce fut pour
cela même qu'il condamna ii la murt Jésus-
Christ comme blasphémateur. Ce n'était pas
là le lieu de tendre l'autre joue pour rece-
voir U[i nouvel outrage, puisque c'était au
tribunal môme des magistrats juifs, dont le
premier devoir était d'empêcher et de venger
les outrages. Ces mêmes criticjues ajoutent :
Comment Dieu a-t-il iiermis que Pilato, qui
voulait sauver Jésus, ait été assez faible pour
]o condamner, quoique iuuoceulV Nous ré_j
1315
PAS
PAS
1516
pondons que Dieu l'a permis comme il per-
met tous les autres crimes qui se commettent
dans le monde. Ils préti-ndfnt (|ue Ji'sus-
Christ sur la croix se plaignait d être aban-
donné de son Père; Cédvin a osé dire que
les premières paroles du pSaume xxi, que
Jésus -Christ prononça pour lors, étaient
l'expression du désespoir. Mais la manière
dont nous avons traduit ces paroles à la let-
tre démontre que ce n'élait ni une plainte
ni un reproche', mais une exclamation sur
la rigueur du tourment que souffrait le Saii-
veur : Mon Dieu, mon Dieu, à quoi vous m'a-
vez délaissée, à quels tourments l'oits m'avez
réservé H}nQ\ signe y a-t-il là d'impatience, de
mécontentement ou de désespoir? D'ailleurs^
Jé^nS-Chiist en prononçant ces paroles, se
faisait l'applicatioh de ce psaume ; il faisait
voir que ses douleurs étaient l'accomplisse-
ment de cette prophétie. Aussi, lorsque tou-
tes les circonstances furent véritiées, Jésus
s'écria : Tout est consommé.
Mais nos adversaires soutiennent qu'il y
a contradiction entre les évangélisles. Saint
Marc dit que Jésus fut crucifié à la troisième
neure, c'est-à-dire à neuf heures du matin ;
saint Jean écrit que ce fut à la sixième heure
ou à midi. Selon saint Mathieu et saint Marc,
les deux voleurs cruciliés avec Jésus lui in-
sultaient ; selon saint Luc > un seul injuria
le Sauveur.
On n'a qu'à comparer le texte des évangélis-
les,la contradiction disparaîtra. Lorsque saint
Marc dit, c. xv, v. 25 : Jt était la troisième
heure, et ils le crucifièrent, on doit entendre;
et ils se disposèrent à le crucifier. Les versets
suivants témoignent qu'il se passa encore
plusieurs choses avant que Jésus ftU con-
duit au Calvaire, et fût attaché à la croix.
Saint Jean écrit, c. xix, v. 14- et 16, qn'envi-
ron la sixième heure Pilate dit aux Juifs,
voilà vôtre Roi, et qu'il le leur livra pour
être crucillé. 11 n'était donc pas encore la
sixième heure, elle était seulement com-
niencée ; or elle feorrtmençait à neuf heures
du malin. Quant à ce qui regarde les vo-
leurs, il s'ensuit seulement que la narration
de saint Luc est plus exacte que celle des
deux i)remiers évangélistes ; il rapporte la
conversion du bon larron, de laquelle ils
n'ont pas parlé. Selon le jugement des in-
crédules, il n'a pas pu arriver une éclilise
au moment de la mort du Sauveur ; les Juifs
n'ont vu aucun des prodiges dont les évan-
gélistes font mention, puisqu'ils ne se soiit
as convertis. Aussi les évangélistes ne par-
ent jioint d'une éclij)Se, mais de ténèbres
qui couvrirent toute la Judée ; et ces ténè-
bres purent èlre causées par un nuage épais.
Saint Luc dit formellement que la multitude
de ceux qui furent témoins de la mort de
Jésus s'en retburnèrent en frappant leur
poitrine, signe de lepentir et de conver-
sion. Quant à l'endurcissement du grand
î
nombre des Juifs, il ne nous Surprend pas
flus que celui des inci'édules d'aujourd'hui.
Is disent qu'il aurait été mieux que Dieu
pai'doniiAt le péché d'Adam, au lieu de le
punit 'd"uue mauièi-o si terrible tlans la per-
sonne do son propre Fils. De notre côié,
nous soutenons qu'il est mieux que Dieu
l'ait ainsi ()uni, alin de donner aux hommes
une idée de sa justice, de leur inspirer
l'horreur du péché, et de les en préserver.
Quand les objections que nous venons
d'examiner seraient plus solides, pourraient-
elles obscurcir les traits de la divinité que
Jésus-Christ a fait paraître pendant sa pas-
sion et à sa mort, l'éclat avec lequel il a vé-
rifié les prophéties, le triomphe de sa ré-
surrection, le prodige du monde converti
par la prédication d'un Dieu crucifié ? Ce
prodige subsiste depuis dix-sept cents ans,
en dépit des eSorts des incrédules de tous
les siècles, et il subsistera autant que l'uni-
vers. Jésus-Christ avait dit : Lorsque j'aurai
été élevé de terre, j'attirerai tout à moi ; il a
rempli sa parole, il accomplira de même
celle qu'il a donnée d'être avec son Eglise
jusqu'à la consommation des siècles. La
meilleure manière de savoir si ces souffran-
ces ont été inutiles, excessives, indignes de
Dieu, est d'en juger ])ar les etïets; elles ont
inspiré aux apôtres et aux premiers chré-
tiens le courage du martyre ; elles soutien-
nent les âmes justes dans leurs peines, con-
vertissent souvent les pécheurs, adoucissent
pour tous les angoisses de la mort : c'est
plus qu'il n'en faut pour les jusiifier. Nos
profonds raisonneurs ont osé les comparer
aux souflrances que les païens attribuent à
plusieurs de leurs dieux; c'est mal à pro-
pos, disent-ils, que les Pères de l'Eglise en
ont fait le reproche aux païens, et ont voulu
les en faire rougir, puisque ceux-ci étaient
en droit de rétorquer l'argument. Aussi
l'ont-ils fait ; Celse n'y a pas manqué, mais
Origène n'a pas eu beaucoup de peine à lui
répondre. Ce n'est pas de son plein gré que
Saturne a été détrôné, mutilé et banni par
son fils ; que Jupiter a été combattu par les
Titans ; que Prométhée a été enchaîné au
Caucase, etc. Toutes ces aventures, .kiin
d'inspirer aux hommes l'amour de la vertu
et l'horreur du crime, étaient des leçons
très-scandnleùses ; loin de procurer quelque
avantage au genre humain, elles n'ont servi
qu'à le i)ervertir. Nous avons fait voir qu'il
en est tout autrement des souffrances du
Sauveur. 11 avait dit : J'ai te pouvoir de don-
ner ma vie, et j'ai le poxivoir de la repren-
dre ; il l'a reprise en elfet en se i essuscitant
par sa propre vertu ; il a converti et sancti-
fié le monde par le mystère de la croix. Ori-
gène, contre Celse, liv. ii, n. 34 ; liv. vu, n.
17, etc.
Passions humaines. Nous appelons pas-
sions les inclinations ou les penchants de là
nature , lorsqu'ils sont poussés à l'excès,
parce que leurs mouvements ne sont pas
volontaires ; l'homme est purement passif
lorsqu'il les éprouve, il n'est actif que quand
il y consent ou qu'il les réprime. Plusieurs
philosophes modernes, appliqués à prendre
de travers là morale de l'Evangile, ont jjré-
tenJu que c'est un projet insensé de vouloir
étoulfcr ou déraciner les passions; que si
l'homme n'en avait plCis, il serait stupidej
1317
PAS
PAS
1318
que celles qui forment le caractère particu-
lier d'un homme sont incurables, et que le
caractèie rie change jamais. Quelques-uns
ont pouss* le scandale jusqu'à vouloir justi-
fier toutes les passions, et à soutenir qu'il
est aussi impossible à l'homme d'y résister
que de s'abstenir d'avoir la fièvre, .\ii1si, se-
lon leur opinion, toutes les maximes de l'E-
vangile, qui tendent à nous gui^rir tle nos
passions, sont absurdes. Cette morale philo-
sophique, digne des étables d'Epicure, au-
rait fait frémir de colère les stoïciens qui
regardaient les passions comme des mala-
dies de l'ilme, et dont toute l'étude avait
pour objet de les réprimer : mais sans nous
émouvoir, il faut montrer k nos philosophes
qu'ils jouent sur un terme équivoque et que
leur morale est fausse.
' Il est certain d'abord que nos penchants
naturels ne sont nommés passions que quand
ils sont poussés à l'excès. On n'accuse point
lin homra.' de la passion de la gourmandise,
lorsqu'il ne boit et ne mange que selon le
besoin ; de la passion de l'avarice, lorsi^u'il
est seulement économe, et (pi'il évite tout
gain malhoimète ; tle la passion de la ven-
geance, lorsou'il se contient dans les bornes
d'une juste défense, etc. Il n'est pas moins
incontestable que ces mêmes pencliants, (}ui
contribuent à notre conservation quand ils
sont modérés, tendent h notre destruction
dès qu'ils s(mt excessifs. Un [iliilosophe suo-
derne a observé que l'amour et la haine, la
joie et la tristesse, les désirs violents et la
peur, la colère et la voluj^té, altèrent la con-
stitution du corps, et pe.ivent causer la mort
lorsque ces passions sont portées à l'excès :
il le démontre par la théorie des etlVts phy-
si(jues que ces dilférenlos affections produi-
sent sur les organes du corps. 11 ne peut
donc pas nous être permis de nous y livrer,
beaucoup moins de les fortifier et de les
augmenter par l'habitude d'eu suivre les
mouvements ; lorsque nous le faisons, nous
agissons coiUre notre propre nature. Enfin,
nous savons par notre propre expérience et
par celle d'autrui , qu'il dépend de nous
de modérer nos penchants , de les ré-
primer, de les atfaiblir par des actes con-
traires. Lorsque nous y avons réussi, notre
conscience nous applaudit ; c'est dans cette
victoire même que consiste la vertu ou la
force de l'Ame ; lorsque nous y avons suc-
combé, nous sommes punis par le remords.
L'empire sur les passions est sans doute
plus difiicile à certaines personnes qu'à
d'autres ; mais il n'est aucun homme à qui
la résistance soit absolument impossible.
Quand il serait vrai que nous ne pouvons
pas changer entièrement notre caractère, il
ne s'ensuivrait pas encore que nous ne
pouvons pas vaincre nos passions. Autre
chose est de n'en pas sentir les mouvements,
et autre chose d'y succomber et de les sui-
vre. Qu'importe qu'un homme soit né avec
un penchant violent à la colère, si à force
de se réprimer il e«t venu k bout do ne plus
s'y livrer? 11 en résulte seulement que la dou-
ceur et la patience soat des vertus plus diffi-
ciles et plus méritoires pour lui que pour
un autre ; s'il est obligé de soutenir ce com-
bat |)endant toute sa vie, il en sera d'autant
plus digne d'éloges et de récouiponsc. Lors-
que la loi de Dieu nous défond les désirs
déréglés, elle entend les désirs volontaires et
réfléchis, et non ceux (pii sont indélibérés et
involontaires, puisqu'ils ne dépendent pas de
nous ; elle s'explique assez en disant : Ne sui-
vez point rosconvoitises. liccli., V. x.vni, v. 30:
« Que le péché ne régne point dans votre corps
mortel, de manière que vous obéissiez à ses
convoitises {^Rom. vi, 12). »
Jésus-t^hrist, qui connaissait mieux la na-
ture humaine que les philosoplies, nous a
prescrit la seule vraie mt'tliode de guérir les
passions, en nous commandant les àCtes dé
vertus qui y sont opposés. Ainsi, il nous or-
donne de vaincre l'avarice en faisant des au-
mônes, l'orgueil en recherchant les humilia-
tions, l'ambition en nous mett.mt à la der-
nière place , la volupté en mortifiant nos
sens, la colère en faisant du bien à nos en-
nemis, la gourmandise par le jeûne, la pa-
resse par le travail, etc,
Les maximes des sto'iciens, touchant la
nécessité de vaincre les passions , étaient
pompeuses et sublimes, mais cette morale
avait des défauts essentiels. 1° Elle ne por-
tait sur rien ; le stoïcisme n'opposait aux
passions point d'autre contrepoids que l'or-
gueil ou la vaine satisfaction de se croire
sage : faible barrière, bien peu caiiable d'ar-
rêter la fougue d'une passion violente. Jé-
sus-Christ nous donne dos motifs plus soli-
des, le d('sir de plaire à Dieu, de mériter un
bonheur éternel, de jouir de la paix de
l'îhne. Aussi cette morale a formé des saints
dans tous les âges, de l'un ou de l'autre
sexe, dans toutes les conditions de la vie.
2° Les stoïciens convenaient eux-mêmes
que leurs maximes ne convenaient qu'à un
petit nombre d'hommes , (jû'il fallait des
âmes d'iuie forte trempe pour les pratiquer;
celles de Jésus-Chi'ist sont populaires , à
portée de tous les hommes ; elles ont élevé à
l'héroïsme de la vertu les âmes les plus
communes, et qui en paraissaient le moins
caiiables. 3° Ceux qui ont examiné de près
le stoïcisme, sont convaincus qu'd ne pou-
vait abeutir qu'à produire dans l'homme
une insensibilité stupide ; que cet état, loin
de conduire à la vertu, la détruit au con-
traire jusque dans la racine. Aussi n'est-il
aucun des stoiciens les plus célèbres, au-
quel on ne puisse reprocher quelque vice
grossier ; mais on ne peut, sans calomnie,
former la même accusation contre les saints
instruits k l'école de Jésus-Christ. Pour les
tourner en ridicule, nos philosophes ont dit
que le projet li'un dévot est de parvenir k
ne rien désirer, à ne rien aimer, k ne rien
sentir, et que, s'il réussissait, ce serait un
vrai monstre. Mais quel est l'homme qui a
formé ce projet, h moins qu'il ne fût in-
sensé? Autre chose est de ne désirer aucun
objet dangereux, de rien aimer aveê trop
d'ardeur, de ne s'attacher à rien avec excès,
et autre chose dé n'éprouver aucun dési^, àU'
1519
PAS
PAS
1520
cune affection, aucun sentiment. Ce dernier
état estimpossible; il étoufferait toute vertu, il
ferait violerdes devoirs essentiels : le premier
n'est rien moins que chimérique, les an-
ciens philosophes le conseillaient, et les
saints y sont parvenus. Nos nouveaux maî-
tres de morale disent que les passions ne
produisent jamais de mal, lorsqu'elles sont
dans une juste harmonie et qu'elles sont
contre-balancées l'une par l'autre. Soit. La
question est de savoir d'abord si cet équili-
bre dépend de nous ou n'en dépend pas ; en
second lieu, de savoir lequel des deux est
le plus aisé, le plus sûr et le plus louable,
de réprimer une passion par une autre, ou
de les réprimer toutes par les motifs de re-
ligion. Il nous paraît que vouloir guérir une
maladie de l'âme par un autre n'est pas un
moyen fort sûr de se bien porter. Cette ma-
nière de traiter les passio^is demande beau-
coup de réflexion, des méditations suivies,
des calculs d'intérêt dont très-peu d'hommes
sont capables ; les motifs de religion sont à
portée de tous, et n'entraînent jamais aucun
inconvénient. Pour justifier leurs passions,
les païens les avaient attribuées à leurs
dieux ; ce fut le comble du délire et de l'im-
piété. Au mot Anthropopathie, nous avons
vu en quel sens l'Ecriture sainte semble at-
tribuer cl Dieu les passions humaines.
* PASSIONISTES. Eli 1775, il s'est formé, en Ita-
lie, sous ce nom, une association religieuse. Les
passionistes ont fondé un grand nombre de maisons
en Italie. Ils en comptent une en Belgique. Ce sont
de zélés défenseurs de la religion. Ils donnent des
missions qui ont eu beaucoup de succès.
PASTEUR, homme qui a reçu de Dieu
mission et caractère pour enseigner les fi-
dèles et leur administrer les moyens de sa-
lut que Dieu a établis. Dieu lui-même n'a
pas dédaigné de prendre ce titre à rég;u-d
de son peuple ; les prophètes l'ont donné au
Messie en prédisant sa venue, Jésus-Christ
se l'est attribué, et s'est proposé pour mo-
dèle des devoirs d'un bon pasteur ; il a re-
vêtu ses apôtres et leurs successeurs de ce
caractère, pour en continuer les fonctions
jusqu'à la lin des siècles. En les chargeant
de ce gouvernement doux, charitable, pa-
ternel, il a ordonné aux fidèles d'avoir pour
eui la docilité, la soumission, la confiance,
qui caractérisent ses ouailles.
Lorsque les hérésiarques des derniers
siècles ont voulu former uu troupeau à part,
ils ont contesté aux pasteurs de l'Eglise ca-
tholique leur autorité et leur mission ; ils
ont soutenu (pie les pasteurs étaient les sim-
ples mandataires du corps des fidèles, que
leur commission ne leur imprimait aucun
caractère, (ju'elle était révocable lorsqu'on
était mécontent d'eux, et qu'alors ils n'a-
vaient rien de plus ijue les simples laïques.
Mais sur ce point la doctrine des novateurs
n'a pas été uniforme. Pendant que les cal-
vinistes prétendaient que tout homme capa-
ble d'enseigner peut être établi pasteur par
l'assemblée des fidèles, les anglicans ont
continué à soutenir que l'épiscopat est d'in-
gljtution divine, qu'un évoque reçoit le ca-
ractère et la mission de pasteur par l'ordi-
nation , mais qu'il tient du souverain la ju-
ridiction sur telle partie de l'Eglise. Cette
diversité de croyance, dès l'origine de la
jirétendue réforme, a partagé l'Angleterre
entre les épiscopaux et les presbytériens.
Parmi les luthériens, les uns ont été jaloux
de conserver la succession des évèques sous
le nom de surintendants, les autres ont jugé
que cela n'était pas nécessaire. De son côté,
l'Eglise catholique a continué de croire,
comme elle a fait de tout temps, que la mis-
sion , le caractère, l'autorité des pasteurs,
viennent de Dieu, et non des hommes,
qu'ils reçoivent par l'ordination des pouvoirs
que n'ont point les simples laïques, qu'ils
forment par conséquent un ordre à part et
distingué du commun des fidèles, que ceux-
ci sont obligés par l'institution divine de
leur être soumis, de les écouter et de leur
obéir. Telle est en effet l'idée que nous en
donne l'Ecriture sainte, et telle a été la
croyance ;de tous les siècles.
Ce n'est point aux fidèles, mais aux pas-
teurs seuls que Jésus-Christ a dit, dans la
personne de ses apôtres : Vous serez assis
sur douze sièges pour juger les douze tribus
d'Israël. Paissez mes agneaux, paissez mes
brebis. Comme mon Père m'a envoyé, je vous
envoie. Ce que vous lierez ou délierez sur la
terre sera lié ou délié dans te ciel. Celui qui
vous écoute m'écoute moi-même, etc. Saint
Paul dit aux évoques que c'est le Saint-Es-
prit, et non le corps des fidèles, qui les a
établis pour gouverner l'Eglise de Dieu , que
c'est Jésus-Christ qui a établi des pasteurs
et des docteurs ; que personne ne doit pré-
tendre à cet lionneur, mais seulement celui
qui est appelé de Dieu comme Aaron ; que
lui-même a été ftiit apôtre, non par les hom-
mes, mais par Jésus-CInist; il s'attribue le
droit de punir et de retrancher de l'Eglise
les membres indociles. 11 dit aux simples
fidèles : « Obéissez à vos préposés ou à vos
pasteurs, et soyez-leur soumis, car ils veil-
lent continuellement, comme devant rendre
compte de vos Ames. [Hebr. xiii , 17). » Ce
n'est [loint aux fidèles, mais à Tite et h Ti-
mothée, qu'il donne commission d'ordon-
ner des prêtres et d'autres ministres, et d'^
les établir dans les villes pour y exercer les
fonctions de pasteurs, etc. Voy. Mission. Le
premier de ces passages nous paraît mériter
une attention particulière. Luc, c. xxii, v,
28, Jésus-Christ dit à ses apôtres : C'est
vous qui avez jjersévéré avec înoi dans mes
épreuves ; aussi je vous laisse ( par testa-
ment , S(«TtO=-p«t) un royaume , comme mon
Père me l'a laissé, afin que vous man-
giez et buviez à ma table dans mon royaume,
et que vous soyez assis sur douze sièges pour
juger les douze tribus d'Israël. 11 dit ensuite
à saint Pierre : Simon, Sutan a demandé de
vous cribler (tous) comme le froment ; mais
j'ai prié pour vous (seul), afin que votre foi
ne manque pas ; ainsi un jour tourné vers vos
fn'res (tTriarfsyKf , conversus], confirmez ou af-
fermissez-les. s Un protestant, vaincu par l'e-
videuce, est convenu que le royaume laissé
1321
PAS
PAS
132-2
par Jésus-Cnrist à ses apôtres est le sa-
cerdoce ; mais il contredit le texte , en
ajoutant que J(^sus-Ciirist le leur donne
pour eux, et pour ceux qui croiront à leur
prédication. Il s'.igit évideuiiUL'iil ici d'un pri-
vilège particulier pour les apôtres, [)uiscjue
c'est une récomiicnse de leur adarhouient
constant pour leur maitre ; de même que ce
(jui suit est un privilège et un devoir per-
sonnel pour saint Pierre d'aU'ermir ses frè-
res dans la foi, et tpii l'a rendu le pasteur
des pasteurs. Ainsi s'est formée l'Eglise
chrétienne, ainsi elle a toujours été gou-
vernée. Dans le concile de Jèrusaleui, les
apùlrcs et les anciens, ou les prêtres, ne con-
sultant pointlcs lidèl es pour leur imposer la lui
de s'abstenir des viandes immolées, du sanu',
des chairs sutl'oqui'es, et de la fornication
{Act.w, Q, etc.). Saint Paul, en parcourant
les Eglises, leurordoimait d'observer ce com-
mandement des apôlres et des anciens, v, IV.
Saint Ignace, établi cvèqued'Antiochepar
les successeurs iminédiatsdes apôlres, recom-
mande coniinuelh'mi'ut aux lidélcs, dans ses
lettres, d'être soumis à leur évé(pie, de ne
rien foire sans lui, de lui obéir en toutes
choses; il suppose couniif un [irincipe cons-
tant , et il le prouve par l'ordre de Jésus-
Christ même, que c'est aux évêiiuesde gou-
verner et de commander, et aux lidèles de
se laisser conduire. Au m"' siècle, saint
Cyprien n'a pas été moins ferme à soutenir
les droits, les iirérogalivos, l'autorité del'épis-
cop;it. Aussi les hérétique s ont-ils accusé
ces deux saints martyrs d'avoir été fort en-
têtés des privilèges de leur dignité ; mais
cet entêtement prétendu leiu" venait de
Jèsus-Christ et des apTities. D'autre part, il
n'est que tr0î> évid(nU que les héréti(pies
n'ont soutenu la doctrine contraire (jue par
nécessité de système. Comme la |)lupart des
prédicants de la réforuie étaient des laïques
qui se croyaient plus habiles que tous les
pasteurs de l'Eglise, (pin les autres étaient
de simples prêtres ou des moines révoltés
contre leurs évêques, il a bien fallu soutenir
que, p ur établir une nouvelle religion et
une nouvelle Eglise, il n'était besoin ni de
mission di ine, ni de caractère surnaturel,
ni de (louvors sacrés; que tout hounue qui
croyait avoir trouvé la vérité pouvait la
prêcher, si des peu|'les trouvaient bon de
l'écoulei'. Us ont [iul)lié que les pasteurs de
l'Eglise avaient perdu leur mission et leur
ca actère , parce (ju'ils enseignaient ues er-
reurs, et que leurs mœurs nerè|)ondaient pas
à la sainteté de leurs fonctions. Mais par
quel tribunal légitime cette condauniation
des ministres de l'Eglise catholique a-t-elle
ètéfirononcée? Selon l'institution de Jésus-
Christ, les apôtres, leurs successeurs, ont
été établis pour juger les fidèles, et non |)Our
ôlre jugés par eux. Des hommes qui posaient
pour pri:ici[ie fondamental de leur schisme,
que la seule Ecriture sainte est la règle de
ce que l'on doit croire et enseigner, auraient
dû commencer par prouver clairement et
formellement, par le texte sacré, que des
pasteurs ignorants ou vicieux perdent leurs
DlCTIONN. DE TuÉOL. DOGMATIQIE. lll.
pouvoirs et leur caractère, et que les peuplcs-
dès ce moment, sont en di"oit de se révolter
contre eux et d'en prendre d'autres. Les pré-
tendus réformateurs commençaient |iar for-
ger des impnsturt^s et des calomnies de
toute espèce, pour noircir le clergé catho-
lique et le rendre oïlieux aux peuples ; ils
concluaient ensuite (]ui^ ces pasteurs étaient
déchus de leurs jjouvoirs et de leur autorité;
ils finissaient par se mettre à leur jilaee et
par usur|>er leu.s fonctions. Ainsi le fonde-
ment lie toute cette belle écononne se bor-
nait à l'assertion et h la parole des prédicants :
voilii connue la réfirme s'est établie.
Aujourd'hui de nouveaux docteurs, soit
théologiens, soit canonistes, ramassent les
débris de celte doctrine des |irotestants, con-
damnée dans Wiclef, dans Jean Hus, dans
les vaudois, aussi bien que dans les écrits
de Luther et de Calvin, et veulent en faire
le fondement d'une nouvelle jurisprudence
ecclésiastique. De nos jours on a enseigné
et répété que les pasteurs de l'Eglise ne
sont que les mandataires du corps des fi iè-
les ; que c'est au corjis de l'Eglise, et non
à ses pasteurs, que l'autorité d'enseigner
et de gouverner a été doimée : que la puis-
sance des pasteurs, n'étant point d'institu-
tion divine , ne peut oliliger les fidèles en
conscience; qu'ainsi les décisions des pas-
teurs en matière de foi et de discipline, ne
peuvent avoir force de loi qu'autuit qu'elles
sont acceptées par la société des fidèles. On
a posé pour maximeque l'Eglise a le pouvoir
d'excouununier, et cpi'il doit élre exercé par
les premiers pasteurs , du consentement au
moins présumé du toul le coi'ps ; on a auto-
risé les (i lèles k mépriser ce pouvoir, eu
déci lant que la crainte d'une excommuni-
cation injuste ne doit pas nous empêcher de
faire notre devoir. Il est aisé de voir si tout
cela s'accorde avec la doctrine de l'Ecriture
sainte, avec la cro. ance et la pratique de
l'Eglise depuis les apôtres jusqu'à nous. Les
ennemis du clergé n'en sont pas d meures
Il ; ils ont enseigné que l'Eglise étant étran-
gère h l'Etat, les ministres ou les pasteurs
de l'Eglise ne peuvent avoir aucune autorité
iiidé|iendanle de celle du souverain; que,
quoique la foi ne di'pende point de lui, ce-
pendant la imblicité de la foi et du ministère
ecclésiastique en dé.iend; qu'avant qu'il ait
accordé cette publicité, la religion chiétienne
ne peut lier le sujet, parce ijue ce,ui-ci ne
peut être contraint que par l'autorité de son
souverain ; ils en ont conclu que les déci-
sions même des conciles généraux ne peu-
vent avoir force de loi q l'autantque le sou-
verain le permet et en autorise li publica-
tion ; que c'est au souverain et aux raagis-
ttals de juger de la vilidité d'une excommu-
nic.ilion, parce que celte peine prive un
sujet de ses droits de c.toyen.
Lorsque nos pr .fonds , olitiques jugent
que Dieu, sa parole, sou culte, ses lois, les
ordres qu'il a donnés, sont étrangers à l'Etat,
l'on est bien en droit de douter si ces écri-
vains eux-mêmes ne sont pas étranger* à
l'Eglise, et si jamais ils ont fait profession
. 48
1335
PAS
PAS
1524
du christianisme. A les entendre raisonner,
on dirait que les souverains ont l'ait grâce à
Jésus-Christ, en permettant que sa doctrine
et sa religion fussent prêchées dans leurs
Etats ; que, par reconnaissance, ses ministres
sont obligés en conscience de mettre celte
religion, et l'Evanf^ile qui l'enseigne, sous
le joug de la puissance séculière. Nous pen-
sons au contraire que c'est Jésus-Christ qui
a fait une très-grande grâce à un souverain
et à ses sujets, lorsqu'il a daigné leur pro-
curer la connaissance de sa doctrine et de
ses lois, les captiver sous le joug de son
Evangile, leur donner une religion qui est
le fondement le plus sûr de leurs devoirs mu-
tuels et de leurs droits respectifs, par consé-
quent le plus ferme appui du repos, de la pros-
périté et du bonheur des sociétés politiques.
Cette vérité est assez démontrée par le fait;
puisque, de tous les gouvernements de l'uni-
vers il n'en est point de plus stable, de plus
modéré, de plus heureux, à tous égards, que
celui des nations chrétiennes.
Sans demander la permission des souve-
rains, Jésus-Christ avait dit à ses apôtres :
Prêchez VEvangile à toute créature ; quicon-
que ne croira pas sera condamne'. Vous serez
traînés devant les rois et les magistrats à cause
de moi, et pour leur rendre témoignage
ne lescraigncz point... Ceque je vous ai ensei-
gné en secret, publiez-le au grand jour, et ce
que je vous dis à l'oreille, prêchez-le sur les
toits. Ne craignez point ceux quituent le corps
et n'ont point de pouvoir sur Vâme, mais
craignez celui qui peut envoyer le corps et
l'âme au supplice éternel (Matth. x, 18). Aussi
les apôtres n'ont point demandé les lettres
d'attache des empereurs païens pour annon-
cer l'Evangile à leurs sujets; ies pasteurs,
qui leur ont succédé, ont même bravé leslois
quileleurdéfendaient, et, parleur constance,
ils ont enfin forcé les maîtres du monde h
courber leur tête sous le joug de la foi.
Mais on se tromperait grossièrement si
l'on croyait que ces publicistes antichrétiens
soutiennent leur doctrine par zèle pour l'au-
torité légitime des souverains ; ils sont dans
le fond aussi ennemis de cette autorité que de
celle des pasteurs de l'Eglise. De même qu'ils
ont décidé que ceux-ci ne sont que les man-
dataires des tidèles, que leurs décisions n'ont
force de lii qu'autant que l'on veut s'y sou-
mettre, ils ont enseigné aussi que les sou-
verains eux-mêmes ne sont que les manda-
taires de leurs sujets, que les sujets sont
les vrais propiiétaires de l'autorité suprême,
qu'ils ne peuvent s'en dessaisir d'une manière
iriévocable, que, quand les souverains en
abusent, les sujets sont en droit de la leur
ôter. Ainsi ces zélateurs hypocrites n'ont
voulu mettre l'Eglise sous le joug des sou-
verains que pour remettre les souverains
eux-mêmes sous le joug des peuples. Voy.
Autorité politique. Par une contradiction
grossière, ils soutiennent, d'un côté, que le
souverain a droit d'examiner et de voir si
une religion convient ou ne convient \ms à
la prospérilé et à la tranquillité de ses Etats
et au bien de ses sujets, par consécjuont d'en
3'
permettre o^i d'en défendre la prédication,
la profession et l'exercice ; de l'autre, que le
souverain n'a aucun droit de gêner la cons-
cience de ses sujets, que c'est h eux seuls
de juger quelle est la rehgion qu'ils^ doivent
suivre ; que sur ce point la tolérance abso-
lue est de droit naturel et de droit divin.
Lorsqu'il s'agit de gêner les pasteurs dans
l'exercice de leur ministère, le pouvoir des
souverains est despotique et absolu ; s'agit-
il de réprimer la licence des prédicants, des
athées, des incrédules, les prétentions des
hérétiques, le souverain a les mains enchaî-
nées par les lois sacrées de la tolérance. C'est
selon les règles de cette merveilleuse logi-
que qu'ont été faits les écrits intituli's : L'Es-
prit ou les principes du droit canonique ; de
l'Autorité du Clergé ; l'Esprit du Clergé, etc.
Le/ protestants avaient suivi la même mar-
che et avaient usé du même stratagème ;
Bayle le leur a reproché dans son Avis aux
réfugiés ; il est k présumer que personne n'en
sera dupe une seconde fdis. Tantôt les en-
nemis du clergé ont peint les pasteurs com-
me des hommes dont les* souverains doivent
se défier, à cause de l'empire que le minis
tère des premiers leur donne sur l'esprit des
peuples ; tantôt comme les esclaves des sou"
verains, qui ont fait avec eux une conjura-
tion pour asservir les peuples. Ces écrivains
fougueux ne se sont pas contentés de calom-
nier et de noircir les pasiewrs d'aujourd'hui,
ils ont vomi leur tiel jusque sur les apôtres ;
ils ont dit que ceux-ci et leurs successeurs
commencèrent par prêcher une foi aveugle,
qu'ils se donnèrent pour des espèces de dieux
sur terre, qu'ils se vantèrent de donner le
Saint-Esprit, afin d'allumer l'imagination de
leurs prosélytes. Us recommandèrent beau-
coup la chanté, parce qu'ils étaient les dis-
tributeurs des aumônes et qu'ils en subsis-
taient eux - mêmes ; ils eurent le zèle du
prosélytisme, parce qu'eu répandant la foi
ils étendaient leur empire sur les âmes et
sur les Ijourses de leurs sectateurs ; c'est
pour cela que l'épiscopat devint un objet
d'ambition ; les évoques furent les juges et
les magistrats des fidèles. Saint Paul l'avait
ainsi ordonné. Us avaient le pouvoir d'ex-
communier, par conséquent d'ôter à ceux
qu'ils proscrivaient les moyens de subsister.
Ils régnèrent de cette manière avec un des-
potisme absolu sur les esprits et sur les
cœurs, et ils en usèrent pour allumer parmi
leurs prosélytes le fanatisme du martyre :
ainsi, sous le nom de pasteurs, ils avaient le
privilège de tondi e le troupeau et de le con-
duire à la boucherie pour leur propre iuté-
i'êt. Ce tableau, sans doute, aurait fait plus
d'impression s'il avait été moins chargé ; la
passion y est trop marquée ; il a fait plus
de tort à ceux qui l'ont forgé qu'à ceux qui
en sont l'objet ; mais examinons-en tous les
traits.
Jl n'est pas vrai que les fondateurs du
christianisme aient commandé une foi aveu-
gle , puisqu'ils ont commencé |)ar prouver
leur mission divine ])ar des signes incontes-
tables ; une foi fondée sur de pareilles jjreu-
132S
PAS
PAS
im,
ves n'est point aveugle, mais sn'^o, et pru-
dente. Voi/. CuiîDimi.iTÉ. Nous ferons voir
dans un inoiaent qu'il en est de nièine de
celle dos (.■hn'tiens d'aujourd'hui. Non-seu-
leuient les apôtres se sont vantés de donner
le Saint-Ksprit, mais ils ont démontré qu'ils
le doimaieut f)ar les dons miraculeux qu'ils
communiquaient par ruij;)osition de leurs
m.iius ; il n'était donc pas (juestiondans tout
cela de chaleur d'imagination, mais d'une
persuasion l'ondée sur des preuves palpables,
et auxquelles l'esjjrit le [il us l'roid ne pou-
vait se refuser ; et il est prouvé, par des té-
moignages incontestables, que les dons mi-
raculeux ont duré dans l'Eglise chrélienn»;
pendant plus d'un .siècle. Ces prédicateurs d(!
l'Evangile ontijeaucoup recommandé la cha-
rité, parce (],ue Jésus-Christ l'avait comman-
dée sur toutes choses, et c'est pour cela
qu'on la prêche encore ; Jésus-Christ n'en
avait pas besoin pour lui-même, puis([u'il
commandait ii la nature. Nou-seulement ses
disciples l'ont prescrite, mais ils l'ont jiraii-
quée, et cette vertu si nécessaire au monde
est ce qui a le plus contribué à convertir les
païens ; l'empereur Julien eu est témoin, et
il en a fait l'aveu. Les apôtres ni leurs suc-
cesseurs n'ont point voulu être les distribu-
teurs des aumônes, puisqu'ils avaient élabli
des diacres exprès pour les charger de ce
soni. Si l'on conuai.s.sait les désagréments et
les avanies auxquelles les pasteurs sont ex-
posés par rapport à la distribution des au-
mônes, l'on ni! serait pas tenté de regarder
ce soin comme un objet d'ambition.
A-t-on comparé les travaux, les fatigues,
les dangers de l'apostolat et du prosélytisme
pendant les trois premiers siècles, avec les
avantages temporels que ce zèle pouvait pi'o-
curor? Nous voudrions savoir quelle récom-
pense mondaine a pu dédommager les pas-
teurs de ce temps-là des travaux, des fati-
gues, de la vie pauvre et ausièie à 1 iquelle
ils étaient condanmés, et du danger du mar-
tyre auquel ils étaient continuellement
exposés. Nous ne connaissons auc.inévèque
(le ces |)remiers siècles qui ait fait une gran-
de fiirtune ; nous voyons, au coniraire, que,
pour parvenir à l'épiscopat, il fallait renon-
cer il la i'ortuue, et que la plupart ont fait
pi'ofession de la pauvreté la plus austère. On
a beau dire qu'ils en étaient dédommagés
par le respect, par la confiante, par la véné-
ration des tidôles ; nous ne voyons ; as que
l'on soit fort empressé aujourd'hui d'obte-
nir ce dédommagement au même prix.
Saint Paul n'avait point ordonné , mais il
avait exhorté les (idèles à terminer leurs dif-
fi'rends jiar l'arbitrage des pasteurs, plutôt
«pie d'aller plaider au u-ibuual des magisti ats
païens, auquel un c'u-élien ne pouvait com-
Ijaraitre sans danger. Cette morale, quoiq e
l'on en dise, était très-bonne ; ceux qui l'ont
suivie ne s'en sont Jamais repentis ; mais
nous ne voyons pas (luel avantage temporel
peuvent trouve; les pasteurs h être (pielque-
fois les arbitres et les conciliateurs des pro-
< es de leurs ouailles. Pourquoi nos philoso-
plies si ambitieux n'out-ils pas mis en usage
les moyens de se concilier, coumie les pas-
teurs, l'estime, les respects, la conliance, la
vénération de leurs concitoyens, l'empiie
despotique sur les esprits et sur les cœurs !
Nous concevons encore moins quel intéiêt
les pasteurs de l'Eglise pouvaient avoir à
souiller aux fidèles le fanatisme du martyre ;
c'élait s'imposer à eux-mêmes l'obligation
<le le subir, et ils y étaient plus expose,s que
les laïques, puisque c'était principaleunait
contre les pasteurs que le gouvernement
avait coutume de sévir. Nous savons que des
prédicants hérétiques ont souvent bravé le
danger du supplice , jiour .iller exercer en
secret leur ministère dans des lieux où ils
étaient proscrits ; mais nous sommes moins
tentés d'attribuer cette conduite à leur am-
bition qu'à l'entêtement qui leur avait per-
suadé la vérité de la doctrine qu'ils profes-
saient. Les incrédules, commeles hérétiques,
ont souvent reproché aux pasteurs de l'E-
glise catholique de vouloir dominer sur la
foi de leur troupeau par le don d'infailli-
bilité i|u'ils s'attribuent, de prétendre ainsi
être les maîtres d'ériger en dogme d : foi telle
opinion qu'il leur [ilait. S'ils y avaient ruieux
rélléchi, ils auraient vu que la foi des peu-
ples domine pour le moins autant sur celle
des pasteurs, que celle-ci sur la croyance des
peuples. Car enfin, en quoi consiste l'ensei-
gnement de chaque pasteur? A prêcher et à
professer la dociiine universellement crue
et enseignée dans toute l'Eglise catholique ;
rien de plus. Chaipie pasteur, en entrant en
exercice de sa charge, trouve cotte doctrine
tout établie dans le symbole, dans les caté-
chismes, dans la liturgie, dans tous les li-
vres dont il lui est permis de s > servir, aus-
si bien que dans l'Ecriture sainte ; il a fait
serment de n'en jamais enseigner d'autre,
de n'y rien ajouter ni rien retrancher. S'il le
faisait, ses auditeurs auraient droit de le
dénoncer et de l'accuser ; la plupart sont
aussi instruits que lui-même ; il serait con-
damné et dépossédé.
Ce qu'un particulier ne peut pas faire sans
causer du scandale, peut-il être exécuté par
l'universalité des pasteurs, soit dispersés
dans leuis Eglises, soit rassemblés dans un
Cwncile? 11 est a.surde de supposer que des
évoques dispersés dans les quatre parties
du monde, qui ne se sont jamais vus, et qui
ne so connaissent point, conspirent néan-
moins dans le projet d'alti'rer quoiqu'un des
dogmes de foi, ou d'en établir un nouveau
-<iont ou n'avait jamais entendu parler. Quel
motif, quel intérêt, quel ressort pourrait mou-
voir ainsi uniformément la volonté de plii-
.'•ieursmilliers d'hommes, tous persuadés que
le projet dont nous parlons serait un attentai.
Si nous les supposons rassemblés, le cas est
absolum Mit le même. Quand on pouirait ima-
giner qu ' trois cent dix-huit évoques des dif-
férentes parties du monde, qui n'avaient
jws seulement le même langage, puisqu'il y
avait des (irocs et des Latins , des Syriens,
d 'S Arabes, des Perses, ont unanimement
résolu, au concile de Nicée , d'élablu' en
dogme de loi la divinité de Jésus-Christ, qui
1327
PAS
PAT
1338
n'était pas crue auparavant , pourrait-on se
figurer encore que, quand ils ont reporté
cette nouveauté dans leurs diocèses, elle y a
été reçue sans réclamation par l'universalité
des fidèles? Ledogme, en lui-même, n'éprou-
va aucune di.ticuité ; on n'argumenta d'abord
que sur le terme de cotisubstantiel, ei il n'y
eut d'opposition que de la part de quelques
évoques qui s'étaient laissé se, luire par les
so|iliismt'S d'Arius. Il en fut de même des
autres aticles de doctrine, décidés dans les
conciles postérieurs. Nos adversaires se sont
imaginé qu'un dogme n'avait pas encore été
cru, lorsqu il n'avait pas encore été mis en
question ; ma s un dogme révélé tie Dieu,
et enseigné par les apôtres, n'a commencé à
être mis en question que quand il s'est trou-
vé des novateurs qui, par ignorance ou ])ar
opiniAtreté, se sont avisés de le révoquer en
doute et de le contester. Voy. Dépôt de la
FOI. On distingue les pasteurs du premier
ordre, qui sont les évèques, et ceux du se-
cond ordre, qui sont les curés ou recteurs
des paroisses ; leurs droits respectifs et la
différence de leur juridiction sont l'objet de
la jurisprudence canonique.
Pasteur d'Hermas. Voy. Hermas.
PASTOPHORION, mot grec qui se trouve
fréquemment dans la version des Septante,
et sur le sens duquel les critiques ne sont
pas d'accord. Souvent il est parlé du temple
de Jérusalem, et des pastophoria ou appar-
tements qui y étaient contigus. Ce teime,
dit-on, vient de TraoT»? ou Tt-ao-roî , portique,
vestibule, chambre, et il a la môme signilica-
tion ; fopsïav signitie aussi ce que l'on porte,
et le lieu où l'on porte quelque chose ; d'od
l'on doit conclure que nx(T:a-fop-!»v est à la
lettre un magasin, le lieu où l'on mettait
les offrandes et les provisions du temple.
Les appartements des prêtres étaient nom-
més de même , parce que tout cela était
contigu et sous un même toit. Dans les
Constitutions apostoliques, écrites au iv' ou
au V' siècle, il est aussi parlé des pastopho-
ria des anciennes églises, par analogie à
ceux du temple, 1. ii, c. 57 ; l'auteui- veut
que l'église soit un édifice plus long que
large, tourné à l'Orient ; qu'il ait de ce côté-
là, de part et d'autre, des pastophoria , et
qu'il ressemble à un vaisseau; que le siège
de l'évoque soit dans le fond, etc. L. viii.
c. 13, il est dit qu'après la communion des
hommes et des femiïies, les diacres porteront
les restes dans \es pastophoria; c'étaient, dit-
on , les appartements des prêtres iJingham,
Orig. ecclés , 1. vni, c. 7, § 11. Pour nous,
qui pensons qu'au iv' et au V siècle on trai-
tait l.s restes de l'eucharisUe avec plus de
respectqu'unalimeni ordinaire, nous sommes
persuadés que pastophoria , dans ces deux
];assages, sont les armoires ou tabernacles
qui furent appelés par les Latins ciboria, et
qui étaient placés à côté de l'autel , dans
lesquels on réservait l'eucliaristio pour les
malades : 1° parce que, dans l'origine, ce
terme signifie un lieu dans lequel on porte,
l'on dépose et l'on conserve <iuelque chose ;
2° parce que, dans le premier passage, l'au-
teur des Constitutions apostoliques parle de
l'intérieur de l'église et non des bâtiments
extérieurs ; il décrit le sanctuaire et non les
autres parties de l'édifice ; 3" si les apparte-
ments des prêtres ont été aussi appelés pas-
tophoria, ce n'est qu'une signification déri-
vée, et qui est venue de ce que ces appar-
tements étaient contigus de ceux dans les-
quels on mettait les offrandes. Nous ne fai-
sons ces observations que parce que les pro-
testants ont voulu insinuer par le second
passage des Constitutions apostoliques, que
les restes de l'eucharistie étaient portés dans
l'appartement des prêtres pour faire leur
nourriture ordinaire, et qu'on ne les traitait
pas avec plus de respect que les autres ali-
ments.
PASTORICIDES, nom qui fut donné, dans
le xvr siècle, aux anabaptistes d'Angleterre,
jiarce qu'ils exerçaient principalement leurs
fureurs contre fes pasteurs, et qu'ils les
tuaient partout où ils les trouvaient. Voy.
Anabapti-tes.
PASTOUREAUX, secte fanatique, formée
au milieu du xiii" siècle par un nommé Ja-
cob, Hongrois, apostat de l'ordre de Citeaux.
Dans sa jeunesse, il commença par assem-
bler une troupe d'enfants en Allemagne et
en France, et en fit une croisade pour la
terre sainte : ils périrent promplement de
faim et de fatigue. Saint Louis ayant été fait
prisonnier par les Sarrasins l'an liSO, Jacob,
sur une prétendue révélation, prêcha que
les bergers et les laboureurs étaient destinés
du ciel à délivrer le roi ; ceux-ci le crurent,
le suivirent en foule, et se croisèrent dans
cette persuasion, sous le nom de pastoureaux.
Des vagabonds, des voleurs, des bannis, des
excommuniés, et tous ceux que l'on appelait
ribaux, se joignirent k eux. La reine Hlan-
che, gouvernante du royaume dans l'absence
de son fils, n'osa d'abord sévir contre eux ;
mais lorsqu'elle sut qu'ils prêchaient contre
le pajie, contre le clergé, contre la foi ; qu'ils
commettaient des meurtres et des pill.iges,
elle résolut de les exterminer, et elle en vint
promptementà bout. Le bruit s'étant répan-
du que les pastoureaux venaient d'être ex-
communiés, un bouchertua Jacob, leur chef,
d'un coup de haclie, pendant qu il prêchait ;
on les poursuivit partout, et on les assomma
comme des bêtes féroces. Hist. de l'Egl.
gallic, t. XI, 1. xxxii, an. 1250. Il en repa-
rut encore de nouveaux l'an 1320, qui s'at-
troupèrent sous prétexte d'aller conqu^'rirla
terre sainte, et qui commirent les mêmes
désordres. 11 fallut les exterminer de la mê-
me manière que les premiers. Jbid. , tom.
XllI, 1. xxxvii, an 1320.
PATARINS, PATERINS, ou PATRINS ,
nom donné, dans le xp siècle, aux pauliciens
ou manichéens qui avaient quitté la Bulga-
rie, et étaient venus s'établir en Italie, prin-
cipalement à Milan et dans la Lombardie.
Alosbeim prouve, d'après le savant Muiatori,
que ce nom leur fut donné jiarce qu'ils s'as-
semblaient dans le quartier de la ville de
Milan, nommé pour fors Cataria, et aujour-
d'hui Contradn de Catarri. On les appelait
1329
PAT
PAT
\»0
encore cathari ou purs, et ils affectaient eux-
mêmes ce nom pour se distinguer des ca-
tholiques. Au mot Manichéens, nous avons
vu que leurs princinales erreurs étaient d'at-
tribuer la création ues choses cor|iorelles au
mauvais principe, de rejeter l'Ancien Testa-
ment, et de condamner le mariage comme
une impureté.
Dans le xu' et le xiii" siècle, le nom depa-
tarins fut donné à tous les hérétiques en gé-
néral ; c'est pour cela que l'on a souvent
confondu ces cathares ou manicMens dont
nous parlons avecles rrtwr/oj.s-, quoiijue leurs
opinions fussent très-ililîérentes. Le concile
général de I.atran , tenu l'an 1179, s; us
Alexan Ire 111, dit an.ithénie aux hér(''tiques
nouHués cathares, patarins ou pubUcains,
albigeois et autios ; il avait principalement
en vue les iManiciiétns désignés p.ir ces dif-
féients noms ; ni.iis le concile général sui-
vant, célébré au mémo lieu l'an 1215, sous
Innocent 111, dirigea aussi ses canons contre
les vaiidois.
Dès l'an 1074, lorsque Grégoire VII, dans
un concile de Rome, eut condamné lincon-
tinence des clercs, soit de ceux qui vivaient
dans le concubinage, soit de ceux qui pré-
tendaient avoir contracté un mariai;e légi-
time, ces derniers, qui ne voulaient pas
quitter leurs femmes, donnèrent aux parti-
sans du concile de Rome le nom de paturini
ou paterini, pour donner à entemire qu'ils
réprouvaient le mariage comme les mani-
chéens ; mais autre chose était d'interdire le
mariage aux ecclésiasti(jues, et autre chose
de condaunier le mariage en lui-même.
Les protestants ont souvent all'ecté de re-
nouveler ce reproche très-mal à |)ropos.
PA'l'ELIEKS. On nomma ; insi au xvi" siè-
cle quelques luthériens qui disaient fort i idi-
culeiuent que .lésus-Christ est dans l'eLiciia-
ristic comme un lièvre dans un |)iUé. Voy.
LLTHÉRIE^S.
l'A TÈNE. C'est, dans l'Eglise romaine, un
vase .-aéré, d'or ou d'argent, fait eu forme
de petit plat, qui sert à la messe à mettre
l'iiost e, et que l'tm donne à baiser à ceux
qui vont h l'olfrande. Son nom vient du latin
patina, qui signihe un plat. Autrefois les
patènes étai ni beaucoup plus grandesqu'elles
ne sont aujourd'hui, parce qu'elles servaient
à contenu" les hoslies pour tous ceux qui
devaient communier. Anastase le Bibliothé-
caire ra[i|;oite d'après d'anciens monuments,
que Constanlin le (jrand, à l'occasion des
obsèqm s di; sa mère sainte Hélèn •, fit pré-
sent a l'Eglise des saints martyrs Pierre el
Marcelin, d uiu-patcne d'ur pur|)esant ti'cnle-
cinq livres. Comme elle pouvait embarrasser
le prêtre à l'autel , le sous-diacre tenait ce
]ilat dans ses mains, jusqu'au moment au-
iiuol on s'en servait. Vh'ury , Mœurs des chré-
tiens, n. 33.
PATENOTRE. Voy. Cuapelet.
PATEK. Voy. Oraison uominicale.
PATERNIENS. Saint Augustin, dans son
livre des Hérésies, n. 83, dit que les puler-
niens, que qurhjues-uns nommaient aussi
venustiens, enseignaient que la chair était
l'ouvrage du démon ; ils n'étaient pas pour
cela plus mortifiés ni plus chastes; au
contraire , ils se plongeaient dans toutes
sortes de voluptés. On dit qu'ils parurent au
iv siècle, et qu'ils étaient disciples de Sym-
maque le Samaritain.il ne paraît pas que cette
secte ait été fort nombreuse ni qu'elle
ait été fort connue des écrivains ecclésias-
tiques.
PATERNITÉ, relation d'un père à l'égard
de son lils. Dans le mystèie de la sainte
Trinité, la paternité est la propriété particu-
lière de la première Personne, et qui la dis-
tingue lies deux autres.
Les Pères de l'Eglise, (]ui ont défendu ce
mystère contre les ariens, les eunomiens el
auires hérétiques , ont beaucoup raisonné
sur cette qualité de Père que Dieu lui-même
s'est attribuée dans l'Ecriture sainte ; ils ont
fait voir que ce terme, pur sa propre énergie,
désigne en Dieu un attribut plus auguste
que la qualité de créateur. Dieu est Père de
toute éternité, puisqu'il est nommé le Père
éternel ; il n'a été créateur que dans le temps.
Comme Dieu ne peut pas être sans se con-
naître soi-même, il n'a jamais pu être sans
engendrer le Fils; d'où il s'ensuit que le
Fils est coéternel et consubstantiel au Père;
qu'ainsi le nom de Père ne se lire point de
la création, comme le prétendaient les ariens
et comme le veulent encore les sociniens,
mais de la génération éternelle du Verlje.
Les Juifs mêmes lecomitrirent, puisqu'ils
voulurent mettre à moi t Jcsus-Christ, parce
qu'il appelait Dieu, son Père, se faisant ainsi
égal à Dieu {Joan. \, 18). Cette conséquence
aurait été trôs-fausse, si Jésus-Christ, en
nonnnant Dieu son Père, avait entendu son
créateur ; les Juifs n'auraient pas pu en être
scandalisés ; Jésus cependant, loin de les
détromiier, a t(jujouis continué iJe parler de
môme ; d'où il s'ensuit qu'en se nommant
Fils de Dieu, il n'entendait p.ir là ni la créa-
tion ni une simple aiioplion, mis une lilia-
tion naturelle et qui emporte l'égalité ou
j)lut(jt l'identité de nature. De Vu hs Pères
ont encore conclu que quand Jésus-Christ
dit à Dieu son Père, j'ai fuit connaître votre
nom aux hommes {Joan. xvii, 6), il n'est
question là ni du nom de Dieu ni de celui
de créateur, puisque ces deux noms étaient
très-connus des Juifs avant Jésus-Christ ,
mais qu'il s'agit du nom de Père dans le sens
rigoureux, nom que les Juifs ne connais-
saient pas, et qui ne leur avait pas encore été
révélé. Ils ont dit eulin que, quand saint
Pierre dit {Epites. m, 14) : « Je fléchis les
genoux devant le Père de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, duquel ioute paternité esl nom-
mée dans le ciel et sur la terre, » il nous
donne h entendre que la qualité de/'rre, qui
appartient à Dieu essentiellement et par na-
ture, n'a été donnée aux créatures que par
communication et par grâce, et ijue ce nom
ne conserve toute son énergie que quand il
est donné à Dieu. Conséquemment les Pères
ont fait voir qu'il y a entre la paternité divine
et la paternité humaine dos dil-1'érences es-
sentielles. Aussi les anciens hérétiques ne
'1551
PAT
PAT
1552
donnaient à Dieu que malgré eux le titre de
Père ; ils aCfectaient de le nommer ingenitus,
le non engendré , atin de donner à enten-
dre que le Fils étant engendré n'était
pas Dieu. Pétau, Dogm. théoL, t. 11,1. v.
c. h.
Comme il eSt très-aisé de tomber dans
l'erreur, en parlant du mystère de la sainte
Trinité, il faut se conformer exactement au
langage des Pères et des théologiens catho-
liques. Or, ils enseignent que la paternité
est un attribut relatif, à la Personne du Père,
et non à la nature divine ; que c'est une qua-
lité réelle, tant à raison de son sujet qui est
le Père qu'à raison de son terme qui est le
Fils; que quoiqu'elle soit incommunicable au
Fils, il ne s'ensuit pas que lePère soit un Dieu
différent de Dieu le Fils, parce qu'elle ne
tombe pas sur la nature divine ; conséquem-
ment onnepeut pas en conclure le tritliéisme.
Du même principe il s'ensuit que \a pater-
nité n'étant pas un simple mode de subordi-
nation, mais une relation réelle, qui a un
terme a quo, et un terme ad quem, on ne peut
pas confondre ces deux termes ni établir le
sabelliaaisme, puisque le Père, en tant quo
Personne, est par sa paternité réellement
distingué du Fils en tant que celui-ci est
aussi Personne divine 11 a fallu néc''ssaire-
ment établir cette précision dans le langage
théologique, afln do firévenir et de résoudre
les sophismes et les explications erronées
des hérétiques. Voy. Trinité.
PATIENCE. Dans l'Ecriture sainte, ce ter-
me signifie quelquefois la tranquillité avec
laquelle Dieu laisse persévérer les hommes
dans le crime, sans les punir, alin de leur
laisser lo temps de faire pénitence et de ren-
trer en eux-mêmes [Exod. xxxiv, 6 ; Ps. tu,
12, etc). Lorsqu'il est apjihquéaux hommes,
il se prend pour la consîance dans les travaux
et dans les peines [Luc. xxi, 10); pour la
persévérance dans les bonnes oeuvres (Vin,
15 ; Rom. ii, 7); pour une conduite régulière
oui ne se dément point {Prov. xix, 11, etc.).
Il n'est joint de vertu que Jésus-Christ ait
plus recommandée à ses disciples ; c'est une
des premières leçons qu'il leur a données
{Matth. V, 10), et il eu a été lui-même un
parfait modèle. SaintPaul répète continuelle-
ment la même morale ; tous les apôt-es l'ont
suivie à la lettre, puis(ju'il.s Ont sonflfert les
persécutions et la mort pour la cause de l'E-
vangile. On accuse môme les Pères d' l'iî-
glise de l'avoir poussée trop loin, et d'avoir
interdit aux chrétiens la ju.'ite défense de soi-
même ; les incrédules font les mêmes repro-
ches à Jésus-Christ avecaussi peu de fonde-
ment. Voy. DÉFENSE DE SOI-MÊME.
Nos anciens apidogisles, saint Justin, Ori-
gène, Méliton, Tert llien, attestent que les
premiers clrétiens se sont laissé insulter,
maltraiter, dépouiller, conduire au supplice
comme des agneaux à la boucherie ; que,
malgr;'' leur nombre, ils n'ont jamais pensé
à se défendre ni à rendre aux persécuteurs
le mal pour le mal. Leurs ennemis en sont
convenus; ils leur ont même reproché la
frénésie du martyre ; c'est lo terme dont ils
se sont servis. Colse, Julien, Porphjre, n'ont
reproché aux chrétiens ni conjurations, ni
séditions, ni violences, ni attentats contre
l'ordre public. Lorsque Celse appelle leur
société une sédition, il entend une sé[)ara-
tion d'avec les pa'iens, dans la manière de
penser et d'agir, mais qui ne causait aucun
trouble et qui n'annonçait aucun dessein ca-
pable d'alarmer le gouvernement. M. Fleury,
dans son Tableau des mœurs des Chrétiens,
n. .3.3, a fait le détail des motifs odieux qui
engageaient les païens à persécuter les secta-
teurs du christianisme ; il a prouvé, par le
témoignage des auteurs contemporains , le
soin avec lequel les chrétiens évitaient tout
ce qui aurait pu irriter leurs ennemis et
augmenter leur haine. Cette cimduite n'a été
imilée par aucune des sectes hérétiques qui
ont paru depuis le commencement de l'Eglise,
moins encore par les proteslants que i)ar
leurs prédécesseurs. Mais les incrédules mo-
dernes, plus injustes et plus téméraires que
les anciens, prétendent que la patience des
chrétiens n'a pas duré ; que lorsqu'ils sont
devenus les maîtres, après la conversion des
empereurs, ils ont rendu aux païens avec
usure les violences qu'ils en avaient éprou-
vées. » Ils j 'tèrent, dit-on, la femme de Maxi-
min dans l'Oronte ; ils égorgèrent tous ses
parent*; ; ils massacrèrent, dans l'Egypte et
dans la Palestine, les magistrats qui s'étaient
le plus déclirés contre le christianisme. La
veuve et la fille de Dioclétien s'étant cachées
dans Thessaloniiiue, furent recomiues, mises
à mort, et leurs corps furent jetés à la mer.
Ainsi les mains des chrétiens furent teintes
du sang de leurs perséiuteurs dès qu'ils fu-
rent en liberté d'agir. » Ceux qui ont forgé
cette calomnie ont espéré sans doute que
jiersoune neprendiait la peine delà vérilier,
et ne les ferait rougir de leur malignité. La
vi>rité est que toutes ces iiarbaries ont eu
pour auteur Licinius, -le plus mortel ennemi
des chrétiens; elles ont été commises dans
l'Orient oi'i Constantin n'avait aucune auto-
rité ; elles sont arrivées l'an 3! 3, immédia-
tement après la victoire de' Licinius sur
Maximin ; alors il n'y avait encore eu qu'un
simple édit de tolérance p:irt<^ en faveur du
christianisme , avec défense expresse aux
chrétiens detroubl r l'onir ' public; Constan-
t n n'a été seul maître de l'empii'e que l'an
32t. Lactaiice, de Mort, pers., n. 3'i. ; Eusèbè,
ffist. ecclés., 1. vni, c. 17. En quel sens peut-
on (lire que l'an 313 les chrétiens étaient en
liucrté d'agir?
Le seul écriv;iin qui ait fait mention des
actes de cruauté que l'on vient eie ciler, est
l'auteur du traité de la Mort des persécuteurs ;
il les attribue formellement à Licinius, et de
jiareilles atrocités ne pouvaient venir d'une
autre main. Quel motif les chrétiens auraient-
ils pu avoir do sévir contre Pii-^ca, veuve de
Dioclétien, et coitre Valéria, sa fille? Plu-
sieurs auteurs ecclésiastiques ont pensé qui;
ces deux princesses étaient chrétieniies, du
moins on ne peut pas doute qu'elles n'aient
été favorables au christianisme. Le mémo
historien que nous citons dit que Licinius
1353
PAT
PAT
1334
t'toit irrité contre ellos, paroo qu'il n'avait pas
pu obtenir on mariage Valéria, vouve de
Maximicn-rialère ; il ajoute que la cliasteté
et le rang de cesdeux femmes causèrent leur
perte; (le Morte pcrsec, n. 51, voyez \os no-
tes. Pour quelle raison même les (•hr(''tiens
auraient-ils usé de vengeance contre les pa-
rents de Maximin, qui avait ordonné comme
ses collègues, |iar des rescrits particuliers, la
tolérance du ctirisiianisme ? Eusèhp, \. i\,
c. 1 et 9. Mais Liiiiiius, eiuiemi im|ilacablo
lie Maximin, almsa de sa victoire ; il lit jeter
dans rOronte la femme de cet empereur, fit
égorger ses enfants, fit massacrer les magis-
trats qui avaient suivi le fmrti du vaincu;
c'est lui qui fil mourir le césar Valérins ou
Valeas, qu'il avait créé lui-même, ot le jeune
Cnndidien, lils de Maximien-Galère ; c'est lui
qui, après avoir jiublié avec ses collègues un
édit en faveur des clirétiens, recommença
contre eux la i)erséeutioii , liés qu'il fut
brouillé avec Conslanlin. Est-il étonnant
qu'un tel raonslre n'ait pu soutfrir aucun
égal, lui (fuo Julien apjiellc un tyran détesté
des (lieux et des honmies'/ Sous Julien même,
l'an 301, les clirétiens, nudtipliés pendant
cinquante ans de paix, aurait nt pu faire
trendjler l'empereur et l'empire : ils ne se
révoltèrent pas plus que sous Dioclétien ;
Julien, en écrivant contre eux, nelesena point
accusés ; il leur reproche seulement, dans
une de ses lettres, de s'être dévorés les uns
les autres pendant les li'oubles de l'aria-
nisme. Mais ce sont les ariens ([ui, fi<;rs de
la protection que leur accordait l'empereur
Constance, avaient commencé les violences
contre les catlioli(iues. Nous clierclions vai-
nement dans l'histoire une circonstance dans
la(]uellc les mains des chréliens aient été
teintes du sang de leurs persécuteurs. Au-
jourd'hui ils ont besoin de patience pour
supporter la calomnie, les invwtives, les
sai'casmes, les traits de malignité des incré-
dules ; jamais le christianisme ne l'ut attaqué
dans les écrits de ces derniers avec autant
de fureur que de nos jours ; cet orage |ias-
sera comme les précédents, bientôt il n'en
restera plus qu'un faible souvenir et un
fiuids d'indignation contre la mémoire de
ceux qui l'ont excité. En attendant, nous d<^-
vtuis nous en tenir à la leçon de notre divin
Maître : J'uisquils m'ont perseciUé, ilit vous
prrsécuteronl. Vous serez odietioc à lov-s â
cause de mon nom, mais il ne périra pas un
chereu de votre tête. Par la ])atience vous
posséderez vos âmes en paix (Joan. \v, 20 ;
Luc. x\i, 17, 18).
PATKl.-MtCHE. Les auteurs sacrés donii nt
ce nom aux premiers chels de faiiiille qui
ont vécu, soit avant, soit après le déluge, et
ipii ont précédé Moise : tels sont .\dam,
Enoch, Noé, .Miraham, Jacoli et ses d(mze
lils, chefs des tril)us des Hébreux. Ceux-ci
les nomment princes des tribus ou princes des
pèrrs ; c'est ce ([ue signifie le nom de pa-
triarche.
Nous n'entrerons ])as dans la question que
Brucker a traitée fort au limg, et qui est de
savoir si les patriarches étaient pinlosophes,
et SI 1 on doit nommer philosophie les con-
naissances dont ils étaient doués. Il n'y au-
rait aucun lieu à la dispute, si l'on commen-
çait par convenir des termes. Doit-on en-
tendre par philosophe un homme qui est
redevable de toutes ses connaissances k l'é-
tude, à la méditation, aux observations, aux
réilexions, aux ex|iériences qu'il a faites ?
Les patriarches n'étaient jioint philosophes
en ce sens, puisque le premier fonds de leurs
connaissances leur était venu par révélation
et par tradition. Veut-on désigner par lîicfes
honunes qui en savaient plus que les autres
touchant les oiijets qu'il nous imjiorte le plus
(le savoir, conune Dieu et ses ouvrages, le
culte qui lui est di^, la nature et la d( slinée
de l'homme, les préceptes de la morale, et
qui d'ailleurs se sont rendus vénérables par
leur conduite'? Nous soutenons que les pa-
triarches étaient des sages, et (|u'ils méritaient
mieux ce nom (lue la i)luiiart de ceux aux-
cjuels on l'a donné dans la suite. Les pre-
miers que les Crées ont honorés du nom de
philosophes étaient des législateurs (jui ont
policé les sociétés jiar la religion, mais dont
les notions n'ét-dent ni aussi justes , ni
aussi certaines que celles dt^^ pair iar cites.
11 est d'ailleurs impcssible que des chefs
de famille, qui vivaient jiendant plijsieurs
siècles, n'aient pas ac(iuis |iar réfiexion un
trés-giand nombre de connaissances en fait
d'histoire naturelle, de physique, d'astrono-
mie, de géographie, etc., et sans doute ils
avaient grand soin de les transmettre à leurs
descendants. Nous nous tiompons, loisque
nous nous persuadons qu'avant l'invention
de l'écriture et d- s livres, tous les hommes
sans exception étaient ignorants ou stu-
jiides; aujourd'hui même il n'est pas rare
de tiouveidans les campagnes des vieillards
non lettrés, mais remplis de bon sens et
d'intelligence, qui ont amassé beaucoup de
connaissances usuelles, et avec lesquels on
peut converser avec fruit : on en a trouvé
même parmi les sauvages. Job et ses amis
n'avaient été instruits dans aucune acadé-
mie ; cependant ils raisonnent et disputent
sur les ouvrages de Dieu et sur le gouver-
nement du monde, comme ont fait dans la
suite les pliilosojihes de toutes les nations.
Le livre de la nature est bien éloquent pour
ceux qui ont des yeux cap.ibles d'y lire avec
•réthxion. L'essentiel est de savoir ([uelle
était la croyance des patriarches touchant la
Divinité et ses ouvrages, le culte qu'il faut
lui rendre, la nature et la destinée de
l'homme, les règles (!e la morale. 11 est très-
peu question dans l'Ecriture sainte des C(jn-
naissances philoso ihiques des p<itriarches,
mais elle ne nous a pas laissé ignorer leur
religion.
En ctmiparant ce qui en est dit dans la
Genèse et dans le livre de Job. nous voyons
évidemuK nt que ces anciens sages ont adoré
un seul Dieu créateur et gouv(Tneur du
monde, présent partout, qui connaît tout, et
qui dispose de tous les événements, à qui
seul I ar conséquent les honunes doivent
adresser leur culte ; ils ue lui supposent ni
1355
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1336
égaux, ni lieutenants, ni coopérateurs; Dieu
a tout l'ait d'une parole, il gouverne tout par
un seul acte de volonté. Vérité capitale et
sublime, h laquelle la philosophie des siè-
cles suivants n'a pas su atteindre. Comme
les eiif ints d'Adam, ils font à Dieu des of-
frandes, lies sacriiices de victimes choisii^s;
ils lui adressent leurs prières, ils consacrent
le septième jour à son culte, ils se recon-
naissent péclieurs, ils /mt recours à des pu-
rifications et des expiations, ils reg-irdent le
vœu et le serment comme des actes de reli-
gion, ils veuleid que Dieu préside à leurs
traités et h leurs alliances. Jamais ils n'ont
confondu la nature de l'homme avec celle
des animaux. Selon 1' istoire de la création,
Dieu a pétri de ses mains le corps de l'hom-
me, mais l'ihne est le snuftle de la bouche
de Dieu; au contraire. Dieu a tiré les ani-
maux du sein de la terre, et il les a soumis
à l'empire de l'homme, il ne les a créés que
pour son usige, de même que les plantes,
les arbres et leurs fruits. A l'article Ame,
nous avons prouvé que les patriarches ont
cru à Vimmortalité et à la vie future, et que
cette foi, qui est celle du genre humain, a
persévéré constaaiment parudles adorateurs
du vrai Dieu. Une monde fondée sur de pa-
reils principes ne pouvait pas être fausse;
aussi voyons-nous par la condute aussi
bien que par les leçons des patriarches, que
la leur était très-pu,e. ils connaissaient très-
bien les devoirs mutuels des époux, des
pères et des enfants, des maîtres et des ser-
viteurs, et hs liens de fraternité qui unis-
sent lous les hoimnes; ils regarilaient l'nn-
pudicité, l'injustice, la fraude, la perfidie, la
violence, le vul, le meurtre, l'adultère, r<ip-
pression, l'orgueil, la jalousie, etc., comme
des crimes; l'équité, la douceur, la comjias-
sion, la chasteté, la tempérance, l'humanité,
la bienfaisance, la patience, comme des ver-
tus. Ce qui distingue particulièrement ces
anciens justes, c'est un respect pour la Di-
vinité, un sentiment vif de sa pré.'^ence,
une confiance en son pouvoir et en sa bonté,
qui animent tontes leurs actions. Jamais on
n'a rien vu de pareil parmi les sectateurs
des fausses religions. Aussi celle des pa-
triarches n'était ])as leur ouvrage; Dieu lui-
même l'avait enseignée à Adam, à ses en-
fants, à Enoch, à Noé; Abraham, Isaac et
Jacob la reçurent par tradition, indépen-
damment des nouvelles instructions ([ue
Dieu daigna leur donner: c'est parce même
canal que l'histoire des origines du monde
parvint jusqu'à Moïse. La mémoire des faits
principaux ne pouvait s'éteindre parmi des
témoins auxquels Dieu accordait plusieurs
siècles de vie; c'est sur ces faits qu'étaient
fondées la croyance, les mœurs, les espé-
rances, les prétentions des familles, la dis-
tinction des races privilégiées d'avec les au-
tres.
Lamech, père de Noé, avait vu Adam;
Noé lui-même vécut pendant six cents ans
avec Mathusalem son aïeul, qui était âgé de
trois cent quarante-trois ans lo:'squ'Adam
mourut. Les vieilli^rds, contemporains d«
Noé, avaient eu la même facilité de s'ins-
truire, et la même chaîne de tradition sub-
sista après le déluge. Tharé, père d'Abra-
ham, avait vécu plus d'un siècle avec Ar-
phaxad et Phaleg, qui avaient conversé avec
Noé penrlant deux cents ans. Abraham vivait
encore lorsque Jacob vint au momie, et
Caath, a eul de Mo se, avait passé sa vie avec
les cnfaids de Jacob. Il n'y a que cinq per-
sonnes tout au plus eiitre Noé et Moïse. On
peut môme n'en supposer que quatre, puis-
f[ue Abraham avait déjà quinze ans, lorsque
Noé mourut; et il faut rema quer que . us-
qu'alors Abraham et ses pères avaient ha-
bité la Mésopotamie, séjour de Noé et de ses
enfants. Si l'on considère le respect que les
jeunes gens devaient avoir pour ces vieil-
lards vénérables, l'empressement de ceux-ci
à raconter à leur postérité les grands évé-
nements dont ils avaient été témoins ou
qu'ils avaient appiis de leurs pères, on com-
prendra que Moïse devait en être parfaite-
ment instruit, et qu'en écrivant la Genèse,
il parlait à des hommis qui n'en étaient pas
moins informés que lui. L'opinion de la
longue vie des premiers hommes s'est con-
servée même chez les historiens profanes.
Josèphe, Antiq. jud., 1. i, c. 3, à la fin. Si
donc il y eut jamais une Instoire authenti-
que, certaine et digne de croyance, c'est
incontestablement celle des patriarches. Voy.
HlSTOIKE SAINTE.
Mais la sincérité même de l'historien est
un sujet de scandale pour les incrétlules.
Bien dilférent des écrivains profanes, qui,
pour donner du relief à leur nation, n'ont
montré que les vertus et les belli;s actions
de ses liéros, Moïse raconte avec ingénuité
toutes les fautes que l'on pouirait repro-
cher sxux patriarches. On ne doit peut-être
pas bijimer les premiers, parce qu'il est
plus nécessaire de proposer aux hommes de
bons exemples (|ue de mauvais; mais Moïse
était conduit par des vues jdus sublimes ; il
fallait faire voir aux Hébreux et à toutes les
ndons que si Dieu avait choisi la postérité
d'Abraham pour en faire son peuple parti-
culier, ce n'était pas pour récompenser ses
mérites ni ceux de ses aïeux, mais pour un
bienfait purement gratuit (Dcul. iv, 32; vu,
7; IX, 5, etc.). Il fallait démoidrer à tous
les hommes que, depuis la création, Dieu a
exercé bien plus souvent et plus volontiers sa
miséricorde que sa justice, alin de ne pas
désespérer les pécheurs; et b'S incrédules
ont encore plus besoin de cette leçon que
les autres hommes. Il fallait enfin nous con-
vaincre de celte grande vérité, que, depuis
la chute de notre |irenner père, le salut du
genre Inuuain n'est plus une affaire de jus-
lice riiiioureuse, mais une grâce accordée
par les mérites du Rédempteur. C'est ce que
les anciens Pères de l'Eglise ré[)ondaii ni
déjà aux marcioniles el aux maidchéens,
qui l'ai-aient contre la conduite des patriar-
ches les mémos reproches que les incrédules
renouvellent aujourd'hui. Saint Irénée cite
à ce sujet les réflexions d'un ancien disciple
des apôtres» el il dit d'après lui : « Nous ue
155Ï
PAT
PAT
1538
devons point reprocher aux patriarches et
aux prophèles les fautes dont ils sont l)lâ-
m(5s dans l'Ecriture sainte; ce serait imiter
le crime de Cham qui tourna en dérision la
nudilé de son père et encourut sa malt''dic-
tion ; mais nous devons rendre gnlces à Dieu
pour eiiv. i)aice que les péchés leur ont été
remis h l'avènement de Notre-Seigneur; et
i'Is rendent grAces eux-niémcs et se réjouis-
sent de notre salut. Quant aux fautes (jue
l'Ecriture sainte rapporte simplement sans
les blAmer, ce n'est j)oint il nous de nous
rendre leurs accusateurs, comme si nous
étions plus sévères ((ue Dieu, et suiiéricurs
à notre maître; mais il faut y chercher un
ti/pe, » c'est-à-iiire un sujet d'instruction.
Contra hœr., 1. iv, c. 31. Ensuite il tAcho
d'excuser le crime de Lot et de ses tilles.
De ces réilexions mômes Barheyrac et
d'antres ont pris occasion de censurer les
Pères, conunc si les Pères avaient prétendu
(ju'iin ti/pr bien ou ni;d supi)0sé dans une
aciion criminelle suflit [)Our excuser. Nous
avons déjà réfuté cette accusation à l'arti-
cle Saint Irénéiî; ce Père excuse Lot, parce
qu'il pécha dans l'ivresse, sans le vouloir et
sans le sentir; mais saint Irénée n'excuse
point cet état d'ivresse. 11 excuse les deux
tilles sur leur simplicité, et parce qu'elles
croyaient que le genre humain tout entier
avait péri dans l'embrasement de Sodome.
Le type que saint Irénée trouve dans toute
cette action est une très-bonne leçon. Tout
cela, dit-il signilie que le Verbe de Dieu,
Père du genre humain, est seul capal:>le de
donner îi Dieu des enfants dans rancienne
et dans la nouvelle Eglise; ijne c'est lui (pii
a réjiandu l'e.spnt de Dieu et la l'émission
des péchés, qui nous rend la vie; qu'il l'a
comnniniqué à la chair qui est sa créature,
lorsqu'il s'est uni à elle; qu'il a ainsi donné
à l'une et à l'autie Eglise la fécondité ou le
{louvoir d'engendier à Dieu des enfants
jileins de vie. Ainsi, selon saint Irénée, Jé-
sus-Christ a pardonné Lot et ses tilles, sous
l'Ancien Testament, comme il pardonne en-
core nos péchés sous le Nouveau. Est-ce là
excuser un crime, sous prétexte d'un type
imaginaire? Voy. Figure. Mais comme dans
ce passage saint Irénée enseigne que les pa-
triarches, pardonnes et sauvés par Jésu.s-
Christ, s'intéressent à notre salut, s'en ré-
jouissent et en rendent grâces à Dieu, il
n'en a pas fallu davantage pour émouvoir la
bile des prolestanls, piévenus contre l'in-
tercession des saints, et toujours prêts à en-
doctriner les incrétlules.
Puisque c'est ;i ravéneinent do .Jésus-
Christ que les patriarches ont reçu le pai-
"ion de leurs péchés et ont été sauvi's, on
,icut demander en quel état et dent K urs
Ames avant cet avènement. Abel el d'autres
étaient morts [.rès de quatre mille ans avant
la venue du Sauveur. Saint Paul, dans l'E-
pitre aux Hébreux, c. xi, v. 39, semble dire
que ces anciens justes n'avaient pas encore
reçu la récompense de leurs vertus : « Tous,
dit-il, éprouvés par le témoignage de leur
foi, n'ont point reçu l'elfet des promesses;
Dieu réservait quchpio chose de mieux pour
nous, afin qu'ils no fussent pas sans nous
dans l'état do perfection. » Mais les com-
mentateurs observent que cet état de per
fection doit s'entendre ou do la béatitude
consommée, qui n'aura lieu qu'après la ré-
surrection des corps et après le jugement
dernier, ou de la consolation et de la joie
particulière que tous les justes d ivent res-
sentir de la rédemption du inonde entier par
Jésus-Christ. Selon cette o|)inion, les justes
de l'Ancien Testament n'ont |)as reçu avant
Jésus-Christ tout l'elfet des promi'sses de
Dieu, ils n'ont pas eu la consolation de voir
le monde racheté et sauvé par le Messie;
Dieu nous réservait ce privilège; mais cela
no prouve pas qu'avant celte heureuse épo-
que ils n'eussent déjà reçu une partie des
récompenses promises à la vertu. En clfet,
dans le style îies patriarches, mourir, c'était
dormir avec ses pères, ou Cire réuni à son
peuple, à sa famille ; cette idée était conso-
lante. Jacob mourant attendait sa délivrance
ou son salut ((tcnes. xlix, 18). L'Ame de Sa-
muel, évoquée par Saiil, lui dit: « Pourquoi
avez-vous troublé mon repos? Demain
vous et vos enfants serez avec mrd (/ Reg.
xxviii, 15 et 19). 11 est dit dans VEcclésias-
tique, c. XLiv, v. 16, qu'Enoch fut agréable
à Dieu, et fut trans))orté dans le paradis; or
le paradis était un lieu de félicité, puisque
Jésus-Christ le promit sur la croix au bon
larron. Dans le second livre des Machubées,
c. XV, V. 13, on lit que Julas Machabée eut
une vision dans laquelle le grand prêtre
Onias lui montra le prophète Jérémie cou-
vert de gloire et d'un éclat majestueux, qui
priait poiu- le peuple et pour la ville saude;
ce prophète était donc dans un état de bon-
heur et de crédit auprès de Dieu. Jésus-
Clu'ist confirme cette ancienne croyance de
l'Eglise juive, dans la parabole du mauvais
riche (Lmc. xvi, 22 et 2i). Il dit que Lazare
mourut, et fut porté par les anges dans le
sein d Abraham; que le riche voluptueux
fut après sa mort enseveli dans l'enfer et
tourmenté dans les flammes ; et cet élat de
La-arc est représenté comme luie récom-
pense des maux q^u'il avait endurés pendant
sa vie, V. 23. La félicité des justes, après la
mort, avait donc lieu aussi prompteiuent que
le cliAtiraent des méchants. Il ne s'ensuit pas
de la que les saints de l'Ancien Testament
aient été sauvés indépendamment des mé-
rites de Jésus-Christ. Au mot Uèuemption,
nous prouverons que la mort de ce divin
Sauveur a eu un etfet anticipé, et que l'effet
qu'elle a produit est aussi ancien que le pé-
ché d'Adam.
Peu importe de savoir quel est le lieu
dans lequel les liremiers justes jouissaient
du repos et du bonheur, en attendant la
venue du Messie qui devait augmenter leur
consolation et le degré de leur félicité; il
serait inutile de disserter, pour savoir si
l'on doit appeler ce séjour le ciel ou l'enfer,
\e paradis ou les limbes: l'Ecriture sainte ne
le décide pas assez clairement pour nous
autoriser à prendre aucun parti sur ce point.
:559
PAT
PAT
iSM
A l'article Enfer, nous avons fait voir que
la dosoentc de Jésus-Christ aux enfers est un
article de la croyance chrétienne, renfermé
dans le symbole, et que, sous le nom d'en-
fer, les Pères de l'Eglise ont entendu non-
seulement le lieu où les réprouvés étaient
tourmentés, mais encore celui dans lequel
les patriarches et les saints de l'Ancien Tes-
tament jouissaient du repos et d'un certain
degré de bonheur. Nous avons remarqué
que, selon l'opinion des Pères, Jésus-Christ
a non-seulement visité les anciens justes
pour les consoler et leur causer une aug-
mentation de félicité, mais qu'il s'est fait
voir aux réprouvés, ou du moins à ceux dont
Dieu n'avait pas encore décidé le sort pour
l'éternité; et que le sentiment des Pères
n'est pas unanime sur le plus ou le moins
de fruit qu'a produit cette visite miséricor-
dieuse de notre divin Sauveur. Voy. Enfer,
§ 4.
Nous ne parlerons pas des personnages
que les Juifs modernes nomment leurs pa-
triarches, parce que cet arlicie tient plus à
leur histoire civile qu'à leur religion. Siu'
la fin du i" siècle, ou pendant le cours du n%
il a paru un livre apocry[the, intitulé Testa-
ment des douze patriarches, dans lequel l'au-
teur fait parler chacun des enfants de Jacob
en faveur de Jésus-Christ et de la religiou
chrétienne ; tout le monde convient que
c'est un livre supposé, et il ne paraît pas
qu'aucun des anciens Pères de l'Eglise en
ait fait cas. Mais quand on compare les di-
vers jugements que les critiques protestants
ont portés sur cette production, sur le temps
auquel elle a paru, sur la religion et sur le
dessein de l'auteur, sur le plus ou le moins
de mépris que l'on doit en avoir, on voit
que chacun en a parlé uniquement par in-
térêt de système, et selon qu'il convenait
au dessein dont il était occupé. Le docteur
Lanlner, qui convient de la ifausseté de cet
ouvrage, n'a pas laissé d'en tirer des con-
séquences avantageuses au christianisme.
Credibitity of the Gospel history, tom. IV, 1. 1,
c. 19, § 3.
Patriarche ecclésiastiqi e. Dans l'his-
toire de l'Rglise on a donné le titre de pa-
triarche aux évè(|ues de Rome, d'Antioche,
de Jérusalem, d'Alexandrie et de Constanti-
nople. Mais ce qui concerne leur juridic-
tion patriarcale et son étendue appartient
plutôt à la jurisi)rudence qu'à la théologie;
nous ne sommes chargés que de justilier
cette institution contre les accusations des
protestants.
Ils disent que ce titre fut un effet de l'am-
bition desévè(jues(|ui occupaient les grands
sièges; qu'après avoir dépouillé le ji 'uj)le el
les prêtres, ou les anciens, de l'autorité
qu'ils avaient dans le gouvernement de l'E-
glise, ils disputèrent entre eux ;i qui aurait
le plus de pouvoir et une juridiction plus
étendue; que leurs contestations à ce sujet
produisirent les plus grands maux dans \'\i-
glise. Us ajoutent ([Ui- Constantin, ([ui avait
changé la forme de l'administration civile,
souhaita que le gouveruemeai ecclésiastique
fût réglé sur le même modèie; que les trois
patriarches d'Orient et celui de Rome cor-
resi)ondaient aux quatre préfets du prétoire
que Constantin avait établis. Mosheim, Hist.
eccle's., IV' et \° siècles.
Fausses suppositions, fausses conjectures.
1° Au mot Hiérarchie, nous avons fait voir
qu'il n'est pas vrai qu'à la naissance de l'E-
glise le peuple et les anciens aient eu part
au gouvernement. 2° Mosheim avoue qu'a-
vant Constantin les évêques des grands sièges
avaient déjà un degré de prééjminence sur
les autres; ce serait donc le gouvernement
ecclésiastif[ue qui a servi de modèle à l'ad-
ministration civile, et non au contraire.
D'ailleurs l'établissement qui se lit au y° siè-
cle, dun patriarcat , pour l'évoque de Jéru-"
salern, aurait dérangé la ressemblance entre
l'un et l'autre. 3" Au mot Pape, § l,nous
avons prouvé que bien avant le iv" et le v*
siècle, les pontifes de Rome ont exercé une
juridiction , non-seulement sur tout l'Occi-
dent, mais encore dans tout l'Orient. Quant
aux motifs de l'institution des patriarches,
qu'auriiit répondu Mosheim, si ou lui avait
soutenu que les luthériens qui ont établi
des surintei/dants au lieu d'évèques, pour
veiller sur les pasteurs inférieurs , ont agi
par ambition ? Est-ce encore par ce motif que
les anglicans ont conservé chez eux des évo-
ques , deux archevêques et un primat ? La
vérité est que l'Eglise se trouvant déjà éla
blie au iv° siècle chez ditlérentes nations qui
n'avaient ni la même langue ni les mêmes
usages, l'on jugea convenable que les La-
tins, les Grecs, les Syriens, les Cophtes ou
Egyptiens, eussent chacun chez eux un su-
périeur ecclésiasti([ue , pour y maintenir
l'ordre et l'uniformité dans la discipline, et
pour y terminer lesdilférends entre les évê-
ques, lorsqu'il n'était pas ]30ssib!e d'assem-
bler un concile général. Aujourd'hui encore,
sans que l'ambition s'en mêle , un évêque
dont le diocèse s'étend à plusieurs [irovinces
est obligé d'avoir dans chacune un oflicial.
pour y exercer la juridiction contcntieuse,
et quelquefois d'y avoir un vicaire général.
Entin , sup|iosons [tour un moment que
l'amlntion ait été le seul mobile des patriar-
ches orientaux , et la cause de leurs brouil-
leries fréquentes, de là s'enseiviait déjà la
nécessité d'un chef dans l'Eglise , d'un tri-
bunal supérieur, qui pût être, sinon juge,
du moins arbitre et conciliateur, pour réta-
blir l'iirdre et la paix; autrement le gouver-
nement aristocratique de ce grand corps
aurait été une anarchie continuelle. Aussi
Leibnitz , plus modéré et mieux instruit
que les autres protestants, est convenu que
le corjis de l'Eglise étant un, il y a de
droit divin dans ce corps un souverain ma
gistrat --pirituel; que la vigilance des papes,
pour l'observation des canons U le maintien
de la discijjhne, a produit de temps en temps
de très-bons effets, et a réprimé beaucoup
de désordres. Esprit de Leibnitz, t. IL p. 3
et 6. D'autns écrivains, ijui ne cherchaient ^
à llatter ni les papes ni le clergé, ont re- '
connu que la subordination des pasteurs in
iUi
PAT
PAT
1549
(érieurs à un seul évoque, de plusieurs évo-
ques à un métropolitain, de tous à un seul
souverain pontile, est le modèle d'un parfoit
gouveincnient.
PATKIE, lieu dans lequel nous sommes
nés et où nous avons été élevés. Dieu, dans
l'aDcienuo loi, a consacré en quelque manière
IVmiour de la patrie ; sans cesse Moïse exhorte
les Juil's à estiruer leurs lois , k chérir leur
nation , à s'attacher au sol de la terre pro-
mise, et Ton sait jusqu'à quel point ce peuple
porta dans la suite le patriotisme. L'auteur
du livre de l'Ecclésiastique , c. 44- et suiv.,
fait l'éloge de tous les personnages qui ont
contribué à la force et à la prospérité do la
nation juive. Si Jésus-Christ n'a pas com-
mandé i'amiiur de la patrie dans l'Evangile,
c'est qu'd était vonu pour former entre tous
les [)eu|)lesunesociété religieuse universelle,
par consé([uent pour inspirer à tous les hom-
mes une ciiarité générale; il savait d'ailleurs
que le patriotisme mal réglé chez les païens
les avait rendus ennemis, injustes et sou-
vent cruels les uns envers les autres. Mais
le Sauveur lui-même versa des larmes en
annonçant les malheurs qui ail.iient bientôt
foiiilre sur sa nation. En Jésus-Christ , dit
saint Paul , il n'y a plus ni Juif, ni Gentil,
ni Scj tlie, ni Bai'bare ; tous sont un même
peuple et une .seule famille {Coloss. ni, 11;
Galat. m, 28). Le patriotisme des Grecs leur
faisait regarder comme barbare et comme
ennemi tout ce qui n'était pas Gioc; l'or-
gueil national des Homains leur persuada
que leur capitale devait être celle du monde
entier; ils furent les opjiresscurs et les ty-
rans de l'univtNs. ilais une preuve que dans
la gloire de leur patrit ils n'envisageaient
que leur mlérèt jtorsoiinel , c'est que dès
Qu'ils cessèrent d'y être les maîtres et qu'il
fallut obéir à uh dictateur peii étuel, ils ne
purent plus supporter la vie.
L'amour de la patrie , lorsqu'il n'est pas
réglé par la justice , peut donc devenir un
très-grand vice; mais c'en est un autre de
n'avoir pour elle aucune espèce d'attache-
ment, d'en décrier le gouvernement et les
lois, d'en mépriser les us .os, de vanter sans
cesse les autres nations , de peindre le pa-
triotisme comme un aveugle préjugé; «'est
néanmoins ce qu'ont fait la plupart de nos
philosophes atrabilaires, ils prétendent que,
loin de devoii- (juel(iu<' chose k \ii\xr patrie,
c'est elle, au contraire, qui leur est redeva-
ble. Ils [layent , disent-ils , le g'Uivernement
qui souvent b's opprime , les grands qui les
écrasent, le militahe qui les foule, le magis-
trat qui les juge, le linancier qui les dévore;
pendant que tous ces gens-là se font payer
pour coiuiiiandi r. le peai>le paye pour obéir
et soutl'rir; il n'est pas une Si ule de nos .vo-
tions qui ne soit gênée p.'u- une loi, pas un
seul bienfait de la nature qui ne soit absoi bé
ou diminué par un impôt, etc., etc. Pour dé-
montrer l'absurdité de toutes ces pinintes, il
sufiit de demander k ceux qui les font s'ils
aimeraient mieux vivre sous une anarchie
absolue, dans un état où chaque p;.rticulier
serait affranchi de toute loi et maître absolu
de ses actions; il est clair que le plus fort
ne ma:ii:uerait pas d'opprimer le plus faible,
que dans c« t état la société serait impossi-
ble. Touie la question est donc réduite à sa-
voir si l'éLcit ssuvage est préférable à l'état
de société , aves toutes ses entraves et ses
inconvénients; si nos philosophes le jugent
préférable, qui les empoche d'en aller goû-
ter les douceurs? Malgré leurs déclamations,
c'est au.x lois, à la jiohce, au gouvernement
de leur patrie qu'ils sont redevables de la
conservation de leur vie, des droits qu'ils
tiennent de leur naissance, de leur édu-
cation, de leur sécurité et de leur repos,
de la stabilité de leur fortune , des connais-
sances dont ils se savent si bon gré, de l'in-
dulgence même avec laquelle on a supporté
leurs égarements : tout cela mériterait un
peu de reconnaissance. Au reste, leur patrie
pourrait se réconcilier aisément avec ces
enfants ingrats; elle n'a qu'à les élever aux
dignités, aux honneurs, partager avec eux le
pouvoir et l'opulence; alors ifs jugeront que
tous ces avantages et ces prééminences dont
ils se plaigi'ent aujourd'hui , sont la chose
du monJe la plus juste, la plus raisonnable,
la plus naturelle. 0>'<»iques-uns ont dit que
la religion clirétienne, en nous représentant
le ciel comme notre vraie patrie, nous dé-
tache absolument de celle que nous avons
sur la terre, et nous fait négliger les devoirs
de la société civile. Ce reproche est évidem-
ment faux, puisque notre religion nous ap-
prend en même temps que nous ne pouvons
gagner le ciel qu'en remplissant tous nos
devoirs à l'égard de noire patrie et de la so-
ciété. L'expérience nous apjirend assez qui
sont les meilleurs patriotes, ceux qui croient
un Dieu et une autre vie , ou les matéria-
listes, qui ne croient ni ciel ni enfer.
PATKIPASSIENS ou PATROPASSIENS ,
nom qui a été donné à [jUisieui s hérétiques :
en [iremier lieu aux sectateurs de Praxéas,
qui, sur la lin du ir siècle et sous le ponti-
licat du pape Victor, vint à Rome; il ensei-
gna qu'il n'y a qu'une seule Personne divine,
savoir, le Père; que le Père est descendu
dans Marie, qu'il est né de celte sainte Vierge,
qu il a soullert et qu'il est Jésus-Christ même;
c'est du moins la croyance çpje lui attribue
Tertullien dans le livre qu'il a écrit contre
cet héréti(iue; 2" à Noét et aux Noétiens ses
disciples , qui enseignaient la même erreur
en Asie , à peu près dans le même tem|)s,
comme nous l'apprenons de saint Hippolyte
de Porto qui les réfuta, et de saint l';pii)hane;
3" à S.ibellius et à ses partisans, au iv' siècle.
Il est dit dans le concile d'Antioche , tenu
par les eusébiens l'an 343, que les Orien-
taux appelaient salwlliens ceux (|ui étaient
appelé) pfUripassiens par les Romains, et
qu'ils furent condamnés parce qu'ils supi>o-
saienl que Dieu le Père était passible. IJeau-
sobre, déterminé à justiliei' tous les hcréti
(pies ai:\. dépens des Pi res de l'Kglise, pré
tend que cette dénomination est injuste, (|ue
les sectaires dont nous venons de parler
étaient unitaires , et n'admiltaient qu'une
seule Personne divine; qu'ils n'ont jamais
1343
PAU
PAU
1544
enseigné que cette Personne s'est unie sub-
stantiellement à l'humanité dans Jésus-
Christ, ni qu'elle a souffert en lui; que c'é-
tait seulement une conséquence que les
Pères ont tirée mal à propos de leur doc-
trine. Uist. du Manichéisme , 1. m , c. 6,
Mais il nous paraît singulier qu'un criti-
que du xviii' siècle se flatte de iiiieui con-
naître le sentiment des anciens hérétiques
que les Pères contemporains qui ont con-
versé avec eux ou avec leurs disciples, qui
ont lu leurs ouvrages et examiné leur doc-
trine. Il ne sert à rien de dire que si ces
sectaires avaient enseigné toutes les erreurs
qu'on leur attribue, il aurait fallu qu'ils fus-
sent insensés, qu'ils tomb;issent en contra-
diction, qu'ils ne s'entendissent pas eux-
mêmes, etc. C'est justement ce que les Pères
leur ont reproché cent fois, et nous en avons
vu cent exemples parmi les novateurs des
derniers siècles. Si les Pères de l'Eglise ont
péché en faisant voir aux hérétiques les con-
séquences de leur doctrine , comment se
justifiera Beausobre lui-même, qui ne cesse
d'attribuer aux Pères de l'Eglise et aux théo-
logiens catholiques, par voie de conséquente,
des erreurs auxquelles ils iilontjaniais pensé,
et qu'ils auraient formellement rejetées , si
on les l«ur avait mises sous les yeux ? Mos-
hfiim, plus équitable et plus judicieux sur
ce point que Beausobre , a fait voir que les
Pères n'ont jioint accusé faussement les hé-
rétiques dont nous parlons , et que le nom
de palripassiens qu'ils leur ont donné est
assez juste dans un sens. Ces sectaires di-
saient que Dieu le Père , considéré précisé-
ment selon la nature divine , était impassi-
ble; mais qu'il s'était rendu passible par son
union intime avec la nature humaine de son
Fils; c'est ainsi que l'explique Théodoret.
Nous disons dans un sens très-orthodoxe, que
Dieu le Père, ou considéré comme Père, est
impassible; mais que Dieu le Fils, ou consi-
déré comme Fils, est passible, parce que ce
sont deux Personnes distinctes. L'erreur des
patripassiens était de prendre le nom de Pcre
dans le môme sens que nous prenons le nom
de Dieu; par là ils détruisaient la distinction
des Personnes de la sainte Trinité. Mosheim,
Hisl. christ., sœc. 3, § 32, notes. Voy. Noé-
TiExs, Praxéens, Sabelliens.
PAUL (saint), apôtre. On sait qu'il était né
Juif, élevé à l'école des pharisiens; il était
très-entêté des opinions de sa secte , et il
avoue iui-mème qu'il fut d'abord un des plus
ardents persécuteur^ du christianisme. 1! al-
lait de Jérusalem à Damas, bien accompagné,
pour fdire emprisonner et punir tous les
chrétiens qu'il y trouverait; sur le chomm,
Jésus-Christ lui apparut , lui ])arla, le ren-
versa par terre, e rendit aveugle; conduit
à Damas, il se fit instruire et baptiser; il l'C-
couvrala vue, et dcint apôre; telle fut la
cause de sa ciinversioii(,lc(.iv;G«/n^i,ete.).
Les incrédules n'ont rien onris puur la rendio
suspecte; ils en f)nt forgé d'autres motifs et
ont n,éle miiacle; ils ont noirci la conduite
de saint Paul, contesté ses miracles, travesti
sa doctrine ; nous devons au lecteur quel-
ques réflexions sur chacun de ces chefs.
L Mylord Littleton, célèbre déiste anglais,
revenu au christianisme , a fait un ouvrage
exprès sur ce sujet, intitulé : La religion
chrétienne démontrée par la conversion et
l'apostolat de saint Paul. Après avoir exposé
la manière simple et naive dont cet apôtre
rend comjile de cet événement , il fait voir
que saint Paul n'a pu se tromper lui-même,
ni en imposer aux autres , ni avoir aucun
motif pour forger un mensonge; s'il l'avait
fait, il n'était pas seul , ses compagnons de
voyage auraient pu dévoiler l'imposture; ils
n'ont pas pu avoir les mémos motifs , les
mômes passions, le même iniérôt que lui de
• déguiser la vérité. Saint Paul n'était ni un
esprit faible ni un visionnaire; ses écrits,
ses raisonnements, sa conduite, prouvent le
contraire; ses calomi\iateurs même n'osent
lui refuser de l'esprit, de l'étude, des talents;
cjuelque parti que l'on prenne , il faut ad-
mettre en lui un changement miraculeux;
car enfin Paul converti n'est plus juif dans
ses préjugés, dans ses inclinations, dans ses
sentimeflts ni dans ses actions. Nous lais-
sons le choix aux incrédules entre le mi-
racle que cet apôtre raconte et celui qu'ils
veulent nous persuader. Voir une lumière
éclatante en plein jour, en perdre la vue,
converser avec Jésus-Christ , être conduit à
Damas par la main, être instruit, baptisé, et
recouvrer la vue, sont des circonstances que
l'on ne peut ni rêver ni forger impunément.
Quel motif humain pouvait engager Paul à
les inventer? L'intérêt? Le christianisme
était persécuté; vu l'acharnement des juifs,
ce parti encore faible et sans défense devait,
selon toutes les apparences, être bientôt
écrasé; il y avait plus à gagner k demeurer
juif qu'à se faire chrétien; il y avait môme
beaucoup de danger à changer de parti,
puisque les juifs voulurent tuer Paul, et
qu'il fut obligé de s'enfuir en Arabie {Act. ix,
23). Paul converti prend à témoin les fidèles
deCor'inthe,de Thessalonique,d'Ephèse,etc.,
de son désintéressement. Est-ce l'ambition?
11 aurait voulu dominer sur les autres apô-
tres , se faire chef de secte, avoir une doc-
trine et un parti à lui; il fait profession du
contraire : « Nous sommes le rebut du monde,
dit-il , mais nous ne rougissons pas de l'E-
vangile Si nous n'avons rien à espérer
qu'en ce monde, nous sommes les plus mal-
heureux de tous les hommes (/ Cor. iv, 13 ;
XV, 19). Serait-ce mécontentement ou res-
sentiment contre les Juifs ? 11 ne se plaint
pas d'eux; poursuivi à mort par eux, il les
plaint, il les excuse, il ne cherche point à ai-
grir contre eux les magistrats romains. Ce
n'est pas non plus l'esprit d'indépendance,
puisque personne n'a commandé plus étroi-
tement que lui la soumission et l'obéissance
envers toutes les puissances établies de Dieu,
les incrédules mômes lui en font un crime.
Il prend à témoin les fidèles qu'il leur a
donné l'exemide de tout.es les vertus qu'il
leur prêche , que sa conduite a toujours été
juslCj sainte, irrépréhensible ij[ Thess, u; 2)
154S PAÏ
II Cor. vu, 8, etc.). On dit qu'il a fait un
complot avec les autres apôtres. Dans ce cas,
il n'étaù pas besoin de forger un miracle, les
apôtres avaient droit de prendre des coliè-
gljes , et déjà ils avaient adopté saint ATa-
thias. 11 suttisait de dire que, par une étude
profonde des Ecritures, Paul avait di'cou-
vert que Jésus était le .Messie , qu'en consé-
quence il s'était réuni aux a|)ôties j)our prê-
cher cette vérité; supposer un faux miracle,
c'était s'exposer à être cnfondu par les
juifs et méprisé par les païens.
Il y a, disent nos adversaires, des con-
tradictions dans le récit que Paul fait de sa
conversion : dans un endioit il dit auo s s
compagnons do voyage entendirent la voix
qui lui parlait; dans UN autre, qu'ils ne l'en-
tcndii'ont pas. 11 dit, dans les Actes, qu'après
sa conversion il retourna dc Dauxas à Jéru-
salem, et dans VEpUrc aux Galatcs, qu'en
sortaut de Damas il alla en Aialiie, et ne
vint h Jérusalem que trois ans après. Dans
cette môme Epitrc il ajoute qu'il n'a vu que
Pierre et Jacques, et dans les Actes nous li-
sons qu'il a vécu h Jérusalem avec les apô-
tres. Nous soutenons que ces narrations ne
se contredisent point. Act., c. ix, v. 7, il est
dit que ceux qui accompagnaient saint Paul
furent étonnés d'entendre une voix et de ne
voir personne; c. xxii, v. 9, il dit lui-même :
« Ceux qui étaient avec moi virent luie lu-
mière, mais ils n'entendirent point la voix
de celui qui me parlait. » Voilà le double sens
du mot entendre expliqué. Ils virent une lu-
mière et entendirent une voix ; mais ils n'en-
tendirent ni ce que disait cette voix ni cjui
était la personne qui parlait, parce qu'ils
étaient îi quoique dislance de Paul. Cliap. ix,
V. 20, l'histoi'ien, après avoir pailé du séjour
de saint Paul à Damas, et de ce qui s'y pas-
sa, fait mention de son voyage h Jérusalem,
mais il ne dit pas que Paul y alla immédia-
tement en sortant de Damas ; il passe sous
silence le voyage de Paul en Arabie, mais il
ne le contredit pas. C'est dans VEpitre aux
Gâtâtes, c. i, v. 17, que saint Paul nous a|)-
prend qu'inmiédiatement après sa conversion
il ne vint point de Damas à Jérusalem, mais
qu'il alla en Arabie, qu'il retourna à Damas
au lioutde trois ans, qu'il vint ensuite à Jé-
rusalem. Supprimer ce qui s'est passé entre
ces deux sorties do Damas, ce n'est pas le
nier. L'apôtre ajoute (ju'd ne vit point h Jé-
rusalem d'autres aiwtres que Pierre, et
Jacq ,es frère du Seigneur. Lors dune que
l'auteur dos Actes dit, c. ix, v. 27, que Paul
fut conduit aux apôtres parB irnabé, et qu'il
vécut avec eux, cela ne s'entend que des doux
a, ôlres qui y étaient pour lors, savoir saint
Piene et saint Jacques.-
IL A-l-on mieux réussi à noircir la con-
duite de saint Paul? Il a voulu, dis' nt ses
accusateurs, être chef de parti, il a divisé le
christianisme en deux sectes : 1 intention de
Jésus-Cliiist et des apôtres n'était point de
détruire le judaïsme, mais de le réformer;
aussi les premiers chrétiens joignirent la
pratique des lois de Moïse à la foi en Jésus-
Christ. Paul voulut détruire le judaïsme et
PAU
1346
aliolir les lois de Moïse, et il en est venu à
bout; SOS ['artisans firent nommer ébionites
et nazaréens ceux qui tenaient encore pour
le judaïsme; ces premiers disciples des apô-
tres avaioni un Evangile différent de celui
de saint Paul; ils le regardaient lui-même
comme un hérétique et un apostat, ils en-
visageaient Jésus- Clirist comme un pur
homme, c'est Paul qui l'a déitié; ainsi le
christianisme, tel que nous l'avons, est la
religion de Paul et non celle do Jésus-Christ.
Les premiers auteurs de ce rêve des incré-
dules sont les juifs, les manichéens, Por-
phyre et Julien; Toland l'a embrassé dans
son Nazarerius et dans d'autres ouvrages;
c'est lui qui a endoctriné nos ilissert.iteurs
modernes. Aux mots Loi cÉftKMOMKLLE et
NiZiBÉE.NS, nous les avons déjà réfutés; il
sulht d'ajouter ici deux ou trois preuves ir-
récusables. Joan., c. IV, V. 21, Jésus-Christ
dit à la Samaritaine : L'heure vient à laciuelle
on n'adorera plus le Père sur la montagne de
Samarie ni à Jérusalem. Or, de l'aveu des
juifs, leur culte tenait essentiellement au
temple de Jérusalem. Malth. c. xv, v. 11, il
décide que rhniume n'est point souillé par
ce qu'il mange; ainsi il abolit la distinction
des vian les. Cap. xii, v. 8, il dit qu'il est le
maître du sabbat, et les juifs ne le lui ont
jamais pardonné. Il ap|ielie le sacrement de
son cor,is et de son sang une nouvelle al-
liance ; l'ancienne ne devait donc plus sub-
sister. Ce qu'il appelait le royaume des deux
n'était pas le règne de la loi de Moïse, mais
le règne d'un nouveau culte et d'une loi
nouvelle.
Saint Jean, chap. i, v. 17, dit que la loi a
été donnée par Moïse, que la gi-iU'o et la vé-
rité ont été données par Jésus-Christ; ainsi
Pierre, en baptisant Corneille et toute sa
maison, ne lui ordonne jioint de se faire cir-
concire; dans le concile de Jérusalem il ap-
pelle la loi de Moïse un joug que ni nous ni
nos pères n'avons pu porter, et il ne veut pas
qu'on l'impose aux gentils convertis; saint
Jacques opine de même : ce sont eux et non
saint Paul qui dictent la décision. D.ins sa
seconde lettre, cm, v. 15, saint Pierre loue
la sagesse et les écrits de Paul, son très-cher
frère. Saint Barnabe, dans sa lettre, n. 2,
enseigne que Jésus-Christ a rendu inutile la
loi judaïque. Saint Clément, disciple de saint
Pierre, et saint Ignace, instruit par saint
Jean, tiennent la mémo doctrine, ad Magnes.,
11. 8, 9, lu : ad Philad. n. (5. Où est donc
l'opposition de doctrine entre saint Paul et
les autres apôtres? Il dit lui-même qu'il a
com()aré sou Evangile ou sa docirine avec
celle dos apôtres qui étaient à Jérusalem, de
peur d'avoir travaillé en vain; cju'ils sont
convoi. us avec lui qu'il prêcherait, jiarti-
culièremcnt aux gentils , pendant qu'eux
instruiraient les Juifs : Dextras dederunt
mihi et Barnabœ societatis {Gai. n, '1 et 9).
Loin de vouloir faire secte à part, il répri-
manda les Corinthiens qui disaient : « Je
suis disciiile de Paul, moi d'ApolIo, moi de
Céphas , moi de Jésus-Christ. Jésus-Christ
est-il donc divisé '/ Paul a-t-il été crucilié
13i7
PAU
PAU
1348
pour vous, avez-vous été baptisés en son
nom? » Mais, dit-on, sa conduite se contie-
dil : après avoir prêclié contre Ja loi de
Moïse, après avoir reproché à saint Pierre
qu'il judaisait, il judaise lui-même pour se
réconcilier avec les juifs; il accomplit le
vœu de nazaréat ; il fait circoncire son dis-
ciple Timolhée qui était le ûls d'un païen;
tantôt il enseigne que la circoncision no sert
de rien, tantôt qu'elle est utile si l'on ac-
complit la loi. 11 dit qu'il a vécu comme juif
avec les juifs, pour les gagner à Jésus-
Christ, et il trouve mauvais que saint Pierre
fasse de même. Tout cela peut-il s'ac-
corder?
Fort aisément. Saint Paul ne prêche point
contre la loi de Moïse; il enseigne qu'elle
ne sert de rien aux gentils convertis, qu'ils
sont jusliflés parla foi en Jésus-Christ; c'était
la décision du concile de Jérusalem. 11 dit
qu'elle est utile aux juifs, s'ils observent la
loi {Rom. II, 25), parce qu'en efl'et elle les
faisait souvenir qu'ils étaient débiteurs de
toute la loi [Galat., v, 2 et 3). Or la loi était
encore utile aux juifs, non pour le salut,
mais comme police extérieure et locale. Con-
séquemment, né juif lui-même, ilacozitinué
d'observer les cérémonies juives, surtout à
Jérusalem, pour no pas scandaliser ses frè-
res. Il fit circoncire Timothée, afin qu'il pûl
prêcher aux juifs qui n'auraient pas voulu
écouter un incirconcis. Mais hors de Jéru-
salem et delà Judée, il a vécu avec les païens
sans scrupule, afin de les gagner de même.
Voilà ce qu'il voulait que lit saint Pierre ou
Céphas, à Antioche, et il avait raison. Celui-
ci, après avoir fraternisé d'abord avec les
gentils convertis, se séparait d'eux pour ne
pas déplaire à quelques juifs qui arrivaient
de Jérusalem : c'était vouloir forcer ces gen-
tils è judaïser, autoriser les juifs à les re-
garder comme impurs, et contredire en
quelque manière la décision du concile
(Galat. II, 12). 11 n'y a donc ici ni contra-
diction, ni inconstance, ni dissimulation, et
les Juifs avaient tort d'accuser saint Paul
d'être déserteur de la loi.
Pendant que la foule des incrédules sou-
tient que le parti de saint Paul a prévalu et
a introduit un christianisme nouveau, un
déiste anglais prétend que ce ]iarti a suc-
combé, que les judaïsants ont été les plus
forts, quils ont introduit dans l'Eglise l'es-
])rit judaïque, la hiérarchie, les dons du
Saint-Esprit, les cérémonies superstitieuses,
etc.; il a emprunté cette imagination des
protestants. C'est ainsi que s'accordent nos
adversaires, en reprochant aux apôtres de ne
s'être pas accordés. Une autre inculpation
très-grave, c'est que saint Paul, accusé par
les juifs , se défend par des mensonges.
Frappé par ordre du grand prêtre, il ne tend
])Oint l'autre joue, suivant le conseil de Jésus-
Christ; il outrage môme le pontife, en l'ap-
pelant muraille blanchie ; repris de sa faute,
il s'excuse, en disant qu'il ne connaissait
pas le grand prêtre : pouvait-il le mécon-
naître? Il ajoute qu'il est accusé parce qu'il
est |)harisien, et (ju'il prêche la résurrection
des morts; cela était faux; il était accusé de
prêcher contre la loi. 11 n'était plus phari-
sien, mais chrétien. La justification de saint
Pcml est fort simple. Le conseil de Jésus-
Christ de tendre l'autre joue quand on est
frappé ne doit point avoir lieu en justice et
devant les magistrats ; un accusé y est con-
duit non pour y souffrir violence, mais pour
y être condamné ou absous. S. Aug., l. xxii,
contra Faust., c. 79. Depuis sa conver-
sion, ou depuis plus de vingt ans, l'apôtre
n'avait fait que deux voyages à Jérusalem,
et il y avait demeuré peu de temps ; pen-
dant cet intervalle, les pontifes avaient chan
gé sept à huit fois, Josè)ihe en est témoin ;
ils étaient destitués à volonté i^ar les Ro-
mains, ils n'étaient distingués hors du temple
par aucune marque de dignité ; saint Paul
pouvait donc ne pas connaître le grand
prêtre. Pour prendre le sens de son apolo-
gie, il faut se rappeler celle qu'il fit devant
Félix et devant Festus, Act., c.xxiy elxxvi;
en voici le fond : « Je suis né Juif de la
secte des pharisiens , en cette qualité j'ai
toujours cru la vie future et la résurrection
des morts; conséquemment je crois que
Jésus est ressuscité, parce qu'il m'est apparu
et m'a parlé sur le chemin de Damas ; je crois
qu'il est le Messie, parce que les prophètes
ont prédit que le .Messie souffrirait la mort
et ressusciterait ; je le prêche ainsi, parce
que j'en suis convaincu. Au reste, je n'ai
péché en rien contre ma nation ni contre la
loi de Moïse. » Cette apologie n'est ni équi-
voque ni hors de propos. Saint Paul la com-
mençait de môme devant le conseil des juifs,
il taisait sa profession de foi avant de parler
de sa conduite. iUais à peine eut-il dit qu'il
était pharisien et qu'il s'agissait de le juger
sur la résurrection des morts, que la dissen-
sion se mit parmi les juges et le tumulte
dans l'assemblée; on ne l'écouta plus. Ce
n'est pas par sa faute. Ceux qui le jugent au
jourd'hui font tout comme les juifs. Us lui
attribuent un caractère orgueilleux, altier,
emporté, turbulent. 11 se vante, disent-ils, de
ses travaux, de ses succès, de la préémi-
nence de son apostolat; il ne peut point
souffrir de contradiction ; il livre à Satan
ceux qui lui résistent. 11 menace, il déclare
qu'il ne fera grâce ni à ceux qui ont péché
ni aux autres. 11 parle continuellement du
droit qu'il a de vivre de l'Evangile, d'exiger
des fidèles sa subsistance, etc. ; aussi ne fit-
il que rebuter les juifs; il causa du tumulte
dans plusieurs villes, et s'attira de mauvais
traitements par son inii)rudence. Souvenons-
nous que les incrédules ont osé faire les
mêmes reproches contie Jésus-Christ lui-
même; ceux que l'on fait contre son apùtre
ne nous surprendront plus : mais il faut y
répondre.
Saint Paul, contredit par du faux apôtres
qui voulaient détruire sa doctrine et dépri-
maient son apostolat, était forcé de prouver
l'authenticité do sa mission; il n'alléguait
pourpreuve quedes faits dont l'AsicMineure,
la Grèce, la Macédoine, étaient témoins. « Ce
n'est pas moi, dit-il, qui ai fait tOul cela,
15tô
PAt
PAU
Î350
mais la grâce de Dieu qui est en moi (/ Cor.
X.V, 10). Je suis le dernier des apôtres, indi-
gne de porter ce nom, puisque j'ai persécuté
l'Eglise de Dieu {Ibid., 9). » Lorsifu'il se |>ré-
fôre aux grands apôtres, aux ajtôtres par ex-
cellence, il entend les faux apôtres et il le
dit clairement {II Cor. xi, 13). Kn cilant
ses travaux il fait aussi mention de ses ten-
tations et de ses faiblesses (Ibid., xi et xii).
Ce n'est pas là de l'orguc-ii. Livrer un pé-
cheur h Satan, c'est l'exclure de la société
des fidèles ; et saint Paul déclare qu'il veut
le faire pour faire mourir en eux la chair et
sauver leur àme (/ Cor. xn, 21; / Tim. i, 20).
11 craint de trouver parmi les Corinthiens
des disputes et des séditions, et des hommes
qui n'ont point fait pénitence de leur impu-
ciicité ; il déclare qu'il ne fera grâce ni aux
uns ni aux autres, c'est-îi-dire ni aux sédi-
tieux ni aux impénitents; mais cela ne si-
gnilic pas qu'il no veut faire grAce ni aux
coupables m aux innocents (// Cor. xii, 21 ;
liii, 2). En soutenant qu'un ministre de l'E-
vangile doit recevoir des fidèles du moins la
nourriture et le nécessaire, il déclare ([u'il
n'a jamais usé de ce droit, qu'il a travaillé
de ses mains, afin de n'ôtre à charge fi per-
sonne; il repioclie même aux Corinthiens
leur facilité à se laisser dépouiller et maîtri-
ser par de faux apôtres (Ibid.). Ch?z un
peuple léger, curieux, disputeur, pétulant,
tel que les Grecs , il était impossible d'éta-
blir sans bruit une nouvelle doctrine; ce
caractère avait brouillé les philosophes et
leurs disciples; sous l'Evangile il enfanta les
hérésies, mais ce n'est pas la faute des apô-
tres. 11 n'a pas tenu aux philosophes in-
crédules de troubler le repos de l'Europe
entière.
111. Par la manière dont ils s'y prennent
pour noircir la conduite de saint Paul, on
voit d'avance comment ils viennent à bout
de défigurer ses écrits. Saint Pierre conve-
nait déjà qu'il y a dans les lettres de saint
Paul des choses difticiles à entendre; il se
plaignait de ce que des hommes ignorants et
légers en abusaient comme des autres Ecri-
tures {II Petr. m, 16). C'est encore de même
aujourd'hui; la plui>art de ceux qui les cen-
surent ne les ont jamais lues, et peu sont en
état de les comprendre. C'est un style mêlé
d'hébraismes et d'héllénismes, mais qui était
très-bien entendu i>ar ceux auxquels saint
Paul écrivait. La profondeur des questions
qu'il traite demande des lecteurs déjà ins-
truits, et qui ne soient préoccupés d'aucun
système; ils sont rares. La multitude des
commentaires auxquels ces écrits ont donné
lieu ne prouve rien autre chose que le grand
nombre de ceux qui ont la démangeaison
d'écrire et de répéter ce que d'autres ont dit.
S'il nous fallait expliquer tous les t)assagcs
dont les incrédules, les hérétiques, les théo-
logiens entêtés ont abusé, ce serait la ma-
tière d'un gros vulume ; nous nous borne-
rons à ceux que l'on objecte le plus souvent;
nous avons occasion d'en édaircir plusieurs
autres dans ditl'érents articles.
Saint Paul dit qu'il va enlui l'homme spiri-
tuel et l'homme charnel, l'homme juste et
l'Iiomme de péché {Rom. vu) ; et il dit ailleurs
qu'il est délivréldelaloidu péché, que Jésus-
(^lirist vit en lui {Galnt. ii). Tantôt il enseigne
(|ue l'homme est justifié par les œuvres, et
tantôt qu'il l'est par la foi sans les œuvres. 1.
assure que Dieu veut sauver tous les hommes,
et en môme temps il allirme que ceux qui
n'ont point été choisis ont été aveuglés; que
Dieu fait miséricorde à qui il veut, et endurcit
qui il lui iilait. Dodwel et d'autres soutien-
nent que cet apôlre admettait le fatum des
pharisiens et des essénions suus le nom de
j)rédestination. 11 est vrai que si l'on s'en te-
nait à l'écorce des termes, sans en rechercher
le vrai sens, il serait aisé de conclure que la
doctrine de saint Paul se contredit; mais en
agit-on ainsi quand on cherche sincèrement
la vérité î saint Paul enseigne (jue par na-
tiu'e, par naissance, en (jualilé d'enfant
d'.Vdam, il est homme de péché, sous la loi
du péché, sous le joug d'une concupiscence
impérieuse qui l'entraîne au péché, mais
que, par la grâce de Jésus-Christ, il est
allianchi de cette loi du péché, que Jésus-
Christ vit en lui, qu'il en est de même de
tous ceux qui ont été baptisés et régénérés
en Jésus-Christ, et qui ne vivent plus selon
la chair, etc. {Rom. vu, 24 et 25; vin, 1 et 2).
Il n'y a point Ih de contradiction.
Ibid., c. 11, V. 13, il dit que ce ne sont
pas ceux qui écoutent la loi (|ui sont justes
devant Dieu, mais ceux qui l'accomplissent;
or il est question lii de la loi morale, puis-
que l'apôtre parle des gentils qui la con-
naissent naturellement et qui en ont les pré-
ceptes gravés dans leur cœur. Au contraire,
c. m, V. 28, il dit : « Nous pensons crue
l'homme est justifié par la loi, sans les
œuvres de la loi. » Mais il entend la loi cé-
rénionielle des juifs, puisqu'il parle de la
justification d'Abraham qui a précédé de
longtemps la puldication de la loi cérémo-
nielle. L'obstination des protestants à fonder
sur ce passage leur prétendue foi justifiante
ne leur fuit pas hoimeur; il est évident que
saint Paul par la foi d'Abraham, ch. iv, en-
tend non-seulement la croyance de ce pa-
ti iarclie, mais sa confiance aux iiromesses de
Dieu, et sa fidélité à exécuter les ordres de
Dieu : fidélité qui emporte nécessairement
l'obéissance à la loi morale, par conséquent
les œuvres. Rien de plus juste ni de mieux
suivi que cette doctrine.
Non-seulement saint Paul (\\i [I Tim. ii,k) :
« Dieu veut que tous les hoinmos soient sau-
vés, » mais il le prouve, parce que Jésus-
Christ s'est hvré pour la rédemi)lionde tous,
et c'est pour cela qu'il veut que l'on prie pour
tous sans exception. Le mystère d" la pré-
destination est-ii contra ire à cette vérité? Eu
aucune manière. Quoique Dieu veuille sau-
ver tous les hommes, il naccorde cependant
pas h tous la même mesure de grâces; il ap-
pelle les uns à la connaissance de Jésus-
Christ et de son EvaugUe, il laisseles autres
dans l'ignorance et dans l'erreur ; c'est dans
ce sens qu'il fait miséricorde aux uns et qu'il
endurcitlQS autres, c'est-à-dire qu'il leslaisse
135t
PAL
PAU
155Î
B endurcir eux-mômes (Tîom. ix, 18 ). Voî/.
Endurcissement. Quand lapôtre ajoute que
quelques juifs ont été élus, que d'autres ont
été aveuglés, c. xi, v. 7, il entend qu'ils se
sont aveuglés eux-mêmes, puisqu'il dit, v. 23,
que s'ils ne persévèrent pas dans l'incrédu-
lité, ils seront entés de nouveau sur l'arbre
qui les a portés, et il ajoute, v. 32, que Dieu
a laissé d'abord les gentils, aussi bien que
les juifs, dans l'incrédulité, afin d'avoir pi-
tié de tous : Dieu ne veut donc ni les aveu-
gler, ni les endurcir, ni, les réprouver. Voy.
Prédestination, Salut. Nous parlons de cha-
cune des Epîtres desaint Paui sous son titre
parliculier.
IV^. Les miracles de cet apôtre ont élé trop
publics, trop évidents et trop multipliés, pour
que l'on puisse y soupçonner de rillusion
ou de la fourberie. Il ne les a point opérés
en faveur de gens déjà jirévenus, ni en pré-
sence de témoins disposés à se laisser trom-
per : c'étaient des juifs ou des païens qu'il
fallait convertir ; ni sous la protection d'un
Farti déjà puissant et déterminé à favoriser
imposture : deux circonstances toujours né-
cessaires pour accréditer de faux miracles.
Uû magicien rendu subitement aveugle en
présence d'un proconsul romain qui se con-
vertit; un jeune homme, qui était tombé du
faîte d'une maison, ressuscité à Troade ; un
boiteux de naissance guéri à Lyslres, à la
vue de tout un peuple qui prend Paul pour
un dieu ; un nombre de prisonniers dont les
chaînes se brisent à Phili[)pes, sans qu'aucun
soit tenté de s'enfuir ; des malades guéris à
Ephèse par le seul attouchement des suaires
de l'apôtre. Il n'est point blessé par la mor-
sure d'une vipère, et il guérit tous les mala-
des qui lui sont présentés dans l'île de Malte
ou de Méléda, etc. Dans tout cela il n'y a ni
préparatifs ni collusion avec personne, et la
force de l'imagination ne produit point de
semblaliles etfets. Qu'ont objecté les incré-
dules contre ces faits ? Rien de positif, mais
un simple préjugé ; si ces miracles avaient
été réels, disent-ils, Paul aurait sûrement
converti l'univers entier ; cependant nous ne
voyons pas que les juifs y aient cru ni que
les païens en aient été fort touchés ; souvent
ces préti ndus miracles n'ont abouti qu'à ex-
citer du tumulte et des séditions, à faire
emprisonner, fustiger ou chasser le thauma-
turge. Ce préjUgé pourrait faire impression
sur nous, si les incrédules eux-uiômes n'a-
va enl pas eu soin de nous en guérir ; la plu-
])art ont déclaré que quand ils verraient des
miracles, ils ne croiraient pas sous prétexte
qu' Is sont plus sûrs de leut jugement que
lie leurs yeux. S'il y a eu parmi les juifs et
parmi les païens beaucoup d'opini.'dres qui
pensaient comme eux, il n'est pas fort éton-
nant que les miracles n'aient pas suUi pour
leur ouvrir les yeux.
D'ailleurs, autre chose est de croire la réa-
lité d'un miracle, et autre chose do renoncer
aux erreurs, aux pialiques, aux habitudes
dans lesquelles on a éténourri dès l'enfance.
La plupart des juifs croyaient qu'un faux
prophète pouvait faire des miracles, et les
païens étaient persuadés que les magiciens en
0[)éraient ; les uns et les autres ont attribué
à la magie ceux de Jésus-Christ et des apô-
tres. Avec celte tausse croyance, les miracles
ne suffisaient pas pour les convertir. Voy.
Miracle. Mais il est faux que ceux de saint
Paul n'aient pas produit une infinité de con-
versions ; le même autrur des Actes, qui les
rap|iorte, nous instruit aussi des effets qui
s'en sont ensuivis, et les Eglises nombreuses
auxquelles cet ipôtre a écrit ses lettres en
sont une preuve démonstrative. 11 y a des
circonstances dans la vie de saint Paul sur-
lesquelles les critiques ont fait des conjectu-
res de toute espèce, il est dit [Acl. xvii, 23),.'
que saint Paul, passant dans la ville d'Athè-'-
nes, vit un autel avec celte inscription : Au
Dieu inconnu, et qu'il en pritoccasion de prê-
cluT aux Athéniens le vrai Dieu. Saint Jé-
rôme, Comment, in Epist. ad Tit., c. i, et
d'autres, ont cru que l'inscription portait :
Aux dieux étrangers et inconnus, et que c'a-
vait été un tour d'adresse de l'apôtre de chan-
ger le sens pour avoir lieu d'annoncer le
vrai Dieu. Sans entrer dans des discussions
inutiles, nous observons seuhment, 1° qu'un
Athénien a pu faire dresser un autel et une
inscription, au Dieu unique et souverain que
les philosophes soutenaient être incompré-
hensible, et par conséquent inconnu; qu'ainsi
saint Paul n'aurait rien changé, ni rien sup-
posé ; 2° que, quand l'inscription aurait été
telle qu'on le [iréteiid, le discours de saint
Paul aurait encore été très-juste ; il aurait
dit aux Athéniens : « Puisque vous poussez
la siq^erstiiion jusqu'à honorer les dieux
môme que vous ne connaisse'- pas, je vais
vous faire connaître le seul vrai Dieu qui
vous a élé jusqu'ici inconnu. » L'apô re écrit
à Timothée, Jîp. II. c. iv. v. 17 : J'ai été dé-
livré de la gueule du lion; quelques interprè-
tes ont pen^é que saint Paul avait été réel-
lement condamné aux bêtes, et qu'il avait
été délivré d'une manière miraculeuse; le
plus grand nombre croient que, parla gueule
du lion, l'apôtre a seulemeni entendu ïa per-
sécution de Néron, par l'ordre duquel il lut
mis à mort l'année suivante.
Paul ( saint), premier ermite; ordre établi
sous son nom. Voy. Ermites.
PAULIANlSTEs. Voy. Samosatiens.
PAULICIENS. Voy. Manichéens.
PAUi.IN (sanit), évêq le de Noie dans la
Campanie, a été fort estimé de -aint Augus-
tin, et ne lui a survécu que d'un an; il est
mort l'an 431, âgé de soixant-iiix-hu.it ans.
Ou a de lui des poëmes 1 1 des lettres o\i bril-
lent la foi la i)lus pure et une tendie piété.
Mosheim dii i[ue ses écrits no méritent ni
louange niblime; c'est déjà beaucoup qu'un
protestant ne iiouve lieii à blâmer dans un
Père de l'Eglise. Basnage prétend qu'il était
mauvais théologien, p.vrce qu'il croyait l'in-
tercession des saints. Les OEuvres de saint
Paulin ont été imijrimées à Paris en 1658,
in-8", et réimprimées à Vérone en 173G. Il
ne faut pas le confondre avec saint Paulin,
p triarclie d'Aquilée, qui n'a vécu qu'au viu*
siècle, sous le règne de Cliarlemagne ; ce-
1553
PAU
PAU
1354
lui-ci écrivit contre les erreurs d'Elipan et
de Félix d'Urgel. On a réimprimé ses ouvra-
ges à Venise en 1737, in-folio.
PAUVRE. Dans tous les temps Dieu a or-
donné d'assister les pauvres. Sous la loi de
nature, le saint homme Job se félicitait d'a-
voir été le père des pauvres, le consolateur,
le soutien, le défenseur de tous ceux qui
souffraient ; son livre est rempli de senten-
ces et de maximes qui inculquent ce devoir
d'humanité. Dans la loi de Moïse, Dieu l'a-
vait commandé rigoureusement ; il voulut
que les pauvres fussent appelés aux repas
que l'on faisait par religion, après les sacri-
fices et dans les fêtes ; qu'en recueillant les
fruits de la terre on laissât quelque chose
pour eux ( Ieri7. XIX, 9, etc.); que, d;ms
l'année sabbatique et au jubilé, on eût soin
de pourvoir à leur subsistance. Le saint
homme Tobie était, parmi les Juifs, ce que
Job avait été parmi les patriarches. Daniel
exhortait Nabuchodonosor à racheter ses pé-
chés par des aumônes; les autres prophètes
reprochent aux Juifs de n'avoir pas été as-
sez fidèles à remplir ce devoir. Jésus-Christ,
dans l'Evangile, a répété les mômes leçons ;
il dit : Bienheureux ceux qui font miséricor-
de, parce qu'ils lu recevront eux-mêmes [Malth.
V, 7) ; et l'on sait que, dans l'Ecriture sainte,
la 7WiS('ricorrfe signifie ordinairement la com-
passion envers ceux qui souffrent. L'aumône
est celle des bonnes œuvres que les apôtres
recommandent le plus souvent, et il est cons-
tant que la charité des premiers chrétiens
contribua plus que toute autre chose h la
propagation du christianisme. Chez la plu-
part des païens, les paiirres étaient regardés
comme les, objets delà colère du ciel. Jé-
sus-Christ commença son Evangile par cette
sentence remarqualjle, bienheureux les pau-
vres d'esprit, c'est-à-dire \es pauvres contents
de leur état, qui n'en rougissent ni n'en
murmurent, qui ne désirent pas plus de ri-
chesses que Dieu n'a voulu leur en donner;
c^est à eux et pour eux au' est le royaume des
deux, ce sont de tous les hommes les plus
propres à composer mon Eglise qui est la
voie du bonheur éternel. 11 est im|)0ssible
que dans les sociétés les mieux policées il
n'y ait un grand nombre de pauvres ; tous
les hommes ne sont pas également propres
au travail, tous n'ont jias reçu de la nature
le même degré de santé, de force, de cou-
rage, d'industrie, de prévoyance, d'économie;
la plupart ne sont capables que de travaux
peu lucratifs ; les maladies, les accidents,
une nombreuse famille, la fatigue, la vieil-
lesse, ne peuvent donc manquer de les ré-
duire à la mendicité et de les rendre k charge
au public. Lorsque nos i)hilosophes écono-
mistes et politiques se sont vantés de créer
des plans qui banniraient des villes et des
campagnes la pauvreté et ses conséquences,
ou ils se sont fait illusion à eux-mêmes, ou
ils ont voulu éblouir les ignorants. Lorsqu'ils
ont décrié l'aumône et les hôpitaux, ils ont
montré autant d'ineptie que d'inhumanité.
Yoy. Aumône, Hôpital.
Pauvres catholiques, nom de certains rc-
DicTioNs, PB Théol. dogmatique. IIL
ligieux. C'était une branche des vaudois ou
pauvres de Lyon, qui se convertirent l'an
1207 ; ils formèrent une congrégation qui se
répandit dans les provinces méridionales de
la France, qui s'accrut par la conversion de
quelques autres vaudois, et qui se fondit,
l'an 1-236, dans celle des ermites de saint
Augustin. Uélyot, Histoire des Ordres monast.
(édit. Migne).
Pauvres de la Mère de Dieu, autre con-
grégation fondée en 155C,parungentilhonime
espagnol, nommé Jose|)li Cazalan/a. L;'ur
première occupation fut de tenir les petites
écoles dans les campagnes ; dans la suite ils
s'établirent dans les villes ; ils y enseignè-
rent les humanités, les langues anciennes,
la théologie, la philosophie et les mathéma-
tiques, ils ont été protégi's jusqu'à nos jours
par les souverains pontifes; ils portent le
mômehabit que les jésuites, qui est celui des
prêtres espagnols, excepté que leur manteau
ne descend que jusqu'aux genoux. Ils sont au
nombre des mendiants. Hélyot, ibid.
Pauvres volontaires, ordre religieux qui
parut vers la fin du xiV siècle ; ceux qui y
étaient eng.igés prirent la règle de saint Au-
gustin en 1470. Ils étaient tous laïciues et ne
recevaient point de prêtres ; la plupart ne
savaient pas lire; ils travaillaient de did'é-
rents métiers, servaient les malades, enter-
raient les morts, ne possédaient rien et vi-
vaient d'aumônes ; ils se relevaient la nuit
pour prier, etc. Cet ordre ne subsiste plus.
Hélyot, ibid.
PAUVRETÉ RELIGIEUSE ET VOLON-
TAIRE. La maxime de Jésus-Chiist, bien-
heureux les pauvres, l'exemple de ce divin
Maître et des apôtres, qui ont renoncé à tout
pour prêcher l'Evangile, ont engagé une in-
finité de chrétiens fervents à embrasser le
même genre de vie, et le vœu de pauvreté
est devenu partie essentielle de la profes-
sion religieuse. L'Eglise y a donné son ap
probalion ; Dieu lui-même semble l'avoir au-
torisé par le don des miracles qu'il a daigné
accorder à plusieurs de ces pauvres volon-
taires, et par les conversions qu'ils ont opé-
rées; il s'est trouvé des circonstances dans
lesquelles la pratiqued'uney^awrrc^^ absolue
était nécessaire pour exercer avec fruit les
fonctions apostoliques. Sans faire attention
au temps, aux événements, aux besoins de
l'Eglise, les protestants ont condamné ce
vœu et l'ont tourné en ridicule ; le vœu de
pauvreté, disent-ils, est /e vœu d'oisiveté et
de subsister aux dépens d'autrui ; ils ont
rappelé le souvenir des disputes auxquelles
ils ont donné lieu parmi les franciscains, et
dont le bruit retentit dans toute l'Europe au
xiv' siècle. Sans doute les protestants ne
prévoyaient pas que les incrédules tourne-
raient contre If's apôtres mêmes les sarcas-
mes qu'ils lançaient contre le vœu de pauvreté
des moines; voilà cependant ce qui est arrivé,
et cela prouve qu'il ne faut pas blâmer une
chose louable en elle-même, parce qu'il en
peut résulter des abus. Lorsque les anciens
moines ont embrassé une vie pauvre, loin de
se livrer à l'oisiveté et à la mendicité, ils ont
^3
ISSS
PEC
PEC
1356
trouvé dans le travail de leurs mains, non-
seulement leur subsistance, mais encore de
quoi faire l'aumône. Après la dévastation de
lEuroiie par les barbares, les moines ont
défriché des lieux incultes; la continuité de
ce travail ne pouvait manquer de les enri-
chir ; mais alors les monastères furent la
seule ressource des peU[iles dépouillés, es-
claves et malheureux. Après la chute du
clergé séculier, ils ont été obligés de renon-
cer au travail manuel, pour prendre le soin
des paroisses abandonnées et le gouverne-
ment des Ames ; ce n'était pas là se dévouer
à l'oisiveté ni k la mendicité. Au xii* siècle,
lorsqu'il fallut travailler à la conversion des
albigeois, des vaudois, des pétrobrusiens,
des beggards, des apostoliques, etc., les hé-
rétiques entêtés ne voulaient écouler que des
prédicateurs aussi pauvres que les apôtres;
pour les contenter, il se forma des ordres
mendiants. Aujourd'hui encore les mission-
naires qui veulent se faire écouter des Sia-
mois sont forcés d'imiter la pauvreté absolue
de leurs talapoins. Jusqu'ici nous ne voyons
ni désordres ni abus. Voy. Mendiants.
Pour prêcher avec fruit, il fallait avoir fait
des études; les mendiants furent donc obli-
gés de fréquenter les écoles : s'ils y ont con-
tracté les défauts qui y régnaient pour lors ;
si, dans les contestations qu'ils ont eues en-
tre eux touchant la pauvreté religieuse, ils
ont mis la même chaleur et la même opiniâ-
treté que l'on a remarquées dans toutes les
disputes scolastiques, il y a de l'injustice à
leur en faire un crime personnel. Il s'agis-
sait de savoir si un religieux, qui à fait vœu
de pauvreté, a encore la propriété des choses
qui sont à son usage, si cette propriété ap-
)artient îi l'ordre entier, ou si elle est dévo-
ue à l'Eglise romaine. Question frivole et
qui ne méritait pas de causer un schisme
parmi les franciscains. Mais on â vu chez les
protestants des schismes pour des questions
tpii n'étaient guère plus graves : pour savoir
si la philosophie est utile ou nuisible à la
théologie; si les bonnes œuvres sont un
moyen de salut ou seulement un signe et un
effet de la foi ; si le péché originel est la
substance môme de l'homme ou un accident
de cette substance, etc. Ce n'est donc pas
aux protestants qu'il convient de reprocher
des schismes et des disputes aux autres.
Histoire de VEglise GalL, t. XIII, 1. 37,
an 132-2.
PAÏEN. Voy. Paganisme.
PÉCHÉ. Ce mot dans l'Ecriture sainte a
divers sens : 1° il signilie une transgression
de la loi divine, soit en matière grave soit en
matière légère. C'est dans ce sens que nous
en parlerons ci-après. 2" Il désigne la peine
du;)^(7i^( Gen. iv, 7 ) : « Si tu fais mal, ton
péché s'ensuivra, » c'est-à-dire, tu en porte-
ras la jieine ; c. xx, v. 9, Abimélech dit à
Abraham : « Vous avez attiré sur nous un
grand péché, » c'est-ù-ilire un grand châti-
ment. 3° 11 signilie un vice, un défaut : la
concuniscence est appelle un péché, parce
que c'est un eUet du péché d'Adam, un vice
de la nature, qui nous porte au péché ; ainsi
l
l'explique saint Augustin. Lmt.,c.w\,\. 6
et 8 ; c. XIV, v. 19, les impuretés légales sont
appelées des péchés. h° 11 exprime la victime
offerte pour l'expiation du péché : II Cor.^
c. V, V. 21, il est dit que Dieu a fait péché
pour nous, c'est-à-dire victime du pèche, ce-
lui qui ne connaissait pas le péché. Osée, c.
IV, V. 8, « Ils mangeront les péchés du peu-
ple, » c'est-à-dire les victimes. Saint Jean,
dans sa première épUre, c. v, v. 16, parle
d'un péché qui est à la mort ; il paraît que
c'est l'idol/îtrie, parce que la loi do Moïse
condamnait à la mort l'homme coupable de
ce crime, et l'apôtre finit sa lettre en exhor-
tant les fidèles à s'en préserver. Le péché, ou
le blasplième contre le Saint-Esprit, est l'ou-
trage que fait au Saint-Espritunhommequi,
contre sa conscience, attribue à l'opération
du démon des miracles qui sont évidemment
les effets de la puissance divine : c'est le
comble de l'impiété. Jésus-Christ dit que ce
crime ne sera remis ni en ce monde ni en
l'autre [Mallh. xii, 31 ) ; saint Augustin dit
que c'est l'impénitence finale ou la persévé-
rance obstinée dans le pecA^ jusqu'à la mort.
Retract. ,\\h. i, c. xix, etc. Saint Fulgence a
pensé de même, 1. de Fide ad Petr., c. m.
Le péché, pour l'expiation duquel saint Paul
dit qu'il ne reste plus de victime, est l'apo-
stasie {Ilebr. X, 26 ). Voyez la Bible d'Avi-
(jnon,\.. XllI, p. 350.
Avant de parler des différentes espèces de
péché, il y a une ou deux questions à résou-
dre touchant le péché en général. Les incré-
dules demandent d'abord en quel sens nos
péchés peuvent offenser Dieu : nous leur
avons répondu au mot Offense. Une diffi-
culté plus considérable est de savoir si Dieu
peut être dans aucun sens la cause du péché;
s'il peut faire tomber un homme dans le pé'
ché, afin de le punir de quelques autres
péchés qu'il a commis. Plusieurs passages de
l'Ecriture sainte semblent le supposer ainsi.
II Reg., c. XII, 11, Nathan dit à David de la
part de Dieu : « Je vous punirai par votre
propre famille, » et bienlôl après arriva la
révolte d'Absalon son fils, c. xvi, v. 10.
David , insulté [lar Sémei dit : « Laissez-le
faire. Dieu lui a ordonné de m'injurier. »
m Rcg., c. XII, v. 15, nous lisons que Dieu
avait [iris en aversion Roboam, afin d'accom-
plir les malheurs que le prophète Ahias avait
prédits. i?)td.,c.xxn,v. 21, un esprit malin dit
au Seigneur : Je serai un esprit menteur dans
la bouche des prophètes ; Dieu lui répond:
Va et fais. Job, c. xii, v. 2k, dit que Dieu
ciiange le cœur des princes et les trompe;
qu'il les jette dans l'erreur. P». civ, v. 25,
le Psalmisle prétend que Dieu changea le
cœur des Egyptiens, pour qu'ils eussent de
la haine contre son peuple. Dans Isaïe, c.
Lxiii, v. 17, les Israélites disent au Seigneur :
« Pourquoi nous avez-vous égarés hors de
vos voies ? Vous avez endurci notre cœur,
aliu qup. nous no vous craignissions plus. »
Dans Ezéchiel, c. xiv, v. 9, le Seigneur uit
lui-même : « Lorsqu'un prophèie se trom-
peia, c'est moi qui lai trompé. » On voit la
môme chose dans plusieurs endroits du
1357
PEC
PEC
1558
Nouveau Testament. Matth., c. vi, v. 13,
Jésus-Christ appreml à ses disciples î» dire à
Dieu : Ne. nous induisez point en tentation ;
cette prière suppose que Dieu peut nous y
induire et nous porter au mal. Saint Mat-
thieu dans tout son Evangile suppose que
plusieurs crimes sont arrivés, atîn d'accom-
I)li; ce que les prophètes avaient pr(5dit ;
eonjme le mcurtredes innocents, l'incrédulité
des Juifs, les outrages faits ^t Jésus-Christ,,
etc. Rom., c. i, v. 2(), saint Paul prétend que
Dieu a livré les philosophes î» oes passions
honteuses et à un sens réprouvé ; ibid., c. v,
V. 20, il dit i]uv la loi .incienne est survenue
afin que le p('ch(! filt abondant. // Thess., c.
u, V. 10, il prédit qu(> Dieu enverra aux: pé-
cheurs une opération d'erreur, alin qu'ils
croient au mensonge, etc.
Saint Augustin a cité tous ces passages,
et il s'en est servi pour prouver aux péla-
giens qu'un uiéuie vice peut être tout à
la fois un péché, et la pfine d'un autre
péché, 1. V, contra Jnlinn., c. 3 , n. 8; il
donne pour exemple l'aveuglement des Juifs
et la concupiscence qui est en nous : n. 11,
« Autre chose est, dit-il, d'avoir do mauvais
désirs dans le cœur, et autre chose d'y être
livré afin d'en ^'tre posséda'- en y consentant ;
c'est ce qui arrive à un homme, lorsqu'il y
est livré par un jugement de Dieu. N. 12,
lorsqu'il est dit qu'un homme est livré à ses
désirs, il devient coupable, parce qu'aban-
donné de Dieu, il y cède et y consent
D'ofi il est clair que la perversité du cœur
vient d'un secret jugement di' Dieu. » N. 13,
Julien soutenait que ceux dont parle saint
Paul ont été laissés à eux-rnémcs par la pa-
tience de Dieu, et non poussés au mal par
sa puissance ; saint Augustin lui répond :
« L apOtre a a:is l'un et l'autre, la patience
et la puissance Entendez-le comme il
vous plaira.» L. deGrat. et lib. Arb., c. 20 ,
n. 43, il dit que Dieu incHna la mauvaise vo-
lonté de Sémei au péché qu'il commit , qu'il
jeta ou y lais,^a touibi-r son mauvais cœur :
cor eJHs malum in hoc peccatum misit vel dimi-
sit. il (lit que Dieu opéra sur b^ cœur d'Ab-
salon, [lour qu'il rejetât le bon conseil d'A-
chitophel ; n. Vi, que le changement du cœur
de Roboam vient du Seigneur ; que Dieu
opéra siu' le cœvir d'Amasia:>, pour qu'il
n'écoutjVt point un conseil salutaire. N. 43,
saint Augustin en tire cette conclusion : « De
là il est clair que Dieu opère sur le cœur des
hommes pour incliner leur volonté soit au
bien, par sa miséricorde, soit au mal, sui-
vant leur mérite. » Lorsque Julien lui repré-
sente que cette conduite de Dieu est injuste,
le saint doctenr lui ferme la bouche par
cette maxime : « 11 ne faut pas douter que
Dieu ne soit juste, lors môme qu'il fait ce
qui nous parait injuste, et ce qu'un homme
ne pourrau faire sans injustice. Op. impcrf.,
1. ni, n. 34. C'est ce qui a déterminé Luther,
Calvin, MélauclUon, à soutenir (pie Dieu al
la cause des péchés aussi bien que des bon-
nes œuvres, et Jjnsénius, à i>rctendre que
l'homme pèche même en f)!saut ce qu'il ne
j>eut pas éviter. Les manichéens et les mar-
cionites abusaient de ces notions jioui rendre
méprisables les écrivains de l'Anri.'u Tesîa-
mont, et les incrédules s'en prévalent encore
pour rendre la religion ridicule et odieuse.
Aux mots Cause et Emduucissement, nous
avons déjà expliqué uue partie des passages
que nous venons de citer; mais snr une
matière aussi importante, nous ne devons
pas craindre de répéter, puisque nous avons
tant d'adversaires qui renouvellent les mèmef
objections.
I"" Nous avons fait voir que souvent l'Ecri-
ture sainte représente coieime cause ce qui
n'est qu'occflsfo;),, et semble attribuer îi un
dessein formel ce qui arrive contre l'inten-
tion même de celui qui agit ; nous avons
montré en même temps que ce n'est point
là un hébraisme ou une façon de parler par-
ticulière auxécrivains sacrés, mais un usage
commun à toutes les langues, même à la
nôtre. Ainsi, lorsque nou.s lisons que Dieu
aveugle et endurcit les pécheurs, qu'il agit
sur h'ur cœur pour les rendre méchants,
cela signifie seulement que sa patience et
ses bienfaits sont pour eux une occasion
d'ingratitude, d'aveuglement et d'endurcis-
sement ; ainsi la prospérité que Dieu accorda
aux Israélites en Egypte servit à exciter la
jalousie des Egyptiens, et à leur inspirer de
la haine contre son peuple ; c'est dans ce
sens que Dieu tourna leur cœur, pour y met-
tre ce sentiment ; ainsi l'a expliqué saint
Augustin lui-même, Enarr. in Ps. civ, 25.
Une preuve que c'est là le sens, c'est que
Dieu se plaint en jiareil cas de la malice et
de l'ingratitude des hommes. Isaï., c. xliii,
v. 24, il dit aux Juifs : « Vous m'avez fait
servir à vos iniquités, » c'est-à-dire, vous
vous êtes servis de mes propres bienfaits
pour m'offenser. Dieu pourrait-il s'en plain-
dre, si c'avait élé son dessein ? Lorsque
nous disons qu'un bienfaiteur fait des ingrats,
nous n'entendons pas qu'il leur inspire l'in-
gratitude de propos délibéré.
Dans ces sortes de cas, le mot ul que nos
versions rendent par afin de ou afin que,
qui semble marquer l'intention, serait beau-
coup mieux ren lu par de manière que : ainsi,
/// Reg., c. XII, v. 15, Dieu laissa Roboam
se conduire de naniêre qu'i\ fit arriver les
malheurs qui avaient été prédits par Ahias.
Matth. c. XXVI, V. 56, Jésus-Christ repro-
chant aux Juifs la manière indigne dont ils
se saisissent de lui, leur dit: « Tout cela se
fait de manière que les prédictions des pro-
phètes sont accomplies, » et non afin de les
accomplir onpour les accomplir ; ce n'était
certainement pas l'intention des Juifs. Nous
faisons le même usage du moi pour, lorsque
nous disons d'un militaire tué, qu'il s'était
enrôlé pour se Taire tuer, ou d'un auteur,
qu'il a beaucoup travaillé po«r faire de mau-
vais ouvrages. Les tia^lucteu s français des
épîtres de saint Patd font cette équivoque,
lorsi|u'ils diicnt que la loi anci.'une est st:v-
venue pour donner lieu à l'abondance du
péché {Rom. v, 20). Saint Augustin les e
avait sufilîamment avertis, 1. xix, contra
Faust,, C.7; Tract. 3 iaJoan., ci, n.ll, etCi'
1359
PEC
PEC
1560
ils devraient s'en corriger. On pourrait dire
dans le môme sens que la connaissance de l'E-
vangile semble n'avoir été donnée à certains
hommes que pour les rendre plus coupables.
2° Nous avons observé que, dans toutes les
langues, on dit qu'un homme fait tout le
mal qu'il laisse faire lorsqu'il pourrait l'em-
pêcher, et que l'Ecriture sainte s'exprime de
môme à l'égard de Dieu ; ainsi, il est dit que
Dieu aveugle, endurcit, trompe, égare les
hommes lorsqu'il les laisse se tromper, s'é-
garer, s'aveugler, s'endurcir; et cela signifie
seulement qu'il ne les en empoche point,
lorsqu'il pourraitle faire, enleur donnant des
grâces plus fortes et plus abondantes. Par
conséquent au lieu de lire dans Isaie, c. lxiii,
V. 17, vous nous avez égarés, etc., il faut
lire : « Vous nous avez laissés nous égarer
et endurcir notre cœur, de manière que nous
ne vous craignons plus. » La preuve de ce
sens est dans l'Ecriture même [Deut. x, 16,
et XV, 7) ; Moïse dit aux Israélites : « Vous
n'endurcirez point vos cœurs ; » et le Psal-
miste, Ps. xciv, v. 8 : « N'endurcissez point
vos cœurs , comme ont fait vos pères. »
Après avoir dit que Dieu endurcissait Pha-
raon, l'historien sacré ajoute que Pharaon
aggravait ou appesantissait son propre cœur
(Exod. vui, 15). C'est ainsi que l'entend
saint Augustio; nous avons cité ce qu'il en
a dit au mol Endurcissement. « Dieu aveu-
gle.et endurcit, dit-il, non en donnant de la
malice au pécheur, mais en ne lui faisant
pas miséricorde..., non en l'excitant au mal,
ou en le lui suggérant, mais en l'abandon-
nant, ou en ne le secourant pas. » Epis.
cxciv, ad Sixtum, c. iv, n. 2k; Enarr. in
Ps. Lxvii, n. 30; Tract. 53 in Joan., n. vi,
1. i; adSimptic, q. 2, n. 15; L. de Nat. cl
Grat., c.Ti\ni,n. 23, etc. Dieu trompe les faux
prophètes [Ezech. xiv, v. 9), lorsiju'il accom-
plit ses desseins d'une manière tout oppo-
sée à leurs espérances et à leurs prédictions,
mais c'est leur faute et non la sienne. Il
permet à l'esprit de mensonge de se placer
dans leur bouche ; il leur permet à eux-
mômes de tromper ceux qui veulent les
écouter; mais une simple permission n'est
pas un ordre positif, quoique l'un s'expri-
me comme l'autre. Voy. Permission. Dieu
n'est pas obligé de donner des lumières sur-
naturelles et l'esprit de prophétie à ceux qui
ne 1 s lui demandent pas, et môme qui les
rejettent et y résistent. C'est en cela que
consiste l'opération d'erreur que Dieu en-
voie à ceux qui veulent se tromper eux-
mêmes, de manière qu'ils ajoutent foi au
mensonge qui les flatte et non aux vérités
qui leur déplaisent (// Thessal. u, 10). Après
avoir cité les paroles de saint Paul, Dieu les
a livrés à un sens réprouvé, saint Augustin
ajoute : « Tel est l'aveuglement de l'esprit ;
quiconque y est livré est privé de la lumière
intérieure de Dieu , mais non entièrement,
tant qu'il est en cette vie ; » Enarr. in Ps.
VI, n. 8. Cette restriction est remarquable;
elle |)rouve que saint Augustin n'a pas pen-
sé ([u'un pécheur fiU jamais entièrement
privé de la grâce.
3° Nous avons encore remarqué que, dans
le langage des livres saints, comme dans le
nôtre, délaisser, négliger, oublier, abandon
ner, ne se disent pas toujours dans un sens
absolu, mais par comparaison ; Dieu est
censé abandonner quelqu'un lorsqu'il ne lui
accorde pas autant de grâces qu'il le faisait
autrefois, ou qu'il ne lui en donne pas au-
tant qu'il en distribue à d'autres, ou qu'il ne
lui en donne pas d'aussi puissantes qu'il le
faudrait pour vaincre sa résistance ; et l'E-
criture dit que Dieu hait, rejette, réprouve
ceux qu'il punit ainsi. Dans ce sens. Dieu,
parlant de la postérité de Jacob et de celle
d'Esaù, dit {Malach. i, 3): J'ai aimé Jacob,
et j'ai haï Esaii, Voy. Haine, Haïr. De même
lorsqu'un père témoigne beaucoup plus de
tendresse à son fils aîné qu'au cadet, nous
disons que celui-ci est délaissé, négligé,
abandonné, pris en aversion, etc. Les incré-
dules ont donc tort de se scandaliser , lors-
qu'il est dit dans l'Ecriture sainte, que Dieu
aime les justes et qu'il hait les pécheurs ;
qu'il a choisi les Juiîs et qu'il a réprouvé les
autres nations : cela signifie seulement qu'il
fait moins de grâces aux pécheurs qu aux
justes, et qu'il en a plus accordé aux Juifs
qu'aux autres peuples. C'est dans ce même
sens que Dieu avait pris en aversion Ro-
boam, Salomon lui-môme, lorsqu'il devint
idolâtre, Achab, etc., et toute la nation jui-
ve, lorsqu'il la punissait.
i° S'il restait quelque doute sur le vrai
sens de toutes ces façons de parler, il serait
levé par les passages clairs et formels de
l'Ecriture sainte, qui déclarent que Dieu ne
hait aucune de ses créatures, qu'il est bon,
miséricordieux, indulgent pour tous les hom-
mes ; qu'il fait du bien à tous , qu'il en a
itié comme un père pour ses entants, etc.
e saint livre répète cent fois que Dieu n'est
point cause du péché, qu'il le déteste au con-
traire, qu'il le défend et le punit, qu'il ne
donne heu de pécher à personne, qu'il n'é-
gare et n'induit en erreur qui que ce soit ;
qu'il est saint, juste, irrépréhensible dans
ses jugements, incapable par conséquent de
condamner et de punir des péchés dont il
serait lui-môme l'auteur. Nous avons cité
ailleurs la plupart de ces passages. Vaine-
ment les incrédules répliquent que nos livres
saints sont donc un tissu de contradictions ;
ils ne le sont pas plus que nos discours com-
muns et ordinaires. S'il fallait retrancher du
langage toutes les équivoques,les métaphores,
les exfiressions figurées, les idées sous-en-
tendues, les termes impropres, etc., nous se-
rions condamnés à un silence absolu. Souvent
c'est le ton, l'inflexion de la voix, le geste,
l'air du visage qui détermine le sens de ce
que nous disons ; ce secours manque dans
les livres. Mais si nous étions aussi fami-
liarisés avec le style des écrivains sacrés
qu'avec celui de nos concitoyens , et surtout
avec le langage populaire, nous ne trouve-
rions ]ias plus de difficulté à entendre les
uns que les autres.
5° Nous avons aussi disculpé plus d'une
fois saint .\ugu3tin des erreurs que les hé-
g
1561
PEC
PEC
1302
rétiques se sont obstinés de tout temps h. lui
attribuer ; et nous venons de voir qu'il a
expliqué dans le même sens que nous les
passages de l'Ecriture sainte qui semblent
faire le plus de difficulté. Il est donc juste de
faire K son égard ce qu'il a fait à l'égard des
écrivains sacrés. Dès qu'il s'est une fois
expliqué clairement lorsqu'il instruisait de
sang-froid, pourquoi insister sur quelques
expressions moins exactes qui lui sont
échappées dans la chaleur delà dispute ? Pour
prendre le vrai sens des passages de ce saint
docteur, dont nos adversaires se prévalent ,
il faut savoir quel était l'objet de la dis-
pute entre lui et les pélagiens. Julien soute-
nait que la concupiscence n'est point mau-
vaise en elle-même, mais un don naturel,
utile à l'homme, et qui vient de Dieu ; saint
Augustin prétendait que c'est un vice, un
effet du péché d'Adam, qu'elle vient de Dieu
comme chAtiment et punition, et non comme
un don utile ou avantageux à l'homme. Il
l'appelle constamment un péché, parce que
saint Paul la nomme ainsi ; mais puisqu'il
est évident que par péché saint Paul entend
un vice, un défaut, une dépravation de la
nature, et non une faute imputable et pu-
nissable, il est absurde de vouloir que saint
Augustin l'ait entendu autrement , malgré
une déclaration formelle de sa part. Yoy.
Concupiscence.
Julien insistait et disait : Quand la concu-
piscence serait une punition et un châti-
ment, il ne s'ensuivrait pas encore qu'elle
est mauvaise en elle-même, parce que, quand
Dieu punit en ce monde, il le fait pour le
bien de l'homme, et non pour son mal ; Dieu
ne peut pas être cause du péché : il n'a donc
pu infliger à l'homme une peine qui soit
péché ni cause du péché. Saint Augustin ré-
pond que Dieu a pu le faire et qu'il l'a fait,
et il le prouve par les passages de l'Ecriture
sainte, dans lesquels il est dit que Dieu
aveugle, égare, endurcit les pécheurs ; or,
dit le saint docteur , cet état est certaine-
ment un péché, puisque Dieu en reprend les
pécheurs et les en punit, et c'est une cause
qui les entraine à de nouveaux péchés. Ju-
lien n'en demeurait pas là; il répliquait que
s'il est dit que Dieu a rendu les pécheurs
aveujiles et endurcis, cela signifie seulement
que Dieu a usé de patience à leur égard et
les a laissés faire, et non qu'il les a poussés
au mal par sa puissance. Saint Augustin dit
de son côté que l'apAtre attribue leur état
non-seulement à la patience, mais à la puis-
sance de Dieu, et il conclut que Dieu agit sur
les coeurs et sur les volontés, et qu'il les
tourne soit au bien par sa grâce, soit au mal
pour les punir suivant leur mérite. Mais
nous avons vu en quel sens saint Augustin
l'explique lui-même, et en quoi consiste cet
acte de puissance sur la volonté des pé-
cheurs ; c'est que Dieu leur refuse son se-
cours ou la grice , qui seule peut clianger
leur volonté; loin de supposer une action
positive, et une influence formelle de Dieu
sur la volonté des pécheurs pour les pous-
ser au mal, saint Augustin la rejette expres-
sément ; nous avons cité ses paroles : il n'ad-
met autre chose que la soustraction de la
grâce, et non encore de toute grâce, mais
d'une grâce assez forte pour vaincre l'obsti-
nation des pécheurs endurcis. Voilà juste-
ment ce que Julien ne voulait pas avouer;
en pélagien décidé, il ne reconnaissait ni la
nécessité de la grâce pour faire le bien, ni
son influence sur la volonté de l'honinio
pour la mouvoir; selon lui. Dieu ne contri-
Due pas |)lus îi une bonne action de l'homme
qu'à une mauvaise; il le laisse user, comme
il lui plaît, des forces de son libre arbitre.
Saint Augustin, qui voulait forcer Julien h.
reconnaître l'action positive de la grâce, par
conséquent de la puissance de Dieu sur la
volonté de l'homme, appelait aussi acte de
puissance, opération de Dieu sur le cœur de
l'homme , le refus de cet acte ou de celte
opération; mais, encore une fois, cette ex-
pression impropre et inexacte était expliquée
ailleurs. Le saint docteur était si éloigné de
penser autrement , qu'il dit, L. de spir. et
Lit. , c. 21 , n. 5'* : « S'il n'y avait dans
l'homme point de volonté qui ne vînt de
Dieu, il s'ensuivrait que Dieu serait l'auteur
des péchés; à Dieu ne plaise 1 » Etiam pec-
catorum (quod absit) auctor est Deus, si non
est voluntas nisi ab illo. La maxime que le
.saint docteur oppose à Julien touchant la
justice de Dieu, pourrait être dangereuse;
les impies pourraient en abuser ; mais il
s'est mieux exprimé ailleurs, Epist. 19i ad
Sixtum, c. VI, n. 30: « Dans les réprouvés,
dit-il. Dieu sait condamner l'iniquité, et non
la faire. » In ps. xlix, n. 15 : « Dieu n'exige
de personne ce qu'il ne lui a pas donné; et
il a donné à tous ce qu'il exige d'eux : » Non
exigit Deus quod non dédit, et omnibus dédit
quod exigit. La justice de Dii'U est donc à
couvert de reproche, dès qu'il donne toujours
à l'homme un pouvoir et un secours suiïisant
pour faire ce qu'il exige de lui. Dieu n'est
certainement pas obligé, par justice, d'aug-
menter les secours et les grâces à mesure
que le pécheur devient plus ingrat et plus
obstiné dans le mal. Voy. Grâce, § 3. Pour
éclaircir les passages de l'Ecriture sainte que
l'on nous a opposés , nous aurions pu citer
saint Irénée, Origène, Tertullien, saint Ba-
sile, saint Grégoire de Nazianze , saint Jean
Chrysostome, etc. ; nous avons mieux aimé
nous en tenir à saint Augustin, et nous avons
consulté par préférence les ouvrages qu'il n
écrits contre les pélagiens , afin de prévenir
les subterfurges auxquels recourent ordinai-
rement les faux disciples de ce saint docteur.
Les théologiens définissent ordinairement
le péché, en général, une désobéissance à
Dieu ou une transgression de la loi de Dieu,
soit naturelle, soit positive. Ils distinguent
le péché actuel et le péché habituel ; le pre-
mier est celui que nous commettons par notre
propre volonté, en faisant ce que Dieu nous
défend ou en omettant de faire ce qu'il nous
commande (1); le second est la privation de
(l) Il est constant qu'il n'y a pas un seul péché
actuel que l'homme ne \f\i<%sé éviter. On demande si
1S63
PEC
PED
1364
la.grâce sanctifiante, de laquelle nnpéché grief
nous dépouille; et alors nous sommes en
état de péché, qui est l'opposé de ïétat de
grâce. De cette espèce est le péché originel,
avec lequel nous naissons, à cause du péché
d'Adam, par lequel lui et sa postérité ont été
privés de la grâce sanctifiante et du droit à
la béatitude éternelle. Yoy. Originel. Parmi
les péchés actuels on distingue les péchés de
commission, qui consistent ii faire ce que la
loi défend, et les péchés d'oujission qui con-
sistent à ne pas faii e ce qu'elle ordonne. Les
péchés de pensée , de parole , d'action ; les
péchés contre Dieu, contre le prochain, con-
tre nous-mêmes; les ^xfc/ii^i- d'ignorance, de
faiblesse, de malice, d'habitude, etc.; tous
ces termes sont faciles à comprendre. Un pé-
ché actuel peut être ou mortel ou véniel; le
premier est celui qui nous prive de la 'grâce
sanctifiante, grâce qui est censée être la vie
de notre âme, et sans laquelle nous sommes
dans un état di^ mort spnituelle ; on dit de
l'homme dans cet état qu'il est ennemi de
Dieu, esclave du démon, sujet h. la damna-
tion éternelle ; ainsi s'exprime l'Ecriture
sainte. Le péché véniel est une faute moins
griève, qui ne détruit pas en nous la grâce
sanctifiante, mais qui l'airaiblit; qui ne mé-
rite point une peine éternelle, mais un châ-
timent temporel. Cette distinction est fondée
sur l'Ecriture sainte, qui met une diff'érence
entre les pécheurs et les justes, et qui dit ce-
pendant qu'aucun bomn.e n'est sans péché;
il faut donc qu'il y ait des péchés qui ne nous
dépouillent point de la justice habituelle ou
de la grâce sauclifiante, et que Dieu par-
doEuie aisément à notre faiblesse, il n'est
pas toujoui-s aisé de juger si un p^c/ie est
mortel ou s'il n'est que véniel ; il faut faire
attention à l'importance du précepte violé,
à la tentation plus ou moins forte, à la fai-
blesse plus ou moins grande de celui qui l'a
commis, au scandale et au préjudice qui peut
en résulter pour le prochain ou pour la so-
ciété, etc. Ordinairement nous sommes in-
capables d'en juger pour nos propres fautes,
à pi us. forte raison pour celles d'autrui. Les
stoïciens prétendaient que tous les péchés
étaient égaux; Cicéron, dans ses Paradoxes,
a démontré l'absurdité de cette opinion.
Quelques protestants ont pensé que tous
les péchés d'un juste sont véniels, que tous
ceux, d'un pécheur , quelque légers qu'ils
soient en eux-mêmes, sont mortels; d'autres
ont dit que, .quoique tous les péchés soient
mortels eo eux-mêmes. Dieu ne les impute
pas aux just«!S , mais qu'il les impute aux
rhoiHine pourrait les éviter tous avec les grâces or-
dinaires. Nous avouis dit au mot Grâce, 1° que l'hom-
me peut, avuc les secours ordinaires de la grâce,
éviter tous les péchés uioriels ; 2° qu'il peut éviter
aussi les pocliés véniels pris séparénicnl ; 3° qu'ii ne
pom, «ans wi seoours spécial de la grâce, éviter
|ieiid!.iit iftule xa vie, tous les pécbrs véniels. Selon
le niDoii 4ii coaieilc de Tieute : < Si quelqu'un dit
qu'un lioninie, une lois jublilié, peui, pendant toute
sa vie, evilcr tou:s les pédiés, iiièiue véuiels, si ce
Il est par un piiviléye spécial..., qu'il soit aualiièine. >
ûess. VI, eau. 23.
pécheurs. €'est sur ce sentiment absurde que
les calvinistes ont fondé leur dogme de l'ina-
missibilité de la justice ; suivant leur opi-
nion, dès qu'un homme est véritablement
justifié, il ne peut plus déchoir de cet état,
les crimes les plus énormes ne peuvent lui
faire perdre entièrement la grâce de l'adop-
tioii ; d'où il s'ensuit qu'un enfant qui a reçu
cette grâce par le baptême ne peut plus en
être privé par aucun des péchés qu'il com-
mettr.a dans la suite. Doctrine impie et abo-
minable , qui a été né<jnmoins adoptée et
confirmée par le synode de Dordrecht, can. 8
et suiv., et professée par toutes les Eglises
calvinistes ; les arminiens, qui soutenaient
le contraire, ont ^'té condamnés. Le savant
Bossuet, Histoire des Variât., liv. xiv, § 5 et
suiv., a liait voir l'absurdité de cette opinion,
de môme que le docteur Arnaud, dans l'ou-
vrage intitulé : Renversement de la morale de
Je'sus- Christ par les erreurs d-es calvinis-
tes, etc. Voy. IsAMissiBLE. La première pro-
position condamnée dans Quesnel est conçue
eu ces termes : Que reste-t-il à une âme qui
a perdu Dieu et sa grâce , sinon U péché et
ses suites,.... une impuissance générale au
travail, à la prire et à' toute bonne ceuvre?
Suivant cette doctiine, l'homme dans l'état du
péché mortel ne peut plus rien faire qui ne
soit un nouveau péché; c'est mal à propos
que l'Ecriture sainte exhorte les ])écheurs à
prier, à faire des aumônes et d'autres bonnes
œuvres , afin d'obtenir de Dieu leur conver-
sion. Jamais doctrine n'a été plus fausse et
n'a mieux mérité d'être prosciile. Au mot
Pénitence nous prouverons qu'il n'est au-
cun péché, si grief qu'il jiuisse être, qui ne
puisse être effacé et remis par le sacrement
de pénitence.
PÉCHEUR. Ce terme se prend dans plu-
sieurs sens; il signifie : 1° celui qui est ca-
pable de pécher; dans ce sens il est dit que
tout homme est pécheur [Ps. cxv, etc.); 2°
celui qui est enclin au péché ; ainsi nous
naissons tous pécheurs, ou portés au péché
par la concupiscence qui nous y entraine ;
3* celui qui est souillé par le péché; c'est
l'aveu du publicain : Seigneur, soyez propice
à moi, pécheur ; k" celui qui est dans l'habi-
tude du péché et qui persévère dans l'im-
pénitence ; David a dit des hommes de cette
espèce : Dieu perdra tous les pécheurs [Ps.
cxLiv, 20, etc.) ; 5° les Juifs appelaient ainsi
les idolâtres : 'Nous sommes nés Juifs, dit
saint Paul, et non pécheurs, gentils [Galat. n,
IS) ; 6° un homme engagé dans un état qui
est une occasion de péché; il est écrit [Luc.
VI, 3i) : Les pécheurs, c'est-à-dire les publi-
cains, jirétent à intérêt à d'autres pécheurs.
PECTORAL. Yoy. Oracle.
PÉDAGOGUE. Le grec ■nKtSayoyl; signifie
un conducteur ou un instituteur d'enfants.
Saint P;^ul [Galat. m, 2ï) dit que la loi de
Moïse a été notre pédagogue en Jésus-Christ,
parce qu'elle a conduit les Juifs à ce divin
Maître; il dit (/. Cor. iv, 25) : Quand vous
auriez dix mille pédagogues en .lésus-Christ,
vous n'avez pas néanmoins plusieurs pères.
En ellot, saint Paul était le iière des Goriu-
iSCS
ML
PEL
1366
thiens; i\ les avait instruits le premier, et ij
continuait de le faire avec une afl'ection pa-
ternelle', il avait pour eux un altacliement
plus désintéressé que les autres docteurs
gui étalent venus enseigner les Corinlliiens
après lui.
PEINE ÉTERNELI.E. Voy. Enfeu.
Peine» purifiantes. Voy. Purgatoire.
♦ Peines cAMomouES. L'Eglise, ayant une véritable
juridiction au for extérieur, doit avoir un pouvoir
coércilif; elle Texerre \r.\v les peines eaiioui(jiies
coiunies sous le nom de Censures. iVoij. ce mot, et
surtout notre Dict. <je Théologie mor., art. Censures
ecdésiasii^jues.)
PÉLAGIANISME, PÉLAGIENS. Pour avoir
une idée juste du pélar/innismc, il faut, 1° en
connaître l'histoire; 2° savoir en quoi consis-
tait la doctrine de Pelage et de ses disciples ;
3° considérer coioment elle a été attaquée et
coiument elle a été défendue.
I. Au couimencemeiit du v* siècle, Pélago,
moine de Bangor, dans le pays de Galles,
voyagea en Italie, et deiueura quelque tcuij)s
h Ùome ; il y lit connaissance avec Rulin le
Syrien, disciple de Théodore de Mopsueste,
et reçut de lui les proniiéres semences de
sou hérésie, qui consistait h nier la propaga-
tion du péché originel dans les enfants d'A-
dam, et ses suites. 11 se lia d'amitié avec Cé-
lostius, autre moine , qui était Ecossais de
nation. L'an W^, avant la prise de Rome par
les Goths, ils allèrent ensemble en Afrique.
Pelage, partant ]iour l'Orient, laissa Célcs-
tius à Carthagc. Celui-ci lit sou oossible pour
s'y faire ordonner prêtre ; mais, en 412, il
fut accusé d'hérésie ]iar Paulin, diacre de
Milan, et condamné dans lui concile tenu par
Aurélius, évêque de Carlhage ; obligé de s'é-
loigner, il se retira à Eplièse. Pelage, de son
côté, fut accusé d'hérésie par-devant quel-
ques évéques assemblés îi Jérusalem, et eu-
suite dans un concile com; osé de quatorze
évoques, tenu h Lydda ou Diosimlis, en P/i-
lestine ; il avait pour accusateurs deux évo-
ques gaulois, Héros d'Arles et Lazare d'Aix.
l'élagCj en désavouant quelques-unes de ses
erreurs, en palliant les autres, se lit aljso'i-
dre, et continua de dogmatiser avec plus de
I ardiessc qu'aupaiavjuit. Les évéques d'A-
friijue, instruits de ces faits, et assemblés îi
IMilcve en VJ6, en écrivirent au pape Inno-
cent i", (jui, l'année suivante, déclara Pelage
et Célestms privés de la comiuuniou de l'E-
{^lise. Pelage écrivit au pape pour sejusti-
lier; il lui envoya une profession de foi qui
existe encore, et dans laquelle il glissait lé-
gèrement sur les erreurs qui lui étaient im-
putées. Céloslius alla à Rome en persiinue,
et présenta au pape Zozime, successeur d'in-
nocent I", une professioti de foi dans laquelle
l'erreur parait un peu plus à découvei-t. Tous
deux linissaient par une protestation de sou-
mission au souverain pontife. Zozime, trom-
né par cette docilit' apparente , écrivit eu
leur faveur aux évèqucs d'Afrique.
En il8, Aurélius lit assembler à Carthage
un concile de deux cent quatorze évèques,
qui renouvelèrent la sentence d'excommu-
nication portée contre Célestius, et déclarè-
rent qu'ils s'en tenaient au décret d'Inno-
cent I". Zozime, mieux informé, fit de même,
et cita Céleslius à comparaître; celui-ci,
au lieu d'obéir, s'enfuit en Orient ; alors
Zozime excouimunia solennellement Pelage
et Célestius, et lit parvenir celte sentence
en Afrique et dans l'Orient; les empereurs
Honorius et Théodose condamnèrent ces
deux hériHiques à l'exil, et leurs disciples k
la confiscation de leurs biens; Pelage et Ci;-
lestius se tinrent cachés dans l'Orient. Dix-
huit évéques d'Italie, ayant refusé de sous-
ciire au décret de Zozime, furent privés de
leurs sièges; l'un d'entre eux était Julien,
évêquo d'Eclaiie, aujourd'hui Avelliiio, dans
la Campanie, qui écrivit iilnsieurs ouvrages
pom* la défense du /)t'^/a|/t«n(s»ie; chassé de
son siège, il fut réduit à se faire maître d'é-
cole en Sicile, oi"! il mourut. On ne sait pas
de quelle manière Pelage ni Célestius ont
lini ; mais leur hérésie, quoique iiroscrite
par l'autorité de l'Eglise et par les lois
des empereurs, ne laissa pas de se ré[)andrc
en Italie et en Angleterre, puisque, l'an V29,
le pape saint Célestin VII y envoya saint
(iermain, évoque d'Auxerre, et saint Louj),
évéque <ie Troyes, pour faire revenir do
ocUte erreur les Bretons qui en étaient infec-
tés. Le pclaijiamsme fut condamné de nou-
veau dans le concile général d'Ephèse, l'an
431. Personne ne l'a coiubattu avec plus de
force et de succès que saint Augustin; dès
l'an ill, lorsque Célestius était à Carthage,
le saint docteur n'eut pas i)lutôt coiniu ses
sentiments, qu'il les attaqua dans ses lettres
et dans ses sermons, et il composa ses pre-
miers traités contre le jjélagianisme, a la
prière du tribun Marcellin. Vers l'an 415,
saint Jérôme écrivit sa quarante-troisième
lettre à Ctésiphon, et ensuite trois dialogues
contre les pîllagiens ; mais hjrsqu'il eut vu
ce que saint Augustin avait fait, et qu'il ap-
prit avec quel zèle ce nouvel athlète combat-
tait jiour la foi calholi(pie, il lui céda volon-
tiers la place. Dès ce moment, saint Augus-
tin se regarda comme personnellement c 'argé
de la cause de 1 Eglise : pendant vingt ans
consécutifs il poursuivit le pélagianisme dans
tous .ses détours; il répondit à tous les livres
de Julien ; il écrivait encore pour les réfuter
lorsqu'il mourut, et il n'eut pas le temps
d'achever son ouvrage. Il fut l'âme île tous
les conciles (jui se tinrent en Afrique contre
cette héi ésie ; il est très-probable que c'est
lui qui en dres^a les décrets et qui les adressa
aux souverains pontifes. Nous verrons ci-
après les suites de celle dispute célèbre. Les
socinieiiis et les arminiens, qui fout revivre
aujourd'hui le piH^tgianisme, disent que les
auleiu-s de cette doctiiue ont été condamnés
sans avoir été entendus ; c'est une calomnie.
Pelage lui-même fut entendu au concile de
Diospolis, et il n'y évita sa condamnation
qu'eu rétractant ou en déguisant ses seuli-
nients. Célestius coiuparut plusieurs fois de-
vant le pape Zozime, et lorsqu'il y fut cité
jiour la dernière fois, il s'enfuit, parce qu'il
vit que, malgré ses déguisements, ses vrais
sentiments étaient découverts. Saint Jérôme
i8«7
PEL
et saint Augustin avaient sous les yeux les
écrits de Pelage, sa Lettre à Démétriade, ses
quatre livres touchant le libre arbitre, sa pro-
fession de foi adressée au pape Innocent ;
et nous avons encore son Commentaire sur
les épUres de saint Paul, dans lequel on re-
connaît aisément ses véritables sentiments.
C'est donc avec pleine connaissance de cause
que les pafies et les conciles d'Afrique ont
censuré cette doctrine. Julien lui-même n'en
a désavoué aucun article dans ses ouvrages.
II. Nous ne pouvons mieux connaître les
erreurs des pélagiens que par les écrits que
saint Augustin a faits pour les réfuter , et
dans lesquels il cite les propres paroles de
ses adversaires. Dans son livre des Hérésies,
qui est l'un des derniers , il réduit le pélu'
gianisme à cinq chefs ; savoir, 1° que la grAce
de Dieu, sans laquelle on ne peut pas obser-
ver ses commandements , n'est point diffé-
rente de la nature et de la loi ; 2° que celle
que Dieu ajoute de surplus est accordée à
nos mérites et pour nous faire agir avec plus
de facilité; 3° que l'homme peut, dans celte
vie, s'élever h un tel degré de perfection ,
qu'il n'a plus besoin de dire à Dieu, pardon-
nez-nous nos ofj'enses ; 4° que l'on ne baptise
point les enfants pour effacer en eux le pé-
ché originel ; 5° qu'Adam serait mort, quand
même il n'aurait pas péché. On voit, par cet
exposé et [lar les autres ouvrages écrits de
part et d'autre , que l'erreur fondamentale
de Pelage , de laquelle toutes les autres ne
sont que des conséquences, était de soute-
nir que le péché d'Adam n'a pas passé à sa
postérité , et qu'il n'a porté préjudice qu'à
lui seul. De là il s'ensuivait que les enfants
naissent exempts de péché , que le baptême
ne leur est pas donné pour effacer en eux
aucune tache , mais pour leur assurer la
grâce de l'adoption ; que, s'ils meurent sans
baptême , ils sont sauvés en vertu de leur
innocence. S. Aug. lib. i , de Pecc. merit. et
remiss., n. 55; Serm. 294, cap. 1, n. 2 ;
Epist. 156 Hilarii ad August. Il s'ensuivait
que la mort et les souffrances auxquelles
nous sommes sujets ne sont point la peine
du jiéché, mais la condition naturelle de
l'homme. Une troisième conséquence était
que la nature humaine est aussi saine et
aussi capable de faire le bien qu'elle l'était
dan; Adam ; qu'il suffit à l'homme de con-
naître ses devoirs par la raison , pour être
capable de les accomplir ; que , quand un
païen fait bon usage de ses forces naturelles.
Dieu l'en récompense en l'amenant à la con-
naissance plus parfaite de la loi divine, des
leçons et des exemples de Jésus-Christ. De
là Pelage concluait que les juifs et les païens
ont le libre arbitre ; mais que dans les chré-
tiens seuls il est aidé par la grâce. S. Aug.,
L. de Grat. Christi, c. 31, n. 33. Par consé-
quent , selon lui , cette grâce était donnée à
1 homme, non pour lui rendre possible la
pratique du bien , mais pour la lui rendre
plus facile, Ihid. , c. 29 , n. 30. Cette grâce
n'était jamais gratuite ni prévenante , mais
toujours prévenue par les mérites naturels
de l'homme, c. 31 , n. 33 ; et l'on voit que
PEl 1568
Pelage n'admettait aucune grâce actuelle in-
térieure. Nous le prouverons ci-après. 11
s'ensuivait qu'il n'est aucun degré de vertu
et de perfection auquel l'homme ne puisse
s'élever par les forces de la nature ; que tous
ceux qui font bon usage de ces forces sont
prédestinés ; qu'un païen peut pratiquer les
mêmes vertus qu'un chrétien, quoique avec
plus de difficulté ; que la loi de Moïse pou-
vait conduire l'homme au salut éternel tout
comme l'Evangile ; enfin , que le salut de
l'homme n'est point une affaire de miséri-
corde, mais de justice rigoureuse ; qu'ainsi,
au jugement de Dieu, tous les pécheurs sans
exception seront condamnés au feu éternel ,
parce qu'il a dépendu d'eux seuls de se sau-
ver. S. Aug., l. de Gestis Pelag., c. 11, n. 23;
c. 35, n. 65. Mais il s'ensuivait aussi , en
dernière analyse , que la rédemption du
monde par Jésus-Christ n'était pas fort né-
cessaire , et que ses effets sont très-bornés.
Suivant Pelage , elle consiste seulement en
ce que Jésus-Christ nous a donné des le-
çons et des exemples de vertu , et nous a
fait de grandes promesses; d'oii il concluait
que tous ceux qui n'ont pas connu ce divin
Sauveur n'ont eu aucune part au bienfait de
la rédemption. S. Aug. , 1. n ; Op. Imperf. ,
n. 146, 188.
Pour réfuter Pelage , saint Augustin atta-
qua non-seulement le principe sur lequel il
se fondait , mais encore toutes les consé-
quences qu'il en tirait. Le saint docteur
prouva par l'Ecriture sainte, par la tradition
constante des Pères de l'Eglise , par les cé-
rémonies du baptême , que nous naissons
tous souillés du péché originel , par consé-
quent dépouillés de la grâce sanctifiante et
de tout droit au bonheur éternel , et que ce
droit ne peut nous être rendu que par le
baptême. Il fit voir que la nature numaine ,
afTaiblie et corrompue par ce péché , a be-
soin d'une grâce actuelle et intérieure pour
commencer et pour finir toute bonne action
méritoire , même pour former de bons dé-
sirs ; que par conséquent cette grâce est pu-
rement gratuite , prévenante , et non préve-
nue ni méritée par les efforts naturels ou
par les bonnes dispositions de l'homme ;
que c'est le fruit des mérites de Jésus-Christ
et non des nôtres ; qu'autrement Jésus-
Christ serait mort en vain. Tels sont les trois
dogmes de foi que l'Eglise a décidés con-
tre les pélagiens , et desquels aucun fidèle
ne peut s'écarter sans tomber dans l'hérésie.
Quand on fit observer à Pelage que , sui-
vant l'Evangile {Joan. m, 5) , « Quiconque
n'est point régénéré par l'eau et par le Saint-
Esprit ne peut pas entrer dans le royaume
de Dieu ; » qu'ainsi les enfants morts sans
baptême ne peuvent pas être sauvés , il ré-
pondit d'abord : Je sais bien où ils ne vont
pas, mais je ne sais pas où ils vont, Quo non
eant scio , quo eant nescio. Ensuite il ensei-
gna qu'à la vérité ces enfants ne peuvent
entrer dans le royaume de Dieu ou dans lo
ciel , mais qu'ils auront la vie éternelle ;
qu'ils ne peuvent pas être damnés avec jus-
tice, puisqu'ils sont sans péchés. S. Aug. ,
1369
PEL
PEL
1370
Serm. 294., c. 1, n. 2; Epist. 156, etc. Saint
Augustin rejette avec raison cette prétendue
vie éternelle différente du royaume de Dieu ;
il soutient que les enfants, dans lesquels le
péché originel n'est pas effacé par le bap-
tême, sont damnés. Cependant il convient
qu'il ne lui est pas possible de concilier cette
uamnation avec l'idée naturelle que nous
avons de la justice divine, que Pelage lui-
mémo ne viendrait pas mieux à bout d'ac-
corder avec cette idée l'aveu qu'il fait que
ces enfants sont exclus du royaume de Dieu.
Serm. 29V, n. 6 et 7 ; Epist. 1C6, ad Hieron.,
c. 6, n. 16. 11 ne nous parait pas plus aisé de
concilier cette damnation avec ce qu'ensei-
gne constamment saint Augustin lui-môme ,
savoir, que Jésus-Christ est le sauveur des
enfants , 1. m , de Peccat. meritis et remiss.,
c. 4, n. 8 ; 1. i, contra JuL, c. 2 , n. 4 ; c. 4,
n. 14 ; 1. III, c. 12, n. 24 et 25 ; 1. ii, Op. im-
perf., n. 170, etc. ; et Pelage n'osait pas en
disconvenir. L. de Pecc. orig., c. 19, n. 20 et
21. Si saint Augustin a seulement entendu
que Jésus-Christ est le sauveur des enfants
baptisés , et non des autres , on no conçoit
pas pourquoi il ne s'est pas mieux expliqué.
Si l'on s'ari-était à la lettre des écrits de
Pelage, on croirait qu'il admettait le secours
de la grAce intérieure accordé à l'homme
pour faire le bien , du moins avec plus do
l'iicililé. « Nous ne faisons pas, disait-il,
consister la grâce seulement dans la loi ,
comme on nous en accuse, mais dans le se-
cours de Dieu. En ell'et. Dieu nous aide par
sa doctrine et par la révélation , lorsqu'il
ouvre les yeux de notre cœur, lorsqu'il nous
montre les biens futurs pour nous détacher
des biens présents , lorsqu'il nous découvre
les embûches du démon , lorsqu'il nous
éciaire par le don ineffable de sa grAco , va-
rié A l'mlini... Dieu opère donc en nous,
comme le dit l'apôtre, le vouloir de ce qui
est bon et saint , lorsqu'il nous enflamme
par les promesses de la gloire et de la ré-
compense éternelle, lorsqu'on nous mon-
trant la vraie sagesse , il excite notre vo-
lonté engourdie à désirer Dieu , lorsqu'il
nous conseille [suadet) tout ce qui est bon. »
S. Aug., /. de Grat. Chrisli, c. 7, n. 8 ; c. 9,
n. 11. Julien disait à son tour : « Dieu nous
témoigne sa bonté en mille manières , par
des commandements, des bénédictions , des
moyens de sanctification , en nous répri-
mant, en nous excitant, en nous éclairant,
atin que nous soyons libres d'exécuter sa vo-
lonté ou de la négliger. » Op. imperf., I. m,
c. 106 et 114; I. v, c. 48 , etc. De là plu-
sieurs théologiens, par dilférents motifs, ont
prétendu que les pélagiens admettaient vé-
.ritablcment des grâces actuelles intérieures;
les uns ont soutenu ce fait pour en prendre
occasion de déclamer contre saint Augus-
tin ; les autres, afin de persuader que la
question entre ce saint docteur et les péla-
giens n'était point la nécessité de la grâce,
mais la liberté d'y résister ; d'autres enfin,
parce qu'ils ont été frappés de l'énergie des
paroles de Pelage , ont cru qu'il admettait
du moins une lumière intérieure accordée à
l'entendement, quoiqu'il ne voulût point re-
connaître de motion imprimée à la volonté
Que faut-il en penser?
En premier lieu, saint Augustin, dans les
divers endroits que nous venons de citer, a
toujours soutenu aux pélagiens que leur
pompeux verbiage no signifiait rien autre
chose que des secours extérieurs , la loi de
Dieu, la doctrine, les leçons, les exemples,
les promesses, les menaces de Jésus-Christ;
que jamais ils n'ont voulu reconnaître l'inef-
ficacité de ces secours , lorsiju'ils no sont
pas accompagnés d'une grâce intérieure,
d'une illumination dans l'enteniloment , et
d'un mouvement dans la volonté. Aujour-
d'hui les sociniens et les arminiens , héri-
tiers du pélagianisme , sont encore dans lo
môme sentiment; ils soulienuont que l'on
no jiout pas [irouver par l'Ecriture sainte la
nécessité de l'une ni de l'autre. Le Clerc l'a
répété au moins dix fois dans ses remar-
ques sur les ouvrages de saint Augustin.
Après tant de disputes entre ce saint doc-
teur et Julien, qui empêchait ce dernier de
s'exprimer plus clairement et d'avouer dis-
tinctement au moins la nécessité d'une illu
mination surnaturelle dans l'entendement de
l'homme, pour l'aider à faire une bonne œu-
vre? En écrivant son dernier ouvra.5e, saint
Augustin proteste encore qu'il n'a vu dans
les livres do cet hérétique aucun vestige de
grâce intérieure.
En second lieu. Pelage a dit positivement
que dans les chrétiens seuls le libre arbitre
est aidé parla grâce, S. August., lib. de Grat.
Christi, c. 31. Gela est vrai ; s'il n'y a point
d'autre grâce que les secours extérieurs dont
nous venons (le parler, les chrétiens seuls en
ont connaissance : mais s'il y a des grâces
intérieures, pourquoi Dieu n'en accorderait-
il pas aux païens privés de la connaissance
des lois divines positives et des leçons de
Jésus-Christ ? Aussi, lorsque Pelage, pour
prouver que l'homme peut faire le bien sans
le secours de la grâce, allégua les vertus et
les bonnes œuvres des païens, saint Augus-
tin répondit, 1° que ces vertus étaient ordi-
nairement infectées par le motif de la vaine
gloire, et ne se rapportaient pas à Dieu ;
2° que ce qu'il y avait de bon dans les actions
des païens ne venait ]ias d'eux, mais de Dieu
et de sa grâce. 11 prouva par l'exemple d'As-
suérus et d'autres infidèles, que Dieu pro-
duit dans le cœur des hommes non-seule-
ment do vraies lumières, mais encore de
bonnes volontés; L. de Grat. Chrisli, c. 24,
n. 25 ; L. iv, contra duas Epist. Petag., c. 6,
n. 13; L. iv, contra JuL, cap. 3, n. 16, iT, 32;
/.. m. Op. imperf., n. 114, 163; Epist. 144,
n. 2, etc. — En troisième lieu, les pélagien»
soutenaient qu'un mouvement intérieur, im-
primé à. la volonté pour la porter au bien
détruirait le libre arbitre. En effet, ils en-
tendaient, par libre arbitre dans l'homme, un
pouvoir égal de se porter au bien ou au mal,
une inditférence ou un équilibre de la vo-
lonté entre l'un et l'autre. L. i, Op. imperf.,
n. 79 et suiv. ; L. m, n. 109, 114, 117 ; L. y,
n. 48, etc.; saint Jérôme, Dial. 1 et 3, contra
mi
PEL
net.
1572
Pclug. Les semi-pélagiens en avaient la
même notion, Epist. S. Prosperi ad Aug. ,
n° k. Ils en concluaient qu'un mouvement in-
térieur de la grâce détruirait cet équilibre.
Saint Augustin soutient avec raison que le
libre arbitre, ainsi entendu, a été pei du par
le péché d'Adam, puisque l'homme naît avec
la concupiscence qui le porte au mal et non
au bien; qu'il a besoin de la grâce pour
contrebalancer cette mauvaise inclination;
qu'ainsi la grâce, loin de détruire le libre
arbitre, le rétablit. —En quatrième lieu, le
saint docteur assure formellement ce que
nous soutenons , L. de Grat. et Lib. arb., c.
13, n. 26. Ils disent (les pélagicns ) « que la
grâce qui est donnée par la foi en Jésus-
Christ, et qui n'est ni la loi ni la nature,
sert seulement à remottre les péchés passés,
et non à éviter les péchés futurs ou à vain-
cre les tentations. » Cela est clair.
On ne peut donc trop blâmer la témérité
des hérétiques, qui osent accuser saint Au-
gustin de prévention et d'injustice, parce
qu'il a reproché nux})élagiens d'être ennemis
de la grâce, et qui souliennent que ces no-
vateurs n'ont pas nié toute espèce de grâce.
Il est certain qu'ils ont rejeté toute espèce
de grâce actuelle intérieure; mais, pour faire
illusion, ils appelaient grâce, 1° la faculté
naturelle que nous avons de faire le bien,
parce que c'est un don de Dieu ; 2° la conser-
vation de cette faculté «n nous, malgré les
mauvaises habitudes que nous contractons;
3° les secours extérieurs dont nous avons
parlé, la connaissance de la loi de Dieu, de
ses promesses et de ses menaces, des maxi-
mes et des exemples de Jésus-Christ; 4° la
rémission des péchés par les sacrements.
Rien de tout cela n'est la grâce actuelle in-
térieure. Il n'y a pas eu moins d'entêtement
de la part de certains théologiens, qui pré-
tendent que deux des principaux points de
la dispute entre saint Augustin et les péla-
giens, étaient de savoir si Dieu accorde ounou
la grâce intérieure à tous les hommes ,
et s'ils peuvent ou ne peuvent pas y résis-
ter. Loin d'admettre que Dieu donne la
grâce intérieure à tous les hommes , les
pélagiens soutenaient que Dieu ne la donne
à personne, parce qu'elle détruirait le libre
arbitre; nous venons de le prouver. 11 n'é-
tait donc pas question de savoir si l'on peut
ou si l'on ne peut pas résister à la grâce ac-
tuelle intérieure, puisqu'ils n'en admettaient
aucune. Saint Augustin a répété plus d'une
fois que consentir ou résister à la vocation
de Dieu est le fait do notre propre volonté,
Lib. de Spir.ei Lit.,£.3k, n. 60, etc. Si par
la vocation de Dieu il n'a pas entendu la
grâce intérieure, il a joué sur la môme équi-
voque que les pélagiens. Ces hérétiques di-
saient : Dieu veut sauver tous les hommes,
et Jésus-Clu'ist est mort pour tous, donc la
grâce est donnée à tous. Le venin -de l'erreur
était encore caché sous ces expressions. 1"
Ils entendaient [larla grâce la connaissance
•le Jésus-Christ, de ses leçons, de ses exeni-
fli's, de ses promesses; rien de plus : nous
avons prouvé. 2° Us prétendaient que celle
grâce est donnée à tous ceux qui la méritent
et qui s'y disposent par leurs désirs, ]iar le
bon usage de leurs facultés naturelles ; d'oiî
il s'ensuivait que cette grâce n'est pas gra-
tuite, que Dieu n'est pas le maître de la don ■
ner aux uns plus qu'aux autres, selon son
bon plaisir; que celte distribution est un
acte de justice. 3° Us entendaient que Jésus-
Christ est mort pour tous les hommes, et
que Dieu veut les sauver tous également et
indilféremment, sans aucune prédilection
jiour les uns plutôt que pour les autres, œ-
qiialiter, indiscrète, indiffer enter. Conséquem-
ment ils rejetaient toute prédestination gra-
tuite. Pelage s'en est expliqué clairement
sur ces paroles de saint Paul, Rom. c. ix,
V. 15 : J'aurai pitié de qui je voudrai, et je
ferai miséricorde à celui dont j'aurai pi-
tié. « Voici , dit Pelage , le vrai sens :
J'aurai pitié de celui que j'ai prévu pouvoir
mériter miséricorde, de manière que j'en ai
eu pitié dès lors. » Les semi-pélagiens pen-
saient de même; ils se fondaient sur ces au-
tres paroles de saint Paul : En Dieu il n'y a
point d'acception de personnes, Rom., c. ii,
V. 11 ; Il n'y a point d'iniquité en Dieu, c. ix,
V. 14; comme si c'était une iniquité de la
part de Dieu de distribuer inégalement ses
bienfaits. Ainsi la manière dont ils enten-
daient que Dieu veut sauver tous les hom-
■ mes, et que Jésus-Christ est mort pour tous,
renfermait deux erreurs grossières. Dieu ne
veut point également et indifféremment . le
salut de tous, puisqu'il donne aux uns des
grâces plus abondantes, plus iannédiates,
plus puissantes qu'aux autres. Ji'^sus-Christ
n'est pas mort également et inditl'éremment
pour tous, puisque tous ne participent i)as
également aux fruits de sa mort, quoique
tous y aient part plus ou moins.
Saint Augustin n'y fut pas trompé; par
l'exemple des enfants dont les uns reçoivent
la grâce du baptême, pendant que les autres
en sont privés , sans y avoir contribué en
rien, il démontra la fausseté du sentiment
des pélagiens. U prouva par la doctrine de
saint Paul, que la vocation à la foi, seule
grâce admise par ces hérétiques, n'a pas été
la récompense du mérite des Juifs, ni de ce-
lui dos gentils, mais un effet do la piédesti-
nalion gratuite do Dieu, et que tel est lésons
de CCS paroles de l'apôtre : J'aurai pitié
de qui je voudrai, etc. Couséquemmont le
saint docteur donna différentes explications
des passages dans lesquels il est dit que Dieu
veut sauver tous les hommes, que le Verbe
divin éclaire tout homme qui vient en ce
monde; que Jésus -Christ est mort pour
tous, etc. Mais il faut se souvenir que le but
de saint Augustin était uniquement de réfu-
ter le sens laux que les pélagiens donnaient
à ces mêmes passages. De là certains rai-
sonneurs ont conclu que le saint docteur
n'a pas cru l'universalité de la rédemption
ni de la distribution des grâces actuelles in-
térieures, faite à tous les hommes. La l'ausr-
soté de cette argumentation saute aux yeux.
1" Saint,' Augustin n'a jamais mis aucune res-
triclion à ces paroles de saint Paul (// Cor.
1575
PEL
PEL
1374
V, l'i-) : « Un seul est mort pour tous , donc
tous sont morts , » {iar lesquelles il juouve
runivpi\-alit6 du péché orijuiel par l'univer-
salité de la rédemption. Jl n'eu a mis au-
cune h ce c[ue dit le môuio apôlie (7 Tim.
IV, 10 ) : « Jésus -Clirist est le Sauveur de
tous les hommes, principalement des lidèles;»
ni h ce que dit saint Jean ( Episl. l, 2) : « Il
est la victime de propitiation imur nos pé-
chés, non-seulement pour les nôtres, mais
pour ceux du monde entier. » Eu effet , ces
passages ne souffrent aucune exception.
Voy. Salit. Sauvelh. 2° Puisque saint Au-
gustin soiiti''nt que Dieu dnuiie des grAces
actuelles intérieures aux |iau'ns, k qui peut-
on supposer que Dieu les refuse? Voij. In-
fidi\li!s. 3° Il n'y a rien de connnun entre la
grâce pélagienne et la grâce aciuclle inlr-
rieure donnée à l'homme pour faire le bien;
la priniièi'e est toujours très-gi-atuite, qu(ji
qu'on aient dit ces hérétiques; la seconde l'est
aussi à l'égard des pécheurs ; mais saint Au-
gustin a l'oconnu cent fois que , dans les
justes, une secomle grâce est souvent la ré-
compense du bon usage d'une première
grâce. Voy. Grâce, § 2.
Lorsque le saint docteur enseigne que la
prédestination est purement gratuite et in-
dépendante des mérites de Ihomme, on voit
de quelle prédestination et de quels mi'rites
il parle ; iJ s'agit uniquement de la j)rédesti-
nation à la grâce ou à la fui, il s'agit de mé-
rites acquis jiar les forces naturelles de
l'homme. Entre saint Augustin et les pela-
giens, il n'a jamais été question de savoir si,
dans la prédestination des saints à la gloire
éternelle. Dieu n'a aucun égard aux mérites,
jiroduits en eux par la grâce actuelle inté-
rieure, puisque les pclagiens nea admet-
taient [loiut de cette espèce. Pelage pai'tait
évidemment du même principe dout les déis-
tes se servent [)Our nier tonte révélation ;
il ne voulait jias que Dieu eOt de la pré-
dilection pour aucune de ses créatures , ni
qu il accordât plus d" bienfaits surnaturels à
un houuue qu'à un autre , à mouis que cet
homme ne les eût mérités. Mais on pouvait
le réfuter par sa |iropre doctrine : il appe-
lait grâce lu pouvoir naturel de faire le bien ;
or ce pouvoir n'est certainement pas égal
dans tous les hommes ; plusieurs sont nés
avec plus d'esprit, avec un meilleur carac-
tère, avec plus d'inclination à la verlu,
avec des passious moins violentes que les
autres. Dieu a donc eu de la i)rédilection
pour eux; c'est une grâce où un bienfait pu-
rement gratuit qu'il a daigné leur accorder;
ils ne l'avaient pas méi-ité avant de naître.
Dieu sans doute l'a ainsi voulu et résolu de
toute éternité ; cette volonté, ce décret, ne
sont-ils pas une prédestination? Pelage ne
s'apercevait pas qu'il déraisonnait ; les semi-
péfagieus qui l'imitèreut ne fui'ent pas plus
sa^es , et les déistes qui les ont copiés sans
le savoir sont réfutés par les mêmes ré-
flexions. Vuy. 1^ÉGAL1TÉ, Paktialité, Révé-
LATiON, U.NIVEKSALISTES, CtC.
Quant à la rigueur avec laquelle Pelage
décidait qu'au jugement de Dieu tous les pé-
cheurs sans exception doivent Cire condam-
nés au l'eu éternel , saint Augustin l'a vive-
ment censurée : « Qu'il sache , dit- il , que
l'Kglise n'adoi)le point celte erreur; quicon-
que ne fait [las miséricorde, sera jugé sans
miséricoide. » L. de Gestis Pelagii, e. '.i, n°9
et 11. Il dit ailleujs : « Celui <pii sait ce que
c'est que la bonté d<' Dieu peut juger quels
sont lesjtéchés qu'il doit punir certainement
eu ce monde et en l'autre, » L. &i, quœst.
q. 27. « Dieu damnerait tous les hommes ,
s'il était juste sans miséricorde , et s'il ne la
faisait pas éclater davantage, en sauvant des
âmes qui en sont indignes, » Enchir. ad
Ldurcnl., c. 27. « Dieu, pour ne pas être in-
juste, ne punit que ceux ([ui l'uni mérité;
mais lorsqu'il fait miséricorde sans qu'on
l'ait mérité , il ne fait pas une injustice , »
L. h, cuntra duas Epist. Pclag., c. G, n* 16.
Saint Jérôme avait rejeté avec la niênje in-
dignation le sentiment de Pelage : « Qui peut
soulliir, dit-il , que vous boiniez la miséri-
corde de Dieu, et que vous dictiez la sen-
tence du juge avant le jugement? Dieu ne
l)ourra-t-il pas, sans votre aveu , pardonner
aux péeheurs , s'il le juge à propos ? Vous
alléguez les menaces de l'Ecriture , ne con-
cevez-vous pas que les menaces de Dieu sont
souvent un effet de sa clémence? » Dial. 1
conlra Pelag., c. 9; Op., t. IV, col. 501.
IJI. Si l'on veut voir la suite et l'enchaîne-
ment de la dispute entre \e&pélagieiis et l'E-
glise catholique, il faut lire les dissertations
du P. Garnier, jésuite, qui sont jointes à
r/'-dition qu'il a donnée des ouvrages de Ma-
rins Wercator, et que Le Clerc a rassemblées
dans son Appendix migustiniaim. Il remonte
à l'or-igine du pélagmnisme , et fait voir que
cette erreur est plus ancienne que Pelage ;
il fait l'éuumération des conciles qui l'ont
proscrite, soit en Afrique, soit dans l'Orient,
en Italie et dans les Gaules. Il rapporte les
lois que les empereurs portèrent pour l'ex-
tirper et les souscriptions que l'on exigeait
de ceux qui voulaient y renoncer. Il fait le
délaU des professions de foi et des livres
('■crits par les pdlagiens , pour la défense de
leurs sentiruents, et des ouvrages comjiosés
jiar les docteu's catholiques pour les réfu-
ter; il ex|)Ose les arguments proposés pour
et contre. Il montre lesprogrèsde cette hérésie
dep ils sa naissance jusqu'à son extinction.
La manière dont Julien travestissait la doc-
triiu; catholique pour en inspirer de l'hor-
reur est curieuse : « On veut , dit-il , nous
forcer de nier que toute créature do Dieu
soit bonne, et d'admettre des substances que
Dieu n'a pas faites On a décidé contre
nous que la nature humaine est mauvaise.
Nos adversaires enseignent que le libre ar-
bitre a été détruit par le péché d'Adam; que
Dieu n'est pas le créateur des enfants ; que
le mariage a été institué par le diable. Sous
le nom de grâce , ils établissent tellement la
fatalité, qu'ils disent que si Dieu n'inspire
pas à l'homme malgré lui le désir du bien ,
même impaifait, l'homme ne peut ni éviter
le mal ni faire le bien. Ils disent que la loi
de l'Ancien Testament n'a pas été douuée
ms
PEL
PEL
157«
pour rendre justesceux qui la pratiqueraient,
mais pour faire commettre de plus grands
péchés ; que le baptême ne renouvelle pas
entièrement les hommes , et n'opère pas la
rémission entière des péchés , mais que
ceux qui l'ont reçu sont en partie enfants de
Dieu et en partie enfants du démon. Ils pré-
tendent que, sous l'Ancien Testament , le
Saint-Esprit n'a point aidé les hommes à
être vertueux, que les apôtres mêmes et les
prophètes n'ont pas été parfaitement saints,
mais seulement moins mauvais que les au-
tres. Ils poussent le blasphème jusqu'à dire
que Jésus-Christ a failli par l'infirmité de la
cliair : c'est ainsi qu'ils pensent avec les ma-
nichéens. » Garnier, cinquième Dissertât.,
p. 232. L'injustice de toutes ces imputations
est palpable, mais tel a été dans tous les siè-
cles l'artifice des hérétiques, de déguiser leur
doctrine et celle de leurs adversaires, afin de
pallier la fausseté de l'une et d'obscurcir la
vérité de l'autre. Vainement saint Augustin
démontra la malignité de Julien, et la lui re-
f)rocha; cet hérétique obstiné persévéra dans
'erreur jusqu'à la mort. Il paraît que Pelage
y fut entraîné moins par le désir d éviter les
excès des manichéens aue par l'envie d'ôter
aux pécheurs et aux cnrétiens lâches tout
prétexte de se dispenser de la perfection
chrétienne : mais en évitant un excès , il
n'aurait pas fallu donner dans un autre.
Pendant la vie même de saint Augustin ,
quelques théologiens crurent aussi trouver
de l'excès dans la doctrine de ce saint doc-
teur; ils cherchèrent un milieu entre ses sen-
timents et ceux des pélagiens, et ils donnè-
rent naissance au Semi-Pélagianismk. Voy.
ce mot. D'autre part, après sa mort, d'autres
prirent dans la plus grande rigueur tout ce
qu'il a dit touchant la prédestination , sans
faire attention à l'état de la question qu'il
traitait, et ils furent nommés prédestinatiens;
nous en parlerons en son lieu. Au xvr siè-
cle, Luther et Calvin ont fait la même chose;
sous prétexte de suivre la doctrine de saint
Paul et de saint Augustin, ils ont admis un
décret absolu de prédestination, en vertu
duquel les élus sont nécessairement con-
duits au bonheur éternel , et les réprouvés
entraînés dans les abîmes de l'enfer ; con-
duite qui serait contraire à la justice et à la
sainteté de Dieu, et qui ferait de l'homme un
pur jouet de la fatalité. Ils n'ont cessé de
reprocher le pélagianisme à l'Eglise catholi-
que et à ses docteurs ; mais leur aveugle-
ment a lait effectivement renaître le pur pé-
lagianisme parmi les arminiens et les soci-
niens , et pendant que les premiers font
profession de canoniser la doctrine de saint
Augustin, les seconds la rejettent hautement,
iiarce que les uns et les autres s'obstinent à
lui prêter des sentiments qu'il n'eut jamais.
La force avec laquelle ce grand homme a
soutenu le dogme catholique lui a mérité à
juste titre le nom du docteur de la grâce ;
mais il ne faut pas croire, comme le voulaient
certains théologiens, que l'Eglise, en confir-
Miant ces dogmes par les décrets des papes
et des conciles, a consacré de même toutes
les preuves dont saint Augustin s'est servi
pour les établir, toutes les explications qu'il
a données des passages de l'Ecriture sainte,
toutes les réponses qu'il oppose aux objec-
tions, toutes les opinions accessoires qu'il
peut avoir suivies dans le cours de la dis-
pute. Nous avons fait voir ailleurs que le
pape Célestin I en a fait la distinction, et que
saint Augustin lui-même a blAmé ceux qui
juraient sur sa parole. Les théologiens , qui
accusent de pélagianisme ceux qui usent de
la liberté que l'Eglise leur laisse , sont des
téméraires ; le saint docteur ne les aurait
pas reconnus pour ses vrais disciples. Voy.
Saint Augustin.
PÈLERINAGE, voyage fait par dévotion à
un lieu consacré par quelque monument de
notre religion. Dès la naissance de l'Eglise,
les fidèles ont été curieux de visiter les lieux
sur lesquels se sont passés les mystères de
notre rédemption, Jérusalem et les autres
lieux de la Judée, afin de se convaincre par
leurs propres yeux de la vérité de l'histoire
évangélique, et ils n'ont pas pu le faire sans
sentir une émotion douce et religieuse. On
en voit des exemples dès le m* siècle. Lors-
que saint Alexandre fut fait évêque de Jéru-
salem avec saint Narcisse, il était venu de
Cappadoce visiter les saints lieux. Eusèbe,
Hist. eccl., 1. VI, c. 10. Par le môme motif,
saint Jérôme et les dames romaines qu'il
avait instruites, ont voulu y passer leur vie.
L'usage de faire la fête des martyrs sur leur
tombeau est de même date; nous en sommes
convaincus par les actes du martyre de saint
Ignace et de saint Polycarpe ; on y accourait
des environs pour célébrer leur mémoire, et
souvent plusieurs évoques s'y rencontraient.
L'empereur Julien avoue qu'avant la mort de
saint Jean, les tombeaux des apôtres saint
Pierre et saint Paul étaient déjà fréquentés;
saint Cyrille, contra Jul., 1. x, pag. 327. Ce
concours augmenta lorsque la liberté fut ac-
cordée à l'Eglise. Saint Paulin atteste l'em-
pressement qu'avaient les habitants de l'Ita-
lie à visiter le tombeau de saint Félix de
Noie, le jour de sa fête. Ce n'est donc pas
une dévotion née dans les siècles d'igno-
rance.
Plus on est instruit, mieux on sent que la
piété a besoin d'être aidée par les sens; la
vue des reliques d'un saint , de son sépul-
cre, de sa prison, de ses chaînes, des instru-
ments de son martyre , fait une toute autre
impression que d'en entendre parler de loin.
Les miracles que Dieu y a souvent opérés
excitaient la curiosité des infidèles mêmes,
et furent plus d'une fois la cause' de leur
conversion. Tels furent les motifs qui por-
tèrent, au iv* siècle, l'impératrice Hélène à
honorer et à rendre célèbres les saints lieux
de Jérusalem et de toute la terre sainte.
Saint Jérôme, Epist. ad Marcell., est témoin
du concours qui s'y faisait de toutes les par-
ties de l'empire romain. Ainsi cette dévotion
s'est introduite naturellement, et sans qu'il
ait été besoin de la suggérer au peuple. Un
motif d'intérêt s'est joint à la piété dans la
suite ; i'aftluence des pèlerins enrichissait
1577
TEL
PEN
1378
les villes; le respect pour les «aints dont les
os y reposaient porta les princes à y accor-
der des droits d'asile et de franchise, comme
fit Constantin en faveur d'Hélénople en Bi-
thynie. Rien de plus célèbre en France que
la franchise de saint Martin de Tours, et on
sait le respect que les Goths , tout barbares
qu'ils étaient, témoignèrent (lour l'Eglise de
Saint-Pierre, lorsqu'ils prirent Rome. Fleury,
Mœurs des chrét., n. 44.
Dans les bas siècles, entre les œuvres pé-
nales , qui tenaient lieu de la pénitence ca-
nonique , une des plus usitées était le pèle-
rinage aux lieux célèbres de dévotion ,
comme à Jérusalem , à Rome , à Tours , à
Compostelle. Une raison politique y con-
courait encore ; pendant toute la durée du
gouvernement féodal , les peuples de l'Eu-
rope ne pouvaient avoir entre eux presque
aucune communication que parle moyen de
la religion : les pèlerinages étaient la seule
manière de voyager en sûreté ; au milieu
môme des hostilités, les pèlerins étaient re-
gardés comme des personnes sacrées. 11 n'est
donc pas étonnant que l'on ait vu voyager
ainsi les évoques et les moines , les princes
et les rois ; le goût du roi Robert pour ces
courses pieuses est connu. Dans le xi' siècle,
le pèlerinage de Jérusalem flit très-commun;
c'est ce qui donna naissance aux croisades.
Aujourd'nui encore dans l'Orient, les pèlerins
seuls de la Mecque ont le privilège de traver-
ser librement l'Arabie, et la plupart des pèle-
rinages des mahométans sont des foires. C'est
pour cela, dit un voyageur sensé , que tous
•es pèlerinages que l'on n'entreprend qu'à un
temps fixe se sont soutenus pendant des
milliers d'années, plutôt parle commerce
nue par dévotion. En France , la première
foire franche a commencé à Saint -Denis.
Nous ne dissimulons pas qu'il s'y mêla des
abus; dès le ix' siècle, un concile de Châ-
ions voulut y remédier. Les pécheurs cou-
pables des plus grands crimes se croyaient
puriliés et absous par un pèlerinage ; les sei-
gneurs en jironaient occasion de faire des
exactions sur leurs sujets, pour fournir aux
frais du voyage , et c'était un prétexte anx
gauvres pour mendier et vivre en vagabonds,
le là les protestants, prévenus contre toutes
les pratiques religieuses do l'Eglise catholi-
que, sont partis pour réprouver les pèlerinor-
ges. C'est une su[)erstition , disent-ils, d'at-
tribuer une prétendue sainteté à un lieu
quelconque; ce i)réjugé a été introduit par
I intérêt des prêtres et par les fraudes pieu-
ses des moines ; c'est un prétexte pour en-
tretenir la fainéantise et le libertinage. Mais
ces censeurs hardis ont oublié que l'Ecriture
sainte à laquelle ils nous renvoient toujours,
attribue la sainteté aux lieux dans lesquels
Dieu a daigné faire éclater sa présence. Dieu
dit à Moïse [Exod. m, 5] : « Ote tes souliers,
la terre où tu es est une terre sainte. » Le
tabernacle et le temple sont appelés le lieu
saint ; Jérusalem et le mont de Sion sont
nommés la ville et la montagne sainte , etc.
II n"a pas été besoin que les prêtres ni les
moines s'en môlassent pour inspirer aux
chrétiens une dévotion qui vient naturelle-
ment à l'esprit de tous les peuples, et qui
a lieu dans les fausses religions aussi bien
que dans la vraie. Il passe pour constant
que le pèlerinage des Arabes à la Meccjue ou
à la Caoaa, qu'ils croient être l'ancienne de-
meure d'Abraham, est de la plus haute anti-
quité.
11 est résulté des abus de cet usage : qui
en doute ? 11 s'en est glissé partout, et
l'esprit destructeur des prolestants ne les a
pas tous bannis ; il fallait les retrancher et
laisser subsister une pratique utile en elle-
même. Parce qu'elle n'est plus nécessaire
aux vues de la politique, il ne s'ensuit pas
qu'elle est devenue criminelle ou dangereuse.
Des protestants modérés, qui sesont trouvés
dans de grandes solennités de l'Eglise ro-
maine, sont convenus qu'ils n'avaient pu
s'empêcher d'en être touchés ; d'autres ont
avoué que les prétendus réformateurs ont
mal connu la nature humaine, et ont péché
contre la prudence, lorsqu'ils ont réduit le
culte à une nudité qui le rend incapable d'ex-
citer la piété. Voy. Culte.
PÉNITENCE, regret d'avoir péché, joint
à la volonté d'expier ses fautes et de s'en
corriger (1). Celte définition est déjà un sujet
(1) Canons de doctrine sur le sacrement de péni-
tence.
Si quelqu'un dil que la pénitence n'est pas vérita-
blement et proprement un sacrement institué par
Noire-Seigneur Jésus-Chrisl pour réconcilier à Dieu
les (idoles, toutes les fois qu'ils tombent en péché de-
puis le baptême, qu'il soit analhéme. Conc. de Trente,
XIV* sess.,c. 1. — Si quelqu'un, confondant les sacre-
ments, dit que c'est le baptême même qui est le sa-
crement de pénitence, commesi ces deux sacrements
n'élaianl pas distingués, et qu'ainsi c'est mal à propos
qu'on appelle la pénitence la seconde table après le
naufrage, qu'il soit analhéme. G. 2. — Si quelqu'un
dil que ces paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ et
Sauveur; Recevez le Saint-Esprit : Les péchés $eront
T,mis à ceux à qui vous tes remetlrez, ri seront retenus
à ceux à qui vous les retiendrez, ne doivent pas être
entendues de la puissance de remettre et de retenir
les péchés dans le sacrement de pénitence, comme
l'Eglise calholii|ue les a toujours enlenihies dés le
commencement ; mais que, contre l'institution de ce
sacTement, il détourne le sens de ces paroles pour les
appliquer au pouvoir de prêcher l'Evangile; qu'il soit
analhéme. C. i. — Si quelqu'un dit que la contri-
tion à laquelle on parvient par la discussion, la revue
et la détestaiion de ses péchés, quand, repassant en
son esprit les années de sa vie dans l'amertume de
son cœur, on vient à peser la griéveté, la multitude
et la difformité de ses péchés, et avec cela le hasard
où l'on a été de perdre le bonheur éternel, et d'en-
courir la damiiaiion éternelle avec résolution de me-
ner une meilleure vie ; qu'une lelle contrition donc
n'est pas une douleur véritable et utile, et ne prépare
point à la grâce, mais qu'elle rend l'homme hypo-
crite et plus grand pécheur; enfin, que c'est une dou-
leur lorcue et non pas libre ni volontaire ; qu'il soit
anathème. C. o. {Voy. Confession pour les canons 6,
7 et 8.) — Si quelqu'un dit que l'absolution sacra-
mentelle du prêlre n'est pas un acte judiciaire, mais
un simple ministère, qui ne va qu'à prononcer et
déclarer à celui qui se confesse que ses péchés lui
seront remis, pourvu seulement qu'il croie qu'il est
absous encore que le prêtre ne l'absolve pas sérieu-
sement, mais par manière de jeu ; ou dit que la con-
fession dtt piiaiieat n'est pat requi&e, aiia qu« U
1370
PEN
PEN
15B0
de disputes entre les catholiques et les
hétérodoxes. Luther a prétendu que la pcni-
tence consiste seulement dans le changement
du cœur et de la conduite, et que le grec
fiSTavota ne signilie rien autre chose ; le re-
gret du passé, dit-il, serait absurde; la con-
trition ou la douleur d'avoir péché, loin do
purifier l'homme, -ne sert qu'à le rendre
hypocrite et plus coupable. Le concile de
Trente a condamné cette erreur, et a décidé
le contraire, Sess. \i\, c. iv, et can. 5 (1).
La prétention de Luther est fausse h tous
égards. Sans insister ici sur l'étymologie du
latin pœnilenlia, il est faux que le grec ne
signitie rien autre chose que résipiscence,
changement d'idées, d'afl'ections, de conduite ;
selon la force du terme, il signifie considé-
ration ou connaissance du passé, et il est
impossible qu'un homme se croie obligé do
changer de vie, sans reconnaitre qu'il a eu
prèlre le puisse absoudre; qu'il soit analhèniie. C. 9.
— Si quelqu'un dit que les prêtres, qui sont en clat
de pétlié mortel, cessent d'avoir la puissance île lier
et de délier, ou ([iie les prêtres ne sont pas les seuls
minisires de l'ahsolution, maisqne c'a été à tous et à
ciiacun des fidèles chrétiens que ces paroles ont été
adressées: Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera
autii lié dans le . iel, el tout (e que rous uurei délié sur
la terre sera au si délié daiu le ciel ; et celles-ci : Les
péchés seront )eiiùs à ceu.t a qui vous les remeHrei, et
seront retenus U ceux à qui vous les retietidrez; de sorte
qu'en vertu du ces paroles, chacun puisse ahsoudre
des péchés; drs publics, par la répréhension seule-
ment, si celui qui est repris y défère; et des secrets,
par la conlossion volontaire, qu'il soit anathéme. C.
10. — Si quelqu'un dit que les évèques n'ont pas
droit de se réserver des cas, si ce n'est quant à la
police extérieuie, et qu'ainsi celte réserve n'empêche
pas qu'un prêtre n'absolve véritablement des cas ré-
serves ; qu il soit analhenie. C. 11. — Si quelqu'un
dit que Dieu remet toujours toute la peine avec la
coulpe, et que la salisi'action des pénitents n'est au-
tre chose que la loi par laquelle ils conçoivent que
Jésus-Christ a salisfait poumons; qu'il soit analhéuie.
C. 12. — Si quelqu'un dit qu'on ne satisfait nulle-
ment à Dieu pour ses péchés quant à la psine tempo-
relle, en vertu des mérites de Jésus-Christ, par les
châtiments que Dieu même envoie et qu'on supporte
patiemment, ou par ceux que le prêtre enjoint, ni
même par ceux qu'on s'impose à soi-même volontai-
rement, connue sont les jeûnes, les prières, les au-
mônes, ni par aucunes autres œuvres de piété, mais
que la véritable et bonne pénitence est seulement la
nouvelle vie; qu'il soit analhèuie. C. 13. — Si quel-
qu'un dit que les satislactions par lesquelles les p'iii-
tents rachètent leurs péchés par Jésus-Christ, ne l'ont
pas partie du culte de Dieu, mais ne sont que des
traditions humaines qui obscurcissent la oloctrine
de la grâce, le vrai culte de Dieu, et même le bienfait
de la mort de Jesus-Christ ; qu'il soit anathéme. C.
14. — Si quelqu'un dit que les clefs n'ont été don-
nées à l'Eglise que pour délier et non pas aussi pour
lier, et que pour cela les prêtres agissent contre la fin
pour laquelle ils ont reçu les clefs et contre l'insti-
tulion de Jésus-Christ, lorsqu'ils imposent des peines
à ceux qui se confessent, et que ce n'est i|u'une fic-
tion de dire qu'après que la peine éternelle a elc re-
mise en vertu des clefs, la peine temporelle reste en-
core le plus souvent à expier ; qu'il soit auatbènie.
C. f.j.
(Ij Nous avons développé longuement dans notre
Dict. de ïhéol. nmr., tout ce qui concerne l'existence,
les efiets, la matière et la forme, le swjel el le minis-
tre du sacrenieal de pénitence.
tort, qu'il est coupable et digne de punition.
Dans le texte hébreu des livres saints, le
mot qui exprime ]a pénitence n'est pas moins
énergique, et il est souvent accompagnd
d'autres termes qui en di'terminent le sens.
Gen., c. VI, v. 6 et 7, Il se repentit et il eut
la douleur dans son cœur ; IFl Reg., c. viir,
V. 47, // retourna à son cœur; Job, c. XLir,
V. G, « J'ai parlé comme un insensé ; je me
conilamuerai donc, et je ferai pénitence sur
la cendre. » Jerem., c. xxxi, v. 18 : «Tous
m'avez châtié, et j'ai été instruit... après
(pje vous m'avez converti, j'ai fait péni-
tence; et quand vous m'avez fait connaître
mon crime, je me suis frappé, j'ai été con-
fus et j'ai rougi. » Un cœur pén-itent est
appelé un cœur contrit, brisé, humilié, etc.
Dans Je Nouveau Testament, nous lisons,
Matth., c. ni, v. 2 et 8 : « Faites pénitence^
le royaume des cieux est proche... faites de-
dignes fruits de pénitence. » Il Cor., c. vfi,
V. 10 : « La tristesse, qui est selon Dieu,
Ojièrelap^/ii'ienceet la santé stable de l'àme.»
11 est donc faux que la tristesse, la douleur,
le regret d'avoir péché, soient un sentiment
insensé ou blâmable ; que la pénitence ainsi
conçue ne soit pas un acte de vertu. H
serait inutile de prouver que le sens de ces
passages de l'Ecriture sainte est co^nfirmé
par la tradition, par le sentimeni constant
des Pères de l'Eglise. Luther n'avait aucun
é^ard à la tradition ; il ne tondait son opinion
que sur des raisonnements frivoles ; nous
ne savons pas si ses sectateurs y ont per
sévéré.
11 est évident que Luther ne soutenait c»
paradoxe cju'alin d'en conclure que \Sl péni-
tence ne peut être ni une vertu ni un sacre-
ment ; la doctrine catholique est au con-
traire cpje la pénitence est non-seulement
une vertu, mais un sacrement qui efface les
péchés commis après le baptême, et qui
donne au pécheur la grâce de changer de
vie ; ainsi l'a décidé le concile de Trente,
ibid. Cette décision renferme quatre choses :
1° que Jésus-Christ a donné à son Eglise le
pouvoir de remettre les péchés commis
après le baplème; 2° que ce pouvoir doit
s'exercer par manière de jugement ; que ce
n'est pas seulement l'autorilé de déclarer
que les péchés sont remis, mais de les re-
mettre en elfet de la part de Dieu ; 3° que
ce jugement exige l'accusation ou la con-
fession du coupable ; k" que la confession
doit être accompïognée d'un regret sincère
et de La volonté de satisfaire k la justice de
Dieu pour le péché. Difl'érentes sectes d'hé-
rétiques ont refusé de reconnaître ces divers
points de doctrine. Au n" siècle, les monta-
nistes nièrent absolument que l'Eglise p(^t
absoudre aucun pénitent ; au nr, les nova-
tiens ne voulurent admettre la rémission
des péchés que dans le baptême ; au vi",
quelques eutychiens soutinrent qu'il fallait
se confesser à Dieu et non aux ]irètrps ; les
albanais tirent de môme au vin' ; dans io
xn', les vaudois prétendirent qu'un laïque,
honinie de bien, avait plutôt le pouvoir dd
remettre les péchés qu'un raauvais prêtre j
13S1
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1382
au XIV", Wiclef enseigna que la confession
est sii[)ertluc ; au xvi% les luthériens décla-
rèrent, dans la confession d'Augsbourg,
qu'ils conserv;iient le sacrement do pcni-
tencc; mais la jilupart en ont retranclié l'a-
sage : Calvin ni ses disciples n'ont jamais
voulu l'admettre.
L'essentiel est donc de prouver que Jésus-
Christ a donné à son Eglise le pouvoir d'ab-
soudre les pécheurs ou de remettre _ les
péchés, les autres points de doctrine s'en-
suivront comme autant de conséiiuences.
Matth., c. XVI, V. lu, Jésus-Christ dit à
saint Pierre : Je voua donnerai les clefs du
royaume des deux, tout ce que vous lierez
ou délierez sur la terre sera lié ou délié dans
le ciel. C. xviti, v. 18, le Sauveur adresse
les mômes parules à tous ses apôtres. Joan.
c. XX, v. 21, il leur dit : Comme mou Père
m'a envoyé, je vous envoie... Recevez le Suint-
Esprit ; tes péchés sont remis à ceux auxquels
vous les remettreZy et ils sont retenus à ceux
auxquels vous les retiendrez. Los protestants,
incommodés par une promesse aussi for-
melle, en ont tourné et retourné le sens à
leur gré. Us disent (fue les apôtres et leurs
successeurs ont exercé en elfet le pouvoir
de remettre les péchés, 1° par le baptême
qui est souvent appelé par les anciens le
sacrement de la rémission des péchés ; 2° par
l'eucharistie qui, en excitant la foi, ellace
les péchés; 3° parla prédication de la parole
de Dieu, que saint Paul appelle la parole de
réconciliation, 11. Cor., c. v, v. 19; i° par
les prières et par l'imposition des mains,
par lesquelles on rétablissait dans la com-
munion de l'Eglise et dans la participation
aux saints mystères, les pécheurs qui
avaient fait la pénitence publique. Toutes
ces explications sont-elles justes?
En premier lieu, uu païen même peut
baptiser validement, par conséquent remet-
tre ainsi les péchés ; les paroles de Ji'sus-
Chrisl, adressées aux seuls ai)ôtres, doivent
donc signitier quelque chose de plus. — En
second lieu, il est iauxque jamais l'Ecriture
sainte ait attribué à l'eucharistie le pouvoir
de remettre les péchés ; ou a toujours cru
au contraire qu'il fallait èlre purilié du pé-
ché pour recevoir ce sacrement avec fruit,
et que, suivant le mot de saint Paul, celui
qui le reçoit indignement mange et boit sa
condamnation. L'on nous cite un concile
d'Orange et uu de Cailhugo, qui ordonnent
d'accorder la communion aux mourants,
mais ils exigent que ces malades aient reçu
la pénitence, ou qu'ils l'aient demandée, "et
qu ils n'en aient pas été privés par leur
faute. Si, après avoir reçu la comiuuiiiou
dans cet état, ils reviennent en santé, ces
conciles veulent qu'on les réconcilie à l'E-
glise par l'imposition des mains, qui était
l'absolution solennelle. — En troisième lieu,
après avoir écouté la parole de Dieu, et
après y avoir cru, il f illait encore recevoir
le baptême ; cette divine parole ne remet
donc pas les péchés. Saint Jérôme et saint
Ambroise disent (jue les [)échés sont remis
par la parole de T):eu ; mais l'absolution sa-
cramentelle, aussi bien que la forme du
baptême, sont la parole de Dieu ; saint Ma-
xime de Turin dit que cette divine parole
est la clef qui ouvre la conscience de
l'homme, et lui fait confesser ses péchés ;
mais il ne dit pas que c'est par là qu'ils lui
sont remis. — En quatrième lieu, nous con-
venons que Vin\ réconciliait les pénitents à
l'Eglise ()ar des prières et par l'imposition
des mains ; mais nous soutenons que ces
prières renfermaient une formule; d'absoliH
tion ; i]ue pour les péehéa même qui n'é-
taient [)oint soumis k li\ péiiitfnce publique,
les lidèles cro.vaient avoir bi^soin d'absolu-
tion, et qu'on la leur donn.nt.
Bien ne peut mieux démontrer le vrai sens
des paroles de l'Ecriture que la croyance et
la pratique de l'Eglise -.or la croyance con-
traire à celle des protestants est prouvée par
la condamnation que l'Eglise a faite des mon-
tanistes, des novatiens el de tous ceux qui
n'ont pas voulu leconnaftre le [louvoir qu'elle
a reçu de Jésus-Glirist de rcmi;!tre les pé-
ch's commis après le baptême, d'imposer
une pénitence aux pécheurs et de les absou-
dre ensuite, avant que de les admettre à la
communion de l'eucliarislie. Ceile croyance
générale et constante est encore attestée par
le sentiment et jiar l'usage des chrétiens
orientaux, dont plusieurs sont s<^[iarés de
l'Eglise romaine depuis plus de douze cents
ans. Ni les Grecs schismatiques, ni les jaco-
bitcs syriens ou cophtes, ni les nestoriens,
ni les arméniens, n'ont jamais pensé sur ce
sujet comme les protestants ; leurs livres té-
moignent le contraire. Perpétuité de la Foi,
toin. V, I. III et IV.
2° Dans ces difl'érentes sociétés chrétien-
nes, aussi bien que dans l'Eglise romaine,
l'absolution se donne par manière de sen-
tence ou do jugement, et par des formules
aiia'ogues à celle dont on se sert parmi nous.
Les [iiolestants en im]wseut lorsqu'ils disent
que cette forme ju>liciatre ou indicative n'a
pas été en usage avant le xii' siècle : il y a
des preuves positives du contraire. Au m",
Tert illien, devenu montaniste, blâmait un
évoque cathoUque pour avoir prononcé dans
l'Eglise ces paroles : « Je remets les péchés
d'adultère et de fornication à ceux qui en ont
fait pénitence. » L. de Pudieitia, c. 1. Voilà
une absolution conçue en, forme judiciaire.
Dans les Constitutions apostoliques, I. u, C.
18, lorsqu'un pénitent dit, comme David :
J'ai péché contre le Seigneur, l'on exhoite les
évêques à répondre, comme le prophète Na-
than : Le Sciyneur cous a remis votre péché.
C'est encore un jugement. Bingham, anglican
très-instruit, convient qne chez les Grecs le
pénitencier dit quelquefois : « Selon le pou-
voir ([ue j'ai reçu de mon évoque, vous serez
pardonné; ou soyez pardonné, |iar le Père,
lo Elis et le Saint-Esprit, amen. » D'autres
fois : « Que Dieu vous pardonne par moi
péchfv.r; » ou simplement : « So, cz i^ar-
doiiné.» Arcadius dit (jue leur forunde ordi-
naire est : « Je vous tiens | our pardonné, »
et que c'est le même sens que s'ils disa'cnt
comme nous : Je vous o6*om,«. Notes du P=
1385
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1384
Ménard sur ïe Sacram. de saint Grégoire, p.
235. Aussi Bingham est forcé de convenir
qae, comme le ministre du baptême dit : Je
vous baptise, celui de la pénitence peut dire
aussi : Je vous absous. Orig. eccl., 1. xix, c 2,
§ 6. Or puisque je vous baptise ne signifie
pas seulement je vous déclare baptisé ou lavé,
par quelle bizarrerie veut-il que je vous ab-
sous signiQe seulement je vous déclare ab-
sous?
Lorsque Jésus-Christ a dit à ses apôtres :
Guérissez les malades, ressuscitez les morts, il
n'a pas prétendu leur dire seulement : Dé-
clarez-les guéris ou ressuscites. Suivant l'ex-
pression de saint Pierre, Epist. 1, c. ni, v. 21,
le baptême nous sauve, cola ne signifie pas
qu'il nous déclare sauvés; suivant celle de
saint Paul, Ephes., c. v, v. 26 : Jésus-Christ a
purifié son Eglise par l'eau du baptême et par
la parole de vie. Dirons-nous qu'il l'a seule-
ment déclarée purifiée ? De même que ce di-
vin Sauveur a dit à ses apôtres : Celui qui
croira et sera baptisé sera sauvé, il leur a dit
aussi : Les péchés seront remis à celui auquel
vous les remettrez. Donc, lorsque le ministre
de la pénitence dit : Je vous absous au nom
du Père, etc., ces paroles opèrent ce qu'elles
signifient comme lorsque celui du baptême
dit : Je vous baptise au nom du Père, etc. En
effet, Jésus-Christ leur avait dit encore,
Matth., c. XIX, V. 28, et Luc, c. xxii, v. 30 :
Vous serez assis sur douze sièges, pour juger
les douze tribus d'Israël. Or, dans le style de
l'Ecriture sainte, la qualité de juge emporte
l'autorité de faire des lois, d'absoudre ou de
condamner, et de punir. Aussi saint Paul,
parlant de l'incestueux de Corinthe (/ Cor.
y, 3), dit : « J'ai déjà jugé ce coupable comme
si j'étais présent. » Sur quoi fondés les pro-
testants reprochent-ils aux pasteurs de l'Eglise
d'avoir usurpé la qualité de juges contre la
défense de Jésus-Christ?
3° Un jugement ne serait pas sa§;e s'il n'é-
tait pas exercé avec pleine connaissance de
cause; puisque Jésus-Christ a donné à ses
apôtres non-seulement le pouvoir de remet-
tre les péchés, mais encore celui de les rete-
nir, il est évident que les péchés doivent leur
être connus; et s'ils sont secrets, le coupable
doit 2es leur révéler par la confession. Au
mot Confession, nous avons fait voir que
cet acte d'humilité est expressément com-
mandé aux pécheurs dans l'Ecriture sainte ;
que cette pratique a été en usage dans l'E-
glise dans tous les siècles, et depuis les apô-
tres jusqu'à nous. Les protestants l'ont atta-
3uée par prévention et par esprit d'indépcn-
ance, on pourrait dire par libertinage ; ils
n'y ont opposé que des sophismes, des allé-
gations fausses et des calomnies. Voy. Con-
fession.
4° La confession des péchés serait une hy-
pocrisie si elle n'était pas accompagnée de la
contrition, c'est-à-dire d'un regret sincère
d'avoir olfensé Dieu, d'une ferme résolution
de ne plus pécher. De quel front le pécheur
oserait-il demander à Dieu le pardon de ses
crimes s'il n'en avait aucun regret , s'il était
résolu de les continuer et d'y persévérer, s'il
ne voulait rien faire pour se punir et pour
réprimer les passions qui ont été la cause de
ses fautes? Aussi, à l'article Contrition,
nous avons prouvé que Dieu l'exige absolu-
ment des pécheurs, et qu'il n'a prorais de
leur pardonner que sous cette condition.
Nous avons examiné quels doivent être la
nature et les motifs de la contrition, pour
obtenir de Dieu le pardon du péché. Au mot
Satisfaction, nous ferons voir que Dieu, en
nous accordant ce pardon et en nous exemp-
tant de la peine éternelle due au péché, ne
nous dispense point de satisfaire à sa justice
par des peines temporelles. Ces trois dispo-
sitions que Dieu exige des pécheurs sont
appelées par les théologiens les actes du péni-
tent. Et nous demandons aux protestants si
ce ne sont pas là des actes de vertu? Il faut
certainement de la force d'âme et du courage
pour s'avouer coupable, pour en avoir du
regret, jiour se punir soi-même et se corri-
ger : ce sont là autant d'actes d'humilité, de
soumission à Dieu, de religion et de justice,
de confiance en la miséricorde de Dieu, etc.
Lorsque l'absolution est accordée à un cou-
pable qui a toutes ces dispositions, nous
prions les protestants de nous dire ce qu'il y
manque* pour être un sacrement, et quelle
dilférence il y a entre ce rite et celui du
baptême? Jésus-Christ est également insti-
tuteur de l'un et de l'autre; nous avons cité
ses paroles à l'égard de l'un et de l'autre, et
nous les avons comparées. Les apôtres ont
administré l'un et l'autre, et ils exigeaient
pour le baptême des dispositions aussi bien
que pour la pénitence. « Faites pénitence, di-
sait saint Pierre, et que chacun de vous re
çoive le baptême pour la rémission des pé-
chés {Act. II, 38). » Simon le Magicien avait
été baptisé; lorsqu'il voulut acheter des apô-
tres le pouvoir de donner le Saint-Esprit,
l'apôtre lui répondit : « Fais pénitence do ta
méchanceté, et prie Dieu de te pardonner
cette pensée de ton cœur, » c. viii, v. 22.
Puisque le baptême ne rend pas l'homme
impeccable, il n'est pas moins besoin d'un
sacrement qui efface les péchés des fidèles
baptisés que do celui qui leur a remis le pé-
ché originel et les péchés volontaires com-
mis dans l'état d'infidélité ; et puisque la foi
n'a pas la vertu de prévenir le péché , elle a
encore moins la vertu de l'effacer.
Le sentiment commun des théologiens est
que les actes du pénitent sont la matière du
sacrement de pénitence, et que l'absolution
du prêtre en est la forme. Quelques-uns
tiennent que la matière est l'imposition des
mains ; mais ils n'ont embrassé cette opinion
que par une raison d'analogie qui n'est rien
moins qu'une démonstration. Il suffit de sa-
voir que , sans les trois actes du pénitent et
l'absolution réunis ensemble, le sacrement
est nul et n'opère point la rémission des pé-
chés. A la vérité. Dieu en a prorais le par-
don à la contrition parfaite ; mais depuis
l'institution du sacrement de baptême et de
celui de la pénitence , la contrition ne peut
pas être censée |)arfaite ni sincère, à moins
qu'elle ne renferme la volonté de recevoir
1S8S PEN
l'un ou l'autre de ces sacrements, suivant le
besoin et conformément à l'institution do
Jt^sus-Christ. Il est encore décidé par le con-
cile de Trente, sess. 14, de Pœnit., can. 10,
que les évèques et les pnHres sont les mi-
nistres du sacrement de pt'niCcncc , qu'eux
seuls ont le pouvoir d'absoudre les pécheurs.
Mais outre la puissance de l'ordre, que les
prôtrcs reçoivent par l'ordination, ils ont en-
core besoin d'un pouvoir de juriiiiclion. Cette
juridiction est censée ordinaire lorsqu'elle
est attachée à un titre, iiar exemple, .\ celui
de curé; elle est seulement déléguée lors-
qu'elle vient de la sim[)le approbation do
l'évoque. Sans l'une ou l'autre, un prêtre no
peut absoudre, ni légitimement ni valide-
ment, excepté dans le cas de nécessité. Voy.
Approbation.
PÉMTENCE se dit aussi des bonnes oeuvres
et des peines que le confesseur impose au
pénitent pour la satisfaction des péchés dont
il l'absout. Voy. Satisfaction. Une question
importante est de sivoir s"il y a des péchés
tellement griefs, qu'ils ne peuvent être remis
par le sacrement de pénitence. Deux sectes
d'hérétiques ont soutenu autrefois ce para-
doxe : les montani-tes et les novatiens. Voy.
ces deux mots. L'Eglise a décidé le contraire
par ses décrets et par sa pratique : elle s'est
fondée sur des passages formels de l'Ecriture
sainte.
Dieu dit aux Juifs par Isaïe, c. i, v. 16 :
Purifiez-voux, cessez de faire le mal, et venez ;
quand vospcche's seraient rouges comme Vérar-
late, ils deviendront blancs comme la neige...
C. LV, v. 6 : Que Hmpie change de conduite et
qu'il revienne au Seigneur; le Seigneur aura
pitié de lui, parce qu'il pardonne à l'infini. Et
par Ezéchi..!, c. xviii, v. 21 : Si l'impie fait
pénitence, il vivra et ne mourra point ; je ne
me souviendrai point de ses iniquités. Ma vo-
lonté est-elle donc la mort du pécheur, et non
sa conversion et sa vie? Or, on sa.t ijue les Juifs
étaient coupables de crimes énormes, d'i io-
làtrie, de blas|ihèmc, d'injustice, d'oppres-
sion des pauvres, etc.; les prophètes hs leur
ont reprochés : c'est pour cela qu'ils les
nomment non-seulement des pécheurs, mais
des impies. Cependant Dieu leur i)romet le
pardon s'ils se convertissent. Oserait-on sou-
tenir que Dieu est moins miséricordieux en-
vers les chrétiens qu'envers les Juifs? Aussi
Jésus-Christ n'a pas seulement donné à ses
apôtres le pouvoir de remettre les fautes lé-
gères, mais de remettre tous les péchés sans
exception : Quœcunque solveritis, etc. Saint
Pierre, Epist.IJ, c. m, v. 9, dit ([uoDieu use
de patience, parce qu'il ne veut pas que j>er-
sonne périsse, mais que tous recourent à la
pénitence; il n'en exclut aucun pécheur. Jésus-
Christ ne menace de la perte éternelle que
ceux qui refusent de faire pénitence (Luc.
xiii, 3). Lorsque les pharisiens se scandali-
ièreul de ce qu'il faisait accueil à tous les
pécheurs et pardonnait à tous , il confondit
ces téméraires censeurs jiar les paraboles do
l'enfant prodigue , de la brebis et de la
drachme perdues, çlc. Il demanda grâce à
son Père , môme pour ceux qui l'avaient
DiCTIOMN. DE TbÉOL. DOGUATIQUK. III.
PEU 13fi6
crucifié. Y eut-il jamais au monde un forfait
plus énorme ? Aussi saint Pierre leur promit
le f)ardon s'ils voulaient croire en Jésus-
Christ et faire pénitence (Act. m, 19).
Il n'est donc pas étonnant que l'Eglise ait
dit anathème aux montanistcs et aux nova-
tiens lorsqu'ils ont voulu mettie des bornes
h la nnséricorde de Dieu et blâmer l'indul-
gence des pasteurs envers les pécheurs péni-
tents. Ils prétendaient que l'on devait refuser
la grflce de la réconciliation à ceux qui
avaient apostasie pendant les persécutions,
à ceux qui avaient conuiiis de grands cri-
mes après leur baptême, à ceux qui avaient
abusé déjà de la pénitence en retombant dans
le di'sordre. Personnes ne leur résista d'abord
avec plus de force que Tertullien : heureux
s'il ertt toujours persévéré dans les mômes
sentiments 1 « Dieu, dit-il, qui dans sa jus-
tice a destiné un ch.itiment à tous les péchés
de la chair, de l'esprit ou de la volonté, leur
a aussi promis le pardon par la pénitence....
Il ne faut pas désespérer une âme. Si ipiel-
qu'un doit faire une seconde pénitence, qu'il
craigne de pécher do nouveau, et non de se
re|ientir...Que personne n(^ rougisse de gué-
rir de nouveau en réitérant le même remède.
Le moyen de témoigner notre reconnais-
sance à Dieu est de ne [las dédaigner ce qu'il
nous ofl're. Vous avez péché, mais vous sa-
ve^ à qui vous devez satisfaire pour vous ré-
concilier avec lui. Si vous en doutez, voyez
ce que son Esprit dit aux Eglises. Il leur re-
nroche des désordres , mais il les exhorte à
la pénitence; il menace, mais il ne menace-
rait pas les impénitents s'il ne voulait pas
jjardouuer au repentir, etc. » Terlullien cite
à l'apiiui de ces paroles les paraboles de
l'Evangile que nous avons alléguées ci-des-
sus, de Pœnit., c. iv, vu, viii, etc.
Saint Cyprien, quoique rigide observateur
de la discipline, lit décider dans un concile
de Caitiiage auquel il présidait, que l'on re-
cevrait h pénitence ceux qui ét.ii;>nt tombés
dans la |iersécution ; et le concile de Nicée ,
tenu au iv' siècle, coml.imna unanimement la
rigueur imprudente des novatiens. Déjà elle
avait été proscrite par le cinquante-unième
canon des ai)ôtr(^s : « Si un évoque ou un
prêtre ne veut pas recevoir celui qui revient
après avoir péché, et s'il le rebute, qu'il soit
déposé; il centriste Jésus -Cluist qui a dit
Sue la conversion d'un pécheur cause plus
e joie dans le ciel que la i)er.~évérance de
quatre-vingt-dix-neuf justes. » C'est la doc-
trine et la pratique qu'ont suivies les Pères
et les conciles des siècles suivants. Nous con-
venons qu'il y a eu quelques Eglises dans
lesijuellcs on a poussé la rigueur jusqu'à re-
fuser la pénitence, même àl'artiile de la
mort, aux pécheurs connus pour coupables
de grands crimes, comme d'apostasie et d'i-
dolâtrie, de meurtre, d'adultère; mais cette
sévérité ne fut jamais imitée ni approuvée
par l'Eglise universelle. On a senti de même
la nécessité d'admettre une seconde fois à la
pénitence les relaps , ou ceu# qui étaient re-
tombés dans le crime après eu avoir déjà
reçu le pardon , et l'on y était autorisé par
4387
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im
l'Evangile. En effet, J.^sus-Christ avait dit :
Soyez miséricordieux comme votre Père cé-
leste ; pardonnez , et vous serez pardonnes.
Lorsque saint Pierre lui demanda comljion
de fois il faut panionner, il répondit : Je ne
vous dis point jusqu'à sept fois, inais jusqu'à
septante fois sept fois. 11 dit ailleurs, jusqu'à
sept fois par jour {Luc. vi, 36; xvii, i; Matth.
xvHi, 21). C'est dire assez claireuieni que la
misf^ricorde de Dieu qu'il nous propose pour
modèle ne refusa jamais le pa.don.
Les montauistes et les ii vatiens , comme
tous les hérétiques, citaient en leur faveur
des passages de l'Ecriture. Il est dit {I Reg.n,
25) : « Si quelqu'un pèche contre le Sei-
gneur, qui priera jiour lui? » Matth., c. xii,
V. 31, Jésus-Christ nous assure que le blas-
phème contre le Saint-Esprit ne sera remis
ni en ce monde ni en l'autre; saint Paul,
Hebr-, c. VI, V. h, dit qu'il est impossible que
Ci ux ([ui ont été une fois éclairés, qui ont
reçu le Saint-Esprit et sont retombés, s ient
renouvelés par la pénitence. Il ajoute, c. x,
V. 16, que quand nous péchons volontaire-
ment, api es avoir reçu la connaissmce de la
vérité, il ne nous reste plus de victime pour le
péché, mais une attente terrible du jugement
di' Dieu. Saint Jean, Epist. 1, c. v, v. 16,
tiarle d'un péché qui est à la mort, et pour
equi il n'invite personne à prier. Voilà
des arrêts terribles prononcés contre les pé-
cheuis.
Ils sont terribles, sans doute, mais ils n'ont
pas le sens que les montanistes et les nova-
tiens y donnaient. Dans le passaj^e cité du
livre des Rois, le vieillard Héli ré[)rimandait
ses enfants qui étaient prêtres et dont la
conduite était très-scandaleuse; il leur re-
présente q le quand un prêtre donne l'exem-
ple de l'impiété, peu de personnes sont ten-
tées de prier pour lui, parce qu'on le re-
garde comme un réiirouvé incorrigible; mais
cela ne prouve pas ^lU'd ne puisse [las faire
pénitence. Le blasphèihe contre le Saint-Es-
prii, duquel parle le Sauveur, e^t l'opinuitreté
avec laque le les Juils attribuaient ses mira-
cles à risjirt unp'.r; il leur <iéclare que leur
perte éternelle est assurée, s'ils persévèrent
dans ctttf disposition juscju'à la mort. Nous
sonmiis f ,rcés de mettre celle restriction à
la menace de Jésus-îilirist, puisqu'il pria
pour eux sur la ciox, et que plus eu: s se
convertirent. Il en est de même des apostats
du christianisme que saint Paul désigne j^ar
ces mots qui sont retombés ; il est impossible,
c'est-à-dire très-diflicile qii'ils se renouvel-
lent par une pénitence sincère, et l'on en a
vu rarement des ex. mples. Sui^. ant l'apûtre,
ces i^ens-là crucifient Jésus-Ctirist de nou-
veau, autant qu'd est en eux, tt en le reniant
ils semblent témoigner que l'on a bien fait
de le crucitier. Dans le second passade de
saint Paul, il est encore question «les juifs
apostats, qui renoncent au christiamsine
pour relourner au judaïsme; il les avertit
qu il ne leur r^te d ns Ja loi juive auci;ne
Victime ca^iable d'exjiier leur forfait , mais
ils pouvaient encoriî revenir au christianis-
me, quoique les exemples de ce retour axent
été fort rares. Le péché à la mort, duquel
parle saint Jean, est celui avec lequel un
homme meurt s.ms avoir fait pénitence, et
il est vrai que les prières faites po .r un pé-
cheur mort impénitent seraient fort inutiles.
C'est ainsi que les Pères de l'Eglise ont en-
tendu les passages de l'Ecriture sainte des-
quels les hérétiques abusaient, et c'est ce
qui a démontré, dès les premiers siècles, la
nécessité de cons dte ■ la tradition et l'ensei-
gnement de rE.;lise, pour prendre le vrai
sens lie l'Ecriture sainti;. Coamieid prouver
autrement aux novatiens qu'ii fallait expli-
quer les textes qu'ils alléguaient par ceux
que nous avons cités en preuve, et que ceux
qui expriment la miséricorde de Dieu doi-
vent prévaloir à ceux qui peignent sa just ce?
Les clameurs et les plaintes d ■ ces sectaires
donnèrent cependant lieu d'augmenter la
sévérité (je la pénitence publique, de laquelle
nous allons parler.
PÉNITENCE PUBLIQUE. Dans Ic II' siègle de
l'Eglise et les suivants, les évêques jugèrent
que, pour l'édification des fidèles et pour
maintenir parmi eux la sainteté des mœurs,
il était à propos d'exiger que ceux qui avaient
commis de grands crimes après leur baptême
fussent [irivés de la participation aux saints
mystères, retenus dans l'état d'excommuni-
cation, et fissent publiquement pénitence.
Voici en quoi elle consis ait. Ceux a qui elle
était prescrite s'adressaient au pénitencier
qui prenait leurs noms par écrit; le jiremier
jour du carême ils se prés ntaient à la porte
de l'église en habits de deuil, tels que les
portaient les pauvres; entres dans l'église,
ils recevaient, des mains de l'évêque, des
cendres sur la tète et des ciliccs pour se
couvrir : ensuite on les méfiait hors de l'é-
glise, et l'on fermait les portes sur eux. Chez
eux ils passaient le temps de leur pénitence
dans la solituiie, le jeûne et la prière; les
jours de fêtes ils se présentaient à la porte
de l'église, mais sans y entrer; quelque teiups
après on les y admettait pour eetendre les
lectures et les sermons, mais ils étaient obli-
gés d'en sortir avant les prières; au bout
d'un certain temps, ils étaient admis à prier
avec les fidèles, mais prosternés; enfin on leur
permettait de prier debout jusqu'à l'offer-
toire, et alors ils soi talent. Ainsi il y avait
quatre degrés dans la pénitence publique, ou
quatre ordres de pénitents. Celui qui avait
commis un homicide , par exemiile, était
quatre ans au rang des pleurants ; aux heures
de la ; rière, il se trouvait à la porte de l'église
reyètu d'un cilii e, avec de la cendre sur la
têfe, sans être rasé; il se recommandait aux
prières des fidèles qui entraient dans l'église.
Les cinq années suivantes il était au rang des
auditeurs, et il entrait dans l'église pour y
entend. e les instructions; après ce temps, il
était au nombre des prosternés pendant sept
ans ; enfin il passait au rang que l'on appelait
des connisants, connitvntesou stantcs; il priait
debout jusqu'à ce que les vingt ans de péni
tencc étant accomplis, il recevait l'absolution
par l'imposition des mains, et U était admis
à la participation de l'eticharistie. Le temps
m<i
f>EN
<1p cette pénitence ('■tait plus ou moins long,
suivant les divers usa ;es dos églises ; et il y
a eniore une i^irando iliversité eiitre les ca-
nons j)énitciitiaux qui nous restent; les plus
anciens sait ordinaireriient les ;.his sévères.
Saint U.i'ili; inar(jue deux ans pour le larcin,
se|it pour la f iruication, onze pour le parjure,
quinze pour l' Jilultère, vin:;t pour l'honii-
cide. et la vie entière pour l'apostasie. Ce
temps était souvent nbrgé par les évèqm'S,
en considération de la ferveur des pe'n(7r«/,s;
on l'abrégeait encore h la recorumandaiion
des martyrs ou des confesseurs, et cette gr.îce
se nonuiiait Imx ioexciî. Voy. ce mot. Si un
fidèle mourait pen 'anl le cours de sa péni-
tence, et avant de l'avriir accoui: lie, ou pré-
sumait son saliu, et l'on olfrait [)our lui le
saint saciilice. Plusieurs f.dsaicnt la pénitence
publique sans que l'on siK pour quels pé--
chés; d'à très la i'd.saient en secret, même
pour de grands crimi's, lorsque la pénitence
publique aurait causé du scandale ou les au-
rait exposés Jt quelque danger Enfin, l'on a
vu quelquef is des personnes très-vertueuses
et du plus haut rang, jtrendre par humilité
rhai)it des pénitents, et en remplir to ites
les pratiques avec la plus gr.uide édification.
Lorviiue les pén tents étaienladmis à la
réconcilialion, ils se présentaient à la porte
de l'église, Icvéqiie les y faisait entrer et
leur donnait l'absolution so'enni'lle. Alors ils
quittaient le.irs habits de pénitence, et le-
coramençaient à vivre conmie l s autres fi-
dèles. Cette rigueur, dit sa nt Augustin, était
sagement établie; si Ihomme récupérait
proniptemi.'nt les privilèges de l'état de .r<1ce,
il se ferait un jeu de tomber dans le péché.
Dans les deux jjremiers siècbs de l'Eglise,
le temps de cett pénitence ni la m.nère
n'éiaient pas réglés; l'on comprend assez
qu'elle n'était guère praticable lorsque les
clirétiens n'avaient pas l'exercice libre de
leur religion; mais au troisirme l'on lit des
règlements h ce sujet. Ce fut eu partie pour
feriuer la liouciie aux luoiiianistes et aux
novatiens, qui reprochaient à l'Eglise citho-
lique de recevo r trop aisément les péoheurs
à la réconciliation. Dans quel^ques églises la
rigueur de celle pénitence ■■ tait si grande,
qui- pour 1 s crimes d'idolitric, d'homicide
et d'adultère, ou laissait les pécheurs en
pénitence [lendaht le reste de ieur vie, et
qu'on ne leur accordait pas l'absolution,
même à la mo:t. A l'égard d s deux d 'rniers
criiU' s, on se rel.cha dans la suie; mais
pour les apostats cette sévérité a duré ]ilus
longtemps. Cela fut ainsi résolu à Kome et
àCarthage du temps de .'^aint Cyprien, et l'on
n'accontait l'absolution, à la mort, qu'à ceux
qui l'avaient demain lée eu santé ; si par ha-
sard ils revenaient de leur maladie, ils étaient
obi gés d'accom.'lirla pénitence. Jusqu'au vi'
siècle, quand h's péciieurs, .ppiès avoir fait
pénitence, retombaient dans le crime, on uo
les recevait plus au bienfait de l'absoiu-
tion, ils di meuraient séparés de la commu-
nion de r^îglise, oa laissait leur salut en-
tre les ma.ns de Dieu, ' non qu ■ l'on en
désespérât, dit saint .\Ujjustin, mais aiin
do maintenir la rigueur do la discioline.
Ce ne fut i]u'au iv' siècle que bs diyers
degrés de ]n pénitence furent ei)tièrement ré-
glés, et ces règles furent nonmiées Canons
pénitentiaux ; ils ne furent observés rigou-
reusement que dans l'Eglise grecque ; ce
n'était pas une institution îles jijiôtres. Pen-
dant les quatre premiers siècles, les clercs
étaient soumis, comme les autres, à la pé-
nitence : dans les suivants, on les défiosait
de leur or^ire et on les réduisait au rang des
laïques, lorsqu'ils avaient commis un crime
pour leipiel ces derniers étaient rais en pé-
nitence. Vers la fin du v", on introduisit une
pénitence mitoyenne entre la publique et Ijj
secrète ; elle se faisait en présence de quel-
ques personnes pieuses, pour des crimes
commis dans les mon.istères ou ailleurs.
Enfin, vers le vn% la pénitence publique, pour
les péch.''s occultes, ces-a tout à fait. Théo-
dore, archevêque de Cantorbéry, est regardé
comme le premier auteur de la pénitence
secrète en Occident. Sur la fin du vm', on
introduisit la commutation de la pénitence
en d'autres bonnes œuvres, comme aumô-
nes, prières, pèlerinages. Dans le xn% on
s'avisa de racheter le temps de la pénitence
canonique pour une somme d'argent qui
était employée au bâtiment d'une église ou
h un ouvra e d'utilité publique ; cette jira-
tiqiie fut d'abord apj)elée relâchement et en-
suite indulgence. Dans le xni" siècle, la pra-
tiq le de la pénitence publique étant absolu-
ment perdue, les pasteurs furent contraints
à exhorter les fidèles l'i une pénitence secrète
pour les p. chés secrets et ordinaires ; quant
aux péchés énormes et publics, on imposait
encore des pénitence.s rigoureuses. Le relâ-
chement augmenla dans le xiv° et le xv' ;
on n'ordonnait jtlus que des pénitences lé-
gèes pour des oéchés griefs ; le concile de
Trente a travaillé h réformer cet abus ; il
enjoint aux confesseurs de proportionner la
rigue ir des pénitences à l'énormiié des cas,
et il veut que la pénitence publique soit ré-
tablie à l'égard des j)échés publics. Observ,
de Laubespine; Morin , de Pœnit ; Ficury,
Mœurs des chrétiens, n. 25 ; Drouin, de re
Sacrament., etc.
PÉNITENCERIE, PÉNITENCIER. Ces deux
articles ont moins de rapport au dogme qu'à
la discipline de l'Eglise; comme il y a des
cas réservés au souvera.n pontife, et d'au-
tres qui sont réservés aux évèques, le pape
a étaljli un grand-pénitencier qui est onfi-
naireraent un caidinal, auquel il faut s's-
dri'sser pour obtenir le pouvoir d'aosoudre
des cas et des censures réservés au saint-
siége, et la dispense des empêchements qà
ont pu ren ire un mariage nul. De même les
évèques ont établi dans le:jr cathédrale un
pénitencier, auquel ils Ont donné 1- pouvoir
d'absoudre des cas qui leur sont réservés.
Nous d.wons obs Tver en passant, qu- l':'S
prétendues taxes dr? la pénitencerie romaine,
publiées parles protestants pour faire croire
aux ignorants que tous les crimes sont remis
à Koine pour de l'argent, sont une calomnie
grossière ou un ai)us retranché depuis long-
mt
PEN
PEN
1593
temps ; que tous les brefs de la pénîtencerie
sont absolument gratuits et portent ces
mots : pro Deo. Au mot Pénitence , nous
avons observé que, pendant le xii' siècle,
l'abus s'introduisit de racheter à prix d'ar-
gent ou par une aumône les pénitences im-
posées pour l'expiation des crimes, et nous
ne doutons pas que dans ce temps-là l'on
n'ait dressé des taxes pour ce rachat ; mais
racheter des pénitences et acheter l'absolution
sont deux choses fort différentes ; il y a dé-
jà de la malice à les confondre. D'ailleurs,
l'an 1215, le concile de Latran avait déjà
proscrit tout espèce de trafic en fait d'indul-
gences ou de rachat de pénitences, et 1«^ con-
cile de Trente en a renouvelé les décrets,
sess. 21, de Reform., c. ix, et sess. 25, con-
tin. A quoi sert-il de reprocher à l'Église
romaine des abus qu'elle a retranchés?
PÉNITENTS, nom de quelques dévots
réunis en confrérie, qui font profession de
pratiquer la i)énitence publique, en allant en
procession dans les rues , couverts d'une
espèce de sac, et se donnant la discipline.
Cette coutume fut établie à Péronne en
1620, par les prédications patliétiqucs d'un
ermite qui excitait les peuples h la jjéni-
tence. Elle se répandit ailleurs, surtout en
Hongrie, oCi elle dégénéra en abus, et pro-
duisit la secte des flagellants. Voi/. ce mot.
En retranchant les superstitions qui s'étaient
mêlées à cet usage, on a permis d'établir des
confréries de pénitents en divers lieux d'Ita-
lie et ailleurs. On y voit des pénitents blancs,
aussi bien qu'à Lyon et à Avignon; tians
quelques villes du Languedoc et du Dauphi-
né, il y a des pénitents bleus; dans d'autres
provinces, des pénitents noirs. Ceux-ci assis-
tent les criminels à la mort, leur donnent la
sépulture et font d'autres bonnes œuvres.
Le roi Henri III, ayant vu la procession des
pénitents blancs d'Avignon, voulut être agrégé
a cette confrérie, et il en établit une sembla-
ble à Paiis dans l'église des Augustins, sous
le titre de l'Annonciation de Notre-Dame.
Ce prince assistait aux processions de cette
confrérie sans gardes, velu d'un long habit
de toile blanch', en forme de sac, avec deux
trous à l'endroit des yeux, deux longues
manches, et un capuchon fort pointu. A cet
habit était attachée une discipUne de lin et
une croix de satin blanc sur un fond de
velours tanné. 11 fut imité par la plupart des
princes et des grands de sa cour. On peut
voir, dans les Mémoires de l'Etoile, l'elTet que
produisirent ces dévotions.
PÉNITENTS est aussi le nom de plusieurs
congrégations ou conununautés de personnes
de l'un ou de l'autre sexe, qui, a|>rès avoir
vécu dans le libertinage, se sont retirées dans
ces asiles, pour y expier par la pénitence les
désordres dejeur vie passée. On a aussi donné
ce nom aux personnes qui se dévouent à la
conversion des lilles et des femmes débau-
chées. Tel est l'ordre de la pénitence do
Sainte-Madeleine, établi vers l'an 1272, par
un bourgeois de Marseille nommé Bernard,
qui travailla par zèle à la conversion des
courtisanes de cette ville. Il fut secondé dans
cette bonne œuvre par plusieurs autres per-
sonnes, et leur société fut érigée en ordre
religieux par le pape Nicolas III, sous la rè-
gle de saint Augustin. Ils formèrent aussi un
ordre religieux de femmes converties, aux-
quelles ils donnèrent la même règle. La con-
grégation des pénitentes de la Madeleine, à
Paris, doit son origine aux prédications du
Père Jean Tisserand, cordelier, qui, ayant
convei ti par ses sermons plusieurs femmes
publiques, établit cet institut pour retirer
celles qui voudraient mener à l'avenir une
vie exemplaire. Vers l'an 1294, Charles VIII
leur donna l'hôtel de Bohaines, et, en 1500,
Louis, duc d'Orléans, qui régna sous le nom
de Louis XII, leur donna le sien, où elles
demeurèrent jusqu'en 1572; et alors la reine
Catherine de Médicis les plaça ailleurs. Dès
l'an 14-97, Simon, évoque de Paris, leur avait
dressé des statuts et donné la règle de saint
Augustin. Une des conditions pour entrer
dans cette communauté était autrefois d'avoir
vécu dans le désordre, et l'on n'y recevait
point de femmes au-dessus de trente-cinq
ans : depuis la réforme qui y a élé faite en
1616, ou n'y reçoit plus que d'S lilles, et elles
portent toujours le nom de pénitentes. Voy.
Magdelonnettes. 11 y a aussi en Espagne, à
Séville, une congrégation de pénitentes du
nom de Jésus; ce sont des femmes qui ont
mené une vie licencieuse; elles furent fon-
dées, en 1550, sous la règle de saint Augustin.
Les pénitentes d'Orviète, en Italie, sont une
congrégation de religieuses, instituée par
Antoine Simonelli, gentilhomme de cette
ville. Le monastère qu'il fit bâtir fut d'abord
destiné à recevoir de pauvres filles aban-
données par leurs parents, et en danger de
perdre leur veitu. En 1660, on fit une maison
propre à recevoir des tilles qui, après avoir
mené une vie scandaleuse, auraient formé
la résolution de renoncer au monde et de se
consacrer à Dieu par les vœux de religion ;
leur règle est celle des carmélites.
Pénitents (religieux) de Nazareth et de
Picpus. Voy. Picpus.
PÉNITENTIEL. Livre qui renferme les
canons pénitentiaux ou les règles que l'on
devait observer touchant la durée et la ri-
gueur des pénitences publiques, les prières
que l'on devait faire pour les pénitents au
commencement et à la fin de leur carrière,
l'absolution qu'il fallait leur donner. Les
jirincipaux ouvrages de ce genre sont le
])énitcntiel de Théodore, archevêque de Can-
torbéry, celui du vénérable Bède, pi être
anglais, que quelques-uns attribuent à Ec-
berf, archevêque d'York, contemporain de
Bède ; celui de Uaban Maur, archevêque de
ftlayence, et le pénitentiel romain. Ces livres,
introduits depuis le vu' siècle pour mainte-
nir en vigueur la discipline de la ]>énitence,
devinrent très-communs; et comme plusieurs
particuliers se donnèrent la liberté d'y insé-
rer des pénitences arbitraires, cet abus con-
tribua à faire naître le relâchement; aussi
plusieurs de ces pénilentiels furent condam-
nés par un concile do Paris, sous Louis le
Débonnaire, et par d'autres conciles. Morin,
1395
PEN
PEN
1394
de Pœnit. Preuve que les évoques ont veillé,
dans tous les temps, à prévenir le relâche-
ment (le la dis(;i])liiie ecclésiastique.
PENSÉE. Ce mot, dans TEcrilure sainte,
ne sii^nifio pas toujours la simple opération
de l'esprit qui ixusc, souvent il exprime un
dessein, un projet, une eiilre[)rise. Ps. cxlv,
V. 4, il est dit qu'au jour de la mort, les
pensées des grands de la terre périront. Job,
c. xxui, V. 13, personne ne peut empêcher
les pensées, e'est-h-dire les desseins de Dieu.
Sap., c. Y, V. 10, il est employé pour dési-
gner le soin que Dieu prend des justes. Il
signide encore doute, scruimle, soupçon.
Luc, cap. XXIV, V. 28, poiu'quoi les pensées
s'élèvent-elles dans votre eceur? Enfin il se
mef pour raisonncmint. Saint Paul. Boni.,
c. I, V. 21, dit que les philosophes païens se
sont égarés d ins leurs pensées, |)arce qu'ils
ont été induits en erreur par de faux rai-
sonnemenls.
Nous ne devons pas être étonnés de ce que
notre religion nous a[>)ireiid à regarder de
simples pensées comme des péchés; il ne
dépend pas de nous, à la vérité, de ne pas
les avoir, puis(|ue souvent elles nous vien-
nent ujalgré nous et nous alHigent; mais il
est en noti'e pouvoir de nous y arrêter ou
de les rejetei', d'y acquiescer ou d'y résister;
elles ne sont péché que quand elles sont
délil)érées et que nous nous y arrêtons vo-
lontairement.
PENTATEUQUE, mot grec composé de
jrivre cinq, et (icTsix";, volume. L'on nomme
ainsi les cin(( livres de .Moise qui sont à la
tête de r.\ncien Tcstameid, savoir, la (ie-
nèse, l'Exode, leLéviticiue, lesNoudires et le
Deutéronome ; nous parlons do chacun de ces
livres dans un article iiarticuliei . Tous ensem-
ble sont appelés p ii' les juifs (a loi, parce
que la partie; la [dus essentielle de ce qu'ils
renferment est la loi qiw Dieu donna au
peuple juif par le ministère de Moise. Un
des principaux objets que se sont proposés
les incrédules de noire siècle, a été de vou-
loir que le Pentateuque n'est |)as l'ouvrage
de ce législateur, mais de quelque autre au-
teur inconnu; aucun d'eux n'a daigné exa-
miner les jircuves qui établissent l'authenli-
cilc do cet ouvrage, ni les réfuter. Nous
sommes donc obligés de les exposer, du
moins sommairement, avantde répondre aux
objections que l'on a cru pouvoir y opposer.
La première de ces preuves est le témoi-
gnage des livres mêmes du Pentateuque; par-
tout, excepté dans la Genèse, Moïse y parle
comme acteur princijial. 11 dit ijue Dieu lui
a ordonné d'écrire les événements (ju'il rap-
porle et les lois qu'il prescrit; il ordonne
de placer son ouvrage dans le tabernacle, à
côté de l'arche. Dans l'exode , où .Moïse
connuence à (aire sa propre histoire, il sup-
pose les événements dorit il avait parlé
dans la Genèse, et ceux-ci ont uno liaison
essentielle avec les faits qui sont racontés
dans l'Exode. Un autre que .Moise n'aurait
jias eu la même sagac lé, n'aurait pas senti
comme lui la nécessité de montrer !a légis-
lation juive préparée et résolue dans les
desseins de Dieu depuis le commencement
du monde. Voy. Genèse. — La seconde est
l'attestntion des écrivains juifs, postérieurs
h Moïse, (le Josué, de ceux qui ont rédigé
les livres des Juges, ceux des Rois et ceux
des Parali|)omènes, de David dans ses psau-
mes, d'Esdras et des prophètes. Tous par-
lent des ordonnances 'de Moïse, des livre?
de Moïse, du livre de la loi : ils rapiiorteiit
les événements dont il est fait mention dans
le Pentateuque, ou ils y font allusion;
(^et ouvrage est donc plus ancien qu'eux
tous. Le psaume 104 et les suivants sont un
abrégé de l'histoire juive , à commencer
depuis la vocation d'Ahraham jusqu'à l'éta-
blissement des Juifs dans la Palestine; le
ciuatre-vingt-neuvième est intitulé : Prière
(le Moïse, serviteur de Dieu ; le dernier des
prophètes finit par exhorter les Juifs à l'ob-
servation de la loi que Dieu a donnée à
Moise ; le même langage règne encore dans
les livres des Machabées et dans celui de
l'Ecclésiastique. Il n'a donc été aucun temps,
dans lequel les Juifs n'aient été persuadés
de l'authenticité du Pentateuque. — 3" 11 a
fallu ces livres pour établir et perpétuer la
religion, le cérémonial, b-s lois civiles, po-
litiques et militaires des Juifs; il est incon-
testable que ce peuple a été réuni en corps
de nation depuis le temps de .Moise, que la
constitution de leur république a été la
même jusqu'à l'élection des rois, que ceux-
ci n'ont rien ciiangé au fond de la lé:;isla-
tion ; les Juifs mêmes ont continué à observer
leurs lois pendant la captivité de Babylone,
et ils les ont remises en vigueur dans la
Judée après leur rclour. 11 est impossible
que ce détail immense d'onlonnances, d'u-
sages, d'ob-ervances, ait pu se conserver
par la tradition et sans aucune écriture, et
cette nation n'y aurait pas été aussi cons-
tamment attacihée, si elle n'avait pas cru
que le tout était fiarli de la main d'un lé-
gislateur inspiré de Dieu. — 4" La forme de
ces livies dépose de leur authenticité. De-
puis le commencement de l'Exode, ils sont
écrits en forme de journal; le Deutéronume,
qui est le dernier, est la réca|)itulation des
précédents. Un auleur plus ancien que Moïse
aurait pu écrire la Genèse, mais il n'a pas
pu faire l'Exode ni les livres suivants. A
moins d'avoir été en Egypte et dans le dé-
sert, d'avoir été témoin des événements qui
s'y sont passés, des marches, des canq^e-
ments, des faits et des circonstances minu-
tieuses arrivées |)endant (juarante ans, un
hi>torien n'a pas pu les écrire dans un si
grand détail et avec autant d'exactitude.
D'autre part, un écrivain posti'rieur à Moïse
n'aurait pas pu composer la Genèse; il au-
rait été trop éloigné de la tradition des pa-
triarches : Moïse seul s'est trouvé au point
où il fallait être pour lier la chaîne des
événements, et les faire correspondre les
uns aux autres. — 5* 11 y a un" ditJ'i'renre
infinie entre le stvle de Moïse ei celui des
é(;rivains postérieurs : aucun de ceux-ci ne
lui ressemble; pour [leu qu'on les compare,
on voit que Moise est plus ancien, mieu>
I5»K
PEN
PEN
1596
instruit, plus grand, et revêtu d'une, auto-
rité supérieure h la leur. 11 parle en législa-
teur; les autres sont des historiens et des
prophètes; tous parlent de lui avec respect.
— 6° Quel autre quo lui a pu avoir assez
d'ascendant pour îaire recevoir nuï Juifs,
peu:ile njutiu, rebelle rt opiniillre, des luis
et des usages Irès-dliféronts de ceux des au-
tres nations, desquels ils ne supjiortaient le
poids qu'avec répugnance, dont i!s avaient
secoué vingt fois le joug, et auxquels ils ont
toujours été forcés de revenir? Moïse leur
fait les reproches les plus sanglants : il le ir
prédit leurs fautes et leurs malheiîrs, son
histoire les couvrait d'opprobre, et de siècle
en siècle ils ont transmis à leurs descen-
dants ce témoignage irrécusable de la mis-
sion divine de leur législateiîr. Unaut;e (jue
Moïse n'aurait pas o-é faire à sa nation des
réprimandes aussi sévères, ni placer dans son
histoirede.s faits aussittéslionuraiits^ioiu'elle.
Plus on vomira reculer l'époque de la
supposition du Pcntateuquc, plus on rendra
ce fait impos...il)le (t abiurde. Plaçons-le
sous quelle date on voudra. Sous Josué, il est
question du partage de la Palestine entre
les ti'ibus, et ce partage ne fut pas égal; mais
la distribution (ies pàits et remplacement de
cil que tribu avaient éié r'glés par oïso,
et annonc s d'ava.ue par le testament de
Jai.ob . il n'y eut ni révolte ni murmure à
ce sujet; chacune de ces i)eup'aJes prit sans
coutestcr la [lortiun qui lui revenait. Sous
tes juges, toï!t se trouve arrangé suivant ce
plan : Jeplité argumente coiitrè les Ammo-
nites sur le xxi° chapitre du livre isQi Nom-
bres, Jud., c. XI, et juslifie par l'histoire de
Moise que depuis trois cents ans les Isra''li-
tes sont en possession légitime du terrain
qu'ils occupent. Ci tte hisloire était donc re-
connue pour très- .':uthei, tique. Sous le gou-
ve.nemèni de Samuel, la nation mécontente
demande un roi : M: use rava;t prédit, et
avait fait o'cs règlements à ce sujet [Deut.
XVH, 15); il fallui s'y conformer. Après lo
règne de Saiil, dix tribus cohlestc:.t ?i David
la royauté : so'js Pioboam b se' isme recoru-
me: Ce, et dure jusiju'à la captivité de îîaby-
lone. Voilà deux royaumes et deux peuples
divisés d'intérêts. Pour préveiiir îeur réu-
nion , Jéroboam entr.iîne ses sujets dans
l'idolâlrio : ccpePùant les lois civiles et poli-
ti']u<>s imposées par Aioise continuent à être
suivies dans l'un et l'autre royaume. Etait-
ce dans ces cire ilstances qu'un imposteur
pouvait être ten'é de les lurg'r, ou avoir
assez d'autorité pour tes faire recevoir par
deux peuples ennemis l'un de l'autre?
Tous deuî se sont trouvés intéressés à
lés conserver, pour connaître et maintenir
les limites de leurs possessions respeciives.
Pendant la captivné de Babylone, nous
voyons par les livres de Tobie, d'Esther, de
Baruch, d'Kzécliiel et de Daniel, que les
Juifs dispersés dans la Ghaluée et dans !a
Médie ont continué de vivre selon leurs lois ;
Ce n'était pas pendant cette dispersion cju'un
particulier quelconque pouvait introduire
(chez cette nation des livres, une législation,
une histoire supposée sous le nom de Moïse.
Aussi la plupart des incré mies ont imaginé
que cette supposition n'a été faite qu après
je retour de la captivité; c'est F.sd'as, disent
ils, qui rst l'auteur du Penlateuque. De toutes
les hypothèses possililes, ils ne pouvaient
pas en choisir Une plus absurde. H faut sa-
voir d'aliord qu'Esdi as, né à Uabylone, ne
vint da)is la Judée que so xante-trcize ans
après le retour qui s'était fa^t sous Zoroba-
bel, Esdr., c. vu. Or, Esdras lui-môme nous
aoprend que Zorobabel, Josué, fils de José
dech, qui était grand ])rêtre, avec l.s autres
chefs de la nation, avait déjà rétabli TTutel
des holocaustes, les sacrifices, les têtes, le
chant des psaumes de David, comme il est
écrit dans la loi de Moïse, serviteur de Dieu,
c. III, V. 2. Ce n'est donc ;.as lui qui en était
lauteur. Il n'était ]>as au monde lorsque
Tobie, Raguel, Esther, Mardochée, Ezéchiel,
Daniel, etc., faisaient profession d'obseiver
la religion et les lois prescrites pa: Moïse.
Si les Joifs n'avaient pas déjà l'esprit imbu
des lois, des prédictions, des promesses et
des menaces de Moïse, comment et parquet
motif S' s.mt-ds résolus à quitter la Chaldée
soixante-treize ans avant Ësd.as, à revenir
habiter la Palestine, pays dévasté depuis
soixanîe-dix ans, pour y subir le joug d'une
loi qui devait ieur être inconnue et qui les
ren ait ennemis de leu s voisins? Esdras,
simple prôtr.', n'avait aucun moyen de les y
forcei- lorsqu'il vint dans la Judée; aussi
fit-il profession de ne rien prescrire, de ne
ricn établir que ce qui était ordonné par la
loi de Moïse, Èsdr., 1. 1, c. m, v. 3; c. vi,
v. 18; c. VII, is, X, etc. Si déjà les Juifs n'é-
taient pas convaincus de l'authenticité de ce
liv/e et de ces lois, il a fallu qu'Esdras fas-
cinât tous les esprits, pour leur persuader
faussement que tout cela existait déjà de-
puis jilus de mille ans.
Pour forg r à cette époque les livres de
Mo;se, il fallait fabriquer encore ou altérer
tous les livres postérieurs de l'Ecriture qui
en font mention ; il f^dl.iit faire parier vingt
au(> urs différents sur le ton et suivant lo
génie (jui convenait à chacun d'eux; c'est
prêter trop d'habileté à un écrivain juif, h.^-
dras a écrit ses propres livres, partie en hé-
breu et partie en chakléen ; ceux de Moïse et
des auteurs postérieurs sont en hél)reu pur.
Quelle différence en^rc le style de .Moïse et
Celui d'Esdrasl II aurait fallu encore que ce
dernier inventât les prophéties d'isaïe et de
Jérémie touciiant la ruine de B.ibylone ,
Celles (le Daniel sur la succession des quatre
grandes mon rchies, celles de tous les pro-
phètes qui annonçaient la venue du Messie
et fi vocation future des gentils; ces divers
événements n'étaient |ias encore accomplis;
les incrédules, sans doute, ne sont pas ten-
tés d'accorder à Esdras le don de prophétie.
Mais une preuve plus furie et plus invin-
cible de l'authenticité des écrits de Moïse
est le témoignage de Jésus-Christ que nous
ont transmis les apùtres et les évangéli.stes;
dans une iniinité de jiassages des Evangiles,
ce divin Maître a cite aux Juifs les lois, les
1397 PEN
pr(^cepie$, les prédictions, les livres de
Moïse : il était donc persuadé, comme toute
la nation juive, qiié ces livres étaii-nl l'ou-
wa^e de IMuise et noii d'un autre. Pourcon-
trediie la croyance commune de toute une
na'ion sur un article aussi important,
il faudrait des raisons démonstratives; les
incrédules n'y opp is^nt que des objci lions
frivoles. Dans les ai-ticles Genèse et Decté-
bO.nome, nous avons répondu à ce'les que
l'on l'ait contre ces deuv livi'es vu particu-
Jiei'. Qi.ehpies discoureurs modernes ont
avancé uue du temps de Moise l'art d é-
crire n'était jias encore coimu; le contraire
ost prouvé par les monuments lis plus cer-
tains de l'histoire proiane. Voyez l'Origine
du langage el de l'écriture , par M. de.
Gébelin. D'autres ont dit qu ■ dans le dés rt
Moise mampiait de maûères propres à l'aire
un livre; ils ont oiiblié que les isra dites, l'U
arrivant daiis K- d<''s.ert, é;aient chargés des
dépwuill s des Egyptiens ; 1 on empioya des
métaux, des étoiles et des pe ux appiété» s
pour construire le lahernacle. Moïse a donc
pu avoir îles bandelettes de lin, des jieaux
d'animaux, iJu papyrus, des tablettes île cire
et di' bois, sur lesquelles les Egptiens ont
écrit de tout temps, connue nous le voyons [). r
Icsflgiircsdonl ilsontchargéleursuiomies (1).
On ol)jectc ipic .Moïse pa le de lui-même
h la troisième per-oinie; d ne s'ensuit rien,
puisque Xéno[)lmn, Cé^ar, Josèphe, Esdras
et d'autres ont fait de même. On ajoute que
(1) Pour (lélniire [".mtorilé à\\ Pentnt iiq'ie, les
încrùiliiles ont toiiill les enlniilles de la terre, inier-
rogé riiisloire, consulté les asires, deinanilé des
preuves ,iux arts. — l/arl d'écrire a élé sur tons les
autres l'djjjet d'nrie ïllention pailiculiérc. Ils ont
conl«slé son exisicnce du temps de Moïse. Si dans
la siiile ils ont aecoido (jne l'éeiilure liiérogl}p!iiinie
était connue, c lilâil pour établir linipossibilité d'é-
crire en Iiiéroglyplies le l'eMtaleuque qui est rempli de
généalogies, de noms piopres ei de déiaiis tres-cir-
constaneiés. Pa^.sant ensuite à la matière, ils ont pid-
tendu que ( l'art de graver ses pensées si:r la pierre
polie, sur la brique ou sur le plomb était la seule
nianiére d'écrire. > Il aurait fallu graver cinq volu-
mes . sur des pierres iiolies, te qui demaiulail des
ell'orls el un lenqis prodigieux. Conimeni, dans un
désert, occui)é Je marches et de contre- marches,
obligé d'apaiser les séditions, d'organiser un peuple
en corps de iiilion, de régler luiit le détail d'une
administration ditlicile, comment .Moïse aurait-il pu
écrire son livre'? On voit que tout concourt à dé-
montrer que Mo >c a été dans une iinpossibililé ab-
solue d'écrire le Pentatenipie.
Avant de rcpondic directement, nous allons re-
chercher, 1° quelle était anciennement la matière
qui servait à la couipositioii d'un livre ? "2° quelles
étaient les dirtéreides espèces d'écriture connues dans
l'aiiliquiié?
1" Quelle était la matière qui servait anciennement
h la composition d'un livre? — Tous les auteurs de
l'anliquilé disent que la pierre, la bri(|ue, le marbre
et le bols reçurent d'abord les pens es des mortels.
Jusqu'à une époque très-avancée on s'en servit pres-
que toujours pour graver le souvenir de quelque grand
événement, ou pour exposer sous les yeux du peu-
ple les lois qui devaient le diriger ( Voir Porphyre,
Euhémère dans Lactance, Sanchoniathon dansTliéo-
doret, Hérodote, Diodoie He Sicile, Pline, Pluiar-
que, Aulu^elle, Diogene-Laérce, etc.). Ensuite ou
PEN 1398
l'auteur du Pentatcuque untrcy sur les lieux
voisins de rEuphra'e, dans des détails i|ui
n'ont pu être connus que d'un homme qui
employa des tablettes recouvertes de cire. Pline ob-
serve que leur usage remonte au delà de la guerre
de Troie. Les autres m»lières dont on se servit à
difTé'renles époques sont la l'euille de palmier, lé-
corce de certains arbres, une composilion faite avec
le papyrus, la peau de qiielqui's animaux. Dn roi de
Pcrgame en perfectionna laprcparation; deliilui vient
leiiomdi'parclieMiin.OnamèmcvuàConstanlinopleun
Houièieécriten lettres d'or sur les intestins d'un ser-
pent. (Pline, Virgile, Syriis, Mabilloii, Caltnel, etc.)
Nous ne pouvons préciser l'épciqne où chacune d«
ces matières lïit employée. Nous nous contenterons
de rapporter ici l'observation du savant comte de
Caylu- (lltem. de l'Acad. de!, bflle^-lenres l : « Il n'est
pas douteux que l'écriture une fois inventée n'ait élé
enqdoyée sur tout ce qui pouvait la recevoir. Les
inati l'cs ont varié selon les temps et les circonstan-
ces. On peut dire cependant (|u'(ui aura préféré pour
une chos(! si nécessaire ce qu'il y avait déplus com-
mun et de plus facile à transporter. >
2° Quelles étaient les di/îerenles espèces d'écritu-
res connues dans lanli(piité ? — L'art de conserver
le souvenir de la pensi'c fut, sans aucun doute, un
des preioiers besoins de l'hounne. Aussi un philoso-
pli(! distingué en lait il remonter l'origine à Dieu lui-
ni 'Uie. Il pense que le souverain de tous les êtres
donna l'écriture au premier des mortels aussi bien
que le langage. Comme c(dui-ci, elle dut prendre
des formes bien multipliées. Les caractères éprouvè-
renl beaucoup de la mobilité du tenq)s et des cir-
constances. Nous trouvons deux espèces décriiures,
dillérentcs entre elles, non-seulement quant à la
coolormation des caractères, mais m;nie quant à la
signilication. L'une est hieros^lyphique et Pautreeu-
plioniipie. — L'écriture hiéroglyphique représente
la pens('e par des symboles et des images. D'apiés
cela on conçoit que celte espèce d'écriture devrait
avoir pour ainsi dire autant d'images (pie nous avons
de pensées, et (ju'il doit être Irès-dillicile de l'em-
ployer pour les idées abstraites et de détails. Elle
dut conveinr > l'enfance des peuples dont les idées
ne sont point multipliées el qui se représentent tout
eu images : c'était l'rcriture des peuples du nouveau
monde. A son aide les Mexicains avaient retracé
leur histoire et leur législation. Elle fut beaucoupen
usage chez les Egypl eus. L'éi'riiure ordinaire eut
sans doute tenu mi langage trop froid sur ces monu-
ments qui étonnent l'imagination. L'écriture mysté-
rieuse était beaucoup plus en rapport avec eux. Se-
rait-il inipossibli" d'écrire en hiéroglyphes un livre tel
que le l'entateu(pie? Nous avouons que ce serait une
tentative trcs-diUkile. Mais rim|)ossil)ilité ne nous
parait pas bien démoutrée d'après ce que nons ve-
nons de dire de Ibistoiie des .Mexicains. — L'i cri-
lure euphonique est celle qui nous rappelle les sons
auxquels nos idées sont attachées. Avic elle il n'y a
aucune parole dont on ne puisse conserver le souve-
nii-. Lncain attribue aux Phéniciens ceue merveil-
leuse invention. Supposant qu'elle soit t'ouvre de
riiomme, nous ne pouvons déterminer son origine,
seulement lunis savons que T.adnms importa l'écri-
ture euphonique lorsqu'il vint se fixer à Tlic bes. Il
vivait un siècle avant Moïse suivant les tables de
bons cbionologisies. 11 paraît assez bien déuioniré
qu'avant lui Cecrops, fondateur d'Athènes, en avait
doté la Grèce. Nous ne nous arrêterons pas à recher-
cher la dillëience des caractères. Celte rccberclieest
inutile au but que nous nous proposons. Nous obser-
verims seulement qu'il est indubitable qu'outre l'é-
criture biéioglyphi(|i;e, les Egypleiis avaient aussi
des caractères eitphoniques : on s'en sei vail po'i
alfaires privées. (Voir Hérodote, l'Iuiarquc, Ca"
Ciiampollion, Huinboldt, Paravoy, etc.)
7-\<3i
^K
1399
PEN
PEN
iiOO
avait voyagé. L'on se trompe; non-seulement
Moïse a pu apprendre ces détails par le récit
de quelques voyageurs, mais son aïeul avait
vécu avec les enfants de Jacob, qui étaient
nés dans la Mésopotamie : il a donc été ins-
truit des détails g>'0graphiques par la même
tradition qui lui a transmis les événements
rapportés dans la Genèse (1).
Enfin nos adversaires disent que si Moïse
a écrit le Pcntateuque, cet ouvrage avait été
entièrement oublié des Juifs, puisque, sous
Josias, l'on en trouva dans le temple un
exemplaire, dont la lecture étonna beaucoup
ce roi. Cet étonneinent prouve seulement
que Josias, dans son enfance, avait été très-
mal instruit par un père idolâtre. Est-il
certain d'ailleurs que le livre trouvé dans
le temple, sous le règne de Josias, était tout
le Pcntatniquf? Il est beaucoup plus proba-
ble rjue c'étaient seulement les buit der-
niers chapitres du Deutéronome, qui renfer-
ment les promesses et les bénédictions pro-
noncées par Moïse en faveur de ceux qui
accompliraient la loi, les menaces et les
malédictions lancées contre ceux qui la
violeraient. Yoy. IV Reg., c. xxii, v. 8 et
D'après cet exposé, la solution des difficultés nous
parnît bien facile. Il est incontestable que l'art d'é-
crire existait du temps de Moise. Les caractères de
son livre ont-ils été peints ou gravés ? il ne nous
est point donné de résoudre celte question. Quelques
savants très-distingués, appuyés sur des passages de
Job, des Proverbes, etc., pensent que l'usage ancien
des écrivains sacrés était de graver sur le bois, sur
la pierre, sur le plomb; d'où ils concluent que proba-
bieuitnt Moise lit graver son livre sur le bois. Nous
ne nous arrêterons pas à réfuter la prétendue impos-
sibilité de le faire. Dans plus de 600,000 hommes
Moise put, sans aucun doute, trouver un assez grand
nombre de graveurs pour terminer sou ouvrage dans
l'espace de quarante ans.
(1) IniéirHé du Peutateuquc. Le Pentateuque a un
peu éprouvé le sort des livres anciens : il a ses va-
riantes aussi bien que les livres de Virgile et de Ci-
céron. Elles ont été causées par la négligence des
copistes et sont peu importâmes. Mais a-t-mi ajouté
ou soustrait au Pentateuque une narration d'une cer-
taine étendue, ayant quelque importance doctrinale
ou historique ? Voila le véritable point de la question.
Nous affirmons que le Pentateuque a cetie espèce
d'intégrité. On n'en doutera pas, 1° si l'on examine le
soin que les Juifs avaient de leurs livres sacrés ;
2" si on compare les divers Pentateuques entre eux
et avec les autres livres de l'Ancien Testament.
1° Le Pentateuque était le code religieux, civil,
politique et militaire des Juifs. Tous les ordres de la
nation étaient intéressés à sa parfaite conservation.
Ne nous étonnons donc point <|u'ils en aient compté
les lettres, et le nombre de fois que chaque leitre
s'y trouve ; ne soyons point surpris que plusieurs se
soient exposés aux supplices plutôt que de livrer
leurs livres sacrés aux profanateurs. Quelle garantie
aiua-t-on de l'intégrité d'un livre si celle que nous
venons de donner ne suffit point ?
2° La comparaison des divers Pentaleuqnes, et
celle de ceu.v-ci avec les autres livres de l'Ancien
Testament. Les Pentateuques grec, hébreu et sa-
maritain ont entre eux une conforn'.ilé substantielle.
Voilà une preuve complète qu'il n'y a pas eu d'inler-
polalicn essentielle depuis la séparation des dix tri-
bus ; . "•; h aurait jiu passer inaperçue, et des peu-
ples rivaux, dont Ici intérêts étaient si dilh lents
£nr le sujet en question, n'auraient point souffert que
suiv. ; II Par., c. txiiv, v. 14. Sous les rois
impies , qui avaient entretenu le peuple
dans l'idolâtrie, les prêtres trop timides n'a-
vaient pas osé lire publiquement cette par-
tie de la loi. Sous Josias, dont la piété était
déjà prouvée par dix ans d'un règne très-
sage, le pontife Helcias jugea qu'il était
temps de rétablir cette lecture, et il en eut
le courage; de là l'étonncment du roi et du
peuple. Mjiis cela ne (irouve pas que le reste
du Pentateuque, qui renfermait l'histoire,
les lois civiles de la nation, L's généalogies
et les partages des tribus, avait été oublié de
même; cet oubli était impossible. Il paraît
d'ailleurs évident que le livre Irouvé par Hel-
cias dans le temple était l'autographe même
de Moïse, ou l'original écrit de h main de ce
législateur ; il était naturel que J!.;sias fût plus
touché de cette lectur(! (jucLiecelb' des copies.
Nous ne concevons pas comment Prideaux
et d'autres ont pu supposer que sous Josias
il ne restait qu'un seul exemplaire du Pen-
tateuque ; que ce roi et le pontife Helcias ne
l'avaient jamais vu , mais que Josias en fit
faire des copies; qu'il fit rechercher toutes
les autres parties de la sainte Ecriture, et
l'un l'introduisit sans que l'autre élevât la voix pour
réclamer. Aussi les Juifs se soiu-ils fortement élevés
contre la fable de Garizim, mise dans le Pentateuque
des Samaritains.
De plus, les livres de l'Ancien Testament renferment
la substance du Pentateuque. Il aurait donc fallu les
falsifier tous. Mais quel est l'homme qui aurait pu
le tenter'? Comment aurait-il pu en retirer tous
les exemplaires '? Un seul aurait suffi pour faire dé-
couvrir la supercherie. Comment aurait-il pu imiter
tous les styles '.' La critique est si habile, qu'elle re-
connaît une petite phrase, un mot introduit dans un
écrit; et elle aurait été aveugle pour une interpola-
tion d'une certaine étendue !
Les prédictions et les miracles, dit Bossuet, sont
tellement répandus dans lous ces livres, sont telle-
ment inculqués et répéli's si souvent, avec tant de
tours divers, et une si grande variété de fortes figu-
res, en un mot, en font tellement tout le corps,
qu'il faut n'avoir jamais seulement ouvert ces livres
saints, pour ne pas voir qu'il est encore plus aisé de
les refondre, pour ainsi dire tout à lait, que d'y in-
sérer les choses que les incrétiules sont si fâchés d'y
trouver, et ipiand même on leur accorderait tout ce
qu'ils deinandeni, le miraculeux ei le divin est telle-
ment le fond de ces livres, qu'il s'y trouverait encore
malgré qu'on en eut. En quoi nuisent après cela
les diversités des textes '! Que nous fallait-il davan-
tage que ce fonds inaltérable des livres sacres, et
que pouvions-nous demander de plus à la divine
providence'? Et pour ce qui est des versions, est-ce
une mar(|ue de supposition ou de nouveauté, que la
langue de l'écriuire soit si ancienne qu'on en ait
perdu les délicaiesses, et qu'on se trouve empêché
a en rendre toute l'élégance ou toute la force dans
la dernière rigueur ? N'est-ce pas plutôt une preuve
de la plus grande antiquité'? Et si on veut s'attacher
aux petites choses, qu'on nie dise si de tant d'en-
droiis où il y a de l'embarras on en a jamais rétabli
un seul par raisonnement ou par conjecture. On a
suivi la foi des exemplaires ; et comme la tradition
n'a jamais permis que la saine doctrine put être al-
térée, on a cru que les autres fautes, s'il y en restait,
ne serviraieni (|u';i prouver qu'on n"a rien innové par
son propre es]
(|U a p
)iit [uj.
(a) Discours sur l'histoire uniTerselle,u» partie.
1401 PEN
Tes fit copier de même, Hist. des Juiff, liv. v,
t. I, p. 203. S'il y avait dans toute rKcriture
sainte un livre que les Juifs fussent intéres-
sés à conserver, c'était certainement le Pen-
taleuque; il est absurde d'imaginer i|ue l'on
avait 0 blié et laissé jierdre celui-là, pen-
dant ([ue l'on avait conservé les autres. Qua-
tre-vingts ans avant le régne de Josias, les
Juifs du royaume de Saniarie avaient été em-
menés en captivité par Sairaanazar. Do ce
nombre étaient Tobie, Rajçuel, Gabélus et
d'autres Israélites craignant Dieu ; peut-on
se persuader qu'ils n'avaient pas emporté
avec eux ties copies de la loi? Il y a deux
copies anciennes et authentiques du l'enta-
tcuque : l'une écrite en caractères samari-
tains ou phéniciens , qui sont les anciennes
lettres hébraïques ; l'autre écrite en caractè-
res ch Idéens, que les Juifs, revenus delà
captivité de Babylone, préférèrent aux let-
tres anciennes ; mais il n'y a pas de diffé-
rence essentielle entre le texte samaritain et
le texte iiébreu. Cependant plusieurs savants
se sont partagés dans le jugement qu'ils ont
porté de ces deux textes; les uns ont élevé
ji!S(pi'aux nues la pureté de l'hébreu, et ont
exagéré les défauts du samaritain ; les autres
ont fait le coniraire. Prévention de part et
d'autre. Il paraît certain que ces deux textes
étaient très-conf irmes dans leur origine ;
mais outre les fautes des copistes , dont au-
cun des deux n'est exempt, il est probable
que les Juifs de Samarie ont fait dans leur
exemplaire quelques additions et quelques
changements coniormes (Meurs préjugés et à
leurs prétentions. Fot/. Samaritain, Pro/e^.rfe
la Polyglotte de Wallon, Proleg. 7 et 11 (1).
(1) De la véracilé du Penlattuque. — Ayant fait uti
examen approfondi du livre de la Genèse à l'art. Ge-
^ÈSE, nous nous contenlerons de traiter ici la ques-
tion par rapport aux quatre derniers livres du Pen-
taleuque.
Moïse a-l-il dit la vérité dans son récit?
Il faut tomber dans le pynhoiiisme historique ou
admollro comme vraie une histoire, 1° écrile par un
historien impartial et bien instruit des événements;
2° qui contient des faits manifestes, de nature à être
contredits, et qui ont été crus par un peuple témoin
oculaire, intéressé à en contester la réalité ; 5° qui
est en rapport de conforniiié complète avec tous les
monuments qui remontent aux faits. — L'histoire
de Moïse renferme tous ces caractères. 1° Moïse était
impari iaJ et bien instruit des événements. Témoin
oculaire et acteur principal dans le grand drame
qu'il rapporte, il n'a pu être trompé. 11 raconte sans
dcgiiisemcnt ses fautes, celles de ses parents, celles
des lamilles et de la nation tout entière. Il ne cher-
chi^ que la gloire de Dieu, confie le commandement
du peuple au pins digne et laisse ses enfants au der-
nier ning des lévites. Est-il un historien qui donne
plus di' preuves de sa vertu et de sa sincérité?
2° L'histoire de Moïse contient des faits manifestes
et de nature .i être contredits. Les prodiges dont il a
transmis le souvenir à la postérité n'étaient pas,
connue les mythes du paganisme, perdus dans la
nuit des temps ou opérés dans l'ombre. Ils avaient
eu pour témsin le peuple tout entier. Us étaient la
sanciion première d'une loi dure et sévère. C'étaient
eii\ qui creusaient le tombeau du peuple dans les
sables dn d"^ei-t. Si ces prodiges n'avaient pas été
■vrais, le peuple aurait-il voulu porter le joug de fer
doutou le chargeait? N'aurait-il pas imposé silence à
PEN
440*
PENTECOTE, fôte qui se célèbre le cin-
quantième jour at-rès PAques , et c'est ce
que signifie le grec wEVTDxoirrxi, cinquantième.
L'Eglise Juive observait cette fête en mé-
moire do ce que, cinquante jours après la
sortie d'Egvpte, Dieu donna aux Israélites sa
loi sur le mont Sinaï par le ministère de
Moïse. Les Juifs la célèbrent encore aujour-
d'hui par le même motif; ils la nomment la
fête des Semaines, parce qu'elle termine la
septième semaine après PAques, et la file
des Prémices, jiarce que l'on y offrait les pré-
mices de la moisson du froment. On présen-
tait à Dieu deux pains levés de trois pintes
de farine chacun, cette offrande se faisait non
par chaque famille, mais au nom de toute la
nation; ainsi le témoigne Josèpho, ^Infù/., 1.
III, c. X. On immolait aussi différentes victi
mes, comme il est prescrit, Num., c. xxxiii,
T. 27. Puisque cette fête fut instituée immé-
diatement aprèsla pulilication delà ]o\,Exod.,
c. xxiii, V. 16; c ixxiv, v. 22, elle a été,
dans tous les siècles suivants, une attesta-
tion publique de ce grand événement. Dans
l'Eglise chrétienne la Pentecôte se célèbre en
mémoire de la descente du Saint-Esprit sur
les apôtres, qui arriva le cinquantième jour
après la résurrection de Jésus-Christ ; et
c'est à ce moment que commença la pu-
blication de la loi nouvelle ou la prédication
de l'Evangile. Nous ne pouvons pas douter
que cette fôte n'ait eu lieu dès le temps des
apôtres. L'auteur ancien d'un ouvrage autre-
fois attribué à saint Justin , nous ap[)rend
que saint Irénée eu parlait déjà dans son li-
vre de la Pdque, quœst. et respons. ad Ortho-
dox., q. 115; Tertullien en fait mention, /.
Moïse, lorsqu'il en appelait ^ son témoignage? Il a
proclamé sa croyance, non-seulement par ses paroles,
mais encore par le langage le plus énergi(|ue (juVin
peuple puisse parler. 5" Par celui des uionumcnls.
Les fêles de Pâcpies, de la Pentecôte, des Taber-
nacles, TArche d'alliance, le serpent d'airain, les
cantiques qui se répétaient de bouche en bouche
et d'âge en âge, etc., etc., faisaient passer toute
l'hisioire du Pentatcuque dans l'esprit et dans
les mœurs de tous les Israélites. Une histoire a-t-elle
jamais eu une attestation plus solennelle?
On a opposé plusieurs difficultés contre la viTacilé
de Moïse. Nous allons examiner les principales :
1" Objection. Les événements qui frappent le plus
l'esprit, dont le souveidr se conserve le uiieuv, que
transcrivent avec le plus de soin les historiens, sont,
sans aucun doute, ceux qui produisent de grands
changements dans les empires, ou qui semblent
changer les lois de la nature. Tel est le caractéiedes
événements racontes par Moïse. S'ils sont vrais,
nous disent les sages du siècle avec le ton de l'iro-
nie, comment se fait-il que nous n'en trouvions au-
cun vestige dans les histoires profanes? L'Egypte
avait le collège de ses prêtres cliargés de recueillir
les faits qui concernaient la nation égyptienne. Rien
ne fait soupeiuiner qu'ils aient jamais tracé le moin-
dre souvenir d'événements qui intéressaient les
Egyptiens à un aussi haut degré que les Hébreux
eux-mêmes. Manéthon fut le compilateur de leurs
mémoires; Hérodote les consulta; il y puisa cette
multitude de fables dont son histoire est remplie.
Vainement ehen herait-on dans ses écrits un luol
sur les prodiges de Moïse. Les historiens de l'antiquité
qui nous ont donné des histoires uiverselle.s, les au-
teurs qui ont traité plus spccialemen» des phéno-
1403
PEN
de fdololatr., c. xiv, et l. de Bapt., c. tix ; et
Origène, /. viii , contra Cels., n. 22. Or, il
est inijossible que sous les yeux des témoins
niènes, gardrnt un silence profond sur ce sujet. Ce
Biience esl inexplicable, à moins (radmetlie que
Moïse a grandi aux yeux d'un peuple faiialisé des
ëvéneuif nis qui ue sortaient point de l'ordre ordi-
naire. Ainsi raisonnent nos adversaires. Ce raison-
nement, quoique négatif, pourrait faire de l'impres-
sion sur des esprits mii ne sont iioint habitués i> une
discussion sérieuse. Pour donner une réponse com-
plète nous .-«lions exartiiner, 1° si en le supposant
absolu, le silence des auteurs profanes serait une
preuve de la fausseté du récit de Moïse; 2" s'il y a
des raisons qui l'expliquent ; 3" s'il esl aussi complet
qu'on le prétend.
I. Le supposant absolu, le silence des auteurs pro-
fanes serait-il une preuve Je la fausseté du récit de
Moïse? — Le silence ne servit jamais h détruire la
f(Ji qu'on doit a un écrivain impartial, et qui est bien
instiuit des événements. Tous les jours no'is lisons
dans riiistoire, et nous les accueillons sans les con-
tester, des actions de la plus haute importance, que
nous tenons du seul écrivain (|ui nous les leJit. Cé-
sar est le seul aateir de l'antiquit' qui rapporte en
détail ses expéditions dans les Gaules; et cependant
on n'élève pas le moindre doute sur la vérité des
faits qu'il raconte. C'est qu'il est dans la nature hu-
maine de croire à Une histoire qui a pour elle tous
les caractères de crédibilité. Ceux du Pentateuqne
sont portés au plus haut degré. Moise connaissait les
événeuietits; il donne des preuves d'impartialité; les
faits qu'il raconte, quoique de nature à être contre-
dits, ont été crus par un peuple tout entier, témoin
oculaire, intéressé à en conlesler la réalité. Son li-
vre est en rapport de conlormilé conqdéle avec tous
les monuments qui remontent aux évéiiemenls. Un
raisonnement purement négatif ne détruira jamais
l'autorité d'un livre dont la vérité est appuyée sur
des fottdenienls aussi solides. Ce n'est point la raison
qui se montre si sévcre, c'est la passion. Si nos en-
nemis avaient voulu les peser, ilsanraienl trouvé des
motifs (lu plus grand poids du silence des auteurs
profanes.
II. î a-t-il des raisfttis (jui expliquent lé silence des
auteurs profanes? — Pour comprendre le silence des
auteurs profanes, il faut d'abord rechercher quels
sont les ecrr\ains étrangers à la nation juive, qui
ont dû rapporter avec quelqtie étendue les principaux
événements du Pentateiique. Ce ne sont point les
grands historiens de la Grèce et de l'Italie qu'il faut
consulter. L'histoire de leur pays et celle des grands
empires de l'Orient les occupent pour ainsi dire ex-
clusivement. S'ils parlent des nations moins impor-
tantes, ce n'est qu'autant que leur histoire esl liée
nétessàirèuient à celle des grands çeuples. Ils n'en-
trent daiis des détails circonstanciés que dans les
événements rapprochés du temps où ils écrivent.
Elles sont bien inconiplèies les notions qu'ils nous
donnent sur rorigiiic, les développements de ces vas-
tes Etats de l'Asie, qui occupaient pour ainsi dire Une
partie du momlè. Ce n'est donc point dans leurs
écrits qu'il faut aller chercher l'origine, les dévelop-
pements d'un petjple qui tenait un rang si peu élevé
au inilieu des autres nations. On ne peut attendre des
lumières que des auteurs contemporains ou des an-
nales des peuples dont l'histoire est liée avec celle de
la sortie des Hébreux de l'Egypte. Mais des auteurs
contemporains, nous n'en connaissons pas. L'histoire
ne nous offre pas hit me une sèche analyse des pre-
miers temps de l'Egypte. Les rois, qui exercèrent
une si dure tyrannie sur la nation Israélite, nous se-
raient a p,:ine connus sans la liible. On parle du col-
lège des pri'tres chargés de rédigi-r les annales de la
nation. Ce collège exislaii.-il du leuips de Moïse? .a
Vihité ne lui lit-elle pa» taire des taltg qui compro-
PEN 14iU
oculaires on ait osé instituer une fête en mé-
moire d'un événement, faux, et fabuleux, et
que les premiers chrélions se soient dét( r-
mettaicnt si fort l'honneur des rois d'Egypte? Et
d'ailleurs, que sont devemis ces monuments histo-
riques si fameux? Chacun le sait; ils périrent avec
to;iles les richesses littéraires de l'Orient dans cet
incendie qui dévora la bibliothèiiue d'Alexandrie.
C'est à peine s'il nous est parvenu quelques frag-
menls de la littérature oricniale dans les écrits des
SS. PP. INe serait-ce pas folie île demander à des
peuples qui n'ont pu conserver leur liistoire, de nous
donyer celle d'une nation étrangère?
111. fjc silence des auteurs profanes est-il aussi
complet qu'on le prétend? — Comme nous l'avons
dit, les auteurs profanes dont les écrits sont parve-
nus jusqu'à nous, n'ayant pas été dans la nécessité
ou l'occasion de parler des écrits de Moïse, on ne
do't p lint atien.ire des citations nniliipliées et éten-
dues. Tel est le caractère de celles que nous allons
rapporter. Arlapan, cité par Eusèbe, dit que les pré-
Ires d'tieliopolis conservaient le souvenii' du passage
de la mer Rouge. Les Ichthyophages, assure Déodore,
racontent que la mer Rouge s'ouvrit entièremeiit et
laissa son lit à sec. Justin rapporte que les Egyp-
tiens, poursuivant les Hébreux, lurent contraints
par la tempête de retourner dans leurs foyers. Tacite
mentioime les prodiges de Moïse dans le désert.
Pline, Apulée, etc., parient de Moïse comme d'un ma-
gicien fameux. Minièrius, philosophe pythagoricien,
a écrit qu'on diassa les Hébreux de ÎEgypte pour
faire cesser les fléaux dont .\Iusée accablait ce pays.
Nous pourrions multiplier nos citations. Tout esprit
non prévenu verra dans celles quC nous venons de
rapporter des traces de la vérité et les sources de
l'Ecriture. Nous l'avons déclaté plus haut : on ne doit
point attendre davantage d'auteurs étrangers au peu-
ple de Dieu, qui n'écrivaient point son histoire, qui
probablement avaient des préjugés défavorables à
une nation dont la religion et la constitution n'a-
vaient rien de commun avec celle des autres peuples.
2' Objection. Le récit de Muise n'est (\uc la compi-
lation des fables des autres peuples. — Loin que le
récit de Moïse ait été emprunté aux traditions des
païens, celles-ci ne sont, au contraire, pour le plus
grand nombre, que des altérations de l'histoire sainte.
Quand on prèle quelque attention aux fables du
paganisme, et qu'on les rapproche des faits que nous
lisons dans le Pentateuque , on est tout d'abord
étonné de trouver tant de ressemblance. La narration
de Moise ne se trouve pas seulement d'accord avec
la tradition générale pour les vérités de la religion,
mais encore pour les principaux faits qui sont rap-
portés dans la Genèse. Tels sont la création et la
formation du monde, la création de l'homme, l'inno-
cence et la félicité d'Adam dans le paradis terrestre,
la chute et la dégradatior. du genre humain, l'obser-
vation du septième jour consacré au service de Dieu,
la longue vie des patriarches, le déluge avec ses
principales circonstances, la renaissance du monde
par les trois enfants de Noé, la tour de Babel, la con-
fusion des langues et la dispersion des hommes. Nous
trouvons ces laits, quoique altères, dans les auteurs
profanes. Sanchouiathon parle du cahos, d'une es-
sence spirituelle, existant de toute éternité et donnant
la forme et l'action à la matière. Macrobe, Linus,
Orphée, Anaxagore, Hésiode, Euripide, Epycharme,
Aristophane, nous donnent le même emblème de l'o-
rigine du monde. Toutes les nations septentrionales
de l'Europe avaient des notions plus ou moins par-
faites de la création. Selon l Edua : Un être éternel
a créé le ciel et la terre, animant par un souille de
chaleur la matière qui dans le commencement n'était
qu'un vâ'te abîme. Thaïes, Hésiode, etc., enseignent
q lO la nuit est plus a.^.cieimi; qi.e le jour. Les paxus
mettaient TErebe (nuit en Hébreu ) au uonibre de»
ims PEN
minés h célébrer ainsi un événement écln-
taut et public, duquel ils n'avaient aucune
plus îincifnnes diviiiitt's. Une niiillitudfi de peuples
altaciies ;i l'aiiciciiiie couliiiiie tjiiiiiiieiu.'.'iiciil la iiie-
Siini (In jour par la iiuil. An rapport de DimloiB de
Sicile el de Mairobe, le Egyptiens tioy;iicnl (pio les
aiiiiiiaiix ofil élé formés de la terre el de l'eau. Ilé-
sjiido, Homère, CaUinia(|ue, Euripide, Uéiiiocritc,
Cieéron, Juvénal, llarlial, ibtil meiilioii de la boue
qui a servi an corps dn piemier lioiiimc. Ilurace ap-
ptdle Tàine hnmaine une portion de l'esprit livin,
Vivime particiilam (lunv. Joséplie et l'iiilon ont
avancé que le sepiicnie jour était un jonr de l'ele iion-
soulenienl poiir ini seid pays, mais pour tous les pen-
plcs. Tons les païens ont admis l';ige d'or. C'était une
espèce de parailis. llésio.le,Manétlion,elc., rapportent
que dans l'ancien temps les lioimnes vivaient ."lOO et
■400 ans. On sait que tontes les naiions ont eu con-
naissance d'un déluge. Les Chinois, les Mexicains,
les nations scptcnliionales de l'Europe, ont transmis
qu'après le déluge, le mon. !e lui repe.i|)le par les lils
d'un Seul bonifie, .josépbe cite les paroles d'une Si-
bylle, qui iiienlioime une hauie tour, la coid'.ision des
lângitcs et la dlpersion des lionnnes. (Extrait d'une
noie lie Jean Leclerc. Voir l}er2;ier, article Genhe.)
On a bâte de se deinan.ier d o;i vient une telle res-
semblance entre l'histoire sacrée et la profane. Les in-
crédules, pour inlirmer l'aiitorile des livres de .Moise,
Dtélendent qu'il a puisé dans la lahle sa cosmogonie.
Nous avons déiUMUi le ailleurs que Moise est plus ancien
que tons les h gi^laleurs cl que tous les écrivains du
paganisme. S'il y a eu (dagiat, on ne doit point 1 at-
tribuer à celui ((ni a écrit le pieinier, mais bien à
cen\ (pii ont p:(ru ensuite. D 'S s.ivants du premier
ordie (mt essaye de démontrer (pie la fable n'est (pie
]a IJible (Itérée et corrompue. Le savant Kn(H voyait
dans Moïse le type des dieii.t el des héros du paga-
nisme. Bocliari,"(pii ne le cédait à personne dans la
connaissance des langues orientales, voulut prouver
par l'otymologie des mots que toute la théologie
païenne est fondée sur celle di!S Hébreux et des Phé-
niciens. Nous ne les suivions pas dans leurs savantes
recherches. Nous dirons seulement avec Bergier que
des coiijeclnres, (piel(|ue ngénienscs (pielles soient,
ne porteront jamais la conviction. La traditi(Ui nous
parait pl(il(jt la vérit;d)le cause de la ressenddance
(lui se trouve Cnlre la Bible cl la fable. Qui pouriail
se peisuader (|ue le PenlaleuqiK^ fut assez loi connu
de tous les pecples pour leur donnei la connaissance
uiiifornic des premiers p iucipes de la religion cl de
la forinatibn du monde? Avec là tradition tout s'e.v-
pliipic nalurellenient. Enfants d'iui meine perc, tous
les peuples ont appris de lui les priMuicres vérités.
Les passions du ci iir purent jeler des nuages sur ces
premiers ( nseignemenis. La Lble se mêla peu à peu
à la vériié; mais il resta toujours des vestiges de la
saine doctrine (lu'ils av.iienl.
5' Ohji'fiiuii.l.i' n'cit de Moïse est un mythe. — Les
livres de Mo:se forment la première cliaine de ces
preuves invincibles en f.iveur d'une religion surnatu-
relle ((u'aiicune puissance humaine ne peut rompre.
Aussi ce sont le^ livres de Moise (|ui ont éli^ 1 objet
46 l'ailaipie la plus vive. Les eflorts de 1 incrédulité
d(-'C0Uveris oui elé vain.-., elle a résolu de se masquer
d'un yo.le:n>n( en profes^anl un respect profond
E' oiir .\Ioisi-, elle a présente ses écrits comme sembla-
les à ceux des preiniers écrivains de tous les peu-
ples, c'esi-à-dire Corinne un mélange de vrai el
d'exagéré. Le fond e^t vrai, mais il est masqué sotis
une enveloppe qui le d(,'gnise ; pour avoir la vérité il
faut le d pnuiller lic cette enveloppe. Quelle est celle
enveloppe? Ce sjui les miracles, en un mol, toutes
les ciicoiiclaices du récit, qui le placent au-dessus
de l'or.lre ordinaire. Spen-er, dans son ouvrage Ue
Le:iilms iLHira'iirn.n riliri'ihus, avait ouverl la voie.
Leclerc, que Bcigicr aiiaipie si souvent, l'y avait
certitude , dont
leur être connue.
TEN
la fausseté
110(5
môme devait
suivi. David Michaêtis développa le naturalisme de
Leclerc. (îéné^ius, malgré les irnporianls services
qu'il a lendus à la laiisue hébraïque, est loin d'cire
irréprocbable sur ce point. Ileern entra à pleine vode
dans la vaste mer. J. Mnller fut l'un des plus hardis
champions de la nouvelle école. La loi rituelle lui
parait parfaileiiient digne d'un envoyé de Dieu, en-
tièrement conforme au génie de .Moïse el au carac-
tère de son siècle. Ce b'gislaleiir, dit-il, y consacrait
une grande all.'gorie en action. Tandis que la sin pie
loi fondanienlale ne comprenait ipie le renouvelle-
nieiit de la foi des ancêtres, avec addition de (piel-
ques avertissements, la loi rituelle occupait conslain-
inent le peuple en iiappant vivement tous ses sens.
Qi:e Mo.se ait éclairci, par des conimeiitaircs, la si-
gnilicalion de ces pratiques; que celle signilicalion
ail éié transmise par les ancêtres, cela e>I vraiseai-
blable, et on en apcr(,dit des traces. Ton efois, il y
avait lieu de penser que, dans les choses essentielles,
cette signilicalion n'écbappail point aux hommes de
quelque perlée Mais celui (pii entre le plus ouverte-
ment dans le grand chemin du naluralisme pur et sans
déguisement, c'est Slran^s. 11 prétend ipie la narrât. on
de MoïsC est un véritable mythe Nous avons l'ail re-
marquer plus haut l'iniMicnse différence qui existe
entre Moïse el les h siorieiis mythiques des antres
pays. Moise donne de< preuves diiiio véracité sans au-
cun reproche, 1 parle à un peuple témoin roinnic lui
de ce (|u'(l écrit, ipii n'aurait pas manqué de le con-
tredire s'il avait osé inventer; tand:-(pie le- hislori ns
du paganisme (■crivaieiilce qu'ils avaient appris d'une
vague renommée qui avait grossi et déligure les laits.
Voidoir appliipier a Moise le système tnythique, c'est
queli(n(! chose d'incroyable. < Quelle étraiigè chimère!
Quoi! (\cux millions l'honimes se seront accordés à
tracer le plan d'une imp^istnic i(ui dev;iil iluicr (pia-
rante aus ! Ils auront dit à Moïse : Vous inventerez
les pioiliges les pins éclalanls ; vous composerez la
fable la plus absurde, el nous el nos enfants nous
feindrons de croire tout ce qu'il vous aura plu d'ima-
giner; nous nous obligerons soleniielleiiient à vous
révéler connue l'envoyé du ciel ; vous nous imposerez
ww. loi sévère, ui»; religion péuihle, chargée d'obser-
vances ininiitiiuses; la moindre coutradiclion sera
punie de mort. Nous vous suivrons dans les déserts
les plus arid'S; ei s'il nous échappe (piebpies inurimi-
res, vous nous décimerez, et vous cimenterez votre
pouvoir du sang de (piarautc à ciuquaiile mille vic-
tiiiies. N'est-ce pas insulter à la raison humaine que
de supposer un semblable pacte entre un fourbe el
toute (me nation? Et pourquoi encore? pour laiss(*r
à la postérité une religion fondée sur l'imposture, une
religion qui devait faire le inalbeiiriles enfants, comme
elle devail faire c lui des pères ! l.c beau projet! qu'il
est conforme aux senliinenls de la nature ! cl (]ue
ceux qui k prèlcnt à tout un peuple connaissent bien
le ciïMir huniain ! Si on veuupn; ce soit la vanité qui
ait piésidé à la conlèclion de ( e roman, pourquoi les
Juifs se sont-ils interdit tout commerce avec les étran-
gers, et leur ont-ils dérobé si longtemps la connais-
sance de leurs livres elde leur religion? Pouripioi a-l-
011 mêle à cette histoire un si grand nombre de faits
capables de déshonorer la nation juivecl ses ancêtres?
Quelle gloire la famille d'Aaron et la tribu de Rubeii
poiiYaient-clles se promeltre des crimes eidu supplice
de Na.label d'Abin, de Dathan et d'Abiron? Et l'ado-
ration du veau d'or, el les murmures continuels des
Israélites, et les reproches amers du législateur, et
l'arri'i (|ui conlamiie toute celle génération à errer,
pendant quarante ans, dans le désert, sans pouvoir en-
trer dans la terre promise, sonlTCe la des traits desli-
iK's a concilier aux Hébreux l'estime (ies autres peu-
plas? > Oi! ne peut éclupiier .-. aucune de ces absur-
dités en proieiiijanl que le Penlaieuque est un uythe.
1407
PER
PER
U08
La manière dont les Actes des apôtres vap-
poi'tent la descente du Saint-Esprit sur eux,
la prédication de saint Perre, la conversion
de huit mille hommes à sa parole, la forma-
tion d'une église nombreuse à Jérusalem,
porte avec soi la conviction. Le nombre pro-
digieux do Juifs qui se rassemblaient dans
cette ville aux fêtes de Pâques et de la Pen-
tecôte est un fait allesté par la loi qui les y
ubiige.iit, Exod., c. xxiii, v. 17, etc.; et par
Josèphfl, Antiq. jud., I. iv, c. 8. Il est donc
impossible que l'on ait ignoré, dans les dif-
férentes contrées do l'empire romain, ce qui
s'était passé à Jérusalem l'année do la mort
du Sauveur. L'auteur des Actes des apôtres n'a
pu en imposer sur ces faits, sans s'exposer h
trouver partout des témoins oculaires prêts
à le contredire et à le réfuter; il faut donc
que sa narration soit vraie, puisqu'elle a
trouvé croyance dans tous les Heux oii il
s'est formé des Eglises chrétiennes. Peut-on
en imposer à des nations entières sur des
événements qui ont dû se passer sous les
yeux de douze ou de quinze cent mille per-
sonnes? Or, s'il est vrai que cinquante jours
après la mort de Jésus-Christ les apôtres ont
publié hautement à Jérusalem sa résurrec-
tioii. qu'ils ont été crus d'abord par huit mille
Juifs, que bientôt ce nombre a augmenté au
point de former une Eglise ou une grande
société qui a subsisté dès lors, il est impos-
sible que les faits publiés par ces disciples de
Jésus-Christ n'aient pas été vérifiés sur le
lieu même d'une manière indubitable. Les
deux disciples qui allaient à Emmaiis le jour
do la résurrection du Sauveur, témoignèrent
leur étonnement de ce qu'un étranger qu'ils
rencontrèrent, et qui était Jésus lui-même
ressuscité, semblait ignorer ce qui était ar-
rivé à Jérusalem les jours précédents (Ltic.
XXIV, 28). Il fallait donc que ces événements
y eussent été très-publics, et y eussent fait le
plus grand bruit; la prédication des apôtres
le jour de la Pentecôte excita de nouveau la
curiosité, et en rafraîchit la mémoire. Voij.
JÉRUSALEM. Puisque l'on convient d'ailleurs
que les apôtres, lorsqu'ils se sont mis h la
suite de Jésus-Christ, étaient des hommes
ignorants, faibles, timides, prôis à s'enfuir
au moindre péril , il faut qu'ils se soient
trouvés miraculeusement changés, et que le
Saint-Es|)rit soit descendu sur eux, comme
Jésus-Christ le leur avait promis. Ainsi la
fête de la Pentecôte est un monument perpé-
tuel de la divinité de notre religion.
PENTHÈSE.Foi/. Purification DELA SAINTE
VlERI.L.
PÏ'.PUSIENS. Voy. Momtamstes.
PÈHE. Dans l'Ecriture et dans le langage
de tous les anciens peuples, ce nom ne dé-
signe pas seulement celui dont on a reçu la
vie , il signifie encore maître, seigneur, doc-
teur, protecteur, bienfaiteur; quelquefois il
marque l'aieul, le bisaïeul, la tige d'un^ fa-
niillo, quoique éloignée qu'elle soit : ainsi
.\biaham est appelé le père de plusieurs na-
tions ; d'autrrs lois il signi'ie ciompl'' et mo-
dèle : dans ce sens Abraham est le père des
croyants. On a donné ce nom aux rois, aux
magistrats aux supérieurs ; il signifie aussi
les vieillards, scribo vobis, patres {I Joan., ii,
13). 11 dénote aussi l'auteur, l'inventeur de
quoique chose ; ainsi Jubal est proilamé le
père des joueurs d'instruments, et Satan est
appelé le père du mensonge. L'énergie de
ce terme est une conséouence évidente des
anciennes mœurs. Dans les premiers tiges du
monde, lorsqu'il n'y avait point encure d'au-
tre société que colle des familles , un père
était souverain chez lui, seul maître de ses
enfants et de ses domestiques ; son autorité
n'était bornée par aucune loi civile, mais elle
l'élait par la loi naturelle dont Dieu est l'au-
teur, par les sentiments de tendresse que la
nature inspire au père pour ses enfants, et
par l'intérêt qu'il avait de les conserver, dans
l'espérance des services qu'il en tirerait dans
la suite, et de la reconnaissance qu'il éprou-
verait de leur part. Ainsi le nom Aa père
donné à Dieu emporte non-seulement la no-
tion de créateur, d'auteur de la vie, de sou-
verain maître des hommes, mais encore l'i-
dée de bienfaiteur, de protecteur attentif à
leurs besoins et occupé à y pourvoir. Il ins-
pire tout à la fois la soumission, l'obéissance,
la reconnaissance, la confiance et l'amour, par
conséquent le cultelepluspur; c'est pourcela
i[ue Jésus-Christ nous a commandé d'appe-
ler Dieu notre père. Chez les païens qui
avaient multiplié les dieux, ce nom était dé-
gradé : la pluralité causait dans la religion le
même désordre qui aurait régné dans une
lamille, si au lieu d'un seul maître il y en
avait eu plusieurs. Comme les docteurs juifs
s'attribuaient par orgueil le nom de père, Jé-
sus-Christ dit à ses disciples : N'appelez per-
sonne sur la terre votre, père; vous n'en avez
qu'un qui est dans le ciel [Matth. xxiii, 9). Cela
n'a pas empêché les fidèles de donner par
respect le nom de père à leurs pasteurs : au-
trefois les évêques n'avaient d'autre titre
d'iionnpur que celui de révérendpère en Dieu.
De nos jours les incrédules se sont appli-
qués à dégrader et à saper par le fondement
le pouvoir paternel ; ils ont soutenu que les
droits d'Ain père ne viennent point de la na-
ture, mais d'une espèce de contrat qui ne
dure qu'autant que les enfants en ont be-
soin, que ceux-ci en sont affranchis dès qu'ils
sont capables de se conduire , etc. Nous
avons réfuté cette morale absurde et meur-
trière au mot Autorité conjugale et pater-
nelle.
PÈRE ÉTERNEL, DiEU LE PÈRE. Voy. TRI-
NITÉ.
PÈRES DE l'Eglise. On nomme ainsi les
auteurs chrétiens, soit grecs, soient latins,
qui ont traité les matières de religion pen-
dant les six premiers siècles de l'Eglise ;
ceux qui ont vécu depuis le septième sont
simplement noinuii s écrivains ecclésiastiques.
[Saint Bernard est aussi compté au nombre
des Pères de l'Eglise. Il est le dernier de
cette illustre suite de savants doiteurs.]
C'est une grande question entre loscdho-
liqifcs ot les protestants de savoir quelle
déférence l'on doit avoir pour le sentiment
des Pères de l'Eglise, Comme suivant la
U09 • , , PER , J
croyance des premiers, Dieu n'a pas voulu
que la vraie doctrine de Jésus-Ciirist et des
apôtres nous fût transmise par l'Ecriture
seule sans le secours de la tradition, ils ont
lo plus grand respect pour les docteurs qui,
de siècle en siècle, ont été chargés d'ensei-
gner cette doctrine aux tidèles ; ils les re-
gardent comme des témoins non suspects
(le ce qui a toujours été cru et professé dans
l'Kglise de Jésus-Ciirist. Les protestants, au
contraire, qui soutiennent qu'en matière de
foi nous ne devons point avoir d'autre guide
que le texte des livres saints, se sont trouvés
intéressés à décréditer , autant qu'ils l'ont
pu , les dépositaires de la tradition : aussi
n'wnt-ils rien omis pour déprimer et pour
noircir les Pères de l'Eglise; ils en ont censuré
les talents, la conduite, la doctrine, soit en
fait de dogme, soit en fait de morale. A com-
mencer par les centuriateurs de Magdebourg,
li'urs plus célèbres écrivains, Scultet,Daillé,
Le Clerc, Basnage , Beausobre, Mosheim ,
Brucker, 'Wliitby, etc.. se sont donné car-
rière sur ce sujet, et ont dévoilé toute leur
malignité ; et ils ont eu la satisfaction de voir
tous leurs reproches fidèlement répétés par
les incrédules. Avant d'entrer dans aucun
détail, il est essentiel d'exposer en quoi
consiste l'autorité que nous attribuons aux
Pères de l'Eglise ; cela est d'autant plus né-
cessaire, que jamais nos adversaires n'ont
voulu le concevoir, et qu'ils s'obstinent tou-
jours à détigurer notre croyance sur ce
point.
En matière de dogme ou de morale, le
sentiment de quelques Pères, en petit nom-
bre, ne fait pas lè^le ; on n'est pas obligé de
le suivre, et jamais aucun catholique ne s'y
est astreint. Mais lorsque ce sentiment est
unanime, ou du moins soutenu par le très-
grand noiiii)re des Pères, non-seulement pen-
dant un temps, mais pendant plusieurs siècles,
non-seulement dans une contrée de la chré-
tienté, mais dans les Eglises les plus éloi-
gnées les unes des autres ; alors ce sentiment
fait tradition, il est censé la croyance com-
mune (le l'Eglise universelle, par conséquent
dogme (le foi. Ainsi l'a entendu le concile
de Trente, lorsqu'd a défendu de donner à
l'Ecriture sainte un sens coutiaire au sen-
timent unanime des Pères, sess. 4. L'an 691, le
concile in Trullo avait d('j<i [)orté le même
décret, (l'est la règle que piescrivait, au \'
siècle, Vincent de Lérins , lor>qu'il donnait
pour tradition ce qui a été cru (lartout, tou-
jours, et |iar tous les fidèles, quod ubique,
quod semper, quod ab omnibus creditum est,
Coujmonit. cap. 2. Avant lui saint Augustin
regardait comme irréfragable le sentiment
unanime des docteurs de l'Eglise, Op. iin-
perf. contra Julian., I. iv, n. 112. C'est le
sentiment sur lequel TertuUien, au m' siè-
cle, établissait la prescri|)tion contre les hé-
rétiques ; il ne faisait que suivre ce qu'avait
enseigné au ii* siècle saint Irénée touchant
la nécessité de suivre \n Iradiùoii. adv. Uœr.,
l. III, c. 3, n. 1, etc. Et l'on peut déjà mon-
trer le germe de dtte croyance dans les ex-
hortations que samt Ignace faisait aux fî-
PER
litO
dèles dans toutes ses lettres, d'être dociles,
obéissants à leurs pasteurs. Voy. Tradition.
En effet, le très-grand nombre des docteurs
de l'Eglise ont été des évèciues ou des prê-
tres qu ils avaient chargés (renseigner : c'est
par leur organe que les fidèles, dans tous les
lieux, ont rei;u la doctrine chrétienne et l'in-
telligence des saintes Ecritures ; il est donc
impossibl(> que la doctrine des fiasteurs n'ait
pas été celle des Eglises auxquelles ils prési-
daient. Puisque, dès l'origine, l'on a cru qu'il
n'était peruiis à personne de suivre ni d en-
seigner un dogme nouveau, ])artirulier, Oif-
férent de la croyance commune, s'est-U pu
faire que les docteurs qui enseignaient en
Egypte et dans la Palestine, dans l'Asie mi-
neure et dans la Grèce, en Italie et sur les
côtes de l'Afrique, en Esp.igne et dans les
Gaules, aient professé, comme de concert et
par un com[i]ot , une foi contraire à la doc-
trine de Jésus-Christ et des apôtres, soit
écrite, soit transmise de vive voix ? Les pro-
testants le prétendent, mais l'absurdité de
celte sup|iosition est palpable. Ils ne cessen'
de nous répéter qu'en nous fiant aux Pères
ou aux docteurs de l'Eglise, lorsqu'ils pro-
fessent la même doctrine, nous nous repo-
sons sur la jiarole des hommes, sur une
autorité humaine, sur le jugement humain ;
que c'est une foi purement humaine, etc.;
ce reproche est évidemment faux, puisque
les Pères eux-mêmes ont fait pnfession de
ne pas suivre leurs {uoprcs lumières ni
leur propre jugement, mais l'enseignement
de Jésus-Christ et des ai)ùtres, transmis suc-
cessivement de siècle en siècle par la tradi-
tion ou par l'enseignement commun, cons-
tant et uniforme des Eglises chrétiennes et
do leurs i)asteurs. Chez les [)rotestants, com-
me chez iums, le tiès-grand nombre des sim-
ples tidèles est incapable de lire et d enten-
dre l'Ecriture sainte ; mais ils disent que
chez eux la foi du peuple est divine, parce
que leurs pasteurs fondent leurs leçons uni-
quement sur l'Ecriture sainte ; ils confon-
dent ainsi la parole de leurs pasteurs avec
cette Ecriture môme. Ensuite, par une con-
trailiclion révoltante, ils nient que les sim-
ples fidèles catholiques aient une foi divine,
(juoiqu'elle soit fondée sur la mission divino
(Je leurs [tasteurs, sur la conformité de leur
croyance avec celle de l'Eglise universelle,
sur l'impossibilité qu'il y a toujours eu de
changer dans cette Eglise la doctrine que les
a|)ijtres avaient prêchée. En un mot, les Pè-
\ res ont toujours cru et protesté qu'il ne
leur était jias permis de rien changer h la
doctrine établie par les apôtres, soit écrite,
soit non écrite, mais toujours conservée et
transmise par tradition dans l'Eglise ; que
tout sentiment nouveau, particulier, inou'i
dans les tern(is ]irécédents. ne pouvait tenir
à la foi chrétienne, était erroné ou suspect;
donc il était impossible (ju'un grand nom-
bre de ces Pères aient introduit, de concert
ou par liasard, un sentiment de cette espèce,
se soient accordés en diÛ'érents lieux, et en
ditl'érents temps, à enseigner une erreur. Ils
l'ont fait, disent les protestants, donc ils out
im
PER
PER
im
pu le faire. Pour le prouver, ces grands cri-
tiques ont fouillé dans tous l-s (^xrits des
Fêrcs; ils ont rassemb <■ tous les termes, tou-
tes les expressions qui leur ont paru sus-
ceptibles d'un sens erroné ; tout ce q^ii a pu
échapper à ces saints docteurs dans une ins-
truction fai'e sur-le-champ ou dans la chaleur
de la iiisput> ; toutes les conséqu>'iiC(S que
l'on en peut tirer bien ou mal ; souvent ces
censeurs ti^né aires ne te sont pas fait scru-
pule d';dtérer ou de tronquer les pa-^sa^es :
ensnitf ils ont conclu victori usemcnt que
les Pères en gén-'ral ont été mauvais théolo-
giens, mauvais raorilist<'S, m.iuvais raison-
neurs; que leurs 0 ivragessont rem(ilis d'er-
reurs, que leur sentiment ne mérite aucune
attention.
L'injustice de ce procédé saute aux yeux.
1° Ce n'était pas assez de faire voir que tel
Père de l'Eglise a enseig^jné une opinion
fausso, qu'un autre Père eu a soutenu une
autre qui n'est pas plus vraie, (]u'aucun des
Pères n'est absolument sans taclie et sans
défaut : l'es-enliel était de prouver qu'un
grand nombre de es docteurs se sont ac-
cordés h et iblir la même erreur, soit en
même temps et au même lieu, soit en divers
temps et en (iitférenls lieux ; qu'ils l'ont
soutenue dogmatiquement comme une vérité
de foi, qu'ils l'ont ainsi introduite dans la
croyance commune de l'Eglise. Car entin,si
deux ou trois Pèns seul ment ont pensé de
même, s'ils n'ont proposé leur avis que
comme une simple opinion que l'on pou-
vait embrasser ou rejelei- sans ronséquence,
si leur sentiment n'a pas été communt'ment
suivi, qu'importe le;<r méprise? qU'l avan-
tage en peul-on tirer? — 2° En maltraitant
a nsi les Pères de l'Eglise, les protestants
ont appris aux incrédules à ne pas ménager
davantage les écrivains sacrés; il a f.dlu
que ces censeurs injustes répondissent à
leurs propres arguaienls tournés par les in-
crédules contre les auteurs inspirés. C'est
ainsi que leur critique téméraiiC a servi la
religion. Ils ont fait plus. La plujiart se
sont attachés à justilier non-seulement les
anciens philosophes, mais encore les héré-
tiques, de toutes les erreurs qui leur ont
été imputées ; par des interprétations favo-
rables ils ont tout ])allié et tout excusé ;
leir cliarité ing'uiieuse a brillé surtout à
l'égard des fondateurs de la réforme, elle a
trouvé le secret de ciianger leurs vices en
vertus ; et ils s'élèvent contre les théologiens
cat !(diques, lorsque ceux-ci usent de la
moindre indulgence envers les Pères; ces
dernirs sont -ils donc des personnages
moins respectables que les hérétiques ? Mos-
heim, en particulier, a donné un exemple
frappant de cette conduite inconséquente.
Dans ses notes sur 1 ' Système intellectuel de
Cudworlh, chap. iv, § 36, tom. 1, p. 856, il
s'est proposé de ji-stifier Platon a'une er-
reur grossière (jui lui a été altiibuée jor
des P res de l'Eglise et par uu grand nombre
de critiques ujouemes. 11 ne peut se [ er-
suader, dii-il, qu'un aussi beau génie que
Platon ait donué dans une pareille absur-
dité ; il veut que, pour prendre le sens d'un
auteur, on ne se fie poii.t à ses commenta-
teurs, ruais que l'on consulte sis p.opres
écrits, et que l'on envisage la tntalité «e sa
doctrine, que l'on examine avec aitention
la quesiion qu'il traite, qne l'on ne prenne
point à 1,1 lettre des expressions qui sont
souvent figurées et miHaphjriqucs , etc.
Ndus applaudissons volo tiers à la sa.'esse
de ces préciuti.ms , mais nous dem':ndons
pourquoi l'on n'rn observe aucune à l'égard
des P'res de l'Eglise? — 3" Après avoir bien
déclamé contre les Pires, la honte ou un
reste de sincérité a cejiendant arraihé aux
p olestants des aveux remarquables ; ils ont
dit que, malgré tous les défauts q. c l'on
peut reprocher aux Pères, ce s ■ut cependant
des écrivains très -estimables à cause de
leurs talents, de leurs vertus, et des seri-
ces qu'ils ont rendus au cliris ianisme. Si
cet hommage n'est pas sincère, c'est un
trait d'hyi'ocrisie détestable; s'il l'est, c'est
une rétractation formelle et une réfutation
des repioclies que l'on a faits aux docteurs
de l'Eglise. Car enfin, en quoi consisteraient
leurs tilenls, s'il était vrai qu'ils ont man-
qué de critique, île justesse, de force dans
le raisonnement, et des connaissances né-
cessaires pour réfut r solid-ment les juifs,
les I aiens et les hérétiques? Où seraient
leurs vertus, s'ils avaient usé de superche-
ries, de mensonges, de fraudes | ieuses ;
s'ils avaient agi par un faux zèle cont' e les
mécrrants ; s'ds avaient scandalisé l'Eglise
par leur ambition, par leurs jalousies mu-
tuelles et par leurs disputes? quels services
auraient-ils rendus h la religion, s'ils avaient
mal expliqué l'Ecriture saiiite, mal déve-
loppé la doctrine ch.étiiuine, m.d enseigné la
morale; s'ils avaient contribué à introduite
dans le christianisme toutes les superstitions
des juifseï des [laiens? Tels sont les reproches
des protestants coiUre lis Pères; e-t-ce par
quelques pi otestations vagues de respect que
1 on eutemiiminuerl'atiocitéîMaisonadroit
d'exigir de nous ries preuves de la conduiie
que nous rej>rochons à n:is adversaires, il
faut en donner : i)lus leur haine et leur ma-
lignité contre les Pères sont excessives et
injustes, plus nous devons nous attaciier à
justifier ces saints [lersonnages, qui sont
nos maîtres dans la f(ji.
Mosheim, dans son Histoire ecclésiastique,
commence son introduction par déplorer les
maux qu'ont fais à l'Eglise l'ignorance, la
fainéantise, le luxe, l'ambition, le faux zèle,
les animosités et les disputes de s-s chefs
et de ses onctcurs. Souvent, d)t-il, ils ont
interprété les vérités et les préceptes de la
religion d'une manière conforme à leurs
systèmes partieuliers et à leurs intérêts
personnels. Us ont emp été sur les droits
du peuple, ils se sont arrogé une autorité
absolue dans le gouvernement de l'Ej^ilise.
Ce ne sont pas la de légers reproches. En
faisant l'histoire du r' sièile, il sape l'auto-
rité des Pères apostoliques jiar les doutes
u'il ré[:and sur l'autheniicité et rin;i^g.rité
Q leurs ouvraj^es; il regarde comme, &up
î
1H3 VÈK
\)os6e la seconde lettre de saint Clément, et
fa premièie conimi' corrompu.'. Au sujet des
sei't épîtres de samt Ijjnace, il doute do la
vérité de celle qui est écrite à saint Polv-
carpe, et il prétend ({ue la contestation lou-
ciiaiit les sis autres n'est pas encore termi-
née; elle ne le sera jamais pour ceux qui
unt intérêt de la prol(jntf;er. 11 n'oserait né-
cider si la lettre de saint Polycarpe aux Phi-
lippieris est véritable ; il jufie que celle de
saint Barnabe est l'ouvrage d'un juif igno-
rant et superstiticuix , et ijue le Pasteur
d'Hrrmaa est la production d'un vision-
naire. Cela prouve, dit-il, que le christia-
nisme ne doit pas ses progrès aux taleuls de
ceux qui l'on prêché, puisqu'ils n'étaient ni
savants ni éloquents. N us verrous ci-.-iprôs
si cette réll'xion est capable de faire beau-
coup d'honneur au christianisme. En parlant
du livre impie de Toland, intitulé Amyntor,
Mosheim avait relevé la téméiilé avec la-
cjuelle cet auteur suspectait l'authenticité
des écrits dont nou< parlons ; il aurait été à
propos de s'en souvenir et do ne pas tom-
ner dans le môme défaut après l'avoir blû-
mé. Vie de Toland, % 18, p. %. En trailant
de chacun des Pères apostoliques en parti-
culier, nous réjiondons à ce que l'on ob-
jecte, soit C(intrfi leurs personnes, soit con-
tre leurs écrits. Le Clerc en a jugé plus
favorabl. ment.
Au u' siéi le, Mosheim soutient que les
Pères ne furent ni de savants m de judicieux
interprètes de l'Ecriture sainte, iju'ils né-
gligèrent le sens litlôial pour de frivoles al-
légories, qu'ils firent souvent violence aux
expressions pour appuyer le. us systèmes
[)hdosophiques. Ils n'ont point trait.'', dit-il,
a docirine chrétienne avec assez d'exacti-
tude pour que l'on puisse savoir ce au'ils m
pensaient. Ils ont mal réfuté les Juifs, parce
qu'ils ignoraient leur langue et leur his-
toire, et qu'ils écrivaient avec une légèreté
et une négligence que l'on ne peut pas ex-
cuser. Ils ont mieux réussi à combattre les
Cireurs des païens qu'à développer la na-
ture et le génie du christianisme, l.a plupart
ont maniiué de pénétration , d'érudition ,
d'ordre, de justesse et de force ; ils em-
ploient souvent des .irguments futiles, plus
propres à éblouir l'imagination, qu'a con-
vaincre l'esprit, Hist. ecclés., ii'= siècle, ii°
part., c. 3. Cependant Mosheim, dans le
chapitre précédent, a donné de grands élo-
ges aux ouvrages de saint Justin, do saint
Irénée, d'Athénagore , de saint Tliéophile
d'Antioche, de Clément d'Alexandrie ; il a
loué leur piété, leur génie, leur érudition,
Jours vastes connaissances : ou ces éloges
sont un langage hypocrite, ou le jugement
général q'i'il en a porté est faux. Ce môme
critique u'ose pas condamner le jugement dé-
savantageux (pie Barbeyrac a porté de la
morale des Pères de ce siècle : il avoue que
ces docteors chrétiens sont remplis de pré-
ceptes trop austères, de maximes stoiques,
de notions vaguas, de décisions fausses. Ils
ont altéré, dit-il, la simplicité de la morale
évaugélique , en distinguant le» conseils
PEU
Uli
d'a^vec les préceîitcs, et en supposant qu'il y
a des ch étions qui doivont èt'o plus [larfaits
que les (intres. D'où il s ensuit que Bar
boyrac n'a pas eu tort de peindre ces Pè
res comme de mnivais moialistos. Nous
avons soin de les v^'Uger do ces reproclics.
Au ni° siècle, Mosheim a vu le mal en-
core plus grand. Los docteurs chrétiens,
dit-il, élevés dans h's écol. s des rhéteu.'S
et dos sophi-ites, eni[)loyèrent l'art des sub-
terfuges et de la dissimuation pour vain-
cre leuis adviTsaires, et ils a [lelèrent cette
méthode économique; ils crurent, comme
les platoniciens, (pi'il était permis d'em-
ployer le moiison^o pour défi utire la vérité.
Mosheim a insist'' [irincipaleiuent sur ce re-
proche dans ia dissertation Ue turbata per
recentiores phitonicos t'cclesia. Il aurait fallu
l'ajipuyer ()ar des («rouves démonstratives;
ce critique n'en allègue point d'autres que
les arguments d'Origène contre Celse, et la
métliode de proscription employée par Ter-
tullien contre l>s héréli((ucs. D'autres ont
allé,j;ué la multitude des livres apociyplies
supposés dans ce siècle et dans le précé-
dent, connue s'il était certain q.'o les Pères
ont eu queUpie part à toutes ces impostures.
Etait-ce doni- assez do ces soupçons pour
prouver une acciisatioii aussi f^rave? Quand
il serait vrai que les ar.^umoiUs d'Origène
contre Ceîse sont faux, si ce Père les a crus
solides ; quand il serait démontré que la
méthode cie prescription no vaut rien , si
Tertrdiien l'a ju^ée bonne et légitime : à
quel titre pout-mi taxer ce? deux docteurs
<ir> dissimulation, de fraude, de défaut de
sincérité? Si une erieur on fait de rai.sonne-
moiu est une preuve de mauvaise foi ,
Mosheim lui-même en demeure ici pleine-
ment convaincu. Nous avons justilié ailleurs
les Pères sur tous ces chefs. Voy. Eco'vo-
MiE, Fraude pielse, Platonisme, Prescrip-
TIO.V, etc.
Notre censeur reproche aux Pères du iv*
siècle d'avoir expliqué et défendu les dog-
mes fondamentaux de la doctrine chré-
tienne avec une profonde ignorance et avec
la plus grande confusion d'idées ; il dit <jue
les part. sans du concile de Nicée et de la
consubstanliali é du Verbe semblaient ad-
mettre trois liieux ; il en avait parlé avec
plus de modération dans ses Notes sur Cud-
worth., t. 1, p. 920. Il prétend que, pindant
ce siècle, la suj erstilion et les abus dans le
culte furent poussés aux derniers excès, que
le mal ne fit qu'empirer dans les siècles
suivants ; c'est aux Pères de l'Eglise qu'il en
attribue la laute, parce que, loin d<' s'ojiposer
à ce désordre, ils l'ont autorisé et fomenté
par intérêt personnel. Sous ci aque siècle il
réjiète à peu près les mêmes invectves;
toute son histoire e.st, à proprement jiarler,
un lil)elle diffamatoire, destiné à noircir les
docteurs et les past .urs de l'Ej^lise. lîaibey-
rac, dans son Traité de la Morale des Pères,
n'a pas eu un autre dessein, non [lus que
Le Clerc dans son tfist. eeclés., et dans ses
autres ouvrages. Bruckor, d ais son Histoire
critique de to fkUiisopfiie, all'ecte partout
1415
PER
PER
U16
d'encenser et de copier Mosheira ; ainsi
passent de main en main les reproches que
Daillé a faits aux Pères, dans son traité de
vero Usu Patrutn ; mais cette tradition scan-
daleuse ne fait pas beaucoup d'honneur aux
protestants.
1° Si les docteurs de l'Eglise avaient été
tels qu'on les représente dans les différents
siècles, il faudrait convenir que Jésus-Christ
a fort mal exécuté la promesse qu'il avait faite
à ceux qu'il envoyait prêcher l'Evangile, d'ô-
tre avec eux jusqu'à la consommation des siè-
cles, de leur envoyer l'Esprit de vérité, afin
qu'il demeurât toujoursavcc eux (jWa«. XXVIII,
20 ; Joan., xiv, 16), puisiju'il a permis qu'im-
médiatement après la mort des apôtres l'E-
glise ne fût i)lus enseignée que par des hom-
mes, les uns sans talents, les autres sans
probité, et absolument déchus d'esprit apos-
tolique. Si nous écoutons saint Paul, c'est
Dieu qui a donné des apôtres, des prophè-
tes, des évangélistes, des pasteurs et des
docteurs , jiour perfectionner les saints ,
pour édifier le corps de Jésus-Christ, pour
établir l'unité de la foi, etc. {Ephes., c. iv,
V. 11). Si nous en croyons les protestants,
les apôtres, les prophètes, les évangélisies
ont été à la vérité suscités de Dieu pour
cette fin; quant aux pasteurs et aux docteurs
qui leur ont succédé, loin d'édifier, ils n'ont
lait que détruire ; au lieu d'établir l'unité de
la foi, ils ont divisé les esprits par des dis-
putes philosophiques ; au lieu de perfec-
tionner l'ouvrage commencé par les apôtres,
ils l'ont dégradé et dénaturé ; et Dieu a
trouvé bon d'attendre quinze cents ans avant
d'y apporter du remède. Nos adversaires
voudront bien nous dispenser de digérer de
pareilles impiétés ; les déistes et les athét'S
n'ont rien dit de plus injurieux contre le
christianisme.
2* Ils disent que, puisque les apôtres mê-
mes n'ont pas été exempts de préjugés,
d'erreurs, de faiblesses, il n'est pas éton-
nant que leurs disciples les plus zélés en
aient été aussi susceptibles ; Barbeyrac ,
Traité de la Morale des Pères, c. viii, § 39,
p. 125; Encyclop., art. Pères de l'Eglise;
conséquemment les incrédules n'ont jias
manqué de faire contre les apôtres les mê-
mes reproches que les protestants font con-
tre les Pères. Mais nous demandons de quel
front l'on ose attribuer des er-reurs et des
faiblesses aux apôtres, quand on fait profiS-
sion de croire qu'ils avaient reçu le Saint-
Esprit, et que, suivant la promesse du Sau-
veur, cet Esprit divin devait leur enseigner
toute vérité (Joan. xvi , 13), et les re-
vêtir d'une force divine {Luc. xxiv , 49 ;
Act. I, 8).
3" 11 a fallu être possédé d'un esprit de
vertige pour supposer , d'un côté, que les
Pères apostoliques n'ont été ni savants, ni
éloquents, ni critiques éclairés, ni précau-
tionnés contre la fraude ; que c'étaient des
hommes simples , crédules , ignorants et
quelquefois visionnaires; de l'autre, que
ce sont eux qui ont fait la distinction des
écrits authentiques et vraiment apostoli-
ques, d'avec les livres forgés el apocryphes ;
Mosheim, Hist. ecclés., i" siècle, u'part., c.
2, § 17. Voilà, en vérité, diront les déistes,
d'excellents juges pour faire un pareil dis-
cernement ; c'est une foi bien éclairée et
bien sage que celle qui est dirigée par de
tels arbitres. Croirons -nous ces docteurs
incapables de fraude, pendant que leurs
successeurs immédiats ne se sont fait aucun
scrupule de forger des livres, etc.? Mais
les protestants semblent ne compter pour
rien l'avantage qu'ils donnent aux ennemis
du christianisme , pourvu qu'ils puissent
exhaler leur bile contre les Pères. Ce qu'il y
a de singulier, c'est que Mosheim a con-
damné lui-même cette méthode de laquelle
il s'est constamment servi. Il observe que
si l'on récuse absolument le témoignage des
Pères, il ne restera plus rien de certain dans
l'histoire de l'Eglise ; il blâme la témérité do
ceux qui, pour se débarrasser de ce témoi-
gnage, s'attachent à le décréditer, en allé-
guant l'ignorance, les erreurs, la mauvaise
foi des Pères, etc. Tel est cependant le ciime
dont lui et ses pareils sont coupables. Voy.
Vindiciœ antiquœ Christianoruin disciplina;,
adv. Tolandi Nazarenum, sect. 1, c. 5, § 3 et
4, p. 92 et suiv.
k' Les trois principales sectes protestan-
tes s'accordent très-mal sur ce point. Com-
me les anglicans se sont moins éloignés que
les autres de la croyance catholique, ils ont
aussi conservé plus de respect pour les té-
moins de la tradition ; Cave, Grabe, Réeves,
Blacwal, Péarson, Bévéridge et d'autres sa-
vants anglais, ont justifié les Pères contre
les reproches de Daillé et de ses copistes;
ils ont soutenu contre les sociniens que l'on
doit entendre l'Ecriture sainte conformé-
ment aux explications des anciens docteurs
de l'Eglise; ils ont travaillé avec succès à
rassembler, à éclaircir plusieurs monuments,
et à les défendre contre les attaques d'une
critique trop hardie. Les luthériens ont été
moins équitables, parce qu'ils se sont écar-
tés davantage de la doctrine de l'Eglise an-
cienne ; [ilusieurs d'entre eux n'ont pas hé-
sité d'imiter l'emportement des calvinistes.
Quant à ces derniers, ils n'ont point gardé
de mesures ; plus ils penchent au socinia-
nisme, plus ils témoignent de prévention et
de haine contre les Pères, et pour comble
d'hy|)OCiisie, ils protestent que c'est la pure
vérité qui les force à penser ainsi. Le môme
personnage pour lequel les uns témoignent
beaucoup d'estime, est traité par les autres
avec le dernier mépris ; souvent un critique
protestant en dit du bien ou du mal, suivant
qu'il le trouve plus favorable ou plus op-
Eosé à son opinion. Le traducteur de Mos-
eim avoue que l'autorité des Pères diminue
de jour en jour chez les protestants, Hist.
ecclés., tom. 1, pag. 5, note. Nous n'en som-
mes pas surpris ; nous y voyons diminuer la
foi en même proportion, et le protestan-
tisme se rapprocher de jour en jour du
déisme : cette progression était inévitable.
Ce même écrivain convient que le livre
composa par un calviniste anglais nommé
mi
PER
i'i;;R
1418
Whitby, contre l'autorité des Pères, ne peut
manquer do produire un très-mauvais effet,
et de |>révenir les jeunes étudiants contre
ce qu'il y a de bon dans les écrits de ces
anciens, Ilist. ecclés., tom. V, p. 368. Ce
qu'il en dit lui-môme dans ses notes fera-l-il
moins de mal ?
5" lln'estpas possiblede méconnaître Inpas-
sion qui fait parler nos adversaires, quand on
considère les contr.Mlietions et la bizarrerie
des reproclie^ iju'ils font aux jRrres de l'E-
glise, ils se [ilaignont de ce que ceux du i'"'
siècle n'étaient ni savants m éloquents, de
ce que ceux du ii' n'étaient pas instruits
de la pliilosopliie des Orientaux ; ils bklment
dans ceux du m' la cimnaissance qu'ils
avaient de la pbiloso[)hie et l'usage qu'ils en
ont fait ; ils disent que l'éloquence des Pères
en général est trop enllée, remplie de figures
et d'hyperboles. Ils les accusent d'avoir
souvent mal raisonné, de n'avoir pas vu les
conséquences de ce qu'ils enseignaient ; ce-
pendant ils supposent que les Pères ont été
tons raisonneurs, jinisqu'ils leur attribuent,
l)ar voie de conséquence, toutes les erreurs
f)0ssibles; ensuite ils se fAchent de ce que
es Pères en ont ainsi agi àlégai'd des héré-
tiques. Il ne faut [las, disent-ils, attribuer
les actions des hommes à des principes qu'ils
n'ont jamais avoués, nia de mauvais motifs,
lors(iu'ils ont pu en avoir de louables; et
continuellement ils se rendent coupables de
cette injustice envers les Pères. Ils se plai-
gnent de ce que ceux-ci manquent de mé-
thode, et de ce que les scolastiques en ont
tro[), etc. Les calvinistes surtout ont poussé
l'inconséquence jusqu'au ridicule. Ils ont
peint saint Jérôme en particulier comme un
imposteur de profession qui ne se faisait
aucun scrupule de mentir et d'affirmer le
contraire de ce qu'il pensait, et parce qi'il a.
dit dans un endroit , qu'au connnencement
de l'Kglise les évéques ne se croyaient [las
supérieurs aux [)rètres, ces mêmes calvinistes
ont triomphé ; ils ont cité ce passage comme
une autorité irréfragable, qui doit prévaloir
à tous les monuments de l'histoire ecclésias-
tique, ils nous reprochent une aveugle pré-
vention en faveur des Pères, une obstination
marquée k les justifier contre toute apparence
de vérité. De notre côté, nous leur repro-
chons une aveugle prévention contre ces
écrivains respectables , et un entêtement
malicieux k interpréter dans le plus mauvais
sens ce qu'ils ont dit. Ils travaillent ainsi à
confirmer les erreurs en leur cherchant des
garants et des complices ; au lieu que nous
tâchons d'établir des vérités, en faisant voir
qu'elles no sont jjoint contraires au senti-
ment des docteurs de l'Eglise : lequel de ces
deux procédés est le plus louable ?
6° Enfin les plus opini;Ures ont été forcés
de se dédire et de se rétracter. Daillé, à la
' fin de son livre de vero Usu Patrum, 1. ii,
G. 6, semble avoir voulu faire aux Pères la
réparation des outrages dont il les avait
chargés. « Leurs écrits, dit-il, renferment des
leçons de morale et de veitu capables de
produire les plus grands effets, plusieurs
DiCTIONN. DE TbÉOL. DOUUàTIQUE. UI.
choses qui .servent à confirmer les londe-
nients du christianisme plusieurs observa-
tions très-utiles pour entendre l'Ecriture
sainte et les mystères qu'elle contient ; leur
autorit('' sert beaucoup k prouver la vérité de
la ri ligion chrétienne. N'est-ce pas un i)hé-
nomènea imirable ciue tant de grands hom-
mes, doués de tous les talents et de toute la
capacité possible, nés en dillércnts temps et
en divers climats, pendant quinze cents ans,
avec des inclinations, des mœurs, des idée»
si dili'érentes, se soient néanmoins accordés
îi croire les |)reuves du christianisme, à ren-
dre leui'S adorations à Jésus-C.hrist, k [irô-
chi'r les mômes vertus, à espérer la môme
récompense, à recevoir les mômes Evangiles,
k y découvrir les mômes mystères? M
n'est pas vraisemblable que tant d'hommes
célèbres par la beauté de leur génie, par l'é-
tendue et la pénétration de leurs lumières,
dont le mérite est prouvé par leursouvrages,
aient été assez imbéciles i)our fonder leur
foi et leurs espér-ances sur la doctrine de
Jésus-Chi'ist, pour lui sacrifier leursintérôts,,
leur repos et leur vie, sans en avoirévidem-
inent senti le pouvoir divin. Préférerons-
nous au suffrage unanime de ces grands
hoiumes les préventions et les clameurs d'une
poignée d'incrédules et d'athées, qui calom-
nient TEvaiigile sans l'entendre, .qui blasphè-
ment ce qu'ils ignorent, et qui se rendent
encore plus suspects par le dér'églement da
leurs mœurs que par les bornes étroites de
leurs connaissances? » Ces réflexions sont
très-sages ; mais de quel front peui-on les
adresser aux incrédules, quand on a fait
tout ce que l'on a pu jiour leur inspirer de
la prévention conti'e les Pères?
Le Clerc, dans son Art erUique., t. IV, lettre
k, fait un gr-and éloge du livre de Daillé ; il
blAme la i-éfutation qu'un Anglais en avait
faite; celle de Guillaume Réeves n'avait \ms
encore paru ; toute cette lettre est un mélange
de bien et de mal, de blAme et de louanges
donnés aux Pères de l'Eglise, dui|uel on ne
sait quel résultat on doit tirer. Mais dans
son Hist. ecelés., an. 101, § 1 et suiv., i! a
exhalé toute sa bile contre les Pères du ir
siècle. « Ils étaient incapables, dit-il, de bien
entendre l'Ecritui'e sainte, faute de savoir
l'hébreu ; c'est |)0ur cela qu'ils s'étaient per-
suadé faussement (juc la version des Septante
était ins()irée. Ils étaient excessivement cré-
dules k régar-d de plusieurs traditions préten-
dues apostoliques; c'étaient de mauvais rai-
sonneur's, ignorants dans l'art de la critique,
entêtés de platonisme, et qui cherchaient k se.
rapprocher lies païens. » On doit donc regar-
der comme un miracle de la Providenie, la
conservation du christianisme entre les mains
de ilocteurs si capables de le corrompre. Aux.
mots HÉBRiii , Septa.vti: , TuADiTrox, Pla-
tonisme, etc., nous réfutons tous ces repro-
ches téméraires, dictés par le seul intérêt de-
système, et désavoués par les proleslants les
plus sensés. Beausobre, encore moins équi-
table, semble n'avoir écrit son Histoire dic
Mflnù/ie75mf que pour justifier tous les an-
ciens hérétiques aux dépens des Pères dt
45
1419
PEB
PER
im
l'Eglise ; il excuse tout rlaas les premiers,
tout lui paraît suspect et répréhensibie dans
les seconds; il ne veut pas que, pai'voie de
conséquence, on impute aux hérétiques des
erreurs qu'ils nont |)aS forinellomentavouées
et lui-même n'emploie point d'autre moyen
pour taxer d'erreur les Pères. Il soutient
qu'en rapportant les opinionsdes hérétiques,
ils ont l'ait des relations visiblement fausses
et pleines d'exagérations, qu'ils ont mal rai-
sonné, c|u'ils ont ciu aveuglément tous les
faits qui pouvaient déshonorer leurs adver-
saires, et qu'ils ont eu la passion de rendre
leurs personnes odieuses. Il reproche aux
catholiques d';djuser du nom et du témoi-
gnage des anciens, pour défendre des opi-
nions fausses etdes pratiques superstitieuses;
c'est ce qu'il appelle lesophisme àe l'autorité,
par lequel on jirétend, tlit-il, enchaîner ce
qu'il y a de plus libre en nous, qui est la
raison et la foi. Hist. du Manich., préf., pag.
22. Mosheim, Instit. Hist. christ., sœc. i ,
W part., c. 5, § 2, fait les mômes reproches
aux Pères touchant les hérésies, et emploie
toute son érudition pour les appuyer.
Pour nous, qui pensons que la raison eui-
brasse nécessairement ce qui lui paraît vrai,
et que Dieu nous or-Jonne de croire tout ce
qu'il a révélé, nous ne concevons point en
quel sens la raison et la foi sont ce qu'il y a
de plus libre en nous; mids il s'agit de jus-
tifier les Pères. Ceux-ci, sans doute, n'ont
pas vécu familièrement avec tous les héré-
siarques ni avec les iirincipaux docteurs de
cliaque secte, ils n'ont donc pu connaître les
vrais sentiments de ces personnages que par
leurs écrits, ])ar le récit de 1 urs disciples.
Far la confession de ceux qui revenaient à
Eglise, par la renommée publique. Beauso-
bre a-t-il eu de meilleurs mémoires que les
contemporains, pour mieux savoir qu'eux
ce que les hérétiques ont pensé et enseigné,
et pour convaincre les Pères de passion ou
df crédulité ? On nous dit que souvent les
Pères ne s'accordent point en exposant la
doctrine d'une secte hérétique. Cela. n'est
pas fort étonnant ; il n'y en eut jamais au-
cune dont les divers docteurs aient enseigné
la môme chose, ou aient conservé en entier
la doctrine du fondateur. Où en serions-
nous, s'il nous fallait juger aujourd'hui de
la doctrine de Luther et de Calvin par celle
de leurs sectateurs, ou ranger sous un seul
système toutes les erreurs des protestants?
Mosheim avoue qu'il n"y avait rien de con-
stant ni d'uniforme entre les différentes
sectes de gnostiques, Hist. christ., sœc. ii,
§ 42. Vainement il prétend que les Pères
n'ont |ias bien compris le système de ces
hérétiques, parce qu'ils n'ont pas connu la
philosophie orientale dans laquelle ces sec-
taires avaient puisé leurs erreurs; nous
avons fait voir la témérité de ce reproche au
mot gnostiques.
Dès qu'il plaît à un critique de forger le
système des hérétiques à sa manière, il n'est
pas étonnant que les jPèresluisemblent avoir
mal raisonné ; mais les Pères n'argumentent
pas contre les idées de nos dissertateurs
modernes ; ils attaquaient les écrits qu'ils
ava'ent sous Ips yeux, les adversaires aux-
quels ils parlaient, les erreurs dont ils avaient
la notion ; et nous convenons que les an-
ciens hérétiques n'ont pas toujours autant
d'adresse que les modernes pour revêtir
une erreur de toutes les apparences de la
vérité.
11 est fort singulier que Beausobre prétende
avoir mieux connu et mieux compris le sys-
tème des manichéens, être mieux informé
de leurs mœurs et de leur conduite, que saint
Augustin, qui avait vécu parmi eux, qui
avait été séduit parleurs sophismes,qui avait
consulté leurs plus habiles docteurs, qui
avait été un des apôtres de leur secte, et qui
vint à bout de les confondre dans plusieurs
conférences publiques. Il faut être étrange-
ment prévenu pour faire i)lus de cas des rai-
sonnements et di's conjectures d'un discou-
reur du xviii" siècle , que du témoignagG
formel d'un auteur contemporain , instruit
dans la secte même qu'il réfute. 11 n'est pas
croyable, dit Beausobre, que les hérétiques
aient été cou]iables de toutes les absurdités
et de toutes les abominations qu'on leur
prête ; ce n'étaient que des bruits vagues et
des accusations sans fondement ; cela n'était
prouvé tout au plus que par le témoignage
de quelques déserteurs de la secte : or, c 'ux-
ci ne manquent jamais de calomnier le parti
qu'ils ont abandonné. Nous soutenons que
ces accusations sont très-croyables ; les mê-
mes désordres dont les hérétiques du xir siè-
cle et des deux suivants ont été atteints et
pleinement convaincus, démontrent que ce
qui est arrivé pour lors a pu arriver autre-
fois. S'il y a quelquefois des transfuges men-
teurs, il y en a aussi de véiidiques. Lors-
qu'il s'est agi de calomnier des cathohques,
Beausobre ni les autres protestants n'ont pas
été aussi scrupuleux et n'ont pas pris autant
de soin de véritier les faits, que les Pères
l'ont été à l'égard des anciens hérétiques.
Mosheim, quoique assez enclin d'ailleurs à .
penser comme Beausobre, a cependant senti
le faillie et le ridicule des préventions de ce
critique, et il nous i)arait avoir eu en vue
de le réfuter dans sa troisième Dissertation
sur l'Histoire ecclésiastique, t. I, § 9, p. 238.
« J'ai peine à pardonner, dit-il, à ceux qui
ne cessent de nous étourdir par leurs cla-
meurs contre les Pères, qui les taxent d'igno-
rance, de malice, d'intérêt, d'ambition et
d'autres crimes, comme si ces anciens n'a-
vaient jamais été de bonne foi, comme s'ils
avaient toujours parlé et agi par des motifs
criminels, sans honte et onntre leur con-
srience, afin de rendre les hérétiques odieux.
Que diraient leurs accusateurs si on les trai-
tait ainsi ? » Voilà comme il s'est fait le pro-
cès à lui-même.
Ce n'est poiut nous qui faisons un sojihis-
me en alléguant l'autorité des Pères; c'est
Beausobre qui subtilise sur l'ambiguïté oie
ce terme. Lorsqu'il s'agit de constater un
fait ancien, par exemple de savoir ce qu'ont
enseigné tels ou tels hérétiques, ce n'est
point un sophisme d'alléguer Cautorité, c'est-
im
PER
PER
un
à-iire le témoignage de ceux qui ont été h
p'.^rtéo do s'en instruire, et qui aviiicnt intérêt
(le s'en iufoiiuer. 11 n'est encore venu à l'idée
de peisonne d"a[)]ieler sopliisiin' d'aulorilé ]à
certitude morale fondée sur r.jdcstation de
témoins coiU|iétcuts et en état do <lé|inser
d'un fait. Beausobre eu iui[X)se (|uaud il dit
que nous croyons à la parole des Pêrcii, parce
que nous les regardons comme des saints ;
c'est une fauss té : nous n'y croyons que
parceque nous savons d'ailleurs qu'ilsétaient
instruits, sensés et judicieux ; et nous le
voyons par leurs écrits. Quand il s'agit d'un
dogme, c'est-à-dire de savoir si tel dogme a
été cru professé et ()réché dans l'Eglise en
tel temps et en tel lieu, nous soutenons que
le témoignage des Pères est une i)reuve ir-
récusable, jjuisque la plupai'l ont été char-
gés par étal de prêcher et d'enseigner la doc-
trine chrétienne ; personne n'e^l plus cipable
3u'euK de nous appreuilre ([uelle était cette
oclrine dans le temps auquel ils ont vécu :
sur ce point leui' aiUorité se rédiàt encore
au simple témoignage. Lorsqu'un grand
nombre de Pères, placés en dillérents lieux
et en ditl'éreuts temps, s'accordent à ensei-
gner le même dogme comme partie de la
doctrine chrétienne, nous soutenons que ce
dogme y appartient véritablement, et que
c'a été la croyance commune de l'Kglise,
parce que les Pères, dans tous les temps et
dans tous les lieux, out prolesté qu'il ne h'ur
était p'is pei'mis d'euseigner aucune chose
contraire à cette croyance ; ils ont même
condamné comme novateurs et comme hé-
rétiques tous ceux qui ont eu cette témérité.
Nous persuadera-t-on que f s /'«résout atta-
qué et alli'ré la <Joclrine counuune de l'E-
glise étcil)lic avaut eux, sans le savoir et sans
le voulo;r, ou (]u'iLs ont commis ce crime
de [)iopos délibéré, en faisant profession de
le condamner et de le détester ? Pour qu'ils
en vinssent à bout, ilaurat encore fallu que
la société entière des hdèles se rendit leur
complice. En suivant leur docirine comme
orthodoxe, nous ne déférons point à leur
autorité pers muelle, mais à l'autorité de l'E-
glise. Or, nous avons prouvé cette autorit''
contre les protestants. Voy. Eglise, § 5.
Si d'un côté Beausobre ne veut .-.jouter au-
cune foi au témoignage des Pères, de l'autre
il jure sur la paiole de tous les écrivains
orientaux, arabes, chaldéens, syriens, égyp-
tiens, juifs cabalistes, etc. ; tout mécréant
quelconque lui parait plus croyable que vingt
Pères de l'Eglise. 11 croit avoir suffisamment
disculjié une secte hérétique, lorsqu'il peut
faire voir que quelques-uns des Pères ont
eu des opinions à peu près sembhibles, ou
qui entraînaient les mêmes inconvénients ; il
ferme les yeux sm- deux dilférences esseu-
tiellos. 1° Ces Pères ne dogm..fisaient pas,
aucun u'a jamais {)rétendu ériger en dogme
de foi son opinion [particulière ; les héréti-
ques au contraire oat toujours soutenu que
leur doctrine était la seule vraie, et quiconque
n'a pas voulu s'y confoimer n'a poiût été
admis dans leur secte. 2° Les Pères ont tou-
jours été soumis à l'enseiguemeat de l'E-
glise, ils ont écouté sa voix comme celle do
Jésus-Christ et des apôtres : les sectaires se
sont crus plus éclairés que l'Eglise, et ont
voulu que leur autorité l'emportât sur la
sienne.
Ces deux réflexions suffisent déjà pour dé-
montrer la fausseté des motifs par lesijuels
les critiques protestants veul- nt justitier leur
conduite. Ils assurent qu'ils rapportent les
erreurs des Pères, non pour les déprimer,
mais pour faire voir que tous les hommes
sont faillibles, qu'il faut avoir de l'indulgence
pour tous ceux qui se trompent , qu'il ne
faut pas juger les anciens hérétii[ues avec
plus de rigueur que nous n'i n avons pour
les docteurs de l'Eglise. Où est donc la jus-
tesse de cet odieux parallèle ? Quand il serait
aussi vrai qu'il est faux que les Pères ont
été coupables de toutes les erreurs dont ils
sont accusés par les protestants, il y aurait
toujours de fortes raisons pour les excuser.
1" 11 serait toujours évident qu'ils se sont
trompés de bonne foi, ([uils ont cru suivre
la doctrine enseignée par les apôtres, qu'ils
n'ont eu aucun dessein d'innover, de se faire
un parti, d'élever autel coiitreautel. Les an-
ciens hérétiques ont eu des motifs tout dif-
férents ; plu>ieurs se vantaient d'en savir
plus que les apôtres, ils se donnaient le nom
laslueux rie gnostiques ou d'illuminés ; leur
ambition était de devenir chefs de sectes, et
ils y sont parvenus ; ils ont divisé l'Eglise,
ils lui ont déiiauché ses enfants p(jur se les
attacher ; ils ne prétendaient pas à moins
qu'à renverser le christianisme, en établis-
sant une doctrine différente de celle de Jé-
sus-Christ. 2° Les Pères étaient les pasteurs
légitimes, ils avaient reçu leur mission des
apôtres, ils avaient donc le droit d'enseigner.
Mais qui avait donné ce droit à Cérinthe, à
Vaientui, à Cerdon, à Marcion, etc. ? Ils n'é-
taient pas entrés dans le bercail de Jésus-
Christ par la porte, mais en perçant le mur ;
c'étaient donc des larrons et des voleurs
(Joan. \, 8). A quel titre ont-ils mérité de
l'ir.dulgence ? 3° Dans le ii' et le iir siècle les
pasteurs n'avaient pas pu s'assembl.r aisé-
ment pour confronter la doctrine des diffé-
rentes Eghses, pour voir si elle était uni-
forme, et si la traihtion était la môme par-
tout, ils se son: soumis à ceite épreuve dès
qu'ils l'ont pu. Jamais les hérétiques n'ont
voulu subir ce joug ; quoique condamnés
par des conciles gêné, aux, ils ont persisté
opiniâtrement dans leurs erreurs, ils ont af-
fecté de les répandre avec encore plus d'é-
clat. C'<st donc faire une injure sanglante
aux Pères de VEglise, que de les mettre de
pair avec des sectaires.
Pour comble d'inconséquence, Beausobre
qui a dit tant de mal des Pères dans son
Histoire du Manichéisme, a trouvé bon dans
ses Remarques sur le Nouveau Testament, de
recourir à eux pour découvrir la vraie signi-
fication d'une infinité de termes ou d'expres-
sions du texte grec, pendant que les protes-
tants en général nous blâment, parce que
nous faisons de même. Barbeyrac, dans sou
Traité de la Morale des Pères de l'Eglise, a
im
PER
PER
liU
poussé la malignité et la prévention contre
ces auteurs respectables encore plus loin que
les autres protestants; il a répété tous les
reiiroches qu'on leur avait faits avant lui, et
il en a surajouté île nouveaux. Son dessein
était de prouver que les Pères, en général,
ont été de mauvais moralistes ; nous avons
déjà observé que Mosheim en a jugé de mê-
me ; cependant le traducteur de ce dernier
convient qie Barbeyracafait con'reles Pères
plusieurs imputations dont il est aisé de les
laver. Il renouvelle d'abor.l le sophisme ré-
pété cent l'ois par les protestants : savoir,
que les Pères ne sont pas infaillibles. Aucun
d'eux ne l'est en particulier ; mais lors(iue
tous, ou du moins un très-^rand nombre, s'ac-
cordent à déposer d'un fait public, sensible,
pali>able, sur lequel il ne lui a pas été possible
de se méprendre, nous soutenons que leur té-
moignage est infaillible ; qu'il o,:ère une cer-
titude morale poussée au plus liaut degré, et
qu'il y a di' la folie à s'y refuser. De nos jours
on a démontré contre les déistes l'évidence
des principes de la certitude morale, et il est
incontestable que les déistes, en argumen-
tant contre cette ceititude, ne faisaient que
copier les soi)hi<mes des protestants. Ceux-
ci reprochent aux Pères d'avoir traité la mo-
rale sans suite, sans liaison, sans méthode,
et de n'en avoir donné aucun traité complet.
Si c'est là un crime, les Pères le partagent
avec Jésus-Christ et avec les apôtres; aussi
les incrédules à leur tour n'ont pas manqué
d'objecter qvie ces divins auteurs ont traité
la morale sans ordre et sans méthode, que
l'Evangile n'en est point un traité comiilet,
qu'elle n'y est pas prouvée comme elle l'est
dms les anciens philosophes. Lorsque les
protestants auiont donné une bonne réponse
aux incrédules, elle nous servira pour jus-
tifier les Pères. Depuis que les plus habiles
auteurs protest.ints,Grotius,Puffendorr,Cura-
berland, Hutchinson, etc., ont analysé, dé-
montré, quinlessencié la morale, et en ont
donné des traités exprès, nous voudrions
savoir quelles vertus nouvelles on a vu
éclore, surtout parmi les protestants, quel
effet ces brillantes productions ont opéré
surleurs mœurs ; combien de mécréants ou de
pécheurs ont été convertis parles leçons su-
blimes de nos moralistes modernes. Quand
on supposerait que ceux-ci sont plus mé-
thodiques, jiKis exarts, plus profonds, plus
éloquents que les Pères, ce qui n'est pas, il
y aurait toujours cette grande différence,
que les Pères prêchaient par leur exemple
plus puissamment que par leurs discours;
de là est venu" la dilféi'cnce de leurs succès.
I^actance, au iv° siècle, faisait déjà cette ob-
servation, et nous ne connaissons personne
qui ait entrepris d'y répondre.
Mais en quoi la morale des Pères est-elle
donc erronée et fautive? Ils ont condamné,
disent nos adversaires, la défense de soi-
même et de ses biens, le commerce, le prêt
à usure, les secondes noces, le si rment ;
ils ont loué à l'excès la continence, le céli-
bat, la virginité, la vie austère et morliliée ;
ils ont inspiré aux fidèles le fanatisme du
martyre ; ils ont approuvé le suicide des
femmes qui ont mieux aimé se tuer que de
perdre leur chasieté, et plusieurs actions
criminelles des patriarches, .sous prétexte
que c'étaient des types, etc. 11 ne faut p.is
oublier que les incrédules ont fait tous ces
mêmes reproches contre les auteurs sacrés.
Comme nous parlons en particulier de cha-
cun des Pères de l'Eglise, nous n'oublions
pas de les disculper, de faire voir ou (|u'on
leur attribue mal à propos des décisions
fausses, ou que les prétendues erreurs qu'on
leur impute sont des vérités fondées sur l'E-
criture sainte. On peut voir encore chacun
dos articles de morale dont il est ici ipies-
tion, connue Bigamie, Célibat, Défense de
SOI-MÊME, Sebment, etc. Nos censeurs accu-
sent les Pères d'avoir forgé de nouveaux
dogmes desquels les apôtres n'avaient pas
parlé, cette calomnie est réfutée à l'article
Dogme. Voy. encore Tradition, etc.
Dans les préfaces que l'on a mises à la
tête des nouvelles éditions des Pères, les
savants éditeurs se sont attachés à les dé-
fendre contre les critiques qui les ont accusés
d'être tombés dans plusieurs erreurs sur le
dogme ; nous avons souvent fait usage de
ces apologies, et nous avons démontré l'in-
justice des accusateurs. Voy. les mots Dieu,
Ange, Ame humaine, Esprit, etc. Vainement
encore nos adversaires ont repioché aux
Pères les explications allégoriques de l'Ecri-
ture, l'ignorance delà langue hébraïque, l'u-
sage de la philosopliie : nous avons soin de
justifier les Pères sur tous ces chefs. Voyez
Allégorie, Commentateurs, Hébreu, Philo-
sophie, Platonisme, etc. Nous ne croyons
avoir laissé sans réponse aucune des plaintes
des protestants. Afin de ne rien laisser sans
y avoir donné un coup de dent, Mosheim a
dit beaucoup de mal des dernières éditions
des Pères qui ont été publiées, soit en France,
soit en Angleterre ; il prophétise que per-
sonne ne les donnera telles que les savants
le désirent. Hist. christ., saec. ii, § 37, notes.
Mais |)uisque ce critique avait conçu dans sa
tête un plan de perfection auquel il était
seul capable d'atteindre, il aurait dû, par zèle
pour le bien général, en donner au moins un
modèle. C'est ici le cas de dire qu'il est plus
aisé de demander mieux que de faire aussi
bien. Comme les écrivains catholiques ont
fait voir l'oiiposition qu'il y a entre la doc-
trine des Pères et celle des protestants, il
n'est i)as étonnant qu'ils aient déplu à ces
derniers.
* PERFECTIBILITÉ CHRÉTIENNE. Le christia-
nisme est la source du vtritable progrès. Tous les
siècles pourront toujours y puiser sans crainte de l'é-
puiser. Les protestants ont abusé de la perfectibilité
chrétienne pour la faire passer des actes des lidcles à
la doctrine elle-même. La perl'ectibilité, entendue
dans ce sons, a besoin d'être bien comprise. Voici
conunenl M. l'abbé Barran la présente dans son Ex-
position raisonnce des dogmes et delà morale du chris-
tianisme, t. 1, p. 234 :
< Supposons un instant que la religion de Jésus-
Clirisl puisse être perfeclionnée d'une manièi* pro-
gressive : les protestants se trouvent-ils dans les con-
ditions de cette perfectibilité? Je ne le pense pas.
iiiS
PErt
PER
1426
Qu'est-ce, en effet, que le porfertionuement dans les
arts, dans les sciences, et, si vous voulez, danS la re-
ligion? Dans les ans, la sciilpluie, par exemple, ce
sera île mieux harmoniser, de remire pins iialnrcl-
les, plus gracieuses, les formes d'une statue. Perl'ec-
tioniier une science, comme la gcomélrie, c'est em-
ployer des inétliodes [ilns claiics, plus précises, plus
propres à en tiicililcr les démonslralioiis. Il y a sans
donle un aulrc pcilectioiincmciil plu> large appliqué
aux aris el aux sciences ; mais on devrait plutôt lui
donner le noui de di'converle, d'invention ; cai', à la
rigueur, perfe(ii(Miuer ne signifie autre chose que
rendre plu> parlait, dans la forme et le mode, ce qui
est d('ia pour- le lond. I.a religion, si l'on veut, pourra
aussi ali^olunienl élre susceiilihle de perfectionne-
iiieni, en ce sens qu'à une époipie il sera possilde
d'exposer sa doctrine avec plus de clarté, d'augmen-
ter les s ilennili's de son culte, de détruire les super-
stitions de l'ignorance au milieu des populations. La
morale sera perfectionnée dans la pratique, si l'on
est plus lid'le à l'ohserver, si l'on Irouve les moyens
d'en lendre l'applicalion plus utile, plus prolitahle à
l'Immanile, et, sous ce rappori, le moile d'exercer la
bienfaisance chrétienne pourra vraiment être amé-
lioré. Est-ce ainsi (|ue les proleslanls ont rélormi',
perfeclionné la religion et la nmrale ? Se sont-ilsbor-
nés à ipielque modilicalioti dans la forme? Leur pré-
lemlii perléctionnemeni, c'est la nuililalion dans la
foi, les sacremenis et une foule d'autres points qu'ils
rejeilenl, sous prétexte de réforme. (;'est le perfec-
liiinnement du harbai'e, qui, pour eud)ellir une statue,
lui hriseiait des membres, lui déformerait les au-
tres, et lui déprimerait le front. Ils ont aussi fait des
additions à la religion de Jésus-Christ, ce qui sort
encore des limites d'un perléctionnemeni. D'où oïd-
ils lii(', par exemple, l'inamissibilité d« la justice, la
tolérance de la pidygamie, la terrible réprobation
abM)lue, la rénussiondu péché par la croyance même
qu'il est rends ? Y a-t-il dans la doctrine de .lésus-
(Mirist qiielipie chose qui conduise à ces principes ?
Non, le christianisme réformé, comme ils le prélen-
deiit, n'est plus celui du divin Sauveur, celui des
apôtres : ils l'ont altéré, défiguré par les retranche-
ments arbilraires qu'ils lui ont fait subii- et par les
additions monstrueuses (pi'ils lui ont imposées. Il
est donc manifeste qu'ils sont sortis des conditions
d'un véritable perfecliouncmeiit.
I Au reste, examinons en peu de mots si la reli-
gion clirélienne est susceptible de perfcclibililé pour
le dogme, la doctrine, les sacremenis et le ministère
sacré. Jésus-Clirist disait à ses apôtres : Je vous ai
fait connaître tout ce que j'ai appris de mon Père
Uoan. , xv), c'est-à ilire, tout ce que j'avais mission
devons manifester pour l'élablissemerd de ma reli-
gmn. Le Paracict, ijue mon Père vous enverra en mon
nom, vous ensciqneru toutes choses ( Ibid., xiv ). Mlez
donc, instruisez les nations, ot (c'dtes observer ce que je
vous ni ordonné (Mttttli. xxviii). Selon le sens naturel
de ces paroles, le Sauveur a instruit les apôtres de
ce qu'ils devaient communiipier aux hommes ; son
Espiit devail, le jour de la Pentecôte, confirmer, dé-
velopper ces enseignemenls, et surtout opérer de
ineiveilleux changements dans les dispositions des
disciples ; dans la suite, le même Esprit n'a jamais
fait défaut aux hommes apostoliques. Le divin Fon-
dateur ne s'cstdonc pas arrêté à une ébauche pour sa
religion : il l'a donnée compléle, achevée, parfaile,
telle qu'il ord(uinail de la prêcher et de la l'aire ob-
server jusqu'à la fin des siècles. Les apôlres nnl-ils
été infidèles à leur mission, en altérant la doctrine
sainte que Jésus leur avait enseignée ? On ne peut le
penser, sans les accuser d'imposture, sans y associer
D!(?u Ini-ms'uie, puisqu'ils opéraient les plus grands
miracles par son autorité. Dans leurs prédicaiions,
ils n'ont jamais prétendu perfectionner en augmen-
tant ou en diminuant le dépôl qui leur avait été con-
fié : ils se faisaient gloire d'euseigner ce qu'ils
avaient reçu du Christ. Et un ange du ciel viendrait-
il, disaient-ils avec confiance, vous annoncer un
Evangile différent de celui que nous vous prêchons,
qu'il soit anathème (Cal. I ) ! Donc, elle ne peut être
de Jésus-Christ cette doctrine qui enseigne des dog-
mes qu'il n'a pas ordonné d'enseigner, (pie les apô-
tres n'ont point transmis. Donc, elle ne. sera pas de
Jésus-ChrisI cette religion où l'on retranche des dog-
mes, des sacrements (pie le divin Sauveur a prescrit
à ses apôlres de prêcher, de faire observer, el ipie
ceux-ci ont enseignés fidèlement. Voyez l'idée (|ue
donnent de la sagesse du Fils de Dieu, ces partisans
de la perfectibililé chrétienne. Il aurait d'abord fait
coiiiiailre des vérités qui, dans la sutle, auraient
changé de nature ; un sacrifice, dsns le principe
agréable à Dieu, et puis devenu un acte d'idolâtrie.
Des le berceau du chrislianisine, on auia eu des
moyens nombreux de sanctification par plusieurs
sacrements : plus tard, bien que les hommes ne
soient pas deveims meilleurs, ces sources de sainteté
devaient presque loules larir. El ainsi disparaîtront
les dogmes que le divin 'Maître nous a révélés, et les
institutions saintes iiu'il est venu fonder. La moral(i
devra apparemment aussi subir ces changements
progressifs. A l'époque du Sauveur et des apôtres,
on ne pouvait être marié à deux femmes h la fois ;
mais, au temps de Luther, la loi est abrogée, on ne
sera plus adultère ; c'est le privilège du progrès. Les
bonnes u'uvres pouvaient être utiles pour le saliitdans
les premiers siècles du christianisme : un jour, elles
seront imiillèrentes, ou plutôt l'homme se tnruvera
dans l'imiiossibililé n'en opérer, et ne devra son sa-
lut (pià l'impulalion de la justice du Christ, liienlôt
on sera conduit à la négation de la divinité même du
Rédempleur, (pie les protestants rationalistes dé-
pouilleront de tout caraclère surnatuiel, pour ne re-
connaitre eu lui (pi'un simple maître de morale. Vien-
dra enfin un système hardi, fondé sur les mêmes
principes, qui transformera le Christ en un être fa-
buleux et symboli(pie.
< Au reste, qui fera ces changements progressifs?
Qui sera chargé déjuger ropportuiiité des temps, la
maturité des esprits ? 11 y aura sans doute qiiehpio
société ou synode en rapport avec le Rédempteur
pour décider (pie tel dogme, telle pratique sont su-
rannés, et que d'aulres pratiques, des dogmes diffé-
renls sont obligatoires jusqu'à nouvelle décision. Non,
le Christ aurait été plus large dans ses concessions :
chacun dans sa religion aura le droit d'examiner, de
juger, de prononcir, de modifier, de réprimer, d'a-
dopter, selon ses illuminalions, ses goùls, son senli-
menl, sa déleclation intérieure, sa raison. H faut
avoir lu de ses yeux ces théories religieuses de la
perlèclibilité, pour croire que des hommes, instruils
d'ailleurs, aient pu les écrire et les donner comme les
principes el la nature du christianisme. Chez les ca-
th(ili(pie8, au contraire, tout dogme nouveau est par
là même proscrit. Poinl de retranchement, point d'au-
gnientation dans la doctrine de notre Sauveur et
Maître. Point d'innovation, disait saint Etienne à son
célèbre adversaire. Chez nous, l'Eglise ne fait point
de nouveaux articles de foi : elle se borne à définir
ceux que nous tenons de Jésus-Clirist. Nous ne
croyons pour la foi, nous ne prali(iuijns pour les sa-
crements, que ce qui a été cru, ce (|ui a été praliquiî
toujours el |)artout depuis les temps apostoliques.
Non, la religion de Jésus-Christ n'est pas perfectible
dans le sens on renlendenl aujourd'hui plusieurs sec-
tes protestantes ; et ainsi disparait, comme réprou-
vée, comme criminelle, celte faculté de modifications
incessantes, qui est cependant ia suite nécessaire,
visible, du système de l'examen privé et de l'inspi-
ralion individuelle. »
PERFECTION. Voij. Parfait.
PKR.METTRE, PERMISSION. Ces deux
termes out uu sens équivoque dont les in-
Un PER
crédules ont souvent abusé, et il est im-
portant de distinguer. Permettre signifie
quelquefois consentir, ne point défenlre,
ne point désapprouver ; dans ce sens nous
appelons permis ce qui n'est défendu par
aucune loi : personne ne peut être juste-
ment puni pour avoir fait une chose ainsi
permise; un maître <\ni a donné à son do-
mestique la permission de sortir serait in-
juste s'il le punissait de ce qu'il est sorti.
Permettre signifie aussi ne point ôter à quel-
qu'un le })oiivoir ni la liberté physique de
faire une chose qu'on lui a défendue : dans
ce sens Dieu permet le péché ; il n'ôte point
à l'homme le pouvoir de transgresser les
.ois qu'il lui a imposées, et il ne lui donne
pas toujours la grâce efficace qui le préser-
verait du péché ; il ne s'ensuit pas de là
que Dieu veut positivement le péché, et
qu'il ne peut pas punir le péc'ieur avec
justice. Les incrédules, qui ont dit qu'à
l'égard de Dieu permettre le péché et vouloir
positivement le péché c'est la môme chose,
en ont imposé grossièrement à ceux qui
p'entendcnt pas les termes. S. dans le dis-
cours ordinaire on dit quelquefois Dieu Va
voulu, au lieu de dire Dieu Va permis, cet
abus du langage ne prouve rien. Dieu sans
doute peut toujours empêcher l'homme de
pécher, il peut l'en préserver pnr des grâces
puissantes qui produisent leur effet sans
nuire à la liberté de l'homme ; il ne faut
pas en conclure que, quand Dieu ne donne
f)oint ses grâces, il veut positivement que
'homme pèche. Raisonner ainsi, c'est sup-
poser, 1° que la loi ou la défense de pécher
est fort inutile, puisque Dieu doit toujours
empêcher qu'elle ne soit violée; 2° que plus
l'homme se porte au péché, plus Dieu doit
lui accorder de grâces; 3° qu'un être doué
de raison et de liberté doit être conduit
d'une manière aussi uniforme que les ani-
maux guid '-s par l'instinct : car enfin si tous
les hommes étaient portés au bien dans
toutes leurs act ons morales par une suite
non interrompue de grâces efîicaces, quelle
ditférence y aurait-il entre cette marche de
l'homme et celle des animaux entraînés con-
stamment par l'impulsion de la nature, sans
pouvoir y résister? Quand on soutient qu'un
Dieu sage et bon ne peut pas permettre
le péché, cela revient au même que si l'on
disait que Dieu n'a pu créer un être ca-
pable de bien et de mal moral, doué de
^'aisoDide réflexion et de liberté, on qu'après
l'avoir ainsi créé il ne peut pas le laisser
maîte de son choix. Bayle, pour étayer ce
paradoxe , objecte l'état des bienheureux
d.ins le ciel : « Ils sont (dit-il) d;ins l'heu-
reuse impuissance de pécher; et cet état,
loin de dégrailer aucune de leurs facultés,
les rend plus par'aites; Dieu, sans doute,
pouvait sans aucun inconvénient placer
l'homme dans le même état sur la terre. »
Soit ; dans ce cas l'homme serait plus par-
fait et plus heureux qu'il n'est, son état serait
infiniment meilleur. Mais Bayle oublie tou-
jours qu'en exigeant de Dieu un bienfait,
parce que c'est le mieux, le plus parfait, le
PER
1429
meilleur, il va droit à l'infini, et qn'il sup-
pose Dieu dans l'impuissance d'accorder ja-
mais aux créatures un bienfait borné. L'état
physique et moral de l'homme sur la terre
est à la vérité moins parfait, moins heureux,
moins avantageux que celui des saints dans
le ciel ; s'ensuit-il que c'est un état absolu-
ment mauvais et malheureux, un mal posi-
tif a tous éj^ards ? il est certainfinent meil-
leur que celui des animaux; donc c'est un
bien, mais un bien limité et borné, et c'est
pour cela môme qu'il semble mauvais par
comparaison à un état meilleur. Comment
Bayle et tous les incrédules prouveront-ils
qu'un Dieu tout-puissant , sage et bon, ne
peut pas faire un bien limité et borné?
C'est justement parce qu'il est tout-puissant
qu'il ne ])eut pas en faire d'autre.
On objecte qu'un sa^e législateur doit pré-
venir et empèchir, autant qu'il le peut, la
violation de ses lois, qu'il serait coupable s'il
permettait à quoiqu'un de les vinler. D'accord.
Un législateur humain doit empocher le mal
autant qu'il le peut, parce que son pouvoir
est borné; ce n'est donc pas exiger de lui
l'imposs ble, que de l'obliger à faire tout ce
qu'il peut. A l'égard de Dieu, dont la puis-
sance est infinie, c'est une absurdité de vou-
l' ir qu'il fasse tout ce qu'il peut, qu'il pro-
cure le iiien, et qu'il euipêche le mal autant
qiiil le peut, puisque son pouvoir n'a point
de bornes. Et voilà les deux sophismes sur
lesquels sont fondées touf^s les objections
des incrédules contre la Providence divine,
contre la permission du mal physique et mo-
ral. 1° Ils envisagent le mal comme un terme
absolu et positif, au lieu que, dans les ou-
vra,y;es du Créateur et dans l'ordre de ce
monde, rien n'est bien ou mal que par com-
paraison ; 2°ils comparent la conduite de Dieu
h celle drs hommes; ils lui prescrivent les
mômes règles et les mômes devoirs, sans
faire attention qu'il n'y a aucune ressem-
blance ni aucune proportion entre un être
dont tous les attributs sont infinis, et les êtres
bornés. Yoy. Bonté de Dieu, Mal, etc. Ils
se scandalisent encore de ce que Dieu a per-
mis ou toléré, chez les patriarches et dans
l'ancienne loi, des usages qui sont formelle-
meut condamnés comme des désordres par
la loi de l'Evangile :parexemp!e, la polygamie
et le divorce. En parlant de ces deux usages,
nous avons fait voir qu'il n'y a aucune incon-
séquence ni aucun défaut de sagesse dans
cette conduite de Dieu, parce que dans l'état
des patriarches et dans celui des Juifs, le
divorce et la polygamie ne pouvaient pas
produire d'aussi pernicieux effets que dans
l'é at de société civile dans lequel sont au-
jourd'hui presque toutes les nations. Ces
deux usages n'étaient donc contraires ni au
bien public ni au droit naturel, comme ils le
sont aujourd'hui.
* PERPÉTUITÉ DE L'ÉGLISE. C'est un dogme
que l'Eglise doit exister ius(|u'à l.i fin du monde, «s-
quead cotisummationem sœculi, selon l'énergique ex-
pression de l'Ecriture. La perpétuité se m.iniresie par
la visibililé. C'est pourquoi les Ihéolosiens IratUMil
en minue temps ces deux notes de l'Eglise. Voy. Vi
SIBILITÉ.
im
PER
PER
\m
PERSE. Nous p avons h jinrler île ce
royaume et de ses haljitants que pour expo-
ser ce que nous savons de l'établissement
et de la durée du christianisme jiarnii ces
peuples. C'est une tradition constante chez
les Orientaux, que saintP/rrrr-, saint T/fomas,
saint BnrtMlemi, saint Matthieu et suint Jude,
japôtres, ont |ir(^chi' l'Evanyile dans les [lar-
ities orientales ije l'Asie, dans la Chalilée, la
Méso[)otamie et la Per.so ; cpie saint lliomas
est allé uK^me jusqu'aux Indes ; ijug dans la
suite, leurs disciples ont porté le christia-
nisme dans la Tartario et jusqu'à la Chine.
Le savant Assémani a donné les jireuves de
cette tradition dans une dissertation sur les
nestorjens ou Chaldéens, qu'il a mise au
commencement du IV' volume de sa Biblio-
thèque orientale : Ion ne peut y opposer au-
cune raison solide.
Parmi les protestants, Bcausobre et Mos-
heim, critiques très-pointilleux d'ailleurs ,
ont suivi ce sentiment : le premier semble
ne l'avoir embrassé que pour contredire
les autours catholiques qui ont pensé que
quand saiijt Pierre a écrit dans sa I" épître ,
c. V, V. 13, « l'Eglise élue comme vous à
Babylone, et mon tils Marc, vous saluent, »
il a entendu sous le nom de Babylone la
ville de U(mie où il était pour lors. Beauso-
bre soutient que cela est faux, qu'il est ques-
tion là de Baltylone d'Assyrie, d'où il s'ensuit
que saint Pierre y a prêché, mit. du Ma-
riich., § 2, c. 3. Ce n'est point ici le lieu de
traiter cette question ; mais il demeure cer-
tain que depuis le i" siècle de l'iïglise.il y a
eu des chrétiens dans la Perse, et que dès
le siècle suivant ils étaient sous lajuridictiop
des évoques de Séleucie. Us y furent assez
tranquilles jusqu'au iV : pendant que les
empereurs Romains persécutaient les fidèles
dans les province^ de l'Asie qui leur étaient
soumises, les rois de Perse ont protégé, ou
du moins toléré le cliristianismo dans leurs
BlJts. L'an 325, un archevêque de Séleucie,
nommé Papas, envoya deux députés au con-
cile de Nicée ; l'évêque d'Edesse et un évo-
que de Perse y assistèrent. Assémani observe
que l'état monastique s'introduisit dans la
Perse très-peu de temps après sa naissance
en Egypte, qu'il lit de grands progrès, que
la plupart des moines persan* furent mission-
cau'es et souvent élevés à l'épiscopat.
Mais dès que les empereurs romains eu-
rent embrassé le christianisme et l'eurent
rendu dominant dans l'empire, celte religion
devint suspecte aux. rois dePer^e; par un
effet (le la naine natiouale, ils commencèrent
à se défier des chrétiens, aies regarder com-
me des ennemis de leur domination , et
comme des sujets toujours prêts à se livrer
aux Romains. Conséquemment, dès l'an 330,
Sapor II exerça contre eux une persécution
sanglante, dans laquelle les Orientaux comp-
tent 160 mille martyrs .■ ce carnage fut re-
nouvelé dans le siècle suivant, sous le règne
de Varanes et d'Isdegerde. Au commence-
ment du V' , les partisans de Nostorius ,
proscrits dj^n^ l'empire romain , se réfu^-
gièrent dans la Perse et y répandirent leur
erreur. Un certain Barsumas , divenu évo-
que di! Nisibo en 435, abusa de sa faveur au-
près du roi Pliéroès , pour pervertir et per-
si'cuter les catholiques, en les peignant
comme des amis et des esi ions des Ro-
mains. Plus les hérc'ti([i!es furent poursuivis
jiar les empereurs, jilus ils lurent f«vori>és
par les Perses , ]iarce qu'on ne pouvait plus
les soupçonner d'intelligence avec les enne-
mis du iinin persan. Il n'est donc pas éton-
nant que dans ce royaume les neslorieiis
aient {iris l'ascendant sur les catholiques ,
et s'y soient maintenus pendant longtem{)s;
plusieurs fois cependant ils furent euveloi)-
pés d.ins les persécutions excitées contre liS
chrétiens. En général les Perses les traitaient
bien ou mal, selon qu'ils étaient en paix ou
en guerre avec les Romaius; et quand il
était question de faire des traités , c'étaient
ordinairement des évoques, ou catholiques,
ou nestoriens, qui en étaient les médiateurs.
Ces derniers, pendant le \i' et le vir siècle,
profitèrent des moments de calme dont ils
jouissaient pour envoyer des missionnaires
dans la Tartarie et jusqu'à la Chine. Voij.
Nestohiens. L'an 632, les mahométans , de-
venus maîtres de la Perse, acci nièrent d'a-
bord aux nestoriens l'exercice libre de leur
religion ; mais ([uoiqu'ils aient toujours eu
moins d'aversion pour les hérétiques que
pour les catholiques, ils n'ont jamais cessé
d'exercer contre les uns et les autres leur
caractère oppresseur. De siècle en siècle le
nombre des chrétiens a diminué dans la
Perse , les nestoriens y soiit réduits presque
à rien , et les catholiques qui s'y trouvent
ont été convertis dans les derniers temps
par les missionnaires de l'Eglise romaine.
Malgré rûpinii^reté avec laquelle les protes-
tants soutiennent que l'on ne peut pas être
chrétien sans lire l'Ecriture sainte , il n'y a
aucune preuve que les livres saints aient été
traduits en persan dans les premiers siècles.
On convient aujourd'hui que la version per-
sanne que nous avons de (juelques parties de
la Bil)le n'est ])as ancienne. Voy. Bible. La li-
turgie fut toujour- célébrée en syriaque chez
les chrétiens de la Perse, parmi les nestoriens
comme parmi les catholiques, quoique ce ne
fût pas la langue vulgaire. Voy. Liturgie.
* PERSES. Les Perses conservèrent une religion
plus conforme au cnlie priniiiif que celles des aunes
païens; — d'ailleurs l'idolànie égara, généralemeiU,
plus lard et d'une manière moins déplorable , les tils
de Sem que ceux de Japhel, tes tils de Japliet que
ceux de Chani. Dans le principe , les Perses hono-
raienl Dieu dans le feu et dans le soleil levant. Zer-
duchl, que les Grecs nommaient Zoroaslre, premier
fondateur de leur religion, se perd dans la plus haute
antiquité et dans les lém bres de la fable. On compte
plusieuis Zerducht ou Zoroa!.trc. L'incertitude à lei
égard vient de ce que les Grecs, qui oiU tait menlioii
<run Zoroaslre, ne s'accordent point sur l'cpoque de
son existence. Plusieurs le placent sous le rcgne de
Dariiis, tils d'Hystaspe; d'autres, au contraire, et
Platon lui-mciiie qui nomme Zoroastre, en parlent
connue d'un sage beaucoup plus ancien , et qui re-
monte au moins à une époque anléricui'e à la dy-
nastie des l-er>es. Pour concilier les témoignages
que nous iiansmireni les Grecs , divers auteurs
U5l
PER
PER
li52
comptent deux Zoroaslre : l'un qui précéda , Vautra
qui suivit l'établissement de cette dynastie. Je me
range volontiers à l'opinion la plus probable, attri-
buant au preniier Zoroastre la fondation de la reli-
gion, au second son reiiouvoUement.
Le dogme capital des mages (prêtres de la Perse ),
c'est qu'il existe dmx principes ; l'un bon , l'autre
mauvais. La lumière était le symbole du premier;
les ténèbres, le symbole du second. Suivant leur
■opinion, le monde résultait du mélange de ces deux
principes { Zend-Avesta, livre canonique des Perses).
fis donnaient à la divinité bienfaisante le nom de
Vazdan, plus souvent celui d'Ormuzd, d'où les Grecs
ont fait Oromaze ; à l'élrc malfaisant, le nom d'Ahri-
nian : leur borreur pour ce dernier était si grande
qu'ils n'écrivaient son nom qu';i rebours. Quelques-
uns accordaient l'éternité auv deux principes ; d'au-
tres la regardaient comme l'apanage exclusif d'Ar-
«nuzd, crevant que Aliriman n'était qu'une simple
«réalure. Tous pensaient que , jusqu'à la fin du
inonde, les deux divinités seraient dans une lutte
contimtelle ; mais qu'à cette époque l'être bienfai-
sant obtiendrait la victoire sur le mauvais, et que, dès
lors, cbacnn d'eux gouvernerait son propre empire :
celui-ci, l'empire des ténèbres, avec tous les honnnes
méchants; celui-là, l'empire de lalumière, avec tous
Jes hommes vertueux. Yoilà les points principaux du
système théologique des Perses. Toutelois 'Aoroaslre
lie s'arrêta point à ces idées religieuses uidverselle-
inent répandues, il chercha à en étendre l'empire
sur les individus, s'en servant pour expliquer les
fondements de la morale. Ainsi tout ce qui existe se
rattache au règne d'Armuzd ou d'Ahrinian : êtres
<Ioués ou privés de raison, vivants ou inanimés. 11 y a
des hommes purs , des animaux purs, des végétaux
Ïmrs, tous créatures, d'Ormuzd. — Il est aussi des
lomnies impurs, des animaux impurs, des végétaux
Impurs, sous l'empire du Dews, qui appartiennent
au règne d'Ahrinian. On regarde comme impurs les
îiommes qui, par pensées, par paroles ou par actions,
"violent la loi de Zoroaslre; les bctes et les insectes
■venimeux et nuisibles , les plantes et les végétaux de
■cetieespèce. Dansle règne, au contraire, où prédomine
cette loi, tout est pur, tout est sacré ; la puissance
tie la loi ne s'exerce point uniquement sur les bom-
Jiies, mais encore sur les animaux et les créatures
inanimées. Le ilevoir des adorateurs d'Ormuzd con-
siste à entretenir et à séparer tout ce qui est pur et
sacré dans la nature, parce que Ormuzd en est le
eri'aieur; de même que la haine qu'ils ont jurée à
Ahriman et à son empire leur impose l'obligation de
poursuivre et d'extirper les animaux impurs. Les ré-
gnes d'Ormuzd et dAhriman sont, l'un avec l'autre,
«lans une guerre perpétuelle ; mais un jour Ahriman
sera vaincu, le règne des ténèbres cessera, la domi-
nation d'Ormuzd s'étendra sur l'univers, il n'y aura
plus qu'un règne de lumière qui embrassera tout.
Quelle admirable concordance ne trouvons-nous
point entre cette dernière opinion et celle du Sau-
veur, qui vint au monde pour propager le règne de
la lumière et pour détruire celui des ténèbres ! C'est
sur celle base que Zoroastre éleva ses lois, destinées
à accélérer le développemeni moral et physique des
Perses, ainsi que la prospérité du sol.
La religion de Zoroastre admet un état d'innocence
où se trouva l'homme primitif. L'époque à laquelle
exista le premier souverain d'Iran (a), le grand
Dschemschid est, selon Zoroastre, l'âge d'or de sa
nation. < Dschemschid, le père des peuples, le plus
< éclatant des mortels que vil paraître le soleil.
« Sous son règne, les animaux ne périssaient point ;
« l'eau, les arbres à fruit, les créatures se multi-
« pliaient. Sous son empire glorieux, on ne connais-
« sait pas le froid, la chaleur, la mort, i'emporte-
(«) Iran, nom qu'on (innne en Orlenl aux coniréps de
ia liMii'R Asie jusqu'à l'Iodus, esleocore celui du roïaume
oU véuui. Zoroastre.
f ment des passions, ouvrage du Dews. L'iiomran
« sembla toujours être à sa dix-neuvième année ( tJ
f jouissait d'une jeunesse éternelle), les enfants pri -
I rent de l'accroissement, tant que régna Dschem-
« schid (a), le père des peuples, i Le règne de
Dschemschid correspond, en Perse, à l'époque du
satya-yug (âge de justice) dans l'Inde. — Partout se
reproduit l'idée d'un état de perfection où se trouya
d'abord le genre humain, élat que les peuples païens
appellent âge d'or, que nous nommons paradis. De
même qu'elle admet une primitive innocence, la re-
ligion de Zoroastre admet aussi une chute. « Un jour
f Ormuzd se dit à lui-même : Comment ma puissance
I sera-t-elle visible, si rien ne lui résiste ? De cette
c pensée naquit Ahriman, principe du mal. ^ On
s'aperçoit aisément que l'idée première, la tradition
du péché originel , n'est ici que défigurée. Notre
sainte religion nous apprend que chez l'homme
comme chez les anges, le mal naquit de l'abus d'une
libre volonté ; elle ne dissimule pas non plus l'in-
fluence du mauvais esprit sur la chute du premier
homme.
Il est probable que le culte des Perses dont Zo-
roastre fonda la religion s'adressa d'abord à une di-
vinité qu'ils honoraient dans le soleil, son image,
mais qu'ensuile ils adorèrent le soleil; qu'ils hono
raient celui-ci sons l'emblème du feu, et qu'enlin le
feu lui-même devint l'objet de leur adoration. Ils vé-
néraient encore le soleil sous le nom de Miihra. Mi-
thra, au témoignage dePlularque, était nommé in-
termédiaire (P/wîcnr/i., rie Iside et Osivide). Plutarque
se sert du même mot (ftso-iTnf) que saint Paul, en par-
lant du Sauveur, quand il le nomme « Intermédiaire
« entre Dieu et les hommes. > Les Perses donnèrent
ce surnom à Miihra, parce qu'il tient, sans doute, le
milieu entre Oromaze (Ormuzd), le bon, el Ahri-
man, le mauvais principe, c'est-à-dire qu'il ajoute à
l'éclat de la lumière el qu'il combat les ténèbres.
Saint Jean, l'évangéliste, dit du Sauveur : < Le Fils
t de Dieu a paru pour détruire les œuvres du dé-
« mon. > L'idée d'un semblal)le intermédiaire se re-
trouve, dès les premiers âges, dans tout l'Orient, où
la tradition des patriarches se répandit déjà avant
Abraham, où elle se conserva ensuite plus pure qu'en
Occident, quoique cette dernière région en présente
aussi des traces visibles, comme le prouvera la suite
de nos recherches. Le second Zerduclit ou Zoroastre
vécut du temps de Darius, lils d'Hystaspe, passa pour
avoir reçu l'inspiration divine, écrivit le Zend-Avesta,
livre sacré des .Mages, changea diverses institutions,
fonda les temples du feu.
Si le Miihra des Perses n'est qu'un emblème obs-
cur du Fils de Dieu, du moins, comme l'atteste le
docte Abulfarage {h) que les musulmans vénèrent à
l'égal des chrétiens d'Orient, le célèbre restaurateur
du culte des Mages, le second Zoroastre prédit, en
termes beaucoup plus clairs, qu'à une époque peu
éloignée, une vierge sans lâche enfanterait un saint,
dont l'apparition serait annoncée par une étoile qui
accompagnerait ses adorateurs jusqu'au lieu de sa
naissance. Combien s'accorde ce témoignage avec la
présence des trois sages de l'Orient à la crèche du
Sauveur ! Je n'ignore pas, d'ailleurs, ce que l'on
pwirrait opposer à celte prophétie. Il est possible, en
effet, que Zoroastre l'ail empruntée à Ezéchiel et à
Daniel, qui se trouvaient, ainsi que lui, à Babylone.
Mais alors la sagesse de Zoroastre découlerait de celle
des Juifs, chose encore fort remarquable. Que, du
reste, l'Orient connût la prédiction de la venue pro-
chaine d'un roi des Juifs et d'une étoile qui guiderait
(3) Dschemschid est dépeint généralement comme le
fondateur de la sociélé. Son nom est iinaf,'inalfe.
Ih) Né en 1226, a Malatla, dans l'Asie Mjnpure, mort
en 1281), primut des Jacobil«s d Orient; auteur d'une
Chronique ou Histoire universelle depuis la création du
monde. {Note du traducteur.)
*435 PER
vers lui ses adoraiciirs; l'Ecriture sainte ne laisse
aucun doute à cet cgaiil.
Ce qui précède nous indique à quelle idée première
se rapporte le système religieux de Zoroastre. Sui-
vant llceren, il avait imaginé un royaume dont le
souverain, malgré sa puissance sans bornes, n'était
point le tyran, mais le père di? ses sujets; où rliaqiie
(•tal, chaque individu se trouvait circonscrit dans
mie splière d'aclivilé qu'il ne clierdiail point à l'rau-
cliir; où prospéraient les arts de la paix, l'agricul-
ture, le soin des troupeaux, le commerce; où se ré-
pandaient la richesse et l'ahondaiice, s'épancliant des
mains du prince, comme de celli's d'une hienfajsnnle
divinité. L'image d'un semlilahle rovannie et d'un
prince semhUihle existe dans la CijropMic. La
croyance qu'ils se réaliseraient un jour se mainte-
nait inaltérable en Asie, à travers la suite des siè-
cles ; c'est probahlemeut le point ccniral auquel se
ralliaient les opinions d(! l'Orient : on la découvre
dans les lois de Zoroasire. Ce docte observateur de
l'antiquité a reconnu, avec lieaucoup de sagacité, la
base sur laquelle repose la lliéogonie de Zoroastre,
c'est-à-dire l'opinicMi généralement répandue en
Orient, que le règne de la paix, de; la vérité et de la
iustice y devait refleurir. Tous les préceptes et les
lois de Zoroastre étaient, sous le rapport physique
et nujral, calculés <le manière à frayer la ronle n celte
grande restauration. Or celte idée fondamentale de
tout système est, assurément, et ne peut être aune
que l'idée du Messie, i Le règne de Dschemscliid
« reviendra, dit Zoroastre, et la paix et la justice
t refleuriront. » Traduisons nons cette allégorie dans
la langue du christianisme, elle équivaut à ces mots :
« La condition primitive de l'hoiunu', l'état d'inno-
« cence, de justice, de sainteté, lui seront rendus. >
Nous devons d'autant moins hésiter à voir ici l'an-
nonce précise delà rédemplion, que celte opinion
était universelle en Orient (chost; incompréhensible,
si nous ne supposions pas (|ue celte opinion découle
de la révélali(m); nous le devons d'aulant moins en-
core, que l'idée de la r('demption se trouve pareille-
ment reproduite dans les psaumes et dans les pro-
phètes, avec des images semblables. Ce concours ne
déinnntre-t-il pas rideniilé d'origine? Un œil pur,
que ne fascine aucun préjugé, lecounaitra aisément
ici les traces de la tradition sacrée.
Du système faussement interprété des deux prin-
cipes, l'un source du bien, l'auire source du mal,
naquit le municlii'hmc qui, reconnaissant l'existence
indépendante de ces deux causes primordiales, assi-
gne l'origine du vice, et regarde les imperfections et
les souillures du monde physique et moral comme
l'œuvre du prince des ténèbres : par une consé-
quence de celte conviction, il poursuit de sa haine
les créatures du mauvais principe, dédaignant jus-
qu'au corps humain , qu'il s'impose la tâche de
dompter el de réiluire par l'abstinence de la chair,
du vin, du mariage. Je crois aussi que le chitiasme,
ou ridée d'un règiu' millénaire, dérive, sinon en en-
tier, du moins eu partie, de ce système religieux. En
somme, celte opinion consiste à croire qu'après la
venue de r.\nlechrisl, et (juand celui-ci aura été
donqité avec ses sectateurs, une résurrection des
justes aura lieu, et que tous les hommes vivants à
celle époque conserveront la vie : les bons, pour
obéir, connue à leurs princes, aux justes ressuscites;
les méchants, pour en être domptés et leur deuunirer
soumis. Suivant celte opinion, le Christ lui-même
régnera à J('nisalem, entouré des apôtres, des pro-
phètes de l'ancieime alliance, des martyrs. Les mille
ans accomplis, les méchants s'élèveront en ennemis
contre les saints, mais seront consumés par le feu du
ciel; cnsuile amont lieu la résurrection générale et
le jugement dernier. On s'accorde à altribuer l'ori-
gaïc (le celle croyance a l'inlerprélation du vingtième
cliapilre de VAiioinlijpse de saint Jean, à la vérité,
l'un des plus dilliciles du livre. Quelques anciens
PER
1431
r.ipporlent, cependant, la naissance dé celle opinion
d'un rejne n-iillénaire ii Cérinihiis, Juif qui s'était
prolablement eoiiverti au christianisme, mais héré-
ti(pu' prononcé qui, dès le temps des apôtres, pro-
fessait nne doctrine erronée. Il esl vrai (pi'on ren-
contre chez les rabbins des idées sur un règne millé-
naire du Messie, (|ui Ont une frappante similitude
avec le règne millénaire du Christ.
Ouoi (pi'ilen siiitsursonorigiue, toujoursest-il que
celle dernière opinion présente des traits de ressem-
blance irrécusables avec la doctrine du Zend-Avesta
sur le dernier combal entre le bon el le mauvais prin-
cipe, et sur le glorieux triomphe d'Oroma/e. C'est ce
(pii me porte à croire qu'elle n'est (lu'unc fausse appli-
caliiMi des iraililions relatives au Messie; je suis d'au-
tanl plus confirmé dans mon sentiment, (]ue celle
opinion trouva un facile accès chez plusienrs sectes
des gnosticpics, qui cherchaient à concilier les idées
païennes avec la doctrine du chrislianisiue. Les ca-
tholiques eux-mêmes ne demeurèrent point à l'abri
de (elle opinion : elle fut embrassée par saint Justin,
maiiyr; par saint Vicloriii, qui mourut lors des per-
sécutions de Dioclélien; par Népos, évêque en Egyp-
te; par Tertidlien, seulement, à ce (pi'il parait,
quand il fut tombé dans l'hérésie des monlauisles;
par LachMK e, qui y ajouta il sa manière, et par (piel-
(pies (uitres catholiques. Toutefois, comme les ca-
tludiipies (pii croyaient ;\ la luUire existence d'un
règne millénaire visible, ne le regardaient pas comme
article de foi, ainsi (pie rannonce expressément saint
Justin, jamais l'Eglise ne marqua du sceau de l'hé-
résie celle opinion innocente, mais jamais non plus
elle ne la favorisa. Différents Pères do l'Eglise la
comballirent : Origène, saiiU Caiiis, disciple d'iré-
née; les saints Basile, Grégoire de ISazianze, Ephrem,
Jérôme et Augustin. (Schmitt., dans les Démontt.
évuiig., ('dit. Migne.)
PKRSÉCUTIÎUR. On a ainsi nommé les
empereurs et les autres souverains qui ont
usé (le violence contre les chrétiens pour
leur l'aire abjurer leur religion, ou contre
les catholifjues jiour leur l'aire embrasser
riiérésie. Mais on abuse dn terme lorsque
Ton nomme persécuteur.'! les princes qui ont
employé les lois pénales pour ré|irinier des
liérétiqucs séditieux et turbulents qui vou-
laient se rendre les maîtres, détruire les lois
et la religion établie. Les empereurs romains
n'auraient pas mérité ce titre odieux, s'ils
avaient envoyé au supplice les chrétiens ,
non h cause de leur religion , mais pour
quelque crime ou pour quelque sédition
dont ils eussent été coupables. Or , i'I est
incontestable que les chrétiens mis au nom-
bre des inartyrs ont été livrés au supplice h.
cause de leur religion seule , et non pour
avoir commis aucun crime. Déjà , au mot
AL4RTYR , § 3 , nous avons apporté les preuves
de ce fait important ; mais il est bon de les
répéler en deux mots, afin de fermer, s'il est
possible, la bouche aux calomniateurs.
1° Les apologistes du christianisme , saint
Justin , Athénagorc , Tertullien , etc. , dans
les mémoires qu'ils ont présentés aux empe-
reurs et aux magistrats , ont toujours posé
en fait que l'on ne pouvait reiirocher aux
chrétiens aucun crime , aucune sédition ,
aucune infraction des lois civiles et de l'or-
dre public ; 2° leurs propres ennemis leur
ont tendu ce témoignage. Pline, dans sa
b'ttrc à Tr.ijan , proteste qu'a] rès les infor-
mations les filus exactes , il ne les a trouvés
coupables d'aucun délit , qu'il a cependant
li
PER
PEH
im
envoyé au supplice ceux qui n'ont pas voulu
apostasi.r. Tiajan, par sa réponse, approuve
cette contluite. 3° Tacite, Celse, Julien, Li-
banius, ne leur reprochent que leur super-
stition, leur aversion pourle culte des dieux ,
le refus de sacrifier et de jurer par le gé-
nie des césars ? k° Les édits portés pour
ordonner la persécution ou pour la faire
cesser, et dont plusieurs subsistent encore,
ne leur imputent point d'autre forfait. 5' Il
est certain que tout chn'tien qui apostasiait
par un acte d'idolAtrie était renvoyé absous;
que pour tenter les martyrs on leur pro-
mettait non-seulement l'impunité , mais des
honneurs et des récompenses. G" Le premier
édit donné par Constantin et par Licinius
])our établir la tolérance du christianisme ,
ne portait amnistie pour aucun délit : les
chrétiens n'étaient donc pas dans le cas d'en
avoir besoin. Aucun incrédule n'a été assez
hardi pour attaquer de front une seule de
ces preuves.
De môme , lorsque les princes ariens ,
bourguignons , vi.sigoths ou vandales , ont
massacré les catholiqies et leur ont fait
subir des supplices ; ils n'avaient à leur re-
procher ni désobéissance , ni révolte , ni
trahison ; ils ne punissaient en eux que leur
croyance et le culte suprême qu'ils ren-
daient à Jésus-Christ. Mais lorsque les ariens,
favorisés par qu'lques empereurs , enyaliis-
saient le^ égl ses des catholiques, maltrai-
taient les évoques ou les faisaient exiler,
troublaient les élections, tenaient des assem-
blées tumultueuses, ce n'était plus le même
cas; les empereurs catholiques, qui répri-
mèrent ces attentats par des lois jiénales ,
n'étaient rien moins que des persécuteurs.
De même , lorsque les donatistes armés
remplirent de tumulte les côtes de l'Afri-
que, et répandirent l'alarme partout, ils
méritaient le§ iieiues que Constantin , Ho-
norius et Théodose prononcèrent contre
eux. Le Clerc et les autres protestants qui
ont aiji'elé jien^éeution celte juste sévérité,
et qui ont osé comparer les donatistes aux
remiers chrétiens , ont trop com|ité sur
ignorance de leurs lecteurs. Ainsi encore ,
lorsque Bucer et d'autres prédicunts vinrent
enseigner en France les principes séditieux
de Luther, lorsqu'ils voulurent y allumer
Je môme feu dont l'Allemagne était embra-
sée, qu ils affichèrent des placards injurieux
jusqu'aiix portes du Louvre ; qu'ils brisè-
rent les images, insultèrent les prêtres, etc.,
fallait-il tolérer tous ces traits d'insolence ?
Les édits par lesquels François 1" (lorta des
peines contre eux étaient-ils une persécu-
tion? Enco'G une fois, il ne faut pas abuser
des termes ni leur donner un sens aroi-
traire ; comme c'est la cause et non la peine
qui lait le martyr, c'est elle aussi qui carac-
téfise le persécuteur : un séditieux fanatique
mis h mort pour avoir troublé l'ordre public
par un faux zèle, n'est iioint un vrai martyr;
le souverain qui le fait punir n'est ]ias non
■jlus un persécuteur, il est le juste vengeur
4.'? l<Jis de h ioci'Ié. Enseiguef en génér;}!
que l'on ne doit jamais employer les peines
1^
afflictives pour In cause de la religion , est
une très-fausse maxime ; on le doit, lorsque
la religion est attaquée par des moyens con-
traires à la loi naturelle et au repos public.
Lorsqu'un insensé est paisible , il faut le
plaindre et non le maltraiter ; s'il est sujet à
des accès de fureur et de frénésie , il faut
l'enchaîner : de môme lorsqu'un mécréant
n'inquiète, n'insulte, n'attaque, ne veut sé-
duire personne , on a pas droit de lui faire
violence ; s'il est séditieux , calomniateur ,
insolent , il mérite le châtiment.
Il y a sans doute en fait de religion des
erreurs innocentes ; mais lorsqu'elles ont
pour cause l'orgueil, li jalousie, l'ambition,
la haine et les autres passions qui se con-
naissent aisément par leurs symptômes,
elles sont criminelles et punissables. Il n'est
donc pas vrai, quoi qu'en disent les mécréants,
que les droits de la conscience erronée sont
les mêmes que ceux de la conscience droite ;
cela n'est vrai que quand l'erreur est inno-
cente et involontaire. Voy. Conscience. Il est
encore faux que personne ne puisse être
jugé de ses semblables en cette matièrp ;
c'est comme si l'on soutenait que les magis-
trats ne peuvent plus être juges, lorsque des
si'ditieux leur contestent l'autorité. Celle de
l'Eglise est solidement prouvée , et qui-
conque refuse de s'y soumettre est coupa-
ble ; ainsi les souverains et les magistrats
sont juges légitimes pour discerner si la
conduite des mécréants est innocente ou
nuisible à la société, et s'ils doivent être to-
lérés ou punis. Voy. Tolérance. Par l'ex-
périence de tous les siècles il est prouvé
que les hérétiques et les incrédules, après
avoir contesté à l'Eglise le droit de juger
leur doctrine, ne manquent jamais de dispu-
ter ensuite au gouvernement le droit de ré-
primer leur conduite ; dès qu'ils se sentent
assez forts, ils secouent le joug des lois ci-
viles avec autant de hardiesse qu'ils ont mé-
prisé les lois et les censures de l'Eglise.
Après avoir déclamé contre la persécution
lorsi^u'ils étaient faibles, ils finissent pap
(lersécuter eux - mêmes leurs adversaires
lorsqu'ils ont acquis des forces. Aujourd'hui
ceux d'entre les protestants qui sont deve-
nus incrédules , reprochent à leur clergé le
môme caractère persécuteur contre lequel
leurs pères ont formé des plaintes si amères ;
on sait d'ailleurs que partout où il se sont
rendus les plus forts, ils ont opprimé tant
qu'ils ont pu les catholiques. Il en aurait été
de même parmi nous, si 1 s incrédules l'.e
notre siècle avaient pu former un parti assez
nombreux et assez redoi:tablc pour faire
trembler les croyants : quelques-uns d'entrp
eux ont eu la bonne foi d'en convenir.
Il y a, dit un écrivain très-sensé , une
sorte de persécution ejfercée par la satire,
qui n'est guère moins douloureuse jiour
ceux qui l'éprouvent que celle dont on vou-
drait délivrer le monde ; il est très-probable
que ceux (jui l'exercent deviendraient op-
presseurs et même sanguinaires, s'ils avaient
le glaive à |a main. Jl faut que celui qui
prêche la tolérance soit lui-même tolérant.
U57
PER
PER
1433
sans quoi il no montre que le di^sir de pro-
pager son opinion. Le principe fondamental
je la loli'ranee philosnphicpie est la eon-
naissanee de la faiblesse de riiomme d.tns la
rcclierohe de la v<^rité : relui drme (pii veut
l'inspirer doit montrer qu il sait se di'fier de
ses propres id(''('S, et voir celles des autres
sans mi''])ris et sans ai;j;reui-. Lactince a fait
un taité de la Mort (feu pr7-s(<futeuni, dans
lequel il s'csl allachi'' à faire voir que (ous
ont pi'ri d'vnie uianiAre funeste et ([ni mar-
quait la veni^eance divine. Cet ouvraiçe a ét^
longtemps iinonnu ; Kaluze est le [iremier
qui l'ait d(innt^ au public. Plusieuis criti-
ques ont douti'* d'abord s'il (''tait vi'^rifahle-
ment de Lactance, mais d'autres ont prouvé
qu'on le lui doit attribuei'.
PERSECUTION, violence exercée contre
2uel(pi'un poiu- cause de religion. Jésus-
hrist a^ait [)ré(lit à ses disciples qu'ils se-
raient liais et persécutés pour son nom
{Matlh. XI, 21 ; x\iii, .3'i) ; que ceux qui les
mettraient h mort croiraient l'aire une œuvre
agréable à Dieu {Joan. xvi,2, etc.). En effet,
les persérnlinns qu'ils essuyèrent de la part
des Juifs sont rap'ortées dans les Act s des
apùtres. Le motif de celte conduite était la
jalousie des chefs de la syna.^oguc , qui
voyaient le peuiilc abandomicr leu's leçons
pour écouter celles îles apôtres, cl rindi;j;na-
lion de voir donner pour Messie un Juif cru-
cifié. La jinnition de cet entêtement des
Juifs incrédules fut la ruine de Jérusalem et
la dis:ersii)n de la nation entière. Les em-
pereurs et b's magistrats païens à leur tour
imitèrent les Juifs ; Néron, Domilicn, Sé-
vère, furent persécuteurs. Les écrivains, qui
on! soulenu qu'avant le règr:e de 'J'rajan il
ii'y eut point li'édit jiorlé centre les chré-
tiens, ont eu tort; le confraiie est prouvé
par la lettre de Pline et par 1" récit de Ta-
cite. H paraît que la persécution de Néron
ne fut pas bornée aux chrétiens qui se trou-
vaient à Home, mais qu'elle s'étendit dans
tout l'empire. On alh'-uail; pour motif que
]es chrétiens étaient les ennemis du genre
humain, parce qu'ils attaquaient des erreurs
quei'on regardait commet i religion du monde
entier; on attribua toutes les calamités pu-
bliques il la haine que les dieux leur por-
taient ; on les accusa d'athéisme, parce q'ie
l'on ne voyait parmi eux aucun appareil
extérieur de religion, et que l'on ne connais-
sait point d'autre Dieu ([ue ceux du paga-
nisme. On les accusa de toutes sortes de
crimes; ((ue risquait-on à calomnier des
hommes regardés comme des ennemis pu-
blics ? On recherchait principalement les
évCques et les personnes riches ou consti-
tuées en dignité ; Celse reproche aux chré-
tiens avec toute l'aigreur possible le dé-
chaînement général qui régnait contre eux :
mais il ne leur impute aucun autre crime
que de s'assembler eu secret, de ne vouloir
pas adorer lo.s dieux de rem[)ire, et de cher-
cher à faire des prosélytes.
L'on c;?mpte ordinairement vingt-quatre
peneculions exercées contre le christianisme
depuis Jésus-Christ jusqu'à nous : le P.
Riccioli en ajoute deux, savoir la première
et la dernière, dans l'ordre que nous allons
exposer. 1" Celle de Jérusalem excitée par
les Juifs contre saint Etienne, et continuée
par Hérode Agrippa, contre saint Jacques,
saint Pierre et les antres disciples du Sau-
veur {Art. vu, VIII, xii). Elle ne se borna
point d'abord à l'Eglise de Jérusalem, puis-
(pm saint Paul, avant sa conversion, avait
obtenu des ordres du grand prêtre pour aller
l'exercer jusiiu'à Damas , h l'extrémité de la
Syrie. — La seconde h Rome, sous Néron,
commença l'an 64 de Jésus-Christ, et dura
jusqu'à lan 08, Ji l'occasion de l'incendie do
!<ome, dont on accusa faussement les chré-
tiens, et duquel Néron lui-même était véri-
tablement l'aut Mir ; Juvénal, Sénèque, Tacite,
en ont parli''. Saint Pierre et saint Paul y
soutfrirent le martyre. — La troisième sous
Domilieii, dejiuis l'an 90 jusqu'à l'an 96. Saint
Jean l'ICvaugéliste fut plongé à Rome dans
de l'huile bouillante, et relégué dans l'île
de Patmos ; Nerva, successeur de Domitien,
lit cesser l'orage et ra|i[)ela les exilés. — La
quatrième sousTrajan commença l'an 97, et
tinit l'an 116. A cette occasion, Pline le Jeune,
gouverneur de Bithynie, écrivit à Trajan la
lettre dont nous avons parlé dans l'article
précédent : saint Ignace, évêque d'Antio
che, condamné jiar cet empereur et envoyé
à Rouic, y fut mis à mort l'an 107. — La
cinquième eut lieu sous Adrien, depuis l'an-
née 118 jusqu'en 129. Il y eut quelques in-
terruptions, et l'on crut en être redevable
aux a, ologies que Quadrate et Aristide pré-
sentèrent à cet empereur en faveur des chré-
tiens ; il y eut cependant encore des martyrs
sous son règne, l'an 136. — La sixième
sous Antoine 1(! Pieux, l'an 138; elle dura
jusqu'en 153. Ce fut en 150 que saint Justin
adressa sa pr'jinière a|iologio à ce prince et à
ses fils; et il paraît qu'elle ne demeura |ias
sans effet, puisqu'il y eut des rescrits adres-
sés aux gouverneurs de province, qui oi don-
naient de cesser la persécution ; mais sou-
vent ces ordres furent mal exécutés. En etfet,
la septième commença sous Marc-Aurèle,
l'an 1(51, et ne Unit qu'en l'an n\. Saint Jus-
tin fit à ce sujet une seconde apologie, et
bientôt il répandit lui-même son sang en
témoignage de sa foi ; il souH'rit le martyre
l'an 107, et saint Polyca: |)e l'an 169. — La
huitième éclata sous Sévère, depuis l'an 199
jusqu'à la mort de ce piince, en 211. — La
neuvième sous Maximieu l'an 235; elle ne
dura que trois ans. — La dixième sous Dèce,
en 2i9, fut très-sanglante, mais elle fut courte,
parce que Dèce mourut en 251. C'est dans
cet intervalle que Origène fut mis en prison
et tourmenté pour la foi ; aussi ne put-il
survivre que trois ans à ses soufl'rances ; il
mourut à Tyr l'an 253. Gallus et Volusien
recommencèrent bientôt à vexerles chrétiens.
— On compte la onzième persécution sous
les règnes de Volusien et de Gallien, elle
duia trois ans et demi ; la douzième sous
Aurélieu, depuis l'an 273 jusqu'en 273. —
La tri iziènie et la plus cruelle de toutes fui
déclarée par Dioclélieuet Maximien,l'an 303,
U59
PER
PER
IWO
et conlinu(5e jusqu'en 310, même après l'ab-
dication que le premier fit de l'empire ; son
collè»;ae l,i renouvela en 312, et Licinius,
autre empereur, la lit durer dans les provin-
ces où il était le maître jusqu'à l'an 315.
Cependant l'an 313 il avait donné, conjointe-
ment avec Constantin, un édit de tolérance
en faveur du christianisme. Après sa mort,
Constantin, devenu seul empereur, donna la
paix El l'Et^lise. Mosheim, dans son Histoire
chrétienne, a discuté dans un grand détail les
causes, les circonstances, les suites de ces
différentes persécutions. — La quatorzième
eut lieu dans la Perse sous le règne de Sapor
II, à l'instigation des mages et des juifs, l'an
3'i-3; ils persuadèrent à ce |)rince que les chré-
tiens étaient ennemis de sa domination, et tous
attac'iés aux intérêts des Romains. Suivant
Sozomène, il y périt seize mille chrétiens
dont on connaissait les noms, et une multi-
tude innombrable d'autres ; les Orientaux
l'estiment, les uns à cent soixante mille, les
autres à deux cent mille. — Une quinzième
persécution, mêlée d'artifice et de cruauté,
lut celle que Julien exerça contre les chré-
tiens l'an 362 ; heureusement elle ne dura
qu'un an ; mais si cet empereur n'avait pas
péri l'année suivante dans la guerre contre
les Perses, il avait résolu d'abolir entière-
ment le christianisme. Kortholdt, de Perse-
cîU. Ecclesiœ primitivœ. — La seizième, l'an
366. Valons, empereur infecté de l'arianisme,
persécuta les cathnliques jusqu'en 378.
En 42J, Isdegerde, roi de Perse, poursui-
vit à feu et à sang les chrétiens de ses Etats :
cette dix-septième persécution ne linit que
trente ans après, sous le règne de V.iranes V.
On a dit et répété plus d'une fois qu'elle eut
pour causo le faux zèle d'un évèque (!e Suze,
nommé Abdas ou Abdaa, qui avait détruit un
temple du feu; cela n'est pas exactemfnt
vrai : nous discuterons ce fait au mol Zèle
DE Religion. — Depuis l'an 433 jusqu'en
476, Genséric, roi des Vandales, prince arien
et très-cruel, tourmenta les catholiques; Hu-
néric, son successeur, til de même aussi bien
que Gondebaud et Trasimond, le premier en
483, le second en W*, le troisième en 504.
En Espagne, les ariens excitèrent un nouvel
orage S'ius Leowigilde, ou Leuvigilde, roi
des Goths, l'an 584, mais il finit deux ans
après, sous Récarède. — La vingt-troisième
persécution fut l'ouvrage de Chosroès II,
roi de Perse; il avait juré de poursuivre les
Romains k feu et à sang, jusqu'à ce qu'il les
eût forcés de renoncer à Jésus-Christ et d'a-
dorer le soleil ; ctte fureur dura pendant
vingt ans, mais enfin il fut vaincu par l'em-
pereur Héraclius en 627, et réduit à mourir
de faim par Siroôs son fils. — La vingt-
quatrième persécution eut pour auteurs les
iconoclastes, sous le règne de Léon l'Isauri-
que, et ensuite sous Constantin-Copronyme;
les catholiques ressentirent les effets de leur
haine depuis l'an 726 jusqu'en 775. Ils ne
furent pas mieux traités en Angleterre en
1534, sous les règnes de Henri Vlll et de la
reine Elisabeth sa fille, lorsque l'un et l'au-
tre eurent fait schisme avec l'Eglise romaine.
— Enfin la vingt-sixième persécution contre
la religion chrétienne commença dans le Ja-
pon, l'an 1587, sous le règne de Taico-Sama,
à l'instigation des bonzes. Elle fut renou-
velée en 1616 par le roi Xongusama, et con-
tinuée avec tantde cruauté sous Tosconguno
son successeur, en 1631, que le christianisme
fut entièrement exterminé dans cet empire.
Voy. Japon. Il y a eu de même plusieurs
persécutions déclarées contre les chrétiens
dans rem])ire de la Chine, où il en reste ce-
pendant encore un grand nombre.
Pour ne parler ici que de celles qui ont
eu lieu sous les empereurs romains, il est
constant qu'aucune n'a eu d'autre motif que
la haine dont ces princes paiens étaient ani-
més contre le christianisme. On ne peut ci-
ter aucun fait positif par lequel les chrétiens
aient mérité que le gouvernement sévît con-
tre eux; les incrédules ont vainement fouillé
dans tous les monuments de l'histoire pour
en trouver. Cependant filusieurs d'entre eux
ont entrepris de justifier les persécutions, et
de prouver que le gouvernement romain n'a
vait pas tort; ce qui étonne davantage, c'est
que des écrivains protestants leur ont fourni
une partie de leurs matériaux. Voy. Barbey-
rac, Traité de la morale des Pères, c. 12,
§ 49. Cette apologie mérite un moment d'exa-
men.
1° Les Romains, disent ces dissertations,
confondaient les chrétiens avec les juifs;
comme ceux-ci fatiguaient le gouvernement
par leurs fréquentes révoltes dans la Judée,
on jugea que les chrétiens n'étaient pas des
sujets plus soumis. 11 paraît qu'on ne fit
mourir Siméon, parent de Jésus-Christ, que
parce qu'il était de la race de David, et par
conséquent soupçonné de vouloir exciterdes
troubles.
Réponse. Tacite et Suétone distinguent for
mellement les chrétiens d'avec les juifs;
Pline et Trajan n'ont pas pu les confondre ;
le premier était convaincu par des informa-
tions juridiques que le grand nombre des
chrétiens étaient non des juifs, mais des
païens convertis. Les juifs, loin d'être enve-
loppés dans les supplices des chrétiens,
étaient leurs principaux accusateurs. Quels
troubles pouvait exciter Siméon, vieillard
âgé de six- vingts ans? Il fut accusé d'être
chrétien et parent du Seigneur par des hé-
rétiques qui furent aussi convaincus d'être
du sang de David; ils ne furent point mis à
mort. Hégésippe dans Eusèbe, Hist. eccl.,
1. III, c. 32.
2° La secte des chrétiens dut paraître aux
Romains une association dangereuse, parce
qu'ils étaient fort unis entre eux, presque
totalement séparés du reste de la société,
uniquement soumis à la domination des évo-
ques, seuls juges et seuls magistrats qu'ils
reconnussent.
Réponse. Sous Dioclétien, au commence-
ment du iv" siècle, comment pouvait-on
croire que la secte des chrétiens et il une
association dangereuse, après uni' ex|iérience
de doux cents ans, pendant lesqm^ls elle
n'avait donné aucun sujet de plainte au gou-
im
PEfl
PER
mi
vfrnement? Ici l'on nous dit que los chré-
tiens étaient très-unis entre eux; ailleurs on
nous reproche iju'ils étaient tlivisés en })lu-
sieurs sectes qui se délestaient. Ils n'étaient
sé|)arés du reste de la société que dans les
(^xercicf's de la relij,'ion ; pour tout le reste
ils rivaient coinuiolcs autres citoyens ; Tcr-
lullien le fait renianiucr aux nia;iislrats ro-
main-. 11 est donc faux cju'ils ne fussent point
souuns à l'auldriié civile ; Jésus-Christ et
saint Paul l'avaient formellement ordonné,
et Tertullien en prend encore à témoin les
magistrats eux-mêmes. Pline ne rejirésento
point à Trajan cette association comme dan-
gereuse, mais comme une supersliliun exces-
sive et grossière ; ce sont ses termes.
3" Le pouvoir excessif des évèques sur
l'esprit de leurs sectateurs parut dangereux
aux empereurs ; on en voit un exemple à
l'occasion du martyre de Fabien, évêque de
Rome, dans la cinquante-deuxième lettre de
suint Cyprii'ii.
Réponse. Lv. jtouvoir prétendu des évoques
sous le règne des empereurs païens est une
chimère; c'est Constantin qui leur attribua
un degré d'autorité dans les alfaires civiles,
et les incrédules lui en font un crime. Ils
ont faisilié la lettre de saint Cyprien pour
élayer une calomnie ; il dit que le tyran
(Dèce) aurait été moins alarmé île voir s'é-
lever contre lui un compétiteur de l'empire,
(jue de voir établir h Rome un rival de son
sacerdoce : nos adversaires traduisent, un ri-
val de son pouvoir, et font déraisonner saint
Cyprion. Or la rivalité du sacerdoce regar-
dait uniquement la religion; d'ailleurs il est
question là de saint Corneille, et non de saint
Fabien.
V° Les chrétiens refusaient de prier les
dieux cl de li'ur sacritier pour la prospérité
des empereurs, de rendre à leurs images les
honneurs que leur décernaient l'usage et la
llallerie; saint Polycarjie ne voulut jamais
donner à l'empereur le nom de seigneur.
Kusèbe nous l'apprend, Hist. ceci., \. iv,
c. 15.
Itéponse. Nouvelle fausseté. On disait à
saint Poly carpe : «Quel mal y a-l-il de dire,.«ci-
gneur Cc'sar, cl de sacrifier |)Our être mis en li-
berté?» Il ne suilisaitdonc pas de donner à Cé-
sarlenomdeseiiyncKr, il fallait sacritier. Saint
Polycarpe devant le juge refusa de jurer par
le génie de Cc'sar, pai ce que ce i)rétendu gé-
nie était une fausse divinité. Il ajouta : « Il
nous est ordonné de rendre aux magistrats
et aux puissanci'S établies de Dieu l'honneur
qui leur est dit, mais sans nous rendre cou-
pables. » En faisant cette ordonnance, saint
Paul a aussi recommandé de prier jiour les
princes et les souverains, et Tertullien pro-
teste que les chrétiens ne manquaient jamais
à ce devoir, ^'ouloir qu'ils rendissent aux
images des césars les honneurs que la tlatte-
rie et la superstition leur avaient attribués,
c'était exiger qu'ils fussent idolâtres.
5° Le peuple, irrité par les prêtres du pa-
ganisme, regardait les chrétiens comme des
impies, comme des ennemis des dieux; il
leur attribuait toutes les calamités publi-
ques ; continuellement on criait dans l'amphi-
théâtre : Faites périr tes impies. Les magis-
trats durent être disposés à châtier des hom-
mes qui refusaient de plaider devant eux.
Réponse. Mais pourquoi regardait-on les
chrétiens comme des impies, des athées, des
méchants? parce qu'ils ne voulaient pas ado-
ler les dieux; donc c'est la religion seule
que l'on persécutait en eux. Il est faut ciiie
les chrétiens attaqués en justice jiar des
païens aient refusé de plaider devant les ma-
gistrats; ijuant aux contestations qu'ils pou
valent avoir entre eux, saint Paul les avait
exhortés à les terminer par des arbitres :
cela n'était défendu par aucune loi romaine.
G" Comme les chrétiens tenaient leurs as-
semblées de nuit, on crut qu'ils cabalaient
contre l'Etat ; on les accusa de manger un
enfant et de se souiller par d'horribles im-
jiiétés. Cette accusation était jieut-ètre fon-
dée à l'égard de quelques sectes d'hérétiques
que les païens ne savaient pas distinguer des
orthodoxes.
Réponse. Toutes ces accusations étaient
démontrées fausses par les informations que
Pline avait faites; cependant Trajan ordonna
que les chrétiens accusés et convaincus fus-
sent punis; donc cette punition ne leur était
pas inlligée pour des crimes, mais |)our leur
religion. 11 est constant que la haine reli-
gieuse des païens était le seul fondement do
toutes leurs calomnies. Cependant tous n'é-
taient pas également furieux; saint Atha-
nase rap|)orte que, pendant la persécLition
de Dioclélien et iVIaximien, plusieurs païens
cachèrent des chrétiens, payèrent des amen-
des et se laissèrent emprisonner plutôt que
de les déceler, Hist. arian., n. Ci-, op. t. I,
p. 382. On rendait donc ouelquefois justice
à leur innocence.
7" L'o|iinion des chrétiens sur la fin pro-
chaine du monde et sur la vie future lit
croire que ces misanthropes se réjouissaient
des malheurs publics, et les fil regarder
comme ennemis de la société. Tacite dit
qu'ils furent convaincus de hair le genre hu-
main.
Réponse. La phrase de Tacite nous paraît
plutôt signifier qu'ils furent convaincus d'^-
tre hais du genre humain. Mais qu'importe?
Le cri toile impios, dont retentissait l'am-
phitliéiUre, ne signifie point, faites périr ceux
qui haïssent le genre humain. Pline, Trajan,
les édits des em|)ereurs, Celse, Julien, Li-
banius, Poiphyre, etc., n'ont point condam-
né les chrétiens par ce motif, mais [larce
qu'ils détestaient l'idoliltrie; les actes des
martyrs en sont encore une jtreuve. D'ail-
leurs, quel prétexte pouvaient avoir les
païens d accuser les chrétiens de haïr le genre
humain? c'est sans doute parce qu'ils en-
seignaient que les adorateurs des idoles
étaient dévoués à la damnation éternelle.
Cette croyance, qui devait ]taraître odieuse
aux païens n'était cependant pas un crime
contre l'ordre de la société ni contre les lois.
b° Voici une accusation plus grave. Les
chrétiens, par leur zèle faiiatiiiue et turbu
lent, ont souvent attiré la ncisécution suj
14'43
PER
I>ER
un
eus 5 ils allaient braver les dieux dans leurs
temple», renverser les autels, briser les ido-
les, troubler les cérémonies païennes : ces
sorles d'avanies ne sont jamais permises.
Réponse. Si cela est arrivé souvent, pour-
quoi n'en voyons-nous aucun vestige dans
les écrits de nos anciens ennemis ? par lîi ils
auraient excusé leur cruauté. Dans toute
retendue de l'empire romain, pondant trois
cents ans de persécution, à peine peut-on
citer deux ou trois exemples do zèle impru-
dent de la part d'un chrétien, et ce sont des
écrivains ecclésiastiques qui nous les ont
transmis. On parle d'un certain Théodore,
sold.it, qui brûla un temple de Cybèle dans
la ville d'Amasée, et ce fait très-apocryphe
n'est rapporté que par Métaphraste. On al-
lègue Polyeucle, qui insulta les idoles dans
un temple, et il n'y en a point de preuv.j
que l'imagination de Corneille; les actes du
martyre de saint Polyeucte n'en disent pas
un mot. Tillem., Mém., t. 111, p. 424- ; Jos.
Assémani, Calend., tom. VI, ad 9 jaituar.
On nous fait souvenir d'un chrétien qui,
dans Nicomédie, arracha l'édit porté contre
le christianisme par Dioclétien : il, ne fut
donc pas la cause de la persécution, puis-
qu'elle était déjà ordonnée. Ceux qui ont
examiné avec le plus d'attention ce trait
d'histoire, sont convaincus que la véritable
cause de cet orage fut la jalousie et le dé-
pit des prêtres païens, qui voyaient leur cré-
dit, leur auiorité, leur pouvoir sur le peuple
déchoir et s'anéantir à mesure que le chris-
tianisme faisait des progrès ; ils vinrent à
bout d'aigrir Dioclétien, prince timide, in-
constant, superstitieux, et de lui arracher
l'édit qu'il porta contre le christianisme.
Voilà toutes les preuves que nos déclama-
teurs opposent à vingt monuments qui at-
testent la patience invincible des chrétiens
en général. C'est avec aussi peu de fonde-
ment qu'ils accusent les chrétiens d'avoir
souvent insulté les magistrats sur leur tri-
bunal, et d'avoir provoqué leur cruauté ; ils
ne peuvent pas le prouver, et saint Clément
d'Alexandrie a formellement blâmé cette con-
duite. Le concile d'Elvire, tenu vers l'an 3iJ0,
défendit de mettre au nombre des martyrs
celui qui aurait été tué pour avoir brisé des
idoles.
Enfin, nos adversaires nous représentent
que les chrétiens durent avoir pour enne-
mis les prêtres du paganisme, les aruspices,
les devins, les magiciens, dont ils dévoi-
laient la fourberie : tous ces hommes, in-
téiessés à la conservation de l'idol itrie, ir-
ritaient le peuple contre les clirétiens qui
voulaient la détruire. D'aideurs les écrits des
premiers apologistes du chrislianisiuo sont
remplis de fiel, d'invectives, de railleries
sanglantes contre le paganisme, contre les
dieux, et contre leurs adorateurs.
Répons'e. Les chrétiens eurent aussi pour
ennemis les piulosojjhes protecteurs des er-
reurs pojiulaires, et ceux-ci exeicèrent plus
à'uu/3 fois contre eux la noble fonction d'ac-
cusateurs : mais quel fut le prétexte de tous
ces^ens-là? l'impiété. Les apolo^-istes du
christianisme n'ont jamais fait contre les
dieux des païens des railleries aussi sanglan-
tes que Aristophane, Sénèque et Juvénal ; ils
n'ont pas ridiculisé les devins et les arus-
pices d'une manière plus offensante que Ci-
céron; ils n'ont pas nièiiie déclamé avec au-
tant d'amertume contre l'idolâtrie que les
incrédules modernes le font contre notre re-
ligion : ces derniers se croient-ils pour cela
dignes d'être persécutés et mis à mort? En-
core une fois, il est scandaleux de voir les
protestants suggérer aux incrédules des rai-
sons |)Our prouver que les chrétiens avaient
mérité les cruautés qu'ils ont souffertes de
la part des empereurs pnïens. Mosheim est
de ce nombre; il cite Eusèbe, Hist. ecclés.,
1. vni, c. 1, qui, avant de raconter la persé-
cution de Dioclétien et de Maximien, expose
l'état florissant dans lequel était le christia-
nisme ; qui peint ensuite les désordres nés
parmi les chréiiens pendant la paix dont ils
avaient joui, l'ambition, les animosités mu-
tuelles, les disputes des évêques, les haines,
les injustices, les fourberies des particuliers.
« Tous ces crimes (ajoute cet liistorien) avaient
irrité le Seigneur,' c'est pour les punir qu'il
enflamma la colère des persécuteurs, » Mos-
heim en conclut que les chrétiens fournirent
eux-mêmes des armes à leurs ennemis, qu'ils
donnèrent lieu aux païens de représenter
aux empereurs qu'il était do l'intérêt public
d'exterminer une secte aus.si turbulente,
aussi ennemie du repos, et aussi capable
d'abuser de l'indulgence du gouvernement.
Hist. christ., 3' sect., § 22, n. 3, p. 5"5.
Le passage d'Eusèbe emporte-t-il cette con-
séquence? Parce que Dieu fut juste en punis
sant les vices des chrétiens, .s'ensuit-il que
les empereurs furent équitables en les pour-
suivant à feu et à sang? Ce n'est pas ici la
seule occasion dans laquelle Dieu s'est servi
de la démence et de la frénésie des tyrans
pour châtier dans son peuple des fautes qui
ne semblaient pas mériter un traitement aussi
rigoureux. Mais c'est sur des preuves posi-
tives qu'il faut juger du vrai sens de la nar-
ration d'Eusèbe. 1° Il y a folie à prétendre
que les mœurs des clirétiens du m' siècle
étaient plus mauvaises que celles des païens;
que de tous les sujets de remjiire c'étaient
les moins soumis aux lois, les plus ennemis
du I e[)Os public, les plus capables de donner
de l'inquiétude au gouvernement ; qu'ainsi
l'on devait sévir uniquement contre eux. 11
faudra donc supposer qu'à commencer jiar
Néron, tous les empereurs qui ont persécuté
les chrétiens <^laienl aussi animés par les
motifs du bien j)ul)lic, quoique plusieurs de
ces princes aient rendu un témoignage for-
mel au caractère paisible et à l'innocence
des mœurs des chrétiens. Il faudra supposer
encore que Dioclétien, penuant les dij-huit
premières années de son règne, fut un très-
mauvais politique, non-seulement en les
tolérant, mais en leur donnant sa conliauce ,
en les souffrant dans son palais, et en les
revêtant de divers emplois, et qu'il ne com-
menya d'être sage que qui»iid son esprit eut
baissé. — 2" Une autre aljsurdité plus forte
9i4S
PER
PER
fi 16
est de prétondre qu'un monstre de cruauté,
Ici que Maxiniien-Gaièrc, qui, pour son ;imu-
sement, faisait dévorer les liomnies par drs
ours, et jeter les pauvres dans la uicr, lors-
(]u'ils ne pouvaient pas payer les impôts;
(|Lii lit tue ses médecins parce qu'ils ne |>ou-
vaientpaslc guérir, etc., était caiiabU! d'agir
par un motif de bien public. On sait que
Diorlétion, son collègue , hii résista long-
temfis avant de consentir à \a persécution, ci
qu'il ne lui C(''da eiitin que par faiblesse. Lac-
tance, de Mort, perscc, c. 11. il n'est i>hs
moins certain que le m^tildo sa h.iine con-
tre les chrétiens était la superstition stupide
?i laquelle il était livré, et dans laquelle d
était cntieteiui par sa mère, temme aussi
Hiécliante que lui. Ibid. —3" Quand il ,y au-
rait eu des coupables parmi les chrétiens, ce
n'était pas une raisoiul'enveloiiper les inno-
cents dans la même proscription, de sévir
contre Prisca, lemme de Dioclélieii, et contre
Val-'ria sa lille, épouse de Maxiinien-Cialère;
de faire périr par les supplices to.is les of-
liciers du palais qui étaient chrétiens ou
seulement soupçonnés de l'être. Les désor-
dres dont Eusèbe a parlé n'étaient pas de
nature f> mériter de si cruels tourments.
L'on n'avait jfjmais traité avec autant de
barbarie les païens (}ui avaient excité des sé-
ditions, atlenté à la vie des empereurs, ou
trempé les mains tlaiis leur sang. Si Eusèbc
avait [leint sous les mêmes couleurs les
mœurs d'une secte d'hérétiques, nos adver-
saires diraient qu'il a exagéré. Cinquante
ans auparavant, saint Cyprien avait fait aux
chrétiens les mêmes reproches à l'occasion
de la 7;frs«'?(?/ow de Dèce, Liù. deLapsis;
il ne s'ensuit pas de là qr.c l'an 2i9, c'étaient
déjà des sujets turbulents et les plus mau-
vais citoyens de l'empire. — k" Une preuve
que leur conduite était irréprochable dans
l'ordre civil , c'est que l'on fut obligé de
leur supposer des crimes faux. Maximien
lit mettre le feu au palais par ses émis-
saires, et cliarjjea les chrétiens de cet in-
cendie, comme avait fait Néron à l'égard
do celui do Rome, duquel il était lui-môino
l'auteur ; Lactance , ibid. , cap. ik. Qui-
conque consentait à sacrifier était renvoyé
absous, cap. 15. L'apostasie avait-elle donc
la vcftud'eft'acer tous les crimes et de guérir
tous les vices"? — 5° Les chrétiens furent
justifiés par le tjnan même qui avait i ésolu
de les exlermincr. Masimien-tialère, près de
mourir et tourmenté par ses remords, donna,
l'an 311, un édit pour faire cesser la persé-
cution; i\ y déclara qu'il avait sévi contre
les chrétiens, non pour les punir d'aucun
attentat contre Tordre public , mais parce
quils avaient eu la folie de renoncer à In reli-
gion et aux usages de leurs aicujr, de se faire des
lois conformes à leur goût et de tenir des as-
semblées particulières. Voilà donc tout leur
crime. 11 ajoute que comme plusieurs per-
sévèrent toujours dans leur sontimont, et ne
rendent plus de culte ni aux dieux de l'em-
pire ni à celui des chrétiens, il cons^^nt à
leur faire grâce, à leur permettre de vivre
dans le christianisme et do recoinmeucer
leurs assemblées, pourvu qu'ils ne fassent
rien contre l'ordre public, li les invite à
priûricur Dieu pour lui, et (>oiir la |)ruspéri-
té de l'Etat. Lactance, de Mort, pas., c. 3i;
lùisèbe, 1. vm. c. 17. Maxiaiien, dans le
rescrit qu'il donna l'année suivanlo jiour le
même sujet, no leur lit pas d'autres re, ro-
ches que Maximien-tJalère, Evsèbe, I. ix,
c. y. Il est triste de voir dfs protestants cjui
se (lisent chrélions , pousser contre leurs
frères du nr siècle l'injustice et la uialignit<5
plus loin qu • les jTers.'Cuteurs mômes. —
G" L'on ne peut pas récuser, sur les faits
dont nous parlons, le témoignage de Lac-
tmce, il en était témoin oculaiie; il avait
et ■ appelé à Nicomédic pai- Diociétien et lo-
g'^ dans le j)alais : les scènes les plus san-
glantes se passèrent sous ses yeux ; il coii-
naiss lit par lui-même les pcrsonnagos dont
il a f-,it le portrait. Ensèhe n'a écrit son
histoire que pendant les troubles de l'aria-
nisuii) ; il peut très-bien avoir prêté au clergé
et aux lidèles de l'an 30iJ, la conduite et lo
caractère de ceux de l'an 330, et les d<^sor-
dros que les ariens tirent naître dans l'E-
glise. Mais nous n'avons pas besoin de ce
soupçon pour peser la valeur de et' qu'il a
dit. — 7° Eniin, Mosheim a été plus judicieux
et plus équitable ilans un autre endroit du
même ouvrage, Hist. christ., sect. '^, § 1,
notes; il s'attache à jirouver que les causes
de la persécution de Diociétien et Maximien
furent, 1° les impostures des prêtres paiens
et des arus|iiccs, qui assurèrent à ces deux
empereurs que la présence <les chrétiens
empêchait les dieux d'agréer les sacrilices,
et de rendre comme autrefois des oracles;
2" les artilices des philosophes, qui leur
persuadèrent que les chrétiens avaient chan-
gé la doctrine de leur maître, que Jésus-
Christ n'avait jamais défendu de rendre un
culte aux Dieux; 3i'ambition de Maximien,
qui, possédé du projet de se rendre seul maî-
tre de l'empire, craignait que les chrétiens
ne se rangeassent du côté de Constance-
Chlore et de Constantin son fils, (pii leur
avaient toujours été favorables. Que ces
causes soient réelles ou imaginaires, aucune
ne peut faire déshonneur aux chrétiens, ni
former aucun préjugé contre leur conduite.
11 ne serait pas plus difticile de mon-
trer l'innocence des chrétiens suppliciés
par milliers dans la Perse, que celle des
victimes de la barbarie des empereurs ro-
mains. On ne peut pas former contre les
premiers des accusations mieux prouvées
que contre les seconds. Déjà ceux qui les
calomnient se réfutent mutuellement ; les
uns disent que les chrétiens ont été turbu-
lents et séditieux dès leur origine, les a'itres
prétendent que le christianisme s'éiablit
d'abord dans le silence, à l'insn des empe-
reurs et du gouvernement î mais que, quand
il eut acquis des forces, les souverains se
trouvèrent réduits à l'embrasser. Cela peat
nous faire conclure que si nos adversaires
étaient eux-mêmes assez forts, il emploie-
raient la violence pour nous rendre iocré-
dules.
un
PER
PER
lii3
Que penser encore lorsque les protestants
veulent nous faire envisager les cruautés
exercées contre les catholiques par les Van-
dales en Afrique, comme une représaille de
celles que les empereurs avaient mises en
usage contre les donatistes, les ariens et
d'autres sectes hérétiques? A la vérité le roi
Hunéric allégua ce prétexte dans un de ses
édits rapporté par Victor de Vite, de Perscc.
Yandal., 1. iv, c. 11; mais y avait-il la moin-
dre apparence de justice? Les sectes pour-
suivies par les empereurs avaient excité
l'indignation publique par les séditions, les
violences, les voies de faits dont elles s'é-
taient servies pour répandre leurs erreurs ;
nous l'avons fait voir en parlant de chacun
en particulier. Mais par quels attentats les
catholiques africains avaient-ils allumé la
fureur des Vandales? Jamais les empereurs
n'avaient exercé contre aucune secte héré-
tique les meurtres, les massacres, les tor-
tures, par lesquels les Vandales signalèrent
leur barbarie. On ne peut lire sans frémir la
relation qu'en a fôite Victor de Vite, témoin
oculaire. Ils tourmentaient les catholiques
uniquement à cause de leur croyance, et
pour les forcer à professer l'arianisme; les
empereurs avaient sévi contre les héré.iques
à cause de leur conduite turbulente et sédi-
tieuse. Comme les protestants ont imité les
procédés de ces sectaires pour s'établir, et
qu'd a souvent fallu les réprimer les armes
à la main, ils se croient toujours en droit,
comme les Vandales, de nous exterminer,
s'ils le pouvaient, sous prétexte de repré-
sailles.
PERSÉVÉRANCE, courage et constance
d'une âme qui persiste dans la pratique de
la vertu, malgré toutes les tentations et les
obstacles qui s'y ojjposent. On nomme per-
sévérance finale le bonheur d'un homme qui
meurt dans l'état de grâce sanctiliante. On
peut donc envisager la persévérance de deux
manières, l'une purement [lassive, et c'est
la mort de l'homme en état de grâce. Ainsi
les enfants qui meurent après avoir reçu le
baptême et avant l'usage de raison, les adul-
tes, qui sont tirés de ce monde immédiate-
ment apr-ès avoir reçu la gr-âce de lajustili-
cation, reçoivent de Dieu cette persévérance
passive. L'autre que l'on peut nommer per-
sévérance active , est la corres|)ondance de
l'homme aux grâces que Dieu lui doiuie [lour
continuer à fciire le bien et à s'abstenir du
Eéché. Celle-ci dépend de l'homme aussi
ien que de Dieu ; mais il ne dépend pas
de lui d'être tiré de ce monde au moment
qu'il est en éiat de grâce. Pelage pensait que
1 homme peut persévérer jusqu'à la tin dans
la pratique de la vertu, par' les seules forces
de la nature, ou du morns avec le secours
des lumières que la fui lui fournit : les seiui-
pélagiens étaient dans le mémo sentiment.
Sarnt Augustin soutint contre eux, avec l'E-
glise catholique, que rhomme a besoin pour
cela d'une grâce particulière et spéciale,
distinguée de la grâce sanctiliante, et que
cette grâce ne manque jamais aux justes
que par leur faute. 11 le prouva dans sou -
traité du Don de la persévérance, qui est un
de ses derniers ouvrages, et il l'avait déjà
fait dans son livre de Corrept. et Gratin,
c. 16. C'est aussi la doctrine confirmée par
le deuxième concile d'Orange, can. 25, et
par le concile de Trente, scss. G, can. 11.
Dans ce même livre de Corrept. et Gratia,
c. 12, n. 3i, saint Augustin met une diffé-
rence entre la grâce de persévérance accordée
aux anges et à l'homme innocent, et celle
que Dieu donne actuellement aux prédesti-
nés; la première, dit-il, donnait à Adam le
pouvoir de persévérer s'il le voulait, et il la
nomme adjutorium sine quo; la seconde
rend l'homme formellement persévérant, et
il l'appelle adjutorium quo. En effet, dès
que le don de la persévérance finale renferme
la mort en état de grâce, avec ce secours il
est impossible que le juste ne persévère pas,
puisque par la mort il est irrévocablement
tixé dans l'état de justice. « Ainsi (dit le saint
docteur) Dieu a pourvu à la faiblesse de la
volonté humaine, en la tournant au bien ir-
résistiblement et invinciblement, ibid., n.
38. Mais tant que l'homme est dans cette
vie, on ne sait pas s'il a reçu le don de la
persévérance, puisqu'il peut toujours tomber;
celui qui ne persévère point jusqu'à la fin
ne l'a certainement pas reçu. » De Dono per~
sev., c. 1.
Lorsque certains théologiens ont voulu
apiiliquer à toute grâce actuelle intérieure
ce que saint Augustin a dit de la persévé-
rance finale, et donner la distinction entre
adjutorium quo et adjutorium sine quo, com-
me la clef de toute la doctrine de ce Père
touchant la grâce, ils ont abusé grossière-
ment de la crédulité de leurs prosélytes; ils
ont voulu persuader iiue la volonté humaine,
sous l'impalsion de la grâce actuelle, n'agit
pas plus q le le juste mourant avec la grâcu
sanctihante, et qu'elle est dans un étal pu-
rement passif; jamais saint Augustin n'a
enseigné cette absurdité. De sa doctrine on
conclut avec raison que le don ue la per-
sévérance finale renferme, 1° une providence
et une protection spéciale de Dieu, qui écarte
des justes tout danger et toute occasion de
chute, particulièrement à l'heure de la mort;
2° une suite de grâces actuelles efticaces
auxquelles l'homme ne résiste jamais, et
suituut une grâce eflicace au dernier mo-
ment de la vie; cette double faveur est cer-
tainerueut un don très-précieux. Les théo-
logiens sont donc bien fondés à soutenir,
coiuiue saint Augustin, que le juste ne peut
pas mériter ce don en rigueur, decondigno;
mais qu'il peut s'en rendre digne en ([iiel-
que manière, de congruo, et l'obtenir de
Dieu par ses jirières, par ses bonnes œu-
vr(!S, par sa soumission et sa confiance. Sur
cette question de la persévérance finale, les
protestants sont partagés. Les arminiens
soutiennent que le juste le mieux affermi
dans la foi et dans la piété peut toujours
tomber; cet article de leur doctrine a été
condamné par le synode de Dordrecht. Con •
séquemment les gomaristes, attachés à ce
synode, prétendent que la grâce du juste est
Ui9
PER
PER
US»
maraissible, qu'il ne peut jamais la pcrdro
totalement et finalement; d"où il suit que sa
persévérance est non-seulement inf;iillible,
mais n(''cessaire. Bossuet, Histoire des Varia-
tions, 1. XXIV, a démontré l'iuipiété de cette
docliine; le docteur Arnaud en a fait voir les
funestes conséquences, dans l'ouvrage inti-
tulé : le Renversement de la morale de Jésus-
Christ par les erreurs des calvinistes, touchant
/ayMS/f/îco^Jon.Vainonient Basnagea fa t t ut
ses etlorts pour en pallier l'absiu-dité. His-
toire de rEglise, 1. xxvi, c. 5, ^'.i; il n'a lait
que la déguiser sous un verbiage inintelli-
gible, qui ne sauve aucun des inconvénients;
et il abuse de quelques passa^^es des Pères,
auxquels il donne un sens faux et contraire
à leur intention. Voy. Inamis^ible.
PKRSONNE, substance in(hviduelle d'une
nature raisonnable ou intelligente. C'est la
définition (ju'en a donnée Boèce, et qui a été
adoptée par les théologiens.
On préiend que le I -tin persona, dans l'o-
rigi e, a signifié le mascj e des ai leurs dra-
matiques; ceux-ci sont ([uelqucfois appelés
personali, parce qu(^ leur masque était l'i-
mage (lu (lersoima^e qu'ils représentaient
sur la scène. Les tirées se se valent du mot
Booa'jffov, q i désigne h la lettre ce qui est
sous nos y ux. Les éti es purement cori)0-
rel-, tels qu'une pierre, une planl(^ un ani-
mai, ne sont point nounués personnes, mais
substances ou suppôts, hi/postascs, supposita;
de luéme le mot personne ne se dit po nt des
universels, des genres, des espèces, mais
seulement des natures sing dièr s, des in-
diviuus; or, la not on u'individu ou de per-
sonne se con(;o.t de deux manières : [)os ti-
vemenl, connue quand on d.t que \n personne
doit ôtre le [ii'iue j e toial ne J'uction, paice
que les [iliilosophes ajipe lent une personne
tou;e suhs.anct' h laquelle on atiribue quel-
que action ; et négativement, ()uand on dit
avec les thomistes qu'une personne consi^te
on ce qu'elle n'existe pas tlans ua autre être
plus parfait. .4insi un homme, quoique com-
posé de deux substances dill'éreutes, de
corps et d'esj rit, ne fait jiourtant pas deux
personnes, puisque qu'aucune de ses deux
parties ou substances, prise séparément,
n'est le principe total d'une action; lorsque
nous agissons, c'est le corj)s et l'Ame réunis
([ui agissent, et l'homine enti; rn'exist.' [)uint
dans un autre ôtre [ilus parfait (jue lui.
Eu parlant de Dieu, nous sommes forcés
de nous serv.r des mômes termes qu'en jiar-
lant des hoinuuvs, paice que les langues ne
nous en fouinisseiit point d'autres. Comme
la révélatiiiii nous fait d stiiiguer en Dieu le
Père, le Fils et le Saint-iisp/ii, il a fallu les
ap|);ler trois personnes, puisque ce sont tiois
èties subsistants et intelligents, dont l'un ne
fait pas partie de l'autre, et qui sont chaeiui
un princi[)e d'action. Les Crées ont donc dis-
tingué en Di U trois hljpostases, rpef; vTroor -
est:, et enStlite trois personnes, rpi» T-pairu-nm..
Mais il est clair qu'à l'i^gard de Dieu, le mot
de personne no présente pas exactement la
môme notion qu'y ré,;ard de l'homme; trois
fiersonncs humaines sont trois hommes ou
DlCTlONN. DE ThÉOL. DOGMATIQUE, 111.
trois natures humaines individuelles; en Dieu
hîs trois personnes sont une seule nature di-
vine, un seul Dieu. S. Aug., £pist 109, ad
Kvod. Vainement les soc.niens disent q;ie
l'on a eu tort d'introduire ce langage, de se
servir, eu parlant di; Dieu, du terme de per-
sonne, qui n'est point dans l'Ecriture sainte;
oc v(Julo r ainsi e.vpliquer un mystère essen-
liellemeut inexplicable. On y a été forcé
pourrc'priiiier la témérité divs hérétiques qui
se servaient J) ce sujet (i'un langage erroné
et conlraii'eà l'Keriiure sainte. Los sociniens
eux-mômes nous réduisent à cette nécessité,
en soutenant que le l'ère, le Fils et leSauit-
Fsfirit sont seulement trois dénominations
ou trois aspecis diiïérents d'une seule et
môme n;ituredivi:.e individuelle; non-si.uile-
meiit cette expliia^ion ne se trouve point
dans l'Ecriture sainte, mais cile y est foi mol-
lement contraire. Yoij. Trinité.
Voici un passage de saint Augustin que les
socin eus et hs inciédides ontalfecté de re-
marciuer, lib. v, de Trinit., c. ix : « Nous
disons une essence et trois personnes, comme
ont la t plusieurs auteurs lalius respect lidés
qui n'ont jioint trouvé da die minière plus
propre à exprimr ce qu'ils entendaieni
Mais ici le langage humain se trouve tiès-
défectucux; on a dit trois pcrsonms, non pas
pour exprimer quelque chose, mais pour iv\
pas demeurer muet. » Donc, repreunent nos
adversaires, tout ce que l'on dit des per-
sonnes divines n'est qu'un vrrbiago vide de
sens. Nous convenons que ces expressions
ne nous donhent pis uiienution claire; mais
elles nous donnent du moins une idée con-
fuse, puisqu'elles signilient trois ôtres sub-
sistants et principes des opérations divines.
Saint Augusiiu n'a pas voulu dire autre
chose, puisqu'il n'est aucun des Pères qui
a.t padé île la sainte Trinité d'une manière
plus nette et [lus exacte que lui. Nous som-
mes dans le môme eml.arras à l'é.ard de
tous les attributs de la Divinité, et c'est une
des objections que font les athées contre la
notion de Dieu : ils d sent (j :e nous avons
tort d'aflirmer que Dieu c t bon, ju-te. sage,
puisque ces termes expriment des qualités
liumaines qui ne conviennent point à Dieu.
Les sociniens sont-ils de môme avis que les
athées'? Voy. Attributs.
En |iarlant du mystère de l'incarnation,
nous disons qu'en Jésus-Christ il y a deux
natures très-dis'.inctes, la nature divine et
la nature humaine; que ce ne sont pas néan-
moins deux personnes, mais une seule pei'-
sonne divine; parce qu'en Jésus-Christ la
Hiiture humaine n'est point un principe total
d'action, mais qu'elle existe avec une autre
nature plus parfaite. Aiii>i, de lunion de la
nature humaine avec la nature divine il ré-
sulte un seul individu ou un tout qui est un
))rincipe u'action : tout ce que l'nt l'huma-
nité en Jésus-Christ, c'est la personne divine
(pii l'opère; et c'est pour cela que ces opé-
rations sont appelées théandriques ou déivi~
riles. Voy. Théandhiquks.
PETILIENS. Voy. Donatistks.
PETITS-PÈRES. Voy. Avciyr.xs.
iii
1451
PET
PEU
1492
PÉTROBRUSIENS, disciples de Pierre de
Bruy», !iéri''iiqLiiMi!^ en Dau|iliiné, qui en-
seigna ses erreuis vers Tan 1 110; sa secio se
réitandit dans les provin<^es méridionales de
France. Pieire le Vénérable, alibé de Cliiny,
qui vivait dans le même lomps, a fait contre
les pétrobrusiens un ouvrage dans la pridace
duquel il rtîduit leurs erreurs à cinq chefs
principaux : 1° Ils niaient que le baptême
soit nécessaire ni môme utile aux entants
avant l'Age de raison, parce que, disaient-ils,
c'est notre propr^' foi actuelle qui nous sauve
par le liaptème; 2-" qu'on ne devait point bâ-
tir d'églises, mais au contraire les détruire;
que les prières sont aussi bonnes dans une
hôtellerie que dai^s une église, et dans une
élable que sur un autel ; 3° qu'il fallait brûl-r
toutes les croix, parce qie les chrétiens doi-
vent avoir en horreur tous les instruments
\io la passion de Jésus-Christ leur chef;
,' que Jésus-Cln-ist n'est pas réellement
présent dans l'eucharisie; 5° que les sacii-
lices, les aumônes et les prières ne servent
de rien aux morts. Plusieurs auteurs les ont
aussi accusés de manichéisme, et il paraît
que ce n'est pas à tori, puisqu'il est prouvé
qu'ils admettaient deux primipes, comme les
anciens manichéens. Roger de Hoveden ,
dans ses Annales d'Angleterre , dit qu'à
l'exemple des disciples de Manès, les pétro-
brusiens ne recevaient ni la loi de Moïse, ni
les prophètes, ni les psaumes, ni l'Ancien
Te>tament. Radulphe Ardens, auteur du xi'
siècle, rapporte que les héréti'.iues d'Agénois
se vantent de mener la vie des apôt es, de
ne point mentir et de ne point jurer; qu'ils
condanment l'usage des viandes i-t du ma-
riage ; qu'ils rejettent l'Ancien Testament et
une partie du Nouveau; et, ce qui est de plus
terrible, qu'ils admetteiit de.ix créateurs,;
qu'ils disent que le saiTi'ment de l'a ,tel n'est
que du pain toul pur; qu ils méprisent le bap-
tême ; qu'ils rejelti-ut le dogme de la résurrec-
tion des morts. Or, ces héréti(iues d'Agénois,
qui furent ensuite nommés Albigeois, étaient
de vrais m michéens, comme la prouvé Bos-
suet, 7f(s«. des Variât., l.xi, n. 17 et suiv. Bas-
nage a fait inît.lement tous ses etforts pour
persuader le contraire : on peut leréf ;ter |var
ses propres principes. Hist. de l'Eglise , 1.
XXIV, c. 4, etc. Pierre de Bruys n'était pas un
assi'z habile docteur pour avoir fofgé une
hérésie de son chef; il ne fit (|ue proi)ager
une partie des erreurs que les albigeois, suc-
cesseurs des pauUciens, avaient répan lues
avant lid : mais on sait le motif qui a porté
les protestants h justilier l,;s héiél.ques du
xi° et du xu' siècle, c'est qu'ils ont voulu
se les donner p nir pré lécsseurs. Us disent
i[ue l'on ne doit point ranger ces sectaires
[larmi les manichéens, k moins que l'on ne
prouve qu'ils soutenaient le dogme c-iracté-
ristique et fondiaiental du m uiichéisme,
qui est le dogme d.'S deux princq:es, l'un
])on, l'autre m tuva. s : or, ajoutent-ils, on n'a
au-une preuve positive (pie tes alnige.jis, les
pétrobrusiens, les henricio.is, etc., aient ad-
mis deux princij)BS. A cette objection nous
répjiiJoas, 1° qu'il y a des preuves positives ;
savoir, le témoignage des auteurs contempo-
rains, Bossuet les a ciiés; vainement les pre-
les'.ants récusent ces témoins, ou cherchent
à élmlerUs conséquences de ce ((u'ils disent;
2" cjuele dogme des deux principes n'est pas
plus caractérisliqiie du nianich'isrtie qu'un
autre, puiscju'il avait été soutenu avant
Manès par les marcionites et par plusieurs
sectes de gnostiipies : les autres erreur-; des
manichéens ne sont point une conséiiuence
de celle-là; il n'y aurut rien de lié, rien de
suivi diiis leur système ; 3° que conmie ce
dogme est le plus odieux de tous, et le plus
capable d'inspirer de l'horreur, les a'bigeois
et leurs prosélytes avaient plus d'intérêt à
le cacher que toutes leurs autres rêveries :
jamais les chefs de sectes n'ont été fnrt sin-
cères, ils se sont contentés de montrer, à
ceux qui voulaient les séduire, le côté le
]ilus apparent de leur doctrii.e; 4° ([ue si,
pimr tenir à une secte, il faut en adopter
tous les dogmes, les |)rntestants ont tort de
se donner pour successeurs des hérétiques
ilont dont nous jiarloiis, puisciu'ils n'en ont
]ias embrassé toutes les opinions. Il est ab-
surde de nous représenter ces divers sec-
taires comme des témoins de la vérité, péti-
llant que l'on est forcé d'avouer qu'ils pro ■
fessaient des erreurs. Aussi Mosheim, plus
prudent que Basnage, s'est contenté d'excu-
ser tant qu'il a pu Pierre de Bruys et ses
partisans; il dit que cet homme lit les efforts
l(»s plus louables pour réformer les abus et
1rs superstitions de son siècle, mais que son
zèle n'était pas sans fanatisme; qu'il fut
br.'ilé à Saint-Gilles, l'an 1130, par une po-
[lulace furieuse, à linstigatioii du clergé, dont
ce réformateur mettait le Iratic endangT;
mais que l'on ne connaît pas tout le système
de doctrine que cet infortuné martyr ensei-
gna à ces sectateurs. Cepeiidani il n'a pas
osé nie:', non jtlus que Basnage, les cinq er-
reurs r[ue leur a imputées Pierre le \"éné-
rable. Hist. ecclésiastique, xii" siècle, ii' par-
lie, c. 5, § 7. Or, il est prouvé par ce té-
moignage et par d'autres que P;erre de Bruys
et ses [)rosélytes br daient les crucdix et les
croix, déiruisaient les églises, insultaient le
clergé, etc. I.a l'anatisme contraire a l'ordre
public était certainement punissabl • ; le pré-
tendu réformateur qui al uî.ait ce feu méri-
t.it le bi^cher dans lequel il a péri ; d a été
martyr, non de ses opniions, mais des dé-
sordres et des violences dont il a été l'au-
te ir. Hist. de l'Eglise gallic, tom. IX, 1. xïv,
an. Î1V7.
PElTALORYNCHITES.Fof/.MoiVTAMSTES.
PEUPLE DE DiEU. Ce titre, souvent d aîné
aux Israélites dai;s l'Ecrit, ,re sainte, scanda-
lise les incrédules ; c'est, disent-ils, ini • ab-
surdité de croire que le Créateur de tous les
hommes était le Bien des Israélites plutôt
que 1 • D:eu des Chinois, des Indiens, des
tirées et des Romains; qu'Israël était son liis
aîné, s;jn bien-.iimé , son héritage, pendant
(j i'il .ibandonnait les autres nations. Ces fa-
çons de parler, injurieuses à la providence cie
i)ieu, ont rendu les Juifs orgueilleux et in-
soc'ablcs ; elles leur ont inspiré du mépris
liSS
PEl]
p;iA
4454
et dp l'aversion pour les autres peuples, elles
ont ronlribué à les rendre incrédules à la
pri'dication de l'Evangile; ils n'ont pas pu
soullVinpie les gentils soient apiu'lrs eniinue
(>ux à la gnlce de la foi. Quolipii s rt'llexions
d:ssi()prnnt ais^'uicnt ce scandale. 1" S il y a
une vos té clairement enseignée, répétée et
incuhpiée dans les livres saints, c'est la pro-
yi.iCiice générale de Dieu à l'égard de Icius
les lionuues etde t ulcs Its nations, li est dit
cî'iit fuis que le Dieu d'isi-aël e.-t le souve-
lam Seigneur de toute la terre, qu'il réunie
^ur tous les peupes, que ses nù-^é-ricordes
éclalenl sur tous ses ouvrages, qu'il conserve,
nourrit ol protège toutes ses créatures, tpi'il
a établi des chefs sur toutes les nations, que
ses anges sont les pr. lecteurs des luonar-
clnes, etc. — 2° ^ioise ne pouvait pas pren-
dre plus de précautions qu'il n'a fait pour
étouffer l'orgueil chez les Israélites; il leur
dit que Dieu les a chois's pour sou peuple,
non parce qu' Is sont m ilieurs et pi is esti-
mables qu ■ lesautios, puisqu'au contraiie
ils .sont plus faibles, plus uigrats , puis en-
clins à ,-e révolter et à se dépraver, mais
parce qu'il lui a plu, et parce qu'il l'ava t
promis à 1 urs pères. 11 les avertit que le
seul moyen d.^ conserver la protection et l-.'s
bienfaits de Dieu, c'est de lui être constam-
ment soumis et lidèles; quautrement il les
punira de manière à faire trembler tous les
autres p('iq)les {DeuC. vu, etc.). Lorsque les
prophètes ont annon é un Mes.sie , ils l'ont
promis, non pour 1 s .luiis seuls, mais |)our
toutes les nations; les prophéties de Jacob,
d'Isaie, de Malachie, etc., sont formelles sur
ce point. C'a donc été de l.i part des .luifs
uue oi)ini;itreté inexcusable de vouloir que la
gr.lco de l'EvangilH fût pour eux seuls. —
3" Quoi qu'en disent les incrédules, il rstdé-
montri' par le fait que Dieu avait ai^conlé aux
Israélites des bienfaits qu'il n'avait point dé-
partis aux autres nations. Les promesses faites
a Abraham, la uuiitip ic tion étomianle de ^a
postérité en Lgviite , l.i manière do..t Dieu
avait tiré les Israéliies de l'esclavage, dont
il les avait nourris , inslruts et conservés
dans le désert , les prodiges qu'il avait opé'-
rés en leur faveur, la possession de la Pa-
lestine qu'il leur avail accordée, etc., étaient
certainement des bienfaits partieuliers des-
quels aucun aut e leuplene pouvait se glo-
rilier. Moise n'avait doue pas tort il(> leur dire
qu'ils étaient s|)écialement le peuple, l'iuri-
tag(ï, la possession chérie du Seigneur, etc.
11 voulait les rendre reconnaissants, r(li-
gieux, lidèles il Dieu ; il de\ait dune leur
parler de ce que si bonté avait fait pour eux,
et non de ce qu'elle faisait ou voulait faire
pour les autres nttîons. — i' Il est encore
incontestable que, pendant toute la durée de
la r('pul)lii|u<' juive, tous les peu[iles connus
ont été I oiythéistes et i iol Ures , qu'ils ado-
raient les astres, les diir'reides parties de la
nature et les héros, pendant que les lsr;i('-
lites rendaient leur cul.e a.i seul vrai D^eu,
créateur du ciel et de la terre, il était donc k
la lettre le Dieu d'Israël, pendant que les au-
tres peuples lui refusaient leur encens, et
dans ce même sens il avait été le Dieu d'A-
bra'uuu, d'isaac et de Jacob : ou celte diffé-
rence était l'effet d'une révélation surnatu-
relle accoidée aux Israéliies, ou elle veuail
d'un de.;ré sufiérieur d'intelligence et de b^u
sens naturel qu il leur avait départi; il n'y a
pasdeunli u. Que les incrédules choisissent
celle de ces deux hypot'ièscs (|u' 1 bur i laira,
il en résuit ra toujours que Dieu avait fait
aux Israélites ou une fîivenr iialur:lle , ou
une gr;1ce surnaturelle, que les autres peuples
ne part igeaient [loint avec eux. Les incré-
dules auront beau dire que cette t rédilec-
tioii était un trait de |)artialité , d' njustice,
de biz.rrerie de la put de Dieu; il est dé-
montré par le fait et |)ar bs \ riueipes que
Dieu, sans jjartialité et sans injus ice , peut
partager inégalement les dons naturels entre
les peuples et entre les honuues ; donc il peut
aussi, sans partialité et sans inj stn-e , h'ur
distribuer inégalement ses bien.aits surna-
turels, dès qu'il ne leur demande compte que
de ce qu'il leur a dimtié. J iuiais les incré-
dules ne viendront à bout de renverser cette
démoiisiration, ijui sape jiar le prim ipe tous
les systèmes d'incrédulité. Yoy. Abandon,
Justice de Dieu, Inégalité, etc.
* P iALANSTÉUlENS. Xuij. FouiuiiuisMr.
* PilAKAO.N. Xotj. Egypte. Pi.aiks DEcvrrE.
PHARISIENS, secte de Juifs qui était la
plus noudireuse et la plus estimée , lorsque
Jés is-Christ parut sur la terie; non-seule-
ment les docteurs de la loi, que l'on nom-
ma t les scribes, et tous ceux ipii pa.-saient
pour sav.mts, mais le gros du |)e .pie suivait
les sentiments des pharisiens, ils diff raient
des Sinnaritaiiis en ce qi'ils recevaient, non-
seulement la loi de Moise, mais encore les
pio|)hètes, les hagiographe.s et les traditions
des anciens. Ils élaieni d'ailleurs oo|)osés aux
sadducéens, en ce ipi'ils ci-oyaieut la vie à
venir et la résurrection des morts, la pré-
destination et le libre iubitre. 11 est dit dans
l'Eerdure {Ad. \xiii, 8) que les sadducéens
assurent qu'il n'y a point de r6siu'reclu)n, ni
d'anges, ni d'<'sprits, m. is que Igu pharisiens
croient l'un et l'au'ic A la véiité, selon Jo-
sèphe, cette lésurrection n'était que le pas-
sage de l'-jlnje dans lui autre coi-ps; il ajoute
qu'ils croyaient la pr/tlestinaiion absolue,
au.ssi bien que les esséniens; qu'ils a .met-
taient cependant le libre arbitre de l'homme,
connue les sadducéens. Connuent conci-
haient-ils ensendile ces deux opi, dons? C'est
ce t[ue l'on ne peut pas expliquer. Une autre
l)i/.arrerie de leur jiart, suivant le même his-
torien . était d'enseigner, d'un côté , q '.c les
jimes des méi'.l.ants sont éternellement pu-
nies dans l'enfer; de l'autre, que les âmes
des justes seuls peuve'd revenir h la vie et
anim r d'autres corps. 11 edt été plus naturel
de croire l'éternité d ■ la récompense des
bons que l'éternité du châtiment des mé-
chants. Quoi qu il en soit , le caractère dis
linclif des pharisiens étad leur attacheme
aux traditions des anciens; ils prétendai/
que ces traditions avaient été donné
Moïse sur le mont Sinai , en même tel
li'oo
P!II
PHI
US6
que la leltre de la loi ; aussi leur attribuaient •
iJs la même autorité qu'à la loi écrite. C'est
ce que les Juifs appellent enrore aujour-
d'hui la Lo! oRAi.i:. Voy. ce mot. En vertu
de l'observation ri^^ide de la loi ainsi expli-
quée, et souvent défi^uiée par leurs tradi-
tions, les pharisiens se croyaient beaucoup
plus saints et plus parfa ts que les autres
Juifs; ilslesrei;ardaient comme lies pécheurs
et des profanes; ils s'en séparaient, ils Tie
voulaient ni boire ni manger avec eux. De
là li'ur était venu le nom de pharisiens , du
mot pharas , qui en hébreu signilie séparer.
Celte alfectation liypocrite d'une sainteti'' au-
dessus du commun en imposait au peuple
et lui inspirait de la vénération. Notre-Sei-
gneur le ir a souvent rejiroché cette hypo-
crisie; il les accuse d'anéantir la loi de Dieu
par leurs traditions; nous voyons en elfet
dans l'Evangde qu'ils pervertissaient le sens
de [)lusieuis préceptes par les fausses expli-
cations quils en donnaient. Dans la suite,
les dricteurs juifs ont recueilli le fatr.is des
traditions pharisaïques; ils en ont fait une
énorme compi ation en 12 volumes in-fol.,
qu'ils ont nommée le Talmud. Voy. ce mot.
La plupart sont im|)ertinentes et ridicules,
et toutes sont très-onéreuses. Cela n'a pas
empêché que la secte des pharisiens, qui est
aujoird'hui celle d >s rabbanites ou rabbi-
nistes , n'ait en,.jlouti toutes les autres. De-
puis plusieurs siùrles elle n'a eud'o|)posants
qu'un ;r>'S-petit nombre de caraites ou de
juifs attachés à la lettre seule de la loi; tout
le reste de ctte nation et servilement sou-
mis à la doctrine du talmud, et a pour ce
livre plus de respect que pour le texte même
de Moise. Voy. Tai.mud.
Les pharisiens étaient du nombre de ceux
qui ne voulaient point d'étranger pour roi.
De là vint qu'ils proposèrent, par malignité,
à notre Sauveur, la question s'il était [lermis
ou non de payer le tribut à César ; quoiqu'ils
fussent forcés comme les autres à le pa> or, ils
préteniiaient toujours que la loi de Dieu le
défendait. Tant qu'ils eurent du pouvoir, ils
perjécutèrent à outrance tous ceux qui n'é-
taient pas de l.ur parti ; mais enfin leur ty-
raimie, qui avait commencé après la mort
d'Alexandre Jannée, tinit avec le règne d'A-
ristobuie. Prideaux, ilisl. des Juifs, 1. xiii,
§ k; Dissert, sur les sectes des Juifs, Bible
d'Ainnnon, t. XUl , p. 218. ilosheim , dans
son Histoire chrétienne , avait prétendu que
Josèphe a dit, touchant la doctrine dvs pha-
risiens , plusieurs choses qui ne s'accoi dent
point avec ce qui en est rapporté avec le
Nouveau Testament; mais le docteur Lardner
a prouvé le contraire ; il a fait valoir que le
rént des évangélisles est Irès-conlbrme à ce-
lui de Josèphe. Credibility of Ihe Gospel his-
tory, 1. I, c. k, § 1.
PH.VSE. Voy. Paque.
PHÉLÉTHL Voy. Céréthi
» PillLALÉTHES. On vit, il y a quelques années,
iihe socioie religieuse se former à Kicl. Elle prii le
iiDin lie l'hiUdcihcs ou d'amis de la vérilé. Elle pro-
:'s>sê un p'ir (1 -isuie. Elle voulut avoir un culte. Un
(liscoui», lies canliijues. sur l(?sprm< ipales voruis iia-
turellos et sur les principales phases de la vie, en
sont le fond ; elle garda le septième jour el qucli|iies
fcics, tels que le jour de l'an et le premier jour des
quatre saisons.
PHILASTRE (saint), évêque de Brescia en
Italie, mort l'an 388, eut pour amis saint
Ambroise et saint Augustin, pour disciple
et pour successeur saint Gaudence. Il com-
posa un Catalogue des Hérésies, dans lequel
il met au nombre des erreurs plusieurs opi-
nions qui lui paraissaient peu probables, mais
qu'il est très-permis de soutenir : les deux
meilleures éditions de cet ouvrage sont celle
de Hambourg, donnée en 1721 parle savant
Fabricius, avnc des notes, et celle de Brescia,
publiée en 1738 par le célèbre cardinal
Quirini, avec les Œuvres de saint Gaudence.
PHILÉ.MON , homme riche de la ville de
Colosses en Phrygie, qui avait été converti
à la foi, ou par saint Paul, ou par Epaphras,
disciple de cet apôtre. Sa maison était u,ie
espèce d'église par la piété qui y régnait, tt
par les bonnes œuvrts qui s'y prati juaicut.
Onésime , son esclave , peu sensible à ces
bons exemples , vola ce bon maître et s'en
fuit à Koiue. Heureusement il y rencontra
saint Paul, qui le reçut avec charité, l'instrui-
sit, le convertit à la foi et le baptisa. Pour
obtenir son pardon, il le renvoya à son maî-
tre avec une lettre fort courte , mais qui ,
dans sa brièveté, est un chef-d œuvre d'élo-
quence ; il n'y a pas un mot qui ne resjiire
la charité, le zèle, la tendresse pour un es-
clave fugitif devenu chrétien, et pour le maî-
tre avec lequel l'apôtre veut le réconcdier ;
pas un mot qui ne soit capable de touciier
et d'attendrir un bon cœur. 11 sullit de la lire
(jour voir s'il est vrai, comme certains inc['é-
dule.'> l'ont écrit , que le christianisme n'a
contribué en rien à l'abolition de l'escUvage,
ni à rendre plus douce la condition des es-
claves. Cette religion divine a fait plus, elle
a changé les mœurs de ceux-ci et celles de
leurs maîtres.
PHILIPPE (saint), apôtre de Jésus-Christ,
n'a rien laissé par écrit ; nous ne savons, de
ses actions et de ses travaux que ce qui en
est rapporté dans l'Evangile. Les auteurs ec-
clésiastiques ajoutent qu'il alla [irècher la foi
en Phrygie , et qu'il y mourut dans la ville
d'Hiérajiles. Quelques savants ont été per-
suadés que saint fhilippe avait prêché dans
le» Gaules ; Tillemont a combattu cette Ojd-
uion, Mém., t. I, pag. 639; feu M. Bullct ,
professeur de théologie à Besançon , s'est
apjiliqué à l'établir, dans une dissertation sur
ce sujet. 11 ne faut pas confondre cet auètre
avec Piiilippe, un des sept di.icres de Jéru-
salem, duquel il est parlé [Act. vi , 5; viii ,
5 et 2G ; xxi, 8, etc.). C'est celui-ci qui con-
vertit les Samaritains, qui baptisa l'eunuque
de la reine Candace, etc.
PHILIPPIENS , habitants de la ville de
Philiiipes en Macédoine. Tout le monde con-
vient que saint Paul leur écrivit la lettre qui
poiteleur nom , lorsqu'il était empnsoniié
))0ur la première fois, vers l'an ()2. L'apôtre
témoigne à ces fidèles la |)lus tendre recon-
naissance pour les secours iju'ils lui avaient
iiSI
PHI
PHI
415«
j)rocurés, et le zèle le plus ardent pour leur
salut ; il les félicite de leur courage à souf-
frir pour Jésus-Christ , et de leurs bonnes
œuvres ; il les excite à la confinnce et à la
joie. Le dess' in de cotte letlre entière peut
donc nous fa re douter si dans nos versions
françaises l'on a pris le vrai sens du ch. ii ,
V. 12 et 13, lorsiiu'on a ainsi traduit : « Opé-
rez votre salut avec crainte et treiublcniont;
car c"est Dieu qui opère en vous le vouloir
et l'action, selon qu'il lui plait. » Le grec
porte : <nzep ta? cùSo/ia,-; le latin, pro bona vo-
luntate. Or, eùî-zi» signifie constamnicut \'of-
fection que l'on a pourquebju'un, ou ValJ'ec-
lion qu'd a lui-niènie pour les horuies oni-
vres. Dans quelque sens qu'on le preniie ,
comment cette disjiosition peut-elle être un
motif de crainte et de tremblement, et com-
ment celui-ci peut-il s'accorder avec la con-
fiance et la joie? Par la crainte et le tremble-
ment, saint Paul entend ailleuis la déliance
de sni-mème, et non la déliance du secouis
de Dieu (y Cor. 11,3). On peut donc tra !uire,
sans faire violence au texie : « Travailhîz à
votre salut, non-seulement comme vous fai-
siez lorsque j'étais présent, mais encore plus
iorS(iuejesuis absent, au milieu de la crainte
et du tremblement dont vous êtes saisi : car
c'est Dieu qui opère en vous le vouloir et
l'action par ratl'e(tion qu'il a pour vous. »
Loin de vouloir elfrayer les Philippiens, saint
Paul cherche à les rassurer et à les encoura-
ger. Ce sens paraît le plus conforme au but
général de la lettre. Vay. Crainte.
PHILIPPISTES ou MÉLANCHTHONIENS.
y'oy. Luthériens.
PHILOLOtjlE sacrée. On nomme ainsi la
nar ie de la critique qui s'attache princiiia-
lement à examiner les mois et les expres-
sions du texte sacré ei des versions , h en
i'uger suivant les règles de la grammaire, de
a rhétorique , de la poétii[ue et de la logi-
que. Les protestants ont beaucoup travaillé
en ce g.nre , ils en iont gloire , et nous ne
leur en savons pas mauvais gré; \a philologie
sacrée de Glassms, savant luthérien , passe
pour être un des meilleurs ouvrages de cutte
espèce. Cette manière d'étudier l'Ecriture
sauite est utile, s:uisdoute,àquelques égards,
mais est sujette K de grands inconvénients.
1° Quand on pousse cette critique trop
loin, elle devient minutieuse et ridicuh^. A
quoi servent de lon.;ues dissertations, pour
expliquer des choses que tout le monde en-
tend d'aliord? 11 semble que les écrivains sa-
crés parlent un langage si extraordinaire,
qu'il est besoin d'un commentaire sur cha-
que mot. Les incrédules en |ireinu^nt occa-
sien de dire que l'Ecriture sainte est un re-
cueil d'énigmes inintelligibles, auxquelles
on fait dire tout ce qu'on veut; que ces li-
vres, loin d'instruire les hommes, ne sont
propres qu'ii les tromper, à faire naître des
erreurs et des disputes intc: minables. —
2° Cette manière d'envisager l'Ecriture sainte
sembl' la nii-llre au niveju des livres écrits
par les auteurs profanes , dont le sens ne
peut être connu que par la linesse de la cri
tique; mais cet art n'était pas né lorsipie
les anciens Pères de l'Eglise se sont servis
des livres saints pour instruire les fidèles;
s'ils ont |)u s'en passer, nous pourrions l'i-
gnorer encore s/ms courir aiu'un risque à
l'égard lie notre salut. La tradition constante,
l'enseignement commun et universel de l'E-
glise, nous paraissent un fondement plus
sûr pour appuyer not.e foi q le to .te 1 1 sa-
gacité des ()liilologues. Dieu, sans doute, n'a
pas attendu jusqu'au xvi' sii^cle, jiour donn r
a son Eglise une intellignice snf.isant>' des
Fcritui'es, et pour llxcr sa crowmce. Saint
Paul condamne la manie de ceux qui s'amu-
S"nt à des questions et à des dis|)ules de
mots ; elles ne servent, dit-il, qu à faire naî-
tre des haines , d 'S dissensions, des blas-
phèmes et des imaginations absurdes (7 r/m.
VI, 4) : l'expérience de loî.s les siècles ne l'a
([ue trop [)rouvé. — 3° De là est venue la
hanliesse de ceux qui ont souvent voulu ex-
jiUquer et même cor. iger le t.'Xle sacré d'a-
près le style et les idi''es des auteurs pro-
wnes. Les protestants eux-mêmes ont déploi é
i:et abus; Erasme l'avait condamné, et on le
lui a reproché à son tour, de même qu'à
Grolius et îi d'autres. Mosheiin a fait une
longue dissertation pour en montrer les fu-
nestes conséquciices; il reproche au moins
vingt défauts dilférents à la plupart des cri-
tiques et des philologues, tnt par rapport
aux faits qu'aux expressions de l'Eiriture
sainte. Co(jilationes de interpretattunc et enien-
clatione sacrarum Litleraruin. — 4" A force de
sublilités de grammaire, de ligures de rhé-
torique, de comparaisons et et de conjec-
tures, il n'est aucun jiassage de l'Ecriture
sainte du([nel on ne puisse détourner et per-
vertir le sens. Les protestants, après s'être
servis de cet art pertide contre les théolo-
giens catholiques, en ont ressenti le crmlre-
coup d.ins leurs disputes avec les sociniens ;
toutes les fois qu'ils ont voulu argumenter
par rE( riture seule , leurs adversaiics leur
ont fait voir qu'ils ne retluutaient pas ce
genre de combat; qu'avec les armes défen-
sives des critiques protestants, ils étaient
sûrs de triompher. Preuve évi. tente que tout
commentaire, toute observation qui nous
con uisent à donner à l'Ecriture un sens
opposé à la croyance de l'Eglise, jjartent
certainement d'une critique fausse, et ne
méiiteni aucune attention (Ij. Foy. CurriycE.
PHILOSOPHE, PHILOSOPHIE. Les an
ciens disaient que la philosophie est la seienee
des choses divines et humaines ; c'était lui
faire trop d'honneur ; jamais les philosophes,
privés du secours de la révélation , n'ont
(I) La piiilologie sacrée a fait de grands progrès
de notre leiiips. < Les dill'érenles braiicho de leHo
étude, dit .Mgr Wiseman, quelqui; éiraiige que «da
puisse paraître, se sonl développées pvogiessiveiiu'iil ;
et leurs progrés ont conslaninicnt tendu à justifier
l'Lcriture, et a conlirnier nos preuves. La grammaire
est ncccjsairement la base de toute étude ipii a les
mots pour objet, el je coainience aussi par elle. Vous
serez peut-être tentés de sourije, quand je dirai de
la graiMMiaiie d'une langue uiorle depuis 20'J0 ans,
quelle est en voie de progrès et de perlei tioniieuient.
El vous serez sans doule non moins portes à être in-
crédules quand j'assurerai que ses progrès ont même
145»
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connu Hi la nature divine , ni la nature hu-
maine ; aucun de leurs systèmes n'a été
exem: t d'erreur: toute leur science s'est ri'^-
ajoiilé i|U"lqii(^ chose à notre sécurité sur desdpclri-
iies esseiitielle":. Et répondant ces deux assertions
sont ptirlMilenent exacles. Po!;r le plaisir de cei|x
qui (>eiiv( tu s'intéresser à des reclierciie-; de ce g('nre,
je vous en esquisserai l'hiloire, puis je montrerai
tes applications utiles et impuriauies nténie qui en
peuvent elre laites. La granimaTe de la langue hé-
braiqiie vient naliirelleutcnt des Juifs; et aucun chré-
tien, dans les temps u)0;lernes, u'cii a coinuieiicé
r(Hii le avant qu'ils lui eussent jo:iné toute la p'r-
fcclion que leurs méthodes délcctueuses pouvaii'iit
coMiporlcr. Toutefois, on peut dire que cette élude a
été dirigée che/. nou-i d'une manière in lépendaiite.
EliasLevita Iraviillaitàdunner aux recherches gram-
nialicales des Kiinchi lout le perfectionnement
qu'elles pouvaient recevoir de-; écrivains de sa na-
tion, lorsque Conrad Pellicanus, en laU3, et Reu-
cldin, Crois ans plus laid, pulili reiit les premiers
ruiliinculs d'une grainniaire héhraiqiie à l'usage des
cliiétiens. Le preiiiier, moine de Tiihingcn, avait ap-
pris seul ir.'tle langue, à l'âge de vingt-deux ans,
sans aiilre secours qu'une Bible latine, et par con-
séqueiil il n'avait mis dans sa giammaire que les
éléiiienl'' i.iipaiiaits qu'il avait pu glaner ainsi. Reu-
cliliii prit, à Rome, des leçons d'un Juif, au prix
éiiorine d'une couronne d'or par heure; c'est a lui
que nous devons la plupart des termes de grammaire
employés mainieiiani dans l'éUnle de la langue sa-
crée. Sébastian Munster, élève d'Elias, éclipsa bien-
tôt ses prédécesseurs; mais ses travaux, qui étaient
copiés presque cnlièreaieiit sur ceux des r.dihins,
furent dépassés leur loiirparla méthode plus large
et plus luci c de Buxtorf l'ainé. Et ces recherches
grammaticales n'occupèrent p as seulement l'Alle-
niagne, mais encore toules les autres parties de
rpijrope. Siinles Pagniiii, eu Italie, et Chevalier en
France, publièrent des iniroduciioiis à l'élude de la
languç sacrée. C'est ce qu'on peut appeler la pre-
mière période de la grauuuaire hébraïque parmi les
chrélieiis, p riode qui huit avec la première moitié
du xvu' siècle (ii). Ses caractères sont ceux de l'é-
cole juive, (ie lai|uclle elle sortait : une atteniion
ruinulicuse aux eiiaiigeinenls compliqués des leltics
et des poinls-voyelle-, puis a la dérivation et à la lor-
niaiion des nom -.^ avec up oubli pres((uc complet de
la sli'ucnire générale du langage. Toulefois Buxtorf
et un autri' savant mériient une honorable excepiion ;
SaloiiKin Chiss, don! la Philologie sucrée, surtout l'é-
dilioii ci)ir;gée de Dath, devrait être constamment
sur la t.djle de ipiiconque se livre aux éludes bibli-
ques, Salouion i;iass amassa nu trésor de remar(|iies
sur la syiila\e . remarques qui, oiilic leur uliLté
pour la giamiiiaire holiraique, avaient le niérile ue
nieilie pour la première fois la langue du iSoiiveau
Tesiamcnt en rappiul a\ee celle de i'Ancien. Taudis
que l'élude de la grammaire hébraïque avançait
ainsi leiilenienl, les aiures dialectes sémitiques, con-
nus abus sous le nom général de langues orieuiales,
élaient culiivé's avec le plus grand soin. Vers l'epo-
ipie que, d'après Gesénius, j ai assignée comme le
terme île la pre.nière école cliÈ'éiieniie, l'ciude de
ces langues commença à exercer Je rinlluence sur la
grammaire hrbra que, el marqua ainsi le coinmen-
cement d'une seconde époipie. Louis de Dieu, en
l(i'2S, publia le premier la grammaire comparée de
l'iiebreu, du ehaldéen el du ; ytiaipie. Il fut suivi par
lioltiuger (l(Hi>) et par Sennert (lO.'iS), qui ajouta
l'arabe aux langues c ui.paieesp.irses prédécesseurs;
Ca~lell, dans lés prnlegomèncs de son cel. bre Dic-
tioiinnire pulijijlalte, y ajoiila retliiopicu ou l'abyssi-
nien. C'éialt un nouvel et importanl instriimeiit pour
(n) Ccbiiiiiiis, Geiclùchlc der Itubràkchen iprache wid
«f/iii/i. l.oi|)4ig, tSii, p. 107-lOL
diiite à disputer et à douter. Ce n'est point
à nous d'exposer la doctrine des difliiTentes
sottes de philosophie, nous ne devons l'en-
rétude du la gran'Hiaire hébraïque; ni.tis la syiilaxe
de ces langues congémres élail elle-même ipiparlai-
lenient dévehppée, et, par suite, l'applicalinn qu'on
en faisait se renfermait snrlont dans jes déclinai-
sons et les conjugaisons. Au commencemeit du <ler-
nier siècle, une application plus étendue d'une lirau-
che au moins de cetle philologie comparée fut intro-
diiile par le savant el habile .\lbert Scliulleiis. Pro-
fondcineiit versé dans la liili'ratiire arabe, et ayant
sous sa iiiaiii un trésor de manuscrils (u'ienlaux dai.s
la liibliollièipie de l.eyde, il ciuisacra la plus grande
partie de ;a vie à éclaircir les difliciillés (te la philo-
logie liébraïiiiie à l'ai !e de ces nouvelles sources.
Quelque grand ipie soit son mérite, son atlacliemenl
aux systèmes qu'il introduisit le premier renlraîna
nécessairement trop loin. Il sacrilia ii sa prédilection
pour une langue les avantages qu'une comparaison
avec tous les dialectes de la même famille aurait
pu lui fournir. Il alla même encore plus loin ; car il
négligea souvent la slrucluie particulière à la langue
hcbraïipie el les idiolismes qui lui son! propres, pour
les paralli lismes les plus impercepLbIes avec lara-
lie. (ti). Il fonda ce qn'mi appelle I école hollandaise
dans la philologie hebraï ,ue. Comme on pouvait s'y
aileiidre, plusieurs de ces disciples copièrent les
failles du maiire; cependant un peiil nombre, plus
judicieux, eut soin de les éviter. Tandis que des ara-
hisiiifs hasurdés et des élynioiogics forcées déligurenl
les ouvrages de Vénéma, de Letie el de Schei 1, d'au-
tres écrivains, tels que Schroder, onl porté un juge-
inenl plus sain dans l'élude de la grammaire. Les
7i(.s.'//»(io».v, elc, de ce jnd;cieux aiileur, fuient, iien-
danl pliisiinrs années, consicéiées en Allemagne
coiiinie l'ouvrage inoilele, el elles sont encore, je
crois, trés-repanducs et juslemeul estimées en An-
gleterre. La syntaxe y est exacte el développée, el
c'est peul-eire le livre qui remplace le mieux les
ouvrages allemands plus élendus de Gesénius et
d'Ewald, quand on ne peut les coiisuller (c).
< Taui.is que lécole hollandaise élaila son apogée,
les Alleinamls posaient les bases du sysicme qui,
quoique plus lent a ijuïrir, était cep Mulant la seule
méthode véritable et solide. Ce syst 'inQ consistait,
non pas à tenter de créer d'uii seul jel un sysiènio
grainiualical large cl complet, mais à cclaircjr les
points pariieuliers, soit à l'aide des dialectes coil-
genères, soii en comparant de nombreux passages
delà Bible idle-iu me. Chrislian-nenédict .Micliai lis
e saya ces deux méthodes d'une manière Irèsloua-
ble; Simoiiis, Sliirr el beaucoup d'autres contri-
buerenl par des observalioiis précieuses à rendre
nicihiKliipies la syntaxe hébraïque ç( ses analogies.
Au commenieineiil dcce siicle, Icï matériaux elaient
recueillis el iratlendaienl plus qu'un invesligaleur
ériidil, judicieux el palieiit, qui sut les disposer, les
discuter el les compbiter. L'école moderne dilfère
aulanl de la première que la tactique de nos jours
dilfére de celle des temps anciens. Ue même ([ue
celle-ci obligeait la phalange ou la li''gion a une com-
binaison de niauicuvres qui dépendait surloul de
l'cxacliludc des uiouveuieiils el de la position des
individus, a.nsi loui le système de l'auciemie jjiaïu-
niaire dépenilail des changements iniiuilit;iiX qiiisin'-
venaient dans chaque mot en particulier, e^ dés évii-
liiiions couipliquees de chaque poinl , soit qu'un
l'avançât, soil qu'on le reculai, soit qu'onfajoniàl.
Le giamii.airien moderne ne ueglig.- pas si'iis doule
ces petits mo;;vemenls; mais il oljsi'ive snilo'il Icn-
cliaiiieiueui des pallies du discours, la l'uruc des
Ib) Ibid. |.. 128.
((•) InslUuliones ad [inidaiiwiiln linqAiœ liebraica'. — La
dernière éjliumi alleniaiiJe |iiiiiii à Llm eu 17y9.— Cet
ou\rage a'été réiniprimé il Oluscow, ca lH2i.
UGl
PHI
NU
tm
vis.iger en ^(''ni'ral que relativement h la re-
lig-iou, et sous ce ra[)port nous avons à exa-
miner : 1° si les loyons ties phllasoiihes ont
beatieoiip sei'vi à (5(- airer les homines; 2" .'•i
saint Paul les a condaiiniés avee trop de ri-
gueur; 8" conunenl lisse sont conclu ts ;\
ré,jaid du chrislianisnio, et quels sout les
parliciiles dans l(i< circoiistanfes diverses., la valeur
«lldëreiile de.'; foriiu's paiticiilicres des tiiols, et la
dé[)eii(laiiee iniliiclle (|iii unit los iiioiid)res secdii-
daiivs lie la iihrasc aux iiiciiibrrs pi ineipaiix. Il eoii-
sidère siirlmil les eoiidilMaisoiis \f,.i [)liis laij;i's et les
ed'cl^ les |iliis iinpoiiaiils. La piiMiiiére ('enle ccpeii-
daiil avait un a\aiilage iiiie l'aiilrc a iié;;liKé ou mé-
prisi'.jr veux dire le sfCdiiis des ^Maiiiiiiaircs lalilii-
iiii|ii('S. An c'iiiiiiieiiieMieiil lout <Mail .juil', suit en
grainniaiie, soit en l('xiciii;raplili-, tandis ipiu dans
Isi |iériQ:le suivante les rabliins lni'i-ii( mis :i l'éeart
sous ecs deux rap|i(U'ts. Forsler (l.'iST) pnlilia son
LexiroH, non ex nibbinuntm commcnlis, iii'c nnslrii-
tiini (locloniiii slitllii iniiimioitc ; cl .MasrIcI rcMilut de
pnigei' la graïuuiaire lielM'a.(iue des points, ali sijiic
iHi'CH/is mnsoit'di'is. Je ne sais si ses pailisans eon-
siderent Texislenri; de la syntaxe et de la constrni-
tiun li(:bra](|ues eonnne une invention ral)bini(pu;;
niais, eu génùrai, ces Kianuiiairiens, (pn reM'aiielient
les points, allVaiieliisx'jil aussi la langue des liens de
la gi annuaire , et de la sorte represenli ni le lan-
gag(^ inspir ■ eoninie un discours oa presiine tons les
mois soiil vagues et iudélerininés, oii cliaipie phrase
est(lcpourvue de règle et sans euiistrue ion jixc.
Mais, quoi (|n'il en soil, les modernes se foui un de-
V<dr de ne u('gliger aucun moyen de sMuslruiro, et
c'est :i une eluiie plus approfondie dessouices juives
qu'il faut altriliner une grande partie de ce ipiil y a
de bon dans la grannuaire et dans la lexicographie
de nos jours. La grammaire aussi des divers dialeeles
de même famille s'e.il perfeetiouiiée de la même ma-
nière. Le baion de Saey a lolahiuent changé la for-
i-.ie de la gramuuiiri^ arabe, liolïman a laissé peu
d'espoir à ceux (jui cultivent le. eliainp de la philolo-
gie syriaque («). t^e fut U I aide de ce.^ principes el de
tes avantages que Gcsénius s'iui|i(isa la lâche de pu-
blier une grammaire ln-biaique eonqilele, (pii parut
en 1817 (6). Cri ouvrage, avec, le lexiqui; du mi'uie
auteur, lurme um^ ère, <laiis la littérature bihlupie ;
Cl, qn()i(|u"il ait v.W. d'abord l'objet de plusieurs cii-
titpies sévères, il a ni:aimioins obtenu une apprpba-
lioii générale et bien méritée, i
La pliibilogii! sacrée a encore inarclié depi|is Gé-
sènius. En lUiô, .M. l'abbé Glaire publiait uii Muiitu'l
lexique hcbru-quc et clta!di.tujue, ouviage de beaucoup
de mi'iilc. iSous avons sur ce sujet un ouvrage beau-
coup plus im|)ortanl. M. l'abbé Migne vient de mettre
au joue nu nouveau volume renlerni.ini, eu îtOli pagi's
petit iu-folio, tout ce ipii est nécessaire pour coni-
priMidre à fond la laiigue de l'Ancien Testament.
Fa sims (l'abord couiiailrc les dillérents trailés
?ue eoulient ce volume : — 1" Le Manuel lexique
u'brniqne latin), rangé par ordre alphabéti(|ue, et
composé part!. Césciiius (le plus savant hcbraisaiit
de r.Mleeiagne moderne), mais <iue .\L le chwvalier
Dr.icli .1 p'irgé de tontes les iii.piétés rationalistes
U aaiiine>siani(nies, et cpi'il a corrigé, en en faisant
ilisparailre le-, sens nouveaux cl jnscpi'alirs ineoii-
nu.s, inventés et iiilro.iuils par rauteir protestant,
pour y rétablir et pruuver les sens de I aucienne tra-
dition des saillis- l'ères, et auquel il a fait, déplus,
(n) Il faut cependant considérer l'ouvrage de HoUinau
moins comuio un p' ifecii'imenieni de ce genre, cpie
coimn.' une eoii^é |uenoe des deiiiiers (in'^iè.s falis liaus
la graininaii-i- liélinî [ue, et arabe. Graniiuali€a; Sijr. libii
1res Mate \-<i~. |i. 8
(lij ALifûi tielies <iramm(it!sh-ki ilischis Lelirifebœude
(lir liebruiselun siiruche, mil verqteiclmnif lier vemandlen
dmlelie. Lcii>s., 1817, in-8", p. t)08.
effets qui en ont résulti^; W' si les Pères de
rKi^liseont eu tort de Gulliver la philosophie,
et si |-ar là ils onl nui à la religion; 5" si les
incrédules tuoderncs méiilent le nom de
philosophes, il y aurait ici de quoi faire un
gros volume , mais nous abrégerons toutes
ces questions (1)
un grand nombre d'additions philologiques (fiGO pq-
ges). . — 2'^ C.r.inimnire hébruique, composi'^e en aj-
leiiiand, par le même Gésénins, ira Inite en latin,
et enrichie d'appemliees et de notes ihéidosiques,
philologiques et critiiines, par F. Tempeslini (p.
Glil-814). — 3" Lex que de lu lauque hébrcique, se-
lon la luéiliodc libre de tous points luassoreliques,
an(|nel on a joiiil un ',;i;ieHrfn' renteiinaiit liaites
les expressions chaldaupies qui se trouvent dans
l'Ancien Teslauient, par J. Du Venlier, du cleigii
de Paris (p. 8l.')-88-i). — i" i\'uueetle méthode hé-
brnique, deliviée des points inass retiques, à la-
qjielle on a jo ni des exercices pour une reclieicbe
plus facile des racines, par lo même (885-yU)) —
5" C.uurl el clair enseiijiieinent de la langue elial-
daiqne, pour l'intelljgence des parties de l'Ancen
Testament qui ont clé écrites en langue chaldai(|ue,
d'aptes les auteurs les plus renommes, par M. le che-
valier IJraeh (!)l7-UGi). — ti" Index des mois tulins,
avec indicalimi des |iages où ils ont leur expression
hébraïque, de manière à former nu Dictionnaire la-
tin-liébreu, d après Gésenius ('Jb.'j S(87).
( 1 ) Nous l'ercues précéder ces (|nestions d'une Irès-
iiuporlante. Qind est biplan d'une philosophie chré-
lieime'? .M. Glan.sid de Montais l'a ainsi tracé.
« C.onsiilérons un iusiant un giaiid spectacle, c'est-
à-dire l'ensemble el le cercle iiumeuse des vérités si
nobles, si utiles, si eonsulantes, eu un mot si variées,
(pie Dieu mnis lail coanailie par les simples luiuièios
de la raison ; jetons les yeux sur la philosophie chré-
tienne. J'en indiquerai ra|iideinent le plan, et l'evaclu
proportion avec les C(Miviclious esseulielles à l'hom-
ine cl avec les principes de son vrai bonheur. Vous
jugerez s'il y a rien de mieux lie, de plus clair, do
plus inébianlable. Cette doctrine, je l'appelle chré-
lieniie, parce ipie la substance et le buid eu ont été
religieusement conservés dans lEglise du Sauveur
depuis son origine. Elle se coiiqio,~e esbenliellement
des grandes vérités sur Dieu cl sur l'homme. Or,
malgré toutes les subtilités du moyen âge, ces vé-
r lis se sont toujours maintenues sans atleinle, à l'a-
bri de la foi. Le novateur assez téméraire pour oser
y toucher aurait été exclu aussitôt de la société
sainte, el on ne rainait plus écoule. Il est visible ipie
celui (jui veut pénea(!r dans la science philosophique
doit chercher avanl lout où est la certitude, ce qui
constitue la certiluJe, ou, si l'on veut, les moyens
de s'assurer de sa présence. On batiiait un edilice en
l'air, si liîti lie posait ce fondcniont. Il ne l;iut pas
aller bien loin pour trouver ces édiliies frappants
(pii disliiigiieul les choses dont on ne saiiiait iloater.
Ges traits et > es caracli res sont gravi s profondément
au fond de notre nature. Je m'explique ; ut pour ne
laisser aucun nuage sur une aussi grande ipieslimi,
je veux employer les termes les plus clairs et les
exem|iles les plus sensibles.
« Oiiaiid on dit en ma présence : Un cercle n^est
pas un triangle ; le soleil se lève n l'orient et finit sa
course à l'occident ; Home, ou bien Constantniople,
existe; quand on énonce devant moi ces propositions, ju
sens dans mon àiue une impression profonde et iiivin-
ciide qui exclut tout doute dans iiiim esprit. Je ne dis
pas ([ne ma nature me dispo-e, m'incline à enure. Non,
non, elle me donne une impression tout anlrement
vive el forte; elle me leiid impossible toiiic hi'sila-
tioii ; elle emporte maigri! moi cl coiunie sans moi
mon ccuiseniement. Vod i sans doute \in leotif légi-
time de mon acquiescrmenl ferme el absolu. On a
vu, dans les exemples que je viens de citer, la puis-
nos
PHI
PHI
UU
I. De quelle utilité ont été aux hommes les
connaissances et les travaux des philosophes?
Nous n'avons nuciin inl('!'êi ni aucun dessein
de méconnaître leurs servicL-s, nous avouons
que ceux d'entre eux qui ont été législa-
teurs sont des personnages très-re'i|>ecta-
bles. Quelqiie ira|iaif;.ites, quelque fautives
qu'aient été leurs lois, ils ne pouvaient pas
laire mieux, leurs lumières ne s'étendaient
pas plus loin ; et les liounnes, encore <i demi-
sauvayes, n'étaient pas capables de rerevoir
d'abord une législation parfaite. Solon l'en-
tendait ainsi, lors [u'il disait qu'il avait donné
aux Athéniens, non les meilleures lois pos-
sance irrésistible de l'évidence, du rapport des sens,
et, dans niille circonstances, du lémoignagedeslKini-
mes. Les autres principes de certitude, au iioiiibre de
deux ou trois , se découvrent aisément par une
épreuve sembl ible. Qui oserait demander une ba.e
plus terme pour asseoir ses jugemeiits ? Quel aveii-
glenienl de se métier de ces ajp'iis? il nous serait
plus aisé de nous dépouiller de poire être, !•,»•' de ne
pas croire sur de tels garants, ptiisiprils r. glenl les
vues et \i-< délerHhiralioiis des savarits et du peuple,
et qu'e.ii lionime (jui les luéciiru.ailrait serait regardé
uiiaiMuiemeiit coiiinie ayant plulôt besoin des soins
d'un iiiédi cin ([ue des raisoniienenls d'un pl.iloso-
plu. Non, la certitude ne va pas plus loin ici-bas, et
cette lumière nous suifit. Ne pas s'en cmilenter, l'esl
prendre e:i dégiiùt le soleil, et prtcndrc i|uV)n ne
voit rien, parce que d'anîre- rayons, part. s de je ne
sais quel monde cliimirique, ne viennent point frap-
per nos yeux. C'est ce que l'école allemande, qu'on
suit beaiiconp trop parmi nous, n'a point tcmsidoré.
Co'nn;enl ne voit elle pas (pie celle S"paralion du
moi et (in iwn moi, d(uil on fait tant de bruit, est
comidée par la nature, la<iui lie rend inutile le pont
iniaginaiie (;uils ont inventé, et ijui n'est qu'un vain
et ridicule tiavad? Ali ! on pi'ul bien appliquer ici
ces paioles delEcritnre, au sujet de certani e piits :
Ils enfantent lutwrieusemenl des inventions que le iwnt
emporte, Ecc!., 15; et encore : Ils se sont évanouis
dans leurs pensées. Rom., c. i, v. 21.
« J'ai donc d incontesiaLles mnyens de m'assurer
de la vérité. Mais quel est le premier usage que je
dois faire de ces lumières et de ces tesson rce.>.'
Quicouipu' a un cœur, et sent qu'il ne s'est pas donné
l'être à lui-même, peut il balancer? Entraîné par le
sentiment de sa dépendance et de sa gratitude, ne
s'él.ve-t-il pas d'abud vers son Créateur pour se pé-
nétrer de la réalité de son existence, de ses gran-
deurs, de ses bienfaits, de ses perfections inlinies?
La connaissance de Dieu, quel trésor, quelle inetlable
conqu'te! On puise aisément celte connaissance
dans la coiisiJératiini de la cause première de 1 Etre
exisianl par lui-même. Que voi!-on, en ell'el,dans cet
abiiiie de vie et de gloire? On voit l'être qui se dé-
ploie, qui s'étend de toutes parts, sans rencontrer ja-
mais aucune borne. La plénitude de l'existence est
son partage; il trouve en sou fonds, sans mesure et
sans lin, tout ce qui agrandit l'être, l'embellit et le
perfeclioiine, c'est-à-dire Si'S attributs infinis et ado-
rables. L'Iiarmonie de la nature, les merveilles du
monde visible, proclament à leur tour ces vérités.
Efdin, la foi du genre buinain et ses cantiques d'ado-
ration les consacrent et les perpétuent. Des (|iie je
tiens ce premier anneau, je parcours aisémenl tous
les autres; j'avance de clarté en clarté [Il Cor. ut,
18); les vérités en foule se développent à mes yeux,
et je n'ai ]ilus à craindre que mon aveugleuieni vo -
loniaiie. Arrivé à ce point de vue immense et '.na-
je»tneux, je m'.:ri6;e un instant pour touiner mes
regards sur le cbeniin que j'ai dijà lui!. Je savais (|ue
ma nature avait été pour moi un giiidiî lideie et sur;
mais enfin j'admire la richesse des dons départis a
sibles, mais les moins mauvaises qu'ils fus
sent en état de recevoir. Nous nous abstien-
drons donc de relever les défauts de ces lois,
le docteur Leland les a fait voir dans sa
Notir. Démonst. évang., t. fil , c. 3, etc. Un
vice essentiel et commun h tous tes anciens
lé;.^isl iteurs a été d'approuver et de rerom-
mander l'idolâtrie avec tous les désordres
qu'elles traînait k sa suite, parce que c'était
alors la seule religion connue. Platon dit, à
ce sujet, qu'un sage législateur se gardera
bien de tom lier à la religion établie, de peur
d'en donner une encore plus mauvaise. Mais
lorsque la philosophie fut devenue la seule
l'homme, quind je reconnais que la véracité divine
donne une nouvelle autorité à l'évidence et aux au-
tres motifs légiiimes de croire; puisque ces inipres-
sicns, qu'un Dieu souverainement vrai a mises en
moi, ne sauraient èlie un pii ge ni un instrument
d'erreur.
« Dieu nous est connu, il est la source de toutes
les vérités; il n en est aucune de nécessaire, qui nu
vienne p uu' ain-i dire d'elle-même s'oH'rirà nous.
Le chrisiianisiie est-il divin? Oui, parce que si des
prophéties nondjreu-es accomplies, des miracle avé-
rés, d'auires raisons qui ont conveili le monde, el
qui ont par conseipient tant de proportion avec mes
lumi >res naturelles, me trompuieul, j'aurais le droit
d'imputer .à Dieu mon erreur; ce .pii ne peut être.
« Enfin l'antique religion de notre patrie nérile-
t-elle le respect et l'amour d'un si grand peuple? Il
n'est pas permis d'en douter. C.ir, que nous dit-on?
Q 10 lu véritable Egli e du Sauveur est tombée peu
de siècles après sa nais-.ame, et ipie depuis buigtemps
la calboliciti' n'est qu'un cliris'iani^me déchu, cor-
rompu et dénaturé. Mais, je le deaiaude, comment
coiicevoi- qu'un Dieu ait été un architucle assez mal-
habile pour bàiir un éililice ruineux, qui devait crou-
ler peu de temps après s'être élevé sous sa main
adorable? D'ailleurs mille ind.ces atlesleut que riea
d'es'-eiiliel n'a été changé; el la suite des successeurs
de Pierre, qui remonleul sans contestation jusqu'à
l'ongiiie, ne sulïit-elle pas pour nous garantir que
tout nous a été transmis par ce canal, et r.uitorité de
la parole, et la rémission des pecliés, et la grâce des
sacrements, et en général tous les biens siiiritiiels
apportés au monde par l'Ilomme-Dieu? Ou comprend
aisément que je ne prétends pas entrer dans le fond
des preuves, et que tout mon dessein est ici démon-
trer d'une mardère très-rapide l'enchuinement des
idées qui composent la philosophie des vrais chrétiens
et ensuite tout l'ensemble de leur croyance.
« Concluons. La raison esl un magnifique vesti-
bule, mais où l'on désirerait [dus de majesté, d'élé-
vation et d'étendue. Quand je cmisidère l'élan de
notre nature vers l'infini, je trouve (|ue l'homme est
trop grand pour être retenu dans cette première en-
ceiuie. En ellet, s'il use bien de ses lumières, il en
franchit le seuil, et ce portique oii il a d'abord arrêté
ses pas l'introduit dans un sanctuaire révéré, qui est
la religion. Dès qu'il y esl entré, sa vue s'étend nulle
fois plus loin; de ses regards il pénètre le ciel, il y
aperçoit son trône. Ce sera le terme de sa course et
le prix de ses vertus. O.ii.la religu)ne3t cette maison
(le Dieu, cette porte du ciel {Cen. xxvit, v. 17), qui
nous conduit à notre fin, c'est-:* dire au repos après
les fatigues, ;i la joie après la tristesse, à l'imniorta-
lilé et au vrai bonheur. Heureux, j'ose le dire, celui
qui sait se pénétrer de la doctrine (|ue je viens d'ex-
poser! Elle a toiij .urs été celle de l'Eglise; e: j'ajoule,
en me servant des termes de suint P.inl, quelle a les
promesses de la \ie présente et celle de la vie future:
proail^.siiinem liabe)is vita' qu(r nntic est, et j'nlurœ
(1 Tim. i: IV, V. 8). i
lies
PHI
PHI
liCâ
occupation de quelques hommes oisifs, il se
forma hicntôt dfifri'rontes écoles rivales et ja-
louses les unes des autres; I esprit de con-
tradiction el la vanité eurent plus de part aux
méditations des philosojihes que l'iimour de
la vérité. Quand l'un d'entre eux l'aurait
trouvée par hasard, comment la démêler
dans le chaos de leurs disfiutes? Toutes ces
conleslations devinrent trés-indilTérentes au
commun des hommes; et comme les combat-
tants s'estimaient fort peu les uns les autres,
ils nnpiirenl au peuple à les mépriser tous :
Platon, Cicéron, Sénéque, etc., en font l'aveu.
Ce n'était pas assez de trouver le vrai , il
fallait encore le faiie embrasser au\ autres;
des I ommes sans autorité ne pouvaient en
venir à bout (jue par des démonstrations.
Or, les philosophes convenaient qu'ils n'en
avaient point, que l'esprit de l'homme est
trop borné pour voir clair dons les questions
même qui le touchent de , lus p es; que le
sage doit se contenter de pr babilit, s, puis-
qu'il ne ])cut avoir une cerlitud(; entière. Ils
reconnui-jsaicnt ainsi la nécessité d'uncMnis-
sion et d'une autorité divines pour instruire
eflicacemont les honmics. Leland, ibid., t. II,
C. 10, 11, 12, etc. Au-si combien d'erreurs
dans kurs écrits, tai.t sur le do;;me que sur
la morale ! Les Pères de l'Eglise les ont re-
levées et oi:t fait rougir les païens. Sans par-
ler des pyrrhoniens, des académiciens, des
sceptiques qui se retranchaient dans un doutu
universel, iJes épicuriens qui n'admettaient
des dieux et une religion que pour écarter
l'accusation d'atliéisme, que trouvons-no s
chez ]es philosophes môme les pju^ estimés?
Quelques ell'orts que l'on ait faits jiour jus-
titierh's stoïciens, il parait démontri- nue
leur Dieu su|irème était \'i\mc du mnnue;
dans cette hypothèse, ni Dieu ni l'homme
n'étaient libres ; il ne pouvait ■ avoir une
f)rovidence, les stoïciens abusaient du terme
orsqu'ils en parlaient. Il n'est pas vrai que,
suivant leur idée, le destin ne fût rien autre
chose que la volonté suprême du Dieu sou-
verain; nous avons prouvé le contraire, au
mot Fatalisme. Dans le système de Platon,
la puissance de Diiu était gênée et bornée
par les défauts de la matière; celle-ci, co-
éternelle à Dieu et nécessaire comme lui,
était essentiellement irréformable. Comment
l'homme, coui[)osé d'esprit el de matière,
aurait-il été libre? Dieu ne se mêlait jioint
du gouvernement du nmnde ; il l'avait aban-
donné <\ des esprits inférieurs qui n'étaient
ni iustes, ni sages, ni fo.t amis de l'huma-
nité : cafiricieux et bizarres, ils voulaient
être honorés par des rites absuides et par
des crimes; ils distribuaient les biens et les
maux de ce monde sans avoir égird au mé-
rite ni à la vertu. Platon admettait l'immor-
talité de l'ihne, mais il ne pouvait pas dire
i|uel et .il le sort des justes ni des méchants
après la mort. Autant que l'on peut percer
dans les lénèlires d'Arislote , il parait qu'il
admettait l'éternité du monde ; mais ou He
sait pas s'il croyait un Diei, ou s'il était
athée; il substitue à la Divinité une na((/rc
agissante par elle-même, sans dire si elle est
intelligente ou aveugle. On ne sait ce ([u'il
enlen l par l'Ame humaine, qu'il appelle une
en'Jléchie, et ne la croit point inuuoi telle.
BrucliOr, Ilist. rrit. Philos., tom. 1, de secta
Peripat., § li, 15, 16.
\o\\l\ cependant les trois sectes ae philo-
sophie qui ont eu le plus de réputation : leur
morale n'est pas plus saine que leur doc-
trine spéculative. A mniu'; ijue l'on n'admette
un Dieu tout-puissant et libre, juste, sage
et attentif h la conduite «les houmies, h moins
que l'on nesup|iose le libre arbitre de l'flme
humaine, son inuuortalilé, les peines et les
récomiienses dans uiu> antre vie, il est im-
possible d'établir une morale raisonn.ible.
Aussi n'est-il nui:un philosophe qui , ut doimô
un code moral complet, qui renferme tous
les devoirs de l'homme, qui soit exempt
d'crrouis grossières, et à l'abri de la contra-
diction des autres sectes. La moral' philo-
sophiqu n'était point à portée du peujile,
et il n'avait aucun motif d'm su'vre les rré-
ceptcs : les philosophes eux-mêmes ne les
observaient pas : stuivent ils dé^créd talent
leurs le(;ons par leur conduite : Cicéron ,
Qiiintilien, Lucien, Âulu-Gcile. etc., en sont
témoins, it n'est donc |ias étonnant que, mal-
gré les maximes pomi euses de morale de
quelipies philosophes, les mœurs aient été
très-corrompues chez toutes les nations à la
venui' de Jésus-Christ. 11 lalldt les leçons,
les exemples, les jiroraesses et les menaces
d'un Dieu, pour montrer distinctement aux
honnnes la t'crtu <t le vice, ce qu'ils dé-
viaient faire ou év ter, el pour les ■ déter-
miner parle poids de l'autoiité divine. Quel-
ques in'i'édules ont eu riiii])udence de dire
que la morale des philosophes devait être
plus puissante que celle de l'Evangile, parce
(pie la première est prouvée et que la se-
conde ne l'est pas. Prouvée, mais comment?
par des arguments auxquels le commun des
hommes n'entendait rien, et que le moindre
souffle de sce| ticisme pouvait renverser ;
Cicéron en conv eut dans son traité de Offi-
dis. Mais q .and Dieu commande, a-t-il b:-
soin de preuves ? « La loi divine, dit Lac-
tance, est réduite en maximes courtes et
simples ; il ne convenait pas que Dieu par
lant aux hommes employât des raisons et
des preuves pour contirmer ses oracles ,
comme si l'on pouvait douter de ce qu'il dit ;
il s'est exprimé comme il appartient au sou-
verain arbitre île toutes choses, auquel il ne
convient pas d'argumenter, mais de dire la
vériti'. 11 a parlé en Dieu. » Divin. Instit.,
I. m, c. 1 (Ij.
(I) Voici le jugement porté sur la ptiilosnpliie par
quelques écrivains renommés. < Ce serait un doiail
bien flétrissant pour la pliiloiophie, dit J.-J. Uous-
seau, que l'exposition des maximes pernicieuses cl
des diiguies impies de ces diverses sectes. A entendre
les phitosiiplies, ne les prendrail-on pas pour une
troupe de cliaiLitans qui crieiU, chacun de leur cote,
sur une place juiLdique : \'enc~ à moi; c'est nioi seul
qui )te se trompe point! L'un prétend qu'il n'y a point
de corps, cl que tout est représentation ; l'autre, qu'il
n'y a d'anlie substance que la niati le; celui-ci
ava.nce qu'il n'y a ni vice ni vertu, el que le bien et
le mal sont ciiimères; celui-là, que les hommes sont
iMV
PHI
PHI
4i6S
II. Saint Paul n-l-il condamné les anciens
phiinsophesavcc trop de rigueur? A la vi'Tité
Tarrêt qu'il a prononcé cotitie eux est fort
sévère. « Du haut du ciel, dit-il, la colère
de Dieu éclate contre riiupiètè et l'injustice
de tous ceux qui relicnn. nt in.justemeht la
vérité divine ; car c- ([ui peut être connu de
la Divinité leur a été manifesté, et c'est Dieu
qui le leur a fait connaître. En effet, depuis
la création du monde, l-s attributs invis.bles
de Dieu, sa puissance éternelle, sa provi-
dence, sont devenus sensibles par ses ou-
vrages, de manière que l'on doit juger inex-
cusables tous ceux qui ayant connu Dieu
ne lui ont point rendu de culte ni <r.ictions
de grAces, mais se sont livrés ii de vaines
pensées et aux ténèbres de leur cœur. En se
donnant jiour sai;es, ils sont devenus insen-
sés, ils ont transformé la majesl '• d'un Dii u
incorruptible en statues et en images d'hom-
mes mortels et de vils animaux ; c'est pour
cela q;ie Dieu les a livrés aux désirs de U ur
cœur, à des passions impures pir lesquelles
ils ont déshonoré leur propre cori'S... Ils
ont été rem|)ls de malignité, de jalou?ie ;
querelleurs, trompeurs.... superbes, al tiers...
sans prudence, sans modération, sans affec-
tion, sans foi, sans miséricorde. » Rom., c. i,
V. 20 et suivants. Leurs successeurs, à qui
ce tableau déplaît, sont-ils en état de prou-
ver qu'il est trop chargé ? Il nous serait aisé
de nuintrcr qu'il est fidèle, par le témoigna-
ge môme des auteurs profanes. Les philoso-
phes ont été assez éclaiiés pour connaître
Dieu par l'inspection des ouvrages de la na-
ture; mais ils ont déliguré les attributs di-
vin-;, eu sujjposant, contre toute évidence,
que Dieu ne se mêle point des choses de ce
monde, qu'il en a laissé le soin h des esprits
inférieurs, que c'est à eux, et non a lui, que
le culte doit s'adresser. Premier crime. Ils
lies loiips, cl qu'ils peiiveiU se manger e(i sùvolé de
coiisçiejice («). » Et dans un anlie eiidro i : i Je con-
snliai li's [iliilosophes; jelenillolai leurs livres, ,j'e\a-
niinai les diveiscs opinions; jo les tioiivai Ions fiers,
alliini;ilif-i, dogniali(pies même dans k'iir scepiicisnie
prcU'n in; n igiioianl rien, ne prouvanl lien, se nio-
(piani les uns des auU'fs; cl ce puinl toiniiuin à tons
me paraît le seid sur ic(|nel ils ont raison. Tii(nn-
pliants i|aand ils aiUKjUL'ol, ils sont sans vigik'nr en
se (lélendani; si vous pesez leurs raisons, ils n'en oui
que poiii' ditrniie; si vous tonipte/. les voi\, cliacnn
se réduit à la sienpe; i|s ^e s'accordent que pour
di puii'î- (()).»
La pliilosopliie se vante de ses progrès. — « Mais
eu (pioi? demande M. de C(n-uieiiin. lîsl-ce en nié-
lapliysKpie? Mais il n'y a pas un seul llieorenie de
Kanl 011 de ses pareils qui ne soit plus lénéluen.v que
iGu.s les n!ysi('res du clui^tianisiue. Eal-ce en législa-
lion? .Mais ci- u est pas la pldlosopliie, e'est le < liris-
tiaidsiie qui a dit cpie la le. unie est rega)e de riioni-
me, qu'il n'y av.;il plus d'e-cl.ives ci que le pauvre
valait le iithe. C"est là, j iaiagiqe, trois assez. Itelles
lois. Est-ce loliiicpie? ïîai^ c'e.il .|gsus ipii a leliabi-
lite le iieiiple. Le pr. tie est du peuph', léveiiue est
du pe.ple, le pap; est du peuple, le Cliri:-.t isl du
peuple. Il n'y a i ieu de plus peuple que le Chris-
lianisine. C est l'Evangile iiui, sous les auspices de
n'ont point fait connaître Dieu an peuple,
par.;o qu'ils craignaient de l'irriter en atta-
quant le pol.vthéisme et l'idolAtrie ; ils ont
même confirmé l'i rreur publii|ue parleur
suffrage, ipioique ]ilusieurs soient convenus
que c'était une absurdité et une insulte fa te
à la majesté divine. Second trait d'impiété.
Le di'ré'glemont de leurs mœurs est incon-
testable ; nous avons nommé les auteurs qui
le leur reprorlien* aussi bien que les Pères
de l'Eglise. Où est doncTinjustiee de la cen-
sure de saint Paul? Mais cet apôtre, disent
nos adversau-es, a décrié la philosophie mê-
me ; il la nomme la sagesse de oe monde, et jl
prétend que Dieu l'a réprouvée ; il l'envisa-
gi- comme un obstacle h la foi et au sdut ;
il canonise ainsi l'ignorance et le mépris des
connaissances utiles. C'est une fausseti'. Ce
que saint Paul apjielle la saç/esse de ee monde
n'est point la vraie philosophie, mais l'abus
que les philosophes en ont fuit. Pu squ'il dit
que l'étude de la nature fait connaître les
attributs de Dieu, il ne la condamne donc
pas ; et puisqu'il traite les philosophes d'in-
sensés, il ne les aurait pas blâmés, s'ils
avaient été véritablement sages. Mais il les
voyait déjà fermer les yei x à la véiité que
Dieu leur montrait, et s'élever contre elle;
dernier Irait de méchanceté de leur part :
nous allons encore en donner les preuves.
III. De quelle mani're les philosophes se
sont-ils conduits à l'égard du christianisme?
Dès l'origine leurs sentiments furent parta-
gés sur ce sujet comme sur tous les autres.
Les uns, frappés île la sainieté de la morale
chrétienne, des vertus qu'elle faisait prati-
quer, des faits miraculeux sur lesquels elle
était l'ondée, reconnurent la divinité de cette
religion, l'embrassèrent sincèrement et en
devinrent zélés défmiseurs : tels furent saint
Justin, Talieii, Hermias, Athénagore. saint
Dieu, a scellé l'éiernelle et magnifique alliance de
l'auioiité et de la lilierlé. Quels sont ces lennes
courages, quels sont ces g'^iiies politiques , quels
sont ces desintéiesseinenls si purs, quels sont ces
lioiuines si cliarilaliles, quels sonl ces penseurs su-
blimes, quels s(Uit res diali'Clieiciis Irauscendanls
que l'école <le la pliilosopliie aelnelle ait formes'?
Qu'on m'en donne un, un seul, et je jille au feu Ions
mes argimienis. La pliilosopliie éclectique a produit
ce (pTelle avait seine: le luanl; c'est que d'ordinaire
loiit liomiue sans croyance, ne saillant où s'appuyer,
cliancelle et se IrouLÎe a\ec la licence et le despo-
tisme. C'est que presque toules les niéiapliysiques
iniuent a la négation de Dieu, et de la négation de
Dieu a l'aiiarcliii'. Il n'est ceilcs liesoin, en \crilc, de
se tant vanter qu'on possède la raison souveraine,
(ju'on est un phifisopiie indepeiidaul et qu'iui lait
uiéiier de libre iienseur, ni de se laiit creuser l'a
biniede l'einendemenl, ni d'éelialaiulcr penibli'meut
de si giganlcsipu's systèmes pour aboutir, coniiiie un
livs-siurple uiorlel, ans; deux levmes les plus vul-
gaires de la ipiesiuin : croire, ou ne pas cro.re. Il y a
cepeiulaut un troisième terme, c e^i de croiie aux
plus grosses absurdités des luélaphysiques les plus
ineomprcliensibles et les plus oppi.ses, et c'est
en ipioi excelle particuli^reiuent la pliilosopliie éclce-
liipie («). I
(«) Ui'|ioiise Mi roi de Pologne.
(/') Discours sur lessvieuces cl les arts.
(a) L'Education el l'eiisPignamenlen maiière d'Ioiitruo-
lidii setiuiidcuiu, (ia? !Ven,:u.
U09
PHI
PHI
M70
Théophile d'Antioche, Quatrains, Aristide,
Méliton de Sardes, Apiuilliiiairu d'Hiôiaiilcs,
Miltiade, Aiiolloiiius, sriuntcLir romain, Paa-
taMius, saint CL'uiiuiU d'Alexandrie , etc. ;
quelques-uns sii^nèi ent leur foi de leur sang.
D'autres, moins sincères et moins eouragiHi'ï,
ne se convertirent (]u'à moilii' ; iIn recon-
nurent l'excellence de la doctrine chrétienne,
mais ils voulurent l'entendre à leur manière
et la faire cadier avec leurs oj. inions philo-
sopliiiiues; ils enfantèrent ainsi les premiè-
res hérésies nui onl troublé i'ivglise ; c'est
ce que lirent Cérin lie, ilénandre, Saturnin,
Marcion. lia^ilide, elc Plusieurs prirent je
nom fastueux de (/no^ilifiues ou d'honunes
iitlvlligçnts, et se vantèrent île voir mieux
la nature des choses (|ue lesaprtlres mêmes.
Un bon nombre, encore plus pervers, pré-
férèrent les cireurs et la c rru|)li(in du pa-
j^auisme à la sainteti' de Flivangile ; ils se
(léclaièrent ennemis <ln notre religion ; non-
seulement ils ratta(iuèrenl par Uuirs ('crils,
connue Celse, Lucien, Porphyre, Julien,
Hiéroclès, mais ils enllammèreut la haine
des uersécuteurs. Sont .lustin fut livré au
supplice siu' l'accusUion d'un certain Cres-
cent , philosopha c ni(jue , qui en voulût
aussi à Talien. Laclance se plaint de l'ani-
mosité de d(mx philosophes de son temp.-',
que l'on croit ôlre Porphyre et Hiéroclès,
Dii'in. liistit., lib.
y, c.
Leux qui obsé-
daient ]'emi>oreur Jidien, loin de diminuer
sa haine contre le chiistianisme, tiavaillè-
rent ^ l'augmenter. D'antres employèrent
l'asiuce et la [)erlidie pour nuire plus ef'lici-
cinuuil au christianisme ; ils rapprochèrent
leurs dogmes des nôtres ; ils rectilièrent une
partie de leurs opinions , ils prétendirent
que la doctrine de Jésns-Chiist n'était pas
fort diir.'reute de celle des anciens philoso-
phes : ()ue le paganisme l'puré, tel que ceux-
ci l'enseigna eut , pouvait très-bien s'accor-
der avec la docirin.' de rKvaiiri,ile ; mais que
les (-hi'étiens entendaien! mal l'un et l'antre.
Tel fut l'artilice de la secle des éclectiques
ou nouveaux platonicii'ns , di sifuels nous
avons parlé ailleurs. Yoif, Eci.fotiolf.s. C'est
d'ajirès ce td)leau periido que les déisl s de
notre siècle ont voulu nous faire ju-;er de
l'ancien paganisme : nous l-s avons réfutés
au mot Paganisme, ^ k. Sur cet exposé sim-
ple, nous demandons si saint Paul n'a pas
eu raison d'inspirer aux lidôles de la dé-
tiance cmlre les philosophes.
IV. Les Pères de l'Ef/lisr ont-ils eu torl de
iïiéler Ifs notions et les si/stèmrs de philoso-
,$ltic avec les dogmes (lu ehrislianisme? Nous
!-»uienons qu'ils y ont été forcés, et qu'il
« a d.! l'injustice a leur en faire un crime.
l l'est cependant h quoi s'obslinent les [)ro-
t Plants. iMoslieim , Uisl., ec.cles., u' siècle,
I • part., c 1, § 12 ; llist. christ., sœc. ii, S '23
eJsuiv., alfecte de douto:- si lu conversion,
rcème sincère, d'un bon londjre de philoso-
phes , a élé plus avantaoCUbe que nuisible
au christianisme ; si notre religion a QL^'.\é
ou (ter iu par les écri s des savants et par les
Sjiéiulations û^s philosophes qui ont pis sa
défijuâu. « U est incontestable, dit-il, que sa
simplicité et sa dignité ont été altérées, dès
que les docteurs chrétiens luit voulu mêler
leurs opinions avec la doctrine de Ji'sus-
Chrisl, et régler la foi et la piété pai' lesf-ii-
bles lumières de leuriai^on. » Le Iraduiteur
de Mosheim n'a pas manqué d'augmentiu' ii'i
l'aigreur des expicssions et d'( nchérir sur
som modèle. Le l^lerc soutient (pue l'attache-
ment des Pères h la philosophie leur a f dt in-
venter de nouveaux do ;nu^s, Uis(. ercL, sect.
a, an. 101,§ 21. Déjà l'on voit ipie celle calom-
niea été suggéréeaux pr testants par l'intérêt
de système, et parce (ju'il leur importe di^
ruiner la tradition dès le u' siècle ; mus nous
ne sommes pas duues de leur artiti(^". Aux
mots PÈivES DE l'Kglise, nous aviuis montré
les conséquences impies (pii s'ensuivent <le
cette hyfiothèse. Nous persistons à hur dc-
niandrr des preuves positives de l'altération
faite à la doctrine chrétieiuio par les disci-
j)les nu'imes des apôtres; ils ne nous en don-
nent |ioint. Leur entêtement n'est fondé!
que sur la fausse idée qu'ils se sont faite du
christianisme apostolique : ils s'imaginent,
qu'il était tel que les réformateurs l'ont bâti
au XVI' siècle ; il n'en est lien. Car enfin,
qui sont les témoins les plus en état de nous
en lendre compte, ceux qui ont vécu immé-
diatement après les apôtres, et qui huit pro-
fession de suivre le u' doctrine, ou des dis-
siirtati'urs survenus quinze cents ans a|irès?
Une auti e supposition des protestants est que
toute 11 doctrine de J 'Sus-Clirist et des apô-
tres doit se trouver expressément et formel-
lement enseignée dms leurs écrits ; ([uetout
ce qui n'y est p tint mot pour mot est étran-
ger au christiaidsme. Où sont encore les
l>reuves de ce principe '?
Mais c'est toujours h nous de prouver :
nos adversanes s'en dispensent ; prouvons
donc que les Pères sont croyables, et que
leurs accusateurs sont indignes de foi. 1° Les
premiers protestent dans leurs écrits qu'ils
suivent exactement la doctrine des apôtres;
ilsrecommandentauxlidèlcsdene s'en écarter
jamais : ds disent que c'est le crime des hé-
rétiques ; s'ils l'ont conuïiis eux-mêmes, s'ils
ont été plus attachés aux 1 çons des philoso-
phes qii à celles des apùtie<, s'ils ont voulu
expli(pier celhs-ci par les premières, et non
au contraire, ce s mt les fourljes 1rs |)iu3 im-
pudents qu'il y eilt jamais. Saint Ignace ne
proche autr > chose aux fiJêles que l'altache-
meut à la doctrine dis a[ ôtres ;" il ne leur
ordonne la soumission aux pa-teurs que
]iarce ((U ils tieiment lieu des apôtres. J&pî'.sY.
ad t'phes., n. 1 1 ; ad Mnr/ties., n. li; ad Trol-
lian., n. 3 et 7 ; ad Philadrlph., n. 5, e c.
Saint ï'o\\ cai'pe, Epist. ad Philippen&es, n.ti,
les exhorte à servir Dieu connue il a été or-
donné par Jésus-Christ, par ses apôtres qui
ont annoncé i'Evatigile, e paries prophètes,
et à s'éloigner desftix frères qui répain.enl
des erreurs. Saint Justin décl/u-e qu'a.rrès
avoir essa ; é d • toutes les écoles de philoso-
phie, il n'y a rien i)u apprendre de vrai, el
et qu'il y a renoncé pour se hvrer à l'étude
des livres saints, Cohorl.ad Grœc, n. 3; Dial
cuiii Tryh., n. 8, etc. Tatien , Athén.iijore
1471
PHI
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U73
Hermias. saint Irénée, saint Théophile d'An-
tioche, parlent de même; les accuserons-
nous d'imposture? nous oit rons leurs pa-
roles, au mot Platonisme. — 2° Les protestants
ne suivent point eux-mêmes leur propre
princ pe, puisquils tiennent pour doctrine
chiétienne des choses qui ne sont poii;t ex-
pressément enseignées dans les écrits des
apôtres : la parfaite spiritualité des anges, la
création des âmes, et non leur préexis ence
à la formation des corps, la nécessité ou du
moins la validité du baptême dos enfants et
de celui qu'ont administré les hérétiques,
l'obligtion de célébrer le dimanche; ils ne
pratiquent point le lavement des pieds ni
l'abstinence du sang et des chaii s sulToquées,
quoiqu'! l'un et l'autre soient f irmellement
commandés dans le Noicveau Testament. Les
sunicions et les d tl'érentes sectes protestan-
tes dis,-) 'tent p lur savoir si tel point de doc-
trine est ou n'est pas ensfij^né dans ce li-
vre divin; les | rtmiers réforniiiteurs y
voyaient clairement des dogmes que leurs
discipb's n'y voient pbis. A qui devons-nous
croire par i'ri''f(''rence?
Ils se réfutent donc eux-mêmes: h présent
il faut justiiier les Pères sui l'usage qu'ils
ont faii de la philosophie. En premier lieu,
aucune loi de Jé.sus-Christ ni des apôtres
n'ordunne à tout philosophe qui se fera bap-
tiser de rei.oucerà toutes les opinions plii-
lo.'Op'iiques, même à celle qui n'ont rien de
contra re à la doctrine chiétienne ; donc les
Pères ont pu conserver ces dernières sans
blesser la délicatesse de leu.- foi. En second
lieu, pour défendre efiicacement la doctrine
chrétienne contre les païens et contre les
hérétiques qui l'altaquaii'nt par des argu-
ments plnlosophiquos, il fallaitleuren opposer
déplus solides, et leur prouver qu"ils étaient
dans l'erreur. Sans cela l'on aurait autorisé
le reproche u'ignorance et de crédulité stu-
p:de que les païens ne cessai nt de faire aux
chrétiens ; et ceux qui faisaient profession
de philosophie et d'érudition pa nu les |>aïens
aurau^nt eu beaucoup plus de répugnance à
embras.-er notre r.licion. Telles sont les rai-
sons ([ui eng-igèrent'Clément d'Alexandrie à
cultiver cette étude , et à la défendre contre
ceux qui la blâmaient; Strom., 1. i, c. ii, m
et V, p. 226 et suiv. Mosheim, tout prévenu
qu'il était contre les Pères, n'a pas pu dé-
sapprouver cet e apol.)gie; Hist. christ., sœc.
II, § 26, not.>, p. 2"!8. Origène protestait qu'il
avait eu les mêmes motifs en s'appliquant à
l'étude de la philosophie, et il alléguait
l'exemple de Pantieims et d'Héraclas , qui
avaient f^it de même ; apud Euseb., Hist. ec-
cles., 1. VI, c. XIX. En troisième lieu. Mos-
heim a été forcé d'avouer que cette érudition
des Pères fut très-utile, 1" pour expliquer
plus clairement quelques dogmes qui avaent
été enseignés jusqu'alors d'une manière
obscure; 2° pour réfuter les g.ostiques et
pour arrêter les progrès de leurs erreui-s ;
3* jiour bsnnir de l'Eglise chrétienne ))lu-
sieurs opini ms qui venaient des Juifs. Ilisl.
christ., siec. m, § 37, p. 119. Il était liéjà con-
venu ailleurs qu'elle servit à faciliter et à
multiplier les conversions. Comment a-t-il
pu soutenir ensuite qu'elle produisit plus de
mal (|ue de bien ? En quatrième lieu, 1rs Pè-
res ne se sont pas bornés là ; ils ont fon lé
les dogmes du christianisme, non sur des
principes philoso 'hiques, mais sur la révéla-
tion, sur des passages de l'Ecriture sainte ;
et si quelquefois ils se sont trompés sur des
questions qui n'étaient pis fort importantes,
c'est qu'ils ne prenaient pas le vrai sens des
expressions de nos livres saints. Ceux qui
les accusent de n'avoir pas exposé la doc-
trine clirétienne avec assez d'exactitude, de
clarté et de méthode, ne voient pas qu'ils
font retomber ce reproche sur les auteurs
sacrés. En cinquième lieu , les Pères n'ont
fait grAce à aucune opinion fausse des philo-
sophes; ils ont mis au grand jour les erreurs,
les absurdités, 'es contradctions de chaque
secte; ils ont fait voir combien li doclrino
de nos Ecritures est plus juste, plus raison
nable, plus vraie et ()liis suitlime que celle
des philosophes les plus vantés. Leibnitz,
plus modéré que les autr^ s prot' stants, a
rendu cette justice aux Pères, a Ils ont re-
jeté, dit-il, tdut ce qu'il y avait de mauvais
dans la philosophie des Grecs. » Esprit de
Lcibnilz, t. 11, p. kS. Or ils n'auraient pas pu
Je faire sans avoir une très-grande connais-
sance de la doctrine des différentes écoles.
Enfin, aujoui-d'liui les critiques protr'stants
di-ent que, faute d'avoir connu laphitosophie
orientale, les Pères n'ont pas bien compris
le système des gnostiques, que par celte
raison ils ne l'ont pas complètement réfuté ;
ils reprochent donc tout à la fois aux Pères
l'ignorance et la connaissance de l'ancienne
philosophie. Mais nous avons satisfait à leurs
plaintes au mot Gnostiques, nous y revien-
drons encore hl'article Platonisme, § 3. Les
théologiens protestants ne se servent-ils pas
encore à présent d'arguments philosophiques
pour ataquei- le mystère de l'Eucharistie et
d"autr« s articles de notre croyance ? Nous
sommes donc forcés de faire contre eux ce que
les Pères ont fait contre les anciens hén fi-
nes. Avant de bblnipr en général le mélange
e h philosophie avoclà théologie chrétienne,
il faut commencer par établir trois ou quatre
thèses absurdes : 1° que l'on ne devait ad-
mettre à la profession du christianisme au-
cun p/ii7o5o;j/(e converti, ou qu'il fallait lui
faire abjurer toute connaissance philoso[)hi-
que, vraie ou fausse; 2° que l'on ne devait
rien répon Ire aux païens ni aux hérétiques
qui attaquaient notre religion par des argu-
ments de cette espèce. Cependant saint Paul
voulait qu'un pasteur fût en état d'enseigner
une saine doctrine et de réfuter les contredi-
sants ; Til., c. I, V. 9. 3° Que l'ignorance aurait
été plus utile que la science à la propagation
et à la conservation de la vraie foi ; que la
science même la plus humltle est un obsta-
cle aux lumières du Saint-lisprit, etc.
V. Lfs incrédules modernes méritent-ils le
nom de philosophes? Pas plus que les anciens
héréti pies, et beaucoup moins que les pré-
tendus sages de l'Orient et de la Grèce. Ils
ont tous les vices que saint Paul a reprochés
1473
PHI
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l-Hi
à ceux de son tomps, et aucune des vertus
par lesquelles plusieurs des anciens se sont
rendus reooniaiandables. En peignant ceux
qui valaient le moins, l'apôtre a fait d'avance
le tableau de ceux de nos jours. Ils sont cer-
taineuient|)lus coupables queceux qui étaient
nés iliins les ténèbres et au milieu d s dé-
sordres de lidolAtrie. Non-seulement ils ont
pu connaître Dieu par la lumière natuie.le,
qui a fait de grands progiès, mais ils ont été
éclairés dès l'enfance par la révélation ; ils
ont volon au-ement fermé les yeux à l'une et
à l'autre. Ceux même d'autrefois qui ne cro-
yaient [loint deDieu, ont cependant respectj
la religion publque, ils n'ont |)as cherché à
rendre les jieuples allumes ; les nôtres auraient
voulu faire apuslasirr les nations entières et
bannir (lel'iuiivers la notion de Dieu; plu-
sieurs ont avoué ce dess in, et plusieurs do
leurs livres ont été faits ex()rès pour le
peuple. Dans 1 impuissance de réuî.sir, ils
n'ont pas rougi de donner aux religions les
plus fausses la préf renc • sur le. christianis-
me. Nous leur avons vu faire success veinent
l'apolo^^ie du paganisme, du maliométisme,
de la religion de Zoioasti'c , de celle des Chi-
nois, de cell.' d( s Indiens, des infamies de
cert uns idolâtres, de la |)lupart des sectes
d'iiéntiques et (le mécréants. Ils avaient
avoué, lorsqu'ils étaient déistes, que le chris-
tianisme était la plus sainte et la meilleure
de toutes les religions ; lor^qu ils sont deve-
nus athées, ils ont s.;uienu que c'est la plus
mauvaise. Afirès avoir fa t semblant de rendre
hommage à la sagesse, aux vertus, aux bien-
faits de Jésus-Chiist,ils ont fini par vomir con-
tre lui des torrents de blasphèmes ; ils l'ont re-
présenté, les unscomme un tourbeambilieux,
les autres comme un visionnaiie fanatique.
En punition de l'infidélité des anciens.
Dieu, dit saint Pai.l, les a livrés à îles pas-
sions impures et honteuses. Ce sont encore
ces mêmes passions qui ont fait naître l'in-
crédulité parmi nous ; c'est au milieu du
luxe , des [ilaisirs, de la corruption des
grandes villes, qu'elle s'est montrée plus à
découvert. La pluj art du ses défenseurs ont
souillé leur plume par des écrits licencieux;
ils ont parlé de l'impudicité avec une indif-
férence et une lib rté capables d'étoulfer
toute honte chez les hommes les plus déré-
glés. L'apôtre dit que les philosoplus d'à tre-
fo;s ont dié pleins de jalousie et de malignité ;
mais ces deux vices percent de toiites parts
dans les écrits de leur» successeurs. Ceux-
ci n'ont |ias cessé de déclamer contre les
biens , les honneurs, les jiriviléges accordés
au clergé ; leur «mbition aiirait été de le
supplanter. Dans l'impuissance d'en venir
à bout, ils ont soulagé leur humeur par
des invectives, des railleries sanglantes, d -s
calomnies de toute esiièce contre les jirè-
tres ; quehjues-uns ont poussé la fureur
jusqu'à écrire qu'il fallait les exterminer et
en purger la société ; ils n'ont é|iargné ni les
vivants ni les morts; ils ont trouvé le moyen
d'empoisonner les actions les plus innocent 'S
et de noircir les vertus les plus pures. Ce
sont, ajoute saint Paul, des hommes querel-
leurs rt trompeurs. En effet, sur quoi n-s
Incrédules n'ont-ils f)as excité des disputes?
Il n'est pas Uiie soide institution divine ou
humaine qu'ils n'aient attaquée, et ils n'. nt
pas été mieux d'accord entre eux qu'avec les
croyants. Lorsqu'ils ne firofessaient que le
d/'isme, ils censuraient les athées ; timibés
dans l'athéisme à leur tour, ils oi.t tourné
en ridicule les déistes. Au jugement des
matérialistes, tous hs autres philosophes sont
des ra sonneurs pusillanimes qui ne j ons-
sent pas les conséquences jusqu'oii elles
peuvent al er, et qui respectent encore les
préjugés. Du haut de leur indilféronce or-
gueilleuse, les sceptii]ues regardent en jiitié
tous les dogmatiques. Mais lequel d'cntio
eux s'est jamais fait scrupule de mentir et
de tromper, pour étayer ses sentiments (m
satisfaire sa passion '/Tous moyens leur oi,t
paru légitimes : fausses histoires, livres sup-
posés, citât ons de passage s tronqués ou al-
térés , tiaduclioi.s infidèles, témoignages
d'auteurs JUS. ement décriés, calomnies cent
fois réfutéi s, etc. Ils ont accusé leurs adver-
saires de tous ces délits, s.ms pouvoir les
en convaincre ; e.x-inôines n'ont pas hésité
de s'en rendre coujiables. Quel a été le vice
général de tou>? Saint Paul l'a indiqué:
l'orgueil; ce Sont des hommes superbes et
vains, enflés de leur prétendu mérite. On sait
avec quelle inuéceiice nos écrivains se sont
encensés eux-mèiijes. Ils ont représenté un
philosophe comme l'homme le plus grand et
leiilus.mp rtani de l'univers, et chacun d'eux:
cro„ia t se voi. lui-même ua s ce tableau. Ils
se sont donnés pour illumina eu s, m.àtres,
bienfaiteurs, réformateurs des nations ; du
fond de leur cabinet iis croyaient régenter
le monde ei.tier ; quelques-uns ont eu la fa-
tuité i.e demander des statues, et ils se flat-
taient d'éciaser leurs adveisanes [)ar un ton
de mép is; et, contre leur attente, c'est [lar
le mépris que le public commence à les pu-
nir : une bonne partie de leurs ouvrages sont
iéjh livrés à la (loussière et à l'oubli. Ils ont
Hé, ajoute l'Apôtre, sans prudence et sans
tiiode'ration. C'était en manquer absolument
que d'attaquer sans distinction loutcs les
puissances de la terre, les rois et le r auto-
rité, les ministres et le gouvernement, les
magistrats et les lois, le sacré et le jnofane :
les anciens ne poussaient pas la témériti;
jusque-là; chez un peuple moins coux,
l'iuuécence des modernes aurait été j)uiii(;
par des supplices. Enfin, sans ajj'ection, sans
foi, sans miséricorde, nos prétenuus sages ont
travaillé à lompre tous les liens de la société,
toutes 11 s atfections naturelles de l'humanité,
les devoirs mutuels des époux, ceux des,
enfants envers leurs pères et mères, l'atta-
chement des citoyens envers leur patiii-,
la fidélité des sujets au souverain ; ils out
avili et pour ainsi dire matérialisé les motifs
de la tendresse des pères pour leurs enfants,
des mères pour le fruit ue ieurs entraides,
de la reconnaissaucc à l'égard des bienfai-
teurs, des amitiés les plus généreuses entre
des ùmes honnêtes. Pour nous perfectionner,
ils voulaient nous mettre au-dessuu» di s
1475
PHI
nÀ
Î87C
brutes. Sans compassion pour les mallicu-
reiix,ils ont décrié l'aiiniôae, li's hôpitaux,
les f militions de cliaiité, l'iiistruct ou des
ignorants, l'état et les fonctions de ceux qui
se consacrent au service du prochain ; toute
vertu quilcouipie a essuyé leur ceiisure. Il
n'était pas possible de mieux vérifier ce que
saint Paul a conclu, qn ils sont devetius fous
en s'attribuanl le dire de sayes. Si l'on nous
accusait d'exagérer leurs toits, nous avons
leurs livres entre nos mains ; nous en avons
ciié les paroles dans d'autres ouviages, et
dans plusieurs articles de ce Dictionnaire
nous avons réfuté L^urs folles objections (1).
(I) Voici un coup d'œil jeté sur la ptiilosophie con-
teiii|iora.iic, p;ir M. Jélian.
« l'ii liuiiiiiic il'iiii profond génie clinilien, el qui
avait liingienips iiiéiiile sur la niarthe îles rliosos liii-
niaines dans ces Uois derniors siècles, a écrit ces pa-
roles : « Il tiy a pins de religion sur la terre, le
genre Inimain ne peutresleren cet état, j (J. de Mai-
slre, Soirées de Sanit-Pétcrshourg, t. Il, p. ::i71) ). A
part ce que la précision d.' la forme peut laisser pa-
raître d'exagéré dans la pensée, on ne pent s'e upé-
clier de reconnaître (ju'il faut bien qu'il se passedans
le monde, à notre ép(i<[ue, quelque chose d'anornial
et (l'élraiige, pour qu'il se soit échappé de celle
grand ■ àuie un pareil cri de détresse. H taudrail etie
en elTel bien ( iranger au inouve i.eiil des espriis pour
n'élre pas frappe du désordre moral qui régne au soin
des sociétés mo ernes. Quel homme aticntif n'é-
prouve une secrète anxiet ■ et ne se sent troublé en
lui-meiue lorsqu il arrête ses regards sur le speclacle
de cette profonde anarchie intellectuelle produite par
rébranlenieut de toutes les croyances ? 11 n'esi plus
rien de si sacié, rien de si vénéré par les siècles, qui
n'ait clé mis en question ; tout est devemi pl-écaiie,
problématique, incertain ; loule foi, toute conviction
eslallée s'éteindre dans la friiide nuit du scepiicisme.
Ce scepiicisme qui nous dévore n'est point raisonné,
mais pratique, il n'est point un systèuie, mais le ré-
sultat de tous les systèmes; ce n'est point la doctrine
d'une secte, cesl lepiit d'une époque. Aussi le voit-
on se jouer de tous les efforts, sur\ivre à toutes les
aUatiues. Jainais avec une liiierté aussi ellrénèe le
donie ne proniena sur tous les points de la croyaiice
liuniaiiie el dans lous les ilegiés de la liicrai-chie des
espriis. Ou ne sait plus, on ne.\eul plus croire : on
craint louie couviciion cornu. e un mécompte. L'hôte
funesie nous suit jusqu'auprès du foyer domesliqir/,
et 11 il argumente contre la famille et la pr<ipriété.
L'esprit d'incrédulité nous obsèoe, il nous presse de
toutes paris, il circule pour ainsi dire dans l'air, et
loule» les inlelligences du siècl en se développant le
respirent. Quel Uicn invoquer? la Ir.iditiou : elle
n'existe plus, lout est nouveau. La religion ? les ha-
biles laveuKul en gros comme un nmycn d nrdi'e, de
concert avec la pobce, mais en détail, dug-.m^s ei j.ra-
li(pies,(ui en sourit. De la une morielle inddference,
une elfroyable sécurité dans le mal. Ou ne ciuinail
d autre culie (jiie celui de la matière; hmoiis les ré-
siillals matériels, rien n'altiie lin. cll. genre ; hormis
riniéièt el les plaisirs, neii ne captive le Cieur.
j Le point de vue pratique de la science, car la
'béorie même est en ilélavenr, l'appLcaiion indii-
».rielle des facnliés, voilà ce qui toilclie uidipiemeni.
Le génie militaire, tel est le seul dieu de l'époque,
telle est l'idole sans enlr.iilles que le siècle préconise
et encense: nouvel Hercule aux proiioiliims gigaiilcs-
ques, iiont le bras neivoux soulèv' la ma^se sociale;
d'un souflie aident il allume nos loiiine.iux et cisien I
la vapeur, celte aaie île la mécanique ; ii parcoUrl le
moiiae avec une vitesse irré.^isiible &;f le ddnhlfe rail
d'un cheulin de fer ; mais à son Iront ne eliCichez
pas l'étoile radieuse et lie lui demandez pas de vous
PHILOSOPHiE orientale. {Voy. Plato.
NIS.VIE, § 3. )
[ La philosophie de l'Orient peut être consi-^érée
sous des poiiiis de vue liés-divers; et sous chacun
d'eux elle fait jaillir des clartés dillërentes sur les vé-
rités sacrées. Ou peut simplement considérer la phi-
losophie des dilTéreiils peuples comme la manifesla-
lioii caractéristique de leur esprit, comme ces traits
distinclifs qui sont aux opérations de leur intelligence
ce que leur physionomie maiérielh^ est à leurs pas-
sions dominantes. Toute philosophie na;ioiiale doit
fiécessairement pnrier l'enipreinte du syslèmepariic;-
lier di' pensées que la nature, les inslitulions socia-
les, ou d'aulres causes, ont donné ii l'esprit du piil-
ple où elle se développe ; elle sera mystique ou pure-
montrer ses ailes. Celle crise alarmante qui travaille
le monde, cette profonde déviation morale, suppose
le trioiiipiie lie quelqu'une de ces grandes en eiiis de
la pensée qui lance les peuples hors de leur voie et
les entraîne infailliblenient vers un abiiuc. Une doc-
tiiiie qui préciiùla la chule des sociétés antiques, qui
fui iifonlee, dominée par le christianisme, peu iant
de longs âges l'e foi, a éié renouvelée dans ces dci-
niers siècles, proclamée avec un nouvel éclat, avec
un inimeiise leienlissemenl, nous voulons parler du
principe de la souveraineté de la raison humaine
dans la recherche de la vérité. Il n'est plus pei mis de
se le dissimuler, (el est le pHi cipe désastreux qui a
frappé au c>ur cette Eurojie jadis si palpitante d'a-
mour, de foi vive et de saintes espérances, inainte-
naiil alfaissée, chancelante, comme une vierge folle
qui s'est enivrée lie lous les vins eiiipoisomiés de
l'erreur. Le nouveau mouvement imprime a la philo-
sophie reu.onte ;. Descaries, maison peut dire que
celle rovoli.tion avait élé pré|iarée par la réforme,
d'i)ù l'on doit vériiabl ment datei celte aberration de
l'espril hiimahi dans nos temps modernes. Descaries
ne lit (pi'.'ippliquer aux recherches philosophiques un
principe que 1 hérésie avait consacré depuis un sicde
dans le ilooiaine de la ihéologie. Nous eu coavenons,
rien n'était plus éloigné de la pensée de Descaries
que le dessein de coustiuier la plnlosopliie en hosti
lilé avec la leligin; et louielois la philosophie ne
tailla pas a faire acie dindéiiemiance absolue, et à ne
vouloir pieudre pour règle que la raison, les sens, en
un mol l'homme individuel, affranchi de louîe auto-
rité divine. D ns 1 espace de iieux cents ans, lou- les
anciens systèmes ont été renouvelés ; tomes les so-
lutions essayées, puis abanuoiinecs, puis reprises,
puis délaissées encore; amer labeur, peregrin;:tions
lanienlahles de l'esprit Iniinaiii livré a ses seiiles for-
ces, s'épuisanl dans ses ardentes inves'igalions, sans
pouvoir renconirer nulle pari, en d hors de la révé-
lalioii, un point d'appui pour y asseoir léditlce de ses
songis.
«"Qu'on ne se hâte pas de nous accuser de blas-
ph oiiic contre la philosophie. Ecoutez pinioi ses plus
iervenis adciiles. Le chef del'ecleelicisine en Fraoce,
abordant la i;ueslion de l'existence d'un mon. ie eue-
rieur disliiicl de LOIS et de nos pensées, s'exprime
ainsi dans un de ses priiiciiiaiix ouvrages : « Je sup-
pose (in'il y eût parmi nous un boniiue encore étran-
ger aux uispuli'S philosophiques etipii u'apiioriàl ici
que du bon sens et de la raison, ne seiait-il pas
tenté de noils inlerroiiipre en ce moment et de nous
deniimler s'il est vrai i|n'niie pareille question occu-
pe iU:^ pcisonnages aussi gravi-s que des philosophes;
qu'ehe urr le ei tie:L.eeii ech.c les plus puissants
esprits, taïuiis que reniant la lésout, ce semble, as-
sez bien des les premiers jours de son eiistence?
Que deviendrait donc cet lionmie sens , qui ne veut
pas même que la pliiiosopliie prouve l'exisloiice du
mou .e exierieiir, si oa lui disait qu'elle l'a-lniet
loui r.u plus, la combat souvent et n'y croit jamais
legihincment, cl que ce n'est point là le délire ou le
mensonge d'une secte particulière, mais le résultat
1477
piii
pm
1178
ment logiqup, profonilc ou populaire, abstraîlë ttU
praliiiue, selim la loiiniiiii' d'cspiil nui prévamlra
parmi vc pinipli'. La pliild-iopliie l'vpi'iiiiiPiiiali', ipie
nous (levons à Haoon, csl le type cvai-t (Iin lialiiliiik's
lie pensée qui domiiioiil ilailS le ( araclèie anglais,
depuis les iiiedilalion'; les plus élcv(;es de nos sages
justpi'au raisoniieiiienl pralii|ne de nos paysans. Le
inysllcisine abslrail, euiili'niplalir el à demi rêveur
de rilindoii, est aussi l'iApressiun [laliirelle de son
calme et de sa no.iclialaiicc ordinaires; c'est I écou-
lement des lu'illaoïes el prolbiidcs pensées (pii doivent
jaillir dans l'àMiede iiuicomiec s'assied sur les hords
des ilenvcs majeslueuv tie l'Inde, el s'y i)rend à rê-
ver. Parl(>nt où il y a un grand nondire de seeles,
nous pouvons être silrs d'en renconlrci' plusieurs (pii
professcnl des doctrines étrangères el discordantes.
De là vieiuieiU cesappaicuies conlrailictioiis (pii clio-
quent (]uelipi(d'ois dans h^s meilleurs pliilosoplies
fjrecs, et celte admission des plus liaules vérités sur
es preuves les plus l'aihles, (pii élo:me dans le plus
Sublime de leurs écrivains. Mais il suit de là ([ue, si
nous trouvons tous les systèmes philosophiques de
ces nalioMS, si disliucts d;'ns leurs earacleres, si dis-
semlilahles dans leurs procédés liigi(pies, arrivant
aux mêmes consé(piem'es sni' Ions les points l'onda-
ineutaux d'un intérêt moral pour l'imijuuiilé, nous
sommes l'oicés de choisir l'uiu' de ces deu>. conclu-
sions : Uu une trudilion primitive, une doctrine
connuuiu; à toule respèce. humaine, el par consé-
quent donnée dès le conuuoncenieni, est descendue
conimuu de toute la philosophie européeujie. Vou-
dr,iil-il nous croire, nuîssieurs, et no nous accuse-
l-ail-d pas nous-mêmes de l'olii^ ou d'inlidélilé ? N(mi,
hiessieurs, je ne cherche point à déiruire la philoso-
phie, en lui iin|iiilaiit des absurdités imaginaires. Il
a été démonire avec la dernière rigueur (jiic les Ihéo-
ries élevées depuis deux cents ans sur la ([liesiioii
qui nous occupe sont loiitcs ossenlicllcinenl scepli-
ques ; ipie la diversili; (pie l'on rencontre dans les
Opinions des philosoplies tombe seulement sur les
formes du sceplicisiue, mais ([ne toutes le renl'er-
tiieiil pinson moins e\plicileiueiil, eti|u"enlin la phi-
losophie moileriie, lille de Descaries cl mère de
Hume, ne croit pas tU n'a pas le droit de croire à
l'esislence du mondi' exléiieiir. > ( Cours sur l'Iiisl.
de la l'iiilosophie moderiie, par M. Y. Cousin ; p. 9-
11. ) 1 11 0^1 bien élraiige, dil-il uu peu pliiN loin,
qu'on accuse l;i philosojdiie luodciiie de se perdre
dans uii dédale de sysl.'ines : c est viaiiuent bien de
la sévérité enveis uu pareil eulàiil.... Elle est encore
du maillol, pour ainsi dire. > (Ihid. 2" le(;on, p. 3j. )
«Après le luaitre, v<iici le di>cii>lc. < — Assure-
hieiit, dit Joiillroy, le cercle des iucerlitUilos s'est
agran.li, des ipie.iiiims nouvelles ont été ajoutées à
Celles (|UR la phiKi.-.opliie agitait à sou berceau ;
inais les nouvelles venues n'ont pas eu meilleure for-
tune (pie les anciennes. Prenez une ipiesliwn philoso-
p'iiipie ipielcoiiipie ; noie/, le jour oii les pre.iiiers
systèmes paur la résoudre s'éleverenl ; comparez ces
sys'ème.^ a ceux ipii se disp.;lent aujoird Inii l'hon-
iieur de la ilecidcr : vous trouverez sans doute plus
de peiieclion el de devcloppeiiieiil dans ces derniers,
m. lis vous verrez ipie leui' probabilité relative n'a p.is
varié. Si chacun d'eux piis ;. part esl plus lorl, I é-
ipiilibre cuire eux esl le même; et leur progrès,
loin d'aboiilir à léso i.lre la quesliou, n'a laiL que
tonsacrer d'une m.oiiere plus précise et plus scieii'i-
fiipie son iuceriilude. Lu sorte que, si Pou denian le,
coiuple 1 la phdosophie de ce qu'elle a t'ait depuis
qu'elle existe, elle poui'ia bien répondre qu'elle .i mis
eu lumière un nombre loajoiiis |dus grand de ques-
tions ; eile pourra bien ajouler quelle a eidaïue et
porté à une peil'eclion de plus en plus giau .e le^ dil-
■ î'oreiils systeaiCs ipii peuveul aspiic;r a 1 Jionneur de
les r.îsoudre ; mais ipielle ait ri'solii une seule de ces
questions, voila ce que la philo^oiiliie ue peut pas
jUsqu'h noiis par ces nombreux canaux ; ou bien, ces
docirines sont si esscnliclleiiieul, si nan-relleim-nt
vraies, que l'espiil bu ■. am, sous tout > lc^ lornms
possibles, les découvre pi les eiubrass... Le anciens
philosophes coiulnniénl de l'accord général de l'Iul-
Inanilédaus nue croyance commune, q ,e cette croyan-
ce devait être vraie ; et ils prouvauuil ainsi pbisicurs
docirines iiuporlanles cl sain aires. Par l'i'inde ap-
prol'ondie de la philosophie d'un grand noudue de
iienples, nous avons foililié ce raisonuemeiil, et nous
lui avons lait faire uu pas immense; car nous pou-
vons dire inainlenant sur iiuelle base ont été roijufes
ces docirines. Si nous eussions reiieooiré uu système
(pii niât la vie fuliire et perpétuelle de l'àine humaine
et aiipnyàt sa négation sur dss |irocédi''s logiipies, sur
des niélho les de raisminenient complélement indé-
pendantes de tout enseiiïnemenl étranger, c'eùi clé
assiiréniPul une ditTiculié de qu'lque v:deur. i>hiis
qile.iid noils voyons le inyslicisme des Indiens ariiver
à la même conclusion (pie le raisounement synlhéti-
qiie (les Grecs, nous devons nous tenir pour assurés-
(|ne In coiii Insiou est exacte. Dans les lingmtiits de
VAUiliik-c-Musini, ouvrage persan sur r.iine, ipie le
cohuiel Wilks a traduit, toiite< les ipieslions relati-
ves a celle portion de la iialure humaine sont discu-
tées avec une péni'tralion merveilleuse ; et quoique
d'après certaines ressemblances avec les philosophes
grecs, le traducteur pense que ces raisonncmeuls
leur sonl eniiuuntés («), il me semble que le tour do
la pensée el la l'orme de l'argumeulalion ont un ca-
dire, parce que, si elle le disait, elle serait forcée de
trouver des exoiiiplcs, un tout au moins, c'est-à-dire
de déti'rrer une question philosoidiiipie ipii suit réso-
lue di'Miiiilivemenl, comine le sonl une foule de que-
stions physiques et chimiques, et que cet exemple,
elle ne le Ironverail point, parce qu'il n'existe pas.
Et eependalit ces questions, Pytliagore et Dé.iiOcrite,
Aristote cl Platon, 'iénou et Epicure, Bacon el Des-
caries, Leibnilz, M.ilebranche, Locke et Kalit les ont
agiti'cs. Ce n'esl donc point faute de génie (prdles
ii'onl point élé résolies. Qu'y a -l-il donc dans ces
(pieslioiis. Qu'y a-l-il dans la philosophie qui a;t rendu
tout ce génie impuissant'? D où vient qu'une science
remuée par de si puissantes mains demeure élernel-
leiuent inféconde'/ La est le prolilèiue dans Iciiuel
loiil l'avenir de la philosophie est placé ; et tant qu'il
n'esl pas résolu, on est confondu (|ue des cspiits di-
stingués osent eiicore culliver une science si culiivée,
agiter ces queslions si agitées, comme si, ajirês le
naufrage de tant de grands hoinnies, aucune inleili-
gence, avant d'avoir découvert l'écueil où ils ont
échoué, pouvait se flatter d'i Ire plus habile ou plus
h ureux, et de rencontrer le port (pii leur a échap-
pé!.... ( Nouveaux Jlélaiiges philosophiques, p. 90,
95).
1 Après cela, vous sciiez tente pent-ilre de repé-
ter avec Pascal que i toute la philo^opliie ne vaut
pas un (piarl d'heure de peine. > Eh bien ! pas du
toiil. La m me bnuclie, qui tout à l'iiciire humiliait
jusqu'au neaiil la philosophie, va faire euKMidie nu
diihyiambe ponrexaller sa puissance : La phibiMiphie
est i.i dernière vicioiie de la pensée sur lo île forme
et tout cleiiiciit éiranger; elle esl le plus liàiil ilegré
de la libellé de rmleliigence...; elle c:,! li.-derniér al-
fiMnchisseiiienl cl le dernier progrès de la pensée
Elle est la liini ère de toutes les luniicies, l'aiiloiile
des aulorllés... Il es! temps que, aii lieu de former
uu p.irli dans l'esiièca humaine, elle domine l»iis les
partis. Jeunes gens, arrivés an faite de vos él.ides
aiiterieiiie., vous Iroiivere.'. dans la ph lo'.Ojdiië, avec
rinlelligence el lexplicalioli de 10 .les ch i es, une
paix supérieure el iu.illerable. > (Litrod cium a l'ili-
sioire Je la pliiliJsophie, oar M. "V. Cousin, 1" lu.on,
p. il cl suiv.)
(«) Tiniisactioiis of Ihe ruijal Society isiixùc of greal Bri-
Iwiii and Irelaiid. LonU. 1S27, t.-l, pi Dli.
1479
PHI
PHI
U80
ractère décidément oiiginnl. C'est ainsi que nos con-
victions ont acquis une lortp toute nouvelle sur des
points de croyance es^eiiliellenient nécessaires, qui
sont la ba^e'dii christianisme et qui ont été plus
largement développés par ces enseignemenls. Mais il
y a plusieurs sysicnies de philosophie asia.ique qui
sont en contact plus intime avec les Ecriluies qui y
font allusion et qui peul-eirc les attaquent; une lois
connus, ils peuvent répandre une grande lumière sur
ceriains passage>. Le principal de ces systèmes est
cHui <|ue l'on tonnait générulcment sous le nom de
Philosophie orientale. 11 se compose surlout de ces
doctrines mystéiieuscs q\ii formaient la hase de l'an-
cienne religion persane, et d'où jaillirent les piemiè-
rcî secles du chrisliani^me : la croyance • une lulte
enire deux puissances opposées, l'une bonne, l'autre
mauvaise ; à lexislence des émanations, principes
inlermédiaircs entre la nainredivine et la nature ler-
restie ; et, par suiie, l'adoption de termes mystiques
et secrels, exprimant les rapports cachés qui existent
entre ces dillërenls ordres d'êtres créés et inciéés.
Celle- philoMiphie s'inliiira dans tout rOrienl. On ne
peut douter (pie son inllueiiie n'eût péiiélre pirmi les
Juifs au temps de noire Sauveur, el que la secte des
Pharisiens, en particulier, n'eût adopté une giamle
partie de ces doctrines oiyslerieiises. Elle pénétra
dans la Grèce, exerça une "profonde influence sur les
philosophies pylh. g uiciinneet pbloniciennc, et agit
sur le peuple a" travers le\oile des mys ères religieux.
Dans plusieurs de ses doctrines elle approchait de si
près de la vérité, que les écrivains inspires adoplé-
reiit quelques unes de ses expiessions pour exposer
leur propre docH iiic. La c<mnaissance que nous avons
niainlenant d^' ce système philosophique, grâce a l'é-
tude sérieuse d(mt "il a été l'objet, a seivi a confirmer
et à éclaircir bon nombre de phrases et île passages
autrefois obscurs. Par exeiuple, lorsijue Nicolème ne
comprit pas ou feignit de ne pas comprendre l'ex-
pression de Noire-Seigneur, qu'il fallait niiitre de
nouveau, nous serions peut-être portés à penser que
cette expression n'était pas, dans le fait, aisée à com-
prendre, et nous pourrions trouver te reproche sé-
vère : Vous êtes docteur en Israël, et vous ne compre-
nez pas ces choies (Joan. m, 10 ) ? .Mais ipiand nous
découvrons que ce- paroles étaient la ligure ordinaire
par laquelle les l'hsrisiciis eux-mêmes exprimaient,
dans leur langiige mystique, l'action de devenir
prosélyte ; que celle locution appartient à la philoso-
phie orientale, et qu'elle est employée par les Brah-
manes pour indiquer ceux qui embrassent leur reli-
gion (h); nous voyons sur-le-champ commeni une
favon de parler si obscure aurait dii être bien com-
prise par la personne à laquelle elle était adressée.
Bendsten a recueilli soigneusement beaucoup d'ins-
criptions antiques qui contiennent des allusions my-
stiques à celle philosoidne occulte; et il a fourni par
là plusieurs éclaircissements sur des phrases du Nou-
veau Testament (6;. Il me snUit de vous dire que les
expressions de lumière el i\e ténèbres, de la chair et
de ['esprit, les métaphores qui représentent le corps
comme le vase ou la tente de l'àme, locutions qui
dans la langue de celle époque étaieni les plus pio-
pres à exprimer les doctrines si pures du clnisiia-
nisme, ont toutes été retrouvées dans celle philoso-
phie, el ont ainsi perdu l'obscurité qu'on avail cou-
tume de leur reprocher. ]
i PHOTINIENS , hérétiques du iV siècle,
^qni avaient i mbrassé les erreurs de Pliotiii ,
évêque de Sirmmm ou Sirmich, en Hongrie.
Celui-ci, disci|ile de Marcel U'Ancyre, et qui
passe pour avoir eu du savoir et de l'élo-
(fl) V. tes Discours de l'auteur sur la présence réelle ;
el Windiscliinann, Philosophie, elc, p. 53S.
(b) Dans tes Miacelianea Uafncnsia, 1. 1, p. 20. Coiien-
liague, 1816.
quence, poussa l'impiété envers .Tésus-Christ
phn loin que les ariens. Il soutint que c'é-
tait un pur homme, né du Saint-Esprit et de
la vierge Marie ; qu'une ci rlaine émanation
divine, que nous appelons le Verbe, était
descendue sur lui, et qu'en conséquence de
l'union de ce Verhe divin avec la nature
humaine, Jésus était a[)pelé Fils de Dieu,
Fils imique , parce qu'aucun autre homme
n'a été ainsi lormé , et Dieu, à cause des
dons, du pouvoir et des privilèges que Dieu
lui avait accordés. Par le Saint-Esprit , Pno-
tin n'entendait pas une personne distincte
de Dieu le Père, mais une vertu céleste
émanée de la Divinité. Ainsi cet hérétique
n'admeltait, comme Sabell.us , qu'une seule
personne en Dieu. 11 lut condamné, non-
seulement par les orthodoxes , mais encore
par les arions ; jiar les évoques u'Orient,
dans un concile d'Antioche , tenu en 3'i5;
jiai- ceux d'Occident , au concile de Jliian
en 346 ou 3i7 ; entin, il fut déposé dans i.ne
autre assemblée, à Siriinch , l'an o51 , et il
mourut en exd l'an 371 ou 375. Son liérésie
a été r nouvel e dans ces dertiicrs L-mps
par Socin ; et quoique les socitiiens y aient
aiiponé quel jues palliatifs , le fond de leur
s^^'Stème revient au même.
* PiiRÉNOLOGlE, ou Crânologie, Cri'inioscopief
prétendue science qui par la conforinalion du crâ-
ne préiend connaître le caractère, les passions, les
penchants de riioniiie. Nous n'avons pas à envisager
elle pjètendue science sous le point de vue de sa
valeur scientifique : tous les hommes sages ne lui en
reconnaissent aucune. Elle inléiesse le ihéolog.en,
parce qu'elle comluii droit au maleriaiisme. Elle fut
inlerdile à Vienne, lorsqu'elle pariil, comme étant la
source du fatalisu.e. Gall a cherche à se justifier de
ce grave reproche. € Chaque faculté, disaii-il, a sa
perception, sa mémoire, son jugemint, sa vcdonté,
c'esl-i--dire tous les atiribuis de l'inlelligeiice pro-
prement diie. Toutes les facultés sont douces de la
faculté perceptive, d'attention, de souvenir, de mé-
moire, de jugement, d'imagination Chaque fa-
culté est donc une intelligence. Il y a autant de dif-
férentes espèces d'inlelleci ou d'enteiidemenl qu'il y
a de facultés distinctes. Toute faculté particulière,
dil-il encore , est intellect ou intelligence : chaque
inlelligence individuelle a son organe propre. .M. Flou-
rens (Examen de la phrcnologic) : i Mais, avec tou-
tes ces espèces é'mtellects, avec loiiles ces intelUijcn-
ics individuelles, que sera l'intelligence générale et
proprement dite?... Ce ne sera plus celte faculté
positive el une, ([ue nous entendons, que nous con-
cevons, que nous sentons en nous-mêmes, quand
nous prononçons le mot ùme ou intelligence, et c'est
là loul l'esprit de la psychologie de Gall. A l'inlelli-
geiice, faculté esseniiellemeni une, il subsiitue une
foule de petites intelligence ou de lacultès dislincles
el isolées Mais l'unité de rinlelligence, l'unité du
moi, est un fail du sens iniinie, el le sens intime est plus
fort que toutes les philosophies. > C'est la destruction
du moi, dit la Revue médicale. « S'ils ne veulent pas
accepter celle multiplicité d'individualités spirituelles,
indépendantes, en prétendant les unir par des liens
mystérieux, ils n'expliipieront pas d'une manisre plus
salisfaisanle l^miléllu »!oi,ni la possibilité du ingé-
nient. Car, commeni le moi, cel cire un, indivisible,
inelemlu, poinl convergent de toutes les faculiès,
partie essentielle de tout acte menlal, logique, peut-
il exister avec cette pluralité indéfinie des organes ?
Il y a ici la plus notoire des conlradiclions; disons
mieux, la plus formelle absurdité. Faut-il donc le
1181
PHY
redire ? On np pont diviser le moi, qui n'est que lui,
qui «'Si lui ni pins ni moins, cl diie en le divisant :
Voil 1 qni vit ponr tel organe, voiei (|iii vil pour tel
antre. La poisiiniialilé ne se pr.te pis à ùlrc ainsi
fractionnée : il faut la nier on la recoimailre dans sa
complète intégrité. L'unité niatérielli', l'unité orga-
nique en particulier, est un conqiosé, une agrégation
de parties : mais l'unité spirituelle n'est rien de
semblable; elle est l'unité tout siniplenu'iit; bien
plus, c'est la deslruclioii de tout jugement. Il est
certain, dit la Ht'vue mcdiciili-, (pu^ j(^ puis éprouver
à la lois plusieurs sensations. Quelquefois, c'est le
même objet qui me les procure : je vois, je goitle et
je sens in\ ragoitt ; j'cnleuils et je toucbe un instru-
ment. D'autres fois.cesontdili'érents objets qui fiap-
penl mes divers sens : j'entends une musique, en
même temps <pie je vois des bommes, (pie j'('prouve
la chaleur ilu léu, <[ne je sens inie odeur, ipie je
mange un Irnit ; je discin-ne parfaitement ces sensa-
tions diverses, je les compare, je juge laquelle m'af-
fecte le plus agreablemeul, je piifeie l'une à l'antre,
je la choisis. Oi-, ce moi, qui compare les diverses
sensations, est ini'Vitablement un être simple ; car,
s'il est composé, il recevra par ses diversi s parties
les diverses iuq)ressions que cliaipie sens lui trans-
mettra : les nerfs de l'o'il pnrteio'it à une partie les
impressions de la vue, les nerfs de l'oreille feiout
passer à une autre partie les inqiressions de l'ouie,
ainsi du reste. Mais, si ce sont les diverses parties
de l'organe pliysi(iuc, (!u cerveau, par exemple, (pii
reçoivent, chacune de son coté, la sensation, com-
ment s'en feia le ripprochement, la comparaison?
La comparaison sup()(ise un comparateur; le jugc-
mejil suppose un juge unique. Ces opérations ne
peuvent se faire, sans que les sensations dilférentes
aboutissent toutes ;< un être simple, t
D'après les phicnologisles lonl se réduit au physi-
que. 11 n'y a donc (pie matière et destruction de la li-
berté; caria matière n'est pas bbre. C'est ce qu'avoue
Rronssais : t L'boiiiuie a la liberté, si les organes du
moi et de la voliiiilé, au\(piels tient cette' l'acuité,
sont vig(Miren\ ; mais, s'ils son! faibles, il iic l'a pas.
Examinons d'aburd celui ipii les a faillies. Kli bien !
il ne sera vrai laenl libre ipie pour les actions indif-
férentes, mais il ne le sera pas pour les actes inipor-
lanfs; il obéira successiveiuenl à toutes ses passions,
h mesure qu'elles deviendront dominantes Je
suis libre détie sage, lidele, économe, s'écriera le
prodigue, le lilicriin, a i|ui Ion reproche ses écarts,
et je serai cela ipiaiidje le voudrai. Mais, s'il n'a pas
(l'oigane qui puisse l'aiiieiier à eliauger de conduite,
il lie changera pas. > Le théologien "ne peut donc se
dispenser .le co.nlamncr la plirencdogie comme dé-
truisant les principes foniiamentauv de la morale et
de la religion. Voij. Physiologie psvcuologkjue.
PHRONTISTES. Quelques auteurs ont ainsi
iioiniiié les chrétiens conlcmplatifs , et ont
apiiolé phrontistcres les motiasiùres , pai-ce
que ce sont des lieux consacrés en partie à
la contemplation. Ces deux termes sont dé-
rivés du i^rec y^ov:i?w, je pense, je médite.
PHRYGIENS. Yo,,. Montamsïi=s.
PHUKl.M ou PUKLM. Yoy. Estuer.
PH\ L.VCTÈRES , terme grec qui signiile
gardes ou préservai ifs. Ce sont des bami. s de
parchemin sur lesquelles les Juifs écriv.nit
certains p ssages do l'i->rilure sainte, qu'ils
portent sur leur front et sur leurs bras, alin
de s exciter à garder soigneusement la loi de
Dieu, et à se préserver de renfreindre. Voici
l'origine de cet usage : Dieu leur avait dit,
dans le Deutéronome, c. vi , v. 8 : Les pré-
ceptes que je vous donne seront dans votre
cœur. Vous les enseignerez à vos enfants ,
DiCTIOXN. DE ThÉOL. DOGilATIQlE. III.
PHY 14S2
vous vous en entretiendrez chex vous et dons
vos royttf/es , vous i/ penserez en vous cou-
clinnt et en vous levitnt. Vous les lierez comme
%m signe sur vos mains, et comme un fron-
teau entre vos yeux. Vous les écrirez sur les
poteaux cl sur les portes de vos maisons. H
avait dit la même chose au sujet de la céré-
monie des azvmes et de l'olViaiide des pre-
miers-nés (Exod. xiii, 9 et 16). C'éiait une
exhortation Ji n'oublier jamais la loi du Sei-
gneur, et à la garder exactement en toutes
choses. .Mais sur la lin de la .synagogue, les
Juifs, très-enclins à la superstition, pritent
ces |)aroles à la lettre ; ils crurent tpi'il fal-
lait les écrire sur des bandes de parcliemin,
les porter sur leur front et sur leurs bras.
Dans saint .Matthieu , c. xxiii , v. 5, Jésus-
Christ reproche aux pharisiens de porter ces
bandes fort larges, afin de se faire remar-
quer par le peuple. Il aurait été mieux de
prendre le vrai sens du texte, et de porter
la loi de Dieu dans leur cœur. Le mot lié-
bnu qui répond au gvoc phylactères est llio-
taphoth; cclui-c-i, suivant pl'usieuts auteurs,
désignait un ornement de tète , ou des peii-
danls que les femmes juives portaient sur
leur froni : et il signilie en génér.d ligature
ou couronne; mats dans ÏExode c. xni ,
V. 0, il est rendu ['ar zicaron, mémorial. Oii-
kélos l'exiiritne par téphilin , préservatifs.
Quoi qu'il en soit , la plupart des juifs mo-
dernes portent encore de ces phylaclrrcs
qu'ils nomment zisis; et, en aim-ant de la
signilicalion du terme, ils se ))ersuadent que
ce sont des amulettes ou préservatifs c n.re
tout danger, surtout contre les esjints ma-
lins : de là l'on a souvent donné aux amu-
lettes le nom de phylactères. Celte supcisti^
tion des jui;s a souvent été renouvelée dai s
le sein même du christianisme par ceux q-iii
ont imaginé que certaines paroles éciiies
sur du vélin, gravées sur des médailles (,u
sur des morceaux de métal , pouvaient être
un préservatif ou un remède contre les ma-
ladies. Les Pères de l'Eglise, et les évèques
dans les conciles , ont souvent proscrit cet
abus; mais la crainte de maux imaginaires,
1 impatience elle désir de se déivrer d'un
mal à queliyuc prix que ce soi!, sont d.'S
passions contre lesquelles aucune loi ni
auctine censure ne peut prévaloir. Thiers ,
Traité des superstitions, i" partie. 1. v,
c. 1 et suiv.mts. Toy .Vmui.ette.
» PHYSIOLOGIE PSYCOLOGIQUE. Il existe en-
tre I aine et le corps des comuimiicatioiis- mais
coiiime;il sVtablisseni ces rapports'/ C'est une grande
question philosophique. C'est au Dictionnaire de
philo,-,ophie .1 exposer la multitude des svstémes in-
ventes pour résoudre le mvsiére. Il v a une école
nouvelle qui ramène au cervelet le "principe et la
source de toutes nos sensations et de t^mtes nos
pensées. , Il existe, dit le docteur Fovillc, entre le
cervelet et ses deux nerfs, qui si> détachent de la base
de sou pédoncule, une continuité de tissu que per-
sonne, a ma connaissance, n'a soupçonnée depuis
(jalien ; quant a ce grand bdninie, il a liit : Ccrcbium
vero est omnium 7iervorum motlium origo pensée
susceptible d'iiilerprelations diverses. Voici, d'ail-
leurs, comment est établie la continuité des nerfs
auditif et trijumeau avec la substance du cervelet •
Du tronc des nerfs auditif et trijumeau, au lieu dâ
• 47
14S3
PII Y
PllY
i:8l
(mv insiirlion aux côtés de Ki piolubcrance, se déla-
che uiiô iiMv.ribi'.Tno de nraiori; nerveuse hlaiulie,
qu!oii peut co'uparer à (-elle (pii, sons l- nom de ré-
tine, existe à rextiémité |)ciip!iéi-iqiie du nerf opiicpic
et tapisse l'inlérieiir de l'iiil. I/BNpansion nieinljia-
niforme de niiitière nerveuse iilanche, qui se délaclic
du nerf auditif et du trijumeau, au lien de leur in-
sertion à la base du pcduncule cérébelleux, est beau-
coup plus forte (|uc la rétine du nerf optique; elle
tapisse d'ahoid le côté externe du péddncule. céré-
belleux, et lui donne 'in aspect lisse diflérent de
l'aspeel fascicule de la protnlxrance, de laquelle
procède le faisceau pédonculaire externe du cervelet.
Celte membrane liCrveuso se prolon e ensuite sous
les bases des lobes cérél-.elleux qui se trouvent sou-
dés à sa face excentrique. Tous les lobes de la face
supérieure du cervelet naissent par une extrémité
simple d'une petite bonlnre fibreuse située sous la
marge coinniune de tous ces lobes, à la partie su-
périeure de la f ice externe du pédoncule crébellcux.
Cette petite bordure fibreu>e se prolonge dans la
substance même du nerf trijumeau ; toutes les ex-
trémités des loiies cérébelleux allacîiées sur cette
bordure convergent avec elle dans la direcîion du
nerf trijumeau, qui semble ainsi leur centre d'ori-
gine. De ce lieu d'origine, tous les lobes de la face
supérieure de riicmispiiére cérébelleux se poricnt eu
divergeant l 'ans l'éminence veriniforme supérieure.
La doublure fibreuse imi.iédiate de tous ces lobes,
faisant suite à la bor.lnre (ibreuse émanée du triju-
meau, rayonne de celte bordure dans la direclion de
l'éndiience virmiforine, -épétanl ait-dessoui de ces
lobes, dont elle e>l la base, la direction qu'ils pré-
sentent eux-mêmes à la péri|diirie cérébelleuse.
Voici pour les lobes de la partie supérieure de l'iié-
m'spli'Jre cérébelleux, Ceux Je la partie inférieure de
ce même licmisphère se coiiiportcnt exactemeni de
ni;i«e, par rapport au nerf auiiiiif; tous ils conver-
gent par leur exlrémiié externe daiis la direction de
ce nerf, et sont allacbés à la surface excenlriquc de
la tneinbrane iierven e ipii ci: émane, et produit une
petite bordure (ibiens" au point de conconi-s Je tous
ces lobes dans la direction du nerf auditif. La di-
reclion des libres de ceiift meiobrane nerveuse,
éniaiiée du nerf auditif, est parallèle à celle des ba-
Sis des i'ibes rérébe'leu'c fixés à sa face externe.
Ainsi les lobes de la lace supérieure de rbcinispbere
cérébelleux sont fixés sur une membrane nerveuse
émanée du nerf trijumeau. Les lobes de la face in-
férieure de ritémispbere cérébelleux sont égalCinout
sou. lés il la surface externe d'une membrane nerveuse
émanée du nerf auditif, de sorte qiie les rcjdii :;e la
couclie cortiialc qui c iiislituenl la partie principale
des lobes cérébelleux pourraient cire compares aux
gaiiiil.ons développés sur les racines postérieuies lies
nerfs spinaux ; surtout, si l'on reniari|uail (pic, par
un pr longe, i:enl ultérieur de maliére libr/use q:ie
ce n'est p.as le lieu de décrire ici, ces mi:ines replis
de la concbe corticale liu cervelet se lattaclieul au
faisceau poslérieur de la meélle.
« Voici maiuieuanl d'autres faits remarquables.
Dos replis imernes, que présc.ite 1 1 me/iibrane ner-
veuse blanche, émanée des nerfs auditif et tiiji.i.eau
et combinée avec la couche corticale du cervelet, se
déiaclient des cloisons fibreuses dont les libres, par
1. iirs leroiinaisoiis piT-phériques, péiiétreiit la cou-
ci).! corticale, tandis que, par leur proiongenient
ceiiiripèie, ces mêmes cloisons se rendent à l.i sur-
face d'un noyau fiiireux (jne revotait la meiiibraue
nerveuse ém.uucde l'au liiif et <h] trijumeau. La
coeche la plus superficielle de ce noyau fibreux l'st
celle dan^ la. |uellc concouicut to-.ncs ces cloisons
(ibr-uses qui procèdent de l'intérieur i.es lobes céié-
beiieux. Cette couche fibreuse supaficielle du tioyatî
cérébelleux se lend enfin dans la p.irtie faociculée du
pédoncnle cérébelleux ';ui vieoi de la pioniberaiicj-.
De sono que par sa lonbliirc ;ibreu^e luiniedia c, la
couche coriicule du cervelet couimunique directe-
racnt avec les nerfs au '.iiif et trijumeau et avec les
organes sensoriaux auxiptels se rendent les exiié-
milés périphériques .!e ces nerfs, tandis que, pai' les
cloisons fibreuses coiitenue.s dans les replis internes
de l'espèce de rétine cérébelleuse de l'auditif et du
trijumeau, celte même -couche corticale communi-
que avec les fibres transversales di^ la protubérance
et par suite avec les faisceaux antérieurs delà moelle.
Ces données sont loin de contenir toute ranatomie
du cervelet, elle lévelent simplement dans l'état nor-
mal de cet organe des dispositions inconnues que je
crois importantes. L'inspection, poslmortem, du cer-
velet chez, les alién s, m'a perniis de constater, un
assez grand nombre de fois depuis ileux ans, un éiat
pathologique de cet orgatie, eonsistanl ea adhérences
intimes de sa couche corilc.de avec les parties cor-
respondantes de la pie-mère et de rarachnoïde. Cet
étal pathologique est surtout iiéquenl chez hs hallii-
ciniis. C'est (luelquefois la seule altération q:i'on
rencontre dans l'eucé'phale de ceux dont le délire
avait pour base unique des balliiciuations. Un sem-
blable, résultat rapproché des données auatoiiiiques
préiédentes me seudile liautiMuent si^^nificalif. J'a-
jouterai que dans bien des cas la maladie du cervelet
à laquelle je fais allusion, a succédé i\ l'altération
préalable de parties péripbériiiucs des neifs auditif
et trijumeau. Uans i!es cas d(! ce geiiie, la maladie
du Cervelet poarrait être comparée, par iap:iorl à sa
cause preiiiii re, à la mala iie d'un ganglion lympha-
tique, déterminée par la phlcg.iiasie de quelipi'un
des vaisseaux qui se rendent a ce g.uiglion. il existe
en'.re la couche curlicale du cerveau et les nerfs ol-
factif et optique des co.iiiexiiins du m. une genre ijue
celles qu.' j'ai signalées entre la couche corticale du
cervelet et les nerfs au'iilifel trijumeau i
Il y a quelque cîiose de myslérieux, d'inexplicable,
dans les phénomènes de la sensibilité. « Les organes
des sens mécaniques, dit iM. de Ulainville, sont des
orgaiiesq!iiaper<;oiventinécaniquement les vibrations
des corp- plongés dans le même milieu et en repro-
duisent limage. L'image est la représentation senso-
riale d'un cire, d'un pii, iiomcne on d'un acte, dans
un plus ou moins grand noinbie de ses ([ualilés dis-
tinctes et pro])res, par les organes des sens a|ipro-
priés et aperçus par l'inielligfnce. Une vibration
est un pliinumejie dans lequel chacun des poiiils
d"u:i corps enire en iiKUivemcnt, qui se transmet à
travers un milieu convenable, lic manière à donner
une image. Une image de vibration e:.! celle dans la-
quelle il se repro.hiii, sur quelque., parties de notre
organisation sensoriale, une représentation diminuée
ou augmentée de ce phénomène. Si ces vibrations
se font a la surface du corps, on aura une image de
suiface; si c'v.'Slà l'intérieur, on aura une image de
vibialion dans le temps. L'iiilensilé du mouvement
d.uiiie le senlimenl de la lumière dans la vision et
du son dans l'audition. La vitesse doiii.eles couleurs
et les tous. De la sort la définition d'un organe de
vision cl d'un organe d'audition, et celle d'une ima-
ge opilipieet dune image acoustique. L'image opti-
que, par exemple, est celle dans laquelle un pheno-
niuie lie vibration est repiiié, réduit et au;,menté
dans un degré plus ou moins g and d'intensité et de
rapidité de niouvemcnl dans un organe sensorial ap-
proprié. 1 Cours d'aiiuluinie comparce au tnuséum
d'histoire naturelle. IS-W.
Tout cela doit être pour nous un grand sujet d'ad-
miration, mais ne doit point nous persuader que la
matière peut être le principe de la [lensoe, qu'il ne
faut pis recourir à la spiritualité de l'ame pour ex-
pliquer tous les phénomènes intellectuels qui se pas-
sent en nous. Nous avons louguenieiil dévehippé cette
rerile au mot Asie; nous nous conlentons n'y ren-
vover. ;Nous avons d'ailleurs démontre au mot Puué-
Noi.ooiK que la doctrine qui fait reposer le principe
de nos actions sur les sens, détruit le principe même
de la morale ea anéantissant la liberté.
im
PIC
PIE
liSG
l'
PHYSIQUE DU MONDE, f'oy. Monde.
PICARDS, hôrétiqiics qui parmi'iit on Bd-
jbêrae nu counuencein nt du \v sii'clc, dnut
il n'est pas aisé de découvrir lavi'ritald 'ori-
gine ni d'exposer les opinions. Il .yadaiisl'.ui-
cienno Encj/clopé^Hc une asso^ lougui) dis-
sertation dans laipiellc on .s'est ellbrcc^' de
prouver que les picurds de Boiiènie étaient
des vaudois, qu'ils n'avaient point d'autre
croyance que ('elle qui aélé oni!>iassr'e deux
cents ans après par les proteslant<, que ces
sectaiies ont étéaccus''s injusteinent d'avor
les mêmes err( urs et d ■ pratiquer les mêmes
jntamii'S que les adamitos. L'auteur a copié
Beausol): e, qui a suivi ce sentiment dans une
diss-riation sur les adamites de Bohème, la-
quelle a été jointe h .'Histoire de la gwrre
«c.v hussilcs , par Lent'ant. Mosheim, mieux
instruit, et qui semble avoir exaininé la
question de plus près, |)ense que les picards
de Bdlième étairnt une branrhe des bcggnrds,
que quelques-uns nnuuuaient binf/ard.i, et
)ar ciirruption picards, secte i'é,iandue en
t'ilie, en France, dans les Pays-Bas, en Alle-
magne et en Bulième, et ."i laquelle on don-
nait liiirérents noms dans ces diverses con-
tiées. Voj/. Be(;gari)S. Connue le Irùs-grand
nombre ne ceux qui la composaient étaient
des ignorants fanatiques, il est impossible
que tous aient eu la même croyance et les
mêmes mœurs. C'est donc une très-vaine en-
trejirisede leur attribuer la même (irofession
de foi et la mêru-! con luite. Les prot stants
ont voulu en imposer an monde, lorsquiis
ont soutenu que les vaudois n'avaient |)oint
d'aulic doctruie lue la 1 ur; Bossneta prou-
vé le contraire. Hisl. des Variât., 1. xr.il st
encor.' plus l'idicule de vouloir absoudre les
picards de.^ désor.lres qui leur ont éié im));!-
tés |)ar plusieurs histm'ieas ; mais la manie
' deBeausobre était de justi iei' les hérétiques
de tous les siècles, malgré les témoign iges
les plus authentiques ; il n'a lègue (pie des
conjectures et des pi'cuves négatives qui ne
coni luent rien. « C'était, dit Mosheim, vou-
loir blanchir la tète d'ini nègre; je |)uis pro'ii-
ver,par des [lièees auiiientiques, que je n'a-
vance l'ieu que de v ai. L.s recherches que
j'ai faites et la connaissance que j'ai de l'h.s-
toire civile et religieuse de ce siècle me
rendent plus croyable que le laborieux
autecr dont je refuse d'adopter le sen-
timent, qui ne connaissait qu'impa. faite-
raent l'hisloiie du mo„>e;i .'ge, et qui d'ail-
leurs n'était point exemjit de préjugé et de
pa.tialilé. »0n ne doit pas confomire les pi-
cards de Boliôme, avec \es frères bohémiens ou
frtrcs de Bohême ; ceux-ci étiieut une bran-
che des hussiles qui, en li67, se séparèrent
des calixtins. Voy. IIussites.
PICPUS, leligieux du tiers ordre de saint
Frangois, autrement dits pénitents, fondés
eu IGOl à Picpus, prtit '. illago qui touche
au faubourg î-aint-Aiitoiiie de l'aris. Ce vd-
lage a donné son nom à la maison des reli-
gieux, et cette maison, qui uest que la se-
couvie de l'ordre, a donné le sien à l'on ire
entier. Ces fianciscains se nonimeiit i\ Paris
feliijiiux pénitents de Nazareth, et dans quel-
ques provinces on les appelle tierretins.
Jeainie de Saulf, veuve de Kené de Rocho-
chouai't, comte de iMortemait, e=;t reconnue
pour fondatrice du couvent de Picpus; Hen-
ri IV accorda des lettres jiatentesà.ce nouvel
établisseiuent; ! ouis XUl posa la première
pierre de r/'glise, et dans les lettres patentes
])ar Ii'Sipielles il coniirme l'érection de ce
monastère en 16"2'i-, il rrit la qualité de fon-
dateur. C'est le désir d'ubs.irver strictement
la règ'e de saint Fian(,'ois, qui a donné
naissance à ce nouvel institut. Voy. Francis-
cAns.
PIED. Dans l'Ecriture sainte les pieds se
prennent en (htférents si'ns, au |)rnpre et au
figuré. Il est dit d lis l'Evangile qu'à ra.'rpect
de Jésus ressuscité les saiiites lèannes lui
touchèrent les pieds, tenuerant pedes ejus,
c'est-h-dire qu'elles se prosternèrent devant
lui par respect. Dans le Douter tnome, c. vin,
V. \, .Moïse dit aux Ssraélites que dans ie
désert le rs pieds n'ont point été blessés;
cela veut dire que leurs souliers nes'étai nt
point usés. Se couvrir les pieds est une pé-
riphrase qui signilie satisfaire aux nécessi-
tés do la nature, et souvent les pieds se
mettent au lieu des parties do corps que la
pudeur cache et ne permet pas de no.uraep
(Isai.wi, 20; ISzech. xiv, 2o). Parler du pied,
•c'est gesticuler des pieds; Salornon le d;t d'un
insens.' (Prov. vi, 13]. Ap 'rcevoir hs pieds
de quelqu'un, c'est le voir arriver; Isai.,
c. LU, V. 7, qaam speciosi pedes evangelizan-
tium paceni! qu'il fait beali voir arriver
Ceux [ui annoncent la paix! Da;:s le sens
figuré, les pieds sont la conduite; Ps. xv,
V. i-2, pes meus sletil in directo, mes pieds
sont demeurés fermes da.is le dioit clieniin.
Dans un autre sens, ce terme signiiie un
appui, un soûl en ; Job, c. \xix, v. 15, dit
qu'il a é:é l'œil de rav( ugle ei le pied du
boiteux. Mais lorsque Jésus dit dans l'Evan-
gile : Si votre pied vous scandalise ou vous
fait tomber, cou[)ez-le; c'est une métajihore
pour nous apprendre que nous devons re-
noncer à ce que nous avons de plus cher,
s'il esi pour nous une occasion de péché.
Melire quel u'un sou< les p/crf*- d'un autre,
c'est le mettre sous sa pui-.sance : Dn'id
demande à Dieu d'être préservé du pied de
l'ornHeil, c'est-à-dire de la puissance des
orgueilleux, et de ne pas être secoué pir le
bras (iU pécheur [Ps. xxxvi, 12). Mettre le
pied dans un lieu, signihe ( n prendre pos-
session : fouler un ennemi aux p/rf/s, c'est
lui insuiter : trébucher ou clocher du pied,
chanceler sur ses pieds, c'est déchoir de l'état
de prospérité et tomber dans f^ m.ilhenr, etc, :
une bonne partie de ces manières de p irlet
se retrouvent dans notie langue. GlassiiPhi-
lolog. sacra, col. 1800.
PiERRli. Nous hsons dans le livre de
Josué, c. X, v. Il, que Ce chef des Isr;:élite.'=,
étant v< n i attaquer les rois des Chana-
néens qui assiégeaient Gabaon, les mit en
fuite ; qu'à la descente de Béthoron, Dieu
lit pleuvoir sur eux de grosses pierres jus-
qu'il Azé:a; de sorte qu'il en m mrut un plus
grand nombre par celle srC4e de pierres que
U87
Pffi
PIE
liSS
par l'épéedes Israflites. Les commentateurs
disputent pour savoir si ces paroles doivent
être prises à la lettre, et si Dieu fit réelle-
ment tomber du ciel des pierres sur les Cha-
nanéens, oit si l'on doit entendre qu'il fit
tomber sur eux une g' 61e d'une dureté et
d'une grosseur extraordinaire, poussée par
un vent violent. Dom Calmet a placé à la
tête du livre de Josué une dissertation dans
laquelle il s'est attaché à établir le sens lit-
téral : ses-preuves sont 1° qu'il n'y a aucune
nécessité do recourir au sens ligure quand
il est question d'un miracle ; il n'en a pas
plus coûté à Dieu de faire pleuvoir des /?î>r-
res sur les Chananéens, que de les faire
périr pir une grêle très-grosse et très-dure.
2° L'histoire fait mention de ditlV-rentes
pluies de pierres tombées en dliférents lieux
dans le cours des siècles, et ces faits sont
si bien attestés, qu'il n'est pas possible de
les révoquer en doute. Ce phénomène ar-
rive naluiellement par l'éruption subite d'un
volcan. 3" L'on ne peut pas nier qu'il ne
puisse se former des pierres en l'air, lors-
qu'un tourbillon de vent y a transporté à
une hauteur considérable de la terre, du
sable et d'autres matériaux; alors ces ma-
tières mêlées avec des exhalaisons sulfu-
reuses ou bitumineuses, et avec l'humidité
des nuées, peuvent se durcir dans un mo-
ment I ar leur propre jiesanteur et par la
pression de l'air, et rrtomber incontinent
sur la terre. Bible d'Avignon, t. 111, p. 29".
D'autres commentateurs, qui préfèrent le
sens figuré, répondent, en [iremier lieu,
qu'il n'y a point de nécessité non plus de
s'en tenir au sens littéral, puisque Dieu a
pu opérer par de la grêle le même elfet
qu'auraient produit des pierres. Ils citent à
leur tour une multitude d'exemples bien
attestés d'orages pendant lesquels il est
tombé des morceaux de grêle d'une gros-
seur énorme, dont quelques-uns pesaient
une livre, les autres trois, les autres huit,
et qui ont tué une quantité d'hommes et de
bestiaux. En second lieu, que les Septante,
l'auteur de V Ecclésiastique, c. xlvi, v. 6,
et l'historien Josèphe, Antiq.Jud., 1. v, c. 1,
ont entendu la narration de Josué, de jjier-
res de grêle, et non d'une grêle de pierres.
En troisième lieu, qu'une grêle arrivée h
point nommé pour procurer aux Israélites
une victoire com|)lèle, qui tue leurs enne-
mis sans les blesser eux-mêmes, qui en
fait périr ])\us que ne pouvait faire leur
épée, est certainement un événement mira-
culeux. Or, pour opérer des miracles. Dieu
s'est souvent servi des causes naturelles,
mais en les employant d'une manière ex-
traordinaire et impossible à tout autre qu'à
lui; et c'est ce qu'd a fait dans l'occasion
dont nous parlons. Bible de Chais, Jos., c. x.
Il serait difficile de trouver de fortes raisons
pour préférer l'un de ces seniiments à l'au-
tre; dès que l'on avoue que dans cette cir-
constance Dieu a opéré un mir.icle, peu im-
porte de savoir précisément de quelle ma-
nière il l'a exécuté. A la vérité les incrédules,
attentifs à embrasser le second, ne manque-
ront pas de dire que cette grêle est arrivée
par hasard, connue toutes les autres dont
l'histoire fait me n lion; mais lorsqu'une cause
quelconque a^it avec autant de justesse et
aussi à propos que le jiourrait faire l'être le
plus puissant et le plus intelligent, il est ab-
surde de recourir au hasard, ce n'est plus
qu'un terme abusif, destiné à cacher l'igno-
rance de celui qui s'en sert.
L'histoire sainte fait mention de plusieurs
pierres ou rochers de la Palesiine devenus
fameux par les événements qui s'y étaient
jiassés: ell(! nomme \a. pierre d'Ethun, celle
iïEzel, la pierre du secours, etc. Il est pio-
Lable que la pierre du désert est la ville de
Pelra dans l'Arabie. Un de ces rochers, le
plus reraarcpi.ible, est celui d'IIoreb, duquel
iMoise fit jaillir vme fontaine en le frappant
de sa baguette (£'.rof/. xvii, 6). Ce miraelofut
renouvelé environ quarante ans afirès, et il en
est parlé {Num. xx, 11). Ceux qui ont cru
que c'était le môme prodige raconté deux
fois, se sont trompés. Le premier se fit à
Raphidim, onzième statimi des Israélites, la
première année après la sortie d'Egyjite; le
second, au désert de 5m, trente-troisième
station, à la (juarantième année, iaunéi ia-
tement avant la mort d'Aaron. La première
fois .Moïse fra|)pa le rocher avec la verge de
laquelle il s'était servi en Egypte pour opé-
rer des miracles; la seconde fois il le frappa
avec la verge d'Aaron, qui était gardée dans
l'arche. A Raphidim, Moïse ne frappa le ro-
cher qu'une fois et en présence des anciens
d'Israël; à Sin, il le frappa deux fois en pré-
sence de tout le peuple ra-semblé, et cette
action déplut à Dieu; Moïse en fut puni
bientôt après.
Un déiste anglais a cru détruire ce mira-
racle, en disant que la fontaine d'Horeb
existait déjà et coulait naturellement; mais
que comme les Israélites, au sortir de l'E-
gypte, n'avaient jamais vu de fontaine, ils
prirent celle-là jjour un prodige, et que
Moïse, de concert avec les anciens qu'il
avait apostés, le publia ainsi. Quand les Hé-
breux auraient été assez stupidcs pour don-
ner dans cette erreur la première année
après leur sortie de l'Egypte, du moins ils
ne pouvaient plus y être trompés à la qua
rantième; ils avaient vu des fontaines avant
de sortir de l'Egypte, puisque leur sixième
station s'était faite à Elim, où il y avait douze
fntaines, et qu'ils avaient cam|ié auprès
{Exod. XV, 27; Num. xxxni, 9j. Nous fai-
sons ces remarques, afin de montrer com-
bien les incrédules sont imprudents. Dans
le psaume lxxx, v. 17, il est dit que los
Israélites ont été ra^sasii'S du miel qoi sor-
tait de la pierre, c'est-à-dire du miel que
les abeilles avaient fait dans les trous des
rochers.
PIERRE (saint), chef des apôtres. Au mot
Céphas nous avons donné l'étymologie de
son nom, et nous avons fait voir la raison
pour laquelle Jésas-Christ le lui donna. Au
mot Pape nous avons prouvé que ce divin
Sauveur a établi saint Pierre chef et pre-
mi'ir pasteur de son Eglise, qu'il lui a donné
1489
PIE
PIE
1490
sur sps collègues une primauté non-sculc-
nioul d'Iionnt'ur, mais de juridiction, et ([uc
ce privilège a ])assé à ses successeurs. La
dignité h laquelle cet apôtre avait été élevé
ne l'empêcha point de faire une chute énor-
i.ie en reniant son maître pendant sa pas-
sion; mais la promptitude et l'aïuertume di;
son repentir, le ciiMra;,'e dont il lut animé
après avoir reçu le Sainl-Esprit, la constance
de son martyre, ont pleinement réparé cette
faute. Par cet exemple, disent les Pères de
l'Eglise, Dieu a vnulu faire voir i|ue les jus-
tes doivent toujours craindre leur propre
faiblesse, et que les pécheurs pénitents peu-
vent tout espérer de la lïiisériconie divine. »
Jésus-Christ, après sa résurrection, loin de
repiocher à saiiil Pierre son peu de tidélité,
le trait i toujours avec la même bonté qu'au-
paravant.
Le premier des miracles opérés par cet
apôtre, et rajiporté dans les Actes, cii. m et
IV, mérite beaucoup d'attenti(in. Saint Pierre
et saint Jean allai nt au temple, au moment
oii les Juifs avaient coutume de s'y rassem-
bler pour prier; ils voient à l'une des jiortes
un boiteux de naissance, connu pour tel de
tout Jérusalem; saint Pierre le guéiit par
luie parole, au nom de Jésus-Christ : cet
homme suit son libérateur, tressaillant do
joie et béiissant Dieu; la multitude étonnée
se rassemble jiour contempler le prodige.
Alors l'apôtre élè.e la voix, il reproche à
ces Juifs, i|ui |ieu de temps au|iaiavant ont
demandé la mort do Jésus, le crime qu'ils
ont connnis ; il atteste que ce Jésus crucifié
et mort à leurs yeux est ressuscité, que
c'est en son nom et |iar sa puissance que le
boiteux vient d'ètr<' guéri, qu'il est le Aies-
sie prédit parles [irophètes : [lersonue n'ose
accuser saint Pierre d'imposture; cinq mille
Juifs se rendent à l'évidence et croient en
Jésus-Christ. Au biuit de cet événement,
les chefs île la nation se rassemblent et dé-
libèrent; ils interrogent suint Pierre, ipii
leur répète ce qu'il a dit au peuple, et leur
soutient h' même fait, la résurrection de son
maître. Le résultat de 1 assemblée est de
iléfendre aux apùlres de piocher davantage
au nom de Jésus-Clirist; (juoiqu'ils protes-
tent qu'ils obéiront à Dieu plutôt qu'aux
hommes, on les laisse aller, de peur de sou^
lever le peuple. Voilà un fait public, nu-
loire, aisé à vérilier; un disciple du Sau-
veur a-t-il osé l'inventer, le publier dans le
temps même, et citer cinq mille témoins
oculaires"? Si les apôtres sont des im|)03teurs,
qui empêche les cliefs de la nation juive de
sévir contre eux? Les apôtres n'ont encore
fait qu'un miracle, Jésus en avait fait des
milliers lorsqu'ils l'ont mis à mort. La crain-
te de soulever le iieuple ne les euipêcbe [)as
dé laisser lapider saint Etienne, et d'envoyer
Saul à Damas, avec commission de mettre
les croyants dans bs chaînes et de les ame-
ner à Jérusalem. Pouniuoi cette tranquillité
avec laquede ils soullrenl la résistance de
saint Pierre et de saint Jean ? On dira peut-
être qu'ils ont méprisé le prétendu miracle
et les suites qu'il poujrrait avoir ; mais toute
leur conduite démontre qu'ils étaient alar-
mé'S des progrès que faisaient les apôtres,
qulls auraient voulu leur fermer la bouche,
qu'ils n'osaient pas néanmoins entreprendre
de les convaincre d'imiiosture. Donc c'est la
vérité des faits qui les a retenus ilans l'inac-
tion. Quelques incré<lules ont reproché à
saint Pierre la punition d'Ananie et de Sa-
jiliire comme un trait de cruauté ; nous avons
disi'uté ce fait au mot Anamk. A l'article CÉ-
ruAs nous avons parlé de la dispute qu'il y ;
eut entri' saint Pierre et saint Paul à Antio-
che, au sujet des cérémonies légales.
Pendant longtemps les protesiants se sont
obstinés à Sdutenir (juc saint Pierre n'était
jamais venu à Rome, qu'il n'y a donc jamais
établi son siège; maislefaitconlraireest prou-
vé par bs témoignages de s dut Clément, de
saint Ignace et de Papias, tous trois disciples
des apôtres ; Caïus, prêtre de Rome, saint De-
nis de Corintlie, saint Clément d'Alexan .rie,
saint Irénée, Origène, ont attesté la même
chose au u° et au ni" siècle; aucun des Pè-
res n'en a douté dans les siècles suivants.
Au IV", l'empereur Julien disait qu'avant la
mort de saint Jean, les tombeauv de saint
Pierre et saint Paul étaient déjà honorés en
secret; dans saint Cyrille, I. x, ])ag. 32'7 :
or ces tombeaux étaient certainement à Ro-
me, puisqu'ils y sont encore. Dom Calmet à
rassemblé ces preuves dans une dissertation
sur ce sujet, Bible d'Avignon, tom. XVI,
p. 173.
Aussi Basnage, Hist. de l'Eqlise, 1. vu, c.
3, § 3, et Le Clerc, an. 168, ij 1, convien-
nent qu'il n'est pas possible de récuser tous
ces témoins ; qu'on ne peut leur opposer
que des difficultés de chronologie, que le
martyre de saint Pierre et de saint Paul à
Rome, sous l'empire de Néron, est un fait
incontestable, ils se bornent à soutenir que
saint Pierre n'a pas été évêque de Rome,
jil s que d'une autre ville ; qu'il y aurait
plus (le raison de regarder saint Paul com-
me fondateur du siège de Rome, que d'at-
tribuer cet honneur à saint Pierre. Mais la
})lupart des t'^moins, qui attestent le voyage
et la mort de cet apôtre à Rome, le regar-
dent aussi comme fondateur de ce siège ;
sont-ils moins croyables sur un de ces faits
c|ue sur l'autre ? Aussi les jirotestants les
mieux instruits commencent à être plus ré-
servés touchant cette contestation. Ceux
d'entre eux qui nient encore que saint Pierre
ail été évêque de Rome, et ([u'il y ait placé
son siège ne raisonnent pas conséquem-
nient ; ils avouent que l'on ne sait pas pré-
cisément en quelle aimée saint Pierre vint à
Antioche ni combien d'années il -y demeura,
{[ue cependant il est incontestable qu'il y
établit une espèce de résidence ; qu'on l'a
toujours regardé comm.: le iiremier évêque
d'Antioche, quoique saint Paul y eût été
avant lui. Et quand il est qui stion de Rome,
ils ne veulent pas que saint Pierre en ail été
évêiiue, parce que l'i n ne sait pas en quelle
année il y est venu ni combien de temps il
y a demeuré, et parce que saint Paul y a été
avant lui ; que les apôtres étant évèques da
im
PIE
PIE
li92
toïite l'Fglise, n'ont eu probablement aucun
siège parliculifT, etc. lis nieront peul-être
que saint Jean l'Evangéliste ait été évoque
d'Ephèse.
Il est constant que quand saint Paul a
écrit sa lettre aux Romains, il n'avait pas
encore été h Ilonie ; il le dit formellement,
c. I, V. 13, et cepeniJant il leur écit que
leur foi est annoncée par tout le monde, v.
8 ; il le répèle, c. xv, v. 22. Donc l'Eglise
de Rome était fondée avant que saint Paul y
eût paru. Qui en était le fondateur, sinon
saint Pierre, comme l'ont attesté tous les an-
ciens.
Il nous reste deux lettres de ce saint apôti
et l'on n*a aucune preuve qu'il ait compc
d'autres écrfts; la première a toujours 'tg^
reçue comme autlientique d'un consenle-
meiit unanime, mais on a loastem|is douté
de la seconde; un passage de saint Isidore
de Sévilie nous appi'cnd qu'au vu" siècle il y
avait encore en Espagne des églises qui fai-
saient difliiullé de la recevoir. Enfui tnus
les doutes se sont dissipés, on n'en con-
teste plus aujourd'hui l'autorité ; les protes-
tants mêmes l'admettent comme canonique,
parce ipi'elle ne renferme aucun pas?age dé-
cisif contre leurs o;iini'ins. iUais en cela
môme ils ne sont pas fidèles à leur prin-
cipe, qui es! de ne recevoir pour ouvra.,es
canoniques que ceux qui ont été admis
comme tels de tout lemns , et de contester à
l'Eglise le droit de mètre dans le canon c(!r-
tains livres qui n'y étiient pas encore dans
les premiers siècles. Slierlock, dans son ou-
vrage sur l'imw" et les fins de la prophétie,
t. Il, p. 63, a fait une dissertation suv l'au-
torité ou la cononicité de cette seconde épî-
tro; il montre que la seule raison pour ia-
cjuelle quc'qu 'S anciens et quelques Eglses
en ont douté, était la différence que l'on
trouvait entre le st)le de cette lettre et et lui
de la premièic ; il apiiorte des raisons très-
proijabljs de cetic dillérmce. Il compare le
u' chapitre, dont on était le plus irappé,
avec la lettre de suint Jude , et il conjec-
ture que ces deux apôtres ont co;'ié tous
deux, dans un ancien livre, la description
qu'ils font des faux pro|jhètes ; qu'ainsi il
n'y a aucune raison de douter de la cauoni-
cité de la seconde épilre de saint Pierre.
Les anciens hérotiques ont altribué à ce saint
apôtre quelques ouvrages apocryphes; mais
ces faux écrits n'ont jamais eu aucun crédit
dans l'Eglise
PIERRE CHRÎSOLOGUE (saint;, arche-
vêque de Ravennc, a vécu au v° siècle; il
est mort l'an 450 ; c'est son éloquence qui
lui a fait donner le surnom de Clirysologue.
W reste de lui 176 sermons sui' divers s ijets,
lous fort courts, et dont il y a plusieurs
éditions. Comme ce saint archevêque ét.iit
très-instruit, c'est un témoin irréprochable
i'd la tradition de son siècle; les protestants
Mêmes sont convenus de ses talents.
PIERRE DAMIEN ( le bienheureux), car-
dinal, était évoque d'Oslie dans le xr siècle;
il est mort l'an 1072 : il a laissé des sermons,
des lettres et d'autres ouvrages qui ont été
imprimés à Paris en 166.^, en 5 vol. in-fol. ;
mais ils peuvent être reliés en un seul.
L'exemple de ce vertueux cardinal prouva
que , dans les siècles même les plus t('né-
breux, Dii u a suscité dans son Eglise des
hommes très-caiKtldes d'instruire et de s'é-
lever contre les e reurs et les vices. « Pierre
Dninien, dit ?,losheim, mérite d'avoir placî
parmi les écrivains les plus savants et le5
plus estimables de si>n siècle , h cause dn
son esprit, de sa candeur, de sa probité e';
de son éruiiition, quoiqu'il ne soit pas tout
à fait exempt des préjugés et des défauts de
son temps. » Par préjugés, Mosheim entend
probablement l'estune s n.;,ulière que le
bienheureux Damien avait pour les austérités,
li'f pénitencis (ît les autres exercices de la
vie^ monasiique. En général, les protestants
ont souvent cité les ouvrages de ce pieux
cardin.tl , pour prouver le dérèglement des
mieurs qui régnait de son temps parmi les
ecch'siastiqwes et les moines; mais en lisant
atientivement ses écrits, on voit que le mal
n'('tait pas, à beaucoup près, aussi grand
que les ennemis du clergé vim iraient le
persuader; si les évêques, les prêtres et les
moines avaierit été aussi pervers qu'on le
su|)[iose, le bienheureux Damien n'aurait
jias travaillé avec tant de succès qu'il l'a
fait à les réformer.
PIKRRE I OMBARD. Yoij. Scolastique.
PIÉ'l'É, affection et respect i)our les pra-
tiques de religion, assiduité à les remplir.
Au mot DÉvonoN, teime synonyme de
piété, nous avons fait voir que c est une
vertu ; nous avons répondu h. la plui>art des
lejiroches cjue lu! fout ordinairement ceux
q i ne la connaissent pas ; il est bon d'ajou-
ter à ce que nous avons dit une ou deux
réllexions. Un déiste a dit : « S'il faut un
cuite qui entretienne p irmi les liommes l'i-
dée d'un Dieu inlinimeni bon et sage, il
est évident que h s seules cérémonies de ce
culte sont toule action bienfaisante, géné-
rale ou parliculière, et que le plus digne
hommage que l'on puisse rendre à la divi-
nité consiste à l'imiter, et non ii faire un
éloge stérile de ses grandeurs. » Cette nio-
rale a besoin de correctif. On peut pratiquer
des actions bienfaisantes sans penser à Dieu ;
quand on les fait par un motif de vaine
gloire, est-ce un liommage rendu àlaDivinité?
Si l'auteur s'était borné à dire qu'une des
manières d'honorer Dieu, qui lui est la plus
agréable, est de faire du lj:en aux hommes
pour l'amour de lui, il n'.mrait fait que ré-
péter ce qu'enseigne l'Evangile. Jésus-Christ
nous ordonne d'être parfaiis comme notre
Père céleste, qui répand ses bienfaits sur
les justes et sur les pécheurs. Il nous aver-
tit que si un de nos fc ères a lieu de se plain-
dre lie nous, il faut aller nous réconcilier
avec lui avant d'apporter notre offrande à
l'autel. 11 dit que Dieu veut la miséricorde
plutôt (|ue le sacrifice, et c'e^l une leçon qtie
les proplièles faisaient déjà aux Juifs. iVIais
d ne faut pas conclure de la que les œuvres
de charité, de miséricorde, de bienfaisance,
d'humauilé, nous dispensent de faire des
1493
PIE
PIE
14fli
actes de religion et de pu'lé, puisque îé>ns-
Christ dit exprcssi^uiont qu'il faut l'aire les
uns el ne pas o'.nettre les autres. LuinuMiie,
après avoir employé les joiu'S entiers î\ faire
du jjien, passjit encore les nuits à prier
Dieu. Dans la conciu'rence de deux devoir*,
l'un de charité, l'autre de pieté, il faut sans
doute donner la pnMérenee au premier;
mais si l'on peut les aceoiui>lir tous les deux,
il ne faut pas omettre le second. L'élo,^e des
grandeurs de Dieu et de ses p rfections, de
sa bonté, de sa libéralité, de sa miséricor !e,
de sa justice, nous l'iit souvenir de nos de-
voirs envers lui et h l'égard de nos frères.
Défions-nous d'une m raie hypocrite qui
tend h nous détourne!' d' quelqu'iuie de
nos obligations , sous prétexte d'une p!us
grande iie.fi'Ction.
Saint Paul a dit (7 Tiin. iv, 8), que la pi<'té
a les promesses de la vie ;)résenle et do la
future : p.ir ce'les de la vie présente il n'en-
ten I certainement pas les grandeurs, les ri-
chesses el les autres biens de ce monde. Dieu
ne les a jamais prouds h]a piété: mais il a
promis de [JroiV'ger les lidèles, de pourvoir à
leurs besoins, de les soutenir et de 1 s con-
soler dans les peines de c 'tte vie. « Soyez
sans avarice, dit-il aux Héircux, c. xui,
V. 5, el contents de ce que vous possi'iez à
prési m ; car Dieu lui-même a dii : Je ne te
déliiissenti point ni ne t' abandonnerai jamnis.
Ainsi nous pouvons d:re avec assurance : Le
Seigneur est mon aide, je ne craindrai point
ce q .e riioiinue peut vue faire. » Le Sauveur
lui-mèmt! {Matth. vi, 2.5 et 3'i-j veut que ses
disciples n'attendent 'ie Dieu que sa protec-
tion et les choses nécessaires a la vie; il ne
leur promet rien au del.'i. Que l'on ne dise
donc plus que souvent les gens de bien sont
malheureux; le bonheur ne consiste point
dans la possession des honn(mrs , d. s ri-
chesses, ni dans la prospérité temporelle;
souvent ce prétendu bonheur est trompeur,
et n'est rien moins nue durable; il ne peut
satisfaire le cœur de Vhonune; mais un juste
est protégé de Dieu à proporùon du besoin
qu'il a de son secours ; sa coniiance en Dieu
et la paix intérieure dont il jouit, le conso-
lent dans les traverses qu'il éprouve; l'es-
pérance d'en être récompensé lui donne une
véritable joie; il dit avec saint Paul : Je res-
sens une joie surabondante dans toutes mes
trilmlations (// Cor. vu, 4); au lieu que l'on
ent(>nd dire aux prétendus heureux de ce
monde, je suis malheureux.
PIÉTISTES. On a donné ce nom à plu-
sieurs secies de dévots fanatiipies qui se
sont élevées parmi les protestants d'Alle-
magne, siirlout parmi les luthériens, pen-
dant le siècle dernier; il y en a aussi en
Suisse parmi les calvinistes. Quelques
hommes frappés de voir !a piété déchoir de
jour en joui-, et le vice faire des progrès
rapides parmi ceux qui se vantent d'avoir
réformé l'Eglise de Jesus-Ghrist, formèrent
le projet de remédier à ce malheur; ils prê-
chèrent et ils écrivirent contre le relâche-
ment des mœurs, ils 1' m;:u:ôrent. pri' ci;)a-
lement a.^ c.ergé protestant; ils firent des
disciples et formèrent îles assemhlées par-
ticulières. Ainsi en ag r nt Philippe-Jacqu 'S
Spéncr Ji Francfort, Scinvenfld d Jacques
Boiun eu Silésie, Théophile Broscldiandt et
Ilenii Mullrr en Saxe et en Prusse, Wigler
(Imiis le canton do Berne, etc. Le mô.iie mo-
tif a lait naître en Angleti-rre 1 ■■ secte d -s
(]uak .rs ou treadjleurs; celle des hernulos
ou frère^ moraves, et celle d'es méthodistes.
No s avons parlé de chacune en particulier.
Moslunm, qui a faitass ■/, au long l'Iii toire
des piétistr.i, eonvie.it qu'il y eut parmi les
partisans de cette niuv, die réforme plusieurs
fanatiques insensés, coudnits plutôt par une
luimeui- chagrir:e et caustiqu • que iiar un
vrai zèle ; q :e, par la chaleur et l'im; ru-
dence de leiu's iTocédés, ils excitèrent des
disfiutes violentes, des dissensions et des
haines miiluelles, et causèrent beaucoup de
scandale. Gc aveu nous donne lieu de faire
plusieurs réflexions qui ne sont pas favora-
bles au pro'esiant snie. — 1° Les re roches
que \eii piétistes ont faits contre le clergé lu-
th'rien, sont précisément les mômes que les
au eurs du luthéranisme avaient élevés dans
le siècb^ précédent contre les pasteurs de.
l'Eglise romaiiu! ; ils en ont censiué non-
seulement lesmn-urs et la cou iuite, mais la
doctrine, le culte extérieur et la discipline ;
I hi'<iears piétistes voulaient lout réformer et
tout ciianger, ou ils ont eu raison, ou Luther
et ses partisans oui eu tort. De là il résulte
déjà (jue la prétendue réfo me établie par
Lntlier elles autres n' i pas op^''ré des etf ts
fort salnlaires, pu sque des hommes dont
Mosh im loue d'ailleurs les mœurs, les ta-
lents et les intentions, en ont été fort mé-
contents, ei se sont crus obligés de faire
bande îi [)art pour trav.iiller sérieusement à
leur salut. — "2° Le résultat de l'une et de
l'aure de cesp étenau'S iéTormes a été pré-
cisément le môme; le faux zèle, l'numeur
caustiijue, le style em|)orté de plusieuis p/^-
tistes, ont fait naître des querelles théologi-
ques, des dissensions ; armi le^ pasteurs et
parmi les peuples; souvent il a iaduque les
in:gislr.ds et le gouvernement s'en mêlas-
sent pour arrêter les eil'eis du fanatisme.
Puisque la môme chose est arrivéeàla nais-
sance du protestantisiue, il s'ensuit que ses
fondateurs n'ont eu ni un zèle plus pui, ni
une conduite plus sage, ni des motifs plus
louables que les piétistes les i)lus emjiortés;
que les uns comme les autres ont été des
ianatiques insensés, et non des hommes sus-
cités de Dieu pour réformer l'Eglise. Mos-
heim parlant d'un piétiste fougueux, nommé
Dippélius, dit : « Si jamais les écrits infor-
mes, bizarres et satiriques de ce réformaleur
fanatique parviennent à la |>os érité, on sera
surpris que nos ancêtres aient et'' assez aveu-
g'es pour regarder comme un apôtre un
homme qui a eu l'audace de violer les priu-
cipes les [i!us essentiels de la religion et du
lion sens. >< N'avons-nous pas droit de dire
la même chose de Luther? — 3° Nous n'a-
vons pas tort de repro: her aux protest nts
qu'ils enseignent une doctiine scandaleuse
et pernicieuse aux mœurs, lorsqu'ils sou-
1495,
V
PIL
PIL
1490
tiennent que les bonnes œuvres ne sont pas
nécessaires au srjut, que la foi nous justifie
indépendamment des bonnes œuvres, puisque
plusieurs piétistes, quoique nés protestants,
en ont été révoltés aussi bien que nous, et
ont opiné k bannir ces maximes de la chaire
et de l'enseignement public. D'autres théo-
logiens ont pensé h peu près de môme. —
h° Comme il n'y a ni autorité ni règles pour
maintenir l'ordre et la décence dans les so-
ciétés de piétistes, et que chacun croit être
en droit d'y faire valoir ses visions, il est im-
possible que plusieurs ne donnent dans des
travers dont le ridicule retombe sur la socié-
té entière, avilit ce qu'il peut y avoir de bon
d'ailleurs, et no cause bientôt la dissolution
des membres dans un corps si mal construit.
Ainsi la piété ])eut prendre difficilement ra-
cine pirmi les protestants, elL' s'y trouve
trans, lantée comme dans une terre étran-
gère ; comment pourrait-elle se conserver
parmi des hommes qui ont retranché la plu-
part des pratiques capables de l'exciter et de
la nourrir? Mosheim, Hist. ccclés., vvii' siè-
cle, section 2, ii' part., c. 1, § 26 et suiv
PILATE ( actes de ). Saint Justin, dans sa
première apologie, n. 35, dit aux empereurs
et au sénat romain : « Que Jésus ait été cru-
cifié, et que l'on ait partagé ses habits, vous
pouvez l'apprendre par les actes di'cssés sous
Ponce-Pilate; n. h%, que leChrist aitopéré des
miracles, vous pouvez en être informés par
les actes dressés sous Ponce-Pilate. » Tertul-
lien, dans son Apologétique, c. 5, parle de
ces mêmes actes. « Un personnage, dit-il, ne
peut être dieu à Rome, s'il ne plaît au sénat...
Til)ère, sous le règne duquel le nom de chré-
tien est entré dans le monde, informé de la
Palestine môme des faits qui caractérisaient
un personnage divin, en lit le rapport au sé-
nat, et rap,)uya de son suffrage. Le sénat le
rejeta, parce qu'il n'avait pas vériûé lui-môme
la chose. Tibère demeura dans son sentiment
et menaça de punir ceuxqui accuseraient les
chrétiens. » Ch. 21, après avoir parlé des mi-
racles, de la mort, de la résurrection et de
l'a-cension de Jésus-Christ, il ajoute : « /*«-
late, partisan de Jésus-Christ dans sa con-
science, m inda les faits qui concernaient ce
personnage à l'empereur Tibère. Les césars
même auraient cru en Jésus-Christ, s'ils n'é-
taient pas nécessaires au siècle, ou si des
chrétiens pouvaient être césars. » Eusèbe,
Hist. ecclés., ]. Il, c. 2, conlirme l'existence
de la relation ùc Pilote, parle récit de Ter-
tullien; mais il ne dit pas qu'il l'a vue, non
plus que les deux témoins.
Plusieurs critiques protestants, après Ta-
negui Lefèvre, ont regardé ce fait comme fa-
buleux, en particulier Le Clerc, Hist. ecclés.,
an. 29, p. Slk. Ils disent, 1° qu'il n'est pas
croyable que Pilote, écrivant à l'empereur,
ait voulu faire l'éloge d'un homme qu'il ve-
nait de condamner à mort. 2° 11 l'est encore
moins que Tibère, prince sans religion, ait
voulu luire mettre Jésus-Christ au nombre
des dieux ; 3° il ne l'est pas que le sénat, as-
servi comme il Tétait aux caprices de Tibère,
ait osé rejeter une proposition appuyée de
son suffrage; k" Tibère haïssait les Juifs; il ne
lui est donc pas venu dans l'esprit de vou-.
loir faire ren Ire les honneurs divins h un
Juif. Enfin, sous Tibère, le nom de chrétien
ne p'Hit lias encore avoir été connu à Rome,
et il ne pouvait pas encore y avoir eu des
accus;;tions formées contre eux. Vingt au-
teurs ont copié ces objections, et les incré-
dules en ont conclu que saint Justin avait
forgé les actes de Pilote. Pour savoir si ces
arguments sont fort solides, il faut se sou-
venir que Tibère mourut l'an 37 de notre
ère, qu'i Pilote fut rappelé à Rome et en-
voyé en exil la même année, par conséquent
quatre ans après la mort de notre Sauveur.
Pendant cet intervalle, il fut témoin des
progrès que faisait l'Evangile, du nombre de
ceux qui se convertissaient, de l'inquiétude
que cela causait aux Juifs, du meurtre de
saint Elienne, etc. Il se peut très-bien faire
quo le bruit de ces mouvements ait pénétré
jusqu'à Rome, et que Pilote ait été obligé de
rendre compte k l'empereur de la conduite
qu'il avait tenue k l'égard de Jésus et de
ceux cjui croyaient en lui ; rien ne nous oblige
de sup[)Oser que sa relation fut envoyée
longtemps avant son rappel. Dans cette sup-
position, qui est très-probable, nous ne voyons
pas pourquoi Pilote aurait hésité de ra[)por^
ter ce que la renommée avait publié dans la
Judée, touchant les miracles et la résurrec-
tion de Jésus, et sur l'effet que ces faits pro-
duisaient. Ce n'est pas lui qui avait con-
damné Jésus k la mort, il n'avait fait que le
livrer k la fureur des Juifs, par la crainte
d'exciter une émotion populaire. En second
lieu, Tibère, quoique très-peu religieux, a
pu vouloir, par caprice ou par quelque autre
motif, feindre d'avoir de la religion pour ce
moment-là; puisqu'il haïssait les Juifs, il ne
pouvait les mortifier davantage qu'en faisant
rendre les honneurs divins k un personnage
qu'ils avaient fait crucifier, et qu'ils pour-
suivaient encore après sa mort, dans la per-
sonne de ceux qui croyaient en lui. Le sénat,
quoique asservi aux volontés de Tibère, a
pu lui re|)résenter des inconvénients et des
motifs de ne pas faire ce qu'il proposait.
L'on a tort de supposer que ce prince mit
beaucoup de chaleur et d'intérêt k faire
exécuter le projet qu'il avait formé. On sait
qu'il y avait une ancienne loi romaine
qui était aux empereurs le pouvoir de créer
de nouveaux dieux sans l'approbation du
sénat. Tertull., Apologét., c. 5.
Puisque les miracles, la mort et la résur-
rection de Jésus faisaient du bruit dans la
Judée, lui attiraient tous les jours de nou-
veaux sectateurs, donnaient de l'omlirage et
de l'inquiétude aux Juifs, il ne serait pas
fort étonnant que déjk sous Tibère ils eus-
sent poité k Rome des plaintes contre cette
nouvelle religion naissante, et contre ceux
qui l'embrassaient, et qu'en conséquence
Pilote eût été obligé d'en écrire à l'empe-
reur ; dans ce cas, il est vrai de dire que le
nom de chrétien était déjk connu k Rome,
et que les chrétiens y avaieit déjk des
accusateurs. Puisque les incréduM_; ne nous
im
PIS
PLA
1^93
opposent que des impossibilités prétendues,
il nous suHît do leur fiiire voir que ce qu'ils
iugDiit iiii|io.ssil)le ne Test pas. Quant à
raecusation formée contre saint Justin par
les incrédules, elle est nhsurtle, puisqu'elle
suppose qu'il a été iiii|)0sleur et Taussairo
sans moiif. Qu'avait-il besoin de citer une
relation ou des Actes de Pilatc, pour prouver
que Jésus avait fait des unracles, et qu'il
avait été crucillé ? C'étaient tles faits iiuhlics
el des(|ucls toute la Judée était en étal de
déposer. 11 était plus simple d'en appeler au
témoigi.atîe de toute une |)rovince qu'aux
Actes de Pilule, s'ils n'existaient pas. S'il y
a eu des critiques assez prévenus contre
le ténioignai^e des l'éres, pour traiter do
fable la relation de Pilate, il s'en est trouvé
aussi, même iiarmi les protestants, qui ont
vengé Jes Pè es, et qui ont fait voir qu'il n'y
a rien d'incroyable dans leur nai ration. Tels
sont Fabricius, Ho;sœus, Hâve. camps, Mos-
h('in\, Jnstit. Hist. christ., i" paît., c. 4,
§ 9. Mais, pour faire illusion, les incrédules
confondent les Actes dont parle saint Justin
avi'c de faux Actes de Pilate, (|ue les qiiar-
todéciaians forgèrent au n° siècle. Au iir,
les (laiens en composèrent d'autres, dans
les(jucls Jésus-Christ et les chrétiens étaient
repiésentés sous des traits odieux; l'empe-
reur Maxiujin les fit aflicher et répandre
dans tout l'empire : quelques auteurs ont
cru que les Actes de Pilate étaient l'Evangile
de Nicodème, etc. Que |)rouvent toutes ces
fausses pièces, postérieures à saint Justin,
contre le fait qu'il rapporte ? Loin de le dé-
truire, elles servent plutôt à le confirmer ;
c'est la notoriété de ce même fait qui a
donné lieu à des faussaires de forger de
faux actes au lieu de vrais.
Enfin, les actions de Jésus-Christ sont
assez prouvées d'ailleurs sans le témoignage
de Pilate ; on n'en a fait usage pour
appuyer aucun dogme ; mais saint Justin et
Tertidlien ont eu raison de les citer aux
emiiereurs et aux magistrats ; c'était pour
eux une pièce irrécusable, il y a une dis-
sertation sur ce sujet dans la Bible d'Avignon,
t. Xlll, p. 513.
PISCINE PUOBAÏIQUE, ou Piscine des
BKiims, réservoir d'eau placé dans le voisi-
nage du temple de Jérusalem, qui servait
probablement à laver les entrailles des victi-
mes. Saint Jean, c. v, v. 2, nous apprend
ciue de temps en temps un ange du Seigneur
(tesccndait dans cette piscine, en faisait
mouvoir l'eau, et que le premier malade
qui y était plongé après ce mouvement
eta t guéri, quelle que fût sa maladie, il
ajouta que Jésus-Christ ayant trouvé là un
homme paralytique depuis trente-huit ans,
le guv'rit d'une seule parole.
Cet évangéliste, dit un incrédule, est le
seul qui ait parlé de ce réservoir d'eau et de
sa VI rtu, c'est donc une fab'le ; le prétendu
))aralyt:que guéri par Jésus était sans doute
un mendiant valide qui, de concert avec
Jésus, feignit d'être guéri, après avoir feint
d'être malade.
Réponse. Quau I saint Jean serait le seul
qui eilt parlé de la piscine prohalique, cela
ne serait pas étonnant ; aucun ancien écri-
vain ne nous a donné une descriplion
exacte de 1 1 vdie de Jérusalem. Mais il est
très-probable que Josèphe a voulu désigner
cette piscine sous le nom de piscine de Sulo-
mon. Delà Guerre des Juifs, Uv. v, c. 13. Le
Père Hardouin pense que probatica piscina
signifie piscine dont les eaux vont dans une
auire; que celle-ci est la môme qu'lsaïe
appelle piscine supérieure, c. vu, v. 3 ;
c. xxxvi, V. 2, et qui avait été faite par
Ezéchias (/F /feg'. XX, 20). La piscine infé-
rieure était celle de Siloé, piscine qui vient
d'ailleurs [Joan. ix, 7). Quant à la vertu
miraculeuse de la première, si c'était une
fable, quelle raison pouvait avoirsaintJean de
l'inventer? Cette circonstance n'ajoutait rien
à la réalité ni à l'éclat du miracle opéré par
Jésus-Christ, il aurait décrédilé sa narration
dans l'esprit de tous ceux qui avaient connu
la ville de Jérusalem. 11 observe que lès
Juifs furent olfensés de ce qi:e Jésus-Christ
avait gu('ri le paralytiipie un jour de sabbat ;
s'ils avaient pu soupçonner qu'il y avait de
la collusion et de la fraude, ils en auraient
fait un bien plus grand crime au Sauveur.
Mais les incrédules se Uatlent de déiruire
tous les miracles de l'Evangile par une accu-
sation d'imposture inlentéc au hasard.
PITIE, conqiassion pour les malheureux,
inclination à les soulager. Un ancien poète
dit que la nature nous a rendus sociables
en nous donnant des larmes pour les maux
d'autrui, que c'est le i)lus exquis de nos
sentiments. Aussi l'Evangile est une leçon
continuelle de cette vertu : Jésus-Christ
exhorte sans cesse l'homme à compatir aux
afflictions de ses semblables, à les consoler,
à les secourir, et il a confirmé cette morale
par les exemples les plus touchants ; tous
ses miracles ont été destinés à soulager des
personnes souifrantes, et souvent la vue des
malheurs d'autrui lui a tiré des larmes. Mais
sur ce (loint la morale de plusieurs anciens
philosophes était inhumaine et scandaleuse:
noii-.veulement ils ne recommandaient pas
la /;//((■', mais ils la regardaient comme une
faiblesse. « Zenon, avec tout son esprit, dit
Lactance, et les stoïciens, ses sectateurs,
disent cjue le sage est inaccebsible à toute
aOeclion, qu'il ne fait grâce h aucune faute,
que la com|)assion est une marque de légè-
reté et de folie, qu'une ûiue forte ne se
laisse ni toucher ni fléchir. » Divin. Instit.,
1. VI, c. 10. Cicéron leur a fait le même
reproche, Orat. pro Murœna, et sain! Au-
gustin, de Morib. Eccles., 1. i, c. 27. La
plupart de nos épicuriens modernes sont très-
stoïciens sur ce point.
PLAIES DE L'EGYPTE. Ce sont ks
fléaux par lesquels Dieu, à la parole de
Moïse, punit le refus obstiné de Pharaon et
de ses sujets, qui ne voulaient \,as mettre
les Israélites en liberté. Ces plaies sont au
nombre do dix : la 1'" fut le changement des
eaux du Nil en sang ; la 2% fut la quantité
innombrable de grenouilles dont l'Egypte
fut remplie ; la 3% les moucherons qui tour-;
I49f PLA
méritèrent cruellement les hommes et les
bêtes ; la k', les mounhcs qui infestèrent
tout ce r(!.y.iume ; la 5% une peste subit<)
qui tua la plus grande pantin des animaux;
la 6', des ulcères pestilentiels qui attaquè-
rent les Egyptiens ; la 1% une grêle épou-
vantable qui ravagea les caïupa-jnes, exci'ptô
la terre de Gessen, habitée par les Israélites ;
la 8°, uue nue de sauterelles qu achevè-
rent de détruire les fruits de la terre ; la
9% les ténèlires épaisses qui couvrirent
l'Egypte peiidiint trois jours ; la 10° et la
piiis terrible fui la mort des premiers-nés
frappés par i'an^e exierminateur. Cc.tl ■ plaie
vainquit enlln la résistance d.vs Egyptiens
et de leur r^i ; ils laissèrent partir les Israé-
lites. Pour retenir plus aisément ces dis
plaies, on les a renfermées dans les cinq
vers suivants :
Prima rntieiis uiida esl, rananim pl:iga sei;imda;
iiiile culex leins, |)0^t iiuisoa nournliur isiis,
Quinta I eciis stravil, aiilhiaces spsU nri'avit,
Post sequiiur graiiiln, posl tiriii'lms iL'iiU! iipfatido,
Noua legii solrm, iniiiKiin uecal ulliina |iroleiii.
Une grande question entre les incrédules
et nous est de savoir si ces châti'Ments ont
été des fléaux miraculeux ou des événements
naturels dont Moïse sut profiter liabilem'Uit
pour venir à ses fins ; quelques-uns l'ont
prétendu. Nous soutenons au contraire que
ce furent des fléaux miraculeux ; déjà nous
l'avons fait voir ailleurs, en comparant les
opérations de i:oïse avec celles des magi-
ciens d'Egypte : Voy. Magie, § 2 ; mais il y
a encore li'autrcs preuves. 1° Ciiacun de ces
événements consid'ré en particulier, sans
faire attention aux circonstances, à la ma-
nière dont ils ont été produits, à la lin à la-
quelle ils étaient destinés, etc., pourrait peut-
être sembler naiurel ; une nuée d'- mouches
ou de sauterelles, un orage violent et inipré-
vu, une contagion sur le bétail ou sur les
hommes , ne sont pas des miracles ; mais
rapprochons ces faits de leurs circonstances,
tout change de face. En cifet, qu'un ou <ieux
de (es fléaux fussent anivés en Egypte pres-
que en même tem-is, cela ne prouverait rien;
mais que tant de malheurs divers, qui n'ont
ensemble aucune connexion, se soient ras-
semblés sur ce royaume dans l'espace d'un
mois onde six semaines, il n'y en a point
eu d'exemple dans le reste de l'univers ;
cela n'est point selon l'ordre de la nature, —
%" Tous ces fléaux ont été prédits d'avance ;
ils soni arrivés |iréciséme::t au jour et à
l'heure |jour lesquels Moiscles avait annon-
cés ; il les produisait en élevant sa baguette ;
il les faisait cesser par ses prières; il les faisait
durer à volonté. 11 exerçait donc un pouvoir
absolu sur la nature, sans employer aucune
cause physique. — i° Les Israélites étaient
exempis desp/a«Mdont les Egyi)tiens étaient
frappés, aucune ne se fit sentir dans la par-
tie di.' j'Egy|ito habitée par les premiers :
cette exception n'est point naturelle. — k'
Ces événements avaient été prédits, du moins
eii gros, à Abraham , 430 ans auparavant ;
Dieu lui avait dit : J'exercerai mes jiigtmi'nts
sur h peuple qui retiendra vos descendants
PLA
ISOO
caplifa . ils sortiront du lieu de leur exil
combles derichesses(Gen. c. xiv, ik). Jacob et
Joseph en mourant avaient promis a ces
mêmes descendants que Dieu les visiterait
et les tirer lit de l'Egypt;' ; les Hé'breux s'y
attendiient ; aux premiers miracles que Moise
fit en leur présence, ils reconnurent (pie le
moment de leur délivrance était arrivé {Ëxod,
IV, .31). La suite des événements démontre
donc que les pro liges opérés par Moïse ne
sont l'elfet ni du hasard nide l'imlustrivi hu-
maine, mais d'un' dessein prémé iité, kuivi
et iiaiurel de la Providence.
Des miracles isolés , qui ne tiennent à
rien, des lueis on ne voit ni le but ni la né-
cessité, peuvent iiarnîtro suspects : ceux de
Moise sont le fondement de la religion et de
la législation jui.e, et sans ce secours ce
grana ouu-age étjit impossiblo. Moïse n'o-
père pas des [)rod'ges pour fiiire ostentation
de son pou.oir, comme font les imposteurs,
mais pour rassembler les Israélites en i.'orps
de nation, pour L'S ren ire soumis ii Dieu et
aux lois. Cette révolution a])réparéles voies
à une autre plus importante, à la mission
deJésusC ;rist, et à l'éîablisseraent du chris-
tianisme. Ce plan de Providence, conçu dès
le commencement du monde, embrasse toute
la durée des siècles, et nous le voyons ae-
coin,ili. S'il y a Uii cas où les miracles soent
utiles, nécessaires, conformes à la sagesse
et à la bonté divine, c'est cei tainement celui-
là. On nous dit ijue les H.breux, peuple
ignorant et grossii^r, ont ais.^ment pris pour
dus miracles les événements les plusnaturels,
que la vanité nationale a suiiî pourlcir per-
suader que Dieu les avait toujours favorisés
par des prodiges ; Moïse ne risquait donc
rien en accumulant les miracles dans son
histoire. Mal'ieureusement pour les incré-
dules, ilsfontdeuxoUjectionscontradictoires;
ils disent d'un côté que Moïse a pu fort aisé-
ment faire croire aux Israélites tout ce qu'il
a voulu ; de l'autre, ils nous allèguent les
murmures, les révoltes, les séditions fré-
quentes auxquelles ils se sont livrés contre
Moïse. Ces révoltes prouvent-elles que c'était
un peuple fort docile ? Cependant Moïse les a
forcés de pher sous ses lois, ou [ilutôt sous
les lois que Dieu lui-môme leur imposait :
par quel moyen, sinon par des miracles ?
Moïse n'est pas le seul qui les rapporte ;
nous avons vu ailleurs que les auteurs pro-
fanes, égyptiens, phéniciens, grecs et ro-
mains, ont supposé que Mo se avait iait dos
mii-acles en Egy|)te, puisqu'ils l'ont regardé
co ;:me un magicien fameux; voy. ftsoïSE,
§ 1 ; s'il n'y en a pas lait, jiar quel moyen a-i-il
tiré son peuple de l'Egypte et l'a-t-il fait sui)-
sister pendant quarante ans dans le désert ?
Voilà des dilficultés auxquelles les incrédules
n'ontjamais satisfait (Ij.
(I) Pharaon s'obstinait à conserver les kraélilcs
sous le joug de la servitude. Pour vaincre son obsti-
nation, le Seigneur frappa son peuple de coups si
terribles, qu'après plus de trente siècles, notre es-
prit est encore épouvanté du récit de ces grands
l!é:iiix. L'hi:,tuire en csi trop couiiue pour avoir be-
soin de la retracer ici. Continuant notre rôle de dé-
1501 PL A
PLAISIR. Cfi tormo n"a pas besoin d'expli-
cation, il n'osi personne qui n'en comprenne
le sens par expérience. Un des reproches les
fenseiirs des saints livres, nous nous occnperons seii-
ïciuent (les didiculK^s <]ue. les pl.iies (i'Egypt>' soulè-
vonl. Les iiiios proviciincntilii ivcil luciiie de Moïse;
les ;(iilrt's, (le l'Iiisteiio pi'(>r:iiu;. On (iciniinde, 1°
coiiimciil evpli'|i?ci- les iniispi-iiicipah's dillicidlcsqiic
|)i(!seiue le liiit des plaies dlCgypIe, savoir : l'eiuliir-
cissenieii! de Pliaraoïi, les piodiges de ses magiciens
et les appareilles conhadietioiis <!e Moïse {F.xod. vn,
19, 20, 22, et i\, fl, 0). 2° Comineiu concilier avec
CCS (léaiix et les dcisaslres de la mer Uoiige, la puis-
sance et les conqiii'ies de Séso-(ri^, dont le ivgiie
commence 22 ans api es la sortie d'Egypte ?
I. Ce ipii livppe le plus dans les plaies d'Egypte
c'est peut-(^'li(' iiKiins ce ([n'elles ont de prodigieux
que rélonnaiite opiniàlrelt' (h; Pharaon. Coniincni un
roi, pour conserver un pciiplo indocile et avili par
l'e-iclavage, piil-il consentir a viiir ses sujets et ses
Etats accaliU's par une siiccessimi de nniiix tels (pie
la lamentable hisloiie de< calamild's luimaines n'en
pri'soiiie pas de scmlilablir? Dien se serait-il plu,
comme le dit l'Eer.liire, ;i emlnrcir le cœur de Pha-
raon pour le prnir cnsniie plus si'V()reinenl? Loin de
nous une si criminelle peiis(;e. Dieu permet qiiehpie-
fois à l'esprit cl au co'iirde rhumnie de suivre leurs
peiK'liants mauvais jnsipie dans leurs dcrnii'res li-
mites; ei picrce ipie l'aliinie (pi'ils creusent est si
profond qn'd semide surpasser les forces de l'Iionimc,
Dieu paraît s'allrilmcr à liii-nriiie une si grande inl-
qui(('. Mais un peu d'atlcntion, riiabitiide de lire l'E-
criture sainte, l'explicaliiiii d'une page par une autre,
persuadent hieni(Jt (pie nos livres saciés ne se ser-
vent d'expiessions aussi Ijardies, (lu'aiin de pcMiidre
fortement ce qui ne pouvait se rendre avec (les cou-
leurs ordinaires, (les rélle\ions expliquent sullisam-
ineiit le sens de ces paroles : linlnrnbo cor Plia-
raoïijs. Et sans recourir 'i une intervention spt-cialedo
la Diviiiitc', croit on qu'il serait iiiipo-.-ible de rendre
raison de reii(lurci>senient de Pharaon? Niii, l'im-
possibililé n'existe point ; car la page de l'histoire
saillie que nous soimues appelés à x-cnger dos alta-
qiics des enne'iils de noire foi, no. .s donne le secret
d'une telle opiniàiietii. Elle nous inonire les passions
les plus forles poussant Pharaon dans la vole qu'il a
suivie. Lintt'n;!, l'orgueil, la sniierslilion, s ;ut de
puissants mobiles : ils agi-saiem sur reprit de Pha-
raon. Les ld(;es ipic nous nous sommes failes des de-
voirs de la royaiili! ne lui inipiiscnl-elles pas la nii-
cessitc de snpporler de giamles calamités piuir coii-
sc!rver sons sa do".iiiialion 2,000,000 de cilovens?
C'est là pivcisémenl le nombre des Israélites (jui de-
vaient ipilller la terre d'Egypte. Esclaves, ils élaient
une des principilcs richesses du roi; ils servaient à
élever ces momiii.ents destinés à perpétuer pen tant
tant de siècles, le ndin des Pharaons. C'est ainsi que
les deux passions les plus forics, l'orgueil eirinlérèl,
agissaient sur le grand roi ù'Egypie. I^a superstition
le soutenait contre les mirai les ël contre les prophé-
ties de Moise. S'il élail étonné des prodiges de l'en-
voyé de Dieu, il voyait à côlé C(!ux de ses magiciens
qui le rassnraienl. Si ceux-là étaient plus éclatants,
il les attribuait à une plus grande connaissance de la
magie.
ÎS'tius savons que les prodiges des magiciens de
Pharaon (si propres à le coidirmer dai.s son endur-
cissement) onl éli' contestes par les incrédules. On
iious demande s'il est possible de croire que des
iiiiuimes aient changé des baguettes en serpents, de
i'!':m en sang, cniédes grenouilles, etc. ? Ces œuvres
'urpassent si fort la puissance d'une créature, qtie
leur realilc ne peut être admise que par la crédulité
laplus stupide. Nous savons que quelques conimenta-
leuis ont pen^é (p.e les yeux des sp claie a.s avaient
clé fascinés (S. Jeroin., S. .\ug., etc.). Nous n'igno-
FLA 1502
pi lis ordinaires que font les ennemis du cliiis-
ti.inisine, c'est que rKvanj^ile no (U'fend pas
scu.eincul l'excès dans les plaisirs, mais qu'il
rons pas que quelques autres ont ajouté que les ma-
giciens de Pharaon étaient d'habiles prestidigilaleurs,
qu'ils liront alors ce que nous voyons faire Ions les
jours sur nos pla((\s pulili'pies, au grand éldiineuicnt
delà miillilude; qu'ils subsiitu 'rent avec habdclé à
leurs bagnelles des serp'^its énervés (n), qu'ils tirent
paraitie des grenouilles où il n'y en avait pas, qu'ils
mêlèrent liab lemeiit des couleurs à l'eau préparée
dans un vase. Ces iiilerpriitatiiuis ne sont pas dénuées
de foudeuienl; elles sont admises par des liomnies
graves; cependant elles nous semblent f.iiisscr le sens
(lu lexte sacré. Et pniinpioi avoir licnle d'avouer
avec le cimimun des docteurs qu'il y avait inlerven-
li(ui :lu démon ? L'existence des esprits mauvais, leur
puissance snihum.'iine, leur inlbience maligne sur les
actions des lio:^)nies, sont trop manifestement écrites
dans la doctrine cliretienne, dan* la croyance de tous
les peuples, dans l'histoin^ des iialions, pouc avoir
boule de recoiiuailre leur action dans les actes ou
elle est évidemment empreinte. Ainsi se justifie aisé-
ment le rccit de Moïse des aita(ptes ipi'on a voulu
lui livrer sous le ra|ipori des pro dges des magiciens.
Pciii-il se justifier du reproche d ' contradiction ?
Nous lisons au cliap. vu de l'Exode, (pic le Sei-
gneur dit à Moise : Eleiidez lu muin sur toutes les
etiuxdà r Egypte, sur les fleuves, sur les foutaim's, sur
hs lues, sur tes marnis; que toutes les eaux se elian-
gent eu siiug ; que celles qu'on qurde dans des vases de
bois et de pierre devienncul du sang. Moise exécnle
cet ordre; il s'ac(M)ni[dit. Celle plaie époiivaiuable
dura sept jours. Les luagicien'^ fiieut si bien, qu'ils
réussirent aussi à changer de l'eau en sang. Si toutes
les caî;x avaient été changées en sang pa.r Moise, où
en liouvèrent-ils pour opérer leur maléfice? Où les
Egyptiens en puiser, nt ils pour abreuver leurs trou-
peaux? L'Ecrilure s'est chargée de répondre à cette
question. Elle no 's apprend ipie la terre de (jcssea
fut pri'servi'e de ce llean ; elle nous montre les mal-
heureux enfants de l'Egypie creusant des pui;s d'es-
pico en e-pace, à qiiel(|ne dislance du fleuve, afin
que i'eau, se iiitianl et se purifiant dans la terre, de-
vint au moins potable, et (|u'ou put en boire sans
danger.
Moïse paraît devant Pbaraon et lui dit : Si vous
retenez, plus longtemps les enfants d'I.^racl, j'étendrai
ma main sur vos campagnes, je commanderai à la
peste et elle in'obéira, et elle enlèvera vos clieva'.ix,
vos ânes, vos bieufs et vos nionlons. Le leudeiuain,
ces menaces lurent changées en événenieiits. Toutes
les beies de charge et les troupeaux des Egyptiens
périrent par la peste. El voilà que de nouveaux trou-
peaux apparaissent sur la terre d'Egypte pour être
frappés !iar de nouveaux ileaux. Nous les voyons
couverls d'ulcères, frappés par la grêle, exiermincs
par 1 ange, la c..v;derie est engloutie sons les Ilots de
la mer Uonge. Conimcnt concilier ces plaies avec
cède de la peste ? La (iiilicullé icpose sur les mois
tous les animaux employés pour exprimer les ravages
caiisispirla peste. Mais personne n'ignore ([ue le
mot tout signifie souvent un grand no'sibre, on q lel-
ques individus de toutes les espèces. Nous pourrions
en donner la preuve par une muliitutle de citations
tirées de lonles les langues. Contentons-nous d'indi-
quer quelques passages de l'Ecriture où cette expres-
sion est évidemment prise dans ce sens {Soph. ii,
H ; Act. X, 12, etc.). On nedouierapas que l'expres-
sion (ie Moïse doive recevoir ^ette acception, si l'on
considère (pi'une aussi haute intelligence ne peut être
soupçonnée de contradiction dans la même page de
ses écrits.
II. Elle dut être bien malheureuse la position de
( l.'oi saii qu'oïl éii(!r\o les sorpeiiis avec cerlalnes
diogues, tilin qu'il» ae puissent nuire.
1505 PLA
nous interdit toute espèce de plaisir quel-
conque. C'est une fausseté ot uu abus gros-
si r des tenues. En effet, tout ce qui estcon-
foriiic à nos besoins, à notre goût, à notre
incliiialiou, est un plaisir pour nous ; ce qui
est un plaisir pour tel homme, serait un
ennui mortel eluu tourment pour un autre.
En vain proposere/:-vous à un homme sensé,
laborieux, oei;upé de choses utiles, les plaisirs
bruyants, dispendieux et dangereux que les
riclies oisifs trouvent nécessaires pour be.cer
leur ennui ; ils lui paraissent non-seulement
inspides, mais fatigants et dégoûtants ;il les
fuit au lieu de les rechercher, il en goûte de
plus purs dans l'exercice de ses talents. Une
Ame vertueuse trouve dans la pratique des
bonnes œuvres une satisfaction délicieuse que
'les mondains ne connaissent point ; saint Paul
nomme ce plaisir, la joie et lapaix clans IcSaint-
Esprit, lu paix de Dieu qui surpasse toute
intelligence et tout sentiment. L'Evangile, loin
de nous interdire ce plaisir , nous exhorte
h nous le procurer souvent. 11 ne nous dé-
fend pas non plus les délassements innocents,
Jésus-Christ lui-même ne s'y est point re-
fusé : il voulut bien assister aux noces de
Cana, à la table de Simon le Pharisien , aux
repas que lui donnait Lazaie, son ami ; il se
laissa [larfumer par la pécheiesse de Naïm et
par Mario, sœur de Lazare ; il se i)romenait
avec ses disciples, il conversait cordialement
avec eux. Les pliarisiens, censeurs austères
et hy])ocrites, lui tirent un crime de ces
plaisirs honnêtes , qui étaient toujours pour
le Sauveur une occasion d'instruire et de
faire du bien ; il méprisa leurs reproches.
Quant aux plaisirs mondains et dangereux
puurles mœurs, tels que le jeu, les spectacles,
le bal, les assemblées nocturnes, les repas
som|)tueux, l'étalage du luxe dans les fêtes,
nous soutenons que l'Evangiie les a défen-
dus avec raison ; 1° parce que chez les jjaiens
tous ces plaisirs étaient très-licencieux ,
presque toujours infictés d'ido.ûtrie, et un
foyer d'impudicité ; il n'était pas possible
d'y prendre part sans être vicieux. 2° Pour
modérer un penchant aussi impétueux et aussi
TEgypic après la sortie des Hébreux. Ses campagnes
étaient ravagées, ses animaux détiuils, les premiers-
nés de ses eiilaiils mis à mort, son armée engloutie
sous les (lots. Jamais tant de maux n'accablèrent à
la fois une seule nation ; et cependant nous la voyons
se relever connue par encliantement d'une si profon-
de misère. Des historiens placent à quelques armées
de cette grande catastrophe le règne d'un monarque
(pli éleva la puissance de l'Egypte a son apogée.
Vingt- deux ajis après commença le grand règne de
bèsostiis. Comment, dans uu si court espace de
temps, concilier tant de grandeur avec tant d'abais-
sement? Quoique nous puissions contredire la date
du règne de Sèsoslris, nonobstant les découvertes des
Chanjpollion, nous l'acceptons telle qu'elle nous est
présentée. Voyons si alors ta conciliation est possible
entre deux étals si dillèrents. Nous observerons d'a-
b(ud que rien ne prouve que toutes les provinces de
l'Egypte furent également atteintes par les fléaux. La
haute Egypte put être épargnée aussi bien (|ue la
terre de Ge.'.seu. .Mais donnons aux plaies toute l'é-
tendue qu'on leur suppose; croit-on que 22 ans ne
purent suflirc poui' relever de sim abaissement un
pays Ici que l'Egypte? Il était le plus beau de l'uui-
PLA
ia04
aveugle que l'amour du plaisir, il faut des
maximes rigoureuses, la plupart deshomines
n'en rabattront toujours que trop ; tel est le
principe sur lequel les philosophes mômes
ont dirigé leur morale ; celle des stoïciens
était |)0ur le moins aussi austère que celle
de l'Evangile. 3° Jésus-Christ a paru dans
un siècle dtissi voluptueux et aussi corrompu
que le nôtre ; le sadducéisme chez les Juifs,
l'épicuréisme chez les païens, étaient la phi-
loso hie régnante ; pour décréditer cette
doc'rine pernicieuse qui nourrissait la volup-
té, en feignant de la modérer, il fallait poser
des maximes directement contraires, et cou-
per le mal à la racine, k" Dans des circon-
stances où les chrétiens étaient exposés ious
les jours au martyre, il fallait les y préparer
par un stoïcisme habituel ; ce n'était pas là
le moment d'enseigner une morale indul-
gente. Aussi TertuUien, fàclié contre ceux
qui ne voulaient pas renoncer aux spectacles
du paganisme , leur liemandait si c'est au
théâtre que l'on fait l'apprentiss^ige du mar-
tyre. Puisque le danger de l'épicuréisme so
renouvelle dans tous les siècles, une morale
austère est la seule qui convienne fi tous les
temps ; il se trouvera toujours assez de volup-
tueux prêts àla contredire, et de philosophes
accommodants disposés à la mitiger. Voy.
Mortification.
PLATONISME, doctrine et système philo-
so])liique de Platon. Ce ne devrait [loint être
îi nous de di'veloppercesystème ctd'ex[)Oser
les sentiments de ce philosophe ; mais nous
avons h just tierlesPèresde l'Eglise, accusés
di} platonisme par les sociniens et par leurs
adhérents. Comme ces derniersauraient voulu
persuader que les dogmes de la sainte Trini-
té, de l'Incarnation, de la divinité de Jésus-
Christ, sont des opinions purement humaines,
inventées depuis les aiwtres, ils ont ditq.ie
c'a été l'ouvrage des Pères du ii' et du iii°
siècle, entêtés de la doctrine de Platon. Ce
philosophe, disent-ils, a forgé en Dieu une
espèce de Trinité, il a personnifié la raison
divine qu'il appelle >6yof, verbe ou parole ;
il donne à Dieu le nom de Père, il suppose
vers, le plus abondant par la nature du sol, le
mieux cultivé. On sait commeiU elle a fleuri sous
le roi Amasis après le règne malheureux d'Apriès
et de l'haiaon Epha. Eu parcourant les annales
des nations, est-il si rare de trouver des révo-
lutions subites dans la fortune d'uji peuple? Pour
ne parler que d'événements dont nous avons élé les
témoins, notre France ne nous en oll're-t-elle pas uu
exenqile frappant? Qui pourrait conqiler les milliers
de victimes écrasées sous le char révoluliouuairej la
nmltiuide de nos soldats enlevés par le fer des en-
nemis? Qui pouriait calculer les maux que causèrent
il la France l'iiiTasion euangere, l'épidémie (pi'elle
traîna il sa suite, et la famine qui suivit de si près?
En moins <le quinze ans loutes ses plaies sont cica-
trisées, la France reprend son rang dans la grande
famille européenne. Et l'Egypte, en 22 ans, u'aur.iit
pu réparer les désastres et préparer les uierveilles du
règne de Sésostris'' Avouons-le : soit qu'on cnviNage
le fond même du récit de Moise touchant les plaies
d'Egypie, soit qu'on le considère dans ses rapports
avec t'nibtoire profane, de loutes parts il est hors il'ul-
teinte.
4S05 PLA
quo l'esprit de Dieu est répandu dans toute
la nature. Les Pères de l'Eglise, tous plato-
niciens et imbus de ces notions, les ont
appliquées à ce qui est dit dans IKvangilo,
du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et du
Vcrhi' qui estappeléZ>«c«;coux qui s'assemblè-
rent à Nicée, l'an 325, consacrèrent ces mêmes
idées en condamnant Ariu-; : ainsi se sont for-
mésles mystères du ciiristianisme auxquels
Jésus-Christ ni 1 s apôlres n'ont jamais pensé.
Ce système, ouplulût CL>rève dessociniens,
a été soutenu dans un livre intitulé le Plato-
nisme dévoilé ; il a été embrassé par le Clerc,
dans son Art critique, ii" j)arl., sect. 2, n. 11;
dans les prolégomènes dcsonHistoirc cédés.,
sect. 2, c. 2, et dans le X' tome de sa Biblio-
thèque universelle. Pour l'établir, il a prodigué
l'érudition, les conjectures, les soplnsmes, et
il s'est applaudi plus d'inic l'ois dece travail.
Le P. Baltus, jésuite, l'a réfuté dans sa
Défense des saints Pères accusés de platonisme,
publiée en 1711. Heausobie , Jurien et d'au-
tres protestants ont formé la même accusa-
tion de platonisnw coutie lesanciens docteurs
de l'Eglise; Hrucker, {\;\ns son Histoire criti-
que de la Pliilosopitie, t.L p. 657, et .Mosheim,
dans plusieurs ouvrages , l'ont renouvelée ;
elle est devenue une espèce de dogme parmi
les protestants , et les incrédules en ont fait
un de leurs articles de foi. Pour savoir ;i quoi
nous en tenir sur cette question, nous exa-
minerons, 1" quel a été le sentira^ nt de Pla-
ton sur la nature divine et sur l'origine des
choses ; 2° si le P. Baltus a réussi ou non
cV juslilier les Pères contre l'accusation de
platonisme ; 3" si les protestants, et surtout
Mosheim, sont venus à bout de le réfuter ;
4° s'il est vrai que le nouveau w/o<oH/«we des
éclectiques a causé dans l'Eglise autant de
troubles que ce dernier le prétend.
I. Quelle a été l'opinion de Platon, tou-
chant la nature divine et la formation du
monde? Les critiques anciens et modernes,
qui ont le plusétiuUé la doctrine d' cephilo-
sophe, conviennent qu'il est dil'licile de dé-
couvrir ses véritables sentiments au milieu
des ténèbres ilont il semble avoir all'ecté de
s'envelopper; de là leurs contradictions fré-
quentes sur ce sujet. Après avoir lu tout ce
que Brucker en dit dans son Hist. critique
(le la Pliilosophie, on n'en sait pas plus qu'a-
près avoir consuhé Platon lui-môme. C'est
surtout dans le Tiinée et dans le su[)plément
à ce dialogue qu'il a parlé de Dieu et du
monde : voici à peu près tout ce que l'on en
peut tirer. — 1" 11 admet un Dieu éternel,
intelligent, actif et puissant, bon et bienfait
saut par nature, qui est l'auteur du monde,
et qui l'a fait le mieux qu'il a été possible.
Nous laissons disputer les critiques pour
savoir si Platon a conçu Dieu comme un être
purement spirituel ou comme ui. esprit mé-
langé do matière; si, selon lui. Dieu a for-
mé le monde de toute éternité ou avec le
temps; cette contestation nous paraît consis-
ter dans les mots plutôt que dansleschoses.
— 2' 11 sujipose une matière éternelle comme
Dieu, douée d'un mouvement confus et dé-
réglé, et que Dieu a mise eu ordre pourfabrir
PLA
loOG
quer le monde; conséquemment il n'admet
point de création, quoi([ue ()lnsieuis de ses
disciples aient soutenu qu'il attribuait à
Dieu le ])ouvoir créateur. ^ 3° 11 a[i|(elle
logos, verbe ou parole, l'intelligence, la rai-
son, la connaissance avec laquelle Dieu a
fait son ouvrage; mais il ne regarde |)oint
cette parole mentale conune im être subsis-
tant, connue une persoime; il n'y a rien dans
ses ouvrages qui prouve qu'il en a eu cette
notion; les sociniens en imposent quand ils
disent le contraire. — V 11 prétend qu'en
formant le monde. Dieu a suivi un modèle,
un jilan, une idée archétype (pnluire])résen-
tait les qualités, les proportions, les perfec-
tions qu il a mises dans son ouvrage et dans
chacune de ses parties. 11 a conçu le mudèle
commcun être subsislant, éternel, immuab!o,
il l'appelie nn animal ou un être animé éter-
nel, scmpiternum animal ; il dit que Dieu y
a rentlu le monde conforme, autant qu'il a
pu. Telles sont ces idées éternelles de Pla-
ton, desquelles on a tant parlé ; il concevait
Dieu agissant à la manière d'un homme;
mais il n'a jamais confondu ce modèle avec
le logos. — 5' 11 nomme Dieu le Père du
monde, elle monde le Fils unique ou pUd'it
l'ouvrage unique, le Dieu engendré, l'image du
Dieu intelligible, mais il n'a jamais donné ces
noms ni au logos ni au modèle archétype
du monde. Kemarque essentielle quo la
plupart des commentateurs do Pliton n'ont
|)as faite ; ils ont confondu le logos avec co
modèle, quoique Platon les distingue très-
clairement. Ils en ont conclu que ce philo-
sophe regardait le logos comme une person-
ne ; qu'il rai)pelait Dieu el Fils de Dieu:
double erreur (lui n'a aucun fondement dans
les écrits de Platon, et de laquelle les soci-
niens abusent de mauvaise foi. — C llsu[)-
pose que Dieu a donné au monde uneàme,
et qu'il l'a placée dans le milieu de l'univers;
consé((iiemment il appelle le monde un
animal intelligent ou un ét.'e animé, doué (ie
connaissance, mais il ne dit jias précisément
où Dieu a i)ris cette âme, si elle est sortie de
lui par émanation, ou s'il l'a tirée du sein de
la matière : il y a dans le l'imée des expri'S-
sions qui lavorisent l'un et l'autre de ces
deux sentiments ; mais il n'est pas vrai que
dans aucun endroit il ait nommé cette ame
VFsprit de Dieu, il l'envisageait au contraire
comme une substance mélangée d'esprit
i et lie matière. .\près avoir disiingué la
I substance indivisible et immuable d'avec
'celle t[ui se divise et change , il ditquô
' Dieu a fait par un mélange une trfiisiènie
nature, qui est moyenne entre les deux, et
qui pirticipe à la nature de l'une et de l'autre.
— 7" En elfet, il faut qu'd l'ait rej,ardée com-
me une substance divisible, puisqu'il prétend
que les astres et tous les globes , sans en
excepter la terre, sont autant d'êtres animés,
vivants et intelligents, dont les;'.mes sont des
parties détachées de la grande ;\me du monde.
Conséquement il api)elle tous ces grands
corps tes animaux divins, les dieux célestes,
les'dieux visibles; il dit que la terre est le
premier et le plus ancim des dieux qui sont
1S07
PLà
dans l'enceinte du ciel, que Dieu est l'artisan
et le père de tous ces dieux. — 8° Ces dieux
visiiiles, dit-il, eu ont eugenJré d'autres qui
sont invisibles, mais qui peuvent se faire voir
quand il leur plaît; ces derniers, phts/cwnes
que les [)reaners, soni la troupe îles déuions
eu d -s génies que les peuples a loraient sous
les noms de Saturne, de Juplt- r, de Vénus,
etc. Quoique nous ne puissions, continue-
t-il, ni concevoir ni expliquer leur n;iissanee,
et quoiqu ce que l'on en rap.uorte no soit
fondé sur aucune raison certaine ni probaijle,
il faut cependant en croire les auciens (]ui
se sont dits enfants des dieux, et qui devaient
connaître leurs parents, et nous devons y
ajouter foi, selon les lois. Ainsi, par respect
pour les lois, Platon donne la sanction à la
théogonie d'Hésiode et des autres mytholo-
gues, quoique dans d'autres endroits il fisse
profession do méitriser les fables. — 9" C'est
a ces dieux de nouvelle date, que Dieu, pt-re
de l'univers, a donné la commission de fa-
briquer les hommes et les animaux. Platon
rapporte gravement le discours que Dieu
leur adresse à ce sujet, et remi)ereur Julien
l'a répété comme un oiacle ; mais ces ou-
vriers étant mcapables de forger des âmes.
Dieu a i)ris le soin de leur en fournir, en
détachant des parcelles de l'àme des astres,
6t de là sont ven.ies les cimes des hommes
et des animaux. Néanmoins dans un endroit
du Timée, Platon dit (jne Dieu, pour former
les âmes h juiaiiies, a pétri les restes de la
grandeâme du monde, dansle môme vase dans
lequel il avaitformécelle-ci. C'est une allégo-
rie, disent ses commentateurs ; il ne faut pas
la prendre à l;i lettre : nous y consentons.
il se' ait inutile 'le pousser jilus loni le dé-
tail des visions de Platon; ce qu'il ajoute sur
la préexistence des âmes humaines, sur leur
fransmigiation après la mort des corps, sur
le sort éternel des justes et des méchants,
est aussi absurde que tout ce qui a précédé.
Ce n'est pas sans raison qu'en commençant
son dialogue, Platon avait exhorté ses .ludi-
teurs à invoquer avec lui l'existence divine,
afin de [louvoir parler de Dieu et du inonde,
et à se souvenir qu'il ne lui était pas possi-
ble d'en rien dire de plus certain que ce
qu'en avaient débité les autres [)hilosoi)lies.
Cet aveu modeste est remarquable, mais le
succès de son travail prouve que sa prière
ne fut pas ex.iucée. Nous ne serons donc fias
surp is de voir les Pères de l'Eglise mépriser
et tourner en ridicule les rêves de ce grand
génie, que Cicéron n'hésitait pas d'apjieler
le dieu des philosophes. Mais nous ne j)0u-
vons as>ez nous étonner de l'obstiuatiou des
sociniens et des protestants h soutenir que
les Pères de l'Eglise ont puisé dans ce chaos
les notions quils ont eues du Verbe div.n
et des trois Personnes de la sainte Trinité.
On n'a q.'à jeter un moment les yeux sur
nos Evangiles, sur ce que saint Jean dans
son premier cliaj)itre, et saint Paul dans ses
lettres, ont enseigné touchant ce mystère ;
on verra si les Pères, après avoir reçu ces
divines leçons, ont encore pu être tentés
de conserver aucun reste de vlatonisme; mais
PÏk 1S03
nous allons apporter aes preuves positives
du contraire.
II. La défense des saints Pères accusés de
platonisme, composée par le P. Bnltus, est-
elle solide ou insuffisante? On conçoit que
cet ouvra,j,cne pouvait être ap[)rouvé par les
protestants, ennemis déclarés des Pères; il
est écri , dit Mosh-im, avec plus d'érudition
que d'exactitude. H fallait donc montrer en
quoi l'auteur n'a pas été exact. Nous soute-
nons qu'il l'a été plus que ses advrrsaires ;
ceux-ci n'ont allégué que des con ectures,
et il leur oppose des prfuves positives : les
voici en abrégé. — 1° Les Pères, loin d'avoir
et' prévenus en faveur de la (ihilosojdiie
paiemie en général, l'ont regirdée connue
fausse et trompeuse, parce qu'elle a é'é le
fondement du polythéisme et de l'idolutrie,
et (|ue les philosophes, au lieu de corriger
les hommes de cette erreur, ont tr.ivailié à
la perpétuer; nous venons de voir que c'a
été le crime de Platon en [larticidler. Les
Pères ont protesté qu'en se faisant chrétiens
ils avaient renoncé à la philosophie des
Grecs, pour embrasser celle des écrivains
sacrés q'ie les Grecs ont nommés barbares.
— 2° Loin d'avoir été plus attachés à la doc-
trine de Platon qu'à C' lie des autres écoles,
les Pères l'ont atia piée et combattue par pré-
férence, à cause de la haute Ojiinion que les
païens avaient des lumières et de la sag 'Sse
de cephiloso;die. Il n'en est aucun cluquel
les Pèns aiiuit dit plus de m :1, et auquel ils
aient repioché autant d'erreurs. Ils ont re-
gardé ses écrits comme la source des égare-
ments de tous les anci"ns hérétiques. — 3°
Au lieu d'avoir emprunté de lui aucun dog-
me théulo.-ique, ils ont altiqué même ses
opinions purement philosophiqui'S touchant
l'éternité de la matière, la f irmaiion du mon-
de, la nature et la destinée de l'âme, etc., et
ils en ont démontré la fausseté. — i° C'est
principalement sur la nature, les attributs,
tes opérations de Dieu, que les Pères ont
reproché à Platon les erreurs les plus gros-
sières; comment donc auraient-ils pu em-
prunter de lui les notions de la Trinité ? Nous
verrons ailleurs que la prétendue Trinité
platonique n'a rien de commun avec celle
que nous croyons ; que la première est l'ou-
vrage non de Platon, mais des nouveaux
platoniciens. Voy. Tbimté. — 5" Les Pères
ont accusé Platon d'avoir pris dans Moise
ou chez les Juifs ce qu'il a dit de raisonnable
touchinit la Divinité, mais de l'avoir gâté et
corrompu par ses propres imaginations ; il
est donc absurde de [lenser qu'à leur tour
ils en ont fait un mélange ave^; la doctrine
des livres samts. — 6° L'un des articles fon-
damentaux d ■ la philosopliie de Platon était,
suivant ses propres disciples, que les êtres
spirituels et intelligents svA sortis de Dieu
par émanation, quoiqu il ne le dis" pas posi-
tivement ; les Pères, au contraire, ont sou-
tenu que tous les êtres distingués de Dieu
ont reçu l'existence par création, d^gme qui
sape par le iondemcnt tout 1 • s,>stèiue P'dlo-
sophiqic. Voy.^ EM,4.>Anoîi._ Le P. ISaltus
a prouvé tous eps faits pair les pàsïogr s les
1S09 PLÀ
plus formels des Pères qui ont v(''cu dans les
cinq premiers siècles. — 7° Dans un mo-
ment nous verrons d'Iinbilos protestants sou-
tenir que les Pères de rEi,lise ont éié éclecti-
ques, c'es!-à->iire qu'ils ont i'ait pi'oftvssionde
n'être attach(^s àaucur.e secte narticulièn' de
philosop'iie; donc il n'est fias vrai qu'ils
aient 616 platoniciens pluti'itque stoïc cnsou
pytlia^iorieiens.
Ces raisons nous naraissent plus que suf-
fisantes pour éi-aiter de fous les Pères en
général raecusalioa de platonisme ; mais il
en est d'autres qui regardent parliculière-
nioiit les Pères îles ti'ois preui'ers sièeles.
D'aijord il faut eil'aecr du nombre des plato-
niciens les Pères a|)0st!ili(pjes, puisque, sid-
vant nos adversaires mêmes, ces saints hom-
mes n'ont été ni éliquent>, ni savanls, ni
philosophes, non plus ([ue les apôtres leurs
niaitrcs : cependant ils ont distingué trois
Personnes en Dieu. Pour 1 urs successeurs,
on est forcé de convenir qu'ils é. aient let;rés
et instruits. Or, en premier lieu, h-s Pères
disputant contre le.-> paiens, pour leur prou-
ver l'unité do Dieu, ont .djégu' l'opinion de
Platon, qui n'admettait qu'un seul Dieu,
mais lis ont ajouté que ce pliilosop\e s'est
contredit et a méconnu la vé ilé, en adnjet-
tant des dieux secondaires. Si quel(ju;s-uns
disent qu'il a [larlé du Verbe divin, i s ajou-
tent (pi'il n'a pas i)u le bien coni.aitre, parce
que cete connaissance ne peut ètie acquise
que par la révélation ; nous cite 0:'s ci-
après leui's propres parties. Kn secon lieu,
plusieurs des Pères ont soutenu qu'Arii.s et
ses jjartisans avaient pris dans Phdou leur
erreur opposée à la (ii^initédu Verl.e ; c(jiu-
innit nous persuatler que c'a été au contraire
le crime de ccu\ qui ont condamné ces hé-
rétiques ? En troisième liiu. Le (Jlerc dit que
les Pères se sont trompés en cro.tant voir
dans Platon la Trinité telle (jue nous l'admet-
tons, que sur ce point la doctrine du philo-
so(iiie est très-uilVérente de celle de J'Jicri-
ture sainte ; nous avouons qu'elle est très-
dill'érenle, mais il est faux i;ue les Pères y
aient été trompés; nous ferons vi ir le con-
traire. En quairiinie lieu, (pioi qu'en disent
les sociniens, !a foi chrétienne toucliant la
Personne du Verbe, sa coéternilé avec le
Père, et sa divinité, est enseignée plus clai-
remrnt dans rEvangile de saint Jean que
dans Platon; doi.c les Pères ont pris cette
doi.lrine dans l'évangélistc et non dan> le
rlulosopiie. 11 esi absurde de supijoser qu'ils
ont puisée daris une source très- trou-
Lie plutôt que dans une eau très-clair.,'. Le
Clerc, dans son commentaire sur h; piemiT
chaiiitre de saint Jean, avait avancé que et
ai)àtre avait dans 1'. sprit lesidées platoniques
de Piiilon. Les incrcdiles, qui enchérissent
toujours sur ks protestants, ont dit que le
commencement de l'Evangile de saii.t Jean
a été évidemment écrit j ar un [)]alonici(u ;
ainsi les accusations des iirote;tanls con;re
les Pères retombent toujours sur les écii-
vains saciés.
Pour justilier pleinement les Pères du W
et du ni' siècle, le P. Battus ne s'est pas
PLA
is:o
' borné h des raisons générales ; il prouve la
fausseté do l'accusation à l'égard de c'iacun
en ])arti; u'ier. Ces Pères sont saint Justin,
Tatien, Athénagor^, Hermias, saint Théo-
plule d'Anlioche, saint Irénéi', Clément d'A-
lexandrie, Ti'rtullien et Origène.
Or, saint Justiu, ijui avait été platonicien
avant sa conversion, ne l'était iilus après
son baptême; il ne connaissait plus d'autre
philosophie ciue celle des livres sa nts : il In
déclare, Diulog. cum Triph., n. 7 et 8. 11
soutient que Platon ni Arislote n'ont pas
été capables de nous ex[>liquer les choses
du ciel, puisqu'ils ne connaissaient pas seu-
1 nient celles d'ici-bas, qu'ils ne se sont ja-
mais accordés sur l'origine et sur les prin-
cipes des ciiosis; Cohort. ad (rrœros, n. 6,
7 et 8. il p'.'nse quePl.iton a pris dans Mo'ise
ceiiu'il a dit d.i Dieu suprême, du Verbe et
de l'Esprit de Dieu, mais qu'il l'a mal en-
tendu. « Nous ne pensons donc pas comme
les pliiloso[)!ies, ajoute saint Ji;stin ; ce sont
eux qui copient ce que nous disons. Chez
no.is les ignorants mèm 'S connaissent la
vérité, preuve qu'elle ne vient pas de la sa-
g sse humaine , mais de la n lissance de
Dieu. » Apol. 1, n. 60. Est-ce là faire beau-
00 -p de cas des idées de Platon? — Tatien
commince son discours contre les Grecs par
tourner en ridicule h s philosophes, leur
doctrine, leurs contradict.ons , leur igno-
rance ; il n'éj argne ; as plus Platon que les
autres; en parlant du Verbe div:n, de sa
généiaiion élornelle, de la création tlu inonde
qu'il n opérée, Tatien ne montre |ias le
moindre soupçon qu'il y eu ait rien dans
Platon. Contra Grœc. Orat., n. 2, 5. 11 dé-
clare qu'il a renoncé h toute la philosophie
des Grecs et des Romains et à toutes leurs
opinions, pour embrasser celle do christia-
nisme, n. 3o. — Athénagore, Légat, pro
Christ., n 6 et 7, reconhail que Platon a
cru l'existence d'un seul Dieu formatijur du
monde, mais d ne lui attribue jioint la con-
naissance du Verbe créateur. 11 .It que les
{philosophes n'ont pas eu assez de lumières
pour trouver la vérité touchant la nature di-
vine, parce qu'ils n'étaient pas éclairés par
l'esprit de Dieu. Le discours d'Hermias
n'est qu'une dénsion des philosophes païens,
et Pliton n'y est pas plus éjiargné que les
aidres; Hermiœ irrisio (jcntilium pUiloso-
pltorunt. Saint T éOidiile d'Ant ocîie, 1. ii,
ad Autotijc, n. It-, 9 et 10, leur rcjiroche
l'oppusit on qui se t. cuve entre leurs divei'S
seniimen's, les erreurs qu'ils ont mêlées
avec les vérités ; il soutient que les prophè-
tes seuls ont connu le Verbe divin, créateur
et gouverneur du monde. — Saint Irénée,
adv. Uœr., 1. ii, c. 14-, n. 1 et 3, dit que les
valentiniens ont pris de coté et d'autre chez
les philosophes qui ne connais-aieut pas
Dieu, et nommément dans Plal^ni, trmtes
leurs erreurs. Aucun des Pères n'a iiroft-ssé
p!u3 clairement la cocternité et la coégjjité
des trois Peisonnes eivines ; mais il avertit
qu'aucun homme ne peut connaître Dieu le
Père ni son Veriie que par une révélation
formelle, 1. n, c. 20, u. 'i^ et 3. 11 était dong
ISH
PLA
PLA
1512
bien éloigné d'attribuer cette connaissance
à Platon. — Clément ii'Alexand:ie est celui
des anciens que Le Clerc a calomnié avec
le plus de hardiesse ; il dit que ce Père était,
non pas platonicien, mais éclectique ; qu'il
prenait de tontes les sectes ce qu'il jugeait
a propos, qu'il transcrivait tous les dogmes
des pliilosoplies qui lui paraissaient avoir
quelque raj^porl avec la doctrine chrétienne.
De là il prend occasion pour accuser Clé-
ment d'avoir mêlé à la théologie toutes les
opinions de la philosophie païenne ; mais
transcrire des dogmes ou des opinions, ce
n'est pas les adopter ; autrement il faudrait
encore attribuer à ce même Père toutes
les contradictions des anciens philosophes,
puisqu'il les rapporte. La seule raison sur
Ia(iuclle Le Clerc fonde son accusition, c'est
que Clément cite les dogmes des différentes
sectes sans les réfuter et sans les blAmer ;
il croit même que la plupart ne sont fondés"
que sur des passages de l'Ecriture sainte
mal entendus. Donc ce Père a jugé fausses
toutes ces opinions, puisqu'il ne les a crues
fondées que sur un malentendu. Il les a
suOisamraeut réfutées d'ailleurs, lorsqu'il a
fait profession de ne reconnaître pour vraie
philosophie que celle qui a été enseignée
par Jésus-Christ, ni pour philosophes sensés
que ceux qui ont été inspirés de Dieu,
Strom., 1. VI, c. 7, etc. ; 1. v, c. 14, pro. 730,
il dit que les Grecs ne connaissent ni com-
ment Dieu est Seigneur, ni comment il est
Père et Créateur, ni l'économie des autres vé-
rités, à moins qu'il 3 ne les aient apprises
de la vérité môme. Si l'on veut savoir ce
que pensait TertuUien touchant les philoso-
f)hes païens et leur ductrine, on n'a qu'à
ire les premiers chapitres de ses Prescri-
plions contre les hérétiques; il y soutient
que toutes les hérésies viennent des diffé-
rentes sectes de philosophie, et en particu-
lier de Platon ; il se moque de ceux qui ont
forgé un christianisme stoïque ou platoni-
que ; il ne veut pas qu'il y ait rien de com-
mun entre l'Eglise et l'académie, etc. —
Origène , moins circonspect , a donné lieu
à des plaintes mieux tVin 'ées, puisque les
autres Pères de l'Eglise lui ont reproché son
goût excessif pour l'étude de la philosophie; /
il en est convenu lui-même, et il en a donné de'
bonnes raisons. Op. tom. 1, pag. k ; aussi l'on est
déjà obligé de reconnaitre qu'il fut éclectique
et non platonicien, qu'il recommandait à ses
élèves de ne s'attacher à aucune secte de
philosophie, mais de chercher parmi toutes
les 0|)inions celles qui ])araissaient les plus
vraies ; Origenian. 2, cap. 1, n. k. On no
doit donc [las s'en rapporter au sentiment
du savant Hu(>t, qui accuse Origène d'avoir
voulu assujettir les dogmes du christianisrao
aux opinions de Platon, au lieu de fiiire le
contraire, ihid. A la vérité, en i crivant con-
tre Celse, 1. VI, n. 8, il dit que Platon a
parlé du Fils de Dieu dans le premier livre
des Principes, ch. 3 ; il dit que les philoso-
phes ont eu quelque notion du Verbe de
Dieu ; mais en môme temps il ajoute que
personne ne peut en discourir d'une ma-
nière conforme à la vérité, que ceux qui ont
été instruits par la révélation, par les pru-
'jihètes, pai- les apôtres et les évangélistes :
or il n'a certainement pas accordé ce privi-
lège à Platon. En expliquant les premiers
versets de l'Evangile de saint Jean, où il est
question du Verbe divin, il ne s'est pas avisé
de citer en rien le sentiment dt^ ce philoso-
p!ie. Uieii n'est donc plus mal fondé ni plus
injuste que l'accusation de platonisme forgé
au hasard contre les Pèi es des trois premiers
siècles ; elle est encore absurde qumd elle
tombe sur les Pères postérieurs au concile
de Nicée, tels que Lactance, Eusèbe, saint
Augustin; le P. B;iltus en a pleinement jus-
tifié ce saint docteur en particulier : quel-
ques louanges données à PJaton par les Pè-
res ne suffisent pas pour les 'placer au rang
de ses disciples.
in. Les protestants ont-ils opposé quelques
raisons solides aux preuves du P. Daltus ?
Mosheim, non moins prévenu contre les Pères
que Le Clerc, a changé l'état de la question.
11 ne s'agit pas, dit-il, de savoir si les Pères
ont embrassé toute la philosophie de Platon,
jamais personne ne l'a prétendu, mais de
savoir s'ils n'en ont pas emprunté plu-
sieurs choses : or on ne peut pas le nier, puis-
que les Pères ont suivi les opinions des
éclectiques , et que ceux-ci avaient adopté
une partie de la doctrine de Platon ; c'est
pour cela même çju'ils ont été appelés les
nouveaux platoniciens. Mais il ne sert à rien
de dire au iiasard que les Pères ont pris de
Platon plusieurs choses, si 1 on ne nous mon-
tre précisément ce qu'ils ont pris ; en atten-
dant qu'on nous le fasse voir, nous nions
cet emprunt, pour les raisons que nous
avons apportées ci-dessus. Lorsqu'un dog-
me quelconque est enseigné dans i Ecriture
sainte, il est absurde de prétendre que les
Pères l'ont reçu de Platon, et non des écri-
vains sacrés, pendant que ces saints doc-
teurs |irotesient le contraire. 11 est évident
que la question entre Le Clerc et le P.
Daltus était de savoir si les Pères ont em-
prunté de Platon les notions qu'ils ont eues
di s trois Personnes divines et du mystère
de la sainte Trinité ; nous avons fait voir
qu'il n'en est rien : donc l'accusateur des
Pères est pleinement confondu. Alosheim
devait faire attention qu'en persistant à sou-
tenir que les Pères ont emprunté de Platon
plusieurs choses, il uoniie toujours lieu aux
sociniens de dire que lesPèrcsoiit pris dans ce
philosophe ce qu'il ont dit du Verbe divin et
du myslèro de la sainte Trinité ; mais ce
critique |)araît plus ami des sociniens que
des Pères. Drucker a poussé l'entêtement
encore plus loin que lui, il a traité le P.
Baltiis avec une hauteur et un mépris into-
lérables , Ilist. crit. philos., tom. III, pag.
272, 396, etc. Il reste à savoir si les Pères
ont véritablement embrassé le système des
éclec.iques, en quel sens et jusqu'à quel
point ils l'ont suivi : cette discussion sera
plus longue que nous ne voudrions.
I>'éclei:tisme, dit Mosheim, eut pour auteur
Ammonius Saccas, qui enseignait dans l'é-
1515 PLÀ.
Cille d'A-loxandrie sur I.t fin du ii" sièclo. Por-
phyre l'accuse d'avoir aposlasio , Eusôbe
soùtii'iit qu'il vécut et mourut clirélien. Pour
concilier ces deux sentiments, d'autres ont
distingué deux Ammonius, l'un païen et
î'aulre chrétien : nous verrons dans un mo-
ment si Mosheim a eu raison de préférer
l'opinion de Porphre, apostat lui-môme, à
celUi d.'Kusèhe. 11 nous paraît que Celse fai-
sait di'jh profession de l'éclectisme lonp,-
temjts avant Aunnonius. Quoi qu'il en soil,
le système des éclectiques était (pi'il ne faut
s'ntiaclier à aucune secte particulière de
philosophie, ma^s choisir dans les ddVéren-
tes éc(3les les O|iiiiions qui paraissent les
plus viviies. Leur dessein était iion-^CLde-
mcnt de concilier les dogmes de la iihiloso-
phi(; avec ceux du christianisme, i^ii les rap-
prochant et en les corrigeant l'iui par l'antre,
mais encore de persuader que hs christia-
nisme n'enseignait rien de plus que les iihi-
loso|ilies ; (jue ceux-ci avaient découvert les
mêmes vérités que Jésus-Christ, mais ([ue
ses disciples les avaient mal entendues et
mal cxpliciuées. Ce projet [lerfide ne temlait
pas à m(jins qu'à mettre les dogmes révélés
dans l'Kvangilo au niveau des oninions l.u-
iiiaines, et h laisser aux hommes la liiierté
d'en prendre ou d'en rejeter ce qu'ils ju-
geraient à propos. 11 est aisé de concevoir
les suites funestes que dut avoir une doc-
trine aussi insidieuse; Aîoshcim a eu grand
soin de les développi'r et de les exagérer,
("est ce qu'il a fait non-seulement dans son
Hist. crclés. (la u' siècle, u' \ ait., cap. 1,
§ \ et suivants, mais surtout dais une dis-
sertation sur le trouble ipie les nouveaux
lilatoniciens ont causé dans l'Eglisi' ; De tiir-
batn j)cr rrcentiures Platoniros l'JccIrsin. C'est
une de celles qu'il aie plus travaillées, et où
il a étalé le plus d'érudiiion ; d serait à sou-
haiter qu'il y ei'it nus autant de bonne foi.
Brucker, dans son Hist. crit. de la Philoso-
phie, t. Il, pag<' .'i87, n'a pas man((ué d'adop-
ter presijue toutes les idées de Mosheim ; il
a été réfuté en détail par l'auteur de Vllis-
toirc. (le récleclisme, en 2 vol., cjui a paru en
1766. Voy. Eclectisme.
Mosheim nous jiaraît d'abord injuste à
l'égard d'Aramonius, en l'accusant, sur la
parole de Porphyre , d'avoir renoncé au
chrisliainsme, et d'avoir été l'auteur du Sys-
tem ■ malicieux des éclecti(pies. « Porphyre
(dit-il) devait mieux connaître Ammonius
qu(! Eusébe. » Mais Eusébe ne se contente
pas d'allirmerque Ammonius vécut et moui'ut
chrétien, il h- prouve par les ouvrages (jue
ce ]ihilosophe avait laissés. Por[ihyre a crr-
taiiu'menl calounué Ori^ène, en disant qu'il
était né et qu'il avait été élevé lians le p;;-
ganisme ; il est constant que ses parents
étaient chrétiens, et q e Léonide son père
fut martyr de la toi c jrétienne; U ne serait
donc pas étonnant (pie Porphyre etit aussi
caloiun é Ammonius, en disant qu'il em-
brassa le paganisme dès cjue l'âge l'eut
rendu sage; Eusèbe, Hist. eccle's., I. vi, e.
19. « H n'est pas probaide, dit Mosiicini,
qu'un chrétien siiicère et constant ait fondé
DlCTl(»>. DE TuÉOL. UOGMATIOl'E. III.
RA
VAi
une secte aussi ennemie du cliristiains!i!<f
que l'étaient les éclectiques, ni que ceux-ci
aient voulu le reconnai'tre j)oui' maître. »
Soit : d'autre part, si Aunnonius avait été
apostat et ennemi déclaré du christianisme,
est-il probable (|ue Origène et Clé;uent d'A-
lexandrie, chrétiens très-zélés, eussent voulu
être ses disciples ".' Or, l'on suppose que ces
deux Pères ont eu jiour maître Ammonius,
quoique cela ne soit prouvé que par la
narration de Porphyre. Nous sommes donc
forcés par l'évidence de distinguer deux sor-
tes d'éclectimies, que Mosheim a mali( ieu-
scment coniondus. Les premiers se bor-
naient à penser que, pour convertir les
païens lettrés et entêtés de iihilosophie, et
pour combaltre avec avanta:-:;e les hérétiques
ipii se donnaient pour [)hdosophes, il était
utile de connaître les sentiments des dilfé-
rentes sectes de philosophie, de ne s'atta-
cher à aucune, de choisir dans chacune les
opinions qui paraissaient les plus vraies, et
de montrer que ces vérités n'étaient |:oint
contraires aux dogmes du c'nistianisme ;
que par conséquent l'on iiouvait être bon
chrétien sans cesser d'être philosophe. Tel
fut l'éclectisme de Pantène, de Clément d'A-
loxan Irie, d'Origènc et d'autres Pères ; nous
soutenons que ce système n'a rien de blâ-
mable; que loin d'avoir éW'. pernicieux h la
religion, il lui a été très-utiliN et qu'il a
contribué en elfet à réfuter les hérétiques et
h convertir plusieurs i ommes instruits. Voy.
Philosophe , Philosophie. L'autre espèce
d'éclectiques étaient ces philosopiies mali-
cieux et fourbes, qui, pour anèter les pro-
grès du christianisme, s'a'tachèrent à choi-
sir dans les ditl'érentes écoles de phi'osophie
les opinions ip.ii, à force de [lalliaiifs, pou-
vaient ressemhler en ajiparence aux dogmes
du christianisme, alin de pei'suader aux es-
[irits superliciels que les [ihilosophes avaient
aussi bien découvert la vérité que Jésus-
Christ lui-même; qu'il n'y avait aucune iié-
cessi.é de renoncer à leur doctrine pour
embi-asser celle de l'Evangile. Y a-l-il do
fortes preuves pour démontrer que Ammo-
nius a embrassé cette seconde es[ièce d'é-
clectisme et non !a |iremière, qui était plus
ancienne que lui? ASosheiin lui-même nous
fournit un f dt qui semble disculper ce phi-
losophe, Hist. christ., sec. 2, ^ 53, pag.
373 ; il nous apprend que les gnostiques
avaient puisé leur système chez les philoso-
phes orientaux ; que Valenlin, en l'adoptaid,
s'etl'o ça de le fonder sur (pielques endroits
de l'iivangile expliqués dans un sens mys-
tique : voilà donc déjà la foiu'berie des
éclectiques mise en usage jiar cet hérésiar-
que au commencement du u' siècle de l'K-
glise. Or, Valentin était mort avant que Am-
monius ait pu tenir l'école d'Alexandrie; il
sera.t aisé de ie démontrer par un calcuj
certain. Celse, encore plus ancien, avait déjà
eni|iio é le même manège pour attaquer le
ciuistianisme ; il n'avait [ms eu besoiu des
leçons de l'école d'Alexandrie. Enlin .Mos-
heim nous apprend que c'étuiit l'arlilit e des
gnostiques en* général ; In.itit. Hist. christ.
48
IMK
MA
H,k
ime
maj., Il" part., c. 5, § 5; or les giiostiques
dat 'iont du temps des apôtres. A la vérité
Ainiuouius a ou pour disciple immédiat Plo-
tin, paï.Mizélé; unis est-il prouvé que ce-
lui-ci a ronservé fidèlement In dortrine do
son maître ? Avant d'écouter les Ifçons d'Am-
moniiis, Plotin avait entendu plusieurs au-
tres philosophes ; après onze ans de séjogr
liaiis l'école' d'Alexan irie , il a la dans la
Per>c pour consulter les philo ophes orien-
taux ; d est d inc probable que Ammonius ne
connaissait point leur doctrine, que c'est
Plotin plu.ôt que Ammonius qu' a fait le mé-
lange bizarre de la philosophie o ientale
avec la doctrine de Platon et des autre, phi-
losophes grecs. Mais, eiico.e une t'ois, cet
artilico est plus ancien que tous les person-
nftjies dnnt nous parbnis ; d'ailleurs ce sys-
tème éclectique ne s'est formé que peu à
peu, aucun do ceux (iui l'ont embiass'- ne
s'est a^treint à suivre les sentiments de ses
maîtres; Plulin, Porj)'iyre, Jimbli ]ue, ilié-
roclès, eîc , l'ont arrangé chacun à sa ma-
nière ; il est i:o!ic absuivie de juger des opi-
nions d'Ammonius par celles de Jambi (ue,
qui ^ vécu cent cinquante ans aj^rès lui, et
de nous donu t le .sentiment d'un scid
éclectique comme celui de toute la secte ;
c'est cependant ce qu'a fait Moshcim, Uist.
ecclés., ioco cit., § U.
Au reste, peu nous importe que ce soit
Ammoni s, Plotin o i un autre qui ait for-
mé le système des éjlectiq les antichrét ens ;
nous ne traions cette question que pour
montrer le iaiol ' des conject u'.s ei lies rai-
sonnements de Mo.slieim. Nous avons une
jaule i)ius grave h \ n reprocher, c'est d'a-
voir donné à er.iondre. que les Pères de l'E-
glise ont adop'é co s,sîcme avec (ont ce
qu'il avait de ma ivais. Après en avuir tracé
le pla), tel q «'d le supjws; conçu par Am-
monius, il ninule : « Cette nouvelle espèce
de phdosoplUe, que Origène et d'autn s ciiré-
tieîis ftirènt ri.uprudeace d'adopter, fut
frès-Dr'judiciaiile à la cause de rEvan:;ile et
h l-n simplicité de la doctrine di' Ji^-sus-
Christ, ec. » Ibid , § 12. Est-d vrai que ces
chrétiens ont a ;opté l'éclectisme païen ;
((uo, plus atlichés au philosopliisme qu'à la
religion, ils ont entrepris d'assuji-itir la
doctrine de l'Evangile à ce. le des philoso-
phes, el non au coatrair;; qu'ils ont voulu
persuader qu - l'une éta.t à peu près la même
que l'autre, etc. ? Nous avons vu plus haut que
1 on a fait ce reproche h Origcne, mais lui-
même a protesté le contraire. « Après m'ètro
livié tout entier, dit-il, à l'éude de la pa-
ro'e de Dieu, et voyant venir à mes leçuus
tantôt des hérétiques, tantôt di-s hommes
curieux d'érudition giecque, et surt >ut des
philosophes, je résolus d'examiner les dog-
mes lies héretiq'ies et les vérités que les
i)hilosophes se vantent de connaître. » Voi/.
iusèbe, Uist. ecclés., 1. vi, c. 19. Ce n'était
donc pas par aniour pour la philosophie
païenne que Origèue s'y était ap. cliqué, mais
par le (iésir d'mstruire les hérétiques et les
[ihilosophes ; sa pruicifiale étudj avait été
celle io l'Ecriture sainte; les éclectiques
jiaiens n'avaient ni le môme motif ni la
môme méthode. Il commence ses livres des
Principes, qui sont son ouvrage le plus phi-
losophique, en disant que to;is ceux qui
croient que Jésus-Christ est la vérité môme,
ne cherchent point ailleurs que dans sa pa-
role et dans sa doctiine la science dn la
vertu et du bon!ieur; or cette science est
[irécisément ce que l'on nomme philosophie.
Dans ce môme ouvrage il prouve nos dog-
mes, non par des raisonnements phjloso dn-
ques, mais par l'Ecriture sainte. Lorsqu'il
avoue que quelques (ihilosophes grecs ont
connu Dieu, d a'oule avec saint Paulqu'iis i\)
l'ont [las glorifié comme Dieu, cju ils se sont
égués dans leurs pensé s, etc. Contra Ccls.,
1. IV, n. 30. Voilà ce que les éclectiqu s païens
n'ont jamais avoué. Nous avons vu plus haut
ce qu'en pensait Clément d'Alexandrie.
Aussi Mosheim a cru devoir adoucir ail-
leurs l'a^nerlume du reproche qu'il avait
fait aux Pères. Dans sa liissei't. de Ttirbntn,
etc., n. 3, il dii que les |)hdosophes clicé-
tiens, troirqiés par de légères ressendilaii-
ces, prirent pour autni île vérités ciirvt en-
nes ce qtii n'en avait que ra()parence ; (pu; la
cause de leu ■ errnir fut d'une paît l'amour
de la philosophie, de l'atitie l'igiioramie et la
faiblesse d' sprit ; que faute d'exanen ils
transportèrent dans la doctrine chrclieuiie
des d igmes et des usages qui n'y avaeut
aucun ra,)port. CDns.'qMeunuent ils eminas-
sèreiit la mor.de des stoii;iens, plus austère
que Ci'Ue de i'E^angi'e, les subdlités de la
logMue d'Ar stole, la p upart des o|)iai'>n.%
de Pkiton touchant Dieu, les ang -s et les
âmes h imain 'S, et ils c.urent que ce phdo-
,s(jphe les avait prises dans les livres des
Jnifs. Moseim prouve ces laits imjiorants
p.u- I" téuioignage de saint A .gusiin, qu' dit
que si les .incie'is platoniciens revi'iiai 'Ot
au monde, ils se f raient chréti ns en chan-
geant p.'U de choses dans leurs expressionâ
et leurs sentiments : Puucis mutatis verbis
atqac sententiis, lib. de vera Rdir/.. c. 4, n.
G. iUais dans c t endroit môme saint Augus-
tin s'est suiii-amm nt expliqué : 1° il met
une restriction à' J'égaid du grand nombre
des plaioniciens , s'ils étaient, dit-il, tels
qu'on le prétend. 2" 11 parle de ceux qui en-
seignaient que [iour trouver le vrai b nheur,
il faut mépriser ce monde, imrilii'r l'-'ini' par
la veitu, et l'assujcttr au Dieu soprôine. Or
ces jihilosophes auraient eu peu de choses
à changer dans leurs sentimCi.ts touchnnt le
vrai bonheur ; il ne s'agi^salt que de cet ar-
ticle. 3° Us aura ent eu peu de ch ses à
changer en comparaison des philosofihes r.es
autres sectes, tels que les é|)icuriens, 1 s stra-
toniciens , les ;)ylhagoriciei;s , etc. .Moslieim
donne aux paroles de saint Augu-tiii un
sens f rcé, en les séparant de ce qui précède,
il y a trop de har des^e à traiter d'igno-
rants et d'esprits faibies Ori-,ène , admiré
comme un jirudige par tous les philosophes
de son temps; Clément d Alexandiie, dont
les ouvrages attestent encore l'érudition;
Alhén.:;gore, l'un de nos plus habiles apolo-
gistes, etc. ; mais tout est permis aux oro-
1517
MA
PL4
tSIt
testants pour (léprimcr les Pères. Quant à
l'amour excessif do la philosophie, nous
avons f.iil voir plus haut que les Pères en
ont (lit plus de mal (jue île bien. Il est faux
qu'ils aient ensfignô une morale plus sé-
vère que celle de l'Evan^^iie; nous avons
ré'.uté ce reproche en traitant des diU'èrents
piiinls de morale sur Icsqinils li-s prolcs-
tanls ont atlaiiuéles Pères. Toy. As!sti>ence,
BiGAMiK, CE. ifiAT, Mortification, Vnir.i-
NiTÉ, etc. 11 est encore faux (juo ces saints
docteurs aient a(]rj|ité les opinions de Platon
touchant la Divinité, les an^^es et les jlnies
humaines; il n'est au contraire aucun de
ces objets sur h squcls les Pères n'aiiMil re-
proché à ce philosophe des erreurs grossiè-
res ; et lorsqu'ils ont dit ipie Platon avait
puisé quehpies vérités dans les livres saints,
ilsont aj iUté q l'il les avait mal entendues
et altJrées dans ses écrits. î*our les subti-
lités de logique les Pères, en disputant
contre de> hérétiques qui en faisaient un
usage continuel, ont été forcés de s'en ser-
vir à leur toi;r; personne n'en a autant
abu é (]ue les prutestants; ce sont 1 s plus
habdes sopiiistes <pri! y eut iamais : nous
allons en voir des exemples.
IV. 7,1? nniiveon platonisme dci éclectiques
n-l-il cmiaé dans riCf/lise autant de trouble que
Moshcini le prétend'f D. Nfaraiid, dans .sa
Préface sur saint Justin, ii* paît., c. 1, § 1,
avait (lit que Mosheim a délulé ues sornet-
tes dans sa di-sertaiion. ffc Tnrhata, etc.;
cekij--ci, i^iqilé de c.> reproche, lui a repli-
(jué iivec beaucouj) d'aigreur dans la préface
du 11' tome de ses Dissertations sur l'His-
toire ecclésiasli([ue. 11 soutient qu'il a eu
raison d'avancer que l'Kj^lise a été troublée
par les nouveaux platoniciens, et que les
Pères ont adopté h; nouveau platonisme, au-
tant que ses opinions n'atlaqucnl et ne détrui-
sent point les premiers éléments du christia-
nisme. Voilà déjà une restriction {(u'il n'a-
vait pas mise dans sa diss rtaliou. Or, si les
Pères ava ent adopté ce que Platon a dit d"
Deu, des an,^es et tb s Ames, ils auraient
certainement détruit les premières preuves
du christianisme. Pour premièi'e p'cuve il
cite Terlullieu, qui aflirme que Platon a été
le précepteur de tous les hérétiques ; il pou-
vait ajouter encore que Teriullii-na cens u'é
vivcm nt ci iix qui intniduisaieiit un chris-
tianisme sloaiue (ju platonique. Mais le re-
pioclie ipu' '1 êctullieu fait a x hérétiques
regarde-l-il aussi les Pères? Mosheim n'ose
le soulenir. « Ce[)eiidaiU il ne s'ensuit pas
moins, u t-il, que 1 Ej^lise a été tioublée par
les nouveaux pla on.c eus. » Fourberie pure;
la seule qu stion est de savoir si les Pères
ont étécnnplices du crâne desnouveiux
plaioniciens liérétiqucs; le passade de Ter-
tu.lien ne le prouve pas, et leur doctrine
démontre le contraire. La seconde preuve
est Celui de saint Augusùn, où il dit que les
platoniciens, pour se taire chrétiens, n'au-
raient besoin que de changer un petit nom-
bre d'expressions et de sentiments. Nous
avousfait voir que Mosheim en a mal rendu le
seus. La troisième est l'exemple de Synésius,
évèque de Ptolémaide, au V siècle; suivant
l'aveu (lu P. Pelau, cet évèque, dans ses
hymnes, [iirlait de la Trinité en vrai plato-
nicèn, il la concevait précisément ( oinme
Procb s prétend que Platon l'a entend.ie. Or
on conç'iit, dit Mosheim, que ce christia-
nisme platoniiiue a dil se répandre non-seu-
lement dans le diocèse de Synésius, mais
dans tonte l'Kgypte, et môme chez les sû-
tes n liions. A entendre raisonner ce criti-
que, il semble que. Synésius, évêque d'une
petil;^ ville de la Cyrénai(jue, sur le bord des
déserts de la Libye, ait eu autant d'antotilé
et do crédit dans rK|;i!ise (]ue saint Jean
Chrysostonu-, saint Augustin ou saint Léon;
c'est une pure rêverie de sa part. Il aurait
dit faire réilexion (Ju'en poési > il est impos-
sible de s'exprimer avec autant d'exactitude
que dans un traité Ihéologiqae; que les
hvmnes de Synésius, poêle avant son é[)i-
scopat, ne sont pas la profession de foi do
S) nésius évèque ; (juo celui-ci n'a sûrement
])as été assez insensé |>tiur donner à son
troujieau ses hymnes au lieu de catéchisme.
An v* siècle, le nouveau platonisme et la
seete des éclectiques étaient déchus dans
l'empire romain; Mosheim Vayonv, Dissert.,
n. 1 1. Saint JeanChrysostome, saint Jérôme,
saint Isi lore de Damiette, saint Cyrille d'A-
lexaiidrie, éclairaient l'Orient de leurs lumiè-
res ; d est absjrdc de prétendre que, préci-
sément dans ce temps-là, un évè(]ue d'E-
gypte a établi le platonisme dans l'Eglise.
Mais notre habile >o|)histe confond les épo-
qiic^s, brouille les faits, jnètcaux Pères du
ir et du m' siècle les idées et les vues des
lihiliisophes païens, afin de faire i'iusion à
ses lecteurs. Ce qu'il dit de saint Justin va
plus dir. ctcmcnt au but; il soutient, contre
dom Ma and, que ce Père a cru voir la Tri-
nité chrétienne dans Platon, pi^nsqu'il assure
que ce jih losophe parle du Père, du Verbe
et du Saint-Esprit, et (lu'il pense que Platon
a tiré ce dogme de quelques expressions de
.Moïse qu'il a mal entendues, Apol. I, n. 90.
Nous ne disputerons point sur ce fait; il
s'ensuit seulement qu'un esprit préoccupé
d'un dogme ou d'une opinion, croit aisément
l'apercevoir partout où il trouve des expres-
sions tant soit peu analogues à ses idées ;
mais nous soutenons avec dom .Marand, que
si saint Justin n'a\ait jias été instruit du
dogme de la sainte Trinité prtr l'Evangile et
p.ir la croyance chrétienne, il n'aurait cer-
tainement pas cru le trouver dans l'iaton.
Souvenons-nous de ce que saint Justin a dit
ai leurs, Cohort. ad Grœcos, n. 8 : « Nous
ne pensons pas comme les pliilosophi s; ce
sont ( ux qui copient ce que nousdisons. Voy.
TUIMTÉ l'LATOMQL'E, § 3.
Mais l'essentiel est de voir ce que Mos-
heim conclut des preuves sur lesquelles il
se fonde. Il s'ensuit, dil-il, de deux choses
l'une, ou (}ue les Pères ont été trompés par
une légère ressemblance entre les expres-
sions de PLiton et celles de l'Ecriture sainte,
ou qu'ils ont feini, exprès cette ressein
blance, alin de tromi)er les païens. Pour y
réussir, ou ils ont recula doctrine de Jésus
IS19 PLA
Christ suivant les idées de Platon, ou ils ont
conformé les opinions de celui-ci à la croyan-
ce chrétienne : quelque parti que l'on prenne,
il s'ensuivra toujours que les Pères ont été
platoniciens, qu'ils ont introduit ]n plato-
nisme dans l'Eglise, qu'ils ont ainsi corrompu
la pureté de la foi chrétienne. Fausses con-
séquences : Mosheim est le seul coupable
de la mauvaise foi qu'il voulait attribuer aux
Pères. Ces saints docteurs n'ont eu envie
de tromper personne, et s'ils se sont trom-
pés eux-mêmes, leur erreur n'a été ni jj;ravc
ni pernicieuse. Que voulaient les Pères?
montrer aux païens entêtés de philosophie
(]ue la doctrine chrétienne touchant la Tri-
nité des Personnes en Dieu, n'est ni absurde
ni contraire à la lumière naturelle, puisque
Platon a dit quelque chose à peu près sem-
blable. Pour que les Pères eussent droit de
raisonner ainsi, il n'était pas nécessaire que
la ressemblance entre les idées et les expres-
.sions de Platon et celles des écrivains sacrés
fût complète et parfaite, il suffisait qu'elle
fût du moins ap[iarente ; c'était l'aU'airc des
païens de voir s'jI y avait ou non beaucoup
de dilférence. Les Pères n'avaient donc be-
soin ni de corriger Platon par l'Evangile, ni de
réformer l'Evangile par les ilées de Platon ;
ils y oiit si peu pensé, qu'ils ont dit que
ce j)hilosophe avait tnal entendu , ou qu'il
avait corrom|)u ce qu'il avait lu dans les
livres sainis. Ont-ils i)u avoir le dessein
d'introduire dans l'Eglise une doctrine qu'ils
ont jugée mal entendue, mal comprise et mal
rendue | ar un philoso])he païen? N'im-
porte, Mosheiiu les en accuse formellement,
Ilisl. christ., sec. 2, § 3i. « Ils expliquaient,
dit-il, ce que disent nos livres saints, du
Père, du Fils et du S;iint-Es|)rit ; de manière
que cela s'accordât avec les tiois natures en
Dieu, ou les trois liypostases ailmises par
Plalon, par Parménide et d'autres. » La
fausseté de cette cabimnie est déjà évidente
par ce que nous venons de dire. Il est faux
d'ailleurs que Platon, Parménide, ni aucun
autre ancien philosophe ait admis en Dieu
trois hyjiostases ou trois Personnes. Voy.
TriJSITÉ PLAÏOMQIE.
Mais il ne plaît pas aux ennemis des Pères
de voir ni d'avouer le vrai dessein de ces
saints docteurs , qui était d'inspirer aux
païens moinsd'éloignement pour la foi chré-
tienne. Ils supposent que les Pères, par un
attachement aveugle à la philosophie, ut en
])articulier à celle de Platon, par entêtement
])Our les opinions ((u'ils avaient embrassées
avant d'être chrétiens, par envie de duper
les païens, ont entrei^ris d'introduire \c pla-
tonisme dans l'Eglise; que ce |irojet les a
fascinés au point de leui- faire méconnaître
la différence qu'il y avait entre la doctrine
de Platon et celle de Jésus-Christ, ou leur a
inspiré la malice de vouloir les concilier en-
semble. Que les écleclique's païens aient
tenu cette conduite pour nidre au christia-
nisme, cela se conçoit ; mais que les Pères
aient fait de même pour les servir utilement, ■
iju'ils aient eu ainsi moins des|irit et de pru-
uo'KXMjUo les éclecti(iu; s païens, cela est iroji
PLA dîiSO
fort. Nous avons beau remontrer à nos adver-
saires que l'attachement pr^itendu des Pères
il la philoso[)hio païenne est faux, puisqu'ils
l'ont décriée tant qu'ils ont pu, et qu'ils
ont protesté d'y avoir renoncé en se fais int
chrétiens; que leur prévention en faveur de
Platon est faussement sujiposée, puisqu'ils
(iiit relevé les erreurs de ce philosophe aussi
bien que celles dos autres, et qu'ils lui ont
rejîroché d'avoir gilté ce qu'il avait pris dans
nos livres saints : n'importe , les censeurs
dos Pèies nedémortient pas.
Supjiosons pour un moment ce que Mos-
heim ne veut pas contester, que loin d'alté-
rer la doctrine chréiieune jtar le platonisme,
les Pères ont corrigé celui-ci par la croyance
chrétienne, nous demandons en quoi ce pla-
tonisme, ainsi réformé, a pu corroin|iie la
pureté de la foi; voilà ce ((ue Mosheim n'a
pis expliqué. Saint Justin, par exemple, a
dit (juo Platon admettait Dieu, qu'il nomme
le Père, le Verbe par le(]uel il a tout fait, et
l'Esprit qui pénètre toutes choses ; mais tout
le inonde, excepté les sociniens, convient
que Platon no donne point ces trois êtres
pour trois Personnes subsistantes, coéter-
nelles etconsubs;antielles, mais comme trois
aspects ou trois opérations de la Divinité;
c'est encore la manière dont renten.lent les
sociniens. Saint Justin, au contraire, re-
garde le Père, le Fils et le Saint-Esprit com-
ine trois Personnes distinctes , égales et
coéternelles; il attribue à chacune des opé-
raiions propres, et il soutient qu'elles sont
un seul Dieu. Nous demandons si, en expo-
sant ainsi sa foi, saint Justin corrige riîvun-
gile par les notions de Plalon, ou s'il ré-
forme celui-ci (lar le langage de l'Evangile,
en (piel sens cette doctiino, ainsi changée,
est encore dvi platonisme, et quel mal elle a
causé dans rË^-lisc. Pour nous, il nous pa-
raît qu'ici les vrais platoniciens sont les so-
ciniens, et non les Pères.
Dans sa disseï talion, n. 13, Mosheim dit
que les éclectiques païens contribuèrent à
réfuter les gnostiques; c'est un mensonge
de Poriiiiyre : on n'a jamais eu besoin d'un
pareil secours. Les nouveaux (ilatoniciens
n'ont écrit ni contre les marcionites, ni con-
tre les manichéens qui soutenaient, comme
les giiostiqui'S, que le monde a été fait par
un ou jiar plusieurs ôires inférieurs à uieu.
11 ajoute que ce prétendu remède fut pire
(pie le mal : voyons donc la chaîne des mal-
heurs que l'éclectisme a produits. — 1° Ce
système all'aiblissait la preuve que nos apo-
logistes tiraient des erreurs grossières, des
contradictions, des disputes qui se trouvaient
dans les écrits des divers [ihilosoplies; les
éclectiques se tiraient de cet argument, en
disant que la vérité était éfiarse dans les
dillercntes sectes, qu'il fallait l'y chercher,
et iju'en prenant le vrai sens de leurs opi-
nions il était possible de les concilier ; mais
nos apologistes étaienl-ils fort embarrassés
de di'lruire ce suljteriuge? Mosheim avoua
que cetie conciliation |irétendue était ab
surJe; comment accorder Ari.sl'ite, ijui sou
lenail le monde éternel, «vue Plalon ([ui l6
i^l
PLA
Pf.A
1K22
supposait fabrique' d'iino matière infor-
me, etc., f'tc? D ailleurs ipii avait a^soz de
lumière jiour démêler ([in^hpies étincelles do
vérité au milieu de ce chaos? Fallait-il que
l'homme consumU sa vie Ji comparer les
systèmes avant de savoir ce qu'il devait
criiire? Enfin, c'était <i la lueur du cluistia-
rrisme que les éclectiques t;klia eut de faire
cet'c conciliation, puisqu'ils se rapiirocliaient
de nos do^imes, de notre morale et des le-
çons de l'Evangile; Mosheim en convient
encore. Dissert., n, 14, 15, 16, 18. Donc
c'est à cette source de lumière (ju'U fallait
avoir recours, et non ailleurs. N'état-ce
pas là confirmer l'argument de nos apolo-
gistes, au lieu de l'aU'aililir? — 2° Ceux-ci
reprochaient aux anciens [ihilosophes d'avoir
raisonné de tout, excepté de Dieu, delà des-
tini'o de l'houune et de ses devoirs; les
éclectiques tournèrent leurs études de ce
côté-l?i, ihid., n. 17. Tant mieux : cette cor-
rection sup[)osait la vérité de la faute, et
c'est encore une obligation (|ue l'on avait à
rEvanj,ile de l'avoir aperçue. En ado|itant
la morale de Jésus-Christ en plusieurs cho-
ses, les éclectiques lui rendaient un honmiage
non suspect, puisqu'ils furent forcés d'avouer
que ce div.n Maître était un sage qui avait
enseigné d"ex(x41enles choses, n. 18, et
qu'ils ne pouvaient lui reproc!ier aucune er-
reur, il s'ensuivait clairement qu'il méritait
mieux d'être écouté que tous les philoso-
phes; Celse, au ii" siècle, n'avait eu garde
de faire un pareil aveu. Vainement les éclec-
ti([ues prétendaient que la doctrine de Jésus
avait été mal rendue pai' ses disciples, on
pouvait leur demamler : L'entendez-vous
mieux que ceux qui ont été instruits par
Jésus lui-même? Jusqu'ici nous ne voyons
pas en quoi l'éclectisme affaiblissait les ar-
guments de nos apologistes. — 3" Les deux
jireuves principales employées par ces der-
niers étaient la sainteté do la morale chré-
tienne, les vertus et les miracles du Sauveur;
les éclectiques n'osèrent contester ni l'un ni
l'autre, ihid., n. 23; mais ils C0|iiôrcn[ cette
moiale, ils attribuèrent des miracles et des
vertus à Apollonius de Thyane, à Pytha-
gore, à Plotin, etc.; ils soutinrent (pie parla
théurgie on pouvait commander aux génies
ou démons, et opérer des prodiges par leurs
secours ; n. 25, 2t), 27. Malheureusement il
ne se trouvait [loint de témoins oculaires
qui [)ussent attester les miracles ni les vertus
des philosophes théurgistes, au lieu que ceux
de Jésus-Christ étaient publiés par ses disci-
ples mêmes, et non contestés par ses enne-
mis : Celse avait eu déjà recuurs au même
c\péilient avant les éclectiques, et il lui avait
fort mal réussi.
Faisons ici quelques réflexions. En pre-
mier lieu , Mosheim nous parait coi-tredire
ici ce qu'il a souti.mu adleurs ; Hist. ecclés..
Il" siècle, 11° part., c. 3, § 7 et 8, il dit que les
premiers défenseurs du christianisme ne fu-
rent pas toujours heureux dans le choix de
leurs arguments , que les raisons dont ils se
servent, pour démontrer la vérité et la divi-
nité de notre religion, ne sont pas aussi con-
vaincantes que celles (pi'ils emploient ])our
prouver la fausseté et l'impiété du paga-
nisme. Dans sa dissertation, il suppose quo
tous ces arguments étaient péremptoires
avant que les éclectiques n'eussent réussi h
les alfaiblir; en second lieu, il n'est pas ques-
tion de savoir quels elforts , quelles ruses,
quels so[ihisnu's les éclecti(|ues ont mis en
usage pour énerver les preuves du christia-
nisuje et pour en retar 1er les progrès, mais
de savoir s'ils y ont réussi; car enfin si leurs
elforts n'ont rien opéré , s'ils n'ont abouti
qu'à mieux faire éclater la puissance divine
qui soutenait notre religion, où est le mal-
heur qui en est résulté? Or, nous en ju-
geons par l'événement; avec tous leurs arti-
fices ils n'ont pu empêcher ni le chris ia-
nisme de devenir la religion dominan'e, ni
leur secte de déchoir et de s'anéantir enfin
avec le paganisme. En troisième lieu, Mosheim
nous donne ici le change; il avait à prouver
principalement le mal qu'a fait à l'Eglise l'é-
clectisme des Pères, et il emploie (|uatorze
ou (piinze articles de sa dissertation à mon-
trer le mal qu'a [troduil l'éclectisme des phi-
losophes païens; c'est de l'érudition prodi
guée à pure perte, uniquement pour détourner
l'attention du lecteur du vrai point do la
question. Brucker a fait de môme dans tout
son ouvrage. Mosheim prétend, n. 28 et 29,
que les artifices des éclectiques retinrent
plusieurs païens dans leur religion; cela
peut être, mais cela n'est pas prouvé ; ils fi-
rent, dit-il, aposlasier plusieurs chrétiens;
cependant il n'en cite qu'un seul exemple
positif, savoir, l'empereur Julien. Or, il est
certain que cet esprit vain, léger, ambitieux,
enclin au fnnalisme, fut entr.iiné à 1' Jol.Urie
par une curiosité effrénée de connaitri; l'a-
venir et d'opérer des prodiges j^ar Li théur-
gie; c'est ce qui lui lit ajouter foi aux pro-
messes de Maxime et des autres philosophes
païens qui l'obsédaient : il n'y a aucuno
preuve qu'il ait été séduit par des arguments
philosopniques. Saint Basile et saint Grégoire
de Nazianze , qui avaient étudié avec lui , le
jugèrent dès sa jeunesse ; ils prévirent quo
ce serait un fort mauvais prince; S. (ireg.
Naz., Ora^ 4, n. 122. D'autres, dit Mosheim,
n. 30, demeurèrent comme neutres entre les
deux religions; tels furent Am mien-Marcel lin,
Chalcidius , Symmaque et Thémistius. Soit.
Connaissons-nous les motifs qui les retin-
rent dans cette indifférence, et sommes-nous
certains que ce furent les arguments des
éclectiques? Puisque, dans le sein même du
christianisme, il se trouve des hommes très-
inditférents sur la religion, par caractère et
sans motifs raisonnes, il n'est |ias fort éton-
nant qu'il y en ait eu aussi parmi les hommes
élevés dans le paganisme. Combien n'en vit-
on pas de celte trempe à la naissance du pro-
testantisme? Enfin notre cri tique, n. 33, dé voile
les torts des Pères entichés du nouveau plato-
nisme. Quelques-uns, dit-il, se firent une reli-
gion mélangée de philo^uphie et de christia-
nisme, comme Synésius, qui niait la fin du
mondeetla résurrection future. Quand cela se-
rait vrai. ce serait encore une ridiculitéde dire
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qu'un homme, qui est dans l'erreur sur deux
articles df notre foi , s'est fait une religion
iné'angée. Synésius a pu être dans ces deux
opinions faussos avant d'êlre sufiisamment
instruit : mais il n'y a point persôvtTH p^n-
dant son épiscopat ; aucun ancien auteur ne
l'en accuse, et le contraire est prouvé, Hist.
de l'Eclectisme, t. I, art. 6, p, 157. Notre sa-
vant critique fait un long déta 1 des cireurs
qu'enseigne l'auteur des Clémentines, juif
mal converti, et que la plupart des écrivains
ont regardé couinie un hérétique ébionite;
ce n'est donc pas là un Père de l'Kglise.
Une des maximes de la morale de Pliton
et des nouveaux platoniciens était qu'il est
perm s de men -ir et de tromper pour un bien
et pour l'utdité commune; de la les impo-
stures forgées par les éclectiques, les faux
livres qu'ils su, posèrent sous 1 -s noms
d'Hermès , d'Orphée , (te. Ces philosophes
devenus chrétiens, dit Mo.sheim, ont retenu
celt ' opinion et l'ont s-uivie h la letlr ; Ori-
gène, saint Jérôme, saint Jean Chrysostome,
Synésius, l'ont formcUemeiit enseignée ; on
courait la multitude de livres supposés, in-
terpolas, falsifiés dans les premiers siècles ;
de là les fausses histoires , les fausses lé-
gendes, les 'aux miracles, les fausses reli-
ques, etc. Dissert., n. hi et suiv. Au mot
Fraude pieuse, nous avois jusUtié les
Pères contre cette accusation téméraire ;
nous avons prouvé qu'en la faisant, Mosheim
s'est ren lu coupable du crime qu'il ose
reprocher aux Pères de l'Eglise, pui qu'on
ne [leut pas l'excuser sur son ignorance.
Nous avons ajouté que les mensonges , les
impostures , les faus-es histoires , les pas-
sages d auteurs tronqués ou falsihés , etc.,
sont les principaux moyei s dont les pré en-
dus réfoi-m^leuis se sont seivis pour fonder
leurs sectes et pour rendre le c-;thoUcisme
odieux ; qu'encore aujuurJ'hui plusieurs mo-
ralistes protestants souiiennenl l'innocence
du mensonge ofticicux; or, le m U'-ongo qui
do;l leur paraître le plus ofiicit ux et le plus
innocent , est celui qu'ils emploient pour
persuader un prosélyie de leur religion;
Mosheim lui-même attribue cette pernicieuse
doctiineau célèbre ministre Saurai, tt ajoute
que s'il n péché m cela, sa faute est légère;
IJistoire ecc(és., ivui" siècle, § 26. Les con-
troversisies, continue Mosheim, n. 48, ont
remirqué qqc les Pères ont assujetti aux
idées Ile Pluion les dogmes du libre arbitre
do l'état iulur des âmes , de leur nature, de
la sainte Tnpité et autres qui y tiennent.
11 Veut palier sans doute des controversstes
protestants et sociniens , ennemis juré> des
Pères de l'Eglise; mais les controveisistes
catholiques ont prouvé le contrau'e; et ils
auraient réJu t leurs adversaii'es au silence,
si ceux-ci avaient conservé quelques restes
de honte et de bonne foi. En n, n. 4!), Mo-
sheim p: étend que c'est le platonisme des
Pères qui a cjoiilé naissance ù la multitude
des cérémonies int oduiles dans hi culte re-
ligieux , qui a fa t c.oire le pouvoir dis dé-
mons sur les corps et s r les âmes, la vertu
des jeûnes , des abstinences , des morlilica-
tions, de la continence, du Cf*libat, pour vain
cre des esprits malins et les mettre en fuite»
que tel a été le sentiment de Porphyre et
(le l'auteur des Clémentines. Il fmil en ren-
dant dévotement grAc's h Dieu de .'•e que le
protes'antisme a cniin purgé la religion de
to'ites ces superstitinns.
En parlant des cérémonies, do? démons,
dos jeûnes, des mortilications, etc., nous
avons fa t voir que la cioyince et les prati-
ques de l'Egliso catholique sont fo idées,
non sur le platonisme, mais sur l'Ecriture
sainte, sur l'exemple de Jésus-Christ, des
apiUres, des pophètes , dos patriarches, des
sai ts ilo tous 1- s siècles. En purgeant le
christianisme de toutes ces prétendues ma-
ladies, les protestants l'ont si bien exténué,
qu'il est h l'agonie parmi eux. Ainsi, après
un sérieux examen, il résulte q;ie la d ssor-
ta ion de Mosheim sur le nnuve-iu platonisme,
chef-d'œuvre d'éru lition, d'esprit, de saga-
cité, n est dans le fond qu'un amas de con-
jectures , de suppositions fausses et de so-
phismes; el'e est très-capable d'éblouir les
esprits superficiels et les lecteurs jieu in-
struits ; mais elle n'est point à l'en euvô
d'une critique exacte, judici'euse et réfléchie.
Brucker, en adop ant toutes les idées de
Mosheim , n'a pas montré beaucoup de ju-
gemoi:t. Le docteur Lardner, savant anglais,
a très-bien senti les conséquences impies et
absurdes dos visions de ces deux luthériens,
et il les a développées; Crcdibilitij of the
Gospel History, t. JILen parlant de Porphyre.
Voy. TlUMTÉ PLATONIQUE, VeUBE DIVIN, CtÇ.
PLEURANTS. Voy. Pénitence publique.
PNEUMATOMAQL'ES. Voy. .NUcédo.mens.
POEslE DES HEBREUX. Plusieiirssavanls
ont disputé pour savoir s'il y a, dans le texte
hébreu de l'Ecriture sainte, des morceaux de
poésie. Ceux qui en ont douté n'ont jamais
nié qu'il n'y ait plusieurs parties de l'Ancien
Testament qui sont écrites avec tout le feu
et la vivacité du génie poétique, comme les
psaumes, les cantiques, le livre de Job, les
lamentations de Jérémie, etc. ; mais ils ont
soutenu qie nous ne connaissons pas assez
la prononciation de l'hébreu pour être en
état de juger si ces niorcea.x sont écrits
oans le style nombreux et cadencé des poètes,
s'il y a dos vers de telle ou telle mesure, ou
d s rimes, comme certains critiques l'ont
prétendu. Un savant académicien l'ran(;ais a
fait une dissertaliim pour prouver qu'il y a
des vers mesurés et des rimes; Mém. de
l'Acad. des Inscript., t. \\ , iii-12, |i. IGO.
Mais personne n'a traité plus exaciemeiit
cette question que Lowth, professeur dans
lecolk'îged'Oxfoid ; son (mvrage est intitulé :
U. Lowth, de sacra Poeai Ilebrœonun Prœ-
lectiones; il a été réimprimé en 1770, avec
les notes de M. Michaëlis, professeur dans
l'universiié de Gottingue. Ces deux savants
soutiennent qu'il y a, dans le texte hébreu,
des vers irès-reconnaissables , et ils en ap-
portent un grand nombre d'exemples. Dans
la liiljte dWrir]., t. \ï), p. 10.5, on a placé un
discours de l'abbé b'Ieiiry, et p. 11!>, une dis-
sertation de dom Ca.mc't. sur la Poi'sie des
15S8
POE
ML
le
Hébreux. Ci> dornier, après avoir oxposû les
SPiitinionls divers des ôrriviiins, tint p-r ju-
{î-'r que r 11 ne peut montrer Hvoe (■cititiide,
dans le texie IuMj eu , ni vers ca.ionrés, ni
slroplies, ni r mes; il n"a p;;s pn avoT con-
naissanc ■ de rouvrtge de l/iwlli et de Mi-
ch'ii'lis, (|iii n'a j)arii qu'après sa ntort; pro-
baiilemenl il aurai' o'augé ifavis s'd l'avait
lu. Kn ■ H'C , r< s deux ciàliques, Irès-iialnles
dans la laii;ji,e liébrai(pie , ont l'ait vo r que
les livre^ dont nous viMions dt^ pari r simt
non-seulement ('n-rils dans le style le plus
poétique, mais i-emplis de ligures h r Tu s, de
ui.'t iphor 'S , de prosnpopé. s , d'nua^es , de
compara sous et d'ail t^gorics; que I'imi yticuvc
le sidilime des pen-ées, du sentiment, de l'i-
magination et des expre-sions. A la réserve
du poëme ('•pique, ils nous montrent, dans
c?s mêmes livris, loules los es èccs do
poèmes, des idylles, <lfs élégies, des oies de
tous les genres, des 0!ivra;i;es didactiques et
moraux , m!''me des espèces de diames, tels
que le cantique de SaTomon et 1- livre de
JuJ). Enlin, ils f((at ?eut:r combien ccV.a poéaie
est sup^nieure à celle des auteurs pror.mes.
«Dans l'oriduo, dit un académicien 1res- mes une belle
res, et plus encore par les vérités 'qu'e'le
aimo:ice, i Mo seul ■ mérite le nom de langage
divin. » M('m. de l'Acail. des Inscrip., t. VIM,
in-i2, ]). 3!i-2 et iO'j. Cet auteur en donne
pour CT;emple le canliqued'lsa-e, c. xiv, v. It.
els. ivaits, qu'il traduit en vers français,
ibid., p. VIS.
« Poui- U!' [)oint nous flatter, dit h ce sujet
l'abb/' !•'] ury, toute ntirc poésie inor|erno
est fort mqirsahle en comparaison de cefle-
1 \ ;elle 110 vaut pas mieux que c^e.-; les païens.
Les principaux sujets , (jui occujient nus
beaux <s|irils, sont encore i'amoi;r profane
et la bonne chère : ton tes nos chansons ne respi"
cent autre chose. Malgrétoute l'antiquité que
l'on prétend imiter, l'on a tr uvé le moyeu
de fouirer l'auiiiur avec toutes ses bassesses
et ses folies dans les tra;,édios et les ))ot>mes
héroiqu s, sans respecter la gravité de ces
ouv.a,^es, sans craindre de confondre les
caracières de ces poraies divers, djut les
aiciens ont si religieusement observé lu
distuiction. Pour moi, je ne puis me persua-
der que ce soit \t\ le véritable usage du bel
es|nit, que Dieu ait donné à quelques hom-
inslruit , le but de la poésie lut d'inspir.T
aux hounnes l'horreur du vice , l'aïuoiii' do
la vertu et le di'sir du ciel ; ce fut même ce le
union et. oile qu'elle eut d'abo d avec la re-
ligion , qui la rendit ilaiis la suite si amie
des fables, parce (ju'alors cet amas de tables
ridicules composait le corps de la religion,
qui , dans tout l'uni .e s, excepté c]\e/. los
Hébreux, était entièrement corromiiue. La
»o('s(c eut le mémo sort, et taudis tpie chez
le|ieiiilcdo Dea elle r-(>stait toujours pure
et lidèle à la vérUé. parrui loules les autres
nations elle seivil le mensonge avecd autant
plus de zèle , que ce mensonge y tenait la
place de la venté môme QuA hounne
doué d'un bon goût, quau I il ne sera;! pas
plein d^ respect pour les livres saints, et
qu'il lirait les canliqu"s de Moïse avec les
mêmes yeux dont d lit les odes de Pim'are,
ne Sera pas contraint d'avouer que ce Moïse,
que nous connaissons comme le premier
his'ior.en et 'e premier législateur du monde,
est eu même- temps le premiir et le plus su-
blime des poètes? Dans ses écr ts, la poésie
naissante parait tout d'un co ip parfaite, parce
que Dieu môme li lui inspire, 1 1 que la né-
cessité d'arriver à la jtcrfection par degrés
n'e4 une condition attachée qu'aux artsin-
ve lé> par les hommes. Cette poésie, si grande
e: si raagniliquc, règne encoie duis les pro-
phètes ei dans les psaumes : là br lie dans
son é; lat majestueux celte vr'rita de ;jot''s-if,
qui n'excite qic d'iiouieuses |>assions , qui
touc.ie nos cu;urs sans nous séduire, (jui
nous |ilait sa iS profiler de nos fublesscs, (pu
nous .'ttarli- sans nous amuser par des conles
ridicules , qui nous instruit sans nous rebu-
ter, qui nous fait connaî re Dieu sans le re-
présenter sous des images indignes di la
Divinité, qui nous siirjtrend lou ours sans
nous promener parmi des mervedleschimé-
fiques : agiéable et toujours utile, noble par
ses isxpression»; hardip.^ , par ses vives fi^u-
des pensées vi-
ves et brillantes, d(^ l'agrément ei de la jus-
tesse dans l'exi r ssioii , et tout le leste de
ce qui faillies poiies, a:in (|u'ds n'employas-
sent lousces avanta;j;es ([u'à badiner, àll.dter
lenrs passions criminelles, et à les exciter
(I u)s les autres. . . l'ourcfuoi employer le gé-
nie, l'étude et l'art de bien écriic, à donner
los aux je;, nés gens et aux esprits faib'es dos
mets f-oigneusoraent assaisoiiiiés, (|ui les cm-
poisonneid et (jui les corromiienl, sous pré-
texte de llatter leur goi'it ? il faul donc ou
condamner tout à fai 1 1 poésie, ou lui don-
ner des suj(Hs dignes d'ell' , et la réconcilier
avec la v(3iilablo philosoidiie , c'est-à-dire
avec la IxuMu^ moi aie etla soli ic piété. Je crois
bien (]ue la corruption du siècle cl l'esprit
qui lèguent djiis le grand
de Lbcrtinagc
monde, y luettent un grand obstacle ; mais
avec des talents d du courage, pourquoi ne
viendrail-on pas à bout d,' lo vaincre'? No
serait-il donc pas posslb e de faire d'cxcel-
leids po mes sûr les niyslèr s de la loi nou-
velle, sur son établissement et ses progrès,
sur les vertus de nos saints, sur les bien-
faits que notre nation, noire pa.ts, notre vil-^
le, ont reçus de Dieu, sur des Mijeis géné-
raux de morale, comme le bonheur des gens
de bien, le mépris des riciiesses, etc. "? Si ce-
la est très-diflicile, du moins Je dessein en
est beau ; et si l'on désespère de pouvoir
l'aci ouiplir, il ne faut |)as diuunuer la gloiro
de ceux qui y ont ré ;ssi. Il faut estimer et
admirer la poésie des fh'breux, quand luèmu
elle ne serait pas uiiilable. » Discours sur la
Poésie, etc., ]). 416.
POLfC.MIQUE ( théologie ). Voy. Co.ntro-
VERSC.
POLOGNE. Ce royaume n'a reçu le< lu
mières de la foi qu'au x' sièc'e ; jusqu'alors
les l^ol mais n'avaient été guère mieux poli-
cés que ne le sont encore aujouid'liui lei
Tartares. ils furent redevables de leux cop-
version nu rM» «t k la piéti^ d'uns l«um«.
1527
POL
POL
IS-2!Î
Danibrowka, fille de Boleslas, duc de Bn-
liôme, avait é|JOiis(^ Micislas, duc de Pologne :
par ses instriictiniis et par ses exemples elle
engagea d'abord son époux à renoneer au
paganisme ; run et l'autre travaillèrent en-
suite à en (Irtacher leurs sujets ; on rapporte
cet événomcnt à l'an de Jésus-Christ 9(jG. Le
pape Jean Xlll, qui en fut informé, envoya
promptemi'Ut, en Pologne .Egidius, évèque
de Tusculum, et un boa nombre d'ecclésias-
tiques pour cultiver cette mission, et les
fruits eu augmentèrent dejour en jour. Les
protesta ni s, toujours fAcliés des conquêtes
qu'a faites lEg ise romaine par le zèle* des
papes, n'ont pas manqué de jeter du blAme
sur celle-ci. Ils disent que les instructions
de cesjiieux missionnaires qui n'entendaient
Eas la langue du pays, n'auraient pas i)roduit.
eaucoup d'elTet, si elles n'avaient pas été
accompagnées des édits, des lois pénales,
des menaces et des promesses du souverain ;
qu'ainsi c'est la crainte des peines ot l'espoir
des récompenses qui ont jet/^ les fondements
du christianisme {\;\\\s\i\ Pologne. Guy établit
deux archevêques et sept é\èqi:es, dont le
zèle et 1rs travaux achevèrent d'amener à la
foi chi'étienne les peuples de ce vaste
royaume. ALa s, continuent les censeurs des
missions, t'jules ces conversions ne furent
qu'extérieures; dans ce siècle barbare on se
mpttait ))eu en peine du changement d'af-
fections et lie princijies qu'exige l'Evangile.
Mosheim, Ilist. eccl., x' siècle, i"part., cl,
§ k. Cette cens\ire imprudente et mali^^ie
fournit matière à ime foule de réllexions. 1"
Les incrédules parlent de môme de la con-
version de l'empire romain so is Constantin ;
ils disent que ce sont les édits, les lois pé-
nales, les menaces et les récompenses de cet
empereur, plus que Us instructions des mis-
sionnaires , qui amenèrent ses sujets à la
profession du christianisme ; que toutes
ces conversions ne furent qu'extérieures,
puisque, sous le règne de Julien, une bonne
partie de ces prétendus chrétiens retournè-
rent au paganisme. Si les critiques protes-
tants SI' donnaient la peine de réfuter les
déistes, leurs raisons nous serviraient àrésou-
dre leurs proiires objections. —2" Ils com-
mencent pai' oublier que leur prétendue
réforme n'est devenue dans aucun lieu du
monde la religion dominante que par les
édits des souverains, par les ordonnances
des magistrats, par les menaces et par la
violence exercée contre les catholiiiues ; le
motif des conversions opérées par les pré-
dicants a été non-seulement la crainte des
vexations et l'espoir des récompenses, mais
très-souvent le libertmage d'esprit et de
co)ur. Pourvu qu'un prosélyte s'abstînt de
l'exercice delà religion catholique, il acqué-
rait !a lilierté de croire et de faire tout ce
qu'il lui plaisait; plusieurs protestants ont
;ivôv;é ce désordre.— 3° Il n'y a aucune preuve
incontestable des lois pénaies, des édits san-
gl lits ni des violences exercées par le duc
Micislas contre ses sujets pour U-s fore t à
la jn-ofessiou extérieure du christia.,isme ;
parce que les historiens disent eu géuéral
que ce prince fit tous ses efforts , employa
tous les moyens possibles, ne négligea rien
pour amener les Polonais à la foi chrétienne,
il ne s'ensuit pas qu'il mit en usage les
tortures et les supplices ; mais les protes-
tants, aveuglés par la prévention et dominés
par la haine, interprètent toujours les expres-
sions des historiens dans le plus mauvais
sens. Pour convertir des peuples ignorants,
grossiers, presuue stupides, qui ne tiennent
à leur fausse religion que machinalement eL
]iar habitu le, il n'est pas toujours besoin de
violents elforts, ni de grands talents; la dou-
ceur, la charité, les exemples de vertu suf-
fisent. Dans les premiers siècles du christia-
nisme, n'a-t-on pas vu de simples particulier>,
très-peu instruits, réduits en esclavage et
emmenés par des barbares, venir à bout
de les convertir? Dieu attache les grâces do
conversion à quels moyens il lui plaît. —
k° Par pure complaisance pour nos adversai-
res, supposons pour un moment des lois pé-
nales et des édits menaçants portés par
Micislas contre les idolâtres polonais. Un sou-
verain convaincu de la vérité, de la sainteté,
de la divinité du christianisme, de son utilité
au bien temporel et à la prospérité d'un et it,
de l'absurdité, de rim))iété, des elfets per-
nicieux del'idoiatrie, ne peut-il, s.uis blesser
le droit naturel, défendre par des édils
l'exercice de cetti' fausse religion ? La pré-
tendue liberlé de conscience, tant réclamée
par les protestants et ])ar les incrédules, ne
peut jamais être le droit de violer la loi na-
turelle, de se faire du mal à soi-môme et
aux autres. Si un souverain n'a pas droit de
réprimer l'abus de la liberté, il ne peut sans
injustice porter aucune loi, puisque toute loi
([uelconque gène la liberté. Mais défendre
l'exercice de l'idolâtrie, ce n'est pas forcer
des sujets h professer le christianisme ; les
prédicateurs de la tolérance confondent ma-
licieusement ces deux choses. Voy. Liberté
DE Conscience. Tolérance, etc.
La religion catholique était demeurée pure
depuis son établissement en Pologne jus
qu'à la naissance du protestantisme au xvi'
siècle. Qjelques disciples de Luther allèrent
y firtkdier leur doctrine et y firent des pro-
sélytes; |ieu de temps après, les frères mo-
raves ou bohémiens, descendants des hussi
tes, s'y réfugièrent; plusieurs disciples de
Calvin, sortis de la Suisse, y répandirent
aussi leurs sentiments; enfin des anabaptis-
tes et des antitrinilaires ou sociniens y fo, mô-
rent des sociétés, et s'y sont maintenus
pendant assez longtemps. Aujourd'nui l'on ,v
connaît encore au moins quatre religions : io
catholicisme ijui est la dominante, et il y a
([uelques églises catholiques du rite grec,
aussi bien que des Grecs schismatiques. Les
protestants forment un troisième parti, et les
Juifs y sont tolérés.
POi.YCAKPE ( saint), évèque de Smyrne,
disciple de saint Jean l'Evangéliste, est un
des Pères apo.Uoliques; il y soutfiit le mar-
tyre l'an 169 de Jésus-Christ, ou quel(.|ues
années plus tôt, suivant quelques écrivains
modernes, et il était alors dans un âge très-
4529
POL
avancé. C'est saint Inhiée qui nous auprend
que Poh/cfirpe son rondisciiile avait 6l6 in-
striiit à l'école (le saint Jean, iiu'il avait con-
versé encore avec d'antres apTi'i'cs, et (ju'il
avait vécuavec |)Iusienrsdesdisci|iies témoins
<les actions du Sauveur. Il ne nous reste de
lui qu'une lettre écrite aux l'iiilippiens,
trôs-respectée de tous les anciens auteuis
C'cclésiasti(|ues, et qui est dans la Collection
des Pères Annstoliinws, t. II. Cependant quel-
(jues prntoiants. par intérêt de système, ont
affecté d'en révoquer en doute rautlienticit('\
« lîllo est regardée, dit Moslieim, par quel-
ques-uns coninie véritable, et jiai' d'autres
comme siq)t)Osée, et il n'est pas aisé de déci-
<lcr la (jneslion. » llist. ecck's., \" siècle,
II' part., c. 'i, § 21. Mais la (|uestion est
ti-ès-décidée |)our tout homme cjui n'a au-
cun intérêt à la prolonger. Daillé est le seul
auteur connu (pii ait entre: ris de jeter des
doutes sur l'autlienticilé de cette lettre, parce
qu'elle renl'ei'un' un lémoi.aiagc iiiM'tVagable
en faveur des lellres de saint Ignace, ((ue
ce crilicpie témi'raire ne voulait |)as ailniel-
tre. .\ussi a-t-il été solidement réfuté par
Péarson , Yindic. /fjnnl., c. 5, et Daillé n'a-
vait allégué, suivant sa coutume, fiue des
ra'sons frivoles. I.e Clerc ne fo.nie aucun
dnide sur l'antlienliciti'' de ce même écrit.
Hist. eciles., an 11", p. 572. .Mallieureuse-
ment j)0ui' les pro'estants, ce monument si
rcspectalije renfi rme deux passages très-
clairs : l'un sur la présence réelle de Jésus-
Christ dans l'eucharistie, l'aulro sur la hié-
rarchie, ou sur les dilférents oi'dres des mi-
nistres de l'Kglise ; les prolestants en sont
l'Achés, ils voudraient s'en (h'barrasser en
rendant suspecte la lettre entière. Après
le martyre de saint Pniyrarpe, l'iiglise dc^
Smyrne en adressa une relation très-dél ullée
ettrès-édiliante aux aidres Eglises; et ce mor-
ceau, dont l'authenticité ne futjaraais conies-
lée, contient encore un témoignage lo inel du
culte reuilu jtar les preuners tilèles aux
reliques des martyrs. Voy. KRT.iyuics. Ulcm.
(le Tillemont, I. I, p. 1^2" et suivantes.
l'OLYtiA.MIl':, c'est le mariage d'un hom-
me avec plusieurs femmes en même lem|>s.
Tout le monde C(;nvient que h' mariag ■
d'une femme à iil.isieurs maris en même
temps serait contraire à la tin du mariage,
qui est la procréation des enfants, j'ar con-
séquent opposé à la loi naturelle ; aussi ne
voit-on pas que ce désordre ait jamais éli'
autorisé chez aucun ]'.eupl(' poli(^é; mai^* il y
a des auteurs (|ul ont soutenu qu'il n'en est pas
de même du mariage d'un seul honnne avec
plusieurs femmes, que cet usage, qui règne
encore chez plusieurs peuples infidèles ,
n'est défendu chez les nations chrétiennes
que |)ar une loi positive. S'ils avaient exami-
né la question avec |ilus de soin, il est pro-
bable cju'ds auraient pensé ditTérennnont.
D'abord Dieu en créant l'homme ne lui donna
qu'une seule épouse; et il ajouta, lisseront
deux dnns une seule chair : c'est au mariage
ains- réduit à l'unité que Dieu donna .sa le-
uédictiou [Gcn. i,28; ii, 2'i;. Telle et l'inten-
tion et la première institution du Créateur.
POL 1530
Si la plinvdité des femmes avait pu contri-
buer .'i of'u[iler ]ilus promiitement la terre et
h faire le bonheur de l'honnue, il csi à pré-
sumer qcui Dieu la lui aurait accordée. Dieu
y pourvut d'une autre manière par la vie
très-longue qu'il voulut bien accorder au
liremier hounm^ et h ses descemianls. Cest
l;i-d(\ssus que Jésus-Christ s'est fondé pour
di'uiontrer aux Juifs que le divorce permis
|iar la loi de Mo:se était un abus [Matth. xix).
Saint Paul, en parlant du mai'iage , sup])ose do
mêine (pi'ildoilêlre réduit à l'unité (/for. Vil, 2]
Ce endant plus eurs patriarches, l.amecli.
Abraham, .lacob, Esaii, ont eu ])lusienrs
fennnes, et ils n'en sont point bl.lmés daiis
riiisloire sainte. Moise n'a point défendu la
poli/!/nmie par ses lr)is, il semble plut t la
|iermet(re; Klcana, père de Samuel, David et
Salouion, étaient polygames; tous ont-ils pé-
elié cintre le droit natuiel? Jésus-Christ, oi
rappelant le mari ige h son institution primi-
tive, a-t-il restreint le droit de la nature? !.a
loi évangéli(p.ie, qui établit la monogamie,
n'est-elle qu'une loi positive k laquelle on
puisse dérog'T en certains cas? Voilà trois
questions auxquelles un théologien est obli-
gé de sati.>faire.
1. Il faut observer d'abord que le droit na-
turel ne peut pas être exactement lo même
dans les divers états de la société ; l'ob et es-
sentieldela loinaturellequiétablit ce droitesl
le liien général de l'humanité : or le liien gé-
néral change à mesure que l'état delà société
varie. Il peut arriver qu'un usage qui ne por-
tait aucun préjudice h l'intérêt général dans
un certain état, y nuise dans d'autres cir-
constances ; dès ce moment cet usage coni-
nienc:' à être d fendu ]iar la loi nature'le.
Dans l'état de société domestique qui a précé
dé létal de société civile, lorsque les familles
étaient encore isolées, nomades, et formaient
autant de peuplades différentes, la polygamie
était à peu près inévitable, et elle n'entraînait
pas les mêmes inconvénients qui en résul-
leiH aujourd'hui. Une famille était étrangère k
une autre famille, une tille trouvait donc dif-
licilement k s'établir ; pour avoir un époux,
elle était presque toujours obligée de s'expa-
trier. Les femmes, réduites k une condition à
peu près semblable k celle des (esclaves, et
très-sédentaires, neconnaissaient que la ten-
te de leur jière ou de leur époux. Consé-
(piennnenl les tilles préféraient d(> conservei'
les nueui's, les h.diituiles, le langage de leur
propre famille , en y ]irenanl i n seul mari
pour plusieurs, ([ue de jiasser dans une autre
peuplade, qui était pour elles un pays étran-
ger. Il est prouvé, par une expérience con-
stante, que plus une jeune [XTSonne a été
retirée ei solitaire, [ilus il lui en coûte de
quitter la maison paternelle. En second lieu,
l'intérêt de chacune des familles nomades
exigeait (juc le chef eAt une multitude
d'enfants et d'esclaves pour garder les trou-
peaux et se défendre contre les agresseurs ;
le I ère était souverain de celle petite répu-
blique. De s m cùlé une mère de famille
était ilattée de régner sur toute cette i)eupki
soirs I autorité ({<• son éjioux. De là l'^JnbJi
t551
POL
ML
1532
tioii des femmes d'avoir beaucoi/p d'enfants ;
ou cas de sti'Tilité, des a;loptsient ceux de
leurs esclaves, l'tles ('■If^vaientavec l'attention
d'une mère. I.a poli/çjnmie n'ét it donc alors
contraire i^^ à l'intérêt des l'enimes, nia celui
des en ants, ni à celui de la famille , ni jiar
consé(jiient au jjicii général. Comment aurait-
elle i.u'riaraître opposée à la loi natun^He?
Pour disculper les p. triaiches i olvgames,
il n'est donc pas nécessaire i!e recourir à
une dispens.' , ni- h une permission parti u-
lière de Dieu, id à l'ignorance dans laq;ielle
is ont pu i^t e du (indt natiu-el : ils sont suf-
fisamment jiistiliés ar 1- s circonstances. !1
n'y avait encore alors point de société civile
ni de lois positives établies, et ils étaent
chefs de peupla les. Lorsque l'Anglais l'inès
fut jeté par un naufiag'^ da::S une î e déserte
avec quatre femmes, et qu'il en eut des en-
fants, il se trouvai', dans un état sembla. de
à celui des patriarches ; oserait-on décider
qu'il pécha contn' 1 1 loi natui elle '! Quand il
au rail été besoin d'une dispense pour .Miraham
et pour Jacob, on devraii encore présumer
que Dieu la leura doimée. ]in vertu des pro-
messes divines {Gen. xii, 1), Abridiam étad
destiiréà être la li.^e d'une grande nal ou, et
déjà il avait à ses ordres un grand nombre
de dom stioues. Sara son épouse était >téile
et hors de i ;1ge d'avoir des enfants; il avait
donc de fories raisons d;; penser q .e da ,s
cette cire ustance la loi de la raono.^ unie n'a-
vait plus lieu pour lui, et l'invitation qiie lui
litSaia de prendre Agar dut le conlir'iner
dans cette opinion. Dans tous les temps on
a jugé qu^' le l)ien g'néral dune nation é-
tait unmotif l'git.me de dis, enser un souve-
rain de certaines lois civiles ou e clésiasti-
ques, et d nous par lit que .\braham était un
personnage non moins important qu'un sou-
vei'aiu. Aucun (laiticulier placé en société
civile ne s'et jamais trouvé dans les mêmes
circonstances que Abraham, et n'a pu se
prévaloir de son exerUjle. Jacob, héritier
des [iromesses faites à sorr areul , était irans
un cas moins favor .b'e, pu sque !Ja, s^ pre-
nrière ftiuiue, était féconde; mais elle l^i
avait été doirnée jiar fraude et mal^^r ■ lui ;
dirs 11 rigueur il aurait pu légitimement la
renvoyer d'abord. L'espéi'ance b en fondée
de deve.ii,- le père d'un peuple nombreux
l'ctxcusait aussi bien que l'usapC des C!ial-
déen; parmi lesquels ilhabitait pour lors.
tl n'est donc pas étonnant que l'K riture ne
hlàme ni Abr'aham ni Jacoi), et que les Pères
de l'Eglise aient conspiré à jus, nier 1 un et
l'autr ■.
II. Lorsque Moise donna des lois aux
îlébieux, il ne lui p.'U'ut pas possible d'iri-
teri.ure absolument lu polygamie; il est très-
ju'ob.ible qu'ell.' éigit en usige chez les na-
tions de-quelles il étad environné, et que
les Hébreux s'y étaient accoutumés en
Egypte. Mais Moïse ne la per'mitfias formel-
lement, il la gêna même et en prévint l'abus
par plusieurs de ses lois; par la même rai-
son il tulér. le divorce par la crainte d'un
plus giarci mal; c'est ainsi q e .iésu-.-Chr st
a iuslUié la conduite de ce législateur (M////^
XIX, 8). Le principal objet de Moïse était do
pourvoir h l'intérêt national ; une preuve do
la droiture do sa c uid ite, c'est qu'il n'usa
point lui-même de la liberté q;i'il laissait aux
aiit.es. Aus-i i e voyons-nous prjint que la
poh/f/amie a'û été cùmiiiune chez les Juifs;
de, uis Moï-e jusqu'à David, i'bist iro n'en
fournit ; oint d'autre exemple que celii'i
d KIcana, père de Samuel, qui avait deux
femmes, et l'Ecriture nous donne à entcndrt
qu'il avait [ins la seconde à civ.se de la
stérilité d" la première; cep ndant, c<imrae
il est dt de J-^ïr, qu'il ava^t rrcnte fUs tous
dans l'r'ige v ril, on ne peut guèie pr sumcr
qu'il les avait eus d'une seule f mime. Dieu
avait défendu au\ roisdes Juifs de ; re, dreun
gra-d nombre de femmes {Deut. xvn, 7j. Ln
polyfi'nhie de Salomon était donc inexcusa-
ble, et riicri ure s mte nous en fait remar-
quer les funestes eiïets. De tout t mes c'a
été une paiti' du luxe des souverains de
lAsie. Si David ne t pas furmef emei;t blâ-
mé daiisles livr s saii ts n'avoir en plusieurs
épouse-, celte con mite n'y est pas non plus
for'mellement a, (prouvée.
liL Jésus-C.':r si, en i nposant aux hommes
une loi souv^ lie et jilus parfaite q :e l'an-
cienne, ne s'est p.as propo-é pour objet Tin-
té ôt d'une feule peuj la le ou d'une seule
nation, mais 1 • bien g neral de l'humanité.
Tous les peuples connus pour lors étaient
déjti r unis en aulnt de sociétés civiles et
nationales; le dessein du Sauveur a été de
les unir encore en une seule société leli-
gieuse, (^t de leur apprendre à ft-aterniser
1 s uns avec les autr'-s : J en fcrui, dil-il,
u/i seul bercail sous un niéinc pasteur. Dans
cet état de cho-e-i. il n'est pas dillicile do
]ii-ouver crue la polygamie est coi tr. ire au
bi.'ii -énéral, par' cons/qm nt réprouvée par
la loi naturelle, que c'était une nécessité de
rame er le m<iriage à son urnté primitive.
t' Dans cet état, la fréquentation libre e tre
les deux sexes et entre les peuples rond les
ail ances beaucoup plus faciles. Li'S femuitiS,
du t le Ira a I est devenu nécessaire à plu-
s eurs arts et au commerce, ne sont p us sé-
dentaire , esclives, enfermées, victimes de
la jalousie de leurs maris, comme elles le
sont chez les iieuples polygarues. Les )ois
c viles OUI rùjé le .rs droit> et ceux de tous
les citoyens; f- de5pot'Siiie des pères de fa-
mille ne peut plus avoir lieu : le nouveau
de^ré ne liberté qu'acquièrent les enfants
exige qu'ils soient unis plus étioitemnt par
les liens du .-ang-et de la naissance. —2" La
polygamie, loin de fasre le bonheur des
époux, y met un obstacle invincible; c'est
le témo gnac,e que rendent les voyageurs
qui ont le mieux examiné les moeurs des
Asiat ques. » Chez les 'Turcs, dit M. Tott,
la beauté môme des femires devient insipide
aux maris; excepté quelque nouvelle es-
clave qui peut pfjuei Lmic curios té, le ha-
rem ne leur inspire que du d 'goitt. Le dé-
soi'dre, né d- la conrainte et de la réunion
de plusieurs foniiiies, est un ell'et infaillible
d'' Il loi qui en pei-mei la plui. lité. La na-
ture , également coiitrariée dans les deux
fS3S
ML
POL
1554
sexes, doit aussi également les éy;arer. Sou-
vent l'inclination des Icininos les pousse à
s'échappiT de leur prison, et alors elles en
sont ti^ujours les vietiines ; la j;dousie entre-
lient entre elles une division tonstiute, et
les maris sont eoiitinuellrinent occuiiés à
rétablir la paix. » Mcin. sur tes Turcs, les
Tarlares et les l'Ajf/ptiens, t. 1, dsc. préliin.,
p. 52. — 3" Quelques spi'culateuis supeilie;eis
se sont |ie suaiié que la polygamie contri-
bue à la [>opulation : c'est une erreur; les
lioinmes instruits attestent le contrau-o. Il
est clair «pie six (: maies, ([ui ont chacune un
mari, doiuier.int plus U'eid'.ints (jue si tlles
n'en avaient qu un seul en commiui; cela est
conlirmé par l'état de dépii|iuiation dos con-
trées de l'As e, où la pulijyumic est permise.
Les pauvres, qui ne sont ]ias en état de
nourrir plusieurs lemincs, i.e peuvent user
de cc'te 1 berté; et les ncnes, pour satislaire
leur lubricité, e.. lèvent les lilies que les
pauvres pourraient épouser. Comme un dé-
sordre ne manciie j.nnais d'en entrauier
d'autres, chez les p ujik-s polygames les ma-
ris sont en possession de tuer l.uis femmes
et leurs lilies, .^ans encourir aucun chiUi-
menl. — V" La pl.rolité des femmes n'est
pas mi3ins contraire a l'éducation des enfants
et à l'uidon des fauniles. Il est impossdjle
que les enfants de plusieurs nières sou'Ut
également aimés et soij^nés par ietu-père;
il y a mcessairement des [iréddcciions; de
là les jalousies et les divisions entre les
mères et entre leurs en ants. Alors le ma-
riage ne peut produi e entre les maris et les
l'emmcs, > ntre le pè.e et les euianls, enire
les parents par alliance, le mèuie attache-
iiienl (j'ie dans les contrées où il est réduit
à l'unité. — 5" La polygamie ne peut être
établie chez une nation qu'aux. dé[)ens des
autres. On connaît le commerce nfaQie qui,
dans les dilféreiites coût, écs de l'Asie, se lait
des jeunes geiis iJe 1 un et de l'autre sexe
pour peu|)ler les sérails de la Turi|Uie et de
lu Perse, ^a coutume abominublL' de faire des
t'iiiuq es pour en èlre les gardiens, les
cimas que produisent lalubricilc, la jalousie,
le lineitiiia^i! chez les peuples asiatiques.
Ceux d ' nos écrivains, ipii ont imaginé que
les femmes vX les lill s é.evées euns la re-
traite d'un s.ra 1 devaient avoir les miEnis
ti'ùs-pu.es, se sont grossièrement t.ompés;
plusieurs \oy.sg urs atieslenl le contrair,'.
il est donc certain que Jesus-i-ihrist, en ré-
tablissant le niaiia.;!^ dans son uniié et sa
saintel/ primmves, a mieux pourvu à 1 ob-
servation du ilruit 1 aturei et au b.en général
que tous les autres législaleurs. La cou lam-
nalion (pi'il a f nte de la potyytinue ne jieut
être envisa;é ' coinme une simple loi jiosi-
tive, susceptiide de dispense, ne dérogation
ou d abro^atim.; le bien cmnmun de l'Iin-
maniié ex:ge absolument celte loi dans l'éiat
de société civile. Tout peuple, chez lequel
cette loi sainte est impuiieiuiiit violée, ne
sera jamais | arfanemenl jiolicé. De là il s'en-
suit que Calvin, (jui a t ixé d'adultère la pu-
lyyamie des pairiarches, était dans l'erreur;
(jue Luther, oui a prétendu qu'elle n'est pas
'actuellement contraire au bien général, qui
même a eu la faiblesse de la [lermcttre au
landgrave d' liesse, a été encore [ilus cou-
pable. On ne (louvad ullégiicr en faveur do
ce prince l'avantage de s. s sujets m aucun
motif d'uilué p.lditiue; il n'ex| osa jioiiit
d'autre raison, en d man laiit dispense, quo
la lubricité de son te.iipéraineni. Jlisl. des
Variât., 1. vi, § 1 et siiiv. Aucune loi romaine
ne |)eriiielUut la polyyainie; il ne lut (.OoC
pas diflicde aux fiasteurs de l'Lg'ise d'obli-
ger, (lar les pein s canooiq.u^s, les lijèles à
observer la loi de l'Evangile qui la . (fen-
dait; les [loljgames lurent donc condamnés
à quatre ans de pénitence [lubliipi •. liin-
gliam, Oriy. cccics., 1. xvi, § 5. Mais, lo S(juo
les barbares eur. nt apporté dans nos climats
toute la grossièreté et la licenue des mœurs
de la (i' rman.e, cette disciiil.n.' reçut sou-
vent des aue nti s; nous vojons que plu-
sieurs de nos ro s iie la première r.ce s ob-
stinèieiit à prendre [ilusie.u's épouses, et
voulurent le.s garde. . Heureusement la ré-
s.stance courageuse des p q es ut peu <i peu
cesser ce s.an aie. Cette loi est suj- tte ii ues
incoiivé.iie.us, sans doute; elle peut i^a-
laitie dure dans certainej circoiistan. es, et
plusieurs disse, tat.'.d's inodei ne» l'omit f.iit
renia. (jucr, mais ces inconiéinenis ne seront
jania.s aussi grands q,,e ceux qui resuKe-
l'.iientde \ii putyi/aiitie. Qain\d\\ est cjuestion
de peser le» avaniag s et les inconvcinents
d une loi, il faut ;.voir é-,ard a l'inlérèt gè-
ne, al p utol qu'à celui d.s parliculiers.
On pré en I qu au xvi' siècle n y eut des
liéréliques qui souiiment que \i\ polyyatuie
j)oir. ait èlre permise en certains cas. Ber-
iiaidin Ocnin, qu, ava.t été général des ca-
pucins, ei qui a, osiasia pour emorasser le
jirotestantisme, é.<ul de ce noinore; n fut
banni de la Sui.sse en 1543, a cause de ses
sentiments; il se .etua en PuiogU'', où il
embrassa les eireurs et la communion des
anuinnitaires et dos an.ibapl.stes, et il mou
rut daus la misère en 13lj+. S.'s seclai. urs
furent nommés polyytiinistes, mais il pa.ait
qu'ils ne furent pas en g. and nombre, et
qu'ds ne liront pas beaucoup de Oruit. C est
ceiiendaiit un exemiile du libe.tinago u'es-
pr.t et de cœur que la préteuuue ré. orme
inspirait à tes | artisans.
l'OLYCLOTl'E, liild • imp imée en plu-
s:eui's langues ; c'est la sign.lical.on déco
terme grec. La première qui ait paru ^st
celle du cardii.al Ximé.e», imiir.uiée en
15 5, a Alcala de Hénares, en L-spa^no; on
la nomme communément la litùk Ue Com-
plute; elle est en G volumes in-iolio et eu
quatre langues. Elle c utient 1 • texte hé-
breu, la ]i;uaphras,' chai .aiquu d'Onkélos sur
lePenialenque seulc^menl, la \ersiong eeque
des Se|)iante et 1 ancienne ve.sion laLiie ..u
italique. On n'y a point mis u'aulre traduc-
tion latine uu texte hébreu que celte der-
iiièn;, mais on en a joint une Intér^de au
grec des Septante. Le exte grec du A'ouveau
Testament y est imprimé sans accents, afin
de re;irésent'. r plus exactement les anciens
exemplaires grecs où les accents r.e sont
15SS
POL
POL
dS56
point marqués. On a placd à la fin un appa-
rat (Jps gramuiairiens, des dictionnaires et
des tables. Cette BiJjle est rare et fort rhère.
François Ximéiiès de Cisneros, cardinal et
archevêque de Tolède, qui est le principal
auteur de ce grand ouvrage, marque, dans
une lettre écrite au pape Léon X, qu'il est à
propos de donner l'Ecriture sainte dans les
textes originaux, parce qu'il n'y a aucune
traduction, quelque parfaite qu'elle soit, qui
les représente parfaitement. — La seconde
polyglotte est celle de Philippe H. im[)rimée
à Anvers, cliez Plantin en IStâ, parles soins
d'Arias Montanus. Outre ce qui était déj.^
dans la Bible de Complute, on v a mis les
paraphrases chaldaïques sur le reste de
l'Ecriture sainte, avec l'interfirétation latine
de ces paraphrases.il y a aussi une version
laline littérale du texte hébreu, jiour l'uti-
lité de ceux qui veulent apprendre la langue
Jiébraïque. A l'égard du Nouvrau Teslnment,
outre le grec et le latin de la Bible dAlcala,
ou a joint ;i cette édition l'ancienne Aversion
syriaque en caractères syriaques et en ca-
ractères hébreux avec des points-voyelles,
pour en faciliter la lecture à ceux qui sont
accoutumés à lire l'hébreu. On a aussi ajouté
il cette version syriaque une interprétation
latiiiL' composée par Gui Le Fèvre, qui était
chargé de l'édition syriaque du Nouveau Tes-
tawent. Eutin l'on trouve dans la polyglotte
d'Anvers un plus giand nombre de gram-
maires et de dictionnaires que dans celle do
Com, lute, et plusieurs petits traités néces-
saires pour éclaircir les endroits les plus
dilliciles du texte. — La troisième po/(/(//o//e
est celle de Le Jay, imprimée k Paris eu ItiVS.
Elle a cet avantage sur la Bible royale de Phi-
lippe II, que les versions syriaque et arabe
de V Ancien Testament y sont avec des inler-
j.rétations latines. Elle contient de |>lus sur
le Peutaleuque le texte hébreu samaritain,
et la ve siou samaritaine en caractères sa-
maritains. Le Nouveau Testament y est coti-
forme à celui de \ixpolyglotte d'Anvers, mais
on y a jo nt une tra; ludion arabe avec une
inteiprétation latine. 11 y manque un appa-
rat, 1 s g aaimaires et les dictionnaires qui
sont dans les deux autres polyglottes, ce qui
rend imi)ariait ce grand ouvrage, recom-
mandable d'ailleurs par la beauté des carac-
tères. — La quatrième est la polyglotte
d'Angleterre, imprimée à Londres en 1057,
et simvent appelée Bible de Wallon, parce
que IJiyan Walton, depuis évèque de Win-
tliester, prit le soin de la faire imprimer.
Elle n'est pas, à la vérité, aussi magnifique
pour la beauté des caractères ni pour la gran-
ileur du jjapier que celle de Le Jay, mais elle
est plus ample et plus commode. On y trouve
la vulgate, selon l'édition revue et corrigée
par Clément Vlll, au lieu que dans celle do
Paris la vul^iale i st telle qu'elle était dans la
Itiule d'Anvers avant la correction. 11 y a de
plus une vc'sion latine inlerlinéaire du texte
liébieu, au leu que dans l'éditiou de Pans
il n'y a point d'autre version latine sur l'h'--
breu ([ue notre vidgate. Dans la polyglotte
d'Angleterre, io grec des S >plante n'est pas
celui de la Bible de Complute, que l'on a
gardé dans les éditions d'Anvers et de Paris,
mais le texte grec de l'édition de Kome, au-
quel on a joint les diverses leçons d'un autre
cxempl.iire grec fort ancien, appelé alexan-
drin, |iarce(|u'il est venu d'Alexandiie. Voy.
Ski'ta^te. La version latine du grec des
Septante est celle que Flamiuius Nobilius fit
imprimer à Kome par l'autorité du pape
Sixte "V. 11 y a de plus, dans la polyglotte
d'Angleterre, quelques parties de la Bible en
éthiopien et en persan qui ne se trouvent
point dans celle de Paris, des discours pré-
liminaires ou prolégotnènes touchant le texte
original, les versions, la chronologie, etc.,
avec un volume de diverses leçons de toutes
ces diiférentes éditions. Enfin Von y a joint
un dictionnaire en sept langues, composé
par Caste!, en 2 vol., ce qui fait un total do
8 vol. in-folio. — Une cinquième polyglotte
est la Bible de Hutter, imprimée i\ Nurem-
berg en 1599, en douze langues; savoir,
l'hébreu, le syriaque, le grec, le latin, l'alle-
mand, le saxon ou le bohémien, l'italien,
l'espagnol, le français, l'anglais, ledanois,le
polonais ou esclavon. — On peut aussi met-
tre au nombre des polyglottes deux Penta-
teuques, que les Ju:fs dé Constantinople ont
fait imprimer eu quatre langues, mnis en
caractères hébreux. L'un, imprimé en 155!,
contient le texte hébreu en gros caractèr s,
qui a d'un cùté la paraphase chald Tique
d'Onkélosen caractères médiocres, de l'autio
une [)ara|)hrase en persan composée [)ar un
juif nommé Jacob, avec le surnom de sa
ville. Outre ces trois colonnes, la paraphrase
arabe de Saadias est imiiriuiée au haut des
pages en petits caractères, et au bas est placé
le commentaire de Uasch. L'autre Pentateu-
que, imprimé en 15i7, a trois colonnes
comiue le premier. Le texte hébieu est au
milieu, ;i l'un des côtés une traduction en
grec vulgau'e, à l'autre une version en langue
espagnole. Ces deux versions sont en carac-
tères hébreux, avec les points-votcles qui
fixent la prononciation. Au haut des pages
est la iiaraphrase chaldaïque d'Onkélos, et
au bas le commentaire de Rasch.
De ce môme genre est le Psautier que Au-
gustin Justiuiani, religieux dominicain et
évéïiue de Nébio, fit imprimer à Gènes, en
quatre langues, l'an 1516; il contient l'hé-
bi-eu, lechaldéen, le grec et l'arabe, avec les
interprétations latines et des gloses. On a
encore la Bible polyglotte do ^'at;iLilc, en
hébreu, grec et latin. Celle de Volder, en \\(-
breu, gr'ec, latin et allemand. Celle de Poi-
ken, imprimée l'an 15't6, est en hébreu, en
grec, en éthiopien et en latin. Jean Draco-
rdts, de Carlostad en Franconie, uonna, l'an
15ti5, les Psaumes, les Proverbes de Salomon,
les prophètes Miellée et Joël, en cinq langues,
en hébr'oir, l'u chaldéen, en grec, en latin et
en allemand. Le pi'emier moiièie de toutes
ces Bibles ont été les llexaples et les Octaples
d'Origèiie, Voy. Hexvples. Le pèi-e Lelong
de l'uialniie a traité avec soin dos polyglot-
tes dans uir volume in-12 qu'il a publié sur
ce sujet; il est intitulé : Discours historique
1^37 TON
sur les Bibles polyglottes et leurs dijférentes
éditions; cet ouvrage est curieux et in-
Structii.
POLYTHÉISME. Yoy. Pagamsme.
P0:>1PK DU CULTE DIVIN. Yoij. Culte.
POMPE FUNÈBRE. Yoij. Funérailles.
PONCTUATION DU TEXTE ET DES
VERSIONS DE L'ÉCRITURE SAINTE. Yoy.
COiNCOKDANCE.
PONTIFK, clief des prôtres et des autres
ministres de la relij^ion. Le latin pontifex pa-
raît ôtre une altération i\ç potnifex, mot for-
mé du grec 7707. t-f , au.^uste , vénérable; il
désigne un liomuic qui fait des choses au-
gustes, des fonrlioiis sacrées. Le souverain
pontife, ou le grand prêtre chez les Juifs,
était le chef de la re'igion ; les auUes sacri-
ficateurs .et les lévites lui étaient .■soumis.
.\aron, frère de Moïse, fut le jireinier revêtu
de cette dignité, et ses descend uits lui suc-
cédèrent; mais, sur la lin de la réituhlique
juive, iilusieurs amiiitieux qui n'élaient ]ias
de la race d'Aaron furent intrus dans cette
place inijiortante. La suite des pontifes a duré
pendant 1598 ans définis Aaron jusqu'à la
|irise di' Jérusalem et la destruction du tem-
ple par rem|)erenr Tite. Le grand prêtre
était non-seulement che/. les Juifs le chef
de la religion et le juge des (HlFicultés qui
pouvaient y avoir ra|)|iort , mais il décidait
encore des alfaires civiles et [)o]iti(pies lors-
qu'il n'y avait point déjuge ou de chef à la
tète de la nation. Nous le voyons j)ar le
ch.iviii dufleu^f'ro/iomp, etparfiiusieui's pas-
sages de Philonet de Josèphe. Lui seul avait
le [irivilége d'enirer dans le sanctuaire une
fois l'année; savoir le jour de l'expiatioii
solennelle. Dieu l'avait d claré son inierprète
et l'oraile de la vérité; lorsqu'il ('tait revêtu
des ornements de sa digniié, qu'il portait ce
que l'Ecriture a|ipelle nriin ei thummim , il
répondait au\ demandes qu'on lui fa sait, et
alors Dieu lui révélait les chos.'S futures ou
cachées qu'il devait déclarer au peuple. H
lui était défendu de porter le deuil de ses
proches , même de son père et île sa mère ,
d'enirer dans un lieu où il y avait un cada-
vre, de se souiller ()ar aucune impureté lé-
gale. 11 ne povivait épouser ni une veuve ,
ni une femme répudiée, ni une lille de mau-
vaise vie, mais seulement une vierge de sa
race, et il devait garder la continence pen-
dant 'outle tomiisdesonsei-viceiifj-of/.xxvni,
30; Levit. xxi , 10 et 13; /F Rey. xxni,
9, etc.). L'habit du grand pontife était beau-
coup plus magnitique que celui des simples
prêtres. Il avait un caleçon et une tu; ique
de lin d'un tissu particulier; sur la tunique
il portait une longue robe couleur d'il ja-
cinthe ou de bleu céleste, au bas de laquelle
était une bordure compijsée de sonnettes
d'or et de pommes de grenades faites de
laines de liilférentes cu\ileurs , et rangées ,\
quelque distance les unes des autres. (À'tle
robe élidt serrée par une large ceinture en
broderie ; c'est probablement ce que l'Ecri-
ture nomme ephod. 11 consistait dans une es-
pèce d'écharpe qui s« mettait sur le cou , wt
PON
! .S53
dont les deux bouts , passant sur les épau-
les, venaient se croiser sur l'estomac, et re-
tournant par derrière, servaient à ceindre la
robe. .V cet ephod étaient attachées sur les
é[)aules deux grosses pierres précieuses, sur
chacune dcsqiiidles étaient gravés six noms
des tribus d'israél ; et (>ar-devant , sur la
poitrine, h l'endroit où l'écharpese croisait,
était att u^hé le peetornl ou rational : c'était
une pièce d'étotl'e carrée, duii ti.-su pré-
cieux et solide , large de dix jiouces , dans
lequel étaient enchAssées douze i)ierres pié-
cieuses de dilTérentes espèces , sur ch icanc
desquelles était gr^vé le nom de l'une îles
tribus d'israél. Quelques auteurs croient que
le rational était dou.de, qu'il formait une es-
pèce di^ |)oche dans laquelle éiaii-nt lenfer-
nu'S urim et thummim. La t are du pontife
était aussi jilus |irécieuse et plus oi'néc que
celle des simples prêttes; ce qui la dislni-
guait principalement, était une lame d'or qui
descendait sur le front et qui se liait par
derrière la tête avec deux rubans ; sur cette
lam ■ étaient écrits ou gravés ces mots :
Vonsaerc au Seigneur. Cet ha lit était par
consé([uent très-majestueux. La consécra-
tion d'Aaron et de ses lils se lit dans lo
désert, par ordre de Dieu, avec beaucou[>
de solennité et avec les cérémonies écrites
dans ÏExode, c. xl, v. 12, et dans le Lei\,
c. VIII, V. 1, etc. On doute si à chaque nou-
veau pontife l'on réitérait toutes ces céié-
monii s, l'histoire sainte n'en dit rien; il i st
probable que l'on se contentait de revêtir
le nouv( au grand prêtre des habits de son
prédécesseur. Quelques-uns pensent que
l'on y ajoutait l'onction de l'huile sainte.
Dans l'Eglise chrétienne, le souverain
pontife est le successeur de saint Pierre,
vicaire de Jésus-Christ et pysteur de l'Eglise
universelle. Quelques piotestaats ont écrit
que sa dignité a été imaginée sur le modèle
du souverain pontiKcat des Juifs ; c'est une
vaine conjecture cpii ne porte sur .•.ucum;
preuve, et qui est démontrée fausse par une
inlimté de raisons. Yoy. Pape.
Pontifes, religieux ainsi nommés [larce
(ju'ils s'étaient dévoués par charité à la con-
struction et à la réparation des ponts et à la sil-
reté d -s grands chemins. Dans le xii" siècle,
l'an 1177, un simple berger nommé Béiit'/el
ou Rénédct, né dans le village d'Alvilar en
Vivarais, ;1gé de douze ans, se sentit insp.ré ue
b'iiii un [)ont sur le Rhône h .\vignon, pour pré-
server du danger que l'on courait en le | as-
saut en bateau. Sur les pieuves qu'il donna
d'une inspiration surnaturelle, on lui Ln.-sa
exéeuter son dessein, et il en vint à bout
dans l'esiiace de douze ans. Comme il mou-
rut avant cine l'ouvrage fût achevé, l'oii b'.tit
. une chapelle sur le pont même, et son coi'is
y fut déposé. 11 avait eu des coopératcurs
qui s'étaient dévoués comme lui à cette
bonne œuvre ; cet ordre aurait iiu-r;té do
subsister plus longtemps. On })réteiid quo
les religieux de saint Magloire avaient été
institués dans le même dessein que les
religieux pontifes. Ainsi, dans les siècles
mêmes qu« nous nommons ignorants et
1539
poh
POR
lUO
barbarps, la charité ch étienne s'est S!gn;il<'e
par 'les enlre-.ris's étonnantes et qui pa-
raissaient sur asseï- les forces humaines.
Ilélyot. Hisl. (les Ordres monast. [édition do
Mi^ne]; llist. de l Eglise gailic, t. X.,1. xxviil,
an. li'^'i..
P0NT1FI(].\L, livre datis lequel sont con-
tenues les firiùros, les rites et les cérémo-
nies qu'observent le pape et les évoques
dans ladtninistralion des sat;reraenls do
conriiinaiion et d'ordre, dans la consécration
desévêqucs et des églises, et dans les autres
fonctions q i sont réservées h leur dignité.
Quelques auteurs ont en que le pontifical
romain était l'ouvrage de saint Grégoire :
ils se sont tr nipés; ce saint pape jieul y
avoir retouché ou ajouté quelque cho^e,
mais le pape (îélase y avait déjà travaillé
|iliis d'un siècle aup;irav, ait. Voy. Sacra.men-
TAlnE.
POPLICAIN, PUBLICAIN, nom qui fut
donné en France, et dans uw^ pa.tie de
l'Europe, a \X mànichéi^ns ; en Orient ils se
nomui ient pmliciens. Voy. MA^iciiÉisMi:.
PORPHYKIE.V. Ce nom fat donné aux
ariens dans le iV siècle, en Veitu d'un élit
de Constantin. Il y est dit : « Puisque Arins
a imité Po.piiyr:^ en composant oes écrits
im[)ies ronti'e' la religion, il mérite d'être
noté d'imam e c ninne lui ; et comm ' Por-
phyre est devenu i'op,)robre de la postéri é,
et (pie ses écrits ont été supprimés, de
même nous voulons que Arius et ses secta-
teurs ■^o. eut nonun s porphyricns. Plusieurs
critiq les pensent cjue l'einijel-etu' nota a:nsi
les ariens, pa ce (ju i.s sem daient, Ji l'exem-
ple de Porphyre, autoriser l'i iol.Urie en ap-
prouva, t que Jésus-l'hrist fui adoré comme
Dieu, qitoique, suiv.inl leur opinion, ce lût
lUic créature. D'autres jugent plus simple-
ment ([ue ce nom fut oonné aux sectateurs
d Arius, parce que celui-ci avot imdo dans
ses liv es la ma igiiité, le lie!, remport"meiit
de P rphyre contre la d viaité de Jésus-
Chi-isl. On sait q le ce phdo-ophe paien, né
à Tyr, l'an de J 'SUs-C!n-iSt 231, z.lé partisan
du nouvea-i platonisme, fut un des plus
fuiieux ennemis de là religion chrétienne.
11 avoue lui-:iiéau^ que lia.s sa jeunesse il
'•Vil l regu u'Origène les p.eraières leçons
de i> plido-opliie, mais il n'avait pas bé.ité
de ses sentiments touchant le christianisme.
Quel jues au eurs ecclésiastiques ont écrit
que Porphyre avait été ù'abor i chrét en,
qu'ensuite il avait ajiosiasié, mais plusieurs
critiques mo icrnes se sont attachés à |)iou-
ver que cela ne pouvait pas élre. Quoi qu'il
en soit, on jir po it pas nier qu'il ne connût
très-nieii !u religion chrétienne et qu'd
n'eût Kl nos livies saints avec bea icoup
d'aliention ; ma:s comme fo a encore au-
jourd'hui les incrédules, il ne les avait
examinés qu'avec les yeux delà prévention,
et dans le uessein form 1 d'y trou. cr des
choses à re|ii'cndro. Eusèbe nous api>reiid
que l'ouvrage de Porphyre contre le chris-
tianisme était en qnnze livres; dans les
Itiemiers il s'clfui'çait de montrer des con-
tiaJictions entre les divers passages de
l'Ancien Testament, le douzième traitait des
prophéties de Daniel. Comme il vit en
comparant les histoires profanes avec ces
])réd:ciions , que celles-ci sont exactement
conformes à ia vérité des événements, il
prétendit que ces prophéties n'avaient pas
été écrites par Daniel, mais par un auteur
pnsléri'ur au règne d'Antiochus-Epiphane,
et qui avait pris le nom de Darriel ; (pie tout
cequpce prétendu prophète avait ditdes cho-
ses déjà arrivées pour lors était exaciement
Vrai, mais q e ce qu'il avait voulu prédire
des événements encore futurs était laïK.
Saint Jérôme, dans son Commentaire sur
Daniel, a réfuté cette pr('tention de Porphyre ;
Eusèb>, Apollinaire, .Mélliodius et d'autres,
écriv.'rent aus-i contre lui ; malheureuse-
ment les ouviages d ■ ces derniers sont
perdus ; ceux de Porphyre furent recher-
chés et brûlés par ordre de Constantin;
ïhéodose fit encore détruhe ce que l'on
put en trouver. Quelque animé que fût ce
philosophe contre notre reLgion et contre
nos livres saints, il ne pous ad pas la har-
diesse et l'entêtement aussi loin que nos
inc:édul' s mode nés. Nous voyons dans sou
Traité de l'Abstinence, qui subsiste enco e,
et (jui a été traduit en fra^ çais par M. de
Burigny, qu'il lait en plU'-ieurs choses
l'éloge des Juifs, surtout des esséniens ; il
avoue (lu'il y a eu chez eux des prophètes
et des martyrs; il dit nue ce sont des
hommes naturellement ()hiloso,ihe3 ; il ap-
piouve plusieurs d. -s lois de Moïse; I. ii,
n. 2 > ; 1. IV, n. 4, 11, 13, etc. Nous savoi s
a'aideurs qu'il rogaidail Jés is-C irist comme
un sage (fui avait enseigné d'excellentes
clioscs; mais il ajoutait que ses discijiles en
avaient mal pris le s ns, et que les chrétiens
avaient tort de l'adorer comms un Dieu.
Aujourd'huide jiréten.ius b aux es rdsosent
écrire que Moïse a été un imiiosteur et un
mauvais législateur ; que la religion ju ve
et lit absui'de ; que Jésus-Christ e.^t un tourbe
visioni aire et fanatique ; que les écrivains
sacrés et les prophètes n'o t [las eu le sens
commun, etc. Porphyre cependant n'élait
ni un peiit esprd ni un ignoran ; au m'
siècle on était plus h portée qu'aujourd'hui
de savoir 1 1 venté des faits fondamentaux
du christianisme ; ce [)liilos >pho avait voya-
gé pour s'instruiie; les aveux (juil a été
obhgé de faire fournissent contre les incré-
dules modernes des arguments dcsiiueis ils
ne se tireront jamais.
POKRÉTAINS. Sectateurs de Gilbert do
la Porrce, ou de la Poirée, évèque de Poitiers,
qui au milieu du xii' siècle fut accusé et
convaincu de plusieurs erreurs to, -.chant la
nature de Dieu, ses attributs ^l le mystère
de la sainte Trinité. S m i^léfaut, comme
celui d'Abailard, son conti^rnjiorain, fut de
vouloir ex|)li|uer 1 s dogmes de la ihéologie
par les aiistractions et les précisions de la
dialectique, il disad ((ue la divinité ou l'es-
seiice tliv.ne est réellement ilistinguée de
Dieu ; qut;; la sag 'Sse, la justice et les autre?
atti ibuts de la Divinité ne sont point réelle-
ment Dieu lui-môme ; que cette proposition,
1V<1
pon
fOR
iriw
Vieil est la boulé, est laussi\ h inoiiis (|u'on
ne la réduise à celle-ci, Dieu est bon. 11
a outait que la nature ou l'c.'^seiicc divine
est Técllcmeitt distinguée de-* tmis t'crso' nés
divines, (lue ce n'est point la nature d.vinc,
mais »eiàement la seconde l'<.T-onne qui
s'est incarnée, etc. Dans to.ites ces iiroposi-
tion , c'est le mol n'i/Zemcn/ cjui constitue
l'oncur. Si dilluTt s'était borné à dire que
Dieu, et la Divinilé ne sont pas la mAuie
chosi' (ormiUvinenl, ou in slula rationis,
comme s'ex[iiinient 1rs lo^ici iis, sans douie
il n'a jraii | as été condamné ; cela sij^nilicr.dt
seulement (pie ces deux termes. Dieu et la
Divinité', n'ont pas précisément le laémi! sens
ou ne urésrnt nt pas absolunienl la m<Mijc
idée h l'esprit Mais co subtil méla[>liys,cien
ne prenait pas la peiiiC de s'eipli(|uer aif.si.
Q'iel jues-uni l'ont encore accusé d'avoir
cnseijjné qu'il n'y a point de mérite q le
c l'.;i do Jésus-Christ, et qu'il n'y a que
les hommes s .uvés (pii souuit léellement
baptisés, mais celte accusation n'est pas
proi;vi''e. La doctrine de (iilbert fut d'à lord
eiaminéc <lans luie assemblée il'év(M[ues
tenue S Auxerre l'an H'i-?, ensuite dans une
aut e qui se tint à Paris la même anné' ea
présence du pape lvij;ène lli, enli.i dans un
concile de lleims l'année s.iivanle, aujucl
le môme i)ai)e présida ; il interr.ii^ea lui-
mémo (limert. et il le condamiia sur ses ré-
ponses entortdléos et ses tergiversât. ons ;
îîiLiert se snumit à la décision, mais il eut
Quelques disciiiles qui ne furent pas aussi
dociles.
Comme siint IJernar 1 fut un des princi-
fiaux prom léufs de cette comlamnalujn,
es protestants foi^t tout ce qu ils peuvent
pour excuser (iilbert, et faire retomber le
tilAmc sut- Sant Bernard; ils disent que
l'évoque d,' Poitiers enîendait sa docliine
dans le sens orihodoxe que nous venons
d'iil liquer, et non dans te sens erroné qu'on
lui pré ail ; mais que ces notions subtiles
passaient oe beaucoup l'inlclligence du bon
saint B.rnard qii n'était pas accoutuuu' à
CCS sortes de (hscussions ; que dans toute
cette all'airc il se conduis. t plutôt par pas-
sion que par un véritable zcle. iio^heim,
Hift. eccL, xn'' siècle, n' part., c. 3, § 11.
H"Urcuscuieiit il est prouvé par I. s écrits
du saint abbé de Clairvaux, qu'il enîendait
très-bii'n h s sublililés jimlosojihiqucs des
docteurs de son temps, mais il avait le bon
espril d'en faire très-iieii de cas, et
de pivférer l'itudedo l'ik'rili.re sainte. Il
est à présumer que dans les conciles d'.-\ii-
ïerre, de Pans et de Reims, il y avait
d'autres _ évèques aussi bon.- dialect cie.s
que Cl lui de Poitiers ; aucun ce enl.intne
prit son parti. La doc riiie de G, bert esl
ex|)os6e lion-seulement par sa nt IJenari,
niais [lar Geoifroi, l'un de s. s moines, qui
fut présent au concile et en dressa les ai t. s,
et par Ullun de I risini^ur, historien ron-
tempoialn nlus porté h excu.vcr qu à con-
d.rmricr (iiluert; cependant il avoue ip.e co
dernier afl'ectait de ne p s na.ler comme les
aut^es théologiens : donc il avait tort. Pour
expriiiiei' les dogmes de la foi, il y n un
lan a^^e consacré par la tradition, d'upiel il
n'est pas permis d- s'icarier; et (luicompid
allcfite d'en t-nir un autr.', ne pi ui, (las
manqier de tomber dans l'erreur. Pitai,
l>()(lin. tlu'oL, t. 1, 1. I, c. 8, § 3 et 4 ; Uisl
de l Jigl. gallic, 1. xxv, ann. 11'|.7.
POU l'K-CKOIX. Vny. Groisieiis.
POUTIKK. Nous voyons dans l'histoird
sainte que les léviiCs étaient char^jés de ga -
der soi;-;ueusement la porte du lal)ernacle, et
celte l'onction devint t es importante lo; <que
le temple de >alomon fut li;1li. Les purliers
pirdai. nt les Iré-ors du teuifile et ceux du
roi ; ils étaient onli^'S de veiller aux réj-a-
rations de ce vaste édilice; leur cm.iloi \- ur
donnait par couse. [uent beaucoup li'aut.irité.
Quelquefois ils exercèrent les fonctions de
juj^es dans des cas qui concernai ni la
police du tem;ile; ils devaient siirto..t veiller
soijjneusement h ne laisser entier dans la
maison du Siiyniur pfnsonn.' cpii lui impur
(/ Pand.xvi, 4^2; II Parai xxiii, ti)). Dans
l'i<'.,^lise chrétienne, loisipie les lidides eurent
des éd lices consacrés à c I brer la litur^io
ou l'ofiice divin, il fallut aussi établir des
portiers pour y faire à [jO i près h's mômes
fonctions q le dans le temple de J'Tusalem.
Le-! Gr es les nommaieni «ùX-op-,», 1: s Latins
osliarii, jaiiitores, œdilui ; m. is les prenùers
no paraissent pas avoir rCf^ardé leur état
comme un ordre ccclésiasiiqiie. Dans lc.:rs
rituels on ne irouve poiol d'ordination par-
liciilièi-.' pour les portiers ; lo concile hi
Trullo, qui fait mention de tons les ordres,
ne parie point de cekii-fi. Jean, évéque do
Citre, cl Codin, cités par le P. Moriii,
comptcn' hs portiers lanui les o'.liciers de
l'îî^lise de Conslantiuoi)]e, mais non parmi
les ordres du cier^é. CoulrliiM', dans ses
reuianpr s sur le iT livre ^les CunstiC. apo.H:,
d t (jne la ^ivd ■ des po tes n'éla l point un
orJr , ma s un oi'tice que l'on coiuiait qucl-
qiiefoi-^ h des diacres, à des sou--aiacres, à
d'au res cleics inférieurs, et même à des
lai jues. Dans l'E^li-e latine, l'état <ies por-
tiers ato.i)Ouis clé re.iard' comme un des
ordres mineurs. Il en • si faii m ntion datis
la 1 tire de saint Corneille à Sabin d'Anlio-
che, rapportée par Eusèb.', Hist. ecel., 1. vi.
c. h'i ; dans saint Cyprien, ep. S'v ; dans lo
iv' concile de Carthai^e, tenu en 398; dans
le i" concile dj Tolède, can. h ; dans le Sa-
cramentaire de saint Grégoire. Isidore de
SéviliOj A cuai, Amala.re, Uaban-.Maur et
tous 1 s anciens lilur^istes en parlent de
môme.
Les portiers, dit l'abbé Fleury , étaient
uécs-aires du tein,>s que les chrétiens vi-
vaient au milieu des lideLs, pour emjiècher
ceux-ci d'en rer dins les é;.;i.ses, de trou-
bler l'oitlce, d" profaner les saii ts mystères.
Ils avaient ."^oiii d- l'aiio tenir chacun dans
son rang , le peuple séjiaié du cle,gé,les
hommes des .emuics , de faire oiiserver le
silence et la uiodeslic. Lorscpie la m sse des
catéchumènes tait linie , c'esl-à-dire aiTè.s
le seriiion dé r(Vè{[uc , ils fa.s.dent sort.r
non-seulement les catéchumènes et les pé-
ISiô POR
nitenls, mais encore les juifs et les infidèles
auxquels on ]iermellait d'entei drc les ins-
tructions , et généralement tous ciaix qui
n'avaient pas droit d'assister à la célébration
des saints mystères , et alors ils fermaient
les portes de l'église.
Dans le i'oiititical romain , les fonctions
des portiers, marquées dans l'instruction (jue
leur fait l'évêque , et dans les pi'ièr es (jui
l'accompagnent lorsqu'il les ordonne, sont
de sonner les clochis, de distinguer les heu-
res de la prière, de garder iidèlement l'église
jour et nuit, d'avoir soin que rien ne s'y
per ;e , d'ouvrir et de f. riner à de cci-taincs
heures l'église et la sacristie, d'ouvrir le li-
vre k celui (jui prêche. En leur faisant tnu-
ciier les clefs do l'église , il leur dit : Con-
duisez-i-ous comme devant rendre compte à
Dieu des choses qui sont ouvertes par ces
clefs. C'est !a formule de leur oniination
prescrite par le iv' concile de Garthago. Ces
portiers enlin devaient avoir soin de la net-
teté tt de la décoration des églises.
En rassemblant toutes ces fonctions , l'on
voit que ces ofiiciers étaient très-occupés;
aussi étaient-ils plus ou moins nombreux ,
suivant la grandeur des églises : l'on en
comptait jusqu'à cent dans Cille de Conslan-
linople. Cet oi die se donnait à des hommes
d'un âge assez mûr [tour pouvoir en rem[ilir
tous les devoirs. Plusieurs y demi uraient
toute leur vie; quelques-uns devenaient aco-
lyles ou diacres. Quelquefois on donnait
cette charge à des laïques ; et c'est à pré-
sent l'usage ordinaire de leur en laisser les
fonctions. Bingham , Orig. ecclés., t. II, 1. m,
c. 7 , § 1; Fleury , Insttt. au droit ecclés.,
t. I, i)art. I, ch. G ; Mœurs des chrél., § 37.
Au mot OuPHE , nous avons lait voir aux.
jirotestants qu'il n'est pas vrai que la cause
de l'institution des ordres mineurs ait été la
mollesse ou l'orgueil des évèques , et leur
dédain pour les fonctions moins unporlahtes
du service divin; ça été la nécessité et le
(lésir d'imprimer aux lidèles le respect pour
le culte <iu Seigneur.
PORTÎONCLLE, première maison de l'or-
dre de saint François , fondée par lui-même
près d'Assise, dans le duché de Spolette, en
Italie , près d'une église de même nom. Ce
saint, n'ajant pas de quoi loger ceux qui ve-
naient se joindre à lui, demanda aux Béné-
alctins l'église de Portioncule, la plus pau-
vre de ces quartiers, la plus retirée, et dans
laquelle il allait souvent prier. Elle lui fut
accordée ; il s'y établit , et celte maison est
devenue le berceau et le chef-lieu de tout
l'ordre des Franciscains. L'indulgence de
Portimcule C'st célèbre dans toutes les l'gli-
ses de ces religieux. On rapporte que saint
François , priant avec bi aucoup de ferveur,
eut une vision dans laquelle Jésus-Chnst
lui dit de s'adresser au [lape, qui lui accor-
derait une indulgence plénière pour tous
les vrais pénitrnts qui visiteraient cette
église. En ellet, Honorius III lui accorda ver-
balement cette indulgence ; quehiue temps
après, le saint eut une autre vision dans la-
quelle il apprit qus Jésus-Christ lui-mftmi*
PRÂ
ISU
avait ratilié cette fiiènie gr;5ce. Quatre cents
ans après, en 1693, le pape Innocent IX la
confirma pour cette même église. Plusieurs
autres papes, Alexandre IV, Martin IV, Clé-
ment V , Paul III , Urbain VIII , ont étendu
l'indulgence attachée à la chapelle de Por-
tioncule, à toutes les autres chapelles de l'or-
dre des Franciscains. Vies des Pères et des
marli/rs, t. IX, p. 'iW\-.
POSSÉDÉ, POSSESSION. V. Démoniaque.
POSTCOiVIMUNION , oraison ciue le prêtre
dit à la messe après la communion, pour re-
mercier Dieu, tant pour lui-même que pour
ceux qui ont communié, d'avoir participé
aux divins mystères , et pour lui demander
l^a grâce d'en ressentir et d'en conserver les
fruits; elle est précédée d une aniienne ou
verset qui est appelé communion, parce qu'on
le chantait autrefois avec un psaume pen-
dant que le peuple communiait. La poslcom-
munion est aussi appelée, dans les auteurs
liturgistes , oratio ad complendum , l'oraisoa
pour Unir , parce que c'est la dernière orai-
son de la messe. Dans les premiers siècles ,
la postcommunion était une action plus lon-
gue et plus solennelle. D'abord le diacre,
par une formule assez longue, exhortait le
jieuple à remercier Dieu dos bienfaits qu'il
avait reçus dans la ]jartici]iation aux siinls
mystères ; ensuite lévêque recommauilait à
Dieu, par une action de grâces, tous les be-
soins spirituels et temporels des fidèles ; on
le voit par les Constiiutions apostoliques ,
liv. VIII , c. Ik et 15. Cela se fait encore,
mais plus en abrégé aujourd'hui, par l'orai-
son dont nous parlons et par la prière Pla-
ceat, etc. , que le prêtre dit immédiatement
avant de donner la bénédiction. Bingham,
Orig. ecclés., t. VI, liv. xv, chap. 6, § 1 et 2;
Lebrun , Explication des cérémonies de la
iMcsse, t. I, p. G37.
PRAGMATIQUE SANCTION {Dr. eccl.) (1).
Ce terme est emprunté du Code, où les res-
crits impériaux pour le gouvernemerit des
])rovinces sont appelés Formules pragmati-
ques ou Pragmatiques Sanctions. Il vient du
mot latin sanctio, ordonnance, et d'un mot
giec qui signilie affaire. On l'emploie pour
exprimer les ordonnances qui concernent les
olijets les plus impoitants de l'administration
civile ou ecclésiastique, surtout lorsqu'elles
ont été ren;iues dans une assemblée des
grands du ro.jaume, et de lavis de plusieurs
jurisconsultes. Il nous reste deux Pragmati-
ques célèbres dans notre droit; lune est de
saint Louis, l'autre de Charles \\\.
De la Pragmatique Sanction de saint Louis.
Le plus saint de nos rois, se préparant à une
seconde expédition contre les Sarrasins, vou-
lut assurer la tranquillité de l'Eglise galli-
cane et prévenir les troubles que pouvait
occasionner, jiendant son absence, le défaut
d'une loi précise. L'ordonnance rendue à ce
sujet règle les droits des colJateurs et pa-
trons des bénéfices; elle assure la liberté des
élections, jiromotions et collations; elle con-
firme nos libertés, privilèges et franchises;
elle modère les taxes et les exactions de la
(l) Arlicl* reiJi'udiiil d'aprùs rC'ttiliou de Liéi^e.
I54S
PRA
PRA
1546
cour fie Rome. Cotte Pragmatique est clivis(^e
en six articles, dont voici la teneur. 1. Les
églises, les prélats, les patrons et les colla-
teurs ordinaires des bénélices, jouiront plei-
nement de leur droit, et on conservera h
chacun sa juridiction. 2. Les églises cathé-
drales et autres auront la liherté des élec-
tions, qui sortiront leur plein et entier etïet.
Un manuscrit du collège de Navarre ajoute
après les mots elecliones les deux qui sui-
vent, promotiones, coUaCiones. 3. Nous vou-
lons que la simonie, ce crime si pernicieux
k l'Kglise, soit bannie de tout notre royaume.
4. Les promotions, collations, provisions et
dispositions des prélatures, dignités et autres
bénéfices ou olîices ecclésiastiques , quels
qu'ils soient, se feront suivant le droit com-
mun, li^s conciles et les institutions des an-
ciens Pères. 5. Nous ne voulons aucunement
qu'on lève ou qu'on recueille les exactions
pécuniaires et les charges très-pesantes que
la cour de Rome a imposées ou pourrait im-
poser à l'Eglise de noire royaume, et par les-
quelles il est miséiablemenl a[i[)auvri, si ce
n'est pour une cause raisonnable et très-ur-
gente, ou pour une inévitable nécessité, et
du consentement libre et exprès de nous et
de l'Eglise. 6. Nous renouvelons et approu-
vons les libertés, franchises, préiogatives et
privilèges accordés par les rois nos prédéces-
seurs et par nous, aux Eglises, aux monastè-
res et autres lieux de piété, aussi bien qu'aux
personnes ecclésiastiques. Quelques exem-
J)laires ne renferment point l'article contre
les exactions de Rome, mais on croit avec
raison que des flatteurs de la cour romaine
l'ont retranché de cette ordonnance, qui tend
jjrincipalcment à réprimer les entreprises
des papes sur les droits des ordinaires pour
les élections, les collations des bénélices et
la juridiction contentieuse. Le célèbre d'Hé-
ricourt et quelques autres ont révoqué en
doute l'authenticité de la pièce elle-même;
mais ce doute nous paraît sans fondement.
Fontanon, dans sa Collection des édits; Bour-
chel, dans son Décret; du Boulay, dans sou
Histoire de l'Université; les PP. Labbe et
Cossart, dans la Collection des conciles; Lau-
rière, dans son Recueil des ordonnances: Fleuri,
dans son Institution au droit ecclésiastique et
dans son Histoire, attribuent au saint roi la
Pragmatique dont il s'agit. Pinsson l'a publiée
sous le même titre, avec des commentaires;
du Tillet assure qu'elle se trouve dans les
anciens registres de la cour. Partout elle
porte le nom de Louis et la date de 1268.
Les partisans môme de Rome l'ont reconnue,
comme les défenseurs de nos libertés. S'il
n'en est pas mention dans l'histoire des dé-
mêlés de Philippe le Bel avec B miface VIII,
c'est qu'elle est absolument étrangère îi cette
dispute. Si Charles A'II, dans celle qu'il pu-
blia sur le môme sujet, ne s'autorise point
de l'exemple de saint Louis, c'est un argu-
ment négatif qui ne peut pas suppléer au
défaut des preuves positives. Est-ce une rai-
son pour s inscrire en faux contre le testa-
ment de Philippe-Auguste, parce qu'il n'est
point rappelé dans ce môme édit de Charles,
DlCTION>". DE ThÉOL. DOGUATIQt'E. III.
quoiqu'il ordonne la même chose sur la li-
berté des chrétiens? On trouve d'ailleurs la
Pra(/ni(ilique de saint Louis, citée par Jean-
Juvénal des Ursins, ilans sa remontrance à
Charles \1I. N'est-ce donc jias vouloir faire
illusion i[ue do représenter le P. Aleiandre
comme le chef des inudernes qui soutien-
nent la vérité et l'authenticité de cette loi?
Ignore-t-on (jue le parhïiuent en liCl, que
les états assemblés à Tours en 1483, que
l'Université de Paris en son acte d'appel de
14-91, l'ont consacrée dans des actes publics
comme l'ouvrage du pieux monarque? Est-il
croyable qu'ils la lui ai<'nl attribuée solennel-
lement sans s'être bien assurés du fait? Dès
l'an 1315, Guillaume du Breuil, célèbre avo-
cat, l'avait rapportée sous le même nom dans
la troisième partie de son recueil , connu
sous le titre d'ancien Style du parlement.
Alors elle n'avait point de contradicteurs :
elle a ddiic pour elle l'ancienneté des suffra-
ges; les vrais modernes sont ceux qui osent
la combattre.
De la Pragmatique Sanction de Charles VII.
Le roi Charles VII, étant îi Tours au mois do
janvier li38 (nouveau style), écouta les plain-
tes qu'on vint lui faire, de la part du concile
do Bàle, sur la conduite d'Eugène IV et sur
la convocation du nouveau concile de Fer-
rare; peu de temps après, il se rendit à
Bourges avec un grand nombre de princes
du sang, de seigneurs et de prélats, pour
délibérer sur les affaires présentes de l'Eglise.
Il y eut dans cette assemblée l'archevêque
de Crète, nonce du pape, les archevêques de
Reims, de Tours, de Bourges et de Toulouse.
On y compta vingt-cinq évoques, plusieurs
abbés, et une multitude de députés des cha-
pitres et des universités du royaume. Ce fut
là qu'on dressa le règlement célèbre appelé
Pragmatique Sanction, décret très-renommé
dans nos nistoires et dans toute notre juris-
prudence ecclésiastiqu(f, sans en excepter
même celle d'aujourd'hui : car, comme le
remarque M. de Marca, « Quoique la Prag-
matique Sanction ait été abolie Sfius Léon X
et François I", cependant la plupart des
règlements qu'on y avait insérés ont été
adoptés dans le concordat; il n'y a que les
élections qui soient demeurées entièrement
éteintes, pour faire place aux nominations
royales. » Les séances des prélats de l'Eglise
gallicane s'ouvrirent dans le chapitre de la
Sainte-Cliaiieile de Bourges, dès le premier
jour de mai de l'an li38; mais il parait que
ce furent d'abord de simples conférences
particulières, et que l'assemblée ne fut pu-
blique, générale et solennelle, que le 5 juin.
Alors le roi y présida en personne, et les
envoyés, tant du pape que du concile de
Bàle, se présentèrent jiour soutenir les inté-
rêts de leurs maîtres. Les premiers qui i^ar-
lèrent furent les nonces d'Eugène; ils priè-
rent le roi de reconnaître le concile d • Fer-
rare, d"y envoyer ses ambassadeurs, d'y lais-
ser aller tous ceux (|ui voudi-aicnt faire le
voyage, de rippeler les Français qui étaient
h Bille, de révoquer et de mettre à néant le
décret de suspense porté contre le pape. La
V9
1547
PRA
PRA
1548
requête des dôputés du concile fut toute dif-
férente : ils (demandèrent que les décrets
publiés pour la réforniation de l'Eglise, dans
soH chef et dans ses membres, fussent reçus
et observés dans le royaume; qu'il fût fait
défense à tous les sujets du roi d'aller au
concile de Ferrare, attendu que celui de Bâle
était vrai et légitime ; qu'il plût au roi d'en-
Toyer une nouvelle ambassade aux Pères du
concile de Bflle, pour achever, de concert
nvec eux, ce qu'il restait à ftiire pour le bien
et la réforfination de l'Eglise ; qu'enfin le
^roit de suspense porté contre Eugène fût
gardé et tais en exécution dans toutes les
terres de la domination française. Le princi-
pal orateur de cette députation fut le célèbre
Thomas de Courcelles, alors chanoine d'A-
miens, et depuis curé de Saint-André-des-
Arcs, doyen de Notre-Dame de Paris et pro-
viseur de Sorbonne. Quand le roi et l'assem-
blée eurent entendu les propositions du pape
et celles du concile do Bâle, on fit retirer les
envoyés ; et l'archevêque de Reims, chance-
lier de France, prenant la parole, dit que le
roi avait convoqué tant de personnes de
considération pour prendre leur avis sur le
démêlé qui troublait l'Eglise , que son in-
tention était d'empêcher les éclats d'un
schisme, et qu'en cela il suivait l'exemple do
ses ancêtres, princes toujours remplis d'a-
mour et de respect pour la religion. Cette
courte harangue fut suivie du choix qu''on fit
de deux prélats, pour parler le lendemain sur
la matière présente : ce furent l'évèque de
Castres, confesseur du roi, et l'archevêque
lie Tours. Le premier s'attacha beaucoup à
relever le concile au-dessus du pape, dans le
cas d'hérésie, de schisme et de réformation
générale. L'autre insista particulièrement sur
cette réformation, et il en montra la néces-
sité, non-seulement par rapport à l'Eglise,
mais au«si à l'égard de l'Etat. Le chancelier
demanda ensuite à l'assemblée si le roi de-
vait offrir sa médiation au pape et au concile,
et il ftit conclu que cela serait digne de sa
piété et de son zèle. Mais comme l'oljjet
principal était de rassembler les points de
discipline ecclésiastique qu'on jugeait pro-
pres au gouvernement de l'Eglise gallicane,
on députa dix personnes, tant prélats que
docteurs, pour examiner les décrets du con-
cile de Bâle. Cette révision dura jusqu'au
7 juillet, jour auquel le roi publia l'édit so-
lennel appelé Pragmatique Sanction. C'est, à
proprement parler, un recueil des règlements
dressés par les Pères de Bâle, auxquels on
ajouta quelques modifications relatives aux
usages du royaume ou aux circonstances ac-
tuelles. Voici la substance de cette pièce, di-
visée en vingt-trois titres, dont Côme Guy-
mier nous a donné un commentaire très-sa-
vant, très-long et trop peu lu. Elle est pré-
cédée d'une préface, dont le commencement
explique le dessein de Dieu dans l'institu-
tion de la puissance temporelle. On y établit
qu'une des principales obligations des sou-
verains est de protéger l'Ei^liso et d'employer
leur autorité pour laire observer la religion
de Jésus-Christ dans les pays soumis à leur
obéissance.
Titre P'. De auctoritatc et potestate sacro-
rum generalium conciliorum temporibusque et
modis eadem convocandi et celebrandi. « Les
conciles généraux seront célébrés tous les
dix ans; et le pape, de l'avis du concile finis-
sant, doit désigner le lieu de l'autre concile,
lequel ne pourra être changé que pour de
grandes raisons et par le conseil des cardi-
naux. Quant à l'autorité du concile général,
on renouvelle les décrets publiés à Cons-
tance, par lesquels il est dit que cette sainte
assemblée tient sa puissance immédiatement
de Jésus-Christ; que toute personne, môme
de dignité papale, y est soumise en ce qui
regarde la foi, l'extirpation du schisme et la
réf5rmation de l'Eglise dans le chef et dans
les membres, et que tous y doivent obéir,
même le pape, qui est punissable s'il y con-
trevient. En conséquence, le concile de Bâle
définit qu'il est légitimement assemblé, et
que personne, jias même le pape, ne peut le
dissoudre, le transférer ni le proroger sans
le consentement des Pères de ce concile.
Titre IL De electionibus. « Il sera pourvu
désormais aux dignités des églises cathé-
drales , collégiales et monastiques , par la
voie des élections ; et le pape , au jour de
son exaltation , jurera d'obsei-ver ce décret.
Les électeurs se comporteront en tout selon
les vues de leur conscience ; ils n'auront
égard ni aux prières, ni aUx promesses , ni
aux menaces de personne ; ils recommande-
ront l'affaire à Dieu ; ils se confesseront et
communieront le jour de l'élection ; ils fe-
ront le sei-ment de choisir celui cpii leur
paraîtra le plus digne. La confirmation se
fera par le supérieur ; on y évitera tout
soupçon de simonie , et le pape même ne
recevra rien pour celles qui seront portées
à son tribunal. Quand une élection cano-
nique, mais sujette à des inconvénients,
aura été cassée à Rome , le pape renverra
par-devant le chapitre ou le monastère, pour
qu'on y procède à un autre choix, dans l'es-
pace de temps marqué par le droit. » — La
pragmatique, en adoptant ce décret du con-
cile de Bâle, y ajoute : 1° que celui dont
l'élection aura été confirmée par le pape ,
sera renvoyé à son supérieur immédiat ,
pour être consacré ou béni , à moins qu'il
ne veuille l'être in curia , et que dans ce
cas-là môme , aussitôt après sa consécra-
tion , il faudra le renvoyer à son supérieur
immédiat pour le serment d'obéissance ;
2° qu'il n'est point contre les règles canoni-
ques que le roi ou les grands au royauma
recommandent des sujets dignes de leur
protection, en quoi elle modère les défenses
que fait le concile de Bâle par rapport aux
prières ou recommandations en faveur des
sujets à élire dans les chapitres ou monas-
tèies.
Titre III. De reservalionibus. « Toutes
réserves du bénéfices , tant générales que
particulières, sont et demeureront abolies,
excepté celles dont il est parlé dans le corps
15«
PRA
PRA
1550
du droit , ou quand il sera question dos
terres immédiatement soumises à l'Kgliso
romaine.
TiTRK IV. De coUntionihuH. 11 sera établi
dans chaque Eglise des ministres savants et
'rertueux. Les expectatives faisant souhaiter
^n mort d'autrui, et donnant lieu à une inli-
nilé de procès , les papes n'en ac<;orderont
plus dans la suite; seulement il sera |iei'mis
a eha(jue pape , durant son iiontilicat , de
pourvoir à un bénélice sur un collateur qui
en aura dix, et à deux hénéliccs sur un
collateur qui en auracinquanle et au-dessus,
sans qu'il puisse néanmoins conférer deux
prébendes dans la môme Eglise pendant sa
vie. Ou n'entend pas non |)lus priver le pape
du droit de jirévention. » Mais le décret
touchant la réserve d'un ou d(^ deux béiK'-
tices, quoique rapporté dans la Pragmatique,
n'a point été approuvé |)ar l'E^Jilise gallicane,
non iilus que le décret touchant la [ircveu-
tiou, qui a été jugé contraire aux droits des
collateurs et des patrons, itum cirva 23. Afin
d'obliger les collateurs ordinaires à donner
(las bénélices aux gens de lettres, voici l'or-
dre de discipline qu'on prescrit à cet égard.
« Dans chaque cathédiale , il y aura une
l>iébeude destinée pour un licencié ou un
bachelier en théologie, lequel aura étudié
dix ans dans une université. Cet ecclésias-
liijue sera tenu de faire des leçons au moins
une fois la semaine ; s'il y manque , il sera
puni par la soustraction des distributions
de la semaine ; et s'il abandonne la rési-
dence , on donnera son bénélice à un autre.
(Cependant, pour lui laisser le temps d'étu-
dier , les absences du chœur ne lui seront
point comptées. Outre cette jirébende triéo-
logale, le tiers des béui'lices, dans b's cathé-
drales et les collégiales, sera pour les gra-
dués , c'est-à-dire les docteurs , licenciés ,
bacheliers, qui auionl étudié dix ans en théo-
logie , ou les docteurs et licenciés eu droit
ou en médecine , qui auront étudié se[)t ans
dans ces facultés ; ou bien les maîtres es
arts qui auront étudié cinq ans dejiuis la
lo,.^ique ; tout i;ela dans une université pri-
vilégiée. On accorde aux noljles, ex anliquo
f/enerf , queh^ue diminution par rap[)ort au
temi)s de leurs études ; on les réduit à six
ans pour la théologie , et à trois pour les
autres facultés iuféi'ieures ; mais il faudra
que les preuves de noblesse, du côté de
père et de mère, soient constatées. Les gra-
dués déjà pourvus d'un bénélice qui de-
mande résidence , et dont la valeur monte
à deux cents tlorins , ou bieu qui [losséde-
ront deuv prébendes dans des églises cathé-
drales, ue pourront plus jouir du privilège
de leurs grades. Ou aui'a soin de ne don-
ner les cures des villes murées qui des
gradués, ou du moins à des maîtres es arts.
Ou oblige tous les gradués ii uotitier chaque
année leurs noms aux collateurs, ou à leurs
vicaires, daos le temps du carême ; s'ils y
manquent , la collation faite à un uon gi-a-
dué ue sera pas ceusée uulle. » L'assemblée
de Bourges ajouta quelques explications à ces
règleruens. Par exemple , elle consentit à ce
qLO les expectatives déjà accordées eussent
leur exécution jusqu'à la fête de PAtpies de
l'année suivante , et que le pape pût dis-
poser, pendant le reste de son pontilicat,
des bénélices qui viendraient à va([uer par
la (iromolion des titulaires à d'autres béné-
lices incom(iatibles. A l'égard des grades ,
elle voulut que les cures et les chapelles
entrassent dans l'ordre des bénéfices affectés
aux gradués. Elle permit aux universid-s de
nommer aux colhiteins un certain nombre
de sujets , laissant toutefois à ces collateurs
la lii)erté de choisir dans ce nombre ; c'est ,
comme on voit , l'origine des gradués nom-
més. Enfin, la même .issemblée recommande
fort aux universités de no conférer les béné-
lices cju'à des ecclésiastiques recommanda-
bk's [lar leur vertu et jiar leur science. Nam,
ajoute le texte, ut omnibus nolum est et ridi-
culosum, multi magistrorum nomeu obtincnt,
quos udhuc (liscipulus magis esse drccret.
TiTKE V. De causis. « Toutes les causes
ecclésiastiques des provinces à quatre jour-
nées de Rome seront terminées dans le lieu
même , hors les causes majeures et celles
des Eglises qui dépendent immédiatement
du saint-siége. Daus les appels, on gardera
l'ordre des tribunaux ; jamais on n'appellera
au pape, sans passer auparavant par le tri-
bunal intermédiaire. Siqueli|u'un, se croyant
lésé par un tribunal immédiatement sujet au
pape, [lorte son appel au saint-siége, le papo
nommera des juges inpartibus sur les lieux
mèine, à ruoins qu'il n'y ait de grandes rai-
sons d'évoquer entièrement les causes à Ro-
me. Euliu, on ne pourra ajipeler d'une sen-
tence interlocutoire, à moins que les griefs
ue soieul irréparables eu délinitive.
Titre VI. De frivalis appellationibus.
« Celui qui a|ipellera avant la délinitive, sans
titre bien fondé dans son appel, jiayera à la
[lai tie une amende de quinze florins d'or,
outre les dépens , dommages et intérêts. »
TiTUE VJI. De pacifiais possessoribus.
« Ceux qui auront possédé sans troubles
pendant trois ans, avec un titre coloré, se-
ront maintenus dans leurs bénélices ; les
ordinaires seront tenus de s'enquérir s'il y
a des intrus, des incapables. »
TrriiE VIII. De numéro et qualitate cardi-
nalium. « Le nombre des cardinaux n'excé-
dera pas vingt-quatre ; ils auront trente ans
au moins, et seront docteurs ou licenciés. »
Les évêques de Franco jugèrent (ju'il fallait
modifier le décret du concile de Bde, en ce
qu'il excluait les neveux des papes du car
dmalat, et vouhireiit qu'on pCit décorer de
la pourjire tous ceux qui en seraient dignes
par leurs vertus et par leurs talents.
TiTUE IX. De annatis. n On n'exigera plus
rien désormais, soit en cour de Rome, soit
ailleurs, pour la conQrmalion des élections,
ni pour toute autre disposition en matière
de bénélices, d'ordres, de bénédictions, de
droits do pallium, et cela sous quelque pré-
texte que ce soit, de bulles, de sceau, d'an-
nates, de menus services, de premiers fruits .
et de déports. On se contentera de donner
un salaire convenable aux scribes, abrévia-
153»
PR\
PUA
1552
leurs et copistes des expéditions. Si quel-
qu'un contrevient k ce décret, il sera soumis
aux peines portées contre les siaioniaques ;
et si le pnpe venait à scandaliser l'Eglise en
se permettant quelque chose contre cette
ordonnance, il faudra le déférer au concile
général. >> L'assemblée de nos prélats mo-
déra ce décret en faveur du pape Eugène ;
elle lui laissa pour tout le reste de sa vie la
cinquième partie de la taxe imposée avant
le concile de Constance, à condition que le
payement se ferait en monnaie de France ;
que si le môme bénétko venait à vaquer
plusieurs fois dans une année, on ne paye-
rait toujours que ce cinquième, et que toute
autre espèce de subside cesserait.
Titre X. Quomodo divinum of/icium sit
celebrnndum. « L'office divin sera célébré
avec décence, gravité, la médiante observée;
on se lèvera à chaque Gloria Patri ; on incli-
nera la tête au nom de Jésus ; on ne s'en-
tretiendra point avec son voisin, etc. »
Titre XL Quo tempore quisque dcbeat esse
in choro. « Celui qui, sans nécessité et per-
mission demandée et obtenue du président
du chœur, n'aura pas assisté à matines avant
la fin du Venile exsultemus, aux autres heu-
res, avant la tin du premier psaume, et à la
messe avant la lin du dernier Kyrie eleison,
et qui n'y aura pas demeuré jusqu'à la fin,
sera réputé absent pour cette heure, sans dé-
roger aux usages plus stricts des Eglises.
Celui qui n'aura pas assisté aux processions
depuis le commencementjusqu'àla tin éprou-
vera le même traitement ; le pointeur s'o-
bligera par serment à être fidèle et à n'é-
pargner personne. Lorsqu'il n'y aura pas de
distributions établies pour chacune des heu-
res, elles seront })rises sur les gros fruits :
celui qui n'aura assisté qu'à une heure ne
gagnera pas les distributions de tout le jour;
on abolira l'usage de donner au doyen et
aux ofiiciers les distributions quotidiennes,
sans assister aux heures, quoiqu'ils ne soient
pas actuellement absents pour l'utilité de
l'Eglise. »
Titre XIL Qualiler horœ canonicœ sunt
dicrndœ extra chorum.
Titre XIIL De his qui tempore divinorum
ofliciorum vagantur per ecclesiam.
Titre XiV. De tabula pendente in choro.
« Chaque chanoine , ou autre bénéficier,
poLU-ia voir sur ce tableau ce qu'il y aura à
faire à cliaque heure pendant la semaine ;
et s'il néç^lige de satisfaire par lui-môme, ou
par un autre, à ce qui lui sera prescrit, il
perdra les distributions d'un jour pour cha-
que heure. »
Titre XV. De his qui in missa non comr-
plent Credo, vel canlant cantilenas, vel nimis
basse missam legunl, prœler sécrétas oratio-
nes, aut sine ministro.
Titre Wl. De pignorantibus cullum divi-
num. « Les chanoines qui s'obligeront à sa-
tisfaire leurs créanciers dans un temps pres-
crit, sous peine de cessia* l'oflice divin, s'ils
manquent à leur engagement, perdront, ipso
^to, trois mois de leur prébende. »
"■ .Titre XVIL De tenenlibus capitula tempore
missa. 'S II est défendu de tenir chapitre dans
le temps de la messe, particulièrement aux
jours solennels , sans une urgente et évi-
dente nécessité. »
Titre XVIIL De spectaculis in ecclesianon
faciendis. Cet article condamne la fête des
fous et tous autres spectacles dans l'Eglise.
Titre XIX. De concubinariis. « Tout con-
cubinairo public sera suspens ipso facto, et
privé pendant trois mois des fruits de ses bé-
néfices au profit de l'Eglise dont ils provien-
nent. Il perdra ses bénéfices en entier après la
monilion du supérieur; s'il reprend sa mau-
vaise habitude après avoir été puni par le
supérieur et rétabli dans son premier état,
il sera déclaré inhabile à tout office, dignité
ou bénéfice ; si les ordinaires négligent de
sévir contre les coupables, il y sera pourvu
par les supérieurs, par les conciles provin-
ciaux, par le pape même, s'il est nécessaire. »
Au reste, on appelle concubinaires publics,
non-seulement ceux dont le délit est cons-
taté par sentence, ou par l'aveu des accusés,
ou par la notoriété du fait, mais encore qui-
conque retient dans sa maison une femme
suspecte, et qui ne la renvoie pas après en
avoir élé averti par son supérieur. On ajoute
que les prélats auront soin d'implorer le bras
séculier , pour séparer les personnes de
mauvaise réputation de la compagnie de
leurs ecclésiastiques , et qu'ils ne permet-
tront pas que les enfants nés d'un commerce
illicite habitent dans la maison de leur? pères.
Le titre 20, de excommunicatis non vitan-
dis, lève la défense d'éviter ceux qui ont été
frappés de censures, à moins qu'il n'y ait
une sentence publiée contre eux, ou bien
que la censure ne soit si notoire, qu'on ne
puisse ni la nier ni l'excuser.
Le titre 21, de interdictis indifferenter non
ponendis, condamne les interdits jetés trop
légèrement sur tout un canton. 11 est dit
qu'on ne procédera de cette manière que
quand la faute aura été commise par le sei-
gneur, ou le gouverneur du lieu, ou leurs
officiers, et qu'après avoir publié la sentence
d'excommunication contre eux.
Le titre 22, de sublatione Clementinœ litte-
ris, tit. de probat., sup;irime une décrétale
qui se trouve parmi les Clémentines, et dit
que de simples énonciations dans les let-
tres apostoliques, portant qu'un tel est privé
de son bénéfice ou autre droit, ou qu'il y a
renoncé, n'est pas suffisante, et qu'il faut des
preuves.
Le titre 23, de conclusione Ecclesiœ galli-
canœ, contient la conclusion de l'Eglise gal-
licane pour la réception des décrets du con-
cile de Bâle, qui y sont énoncés, avec les
modifications dont nous avons parlé. Les
évèques prient le roi, en finissant, d'agréer
tout ce corps de discipline, de le faire pu-
blier dans son royaume, et d'obhger les of-
ficiers de son parlement et des autres tribu-
naux à s'y conformer ponctuellement. Le
roi entra dans ces vues, et envoya la Prag-
matique Sanction au parlement de Paris ,
qui l'enregistra le 13 juillet de l'année sui-
vante H39. Mais, par une déclaration du 7
l.fSS
PRA
PRA
1581
août 1441, il ordonna que les décrets du
concile de BA!e , rapportes dans la Prwjma-
tique, n'auraient leur exécution qu'à comp-
ter (lu jour de la date de cette ordonnance,
sans avoir égard à la date des décrets du
concile. On voit dans toute cette pièce une
grande attention è recueillir tout ce qui pa-
raissait utile dans les décrets du concile de
BAIe, et une déclaration néanmoins bien
positive de l'attachement qu'on voulait con-
server pour la personne du pape Eugène IV ;
ce furent en elfet les deux points fixes
du roi Charles Vil et de l'Eglise gallicane,
durant tous les démêlés qui aflligeaient alors
l'Eglise.
La Pragmatique, maintenue dans son en-
tier sous Charles \\\, qui en ordonna do
nouveau l'exécution en li53, reçut dans la
suite de grandes atteintes. On ne voulut ja-
mais l'apjirouver à Rome; elle fut môme re-
gardée, (lit Robert Gaguin, comme une héré-
sie pernicieuse, tant il est vrai que cetie cour
a, de tout temps, érigé ses |irélentions en ar-
ticles de foi! » C'était, s'il en faut croire
Pie II, une tache qui défigurait l'Kglise de
France, un décret qu'aucun concile géné-
ral n'avait porté, qu'aucun pape n'avait reçu;
un principe de confusion dans la hiérai'cliio
ecclésiastique, puisqu'on vo^'ait depuis ce
temps-là cjue les laïques étaient devenus
maîtres et juges du clergé; que la puissance
du glaive spirituel ne s'exerçait plus (|ue
sous le bon fdaisir de l'autorité séculière;
(lue le pontife romain, nudgré la plénitude
tte juri(Jiction attachée à sa dignité, n'avait
plus de pouvoir en France, (ju'autant qu'il
plaisait au parlement de lui en laisser. »
Ainsi parlait aux ambassadeurs de France,
dans l'assemblée de Mantoue en 1V5'J, un
pontife bien différent alors de ce qu'il avait
été au concile de BAlo, où la Pramagtique
passait pour une œuvre toute sainte, pour un
plan admirable de réforraation. La politique
de Louis XI osa abattre ce mur de division,
élevé depuis plus de vingt ans entre les
cours de France et de Rome. Ce monarque
crut voir bien des avantages dans la des-
truction de la Pragmatique. C'était d'abord
une des règles de sa conduite, de prendre
en tout le contre-pied du roi son père. La
Pragmatique était l'ouvrage de Charles VII,
c'en était assez pour qu'elle déplût à Louis XL
D'ailleurs, la discipline établie par cette or-
donnance, ramenant tout au droit commun,
laissant les élections aux chapitres et aux
abbayes, déférant aux évèques la collation
des loénéfices, il arrivait que dans chaque
province, dans chaque évéclié, les seigneurs
particuliers se renaaieut maîtres, par leur
crédit ou pas leurs menaces, des principales
dignités ecclésiastiques; ce qui augmentait
l'autorité des seigneurs vassaux de la cou-
ronne, au grand déplaisir de Louis. Ce prince
crut qu'il n'en serait pas de même sur l'in-
fluence qu'aurait le saint-siége dans le gou-
vernement de l'Eglise gallicane, après l'a-
bolition de la Pragmatique : car, comme le
roi serait toujours plus puissant auprès des
papes que les seigneurs subalternes, il de-
vait aussi en être plus écouté, quand il de-
manderait des grâces ecclésiasti(iues : Louis
se flattait inéme (jue peu à |)eu la cour ac-
querrait une sorte de direction géïK'T.ile
pour le choix des sujets, et nue les sujets
placés à la recommandation ae la cour so
trouveraient liés à elle par des motifs de re-
connaissance; de plus, il esjjéra qu'en fai-
sant le sacrifice de la Pragmatique, il déter-
minerait le pape à abandmnier le parti des
princes aragonais, pour favoriser celui des
nrinces Angevins : toutes ces consiiléralions
l'engagèrent à écrire au pontife une lettre en
date du 2" novembre IWl, dans laquelle il
reconnaît que « la Pragmatique a été faite
dans un temps do schisme et de sédition;
(ju'elle ne peut causer que le renversement
des lois et du bon ordre; qu'elle rompt l'u-
niformité qui doit régner entre tous les
Etats chrétiens ; qu'il casse dès à présent
cette ordonnance, et que si quelques pré-
lats osent le contredire, il saui-a les réduire
au parti de la soumission. » L'intrigant évé-
cjue d'Arras, Jean Geoffroi ou Joufl'roy, con-
fident de Louis en tout ce qui concernait
l'abolition de la Pragmatique, fut le chef de
l'ambassade solennelle que le roi envoya au
pape peu de temps après, pour mettre le
dernier sceau à cette affaire ; il porta la pa-
role dans la première audience de Pie, et
reçut le chapeau des mains du saint-père,
jiour prix de sa flatterie et de ses artifices.
Un autre ambitieux, connu jtar sa perfidie,
l'évoque d'Angers, Balue, obtint le même
honneur de Paul 11, par les mêmes moyens.
L'abolition de \a Pragmatique n'était pas en-
core revêtue des formes légales : Louis XI,
pour procurer la pourpre à son favori, rendit
unedéc'aration à ce sujet. Balue la porta au
parlement le premier jour d'octobre 1467,
et en requit l'enregistrement ; mais il y
trouva des oppositions invincibles de la part
du piocureur général Jean de Saint-Romain,
qui déclara que la Pragmatique était une
ordonnance utile à l'Eglise gallicane , et
qu'il fallait la maintenir. Ce respectable ma-
gistrat protesta qu'd aimerait mieux perdre
sa charge, et la vie même, que de rien faire
contre sa conscience, contre le service du
roi et le bien de l'Etat. Louis, informé des
oppositions du procureur général, lit i)ublier
sa déclaration au ChAtelet, et voulut, en ou-
tre, qu'on lui présentât par éci'it les motifs
qui avaient empêché le parlement d'enregis-
trer ses lettres. Cette cour lit dresser alors
les longues remontrances qu'on nous a con-
servées; on y lit ([ue la Pragmatique Sanction^
était le résultat des conciles de Constance et de
Bâle ; qu'elle avait été dressée du consente-
ment des princes du sang, des évèques, des
abbés, des communautés monastiques, des
universités du royaume ; que l'Etat et l'E-
glise jouissaient d'une grande tranquillité
depuis qu'on l'observait ; qu'on avait vu dans
les évêchés des prélats recomraandables
par leur sainteté ; qu'on ne pourrait la dé-
truire saus tomber dans quatre grands in-
convénients, la confusion de l'ordre ecclé-
siastique, la désolation de la France, l'épui-
ism
PRA
PRA
4556
sèment des finances du royaume, et la ruine
totale des Eglises. Cet écrit détaille chacune
de ces conséquences, insistant toutefois da-
vantage sur le premier et sur le troisième
article, prétendant que, par la destruction
de la Pragmatique, on va donner lieu au ré-
tablissement des réserves, des exjiect.itives,
des évocations de procès en cour de Rome ;
qu'ensuite on verra le royaume surchargé
d"a!Hiales et d'une multihnlo d'autres taxes.
On fiiit sentir combien ce trans|)ort d'urgent
hors du royaume est préjudiciable à l'Étal;
on rappelle à cctle occasion les sommes qui
avaient été payées à la chambre apostolique
dans l'espace de trois ans, et l'on en t'ait
monter le total à deux raillions cinq cents
raille écus d'or. L'Université de Paris se
joignit au parlement. A peine la déclaration
de Louis XI eut-elle paru, que les docteurs
en a[)pelôient sur-le-ch,imp au concile gé-
néral; ils envoyèrent même des députés à
JoulTroy, appelé alors le caniinal d'Albi,
légat du paiie, pour lui signifier l'acte d'ap-
pel. Tous ces mouvements pour la Prayma-
tU/ue empêchèrent encore cette fois sa des-
truction totale. Louis XI s'engagea encore à
l'abolir entièrement, dans l'espérance que
Sixte IV refuserait la dispense dont le duc
de Guyenne, frère du monar(iue, avait be-
soin pour épouser Mario de Bourgogne. La
mort de ce jeune jirincc fit cesser ce motif;
Louis XI n'en parut pas moins disposé à ter-
miner les contestalions qui divisaient les
cours de France et de Rome : il traita même
avec Sixte en lkl2, par des envoyés qui, de
concert avec le pape, arrêtèrent, entre autres
choses, que le saint-siége aurait six mois, k
commencer par le mois de janvier, et les
ordinaires six mois, à commencer par fé-
vrier; et ainsi de suite alternativement, dans
lesquels ils conféreraient les bénéfices va-
cants comme s'il n'y avait aucune expectati-
ve. Mais cet accord n'eut pas lieu, et Louis,
en 1479, tenta de rétablir \aPra(/matiquc dans
une assemblée tenue à Lyon, qui en rapjjela
les dispositions iiriiicipales. Louis XII con-
firma ce décret dès son avènement à la cou-
ronne, et jusqu'en 1512, plusieurs arrêts du
parlement en maintinrent l'autorité^; ce qui
n'empêchait pas qu'on n'y dérogeât de temps
en temps, surtout quand la cour de France
était en bonne inlelligence avec celle de
Rome; au reste, la Pragmatique était tou-
jours une loi de discipline dans l'Eglise gal-
licane. Jules II crut qu'il était temps de ré-
tablir pleinement son autorité par rapport
aux bénéfices et au gouvernement ecclésias-
tique. H fit lire dans la quatrième session
du concile de Latran, tenue le 10 décembre
1512, les lettres données autrefois par Louis
XI pour supprimer la Pragmatiqtie. Un avo-
cat consistorial prononça ensuite un long
discours, et requit l'abolition totale de cette
loi. Un promoteur du concile deijianda que
les fauteurs de la Pragmatique, quels qu'ils
pussent être, rois ou autres, fussent cités au
tribunal do cette assemblée, dans le terme
de soixante jours, pour faire entendre les
raisons qu'ils auraient de soutenir un décret
si contraire à l'autorité du saint-siége. On fit
droit sur le réquisitoire, et l'on décida que
l'acte de monition serait affiché à Milan, <i '
Ast et il Paris, parce qu'il n'était pas silr de
le publier en France. L'adresse des envoyés
du roi et la mort de Jules II ralentirent la
vivacité des procédures. Enfin, Léon X et
François I", dans leur entrevue à Roulo-
gne, conçurent l'idée du Concordat, qui
règle encore aujourd'hui la discipline de
l'Eglise gallicane. Le saint-père, non con-
tent d'approuver ce traité par une bidle du
18 août 1516, abrogea, par une autre bulle,
la Pragmatique, qu'il appelle la corruption
française établie à Bourges. La vérification
du Concordat excita des mouvements (|ui en
suspendirent l'exécution; et lors même qu'il
fut enregistré, on vit que la Pragmatique oc-
cupait toujours le premier rang dans l'es-
time des ecclésiastiques et des magistrats
français. Reconnaissons néanmoins, avec M.
de j\iarca, « que le Concordat a rétabli la paix
dans l'Eglise gallicane, et qu'il a fait plus
de bien au royaume que la Pragmatique
Samlioj}. Il n'est pas étonnant que ce décret
ait trouvé dans sa naissance tant de contra-
dicteurs. Le clergé ne put voir tranquille-
ment qu'on le privait d'un de ses plus beaux
droits; il sentit vivement cette perte; il en
aursela au futur concile général ; le parlement
entra dans ses vues. Un changement si subit
et si considérable dans le gouvernement des
Eglises, étonnait tous les esprits; il n'y avait
que le temps et l'habitude qui pussent les
calmer. » Nous ajouterons, qu'en faisant
[lasser dans la main du souverain le droit
d'élire les pasteurs, on pourvoit au gouver-
nement des Eglises , de manière à n'exciter
ni brigues, ni violences; que d'ailleurs il
est important, pour la sûreté du royaume,
que nos rois placent dans les évêchés et
dans les grands bénéfices, ceux de leurs
sujets dont ils connaissent la fidélité, et dont
les talenls s'étendent au maintien do l'or-
dre public, comme aux choses delà religion.
Avant de finir sur cette matière, nous
examinerons quelques questions. D'abord,
on demande si la Pragmatique a été dressée
par toute l'assemblée de Bourges, comme
quelques auteurs l'ont avancé, ou si elle est
l'ouvrage du clergé convoqué dans cette as-
semblée. Le texte même lève les doutes qui
pourraient s'élever à se sujet. Il dit formel-
lement qu'il n'y a eu que les prélats et au-
tres ecclésiastiques représentant l'Eglise de
France, qui aient apporté des modifications
aux décrets du concile, et même que les Pè-
res de BAle n'envoyèrent leurs décrets qu'au
roi et à l'Eglise. On en peut juger par les
paragraphes de la préface, quœ quidem, qui-
tus attente, et quœ omnia. Le corps de la Pra-
gmatique en renferme autant de preuves
qu'il y a de titres : à la suite de chaque titre,
1 assemblée accepte ou modifie les décrets;
il est marqué à la fin du premier, que par
l'assemblée on n'entend que les évêques et
les autres ecclésiasti(iues qui représentent
toute l'Eglise de France; acrrptavit et ac-
ceptât, prout jacentfjam doctorum prœlato-
15K7
VRA.
PRA
4^.8
rum, ca'terorumc/ue virorum crrtrismsticorum
ipsam Ercksiam reprœsnUantium coïiqnqntio
sœpr dicta. Presque tnus les mots du para-
graphe Ea propter, qui contient l'approba-
tion ou contirmation du roi, sont autant de
preuves que \a. Pragmatique n'a été faite que
par l'Eglise de France.
Voici une autre question qui concerne l'au-
torité do la Prnr/mati(iue. On demande si elle
a été faite dans le schisme. Plusieurs l'ont
cru, fondés surletémoignagedu roiLouis XI,
qui le dit dans une lettre au pape Pie II,
■ut pôle quw in seditione et schinmatis tempore
nala sit; le pape Léon X le dit aussi dans
une lettre rapportée dans le cinquième con-
cile de Lalran. Ce môme pape avance dans
le litre premier du concordat, que c'est le
motif qui obligea Louis XI de l'abroger. Le
parlement de Paris, dans ses remontrances,
et lo plus grand nombre de nos meillfurs
auteurs, ont soutenu avec raison que la Prag-
matique n'a point été faite dans le schisme;
une grande partie des décrets qu'elle renfer-
me ont été dressés, il est vrai, après que les
brouilleriesduconcilode Bûie avec Eugène IV
eurent commencé. Le pape voidait faire fi-
nir le concile, ou le transférer; les Pères
assemblés s'y refusèrent et firent plusieurs
décrets contre le pontife. Mais le schisme ne
coumicnça tju'ii la déposition d'Eugène en
1439, au mois de juin, et fut consommé par
l'élection de Félix, au mois de novembre do
la même année. Or, l'assemblée do Bourges
avait accepté les décrets du concile de BAle
avant cette époque, et le roi Charles VII les
avait confirmés le 7 juillet ii38. Il est mémo
à remarquer que le 2-2' titre de la Pragma-
tique, qui précède immédiatement la conclu-
sion de l'Ègliso gallicane, est un décret du
mois de mars l'i3G. D'ailleurs, le pape lui-
même a confirmé les seize premières sessions
dans un temps où il n'y avait pas de division
entre lui et les Pères assemblés. En un mot,
le titre De l'autorité des coneiles, tiré de ]a
première et de la seconde session, suppose
évidemment que le concile a pu faire tous
les autres, sans qu'on puisse les arguer de
nullité, sous prétexte que n'ayant pas été
agréables au saint-père, ils ont été faits en
temps de schisme. Il est donc certain que
les décrets du concile de BAle, insérés dans
la Pragmatique, émanèrent d'une autorité
légitime. Mais, nous dira-t-on, de quel droit
l'Eglise gallicane a-t-elle apposé des modifi-
cations ^ un règlement qui devrait être révéré
comme celui de l'Eglise universelle ? Nous
répondrons, avec l'auteur des Mémoires du
clergé, t. X, p. 58 et suivantes, que le roi et
l'Eglise de Franche assemblés h Bourges n'ont
pas voulu diminuer l'autorité du concile de
B;\le, mais que les décrets des conciles, sur ce
qui regarde la discipline extérieure et le gou-
vernement, ne doivent être reçus qu'autant
qu'ils sont utiles aux peuples qu'on veut
conduire, et qu'il en faut de diQi%ents, sui-
vant les circonstances, les temps et les mœurs
4es Etats et des siècles. Les conciles géné-
raux ont fait leurs règlements de la manière
la plus convenable à la plus grande partie
des nations. Ouoiqu'il y eilt des pays qui
parussent demander d'autres lois dans leur
état présent, les évêques de ces contrées
n'ont pas cru devoir s'o^iposer aux décrets
des conciles où ils se sont trouvés ; ils ont
supposé que ces dispositions regardaient
seulement les peuples et les îlglises placés
dans certaines circonstances, et qu'ailleurs
on y apposerait les modifications nécessaires
pour les rendpe utiles. Tels sont les vrais
principes consacrés dans la préface de la
Pragmatique, § Quœ omnia. Ces règles sur la
discipline <le l'Eglise sont bien expliquées
dans le procès-verbal de la chambre ecclé-
siastique des états de IGl'i., au sujet du con-
cile de Trente, dont cinquante-cinq prélats
du clergé ^eman^laient la réception avec cer-
taines modifications. Cette manière de rece-
voir les décrets des conciles généraux en
matière de discipline n'est point nouvelle ;
les grandes Eglises ont été iicrsuadées, dans
tous les temps, que^ sans faire injure à ces
assemblées, on pouvait maiicpienir les coutu
mes anciennes dont les peuples étaient édi-
fiés, et qui convenaient aux circonstances.
On sait la vénération que toutes les Eglises
avaient pour le premier concile de Nicée ;
c'est néanmoins un sentiment ordinaire que
)e vingtième canon de ce concile, qui or-
donne de prier debout aux jours de diman-
che, et depuis PAques jusqu'à la Pentecôte,
n'a point été suivi dans plusieurs Eglises, et
surtout dans celles (Je l'Occident, qui con-
servèrent toujours leur usage de prier à
genoux. Chaque pays a eu ses règles çt ses
coutumes particulières, non-seulement dans
ce qui concerne l'ordre et les cérémonies du
service divin, la solennité des fêtes et les
autres choses 4e discipline, que l'on regarde
comme moins considérables, mais aussi dans
îes empêchements qui peuvent rendre nuls
jes mariages des catholiques, et sur d'autres
points dont les suites soijt considérées comme
moins importantes.
Alexandre III, dans une réponse à un éyê-
que d'Amiens, rapportée dans la Collection
de Bernard de Payie, la première des ancien-
nes Collections des Décr^ales, 1. iv, tit. IC,
De frigidis et mahficiatis, §3, c 3, suppose
qu'un mariage reconnuà Rome pourlégitime,
pourrait être nul en France. On croit devoir
cg'outer sur les usages de l'Eglise gallicaii,e,
que plusieurs, qui lui étaieat particuliers,
sont devenus la discipline générale de tout»
l'Eglise. — La coutume de l'aire publier de>
bans, pour empêcher les mariages clandes-
tins, a commeucé dans l'Eglise de France, et
a été érigée ep loi générale par un décret
d'Innocent III, rap[)orté dans le cinquante-
unième canon, entre ceux qui sont attiibués
au quatrième concile de Latran, tenu en 1215,
et par les Pères du concile de Trente, sess.
24, c. 1. Il en est de même de l'usage observé
dans les chapitres, d'affecter une prébende
pour la substance du théologal, et une autre
pour la préceptoriale qui a passé du clergé
de France dans toute l'Eglise.
Ce que nous venons de dire nous a paru
d'autant plus important, qu'il justifie l«s mo
ISfîO
PRA
PRA
1S60
difications apposées par l'assemblée de Bour-
ges aux décrets du concile de BAle, et qu'il
nous fait voir, dans l'ancienneté des coutu-
mes qui nous ont été propres, un des prin-
cipaux fondements de nos franchises et de
nos libertés. Enfin, la question la plus utile
sur la Pragmatique est de savoir quelle au-
torité on lui donne dans l'usage de notre
siècle ; si uno partie de ses dispositions fait
encore la rèsle de notre discipline, ou si elle
y est regardée comme abrogée dans toutes
ses parties. Quelques auteurs ont avancé que
la Pragmatique cs\. entièrement abrogée dans
l'Eglise de France. Ils sont fondés sur le
discours de Pie II, dans l'assemblée de Man-
toue ; sur la lettre de Louis XI au même
pontife ; sur plusieurs bulles et actes de Ju-
les II et de Léon X, et spécialement sur la
bulle de ce dernier pape , Pastor œtenius ;
mais cette opinion ne peut plaire qu'à des
ultramontains, pour qui tous les décrets de
Rome sont des onicles. C'est la doctrine
commune du royaume, que les articles de la
Pragmatique non contraires à ceux du con-
cordat qui y sont suivis, n'ont pas été abro-
gés ; plusieurs même ont été confirmés par
d'autres ordonnances et par la jurisprudence
des arrêts : les articles dont le concordat ne
parle point ont été conservés. François I"
s'en ex|)lique assez clairement dans le pré-
ambule, lorsqu'il expose les raisons qui l'ont
déterminé à conclure ce traité avec Léon X :
Ita confecta temperataque sunt ea conventa, ut
pleraque Pragmaticœ Sanctionis capila, firma
nobis poithac rataque futura sint , qualia
sunt ea quœ de reservationibus in universum
aut sigiUatim factis statuunt, de collationibus,
de causii, de frustatoriis apnellationibus, de
antiquatione constilutionis Clementinœ quam
litleris vacant, de libère quieteque possiaenti-
bus, de concubinariif, quœdamque alia quibus
nihil iis conventis derogatum abrogatumque
fuit ; ni si [si in quibusdain capitibus nonnul-
la interpretanda , immutandave censuimus)
quod ita referre utilitati publicœ arbitrare-
tnur. Les gens du roi disent la môme chose
dans l'avis qu'ils donnèrent, en 1586, sur les
sommes que les officiers du pajie entrepre-
naient de faire lever dans le royaume. Le
concordat n'a dérogé à la Pragmatique, sinon
es points qu'il a expressément corrigés ou ré-
voqués. On doit observer néanmoins qu'il y a
des articles dans la Pragmatique dont il n'est
point parlé dans le Concordat, et qui ne sont
pas suivis ; tel est le titre 8 de numéro et qua-
Jitate cardinalium, qui n'est pas observé ;
tel est le titre 9 de annatis. Ainsi, il peut y
avoir des articles de la Pragmatique concer-
nant le pape et la cour de Rome, qui ne
soient plus en usage, quoiqu'ils ne soient
point mentionnés dans l'accord des restau-
rateurs des lettres ; mais ceux qui règlent la
discipline intérieure de l'Eglise de Franco
ont toujours force de loi, s'ils n'ont pas été
"évoqués : on a maintenu d;ms toute leur
▼igueur les titres qui regardent la célébra-
!ion de l'office divin, et ceux qui suivent,
Jusqu'à la couclusion de l'Eglise gallicane.
Plusieurs arrêts confirment cettç explication.;
Le chapitre d'Orléans avait dressé des sta-
tuts contraires aux règlements de la Prag-
matique ; quomodo divinum officium sit ccte-
brandum, quo tempore quisque dcbeat esse in
choro ; qualiter horœ canonicœ sint dicendce,
et de his qui tempore divinorum officiorum
vagantur per ecclesiam. Le procureur géné-
ral du parlement de Paris se rendit appe-
lant comme d'abus de ces nouveaux statuts,
qui furent annulés par arrêt du 5 août 1535.
11 paraît, par un arrêt de la môme cour,
rendu le premier janvier 1551, que, peu do
temps après, le chapitre d'Orléans ayant
cessé d'exécuter ce règlement, le parlement
réitéra ce qu'il avait ordonné. Autres arrêts
rendus contre le chajiitre de Saint-Etienne
de Troyes, le 12 octobre 1535; le chapitre
de Saint-Pierre de Mâcon, le 11 juillet 1672 ;
le chapitre de Meaux, le 5 août 1703. Il est
ordonné par celui-ci, « que les doyens, cha-
noines et chapelains, et autres du clergé de
ladite église, seront tenus d'observer l'arti-
cle de la Pragmatique, tiré du concile de Ba-
ie, au titre quo tempore quisque debeat esse
in choro. Et en conséquence, que nul ne
serait payé de la rétribution fixée pour les
heures de l'olTice, s'il n'y a assisté, à moins
d'une excuse légitime en cas de droit. » On
en rapporte quelques autres, tome X des
Mémoires du Clergé, pages 84, 85 et 86.
. Nous ne croyons pas pouvoir terminernos
recherches sur la Pragmatique, d'une ma-
nière plus intéressante pour le lecteur ,
qu'en transcrivant ce que dit l'auteur du
Clergé de France, dans son discours préli-
minaire, page 38, tome I. « La Pragmatique,
revêtue de l'autorité de Charles VII, éleva
un mur de séparation entre les cours de
France et de Rome. Louis XI osa l'abattre ;
mais, changeant au gré des caprices de sa
politique, il tenta de le rétablir. Sixte IV sut
temporiser, et le nuage se dissipa. Bien dif-
férents de ces deux hommes, Louis XII et
Jules II firent éclater leurs querelles. Au
lieu de ménager son ennemi par des délais,
à l'exemple de Sixte, Jules, ardent et belli-
queux, se montra aussi prompt à prendre
les armes qu'à lancer des anathèmes. Au
lieu de se borner à des menaces comme
Louis XI, Louis XII se vengea par des pro-
cédures mal entreprises et mal soutenues.
Léon X et François I" ouvrirent une scène
nouvelle, les restaurateurs des lettres le fu-
rent de la discipline ecclésiastique. Fran-
çois acquit plus de gloire à Boulogne que
dans les champs de Marignan. Quoi de plus
capable de signaler son règne que le Con-
cordat, ce chef-d'œuvre de sagesse et de
justice ? Préparé par les lumières d'une triste
expérience, établi par le concours des deux
autorités, cimenté par les contradictions, ce
traité si libre a fait cesser les brigues, les
réserves et l'abus des expectatives (1). »
(1) Cet article respire en plusieurs points un galli-
canisme exagéré. La pragniatique envahissaii évi-
demment les droits du saini-siége. Le peu de temps
pendant lequel elle fut en vigueur montra qu'elle ren-
fermait des principes anarchiques. Il fallut recourir
«u Concord?.*»
4661
PRA
PRA
iSG«
PRAGUE (Jérôme de). Voy. Hussites. '
PRAXÉKNS ou PRAXÉIENS, sectateurs
',de Praxéas , hérétique du ii" siècle. Celui-ci
avait été cPabord disciple de Montai! ; il l'a-
bandonna ensuite , et vint à Rome , où il lit
connaitre au pape Victor les erreurs de la
svcte qu'il avait quittée ; mais il devint lui-
même chef de parti. 11 enseigna (ju'il n'y a
qu'une seule personne divine, savoir le Père;
que c'est le Père qui est descendu dans la
sainte Vierge et en a pris naissance; qu'il a
soutl'ert et qu'il est Jésus-Christ même. A
peu près dans le môme temjis , un certain
Noét, de Smyrne ou d'Ephèse, enseignait la
même erreur en Asie. Voy. Noétiens. Elle
fut embrassée par Sabollius. Voy. Sabellia-
NisME. Ces divers hérétiques et leurs secta-
teurs furent appelés monarchiens ou monar-
chiques, parce qu'ds ne reconnaissaient que
Dieu le Père comme Seigneur de toutes cho-
ses, et patripassiens , parce qu'ils le su[>po-
saient capable de soutlrir.
ïertullien écrivit contre Praxéas un livre
dans lequel il le réfute avec beaucoup de
force. Il lui oppose la croyance de l'Ei^lise
universelle , qui est qu'il n'y a qu'un seul
Dieu , mais que Dieu a un Fils , qui est son
Veibe, qui est sorti de lui, par lequel toutes
choses ont été créées , que ce Verbe a été
envoyé par le Père dans le sein de la Vierge
Marie ; que c'est ce Verbe qui est né d'elle,
homme et Dieu tout ensemble , qui est
nommé Jésus-Christ, qui est mort, qui a été
enseveli, et qui est ressuscité. Voilà, conti-
nue Tertullien , la règle de l'Eglise et de la
foi depuis le commencement du christia-
nisme ; or, ce qu'il y a de plus ancien est la
vérité, ce qui est nouveau est l'erreur ; con-
tra Prax. , c. 2. Ce Père prouve ensuite le
dogme catholique par une foule de passages
de l'Ecriture sainte.
Comme , au jugement des protestants , un
hérétique ne peut jamais avoir tort. Le Clerc,
dans son Hisl. ecclés., h l'an 18G , p. 789 , a
tAché de disculper Praxéas aux dépens de
ïertullien ; il pense que le premier ne niait
pas absolument la distinction entre le Père
et le Fils, qu'il soutenait seulement que ces
deux Personnes n'étaient pas deux substan-
ces , au lieu que Tertullien admettait en
Dieu distinction et pluralité de substances.
C'est une pure calomnie contre ce Père.
Dans le chapitre même que nous citons , il
répète deux fois que le Père , le Fils et le
Saint-Esprit sont une seule et même subs-
tance, parce qu'ils sont un seul Dieu.
Beausobro, dans son Bist. du Manichéisme,
1. ni, c. 6, § 7, a poussé plus loin la har-
diesse; comme Tertullien a dit à la fin de
son livre des Prescriptions que l'hérésie de
Praxéas a été continuée par Victorien, on
convient, dit Beausobre, que ce Victorien
est le pape Victor : 1" c'est une imposture,
aucun auteur ancien n'en a eu le moindre
soupçon; il était réservé aux protestants de
forger cette accusation sans jireuve; 2" les
savants conviennent que les sept derniers
cliai)itres des Prescriptions ne sont pas do
Tertu.lien: voy. les notes de Ltipus sur le
chapitre 4-5. 3° Oi>an<J ils en seraient, Beau-
sobre observe lui-même que Tertullien était
irrité de ce que le pape Victor avait retiré
sa communion aux montanistes; son accu-
sation serait donc fort suspecte. Ensuite
Beausobre entreprend de justifier Praxéas,
Noët et Sabellius des erreurs qui leur sont
imputées par les Pères de l'Eglise. — 1° 11
dit que Tertullien n'était pas à Rome où
Praxéas enseignait sa doctrine, qu'il ne l'a pas
connue, qu'il était fiché de ce que Praxéas
avait décrié les montanistes, que c'est d'ail-
leurs un controversiste véhément, sujet à des
exagérations; mais il paraît certain que
Praxéas, sorti de Rome, porta ses erreurs en
Afrique; Tertullien a donc pu les connaître.
Ce controversiste, quoique lAché, ne s'est pas
exposé sans doute à passer pour calomniateur :
s'il a mal rendu lesopinionsde son adversaire,
pourquoi Beausobre ne les a-t-il pas expo-
sées telles qu'elles étaient"? — 2° L'homélie,
dit-il, de saint Hippolyte contre Noët. paraît
suspecte à plusieurs critiques; en la com-
parant avec le livre de Tertullien, on voit
que l'auteur de l'homélie a cojiié celui-ci.
Point du tiiul, la conformité du récit des
deux auteurs prouve que tous deux ont dit
la vérité, et non que l'un a copié l'autre.
Si l'homélie en question n'est pas de saint
Hippolyte, elle est du moins d'un écrivain
de ce temps-là, c'est toujours un témoin
qui confirme ce qu'a dit Tertullien. —
3" Saint iqiiphane, qui a suivi Hip|)olyte,
Ilœres. 57, p. 481, dit: « Les noétiens en-
seignaient que Dieu est unique, et qn'il est
impassible, qu'il est le Père, qu'il est le Fils,
et (ju'il a souffert afin de nous sauver. » A
moins d'être fou, l'on ne peut pas tomber
dans une contradiction aussi grossière. La
contradiction n'est qu'apparente, les noé-
tiens entendaient que Dieu comme Père est
impassible, mais que comme Fils incarné et
revêtu d'un corps, il a souffert pour nous
sauver. Le sens de saint Epiphane est évi-
dent, mais Beausobre n'a pas voulu le voir.
— k" Hippolyte et Epiphane accusent Noët
de s'être vanté qu'il était Moïse, et que son
ffère était Aaron; c'est une extravagance in-
croyable. Rien moins, il se vantait que l'âme
ou l'esprit de Moise était en lui, et celle d' Aaron
dans son frère; c'était une im.posture et non
un trait de démence. — 5° Les anciens en gé-
néral accusent les sabelliens d'avoir ensei-
gné que Dieu le père a souffert, ce qui leur
a fait donner le nom de patripassiens ; ce-
pendant saint Epi|)hane ne leur attribue
point cette erreur, llœr. 62 : au contraire,
dans le sommaire du I" tome de son
u'" livre , il les en absout : « Les sabel-
liens, dit-il, ont les mêmes sentiments que
les noétiens, si ce n'est qu'ils nient contre
Noét que le Père ait souffert. » Nous conve-
nons que Sabellius ne s'exprimait pas comme
Noët; il ne disait pas comme lui que Dieu
le Père, devenu Fils et incarné, avait souf-
fert; il prétendait qu'une certaine énergie
émanée du Père, une certaine portion de la
nature divine s'était unie à Jésus, que dans
ce sens Jésus était Fils de Dieu ; de là il ua
i563
PRE
PRE
1564
s'ensuivait pas que Dii^u le Père a souffert :
ainsi Sabellius ne méritait pas le nom de pa-
tripassien. Mais est-il bien sûr que ses secta-
teurs se sont toujours exprimés comme lui,
qu'aucun d'eux n'a parlé comme Noët et
comme Praxéas, et que les Pères ont eu tort
de donner aux sabellions le nom de palri-
passiens? Il n'y eut jamais une secte d'héré-
tiques dont tous les membres pensassent et
parlassent de même. Beausobre a donc tort à
tous égards de prétendre que les Pères en
général nous ont mal représenté les erreurs
des anciens hérétiques. Aujourd'hui les trois
principales sectes protestantes ont si h\cu
varié, riétiguré, tourné et retourné leur doc-
trine, que nous ne savons plus ce que clui-
cun croit ou ne croit pas.
Mosheim, Hist. christ. , sec. ii, § 68, a
suivi en très-grande partie les idées de La
Clerc et de Beausobre; mais ces trois criti-
ques ne nous paraissent avoir réussi qu'à
montrer leur prévention contre les Pères de
l'Eglise en général, et contre ïertullien on
particulier.
Soit que Praxéas ait envisagé le Père, le
Fils et le Saint-Esfirit comme trois aspects,
trois noms ou trois opérations de la môme
Personne divine, et non comme trois êtres
subsistants, soit qu'il ail dit que Jésus-Christ
était Fils de Dieu par son humanité seule-
ment, et que le Père s'était fait une seule et
môme Personne avec lui, il était toujours
également hérétique; et quand Tertullien
n'aurait pas parfaitement entendu des sec-
taires qui ne s'entendaient pas eux-mêmes,
il n'y aurait pas encore lieu de s'en prendre
à lui.
PRÉADAMITES, habitants de la terre, que
quelques auteurs ont supposé avoir existé
avant Adam. En 1655, Isaac de la Perreyre
lit imprimer en Hollande un livre dans lequel
il prétendait prouver qu'il y a eu des hom-
mes avant Adam, et ce paradoxe absurde
trouva d'abord des sectateurs; mais la réfu-
tation que Desmarais, professeur de théolo-
gie à Groningue, lit de ce livre l'année sui-
vante, étouffa cette rêverie dès sa naissance,
quoique la Perreyre eût fait une réplique.
Celui-ci donne le nom fradamiles aux Juifs
qu'il su[ipose descendus d'Adam, et de prca-
ac.miles aux gentils qui, selon lui, existaient
déjJi longtemps avant Adam. Convaincu que
l'Ecriture sainte était contraire à son sys-
tème, il eut recours aux histoires fabuleuses
des Egyptiens et des Chaldéens, que les in-
crédules nous opposent encore aujourd'hui,
et aux imaginations ridicules de quelques
rabbins qui ont feint qu'il y avait eu un au-
tre monde avant celui dont parle Moïse. Il
fut pris en Flandre [lar des ini[uisiteurs qui
le condamnèrent; mais il appela de leur sen-
tence h Rome, où il alla et où il fut reçu
avec bonté par le pajie Alexandre VII; il y fit
imprimer une rétractation de son livre, et s'é-
tant retiré à Notre-Dame des Vertus, il y
mourut converti. — Les preuves et les rai-
sonnements de cet auteur sont trop absiu'des
pour valoir la peine de les rapporter en dé-
tail ; non-seulement il prétend que tous les
peuples différents des Hébreux ne sont ])as
descendus d'Adam, mais que le péché d'A -
dam ne leur a pas été communiqué, que le
déluge n'a pas été universel, qu'il ne s'éten-
dit que sur les pays habités par la race d'A-
dam.
L'auteur de cet article de l'ancienne En-
cyclopédie a eu tort d'assurer que Clément
d Alexandrie, dans ses Hypotijposes , a en-
seigné le même système que la Perreyre,
qu'il a cru la matière éternelle, la métem-
psycose et l'existence de plusieurs mondes
avant celui d'Adam. A la vérité Photius re-
proche ces erreurs et plusieurs autres h Clé-
ment d'Alexandrie; mais il est évident que
Photius était tombé sur un exemplaire des
Hypotyposcs altéré par les hérétiques. Rufm
le pensait ainsi, et Photius le soupçonnait
lui-même, puisqu'il dit en parlant de ces er-
reurs, soit qu'elles viennent de Vauteur lui-
même ou de quelque autre qui a emprunté son
nom. Il reconnaît que Clément d'Alexandrie
enseigne le contraire dans les ouvrages que
nous avons, et que le style en est ddl'érent;
cod. 109, 110, 111. En effet, ce Père, dans
son Exhort. aux Gentils, c. k et 5, enseigne
clairement la création de la matière. Il y a
donc tout lieu de croire ([ue le prétendu li-
vre des Hypotyposes a été faussement sup-
posé sous le nom de Clément d'Alexandrie;
Tillemont, Mém., t. II, p. 191 et suivantes.
PRÊCHEURS ou PRÉDICATEURS (Fré;-
REs). Voif. Dominicains.
PRÉDESTINATION. Ce terme signifie à la
lettre une destination antérieure ; mais dans
le langage théologique il exprime le dessein
que Dieu a formé de toute éternité de con-
duire par sa grâce certains hommes au salut
éternel.
Il y a des Pères de l'Eglise qui ont pris
quelquefois le terme de prédestination en
général, tant pour la destination des élus à
la grAce et à la gloire, que pour celle des
réprouvés à la damnation ; mais cette expres-
sion a ])aru trop dure : aujourd'hui ce mot
ne se prend plus qu'en bonne part pour l'é-
lection à la grâce et à la gloire ; le décret
contraire se nonnne réprobation. Saint Au-
gustin, dans son livre du Don de la persévé-
rance, c. 7, n. 15, et ch. U, n. 35, définit la
prédestination, « la prescien<'e et la prépara-
tion des bienfaits par lesquels sont certai-
nement délivrés ceux que Dieu délivre; » et
c. 17, n. 41 : «Dieu dispose ce qu'il fera lui-
même selon sa prescience infaillible : voilà
ce que c'est que prédestiner, rien de plus. »
Selon saint Thomas, i" part.,q. 23, art. 1, la
prédestination est la manière dont Dieu con-
duit la créature raisonnable à sa fin, qui est
la vie éternelle.
Comme Dieu ne conduit l'homme au salut
éternel que par la grAce, les théologiens dis-
tinguent la prédestination k la grâce d'avec !a
prédestination h. la gloire; celle-ci, disent-ils,
est une volonté absolue par laquelle Dieu fait
choix de quelques-unes de ses créatures
pour les faire régner éternellement avec lui
dans le ciel, et leur accorde conséquemuieiit
les grâces efficaces qui les conduiront iuiail^
4S6S
PRE
PRE
IKOG
liblement h cette Cm. La préfhs(ination'k\&
grAce est de lu part de Dieu une volonté al)-
sohie et cfFieace d'accorder .'itellivs doses
créatures le don do la foi, de la justilication,
et les autres grâces nécessaires pour arriver
au snlut, soit qu'il prévoie qu'elles y par-
viendront en efl'et, soit qu'il sache (lu'eiles
n'y parviendront pas. Tous ceux qui sont
prédestinés h la grAce ne sont pas pour cela
prédestinés à la gloire, parce que plusieurs
résistent à la grAce et ne persévèrent pas
dans le bien. Au contraire, ceux qui sont
prédestinés h la gloire le sont aussi K la grâce;
Dieu leur accorde le don île la vocation à la
foi, Je la justilication et de la jiersévérauce,
commeFexplique saint Paul, 7Jom.,c.vni,v. 30.
11 est important sur cette matière do dis-
tinguer les vérités dont tous les théologiens
catholiciues ci-nvicnneut, d'avec les opinions
sur lesquelles ils disputent; or tous tombent
d'accord, 1° qu'd y a en Dieu un décret de
prédestination, c'est-à-dire une volonté ab-
solue et cllicace de donner le royaume des
cieux à tous ceux qui y parviennent en ef-
fet. Epist. synod. episcop. Afric, caj). 14.
2° Que Dieu, en les prédestinant à la gloire
éternelle, leur a aussi destiné les moyens et
les grâces par lesquelles il les y conduit in-
failliblement. Saint Fulgence, àe Ycrit. Prœ-
destin., 1. m. 3" Que ce décret est en Dieu
de toute éternité, et qu'il l'a formé avant la
création du monde, comme le dit saint Paul,
Ephes., 0. 1, V. 3, 4 et b. 4° Que c'est un effet
do sa bonté pure; qu'ainsi ce décret est par-
faitement libre de la part de Dieu, et exempt
de toute nécessité. /oïd., v. G et 11. 5° Que ce
décret de prédestination est certain et infail-
lible, qu'il aura infailliblement son exécution,
qu'aucun obstacle n'en empêchera l'etfet;
ainsi le déclare Jésus-Christ, Joan., c. x,
V. 27, 28, 29. 6° Que sans une révélation
expresse, personne ne peut être assuré qu'il
est du nombre des prédestinés ou des élus ;
on le prouve par saint Paul, Pliilipp., c. ii,
V. 12 ;/ Cor., c. IV, V. 4; et le concile de
Trente l'a ainsi décidé, sess. 6, c. 9, 12, 16,
et can. 15. 7* Que le nombre des prédestinés
est lixe et immuable, qu'il ne peut être aug-
menté ni diminui', puisque Dieu l'a tixé de
toute élernité, et que sa prescience ne jieut
être trompée. Joan., c x, v. 27 ; S. Aug.,
1. de Correpl. et Gratin, cap. 13. 8" Que le
décret de la prédestination n'impose, ni par
lui-même ni par les moyens dont Dieu se
sert pour l'exécuter, aucune nécessité aux
élus de pratiquer le bien. Ils agissent tou-
jours très-librement, et conservent toujours,
dans le moment même qu'ils accomplissent
la loi, le pouvoir de ne pas l'observer. Saint
Prosper, Rcspons. ad 6 abject. Gailnr. 9" Que
la prédestination à la grAce est absolument
.gratuite ; qu'elle ne prend sa source que
dans la miséricorde de Dieu; qu'elle est an-
Kirieurehla prévision de tout mérite naturel;
c'est la doctrine de saint Paul, Rom., c. xvi,
T. 6. 10" Que la prédestination à la gloire
n'est pas fondée sur la prévision des mérites
humains, acquis par les seules forces du li-
bre arbitre; car enlin, si Dieu trouvait dans
le mérite de nos propres œuvres le motif de
notre élection à la gloire éternelle, il no se-
rait plus vrai dédire avec saint Pierre, au'on
ne |)eut être sauvé que par Jésus-CJirist.
11° Que l'entrée dans le royaume des cieux,
qui est le terme de la prédestination, est
tellement une grAce, Grntia Dei, vita œterna,
Rom., c. vi, V. 23, qu'elle est en môme
temps un salaire, une couronne de justice, '
une récoin])ense des bonnes couvres faites
par le secours de la grAce, puisque saiat
Paul l'appelle merces, bravium corona jus-
titiœ, II Tim.,c. iv, v.8; Philli|)p., c. m, v. 14.
Tels sont les divers point de doctrine tou-
chant la prédestination, qui sont ou formel-
lement contenus dans l'Kcrituro sainte, ou
décidés par l'Eglise contre les pélagiens, les
serai-pélagiens et les protestants ; pourvu
qu'une opinion quelconque ne donne at-
teinte à aucune de ces vérités, il est permis
à un théologien de l'embrasser et de la sou-
tenir. Or, on dispute vivement dans les éco-
1-es catholiques, pour savoir si le décret de
la prédestination à la gloire est antérieur
ou postérieur h la prévision dos mérites sur-
naturels de l'homme aidé nar la grAce. Il est
question de savoir si, selon notre manière
de concevoir, Dieu veut en premier lieu,
d'une volonté absolue et efQcace, le salut de
quelques-unes de ces créatures ; si c'est en
conséquence de cette volonté ou de ce dé-
cret qu'il résout de leur accorder des grâces
qui leur fassent infailliblement opérer do
bonnes œuvres ; ou, au contraire, si Dieu
résout d'abord d'accorder à ses créatures
tous les secours de grAces nécessaires au
salut; et si c'est seulement en conséquence
de la prévision des mérites qui résulteront
du bon usage de ces grAces, qu'il veut leur
donner le bonheur éternel.
Suivant le premier de ces deux sentiments,
le décret de la pr^cfesii«afi'on est absolu, anté-
cédent, gratuit à tous égards; suivant le second,
ce décret est conditionnel et conséquent, mais
toujours gratuit dans ce sens, qu'il ne sup-
pose que des mérites acquis par des grAces
gratuites. Par le simple exposé de la ques-
tion, il est clair qu'elle n'est pas fort impor-
tante, puis((u'il ne s'agit que de la manière
d'arranger les décrets de Dieu suivant nos
faibles idées: c'est, dit Bossue!, une préci
sion peu nécessaire k la piété. En ellet, il es<
dil'iicile de voir quel acte de vertu peut
nous inspirer le zèle ardent pour la prédes-
tination absolue.
Cependant il n'est point de question théolo-
gique su r laquelle on ait écrit davantage et avec
plus de chaleur; d'un côté, les augustiniens,
vrais ou faux, et les thomistes, tiennent pour la
prédestination absolue et antécédente; de
l'autre, les raolinistes ou congruistes sont
j)0ur la prédestination conditionnelle et con-
séquente. Nous exposerons les raisons des
deux partis, sans en embrasser aucun. En
premier lieu, disent les augustiniens, il est
inutile de distinguer deux décrets delà part
de Dieu, l'un de prédestination à la grAce,
l'autre de prédestination à la gloire; il n y
en a qu'un seul qui envisage la gloire
dS67
PRE
PRE
ISÔS
comme la fin, et les grâces comme les
moyens d'y parvenir. En effet, tout agent
sa^e se propose d'abord une fin, ensuite il
voit les moyens d'y parvenir, et il les prend.
Or, la gloire est la fin que Dieu se propose
d'abord, la distribution des grâces et les
mérites qui s'ensuivront sont les moyens d'y
parvenir; donc Dieu a voulu et a décerné la
gloire éternelle d'une créature, avant d'en-
visager ses mérites. En second lieu, de l'a-
veu de tous les théologiens, la volonté gé-
nérale de Dieu de donnera tous les hommes
des grâces et des moyens de salut suppose
en Dieu un décret général de les sauver
tous; donc la volonté particulière de donner
à quelques-uns des grâces de choix, des
grâces efficaces, surtout la grâce de la per-
sévérance finale, suppose aussi un décret
particulier de Dieu de les sauver par préfé-
rence, et qui précède la prévision de l'etlet
que produiront ces mêmes grâces. En troi-
sième lieu, la grâce delà persévérance finale
est inséparable de la concession de la gloire
éternelle, et cette grâce est purement gra-
tuite; c'est le sentiment de saint Augustin et
de toute l'Eglise, opposé à celui des semi-
pélagiens; donc le décret de Dieu de donner
la gloire éternelle est aussi gratuit et indé-
pendant de tout mérite, que le décret d'ac-
corder le don de la persévérance finale. En
quatrième lieu, saint Augustin a envisagé la
prédestination dans sa totalité, comme un
seul et môme décret de Dieu purement gra-
tuit; il assure que telle est la croyance de
l'Eglise, et qu'on ne peut l'attaquer sans
tomber dans l'erreur; lib. de Donc persev.,
c. 19, n. 48; c. 23, n. 65. Tous les Pères do
l'Eglise postérieurs à saint Augustin, et atta-
chés à sa doctrine, ont pensé et parlé de
même. En cinquième lieu, suivant cette
môme doctrine, qui est celle de saint Paul,
par un funeste effet du péché d'Adam, tout
le genre humain est une masse de perdition
et de damnation ; Dieu en tire ceux qu'il
juge à propos, et y laisse qui il lui plaît,
sans que l'on puisse en donner d'autre rai-
son que sa volonté; donc cette volonté ou ce
décret n'a ni pour raison ni pour motif,
la prévision des mérites de l'homme. En
sixième lieu, saint Paul, Rom., c. viii, v. SO,
arrange les décrets de Dieu de la môme ma-
nière que les partisans de la prédestination
absolue. Ceux que Dieu a prédestinés, dit-il,
il les a appelés , ceux qu'il a appelés, il les a
justifiés ; et ceux qu'il a justifiés, il les a glo-
rifiés. Voilà le décret de prédestination placé
avant toutes choses; il ay donc de la témérité
à vouloir le concevoir autrement. Enfin, mal-
gré toutes les subtilités mises en usage par
les molinistes, ils iio sont pas encore parve-
nus à pallier les inconvénients de leur opi-
nion, ni à montrer clairement en quoi elle
est différente de celle des semi-pélagiens
touchant la prédestination. Saint Paul de-
mande à tous les hommes : Quis te discernit?
Or, dans le système des congruistes, c'est
l'homme qui, en consentant à la grâce, se
discerne d'avec celui qui n'y obéit pas. Si
nous connaissions quelques arguments plu3
forts des augustiniens, nous les rapporterions
avec la même fidélité.
Mais leurs adversaires ne les laissent pas
sans réponse. Ils disent , pour détruire le
premier, que la gloire éternelle doit être
moins envisagée comme une fin que Dieu
se propose , que comme une récompense
qu'il veut accorder. Dieu, ajoutent-ils, a de
toute éternité prédestiné les choses comme
il les exécute dans le temps ; or, il donne
la gloire éternelle à cause des mérites de
l'homme, et il inflige la peine éternelle à
cause des démérites; Matth.,c. xxiv, v. 35 et
hi; donc il lésa prédestinés de même. Peut-on
dire qu'il a regardé la peine éternelle des ré-
prouvés comme une fin qu'il se proposait ?
La seule prédestination absolue et gratuite
que l'on puisse admettre, est celle des en-
fants qui meurent immédiatement après leur
baptême ou avant l'âge de raison ; Dieu n'a
prévu en eux aucun mérite ; aussi le ciel
leur est accordé, non comme récompense,
mais comme héritage d'adoption ; il n'y a
aucune comparaison à faire entre leur pré-
destination et celle des adultes.
A la seconde preuve des augustiniens, ils
répondent : Les grâces que Dieu accorde
aux prédestinés ne sont censées grâces par-
ticulières, grâces de choix, grâces efficaces,
que parce qu'elles sont données sous la di-
rection de la prescience divine ; or cette
prescience ne suppose pas un décret, elle le
précède. L'argument que l'on nous oppose,
continuent les congruistes, n'est bon qu'en
supposant la grâce efficace par elle-même,
ou la grâce prédéterminante; or nous n'en
reconnaissons point de cette espèce.
A la troisième, ils disent, 1° que, suivant
saint Augustin, 1. de Dono persev., c. 6, n.
10, l'homme peut mériter ce don par ses
prières : Hoc ergo Dei donum suppliciter
emereri potest. Epist. 486, ad Paulin., c. 3,
n. 7. Le saint docteur enseigne que la foi
mérite la grâce de faire le bien ; donc elle
mérite aussi la grâce d'y persévérer. Lors-
que les semi-pélagiens l'ont soutenu ainsi,
saint Augustin ne les a repris qu'en ce qu'ils
disaient que la foi vient de nous, 1 .de Dono
persev. ,c. 17, n. 43; c.21, n. 56. 2° En avouant
môme que la grâce de la persévérance fi-
nale est purement gratuite, et que le bon-
heur éternel en est une suite nécessaire, cela
n'erapôche pas néanmoins que ce bonheur
ne soit une récompense : il n'y a donc point
de justesse à soutenir que le décret de don-
ner la persévérance est le même que le dé-
cret d'accorder la récompense éternelle, et
nue Dieu veut gratuitement accorder ce qu'il
donne par justice.
A la quatrième, les congruistes nient que
saint Augustin dans ses livres de la Prédesti-
nation des saints et du Don de la persévé-
irancc, ait parlé de la prédestination à la
gloire; entre les pélagiens ou les semi-péla-
giens et saint Augustin , il n'a jamais été
question que de la prédestination à la grâce,
à la foi, à la justification. Ces théologiens
prétendent le prouver, en comparant la lettre
de saint Prosper à saint Augustin touchant
1869
PRE
PRE
1570
les sorui-p(''lagiens, à la réponse que le saint
docteur y a faite dans les deux livres dont
nous parlons. Yoy. Semi-Pélagiens. Par les
saints, disent-ils, saint Augustin a entendu,
comme saint Paul, les tidèles, les hommes
baptisés, et non les bienlieureux. Cela est
encore démontré parla comparaison que fait
le saint docteur entre ce qu'il nomme la
prédestination des saints, et la prhlestinalion
de riiumanilé de Jésus-Christ à l'union hy-
poslatique ; or celle-ci n'a cerlainement pas
élé une récompense, non plus que la voca-
tion des juifs ou des gentils à la foi ; au lieu
que le bonheur éternel en est une. Il en est de
môme quand on compare la prédestination
des adultes iMagloire,aveccelle desenfauls au
baptême. Toutes ces com[iaraisons ne sont jus-
tes que quand il estquestion de la prédestina-
tion des adultes ^ la grâce de la foi et de la jus-
tification ; donc c'est co que saint Augustin
a entendu par prédestination des saints : au-
trement il aurait déraisonné dans tout son
ouvrage. 11 dit que la prédestination ne doit
pas nous causer plus d'inquiétude <iue la pres-
cience ; que l'on peut faire contre l'une les
mêmes objections que contre l'autre; 1. de
Dono persev., c. 15, n. 38; c. 22, n. 57 et 01.
Cela ne serait pas vrai, si le décret de la pré-
destination à la gloire était antérieur h la
prescience. Dans ses livres de la prédestina-
tion des saints et du Don de la persévérance,
saint Augustin répète sans cesse, ou qu'il
faut admettre la prédestination telle qu'il l'a
prêche , ou qu'il faut soutenir que la grâce
est donnée aux mérites de l'homme : or, en
admettant la prédestination à la gloire non
gratuite, il ne s'ensuit pas pour cela que la
gtAce n'est pas donnée gratuitement. Donc
la prédestination soutenue par saint Augus-
tin no regarde point la gloire, mais la grâce.
Au sujet de la cinquième preuve, les con-
gruistes se récrient sur l'équivoque de la-
quelle les augustiniens abusent. Le genre
humain tout entier serait sans doute une
masse de perdition et de damnation, s'il n'a-
vait pas été racheté par Jésus-Christ ; mais
c'est manquer de respect à ce divin Sauveur
que de soutenir que, malgré la rédemption,
le genre humain tout entier est encore dé-
Toué aux llammes éternelles, et qu'il faut un
décret absolu de prédestination pour tirer de
cette masse de danniés un petit nombre
d'hommes pour lesquels Dieu daigne avoir
de la prédilection. Cela ne peut être allirmé
que contre les sociniens et les pélagiens,
qui n'admettent qu'une rédemption métapho-
rique. Lorsqu'un homme a été liaplisé, ose-
ra-t-on soutenir qu'il n'a pas été tiré de la
masse de damnation , à moins qu'il ne soit
prédestiné au bonheur éternel '! Les calvi-
nistes le disent, mais un catholique ne le
Ee usera jamais. Basnage , Hist. de l'Eglise,
XXVI, c. 5, § 19. Saint Paul a comparé la
totalité du genre humain plongé dans l'inli-
délité, à une masse d'argile de laquelle le
potier tire des vases, les uns pour servie
d'ornement, les autres pour de vils usages ;
il appelle vases d'ornements préparés pour la
gloire, ceux (jue Dieu a appelés à la foi, soit
d'entre les juifs , soit d'entre les gentils,
Rom., c. IX, V. 21 et 2V. Or, ces appelés
n'étaient pas tous prédestinés au bonheur
éternel. On change donc le sens des termes
de saint Paul, quand on appelle masse de
perdition et de damnation tous ceux qui ne
sont i)as prédestinés à persévérer dans la
gnlce. Ce n'est point là le sens de saint Au-
gustin non plus que celui de saint Paul ;
Matiei, Hist. théol. dogmat. et opin. de divina
Gratin, 1. xiii, § 6, n. 2 et suiv., ])ag. 218.
Quant à la sixième preuve, qui est le pas-
sage de saint Paul, Jiom., c vni, v. 29, les
congruistes soutiennent qu'il est pour eux
et contre leurs adversaires. Ceux que Dieu a
prévus, (lit l'Apôtre, il les a aussi prédestinés
à être conformes à l'image de son Fils... Or,
ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés ;
ceux qu'il a appelés , il les a justifiés ;
et ceux qu'il a justifiés, il les a glorifiés. »
Saint Paul met la prévision avant toutce i[ue
Dieu a fait pour ceux qu'il nomme les saints.
Mais SI Ion y fait bien attention, il ne s'a-
git point ici de prédestination à la gloire ;
s'il en était question, saint Paul n'aurait pas
(lit des prédestinés que Dieu les a glorifiés •
i\anvi\\i(i\l,Dieulesylorifiera; et nous venons
de voir que l'Apôtre nomme vases d'ornement
préparés pour la gloire , tous ceux auquels
Dieu accorde le don de la foi : ainsi ce pas-
sage ne prouve ni pour ni contre la prédesti-
nation gratuite au bonheur éternel. Cette
question était absolument étrangère au des-
sein que saint Paul se j)roposait dans l'E-
pître aux Romains. Saint Augustin l'a très-
bien compris, puisqu'il dit, en citant ce pas-
sage de l'Apôtre : Enarr. 2. in Ps. xvni, n.
3 : Gloria Dei qua salvi facti sumus , qua
creati in bonis operibus sumu.s. In Ps. xxxix,
n. 4-, Deus quando nos glorificut, facit nos
honoratiores.Ce n'est donc point ici la gloire
éternelle. L. ii, contra duas Epist. Pelag.,c.
9, 22, il explique le passage de saint Paul de
la prédestination à la foi, et non de la pré-
destination'& la gloire. Voy. Vocation.
Ce n'est pas une grande ditliculté i)Our les
congruistes de montrer la ditléreiice entre
leur système et celui des semi-pélagiens.
Ceux-ci disaient que le commencement de
la foi ne vient point de Dieu ni de sa gnlce,
mais de l'homme et de ses bonnes disposi-
tions naturelles ; qu'ainsi Dieu |)rédestine è
la foi tous ceux dont il prévoit les bonnes
dispositions. Dans cette hypothèse, la foi
n'est plus un don gratuit , une pure grâce,
mais une récompense des bonnes disposi-
tions de l'homme. A Dieu ne plaise, disent
les congruistes, que nous pensions ainsi 1
nous croyons avec toute l'Eglise que le don
de la foi est de la part de Dieu une pure
grâce, un bienfait absolument gratuit, et nous
ne reconnaissons dans l'hounne aucun mé-
rite proprement dit avant qu'il ait la foi. En-
tre les semi-pélagiens et les théologiens ca-
tholiques il était question de la prédestina-
tion à la foi ; entre les augustiniens et nous
il s'agit (le \à prédestination à la gloire; oU
est donc la ressemblance entre l'opinioa dsjj
semi-pélagiens et la nôtre ?
1571
PRE
pre;
1S72
Les congruistes n'en demeurent pas là ; ils
aHègiicnt à leur tour, en faveur de leur sen-
timent, des preuves diverses qui sont autant
d'objections contre celui des augustiiiiens.
Ils disent : 1° Dans toute l'Ecriture sainte il
n'est jamais quesiion de prédcstiimlion gra-
tuite à la gloire éternelle ; nous délions nos
adversaires de citer un seul passage qui
prouve directement leur opinion: ils nel'ap-
IHiient que sur des conséquences forcées
qu'ils tirent du texte sacré ; jamais question
n'a donné lieu à un plus grand abus de la
parole de Dieu, surtout des Epîtres de saint
Paul. Yoij. R0M4INS. 2° Cette prétendue pré-
(irstinntion est un sentiment inouï parmi les
Pères de l'Eglise des quatre premiers siècles ;
tous ont conçu la prédestination à la gloire
éternelle comme fondée sur la prévision des
mérites de l'homme acquis par la grAce : au-
cun n'a conçu comment Dieu pouvait pré-
destiner autrement une lécompense, un prix,
un salaire. Nous pouvons citer à ce sujet
saint Justin, saint Irénée, Clément d'Alexan-
drie, Origène, saint Jean Ciu\ysostome, saint
HHaire, saint Ambroise, saint Jérôme, saint
Cyrille d'Alexandrie, Théodoret, etc. Saint
Prosper est convenu du fait, Epist. ad Aug.,
n. 8, saint Augustin ne l'a pas nié : il a seu-
lement dit, 1. de Prœd. sanct., c. 14, n. 27,
que ces Pères n'avaient pas eu besoin de
traiter expressément cette quesiion; niais il
a toujours fait profession de suivre leur doc-
trine, et 1. de Dono persev., cap 19 et 20, n.
48, ël, il ajoute que les anciens Pères ont
suffisamment soutenu la prédestination gra-
tuite, en enseignant que toute grince de Dieu
est gratuite. 3° En elfet, l'on a vu les détini-
tioiis que ce saint docteur a données de la
prédestination, 1. de Dono persev., c. 7, n. 13.
« C'est, dit-il, la prescience et la prépara-
tion des bienfaits par lesquels sont certaine-
ment délivrés ceux que Dieu délivre. » 11 le
répète, c. 44, n. 35; c, 17, n. 41; de Pccc.
merit., I.h, n. 47; in Ps. lxviii, serm. % n.
13; de Spir. et Litt., n. 7; ad Simpiician.,
1. I, S 2, n 6; 1. de Prœdest. sanct., n. 19;
De Civitate Dei, lib. xi, 19 et 23; in Joan.,
Tract. 48, n. 4, et Tract. 83, n. 1. Selon lui,
la prescience marche toujours avant le décret
de Dieu. Il parle de même de la réprobation,
1. de Perfect. Jnst.,Q. 13, n. 31; Episl. 18G,
c. 7, n. 23. Or personne^ excepté les calvi-
nistes, ne s'est -avisé d'admettre un décret
de Téprobati'on antérieure à kprescience des
démérit-es ées réprouvés. 4° Kien de plus
irtufile, continuent les congruistes, qu'un dé-
cret at)So!ti et particulier de prédcstimation,
indé'p'endant de la prescience. Dieu de toute
éternité provoyant le péché d'Adam, a résolu
cie ractïeter par Jésus-Christ, le monde, la
Tiature humaine, le genre humain, par con-
'séfjuent tous les hommes sans exception. En
quoi consiste ce rachat, sinoa dans la possi-
bilité 'dans laquelle tous les h'trmmes sont ré-
tablis par Jésus-Christ, de récupérer le bon-
lieurétemel et d'éviter ila d-unnation ? ^oilà
donc une prédestination générale de tout le
fenre humain au bonheur éternel , en vertu
e laquelle Di^u veut donner à tous, par Jé-
sus-Christ, des moyens de salut plus ou
moins prochains , puissants et abondants
pour y parvenir, mais d'i^n accorder à quel-
ques-uns plus et de plus puissants qu'aux
autres ; cette volonté est évidemment une
prédestination particulière et Irès-gratuite en
faveurde ceux-ci, etc'est celleque saint Paula
soutenue dans son épître aux Romains. En
même temps que Dieu a résolu de donner
des moyens à tous, il a prévu l'usage qu'en
ferait chaque jiarticulier : il a donc résolu
en môme temps d'accorder en eCfet le bonheur
éternel à ceux qui correspondraient à ses grâ-
ces, et de punir fiar un supplice éternel ceux
qui en abuseraient. Qu'avons-nous besoin
d'un autre décret antérieur? Le plan de pré-
destination ainsi conçu s'accorde exactement
avec les dix ou douze vérités que nous avons
établies au commencement de cet article ;
on ne peut y faire voir aucune opposition.
Dans ce môme plan, la puissance, la bonté,
la sagesse, la miséricorde de Dieu, éclatent
également. Dieu pouvait damner le monde
entier, il a voulu le sauver; le pouvoir et
l'espérance qu'il lui donne de récupérer le
salut par Jésus-Christ est une pure grâce;
il laisse à l'homme toute la faiblesse qu'il a
contractée par le péché, mais il veut y re-
médier par ses grâces, et chacune de ces
grâces est un bienfait purement gratuit, mé-
rité ]iar Jésus-Christ et non par l'iiomme.
Ici point de grâce prétendue naturelle, point
de grâce pélagienne, jioint de mérite humain ;
le salut n'est plus une affaire de justice ri-
goureuse, mais de miséricorde infinie. Nous
demandons si le système de la prédestination
absolue est plus sublime, plus digne de Dieu,
plus consolant, plus propre à nous porter à
la vertu que celui-ci. 5° Le premier est su-
jet à desdiiricultés insurmontables ; ses par-
tisans ont beau dire que par son décret Dieu
tire les prédestinés de la masse de perdi-
tion, mais qu'il y laisse les réprouvés; que
le décret de prédestination est positif, mais
que le décret de réprobation n'est que néga-
tif; un mot ne suffit pas pour trancher la dif-
flcidté. Nous avons vu que saint Augustin a
parlé de l'un de ces deux décrets comme do
l'autre ; en effet, on ne conçoit pas comment
l'un est plus positif que i'autre, comment
l'un est antérieur à la prescience, et l'autre
postérieur ; ces distinctions subtiles n'ont
été forgées que pour pallier l'embarras dans
lequel on se trouvait. A entendre raisonner
les augustiniens, il semble que Dieu soit
aveugle à l'égard des réf)rouvés , ou ({u'il
ferme les yeux pour ne pas les voir et ne
pas penser à eux. Mais ces malheureux sont-
ils mieux traités par un décret négatif que
par u-n décret positif? Dans le tableau du
jugement dernier, Jésus-Christ fait pronon-
cer par son Père contre les réprouvés une
sentence aussi positive que celle qu'il rend
en faveur des .prédestinés ; il fdut donc que
l'une et l'autre aient été résolues de toute
éternité jiar un décret également positif.
Dans ce système on ne conçoit plus en quel
sens Dieu veut sauver tous les hommes
et leur donner des grâces à tous, ui eu quel
I
1573
PRE
sens J^sus-Chrisf est mort pour tous. G" Pour
trouver dans saint Augustin le système d'une
prédestinai iun indépendante de la prescience,
)1 faut absolument entendre ce qu'il a dit
dans le même sens que l'entendent ics cal-
vinistes ; entre ceux-ci et les augusliniens il
n'y a de did'érenco que dans les consé-
quences qu'ils tirent des ex|iressions du
saint docteur. Ces derniers l'ont aux congruis-
tes les mAmi's r(>pro(hes (pie l'ont les pre-
miers contre le concile de Ti'cnte et contre
les théoloj^iens catlioliques en général ; on
peut voir dans Rasnage (ju'ils ne veulent ad-
mettru aucun milieu entre le {U'édestinalia-
nisme rigide de Calvin et le seuii-|)('l,;gia-
nisme ; il est lilclicux que les augusliniens
semblent autoriser celte erreur en accusant
toujoiu's leurs adversaires -d'être semi-|)éla-
giens. Hasnage, Hisl. de riùjHsr, 1. xi, e. 9,
§ 1. Nous savons très-bien, continuent les
C(iiigiuistes,((ue saint Augustin, 1. deCurrept.
et Grat., o. 7, n. i\, a dit c|ue Judas a élo
prédestiné ou élu pour verser le sang de Jé-
sus-Christ, tout comme les autres a[iôtres
l'ont été |)Our obtenir son royaume : Ulus
debemus iiitellif/cre elcclos per misericordkim,
illiim pcr jndivium ; illos ad oblincndnin rc'
gnum suum, illum ad fandcndam saïu/uinein,
suum. Mais laut-il )>rendre pour la profession
de foi de ce saint docteur une phrase échap-
pée dans la dispuic, et ipi'il a contredito
daus ses autres ouvrages "/ 7" Enfin le s\s-
tème de la prédestination absolue no peut
aboutir qu'à augmenter l'objection des in-
crédules loui-liant la permission du mal mo-
ral ou du péclié d'Adam, dui|uel Dieu pré-
voyait les suites horribles, et qu'il a cepen-
dant laissé commettre i)endant qu'il pouvait
l'empêcher sans nuue à la liberté de l'homme.
C'est une des objections sur lesquelles Layle
a le plus insisté dans ce qu'il a écrit à ce su-
jet, et les déistes ne cessent de la renouve-
ler pour attaquer la révélation. On ne voit
pas où est la nécessité de loui fournir une
arme de plus.
Telles sont les principales objections des
congruistes contre le système de la prcdes-
lination absolue et antécédente à la pres-
cience de Dieu ; nous les exposons avec im-
partialité, sans les adopter pour cela, et sans
prendre [larti pour ni contre, parce qu'il n'y
a aucune nécessité. Celte question fut vive-
ment débattue au concile de Trente entre les
franciscains et les dominicains ; mais le
concile s'est abstenu très-sagement de pro-
noncer sur cette contestation ; il s'est borné
à condamner les excès dans lesquels étaient
tombés les protestants sur cet article.
Luther et Calvin avaient poussé l'entête-
ment pour la prédestw<ition ubsoiue iusqn au
blasphème. Suivant leur doctrine, l)ieu, do
toute éternité , par un décret immuable , a
partante le genre humain en deux parts, l'uue
d'heureux favoris auxquels il veut absolu-
ment donner le Itonheur éternel , auxrjuels
il accorde des grAccs eliicaces [)ar lesiiuelles
ils foflt nécessaireiuentle bien; l'autre dob-
jetsde sa colère qu'il adestiués au feu éternel,
el dont il dirige ^tellement les actions, qu'ils
PRE 1574
font nécessairement le mnl, s'y endurcissent
el meurent dans cet état. Cette doctrine hor-
rible fut soutenue par Bôze et jiar d'autres
réformateurs. iMélanchlhon, plus modéré, en
eut horreur et tAcha de l'adoucir. Parmi les
sectateurs de Calvin, quc](iurs-uns persi'vé-
rèrenl à soutenir comme fui qu'antérieure-
ment même à la prévision du péché d'A-
dam, Dieu a prédestiné la jjlupart des hom-
mes ta la damnation. Ils furent nommés su-
pralupsaires; d'autres enseignèrent que Dieu
n'a fait ce décret de ré()rol)alion que consé-
quemmeiit à la prévision du péché de notre
premier Père : on leur diuma le nom d'm-
frahipsaires. Ils ne disaient pas, comme les
précédents, que Dieu avait tellement résolu
la chute du premier homme , qu'Adam no
pouvait pas éviter tle pécher; mais ils pré-
tendaient (|uo depuis cette chute ceux qui
pèchent n'ont pas le pouvoir do s'en abs-
tenir.
Quoi(]ue toute cette doctrine fasse hor-
reur, elle a été dominante chez les calvi-
nistes presque jusqu'à nos jours. Ils ont per-
sisté à soutenir que c'est la pure doctrine do
riîcrilure sainte , et que saint Augustin l'a
défendue de toutes ses forces contre les pé-
lagiens. Sur la tin du dernier siècle, Bayle
assurait qu'aucun ministre n'osait enseigner
le contraire ; que si quelques-uns avaient
paru s'en écarter, c*.' n'était qu'eu apparence,
qu'ils avaient changé quelques expressions
des prédestinaliens rigides , atin de ne pas
etlarouclier les esprits ; mais que le fond du
Bystème était toujours le même. Rép. aux
qufst. d'un Prov. , n* part. , c. 170 , et 183.
lin 16ol, Jacob 'Van Harmine, coimu sous
le nom d'Arnmiius , professeur en Hollande,
attaqua ouvertement la prédestination abso-
lue; il soutint que Dieu veut sincèrement
sauver tous les hommes , et qu'il donne à
tous sans exception des moyens sullîsanis
de salut, qu'il ne réprouve que ceux qui ont
abusé de ces moyens et qui ont résisté. Ar-
minius eut bientôt un grand nombre de sec-
tateurs. iMais Cioiuar, autre professeur, sou-
tint opiniâtrement la doctrine rigide des pre-
miers réformateurs , et conserva un parti
puissant. Ainsi le calvinisme se trouva di-
visé en deux factions , l'une des arminiens
ou remontrants, l'autre des gomaristes ou
contre-remonlrants. C'est pour terminer cette
dispute que les états généraux de Hollande
convoi[uereut, en lliI8, un synode national à
Dordreoth; les gomaristes y furent les plus
forts ; ils condamnèrent les arminiens, et il
fut di fendu d'enseigner leur doctrine. Mais
cette décision, loin de calmer les esprits, ne
servit qu'à les diviser davantage ; elle ne
trouva aucun partisan en Angleterre ; elle
fut rejelée dans plusieurs conti ées de la Hol
lande et de l'Allemagne ; elle n'a pas même
été respectée à Genève. Mosheim nous as
sure que depuis ce moment la doctrine de
la prédestination absolue déclina d'un jour à
1 autre, qu'insensiblement les arminiens ont
repris le dessus. Hist. ecclés. , xvu' siècle,
sect. 2, 11° part., c. 2, n. 12. En effet, la plu-
part des théologiens calvinistes , loin d'être
1575
PRE
PRE
1576
augustimens , sont devenus pélagiens , et
plusieurs tombent dans le socinianisrne. Voy.
Arminiens, Gomaristes, Dordrecth, Infra-
LAPSAIRES , SUPRALAPSAIRES , UnIVERSALIS-
TES, etc.
Il est étonnant que des hommes, qui pré-
tendent toujours avoir l'Ecriture sainte pour
seule règle de leur croyance , y aient vu
successivement des dogmes si opposés ; cela
nous paraît démontrer la fausseté du fait et
l'abus continuel que les protestants font de
la parole de Dieu. Il n'est pas moins étrange
qu'un bon nombre de théologiens, qui se di-
sent catholiques , veuillent faire de la pré-
destination absolue et gratuite un dogme
sacré, un point essentiel de la doctrine de
saint Augustin, approuvée par l'Eglise ; qu'ils
osent traiter de pélagiens et d'héréti |ues
leurs adversaires, et qu'ils se donnent le ti-
tre orgueilleux de défenseurs de la grâce ;
défenseurs perfides qui livrent aux déistes
les vérités les plus saintes de notre religion,
et qui persévèrent dans leur fanatisme, pen-
dant que les calvinistes rougissent aujour-
d'hui de la frénésie des premiers réforma-
teurs. Nous savons très-bien qu'il y a des
partisans de la prédestination gratuite qui
sont beaucoup plus modérés , et qui rejet-
tent toutes les conséquences erronées que
l'on voudrait tirer de leur opinion : nous
n'avons garde de les confondre avec les faux
augustiniens , mais ils devraient démontrer
que c'est à tort qu'on leur impute ces con-
séquences.
PRÉDESTINATIENS. L'on désigne quel-
quefois par ce nom tous ceux qui soutien-
nent la prédestination absolue et indépen-
dante de la prescience de Dieu ; mais il faut
nécessairement en distinguer deux espèces ,
savoir, les prédestinatiens mitigés et catholi-
ques, et \es prédestirtatiens rigides ou héré-
tiques. Les premiers tiennent la doctrine de
la prédestination absolue , sans attaquer et
sans nier aucune des vérités théologiques
que nous avons posées sur ce sujet dans
noire article précédent; ils enseignent que
Dieu veut sincèrement sauver tous les hom-
mes, et que Jésus-Christ est mort pour tous,
conséquemment que Dieu donne à tous ,
même aux réprouvés , des grâces sulfisantes
pour parvenir au salut ; qu'en prédestinant
les uns au bonheur éternel , et en leur don-
nant des grâces efficaces pour faire le bien ,
il ne leur ôte pas le pouvoir ni la liberté de
résister à ces grâces ; qu'en réprouvant les
autres négativement, il ne les détermine pas
pour cela aux péchés qu'ils commettent;
qu'au contraire il leur donne les grâces né-
cessaires pour s'en préserver , grâces aux-
quelles ils résis'.ent. Les prédestinatiens ri-
gides soutiennent , au contraire , que Dieu
ne veut sincèrement sauver que les prédes-
tinés, et que Jésus-Christ n'est mort que
pour eux ; que les grâces efticaces qui leur
sont accordées les mettent dans la néces-
sité de faire le bien et d'y persévérer, puis-
<fue jamais l'homme ne résiste à la grâce
intérieure ; que néanmoins ils sont libres,
parce (juo pour l'àtre il sufht d'agir volon-
tairement et sans contrainte; conséquem"
ment , ils pensent que les réprouvés sont
dans l'impuissance de faire le bien , parce
qu'ils sont ou déterminés positivement au
mal par la volonté de Dieu , ou privés des
grâces nécessaires pour s'en abstenir; qu'jls
sont néanmoins punissables, parce qu'ils ne
sont ni contraints ni forcés au mal, mais en-
traînés invinciblement par leur propre con-
cupiscence.
Tels sont les sentiments absurdes et im-
pies que des esprits opiniâtres ont osé, dans
tous les temps , attribuer à saint Augustin.
Au v' siècle , ceux que l'on nomma prédes-
tinatiens ; au IX', Gotescalc et ses partisans ;
au XII', les albigeois et d'autres sectaires;
au xiv* et au xV , les wicléfites et les hus-
sites ; au xvi', Luther, Calvin et ses secta-
teurs ; au XVII', Jansénius et ses défenseurs,
ont embrassé pour le fond le même sys-
tème. Tous n'ont pas professé clairement et
distinctement toutes les erreurs qui en sont
les conséquences; les premiers ne les ont
peut-être pas aperçues ; les derniers, aguer-
ris par douze siècles de disputes , ont fait
tous leurs efforts pour les pallier ; mais ils
ont beau faire , tous ces dogmes erronés se
tiennent et forment une chaîne indissolu-
ble ; dès que l'on en soutient un seul, il faut
les admettre tous ou se contredire à chaque
instant. Ce sont donc les écrits de saint Au-
gustin contre les pélagiens qui ont donné
lieu à ces contestations toujours renaissan-
tes. Cela nous paraît prouver que ces écrits
ne sont pas fort clairs ; il faut avoir beau-
coup d'orgueil pour se flatter de les mieux
entendre que l'Eglise universelle.
Ceux qui ont traité de l'hérésie des pré-
destinatiens du V siècle disent qu'elle à com-
mencé dès le temps de saint Augustin dans
le monastère d'Adrumet en Afrique , dont
les moines prirent de travers plusieurs ex-
pressions de ce saint docteur. Peu de temps
après, la même chose arriva dans les Gau-
les, oiî un prêtre nommé Lucidus enseigna,
1° qu'avec la grâce l'homme n'a rien à faire;
2° que depuis le péché d'Adam , le libre ar-
bitre de la volonté est entièrement éteint ;
3" que Jésus-Christ n'est pas mort pour tous
les hommes; k" que Dieu en force quelques-
uns à la mort ; 5° que quiconque pèche
après avoir reçu le baptême meurt en Adam;
6° que les uns sont destinés à la mort , les
autres pré lestinés à la vie. Le cardinal No-
ris, qui rapporte ces propositions, Hist. Pc
lag. , c. 15 , p. 182 et lb3 , dit qu'elles ont
besoin d'explication, et il tâche de leur don-
ner un sens orthodoxe ; mais il nous paraît
y avoir assez mal réussi , et que son com-
mentaire même a grand besoin de correctif.
11 n'est donc jias étonnant que Fauste, évo-
que de Riez en Provence , ait condamné ces
propositions du prêtre Lucidus ; que cette
sentencL' ait été conlirmée par deux conciles,
l'un d'Arles , l'autre de Lyon ; et qu'en Un
de cause , Lucidus ait été obligé de se ré-
tracter.
Ces faits ont été prouvés par le P. Sir-
raond. dans l'iiistoire qu'il a donnée du pré-
1577
PRE
PKE
1578
destinatianlsme; par Maffei, Hist. thcol. do(/-
matum et opin. de diviiui Gratta, etc., 1. xvi,
c. 7, et par d'autres tliéolo^ieiis. Ils ont cité
en preuve un livre intitulé Prœdcslinatus,
qui porte le nom de Primasius , disciple de
saint Augustin; Gennade , jn-tHre de Mar-
seille , la Chronique de saint Prosper, et Ar-
nobe le Jeune, tous auteurs contemporains ,
qui affirment ou qui supposent l'existence
de l'hérésie des prédestinatiens.
Mais Jansénius et les faux augustiniens,
qui enseignent encore Ips mêmes erreurs
que ces hérétiques , ont prétendu que toute
cette histoire est une fable ; que Primasius ,
Gennade, Arnobe le Jeune et Faust de Riez
sont tous pélagiens ou du moins semi-péla-
giens; qu'ils ont osé nommev preileslinatiens
les vrais discii>les de saint Augustin, et trai-
ter d'hérésie la véritable doctrine de ce
Père ; que les jirétendus conciles d'Arles et
de Lyon n'ont jamais existé ; que c'est une
trame tissue par Fauste de Riez , pour per-
suader que la doctrine do saint Augustin a
été flétrie. Ils s'inscrivent de même en faux
contre l'accusation d'hérésie intentée à Go-
tescalc dans le i\' siècle ; ils soutiennent
que c'est Hincmarde Reims, elRaban-Maur,
évêque de Mayence , qui étaient eux-mêmes
hérétiques, et qui ont [)rofessé le scmi-péia-
gianisme en condamnant Gotescalc. Voyez ce
mot.
Cette apologie du predestinatianisme, faite
d'abord par Jansénius , a été renouvelée par
le président Mauguin, dans une dissertation
par laquelle il s'est proposé de réfuter en
détail l'histoire du P. Sirmond. Mais le P.
Deschamps, en écrivant contre Jansénius, a
fait voir que ce novateur a emprunté d'un
calviniste célèbre tout ce qu'il a dit pour
justitier les prédestinatiens ; de Hœresi Jun-
sen., disp. 7, c. 6 et 7. Comme il parait que
Mauguin a puisé dans la même .'ource , sou
livre s'est trouvé réfuté d'avance. 11 est fâ-
cheux que le cardinal Noris ait ignoré ou
dissimulé ce fait, lorsqu'il a dit que les er-
reurs rétractées par le prêtre Lucidus , et
attribuées aux prédestinatiens pai- Gennade
de Marseille , sont les mêmes reproches que
l'on faisait contre la doctrine de saint Au-
gustin, et auxquels saint Prosper a répondu;
Hist. Pclan., c. 15, p. 182, 183; Rasnage ,
Histoire ae l'Eglise, 1. xii , c. 2, pense do'
même; il avoue que lo concile d'Arles, et cor
lui de Lyon , l'an 't75, ont condamné cette
doctrine , parce que , suivant lui , ces deux
conciles étaient composés de semi-pélagiens.
Comme ces évêques étaient les personnages
les plus respectables qu'il y eût alors dans
le clergé des Gaules , s'ils avaient été tous
imbus du semi-pélagianisme , il serait fort
singulier que leurs successeurs eussent con-
damné unanimement cette erreur dans le
deuxième concile d'Orange, l'an 529.
Laissons donc de enté toutes ces imagi-
nations dont les unes détruisent les autios ;
tout homme sensé comprend , 1° qu'il est
impossible que Fauste de Riez ait été assez
insensé pour vouloir en imposer à Léonce
d'Arles, son métroiiolilain , auquel il adres-
DlCTION?*. DE ruÉOL. DOGMATIQUE. IIL
sait ses écrits , et pour lui parler d'un pré-
tendu concile tenu dans sa ville d'Arles, au-
quel il avait dû [jrésider , si ce concile était
imaginaire ; 2° qu'il est impossible qu'en
'i-75, trente évêques assemblés aient osé re-
nouveler contre la doctrine de saint Augus-
tin des reproches aux(]uels ils ne pouvaient
ignorer que saint Prosper avait répondu,
surtout après la lettre que le pape saint Cé-
lestin avait écrite aux évêques des Gaules
pour imposer silence aux détracteurs de la
doctrine de saint Augustin ; et qu'il no se
soit pas trouvé pour lors un seul évêque
gaulois pour en prendre la défense. 3° C'est
une imposture de prétentlre que la doctrine
de Lucidus et des prédestinatiens était la
même que celle de saint Augustin ; elle n'y
ressemblait pas plus que celle de Calvin, de
Jansénius et de leurs adhérents. 4° Sahit Ful-
gence a écrit contre les ouvrages de Fauste
de Riez, mais on ne voit pas qu'il lui ait re-
proché aucune imposture. 5° 11 y a un aveu-
glement inconcevable à ne vouloir recon-
naître aucun milieu entre le prédestinutia-
nisme rij^ide et lo semi-pélagianisme; nous
avons fait voir le contraire en distinguant
les prédestinatiens catholiques d'avec les hé
réti(jues. Ces derniers auraient dû être nom-
més réprobatiens, aussi bien que ceux d'au-
jourd'hui, puisque , de leur pleine autorité ,
ils (éprouvaient et damnaient le genre hu-
main tout entier, à la réserve peut-être d'un
homme sur mille. Petau, de Incarn., 1. xiii,
c. 7; Hist. de l'Ec/L gall. , t. 1, 1. iii, an. 431
et 434; t. 11, 1. iv, an. 475.
* PRÉDESTINÉS. Voij. Élus.
PRÉDÉTERMINATION. Dans le langage
des théologiens scolastiques, ce terme signi
tie une opération de Dieu qui fait agir les
honmies, qui les détermine ou les fait se dé-
terminer dans toutes les actions bonnes ou
mauvaises. On l'appelle autrement prémotion
physiifue ou décret de Dieu prédéterminant.
Tous les catholiques conviennent que pour
faire une bonne œuvre, une action méritoire
et utile au salut, l'homme a besoin du se-
cours de la grâce; or, la grâce est une lu-
mière surnaturelle <lonnée à l'entendemcuit,
et une motion que Dieu imprime à la volonté
pour la rendre cajiable d'agir; rien n'empê-
che donc d'appeler la grâce une prémotion
ou une prédétermination, puisqu'elle nous
jiiévient et influe sui- nos actions. Doit-elle
être nommée prémotion physique ou seule-
ment prédétermination morale? Au mot
Grâce, § 5, nous avons fait voir que ni l'une
ni l'autre de ces expressions n'est parfaite-
ment juste, parce que l'intluencf delà grâce
ne ressemble à celle d'aucune cause natu-
relle.
On dispute dans les écoles pour savoir si
une prédétermination physique est nécessaire
à riiomœe pour |)rodiiiro ses actions natu-
relles. La [ilupart des philosophes et des
théologiens prétendent qu'il n'en est pas be-
soin. Il est, disent-ils, de la nature d'une
faculté active et d'une cause libre de produire
ses actes par elle-même, sans rint(M-vention
50
1579
PRE
PRE
1580
d'aucune cause extérieure; on ne conçoit
■ pas en quel sens elle se détermine elle-mê-
me, si elle est déterminée [lar un agent plus
puissant qu'elle. D'ailleurs, si cette détermi-
nation est cause physique, il y a une con-
nexion nécessaire entre cette cause et l'ac-
tion qui s'ensuit, par conséquent l'action de
la volonté n'est plus libre dans aucun sens;
on ne conçoit pas paême que ce soit pour
lors une action humaine : puisqu'elle vient
de Dieu comme cause, l'iiomme n'est plus
que l'instrument.
D'autre part, les thomistes soutiennent
que la prédétermination physique est néces-
saire pour rendre l'homme capable d'agir;
telle est, disent-ils, la subordination ou la
dépendance nécessaire de la cause seconde
à l'égard de la cause première. Puisque Dieu
a sur ses créatures non-seuL'ment un do-
maine moral, mais un domaine physique, il
doit avoir sur toutes leurs actions non-seu-
Jement une influence morale, mais une in-
fluence physique. Cette action de Dieu, loin
d'être un obstacle à la liberté humaine, est
au contraire uu complément nécessaire de
cette liberté, sans lequel l'homme ne pour-
rait pas agir. Dieu sans doute est assez puis-
sant pour proportionner son action à la nature
de l'homme ; puisqu'il a l'ait l'homme libre,
il le fait agir librement. Quand on leur de-
mande en quel sens Dieu prédétermine la
volonté humaine au péché, ils disent que
cette action de Dieu se borne à ce qu'il y a
de physique dans l'action de l'homme, et
qu'elle ne touche point à ce qu'il y a de
mural, ou, en termes de l'école, que Dii'u
influe sur le matériel du péché, et non sur
le formel, c'est-à-dire sur ce qui constitue le
péché. Comme il paraît que les thomistes
n'attachent point à la plupart des termes
dont ils se servent le môme sens que les
autres théologiens, et qu'ils se croient en
droit d(! rejeter toute comparaison que l'on
peut faire entre la cause première et toute
autre cause, il est probable que la dispute
touchant la prédélermination physique ne fi-
nira pas sitôt.
PRÉDICATEUR, PRÉDICATION. Nous ap-
pelons prédication l'action d'annoncer la
parole de Dieu en public, faite par un homme
revêtu d'une mission légitime. Dans les pre-
miers siècles de l'Eglise, les évoques seuls
étaient chargés de cette fonction; à l'exem-
ple de Jésus-Christ et de saint Paul, Joan.,
c. ly, V. 2 ; / Cor., c. i, v. 17, ils la regardaient
comme la plus importante de leur ministère.
Les premiers exemples que nous connais-
sions de prêtres chargés de prêcher, sont ceux
d'Origène et de saint Jean Chrysostome dans
l'Eglise d'Orient, de saint Félix de Noie et
de saint Augustin en Occident : il n'est [las
étonnant que l'on se soit écarté de l'usage
ordinaire en faveur d'hommes aussi recom-
mandables par leurs talents. Pai- les dilfé-
rentes révolutions qui sont arrivées dans
l'Occident, les évoques se sont trouvés obli-
gés de se décharger de cette fonction sur
les prêtres. La môme raison a fait accorder
aux religieux le pouvoir de prêcher dans
toutes les églises où ils sont appelés; au-
trefois il n'y avait que les pasteurs qui ins-
truisissent ie troupeau qui leur était conlié.
Dans l'Eglise romaine, il faut être au moins
diacre pour avoir le pouvoir de prêcher.
On ap|ielle pro|)rement prédications les dis-
cours que l'on fait aux infidèles pour leur
annoncer l'Evangile; et sermons, ceux que
l'on adresse aux fidèles pour nourrir leur
piété et les exciter à la vertu.
Plusieurs auteurs ont écrit des traités sur
l'éloquence de la chaire, plusieurs ont cen-
suré avec assez d'amertume les défauts dans
lesquels tombent troj) souvent les prédica-
teurs; nous n'avons dessein de nous ériger
ici ni en censeurs ni en apologistes, mais
d'envisager les choses à charge et à décharge.
Il nous paraît d'abord que le goût dépravé
des auditeurs est la cause principale des
fautes dans lesquelles tomlienl ceux qui an-
noncent la parole de Dieu; ils y sont en-
traînés par le ton de leur siècle et par les
applaudissements que l'on a la faiblesse de
leur donner, lors même qu'ils prêchent d'une
manière évidemment vicieuse ; nous en som-
mes convaincus par des exemples récents.
De nos jours quelques philosuphes se sont
avisés de reprocher aux orateurs chrétiens
qu'ils n'enseignaient pas une morale natu-
relle. Il n'en a pas fallu davantage pour sé-
duire de jeunes orateurs; ils ont cessé de
citer l'Evangile, ils ont laissé de côté la mo-
rale de Jésus-Christ, pour prêcher une mo-
rale prétendue philosophique ; ils ont fait des
haraiigues académiques au lieu de sermons,
et les éloges qu'un certain public aniichré-
tien leur a prodigués, ont achevé de perver-
tir leur giiùt; et l'exemple d'un seul suffît
pour en gâter mille.
« C'est une chose déplorable, dit un écri-
vain très-sensé, que certains orateurs chré-
tiens, renonçant en quelque sorte aux prin-
cipes de leur religion, semblent perdre de
vue l'Evangile , et ne rougissent pas de lui
substituer en chaire une morale purement
païenne. Ce sont de nouveaux Sénèques, et
non des disciples de saint Paul ou des minis-
tres de Jésus-Christ. La philosophie est trop
faible pour mettre un frein aux passions,
pour donner au cœur de l'homme une con-
solation solide, pour montrer la vraie source
des désordres et y appliquer des remèdes
efficaces. Ce privilège est celui de la foi, il
n'y a qu'elle qui puisse nous éclairer et nous
fortifler, elle seule fournit ces grands motifs
qui font préférer à toutes choses la pratique
de la vertu. Les Pères étudiaient et prêchaient
l'Evangile; jamais ils n'ont cité les philoso-
phes ; aussi leurs discours avaient-ils l'au-
torité et la force de la parole de Dieu : ils
opéraient des conversions et faisaient germer
la piété dans les Ames. »
Jésus-Christ, disait saint Paul, m'a envoyé
prêcher, non sur le ton de l'éloquence pro-
fane, de peur d'anéantir la force de la croix
de Jésus-Christ Je suis venu vous
annoncer la loi de Jésus-Christ, mm avec le
talent des orateurs et des sages, mais ne
sachant rien que Jésus crucifié... Ma prédi
1581
PRE
PRE
mi
;ation et nios discours n'ont iioint été dans
le style persuasif de réloqueiice humaine,
mais aecompagnés des sij^nes de l'esprit et
de la puissance de Dieu, aliu que votre foi
ne fût pas fondée sur la saj^esse des hommes,
mais sur l'autorité divine,/ Cor., c. i, v. 17;
c. n, V. 1. Un des jirincipaux arguments que
nos anciens apologistes ont opposés aux
païens, a été l'uiutilité dos leçons de leurs
f)hilosophes; ces hommes si renommés [lour
eur éloquence n'avaient pas corrigé les na-
tions d'un seul vice : la morale de Jésus-
Christ, annoncée par des pécheurs et par
des ignorants, convertissait les peuples,
changeait les mœurs, faisait cesser les dé-
sordres les plus anciens. Entreprendra-t-on
aujourd'hui d'arracher h notre religion ce
caractère de divinité, ou de rétaljlir le paga-
nisme, en nous donnant pour règle la morale
de ses défenseurs? — D'autres ont reproché
aux prédicateurs une basse adulation à l'é-
gard de ceux qui gouvernent, \\n silence
perlide sur leurs vices et sur les malheurs
dont ils sont la cause. A l'instant nos jeunes
orateurs se sont jetés sur les matières d'ad-
ministration et (le politique, se sont crus
capables de régenter les rois et leurs minis-
tres, n'ont plus envisagé dans les saints que
leurs talents pour le gouvernement, ont parlé
comme s'ils élaient appelés pour présider aux
conseils des nations. Jésus-Christ ni les apô-
tres n'ont pas ou celte ambition : ils ont
prêché la vertu et non la politique, les devoirs
du commun des hommes et non les règles
de la conduite des césars, la félicité de l'au-
tre vie et non la prospérité des atfairesde ce
monde.
La fonction respectable de prédicateur de-
mande non-seulement un talent naturel pour
la parole, mais une connaissance très-éten-
due de la morale chrélienne, par conséquent
une étuile assidue de l'Ecriture sainte et des
ouvrages des Pères de l'Eglise, une connais-
sance sufiisante des mœurs de la société ,
des passiiins et des vices du cœur humain,
des moyens qui soutiennent la vertu et la
piété, des dangers et des tentations auxquel-
les elles succombent. Les pasteurs et les
missionnaires, qui ont joint à de longues
études l'expérience que l'on acquiert dans
le tribunal de la pénitence et dans la con-
duite des Ames, sont inûniment plus capables
d'instruire et de toucher les auditeurs, que
de jeunes oiateurs qui ne sont munis d'au-
cun de ces secours. Mais comme cette fonc-
tion est en elle-même très-diticile, il est né-
cessaire de s'y exercer de bonne heure ; on
ne doit donc pas blAnier les premiers essais
de ceux qui entrent dans cette carrière,
lorsqu'ils donnent lieu d'esp.érer qu'ils se
perfectionneront dans la suite.
Ceux qui ont dit que les sermons ne de-
vraient être que des leçons de morale, ont
eu tort. L'Evangile n'a pas été seulement
destiné à nous [irescrire ce que nous devons
faire, mais aussi à nous enseigner ce que
nous devons croire ; et les Pères de l'Eglise,
non plus que les a[iùtres, n'ont jamais séparé
le dogme d'avec la inorale. 11 n'est aucun des
articles do notre croyance du(pio> il ne s'en-
suive des conséquences morales; et toutes
les fois qu'il est arrivé des erreurs sur le
dogme, la morale n'a jamais manqué de s'en
ressentir. L'ignorance des vérités de la foi
est beaucoup [ilus commune que l'on ne
pense, même parmi ceux qui se croiint fort
uistruits, [Hiisque les philosophes incrédules,
qui ont attaqué de nos jours le christianis-
me, ont méconnu et défiguré la doctrine qu'il
enseigne. Qu'ils l'aient fait par ignorance ou
par malice, il ne s'ensuit pas moins qu'il faut
enseigner en public aussi bien qu'en parti-
culier, aux adultes non moins qu'aux enfants,
les vérités chrétiennes telles qu'elles sont.
— On peut assurer en général qu'un sermon
qui a pour base l'Kcriture sainte, qui en est
une explication suivie comme les homélies
des Pères, qui expose clairement ie dogme
et en friit sentir les conséquences morale^;,
sera toujours solide, édifiant, utile, approuv('?
par tous ceux qui n'ont pas le goût dépravé,
quand même le /;r(frf(ca/e«r n'aurait |ias d'ail-
leurs les talents d'un orateur |)rofane, pour-
vu qu'il ait l'esprit et les vertus de son état,
et qu'il soit pénétré lui-môme des vérités
qu'il enseigne aux autres. On demandait au
bienheureux Jean d'Avila, l'apôtre de l'An-
dalousie, des règles sur l'art de prêchei'. Je
ne connais, répondit-il, d'autre art que l'a-
mour de Dieu et le zèle pour sa gloire.
Barbeyrac ennemi déclaré des Pères de
l'Eglise, a trouvé très-mauvais qu'on les pro-
posât pour mo lèle aux orateurs chrétiens;
i^uivant son avis, leurs sermons sont non-
seulement remplisd'erreurs eu fait de morale,
mais composés sans art et sans méthode ;
leur éloquence est affectée et vicieuse, leur
style Ijoursoulllé, orné de figures déplacées
et superflues ; ce sont des déclamations de
rhéteurs plutôt que des discours édifiants,
sensés et raisonnables. Il faut avoir une
forte dose de présomption pour se tlattei- de
pouvoir détruire une réputation établie de-
j3uis douze ou quinze siècles, et consacrée par
la vénération de l'Eglise entière. Du moins,
pour y n'ussir, il ne faudrait pas commencer
par se contredire , comme font les protes-
tants. Parmi les Pères, surlo.it les plus an-
ciens , il y en a dont les écrits ne sont
ni polis ni recherchés, mais de la plus
grande simplicité ; leurs censeurs ont grand
soin do le faire remarquer, d'en conclure
que c'étaient dos idiots très-peu propres à
nous instruire de la croyance et de la mo-
rale chrétienne. Quai't à ceux qui ont étudié
les lettres humaines et l'art de l'éloquence,
qui ont fait l'admiration de leur siècle ,
même dos philosophes païens, ces critiques
atrabilaires nous les donnent pour des rhé-
teurs et des sophistes.
Nous lour demandons: ces hommes célè-
bres que vous déprimez, ont-ils été écoutés,
suivis, respectés et admirés de leur temps,
ou ne Font-ils pas été ? Leurs discours ont-
ils été inutiles ou efficaces, sans efl'ot ou
suivis de conversions 't S'ils ont produit du
fruit comme toute l'antiquité l'atteste, donc
les Pères ont eu, suivant le temps, les lieux,
1583
PRE
PRE
1S84
les mœurs et le goût des peuples, le genre
d'éloquence qu'il fallait pour remplir digne-
ment leur ministère. Les ministres protes-
tants voudraient-ils répéter aujourd'hui les
sermons de Luther, de Zwingle, de Calvin,
et des autres premiers prédicants ? Que di-
raient-ils, si nous nous donnions la peine
de recueillir dans leurs écrits toutes les er-
reurs, les absurdités , les grossièretés, les
sottises dont ils sont remplis, comme ils ra-
roassent eux-mêmes dans les Pères de l'E-
glise tout ce qui leur paraît un sujet de
blâme? Ils regardent cependant les premiers
comme des apôtres suscités de Dieu pour
réformer et endoctriner l'Eglise.
Nous voudrions être en état de faire un
parallèle entre les discours des orateurs pro-
testants les plus estimés et les plus admirés
parmi eux, et les sermons de saint Basile,
de saint Grégoire de Nazianze, de saint Jran
Chrysostome, de saint Ambroise, de saint Au-
gustin, que Barbeyrac ose mépriser; nous
verrions de quel côté nous trouverions le
plus de science, de pensées sublimes et de
véritable éloquence.
Fleury, Mœurs des chrét., § 39, en parlant
de l'ordre de l'ancienne liturgie, de laquelle
le sermon de l'évêque faisait toujours par-
tie, a suffisamment justifié la manière de
prêcher suivie par les Pères de l'Eglise.
PRÉEXISTANT , chose qui existe avant
une autre. Comme les anciens philosophes
n'admettaient pas la création, ils croyaient
que Dieu avait fait toutes choses d'une ma-
tière préexistante et éternelle comme lui.
Quelques-uns ont dit que Dieu a tout fait
de ce qui n'existait pas, ex non exstantibus ;
cette expression paraît d'abord signifier qu'il
a tout fait de rien, par conséquent qu'il a
tout créé ; mais les critiques modernes sou-
tiennent que par non exstantia ils enten-
daient la matière, et que cela signifiait seu-
lement que Dieu avait donné une forme à ce
qui n'en avait point. Au reste, une matière
préexistante , éternelle et sans forme , est
pour le moins aussi difficile à concevoir que
la création ; la matière a-t-elle pu exister
sans dimensions ou sans étendue, et les di-
mensions ne sont-elles pas une forme? Voy.
Créatiox.
Les pythagoriciens et les platoniciens ont
cru la préexistence des âmes humaines, c'est-
à-dire que les âmes avaient existé dans une
autre vie avant d'être envoyées dans des
corps pour les animer; ils ajoutaient que
l'union de ces âmes à des corps qui sont
pour elles une es])èce de prison, était une
punition des péchés qu'elles avaient commis
dans une vie précédente. Ou accuse Origène
d'avoir eu la même 0|)inion, et il semble
quelquefois la soutenir; mais le savant Huet
a observé qu'Origène, aussi bien que saint
Augustin, est demeuré dans le doute tou-
chant la véritable origine de l'âme. Orige-
nian., 1. ii, c. 6, n. 1. D'ailleurs les philo-
sojjhes, qui ont admis la préexistence des
âmes, ont cru qu'elles étaient sorties de la
substance de Dieu par émanation, au lieu
yu'Origène a certainement admis la créa-
tion des esprits aussi bien que celle des
corps ; nous l'avons fait voir au mot Ema-
nation.
PRÉFACE, partie de la messe qui précède
immédiatement le canon, et qui commence
par ces mots, Sursum corda. Les écrivains
liturgistes nous apprennent que celte prière
ou action de grâces, qui sert de préparation
à la consécration, se trouve dans tous les
vieux sacramentaires et dans les liturgies les
plus anciennes, dans celles de saint Jacques,
de saint Basile, de saint Jean Chrysostome,
des Constitutions apostoliques, etc. Déjà, au
ni° siècle, saint Cyprien en a parlé dans son
traité de ÏOraison dominicale, et les Pères
du IV' en font souvent mention. Dans le
Sacramentaire de saint Grégoire, il y a des
préfaces propres, comme des collectes, pres-
que pour toutes les messes : on n'en a retenu
que neuf dans le missel romain; mais dans
les nouveaux missels des divers diocèses,
on en a placé de propres pour toutes les
grandes fêtes, et qui ont été composées sur
le modèle des anciennes. Dans le rite gotlii-
que, la préface est a|)pelée immolation, dans
le mozarabique illation, dans le gallican con-
testation. Il est étonnant que les protestants
aient osé rejeter comme superstitieuses des
prières aussi respectables, aussi anciennes,
et qui, suivant la croyance de tous le siè-
cles, datent du temps des apôtres. Lebrun,
Explic. des cérém. de la Messe, t. II, p. 378.
PRÉJUGÉS de religion. Les incrédules
nomment ainsi les notions religieuses qu'un
homme a reçues dans son enfance; on les
prend, disent-ils, sans connaissance, on les
conserve par habitude, sans réflexion et
sans examen; et il en est de même dans
toutes les religions du monde. Si donc un
croyant tient la vérité, c'est par hasard; nous
ne voyons pas en quoi sa foi peut être loua-
ble et méritoire. — Lorsque les incrédules
voudront être de bonne foi, ils conviendront
que c'est aussi par hasard qu'ils ont embrassé
tel ou tel système d'incrédulité; ils sont so-
ciniens, déistes, athées, matérialistes, scep-
tiques ou indilférents, suivant l'opinion des
maîtres qui les ont endoctrinés, et suivant
les livres qui leur sont tombés par hasard
entre les mains. Déjà ils conviennent qu'un
très-grand nombre de leurs prosélytes sont
incrédules sur parole, et sont très-jieu en
état d'approfondir une question. Lorsque le
déisme était à la mo le, tout incrédule était
déiste; lorsque l'atiéisme a été prêché, tous
sont devenus athées, et bientôt après pyrrho-
niens. Ceux qui sont parvenus à ce degré,
sont donc convaincus qu'ils se sont eiéjà
trompés deux fois; nous voudrions savoir
par quel moyen ils sont certains de ne pas
être encore trompés pour la troisième.
Il y a une dillérence essentielle entre eux
et les croyants. Parmi ceux-ci, tous ceux
qui ont été en état de faire un examen ré-
lléchi des preuves de la religion, l'ont fait
par le désir de connaître la vérité et d'avoir
un puissant motif d'être vertueux; ce motif
est certainement louable. Ceux au contraire
qui se vantent d'avoir fait cet examen sans
1585
PRE
PRE
1586
préjugé, et de ne pas avoir trouvé des rai-
sons suhisantcs de croire, étaient déjà pré-
venus contre la religion; ils désiraient de
pouvoir en secouer le joug ])Our mettre leurs
passions plus à l'aise; la plupart étaient déjà
libertins de cœur, avant de l'être par l'es-
prit. Nous demandons laiiuelle de ces deux
dispositions est la plus capable de nous con-
duire à la vérité. S'il n'y a pas de mérite à
l'avoir reçue dés l'enfance, il y en a du
moins h la conserver au milieu àes pièges
que lui tendent les incrédules, et des eOforts
fiu'ils font pour la détruire. Ce n'est pas
d'aujourd luii, c'est dans tous les siècles que
les uiécréants se sont vantés d'avoir mieux
examiné la religion que les croyants, et plus
ils ont débité d'.il^surdités, plus ils se sont
flattés d'être supérieurs aux autres hommes.
Nous savons très-bien que les idées et les
opinions (jue l'on a reçues dès l'enfance
ont une très-grande force, et ([u'il est très-
diflicile de s'en détacher; c'est pour cela
même que nous aimons à excuser, autant
qu'il est possible, l'aveuglement de ceux qui
ont été élevés dans une fausse religion ;
mais il ne nous n[)[)arlient pas de décider
jusqu'à quel point ils sont innocents ou cri-
minels, excusables ou punissables devant
Dieu; lui seul est leur juge. C'est aussi ce
qui doit nous inspirer la jilus vive recon-
n lissance pour la gr.lce que Dieu nous a faite
en nous faisant naître dans le sein de la
vraie religion. Voij. Exame\.
Pbéji'gés légitimes. Voij. Prescription.
PREMICES. Ce sont les premiers fruits de
la récolte annuelle, d'une terre nouvelle-
ment défrichée, d'un arbre nouvellement
planté, et les premières productions de la
fécondité des animaux. Suivant l'ancienne
loi, tout cela devait être otfert au Seigneur;
c'est uncommandement souvent répété dans
les livres de JNIoise et dans ceux des pro-
phètes. Chaque Israélite devait porter au
moins une jiartie de ces fruits au taberna-
cle, et ensuite- au temple, y adorer le Sei-
gneur et le remercier, attester qu'à son
égard Dieu avait accompli les promesses
qu'il avait faites à son peuple, manger en-
suite cette offrande avec les lévites, les étran-
gers et les pauvres, Deut., c. xxvi, v. 1 et
suivants.
Ordinairement les païens offraient les pré-
mices à leurs dieux ; les Egyptiens à Isis,
qu'ils regardaient comme la déesse de la
fécondité; les Crées et les Romains à Cérès
ou à Diane qui, de même ([u'isis, était la
lune. Cette superstition vrnait piobablement
de ce que tous les animaux portent pendant
un certain nombre de mois (lu de lunes, et
que, selon l'opinion iiopulaire, la lune influe
beaucoup sur la température de l'air. Pour
préserver les Israélites de ces vaincs obser-
vances. Dieu voulut que les 7} rem if M fus-
sent censées lui appartenii-. Ainsi cette loi
était établie, 1° atin de les faire souvenir
que Dieu seul est le distributeur des biens
de ce monde, et que nous en sommes re-
devables à sa bonté ; '2" afin de perpétuer le
souvenir des prodiges que Dieu avait opé-
rés en faveur de son peuple, et de la ma-
nière dont il l'avait mis en possession de la
terre promise; le témoignage qu'en ren-
daient tous les Israélites à cette occasion,
était un monument de la vérité des faits de
l'histoire sainte; ."l" aliu d'entretenir entre
eux l'esprit de fraternité et de charité en-
vers les pauvres; k" pour modérer en eux
l'esprit de proiirièté et l'empressement de
jouir des biens de la terre. Pour cette même
raison, il leur était ordonné de rejeter comme
impurs les fruits que portait un arbre |)eii-
dant les trois premières années; ceux de la
quatrième seulement étaient censi.''S les pré-
tnicrs consacrés au Seigneur. Levit., c. xix,
V. 23 et 24.. L'expérience sans doute avait
convaincu Moïse qu'avant quatre ans un
arbre ne pouvait porter des fruits sains et
d'une maturité parfaite.
Reland, Antiq. sncr. vet, Hehr., m* part.,
c. 8, met une distinction entre les fruits
primilifs et les prémices des fruits; mais
elle ne paraît fondée que sur des traditions
rabbiniques, qui ne méritent aucune atten-
tion.
PREMIER, dans l'Ecriture sainte, ne se
dit pas seulement 1° à l'égard du temps; il
signifie encore 2° celui qui donne l'exemple
aux autres. / Esdr., c. ix, v. 2, il est dit :
La main des magistrats fut dans cette pre-
mière traitsgression; c'est-à-dire que le mau-
vais exemple vint principalement de leur
part. 3° Ce qu'il y a de meilleur. Exod.,
c. XXX, V. 33; myrrha prima est la myrrhe la
plus pure et la plus excellente. k° Le pre-
mier en dignité ; dans ce sens saint Pierre
est appelé le premier des apôtres; Jésus-
Christ dit : Si quelqu'un veut être le premier,
qu'il commence par se mettre le dernier.
5° Premièrement ou en premier lieu. I Mai-
chab., c. I, V. 1, il est dit d'Alexandre, pn-
mus regnavit in Grœcia, il régna première-
ment "dans la Grèce. 6" Avant que; Luc,
c. II, V. 2, nous lisons que le dénombre-
ment de la Judée fut fait premier que, ou
avant que Cyrinus fût gouverneur de Syrie.
Vainement les incrédules ont argumenté sur
cette expression pour prouver que saint Luc
avait contredit l'histoire.
PREMIEU-NÉ. Voy. Aîné.
PRÉ.MONTRÉ, ordre de chanoines régu-
liers, institué en 1120, par saint Norbert,
prêtre, né à Senten, dans le diocèse de Co-
logne, et ensuite archevêque de Magdebourg.
Ce pieux ecclésiastique, touché de voir le
relAchement qui s'était introduit dans la plu-
part des chapitres declianoines, entreprit d'y
mettre la réforme et d'y rétablir toutes les
observances religieuses , l'abstinence , le
jeûne, le dépouillement de toute propriété,
l'assiduité aux offices divins et à la prière,
le zèle pour le salut du prochain ; avec le
secours des évêques et des souverains pon-
tifes, il en vint k bout dans une bonne par-
tie de l'Allemagne et de la France, et il vou-
lut que les maisons de son ordre fussent des
espèces de séminaires pour former des ou-
vriers évangéliques.
La première de ces maisons fut bâtie dans
1S87
PRE
PRE
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le diocèse el au voisinage de Laon, ville de
Picardie, dans un lieu que le saint l'oudateur
nommdi Prémontré, Prœmonstratum. Le nom-
bre s'en accrut tellement que, trente ans
après, cet ordre nouveau possédait plus de
cent abbayes tant en France qu'en Alle-
magne; et après avoir été d'abord d'une pau-
vreté excessive, il devint opulent par la
multitude de donations qui lui furent faites.
Il fut approuva par Honoré II l'an 1126, et
confirmé dans la suite par plusieurs papes.
Saint Norbert établit aussi des religieuses
qui pratiquaient les mêmes observances que
les chanoines réguliers. Les travaux aposto-
liques de cet homme zélé réparèrent les ra-
vages qu'avaient faits dans les Pays-Bas les
: erreurs d'un nommé Tanquelin, hérétique
■ qui y avait répandu sa doctrine et y avait
causé plusieurs séditions.
Si nous en croyons le traducteur de VHis-
loire ecclésiastique de Jlosheim, l'ordre de
Prcmonlré, dans le temps de sa prospérité,
a possédé mille abbayes, trois cents prévôtés,
un plus grand nombre de prieurés, et cinq
cents couvents de religieuses ; il a eu trente-
cinq maisons en Angleterre, et soixante-
cinq abbayes en Italie. Quoi qu'il en soit, le
succès de saint Norbert, la rapidité avec la-
quelle son ordre s'est répandu, la quantité
de chapitres qu'il a réformés, les secours
qu'il a reçus de la (lart des évêques et des
souverains pontifes, nous paraissent prou-
ver qu'au xn* siècle le clergé séculier
n'était pas aussi corrompu et aussi gangrené
que les protestants le prétendent. Des ec-
clésiastiques sans mœurs et sans principes,
sans honte et sans religion, n'eussent pas
consenti aussi aisément à se réformer; et
dans uu siècle perverti à tous égards, un
réformateur n'aurait pas (rouvé autant d'ap-
pui. Pour corriger les abus et rétablir la ré-
gularité, saint Norbert n'employa ni les dé-
clamations, ni les discours séditieux, ni la
calomnie, ni la violence, comme ont fait les
prétendus réformateurs du xvi'^ siècle; la
douceur, la charité, les exhortations pater-
nelles, le bon exemple, de ferventes prières
pour im|)lorer le secours de Dieu, la pa-
tience, furent les seules armes ilout il se
servit. Hist. de VEgl. Gallic, t. VIII, 1. xxiv,
ann. 1120. A la vérité, le bien qu'il a pro-
duit ne s'est pas soutenu pendant plusieurs
siècles; l'an 12V5, le pape Innocent IV se plai-
gnit durelàchemeni qui s'était introduit dans
l'ordre de Prémontré; il en écrivit au cha-
pitre général, et il y a lieu de présumer que
cette remontrance ne fut pas inutile. En 1288,
le g.'n.'ral Guillaume demanda et obtint du
pape Nicolas IV la i>ermission de manger de
la viande |)Our les religieux de son onlre
qui seraient en voyage; preuve que l'absti-
nence était pratiquée dans les maisons. En
li60, à la prière du général. Pie II accorda
la permission générale de manger de la
viande, excepté depuis la Septuagésime jus-
qu'à Pâques. Cumme dans tous les pays de
l'Euroiie et dans tous les temps les aliments
maigres ont toujours été plus rares et plus
chers que la viande, la pauvreté des monas-
tères a été souvent une juste raison d'user
d'indulgence envers plusieurs ordres reli-
gieux. Mais si celui de Prémontré & été sujet
au relâchement, il s'y est fait aussi plusieurs
réformes : il y en a eu une en Lorraine où
ces religieux possèdent et desservent plu-
sieurs cures; elle a commencé h Sainte-
Marie-aux-Bois et à Verdun; le chef-lieu est
la maison de Pont-a-Mousson. Paul V, Gré-
goire XV, Urbain VIII, Innocent X et Inno-
cent XII l'ont ap[irouvée. Il s'en est fait une
en Espagne qui est beaucoup plus ancienne
et plus austère; Grégoire IX et Eugène IV
l'ont confirmée. Les prémontrés ont un
collège à Paris, et peuvent prendre des de-
grés dans la faculté de théologie.
PRÉMOTION. Yoy. Prédétermination.
PRÉPUCE. Voy. Circoncision.
PRÉSAGE, signe par lequel on prétend
connaître l'avenir; c'est une des espèces de
divination. L'on sait quelle a été dans tous
les temps la curiosité des hommes, surtout
de ceux qu'une passion violente agitait, com-
bien de moyens absurdes et criminels ils
ont employés pour pénétrer dans un avenir
que la Providence divine a trouvé bon de
nous cacher pour notre repos et notre plus
grand bien. Mais, à parler exactement, toutes
les manières de prévoir l'avenir ne sont pas
comprises sous le nom de présage; il en est
qui sont appelées autrement. — L'on s'est flatté
de péiiétrer dans l'a venir par l'aspect des astres
et par les phénomènes de l'air, c'est l'a^iro-
/oj/îf judiciaire; par le vol, le cri, les attitu-
des, l'a, ipétit des oiseaux, ce sont les aus-
pices; par l'inspection desentrailles des ani-
maux, ce sont les aruspices; par les songes,
par les sorts, par les oracles ou par les ré-
ponses de certaines personnes auxquelles
on supposait un esprit jrophétique; par les
réponses des morts, c'est la nécromancie.
Nous parlons de ces diU'érentes espèces de
divination sous leur nom particulier.
Ce que l'on appelait proprement présage
était d'une autre espèce. On prétendait pou-
voir juger de l'avenir, l" par les paroles
fortuites que l'on entendait prononcer. Un
homme, qui sortait de chez lui le matin pour
commencer uneatfaire, écoutait avec soin les
paroles de la premier.; personne qu'il rencon-
trait, ou il envoyait un esclave écouter ce que
l'on disait dai s la rue, et sur des mots pro-
férés ;i l'aventuré il jugeait du bon ou du
mauvais succès futur de son dessein. 2° Par
le tressaillement de quelque partie du corps,
comme du cœur, des yeux, des sourcils.
3° Par l'engourdissement subit de quelque
membre , par le tintement des oreilles.
h° Par les étornuements; on les croyait de
bon ou de mauvais présage, suivant l'heure
à laqueUe ils arrivaient; de là l'usage de
faire un souhait heureux à ceux qui éler-
nuent. 5° Une chute imprévue dans une en-
treprise était censée présager un malheur.
6° Il en était de même de la rencontre
fortuite de certaines personnes , comme
d'un nègre, d'un eunuque, d'un nain, d'une
f)ersoniie contrefaite ou de certains animaux.
7° Parmi les différents noms que l'on duu-
1589
PUE
PRE
1590
naît aux enfants, ou par lesquels on com-
mençait une all'aire, on préiôrait ceux qui
signifiaient (juelque chose d'agréable à ceux
dont le sens était Wcheux; on évitait même
de prononcer ces derniei-s dans le discours
ordinaire, et l'on usait d'une périphrase.
8" L'on firenait î» mauvais augure certains
événements fortuits, comme de se trouver
treize à table, de renverser une salière, etc.
Mais il no suliisait pas d'observer simple-
ment les préscifirs; il fallait de plus les ac-
cepter lorsqu'ils paraissaient favorables, en
remercier les dieux, leur en demander la
conlirmalion et l'accomplissement. Lorsqu'ils
étaient frtcheux, l'on avait grand soin de les
rejetei-, de prier les dieux d'en détourner
i'ètret, do cracher iiromptcnnent pour en té-
mf)ignor do l'horreur; W(,«^ de l'Acad. des
Inscript., tom. 1, in-1'2, p. (i6.
Il n'est pas inutile do connaître tontes ces
absurdités : (>lles nous montrent jusqu'où
est allée la faiblesse, ou plulôl la folie de
l'esprit humain, chez les peuples mômes qui
jiassaient pour les plus éclairés et les rlus
sages.
Dieu, dans la loi de Moïse, avait défendu
aux Israélites toutes ces su|iorslitions, en
proscrivant toute espèce de divination quel-
conque. Levit., c. XIX, v. ,'îl; Deût., c. xviii,
v. 20; Num., c. xxiii, v. 23; Jcrern., c. x, v. 2.
L'on a tort de penser que la multitude de
lois cérémonielles (|ui leur étaient imposées
devait être pour eux un joug insupportable;
h le bien prendre, il l'était moins que celui
dont les païens se chargeaient par supersti-
tion. Une boinie partie de ces terreurs pani-
ques et de ces vaines pratiques subsistent
encore chez les nations qui ne sont pas
éclairées des luu«ères de la foi. — Elles au-
raient dû sans doute cesser absolument par-
mi les chrétiens, surtout après l'exliiictiou
du paganisme; mais les habitudes et les pré-
jugés |]0|iulaires, nourris par la peur, i)ar
l'intérêt sordide et ))ar la crédulité, no sont
pas aisés Ji déraciner. Les Pères de l'Eglise,
eu particulier saint Jean Chrysostome et
saint Augustin , ont souvent déclamé contre
ces restes d'idohUrie, vn ont démonti'é l'ab-
surdité et l'opposition aux vérités de la foi ;
il en est toujours demeuré (juelque teinture
dans les esprits timiiles et ignorants. Les
b:irbares idohUres, sortis des forêts du Nord
et répandus dans l'Europe entière, en ont
ramené une bonne fiartie avec eux. Les cen-
sures des conciles, les leçons des évéques et
des autres pasteurs ont tliminué le mal, sans
le déraciner entièrement; et, à la honte de
l'esprit humain, notie siècle, qui se prétend
si ('Claire , n'en est pas encore parfaitement
guéri.
La philosophie, disent les incrédules, la
connaissance de la nature et des causes pliy-
siques, est le seul remède efficace contre
cette contagion. Cela est faux. Les anciens
philosophes connaissaient déjà suftisamment
la nature pour sentir l'absuidité des erreurs
p.'pulaires; et loin de s'o|iposer h la su|)ers-
lilioii des présages, ils l'ont confirmée par
leurs écrits et par leurs exemples. Cic, 1. ii,
de Divhmt., in fine. Les épicurieus, qui n'ad-
mettaient point de dieux, étaient les plus
mauvais |thysiciens de tous; et, parmi les
athées modernes, il s'en est trouvé qui
croyaient à la magie, aussi bien que les épi-
curi(ms. La religion chrétienne, bien ensei-
gnée et bien connue, est d'une toute autre
efficacité que la philosophie. Yoy. Devin.
Bingham, Oriq. ecclés., 1. xvl, c. 5.
PKÉSANCT'IFIÉS. On a|ipelle messe des
présancti/iés celle dans laquelle le prêtre
olfre à l'autel et consonnne à la communion
les espèces eucharistiques consacrées la
veille ou quelques jours auparavant, dans
laquelle par conséquent il ne se fuit point
de consécration. Cette messe n'est en usage
dans l'Eglise latine que le jour du vendredi
saint; mais dans l'Eglis- grecque elle a lieu
j)endant tout le carême. L'ancienne coutume
des Grecs est de ne consacrer l'eucharistie
en carême que le samedi et le dimanche,
jours auxquels ils ne jeilnent |)oint, et le
jour de l'Annonciation de la sainte Vierge.
Cette discipline est établie par le concile de
Laodicée, tenu vers l'an 3G3, can. Vi); par le
concile in Trullo, tenu en 692, et par d'au-
tres monuments. Lebrun, Explic. des cé~
re'm., t. IV, p. 373; Bingham, Orig. ccclés.,
1. iv, c. 4, § 12; Ménard, Notes sur le Su-
cram. de S. Grégoire, p. 75.
Cet usage de conserver l'eucharistie pour
les jours suivants avec un profond res[)ect,
et les prières que font les Grecs dans la
messe des présanctifiés , démontrent qu'ils
n'ont point, touchant l'eucharistie, le même
sentiment que les protestants. Ils ne pensent
point, coujme ces derniers, que c'est simple-
ment une cérémonie commémorative de la
cène que Jésus-Christ Ht avec ses apôtres la
veille de sa mort ; ils croient au contraire,
comme les catholiques, que les espèces con-
sacrées sont véritablement et substantielle-
ment le corps et le sang de Jésus-Christ;
que ce divin Sauveur y est présent, non-
seulement dans l'action de communier, mais
d'une manière permanente, et que l'action
de l'offrir à Diei est un véritable sacrifice.
PRESBYTÈRE. Anciennement l'on nom-
mait ainsi le chœur des églises, parce que
les prêtres seuls avaient droit d'y prendre
place ; la nef était pour les laïques. Dans
saint Paul, / Tim., c. iv, v. ih, le presbytère
signifie l'assemblée des prêtres. Parmi les
catholiques, l'on a|)pell" encore ainsi la mai-
son du curé de la paroisse, parce qu'il y est
le seul j)rêtre en titre.
PRESBYTÉRIEN. Voy. Anglican.
PRESCIENCE, connaissance certaine et
infaillible de l'avenir. Une des vérités que la
révélation nous enseigne est que Dieu, de
toute éternité, a connu certainement tout ce
qui arrivera dans toute la durée des siècles,
soit les événements qui dépendent des cau-
ses physiques et nécessaires, soit les actions
libres des créatures intelligentes. Deut.,
c. XXXI, v. 21 : Je sais, dit le Seigneur, tout ce
que feront les Israélites lorsqu'ils seront dans
le pays que je leur ai protnis. En etfet, Dieu
venait de le prédire dans les versets précé-
1591
PRE
PRE
1592
dents. / Reg., c. n, y. 3 : Le Seigneur est le
Dieu des connaissances ; nos pensées lui sont
présentes d'avance. Ps. cxxxviii, v. 3 et 4, le
Psaltuiste dit à Dieu : Forts avez connu de
loin mes pensées, et vous avez prévit toutes
mes actions. Isaie, c. x-li, v. 23, défie les faux
dieux des nations de prédire l'avenir, parce
que cette connaissance est réservée au seul
vrai Dieu : Annoncez-nous ce qui doit arri-
ver dans l'avenir, et nous saurons que vous
êtes des dieux. On pourrait citer vingt autres
passages. — Sur cette connaissance de Dieu
est fondée la certitude des prophéties : con-
séquerament, Tertullien a fort bien dit que
la prescience de Dieu a autant de témoms
qu'elle a formé de prophètes. Or, Dieu a fait
aux hommes des prédictions depuis le com-
mencement du monde. En punissant Adam
de sa désobéissance, il lui promit un Ré-
dempteur qui en réparerait les effets : ce
n'était point un événement qui dépendît de
causes nécessaires. Il instruisit Abraham de
la destinée de sa postérité, quatre cents ans
avant que les événements commençassent à
s'accomplir; il accorda le don de ijrophétie à
Jacob , à Josopli , à Moise , etc. On peut dire
que le peuple de Dieu, depuis sa naissance
jusqu'à sa destruction, a été conduit et gou-
verné par des prophéties.
Il n'est pas possible de concevoir en Dieu
une providence, à moins qu'on ne lui sup-
pose une connaissance pariaite de l'avenir et
des actions libres de toutes les créatures.
Sans cela, cette providence se trouverait à
tout moment déconcertée dans ses desseins
et arrêtée dans l'exécution de ses volontés
par les actions imprévues des hommes; on
ne pourrait [ilus lui attribuer la toute-puis-
sance, encore moins l'immutabilité : conti-
nuellement Dieu serait obligé de changer
ses décrets, d'en former de tout contraires,
parce qu'il se rencontrerait des obstacles
qu'il n'aurait pas prévus. Son gouvernement
serait sujet h peu près aux mêmes inconvé-
nients que celui des hommes.
Plusieurs anciens philosoiihes ont refusé à
Dieu la science de l'avenir, parce qu'ils ne
jjouvaient pas en concilier la certitude avec
la liberté des actions humaines. Si elles sont
infailliblement prévues, disaient-ils, elles arri-
veront donc infailliblement ; il ne sera pas plus
possible à l'homme de s'en abstenir que de
tromper la prescience divine. Les marcionites
renouvelèrent ce sophisme. Aujourd'hui les
sociniens raisonnent encore de même, plus
cou]iables en cela que les anciens philoso-
phes, qui n'avaient pas été instruits comme
eux par la révélation. Ils ne font pas atten-
tion que Dieu, f)ar son éternité, est présent
à tous les instants de la durée des créatures, ,
comme par son immensité il est présent à
tous les lieux. Il n'y a donc à son égard ni
passé ni avenir; il voit toutes choses comme
présentes : c'est pour cela même que saint
Augustin et saint Grégoire, pape, ne vou-
laient pas que cette connaissance de Dieu fût
afipelée prescience, mais simplement science
ou connaissance. Or, en quoi la connaissance
d'une action présente nuit-elle à la liberté
de celui qui la fait? Il est impossible, disent
ces raisonneurs, que ce que Dieu a prévu
n'arrive pas ; nous en convenons ; mais il
est impossilîle aussi que l'action que nous
voyons présente ne se fasse pas actuelle-
ment. La certitude que nous en avons nuit-
elle à la liberté de celui qui agit? La con-
naissance certaine et infaillible que Dieu a
de ce qui arrivera dans mille ans d'ici n'in-
flue pas plus sur la nature des événements
ni sur les volontés humaines que la connais-
sance certaine et infaillible qu'il a de ce qui
se passe actuellement. Dieu voit les choses
présentés telles qu'elles sont, et les futures
telles qu'elles seront; il les voit nécessaires,
si elles doivent être l'effet nécessaire des
causes physiques; il les voit libres, si ce sont
des actions qui dépendent de la volonté
humaine. Elles seront donc libres, puisque
Dieu les voit ainsi. C'est le raisonnement de
saint Augustin, 1. ni de Lib. Arb., c. 3 et k.
Ceux qui nous apprennent que les soci-
niens refusent à Dieu la prescience no nous
disent point comment ces sectaires conçoi-
vent la toute-puissance de Dieu et son im-
mutabilité, ni ce qu'ils pensent de la multi-
tude (le prophéties dont l'Ecriture sainte est
remplie. S'ils admettent un Dieu qui n'est ni
tout-puissant ni immuable, s'ils ôtent à la
religion chrétienne les prophéties, qui sont
une des preuves principales de sa divinité,
s'ils disent que, quand Jésus-Christ a prédit
dos actions libres, il ne parlait que par con-
jecture,nous ne voyons pas en quel sens on
peut encore les mettre au nombre des chré-
tiens. Mais on sait que, de conséquence en
conséquence , le socinianisme conduit ses
partisans jusqu'au dernier période de l'in-
crédulité.
La prescience de Dieu se nomme aussi
prévision. Les théologiens disputent pour sa-
voir si cette prescience suppose toujours un
décret de la part de Dieu, s'il n'y a rien de
fQturque ce que Dieu a positivement résolu.
En premier lieu, lorsqu'il est question des
péchés, l'on ne conçoit pas en quel sens
Dieu les rend futurs par un décret. Si l'on
dit que c'est par le décret de les permettre
ou de ne pas les empêcher, l'on joue sur les
mots, puisqu'une simple permission est plu-
tôt la négation d'un décret qu'un décret po-
sitif. D'ailleurs, la volonté de permettre une
action que l'on prévoit future suppose déjà
qu'elle est future, et qu'elle sera si Dieu n'^
met point obstacle. En second lieu, lorsqu'il
s'agit d'actions purement indifférentes, on ne
voit pas la nécessité de pareils décrets pour
chacune de ces actions. Dès que Dieu a donné
à l'homme le pouvoir d'agir, l'on comprend
que l'homme agira sans qu'il soit besoin que
toutes ses actions soient déterminées par un
décret particulier.
Il y a une différence quand on parle des
actes de vertu, des bonnes œuvres utiles au
salut, puisque l'homme ne peut en faire sans
le secours actuel de la grâce divine; il est
clair qu'aucune n'est future qu'en vertu du
décret que Dieu a fait de donner la grAce.
Mais à moins que l'on ne suppose la srAce
1S93
PRE
PRE
4594
prédéterminante, on ne peut pns, en bonne
logique, prétendre que la bonne action est
future par la nature même de la grAce. Puis-
que le décret de Dieu n'ôte point à l'homme
le pouvoir de résister, on ne comprend pas
comment ce décret seul rend futur ce qui
demeure toujours contingent.
Au reste, il y a plus de subtilité dans cette
question que d'utilité. Il nous sufiit de savoir
qu'aucun décret de Dieu, non plus que sa
prescience, ne nuit h la liberté (le l'homme.
Dieu a voulu que l'homme fût liiire, alin
qu'il frtt capalilo de mérite et de démérite,
de récompense et de châtiment; Dieu con-
tredirait ce décret s'il en faisait un autre in-
compatible avec cette liberté, s'il usait de
sa toute-puissance pour détruire ce qu'il a
sagement établi. Voi/. Préd^.termination,
Science de Dieu.
_ PRESCRIPTION. Tertullien a fait au m'
siècle un ouvrage qu'il a intitulé' : Prescrip-
tions contre les hérétiques. Il entend sous ce
nom ce que l'on apiielle au barreau fin de
non-rccevoir, c'est-à-dire raisons par les-
quelles il est prouvé, sans entrer dans le
fond des questions, que l'adversaire ne doit
pas être admis à ilis|iuter. C'est ce que les
controversistes modernes ont nommé préju-
gés légitimes contre les hérétiques. Voici les
raisons alléguées par Tertullien. 1" La mé-
thode des hérétiques est de disputer contre
nous par les Ecritures; or, je soutiens que
l'on no doit jias les y admettre. Avant de
contester sur la lettre et sur le sens d'un
titre, il faut commencer par examiner à (jui
il appartient. Or, c'est à l'Eglise et non aux
hérétiques que Dieu a donné les Ecritures ;
elle seule peut savoir quelles sont les vraies
Ecritures; c'est d'elle seule que les héréti-
ques peuvent l'apprendre ; elle en a reçu
l'intelligence des apôtres , qui les lui ont
données. De quel droit les hérétiques pré-
tendent-ils les mieux entendre qu'elle? La
dispute par les Ecritures ne peut lien termi-
ner. Telle secte d'hérétiques rejette certaines
Ecritures, ajoute ou retranche h celles qu'elle
reçoit, en pervertit le sens à son gré. A quoi
peut aboutir une contestation dans laquelle
on ne convient pas du titre sur lequel on
doit se fonder? Il faut donc remonter plus
haut, voir de quelle source, par quel canal,
à quelle société et de quelle manière sont
venues les Ecritures et la foi chrétienne.
Où se trouvera la vraie foi et la vraie
manière de la recevoir, là se trouvera aussi
la véritable Ecriture et la vraie manière de
l'entendre. — 2" La doctrine chrétienne est
une doctrine révélée; Jésus-Christ l'a re-
çue de son Père ; les apôtres l'ont reçue
de Jésus-Christ, et ils l'ont fidèlement trans-
mise aux Eglises qu'ils ont établies. La seule
manière de juger si une doctrine est chré-
tienne, c'est de voir si elle est conforme à la
croyance des Eglises fondées par les ajiôtres.
Toutes ces Eglises sont une seule et même
Eglise, qui est la première et la seule apos-
tolique, tant qu'elles conservent l'unité, la
paix, la fraternité et le sceau de l'hospitalité.
Puisque les apôtres ont enseigné les Egli-
ses, tant de vive voix que par écrit, elles
seules peuvent rendre témoignage de ce
qu'ils ont prêché. Toute doctrine qui ne
s'accorde pas avec la leur est étrangère à la
foi; elle est fausse dès qu'elle ne vient ni
des apôtres ni de Jésus-Christ. Or, telle est
ladortrinedeshéréticjues. — 3" La catholicité,
ou l'uniformité de doctrine et de foi entre la
multitude dos Eglises dispersées surla terre, en
démontre clairement la vérité. Comment tant
de sociétés ditierentes auraient-elles pu alté-
rer la foi d'une manière uniforme? Lorsque
l>lusieurs personnes se trompent, chacun le
fait à sa manière : le résultat ne peut être le
même. C'est ce qui arrive aux dilférentes
sectes d'hérétiques : il n'en est pas deux qui
s'accordent. De même que l'unité de croyance
enlr(! les Eglises catholiques prouve qu'au-
cune d'elles ne s'est trom[)ée, ainsi la diver-
sité de doctrine entre les sectes d'hérétiques
démontre que toutes sont dans l'erreur. ^
k" La doctrine chrétienne est plus ancienne
que les hérésies, puisque celles-ci ne sont
que différentes altérations de la doctrine en-
seignée par les apôtres; il y avait des chré-
tiens avant Marcion, Valentin et les autres
chefs de secte. Ces iiremiers chrétiens étaient-
ils dans l'erreur? Ce serait donc en faveur
do l'erreur ([ue le baptême, la foi, les mira-
cles, les dons du Saint-Esprit, la mission
divine, le sacerdoce, le martyre, ont été
accordés à l'Eglise. Dieu a développé toute
sa puissance pour établir dans le monde la
religion de Jésus-Christ, sans daigner la faire
comiaître à ceux qui l'embrassaient, sans
faire enseigner ce qu'il voulait que l'on
crût, et sans rien faire pour perpétuer cette
croyance. Viendra-t-on à bout de nous le
persuader? Non : la doctrine vraie est celle
qui a été enseignée la première; celle que
l'on a forgée depuis est étrangère et fausse.
Que les hérétiques commencent donc par
nous montrer l'origine de leurs Eglises, la
succession de leurs évêques et de leurs pas-
teurs depuis les apôtres jusqu'à nous. De
même que les apôtres n'ont point enseigné
une doctrine différente l'un de l'autre, les
hommes apostoliques ne se sont point écar-
tés de la doctrine de leurs maîtres ; autre-
ment ils se seraient séparés du tronc apos-
tolique. Nos Eglises les plus modernes ne
sont pas moins apostoliques que les ancien-
nes, parce qu'elles ont reçu la doctrine des
apôtres par un canal qui n'a pas été rompu.
Il en est tout autrement des sectes héréti-
ques ; on sait quels ont été leurs fondateurs;
ce n'a été ni des apôtres, ni des disciples des
apôtres, ni des hommes attachés au corps
apostolique. Ce sont des étrangers nouveaux-
venus qui disputent la succession paternelle
aux enfants légitimes. — 5" Une docirine que
les apôtres ont condamnée ne vient certai-
nement pas d'eux ; or ils ont condamné d'a-
vance la doctrine de Marcion , d'Appellès,
de Valentin, des gnostiques , des cainites,
des ébionites, des mcolaites, etc. Tertullien
le fait voir en détail. Ces mêmes apôtres
nous ordonnent de nous défier des hér '
ques, de ne point les écouter, de
1595
PRE
PRE
150(1
même toute société avec eux. 6° La conduite
de ces derniers est évidemment l'eflet des
passions ; ils ne défèrent à aucune autorité,
a aucune tradition, ils ne suivent que leur
propre sens ; par là on peut juger du mérite
de leur foi. La diversilé d'opinions parmi
eux est comptée pour rien, pourvu que tous
se réunissent à combattre contre la vérité.
Tous élèvent le ton , promettent la vraie
science, sont docteurs avant d'être instruits ;
les femmes même chez eux disputent ,
décident, dogmatisent, usurperaient volon-
tiers toutes les fonctions du sacerdoce. L'am-
bition des hérétiques n'est pas de convertir
les païens, mais de pervertir les fidèles. Pour
nous, c'est la chaîne des témoi'j;riages , la
constance de la tradition , l'uniformité de
l'enseignement dans toutes les églises cliré-
tiennes qui nous subjuguent et nous diri-
gent. Tertullien répond ensuite aux objec-
tions des hérétiques et aux prétextes sur les-
quels ils fondaient leur opposition à la doc-
trine catholique. Saint Cyprien et saint Au-
gustin ont répété, contre les schisraatiques
et les hérétiques plusieurs des raisonne-
ments de Tertullien.
Dans le siècle pa?sé, nos conti'oversistes à
leur t'iur se sont servis de la môme métho-
de contre les protestants. En particulier, les
frères de N' allembourg, t. 1, tract. 7, de
Prœscriptionibus catholicis, ont fait voir qu'il
n'est pas un seul des arguments de Tertul-
lien qui n'ait une égale f(jrce tant contre les
protesiants que contre les hérétiques des
premiers siècles, et ils le prouvent en dé-
tail. — Nicole , dans ses Préjugés légitimes
contre les calvinistes, a fait aux protestants
en général plusieurs reproches à peu près
semblables à ceux que Terlullieu élevait
contre les j)remiers hérétiques; il démontre
car le caractère personnel des préttuidus r. -
iormateurs, par la manière dont ils ont éta-
bli leur secte, par les moyens dont ils se
sont servis, parles effets qui en ont résulté,
que cette révolution n'a pas ; lé l'oivragede
Dieu, mais celui des passions humaines.
Nous exposerons ces raisons en abrégé au
mot Protestants. Le ministre Claude entre-
p it de réfuter ce livre; Nicole réphrpia par
deux additions à son ouvrage. — Quelques
autres théologiens se sont bornés à prouver,
contre ces mêmes sectaires, l'autorité ;'.e
l'Eglise, seul moyen de terminer les iiispu-
tes en matière de foi et de dictrine, seul
Iriliunal étaldi par JésuN-Cluisl [)uur maiu-
tenii' l'intégrité ;ie sa doctrine, et contre le-
quel les hérétiques se soulèvent sans aucune
raison légitime.
Le savant Bossuel s'y est pris d'un^ au-
tre maiiirre : il a posé pour priucijO (j. l'une
société qui se prétend chrétienne , et qui
varie dans sa doctrine, qui suit tantôt unr'
oi)iuion et tantôt une autre eu matière do
foi, n'a point la véritible ;'oclrine de Jésus-
Christ ; il a montré ensuite que les protes-
laiits n'ont pas cessé jiendant |ilus d'nn siè-
cle de changer dct croyance et de réloruu:;!-
leurs confessions de foi. Ce fait !st d'ailleurs
Juuoiilestable, puisqu'aujourd'hui la plupart
des luthériens et des calvinistes ne suivent
plus en plusieurs choses les opinions de Lu-
ther et de Calvin, pour lesquelles cependant
ces prétendus réformateurs ont fait schisme
avec l'Eglise. Voy. Variation.
On conçoit que les protestants ont dû faire
tous leurs efforts pour parer aux conséquen-
ces fâcheuses que l'on tire contre eux de
ces divers arguments. En parlant de l'ouvrage
de Tertullien, ils ont dit que la méthode de
prescription pouvait n'être pas blâmable dans
son siècle, lorsque la tradition était encore,
pour ainsi dire, toute fraîche, et que les diffé-
rentes Eglises fondées par les apôtres subsis-
taient encore, mais qu'il n'en est plus de
même aujourd'hui. La prescription, ajoutent-
ils, ne peut être un argument solide que
quand il s'agit d'une doctrine établie par les
apôtres ou par leur autorité. Mosheim, Hist.
ecclésieist., ui' siècle, W part. , c. 3, § 10,
note du traducteur, tome L pag. 290. Mais
ces critiques font )>eu de réQexion à ce qu'ils
disent. 1" La tiadition descendue des apô-
tres n'était pas moins fraîche au iv" siècle
qu'au 111% puisque tous ceux qui étaient char-
gés de la transmettre convenaient et protes-
taient qu'il ne leur était pas permis de l'al-
térer ; s'ils l'avaient fait, les peuples ne l'au-
raient |ias souffert ; cela leur était même
impossible , puisqu'ils étaient placés à cinq
ou six cents lieues les uns des autres, et qu'il
ne pouvait y avoir aucun concert entre eux.
On a démontré contre les incrédules, que
la certitude morale ou historique qui est la
tradition des faits ne perd rien de sa force
par le laps des siècles ; nous soutenons qu'il
en est de même de la tradition des dogmes,
puisque celle-ci porte sur un fait public,
éclatant, facile à vérifier ; au iV siècle, toute
la question se réduisait à demander: Qu'en-
seignait-on dans l'Eglise pendant le siècle pas-
sé? Il en a été de môme de tous les siè-
cles suivants. L'on a toujours dit comme au
iir , niliil innovctur , nisi quod traditum
est. 2" Au iv" siècle, toutes les Eglises fon-
(iées par les apôtres subsistaient encore ;
peut-on prouver qu'alors elles éta'ient moins
attachées à la doctrine des apôtres qu'au
m" ; qu'elles avaient perdu de vue les le-
çons des pasteurs du iir, qui leur avaient
recommandé de ne pas s'en écarter , et
le précepte de saint Paul qui l'a défendu ?
// Thess., c. II, V. H, etc. C'est néanmoins au
aV siècle que les protesiants soutiennent que
se sont faits les prétendus changements dans
ladoclrine desapôlres (ju'ils reiu-ochent à l'E-
glise catholique. D'ailleurs ils oublient une
remarque essentielle de Tertullien, c'est que
toutes les Eglises particulières plus récentes,
mais unies de communion et de croyance
avec les Eglises apostoliques, étaient elles-
mêmes apostoliques comme les premières,
puisqu'elles tenaient aussi fermement les
unes que les autres à la doctrine des apôtres.
11 n'est donc pas vrai que les Eglises aposto-
liques ne subsistent plus aujourd'liui ; et
puisque l'Eglise de Rome, fondée immédiate-
ment par les apôtres, n'a jamais cessé d'exis-
ter et d'enseigner, toute l'Eglise unie de
1597
PKE
PRE
1598
communion avec elle est véritablement aussi
apostolique que celles dont parlait Terlul-
lien. La constance d'une Eglise dans la doc-
trine des apôtres n'a p,is d(''pen(lu de la ques-
tion de savoir si, dans l'origine, elle avait été
fondée parundesai>ôtresou par un de leurs
disciples, puisque [ilusiours, quoi((uu fon-
dées par uli apôlre, ont fait naufrage dans
la foi ; mais alors cet écart a été remarqué,
a fait du bruit, a excité les réclamations et
les anallièmes du corjis cniier de ri'"glise.
3° Entre les protestants et nous, il s'agit d'u-
ne doctrine que nous soutenons avoir été
établie par les apôtres ou par leur autorité;
c'est donc le cas do leur (apposer l'argu-
ment de la prescription. Quand nous nt;
pouri'ions pas prouver par un texte clair,
formel, exprès, tiré des écrits des apôtres,
que tel article a élé établi par eux ou jiar
leur autorité, nous en serions encore certains
par un argument solide ; c'est ([uo dans le
temps au{|ucl nous voyons cet article for-
mellement et publiquement iirofessé dans
l'Eglise, on faisait aussi profession de ne
point s'écarter de ce que 1rs apôtres avaient
enseigné et établi. Contre celle protestation
publi(pie, que prouve l'argument négatifdes
protestants, (|ui consiste h dire: Nous ne
voyons pas cet article couché clairement et
formellement dans les écrits des apôtres ;
nous ne le trouvons professé hautement
(|u'au m' ou au iv° siècle; donc ce no sont
pas les apôtres qui l'ont établi? Pour que
cet argument pôt ilétruire le nôtre, il fau-
drait commencer par prouver que les apôtres
ont tout écrit, qu'ils ont défendu de prêcher
ce qui n'était pas éciit. Les protestants, qui
veulent tout voir clans l'Ecriture, n'y trou-
veront certainement (las cette défense, puis-
que nous y voyons le jjrécepte contraire,
Il Thi'ss., c. u, V. 14. Ces mêmes critiques
disent, en parlant de nos controversisles,
qu'ils ne disputaient pas do bonne foi avec
les protestants ; ils voulaient que ceux-ci
prouvassent l 'ur doctrine par des jiassages
de l'Ecriture sans se donner la liboité deles
expli([uer, de les commenter, d'en tirer des
consé(iuences ; ils se bornaient à soutenir
leurs prétentions, sans montrer les principes
sur lcs(juels elics étaient fondées ; ils imi-
taient le procéd/' d'unhonnne qui, étant de-
puis longtemps en possi-ssion d'une terre,
refuse de montrer ses titres, et exige que
ceux (pii la lui dis|)utent prouvent qu'ils
sont faux. Mosheim, Hisl. ccvlcs., xvir siè-
cle, sect. 2, 1" p., c. 1, S 13, note du trad.,
t. V, pag. 133. .Mais en accusant de mauvaise
foi les controveisistes catholiques, ne sont-
ce pas nos adversaires qui s'en rendent eux-
mêmes coupables? Le principe fondanvnfal
des protestants est que l'Ecriture sainte e^i
la seule règle de croyance que l'on doit sui-
vra- ; lorsqu'ils veulent étaljlir un point de
doctrine contraire à celle de l'Eglise, avons-
nous tort d'exiger qu'ils le prouvent ()ar l'E-
criture seule, sans lui donner un sens ar-
bitraire ? Des explications, des commentai-
res, des argumentations, ne sont plus VEcri-
ture seule, ix&oul leui'S propres iuia^iuations ;
lorsque nous leur donnons des explications
fondées sur une tradition constante, ils les
rejettent, et ils veulent que nousadnn-ltions
les leurs qui ne sont fondées sur rien.
Il est faux cpie nos controversistes aient
jamais maïKiué de montrer el de prouver
nos principes. Ils ont d'abord établi lo
princii^o opposé à celui des protestants ;
savoir, que l'Eiriture sainte n'est pas la
seule règle de foi , mais qu'il faut encore
consulter la tradition, soit ])our su[)pléer au
silence de l'Ecriture, soit |)our prendre le
vrai sens de ce qu'elle dit; et ils ont pn.uvé
ce |)rincipe par J'Ecriture sainte elle-même,
aussi bien que [lar l'usage constant suivi dans
l'Eglise depuis sa naissance jus(pi'à nous, et
])ar des raisonnements tirés do la nature
même des choses. Voy. Eciutcre saintiî.
Dans la discussion des diverses ([uestions
particulières, nos controversistes n'ont ja-
mais manqué de prouver la vérité do la
croyance de l'Eglise par l'Ecriture sainte,
aussi bien que par la tradition. U est donc
aljsolument faux que nous a\ons jamais re-
fusé de produire nos titres; mais nous avons
toujours soutenu et ir»us soutenons encore
que les protestants n'avaient aucun droit
d'exiger de nous cette comiilaisance, [larco
que ce sont des agresseurs injustes, sans
caractère et sans mission. Des [ilaideurs con-
damnés pur les lua.^istrats ont-ils droit de
forcer leurs juges ai prouver la justice de
leur arrêt par le texte des lois, et îi répon-
dre à tontes les objections que l'on peut leur
opposer?
Mosheim et son traducteur disent que Ni-
cole et d'autres établirent la dél'enso du pa-
pisme sur le seul principe de \a. prescription.
Si par prescription l'on entend seulement la
possession dans laquelle l'Eglise catholique
était de sa doctrine depuis quinze siècles, le
fait avancé par ces deux critiques est faux.
Lorsque nous rapporterons, au mot Protes-
tants, les arguments de Nicole, on verra
qu'il a insisté sur cinq ou six autres raisons
très-solides. Plusieurs calvinistes à la vérité
ont essayé de lui répondie, principalement
le ministre Jurieu, d.iiis un livre intitulé :
Préjugés légitimes contre le papisme, rpii n'est
qu'un recueil d'accusations calomnieuses.
l,e ministre Claude voulut prouver qu'un
])rotestant, avec l'esprit le plus borné, pou-
vait iilus aisément se convaincre do la vérité
de sa religion qu'un catholi([ue ; c'est un
paradoxe dont la fausseté saute aux yeux.
Toucliant VIJistoire des rarialintis , com-
posée par le savant Bossuet, ils soutiennent
que l'Eglise romaine, mais surtout ks pa-
pes, ont souvent varié daus leur doctrine et
dan- 'eni- discipline, que c'est le sentiment
des théologiens français. Pure cahunnie. ils
(lisent que VExposilion delà Foi catholique.
composée par le même autear, fut d'aliord
cou lamnée [)ar un pape, et ensuite a|i[iroO-
vée iiar ni autre; (ju'elle fut censurée pfir
l'université de Louvain, et même jiarla Sd:-
bonue en 1671. Trois faits absolument faux.
lîasnage a fait son Histoire de l'Eglise en
deux volumes iivlylio, i>our prouver que 1 ii
1599
PRE
PRE
1600
glise catholique a varié sur la plupart des
articles de sa doctrine ; il était bien sûr
qu'aucun théologien catholique ne ferait
deux volumes in-folio pour le réfuter.
Cependant nos adversaires sont forcés d'a-
vouer que les travaux des controversistes
catholiques fuient suivis de la conversion
de plusieurs princes, et même de plusieurs
savants protestants ; mais ils prétendent que
ce fut moins un effet des raisons théologi-
ques que des motifs temporels. Ils ont donc
lu dans les cœurs de tous ces divers person-
nages, pour connaître la vraie cause de leur
changement de religion?
PRESENCE RÉELLE. Voy. Eucharistie,
§ 1 et suivants.
PRÉSENTATION DE JÉSUS - CHRIST AU
TEMPLE. Voy. Purification.
Présentation de la sainte Vierge , fête
qui se célèbre dans l'Eglise romaine, le 21
novembre, en mémoire de ce que la sainte
Vierge fut dans son enfance présentée au
temple, et consacrée à Dieu par ses parents.
C'est une ancienne tradition qu'il y avait,
dans le temple de Jérusalem, déjeunes filles
qui y étaient élevées dans la piété, et qui y
vivaient dans la retraite. Il est dit dans le
second livre des Machabécs, c, m, v. 19, que
quand Héliodore voulut enlever par violence
les trésors du temple, les vierges renfermées
couraient vers le grand prêtre Onias. De ce
nombre ont été Josabeth, femme de Joiada,
IV Reg., c. xi, v. "2, et Anne fille de Phanuel,
Luc, c. II, V. 37. L'on a présumé qu'il en
était de même de la sainte Vierge; c'est le
sentiment de saint Grégoire de Nysse, Serm.
in Nat. Christi, 779, et c'est ce qui a fait ins-
tituer la fête de la Présentation de la sainte
Vierge.
Elle était déjà célébrée chez les Grecs
dans le xii' siècle ; l'empereur Emmanuel
Commène en parle dans une de ses ordon-
nances rapportée par Balsamon ; nous avons
sur cette fête plusieurs discours de Germain
et de saint Turibe, patriarches de Constan-
tinople. Le pape Grégoire XI, informé de
cet usage des Grecs, l'introduisit en Occi-
dent l'an 1372 ; trois ans après, le roi Char-
les V la fit célébrer dans sa chapelle, et en
1585 Sixte-Quint ordonna que l'on en réci-
tât l'office dans toute l'Eglise. Vies des Pères
et des Martyrs, tom. XI, pag. 363 ; Thomas-
sin, Traité des fêtes, livre ii, chap. 20, n. 7.
Présentation de Notre-Dame ; c'est le
nom de trois ordres de religieuses. Le pre-
mier fut projeté en 1618 par une fille pieuse,
appelée Jeanne de Cambrai; mais il ne fut
pas établi. Le second le fut en France vers
l'an 1627, par Nicolas Sanguins, évoque de
Senlis ; il fut approuvé par Urbain VIII, mais
il ne fit pas de progrès. Le troisième fut ins-
titué en 1664 par Frédéric Boi romée, visiteur
apostoli(]ue de la Valteline. Ayant obtenu
des habitants de Morbegno, bourg de cette
contrée, un lieu retiré et solitaire, ce prélat y
établit une congrégation de filles, sous le ti-
tre de la Présentation de Notre-Dame, et il
leur donna la règle de saint Augustin. Cel-
les aui ont une maison à Paris sous le
même titre sont des bénédictines mitigées.
Hélyot, Histoire des Ordres relig. [édition de
Migne].
PRÊTRE. Ce nom signifie en général un
homme destiné à remplir les fonctions du
culte divin; tel est le sens du latin sacerdos,
donné ou voué aux choses sacrées, et du
grec lE/oôf , homme sacré. Upe(T€\iz;poç , mot
duquel nous avons fait celui de prêtre, si-
gnifie non-seulement un ancien, un vieillard,
mais un homme respeclacle et constitué en
dignité. L'état et les fonctions des prétre-
ont été différents dans les diverses religions,
soit vraies, soit fausses; nous sommes oblis
gés de les considérer sous ces différents
aspects.
I. Il n'est aucune nation connue, soit dans
les premiers temps , soit dans les derniers
siècles , qui n'ait eu une religion , et par
conséquent des prêtres; le bon sens a suffi
pour leur faire comprendre qu'il ne conve-
nait pas à toute personne de présider au
culte de la Divinité , que par respect cette
fontion devait être réservée au personnage
le |jlus éminent d'une famille ou d'une so-
ciété. Ainsi, dans les premiers âges du mon-
de, les pères de famille étaient les ministres
du culte sacré ; nous voyons Noé , Job,
Abraham , Isaac, Jacob , offrir des sacrifices.
Suivant cette coutume , aussi ancienne que
le monde , les aînés des Israélites étaient
naturellement destinés au sacerdoce , mais
Dieu leur substitua la tribu entière des Lé-
vites , parce que chez une nation qui allait
se civiliser et former une société politique ,
il était convenable que les prêtres fussent
un ordre séparé du jieuple. — Les auteurs
profanes sont d'accord avec les écrivains sa-
crés pour nous apprendre qu'originairement
le chef de la société était le prêtre de sa tribu.
Melchisédech , Anius , les rois d'Egypte , de
Sparte, de Rome, étaient souverains pontifes.
Danslasuitelesempereursromainsvoulurent
être revêtus de celte dignité : l'on a retrouvé
le même usage jiarmi des peuples de l'Amé-
rique ; et à la Chine le plus solennel des
sacrifices ne peut être ofl'ert que par l'em-
pereur.
On trouve dans YHist. de VAcud. des Ins-
cript., t. XV , in-12 , page 143 , l'extrait de
deux mémoires sur les honneurs et les pré-
rogatives accordés aux prêtres dans toutes les
religions profanes. Il y est pmuvé que les
Egyptiens, les Ethiopiens, les Chaldéens,
les Perses, les peuples de l'Asie mineure,
les Grecs, les Romains, les Gaulois, les
Germains, l'on peut y ajouter les Ind;ens et
les Chinois, ont pensé et agi de même à cet
égard, que tous ont regardé les prêtres com-
me les personnages les plus respectables de
la société ; que les ministres de toutes les
religions profanes ont eu plus de crédit , de
pouvoir et d'autorité que ceux de la vraie
religion.
Il ne faut cependant pas s'élonner de ce
que les incrédules, qui ne font aucun cas de
la religion, qui voudraient même l'anéantir,
ont fait tous leurs eûbrls pour avilir les
prêtres et le sacerdoce : ils se font gloire do
ICOl
PRE
PRfi
1602
ne pas penser comme le reste des hommes.
Ils disent (|ii'un étal auquel sont attachés
des honneurs, de la considération, du crédit,
doit nécessairement pervertir l'esprit et le
cœur de ceux qui s'y trouvent élevés , et
doit en faire des hommes dangereux. Cette
observation ne tend à rien moins qu'à prou-
ver que le mérite personnel , les talents, les
lumières, l'expérience des atl'aires, sont des
qualités dangereuses dans la société , parce
qu'elles procurent nécessairement à celui
qui les possède un degré de crédit et d'au-
torité qui le rend capable de nuire , s'il est
méchant et vicieux. Par la môme raison il
est très à propos de ne pas accorder beau-
coup de considération aux philoso|>]ies, parce
qu'elle leur [lervcrtirait l'esprit et le cœur,
et (ju'ils ne man(iueraient pas d'en' abuser.
En cela il nous donnent un très-bon avis.
Ce sont les prêtres, disent-ils, qui ont forgé
la religion pour leur intérêt; mais y avait-
il diin prêtres avant qu'il y eût une religion?
Puisque dans l'origine ce sont les chefs de
famille qui ont fait les fonctions du culte
divin , il s'ensuit sans doute que ces pères
de famille croyaient un Dieu, qu'ils avaient
une religion , qu'il était de leur intérêt do
la transmettre à leurs enfants, alin ([ue ceux-
ci fussent des hommes et non des brutes.
Supposer une époque dans laquelle tous les
pères étaient des atliées hypocrites , qui ont
prêché un Dieu sans y croire, qui ont ensei-
gné une religion sans en subir eux-mêmes
le joug, qui ont agi pour leur intérêt ]ier-
sonnel, sans envisager celui de leurs des-
cendants et de la société , c'est pousser tro[)
loin le ridicule et l'absurdité.
II. Nous n'avons certainement aucun in-
térêt à disculper les prêtres des fausses reli-
gions ; nous croyons qu'ils ont beaucoup
contribué à entretenir les peuples dans leurs
erreurs, mais il nous parait juste de ne pas
les accuser sans raison ; or , il n'y en a au-
cune de leur attribuer l'origine de toutes
les superstitions et de toutes les fables qui
ont infecté le monde entier , et les plaintes
des philosophes incrédules, à ce sujet, vien-
nent d'une pure prévention. En effet, au mot
Paganisme, § 1", nous avons fait voir que
l'erreur fondamentale des fausses religions
3 ni est la pluralité des dieux , n'est venue
'aucune imposture , mais du pencliant na-
turel à l'esprit humain de supposer partout
des esprits, des génies, des intelligences , et
de leur attribuer les qualités di' l'humanité;
beaucoup d'autres imaginations fausses ne
sont que des conséquences de celle - là ;
nous le prouverons ailleurs. Voy. Supers-
tition.
Il y apour le moins autant de raison d'im-
puter les anciennes erreurs religieuses aux
philosophes qu'aux prêtres. On sait que,
dans tous les pays du monde , ceux que les
nations ap[)elaient les sages , étaient tout à
la fuis leurs prêtres et leurs philosophes ,
que le culte divin était une partie essentielle
de la magie, c'est-à-dire de la philosophie.
Suivant le témoignage d'Hérodote, les sages
d'Egypte étaient en même temps philo-
sophes , législateurs et prêtres de leur na-
tion. Les mages des Chaldéens étaient plus
occupés de philosophie que de religion
Les gymnoso|ihistes des Indes , prédéces
seurs des brahraes d'aujourd'hui, cultivaient
également ces deux études. Chez les Chi-
nois, les lettrés seuls peuvent devenir man
darins, et [)résider en cette qualité à certains
sacritices. Dans la Grèce et à Rome , le sa-
cerdoce était une magistrature; les épicu-
riens même no faisaient pas scrupule de
l'exercer , et Cicéron no voulait ])as que la
religion fût séparée de l'étude de la native ,
de Divinat. , 1. n, in fine. Les druides gau-
lois , les prêtres germains étaient tes seuls
philosophes du ces deux nations. Si tous ces
gens-là ont forgé , nourri , perpétué les er-
reurs , est-ce plutôt en qualité ûq prêtres
qu'en quahté de philosophes? Les philo-
sophes plus que les prêtres ont été les fek--
naes soutiens do l'idoh'itrie contre les pré-
dicateurs de l'Evangde ; ce sont eux et non
les prêtres ([ui ont écrit contre le christia-
nisme ; Celse , Julien, Cécilius dans Minu-
tius- Félix, Porphyre, Jamblique, Maxime
de Madaure, etc., n'étaient pas prêtres; mais
philosophes de profession. C'est à eux que
nos apologistes re|)rochent d'avoir allégué
en faveur de l'idolâtrie les prétendus pro-
diges opérés , et les oracles rendus par les
dieux; d'avoir accusé les chrétiens d'athéisme
et d'impiété , et d'avoir excité contre eux la
haine des magistrats et la fureur du peuple.
III. Nos adversaires ont encore été moins
équitables à l'égard du sacerdoce judaïque.
Chc/C les Juifs, les prêtres formaient une
tribu particulière , mais leurs fonctions se
bornaient au culte divin ; ils n'avaient au-
cune part au gouvernement civil. Les juges
que Moise, par le conseil de Jéthro , établit
pour décider les contestations des Israélites,
furent choisis dans chaque tribu ; Exod. ,
c. xviii , V. 21 ; Deut. , c. i , v. 15. Dans le
nombre de quinze chefs qui ont gouverné
successivement la nation , il n'y a eu de
prêtres que Héli et Samuel , encore est - il
douteux si ce dernier était de la tribu de
Lévi. En com|)araison des autres tribus , le
sort des lévites n'était rien moins qu'avaii-
tageux ; leur vie était précaire , ils ne pos-
sédaient point de terres labourables , ils vi-
vaient des dîmes et des oblations ; lorsque
le peuple se livrait à l'idolâtrie et oubliait
la loi de Dieu , la subsistance des prêtres
était fort mal assurée. Il faut que leur tribu
ait été la moins florissante , puisque c'était
la moins nombreuse. Ils rendaient les mêmes
services que les prêtres égyptiens , sans
avoir les mêmes privilèges. Outre les fonc-
tions qu'ils avaient à remplir dans le tem-
ple , ils étaient dépositaires des archives ,
des lois , de l'histoire de la nation ; Moise
leur avait conhé ses livres. Ils devaient ré-
gler le temps et l'ordre des fêtes , par consé-
quent le calendrier ; ils gardaient les titres
du partage des terres fait entre les tribus,
et les généalogies sur lesquelles ce partage
était fondé. En cas de doute sur le sens des
lois , ils devaient les expliquer , veiller aux
1603
PBE
prî:
i60i
purifications et aux abslinences ordonnées
par la loi, vérifier l'état des lépreux et des
lieux infectés de contagion, etc. Il n'est pas
étonnant que Moïse les eût dispersés dans
toutes les tribus , puisqu'ils étaient néces-
saires partout. L'histoire dépose que sou-
vent ils ont résisté aux entreprises injustes
et téméraires des rois ; aussi ceux-ci devin-
rent despotes lorsqu'ils se furent arrogé le
droit de disposer du sacerdoce , et qu'ils
curent dépouillé les prêtres de toute espèce
d'autorité. Ils étaient obligés de quitter leur
demeure jiour aller remplir leurs fonctions
dans le temple ; pendant tout le temps do
leur service il leur était défendu de rien
boire qui pût enivrer, et d'habiter avec leurs
épouses ; il y avait peine de mort s'ils étaient
entrés dans le temple sans êlre purifiés et
revêtus de leurs habits sacerdotaux , s'ils
avaient mis sur l'autel un feu étranger, s'ils
avaient osé pénétrer dans le sanctuaire, etc.
Suivant les traditions juives rapportées par
Reland, Antiq. sacr. vct. Hebr., pag. 92, la
multitude de rites , d'abstinences , de pré-
cautions imposées aux prêtres, était un vé-
ritable esclavage. On ne doit pas oublier
qu'après la ca|itivité de Babylone , ce fut
une famille de prêtres qui , jiardes prodiges
de valeur, affranchit la nation du joug tyran-
nique et cruel des rois de Syrie.
Cela n'a pas empêché les incrédules mo-
dernes de représenter les prêtres juifs com-
me les sangsues et les fléaux de leur répu-
blique ; ils se sont prévalus d'un fait rap-
porté dans le livre des Juges. Il est dit que
de jeunes débauchés tle la ville de Gnbaa,
dans la tribu de Benjamin , abusèrent si
cruellement de la femme d'un lévite, qu'elle
en mourut, lis voulurent outrager le lé'ite
lui-même d'une manière impudique, malgré
les remontrances d'un vieillard qui lui avait
accordé l'hospitalité, Jud., c. xix. Dans l'ex-
cès de sa douleur, ce lévite coupa en mor-
ceaux le cadavre do sa femme, et les envoya
aux dilférentes tribus pour les exciter à la
vengeance. Les Lsraélites, indignés de voir
renouveler jiaruii eux les abominations de
Sodome, s'assemblèrent, sommèrent les Ben-
jamitos de livrer les coupables; et, sur leur
refus, ils leur déclarèrent la guerre. Dans les
denx premiers combats les Benjamites furent
vainqueurs : Dieu le permit pour punir les
a^'.tres tribus d'avoir agi par passion et sans
1 avoir consulté. Confus et repentants do leur
fau e, les lsraéli;es le consultèrent enfin; ils
suivirent les avis du grand prêtre; ils surpri-
rent les Benjamites et les taillèrent en pièces,
à la réserve de six cents hommes qui prirent
la fuite. — Voyez , disent les incrédules ,
comme les prêtres et les lévites furent tou-
jours prêts à faire répandre du sang pour
leur intérêt. Mais il était moins question,
dans cette circonstance, de venger un lévite
que d'exécuter la loi do Dieu, qui défendait
sous peine de mort les abominations dont
les habilants de Gabaa étaient coupables. Les
Biinjamites, de leur côté, étaient punissables
pour avoir refusé de faire justice et pour avoir
[iris les armes par un esprit de révolte.
Ce fait étrange paraît être arrivé immédia-
tement après la mort de Josué, quoiqu'il ne
soit rapporté qu'à la fin du Hvre des Juges.
Alors le gouvernement était démocratique
chez les Israélites. Phinées, petit-fils d'Aa-
ron, qui était grand prêtre, n'avait aucune
autorité politique : la guerre contre les Ben-
jamites fut résolue par une délibération una-
nime des tribus, et sans le consulter, Jud.,
c. XX, V. 7. L'historien remarque qu'alors il
n'y avait point de roi ou de chef dans Israël,
et que chacun faisait ce qui lui semblait bon,
c. XXI, V 14. Ce n'est donc pas ici le lieu de
s'en prendre au mauvais gouvernement des
prêtres. Nous ne nous arrêterons pas à ré-
pondre aux objections que les incrédules
ont faites contre les autres circonstances de
cette narration; elles viennent uniquement
do ce qu'ils ignorent ou feignent d'ignorer la
grossièreté des mœurs des anciens peuples,
et qu'ils ne veulent avoir aucun égard à la
manière très-briève dont les écrivains sacrés
rapportent les événements.
IV. Mais c'est surtout aux prêtres du
christianisme que les incrédules, en marchant
sur les traces des protestants, ont déclaré la
.guerre. Ces derniers prétendent que, dans le
commencement de l'Eglise, il n'y avait ni hié-
rarchie ni distinction entre les ministres de
la religion et les laïques; que les prêtres
étaient simplement les anciens, ou les hom-
mes les plus distingués par leur mérite et
par IcLir rang dans la société ; que le chan-
gement de discipline sur ce point a été l'ou-
vrage de l'orgueil du clergé. Aux mots EvÈ-
QUE, Hiérarchie, etc., nous avons réfuté
cette imagination des protestants; et à l'arti-
cle Clergé, nous avons fait voir que la na-
ture du sacerdoce évangélique exigeait que
ceux cjui en sont revêtus fussent un ordre
particulier et distingué des laïques.
IJasnage, Histoire de V Eglise, tome I, liv. I,
chap. 7, § 3, soutient que, dans les premiers
siècles, de simples prêtres pouvaient ordon-
ner d'autres prêtres sans l'intervention d'au-
cun évêque; il cite en preuve le passage de
saint Paul de la première Epître à Timothée,
c. IV, V. 14, où il dit : Ne négligez pas la
grâce qui est en vous et qui vous a été donnée
par r inspiration divine, avec l'imposition des
mains du presbytère. Or, reprend Basnage, le
presbytère est l'assemblée des prêtres. Il
ajoute que le sentiment de saint Jean Chry-
sostome, qui l'entend autrement, ne fait pas
preuve. Il ne tenait qu'à lui d'apprendre de
saint Paul lui-même le vrai sens de ce pas-
sage. L'Apùtre écrit au môme Timothée,
Epist. II, c. I, V. 6 : Je vous avertis de res-
susciter la grâce de Dieu qui est en vous par
l'imposition de mes mains. Saint Paul, apô-
tre, n'étail-il que prêtre? Aucun des autres
exemples cités par Basnage ne prouve ce
qu'il veut.
Un point essentiel est de justifier contre
les reproches des incrédules le degré d'au-
torité temporelle dont les prêtres se sont
trouvés revêtus dans certains siècles; nous
sommes donc obligés d'en examiner l'ori-
gine, d'eu suivre les progrès, d'en cousidé-
mB
vm
PRE
1600
rer iCS effets et les. conséquences. Quoique
nous qn ayons déjà parlé ailleurs, il est bon
(le ounliinuir ce que nous en avons dit par
de nouvc^ilos réflexions. Lorsque Jésns-Christ,
a instilué le sacerdoce de la loi nouvelle, il
n'y a point altaclié de pouvoir fuvil ni poli-
fiq(ie, il n'a pas môuie voulu l'exercer lui-
uiùpc, 4.<«f.. c. XIV, V. U. 11 a chargé ses
apiitres d'enseiiiiner toutes les nations, do
co^isacrcr reucliarislie, de donner le Saint-
Esprit, (\e ri'Uiettre les péchés, de faire luôuie
des miracles pour soulager les malheureux,
.mais non d'exercer aucune fonction civile.
Quand il leur a prorais de les ])laccr sur
dpuzç sjéges poqr .juger les douze tribus
d'Israël, il a voulu sans doute Iimu- confier le
gquveruemcnt s[)irituel de l'Eglise, et non
le soin des all'aires lemiiorelles. Mais si les
fidèles, convaincus des lumières, de la pro-
• bité, de la S'igesse de leurs pasleui's, les ont
souvent i)ris i)our yibitrcs de leurs intérêts
temporels, ferons-nous un crime à ceux-ci
de s'être attiré la c(mliance de leurs ouailles
et d'en avoir usé p'iui' mainleuir la |)aix?
Lorsque saint Paul exhorte les chrétiens à
terunner toutes leurs contestations par des
arbitres, il ne les renvoie point au jugeuient
des prêtres : il dit, au contraire, (pie celui
qui est ennMé dans la milice du Seigneur no
se mc^lo point des ailaircs .séculières, U Tim.,
c. u, V. 4. Mais qu(>li[i;efois un prêtre se
trouve forcé de s'en mêler par charité, pour
prévenir le mal et procurer le bien.
Lorsque les empeieurs eurent embrassé lo
christianisme, et qu'ils connureiit les talents,
Jes vertus, le zèle charitable des évèques,
ils les chargèrent de veiller sur plusieurs
objets d'utilité publique, de la visite des
prisons, de la protection des esclaves, du
soin des enfants ex[)osés, du soulagement
des pauvres et des misérables, de la police
contre les jeux de hasard et les lieux de
prostituliiin, etc. On le voit par les lois de
c(3S pcinces; ils espérèrent que tous ces de-
voirs de ciiarité seraient mieux remplis |)ar
les pasteurs (juc par les uiagistrals, surtout
lorsque ceux-ci étaie t encore |)aïens; ils
ne lurent pas trom|iés. Les prêtres et les
évoques pouvaient-ils se dispenser de ré-
pondre à cette marque de contiance du gou-
vernement? t)n les accuse deTavoir fait par
ambition, par l'emiiressement de se rendre
importants, pour acquérir ainsi du crédit,
de l'autorité, du pouvoir. Mais déjà ils s'é-
taient acquittés de la plus grande partie de
ces soins sous le règne d.'S empereurs paicns,
lorsque cela ne pouvait leur procurer aucune
espèce de considération. Jésus-Christ avait
dit à ses ap(jtres, Matth., c. x, v. 8 : Guéris-
sez les malades, ressuscitez les morts, puri/iez
les lépreux, chassez les démons. Lorsque les
pasteurs n'eurent plus ces pouvoirs surnatu-
rels, ils ne durent i)as pour cela se croire
dispensés de soulager les malheureux par
des secours naturels. .\près l'invasion des
baibares, qui traînaient à leur suite l'igno-
rance et le désordre, les services des minis-
tres cle la religion devinrent encore plus né-
cessaires; eux seuls conservaient quelques
notiops de Ig justice et des lois. Les rois
frapcs, Clovis et ses successeurs, donnèrent
leur conliance aux évê([ues ; ils leur attri-
buèrent le jugement de plusieurs alVains, à
cause de leurs lumières, de leur |)robité, de
IcurdésintéressenuuU, et pu'ce qu'ils avaient
contribué beaucoun à soumettre les peuples
à cette noiivelle (lomination. Les peuples,
de leur C(.')té, préféraient d'être jugés suivant
les lois romaines, commes des clercs seuls,
plutôt que suivant le code brutal des bar-
bares; ainsi s'établit la juridiction temporelle
du clergé. Peut-on légitimement lui en faire
un crime?
Pendant les siècles d'anarchie, de désor-
dre, de brigandage, qui suivirent le règne
de Charlemagne , les peuples opprimés et
malheureux ne trouvèrent de ressource que ■
dans la charité de leurs pasteurs. Il n'est
jias étonnant que l'on ait accordé de grands
biens, des honneurs, des jirérogatives à celui
des ordres de l'Etat duquel on tirait le plus
de servi(;es. Dans le tem(is que ces biens
furent donnés au clergé, ils étaient à peu
près de nulle valeur, puisqu'une partie de
la France était presque déserte; il fallait les
remettre en culture. L'ailmiuislration de la
justice lui fut confiée, parce que les laïiiues
n'étaient plus en état de s'en acquitter. On
a beau dire que tout cela fut un efl'et de
l'ambition et de la rapacité des prêtres, ce
reproche , dicté par une ignorance mali-
cieuse, est réfuté par l'histoire. Nous soute-
nons que cette révolution fut l'eifet delà
nécessité et des circonstances. Nous ne jiré-
tenduns ]ias ([u'il n'en est résulté aucun
abus; que l'application des pr(?(reA' aux afï'ai-
res tempori'lles n'a jamais nui aux soins
.spirituels qu'ils devaient aux peuples; qu'ils
ont toujours eu raison de vouloir conserver
ce qui leur était acquis par une très-longue
possession : la vertu la plus pure n'est pas
toujours assez éclairée jiour voir le sage
milieu qu'il faudrait garder, ]K)ur apercevoir
ce qui convient le mieux, eu égard au chan-
gement des lem|>s, des mœurs, des circon-
stances. .Mais qu'en résu!te-t-il? Que le ca-
ractère sacré des prêtres ne les met pas à
couvert des faiblesses de l'humanité; que
souvent ils sont entraînés comme les autres
hommes par le torrent des erreurs et (Jes
mœurs de leur siècle. Mais il n'est pas moins
vrai que les nari-ations scandaleuses, les dé-
clamations outré. 'S, les calomnies que les
protestants, aussi bien qne les incrédules,
se sont permises à ce sujet contre le clergé,
sont aussi injustes qu'absurdes. Nous ne
prendrons donc pas la peine de répondre
en détail aux invectives de ces derniers con-
tre les prêtre*; si on voulait les eu croire,
tout ministre de la religion est un mauvais
citoyen, un ennemi de sa patrie et de ses
semblables, un monstre pétri de tous les
vices. Ces traits de fureur ei de démence,
dont leurs écrits sont remplis , suffiront
pour les rendre méprisables aux yeux de la
postérité. Voy. Clergé, Hiéraucbie, Presut-
TÉRAMSME.
PRÈTKISE, l'un des trois ordi es majeurs,
1607
PRE
PRE
1608
le premier après l'épiscopat. Les théologiens
le dëfinissent, ordre sacré qui donne le pou-
voir de consacrer le corps et le sang de Jé-
sus-Christ, de l'offrir en sacrifice, et de re-
mettre les péchés. Au mot Ordination nous
avons prouvé que c'est un sacrement, puis-
que c'est une cérémonie que Jésus-Christ a
établie, qui attache un homme k un état
distingué de celui du peuple, qui lui im-
prime par conséq\ient un caractère, qui lui
donne des pouvoirs surnaturels, qui lui im-
pose des devoirs particuliers, et lui donne
la gnlce nécessaire pour les remplir; nous
l'avons fait voir par des textes formels de
l'Ecriture sainte, et nous en avons encore
cité plusieurs au mot Hiérarchie. Au mot
Sacrifice, nous prouverons qu'aucune reli-
gion ne peut subsister sans sacrifice, ni
conséquemment sans sacrificateurs ; que dans
toutes les religions- du monde les sacrifica-
teurs ont été des personnages distingués du
peuple, et déjà dans l'article précédent, nous
venons de montrer que c'est Dieu lui-môme
qui l'a ainsi réglé.
Sur ce fondement le concile de Trente a
dit aiiathème à quiconque ose enseigner que,
dans le Nouveau Testament, il n'y a point
de sacerdoce extérieur et visible ; que l'or-
dination ne donne point le Saint-Esprit, que
vainement les évêques se flattent de ce
pouvoir, que l'imposition de leurs mains
n'imprime aucun caractère, que celui qui
est prêtre peut redevenir simple laïque, etc.
Sess. 3, can. 1 et k. C'était la doctrine des
protestants, et ils la soutiennent encore.
Mais dans le temps même que les prétendus
réformateurs s'attachaient ainsi à déprimer
le sacerdoce de l'Eglise catholique, ils se
créaient à eux-mêmes un pontificat et une
autorité bien supérieure à celle des prêtres.
Luther se qualifiait évangéliste de Wirtem-
berg par l'autorité de Dieu même; il déci-
dait à son gré du cuite religieux; Calvin en
agissait à Genève d'une manière encore plus
despotique, et chaque prédicant faisait de
même partout où il trouvait des sectateurs
assez dociles pour se ranger sous sa con-
duite. Pendant que ces pasteurs de nouvelle
création enseignaient que les prêtres ne peu
vent tenir leurs pouvoirs que du peuple, ils
auraient fait un beau bruit, si le peuple avait
entrepris de leur ôter l'autorité de laquelle
Ms s'étaient eux-mêmes revêtus.
Dans l'Eglise catholique, l'ordination des
prêtres se fait avec beaucoup de cérémonies.
L'évêque, après avoir récité les litanies et
d'autres prières, met ses deux, mains sur la
tôte de chacun des ordinands, et tous les
prêtres qui sont présents en font autant,
sans prononcer aucune formule. Mais immé-
diatement après, pendant que tous tiennent
les mains étendues sur les ordinands, l'évê-
que prononce sur eux une prière par la-
quelle il demande à Dieu pour eux le Saint-
Es[irit et la grâce du sacerdoce, et il le sup-
jjlie de les consacrer lui-même au ministère
de ses autels. En second lieu, l'évêque leur
fait aux mains l'onction du saint chrême,
avec une prière relative à cetta action. En-
suite il présente et fait toucher à tous les
vases qui contiennent le pain et le vin des-
tinés au saint sacrifice, en leur disant :
« Recevez le pouvoir d'offrir le sacrifice à
Dieu, et de célébrer des messes pour les vi-
vants et pour les morts, au nom du Sei-
gneur. » Conséquemment ces nouveaux
prêtres récitent avec l'évêque les prières du
canon et consacrent avec lui. Après la messe,
l'évêque leur impose de nouveau les mains,
en leur disant : « Recevez le Saint-Esprit ;
les péchés seront remis à ceux auxquels
vous les remettrez, etc. »
C'est une question parmi les théologiens
de savoir quelle est, dans ces différentes
cérémonies, celle qui constitue l'essence de
l'ordination sacerdotale; on demande si c'est
la première imposition des mains faite par
l'évêque et par les prêtres assistants, avec
la prière qui l'accompagne; si la porrection
des instruments du saint sacrifice qui se fait
ensuite, est ou n'est pas de l'essence de
cette ordination. Le sentiment le plus com-
mun est que cette seconde cérémonie est
accessoire et non essentielle à la validité de
l'ordination, et l'on en apporte plusieurs
preuves. On dit, 1° saint Paul parlant de la
grâce du sacerdoce, dit à Timothée, qu'elle
lui a été donnée par la prière avec l'imposi-
tion des mains du presbytère ou de l'assem-
blée des prêtres; ii ne fait mention d'aucune
autre cérémonie ; 2° dans tous les monu-
ments de l'histoire et de la discipline ecclé-
siastique, avant le x' ou le xi* siècle, il n'est
pas question de la porrection des instru-
ments, mais seulement de l'imposition des
mains pour l'ordination des prêtres; 3° cette
porrection des instruments du sacrifice n'a
lieu ni chez les Grecs, soit catholiques, soit
schismatiques, ni chez les jacobites, ni chez
les nestoriens; cependant l'Eglise catholique
regarde comme valide la prêtrise de ceux
qui ont été ordonnés dans ces différentes
sectes. Ces raisons doivent paraître solides.
Cependant le P. Merlin, jésuite, a fait, en
174-5, un traité historique et dogmatique sur
les formes des sacrements, dans lequel il
donne lieu de douter si la porrection des
instruments n'est pas essentielle à l'ordina-
tion sacerdotale, et si les preuves du con-
traire sont aussi solides qu'elles le parais-
sent d'abord.
En i>remier lieu, il observe et il prouve,
par des passages formels des Pères, que
jusiju'au xii" siècle l'on s'est abstenu de
mettre par écrit dans le dernier détail les
rites et les formes des sacrements; que l'on
a scrupuleusement observé ce que l'on ap-
pelait le secret des mystères; que (elle a été
la discipline de l'Eglise dès les premiers
siècles. C'est pour cela que la liturgie n'a
été mise par écrit qu'à la fin du iv° siècle,
et que les aiiôtres mômes se sont abstenus
de prescrire dans leurs lettres les rites et
les formes des sacrements. 11 n'est donc pas
étonnant que saint Paul désigne l'ordination
sous le nom seul d'imposition des mains
jointe à la prière; il n'était pas néce3saire
d'en dire davantage à Timothée, instruit
4609
PRE
PKI
1610
d'ailleurs par des leçons de vive voix. En
second lieu, il est constant que l'usage des
Pères et des conciles a été de nommer im-
position des mains le rit de plusieurs sacre-
ments, et même leur forme, puisqu'ils di-
sent, manus impositiones sunt vvrlxi mystica.
Ce nom est donné non-seulement à la con-
firmation, mais encore à la pénitence (;t k
l'absolution: en parlant de la réconciliation
des hérétiques h l'Eglise, ils disent imlilîé-
remmenl manus cis imponantur in pœniten-
tiam ou m Spiritum sanctum. Le baptême
est ainsi nommé par le concile d'Elvire,
can. 39, et par le premier concile d'Arles,
can. 6. Il n'y aurait d.onc pas lieu de s'éton-
ner quand la porrection des instrumrnts
dans l'ordination des prêtres, avec la l'or-
mule qui l'accompagne, aurait été appelée
imposition des mains par les auteurs ecclé-
siastiques antérieurs au xii" siècle. En troi-
sième lieu, l'on assure mal à ]iropos que les
Grecs suppriment cette porrection dans leur
ordination; mais ils la réunissent k l'impo-
sition des mains. L'évèque assis devant l'au-
tel met la main sur la tête de l'ordinand
qui est à genoux près de lui, et il lui appli-
que le front contre l'autel chargé des instru-
ments (lu saint sacritice, en lui disant : La
grâce divine élève ce diacre à la dignité du
sacerdoce ; ainsi la porrection dos vases
se trouvant réunie al'imiiosition des mains,
elle détermine les paroles de la forme à si-
gnilier lo doubh! pouvoir du sacerdoce.
Il faudrait donc que les théologiens qui
soutiennent que cette porrection n'est pouit
de l'essence de l'ordination, fussent en état
de prouver qu'avant le \i° siècle, dans l'E-
glise latine, les vases n'entraient en aucune
manière dans la cérémonie ; que rim[)osition
des mains se faisait .sans que l'ordinand fût
près de l'autel cliargé clés vases pleins ,
comme il l'est chez les Grecs. Il est évident
que la présence et la proximité do ces
vases sullit pour que l'on puisse dire avec
véi'ité qu'ils sont présentés à l'ordinand, et
que cette présentation liait partie de l'ordi-
nation.
Il ne servirait il rien de répliquer que les
auteurs qui ont parlé de l'ordination des
Grecs, qui nous ont donné leur rituel et
leur eucologe, n'ont fait mention ni de la
proximité ni de la présence des vases sacrés
dans cette cérémonie; on sait que ces au-
teurs ont souvent manqué d'attention et
d'exactitude dans les relations qu'ils ont
données du cérémonial et de la croyance des
Grecs et des autres sectes orientales, et que
ce défaut a induit en erreur plusieurs théo-
logiens. En effet , les Orientaux croient
comme nous que l'eucharistie est un vrai
saciilice, (}ue les jjrètres seuls ont le |iou-
voir de l'olliir, que Jésus-Christ a donné à
ses apôtres, qui sont les premiers prêtres,
deux pouvoii's, l'un sur son corps naturel,
l'autre sur son cor[)s mystique, qu'il a ex-
primé l'un par ces paroles. Faites ceci en
mémoire de moi; l'autre, eu leur disant. Rece-
vez le Saint-Esprit, etc. Il serait donc éton-
nant qu'ils n'eussent pas senti la nécessité
UicTioNN, w. Théoi.. dogmatique, m.
d'exprimer l'un et l'autre de ces pouvoirs
dans l'ordination de la prêtrise. Ce (ju'il y a
de certain, c'est que, dans le Sacrumentuire
de suint Grégoire, il est fait mention du pou-
voir d'offrir le saint sacrifice dans les priè-
res de l'ordination des prêtres. Saint Gré-
goire, Liber Sacram., p. 238, et notes du P.
Ménard, p. 291.
Ce n'est point à nous de décider si ces
raisons du P. Merlin sont péremptoires;
mais elles nous paraissent mériter toute
l'attention des théologiens. Si elles avaient
été mieux connues, ceux qui ont traité des
ordinations anglicanes n'auraient pas avancé,
comme ils ont fait, que la porrection de
vases du saint sacrifice n'est pas en usage
chez les Grecs pour l'ordination des prê-
tres.
PRÉVENANT, GRACE PRÉVENANTE.
Voy. (jbace.
PRÉVISION. Voy. Prescience.
PREUVE. Voy. Lieux Théologiques et Re-
ligion.
PRIÈRE, demande que l'on fait h Dieu.
Jésus-Christ dit qu'il faut prier toujours et
ne jamais se lasser ; il en a donné lui-même
l'exemple. Les quarante jours qu'il jiassa
dans le désert furent em|)loyés sans doute
à ce saint exercice; c'est ainsi qu'il se pré-
parait à ri'mplir son divin ministère. Après
avoir consumé les jours à instruire et à se-
courir par des miracles les allligés, il passait
encore les nuits cnprières. Luc, c. vi, v. 12.
Les apôtres firent de môme. Pendant les dix
jours qui s'(''('Oulèreiit depuis l'ascension du
Sauveur jusqu'à la descente du Saint-Esprit,
ils persévérèrent uiianimementdans laprière,
Act., c. I, V. 14. Ils allaient au temple aux
heures ordinaires de la prière, c. m, v. 1.
Saint Pierre venait de prier, lorsqu'il reçut
les envoyés du centenier Corneille, c. x, v.9.
Saint Paul recommande souvent ce saint
exercice aux fidèles, et les premiers chré-
tiens suivirent exactement cette leçon; leurs
assemblées fréquentes se passaient à s'in-
struire et h i)rier, parce qu'ils étaient per-
suatlés que la prière publicfue est la plus
agréable "a Dieu ; de là l'institution des heu-
res canoniales. Voy. ce mut, et Moeurs des
CHRÉTIENS, c. 6. Ce n'est donc pas sans
rnison que l'Eglise approuve les instituls
monastiques dans lesquels on consacre à la
prière une bonne partie du jour et de la
nuit.
Dans le paganisme on ne demandait aux
(lieux que des biens temporels; les auteurs
profanes, aussi bien que les écrivains ecclé-
siasti(pies, attestent que !a plupart des priè-
res des [)aiens étaient des crimes, des désirs
et des tiemandes contraires à la justice, ii la
juideur, à la charité, à la bonne foi, et telles
que l'on n'aurait jias osé les faire en public.
St'iièque , Horace et d'autres conviennent
que l'on ne s'avisait pas de demander aux
Oieux la vertu, la iirobité, la sagesse, la ]iru-
dence ; de pareils vœux n'auraient pas été
conrormos aux caractères vicieux que l'on
attribuait à ces fausses divinités.
Jésus-Christ au contraire nous a recom-
51
16H
PRl
PRl
161^
mandé de chercher, en premier lieu, le
royaume de Dieu et sa justice en nous pro-
mettant que le reste nous sera donné par
surcroît, Matth., c. vi, v. 33. Il ne nous dé-
fend pas de demander à Dieu des biens tem-
porels, mais il veut que nous bornions nos
désirs au simple nécessaire. Dans la prière
qu'il a daigné nous enseigner, une seule de-
mande a pour objet notre pain de chaque
jour; toutes les autres rey,ardenllesdonsde
la grAce et l'afTaire du salut.
Comme les incrédules ne voudraient au-
cun exercice de rehgion,ils soutiennent que
la prière est injurieuse à Dieu. Ce gr.ind
Etre, disent-ils, qui sait tout, n'a pas besoin
de nos demandes pour connaître ce qu'il
nous faut et ce qui nous est le plus avanta-
geux ; lui ex; loser nos désirs, c'est lui témoi-
gner de la défiance et du mécontentement.
Lors(iue nous lui demandons d'être délivrés
des maux de ce monde, nous exigeons qu'il
change pour nous par des miracles le cours
(le la nature. Cornaient peut-il exaucer deux
hommes ou deux nations qui lui font des
prières contraires? Si nous le supplions de
nous guérir do nos vices, et de nous donner
les vertus que nous n'avons pas, nous vou-
lons qu'il fasse notre propre ouvrage, puis-
qu'il dépend de noiis d'éviter le mal et de
pratiquer le bien. Ainsi, suivant cette déci-
sion, tout homme qui croit un Dieu et qui
l'invoque est ua insensé, et c'est la folie du
genre humain tout entier.
Mais ce que Dieu peut faire de plus avan-
tageux pour nous, c'est de nous préserver
de la fausse sagesse des incrédules. Il nous
ordonne de lui ex-.ioser nos besoins, non '
pour les lui faire connaître, mais pour lui
témoigner notre dépendance, notre soumis-
sion, notre confiance, et reconnaître aussi
son souverain domyine. Qui s'avisa jamais
de penser qu'un enf mt fa:t injure à son père
lorsqu'il lui demande une grâce ? Celles que
nous attendons de Dieu sont sans doute a^sez
précieuses pour valoir la peine d'être deman-
dées. ^- Sans faire des miracles. Dieu peut
nous réserver ou nous délivrer des fléaux
de la nature. La marche de l'univers n'est
point le jeu nécessaire et purement méca-
nique des causes physiques ; Dieu le con-
serve et le dirige par son action immédiate,
et sans cela tout retomberait dans le chaos.
Nous ne connaissons point toutes les causes
physiques ni tous leurs effets ; comment
pourrions-nous discerner ce qui est ou n'est
pas le résultat d'un simple mécanisme ? Lors-
que Dieu nous suggère des pensées pour
notre bien spirituel ou temporel, ce n'est
pas un miracle mais le plan ordinaire de
bonté et de sagesse suivant lequel il gou-
verne habituellement les esprits; or, ces
pensées nous font iirendre des précautions,
employer des remèdes, crmsulter d'autres
hommes, éviter des malheurs, etc. Qui de
nous n'eu a pas fait l'épreuve ? Les insensés
attribuent ces événements au hasard , un
homme sensé s'en croit redevable à Dieu.
Des vœux contraires m apparence ne le sont
pas réellement, lorsqu'ils sont accompagné-
de ri'signation k la Providence (1).
Acquérir et pratiquer des vertus , nous
corriger de nos vices , est sans doute l'ou-
vrage de notre volonté , mais non de notre
volonté seule , puisque nous avons besoin
pour cela du secours surnaturel de la grâce.
Or, il dépend de Dieu de nous donner des
grâces plus ou moins fortes et abondantes ;
il les a promises à la prière , c'est à nous
d'obéir avec reconnaissance. Pour un cœur
qui aime Dieu, la prière est un exercice doux
et consolant; il nous distrait du sentiment
de nos maux, il ranime l'espérance et le cou-
rage, il tranquillise l'esprit et calme les pas-
sions, il touche les pécheurs et soutient les
justes. Cette expérience , attestée par tous
les saints , est d'un tout autre poids que les
fausses réflexions des incrédules.
Quelquefois ils ont dit que les Juifs ne
priaient jias, qu'il n'y a point de prières dans
leurs livres ; d'autres fois, que leurs prières
étaient grossières, ils ne demam'aient que
des biens temporels ; souvent elles étaient
injustes et cruelles , c'étaient des impréca-
tions contre leurs ennemis. Il suffit ce|)en-
dant de lire les cantiques de Moïse , de Dé-
bora, d'Anne, mère de Samuel, d'Isaïeet des
autres proi)hètes ; les vœux de Salomon dans
le temple, ceux d'Esther, de Judith, de To-
bie, surtout les psaumes de David, pour être
convaincu que les Juifs priaient, et qu'ils de-
mandaient à Dieu autre chose que clés biens
temporels; le psaume 118 en particulier est
une invocation continuelle de la grâce di-
vine. Au mot Imprécation , nous avons fait
voir que dans les livres saints, ce qu'on prend
pour des imprécations et des sentiments de
vengeance, est seulement des prédictions.
D'autre part , les protestants prétendent
que l'on ne doit adresser des prières qu'à
(1) Les incrédules ont faii contre la prière une
diflieullé qui est un pur sophisme pour celui qui
connait la nature de Dieu. Ils diieiit : ( Ou nous de-
« mandons cequi est dans l'ordre de la nature el qui
« doit nous art iver, ou nous demandons ce qui est
« opposé aux lois de la nature. Dans le second cas
« c'est un miracle que nous sollicitons ; ctiose bien
< téméraire de la part d'une créalupp. Dans le pre-
I micr la prière, est inutile, puisque la laveur solli-
< citée arrivera indépendamment de toute espace
« de demande, j Mais quand on demanderait .i Dieu
un miracle, qu'y aurail-il de ciiupable et de témé-
raire, lorsqu'on le demande dans les circonstances
où Dieu a permis de solliciter une telle faveur? En-
suile est-ce bien un miracle qu'on demande dans les
prières ordinaires? Non, car on demande que Dieu,
souverain maîlre de toute chose, qui gouverne tout
par sa providence, dispose l'ordre pour que lel mal-
heur ne nous arrive pas; et Dieu, sans rien changer
aux dispositions qu'il avait prises, a pu dispo^ei' lout
en conséquence de noire supplication. C'est là une
réponse à ceux qui picteiident que par la prière on
ose demander ;\ Dieu de modifier ses dérrels. Il y a
sans doute des choses qui sont dar.s l'ordre ordi-
naire que nous sollicitons, qui arriveraient indéiien-
dammenl de nos prières, mais ces choses nous sont
inconnues, et, dans l'incertitude, la prudence nous
commande de prier. D'ailleurs ii y a un effet qui ne
manque jamais de suivre une bonne prière, c'est la
grâce, la prière bien laite n'est donc jamais inutile.
1613
^RI
PRI
16tl
Dieu sem ; qu'invoquer les saints c'est une
superstition et un acte li'idolAtrie ; nous
prouvcions le contraire au mot Saint.
On distingue deux sortes do prirres, l'une
vncale , l'autre mentale. La première se fait
en iiroiionçant dos mots, la seconde est pu-
rement inlérieure.sans proft'^rer des |)aroles.
Voij. Oraison mentalk. Celle-ci est la plus
parfaite, sans doute; l'autre n'auiait aucun
mérite, si elle n'(Hait accompagnée de l'at-
tention de l'esprit et de l'allectioii du cœur.
On appelle pr(V;'P ou oraison jaculatoire celles
qui consiste dans un simple mouvement du
cœur vers Dieu , soit qu'on l'exprime par
quelques |)aroles courtes, soit qu'on ne l'ex-
prime pas.
PKIÈRE PUBLIQUE. Voy. Heches Cano-
niales.
PJUMAT {Droit ecclés.) (1). Ce nom, qui
emporte un titre de dignité, ne s'est introduit
dans l'Eglise, ainsi que ceux d'ai'chevôques,
de patriarches et de i)apes, que quelques siè-
cles après rétai)lissement du christianisme.
Les évoques des plus grands sièges s'ét;iient
contentés jusqu'alors de la seule dénomina-
tion d'évèqiies, qui leur était comnuine avec
ceux des sièges moins coiisiiiiTables : on ne
vit qu'avec une sorte de peine les prélats des
premières villes all'ecter ou recevoir ces ti-
tres plus relevés : mais l'usage jirévahit, et
on appela archevêque ou tiictropolitain , l'é-
vêque de la i)rincipale ville de chaque dis-
trict. Ou d(unia le nom de primat ou d'ar-
chcvéque k ceux dont les sièges se trouvaient
placés dans les villes qui tenaient le rang de
capitales par rapport à plusieurs districts.
Les évoques des villes qui étaient elles-
mêmes regardées comme' capitales h l'ég.-ird
de plusieurs grandes provinces ou royaumes,
furent appelés patriarches. Leur autoriié et
leur Juridiction s'étendaient sur les primats
eux-mêmes, et absorba dans la suite l'auto-
rité de ces derniers. Ce fut particulièrement
dans l'Eglise grecque ou d'Orient que ces
dill'érentes dénominations furent d'abord ad-
mises. L'Eglise latine n'eut pendant long-
temps d'autres manières de désigner les
évoques des principaux sièges qu_' la qua-
lité d'archevêques ; si les noms de patriarche
ou de primat y furont ensuite reçus , ce fut
dans un sens bien moins étendu, et avec des
prérogatives bien intérieures à celles dont
jouissaient les prélats revêtus des mêmes
titres dans TEglis? orientale. Deux choses
surtout conliibuèrent à rendre plus dilficilo
riiitroduclion de C( s titres, et des jiouvoirs
et des droits qui s'y trouvaient attachés. La
gi'ande autorité dont l'évêque de Rom • a
toujours joui dans l'Eglise latine, s'o|>posait
à l'accroissement de l'autorité des sièges in-
férieurs; et lorsque les évoques de Rome
voulurent dans la s ;ite employer cette
même autorité pour étendre celle de quel-
ques-uns des principaux métropolitains, la
résistance qu'ils é[)roiivèrent de la part des
métropolitains voisins, et même de (pjolques-
uns de leurs sull'ragants , rendit presque
toujours ces tentatives inutiles. Quoique l'on
rencontre quelquefois le titre de primat ac-
cordé à des évêqui^s ou archevêques de
l'Eglise latine, ce titre n'annonce point en
leur faveur les mêmes avantages qu'il indi-
quait relativement aux évéques orientaux.
Ce n'était guère [lendant les onze premiers
siècles ( surtout dans les Gaules ) qu'un
simple titre d'honneur accordé quelquefois
à l'ancienneté de l'ordination , d autres fois
au mérite personnel , mais sans aucune
prééminence ni supériorité d(; droit. Malgré
tout le crédit que le pape ^^aint Léon s'était
si justement acquis par ses vertus et sa
doctrine , il ne imt réussir à faire agréer à
l'Eglise des Gaules le dessein qu'il avait d'y
établir différenis prmw^s auxquels des mé-
tiopolitains lussent subordonnés. L'attache-
ment de l'Eglise gallicane h ses anciens usa-
ges écarta cette nouveauté.
Presijue tous les auteurs conviennent que
jusiju'aiirès le milieu du xi' siècle, on ne
reconnut dans les (îaules l'autorité d'aucun
primat, et que tous les métropolitains étaient
iinmédiat'unent soumis au sai::'-siége. Si
quelques-uns avaient eu quelque préémi-
nence sur les autres, ce n avait été qu'en
vertu di's vicariits dont les iiajies av.iient
voulu les honorer, et qui èlaient unique-
ment attachés à leurs personnes. Depuis
longtemps ces vicariats ont cessé d'être en
usage, et ne seraient plus aujourd Imi reçus.
Le plus ancien primat, en vertu d'un titre
]ierpéliiel, que l'on reconnaisse en France,
est l'archevêque de Lyon. Cette dignité lui
fut conférée en 1079 par Grégoire VU , qui
occupait alors lesainl-siége, et qui, par une
bulle, accorda à l'Eglise ne Lyon le droit de
primatie sur les quatn^ provinces lyonnai-
ses, qui sont celles de Lyon, de Sens de
Rouen et de Tours. L'antiquité de l'Eglise
de Lyon, que l'on ]ieut regarder comme la
première des Eglises de France qui ait eu
un siège épiscopal, semblait mériter cette
distinction. II parait même que Grégoire VII
crut moins accorder un droit nouveau h cette
Eglise que la remettre en possession d'an-
ciens droits que le défaut d'usage avait, en
quelque sorte, fait oublier. Ces motifs n'en
eurent pas plus de force sur d^ ux des mé-
tropolitains que le pape assujettissait à la
primatie de Lyon. L'archevêque de Tours
fut le seul qui la reconnut volontairement et
s'y soumit de gré. Robert, archevêque de
Sens, y opposa la plus vive résistance, et lut
privé, par le pape, de l'usage du pallium
dans sa province, en punition de cette
désobéissance prétemlui'. Quel crime pou-
vait-on faire à ce iirélat de vouloir conser-
vei- la liherté de son Eglise et les préroga-
tives de son siège (1) .' D'Himbert, qui le
remplit après lui ne montra pas la même
vigueur, et se soumit à la itrimatie de Lyon.
Ses successeurs regardèrent cette conduite
comme une faiblesse de sa part, qui n'avait
pu préjudicii r à leurs droits, et ne s'en op-
posèrent pas moins fortement à l'autorité
(i) Article reproduit d'après l'édition de Liège. (1) Cetiii de désoibéir à une autorité coiniiéienie.
1615
PRl
PRI
1616
que les archevêques de Lyon voulaient
prendre dans leur province. Ils eurent l'a-
vantage d'être en cela soutenus par nos rois,
qui ne voyaient qu'avec peine qu'on entre-
prît d'assujetlii' l'archevêque de la province
dans laquelle ils résidaient d'ordinaire à une
puissance étrangère. L'archevêque de Lyon
jouissait en effet alors de la souveraineté
sur cette ville.
Les disputes renouvelées souvent entre
ce petit souverain et ses sujets, engagèrent
ces derniers à recourir à la protection de nos
rois, et à désirer de se soumeltre à leur au-
torité. Un des articles du traité fut que les
droits de primatie seraient conservés sur la
province de Sens. Le dédommagement n'était
pas fort avantageux pour les archevêques.
Depuis cette éjjoque, ceux de Sens fuient
oljligés de reconnaître la primatie. Lors-
qu'en 1622 l'évôché de Paris fut distrait de
la métropole de Sens et érigé en archevê-
ché, ce ne fut qu'à condition que la nou-
velle métrojiole relèverait immédiatement
de la primatie- de Lyon, à laquelle elle de-
meurerait soumise : c'est ce qui est stipulé
dans les bulles et lettres patentes données à
ce sujet. Ita tamen, porte la bulle, quod Ec-
clesia ipsa Parisiensis, Ecclesiœ primatiaii
Lugdunensi, et illius archiepiscopo, adinstar
dictœ Ecclesiœ Senonensis, subjacere debeat.
11 n'est donc pas étonnant que, malgré tous
les efforts de feu M. de Beaumont, arche-
vêque de Paris, le droit et l'exercice de la
primatie de l'Eglise de Lyon sur celle de
Paris, aient été confirmés par un autre arrêt
du parlement de Paris, prononcé h l'occa-
sion du jugement rendu par M. de Montazet,
archevêque de Lyon, en faveur des Hospita-
lières du faubourg Saint-.Marceau. Le même
parlement a jugé dans les mêmes principes,
par un autre arrêt du 30 avril 17"'J, par le-
quel les demoiselles Rallet et LelVbvre,
novices ursulines de la rue Sainte-Avoie à
Paris, à l'examen desquelles M. l'archevê-
que de Paris avait refusé de procéder, con-
formément à la déclaration du 10 février
1742, ont été renvoyées |iar-devant M. l'ar-
chevêque de Lyon, pour être examinées,
quoique M. de Beaumont eût subsidian>e-
ment conclu à ce qu'il lui fût donné acte, de
ce que dans le cas où la cour jugerait l'exa-
men des novices légitime, lors même que
"le temps de leur noviciat est passé depuis
onze ans comme dans l'espèce, il offrait de
le faire subir aux deux novices dont il s'a-
gissait.
La province de Tours a fait des tentatives
au commencement de ce siècle, pour se
soustraire à la primatie de Lyon; mais elle
n'a pas réussi.
Quant à la métropole de Rouen, elle n'a-
vait jamais supporté que fort impatiemment
les prétentions de celle de Lyon. Drpuis l'é-
rection de la de.nière en primatie, plusieurs
contestations s'étaient élevées entre les jjré-
laU des deux sièges : elles se renouvelèrent
avec plus de chaleur vers la fin du siècle
dernier. M. de Saint-tleorges remplissait
alois le .siège de Lyon: celui de Rouen était
occupé par M. Colbert. L'affaire fut portée
au conseil d'Etat; elle fut instruite avec tout
le soin possible; les plus célèbres juriscon-
sultes écrivirent ou furent consultés : on
publia de part et d'autre les mémoires les
plus approfondis. Enfin, par arrêt du 2 mai
1702, le roi, sans s'arrêter aux requêtes et
demandes de l'archevêque de Lyon, ten-
dantes à être maintenu dans le droit de pri-
matie sur la province de Rouen comme sur
celle de Lyon, Tours, Sens et Paris, ayant
égard à celles de l'archevêque de Rouen, et
à l'intervention des évêques de la province
de Normandie, maintient l'archevêque de
Rouen et ses successeurs dans le droit et
possession où était, de temps immémorial,
l'Eglise de Rouen, de ne reconnaître d'au-
tre supérieur immédiat cjue le saint-siége ;
fait défenses à l'archevêque de Lyon, ses
grands vicaires, olficiaux, et à tous autres
de l'y troubler à l'avenir; et, en conséquence,
déclare qu'il y avait abus dans les provi-
sions et visa donnés par l'archevêque de
Lyon et ses grands vicaires, de bénéfices
situés dans le diocèse de Rouen, sur le re-
fus de l'archevêque de Rouen ou de ses
grands vicaires; déclare abusives les appel-
lations de l'ofticial de Rouen, relevés à l'of-
ficialité primatiale de Lyon, permission de
citer, citations, procédures et jugements
rendus en conséquence ; ordonne que les
appellations des ordonnances et jugements
de l'archevêque de Rouen, ses grands vi-
caires ou olficiaux, seront relevés immédia-
tement à Rome ; fait défenses à toutes per-
sonnes de les relever à l'otficialité prima-
tiale de Lyon, à peine de nullité ; en ce qui
concerne les appellations comme d'abus in-
terjetés, tant par l'arclievêque de Rouen,
des deux bulles de Grégoire VII de l'année
1079, que par larchevèque de Lyon, de la
sentence rendue par le cardinal de Sainte-
Croix, le 12 novembre 1455, et des bulles de
Cahste lil des 23 mai 1453 et 12 juillet 1458,
le roi les déclare respectivement non-rece-
vables dans lesdites appellations comme d'a-
bus , sans amende ; ordonne ijue l'arrêt
sera lu, publié, enregistré partout où be-
soin sera, et que toutes lettres patentes né-
cessaires seront sur ce expédiées. En con-
séquence de cet arrêt, le roi a donné ses
lettres patentes le 4 août 1702, adressées
aux i)arlements de Paris et de Rouen, et à
tous autres officiers justiciers qu'il a]ipar-
tiendra, etc. Les lettres paienles ont été en-
registrées au parlement de Paris le 13 dé-
cembre 1702, et au iiarlement de Rouen le
20 du môme mois. L'auteur du Recueil de
Jurisprudence canonique, après avuir rap-
porté le disposilif de l'arrêt de 1702, ob-
serve que dans cette célèbre contestation,
il a été jugé cju'un évoque peut être primat
sans avoir sous lui de métropolitain. On ne
voit cependant pas que l'arrêt donne cette
qualité à l'archevêque de Rouen. Il est vrai
qu'il se qualifie do primai de Normandie;
et quoi(p(e ce nom ne convienne qu'à un
prélat qui a juridiction sur d'autres métro-
poles, il n'en jouit pas moins réellement de
I«i7
PRI
PRI
1C18
([irelqLU'>-iiiis des droits priiuatiaux, dans
toute l'étendue do sa province ecclésiasti-
que.
L'archevêque de Bourges jouit aussi du
droit de primatie. Ce droit, atlaclié depuis
longtemps à son sléj^e, lui fut contirnié par
les papes Eugène III et Grégoire IX. Sa
primatie paraît s'être autrefois étendue sur
la province de Bordeaux : d'anciens monu-
ments attestent que les archevêques de
Bourges y ont fait des visites, et que les ar-
chevê(jues de Bordeaux ont reconnu cette
IH'imatie ; mais depuis longtemps ces der-
niers ont secoué le joug ; ils prennent même
la qualité de primat d'Aquitaine. Ce privi-
lège leur fut accordé en 1301», par le pape
Clément V, Français de nation, et (jui, avant
sa promotion au souverain pontificat, avait
rempli le siège de Bordeaux. Il exempta en
même temps cette province de la juridiction
de l'archevêque de Bourges; ce qui continue
que la primatie de ce dernier s étendait an-
ciennement, comme nous venons de le dire,
sur la province ecclésiasli(|ue de Bordeaux,
et ce qui prouve le droit, ou pour mieux
dire, le pouvoir que s'étaient arrogé les
souverains pontifes, de soumettre ou de
soustraira les métropoles à la juridiction les
unes des autres. L'attention cpi'ont eue les
archevêques de Bordeaux de se njaintenir
dans l'exemption que leur avait accordée le
saint-siége, a donné plus de force à cette
exemption, qu'elle n'en tenait du rescrit
pontihcal. La |irimatie de l'archevêque de
Bourges, qui par là se trouvait réduite à un
titre sans fondions, a repris la dignité et
l'éclat qui paraissent devoir l'accompagner,
lors deVérection, faite eu 1675, de l'évêché
d'AIbi en archevêché. Les archevêques de
Bourges, dont les évoques d'Alhi étaient
.sutfragants, ne consentii'ent à cette érection
que sous la réserve et la condition, que le
nouvel arciievêché, ainsi cpieles évêchésde
Rodez, de Castries, de Caliors, de Vabres
et de Mendes, que l'on détachait aussi de la
Province de Bourges, pour en former la
nouvelle province d'AIbi, resteraient soumis
à la juridiction primatiale de l'archevêché de
Bourges.
Ln qualité de primat est encore prise par
plusieurs arciievè(pies du royaume de
France; mais elle n'est ipi'un simple titre
pour eux. Ainsi, l'archevêque de Bordeaux,
comme on vient de le dire, s'iniiiule primat
d'Aquitaine; l'archevêque de Sens, quoique
soumis h la primatie de Lyon, se qualifie de
primat de Germanie; l'archevêque de Vienne
se donne le titre de primat des primats ; ce-
pendant i! n'a de juridiction sur aucun pri-
mat, ni même sur aucun métro])olitain :
l'archevêque d'Arles lui conteste la cpialité
de primat de la Gaule narbonnaise, qui est
en môme lemps revendiquée par l'archevê-
que de Narhonue. Ces dilférentes préten-
tions on (lu tirer leur origine des vicariats
que les pajies s'étaient mis dans l'usage de
donner à ditl'érents évèques dans le \' et le
\i° siècle. Le pape Zozinie revêtit Patrocle,
évèque d'Arles, du titre de son vicaire dans
les Gaules. Hormisdas, ou, selon d'autres,
Symniai[ue accorda la même faveur, à saint
Rémi, évêque de Reims. Vices 7iostras per
omne reqnum dilecti et spiritualis filii nostri
Liidotùri , salvis pririler/iis quœ metropoU-
tanis decrevit anliquitas, tibi committimus.
En vertu de ce rescrit. les archevêques de
Reims ont réclamé kis droits de primat, jus-
qu'il Grégoire VIL qui. sollicité par les mé-
tropolitains français, s'opposa h ce que ja-
mais celui do Reims exerçAt sur eux aucune
autorité. Depuis cette époque, l'archevêque
de Reims s'est borné ïi se dire primat de la
Gaule belgique, sans faire aucun acte de ju-
ridiction primatiale.
Les droits et pouvoirs des primats na ré-
pondent point jiarmi nous, à la magnifi-
cence du titre. Les |irélats qui en jouissent,
même avec fonctions, ne peuvent, ni faire
des visites dans les métropoles des arche-
vêques qui relèvent d'eux, ni indiquer les
assemblées des conciles provinciaux, ni faire
porter devant eux la croix, ni se servir du
pallium, ni oflicier pontiiicalemenl dans les
mêmes métropoles. Fevret liv. m de son
Traité de l'ahus, chap. 3, rapporte fort au
long les permissions et consentements que
M. de Marquemont, archevêque de Lyon,
demanda et obtint |)our ci'lébrer pontitica-
lement dans l'église paroissiale de saint
Eustache, à Paris. Toute l'autorité et juri-
diction des ;jr(>Ha(« se réduisent, d'une part,
à juger par eux-mêmes des appels interjetés
devant eux des ordonnances des métropo-
litains qui leur sont soumis, en matière vo-
lontaire, et à pourvoir sur les refus de visa
ou collations, lorsqu'ils sont collateurs forcés,
môme à les suppléer en cas de déni de jus-
tice; et d'un autre côté, à faire prononcer
dans leurs officialités primatiales, sur les
appels des sentences des ofliciaux métropo-
litains. Ils ont encore le droit de conférer,
par dévolution, les bénélices auxquels les
métropolitains auraient négligé de pourvoir
dans le temps qui leur est prescrit par les
Lois canoniques (1). Voyez Archevêque, Dé-
voLLTiox , Diocèse, Evèque, Patriarche,
Visa.
PRIMAUTÉ, droit d'occuper la première
place. Au mot Pape nous avons prouvé que
le souverain pontife, en qualité de succes-
seur de saint Pierre sur le siège de Rome,
a dans l'Eglise universelle une primauté,
non-seulement d'honneur et de préséance , .
mais d'autorité et de juridiction. Voy. Pape, •
S 1 et 2. 'i
PRIME. Voy. Heures canoniales.
PRINCE. Voy. Roi.
PRINCE DES PRÊTRES. Foy. Pontife.
PRINCIPAUTÉS. Foy. AxGES.
PRISCILLIANISME , PRISCILLIANISTES.
L'an 380 ou l'année suivante , on vit naître
en Espagne une secte d'hérétiques dont le
principal chef fut Priscillien , homme sa-
vant, riche et insinuant; c'est ce qui fit
donner à ses partisans le nom de priscillia-
(I) Quelques archevêques de France porleul en-
core le litre de piiinat ; mais ce n'est plus ((u'iin ti-
Ue sans juriiliclion.
iM9
PRl
PRI
leso
niâtes. Sulpiee-Sévèie, auteur contemporain,
dans son Histoire sainte, 1. ii, c. 46, et saint
Jérôme, Epist. 43, ad Ctesiph., col. 476,
nous apprennent que ces sectaires rt^unis-
saient aux erreurs des manichéens celles des
gnostiques.
Ceux même qui sont le plus portés à
les excuser, avouent qu'ils niaient, comme
les manichéens, l'a réalité de la naissance et
de l'incarnation de Jésus-Christ ; qu'ilssoute-
naient que le monde visible n'était pas l'ou-
vrage de l'Être suprême, mais celui de quel-
que démon, ou du mauvais ]irincipe. Ils
adoptaient la doctrine des gnostiques tou-
chant les éons, prétendus esprits émanés de
la nature divine. Ils considéraient les corps
humains comme des prisons que l'auteur du
mal avait construites pour y enfermer les
eS; rits célestes ; ils condamnaient le ma-
riage et niaient la résurrection des corps.
Mosbeim, Hist. ccclés., iy° siècle, n" part.,
c. 5, § 22. Voilà certainement les principales
erreurs des manichéens et des gnostiques;
il n'est donc pas étonnant que l'on ait attri-
bué aux priscillianistcs les autres opinions
fausses de ces deux sectes , savoir, qu'il n'y
a pas trois Personnes en Dieu, que les Ames
humaines sont de la même substance que
Dieu, que l'homme n'est point libre dans
ses actions, mais soumis à la fatal it-, que
l'ancien Testament n'est qu'une allégorie,
que l'usage de manger do la chair est cri-
minel et impur. Nous pouvons donc ajouter
foi à ceux qui nous disent que ces mêmes
hérétiques jeûnaient le dimanche, le jour de
Noël et le jour de P.'ques, pour attester
qu'ils ne croyaient ni la naissance ni la ré-
surrection du Sauveur , qu'ils recevaient
dans leurs mains l'eucharistie , mais (ju'ils
ne la consommaient pas, parce i qu'ils ne
croyaient pas la réalité de la chair de Jésus-
Christ. L'on ajoute qu'ils s'assemblaient la
nuit et dans des lieux écartés, qu'ils priaient
nus, hommes et femmes, et qu'ils se livraient
àl'impudicité, qu'ils gardaient un secret in-
violable sur ce qui se passait dans leui s as-
semblées, et qu'ils n'hésitaient pas de se
parjurer pour tromper ceux qui voulaient le
savoir. Pnscillicn et ceux qu'il avait séduits
furent d'abord condamnés dans un concile
de Sara:40sse l'an 381, et dans un autre, tenu
à Bordeaux, en 385. Cet hérésiarque, ayant
appelé de cette sentence à l'empereur
Maxime qui résidait à Trêves, fut convaincu
par ses propres aveux de la jîlupart des er-
reurs et des désordres dont nous venons de
parler ; conséquemment il fut condamné à
mort et exécuté avec plusieurs de ses parti-
sans. Leur supplice n'éteignit point le pris-
citlianisme ; il en demeura des sectateurs en
Espagne, et ils y causèrent des troubles pen-
dant près de deux siècles ; saint Léon tit
tous ses elforts pour extirper en Italie et eu
Espagne jusqu'aux derniers restes des mani-
chéens et des priscillianistes ; mais il par.tîl
que ces derniers susbsistaient encore au mi-
lieu du vi° siècle.
Tillemont, qui ;i peint ainsi ces hérétiques
et leurs erreurs, cite poiir garants non-seu-
lement Sulpice-Sévère, saint Ambroise et
saint Jérôme, auteurs contemporains; saint
Augustin et saint Léon, qui ont vécu immé-
diatement après ; mais encore les actes des
conciles qui ont condamné ces hérétiques,
Mém., t. Vin, p. 491 et suiv.
On a cependant entrepris, dans l'ancienne
Enctjclopédic , de les justifier, et défaire re-
tomber tout l'odieux du scandale sur leurs
accusateurs et sur leurs juges. L'auteur de
cet article a copié Beausobre dans son His-
toire du Manichéisme, et dans sa Dissertation
sur les Adamites ; VambUion de ce dernier
était de discidper tous les hérétiques aux
dépens des Pères de l'Eglise. Mais Mosheim,
plus judicieux, blâme ceux qui suivent aveu-
glément Beausobre, sans examiner ce qu'il
y a de vrai ou de faux dans ce qu'il dit. Hist.
ecclés., IV' siècle, n' part.,c. 5, § 22, note (0).
L'encyclopédiste observe d'abord que Sul-
pice-Sévère attribue à Piiscillien beaucoup
de belles qualités, (■:e l'esprit, de l'érudition,
de l'éloquence, l'application au travail, la
sobriété, le désintéress«'ment. Mais les ta-
lents ni les vertus ne mettent point un hom-
me à couvert de l'erreur, cela est prouvé jiar
l'exemple de plusieurs antres hérésiaiques ;
plus leurs principes ont été corromjius, plus
ils ont affectéles dehors de la vertu. Su! |)ice
Sévère reproche aussi à Priscillien beaucoup
de vanité et d'orgueil que lui inspirait s n
habileté dans les sciences profanes ; c'était
assez de ce vice pour l'égarer. 11 était aussi
accusé d'avoir étudié la magie, et dans la
suite il le fut d'avoir eu un commerce crimi-
nel avec des femmes. - Il observe en second
lieu que, suivant l'aveu de saint Augustin,
les livres des priscillianistes ne contenaient
rien qui ne fût cathol que ou très-peu diffé-
rent (le la foi catlohque. Comment concilier,
dit-il, ce témoignage avec les erreurs des
gnostiques et des manichéens que ce môme
Père leur attribue"? M.iis cet apologiste chari-
table en impose sur saint Augustin. Ce Père
dit que les priscillianistes prêchent la foi ca-
tholique àceua; quils craignent, non pour la
suivre, mais pour se cacher sous ce masque;
qu'il n'y eut jamais d'hérétiques plus fourbes
ni plus haiiiles à déguiser leurs vrais senti-
ments. Epist. 237, nd Ceretium, n. 3. — Plu-
sieurs Pères, continue notre critique, ont
cru que l'iime émanait de Dieu, sans la croire
consubstantielle à Dieu ; il a pu en être de
même des priscillianistes. Autre imposture ;
on le délie de citer un seul Père de l'Eglise
qui ait enseigné, comme les manichéens, les
priscillianistes et les stoïciens, que les âmes
humaines sortaient de la substance de Dieu
par émanation. Yoy. Emanation. — Il ne veut
pas que les priscillianistes aient confondu,
comme Sabellius, les Personnes divines ; ils
croyaient, dit-il, la préexistence du Verbe,
mais ils ne le croyaient pas Fils de Dieu,
parce (jue ce titre ne lui est pas donné dans
l'Ecriture : suivant leur opinion , Jésus-
Christ n'était Fils de Dieu qu'autant ipi'il
était lié de la Vierge. Comment cet écrivaiB
n'a-t-il pas vu qu'il se réfute lui-même?
Puisque \tis prisctUianistes n'admettaient pas
1621 PRI
lu divinité du Verho, ils n'admettaient donc
pas trois Personnes en Dieu, non plus (]ue
Saheilius et les autres anlilriuitaires. Puis-
qu'ils ne croyaient point l'inearnation d'une
Personne divine, ils étaient dune dans l'er-
reur sur les deux prin(i|)au\ dogmes du
cliri'tiaiiisMie- Cependant leur apologiste
peisisie à dire qu'il est fort incertain si ces
sertaires soutenaient qiudques erreurs, et
qui'ljcs étaient leuis opinions.
11 n ' veut pas croire, nmi plus (jue Mos-
heiin, que ces hérétiques montaient et se
paijuraient sins scrupule po'ir cacher leurs
erreurs et leursmvs'èi'es, «(((u'ils se livraient
î> i'iuipudicité dans leurs asseudjiées ; cela
n'est ;irouvé, dit-il, que parle li'Uiois^naged'uu
norunn'' Fioiitoncpu avait ie'ut d'être de leur
parti, alin de découvrir ce qui se passait par-
mi iMix. 11 se troi\i;>e ; les preuves s(jnl, 1° la
confession de Priscillien lui-uiéuie, (pii se
reeoinuit coupable de plusieurs turpitudes;
2° l'aveu de plusieurs (h; ses sectaleurs (jui
se convertii'ent ; S. Auy;., ibiil.;'S' le juge-
ment de Sulpice-S.'ivère, qui, Irès-tlisposé
d'ailhnn'sà les excuser, lesappelledes lioin-
mes très-indignes de vivre, luce indiynissinii:
k° la ditlérenco des peines qu'ils subirent ;
])endanl que les jilus coupables turent |iunis
d;' iiuirt, les autres furent seulement exilés.
L'apoloi^iste oppose à ces preuves, 1° le si-
lenre de saint Jérôme, qui ne reproche |)oint
de crimes i\ Latronien ni h Tibérien, doux
des chefs. Qu'inq)orte, dès qu'il les reproche
à la secte en général. Voyez la lettre citée.
Saint Ambroise, dit-il, témoigne de la com-
jiassion pour le vieux évèque Hygiuus qui
fut envoyé en exil; soit : ce vieillard pouvait
n'avoir eu aucune part aux crimes de la secte.
Mais lorsijue les priscillimiistcs condamnés
au concile de Saragosse voulurent se justifier
au[>rès du pape DamKse, ce pontife n(^ vou-
lut |ias seuli'uicut les voir, et saint Amliroise
(if de même, Sulpit. Sever., 1. u , c. '^9. Il
n'est pas via; que 8ul|iice-Sévèrc ail ditifuo
l'on reconnaissait plutôt les priscillianisle.i
à la modestie de leurs habits et à la [làieur
de leur visage qu'à la différence de leurs
sentiments. Nos adversaires ne se corrige-
ront-ils jamais de la mauvaise hal)itude de
falsilic r les auteurs ? Sulpice-Sévère dit ([u'il
est moins indigné cor)tre les prisdUianistes
<jue contre leurs accusateurs; cependant il
appelle la c(jnduite des premiers une perfidie,
leur octriiie, une peste pour l'Espuijne, leur
société, une secte pernicieuse, et ceux i[ui
fuient supi)liciés, des hommes indignes de
vivre. Il observe que l'riscillien, Instautius
et Salviamis gagnèrent rita;io avec le corti'ge
tiès-indécent de leurs femmes et d'autres
|»e.rs()nnes du sexe de mauvaise réputation ;
eel/i ne ci invenail guère àt.ois évèqu 'S.
:^ L'on cite en le rfaveui Lalinius l'acatus,
oraleui- païen, qui, dans le panéqurique de
Théodose, aprèsla défaite de .Maxime, déplore
].i cruauté avec laquelle ce dernier av.iil fait
supplicier non-seu ement des hounues, mais
des femniis. 11 dit que Euchrocie, veuve du
po le Delpliidius, cpii eut la tète tranchée,
u'avait jwint d'autre crime que d'èlre trop
PRI
lCi2
religieuse et trop attachée au culte de la
Divinité. Mais que prouve le témi>igiiage d'nn
païen trompé par l'extérieur hypocrite de
ces sectaires? Convenait-il à une femme
honnête et vertueuse de suivre des évèques
condamnés jxjur hérésie eu Italie et dans les
Gaules, et de mener avec elle sa lille Procula,
que l'on accusait d'avoir eu un conunerce
impudique avec Priscillien ? Ce mépris des
bienséances était plus propre à conlii mer les
soupgnns qu'à les dissiper. On sait d'ailleurs
que les beggards et d'autres, coupables des
mômes désordres que les priacillianistes, n'a-
v.iient pas un air moins dévot ni moins
moitilié.
3° Sulpice-Sévère appelle les témoins qui
déposèrent contre Priscillien et contre ses
adhérents, des hommes vils ; mais ils ne fu-
rent pas les seuls, puisque ce chef de parti
avoua lui-même les turpitudes dont il était
coupable, et que ceux qui se convertirent
dans la suite conlirmèrent cet aveu. On dit
que la confession de Priscillicui lui fut arra-
chée par la torture. Cela est faux. Suliàce-
Sévère dit que les témoins s'accusèrent eux-
mêmes et leurs compagnons avant linterro-
gat ire, antc quœstionem ; c'est mal àpro|)OS
(pie l'on veut entendre par là les tortures de
la question.
k" Les principaux accusateurs, dit l'apolo-
giste, furent Ithace et Idace, évoques espa-
gnols, hommes méchants et très-vicieux,
avec deux autres nommés Magnus et Riifus,
dont Suhàce-Sévère parle av!'c horreur et
mépris. Nous convenons ({ue ces évèques fi-
rent un personnage odieux et indigne de
leur confrère, en poursuivant des héréti-
ques au tribunal d'un prince de mauvais ca-
ractère. Ils furent détestés avec raison par
leuis confrères, et surtout par saint Martin,
qui' demanda grâce pour les priscillianistes;
mais la passion des accusateurs ne prouve
pas l'injustice de la sentence.
5' L» juge fut un nommé Evode, préfet du
prétoire, homme dur et sévère. Cependant
ce magistrat si dur, après avoir convaincu
les accusés, ne voulut pas prononcer la si n-
tence, il renvoya les pièces du procès à
l'empereur. Celui-ci , tout méchant qu'il
était, suivit encore les règles de la justice,
jmisqu'il ne condamna que les plus coupa-
bles à la mort ; il se contenta d'exiler les
autres, ou pour toujours, ou seulement i)our
un tem[)S. On dit qu'il en voulait principale-
ment aux biens des priscillianistes, cela
}>eut être; mais il n'était pas nécessaire de
les faire périr pour confisquer leurs biens.
Après la mort de ce tyran, l'un ne découvrit
aucune preuve de leur innocence, et lors-
que saint Léon, dans le siècle suivant, re-
commença les informations contre les pris-
eiliianisles, il retrouva parmi eux les mêmes
erreurs et les mêmes désordres qui avaient
régné |)armi leurs prédécesseurs. S. Léo, ep.
Xi, ad Turibium, c. 1.
tt" Dans le concile de Saragosse, on repro-
cha aux priscillianistes des irrégularités et
non des crimes. Ou voit par les canons de
ce concile que parmi eux les laïques et le*
1623
PRl
PRI
1624
femmes enseignent qu'ils ont des assem-
blées secrètes dans les lieux écartés, qu'ils
jeûnent le dimanche, qu'ils marchent pieds
nus, que quelques-uns reçoivent l'eucharis-
tie sans la manger à l'église, que plusieurs
de leurs prêtres quittent leur ministère
pour entrer dans l'état monastique. Ce con-
cile aurait-il passé sous silence des cri-
mes ca|iitaux, tels que la proslitutinn, la nu-
dité, le parjure, etc., si les priscillianistes
en avaient été réellement coupables? A cela
nous répondons, 1° que nous n'avons qu'une
.partie des actes du concile de Saragosse,
qu'ainsi nous ne savons pas ce que portaient
les canons qui ne subsistent plus; 2" que les
évêques de ce concile n'ont pu juger que
des délits qui leur étaient connus; or, il est
probable qu'à la naissance du priscitlianisme
en Espagne, les partisans de cette hérésie
ne se livrèrent pas d'abord aux crimes énor-
mes que l'on vit bientôt éclore parmi eux.
Elle aurait d'abord révolté toutes les âmes
honnêtes. Mais s'ils se sentaient absolument
innocents, pourquoi ne voulurent-ils com-
paraître ni au concile de Saragosse ni à celui
de Bordeaux ? Voyez Sulpice-Sévkre à l'en-
droit cité.
7° Les évêques qui renoncèrent au pris-
cillianisme n'abjurèrent que des erreurs;
saint Ambroise trouvait bon que l'on con-
servât dans les bénéfices et les dignités ceux
cjui se réuniraient à rEy;lise. Dictinnius,
l'un d'entre eux, est révéré comme un saint
en Espagne. Aussi ne disons-nous pas que
tous les priscillianistes étaient cou|iables
des mêmes dérèglements; plusieurs s'étaient
laissé séduire par les apparences de vertu
et de piété qu'affeclaient les hérétiques; ils
furent détrompés lorsqu'ils apprirent les
turpitudes auxquelles la plupart se livraient.
Ils revinrent donc de bonne foi à l'Eglise ;
pourquoi les aurait-on dé|)ouillés do leurs
dignités ? Une eireur innocente à laquelle
un homme a renoncé dès qu'il l'a connue,
ne peut pas l'empêcher de devenir un saint :
tel a été sans doute le cas de Dictinnius.
8* Enfin, on a condamné dans les priscil-
lianistes, dit notre auteur, la doctrine de
saint Augustin ; selon ce Père , l'homme est
déterminé invinciblement au mal par la cor-
ruption de sa nature, ou au bien par l'action
du Saint-Esprit. A la vérité cette doctrine
ôte à l'homme la liberté d'inditférence, ce-
pendant elle a été solennellement approuvée
par l'Eglise ; ainsi saint Léon, en réfutant
les prisciliianistes, ne s'est pas aperçu qu'il
réfutait saint Augustin. (]ette calomnie des
protestants et de quelques autres liérétiques
a été mille fois réiutée; jamais saint Augus-
tin n'a dit que l'Iiomme était invinciblement
déterminé à une bonne ou à une mauvaise
action ; il ne s'est servi du mot invinciblement
qu'en parlant du don do la persévérance fi-
nale qui renferme la mort en état de grâce;
un lionmie peut-il encore résister à la grâce
après sa mort? Le saint docteur a rejeté la
liberté d'indillerence, prise dans le sens des
pélagiens, pour un penchant égal au bien et
au mal, i)our une égale facilité de faire l'un
ou l'autre par les seules forces du libre ar-
bitre. Tout catholique la rejette dans ce sens.
Mais deux pouvoirs réels et deux pouvoirs
égaux ne sont pas la môme chose, saint
Léon n'était pas assez ignorant pour s'y
tromper.
Puisque le priscillianisme a subsisté en
Espagne pendant près de deux cents ans,
qu'il y a causé des disputes et des troubles,
qu'enfin ceux qui y étaient tombés sont re-
venus à l'Eglise, les Pères, tels cjue saint Jé-
rôme, saint Ambroise, saint Augustin, saint
Léon, Paul Orose qui vivait en Espagne, les
évêques du concile de Brague tenu l'an 50.3,
ont été ceitainement très à portée de le con-
naître; il nous paraît que leur témoignage
est d'un tout autre jjoids que les conjectures
et les visions des critiques protestants. Ceux-
ci d'ailleurs ne s'accordent point dans le ju-
gement qu'ils portent de ces anciens héréti-
ques. — On voit par la lettre que nous avons
citée de saint Léon à Turibius, que cet évê-
que espagnol l'avait averti de la renaissance
du priscillianisme en Espagne; ce même évo-
que en connaissait si l)ien les erreurs, qu'il
les avait exposées et rangées en dix-sept
articles, sur chacun desquels saint Léon fait
des réflexions. Aujourd'hui l'on vient nous
dire que nous ne savons pas certainement
quelles étaient les erreurs des priscillianis-
tes, parce que nous n'avons plus leui s livres;
qu'aucun ancien historien ne nous a fidèle-
ment exoosé leur doctrine. Que manquait-il
donc à l'évoque Turibius pour la connaître,
et qnel motif pouvait-il avoir de ne pas
l'exposer exactement à saint Léon?
En parlant de l'horreur qu'inspire aux
évêques des Gaules, et surtout à saint Mar-
tin, la conduite des accusateurs de Priscil-
lien, Mfisheim dit (|ue les chrétiens n'avaient
point encore appris que ce fût un acte de
piété et de justice de livrer les hérétiques
aux magistrats pour les faire punir : cette
doctrine abominable, continue-t-il, était ré-
servée pour les temps auxquels la leligion
devait devenir un instrument de despotisme,
de haine et de vengeance. Ce trait de mali-
gnité porte à faux, manque de ju.«tesse et
d'équité. 1° Longtemps avant la procédure
faite contre Priscillien, il y avait eu des lois
portées par les empereurs contre les héréti-
ques, en particulier contre les manichéens
et contre les donatistes, et plusieurs avaient
été punis. 2° Ce ne sont pas les évêques qui
avaient livré Priscillien aux magistrats, c'est
lui-même qui avait appelé dujugement des
évoques à celui de l'empereur; par le pre-
mier il aurait été condamné tout au plus à
être dégradé de l'épiscojiat et privé de la
communion ; par le second il fut condamné
à mort. 3" Il y a de la calomnie à insinuer
que l'on a livré aux magistrats toutes sortes
d'hérétiques ; cela n'a été fait (ju'à ceux dont
les erreurs ou la conduite intéressaient l'or-
dre jiulilic et le bien temporel do la société.
Or, telles étaient les erreurs des manichéens
et des priscillianistes. « Les princes ont
compris, dit saint Léon, que laisser h ces
sectaires la vie et la liberté do dogmatiser,
162S
PRO
PRO
1C2G
c'était dôtniiro toute honnêteté dans ies
mœurs, dissoudre tous les mariages, l'ouicr
aux pieds toutes les lois divines et iiuniai-
ues. » Epist. cit. ^i-°Oue signifie livrer les hé-
rétiques aux magistrats pour les punir? C'est
laisser aux magistrats le soin de juger si les
hérétiques méritent ou non d'être punis par
des peines afflictives; mais |)ar ectte expres-
sion perfide les pi'otestanls veulent l'aii'e en-
tendre (jue les évéques ont saisi les liéréti-
ques par violence, les ontcoiulamiiés à mort,
et les ont ensuite livrés pieds et poings liés
aux magistrats pour exécuter la sentence;
c'est ainsi qu'ils en imposent aux ignorants.
— A l'article saint LÉoiv, nous avons justillé
ce saint pape contre l(!s calomnies de Beau-
sobre, qui l'accuse d'avoir attribué aux ma-
nichéens et aux priscillianistes des erreurs
qu'ils ne soutenaient jjas, et des désordres
des(|uels ils n'étaient pas coupables.
PUISCILLIENS. Voy. Montamstes.
PKOHABILISME, PROBABILISTES. li y
a eu entre les casuites une dispute longue
et vive pour savoir quelle conduite ou doit
tenir entre deux 0|>inions plus ou moins
probables, dont l'une décide que telle chose
est permise, l'autre qu'elle ne l'est pas. Sur
ce point, comme sur plusieurs autres, l'on
a donné dans les deux excès. Quelipies-uns
ont soutenu qu'il est permis de suivre l'opi-
idon la moins probaiile, et ils entendaient
par opinion probaiile, toute opinion en fa-
veur de laquelle on pouvait citer au moins
le sentiment d'un docteur de quelque répu-
tation ; ils ont été ai^pelés probabilistcs. il
est aisé de voir que cette morale était ab-
surde et condamnable. D'autres ont [irétendu
que l'on ne peut, en sûreté de conscience,
suivre jamais une opinion, quel([ue probable
qu'elle soit; qu'il faut toujours prendre pour
règle une o[)inion certaine et incontestable;
on les a nommés antiprobabilistes. Autre
excès qui nous mettrait hors d'état d'agir
dans une inlinité de circonstances dans les-
quelles il faut nécessairement prendre un
parti, sans pouvoir ce|)endant sortir du doute
dans lequel on est tnucliant ce qu(^ la loi
prescrit. Le seul milieu raisonnable et le
seul approuvé par l'Eglise est qu'entre deux
o|iinions en faveur (lesquelles il y a des rai-
sons et des autorités, il faut, après un sé-
rieux examen, suivre celle qui ])arait la
mieux fondée, adn de ne pas s'exposer té-
mérairement au danger de pécher.
Mais il ne faut pas croire que tous les pro-
bdbilistes ont d<inni'' dans le même excès de
relAchement; plusieurs ont entendu i)ar opi-
nion probable, non celle en faveur de la(|uelle
on peut citer tout au plus une ou deux au-
torités, mais celle qui est appuyée sur des
raisons, et soutenue par un nombre de doc-
teurs graves et non sus[)ects. Le probabilisme
ainsi entendu a été le sentiment commun des
casuites de toutes les écoles, de tousles ordres
religieux et de toutes les nations; il y a de
l'entêtement à soutenir que ce sentiment
était une corrupion de la morale, un prin-
cipe de fausses décisions, un mo\ en d'excu-
ser et d'autoriser tous les pécheurs.
Cependant, en confondant le probabilisme
ainsi conçu avec le pro6«/>(//»-mc le plus re-
hV'lié, un a trouvé le moyen de persuader
aux ignorants et aux demi-savants que ce
dernier était le sentiment commun des seuls
casuites jésuites, îi l'exclusion de tous
les autres. C'est ce que Pascal a soutenu
avec tout l'esprit et tnul(^ la malignité |)ossi-
bk's dans les Lettres provinciales ; d'autres
se sont elforcés de prouver tout ce qu'il
avait dit, et l'on a écrit anq)lement pour et
contre ce fait, qui a ()aru l'oit im[iortant. Les
protestants n'ont ]ias manqué de venir à l'ap-
pui des accusateurs; en dernier lieu, Mos-
lieim a répété contre les jésuites tous les re-
proches qui loin- ont été faits (lar esprit de
cabale et de parti. Hist. cccle's., xvi' siècle,
sect. 3, i"-' part., c. 1, «^ 35 ; xvir' siècle, sect.
2, i" part., c. 1, § 35. Le traducteur a encore
eiicliéri sur l'original. Néanmoins l'un et
l'autre avouent que l'on aurait tort d'impu-
ter il tous les jésuites en général les maximes
erronées et les pratiques corromi)ues qu'on
leur a reprochées, que plusieiu-s de leurs
casuites ont enseigné le contraire. Ils con-
viennent que les adversaires de cette société
célèbre ont été plus loin (|u'ils ne devaient;
((u'ils ont exagéré les choses pour donner
carrière à leur zèle et à leur éloquence ; que
l'on a iiujuité à ses membres des principes
que l'on tirait par induction de leur doctrine,
et qu'ils auraient désavoués; que l'on n'a
pas toujours interprété leurs ex[)ressions
dans leur véritable sens; i[ue l'on a re|)ré-
senté les conséquences de leur système
d'une manière partiale et qui ne s'accorde
pas toujours avec l'exacte équité. Puisque
tout cela est vrai, pourquoi répéter encore
des accusations dictées par la haine et par
la malignité, et dont on est forcé d'avouer
rinjustic(;? Voi/. Casiistes.
PROCÈS. Jésus-Christ dit "a ses disciples,
Matth., c. V, v. 38 : Yous savez ce qu'il est
dit : On exigera œil pour œil et dent pour
dent : pour moi je vous dis de ne point résister
au mal (ou au méchant); tnais si quelqu'un
vous frappe sur une joue, tendez-lui l'autre.
Si quelqu'un veut plaider contre vous et vous
enlever votre robe, abandonnez-lui encore vo-
ire manteau. Saint Pavd a répété la môme
morale aux fidèles. 1 Cor., c. vi, v. 6. Parmi
vous, dit-il aux Corinthiens, un frère plaide
contre son frire, et cela par-devant les infidè-
les. C'est déjà un mal qu'il ij dit entre vous
des procès ; pourquoi ne pas plutôt soujfrir
une injure? pourquoi ne pas supporter %me
fraude? Les censeurs de l'Evangile ont
blâmé hautement cette morale : elle défend,
disent-ils, la juste défense de soi-même; s'il
fallait l'observer, la société ne pourrait sub-
sister.
Plusieurs Pères de l'Eglise ont pris à la
lettre les paroles de Jésus-Christ et de saint
Paul; Athénagore, Légal, pro Christ., cl,
dit aux païens : « Non-seulement nous ne
nous défendons pas contre ceux qui nous
frappent, et nous n'intentons point de pro-
cès à ceux qui nous enlèvent notre bien,
mais nous avon$ appris 'à tendre l'autre
lfi-27
PRO
PRO
1G28
joue, etc. » Lactance, Divin. Instit., 1. vi,
c. 18, n. 12; saint Basilo, Epist. ad Amphil.,
can 55; saint Grt'goirode Nazianze, Oral, à,
soutiennent que c'est un précepte rigoureux
pour un chrétien.
fia beviac, occupé à chercher dê.s erreurs
de morale dans les Pères de l'Eglise, sou-
tieut que c"en est ici une irès-grave; il leur
reproche de n'avoir p is pris le sens des pn-
rolr.i proverbiales de Jésus-Christ, et d'avoir
ainsi condamné la juste défense de soi-même.
Pdui- justitier sa censure, ce -rand moraliste
a' irait dû nous montrer d'abord en quoi son
objection est mieux fondée que celles des
incrédules, ensuite nous donner le vrai sens
des [laroles piét -ndues proverbiales de Jé-
sus-Christ. Puisqu'il n'a fait ni l'un ni l'au-
tre, nous sommes obli^;ïés d'y supi)léer, de
faire voir que le Sauveur, ni saint Paul, ni
les Pères, n'ont pas tort.
Dans quelles circonslances Jésus-Christ
parlait-il a ses disciples? il leur dit : L'heure
vient à laquelle quiconque vous ôtera la vie
croira faire une œuvre agréable à Dieri [Joan.
XVI, 2). Heureux eeux qui souiïrent persécu-
tion pour la justice, parce que le royaume des
deux est à eux. Vous serez heureux lorsque
vous serez persécutés à cause de moi, etc.
[Matth., v, 18). De quoi aurait-il servi aux
premiers fidèles, de | oursuivre la réparation
d'un tort ou d'une injure par-devant les ma-
gistrats déterminés à les mi Itre à mort ?
Leur patience poussée jusqu'à l'héroïsme
devait être une des preuves de la divinité
du christianisme, et un des attraits les plus
propres à gagner les païens; c'est ce que
l'événement a démontré. Cette p;,tieiice était
donc un devoir rig ureux pour les apôtres
et pour les piemicrs chrétiens ; les paroles
de Jé>.us-<'hi'ist ne sont pas plus proverbia-
les que celtes de saint Paul. Alhénagore n'a
donc pas eu tort de les prendre à la lettre
en faisant l'apologie du christianisme au tri-
bunal des magistrats.
La leçon que l'Apôtre faisait aux Corin-
thiens n'était |!a> moins sage. S'ils n'avaient
lias le courage de supporter un tort ou une ui-
jurede lapartde leurs frères, comment pou-
vait-on es])ér(r qu'ils souffriraient patiemment
les outrages et l'injustice des persécuteurs?
Quelle idée ceux-ci pouvaient-ils concevou-
du christianisme, lorsqu'ils voyaient parmi
les chrétiens le même défaut de charité, les
mêmes fraudes, les mêmes vengeances que
parmi les païens ? A la vérité, lorsque i.ac-
tance, saint Basile et saint Grégoire de Na-
zianze ont écrit, les choses étaient changées,
le christianisme était dominant, mais il res-
tait encore des païens à convertir ; les ca-
thol ques étaient exposés à la persécution des
ariens; les Pères avaient donc encore de iiès-
lionnes raisons derépélerauslidtdesles leçons
de l'Evangile, sans entrer dans le détail des
ditlérents cas dans lesquels les procès peu-
vent être excusés ou blâmés. Aujouruliui
môme il est très-vrai de dire en générai (pie
tout procès est ou un crime ou un malheur,
un combat dangereux pour la vertu ; qu il
est bifcû difficile de plaider sans que la pas-
sion n'y entre jjour quelque chose ; que tout
plaideur d'inclination est une peste pour la
société ; qu'ordinairement il vaut beaucoup
mieux soutï'rir un dommage ou une insulte
que d'en poursuivre la ré|taration par un
procès. Les magistrats les plus sages, les ju-
risconsultes les plus habiles sont en cela de
iiiêine avis que les théologiens et les mora-
listes. Voyez Défense de soi-même.
PPiOCESSION, marche solennelle du cler-
gé et du pe pie, qui se fait dans l'intériiiir
de l'église ou au dehors, en chantant des
hymnes , des psaumes ou des Htanies. Les
processions peuvent avoir tiré leur origine de
l'ancien usage dans lequel étaient les évé-
ques de célébrer le service divin, nm-seule-
ment dans leur église cathédrale, mais en-
c ;re dai'S les autres églises de la ville éjii-
scopale, surtout au tosdieau di'S martyrs le
jour deleurfète ; ils . allaient en procession,
suivis du clergé et du [leuple ; c'est ce (|ue
l'on nommait aussi station. De même lors-
que l'ovêque devait célébrei- dans l'église
cathédrale, le clergé des autres églises y
allait en procession avec le peu|ile pour assi-
ster à la messe |iontilicale. Il est donc hors
de proposée chercher l'usage des j^rocessions
rians le paganisme, comme ont voulu faire
certains cfiti([ues jilus malicieux qu'insruits.
L'histoire sainte nous parle des marches so-
lennelles qui se sont faites pour tiansporter
l'arche d'allianced'unlieuà un autre; c'étaient
de vraiGS processions. Les chrétiens hrent de
môme à la translation des reliques des mar-
tyrs; il est parlé dans Vllistoire ecclésiastique
de Théodoret, I. ui, c. 10, d'une procession
célèbi e qui se lit l'an 362, lorsque les it;4iques
du martyr saint Babilas furent transportées
du faubourg de Daphné dans l'église d'An-
lioclie, et de laquelle l'empereur Julien fut
très-irrité. Dans la suite on a fait des pro-
cessions pour rappeler aux lidèlcs le souve-
venir des voyages du Sauveur dans la Judée,
pour implorer la miséricorde divine daiis des
tem|)s de calamité, pour demander à Dieu
quelque grâce particulière ; telles sont les
processions des rogations, dujubilé, etc. Voy.
LiTAMES. Le P. Lebrun, /i'.r/;/(c. des céréni.
de lu Messe, t. J, p. 85, a parlé fort au long
decelle qui se fait le dimanclie avant la messe
dans la plupart des églises. Les plus célè-
bres dans toute l'Eglise catholique sont au-
jourd'hui celles du Saint- Sacrement, le iour
et pendant l'octave d.' la Fête-Dieu.
Dans les siècles passés, lorsque les mœurs
étaient grossières et la piété [leu éclairée,
il se commettait dans certaines processions
des indécences ; l'on y voyait des specta-
cles liès-peu propres à exciter la dévotion.
Cet abus avait tiré son origine de la repré-
suntaliou trop naïve de nos mystères, qui se
faisait souvent les jours ue fêtes. Peu à peu
les évoques sont venus à bout de les suppri-
mer jiartuui ; mais ce n'a pas été sans éprou-
ver de la résistance de la part des peuples.
Voy. FÊTE.
PROCESSION DU SAINT-ESPRIT. Voy.
Sain i-i'.si'Kiy.
PROCHAIN. Ce terme dans l'Ecritire
1629
FBO
l'IW)
1030
sainte signitic quelquefois un proclio parent,
d'antres fois un liojnme du niûnie pays, de la
même lril)u; souvent il (Ji^si^nt- un voisin ou
an ami. Mais loi'Si(no Dieu nous coniniande
d'aimer \o prochain comme nous-iuèmcs, il
veut quenous ayons delabifnveillance pour
tous les iioinmes sans cxfe|ition, ctiiue nous
leur fussions du bien. C'est ainsi q;ie Jésus-
Christ l'a expliqué par la paroi;' liu Samaritain
charitable, Luc, c. x, v. 30. Cela n'empê-
che pas ((u'il ne {)iiisse y avoir de bonnes
raisons de faire du bien par préférence h
ceux qui paraissent le mériter le mieux. Foj/.
Awoeil DU lUlOCHAIN.
PUODKilî, événement surprenant dont on
ignore la cause, et que l'on est leiUé de re-
garder lonmie surnaturel. Il y a dans les
Mémoires de l'Avddémir des Inscriptions ,
t. VI, in-12, p. 70, dos réllexions très-sensées
sur les prodiges rapportés par les écrivains
du paganisme. L'auteur , (jui n'était rien
moins que crédule, en distingue de deux
espèces : les uns sont des faits qui ne peu-
vent avoir été firoduits par aucune cause
physique, et que l'on serait forcé d'attri-
buei' à ro[)ération de Dieu ou à celle du dé-
mon, s'ils étaient bien constatés. Mais aucun
de ces faits n'est snflisamment attesté, aucun
n'est rapporté par des témoins oculaires;
ce sont sim))lement des bruits adoptés par
la crédulité des ])euples, et que les histo-
riens n'ont jamais [irétendu garantir. Les
autres, qui sont mieux prouvés, sont des phé-
uomènes natunds, mais qui ont été regardés
comme miraculeux, parce que l'on n'en
connaissait pas la cause, et que l'on n'était
pas accoutinué îi les voir. En effet, ces pro-
d/gr* prétendus se réduisent, 1° à des pluies
extraordinaires, comme des pluies de pier-
res, (le briques, de torre, de cendres, de
métaux, ou couleur de sang ; et ce sont des
faits naturels , causés par l'éruption de
quelque volcan: l'auteur le prouve par plu-
sieurs exemples anciens et modem' s ; 2° k
des nrw'féores aperçus au ciel tels que les au-
rores boréales, les feux noctu: ne^, itc. Ces
phénomènes n'ont aujourtl'hui plus rien
d'etîrayaut, depuis que. par une savai.te théo-
rie, l'on en a découvert la cause ; mais autre-
fois l'on ne mam^uaii jamais de les envisager
eomme des signes de la c(dère du ciel, (jui
annonçaient (luelque malheur extraordinai-
re, et le peuple le croit encore ainsi.
C'est donc fort mal à propos que 1 s incré-
dul(!s veulent laiie une compaïuison de ces
prétendus prodiges avec les miracles qui
sont ra|)(iortés dans ['Histoire de l'oiicien ou
{ÏMiiouveau l'fslainent,o\i pai' les écri^'ains ec-
clésiasti -ues. Ceux-ci sont ordinairement at-
testés pardes témoins oeulaires ou pnrdes mo-
numents authentiques qui ne laissent aucun
doute sur la réalité de ces faits, et ils sont de
telle nature que l'on ne |)eut les attribuer à
aucune cause physique. Ils ont été opérés
d'ailleurs dans des circonstances où ils étaient
nécessaires pour intimer aux hommes les
volontés de Dieu, pour leur imposer de nou-
veaux devoirs, pour établir un nouvel or ,ro
de choses ; et l'ettet qui en est résulté leur
servira d'attestation jusqu'à la lin des siècles-
lUen de semblable n'a eu lieu à l'égard des
prodiges de l'antiquité païenne.
L'auteur de ce lui'uioiro 'e terruine par
une rétlexion tiès-sage, et iiue l'on ne peut
remettre trop souvent siuis le-; yeux d(!s in
crédules, a La i)hil<isophi(î mo crne, dit-il,
en même temps qu'elle a éclairé et perfec-
tionné les esprits, les a néanmoins rendus
quelquefois trop dogmatiques et trop décisifs.
Sous prétexte de ne se rendri- qu'à l'évidence,
ils ont cru pouvoir nier l'existence de toutes
les chuses qu'ils avaient peine à concevoir,
sans faire réflexion qu'ils ne devaient nier
que hs f.iits dont l'impos-ibilité est évidem-
ment démontrée, c'est à-dire (lui impliquent
contradidion Le paili le plus sage,
lorsque la vérité ou la fausseté d'un fait qui
n'a rien d'impossible en lui-même n'est pas
évidemment démontrée, serait de se conten-
ter de le révoquer en doute, sans le nier
absolument. Mais la suspension et le doute
ont lou.>Jurs été et seioiit toujours un ét.d
violent pour le commun des lionmK'S, même
pour les philosophes. La même paresse
d'esprit qui porte le vulgaire h croire les faits
les plus extraordinaii'es sans preuves sudi-
sanles, [)roduit un cH'et tout contraire dans
les philosophes, llspreniient /e parti de nier
les faits les mieu'i prouvés, lorsqu'ils ont
quelque iieine à les concevoir, et cela pour
s'épargner la peine d'une discussion et d'un
examen fatigant. C'est encore par une suite
de la même disposition d'esprit, qu'ils all'ec-
tent de l'aire si peu de cas de l'étude des
faits ; t de l'érudition. Us trouvent bien plus
conmiode de la mépriser ((ue de travailler à
l'ac pjérir , et ils se conlentent de fonder ce
méjiris sur le peu de certitude qui accompa-
gne ces connaissances, sans penser que les
objets de la plufiai't de leurs recherclus phi-
loso|)hiques ne sont nullement susceptiljles
de l'évidence mathi'matique, et ne donne-
ront jamais lieu qu'à des conjectures plus
ou moins probables, de même genre (pie
celles de l.i ciiti(iue et de l'histoir'e, et pour
les(|uelb s il ne taut pas une plus grande sa-
gacité que pour celles q i servent à éclaircir
l'antitiuité. D'ailleurs ils devraient faire ré-
tlexion que, pour l'intérêt même de la ph^-
si()ue, et peut-être encore de la métapiiv si-
que, il importerait aux iihilosophes d'être
instruits de bien des faits ià|)portés par- les
anciens, et des opinions qu'ils ont suivies.
Les hommes ont eu à peu près autant d'es-
prit dans tous les temps; ils n'ont dill'éré que
par la manière de rem[)loyer ; et si no-
tre' siècle a acquis une méthode inconnue à
l'antiquité, comme le prétendent quelqires-
uns, nous ne devons pas nous flatter d'avuir
donné par là une élendue assez grande à
notre esprit, pour qu'il doive absolument
mépriser les connaissances et les réflexions
de ceux qui nous ont précédés. » Voy. Mi-
HACLKS.
PROFANATION , PROFANE. Ces deux
termes vi, nneut de fanum, temple ou heu
sacré ; profanus signilie par conséquent ce
qui est h ^rs du lieu: sacré, ce qui n'est point
1651
PRO
PRO
1652
ï
destiné au culte de la Divinité : quand il est dit
d'un liomme, il désigne celui qui n'est pas ini-
tié aux mystères, celui qui ne les connaît pas.
Profaner une cliose sainte, c'est en faire un
usage qui n'a plus de rapport au culte de Dieu.
Ainsi l'on profane une église lorsqu'on y
commet un crime, ou que l'on s'en sert pour
des usages qui n'ont rien de respectaljle; on
profane les vases sacrés lorsqu'on les emploie
comme des vases communs ; c'est uneprofor-
nation d'abuser des paroles de l'Ecriture
sainte pour exprimer des obscénités ou pour
faire des opérations magiques, etc. Dans le
style des écrivains sacrés, un profane signi-
fie quelquefois un impie, celui qui ne lait
aucun cas des choses saintes ; ainsi il est dit
u'Esaii fut un profane, parce qu'il fit moins
e cas de la bénédiction attachée h son droit
d'aînesse que d'un potage de lentilles. On lit
dans le Lévitique, chap. xix, v. 7, que si quel-
qu'un mange de la victime d'un sacrifice le
troisième jour, il sera profane et coupable
d'impiété. Dieu voulait que la chair des vic-
times fût mangée promptement, afin qu'elle
ne fût pas exposée à se corrompre. Voyez
Sacrilège.
PROFESSEUR DE THÉOLOGIE. Voy.
Théologie.
PROFESSION DE FOI, déclaration publi-
que de ce que l'on croit : lorsqu'elle est cou-
chée par écrit, on l'appelle aussi symbole ou
confession de foi. Voyez ces mots. L'Eglise
n'admet personne à recevoir le baptême sans
qu'd ait fait sa profession de foi ; lorsqu'on
bu|itise les enfants, les parrains et les mar-
raiu'S la font au nom du baptisé ; on l'exige
encore des hérétiques qui veulent se ré-
concilier à l'Eglise. La plus ancienne profes-
sion de foi que nous connaissions est le sym-
bole des apôtres. Aux mots Arianisme, Ariens,
nous avons remarqué la multitude des pro-
fessions ou confessions de foi dressées par
ces hérétiques, sans qu'ils aient su jamais
se contenter d'aucune et s'y fixer : il en a
été de même des protestants ; nous en avons
cité au moins tlouze ou quinze : l'Eglise ca-
tholique, plus constante dans sa croyance,
conserve encore aujourd'hui le symbole de
Nirée, qui n'est que le développement decelui
des apôires.
PROFESSION RELIGIEUSE. Voy. Voeu.
* HiOGRÈS (DocTRiNF. Dii). Au mot Cuoïances
CATHOLIQUES (progi'ès dcs) nous avons exposé coni-
meul le tlirislianisiiie oiUcnd le progrès. Nous nous
contentons de rapporter ici l'appréciation que les
Conférences de Sainl-Fiour ont faite de la doctrine
du progrès. > Le mot progrès, grammaticalement
pris, signilie changement de place, mouvement en
avant ; ce mot, applique aux vérités révélées elles-
mêmes, n'aurait donc de sens qu'autant que ces vé-
rités seraient mobiles, changeantes. Or, le mot de
vérité, à lui seul, implique l'uninutabilité, parce que
la vérité repose sur l'essence des choses qui e>t im-
muable; mais, déplus, l'origine divine des vérités
révélées leur imprime un caractère nouveau d'immu-
tabilité en les marquant du sceau de rintelligence et
de la véracité infinies. Prétendre que ce qui est re-
connu vrai par la raison humaine peut cesser de l'ê-
tre et devenir faux, c'est nier la réalité de l'objet
méoie qui est reconnu vrai, ou plutôt l'exisieuce de
la certitude dans la raison humaine. El toutefois, i"
faut bien admettre que, si ce qui est vrai ne peut ja-
mais cesser de l'être, il est tout un ensemble de con-
naissances dans les sciences morales et physiques,
qui, étant fondé sur l'expérience, peut et doit gran-
dir avec elle; mais affirmer que les vérités reconnues
révélées peuvent changer ou même être complétées
par l'esprit humain, c'est d'abord leur ôter leur litre
de révélées, puisque, élaborées de nouveau par l'in-
lelligence de l'homme, elles ne seraient plus l'cruvre
de Dieu, mais la siemie et le produit de son esprit;
c'est ensuite assujettir l'intelligence divine au con-
trôle de la nôtre ; c'est dire que le sob'il peut em-
prunter sa lumière aux rayons qui émanent de lui.
Mais, en outre, on ne peut pas dire du christianisme,
comme des sciences morales et surtout physiques,
dont l'expérience perfectionne les théories en ajou-
tant incessamment aux données sur les(iuelles elles
portent, que ses enseignements peuvent aussi être
plus étendus ou mieux adaptés aux besoins variables
do l'humanité, à ses différents âges ; car, 1" Il fau-
drait montrer que quelque chose manque au chris-
tianisme, indiquer les développements, les nioilifica-
tioiis que l'on voudrait y faire, et faire voir que ces
développements el ces modificalions seraient un per-
fectionnement véritable ; or, c'est ce qu'on n'a pu
faire après de bien longs et de bien durs travaux. Le
génie n'a pas manqué à l'ouvre ; des siècles lui ont
été donnés pour l'accomplir, et tout cela n'a servi
qu'à démontrer l'impuissance absolue de l'homme à
perfectionner l'œuvre de Dieu. 2° Cette impuissance
résulte encore, non-seulement du fait de l'origine di-
vine du christianisme, mais de sa perfection intrin-
sèque, que la publicité de sa doctrine et l'application
qui en est faite depuis son origine à toutes les scien-
ces et à tous les intérêts pratiques de l'humanité,
rendenl évidente, et pour ainsi dire palpable. Quel-
que diflërence que puissent établir entre les divers
âges des sociétés le mouvement des idées et I«s chan-
gements qu'il détermine dans les imeurs, il n'y aura
rien à modifier dans les vérités révélées pour les
adapter aux besoins respectifs des temps ; il suftira
d'en modifier l'application selon ces besoins mêmes.
l^e mol proyrcs appliqué aux vérités révélées elles-
mêmes n'a donc pas de sens; maiss'agil-il de la con-
naissance de ces vérités, du mode de les exposer et
de les défendre, il est admissible, il est nécessaire.
I Pour résoudre cette question, distinguons avec
soin deux choses bien dilférentes, et que néanmoins
on confond souvent, savoir, 1° l'exposé des preuves
qui établissent la divinité du christianisme, et de la
société ([ui en a le dépôt, et encore des différentes
vérités qu'il endjrasse; '2° la controverse. Eb bien!
nous disons de la première de ces deux choses qui
forme la partie positive et, pour ainsi dire, consti-
tuante de l'enseignement religieux, 1° qu'elle ne doit
pas changer pour le fonds des preuves, dont la force
repose a la lois sur les vérités mêmes qu'elles prou-
vent et sur les lois premières de notre esprit, immua-
bles comme ces vérités. Il en est de même, et pour
la même raison, du mode de les exposer. Il en est
un qui, les présentant dans leur point de vue le plus
lumineux, le plus en harmonie avec les lois premiè-
res el connnunes de notre esprit, est dès lors le plus
propre a y porter la conviction, et ce mode, on le
comprend, ne doit pas changer. Sans examiner s'il
a jamais été parfaitement compris et appli(|ué, il est
logique de penser qu'il a dû l'être, au moins dans ce
(juil a de plus essentiel, pour cela seul qu'il est fon-
dé sur la nature. On doit conclure de cela qu'il est
sage de tenir à la méthode reçue généralement jus-
qu'à évidence d'une amélioration à inlroiJuire. 2° Ce
que nous venons dédire, toutefois, doit être entendu
avec quchpie restriction; en effet, si la laison est la
même dans tous les hommes, dans ce (|u'elle a de
fondamental, il y a d'un homme à un homme, d'une
nation à une nation, d'un siècle enlin à un autre
1U53 PRO
siècle, des ilifforenccs accessoires iiuli'lininient mul-
tipliées et variables. Il suit de la que lelle preuve et
telle uiauière de présenter cette preuve, ex<;ellentes
pour un temps, pour un liuinme, pour une nation,
sont moins bonnes pour un anire teinps, poiii' un
autre honune, pour une aulre nalion; évideiuincnt il
faut tenir compte de ces ilillcrfuces. La seconde par-
tic de renseignement religieux est, avons-nous dil,
la controverse; à elle se rattachent tontes les con-
sidérations nui ont pour but de préparer les esprits
à écouter la démonstration proprement dite, et à eu
saisir la force : elle consiste donc principalement à
dissiper les préjugé's et à comballre les erreurs qui
obscurcissent ou atla(pieiit les vérités (pi'il appar-
tient à la démonstration d'établir. Or, évidemment
c'est à des erreurs vivantes, à des erreurs qui aient
cours dans les esprits, et m)n à des fantômes inuti-
lement évoipiés, qu'elle doit s'atlaijuçr, et cela avec
le genre d(î considérations et le mode de les présen-
ter (pii s'adaptent le mieux aux dispositions de ceux
à qui l'on a alfaire.
I Voici donc en quoi le progrès est admissible et
nécessaire dans le mode d'exposer el de? (U'Iendre les
vérités révélées : 1° la partie polémique de l'ensei-
gnement religieux doit être niodiliée dans son objet,
selon les erreurs et les préjugés essentiellement va-
riables qu'on a a détruire ; ït" la forme, soit de l'ex-
posé des vérités, soit de la polémiiiue proprement
dite, doit être mise en rapport avec les disposilions
des esprits, dans le choix des raisonnements, el plus
encore dans la manière de les présenter. Ces prin-
cipes semblent incontestables : pour prévenir l'abus
qu'on pourrait en faiie, qu'il sulhse d'ajouter que
Papprecialion des erreurs de son temps et des ten-
dances caractéristiques d'une époque ilemandent de
foites études; encore la prudence veut-elle généra-
lement qu'on attende, pour niaicher dans des routes
quelque peu nouvelles, qu'on y soit précédé par le
gros des hommes sages et compétents. 11 ne serait
guère moins dangereux de s'exposer trop facilement
comme le représentant du savoir et de lexpérience,
et de rejeter à ce titre toute modification nouvelle,
que d'introduire ces niodilicalions avant que l'utilité
en soit bien établie. Cela posé, l'histoire de l'ensei-
gnement chrétien à tous les âges vient confirmer la
vérité de ces principes dont il n'a été qu'une exacte
application. I"A mesure que des ericurs surgissent
et se répandent, apparaissent des réliilations qui
prennent bienlot place dans les auteurs clémenlaires,
pour disparaître a leur tour et faire place à une con-
troverse nouvelle. De toute cette partie de la théologie
il n'y a el ne peut y avoir de fixe que le lien de fa-
mille (|ui unit toutes les erreurs. 11 est bon, toute-
fois, de mettre toujours ce lien en évidence ; c'est le
meilleur moyi-n de bien entendre la nature des er-
reurs nouvcili's, et de donner à leur réfutation plus
de prohindeur et de solidité. Ce point est trop clair
pour nous y arrêter davantage, i" Ce (|iu; nous avons
à dire sur ia forme de la polémique mérite plus de
dévelop|iemeiils.
« Pour se former une idée des progrés que nous
présente l'hisloiie de la polémique dans ses formes,
il siiilil de prendre pour terme de comparaison, d'une
part, les meilleurs ouvrages de l'anti(piiié chrétienne
contre les liéi'eti<|ues, ceux de Tertiilllen, par exem-
ple, ou de S. Augustin, et d'autre part, les écrits que
Bossuet cl iNicole ont putiiiés contre les protestants
loucliant l'autorité de 1 Eglise. Les premiers, supé-
rieurs, il qiielipies égai-ds, aux seconds, leur sont
inférieurs sous le rapport de la précision et de la
clarté du langage; la pensée se reproduit dans ceux-
ci sou> des formes plus rigoureusement déterminées :
on remanpie le même progrès dans des ouvrages
modernes ipii traitent la question de l'autorité en
général. Cela doit paraître d'autant plus naturel que,
suivant l'opinion commune, notre langue philosophi-
que, moins variée qtie celle des anciens, la surpasse
PRO
tG34
par son caractère éminemment logique ; avantage
qui vient en partie de ce qu'elle réunit et lixe,
sous certains mots fondamentaux, des groupes d'i-
dées autrefois flottantes dans les périphrases arbi-
traires, et aussi de l'ordre des mots dans la phrase
ipie le christianisme a rendu plus analogue it l'or-
dre intrinsèque des idées, par cela même qu'il a dé-
truit toute erreur et enseigné toute vérité morale.
Ce (pie nous disons de l'expression des id(>es s'ap-
plique également à la méthode qui les combine. Le
génie greco-roinaiii des Pères a une marche moins
régulière que le génie catholique des temps moder-
nes, et semble avoir retenu dans sa course plus de
cette liberté propre au génie oriental, source primi-
tive du grand fleuve des conceptions humaines. Les
Pères apparlenaient ou louchaient à celle époque où
ranti(|ue Orient, apparaissant avec toutes ses doc-
trines sur la scène du monde occidciital, y modifia
sensiblement l'état de l'esprit humain. Le génie mo-
derne au contraire s'est |iréparé lenlemeiU dans le
gymnase de la scolastiipic du moyen âge. Si cette
première éducation lui n communiqué une disposi-
tion à une sorte de rigorisme logique qui giiie la
puissance et la liberté de ses inouvemenls, il a con-
tracté aussi, sous celte rude discipline, des habitu-
des sévères de raison, un lad admirable pour l'or-
donnance et récoMomie des idées, une supériorité
de méthode dont les trois derniers siècles portent
pai ticulièrement l'empreinte. C'est une époque bien
remarquable de l'espril humain que celle qui produi-
sit les Erigéne, les Abeilard, les S. .\nseluie, les
Guillaume de Paris, les S- Tliomas d'.\quin, les S.
Bonavenlure ; mais les travaux de cet âge dillèicnt
essentiellement de ceux des premiers siècles. Les
grands esiu'its du moyen âge, au lieu de s'occuper à
prouver le christianisme que personne n'atl.iqiiail,
cherchaient à construire une science concordanl cs-
senliellement avec la loi catholique, en saisissant
l'harmonie de toutes les vérités.
« Luther donne le signal d'une ère nouvelle. 15os-
siiet, marteau des protestants, les écrase; avec lui
Nicole et Pélisson, par la force irrésistible de leur
logique, les poussent ;i leurs dernières consé([iieiiees.
Au secours du protestantisme accourt la philosophie
du xviii= siècle. J.-J. Kousseaii et Voltaire renou-
vellent contre le christianisme les mêmes objections
qu'avaient faites les philosophes des premiers siècles.
Bergier, Nonnote, Bullet et Guiinéc les réfuient en
reproduisant les preuves que les Pères avaient oppo-
sées aux philosophes de leur temps, mais conformé-
iiient au caraclère de l'esprit moderne, sous des for-
mes plus logiques, plus précises et plus rigoureuses.
« La logique et l'érudition de trois siècles ayant
ainsi préparé les voies, il est impossible que de ce
grand travail il ne sorte pas un nouveau développe-
ment de la vérité. Tous les poiiiis de la doctrine ré-
vélée ont passé par le crible du raisoiiueineut et
de l'expérience, et le raisonneinent el l'e.xpêrien-
ce les ont entourés d'un éclat nouveau. Du grand
ouvrage est à la'ire, qui résume tous ces tra-
vaux, qui fasse refluer toutes les eaux des connais-
sances humaines vers leur source divine, qui réu-
nisse les mille voix de la science en un concert im-
mense de louanges à Dieu el à son Christ. Quel que
soit le lemps où celle œuvre sera accomplie, le
clergé a la sienne, el celte œuvre est belle et pres-
sante à la fois. Autour de lui tout s'agite d'une in-
croyable ardeur de savoir. Qu'il s'inspire de la subli-
mité de son caractère el de sa mission ! Que chacun
de ses membres s'efforce de faire fruclilier le talent
qu'il a reçu, el alors d injustes reproches tomberont,
el rien ne manquera a la milice sainte pour la con-
quèle du inonde, lorsque chacun sera prêt a y mar-
cher avec la triple armure de la foi, de la science et
de la vertu. »
« Tel est lesprit humain, ajouterons-nous avec M.
Newmaii, qu'il ne saisit pas immedialement une idée
1635
PRO
PRO
d636
sous toutes ses faces, et im-nie plus elle a d'étendue
et de profondeur, plus il sent que sa débile inluilion
a besoin des secours de la réflexion et du temps. Ce
qui est vrai d'une idée est bien autrement vrai d'une
doctrine, c'est-à-dire d'un ensemble d'idées dont il
faut voir les aspects divers, les applications variées,
et <Ionl la valeur et la portée précises n'apparaissent
jamais si bien qu'au milieu des contradictions et des
épreuves <|uc le temps fait subir à tout. De plus, ce
qui est vrai d'une doctrine humaine est bien autre-
ment vrai, sous le rapport qui nous occupe, d'une
doctrine divine et mystérieuse : on peut délier qui
que ce soit d'arriver à l'idée du christianisme, sinon
par une succession de concepts, de vues, de propo-
sitions qui se prêtent une lumière et une foice ré-
ciproques, se corrigent et s'expliquent mutnellemcnt,
et concourent ainsi à représenter, d'une manière
plus ou moins exacte et intégrale, ce fait si com|)lexe,
qu'on nomme la religion chrétienne. L'humanité,
prise en masse, n'échappe pas ii cette loi d'un mou-
vement graduel dans la connaissance explicite de la
vérité. Placez-la, par supposition, en présence d'une
doctrine, elle ne peut tout de suite ni en appliquer
tous les principes ni en formuler toutes les consé-
(piences, parce qu'elle ne comprend et n'agit qu'avec
des forces collectives, dont chacune s'ébranle et ap-
porte son concours en vertu d'idées progressivement
acquises. Ce que l'humanité fait aussitoi, le voici :
elle proclame, avec une tranquille autorité, soit l'en-
semble, soit quelques détails de la doctrine reçue ;
vous en niez un point, elle l'aflirme contradictoire-
menl aprcs s'itre interrogée ; vous en faites des ap-
plications, elle les condamne ou les ratilie d'une
mani re expresse, après avoir examiné; et ainsi,
chaque jour, elle applique à des cas particuliers sa
croyance générale; elle arrive à une conscience plus
dinstincte et plus précise des choses qu'elle admet-
tait réellement, mais vaguement; elle réduit en for-
mules lises et nettes ce qui est la substance et l'àme
de ses convictions et le résultat de ses expériences.
L'avènement du christianisme n'a pas changé, en
ceci, la conililion naturelle de l'humanité : c'était
chose impossible, à moins de donner à l'humanité
tout entière une existence simultanée et de la préci-
piter iuunédiatemeni dans sa lin. Il résulte de là que,
a travers dix-huit si clés, l'idée du christianisme a
nécessairenieni reçu un développement quelcomiue,
si on la considère dans sa plus minutieuse exacti-
tude, et, s'il est permis de dire, dans les linéaments
qui en accusent à nos yeux les proportions et les
formes.
c Que les rationalistes se calment ; il n'y a rien là
qui doive les faire Iriompiier d'aise, comme il n'y a
rien non plus qui puisse alarmer les catholiques. Le
développement que nous admettons n'est pas de ceux
qui transformeul les doctrines, en les attaquant dans
leur essence, mais bien de ceux qui annoncent la
force et la fécondité d'un principe toujoi'is identique
à lui-même. Car, 1° le dogme catholique, considéré
objectivement, est tout d'une pièce, et il est sorti
des mains de Dieu, qui lui a donné pour mission de
conquérir le monde. Il a passé de la bouche de Jé-
sus-Christ sous la plume des apôtres et dans leur
enseignement oral, d'où il a continué sa marche, au
moyen de la parole et des écrits, pour arrive? pur et
intégre, sans rien acquérir ni lion perdre, jusi|u à
nous, hounnes du xix° siècle. Quand donc on dit
qu'il se développe, cela n'in liqi.e pas qu'd reçoive du
ciel quehiue vérité sUiiple.uenlaire, baui moins en-
core qu'il rainasse quelque idée, s'il y en a, sur le
chemin suivi par les opuiions buniaini'^ ; cela mar-
que simplement (|u'd lue de sa pl^'oiiudc un rayon
de sa lumière originelle, pour en frapper comme d'un
glaive l'erreur qui se diesse contre lui, ou bien pour
en répandre le salutaire éclat sur les consciences'qui
trcnddenl dans quelque obscurité. Ainsi, lorsqu'au
niilieu du m' siècle, à la suite d'une ccmtroverse en-
tre le pape saint Etienne et saint Cyprien, la validité
du baptême régulièrement conféré par les hérétiques
fut proclamée vérité de foi, il n'y eut ni conquête
opi;rée par l'esprit humain, ni nouvelle révélation de
Dieu, il y eut seulement exposition nette et authen-
tique d'une doctrine certainement acquise, mais que
l'enseignement commun n'avait pas mise en relief,
en un mot, l'on imposa la croyance explicite d'un
point resté jusque-là l'objet d'une croyance implicite.
2° Le développement de la doctrine et des pratiques
du culte, de quelque façon qu'il commence et se
proiluise, n'est réellement accompli que sous le con-
Iroie et paf l'autorité de l'Eglise. Nous pourrions
établir ici la nécessité d'un juge infaillible en matière
de foi ; nous pouriions faire voir qu'un livre ne s'ex-
pli(pie pas de lui-même quand il plait au premier
ven\i d'en fausser ou d'en nier le sens; qu'il laui une
magistrature vivante pour interpréter un code, sur-
tout lorsqu'il est étendu et profond comme l'Evan-
gile, et qu'eidin la nature même de l'acte de foi sup-
pose l'infaillibilité dans l'autorité qui le réclame.
Mais ce serait un travail superflu ; nous défendons
la tliéorie du développement doctrinal, non pas telle
que h's rationalistes voudront l'imaginer, mais telle
que les théologiens l'admettent et que l'histoire du
christanisme nous la montre appliquée. Or, lout le
momie sait que, selon les princq)es du catholicisme,
l'Eglise est la dépositaire et l'inlerprète infaillible de
la révélation et la gardienne incoi ruptible de la pu-
reté du culte. C'est seulement sous le bénéfice de
cette condition qu'il y a légitime et vrai développe-
ment. Ainsi une double assertion constitue la théorie
catholique du développement ; c'est que, 1° il se fait
graduellement une manifestation plus expresse de
la vérité révélée, et que, 2° cette manifestation doit
s'opérer et s'opère en eflet au nom et sous le contrôle
souverain de l'Eglise.
j C'est l'unanime enseignement des Pères que la ré-
vélation faite au premier homme, renouvelée par le
ministère de Moïse et des pro|ihètes, agrandie et dé-
veloppée par Jésus-Christ, recevra dans le ciel un
suprême accroissement ; que c'est toujours la même
vérité, la même lumière s'épanouissanld'uiie manière
progressive, en rayons plus étendus et plus brillants,
selon les conseils de Dieu et les besoins variables de
l'humanité. On comprend aussitôt que ces graves au-
torités ne peuvent des lors regarder la loi du dévelop-
pement doctrinal comme contradictoire à l'esprit du
christianisme. El, en effet, « le Vieux Testament, dit
un docteur, annonçait ouvertement le Père, plus obs-
curément le Fils ; le Nouveau Testament nous a
montré le Fils avec clarté, laissant dans une sorte
de demi-jour (subobscnrc quodummodo) la divinité
du Saint-Esprit. Mais maintenant le Suiùt-EsiM'it i^st
au milieu de nous, et il se découvre plus nettement
à nous. Car il n'était pas sage de prnmulguer la di-
vinile du Fils avant que celle du Père l'ut admise,
ni de surcharger, pour ainsi dire notre foi par la
doctrine sur le Saint-Esprit, ('e peur qu'une nourri-
ture trop abimdante, une lumière trop vive ne dé-
passât ce que nousavioris de loice.» (Greg. iNazian.,
Oral.li.) On connaît la docM'ine analugin! de saint
\incent de Lérins : « Gardicune vigilante et lidele
des dogmes qu'elle a reçus, jamais l'Eglise du Ciinst
n'y fait aucun changement, aucune suppression, au-
cune ad.lition Qu'a-t-ede voulu par les décrets
des conciles, sinon imposer une foi plus expresse en
ce qui d'abord était cru d'une foi moins expresse'?
sinon consigner par écrit ce que les anciens avaient
reçu de la tradition, présenter beaucoup de choses
en peu de mots, et faire comprendre un sens antique
par la propriété d'un terme nouveau! » (Vincent. Li-
rin , lib. contra profan. vomm novitut. Vid. ejusdem
Commonit., c. 27 etseqq.) Je pense qu'on ne pour-
rait guère s'exprimer plus énergiquement sur ce point
que ne l'i fait saint Grégoire pape : « Le Saint-Es-
prit, dit-il, instruit peu à peu son Eglise.» (Wo»"'- -'i
16,>7
PRO
in Ezechiel. C,(. Petav. de Im-Nnml., lih. xiv, eh. 2;
rf« Tn'Hi» , lib. Il, ch. 7.) Les j;raiuls thoologiiins
(ics lemps iiKidoriies, résimiaiit l<'s |>iMis(.'es des Pè-
res et siiiv;iiil les liaces dti leur illiisltc aïeid, saint
Thomas, oui Ibriiiulé avec pic eisiim la (loclrlno de
PEglise sur la (pieslioii prc^eiiie. Ils étahlissent trois
choses : la première, qu'l :i y a pas d'autre source
des vérités de foi ealhnliipie ipiela Kovélalioii ; la
seconde, «pi'il n'apparlieiit (|u'à l'Kglise de Irans-
nwltre, d'inlerprétei', do iléleriiiiiierct de définir ces
vérités; la troisième, que celte <leli(Mlii>n se produit
par un pio^res leiit, au fur et à luesiire des besoins
du peuple lidéle. < Il est avéré, dit l'un d'eux, que
l'on <roil niainleiiaut de loi explicili; des choses que
prèci'deinmeni on ne croyait pas ainsi, bien qu'elles
uissenl iinplicileinent coulernies dans la doelrine an-
tique... Beaucoup d'exeiiqiles pourraient cire appor-
tés en preuves, el cerl:iinement riii;lise a le droit de
faire de telles délinilions. Il n'est pas besoin en ce
cas d'une rcvélaiion nouvelle; il sullit de ras>is(auco
iulaillible du Saint-Esprit pour inlerpréier et rendre
explicite ce (jui était contenu dans la lévclalion d'une
manière senlenient implicite.» (Suarcz, De fuie, dis-
put. 2, scct. H. ('f. Bellarin., de rerbu Iki iinii scii-
plo, c. 9.) Puis l'écrivain l'ail voir qu'il exisie une
distinctiiHi ciilre les articles du symbole, proposés
des le conunenceuieul a la toi expliciie de tous les
ckl'élicll^, el les poinis de loi que les docteurs calho-
liques doivent c(uniaitre, exposo» el défendre en
raison des nécessités (|ue le temps aiiiènc. < Ainsi,
dil un autre théologien, ni les conciles, ni les souve-
rains Pouliles, ni les saints inteiprèies de lEcrilure
ne produisent îles choses nouvellement révélées;
mais ce que l'Eglise a leçu îles Apoires, ils le trans-
mettent pur et inl;gre, on bien ils l'inlerprelent et
rexpriinent,iui bien ils l'allirnicnt comme cunsequence
directe et nécessaire. > (Melch. Cano, de Lucis iheoL,
lib. XII, c. 3. CI'. Vasques, de Locis tlieol., disp. liJ.)
t Au surplus, quoique colle discussion soit bien
abri''gée, on peut la resserrer el la clore en quelques
mois : 1° l.a doctrine chrétienne admet-elle un dé-
veloppenienl'? Oui. Nous le prétendons, comme on
vient de le voir; les rationalistes le penseiil, puisqu'ils
le souliemient counuela thèse contre le catbolicisine.
2° En (pu)i consi.sie ce develoiipeuient '.' Dans une
simple expansion du dogme revoie, expansion qui se
fait sous le conirole iulaillible et par l'autorité de
l'Eglise. Cela sc^ prouve par la doctrine unanime des
théologiens et par l'idstoiie exacte de nos docliiae>.
5° Y a-t-il bien loin de ce développement ainsi entendu
et pratiqué à un rationalisme (|uelcou(|HK? Il y a
tout un monde. Pour les catholiques, la réivélaiion
exclusivement est la source des veriiés religicu-.es,
l'Ejjlise en est l'organe ; pour les lalionaiislos, l'or-
gain; et la source des vérités leligieu.ses, c'est exclu-
siveiiiCnl la raison. Pour les calholinues, la révéla-
tion est une manifestation extéiieuie et surnaiurelle
de Dieu; l'Eglise est une autorité extérieure et di-
vine; la lui, le tribunal, le juge, tout est place hm-s
des atteintes 'le l homme. Pour les ralioiialisies, la
raison est bien une manilestalion de Dieu, mais ma-
nifestation iiilinie el naturelle; par suile elle reste
auUuile iMleiieure, naluielle el, en deiinitive, hu-
maine cl imiividuelle; caria loi, le tribunal, le juge,
c'est la coiiMieiice de chaque homme qui joue a la
fois lous ces rôles. Il resulle de la que, pour les uns,
la vérité est objcciive dans son déveloiipenientcoiijnic
dans sa première apparition, et douée d'un mouvcniciit
régulier «pii eiiir.une et maintient les esprits dans
le plan d une incorruptible uiiilé, tandis que pour les
aulros elle e l, a lous égards el con^lanimeiit, siib-
jeclive el soumise a une mobilité qui la rend person-
nelle Cl variable. D un système a l'autie il y a donc
aussi li<in que du séjour lumineux d'où lut renverse
l'archange juM|u'aux profondeurs incommensurables
où il lomberait encore, comme dit le poète, si la
uiaio de Dieu ne l'avait retenu dans sa cliutc. i
PRO 1658
PROLÉGOMÈNES DE l'ÉCRFTlIHE SAIN-
TE. Voyez. Critiijiie sackée.
PROMESSES DE DIEU. Un des attributs
(lo la Divinité que rRcrituro saiiitt; nous in-
culque le plus souvent est la lidélité de
Dieu à tenir ses promesses, fidélité (ju'ello
expi'inie par le mot rériti'. C'est le sons des
passades où il est dit que la v&ité de Dieu
denniure é ernellement, qu'il juge avec justi-
ce et vérité, que la tuist'M'icorde et la véritti
se sont rencontrées, etc. Mais il faut se sou-
venir que les promesses de Dieu sont tou-
jours condilionnellcs, qu'ollos supposent que
nous f.'fons de notre part ce que Dieu exige
(in nous; illc déclare Ibniicllemeid, Ezech.,
c. xxxm, V. i'-i. Lorsque f aurai dit au juste
quil vivra, s'il vient à (aire le mal, je
ne me souviendrai plus de sa justice, il mour-
ra dans son iniqniié. Dans les écrits des pro-
phètes cl ailleurs, Dieu reproche souvent aux
Juifs qu'ils ont rompu son alliance : or celte
alHanci' consistait dans les promesses ipie
Dieu leur avait faites et dans l'obéissauce
qu'il exigeait d'eux.
Voilti ce que les juifs ne veulent pas rccon-
naîti'o depuis dix-stqjt cents ans, et c'est pour
cela qu'ils s'obstinent h espérer un autre
Messie que Jésus-Christ, tpi remplira dans
la plus grande exactitude et h la lettre les
promesses pompeuses que Dieu a faites k
leurs pères. Ces promesses, disent-ils, sont
absolues ; elles ne renferment aucune condi-
tion ; elles n'ont pas été accomplies après le
retour de la captivité de Bal», loue, encore
moins à l'avènement du Messie des chrétiens ;
donc elles le seront un jour par le Messie qui
nous est promis. En cela les juifs s'aveu-
glent volontairement. 1° Il est de la nature
même des promesses divines de renfermer
une condition, puisqu'il est absurde de sup-
poser que Dieu n' t aucun égard au mérite
des huinmes, qu'il destine bs mêmes bien-
laits aux justes et aux impies : cent fois
Moïse a dit aux Juifs tout le ctuitrairc ; et en
leur faisant de la part de Dieu les plus magni-
fiques promesses, il leur a fait aussi les me-
naces les plus terribles. 2° Ce sont eux-mê-
mes qui ont mis obstacle à laccora lisse-
ment parfait des prédictions concernant le
retour de la captivité d' Bab. lom-. Un grand
nombr • de Juiis ne voulurent pas proliter
de la lil>erté que Cyrus leur donn il de
retourner dans la Judé." ; la seule tribu de
Jutla, avec un- parti' ..e celles de Lévi ut de
Benjamin revinrent i-aus leur patrie ; les au-
tres se fixèrent sur les bords du Ti.^re et de
l'Euphrate. Ceux même «pu se réuiblirent
dans leurs anciennes poss'ss.oiis, iie firent
pas fort exacts à suivre leur loi ; on le voit
par les reproches d'Aggée, de Zacharie et de
Malacliie, par les livres d'Esdr is el des .Ma-
cliubées. 3° Ils conviennent eux-mêmes que
l'accompiisseiueat des promesses est retardé
<.epuis tiix-sept cents ans, à cause de leurs
pé hés ; pourquoi ne veulent-ils pas croire
qu'il a été diminué par la même raison"? i"
L'accomplissement de ces promesses, dans le
sens qu'ils leur donnent, serait absurde et
indigne de Dieu ; il exigerait des miracles
1659
PRO
PRO
1610
sans nombre, et tels que l'imagination la
plus folle peut à peine se les représenter.
La félicité qu'ils attendent sous leur Messie
est incompatible avec la constitution de la
nature iiumaine et avec la sagesse divine :
loin de contribuer au salut des juifs, elles ne
pourrait causer que Isur perte éternelle ;
ils se flattent de l'espérance de satisfaire
leur sensualité, de se venger de tous leurs
ennemis, de voir tous les peuples, deve-
nus leurs esclaves, arriver à Jérusalem des
extrémités du monde , etc. Jamais Dieu
n'a promis toutes ces absurdités. Voy. Pro-
phétie.
Nous opposons les mêmes raisons aux incré-
dules, lorsqu'ils nous objectent que Dieu n'a
tenu aucune des promesses qu'il avait faites au
patriarche Abraham, à David, à Salomon et
k leur postérité. Nous soutenons que Dieu
les a exécutées autant que la nature de ces
promesses le comportait , et que le méritait
la conduite de ceux k qui elles étaient faites.
Dieu prévoyait sans doute les obstacles qui
s'opposeraient à un accomplissement pluspar-
fait ; il n'a pas laissé de faire de grandes pro-
messes atin d'engager les Juifs à être plus
fidèles.
Il ne tenait qu'à Dieu, uisent les incré-
dules, de rendre les Juifs tels qu'il les fallait
pour que ces promesses fussent accomplies
dans toute leur étendue. Nous répondons
qu'il tenait aussi aux Juifs, puisqu'ils étaient
doués de liberté, et que Dieu ne leur a re-
fusé aucun des secours dont ils avaient be-
soin. Il est ridicule de prétendre que, pour
nous rendre heureux. Dieu doit tout faire
seul, sans exiger aucune correspondance de
notre part.
On peut nous objecter le psaume lxxxviii ;
Dieu y fait à David et à sa postérité de magni-
fiques promesses, et il ajoute : Si ces enfants
abandonnent ma loi et violent mes préceptes,
je les châtierai par des afflictions; mais je ne
leur ôterai point ma miséricorde, et je ne dé-
rogerai point à ma vérité, fi la fidélité de mes
promesses. Je l'ai juré à David par ma sain-
teté même, je ne le tromperaipoint, sa posté-
rité subsistera éternellement, etc. Dans ce
psaume néanmoins David se plaint que Dieu
a rejeté son Christ et rompu son alliance ; il
demande : Où sont donc, Seigneur, vos an-
ciennes miséricordes que vous m'avez promises
avec serment ? etc. Après la mort de ce roi,
à la seconde génération, les trois quarts du
royaume furent enlevés à sa postérité. —
Réponse. Si l'on veut lire attentivement ce
psaume, l'on verra que David fort alUigé use
d'exagération, soit pour étaler les promesses
du Seigneur, soit pour peindre ses peines,
et que toutes ses expressions ne doivent pas
être prises à la lettre. Il sentait lui-même
pourquoi il était aflligé, puisqu'il linit ses
plaintes eu bénissant Dieu qui le châtiait de
ses fautes. Quant à sa postérité. Dieu nous
fait remarquer que, pour punir le crime de
Salomon, il l'aurait entièrement privé du
trône, lui et ses descendants, mais qu'à
cause des promesses qu'il a faites à David,
il leur en conservera au moins une partie ;
/// Reg., c. XI, v. 13. Le mot éternellement
ne peut pas être pris à la rigueur lorsqu'il
est question des bienfaits temporels; il si-
gnifie seulement une longue durée.
La témérité des incrédules ne s'est pas
arrêtée là, ils prétendent que les promesses
faites dans le Nouveau Testament ne sont
pas mieux accomplies que celles de l'Ancien.
La royauté, disent-ils, et lit promise au Mes-
sie ; Jésus-Christ, qui s'est appliqué ces pré-
dictions, parle souvent de son royaume, ce-'
pendant il n'a pas régné. Il promettait à ses
disciples toutes choses en abondance; il leur
dit que tout ce qu'ils demanderont en son
nom leur sera accordé, que ceux qui croiront
enlui chasserontlesdémons et feront d'autres
miracles, qu'avec un grain de foi l'on pourra
transporter les montagnes; cependant nous
ne voyons arriver aucun de ces prodiges. Il
était venu, dit-il, pour délivrer le monde du
péché, et le péché n'a pas cessé de régner; il
était venu pour sauver tous les hommes, et
à peine y en a-t-i! un sauvé sur mille. 11
avait promis de préserver son Eglise de toute
erreur, cela n'a pas empêché qu'elle ne tom-
bât dans l'idohltrie, en adorant l'eucharistie,
les saints, leurs images et leurs reliques, etc.
On voit que co dernier reproche est em-
prunté des protestants; ce serait donc à eux
d'y répondre, et de faire voir aux incrédules
comment les erreurs qu'ils reprochent à
l'Eglise catholique peuvent s'accorder avec
les promesses que Jésus-Christ lui avait faites.
Mais les protestants ne se sont jamais mis
en peine de savoir si les reproches qu'ils
faisaient à l'Eglise romaine étaient autant
d'armes qu'ils mettaient à la main des enne-
mis du christianisme; c'est h nous qu'ils
laissent le soin de le défendre contre les mé-
créants de toutes les sectes.
Nous soutenons que Jésus-Christ a été et
qu'il est encore le roi et le législateur de
toutes les nations qui croient enlui, et qu'il
exerce sur elles un pouvoir souverain, plus
visible et plus absolu que celui de tous les
potentats de l'univers, il a si bien tenu pa-
role à ses disciples, que quand il leur de-
manda : Lorsque je vous ai envoyés sans ar-
gent et sans provisions, uvez-vous manqué de
quelque chose? ils lui répondirent : iVo«, Sei-
gneur {Luc, XXII, 35). Dans tous les temps
les saints ont rendu témoignage de l'eflîca-
cité de la prière, ils la connaissaient par ex-
périence. A la vérité le Sauveur a promis
que les croyants feraient des miracles en son
nom, mais il n'a pas dit que ce don serait
accordé à tous. Que les apôtres et les pre-
miers fidèles aient fait des miracles, c'est un
fait attesté d'une manière incontestable.
Voy. Miracle. Il ne s'est écoulé aucun siècle
pendant lequel il ne s'en soit fait dans
l'Eglise romaine. La hardiesse des héréti-
ques et des incrédules à les nier ne suffit
pas pour prouver que Jésus-Christ a manqué
à sa promesse. Quant au pouvoir de trans-
porter les montagnes, il suffit d'avoir du bon
sens pour comprendre que cette expression
populaire ne doit pas être prise à '* lettre.
1G41
PRO
PRO
16i2
' Jésus-Christ a véritablement délivré le
monde du péché , puisqu'il a donné et
donne encore à tous les hommes les secours
et les grAces nécessaires pour éviter tout
péché; et il sauve tous les lionuiies, puis-
qu'il fournit k tous les moyens de se sauver.
Exiger qu'il les sauve sans qu'ils correspon-
dent à la gnlce, et sans qu'ils usent des
moyens nécessaires, c'est une absurdité. Il
a promis d'être avec son Eglise et de la pré-
server d'erreur jusqu'hla consommation des
siècles; malgré les calomnies de nos adver-
saires, nous soutenons (pi'il l'en a jiréservée
en effet, et qu'il l'en jiréservera. L'accusa-
tion d'idol;Ur;e a été tant de fois réfutée,
qu'ils devraient rougir de la répéter encore.
Voy. Paganisme, § 11.
Quoi(|ue Dieu, en vertu de sa sainteté et
de sa justice, ne puisse manquer aux pro-
messes ipi'il a faites, il ne s'ensuit pas qu'il
doive exécuter de même toutes ses menaces.
Non-seulement il a promis de pardonner à
tout pécheur qui se repentira, mais il dit :
je ferai miséricorde à qui je voudrai (Exod.
xxxiu, 19). Lorsqu'il daigne pardonner au
pécheur le ]ilus indigne, il ne fait tort à per-
sonne, ses menaces mêmes sont une preuve
de bonté; s'il voulait toujours punir, il ne
menacerait pas, il frapperait sans en avertir.
* PROMULGATION. \mj. Loi, et surtout le Dic-
tionnaire (le Théologie morale.
PROPAGANDE. V. Missions étrangères.
' PROPAGATION DU CHRISTIANISME.
Voy. Christianisme.
* PnoPàGATioN DE LA FOI (CEuvrc de la). Sur ce
globe arrosé du sang de Jésus-Christ, il est encore
des niyriades d'hommes qui ne le connaissent pas,
et qui, comme autrefois nos pères, se prosternent
devant d'ignobles et stupides divinités, et se livrent
sans remords comme sans frein, à tous les mons-
trueux excès de l'état sauvage. Voilà ce qui reste à
gagner à l'empire de Jésus-Christ. Voilà la tâche im-
mense que s'est iuipos e et que poursuit sans relâ-
che VAssociulion pour la propngulion de la foi. Trois
moyens sont mis on onivre à celte lin : les missions,
les prières et une faible eontribulion pécuniaire.
L'association travaille à former et à secourir ces
hommes qui, favorisés d'une vocation sublime, s'en
vont porter la bonne nouvelle aux deux exlrémilés
du monde ; qui, sourds a ces deux mots si puissants
sur tout cœur d'bomino, famille et pairie, abandon-
nent généreusement le sol natal et le toit palcrnel
pour aller, à travers les périls des fleuves et les en-
nuis de la soliuide, chercher une nouvelle patrie,
se créer une nouvelle famille au delà des mers.
Tandis que ces hommes généreux combattent au
loin les combats du Seigneur, les associés les sou-
tiennent par la prière. Il n'est pas un missionnaire
qui ne réclame ce secours. Le plus illustre de tous,
saint François Xavier, écrivait du fond de l'Asie à
ses frères de Rome : t Je ne suis qu'un pécheur et je
ne mérite pas de servir d'mstrument aux miséricor-
des de Dieu sur les Imliens, cependant souvenez-
vous de moi dans vos pii-'ies, et je ne désespère pas
que Dieu m'emploie à piauler sa foi sur ces terres
idolâtres, i Les associés à l'ueuvre de ia Propagation
de la foi sont invités à dire tous les jours un Pater
et un .-li't'. Qui oserait refuser un si faible tribut de
prières? A ce tribut quotidien de la prière, l'Eglise
demande d'ajouter le tribut non moins facile de cinq
centimes par semaine. Autrefois elle suffisait seule à
ces vastes' entreprises, parce que de tous les points
DlCTIONN. DE ThÉOL, DOGMATIQUE. III.
de la terre, les nations venaient mettre leurs tré-
sors à ses pieds, et que les rois eux-mêmes se fai-
saient gloire d'être ses nourriciers. I,a ridie ci nom-
breuse milice des ordres religieux fournissait cha-
que année de précieuses recrues à celte armée
d'apôties et de martyrs. Privée aujourd'hui de ces
puissants appuis, l'iiglise est obligi'e de deman-
der l'obole du pauvre. Le pauvre a répondu à l'appel
de sa mère, elle a produit des sommes énormes.
L'association delà propagation de la foi fera un éter-
nel honneur à la noble et généreuse ville de Lyon,
qui l'a établie vers 1818.
PROPHÈTE, homme qui prédit l'avenir
par rias()iration de Dieu. Dans l'Ecriture
sainte, ce terme n'a pas toujours le même
sens ; quelquefois il signilie : 1" Un homme
doué de connaissances supérieures, soit di-
vines, soit humaines : voilà pourquoi l'on
avait donné d'abord le nom de l'oyanCs, ou
d'hommes éclairés, à ceux qui dans la suite
furent nommés prophètes, 1 Reg., c. ix, v. 9.
Dans ce sens, saint Paul, Tit., c. i, v. 12,
appe le prophète des Cretois, un homme de
leur nation qui les avait peints au naturel,
et 1 Cor., c. XIV, v. 6, il appelle don de la pro-
phétie les connaissances supérieures que
Dieu donnait k cjuelques-uns d'entre les
lidèles pour instruire et édifier les autres, et
il préfère ce don à celui des langues. Ce qu'a
dit Notre-Seigneur, Matth., c. xiii, v. 57,
qu'aucun ;jro;j/(c/f n'est privé d'honneur que
dans sa patrie, peut avoir le même sens,
2° Celui qui a une connaissance surnatu-
relle des choses cachées, soit pour le pré-
sent, soit [)our le passé : ainsi Samuel pro-
phétisa, ou fit connaître à Saiil que les
ânesses qu'il cherchait étaient retrouvées. Les
soldats qui maltraitaient notre Sauveur dans
le prétoire de Pilate, lui disaient : Prophétise
qui est celui qui t'a frappé. 3» Un homme
inspiré que Dieu fait parler, même sans qu'il
comprenne tout le sens de ce qu'il dit : ainsi
saint Jean observe dans son Evangile que
Caïi)he prophétisa en disant, au sujet de
Jésus-Christ , qu'il était expédient qu'un
homme mourût pour le peuple, Joan., c. xi,
y. 51. Josèphe nomme ;jro7;Ac<cs, c'est-à-dire
inspirés, les auteurs des treize premiers
livres de l'Ecriture sainte. 4." Celui qui porte
la parole au nom d'un autre; Exod., c. vu.
Dieu dit à xMoïse : « Ton frère Aaron sera
ton prophète, il parlera pour toi. » Jésus-
Christ et saint Etienne reprochent aux
Juifs d'avoir persécuté tous les prophètes,
tous ceux qui leur parlaient de la part
de Dieu. Nathan fit cette fonction en re-
prochant à David l'enlèvement de Bethsabée
et le meurtre d'Urie, de même que saint
Jean-Baptiste, lorsqu'il reprit Hérode d'avoir
un commerce criminel avec sa belle-sœur.
5° L'on a|)pelait encore prophètes, ceux qui
composaient et chantaient des hymnes ou
des cantiques à la louange de Dieu, avec
un enthousiasme qui paraissait surnaturel.
Saiil ayant rencontré une troupe de ces chan-
tres se joignit à eux, et l'un fut étonné de
le voir parmi les prophètes, I Reg., c. x, v.
6; et lorsque, saisi d'un accès de mélancolie,
il chantait dans sa maison, l'historien sacré
(lit qu'il prophétisait, c. xviii, v. 10. David,
52
164S
PRO
PRO
ÎG44
Asaph et d'autres étaient prophètes dans le
mûme sens, et les jeunes gens que l'on
exerçait à ce talent sont appelés les enfants
des prophètes, IV Reg., c. ii. 6° Ce nom dé-
signait encore un homme doué d'un pou-
voir surnaturel, du don des miracles ; nous
lisons, Eceli., c. lxviu, que le corps d'Elisée
prophétisa après sa mort, parce que l'attou-
chement de ce corps ressuscita un mort qui
avait été mis dans le môme tombeau : à la
vue des miracles opérés par Jésus-Christ,
les Juifs disaient : tin grand prophète s'est
élevé' parmi nous, et Dieu a visité son peuple
[Luc. XVI, 7). 7" Enfin, dans le sens propre,
un prophète est un homme à qui Dieu a ré-
vélé l'avenir, aiquel il a fait connaître les
événements futurs que la sagesse humaine
ne peut pas prévoir, et lui a donné ordre de
les annoncer. Ce don sin'uaturel est un signe
certain de mission divine; il prouve que
celui qui en est doué est envoyé de Dieu.
C'est dans ce sens qu'Isaïe, Jérémie, Ezé-
chiel, etc., ont été prophètes, et leurs pro-
phéties sont une partie de l'Ancien Testa-
ment.
En confondant ces différentes significa-
tions, les incrédules ont cherché k dégrailer
les fonctions des prophètes; ils ont dit qu8
c'était un art que l'on pouvait apprendre,
puisqu'il y en avait des écoles chez les Juifs.
Si par prophète l'on entend seulement un
homme plus instruit que le commun du
peuple, un orateur, un poëte ou un musi-
cien, ce talent pouvait s'acquérir s ins doute,
et il y avait des écoles pour y former les
jeunes gens. Mais si l'on prend le nom de
prophète dans un sens plus propre, pour
un homme inspiré de Dieu, doué du pou-
voir de faire des miracles, de prévoir et de
prédire l'avenir, ce n'était plus un art, mais
un don surnaturel que Dieu seul pouv.iit
accorder. Pour peu que l'on veuille exami-
ner les prédictions des prophètes juifs, l'on
verra évidemment que l'art, les prestiges ni
rimjtosture n'y ont pu avoir aucune part.
Vainement ces mêmes incrédules ont ob-
servé qu'il y a eu de çrélemhis prophètes chez
presque toutes les nalions, que les luis ne
sont pas pliis inspirés ni plus respectables
que les autres, que tous ont été des fana-
tiques visionnaires dont le peuple a été la
dupe. La multitude des prophètes vrais ou
faux, la conliance que tous les peuples ont
eue en eux, prouvent seulement que toutes
les nations se sont accordées à croire que la
connaissance de l'avenir est un apanage de
la Divinité, que Dieu peut la donner aux
hommes, et qu'en effet il en a doué quelques
personnages privilégiés : dans tout cela il
n'y a aucune erreur. De savoir si tel ou tel
homme qui s'attribue ce don, le possède en
effet, c'est une autre question qui demande
.e plus sérieux examen, et sur laquelle il est
vrai que la phqjart des peuples ont poussé
trop loin la créduliié.
Mais est-il vrai qu'il n'y a aucune diffé-
rence entre les pro iîhè te s \u\is et les devins
ou les oracles des autres nations? Lesincré
dules ne se sont pas donné la peine d'en
faire la comparaison. 1° Les prophéties n'ont
pas commencé à écloro chez les Juifs : ce
don que Dieu a fait aux hommes est aussi
ancien que le monde; à peine Adam fut-il
créé, qu'en voyant la compagne que Dieu lui
avait donnée, il prophétisa l'étroite union
qui régneniit entre les époux ; il n'avait pas
encore eu le temps de le sentir par expé-
rience. Dès qu'il fut tombé dans le péché.
Dieu lui annonça un Rédempteur futur, qui
cependant ne devait venir au monde qu'après
quatre mille ans. Dieu avertit Noé du déluge
universel cent vingt ans avant qu'il arrivât ;
il instruisit Abraham du sort futur de sa
postérité; Jacob, au lit de la mort, dévoila
distinctement à chacun de ses enfants la
destinée réservée à sa famille; c'est par l'es-
prit prophétique que Joseph devint premier
ministre du roi d'Egypte, etc. L'on peut dire
en quelque manière que, dans les premiers
âges du monde, la Providence divine l'a
gouverné par des prophéties ; mais les Juifs
seuls en ont été dépositaires. — 2° Ces
hommes doués de l'esprit prophétique ne
sont point de simples particuliers sans au-
torité et sans considération ; ce sont les
pcisonnagcs les plus respectables de l'uni-
vers, des patriarches chefs de familles oa
plutôt de peuplades nombreuses : Abraham
père de plusieurs iieuples, Jacob tige des
douze tribus de sa nation. Moïse fondateur
d'une république et auteur d'une législation
qui devait durer quinze cents ans; ce sont
les juges ou les chefs souverains de ce même
peuple : David qui en était roi, Isaïe né du
sang royal, Ezéchiel de race sacerdotale, Da-
niel [iremier ministre et revêtu de toute
l'autorité du roi d'Assyrie, etc. Osera-t-on
comparer ces grands hommes aux vils jon-
gleurs qui, chez les autres nations, faisaient
le métier de devin pour gigner leur vie?
3° Les prophètes dont l'Histoire sainte fait
mention étaient respectables non-seulement
par le rang qu'ils tenaient dans le monde,
mais encore davantage par leurs vertus, par
leur courage, par leur amour pour la vérité,
par leur soumission aux ordres de Dieu. Ils
n'ont pas abusé des lumières surnaturelles
qu'ils avaient reçues, pour llatter les passions
des rois, des grands ni du peuple; ils leur
ont reproclié hautement leurs vices; ils leur
ont annoncé les châtiments de Dieu avec au-
tant de fermeté que ses bienfaits. Plusieurs
ont été victimes de leur zèle, et ils l'avaient
prévu; ils ont bravé les tourments et la mort
pour dire la vi'rité. Les incrédules eux-
mêmes ont senti les conséquences de cette
destinée, et ils l'ont tournée en dérision; ils
ont dit que la profession de prophète était
un mauvais métier : mauvais sans doute pour
ce monde; c'est ce qui prouve que personne
n'a |)u être tenté de l'usurper. Si de nos
jours le métier de philosophe avait été sujet
aux mêmes épreuves, il aurait été moins
recherché par nos beaux esprits. Il y a eu
de faux prophètes, la même histoire sainte
nous l'apprend : mais ils prêchaient l'idolâ-
trie, ils n'annonçaient que des prospérités,
ils décriaient les y va^is prophètes àxi Seigneur;
ÎG45 PRO
c'étaient des hommes sans conséquence, et
toutes leurs piY'dictions se sont trouvées
fausses. Il n'est \>ns didicilo d'a|i|ili((U''r ce
portrait à ceux qui ont iirophétisé de nos
jours r.inéantisseiiiont prochain du clirislia-
nisinc. 'i" Les |)ro[)hét:es de l'Ancien Testa-
ment et du Nouveau n'ont point pour objet
les vils intérêts des particuliers; elles ne
flattent les liassions, les goûts, la curiosité
de persoime, comuie les faux oracles des
païens. Par la houclie des prophètes Dieu
parle comme mnître et juge souverain des
nations, connue arbitre do leiu' sort (lour ce
monde et pour l'autre. Elles annoncent les
destinées non- seulement du peuple juif,
mais leur principal objet est la venue du
Jlédempteur, la vocation générale de tous les
peuiiles h la connaissance de Dieu, le salut
éternel de tous les hommes. Ces grands évé-
nements méritaient sans doute d'occuper la
Providence divine et d'exciter l'attention du
genre humain tout entier. Pour rabaisser
l'impoitauce des |)ropliéties, les incrédules
atrecjtent de les isoler, de les concentrer
dans un coin de la Judée, de fermer les yeux
sur la relaliiiu qu'elles ont avec l'intérêt gé-
néral du monde : juges aveugles et infidèles,
ils ne nous empèclieiont pas de voir ce que
contiennent les livres des prophct''s. Ce ne
sont point (pielqucs ()hras!'saud}igu('S, quel-
ques sentences énigmatiqiies, connue les
oracles do Delphes ; ce sont des discours
entiers et suivis, et les mémos objets y si nt
souvent tracés sous vingt images (lill'érentes.
A la vérité, les Juifs, les manichéens , les
sociniens, les incrédules en contestent le
sens ; mais tous agissent par intérêt de sys-
tème. Depuis dix-sept siècles l'îîglise chré-
tienne y voit les mômes objets, Jésus-Christ,
ses mystères, la vocation des nalions ii la foi,
le plan de la rédemption et du salut du
inonde; et les anciens docteurs juifs y ont
vu la même chose que les chrétiens. Que
prouvent contre celte anli(iue ti'adition, con-
lirmée par Jésus-Christ et par ses aptjtres, d"S
objections dictées par l'ignurance ou par le
désir de s'aveugler? — 5" Ces prophéties font
une suite continue et une chaîne qui s'étend
depuis Adam jus([u'à Jésus-Clu-ist : la race
delà fennue qui doit écraser la tète du ser-
fient ; le cheC ué île Juda, qui rassemblera
es peuples ; le descendant d'Abraham, dans
lequel seront bénies toutes les nations delà
terre; le prophète semblable à Moise , que
l'on doit écouter sous pe ne d'encourir la
vengeance divine ; le prêtre éternel selon
l'ordre de ?»îelchisédech , duquel David a
parlé ; l'enfant né d'une vierge, dont Isaïe a
prédit la naissance, et l'homme do douleur
duquel d a peint les tourments ; l'omt du
Seigneur, saisi pour les péchés du peuiile,
qui excitait les gémissements deiJérémie ; le
Christ, chef des nations, duquel Daniel an-
nonce l'avénenient et en tlxe i'époc['ie; le dé-
siré des nations, l'ange de la nouvelle al-
liance, que les derniers prophètes Aggée et
Malachie ont vu arrivc:r dans le second tem-
ple, sont-ils un iiersoni.age dilférent de l'A-
gneau de Dieu que Jeau-Baptisie a montré
PRO
1646
au doigt, et auquel il avait préparé les voies?
L'une de ces prophéties eontirme l'autre ;
elles deviennent plus claires ,\ mesure que
les événements sont plus prochains, jusqu'.\
c(^ qu'ontin leur accomplissement en dévoile
pleinemeni le sens. Ouicoii(iu(> ne voit point
Ih un jilan rélh'chi et dirigi'" par la Providence,
cherche à s'avcugloi' de j^ropos délibéré.
— G" Enlin les prophètes n'ont point fait en
secret lei;rs prédictions, ils ne les ont point
consignées dans des mémoires cachés ; ils
les ont pLd)liécs au grand jour, h la face des
rois et des peu}>les, et souvent ils les leur ont
ilonni'es par écrit , alin cpi'ils jinssent les
examiner h loisir, et que les incrédules eus-
sent le temps do se convaincre de la vérité.
Elles ont été soigneusement conservées par
la nation nu'me qui y a vu ses iiropres cri-
mes et la source de tous ses malheurs ; nous
les avons telles qu'elles ont été écrites, et
plusieurs le sont depuis plus de trois mille
ans. Il faut donc qu'elles aient éti'' d'une
toute auti'c impcu'Iance (pie les oracles men-
songers et frivoles dont les seclat-urs de l'i-
dokitriese sont jilu autiefois îi repaître leur
crédulité.
A présent nous demandons h nos adver-
saires s'ils ont bonne grâce ?i [ilacer les unes
et les autres au même rang, à prétendre
que les prophètes juifs étaient, aussi bien
que ceux des païens, de vils jongleurs, des
hommes de néant et sans homieur, qui fai-
saient un métier de la divination, des im-
posteurs qui abusaient le peuple, ou des
ambitieux qui voulaient se donner de l'im-
poi tance et du crédit, dos séditieux, gagés
par les prêtres pour inquiéler les rois et
troubler la nation, des f.niatiques ii:sensés
qui ont été la cause de tous les malheurs
dans lesquels elle est tond)ée, parce qu'ils les
lui avaient prédits. C'est sous ces traits
odieux que les incrédules de notre siècle ont
trouvé bon de les représenter. Nous n'en
sommes [las surpris. Cette suite de prophéties
est, .-elon l'expression de saint Pierre, Ep.
Il, c, I, V. 19, un trait do lumière qui dissipe
toutes les ténèbres ; elle démontri^ une ré-
vélation divine, une religion que Dieu lui-
même a enseignée aux hommes depuis le
commencement du monde, qu'il a conlirmée
de siècle en siècle par de nouvelles preuves,
et qu'il veut [lerpéluer jusqu'aux lieruières
générations de la race humaine. Entrer dans
la discussion do ces divins oracles, c'est une
tâche de laquelle les inerédul s se s ntont
incaiiablos ; il leur était plus aisé de tourner
en ridicule et d'avilir les prophètes. La dilFé-
rence qu'il y a entre les mœurs des anciens
Orientaux et les nôtres, leur a fourni des
traits de satire sanglant" ; c'est en cela sur-
tout que brille leur capacité. Sous le nom de
chacun des prophètes, nous répondons aux
reiiroches personnels que nos adversaires
leur ont faits.
Doilwel, dans ses Dissertations sur saint
Cypricn, a employé la quatrième à prouver
que 1 esprit prophoti([ue a continué parmi
les chréliens au moins jusqu'au règne de
Constantin , ou jusqu'au iV siècle ; que
1647 PRO
l'on ne peut y soupçonner de l'illusion , cl
que saint Paul avait 'prescrit aux lidèles les
précautions b'S plus sages, pour (listinguer
avec certitude la véritable mspiration d'avec
le fanatism>',ct lavérité d'avec l'erreur. Nous
donnerons un extrait de cette savante disser-
tation au mol Visiox prophétique. Mosheim,
dans les siennes sur YHistoirc ecclésiasti-
que, t. II, p. 132, eu a fait aussi une pour
prouver qu'il y a eu des prophètes dans l'E-
glise chréiien'ne, en prenant ce terme dans
le sens le plus rigoureux, pour des honnnes
qui avaient le don de connaître et de prédire
l'avenir. En etl'et, nous lisons dans les Actes
des apô res, c. xi, v. 28, qu'un prophète nom-
mé Agabus annonça une famine qui régna
dans la Palestine," sous le règne de l'euipe-
reur Claude ; etc. xxi, v. 10 et 11, il assura
les fidèles de Césarée, en présence de saint
Paul, que cet apôtre serait enchaîné ii Jéru-
salem et livré aux gentils par les Juifs. Saint
Pierre, Ep. Il, c. n, v. 1 et 2, préilit aux fidèles
qu'il s'élèvera parmi euxdcîanxprophètcs, qui
séduiront |)lusieurs personnes et formeront
des sectes pernicieuses. Saint Paul fait do mê-
me dans plusieurs de ses lettres, et ses prophé-
ties n'uni été que trop bien accomplies. Act.,
c. xxvn, V. 22, il assure ceux qui étaient
dans le même vaisseau que lui, qu'aucun
d'eux ne périra, malgré la violence de la tem-
pête par laquelle ce vaisseau était tourmenté ;
et l'événement justitia la prédiction. L'Apo-
calypse de saint Jean est une prophétie pres-
que continueUe. Ce critique n'a en dessein
3ue de conlirraer les preuves de Dodwel. Mais
fait voir que dans le grand nombre de pas-
sages du Nouveau Testament où il est parlé
de prophètes et de prophéties, il n'est pas
question seulement d'hommes qui avaient
reçu de Dieu le don de prédire l'avenir, mais
d'hommes suscités et inspirés de Dieu pour
expliquer parfaitement la doctrine chrétienne,
pour annoncer aux fidèles h'S volontés divi-
nes, pour découvrir même les plus secrètes
pensées des cœurs, en un mot, pour instruire,
reprendre, corriger avec une sagesse surna-
turelle. Saint Paul distingue cette fonction
d'avec celle des simples docteurs, Rom., c.
XII, V. 6; l Cor., c. xii, v. 10; Ephcs., c. iv,
V. il, etc. Ainsi le nom de prophète y est
pris, comme dans l'Ancien Testament, dans
le sens le plus étendu, pour un homme ins-
piré de Dieu, et éclairé d'une lumière surna-
turelle.
Plusieurs critiques protestants ont soutenu
que le don de prophétie dans ces passages,
signifie seulement une capacité singulière
pour entendre et pour expliquer les prophé-
ties de l'Ancien Testament. Mosheim prouve
contre eux qu'il s'agit non d'une capacité
naturelle ou acquise, mais d'un don surna-
turel de Dieu, puisque saint Paul le met sur
la même ligne que le don des langues et ce-
lui de guérir les maladies ; que ce don était
accordé à certaines personnes, non-seule-
ment pour entendre les anciennes prophé-
ties, mais pour en faire de nouvelles au be-
soin, même pour opérer des miracles. Saint
Irénée et Origène attestent que de leur
PftO
1648
temps ce don subsistait dans l'Eglise ; Dod-
wel et d'autres auteurs prétendent qu'il y a
duré jusqu'à la conversion de Constantin,
par conséquent jusqu'au commencement du
iv" siècle.
Nous savons bon gré au docteur Mosheim
d'avoir soutenu cette vérité ; mais nous ne
voyons pas comment on peut la concilier
avec ce qu'il dit ai leurs, que, dès le temps
des apôtres la doctrine chrétienne a com-
mencé de s'altérer par le défaut de cafiacité
et par la témérité de plusieurs docteurs.
Nous ne pouvons pas comprendre comment
Dieu, qui a daigné conserver pemlant trois
siècles les dons miraculeux dans son Eglise,
^ l'inspiration divine , n'a cependant rien
fait pour prévenir et empêclier l'altération de
la doctrine chrétienne ; comment tous ces
prophètes dont il est parlé dans le Nouveau
Testament, n'ont pas fait tous leurs eiforts
pour remédier à cette altération prétendue ?
A quoi servait donc le don de prophétie ?
Les deux suppositions de Mosheim nous pa-
raissent contradicloircs ; il est étonnant que
ce docteur, dont la sagacité est prouvée,
ne s'en soit pas aperçu. Dodwel a raisonné
plus conséquemment, parce que les anglicans
admettent l'autorité do la tradition, au moins
pour les trois premiers siècles de l'Eglise.
PiiOPuÈTiîs (faux). Il esfsouvent parlé dans
l'Ecriture sainte de faux prophètes qui se di-
saient envoyés et inspirés de Dieu , et qui
ne l'étaient pas; qui faisaient de fausses pré-
dictions pour plaire aux rois et aux peuples,
qui contredisaient et décriaient les \r!\\s pro-
phètes du Seigneur. Moisc, Dcul., c. xni,
avait défendu aux Juifs d'écouter un pré-
tendu prophète qui aurait voulu les entraîner
dans l'idoR'itrie ; il avait ordonné qu'un tel
homme fût mis à mort. Les prêtres de Baal
se donnaient pour prophètes ; ils trompaient
A chah, en ne lui annonçant que des pros-
pérités. Michée, prophète du Seigneur, dit à
ce roi que Dieu a envoyé un esprit de men-
songe dans la bouche de tous ces faux pro-
phètes, m Iteg., c. XXII, V. 23. Dieu dit par
Ezéchiel, c. xiv, v. 9: Lorsqu'tm prophète
s'égare, c'est moi qui l'ai trompé. Les incré-
dules font grand bruit de ces passages. Dieu
peut-il tromper un prophète? peut-il envoyer
un esprit de mensonge dans sa bouche ?
Quel signe nous restera-t-il pour distinguer
un vrai d'avec un faux prophète, pour savoir
si nous devons croiie ou non à un homme
qui prétend nous parler de la part de Dieu?
— Réponse. Dans cette circonstance le signe
était |)alpable : les prophètes d'Achab étaient
des idolâtres; Michée adorait le vrai Dieu
et prophétisait en son nom : Moïse avait
donné ce signe aux Israélites , pour distin-
guer un vrai d'avec un faux prophète {Deut.
xiii). Quand au discours que Michée adresse
au roi, il est évident que c'est une parabole
allégorique, et il y aurait de la folie à vou-
loir la prendre à la lettre. Dieu y est repré
sente assis sur un trône, qui tient conseil
avec les anges, comme un roi avec ses mi
nistres, qui converse avec l'esprit de men
songe, etc. : tout cela pouvait-il s'entendre dans
I
I
1649
1>R0
PRO
1650
le sens littéiMl? Quoique Dieu diso h l'es-
prit uialiii : Va et f(tis ce ([lUi tu veux ; ce n'est
point un ordre posilif, ou une couunission
expresse que Dieu lui donne, tuiiis une sim-
ple permission qu'il lui accorde. Cela ne si-
gnifie donc rien, sinon que Dieu permit aux
faux prophHes de s'aveugler eux-mêmes et
de tromper le roi ; ces m(5cliants hommes
voulaient gagner les bonnes grAces d'Aclial),
et ce prince voulait (^'tre trompé : Dieu ne les
enipO'clia pas de le iaire. De môme, lorsqu'il
est dit ([ue Dieu (rompe les prophètes, cela
signifie qu'il ne les empoche pas de se trom-
per, et qu'en certaines circonstances il ne
leur donne pas h^s lumières surnaturelles
dont ils auraient liesoin pour connaître et
pour dire la vérité. Aux mots Cacse, Exduu-
cissEMicNT, Permission, nous avons fait voir
que dans t(jutes les langues l'usage est de re-
j)i'ésenler comme cause d'un événement ce
qui n'en est que l'occasion; d'appeler égale-
ment permission le consentement |Kjsitif
donné à une chose, et l'inaction dans la-
quelle on se tient en la laissant Iaire: équi-
voque; sur lesquelles on |)eut nuiKiplier les
objections à l'inlini. Dans Ezéchiel même, c.
XIII, v. 6 et 7, Dieu se plaint de ce que les
faux prophètes osent parler en son nom,
quoiqu'il ne les ait pas envoyés, et qu'il no
leur ait rien dit. Dieu n'avait donc aucune
part aux faussetés qu'ils débitaient. C'est
dans ce sens qu'il dit, c. xiv, v. 9, qu'il les
a trompés, en envoyant aux idolâtres des
chiUiments, au lieu des bienfaits que les im-
posteurs leur promettaient, il a permis qu'il
y eiit de faux prophètes, comme il permet
qu'il y ait de faux docteurs, de mauvais [ihi-
losopnes,iies prédicants incrédules, qui trom-
pent leurs lecteurs par de faux raisonne-
ments, connue les prophètes inlidèles trom-
paient les Juifs par de faus-es promesses.
Proi'Iii;ïes, liénHiques enthousiastes qui
ont paru en Hollande, où on les nommait
prophetantcs ; il y a lieu de croire que c'é-
taient des quakers. La pluiiarl s'appliquaient
à l'étude du grec et de l'hébreu ; tous les
premiers dimanches de clnupie mois ils se
rassemblaient dans un village près de Leyde,
ils y [lassaient tout le jour à la lecture de
l'Ecriture sainte, à former dilférentcs ques-
tions et à disserter sur le sens de divers pas-
sages. On dit qu'ils alfectaient une exacte
probité , qu'ils avaient horreur de la guerre
et du métier des armes, qu'en beaucoup de
choses ils étaient dans les sentiments «es
arminiens ou remontrants. On ne les accuse
pas cependant d'avoir pro])hétisé ; probable-
ment on les appelait prophelanles , parce
qu'ils se croyaient inspirés et illuminés com-
me les quakers.
Mais ^losheim convient que, dans le cours
du siècle di'rnier, il parut [larmi les protes-
tants une foule jirodigieuse de fanatiques
qui se donnaient pour prophètes et se mê-
laient de prédire l'avenir ; quelque absurdes
que fussent leurs prédictions, ils trouvèrent
des partisans et des apologistes. Il nomme
Nicolas Drabicius, Christophe Kotter, Chris-
tine Poniatovia et plusieurs autres moins
célèbres, Ilist. ecclésiost., xvir siècle, sect.
2, part. Il, clia[». 1, § '•■l. Cette maladie de
cerveau est aussi ancienne qu(! la réfor-
me, et n'a pas peu contribué à ses progrès.
Luther, dès le commencement de ses prédi-
cations, i)iophétisa la chute prochaine de
l'empire papal et la ruine de Babylone, c'est-
à-dire de l'Kglise romaine. 11 voyait claire-
ment cette révolution dans le prophète Daniel
et dans saint Paul, et il se servait de cet ar-
tilice [lour exciter la haine des peuples contre
le calholicisme ; le désii- d'accom|iliiles ora-
cles lie Luther a mis jibis d'une fois les ar-
mes h la main de ses sectateurs : Ilist. des
variât., 1. xiii, § 12; Défense de celte histoire,
l" dise, § 5.'1 ; 1" Instruet. past. sur les pro-
nusses de l'I'Jglise, § V'i-. il en a été de mémo
chez les calvinistes : le célèbre Jurieu crut
voir dans l'Apocalypse lesmômes événements
que Luther avait (lécouverts dans Daniel et
dans saint Paul ; il osa lixer l'époque précise
de l'anéantissement du papisme. Malheureu-
sement pour lui et pour les protestants, rien
n'arriva de ce qu'il avait prédit. .Mais s'il
ne communiqua pas aux calvinistes des Cé-
vennes et du Vivaiais l'esprit prophétique, il
leur inspira le fanatisme furieux et sangui-
naire, il leur mit les armes à la main. On ne
]H'iil lire qu'avec elfroi la multitude de meur-
tres, d'incendies, de cruautés, de profana-
tions, de crimes de toute espèce, qu'ils ont
commis peu lant plus de vingt ans. 11 fallut
mettre des troupes en campagne, employer
les supplices et les exécutions militaires pour
mettre à la raison ces forcenés, et les réduire
enlin à plier sous le joug des lois et de l'o-
béissance. Le souvenir de ces désordres ne
peut être de longtemps elfacé ; ils duraient
encore en 1710. Yoi/. Vllistoire du fanatisme
de notre temps, par Brucys.
A la honte d» notre siècle, on a vu renou-
veler une partie de cette frénésie parmi les
partisans des convulsions ; l'exemple des
protestants aurait dif corri..;er les vi-ionnai-
res plus récents; mais l'esprit de vertige sera
toujours le môme chez tous ceux qui se ré-
voltent contre l'Eglise. Dieu, dit saint Paul,
les livrera tellement â l'erreur, quils ne croi-
ront plus qu'au mensonge; et ainsi seront con
damnés tous ceux qui re'sistent à la vérité et
consentent à l'injustice {Il Ihess. ii, 10).
PHOPHÉTIE , prédiction des événements
futurs, faite par inspiration divine. Par évé-
nements futurs l'on n'entend point les clfets
naturels et nécessaires des causes physiques:
un astronome prédit les éclii>ses, un pilote
prévoit une tempête, un médecin annonce
les crises d'une maladie, sans être pour cela
prophète. Un politique habile qui connaît
par expérience le jeu ordinaire des passions
humaines, le caractère et les intérêts de ceux
qui sont à la tète des affaires, peut présager
de loin certaines révolutions, et en parler
avec une espèce de certitude sans être ins-
piré de Dieu. Une prophétie proprement dite
est la prédiction des actions libres que les
hommes feront dans telle ou telle circons-
tance. Dieu seul peut les connaître, surtout
lorsqu'il est question d'hommes qui n'exis-
1651
PRO
pno
dC52
tent pas encore ; lui seul peut les révéler (1).
Une prophétie est encore plus frappante et
plus évidemment divine, lorsqu'elle annonce
des événements surnaturels et miraculeux.
Bleu seul sait ce qu'il a résolu de faire par sa
loute-puissancc dans les temps h venir ; lors-
qu'un homme les a prédits de loin, et qu'ils
sont arrivés comme il l'avait dit, nous ne
pouvons plus douter qu'il n'ait été un vrai
prophète, et qu'il n'ait parié par inspiration
divine. Ainsi, lorsque Dieu fit connaître au
patriarche Abraham, que ses descendants
seraient un jour esclaves en Egypte, mais
qu'ils seraient délivrés par des prodiges, et
celaquatre cenls ansavant l'événement, Gen.,
G. XV, V. 13 et suiv., cette prophétie, exacte-
ment accomplie au tem|)s marqué, portait un
double caractère de divinité. Puisque Dieu
seul pouvait l'aire ces miracles, lui seul [lou-
vait aussi les aimoncer. 11 en est de même de
la promesse que Jésus-Christ fit à ses apôtres
de convertir les nations par les mir.icles
qu'ils opéreraient en son nom : il était égale-
ment impossible à l'esprit humain de prévoir
cette conversion, et aux forces humaines de
l'accomplir. Or, tel est le caractère de la plu-
part des prophéties de l'Ancien Testament.
Les incrédules, de concert avec les soci-
niens, pensent que Dieu ne peut ni prévoir
ni prédire les actions libres des hommes ;
nous avons prouvé le contraire au mot Pbes-
ciENCE ; et au mot PuopuiVrE, nous avons
fait voir la différence infinie qu'il y a en-
tre les propitélies contenues dans l'Ecriture
sainte, et les prétendues prédictions aux-
quelles les païens donnaient leur confiance.
Quelques déistes ont fait contre la preuve
que nous tirons des /;ro;j/(c7K« une olijection
spécieuse : « Pour que ci tte preuve, disent-
ils, fût convaincante, il faudrait trois choses
dont le concours est impossible, il faudrait
que j'eusse été témoin de la prophétie, que
je fusse aussi le témoin derévéneinent, et
qu'il me fût démontré q le cet événement
n'a pu cadrer fortuitement nxecla. prophétie ;
car ( nfin la clai té d'une prédiction faite au
hasard n'en rend pas l'accomplissement im-
possible. «Nous soutenons que cet argument
renferme trois faussetés : il est faux que
pour être certain qn une prophétie a i^'lè faite
longtemps avant l'événement, il soit néces-
saire (i'enavoir été témoin ; ilsufiUd'en être
assuré par l'histoii e et -par dos monuments
incontestables ; il en est de môme de la cer-
titude de l'événement et de sa conformité
avec la itrédiction, et il est faux que l'accom-
plissement d'une prophétie claire et chargi'e
d'un grand nombre de circonstances puisse
.se faire par hasard, surtout lorsque Dieu
seul peut opérer ce qui est prédit.
11 est aisé du faire 1 application des règles
contraires. Dieu assure Abraham que dans
(jualre cenls ans il donnera la Palestine à sa
po5lérité, non à celle qui desc(_'ndra d'ismaél,
mais aux descendants d'isaac. D;eu renou-
velle cette promesse à Isaac lui-môme, en
(t ) Le cardinal de la Luzerne a traité ce sujet dans sa
savanlo tlissertnlioii sur les propliclics (dans lesDe-
monu. ri)<mg.,cd. Miijne). Nousy rcnvoyonslelecteur.
faveur des enfants de Jacob, à l'exclusion de
ceux d'Esaii. Mais il est dit que cette posté-
rité sera réduite en esclavage et o,iprimée
par les Egyptiens, mais qu'elle sera mise en
liberté | ar une suite de prodigf's. C'est sur
CQUe prophétie que ces iiatriarches dirigent
leur conduite. Jacirb, près de mourir en
Egypte, la laisse par testament àses enfants,
il assigne d'avance les diverses cnntrées de
la terie[)romise que chaque tribu doit occuper;
il veut y être enterré avec ses])ères ; Jose|ih
mourant rappelle ce souvenir à ses neveux :
Dieu vous visitera, il vous reconduira dans la
terre qu'il a promise à Abraham, à Isaac et
à Jacob; emportez mes os arec vous lorsque
vous partirez. Tout cela s'exécute. Les Israé-
lites s'en souviennent lorsque Moïse vient
leur annoncer leur délivrance de la jiart du
Seigneur, et ils l'adorent. Par une suite de
prodiges, les Egyptiens sont forcés de les
mettre en liberté ; a]très quarante ans de sé-
jour dans le désert, ils se mettent en posses-
sion de la Palestine, et ils se conforment aux
dernières volontés tle Jacob et de Joseph. Il est
impossible que iJoise ait forgé cette pro-
phétie en même temps cjue to..terhistoire de
la postérité d'Abraham, qui en est l'accoiu-
plissement. Les faits principaux en sont at-
testés par l'histoire iirofane, aussi bien que
par les livres des Juifs. 11 est encore plus
impossible que cet accomplissement se soit
fait par hasard, puisqu'il a fallu une suite de
miracles. L'ordre dans une longue suite de
faits ne peut pas [ilus être l'elfet du hasard,
que l'ordre d„ns les ouvrages de la nature.
Nous jiourrions fairevoir la même authen-
ticité et la même vérité dans les prophéties
ciui regardent Jésus-Christ et la conversion
du monde dont il est l'auteur , et dans les
prédictions qu'il a faites lui-même. Mais
jamais les incrédules ne se sont donné ^a
peine de comparer les événements avec ces
prédictions, de considérer la suite des pro-
phéties et le rapiiort iju'elles ont aux circons-
tances dans 1' squelles eles ont été faites.
11 est incontestable que c'est cet examen
qui a contribué, autant que les miracles de
Jésus-l liri;t et des apôtres , ii la conversion
des Juifs. Ce divin Maitre lui-même , après
leur avoir dit : Mes œuvres rendent témoignage
de moi, ajoute aussitôt : Approfondissez les
Ecritures, elles rendent aussi témoignage de
moi [Joan. y, 36j. 11 es- dit, Act., c. xvni, v.
23, que saint Paul et Apollo convainquaient
les Juifs, en ne disant rien que ce qui est
écrit dans les prophéties. Cap. xxviii, v. 23,
n-ius lisons ({u'à Rome, les Juifs vinrent trou-
ver l'Apôtre, que pendant tout un jour il
leur prouva la foi en Jésus-Christ par la loi
deMoïse etpar lesprophèt^s, elqueplusieurs
crurent. Saint Pierre, dans sa li"' Epitre, c. i,
v. 13, après avoir cité le niir.icledelatrans-
liguraliiiii, dit -.Nous avons quelque chose de
plus ferme dans les paroles des prophètes, que
vous faites bien de regarder comme un flambeau
qui luit dans un lieu obscur.
Rîais certains critiques , trop hardis et
suivis l'iar les incrédules, ont prétendu que
les prophéties alléguées aux Juifs par les
16SZ
PRO
PRO
1GS4
apôtres ei par les docteurs diréticns, ne
l)euvc'nt [tas iMre ajipliqui'os à Jésus-Clirist
dans le sens propre, littéral et naturel, mais
seLiU'iiient dans un sens tigun'', ty|)ique et
allégoriqu !' ; iju'elles ont été aecoinplii-s litté-
ralement ilans un autre personnage qui était
le type oulafigurede J(''sus-Clii'ist, et ensuite
vérlliées dans ee divin Sauveur d'une manière
plus sublime. Nous soutenons au contraire
que le très-grand nombre de ces iiruphetics
regardent directemcut el littéralement Jèsus-
Clirist, et non un autie objet; qu'elles n'(jnt
été accomplies qu'eu lui ; ({u'aiiisi celte
preuve est très-solide, non-seulement coniro
les juifs, mais contre les jiaïens et cou re
toute espèce d'incrédules ; et nous nous
sommes attachés à le démontrer dans plu-
sieurs articles de ce Dictionnaire. Nous met-
tons au r.ing de ces prophéties directes et
littérales : 1° Les [laroles que Dieu adressa au
tentateur après la chute d'Adam, par les-
quelles il lui jiré lit que la race de la femme
lui écraserait la tète, Gch., cm, v. 15. Voy.
Puorr.VAMJiLi;. 2' L.i promesse ([ue Dieu lit
au palriarehe .Miraham de bénir toutes les
naiions dans un de ses descendants, Gcn.,
c. XXII, v. 18. Vuy. ï\m:e. 3° La i rédiction
que Jacob lit à son lils Juda , que le Messie
na trait de sa raie. )'"//. Jcda. (^e(pie Moïse
(lit aux Juifs, />(■»/., c. sviii, V. Jo, (lue Dieu
leur suscitera un [iropliète semblable à lui,
et que s'ils ne l'écouteiu |)as , Dieu en sera
le vengeiu'. 3" Le psaume cix, où David parle
d'uu prêtre selon l'ordre de Melchisédech,
doiit le sacerdoce sera éternel. Fo;/. Melciii-
sÉRKciENs. 6° Le psaume xxi, dans lequel
sont rein-ésentées les soulTranccs du Messie,
et duquel Jésus-Christ lui-même se fltrap-
plicalion sur la craix. Voy. Psaume. 7" La
prophétie d'isaïe, c. vu, v. li, qui annonce
(pi'un enfant naîtra d'une vierge, et sera
iionuné Eininatiiiel, Dieu avec nous. Voy.
Emmamel. S' Le chapitre lui du même pro-
phète, qui peint les snulfrances du Sauveur.
Voy. IsAiE. 9* Le passage de Daniel, c. ix,v.
i2.V, où il est prédit (]ue le Christ sera mis à
mort soixante-dix semaines , ou quatre cent
quatre-vingt-dix ans après la reconslruetion
(le Jérusalem. Voy. D\mel. 10" Los prophéties
d'Aggée, c. n, v. 7, et deMalachie, c. m, v. 1,
})ar lesquelles ils assurent ([ue le Messie
viendra dans le second temple que les Juifs
rebâtissaient pour lors. Voy. Aggée cIMala-
CIIIE.
Nous ne prétendons point que ce soient
1^ les seules prophéties de l'Ancien Testa-
ment , qui regardent Jésus-t^.hrist dans le
sens propre , chrect et littéral ; mais celles-
ci, qui sont les principales, et sur lesquelles
les juifs di.-putenl avec le plus d'opinlAtreté,
suffisent |)0ur réfuter la prétention des in-
crédules et des ciitiques téméraires dont
nous avons parlé. Nous convenons qu'outre
ces prédictions directes , il est d'autres pro-
phéties que l'on a])pelle typiques et allégo-
riques, qui regardent un autre personnage,
mais qui n'ont point été accomplies en lui
dans toute l'énergie des termes dans les-
quels elles sont conçues , et que les écri-
vains du Nouveau Testament ont appliquées
à Jésus-Christ. Ainsi saint Matthieu, c. ii, v.
15, applique à Jésus enfant, rapporté do
rEg,v|)lo, ce (^ue le prophète Osée avait dit
du peuple juil : J'ai appelé mon Fils de l'E-
gypte ; el V. 17 , il reiirésente le massaci o
des iiniocents comme l'accomplissement des
paroles de Jérémie , louchant la désolatiou
de k Judée, lorsque ses habitants fuient
emmenés eu ca|)tivité : Rarlicl pleure ses
enfants et ne veut j)as se consoler, parce qu'ils
ne sont plus, etc.
Est-ce mal à jjropos et sans raison que les
ap(jtres et les évangélistes ont fait ces ap-
plications des prophéties? Non, sans doute.
1° Ils ont aussi fait usage des prophéties lit-
térales el directes dont nous avons parlé ; il
n'en est presque point ({ui ne s^it répétée
dans le Nouveau Testament-, les autres ne
sont donc ajoutées que jiar surcroît, û," C'é-
tait la méthode des anciens docteurs de la
synagogue : nous le voyons encore aujour-
d'hui jiar les Paiaphrascs chaldaiques et p;ir
le Talmud ; c'était donc un argument per-
sonnel contre les juifs attachés à la tradition
de leurs docteurs ; et celle preuve n'est pas
moins forte ai'jourd'hui contre les juifs mo-
dernes, puisqu'ils font encore profession de
s'en tenir à leur ancienne tradition. C'est ce
qui a autorisé les Pères do l'Eglise à s'en
servir
Q.ioique cette |)reuve no paraisse pas au
premier coiq) d'oeil devoir faire la même
impression sur le païen et sur l'incrédule ,
elle est cependant encore suffisante pour
les convaincre , parce qu'il est impossible
qu'il se trouve tant de rapport entre l'ob-
jet de ces prophéties et Jésus-Christ , sans
que ce divin Sauveur en soit la lin et \e
terme. Nous avouons qu'il résulte plus de
lumière des prophéties dont le sens direct
et littéral regarde uniquement Jésus-Christ
et l'établissement de son Eglise ; nous ne
citons dans le même sens que les anciens
docteurs juifs. On peut en voir les [neu-
ves dans Galatin , de Arcanis cathol. ve-
ritatis , 1. y, etc. Pour en iiervertir le sens
et en éluder les conséquences, les juifs mo-
dernes les entendent tout autrement que
leurs anciens maîtres. Entêtés d'un Messie
roi, conquérant, glorieux, et de la prospé-
rité temporelle qu'ils espèrent sous son rè-
gne , ils veulent que loules les prophéties
soient accomplies à la lettre , quehjue ab-
surde que soit le sens qu'ils y donnent. Ils
attendent un fils de David, lorsque la race
de ce roi est anéantie ; un guerrier, qui est
cependant appelé le prince de la paix; un
destructeur (ies nations, pendant que le Mes-
sie est annoncé comme l'auteur de leur sa-
lut ; un vainqueur, mais qui doit subir la
mort pour les péclnis de son peuple ; un rè-
gne temporel et en même temps éternel sur
la lerre ; tous les plaisirs sensuels, au lieu
que le libérateur promis doit faire régner la
justice éternelle el la sainteté parfaite. Toutes
ces idées sont certainement contradictoi
Dieu, disent-ils, a promis par ses
tes que le Messie reconduira daDS'là^d^""
(^
iCëS
PRO
PRO
1656
tes douze tribus d'Israël, Ezcch. , c. xx-kvii,
T. 16. C'est une ftuisseté. A la fin de la cap-
tivité de B.ibylone , Zorobabel reconduisit
dans la Judée'fous les Juifs qui voulurent y
retourner ; mais i! n'est point question là du
Messie ; le jiropliète n'en a pas parlé ; et à
présent les douze tribus sont tellement con-
fondues , qu'aucun juif ne peut montrer de
quelle tribu il est. Suivant le même propliète,
c. xxxviii et xxxix , Gog et Magog doivent
périr avec leurs armées sur les montagnes
d'Israël. Les juifs ont rêvé que Gog et .Ma-
gog sont les chrétiens et les mahométans, et
ils se promettent d'en faire une boucherie
sanglante , lorsqu'ils auront le Messie à leur
ête. Cependant Ezéchiel n'a pas dit un seul
inot du Messie dans ces deux chapitres , et
il paraît qu'il a voulu désigner, dans l'en-
droit cité , la défaite des armées envoyées
cou Ire les JLiifs sous les Machabées.
Ils disent que , suivant la prédiction de
Zacharie , c. iv,,les montagnes doivent s'a-
baisser, les vallées s'aplanir, l'Euphratc et le
Nil se dessécher pour laisser passer les Juifs ;
que le mont dos01ivesserafen(luendeux,etc.
Mais Dieu no fait pas des miracles ridicules
et superflus, uniquement pour satisfaire l'or-
gueil d'une nation. Le sens de la prophétie
est évident : Quand il faudrait abaisser les
montagnes , aplanir les vallées et boulever-
ser la nature entière, Dieu le feiait pour ra-
mener son peuple de la captivité de Baby-
lone ; sa promesse s'accomidira malgré tous
les obstacles. Le (emple de Jérusalem, con-
tinuent les juifs , doit être rebâti suivant la
forme, le plan et les dimensions tracées par
Ezéchiel, c. xl et suiv. Aussi le temple a-t-
11 été rebâti après la captivité de Babylone,
et les juifs ne peuvent pas prouver que l'on
n'a pas suivi la forme et le plan tracés par
Ezéchiel.
Il est dit par le même prophète, c. xxxvii,
et par Daniel, c. xii, etc. , que tous les peu-
ples doivent venir à Jérusalem célébrer les
fêtes juives , que l'idolâtrie et tous les cri-
mes doivent être détruits par toute la terre ,
que le proiihète Elle doit revenir, que la ré-
surrection des morfs doit se faire sous le
règne du Messie. Rien de tout cela , disent
les juifs , n'est arrivé , ni après la captivité
de Babylone , ni sous le règne du prétendu
Messie adoré par les chrétiens. Donc tout
cela s'accomplira dans les siècles futurs ,
lorsque Dieu l'aura résolu. C'est ainsi que
les juifs se bercent de fausses espérances.
Quoi qu'ils en disent, après la captivité de
Babylone , les Juifs , dispersés dans les dif-
férentes contrées de l'Orient, sont revenus
à Jérusalem célébrer leurs fêtes; ils ne se sont
plus livrés à l'idolâtrie dans la Judée comme
auparavant; et par les différentes réformes
que lit Esdras , leurs mœurs furent moins
corrompues. Quand celte révolution serait
annoncée en termes encore plus pompeux ,
il ne s'ensuivrait pas que la prédiction n'a
pas été suffisamment accomplie
Ezéchiel ne prédit point la résurrection
des morts, mais il compare la délivance des
Juifs captifs à Babylone à la résurrection
des morts , et il ne parle point du Messie.
Quant au retour d'Elie , ce prophète est re-
venu au monde dans la personne de Jean-
Baptiste , et il y a paru de nouveau à la
transfiguration de Jésus -Christ. Les Juifs
doutèrent si Jean -Baptiste ou Jésus lui-
même n'était pas Elle ressuscité. Matth. ,
c. XVI, V. 14; c. xvn, v. 3 et 12, etc.
Les Juifs , en confondant les événements
qui devaient arriver au retour de la capti-
vité de Babylone, et qui sont annoncés avec
emphase par les prophètes , avec les prodi-
ges spirituels qui devaient être opérés par
le Messie , ont fait des prophéties un chaos
inintelligible ; et c'est sur cette confusion
que les incrédules argumentent : comme si
c'étaient les prophètes eux-mêmes qui ont
fait ce mélange , et qui ont induit les Juifs
en erreur. Mais quand on cherche sincère-
ment le vrai , l'on distingue aisément ce qui
doit être pris à la lettre d'avec ce qu'il faut
entendre dans un sens figuré ; ce qui a dû
arriver au retour des Juifs dans la Judée ,
d'avec ce qui s'est accompli quatre ou cinq
cents ans après.
Il est vrai qu'il y a encore aujourd'hui
dans le christianisme un nombre de figuris-
tes dont le système est très-propre à nourrir
l'entêtement des juifs , puisqu'il est fondé
sur le même préjugé. Lorsqu'une prophétie
ne leur semble pas avoir été suffisamment
accomplie sous l'Ancien Testament ou à la
venue de Jésus-Christ , ils concluent qu'elle
le sera à la fin du monde, au second avène-
ment du Sauveur, lorsqu'il viendra juger les
vivants et les morts. En mêlant ensemble
toutes les jivophéties qui leur semblent pou-
voir désigner le même objet, celles des an-
ciens prophètes avec celles de l'Evangile,
celles de saint Paul et celles de l'Apoca-
lypse, ils forment un tableau d'imagination,
mais qui peut être détruit aussi aisément
ciu'il est composé. Comment prouvera-t-on
aux juifs qu'ils ont tort de transporter à l'a-
vénement futur de leur Messie les prédic-
tions qui ne leur paraissent pas suffisam-
ment accomplies, pendant qu'on se donne la
liberté de les appliquer à lui second avène-
ment du Sauveur ? Le plus sûr est donc de
nous en tenir au sens littéral des prophéties,
suffisamment tixé par la tradition de l'Eglise,
puisque l'on ne peut tirer aucune consé-
quence des explications mystiques, et qu'une
infinité d'écrivains de toutes les sectes en
ont abusé pour débiter des visions. Voy. Fi-
GURISME.
PROPICE, PROPITIATION , PROPITIA-
TOIRE. Ces termes, dérivés du latin prope,
proche, auprès, sont une métaphore. Comme
nous disons que le péché nous éloigne de
Dieu ou éloigne Dieu de nous , nous disons
aussi que la pénitence nous en rapproche.
Ainsi Dieu nous est propice lorsqu'il se rap-
proche de nous pour nous accorder ses grâ-
ces et ses bienfaits. Lorsque le publicain di-
sait à Dieu : Seigneur , soyez propice à moi,
pauvre péchetir , cela signifiait , Seigneur ,
rapprochez-vous de moi , et ])ardonnez-moi
les péchés qui m'éloignent de vous. Saint
1057
PRO
PRO
1058
Jean, Epist. I , c. iv , v. 2 , dit que Jc'sus-
Christ est la victime de propiliatioii pour nos
péchés , non-seulement pour les nôtres , mais
pour ceux (lu monde entier , parce que sa
mort, qu'il a ofï'erte à Dieu pour les péchés
(ie tous les hommes, a satisfait à la justice
divine , les a réconciliés tous avec elle , a
mérité pour cu\ tous la grâce et la gloire
. éternelle dont le péché les riMidait indignes.
Dans l'ancienne loi , les saciilices oll'erts
pour les péchés sont appelés sncri/iccs pro-
pitiatoires , ]iour la même raison ; et le jour
de l'expiation générale est nommé le jour de
la propitiatiou , Levit. , c. xxiii, v. :iS. L'K-
glise catholique tient pour article de foi que
la messe est un saciitice de propitiation
pour les vivants et pour les moi'ts, parce ijiie
c'est le sacrilicc même de Jésus-Christ re-
nouvelé et oll'ert à Dieu [lour ell'acer les pé-
chés des vivants et des moi'ts , par consé-
3uent pour leur appli(juer les mérites de ce
ivin Sauveur. Voy. Messk. — C'était une
espèce de serment parmi les juifs de dire :
Dieu me soit propice pour que je ne fasse
point telle action, c'est-h-dire Dieu me pré-
serve de la faire. —Le couvercle de l'arche
d'alliance était nonuiié propitiatoire, à cause
de sa forme. Il était jilat et surmonté de
deux chérubins ou anges, tournés l'un vers
l'autre, et dont les ailes étendues formaient
une espèce de trône. Levit. , c. xvi , v. 2.
C'est Ih que Dieu dai^^nait remlre sa pré-
sence sensible, sous la forme d'une nuée ou
autrement, et (piil donnait ses réponses au
grand prêtre , lorsqu'il était considté. Ce
trône était donc appelé le propitiatoire , à
cause que Dieu s'y rapjirochuit de son jjcu-
ple et daignait se rendre accessible. Exod. ,
c. XV , V. ±2; Num., c. vu , v. 89. Cette pré-
sence divine est nommée par les docteurs
juifs schékinah, demeure, habitation, séjour.
Aussi, dans le grand jour des expiations, le
grand prêtre, tenant à la main le sang de la
victime immolée pour les péchés du peuple,
se présentait devant le propitiatoire , s'ap-
prochait ainsi de la Divinité, intercédait et
faisait propitiation pour toute la nation. Par
cette môme raison, les Juifs [lieux et fidèles
à observer la loi, quelque éloignés qu'ils
fussent du tabernacle ou du temple, se tour-
naient de ce côté-là pour faire leurs prières,
parce que c'était là que Dieu daignait habi-
ter et répandre ses grâces. /// Reg. , c. vin,
v. \S; Dan. , c. vi , v. 10; Prideaux, Uisl.
des Juifs, 1. ni, § 1. Par analogie à l'arche
d'alliance , quelques auteurs chrétiens ont
nommé propitiatoires les dais ou baldaquins
qui couvraient l'autel , ou les ciboires sus-
pendus sous ces dais, dans lesquels on con-
serve l'eucharistie : c'était un témoign.igo
de la foi à la présence réelle de Jésus-Christ
dans le saint sacrement.
PROPOS. On ap|)elle ((jimiiunément bon
propos la résolution formée par un péniti'nt
de ne j lus retomber dans le péché , et d'en
éviter les occasions. Ce bon propos est né-
cessairement renferaié dans la contrition ,
sans cela, elle ne serait pas nécessaire. On
ne peut pas dire avec vérité que l'homme se
ropent d'avoir offensé Dieu , et qu'il déteste
son péché , à moins qu'il ne soit dans la
ferme résolution de changer de conduite, et
d'éviter, autant qu'il le pourra, tout sujet de
tentation. C'est la décision du concile de
Trente, sess. IV , c. k. Elle est fondée sur
l'Ecriture sainte; Dieu dit aux pécheurs,
Ezech. , c. XVIII, v. 31 : Rejetez loin de vous
toutes les prévarications que vous avez com-
mises ; faites-vous un esprit et un cœur noti-
veau... Revenez à moi, et vous vivrez. Se faire
un cœur nouveau , c'est changer d'inclina-
tions, d'attachements et d'habitudes, ne plus
aimer, ne plus rechercher ce qui a été la
cause (lu |)éché.
PROPOSITION. L'on appelait pains de pro-
position ou d'offrande les pains qui étaient
présentés à Dieu , et renouvelés diaque se-
maine [lar les prêtres dans le tabernacle , et
ensuite dans le temple de Jérusalem. Lo
prêtre de semaine, tous les jours de sabbat,
mettait ces pains sur une taljle d'or destinée
à cet usage dans le sanctuaire. Ils étaient au
nombre île ddlize , et désignaient les douze
tribus d'Israël. Chaque pain était d'une gros-
seur assez considérable , puisqu'on y em-
plojait deux atïarons de farine, ou environ
six pintes. On les plaçait tout chauds sur la
table , et l'on ôtait les vieux qui avaient été
exposés pendant toute la semaine. Les prê-
tres seuls pouvaient en manger; et si David
en mangea une fois avec ses gens , ce fut
par nécessité. Cette olfrande était accompa-
gnée d'encens et de sel, et l'on brûlait l'en-
cens sur la table , lors(jue l'on y mettait des
pains nouveaux. Les rabbins ont beaucoup
disserté sur la forme de ces pains, sur la
manière dont ils étaient pétris , cuits et ar-
rangés ; mais ce qu'ils en disent n'est rien
moins (pie certain. Dès le commencement du
monde , Dieu a voulu que les hommes lui
jirésentassent les aliments dont ils se nour-
rissaient , parce que ce sont les plus pré-
cieux de tous les biens. Il voulait par là les
fMre souvenir que i-'est lui seul qui les leur
fournit, qu'ils en sont redevables à sa bonté,
qu'ils doivent en être reconnaissants , en
user avec modération , et en faire part à
leurs frères. Cette offrande était donc une très
bonne leçon , et non une cérémonie frivole
et ridicule, comme le prétendent les incré-
dules.
* PROPIUÉTÉ (Droit (te). Dans notre Diction-
naire (le Tliéologie morale, iiods avons examin(; le
droit (le propriété dans son principe et dans ses con-
scHpientes, nons nous contenions d'ajouler ici quel-
ques considérations de M. l'abbé Rairan.
« Dans l'iHat aciuel de riioninie, il Ini faut, pour
l'exciter au travail, au développement de son indus-
trie, ini autre mobile (pie riiitérèt gênerai de la
grande société dont il ferait partie, dit M. l'abbé Bar-
ran. Exposition niisonnée des dogmes et de la morale
du christianisme, t. Il, p. 247. Aussi y verrait-on né-
cessairement l'un ou fanlre de ces abus, peut-être
les deux à la lois ; le despotisme des chefs pesant sur
les membres pour en obtenir la liicbc journalière, ou
l'homme actif, laborieux, s'épuisant de fatigue pour
le négligent et le paresseux, membic comme lui de
cette association dont son oisiveté ne lempëcherait
pas de recueillir les avantages. Sans parler d'une
foule d'auties incouvcnients qui en seraient la sails
1659 PRO
inévitable, que ferail-on des enfants? Puisque les
parents n'auraient aucune propriété à leur préparer,
à leur laisser, il faudrait que ces enfants leur devins-
sent étrangers dé., qu'il serait possible de les aggre-
gi»r à la côinmuiiîinié. Peut-être même les leur arra-
clierait-on , connue à Sparte , pour les faire élever
suivant le bon plaisir ou lintérél des magistrats de
la république. Oi'i serait alors la famille avec ses de-
voirs et ses affeciions sacrées ? Elle n'existerait plus:
on n'aurait, comme chez les animaux, que des mères
et des petits, qui, une fois séparés, ne conserveraient
aucun rapport avec ceux dont ils auraient reçu la vie;
ils seraient pour eux des étrangers. Voilà où abouti-
raient les ib.'ories de nos conuuunistes modernes, s'il
était possible de les réaliser.
I Mais, dira-t-on, n'avons-nous pas aujourd'hui le
clirislianisnie avec sa puissante moralisation ? Les
peuples modernes seront donc plus propres à ce ré-
gime de conununaulé sociale qu'on ne l'était dans
les temps anciens. On s'exagère évidemment l'iii-
(luenee du christianisme, si l'on va jusqu'à lui altri-
buer une modi!ication conipléle, radicale de la na-
ture humaine , en pensant ipi'il fait de l'homme un
être accompli qui ne puisse plus faillir. 11 n'en est
pas ainsi, comme nous en faisons tous les jours la
bien triste expérience. Ainsi les parijsans de ce sys-
tème se jetteraient dans une grande ericnr, s'ils pré-
tcnd:iii'nt établir leurs théories sur la perfection es-
seniielle des chrétiens. Je conviens qu'une commu-
nauté peu no.idjreuse pourra se former parmi eux
avec plus de facilité que elie/. les Spartiates , parce
qu'ils s'aimeront les uns les autres ; (ju'ils se suppor-
teront avec paiience et charité; que, d'un autre cô'.é,
leurs chefs se montreront en tout des modèles ,
comme des guides ; que ce seront plutôt des pères
occupés du bonheur de leurs enfants, ainsi qu'on l'a
vu autrefois dans le Paraguay. Cela sera possible, je
le répèle, dans une société i)eu nombreuse ; mais ,
tenter de rétablir dans une grande nation, ce serait
une folie. Dieu n'a pas imposé celte condition sociale
comme une conséquence de sa religion. Le divin lé-
gislateur des chrctiens n'a change nulle part l'èlat
politique des peuples pour les astreindre à la com-
munauté des biens. Au contraire , lious le voyons
sanctionner de son autorité le respect de la pro-
priété : Rendez à César ce qui ajipartieiit à César
{Mattli. xxii), disait-il aux Pharisiens. Ailleurs, Jé-
sus-Christ parle de la propiiété de l'ouvrier avec le-
quel le père de famille fait une convention , conmie
salaire du travail qu'il attend de lui, et le soir venu
ce père de famille dit à l'ouvrier : Mon ami , preiie:,
ce qui vous apiiartieiit (Mallli. xx). Entendez encore
Jésus-Christ plaçant le vol à coté de rhnraicide ,
qu'apparemment on n'a pas l'iriienlion de justilier
aujourd'hui. Un jeune homme s'approche du Sauveur
et lui dit : Don maître, que faul-il que je fasse pour
acquérir ta vie éternelle ? — Gardez les commande-
ments , lui répond Jesus-Christ. — Quels commande-
ments?— Ceux ci : Vous ne tuerez point.... vous ne
déroberez point (Mattli. xix). Et saint Paul nous as-
sure que ni les voleurs ni les avares n'entreront dans
le royaume céleste (/ Cor. vi). Voici enfin comment
saint Jean décrit l'impénilence de certains hommes
dans les derniers temps : Et ils ne firent point péni-
tence, ni de leurs meurtres , ni de leurs empoisonne-
ments, ni de leurs impudicités, ni de leurs vols [Apoc,
C. ix).
< Qu'on ne se serve donc pas du christianisme
comme d'un prétexte , qu'on ne dénature point sa
charité, pour niveler les conditions sociales et pro-
clamer la loi agraire. La religion impose aux riches
l'obligation rigoureuse de faire l'aumône et de prê-
ter à celui qui est dans un besoin passager ; elle le
menace de la colère divine, des châtiments qui en
seront la suite , s'il méconnaît ses devoirs sacrés :
mais, en même temps, elle déiénd au pauvre dépor-
ter atteinte à la propriété d'aulrui ; il se rendrait
PRO
16(50
coupable d'une injustice qui l'exclurait , lui aussi ,
du royaume du ciel. D'ailleurs, la plupart des com-
munistes de nos jours ne peuvent invoquer cette in-
fluence chrétienne sur les esprits pour les rendre
plus propres à la vie phalanstérienne ( Voy. Fourié-
uisME, Saint - Simonîsme) ; eux qui repoussent nos
principes pour se jeter dans le panthéisme ou le ma-
térialisme le plus aiqect, voilà leur dogme ; eux dont
la morale est la plus obscène volupté et le cynisme
le plus dégoûtant. Vous savez que les saint-simo-
nicns ont aussi lâché d'expérimenter leurs théories
d'harmonisation sociale, cl que bientôt le désordre
s'est introduit dans la famille : les fils et les lilles
ont réclamé contre le Père commun, en lui repro-
chant de ne pas conformer assez sa gestion aux ca-
pacités, et de s'être permis certaines irrégularités
contre la justice commutative, bien qu'ils l'eussent
fait et acclamé Dieu, t
Objection des communistes : i A la bonne heure,
qu'il y ait un droit de propriété : pour le légitimer, il
faudrait que les biens fussent partagés également ;
sans cela , vous ne protégez qu'une injustice sous
l'apparence d'un droit. » M. l'abbé Barran leur ré-
pond :f Je conviens qu'à l'époque où les familles étaient
peu nombreuses, elles diirenl s'établir avec une pos-
session proportionnée aux membres qui les formaient;
du moins chacun put satisfaire ses goûts d'extension
territoriale. Mais l'inégalité de fortune ne tarda pas
à s'introduire, tantôt par des causes indépendantes
de tonte volonté humaine, comme des épidémies, des
déraiigeinents de saisons et autres accidents fu-
nestes; tantôt par inconduite, négligeiicesou fausses
spéculations , ce qui a dû faire passer les fortunes
(tans d'autres familles plus heureuses et mieux ré-
glées. Or, (]ui pourra dire que l'injustice a amené
ces changements, et que la vi(dence ou les préjugés
les ont sanctionnés et mainteinis? On aurait pu éta-
blir, comme chez les Juifs, que le premier posses-
seur rentrerait dans ses droits chatpie cinquantième
année, et qu'ainsi il n'existerait nulle part une alié-
nation perpétuelle : mais cette règle n'a pas eu lieu
ailleurs, nous concevons combien elle aurait pu
nuiie au zèle pour le travail et l'industrie, qui n'est
ellicacement encouragée que par le droit réel de pro-
priété perpétuelle. D'ailleurs, tel est l'ordre établi,
ordre (|u'oii ne peut déclarer avec vérité injuste ni
oppressif , que les fortunes accumulées sont aussi
une propriété légitime qui a un droit sacré au res-
pect , à l'inviolabilité ; et y porter atteinte aujour-
d'hui ou à une autre époque, ce serait une véritable
i)ijustice, une spoliation. Le divin législateur des
clirétiens recommande aux riches d'être miséricor-
dieux et charitables envers le pauvre, mais sans faire
entendre une seule parole de doute sur le droit de
leurs propriétés, et sans leur imposer l'obligation de
partager leur fortune avec leurs fermiers el leurs
voisins. Et puis, a quoi aboutirait cette répartition
d'inégalile? Combien de temps pensez-vous qu'elle
pût se maintenir '! L'homme est si faible, si mobile,
si passionné, que, le jour même du partage territo-
rial el mobilier, l'égalité aurait disparu par les ven-
tes, les dons , le jeu, les prodigalités , et par mille
transactions qui se font dans le commerce de la vie.
Ce serait donc à recommencer tous les mois, ou au
moins à la lin de chaque année , comme un règle-
ment de comptes. Malgré tant de belles théories et de
discours à grand effet, il faut se résigner à l'inéga-
lité de fortunes , comme à une nécessité de notre
condition sur la terre. Dès-lors, une immense pos-
session doit être respectée de tous, comme le petit
patrimoine du cultivateur ou les épargnes de l'arti-
san : elle est protégée par le même principe, le droit
sacré de la propriété. >
PROSE, hymne composée de vers sans
mesure, mais qui n'ont qu'un certain nom-
bre de syllalîes, avec des rimes, qui se chaule
1661
PRO
aux messes solennelles , aprôs le graduel et
YaUchiia, et qui eu est censée la suite. C'est
pour cela que, dans plusieurs missels, les
proses sont nf)nun('es st'quencrs , scqucnlia.
On en altiihvu' l'invcution à Notker, moine
(le S.iinl-i'inll, qui ('■crivail vers l'an 880; mais
il (lit, dans la i)i(5ia(e du livre où il en |)arle,
qu'il en avait vu dans un antiplionaire de
Falihaye do Jumi(''!;es, qui fut brûlée par les
Normands ranH'il. D'autres en tirent .'i son
e\enq>!e, et bientôt il y en eut pour toutes
les i'ôtes et les dimanches de l'année , ex-
cepté depuis la Scpîuagésime jusqu'à P;l-
ques. Mais la plupart fuient conqiosées avec
tant de iiéslii;ence, que l'on a loué les char-
treux et les bernardins do ce qu'ils n'ont
point atbuis de proses dans leurs missels. Il
y a quelques diocèses où l'usage est établi
(le dire une prose, au lieu d'une hymne, aux
secondes vêpres des fêtes doublas.
L'Eglise romaine n'en admet que quatre
jiriucipales, celle tle Pâques, VictiiiHc Pas-
clinli ; celle de la Pentecôte, Veni, Snncte
Spiritus ; celle du saint Sacrement, Landa,
Sion, et celle qui se dit pour les morts, Dies
irœ. La première est d'un auteur inconnu ;
la seconde est attribuée par Durand au roi
Robert, qui vivait au commencement du
XI' siècle; mais il est plus probaltlc qu'elle
a été laite |iarHeiinan le Raccourci, licrma-
tms contractus, qui écrivait vers l'an lOVO,
et que le roi Robert fut l'auteur d'une aulro
plus ancienne qui ciimmençait par Sancli
Spiritus ndsii nabis gratta, et qui a été dite
dans l'ordre de Cluuy, dès le xr siècle. La
• troisième est de saint Thomas d'Aquin, au-
teur de l'oflicc du saint Sacrement, t'elc
qui se dit pour 1 s morts a été composée
par le cardinal Fraui^ipani, appelé aussi Ma-
labrancha, docteur de Paris, de l'ordre des
dominicains, qui mourut à Péro;isf, l'an
1"2',)V. Mais elle n'a commencé à être d'un
usage commun qu'au couimencement du
XVII' siècle. Depuis ce temps-là l'on en a
composé qui sont d'un style plus poétique
et d'un meilleur goût que les anciennes.
I>ebrun , ExpHc. des Cerem. de la messe,
tom. 1, II' part., art. 6, pag. 209.
PROSÉLYTK. Terme grec, qui répond par-
faitement au latin adrcna, étranger, homme
arrivé d'ailleurs : les Juifs d(jiuiaient ce
nom aux étrangers qui s'établissaient parmi
eux, et qui embrassaient leur religion ou en
tout ou en partie. Consé(iueminent ils en
distinguaient do deux esjjèces : ils nom-
maient les uns prosélytes de la porte, les
autres proséhjles de Injustice. Les premiers
étaient des étrangers qui avaient renoncé à
l'idolûtrie, et faisaient profession d'adorer
le seul vrai Dieu, article fondamental de la
religion judiïque, sans la profession duquel
ils n'auraient pas été soufferts parmi les
Juifs. Ceux-ci, persuadés que la loi de Moïse
n'était imposée qu'à leur nation, permet-
taieit à un étranger d'habiter parmi eux,
pouiv'.i qu'il s'abstînt de toute idolâtrie,
qu'il ador.'.t le vrai Dieu, et qu'il observât
les sei'it préce])[es de la loi naturelle inqw-
sés aux enfants de Noé. Yoij. ce mot. 11 lui
1
PRÔ \Mi
était permis de rendre ses hommages à Dieu
dans le temide ; mais il ne pouvait y entrer
que j)ar la première jiorte, et dans la première
enceinte, qui était appelée h; |)arvis des gen-
tils, ntriitm (jenlium ; de là vint le nom de
prosélytes de la porte, que l'on donna aux
étrangers de cette espèce. On croit connuu-
nément que Naaman le Syrien, et Corneille
le centcnier étaient de ce nombre. Les se-
conds étaient des pa'ieus ipii avaient em-
brassé touie la religion juive, et s'étaient
obligés à l'observer aussi exactement que les
Juifs de naissance ; ils étaient appelés prosé-
lytes de la justice, parce qu'ils s'étaient en-
gagés h vivre dans la sainti>té et la justice
prescrites par la loi. Les Juifs recevaient vo-
lontiers ces soiles d'éti'angers ; nous voyons
même dans l'Evangile, Matth., c. xmii ,
V. 15, que, du tem|)S de Notre-Seigneur, ils
se donnaient de grands mouvements pour
convertir des païens, et les attirer à la pro-
fession du judaïsme. Ces prosélytes étaient
initiés par la circoncision ; dès ce moment
ils étaient a mis aux mêmes rites et aux
mêmes privilé:;es ([uo les Juifs naturels.
Par analogie, l'on a aussi nommé prosélytes
les juifs et les païens convertis au chrisiia-
mo. Prideaux. llist. des Juifs, tome 11, liv.
xiiK pag. 115.
PIIOSEUCHE. Yoy. Oratoire.
PROSPKR (saint), né en Aquitaine vers
l'an 405, et mort l'an W3, a passé une partie
de sa vie en Provence et à Rome. Quoique
simple laïque il a mérité d'être mis au rang
des Pères de l'Eglise. C'est lui qui avertit
saint Augustin de la naissance du semi-
péla.janisme dans les Gaules. En 4-28 ou
^'29, de concert avec un nommé Hilaire, il
écri-vait au saint docteur que son livre de
Corrcptiune et dratia causait beaucoup de
bruit à Marseille parmi un nombre de per-
sonnages respectables par leur dignité et
par leurs veilus ; la doctrine qu'ils y oppo-
saient était le semi-j)élagianisme. Pour ré-
ponse, saint Augusiui adressa à tous les
deux ses livres de la Prédestination des
saints et du Don de In Persévérance. Pour
connaître exactement les sentiments des
semi-pélagiens, il faut comparer ces deux
ouviages avec la lettre de saint Prosper et
avec celle d'Hilaire, précaution que n'ont
pas toujours piise ceux qui ont écrit sur
celte matière.
Saint Prosper prit la défense des écrits
de samt Augustin contre les fausses inter-
prétations des semi-pélagiens ; ceux-ci lui
attribuaient les opinions des prédestinatieus,
qui sont les mêmes que celles de Calvm ;
saint Prosper lit voir qu'elles sont fort diffé-
rentes de celles du samt docteur, et il ré-
pouuit à toutes les objections. Il écrivit
encore plusieurs autres ouvrages c ntre ces
nouveaux ennemis de la grâce de Jésus-
Christ. En 1711, l'on en adonné à Paris une
bonne édition in-fol. Plusieurs critiques ont
attribué h saint Prosper les deux livres de la
Vocation des gentils, d'autres les altribuent
à saint Léon avec plus de vrais, mblance ;
mais on convient que ni l'un ni l'autj-e de
1G65
PRO
PRO
166i
CCS sentiments n'est absolument certain.
Hist. (1c l'Eyl. gallic, touje I, pag. 'i-38, etc.
JlUt. JitU'r. de la France, tom. Il, pag. 369.
PROSTERNATION ou Prosternement.
L'action de se mettre à genoux, de frapper
la terre avec le front, ou de se coucher de
son long aux pieds de queli(u'un, a toujours
été la marque du plus profond respect, sur-
tout parmi les Orientaux ; dans cette attitude
mi homme témoigne qu'il se met à la merci
de celui qu'il salue ; les sauvages mômes
ont compris l'énergie de ce signe. C'est ce
que les écrivains sacrés expriment ordinai-
rement par le terme d'adorer. Ainsi lorsqu'il
est dit qu'Abraham adora les habitants de
Heth et les anges qui lui apparurent, que
Judith adora Holopherne, qu'Achior adora
Judith, que les màs,es adorèrent Jésus en-
fant, cela signifie qu'ils se prosternèrent en
signe de respect. Nous nous prosternons de
mÔDie pour adorer Dieu, pour lui témoigner
notre respect et notre soumission, parce que
nous ne pouvons témoigner à Dieu nos sen-
timents par d'autres signes que par ceux
dont nous nous servons à l'égard des hom-
mes. Il ne s'ensuit pas de lii que quand nous
nous prosternons devant les liommes, nous
leur témoignsns le môme degré de respect
et de soumission que nous avons pour Dieu :
par conséquent le mot adorer, dans ces
différentes circonstances, ne peut ])as avoir
le même sens. C'est néanmoins sur cette
équivoque que les protestants nous font un
crime de ce que nous nous prosternons de-
vant les saints et devant leurs images. Yoy.
Adoration.
PROSTERNÉS. Voy. Pénitence publique.
PROSTITUTION. Ce désordre a été toléré
chez toutes les nations païennes ; il y en a
même plusieurs qui ont poussé l'aveugle-
ment jusqu'à en faire une pratique de reli-
gion. Mais Dieu l'avait sévèrement défendu
aux Israéliles, Deut., c. xxiii, v. 17. Aticune
fille d'Israël ne sera prostituée, et aucun
Israélite ne se livrera à un commerce in-
fâme. Vous n'offrirez point à Dieu le prix de
la prosl'Uution, (juelque vœu que vous ayez
fait ; c'est une abomination aux yeux du
Seigneur. Il est évident que par cette défense
Dieu voulait inspirer de l'horreur pour la
dépravation des femmes païennes, qui con-
sacraient à la déesse de l'impudicité une
partie de ce qu'elles avaient gagné par le
crime. Pour rendre l'idolâtrie odieuse, les
écrivains sacrés la désignent souvent sous
le nom de prostitution.
Quelques philosophes modernes ont vai-
nement affecté de nier que chez les Babylo-
niens et chez d'autres peuples, la prostitu-
tion ait été pratiquée iiar motif de religion.
Non-seulement Jérémie, écrivant aux Juifs
captifs à liabylone, les prévient contre ce
scandale, Baruch., c. vi, v. 42; mais Héro-
dote, 1. 1, § 199, en parle comme témoin ocu-
laire, et Strabon, 1. xvi, p. 1081. La môme
coutume régnait en quelques endroits de la
Phénicie, selon Lucien, de Dea Syria, et
iusihi,\. xxii, h. Sieca-Vcneria, ville d'Afri-
que, qui était une colonie de Phéniciens ;
Valère-Maxime, l.ii,c. 6, §15 ; Saint August.,
de Citiit. Dei, \. i\, c. 10; et dans l'île de
Cypre, Athen. deipn., 1. xii, p. 516. Ce dé-
sordre infâme durait encore au commence-
ment du iV sièc'e de l'Eglise dans quelques
temples de la Phénicie ; Constantin devenu
chrétien les lit détruire. Eusèbe, de Vita
Constantin., 1. m, c. 58, ))ag. 613; Socrate,
Hist. cédés., 1. i, c. 18. A la honte de notre
siècle, un philosophe incrédule n'a pas rougi
d'approuver cette infamie, qui est en usage
au Japon. Un autre sujet de confusion pour
nous est que l'un tolère dans le christianis-
me un désordre jiublic qui était sévèrement
défendu chez les Juifs.
PROTESTANTS. L'on a donné d'abord ce
nom aux disciplr>s de Luther, parce que l'an
15-29 ils protestèrent contre un décret de
l'empereur et de la diète de Spire, et ils en
appelèrent à un concile général. Ils avaient
h leur tête six jïrinces de l'empire, savoir,
Jean, électeur de Saxe ; Georges, électeur
de Brandebourg, pour la Francoi ie ; Ernest
et François, ducs de Lunebourg ; Philippe,
landgrave de Hesse, et le prince d'Anhalt.
Ils furent secondés par treize villes impé-
riales. Par là on peut juger des progrès
qu'avait faits le luthéranisme douze ans
après sa naissance. Mais c'était plutôt l'ou-
vrage de la jiolitique que celui de la reli-
gion ; cette ligue piotestante était moins for-
mée contre l'Eglise catholique que contre
l'autorité de l'empereur. L'on a aussi nom-
mé protestants en France les disciples de
Calvin, et l'usage s'est établi de comprendi'e
indifféremment sous ce nom tous les jn-éten ■
dus réformés, les anglicans, les luthériens,
les calvinistes et les autres sectes nées parmi
eux. Nous avons parlé de chacune sous son
nom particulier; mais au mot Réformation
nous examinerons le protestantisme en lui-
même, nous ferons voir que cette religion
nouvelle a été l'ouvrage des passions hu-
maines, et qu'elle ne mérite à aucun égard
le nom de reforme que ses sectateurs lui ont
donné.
Lorsqu'on leur demande où était leur re-
ligion avant Luther ou Calvin, ils disent : dans
la Bible. Il fallait qu'elle y fût bien cachée,
puisque pendant quinze cents ans personne
ne l'y avait vue avant eux telle qu'ils la pro-
fessent. Vous vous trompez, reprennent-ils;
les manichéens ont vu comme nous dans
l'Ecriture sainte que c'est une idolâtrie de
rendre un culte religieux aux martyrs ; Vi-
gilance, que c'est un abus d'honorer leurs
reliijues; Aérius, que c'en est une autre de
prier pour les morts ; Jovinien, que le vœu
de virginité est une superstition. Bérenger
a trouvé aussi bien que nous dans l'Evan-
gile, que le dogme de la transsubstantiation
est absurde; les albigeois, que les prétendus
sacrements de l'Eglise romaine sont de vai-
nes cérémonies ; les vaudois et d'autres,
que les évoques ni 1rs prêtres n'ont ni ca-
ractère ni autorité dans l'Eglise de plus que
les laïques, etc. 11 est donc i)rouvé que no-
tre croyance a toujours été p; ofesséo ou en
tout ou en partie,par auelque société de chré-
ISUS
PRO
PRO
IfiCG
tiens, ec que l'on a tort d(i la taxer do nou-
veauté.
Voilà en vérité la tradition la plus pure et
la plus respectable qu'il y ait au monde ; te
dépôt en est toujours hors de l'E^jHso et non
dans l'Eglise ; elle a pour seuls |j;arants des
sectaires toujours frappés d'anatlième. Il
fallait encore ajouter à cette liste honorable
les gnostiijues, les niarcionites, les ariens,
les nestoriens, les eutychiens, etc. Tous ont
vu de même dans l'Ecriture sainte leurs er-
reurs et leurs rêveries ; ils ont cru, comme
les protestants, (jue ce livre leur sullisait
pour être la règle de leur foi ; mais com-
ment les protestants sont - ils assurés de
mieux voir que tous ces docteurs, dans la
Bible, les articles de croyance, sur lesquels
ils ne s'accordent pas avec eux? Citer do
jirétendus lé)noins de la vérité, et n'être ja-
mais entièrement de leur avis, adopter leur
sentiment sur un point, et le rejeter sur
tous les autres, ce n'est pas leur donner
beaucou]) de poids ni de crédit. Une croyance
ainsi formée de pièces rapportées et de
lambeaux enqiruntés des héréti(]ues dont
plusieurs n'étaient plus chrétiens et n'ado-
raienl jias Jésus-Christ, ne resseudile guè-
res à la doctrine ilo ce divin iMaitro.
Si la Bible renfermait toutes les erreurs
que les sectaires do tous les siècles ont
prétendu y trouver, ce serait le livre le plus
pernicieux qu'il y eût dans le monde ; les
déistes n'auraient pas tort de dire que c'est
une pomme de discorde destinée à mettre
tous les hommes aux piiscs les uns avec les
autres. Mais enfin, puis(iue les protestants
prétendent au privilège de renteudre comme
il leur plaît, ils n'ont aucune raison de dis-
puter ce même droit aux autres sectes ; ainsi
voilà toutes les erreurs et toutes les héré-
sies [lossibles justitiées par la règle des pro-
testants. Mais nous voudrions savoir pour-
quoi l'Eglise catholique n'a |ias aussi le droit
Ue voir dans l'EcritLU'e sainte (juc tous ceux
qui se séparent d'elle, pervertissent le sens
de ce livre divin, qui lui a été donné en dé-
pôt par les apôtres ses fondateurs. Saint
Pierre reprochait déjà aux hérétiques de dé-
jiravcr le sens des Ecritures pour leur pro-
pre perte, £pist. Il, cap. m, v. 10. Deux
cents ans après, TertuUicn leur soutenait
que l'Ecriture ne leur appartenait [las, [luis-
ijue ce n'est pas à eux ni pour eux qu'elle a
été donnée; que c'est le titre de la seule fa-
mille dos vrais lidèles, auquel les étrangers
n'ont rien à voir, de Prœscript., c. 37. C'est
aux protestants de prouver ([ue cette exclu-
sion ne les regarde pas. Si du moins ils for-
maient entre eux une seule et même société
chrétienne , le concert de leur croyance
pourrait paraître im[iosant ; mais l'Eglise
anglicane , l'Eglise luthérienne ou préten-
due évangélique, l'Eglise cahiniste ou ré-
formée, l'Eglise socinienne, ne sont pas
plus unies entre elles qu'avec nous. Les
calvinistes ne haïssent pas moins les angli-
cans qu'ils ne détestent les catholiques ;
quoiqu'ils aient tenté plus d'une fois défaire
seciété avec les luthériens, ceux-ci n'ont
jamais voulu y consentir; souvent ils ont
écrit les uns contre les autres avec autant
d'animosité que contre l'Eglise romaine ;
certains docteurs luthériens ont été maltrai-
tés à outrance, parce qu'ils semblaient [len-
cher au sentiment des calvinistes ; ni les
uns ni les autres ne fraternisent avec les so-i
ciniens.
Pour pallier ce scandale, ils ont été ré-
duits à dire que toutes les sectes qui s'ao>
cordent à croire les articles princifiaux ou
fondamentaux du christianisme, sont cen-
sées composer une seule et même église
chrétienne que l'on peut nommer catliofii/ue
ou universelle. Mais quelle union forment
ensemble des sociétés qui ne veulent avoir
ni la même croyance, ni le même culte, ni
la même discipline"? Ce n'est certainement
pas là l'Eglise que Jésus-Christ a fondée,
puisqu'il la représente comme un seul royau-
me, une seule famille, un seul troupeau ras-
semblé dans un même bercail et sous un
môme pasteur. Voij. Eumse, S 2 (1).
PROTÉ\ ANGILE DE SAINT JACQUES.
C'est le nom que porte un Evangile a,'ocry ■
phe et rempli do fables, (pie Guihaume Pos-
tel avait rapi)orté de l'Orient, et (|ue Théo-
dore Bibliander lit imprimer à RAlo l'an
1do2, in-8'. Fabricius en a donné la notice.
Codex apocryph. Nov. Testam., pag. i8 et
suiv.
Beausobre, Hisl. duManich., tuui. I, 1. ii,
c. 2, § 8 et suiv., fait voir que ce prétendu
protévangile est la production d'un nommé
Leucius ou Leuce-Curin , hérétique du ii'
siècle et de la secte des docètes. qui con-
damnaient le mariage et qui enseignaient
que le Fils de Dieu, pour s'incarner, n'avait
pris qu'une chair fantastique et apparente;
l'ouvrage dont nous parlons était composé
pour autoriser ces deux erreurs. 11 était
nommé protévangile, parce que l'auteur y
raconte des événements qui ont précédé la
prédication de l'Evangile, savoir la naissance
et l'éducation de la sainte Vierge, et la nais-
sance du Sauveur ; mais il ne mérite aucune
croyance.
L'on a aussi donné le nom de protévan
gile à la première promesse que Dieu a faite
de la rédemption future du génie humain,
(1) Le protestantisme est arrivé aujonnl'lnii à une
décomposition coîiiplile. Un tlisi-iple île l'cLdle irilti-
gcl divise les protestants d'AUeniai^ne en ipiiUrc
classes : 1° Les vieux croyants, ce sont les vieillards
imbus de préjugés , (jui croient encore à la Trinité ,
aux. miracles et à la satialaction i>ar la mort de Jé-
sus-Clirist. i" Les croyants éclairés, (|ui sont des
déistes et des pliilosoplies de l'école de liant. Pour
eux les maximes évangeliques sont dignes de l'admi-
ration du sage. 3" Les croyants modernes, qui font de
la religion une espèce de senlimcntcilité , mais sans
fondement bien solide; c'est le ihristianisnic poétisé.
4° Le strausisme, qui est l'incrédulité eomplete on,
pour nous servir d'une expression consacrée, la non
croyance illimitée. Cette non croyance illimitée donne
à chaque siccle d'ajouter ou de retrancher à volonté
aux dogmes chrétiens. — Cette courte exposition de
l'elat du protestantisme en Allemagne nous montre
qu'il n'y a réellemeui plus de cliristianisuie dans les
enfants des premiers-nés de la réforme.
Ifi67
PRO
et qui est renfermée dans les paroles que
Dieu prononça contre le serpent après la
chute d'Adam, la race de la femme t'écrasera
la télé {Gen., m, 13). Par la race de la femme
les Pères de l'Eglise ont entendu Jésus-
Christ Fils de Dieu, né d'uuc fenune par To-
pératioii du Saint-Esprit, cl sans le concours
d'aucun hoiniu;' ; conséqucnnnent idusieurs
interprètes ont dit que es paroles sont le
protévanejile, c'est-à-dire la preudère nou-
velle île la rédemption. Cette croyance est
fondée sur la pensée de saint Paul qui a dit,
Hebr., c. H, V. li, que le Fils de Dieu a
pa ticipé à la chair et au sang, afin de dé-
truire par sa mort celui qui avait l'empire
de la mori, c"est-à-dire le démon, et sur ces
paroles de saint Jean, Episl. I, c. ni, v. 8 :
Dès le commencement le démon est l'auteur du
péché, et le Fils de Dieu est venu pour dé-
truire les œuvres du démon. Dans l'Apoca-
lypse, il est dit, c. MI, V. 9, que le grand
dragon, l'ancien serpent qui est le démon et
Satan, a été précipité sur la terre, etc. Con-
séquemment les Pères ont conclu que la ré-
demption du monde est aussi ancienne que
le péché d'Adam, et ([u'il n'y a eu aucun in-
tervalle entre le péché et le pardon. Voy.
Kédemption.
PROTHfîSE, mot grec qui signifie prépa-
ration. Les Grecs appellent autel de Prothèse
un petit autil sur lequel ils préparent tout
ce qui est nécessaire pour le saint sacrifice,
le |)ain, le vin, les vases, etc. ; ensuite ils
portent le tout on procession et avec beau-
coup de respect, sur l'autel piincipal sur le-
quel on doit célébrer. Ce resjiect avec lequel
les (jrecs pr.'par.nt et portent le pain et le
vin destinés au sacrifice, a paru excessif h
quelques théologiei.s latins ; ils en ont fait
un reproche aux Grecs, connue si ces der-
niers rendaient un culte religieux aux sym-
boles euchaiistiques avant la consécration ;
mais les Grecs n'ont pas eu de peine à jus-
tilier leur pratique. Elle i)rouve qu'ils ont la
même croyance que nous, touchant le sacre-
ment de feucharisliiî et le sacrifice de la
messe; s'ils pensaient comme les protes-
tants, ils n'auraient aucun respect pour ces
symboles.
PROTOCANONIQUES. Ou nomme ainsi
les livres de l'Ecriture sainte qui ont été r,'-
connus de tout temps pour canoniques, soit
par les Juifs ]iOur l'Ancien Testament, soit
par l'Eglise chrétienne pour le Nouveau, et
sur la canonicilé desquels il n'y a jamais eu
de doute ni de contestation ; et l'on ap-
pelle deutérocanoniques ceux desquels on a
douté pendant quelque temps. Voy. Canon et
Deutérocanomqije.
PROTOCTISTES. Hérétiques nrigénistes
ciui soutenaient que les âmes avaient été
créées avant le corps; c'est ce c[ue leur nom
signifie. Vers le mdieu du vj° siècle, après
la mort du moine Nonnus, chef des origé-
nistes, ils se divisèrent en deux branches,
l'une des protoctistes dont nous parlons,
l'autre des isochristes dont nous avons fait
mention sous leur nom. Les premiers fu-
rent aussi nommés tétradites, et ils eurent
PRO 1666
pour chef un nommé Isidore. Voy. Oniai'-
NISTES.
PROTO:\IARTYR , premier témoin , titre
donné à saint Etienne, parce qu'il est le pre-
mier qui ait soutferl la murt pour Jésus-
Christ et pour l'Evangile. Quelques auteurs
ont aussi donné ce nom à Ab(d, mais impro-
prement; ijuoique ce fils d'Adam soit mort
innocent, l'Ecriture ne dit point qu'il a
soulfert pour la défense de la religion.
PKOTOPASCHITES. Dans Vllistoire ecclé-
siastique , ceux qui célébraient la pAque
avec les juifs, et qui usaient comme eux de
pain sans levain, sont appelés protopaschi-
Ics, parce qu'ils faisaient cette fôte le qua-
torzième jour de la lune de mars, par con-
séquent avant 'les orthodoxes, qui ne la
faisaient que le dimanche suivant. Les pre-
miers furent aussi nommés sabbathiens ou
quartodécimans. Voy. ce mot.
PROTOPLASTE, premier formé; c'est un
surnom d'Adam.
PROTOSYNCELLE. Voy. Syncelle.
PKOTOTHRONE. On appelait ainsi dans
l'Eglise grecque le premier évèque d'une
province ecclésiastique, ou celui qui tenait
la première place après le patriarche ou
après le métropolitain. Ces sortes de dis-
tinctions n'avaient pas été introduites par
ambition ni par orgueil, mais pour établir
un ordre constant dans la discipline, et afin
que l'on pût savoir, dans le cas de la va-
cance du siège patriarcal ou métropolitain,
auquel des évoques la juridiction était dévo-
lue.
PROVERBE. Dans l'Ecriture sainte ce
mot signifie, i° une sentence commune et
populaire, et môme une chanson; Num., c.
XXI, V. 27 : Dicetur in proverbio, renite in
Hesebon, etc. 2° Une raillerie, une déri-
sion ; Dcut. , c. xxviii, V. 27 : Erit Israël
in provcrbium, Israël sera le jouet de tous
les peuples. 3° Une énigme, une sentence
obscure ; il est dit du sage, Eccii., c xxix,
V. 3 : Occulta provei'biorum exquiret, il re-
cherchera le sens caché des bonnes maximes.
Une parabole, un discours figuré ; Joan., c. x,
V. 0 : Hoc proverbiuia dixit eis Jésus.
PROVERBES (livre des). C'est un des li-
vres de l'Ancien Testament; il est ainsi
nommé, parce que c'est un recueil de sen-
tences morales et de maximes de conduite
pour tous les états de la vie, que l'on attri-
bue à Salomon. En effet, son nom parait à
la tète de l'ouvrage , il est encore répété
dans le corps du livre, c. x, v. 1, et c. xxv,
v. 1. Dans le IIP livre des Rois, il est dit cpie
ce prince avait composé trois mille parabo-
les, c. IV, V. 32. Les anciens Pè.-es ont ap-
pelé ce recueil Panarète, c'est-à-dire trésor
de toutes les vertus. Les docteurs juifs, aussi
bien que l'Eglise chrétienne, en ont toujours
fait honneur à Salomon, et l'ont toujours
mis au rang des livres saints.
Cependant quelques critiques hardis, à la
tète desquels est Grotius, ont douté si Salo-
mon en est l'auteur. Us ne nient [loint que
ce prince n'ait fait fairr' un r'ecueil des maxi-
mes de morale des écrivains de sa nation;
im
?no
PRO
1670
niais ils préteudont quo sous Ezi'chias, Elia-
cjni, Sohna et Joaké y ajoutèrent co qui
avait été écrit île meilleur (le|)uis Salomon ;
qu'ainsi cotte compilation est |>ai'lie de
(lifférentes mains. Grotius en donne pour
jueuve la dillerence de style qu'il a cru
y remarquer. Les neuf premiers cliajii-
ircs, dit-d, sont écrits en forme do discours
suivis ; mais au chap. x jusqu'au cliap. xxii,
V. 16, le style est coupé, senleutieux, rempli
d'antithèses. Au v. 17 et suivants, il res-
semble davantai';e au commencement du li-
vre ; mais au ch. xxiv, v. 23, il redevient
court et sans liaison; c. xxv , on lit ces
mots : Voici les paroles recueillies par les
gens d'Iizechias, roi (le Juda: cli. xxx : Dis-
cours d'Afjitr, (ils de Jou/cé : enlin le c. xxxi
a pour tilre : Discours du roi Lamuel. Mais
des conjectures aussi faibles \w peuvent pas
prévaloir sur la tradition constante qui a
toujours attribué ce livre à Salomon. La dif-
férence de style prouve seuleuient (]ue ce
livre n'a pas été composé de suite, mais par
morceaux détachés, comme sc^ font ordinai-
rement les recueils. Si la variété du style
prouvait iiuehjue chose, il faudrait soutenir
que les Proverbes, l'Ecclésiaste et le Canti-
qn(! ne jieuvent être de la môme main,
puisque le style de ces trois ouvrages est
fort différent. Le chapitre xxv, v. 1, porte :
Voici les paraboles de Salomon, recueillies
par les gens d'Ezéchias, roi de Juda ; mais
les recueillir, ce n'est pas en être l'auleur.
11 n'est pas sûr que, c. xxx, v. 1, Aç/ur et
Joaké soit deux noms d'hominos ; la Vulgate
les prend poiu' deux noms appellalifs, dont
l'un signilie celui qui amasse, l'autre celui
qui rend, ou qui vomit. Enlin. puisque l'his-
toire ne fit mention d'aucun roi nommé
Lamuel, ce peut être un surnom ou une
éjiithète donnée à Salomon.
Parmi les anciens , Théodore do Mop-
sueste, parmi les modernes l'auteur des Sen-
timents de quelques théologiens de Hollande,
sont les seuls qui aient révoqué en doute
l'inspiration de ce livre, et qui aient pré-
tendu qu'il a été composé par une indus-
trie purement humaine.
Les anciennes versions, la grecque et la
latine contiennent quelques additions et
quelques transpositions qui ne sont point
dans riiébreu, mais saint Jérôme a rendu la
Vulgate plus exacte qu'elle n'était aupara-
vant. Voi/. Bible d'Avignon, t. VUI, p. 1.
PKOViDENCE, attention et volonté do
Dieu de conserver l'ordre physique et moral
qu'il a étaljli dans le monde en le créant.
Si Dieu ne prenait aucun soin des choses
de ce monde, surtout des créatm-es intelli-
gentes, il serait nul [tour nous, et il nous
serait fort indifférent de savoir s'il existe ou
n'existe pas. La bonté, la sagesse, la justice,
la sainteté que nous lui attribuons seraient
des mots vides do sens, la morale w. serait
qu'une vaine s|iéculation, et la religion se-
rait une absurdité. C'est ce que l'on a dit
autrefois aux épicuriens, qui admettaient
des dieux sans vouloir leur attribuer une
providence- on a soutenu avec raison qu'E-
picure admettait la Divinité en apparence,
et ([u'il la détruisait en elfct.
Aussi la preudêre leçon que Dieu a don-
née à l'homme en le mettant au monde, a
été de lui apitrendre (juo son créateur ('(ait
aussi son maître, son père, son législalour
et son bienfaiteur ; Dieu ne s'est pas seule-
ment fait connaîtr.i à lui comme un être
d'une nature supérieure, mais comme l'au-
teur et le conservateur de toutes choses,
comme le rémunérateur de la vertu et le
vengeur du crime. C'est par là que Moïse
commence son histoire, et cette histoire
sainte n'est autn; ([ue l'histoire de la Provi-
dence. Suivant le tableau (pi'elle lait de la
création. Dieu, en tirant du néant le monde,
n'a point agi avec l'impétuosiié aveu:j,le
d'une cause nécessaire, mais avec l'inteili-
gence d'un être libre, avec n'Oexion, avec
prévoyance, avec attention h la perpétuité
de son ouvrage et au bien-être de ses créa-
tures. Il a dit, et tout a été fait, mais il a vu
aussi que tout était bien. Après avoir formé
deux créatures humaines, il leur ordonne
de se multiplier, de peupler la terre, de la
soumettre à leur empire; il les bénit, afin
qu'elles i;ros|ièrent. Bientôt il leur donne
une loi, et d les punit pour l'avoir violée.
Il en agit de môme à l'égard de leurs en-
fants ; il se conduit envers les jiremiers
hommes comme un père dans sa famille :
après avoir exercé pour eux sa sagesse et
sa bouté, il fait éclater sa justice en punis-
sant le crime ; et de siècle en siècle ses le-
Ç(ms deviennent plus fra|)pantes. Les éga-
rements dans lesquels les liouuues ne tar-
dèrent pas de tomber, ne nous font que
trop Siuitir combien elles étaient nécessai-
res; mais il est bon de remarquer la sagesse
avec laquelle la divine Providence les a di-
rigées.
Les événements arrivés dans l'enfance du
monde, que nous appelons l'état de nature,
tendaient principalement à convaincre les
hommes de l'attention que Dieu donne à
l'ordre physique de l'univers; tels furent
le déluge universel, la confusion des lan-
gues et la dispersion despeu|)les, l'embrase-
ment de Sodome, les sept années de famine
en Egpte, etc. Dieu savait (pie les hommes
aveugles allaient bientôt attribuer à d'autres
qu'à lui le gouvernem.nt de la nature, en
supposant que les astres, les éléments, les
phénomènes du ciel, les productions de la
terre, étaient dirigés [lar des génies, des
démons ou de prétendus dieux inférieurs
et secondaires; que tede serait l'origine du
polythéisme et de l'idolàlrie. 11 était donc
nécessaire que Dieu frappât de grauds cou)is
sur la nature pour appreiiih-e aux hommes
qu'il en est le seul maître, et qu'il la conduit
seul par sa providence. Les instructions
qu'il donna aux Hébreux par Mo ,h\ les pro-
diges qu'il opéra en leur faveur, curent
pour objet princi[ial de fiiire voir non-seule-
ment à eux, mais à tous leurs voisins, qu'il
est l'arbitre souverain du sort de toutes les
nations ; que c'est lui seul qui leur accorde
la prospérité ou leur envoie des malheurs,
1G71
PRO
PRO
1C72
qui les établit dans une contrée ou les trans-
plaule ailleurs, qui leur donne la paix ou
la guerre, etc. Alors s'introduisait chez les
différents peuples le culte des dieux tutélai-
res et nationaux, et le culte des héros; cha-
que peuple voulait avoir le sien et en être
seul protégé. C'était tout à la fois un elïet
des ]iréventions et des haines nationales, et
une cause propre à les perpétuer. Dieu vou-
lait les faire cesser, et cela serait arrivé si
les hommes avaient été moins aveugles et
moins obstinés dans leur erreur; en adorant
tous un seul Dieu, ils auraient été mieux
disposés à fraterniser. Au mot Jldaisme,
nous avons fait voir qu'il n'est pas vrai que
les Juifs aient pensé sur ce sujet comme les
autres peuples, qu'ils aient regardé le Créa-
teur du ciel et de la terre comme un Dieu
local et particulier. Quant aux leçons de
Jésus-Christ dans l'Evangile, elles ont un
objet encore jilus sublime, c'est de nous ap-
prendre que cette même Providence divine
conduit seule et comme il lui plaît l'ordre
surnaturel; que de|)uis le commencement
du monde elle a eu pour objet le salut du
genre humain; que tel a été dans tous les
siècles le but de sa conduite; mais qu'elle
exécute ce grand dessein par des moyens
impénétrables à nos faibles lumières, qu'elle
éclaire telle nation par le flambeau de la foi,
pendant qu'elle en laisse telle autre dans les
ténèbres de l'infidélité; sans c{ue celle-ci ait
droit de se plaindre, ni l'autre de s'enor-
gueillir ; qu'à chaque particulier même Dieu
accorde telle mesure de grâce et de dons
surnaturels qu'il le juge à propos, sans que
personne ait droit de lui demander raison
de sa conduite.
Ainsi nous pouvons dire que dans tous les
siècles la providence de Dieu s'est rendu té-
moignage à elle-même, parles leçons qu'elle
a faites aux hommes et par la manière dont
elle les a gouvernés, leçons et gouvernement
toujours analogues aux besoins de l'huma-
nité, qui ne peuvent être par conséquent
l'ouvrage du hasard, mais le plan d'une sa-
gesse inlinie. Les incrédules ne peuvent l'at-
taquer qu'en objectant qu'il n'a pas réussi ;
mais il n'a tenu qu'aux hommes de le faire
réussir, et il ne tient encore qu'aux incré-
dules de contribuer au succès, en ouvrant
les yeux à la lumière, en prêchant la reli-
gion et la vertu, au lieu de professer l'im-
piélé. Ils ne foiit aujourd'hui que répéter les
sophismes des anciens philosophes contre
la Providence, et retomber dans les mômes
préjugés. En efl'et, pourquoi un si grand
nombre de raisonneurs ont-ils méconnu
cette grande vérité? Nous le voyons [lar
leurs écrits. Les uns pensaient (|u'il était im-
possible qu'une seule intelligence pi'it voir
toutes choses dans le dernier détail et y
donner s n attention ; les autres jugeaient
que ces soins minutieux seraient indignes
de la majesté divine, dégraderaient sa sa-
gesse et sa Jouissance; d'autres prétendaient
qu'une telle administration trouble ait son
repos et son bonheur. Une preuve, disaient
la plupart, que ce n'est point un Dieu sou-
verainement puissant et sage qui a fait le
monde, c'est qu'à plusieurs égards il y a do
grands défauts dans cet ouvrage; et une
preuve que ce n'est pas lui qui le gouverne,
c'est qu'il y arrive contiiuiHlement du <lé-
sordre ; en est-il un plus grand que d'y lais-
ser la vertu sans récompense et le vice sans
châtiment? Déjà, quatre mille ans avant nous,
les amis de Job raisonnaient ainsi, et ce
saint homme soutenait contre eux la cause
de la Providence.
Conséquemment, parmi les philosophes
])aïens, les uns, comme les épicuriens, sou-
tinrent que dans le monde tout est l'effet
du hasard; que les dieux, endormis dans
un profond repos, ne s'en mêlaient en au-
cune manière. Les autres, surtout les stoï
ciens, imaginèrent que tout était décidé par
la loi du destin, loi à laqui'lle la Divinité
même était soumise. D'autres enfin, dociles
aux leçons de Platon, imaguièrcnt que le
monde avait été fait et qu il était gouverné
par des esprits, génies, dénions ou intelli-
gences inférieures à Dieu; que ces ouvriers
impuissants et malhabiles n'avaient pas su
corriger les imperfections de la matière, et
ne pouvaient pas empêcher les désordres de
ce monde.
Aucun de ces systèmes n'était ni hono-
rable à la Divinité, ni consolant pour les
hommes; voilà cependant tout ce que la rai-
son humaine, cultivée par cinij cents ans de
spéculations philosophiques, avait trouvé
de mieux. Il est clair que ce chaos d'erreurs
était fondé sur quatre notions fausses : la
première, touchant la création, que les phi-
losojjhes ne voulaient pas admettre; la se-
conde, touchant le bien et le »««/, qu'ils pre-
naient pour des termes absolus, pendant
que ce sont seulement des termes de com-
paraison; la troisième, à l'égard de la puis-
sance infinie, (ju'ils comparaient à la puis-
sance bornée des hommes; la quatrième en-
fin, concernant la justice divine, qu'ils sup-
posaient faussement devoir s'exercer en ce
monde. 11 est de notre devoir de le démon-
trer. 1° Si les philosophes avaient compris
que Dieu a le pouvoir créateur, qu'il opère
par le seul vouloir, qu'à sa seule |)arole, au
seul acte de sa volonté, tout a été fait, ils
auraient conçu de même que le gouverne-
ment de l'univers ne peut pas coûter davan-
tage à Dieu, ni plus dégrader sa majesté sou-
veraine, que la création. Ici les philosophes
comparaient déjà l'intelligence et la puis-
sance divine à l'intelligence et à la puissance
humaine; et parce qu'un roi serait fat gué
et dégradé s'il entrait dans les plus minces
détails du gouvernement de son empire, ils
en concluaient qu'il en serait de même de
Dieu. Conséquence ridicule et fausse. C'est
donc l'idée du pouvoir créateur qui a élevé
l'esprit et l'imagination des écrivains sacrés,
et qui leur a inspiré, en parlant de la puis-
sance de Dieu, des expressions si supérieu-
res à toutes les conceptions philosophiques.
Dieu, selon leur style, n'a fait cju'apiieler du
néant les êtres, et ils se sont présentés; il
tient les eaux des mers et il pèse le globo
I
1675
PRO
PRO
4674
dans le creux de sa main; les cieux sont
l'ouvrage de ses doigts, c'est lui qui dirige
les astres dans leur couiso majestueuse;
d'un mot il peut abîmer le ciel et la terre,
les l'aire rentrer dans le iK'-ant, etc. Il lui
sufllt lie connaître sa puissance, jjour voir
non-seulement tout ce (jui est, mais tout ce
qui peut être. — 2' Sous les mots Uien et
Mal, nous avons fait voir qu'il n'y a dans
le monde ni bien ni mal absolu, mais seule-
ment par comparaison; que quand on soutient
qu'il y a du mal, cela signitie seulement
qu'il y a moins de bien qu'il ne pourrait y
en avoir. Nous avons observé qu'il n'est
aucune créature à laquelle Dieu n'ait fait du
bien, quoitpi'il eût pu lui en faire davan-
tage, et quoiqu'il lui en ait fait moins ([u'à
d'autres. Or c'est une absurdité de préten-
dre que tout est mal, parce que tout est
moins bien qu'il ne pourrait ôtre ; c'en est
une autre do supposer qu'un être créé, par
conséquent essentiellement borné, peut être
absolument bien et sans défauts à tous
égards ; il serait comme Dieu la perfection
intinie. — 3° L'on se fait une fausse notion
de l'infini, quand on suppose que Dieu,
fiarce qu'il est tout-puissant, doit faire tout
e bien qu'il [)eut; cela est impossible, puis-
qu'il en peut faire à l'intini. Cette supposi-
tion renferme une contradiction, puisque
c'en est une de vouloir que Dieu tout-i)uis-
sant ne puisse pas faire mieux. Ici revient
encore la comparaison fausse entre la i)uis-
sance de Dieu et la puissance humaine ;
l'homme doit faire tout te bien, ou le mieux
qu'il peut, parce que son pouvoir est borné;
il n'en est pas de même à l'égard de Dieu,
parce que son pouvoir est inlini. — k" Les
philosophes ne raisonnaient pas mieux lors-
qu'ils étaient scandalisés de ce que Dieu ne
punit pas toujours les crimes en ce monde ;
une conduite contraire serait trop rigoureuse
à l'égard d'un être aussi faible et aussi in-
constant que l'homme, elle lui ôterait le
temps et les moyens de faire pénitence.
Quelquefois ce qui paraît un crime aux yeux
des hommes est une action louable ou in-
nocente ; bien plus, souvent ce qui leur
semble être un acte de vertu vient d'une in-
tention criminelle ; \a Providence serait donc
injuste, si elle se conformait au jugement
des hommes. D'autre part, les récom[)enses
de ce monde ne sont pas un prix sulïisant
pour une Ame vertueuse, immortelle de sa
nature ; il faut que la vertu soit éjirouvée
sur la terre pour" mériter un bonheur étei-
nel. Si les philosophes païens en avaient eu
connaissance, ils auraient raisonné tout diffé-
remment ; leurs reproches contre la Provi-
dence n'étaient fondés que sur leur igno-
rance. Ce sont néanmoins ces notions faus-
ses qui ont le plus indisposé les païens
contre le christianisme, qui ont fait éclore
les premières hérésies, qui servent encore
aujourd'hui de fondement aux divers systè-
mes d'incrédulité. « Les chrétiens, dit Céci-
lius dans Minulius Félix, prétendent que
leur Dieu, curieux, inquiet, ombrageux, iiu-
prudent, se trouve partout, sait tout, voit
DiCTIONN. DR ThKOL. DOGMATiyL'E. III.
tout, même les plus secrètes pensées des
hommes; se mêle de tout, même de leurs
crimes; comme si son attention pouvait suf-
fire, et au gouvernement général du monde,
et aux soins nniuUieux do chaque particu-
lier. Folle prétention. La nature suit sa mar-
che éternelle, sans (ju'un Dieu s'en luèle;
les Idens et les maux tombent au hasaril sur
les bons et sur les méchants ; les hounues
religieux sont souvent [dus m.iKraités par
la fortune que les imjjîes; si le monde était
gouverné par une sage Providence , les
choses sans doute irai(mt tout aulreuient. »
Voih'i ce que les athées et les matérialistes
disent encore tous les jours. Celse et Julien
étaient indignés de ce que les Juifs se
croyaient plus chéris et plus favorisés de
Dieu (jue les autres nations, de ce (jue les
chrétiens à leur tour se flattaient d'être plus
éclairés que les païens. Ils comparaient l'é-
tat obscur, abject, malheureux, dans lequel
les Juifs avaient toujours vécu, à la prospé-
rilé, aux victoires, à la célébrité dont les
Grecs et les Romains pouvaient se glorilier;
ils regardaient tout cet éclat extérieur comme
la preuve d'une ])rédiloction i)articulière do
la Providence, et comme une récomjiense du
culte que ces peuples avaient rendu nux
dieux. A présent les déistes souiiennont que
la prédilection de Dieu envers les juifs, si
elle était vraie, serait un trait de partialité,
d'injustice, de malignité, qu'ainsi les écri-
vains sacrés, qui la supposent, nous don-
nent une fausse idée de la Divinité et de sa
providence. — Les marcioniles et les mani-
chéens argumentaient à peu près de même;
la différence qu'ils trouvaient entre la liji de
Moise et celle do l'Evangile, entre la con-
duite de Dieu envers les [iremiers hommes,
et celle qu'il a tenue dans la suit ■, K ur pa-
raissait prouver ijue ces deux plans de pro-
vidence ne pouvaient pas êtie du même
Dieu; que l'auteur de l'ancienne loi était
plutôt un être méchant qu'un génie ami des
hommes. Ils ne voyaient {)as que le genre
humain, dans son enfance, ne pouvait et ne
devait pas être conduit de la môme manière
que dans son ;ige mûr. La plupart des ob-
jections des manichéens contre l'Ancien
Testament ont été renouvelées de nos jours
par les déistes; ils ont poussé l'aveuglement
jusqu'à objecter contre la Profif/cHce les faits
mêmes qui la prouvent, qui en démontrent
la sagesse et la bonté.
La plupai t des sectes des gnostiques ne
purent se persuader que Dieu eût voulu s'a-
baisser jusipi'ii s'incarner dans le sein d'une
femme, épiouver les misères et les faibles-
ses de l'humanité, soullrir et mourir sur une
croix; ainsi les elTusions de la bonté de Dieu
et les rigueurs de sa justice, les bienfaits et
les châtiments, ont servi tour h tour aux,
hommes insensés et indociles, de prétexte
pour blasiihémer contre la Providence. Leur
maide a toujours été dédire : Si j'étais Dieu,
j'ayirais tout autrement; Dieu pouvait leur
lépondre; Et moi aussi j'agirais différemment
si j'étais homme. En examuianl de près i'es-
nrit qui a dicté d'un côté le iirédesliuatianis
53
1575
PRL
PSA
1676
me , de l'autre le pélagianisme, nous verrions
qu'il a été relatif au caractère personnel des
acteurs : les uns ont attribué à Dieu le des-
potisme des mauvais princes, les autres la
conduite indulgente et douce des bons rois :
il fallait s'en tenir à ce que Dieu lui-même
a daigné nous révéler dans l'Ecriluie sainte
touchant la conduite adorable de sa pro-
vidence, toujours juste sans cesser d'être
bonne et bienfaisante, et toujours bmne
sans déroger à sa justice. Yoy. Bonté, Jus-
tice, etc.
Un des ouvrages modernes les plus pro-
pres à nous faire admirer la Providenre
divine dans l'ordre physique du monde est
inlitulé: Etudes de lanature, et les objets sur
lesquels l'auteur présente ses réflexions ,
sont les plus dignes d'occuper les médita-
tions d'un philosophe; mais un théologien
doit princijialeraent étudier la conduite de
cette même Providence dans l'ordre moral,
surtout dans l'ordre surnaturel, tel gue la
révélation nous le fait connaître : à l'aide du
flambeau de la foi, nous voyons que cette
Providence divine est encore plus admira-
ble dans le gouvernement des esprits tjue
dans la conduite des corps, dans l'effusion
des dons de la gcAce que dans la distribu-
tion des bienfaits de la nature.
PRUDENCE , l'une des vertus que les mo-
ralistes nomment cordmo/e , et qui-, suivant
l'Ecriture sainte, est un don de Dieu. Sous
le nom Ae prudence, les anciens philosophes
entendaient principalement l'habileté de
l'homme à connaître ses véritables intérê:s
fiour ce monde , à prévoir les dangers pour
'avenir, à éviter tout ce qui peut lui causer
du dommage ; l'Evangile , au contraire , en-
tend par la prudence l'attention de prévoir et
de prévenir tout ce qui pourrait nuire à notre
salut ou à celui des autres. Aussi, Jésus-
Christ distingue la prudence des enfants du
siècle d'avec celle des enfants de lumière,
Luc. , c. XVI , V. 8 , et il nous ordonne de
joindre à la prudence du s -rpent , la simpli-
cité de la colombe , Matth., c. x, v. 16. Saint
Paul nous ajiprf'ni qu'il y a une prudence de
la chair qui est ennemie de Dieu, Wom., c.viii,
V. 7. Telle était la disposition de ceux qui
ne voulaient pas embrasser l'Evangile , d.ms
la crainte de s'exposer aux persécutions : il
fait remarquer que.ceux qui ont le plus de
prudence et de capacité pour les affaires de
ce monde, sont souvent les plus aveugles et
Jes plus téméraires à l'égard de l'affaire du
saliit, / Cor., c. i, v. 19.
PRUDENCE, poète chrétien, dont le vrai
nom était Aurelius Prudentius Clemens, na-
quit en Espagne l'an 348 ; il a par conséquent
écrit sur la lin du i\' siècle et au commen-
cement du v°. 11 n'y a rien de profane dans
ses poésies, tout y respire la vertu et la piété.
Quoique la langue latine fût déjà beaucoup
déchue de son temps , il y a dans ce poète
plusieurs morceaux dignes du siècle d'Au-
guste, et l'on chante encore dans l'otrice di-
vin quelques-unes des hymnes qu'il a com-
posées. Comme il était très-instruit de la
doctrine chrétienne, plusieurs savants n'hé-
sitent point de le ranger parmi les docteurs
do l'Eglise ou parmi les témoins do la tra-
dition. Le Clerc, quoique protestant, ou plu-
tôt socinien , convient que ceux qui ont
voulu soutenir qu'au iv' siècle l'on n'invo-
quait pas encore les saints, peuvent être ré-
futés par plusieurs morceaux des poésies de
Prudence ; en effet cet auteur atteste dans
plusieurs endroits l'invocation des saints , le
culte rendu à la croix et h leurs reliques, et
la coutume de placer leurs images sur l'autel.
On trouvera une notice exacte des ouvrages
de ce ]ioëte dans les Vies des Pères et des
Martyrs, t. XII, p. 117 et suiv.
PSALMISTE, PSALMODIE. Voy. Psaume.
PSAÏYRIENS, nom qui fut donné, au
iv siècle, à une secte de purs ariens; on
n'en sait pas l'origine. Dans le concile d'An-
tioche , l'an .%0 , ces hérétiques soutinrent
que le Fils de Dieu avait été tiré du néant de
toute éternité; qu'il n'était pas Dieu, mais
une créature ; qu'en Dieu la génération ne
différait point de la création. C'était la doc-
trine qu'Arius avait enseignée d'abord , et
qu'il avait prise dans Platon. Théodoret ,
Hœr. Fab., 1. iv, p. 387.
PSAU.ME , cantique ou Wymne sacré. Le
livre des psaumes est nommé en hébreu
Theilliin (louange) , parce que ce sont des
chants destinés à louer Dieu; le grec -^a-liiol
vient de -^càleiv , toucher légèrement ou pin-
cer un instrument de musique, paice que le
chant des psaumes était accompagné du son
des instruments. Ils sont au nombre de cent
cinquante; les Hébreux n'en ont jamais
compté davantage, quoiqu'ils ne les partagent
pas absolument comme nous; mais cette
variété est légère , elle ne mérite pas atten-
tion. 11 n'est aucun livre de l'Ecriture sainte
dont l'authenticité soit mieux établie; c'est
un fait constant que , depuis David jusqu'à
nous, les Juifs n'ont pas cessé de faire usage
des psaumes dans leurs assemblées religieu-
ses. Ce pieux roi les ût chanter dans le ta-
bernacle , dès qu'il l'eût fait placer à Jérusa-
lem sur le mont de Sion; il ré,;;la les fonctions
des lévites à cet égard; il établit quatre raille
chantres, auxquels il donna des instruments,
et il chantait lui-même avec eux; / Par.,
c. xxiii , v. 5. Salomon son fils conserva le
même ordre dans le temple lorsqu'il l'eut
fait bâtir, et l'on continua de l'observer jus-
qu'à ce que ce temiile fût détruit par Nabu-
chodonosor. Pendant la captivité de Babylone,
un des [ilus vifs regrets des Juifs était de ne
plus entendre chanter les cantiques de Sion;
mais dès qu'il furent de retour, Zorobabel,
leur chef, et Jésus, [ils de Josédech, grand
prêtre , firent dresseï' un autel pour y offrir
des sacrifices , et rétablirent le chant des
psaumes tel qu'il était auparavant; I Esdr.,
c. m, v. 2 et 10.
C'est une question de savoir si David est
le seul auteur des 150 psaumes sans excep-
tion, ou s'il y en a quelques-uns qui ont été
composés par d'autres écrivains liébreux, tels
que Asaph, Idithun, Eman , les enfants de
Coré, etc., comme le titre de plusieurs psau-
mes semble l'indiqier. L'un et l'autre de ce§
1677
PSA
sentiments est soutenu par des Pères de l'E-
glise et par d'habiles interprètes; mais il
n'est pas nécessaire d'en embrasser un, puis-
que rE;j;lise n'a rien décidé sur ce point : en
lisant attentivement ces divins cantiques, on
voit que tous ont été composés par le même
esprit, c'est-à-dire par l'esprit de Dieu. Il
est certain, j)ar une multitude do i)assagi's
de l'Ecriture sainte, et par le sujet même do
la plupart des psaumes , que David est l'au-
teur du très-grand nombre; si d'autres que
lui en ont fait, ils l'ont pris pour guide et
pour modèle. Il n'y a pas lieu non plus d'as-
surer que c'est Esdras ou un autre qui en a
fait la collection : cela n'u pas été nécessaire.
Probablement les prêtres et les lévites en
avaient cliacun un recueil , puisque c'était à
eux de les chanter; ils l'emportèrent sans
doute à Babylone , afln de les enseigner et
d'y exercer leurs enfants ; ils n'avaient j)as
moins besoin .le ce livre que du Lévitique,
qui renfermait le détail de leurs fonctions,
et ils étaient assurés que leur famille revien-
drait dans la Judée au bout de soixante-dix
ans. Ceux qui revinrent en etl'et durent rap-
porter ce livre avec eux aussi bien que leur
généalogie, alin de rentrer en possession du
sacerdoce; / Esdr., c. n , v. 62. Comme
Esdras était prêtre , il avait sans doute un
recueil depsaumrs, mais ce n'était pas le seul,
puisque soixante-treize ans avant son arrivée,
et avant même la fondation du second temple,
Zorohabel avait rétabli les sacrifices, le chant
des psaumes et les fêles, c. m, v. 2-10. Rien
de tout cela ne fut interrompu , si ce n'est
pendant les trois années de la persécution
d'Antiochus ; mais tout fut réparé par les Ma-
chabées. Josèphe, Antiq. Jad., 1. \ii, c. 11.
Le même ordre continua jusipi'à la destruc-
tion du second temple, faite par les Romauis,
et les Juifs l'ont repris autant qu'ils ont pu,
dès qu'ils ont eu des synagogues ou des
lieux d'assemblée pour exercer leur religiuu.
11 est diflicile d'apercevoir dans \e psautier
un ordre quelconque, et d'en faire une di-
vision relative , soit à la chronologie , soit
aux divers sujets , puisque le môme psaume
traite snuvent de plusieurs oitjets dllerenls.
La division que les juifs en ont faite en cinq
parties est purement arbitraire et ne sert a
rien.
La matière ou le sujet des psaumes en gé-
néral a donné lieu à des erreurs; les nico-
laïtes , les gnostiques , les marcionites , les
nianicliéens , qui rejetaient l'Ancien Testa-
ment , eureut la témérité de regardi'r ces
cantiques sacrés comme des chansons pure-
ment profanes. Saint Philastre les a réfutés
dans son Calaloyue des Hérésies, c. 120. « Ils
ont eu, dit saint Léon, l'audace et l'impiété
de rejeter les psaumes qui se chantent dans
l'Eglise universelle avec la |ilus grande dé-
votion. » Serm. 8, col. 'i-, t. Il, p. 117. Us en
composèrent de {)lus analogues à leurs opi-
nions. Les anabaptistes n'avouent point que
ce soient des cantiques inspirés de Dieu.
L'Eglise chrétieime, aussi bien que l'Eglise
judaïque, a toujours cru le contraire; il suf-
lit d'avoir du bon sens et un peu de cou-
PSA 1673
naissance des saintes ncntures , pour aper-
cevoir (lue dans les psaumes res[irit do Dieu
a élevé le génie et conduit la plume de l'au-
teur. David y célèbre les grandeurs de Dieu
et toutes les perfections divines, la vérité et
la sainteté de sa loi, la maguilicence de ses
ouvrages, les bienfaits dont il comble les
hommes , les vertus des anciens justes , les
grâces que le Seigneur accorde à ceux qui
suivent leur exemple , le bonheur éternel
qu'il leur préjiare, les châtiments dont il
punit les méchants. En louant leurs faux
dieux, les païens excitaient et fomentaient
les passions et les vices qu'ils leur attri-
buaient : les cantiques com[)Osés à l'hoimeur
du vrai Dieu ne sont ({ue des leçons de vertu.
Où pouvons-nous trouver, dit le savant
Bossuet , des monuments plus authentiques
de notre foi, des motifs jilus solides d'espé-
rance, des moyens plus puissants pimr allu-
mer en nous le feu de l'amour divin ? Ces
chants religieux rappellent les [irincipaux
faits de l'Histoire sainte : on sait que la cou-
tume des anciens était de célébrer |iar des
cantiques les événements intéressants dont
ils voulaient transmettre la mémoire à la
postérité; l'usage en fut établi chez les Hé-
breux depuis Moïse , et continué constam-
ment. Al>xemple de ce législateur, Débora,
Anne, mère de Simuel, Ezéchias, Isaïe, Ha-
bacuc, Jonas , ïobie , Judith, l'Ecclésiasti-
que , etc. ; sous le Nouveau Testament , la
sainte Vierge Marie , le prêtre Zacharie , le
vieillard Siméon, composèrent des cantiques
pour exalter les bienfaits de Dieu; David
célébra dans les siens presque tous les faits
qui intéressaient son peuple. Ces monu-
ments qui accompagnent l'histoire, et dont
la plupart ont été faits à la date môme des
événements, en attestent la certitude. Par
les récits de David, nous sommes convaincus
qu<! li'S écrits de .Uoise et les autres livres
historiques existaient de son temps : il n'au-
rait pas été possible de conserver un sou-
venir exact de tant de choses par la seule
tradition.
Plusieurs psaumes sont évidemment pro-
lihétiques et regardent le ^M'-ssie. Jésus-Christ
lui-même s'en lait l'a; iplication, il y a ren-
voyé plus d'une fois les juifs incrédules ; ses
apôtres leur ont opposé la môme preuve,
ils ont montré le vrai stus des expressions
du roi propiiète. Plusieurs en elfet ne peu-
vent convenir qu'à Jésus-Christ ; il faut faire
violence aux termes, pour les adapter à un
autre personnage. L"s juifs eux-mêmes ont
toujours cru y voir le Messie futur ; nous
avons encore les explications de leurs an-
ciens docteurs. Enlin, c'est le sentiment des
Pères de l'Eglise qui ont succédé immédia-
tement aux apôtres, aussi bien que de ceux
qui sont venus à la suite; c'est donc une
tradition de laquelle il n'est pas permis de
s'écarter. David annonce la génération éter-
nelle et la naissance temporelle du Fils de
Dieu , ses miracles , ses humiliations , ses
souifrances, sa' mort, sa résurrection , sa
gloire, son sacerdoce éternel, l'établissement
de son règne, malgré les efforts de toutes
1679
PS4
PSA
1680
les puissances de la terre, la réprobation des
juifs, la vocation des gentils. A li vue de
tant de prédictions si claires, pouvons-nous
douter que Dieu n'ait voulu préparer et
contirmer d'avance notre foi aux mystères
de son Fils? — Nous trouvons dans ces
. cantiques do quoi affermir notre espérance,
non-seulement par la vavacité avec laquelle
ils peignent le bonlieur sublime que Dieu
réserve aux justes, mais en nous montrant
l'exactitude avec laquelle Dieu exécute ses
promesses h l'égard de ses serviteurs. David
répète continuellement que Dieu est bon,
juste, saint, fidèle à sa parole ; et que sa
miséricorde est éternelle ; il atteste que Dieu
a fidèlement gardé l'alliance qu'il avait faite
avec Abraham, Isaac, Jacob et leur postérité ;
qu'il a exécuté tout ce qu'il leur avait pro-
mis ; Ps. civ, V. 8 et suiv. Il excite ainsi n itre
confiance a ix nouvelles promesses que Dieu
nous a faites par Jésus-Cliri^t, l'espérance
d'obtenir le bonheur du ciel par les mérites,
de ce divin Sauveur. — Enréi)étant les expres-
sions enflammées parlesquelles David témoi-
gne à Dieu son amour, il est difficile de ne
pas sentir quelques étincelles de ce lea divin.
Il exalte les perfections infinies de Dieu, sa
puissance, sa sagesse, sa justice, sa bonté,
son amour pour les créatures , sa patience,
sa douceur à l'égard des pécheurs, et la fa-
cilité avec laquelle il leur pardonne. Per-
sonne n'en fit jamais une plus douce expé-
rience que ce roi pénitent : aussi en parle-
t-il avec un cœur pénétré. Après l'exemple
de Jésus-Christ, il n'en est aucun plus ca-
pable que le sien de nous apprendre à aimer
nos frères, à tout pardonnera nos ennemis.
Pour obtenir de Dieu un entier oubli de ses
fautes, d lui expose la patience avec laquelle
il a souffert la naine, les persécutions, les
opprobres des méchants, le silence profond
qu'd a gardé, en considérant ses afdictions
comme des châtiments et des épreuves qui
lui venaient de la main de son souverain
maitre. Où puiserailleurs que dans les^j^aw/WM
les sentiments d'une piété plus tendre?
Tout ce qui tenait au culte du Seigneur
affectait le cœur de David ; il ne parle qu'avec
enthousiasme de la montagne sainte , du
tabernacle, de l'arche d'alliance, de la loi,
des chants des lévites , des sacrifices et des
solennités de Sion; il y invite tous les peuples,
il gémit dans son exil d'en être éloigné. Le
respect pour la majesté de Dieu, la crainte
de ses jugements, l'admiration, la reconnais-
sance, l'aveu de sa propre faiblesse , la con-
fiance, l'amour, le désir d'être désormais fidèle
au Seigneur, animent toutes ses expressions.
Cela n'a pas empoché les uicrédules do
chercher dans les psaumes des sujets de scan-
dale; ils disent que ce roi y montre à tout
moment des sentiments de vengeance, qu'il
lance des malédictions et des imprécations
contre ses ennemis, qu'il demande à Dieu de
les punir , de les faire périr avec toute leur
postérité. Au mot Imprécation, nous avons
fait voir que ce sont là des prédictions et
rien de })lus ; saint Augustin l'a remarqué,
(le Sermone Demini in monte, lib. i, n. 72,
serm. 56, n. 3 ; David proteste au contraire
qu'il ne s'est vengé d'aucun ennemi. D'ail-
leurs les Pères de l'Eglise ont observé que
sous le nom de ses ennemis ce roi entend
les ennemis de Dieu et de Jésus-Christ,
principalement les juifs incrédules et ré-
prouvés, et qu'il annonce les vengeances du
Seigneur qui tomberont sur eux ; cela paraît
évidemment par le psaume xxi, que Jésus-
Christ s'est appliqué sur la croix , Matth.,
c. xxvii, V. 46 ; ce qui y est dit des méchants
nepeut pas s'entendre des ennemis de David.
Les imitateurs de leur incrédulité ajoutent
que ce roi montre peu de foi à la vie future :
il demande si les morts loueront le Seigneur,
s'ils annonceront ses miséricordes dans le
tombeau ; i! appelle l'état des morts, les té-
nèbres, le séjour de l'oubli et de la perdition,
etc. Mais dans combien d'autres passages
David ne parle-t-il pas de la vie future, du
bonheur éternel de? justes, de la fin déplo-
rable (les méchants ? Il dit qu'ébranlé quel-
quefois par la prospérité temporelle de ces
derniers, il a été tenté de douter si lesjustes
ne travaillent pas en vain ; mais qu'il a pé-
nétré dans ce mystère de la Providence, en
considérant la fin dernière des impies: il con-
clut en disant : Dieu sera mon partage pour
l'éternité {Ps. lxxii, 12 et suiv.). 11 exhorte
les justes à ne pas envierle sort des pécheurs
en ce monde, il les assure que Dieu sera
leur héritage pour jamais, J^*. xxxvi , v. 7.
11 espère que Dieu ne laissera pas son àme
dans le séjour des morts, mais lui rendra
une nouvelle vie qui ne finira plus, Ps. xv,
V. 10, etc. Ce n'est donc que par comparaison
avec ce que nous faisons sur la terre, qu'il
demande si les morts loueront le Seigneur
comme les vivants.
Quant au style des psawjies , personne ne
doute aujourd'hui que ce ne soit une vraie
poésie, c'est-à-uire des vers cadencés et
mesurés ; mais comme nous ne connaissons
plus la vraie prononciation de l'hébreu, nous
ne pouvons pasensentirriiarmonie. Josèphe,
Oiigène, Eusèbe, saint Jérôme parmi les
anciens ; Le Clerc, Bossuet , Fleury, dom
Calmet, et d'autres parmi les modernes, ont
été de ce sentiment. Mais personne ne l'a
mieux prouvé que Lowth dans son traité de
sacra Poesi Hebrœorum, et Michaëlis dans
ses notes sur cet ouvrage. Ils font voir que
les psaumes sont en vers , non de la même
mesure, mais les uns plus courts et les autres
plus longs. Le style on est sententieux, cou-
pé en paraboles et en maximes, plein de fi-
gures hardies, relatives au génie, aux mœurs,
aux usages des Orientaux. Les métaphores
y sont fréquentes, de même que les images
et les comparaisons empruntées des choses
naturelles, de la vie commune , surtout de
l'agriculture, de l'histoire et de la religion
des Juifs. Ce style poétique est vif, énergique,
animé par la passion et par le sentiment,
subbme dans les objets, dans les pensées,
dans les mouvements de l'àme et dans les
exjiressions ; tout y est personnifié, tout
y vit et y resj-iire, rien n'est plus capable
d'émouvoir ; les poésies prolànes sont
1G81
PSA
PSA
1082
froides en comparaison de celles de David.
Lowtli soutiput qu'il y a souvent dans les
psdunics un sens niysti(iue et fit;uré; que
plusieurs désignent le Messie sous le nom
do David ou d'un autre personnage. Mi-
chaëlis rejette ce double sens : il prétend
que si un psaume regarde David, il ne sert
à rien do l'appliquer au Messie; que si ce-
lui-ci en est l'ulijet, ou U'^ doit pas y en
chercher un autre, Pnclrct. 11, p. 2-21. Mais
en cela il contredit non-seulement les in-
terprètes juifs et les chrétiens, mais encore
les apùtres et les évangélistes, qui ont ap-
pliqué à Jésus-Christ, dans le sons allégori-
que, plusieurs passages lires des psaumes et
des autres livres saints, qui semlilent dési-
gner d'autres personnages clans le sens lit-
téral. Voi/. Ai.i.iic.oiiii:, FiGiuE, etc. Il no
nie pas ce|)endant (pie plusieurs psaumes ne
soient |)rtipliéti(jues.
Ces deu\ criti(|ues ont distingué dans le
psautier des pooiues de presque toutes les
espèces, des idylles, des élégies, des pièces
didactiques et morales, mais surtout des
odes de tous les genres et de la plus grande
beauté. Ils ajoutent que, sans la connais-
sance de la poésie liél>raï(|ue, il est impos-
sible d'entendre pail'iMlement les jjsaumes
et les autres livres saints écrits à peu près
dans le mémo style. Aussi personne ne dis-
convient que les psaumes ne soient souvent
obscuLS, soit à cause du style tiguré et poéti-
que, soit à raison de ce que le texte hé-
breu n'est ])as toujours correct, parce qu'il a
été souvent copié, soit entin à cause de la
variété des versions, [larmi lesquelles il
n'est pas toujours aisé de distinguer la meil-
leure, quoiqu'elles soient en grand nom-
bre.
La plus ancienne est celle des Septante,
mais elle est souvent peu d'accord avec les
auires versions grecques ([u'Origène avait
rassemblées dans ses llexaples. La para-
phrase clialdaïque passe pour être du rab-
bin Josô|)he l'Aveugle; elle est bo.iucou[i
jilus moderne et moins exacte que celle des
autres livres hébreux, composée par Ou-
kélos et par Jonathan. La traduction syria-
que est très-ancienne, elle a été faite sur
l'hébreu. 11 y a deux versions arabes des
psaumes, dont l'une a été faite sur le texte
original, l'autre sur le syiiaque, suivant l'o-
pinion commune. Celle des Éthiopiens a
été tirée du co[)lite des Egyptiens, qui a été
emprunté des Septante. Voy. Bible, >'kii-
sioN. — L'ancienne Vulgate latine ou itali-
que a été prise sur les S'ptante, avant (lue
leur version eiU été corrigée par Origène,
par Hésycliius et par le prêtre Lucien; elle
est d'une si haute antiquité, que l'on n'en
connaît ni la date ni l'auteur. On convient
que le style n'en est pas élégant; mais les
premiers clirétiens, à l'exemple des apùtres,
laisaient beaucou[) plus de cas du sens et
des choses que do la |)uroté du langage. Ce-
pendant. lo"squ(' saint Jérôme eut retouché
deux fois celte version en la comjiarant au
texte hébreu, on ado]>la hientôt dans l'E-
glise rumaiue ses cotreclions, et c'est de
cette version ainsi corrigée que nous nous
servons encore aujourd'hui. Lorsque ce
Père eut fait dans la suite une version la-
tine entièrement nouvelle sui' le t(>xto hé-
lireu, il jugea lui-même qu'il fallait ronti-
mier à chanter dans l'Kglisela |irécé(lente, à
huiuelle les fidèles étaient accoutumés, mais
que, pour on avoir l'intolligencts il faut
souvent recourir au texte original ; Epi-
stohi ad Suiiiam et Freirlam, Op. tom. H,
col. Gi7. Plusieurs savants prétendent que,
dans le x* et le xi' siècle, la plupait des
églises de l'Italie et dos Caulos avaient
adoiité la dernière version latine de saint
Jérôme faite sur le texte hébreu; mais au
xvi% Pie V y lit rcHablir l'usage du psau-
tier romain. Cependant il n'empêcha ])oiut
que l'on ne continuât de chanter l'an-
cienne italique non corrigée, dans l'é-glise
du Vatican, dans la catliédrale de Milan, à
Saint-Marc de Ven'se et dans la chapelle de
Tolède, où l'on suit le rite mozarabi([ue, parce
que cet usage n'y avait jamais été inter-
romjMi. ■
La niultitudo des commentaires faits sur
les psaumes est infinie; jiarmi le ^l'and nom-
bre des interprètes, les uns se sont iirinci-
Iialement aUiichés au sens littéral, les au-
tres au sens figuré et allégorique; plusieurs
ont réuni l'un et l'autre. Kn général on ne
doit pas bUïnier ceux qui ont eu pour prin-
cipal objet d'en tirer des réfioxions propres
à coniirmer la foi et à régler les mœurs, qui
ont cherché à nourrir la piété des fi .èles
plutôt qu'à les rendre habdes dans l'intelli-
gence du texte. Les protestants désap]irou--
vent cette méthode, mais leur goût ne fait
pas règle; quelque estimable que soit la
science, la vertu nous paraît encore préfé-
rable. Nous ne savons ])as comment ils peu-
vent concilier l'usage qu'ils font des psau-
mes avec l'aversion qu'ils témoignent poui'
les explications allégoriques et mystiques
de l'Kcrituro sainte. Car enfin il est évident
quiî la plupart de ces cantiques, entendus
dans le sens littéral, seraient des prières
absurdes. Prenons seulement pour exemple
le psaume i.*, qui convient si bien aux pé-
cheurs pénitents. Que signifient dans le sens
littéral les v. 16, 20 et 21. Délivrez-moi, Sei-
(jiieur, du sany.... Répandez vos bienfaits sur
Sion, afin que les murs de Jérusalem soient
rebâtis Alors les peuples chargeront vos
autels de victimes. Nous ne pensons pas que
les protestants s'intéressent beaucoup à la
reconstruction des murs de Jérusalem, ni
qu'ils soient tentés d'olfrir au Seigneur des
sacrifices sanglants. Que veulent-ils donc
dire à Dieu, si en chantant ces paroles ils
les entendent à la lettre? On pourrait citer
cent autres exemples.
Après ce que nous avons dit de l'excel-
lence de ces divins cantiques, on ne doit
pas être étonné de ce que l'Eglise chrétienne,
liés son origine, eu a introduit le chant dans
sa liturgie, Constit. apost., liv. ii, cap. 6fi.
Saint Pa'ul exhorte les fidèles à s'édifier .es
uns h s autres par ce saint exercice, EpUes.,
c. Y; V. 19; Coloss., c. ai, v. IG. Les soli-
1683
PUB
PUI
1684
taires et les cénobites y employaient les mo-
ments qu'ils ne donnaient pas au travail, et
lorsqu'ils se trouvèrent rassemblés dans un
monastère en nombre suffisant, ils y établi-
rent la psalmodie continuelle pour lejour et
pour la nuit. Voy. Acoemi^tes. Les Pères de
l'Eglise, les saints de tous les siècles en ont
fait le sujet habituel de leur méditation,
]tlusieurs en avaient continuellement les pa-
roles à la bouche. 11 est consolant de répé-
ter encore aujourd'hui les mômes cantiques
qui ont été consacrés à louer le Seigneur
depuis près de trois mille ans.
On nomme psaumes graduels le cxix' et
les suivants jusqu'au cxxxiV; les interprè-
tes ont donné plusieurs explications de ce
nom qui paraissent pou probables. Dom
Calmet a pensé que canticum graduum,csin-
tique de la montée, signifie cantique du re-
tour de la captivité de Babylone, parce que
ces psaumes semblent composés pour de-
mander à Dieu ce bienfait ou pour l'en re-
mercier. Lowth et Michaëlis nous paraissent
avoir mieux rencontré, en disant que ces
psaumes avaient été faits pour être chantés
pendant que le peuple montait au temple
pour célébrer quelque solennité. Le senti-
ment de ceux (jui prétonlent que le très-
grand nombre des psaumes font allusion à la
captivité de Babylone ne paraît pas encore
avoir acquis beaucoup de partisans. Voy.
Poésie hébraïqde.
PTOLÉMAITES, sectateurs d'un certain
Ptolémée, l'un des chefs des gnostiques, qui
avait ajouté de nouvelles rêveries à leur
doctrine. Dans la loi de Moïse il distinguait
des choses de trois espèces; selon lui, les
unes venaient de Dieu, les autres de Moïse,
les autres étaient de pures traditions des an-
ciens docteurs. S. Epiphane, lib. i, t. II,
Hœr. 33.
PDBLICAIN. C'est ainsi que se nommaient,
chez les Romains, les receveurs des impôts.
Comme les Juifs ne supportaient qu'avec
beaucoup de répugnance le joug des Ko-
mains et ne leur payaient tribut que très-
mH-igré eux, ils avaient horreur de la jiro-
fession des publicains ; nous en voyons des
exemples sensibles dans l'Evangile. La loi
de Moïse leur avait défendu de prendre pour
roi un homme qui ne fût pas de leur nation,
Deut., c. xvii, V. 15; conséquemment ils dé-
testaient la domination étrangère sous la-
quelle ils étaient forcés de vivre : Notis n'a-
vons, disaient-ils, jamais été asservis à per-
sonne. Ncmini servivimus unquam [Joan viii,
33). En cela ils ne disaient pas la vérité,
puisqu'ils avaient été plusieurs fois réduits
en servituJe par des princes étrangers; mais
les galiléens, les hérodiens, les judaïles ou
sectateurs de Judas le Gaulonite, les phari-
siens en général, n'en étaient pas moins in-
fa ués de leur ancienne liberté. Pour tendre
un piège ?i Jésus-Christ, ils lui demandè-
rent s'il était permis ou non de payer le
tribut à César, Matth., c. xxii, v. 17.
Après les Samaritains, les publicains
él=iient les hommes que h' commun des Juifs
délestait le plus; il les regardait en gé-
néral comme des fripons et des hommes
sans honneur ; il les mettait dans le même
rang que les païens : Sit tibi sicut ethnieus
et publivanus {Matth. xvni, 17). Il y en avait
néanmoins plusieurs qui étaient Juifs, té-
moin Zachée qui est appelé chef des publi-
cains; et saint Matthieu qui renonça h sa
profession pour s'attacher à Jésus-dirist.
Aussi les Juifs ne pardonnaient point au
Sauveur la société dans laquelle il vivait
avec ces gens-là; ils le nommaient l'ami des
publicains et des pécheurs, ils lui reprociiaient
do boire et de manger avec eux. L'on sait
que Jésus-Christ leur réiiondit : Je tic suis
point venu appeler les justes, mais les pé-
cheurs à la pénitence {Luc. v, 32). — Il nous
paraît néanmoins que (irotius et d'autres
ont trop exagéré, lorsqu'ils ont dit que l'on
ne permettait pas aux publicains d'entrer
dans le temple ni dans les synagogues, que
l'on ne recevait pas leurs olïrandes non plus
que celles des prostituées, et que l'on ne
voulait pas prier pour eux. Dans saint Luc,
c. xviii, V. 10, Jésus-Christ nous représente
un pharisien et un publicuin qui priaient
tous deux dans le temple, l'un avec beau-
coup d'orgueil, et l'autre avec beaucoup
d'humilité. — Le nom de publicains ou po-
hlicains fut aussi donné en France et ea
Angleterre aux albigeois. Voy. ce mot.
PUISSANCE DE DIEU, attribut de la Di-
vinité que l'on exprime par le mot de toute-
puissance, afin de donner à entendre que
Dieu peut non-seulement tout ce qu'il veut,
mais tout ce qui est possible, tout ce qui ne
renferme point de contiadiction, et que sa
puissance n'a point de bornes. Cette vérité
peut se démontrer par la notion même de
Dieu : il est l'Etre nécessaire, existant de
soi-même; il n'a point de cause, et il est
lui-même la cause de tous les èlres; com-
ment donc l'Etre divin serait-il borné? Rien
n'est biirné sans cause. Les êtres contin-
gents et créés sont bornés parce qu'ils ont
une cause; Dieu, en les créant, leur a donné
tel degré d'être et de facultés qu'il lui a plu;
mais Dieu, qui n'a point de cause, ne peut
être borné par aucune raison. Sa nécessité
d'être est absolue : or une nécessité abso-
lue et une nécessité bornée ser.iient une
contradiction. Puisque l'Etre divin n'est pas
borné, aucune des facultés, aucun des at-
tributs qui lui conviennent, n'est borné ; tous
ces attributs tiennent à son essence; ils sont
infinis comme cette essence même: ainsi la
puissance divine est infinie comme toutes
les autres perfections de Dieu. Voy. Infini.
Il faut cependant convenir que cette vérité,
quoique démontrable, n'a été bien connue
que par la révélation. S'il y a quelques
anciens philosophes qui aient attribué à
Dieu la toute-puissance, ils n'ont pas com-
l>ris toute l'énergie de ce terme; ils ont réel-
lement borné cette puissance souveraine,
en niant la possibilité de la création. Y a-t-il
un p iuvoir jilus grand que celui de créer,
de produire des êtres par le seul vouloir?
C'est donc l'idée de la création reçue par
révélation qui nous a donné la notion la
IG8a
PO
plus claire do la toute-puissance divino ; co
n'est pas sans raison que ces deux idées
sont réunies dans le symbole : Je crois en
Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du ciel
et de la terre.
Suivant l'opinion do tous les anciens phi-
losophes, Dieu, pour produire le monde, a
eu besoin d'une matière préexistante et éter-
nelle comme lui ; et parce qu'il ne lui a pas
été possible d'en corriger les défauts, de lîi
sont venues les imperfections de son ou-
vrage : voilà donc en Dieu une double im-
puissance. Mais ces grands génies n'ont pas
compris que si la matière est éternelle, né-
cessaire, incréée, l'étal dans leciuel elle était
avant la formation du monde était aussi
éternel et nécessaire, par conséquent essen-
tiel et immuable; Dieu n'aurait donc pas
pu le changer, il n'aurait eu aucun pouvoir
sur la matière. C'est l'argument que les Pè-
res de l'Eglise ont opposé aux philosophes,
et par lequel ils oiit démontré que la toute-
puissance divine emporte nécessairement le
jiouvoir de créer la matière. Saint Justin,
Cohort. ad geutes, n. 23; saint Tliéuphile, ad
Autolic, liv. H, n. k, etc. — Marcion, iMa-
nès et leurs disciples, égarés par les philo-
so|)lies orientaux, raisonnaient encore plus
mal; ils faisaient k Dieu une injure plus
évidente, en supposant un principe actif du
mal , coéternel k Dieu, qui avait gôrié la
puissance divine et l'avait empoché de pro-
duire tout le bien que Dieu aurait voulu
faire. Les Pères, qui les ont réfutés, ont
fait voir que c'est une absurdité d'admettre
deux principes actifs , coéternels , qui se
gênent mutuellement dans leurs volontés et
dans leurs opérations, desquels par consé-
quent la puissance est très-bornée, et le sort
Irès-malheureux, puisque rien n'est plus
fâcheux à un être intelligent que de ne pas
j)ouvoir faire ce qu'il veut. Tertull., 1. i, con-
tra Marcion., c. 3 ; saint Augustin, 1. de Nat.
boni, 0. 43; adv. Secundin., c. 20, etc.
Les philosophes se jetaient dans ces faus-
ses hy|)Othèses, parce qu'ils ne voulaient
pas attribuer à Dieu les maux et les imper-
fections de ce monde; ils aimaient mieux
borner sa puissance que de déroger à sa
bouté; mais ils se faisaient une fausse idée
de la bonté divine. Us supposaient que Dieu
ne serait pas bon, s'il ne faisait pas h ses
créatures tout le bien qu'il peut leur faire :
or cela est impossible, puisqu'il peut leur
eu faire à l'inlini. Quelque degré de bieû
que Dieu leur accorde, il peut toujours
l'augmenter à l'intini; et comme nous ap-
pelons mal la privation d'un phis grand bien,
dans toute supposition |)ossible, il se trou-
vera toujours dans la créature un mal d'im-
perfection, c'esl-à-ilire la privation d'une
perfection plus grande de laquelle elle était
susceptible par sa nature. D'ailleurs Dieu,
étant l'Etre nécessaire, existant de soi-
même, est essentiellement libre, indépen-
dant, maître de distribuer ses dons en telle
mesure qu'il lui plaît. Or il n'est aucune
créature à laquelle il n'ait accordé quelque
degré de perfection et do bien-être, à la-
PUI 1636
quelle par conséquent il n'ait témoigné de
la l)onlé. S'il a pu lui donner davantage, il
a pu aussi lui doiuuT nio ns, sans qu'elle
ait aucun sujet do mécontentement ni do
plainte!. Cette vérit', applicable à chaq\io
particulier, ne l'est pas nifiins h l'égard do
la totalité des êtres ou de l'univers en gé-
néral.
On dit : Mais Dieu les a faits de manière
que h' péclié règne dans le monde : or lo
]iéché est non-seulernent un mal relatif ou
un moindre bien, mais un mal absolu et
positif; comment le concilier avec la bonté
de Dieu, pendant (pi'il est le rMHrc de
rem|iêcher? Nous avons déjà ré|v -^ lu ail-
leurs que le péché vient de l'homme et non
de Dieu; c'est l'abus volontaire et libre
d'une faculté bonne en ello-inème, qui est
le pouvoir de chosir entre le bien et h; mal.
L'hounue rendu impeccable [>nr nature ou
par grAce serait sans doute jilus parfait que
l'homme ca;)al)le de iiécher; mais on ne
|)rouvora jamais que le pouvoir qu'il a d'ê-
tre vertueux ou vicieux à son choix, et de
se rendre ainsi heureux ou malheureux, est
un pouvoir mauvais et perniieux en lui-
même, un mal [)Ositif q^ue Dieu a fait à
l'homme. Ceux qui ont bien usé de leur li-
brearbitre ont-il-: lieu d'être mécontents d'en
avoir été doués? ils en béniront Dieu ]ien-
dant toute l'éternité. Or, Dieu donne à tous
les hommes les secours dont ils ont besoin
pour bien user de cette faculté; il ne faut
pas la confondre avec l'abus que l'homme
en fait. Voy. Bien, Mal, Bonheur, Mal-
HEiTR, Optimisme, etc.
De là même il s'ensuit qu'il ne faut pas
raisounei' de la bonté divine jointe à une
puissance infinie, comme on raisonne de la
bonté de l'homme, dont le pouvoir est très-
borné. Pour que l'homme soit censé bon il
doit faire tout le bien qu'il peut, et ce bien
sera toujours borné, de même que son pou-
voir. A l'égard de Dieu, vouloir qu'il fasse tout
le bien qu'il peut, c'est une absurdité, puis-
que encore une f lis il en peut faire à l'infini,
cpie sa puissance n'a point de bornes, et qu'en
vertu de sa liberté souveraine ilest le maitre
de choisir entre les divers degrés de bien
ipi'il j'eut faire. Une comparaison fautive en-
tre la bonté de Dieu et la bonté de l'iiomme
a trompé les anciens phif-.sophes ; les mo-
dernes en abusent encore.
Que les premiers, privés des lumières de
la révélaiion, aient mal raisonné sur la na-
ture et sur les attributs de Dieu, nous n'en
sommes pas surpris ; cela démontre la fai-
blesse d ' la raison humaine. Mais que les
incrédules modernes ferment volontairement
les yeux à la révélation qui les éclaire, et ré-
jièient encore les sophismes des anciens, c'est
un aveuglement inexcusable. Si Dieu, disent-
ils, est infiniment puissant, il n'a eu nulle
raison de ne pas rendre les êtres sensibles
intiniment heureux : or il ne l'a pas fait,
donc il ne l'a jas pu. Ne lui fai^'ons-nous pas
plus d honneiir en disant qu'il a tout fait
par la nécessité de sa nature, qu'en suppo-
sant qu'il pouvait faire mieux et qu'il ne l'a
1687
P13I
PUR
1688
Ïias voulu ? Celle nécessité tranche toutes
es difficultés et finit toutes les disputes.
Nous n'avons pas le front de dire, Tout est
bien; nous disons, ToiU est moins mal qu'il
sepouvait. N'en déplaise à ces raisonneurs,
la nécessité supposée sans raison, ou plutôt
contre toute raison, ne tranche aucune dif-
ficulté et ne fait que prolonger les disputes.
Il est absur le de supposer qu'un Etre exis-
tant de soi-m£me , indépendant de toute
cause et créateur de tous les êtres, est sous
le joug d'une nécessité quelcoiiqLie ; d'où
vii'ndr;ut-e]le ? qui la lui aurait imposée ? 11
n'y a dans Dieu il'aulre nécessité que d'être
ce qu'il est, par conséquent souverainement
indépendant, libre, maître absolu de ses
volontés et de ses actions. A la vérité, il ne
peut agir contre ce qu'exige la souveraine
perfection ; il agirait contre sa nature, il no
serait plus ce qu'il est. Mais comment prou-
vera-t-on que cette perfection exigeait qu'il
fit plus de bien aux créatures sensibles, et
qu'il les rendît plus heureuses et plus par-
laites qu'elles ne sont ?
Une autre absurdité est de dire qu'il les
aurait rendues infiniment heureuses ; un bon-
heur infini est celui de Dieu, aucune créa-
ture n'en est capable ; celui des saints dans
le ciel n'est point actuellement infini, puis-
que les unsjouissent d'un plus grand bonheur
que les autres; il est infini seulement en
puissance, parce qu'il ne finira jamais. Nous
avons donc raison de dire dans un sens. Tout
est bien, c'esl-à-dire, il y a dans toutes choses
un coriain degré de bien ; si nous entendions,
comnii' les optimistes, que tout est absolu-
ment bien, nous aurions autant de tort que
ceux qui prétendent que tout est absolument
mal. Par la même raison, nous soutenons
que tout pourrait être moins mal, et que
l>ieu pouvait iaire mieux, puisque enfin bien
et m.al ne sont que des termes de comparai-
son dans ce que Dieu a fait. Voyez Mal,
Optimisme.
On nous dit : Puisqu'il n'y a dans ce monde
qu'un degré de liien très-borné , h quel titre
ju-,ez-vous que Dieu est tout-puissant ? Vous
ne devez lui supposer que le degré de puis-
sance qu'il a fallu pour ce qu'il a fait ; un
ouvrage fini et borné ne vous donne [las
droit de st\p\)Oser une puissance infinie. Aussi
ne jugeons-nous pas de l'infinité de \apuis-
sance divine par la perfection de son ouvrage,
mais parce que Dieu est le créateur : or la
création suppose une puissance intinie. Nous
tirons encore cette notion de celle de l'Elre
existant de soi-même, indépendant de toute
cause, seul éternel et cause de tous les êtres ;
et, encore une fois, ces notions nous sont
venues de la révélation, puisque la raison
des anciens philosophes ne s'est jamais éle-
vée jusque-là, et que celle des philosophes
modernes retombe dans les mômes ténèbres,
dès qu'elle tourne le dos aux lumières de la
foi. Ainsi, lorsque nous disons que là toute-
puissance de Dieu ou sa puissance infinie est
d.'mouiraljle, nous entendons qu'elle l'est
avec le secours de la nouvelle luuuère que
la lui uous a duùuéo. Eu nous iiiaut k cette
règle, nous ne sommes pas tentés d'affirmer
que Dieu peut faire ce qui renferme contra-
diction, changer l'essence des choses, faire
qu'unechose soit ei ne soit pas. Dieu, dit saint
Augustin, est tout-puissant avec sagesse,
Dcus est sapienter 07nnipotens. Var conséquent,
il l'est aussi avec bonté et avec justice, parce
que ses perfections ne lui sont pas moins
essentielles que h puissance. Par conséquent,
l'on doit s'abstenir de tout système qui tend
à exalter une de ses divines qualités au pré-
judice de l'autre , et de tout raisonnement
qui ne s'accorde point avec les vérités qu'il
a plu à Dieu de nous révéler, soit dans l'E-
criture sainte, soit par l'enseignement gé-
néral de l'Eglise.
Quelques Pères de l'Eglise semblent avoir
enseigné que Dieu ne peut rien faire de plus
que ce qu'il veut en eû'et, d'où certains théo-
logiens ont conclu que la puissance de Dieu
ne s'étend pas plus loin que sa volonté, et
que tout ce qu'il ne veut pas faire lui est
impossible. Mais le P. Pétau, Dogm. theoL,
t. 1, 1. V, c. 6 , a fait voir que ces Pères ont
seulement entendu que Dieu ne peut jamais
vouloir malgré lui, être forcé dans ses vo-
lontés, ni vouloir ce qu'il ne peut pas faire.
L'Ecriture sainte nous enseigne clairement
que Dieu aurait pu faire des choses qu'il
n'a pas voulu faire, créer d'autres mondes
que celui-ci, anéantir toutes les créatures,
etc.
PUISSANCES CÉLESTES. L'on appelle
ainsi les anges en général, et plus particu-
lièrement ceux d'entre les esprits bienheu-
reux, desquels Dieu se sert pour faire éclater
sa puissance sur la terre, pour faire des mi-
racles, soit afin de récompenser les justes,
soit afin de punir les méchants. Voy. Anges.
PUISSANCE PATERNELLE, ECCLÉSIAS-
TIQUE, POLITIQUE. Voy. Autorité.
PUNITION. Voy. Justice de dieu.
PUR, PURETÉ. Dans l'Ancien Testament,
cestei'mes expriment plus ordinairement la
netteté du corps que la sainteté de l'âme. La
loi de Moise ne se bornait pas à prescrire les
pratiques du culte de Dieu et les devoirs de
religion. Comme les Juifs habitaient un pays
assez borné, très-peuplé, et qui aurait été
malsain si l'on n'avait pas pris des précau-
tions poin- prévt'uir toute infection. Moïse fit
des lois très-détaillées sur la pitreie et l'impu-
reté du corps, sur la propreté à l'égard des
honmies el des animaux ; et il prescrivit di'-
férentes purifications pour remédier à toute
espèce de souillure. C'était un plan très-sage
que d'étabhr comme une peine ce qui était
un remède contre la transgression de la loi.
Nous ne devons pas être surpris de ce que
ce législateur fonda toutes ces observances
sur le motif de la religion ; tout autre
motif aurait fait peu d'impression sur les
Hébreux , peuple encore très-peu policé,
et dont les mœurs étaient devenues très-
grossières pendant l'espèce d'esclavage au-
quel ils avaient été réduits en l^igypte. La
sagesse de cette conduite est suîiisamment
prouvée par l'cli'et qui s'ensuivit ; 'i'acile
reconuait que les Juifs eu gciuOral étaient
iGS9
PUR
PUR
1690
sains et vigoureux, Corpora hominum salii-
h'ria et ffrcntia lahorum.
Parmi les clirétii'iis qui vivent sous des
climats moins sujets hla eonta^ion que celui
(le la Palestine, il n'est plus question d'im-
jiureté h^gale ; la pureté consiste dans l'inno-
cence du cœur, et on ne regarde couune
impur que ce (jui peut souiller l'Ame. Mais
on se tromperait heaucouf), si l'on se per-
suadait que la /ji/rc/cintérieure n'était point
commandée aux Juifs ; la loi leur détendait
toute espèce de crime ; elle lem- ordoiuiait
d'aimer Dieu de tout leur cœur, d'a('complir
sa loi avec exactitude, et do ne s'en écarter
en rien ; un juif qui s'en acquittait avait cer-
tainement l'ilmo pure, exempte île péché.
Plusieurs, à la vérité, se bornaient à l'exté-
rieur ; mais Dieu leur a souvent repi'oché
cette hypocrisie par ses |)i'oplièles ; Isai.,
c. I, v. 1(5; c. Lvni, v. 5 ; Jvrem., c. vu, v. 5 ;
Ainos., C. V, V. l'i-, etc.
PURCATOIUE, lieuouiilutùt état dans le-
quel les ilmes des justes, sorties d(^ ce monde
sans avoir suflisamment satisfait à la justice
divine pour leurs fautes, achèvent de les
expirr avant d'être admises à jouir du bon-
heur éternel. Voici quelle est sur ce point
la doctrine de l'Eglise catholique décidée
par le concile île Trente, scss. <i, de Justif.,
can. 30 : « Si quelqu'un dit que, par la gr.lce
de la justilication, la coulpe et la peine étei-
nelle sont tellement remises au pénitent qu'il
ne lui reste plus de i^eine temporelle à souf-
frir, ou en ce monde ou en l'autre dans le
purgatoire, avant d'entrer dans le royaume
des cieux, qu'il soit anathème. A>'e.<.s-. 22, can.
3: Si qni^hiu'un dit ([ue le sacriliei; de la
messe n'est pas propili itoire, qu'il ne doit
point être otl'ert jiour les vivants et pour les
morts, pour les péchés, les peines, les .sa-
tisfactions et les autres nécessités, qu'il soit
anathème. » Sess. 23, le concile ordonne aux
docteurs et aux [)iédicateurs de n'enseigner
sur ce point (pie ladocti'ine des Pères et des
conciles, d'éviter t(jutes les questions de |)uro
curiosité, à |ilus forte raison tout ce qui
peut |iaiaiire incertain ou fabuleux, caiiable
de nourrir la superstition et de favoriser un
gain sordide (l).
U'çn de plus sage que ces décrets. Le
concile ne décide point si le purgatoire est
UQ lieu particulier dans lequel les âmes
(1) < Nous déclarons (](ie les àmos des véritables
pi-iiilcnls, liions dans la cliarilc de Dieu avant que
(l'avoir lait dtîdignes frnils de pcnilcnre, |ionr expier
leurs péchés de cominission ou d'omission, sont piiri-
lié(^s apros leur mort par les peines du pmgaloire, el
(ju'elles sont soulagées de ces peines par les sullrages
des lidéles vivants connue sont : le sacrilice de^ la
messe, les pri('Mes, les auniônes et les autres œuvres
de pieU", (juc les lidéles l'oiu pour les autres fidèles,
suivant les r gles de l'Eglise ; el que les ànies de ceux
qui n'(uil point pt'clic depuis leur baptiinie, ou celles
de ceux qui, étant loiiibéb dans des pccbés, eu ont éli^
purifiés lîans leurs corps, apri's en être sortis, connue
nous venons de dire, entrent aussitôt dans le ciel el
voient lu TrLiiiti;, les uns plus iiarfailemenl que les
autres, selon la diiférence lic leur mérite; enfin, que
les ànie^ de ceux qui sout morts en état de péché mor-
ti;luttluel, ou daoi le seul péchc urigiuel, descendent
sont renfermées , de quelle manière elles
sont puritiées, si c'est par un feu ou autre-
ment, quelle est la rigueur de leurs iieincs ni
quelle en est la durée, jusi|u'?i ipiel i)oint
elles sont soulagées par les prières, par les
bonnes u'uvres des vivants, ou jiar h; saint
sacrilice de la messe ; si ce sacrilice ojièro
leur délivrance ex opère operato ou autre-
ment ; s'il profite h toutes en général, ou
seulement h celles pour lesipielles il est nom-
mément olfert, etc. Les théologiens peuvent
avoir chacun hîur opinion sur ces différen-
tes questions; mais elles ne sont ni des dog-
mes de foi ni d'inu! certitude absolue, et
jiersomie n'est obligé d'y souscrire. Ilohlen,
de Resol. (id. 1. ii, c. G, § 1 et 2 ; Véron, Re-
gul. fid. eatliol., c. 2, § 3, n. 5, et S 5 ; Bos-
suet, Expofi. de la foi cathoL, art. 8.
La définition du concile do Trente sup-
pose ou renferme quatre vérités qu'il ne faut
pas confondre : la première, qu'après la ré-
mission de la coulpe du jiéché et de la peine
éternelle, obtenue de Dieu dans le sacre-
ment de pénitence, il reste encore au pécheur
une |ieine temporelle à subir; nous prouve-
rons celle vérité au mot Satisfaction ; la
seconde, (pie quand on n'y a pas satisfait en
ce montle, on [leut et on doit la subir après
la mort, et c'est la (juestiontpie nous allons
traiter ; la troisième ([ue les prières et les
bonnes œuvres des vivants peuvent être uti-
les aux morts, soulager et abréger leurs pei-
nes, nous l'avons prouvé dans l'article Puiè-
KES POUR CES Morts ; la quatrième, (|ue lo
sacrilice de la messe est propitiatoire, qu'il
a par conséquent la vertu d'effacer les flé-
chés et de satisfaire à la Justice divine jiour
les vivants et |)Our les luorts ; nous l'avons
fait voir au mot Messe.
Daillé, ministre ]irotestant de Charenton,
dans son traité de Pœnis et Salisfuctionihus
humants, a combattu de toutes ses forces con-
tre ces (luatre points de la doctrine catholi-
que ; aucun autre iirotestant n'a rien jiu diriî
(le plus fort. Si nous faisons voir qu'il n'a
pas détruit les preuves du dogme du punja-
toire, et que celles (pi'il y a ojiposées sont
nulles, nous ne cranulrons pas de trouver
un adversaire plus redoutable. Or nous
prouvons l'existence d'un purgatoire après
cette vie, 1° par l'Ecriture sainte. Matlh.,
c. XII, v. 32, Jésus-Ciirist dit : Si quelqu'un
aussitôt en enfer pour y être toutes puni s , quoique
iuép'aleuient t (Coue. de l'"lon'iiee, an. I i")9, sess. 10,
décret d'union des Grecs avec les l.aiins).
€ Les évéïiues auront un soin parlieiilier (pie la toi
et la créaiKC des (idoles tou( liant le purgatoire soit
conlorme à la saine doclriue (|ui nous en a élé
donnée par les saints Pères, et qu'elle leur soit prè-
chee suivant leur doeirine et celle des contiles pré-
cédents; (piMs bannissent des pn;dieati()iis (|ui se
font devant le iieiqile grossier, les questions difficiles
et trop s:ibliles sur celle matière, qui ne servent à
rien pour rediUealion; (pi'ils ne periiiellenl point
non plus qu'on avance ou qu'on agite sur ce sujet
des choses incertaines, ou tout ce qui lient d'une
certaine curiiisile ou manière de superstition, ou qui
ressent un profit sordide el mes4i;aat. » ^Couc. do
Trente, sess. 23.)
1691
PUR
PUR
dC92
hlasphhne contre le Fils de Vhomme, il pourra
en obtenir le pardon ; mais s'il blasphème con-
tre le Saint-Esprit , ce pi'ché ne lui sera re-
mis ni dans le siècle présent ni dans le siècle
futur. De là nous concluons qu'il y a donc
des péchés qtii sont remis dans le siècle fu-
tur, autrement l'expression du Sauveur ne
signifierait rien : or comme le péché ne
peut être remis dans le siècle futur, quant
a la coulpe et à la peine éternelle, il peut
donc y être remis quant à la peine tempo-
relle.
Pour détruire cette conséquence , Daillé
fait une dissertation de douze énormes pa-
ges in-4', et il s'efforce de tirer cinq ou six
conséquences absurdes du sens que nous
donnons à ce passage ; mais, comme sa lo-
gique est fausse et sophistique, elle ne vaut
pas la peine d'une longue réfutation; son
grand principe est qu'il est absurde que
Dieu remette une partie de la jieine du pé-
ché, sans la remettre tout entière; que ce
pardon serait illusoire ; qu'un créancier n'est
pas censé remettre une dette, s'il n'en quitle
réellement qu'une partie. A cela nous ré-
pondons que si le péché est une dette, il
faut le comparer à celle qui porte intérêt:
or un créancier peut très-bien remettre à
son débiteur le capital, sans lui quitter les
intérêts. .Mais dans le fond cette comparaison
arbitraire ne prouve rien. Nous convenons
que la peine temporelle due au péché ne
peut pas être remise, sans que la coulpe et
la peine éternelle ne le soient déjà. Daillé
au contraire nous accuse de croire que la
peine temporelle peut être remise dans le
siècle futur, lorsque la peine éternelle ne
l'est pas encore ; c'est ainsi qu'il donne le
change à sps lecteurs. 11 [.retend cpie, dans
le passage de saint N'althieu, Jésus-Chrisl,
par le siècle futur, entend, comme les juifs,
le règne du iVlessii', et, par le siècle présent,
le temps quia précédé. Suivant ce commen-
taire, le Sauveur a voulu dire : Si quelqu'un
blasphème contre le S lint-Esprit, il ne sera
pardonné ni sous la loi de Moise qui est une
loi de rigueur, ni sous le règne de Jésus-
Christ et de l'Evangile qui est une loi de
grâce. Mais est-il bien certain que Dieu
pardonnait plus diflicilement à un juif qui
avait moins de connaissances et de lumières,
qu'à un chrétien qui en a davant.ige? Cela
parait formellement contraire à la doctrine
de saint Paul, qui enseigne qu'un chrétien
prévaricateur est plus punissable qu'un juif,
Hebr., c. x, v. 28 et 29. Aussi Daillé, peu
content de celte explication, en donne une
autre : il dit que, par le siècle présent, l'on
peut entendre tout le temps qui précède la
résurrection générale et le jugement dernier,
et par le siècle futur, le temps qui doit sui-
vre ce grand jour. Mais, sans parler des di-
vers inconvénients de cette explication, il
est certain que, par le siècle présent, les
écrivains sucrés entendent ordinairement le
temps qui précède la mort, et par le siècle
futur le temps qui la suit ; donc si un péché
grief qui n'a pas été entièrement pardonné
ou effacé dans cette vie peut l'être dans le
siècle futur, ce ne peut être qu'en vertu
d'une expiation qui se fait après la mort.
Daillé a cité lui-même le passage dans lequel
saint Paul dit d'Onésiphore : Que Dieu lui
fasse trouver miséricorde dans cejour{IITim.,
I, 18), c'est-à-dire au jour du jugement der-
nier ; et par là il prouve que Dieu pardonne
des péchés dans ce grand jour. Mais si un
péché grief, tel que le blasphème contre le
Saint-Esprit, n'avait pas été remis avant la
mort quant à la coulpe et à la peine éternelle,
pourrait-il être pardonné après la mort ? 2°
Act., cap. II, V. 24, saint Pierre dit que Dieu
a ressuscité Jésus-Christ, en le délivrant des
douleurs ou des souffrances de l'enfer ou
du tombeau, parce qu'il était impossible qu'il
y fût retenu. Quoi qu'on disent Daillé et ses
pareils, les douleurs dont parle saint Pierre
ne sont pas celles de la mort, puisque Jésus-
Christ k^s avait endurées dans toute la ri-
gueur ; ni celles du tombeau , puisque le
corps de Jésus-Christ, pilacé dans le tombeau
et séparé de son Ame, ne pouvait pas souf-
frir ; ni celles des damnés, Jésus-Christ ne
les a jamais méritées ; il serait ridicule de
dire que Dieu l'en a délivré ou préservé.
Donc nous sommes forcés d'entendre les dou-
leurs qu'enduraient les Ames qui n'étaient
ni dans le ciel ni dans l'enfer. Jésus-Christ
ne les a point ressenties ; au contraire, i'I a
consolé ces Ames souffrantes et les a assu-
rées de leur délivrance prochaine ; Dieu l'en
a donc préservé en le ressuscitant, comme
le dit saint Pierre. Il y a donc après cette
vie des peines qui ne sont point celles des
damnés, et l'on ne peut en supposer d'au-
tres que des peines expiatoires ; c'est préci-
sément ce que nous appelons le purgatoire.
Peu nous importe (jue plusieurs interprètes
aient entendu autrement ce passage ; le sens
que nous lui donnons est littéral, simple et
naturel, au lieu que nos adversaires lui font
violence. 3° / Cor., c. m, v. 13, saint Paul
dit que le jour du Seigneur fera connaître
l'ouvrage de chacun, et que le feu éprouvera ce
qu'il est; que si l'ouvrage de quelqu'un demeu-
re, il en recevra la récompense ; que si son ou~
vrage est brûlé, il en recevra du dommage,
inais qu'il sera sauvé comme par le feu. Daillé
a encore employé seize pages pour éclaircir
ou plutôt ])our embrouiller ce passage. 11
soutient qu'il est là question du travail ou
de la doctrine des ouvriers évangéliques ;
soit : on doit juger de môme de tout autre
ouvrage relatif au salut. Il dit que le texte
grec ne porte point /ejowrdw Seigneur, mais
un jour quelconque; nous répliquons qu'il
serait ri.iicule de dire qu'un jour le feu brû-
lera en ce monde l'ouvrage des prédicateurs
de l'Evangile, et que l'ouvrier sera SMUvé
comme par le feu. En recourant ainsi à des
métaphores, à des comparaisons aibitrair.s,
il n'est aucun passage du l'Ecriture sainte
duquel on ne puisse tordre le sens à son
gré. Il nous parait plus siniple d'entendre
celui-ci de l'épreuve que subissent dans l'au-
tre vie les œuvres de chaque hi.mme en par-
ticulier, et du feu expiatoire dont il s'est sau-
vé, lorsqu'il a travaillé solidement pour le
1693
PUR
PUR
1094
ciel. — Bollarmin a cité plusieurs autres pas-
sages de l'Ecriture en faveur du dogme du
purgatoire ; Daillé use toujours de la uilMuo
métliode pour en esquiver les conséqueuccs ;
il serait inutile de le suivre plus longtemps
dans cette discussion.
La seconde [ireuve que nous alléguons de
ce môme ilogme est la tradition de l'F.glise,
tradition attestée par l'usage dans lequel elle
a toujours été de prier pour les morts, et
l'Eglise s'est fondée sur les passages do l'E-
criture saillie dont les [irotestants détdument
aujourd'hui le sens. La manière dont ils les
expliquent nous di'nioiitre la cause pour la-
quelle ils ont posé pmu' principe que l'Erii-
ture sainte est la seule règle de foi; c'est
qu'ils savaient bien que cette régie ne les
gênerait jamais. Au reste, c'est de leur part
une supercherie palpalilc, puisqu'ils pien-
nent pour règle, non le texte de l'Ecriture,
mais l'explication arlutraire qu'ils y donnent.
Le catholique, plus sincère, prend jioor sa
règle le sens qui a toujours été donné à cette
même Ecriture par toutes les sociétés de
chrétiens qui vivent en comuuinion de foi
et qui font [irofession de s'en tenir îi ce que
les apôtres ont cnsrij^né. Il en est instruit
par le témoignage di s Pères qui ont été les
j)asteurs et les docteurs de ces sociétés, par
les di'cisions que les conciles ont faites con-
tre ceux qui attaquaient l'ancienne doctrine,
par les usages et les pratiques qui ont tou-
jours servi (i'explication à cette même doc-
trine , ou écrite ou enseignée de vive
voix.
Or un de ces usages a été dès le com-
mencement de prier pour les moi ts ; l'Eglise
a donc supposé que les morts pouvaient être
dans un ét.it de soulfiance et recevoir du
soulagement par les prières des vivants. Voij.
PKiiS;REs POUR LES MORTS. Déjà plusieurs
protestants sont convenus que cet usage a
commencé l'an 208 ou immédiatement après ;
mais cela ne prouve pas , disent-ils , que
l'on croyait déjà le dogme du purgatoire;
ou priait pour les morts, parce que l'oa
pensait que les âmes des justes n'allaient
pas prendre possession de la gloire immi'--
diatement a[)rès la mort, mais qu'elles étaient
di'tenues dins un lieu particulier que l'on
appelait ie paradis ou le sein d'Abraham, jus-
qu'au jugement dernier ; on demandait à
Dieu d'accélérer le moment de leur bonheur.
Telle a été l'opinion des anciens Pères. —
lie'ponse. Accordons pour un moment cette
supposition. (",es âmes connaissaient sans
doute le bonheur qui leur était di'Siiné, et
le temps ciue devait durer leur captivité';
or il leur était impossible de le coniiaitre,
sans désirer ardemment de le posséder, sans
éprouver par conséquent du regret de ne pas
en jouir encore. On le supposait ainsi, puis-
que
l'on demandait à Dieu d'abréger le re-
tard de ce bonheur. Donc l'on jugeait que
ces Ames étaient dans un ét.it d'éi^reuve et
d'anxiété ; elles ne pouvaient y être qu'alin
qu'elles lussent jmi itiées davant ige ; donc
on les supposait dans le purgatoire.
Longtemps avant l'an -200, saint Justin ,
dans son Dialogue avec Tryphon , n. 105,
parlant de l'Ame de Samuel, évoquée par la
pythouisse, disait: « Il paraît que les Aines
des justes et des prophètes tombent sous le
pouvoir des esprits tels que cette femme en
avait un. C'est pour cela que Dieu nous a
enseigné, jiar rexî'mpli' de son Fils, h désirer
et à demander, au sortir de cette vie, ijue
nos Ames ne tombent point sous ce même
pouvoir. Aussi le Fils de Dieu, piès d'expi-
rer sur la croix, dit : « Mon Père, je remets
mon esprit entre vos mains.» On a traité
d'erreur grossière celte réllexion do saint
Justin, [larce que l'on a cru que, suivant
ro|)inion de ce saint martyr, les esprits dont
il |iarle avaient sur les Ames des justes le
même empire que les démons exercent sur
les damnés ; mais on lui attribue celte pen-
sée mal il propos. Autant qu'il nous paraît,
il a seulement entendu que ces esprits pou-
vaient punir les Ames des fautes qui n'é-
taioi.t pas sufiisnmment expiées, et les retenir
du moins pendant quchjue temps dans l'é-
tat que nous appe ons le purgatoire. Saint
Clément d'Alexandrie, .S/>-.,l. vi, c. lV,ii.7!)i,
dit qu'un fidèle qui meurt après avoir quitté
ses vices, doit ell'acer encore par lui supplice
les péchés qu'il a commis après le ba)itème.
Liv. VII, c. 10, p. 865, 1 1 c. 12, p. 870, il
ajoute ipi'un gnosti(iueou un chrétien éclai-
lé a jntié de ceux qui, chAtiés après leur
mort, avouent leurs fautes malgré eux jiar
le supplice qu'ils endurent. Origène, dans
dix ou douze jiassages , enseigne la même
doctrine ; nous ne les citons pas : l'autorité
de ce Père est suspecte aux protestants, par-
ce qu'il a été p: rté à croire que toutes les
)ieines de l'autre vie, mêmes celles de l'enfer,
sont expiatoires. Tertullien, lib. de Anima,
c. 35 et 38, prouve par les paroles de l'iivan-
gile. Malt., c. v, v. 26, cpi'il y a dans l'au-
tre vie une prison de laquelle on ne sort point
que l'on n'ait payé jusqu'à la dernière obole.
Saint Cyprieii, i/j/.«<. 52, adAntonian.yp.li.
« Autre chose est, dit-il, d'attendre le pardon,
et autre chose d'entrer dans la gloire : l'un,
mis en prison, n'en sort qu'après avoir payé
jusqu'à la dernière obole ; l'autre reçoit d'a-
bord la récompense de sa foi et de son cou-
rage : on peut, ouètre purilié du péché par
(1rs soulfrances et en supportant longtemps
la peine du feu, ou les elJacer tous i)ar le
martw'e. Eniin, autre cliose est d'attimdre la
sentence du Seigneur au jour du jugement,
et autre chose d'en recevoir incontinent la
couronne. » On ne peut pas distinguer av. c
l)lus de soin les divers étals dans lesquels
j)eut se trouver une Ame juste en sortant de
cette vie ; mais saint C.\ prien n'était pas l'in-
ventr'j.r de celte doctrine, elle n'a excité la
réclamation de personne. Il serait inutile de
citer les Pères du iv' siècle.
Ce qui a fait croire aux protestants que le
doi^ine que nous soutenons est nouveau,
qu'il est né postérieurement aux apôtres,
c'est qu'ils n'ont pas vu dans les écrits du
1" siècle le mot de feu purifiant ni de purga-
toire. Mais, encore une fois, l'Eglise n'a pas
défini que le purgatoire est un feu ; que les
1G95
PUR
PUR
169C
l
protestants professent le fond du dogme, on
leur permettra, s'ils le veulent, de trouver
un autre terme pour exprimer ce que nous
entendons par le jmrgatoire.
Une troisième preuve de la doctrine catho-
lique sur ce point est la croyance des Juifs;
il est constant que, cinq cents ans au moins
avant Jésus-Christ, les Juifs croyaient que des
aumônes faites jiour les morts leur étaient
iirolitables. C'est ce qui introduisit parmi eux
la coutume de placer des aliments sur la sé-
j)ulture de leurs parents, aTui de nourrir les
pauvres. Tobie dit à son fils, c. iv , v. 18 :
Mettez votre pain et votre vin sur la se'pul-
turc du juste, et gardez-vous d'en manger ou
d'en boire avec les pécheurs. L'auteur de l'iTc-
clésiastiquc fait la môme leçon , c. vu, v. 37 :
La libéralité', dit-il, est agréable à tous ceux
qui vivent ; n'empêchez pas qu'elle ne s'étende
sur les morts. Rien de plus connu C[ue la
léllexion de l'auteur du second livre des
Machabées, c. xii, v. 'i-6 : C'est une sainte et
salutaire pensée de prier pour les niorts, afin
(ju'ils soient délivrés de leurs péchés. Les Juils
e croient encore. — Quand même les pro-
testants seraient bien fondés à nier la cano-
1 icité de ces livres des Juifs, ils seraient
néanmoins obligés d'en admettre le témoi-
gnage , du moins comme historique , et
d'avouer le fait qui y est rap|iorlé ou sup-
] osé. Or, où les Juifs ont-ils puisé cette
croyance ? Les prolestanis diront sans doute
que les Juifs l'avaient empruntée des Clial-
(léens, que c'est une des rêveries de la ])hi-
losopliie orientale. Pour le croire, il faudrait
oublier, 1° la haine que les Juifs devaient
naturellement avoir contre les Chaldéensqui
les retenaient en captivité ; 2° la défense que
Jérémio leur avait faite d'adopter en aucune
manière les usages et les opinions des Chal-
déens, Baruch, c. vi ; 3" le t'ait incontestable
attesté par l'iiistoiie, savoir : que les Juifs
n'ont jamais été plus en garde coulre tout
ce qui venait des païens, que tlejiuis la cap-
tivité. S'il était ici question d'une erreur, il
serait fort singulier que les prophètes posté-
l'ieurs à la captivité n'en eussent pas averti
les Juifs, que Jésus-Christ et les a|iôtres
n'eussent rien dit pour en jirévenir les
clirétiens ; cela eût été plus nécessaire que
de les détourner des cérémonies légales.
La quatrième preuve que nous opjiosons
aux protestants est l'inconslanco et la variété
de leurs opinions sur le dogme dont nous
parlons, et les aveux que plusieurs d'entre
eux ont été forcés de faire. Calvin lui-même
était plus circonspect que ses disciples ; dans
son Instit., \. m, c. 25, § 6, il dit qu'il ne
faut pas nous informer avec trop de curiosité
do l'état des âmes après la moit et avant la
résurrection, puisque Dieu ne nous l'a pas
révélé ; qu'il faut nous contenter de savoir
cpe les âmes des fidèles sont dans un état
de repos, oïl elles attendent avec joie la
J5l(,>ire promise, et que tout demeure ainsi en
suspens jusqu'à l'arrivée de Jésus-Christ en
qualité de rédempteur. Voilà un état mi-
toyen entre la ^^loire éternelle et la damna-
tion, qui ressemble beaucoup au i^wr^a^oû-c;
et c'est la croyance commune des calvi-
nistes.
Les anglicans ont conservé l'office des
morts, ils en ont seulement retranché les
oraisons par lesquelles on iuiplore la misé-
ricorde de Dieu envers les défunts ; mais les
autres protestants détestent cet office comme
lui reste de papisme. Il est dit dans VApolo-
(jic de la confession d'Augsbourg, § 33 : « Nrnis
savons que les anciens ont parlé delà ])rière
])our les morts, et nous ne l'empèclions pas. »
(jrntius était dans le mêmesentimenl. Luther
a dit que ce n'est pas un crime de demander
à Dieu pardon pour les morts. Wiclef et
Jean Hus ne rejetaient pas le purgatoire.
D'oîi est donc venue l'horreur que les pro-
testants plus modernes ont conçue contre ce
dogme ?
Beausobre commence par avouer que la
nécessité de la purification des âmes avant
d'entrer dans le ciel est un sentiment qui ne
fait point déshonneur à la raison, qui a paru
conforme à l'Ecriture, qui a été embrassé
])ar plusieurs Pères, et qui a fourni à la gu-
perstition le prétexte d'inventer le purga-
toire ; ensuite il soutient que la transmigra-
tion des âmes, qui est le purgatoire philoso-
phique, vaut mieux que le purgatoire catho-
lique; Histoire du Munich., t. IL 1- vu, c. 5,
§ G. Mais \e purgatoire catholique cs\.-i\ donc
autre chose que la purification des âmes
avant d'entrer dans le ciel ? Si c'est un sen-
timent conforme à la raison , à l'Ecriture
sainte, à la croyance de |)lusieurs Pères,
comment peut-il être une superstition ? Voilà
ce que nous ne concevons pas. Pour rendre
notre croyance odieuse et ridicule, il nous
renvoie aux dialogues de saint Grégoire le
Grand, et aux légendes oii l'on a rapporté
des fables et de vaines imaginations touchant
le purgatoire. Mais ces fables, s'il y en a,
sont-elles notre croyance ? Il faut l'atlaquer
telle que le concile de Trente Fa exposée,
et non telle que des esprits crédules ou mal
instruits l'ont rêvée.
Enfin, une cinquième preuve est l'idée que
l'Ecriture sainte nous donne de la justice de
Dieu, en nous disant que Dieu donnera à cha-
cun selon ses œuvres. Nous demandons s'il est
juste qu'un pécheur qui a vécu dans le désor-
dre jiendant toute sa vie, qui est rétabli dans
l'état de grâce par une pénitence sincère, soit
aussi abondamment récompensé, et jouisse
du bonheur éternel aussi prompitemcnt qu'un
juste qui a persévéré pendant toute sa vie
dans la pratique de la vertu , et qui meurt
dans les sentiments d'un parfait amour |iour
Dieu ? Jamais ce plan de justice divine n'en-
trera dans un esprit sensé.
Suivant l'opinion commune des protes-
tants, toutes 1rs âmes sorties de ce moncle
dans l'état de justification sont, jusqu'au jour
du jugement dernier, dans l'attente de la
gloire éternelle, mais dans un état de [laix,
de repos, exemptes d'inquiétude et de souf-
france. Si le monde, après avoir déjà duré
six mille ans, en dure encore autant ou da-
vantage, où sera la uiU'érence et l'inégalité
entre le sort du juste Abel et celui de Gaïc
<fi07
PUR
vvn
1G93
mort pénitent ? Nous ne connaissons aucun
protestant qui ait daignô faire rotle [('llexion.
La plupart dos oljjections de Daillé cl dos
autres contre le purgatoire ne sont ([ue des
arguments négatifs , et encore portent-ils
souvent sur une fausse sup|)ositioii. Les Pè-
res, disent-ils, les conciles dos preiniors siè-
cles ne parlent point du pnrf/aloirc dans les
circonstances mêmes dans lescpielles ils au-
raient dû en parler; ils n'y croyaient donc
pas. Lorsque le sixième concile général con-
damna Origèno, qui soutenait qu(! toutes les
peines de l'autre vie sont expiatoires, qu'un
jour les damnés et les démons seront i)uri(iés
de leur crimes et iiardonni's, c'était là le cas
de distinguer les peines de l'enfer d'avec celles
du ptirgatoire ; le concile n'en a pas dit un
mot. Il n'en est pas question dans l'exiiosi-
tion de la foi donnée par saint Epiphane, ni
dans la réfutation qu'il a faite des erreurs
d'Aérius , qui blâmait la firièio pour les
morts ; le dugme du purgatoire lui était donc
inconnu. Les autres Pères de l'Kglise, qui
ont eu occasion d'expliquer les jiassages de
l'Ecriture que nous alléguons en faveur de
ce dogme, leur ont donné un autre sons. —
Réponse. Nous avons déjà dit que si, pour
contenter les protestants, il faut absolument
leur montrer dans les Pères et les conciles le
nom de purgatoire , nous renonçons à la
gloire de lés convaincre ; mais qu'imi)ortele
nom, si nous y trouvons la chose ? Il nuporle
encore moins do savoir si les conciles et les
Pères ont parlé de ce dogme [)réciséinent
dans les endroits où il plaît aux protes-
tants de vouloir qu'ils l'aient traité , pourvu
(ju'ils l'aient enseigné ailleiu-s. Or on peut
voir dans les frères de WaUembourg , t. H,
tract. V, de Purgat., les passages de Ter-
tullien , de saint Cyprien , do saint Jean
Chrysostome, de saint Kpiphane, de saint
Ami)roise, de saint Jérôme, de saint Augus-
tin, de saint Fulgenco , qui parlent les uns
do l'état des ûmes qui ont besoin d'ox|)iation
dans l'autre vie ; les autres do l'ulililé des
prières et des aumônes que l'on fait pour les
soulager;'on y trouve môme un passage do
saint Augustin, £'Hf/u';-., cap. 6i), dans lequel
le saint docteur doute si cette iiurification
des Ames se fait |)ar un feu purgatoire, per
ignem quemdam purgatorium, ou autrement.
Ces mômes controversistes ont cité un pas-
sage du quatrième concile généi'al tenu à
Chalcédoino , un du troisième concile de
Carthage, un du quatrième et un du premier
concile de Brague, où il est question de
l'usage de faire dos offrandes, des sacritices,
des sulfra^'os pour les morts. On est étonné
de vo r Daillé, [ilus téméraire que tous ses
confrères, assurer gravement que saint iiré-
goire pape a été au vi' siècle l'autour du
dogme d\i purgatoire.
Moslieim, mieux instruit, convient qu'il a
commencé dès le ii' siècle, par conséquoni
)iou de temps après la niurt du dernier dos
apôtres; Hist. ecclés.. n' siècle, ii' partie,
c. 3, S 3.
Etait-il donc nécessaire que le concile de
Chalcédoine, en condamnant l'origénismo
sur la fin du vu' siècle, proscrivît encore une
doctrine qui avait été réprouvée par toute
l'Eglise, au iv , dans Aérius et ses secta-
teurs? Il est fauK que .saint Epipiiane, on
la réfutant, ne dise vUm di\ purgatoire : W
dit, Ifœr. 75, § 7 : « Les prières ipio r(iii
fait pour les morts leur sont utiles, (pioi-
qu'cUos n'eiracont ]ias tous les pé'cliés... Nous
faisons mention des [lérhours et des justes :
des pécheurs, alin d'im|ilorer pour eux la
misériooi'de du Soigneur; des justes..., a'in
d'honorer Jésus-Chrisl, etc.,SS : L'Kglise oh-
sorve nécessairement ci'tte pratiipiis qu'elle
a reçue des anciens. » Voilà donc dos morts
qui ont dos péchés à elfacer et qui ont be-
soin que l'on im|)loro pour eux la miséri-
corde do Dieu; c'est ce (jue nous enleiidoiis
par des morts en purgatoire.
Daillé avance avec Iroj) do confiance que
les Grecs et les autres sectes do chréti, ns
orientaux no croient i>oinl h; purf/atoire; il
était fort mal instruit, le contraire est prouvé
d'une manière incontestable, Perpel. de la
foi, tom. V, p. 610. Les Pères, dit-il, et los
conciles qui ont condamné et réfuté les pé
lagiens, ont décidé qu'd n'y a point de liv'u
ni d'état mitoyen entre le ciel cl l'enfor ; tous
ont enseigné qu'après la mort il n'est jilus
question de mérites, de ])énilences, ni de
purification. — Réponse. Pour iirondre le
sens des décisions portées contre les péla-
giens,_il faut connaître l'erreur do ces héré-
tiques; ils pri'tendaionl (|ue los eni'ants morts
sans baptême n'enlraiont fiasdans lo royaume
des cieux, mais qu'on vertu de leur inno-
cence ils jouissaient de la vie éternelle. Los
Pères et los conciles, on décidant que ces
enfants sont morts avec le péché orij^inel,
ont rejeté avec raison ce lieu ou cet état
mitoyen entre le ciel et l'enfor, qu'il plaisait
aux i>élagiens d'appeler la vie éternelle,
comme s'il pouvait y avoir une vie étoriiolle
hors du ro.yaumo des cieux. .Mais co lieu ou
cet état prétendu éternel n'a rion de commun
avec l'état passager dos ;\mos qui ont dos
péchés à expier, et qui, ai)rès leur purdi-
cation, sont sûres de jouir de la gloire éter-
nelle (1).
Nous ne disons point, non plus que les
Pères, que ces âmes acquièrent (h; nouveaux
mérites: entre expier le |)éclié et mérilor, il
y a une ti'ès-grando ditférenoe ; Irurs souf-
frances no sont pas non |)lus une |)énitence
proprement dite, colle-ci consiste dans lo
regret du péché et dans la résolution do ne
jilus le commettre : or, los ;lmes on /)»/•(/«-
«o/re savent bien qu'elles ne peuvent plus
pécher. Elles ne peuvent pas enfin se puri-
fier comme en cette vie, par la jiénilence,
par les bonnes œuvres, par les sacrements;
mais elles portent la peine temporelle duo
aux péchés véniels et aux péchés déjà etla-
(I) 11 n'y a rien de tlcfini sur la nature des peines
du i(ur!,';iioire. On croit coniniuiiémcnt qn'on y endure
Li peine du l'eu, et beaucoup de ihéolo^'iens pensent,
avec saint Thomas, (|ue les peines du purgatoire sur-
passent tout ce qu'on peut souflrir en cette vie :
Pœtui purfialorii, quantum ad pœnam damni et sensus,
cxccd'U omncm pœnam islius rilœ.
16G9
PIÎR
t>IlR
1700
ces en cette vie quant à la coulpe et à la
peine éternelle. Nos adversaires brouillent
tout, ne veulent entendre ni expliquer au-
cun dogme , parce qu'ils veulent donner
à toute notre croyance une tournure con-
damnable.
Mosheim, non moins injuste, dit que la
purification des âmes après la mort est une
doctrine des païens, qu'elle fut mieux ex-
pliquée et mieux établie au v siècle qu'au-
paravant , que ce fut dans la suite une
source de richesses, intarissable pour le
clergé, qu'elle continue encore aujourd'hui
d'enrichir l'Eglise romaine. Hist. ecclés., v"
.siècle, II' partie, c. 3, § 2. Il ajoute qu'au
X' on cr.ignait le feu du purgatoire beau-
coup plus que le feu de l'enfer, parce que
l'on espérait d'être à couvert de celui-ci par
la médiation des saints et par les prières du
clergé, au lieu que l'on ne connaissait au-
cun moyen de se soustraire au feu du pur-
gatoire Le clergé ne manqua pas de nourrir
cette crainte superstitieuse pour augmenter
ses richesses et son autorité, x" siècle, ii"
part., c. 3, § 1.
Avant de lancer ces traits de satire fausse
et maligne, lilosheim aurait dû faire une ré-
flexion : c'est que les socinicns et les déistes
soutiennent aussi que la divinité de Jésus-
Christ est une doctrine des païens, qu'elle
ne fut expliquée et établie qu'au iv siè-
cle, el pour l'intérêt du clergé, parce qu'il
importait aux prêtres, déjà censés ministres
de Jésus-Christ, d'êtie regardés comme mi-
nistres d'un Dieu. Mais Mosheim est beau-
coup plus ami des sociniens et des déistes
que des catholiques. 11 savait bien que l'usage
de prier pour les morts est bea -coup plus
ancien que le V siècle, puisqu'il est con-
venu que le dogme du purgatoire a com-
mencé dès le W; Tertullien et saint Cyprien
en ont parlé au m" comme d'un usage établi
avant eux, pratiqué par conséquent dans un
temps au(juel il ne pouvait être d'aucun pro-
fit pour le clergé, puisque pour lors il ne re-
cevait aucune rétribution manuelle pour ses
fonctions. Mosheim n'ignorait pas que, quand
saint Jean Chrysostome el les autres Pères
du IV' siècle exhortaient les fidèles à faire
des aumônes pour les morts, ils entendaient
des aumônes faites aux pauvres et non au
clergé. Il est donc incontestable que, dans
l'origine, l'intérêt du clergé n'a pu entrer
pour rien dans les prières et les otTiandes
laites pour les morts. 11 n'est pas moins cer-
tain qu'au X' siècle, après les ravages faits
dans toute l'Europe par divers essaims de
barbares, les principales richesses du clergé
ne sont pas venues des fonuations faites pour
los morts, mais de l'abandon qui lui a été
l'ait de terres incultes qu'il a mises en valeur,
el (jui étaient censées pour lors appartenir au
piemier occupant. 11 l'est entinque, dans ks
ibndations mêmes qui ont été faites pour les
morts, dans l'érection des abbayes et des
monastères, la formule pro remcdio animœ
mcw et cmiinœ patris mei, etc., sigiiiliait très-
souvcut pour satisfaire à une restitution que
mou pi're ou mes aieux auraient du fuire,
puisque alors les grands s'étaient enrichis
par le pillage des biens de l'Eglise et de ceux
des particuliers, qu'ainsi l'on pensait à évi-
ter l'enfer encore plus que le purgatoire.
C'est d'ailleurs prêter aux hommes du
X' siècle une absurdité trop grossière, que
de supposer qu'ils ont cru ijue les a imônes,
les dotations d'églises, les messes, les priè-
res des [irôtres et des religieux, ne contri-
buaient en rien à leur faire éviter l'enfer. Un
auteur aussi instruit que iVIoshcira a dû sa-
voir qu'au X' siècle on ne croyait pas,
comme les protestants, q-ie les bonnes œu-
vres en généra! ne contribuent en rien au
salut; jamais cette doctrine n'a régné dans
l'Eglise, jamais aucun membre du clergé n'a
enseigné ni rêvé que les mêmes [iratiques
qui peuvent soulager les soulfrances des
morts ne sont d'aucun mérite pour les vi-
vants.
Jurieu n'a pas laissé de se permettre la
môme calomnie. Il dit que chez les catho-
liques l'on fait tout jiour éviter le purgatoire,
rien pour se sauver de l'enfer : suivant eux,
dit-il, un acte de contrition sauve de l'enfer,
mais toute la contrition de tous les pénitents
ensemble ne ferait rien contre les ])eines du
purgatoire. Nous délions les protestants de
citer un seul écrivain catholique qui ait sou-
tenu ou seulement proposé cette doctrine
absurde. D'un côté, il nous accuse de faire
un trop grand usage de la terreur pourame-
nt r les Ames à la sainteté, d'user de cruauté
en leur faisant envisager les peines du pur-
(/afojVecomme inévitables, lors mêmequ'elles
croient être sauvées de l'enfer par une vraie
p:'nitence. De l'autre, il suppose que parmi
nous la crainte de Fçnfer est étoulïée par
la terreur du purgatoire. Mais la frayeur
d'une peine éternelle est-elle donc moins
cruelle que celle d'une peine temporelle?
Il y a là en vérité du vertige et du délire.
Entin, Jurieu soutient que quand le dogme
du purgatoire ne ferait plus de mal aujour-
d'hui, il faudrait encore le bannir à cause
de celui qu'il a fait ; C'a été là, dit-il, la
source de toutes les superstitions de l'Eglise
romaine. Préservatif contre le changement de
religion, art. 8. Nous lui disons à notre tour
que ((uand ce dogme aurait produit tout le
mal qu'il prétend, il ne nous serait pas en-
core permis d'en étoulTer la croyance : dès
que c'est une vérité, il ne nous appartient
pas de vouloir corriger par le m'usonge ou
par le silence les prétendus abus produits
Jxir des dogmes que Dieu a révélés. A la vé-
rité les protestants, qui se sont cru plus
sages que Dieu, ont fait main basse sur tous
les articles d' croyance et de pratique dans
lesquels il a plu à leur fanatisme de voir des
abus ; mais nous ne sommes pas tentés d'imi-
ter leur témérité (1).
(1) M. de Trevern, Discussion amicale sur fEylise
anglicane et en yénéral sur la rcjormulion, t. II, leUre
13, p. l'Jii, s'exprime ainsi, sur le purgatoire : t Dos
le temps de la Synagogue, rEcriture nous appiemi
qu'on olirail des sacriiices pour les inorls. A l'annce
de Judas MacliaLii'e, plusieurs soldats avaient, contre
la défeiisc de IMeu, ejiievé (iaiis lus temples de Juniui:«
mi
PUR
PURIFICATION. Ce terme a un double
sens : lorsqu'il est em])]o)é tv l'égard du
corps, il signifie l'action do se laver ou le
dos objets consacrés aux idoles, et les avaient cachés
sons leurs habits, au nioiiieul d'une halallle où tous
ces soldais perdirent la vie. Leur faute, (|u'on ref;arda
coiiiinc la cause de leur mon, l'ut découverle à l'ins-
tant où on allait les enterrer. Judas Maehahée ,
croyant avoir lieu de penser, ou qu'ils n'avaient pas
assez eoiuiu la loi pour coiniueudre la griévelé de
leur trausgiession, ou qu'ils s'en étaient repentis de-
vant Dieu avant d'expirer, lit faire uni! qui'te e; pas-
ser i'argeul a Jérusalem, aliii qu'on y oll'ril des sa-
crilices pour leurs péchés. « Considéraul aussi, dit
l'Ecriture, (pi'uiie grande miséricorde est réservée à
ceux (pii lueurc^Mt dans la piété, ce qui est une sainte
et salutaire pensée, il onlouiia inie expiation pour
ces morts, alin qu'ils fussent délivrés de leurs pèches.
Ce passage était trop direct et tiop clair pour ne pas
oflusquer ceux ([ni, au xvi= siècle, cntrepriicut de
nouveau contre le purgatoire et la prière pour les
morts, ils se peisuadèreut ipi'il n'y aviit, pour s'en
débarrasser, qu'à lui enlever son autorité divine, et
ils dirent : « Cà' livre des Machahées ne lut jamais
conqiris dans le canon des Hébreux. » Kt que ne di-
rent-ils aussi (pi'il n'avait jamais pu l'élre, ce canon
ayant été clos sous E^dras, beaucoup avant les .Ma-
cliabècs'? Ils dirent encore : Qnelcpics l'ères ont douté
de l'autorité de ce livre. Il eut été de la bonne loi
d'ajouter que le grand noudjrc n'en avait jamais
douté; que généralement il avait été lu avec les au-
tres Ecritures divines dans les assemblées chrétien-
nes; que le troisième concile de Carlhage, en consa-
crant la tradition ancienne, l'avait rangé parmi les
écrits inspirés : « Ce sont ces livres, dit-il, que nos
pères nous ont appris ;i lire dans l'Eglise, sous le
titre d'Ecritures divines et canonifiues; t que saint
Augustin le place dans le canon des Ecritures dont
il donne l'ènuméralion, lib. de Docir. christ, c. 8, et
qu'il le cite en preuve contre les hérétiques; qu'il est
mis au rang des saintes Ecritures par Innocent 1",
dans sa réponse à saint Erupèce, évèque de Toulouse,
en W6 ; par Gélase, assiste de 70 évè([ues, dans le
décret du concile romain, en 194. Au reste, ne nous
étendons par davantage sur la canonicité qui appar-
tient certainement à ce livre, et que les réformateurs
n'auraient pas songé à lui conlestei' sans révidence
de ce i)assage. Laissons de coté, pour un instant, sou
autoi'ilé divine; nous n'en irons pas moins , quoi
qu'on lasse, ii notre but. Car .Messieurs de la religion
réformée admettent les livies des Machabees comme
une histoire véridii|uo. Donc il est de lait historii|i.e
que, dès le temps des .Machahées, les Juifs, les sacif f
ticaleurs, la synagogue, pensaient qu'il était pieux e\ '
salutaire d'offrir des sacriliccs pour les morts, afin
qu'ils fussent délivrés de leurs péchés. Josèphe nous
indique assez que cette croyance se niaiulenail de
son temps, lorsqu'il témoigne que les Juifs ne priaient
point pour ceux qui s'étaient eux-mêmes privés de la
vie. Or, ils ne priaient pas sans doute pour ceux qui
étaient déjà dans le sein d'Abraham, oii l'on n'avait
nul besoin de prières, ni pour ceux qui seraient en
enfer, oii les prières sont inutiles. Et encore, le but
de leurs prières était d'obtenir la romisbion des pé-
chés pour les défunts, que par coubuiuent ils ne pla-
çaient pas dans le sein d'Abraham, où rien d'impur
n'était admis; encore moins dans l'enfer, également
fermé au pardon et à l'espérance. lU croyaient donc
à un état mitoyen, entre l'un et l'autie; et cet état
mitoyen que vous désignerez sous tel nom qu'il vous
plaira, nous lui donnons celui de l'unjaloire.
t La pratique de prier pour les morts n'a pu s'é-
lablir si universellement que par la prédication des
apôtres Cène fut pas sans raison, dii, saint Cliry-
sostome, que les apôtres ordomicrent (juc, dans la
celcbration lieoi mystères redoutables, il lut fait nié-
PUR 1T03
corps entier ou une partie, pour en écarter
toute espèce d'ordure ; (piatid il est question
de l'âme, c'est l'action de détester ses péchés,
moire des défunts ; car ils savaient combien il on re-
vient aux morts d'nlililé et de prolit. Ilomil. liii, ud
Pop. Aulioch. Saint Augustin, qui a compose un
traité' sur nos devoirs envers les morts, où les prières
pour eux reviennent sans cesse, s'exprimait ainsi
dans un sermon : < les pompes funéraires, la foule
qui les accoinpagne, la reciioiche sonipluens(! dans
la structure des mausolées, sans cire de la moindre
rossourci! pour les défunts, peuvent bien oll'rir (|uel-
qnc sorte de consolation aux vivants : mais ce dont
il ne faut pas douter, c'est (pie les prières de l'Eglise,
le saint sacrilice, les aumônes, ne leur portent <lii
soulageuienl, n'obliennent pour eux d'i^ire trail('S
plus miséricoriiieuseinent qu'ils n'avaient mérite;; car
l'Eglise universelle, instrnile par la tradition de ses
Pères, observe qu'à l'endroit du sacrilice où l'on fa.it
nienlion des morts, on prie et on olficpoor tous ceux
qui sont décèdes dans la comiiiuiiioii du corps de
Jesus-Christ. Scrm. ili. > Dans son ouvrage contre
les Hi^n'sieii, il range Ai'rius entre les lieréti(|nes,
ainsi qu'avait l'ait avant lui saiiil Epipliane, pour
avoir nié, contre la doctrine et la tradition de tous
les temps, l'uiilité de.s prières pour les morts; l'un
et l'autre nous témoignant ainsi qu'elle litait regardée
dans l'Eglise parmi les vérités révélées el connues
par traditioi! apostolique. »
.M. de Trévcrn signale l'accord de toutes les litur-
gies sur la prière pour les morts :
« Liturgie des nestoriens du Malabar : « Souve-
nons-nous de nos pères, de nos frères, des fidèles
qui sont sortis de ce inonde dans la foi orthodoxe;
prions le Seigneur de les absoudre, de leur remeiire
leurs péchés, leurs prévarications, de les rendre di-
gues de partager la félicité éternelle avec les justes
qui se sont conformés à la volonté divine. » Une au-
tre liturgie neslorienne du Malabar nous présente
encore les paroles suivantes, dans une prière admi-
rable : « Seigneur Dieu des armées, recevez aussi
celte oblation pour toute l'Eglise catholique, pour
les prêtres, pour les princes catholiques, pour ceux
qui gémissent dans la pauvreté, l'oppression, la mi-
sère et les larmes, pour les fidèles trépassés, ctc.i
Et ces autres paroles d'une autre prière de la
même liturgie : « Airermissez, ô mon Ùicii, la paix
et le repos des quatre parties du monde.... Détruisez
les guerres, éloignez les batailles au-delà des exiré-
mités de la terre ; dissipez les nations (pii veulent
la guerre.... Relâchez aussi les liens, les péchés et
toutes les dettes de ceux qui sont morts : nous vous
en supplions par votre miséricorde et vos bontés in-
finies. > La liturgie des nestoriens clialdéens : « Re-
cevez cette oblation, ô mon Dieu!.... pour tous ceux
qui pleurent, qui sont malades, qui soiiflrent dans
l'oppression, les calamités, les inlirmiiés, et pour
tous les trépassés que la mort a S('parés de nous, i
Et dans une autre oraison de la même liturgie :
I Pardonnez les délits et les péchés de ceux (pii sont
morts; nous vous le demandons par voire grâce et
vos miséricordes éternelles. » Dans les belles actions
de gràers que font les nestoriens après la célébralion
des loysteies, Ic^ morts ne sont jamais oublies : t lié-
nissez, o mon Dieu, les trépasses, pardonnez à leurs
pèches. » Les nestoriens, à la diiTerenee des Uricu-
laux eu gênerai, ont une messe partieoliôrc pour les
morts : j'y trouve une bénédiciion pour eux qu'il
faudrait copier tout entière; vous la lirez dans le P.
Lebrun, t. III, p. 557. Sur la fameuse inscription
trouvée eu Chine, et qui atteste que des prêtres par-
lis de Syrie y prêchèrent avec succès l'Evangile au
vil' siècie, ou lit à la huitième colonne ces mots :
« Ils font sept lois par jour des prières qui sont très-
utiles aux vivants et aux morts. > — Les Arniéniens,
ainsi que la plupart des Orientaux, n'ont point dii
!T03
PUR
PUR
im
do s'en purifier par la pénitence, d'en obte-
nir de Dieu le pardon. Voi/. Pureté. Tous
Jes hommes, môme les plus grossiers, ont
messe particulière pour les morts, comme notre ca-
non ne change point pour la me»se des défunts. On
voit que les Arméniens, en célébrant pour un raori,
disent : « Souvenez-vous, Seigneur, soyez miséricor-
dieux et propice aux âmes des défunts, et en particu-
lier il celles pour qui nous offrons ce saint sacrifice. >
Leur liturgie offre de très-belles prières pour les vi-
vaiils et pour les morts en général : le diacre s'adres-
sant il tous les fidèles s'écrie : « Nous demandons
qu'il soit fait mention dans ce sacrifice de tous les fi-
dèles en général, hommes et femmes, jeunes et vieux,
qui sont morts avec la foi en Jésus-Christ. — Souve-
nez-vous, Seigneur, et ayez piiié d'eux, i répond le
chft'ur. — Le prêtre seul : c Donnez-leur le repos,
la lumière, et une place parmi vos saints dans votre
règne céleste, et faites (lu'ils soient dignes de votre
miséricorde. Souvenez-vous, Seigneur, et ayez pitié
de ràine de voire serviteur N., selon votre miséri-
corde... Souvenez-vous aussi. Seigneur, de ceux qui
se sont recommandés ii nos piières, vivants ou morls ;
accordez-leur en récompense des biens véritables et
qui ne soient point passagers, i Les Grecs du patriar-
cat de Constaiitinople se servent, il y a plus de onze
cents ans, de deux liturgies sous le nom de saint Ba-
sile et de saint Chiysostonie : on y lit cette recom-
mandation pour les morts : i Nous vous olfrons aussi,
pour le repos et la délivrance de l'iinie de votre ser-
viteur N., afin qu'elle soit dans le lieu lumineux où
il n'y a ni douleur ni gémissemeni, et (|ue vous la fas-
siez reposer, ô Seigneur notre Dieu, au lieu oii brille
la lumière de votre face. > Il faut obsfîrver que cette
liturgie est suivie, non-seulement des Églises greccpies
de l'empire ottoman qui dépendent du patriarche de
Constantinople, mais encore de celles qui sont en Oc-
cident, à Home, dans la Calabre, dans la PouiUe,
dans la Géorgie, dans la Mingrélie, dans la Bulgarie
et dans la Russie enlière. Sur la croyance et la pra-
tique des Russes et de tous les Grecs en général,
nous avons un témoignage très-éclatant dans leur
grand catéchisme nommé d'abord la confession or-
tlioJoxe des Bussions, et auquel les patriarches du
rit grec ont donné depuis le titre de confession ortho-
doxe de l'égliie orientale. Or, sur le septième article
du symbole, on lit que i les âmes ne peuvent, après
la mort, obtenir le salut et la rémission de leurs pé-
chés par leur repentir et par aucun acte de leur part,
mais par les bonnes œuvres et les prières des fidèles,
et surtout par le sacrifice non sanglant que l'Eglise
offre tous les jours pour les vivants et pour les
morts. » — La liturgie d'Alexandrie, ou des cophies
jacobiles, fait coniiuémoralion des morts ainsi qu'il
suit : « Souvenez-vous, Seigneur, de tous ceux ([ui
se sont endormis et ont fini leurs jours dans le sacer-
doce, comme aussi de tout l'ordre des laïques. Dai-
gnez, Seigneur, accorder le repos ii leurs àmcs, dans
le sein d'Abraham, Isaac et Jacob; introduisez-les...
dans le paradis de délices, dans ce séjour d'où sont
bannis la douleur, la tristesse et les soupirs du cœur,
et où brille la lumière de vos saints. > Les diacres
récitent ici les noms des défunts, et le prêtre pour-
suit : < Ordonnez, 6 mon Dieu ! que les âmes que
vous appelez, reposent dans cette demeure bienheu-
reuse... ) 11 revient encore aux défunts dans une orai-
son ultérieure : « Conservez par l'ange de la paix
ceux qui sont vivants, et faites, o mon Dieu! reposer
les âmes des déhinls dans le sein de nos pères, Abra-
ham, Isaoc et Jacob, dans le paradis de la félicité, t
— Lilurgie des Abyssins ou Ethiopiens : « Ayez pitié,
ômon Dieu, des àuiesde vos serviteurs et de vos ser-
vantes, qui ont été nourris de votre cor|is et de votre
sang.etsesonteiidormisiila mort dans votre foi. > Le
prêtre, dans une longue et belle prière, après la con-
sécraiioii, dit encore : « Sauvez éternelleineui ceux
compris que la purification da corps était le
symbole naturel de celle de l'âme; consé-
quemment chez tous les peuples, dans la re
qui font votre volonté : consolez les veuves, soutenez
les orphelins, et ceux qui se sont endormis et sont
morts dans la foi, daignez les recevoir. > — Liturgie
des Syriens orthodoxes et jacobites : Le diacre :
« Nous faisons derechef cominémoralion de tous les
trépassés qui sont morts dans la vraie foi, soit qu'ils
aient appartenu à cette église, i» ce pays, ou à quelque
région que ce puisse être, et sont arrivés à vous,
mon Dieu, qui êtes le Seigneur et le maître de tous
les esprits et de toute chair. Nous prions, implorons
et supplions le Christ notre Dieu, qui a reçu leurs
iimes, de les rendre ; par ses miséricordes, dignes du
pardon de leurs péchés, et de nous faire parvenir avec
eux dans le royaume. C'est pourquoi nous disons trois
fois Kyrie eleison, i Le prêtre incliné prie pour les
morts, et ensuite élevant la voix : < 0 mon Dieu !
Seigneur de tous les esprits et de toute chair, souve-
nez-vous de ceux dont nous nous souvenons, et qui
sont sortis de ce monde dans la vraie foi : donnez le
repos il leurs âmes... les rendant dignes de la félicild
que l'on goûte dans le sein d'Abraham, disaac, de
Jacob, où brille la lumière d ' votre face, et d'où
sont bannis les chagrins, les douleurs, les gémisse-
ments.... N'entrez pas en jugement avec vos servi-
teurs, parce qu'aucun des hommes ne sera justifié
devant vous ; comme n'est aucun de ceux qui mar-
chent sur la terre. Qui fut jamais exempt de péchés
ou de toute souillure, si ce n'est Notre-Seigneur Jé-
sus-Christ votre Eils unique, par lequel nous espérons
pour nous et pour eux miséricorde et rémission des
péchés, il cause de lui et de ses mériies? > — L'an-
cienne liturgie connue sous le nom de Saint-Jacques,
citée par le concile in Tnillo, et expliquée au iv° siè-
cle par saint Cyrille de Jérusalem, met dans la bouche
du prêtre le prière suivante pour les morts : « Sei-
gneur, notre Dieu, souvenez-vous de toutes les âmes
dont nous avons fait mémoire et dont nous n'en avons
point fait, de tous ceux qui sont morts dans la vraie
foi, depuis Abel le juste jusqu'à présent : faites-les
reposer dans la région des vivants, dans voire royau-
me, dans les délices du paradis, dans le sein d'Abra-
ham, Isaac et Jacob, nos saints Pères, où il n'y a
plus de douleurs, ui gémissements, ni tristesse, où la
lumière de voire lace, qui regarde lout, brille en toute
manière, i Saint Cyrille l'expliquait ainsi aux néo-
phytes : « Célébrant le sacrifice, nous prions en der-
nier lieu pour ceux qui sont décédés parmi nous,
estimant que leurs âmes reçoivent beaucoup de se-
cours du sacrifice redoutable de nos autels.... Si les
proches de quelque pauvre exilé présentaient au
prince une couronne d'or pour apaiser sa colère, ce
serait sans doute un bon moyen pour l'engager d'a-
bréger le temps ou d'adoucir la peine de l'exii. C'est
ainsi ([u'en priant jiour les morts pendant le sacri-
fice, nous olfrons à Dieu, non pas une couronne d'or,
mais Jesus-Christ, son Eils, mort pour nos péchés,
afin de rendre propice et à eux et à nous celui qui de
sa nature est très-porté à la clémence, i — La li-
turgie mozarabe ou espagnole : t Nous vous olïrons,
ô Pore souverain, cette hostie immaculée pour votre
sainte Eglise, pour la saiisfacliou du siècle prévari-
caleur, pour la purification de nos âmes, pour la santé
des infirmes, pour le repos et l'indulgence des fidèles
trépassés, aliii que, changeant le séjour de ces tristes
demeures, ils jouissent de l'heureuse société des
justes. ) — < Assemblez-vous, disent les Coiistiiutions
apostoliques, dans les cimetières; faites -y la lecture
des Livres sacrés, chanlez-y des psaumes pour les
martyrs, pour tous les saints, et pnurvos frères qui
sont nions dans le Seigneur, et offrez ensuite l'Eu-
charistie. >
< 11 serait superflu de citer les liturgies de l'Eglise
latine, dont personne ne doute. >
1705
pm
PUR
iM
I igion vraie comme dans les fausses, l'usage
a été de se laver avant de remplir les devoirs
du culte religieux, non pas que l'on crût
qu'une purification extérieure pouvait opé-
rer la pureté de l'Ame, comme quelques in-
crédules ont affecté de le supposer, mais
parce qu'en se lavant le cor|is on témoignait
que l'on désirait avoir la pureté intérieure,
et étri' exempt de |)éclié. Or, ce désir, lors-
qu'il est sincère, est la pieraière disposition
nécessaire pour l'acqu('rir.
Dans la Genèse, c xxxv, v. 2, Jacob, avant
d'aller offrir un sacrilice h Béthel, ordotuie à
ses gens de se laver et de changer d'habits; il
ne se proposait certainement pas d'imiter
les ])aiens par cette jn-atique. l/idolAtrie ne
faisait encore que de naître dans la Chaldée,
et Jacob ordonne en môme temps îi tous ceux
qui doivent raccompagner de lui apporter
toutes les idoles qu'ils avaient entre eux, et
il les enfouit sous un arbre. Les purifications
ont donc été en usage parmi les patiiarches
adorateurs du vrai Dieu, avant d'être prati-
quées et profanées par les païens. Nous con-
venons que ces derniers en ont perverti
l'usage et leur ont attribué une vertu qu'elles
n'ont certainement pas. Nous voyons dans
Virgile que Enée, sortant du combat, se fait
scrupule de toucher ses dieux pénates, avant
d'avoir lavé ses mains dans une eau vive ; il
n'avait sûrement pas beaucoup de regret
d'avoir tué un grand nombre d'ennemis.
L'action de se laver en pareil cas était donc
une pure momcrie. C'est avec raison qu'un
autre poëte s'écrie à ce sujet : « Hommes
trop indulgents pour vous-mêmes, qui pen-
sez que des meurtres peuvent être effacés
parl'eau d'unlleuve ! « Mais l'erreur des païens
ne prouve pas que l'usage de se purifier était
mauvais en lui-même, que l'on a dû s'en
abstenir h cause de l'abus, approcher des
autels du Seigneur avec un extérieur souillé
et dégoûtant, et avec moins de resfiect que
;'on n'en a pour un personnage à qui Ion
craint de déplaire. Aussi avant de donner la
loi à son peuple. Dieu ordonne à tous les
Israélites de se purifier pendant deux jours,
de laver leurs vêtements, et de se tenir prêts
pour le troisième; Exod., eux, v. 10. Sans
doute il n'exigeait pas d'eux une cérémonie
superstitieuse ou inut le, mais il voulait leur
imprimer le respect jiour sa présence.
Les païens, superstitieux observateurs de
rites dont ils ne connaissaient ni la raison
ni l'utilité, inventèrent dei purifications de
toute espèce; ils en faisaient non-seulement
avec l'eau, mais ils y ajoutaient le sel, le
soufre, la cendre, le sang des victimes, la
salive, le miel, l'orge, le îeu, les flambeaux,
les plantes odoiiférantes; les Indiens et les
parsis c. oient se purifier avec l'urine de
vache. Ces purifications étaient différentes,
selon 1 s différents dieux auxquels on voulait
plaire, et souvent l'on en usait pour se dé-
livrer de prétendues impuretés absolument
imaginaires , comme pour s'être approché
d'un étranger, pour avoir respiré son ha-
leine, ou pour avoir mangé avec lui, etc.
Moïse prescrivit aux Juifs plusieurs ^wn'/î-
DlCTlONN. DE ThÉOL. DOGMATIQUE. III.
cations, mais simples et naturelles, puis-
qu'elles se faisaient avec de l'eau, sans au-
cun rit inutile ou absurde. Sous un climat
aussi chaud que la Palestine, cette précau-
tion était nécessaire pour prévenir tout dan-
ger de corruption et d'infection; c'est pour
fêla que l'usage du bain y est encore si
fré(|uent aujourd'hui. Di' jirétendus philo-
soplies ont demandé pourquoi il fallait, s ■-
Ion la loi juive, se laver ou se purifier
lors(ju'on avait touché un cadavre, une
femme incommodée , un reptile ; lorsaue
l'on avait eu un songe impur ou un flux de
sang, etc. Ils ne savaient pas que ces impru-
dences ou ces accidents, qui sont chez nous
sans conséquence, pouvaient être dange-
reux pour les Juifs. Une preuve incontes-
table, c'est que les Européens qui, pendant
les Croisades, négligèrent les précautions de
j)ropreté dans la Palestine, ra| portèrent la
lè|)re en Euro|>e. Mais les purifications lé-
gales n'avaient pas seulement pour but d'en-
tretenir la [)ro|)reté du corps et la s.mté,
elles tendaient principalement îi inspirer aux
Juifs le respect pour la divinité, l'attention
la plus scrupuleuse dans les pratiques de
son culte, la circonspection dans toutes les
circonstances de la vie. Encore une fois,
nous savons bien que ces cérémonies ne
donnaient pas la pureté de l'âme; mais il
est constant qu un Juif, accoutumé à envi-
sager la loi dans toutes ses actions, en deve-
nait plus attentif à éviter les crimes qu'elle
lui défendait. Si dans la suite cette attention
devint une pure hypocrisie, c'est qu'alors les
Juifs avaient été pervertis par le mauvais
exemple des païens.
Nous nous garderons donc bien de blâmer
la coutume établie parmi le peuple même le
plus grossier et parmi les habitanls de la
campagne, de se laver, de se tenir plus pro-
pres les jours de fêtes pour assister au ser-
vice divin, qu'ils ne sont les jours ouvrables
en vaquant à leurs travaux. C'est une preuve
de respect pour les devoirs et les assemblées
de religion dont il est bon d'entretenir l'ha-
bitude. Des censeurs imprudents disent que
l'attention à cette propret;!' extérieuredétour-
nede penser à la pureti- de l'âme; c'est une
fausseté. Le peuple serait moins en étit de
sentir la nécessité d'êtr.- pur intérieurement
pour rendre à Dieu un culte qui lui soit
agréable, s'il était accoutumé à paraître au
pied des autels avec un extérieur aussi né
gligé qu'il l'a dans les travaux les plus vils.
Les protestans, si portés d'ailleurs à censu-
rer tous les usages des catholiques, ont con-
servé celui-ci, et ils portent plus loin que
nous l'attention sur ce point.
PCBlFICATmN DES FEMMES JlIVES. Il était
réglé par la loi de Moise, Lcvit., c. xii,
que les femmes qui étaient accouchées d'un
enfant mâle seraient censées imjuirei pen-
dant quarante jours, et celles qui avaient
mis au monde une tille, pendant quatre-
vingts jours, après lesquels elles devaient se
présenter au temple pour rendre leurs ho
mages au Seigneur. Lorsque les jours d/
purification étaient accomplis, l'accouèln
5i
Rs[7>
ik
>>'i--i.
<Py
1707
POR
PUR
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portait à i'entTée du tabernacle ou du temple
UQ agneau pour être offert en holocauste,
et le petit d'un j-Mgeon ou d'une tourterelle
pour victime dsi p ché. Les pnuvres offraient
deux tourterelle^ ou deux petits <^e colombe.
Par une autre loi portée dans ÏExode, c. xin,
V. 2. Di(!'i av^'t ordonné qu'on lui olfrit
tous les preuiiers-mJs des familles, et quVju
les rachetât pour un certain prix; on payait
cinq sides \h)ut un garçon et trois pour une
fille. C'était en mémoire de ce que Dieu avait
fait périr tous les . remiers-ués des Egyn-
tiens par la main -de l'ange exterminateur, et
avait conservé ceux des Israélites. Ce mi-
racle était assez important pour que les Juifs
fussent obligés d'en conserver le souvenir.
Jbid., y. 14.
Mais pourquoi une femme, après ses cou-
ches , était-elle censée impure ? pourquoi
cette différence dos temps après la naissance
d'un garçon et après celle d'une tîlle ? pour-
quoi ce sacrifice poMr/ep^/«<'? Etait-ce donc
un crime d'-avoir mis un enfant au monde ?
Quand nous ne pooiTions rien répondre à
toutes ces questions, il ne s'ensuivrait pas
que la loi était absurde, mais que nous igno-
rons les raisons physiques et morales sur
lesquelles elle était fondée. Quelques auteurs
ont pensé qu'elle était relative au climat et
aux incommodités auxquelles les femmes
asiatiques sont sujettes ajirès leurs couches,
et ils ont cité en preuve lopinion qui régnait
chez les Grecs et chez les autres Orientaux,
touchantrimpurcté des femmes dans cet état;
ce qu'il y a de certain, c'est que, môme parmi
nous, l'on est persuadé que, pendant les qua-
rante jours qui suivent les couches, les fem-
mes sont sujettes à divers accidents ; c'était
donc un trait de sagesse de la part du légis-
lateur des Hébreux, de les avoir forcées à
garder la maison, et à se séparer de toute so-
ciété pendant ce temps-là. —Quant au sa-
crifice qu'elles devaient offrir ensuite powr/e
péché, cette expression dans le texte hébreu
ne signifie pas toujours un péché propre-
ment dit, mais un défaut, une imperfection,
une impureté légale : or , tel en est le sens
dans la loi dont nous parlons, puisqu'elle
ajoute immédiatement , et cette (nnine sera
ainsi purifiée du flux de son samj (Levit. xii,
7 et ^. Ne peut-on pas ajouter, comme ont
fait plusieurs commentateurs, que ce sacri-
fice pour le fléché était destiné à faire souve-
niraux femmes qu elles avaient mis au monde
un enfant souillé du péché originel?
Comme les anghcansont conservé la céré-
monie de la bénédiction des femmes après
leurs couches , les commentateurs anglais
ont donné une raison morale de la loi du
Lévitique , à laquelle nous applaudissons
volontiers. « Il était juste, disent-ils, qu'une
femme, dans cette circonstance, olfrît un ho-
locauste pour témoigner à Dieu sa reconnais-
sance de ce qu'il avait conservé la vie à son
enfant, de ce qu'il l'avait sauvée elle-même
du (langer de la perdre par les douleurs de
l'enfantement, et de ce qu'il lui avait rendu
les forces. Par là elle se recommandait, elle
et son fruit, à la Providence divine, elle en
implorait l'assistance , atn de pouvoir don-
ner à cet enfant une bonne éducation. Dans
le premier âge les enfants sont exposés à
tant d'accidents, que si Dieu ne les prenait
pas spécialement sous sa garde, et ne char-
geait pas si's anges de veiller à leur conser-
vation, elle serait à peu près im[)iissible ; et
l'on ne saurait trop inculquer cette leçon
aux parei'ts chréiiens. » Bible de Chais, sur
l'endr-iitcité.
11 ne faut donc pas blâmrT la coutume que
les femmes observent dans l'Eglise romaine
de se présenter à l'église en relevant de leurs
couches, d'y recevoir la bénédiction du prê-
tre, et d'y faire une légère offrande. Ce n'est
ni pour se purifier ni pour racheter leur en-
fant, mais pour faire hommage à Dieu de ee
di^pôt, le remercier de ce qu'il a daigné le
conserver et l'adopter par le baptême, pour
lui demander la grâce de le bien élever.
Celte cérémonie n'a rien que d'édifiant, quoi-
qu'elle ne soit ordonnée par aucun'i loi. « Si
les femmes, dit le pape Innocent III, désirent
d'entrer dans l'église immédiatement après
leurs couches, elles ne pèchent pas en y en-
trant, et on ne doit pas les en empêcher. Mais
si par respect elles aiment mieux s'en éloi-
gner pour quelque temps, nous ne pensons
pas que l'on doive blâmer leur dévotion. »
Cap. de Purif. post partuin.
POBIFICATION DE LA SAINTE ViERGE , fête
que l'Eglise romaine célèbre le second jour
de février, en mémoire de ce que la sainte
Vierge, par humilité, se présenta au temple
quarante jours après la naissance de Jésus-
Christ, pour satisfaire à la loi de Moïse dont
nous venons de parler dans l'article précé-
dent. On la nomme encore la fête de la Pré-
sentation de Jésus-Christ au temple, par la
môme raison , et la Chandeleur, h cause des
cierges dont on fait la bénédiction, que l'on
alume et que l'on porte en procession ce
jour-là. Les Grecs l'appellent Hypante, ren-
contre, parce que le vieillard Siméon et la
propliétesse Anne rencontrèrent Jésus-Christ
dans le temple lorsqu'il y fut présenté au
Seigneur, et le reconnurent pour le Messie.
Quelques auteurs ont écrit que cette fête
fut instituée sous le règne de l'empereur Jus-
tin , ou sous celui de Justinien, l'an 542, à
l'occasion d'une mortalité qui emporta cette
année-là une très-grande partie des habitants
de Ci'ustautinople ; mais il est certain que
cette solemiité est beaucoup plus ancienne,
puisque saint Grégoire de Nysse, mort l'an 396,
a fait un sermon de Occursu Domini, dans le-
queJ il dit que c'est la fote du jour auquel
notre Sauveur et sa sainte Mère allèient au
temple , et y portèrent la victime prescrite
par la loi ; Ménard, sur le Sacram. de saint
Grég., p. iO- Saint Cyrille d'Alexandrie, mort
l'an 444., et le pape Gélase, qui a vécu avant
l'an 496, en ont parlé de même. U se [leut
faire que l'an 342 ia fête de la Chandeleur ne
fût pas encore céléJjrée dans tout l'empire
romain, ni môme à Constantinople, que Jus-
tin et Justinien en aient ordonné la célébra-
tion et l'aient fixée au second jour de février ;
i
1700
PUS
PUS
1710
mais il est cerlain que la premièreinstitu-
lion ost antérieure à c«lte époque au moins
de deux cents ans ; et il est étonnant que
Ringham, si instruit d'aillnurs des antiqui-
('■•s ecclésiastiques, ait ignoré ce fait. C'est
oncore mal h propos qu'il 'soutient contre
îîaronius , que dans l'origine cette fôte ne
re^jardait pas la purifiration de la sainte
Vierge, mais la remontre du Seigneur, comme
son nom le li'nioigue, puisque saint Grégoire
de Nysse a réuni ces deux ol)jets dans la cé-
lébration de la fête. Ouoiqu'on ne sache jms
précisément l'époque h laquelle elle a été in-
troduite dans l'Occident, il paraît que l'on
ne ()eut pas la reculer plus tard que le pon-
tificat de Gélase 1".
Plusieurs auteurs ecclésiastiques ont pensé
que l'inteniiou de ce j)apc fut de substituer
la cérémonie de la Chandeleur aux lustra-
tions ou purilicalions que les païens faisaient
des villes et des campagnes, au mois de
février, en l'honneur do Platon et des dieux
m;1ncs.Cela peut être; ma's il n'est pas hors
de propos de remarquer avec quelle facilité
les païens avaient changé en superstitions
les usa-;es les pl>s iiniocents. Comme c'est
au mois de février que viennent les pre-
miers bcnux jours, c'est aussi ilans ce mois
(]ue les laboureurs recommencent les tra-
vatix de la campagne, et la première chose
qu'ils font est de brûler sur l.i tcirele chaume
qui reste des moissons, les herlies sèches et
les racines qui gêneraient l'action de la char-
rue. Des ignorants superstitieux sima,-,inè-
rent que ces feux allumés dans la camoagne
étaient une cérémonie religieuse lort utile
aux succès (!e l'agricitlure ; ds la dédièrent
aux mânes ipii sont censés demeurer dans
la terre, et .^ Pluton , dieu des enfers ; et le
mot fcbruum, l'action d'allumer du feu, si-
gnifia dès ce moment une purilication rei-
gie.se, et donna son nom au mois de février.
■— Ceux qui ont imaginé que l'usage d'allu-
mer des cierges et de les porter en procession
le jour de la Chandeleur est un reste du pa-
ganisme ou de superstition païenne, ont très-
mal rencontré ; c'a été au contraire uu pré-
servatif établi contre les idées des païens ;
il en a été de môme de la plupart des an-
ciennes cérémonies de l'Eglise. V. Cérémo-
nie.
PURÏM, fêle des Sorts. Voi/. Esther.
PURITAINS ou Presbytériens. Voy. An-
glicans.
* PUSÉYSME. Il est de la desiinée de toule con-
fession cliréficmic qui se sépare tle l'Eglise eatlioli-
que d'allérerpi'ofoiidéiiient le chiistlaiilsino. L';iiigli-
canisiiie, quoiiiu'il eût conservé une hiérarcliie puis-
sante, quoique son cpiscopal se trouvât à la tête de
renseignement religieux pour le tliriger, porta une
grave alteiule aux principes religieux et moraux,
cliangea et corrompit les formules des prières publi-
ques pour leur eu substituer d'aulrespljs conformes
à l'esprit mondain. Le mal devint si giand vers 1830,
qu'il se forma au célèbre coUige d'O.vford une école
pour ramener rauglicaiiisme à sa vérité primitive.
Vers 1835, commencèrent à par.iitre les traités pour
les temps présents, dans lesi|uels on essayait de ra-
mener le christianisme protestant à un meilleur es-
prit. Les docteurs Fusey et Ncwuian y déployaient
bf^aucoup de zèle et de talent. Il sortit de leurs plu-
mes une suite de Tracts qui atta(|uaieiitavec vivacité
le relâchement dans les croyances et dans la morale.
Ils défendaient avec vivacité le symbole de saint A-
thanase ; ils essayaient de prouver cpie l'épiscopat
anglican remontait aux apotre-i sans inti'rni|iiion.
Des ouvrages écrits dans cet esprit étaient de nature
à faire une profonde impression sur l'anglicanisme :
de nondjreux champions de celle Eglise se présenl--
rent à leur tour dans l'arène. Ils aua(pièi'ent vive-
ment la nouvelle ('eole et l'accusèrent ilc conduire le
protestantisme au catholicisme. Les puséystes répon-
dirent par de nouveaux Trncls dans les(|nels ils mon-
Iraienl par des ti'nioignages incontestables que l'an-
glicanisme s'était profondément éloigné de la doc-
trine primitive. C'était en appeler à la tradition :
chacun se mit à la parcourir. Les anciens missels et
les anciens bréviaires romains furent feuilletés. Les
anglicans, tout étonnés d'y Irouverunemine exlrôme-
ment liche.y puisèrent et composèrent plusieurs ou-
vrage-i de piété dont tout le l'oml avait été pris dans
nos livres liturgiques. Nos plus belles hymnes furent
transportées en Angleterre ; nos cérémonies y furent
établies ; on revêtit le surplis, la confession fut in-
troduite dans l'école dOxford, etc. C'était se rappro-
cher du catholicisme. 11 y av.dt encore loin de là à la
doctrine calholi.|Ue. Voici conmient l'auteur des no-
tes lie l'édition Lefort expose les principales doctri-
nes de l'école puséyste.
< Essentiel à l'existence de tonte Eglise, l'ipiscopat
est d'institution divine, et n'est pas seulement,
comme l'entendent quelque* Ihéologiens anglicans,
nne institution utile, im moyeu. Les luth''riens, les
réforniiis de France et autres pareils, sont liors
de l'Eglise : donc, avec eux, point de communion.
On insiste avec force sur les prérogatives de l'Eglise,
l'obéissance qui lui est due en vertu du baptême, la
présence mystique et perpétuelle de Noire-Seigneur
dans l'Eglise, l'insutlisanee de l'Ecrilure siiparée de
la traiiiiion et la nécessité de celle-ci, enfin surl'im-
çortance des symboles. Le principe du saint par la
foi seule, principe qui semble avoir été ratifié par
l'Eglise an«licane, est réprouvé comme nne cr'ciir
pcsliientielle. Sur la justificalioii, ii quelque dill'é-
rence dans hr langage près, on ne s'ccarie guère du
concile de Trente. On est d'assez, bonne composition
sur les sacrements, et l'on serait disposé ;; en ad-
mettre pUisde deux, nf fftt-ce qii'e i laveur de l'or-
dination. Mais ^ur ce point, tes idées de l'école ne
paraissent pas encore trte-arr tées. li fani eu ilire
autant, ce semble, de s» doctrine sur la sainte En-
charistie. Elle en parle, à la vérité, avec benucoup
de chaleur et catholiqueme.Nt, le dogme de la Trans-
snbslaniiaiion excepté, leifuel, ncanumins, parait
avoir des partisans. Si, fauie de comprendre son sy-
stème, nous n'entiepfcnons pas d'en dire davantage
sur cet important siijri, il nous faut déclarer toute-
fois que, sous un a. itre rapport, elle a bien mérité
du christianisme. S'attacbani a démontrer le pouvoir
régénérateur du bapième, elle demamie qtie ce sa-
crement soit admi^i^.tré avec soin, car beaucoup (le
membres de l'Eglise anglicane n'y ont vu et n'y
voient encore qu'une cérémonie, qu'un symbole.
Si)uvenl, par suite de ce dé<lain, on a baptisé avec
une extrême négligence, on bien l'on n'a p.is baptisé
du tout. L'exacie observance dca rituels est le:nieen
grande estime par le puséysme ; il déplore les rudes
mutilations qu'ils ont subies au seizièi'ie siècle, et il
voudrait réclamer ce que le temps a enlevé aux dé-
bris conservés par la réforniation. A cause de cela,
il est radié par ses adversaires et quelijnefo's admo-
nesté par les év qnes. Contrairement aux idées d'un
grand nombre d'anglicans, il exalte la dévotion litur-
gique et la place au-dessus des réunions religieuses
pour la prière sociale et de famille. Il désirerait réu-
nir les lideles deux fois par jour aux offices de l'E-
glise. 'Voiis croyei peut-être que la liturgie angli •
1711
PUS
PUS
17W
cane est son idéal ? Nullement. Il la préfère sans
dcMilB (le beaucoup aux trenie-neuf articles, et inli-
iiinient aux livres des lioinélies ; mais il gémit d'y
voir la marque de la rude main des réformateurs,
surtout dans la liturgie eucharistique ( Communion
senice ). Quelques-uns, cependant, cherchent une
manière d'adoucissement à leurs regrets, dans ce
tiu'ils considèrent comme une mystérieuse disposi-
lion de la providence : ils estiment que leservice an-
glican, dont le caractère pénitentiel, et en quelque
façon abaissé, contraste si fort avec la masse jubi-
lante des alléluia du Bréviaire, est après tout peut-
être plus en harmonie avec la condition de l'homme
pécheur.
« Les puséystes aiment tellement l'ascétisme de l'E-
glise catholique, qu'iris semblent disposés à admettre
que nos mitigations ont énervé la discipline. Ils ai-
ment et les principes fondamentaux de nos ordres
religieux, et nos spirilualistes. En effet, l'anglica-
iiisine est si pauvre en spirilualistes, que, quand on
en veut, il faulben les venir chercher parmi nous.
L'école de Pusey porle un grand respect aux person-
nages illuslics (lu moyen àgc, et elle ne manque or-
dinairement pas de donner le titre de scânt à ceux
qui ont été canonisés. La réaction qui s'est opérée
sons ce rapport est digue de remarque. Jusqu'à ces
derniers lemps, aucun prolestant anglais n'aurait dit
saint Anselme, ou saint Thomas de Cantorbéry, ou
saint lîonavenlure, sans raccompaguemcnt obligé
d'une nuKiuerie ou d'un ricanement. Aujourd'hui,
tomme pour faire pièce aux partisans de l'ancienne
mode, des hommes respectables rendent hommage au
mérite iiisiilié et s'ai tachent à le louer.
«Avant (le clore cette iinparfiile esciuisse, il faut
tcpendanl ajouter que l'école se formalise beaucoup
des hoiumai^es dont les saints sont l'objet chez nous,
£insi que d\i slyle des prières ([«e nous leur adres-
sons. €"('.-.1 là son cheval de bataille. Elle cite, pour
les ilisbéqner avec une rigueur impitoyable, quel-
ques-uns (le nos livres de prières et quelques traits
ardents de nos prédicateurs. Sans examiner si les
passages critiqués sont en tout conformes aux règles
de la prudence et d'une piété éclairée, nous devons
dire que sous ce rapport les imaéiistes ont souvent
montré li rs-peu de candeur et de bonne foi. Mais il
leur fallait un epouvantail, alin d'enq)écher la déser-
tion vers Rome c!e ceux qui, comme eux-mêmes,
avaient conçu certains doutes sur la validité de l'an-
glicinjsme. Les puséystes disent : < De fortes pré-
somptions semblent s'élever contre l'anglicanisme, à
cause de son isolement. Où donc est alors la catholi-
cité ? De fortes présomptions semblent également
s'élever contre l'Eglise romaine, à raison de ce qui
en elle porte rapvarence de l'idolâtrie. Où donc est
alors la sainteté '! Dans ce dilemme, le mieux pour
fanglican. c'est de rester ce que la Providence
l'a fait. »
Quoique le puséysme n'eût d'autre but que de re-
nouveler l'anglicanisme, il se trouva amené à étu-
dier le catholicisme. Un grand nombre de docteurs
comprirent que la vérité appartenait à la seule Eglise
romaine. Ils abandonnèrent tout ce qu'ils avaient de
plus cher au monde pour rentrer dans le giron de
l'Eglise. Beaucoup d'autres docteurs ont résisté à
l'appel de leurs amis, à l'impression de la grâce. Le
mouvement vers le catholicisme est aujourd'hui ar-
rêté, espérons qu'il reprendra son cours et que le
docteur Pusey, qui est le chef de la nouvelle école,
donnera au monde l'exemple de ce courage religieux
qui sacrifie tout à Dieu.
Nous croyons devoir terminer cet article par l'ap-
préciation qu'un homme compétent a fait du pu-
séysme.
< Les infirmités sous lesquelles succombait l'E-
jjlise anglicane éiaienl arrivées à leur maximum,
lorsque tout à coup un esprit nouveau s'est mani-
festé dans son soin, qui a fait cooeervoir aux angli-
cans l'espoir d'arracher leur Eglise aux ruines <]ui
menaçaient de l'écraser, et aux catholiques la con-
fiance de voir un jour retourner au ^iron de l'Eglise
de Jésus-Christ des frères dont ils déplorent l'égare-
ment. Afin d'entraver cette œuvre de rénovation, les
ennemis de l'Eglise anglicane ont eu recours à un
prenner stratagème, celui de désigner par les noms
de deux ou trois personnages «e mouvement régéné-
rateur, espérant déguiser ainsi son uiuversalité et lui
ôter son caractère véritable pour le réduire aux pro-
portions mesquines d'une doctrine individuelle. La
conséquence de cette tactique a été de répandre, en
Angleterre et sur le continent, l'opinion que le doc-
leur Pusey, M. Newman et quelques autres célébri-
tés de l'université d'Oxford, sont des hommes qui de-
vancent leur église et qui cherchent à l'entraîner
dans la voie où ils se sont eux-mêmes engagés de
leur propre mouvement. Cette idée, qu'un grand
noud)re de catholiques paraissent partager, est com-
plètement erronée : le docteur Pusey et M. Newman
sont loin d'avoir de pareilles préventions, et c'est
fort gratuitement que leurs adversaires les représen-
tent comme des chefs de secte; ils ne cessent de pro-
lester contre l'abus qu'on fait de leurs noms : et d'ail-
leurs, pour quiconque est témoin de l'œuvre divine
qui s'accomplit en Angleterre, il est impossible, dans
ce siècle d'indifférence, d'attribuer à la seule in-
fluence de quelques hommes des prodiges qu'une
puissance surhumaine a seule pu opérer. Le docteur
Pusey, M. Newman, etc., marchent avec leur église,
mais ne la devancent pas ; ils se bornent à féconder
par leur talent le merveilleux travail de renaissance
dont Oxford est aujourd'hui le centre. Les nouvelles
doctrines d'Oxford n'ont de nouveau que le nom dont
on les pare ; et l'on représente à tort comme une in-
novation ce qui n'est qu'une restauration, dont l'ob-
jet est de rendre graduellement à l'Eglise anglicane
ses doctrines et ses traditions oubliées, ses pratiques
laissées dans l'abandon. Les partisans de cette re-
naissance sont tellement opposés à toute idée d'in-
novation, qu'ils travaillent activement à purger leur
église de tout ce que les réformateurs de ce dernier
siècle y ont successivement introduit, afin de lui ren-
dre son aspect primitif. C'est en appelant l'Evangile
et la tradition à leur aide, qu'ils réparent lesbrèches
du passé, et l'on peut dire que l'église anglicane se
déprotestantise par chaque pas qu'elle fait en avant.
Aussi une pareille restauration excite-t-elle la colère
des puritains, qui s'ingénient à représenter, sous des
couleurs odieuses, le clergé engagé dans cette croi-
sade. Mais, en dépit de leurs violences, te grand
changement se réalisera de la manière dont s'o|iè-
rent tous les changements moraux; c'est-a-dire gra-
duellement et peut-être d'une manière insensible. La
persuasion, l'exemple de vies saintes agiront simul-
lanénieiit ; l'iiifluence du temps contribuera à adoucir
les préventions, en accoutumant les oreilles à enten-
dre certaines vérités ; et l'église prétendue réiormée
d'Angleterre renouera successivement les liens avec
le passé, en proclamant chaque jour quelqu'une des
doctrines et des pratiques de la religion catholiiiue.
Non-seulement, le mouvement n'est pas limité à Ox-
ford; mais, depuis les grands journaux de Londres
jusqu'à la plus obscure des publications de province,
hostiles ou favorables à cette restauration, toutes les
feuilles constatent des faits qui, dans leur ensemble,
en démontrent l'universalité. L'Angleterre, l'Irlande,
l'Ecosse, l'Amérique, l'Inde, toutes les colonies sont
en proie au travail moral qui préoccupe à la fois le
clergé et les fidèles. La vie laborieuse et évangélique
des ecclésiastiques devient un louable sujet d'émula-
tion pour les laïques; le langage de la chaire est
mesuré, prudent, très-souvent orthodoxe, et le prédi-
cateur insinue dans ses discours ce que les préjugés
encore nombreux ei l'instruction actuelle de son au-
iditoire ne lui permettent pas dédire ouvertement; à
.;^ mesure que l'esprit catholique se rallume dans l'é-
1715
PYT
PYT
1714
glise anglicane, l'humilité et la charité y remplacent
les fausses vertus que le protestantisme avait enfan-
tées. 11 ne faut pas se dissimuler que ces manifesta-
tions cle la grâce (livi:ie ont pour résultat momentané
d'attacher plus fortement que jamais les anglicans à
leur église. Comment, disent-ils, irions-nous cher-
cher ailleurs la vérité, quand Dieu nous donne des
preuves aussi éclatantes de sa miséricorde ? Pour-
quoi abandonnerions-nous une Eglise que sa grùce
régénéra, et qui est en ce moment l'objet de si abon-
dantes miséricordes?
c Une autre considération qui empêche le cierge
anglican, même le plus avancé, de se séparer de son
église, c'est que, si, au lieu de travailler à régénérer
l'Angleterre et à instruire les populations dans le
sens de la rénovation, il venait à se joindre aux ca-
tholi(|ues, il livrerait par là au parti protestant de
l'Eglise anglicane ces magiiiliques monuments, héii-
lage d'un passé glorieux, ces cathédrales, ces ab-
bayes, ces collèges où tant de souvenirs catlioli(iues
semblent n'avoir échappé au marteau puritain que
pour aider le clergé anglican à déprotestantiser l'An-
gleterre. Ainsi, pendant que nous assistons, d'une
part, au retour vers des doctrines et des prati((ues
dont tout cœur catholique doit se réjouir, d'ini autre
côté cette régénération rend à l'Eglise anglicane une
vie qui allait s'éteindre en elle et retient dans son
sein les niend)res qui étaient à la veille de l'abandon-
ner. Mais, si la régénération de l'Eglise anglicane
tend à éloigner les individus d'embrasser notre foi,
cette régénération rapproche de nous el entraine
vers le centre de l'unité catholique l'Eglise anglicane
tout entière : car, à mesure que la restauration de
l'esprit catholi((ue augmente l'attachement du clergé
anglican pour son Eglise, il augmente aussi dans son
cœur le désir de voir son Eglise, comme corjis, ne
pas rester plus longtemps isolée, séparée de l'Eglise
romaine et des autres Eglisesquisont en communion
avec elle. Telle semble devoir étie la marche du
grand mouvement auquel nous assistons, du travail
religieux dont le résultat final sera la conversion de
l'Angleterre. >
PYGMÉES. On sait que sous ce noui les
Grecs et les Latins désignaient un peuple
fabuleux, des liommes qui n'avaient qu'une
coudée de hauteur. Le prophète Ezôchiel, c.
XXVII, V. 11, parlant de la ville de ïyr, de
ses forces, de ses armées, fait mention des
Gammadim qui étaient sur ses tours, et qui
suspendaient leurs carquois contre ses mu-
railles. Comme l'hébreu gomed signilie une
coudée, la Vuigate a traduit Gammadim par
Pigmœi, et ce terme a exercé les commenta-
teurs. Le paraphraste chaldéen l'a rendu |)ar
(rappadim, les Ca[)padociens et les Septante
par <fv\a/.t;, des gardes. La conjecture la plus
vraisemblable est que le prophète, parGaw-
madim, a entendu des guerriei s de la ville de
Gammadès dans la Palestine.
PYKRHONISME en lait de religion. Yoy.
Indifférence, Scepticisme.
PYTHON, terme grec duquel les Septante
et la Vuigate se servent souvent pour ex-
primer les devins, les magiciens, les nécro-
manciens ; le mot hébreu qui y correspond
est ob, au pluriel oboth; et par la manière
dont celui-ci est employé, il y a lieu de con-
clure qu'il signifie non-seulement un devin,
un sorcier, ou un esprit familier , mais le
don, lo talent ou l'ait de deviner, de décou-
vrir les choses cachées, de prédire l'avenir,
d'évoquer les morts.
Si l'on veut remonter à la significatioa ori
mitive de ces deux termes, on ne se trou-
vera pas peu embarrassé. Ob, disent les hé-
braïsants, signilie une outre, une bouteille,
unvase creux et profond, Jnb,c. xxxii, v. 19 ;
de lit les rabbins concluent que oholh sont
'.eux qui parlaient du ventre, et en effet les
ioptante l'ont traduit quelquefois par eiu/as-
trimf/thcs, qui cxprimo la même chose ; mais
le talent de parler du ventre ne donne pas
celui de deviner ni de prédire l'avenir. D'ail-
leurs il n'est pas ])robable ([ue les mgastri-
mijtltes aient été fort communs dans la Judée,
au lieu que les devins, les magiciens , les
sorciers s'y multipliaient; les rois idolMres
les favorisèrent, les rois pieux les punissaient
et les chassaient ; Saiil en avait agi ainsi
au commencement de son règne, ensuite il
eut la faiblesse de vouloir les consulter; il
alla trouver, dit l'historien sacré, une fem-
me ^(«î ai'fii^ un o&,etlui dit : Devine-moi par
l'ob, ou évoque-moi la personne (}ue je te
désignerai ; I Reg., c. xxvin, v. 8. Vog. l'art,
suiv. De là on peut conclure (jue ob signilie
souffle, esprit, inspiration, le commerce avec
les esprits, etc. En ell'el, oboth, en hébreu,
exprime aussi des soufllets ou des esprits
follets. Abboubn, mot chaMéen, oii la racine
ab, oub, est doublée, est une fMte , instru-
ment à vent ; l'on y reconnaît aisément am-
bubaiœ , qui en latin signifie des joueurs de
Ailles. _ Or, souffle, esprit , inspiration, sont
synonymes dans toutes les langues ; ob est
donc il la lettre un esprit ou une inspiration.
— Quoi qu'il en soit, par la loi de .Moïse il
était sévèrement défendu de consulter les
oboth, les esprits et ceux qui prétendaient
en avoir : Levit., c. xix, v. 31; c. xx, v. 27 ;
Deut., c. xviii, v. 11.
Le grec Python, disent les grammairiens,
est dans la mytholo,.;io un serpent qui na-
quit du limon de la teire détrempée par les
eaux du déluge ; il fut tué par Apollon, qui
est le soleil ; de ]h le surnom d'Apolton Py-
thien, et de la Pythie qui recevait l'inspira-
tion sur un trépied jilacé à l'ouverture de la
caverne de Delphes. Mais quelle relation y
a-t-il entre un serpent et l'art de deviner ou
de prédire l'avenir .'Pour nous, il nous sem-
ble qu'il y a ici une confusion de deux ou
trois significations différentes. Pu, Pg, est la
puanteur, une vapeur, une exhalaison in-
fecte et puante ; thon ou chton, est la terre ;
ainsi l'on a très-bien aperçu que le prétendu
serpent tué par Apollon, ce sont les exhalai-
sons de la terre détremiiées par le déluge,
dissipées par la chaleur ilu soleil. Mais thon,
qui signifie la terre, signifie aussi bas et (iro-
fond, un creux, une caverne; python (!X[)rime
donc littéralement exhalaison de la caverne.
Comme la vapeur puante qui sortait de la
caverne de Delphes faisait tourner la tête,
on imagina qu'elle communiquait le don de
prédire l'avenir; ainsi le mot python exprima
l'inspiration prophéti(]ue, de là les oracles
de la Pythie, et toutes les folies qui s'ensui-
virent.
Cette discussion étymologique nous a
semblé nécessaire pour démontrer que les
Septante ni la Vuigate n'ont pas eu tort do
1715'
PYT
PYT
4716
rendre le mot hébreu oboth par le grec py-
tkones; jusqu'à présent les commentateurs
ni les grammairiens ne paraissent pas avoir
vu pourquoi ces deux mots sont synonymes.
PYTHONISSE, sorcière, devineresse, ma-
gicienne. Nous lisons, 1 Reg., c. xxviti, v.7,
que Saùl, inquiet touchant le succès de la
bataille qu'il allait livrer aux Philistins, et
ne recevant point de réponse du Seigneur,
alla consulter pendant la nuit une pijthonisse,
à laquelle il ordonna d'évoquer Samuel, mort
depuis quelque temps ; que ce prophète lui
apparut en effet, et lui prédit que le lende-
main il perdrait la bataille et y serait tué ; ce
qui arriva.
Ce fait a donné lieu à une question im-
portante qui partage les anciens et les mo-
dernes : il s'agit de savoir si l'àuie de Samuel
a véritablement apparu et a parlé à Saiii, ou
si ce qui est racont'' à ce sujet n'est ju'un
jeu et une supercherie de la part de la ma-
gicienne, qui feignit de voir Sauuicl, et parla
en son nom à Saûl. On demande si cela ar-
riva par la puissance du démon et par les
forces de l'art magique, ou si Dieu voulut
que Samuel apparût par un effet miraculeux
de la puissance divine , et non par aucun
effet de la magie. Il y a sur ce sujet une dis-
sertation de dom Calmet, Bible d'Avignon,
tome IV, page 71, et une du docteur Sta-
ckouse ; l'une et l'aiitrc S(int réunies dans la
Bible de Chais, tome V. Nous allons en don-
ner un court extrait.
Ceux qui tiennent pour la réalité de l'ap-
parition de Samuel, comme saint Justin,
Tyrigène, Anastase d'Antioche, etc., ont cru
que les démons avaient quetipies pouvoirs
sur les âmes des saints avant que Jésus-
Christ descendît aux enfers. Saint Augustin,
lib. Il, de Doctr. Christ., c. 32, ne trouve
aucun inconvénient à dire que le démon fit
paraître l'âme de Samuel. D ailleurs le récit
de l'Ecriture dit expressément que Samuel
parut, qu'il parla, qu'il annonça au roi sa
mort prochaine et la défaite de son armée.
La pythonisse n'était pas en état de faire une
semblable prédiction. Ceux qui prélendcnt
que Samuel n'apparut point, sont partagés
entre eux : les uns, comme Tertullien, saint
Basile, saint Grégoire de Nysse, croient que
le démon prit la forme de Samuel, et parla
ainsi à Saiil. Les autres, tels qu' Eustache
d'Antioche, saint Cyiille d'Alexandrie, etc.,
pensent que la magicienne ne vit rien, mais
qu'elle feignit de voir Samuel, qu'elle parla
en son nom, qu'elle trompa ainsi Saiil et
tous les assistants. Cette opinion sem!>!e con-
tredite par la narration môme; elle dit que
la pythonisse fut troublée en voyant Samuel ;
que Saûl lui-mi^me connut que c'était véri-
tablement ce prophète, et qu'il se prosterna.
Le r;ibbin Lévi-Ben-Gerson veut que tout
cela se soit passé dans l'imaginai ion de Saiil :
Ce prince, dit-il, frappé des menaces que
Dieu lui avait faites, et troublé par la vue du
danger présent, s'imagina voir Samuel qui
lui réitérait les mêmes menaces, et lui an-
nonçait sa mort prochaine. Slai» ce sentiment
ne s'accorde pas mieux que les précédents
avec le récit de l'écrivain sacré.
D'autres enfin, comme saint Ambroise,
Zenon de ■\''érone, saint Thomas, etc., sont
persuadés que le démon ni la fourberie de
la pythonisse n'eurent aucune part à cette
affaire ; mais qu'à l'occasion des évocations
de cette femme. Dieu [>ar sa puissance, indé^
pendamment de l'art magique, ht paraître
aux yeux de Saïil une figure de Samuel, qui
prononça à ce prince l'arrêt de sa mort et de
sa perte entière, pour le punir de sa vaine
curiosité et de la violation de la loi dont il
se rendait coupable. Ce dernier sentiment
paraît le mieux fondé et le plus conforme au
texte sacré. Eccli., c. xlvi, v. 23, il est dit :
Après cela Samuel mourut; il déclara et fit
connaUre au roi que la fin de sa vie était pro-
che. Il éleva la voix du fond de la terre, et
prophétisa pour détruire l'impiété de la na-
tion. I Parai., c. x, v. 13. Saiil mourut pour
avoir consulté la pythonisse. Les Septante
ajoutent, et le prophète Samuel lui répondit.
Par la manière dont l'auteur du premier li-
vre des Rois a parlé, il donne lieu de croire
qu'il était persuadé de la réalité de l'appari-
tion de Samuel.
On fait contre ce sentiment quelques ob-
jections qui ne paraissent pas difiiciles à ré-
soudre. On dit, 1 " Dieu n'avait pas besoin de
faire un miracle ;.our ap[)rendre à Saiil qu'il
serait battu par les Philistins et qu'il périrait
dans la bataille. Nous répondons que si Dieu
ne faisait de miracles que quand d en a be-
soin, il n'en ferait jamais, puisqu'il est le
maître de faire agir l.vs causes physiques
comme il lui plaît, et sans que le cours de
la nature paraisse dérangé ou interrompu.
L'on ferait la môme objection contre tout
autre moyen duquel Dieu se serait servi
pour faire connaître l'avenir à Saiil.
2° Dieu avait refu^^é de répondre à Saûl,
on suppose donc qu'il a changé de dessein
ef qu'd s'est contredit. Faire paraître Samuel
en conséquence do l'évocation de la pytho-
nisse, c'était convaincre les assistants de l'ef-
ficacité de son art. — Réponse. 11 n'y a point
de contradiction ni d'incousiance à chinger
de conduite lorsque les circonstances chan-
gent. A une curiosité que Dieu n'avait pas
voulu satisfaire, Saûl ajoutait un acte de su-
perstition rigoureusement défendu par la loi ;
c'était donc un nouveau crime ; et c'est pour
le punir que Dieu lui fit annoncer par Sa-
muel sa défaite et sa mort prochaine. Le
trouble dont la pythonisse fut saisie en aper-
cevant ce prophète, était jdus que sufiisanf
pour démontrer qu'il n'ap.iaraissait pas en
vertu du pouvoir de cette femme, puisqu'elle
fut étonnée elle-même du succès de l'évoca-
tion ; il n'y eut donc aucun danger d'erreur
pour les assistants.
3° Samuel devait être un jiersonnage sus-
pect à Saûl, puisque ce prophète ne lui avait
jamais prédit que des choses funestes, et
qu'il lui avait fait souvent des reproches
très-vifs. — Réponse. Mais enfin, les prédic-
tions de Samuel avaient toujours été véri-
fiées Dâf l'événement ; c'était donc assez pour
1717
que Saiil. inquiet sur le siircès fie la bataille
qui allait se donner.voulût riuterrogcr plu-
tôt que tout autre.
4° Saiil lie vit point Samuel, puisque, sur
le [lorlrait que la pj/thonisse lui fit (Ju pcr-
sonnagi- (ju elle vovait, il se prosterna 1 1 face
contre terre. — Réponse. Le texte porte for-
nielleinont que, Saiil connut que c'était Sa-
muel ; il ne pouvait d'ailleurs méconnaître
l'air ni la voix de ce proplièle : c'est donc
parce qu'il le reconnut Irès-bien qu'il se
prosterna par frayeur et par respect.
5° La frayeur affectée par la pythonisse
était feime, puisqu'elle répond aux questions
de Saiil avec toute sa présence d'esprit, et
qu'elle conserve assez de sang-froid pour lui
a[)prèler à manger. — Réponse. Pour que
cette femme ait été véritablement otfra.yée ,
il n'est l'as nécessaire qu'elh^ soii tombée en
syncope, ou qu'elle ait absolument |ierdu la
parole ; elle eut le temps de se remettre pen-
dant la conversation de Saïd avec Samuel ;
d'ailleurs en pareil cas la présence do plu-
TABLE DES MATIERES. 1718
sieurs personnes suffit pour diminuer la
peur.
6° Si Saiil, ajoute-t-on encorCj .avait été
persuadé qu'il parlait véritablement k Sa-
muel, et qu' ses prédictions allaient t,'ac-
complir, il n'aurait pas eu la force de con-
verser avec cette femme ni de manger avec
ses gens ; du moins il n'aurait pas livré ba-
taille. — Même réponse. SaQl eut le temps de
se (talmer pendant que la pythonisse apprê-
tait h manger ; il avait besoin de reprendre
dus forces pour allei- rejoindre ses troupes,
et lorsque deux armées sont en présence, il
n'est plus temps de reculer. 11 est clair quo
le comitat fut de la part de Saiil un coup do
désespoir.
j(^an(i on ferait vingt autres raisonnements
touchant la conduite de ce roi, ce ae seraient
jamais que des conjectures, elles ne suffi-
raient jtas pour détruire la preuve tirée de
la narration de l'^'crivain sacré. 11 en résulte
toujours que l'apparition de Samuel fut réelle
et miraculeuse, et que l'on ne peut attaquer
ce sentiment pafaMcune raison solide.
FIN DU TOME TROISIÈME
TABLE DES MATIÈRES.
Nota. Les arlicles précédés d'un astérisque * sout nouveaux ; ceux où il y a des intcrcidalions ou des
notes sont précédés de cliilfres qui indiquent le nombre des intercalations ou des noies. Ceux qui apjjt pré-
cédés de (a) sont reproduits d'après l'édition de Liège.
!.ï
20
20
2-2
22
23
23
23
?.i
Pa-
37
(1) Jacob, col. 9
iacoliins, il5
Jacobiles,
Jacques le Majeur,
Jacques le Mineur,
Jatqnes de Nisilie,
Jacu'aloire,
Jaliel,
Jalousie,
(3) .lansènisme,
Japon,
Jiirdin d'Eden. Voij.
radis.
Jean-B.iptisie (Saint),
Jean (clii'élipns de Saint-).
Vûij. Manilaîles.
Jean - Clirysoslome. Voij.
Chrysoslônie.
Jean Daniascène (Sainl).
Toi/. Daniascène.
Jean 'l'Ev.iiiyélisie (Sainl),
58
Jean (Sainl), 41
Jean de Poilli, 41
Jéliovali, il
(l)Jeplilé, 4-2
Jérémie, 4'i
Ji'richo, 47
Jérôme de Prague. V.
Hiissiles.
Jéioiiic (Saini), 4S
Jéroiivniites, 50
Jérusalem (Kglise de), .^1
Jérusalem (Uesiruciion
de), 56
Jésiiates,
61
Juremenl, serment.
144
(I) Jé'iuiles,
62
(10) Juridiction,
149
Je uilessps,
62
Jusie,
171
Jèsns-Cliribl,
63
Justice,
173
Jeu,
73
■ Jusiice orisinelle.
182
Jeune,
-*
(I) Juslilicaiion,
ISi.
Joacliiaiiles,
77
JusUq (Saint),
18»
Joaiinites,
78
K
Job,
78
Joi^l,
80
* Kalmoukes,
101
Joie,
81
* Kantisme,
193
Jon:is,
82
Karaïle. V. Caraile.
Josapiiat,
85
Keirolouie. V. Iraposilion
Joseph,
84
des mains.
( 1 ) Josèphe,
88
Ki^rio 1 Keiib,
200
Josiié,
9.3
Késilali,
201
Jour,
94
Kinuii,
201
Jours il':'.l)sUnence, de fcrie.
Korbaii. V. Corban
de fêles, de jeiine
. r.
Kjrie eleison.
202
ces mois.
L
Jourdain,
9S
Joviauis^es,
96
Labadisles,
203
(l).Tubilé,
î)7
Labruui,
201
Juda,
101
Laclance,
201
Jiilaîsanls,
104
Lai,
203
Juilaïsme,
10()
Laicocépliale,
206
■ Judaïsme réformé,
121
Lameutalion,
208
Judas Iscariole,
122
Lampadaire,
208
Jude (Sailli),
122
Lampaliens,
209
Judilli,
12i-
Lamprupliores,
210
JugeniPiil,
125
Laniranr,
210
Jugcnipuldejèle,
m
(!) L,\ng:i{,'e, langue,
211
Jugemenl dernii-r.
126
Langues (Confusion
des).
Jujjes,
127
Voil Babel.
Juifs,
128
Langage lypique. V.
Type.
' Juls cil éliens
143
Lançrae vulgaire,
216
Julien,
145
Laus^nacif,
219
Lapidation, 221
Latin, 222
Laliludinaire, 223
Lalran, 226
Lalran (Chanoines de), 228
Lalrie, 228
Laudes. V. Heures cano-
niales.
Laiire, 856
Laecéo, 250
Lazare, 252
Lazaristes, 2.37
Leçon, 25'f
Lecteur, 258
Lectieaires, 239
■ Lecture de l'Ccrilure
saillie, 239
Lectures de Bayle, 212
Légendaire, ' 2l3
Légende, 244
Légion fulminante, 215
Légion Tliébaine, 247
Législateur, 2.^0
Léon (-^aint), 282
Leitrcs (Belles-), 2Si
Lettres, 238
Léviallian, 2S9
Lévite, 239
Lévilique, 96i
Léviliques, 361
Libation. V. Eau.
Libellaliqiios, 262
Libelles dilfamaloires, 262
Libérateur. V. Médiateur.
(1) Libère, 2o5
* Liboné, i64
• Liberté des anges, 264
1719
'Liberté des bienbeurcux,
2t!.'î
* Liberlé des damnés, 266
* Liberlé de Dieu, 267
* Liberlé de JésusChrisl,
269
* Liberlé (le l'Iiomme, 270
(1) Libre arbitre, 272
* Liberlé des églises, 28-i
■ Liberlé de l'Eglise galli-
cane, 282
(1) Liberté chrétienne, 286
LiDerlé de penspr, 290
Libertius. V. Allrancliis.
Libertins, 298
Libres, 299
* Libres penseurs, 299
Licence, Licencié, 299
* Lieui sainls, 300
(1) Lieux Ihéolcigiques, ÔOI
Ligature, ^06
Limbes, •'507
* Linguistique. F. Ethno-
graphie.
Litanies, 31^8
(2) Liiurgie, Ô09
Livre, 327
(t) Livres saints ou sacrés,
ôôO
Livres défendus, 334
Loi, 3i2
(2) Loi naturelle, 5 16
Lois divines positives, 3.53
(1) Loi niosaïiiue. o.'iQ
(1) Loi cérémonielle, 372
Lois civiles des Juifs, 383
Lois politiques des Juifs ,
386
Loi orale, 387
Loi chrétienne, 389
(1) Lois ecclésiastiques, .393
jl) Lois civil s, 403
Lollards, 406
* Longanimité, i07
* Longévité, 407
Lot, 408
(1) Luc (Saint), 409
Lucianisles, 411
Lufifériens, 411
Lumière, 412
Luminaire. V. Cierge.
(3) Luthéranisme, 423
Lulhèri' n, 4.30
Luxe, 436
Luxure. Yûy. Impudicilé.
(2) Lyon, 439
M
TABLE DES M.MIERES.
Macariens,
441
Macarisme,
412
Macédoniens,
412
Maccabées,
444
Machasar,
448
Machicot,
448
MaiTostiche,
448
Madianites,
449
Maforle,
430
Madeleine,
430
Magdelonnettes,
4S2
Mages,
453
Magie,
4»;
Magistrat,
469
' Magnétisme,
472
Magmjical,
473
Maiioiuétisme,
479
Main,
489
Mains(lmpositiondes). Foi/
Impo^iliou.
Maître des Sentences. Y.
Scolastique.
Majeure, 490
Majoristes, 490
Mal, 491
Malabares, 501
Malabare (Rite), .302
Malachie, S02
Malade, 304
Malédiction. V. Tmpréca-
linn.
Malélice, 306
* Malgaches, 308
Mambré, 508
Mamillaires, 509
Mamnmna, 309
Mandaites, 310
Mîmes, 311
Manichéisme, 313
Manilesi aires, 336
Maoipulp. V. llablis sa-
cerdotaux.
(!) Maime du désert, 536
Maiisiomiaire, 539
Manleilaltes, 340
Maoslm, 5i0
Marau-Alha, 541
(I) Marc (Saint), 542
Marcelliens, 543
Marcioniles, .344
Marcosiens, 549
(II) Mariage, 551
(u) Mariage, 577
(1) Marie, 630
■ Manstes, 642
Maronites, 642
■ Martiiiistes, 644
(1) Martyr, 644
Mart\re, 672
Martyrologe, 674
Masbotliéens, 676
Mascarade, 677
Ma-ore, 677
Massalieiis, 679
Massiliens, 681
M tlérialisme, 681
Mathiirins. V. Trinilaires.
Matière sacranieiilelle, 683
Maiiiies. V. Heures cano-
niales.
Matthias (Saint), 684
Matthieu, 684
Ma viiiie (Saint), 688
Maxiiiiiauistes, 688
Méchants, 688
' Méchilaristes, 690
Médiateur, 690
Médisance, 692
Méditation. Y. Oraison meii-
tali'.
Medrascliim, 093
Mélancolie religieuse, 693
Mélancliloniens. Y. Luthé-
riens.
Mebbiséiléciens 694
Melchitcs, 696
Méléciens, 697
Mélote, 698
Membres corporels atlribnés
a Dieu. F. Anthropolo-
gie.
Membres de l'Eglise. F.
Eglise.
Menaces, 698
Méuandiiens, 699
Mendiants, 701
Menée, Mônologe, 704
Mennijuites. F. Anabaptis-
tes.
Mensonge, 703
Mer. 707
Mer d'airain, 711
Mer Morte, 711
Mer llou^e, 713
Merci, 717
Mercredi des Cendres. V.
Cendres.
Mère de Dieu, 717
Mérite, 719
(2) Messe, 724
Messie, 733
Métamorpliisles, 751
Métangisinoniles, 7.j1
Metanua, 7.")1
(t) Métaphysique, 73<.
Mélem[jsycose. Y. Transmi •
gralion des âmes.
Méthodistes,
Méihodisles,
Métrète,
Mélrocomie,
Métropole,
734
760
761
761
761
Meurtre. V. Homicide.
Mezuratli, 761
Miellée, 762
Michel, 763
Miel, 763
Militante, 763
Millénaires, 764
Minéen, 763
* Minéralogie. 765
Mineure, 765
Mineurs (Ordres), 703
Mineurs (Clercs), 766
Mineui s (Frères), 766
Mingréiiens, 766
Minimes, 768
' Ministère, 768
Ministre, 769
Minisiru des sacrements ,
769
Minutius Félix, 771
(a) Miracle, 771
Mirauiiones, 803
Miséricorde de Dieu, 803
■ Miséricorde (Oliuvres de
la), 803
Misiia. Y . Talmud.
Missel, 806
Mission, 808
Missions étrangères, 814
* Missions protestantes, 826
Mitre, 829
Mitlen es. Y. Lapses.
Moabiles, 830
(1; Mœurs, 831
(1) Moine, -Monastère, 837
(2) Moïse. 8(i9
Moisson, 878
(!) Molinisme, 878
Àtolino-isme, 881
Moloch, 882
* Momiers, 883
Monarchie, 884
Hoiiasières. F. Moines.
Monaslériens. F. Anabaptis-
tes.
Monastique (Etat). F. Moi-
nes.
Mondain, 884
(1) Monde, 883
Monde (Antiquité du), -893
Monde (Fin du), 8'i9
Monophysites, 905
(1) Monolhéliles, 905
Monliinistes, 910
(I) Morale, 914
Morale chrétienne, 920
Moravps (Frères). F. Her-
nutes
Mort, 928
* Mon de Jésus-Christ, 931
Mort (le), 934
Morts (E'al des), 9.^5
Morts (Prières pour les),
935
Morts, 9*1
Mortilicalion, 941
Moscovites. F. Russes.
Mo?arabes, SilT
Murmure, 9*8
Musa.h, 6i9
Musii|ue. F. Chant ecclé-
siastique.
* Mutilés de Russie, 919
Myroii. F. Clirème.
Mystère, 949
Mystères du paganisme, 936
' Myslicisme, 965
Mystique, 963
* Mythe, 96i
N
Naaman, F. Elisée.
1720
Nabnchodonosor. V. Da-
niel.
Nahum, 96'J
Naissance de Jésus-Christ
F. Marie.
N'athan, 969
Nathinéens, 969
Nations. F. Gentils.
Nativité, 970
Nativité de la sainte Vierge
(Fête de la), 971
Nature, Naturel, 971
Nature divine. F. Dieu.
Nature liuiuaine.F.Homnie.
Nature (Etat de), 97 4
Nazaréai, Nazaréen, 977
Nazaréens, 979
* Nécessariens , 982
Naziaiize. F. tirégoire (Si).
Nécessitant, 982
Nécessité, 983
• Nécessité (Docirine de la),
ou Fatalisme, 984
Néchiloth, 989
Nécrologp, 989
Nécromancie, 990
Nef des églises. F. Chœur.
Néginolh. Y. Néchiloth.
(1) Nègres, 992
Néhémie, 998
Néoménie, 999
Néophyte, 1000
Nergal ou Nergel, 1000
Nesiotianisme, Nesloriens,
UIOI
Neuvaine, 1017
Nicée, 1018
Niche, 1023
Nicodème, 1023
Nicolaites, 1024
Noachides. F. Noé.
Noces. 1026
Noces (Secondes). F. Biga-
mes, 1026
Nocturne. F. Heures cano-
.niales, 1026
Noé, 1026
Noël, 1029
Noéliens, 1030
Nohestan, 1031
Nom, 1031
Nom de Jésus, 1033
Nom de Marie, 10.34
N-oni de baptême, 1031
Nombres, 1034
•Nominaux, 1033
Non-Conformistes, 1036
None. F. Heures canonia-
les.
Nonnes. F. Religieuses.
Nord, 1036
• Notes de l'Eglise, 1044
' Notes de propositions. F.
(iensure des écrits eiQua-
lihcatioii de pro,ositions.
Nouons de Dieu, 1044
Notre-Dame, 1044
Nouveau, 1045
Novateur, 104.3
Novaliens, 1048
Novice, Noviciat, lu3l
Ntoupi. F. Broucolacas.
Nn-ineds spirituels, lObl
Nuée, 1031
Nuée (colonne de), 10.32
Nuit, 1033
Nuptial, Bénédiclion nuptia-
le. F. Mariage.
Nvctaues ou Nyclazoutes ,
■ " 1057
o
0 (Les) de Noël. F. Annon-
ciation.
Ob. T Pvihon.
Obéissance, 1037
Obéissance (Vœu d'). Y.
Vœu.
1721
Obieciion, lOfiS
(llilat, 1000
■ oiibis de Marie iiumacu-
l(''e, lOGI
Oi'hitœ, lUOt
()l,l:iles, lOfil
()l>l:iliuil, loin
Oblli/alioii morale. V. De-
voir-,
Obscénité, IU(ij
Ob^i••l''e.s. V. Funérailles.
Trières pour les nions.
Obser\unces légales. F. Loi
cérûmouielle.
Observance religieuse ou
ecciésiaslique, 1067
Observer, 1070
Obsessi'iu, 1070
Occasion. V. Cause.
Occurrouce, 1071
Odaples, 1071
Oclateuque, 1071
Oclavf. 1071
Odeur. 107"2
Odilun (S.), 1073
•Odiu, 1075
Odon (S ), 107.5
(M'icnoiuie, 1073
Olvcun)éiiii|Ui', lOTi
OKcuniJnius, 1070
OKil, 1076
Olùivres (Bonnes), 1077
■ Olîu\redes six jours, 10H3
'•lieuse, lOSa
Ollerle, OlliTloire, 1080
Ollice divin, 1086
Ollice ( Saiul-). V. Inquisi-
tion.
Ollici:.nt, 1089
Oïl'raiide, 1089
Oint;ls, 1093
Oiut. V. Onclion.
Oisif, Oishelé, 1093
Olivéïauis, lOit.j
Onibie, ing.'i
Omission, 109.5
Ompl]al(i|ilijsiquoS, lOy.ï
Oncliun, 109.5
Ondoyer. 1098
Oneiriierilie, 109'.)
Onoujchiie, 1099
Opéraiile(Grice). V. Grâce.
Opération, 1100
Ophilcs, 1100
Opiniouisles, 1102
Opliiiiisies, 1102
Opus vperaumi. V. Sacre-
nieni.
Oracles, llli
Oraison, Il "20
Oraison dominicale, 1 1 20
Orale (Loi). V. Loi,
Oiariuiu. V. Klole.
Oralone, 1123
Orali irés des Hébreux ,
1124
Uraloire ( Congrégation de
V), 112.5
Orbibarien>i, 1 126
Ordalie ou Ordéal. T. Epreu-
ves siipersiuieusos.
Ordinal, 1126
Ordinand, 1127
Onlinalion, 1128
Ordinalions anglicanes. V.
.\ii^lii'ans
Or.lre. 1152
Ordres militaires, 1 157
Ordres monastiques ou re-
li^eux, lUO
Oréliites. Y, Hussltes.
Oreille. IIU
■ Organiques ( Articles ) ,
11+3
Orgueil, 114.5
Orient, 1146
Oiientaux, 1147
Orientaux (l'iiilosoplies). V.
TABLE DES MATIERES.
' Guostiques.
Ori^'èue, 1 1 19
Origénisles, 1157
(■") Onuinel (l'éelié), 11.58
Orneiiients des églises. V.
Kfilises.
Onieuii'iils poiiùlicaux el
.vacerdolauv. 7. Habits.
Orplielin, 1IG6
Ortlioduxe , Orthodoxie ,
1167
Os, 1107
Osciilum. y . liaiser de paix.
Osée, lli'S
(Isiandriens, 1169
•Osiris, 1170
l'
Puciaires. K. Trêve de Dieu.
l'aeieii (Sailli), 1171
l'aeilique (Hostie). V, llus-
lie.
l'aciliqiies, ou l'acilicateurs,
1171
l'acte, 1171
Pacte social. V. Société.
Ta'doba|ilisnie. Y. Hapli^nie
des enl'.inls.
(2) l'aginsme, 1173
Pain, 1208
l'ains (.'ilulliplicatiou des),
• 1209
l'aiii azyme on pain il chan-
ter. V. A/.vme.
Pain bénit, ' 1209
Pain ciinjuré. Y. Epreuves
sii|iersiiiieuses.
Pains de proposition ou d'of-
traude, 1211
Pais, 1212
Paix , ou baiser de paix ,
1213
Pajonistes, 1214
Palainiies. V. Hésicastes.
Palestine. Y. Terre pro-
niise.
Paliiigénésie, 1214
Palle, 1219
Palliuni, 1220
Palmes. Y. Rameaux.
Panacrante. K. Conception
immaculée.
Panagie, 1220
l'auaiète, 1221
l'anopli.-, 1221
■ Panthéisme, 1221
Papas, 1226
(9) Papauté, Pape, 1226
Paiiesse Jeauue, 125.5
P^nue. 12.58
l'àques, 1 Hil
Parabole, 1205
Parabolans, ou Parabolanis,
1268
Paraclel, 1^19
Paiaclélique, 1271
Paradis, 1271
Paradis terrestre, 1272
Para, lis céleste, l27t
Paraguay. Y. Mis.>ionsélraii-
géres.
Paralipoméues, 1275
Paraiiymphe, 1276
Paraphrases clialdaïques ,
1276
Parascève, 1281
Parasclie, 1281
Par,.llièse, 1281
Pardon, 12S1
Pardon, chez les juifs, 12H2
Pardon , chez les catholi-
ques, 1283
Parénése, 1283
Parents, 1284
Parlait, Perfection, 1286
Parfum. Y. Encens.
Parlierueueuies , 1287
Parjure,
1287
Paniisse,
1288
(«) P.iroiise,
1289
Par.le,
1291
Paiole de Dieu,
1291
Parrain.
1293
l'anicide
1293
P.lr^is ou Parses,
1-294
Pariialilf,
1302
Pailiciilaristes,
1501
Particule,
1505
Parvi.s,
1505
Pascil,
15110
Pascales (Lettres), 13iili
Pascal (Teiiipsj, 1500
P.ischase Kadliert, 15110
Passagers ou Passagieiis et
Pa.ssaginiens, 1508
Pas^alorjnchiles on Pella-
lurviichitcs. Y. Montauis-
tes.
Pas-ible, 1309
Passion de .lésBS-Chrisl ,
l.iio
Passions humaines, 1510
Passionistes, 1519
Pasteur, 1319
Pasteur d'ilermas. Y. Uer-
inas.
Pasioph. lion, 1327
P.istoricides, 1528
Pastiiuri'aiix, I.52S
Palarins , Patcrins ou Pa-
irins, 15JS
Paleliers, 1529
Patène, 1329
Paieiiô;re. Y. Cliapelct.
Pdler. V. Oraison domini-
cale.
Paieriiiens, 15i9
Paternité, 1530
Patience, 1531
Patriarciie, 1335
l'atnarclie ecclésiastique ,
1359
Pairie, 1541
Pairipassiens ou Palropas-
siens, 1312
Paul (S.), a;iùlre, 1313
Paul (S.), ermite. Y. Kriiii-
tes.
Paulianisles. Y. Saiiiosa-
tiens.
Paulin (S.), 1352
Pauvre, 1555
Pauvres eatlioliques, 1553
Pauvres de la Mère de Dieu,
1.534
Pauvres volonlairfls, 1354
Paiivrelé religieuse el vo-
lontaire, 1334
Païen. Y. Paganisme.
(I) Péché, 1.555
Pécheur, I3ij4
Pectoral. Y. Oraile.
Pédagogue, 1561
Peine elernelle. Y. Lfifer.
Peines puriliaiites. Y. l'ur-
î^at'iire.
* Peines eanoiiii|ues, 1503
Pélagianisme, Pélagiens ,
1 3(i3
Pèlerinage, I5T6
(1) Pénitence, 1378
Pénitence ( OEuvrcs de) ,
158,5
Pénitence publique, 13S8
Péuitencerie, Péiiileneier,
1390
Pénitents, 1391
Pénitents ( Congrégations
de), 13 U
Pénitents de Nazareth el de
Picpus. Y. Picpus.
Pénileutiel, 1392
Pensée, 1.595
(3) Peiitaleuquc, 1393
Pemewie, 1402
172-2
entbèse. Y. Pnrilicatioii
de la sainle Vierge.
Pépusieus. y. Montaiiisles.
Père. 1 107
Père éternel. Dieu le l'ère.
K. Irinilé.
Pères de l'Eglise, 1408
• Perleclibililé chrétienne,
1124
Perfeclion. Y. Parfait.
Permettre , Permission ,
U26
■ Perpétuité de l'Eglise ,
• 1 128
Perse, 11^9
■ Perses (Religion des ) ,
14.51)
Persécuteur, U5t
Persécution, 1437
Persévérance, 1 ^i^
Personne, 1119
Pélilieiis. Y. Donalistes.
Peiiis-Péres. Y. Augustins.
Pétrolinsiens, liol
Pettalorynchiles. V. Mon-
, taui-stes.
Peuple de Dieu, 1452
■ Piialauslérieus. Y Eou-
riéiisnie.
■ Pharaon. V. Egypte, Plaies
d'Egypte.
Pharisiens, liai
Pliase. Y. Pique.
Phéléthi. y. Céréthi.
• Philalèthes, 113^
Philastre (S.), UoO
Philéino:!, 1 iSi
Pliilip(ie (S.), apotrc, I i-'iti
PhilipplellS, 1 i'M
i'iiilil insies ou Mélanclito-
iiiens. Y. l.uihériens,
(I) Philologie sacrée, 1137
(5) Pliilusophe, Philoso|ilii_e,
1 158
" Philosophie orientale ,
1476
Phnliniens, U79
■ l'hlélinlogio OU Cr^\iiolii-
gie, t'.rànioscopie, 1 180
l'hrontisles, H'^l
Phrygiens. Y. Montaiiistes.
Pliurmi OU Piirim. V. Es-
ther.
Phylaclè.res, Il8l
" Physiologie psycliologiipie,
' 1482
Physique du monde. Y.
Monde.
Pieards, 1185
Picpus, U8a
Pied, i486
Pierre, 14>:6
Pierre (S.), apôtre, U8i
Pierre Cliiys>lo;^ue (s.) ,
1191
Pierre Damien (lebieulieu-
reux), 1191
Pierre Lombard. F. Sco-
lastique.
Piété, 1192
Piéli.sles, 1195
Pilale (Actes de), . 1193
Piscine Probatique, 1497
Pillé, 1 1 18
(1) Plaies de l'Egyple, 1 i98
Plaisir, 1501
Platonisme, L5tii
Pleurants. Y. Pénitence'
publique.
Piieumatoinaques. Y. Ma-
cédoniens.
Poésie des Hébreux, loi*
Polémique ( l'Iiéologie). Y.
Controverse.
Pologne, 1526
Polycarpe (S.), 132S
Polygamie, 1.52:'
foljglolle, 153'
«723
Pnlylliéisme. F. Pajjanisine.
Pompe du culle divin. V.
l'ulKî.
PnmpH lunèlire. V. Fiiné-
railles.
Poiiclnalioii du lextp p( des
versions df l'Hciiture
sainte. V. l'oncordance.
Ponlifp, lrsô7
Poiiiile.s (Relijjieux), iri.jS
Ponlilical, \nôd
Poplicain, Publicaiii, lîiîO
Porphyrifu, l."i',9
Pori-éuins, 15K)
rorto-Croix. V. Croisiers.
Poilier, i.st»
Ponioiii'n!i», Ifiiô
Posséd.', l'nsses-ioii.r. Dii-
inoniai|ni'.
Postioniniiiiiinn, \^H
(a) (1) Prayiuaiique sanc-
tion.
Pr.ifîiip (Jéix'inie de), r.
Hiissites.
Praxéeiis on Piaxéicns ,
Vïfil
Préadamiios, |:..63
Prê.-lieurs wi Prédicaleiirs
(Frères), v. Dominicains.
Prédesllnalinn, l.'ilii
l'rédestinatiens, l;i7o
• Préde.siiiiés. r. lîins.
Prédélerniinaiion, l,=i78
J'réUicaleup , Prédiralion ,
PréPxislant, 1S8,5
Préface, IriSl
Préjugés, l?i8i
Préjugés de religion, 1.5S(.
Préjugés légitimes. F. Pres-
oription
Prémices, issfi
Premier, 1586
r.\BLE DES MATIERES
Premicr-né. K. Aîné.
Préninnlré, (.'JSG
Piemoiion. F. Prédélprini-
natioii.
Prépure. F. Circoncision.
Présage, i,-;8s
Présanciliés, 1.590
Preshylére, l.'jiio
Prcsliyiérien. V. Anglican.
Prescience, ifsgo
Prescfipiion, 159.-
Présence réelle. F. F.ucUa-
risiie, § 1 el sniv.
Prrseiii.itiiinde.Iésus-Clirist
au le.iple. F. Purillca-
l'on.
Préseutalion de la sainle
Vier^-e {Kète de li). 13a
Préire, ii;„(»
l'ri^lri^p, iiidij
Prévenant, Grùce prévenan-
te. V. (Irace.
Prévision. F. Prescience.
Preuve. F. I.ienx ili'i.l.-
piqnes el lieliyion.
(1) Prière, IGIO
Prière puliliq;ie. F. Heures
canoniales.
(iJ) Ci) Primai, ICI.'i
Primante, l(i(8
Prime. F. Heures cano-
niales.
Prince. F. i'oi.
Prin(ip:iu(és. F. .4nf»rs.
IViscillianisme , Pnscillia-
uisies, if|8
Priscilliens. F. Monlariis-
les.
Probabilisnie, Probaliilistes,
1625
Procession, 1628
Processi n du Saint-Es(>ril.
F, Sainl-Kspril,
Priirliiin, iCin
Proili/e \\Mj
l'rolanalinn, Prorane, Ifi.'îO
Proléssei.rs de ihéoloçie.
F. Théologie.
Pro'é~sion de loi, 16?;l
Profession religieuse. F.
Vœu.
• Progrès (Doctrine dul.
Prolégomènes de l'Ecriture
sainte, r. Criiiiju,' sa-
crée.
Promesses de Dieu, 1638
■ Prnmulgaliiin. V. I.oi, el
snrtoni le DicliouDaire de
lli.'iild^'ie morale.
Prira.ande. F. Missions
éiraiij^'ères.
Propagation du chris'ia-
nlsme. F. Clirisilanisme.
Propagaion de la foi
(OHuv-e de la), ItUl
Proplièlc, 104-2
Pri.phélie, I60O
Piopire, Propiliation, Pro-
pitlaloire, 1636
Propos, Ki.-iv
Proposition, 1638
Piopriété (Droit de), ll-SS
Prose, jf,H,)
Pro-élyle, 106I
Prose nclie. F. Oratoire.
Prosper (S.), 1662
Prosternation onProslerne-
mfit, 1665
Prosternés. F. Pénitei.ce
publique.
Pro.stiluiion, 1665
(1) Protestants, 1681
Proiévangde de saint Jac-
'l'ife', 1665
Prothèse, 1667
Protocanoniqups le"
Protoctisles, 16 i7
Proomartvr. leG.S
Prolopasciiiles, 1(568
Protnpias'ps, 1W8
Protosvnrelle. F. Syncclle.
Proloihrôue, lG(i8
Proveibe, 1668
Proverbes (Livre des), 1668
Piovidence, 166:1
Prudence, KiTs
Prudi'nce (le poète), l67fi
Psaliuisti- , Psalmodie. F.
Psninie.
Psalyiiens, 1676'
Psaume. l(J7(i
Plolémaïtes, 1685
Piiblioaiii, jGs,5
Puissance de Dieu, 1681
Puis.saoces célefte», lfj8fj
Puissance paternelle, ecclé-
siastique , polnique. F.
Aniorité. '
Pniriljnn. F. Juslico de
Dieu.
Pur, Pureté, 1688
(3) Purgatoire, l(3s9
Punficaiinn, 1701
l'ufillration des for.inies jni-
„ ves, ,7(,f)
J'uriRraiion de la sainiu
Vierge (Fête de la), I70H
Purini. F. Eslher.
Puritains nu Presbytériens.
F. Anyli'ans.
•Puséysme, I7(i9
Pygmées, 1715
Pyrphonisme F. Inditréren-
ce. Scepticisme.
Python, 171,7
Pytbonisse 1713
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
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